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Full text of "L'économie sociale de la France sous Henri IV, 1589-1610"

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(iUSTAVE  FAGNIEZ 


L'ÉCONOMIE   SOCIALE 


DE 


LA  FRANCE  SOUS  HENRI  IV 


lo89-1610 


PARIS 
LIBRAIRIE    HACHETTE   ET   C 

79,    BOULEVAiU)    SAINT-GERMAIN.    70 

1897 

Tous  droits  réservi^s. 


L'ÉCONOMIE  SOCIALE 


DE 


LÀ  FRANCE  SOUS  HENRI  IV 


IMI'KIMKIUE     KD.     CHKTE. 


CxUSTAVE  FAGNIEZ 


L'ÉCONOMIE  SOCIALE 


DE 


LA  FRANCE  SOUS  HENRI  IV 


1589-1610 


PARIS 
LIBRAIRIE    HACHETTE    ET    G"= 

'9,    BOULEVARD    SAINf-GEBMAIN,    79 

1897 

Tous  droits  réservés. 


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ADEMPTiE    ET    PRiËSENTI 


L'ÉCONOMIE  SOCIALE  DE  LA  FRANCE 

SOUS   HENRI   IV 

AVANT    PROPOS 

Si  un  esprit  curieux  des  lois  de  l'évolution  sociale  voulait 
se  rendre  compte  de  la  manière  dont  un  peuple  peut  se 
relever  de  la  décadence,  dans  quelle  mesure  ses  propres 
forces  y  suffisent  et  dans  quelle  mesure  il  a  besoin  pour 
cela  de  son  gouvernement,  l'histoire  lui  offrirait  peu  de 
périodes  aussi  propres  à  l'éclairer  que  le  règne  de  Henri  IV, 
partagé  presque  également,  comme  il  le  fut,  entre  une 
anarchie  dissolvante  et  une  féconde  activité.  Si  celui 
qu'intéresserait  un  tel  problème  en  cherchait  la  solution 
dans  les  historiens  de  ce  prince,  il  constaterait  que  le  déve- 
loppement économique  de  notre  pays  n'occupe,  dans  les 
excellents  ouvrages  dont  son  époque  a  été  l'objet,  qu'une 
place  accessoire,  qu'aucun  ouvrage  spécial  ne  lui  a  été 
consacré.  11  en  souhaiterait  un  qui,  avec  autant  de  précision 
que  possible,  décrirait  la  désorganisation  sociale  au 
moment  où  Henri  IV  hérita  d'un  droit  contesté  et  d'une 
autorité  en  partie  nominale,  et  pendant  les  années  qui 
suivirent,  déterminerait  l'esprit  et  l'efficacité  des  mesures 
destinées  à  remédier  à  cette  désorganisation,  ferait  assister 
au  progrès  de  la  pacification,  de  la  sécurité,  du  travail  et  de 
la  richesse  et  marquerait  le  point  où  en  était  arrivée,  dans 

1 


2  AVANT- PROPOS. 

le  [)remienjiiarl  du  x.vii''  siècle,  une  prospérité  toute  récente. 
C'est  là  le  livre  que  nous  avons  voulu  écrire  et,  en  môme 
temps  que  le  sujet,  nous  venons  d'en  indiquer  le  plan.  Si, 
dans  ce  plan,  la  production  occupe  une  place  prépondé- 
rante, on  reconnaîtra  avec  un  peu  d'attention  que  celte 
place  n'est  pas  exclusive  et  que,  tout  en  n'ayant  pas  obtenu, 
comme  le  demande  leur  importance,  un  ou  plusieurs  cha- 
pilres  à  part,  tout  en  étant  comme  dispersées  d'une  façon 
fragmentaire  dans  le  corps  de  l'ouvrage,  la  circulation  et 
la  distribution  de  la  richesse  n'ont  pas  été  oubliées.  Les 
cadres  consacrés  de  l'économie  politique  ne  peuvent  être 
appliqués  aux  travaux  historiques  qu'autant  que  les  docu- 
ments permettent  de  les  remplir.  Or  les  documents 
les  plus  précieux  pour  l'histoire  de  l'économie  sociale, 
c'est-à-dire  les  documents  privés,  actes  notariés,  corres- 
pondances commerciales,  livres  de  commerce,  etc.,  sont 
précisément  ceux  qui,  ayant  été  conservés  avec  le  moins 
de  soin. sont  devenus  les  plus  rares  ou  les  moins  accessibles^ 
Le  public  ne  nous  en  voudra  pas,  nous  l'espérons,  d'avoir 
devancé,  en  écrivant  cet  ouvrage,  le  moment,  si  jamais  il 
doit  se  présenter,  où  des  matériaux  de  ce  genre  sortiront  de 
l'ombre  en  assez  grande  quantité  pour  permettre  de  mieux 
approfondir,  de  mieux  justilier  ou  môme  de  rectifier  les 
traits  sous  lesquels  nous  avons  présenté  l'évolution  éco- 
nomique de  la  France  à  la  fin  du  xvi^  et  au  commencement 
du  xvh"  siècle. 

1 .  C'est  dans  celte  dernière  catégorie,  plus  encore  que  dans  la  première, 
qu'il  faut  ranger  les  minutes  de  notaires.  L'tiistoire  de  la  propriété  fon- 
cière est  là  et  aussi  en  partie  celle  de  la  propriété  mobilière,  et  rien  ne 
peut  suppléer  à  ces  titres  qui  constituent  les  archives  de  la  fortune  privée. 
Aussi  faut-il  vivement  regretter,  pour  le  progrès  des  sciences  sociales  et 
historiques,  que  les  anciennes  minutes  ne  soient  versées  que  tout  à  fait 
exceptionnellement  dans  les  dépôts  publics  et  aussi  que  ceux  qui  ont  pu 
les  consulter  dans  les  études  aient  porté  trop  exclusivement  leur  attention 
sur  les  renseigneu)fnts  biographiques  qu'ils  contiennent. 


GUAPITRE  I 
LÉCONOMIE   RURALE 

De  toutes  les  applications  de  l'activité  humaine,  l'agri- 
culture est  celle  qui  se  lie  le  plus  intimement  à  la  consti- 
tution de  la  société,  de  la  propriété,  de  la  famille.  Suivant 
que  la  société  est  aristocratique  ou  démocratique,  suivant 
que  la  propriété  est  collective  ou  individuelle,  suivant  la 
part  que  l'organisation  de  la  famille  fait  à  l'autorité  pater- 
nelle et  aux  droits  des  enfants,  l'exploitation  du  sol  sera 
extensive  ou  intensive,  aux  mains  d'une' minorité  ou  d'un 
grand  nombre  de  propriétaires,  pastorale  ou  agricole.  En 
même  temps  qu'elle  est  l'image  des  institutions  sociales, 
l'agriculture  est  soumise  aux  lois  régulières  de  la  nature, 
toujours  immuable  en  ses  variations;  elle  reproduit  dans 
ses  travaux  la  périodicité  des  saisons  qui  les  règlent;  elle 
berce  ceux  qui  s'y  livrent  au  mouvement  monotone  de  ses 
opérations  ;  elle  donne  à  leur  vie  la  permanence  des  habi- 
tudes, à  leur  esprit  une  quiétude  qui  va  parfois  jusqu'à 
l'apathie  et  à  la  routine.  Delà  les  deux  aspects  sous  lesquels 
l'économie  rurale  se  présente  à  nous  :  elle  va  se  dessiner 
à  nos  yeux  telle  que  la  nature  et  la  société  réunies  l'ont 
faite. 

La  multiplicité  et  la  portée  des  questions  soulevées  par 
ce  sujet  n'en  sont  pas  les  seules  difficultés.  Les  circonstances 
historiques  dans  lesquelles  ces  questions  s'offrent  à  nous 
ajoutent  à  leur  étude  une  difficulté  de  plus.  Le  pays  que 


4  Kl'l'KTS   DRS  GUERRES  CIVILES. 

Henri  IV  se  trouva  brusquement  appelé  à  gouverner 
n'était  pas  dans  des  conditions  normales;  c'était  un  pays 
malade,  malade  à  la  fois  d'une  maladie  aiguë  et  de  con- 
somption. Les  lois  de  l'éconoiuit'  rurale,  comme  de  l'éco- 
nomie sociale  en  général,  on  subissaient  un  trouble  profond. 
Au  moment  oii  Henri  IV  moulait  sur  le  trône,  il  y  avait 
onze  ans  qu'il  en  était  ainsi,  et  cela  devait  durer  encore  près 
de  neuf  ans  après  son  avènement.  Le  plan  du  chapitre  qu'on 
va  lire  a  été  tracé  par  ces  circonstances  exceptionnelles.  ]l 
s'ouvrira  par  un  tableau  raccourci  de  la  situation  où  ces 
vingt  ans  de  guerre  civile  et  étrangère  avaient  réduit  l'agri- 
culture et  les  classes  agricoles.  Les  mesures  réparatrices 
adoptées  par  Henri  IV  sont  inséparables  de  ce  tableau, 
elles  le  suivront  immédiatement  ou  plutôt  elles  s'y  mêle- 
ront. Enfin  nous  chercherons  à  déterminer  l'elTet  de  ces 
mesures  et  à  montrer  l'état  où  la  mort  de  ce  prince  laissa 
l'agriculture  et  les  classes  qui  s'y  consacrent. 

En  disant  qu'à  l'avènement  de  Henri  1  V  la  France  avait 
été,  pendant  onze  ans,  en  proie  à  la  guerre  civile, 
nous  avons  résumé,  sous  une  forme  abstraite,  un  ensemble 
de  souffrances  que  ceux-là  seuls  pourront  se  représenter 
qui  connaissent  le  xvi'  siècle,  ses  fureurs  religieuses,  son 
insouciance  de  la  vie  humaine,  ses  âpres  convoitises,  ses 
voluptés  mêlées  de  sang  où  l'Italie  mettait  sa  corruption  et 
la  féodalité  renaissante  sa  brutalité.  Nous  ne  pouvons 
pourtant  laisser  tout  à  faire  à  l'imagination  de  nos  lecteurs 
et  nous  devons  placer  sous  leurs  yeux  quelques  traits  de  la 
déplorable  condition  faite  à  l'agriculture  et  aux  cultivateurs. 
L'indication  chronologique  que  nous  venons  de  donner  est, 
d'ailleurs,  au-dessous  de  la  réalité,  car,  en  dehors  des 
onze  années  de  guerre  intestine  déclarée  (ju'on  compte 
depuis  le  massacre  de  Yassy  (1"'  mars  1562)  jusqu'à  la 
mort  de  Henri  HI  (2  août  l;>80),  les  habitants  dos  cam- 


El^FETS  DES  GUERRES  CIVILES.  5 

pagnes  avaient  été  loin  do  jouir  de  la  sécurité  nécessaire  à 
leurs  travaux.  On  sait  que  ni  les  trêves  ni  même  les  traités 
de  paix  n'interrompaient  pas  toujours  ni  sur  tous  les  poinis 
les  hostilités*.  Les  troupes  ne  recevaient  pas  leur  solde  et 
ne  se  procuraient  des  vivres  qu'à  l'aide  de  réquisitions. 
Elles  frappaient  les  campagnes  de  contributions  et  enle- 
vaient le  bétail  ou  s'emparaient  de  la  personne  des  récal- 
citrants. Leur  marche  répandait  la  terreur  dans  la  popu- 
lation civile.  Le  son  lointain  des  tambours,  la  poussière 
soulevée  à  l'horizon  par  les  argoulets  galopant  dans  la 
plaine,  étaient  pour  les  paysans  le  signal  de  la  fuite  ^  C'était 
alors,  chez  tous  ces  pauvres  gens,  une  panique,  une  agi- 
tation, une  cohue,  dont  un  auteur  contemporain,  qui  parle 
évidemment  ici  en  témoin  oculaire,  nous  a  transmis  la 
description  tragi-comique  :  on  clôturait  portes  et  fenêtres 
comme  si  les  maraudeurs  pouvaient  être  arrêtés  par  ce  vain 
obstacle,  '^.a  chassait  le  bétail  devant  soi,  on  emportait  ses 
éconor  .les,  on  se  chargeait,  on  chargeait  les  bêtes  de  somme 
des  ustensiles  les  plus  indispensables,  on  détachait  de  la 
cheminée  les  salaisons  qui,  dans  la  vie  errante  oii  l'on 
entrait,  devaient  empêcher  de  mourir  de  faim,  on  se 
sauvait  dans  le  bois  le  plus  voisin,  on  s'entassait  dans  les 
églises  '\ 

Aux  états  de  Blois  en  1588,  les  trois  ordres  avaient  pro- 
posé des  moyens  de  remédier  au  fléau  des  troupes  en  marche. 
Le  clergé  et  la  noblesse  avaient  exprimé  le  vœu  que  l'iti- 
néraire, les  étapes  fussent  fixées  par  un  commissaire  qui  les 
accompagnerait;  le  tiers  état  avait  demandé  que  la  popu- 
lation civile  fût  autorisée  à  courir  sus  aux  pillards  et  que 

1.  Relation  de  Cavalli,  157 i,  clans  la  Coll.  Alberi.  Palma  Cayet,  Clirono- 
loffie  novetuiaire,  Introd.  18.  Lettre  du  roi  de  Navarre,  8  novembre  1580. 
Lettres  miss.,  I,  326-3',i7. 

2.  Agrippa  d'Aubigné,  Les  Tragiques:  Misères,  éd.  Lalanne,  I,  38-39. 

3.  NoEL  DU  Fail,  Baliverneries,  I,  179,  éd.  Assezat.  Du  Chatelif.r,  L'agri- 
culture et  les  classes  agricoles  en  Bretagne,  147. 


6  EFFETS.   DES  GUERRES  CIVILES. 

les  soldais  ne  pussent  venilro  aux  receleurs  (]ui  suivaient 
l'arméo  le  fruit  de  leur  jtillage  *. 

A  ccMé  des  troupes  enrùlées  dans  un  parti  et  qui,  tout  en 
confondant  trop  souvent  amis  et  ennemis,  obéissaient  cepen- 
dant à  une  certaine  discipline,  il  y  avait  des  bandes  qui 
n'étaient  reconnues  ni  par  la  Ligue  ni  par  le  roi  et  qui  s'étaient 
formées  dans  le  seul  but  d'exercer  le  brigandage.  Ramassis 
de  soldais  licenciés,  elles  continuaient  en  temps  de  paix  à 
dévaliser  et  à  torturer  le  «  bonhomme  »  sans  pouvoir  pré- 
texter les  nécessités  de  la  guerre,  l'intérêt  d'une  cause  géné- 
rale. Serrées  de  près  par  les  prévôts  des  maréchaux,  placées 
peut-être  entre  une  expiation  prochaine  et  une  dernière 
débauche  de  cupidité  et  de  cruauté,  elles  cherchaient  un 
spectacle  dans  les  souiïrances  de  leurs  victimes,  liaient 
les  pavsans  et  les  prêtres  sur  un  banc,  et  leur  faisaient 
racheter  aux  enchères  leurs  lettres  de  prêtrise  ou  la  con- 
servation diin  membre  qui  était  mutilé  si  le  patient  ne 
couvrait  pas  ces  enchères^  Elles  avaient  mille  inventions 
pour  lui  faire  déclarer  la  cachette  où  il  avait  enfoui  ses  écono- 
mies :  on  lui  serrait  la  tête  avec  une  corde,  on  le  pendait 
par  les  aisselles  ou  les  doigts,  on  lui  brûlait  les  pieds  avec 
une  pelle  rougio  au  feu,  on  renfermait  dans  un  four,  on  lui 
faisait  prendre  une  immersion  prolongée,  on  le  tenaillait, 
on  le  rôtissait  comme  un  chapon,  on  lui  donnait  les  étri- 
vières,on  le  salait,  on  le  faisait  jeûner,  on  le  crucifiait,  on 
le  faisait  enller  jusqu'à  ce  qu'il  crevât,  on  lui  perçait  les 
lèvres,  on  le  bernai t\ 

Rien  ne  serait  plus  facile  que  de  multiplier  ces  scènes 
d'horreur  qui,  dans  des  circonstances  analogues,  se  sont 
toujours  reproduites    dans  notre    histoire.  Nous   aimons 

1.  Picot,  Hisl.  ds  étals  génér,,  III,  2li. 

2.  Noël  ui    Faii,,  Haliverneries,  1,  171)- 180. 

:}.  Satire  Ménippée,  éd.  Labitte,  11.^.  Aniupp.v  d'Albionk,  Les  Trai/iqties  : 
Misère::,  41-47.  Heldlion  des  troubles...  dans  la  ville  de  Rouen,  p.  |t. 
l'idTiF.ii.  Mémoires  de  Jean  liurel.  p.  p.  Ciiassai.nc,  année  lj!).3,  p.  357. 


MESURES   PROTECTRICES.  7 

mieux  empruntur  à  deux  relations  v«'MiitieniiGS,  l'une  écrite 
en  1574,  l'autre  en  1582,  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur 
l'étal  du  pays  :  «  Partout  des  ruines,  écrit  Cavalli  ;  le  bétail 
est,  en  ^rande  partie,  détruit,  de  sorte  qu'on  ne  peut  plus 
labourer  et   qu'une   grande   partie    dos   champs  reste  en 

friche.  Beaucoup  de  paysans  ont  abandonné  leurs  maisons 

La  population  n'est  plus,  comme  autrefois,  probe  et  civile; 
la  misère,  la  vue  du  sang%  la  guerre  l'ont  rendue  rusée, 
grossière  et  sauvage'.  »  Priuli  nous  apprend  dans  quelle 
classe  se  recrutaient  particulièrement  ceux  qui  vivaient  de 
brigandage  et  pourquoi  ils  se  recrutaient  dans  cette  classe. 
C'était,  pour  la  plupart,  des  gentilshommes  pauvres,  comme 
il  y  en  avait  beaucoup  alors,  des  cadets  de  famille  qui, 
privés  de  la  plus  grande  partie  de  l'héritage  paternel  et 
n'ayant  pas  le  moyen  de  s'en! retenir  dans  l'armée  régulière 
qui  ne  touchait  pas  sa  solde,  ayant  d'ailleurs  contracté  dans 
la  guerre  civile  Ihabitude  d'une  vie  aventureuse  «  allaient 
à  la  désespérade-  »  et  se  mettaient  à  vivre  de  ^apines^ 

Lorsqu'il  n'était  encore  que  roi  de  Navarre,  Henri  avait 
déjà  cherché  à  épargner  à  la  population,  autant  que  le  per- 
mettaient les  intérêts  de  sa  cause  et  de  son  armée,  les  maux 
de  la  guerre.  En  1577  il  entreprit  de  débarrasser  le  plat 
pays  de  Périgord  des  forts  et  des  bicoques  d'oii  se  répandait 
le  pillage  et  où  il  trouvait  une  retraite'.  Le  15  mai  1580, 
il  ordonnait  au  commandant  de  Panisseau  ^  de  faire  mettre 
en  liberté  des  paysans  que  des  soldats  de  la  garnison 
avaient  pris  pour  les  rançonner.  H  lui  rappelait  que  les 
ordonnances  militaires  garantissaient  la  liberté  et  la  sécu- 
rité  aux  paysans  qui   ne  pactisaient  pas  avec  l'ennemie 

1.  Relation  de  Cavalli  (1574)  dans  Alberi,  série  I,  vol.  14. 

2.  Expression  de  La  Noue,  dans  Discouva  poliliques.  Discours  IV. 
:).  Relation  de  Priali  (158-2).  p.  41-î. 

4.  Lettres  miss.,  I,  145. 

5.  Dordogne. 

Cf.  Lettres  miss.   Siippl..  Vlll,  I8J. 


s  Kri'KTS   ItlîS  til'KIUŒS  CIVILES. 

Eii  l.")8:i  il  fuisail  forcer  et  tiicr  les  capitaines  liiigiicnols 
La  Fite,  de  Varies,  La  Casse,  et  d'autres  qui  s'étaient  tisso- 
ciés  et  fortifiés  dans  le  château  de  La  Fite  pour  se  livrer  au 
brigandage'.  En  iTiSS,  il  exprimait  l'intention  de  faire 
dorénavant  loger  ses  gardes  dans  les  villes  où  il  se  trouvait 
et  non  dans  les  villages  des  environs  «  pour  éviter  la  fonle 
et  plainte  du  peuple-  ».  Le  29  août  1584,  il  recommandait 
au  gouverneur  de  ]Montréal  (Aude)  d'empêcher  le  renou- 
vellement des  courses  que  sa  garnison  avait  poussées  jusqu'à 
Limoux^. 

On  trouve  partout  de  pareilles  préoccupations  et  ce  n'est 
pas  chez  Henri  IV  qu'on  s'étonnera  de  les  trouver.  La  pitié 
n'était  pas  inconnue  au  xvi"  siècle,  mais  ce  qu'on  ne  con- 
naissait pas,  ce  qu'on  devait  ignorer  jusqu'à  Louvois,  c'est 
l'art  de  faire  vivre  et  mouvoir  au  sein  de  lapopulation  civile, 
sans  de  trop  vives  souffrances,  des  troupes  régulières. 
Comment  ces  soulTrances  auraient-elles  pu  lui  être  évitées 
dans  un  temps  oii  elle  avait  affaire  non  seulement  à  des 
troupes  régulières,  mais  à  des  bandes  sans  aveu?  On  peut 
donc  affirmer  que  les  bonnes  intentions  du  roi  de  Navarre 
restèrent  à  peu  près  stériles. 

Les  conséquences  habituelles  d'un  pareil  état  de  choses 
ne  manquèrent  pas  de  se  produire  :  abandon  de  la  culture 
sur  beaucoup  de  points,  dépopulation  des  campagnes, 
disettes,  maladies  épidémiques,  jacqueries  nées  du  déses- 
poir, du  dégoût  du  travail,  du  goût  du  pillage  contracté  par 
les  victimes  à  l'école  des  bourreaux.  Le  «  bonhomme  » 
devenait  féroce  à  son  tour;  sous  les  noms  de  Gantiers,  de 
Croquants,  de  Châieai(ve?'(ls,  des  bandes  peu  aguerries 
faisaient  trembler  pourtant  et  ses  égaux  et  ses  maîtres. 

Dans  ce  tableau  si  sombre  la  vérité  pourtant  oblige  à 

I .  Lrllres  miss.,  I,   i'!(. 
'-».  l/jtd.,  I,  j()7. 
:t.  Ibiil.,  (•,:;». 


RÉSISTANCE   SPONTANÉE  AUX   DÉSORDRES.  9 

jeter  quelques  demi-teintes,  quelques  échiircies.  Quand 
l'anarchie  dure,  les  sociétés  s'arrangent  pour  s'en  accom- 
moder, pour  composer  avec  elle.  La  France  surtout,  si  faci- 
lement inquiète  quand  elle  est  heureuse  et  prospère,  si 
susceptible  et  si  exigeante  pour  ses  bons  gouvernements, 
possède  à  l'égard  des  mauvais  ou,  de  ce  qui  est  pire,  à 
l'égard  du  désordre  social,  surtout  quand  il  ilatte  en  elle 
certaines  passions,  une  patience  et  une  fécondité  de  res- 
sources qu'on  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  tout  en  les 
trouvant  excessives.  En  ce  temps -là  aussi,  on  croyait 
souffrir  pour  de  grandes  causes,  pour  l'orthodoxie  ou  pour 
la  réforme  évangélique  et,  en  même  temps  qu'on  en  était 
lier,  on  s'ingéniait  pour  se  dispenser  de  faire  à  l'une  ou  à 
l'autre  les  derniers  sacrifices.  Beaucoup  de  grands  pro- 
priétaires, grâce  à  une  prudente  neutralité,  en  obtenant  des 
sauvegardes,  en  imposant  le  respect  par  l'armement  de 
leurs  tenanciers,  en  concluant  des  ligues  d'assurance  mu- 
tuelle avec  leurs  voisins,  avaient  réussi  à  soustraire  leurs 
domaines  aux  déprédations'.  Les  paysans  eux-mêmes 
n'avaient  pas  opposé  partout  que  l'apathie  et  la  résignation 
aux  maux  dont  ils  étaient  victimes.  Ils  avaient  formé,  pour 
se  protéger,  des  associations  secrètes  qui  s'étendaient 
parfois  sur  plusieurs  provinces;  forts  de  leur  solidarité, 


1.  «  ...Quant  à  la  noblesseque  j'ai  réduite  à  douze  cents  chefs  de  maison, 
il  y  en  a  huit  cents  lesquels  ne  se  meuvent  ni  pour  le  bon  ni  pour  le  mauvais 
parti,  mais  les  uns  s'accommodent  aux  deux,  les  plus  ménagers  ;  les  autres, 
plus  casaniers  que  guerriers,  en  attendant  le  vent,  demeurent  dans  leurs 
maisons.  »  Mémoire  écrit  pour  Henri  IV,  par  Jean  de  Vernyes  sur  l'Au- 
vergne (l.')80).  Annales  scientifiques,  littéraires  et  industrielles  de  l'Auvergne, 
XI.  » ...  Nul  ue'couroit  sur  les  gentilshommes  ni  à  leurs  granges  et,  si  ils 
ne  se  déclaroient  de  tenir  ni  pour  un  parti  ni  d'autre,  mais  teuiporisoieut, 
attendant  quel  jeu  jouer...  »  Mémoires  d'Eust.  Piêmovd,  notaire  royal  del- 
phinal  de  Saint-Antoine-cn-Dauphiné  (15T2-1C08)  p.  p.  Bru.\-Durano, 
année  Ij88,  p.  237.  »...  H  n'y  avoit  que  les  grangers  des  gentilshommes  et 
gens  de  guerre,  qui  étoicnt  libres  de  leur  bétail  et  de  leur  labourage, 
même  la  guerre  ne  se  faisoit  que  aux  marchaus  et  povres  laboureurs 
dénués  d'amis. ..  Ihid.,  année  KiOO,  p.  2U7.  Voy.  aussi  p.  TM,  n.  I  et  préface 
de  l'éditeur,  p.  xxvn. 


10  MTALlïl-:   DU    PAYS. 

organisés  et  armés,  ils  couraient  sus  aux  pillards  et  osaient 
même  les  attaquer  clans  les  châteaux  qui  leur  servaient  de 
repaires.  Le  Daupliiné.  par  exemple,  cul  sa  Lif/no  de  Mon- 
télinmrt,  sa.  Lit/Kc  des  ]'ili(U/is.  A  l'idée  de  se  défendre  vint 
se  mêler,  par  une  suite  naturelle,  l'idée  de  représailles,  de 
revendications  sociales.  Entre  ces  associations,  il  y  en  eut 
qui  finirent  par  se  mellrc  au  service  d'un  des  partis,  d'autres 
par  imiter  les  excès  qu'elles  avaient  pour  but  de  réprimer'. 
Parmi  les  traits  les  plus  consolants  de  cette  triste  époque, 
il  faut  compter  le  labeur  patient,  persévérant,  acharné  des 
petits  cultivateurs.  Les  bandes  une  foiséloigin-es,  le  paysan 
sortait  furtivement  des  bois,  rentrait  dans  son  village  envahi 
par  les  loups  et  les  renards,  s'attelait,  faute  de  bétail,  à  la 
charrue  et  semait  à  la  hâte  '-.  Le  calme  durait-il,  il  rem- 
plaçait ce  qui  lui  avait  été  pris,  ce  qu'il  n'avait  pu  emmener 
ou  emporter,  et  recommençait  à  cultiver  avec  une  ardeur 
nouvelle  le  lopin  déterre  héréditaire^.  Parfois  d'ailleurs  sa 
pauvreté  le  sauvait  :  le  sac  des  villes,  qui  était  alors  permis 
par  les  lois  de  la  guerre,  tentait  bien  plus  le  soldat  que  le  pil- 
lage peu  profitable  des  villages.  Grâce  au  désordre  du  temps, 
la  taille  ne  venait  plus  atteindre  le  petit  cultivateur  avec  la 
même  exactitude  et  la  même  rigueur  que  dans  les  temps 
réguliers.  Enfin  toutes  les  provinces  n'avaient  pas  été 
éprouvées  par  la  guerre  civile  et  le  brigandage.  Dans  sa 
relation  de  1572,  Giovanni  Michieli  constate  que  si,  dans 
les  provinces  que  la  guerre  a  désolées,  surtout  sur  le 
chemin  de  Lyon  à  Paris  qu'il  avait  suivi,  beaucoup  dédi- 


1.  Voy.  uiènie  prcf.  p.  xii,  xx,  xxii,  et  Roman,  La  r/uerre  des  pai/saiisen 
Dauphiné  (1579-1080)  dans  BuLlelin  de,  la  Société  déparlementate  d'archéo- 
logie el  de  statistique  de  la  Drôme,  XI  (1877),  p.  22,  I  i9. 

2.  Albio.nk,  Traijiques:  Misères,  I,  p.  41-42. 

3.  Carew  reconnaît  la  supériorité  du  paysan  français  sur  le  paysan  an- 
frlais  connue  sobriété  et  puissance  de  travail.  A  retalion  of  llie  sinle  of 
France...  hij  sir  <ieorf/e  Carew  upon  liis  returii  f'rom  liis  einijassf/  in  IGO'J 
dans  nn<cii,  An  historical  View  of  llic  négociations  fielaecn  t/ie  courts  o/ 
b'nffland,  France  and  llrussels...  London,  17i'i.  p.  'S^d. 


MESURES   PROTECTRICES.  il 

fices  ont  été  totalement  on  partiellement  détruits,  si  les 
églises  ont  particulièrement  souiïert  —  ce  qui  s'explique  et 
par  le  fanatisme  protestant  et  par  la  transformation  des 
édifices  religieux  en  forteresses  —  le  sol  n'a  pas  cessé  d'être 
cultivé*.  Les  ressources  naturelles  de  la  France,  dit  Priuli 
dans  la  relation  de  1582  que  nous  citions  tout  à  l'heure, 
n'ont  jamais  mieux  apparu  que  dans  la  guerre  civile.  Elle 
n'y  a  pas  produit  les  conséquences  qu'elle  produit  ailleurs. 
Pas  un  coin  du  pays  n'est  resté  désert  ni  inculte  une  seule 
année.  Les  armées  ont  eu  beau  ruiner  les  régions  qu'elles 
traversaient,  celles  qui  leur  succédaient  ont  toujours  trouvé 
de  quoi  vivre.  Le  royaume  a  pu  payer  au  roi  plus  de 
\  0  millions  d'écus  {94  381  732  fr.  62)'  par  an,  sans  parler  de 
l'argent  levé  par  les  gouverneurs  pour  les  dépenses  locales, 
ni  des  sommes  beaucoup  plus  considérables  extorquées  par 
les  soldais  à  l'aide  de  mille  moyens  invraisemblables.  La 
France  comptait  encore  plus  de  seize  millions  d'habitants ^ 

Nous  avons  tenu  à  reproduire  cet  hommage  désintéressé 
à  la  vitalité  de  notre  pays.  11  ne  dément  pas  ce  que  nous 
avons  dit  do  la  multiplicité  des  terres  en  friche,  mais  il 
permet  d'affirmer  que  la  plupart  des  petits  cultivateurs  ne 
se  laissaient  généralement  pas  décourager  par  l'inanité  trop 
fréquente  de  leurs  efforts,  que  le  travail  ne  desespérait 
généralement  pas  de  reconstituer  le  modeste  capital  foncier 
que  la  guerre  civile  ne  se  lassait  guère  non  plus  de  détruire. 

L'avènement  de  Henri  IV  ne  procura  pas  à  l'agriculture 
plus  de  sécurité.  La  guerre  civile  et  étrangère  dura,  nous 
l'avons  dit,  neuf  ans  encore  ;  toutefois,  si  le  pays  ne  fut 
entièrement  pacifié  que  par  la  soumission  du  duc  de  Mer- 
cœur  et  le  traité  de  Vervins  (mars  et  mai  1598),  dès  1595 


1.  Albehi,  IV, 288. 

2.  Cette  évaluation  et  les  suivante?,  euipruulces  aux  tablcau.x  de  M.  N.  Je 
Wailly,  ne  donnent  que  la  valeur  intrinsèque. 

3.  Àlberi,  IV,  iOD. 


12  MESURES  PROTECTRICES. 

les  deux  tiers  '  ou  môme  plus  des  trois  quarts"  do  la  France 
reconnaissaient  lautoritù  royale.  Or,  à  peine  celte  autorité 
élail-elle  rétablie  dans  une  province  qu'elle  s'appliquait  à 
la  puri;er  du  briganda^^c.  Après  la  réductiou  de  la  Nor- 
mandie en  do94,  les  prévôts  des  maréchaux  battirent  le 
pays  avec  de  la  cavalerie  et  pourchassèrent  dans  leurs 
retraites  les  voleurs  qui  l'infestaient ^  Devenu,  à  la  suite 
du  couibat  de  Fontaine-Française,  maître  de  la  Bourgogne, 
le  roi  aiïranchit  les  campagnes  des  exactions  et  des  violen- 
ces que  leur  faisaient  également  subir  royaux  et  ligueurs*. 
Dès  le  mois  de  novembre  i.">90,  il  avait  pris  des  mesures 
pour  faire  observer  la  discipline  par  son  armée  et  pour  pro- 
téger contre  les  excès  de  ses  soldats  la  population  agricole, 
les  églises  et  le  clergé.  Un  règlement  militaire  adopté  le 
3  novembre  au  camp  d'Kcouis  (Eure)  défendit  aux  chefs  et 
aux  soldais  d'abandonner  les  quartiers  à  eux  assignés  par 
les  maréchaux  de  camp  et  des  logis  et  de  maltraiter  les 
habitants  chez  qui  ils  étaient  logés  ;  il  mettait  en  même 
temps  sous  la  sauvegarde  royale  les  paysans  et  leur  bétail, 
limitait  à  vingt-quatre  heures  le  sac  des  villes  prises, 
réservait  à  l'armée  le  blé  et  le  vin  qui  s'y  trouveraient.  On 
sait  qu'à  cette  époque  les  armées  étaient  suivies  d'une  foule 
de  non  combattants  qui  contribuaient  pour  nne  largo  part 
à  l'indiscipline.  Cette  queue  de  pillards,  de  goujats,  de 
receleurs  que  chaque  armée  traînait  après  elle,  fut  obligée 
d'entrer  dans  les  cadres.  Pour  prix  de  ces  mesures  protec- 

1.  PoiRSON,  Histoire  de  Henri  /l',  II,  17;î. 

2.  Jhid.,  192. 

3.  «  Sur  ce  que  les  habitants  de  la  ville  et  pl.it  pays  du  bailliage  de  Gisois 
fint  remontré  qu'à  l'occasion  de  la  licence  que  le  long  cours  des  troubles  a 
introduite  en  ce  royaume  et  l'impunité  des  crimes  qui  se  commettent,  il 
se  trouve  en  tous  les  endroits  du  pays  de  N'oruiandie,  encore  qu'il  soit, 
réduit  à  l'obéissnnce  de  S.  M.,  un  si  grand  nombre  de  gens  de  guerre  et 
autres  sans  adveu  voleurs  et  brigans  qu'il  est  impossible  aux  liabitans 
dudit  pays  de  traficquer...  »  Arrêt  du  Conseil  du  24  novembre  Ib'Ji. 
l'y.  ISI-Jî).  f"  i(i2.   P.M.MA  CAYEr,J78,  :>  juin  lô'JÔ. 

».  Puiiiso.v,  II,  G'J. 


MESURES  PROTECTRICES.  là 

trices,  le  roi  exigea  que  les  paysans  ne  portassent  pas  de 
vivres  dans  les  villes  rebelles'.  L'édit  rendu  au  siège 
de  Chartres  le  7  mars  1591  visait  au  même  but  par  des 
mesures  plus  générales.  Cet  édit  défendit,  sous  peine  de 
mort,  d'enrôler  des  troupes  sans  le  commandement  du  roi, 
de  construire  ou  d'occuper  des  forteresses  et  de  forcer  les 
paysans  à  y  travailler,  de  lever  des  contributions  en  argent 
ou  en  nature,  de  saisir  le  bétail  et  les  instruments  ara- 
toires, de  rançonner  les  paysans,  les  prêtres,  les  religieux, 
sauf  dans  le  cas  où  ils  prendraient  les  armes  contre  le  roi 
ou  fourniraient  des  vivres  à  l'ennemi,  de  faire  payer  une 
rançon  aux  prisonniers  avant  que  les  gouverneurs  de  pro- 
vinces et  les  officiers  supérieurs  de  l'armée  eussent  décidé 
s'ils  avaient  été  pris  en  vertu  du  droit  de  la  guerre,  de  se 
saisir,  sous  aucun  prétexte,  des  femmes  et  des  enfants,  de 
piller,  de  son  autorité  privée,  les  biens  de  l'ennemi-.  Le 
cri  des  populations  aux  abois  arrachait  souvent  aux  belli- 
gérants des  trêves  particulières,  de  province  à  province,  de 
diocèse  à  diocèse,  car,  dans  cette  guerre  née  et  alimentée 
de  passions  fédéralistes,  chaque  région,  chaque  chef  se 
battait  et  traitait  un  peu  pour  son  compte.  Le  premier 
objet  de  ces  trêves  était  de  rendre  à  la  population  civile  la 
sécurité  et  de  sauvegarder  les  moyens  d'existence  qui  lui 
restaient  encore.  A  Annonay,  en  1574,  les  sectateurs  des 
deux  religions  se  garantissaient  réciproquement  la  tolé- 
rance et  la  sûreté  ;  une  trêve  stipulait  que  les  portes,  fermées 
aux  étrangers,  s'ouvriraient  au  commerce,  et  que  la  popu- 
lation de  la  campagne  environnante  ne  serait  pas  troublée ^ 
En  1592  l'échevinage  d'Amiens  proposait  à  celui  d'Abbe- 
ville  un  projet  d'accord  destiné  à  soustraire  l'agriculture  et 


1.  Arrêtés  du  Roy  publiés  en  ses  camps  et  armées  pour  la  sûreté  des 
laboureurs.  Chàlons,  1591. 

2.  Thuani  llisloria,  V,  fil. 

;!.  Mémoires  de  Garnon.  Coll.  Michaud,  1,  viii,  Cifi,  618. 


I*  MESURES  PROTECTRICES. 

le  commerce  aux  ravages  de  lai;iierrc'.  En  décembre  lo9G, 
la  ville  et  le  diocèse  de  ISarbonne  faisaient  une  Irève  avec 
les  diocèses  de  Saint-Pons  et  de  Béziers  dans  lintérôt  du 
labourage'-.  Dans  celles  entre  Montmorency  et  Nemours 
pour  le  Vivarais,  d'une  pari,  le  Lyonnais,  le  Beaujolais  et 
le  Forez,  de  l'autre,  dans  celle  entre  le  roi  et  Mayenne,  les 
intérêts  de  l'agriculture  sont  stipulés,  comme  ceux  du 
commerce.  L'article  4  de  la  trêve  signée  à  La  Villette  le 
31  juillet  1593  est  ainsi  conçu  :  «  Les  laboureurs  pourront, 
en  toute  liberté,  faire  leurs  labourages,  cliarrois  et  œuvres 
accoutumées,  sans  qu'ils  y  puissent  être  empêchés  ou 
molestés  en  quelque  façon  que  ce  soit,  sur  peine  de  la 
vie...  ».  L'article  13  règle  que  «  tous  gens  de  guerre,  d'une 
part  et  d'autre,  seront  mis  en  garnison,  sans  qu'il  leur  soit 
permis  de  tenir  les  cbumps  à  la  foule  du  peuple  et  ruine  du 
plat  pays  ».  L'article  IG  charge  les  prévôts  des  maréchaux 
de  faire  la  police  de  la  campagne'^  Un  traité  particulier" 
appliqua  expressément  aux  vendanges  des  environs  de 
Paris  la  liberté  accordée  par  la  trêve  de  La  Villette  aux 
travaux  agricoles;  comme  la  trêve  de  La  Villette,  il  était 
le  fruit  de  la  lassitude  des  combattants,  du  désir  de 
ménager  Paris  où  l'opinion  était  de  plus  en  plus  favorable 
à  la  paix  et  où  le  roi  ne  devait  pas  tarder  à  entrer.  Les 
articles  4  et  IG  de  cette  trêve  furent  également  reproduits 
dans  celle  qui  fut  conclue  à  Lyon  le  23  septembre  lo9^^ 

De  la  part  de  Henri  IV  ces  stipulations  étaient  sincères, 
elles  l'étaient  moins  de  la  part  des  chefs  de  la  Ligue,  et  on 
peut  croire,  sans  leur  faire  injure,  qu'ils  en  tenaient  peu 

1.  Monuments  inédits  de  l'histoire  du  tiers  élal,  II,  1028,  dans  les  Documents 
inédits. 

2.  Délibérations  du  conseil  de  la  commune  de  Carcassonne,  20déc.  159G. 
Mém.  de  la  Société  des  arts  et  sciences  de  Carcassonne,  II,  1856. 

3.  Palva  Cayet,  Ckr.  noven.,  498-500. 

4.  Triité  particulier  pour  les  vendanges  des  environs  de  Paris,  2  oc- 
tobre 1593.  Paris,  chez  Fréd.  Morel. 

5.  l'A  r. M  a  Caykt,  Ofi.  laud.,  C80. 


PERSISTANCE  DU  BRIGANDAGE.  i:i 

de  compte,  car  le  principal  motif  qui  les  retenait  dans 
l'Union  était  d'exploiter  le  plus  possible  leurs  gouver- 
nements et  leurs  charges  jusqu'au  moment  où  ils  se  ver- 
raient obligés  de  faire  leur  soumission.  Les  paroles  que  les 
auteurs  de  la  Satire  Ménipj)ée  mettent  dans  la  bouche  du 
sieur  de  Rieux  ^  orateur  de  la  noblesse  aux  états  généraux 
de  1593,  ne  calomnient  pas  cette  noblesse  guisarde  et 
peignent  fidèlement,  au  contraire,  les  intérêts  qui  l'atta- 
chaient à  la  Ligue  :  «  Cependant  je  courrerai  la  vache  et 
lemananttant  que  je  pourrai,  et  n'y  aura  paysan,  laboureur 
ni  marchand  autour  de  moi  à  dix  lieues  à  la  ronde  qui  ne 
passe  par  mes  mains  et  qui  ne  me  paye  taille  ou  rançon-.  » 
Si  l'on  compare  les  aveux  du  sieur  de  Rieux  à  ce  que  les 
registres  des  états  de  Rretagne  et  les  travaux  d'histoire 
locale  nous  apprennent  des  crimes  commis  dans  cette  pro- 
vince, dans  l'Anjou,  le  Poitou  et  ailleurs,  par  les  Eder 
de  Fontenelle  ^,  les  Kerhanland,  les  Anne  de  Sanzay,  les 
La  Magnane,  les  Langoiran,  les  Duplessis  de  Come,  les 
La  Motte  Serrant,  les  deux  frères  Saint-Offange,  on  voit  que 
les  auteurs  de  la  Satire  Ménippée  n'ont  rien  exagéré.  On 
frissonne  encore  dans  les  veillées  de  Bretagne  en  écoutant 
les  chants  populaires  qui  racontent  les  crimes  et  le  châti- 
ments d'Eder  de  Fontenelle  roué  le  27  septembre  1602  et 
nous  émeuvent  sur  les  victimes  d'une  femme,  Margue- 
rite Charles  et  des  Rannou,  ses  lieutenants  qui,  postés  à  la 
tête  d'une  bande  de  voleurs,  à  Saint-Michel-en-Grève, 
entre  Lannion  et  Plestin,  détroussaient  et  assassinaient  les 
voyageurs  *. 

1.  M.  Prioux  a  essayé  de  réhabiliter  ce  personnage. 

2.  Satire  Ménippée,   115. 

3.  Fontenelle  a  trouvé  aussi  des  défenseurs.  Voy.  Geslin  et  Barthéle>iy, 
Anci€7is  évéchés  de  Bretar/ne  et  Duseigneur,  dans  Bulletin  de  la  Société  aca- 
démique de  Brest,  IV,  18G4-G5,  p.  242. 

4.  Chants  populaires  de  la  Basse-Bretagne,  p.  p.  Luzel,  II.  — Duouyn-, 
Essai  hist.  sur  VEntre-deux  Mers.  Actes  de  l'Académie...  de  Bordeaux, 
XXXII,  1870,  p.  377. 


16  PERSISTANCE   nr   ItHKiANDAGE. 

11  faut  ajouter  que  ce  n'est  qu'en  1*108  quEder  de  Fonto- 
nelle,  Duplessis  de  Corne,  Saint-Olïangc  firent  leur  sou- 
mission (encore  venons-nous  de  \o\v  (|ue  le  |>reniier  resta 
incorrigible),  que  la  paciiii:ation  delà  Bretagne  ne  mit  pas 
complètement  lin  au  brigandage  et  à  la  terreur  qui  y 
avaient  régné  du  commencement  de  1593  à  la  fin  de  1597, 
que  le  légendaire  capitaine  Guillery,  établi  avec  une  bande 
de  quatre  cents  bommes  dans  la  fonH  de  Macbecoul,  con- 
tinua à  voler  sur  les  grands  chemins,  à  forcer  les  maisons 
de  campagne,  à  rendre  le  commerce  impossible  dans  un 
rayon  de  trente  à  quarante  lieues  et  n'expia  ses  crimes  sur 
la  roue  qu'en  1008'.  A  la  même  date  la  Bourgogne  était 
encore  frappée  de  contributions  par  d'anciens  capitaines 
ligueurs,  parcourue  par  des  bandes  d'anciens  soldats  de 
l'Union  qui  trouvaient  dans  les  châteaux  de  Talan,  de  Vergy, 
de  rsoyers  un  refuge  assuré^.  Les  détrousseurs  de  passants 
et  de  maisons  que  nous  venons  de  nommer  eurent  de  nom- 
breux émules  et  de  nombreux  successeurs.  Leurs  exploits, 
oïl  la  générosité  et  1  héroïsme  venaient  parfois  se  mêler  au 
brigandage,  se  sont  emparés  de  l'imagination  populaire  et 
ont  donné  à  la  littérature  française  un  type  dont  le  succès 
n'est  peut-être  pas  encore  épuisé  ^. 

1.  PiEHRE  DE  Lestoile,  Rcq.  joumal  de  Henri  IV,  éd.  Jouaust,  47.'i.  Ilis/.. 
vcriiHque  des  r/rondes  et  eTécrahles  voleries  et  stibliUlrs  de  liiiillrrj/,  p.  p. 
B.FiLLON,  1848,  ia-8.  —  La  Prise  et  défaite  du  capitaine  Guillery,  in-8.  IGOi). 
Uéimprinit'  dans  Var.  hist.  et  littéraires,  1,  289.  Ilepmclies  du  capitaine 
Guillery,  iltid.,  WU.  —  Levot,  Les  frères  Guillery  ou  deux  routiers  bretons, 
dans  bulletin  de  la  Société  académique  de  Brest,  VI(,  1871,  p.  118.  —  Diaire 
de  Jacques  Merlin  sur  les  choses  les  plus  mémorables  qui  se  sont  passées 
en  La  Rochelle.  Arch.  hist.  de  Saintonye,  V,  1878.  —  Discours  de  la  prise 
ilu  capitaine  Chapeau  et  du  capitaine  la  Caltande,  Iô8G,  Va)',  /lisl.  et  litt., 
VII,  227. 

2.  PomsoN,  III,  13-14. 

:i.  Rapprocher  à  ce  point  de  vue  le  personnage  imaginaiic  de  Picotin 
(ta  plaisante  nouvelle  apportée  sur  tout  ce  qui  /•e  passe  en  la  guerre  de 
Piémont  avec  la  haranr/ue  du  capitaine  Pir.iitin  faicte  au  duc  de  Savoie  sur 
le  méconlen terne nt  des  soldats  français,  1G15,  Var.  hist.  et  tilt.,  VI),  et  le 
personnage  liisti)rif|ue  de  Carrefour.  Exérulion  du  capitaine  Carrefour. 
Ibid. 


MESURES   PROTECTRICES.  17 

La  démolition  des  forteresses  élevées  pendant  la  guerre 
avait  fait  l'objet  d'un  vœu  des  notables  assemblés  à  Rouen 
en  I.jOG'  ;  ce  vœu  répondait  aux  intentions  du  roi.  11  sup- 
prima spontanément  les  garnisons  de  tous  les  châteaux 
appartenant  à  des  particuliers  -.  En  1590  il  licencia  les  gens 
d'armes  qui  foulaient  le  Dauphiné.  Les  compagnies  suppri- 
mées ayant  continué  à  vivre  sur  le  paysan  par  lequel  elles 
se  faisaient  entretenir,  à  raison  de  40  s.  (o  fr.  84)  par  jour  et 
par  cavalier,  la  population  fit  entendre  de  nouvelles  plain- 
tes. Le  roi  ordonna  que  les  compagnies  de  pied  et  de  che- 
val qui  ne  figuraient  pas  sur  l'état  d'efTectif  arrêté  au  mois 
d'août  seraient  supprimées  et  évacueraient  la  province. 
Si  elles  continuaient  à  vouloir  lever  des  contributions,, la 
population  était  autorisée  à  résistera  Une  déclaration  du 
24  février  1597  ordonna  aux  gouverneurs  et  aux  lieutenants 
généraux  et  particuliers  de  courir  sus  aux  gens  de  guerre  qui 
tenaient  la  campagne  sans  commission  rovale  et  d'obliger 
ceux  qui  traversaient  le  pays  en  vertu  d'ordres  du  roi,  à  se 
rendre  sans  délai  à  leur  destination.  Les  commandants  de 
ces  corps  de  troupe  devaient,  avant  d'entrer  dans  une  pro- 
vince, faire  connaître  au  gouverneur  les  ordres  en  vertu 
desquels  ils  se  déplaçaient,  ainsi  que  le  nombre  et  le  nom 
de  leurs  hommes,  et  prendre  l'attache  de  ce  gouverneur 
pour  trouver,  par  étape  ou  autrement,  des  logements  et 
des  vivres.  Tous  les  mois,  les  gouverneurs  informeraient 
le  roi  des  troupes  qui  auraient  passé  dans  leur  gouverne- 
ment, ainsi  que  de  la  conduite  qu'elles  y  auraient  tenues 
Sa  correspondance  témoigne  de  sa  vigueur  dans  la  répres- 
sion de  l'indiscipline.  En  1596,  il  ordonne  au  connétable 
de  Montmorency  d'envoyer  la  maréchaussée  contre  lesbri- 


1.  POIRSON,   II,   281. 

2.  Lettres  du  17  janvier,  2G  février  IhOô.  Lettres  )niss.,  IV,  299,  3IS. 

3.  Lettres  miss.,  VIII,  623. 

4.  ISAMBEKT,  XV,  128. 

2 


18  MESURES  PROTECTRICES. 

gaïuis  qui  infestent  les  grandes  routes  et  contre  les  déser- 
teurs qui  en  grossissent  le  nombre  '.  La  môme  année,  il 
enjoint  au  duc  de  Montpensier  de  licencier  ou  d'envoyer  à 
l'armée  sa  compagnie  de  chevau-légers,  qui,  depuis  six 
mois,  pillail  le  pays-.  En  1597  il  écrit  au  connétable  de 
forcer  les  compagnies  qui  parcourent  la  Champagne  à  re- 
joindre larmée  et,  si  elles  s'y  refusent,  de  les  faire  tailler 
en  pièces \  En  1598  les  garnisons  de  Normandie,  ne  rece- 
vant pas  leur  solde,  se  répandent  dans  le  pays.  Sur  les 
plaintes  du  parlement  de  Rouen,  le  roi  envoie  l'argent 
et  écrit  au  duc  de  Montpensier  de  les  faire  rentrer  dans 
les  places  et,  en  cas  de  résistance,  de  les  exterminer  *. 
Le  1"  avril  1598,  sadressant  au  connétable  :  «  ...  Je  vous 
prie,  lui  dit-il,  non  seulement  de  ne  faire  payer  les  com- 
pagnies qui  refuseront  d'entrer  en  garnison,  mais  aussi  de 
casser...  et  faire  courre  sur  celles  qui  se  débanderont  poiir 
tenir  les  champs...  Si  nous  n'avons  tous  aucune  compas- 
sion du  peuple,  il  faudra  qu'il  succombe  et  que  nous  péris- 
sions tous  avec  lui  ;  auquel  propos  je  vous  dirai  que  j'ai 
reçu  depuis  peu  infinies  plaintes  de  votre  compagnie  de 
gens  d'armes  et  de  celle  de  Splandian,  lesquelles  on  m'a 
rapporté  être  encore  vers  Argentan,  faisant  peu  de  cas 
d'aller  en  l'armée  et  opprimant  grandement  mes  sujets  du 
pays,  ce  que  je  m'assure  que  vous  ignorez...  Partant  je 
vous  prie  d'y  pourvoir^.  »  La  même  année,  il  fit  marcher 
trois  régiments  contre  un  capitaine  nommé  Leviston  qui 
ravageait  le  Berry  et  il  annonça  l'intention,  lorsque  la  paix 
qui  se  négociait  alors  avec  l'Espagne  serait  conclue,  de  dé- 
charger sans  tarder  son  peuple  «  de  telle  sorte  de  gens  "  ». 


1.  4  et  C  mars  1500.  Lettres  miss.,  IV,  ôlS-ôl  J. 

2.  Lo  roi  au  connétible,  7  octobre  lô96.  Ibid.,  GiG. 

3.  23  avril  1Ô'J7.  Ifjid.,  IV,  749. 

4.  Le  roi  au  parlement  de  Normandie,  17  février  1508.  Ibid.,  IV.  908. 
3.  Ibid.,  IV.  94C. 

G.  4  mni   1508.  Ibid.,  IV,  075. 


POHT   D'ARMES  ET  DROIT   DE   CHASSE.  19 

La  paix  signée,  ce  l'ut  le  connétable  «  son  compère  »  qu  il 
chargea  de  licencier  l'armée,  ce  qui  était  une  mission 
difficile,  car  on  lui  devait  encore  sa  solde'.  Peu  de  temps 
après  le  traité  de  Yervins,  le  4  août,  il  défendit  le  port  des 
armes  à  feu  -.  C'était  là  une  mesure  radicale,  difficile  à 
faire  exécuter  et  à  concilier  avec  le  droit  de  chasse  ;  il  y 
dérogea  le  premier  par  une  foule  de  dispenses  particulières^. 
Aussi,  dans  son  édit  général  sur  la  chasse  de  1601,  il  se 
relâcha  de  cette  rigueur  et  permit  aux  gentilshommes  l'usage 
de  l'arquebuse  sur  leurs  terres.  Mais  les  passions  étaient 
encore  trop  ardentes,  les  habitudes  trop  peu  pacifiées  pour 
que  cette  permission  ne  fût  pas  prématurée  :  la  noblesse 
en  profita  pour  vider  ses  querelles  particulières,  la  paix 
publique  fut  mise  en  péril,  il  y  eut  une  recrudescence  de 
rassemblements  armés  et  de  meurtres.  Le  roi  interdit  donc 
de  nouveau  à  tout  le  monde  l'usage  de  l'arquebuse  et  du 
pistolet*.  Cette  interdiction,  toutefois,  ne  pouvait  être 
durable  et,  l'apaisement  ayant  fait  des  progrès,  la  déclara- 
tion du  3  mars  1604  rendit  aux  seigneurs  le  droit  de 
cbasser  à  l'arquebuse  dans  leurs  domaines '.  Dès  1601  un 
édit,  également  inspiré  par  la  préoccupation  de  la  sûreté 
publique,  avait  réservé  à  l'Etat  le  monopole  de  la  fabrica- 
tion et  de  la  vente  des  pièces  d'artillerie,  de  la  poudre  et 
des  munitions  de  guerre  ^ 

En  conservant  aux  gentilshommes,  par  son  édit  de  1601, 
le  privilège  exclusif  de  la  chasse,  le  roi  défendit  de  chasser 
dans  les  blés  en  tige  et  les  vignes  depuis  le  l"  mars  jus- 
qu'après  les  vendanges  et  obligea  les  seigneurs  de  fiefs  à 


1.  Lelires  miss.,  TV,  10U2. 

2.  Isambert,  XV.  Isambert  date  cette  déclaration  du  i  avril,  mais  c'est 
sous  la  date  du  4  août  qu'elle  est  visée  par  la  déclaration  du  14  août  IGOl. 

3.  Édit  sur  la  chasse  de  IGOl.  Isambert. 

4.  Déclaration  du  14  août  160-3.  Fontasox,  II,  341. 

5.  IbicL,  3i2. 

6.  ISAMBEBT,  XV,  263. 


20  SITL'ATION   OBÉRÉE  Dr   CULTIVATEUR. 

réunir  leurs  hommes  tous  les  trois  mois  pour  faire  la  chasse 
aux  loups,  aux  renards,  aux  blaireaux  et  aux  autres  ani- 
maux nuisibles  qui  s'étaient  beaucoup  mullij)liés  pendant 
les  guerres  civiles.  Du  reste,  le  souci  de  l'agriculture  est 
ce  qui  apparaît  le  moins  dans  cet  édit,  comme  dans  celui  de 
juillet  1G07:  ce  qui  y  domine,  c'est  la  pensée  de  conser- 
ver le  gibier  et  de  limiter  le  droit  de  chasse  au  roi  et  aux 
seigneurs  (|ui  feront  reconnaître  leurs  titres  par  les  auto- 
rités compétentes. 

Il  ne  suffisait  pas  de  songer  à  la  sécurité  future  du  cul- 
tivateur, il  fallait  aussi  s'occuper  de  la  situation  précaire  et 
obérée  où  le  passé  le  laissait.  Ayant  souvent  perdu  dans  la 
guerre  sa  récolte  et  son  matériel  d'exploitation,  il  avait 
emprunté  pour  le  remplacer  et  pour  vivre.  Il  avait  dû  par- 
fois le  faire  à  100  pour  100  et  jamais  il  n'avait  pu  le  faire  à 
moins  de  huit  un  tiers ',  Endetté  envers  les  particuliers, 
ayant  hypothé(jué  ses  récoltes  -,  enlacé  par  l'usurier  de 
village  qui  l'amenait,  de  sursis  en  sursis,  à  un  abandon  à  vil 
prix',  le  cultivateur  était  aussi  endetté  envers  le  fisc,  auquel 
étaient  encore  dues  des  tailles  échues  avant  1589.  Sous  le 
coup  de  l'emprisonnement  et  de  la  saisie,  il  abandonnait 
son  village  et  laissait  ses  champs  en  friche.  A  quoi  lui  aurait 
servi  de  rentrer  dans  sa  maison,  ta  peu  près  assurée  main- 
tenant contre  le  pillage,  pour  s'en  voir  bientôt  expulsé, 
pour  se  voir  arrêter  par  les  recors  ?  Des  actes  officiels 
de  1595  signalent  la  «  cessation  presque  générale  du 
labour  »,  la  multiplicité  «  des  terres  demeurées  désertes  et 

1.  Mémoire  de  Jean  Biirel,  p.  p.  Ghassai.ng,  p.  270. 

2.  Voy.  dans  le  minutier  du  notaire  Mabric,  aux  archives  du  palais  de 
justice  à  Toulouse,  de  nombreux  emprunts  dont  le  remboursement  est 
assigné  sur  les  récoltes  de  pastel. 

3.  La  femme  du  paysan,  Marion,  prie  Dieu  : 

tjue  l'usurier  méclianl,  qui  dès  lonstcmps  aj^uignc 
lit  hume  de  ses  \eu\  le  closeau  de  leur  vigne 
En  SCS  papiers  journaux  ne  les  puisse  accrocher. 

Pybrac,  Les  Plaisirs  de  la  vie  rustique  (1575). 


MESURES  RÉPARATRICES.  21 

incultivées'  ».  Pour  alléger  l'arriéré,  le  roi  commença  par 
réduire  d'un  tiers  les  intérêts  des  rentes  au  denier  dix  et  au 
denier  douze  qui  étaient  échus  de  1589  à  1593  (édit  du 
8  juillet  1594).  Les  arrérages  échus  avant  cette  période  ne 
subissaient  pas  de  réduction,  ils  devaient  être  payés  en  1595 
et  1596,  en  même  temps  que  les  intérêts  de  la  période 
quinquennale  et  les  intérêts  courants,  au  taux  stipulé  par 
le  contrai".  En  1595,  Henri  déclara  insaisissables  les  instru- 
ments aratoires  et  le  bétail  et  défendit  de  réquisitionner 
illégalement  les  laboureurs,  leurs  chevaux  et  leur  matériel 
d'exploitation^.  Il  rendait  ainsi  perpétuelle  l'insaisissabilité 
temporaire  accordée  par  Charles  IX  en  1571  '  et  satisfaisait 
au  vœu  exprimé  par  le  tiers  aux  états  généraux  de  1576  et 
de  1588",  Ce  fut  pour  fournir  des  chevaux  à  l'agriculture, 
non  moins  qu'aux  voyageurs  et  aux  transports,  qu'il  créa  des 
relais  dans  les  villes  et  les  bourgades  distantes  entre  elles 
de  12,14  oul51ieues^  Le  grand  édit  de  1600^  qui  réforma 
profondément  l'assiette  et  la  perception  de  la  taille,  remit 
aux  contribuables  l'arriéré  de  1596  et  desannéesantérieures, 
qui  s'élevait  à  20  millions  (58  458  656  fr.  08),  fit  rentrer  dans 
la  classe  des  taillables  tous  les  usurpateurs  de  noblesse-,  dé- 
joua les  fraudes  employées  pour  échapper  à  l'impôt  et  auto- 
risa les  paroisses  à  racheter,  au  prix  coûtant,  dans  les  quatre 
ans,  les  communaux  et  les  droits  d'usage  aliénés  à  vil  prix 
pour  payer  les  exactions  qu'elles  avaient  eu  à  subir  dans  la 
guerre  civile ^ 

1.  Déclaration  de  mars  1595.  Lettres  royaux  à  Téchevinage  d'Angers, 
du  l'ir  octobre  de  la  même  année,  dans  AJém.  de  la  Société  nationale 
d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Angers,  1851,  p.  178. 

2.  FONTANOX,  I,   722. 

3.  Déclaration  du  16  mars  1595.  Isambert,  XV,  98-99. 

4.  Ibid.,  XIV,  238. 

5.  Picot,  III,  180. 

6.  Édit  de  mars  1597. 

7.  Isambert,  XV,  131. 

8.  Philippson  [Heinrich  IV  nnd  Philipp  Ilf,  II,  318)  évalue  à  40  000  le 
nombre  de  ceux  dont  les  noms  furent  rétablis  sur  les  rôles. 

9.  Isambert,  n»  139. 


22  TAlLLt:  ET   GABELLE. 

Cétait  surtout  sur  les  cultivateurs  que  pesait  lu  taille. 
Ce  fut  à  eux  que  profitèrent  les  réductions  sucessives  qui, 
(le  1597  à  1609,  en  abaissèrent  le  montant  de  20  à  14  mil- 
lions'. 

Henri IV  nintroduisit  pas,  au  contraire,  d'améliorations 
importantes  dans  l'assiette  et  la  perception  d'un  autre  impôt 
qui  portait  sur  un  des  produits  les  plus  utiles  à  l'agriculture 
et  à  relève  du  bôtaiP.  iXous  voulons  parler  de  la  gabelle. 
Cet  impôt,  on  le  sait,  revêtait  la  forme  d'un  monopole.  Ce 
qui  aggravait  ce  monopole,  c'est  que  le  contribuable,  au  lieu 
de  le  supporter  dans  la  proportion  de  sa  consommation, 
le  supportait  dans  la  mesure  déterminée  par  le  fisc.  Tous  les 
ans  des  conseillers  de  la  cour  des  aides  répartissaient  entre 
les  paroisses  des  généralités  soumises  à  la  gabelle  la  quan- 
tité de  sel  qu'ils  estimaient  répondre  à  leurs  besoins.  Cette 
quantité  leur  était  fournie  par  le  fermier  de  la  gabelle 
à  un  prix  exorbitant.  De  15  écus  (141  fr.  57),  le  prix 
du  muid  s'était  élevé,  après  1588,  à  63  (594  fr,  60)  ^ 
Georges  Carew,  ambassadeur  d'Angleterre  en  France  de 
1606  à  1609,  estime  que  le  sel  nécessaire  à  la  consomma- 
tion annuelle  de  sa  maison  coûtait  vingt-huit  fois  plus  à 
Paris  qu'en  Angleterre',  Les  paroisses  répartissaient  entre 
leurs  habitants  le  sel  qui  bnir  avait  été  imposé  par  les  con- 
seillers. Cette  répartition,  elle  non  plus,  n'était  pas,  tant 
sen  faut,  en  rapport  avec  les  besoins  de  chacun  :  les  uns 
en  avaient  plus  qu'ils  n'en  pouvaient  consommer,  les  autres 
étaient  insuffisamment  pourvus,  mais,  le  sel  étant  mono- 
polisé par  l'Ktat,  les  premiers  ne  pouvaient  vendre  leur 
excédent  aux  seconds.  Il  faut  ajouter,  pour  ne  rien  exa- 

l.  De  5S  458  6ôG  fr.  08  à  :n  7.^5  029 fr.  80. 

1.  Voy.  notamment  sur  l'utilité  du  sel  dans  la  nourriture  du  bétail, 
Tabbé  Tessier,  Discours  prél.  de  la  section  Agriculture  de  V Encyclopédie 
mélh.,  p.  '21 . 

3.  CoQLiM.E,  Dialofjue  sur  les  causes  des  misères  de  ta  France,  p.  233.  Cla- 
MAOERAN.  Ilist.  (lel'împ'jt,  II,  28i-285. 

■t.  Dnns  lUiicii,  An  historicat  View...,  p.    538. 


COMMERCE  DES  GRAINS.  23 

gérer,  que  ce  système  ne  sappliquait  dans  toute  sa  rigueur 
quaux  pays  de  grande  gabelle^  o'est-à-dire  aux  généralités 
de  Paris,  d'Orléans,  de  Tours,  de  Bourges,  de  Moulins,  de 
Dijon,  de  Chàlons,  de  Soissons,  d'Amiens,  de  Rouen  et 
de  Caen.  Sully,  peu  partisan  d'ailleurs  de  la  gabelle', 
tenait  à  ce  qu'en  cas  d'augmentation,  l'assiette  de  la  crue 
eût  lieu  non  par  généralités  mais  par  paroisses  ;  l'estima- 
tion du  revenu  d'une  généralité  prétait  plus,  en  effet,  à 
l'arbitraire  que  l'estimation  de  celui  d'une  paroisse.  Il 
veillait  aussi  à  ce  que  la  répartition  fût  équitable,  à  ce 
qu'elle  tînt  compte  de  l'augmentation  et  de  la  diminution 
du  revenu-.  C'est,  à  notre  connaissance,  le  seul  indice 
qu'il  se  soit  occupé  de  la  gabelle.  Nous  devons  dire  cepen- 
dant que,  d'après  M,  Dareste^,  il  aurait  réussi  à  dimi- 
nuer le  prix  du  sel  en  augmentant  le  produit  de  l'impôt. 
Ce  produit  était  notablement  atteint  par  une  contre- 
bande active  et  audacieuse  qui  s'exerçait  publiquement, 
sous  la  protection  de  la  noblesse  et  même  des  autorités 
locales  \ 

C'était  beaucoup  d'alléger  les  charges  de  l'agriculture.  Il 
fallait  encore  l'encourager  à  produire  en  lui  ouvrant  des 
débouchés  aussi  étendus  que  possible.  L'ancien  régime 
n'avait  pas  compris  que  le  meilleur  moyen  d'avoir  le  blé  à 
bon  marché  est  de  le  laisser  circuler  librement.  Les  pou- 
voirs locaux  cherchaient  toujours  à  le  retenir  dans  les  pro- 
vinces où  il  avait  été  récolté.  Quant  au  gouvernement  cen- 

1.  En  1605  il  représeutait  au  roi  «  qu'il  n'y  avait  point  de  plus  onéreuses 
impositions  que  celles  qui  se  levaient  par  capitation  sur  le  sel...  >■  Econo- 
mies, roy.,  éd.  1725,  Amsterdam,  VIII,  U5-(l6. 

2.  Sully  au  lieutenant  de  Blois.  23  octobre  1G06.  Économies  roy.,  IX,  21.j. 

3.  Hist.  (le  l'administration...,  II,  lnO. 

4.  D'autant  qu'en  la  basse  Normandie  il  y  a  plusieurs  gentilshommes 
qui  font  trafic  du  sel  publiquement  et  contraignent  leurs  sujets  de  prendre 
du  sel  en  leurs  maisons...  le  sieur  de  Montgomery.  gouverneur  de  Pon- 
torson  qui  est  accusé...  de  donner  escorte  aux  faux  sauniers...  la  plus 
grande  partie  de  la  noblesse  de  Normandie  en  font  trafic  ordinaire.  Arrêt 
du  conseil  du  roi  du  13  septembre  1599.  Arch.  nat. 


24  COMMERCE  DES  GRAINS. 

Irai,  il  accordait  assez  libéralement  des  trai/e.s,  c'est-à-dire 
dos  jieriiiis  d'exportation,  parce  que  ces  traites  ctaienl  pour 
lui  une  source  de  revenus.  Hodin  Màmo  la  facilité  avec 
laquelle  nos  rois  permettaient  lexportation  de  nos  denrées 
et  particulièrement  du  blé  et,  partageant  sur  ce  point  le 
préjugé  de  son  temps,  il  y  voit  une  des  causes  de  renché- 
rissement \  Depuis  son  avènement  jusqu'en  1593,  Henri  lY 
avait  autorisé  la  libre  sortie  des  grains.  A  lire  le  préambule 
des  lettres  patentes  du  12  mars  de  cette  année,  par  lesquelles 
il  interdit  l'exportation,  on  croirait  qu'il  a  changé  de 
système,  car,  après  avoir  rendu  hommage  aux  bienlaitsde 
la  liberté  commerciale,  il  déclare  que  la  France  peut  se 
passer  des  étrangers  et  se  suflire  à  elle-même  et  que  la  con- 
tinuation de  la  libre  exportation  la  réduirait  à  la  disette  ; 
mais  cette  interprétation  ne  serait  pas  exacte  et  il  n'y  eut 
là  en  réalité  qu'une  mesure  de  circonstance.  La  guerre 
venait  d'être  déclarée  à  l'Espagne.  Or  l'Espagne  était  le 
marché  le  plus  important  de  nos  céréales  et  nous  lui  four- 
nissions presque  toutes  celles  dont  elle  avait  besoin. 
C'était  pour  la  priver  de  cette  ressource  et  nous  réserver 
toutes  les  nôtres  au  début  d'une  guerre  et  en  prévision 
d'une  disette,  que  le  roi  révoquait  ou  plutôt  suspendait  la 
liberté  d'exportation.  Après  la  paix  de  Vervins,  il  la  réta- 
blit, au  moins  partiellement.  Il  accorda  à  la  Bretagne,  à  la 
Normandie,  à  la  Champagne,  au  Languedoc,  à  la  Guyenne, 
le  droit  d'exporter  leur  blé  et  leur  vin,  moyennant  une 
surtaxe  d'un  demi-écu  (4  fr.  7a)  par  charge  de  blé  et  d'un 
écu  (9  fr.  30)  par  nmid  de  vin",  il  ne  tarda  pas  à  étendre 
cette  liberté  à  tout  le  royaume  ^  Enfin,  le  26  février  1601, 


1.  Discours  sur  les  causes  de  l'extrême  cherté  f/ui  est  aujuuid'luii  en 
France,  1586,  Var.  hisl.  et  litt.,  VII,  137.  147,   173-174. 

2.  L'acte  rétablissant  cette  liberté  restreinte  ne  s'est  pas  conservé.  Elle 
résulte  des  lettres  patentes  du  20  février  IGOl  i)ubliées  par  Delaïuare, 
Traité  de  lu  police,  liv.  V,  p.  932. 

3.  Lettres  de  Henri  IV  au  gouverneur   de  Béziers  du  24  janvier  l.">99 


COMMERCE   DES  GHAINS.  25 

il  abolit  celte  surtaxe  et  rendit  l'exportation  entièrement 
libre.  Mais,  s'inspirant  toujours  plus  des  circonstances  que 
de  ses  préférences  doctrinales,  il  ne  cessa  jamais  de  Tinter- 
dire  quand  la  récolte  fut  peu  abondante'. 

Il  eut  plus  d'une  fois  à  défendre  contre  l'intérêt  local  le 
principe  dont  il  avait  compris  la  fécondité.  En  1604  les  au- 
torités du  Dauphiné  interdirent  la  sortie  du  blé.  L'échevi- 
nage  de  Lyon  s'en  plaignit.  Le  roi  écrivit  à  Lesdiguières, 
gouverneur  du  Dauphiné,  de  révoquer  cette  prohibition. 
Il  fait,  à  cette  occasion,  une  profession  de  foi  économique 
très  explicite  :  «  Voulant,  comme  il  est  juste  et  raisonna- 
ble, dit-il,  que  la  liberté  du  commerce  soit  permise  en  tou- 
tes nos  provinces  et  que  celles  qui  ont  nécessité  d'une  espèce 
de  marchandises,  même  de  celle  de  l'aliment  et  nourriture 
des  personnes,  en  soient  secourues  par  les  autres  oii  elles 
abondent  davantage"-.  »  La  môme  année,  le  parlement  de 
Toulouse  fit  ce  qu'on  avait  fait  en  Dauphiné.  Les  fermiers 
des  traites  foraines  refusèrent  alors  de  payer  le  prix  de  leurs 
fermes.  Les  trésoriers  de  France  en  Languedoc  en  infor- 
mèrent Sully  qui  se  plaignit  au  roi  \  On  se  fera  une  idée  du 
pouvoir  que  s'arrogeaient,  en  pareille  matière,  les  fonction- 
naires subalternes  eux-mêmes  et  de  la  fâcheuse  décentrali- 
sation qui  régnait  dans  l'administration  des  subsistances 
publiques,  en  lisant  une  lettre  où  le  ministre  raconte  au  roi 
que  le  juge  de  Saumur  a  défendu  de  transporter  les  blés 
hors  duroyaume  et  d'en  vendre  dans  son  ressort.  «  Si  cha- 
que officier  en  faisait  autant,  écrivait  Sully,  votre  peuple 

{Lettres  miss.,  VIII,  "ÎG)  et  à  Gilbert  de  La  Trémoille,  marquis  de  Royau, 
du  30  janvier  de  la  même  année,  p.  p.  Marchegay,  dans  Arcb.  hist.  de 
Saintonge,  I  (1874),  p.  327. 

1.  ...  seroit  arrivé  que,  auparavant  et  durant  lad.  temps,  la  stérilité  de 
blés  et  vins  étant  advenue...  les  traites  qui  avoient  accoustumé  de  s'en 
faire  parles  provinces  de  Normandie,  Champagne  et  Picardie  ont  été  délais- 
sées... Arrêt  du  conseil  du  !'■■  août  1609.  La  période  à  laquelle  se  réfère 
cet  arrêt  dura  plus  de  deu.x  ans  et  demi. 

2.  Lettre  du  3  octobre  1604  à  l'échevinage  de  Lyon.  Lettres  ?«(ss.,  VI,  300. 

3.  Sully  au  roi,  13  sept.  1604.  Econ.  roy.,  VII,  223. 


•26  DESSÈCHEMENTS. 

serait  bientôt  sans  argent  et  par  conséquent  Votre  Majesté. 
Nous  avons  cassé  le  jugement  et  donné  ajournement  per- 
sonnel aux  ofliciers  qui  l'ont  donné  '.  » 

En  même  temps  quïl  lullait  contre  les  préjugés  et 
légoïsme  des  hommes, Ilonri  lYcherchiiil  à  vaincre  l'avarice 
de  la  nature.  Il  prenait  à  cœur  de  transformer  en  cultures 
les  marais  qui,  en  Gascogne,  dans  l'Aunis,  le  Poitou  et 
ailleurs-,  s'étaient  formés  naturellement  ou,  comme  ceux 
de  la  Dombes^  et  de  la  Brenne,  avaient  été  créés  artifi- 
ciellement. Mais  leur  dessèchement  ne  pouvait  être  entre- 
pris qu'à  l'aide  de  procédés  dont  personne  en  France  n'avait 
le  secret  et  de  capitaux  qu'une  entreprise  aussi  nouvelle  et 
aussi  hasardeuse  n'avait  guère  chance  d'obtenir  de  ses 
sujets.  Pas  un  Fran(;ais  ne  se  présenla  pour  tenter  ce  grand 
travail.  Le  roi  accepta  alors  les  offres  d'un  Hollandais  de 
Berg-op-Zoom,  Humphrey  Bradley,  qui,  dans  un  pays 
conquis  sur  la  mer  et  sans  cesse  menacé  par  elle,  avait 
acquis  l'expérience  des  travaux  d'endiguementet  de  dessè- 
chement. 

Déjà  Bradley  avait  obtenu  le  privilège  du  dessèchement 
des  marais  de  (]haumont-en-Yexin  (1597),  puis,  au  mois  de 
janvier  lo99,  celui  du  dessèchement  des/Jft/i/s  de  Bordeaux  '*. 
Ces  entreprises  particulières  le  désignaient  pour  la  direc- 
tion de  l'entreprise  générale  à  laquelle  songeait  Henri  IV. 
Il  reçut  le  titre  de  maître  des  digues  ^i  passa  avec  le  roi,  le 
8  avril  lo99,  un  traité  en  forme  d'édit.  Aux  termes  de  ce 
traité,  les  marais  salants,  les  marais  et  les  étangs  poisson- 
neux, ceux  qui,  alimentant  les  fossés  des  villes  et  des  clià- 

1.  Sully  au  roi,  27  avril  1G07    Ibid.,  IX,  28C. 

2.  Cela  ne  rempi'chait  pas  d'en  sentir  tout  le  chaniie.  Dans  une  lettre  à 
la  belle  Corisande,  du  17  juin  158C,  ceux  de  .Marans,  dans  l'Aunis,  lui  ont 
fourni  le  sujet  d'un  paysage  plein  de  fraîcheur  et  de  Inmii'Te.  Cité  par 
IrsG,  Henri  IV  écrivain,  p.  219. 

3.  GiiGL'g,  Essai  sur  les  causes  de  la  dépopulation  dans  la  Bombes  et  Vori- 
f/ine  de  ses  étangs. 

4.  DioNNE,  Hist.  des  dessèchements  des  lacs  et  marais. 


DESSECHEMENTS.  27 

teaux,  avaient  une  imporlance  stratégique,  tous  ceux,  en 
un  mot,  qui  étaient  utiles  devaient  èlre conservés.  Le  prin- 
cipal bénéfice  de  l'entrepreneur  devait  consister  dans  la 
moitié  des  terrains  desséchés,  qu'ils  appartinssent  au  do- 
maine ou  à  des  particuliers.  Ceux-ci  étaient  obligés  de  su- 
bir le  dessécliement,  s'ils  naimaient  mieux  l'exécuter  eux- 
mêmes,  mais  la  moitié  du  terrain  leur  restait.  Ils  avaient 
même  le  choix  entre  l'une  et  l'autre  moitié.  Enfin  ils  pou- 
vaient ou  acquérir  la  part  de  l'entrepreneur  au  prix  fixé  par 
lui  ou  le  forcer  à  acheter  leur  part  un  cinquième  en  sus  du 
prix  d'estimation  de  l'autre  moitié.  Les  marais  du  domaine 
devaient  être  partagés  aussi  bien  que  ceux  des  particuliers. 
On  ne  pouvait  laisser  l'entrepreneur  seul  juge  de  l'utilité 
ou  de  l'inconvénient  de  dessécher  tels  ou  tels  marais  et  il 
fallait  écouter  les  observations  de  tous  les  intéressés.  Le 
grand  maître  des  eaux  et  forêts,  les  maîtres  particuliers  et 
leurs  lieutenants  furent  chargés  de  faire  à  cet  égard  une 
enquête  de  commodo  et  incommodo ,  de  visiterions  les  marais 
de  leur  ressort  et  d'envoyer  au  grefï'e  de  la  Table  de  mar- 
bre les  procès- verbaux  de  leur  visite  et  de  leur  enquête  '. 
En  pressentant  les  difficultés  «  de  ce  grand  œuvre...,  dont 
néanmoins  toutes  les  circonstances,  qualités  et  accidents 
et  retardements  ou  difficultés  ne  se  peuvent  qu'à  peine 
reconnaître  du  premier  coup  par  la  nouveauté  du  fait  », 
Henri  IVne  s'était  pas  trompé.  A  la  fin  de  1606,  l'entreprise 
n'était  soutenue  que  par  les  capitaux  de  l'entrepreneur. 
Celui-ci  s'associa  pourtant  quelques  compatriotes.  La  dé- 
claration dejanvier  1607  reconnut  cette  association,  fit  appel 
aux  capitaux  français,  précisa  et  augmenta  les  droitsdes  en- 
trepreneurs enverslespropriétaires, accrut  leurs  avantageset 
visa  à  faciliter  leurs  opérations'.  Un  mois  après,  pour  accé- 
lérer la  solution  de  leurs  difficultés  avec  les  propriétaires, 

1.  ISAMBERT,   XV,  212-222. 

2.  IsAMBEnT,  XV,  313-322. 


28  DESSÈCHEMENTS. 

ce  qui  était  toujours,  avec  linsuffisancc  des  capilaux.  la 
pierre  d'achoppement,  le  roi  nomma  dans  chaque  gc'néralité 
une  commission  cliarg-i'cdcn  connaître'.  Vers  la  fin  de  son 
règne,  Henri  IV  n"a\ail  pas  renoncé  à  l'espoir  démener  à 
l)ien  ce  vaste  dessein.  L'ambassadeur  anglais  Carew  nous 
apprend  qu'il  s'en  occupait  encore. 

S'il  ne  lui  lui  pas  donné  de  jouir  des  résultats  de  sa  per- 
sévérance, l'u'uvre  d'utilité  publi({uequ'il  avait  conçue  n'en 
fut  pas  moins  accomplie  et  l'honneur  en  remonte  directe- 
ment à  lui.  Ou  n'observe  même  pas  ici  ces  interruptions (jui 
se  produisent  dans  la  plupart  des  œuvres  de  longue  haleine 
et  qui  amènent  à  se  demander  si  l'on  est  en  présence  d'un 
mouvement  donné  qui  continue  ou  de  plans  et  d'efforts 
nouveaux  dont  il  faut  attribuer  le  mérite  à  d'autres  (|u  aux 
initiateurs.  Toute  l'impulsion  vint  de  Henri  IV  et  de  la 
Société  constituée  en  1G07,  et  cette  impulsion  ne  sarrcla 
pas.  C'est  donc  à  lui  et  àellequil  fautéquitablement  repor- 
ter en  grande  partie  le  mérite  des  dessèchements  accomplis 
même  après  sa  mort,  même  par  des  sociétés  particulières 
sorties  de  la  première:  la  transformation  des  palus  de  Bor- 
deaux en  cultures,  le  curage  des  fossés  de  la  ville  et  le 
redressement  de  ses  talus  qui  furent  exécutés,  du  vivant  de 
Henri  IV.  par  un  compatriote,  un  élève  et  un  auxiliaire 
deliradley.  Conrad  (loussen:  ledesséchementdes  marais  de 
Chaumont-en-Vexin  dont  Bradley  céda  l'entreprise  au 
duc  de  Longueville,  engagiste  du  comté;  celui  de  l'étang 
de  la  Souterraine  entrepris,  au  lendemain  de  la  mort  de 
Henri  IV,  par  le  seigneur  du  lieu,  Anne  de  Levis,  duc  de 
Ventadour,  et  achevé  seulement  au  mois  d'août  '1()20; 
celui  des  marais  de  Sacy  et  du  lac  de  Sarlièves  en  Auver- 
gne, ce  dernier  dû  à  un  Allemand,  Ottavio  de  Strada,  qui 
se  fixa  dans  ce  pays  et  y  créa  une  famille  encore  subsis- 

1.  IsAMBEiiT,  i'hi  supra. 


FORETS.  29 

tante';  celui  'les  marais  Je  Lesclie  dans  la  Brie, exécuté  en 
1629  seulement  mais  d'après  un  projet  conçu  en  1G09';  les 
entreprises  de  dessèchement  des  marais  de  Tonnay-Gha- 
renle^  de  ceux  du  bas  Languedoc,  la  seconde  confiée  à 
Marc  de  Comans  qui  succéda  à  Bradley,  du  vivant  même 
de  celui-ci,  dans  la  direction  générale,  de  ceux  de  Larchant 
près  de  Xemours,  pour  laquelle  le  chapitre  de  Notre-Dame 
de  Paris  traita,  le  2^3  juillet  16M,  avec  Jérôme  de  Comans'*  ; 
le  traité  d'assèchement  du  marais  Yarnier  et  d'autres 
terres  immergées  aux  bords  de  la  Seine.  Presque  tous  ces 
travaux  soulevèrent  les  protestations  et  la  résistance  des 
populations^  qui  n'y  voyaient  ni  l'assainissement,  ni  la  mise 
en  valeur  du  sol,  mais  seulement  la  perte  de  la  pêche  qui  les 
faisait  vivre  ;  presque  tous  furent  exécutés  par  des  ouvriers 
tlamands  et  hollandais  qui  formèrent  des  colonies  et  des 
villages,  dont  les  noms  de  Polders,  de  Petite-Flandre^  etc., 
attestaient  l'origine  ".  A  la  mauvaise  volonté  du  grand  nom- 
bre on  est  heureux  d'opposer  l'initiative  de  quelques  grands 
propriétaires,  tels  que  Claude  de  Montconnis  qui  employa 
tovite  sa  fortune  à  dessécher  et  à  fertiliser  la  vaste  plaine 
située  entre  Ryant-Saze,  Rochefort  et  les  Angles,  dans 
le  canton   de  Villeneuve-lez-Avignon'. 

Ces  eaux  stagnantes  que  Henri  IV  avait  voulu  rempla- 
cer par  des  terres  cultivées,  c'est  la  forêt  qui  en  empêche 
la  multiplication.  En  retenant  et  en   absorbant  les    eaux 

1.  Cohenoy,  Notice  sur  les  e7it7'eprises  de  dessèchements...  dans  la  généralité 
d'Auvergne,  1810. 

2.  Denis,  Lectures  sur  l'agriculture  en  Seine-et-Marne,  p.  245. 

.3.  Arrêt  du  conseil  du  6  mars  IGIO.  Bibl.  nat.  mss.  Franc.,  18177, 
fol.  255,  Y». 

4.  Denis,  Ubi  supra. 

5.  Dans  la  Charente  elle  alla  si  loin  que  les  levées  faites  pour  le  dessè- 
chement des  mai-ais  de  Ïonnay-Charente  furent  percées  par  la  malveillance, 
et  les  parties  déjà  desséchées  inondées.  Arrêt  précité  du  G  mars  IGlO. 

6.  DioNNE,  Op.  laud.  :  Déclaration  de  janvier  1G07.  Isambert,  XV.  .Malvezin, 
Histoire  du  commerce  de  Bordeaux,  11,390.  /.  Sinceri  Itinerarium  Galliœ,  141. 

7.  De  Ribbes,  Une  grande  dame  dans  son  ménage,  p.  32-33. 


30  FORtTS. 

pluviales  et  soulerniiiies,  elle  les  empêche  de  devenir  un 
lléau  elles  réduit  à  nètre  qu'un  bienfait.  Malheureusement 
les  forôls  oiïrenl  à  la  cupidité  de  l'État  et  des  populations 
limitrophes  des  tentations  irrésistibles.  Les  prédécesseurs 
tle  Henri  IV  avaient  abusé  des  déboisements  ',  des  aliéna- 
tions, Henri  IV  lui-même  s'y  était  laissé  entraîner.  Les 
guerres  civiles  avaient  favorisé  les  usuriiations  des  rive- 
rains, les  dégâts  du  bétail  ',  fait  tomber  en  désuétude  les 
règlements  forestiers.  Les  titres  et  les  plans  domaniaux 
avaient  été  détruits.  Les  détenteurs  en  profitaient  pour 
jirali(juer  des  coupes  abusives,  les  populations  pour  s'attri- 
buer indûment  des  droits  d'usage.  Les  agents  de  l'adminis- 
tratioji  colUulaient  avec  les  adjudicataires  des  ventes  ;  les 
arpenteurs,  par  exemple,  leur  attribuaient  des  lots  plus 
étendus  que  ne  le  portaient  les  adjudications. 

Le  roi  commença  par  réduire  le  nombre  des  droits 
usagistes,  des  coupes  exlraordinaii-es  et  des  officiers  (édits 
de  Folembray  ^  et  de  Mouen,  février  lo96  et  janvier  1597). 
Uenri  m,  pour  battre  monnaie,  avait,  en  1575,  remplacé  le 
grand  maître  enquêteur  et  réformateurgénéral  des  forôls  par 
six  grands  maîtres  qui,  en  1586,  étaient  devenus  alternatifs. 
Ces  officiers  exploitèrent  sans  scrupule  des  charges  qu'ils 
avaient  payées  fort  cher  et  mirent  les  forêts  au  pillage. 
Henri  IV  rétablit  l'unité  dans  la  direction  en  créant  une 
charge  de  surintendant  des  eaux  et  forêts  de  France,  et 
remboursa  deux  des  maîtrises  créées  par  son  prédécesseur, 
celles  de  l'He-de-France  et  de  la  Normandie  *.  Au  mois  de 
mai  1597,  il  compléta  par  un  édit  en  quarante  articles  la 

I.  BKUNAiti)  Pai.i.ssy  en  déplore  déjà  l'abus.  Recepte  véritable  par  laquelle 
tons  les  Itommes  de  la  France  }>ourront  apprendre  à  multiplier  et  augmenter 
leurs  trésors,  éd.  Cap,  p.  8G-87. 

".'.  .Mali.de,  C'mdition  foresliih'e  de  l'Orléanais,  91,  08. 

:t.  Ledit  de  Folembray  fut  l'o'uvre  personnelle  du  roi  et  de  .Montmo- 
rency. Voy.  la  lettre  du  roi  mu  connétable,  2'.)  février  lô!)(;. 

4.  Daheste,  Uist.  de  l'administration,  11,  21.  .Maiuy,  Les  forètsde  la  France, 
441-442. 


MINES.  31 

réformede  l'administration  forestière.  Les  mesures  adoptées 
par  le  conseil  consistèrent  à  faire  dresser  des  procès-ver- 
baux et  des  plans  fixant  le  bornage  des  forêts  et  des  ventes 
et  à  assurer  la  conservation  de  ces  titres  aux  greffes  des 
Tables  de  marbre  ;  à  obliger  les  verdiers,  gruyers,  segrayers 
et  maîtres  sergents  à  faire  les  inspections  réglementaires;  à 
mainteniraux  Tables  de  marbre  et  aux  maîtrises  particulières 
la  connaissance  des  affaires  forestières  que  les  intéressés 
portaient  devant  les  parlements,  moins  compétents  et  déjà 
surchargés  ;  à  taxer  les  vacations  des  officiers  (art.  24)  ;  à 
établir  les  droits  réservés  au  domaine  dans  les  forêts  pos- 
sédées par  des  apanagistes,  engagistes,  etc.  (art.  26)  ;  à  as- 
surer, dans  les  bois  des  particuliers,  la  conservation  des 
baliveaux  et  des  hautes  futaies  (art.  40);  à  rendre  plus  dif- 
ficile la  soustraction  des  baliveaux  et  des  jeunes  arbres 
(art.  31,  33)  ;  à  restreindre  les  droits  de  paisson  et  de  glan- 
dée  (art.  34);  à  interdire  la  chasse  aux  roturiers  qui  s'en 
arrogeaient  le  droit  sous  le  couvert  des  seigneurs  dont  ils 
dépendaient  fart.  36)  ;  à  obliger  les  sergents  louvetiers  qui 
négligeaient  de  détruire  les  loups  à  adresser,  tous  les  trois 
mois,  aux  maîtres  particuliers  et  gruyers  rapport  des  prises 
faites  par  eux  ^ 

Bien  que  l'exploitation  des  mines  soit  rangée  par  les 
économistes  au  nombre  des  industries,  nous  nous  en  occu- 
perons ici,  parce  qu'il  s  agit  de  produits  tirés  du  sol  et  d'une 
richesse  principalement  due  à  la  nature. 

Sans  vouloir  faire  l'histoire  de  l'industrie  minière  avant 
Henri  IV,  nous  dirons  pourtant  que  Charles  YI  fut  le  pre- 
mier de  nos  rois  qui  revendiqua  pour  la  royauté  le  droit 
de  copropriété  et  de  contrôle  dans  l'exploitation  des  mines. 
Le  droit  de  copropriété  fut  fixé  au  dixième  du  produit  ^ 

1  .   ISAMBEUT,  XV,    141. 

2.  Ordonnance  du  30  mai  1413  dans  le  recueil  de  Lamé  Fleur  y,  De  la  lé- 
gislation minérale  sons  Vanc,  monarchie,  pièce  1. 


32  MINES. 

L'éilit  de  FraiH^ois  1"  du  17  octobre  lo20  '  ordonna  la  revi- 
sion des  concessions,  menac^a  de  poursuites  les  débiteurs 
du  droit  de  dixième  et  subordonna  l'exploitation  à  l'autori- 
sation royale,  vérifiée  par  le  contrôleur  général  des  mines. 
Sous  M  en  ri  II,  rex|iloitat  ion, divisée  jusque-là  entre  plusieurs 
concessionnaires,  fut  confiée  à  une  société  unique  placée 
sous  la  direction  du  sire  de  Roberval  et  investie  de  grands 
privilèges  -,  François  II  renouvela  ;29  juillet  lo60)  la  com- 
mission donnée  par  Henri  II  à  (Mande  Grippon  de  Sainl- 
.hilien,  associé  de  lloberval  pour  la  recherche  et  l'exploita- 
tion des  mines  et  lui  confirma,  pendant  quatre  ans, 
l'abandon  du  dixième.  Cette  commission  ne  fut  pas  infruc- 
tueuse. Elle  amena  la  découverte  de  gisements  dans  le 
Beaujolais,  l'Auvergne,  le  Lyonnais,  le  Dauphiné,  la  Pro- 
vence, le  Languedoc,  le  Bourbonnais,  le  Poitou  •',  mais  la 
guerre  civile  vint  bientôt  entraver  l'exploitation.  Elle 
n'avait  pas  encore  éclaté  quand,  le  d  1  juillet  l.'jGl. 
Charles  IX  confirma  au  concessionnaire  son  monopole  et 
l'allocation  du  dixième  ''.  Les  propriétaires  de  mines  ayant 
prétendu  que  ce  droit  ne  devait  être  prélevé  que  sur  les 
mines  qui  étaient  déjà  en  exploitation,  Charles  iX  déclara 
(ju'il  s'appliquait  à  toutes  et  que,  à  moins  de  clause  expresse, 
la  propriété  des  mines  n'était  pas  passée  aux  acquéreurs  ni 
aux  détenteurs  du  domaine  ^ 

Henri  IV  fit  faire  une  enquête  sur  la  richesse  minière  et 
sur  les  meilleurs  moyens  de  l'exploiter  ''.  Ces  recherches 
révélèrent  l'existence  de  gisements  dontPalma  Cayet  et  de 

1.  Lamé  Flecry,  p.  22. 

2.  :tO  septembre  1548.  Lamé  Fi-euuy,  Op.  laud.,  p.  28.  Daheste,  llist.  île 
Vndminislrution.  II.  184. 

:i.  Lamé  Flelry,  p.  4s. 

4.  Fo.ntaxon,  II,  ll(;:5-ll(;4. 

6.  26  mai  1Ô63.  Ibid.,  III,  44.'..  Cf.  Thuani  Ilislorla,  II,  ;i58,  anno  IT.GS. 

(».  «  ...  Ouï  le  rapport  fait  en  icelui  nostred.  conseil  par  ceux  que  nous 
aurions  ci-devant  envoyés  pour  faire  faire  recherches  desd.  mines  et  des 
moyens  de  les  mettre  en  valeur...»  (Édit  de  juin  ICOI,  art.  4.  Lamé  Fleirv, 

p.:i.) 


MINKS.  33 

Thon  ont  donné  l'énnniératioa  d'une  façon  presqne  iden- 
tique '.  On  découvrit  dans  les  Pyrénées  des  mines  d'or, 
d'arg-ent,  de  talc  et  de  cuivre,  dans  les  montagnes  du  pays 
de  Foix  des  mines  de  jayet  et  de  pierres  précieuses.  On 
recaieillit  dans  l'Ariège  des  parcelles  d'or.  On  s'aperçut 
que  le  sol  des  environs  de  Carcassonne  renfermait  des 
mines  d'argent  ;  qu'il  y  avait  dans  les  Cévennes  etleGcvau- 
dan  des  mines  de  plomb  et  d'étain  ,  qu'on  trouvait  du  fer 
en  Auvergne.  L'or  et  l'argent  abondaient  près  du  village  de 
Saint-Martin-en-Lyonnais.  La  Normandie  pouvait  fournir 
de  l'argent  et  de  l'étain  de  très  bonne  qualité.  La  même  ex- 
ploration amena  la  découverte  de  mines  de  plomb  à  Anno- 
nay,  de  marcassite,  d'or  et  d'argent  en  Picardie  et  en  lirie. 

Encouragé  par  ces  résultats,  le  roi  rendit,  en  juin  1601, 
un  édit  sur  les  mines,  qui  fut  surtout  l'œuvre  de  Sully  et 
qui  confirmait  les  déclarations  de  François  V\  de  Henri  II, 
de  François  II  et  de  Charles  IX.  11  en  diffère  pourtant  es- 
sentiellement en  ce  que,  tandis  que  les  prédécesseurs  du 
roi,  peu  confiants  dans  les  bénéfices  de  l'exploitation, 
avaient  abandonné  aux  entrepreneurs  le  droit  régalien  du 
dixième,  Henri  reprenait  ce  droit,  mettait  l'exploitation  en 
régie,  en  faisait  vraiment  un  service  public.  C'est  là  ce  qui 
fait  la  nouveauté  de  l'édit.  J.-A.  de  ïhou  et  l'ambassadeur 
d'Angleterre,  H.  Neville,  lui  ont  attribué  une  portée  exagé- 
rée en  laissant  entendre  qu'il  enlevait  aux  propriétaires 
l'exploitation  de  leurs  mines  \  Les  articles  17-22  recon- 

1.  Chron.  sept,  anno  1602.  —  Thuani  Ilistorhi.  VI,  156,  anno  1G03. 

'1.  Ut  ne  singulares  toto  regno  doinini  eruendis  illis  sibi  injuriam  fieri 
conquerantui',  aiit  inde  damnuni  sentiant,  eis  prospectum,  cautumque  ut 
sulfuris,  niti'i,  ferri,  chalybis,  chalcauthi,  carbonis  cespitarii,  lapidis 
cterulei,  qui  pro  tegulis  est,  gypsi,  cretif.  lapidis  cfementarii  et  molaris 
fodinœ  panes  eos  sint,  nec  a  proprietariis  illorum  possessio  avocari  possit. 
[Thuani  Historin,  VI,  156,  anno  1603.)  I  understand  there  are  lately  disco- 
vered  in  Poictou  and  Auvergne  certaine  raines  of  silver,  wliich  they  hope 
hère  will  prove  very  bénéficiai.  The  King  hereupon  is  about  a  règlement 
genei'aliy  for  ail  the  mines  in  France,  deterraining  to  take  them  ail  into 
his  own  hands,  and  to  content  the  proprietors  with  a  certayne  portion, 

3 


34  MINES. 

naissent  expressément,  au  contraire,  le  droit  des  proprié- 
laires  d'exploiter  eux-mêmes,  ils  les  obligent  seulement  à  le 
faire  sous  la  surveillance  du  contrôleur  ctMiéral  des  mines, 
dans  les  conditions  fixées  par  le  grand  maître,  et  à  faire 
apposer  une  marque  sur  les  produits.  Les  mines  énumérées 
par  l'article  2  ne  sont  pas,  comme  l'insinue  deThou,  celles 
dont  l'édit  laisse,  par  exception,  l'exploitation  auxproprié- 
taires,  mais  celles  sur  lesquelles  le  roi  renonçait  à  son 
droit  du  dixième.  On  peut  seulement  conclure  de  l'ar- 
ticle 21,  en  le  rapprochant  d'un  arnH  du  conseil  du 
14  mai  UiOi  dont  nous  parlerons  plus  lard,  que  l'Etat  a 
qualité  pour  se  substituer  dans  l'exploitation,  au  bout  d'un 
certain  temps,  au  propriétaire  négligent. 

Le  haut  personnel  créé  par  ledit  se  composait  d'un 
grand  maître  surintendant,  d'un  général  réformateur  en 
titre  d'office,  d  un  lieutenantgénéral  conseiller  du  roi,  d'un 
contrôleur  général  et  d'un  greffier.  Tous  ces  officiers  tou- 
chaient des  gages  fixes  et  des  vacations.  L'ambassadeur 
Neville  '  dit  que  Sully,  par  l'intérêt  passionné  qu'il  portait 
à  l'industrie  minière,  semblait  désigné  pour  la  charge  de 
grand  maître  surintendant.  Ce  fut  pourtant  à  Roger  de 
Saint-Lary,  duc  de  Bellegarde,  qu'elle  fut  donnée.  Celle  de 
lieutenant  général  échut  à  Martin  Ruzé,  sieur  de  Beaulieu, 
secrétaire  d'Étal.  Pierre  lieringben,  premier  chambellan, 
fut  nommé  contrôleur  '.  Le  Parlement  n'enregistra  l'édit 
qu'à  la  suite  de  lettres  de  jussion  répétées  ^  Un  arrêt  du 
conseil  du  14  mai  1604  le  confirma  et  le  compléta  en  forti- 

proportionable  to  the  profit  that  shall  arise,  and  so  to  nianage  ail  by  his 
own  ofOcers,  a  niatter  which  is  like  to  be  very  offensive.  The  edict  I  hâve 
seen  as  ys  drawn  but  yt  is  not  yet  passer]  the  Pailiament.  .Mr.  de  Rosny 
affects  the  niatter  niuch,  and,  if  it  proceed,  is  like  to  be  ,i.^reat  niasler  or 
superintendant  of  ail  the  mines  in  France.  (II.  Xeville  à  Cecill,  20  août  15!)9 
{o..  s.).  Sir  Ralph  \V iuwood' s  Memorials  of  affairs  of  stale.  Lonûon,  1726,1,  0:3.) 

1.  l'Iii  supra. 

2.  Tfiuani  Historia,  loc.  cil. 
'.].  Lettres  miss.,  VI.  C7I . 


MINES.  35 

fianl  le  contrôle  de  l'Etat  et  en  s'occupant  du  sort  des  ou- 
vriers. Le  trentième  du  produit  net  fut  consacré  à  leur 
assurer  les  secours  spirituels  et  matériels,  dont  ils  étaient 
souvent  privés  par  l'isolement  des  mines  en  pleine  cam- 
pagne ;  des  aumôniers  et  des  médecins  furent  attachés  à 
l'exploitation.  Si,  dans  le  mois  de  la  concession,  l'exploi- 
tation n'était  pas  commencée,  le  grand  maître  pouvait 
transférer  la  concession  à  d'autres.  La  suspension  du  travail 
exposait  aussi  les  concessionnaires  à  la  déchéance.  Ils  de- 
vaient faire  connaître  les  nomsde  leurs  associés,  quinepou- 
vaientcéder  leurs  parts  sans  en  aviser  le  grand  maître  et  le 
lieutenant.  Ils  étaienttenus  de  nommer, pour  diriger  l'exploi- 
tation, un  gérant  qui  était  responsable  envers  l'Etat.  Ils  ne 
pouvaient  enfin  abandonner  l'exploitation  sans  prévenir  le 
grand  maître  ou  le  lieutenant  particulier. 

L'arrêt  renouvela  l'obligation  de  faire  apposer  sur  tous 
les  produits  la  marque  du  premier.  Il  établit,  au  profil  des 
ouvriers  et  des  fournisseurs,  un  privilège  sur  les  autres 
créanciers  Ce  privilège  primait  même  le  droit  du  roi.  Il 
créa  un  fondeur,  essayeur  et  affineur  général  ;  précédem- 
ment le  fondeur  était  un  agent  des  compagnies  et  les  droits 
du  roi  étaient  sacrifiés.  Comme  l'avait  fait  déjà  ledit  d'oc- 
tobre 1552,  il  désintéressait  les  seigneurs  hauts-justiciers 
et  fonciers  en  leur  accordant  une  part  d'entrepreneur  et 
attirait  les  étrangers  experts  en  les  aft'ranchissant  du  droit 
d'aubaine  \ 

Cette  législation,  qui  conciliait  le  droit  de  propriété  et 
l'intérêt  public,  était  bien  conçue  et  elle  aurait  développé 
la  production  minière,  si  les  mines  avaient  été  plus  abon- 
dantes en  France,  si  le  rendement  avait  mieux  récompensé 
les  efforts  et  les  dépenses  des  entrepreneurs,  si  les  ouvriers 
n'avaient  pas  été  rebutés  par  un  travail  pénible.  Mais  les 

1.  Lamé  Fleury,  p.  87. 


36  OLIVIER   DE  SERRES. 

richesses  de  notre  sous-sol  étaient  encore  moins  considé- 
rables alors  qu'au jourd'liui,  puisque  le  bassin  houiller  de 
nos  départements  du  JNord  ne  faisait  pas  partie  du  terri- 
toire. L'ambassadeur  vénitien,  Yendramin,  constate  en  1600 
que  la  France,  qui  abonde  en  richesses  naturelles  de  toutes 
sortes,  manque  de  mines'.  Ce  n'est  pas  que  les  gisements, 
an  vient  de  le  voir,  ne  fussent  assez  nmltipliés,  mais  ils 
n  étaient  pas  assez  productifs,  même  pour  couvrir  les  frais. 
J.-A.  de  Thou  déclare  que  les  entrepreneurs  ne  pouvaient 
s'en  tirer  qu'en  condamnant  les  ouvriers  à  un  régime 
excessivement  frugal.  Les  ouvriers  français,  habitués  à  une 
vie  douce  et  aisée,  ne  purent  se  faire  à  ce  régime,  non  plus 
qu'aux  fatigues  et  au  péril  d'un  pareil  travail.  On  fit  venir 
des  Allemands,  mais  ils  s'en  dégoûtèrent  aussi  dès  qu'ils 
connurent  l'existence  plus  large  et  plus  facile  que  leur 
olfrait  notre  pays  '. 

iSous  venons  de  montrer  ce  que  fit  ou  tenta  de  faire 
Henri  IV  pour  l'agriculture.  Il  fut  secondé,  dans  cette 
partie  de  son  œuvre,  non  seulement  par  Sully  mais  par  le 
premier  en  date  de  nos  agronomes,  par  un  homme  dont 
l'inlluence  a  contribué  au  succès  de  certaines  cultures 
particulières  et  à  la  propagation  du  goût  et  de  la  science 
de  l'agriculture  en  général. 

Olivier  de  Serres^  appartenait  à  une  famille  protestante 
originaire  d'Orange,  où  elle  possédait  la  Tour  des  Serres. 
ISé  à  Villeneuve-de-Berg,  il  était  le  frère  aîné  de  Jean  de 
Serres,  pasteur  et  auteur  de  VInventaire  de  riiistoire  de 
France^  c'est-à-dire  de  l'un  des  meilleurs  ouvrages  histo- 
riques  de    ce    temps.   Il  nous   apprend  lui-même  *  qu'il 

1.  Albeki,  I,  série  iv,  4S9. 

"l.  Thuani  llistoria,  \l,  lôG,  o?ino  1603. 

3.  Voy.  sur  lui,  outre  le  travail  de  Gasparin,  Journal  d'agric.  prat.,  2"  série, 
tome  111  et  l'éloge  de  François  de  Neufchâteau,  le  livre  de  iM.  Vaschalde, 
188«,  8. 

•i    Préface  du  Thé  Aire  (Vayric. 


THÉÂTRE    d'agriculture.  37 

passa  le  temps  des  guerres  civiles  à  cultiver  ses  terres,  à  se 
livrer  à  des  expériences  agricoles,  à  étudier  les  livres 
d'agriculture.  Ce  qu'il  ne  nous  dit  pas,  c'est  qu'avant  de  se 
consacrer  exclusivement  à  faire  valoir,  il  avait  [)ris  une 
part  active,  quoique  courte  et  limitée,  aux  guerres  reli- 
gieuses. Ce  fut  à  lui  que  les  protestants  durent  de  reprendre 
Villeneuve-de-Berg,  qui  avait  été  occupée  par  les  catho- 
liques. 

Comme  agriculteur,  il  se  distingua  surtout  par  l'irriga- 
tion du  Pradel,  domaine  situé  en  Yivarais  qu'il  tenait  de 
sa  femme,  Marguerite  d'Arcons,  et  par  l'extension  de  la 
culture  du  mûrier.  Mais  tout  ce  qu'il  fit,  soit  par  ses  essais, 
soit  par  ses  écrits,  pour  la  propagation  du  mûrier,  nous  le 
rattacherons  à  l'industrie  des  soieries  et  nous  en  parlerons 
plus  tard.  Nous  ne  nous  occuperons  pas  non  plus  ici  du 
traité  qu'il  a  intitulé  :  La  seconde  richesse  du  mûrier  blanc 
(1603),  parce  que  ce  traité  a  pour  objet  l'application  indus- 
trielle de  l'écorce  du  mûrier  et  est,  par  conséquent, 
étranger  à  l'agriculture.  C'est  aux  connaissances  agricoles 
dont  il  fit  preuve  dans  son  grand  ouvrage,  aux  préceptes 
qu'il  y  traça,  à  l'influence  exercée  par  cet  ouvrage  que  nous 
devons  nous  attacher. 

Ce  qui  rend  le  Théâtre  cV agriculture  très  supérieur  aux 
traités  qui  l'avaient  précédé,  c'est  qu'au  lieu  d'être  un 
recueil  de  recettes  en  partie  fantaisistes,  il  est  le  fruit  à  la 
fois  de  l'étude  des  agronomes  anciens  et  modernes  et  de 
l'expérience.  Il  est  divisé  en  huit  lieues  ou  livres.  Dans  le 
premier,  l'auteur  indique  les  considérations  qui  doivent 
guider  pour  le  choix  d'un  terrain,  la  distribution  de  la 
maison,  l'administration  du  «  ménage  ».  Le  second  s'oc- 
cupe de  la  culture  des  céréales  et  des  légumes.  Le  troisième 
traite  de  la  vigne,  du  vin  et  des  autres  boissons,  le  qua- 
trième des  pâturages  et  du  bétail,  le  cinquième  de  la  vo- 
laille, de  l'élève  des  vers  à  soie,  de  l'emploi  de  l'écorce  du 


38  THEATRE   D'AGRICULTURE. 

mûrier,  le  sixième  des  jardins  et  vergers,  le  septième  de 
leau  et  du  bois,  le  huitième  de  l'emploi  de  tout  ce  que 
fournil  le  domaine  rustique  pour  l'alimentation,  l'habille- 
ment, le  mobilier,  la  lumière,  le  traitement  des  maladies 
des  hommes  et  des  animaux.  On  voit  que  l'ouvrage  est  un 
traité  d'économie  domestique  autant  que  d'agriculture. 
C'est,  il  faut  le  répéter,  une  œuvre  originale  en  même 
temps  que  fondée  sur  la  tradition. 

M.  de  Gasparin  y  signale  particulièrement,  parmi  les 
choses  nouvelles,  le  conseil  de  commencer  les  travaux  de 
la  jachère  immédiatement  après  la  moisson,  celui  d'ameu- 
blir le  sol  par  le  brùlement  des  chaumes,  celui  d'ouvrir 
les  travaux  par  un  labour  léger.  C'est  dans  Olivier  de  Serres 
qu'on  trouve  la  description  la  plus  méthodique  et  la  plus 
exacte  de  la  jachère.  C'est  lui  qui  a  le  premier  fait  ressortir 
la  nécessité  périodique  des  défoncements  profonds,  c'est  à 
lui  qu'on  doit  la  distinction  capitale  des  plantes  épuisantes 
et  de  celles  qui  ne  le  sont  pas,  véritable  fondement  d'une 
bonne  théorie  des  assolements.  Il  s'est  fait  le  patron  et 
l'avocat  de  cultures  peu  répandues  de  son  temps:  le  maïs, 
le  houblon,  la  betterave  récemment  importée  d'Italie  et 
dont  il  signale  le  «  jus...,  semblable  à  syrop  de  sucre  » 
sans  se  douter  du  parti  que  notre  siècle  devait  tirer  de  cette 
propriété,  la  garance,  le  sainfoin,  l'esparcette  peu  cultivée 
en  dehors  des  environs  de  Die,  le  riz  qu'on  récoltait  en 
petite  quantité  dans  notre  pays  et  que  nous  recevions  du 
Piémont  et  des  Indes'.  Il  recommande  le  soufrage  de  la 
vigne  ^  Il  pressent  les  nuages  artificiels  ^ 

Le  succès  du  Théâtre  cV agriculture  fut  considérable. 
Publié  en  IGOO  il  eut,  jusqu'en  4675,  dix-neuf  éditions'. 

1.  p.  H*. 

2.  Litf  m,  chap.  V. 
:i.  P.  250-200. 

■i.  D'après  .M.  de  Kalloux,  l'ouvrage  d'OI.  de  Serres  aurait  été  négligé  sous 
Louis  XIV  et  n'aurait  retrouvé  la  faveur  du  public  que  sous  Louis  XVI  et 


THÉÂTRE  n'AGRICULTURE.  39 

Ce  succès  et  l'autorité  qu'il  consacrait  survécurent  à  l'an- 
cien régime.  En  1804,  à  une  époque  qui  présentait  avec 
celle  où  il  avait  fait  son  apparition  plus  d'une  analogie,  le 
gouvernement  consulaire,  estimant  qu'il  pouvait  ranimer  et 
propager  le  goût  de  l'agriculture,  le  faisait  réimprimer  à  Tlm- 
primerie  nationale  avec  les  commentaires  des  plus  savants 
agronomes  du  temps.  Les  nombreux  lecteurs  qu'il  trouva  au 
.wn*"  siècle  et  dont  le  plus  éminent  fut  Henri  IV  lui-même  qui, 
trois  ou  quatre  mois  durant,  se  le  faisait  lire  pendant  une 
demi-heure  après  son  diner,  ses  cinq  réimpressions  de  IGOO 
à  1610  donnent  le  droit  d'affirmer  qu'il  exerça  sur  l'agri- 
culture une  sérieuse  intluence.  Mais  il  faut  s'en  tenir  à 
cette  vérité  générale;  il  serait  téméraire  de  lui  attribuer 
directement  l'adoption  de  cultures  et  de  méthodes  nou- 
velles. 11  faut  se  rappeler  combien,  surtout  en  agriculture, 
les  innovations  sont  lentes  à  prévaloir,  et  l'histoire  doit 
résister  à  la  tentation  de  donner  une  origine  et  une  date 
.  précises  à  des  découvertes,  à  des  progrès  dont  la  théorie 
et  l'exemple  ont  souvent  précédé  de  bien  loin  le  triomphe. 

C'est  la  réalité  des  choses,  telle  qu'elle  ne  se  trouve  ni 
dans  les  textes  de  lois  *  ni  dans  des  ouvrages  le  plus  sou- 
vent en  avance  sur  leur  temps,  qu'il  faut  maintenant  es- 
sayer de  saisir  et,  pour  le  faire,  pour  caractériser  l'état 
social  et  économique,  l'esprit  et  les  mœurs  des  classes 
rurales,  pour  déterminer  les  méthodes  et  les  pratiques 
suivies  par  l'agriculture,  nous  nous  placerons,  autant 
que  possible,  dans  cette  période  qui,  tout  en  se  ressentant 
de  l'anarchie  qui  l'avait  précédée,  a  donné  à  l'activité  du 
pays  la  sécurité  dont  elle  a  besoin. 

grâce  à  l'abbé  Rozier,  l'auteur  du  Traité  d'açjvicuUure.  Notice  sur  Olivier  de 
Serres  dans  Mémoires  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Angers,  184:j. 
1.  11  faut  avoir  toujours  présent  à  l'esprit  cet  adage  du  xvi^  siècle  d'une 
mélancolie  résignée  :  Le  laboureur  n'a  rien  à  soy  et  si  avons  nous  prou  de 
lois. 


40  AGRICrLTL'RE   ET   NOBLESSE    HL'HALE. 

La  France  était  alors  par  excellence,  bien  pins  encore 
(praujoiirdhiii,  un  pays  agricole.  La  pacification  du  pays 
avait  fait  refluer  vers  les  campagnes  la  population  rurale 
qui,  pour  sauvegarder  ses  biens  et  sa  vie,  s'était  agglo- 
mérée dans  les  villes.  La  terre  laissée  en  friche  ou  cultivée 
dune  façon  irrégulière,  réservait  aux  bras  qui  lui  étaient 
rendus  une  fécondité  nouvelle.  Malheureusement  elle  ne 
pouvait  guère  conij)ter  que  sur  des  bras.  Comme  l'indus- 
trie, comme  le  commerce,  l'agriculture  soutirait  de  la  pré- 
férence du  capital  pour  certains  placements  mobiliers.  La 
multiplicité  et  le  caractère  occulte  des  hypothèques,  l'es- 
pèce d'indivision  qui  grevait  la  propriété  effrayaient  le 
crédit'.  On  ne  trouvait  à  emprunter  sur  biens-fonds  qu'à 
force  de  cautions  et  à  un  taux  usuraire  -.  La  propriété  était 
<léjà  beaucoup  plus  divisée  qu'on  ne  l'a  cru  pendant  long- 
temps''. 

Les  grands  propriétaires  appartenaient  aux  trois  classes 
de  la  société,  noblesse,  clergé,  bourgeoisie  dans  une  pro- 
portion qui  s'accroissait  au  profit  de  cette  dernière.  La  no- 
blesse, remplie  de  cadets  exclus  ou  à  peu  près  de  la  suc- 
cession paternelle,  était  en  majorité  peu  aisée.  La  pauvreté 
des  gentilshommes  de  Bcauce  était  proverbiale.  «  Gentil- 
homme de  Beausse,  il  est  au  lit  pendant  qu'on  raccommode 
ses  chausses».  Leur  régime  était  à  l'avenant  de  leur  gar- 
derobe,  et  c'était  un  dicton  qu'ils  déjeunaient  de  l'air 
du   t('m|is'.    Ceux   de  Bretagne  n'étaient  pas  moins  misé - 

1.  Dakesth,  Histoire  des  classe.'f  agric,  301. 

1.  Lakfemas,  Remontrances  en  forme  d'édit,  art.  xvii. 

3.  Pour  la  Provence  voy.  De  Hibbes,  Les  familles  et  la  société  en  France 
Pour  la  Bret8f.'ne  Du  Ciiatellier  et  Dlply,  Ilist.  de  la  réunion  de  la 
Hretar/ur,  II.  :;r.».  Pour  la  Touraine  et  la  région  du  Cher  l'abbé  Cheva- 
lAEK,  Annales  de  tu  Société  d'agriculture,  sciences,  arts  et  h.-lellres  d'Indre- 
et-Loire,  XXXIX  (I8G()  et  Mémoires  de  la  Société  archéolor/ique  de  Touraine, 
XVII  (ISG.'j)  p.  M*.  Pour  le  Perche  La  Jo.nqlière,  De  la  division  de  la 
propriété  territoriale  dan.^  le  Perche.  Bulletin  de  la  Société  historique  elarch. 
de  l'Orne,  II  ^1883). 

i.  Le  Rolx  de  LtxcY,  Prov.  fraiir.  :  «  En  mémoire  de  quoy,  cncores  de 


NOBLESSE   RUUALE.  41 

rables'.  Beaucoup  de  revenus  seigneuriaux,  qui  autrefois 
étaient  payés  en  nature,  ayant  été  convertis  en  argent,  avaient 
subi  la  dépréciation  qui,  depuis  l'augmentation  de  la  cir- 
culation monétaire,  avait  avili  les  espèces.  Une  partie  de 
la  noblesse  cherchait,  sans  scandaliser  personne,  des  res- 
sources dans  les  atTaires,  patronant  et  commanditant  des  en- 
treprises industrielles",  vendant  son  influence  aux  traitants, 
s'associant  à  leurs  baux  avec  l'encouragement  du  pouvoir 
qui  exemptait  de  pareilles  associations  de  la  dérogeance  % 
hasardant  dans  les  spéculations  son  honneur  et  ses  capi- 
taux. «  En  ce  temps-là,  écrit  un  contemporain,  l'on  ne  par- 
lait que  de  banqueroutiers  à  la  cour*.  »  Cette  classe  était 
partagée  entre  deux  tendances.  Les  traditions,  la  nécessité 
de  l'épargne,  le  rang  et  l'autorité  qui  leur  y  étaient  dévolus, 
retenaient  le  plus  grand  nombre  dans  leurs  terres ^  Ils  y 
vivaient  des  produits  de  leur  cru,  s'y  complaisaient  dans 
la  jouissance  de  leurs  droits  honorifiques  et  utiles  et  ne  les 
quittaient  que  pour  passer  quelques  mois  d'hiver  à  la  ville 
voisine,  dans  l'hôtel  délabré  de  famille  ^  Le  type  accompli 
de  ces  gentilshommes  campag-nards,  c'est  Olivier  de  Serres  : 
«  Mon  inclination  et  Tétat  de  mes  affaires,  nous  apprend-il 

présent,  les  gentilshommes  de  Beauce  desjeuneut  de  baisler  et  s'en  trou- 
vent fort  bien  et  n'en  crachent  que  mieulx.  »  Rabelais,  Gargantua,  I,  xvi  : 
<  Et  desjeuner  tous  les  matins  —  Comme  les  escuiers  de  Beauce  ».  Coquil- 
LAUT,  Monolofjiie  des  perruques. 

1.  Du  Chatelier,  Vuçiriciillure  et  les  classes  ar/ricoles  en  Bretagne. 

2.  «  ...  L'acte  de  l'association...  entre  le  sieur  de  Serbaude  tant  pour  lui 
que  pour  un  seigneur  notable  de  ses  amis  et  aucuns  ses  associés...  »  Arrêt 
du  conseil  du  G  mars  lUlO.  Arch.  nat.  Brevet  accordé  par  le  roi,  le  28  sep- 
tembre 1596,  au  vidame  de  Chartres  et  à  Saint-Germain  d'Apchon  pour 
l'exploitation  d'une  invention  destinée  à  faire  de  l'acier.  Bulletin  du  Comité 
de  la  langue,  de  l'histoire  et  des  arts.  III  (1855-56).  p.  302.  Savary,  Parfait 
négociant,  \,  162.   Dictionnaire  du  commerce,  v»  Société. 

■i.  Arrêt  du  conseil  du  10  décembre  1605.  Bibl.  nat.  franc.,  181G9  fol.,  65. 
Articles  du  bail  de  la  table  de  mer  de  Marseille  arrêtés  au  conseil  le 
14  août  1608.  Arch.  nat.  Collection  des  arrêts  du  conseil. 

4.  Mercure  franc.,  année  1609,  fol.  341. 

5.  Relations  de  Badoer,  I,  85,  87,  de  Gussoni  et  Nani,  I,  454.  de  Duodo. 
Alberi,  Append.,  81,  102.   Théâtre  d'agriculture,  II,  774. 

G.  Mémoires  de  J.  A.  de  Thou,  1582.  Coll.  Michaud,  XI,  210,  341. 


42  NOBLESSE  RLRALE. 

lui-même,  mont  retenu  aux  cliamps,  en  nui  maison  et 
faict  ])asser  une  bonne  partie  de  mes  meilleurs  ans,  durant 
les  guerres  civiles  de  ce  royaume,  cultivant  ma  terre  par 
mes  serviteurs,  comme  le  temps  la  peu  porter*.  »  Le 
genre  de  vie  adopté  par  Olivier  de  Serres  et  par  d'autres 
propriétaires  de  la  même  classe  était  encouragé  par  le  roi, 
par  Sully,  par  l'opinion.  L'attrait  de  la  cour,  les  perspec- 
tives de  fortune  qu'elle  pouvait  oltrir  et,  par  exemple, 
dune  de  ces  pensions-,  que  le  roi,  si  ménager  pourtant  de 
l'argent  de  la  France,  n'hésitait  pas  à  multiplier  sauf  à  les 
supprimer  au  premier  acte  de  désobciissance,  décidaient 
les  autres  à  laisser  leurs  terres  à  des  fermiers  et  à  partir 
pour  Paris  ou  Fontainebleau  sans  autre  équipage  que  deux 
ou  trois  laquais ^  Mais  ni  le  roi,  ni  Sully  n'aimait  les  qué- 
mandeurs, et  plus  d'un  de  ces  barons  de  Fœneste,  après 
avoir  diverti  le  Louvre  par  s(;s  allures  provinciales,  reve- 
nait désenchanté  au  manoir  patrimonial.  Ceux  qui  avaient 
su  résister  à  la  tentation  de  le  quitter,  qui,  disposant  d'un 
revenu  de  2000  à  12  000  livres,  avaient  été  assez  sages  pour 
préférer  la  vie  large  ou  fastueuse  qu'il  leur  assurait  à  la 
campagne,  aux  embarras  qu'il  n'aurait  pu  leur  éviter  à  la 
suite  du  roi,  ceux-là  exerçaient  par  leur  patronage,  pur 
l'exemple  d'une  culture  mieux  entendue,  une  influence 
très  salutaire.  Ce  n'est  pas  que  tous  eussent  désappris  les 
habitudes  violentes  ou  grossières  que  les  guerres  civiles 


I.  Tht'dtre  d'af/ricitUure,  Préface. 

i.  Leur  chillre  annuel  dépassait  un  million  d'écus  (10  113110  fr.  12).  Rela- 
tion de  G.  Carew  (HUiO),  p.  4:t4. 

3.  «  ...  those,  who  are  anywise  eniinent  for  niilitary  or  civil  ableness, 
he  bindeth  them  to  this  obsequiousness  bj'  givinf,'  theiu  pensions  (of 
which  there  are  a  great  number  and  well  paid)  so  long  as  they  continue 
in  their  dutifulness.  But  upon  the  least  disobedience  they  arc  sure  to  hâve 
their  pensions  stopt,  which  uiaketh  thcni  vcry  careful  not  to  do  any  thing 
against  lus  will...  they  abnndont  heir  country  habitation  and,  with  two  or 
three  lackeys  to  attend  them,  follow  tlie  court.  .  their  possessions 
remaining  in  the  hands  of  their  farmers,  who  pay  ail  taxes  and  yield  their 
landlords  su  much  the  less  rent...  »  Relation  de  G.  Carew,  437. 


CLERGÉ.  43 

avaient  développées.  Les  meurtres,  les  duels  qui  n'étaient 
quelquefois  que  des  assassinats  déguisés,  les  rapts,  la  fabri- 
cation de  la  fausse  monnaie,  le  faux  saunage  armé, 
l'oppression  capricieuse  ou  systématique  des  vilains, 
l'ivrognerie  venaient  attester  chez  un  certain  nombre  la 
persistance  d'instincts  héréditaires  endurcis  au  fou  des 
luttes  intestines  et  encouragés  par  de  grandes  chances 
d'impunité  :  «  Jésus!  »  pourra  dire  encore  douze  ans  plus 
tard  la  femme  d'un  conseiller  au  Chàtelet,  «  que  les  grands 
seigneurs  sont  heureux  dans  les  petites  villes!  Ils  entre- 
prennent tout  sans  contredit.  Si  le  bon  seigneur  avait  fait 
cela  à  Paris,  il  serait  au  Chàtelet  il  y  a  longtemps'.  »  Les 
archives  criminelles,  les  chroniques  locales  nous  réservent 
sans  doute  la  découverte  de  hobereaux  du  genre  de  cet 
Hercule  d'Angilemont  qui,  alors  que  les  guerres  civiles 
n'étaient  plus  qu'un  douloureux  souvenir,  continuait,  de 
ses  châteaux  de  Caumont  et  de  Fronsac,  à  rançonner  les 
bateaux  qui  passaient  sur  la  Garonne  et  la  Dordogne  et  se 
mettait  cyniquement  au-dessus  des  lois-. 

Le  clergé  était  encore  le  plus  grand  propriétaire  foncier 
du  royaume.  Mais,  précisément  à  cause  de  sa  richesse  et 
sous  prétexte  de  l'intérêt  religieux  engagé  dans  la  guerre, 
nos  rois  l'avaient  largement  saigné,  lui  avaient  souvent 
imposé  des  décimes  et  des  dons  gratuits,  avaient  gagé  sur 
ses  biens,  déjà  assignés  au  payement  des  rentes  de  l'hôtel 
de  ville  de  Paris,  des  emprunts  s'élevant  à  300  ou 
400  000  écus^  (2849859  fr.  48  et  3  799812   fr.   64).   Le 


1.  Caquets  de  raccoiichée,  l'i2.  Est-il  besoin  de  rappeler  les  crimes  dont 
l'Auvergne  était  le  théâtre  cinquante  ans  plus  tard  et  dont  les  mémoires  de 
Fléchier  sur  les  Grands  Jours  nous  ont  conservé  le  souvenir? 

2.  Tamizey  de  Larroque,  Hercule  d'Angilemont,  1890.  Cf.  Robiou,  Essai 
sur  la  littérature  et  les  mœurs  dans  la  première  moitié  duxvii^  siècle,  p.  21!) 
et  suiv.  Gachon,  Les  États  de  Languedoc,  p.  13. 

3.  Relation  de  Duodo,  111-112.  Sous  l'influence  des  passions  anticléricales, 
l'idée  de  conflsquer  ses  biens  et  de  les  remplacer  par  une  pension  égale  à 
leur  revenu  s'était  même  produite.   Un  capitoul    de  Toulouse,   Terlon, 


44  l'ETlTS  CULTIVATEUHS   :    LE  SERVAGE. 

clergé  ilu  diocèse  de  Laon,  par  exemple,  avait  éU'  réduit 
au  plus  grand  dciiueinenl;  il  avait  été  obligé  d'engager  ou 
de  vendre  à  vil  prix  ses  propriétés  et  il  ne  mit  guère  moins 
d'un  demi-siècle  à  réparer  ses  pertes  '.  Les  biens  affectés  au 
culte,  ceux  qui  composaient  les  menses  épiscopales,  capi- 
tulaires,  abbatiales,  conventuelles  avaient  souffert  des 
spoliations  commises  par  les;  protestants  et  môme  par  les 
catholiques,  ainsi  que  de  la  gestion  de  mandataires  insou- 
ciants ou  avides-.  Grâce  à  la  mainmorte,  grâce  à  des 
règles  et  à  des  traditions  d'administration  excellentes,  c'était 
encore  pourtant  dans  le  clergé  qu'on  trouvait,  en  même 
temps  que  les  plus  grands  domaines,  l'administration  la 
mieux  entendue. 

Autour  de  ces  grands  propriétaires  et  dans  des  liens 
étroits  avec  eux  se  groupait  une  population  de  tenanciers 
et  de  mercenaires.  Le  régiîne  foncier  qui  unissait  les  pre- 
miers et  la  seconde  était  une  sorte  d'indivision,  de  copro- 
priété, où  l'on  distingue  d'une  part  l'ancienne  directe,  de 
l'autre  des  obligations  et  des  droits  contractuels.  C'est  par 
suite  de  la  directe,  c'est  à  titre  d'ancien  niainmorlable  que 
le  vilain  était  soumis  au  chef  cens,  aux  corvées,  aux  bana- 
lités, à  la  Justice  :  c'est  en  qualité  de  fermier  et  de  colon 
partiaire  qu'il  devait  la  rente  ou  la  quotité  du  produit 
stipulée  parle  contrat. 

Le  servage  subsistait  encore  dans  certaines  provinces,  en 
liourbonnais,  en  Nivernais,  par  exemple,  mais,  miné  de- 
puis de  longs  siècles  par  les  faits  et  les  idées,  dans  l'ordre 

piésentîi  un  projet  dans  ce  sens  aux  États  de  Languedoc  de  loi»'.)  et  1.->G0. 
MéT7ii>ires  île  Ikunon,  coll.  Michaud,  I,  VJII.  (ill. 

I.  EiiquiHe  sur  la  situation  de  ce  clergé  en  l.")!)G,  p.  p.  .Matton. 

•2.  As  for  ttie  clergymann...  they  live  not  so  wealthiley  at  ttiis  day  as 
tlicir  predecessors  hâve  done.  Carew,  p.  4:59.  «  ...  essendo  la  nobiltà  rovi- 
nata  pcr  le  guerre  passate  ed  il  clero  niedesimaniente  per  l'istessa  causa, 
roniinciando  questo  da  poco  in  qiia  a  ristorarsi...  iJAooEn,  8,'».  Les  édits  de 
capitulation  deTroyes,  de  Sens,  de  Laon,  de  Château-Thierry,  déchargèrent 
les  ecclésiastiques  des  décimes  arriérés.  P.  Cayet,  ô78-57t),  .")81,  .')8i. 
Voy.  aussi  les  nombreux  arrêts  accordant  des  remises  de  décimes. 


FERMAGE   ET   MÉTAYAGE.  45 

(les  faits  par  l'extension  continue  des  défrichements  et  le 
besoin  croissant  de  bras,  dans  l'ordre  des  idées  par  la  con- 
viction de  la  supériorité  du  travail  libre  sur  le  travail  ser- 
vi le,  il  n'était  plus  qu'une  exception.  La  situation  écono- 
mique du  petit  cultivateur  n'était  pas  moins  avantageuse 
que  son  statut  personnel.  Débiteur  de  cens  et  de  rentes  en 
argent,  producteur  agricole,  c'était  lui  qui  profitait  de 
l'abaissement  de  la  valeur  monétaire  et  de  l'élévation  du 
prix  des  denrées.  Enfin  il  était,  ainsi  qu'on  va  le  voir, 
protégé  contre  l'éviction  par  des  baux  do  longue  durée. 

Le  fermage  et  le  métayage  ne  doivent  pourtant  pas  être 
rangés  dans  cette  catégorie,  car  ils  ne  dépassaient  pas  neuf 
ans,  c'est-à-dire  la  période  au  delà  de  laquelle  les  baux 
devenaient  emphytéotiques  et  étaient  considérés  par  les 
jurisconsultes  comme  entraînant  translation  du  domaine 
utile  et  perception  des  lods  et  ventes  ^  Le  preneur  pouvait, 
on  donnant  caution,  ne  payer  le  fermage  qu'à  la  fin  de 
l'année;  à  défaut  de  caution,  il  payait  par  quartier-,  Olivier 
de  Serres^  conseille  de  passer  le  bail  par-devant  notaires. 
D'après  le  droit  canon,  l'Eglise  ne  pouvait  s'en  dispenser, 
pas  plus  qu'elle  ne  pouvait  louer  ses  terres  pour  plus  de 
trois  ans  '. 

Le  métayage  était  plus  répandu  que  le  fermage,  surtout 
dans  le  Midi  et  il  devait  conserver  cette  préférence  jusqu'à 
la  lin  de  l'ancien  régime.  Dans  certaines  provinces  pour- 


1.  «  ...  Nous  tenons  l'opinion  des  vieils  interprètes  que  tout  bail  qui  se 
fait  à  plus  de  neuf  ans,  transfère  la  seigneurie  utile...  »  Loyse.\u,  De  la 
dislinclion  des  rentes,  liv.  I,  chap.  v,  §  8.  Voy.  les  baux  de  la  ferme  de 
Villeroy  de  l.âlO  à  1609  dans  1'  Append.  des  études  hist.  su?'  l'administration 
de  l'agriculture  en  France,  par  .M.^uguin 

2.  Pierre  de  Loulle,  Le  Digeste  du  droit  et  pratique  de  France,  1(510,  liv.  X, 
tit.  V. 

3.  I,  53. 

4.  »  Le  louage  des  immeubles  ne  se  peut  faire  que  pour  neuf  ans  des  biens 
séculiers  et  trois  des  ecclésiastiques.  »  P.  de  Louile,  Op.  laud.  C'était 
neuf  ans  que  les  baux  de  biens  ecclésiastiques  ne  devaient  pas  dépasser, 
d'après  l'ordonnance  de  Blois  (1579).  Is.\mbert,  xiv-iOl. 


46  BAIL  A  COMPLANT  ET  BORDELAGE. 

faut  il  faisait  place  au  fermage.  C'est  ce  qui  arriva  dans 
l'une  (les  plus  riches  du  royaume,  la  Normandie.  La  terre 
V  augmentait  beaucoup  de  valeur,  les  cultivateurs  y  avaient 
acquis  une  aisance  ([ui  leur  pernicllail  d'eu  oITrir  un  prix 
plus  élevé  et  de  suj)porter  les  avances  de  sa  mise  en  valeur  ; 
les  propriétaires  purent  dès  lors  substituer  au  loyer  en 
nature  un  loyer  en  argent,  en  même  temps  qu'ils  met- 
taient à  la  charge  des  preneurs  les  frais  de  certains  amen- 
dements*. Cette  augmentation  ne  fut  pas  d'ailleurs  particu- 
lière à  la  INormandie,  elle  fut  générale  de  IGOO  à  la  lin 
du  règne  et  même  an  delà  et  correspondit  à  la  hausse 
croissante  des  produits  agricoles  et  des  fermages-. 

Le  bail  à  complant  était  adopté  pour  les  lignes  dans  le 
Poitou,  l'Anjou,  le  Maine,  la  Saintonge,  l'Aunis,  le 
Nivernais  et  le  Dauphiné^  Par  ce  contrat  le  preneur 
sengageait  à  mettre  ou  à  entretenir  un  vignoble  en  valeur 
et  à  fournir  au  bailleur  une  certaine  quantité  de  fruits  ; 
souvent  le  premier  devenait,  au  bout  de  cinq  ou  de  sept  ans, 
propriétaire  de  la  moitié.  S'il  entretenait  avec  négligence, 
il  pouvait  être  évincé.  Dans  certaines  parties  de  cette  région, 
la  propriété  était  considérée  comme  transférée  au  preneur, 
dans  d'autres  elle  restait  au  bailleur,  ailleurs  la  question 
était  controversée.  Ce  qui  est  plus  important  pour  nous  que 
ces  distinctions  juridiques,  c'est  le  stimulant  que  le  bail 
à  complani  ne  pouvait  manquer  de  provoquer  chez  le 
preneur. 

Le  bordelage  était  la  tenure  propre  au  Nivernais.  «  Plus 
des  trois  parts  des  héritages,  nous  apprend  son  juriscon- 
sulte Coquille,  tant  es  villes  qu'aux  chanq)s,  sont  tenus  en 

I .  Bkai'hepaihe,  Notes  et  documents  concernant  l'état  des  campagnes  de  In 
Haute-Normandie  dans  les  derniers  temps  du  moyen  âge,  p.  31-32. 

*2.  ZoLi-A,  tes  Variations  du  revenu  et  du  prix  des  terres  en  France  au 
XVII''  et  (Ut  xviiie  s.  Annales  de  l'École  des  sciences  politiques,  1.S03. 

.'5.  LovsEAf,  {)e  la  distinction  des  rentes,  liv.  I,  clmp.  v,  S  'J.  Garsonxet, 
Hisl.  des  locations  perpétuelles. 


BAUX   A   LONGUE   DURÉE.  47 

bourdelage'.  »  La  rente  due  par  le  preneur  était  payable  en 
argent  pour  les  prés,  les  bois  cl  les  vignes,  en  blé  pour  les 
terres  labourables,  2n  plume,  c'est-à-dire  en  volaille,  pour 
le  bétaiP.  Autant  le  bail  à  complant  était  favorable  au 
progrès  de  l'agriculture,  autant  le  bordelage  lui  était  con- 
traire. Le  bonlelier  ne  pouvait  sous-arrenter  et  était  tenu 
de  faire  des  améliorations  sans  avoir  l'espoir  d'en  profiter '. 

Le  domaine  concjéable^  appelé  aussi  bail  à  convenant  et 
quevaize,  était  particulier  à  la  Bretagne.  Il  sauvegardait 
mieux  les  intérêts  du  fermier  et  par  cela  même  ceux  de 
l'agriculture,  car,  en  lui  imposant  la  résidence,  en  lui  in- 
terdisant de  vendre,  de  démembrer  et  d'hypothéquer  la 
tenure,  il  lui  accordait,  en  cas  d'éviction,  le  remboursement 
de  ses  impenses  et  de  ses  travaux  \ 

C'est  encore  le  principe  de  la  longue  durée  ou  de  la  per- 
pétuité qui  distingue  l'emphytéose,  qu'on  trouve  un  peu 
partout",  Valbergement  du  Bugey  et  du  Daupliiné,  la  loca- 
tairerie perpétuelle  du  Languedoc,  la  main-ferme  du  nord 
de  la  France,  le  bail  colongor  de  la  région  rhénane.  Dans 
un  petit  pays  de  la  Picardie,  le  Santerre,  ce  principe  était 
poussé  si  loin  que  la  résistance  du  fermier  à  l'expulsion 
légale  était,  sous  le  nom  de  droit  de  marché  et  de  mauvais 


1.  Mémoire  de  ce  qui  est  à  faire  pour  le   bien  du  pays  de  Nivernais  dans 
les  OEuvres  de  Coquii-le,  I,  271. 

2.  LoYSEAU,  Op.  laud.,  §  9. 

:3.  Gausonnet,  Hi$t.  des  locations  perpétuelles...  Pépin  Le  IIalleuh,  Hist. 
de  l'emp/iytéosf,  p.  257-258. 

4.  Coutume  de  Bretagne  dans  Bourdot  de  Richebourg,  YII,  412.  Garsonxet 
Op.  laud. 

,5.  Comme  exemple  d'emphytéose,  citons  le  bail  perpétuel  (pour  quatre- 
vingts  ans)  de  quatre  cents  arpents  en  friche  sis  dans  la  paroisse  de  Betz 
enTouraiue.  Il  est  passé  par  le  chapitre  de  Saint-Martm  de  Tours  moyen- 
nant 4  den.  t.,  101  boisseaux  de  seijile  mesure  de  Loches  de  rente  foncière 
spéciale  et  indivisible  par  arpent.  Les  preneurs  doivent  payer  k  dîme  à 
l'onzième,  selon  la  coutume  de  tous  fruits  décimables.  Ils  s'obligent  à  faire 
les  bâtiments,  réparations,  améliorations,  plants  de  vigne  déterminés  par 
devis  et  à  payer  un  fermage  de  24  boisseaux  d'avoine.  Ils  auront  les  gas- 
peatcx  et  le  tiers  des  pailles  et  logeront  les  bailleurs  quand  ils  viendront 
pour  leurs  affaires.  9  juillet  1568.  Arch.  nat.  KK,  943. 


4s  COMMUNAUTÉS  RURALES. 

f/n\  enlri'e  ilans  les  mœurs'.  Cotte  rapide  revue  des  condi- 
tions dans  lesquelles  était  exploitée  la  propriété  rurale  ne 
justific-t-elle  pas  la  conclusion  suivante  d'un  ouvrage  sur 
la  matière  :  k  La  location  perpétuelle  et  le  bail  à  longue 
durée  étaient,  écrit  M.  Garsonnet,  le  droit  coninuin  de  la 
[iropriété  en  France  avant  178!) ".  » 

Plus  stable,  plus  permanente  encore  était  la  condition 
des  paysans  qui  faisaient  partie  des  rares  communautés 
agricoles  encore  existantes.  A  l'origine  elles  avaient  été 
pour  les  tenanciers  un  moyen  de  se  soustraire  à  la  main- 
morte, car  leurs  membres  héritaient  les  uns  des  autres.  Le 
travail,  les  bénéfices,  les  pertes  y  étaient  partagés  :  l'un 
labourait  ou  touchait  les  bœufs,  l'autre  conduisait  le  bétail 
au  pâturage.  Les  allaires  communes  étaient  gérées  par  le 
matlrc  de  la  communauté  \  celui-ci  était  inscrit  pour  elle  sur 
le  rôle  des  tailles  et  avait  qualité  pour  la  représenter  et 
l'engager,  au  moins  en  matière  mobilière  '\ 

Si  l'on  ne  tenait  compte  que  de  la  sécurité  dont  elle 
jouissait  sous  l'empire  de  pareils  contrats  et  du  cours  as- 
censionnel que  la  ré'volution  économique  imprimait  à  ses 
bénéfices,  la  classe  des  moyens  et  des  petits  cultivateurs 
n'aurait  pas  eu  à  se  plaindre  ;  mais  il  faut  aussi  avoir  égard 
à  la  façon  dont  sa  situation  était  affectée  par  les  institu- 
tions publi(|ues  et  par  les  mœurs. 

La  lutte  séculaire  entreprise  par  la  royauté  pour  rentrer 
en  possession  des  attributions  de  la  souveraineté  qu'elle 
avait  concédées  ou  laissé  prendre,  était  fort  avancée  mais 
non  terminée.  Cette  souveraineté  restait  démembrée.  La 
population  rurale  inférieure  était  victime  de  ce  dualisme. 


1.  Lekort,  La  condition  de  la  propriété  dans  le  nord  de  la  France,  et 
Gahsonskt,  llist.  des  local,  perpét.,  p.  273-274.  —  Cf.  La  Ré/orme  sociale, 
t.  XXIV,  p.  1111. 

2.  O/..  loitd.,  \).  .388. 

3.  LoYSKi-,  Insl.  coiit.,  n"  92.  Dareste,  81.  Giirekt,  La  famille  limousine, 
p.  ;,2. 


DUALISME  DE  LA  SOUVERAINETÉ.  49 

Elle  avait  deux  maîlres  :  le  roi  et  le  seigneur.  Elle 
acquittait  deux  fois  les  charges  et  les  prestations  qui  sont  le 
prix  de  la  protection  et  des  avantages  que  toute  société  est 
censée  procurer  à  ses  membres.  Elle  était  justiciable  du 
roi,  mais  elle  relevait  aussi  de  la  juridiction  du  seigneur  ; 
([uand  elle  avait  payé  la  taille  au  roi,  elle  avait  encore  à  payer 
la  taille  seigneuriale  ;  la  corvée  seigneuriale  ne  la  dispen- 
sait pas  de  la  corvée  royale.  Pour  la  justice,  par  exemple,  que 
voyons-nous?  En  môme  temps  que  les  juridictions  royales, 
bailliages,  sénéchaussées,  présidiaux,  avaient  attiré  à  elles, 
par  l'extension  des  cas  royaux  et  par  prévention,  la  majo- 
rité des  affaires,  les  juridictions  seigneuriales  s'étaient 
multipliées  à  l'infmi.  Chaque  village,  chaque  hameau, 
chaque  château  même  avait  la  sienne.  Ces  justices  cham- 
pêtres, ces  basoches  faméliques,  ces  procureurs,  ces 
greffiers,  ces  notaires,  ces  avocats,  ces  sergents  auxquels 
notre  littérature,  depuis  les  «  chicanons  du  sire  de 
Basché*  »  jusqu'à  Brid'oison,  a  fait  la  place  qui  leur  est 
due,  il  leur  fallait  vivre,  il  leur  fallait  faire  entrer  dans  la 
caisse  du  seigneur  appauvri  des  amendes,  des  confiscations. 
Tout  ce  monde-là,  à  commencer  par  le  juge  botté, 
éperonné  "  et  en  tenue  de  chasse  qui  y  préside,  est  ignorant 
et  servile  pour  le  seigneur  autant  qu'il  est  avide.  Ses  mange- 
y'i>5  faisaient  de  larges  brèches  dans  l'épargne  des  paysans  ^ 
Il  manquait  donc  à  ceux-ci  le  bienfait  d'une  justice  indé- 
pendante, éclairée  et  peu  coûteuse.  Des  agents  si  zélés, 
si  intéressés  respectaient-ils  toujours  les  principes  tuté- 
laires  qui  n'admettaient  la  légitimité  des  tailles,  des  corvées, 
des  banalités  seigneuriales,  que  lorsqu'elles  s'appuyaient 


1.  Rabelais,  Pantagruel,  IV,  xii-xvi. 

2.  Le  seneschal  de  Rennes...  tenait  ses  plaids  botté  et  éperonné,  la 
perche  joignant  sa  chaire  pour  y  attacher  son  épervier.. .  Noël  duFail,  II,  170. 

3.  LoYSEAu,  Abus  des  justices  du  villaqe.  OEuvres,  1678,  in-fol.  »  Autant 
redouté  qu'un  procureur  de  seigneurie  l'est  des  villageois.  »  Flp.etière, 
Roman  bourgeois,  éd.  Ed.  Fournier,  226. 


oO  VIE    DES  GlUNDS   PROPRIÉTAIRES. 

sur  un  titre  ou  au  moins  sur  la  prescription'?  Ne 
(.hercliaient-iis  pas  à  perpétuer  les  usurpations  et  les  abus 
(jue  leurs  maîtres  avaient  commis  à  la  faveur  des  guerres 
civiles  et  dont  ils  prétendaient  bien  faire  des  droits  ?  Par 
exemple,  nous  avons  vu  que  le  droit  de  chasse  était  sus- 
pendu sur  les  terres  ensemencées  depuis  le  1"  mars  jus- 
(juaprès  les  vendanges.  JNous  ajouterons  que  les  seigneurs 
ne  pouvaient  tenir  garenne  ouverte  ou  jurée"  qu'en  vertu 
dune  autorisation  spéciale  du  roi,  et  qu'à  défaut  de  cette 
autorisation  les  voisins  pouvaient  exiger  la  destruction  des 
lapins ^  Qui  oserait  afiirmer  pourtant  que  la  fureur  do  la 
chasse,  qui  possédait  la  noblesse  et  qui  s'était  exercée  sans 
frein  pendant  les  troubles,  s'arrêtât  toujours  devant  ces 
barrières? 

Quelle  intluence  les  conditions  légales,  économiques, 
fiscales  que  nous  venons  d'indiquer  avaient-elles  sur  les 
mœurs  et  l'esprit  des  classes  rurales,  envisagées  dans  leur 
ensemble,  grands  propriétaires  fonciers,  usufruitiers  à  long 
terme,  simples  manouvriers? 

Un  des  conteurs  les  plus  exquis  du  xvi*"  siècle,  celui  qui 
a  trouvé,  pour  peindre  les  mœurs  de  la  société  rustique  de 
cette  époque,  les  couleurs  les  plus  franches  et  les  plus 
vraies,  Noël  du  Faii,  a  opposé  les  gentilshommes  contem- 
porains de  François  l""",  ses  compagnons  d'armes  de  Pavie, 
maniant  la  lance  de  onze  pieds  et  demi,  vivant  sobrement, 
aux  contemporains  grêles  et  anémiés  de  Henri  III,  assouplis 
à  tous  les  raffinements  du  savoir-vivre,  ayant  la  flatterie 
sur  les  lèvres  et  la  trahison  dans   le  cœur.  La  danse,   le 


1.  BoLCHEH  d'Arois,  Code  rural.  D'après  la  presque  unanimité  des  auteurs, 
le  droit  aux  corvées  ne  s'acquiort  que  par  litre,  lu  possession  sans  titre  ne 
suffit  pas.  Glïot,  Traité  des  fiefs,  p.  2G2. 

2.  Par  opposition  à  la  garenne  close  de  murs. 

'.i.  Coutume  du  bailli.ige  de  .Moaux  (1.509),  cliap.  xxvin,  Bolcher  d'Argis, 
Code  rural.  La  Rociik  Fi.AvrN,  Des  droits  seigneuriaux  et  maliàres  féod.  à 
la  suite  d'Arréls  7ïoI.  du  parlement  de  Toulouse.  1G'20. 


VIE    DES  GRANDS   PROPRIÉTAIRES.  51 

palet,  la  barre,  la  longue  paume,  la  petite  guerre  étaient 
les  délassements  de  cette  vigoureuse  jeunesse.  Les  jours 
de  fôte,  elle  revêtait  le  pourpoint  de  satin,  les  chausses 
boufTantes  de  taffetas,  le  bonnet  de  velours  à  plume,  la 
cape  de  drap  ou  de  frise,  les  escarpins  ;  les  jours  ordi- 
naires elle  se  contentait  dun  costume  plus  simple.  La 
résidence  seigneuriale  n'avait  le  plus  souvent  en  ce  temps- 
là  qu'une  salle  d'apparat  où  Ton  remarquait,  pour  toute 
décoration,  des  cornes  de  cerf  auxquelles  étaient  accrochés 
des  chapeaux,  des  trompes  de  chasse,  des  laisses  de  chiens, 
puis  un  dressoir  où  était  rangée  toute  la  bibliothèque  qui 
suffisait  aux  besoins  intellectuels  des  habitants  du  château', 
la  Bible  de  Nicole  Oresme,  la  Légende  dorée,  le  Calendrier 
des  bergers  de  Jean  de  Brie,  les  Quatre  fils  Aijmon,  Ogier 
le  Danois,  Mélusine,  le  Romande  la  Rose,  enfin  les  râteliers 
pour  les  arcs,  les  arbalètes,  les  arquebuses,  les  rondelles, 
les  épées.  Les  chiens  y  allongeaient  sur  la  paille  souvent 
renouvelée  leurs  membres  harassés  par  la  chasse.  Deux 
chambres  étaient  réservées  aux  étrangers.  Le  châtelain 
était  sur  de  trouver  à  cent  lieues  à  la  ronde  l'hospitalité 
qu'il  offrait  lui-même-. 

Ce  n'est  pas  au  fond  des  provinces,  ce  n'est  pas  au  sein  de 
la  noblesse  qui  vivait  sur  ses  terres  que  la  décadence 
amenée  dans  les  mœurs  par  les  guerres  civiles  et  l'influence 
corruptrice  des  Valois  avait  pu  se  faire  sentir,  et  la  sim- 
plicité dont  Noël  du  Fail,  avec  l'exagération  naturelle  au 
moraliste  et  au  conteur,  fait  un  mérite  aux  contemporains 
de  François  I",  se  retrouvait,  à  peu  de  chose  près,  parmi 
les  contemporains  de  Henri  IV  qui  étaient  restés  fidèles 
au  manoir  patrimonial. 

1.  '<  ...  Comme  notre  noblesse,  quelques-uns  réservée,  est  ignorante  des 
bonnes  letti'es...  »  Noël  du  Fail,  Contes  d'Eutrapel,  I,  247. 

2.  Contes  et  discours  d'Eutrapel,  chap.  xxii.  Sur  l'ameublement  et  le 
luxe  intérieur  au  xvi<'  siècle  voy.  Les  Blasons  domestiques  (I539j  dans  le 
Recueil  de  Montaiglon,  VI. 


52  MK   DES  GRANDS   PROPRIÉTAIRES. 

A  pail  linéiques  grantls  seigneurs,  tels  que  Lesdigiiières 
et  Éperuon,  qui  jouissaient  dans  leurs  gouvernements 
dune  quasi  souveraineté  et  s'entouraient  d'un  luxe  princier, 
la  i^rande  majorité  des  gentilshommes  et  des  bénéficiers  qui 
résidaient  constamment  ou  une  partie  de  Tannée  dans  leurs 
terres,  v  menaient  un  train  fort  modeste.  D'abord,  nous 
1  avons  dit,  beaucoup  parmi  les  premiers  étaient  pauvres 
et  ceux  qui  avaient  oOO  livres  de  rente  (1461  fr.  4G)  se 
piquaient  de  certaines  recherches'.  Le  petit  nombre  de 
ceux  dont  le  revenu  était  plus  élevé  réservaient  les  prodi- 
galités pour  leurs  séjours  à  la  ville  ou  à  la  cour.  Tous  ne 
possédaient  pas  une  habitation  aussi  vaste  et  aussi  bien 
entendue,  des  communs  aussi  complets  que  ceux  dont 
Olivier  de  Serres  a  tracé  le  plan  et  la  distribution  pour 
son  ménaner  modèle.  Bâti  sur  un  rocher  ou  entouré  de 
douves  tarifes  et  profondes,  flanqué  de  tours  rondes  ou 
carrées  qui  ennoblissent  l'architecture  et  inspirent  le  res- 
pect, ce  château  idéal  est  précédé  d'une  basse-cour  au 
milieu  de  laquelle  se  trouve  une  fontaine  jaillissante,  ou 
tout  au  moins  un  puits  ou  une  citerne  et  qui  est  bordée 
de  o-aleries  couvertes.  Sous  ces  galeries  s'ouvrent  le  cellier, 
le  bûcher,  divers  magasins,  l'entrée  de  la  cave  dont  l'accès 
doit  être  conmiode  pour  que  les  visites  du  châtelain  ou  de 
la  châtelaine  y  soient  fréquentes.  Au  premier  et  au  second 
étage  sont  placées  la  cuisine  et  ses  dépendances,  c'est- 
à-dire  le  garde-manger,  la  boulangerie,  le  fournil,  la  lin- 
gerie, la  buanderie,  la  vaissellerie,  la  laiterie,  la  froma- 
gerie, puis  une  ou  deux  salles  de  réception,  sept  ou  huit 
chambres  appropriées  aux  diverses  saisons  et  dont  chacune 
est  pourvue  de  garde-robes,  de  privés,  de  garde-meubles, 
de  lingerie,  de  cabinets  pour  la  conservation  des  titres  et 
papiers.    Sous    le   toit    s'étend    pour    les    serviteurs    une 

1.  "  ...  Le  gentilhomme  ayant  atteint  jusqu'à  cinq  cents  livres  de  revenu... 
voulant  trancher  du  grand...  »  Théâtre  d'agric,  1,  22. 


VIE   DES  GRANDS   PROPRIÉTAIRES.  33 

chambre  spacieuse,  d'où  ils  peuvent  surveiller  la  grande 
cour  et  les  écuries.  A  côté  sont  les  greniers  et  les  fruitiers. 
Une  partie  des  combles  est  occupée  par  une  terrasse  et  un 
belvédère  [mirande)  ;  on  n'y  jouit  pas  seulement  d'une  belle 
vue  et  de  la  promenade  en  plein  air  et  à  couvert,  on  s'en 
sert  aussi  pour  faire  sécher  le  linge  et  les  fruits.  Les 
granges,  étables,  écuries,  bergeries,  placées  au  couchant, 
de  l'habitation,  en  sont  séparées  par  une  grande  cour  de 
quinze  ou  vingt  toises.  Sur  l'un  des  côtés  de  cette  cour 
s'élève  la  maison  du  métayer  ou  du  fermier,  qui  peut  ainsi 
voir  entrer  et  sortir  le  bétail.  On  y  remarque  aussi  un 
grand  hangar  qui  sert  à  la  fois  de  remise,  d'abattoir  et 
d'atelier.  Près  des  abris  destinés  au  bétail  sont  déposés  les 
fumiers'.  A  peu  de  distance  de  la  maison  s'étend  le  jardin 
d'agrément,  avec  un  labyrinthe  au  centre,  le  verger  avec 
ses  arbres  fruitiers  en  quinconce,  les  terre-pleins  pour  les 
jeux  de  paume  et  de  balle,  les  cibles  pour  l'arquebuse, 
l'arc  et  l'arbalète  -,  le  rucher. 

Toutes  les  résidences  seigneuriales  n'étaient  pas  pourvues 
des  commodités  et  des  agréments  que  nous  venons  d'énu- 
mérer.  Le  genre  de  vie  de  leurs  propriétaires  ne  faisait 
presque  aucune  place  à  la  représentation  et  à  la  vanité.  Le 
châtelain  de  Mesnil-au-Vast,  le  sire  de  Gouberville 
mangeait  dans  de  la  vaisselle  d'étain.  Olivier  de  Serres 
signale  comme  une  dérogation  à  la  simplicité  primitive, 
l'habitude  chez  les  gentilshommes  possesseurs  de  500  livres 
de  rente  de  prendre  les  repas  à  part,  dans  une  salle  parti- 
culière, au  lieu  de  les  prendre  comme  jadis  à  la  cuisine 
avec  les  serviteurs  ^  Trois  chevaux,  six  chiens  courants, 
deux  lévriers  et  six  épagneuls,   un  autour  ou  un  lanier 

I.  Théâtre  cVagric,  V^  lieu,  chap.  v. 

"2.  Rabelais,  Gargantua,  I,  lv.  —  Gouberville,  p.  295.  Cf.  la  description 
d'une  résidence  seigneuriale  donnée  par  l'ambassadeur  vénitien  Duodo 
dans  Alberi,  Append.,  p.  81. 

3.  Théâtre  iVagric,  1,  2"2. 


54  RAPPORTS   ENTRE   LES  CLASSES. 

pour  la  vokM'ie,  voilà  tout  ce  qui  composait,  dans  le 
ilernior  quart  du  xvi"  siècle,  l'équipage  de  chasse  d'uu  gen- 
tilhomme campagnard'.  Ce  même  Gouberville  présidait 
aux  travaux  quil  faisait  exécuter,  était  en  état  de  faire  lui- 
môme  tout  ce  quil  conniiandait  et  grelTait  en  personne  ses 
arbres  à  fruils. 

Cette  compétence,  cette  surveillance,  cette  simplicité  de 
vie,  en  rapprochant  le  propriétaire  de  ses  tenanciers  et  de 
ses  ouvriers,  amenait  entre  eux  une  certaine  analogie 
d'hahiludes,  une  certaine  familiarité.  L'autorité  du  pro- 
priétaire n'en  était  pas  diminuée,  sa  sollicitude  pour  ses 
inférieurs  en  était  accrue.  Il  aplanissait  leurs  différends  et 
leur  évitait  les  procès,  les  faisait  soigner  dans  leurs  ma-> 
ladies,  poursuivait  leur  dégrèvement,  ([uand  ils  avaient  été 
trop  imposés,  veillait  à  l'accomplissement  de  leurs  devoirs 
religieux-.  11  ne  se  permettait  les  voies  de  fait  qu'à  l'égard 
de  ceux  qui  étaient  d'un  ordre  tout  à  fait  subalterne  ^  Les 
rapports  des  grands  propriétaires  et  de  ceux  qui  étaient 
placés  sous  leur  dépendance  paraissent  avoir  été  excellents 
dans  les  trois  premiers  quarts  du  xvi^  siècle'. 

Les  guerres  civiles  les  altérèrent  assez  profondément. 
Bouleversés  dans  leurs  habitudes  sédentaires  et  labo- 
rieuses, désespérés  de  voir  avorter  sans  cesse  leurs  elTorts 
pour  les  reprendre,  ruinés,  errants,  devenus  de  victimes 
pillards  et  brigands  à  leur  tour,  les  paysans  rapportèrent 
dans  la  vie  régulière  le  goût  du  désœuvrement  et  de  la 
licence  ",  l'amertume  contre  les  classes  dirigeantes  qu'ils 

1.  Les  plaisirs  du  qenlilhomme  champe-ihe,  par  P.  N.  R.  [Nicolas  IIapi.v. 
Ih-.b]. 

2.  '<  Je  donnai  à  nos  serviteurs  pour  aller  deinainà  confesse,  parce  qu'il 
estoit  au  jubilé,  5  sols.  »  Golukuvu.lk,  p.  G13. 

:i.  Ibid. 

■i.  Jhid  el  de  Ribbe.  Les  familles  et  la  société  en  France p.  212,  ii,  2. 

5.  «  Pdur  ce  qu'il  fasche  beaucoup  à  aucuns  de  se  remettre  à  travailler 
en  leur  mesnage  après  avoir  gousté  la  licence  de  la  guerre...  et  aiment 
mieux  voler  el  rober  que  retourner  en  leur  première  suhjecticm.  »  Dia- 
logue  rèrrèatif  du  marchand  et  dusoldal,  I.JTG,  Variétés  liisl.  et  lilt.,\]. 


OUVRIERS  AGRICOLES.  55 

enveloppaient  clans  une  animosité  trop  justifiée  par  une 
partie  d'entre  elles.  Ce  changement  n'a  pas  échappé,  on  l'a 
vu,  aux  ambassadeurs  vénitiens,  qui  cependant  n'eurent 
que  des  rapports  passagers  avec  la  population  rurale.  Il 
pouvait  échapper  encore  moins  à  Olivier  de  Serres,  qui 
vivait  en  contact  quotidien  avec  elle.  Olivier  de  Serres  est 
sans  illusion  sur  ceux  qu'il  emploie.  Ce  n'est  pas  qu'il 
ressente  à  leur  égard  de  l'aigreur  ou  du  dédain.  Ce  n'est 
pas  un  mauvais  maître;  il  fait,  par  exemple,  un  devoir  aux 
propriétaires  de  donner  des  soins  aux  serviteurs  malades, 
mais  c'est  un  maître  que  l'expérience  a  rendu  méfiant.  II 
les  sait  peu  consciencieux  et  intéressés,  et  il  prend  ses  pré- 
cautions contre  leurs  défauts.  Il  recommande  de  limiter 
autant  que  possible  le  nombre  des  ouvriers  à  l'année,  sauf 
à  embaucher,  s'il  le  faut,  des  hommes  de  journée,  de  ne 
pas  faire  attendre  aux  mercenaires  leurs  salaires,  mais  de 
ne  pas  leur  avancer  des  acomptes,  à  moins  de  maladie  ou 
d'autre  cause  légitime,  de  leur  devoir  toujours  quelque 
chose,  afin  de  les  forcer  à  revenir,  de  les  surveiller  de  près, 
d'affecter  à  leur  égard  une  grande  fermeté,  de  ne  pas  aller 
toutefois  jusqu'à  les  frapper,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de 
serviteurs  d'un  ordre  infime. 

Malgré  la  préférence  d'Olivier  de  Serres  pour  les  jour- 
naliers, les  ouvriers  qualifiés  étaient  loués  à  l'année,  dans 
des  assemblées  ou  loueries,  à  partir  de  la  Saint- Jean,  de  la 
Saint-Michel,  de  la  Saint-Martin,  de  la  Toussaint,  de  Noël, 
de  Pâques,  etc.,  et  payés  partie  en  nature,  partie  en 
argent'.  Le  patron  payait  au  mercenaire  le  vin  de  marché. 
Ces  contrats  n'étaient  pas  faits  par  écrit,  mais  devant 
témoins'.  On  en  trouve  un  assez  grand  nombre  dans  le 
livre  de  raison  d'Olivier  de  Serres  et  surtout  dans  celui  du 
sire  de  Gouberville.  Au  mois  de  janvier  1561  (n.  s.),  celui- 

1.  Théâtre  d'iif/ric,  I,  38. 
3.  Gouberville,  passim. 


56  CII.TIVATKL'R?  AISÉS. 

ci  cMiibauclie  un  laboureur  pour  un  au  à  raison  do  8  livres 
(30  fr.  32}  tout  compris'.  Au  mois  de  juillet  de  la  môme 
année,  il  loue  un  cliovrior  pour  un  au,  moyennant  60  s. 
(H  fr.  30)  et  une  paire  de  souliers;  il  lui  fait  espérer 
davantage  sil  est  content  de  lui".  Le  23  mars  1609,  Olivier 
de  Serres  engage  un  meunier  pour  3  liv.  10  s.  (9  fr.  44)  par 
mois.  Le  21  septembre  de  la  même  année,  il  loue  pour  un 
an,  à  partir  de  la  Sainl-Micliel,  moyennant  do  livres  en 
argent  (40  fr.  Mi),  vingt  pans  de  drap,  une  chemise,  un  . 
chapeau  et  la  chaussure,  un  bouvier  qui  devait  être  en 
même  temps  une  sorte  de  factotum.  Le  2  mai  16H,  il 
arrête  un  pâtre  pour  un  an;  il  lui  promet  dix-huit  pa?îs 
de  drap,  un  chapeau,  une  chemise,  des  souliers  et  0  livres 
en  argent  (10  fr.  I8)^  Aux  travailleurs  salariés  venaient 
se  joindre  les  corvéables.  Les  femmes  partageaient  avec 
les  hommes  les  plus  rudes  travaux  :  elles  sciaient  les  blés, 
battaient  en  grange*. 

Comme  tout  ce  qui  touche  à  la  vie  rurale,  les  habita- 
tions des  cultivateurs  aisés  et  des  simples  paysans  ont  peu 
changé.  C'est  parmi  les  premiers  qu'il  faut  ranger  le  pro- 
priétaire de  la  petite  maison  que  Philibert  Hegcmon  nous 
fait  apercevoir  dans  son  poème  de  La  Colombière  avec  le 
four,  l'étable,  le  pressoir,  la  grange,  le  colombier  qui  en 
dépendent.  C'est  aussi  dans  la  demeure  d'un  rustique  à  son 
aise  que  nous  introduit  Noël  du  Fail.  Il  nous  fait  traverser, 
pour  y  entrer,  une  cour  close  de  haies  d'églantiers  et 
d'aubépines.  Au  milieu  de  cette  cour  le  tas  de  fumier  et 
sur  les  côtés  les  bâtiments  d'exploitation.  A  la  mai- 
son est  attenant  un  appentis  où  sont  rangés  les  char- 
rettes, les  essieux,  les  limons,  les  timons.  Les  murs 
et  le  sol  de  l'habitation  sont   en  torchis,   le  plafoiul  est 

1.  P.  034. 

2.  p.  G93. 

;{.  Livre  de  raison  d'Ol.  de  Serres,  p.  p.  Vaschalde,  188C,  8. 

4.    GotBERVlLLE,   29,  Ô9. 


CULTIVATEURS  AISÉS.  '61 

en  charpente  apparente.   La  couverture  est  en  chaume'. 

Une  fois  entré,  on  était  séduit  en  voyant  briller  au 
râtelier,  dans  un  ordre  parfait,  les  instruments  aratoires, 
les  outils  et  les  harnais.  La  nappe  était  encore  mise  comme 
pour  proclamer  une  hospitalité  toujours  prête.  Les  restes 
du  dîner,  du  pain  et  du  lard,  annonçaient  que  cette  hospi- 
talité était  aussi  fi'ugale  qu'empressée.  Le  mobilier  se 
composait  dun  colîre  renfermant  les  bardes,  conservées 
dans  la  marjolaine  et  notamment  le  demi-ceint  de  la 
maîtresse  de  la  maison,  et  au-dessus  une  vaisselle  grossière, 
d'un  lit  contigu  au  foyer,  oii  l'on  ne  montait  pas  sans 
peine  et  qui  fermait  par  des  vantaux,  ce  qui  le  faisait 
ressembler  à  un  bufTet,  d'escabeaux  et  de  chaises  de  bois, 
mal  équarries  mais  bien  assemblées". 

Sans  doute  ce  tableau  a  été  tracé  par  un  littérateur,  c'est- 
à-dire  par  un  auteur  qui  avait  le  droit  d'altérer  la  vérité 
en  vue  de  l'elTet  qu'il  voulait  produire.  11  ne  faudrait  pas 
pourtant  se  hâter  d'en  attribuer  certains  traits  à  la  fantaisie. 
Si,  par  exemple,  l'on  s'étonnait  qu'un  cultivateur  assez 
riche  pour  posséder  un  cheptel  aussi  nombreux  que  le 
supposent  les  bâtiments  et  le  matériel  mentionnés  par  Noël 
du  Fail,  se  contentât  d'une  habitation  de  torchis  et  de 
chaume,  d'un  mobilier  aussi  sommaire,  dune  vaisselle 
grossière,  nous  apprendrons  à  nos  lecteurs  que  ce  ne  fui 
pas  avant  1620  qu'à  Paris  même  on  commença  à  bâtir 
avec  de  la  chaux,  du  sable  et  de  la  pierre  dure,  que  toutes 
les  maisons  construites  antérieurement  dans  la  capitale 
étaient  faites,  comme  s'exprime  le  document  administratif 
qui  établit  ce  fait  curieux  «  de  boue  et  de  crachat^  ».  Nous 


1.  Noël  DU  Fail,  Daliverneries,  I,  chap.  iv. 

2.  Ibid. 

3.  «  Chacun  sait  que  toutes  les  anciennes  maisons  de  Paris  sont  la  plu- 
part basties  de  boue  et  de  crachat,  que  l'on  a  commencé  à  bâtir  depuis 
trente  ans  avec  chaux  et  sable  et  pierre  dure.  ><  Le  véritable  advis  présenté 
au  roi  et  à  la  reine  régente  le  27  juillet  1651,  par  le  S''  de  Marsaj-. 


•18  MAISON    DU    PAYSAN. 

ferons  remarquer  (jiie  ce  n'était  pas  seulement,  en  dépit 
de  -Mallierbe,  la  cabane  du  ])auvre  qui  était  couverte  de 
chaume,  mais  aussi,  jusquà  une  épO(|ue  assez  tardive,  les 
résidences  de  la  bourgeoisie;  nous  rappellerons  la  vaisselle 
détain  où  mangeait  Gilles  de  Goubervillequi  était  pourtant 
nn  tout  autre  personnage  que  le  projtriélaire  de  la  maison 
dé'crite  par  ISoél  diiFail. 

Au-dessous  de  lun  et  de  l'autre  se  plaçaient  les  véri- 
tables paysans,  dont  les  chaumières  peuvent  être  ramenées 
à  trois  types  principaux.  Le  premier  consiste  dans  une 
maison  conslruite  en  gros  blocs  de  granit  et  percée  de 
petites  ouvertures.  L'n  rez-de-chaussée  très  bas  sert  de 
collier,  de  resserre,  de  poulailler  et  de  porcherie.  Il  n'y  a 
qu'une  pièce  d'habitation,  elle  est  contiguë  à  celle  du  rez- 
de-chaussée  mais  surélevée  d'un  ou  deux  mètres  et  acces- 
sible par  un  escalier.  Elle  est  plafonnée  de  grosses  pou- 
tres et  de  solives,  surmontée  d'un  grenier  et  pourvue  d'une 
cheminée.  Le  sol  est  en  terre  battue  recouverte  de  sable 
granitique  et  d'argile.  On  ne  s'étonne  pas  de  la  prédo- 
minance du  granit  quand  on  sait  que  ce  type  appartient 
au  Morvan.  Là  où  la  nature  ne  fournit  pas  do  matériaux 
aussi  solides,  là  où  manque  l'art  de  les  exploiter  éco- 
nomiquement, le  paysan  cherche  presque  sous  terre  un 
asile  contre  les  intempéries;  ce  n'est  plus  une  maison  qu'il 
habite,  c'est  presque  une  tanière.  En  Auvergne,  dans  le 
Velay,  dans  la  partie  septentrionale  de  l'ancienne  Aquitaine, 
ces  habitations  souterraines  sont  couvertes  d'une  sorte  de 
lumuliis  en  terre  et  en  pierres,  soutenu  par  \\\\  pilier 
central  et  des  poutres  rayonnantes  et  assez  semblable  aux 
( kampignons  qui  agrémentent  nos  jardins  modernes.  (ïe 
même  aspect  écrasé  se  retrouve  dans  certaines  chaumières 
de  la  Bretagne  et  du  Bocage,  dont  le  sol  est  inférieur  au 
sol  naturel  et  dont  le  toit  de  chaume  descend  presque 
jusqu'à  terre.  C'est  un  tvpe  que  tout  le  monde  connaît.  On 


MOBILIER   DU   PAYSAN.  59 

est  peut-être  plus  familiarisé  encore  avec  la  chaumière  à 
pans  de  bois  hourdés  en  terre  mêlée  de  paille,  à  couver- 
ture de  chaume  et  de  bardeaux  dont  Ton  rencontre  des 
échantillons  dans  une  partie  du  Perche  et  de  la  basse  Nor- 
mandie. Tandis  que,  dans  toutes  ces  régions,  le  paysan  se 
clôt  et  se  terre,  en  Languedoc,  en  Guvenne,  en  Provence 
surtout,  la  maisonnette  rustique  s'ouvre  au  soleil  et  à  la 
lumière,  se  décore  d'escaliers  extérieurs,  de  balcons, 
dappentis  pour  travailler  en  plein  air  \ 

Pour  juger  les  habitations  rurales  de  la  fin  du  xvi'  siècle 
et  du  commencement  du  xvn",  il  faut  oublier  les  exigences 
que  la  diffusion  du  bien-être  a  répandues  dans  toutes  les 
classes.  Sinon  la  demeure  du  gentilhomme  campagnard 
n'échapperait  pas  elle-même  à  la  sévérité  de  notre  délica- 
tesse moderne,  et  nous  plaindrions  nos  ancêtres  d'une 
absence  de  cotnfort,  dont  l'idée  leur  était  aussi  étrangère 
que  le  mot  et  dont  ils  ne  sentaient  nullement  la  privation. 
Si  humbles  que  fussent  les  demeures  de  nos  paysans,  si 
délabrées  que  la  guerre  les  eût  laissées,  l'abbé  de  MaroUes 
prétendait  que  leurs  habitants  étaient  mieux  logés  que 
certains  seigneurs  de  Pologne  et  de  Suède  et  qu'il  n'y  en 
avait  pas  parmi  elles  qui  ne  témoignât  de  la  préoccupation 
d'un  certain  bien-être  '. 

L'inventaire  du  mobilier  qui  les  garnissait  n'est  pas 
long  à  faire,  et  ce  mobilier  n'était  pas  très  différent  de 
celui  dont  Noël  du  Fail  nous  a  donné  la  description.  On  y 
voit  toujours  figurer  l'armoire,  qui  est  le  meuble  principal, 
parce  qu'il  renferme  tout  ce  que  le  paysan  a  de  précieux, 
son  linge,  ses  papiers,  ses  économies;  le  lit  garni  de  sa 
paillasse,  de  ses  oreillers  de  balle  d'avoine,  de  ses  deux 
draps  [linceulx)  et  de  sa  couverture  de  laine  ;  la  huche  au 
pain.  Plus  d'une  pièce  de  ce  mobilier  provenait  du  château 

1.  ViOLLET-LE-Duc,  Dict.  d'urcldlectio  6 ,  V  Maison. 

2.  Cité  par  Babeau,  Vie  rurale,  p.  18. 


60  NOL'KlUTlIlt:   DU   PAYSAN. 

OU  lie  labbayo  du  voisinage,  qui  s'en  était  il(''rait  au  profit 
de  la  cliaumière,  pour  la  remplacer  par  un  meuble  plus 
moderne  et  plus  à  la  mode  '.  La  pauvreté  de  ce  mobilier 
ne  l'avait  ])as  toujours  sauvé  :  les  maraudeurs,  en  vidant 
les  tiroirs,  avaient  parfois  aussi  brisé  ou  brûlé  les  meubles  ^ 
Si  le  mobilier  do  nos  paysans,  plus  complet  et  plus  com- 
mode peut-être  que  celui  de  leurs  ancêtres,  lui  est  bien 
intérieur  en  solidité  et  en  beauté,  leur  régime  alimentaire 
est  incontestablement  meilleur. 

Fromage,  poyrc  et  pain 
Est  repas  de  vilain. 

ilil  un  prov('ri)i'  du  xvi^  siècle  '\  Si  l'on  ajoute  à  ces  ali- 
ments le  lait  frais  ou  caillé  [mathon),  le  beurre,  les  fruits, 
l'oignon,  la  civette,  l'échalote  dont  ils  frottaient  leur  pain 
d'orge  et  d'avoine,  la  soupe  et  le  lard,  on  aura  tout  l'ordi- 
naire des  paysans.  L'eau  claire  était  leur  boisson  habi- 
tuelle '*.  Qu'emporte  dans  sa  besace  ce  faucheur  en  allant 
au  travail?  tout  simplement  du  pain  et  des  poires  cuites.  11 
en  fera  son  premier  repas.  A  midi,  sa  femme  lui  apportera 
du  fromage  et  du  lard  et  lui  fera  bouillir  une  soupe, 
pendant  qu  ti  l'orée  du  bois  il  goûtera  un  peu  de  fraîcheur 
et  de  repos  '.    Quand,    après  leur  journée,  les  vignerons 


1.  Babeal',  Opus  (atifl.,  iC,  n.  2.  Viollkt-le-Dlc,  Dict.  du  mobilier, 
vo  Armoire,  liahiit. 

2.  Les  villages  champcstres 

Sans  portes  et  planchers,  sans  meubles  et  fenestres. 

(Albigné,  Les  Tragiques.) 

'■\.  Proverbes  franc.,  T^.  p.  Le  Roi  x  de  Lincy. /l  View  of  Fraunce  {\hM),  par 
Dau.ixoton,  secrétaire  de  raïubassadeur  d'Angleterre,  trad.  p.  Emehiqie, 
p.  157. 

4.  Piiir.ipPK  i>E  Vni'.Y,  Les  Dirls  fie  Franr  Gonlier,  dans  le  recueil  de  .Mon- 
T\iGLO.N  et  KoTiisciiii.i»,  X.  lian'/uet  du  hoys.  Ihid.  Vii.lox,  Les  contredits  de 
Franc  Gonlicr  dans  le  Gmnd  Testament,  éd.  Longnon...  «  Les  glaneurs, 
esquels  fault  de  la  fouace,  les  batteurs  qui  ne  laissent  ail,  oignon  ne  escha- 
lole  es  jardins.  >■  Raiielais,  l'aniar/ruel,  111,  ii. 

5.  Gaiciiet,  Le:  p/aisirs  des  champs,  I.'>8:i. 


DISTRACTIONS   DU   PAYSAN.  61 

rentreiiL  à  la  ferme,  on  leur  sert  à  souper  un  ])lat  Je  choux, 
pour  deux,  du  pain  à  discrétion  et  quelquefois,  à  titre  de 
douceur,  un  morceau  de  fromage.  Bien  souvent,  il  est  vrai 
au  cours  ou  à  la  fin  d'un  travail  fatigant,  le  patron  ajou- 
tait un  régal  à  cette  maigre  pitance,  tantôt  de  la  bière, 
tantôt  un  oison  '. 

Les  veillées  étaient  remplies  par  des  travaux  domestiques. 
Le  mari,  le  dos  au  feu,  teillait  du  chanvre  ou  raccoutrait 
ses  bottes.  La  femme  filait.  Le  reste  de  la  famille  raccom- 
modait les  instruments  de  travail.  A  certains  jours,  on  se 
réunissait  entre  voisins  et  voisines  dans  des  fileries,  des 
escraigiies  et  des  braries  '  égayées  de  commérages,  de 
récits  légendaires  et  de  contes  gaillards  ^ 

Les  réunions  en  plein  air  étaient  fréquentes  aussi.  Elles 
étaient  consacrées  à  la  danse  et  à  des  jeux  d'adresse  et  de 
force,  tels  que  le  bibelot,  la  courteboule,  la  bille,  la  choule 
ou  soûle  '.  La  danse  était  le  délassement  habituel  du 
travail.  Un  poète  du  xvi"  siècle  nous  montre  les  «  ousterons 
gaillards  dansant  au  bout  du  champ  '  »  d'où  ils  viennent 


1 .  Pierrot  voyant  en  biens  foisonnante  l'année, 

Pour  rire,  choisira  quelque  bonne  journée 
Et  à  l'aoust  dédie  fera  tuer  l'oison 
Festiant  ses  charliers  et  toute  sa  maison. 

Ibid.  GouBERViLLE.  p.  360.  Ch ATELIER,  lUi^t.  clss  closses  agric.  en  Bretagne. 
SuciiET,  Paysans  Franc-Comtois  des  environs  de  Pontarlier  au  x\in^  s.  Acad. 
de  Besançon,  1887. 

•2.  Parce  qu'on  s'y  donnait  rendez-vous  pour  broyer  du  chanvre.  C'était 
aussi  à  tiller  le  chanvre  que  se  passaient  les  ecraignes  et  de  là  leur  nom. 

3.  Noël  du  Fail,  Propos  rustiques,  40.  Sebu^lot,  Contes  des  paysans  et  des 
pécheurs. 

i.  La  bille  est  peut-être  la  même  chose  que  la  soûle. 

5.  Gauchet,  Ubi supra.  II  est  fâcheux  que  le  mot  ousteron  ne  nous  soit  pas 
resté,  non  plus  que  celui  d'aouteur,  dont  se  sert  Gocberville  et  qui  a  la 
même  origine.  Dans  les  vers  suivants  on  entend  résonner  la  mesure  mar- 
quée par  le  talon  vigoureux  des  rustiques  danseurs  : 

Puis  dit  Gontier  :  Or  sus  à  ma  requête, 
Souffle,  Riflart,  une  danse  bien  priso 
En  attendant  que  la  nappe  soit  mise 


Chacun  lit  feu  de  tripper  et  saillir, 
Lliacuu  fit  feu  de  frapper  de  la  boite, 


02  niSTlJACTIONS   DU  PAYSAN. 

(l'enlever  la  recolle.  Comme  ses  eliaiisons,  chaque  pro- 
vince avait  sa  danse,  accompagnée  d'un  instrument  particu- 
lier. En  Poitou,  on  dansait  au  son  de  la  cornemuse;  la  volte 
proven(,'ale  était  rylhnn'îe  par  les  timbales;  le  hautbois, 
le  violon  et  les  tambourins  composaient  lorchestredes  bals 
bourguignons  et  champenois;  les  liretonnes  avaient  rendu 
populaires  les  passe-pied  et  les  branles'.  Les  jeux  oppo- 
saient dans  descamj)s  contraires  village  à  village,  et,  dans  le 
même  village,  gens  mariés  à  célibataires,  surexcitaient  les 
rivalités  et  les  amours-propres,  et,  par  suite  de  la  folle 
ardeur  des  adversaires,  entraînaient  des  accidents,  auxquels 
la  soûle  donnait  lieu  plus  que  tous  les  autres.  Ils  étaient 
accompagnés  de  nombreuses  libations ^  Tout  était  prétexte 
à  réjouissances,  les  fêtes  religieuses  tout  d'abord,  mais 
aussi  les  travaux  des  champs,  les  chasses,  les  événements 
de  famille.  On  connaît  les  feux  de  la  Saint-Jean,  on  connaît 
moins  peut-être  les  combats  entre  filles  et  garçons  le  jour 
des  Saints-Innocents,  les  tnojncries  de  l'Assomption  où  l'on 
promenait  de  maison  en  maison  un  objet  quelconque 
enveloppé  de  linges  qu'il  s'agissait  de  deviner  et  qui 
ressemblait  à  un  marmot,  à  un  iiiome  emmailloté,  \Q?,dictiers 
de  ?Soël,  cantiques  populaires  que  les  enfants  alla^nt,  le 
25  décembre  au  soir,  chanter  de  porte  en  porte  pour 
recueillir  quelques  pièces  de  monnaie. 

Parmi  les  distractions  des  paysans  la  lecture,  on  le 
devine,  tenait  encore  moins  de  place  que  parmi  celles  du 
châtelain.  Non  quils  fussent  absolument  illettrés.  En 
Provence,  du  moins,  ceux  qui  étaient  un  peu  aisés,  étaient 


Chacun  fit  feu  de  sa  dame  assaillir, 
Chacun  Ht  feu  de  mener  sa  mignoUe. 

Le  Banquet  des  boi/s,  xv«  .«.,  dans  le  recueil  de  Montaiglon  et  Rothschild, 
X.  Sur  le  goût  et  le  talent  de  la  danse  dans  les  basses  classes,  voy.  Dal- 
LiNOTON,    Op.  luud.,  p.  183. 

1.  Mémoires  de  Marguerite  de  Valois  (année  I5G9),  coll.  i^Iicliaud. 

2.  NotL  DU  Fail,  1,  27.  Golbervili  i-,  7?,  742,  6G8,  327,  330. 


LITTÉRATURE   DES   PAYSANS.  63 

capables  de  tenir  leur  comptabilité'  ;  mais  il  suffit  de  regar- 
der autour  de  soi  pour  faire  la  dilTéreiice  entre  l'instruc- 
tion qui  aide  aux  premiers  besoins  de  la  vie  et  celle  qui 
l'ennoblit  et  la  charme.  La  littérature  qui  alimentait 
rimagination  populaire,  légendes,  chansons,  était  une 
littérature  orale.  11  arrivait  pourtant,  par  suite  d'une 
circonstance  particulière,  que  certaines  œuvres  et  même 
des  œuvres  écrites  pour  les  lettrés,  pénétraient  dans  un 
milieu  habituellement  fermé  à  la  vie  intellectuelle.  Cette 
circonstance,  c'était  le  plus  souvent  le  zèle  d'un  maître 
d'école  ou  d'un  propriétaire  voisin,  qui  se  faisait  un  plaisir 
de  réunir,  les  jours  de  fête,  les  villageois,  pour  leur  lire 
des  livres  consacrés  par  une  éclatante  popularité,  comme 
le  Calendrier  des  bergers  '\  les  Fables  d'Esope,  le  Roman 
de  la  Rose^,  le  Livre  de  Matheolus,  les  Faiz,  dictes  et  balla- 
des de  M"  Alain  Chartier,  les  mystères  d'Arnoul  et  de 
Simon  Greban,  les  œuvres  de  Guillaume  Crétin,  les 
Vigiles  du  roi  Charles  VII  de  Martial  d'Auvergne'.  Le 
succès  de  ces  livres  dans  les  campagnes  restait  d'ailleurs 
fort  loin  de  celui  des  almanachs.  L'almanach,  c'était 
l'encyclopédie  des  ignorants  et  des  simples.  Plus  simples 
et  plus  ignorants  que  tous,  les  paysans  y  trouvaient  les 
lumières  dont  s'éclairait  leur  empirisme,  les  prédictions 
qui  remédiaient  à  leurs  yeux  à  l'incertitude  des  lois  de  la 
nature,  les  échappées  sur  l'idéal  dont  leur  àme  rudimen- 
taire  avait  besoin.  Et  ce  n'était  pas  seulement  les  paysans 
qui  les  prenaient  pour  guides,  le  sire  de  Gouberville  tenait 
compte  pour  l'époque  de  ses  travaux  des  conseils  de 
Nostradamus.  Ouvrons  le  plus  répandu  de  ces  almanachs 
au  commencement  du  xvii'  siècle,  le  Grand  calendrier  et 

1.  Ch.  de  Ribbe,  Les  familles  et  la  société...,  p.  12. 

2.  Composé  par  Jehan  de  Brie  en  1379. 

3.  Sous  la  lorme  rajeunie  que  lui  avait  donnée  Marot.  G.  Pahis,  La  litté- 
rature française  au  moyen  âge,  2"  éd.  p.  1"2. 

4.  Noël  du  Fail,  Propos  rustiques,  I,  13. 


6+  ROTATION   DES  CULTURES. 

compost  des  bergers,  composé  par  le  herçier  de  la  Grand- 
Montagne^  publié  pour  la  première  lois  en  1G02,  et  dans 
les  éditions  postérieures  duipiel  on  retrouve  le  Calen- 
drier des  bergers  lie  iainx  de  Brie  -.  .Nous  y  trouverons  des 
notions  sur  la  connaissance  des  temps,  des  prières,  un 
examen  de  conscience,  des  principes  d'anatomie,  des 
conseils  d'hygiène,  des  recettes  médicales,  de  l'astrologie. 
Ce  n'est  pas  seulement,  on  le  sait,  par  la  foi  aux  alma- 
naclis  que  se  manifestait  la  crédulité  des  campagnes,  mais 
encore  par  les  superstitions  qui  les  peuplaient  de  fées  et 
de  faitauds.  personnages  capricieux,  tour  à  tour  malfai- 
sants ou  favorables,  qui  jetaient  des  sorts  sur  les  animaux 
et  se  laissaient  désarmer  par  des  présents,  personnifications 
des  phénomènes  et  des  forces  de  la  nature,  dont  les 
hommes  qu'elle  absorbe,  intimide  et  séduit,  n'ont 
jamais  pu  se  passer  \ 

Peut-être  aurions-nous  dû  commencer  ce  chapitre  sur 
l'économie  rurale  de  la  France  par  l'étude  de  l'agriculture 
elle-même,  de  ses  méthodes,  de  ses  produits,  de  sa  place 
dans  la  richesse  nationale,  mais,  nous  l'avouons,  les 
hommes,  leur  vie  matérielle  et  morale  nous  ont  attiré  tout 
d'abord  et  nous  avons  gardé  pour  la  fin  l'art  qui  les  faisait 
vivre.  On  pense  bien,  d'ailleurs,  que,  sur  cette  partie  de 
notre  sujet,  nous  ne  pouvons  qu'indiquer  les  principales 
dilTérences  qui  distinguent  l'époque  de  Henri  IV  et  la 
nôtre. 

Le    système    de    culture    universellement    suivi    était 

1.  Voy.  aussi  la  Pronoslicalion  des  laboureurs,  lô-il,  dans  le  recueil  de 
MoNTAioLox  et  de  Hotiisciiild,  H. 

2.  La  première  édition  sortit  des  presses  de  Pierre  Garnicr,  libraire  a 
Trnyes.  qui  ne  cessa  de  le  réimprimer  dans  le  format  in-i».  L'exemplaire 
que  nous  avons  eu  sous  les  yeux  et  qui  date  de  1602  'in-4°),  porte  toute- 
fois le  nom  de  Nie.  Bo.nfo.ns  et  indique  Paris  comme  lieu  d'impression. 
Voy.  Notice  sur  Jehan  de  Urie,  par  Paul  Lacroix,  en  ti'te  du  lion  llerrjer. 

:j.  Voy.  notamment  .Maluy,  Lea  Fées  au  rito'jen  d'je. 


CÉRÉALES.  6  5 

l'assolement  triennal  ou  biennal.  L'assolement  triennal,  on 
le  sait,  divise  le  domaine  en  trois  parties  :  la  première  est 
semée  en  hiver,  la  seconde  au  printemps,  la  troisième  est 
seulement  labourée  et  reste  en  jachère.  Des  deux  parties 
entre  lesquelles  le  domaine  se  trouve  divisé  par  l'assole- 
ment biennal,  l'une  reçoit  les  ensemencements  d'hiver  et 
de  printemps,  l'autre  est  laissée  en  guérets.  Deux  années 
et  une  année  sur  trois,  dans  la  première  rotation,  une 
année  sur  deux  dans  la  seconde,  chaque  sole  est  donc 
ensemencée  ou  livrée  au  repos  '.  Ce  n'est  que  de  nos  jours 
que  l'agronomie,  éclairée  par  la  connaissance  des  terrains 
et  servie  parles  engrais  chimiques,  a  su,  en  faisant  succéder 
sur  le  même  sol  les  plantes  à  racines  pivotantes  (luzerne, 
trèfle,  etc.),  et  les  plantes  à  racines  chevelues  (blés,  orge, 
avoine),  substituer  le  régime  de  Talternance  au  régime  de 
la  jachère".  Encore  faut-il  ajouter  que  le  nouveau  système 
n'a  pas  triomphé  partout  dans  notre  pays  et  que  l'ancien 
n'a  pas  perdu  tous  ses  défenseurs  ^ 

Les  céréales,  on  le  voit,  formaient  la  base  de  la  rotation 
en  usage  au  temps  de  Henri  IV.  Elles  étaient,  en  efl'et,  le 
produit  le  plus  important  de  l'agriculture  française. 
Comme  elles  fournissaient  l'aliment  principal  de  la  classe 
inférieure  dans  notre  pays,  elles  furent  toujours  l'objet 
particulier  de  la  faveur  et  des  encouragements  du  pou- 
voir. Cette  faveur  avait  même  conduit  à  certaines  exagé- 
rations :  pour  ne  pas  laisser  diminuer,  pour  augmen- 
ter la  production  des  céréales,  on  avait  fait  arracher  des 
vignobles \  on  s'était  livré  à  des  défrichements  excessifs. 

1.  Delisle,  Éludes  sur  la  condition  des  classes  agricoles,  297-298,  304-319. 
Hasïiat,  Considérations  sur  le  métayage  dans  Journal  des  économ.,  1846. 
Du  Chaïelier,  L'agriculture  et  les  classes  agric,  215-210.  Roscher,  Écononne 
politique  rurale,  trad.  par  Vogel,  préface  par  L.  Passy,  87-88. 

2.  RoziER,  Cours  d'agriculture.L.  deL.\\KnG:<E,  Econo)nie  rurale  de  la  Fra7îcp. 

3.  Bastiat,  loc.  cit.  L.  de  Lavergne,  Op.  laud. 

4.  Délibération  des  états  de  Bourgogne  de  la  fin  du  xvie  siècle  deman- 
dant l'arrachage  des  vignes  qui  ont  envahi  les  plaines  et  qui  réduisent  le 


6tî  VITICULTURE. 

Connu  en  Normandie  dès  1460  ',  le  sarrasin  avait  fait,  trente 
ans  après,  son  apparition  en  Bretagne  et  avait  été  pour  la 
population  nécessiteuse  de  cette  province  une  grande 
ressource-.  Quclcpefois  la  récolte  des  céréales  était  assez 
abondante  pour  permettre  l'exportation  ;  d'autres  années,  au 
contraire  '\  elle  ne  suffisait  pas  à  la  consommation.  Dans 
une  lettre  circulaire  *  écrite  le  1"  octobre  1595,  au  lende- 
main d'une  récolte  très  inférieure  aux  besoins,  ITenri  IV 
recommande  aux  autorités  municipales  d'attirer  le  blé 
étranger  en  rassurant  les  marchands  qui  pouvaient  craindre 
la  saisie  et  en  leur  faisant  espérer  qu'il  sera  taxé  à  un  prix 
rémunérateur.  Les  provinces  les  plus  fertiles  en  céréales 
étaient  la  Touraine,  le  Pays  Messin,  leQuercy,  la  Guyenne, 
le  Languedoc,  la  Provence,  la  Picardie,  le  Soissonnais,  la 
Brie,  le  Bassigny,  la  Normandie,  mais  surtout  la  Beauce 
qu'on  appelait  le  grenier  de  la  France'. 

La  vigne  venait,  dans  les  richesses  naturelles  de  la 
France,  immédiatement  après  les  céréales.  La  viticulture 
s'était  propagée  un  peu  partout,  et  ce  n'est  pas  sans  éton- 
nement  qu'on  la  rencontre  dans  des  latitudes  qui  nous 
paraissent  aujourd'hui  lui  être  tout  à  fait  rebelles.  Cette 
dispersion  s'était  en  partie  produite  par  suite  de  cette  idée 
que  chaque  province  et  môme  chaque  circonscription 
plus  petite  constituait  un  monde  économique  fermé,  qui 
devait  trouver  toutes  ses  ressources  en  lui-même.  Toute- 
fois on  remarque,  dès  l'époque  de  Henri  IV,  la  préoccu- 

terrain  propre  à  la  culture  des  céréales.  La  proposition  fut  rejetée  comme 
attentatoire  à  la  liberté  des  propriétaires.  Congrès  scientifique  de  France, 
XXV-^  session,  p.  388. 

1.  Delisle,  op.  laud. 

2.  «  Car,  à  la  vérité,  sans  ce  grain  qui  nous  est  venu  depuis  soixante 
ans,  les  gens  pauvres  de  ce  pays auroient  beaucoup  à  souffrir,  combien  qu'il 
amaigrisse  fort  la  terre.  »  Noël  du  Fail,  Contes...  d'Eutrapel,  xxix. 

:i.  Relation  de  Badoer  (1603-1605),  I,  84. 

4.  Lettres  miss..  IV.  413. 

5.  Causes  de  l'extrême  cherté.  Ubi  supra,  p.  I7:î.  I'miuppson,  II,  33G. 
Grégoire,  p.  or..  The  View  of  Frriunce,  par  DAi,i,iNoroN,  p.  4. 


VITICULTURE.  67. 

patioii  d'approprier  les  cultures  aux  terrains  et  aux;  climats 
et  de  ne  pas  persister  dans  celles  qui  sont  désavouées  par 
la  nature.  C'est  ainsi  que  la  viticulture  avait  été  abandonnée 
en  Normandie,  en  Picardie,  en  Bretagne'.  Si  elle  occupait 
une  zone  beaucoup  trop  étendue  encore,  elle  le  devait 
non  seulement  à  la  considération  que  nous  avons  dite, 
mais  encore  à  ce  qu'elle  exigeait  moins  de  capital  que  la 
culture  des  céréales  et  oiTrait  au  petit  propriétaire  un 
travail  plus  rémunérateur ^  Il  résultait  de  son  extension 
que  le  vin  était  abondant  et  peu  coûteux  et  que  l'usage 
en  était  assez  répandu  pour  que  l'auteur  du  Discours  sur  les 
causes  de  l'extrême  cherté  ait  cru  pouvoir  écrire  en  1386 
que  tout  le  monde  en  buvait,  assertion  dont  il  faut  préciser 
la  véritable  portée  en  ajoutant  que  ce  n'était  pas  pour 
tout  le  monde  une  habitude,  que  les  paysans  ni  même  les 
ouvriers  n'en  buvaient  qu'exceptionnellement. 

L'énumération  des  crus  en  renom  fera  connaître  ce  qu'on 
pourrait  appeler  les  migrations  de  la  viticulture  ainsi  que 
les  variations  du  goût.  Dans  les  vins  rouges  ou  clairets 
on  distingue  trois  groupes:  celui  de  l'Orléanais,  celui  du 
Yivarais  (Montélimar,  Yilleneuve-de-Berg,  Tournon)  et 
celui  de  la  Bourgogne  (Sens,  Auxerre,  Tonnerre,  Joigny, 
Chablis,  Seurre  et  Beaune).  A  ces  trois  groupes  il  faut 
joindre  quelques  crus  isolés  :  ceux  de  Canteperdrix*  et  de 
Bagnols  (Gard),  de  Ris  (Ris-Orangis,  Seine-et-Oise),  d'Ay 
(Marne),  d'Arbois  (Jura),  de  La  Rochelle,  de  Castelnau 
et  de  Moussengirard*,  et  le  cépage  de  Picardent,  cultivé 
encore  aujourd'hui  sur  les  territoires  de  Marseillan,  de 
Florensac  et  de  Pomerols  dans  l'Hérault  \  Parmi  les  vins 


1.  Théâtre  d'afjric,  I. 

2.  A.  YûUXG,  Voyages  en  France,  II,  189. 

3.  Commune  de  Beaucaire,  Gard. 

4.  Legrand   d'Acssy,    Histoire   de   la    vie   privée   des    Français,    éd.   de 
Roquefort,  III,  "20. 

ô.  JIoLiLLEFERT,  Les  vifjnobles  et  les  vins. 


68  CULTURES   DIVERSES. 

blancs,  les  plus  recherchés  élaieut  ceux  dOiléans,  qu'on 
appréciait  encore  plus  que  ses  vins  rouges,  ceux  de 
lAunis,  du  Vivarais  (Joyeuse,  Largontiùre,  Montréal, 
Cornas'),  de  Boaune,  de  Lenibras  (Dordogno,  canton  de 
Bergerac),  ceux  du  Laonnais-  (Coucy  qui  était  un  \\- 
gnoble  royal,  Beaurieux,  Pargnan,  Jumigny,  Guissy), 
ceux  de  l'Anjou,  de  Loudun  en  Languedoc,  de  Montréal, 
de  Gaillac,  de  Uabasteins,  de  Nérac,  do  Graves,  les  mus- 
cats et  blanquettes  de  Frontignan  et  de  Mircval  (llcraull). 
Sans  égaler  ceux  que  nous  venons  de  nommer,  les  plants 
aujourd'hui  obscurs  ou  discrédités  d'Argenteuil,  de  Vanves, 
de  Meudon,  de  Montmartre  et  d'autres  du  terroir  sablon- 
neux des  environs  de  Paris,  passaient  pour  donner  un 
vin  trc's  sain^ 

Après  le  vin,  la  boisson  la  plus  recherchée  par  nos 
ancêtres  était  le  cidre'  et  le  poiré.  La  bière  ne  venait 
quaprès  et  l'on  n'en  buvait  que  dans  les  pays  privés  de 
pommes  et  de  poires,  tels  que  certains  endroits  de  la 
Picardie.  L'hydromel  remplaçait  le  vin  dans  les  pays  où 
manquait  la  vigne  et  où  le  miel  abondait,  du  côté  des 
Ardennes,  par  exemple. 

Nous  ne  ferons  qu'énumérer,  avant  d'arriver  aux  prairies 
et  à  l'élevage,  certaines  cultures  peu  répandues.  La  canne 
à  sucre  était  cultivée  en  Provence,  L'ambassadeur  d'Angle- 
terre Carew  nous  apprend  que  le  roi  en  ht  planter  dans  les 


1.  Ardèche,  arrondissement  de  Tournon,  canton  Saint-Peray. 

2.  Flei  HY,  Les  vins  du  Laonnoh.  Bulletin  de  la  Sociéli;  académi>jue  de 
/.uo/(,  X\(  1874). 

;{.  Théâtre  d'ar/ric,  I,  209-2G0.  Bouchet,  Serées,  l  et  II,  2.i0.  Etienne  et 
LiÉBALLT,  M'iison  rustique,  f.  322,  3i9  et  suiv.  {{akelms,  Pantagruel,  111,  lvii, 
V,  XXXIV.  GoiioRUY,  Devis  sur  les  vif/nes,  vins  et  vendunr/es  (154'J).Cii.  Sohei., 
Les  visions  admirables  du  pi}lerin  du  Parnasse,  lG3r>.  Cokvat,  Crudilies  hus- 
tily  ffohled  up  in  five  ino/il/is  trnvels  in  France,  ICll.  London.  Giii.loky,  Les 
vinslilancs  d'Anjou  dans  Bulletin  de  la  Soc.  indusl.  d'Anjou  (1800).  Philipp- 
60N,  II.  33fi. 

4.  Voy._  sur  la  poniologie  normande  les  détails  minutieux  donnés  par 
S.  Lues  et  M.  i>E  Beaurepaike. 


PATURAGES.  69 

îles  d'Hyères,  étendant  ainsi  les  essais  qui  avaient  déjà  été 
faits  sur  le  continent,  aux  environs  de  la  ville  elle-même*. 
Mais  cette  culture  resta  aussi  limitée  que  celle  du  riz,  que 
nous  tirions  presque  entièrement  de  l'étranger  et  que  l'on 
achetait  très  cher  et  à  la  livre,  comme  le  sucre-.  Le  pastel 
ne  venait  bien  que  dans  le  Lauraguais^  Le  Dauphiné 
fournissait  les  meilleures  châtaignes.  On  trouvait  le  safran 
en  Auvergne  et  dans  l'Albigeois  \  Le  sel  était  assez  abon- 
dant pour  former  l'un  des  principaux  articles  de  nos  expor- 
tations. On  en  recueillait  en  Saintonge,  en  Lorraine,  en 
Bourgogne,  en  Provence,  en  Languedoc,  en  Guyenne  ; 
celui  de  Saintonge  était  le  meilleur  et  le  plus  facile  à  con- 
servera On  récoltait  en  Normandie,  en  Bretagne  et  dans 
une  partie  de  la  Picardie  du  lin  et  du  chanvre  de  très  bonne 
qualité*^;  la  culture  en  était  assez  étendue  pour  donner 
lieu  à  un  commerce  avec  l'étranger. 

L'importance  des  prairies  dans  l'économie  rurale  avait 
été  parfaitement  comprise  par  Olivier  de  Serres.  «  Sur 
l'herbage,  écrit-il,  CQmme  sur  un  ferme  fondement  toute 
l'agriculture  s'appuie.  Aussi  voit-on  que,  moyennant  le 
bétail,  tout  abonde  en  un  lieu,  tant  par  le  denier  liquide 
qui  sans  attente  en  sort,  que  par  les  fumiers  causans  abon- 
dance de  toute  sorte  de  fruits.  »  En  l'absence  de  toute 
circonstance  de  nature  à  modifier  cette  répartition,  la  part 
des  bois  et  des  prairies  dans  le  domaine  rural  devait, 
d'après  lui,  être  des  deux  tiers.  En  réalité,  les  pâturages 

I.  BiRCH.  Dems,  Description  géogr.  et  hist.  de  V Amérique  septentrionale, 
1673,  I,  17.  Dems  et  Chassixat.  Uyères  ancien  et  mocL,  400-401. 

3.  Recueil  de  ce  qui  se  passe  dans  l'assemblée  du  commerce...  dans  les 
Documents  inéd. 

3.  Théâtre  d'agric.,  II,  428.  Pibrac,  Les  plaisirs  de  la  vie  rustique.  Œuvres, 
éd.  Courbé,  p. 130. 

4.  Pibrac,  Uhi  supra.  Philippson,  II,  337. 

5.  Causes  de  l'extrême  clierté,  153.  Reg.  journaux  de  Lestoile,  nouvelle 
édit.  (1574),  I,  46. 

6.  Econ.  roy.,  VI,  319.  Discours  préliminaire  par  l'abbé  Texier  en  tête 
de  la  section  Agriculture  de  VEncyclopédie  méth. 


70  PATURAGES. 

élaient  loin  doccuper  la  place  que  le  savant  agronome  leur 
assignait.  Des  droits  de  dépaissance,  dont  les  uns  étaient 
réservés  aux  habitants  des  communautés,  aux  cojiimuniers 
[pâturer  vires  on  //rassrs),  dont  les  autres  étaient  acquis  à 
tout  le  monde  {vaine pâture),  suppléaient  à  rinsul'iisancc  des 
pacages  dans  la  propriété  privée.  Le  droit  de  vaine  pâture 
s'exerçait  sur  les  prés  après  la  première  coupe  et  môme 
après  le  regain.  En  général,  les  propriétaires  pouvaient  s'y 
soustraire  en  se  clolunint;  cétait  le  principe  dans  les  i)ays 
(le  droit  écrit  et  môme  ailleurs.  Certaines  coutumes 
pourtant  imposaient  au  propriétaire  l'obligation  de  subir 
la  vaine  pâture.  Les  paroisses  dont  les  territoires  étaient 
contigus,  jouissaient,  sous  le  nom  <)^ entrecours,  du  droit  de 
faire  pâturer  leur  bétail  sur  leurs  communaux  respectifs'. 

Ces  communaux  avaient  été,  dans  le  cours  des  siècles  et 
surtout  pendant  les  guerres  civiles,  usurpés  par  les 
seigneurs.  Les  paroisses  grevées  les  avaient  elles-mêmes 
aliénés  à  vil  prix.  On  a  vu  qu'un  édit  rendu  en  1600,  au 
mois  de  mars,  leur  accorda,  pendant  quatre  ans,  la  faculté 
de  les  racheter  au  prix  coûtant  -. 

La  théorie  des  prairies  artificielles  était  connue.  Dès 
1389,  Ch.  Estienne  et  Jean  Liébault  en  avaient  indiqué  la 
méthode  ^  mais  les  propriétaires  avaient  peu  profité  de  la 
leçon.  La  pratique  ne  s'en  répandit  guère  davantage  après 
([u  Olivier  de  Serres  eut  tracé  la  distinction  des  prés  na- 
turels et  des  prairies  artificielles,  en  même  temps  qu'il 
décrivait  l'irrigation  en  homme  qui  en  a  la  longue  expé- 

1.  Coutiune  du  bailliage  de  Sens  (I50()),  titre  xv;  du  bailliage  d'Auxerre, 
de  l'évôché  et  comté  de  Verdun,  de  Bordeaux  (1520),  art.  ex,  de  la  baronnie 
de  Linières  en  Herry  (1.531)),  de  Vitry-le-Francois  (1509).  chap.  xi.  Loisel, 
Insl.  coût.,  n^s  245.  24".  Boucher  i/Augis,  Code  rural.  Boncfmk,  Les  inconvé- 
nients des  droits  féodaux,  p.  i).  Mehi.in,  Répertoire,  v"  Vaine  pâture.  Rivière, 
Hist.  des  biens  communaux  en  France,  1856.  Glasson,  Communau.v  et 
commxinnulés  dans  l'anr.  droit  franc.  Revue  ftist.  du  droit,  1891. 

2.  FuE.MiNvii.LE,  Traité  de  Jurisp.  sur  l'orig.  et  le  f/ouv.  des  communaux, 
p.  7-8,  .3!».  114.  Cahier  du  tiers  état  aux  états  de  Blois,  157G.  Picot,  IH,  ,389. 

'■i.  L'a;jricullure  et  maison  rustique,  '2''-). 


ÉLEVAGE.  17 

rience'.  En  admettant,  sur  la  foi  de  Grégoire-  qui  n'en 
donne  pas  la  preuve,  que  le  roi  ait  créé,  d'après  les  préceptes 
du  g-rand  agronome,  des  prairies  artificielles  dans  plusieurs 
de  ses  domaines,  il  n'en  résulterait  pas  que  cet  exemple  ait 
trouvé  beaucoup  d'imitateurs.  La  propagation  systéma- 
tique des  prairies  artificielles  n'a  eu  lieu  qu'au  xyu!""  siècle 
et,  même  alors,  elle  rencontra  une  telle  résistance  qu'il 
fallut,  pour  la  vaincre,  accorder  aux  propriétaires  des  pri- 
vilèges, des  exemptions  dédîmes,  par  exemple'. 

En  dépit  des  avantages  dont  la  vaine  pâture,  les  com- 
munaux et  le  parcours  faisaient  jouir  les  petits  éleveurs,  la 
production  du  bétail  était  peu  développée  et  fort  inférieure 
déjà,  par  exemple,  à  celle  de  Tx^ngleterre.  L'élevage,  du 
moins,  avait  le  mérite  de  soumettre  aussi  peu  que  possible 
le  bétail  à  la  stabulation,  on  préférait  le  laisser  pâturer  en 
liberté,  au  risque  d'éprouver  des  difficultés  pour  s'en 
rendre  maître  \ 

C'était  principalement  en  Berry  et,  à  un  moindre  degré, 
en  Auvergne,  en  Picardie,  en  Bretagne,  en  Sologne,  dans 
l'Ile-de-France,  en  Normandie,  dans  le  Valentinois,  dans 
les  monts  Corbière  qu'on  s'adonnait  à  l'élevage  ^  On  se 
livrait  à  celui  du  cheval  en  Bourgogne,  en  Normandie,  en 
Bretagne,  en  Auvergne,  en  Poitou,  en  Gascogne,  dans  le 
Perche,  la  Bresse,  le  Lavedan%  mais  la  production  chevaline 
était  très  insuffisante  et  pour  les  besoins  de  la  vie  civile  où 
le  cheval  restait  le  moyen  de  transport  le  plus  employé  et 
pour  la  remonte  de  la  cavalerie  qui  constituait  encore  la 
force  principale    des   armées.  Olivier  de   Serres  regrette 


1.  Théâtre  d'agric,  chap.  m  du  VI*^  livre. 
'2.  Loc.  cit. 

3.  Dareste,  267.  Condorcet,  Élo(]e  de  Duhamel  de  Monceau. 

4.  Voy.  dans  le  livre  de  raison  de  Gouberville  la  fréquente  mention  des 
battues  organisées  pour  s'emparer  du  bétail,  des  chevaux  surtout. 

5.  Théâtre  d'agric,  I,  558.  Philippson,  II,  337. 

G.  Mé7n.  de  J.-A.  de  Thon,  Michaud  et  P.  XI,  300. 


72  ELEVAGE. 

que  la  France,  riche  en  races  de  chevaux  \  soit  obligée  de 
tiror  d'Allemagne,  d'Angleterre,  d'Italie,  de  Corse,-  de 
Sardaigne,  d'Espagne,  de  Turquie,  de  Transylvanie  la  plus 
grande  partie  de  ceux  dont  elle  a  besoin^.  Le  Danemark  et 
la  Flandre  en  fournissaient  aussi.  La  création  des  haras  fut 
une  des  questions  qui  occupèrent  la  commission  du  com- 
merce dont  nous  dirons  ailleurs  la'mission  et  les  travaux. 
Le  roi  en  établit  à  Meung-sur-Loire  et  à  Saint-Léger  dans 
le  comté  de  Montfort-l'Amaïu'y  ^  et  subventionna  la  créa- 
tion d'une  jumenterie  entreprise  par  IMarie  de  Neufville, 
femme  de  Jacques  Paillard  d'Urfé,  dans  le  marquisat  de 
Bagé*.  En  même  temps  qu'on  cherchait  à  augmenter  la 
production,  on  songeait  à  diminuer  l'importation  et  à  conser- 
ver au  pays  l'argent  qu'elle  lui  coûtait.  Lafïemas  proposait 
de  défendre  cette  importation  aux  nationaux  et  d'obliger 
les  étrangers,  qui  pourraient  seuls  s'y  livrer,  à  employer  en 
marchandises  françaises  le  profit  qu'ils  en  tiraient''. 

La  réputation  des  bœufs  du  Limousin  et  de  la  vallée 
d'Auge  comme  des  veaux  de  la  Brie*  n'autorise  pas  à 
affirmer  que  l'élevage  de  la  race  bovine  fût  très  perfectionné, 
et  en  réalité  deux  espèces  seulement  relevaient  la  France 
de  l'infériorité  où  elle  était  restée  dans  la  production  du 
bétail  :   l'espèce  ovine   pour  |la  quantité  et  la   qualité', 


1.  «  N'y  a-t-il  point  de  bonnes  races  de  chevaux...  en  divers  lieux  du 
royaume  que  Ion  nomme  chevaux  de  païs?  »  GoHORnv,  op.  Imtd. 

2.  Théâtre  il' agric,  I,  54'2.  Goiiourv,  loc.  cit. 

3.  fiecueil  de  ce  qui  se  passe...  Ubi  supra.  Isaac  Laffemas,  Histoire  du  com- 
merce dans  CniBEu  et  Danjou,  421.  Arrêts  du  Conseil  d'État,  Bibl.  nat.,  niss. 
franc.,  181G'.),  fol.  102  v.  181G3  fol.  lôO  vo.  Sully  gagnait  de  l'argent  en 
achetant  en  Allemagne  des  courtauds  qu'il  revendait  cher  en  Gascogne. 
Economies  roy,  collection  Michaud,  1,  378.  Sur  l'élevage  du  cheval, 
voy.  Théâtre  d'aqric  ,  VI^  lieu,  chap.  x. 

4.  ArnH  du  conseil  du  27  janvier  IGOÔ.  Bibl.  nat.  fr.,  I8IG8,  fol.  52.  Sur 
l'élevage  du  cheval,  voy.  encore  Bealrepaihe,  \oles  et  documents  concernant 
l'ancienne  administration  des  liaras  en  Normandie,  1860. 

â.  La  commission,  édit,  etc. 

6.  GoHOHRY,  loc.  cit.  Le  Rolx  de  Lincv,  ?rov.  franc.  Dallington,  p.  .'). 

7.  «  ...  Castrati  particolarmente,  i  quali,  par  la  (jualiti  délie  erbe  che 


ENGRAIS.  73 

l'espèce  porcine  pour  la  quantité  tout  au  moins.  Les  laines 
françaises  étaient  très  recherchées  à  l'étranger.  Les  plus 
hues  venaient  du  Berry,  de  la  Sologne,  de  l'Ile-de-France, 
de  la  Normandie,  du  Valentinois,  des  monts  Corbière'. 
Là  où  le  hétail  est  insuffisant,  l'engrais  l'est  aussi.  Dans 
certaines  provinces,  d'ailleurs,  par  incurie  ou  par  système, 
on  ne  fumait  jamais  les  terres;  c'était  le  cas  de  la  Provence-. 
Ailleurs  on  était  plus  éclairé;  dans  le  Maine,  dans  d'autres 
provinces  encore,  on  appréciait  tout  le  profit  que  tire  la 
terre  du  parcage  des  moutons  \  Si  un  dicton  du  x\f  siècle 
reconmiande  de  donner  au  bétail  une  abondante  litière, 
c'est  surtout  pour  avoir  plus  de  fumier'.  Dans  certaines 
régions,  notamment  dans  certaines  parties  de  la  Gascogne, 
on  mettait  la  marne  au-dessus  de  tous  les  amendements". 
Uécobitage  n'était  guère  pratiqué  que  dans  quelques 
cantons  des  Ardennes%  mais  le  brûlis,  qui  en  ditïère  peu, 
était  plus  répandue  On  y  recourait  surtout  quand,  au  lieu 
de  laisser  reposer  la  terre,  on  lui  demandait  une  récolte 
deux  années  de  suite  ^  Les  autres  amendements  en  usage 
étaient,  outre  le  fumier  d'écurie  et  d'étable,  la  fiente  du 
colombier  ou  colomhine.^  le  varech,  le  sable  marin,  le  com- 
post provenant  des  boues  et  du  curage  des  viviers  et  enfin  la 
chaux  qui  nt^  passait  pas  pour  exercer  une  action  très  rapide  ^ 

mangiano  e  per  l'aere  che  spirano,  sono  in  quel  paese  molto  piu  saporiti 
che  non  è  il  vitello  d'assai...  »  Relation  de  Duodo,  1598,  IJhi  supra. 

1 .  Théâtre  cVagric.,  I,  ô.îS.  André  du  Chesne,  490. 

2.  Qi.NQUEREAU  DE  Beauieu,  évêquc  de  Senez.  De  luudibus  Provincise,  1550. 
Cité  par  Grégoire,  op.  laud.,  cxxx. 

-3.  Belox,  cité  par  Doniol,  Histoire  des  classes  agric,  345. 

4.  Et  plus  met-on  de  paille  en  Testable  et  plus  il  y  a  de  furoier.  Le  IIolx 
DE  LixcY,  Prov.  franc.,  v»  Fumier. 

5.  B.  Palissy,  Recepte  véritable  par  laquelle  tous  les  hommes  de  la  France 
pourront  appreyidre  à  multiplier  et  augmenter  leurs  thrésors,  !563.  Préface. 

6.  B.  Palissv,  cité  par  Grégoire,  cxxx. 

7.  ToLLEMEP,,  317.  On  sait  que  l'écobuage  consiste  à  enlever  la  superficie 
de  la  terre  avec  les  racines  et  à  les  brûler,  tandis  que  le  brûlis  se  réduit  à 
brûler  les  chaumes  après  la  récolte. 

8.  Bernard  Palissy,  op.  laud..  509. 

9.  GouBERViLLE,  -306.  ToLLEMER,  p.  317.  Le  Rolx  DE  Lixcy,  Prov.  franç. 


•74  CONCLUSION. 

Si  nous  ne  nous  trompons,  les  faits  que  nous  venons  de 
mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  ont  dû  les  préparer 
aux  conclusions  quil  nous  reste  à  leur  présenter. 

AravènementdellenrilV,ragriculturesubissaitunecrise 
(jui  durait  depuis  vingt-sept  ans  environ  etqui  avait  appauvri 
les  gramls  propriétaires,  ruiné  la  petite  culture,  multiplié 
et  aggravé  les  servitudes  féodales,  déclassé  en  partie  la 
plèbe  rurale  en  lui  laissant  des  habitudes  de  désœuvrement, 
des  ferments  de  déliance  et  de  révolte.  Près  de  dix  ans 
s'écoulèrent  encore  avant  que  la  population  agricole  se 
rassît  et  reprît  racine  de  façon  à  se  prêter  à  une  étude  qui 
ne  peut  être  féconde  que  quand  elle  s'applique  à  une  société 
au  repos  ou.  pour  mieux  dire,  livrée  à  une  activité  réglée. 

Voici  ce  que  cette  étude  nous  a  montré  :  une  agricul- 
ture i)eu  intensive,  bien  qu'aucun  engrais  naturel  ne  lui 
soit  inconnu  ;  la  prépondérance  des  céréales  dans  les  asso- 
lements; la  dispersion  mal  entendue  de  la  viticulture; 
l'insuffisance  des  pâturages,  et,  par  suite,  de  l'élevage; 
l'exploitation  sans  ménagement  des  forêts  ;  le  règne  de  la 
routine  ou,  si  l'on  veut,  de  la  tradition,  menacé,  dans  un 
avenir  encore  éloigné,  par  l'apparition  d'un  livre  oii  la 
doctrine,  appuyée  sur  l'expérience,  fonde  l'agronomie 
française. 

Bien  qu'il  ne  manquât  pas  de  grands  domaines,  la  pro- 
priété foncière,  par  suite  de  l'égalité  des  partages  \  était 
plutôt  morcelée.  Le  crédit  agricole  n'existait  pas  et  l'intérêt 
élevé  que  l'argent  rapportait  dans  les  offices  et  les  fermes 
éloignait  les  capitaux  de  l'agriculture,  comme  de  l'indus- 
trie et  du  commerce.  Les  grands  propriétaires  résidaient 
encore  sur  leurs  terres,  bien  qu'ils  se  sentissent  déjà 
attirés  vers  la  ville  et  la  cour.  Quand  ils  n'exploitaient  pas 
eux-mêmes,  ils  avaient  des  fermiers,  des  colons  partiaires 

1.  «  Les  partages  sont  la  ruine  des  maisons  de  village  »,  écrivait  Giy 
Cfior;i.i.F. 


CONCLUSION.  75 

et  des  locataires  emphytéotiques.  Grâce  à  leurs  longs  baux, 
fermiers  et  colons  partiaires,  et,  à  plus  forte^raison,  loca- 
taires emphytéotiques,  jouissaient  avec  sécurité  du  fruit 
de  leurs  travaux  et  de  leurs  dépenses.  En  revanche  ils 
trouvaient  dans  leur  bailleur  un  seigneur  qui  exerçait  sur 
eux,  concurremment  avec  le  roi,  les  attributions  de  la 
souveraineté.  Malgré  les  charges  de  cette  souveraineté, 
malgré  le  trouble  que  les  guerres  civiles  et  les  usurpations 
qui  en  avaient  été  la  conséquence  y  avaient  apporté,  les 
rapports  des  grands  propriétaires  et  de  leurs  tenanciers 
tendaient  à  reprendre  leur  ancienne  familiarité. 

Dans  la  renaissance  agricole  qui  suivit  les  guerres 
civiles,  une  grande  part  doit  être  accordée  à  la  royauté.  Le 
bien  que  la  monarchie  de  l'ancien  régime  a  fait,  elle  a 
eu  bien  plus  de  mérite  à  le  faire  que  les  gouvernements 
centralisés  des  temps  modernes,  car  sa  bonne  volonté  a  été 
souvent  contrariée  par  les  autonomies  locales,  par  l'apathie 
nationale,  par  ses  propres  instruments.  Si  l'opinion,  repré- 
sentée surtout  par  les  états  généraux,  lui  a  souvent  inspiré 
ses  meilleures  résolutions,  il  faut  lui  tenir  grand  compte 
de  l'énergie  qu'elle  a  dû  déployer,  avec  un  système  admi- 
nistratif et  fiscal  aussi  vicieux,  pour  les  faire  triompher. 
HenrilV,  pourne  parler  que  de  lui,  aexonérél'agriculturedu 
passif  arriéré  qui  la  grevait  et  réduit  d'un  quart  le  mon  tant  de 
la  taille ,  dont  elle  supportait  le  principal  poids.  Il  lui  adonné  la 
sécurité.  Bien  qu'il  n'ait  pas  fait,  comme  l'a  dit  M.  Poirson, 
de  la  liberté  du  commerce  des  grains  le  régime  normal  et 
permanent  du  pays,  bien  qu'il  l'ait  assez  souvent  subor- 
donnée aux  circonstances,  il  en  a  adopté  le  principe  et  il  a 
réussi  à  le  faire  presque  constamment  prévaloir.  Il  eut 
à  combattre  pour  cela  les  préjugés  du  temps  et  les  résis- 
tances locales.  Ce  ne  fut  pas  sur  ce  point  seulement  qu'il 
s'y  heurta.  Quand  il  entreprit  de  dessécher  les  marais,  le 
pays  refusa  ses  capitaux,  et  les  populations  qui  devaient 


76  CONCLUSION. 

profiter  le  plus  directement  du  dessèchement  et  dont  il 
avait  si  scrupuleusement  ménagé  les  droits  acquis,  entra- 
vèrent les  travaux.  Sully  et  Olivier  de  Serres,  bien  que 
linlluence  de  celui-ci  ait  été  lente  à  se  répandre  et  soit 
difficile  à  saisir,  doivent  partager  avec  Henri  la  gloire 
davoir  rendu  l'essor  à  l'agriculture  nationale. 


CHAPITRE    II 
L'ÉCONOMIE    INDUSTRIELLE 

Qu'on  les  considère  au  point  de  vue  moral  ou  au  point 
de  vue  économique,  quelle  différence  entre  le  milieu  que 
nous  quittons  et  celui  où  nous  allons  entrer!  Au  lieu  de 
travaux  réguliers  comme  les  saisons,  dont  les  méthodes  et 
les  procédés  se  modifient  peu  et  lentement,  au  lieu  d "une 
population  qui  ne  connaît  d'autre  groupement  que  la 
famille,  dont  les  seuls  liens  sont  des  liens  de  voisinage  et 
de  commune  dépendance,  dont  la  vie  et  la  pensée  sont 
absorbées  par  le  labeur  quotidien,  qui  n'apprend  les  évé- 
nements publics  que  par  des  échos  vagues  et  infidèles, 
nous  nous  trouvons  en  présence  de  travaux  qui,  sans 
égaler  la  mobilité,  sans  passer  par  les  transformations 
perpétuelles  de  l'industrie  contemporaine,  répondent,  en 
dépit  de  la  réglementation,  aux  sollicitations,  aux  exigences 
du  progrès,  du  goût  et  de  la  mode,  en  présence  d'une 
population  divisée  par  ses  occupations  professionnelles  en 
groupes  qui  s'observent  jalousement  et  dont  chacun  recèle 
lui-même  certaines  divisions,  avide  de  nouvelles  et  de 
spectacles,  ne  manquant  jamais  ni  des  unes  ni  des  autres, 
prompte  à  se  passionner  pour  les  questions  qui  y  sont  en 
jeu,  passant  facilement  de  la  curiosité  aies  suivre  et  à  les 
commenter  au  désir  de  jouer  un  rôle  dans  les  événements. 

Les  dissensions  civiles  avaient  atteint  l'industrie  moins 


78  EFFETS  DES  GUERRES  CIVILES. 

directement  que  l'agriculture  ;  mais  elle  n'avait  guère  moins 
soutTert.  Mieux  protégées  que  les  campagnes  contre  le  pillage 
mais  excitant  ])!us  de  convoitises,  les  villes  n'échappaient 
pas  aux  réquisitions,  aux  contributions  de  guerre  exigées 
par  les  deux  partis,  catholiques  et  protestants,  royaux  et 
ligueurs.  Leur  mise  à  sac  faisait  si  bien  partie  des  lois  de  la 
guerre,  qu'elle  avait  ses  règles.  Elle  était  limitéi^  à  trois 
jours  :  un  pour  piller,  un  pour  emporter  et  le  troisième 
pour  négocier  et  fixer  la  rançon  de  ce  qu'on  voulait  bien 
laisser  aux  vaincus  \  Parmi  les  artisans,  les  uns  s'enrô- 
lèrent au  service  du  premier  chef  de  partisans  venu,  les 
autres  émigré rent,  d'autres  grossirent  les  bandes  de 
mendiants  formées  par  les  réfugiés  des  campagnes.  Cette 
immigration  dans  les  villes  fut  un  des  soucis  les  plus 
grantis  des  municipalités  urbaines  qui  en  comptèrent  tant 
d'autres.  Déjà  embarrassées  des  pauvres  que  le  chô- 
mage et  la  diminution  des  alîaires  multipliaient  parmi 
leurs  administrés,  elles  voyaient  avec  inquiétude  affluer 
aux  portes  ceux  du  plat  pays.  Bouches  inutiles,  bras 
sans  ouvrage,  moralité  suspecte,  maladies  contagieuses, 
intelligences  avec  l'ennemi,  esprit  de  sédition,  c'est  là 
tout  ce  qu'elles  pouvaient  en  attendre.  On  leur  fermait 
les  portes,  mais,  trompant  la  surveillance,  ils  se  glissaient 
isolément  dans  les  villes  ou  y  pénétraient  en  masse, 
moitié  de  gré,  moitié  de  force.  Alors  on  les  expulsait 
en  y  employant  des  bourgeois  commis  à  cet  elîet  sous  le 
nom  expressif  de  chasse-coquim  ou  bien  on  les  embriga- 
dait, en  les  marquant  d'un  signe  particulier,  dans  des 
chantiers  de  démolition  et  de  terrassement  -.  La  peste,  la 

1.  Mémoires  de  La  Noue,  collection  Michaud,  I,  IX,  002. 

■2.  Het/islres  du  bureau  de  la  ville  de  Paris,  p.  p.  GuÉnix  (année  lôi)G), 
p.  237,  238,  241-242,  24.!,  24'J.  Mémoires  de  Jean  Burel,  bourr/eois  du  Puy, 
p.  p.  CiiAssAiNG,  p.  66,  03,  99  (années  1.S80,  1.^80).  Délibérations  du  coiiseilde 
la  commune  île  Carcassonne.  Mém.  de  la  Société  des  arts  et  sciences  de 
Carcassonne,  II  (1850),  14  octobre  1580  et  22  novembre.  10  décembre  lô'JC. 


EFFETS   DES  GUERRES  CIVILES.  70 

famine  venaient  périodiqiiementdécimer  ces  agglomérations 
usées  par  la  misère'.  Il  y  avait  en  de  tout  temps  dans  la 
classe  ouvrière  des  instincts  de  turbulence  et  de  révolte, 


17  avril  1587.  Mémoires  sur  la  Ugxe  dans  le  Laonnois,  p.  Axt.  Riciiart,  p.  p. 
la  Société  académique  de  Laon  18G7  (année  1590).  Délibération  de  Féchevi- 
nage  de  Giiauny  du  8  février  151)5  dans  Bulletin  mensuel  de  la  Société 
académique  de  Chaumi,  I,  ?8I  (I88G).  «  Fut  fait  un  règlement  concernant 
les  pauvres...  que  les  forts  et  vigoureux  travailleroient  aux  forts  et  que 
tous  les  gueux  porteroient  une  marque  de  plomb  sur  laquelle  seroient 
les  armoiries  de  la  ville  »  1507.  Diaire  de  Jacques  Mkrlin...  Arch.  hist.  de 
Saintonge.  V  (1878).  Cahuo,  Histoire  de  Meaux,  p.  .'70.  Lepinois,  Histoire 
de  Chartres,  II,  28G-287.  Laffemas.  Reigl.  r/en...,  p.  12. 

I.  Sans  entreprendre  de  justifier  par  des  faits  particuliers  cet  aperçu  de 
la  détresse  des  villes,  citons  quelques  exemples  qui  en  préciseront  et  en 
animeront  les  traits  généraux.  En  1579  1e  capitaine  huguenot  Merle,  aj'ant 
surpris  Mende,  l'avait  livrée,  pendant  dix  ou  douze  jours,  au  massacre  et 
au  pillage,  et  avait  mis  les  habitants  à  rançon.  Bulletin  de  la  Société  d'' agri- 
culture, industrie,  sciences  et  arts  de  la  Lozère,  111  (i852),  p.  9^.  Bourg- 
en-Bresse  avait  été  pris  et  saccagé  'arrêt  du  conseil  d'État,  10  février  U;03. 
Bibl.  nat.  fr.  18100;,  Aynay-le-Chàteau  avait  été  pillé  et  saccagé  trois  fois, 
la  Flèche  quatre,  la  Ferté-.Milon  avait  été  assiégée  à  plusieurs  reprises  et 
entièrement  saccagée,  Dreux  avait  été  mis  à  sac  (Reg.  du  conseil  d'État 
de  1594.  Bibl.  nat.  fr.  18159,  fol.  19  v»,  358  v»,  406  v»,  477  v»).  Un  arrêt  de 
la  même  année  parle  des  pertes  subies  par  Châteaudun  à  la  suite  du  pas- 
sage des  armées,  de  la  prise  et  de  la  reprise  de  la  ville  (fol.  00),  un  autre 
des  pertes  et  misères  souffertes  par  les  habitants  de  Vendôme  lorsque  leur 
ville  fut  prise  (fol.  67),  un  troisième  remet  à  Joigny  ses  tailles  arriérées  à 
cause  des  grandes  pertes  et  ruines  soutl'ertes  durant  les  troubles  (fol.  92); 
il  est  question  dans  le  même  registre  de  la  «  notoire  pauvreté  »  des  habi- 
tants de  Brienon-F Archevêque  «  advenue  à  l'occasion  des  troubles,  passages 
et  séjour  des  gens  de  guerre  »  (fol.  160),  des  «  pertes,  ruynes  et  ravages 
soutferts  par  les  habitants  de  Malay-Vicomte,  tant  au  passage,  séjour  des 
gens  de  guerre  que  à  la  prinse  et  reprinse  de  lad.  ville  faicteà  trois  diverses 
foys  »  (fol.  458  v°).  Un  arrêt  de  1599  nous  apprend  que  Xoyon  avait  été  pris 
deux  fois,  que  les  deux  tiers  de  ses  maisons  avaient  été  brûlées,  que  la 
ville  avait  été  décimée  par  une  épidémie  (Bibl.  nat.  fr.  1810,  fol.  48).  En 
1575,  Provins  se  rachète  du  pillage  par  une  contribution  en  nature  (BouR- 
QCELOT,  Hist.  de  Provins.  FI,  159),  elle  subit  des  réquisitions  et  des  contri- 
butions de  guerre  multipliées  (p.  160,  167  note).  La  peste  s'y  déclare  en 
1581,  reparaît  en  1582,  puis  en  1580,  à  la  suite  de  la  famine  ;  elle  y  régnait 
encore  à  la  fin  du  xvi^  siècle  ip.  165-lOG).  A  la  même  époque,  les  foires  et 
le  commerce  y  étaient  entièrement  ruinés,  de  1500  chefs  de  famille  il  n'en 
restait  pas  500,  les  villages  des  environs  étaient  presque  déserts  (p.  193- 
194).  Dans  le  voisinage,  Chalautre-la-Grande  avait  été  saccagée  et  détruite 
en  1580  par  les  troupes  du  duc  de  Guise.  La  soumission  de  la  Normandie 
au  roi  n'y  avait  pas  rétabli  la  sûreté  des  communications,  en  1594  le  com- 
merce y  était  encore  impossible  (Arrêt  du  conseil  du  24  nov.  1594.  Bibl. 
nat.  fr.  18159,  fol.  402  V).  Voy.  tncove  Hist.  de  ce  qui  s'est  passé  en  Bretagne 
pendant  les  guer>'es  de  la  Ligue,  par  le  chanoine  .Moreau. 


80  ABUS   DE  l'organisation  INDUSTRIELLE. 

mais  ils  avaient  été  le  plus  souvent  contenus  par  la  vigi- 
lance du  pouvoir  et  par  le  souci  de  l'existence  profession- 
nelle. Entretenus  pourtant  au  sein  des  réunions  de  confréries 
et  de  compagnonnage,  ils  avaient  fait  explosion  le  jour  où 
la  sainte  Inion,  prêchant  la  guerre  civile  dans  toutes  ses 
églises,  avait  armé  les  gens  de  métiers,  les  avait  fait  entrer 
dans  ses  conseils,  leur  avait  appris  à  trancher  des  alfaires 
d'État  '.  Est-il  besoin  d'ajouter  après  cela  que  la  déférence 
des  ouvriers  pour  leurs  patrons  en  avait  été  fortement 
atteinte-? 

La  situation  misérable  de  l'industrie  était  en  partie 
imputable  à  son  organisation  même.  Cette  organisation 
recelait  des  germes  de  décadence  que  les  troubles  poli- 
tiques avaient  fait  mûrir  et  éclore.  Les  rois  des  merciers 
qui  avaient  commencé  au  xiv''  siècle  à  exercer  une  cer- 
taine autorité  sur  les  merciers  \  c'est-à-dire  sur  les  mar- 
chands en  gros  de  certaines  provinces  obligés  par  la  nature 
de  leurs  alTaires  à  aller  de  foire  en  foire,  avaient,  à  une 
époque  que  nous  ne  pouvons  préciser,  mais  qui  est  anté- 
rieure à  François  1°'',  étendu  cette  autorité  sur  tous  les 
marchands  et  artisans.  Personne  ne  pouvait  exercer  un 
métier  sans  avoir  obtenu  à  deniers  comptants  des  lettres 
de  maîtrise  du  roi  des  merciers  dans  la  juridiction  duquel 
il  était  placé  et  qui  percevait  en  outre  tous  les  six  mois  des 
droits  de  visite  et  d'apprentissage*.  En  revanche  les  rois 
des  merciers  avaient  charge  de  veiller  à  la  police  des 
métiers.  François  I"  tenta,  mais  sans  succès,  de  réunir  à  la 

1.  Harangue  de  .M.  de  Lyon  dans  Satire  Ménippée  éd.  Labitte,  p.  8G.  Uexé 
Benoist,  De  l'institulion  et  abus  des  confréries,  1578.  Bodio,  Les  six  livres 
de  la  HépuldifjUP,  1580. 

2.  Lakfemas,  Reit/l.  gun.,  p.  12. 

3.  ...  De  toute  ancienneté,  il  est  acoustunié  avoir  en  notre  pays  de  Beau- 
jolais un  prévôt  et  maître  des  merciers  fréquentans  foires  et  marchés  ])our 
maintenir  les  franchises,  libertés  et  usagesentre  eux...  usités.  Nomination 
d'un  prévôt  des  merciers  de  Beaujolais  en  1427  par  la  duchesse  de  Bourbon. 
llullelin  de  la  Société  d'émulalion  de  l'Allier,  X,  p.  123. 

■i.  Préambule  de  Tédit  d'avril  IJ97.  Foxta.nux,  I,  1101. 


ABCS  DE  L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE.  81 

couronne  ces  droits  et  cette  police.  Les  rois  des  merciers 
continuèrent  à  percevoir  ces  taxes,  concurremment  avec  les 
gardes-jurés,  et  les  uns  comme  les  autres  commirent  une 
foule  de  malversations  et  d'abus.  Ces  gardes-jurés,  nélant 
plus  élus  par  les  corporations,  mais  nommés  par  les  rois  des 
merciers',  sentendaient  avec  eux  pour  tirer  de  leurs 
charges  le  plus  de  profit  possible  aux  dépens  des  membres 
des  corporations,  aux({uels  ils  faisaient  accepter  leurs 
exactions  en  tolérant  leurs  malfaçons  et  leurs  fraudes'.  Les 
maîtrises  n'étaient  devenues  accessibles  qu'aux  fils  et  aux 
gendres  de  maîtres  ou  aux  candidats  assez  riches  pour  se 
concilier  la  bienveillance  de  ceux-ci  par  des  présents  et  des 
banquets^;  à  Paris,  ces  banquets  coûtaient  aux  candidats 
de  60  (566  fr.  29)  à  200  écus  (1887  fr.  63).  Les  apprentis 
riches  faisaient  à  prix  d'argent  abréger  le  temps  de  leur 
apprentissage".  C'est  en  vain  que  le  candidat,  qui  n'avait 
pour  lui  que  son  mérite,  se  tirait  à  son  honneur  de  l'épreuve 
longue  et  coûteuse  du  chef-d'œuvre,  ses  examinateurs 
refusaient  le  plus  souvent  leur  approbation  à  une  œuvre 
que  beaucoup  d'entre  eux  auraient  été  incapables  d'exé- 
cuter ^ 

Mais  l'industrie  n'était  pas  universellement  soumise  au 
régime  des  maîtrises  et  des  jurandes;  bon  nombre  de  villes 
ne  le  connaissaient  pas.  Celles  où  il  était  en  vigueur  se 
distinguaient  par  le  nom  de  villes  jurées  ou  villes  de  loi. 
Même  dans  celles-ci,  bien  des  métiers  étaient  libres  et  le 

1.  Édit  d'avril  1597,  art.  4. 

2.  Ibid.  «  Deffences  seront  faites  à  tous  malstres  jurez...  de  plus  lever 
sur  la  communauté  de  leur  mestier  autres  deniers  que  ceux...  mentionnez 
aud.  règlement  et  d'en  abuser  comme  ils  ont  fait  par  le  passé  sous  pré- 
texte de  pieté...  »  Reigl.  gen.,  p.  25.  Voy.  l'éuumération  des  abus  commis 
par  les  jurés  dans  un  document  publié  par  M".  Levasseur,  Hisl.  des  classes 
ouvr.,  Il,  99. 

3.  Édit.  de  déc.  1581.  Foxtanon,  I,  1091.  «  ...  au  lieu  de  festins  et  autres 
frais  qu'il  lui  faudroit  faire,..  »  Reigl.  gen.,  p.  22. 

4.  Édit  de  déc.  1581.  Ubi  supra. 

5.  Ibid. 


82  DÉCADENCE  DE  CERTAINES  INDUSTRIES. 

restaient  jusqu'au  jour  où  leur  importance  croissante  les 
faisait  ériger  en  corporations.  Ce  régime  ne  s'étendait  pas 
d'ailleurs  aux  villages  ni  aux  bourgades.  Là  où  elle  avait 
été  mise  à  môme  de  porter  ses  fruits,  la  liberté  avait-elle 
été  moins  fertile  en  abus  que  la  réglementation?  C'était 
tout  le  contraire.  La  licence  y  était  poussée  si  loin  que  les 
habitants  des  villes  où  l'industrie  et  le  commerce  étaient 
libres,  étaient  réduits  à^  faire  leurs  achats  et  leurs  com- 
mandes dans  des  villes  jurées',  situées  quelquefois  à  quinze 
ou  vingt  lieues  de  celles  qu'ils  habitaient-. 

Il  est  plus  facile  de  se  représenter  en  gros  ce  que  l'in- 
dustrie française  pouvait  être  devenue  en  4589  par  suite 
des  guerres  civiles  et  des  vices  inhérents  à  sa  constitution 
que  de  spécifier  les  pertes  éprouvées  par  telle  ou  telle 
industrie  particulière.  On  peut  le  faire  cependant  pour 
plusieurs  d'entre  elles. 

Les  draps  français  avaient  joui  d'une  grande  réputation 
et  avaient  été  très  recherchés  au  Levant  et  jusque  dans 
l'Inde.  Mais  les  malfaçons,  favorisées  par  les  troubles, 
avaient  discrédité  et  presque  entièrement  ruiné  l'industrie 
drapière.  Klle  produisait  quatre  fois  moins  qu'avant  les 
guerres  civiles.  A  Provins,  où  dix-huit  cents  métiers 
marchaient  autrefois,  à  Sentis,  à  Meaux,  à  Melun,  à  Saint- 
Denis,  dans  d'autres  localités  des  environs  de  Paris,  la 
fabrication  s'était  pour  ainsi  dire  arrêtée.  La  plus  grande 
partie  de  la  laine  recueillie  en  Languedoc,  en  Provence, 
en  Dauphiné,  au  lieu  d'être  filée  et  tissée  dans  le  pays, 
passait  en  Italie  d'où  elle  nous  revenait  manufacturée  sous 
forme  de  serges  de  Florence,  d'étamets,  de  ras  de  Milan  ^ 


1.  Éditdedéc.  l.'iSl.  Ubi  supra. 

2.  Préface  du  lieifjl.  r/f/i.  Avis  des  corporations  de  Paris  à  la  suite  de  la 
Commission,  édit  et  partie  des  mémoires  de  l'ordre  et  eslahlissement  du 
commerce  gênerai  des  manufactures  en  ce  royaume,  F*aris,  I'autonmer, 
1601,  in-40. 

.3.  Reiffl.  f/eii.,  p.  11. 


PROSPÉRITÉ   DE  CERTAINES  AUTRES.  83 

Les  Anglais  inondaient  le  royaume  de  leurs  draps,  de  leurs 
futaines,  de  leurs  bureaux,  de  leurs  bas  de  tricot,  comme 
de  leur  chapellerie  et  de  leur  cordonnerie'.  La  fabrication 
des  serges  et  des  camelots,  ce  qu'on  appelait  alors  la 
myetterie,  avait  été  très  florissante  à  Amiens;  en  1576  elle 
avait  tellement  perdu  de  son  activité  que  cinq  à  six  mille 
ouvriers  étaient  réduits  au  chômage  et  ne  vivaient  que 
d'aumônes-.  Les  teinturiers  parisiens  qui,  au  milieu  du 
siècle,  teignaient  annuellement  six  cent  mille  pièces  de 
drap,  en  teignaient  à  la  fin  moins  de  cent  mille  \  La  répu- 
tation des  cuirs  français  avait  été  perdue  par  le  défaut  de 
conscience  des  tanneurs  qui  tannaient  en  moins  de  trois 
mois  des  cuirs  qui  leur  demandaient  autrefois  une  année 
ou  deux\  Avant  les  guerres  civiles,  l'industrie  des  soieries 
faisait  vivre  à  Tours  près  de  quarante  mille  personnes,  en 
1S96  le  nombre  des  fabricants  était  réduit  de  huit  cents  à 
deux  cents  \  A  la  même  date,  une  revision  des  règlements 
de  la  fabrique  lyonnaise  était  rendue  nécessaire  par  une 
désorganisation  presque  complète  imputable  à  la  même 
cause*'. 

Certaines  industries  cependant  avaient  résisté  au  malheur 
des  temps.  Rouen  continuait  à  faire  de  la  draperie  fine,  ses 
draps  étaient  célèbres  sous  le  nom  de  draps  du  sceau  ^  qu'ils 
devaient  à  la  marque  qui  en  indiquait  la  provenance  et  en 
garantissait  la  qualité.  La  vaisselle  d'argent  de  Paris  avait 


1 .  Re/jZ.  gen.,  p.  18.  Advis  et  remonstrances  à  MM.  les  commissaires  députés 
du  roi,  1600,  p.  T. 

2.  Monuments  inéd.  de  l'hist.  du  tiers  état,  II,  903  note.  Procès-verbaux 
de  la  commission  du  commerce  dans  Ciiampollion,  Documents  liistoriques 
extraits  de  la  Dihiiollièfjue  nationale,  IX,  100-108. 

3.  Laffem.\s,  Recueil  de  ce  qui  seposse  en  l'assemblée  ducon.merce,  p.  244. 

4.  I.  Laffemas,  Hist.  du  commerce,  p.  419.  Beigl.  gen.,  p.  13,  14. 

5.  Cahier  des  remontrances  que  les  délégués  de  Tours  doivent  portera 
l'assemblée  des  notables  de  Rouen,  analysé  par  M.  Giraidet,  Hist.  de  Tours, 
II,  59. 

6.  Inventaire  des  arch.  municipales  de  Lyon.  Reg.  BB  133,  année  1596. 

7.  Reigl.  gen.,  p.  11.  I.  Laffemas, ///s/,  du  commerce,  p.  420. 


84  RENAISSANCE   DES  INDUSTRIES  TEXTILES. 

conservé  son  excellent  titre  et  sa  réputation  '.  Les  serges 
de  Limestre,  c'est-à-dire  les  serges  fines  fabriquées  à 
Kouen,  à  Dieppe,  à  Féeamp  et  ailleurs,  pouvaient  remplacer 
avec  avantage  celles  de  Florence,  sil  faut  en  croire  des 
juges  fort  prévenus,  il  est  vrai,  en  faveur  de  l'industrie 
fran(^aise^  L'un  d'eux,  Lalïemas,  en  disait  autant  de  celles 
([ue  Sommières  en  Languedoc  s'était  mise  à  fabriquer  vers 
lavènement  de  Henri  IV.  En  L'iOG,  >Jîmes  savait  donner 
aux  siennes  l'aspect  du  ras  de  Milan,  Chartres  imitait  le  ras 
d'Arschot^;  quelques  années  plus  tard,  les  drapiers  de 
Paris,  intéressés,  ne  l'oublions  pas,  à  faire  valoir  la  fa- 
brique française,  mettaient  les  draps  de  Paris,  de  Rouen, 
de  Meaux,  du  Berry,  de  Beauvais,  etc.,  bien  au-dessus 
de  la  draperie  étrangère  *.  Dans  les  dernières  années 
du  xvi"  siècle,  l'industrie  des  toiles  était  assez  développée 
en  Normandie  et  notamment  à  Rouen,  en  Bretagne,  en 
Barrois,  en  Champagne  et  spécialement  à  Troyes,  à  Laval, 
à  Chàtellerault  pour  donner  lieu  à  un  commerce  d'expor- 
tation'.  Louviers,  Saint-Quentin,  une  partie  de  la 
]\ormandie  faisaient  des  toiles  fines  qui  passaient  pour 
valoir  les  toiles  de  Hollande  ^ 

Qu'il  y  ait  quelque  complaisance  dans  la  préférence  que 
les  contemporains  auxquels  nous  devons  ces  renseigne- 
ments accordent  aux  produits  français,  nous  sommes  porté 
à  le  croire;  il  n'en  est  pas  moins  incontestable  que  les  deux 
industries  françaises  les  plus  importantes,  les  seules  qui 
eussent  contribué  jusque-là  au  commerce  d'exportation,  la 
draperie  et  les  toiles,  se  ranimaient  dans  les  dernières 
années  du  siècle,  à  mesure  que  la  pacification  du  pays 


1.  Lai'femas,  Uiat.  du  commerce,  loc.  cit. 

2.  lieif/l.  gen.,  loc.  cit.  Avis  des  corporations. 

3.  Reii/l.  f/en  ,  p.  lâ-lG.  Avis  des  corporations. 

4.  Avis  des  corporations. 
ô.  Ibid. 

0.  liei'jl.  ;/en.,  p.  10. 


INDUSTRIES  NOUVELLES.  85 

faisait  des  progros.  Cette  sorte  de  renaissance  toute  sponta- 
née, et  à  laquelle  le  gouvernement  n'eut  aucune  part,  se 
manifestait,  on  l'a  vu,  dans  une  région  assez  étendue,  dans 
des  centres  assez  éloignés  l'un  de  l'autre.  Les  symptômes 
d'activité  industrielle  qu'il  nous  reste  à  signaler  ont  un 
caractère  plus  local  et  plus  spécial,  ce  ne  sont  plus  des 
traditions  qui  se  renouent,  ce  sont  des  créations  dont  l'ori- 
gine se  précise  parfois  par  une  date  ou  par  un  homme. 
Dans  les  dix  dernières  années  du  xvi"  siècle  s'introduisait 
à  Dourdan  l'industrie  des  bas  de  soie  et  de  tricot  \  Un  peu 
avant  1596,  deux  Flamands  apprenaient  aux  habitants  de 
Sentis  et  des  villages  voisins  à  faire  de  la  dentelle  de 
Flandre  ^  Ce  n'est  pas  le  seul  exemple  d'étrangers  venant 
s'établir  dans  notre  pays  et  y  apportant  des  industries  nou- 
velles ;  si  beaucoup  de  nos  ouvriers  s'étaient  expatriés,  en 
revanche  des  colonies  d'artisans  étrangers  étaient  venues 
braver  nos  agitations  intérieures.  Ainsi,  en  1581,  d'habiles 
corroyeurs  suisses  s'étaient  fixés  en  Béarn^  et  y  exerçaient 
l'art  de  donner  aux  peaux  de  bœuf  la  façon  du  buffle,  à 
celles  de  chèvre  la  façon  du  chamois,  assez  bien  pour  faire 
concurrence  aux  cuirs  d'Allemagne.  Sous  leur  influence  la 
préparation  des  peaux  de  buffle  et  de  chamois,  que  des  né- 
gociants de  Bayonne  allaient  chercher  à  Candie  et  dans  les 
États  barbaresques,  avait  atteint  en  Béarn  une  grande  per- 
fection \  Dès  1589,  Poitiers  travaillait  toute  espèce  de  cuirs 
à  l'imitation  de  ces  cuirs  exotiques ^  Les  maroquins  de  la 
Rochelle  éclipsaient  ceux  de  Flandre,  grâce  aux  fabricants 
flamands  qui  s'étaient  établis  dans  cette  ville  dont  les  pri- 

1.  Reigl.  qen.,  p.  10. 
I.lbid. 

3.  Reiql.  gen.,  p.  10.  .M.  Poirson  (III,  240),  trompé  par  l'ancienne  ortho- 
graphe de  Béarn  (Biard),  s'est  donné  beaucoup  de  peine  pour  découvrir  le 
lieu  dont  Laffemas  a  voulu  parler  et  a  fini  par  l'identifier  avec  un  bourg  du 
Lyonnais. 

4.  Reigl.  gen.,  p.  17. 

5.  Ibid. 


86  CRÉATIONS  D'OFFICES. 

vilègcs  et  raulonomic  les  avaient  peut-être  attirés'.  Vers 
I.jOC),  un  maître  corroyeur  de  ^^érac  en  Gascogne,  nommé 
Bernardin,  savait  apprêter  les  cuirs  de  façon  à  les  mettre 
à  lépreuve  des  armes  blanches*.  Il  y  avait  trois  ou  quatre 
ans  que  Montpellier  avait  commencé  à  faire  des  velours, 
des  satins,  des  lalTetas;  cette  ville  se  distinguait  également 
par  ses  futaines  blanches ^  A  côté  des  anciennes  fabriques 
de  soieries  de  Lyon  et  de  Tours,  si  éprouvées,  mais  non 
détruites,  s'établissait  à  Paris,  sous  la  direction  d'un  indus- 
triel, nommé  GotKl'roy,  une  manufacture  de  soieries  et 
de  brocards  à  laquelle  semblait  réservé  un  brillant  avenir '. 
Henri  IV  n'était  pas  malheureusement  en  mesure  d'en- 
courager ces  témoignages  de  l'activité  renaissante  de  ses 
sujets.  Lorsqu'il  s'occupa  de  l'industrie  pendant  la  période 
militante  de  son  règne,  ce  ne  fut  pas  le  plus  souvent  par 
intérêt  pour  elle,  mais  pour  lui  demander  des  ressources 
extraordinaires,  toutes  différentes  de  celles  qu'elle  fournit 
dans  des  temps  réguliers.  C'est  ainsi  qu'au  mois  de 
janvier  Jo9G,  il  rétablit  des  offices  de  contrôleurs,  visiteurs, 
marqueurs  de  cuirs",  dont  la  création  ne  se  justifiait  que 
par  la  nécessité  de  payer  la  solde  arriérée  des  troupes 
suisses.  Cet  édit  fut  aussi  impopulaire  que  préjudiciable  à 
l'industrie  des  cuirs.  Il  souleva  l'opposition  des  autorités 
locales,  provoqua  des  émeutes  parmi  les  gens  de  métiers 
et  ne  fut  exécuté  qu'avec  beaucoup  de  peine.  Uniquement 
préoccupés  d'augmenter  les  produits  de  leurs  charges, 
les    contrôleurs-marqueurs  ''    marquaient    tous    les    cuirs 


1 .  Reigl.  gen.,  p.  IG. 

2.  Ihid.,^.  !). 

3.  Ihid.,  p.  Itl. 

4.  Ihid. 

5.  Fo.NTANO.N,  1,  1 IG8.  L'édit  de  création  est  de  1685. 

6.  Ces  places  étaient  données  à  la  faveur,  sans  tenir  aucun  compte  de  la 
compétence.  Ainsi  un  fourrier  de  la  grande  écurie  du  roi  est  contrôleur- 
visiteur  et  niarqueur  des  cuirs  de  Poitiers.  '.Vrrêt  du  Conseil  du  13  octobre 
1607.  Bibl.  nat.  fr.  18173,  fui.  2!)). 


CRÉATIONS  DE  MAITRISES.  87 

qu'on  leur  présentait  et  les  nombreuses  industries  qui  em- 
ploient cette  matière  s'en  trouvaient  à  la  fois  trompées  et 
discréditées.  Néanmoins  l'édit  fut  maintenu  et  survé- 
cut non  seulement  à  la  guerre  civile  et  étrang^ère  qui 
le  rendait  excusable,  mais  même  au  roi  qui  l'avait 
rendu*. 

On  peut  rapprocher  des  créations  d'offices  les  créations 
de  maîtrises.  Il  y  avait  toutefois  cette  différence  entre  elles 
que,  tandis  que  les  premières  faisaient  renchérir  les  mar- 
chandises, les  secondes  tendaient  à  les  faire  baisser  en  déve- 
loppant la  concurrence.  Leur  danger,  c'était  que  les  maî- 
trises pouvaient  tomber  dans  les  mains  des  premiers 
venus  et  ouvrir  ainsi  à  des  gens  sans  capacité  l'accès  des 
professions  industrielles.  Aussi  les  corporations  deman- 
daient qu'elles  ne  fussent  délivrées  que  sur  leur  désigna- 
tion. Elles  ne  trouvaient  pas  toujours  des  acquéreurs.  Les 
corporations  avaient  tant  de  moyens  de  rendre  à  ceux-ci 
l'exercice  du  métier  difficile  et  peu  profitable,  tant  de 
façons  de  les  vexer  et  de  les  dégoûter  que  souvent  les 
lettres  de  maîtrise  ne  se  plaçaient  pas.  En  1608,  il  y  en 
avait  une  foule  qui  étaient  dans  ce  cas  et  dont  les  plus  an- 
ciennes remontaient  jusqu'à  l'avènement  de  François  II, 
elles  faisaient  l'objet  d'un  trafic  et  passaient  de  main  en 
main  en  se  dépréciant  de  plus  en  plus.  Elles  avilissaient  du 
même  coup  celles  qui  avaient  été  créées  par  Henri  IV  ou 


I.  L'opposition  des  municipalités  et  des  corps  judiciaires  se  manifesta 
notamment  au  Mans,  à  Lyon,  à  Orléans,  à  Soissons,  à  Chûteau-du-Loir,  à 
Chàtellerault  (Arrêt  du  conseil  du  15  février  lô9G.  Bibl.  nat.  fr.  18162).  Des 
émeutes  éclatèrent  au  Mans,  à  Lyon,  à  Rouen,  à  Troyes,  à  Caen,  etc. 
(Arrêts  du  lô  février  et  du  26  août  L')98).  Les  états  de  Normandie,  dans  leur 
session  de  décembre  1598,  réclamèrent  la  révocation  de  l'édit.  Robillard 
UK  Beaurepaire,  Cahiers  des  états  sous  Henri  IV,  I,  117.  En  1600  et  1601, 
Laffemas  et  les  cordonniers  de  Paris  exprimèrent  le  même  voeu.  Remon- 
trances enferme  d'édit  et  Avis  des  corporations.  Un  arrêt  de  1618  conflrma 
l'existence  des  contrôleurs,  visiteurs  et  marqueurs  créés  à  Laval  en  exé- 
cution de  l'édit.  La  Beauluere,  Recherches  sur  les  corporations  d'arts  et 
métiers  du  comté-pairie  de  Laval,  p.  40. 


88  BARTHÉLÉMY  LAFFEMAS. 

(jui  pouvaient  l'être  à  l'avenir'.  Aussi  le  roi  rendit,  le 
8  juillet  1608,  une  déclaration  révoquant  toutes  celles  qui 
avaient  été  créées  avant  son  avt"^nemont  et  qui  avaient  été 
délivrées  depuis. 

Les  succès  décisifs  de  Ilonri  IV  dans  le  cours  de  l'an- 
née 1590  lui  permirent  de  s'occuper  de  l'industrie  avec  des 
vues  plus  désintéressées  et  plus  libérales.  La  convocation 
d'une  assemblée  de  notables  conduisait  naturellement  à 
examiner  la  situation  générale  du  i)ays,  à  sonder  ses 
plaies,  à  rechercher  les  moyens  de  les  fermer.  Lorsque 
cette  assemblée  se  réunit  à  Rouen  le  4  novembre  1596,  le 
roi  lui  soumit'  les  projets  qu'il  avait  reçus  de  plusieurs 
particuliers  sur  les  moyens  de  relever  l'industrie  nationale. 
Le  plus  remarquable  était  un  plan  d'organisation  indus- 
trielle rédigé  par  Barthélémy  LalTcuias  sous  le  titre  de 
Règlement  général  pour  dresser  les  manufactures  en  ce 
royaume  \  Les  idées  de  Laffemas,  même  celles  qu'il  par- 
tage avec  son  temps,  sont  bien  à  lui,  en  ce  sens  qu'il  se  les 
est  faites  lui-même  et  qu'il  ne  les  a  pas  puisées  dans  les 
livres,  car  il  n'était  rien  moins  qu'un  lettré,  mais  dans  la 
longue  pratique  des  affaires  '•. 

Ce  personnage  est  moins  connu  par  lui-même  que  par 
son  fils,  Isaac,  qui  ne  jouit  pas  dans  l'histoire  d'une  très 
bonne  réputation.  Né  peut-être  en  1545  à  Beausemblant  en 
Dauphin é,  facteur  d'un  grand  commerçant,  commerçant 
ensuite  pour  son  propre  compte,  attaché  vers  156(),  en  qua- 

1.  lîien  entendu  les  lettres  de  maîtrise  n'étnient  pas  vendues  directement 
par  le  roi  ni  par  les  ooncessiounaircs,  elles  étaient  atlermées  à  des  traitants 
qui  les  allermaient  d'autant  moins  cher  qu'elles  étaient  plus  nombreuses. 
Heg.  du  conseil  d'État  de  1599.  Bibl.  nat.  fr.  181CI,  fol.  ;J. 

'1.  lieiffl.  geii. 

'.].  Paris,  Ci.Ai.DE   de  Mo-treuii.,  1ô97,  in-8°. 

4.  «  ...  Pour  n'avoir  iceluy  autheur  jamais  esté  aux  escolles,  et  ce  peu 
qu'il  a  apris  a  esté  en  faisant  tralfic  de  marchandise  tenant  l'argenterie  du 
roy...  »,  disait-il  lui-même.  Le  quatrième  udvevlissement  du  commerce  f'aict 
sur  le  dehvoir  de  iavmosne  des  pauvres  desdié  aux  riches  et  amateurs  du 
bien])ul)lic,  etc.  Paris,  .Mettayer,  1000,  p.   1.'». 


PLAN   DE  LAFFEMAS.  89 

lité  de  tailleur  valel  de  chambre,  à  la  maison  du  roi  de 
Navarre,  puis,  à  partir  de  1570,  fournisseur  de  son  «  argen- 
terie »,  il  avait  fait  à  tous  ces  titres  de  très  grandes  atï'ai- 
res.  Elles  ne  lui  avaient  pas  toujours  réussi.  Ce  n'est  pas, 
croyons-nous,  qu'elles  eussent  été  mal  conçues  ou  mal  con- 
duites, mais  le  malheur  des  temps  les  avait  fait  tourner 
contre  lui.  Décret  sur  ses  biens,  décret  sur  sa  personne, 
emprisonnement,  il  avait,  à  l'exception  de  la  faillite  et  de 
la  cession  de  biens,  auxquelles  il  se  vante  de  n'avoir 
jamais  été  réduit,  connu  ce  que  la  carrière  commerciale 
peut  réserver  de  plus  amer  et  de  plus  humiliant.  Il  avait 
éprouvé  l'impuissance  de  l'activité  et  de  l'intelligence  en 
lutte  avec  des  circonstances  sous  lesquelles  tant  d'autres 
commerçants  contemporains  avaient  succombé  comme  lui 
mais  il  avait  eu,  de  plus  queux,  le  goût  et  le  don  de  se 
rendre  compte  des  causes  de  ses  revers  et  de  méditer,  pour 
le  prolit  du  public,  la  réforme  des  institutions,  des  mœurs, 
des  abus  dont  il  avait  été  victime  ^ 

Le  plan  quil  présenta  au  roi  en  1596  était  arrêté  dans 
son  esprit  dès  loSo'.  Il  fut  très  probablement  appelé  à  le 
soutenir  devant  l'assemblée  des  notables  ^  Les  mesures 
générales  quil  préconisait,  en  dehors  de  la  sériciculture  et 
de  la  création  de  l'industrie  des  soieries,  consistaient  à 
rendre  universel  et  obligatoire  le  système  des  maîtrises  et 
des  jurandes  ;  à  établir  des  chambres  syndicales  de  deux 
degrés  investies  de  la  police  et  de  la  juridiction  des  mé- 
tiers, les  unes  pour  chaque  corporation,  les  autres  pour 


1.  Correspondance  de  Sniox  Lecomte  aux  archives  de  THôtel-Dieu  de 
Toulouse.  Cabinet  des  titres,  registre  202  et  dossiers  bleus.  Laffemas, 
Sowces  de  plusieurs  abus...  Aduertissement  et  réponse  aux  marchands  et 
autres  oii  il  est  touché  des  changes,  banquiers  et  banqueroutiers.  Ch.  Pradel, 
Un  marchand  de  Paris  au  XVI'^  siècle  dans  Mémoires  de  V Académie  des 
sciences,  inscriptions  et  b. -lettres  de  Toulouse,  1889  et  1890.  Paul  Laffitte, 
Isotice  sur  Barthélémy  Laffemas  dans  Journal  des  économistes,  mai  187G. 

2.  Keigl.  (jen. 

3.  Ibid. 


90  PLAN    DE   LAFFEMAS. 

toutes  les  corporations  diiii  diocèse;  ;i  protéger  l'industrie 
nationale  en  interdisant  l'exportation  dos  matières  pre- 
mières et  l'importation  des  objets  manufacturés;  à  attirer 
les  ouvriers  étrangers  par  la  naturalisation  ;  à  créer  une 
caisse  de  secours  pour  les  gens  de  métiers  infirmes  et  des 
ateliers  pour  les  mendiants  valides  et  les  jeunes  détenus. 
Ce  qu'il  y  a  de  plus  original  dans  ce  plan,  c'est  l'idée  de 
syndicats  professionnels  dispensant,  autant  que  possible, 
les  corporations  de  recourir  à  la  justice  ordinaire.  LafTemas 
avait  trouvé  dans  les  institutions  de  son  temps  le  principe 
de  ce  système,  car  les  corporations  exerçaient  déjà  une 
certaine  juridiction  sur  elles-mêmes,  mais  cette  juridiction 
était  très  limitée  et  peu  sérieuse;  il  l'étendait  et  la  fortifiait, 
se  servant  ainsi  d'un  organe  atrophié  pour  obtenir  le 
mouvement,  l'autonomie  et  la  vie. 

Ce  projet  souleva  diverses  objections.  Les  uns  lui  repro- 
chaient de  faire  du  nouveau  ;  les  autres,  s'en  prenant  à 
l'industrie  elle-même,  faisaient  remarquer  qu'elle  entraîne 
dérogeance,  quelle  enlèverait,  en  se  développant,  trop  de 
bras  à  l'agriculture  ;  d  autres  enfin  appréhendaient  les  dan- 
gers que  ces  syndicats  électifs  pouvaient  faire  courir  à  la 
société  si  longtemps  agitée  par  les  associations  et  les  réu- 
nions. Laffemas  reprit  la  plume  pour  réfuter  ces  objections. 
Il  se  défendit  de  vouloir  innover,  affirmant  qu'il  visait  au 
contraire  à  faire  restaurer  l'ancienne  police  industrielle 
altérée  par  les  guerres  civiles;  il  proposait  pour  modèle  à 
ses  concitoyens  l'Italie  où  l'exercice  de  l'industrie  et  du 
commerce  n'était  pas  incompatible  avec  la  noblesse';  il 
soutenait  que  l'industrie  ne  ferait  pas  tort  à  l'agriculture  et 
que  les  paysans  pourraient  même  employer  les  loisirs  que 
leur  laissaient  les  travaux  des  champs  à  certains  travaux 
industriels;  enfin  c'était,  disait-il,  à  la  faveur  des  confréries 

I.  Il  aur.iit  pu  ajouter  l'exemple  de  l'Espagne. 


VŒUX  DES  NOTABLES.  91 

que  s'étaient  tenues  ces  assemblées  séditieuses  dont  on 
craignait  le  retour  et  les  syndicats  mettront  précisément 
fin  à  ces  assemblées  '. 

Les  magistrats,  les  officiers  municipaux  qui  représen- 
taient exclusivement  le  tiers  état  dans  l'assemblée-,  ne 
pouvaient  être  favorables  à  l'idée  de  faire  de  la  classe 
industrielle  une  classe  indépendante,  s'administrant,  se 
jugeant  elle-même,  se  passant  autant  que  possible  des  tri- 
bunaux ordinaires.  Des  vues  de  Lafîemas  on  ne  retrouve, 
dans  le  cahier  de  doléances  adopté  par  les  notables  le 
23  janvier  lo97,  que  celles  qui  ont  trait  à  la  protection  de 
l'industrie  nationale  et  à  l'établissement  des  ouvriers 
étrangers  en  France.  L'assemblée  exprima  le  vœu  que  le 
roi  interdit  la  sortie  des  laines  et  autres  matières  premières, 
ainsi  que  Tentrée  des  soieries  et  draperies,  du  fil,  des  pas- 
sements et  des  étoftés  d'or  et  d'argent,  qu'il  favorisât,  au 
contraire,  par  la  suppression  des  droits  de  douane,  l'im- 
portation des  soies  et  laines  brutes;  elle  demanda  que  les 
ouvriers  étrangers  qui  viendraient  travailler  en  France 
trois  ans  durant  obtinssent  les  droits  de  régnicoles  sans 
avoir  besoin  de  lettres  de  naturalité  ^.  Du  reste  l'analogie 
des  vœux  de  Latîemas  et  de  ceux  de  l'assemblée  n'indique 
pas  nécessairement  que  celle-ci  ait  suivi  les  inspirations  de 
l'écrivain  ;  le  système  protecteur,  la  naturalisation  des 
étrangers  étaient  des  idées  courantes,  que  le  publiciste  et 
l'assemblée  purent  exprimer  indépendamment  l'un  de 
l'autre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  abus  dont  souffrait  l'industrie 
avaient  été  signalés,  la  question  d'une  réforme  industrielle 
avait  été  posée  devant  les  notables.  Ce  fut  inconteslable- 

1.  Sa  Réponse  aux  difficullés  proposées  à  rencontre  de  son  rèçjlement  est 
publiée  à  la  suite  du  règlement. 

2.  Voy.  la  composition  de  l'assemblée  dans  Poirsox,  Mémoires  et  docu- 
ments nouveaux,  p.  31. 

3.  Cahier  de  doléances,  dans  Poirson,  Mém.  et  documents,  p.  (ij. 


92  ÉDIT   D'AVRIL  1597. 

nient  là  l'origine  de  Tédit  d'avril  l'iî)!'.  (Juant  à  l'in- 
fluence sous  laquelle  cet  édit  fut  conçu,  il  ne  faut  la  cher- 
cher ni  dans  l'écrit  de  Lalïemas  ni  dans  les  délihérations 
dos  notahles,  son  esprit  n'est  pas  difficile  à  découvrir, 
puisqu'il  s'annonce  lui-mémo  comme  remettant  en  vigueur 
et  complotant  celui  de  décembre  io81.  Le  but  de  celui-ci 
avait  été  de  restaurer  l'organisation  industrielle  du  moyen 
âge  en  faisant  disparaître  les  abus  que  le  temps  y  avait 
introduits,  de  généraliser  le  régime  des  corporations  et  de 
l'élargir  dans  une  certaine  mesure.  11  avait  confirmé  les 
statuts,  rétabli  l'élection  des  gardes-jurés,  interdit  les  ban- 
quets et  les  droits  de  confrérie,  condamné  l'usage  que  les 
corporations  faisaient  du  chef-d'œuvre  pour  écarter  les 
candidats.  Il  avait  oté  à  la  corporation  son  caractère  étroi- 
tement local  en  autorisant  les  maîtres  reçus  dans  les  villes 
qui  étaient  le  siège  d'un  parlement,  d'une  sénéchaussée, 
d'un  bailliage,  d'un  présidial,  à  exercer  dans  le  ressort  de 
ces  juridictions,  les  maîtres  dos  faubourgs  à  exercer  dans 
la  ville,  ceux  de  Paris  à  exercer  partout.  Enfin  il  avait  un 
côté  fiscal  :  il  établissait  un  droit  d'entrée  gradué  suivant 
les  métiers,  qui  étaient  d'après  leur  importance  répartis  en 
trois  classes.  Les  troubles  du  royaume  l'empêchèrent 
d'être  exécuté.  Henri  IV,  dont  l'attention  était  appelée  sur 
la  décadence  de  l'industrie  ot  qui  cherchait  partout  des 
moyens  de  remplir  le  Trésor,  s'appropria  la  réforme  de 
son  prédécesseur.  Son  édit  unifiait  l'organisation  indus- 
trielle on  érigeant  tous  les  métiers  en  jurandes;  les  arti- 
sans qui  exerçaient  des  métiers  libres  obtenaient  la  maîtrise 
sous  la  seule  condition  du  serment,  faveur  personnelle 
dont  ne  devaient  pas  bénéficier  ceux  qui  s'établiraient  dans 
la  suite.  Les  membres  des  corporations  durent  renouveler 
le  serment  de  maîtrise,  qui  n'avait  été  reçu   que  par  les 

1.  Préambule  de  l'édit. 


EDIT   d'avril    i:i9T.  93 

rois  des  merciers  ou  leurs  délégués,  c'est-à-dire  par  des 
gens  sans  qualité,  et  prendre  de  nouvelles  lettres  de  maî- 
trise. Lés  rois  des  merciers,  leurs  lieutenants  et  ofliciers 
étaient  supprimés.  Aussitôt  après  la  prestation  de  serment, 
les  gens  de  métiers  devaient  se  réunir  et  procéder  à  Télec- 
tion  d'un  ou  deux  gardes-jurés  (art.  4).  L'édit  de  1581 
réservait  au  roi  le  droit  de  créer  dans  chaque  métier  trois 
maîtrises  dont  les  titulaires  seraient  exempts  de  chei:"- 
d'œuvre  (art.  1);  la  même  disposition  se  retrouvait  dans 
Tédit  de  1597.  Ce  n'est  pas  le  seul  article  où  apparaisse 
l'esprit  fiscal  dont  ils  procédaient  en  grande  partie  lun  et 
l'autre.  Sous  prétexte  des  avantages  qu'ils  leur  procuraient 
et  pour  indemniser  le  fisc  des  droits  indûment  payés  aux 
rois  des  merciers  depuis  l'époque  où  François  I"  avait 
ordonné  leur  suppression,  tous  les  marchands  et  artisans 
étaient  soumis  à  un  droit  variant  d'un  écu  soleil  (9  fr.  50)  à 
un  demi-écu  (4  fr.  75)  dans  les  grandes  villes  et  de  la  moitié 
dans  les  endroits  moins  importants.  Les  banquets  de  récep- 
tion étaient  interdits. 

H  serait  injuste  d'attribuer  cet  édit  à  une  pensée  pure- 
ment fiscale;  il  y  aurait,  d'autre  part,  de  l'aveuglement  à 
méconnaître  qu'il  est  inspiré  en  partie  par  le  désir  de  se 
procurer  des  ressources  pour  payer  la  solde  arriérée  des 
Suisses,  car  ce  désir  ne  prend  pas  la  peine  de  se  dissimu- 
ler. Mais  surtout  il  faut  se  garder  d'y  voir  avec  M.  Poirson 
l'inauguration  de  la  liberté  industrielle.  Ce  qui  a  trompé 
M.  Poirson,  c'est  que  l'édit  accorde  la  maîtrise  à  tous  les 
artisans  qui,  au  moment  de  sa  promulgation,  exercent  des 
métiers  qui  ne  sont  pas  érigés  en  maîtrises  et  en  jurandes; 
mais  il  n'y  a  là  qu'une  de  ces  dispositions  transitoires 
comme  on  en  trouve  toujours  dans  les  lois  qui  substituent 
une  organisation  uniforme  à  une  organisation  disparate.  11 
y  a  toujours  alors  des  droits  acquis  à  régler,  des  situa- 
tions à  faire  cadrer  avec  le  régime  nouveau.  C'est  ce  que 


94  ÉDIT   DAVRIL  1597. 

fait  Henri  IV  on  élevant  au  rang  de  maîtres,  sans  leur  rien 
(leniander  qu'un  serment,  les  industriels  et  les  commer- 
çants restés  en  dehors  d'un  système  que  le  règlement  géné- 
ral de  4381  n'avait  pas  réussi  à  faire  prévaloir  dans  tout 
le  pays.  Que  Ton  considère  les  dispositions  essentielles  et 
permanentes  de  l'édil,  on  y  reconnaîtra  une  œuvre  de  res- 
tauration et  non  d'innovation.  Loin  d'être  abolies,  comme 
des  entraves  gênantes  pour  l'industrie,  les  épreuves  im- 
posées aux  candidats  à  la  maîtrise  étaient  confirmées  et 
ramenées  à  leur  but  primitif,  comme  des  garanties  égale- 
ment commandées  par  l'intérêt  du  public  et  par  celui  des 
corporations.  L'article  qui  réserve  au  roi  le  droit  de  créer 
dans  chaque  métier  trois  maîtrises  en  faveur  de  personnes 
n'ayant  pas  fait  de  chef-d'œuvre,  dit  assez  clairement  que 
l'immense  généralité  des  artisans  reste  soumise  à  cette 
condition.  Si  l'édit  n'est  pas  plus  explicite  à  cet  égard,  c'est 
qu'il  ne  fait  que  confirmer,  en  l'étendant  aux  commerçants, 
le  règlement  général  de  1581,  il  lui  suffit  donc  de  sy  réfé- 
rer, et  c'est  à  l'aide  de  ce  règlement  qu'il  faut  comprendre 
ses  réticences  et  son  esprit  général'. 

M.  Pbilippson-  a  contesté  avant  nous  la  portée  exagérée 
attribuée  par  M.  Poirson  à  ledit  d'avril  1597,  mais  il  a 
invoqué  contre  l'interprétation  de  M.  Poirson  un  fait 
inexact  et  que  les  preuves  alléguées  par  lui  sont  bien 
loin  d'établir.  La  preuve  que  l'édit  n'établit  pas  la  liberté 
du  travail,  c'est,  dit-il,  que  le  nombre  des  maîtrises  resta 
limité.  Présentée  sous  cette  forme  générale  et  absolue, 
son  affirmation  est  erronée.  Le  nombre  des  maîtres  n'était 
pas,  dans  la  plupart  des  corporations,  directement  et 
expressément  fixé;  ce  qui  est  vrai,  c'est  que  les  maîtrises 
étaient  devenues  inabordables  pour  ceux  qui  ne  pouvaient 

1.  L'édit  dit  d'ailleurs  expressément  qu'il  faut  se  guider  dans  son  appli- 
cation par  le  règlement  général  (art.  G). 

2.  Heinrich  IV  und  l'/nlipp  111.  Berlin,  1870,  II,  349  note  2. 


ÉDIT  D  AVRIL   1597.  95 

supporter  les  frais  fort  onéreux  que  les  maîtres  en  exercice 
et  les  délégués  des  rois  des  merciers  imposaient  aux 
aspirants.  En  principe,  les  corporations  restaient  ouvertes 
à  tous  ceux  qui  avaient  rempli  les  conditions  de  la 
maîtrise,  mais  ces  conditions  avaient  été  tellement  déna- 
turées qu'elles  en  fermaient  l'accès  à  presque  tous  les 
candidats  sans  fortune  ou  qui  n'avaient  pas  de  parents 
parmi  les  maîtres. 

L'édit  de  1597  ne  fut  guère  mieux  observé  que  le 
règlement  général  de  1581.  îl  avait  le  tort,  aux  yeux  des 
corporations,  de  leur  imposer  des  sacrifices  pécuniaires 
et  d'introduire  dans  leur  sein  des  concurrents  sans  titre. 
11  y  en  eut  parmi  elles  qui  obtinrent  une  réduction 
des  droits,  la  plupart  remboursèrent  les  acquéreurs  des 
lettres  de  maîtrise  créées  par  le  roi'  ou  payèrent  aux 
parties  casuelles  la  finance  à  laquelle  ces  lettres  avaient  été 
taxées.  L'édit  fut  bien  accueilli  par  certains  industriels 
exerçant  des  métiers  libres  et  heureux  de  s'en  assurer  le 
monopole,  ainsi  que  par  les  membres  de  certaines  corpo- 
rations qui  1  invoquèrent  un  peu  abusivement  pour  se 
détacher  de  ces  corporations  et  en  former  de  nouvelles  -. 
L'opposition  qu'il  souleva,  les  malversations  et  les  abus 
dont  se  rendirent  coupables  les  commissaires  chargés  de 
le  faire  mettre  en  vigueur,  en  firent  surseoir  l'exécution'. 

1.  Cette  double  faveur  fut  accordée  aux  merciers  de  Paris  par  un  arrêt 
du  18  janvier  1598.  Bibl.  nat.  fr.  1816-2,  fol.  54. 

2.  «  Quoy  que  la  finance  volontairement  payée  dans  les  coflres  du  roy 
Henri  IV  par  la  communauté  des  marchands  maistres  plumassiers,  pana- 
chers,  bouquetiers  et  enjoliveurs  de...  Paris  leur  ait  procuré  les  assurances 
d'un  establissement  honorable,  ainsi  qu'il  est  déclaré  par  le  premier  art. 
desd.  statuts  de  juill.  1599.  »  Collection  Delamare,  Ay^ts  et  met.,  VIII.  Bibl. 
nat.,  ms,  fr.  'inus,  pièce  l.j7.  En  exécution  de  son  édit,  Henri  IV  érigea 
en  jurande  le  métier  de  découpeurs-égratigneurs-gaufreurs  sur  étoiles. 
Même  coll.  fr.  21792,  fol.  232  et  suiv.  Cahier  des  brodeurs  et  des  taillan- 
diers aux  états  de  1614.  Archives  nat.,  série  K. 

:j.  Arrêt  du  conseil  du  19  août  1599.  A  Tours,  le  commis  à  la  recette  des 
droits  fut  emprisonné  par  ordre  de  l'échevinage  (25  août  1598).  L'échevi- 
nage  de  Poitiers  forma  opposition  à  l'exécution  de  l'édit,  et  en  conséquence 


90  PROJET  D'ÉDIT  DE   LAFFEMAS. 

La  ville  de  Lyon,  qui  avait  fait  valoir  ses  privilèges  pour 
être  aiVranchie  de  son  application,  obtint  gain  de  cause 
en  160G'.  En  1602,  en  1008  il  y  avait  encore  nombre  de 
villes  où  il  n'existait  pas  de  jurandes-,  et  les  rois  des 
merciers  n'avaient  pas  encore  disparu  en  4614,  puisquà 
cette  date  le  tiers  étal  inscrivait  dans  son  cahier  de  doléances 
le  vœu  de  leur  suppression  •*. 

LafTemas  ne  se  laissa  pas  décourager  par  laccueil  ([iie 
les  notables  avaient  fait  à  son  projet,  il  ne  cessa  de  pro- 
voquer la  sollicitude  du  roi  en  faveur  de  l'industrie  et  du 
commerce  du  pays.  Dans  le  plus  important  des  mémoires 
qu'il  lui  adressa  à  ce  sujet,  il  présentait  sous  la  forme  d'un 
édit  un  plan  de  réformes  où  l'on  retrouve  en  partie  les 
idées  sur  lesquelles  les  notables  avaient  eu  à  se  prononcer. 
Pour  fortifier  ces  idées  de  l'approbation  de  la  classe  com- 
pétente, il  recueillit,  de  l'aveu  du  roi,  l'avis  des  principales 
corporations  parisiennes.  Cette  enquête,  ouverte  en  1598, 
dura  jusqu'en  1600.  Prohibition  des  produits  manufac- 
turés à  l'étranger,  défense  d'exporter  les  matières  premières, 
établissement  d'un  nouveau  droit  de  marque  d'un  sol  par 
livre  sur  les  articles  fabriqués  pour  remplacer  le  revenu  des 

le  sénéchal  de  Poitou  rclusa  de  le  publier  et  de  le  faire  exécuter.  Le  con- 
seil lui  ordonna  de  passer  outre  par  arrêt  du  28  nov.  1598.  Fr.  18IG3, 
loi.  93.  Le  roi  dut  envojer  des  commissaires  à  Angers,  à  Saumur.  à  Aix, 
à  Toulouse,  à  Bordeaux,  à  Troj'es,  pour  en  assurer  Tenregistrement  et  la 
publication.  .Arrêt?  du  conseil  des  13  janv.  et  14  février  lô98.  Fr.  18IG2, 
fol.  lô  y°,  115,  llj  V.  Lettres  7niss.,  VIII,  724,  et  Lettres  miss,  de  Henri  IV 
conservées  dans  les  arcfiives  municipales  de  Troyes,  publiées  par  .M.  liou- 
tiot.  Troyes,  1857,  in-S",  p.  50. 

1.  Arrêts  du  conseil  du  24  janvier  1598.  Arrêt  ordonnant  à  l'êchevinage 
de  Lyon  de  justifier  de  leurs  privilèges  et  jusque-là  de  surseoir  à  l'exécu- 
tion de  ledit.  20  janvier  IGOi.  Fr.  18162,  fol.  55.  Inventaire  des  arch.  mu- 
nicipales de  Lyon.  Reg.  IJB  137,  138.  Levasscur.  H,  ICI. 

2.  Lettres  miss.,  V,  027,  Doc.  inéd.,  p.  IGG.  <<  .N'estoit  le  mestier  de  sellier 
juré  de  sorle  que  qui  vouloit  travailler  d'icelluy  le  pouvoit  faire.  »  Sen- 
tence de  l'êchevinage  de  Bourges  rendue  le  4  déc.  1598.  Toubeau  de  .M.m- 
so.v.NEUVE,  Les  anciennes  corporations  ouvrières  ù  llourges,  p.  204.  «  ...  es 
villes  où  il  y  aura  maistrise  et  jurande.  »  Cahier  des  bonnetiers  aux  états 
de  1GI4. 

3.  Cahier  du  tiers  état,  p.  21  i. 


COMMISSION   DU   COMMEUCE.  97 

douanes  extérieures,  unité  des  poids  et  mesures,  création 
d'un  contrôleur,  d'un  intendant  et  d'une  chambre  du 
commerce,  revision  et  réforme  de  l'organisation  des  cor- 
porations par  une  commission  de  douze  anciens  commer- 
çants nommés  par  lechevinago  })arisien,  application  de 
cette  nouvelle  police  aux  artisans  et  marchands  suivant 
la  cour,  désignation  par  les  corporations  des  titulaires  des 
lettres  de  maîtrise,  taxe  des  salaires  des  ouvriers  et  sur- 
veillance de  leur  conduite  par  les  gardes-jurés,  arbitrage 
de  ceux-ci  sur  les  différends  entre  gens  de  même  métier, 
attribution  aux  mêmes  de  la  connaissance  en  première 
instance  des  plaintes  contre  les  maîtres,  abolition  des  con- 
fréries, ouverture  d'ateliers  publics  pour  faire  travailler 
les  pauvres,  tels  étaient  les  moyens  que  Lafîemas  proposa 
au  roi  pour  rendre  à  l'industrie  sa  prospérité  et  sur  lesquels 
il  consulta  les  corporations  parisiennes. 

Sans  se  prononcer  sur  tous  ces  moyens  et  en  faisant 
de  leur  côté  certains  vœux  inspirés  par  des  intérêts  par- 
ticuliers, les  corporations  adhérèrent  aux  principales  idées 
de  Lafîemas;  elles  se  montrèrent  surtout  unanimes,  à  une 
exception  près,  à  réclamer  la  prohibition  des  produits  de 
l'industrie  étrangère.  La  seule  qui  ne  s'associa  pas  à  ce 
vœu.  qui  se  déclara  même  contre  la  prohibition,  fut  celle 
des  merciers,  qui  vivait  exclusivement  du  commerce 
et  dont  le  commerce  s'alimentait,  en  grande  partie,  de 
marchandises  étrangères  '. 

Par  lettres  patentes  du  13  avril  1601,  le  roi  nomma  une 

1.  Voir  pour  ces  deux  paragraphes  les  Remontrances  en  forme  d'édit  et 
les  a,vis  des  corporations  imprimés  à  la  suite  dans  l'édition  originale  qui 
porte  pour  titre  :  La  coinmissio7i,  edit  et  partie  des  mémoires  de  l'ordre  et 
establissement  du  commerce  gênerai  des  manufactures  en  ce  royaume.  Paris, 
Pautonmer,  1601,  in-4°.  M.  A.  Ghampollion  a  réimprimé  dans  le  recueil 
précité  les  Remontrances  en  forme  d'édit.  Ce  fut  Lallemas  qui  résuma  par 
écrit  les  vœux  des  corporations  dans  leur  ensemble  pour  éviter  les  redites 
qu'aurait  présentées  la  rédaction  des  vœux  de  chacune  en  particulier. 
Cette  rédaction  fut  faite  par-devant  notaires  et  soumise  aux  corporations 
qui  y  signalèrent  une  omission. 

7 


98  COMMISSION  DU  COMMERCE. 

commission  de  dix-sept  personnes  pour  examiner  le  projet 
d'édit  de  Laiïemas  et  les  documents  à  l'appui  et  pour 
])réparer,  après  avoir  procédé,  si  besoin  était,  à  une  nouvelle 
enquête,  des  règlements  sur  le  commerce  et  l'industrie  '. 
Il  suffisait  de  la  présence  de  sept  de  ses  membres  pour 
rendre  ses  délibérations  valables.  Elle  avait  le  droit  de 
citer  devant  elle,  par  tous  les  moyens  de  publicité  et  au 
besoin  par  huissier,  les  personnes  et  les  corps  qui  pou- 
N aient  lui  donner  des  renseignements  utiles ^  Complétée 
ou  modifiée  par  d'autres  lellres  patentes  du  10  juillet  1601  \ 
elle  adopta,  après  quelques  séances,  un  projet  de  réforma- 
tion du  commerce  qui,  soumis  au  conseil,  fut  approuvé 
j.ar  lui.  Comme,  par  suite  de  la  mort  de  plusieurs  de  ses 
membres  et  de  l'impossibilité  de  plusieurs  autres  d'assister 
aux  séances,  elle  n'était  plus  en  nombre,  le  roi  la  renouvela 
et  voulut  que  désormais  deux  marchands  de  Paris,  élus 
par  leurs  confrères,  prissent  pari  aux  délibérations  \ 
Il  est  regrettable  qu'on  n'ait  pas   conservé  le   projet   de 

1.  Cette  commission  se  composait  des  sieurs  de  Rambouillet,  chevalier 
de  l'ordre,  de  Verdun,  président  au  parlement,  d'Hacqueville,  président  au 
grand  conseil,  de  Charmeaux,  président  à  la  chambre  des  comptes,  de 
Rebours,  président  à  la  cour  des  aides,  de  Rancher,  président  de  la  troi- 
sième chambre  des  enquêtes  du  f^arlemcnt,  d'Ozembray,  président  des 
requêtes  du  parlement,  de  Nicolas  Prévost  et  Raoul  le  Feron,  conseillers 
de  la  chambre  des  comptes,  du  prévôt  des  marchands,  d'un  échevin,  de 
Nicolas  le  Beauclerc.  trésorier  général  de  France  a  Paris,  de  Cardin  le 
Bret,  avocat  général  à  la  cour  des  aides,  île  Charles  du  Lys,  substitut  du 
procureur  général  au  parlement,  de  Galliot  Mandat,  conseiller  et  secrétaire 
des  finances  du  roi,  de  Robert  des  Prés,  avocat  au  parlement,  de  Charles 
Poussemotte,  secrétaire  du  roi,  de  sa  maison,  couronne  de  France  et  de 
ses  finances,  faisant  fonction  de  secrétaire. 

2.  Voy.  les  lettres  patentes  dans  Ciiampollion,  p.  xiii. 

;j.  Elles  sont  visées  dans  celles  du  20  juillet  IGO".'.  Ciiampollio.n,  p.  2. 

i.  Lettres  patentes  du  20  juillet  1002.  Ibid.,  p.  1.  La  nouvelle  commis- 
sion était  formée  des  sieurs  de  Itambouiilet,  de  Rebours,  Cardin  le  Rret, 
Charles  du  Lys,  Charles  Poussemotte  et  Robert  des  Prés,  membres  de  l'an- 
cienne, du  président  Jeanuin,  de  .M"  Rragclonue,  de  (irieux  et  Nicolas 
Chevalier,  conseillers  au  parlement,  de  Charles  Renoit  et  Pierre  de  Pincé, 
conseillers  de  la  chambre  des  comptes,  qui  remplaçaient  les  membres  morts 
ou  empêchés.  A  ces  douze  membres  de  droit  pouvaient  se  joindre  le  prévôt 
des  marchands  et  les  échevins  ou  l'un  d'eux  et  deux  commerçants  pari- 
siens élus. 


COMMISSION  DU  COMMERCE.  99 

réformation  si  rapidement  délibéré  et  voté  par  elle.  On 
voit  du  reste,  par  les  termes  dans  lesquels  en  parlent  les 
lettres  patentes  du  20  juillet  1602,  quil  n'avait  pus  été 
positivement  adopté  par  le  conseil,  puisqu'elles  assignent 
précisément  pour  lâche  à  la  commission  de  l'examiner 
de  nouveau  et  de  l'arrêter  définitivement.  Les  procès- 
verbaux  de  celle-ci  '  montrent  par  leur  silence  quelle  se 
déroba  à  cette  tâche  et  qu'elle  ne  revint  pas  sur  le  projet 
en  question.  C'est  même  un  l'ait  digne  de  remarque  que 
le  peu  de  place  occupée  par  la  réforme  de  l'organisation 
industrielle  et  commerciale  dans  les  délibérations  de 
l'assemblée  et  à  quel  point  elle  négligea  cette  partie  de 
son  programme.  On  ne  peut  expliquer  son  abstention  par 
l'opposition  des  corporations  à  toute  modification  du 
régime  existant;  tout  au  contraire  elles  aspiraient  à  la 
suppression  des  abus  qui  s'étaient  développés  dans  leur  sein 
à  la  faveur  des  guerres  civiles  et  à  la  restauration  de  leur 
ancienne  discipline  -.  Nous  voyons  même  certains  fabricants 
d'Amiens,  dont  la  profession  n'est  pas  autrement  spécifiée, 
présenter  requête  à  la  commission  pour  obtenir  un 
règlement  sur  leur  industrie,  et  la  commission  décider 
qu'elle  examinera  leurs  anciens  statuts  pour  en  proposer 
un  nouveau  au  roi^  Parfois  aussi  c'était  spontanément 
qu'elle  abordait  ce  travail  de  revision  et  de  codification  de 
la  législation  industrielle  et  commerciale,  mais  ce  n'était 
jamais  sans  des  tâtonnements  bien  explicables  par  la 
disproportion  de  cette  lâche  avec  ses  moyens.  Tantôt  elle 
songeait  à  procéder  métier  par  métier  et  commençait  par 

1.  Nous  ne  possédons  pas  de  procès-verbaux  antérieurs  à  la  reconstitu- 
tion de  la  commission  (20  juillet  1602)  et  il  est  fort  douteux  qu'il  en  ait 
été  rédigé.  Ceux  qui  nous  sont  parvenus  commencent  au  17  août  de  la 
même  année. 

2.  Lettres  patentes  du  20  juillet  1G02.  Ubi  supra.  Remontrcmces  en  forme 
(redit  dans  Champollion,  p.  xxxni.  Avis  des  corporations  à  la  suite  de 
ces  Remontrances,  éd.  orig.  p.   7. 

3.  Proeès-verhaux  de  la  commission  dans  Cha.mpoi.liox,  p.  97. 


100  COMMISSION  DU   COMMERCE. 

la  draperie,  lantùt,  adoptant  la  iiK'lhode  deLalTemas,  elle 
alTrontait  un  travail  d'ensemble  et  ordonnait  le  dépôt  au 
greUe  des  statuts  et  des  règlements  professionnels  ainsi 
que  des  mémoires  signalant  les  abus  dont  l'abolition  était 
demandée.  De  quelque  façon  qu'elle  s'y  prit,  elle  s'arrêtait 
découragée. 

('/est  qu'en  ellet  une  pareille  mission,  qui  l'amenait  à 
examiner  toutes  les  requêtes  des  intéressés,  à  prononcer 
>ur  leurs  prétentions  contradictoires,  à  se  faire  une  opinion 
sur  une  foule  de  questions  leclmiques,  dépassait  évidem- 
ment les  forces  et  la  compétence  des  quinze  ou  seize  per- 
sonnes (jue  le  roi  avait  prises  dans  les  cours  souveraines 
et  les  rangs  élevés  de  l'administration.  Pour  l'accomplir,  il 
auniit  fallu  une  commission  permanente,  oîi  l'industrie  et 
le  commerce  auraient  été  plus  largement  représentés.  C'est 
de  ces  deux  intérêts  de  permanence  et  de  compétence  que 
LatTemas  avait  tenu  compte  en  demandant  la  création  d'un 
conseil  de  conservateurs  du  commerce,  composé  de  douze 
personnes  rétribuées,  appartenant  à  la  magistrature  et  à 
l'administration  et  se  renouvelant  par  moitié  tous  les  ans 
et  celle  d'une  commission  de  douze  notables  anciens 
commerçants  et  industriels  parisiens,  nommés  par  l'éclie- 
vinage  et  chargés  de  faire  un  règlement  général  pour 
tous  les  corps  de  métiers  du  royaume.  Son  plan  com- 
prenait aussi  la  création  d'un  surintendant  ou  contrôleur 
général  du  commerce.  Le  roi  réduisit  les  deux  conseils 
qui  faisaient  partie  de  ce  plan  à  un  seul,  composé,  comme 
on  l'a  vu,  de  magistrats  et  d'administrateurs,  auxquels  furent 
associés  deux  négociants,  et  conféra  à  LatTemas  la  com- 
mission de  contrôleur  général'.  Le  conseil  de  commerce, 
depuis  le  moment  où  il  fut  reconstitué  (20  juillet  1602) 
jusqu'au  26  octobre  1604,  tint  cent  soixante-seize  séances. 

1.  En  attendant  qu'elle  devînt  une  charge  en  titre  d'office.  Voy.  les 
lettres  de  commission  du  15  nov.  1(;02.  Procès-verbaux,  p.  30. 


ARTISTES  PRIVILÉGIÉS   DU   LOUVRE.  101 

S'il  n'accomplit  pas  la  revision  et  la  rel'onte  du  régime 
industriel  et  commercial,  il  adopta,  dans  l'intérêt  d'un 
grand  nombre  d'industries  particulières,  des  mesures  que 
nous  aurons  à  signaler  et  à  apprécier  quanti  nous  nous 
occuperons  de  ces  industries. 

En  même  temps  qu'il  essayait  d'améliorer  le  système  des 
corporations,  Henri  IV  exemptait  de  leur  étroite  régle- 
mentation les  hommes  qu'il  jugeait  dignes  de  cette  faveur 
par  leur  talent  et  par  leur  originalité.  Il  existait  déjà  sous 
ses  prédécesseurs  des  asiles  ouverts  à  la  liberté  et  au  pro- 
grès des  arts  mécaniques.  Il  en  augmenta  le  nombre  en 
installant  dans  la  grande  galerie  du  Louvre  qu'il  venait  de 
terminer  des  artisans  d'élite,  en  y  créant  une  véritable 
école  de  beaux-arts  et  d'arts  industriels.  Dès  1600,  la 
grande  galerie  était  occupée  par  un  certain  nombre  de  ces 
ouvriers  hors  ligne  ^  Les  vexations  des  corporations  vin- 
rent les  y  troubler.  Le  roi  rendit  alors,  le  30  juin  1607,  des 
lettres  patentes  autorisant  les  hôtes  du  Louvre  à  travailler 
pour  le  public,  et  les  apprentis  formés  par  eux  à  s'établir 
dans  tout  le  royaume  sans  faire  de  chef-d'œuvre  ni  prendre 
de  lettres  de  maîtrise.  Malgré  ces  lettres  patentes  qui  ne 
furent  enregistrées  par  le  parlement  qu'avec  certaines 
restrictions,  ces  artistes  privilégies  restèrent  en  butte  aux 
persécutions  de  leurs  adversaires  et  furent  entravés  dans  le 
droit  de  travailler  pour  le  public  et  de  faire  recevoir  leurs 
apprentis  à  la  maîtrise.  Mais  le  roi  confirma  leurs  privi- 
lèges par  d'autres  lettres  du  22  décembre  1608  qui  accep- 
taient une  partie  des  réserves  formulées  par  le  parlement  et 
tenaient  les  autres  pour  non  avenues.  Elles  exemptaient 
les  protégés  du  roi  des  visites  et  de  la  police  des  corps  de 
métiers,  ouvraient  l'entrée  de  la  maîtrise  à  leurs  apprentis 
sur  le  vu  d'un  simple  certificat  de  leur  maître,  dispensaient 

1.  Berty,  Topographie  liist.  de  Paris,  II,  100. 


102  PROJET   D'LN   MUSÉE  INDUSTRIEL. 

ces  apprentis  île  se  faire  inscrire  au  parquet  du  Chàtelet, 
assuraient  aii\  niallres  la  conservation  de  leurs  privilèges 
dans  le  cas  où  ils  quitteraient  la  galerie  sans  leur  faute, 
mais  obligeaient  les  orfèvres,  comme  l'avait  voulu  le  par- 
lement, à  faire  marquer  leurs  ouvrages  par  les  gardes- 
jurés  de  la  cor[H)rati(>n.  Les  artistes,  les  inventeurs  et  les 
savants  auxquels  elles  accordaient  le  logement  et  les 
avantages  qui  y  étaient  attachés,  étaient  Jacob  Bunel, 
peintre,  valet  de  chambre  du  roi,  Abraham  de  la 
Garde,  horloger,  valet  de  chambre,  Pierre  Courtois, 
orfèvre,  valet  de  chambre  de  la  reine,  Franqueville, 
sculpteur,  Julien  de  Fontcnay,  graveur  en  pierres  Unes, 
valet  de  chambre,  Nicolas  Roussel,  orfèvre  parfumeur, 
Jean  Séjourné,  sculpteur  fontainier,  Guillaume  Diipré, 
sculpteur  et  contrôleur  général  des  poinçons  des  monnaies 
de  France,  Pierre  Varinier,  coutelier  et  forgeron  d'épées 
en  acier  de  Damas,  Laurent  Setarbe,  ébéniste  faiseur  de 
cabinets,Pierre  des  Martins,peintre,  Jean  Petit,  fourbisseur, 
doreur,  damasquineur,  Etienne  Raulin,  fabricant  d'instru- 
ments de  mathématiques,  AUeaume,  professeur  de  mathé- 
matiques, Maurice  du  Bout,  tapissier  de  haute  lisse,  Pierre 
du  Pont,  tapissier  de  tapis  du  Levant,  Marie  Bourgeois, 
peintre,  valet  de  chambre,  sculpteur,  ouvrier  en  globes 
mouvants  et  autres  inventions  mécaniques.  Les  lettres 
patentes  rendues  en  faveur  des  hommes  distingués  que 
nous  venons  de  nommer  furent  enregistrées  le  9  jan- 
vier 1609  '. 

Henri  IV  eut  aussi  l'idée  d'établir  au  Louvre  un  musée 
de  machines,  d'inventions  mécaniques,  de  modèles  indus- 
triels; il  demanda  à  Sully  -  un  projet  pour  l'inslallation  de 
ce  nmsée,  mais  cette  idée  ne  fut  pas  réalisée  et  il  laissa  à 

1.  Topographie  hisl.,  II,  100-102.  .MiiiON  »e  l'Espixay,  François  Miron  et 
C administration  municipale  de  l'oris  sous  Henri  IV.  Pièces  a?inexes,  p.  348. 

2.  Économies  roy.,  X,  307-308. 


IMPORTATION    DES  SOIES   ET   SOIERIES.  103 

d'autres  l'honneur  de  créer  le  Conservatoire  des  arts  et 
métiers. 

Ce  n'est  pas  dans  ses  efTorts  en  grande  partie  infructueux 
pour  réformer  l'organisation  générale  de  l'industrie  que 
Henri  IV  se  montra  original  et  créateur;  il  n'eut  pas  au 
contraire  de  modèle  ni  de  précurseur  dans  la  tentative  de 
faire  de  la  France  un  pays  industriel  en  la  dotant  d'indus- 
tries nouvelles  ou  en  rendant  la  vie  à  des  industries  qui 
dépérissaient. 

La  première  qui  l'occupa  fut  celle  des  soieries.  Elle 
méritait  cette  sollicitude  à  cause  de  l'usage  très  répandu 
des  étoffes  de  soie  au  xvi''  siècle.  Par  suite  de  cette  loi  qui 
fait  que  le  goût  de  l'épargne  diminue  et  que  celui  des 
dépenses  improductives  augmente  dans  les  sociétés  qui  ne 
jouissent  pas  de  la  sécurité  du  lendemain,  le  luxe  s'était 
beaucoup  développé  pendant  les  guerres  civiles  et  se 
manifestait  notamment  par  un  goût  pour  la  soie  qui  avait 
gagné  jusqu'à  la  bourgeoisie,  jusqu'au  peuple.  Les  négo- 
ciants en  soieries  qui,  avant  les  dernières  années  du 
xvi"  siècle,  n'étaient  que  cinq  ou  six  à  Paris,  s'y  étaient 
multipliés  à  l'infini  \  Ce  goût  des  étoffes  de  luxe  coûtait 
annuellement  à  la  France,  d'après  l'estimation  de  l'homme 
le  plus  compétent  en  pareille  matière,  B.  Laffemas  -,  six 


1.  Reigl.  gen.,  p.  7.  Laffemas,  La  façon  de  faire  et  semer  la  graine  de 
meurier...  1604,  in-S",  p.  31. 

2.  Recueil  de  ce  qui  se  passe  en  l'assemblée  du  commerce,  1604,  dans  Cham- 
POLLION,  p.  284-285.  Dans  sa  Réponse  à  MM.  de  Lyon  (p.  3-4),  Laffemas 
estime  à  sept  millions  d'écus  d'or  (66  490  721  fr.  28)  au  moins  l'importation 
tant  des  soies  que  des  soieries  venant  d'Italie.  Ailleurs  {La  commission, 
édit...  o?i<cow/«ercf5'é«eVrt/...,  p.  37),  il  fixe  approximativement  a2  500000écus 
(23  748  829  fr.  0:i)  la  valeur  de  la  soie  qui  entre  annuellement  en  France.  Dans 
un  document  officiel,  la  valeur  de  la  soie  étrangère  introduite  dans  notre 
pays  est  évaluée  à  trois  ou  quatre  millions  d'écus  d'or  (de  28  498  594  fr.  83 
à  37  998  126  fr.  45).  .Mandement  du  7  décembre  1602.  Isambert,  XV,  n"  163. 
Le  Tellier,  marchand  de  soie  et  auteur  de  plusieurs  ouvrages  de 
sériciculture,  porte  à  deux  millions  d'écus  (18  999063  fr.  22)  le  chiffre 
de  l'importation  des  soieries  étrangères.  Brief  discours,  etc.  Voy. 
plus   bas    sur   l'auteur    et    l'ouvrage.    Dans   la   Commission,    edit,  etc.. 


1(»4  CULTURE  DU   MURIER. 

millions  d'écus  (501)07  180  fr.  07).  En  effet,  les  docu- 
ments que  Laffemas,  en  sa  qualité  de  contrôleur  i;t'néral 
du  commerce,  a  eus  entre  les  mains,  doivent  faire  pré- 
férer son  esliniation,  (jui  est  d'ailleurs  confirmée  par 
P.  Cavct  \  à  celle  dOlivier  de  Serres  qui  ne  porte  qu'à 
quatre  millions  d'écus  (37  008  120  fr.  45),  la  valeur  des 
soieries  importées. 

Pour  comprendre  la  préoccuj)ation  que  cette  importation 
inspirait  au  iiouvernement  de  Henri  IV,  il  faut  se  rappeler 
que,  le  numéraire  étant  alors  considéré  comme  la  valeur 
par  excellence,  l'excédent  des  importations  sur  les  expor- 
tations représentait,  aux  yeux  des  hommes  d'Etat  du  temps, 
une  perte  sans  compensation.  Cette  doctrine  économique, 
qui  fut  érigée  plus  tard  en  système  et  presque  en  dogme, 
sous  le  nom  de  balance  du  commerce,  donnait  une  grande 
importance  à  ce  goût  passionné  des  soieries  et  à  l'insuffi- 
sance de  la  production  nationale  pour  y  satisfaire.  Henri  IV 
ne  fut  pas  sans  doute  le  premier  de  nos  rois  qui  tentât,  en 
naturalisant  chez  nous  l'industrie  des  soieries,  d'affranchir 
notre  pays  du  tribut  que  notre  amour  des  étoffes  de  luxe 
payait  à  l'étranger,  mais  aucun  de  ses  prédécesseurs  n'avait 
conçu  ce  projet  dans  d'aussi  vastes  proportions  et  ne  l'avait 
embrassé  avec  tant  d'ardeur. 

Nous  n'avons  pas  à  remonter  aux  plantations  de  mûriers 
faites  en  Provence,  soit,  comme  le  dit  Olivier  de  Serres,  à 
la  suite  de  l'expédition  de  Charles  VIII  en  Italie  -,  soit 
plutôt,  comme  le  dit  M.  de  Gasparin  \  par  suite  des  rap- 

parlies  omises  par  Ciiasii-ollion),  l'estimation  de  Laffemas  ne  dépasso 
pas  cinq  millions  d'écus  i47  497(i;>8  fr.  00)  :  «  11  peut  venir  des  étrangers 
tous  les  ans  quatre  à  cinq  mil  balles  de  soie  et  plus  que  vallent  au  moins 
chacune  i>00  écus...  et  outre  six  mille  balles  de  fleurets,  frizolle  et 
pétunche  que  nous  mettrons  seulement  pour  six  mille  balles  de  soie  à  la 
raison  susdite...  » 

1.  Chronologie  sept.,  p.  64,  anno  l.î!)!). 

2.  Tliéùtre  d'arp-icuUure,  éd.  180i,  in-4",  11.  lOS. 

3.  liecuei/de  mémoires  d'agricullurc  et  d'économi'!  rurale.  Mûriers,  vers  d 
soie,  111,  7 2-: 3. 


L  IMPORTATION   DES  SOIERIES  INTERDITE.  10a 

ports  que  la  domination  de  la  maison  d'Anjou  à  Naples 
amena  entre  la  Provence  et  les  Deux-Siciles,  nous  n'avons 
pas  à  nous  occuper  non  plus  pour  le  moment  des  fabriques 
établies  avant  Henri  IV  à  Tours  et  à  Lyon.  Il  suffira  de 
dire  qu'à  la  fin  du  xvi"  siècle,  on  cultivait  le  mûrier  avec 
succès  non  seulement  en  Provence,  mais  en  Languedoc, 
dans  les  Cévennes,  dans  la  principauté  d'Orange,  dans  le 
comtat  Venaissin  ;  cet  arbre  bravait  même  le  climat  moins 
chaud  de  la  Touraine,  le  climat  rigoureux  de  Saint-Gha- 
mond  et  de  Saint-Romain  dans  le  Lyonnais.  La  soie  qu'on 
recueillait  dans  ces  diverses  régions  ne  le  cédait  pas  à 
celle  de  l'Italie.  Tels  étaient,  au  témoignage  de  Lafl'emas  ' 
et  avant  que  Henri  IV  s'occupât  de  la  sériciculture,  les 
points  assez  nombreux  et  d'une  latitude  assez  différente 
où  elle  florissait. 

C'est  en  lo9(J  que  le  roi  manifesta  pour  la  première  fois 
son  intérêt  pour  l'industrie  de  la  soie.  Il  fit  planter  cette 
année  dans  le  jardin  des  Tuileries  des  mûriers  de  trois  ans 
qui  réussirent  si  bien  qu'en  1604  ils  paraissaient  avoir  plus 
de  vingt-cinq  ans  ^  Ce  fut  aussi,  on  se  le  rappelle,  en  lo9() 
que  l'assemblée  des  notables  demanda  que  le  marché 
français  fut  fermé  aux  soieries  étrangères,  sans  savoir  si 
l'industrie  nationale  était  en  état  de  rapprovisionner,  sans 
chercher  à  lui  donner  une  vigoureuse  impulsion. 

Henri  IV  tomba  dans  la  même  erreur.  Les  fabricants  de 
soieries  de  Tours  s'étant  faits  forts  de  suffire  aux  besoins 
des  consommateurs,  le  roi,  contrairement  àl'avisde  Sully  % 
se  laissa  arracher  par  eux,  au  mois  de  janvier  1599,  un 
édit  qui  prohibait  l'entrée  des  étoffes  de  soie,  d'or  et  d'ar- 
gent *.  Mais  ils  s'étaient  abusés  ou  avaient  abusé  le  roi  sur 

1.  Reif/leynent  f/eneral. 

2.  Laffëmas,  La  façon  de  faire  et  semer  la  graine  de  mûrier,  p.  29. 

3.  Économies  roy.,  IV,  53-r}4. 

4.  IsAMBERT,  XV,  21  "2.  p.  C\YET,  Clv.  sept.,  6i.  J.-A.  DE  Tiioc,  Y,  838.  Les 
Lyonnais  avaient  combattu  la  prohibition  dans  des  mémoires  qui  répon- 


106  LA   CLEILLETTE   DE   LA  SOYE. 

leurs  moyens  et  sur  les  besoins  du  marché  français,  leur 
fabrication  resta  fort  au-ilessous  de  la  demande,  le  prix  des 
soieries  haussa  d'une  façon  considérable  et  le  public  se 
plaignit.  Les  intérêts  des  banquiers  et  des  fermiers  de  la 
douane  de  Lyon,  aux  revenus  de  laquelle  les  soieries  ita- 
liennes contribuaient  pour  une  large  part,  furent  atteints. 
Leurs  plaintes,  jointes  au  mécontentement  général,  déci- 
dèrent le  roi,  qui  se  trouvait  alors  dans  celte  ville,  à  rap- 
porter son  édit  (KiOO). 

Tout  en  se  montrant  dès  irjOG  partisan  de  la  sériciculture, 
Henri  avait  besoin  d'être  édilié  sur  la  valeur  des  objections 
élevées  contre  elle,  sur  la  question  de  savoir  jusqu'à  quel 
point  le  climat  de  la  France  était  favorable  à  la  culture  du 
mûrier,  à  l'élève  des  vers  à  soie.  Ce  fut  Olivier  de  Serres 
qui  leva  ses  derniers  doutes  à  cet  égard.  Le  savant  agronome 
se  trouvait  à  la  cour  en  1599,  c'est  lui-même  qui  nous 
l'apprend.  Il  est  permis  de  croire  qu'il  y  avait  été  appelé 
par  le  roi  pour  l'entretenir  de  cette  question,  il  est  certain 
du  moins  qu'il  le  fit.  En  composant  son  traité  La  cueillette 
de  la  soye par  la  noiirrilure  des  vers  qui  la  font  (lo99),  il 
obéissait  à  une  invitation  partie  du  trùne\  Dans  ce  traité 

« 

daient  à  ceux  des  manufacturiers  tourangeaux.  Non  contents  de  cela,  ils 
envoyèrent  au  roi  des  délégués  qui  lui  firent  remarquer  rjue  la  défense  de 
l'importation  ferait  perdre  au  Trésor  100000  écus  (:}79!)8r2  fr.  64)  par  an. 
L'infatigable  LaO'emas  prit  la  plume  pour  réfuter  leurs  arguments.  Les 
lirochures  des  deux  partis  furent  soumises  aux  corporations  parisiennes 
pour  avoir  leur  avis.  Cette  lutte  entre  une  ville  manufacturière  et  une  ville 
de  commerce  et  de  banque  autant  que  de  fabrique  est  digne  d'attention. 
Voy.  B.  L.\Fi"E>iAs,  Répoiuc  à  mesmews  de  Lyon,  lesquels  veulenL  empescker 
rompre  le  cours  des  marchandises  d'Italie  avec  le  préjudice  de  leurs  foires 
et  l'abus  aux  changes,  Paris,  Prevosteau,  I.i98,  in-S". 

1.  Dédicace  de  ce  traité  qui  a  été  reproduit  dans  le  Tliéûlre  d'aç/ricul- 
<«/•«.  J.-.\.  oE  Tiiou,  VI,  100.  Parmi  les  propagateurs  de  la  sériciculture,  il 
ne  faut  pas  oublier  le  jardinier  nimois,  François  Traucat.  Voy.  son  Dis- 
tours  ubrérjé  tant  sur  les  vertus  et  les  propriétés  des  meuriers,  tant  blancs 
ffue  noirs,  ayant  petites  meures  blanclies  et  petites  noires,  qui  ont  semblables 
feuilles,  propres  à  nourrir  les  vers  à  soie  et  aussi  propres  à  servii'  tant  aux 
corps  liumains  qu'à  faire  beau.r  meubles  et  ustensiles  de  mesnayc.  Composé 
[tar  F.  T.  maistre  jardinier  en  la  ville  de  .Nîmes  en  Languedoc,  qui,  depuis 


LA   CUEILLETTE   DE  LA   SOYE.  107 

il  exhorte  l'échevinage  parisien  à  encourager  la  culture  des 
mûriers  et  signale  les  châteaux  royaux  de  Madrid  et  de 
Vincennes  comme  pouvant  en  contenir  trois  cent  mille.  Il 
combat  cette  idée  que  la  culture  du  mûrier  et  l'élève  des 
vers  à  soie  ne  sont  possibles  que  dans  les  pays  chauds; 
comme  preuve  du  contraire,  il  allègue  la  soie  recueillie  à 
Leyden  par  les  soins  de  la  duchesse  d'Arschot,  et  il  pose 
en  principe  que  le  mûrier  peut  venir  là  où  vient  la  vigne. 

11  reconnaît  seulement  que  la  récolte  do  la  soie  est  plus 
tardive  sous  un  climat  froid.  Il  estime  ensuite  le  produit, 
la  valeur  de  la  récolte.  Un  millier  de  feuilles  nourrit  une 
once  de  graine  de  vers,  chaque  once  rend  cinq  ou  six  livres 
de  soie,  dont  chacune  vaut  2  ou  3  écus  au  moins  (19  fr. 
ou  28  fr.  50).  Chaque  once  rapporte  donc  au  moins  10  ou 

12  écus  (9o  fr.  ou  114  fr.).  Quant  à  la  main-d'œuvre,  il  suffit 
de  cent  ou  cent  vingt  journées  pour  recueillir  et  trans- 
porter dans  les  magnaneries  de  quoi  nourrir  dix  onces 
de  graine,  et  ce  travail  peut  être  fait  en  grande  partie  par 
des  femmes  et  des  enfants.  Le  surveillant  de  la  magnanerie 
sera  payé  3  ou  4  écus  (38  fr.),  outre  sa  nourriture.  Le  prix 
de  la  graine  de  vers  est  insignifiant  et  doit  être  compté,  avec 
la  construction  de  la  magnanerie,  parmi  les  premiers  frais 
d'établissement,  car,  bien  qu'il  soit  nécessaire  d'acheter 
chaque  année  un  peu  de  graine  nouvelle  pour  conserver  la 
qualité  de  la  race,  la  vente  de  la  graine  recueillie  par 
l'éleveur  lui  permet  d'acheter  des  œufs.  L'élève  des  vers  a 
l'avantage  de  ne  pas  détourner  des  travaux  des  champs,  car 
c'est  avant  la  récolte,  aux  mois  d'avril  et  de  mai,  qu'il  con- 
vient d'y  donner  ses  soins.  0.  de  Serres  déclare  que  la 


l'an  15G4,  a  planté  ou  fait  planter  es  provinces  de  Languedoc  et  Provence 
plus  de  quatre  millions  de  meuriers...  Dédié  auroi.  Paris,  UiOti.  Le  16  dé- 
cembre 1602,  Traucat  s'associa  avec  Etienne  Aiguë,  marchand  de  Bagnols, 
pour  l'exploitation  d'une  pépinière  de  mûriers.  Plech,  Une  ville  au  temps 
jadis...,  8°.  188i,  532.  Voy.  aussi  Éloge  de  Traucat,  par  .M.  Vlvcexs  Saint- 
Lal'rent,  dans  les  Mémoires  de  la  Soc.  centrale  d'agricult.,  1S17,  p.  468. 


108  PREMIERS   ESSAIS   DE  SÉRICICULTLUE. 

Piiardie,  la  Normandie,  la  Bretagne  ne  sont  pas,  à  l'excep- 
tion lie  quelques  cantons,  favorables  à  la  sériciculture,  mais 
quelle  convient  à  la  Champai;iie,  à  l'Ile-tle-France,  à  la 
|{ourj;o<:;ne,  au  Xivernais.au  Beaujolais,  au  Maçonnais,  au 
Lyonnais,  au  Ben  y.  à  l'Orléanais,  au  Limousin,  au  Boitou, 
à  la  Saintoiige,  à  la  (ïuyeiine,  à  la  Gascogne.  Il  donne 
ensuite  des  règles  pour  l'établissement  de  la  mûreraie,  il 
établit  que  le  ver,  nourri  du  mOrier  blanc,  donne  une  soie 
plus  Une  (jue  celui  qui  est  nourri  du  mûrier  noir,  bien 
([u'on  lire  bon  parti  de  la  soie  j)lus  grossière  fournie  par 
celui-ci  dans  certaines  parties  de  la  Lombardie,  à  Anduze, 
à  Alais,  dans  d'autres  endroits  des  Cévennes.  Il  passe 
ensuite  aux  coiulitions  dans  lesquelles  on  doit  établir  la 
magnanerie,  recommande  la  semence  de  ver  d'Espagne 
comme  la  meilleure,  en  constatant  la  réputation  que  celle 
de  Calabre  a  acquise  depuis  quelques  années  à  cause  de  sa 
fécondité,  puis  il  s'occupe  successivement  de  l'éclosion  des 
vers,  de  la  formation  et  du  dévidage  des  cocons. 

L'année  qui  suivit  la  publication  de  la  Cueillette  de  la 
soi/e.  ().  de  Serres  et  le  sieur  de  Bordeaux,  baron  de 
C.olonces,  surintendant  général  des  jardins  de  France, 
furent  chargés  de  recueillir  en  Provence,  en  Languedoc 
et  en  Yivarais,  des  plants  de  mûrier  pour  les  jardins 
royaux  '.  Au  commencement  de  1601,  0.  de  Serres  put  en 
envoyer  à  Paris  quinze  à  vingt  mille  pieds.  Ils  furent 
})lantés  aux  Tuileries,  dans  le  parc  de  Madrid-  et  à  Fontai- 
nebleau*. Ceux  du  jardin  des  Tuileries  réussirent  si  bien 
(ju";iu  bout  de  deux  ans  et  demi  ils  dépassaient  la  taille  hu- 
maine la  plus  élevée.  Des  magnaneries  furent  construites 
dans  ces  trois  résidences  royales,  sous  la  direction  du 
Lucquois  Manfredi  Balbani,  qui  s'était  chargé  de  faire  venir 

1.  T/iéàlre  d'ogricuUuie,  II,  108. 

2.  P.  Cayet,  Clironologie  S'ptétiaire,  anno  IC03.  II,  2J'.). 

3.  Économies  royales,  anno  1C05. 


LA  SÉRICICULTURE   ENTREPRISE   EN  GRAND.  l'IO 

de  Genève  des  personnes  propres  à  diriger  les  plantations'. 
En  1603  l'orangerie  des  Tuileries  fut  transformée  en  ma- 
gnanerie pour  y  faire  éclore  la  graine  de  ver  à  soie  que  le 
roi  avait  fait  venir  d'Espagne  ".  La  magnanerie  qui  y  existait 
déjà  contenait  un  atelier  pour  les  premières  préparations 
de  la  soie^  Au  château  de  Madrid  on  ne  se  livrait  pas  non 
plus  exclusivement  à  l'élève  des  vers,  mais  aussi  au  nujuli- 
nage,  à  l'organsinagc  de  la  soie*.  En  1602  Paris  reçut  du 
Languedoc  soixante  mille  mûriers  qui,  replantés  [)ar  les 
Parisiens  dans  leurs  jardins,  reprirent  bien''.  Lafïemas,  qui 
nous  l'apprend,  ajoute  qu'après  avoir  comparé  les  soies 
recueillies  à  Paris  aux  meilleures  soies  italiennes,  à  celles 
de  Sainte-Lucie  en  Sicile,  de  Bassano,  de  Bologne,  on 
constata  que  quinze  onces  de  soie  française  valaient  dix- 
huitonces  de  soie  italienne  \  OrLalTemas  devait  être  mieux 
informé  que  J.-A.  de  Thou  qui  prétend  que  le  climat  des 
environs  de  Paris  compromit  le  succès  de  ces  tentatives \ 
Henri  IV  invita  le  conseil  du  commerce  à  délibérer  sur 
les  moyens  les  plus  propres  à  doter  la  France  de  la  sérici- 
culture et  de  l'industrie  des  soieries.  Le  conseil  passa  deux 
contrats,  l'un  le  20  août,  l'autre  le  14  octobre  1602,  pour 
la  fourniture  de  plants  et  de  graine  de  mûrier,  ainsi  que  de 
semence  de  vers,  dans  les  quatre  généralités  de  Tours,  de 
Lyon,  de  Paris  et  d'Orléans.  La  principale  difTérence  qui 

1.  J.-A.  DE  Thou,  169.  Théâtre  d'ar/ricullure,  II,  111.  Recueil  de  ce  qui  se 
passe  en  l'assemblée  du  commerce,  dans  Ciiampollion,  p.  285.  Lettres  miss., 
V,  20G.  Bibl.  de  l'Institut,  coll.  Godefroy  CXVI. 

2.  Lettres  miss.,  VI,  63. 

3.  Théâtre  d'agriculture.  Ubi  supra. 

4.  P.   Cayet,  Chronologie  sept.,  II,  259. 

h.  B.  Laffemas,   La  preuve  du  plant  et  proffii  des  meuriers.  Paris,  Pau- 

TO.NMER,    1003,    p.    13. 

(I.  Jbid.,  art.  .'>. 

7.  VI,  169.  «  Nous  avons  recogneu  en  ces  trois  dernières  années,  écrit 
Le  Tellier  en  1G02  dans  la  dédicace  à  51™^  de  Rosny  de  son  Discours  con- 
tenant la  manière  de  nourrir  les  vers  à  soye  et  la  tirer  avec  figures  et  inter- 
prétations d'icelles,  que  les  soyes  faictes  en  France  sont  plus  belles  et  plus 
fines  que  les  estrangeres.  « 


UO  LA   SÉRICICLLTLRE   ENTREPRISE   EN   GRAND. 

distingue  ces  contrais,  c'est  que  le  premier  lixe  le  bénéfice 
des  entrepreneurs  pour  la  fourniture  des  quatre  généralités 
à  13  écus  (123  fr.  "10)  par  paroisse,  tandis  que  le  second 
leur  accorde  une  réiribution  en  bloc  de  120  000  livres' 
(350  751  fr.  94).  Ce  dernier  stipulait  que,  l'année  suivante 
(1603),  quatre  autres  généralités  seraient  approvisionnées  de 
plant,  de  graine  et  de  semence  et  qu'en  1004  toutes  les  géné- 
ralités seraient  mises  en  étal  de  cultiver  le  mûrier  et  d'élever 
des  vers  à  soie.  En  même  temps  que  du  plant,  de  la  graine 
et  de  la  semence,  les  deux  entrepreneurs  devaient  distribuer 
des  instructions  et  envoyer  dans  cliaque  élection,  un  an 
après  la  plantation,  des  personnes  capables  de  guider  la  po- 
pulation. Ce  contrai  était  passé  pour  six  ans-.  Le  projet  en 
fut  approuv»';  par  un  arrêt  du  conseil  du  4  octobre  1602^ 
et  il  fut  conclu  le  14,  ainsi  que  nous  lavons  dit.  Homologué 
par  lettres  patentes  le  23  du  même  mois,  il  ne  lui  manquait 
rien  pour  être  exécuté,  lorsque  les  objections  du  sieur  de 
Bordeaux,  intendant  général  des  jardins  du  roi,  en  firent 
surseoir  l'exécution.  Ces  objections,  que  nous  fait  connaî- 
tre le  rapport  du  sieur  du  Lys,  délégué  par  la  commission 
pour  les  discuter  et  faire  accepter  le  contrat,  furent  appuyées 
par  Sully,  qui  y  joignit  les  siennes.  Mais  le  délégué  de  la 
conmiission,  assisté  d'un  des  entrepreneurs,  en  triomplui 
et  fil  adopter  le  contrat  par  le  conseil.  On  y  ajouta  seule- 
ment une  clause  qui  donnait  satisfaction  à  la  première  ob- 
jection du  sieur  de  Bordeaux,  en  obligeant  les  entrepreneurs 
à  créer  des  pépinières  de  mûrier  blanc  dans  les  quatre  gé- 
néralités, pour  remplacer  gratuitement  les  plants  distribués 
aux  propriétaires  et  morts  sans  leur  faute  '\  Lin  mandement 
royal  du  7  décembre  1602  adressé  aux  élus  régla  l'exécu- 

1.  Procès-verbaux  dans  Ciiampoi-lion,  p.  10-23. 

2.  Ibid. 

'■\.  Ihid.  p.  23.  Cf.  Lettres  patentes  de  ratification  du  23  octobre,  p.  27, 
4.  Addition  faite  le  3  décembre  au  contrat  du  li  octobre  1G02.  Procès- 
verbaux,  p.  4i. 


LA   SÉRICICULTURE    ENTREPRISE  EX   GRAND,  111 

tioii  du  contrat.  11  prescrivait  les  mesures  suivantes.  Les 
élus  répartiront  entre  les  paroisses  de  leur  élection,  à 
l'exception  de  celles  où,  pour  des  causes  diverses,  la  culture 
du  mûrier  ne  peut  réussir,  du  plant  de  deux  à  trois 
ans  et  de  la  graine  pour  pépinière,  plant  et  graine  qui 
seront  fournis  par  les  entrepreneurs,  conformément  au 
contrat  passé  avec  eux.  Les  communautés  déclareront  au 
greffe  de  leur  élection  le  nombre,  l'âge,  la  grosseur  des 
mûriers  existant  déjà  dans  la  paroisse,  afin  que  les  entre- 
preneurs puissent  leur  procurer  des  œufs  en  proportion  des 
moyens  que  la  paroisse  offre  pour  les  nourrir  (art.  1).  Avec 
le  plant,  la  graine  et  les  œufs  fournis  par  les  entrepreneurs 
à  raison  de  7  liv.  10  s.  (21  fr.  92)  pour  le  cent  de  mûriers, 
une  pépinière,  une  mùreraie  et  une  magnanerie  seront 
établies  dans  chaque  paroisse,  soit  par  la  communauté,  soit 
par  certains  habitants,  soit  par  le  seigneur  du  lieu  qui  ne 
dérogera  pas  en  le  faisant.  Les  entrepreneurs  distribueront 
en  même  temps  des  instructions  imprimées  sur  la  culture  du 
mûrier,  l'élève  des  vers,  le  dévidage  des  cocons.  Les  com- 
nmnautés  ou  ceux  qui,  dans  chaque  paroisse,  auront  fait 
les  frais  d'établissement  de  la  pépinière,  de  la  mùreraie  et 
de  la  magnanerie  vendront  des  mûriers  blancs  à  tous  ceux 
qui  en  voudront  acheter  (art.  2,  3,  4,  6).  La  distribution  de 
la  graine,  du  planl  et  des  œufs  se  fera  du  1"  au  S  avril  1603 
en  présence  d'un  commis  de  Laffemas  (art.  3).  A  partir 
du  1"  avril  il  sera  envoyé  dans  chaque  élection  un  ou 
plusieurs  experts  qui  y  résideront  trois  mois  au  moins 
pour  apprendre  aux  habitants  la  culture  du  mûrier  et  l'élève 
des  vers  et  pour  acheter,  à  raison  de  9  francs  la  livre 
(28  fr.  06),  la  soie  recueillie  la  première  année  (art.  o). 
Pendant  cette  première  année,  les  propriétaires  de  mûriers 
laisseront  prendre  gratuitement  les  feuilles  par  les  per- 
sonnes qui  dans  chaque  paroisse  entreprendront  l'élève 
des  vers. 


112  LA   SÉRICICLLTLRE   ENTREPRISE   EN  (IRAND. 

Le  coutral  passé  avec  les  entrcproneurs  ot  le  mandement 
(|ui  vn  i'(''L;lait  lexécution  étaient  bien  couinis  pour  le  succès 
(Je  l'entreprise.  Distribution  à  bas  prix  du  ])lant,  de  la 
graine  et  des  œufs,  débit  assuré  de  la  soie  qui  était  achetée 
par  les  entrepreneurs  ou  par  l'Etat,  direction  de  gens 
experts,  tout  se  réunissait  pour  lui  assurer  la  faveur  de  la 
population.  Malheureusement  les  entrepreneurs  n'appor- 
tèrent pas  d'exactitude  dans  l'exécution  de  leurs  engage- 
ments. Ils  auraient  dû  fournir  le  plant  et  la  graine  dans  les 
trois  derniers  mois  de  1602  ou,  au  plus  tard,  aux  mois  de 
février  et  de  mars  de  l'année  suivante.  Au  mois  d'avril  1G03, 
le  plant  et  la  graine  n'étaient  pas  encore  arrivés  et,  la  saison 
étant  passée,  les  mûriers  ne  pouvaient  être  semés  ou  plantés 
qu'au  printemps  de  l'année  suivante.  C'était  une  année  de 
perdue.  Le  roi  se  plaignit  de  ce  retard  à  la  commission*. 
Il  n'est  donc  pas  exact  de  dire,  comme  le  fait  M.  Poirson-, 
que  la  distribution  du  plant,  de  la  graine  et  des  œufs  eut 
lieu  du  1"  au  8  avril  1003.  C'est  là  ce  qui  était  stipub';  par 
le  contrat,  mais  c'est  ce  qui  ne  se  fit  pas. 

Il  y  eut  d'autres  mécomptes.  Les  cultivateurs  ne  mon- 
trèrent aucun  empressement  à  acheter  du  plant  et  des 
œufs^  Dans  l'élection  de  Blois,  par  exemple,  les  entre- 
preneurs ne  purent  distribuer  que  six  onces  d'œufs  \  Les 
propriétaires  de  mûriers  ne  voulurent  pas  laisser  prendre  les 
feuilles  gratuitement.  Aussi  les  vers  éclos  en  1603  man- 
quèrent de  nourriture  et  périrent".  La  commission  essaya 
vainement  d'obtenir  des  lettres  patentes  pour  vaincre  la  résis- 
tance des  propriétaires,  le  chancelier  objecta  le  droit  de  pro- 
priété et  conseilla  d'employer  la  persuasion  ^  El  pourtant  ce 


1.  Procès-verbaux,  p.  8G. 

-:.  III,  270. 

:î.  Procès-verbaux.  Séance  du  il  avril  1G03,  p.  80. 

4.  Procès- verbaux,  p.  101. 

5.  //>it/.  Séance  du  27  mai  1003,  p.  Oô. 

C.  Séances  du-  Il  avril  et  du  27  mai  IG03,  p.  80  et  05. 


LA  SÉRICICULTURE  ENTREPRISE   E.N    GRAND.  113 

(|iie  la  commission  demandait,  c'était  simplement  l'applica- 
tion de  Tai-L  7  du  mandement  du  7  décembre  1602,  article  qui 
enjoignait  aux  propriétaires,  à  peine  de  30  livres  d'amende 
(87  fr.  69),  de  laisser  cueillir  les  feuilles  de  leurs  mûriers 
pendant  la  première  année  pour  approvisionner  la  magna- 
nerie créée  dans  chaque  paroisse.  Il  semble  résulter  d'une 
déclaration  royale  du  24  mars  1603,  dont  nous  n'avons  pus 
retrouvé  le  texte,  que  ceux  qui  s'étaient  chargés  d'établir 
dans  leur  paroisse  une  pépinière,  une  mùreraie  et  une 
magnanerie  avaient  essayé  d'imposer  aux  paysans  l'achat 
de  plant,  de  graine  et  d'œufs,  car  cette  déclaration  les 
affranchit  de  cette  obligation.  Malheureusement  elle  eut 
pour  effet  de  désintéresser  de  l'entreprise  les  élus  qui  se 
considérèrent  comme  dispensés  de  la  diriger'. 

Bien  que  les  experts  envoyés  dans  les  quatre  généralités 
de  Paris,  d'Orléans,  de  Tours  et  de  Lyon  pour  diriger  les 
plantations  eussent  déclaré  à  leur  retour  qu'elles  pouvaient 
réussir*,  la  mortalité  des  vers  à  soie  en  1603  semblait 
donner  raison  aux  adversaires  de  l'entreprise.  Le  champion 
le  plus  ardent  de  la  sériciculture,  Laffemas,  combattit  dans 
une  brochure '^  les  conséquences  défavorables  qu'on  tirait 
de  cet  accident.  Selon  lui,  le  climat  n'est  pour  rien  dans 
la  mortalité  des  vers  ;  elle  tient  à  ce  qu'on  ne  les  a  pas  fait 
éclore  de  bonne  heure  et  à  ce  qu'on  n'a  pu  leur  donner 
autant  de  feuilles  qu'il  leur  en  fallait.  Les  vers  ayant  éclos 
tardivement,  les  feuilles  qu'on  leur  a  données  n'étaient 
plus  assez  tendres  et  la  chaleur  était  trop  grande.  Les  pro- 
priétaires de  magnaneries  qui  ont  pris  soin  de  les  faire 

1.  Procès-verbaux,  p.  87. 

2.  Le  Tellier,  Brief  discours  contenant  la  manière  de  nourrir  les  vers  à 
soije.  Paris,  1C02,  in-fol.  Mem.  et  instructions  pour  l'établissement  des  meu- 
riers,  etc.  Paris,  1G03,  m-i°. 

3.  Le  plaisir  de  la  noblesse  et  autres  qui  ont  des  erilages  aux  cliamps  sur 
la  preuve  certaine  et  profict  des  estauffes  et  soyes  qui  se  font  à  Paris  et  les 
magazins  qui  seront  auxprovinces.  In-S",  1G03.  Réimprimé  dans  les  Variétés 
hist.  et  litt.,\U,  303. 


ni  L'ENTREPRISE  AMOINDRIE. 

éclore  plus  tôt  ont  recueilli  de  la  soie.  Par  exemple,  les 
vers  élevés  dans  Thôtel  de  Retz  à  Paris  ont  fourni  en  1603 
dix-huit  livres  de  soie,  qui  ont  donné  un  Ix-néfice  net  de 
Oi  écus'  (607  fr.  97). 

Il  s'agissait  maintenant  de  réguler  l'exécution  du  contrat 
pour  l'année  1604.  On  se  rappelle  que,  dans  les  intentions 
des  contractants,  la  première  partie  de  l'entreprise  devant 
être  réalisée  à  la  lin  de  1602  ou  au  commencement  de  1603, 
la  sériciculture  devait  être  introduite  en  1603  dans  quatre 
généralités  nouvelles  et  en  1604  dans  tout  le  royaume.  Ce 
plan  n'avait  pas  été  exécuté,  puisque  en  1603  la  plantation 
des  mûriers  et  l'élève  des  vers  n'avaient  été  essayées  que 
dans  les  quatre  généralités  de  Paris,  de  Tours,  d'Orléans 
et  de  Lyon  et  que  le  succès  n'avait  guère  été  obtenu  que 
dans  la  seconde-.  Il  fallait  désigner  maintenant  les  quatre 
généralités  où  l'expérience  serait  continuée,  non  plus  en 
1603,  comme  le  portait  le  contrat,  mais  en  1604.  La  com- 
mission du  commerce  mit  quelque  lenteur  à  faire  ce  choix. 
Le  29  août  1603,  les  entrepreneurs  lui  firent  sommation 
d'y  procéder  et  de  leur  payer  30  000  livres  (87  687  fr,  98), 
montant  des  deux  quartiers  qui  leur  étaient  dus  sur  les 
120  000  (3o0  7ol  fr,  94)  à  eux  promises ^  Le  10  octobre, 
nouvelle  sommation  \  Le  conseil  du  roi  décida  que,  l'année 
suivante,  la  sériciculture  ne  serait  introduite  que  dans  la 
généralité  de  Poitiers  et  que  la  somme  allouée  à  l'entre- 
preneur serait  de  20000  liv.  tourn.  (38  458  fr,  63),  Le  plan 
primitif,  on  le  voit,  était  singulièrement  réduit,  on 
renonçait,   au  moins  pour  le  moment,   à  généraliser  la 

1.  Le  plaisir  de  la  noblesse  et  autre....,  308-310. 

2.  Sur  les  .ichats  de  graine  et  de  plant  par  l'échevinafre  de  Tours  et  la 
propagation  de  la  culture  du  mûrier  sur  les  reuiparis  de  la  ville  et  ailleurs, 
voy.  le  mémoire  de  M.  Champoiseau,  Co?ifjrés  scientifique  de  France, 
XV»  session,  tome  Ie^  et  les  délibérations  du  corps  de  ville,  notamment 
à  la  date  du  G  déc.  1603  et  de  mars  1604,  aux  archives  municipales. 

3.  Procès-verbaux,  p.  117-118. 

4.  I/ji't.,  p.  m. 


ESSAIS   DCS  A  L'INITIATIVE   PRIVÉE.  115 

production  de  la  soie.  Quelles  étaient  les  causes  de  ce  recul? 
Pourquoi  le  gouvernement  ramenait-il  à  des  proportions 
beaucoup  plus  modestes  une  entreprise  si  largement 
conçue?  Bien  que  Laffemas  nous  représente  le  roi  comme 
très  satisfait  des  soies  recueillies  en  1603',  c'est  probable- 
ment par  les  mécomptes  de  cette  année  que  s'explique  cet 
abandon  du  plan  originel.  A  une  nouvelle  sommation  des 
entrepreneurs  la  commission  répondit  que  l'intention  du 
roi  était  de  résilier  le  contrat  et  de  restreindre  l'entreprise 
au  Poitou  pendant  l'année  1604".  Le  23  décembre  1603, 
elle  passa  un  contrat  avec  deux  bourgeois  de  Paris,  JeanLe 
Tellier''  et  Hugues  Cosnier  pour  l'introduction  de  la  sérici- 
culture dans  cette  province.  Les  deux  entrepreneurs  s'en- 
gagèrent à  fournir  cent  mille  mûriers  blancs  de  deux  ans 
et  de  deux  à  trois  pieds,  cent  vingt-cinq  livres  de  graine, 
deux  cents  onces  d'oeufs  et  deux  mille  exemplaires 
d'instructions,  moyennant  la  somme  de  18000  livres^ 
(32  612  fr.  79).  Ils  avaient  besoin,  pour  exécuter  le  contrat, 
de  l'agrément  de  Sully,  gouverneur  du  Poitou;  le  surin- 
tendant, qui,  malgré  ses  préventions  contre  l'industrie  de 
la  soie,  se  prêtait  aux  vues  du  roi  et  manifestait  même 
l'intention  de  planter  des  mûriers  à  Rosny  et  à  Sully  %  la 
leur  accordai  Mais  cette  fois  encore  l'entreprise  se  heurta 
à  l'esprit  routinier  des  paysans.  Ceux  du  Poitou,  occupés 
aux  salines,  refusèrent  le  plant,  la  graine  et  les  œufs,  les 
entrepreneurs  ne  purent  en  faire  prendre  que  par  les 
gentilshommes  '. 

Cependant    l'initiative    privée    essayait   d'introduire    la 

1    Le  plaisir  de  la  noblesse,  p.  313. 

2.  Séance  du  "28  novembre  1603.  Procès-verbaux,  p.  133. 

3.  Marchand  de  soie  et  auteur  du  Binef  discours  et  des  Mémoires  el  instruc- 
tions précités. 

4.  Procès-verbaux,  p.  175-180. 

5.  Dédicace  du  Brief  discours  a  lM™e  de  Rosni. 

6.  Procès-verbaux,  p.  129. 

7.  Ibid.,  p.  191. 


110  APPEL   AU    CLERGÉ. 

séi'ieicultiire  en  Normandie.  En  IGO'î,  Charles  Benoît, 
maître  passementier  et  moiilinier  en  soie,  et  le  Langue- 
docien Isaac  MayaIVre,  établis  à  Rouen,  présentèrent  au 
roi  des  échantillons  de  la  soie  provenant  de  leurs  magna- 
neries. Henri  IV  en  fut  satisfait  et,  sur  leur  requête, 
demanda  au  parlement  de  llouen  de  faire  mettre  à  leur 
disposition  par  l'échevinage,  pour  une  période  de  vingt  ans, 
la  maison  du  Bœuf  couronné^  sise  rue  Saint-Vivien,  qui 
était  une  propriété  municipale  \  L'échevinage  esquiva 
cette  demande  et  les  deux  associés  ne  trouvèrent  pas  plus 
d'appui  auprès  du  parlement,  lorsqu'ils  s'adressèrent  à  lui 
pour  contraindre  les  propriétaires  de  mûriers  à  leur  vendre 
à  prix  taxé  les  feuilles  nécessaires  à  la  nourriture  des  vers. 
Un  arrêt  du  15  juin  I6O0  leur  permit  seulement  de  s'en- 
tendre avec  les  propriétaires,  ce  quils  avaient  vainement 
essayé  de  faire  précédemment.  L'entreprise,  si  peu  secondée 
par  les  autorités  locales,  échoua  au  bout  de  quatre  ans  ^ 

On  ignore  iïssue  d'un  autre  essai  fait  en  Normandie  en 
exécution  du  plan  général  conçu  par  Henri  IV.  H  s'agit 
d'une  pépinière  créée  à  Darnetal  par  un  Flamand,  Jean 
Van  der  Veken,  et  pour  l'entretien  de  laquelle  il  s'adjoignit 
unNîmois,  Simon  Légal,  qui  sema  deux  cent  quatre-vingt- 
cinq  mille  pépins  de  mûriers  blancs  ^ 

Le  roi  essaya  de  gagner  à  son  entreprise  la  faveur  et  l'appui 
du  clergé,  qui  pouvait  être  un  auxiliaire  si  précieux,  tant 
comme  propriétaire  d'une  grande  partie  du  sol  qu'à  cause 
de  son  intluence  sur  la  population  agricole.  Il  ménagea 
entre  les  députés  de  l'ordre  et  les  entrepreneurs  une  con- 


1.  Mandeuient  au  parlement  de  Houen  du  23  août  IGOl.  Lellres  miss. 
VI,  284. 

2.  GossFXix,  Documents  (tutltenl/ti(/iies  el  inédits  pour  servir  à  l'histoire 
lie  la  marine  normande  et  du  commerce  ronennais.  Rouen,  in-8°,  p.  llC-120. 
Elatjlissemenl  à  Rouen  en  1604  d'une  manufacture  de  soieries...  Comuiu- 
nicatioa  de  .M.  Floquet  à  rAcadéniie  de  Rouen,  1837. 

3.  GossELiN,  p.  120-121. 


INDUSTRIE   DE   LA   SOIERIE.  117 

veiition  pour  la  fourniture  de  plant  et  de  semis  aux  béné- 
ficiers.  Il  obtint  des  députés  généraux  du  bureau  de  Paris 
un  mandement  (décembre  160S)  enjoignant  aux  évêques 
du  ressort  du  bureau  de  faire  semer  et  planter  par  les 
bénéficiers  et  communautés  de  leurs  diocèses  respectifs  le 
plant  et  la  graine  que  comportait  l'étendue  de  leurs  pro- 
priétés. Plusieurs  évêques  avaient  obéi  avec  empressement 
à  ce  mandement  et  déterminé  la  part  dans  laquelle  le 
clergé  de  leur  diocèse  devait  contribuer  à  la  propagation 
de  cette  culture.  Mais  l'heureux  effet  de  ce  mandement  fut 
compromis  par  un  second  qui  déclarait  que  le  précédent 
n'avait  aucun  caractère  obligatoire  et  qui  encouragea  le 
mauvais  vouloir  et  la  résistance.  Pour  en  triompher,  le  roi 
ordonna  la  création  d'une  pépinière  de  cinquante  mille 
mûriers  blancs  au  moins  dans  chaque  diocèse  par  les  soins 
et  aux  frais  des  entrepreneurs  qui  vendraient,  principa- 
lement aux  ecclésiastiques,  de  la  graine  et  du  plant.  Ils 
devaient  jouir  d'une  indemnité  d'un  sol  (14  c.)  par  mûrier 
tout  planté  et  du  monopole  de  la  vente  '.  Le  roi  chercha  à 
stimuler  le  zèle  de  l'assemblée  du  clergé  en  faveur  de  l'en- 
treprise, mais,  dans  la  réponse  faite  à  ses  exhortations  par 
l'archevêque  de  Sens,  président  de  l'assemblée,  on  sent 
percer,  sous  les  protestations  de  seconder  son  dessein,  les 
préventions  de  l'ordre  contre  une  culture  destinée  à  ali- 
menter un  luxe  que  ses  devoirs  et  les  convenances  lui 
défendaient  d'encourager  ^ 

En  s'efforçant  de  développer  la  culture  du  mûrier  et 
l'élève  des  vers  à  soie,  Henri  IV  voulait  rendre  plus  abon- 
dante et  moins  coûteuse  la  matière  première  qui  sert  à  la 
fabrication  des  soieries,  il  n'aurait  donc  accompli  que   la 


1.  Déclaration  du  16nov.  1605.  Fontanox,  I,  1051. 

2.  Procès-verbal  de  l'assemblée  du  clergé  tenue  du  27  juillet  1605  au 
24  avril  1606.  Collection  des  procès-verbaux  des  assemblées  générales  du 
clergé,  in-fol.,  1767,  I,  p.  765. 


us  INDUSTRIE  DE  L.\  SOIERIE. 

moitié  de  sa  lâche  s  il  n'avait  pas  cherché  en  môme  temps 
à  augmenter  la  production  de  ces  tissus  en  créant  de  nou- 
velles manufactures,  en  donnant  plus  d'extension  aux 
anciennes.  Il  ne  voulait  pas  seulement  que  la  France 
fabriquât  toutes  les  étolTes  de  soie  nécessaires  à  sa  con- 
sommation, il  espérait,  ainsi  qu'il  le  déclarait  à  l'ambas- 
sadeur d'Angleterre  \  qu'elle  fournirait  aux  besoins  de 
l'Angleterre,  des  Pays-Bas,  du  Danemark,  des  pays  de  la 
Baltique.  Dès  1G02  il  existait  à  Paris  une  manufacture  do 
soieries  dont  Sainctot  était  le  principal  directeur  ^  Une 
autre,  fondée  dans  la  môme  ville  sous  le  patronage  du  roi 
par  Noël  Parent  et  ses  frères,  n'eut  pas  des  débuis  heureux. 
Les  fabricants  furent  condamnés  par  sentence  du  Chàtelet 
à  vider  leur  atelier,  situé  près  du  Temple,  pour  n'avoir  pas 
payé  leur  loyer.  Sur  leur  requête,  la  commission  du 
commerce,  au  mois  de  février  1603,  délégua  deux  de  ses 
membres  pour  dresser  inventaire  des  métiers  et  du  ma- 
tériel et  mettre  le  tout  sous  séquestre  ^  Cet  insuccès  ne 
découragea  pas  le  roi.  La  môme  année,  au  mois  d'août,  il 
prenait  sous  sa  protection  la  manufacture  de  Sainctot, 
auquel  il  associait  Jean  deMoisset,  contrôleur  de  rartillerie, 
des  menus  et  affaires  de  la  Chambre,  N.  Camus  \  C.  Par- 
fait et  Edouard  Colbert,  et  gratifiait  leur  association  de 
grands  privilèges.  Les  affaires  de  la  société  devaient  com- 
prendre le  tissage  des  étoffes  unies  et  façonnées,  ainsi  que 
le  battage  et  la  fabrication  du  fil  d'or  et  d'argent  façon  de 
Milan.  Le  roi  accordait  aux  associés  la  qualité  de  commen- 
saux de  sa  maison,  les  anoblissait,  leur  assurait  pendant 
douze  ans  le  monopole  de   la  fabrication  des   soieries   à 

1.  Sir  Geokge  Gauew,  A  Relation  of  Ihe  state  of  France...  Loc.  cil. 

2.  Procès-verbaux,  p    109. 

3.  Ibid.,  p.  68-60. 

4.  Sur  Nicolas  Camus  ou  Le  Camus  voy.  O'Reillv.  Mémoires  sur  la  vie 
publique  et  privée  de  Claude  Pellot,  I,  p.  137-138.  In-S».  Ciiampion.  Jean 
de  Moisset  est  le  fermier  général  des  aides. 


INDUSTRIE   DE   LA   SOIERIE.  119 

Paris  et  celui  de  la  fabrication  de  l'or  et  de  l'argent  filé 
dans  tout  le  royaume,  exemptait  leurs  ouvriers  étrangers 
du  droit  d'aubaine  et  conférait  à  tous  ceux  qui  auraient 
travaillé  chez  eux  pendant  un  certain  nombre  d'années  le 
privilège  de  s'établir  sans  faire  de  chef-d'œuvre  ni  prendre 
de  lettres  de  maîtrise,  sur  la  simple  production  d'un  cer- 
tificat délivré  par  eux.  En  outre  il  leur  faisait  un  prêt  de 
180  000  livres  (520127  fr.  90)  sans  intérêt  et  avec  faculté 
de  n'en  rembourser  au  bout  de  douze  ans  que  loOOOO 
(438  439  fr.  92),  en  d'autres  termes  il  leur  faisait  don 
de  30  000  livres  (87  687  fr.  98).  Il  conservait  cependant 
à  Devieux  dit  Mercuri,  son  valet  de  chambre  parfumeur, 
et  à  ses  associés,  le  droit  de  fabriquer  de  l'or  et  de  l'argent 
filé,  ainsi  que  des  soieries  rehaussées  d'or  et  d'argent,  mais 
à  condition  de  recevoir  la  soie  des  concessionnaires  et  de 
faire  marquer  par  eux  leurs  marchandises'.  Le  23  février 
1004,  Sainctot,  Moisset  et  consorts  s'associèrent  un  tireur 
d'or  milanais,  Jean-André  Turato.  L'année  précédente, 
Turato  avait  obtenu,  sur  la  proposition  de  la  commission 
du  commerce,  3  000  livres  (8768  fr.  80)  pour  ses  frais  de 
premier  établissement,  une  pension  annuelle  de  1  200  livres 
(3o07  fr.  o2)  et  le  monopole  de  l'or  filé  façon  de  Milan 
pendant  dix  ans,  à  charge  d'apprendre  son  art  à  des  Fran- 
çaise Il  était  établi  à  l'hôtel  de  la  Maque,  rue  de  la  ïixe- 
randerie.  La  commission  du  commerce,  saisie  par  arrêt 
du  conseil  du  4  septembre  1604  du  conflit  entre  lui  et 
Mercuri  ',  exprima  l'avis  que  défense  fût  faite  à  celui-ci  de 
faire  concurrence  au  premier  jusqu'à  ce  que  l'édit  d'août 


1.  Édit  d'août  1C03.  Isambert,  XV,  n"  168. 

2.  Procès-verbaux,  p.  34,  43-44,  51-53,  65.  Arrêt  du  conseil  d'État  du 
13  fév.  16i)3.  Arch.  nat.,  Coll.  des  arrêts  du  conseil,  à  la  date. 

3.  Turato  rencontra  un  autre  concurrent  dans  un  de  ses  compatriotes 
nommé  Gerome  Gerôsmes  {sic).  Le  conseil,  ayant  à  juger  leur  différend, 
les  soumit  à  une  sorte  de  concours,  dont  nous  ignorons  le  résultat.  Arrêt 
du  16  mars  Hi03.  Coll.  des  arrêts  du  conseil.  Arch.  nat.,  à  la  date. 


120  INDrSTRIE   DE   L\   SOIERIE. 

I(i0:i  roiidii  en  faveur  de  Sainctol  et  de  ses  associés,  déjà 
enregistré  par  le  parlement  et  la  chambre  des  comptes,  le 
fût  également  par  la  cour  des  aides  et  la  cour  des  mon- 
naies '. 

S'il  fallait  en  croire  1*.  Cayet  -,  l'industrie  exercée  à  la 
Maque  n'aurait  pas  consisté  seulement  dans  la  fabrication 
du  iil  d'or  et  d'argent,  Turato  aurait  fait  aussi  des  brocarts,  des 
soieries  rehaussées  d'or  et  d'argent,  des  satins,  des  damas 
historiés.  Ces  riches  étolTes,  dont  P.  Cayet  parle  en  homme 
<|ui  les  a  vues,  bien  qu'il  en  attribue  la  fabrication  à  Dubout, 
cest-à-dire  à  un  tapissier  de  haute  lisse  établi  au  Louvre  '\ 
il  avait  pu  les  admirer  à  la  Maque,  mais  il  a  antidaté  ses 
souvenirs  d'un  an  en  les  rapportant  à  l'année  1()03,  car  les 
étoiles  en  question  ne  pouvaient  être  que  le  produit  de  la 
collaboration  de  Sainctot  et  de  Turato,  qui  ne  fut  que  la 
conséquence  de  1  association  formée  entre  eux  le  23  février 
1G04.  Le  batteur  d'or  milanais  ne  faisait,  aux  termes 
mômes  de  son  privilège  du  lo  février  1603,  que  fabriquer 
le  Iil  d'or  et  d'argent  que  Sainctot  et  ses  associés  mettaient 
ensuite  en  œuvre  dans  leurs  tissus.  Du  reste,  leur  asso- 
ciation avec  Turato  fut  rompue  à  une  date  que  nous  ne 
pouvons  préciser,  mais  qui  est  antérieure  au  28  février  1606. 
A  cette  époque,  Turato  prétendait  empêcher  ses  anciens 
associés  de  fabriquer  du  fil  d'or  et  d'argent  façon  de  Milan, 
mais  le  conseil  du  roi  lui  donna  tort  et  déclara  que  ceux-ci 
pouvaient  se  livrer  par  eux-mêmes  à  cette  fabrication  *.  La 
liquidation  de  la  société  formée  entre  Sainctot  et  Turato 
nétait  pas  encore  terminée  en  1607,  car,  le  lo  mars  de  celte 
année,  le  conseil  du  roi  condamnait  ce  dernier  à  rendre 
compte  de  sa  gestion  devant  des  arbitres^. 

1.  Séance  du  ô  octobre  IG04,  dan?  Procis-verbaux,  p.  "JG!. 

2.  Chronologie  sept.,  p.  209,  à  l'année  1003. 

3.  Voy.  plus  bas. 

4.  Arr<Hdu28  février  ICOG.  Bibl.  nat.  fr.  18170,  à  la  date. 

5.  Collection  des  arnHs  du  conseil,  ;i  la  date.  Arch.  nat. 


INDUSTRIE   DE   LA  SOIERIE.  121 

La  manufacture  de  soieries  et  de  brocarts  de  Saiiictot 
fut  l'objet  do  la  sollicitude  constante  de  Henri  IV.  Ici, 
comme  dans  beaucoup  de  ses  entreprises,  il  eut  à  lutter 
contre  le  formalisme  des  gens  de  robe.  Le  cbancelier  fit  des 
difficultés  pour  expédier  les  lettres  octroyant  aux  direc- 
teurs de  la  fabrique  la  subvention  de  60  000  écus 
(569  971  fr.  89)  qui  leur  avait  été  promise,  et  ceux-ci  mena- 
cèrent de  se  retirer.  Le  roi  assigna  d'abord  ces  (iOOOO  écus 
sur  le  produit  des  aubaines  '.  Sainctot  et  ses  associés  se 
portèrent  adjudicataires  pour  huit  ans  d'une  partie  de  la 
ferme  du  sel  et  obtinrent  du  roi  la  préférence  sur  leurs 
concurrents,  à  offres  égales.  S'il  se  produisait  des  offres 
plus  avantageuses,  la  subvention  devait  être  assignée  sur 
le  prix  du  bail  ^  En  1607,  Henri  écrit  au  président  du  Vair 
de  lui  envoyer  pour  sa  manufacture  d'étoffes  de  soie  et 
d'or  un  Espagnol  et  ses  deux  compagnons  qui  excellent 
dans  le  travail  de  ces  étoffes,  tel  qu'il  se  fait  au  Levant,  et 
qui,  après  avoir  habité  Constantinople,  se  trouvent  main- 
tenant à  Marseille  ^  Il  fit  construire,  place  Royale,  pour  y 
installer  les  ateliers  de  Sainctot,  un  bâtiment  qui,  com- 
mencé en  4604,  était  achevé  en  1606  \ 


1.  Lettres  miss..  IX,  48,  60. 

2.  Lettre  de  Henri  IV  à  Sully,  X'^'^  mai  [1G04].  Économies  royales,  VU, 
72-73. 

3.  Lettres  miss.,  Vil,  438. 

4.  P.  Cayet,  Chrotï.  sept.,  II,  283.  Procès-verbaux  des  assemblées  du 
clergé,  1,  p.  765.  I.  Laffemas,  llist.  du  commerce,  p.  413,  414.  Sur  la  manu- 
facture de  Sainctot  voy.  encore  la  relation  de  Carew  dans  Birch,  p.  434. 
J.-A.  DE  Thou,  VI,  170,  la  déclaration  royale  d'avril  1605  contenant  don  aux 
entrepi'eneurs  des  manulactures  de  soie,  or  et  argent  filé  à  la  façon  de  Milan, 
de  6(J00  toises  de  terre  dans  le  parc  des  Tournelles.  Reg.  du  conseil.  Bibl. 
nat.  fr.  18174,  fol.  viii'^^v,  des  lettres  patentes  du  28  sept.  1604  autorisant 
le  sieur  Colbert  à  quitter  l'association  (Reg.  du  parlement),  et  un  arrêt 
du  conseil  du  19  mars  1607  ordonnant  au  trésorier  de  l'Epargne  d'assigner 
aux  entrepreneurs  3000  livres  (8768  fr.  80)  sur  le  bail  des  cartes.  Arrêts  du 
conseil,  à  la  date.  Henri  IV  voulait  concentrer  sur  l'emplacement  du  palais 
des  Tournelles  les  industries  de  luxe  qu'il  cherchait  à  créer  en  France. 
Procès-verbaux,  p.  212.  Sully  avait  un  projet  différent  sur  l'atfectation  de 
ces  terrains.  £co«. /-o»/.,  VI,  336-337.  Ce  fut  l'industrie  des  soieries  à  ramages 


122  INDUSTRIE  DE  LA  SOIERIE. 

Il  s'occupait  011  même  temps  à  crt^er  tles  manufactures 
ailleurs  qu'à  Paris.  Au  moment  où  il  parlait  pour  la  cam- 
pagne do  Savoie  juin  IGOO),  B.  Laiïomas  lui  prt^'senla  Noël 
Parent  (jui  se  faisait  fort  de  fabri(]uer  des  crOpes  aussi  bien 
(ju'à  Bologne,  ainsi  que  tous  les  genres  de  soieries  où  excel- 
laitritalie  '.  Le  27  mai  lG03,unancion  fabricantdesoieriesde 
Lyon.nommédela  Viallo,  proposaàla  commission,  de  l'aveu 
de  Sully,  de  fonder  celte  industrie  à  Mantes  dont  le  surin- 
tendant avait  le  gouvernement-.  L'année  suivante,  le  roi  s'y 
rendit  avec  toute  la  cour,  lit  planter  dans  toute  l'étendue  du 
bailliage,  sous  la  direction  d'Olivier  de  Serres,  un  nombre 
considérable  de  mûriers  blancs  et  établit  dans  le  cliàteau 
deux  moulins  et  vingt  métiers  pour  la  fabrication  des 
crêpes  lins,  facjon  de  Bologne  ^  Cette  manufacture  fui 
dirigée  par  Noël  Parent  et  par  ses  frères  qui,  plus  lieureux 
qu'à  Paris,  réussirent  à  égaler  les  crêpes  de  Bologne,  à 
créer  cette  industrie  en  France  et  même  à  faire  avec  une 
égale  perfection  toute  espèce  de  soieries  '.  La  commis- 
sion sollicita  en  sa  faveur  les  privilèges  de  commensal  du 
roi  et  des  gages  fixes,  et  il  reçut  une  subvention  de 
3  000  livres  (8768  fr,  80.)  pour  frais  de  premier  établisse- 
ment \ 

C'est  encore  un  membre  de  la  même  famille,  Etienne 
Parent,  qu'on  trouve  à  la  tète  de  l'industrie  des  satins   de 

qui  donna  naissance  au  Jardin  des  Plantes.  Un  horticulteur,  Jean  Robin, 
eut  l'idée  de  créer  un  jardin  fleuriste  pour  fournir  des  modèles  aux  brodeurs 
et  aux  tisserands  de  soie,  et  ce  fut  ce  jardin,  né  des  besoins  de  la  mode, 
qui  servit  plus  tard  à  Pétude  de  la  botanique  et  de  la  médecine.  Qlicherat, 
Uisl.  du  costume,  p.  444. 

1.  Laffemas,  Le  naturel  et  profil  admirable  du  meurier...  Paris,  IfiOl, 
p.  16. 

2.  Procès-verbaux,  p.  95. 

.■}.  .MoLTiÉ,  Mantes,  histoire,  monuments,  environs.  In-S",  18.j2,  p.  ôC-57. 
Procès-verbaux,  p.  2-3!). 

4.  LMFEa AS,  ulji  supra,  p.  10-17.  Procès-verbaux,  p.  2^^0-281. 

5.  Procès-verbaux,  ihid.  Arrêts  du  conseil  du  10  mars  ICO",  du  27  mars 
1608  et  du  17  février  1G09.  }]ibl.  nat.  fr.  18173.  P.  Ca>et,  Ctironologie  sept ., 
p.  28i,  année  IGOi. 


INDUSTRIE   DE   LA  SOIERIE.  123 

Brug-es  et  damas  cafards'  qui  s'introduisait  à  Troyes  à  la 
même  époque.  En  1604  il  écrivait  à  Lafl'emas  qu'il  avait 
commandé  deux  cents  métiers  livrables  à  la  Saint-Rémi  % 
et  son  associé,  Jean  Sellier,  présentait  des  échantillons  ' 
à  la  commission  du  commerce.  Le  13  août  de  la  même 
année,  le  roi  accordait  à  celui-ci  un  monopole  de  vingt  ans  '\ 
La  commission  proposa  de  conférer  des  lettres  de  noblesse 
à  lui  et  à  deux  de  ses  associés  et  de  gratifier  ses  deux 
principaux  ouvriers  de  lettres  de  naturalité,  s'ils  étaient 
étrangers,  et  de  l'exemption  d'impôts,  s'ils  étaient  Français. 
Outre  le  monopole  de  la  fabrication  en  France,  l'impétrant 
devait  être  protégé  contre  la  concurrence  étrangère  par  la 
prohibition  des  soieries  de  ce  genre,  aussitôt  qu'il  serait  en 
mesure  de  pourvoir  à  la  consommation  nationale.  Il  s'enga- 
geait de  son  côté  à  faire  battre  le  plus  tôt  possible  trois  ou 
quatre  cents  métiers,  à  employer  autant  d'ouvriers  français 
qu'il  pourrait  et  à  n'apprendre  le  métier  qu  a  des  Français' 
En  1604  ou  1603^  le  roi  priait  Sully  de  faire  payer  au 
même  entrepreneur  3  047  écus  28  945  fr.  07)  que  celui-ci 
était  venu  réclamer  à  Paris  pour  les  frais  de  son  entreprise 
et  qui,  d'après  les  pièces  par  lui  fournies,  lui  étaient  bien 
réellement  dus. 

De  Provence  la  commission  du  commerce  recevait 
aussi  des  offres.  Le  sieur  de  Barthélémy,  contrôleur  des 
traites  à  Arles  se  déclarait  prêt  à  y  entreprendre  la  propa- 
gation de  la  culture  du  mûrier  et  la  création  de  manu- 
factures d'étoffes,  notamment  de  soieries   et  de   brocarts, 


1.  Damas  mêlés  de  soie  et  de  fleuret. 

2.  Procès-verbaux,  p. 22G-227 . 

3.  Ibid.,  2-29. 

4.  Ibid.,  2^2. 

ô.  Séance  du  21  août  1G04.  Procès-verbaux,  p.  234-237. 

G.  Ce  qui  nous  porte  à  préférer  la  date  de  ICOi  à  celle  de  1605  que  l'édi- 
teur des  ie//res  wiss/ues  a  assignée  à  la  lettre  du  25  mai,  c'est  qu'Ét.  Parent 
annonce  à  LatTemas,  le  l'-'r  août  IG04,  la  prochaine  arrivée  de  Tellier. 
Ibrd.,  p.  226-227. 


124  INDL'STHIE  DE  LA  SOIERIE. 

à  riinitation  des  tissus  qui  se  fabriquaient  en  Italie,  en 
Espagne  et  en  Orient.  Ces  offres  étaient  acceptées  et  Ton 
tombait  d'accord  des  conditions  suivantes.  Barthélémy 
fournira  la  province  de  plant  et  de  graine  de  mûriers  blancs 
(jui  lui  seront  payés  par  les  localités  à  raison  de  100  s. 
(14  fr.  61)  le  cent  de  mûriers  et  de  4  livres  (11  fr.  09)  la 
livre  de  graine.  Une  conmiission,  composée  du  premier 
])résident  du  parlement  d'Aix,  d  un  président  de  la  chambre 
des  comptes  et  de  ceux  que  ces  deux  magistrats  s'adjoin- 
dront, réglera  la  distribution  du  plant  et  de  la  graine, 
ainsi  que  les  moyens  d'en  recouvrer  le  prix  sur  les  habi- 
tants. Harlbclemy  établira  dans  la  province  dix-huit 
ateliers,  sixàAi\,  six  à  Arles  et  six  à  Marseille,  pour 
fabriquer  les  étoffes  en  question  et  obtiendra  un  ])rivilège 
de  huit  ans  pour  les  étoffes  façon  d'Italie  et  de  douze  ans 
pour  les  étoiles  façon  du  Levant.  Ce  monopole  ne  préjudi- 
eiera  pas  aux  droits  des  industriels  qui  sont  en  possession. 
Les  apprentis  qui  seront,  autant  que  possible,  des  Français 
resteront  quatre  ans  en  apprentissage  et  ne  pourront 
s'établir  que  deux  ans  après  en  être  sortis.  Les  ouvriers 
étrangers  deviendront  Français  en  vertu  d'une  simple 
déclaration  délivrée  sans  frais.  Ils  seront,  comme  les 
ouvriers  regnicoles,  exempts  de  toute  charge  personnelle 
tant  qu'ils  n'abandonneront  pas  le  métier.  Les  apprentis 
n'auront  besoin  pour  s'établir  que  d'un  certificat  de 
l'entrepreneur.  Les  soies  pourront  être  tirées  d'Italie,  en 
attendant  que  le  royaume  en  produise  en  assez  grande  quan- 
tité. Barthélémy  deviendra  de  contrôleur  des  traites  d'Arles 
contrôleur  général  des  traites  de  la  province,  il  sera 
anobli,  ainsi  que  trois  de  ses  associés'.  Ce  projet  de  traité 
fui  présenté  au  conseil  et  en  1004  il  n'attendait  plus  que 
l'homologation  royale. 

1.  Séance  du  27  juillet  IGO'i.  Procès-verbaux,  p.  214-210. 


INDUSTRlIi   DE   LA   SOIERIE.  125 

Les  bas  de  soie  nous  venaient  de  l'étranger.  Nos 
ancêtres,  d'après  Laffemas,  en  usaient  quatre  paires  par 
an  dont  chacune  leur  coûtait  quatre  écus*  (38  fr.). 
Le  conseil  du  commerce,  qui  n'accueillait  pas  seulement 
les  propositions  des  inventeurs  et  des  industriels,  mais 
qui  prenait  aussi  l'initiative  des  mesures  propres  à  foncier 
en  France  des  industries  nouvelles,  voulut  y  introduire  la 
fabrication  des  bas  de  soie  et  de  laine.  Elle  ne  trouva  pas 
de  moyen  plus  efficace  que  de  permettre  à  tout  le  monde 
de  s'y  livrer,  sous  certaines  garanties". 

Les  efforts  de  Henri  IV  pour  créer  de  nouveaux  centres 
de  production  ne  lui  faisaient  pas  oublier  ceux  qui  exis- 
taient déjà.  En  accordant  aux  fabricants  tourangeaux, 
sous  l'empire  d'une  illusion  qui  ne  tarda  pas  à  se  dissiper, 
la  prohibition  des  soieries  étrangères,  il  les  avait  autorisés 
par  une  conséquence  naturelle  à  fabriquer  tous  les  articles 
que  la  France  tirait  des  pays  voisins.  Plusieurs  d'entre 
eux  abusèrent  de  cette  autorisation  pour  employer  dans  le 
tissage  de  certains  velours  de  la  soie  écrue;  ils  prétendaient 
ne  faire  en  cela  qu'imiter  ce  qui  se  pratiquait  en  Italie. 
Ils  réussirent  même  à  convaincre  leurs  confrères  et  les 
gardes-jurés  de  la  corporation  de  la  supériorité  de  la  soie 
écrue  sur  la  soie  cuite  ou  à  obtenir  subrepticement  leur 
approbation".  Mais  le  roi,  éclairé  par  les  représentations  des 
fabricants  tourangeaux  mieux  avisés  et  par  le  témoignage 
des  manufacturiers  de  Paris,  revint  sur  cette  dérogation 
aux  anciens  règlements  de  fabrique  et  défendit  l'emploi 
de  la  soie  qui  ne  serait  pas  bien  cuite,  décrusée,  blanchie 
et  teinte  *. 


1.  Reifjl.  gen.,  p.  8. 

2.  Séance  du  4  mai  1604.  Pi'ocès-verbaux,  p.   185-1 88. 

3.  Voy.  la  délibération  du  corps  de  ville  rapportée  par  M .  Champoiseau 
dans  son  mémoire  sur  l'industrie  séricicole  enTouraine.  Loc.cif. 

i.  Henry...  à...  nostre  cour  de  parlementa  Paris.  Les  UT^'  jurez  et  particul- 
liers  ouvriers  en  draps  d'or,  d'argent  et  de  soye  de...  Tours  nous  ont  faict 


126  INDUSTRIE   DE  L\   SOIERIE. 

Nous    avons  dit   le    trouble    profond    que   les  guerres 
religieuses  avaient  jeté    dans   la    fabrique  de  Lyon.  Les 


roiiionsitrer  que  feu  le  roi  Louis  unzlesme...  auruictf.iit  venir  eu  ce  royaume 
queltiues  ouvriers  du  pays  d'Italie,  desquels  il  auroict  estably  la  residanre 
en  lad.  ville  de  Tours...  affin  de  faire  les  ouvraiges  de  draps  d'or,  d'argent 
et  de  soye  auparavant  inusités  en  France  et  l'apprendre  à  ses  subjects... 
les  auroit  honorés  de  plusieurs  grandz  privilleges,  et  reiglé  led.  mestier 
[par]  plusieurs  statuts,  par  lesquels  il  est  porté,  entre  autres  choses  que 
nul  m»  dud.  mestier  ne  pourra  cmploier  aucune  soye  qu'elle  ne  soict  pre- 
mièrement cuitte,  blanchie  et  teinte  en  bonne  tainfure,  sur  peine  de  perdre 
la  soye  et  les  ouvraiges  qui  en  seroient  faictz,  lequel  reiglement  auroict 
esté  gardé  par  les  exposans...  et,  toutes  les  fois  que  se  seront  trouvé  des 
contraventions  ausd.  statuz,  elles  ayent  esté  reparées  et  corrigées  par  le 
bailly  de  Touraine  et  par  arrests  de  nostred.  court,  en  sorte  que  plusieurs 
fois  des  draps  où  il  s'est  trouvé  de  la  soye  creue  ont  esté  conlisquéz  et  quel- 
quefois brusiés  publicquement  et  les  delinquans  condamnés  en  plusieurs 
grandes  amendes,  toutell'ois  depuis,  par  notre  edit  du  mois  de  janvier  mil 
cinq  cens  quatre-vingt-dix-neuf,  nous  avons  permis  de  faire  par  tout  nostre 
royaume  toute  sorte  de  draps  d'or,  d'argent  et  de  soye  qui  se  l'ont  à  .^lilan, 
Gennes,  Lucques,  Florence  et  autres  villes  d'Italie,  et  toutell'ois  quelques 
ouvriers  particullier  dud.  mestier  se  sont  licentiés  de  contrevenir  aud. 
reiglement,  soubz  prétexte  qu'ilz  vouUoient  faire  croire  que  les  velours,  à 
la  grice  qui  se  font  à  .Milan  et  autres  lieux  d'Italie  no  sont  point  entière 
ment  de  soye  cuitte  et  blanchie,  tellement  que  ([ueltiues  ungs  d'entre  eulx 
ont  faict  la  thoille  et  tresme  dud.  velours  à  la  grice  de  soye  qui  nest  pas 
cuitte,  suivant  led.  reiglement.  et,  pour  se  garantir  des  saisies  que  les 
exposans  ont  faict  faiie  sur  eux,  ilz  ont  obtenu  nos  lettres  du  dixiesme 
jour  de  juing  mil  six  cens  quatre,  par  lesquelles  nous  avons  permis  à  tous 
ouvriers  qui  voudroient  faire  les  draps  de  soye  des  façons  de  Milan, 
Lucques,  Florence,  Venize,  Xaples,  Boulongne,  Rhege,  Modenc,  Gennes, 
Genefve,  Chan)bery,  Avignon,  Espaigne  et  autres  provinces  étrangères  de 
faire  la  fabricquation  desd.  draps  de  soye  telle...  qu'elle  se  faict  esd.  lieux... 
en  conséquence  desquelles  lettres,  nostre  bailly  de  Touraine,  sans  s'intlormer 
auttrement  de  l'usaige  desd.  villes...,  auroict  donné  sa  sentence  du  trei- 
ziesme  jour  de  septembre  dernier,  par  la(iuelle  il  auroict  ordonné  qua  les 
ouvriers  dud.  mestier  jouiroient  du  contenu  en  nosd.  lettres,  à  la  charge 
neanmoingtz  que,  es  velours  plains  et  autres  draps  qui  se  decouppent,  ilz 
ne  pciurroient  emploier  aucune  soye  escrcue,  en  quoy  faisant  nostred. 
bailly  ou  son  lieutenant  a  paisiblement  permis  ausd.  ouvriers  d'emploier 
de  la  soie  creue  es  velours  figurez  et  autres  estofles  qui  ne  se  decouppent 
point,  et  neanmoingtz  nous  avons  esté  advertiz  par  plusieurs  notables 
bourgeois  et  marchans  de  nostred.  ville  de  Paris  et  par  les  ouvriers  en  draps 
d'or  et  d'argent  et  de  soye  que  nous  avons  faict  venir  exprès  pour  faire  en 
nostred.  ville  de  Paris  telz  ouvraiges  qui  se  font  esd.  villes  d'Italie,  que  en 
toutes  espèces  de  drap  de  soye,  soict  de  velours  figuré  ou  aultres,  il  n'est 
point  permis  en  Italie  d'emploier  de  soye  escreue  et  qui  ne  soict  bien 
cuitte,  blanchie  et  tainte,  parce  que  les  soyes  escreues  ne  peuvent  prendre 
bonne  tainlure  et  qu'estant  emploiées  à  faire  la  thoille  et  tresme  des 
velours,  elle  ternit  le  lustre  du  drapt,  joint  que  la  thoille  et  tresme  des 
velours  qui  n'est   faicte  de  soye  bien  cuitte  couppe  le  poil  desd.  velours 


INDUSTRIE   DE   LA   SOIEIUE.  127 

mesures  de  Henri  IV  lu'  furent  pas  toutes  de  nature  à  la 
relever.  La  substitution  du  pastel  à  l'indigo  désormais 
proscrit  ne  fut  pas  considérée  comme  un  progrès  par 
les  teinturiers  lyonnais  ni  par  le  consulat  qui  demandèrent 
la  liberté  d'user  des  matières  colorantes  employées 
jusque-là \  Les  fabricants  s'émurent  bien  davantage 
encore  de  l'édit  somptuaire  de  1608  qui  défendait,  en 
même  temps  que  l'importation  des  soieries  étrangères, 
l'usage  des  soieries  indigènes.  Il  menaçait  l'existence  de 
la  première  industrie  de  Lyon,  qui  comptait  alors  environ 
deux  mille  métiers  et  sept  à  huit  mille  ouvriers.  Les 
intéressés  firent  porter  leurs  remontrances  au  roi  par  l'un 
des  leurs,  Ambroise  Aubin,  qui  obtint  sans  aucun  doute 
le  rappel  de  l'édit'.  Heureusement  l'influence  de  Henri  IV 


qui  se  pelle  incontinant  et  ceulx  qui  veulent  emploier  lesd.  soies  non 
cuittes  n'y  sont  poussez  d'autre  nfTection  que  pour  faire  proffict  au  dom- 
njaige  du  public,  d'aultant  que  ung  drap  qui  est  faict  de  soye  escreue  et 
semble  qu'il  y  ait  plus  de  soye  qu'il  n'y  en  a,  à  cause  de  quoy  en  toutes  les 
fabricques  d'Italie  tous  les  draps,  de  quelque  espèce  et  façon  qu'ilz  soient, 
où  il  y  a  de  la  soye  escreue  et  non  bien  cuitte,  sont  réprouvez  et  confis- 
quez... ce  qui  a  meu  les  maistres  jurez  dud.  estât  d'ouvriers  en  soye  dud. 
Tours  et  la  plus  grande  partie  des  luaistres  particulliers  joinctz  avec  eulx 
d'appeller  de  lad.  sentence  de  nostre  bailly  de  Tours  ou  son  lieutenant... 
et,  d'aultant  que  le  procès  est  pendant  devant  vous,  ilz  nous  ont  très  hum- 
blement supplié  voulloir  déclarer  sur  ce  nostre  volonté...  Pour  ce  est-il 
que  nous,  après  avoir  faict  veoir  à  nostre  conseil  nostre  edit  du  mois  de 
janvier  mil  cinq  cens  quatre  vingtz  dix-neuf,  noz  lettres  dud.  dixiesme 
juing  mil  six  cens  quatre,  avec  les  attestations  de  plusieurs  notables 
marchans  et  ouvriers  en  soye  de...  Paris,  en  datte  du  dix  huictieme  jour  de 
décembre  dernier,  le  tout  cy  attaché  soubz  le  contre-scel  de  nostre  chan- 
cellerie, de  l'advis  de  nostred.  conseil...,  ordonnons,  déclarons...  que  tous 
draps  de  soye  qui  se  feront  en  lad.  ville  de  Tours  et  autres  lieux  soient 
faictz  de  bonne  soye  bien  cuitte,  descreue,  blanchie  et  teinte  en  bonne 
teinture,  faisant  très  expresses  detfences  à  tous  ouvriers  en  draps  d'or, 
d'argent  et  de  soye  d'en  emploier  qui  ne  soient  bien  appareillée  (sic) 
suivant  leurs  statuts...  (0  janvier  1C05.  Registre  au  parlement  de  Paris  le 
15  janvierl605.  Arch.  nat.  Xi'  8G45,  fol.  200). 

1.  Inventaire  des  arch.  municipales  de  Lyon.  Reg.  BB  140.  Inventaire 
Chape  aux  Arch.  de  Lyon,  Vlll,  .3G7. 

2.  Inventaire  des  arch.  municipales  de  Lyon.  Portefeuille  AA  155.  Les 
négociants  en  soieries  de  Paris  firent  aussi  une  démarche  auprès  du  roi  pour 
empêcher  l'exécution  de  l'édit.  Lestoile,  Registre-Journal  de  Henri  IV 
(collection -Michaud  et  Poujoulat),  p.  5-31. 


12S  INDUSTKIE   DE   LA   SOIERIE. 

sur  la  falni(|ue  lyonnaise  ne  se  réduisit  pas  à  ces  mesures 
malencontreuses;  elle  se  manifesta  aussi  par  la  protection 
(ju'il  accorda  à  un  Lyonnais,  (Maude  Dangon,  fabricant  de 
soieries  et  de  brocarts,  l'un  de  ces  obscurs  inventeurs  dont 
le  nom  reste  ignoré,  non  seulement  de  la  postérité,  mais 
(|uel({uefois  même  de  ceux  qui  s'em'ichissent  de  leurs  décou- 
vertes. Claude  Danij^on  dota  sa  ville  natale  du  métier  à  la 
tire'  et  de  la  fabrication  des  façonnés  qui  devait  tant  con- 
tribuer à  la  renommée  et  à  la  richesse  de  l'industrie 
Ivonnaise.  Au  mois  de  mars  lt)07.  il  obtint  le  titre  de 
maître  ouvrier  du  roi  en  draps  d'or,  d'argent  et  de  soie  à 
Lyon,  un  privilège  de  cinq  ans  et  la  direction  de  la 
fabrication  des  étoffes  nouvelles  do  son  invention  dans  la 
ville  et  tout  le  royaume-.  Déjà  en  IGOo  ses  concitoyens 
l'avaient  indemnisé  par  un  don  de  200  livres  tournois 
(584  fr.  59)  des  dépenses  qu'il  avait  faites  pour  introduire 
chez  eux  ses  velours  taffetas  et  autres  tissus  d'un  nouveaii 
genre  et  pour  aller  en  présenter  des  échantillons  au  roi". 
Pour  monter  ses  métiers,  pour  fournir  aux  frais  de 
premier  établissement  il  avait  dû  contracter  des  dettes; 
le  11  août  1607,  un  arrêt  du  conseil  lui  accorda  une  sur- 
séance de  six  mois  qui  fut  renouvelée  par  un  autre  arrêt  du 
12  février  1608'. 

Une  faudrait  pas  croire  que  les  villes  dont  nous  venons 
de  parler  fussent  les  seules  où  l'on  fabriquât  des  soieries. 
Keims,  pour  ne  mentionner  que  celle-là,  comptait 
en  1600  cinquante-quatre  maîtres  ouvriers  en  soie'^  qui 

1.  On  peut  voir  dans  le  musée  industriel  de  Lyon  nn  mddrle  rOdult  du 
métier  inventé  par  Ct..  Dangon. 

2.  Lettres  patentes  de  mars  1G07  enregistrées  au  parlement  le  dernier 
avril  1611.  Arch.  nat.  Registres  du  parl.X'"  8Gi7,  fol.  227  v».  Voy.  aussi 
MoNFAi-CON,  llisloire  de  la  ville  de  Lyon,  18î7,in-8",  II,  73ô.  On  verra  dans  le 
mémoire  publié  en  appendice  (n"  I)en  quoi  consistaient  ces  étoiles  nouvelles. 

3.  Inventaire  des  arch.  municipales  de  Lyon.  Heg.  HH  142. 

4.  Arch.  nat.  Arn'ts  du  conseil  à  la  date,  liibl.  nat.  fr.  18173,  fol.  OC. 

5.  Vakin,  Arrinves  de  Reims,  sUilnls,  II,  375. 


LA   SÉRICICULTURE  A  LA  FLN    DU    RÈGNE.  129 

firent  modifier  leurs  règlements  pour  les  rendre  aussi 
conformes  que  possible  à  ceux  de  leurs  confrères 
parisiens  ^  Tout  en  restant  très  inférieure  à  la  demande, 
la  fabrication  indigène  s'était  beaucoup  développée  ^. 

Si  nous  avons  cru  devoir  entrer  dans  l'exposé  minutieux 
des  efforts  de  Henri  IV  pour  faire  de  la  sériciculture  et 
de  l'industrie  des  soieries  une  branche  importante  de  la 
production  nationale,  c'est  que,  selon  nous,  la  conception 
d'une  entreprise,  les  moyens  employés  pour  la  faire 
réussir  n'offrent  guère  moins  d'intérêt  que  ses  résultats. 
L'intelligence  et  la  persévérance  méritent  d'attirer  l'attention 
de  l'historien,  même  quand  elles  ont  été  déployées  en 
pure  perte,  parce  qu'elles  provoquent  des  réflexions 
instructives  sur  les  causes  de  leur  impuissance  et  qu'elles 
offrent  le  spectacle  attachant  de  la  volonté  aux  prises 
avec  les  circonstances.  Toutefois,  on  essaierait  en  vain 
de  le  nier,  la  première  question  qu'on  se  posera  toujours 
au  sujet  d'une  tentative  qui  n'a  en  vue  que  la  prospérité 
matérielle  d'une  société  sera  nécessairement  celle  de  savoir 
si  elle  a  ouvert  une  voie  nouvelle  à  l'activité  nationale  et 
augmenté  la  richesse  et  le  bien-être  du  pays. 

Pour  résoudre  cette  question  en  ce  qui  concerne  la 
sériciculture,  il  ne  suffit  pas  de  constater  qu'elle  se  trouve 
de  nos  jours,  comme  avant  le  règne  de  Henri  IV,  localisée 
dans  certaines  provinces,  qu'elle  ne  s'est  pas  généralisée 
au  même  degré  ({ue  la  viticulture,  par  exemple,  dont 
Olivier  de  Serres  la  rapprochait  au  point  de  vue  des  con- 
ditions climatériques.  Ce  fait  n'autorise  pas  à  considérer 
le  dessein  du  roi  et  de  ses  auxiliaires  comme  chimé- 
rique ;  la  négligence  des  gouvernements  qui  ont  succédé 
au   sien,    des    événements  d'un    ordre  général    peuvent 

1.  Varin,  p.  3TG. 

2.  Laffemas,  Reigl.  gen.,  p.  7.  La  façon  de  faire  et  semer  la  f/raine  de 
meurier...,  ie04.  p.  31. 

9 


130  L\  SÉKICICLLTUIIE   A   L\   FIN    DU    HÈGNE. 

rexpliijuer,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  sen  prendre  aux 
vices  inhérents  à  l'entreprise  ou  aux  moyens  employés 
pour  la  mellre  à  exécution.  C'est  à  la  i\n  du  règne 
(piil  faut  nous  })lac(M'  pour  nous  rendre  compte  des 
résultais. 

Or,  nous  Irouvons  dès  cette  époque  les  preuves  péremp- 
toires  que  le  succès  n'avait  jias  répondu  aux  espérances. 
l"]n  1610,  un  s'  Maressé,  ancien  archer  de  la  garde, 
j)roposait  au  nouveau  roi  de  renouveler  des  essais  qui 
n'avaient  échoué,  d'après  lui,  que  par  suite  des  moyens 
d'exécution'.  Dans  un  mémoire  anonyme,  puhlié  deux  ans 
plus  tard  sur  les  jtauvres  des  hospices,  nous  lisons  qu'il 
ne  subsistait  aucune  trace  de  l'entreprise  de  Henri  IV'. 
11  y  a  là  de  l'exagération.  Montehrétien  est  plus  près  de  la 
vérité  quand,  tout  en  constatant  que  le  roi  n'avait  pas 
réussi  à  augmenter  autant  qu'il  le  voulait  la  production 
de  la  soie  et  en  rendant  responsables  de  cet  insuccès  ceux 
qu'il  avait  chargés  de  la  réalisation  de  ses  intentions,  il 
reconnaît  que  la  sériciculture  a,  grâce  à  lui,  acquis  une 
certaine  extension  dans  les  régions  oi^i  elle  existait  déjà ^ 

1.  Propositions  faites  au  roi  par  MaicM.,  contenant  les  moyens  de  rendre 
la  soie  aussi  commune  en  France  qu'elle  l'est  à  lu  Chine  et  par  toute  l'Italie 
et  l'Espagne,  1610.  Cité  par  Gaspakix,  Mémoires  d'atjriculture  et  d'économie 
rurale,  11,  68. 

'2.  Mémoire  concernant  les  pauvres  enfermés  adressé  à  Henri  de  Gondi, 
évêque  de  Paris,  1012.  Archives  curieuses  de  l'hist.  de  France,  X.\,  264-65. 

3.  (1  Aussi  nostre  grand  Henry...  print  fort  à  cœur  le  dessein  de  faire 
abonder  la  soye  en  ce  royaume...,  ce  i|ui  sans  doute  eust  pu  réussir  à  son 
contentement...,  si  ceux  là,  sur  qui  S.  M.  se  reposoit  de  la  conduite  de  cette 
allaire,  l'eussent  secondé  avec  un  jugement  égal  à  son  all'ectio}i.  Tout  Co 
qui  nous  en  est  revenu  de  bien,  c'est  que  le  désir  qu'il  fist  naistrc  en 
plusieurs  de  s'accommoder  dn  profit  des  soyes  a  produict  ce  fruict  qu'il 
s'en  fait  maintenant  en  Provence,  Languedoc,  Dauphiné,  Touraine, 
Lionnois,  Beaujolois  et  divers  autres  lieux  de  la  France  à  plus  de  quatre  ou 
cinq  cens  mille  livres...  car,  pour  ce  qui  concerne  la  faltrique.  chacun 
scait-il  pas  que  depuis  longtemps  nous  l'avions  à  Lion  et  à  Tours  ?  » 
Traiclé  de  l'économ.  polilirjue,  161.'),  p.  98.  .Montehrétien  exhorte  le  roi  et  la 
reine  mère  à  encourager  la  sériciculture  et  l'industrie  de  la  soie,  dont  le 
défaut  de  persévérance  des  Français  a  empêché,  malgré  les  efforts  de 
Henri  IV,  la  fondation  définitive.  Ibid.,  p.  ;i'j-U>0.  \oy.  aussi  p.  129. 
J.-A.  DE  Tiiou,  V,  8;)«. 


LA   SÉRICICULTURE   A  LA  FIN    DU   RÈGNE.  131 

Le  témoignage  de  Montchrétien  se  trouve  confirmé  pour 
une  région  particulière,  la  Touraine,  par  le  rapprochement 
do  deux  faits  séparés  l'un  de  Vautre  par  près  do  quatre- 
vingts  ans.  En  1(307  Henri  IV  accordait  à  un  s""  Taschereau 
le  privilège  héréditaire  de  planter  et  d'exploiter  des  mûriers 
dans  le  parc  de  Plessis-lez-Tours  et  ses  dépendances'. 
Or  nous  trouvons  en  1693  un  des  descendants  du  con- 
cessionnaire dirigeant  au  même  lieu  une  pépinière 
de  800  000  mûriers  blancs  qui  servait  à  entretenir  et  à 
propager  la  sériciculture  dans  le  pays".  L'entreprise  de 
Taschereau  n'avait  donc  pas  été  éphémère  et  ce  n'est  pas 
seulement,  on  peut  le  croire,  en  1693  qu'elle  avait  com- 
mencé à  porter  des  fruits.  Nous  savons,  d'autre  part,  que 
l'industrie  des  soieries  fut  très  florissante  à  Tours  pendant 
la  première  moitié  du  xvii"  siècle  ^  Les  efforts  de  Henri 
avaient  donc  obtenu  un  effet  quelquefois  durable,  plus 
souvent  passager  et  limité.  L'exemple  qu'il  avait  donné  en 
plantant  des  mûriers,  en  établissant  des  magnaneries 
avait  trouvé  d'assez  nombreux  imitateurs  parmi  les 
courtisans,  les  grands  seigneurs,  le  haut  clergé,  les  ordres 
monastiques,  l'ordre  de  Malte \  Nous  avons  déjà  parlé  de 
la  soie  recueillie  dans  le  jardin  de  l'hôtel  de  Retz.  Sully, 
les  secrétaires  d'Etat,  le  premier  valet  de  chambre 
Beringhen  avaient  fait  des  plantations  de  mûriers  pour 
plaire  à  leur  maître  ^  Mais  si  un  certain  nombre  de  o-rands 

1.  Champoiseau,  loc.  cit. 

2.  BoisLiSLE,  Correspondance  des  contrôleurs  généraux  avec  les  intendants 
l,  n»  1185.  ' 

3.  Chevalier,  La  décadence  de  la  manufacture  de  soieries  à  Tours.  Mé- 
moires de  la  Société  archéologique  de  Touraine,  V,  361. 

4.  Gasparin,  Op.  laud.  Carew  a  exragéré  en  disant  :  «  ...  he  Ifenri  IV) 
bas  caused  most  of  the  gentlemen  and  possessioners  of  his  reahn  to  plant 
mulbery  trees  in  their  grounds  for  the  noiirishint;  of  ?ilk-worms  »  p.  430. 
Isaac  Laffemas  a  exagéré  encore  plus  en  éci'ivantque  la  production  de  la 
soie  indigène  pouvait  suffire  aux  besoins  du  pays. 

5.  J.-B.  I.eTelmer,  Brief  discours...  Dédié  à  la  duchesse  de  Sully.  Paris 
Pautonnier,  ICOÎ.  B.  Laffemas,  Lettres  et  exemples  de  la  feu  royne  mère' 
comme  elle  faisoit  travailler  aux  manufactures  et  foiwnissoit  aux  ouvriers 


132  CAUSE   DE   L'INSUFFISANCE   DU   SUCCES. 

propriétaires  était  Gntn';  clans  la  voie  ouverte  par  lui,  la 
niasse  des  petits  cultivateurs,  qui  exploitait  dès  lors  la 
plus  grande  partie  du  sol,  ne  l'avait  pas  suivi,  le  clergé, 
dans  son  ensemble,  n'avait  pas  mis  au  service  de  son 
projet  toute  sa  puissance  de  propagande.  Le  succès  local 
et  partiel  qu'il  obtint  resta  loin  de  la  grandeur  du  plan 
quil  avait  conçu. 

Le  pays,  en  accueillant  froidement  sa  tentative,  obéit-il 
à  une  routine  aveugle  ou  se  rendit-il  compte  des  obstacles 
qu'elle  rencontrait  dans  les  circonstances  physiques,  dans 
la  nature  des  clioses?  Les  partisans  de  la  sériciculture, 
Olivier  de  Serres,  LalTemas,  affirment,  en  s'appuyant  sur 
l'expérience,  que  le  climat  de  la  France  n'est  contraire 
ni  à  la  culture  du  mûrier  ni  à  l'élève  des  vers  à  soie, 
ils  font  ressortir  combien  la  cueillette  du  mûrier,  les 
soins  à  donner  aux  vers  sont  faciles  et  peu  coûteux, 
la  cueillette  pouvant  être  faite  par  des  femmes  et  des 
enfants  et  ne  détournant  nullement,  non  plus  que  le 
travail  de  la  magnanerie,  des  travaux  agricoles  ;  ils  in- 
voquent les  résultats  obtenus  :  d'après  eux,  la  soie 
recueillie  en  France,  môme  dans  les  régions  tempérées, 
vaut  ou  même  dépasse  en  qualité  la  soie  italienne.  En 
regard  de  cette  opinion  nous  devons  mettre  celle  des  incré- 
dules, des  adversaires,  celle  de  Sully  qui  déclarait  à 
Henri  IV  que  le  printemps  était  trop  froid  et  trop  tardif 
pour  l'éclosion  des  vers  et  la  végétation  des  mûriers,  que  ces 
arbres  ne  pouvaient  pas  donner  avant  quatre  ou  cinq  ans 
une  végétation  suffisante  pour  nourrir  les  vers',  celle  de 
certains  Italiens  de  bon  jugement  qui,  consultés  par  George 
Carew  sur  les  chances  de  l'entreprise,  lui  répondirent  qu'elle 

de  ses  propres  deniers.  Paris,  PACTO^i.MER,  1G02,  in-8°.  Le  premier  vr\let  de 
chambre,  Beringlien,  était  un  personnage  remuant  et  en  crédit  qui  sut  se 
faire  intéresser  dans  plusieurs  entreprises,  notamment  dans  une  exploita- 
tion de  forges  et  de  fonderies. 

1.  Économies  royales,  ColL  Michaud,  1,  âlô. 


FABRIQUES   ANCIENNES  ET   NOUVELLES   DE   SOIERIES.         133 

finirait  par  échouer,  les  vers  ne  pouvant  vivre  ou  au  moins 
donner  de  bonne  soie  avec  une  température  aussi  froide 
que  la  nôtres  De  ces  deux  opinions,  sur  la  valeur  desquel- 
les il  n'appartient  qu  aux  hommes  spéciaux  de  se  prononcer, 
le  pays  semble  avoir  partagé  la  seconde.  Le  roi  lui-même 
paraît  s'être  découragé;  c'est  ce  qu'on  peut  conclure  de 
l'abandon  d'une  partie  du  plan  primitif,  de  sa  répugnance 
à  user  de  contrainte,  à  imposer  la  sériciculture  aux  culti- 
vateurs. Sans  vouloir  condamner  son  initiative,  nous  ferons 
remarquer  que,  comme  le  reconnaît  0.  de  Serres,  l'élève 
des  vers  ne  peut  être  entreprise  utilement  à  moins  de  deux 
ou  trois  mille  pieds  de  mûriers  et  que  les  mûriers  ne  rap- 
portent qu'au  bout  de  cinq,  six,  sept  ou  huit  ans^  N'est- 
ce  pas  assez  pour  expliquer  la  réserve  des  petits  cultiva- 
teurs? Les  grands  propriétaires  seuls  pouvaient  supporter 
de  pareils  sacrifices  et,  s'il  fallait  s'en  prendre  à  quelqu'un 
de  la  disproportion  entre  la  largeur  des  vues  et  les  résultats, 
ce  serait  la  noblesse  et  le  clergé  qu'on  devrait  en  rendre 
responsables^. 

Les  fabriques  de  soieries  établies  par  Henri  IV  à  Paris, 
à  Troyes  et  à  Mantes  survécurent-elles  à  leur  fondateur? 
Les  anciennes  fabriques  de  Lyon  et  de  Tours  acquirent-elles 
sous  son  règne  un  développement  nouveau  et  durable? 
M.  Poirson*  n'a  aucun  doute  à  cet  égard  ;  il  fait  honneur  à 
Henri  IV  de  l'importance  que  l'industrie  des  soieries  a  prise 
dans  la  production  nationale ^  il  fait  remonter  jusqu'à  lui 

1.  Dans  Birch,  p.  431. 

2.  Théâtre  d'agriculture,  p.  114,   120,  loi. 

3.  Les  tentatives  faites  par  Colbert  en  1670  pour  propager  la  culture  du 
mûrier  ne  fm-ent  pas  plus  heureuses,  bien  que  les  intendants  ne  se  fi-ssent 
pas  scrupule  d'en  faire  planter  d'autorité.  Lettres  de  Colbert  publiées  par 
M.  P.  Clément,  IV,  233,  note  2. 

4.  m,  281-289. 

5.  «  On  évalue  la  production  des  soieries  dans  le  monde  à  deux  milliards 
de  francs,  et  la  France  y  figure  pour  une  valeur  de  1200  millions.  » 
FoNTPKRTuis,  Le  mouvement  économique  aur  États-Unis  et  au  Canada,  dans 
V Économiste  français  du  25  nov.  1882. 


134         FABRIQUES  ANCIENNES   ET   NOLVELLLES   DE  SOIERIES. 

les  maniifac(ures(|ui  existent  «ni  qui  existaieiit.au  moment 
où  il  «Privait,  à  Paris  et  en  Picardie  ;  les  deux  tiers  de  celles 
du  Midi  lui  devraient,  à  l'en  croire,  leur  existence,  celles 
de  Lyon,  de  Tours  et  de  Montpellier,  leur  essor.  Mais  si 
l'on  cherche  sur  quoi  s'appuient  ces  affirmations,  on  ne 
découvre  que  quelques  textes  empruntés  à  Lallemas  qui 
prouvent  seulement  les  espérances  que  le  projet  du  roi 
faisait  naître  chez  Tapùtre  le  plus  fervent  de  l'industrie 
séricicole'  et  un  seul  document"  se  rapportant  véritable- 
ment à  la  question,  mais  d'où  il  résulte  seulement  que  la 
fabrique  de  Lyon  était  en  décadence  sous  les  successeurs 
immédiats  de  Henri  IV. 

Point  n'était  besoin,  pour  faire  apprécier  la  persistance 
de  l'élan  imprimé  par  le  roi  à  l'industrie  des  soieries,  de 
rechercher,  comme  l'a  fait  M.  Poirson,  l'état  de  la  produc- 
tion et  de  l'exportation  au  milieu  du  xvii"  siècle,  à  la  fin  de 
l'ancien  régime,  sous  la  Restauration,  sous  la  monarchie 
de  Juillet,  lâche  trop  difficile  pour  être  entreprise  ainsi 
incidemment  et  à  la  légère;  c'est  à  des  témoins  aussi  rap- 
prochés que  possible  de  l'année  1610,  de  l'époque  où  les 
mesures  prises  par  le  roi  avaient  pu  produire  leurs  fruits 
et  où  un  autre  gouvernement  n'avait  pu  en  compromettre 
le  succès,  qu'il  faut  demander  des  renseignements  sur  le 
sort  des  établissements  fondés  par  Henri  IV  et  sur  l'exten- 
sion qu  il  a  pu  donner  à  ceux  qui  existaient  avant  lui. 

Au  lendemain  même  de  sa  mort,  peut-être  dès  les  der- 
nières années  de  sa  vie,  les  maisons  formées  à  Paris  sous 
son  patronage  avaient  disparue  La  fabrique  de  satins  de 
Bruges  et  de  damas  cafards  établie  à  Troyes  ne  paraît  pas 
avoir  mieux  réussi,  car  non  seulement  elle  est  restée  in- 

1.  PoiKso.N,  lil,  281,  note  I  ;  283,  note  1.  Voy.  aussi  le  passage  tiréd'lsAAc 
Laffemas,  p.  281. 

1.  PoiHsox.  III,  285. 

3.  .Mémoire  précité  concernant  les  pauvres  enfermés,  1612.  Enquête  faite 
en  IGIO  sur  le  commerce  et  l'industrie  sOricicole  de  Lyon,  à  Tappcndice. 


FABRIQUES  ANCIENNES  ET  NOUVELLES  DE   SOIERIES.  133 

connue  au  dernier  historien  de  celte  ville*,  mais  elle  n'a 
laissé  aucune  trace  dans  les  archives  municipales  ni  dans 
les  archives  départementales  de  l'Aube-.  La  manufacture 
établie  à  Mantes  sous  les  yeux  du  roi  et  sous  la  direction 
des  Parent  fut,  au  contraire,  on  l'a  vu.  une  création  dura- 
ble et  féconde. 

Si  nous  passons  aux  deux  anciens  centres  de  production, 
à  Tours  et  à  Lyon,  le  premier  nous  offre  une  activité  que 
nous  avons  déjà  constatée,  qui  ne  s'est  arrêtée  que  dans  la 
seconde  moitié  du  xvn"  siècle  et  dans  laquelle  l'influence  de 
Henri  IV  peut  revendiquer  une  part.  Quant  à  la  fabrique 
lyonnaise,  elle  ne  s'était  pas  relevée,  à  la  lin  du  règne  de 
Henri  IV,  de  la  décadence  qu'elle  subissait  à  la  suite  du  com- 
merce local,  depuis  la  mort  de  Henri  H^  La  ville  était 
moitié  moins  riche  qu'elle  ne  l'avait  été  vingt  ans  aupara- 
vant '*.  Questionnés  officiellement  sur  les  moyens  d'y 
soutenir  l'industrie  en  déclin,  sur  le  nombre  des  ouvriers  en 
soie  et  sur  la  manière  de  développer  l'industrie  qui  les 
faisait  vivre,  les  consuls  montraient  les  ateliers  déserts,  les 
ouvriers  décimés  par  la  guerre  ou  ayant  porté  dans  d'autres 
villes  ou  même  à  l'étranger  les  arts  qui  faisaient  la  pros- 
périté de  Lyon  ;  proposaient  le  rétablissement  du  commerce 
comme  l'unique  remède  aux  souffrances  de  l'industrie  et 
estimaient  à  onze  ou  douze  mille  le  nombre  des  habitants 
qui  gagnaient  leur  vie  dans  la  fabrique  des  soieries  et  celui 
des  métiers  qui  fabriquaient  des  soieries  communes  à  dix- 
huit  cents,  au  lieu  de  sept  mille  qu'on  comptait  autrefois. 
A  leurs  yeux,  il  ne  suffisait  pas,  pour  empêcher  la  sortie  de 
l'argent  français  qui  préoccupait  le  nouveau  gouvernement, 
de  développer  la  fabrication  de   ces  étoffes  ordinaires,  il 


1.  BouTiOT,  Histoire  de  Troyes. 

2.  Renseignement  dû  à  M.  Francisque  André,  archiviste  de  TAube. 

3.  Voy.  l'enquête  publiée  en  appendice. 

•i.  Relation  de  G.  Carew  dans  Birch,  p.  43i-435. 


136  FABRIOI'E  LYONNAISE. 

fallait  introduire  à  Lyon  la  fabrication  des  riches  étoiles 
façonnées  dont  ils  comptaient  vingt  types  dilTéreuls,  et  ils 
désignaient  Claude  Dangon  comme  le  seul  homme  capable 
de  faire  réussir  cette  fabrication  nouvelle,  à  laquelle  il  se 
livrait  déjà  avec  succès  et  qu'il  apprendrait  à  ses  compa- 
triotes, s'il  recevait  l'assistance  pécuniaire  du  gouverne- 
ment. Le  consulat  demandait  en  môme  temps  pour  Dangon 
la  confirmation  des  privilèges  qu'il  tenait  du  feu  roi*  et 
qu'il  eut  à  défendre  contre  ses  confrères'.  Les  nouveaux 
types  créés  par  ce  grand  industriel  attirèrent  toujours 
l'attention  et  l'intérêt  de  la  municipalité%  mais  il  ne  fut  pas 
mis  en  possession  des  moyens  qui  lui  auraient  permis  de 
tirer  la  fabrique  lyonnaise  de  la  crise  on  elle  languissait. 
En  1619,  le  chifTre  des  ouvriers  en  soie  à  l'aumône  s'élevait 
à  plus  de  six  mille  \  Lyon  n'en  dut  pas  moins  à  Claude 
Dangon,  avec  la  fabrication  des  façonnés,  la  source  de  sa 
richesse  future,  et  le  patronage  accordé  par  Henri  IV  à  cet 
éminent  manufacturier  doit  le  faire  considérer,  malgré  la  sta- 
gnation permanente  de  l'industrie  séricicoleà  Lyon  pendant 
tout  son  règne,  comme  le  premier  auteur  d'une  prospérité 
que  Napoléon  et  la  Restauration  devaient  porter  à  son 
apogée  '■'. 

1.  Inventaire  des  arch.  municipales  de  Lyon.  Reg.  BB  140,  année  IGIO. 

2.  Ihid.  lieg.  BB  147,  année  IGll. 

3.  Visite  faite  par  le  consulat  des  ateliers  de  Pierre  Dangon,  maître  ou- 
vrier [le  successeur,  probablement  le  (ils  de  Claude]  pour  le  roi  en  étoiles 
d'or,  d'argent  et  de  soie,  afin  d'examiner  «  diverses  sortes  de  manufac- 
tures desdits  draptz,  non  encore  jamais  veuz  en  France,  qu'il  a  présente- 
ment sur  ses  métiers.  »  Description  de  ces  étoiles  dont  le  fini  et  récint 
merveilleux  engagent  les  échevins  à  délivrer,  d'après  son  désir,  au  fabri- 
cant un  certificat  constatant  qu'il  a  détaché  de  ses  métiers  des  échruitilions 
<•  qu'il  dict  vouloir  soubdain  envoyer  en  la  ville  de  Paris  pour  les  faire  veoir 
et  scavoir  si  elles  [les  étoffes]  agréeront  en  cette  forme,  etc.  »  Ihid.  Heg. 
BB  14!»,  année  1613.  Voy,  aussi  sur  la  fabrique  lyonnaise  et  sur  Cl.  Danoo.v, 
MoNFAi.co.N,  His/.  de  la  ville  de  f-yoïi,  II,  735-737. 

i.  Ibid.  Heg.  1Ô5,  année  ICiy. 

5.  .Moutchrétien  ne  connaît  pas  d'autres  centres  de  fabrication  fpie  ceux 
qui  existaient  avant  Henri  IV,  Tours  et  Lyon  p.  98).  Pour  lui  cette  indus- 
trie reste  toujours  à  fonder  en  France  dans  les  proportions  (pie  le  roi  avait 


INDUSTRIE   DE   LA   DRAPERIE.  137 

La  fabrication  du  drap  était  bien  plus  répandue  en  France 
(jue  celle  des  soieries.  Toutefois  elle  ne  pouvait  suffire  à  la 
consommation  nationale  qui  avait  recours  à  l'Angleterre 
pour  les  draps  communs,  à  lltalie  et  à  la  Flandre  pour  les 
articles  de  luxe.  La  draperie  française,  quoique  ruinée  par 
les  guerres  civiles,  paraît  avoir  repris,  dans  les  dernières 
années  du  xvi"  siècle,  une  certaine  activité  due,  non  aux 
encouragements  de  l'Etat,  dont  l'industrie  n'avait  pas  encore 
attiré  l'attention,  mais  au  rétablissement  graduel  de  la 
paix  publique.  La  protection  de  Henri  lY  ne  fit  pas  plus 
défaut  à  la  draperie  qu  a  la  soierie  ;  nous  en  avons  pour 
garant  G.  Carew  qui  atteste  les  efforts  du  roi  pour  affranchir 
la  France  de  l'importation  des  draps  anglais,  sans  nous  faire 
connaître  les  moyens  qu'il  employa  dans  ce  but*.  Si  son 
intérêt  pour  l'industrie  de  la  laine  ne  se  manifesta  pas  par 
un  projet  d'ensemble  analogue  à  celui  dont  la  sériciculture 
et  les  soieries  furent  l'objet,  c'est  qu'il  ne  s'agissait  pas  ici 
d'une  industrie  nouvelle  à  créer,  mais  de  fabriques  déjà 
existantes  à  ranimer.  Nous  avons  dit  que  la  commission 
du  commerce  entreprit  de  donner  aux  industries  de  la  laine 
une  police  nouvelle  ;  ce  ne  fut  pas  sans  peine  qu'elle  put 
obtenir  des  corporations  intéressées  un  projet  dérèglement, 
qu'on  n'a  pas  conservé,  qui  ne  devait  pas,  d'après  certains 
indices,  se  recommander  par  des  idées  nouvelles  et  qui 
n'exerça  aucune  influence  sur  la  fabrication".  En  dehors 
de  cette  vaine  tentative,  nous  n'avons  à  signaler  aucune 
mesure  générale  inspirée  par  l'intérêt  de  la  draperie.  Nous 
devons  donc  nous  borner  à  faire  connaître  celle  que  les 


voulu  lui  donner  et  qui  seules  pouvaient  mettre  la  production  du  pays  en 
rapport  avec  sa  consommation,  lui  permettre  de  se  suffire  à  lui-même  et 
même  de  fournir  aux  besoins  des  nations  voisines,  Voj\  le  passage  cité 
plus  haut,  et  dans  le  même  ouvrage,  p.  129. 

1.  Op.  laud.,  p.  4.32. 

2.  Procès-verbaux,    IIO-III,  114,  115,  n\,    \T2,    123,  124,   126,152,   153, 
157,  159,   181. 


138  INDUSTRIE   DE  LA  TOILE. 

sayeteursir Amiens  obtinrent  Je  la  commission  et  du  conseil. 
En  1G03,  alors  que  leur  industrie  ne  s'était  pas  encore 
relevée  de  sa  décadence,  ils  se  plaignirent,  et  léchevinage 
avec  eux.  de  renchérissement  des  filés  causé  par  la 
concurrence  étrangère.  Des  marchands  étrangers  au  pays 
venaient  acheter  les  lih's  dans  les  villages  et  les  marchés, 
aux  paysans,  aux  petits  iilateurs  et  à  des  marchands  en  gros, 
pour  les  exporter  ou  les  i-e vendre  aux  tisserands  à  un  prix 
élevé.  La  commission  proposa  d'interdire  la  vente  des  Hlés 
à  Amiens  et  dans  la  banlieue  ailleurs  qu'au  marché  et  de 
défendre  l'exportation'.  Un  arrêt  du  conseil  du  28  février 
1G04  adopta  ces  propositions  et  leur  donna  force  de  loi, 
en  y  ajoutant,  conformément  au  vœu  des  sayeteurs,  la 
défense  de  cumuler  les  métiers  de  filateur  et  de  peigneur  de 
laine.  La  commission  et  le  gouvernement  oubliaient  qu'en 
protégeant  les  tisserands,  en  s'eftorçant  d'abaisser  pour  eux 
le  prix  de  la  matière  première,  ils  portaient  atteinte  aux 
intérêts  des  filateurs-.  S'il  faut  en  croire  Montchrétien, 
l'industrie  du  drap,  tout  en  étant  répandue  dans  presque 
toutes  les  provinces,  se  trouvait  en  déclin  dans  les  années 
qui  suivirent  la  mort  de  Henri  IV  :  tel  bourg  du  royaume, 
où  l'on  faisait  autrefois  de  la  draperie  pour  plus  de  quatre 
ou  cinq  cent  mille  livres,  n'en  produisait  plus  que  pour 
une  valeur  de  trente  mille.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
que  le  marché  français  continuait  à  être  envahi  par  les 
draps  étrangers  ;  les  drapiers  parisiens  le  constatent  en  le 
déplorant  dans  le  cahier  de  doléances  qu'ils  présentèrent 
aux  états  de  1614  \ 

La  production  des  toiles  était  plus  considérable  encore 
en  France  que  celle  des  draps,  elles  l'était  assez  pour 
qu'elles  formassent  un  article  important  de  nos  exporta- 

1.  Séance  du  18  juillet.  Procès-verbaux,  lOG-108. 

2.  Ileg.  du  conseil.  Arch.  nat.  E  G*,  f.  18'>. 

3.  Arch.  nat.,  K.C7.J,  n"  20. 


INDUSTRIE   DE   LA   TOILE.  139 

lions'.  Parmi  les  lieux  de  production,  nous  citerons  seu- 
lement la  Normandie  et  spécialement  Rouen,  Caen  et 
Louviers,  la  Bretagne,  Laval,  Chàtelleraull,  ïroyes,  le 
Barrois,  la  Champagne  ■.  L'exportation  aurait  été  plus  con- 
sidérable encore  si  l'étranger  n'était  venu  enlever  nos 
filasses  et  nos  étoupes  %  comme  il  enlevait  nos  laines  et 
nos  soies. 

En  1604  le  roi  d'Espagne  interdit  l'entrée  des  toiles  de 
Hollande  dans  ses  Etats;  c'eût  été  l'occasion  pour  notre 
pays  de  s'emparer  de  ce  marché,  si  nos  toiles  avaient  pu 
remplacer  celles  des  Provinces-Unies.  Ce  fut  à  cette  époque 
que  deux  marchands  de  Rouen,  Jean  Wolf  et  Antoine 
Lambert  offrirent  au  roi  d'établir  dans  cette  ville  une 
manufacture  de  toiles  fines  à  l'imitation  de  celles  qui  se 
fabriquaient  en  Brabant,  en  Flandre,  en  Hollande.  Ils 
s'engageaient  à  faire  venir  des  ouvriers  de  l'étranger,  à 
prendre  en  France  la  moitié  de  leurs  apprentis,  à  établir 
des  curanderies  pour  blanchir  comme  on  le  faisait  dans 
ces  trois  pays,  c'est-à-dire  d'une  façon  supérieure  au  blan- 
chiment pratiqué  en  France  \  Ils  demandaient  que  le  roi 
avançât  à  chaque  chef  de  métier,  qui  viendrait  s'établir  à 
Rouen,  pour  ses  frais  de  déplacement  et  d'établissement, 
25  écus  (237  fr.  49)  imputables  sur  le  prêt  fait  aux  entre- 
preneurs. Ils  fixaient  ce  prêt  à  100  000  écus  (949  933  fr.  16) 
remboursables  en  dix  ans.  Ils  demandaient  aussi  la  créa- 
tion d'une  halle  à  Rouen  pour  vendre  les  matières  pre- 
mières et  les  produits  de  leur  industrie,  le  titre  et  les  privi- 
lèges  de  commensaux  de  la  maison  du  roi,    le  droit  de 


1.  MOKTCHRÉTIEN,   p.    89. 

2.  Avis  des  corp.,  p.  .S.   .AIorin,  Hist.  de  Louviers,  II,  71. 

-3.  Et,  comme  Ton  afferme,  toutes  les  fiUasses  de  lyn,  de  chanvre  et 
estouppes  dequoy  ron  faict  lesil.  toilles  estranges  sont  prinses  et  enlevées 
de  France,  mesmes  des  pays  de  Champaigne,  Picardie  et  Bourgongne.  » 
Traité  du  commerce.  Bibl.  nat.  Fr.  "21)85,  f.  15. 

4.  Procès-verbaux,  92-93. 


140  INDUSTRIli   DE   LA  TOILE. 

tenir  un  magasin  de  «  merceries  »  à  Paris  sans  être  sou- 
mis aux  visites  du  bureau  de  la  ville,  la  faculté  d'acheter 
à  l'étranger  pour  50  000  écus  (474  1)70  fr.  "iS)  par  an  de  fil, 
de  cendre  gravelée,  de  savon  et  d'autres  matières  néces- 
saires à  leur  industrie,  le  privilège  d'avoir  aux  faubourgs 
de  Rouen  une  l)rasserie  nù  les  brasseurs  roueniiais  n'au- 
raient rien  à  voir,  celui  de  prendre  du  sel  blanc  pour  les 
besoins  de  leur  industrie  sans  payer  gabelle.  Les  tisserands 
étrangers  qui  viendraient  s'établir  en  France  devaient  être 
Iraiti'S  comme  re^nicoles,  exempts  d'impôts,  placés  sous  la 
surveillance  exclusive  des  deux  entrepreneurs.  Ces  propo- 
sitions furent  soumises  à  la  commission  du  commerce 
qui  les  adopta  sous  certaines  restrictions.  Elle  s'en  remet- 
tait au  roi  pour  le  chilTre  de  la  subvention  sollicitée  par  les 
entrepreneurs,  elle  ne  leur  laissait  la  surveillance  de 
l'industrie  nouvelle  que  pendant  huit  mois,  temps  qu'ils 
devaient  mettre  à  profit  pour  rédiger  et  lui  présenter  un 
projet  de  statuts  et  de  règlements  qui  recevraient  la 
validation  royale  \  La  manufacture,  établie  au  faubourg 
Saint-Scver  et  connue  sous  le  nom  de  la  grande  tissan- 
derie,  fut  autorisée  et  constituée  par  des  lettres  patentes 
et  par  divers  contrais  enregistrés  le  30  janvier  1006  au 
parlement  de  Rouen.  Elle  se  composait  d'ateliers  pouvant 
contenir  350  métiers  à  tisser  et  de  deux  curanderies, 
dont  chacune  devait  employer  cinquante  ouvriers.  Elle 
compta  doO  métiers  la  première  année,  200  autres  la  sui- 
vante. Les  directeurs  obtenaient  un  prêt  de  loOOOO  livres 
(438  439  fr.  92).  Leur  fabrication,  toute  nouvelle  en  France, 
comprenait  le  linge  de  corps,  de  table  c  et  autres  ouvrages 
ouvrés,  damassés,  figurés  ou  rayés  d'or  et  d'argent  ou  de 
soie,  de  toute  couleur  ou  façon  -.  »  Ils  fondèrent  à  Mantes 


1.  Procùs-verbal  de  la   séance  du  3  septemb.-e  IGOi.   Procès- verbaux, 
j).  2il-2.")2.  licriieil  (le  ce  qui  se  passe...  Champoluon,  p.  293. 

2.  GossELiN,  0/).  laud.,p.    Ii0-l41. 


INDUSTRIE   DE   LA   TOILE.  -  141 

une  autre  manufacture  do  toiles  fines,  façon  de  Hollande, 
pour  laquelle  le  roi  leur  alloua  une  subvention  de  90  000  li- 
vres ^  (263  063  fr.  1).')).  Mantes  possédait  encore  à  la  même 
date,  en  1607,  un  établissement  du  même  genre  dirigé  par 
Thomas  Robin  et  également  subventionné  par  le  roi  ^.  Il 
fui  aussi  question  d'établir  cette  industrie  à  Troyes  et 
les  chefs  de  l'entreprise  faisaient  espérer  une  diminu- 
tion de  10  s.  (1  fr.  46)  par  aune  sur  le  prix  des  toiles  de 
Hollande  ^. 

Quel  fut  le  sort  des  manufactures  de  toiles  fines  fondées 
sous  le  patronage  de  Henri  IV?  M.  Gosselin,  qui  a  con- 
tribué à  mettre  en  lumière  les  origines  de  celle  de  Wolf  et 
Lambert  et  qui  avait  sous  la  main  les  dépôts  d'archives  les 
plus  propres  à  nous  éclairer  sur  son  avenir,  s'est  déclaré 
hors  d'état  de  dire  ce  qu'elle  était  devenue  \  Nous  avons 
été  plus  heureux  pour  les  établissements  dirigés  à  Mantes 
par  les  mêmes  entrepreneurs  et  par  Thomas  Robin;  deux 
ans  après  la  mort  de  Henri  IV,  ces  établissements  n'exis- 
taient plus  '\  Caen,  au  contraire,  n'avait  pas  laissé  dépérir 
l'art  de  la  lingerie  qui,  avec  les  flanelles  [lingettes)  et  les 
bourses  brodées,  faisait  sa  renommée  industrielle.  Elle 
devait  la  beauté  de  cette  lingerie  principalement  à  lune  de 
ses  anciennes  familles,  les  Graindorge  dont  chaque  généra- 
tion, pour  ainsi  dire,  depuis  1460.  avait  fait  faire  un  nou- 
veau  progrès   à   la   fabrication.    Parmi    les  membres   de 


1.  Arrêt  du  conseil  du  25  août  1607.  Arch.  nit.  à  la  date. 

2.  Arrêt  du  conseil  du  14  août  1G07.  Même  collection.  J.  A.  De  Thou,  VI, 
170,  anno  1603. 

3.  Laffemas,  Le  naturel  et  profit  admirable  du  meurier...  Paris,  1604.  Sur 
le  projet  de  Henri  IV  d'alTranchir  son  royaume  de  l'importation  des  toiles 
fines  de  Hollande,  voy.  Garew,  dans  Bircti,  p.  430.  Voy  des  preuves  de  sa 
sollicitude  pour  les  entrepreneurs  de  cette  industrie.  Lettres  missives,W\, 
344  ;  IX,  n»  88 . 

4.  Ouvr.  cité,  p    141 . 

5.  «  Tesmoin les  toilles  façon  de  Hollande  à  Mantes dont  aujour- 

d'huy  il  ne  parait  marque  ne  vestige.  »  Mémoire  anonyme  concernant  les 
pauvres  enfermés,  ubi  supra. 


U-2  INDUSTRIE   DES   ITTAINES. 

celte  famille,  le  panégyriste  des  plus  illustres  Caeniiais  de 
son  temps,  le  docteur  Jacques  de  Cahaignes,  a  distingué 
surtout  André  (Iraindorge  qui  au  linge  de  table  uni  ajouta 
le  linge  broché  d'ornements  gc'onK'Iriqiies  et  de  fleurs; 
Richard,  iils  d'André  qui  inventa  le  linge  damassé  orné  de 
iigures  d'animaux  et  darmoiries;  Michel,  fds  aîné  de 
Richard  qui  poussa  encore  plus  loin  les  procédés  de  fabri- 
cation et  forma  une  foule  d'élèves  qui  les  répandirent  en 
France  '. 

L'industrie  des  futaines,  assez  récente  en  France  ■  et 
qui  avait  ses  principaux  centres  à  Rouen  et  à  Troyes  % 
soulTrait  des  malfaçons  et  de  la  supériorité  d'apprêt  et  de 
teinture  des  futaines  étrangères,  principalement  do  celles 
d'Angleterre  \  Un  fabricant,  originaire  des  Pays-Bas, 
Paul  Pinçon,  apporta  en  France  l'art  de  teindre,  de  friser 
et  d'apprêter  les  futaines  et  basins  comme  on  le  faisait 
chez  nos  voisins,  et  sollicita  les  encouragements  de  la  com- 
mission du  commerce.  Les  épreuves  auxquelles  il  fut  sou- 
mis, l'opinion  des  gens  compétents  lui  furent  entièrement 
favorables.  Fort  de  l'approbation  de  la  commission,  il  se 
mit  à  appliquer  son  procédé  à  Paris,  à  Rouen,  à  Troyes 
et  à  Tours,  fit  venir  des  ouvriers  étrangers  et  se  crut  dès 
lors  autorisé  à  solliciter  un  privilège.  Le  3  mars  160G  il  en 
obtint  un  de  dix  ans,  à  condition  de  prendre  autant  d'ap- 
prentis français  qu'il  pourrait,  d'observer  les  règlements 
qui  seraient  faits  plus  tard  sur  son  industrie,  de  ne  pas 
teindre  ni  apprêter  d'après  les  procédés  ordinaires,  et  sans 

1.  Cahagnesii  E/ofpornm  civimn  Cadomensium  centuria  prima.  Elofjia 
ir>  et  29.  1()09.  La  IUe,  Mémoires  sur  l'ancien  commerce  de  Caen  dans  Méoi. 
de  la'Sociélé  d'agricidlure  et  de  commerce  de  Caen,  183G.  Bordeaux,  Les  an- 
ciennes 7naisons  monumentales  de  Caen.  Bulletin  monumental,  1846. 

2.  Proct'S-verbaiix,  \.  167. 

a.  Ibid.,  p.  IGO,  109,  et  Lettres  pat.  accordées  à  Paul  Pinçon  le3marslG0C. 
Archives  nat.,  Heg.  du  pari.  X''^  8045,  f.  329  v".  A  la  fin  du  xvi=  siècle,  une 
manufacture  de  futaines  fut  établie  à  Nîmes;  c'est  la  première  en  date  de 
cette  ville.  Plech,  Cne  vUte  au  temps  Jadis...,  p.  ôli. 

4.  CiiAMr>OLLi(j>,  p.  IG7-168. 


INDUSTRIE   DES  BAS  DE  LAINE.  143 

préjudice  des  concessions  analogues  antérieures  ^  L'année 
précédente,  le  roi  avait  accordé  pour  huit  ans  à  Michel 
Pierre  et  à  Luc  Taschereau  le  monopole  de  la  fabrication 
des  futaines  à  Tours  et  en  Touraine.  La  municipalité 
renonça,  en  faveur  de  cette  industrie,  à  l'impôt  du  sol  pour 
livre  sur  toutes  les  matières  premières  et  sur  les  produits 
manufacturés  -. 

Nous  ne  sommes  pas  en  mesure  de  nous  prononcer 
sur  le  succès  définitif  du  procédé  introduit  en  France 
par  Pinçon  ni  de  dire  si  l'industrie  des  futaines  et  des 
basins  se  ressentit  d'une  façon  notable  et  durable  de  l'inté- 
rêt que  le  roi  et  plusieurs  municipalités^  manifestèrent  pour 
elle  *. 

Nous  ne  pouvons  que  répéter  à  propos  de  l'industrie  des 
bas  de  laine  ce  que  nous  avons  dit  de  celle  des  bas  de  soie. 
Introduites  à  Dourdan  à  la  fin  du  xvi"  siècle,  l'une  et  l'au- 
tre avaient  reçu  de  la  commission  du  commerce  des  statuts 
qui  en  rendaient  l'exercice  libre  à  tout  le  monde,  sous  la 
condition  d'observer  les  prescriptions  relatives  à  la  qualité 
et  au  poids  et  sous  la  garantie  de  marques  de  fabrique  ''. 
Trente  ans  plus  tard,  elles  avaient  pris  une  extension  dont 
le  point  de  départ  doit  remonter  à  Henri  lY  ^ 

Nous  aurons  passé  en  revue  toutes  les  industries  des  tis- 

1.  Lettres  patentes  précitées  et  Champollion,  aux  pages  visées  par  la 
table  v»  Futaines. 

"2.  Arrêt  du  conseil  du  8  février  1G05.  Bibl.  nat.,  Fr.  10843.  Giraudet, 
Hisl.  de  Tours,  179. 

3.  Laffemas.  Le  naturel  et  profil  admirable  du  meurier...,  p.  Ifi. 

4.  M.  Gosselin,  si  bien  placé  pour  suivre  la  destinée  de  rétablissement 
de  Paul  Pinçon  à  Rouen,  n'a  pu  ici  encore  que  poser  la  question  de  savoir 
ce  qu'il  était  devenu,  p.  141. 

5.  Séance  du  4  mai  1604.  Champollion.  185-188. 

c.  «  Le  duché  d'Estampes  et  pays  de  Dourdan  est  remplj-  d'un  nombre 
infini  de  personnes  qui  s'occupent...  de  mieux  en  mieux  à  travailler  en 
bas  de  soye  et  d'estame...  »  Nouveau  règlement  gênerai  sur  toutes  sortes 
de  marchandises  et  manufactures  qui  sont  utiles  et  nécessaires  dans  ce 
royaume  représenté  au  roy  pour  le  grand  bien  et  profit  des  villes  et  autres 
lieux  de  la  France  par  M.  le  marquis  de  la  Gomberdiere,  16-34.  Réimpz-imé 
dans  FouRMEiH,  Variétés  hist.  et  litt..  III,  109. 


144  TAPISSEIUE   DE   HALTE  LICE. 

sus  sur  lesijuclles  nous  avons  pu  recueillir  des  renseigne- 
niiMits.  (juand  nous  aurons  mentionné  un  projet  formé  pour 
ulilisor  une  nouvelle  matière  textile.  Olivier  de  Serres  ayant 
soumis  au  roi  les  essais  heureux  (|u"il  avait  faits  pour  trans- 
former en  tissus  les  filaments  de  l'écorce  de  mûrier  blanc, 
i-elui-ci  rinvila  à  faire  connaître  au  public  sa  découverte, 
(le  lut  ])our  répondre  à  celle  provocation  que  le  savant  ap'o- 
nome  publia  l'opuscule  intitulé:  La  sccotidc  richesse  du 
meurrier  blanc,  qu'il  reproduisit  dans  le  Théâtre  d'agi'icid- 
tiire  '.  On  utilisait  déjà  l'écorce  du  tilleul,  particulière- 
ment à  Louvres-en-Parisis,  pour  la  corderie  et  la  toile 
grossière,  l'ortie  pour  la  toile  fine  -.  La  commission  du 
commerce  proposa  d'accorder  à  Olivier  de  Serres  pour 
l'exploitation  de  son  invention  un  privilège  de  vingt  ans, 
avec  exemption  d'impôts  pendant  la  même  période  et  des 
avantages  pour  ses  commis  '.  Ce  privilège  lui  fut  conféré 
par  un  arrêt  du  conseil  du  23  mars  1004  '. 

A  l'avènement  de  Henri  IV,  l'industrie  de  la  tapisserie 
était,  comme  toutes  les  autres,  en  décadence  ".  La  manu- 
facture de  haute  lice,  fondc^^e  par  François  I"  dans  le 
palais  de  Fontainebleau  et  dirigée  successivement  par  le 
Primatice  et  Philibert  Delorme,  n'existait  plus,  depuis  que 
les  fils  de  Catherine  de  Médicis  avaient  abandonné  cette 


1.  Chap.   XVI  du  V^  lieu. 

■:.  Théâtre  d'agricullure,  II,  147-l.")l. 

:j.  Séance  du  2  septembre  IG0:5.  Champoi-uo.n,  p.  Il!)-r2(). 

i.  Arrêts  du  conseil.  Arch.  nat.,  à  la  date. 

:i.  "  Aujourd'huy  4  janv  1599.  le  Uoy...  désirant  rétablir  en  son  roj'aume 
la  manufacture  de  tapisserie  de  haute  lisse...  »  Brevet  de  la  charge  et  inten- 
dance de  la  manufacture  de  tapisserie  de  haute  lisse  en  faveur  du  sieur  de 
Kourcy,  intendant  des  bâtiments.  Bibl.  nat.  Collection  Delamarc.  Fr. 21780, 

f.  •Jdô.  « la  tapisserie  de  haulte  lice  qui  a  cy-devant  Ceury  en  cesie  d. 

ville  [Paris]  et  délaissée  et  discontinuée  depuys  q.q.  années...  »  Remon- 
trances du  bureau  de  la  ville  au  sujet  des  privilèges  accordés  en  1(507  à 
.Marc  de  Gomans  et  à  François  de  la  Planche.  J.-J.  Glu  fuev,  Histoire  f/éiié- 
rale  ileln  tapisserie;  tapisseries  françaises,  Renaissance,  p.  109.  '<  Les  manu- 
factures de  tapisseries  que  les  desordres  des  règnes  précédents  avaient 
abolies.   >.  Salval,  Anti'/uilés  de  Paris,  II,  hWi. 


TAPISSERIE   DE   HAUTE   LICE.  Uo 

résidence  ^  L'atelier  cre'é  par  Henri  II  à  Paris,  dans 
riiôpilai  de  la  Trinité,  avait  au  contraire  subsisté  ';  à  côté 
de  cet  atelier  destiné,  comme  tous  ceux  du  même  établis- 
sement, à  apprendre  un  métier  à  des  enfants  orpbelins  et 
pauvres,  on  comptait  sans  doute  à  Paris  et  en  province  un 
assez  grand  nombre  d'ateliers  privés  ^  mais  notre  pays 
n'en  faisait  pas  moins  venir  de  l'étranger,  particulière- 
ment de  Flandre,  la  plupart  des  tentures  qui  décoraient 
les  églises  et  les  appartements. 

Ce  fut  en  1397  que  Henri  IV  établit  rue  Saint-Antoine, 
dans"  la  maison  professe  des  Jésuites,  devenue  vacante  par 
suite  de  leur  expulsion,  et  sous  la  direction  de  Girard 
Laurent,  auquel  il  associa  plus  fard  Maurice  Dubout,  une 
manufacture  royale  ^  Du  premier  de  ces  artistes  on  ne 
connaît  que  le  nom.  On  en  sait  un  peu  plus  sur  le  second, 
que  les  historiens  appellent  à  tort  Dubourg^;  il  était  sorti 
de  l'école  de  la  Trinité  et  il  exécuta  pour  l'église  Saint- 
Merry,  en  vertu  d'un  marché  passé  le  2  septembre  1584'*, 
une  suite  de  tapisseries  représentant  les  scènes  de  la  vie  de 
Jésus-Christ,  dont  deux  fragments  sont  parvenus  jusqu'à 
nous'.  Lorsque  les  portes  de  la  France  se  rouvrirent  pour 

1.  GuiFFREY,  ouvr.  cité,  1-2,  79. 

2.  GuiFFREY,   79. 

3.  II  existait  en  efTet  partout  des  corporations  de  tapissiers,  mais  tous 
les  tapissiers  n'étaient  pas  des  fabricants  de  tapisseries.  Ce  terme  n'était 
pas  moins  compréhensif  que  celui  même  de  tapisserie  ;  on  l'appliquait  aux 
fabricants  et  aux  marchands  de  certains  tissus  et,  comme  de  nos  jours,  aux 
marchands  d'une  foule  d'objets  et  d'étoiles  d'ameublement.  Voy.  Lacor- 
DAiRE,  Notice  historique  sur  la  manufacture  des  Gobelins  et  de  tapis  de  la 
Savonnerie.  1853,  p.  12,  n»  2. 

4.  Lacoroaire,  p.  28. 

5.  Sauval,  Pal.ma  Caïet,  Lacordaire.  P.  Cayet  s'est  trompé  plus  grave- 
ment encore  en  faisant  de  Dubout  un  étranger  et  un  fabricant  de  soieries 
et  en  mettant  sa  manufacture  à  la  Maque.  Chronologie  sept.,  p.  259. 
Con  Michaud  et  Poujoulat.  Richer,  au  rapport  de  Salval  (II,  508),  a  partao-é 
ces  deux  erreurs. 

6.  Et  non  1594,  comme  le  dit  Sauvai  et,  d'après  lui,  M.  Lacordaire.  Le 
marché  a  été  publié  pour  la  première  fois  par  M.  Guiffrey,  p.  92. 

7.  L'un  est  conservé  au  musée  de  Cluny,  l'autre  au  musée  des  Gobelins. 
GuiFFREY,  89,  n.  2. 

dO 


146  TAPISSERIE  DE   HAUTE  LICE. 

les  Jésuites,  à  la  fin  de  1603,  la  manufacture  à  la  lôte  de 
laquelle  se  trouvaient  toujours  Laurent  et  Dubout  fut 
transportée  au  Louvre'. 

Ses  produits  faisaient  l'admiration  des  étrangers.  L'am- 
bassadeur anglais,  George  Carew,  dans  sa  relation  sur  l'état 
de  la  France  écrite  en  1609,  nous  apprend  que  ces  tapis- 
series, où  n'entrait  ni  or  ni  argent,  coûtaient  pourtant, 
à  cause  de  la  perfection  du  travail,  16  couronnes  l'aune 
(149  fr,  6o);  il  ajoute  (ju'elles  étaient  recherchées  par  les 
cardinaux  et  les  princes  italiens'.  Nous  savions  déjà  que 
les  tapisseries  fabriquées  au  Louvre  étaient  des  tapisseries 
de  haute  lice^;  grâce  à  Carew,  nous  savons  qu'elles 
n'étaient  pas  rehaussées  d'or  ni  d'argent  et  nous  connais- 
sons bien  dès  lors  les  caractères  par  lesquels  elles  se 
distinguaient,  au  point  de  vue  technique,  de  celles  dont 
nous  parlerons  tout  à  l'heure.  Le  roi  avait  attaché  à 
l'atelier  du  Louvre  un  peintre,  Toussaint  Dubreuil,  et 
un  sculpteur,  Tremblay  *.  Henri  Lerambert,  son  peintre 
ordinaire,  fournissait  aussi  des  patrons  pour  les  tapis- 
series de  haute  lice.  A  la  mort  de  Lerambert,  en  1610, 
Guillaume  Dumée  et  Laurent  Guyot  obtinrent,  à  la 
suite  d'un  concours,  le  brevet  de  peintres  ordinaires'. 
Les  apprentis,  sortis  de  l'atelier  de  Laurent  et  de  Du- 
bout, jouissaient,  comme  tous  ceux  qui  avaient  appris 
leur  métier  dans  la  galerie   du  Louvre,  du  privilège  de 


1.  Lacokd\(re,  p.   28,  n.  3. 

2.  In  his  uew  buildings  at  the  Louvre,  the  first  place  finished  was  ileii- 
vered  to  sonie  Netherianders,  who  woik  in  haute  lice  with  sucli  curious- 
ness,  as  every  Flemisli  ell  of  that  tapestry  aiuountctii  to  sixteen  crowns, 
though  it  hath  neilher  silver  nor  gold  in  it  :  and  at  tliat  priée  some  car- 
dinals  and  other  princes  of  Italy  cause  suit?  thcreof  to  be  niade  for  thein. 
Op.  laud.  On  voit  que  les  souvenirs  de  Carew  l'ont  trompé  sur  la  nationalité 
de  Laurent  et  de  Dubout. 

?..  Voy.  le  brevet  de  .M.  de  Fourcy  cité  plus  haut. 

4.  Salvai,,  II,  p.  500.  GuiFFUEV,  p.  105. 

5.  GuiKUtEv,  Les  m  uiufaclures  parisiennes  de  tapisseries.  Mém.  de  l'hisl. 
de  Paris,  XIX,  77. 


TAPISSERIE   DE  BASSE   LICE.  147 

s'établir  sans  lettres  de  maîtrise  et  sans  chef-d'œuvre. 
En  fondant  des  établissements  particuliers,  ils  propa- 
geaient les  procédés  de  la  haute  lice  et  préparaient  la 
restauration  de  cette  industrie  déchue,  la  manufacture 
royale  exerçait  par  eux  sur  l'industrie  privée  l'iniluence 
d'une  école  modèle. 

Cette  manufacture  survécut  longtemps  à  Henri  IV,  on 
peut  dire  qu'elle  lui  survit  toujours.  Longtemps  après  sa 
mort,  on  retrouve  au  Louvre  Girard  Laurent  et  Maurice 
Dubout,  leurs  fils  les  y  remplacent,  et  la  translation  même 
de  la  manufacture  de  haute  lice  du  Louvre  aux  Gobelins 
dans  le  dernier  tiers  du  xv!!**  siècle  \  ne  peut  faire  oublier 
son  origine,  pas  plus  qu'elle  n'a  altéré  essentiellement  son 
caractère. 

En  même  temps  qu'il  fondait  à  Paris  une  fabrique  de 
tapisseries  de  haute  lice,  Henri  IV  songeait  à  attirer  en 
France  des  tapissiers  flamands.  Déjà,  sous  le  règne  de  son 
prédécesseur,  en  io83,  le  projet  d'établir  à  Tours  la  fabri- 
cation des  tapisseries  de  Flandre  avait  été  conçu-,  puis, 
selon  toute  apparence,  abandonné.  Dès  1.599,  la  pensée  de 
faire  venir  des  tapissiers  flamands  était  arrêtée  chez  le  roi 
et  les  termes  du  document  qui  nous  révèle  ce  fait  autorisent 
même  à  dire  que  des  négociations  avaient  déjà  été  engagées 
dans  ce  but'.  Nous  ne  pouvons  déterminer  d'une  façon 
précise  l'époque  à  laquelle  les  deux  artistes  auxquels 
Henri  IV  s'était  adressé  répondirent  à  ses  avances;  ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  qu'au  commencement  de  1601  c'était 
un  fait  accompli,  puisque,  le  12janvierde  cette  année,  le 
roi  les  plaçait  sous  la  direction  de  l'intendant  général  de 

1.  Gl'iffrey,  13.  104. 

2.  Archives  municipales  de  Tours.  Délibéi-ations  du  conseil  de  ville. 
Henri  IV  avait  repris  ce  projet,  mais  la  mort  l'empêcha  d'y  donner  suite. 
GiRAUDET,  Hist.  de  Tours,  180. 

.■^.  «...  espérant  aussi  [le  Roij  que  le  dessein  ciu'elle  a  de  faire  venir  des 
Païs-Bas  grand  nombre  d'ouvriers  pour  travailler  ausd.  tapisseries  réus- 
sira... »  Brevet  précité  du  s^  de  Fourcy. 


148  TAPISSERIE   DE  BASSE   LICE. 

ses  bâtiments,  M.  do  Fourcy,  déjà  chargé  de  la  manufac- 
ture de  haute  lice  '. 

Quel  était  le  genre  de  fabrication  (jue  ]Marc  de  Comans 
et  François  de  la  Planche  apportaient  de  leur  pays?  Cette 
question  pouvait,  jusqu'à  ces  derniers  temps,  présenter 
quelque  incertitude.  Le  brevet  précité  du  sieur  de  Fourcy,  en 
date  du  4  janvier  1599,  dit  que  c'est  pour  concourir  à  la 
restauration  de  la  tapisserie  de  haute  lice  que  le  roi  se 
proposait  de  faire  venir  des  ouvriers  des  Pays-Bas ^ 
P.  Cayet,  qui  parle  des  ouvrages  de  Comans  et  de  la 
Planche  pour  les  avoir  vus,  les  considère  comme  des 
ouvrages  de  haute  lice^  Pour  M.  Lacordaire,  c'est  aussi 
des  ouvriers  haut-liciers  qui  vinrent  se  fixer  à  Paris''. 
Mais  nous  croyons  que  ces  autorités  ne  peuvent  prévaloir 
contre  le  texte  si  heureusement  découvert  par  M.  Guiffrey. 
Dans  les  remontrances  présentées  par  le  bureau  de  la  ville 
contre  les  privilèges  accordés  aux  deux  associés  nous 
lisons  :  «  Et  d'aultant  que  la  tapisserie  de  haulte-lice  qui  a 
cy  devant  lleury  en  ceste  dite  ville  et  délaissée  et  discon- 
tinuée depuys  quelques  années  est  beaucoup  plus  précieuse 
et  meilleure  que  celle  de  la  marche  dont  ils  usent  aux 
Pais  Bas,  qui  est  celle  que  l'on  veult  establir''.  »  Il  est 
impossible  de  souhaiter  un  texte  plus  décisif.  Que  Henri  IV 
ait  eu,  en  1599,  l'intention  de  faire  venir  en  France  des  tapis- 
siers haut-liciers,  on  doit  l'admettre,  mais  il  est  certain 
que  ceux  qui  y  sont  venus,  que  Marc  Comans  et  François 
de  la  Planche  ne  fabriquaient  pas  de  tapisseries  de  haute 
lice,  qu'ils  ne  pouvaient  par  conséquent  fabriquer  que  des 


1.  Lacordaire,  p.  30.  Un  comptede  dépenses  de  la  même  année  constate 
un  don  de  200  écus  (189!)  fr.  90)  fait  à  François  Verrier  ou  Vessier,  tapissier 
flamand,  pour  l'attirer  en  France  avec  d'autres  ouvriers.  Cmiffhky,  p.  109. 

2.  Voy.  le  passage  cité  plus  haut. 

3.  Chronologie  sept.,  p.  258-259,  à  l'année  1603. 

4.  P.  30. 

5.  Glifkbey,  p.  109. 


TAPISSERIE  DE   BASSE  LICE.  149' 

tapisseries  de  basse  lice  qu'on  appelait  alors  tapisseries 
de  la  marche,  à  cause  des  marches  ou  pédales  qui  distin- 
guaient le  métier  de  basse  lice. 

La  fabrication  des  deux  artistes  flamands  ne  se  différen- 
ciait pas  seulement  de  celle  du  Louvre  par  la  disposition 
horizontale  de  la  chaîne  sur  le  métier.  Ce  qui  la  caracté- 
risait aussi,  c'était  les  rehauts  d'or  et  d'argent  dont  ils  enri- 
chissaient leurs  produits.  En  même  temps  que  des  tapis- 
series de  luxe,  ils  en  fabriquaient  de  plus  communes  de  la 
même  qualité  et  du  même  prix  que  celles  des  Pays-Bas'. 
P.  Gayet  vante  la  vérité  et  la  vie  qu'ils  savaient  mettre  dans 
leurs  ouvrages  ". 

Les  débuis  de  Marc  Comans  et  de  François  de  la  Planche 
à  Paris  ne  furent  pas  exempts  de  difficultés.  Ils  subirent 
plusieurs  pérégrinations^  avant  de  trouver  aux  Gobelins 
une  installation  définitive.  L'argent  leur  manqua.  Ils  avaient 
supporté  les  premiers  frais  d'établissement  et  fait  face 
jusqu'en  1606  avec  leurs  ressources  personnelles  aux  dé- 
penses courantes.  Henri  IV  espérait  qu'un  capitaliste, 
nommé  Largentier,  s'associerait  avec  eux,  mais  celui-ci, 
n'ayant  qu'une  foi  médiocre  dans  le  succès,  se  borna  à  leur 
prêter  à  intérêt  et  ne  voulut  pas  partager  les  risques  de 
l'entreprise.  Ils  firent  donc  appel  au  roi^  qui,  placé  entre  la 
nécessité  de  faire  des  sacrifices  pécuniaires  et  la  perspective 
de  voir  avorter  une  œuvre  qu'il  avait  à  cœur,  se  décida  à 
leur  accorder  des  avantages  considérables.  Dans  les  lettres 

1.  At  another  place  called  the  Gobelins  there  is  other  tapestry  wrought 
of  rich  stuff  and  quality,  most  of  it  consisting  of  gold  threads  wich  1  hâve 
not  seen  any  -where  but  there,  and  likewise  other  ordinary  siiits  of  tapes- 
try of  ail  sorts,  of  the  priée  and  goodness,  that  they  are  made  in  the  Low 
countries.  G.  Carew^s  Relation  dans  Birch,  p.  434. 

2.  «...  et  ne  se  pourroit  jamais  rien  voir  de  mieux,  ny  pour  les  person- 
nages auxquels  il  semble  qu'il  ne  leur  reste  plus  que  la  parole,  ny  pour 
les  paysages  et  histoires  qui  sont  représentées  après  le  naturel...  )-  Chro- 
nologie sept.,  p.  259. 

3.  Lacordaire,  p.  33. 

4.  Lettre  de  Henri  IV  à  Sully,  21  juillet  1608,  Lettres  iniss.,  VI,  643. 


150  TAPISSERIE  DE  BASSE  LICE. 

patentes  du  mois  de  janvier  1607,  rien  n'était  oublié  pour 
assurer  leurs  intérêts  et  flatter  leur  amonr-propro,  non  plus 
que  pour  naturaliser  en  France  leur  industrie.  11  s  obtenaient, 
pour  une  période  de  quinze  ans',  un  monopole  excluant 
aussi  bien  la  fabrication  et  la  vente  en  France  que  l'impor- 
tation étrangère.  Les  matières  premières  employées  par 
eux  étaient,  ainsi  que  leurs  ouvrages,  exemptes  de  tous 
tlroits,  leurs  ouvriers  étrangers  traités  comme  regnicoles 
et  atïranchis  de  toutes  tailles,  subsides,  gardes  et  imposi- 
tions. Le  roi  prenait  à  sa  charge  les  frais  de  leur  établisse- 
ment à  Paris  et  ailleurs  et  concourait  aux  dépenses  de 
l'entreprise  par  une  subvention  de  100  000  livres  tournois 
(292293  fr.  28).  Tels  étaient  les  avantages  accordés  à  leur 
industrie.  Ils  recevaient  en  même  temps  des  distinctions 
honoriliques  et  certains  avantages  personnels  :  ils  étaient 
anoblis,  devenaient  commensaux  du  roi,  ses  pensionnaires 
pour  la  somme  annuelle  de  loOO  livres  (4384  fr.  40) 
chacun,  obtenaient  Tautorisation  d'exploiter  des  brasseries 
de  bière  partout  où  ils  voudraient,  étaient  garantis  contre 
les  conséquences  de  leur  expatriation  et  avaient  leurs  causes 
commises  au  parlement  de  Paris.  En  échange  de  tant  de 
faveurs,  ils  prenaient  l'engagement  de  ne  pas  vendre  leurs 
tapisseries  plus  cher  que  celles  qu'on  importait  des  Pays- 
Bas^  et  de  maintenir  constamment  en  activité  quatre- 
vingts  métiers,  dont  soixante  à  Paris  et  vingt  à  Amiens  ou 
dans  toute  autre  ville  de  leur  choix.  Le  roi  devait  placer 
dans  leurs  ateliers  vingt-cinq  apprentis  la  première  année 
et  vingt  les  deux  années  suivantes.  Ces  privilèges  soule- 
vèrent les  protestations  du  bureau  de  la  ville,  protecteur 
naturel  tic  l'intérêt  des  tapissiers  parisiens,  mais  le  roi  n'en 


1.  M.  Lacordaire  dit  vingt-cinq   ans  (p.   32),  mais  nous  avons  préféré 
suivre  l'analyse  très  complète  donnée  par  M.  GuiH'rey,  p.  108. 

2.  On  sait  par  la  relation  de  Carew  qu'ils  étaient  fidèles  à  cet  engage- 
ment. Voy.  plus  haut. 


TAPIS  D'ORIENT.  151 

tint  pas  compte.  Il  ne  cessa  d'étendre  sa  protection  sur  les 
directeurs  des  Gobelins.  Au  mois  de  mars  1607,  il  presse 
Sully  de  leur  faire  payer  leur  subvention  de  100  000  liv,  ; 
sans  quoi  ils  ne  pourraient,  dit-il,  continuer  leurs  travaux  i. 
La  même  année,  il  écrit  à  son  ambassadeur  dans  les 
Provinces-Unies  de  les  assister  dans  un  procès  quils 
venaient  de  perdre  à  Amsterdam  et  qu'ils  poursuivaient  en 
appel  à  la  Haye^. 

En  pourvoyant  libéralement  à  l'établissement  de  la 
tapisserie  de  basse  lice  à  Paris,  Henri  IV  assura  l'avenir 
de  cette  industrie,  il  fut  le  fondateur  des  Gobelins.  Il 
resterait  à  savoir  si  les  nouveaux  ateliers  créés  par  les 
élèves  des  Gobelins  à  Paris  ou  en  province  furent  assez 
nombreux  pour  faire  de  la  tapisserie  de  basse  lice,  qui 
était  déjà  une  industrie  locale,  une  industrie  nationale  et 
pour  rendre  pratique  et  applicable  la  prohibition  des  tapis- 
series étrangères  établie  par  le  roi  dès  lo99^.  C'est  surtout 
aux  érudils  de  province  qu'il  appartient  de  nous  éclairer 
sur  cette  question  en  retrouvant  les  traces  des  fabriques  qui 
purent  être  créées  dans  diverses  parties  de  la  France  sur 
le  modèle  des  Gobelins'. 

C'est  encore  Henri  IV  qu'on  trouve  à  l'origine  de  la 
manufacture  de  la  Savonnerie.  Un  étranger,  Jean  Fortier. 
dont  la  nationalité  nous  est  inconnue,  fit  agréer  par  la 
commission  du  commerce  le  projet  d'établir  en  France 
l'industrie  des  tapis  façon  d'Orient.  La  commission  proposa 
de  lui  accorder  une  avance  de  3000  livres  (8768  fr.  80),  de 


1.  Lettres  du  15  et  du  1d  mars  1G07.  Lettres  miss.,  Vil,  131,  155. 
■2.  IbicL,  VII,  450. 

3.  Édit  de  janvier  1599  défendant  l'iiuportation  des  tapisseries,  came- 
lots, bureaux  et  autres  étoffes  mêlées  de  soie  manufacturées  aux  Pays-Bas 
et  ailleurs.  Registre  du  conseil.  Bibl.  nat.  Fr.  18165,  f.  G7  v».  Arrêt  du 
11  sept  1601  défendant  l'entrée  des  tapisseries  étrangères  à  personnages, 
bocages  ou  verdures,  dans  Lacordaire,  p.  31. 

4.  M.  GuiFFREY  a  montré  la  voie.  Mém.  de  la  Soc.  de  l'hist.  de  Paris, 
XIX,  101. 


152  TAPIS  D'ORIENT. 

mettre  gratuitement  à  sa  disposition  les  locaux  nécessaires 
et  de  lui  conférer  le  droit  do  surveiller  l'exercice  de  cette 
industrie  nouvelle  jusqu'à  ce  qu  elle  eût  été  réglementée 
par  le  roi.  Il  prenait  l'engagement  de  former  en  trois  ans 
des  apprentis  français  qui  ne  pourraient  néanmoins 
sétablir  et  lui  faire  concurrence  ipie  deux  ans  après  être 
sortis  d'apprentissage  '.  On  ignore  i)Ourquoi  le  silence  se 
fait  tout  à  coup  sur  Jean  Fortier.  Dans  le  compte  rendu 
des  délibérations  et  des  résolutions  de  la  commission 
qu'il  publia  en  1004,  Laiïemas  range  son  projet  parmi  ceux 
que  la  commission  avait  adoptés,  mais  que  le  conseil 
n'avait  pas  encore  examinés  ^  Quoi  qu'il  en  soit,  l'idée  de 
créer  en  France  l'industrie  des  tapis  de  Turquie  ne  fut  pas 
abandonnée,  et  ce  que  Jean  Fortier  n'avait  pas  fait,  Pierre 
Dupont  le  lit.  En  1604  le  roi  ordonna  à  M.  de  Fourcy  de 
faire  construire  pour  lui  sous  la  galerie  du  Louvre  un 
logement  et  un  atelier  ^  Le  4  janvier  1608,  il  lui  accordait 
un  brevet  de  logement  *,  qui  ne  faisait  sans  doute  que 
régulariser  une  jouissance  de  fait  déjà  constatée  par  le 
premier  état  des  artistes  logés  dans  la  grande  galerie  (1607)". 
George  Carew  parle  des  tapis  tissés  exclusivement  en  soie 
et  imités  des  tapis  persans  qu'il  avait  vus  au  Louvre  ".  La 
mort  de  Henri  IV  mit  en  péril  l'entreprise  de  Pierre  Dupont, 


1.  Séance  du  2:5  juillet  iGO'i.  Ciiampoluon,  page  211-213.  Voyez  aussi 
page  -.'OU,  202. 

2.  Art.  21.  CiiAMPOLLiON,  p.  292. 

3.  L.\coRDAinE,p.  30-40,  d'après  l'ouvrage  de  Piehre  Dupont,  S/ro?>?a<oiOYyfe 
ou  de  l'excellence  de  la  manufacture  des  tapis  dits  de  Turquie  nouvellement 
eslablie  en  France  sou§  la  conduite  de  noble  homme  Pierre  du  l'ont,  ta/)issier 
ordinaire  du  Roy  esdits  ouvrages.  A  Paris,  en  la  galerie  du  Louvre,  en  la 
maison  de  l'autheur.  1632,  in-i».  Bibl.  nat.  Réserve.  MM.  Daiicel  et 
J.  GfiFFREY  ont  publié  une  nouvelle  édition  de  cet  ouvrage  pour  la  Société 
de  l'/iisloire  de  l'art  français. 

't.  Publie  par  M.  Lacordaire,  p.  39. 

h.  Gliffrev,  p.   104. 

G.  "  Besides,  at  the  same  place  [au  Louvre]  are  wrought  sundry  sorts  of 
rich  carpels  made  ail  of  silk  after  the  fashion  of  those  of  Persia.  »  Dans 
Bircb,  p.  43i. 


CUIRS  DORÉS  ET  DRAPÉS.  153 

mais  celui-ci  fit  appel  à  Louis  XIII  en  1626,  s'associa 
Simon  LourJet  et  fut  installé  en  1627  dans  la  maison  de 
la  Savonnerie,  près  Chaillot,  avec  le  privilège  de  fabriquer 
toute  sorte  de  tapis,  d'ameublements  et  d'ouvrages  du 
Levant  en  or,  en  argent,  en  soie  et  en  laine.  Pour  l'indus- 
trie des  tapis  du  Levant,  comme  pour  celle  de  la  haute 
lice  et  de  la  basse  lice,  l'histoire  aura  à  déterminer 
l'importance  de  son  extension  et  de  sa  production,  mais  ce 
qui  est  acquis  dès  à  présent,  c'est  l'initiative  de  Henri  IV 
et  le  succès  qui  la  couronna. 

Nos  pères  tendaient  leurs  intérieurs  de  cuirs  gaufrés, 
peints,  argentés,  dorés,  qui,  bien  que  dus  à  un  travail 
tout  différent  de  celui  des  tapisseries,  doivent  en  être 
rapprochés,  parce  qu'ils  servaient  au  même  usage.  C'était 
surtout  l'Espagne  qui  excellait  dans  cette  industrie.  Un 
fabricant  de  cuir  doré,  Scipion  de  Rozan,  présenta  requête 
au  roi  pour  obtenir  pendant  dix  ans  le  monopole  de  la 
fabrication  de  ces  tentures  qu'il  se  faisait  fort  de  fabriquer 
avec  la  même  perfection  que  nos  voisins.  Sa  requête  fut 
renvoyée  à  la  commission  du  commerce.  Celle-ci,  qui  avait 
déjà  eu  à  examiner  une  demande  du  même  genre  émanée 
d'un  autre  industriel,  après  avoir  consulté  des  experts  et  vu 
des  échantillons  du  savoir-faire  du  pétitionnaire,  proposa 
de  lui  accorder  un  privilège  de  dix  ans  pour  le  cuir  doré 
drapé  qui  constituait  une  invention  nouvelle,  et  de  cinq  ans 
pour  le  cuir  doré  façon  commune  K  Un  arrêt  du  conseil 
du  21  août  1604  "  et  des  lettres  patentes  de  même  date^ 
conférèrent  à  Scipion  de  Rozan  un  privilège  décennal  qu'il 
devait  partager  avec  Nicolas  Grancolte,  sans  distinguer, 
comme  l'avait  suggéré  la  commission,  entre  le  cuir  doré 
drapé  et  le  cuir  doré  connu  précédemment.  Les  ateliers 

1.  Séance  du  9  avril  1604.  Champollion,  p.   171. 

2.  Bibl.  nat.  Fr.   10843  à  la  date. 

:j.  Arch.  nat.  )le^.  du  Pari.  X*^  8045.  fol.  101. 


154  MAROQUINS. 

furent  établis  aux  faubourgs  Saint-Honorô  et  Sainl-Jacques; 
l'on  y  faisail  travailler  des  pauvres  '. 

On  a  vu  (jue  l'industrie  des  maroquins  llorissait  à  la 
Rochelle  à  la  fin  du  xvi'  siècle,  mais  elle  paraît  y  être  restée 
localisée  jusqu'au  moment  où  Henri  IV  accepta  les  pro- 
positions d'un  népiciant  namand,nomni('  Guillaume  Albert, 
pour  rétablir  en  p;rand  dans  notre  pays.  Le  plan  de  celui- 
ci  consistait  à  faire  venir  un  grand  nombre  de  fabricants 
de  Gand,  de  Malines,  d'Amsterdam,  d'autres  villes  des 
Pavs-Bas,  et  de  fonder,  avec  le  concours  des  capitalistes 
de  son  pays  et  du  nôtre,  une  société  pour  l'exploitation  de 
celte  industrie  dans  toute  la  France.  Il  mettait  à  son  entre- 
prise des  conditions  que  le  roi  accepta,  si  exorbitantes 
qu'elles  fussent,  tant  il  était  frappé  de  la  consommation 
considérable  de  maroquins  qui  se  faisait  en  France  et  du 
profit  que  ses  sujets  trouveraient  à  fabriquer  eux-mêmes 
ce  qu'ils  tiraient  de  l'étranger.  Guillaume  Albert  obtint  un 
monopole  de  vingt  ans  ;  les  certificats  de  capacité  délivrés 
par  lui  devaient  avoir  la  môme  valeur  que  des  lettres  de 
maîtrise,  les  directeurs  de  manufactures  et  les  ouvriers 
étrangers  deviendraient  Français  après  un  séjour  de  trois 
ans  et  seraient  exempts  du  guet  et  de  la  garde  urbaine. 
Le  roi  s'engageait  à  ne  pas  augmenter  pour  l'entrepreneur 
et  ses  associés,  pendant  la  durée  de  leur  privilège,  les 
droits  d'entrée  sur  les  peaux,  les  cuirs  et  les  matériaux 
nécessaires  à  leur  fabrication;  les  produits  manufacturés 
étaient  alTranchis  de  droits  de  douane,  de  péages,  passages, 
traites  foraines,  etc.  L'exportation  des  peaux  de  chèvres 
brutes  était  interdite  '.  C'est  sans  doute  à  une  entreprise 

1.  Paljia  Cavet,  Chr.  sept.,  p.  28'»  à  l'année  1604.  Voy.  aux  arch.  munici- 
pales de  Lyon  un  acte  notarié  du  II  mars  IGOG  par  lequel  Grandcotte  per- 
met à  Demasso  et  Vitaille,  Napolitains,  d'exercer  pendant  deux  ans  dans 
cette  ville  le  métier  de  tapissiers  en  cuir  doré  et  drapé. 

2.  Les  lettres  patentes  de  privilèges  sont  datées  d'août  1008.  Arch.  nat. 
Reg.  des  bannières,  V  l»  f.    18.  On  ne  s'étonne  pas  (pie  les  cours  souve- 


VERRERIES   ET  CRISTALLERIES.  155 

aussi  largement  conçue  que  la  France  dut  un  développe- 
ment de  la  fabrication  qui  lui  permettait,  quelques  années 
après  la  mort  de  Henri  IV,  de  se  suffire  presque  entière- 
ment à  elle-même  *. 

Les  industries  dont  il  nous  reste  à  parler  sont  trop  nom- 
breuses pour  pouvoir  nous  arrêter  longtemps  et  trop 
diverses  pour  pouvoir  être  soumises  à  une  classification. 
Nous  les  aurions  même  passées  sous  silence,  si  la  multi- 
plicité et  la  variété  des  industries  et  des  découvertes 
auxquelles  Henri  IV  accorda  son  patronage  ne  contribuaient 
pas  à  faire  connaître  l'activité  industrielle  de  son  temps  et 
l'intelligence  du  souverain,  ouverte  à  toutes  les  idées, 
sympathique  à  tous  les  progrès. 

En  entreprenant  de  dérober  à  Venise  le  secret  de  ses 
verreries,  Henri  IV  ne  faisait  que  suivre  les  traces  de 
Henri  H,  mais  les  cristalleries  créées  par  ce  prince  à 
Saint-Germain-en-Laye  n'avaient  pas  subsisté  au  delà  de 
Charles  IX  ".  Le  duc  de  Nevers,  Italien  d'origine,  avait 
relevé  à  Nevers  cet  art  italien  que  nos  rois  avaient  laissé 
dépérir,  et  il  avait  joint  à  la  verrerie  de  cristal  blanc  la 
verrerie  colorée  et  irisée  l  Ce  fut  lui  qui  poussa  le  roi  à 
faire  revivre  cette  industrie  ^.  Dans  les  entreprises  encou- 
ragées par  Henri  IV.  il  faut  distinguer  celles  qui  furent 
dirigées  par  des  Italiens  et  celles  à  la  tête  desquelles  se 
trouvent  des  Français.  En  1397,  deux  Milanais,  Vincent 


raines  aient  protesté  contre  des  privilèges  aussi  cteudus.  Voy.  lettres  de 
jussion  pour  l'enregistrement  pur  et  simple  des  précédentes  adressantes  à 
la  chambre  des  comptes.  27  août  1609.  IbiiL,  f.  25. 

1.  MoNTCHRÉriKN,  p.  lOG-IOT.  Voy.  aussi  La  Gomberdiére  dans  Fourmer, 
recueil  cité,  p.  1 19. 

2.  J.-A.  DE  Tnou,  VI,  169-170,  anno  1G03.  P.  Cayet,  Chronologie  septé?uii>'e, 
259,  même  année. 

3.  P.  Cayet,  loc.  cit.  «  Hinc  vitrariae...  artis  artifices  egregii,  jussu  tuo 
accersiti...  »  Épitre  dédicatoire  de  Gaston  de  Claves  à  Louis  de  Gonzaoue 
duc  de  Nevers  en  tète  de  son  Apologia  Argiropeiae  et  chrysopeiae  adversus 
ïhomam  Erastum.  Nivernis,  l.-)90. 

4.  P.  Cayet,  loc.  cit. 


1d6  verreries   et  CRISTALLERIES. 

lîussoii  et  Thomas  Bartholus,  établirent  à  Rouen  une 
verrerie  qui  fut  encouragc-e  par  Henri  IV.  Leur  entreprise 
n'ayant  pas  réussi,  ils  devinrent  les  associés  de  Jacques 
Sarrode,  autre  Italien  qui  exploitait  depuis  longtemps  des 
cristalleries  à  Paris,  à  Nevers  et  à  Lyon  avec  son  frère 
Vincent  Sarrode  et  son  neveu  Horace  Ponte  '.  En  août  lo97, 
le  roi  accorda  aux  Sarrode  et  à  Ponte  l'autorisation  d'en 
établir  une  autre  h  Melun  en  interdisant  la  création  de 
maisons  rivales  à  Paris  ou  à  la  distance  de  trente  lieues 
de  cette  ville,  sans  préjudice  toutefois  des  établissements 
actuels  ou  futurs  de  Feugère  et  de  Pierre".  Comme  maisons 
françaises,  nous  signalerons  les  verreries  fondées  à  Rouen 
par  un  Provençal  d'Aix,  François  de  Garsonnet,  qui  obtint 
du  roi,  le  8  mars  I6O0,  un  privilège  de  dix  ans  pour  la 
ISormandie,  privilège  qui  fut  renouvelé  pour  la  môme 
période  par  Louis  XllP,  les  cristalleries  fondées  à  Paris 
et  ailleurs,  en  1(30G  et  1607,  par  Jean  Maréchal  qui  venait 
de  découvrir  de  son  côté  le  secret  de  faire  des  verreries  à 
l'instar  de  Venise  *.  Maréchal  présenta  requête  pour 
obtenir  un  privilège  à  Paris  et  dans  un  rayon  de  trente 
lieues,  ou  plutôt  pour  partager  celui  dont  jouissait  déjà 
Feugère.  Le  10  février  1009,  le  conseil  du  roi  le  lui  accorda 
provisoirement  et  en  attendant  l'information  à  laquelle  sa 
requête  devait  donner  lieu.  L'entrée  et  la  vente  de  tous 
les  cristaux  ne  sortant  pas  de  ses  ateliers  ou  de  ceux  de 
Feugère  étaient    interdites,   les   cristaux    italiens   étaient 

1.  GossEi.iN,  12G-128.  IsA.MBEiiT,  XV,  IGi.  Dès  i:)9'».  Jacques  Sarrode  solli- 
citait le  privilège  de  cette  industrie  à  Lyon  où  il  l'avait  introduite  le 
premier.  Nous  n'hésitons  pas  en  eflet  h  reconnaître  Jacques  Sarrode  dans 
le  Sair/nes  Sacrado  au  sujet  duquel  Henri  IV  écrivit  à  -M.  de  Bellièvre  une 
lettre  du  -4  octobre  I59i  publiée  par  .M.  Halphen. 

*2.  IsoinERT,  lor.  cit. 

3.  GOSSELIN.    p.    128. 

4.  Lettres  pat.  permettant  à  Maréchal  d'établir  une  verrerie  à  Paris. 
Fév.  ICOf).  Lettres  pat.  permettant  à  Beringhen,  Vernezon  et  Maréchal  d'éta- 
blir des  verreries  à  Paris  et  dans  d'autres  villes,  Mars  1607.  Reg.  du  pari, 
à  la  date.  I.  Laffemas,  Ilist.  du  commerce,  p.  421. 


FAÏENCES   ET   BLANC   DE   l'LO.MB.  1S7 

seuls  exceptés  V  La  manufacture  parisienne  de  Maréchal 
survécut  à  Henri  IV  et  fui  confirmée  dans  ses  privilèges 
en  1650  '.  Les  Sarrode,  de  leur  côté,  qui  s'éluient  distingués 
dans  la  verrerie  avant  Henri  lY,  conservèrent  jusqu'à  la 
fin  du  siècle  dernier  la  réputation  qu'ils  y  avaient  acquise; 
ils  propagèrent  cette  industrie  dans  plusieurs  provinces, 
notamment  en  Poitou  et  leur  maison  de  Nevers  en  devint 
le  centre  pour  la  France  et  même  pour  l'étranger  ^ 

Des  manufactures  de  faïences  et  de  poteries  blanches  et 
colorées  furent  établies  à  Paris,  à  Nevers,  à  Brisambourg 
en  Saintonge  '.  Les  frères  Varicq,  de  Delft,  qui  avaient 
introduit  en  France  la  fabrication  d'un  nouveau  genre  de 
tuiles  courbes  et  plombées,  obtinrent  un  privilège  pour 
toute  espèce  de  tuiles  et  de  carreaux  simples  ou  émaillés, 
de  faîtages  •'  et  d'autres  objets  propres  à  la  décoration  des 
édifices,  se  virent  protégés  contre  les  vexations  des  cou- 
vreurs et  encouragés  dans  le  projet  d'étendre  leur  industrie 
qui  comptait  déjà  des  établissements  dans  plusieurs  villes, 
notamment  à  Paris  et  à  Orléans  ^ 

Le  blanc  de  plomb  ou  sous-carbonate  de  plomb,  qui 
servait  aux  peintres,  aux  médecins,  aux  vétérinaires,  venait 
de  l'étranger.  La  commission  du  commerce  proposa 
d'accorder  pour  dix  ans  à  Claude  Duhamel,  maître 
plombier  et  fontainier,  le  monopole  de  la  fabrication  dont 
il  avait  découvert  les  procédés,  à  charge  de  ne  vendre 
qu'en  gros  à  raison  de  15  livres  (43  fr.  84)  le  cent,  de 
fournir  tous  les  épiciers  et  peintres  de  Paris  et  de  la  prévôté 

1.  Bibl.  nat.  Fr.  18175  à  la  date. 

2.  Arch.  nat.  Reg.  des  ordonnances  enregistrées  au  parlement,  à  la  date. 

3.  BouTiLLiER,  Histoire  des  gentilshommes  verriers  et  de  la  verrerie  de  Nevers 
dans  Bulletin  de  la  Société  nivernaise  (1886),  XII.  Le  Vaillant  de  La  Fiefff, 
Les  verreries  de  la  Normandie,  1876,  in-8. 

4.  J.-A.  DE  Thou,  iibi  supra. 

5.  C'étaient  sans  doute  des  faîtages  en  faïence  peinte  et  vernissée,  comme 
un  en  voit  au  musée  céramique  de  Sèvres. 

6.  Lettres  pat.  du  28  mai  I59!J,  du  13  mars  1000,  du  10  octobre  1603,  du 
15  mai  1004,  du  21  mai  1009.  Reg.  des  ordonnances  du  pari,  à  la  date. 


158  PLOMHERIE   ET  FAUX. 

et  d'apprendre  la  fabrication  à  des  Français  '.  En  1G04,  la 
France  fabriquait  du  blanc  de  plomb  beaucoup  meilleur  et 
moins  coùleux  que  celui  de  1  elranti'çr  -. 

La  commission  du  commerce  accueillit  aussi  favorable- 
ment deux  inventions  dues  à  l'horloger  du  roi,  Antoine 
Ferrier  ou  Février  \  Elle  proposa  de  lui  accorder  un  brevet 
de  ving-t  ans  pour  l'exploitation  d'un  procédé  permellant 
de  joindre  ensemble  sans  soudure  les  tuyaux  de  plomb 
servant  à  la  conduite  des  eaux.  Elle  y  mit  comme  condi- 
tion que  l'inventeur  apprendrait  son  procédé  à  des  Français  \ 
Elle  sollicita  également  en  faveur  de  Ferrier  le  })rivilège 
dexploiter  pendant  vingt  ans  ses  systèmes  pour  faire 
tourner  les  moulins  à  tous  les  vents  sans  déplacer  le  corps 
du  moulin  et  pour  faire  monter  l'eau  plus  facilement  que 
par  le  passé  ^. 

La  fabrication  des  faux  fut  établie  à  Yizille  et  à  Voiron 
en  Dauphiné  dans  les  dernières  années  de  Henri  IV.  Les 
entrepreneurs,  qui  avaient  fait  des  frais  considérables  et 
qui  voyaient  leur  industrie  menacée  par  les  produits 
étrangers,  moins  coûteux  et  inférieurs,  sollicitèrent  la 
prohibition  des  faux  étrangères  et  le  monopole  de  la 
fabrication  en  France.  Le  conseil  dEtat,  auquel  leur 
requête  avait  été  renvoyée,  fut  d'avis  de  restreindre  la 
prohibition  et  le  monopole  aux  provinces  qu'ils  étaient  en 
mesure  d'approvisionner,  c'est-à-dire  au  Dauphiné,  à  la 
Provence,  au  Languedoc,  au  Lvonnais,  au  Forez,  au  Beau- 
jolais et  à  la  Bresse''.  Nul  doute  que  des  lettres  patentes. 


1 .  Procès- verbaux  7G-7C,  85.  Recueil  de  ce  qui  se  passe...  loc.  cil.,  588. 

2.  P.  Cayet,  Chronologie  sept.,  p.  28'j. 

:j  C'est  sous  celte  dernière  forme  que  son  nom  se  pn'-sente  dans  une 
lettreà  l'échevinnge  de  Paris  du '20  juin  IGOG  par  laquelle  Henri  IVlenouuue 
garde  de  la  porte  de  la  Tournelie  ou  de  Saint-Bernard,  Letlres  )niss.,  VI,  G27. 

4.  Séance  du  8  avril  I60:{.  Procès-verbaux,  p.  SU.  Cf.  P.  Cayet,  Chrono- 
logie se/it.,  p.  284,  anno  16<)4. 

5.  Procès-verbaux,  p.  101. 

G.  Re".  du  conseil.  Hibl.  nat.  Fr.  18I7C.  f.  187  v». 


CONCLUSION.  In9 

conformes  à  cet  avis,  n'aient  été  accordées  aux  hommes  qui 
avaient  doté  le  sud-est  de  la  France  dune  industrie 
nouvelle. 

Nous  venons  de  passer  en  revue  la  plupart  des  entreprises 
industrielles  qui  furent  provoquées  ou  encouragées  par  le 
gouvernement  de  Henri  IV,  en  indiquant,  autant  que  pos- 
sible, le  sort  qui  leur  échut.  Nous  devons  en  finissant  jeter 
un  coup  d'oeil  sur  Tensemble  de  l'industrie  française  à  la 
mort  du  roi  et  mettre  ainsi  le  lecteur,  qui  connaît  déjà  sa 
situation  au  moment  de  son  avènement,  à  même  de  se 
rendre  compte  du  progrès  accompli. 

Des  deux  industries  principales  de  la  France,  la  draperie 
et  les  toiles,  la  première  était  en  décadence  et  continuait  à 
souffrir  de  la  concurrence  étrangère.  Pour  les  toiles  com- 
munes, la  France  était  à  la  tète  de  la  production  et  par  la 
quantité  et  par  la  qualité'.  Quant  aux  toiles  fines,  plusieurs 
manufactures  fondées  sous  le  patronage  du  roi  et  avec  le 
concours  d'ouvriers  hollandais  subsistaient  encore 2.  Nous 
étions  restés  les  premiers  dans  la  chapellerie  qui  était 
surtout  active  à  Bourges,  à  Orléans,  à  Paris  et  à  Lyon  -. 
La  France  importait  encore  des  bas  de  soie  pour  une  valeur 
de  plus  de  trois  millions  de  livres  par  an  (809492  fr.  10), 
mais  la  fabrication  de  cet  article  s'était  introduite  à  Rouen* 
et  llorissait  dans  le  Ilurepoix  et  la  Beauce,  en  même  temps 
que  la  fabrication  des  bas  de  laines  De  toutes  les  industries 
qui  avaient  attiré  l'intérêt  de  Henri  IV,  aucune  ne  l'avait 
occupé  d'une  façon  plus  suivie  que  la  soierie,  mais  le  succès 
final  était  loin  d'avoir  répondu  à  sa  sollicitude  et  à  ses  sa- 


1.  Voy.  plus  haut  et  Montchhétien,  p.  86-89. 

2.  Voy.  plus  haut,  et  Montchrétiex,  loc.  cil. 

3.  MONTCHRÉTIEN,  p.  8i. 

4.  Ibid.,  p.  102. 

5.  «  Et  d'autant  que  les  bas  d'estames  que  l'on  appelle  communs...  se 
fabriquent  à  Dourdan  et  lieux  circonvoisins  de  Beausse...  »  Statuts  des  bon- 
netiers de  Paris.  IGO8.  Bibi.  nat.,  collection  Delamare,  Fr.  21792,  pièce  137. 


160  CONCLUSION. 

crilices.  11  n'avait  pas  réussi  à  populariser  la  sériciculture  et, 
autant  qu'on  jioul  en  juger  par  les  documents  ou  par  le 
silence  même  de  Ihistoiro,  les  nouvelles  manufactures  de 
soieries,  à  l'exception  d'une  seule,  ne  lui  avaient  pas  survécu, 
tandis  que,  parmi  les  anciennes,  celle  de  Tours  seule  pros- 
pérait. Toutefois  le  germe  de  la  renaissance  de  la  fabrique 
lyonnaise  avait  été  semé,  et,  par  la  protection  qu'il  accorda 
à  l'inventeur  du  métier  à  la  tire  et  des  façonnés,  Henri  IV 
mérite  d'être  considéré  comme  le  père  d'une  des  industries 
qui  font  le  plus  d'honneur  à  notre  pays.  Par  un  heureux 
contraste,  tout  ce  qu'il  avait  fait  en  faveur  de  la  tapisserie 
avait  réussi  et  c'est  à  lui  qu'il  faut  faire  remonter  l'origine 
des  Gobelins  et  de  la  Savonnerie.  La  tannerie  était  une 
des  industries  les  plus  florissantes  du  royaume  et,  grâce  à  la 
surveillance  qui  s'exerçait  sur  les  cuirs  étrangers,  la  con- 
currence étrangère  ne  lui  faisait  pas  de  tort.  Cependant, 
quelques  années  après  la  mort  du  roi,  les  cuirs  ayant 
beaucoup  perdu  de  leur  qualité,  elle  était  sur  une  pente 
qui  pouvait  lu  ramener  au  discrédit  et  à  la  stagnation 
où  le  roi  l'avait  trouvée'.  La  fabrication  des  maroquins 
était  assez  développée  pour  suffire  à  la  consommation  du 
pays-.  Celle  du  papier  avait  encore  plus  d'importance,  car 
non  seulement  elle  égalait  nos  besoins,  mais  elle  donnait 
lieu  à  un  commerce  d'exportation.  Seulement,  depuis  la 
mort  du  roi,  la  papeterie  française  avait  à  redouter  la  con- 
currence des  Anglais  qui  avaient  établi  en  France  des  moulins 
à  papier  ^  Enfin  nos  verreries  et  nos  cristalleries  avaient  fait 
preuve  de  vitalité  et,  si  Venise  conservait  le  monopole  des 

1.  Voy.  ci-dessus,  et  Mo.ntciirktien,  p.  106-: 07. 

2.  Voy.  plus  haut,  et  Montciikétien,  p.  107. 

■i.  MoxTciiuÉTiEN,  p.  llG-117.  A  ïroyes  notamment  la  papeterie  était  très 
active.  Klle  fut  protégée  contre  la  concurrence  de  la  Lorraine,  où  s'étaient 
établis  des  moulins  à  papier,  avec  le  concours  des  plus  haljilcs  ouvriers  de 
Troyes,  par  un  arrêt  du  conseil  du  10  mars  IGO.'j,  prohibant  la  sortie  des 
chiirons  et  l'entrée  du  papier  pour  tout  le  royaume.  Bibl.  nat.  Fr.  181G8  à 
la  date. 


CONCLUSION.  161 

grands  miroirs \  la  petite  miroiterie  s'était  perfectionnée 
ctiez  nous. 

Lorsqu'elle  perdit  sou  roi,  la  France  travaillait  à  recon- 
quérir le  rang  industriel  qu'elle  occupait  sous  Henri  11  et 
d'où  les  guerres  de  religion  l'avaient  fait  descendre.  Plu- 
sieurs branches  d'industrie  étaient  redevenues  lloris- 
santes.  Beaucoup  d'autres,  en  revanche,  continuaient  à  vé- 
géter-. Au  reste,  pour  exprimer  la  mesure  dans  laquelle  le 
succès  avait  récompensé  les  efforts  du  roi,  nous  ne  saurions 
mieux  faire  que  d'emprunter  les  termes  d'un  contemporain 
que  son  esprit  d'observation,  son  expérience  des  affaires  ren- 
dent le  meilleur  juge  de  cette  question  :  «  Nostre  feu  Roy..., 
dit  Montchrétien,  a  fait  connoitre  en  beaucoup  de  subjets 
l'honorable  passion  qu'il  avoit  d'embellir  son  royaume  de 
toutes  sortes  d'artifices,  il  a  receu  volontiers  ce  qu'on  luy 
a  proposé  à  ceste  fin,  l'a  favorisé  d'avantageux  privilèges 
et  quelquefois  a  fourni  le  principal  nerf  qui  donne  le  mou- 
vement... Ces  bons  mouvemens...  ont  été  suivis  de  différens 
etïects,  les  uns  profitables,  les  autres  non  du  tout  respon- 
dans  à  la  sincérité  de  ses  intentions.  »  Montchrétien  parle 
ici  des  entreprises  nouvelles,  des  fondations  que  le  gouver- 
nement de  Henri  IV  a  prises  sous  son  patronage.  Mais,  à 
côté  de  ces  créations  qui  sont  quelquefois  un  peu  artificielles, 
il  y  a  le  mouvement  spontané  et  général  d'activité  indus- 
trielle qui  se  développe  sous  la  seule  influence  de  la  sécu- 
rité et  de  la  bienveillance  du  pouvoir.  Il  n'y  a  pas  de  svm- 
ptôme  plus  significatif  de  ce  mouvement  que  l'importance 
croissante  des  villes.  Or  si  plusieurs  d'entre  elles,  comme 

1.  En  1632  un  Vénitien  était  sur  le  point  d'établir  en  France  Findiistrie 
des  miroirs  de  grande  dimension.  Le  résident  de  la  Sérénissime  République, 
entretenant  le  doge  de  l'importance  qu'il  y  a  à  faire  avorter  cette  entre- 
prise et  à  rappeler  dans  sa  patrie  ce  maslro  de  specc/ii  grandi,  dit  : 
«  Quest'artedifar  specchi  grandi  non  si  trova  chea  Venetiae  sarebbenovis- 
sima  qui...  »  Copie  des  dépêches  des  ambassadeurs  vénitiens.  Bibl.  nat. 
Filza  82,  n»  440.  Voy.  aussi  Levasseur,  II,  200. 

2.  MOSTCHRÉTIEN,    p.    107. 

11 


162  CONCLUSION. 

Lyon,  ne  sétaient  pas  relevées, ',  la  plupart  renaissaient  de 
leur  ruine  avec  une  telle  rapidité  et  un  tel  éclat  qu'elles 
semblaient  n'avoir  jamais  soulTert  ou  avoir  tiré  de  leurs 
soulTrances  une  ardeur  plus  grande  à  travailler  et  à  vivre. 
Ce  n'était  pas  seulement  des  villes  importantes  comme 
Marseille,  Rouen,  Angoulême,  Périgueux,  Limoges,  Agen, 
la  Rochelle  qui  étaient  devenues  plus  populeuses  et  plus 
prospères  qu'avant  les  troubles  ;  des  villes  secondaires, 
comme  Marans,  Luçon,  Chàteaudun,  Gien,  Niort,  Tliiers. 
Gaillac,  attiraient  l'attention  par  les  aiïaires  dont  elles 
étaient  le  centre-.  Paris,  comme  sous  le  second  empire, 
servait  déjà  de  modèle  à  Témulation  d'embellissement, 
d'affaires  et  de  plaisirs  qui  s'était  emparée  des  chefs-lieux, 
plus  ou  moins  importants,  de  la  vie  provinciale.  Sa  popula- 
tion dépassait  400000  âmes.  La  multiplicité  et  la  beauté 
des  constructions,  l'accroissement  de  la  circulation  faisaient 
de  la  capitale  un  sujet  de  fierté  pour  ses  habitants,  d'ad- 
miration pour  les  étrangers  et  dans  le  fouillis  pittoresque 
de  la  cité  du  moyen  âge  s'ébauchait  déjà  vaguement  la  ville 
symétrique  et  imposante  que  nous  avons  sous  les  yeux'. 

1.  Francbsco  Gregory  dIerni  attribue  à  cette  ville  en  lô9G  une  popula- 
tion de  100000  âmes.  Voj".  sa  relation  publiée  par  Rayxald  àans  Bulletin  de 
la  Société  de  l' histoire  de  Paris,  XII,  1S85. 

2.  Brantôme,  Grands  capitaines  français.  Amiral  de  Châlillon,  éd.  Lalanne, 
IV,  328.  Iieliciae  Galliae...  auctore  iMathia  Quado.  Francfort-sur-le-Mein, 
1603.  Papire  .Massox,  Descriptio  fluminum  Galliae,  1618,  p.  39,  46,  594,  681. 
Descriptio  orae  marilimaeal)  ostio  Carentonis  amnisusque  ad  ostium  Ligeris. 
Bibl.  nat.  LK. 11742.  Voyages  de  .Montaigne,  •'■d.  1774,  II,  4ô4. 

3.  Pai'ire  Massos,  Descriptio  fluminum  Galliae,  p.  235.  Jean  Cecii.  Frev, 
Adtniranda  Galliarum.  Paris  1GV8.  «  Quelle  vilenie  qu'on  ne  puisse  meshuy 
quasi  plus  aller  par  Paris  à  cause  des  carrosses  et  des  charrettes  dont  le 
nombre  accroît  chacun  jour  !  J'ai  vu  le  temps  que  les  petits  enfants 
jouoient  au  volant  sur  le  pont  Nostre  Dame  aux  jours  de  fête...  tant  de 
batiniens  qu'on  eleve...  Les  étrangers  qui  passent  dansParis  se  plaignent 
f|u'on  ne  peut  voir  la  ville  à  cause  des  maisons.  »  Le  secrétaire  de  Saint- 
Innocent,  1615.  "  Paris,  que  le  feu  roi  Henri  le  Grand  a  orné  de  tant  de 
grands  et  magnifiques  batimens  que  d'un  désert  que  tu  étais  durant  la 
guerre  civile,  il  en  a  fait  la  plus  riche,  la  plus  populeuse,  la  plus  auguste 
et  la  plus  célèbre  ville  de  tout  Yan'wers.nAdverlisseinent  à  la  France  touchant 
les  libelles  qu'on  semé  contre  le  gouvernement,  161.").  Relations  de  Gussoni 
et  -Nani  (IGlu;  dans  Barozzi  et  Berchet,  Série  11. 


CHAPITRE  III 
L'ÉCONOMIE     COMMERCIALE 

1"    LE    COMMERCE    INTÉRIEUR. 

Si  nous  continuons  à  nous  laisser  conduire,  dans  l'étude 
de  l'économie  sociale,  par  la  succession  naturelle  des  phases 
de  la  production,  nous  arrivons  au  commerce.  Déjà  sans 
doute  Fagriculture  et  l'industrie  ont  en  vue  des  opérations 
commerciales,  déjà  l'une  et  l'autre  se  livrent  à  ces  opéra- 
tions et  réalisent  sur  les  marchandises  qui  sortent  de  leurs 
fermes  et  de  leurs  ateliers  un  premier  bénéfice,  mais  il  existe 
une  classe  qui  se  voue  exclusivement  à  l'achat  et  à  la  vente 
de  ces  marchandises,  à  leur  transport  et  à  leur  répartition 
suivant  les  besoins  des  consommateurs.  C'est  la  classe  des 
commerçants.  Ne  créant  que  des  valeurs  et  non  des  produits, 
n'ayant  prise  sur  l'imagination  ni,  comme  l'agriculture,  par 
la  poésie  du  milieu  ni,  comme  l'industrie,  par  les  trans- 
formations surprenantes  ou  séduisantes  de  la  matière, 
inséparable  de  la  spéculation,  le  commerce  a  soulevé  cer- 
taines préventions  qui  ont  été  jusqu'à  contester  ses  services. 
Alors  surtout  qu'il  se  borne  à  rapprocher  l'offre  et  la 
demande  et  se  réduit  à  la  commission,  il  a  été  souvent 
considéré  comme  un  rouage  parasite  qui  ne  fonctionne 
qu'aux  communs  dépens  du  producteur  et  du  consomma- 
teur. Il  n'obtient  une  sympathie  sans  mélange  que  lorsqu'il 
porte  et  propage  à  l'étranger  l'influence  française  soit  en  y 


164  EFFETS  DES  GL'EUllES  CIVILES. 

expédiant  des  iiiarcliandises  soit  en  y  onvoyaiil  des  colons. 
Avant  de  le  suivre  dans  un  domaine  oii  il  ennoblit  et  gagne 
sa  cause  en  la  confondant  avec  celle  tlu  patriotisme,  avant 
de  voir  comniLMil  le  coninu'rce  ext(;rieiir  disposait  de  l'ex- 
cédent de  nos  produits  sur  les  besoins  de  la  consommation 
indigène,  il  faut  étudier  dans  quelle  mesure  et  de  quelle 
façon  il  pourvoyait  à  celte  consotnmation. 

Chaque  fois  (jue  nous  abordons  l'étude  d'une  des  branches 
de  la  production  nationale,  c'est  par  le  lamentable  tableau 
du  mal  que  lui  ont  fait  les  guerres  civiles,  qu'il  faut  le 
commencer.  Si  souvent  rapprochés,  confondus  par  leur 
solidarité  dans  la  vie  économique  du  pays,  l'agriculture, 
l'industrie,  le  commerce  le  sont  encore  par  leurs  communes 
épreuves.  De  cette  analogie  de  situation  et  par  conséquent 
de  méthode  résulte  une  certaine  monotonie  mais  cette 
monotonie  ne  contribue-t-elle  pas,  en  fortifiant  l'impres- 
sion pénible  inspirée  par  les  souffrances  du  pays,  à  donner 
un  sentiment  plus  vif  de  la  vérité  ? 

Naturellement  les  troubles  civils  avaient  atteint  surtout 
le  commerce  en  gros,  de  ville  à  ville,  de  région  à  région. 
Les  voies  étaient  impraticables  et  peu  sûres.  Les  routes, 
laissées  à  l'abandon,  usurpées  par  les  riverains,  etTacées 
par  la  végétation,  à  peine  reconnaissables  aux  quelques 
ormes'  qui  les  bordaient  encore,  ne  se  distinguaient  plus 
de  la  campagne.  Les  ponts  étaient  en  ruines,  les  bacs 
ne  répondaient  plus  à  l'appel  des  voyageurs.  Il  fallait 
quelquefois,  pour  trouver  une  route  carrossable,  se 
détourner  de  trente  ou  quarante   lieues^.    Le    commerce 

1.  Ces  ormes  avaient  été  plantés  en  exécution  d'une  mesui'e  générale 
prise  par  Henri  II  en  1554.  On  les  appelait  vulgairement  des  Ilenris. 
Journal  de  Jean  Glaumeau,  prêtre  de  Bonrf/es  au  XVI"  sièclr,  cité  par  Boin- 
QUEi-or  dans  sa  notice  sur  ce  journal.  Mémoires  des  anlir/uaii-es,  18.')i. 

2.  Lakfemas,  Ilist.  du  Commerce,  États  de  Normandie,  novembre  \h',)3, 
p.  p.  H.  DE  BEAunEPAihE,  I,  55.  Arn't  du  conseil  d'État,  janvier  l.')95  dans 

CLAIflAMBALLT  C.>3,*f.    21. 


EFFETS  DES  GUERRES  CIVILES.  165 

abandonnait  ses  anciens  itinéraires  et  délaissait  des  villes 
à  la  prospérité  desquelles  il  avait  largement  contribué. 
La  Fére,  par  exemple,  perdait  ainsi  ses  relations  com- 
merciales avec  la  ïhiérache  et  l'Artois.  Quand  le  roulage 
ne  se  résignait  par  à  ces  longs  circuits,  il  essayait  de 
s'ouvrir  une  route  nouvelle,  à  côté  de  l'ancienne,  dont 
il  empruntait,  autant  que  possible,  le  tracé  et  cet 
itinéraire,  une  l'ois  frayé,  était  adopté  et  remplaçait  la 
vraie  route. 

Voies  anciennes  et  voies  ébaucliées  par  la  circulation 
étaient  également  peu  sûres.  Les  périls  étaient  nombreux 
et,  si  l'on  était  assez  heureux  pour  échapper  à  l'un  d'eux, 
ce  nétait  guère  que  pour  tomber  dans  un  autre . 
Fondrières,  bandes  de  loups,  troupes  de  brigands, 
vexations  des  gouverneurs  et  des  châtelains,  il  était  bien 
difficile  de  sauver  sa  personne  ou  sa  bourse  de  tant  de 
dangers. 

Cherchait-on  à  s'y  soustraire  en  prenant  les  voies 
fluviales,  on  y  retrouvait  à  tout  le  moins  les  mêmes 
exactions.  Les  péages  y  pullulaient,  aussi  vexatoires  dans 
leur  perception  qu'illégitimes  dans  leur  origine  et  arbitraires 
dans  leur  taux.  Us  étaient  exploités  par  des  fermiers  sans 
scrupule  qui,  de  connivence  avec  ceux  qui  les  avaient 
usurpés,  multipliaient  pour  la  navigation  les  entraves 
et  les  retards  afm  de  s'en  faire  payer  le  rachat.  Lentement 
les  chalands  avançaient  sur  les  cours  deau  obstrués  par 
les  éboulis  des  berges,  par  les  moulins,  par  les  pêcheries. 
De  lieu  en  lieu  ou  à  peu  près  il  fallait  s'arrêter,  aborder, 
amarrer  près  des  bureaux,  attendre  le  péager  absent  à 
dessein  et  acheter  le  droit  de  continuer  sa  route  en  payant 
à  un  commis.  Les  arches  des  ponts  étaient  quelquefois 
barrées  par  des  chaînes  qu'on  ne  pouvait  faire  lever 
qu'après  avoir  longuement  marchandé.  On  ne  pouvait 
franchir    ces  arches,   rétrécies    par   les    moulins  qui  s'y 


166  EFFETS  DES  GUERRES  CIVILES. 

adossaient,  qu'avec  une  grande  prudence  et  l'assistance 
dos  maifres  des  ponts^  espèce  do  surveillants  de  la  navigation 
et  de  pilotes  auxquels  étaient  dus,  pour  ce  service,  de 
nouveaux  droits  tarifés  suivant  le  nombre  des  chevaux 
de  halagc'.  Tout  à  coup  le  bateau  touchait  et  échouait, 
le  lit  de  la  rivière  ayant  été  arbitrairement  exhaussé  par 
les  riverains,  et  le  renllouage  était  un  nouveau  prétexte 
aux  revendications  des  péagers.  Nul  compte  n'était  tenu 
du  principe  qui  exemptait  les  denrées  destinées  à  la 
consommation  du  propriétaire  ni  de  celui  qui  interdisait 
de  percevoir  deux  fois  sur  les  mêmes  marchandises,  à 
l'aller  et  au  retour  ni  de  la  franchise  accordée  à  celles 
qui  étaient  transportées  aux  foires  de  Lyon-.  Sur  la  Loire 
les  péages  étaient  si  multipliés  qu'ils  rapportaient  par  an, 
tant  au  roi  qu'aux  ligueurs,  un  million  600  000  écus 
(Iol992o0  fr.  08)  et  qu'un  bateau  qui  partait  de  Nantes 
avec  une  charge  de  sel  de  25  écus  (237  fr.  49)  n'arrivait  à 
Nevers  qu'après  avoir  payé  en  droits  de  circulation  100  écus 
(949fr.  95)  c'est-à-dire  le  quadruple  de  sa  valeur.  En  1567 
on  comptait  sur  la  Loire  et  ses  affluents  cent  vingt  péages, 
en  1568  le  nombre  des  péagers  s'élevait  à  plus  de  deux 
cents ^  De  Rouen  à  Paris  le  total  des  droits  pour  une 
petite  barque  de  marchandises  s'élevait  à  1000  écus 
(9499  fr.  53)*.  Les  gouverneurs  de  Vernon,  de  Château- 
Gaillard,  de  Mantes  et  de  Meulan,  celui  de  Noyon  avaient 
ajouté  aux  anciens  tarifs  des  péages  sur  la  Seine  et  la 
Vorse  de  nouveaux  droits  que  leurs  péagers  percevaient 
avec  arbitraire  et  sans  délivrer  d'acquits'.  La  navigation 

1.  lieyislres  du  bureau  de  la  ville  de  Paris,  13  septembre,  19  et  25  octobre, 
20  novembre  1595. 

2.  Matmiei-  de  Vaizelles,  Trailé  des  péages,  155U.  Arr<"t  du  conseil  du 
10  mars  IGOl.  Bibl.  nat.  Mss.  Franc  ,  18167  à  la  date. 

^.  Chevalier,   Navigation  commerciale  de    la  Loire  au  xv<=  el  au  xvi'  s. 
Mémoires  de  la  Société  archéolor/ique  de  Touraine,  11,  22C. 
4.  Rclntion  de  P.  Duodo  (1598  dans  Ai.nERi,  XV,  Apjnnd.,  p.  109. 
.5.  Registres  du  bureau  de  la  ville,  Ifi  février  1598. 


EFFETS  DES  GUERRES   CIVILES.  J67 

du  Rhône,  de  l'Isère'  et  de  toutes  les  voies  fluviales  souf- 
frait des  mômes  abus. 

Il  y  eut  un  moment  où,  par  suite  de  l'insécurité,  les 
charrois  cessèrent  dans  le  Lyonnais.  En  Normandie  le 
commerce  s'arrêtait  devant  les  exactions  qu'il  subissait 
à  Quillebœuf  et  dans  les  autres  villes  situées  sur  les 
rivières.  Sur  la  Seine,  dans  l'Angoumois^  et  ailleurs  le 
trafic  fluvial  s'interrompait,  était  anéantie 

Ce  fléau  des  péages  et  des  taxes  de  circulation  était 
d'ailleurs,  on  le  sait,  très  ancien  et  les  guerres  civiles 
n'avaient  fait  que  le  rendre  plus  criant. 

Elles  avaient  amené  aussi  la  ruine  de  certaines  foires 
j^dis  florissantes,  telles  que  les  foires  de  Poitou \ 

Le  commerce  qui  se  renfermait  dans  l'intérieur  des 
villes,  qui  se  réduisait  à  la  consommation  locale,  échap- 
pait à  ces  dangers,  à  ces  vexations.  Mais  là  encore  les 
efl"ets  des  troubles  civils  se  faisaient  sentir.  Que  de  boutiques 
fermées,  que  de  commerçants,  de  commis,  do  garçons 
de  magasin  sans  ouvrage!  Les  uns  grossissaient  les 
troupes  de  mendiants  qui  promenaient  dans  les  villes 
inquiètes  leurs  mines  faméliques  et  faisaient  queue  à  la 
porte  des  hôtels  et  des  couvents  pour  attendre  la  desserte, 
les  autres  s'enrôlaient  dans  les  bandes  de  détrousseurs 
de  grands  chemins  ou  dans  ces  associations  de  voleurs,  dont 

1.  Mandement  de  Henri  IV  du  10  août  1607.  Arch.  nat.  Rerj.  du  parlement, 
X'"8646,  fol.  IX"XV. 

2.  Requête  présentée  à  Henri  IV  en  1590  par  les  gentilshommes  de  l'An- 
goumois  et  de  la  Saintonge  partisans  de  sa  cause  citée  dans  Lièvre,  La 
misère  et  les  épidémies  à  Angouléme  au  wi'^  et  au  \\ii<^  siècle.  Les  garnisons 
auxquelles  on  faisait  attendre  le  paiement  de  leur  solde,  arrêtaient,  pour 
se  payer,  les  bateaux.  Lettre  de  Sabatéry  à  Simon  Lecomte.  Bordeaux, 
27  novembre  1681.  Papiers  Lecomte  aux  archives  de  l'Hôtel-Dieu  de  Tou- 
louse. Délibération  prise  à  Bordeaux  en  jurade  le  18  décembre  1583.  Cham- 
POLLiON,  Mélanges  historiques.  H,  485. 

3.  «  Suippe,  petit  fleuve..,  ne  porte  basteaux  à  raison  des  ponts  et  bacs, 
desquels  les  seigneurs  prennent  gros  revenus  ».  Ch.  Estienne,  Lrt  guide  des 
ctiemins,  p.  227. 

4.  Les  sérées  de  Guillaume  Bouchef,  xxxv''  serée. 


168  EFFETS  DES  GUERRES  CIVILES. 

les  affiliés  se  reconnaissaient  à  des  cérémonies  et  à  un  argot 
particuliers  et  qui  dissimulaient  leurs  inavouables  moyens 
d'existence  sons  le  métier  de    porteballe  et  de  camelot  '. 

La  démoralisation  des  classes  commerçantes  était,  en 
effet,  pour  le  commerce,  la  conséquence  la  plus  grave  et 
la  plus  triste  des  guerres  civiles.  Les  habitudes  sonl  la 
meilleure  sauvegarde  des  vertus  de  la  population  inférieure, 
l'amour  du  gain  par  le  travail  en  est  la  source  et,  une  fois 
que  cette  source  est  tarie,  elles  disparaissent  avec  elle. 
Le  spectacle  scandaleux  et  alléchant  des  grandes  fortunes 
réalisées  par  la  concussion  et  l'agiotage,  la  diminution  des 
affaires  avaient  déclassé  une  foule  de  marchands  qui  se 
lançaient  dans  les  opérations  usuraires  ou  «  se  ruaient^ 
conmie  dit  un  contemporain,  sur  les  états  et  sur  le  doux 
maniement  des  finances  -  ». 

Le  souverain  qui  se  trouvait  appelé  à  porter  sur  cette 
plaie  économique  et  morale  un  œil  attentif  et  une  main 
délicate,  ne  semblait  pas  particulièrement  préparé  à  cette 
lâche.  N'avait-il  pas  été  le  premier  des  bandoliers  avant 

1.  Ayant  l'âge  de  neuf  à  dix  ans,  craignant  que  mon  père  me  donnât  le 
fouet  pour  quelque  faute  commise,  ...  je  prins  résolution  d'aller  trouver  un 
petit  mercier  qui  venoit  souvent  à  la  maison  de  mon  père  et...  résolus  m'en 
aller  avec  lui.  11  n'étoit  coesme,  n'ayant  parvenu  à  ce  degré...  La  vie  gene- 
reusedes  mcnxelols,  giieiis  etboesmiens...,  159G.  Vav.  Mst.  et litL,  Vlll.  "  L'an- 
tiquité nous  apprend  et  les  docteurs  de  l'argot  nous  enseignent  qu'un  roi 
de  France  ayant  établi  des  foires  à  Niort,  Fontenay  et  autres  lieux  du 
Poitou,  plusieurs  personnes  se  voulurent  mêler  de  la  mercerie;  pour 
remédier  à  cela,  les  vieux  merciers  s'assemblèrent  et  ordonnèrent  que 
ceux  qui  voudroient  à  l'avenir  être  merciers  se  feroient  recevoir  par  les 
anciens...  puis  ordonnèrent  un  certain  langage  entre  eux  avec  quelques  céré- 
monies pour  être  tenues  par  les  professeurs  de  la  mercerie.  Il  arriva  que 
plusieurs  merciers  mangèrent  leurs  balles,  néanmoins  ne  laissèrent  pas 
d'aller  aux  susd.  foires,  où  ils  trouvèrent  grande  rpiantité  de  pauvres  gueux, 
desquels  ils  s'accostèrent  et  leur  apprirent  leur  langage  et  cérémonies.  Les 
gueux  réciproquement  leur  enseignèrent  charitablement  â  mendier.  Voilà 
d'où  sont  sortis  tant  de  braves  et  fameux  argotiers.  >•  Jargon  ou  langage 
de  l'argot  réformé,  au  t.  VIII  des  Joyeuselés,  cité  ifjid.  153,  n°  I.  CoesmeloUer, 
camelot,  nom  d'argot  donné  aux  merciers  et  colporteurs  atliliés  à  la  con- 
frérie des  voleurs  de  grands  chemins.  Salval,  liv.  V,  I,  jl4. 

2.  Dr  Fuesses  Canayf.  au  roi,  T.i  octobre  160*.?,  J,  45(!-'«57.  Laifemas,  Les 
moyens  de  chasser  la  gueuserie,  etc. 


PROROGATION  DES  ÉCHÉANCES  169 

d'être  le  roi  de  France?  Son  indulgence,  sa  sympathie 
n'étaicnt-elle  pas  acquises  au  soldai  peinant  sous  la  cuirasse, 
mal  payé,  irrégulièrement  nourri  qui  se  laissait  séduire 
par  «  dame  picorée  »?  Est-ce  à  la  cour  des  Valois,  est-ce 
dans  les  camps  où  il  avait  troué  ses  pourpoints,  qu'il 
aurait  pu  apprendre  à  s'intéresser  à  ce  monde  casanier 
dont  la  vie  s  écoulait  dans  le  demi-jour  d'une  boutique, 
qu'il  aurait  pu  comprendre  comment  ces  gens-là  travail- 
laient à  leur  manière  à  la  prospérité  et  à  la  grandeur  d'une 
nation?  Mais,  en  cela  comme  dans  le  reste,  ce  fut  son 
mérite  de  savoir,  pour  retourner  un  de  ses  mots  célèbres, 
cesser  de  faire  le  roi  de  Navarre  pour  faire  le  roi  de 
France. 

Dans  la  législation  et  l'administration  commerciales  qui 
sautorisent  de  son  nom,  tout  certes  ne  fut  pas  original  ni 
désintéressé.  Sur  plus  d'un  point  il  ne  fit  que  reprendre 
une  idée  abandonnée,  une  tentative  avortée  de  ses  ancêtres 
et  plus  d'une  fois  il  obéit  à  une  préoccupation  fiscale.  Les 
mesures  de  circonstance  eurent  aussi  leur  part  dans  son 
œuvre.  Parmi  elles  il  faut  ranger  la  prorogation  des 
échéances.  Déjà  l'édit  de  réduction  de  Paris  du  28  mars  1394 
avait  annulé  les  saisies  faites  sur  ses  habitants  et  déchargé 
provisoirement  les  débiteurs,  jusqu'à  l'adoption  d'un  arran- 
gement amiable  entre  eux  et  leurs  créanciers,  du  paiement 
des  intérêts  antérieurs  à  ceux  de  l'année  courante'.  Moins 
de  deux  mois  plus  tard,  le  16  mai,  un  arrêt  du  conseil 
autorisa  les  commerçants  parisiens  désireux  d'obtenir  un 
délai  pour  le  paiement  de  leurs  dettes,  à  se  pourvoir  devant 
le  lieutenant  civil.  Cet  arrêt  défendait  en  même  temps  la 
continuation  des  assemblées  qui  avaient  eu  lieu  pour  rédi- 
ger et  signer  des  pétitions  en  vue  de  cette  surséance  et 
exercer  une  sorte   de  pression  sur  l'autorité  ".   Plus  tard 

1.  POIRSON,  I,  5ôl. 

2.  Bibl.  nat.  Mss.  Franc.  18159,  fol.  193  v». 


170  REMISE  DES  INTÉRÊTS. 

une  prorogation  générale  fut  accordée  au  commerce 
parisien.  Le  29  août  laî)8  elle  fut  prolongc'C  de  quatre 
mois  '.  Elle  navait  pas  encore  atteint  son  terme  que  de 
nouveaux  répits  étaient  sollicités  -. 

Ce  ne  fut  pas  seulement  par  la  suspension  des  échéances 
que  le  gouvernement  vint  en  aide  aux  débiteurs  embar- 
rassés, ce  fut  aussi,  on  le  sait,  en  les  lilti'rant  d'une  partie 
dos  intérêts  arriérés.  L'édit  de  juillet  1594,  statuant  sur 
les  rentes  constituées  avant  1589,  réduisit  d'un  tiers  les 
intérêts  échus  depuis  cette  année  jusqu'à  la  fin  de  1593  '. 
Les  débiteurs  retardataires  dont  la  dette  ne  dépassait  pas 
une  année  d'intérêts,  furent  mis  à  l'abri  de  la  saisie  et 
autorisés  à  se  libérer  du  capital  par  quartier  en  même  temps 
que  de  l'intérêt  de  l'année  courante  \  Ces  facilités  et  ces 
remises  étaient  commandées  par  la  banqueroute  chronique 
dont  les  créanciers  de  l'Etat  étaient  victimes.  En  1595  les 
rentes  de  1587  n'étaient  pas  encore  payées  et  le  fonds  des 
impositions  allectées  à  leur  paiement  n'était  pas  môme 
suffisant  pour  fournir  à  un  quartier  de  l'année  courante  '". 
Tandis  que  la  situation  des  débiteurs  était  équitablement 
allégée,  la  jurisprudence  sauvegardait  les  droits  des  créan- 
ciers en  les  relevant  des  prescriptions  et  péremptions 
d'instance  qui  auraient  pu  les  faire  déchoir  de  leur  droit 
aux  intérêts  pendant  la  période  de  1594  à  1598  ^'. 

Nous  avons  dit  l'entraînement  des  capitaux  vers  des 
placements  très  rémunérateurs  pour  ceux  qui  les  faisaient 
mais  improductifs  au  point  de  vue  général.  Pour  les 
ramener  vers  le  commerce,   comme  vers  l'agriculture  et 


1.  Arrêts  (lu  conseil  à  cette  date. 

2.  Arn't  du  conseil,   21  novembre   1^8.    Hiljj.   nat.  .Ms.^.   Franr.   1810.1, 
fol.  89  v-o. 

:j.  FoNTANO.v,  I,  772. 

4.  Déclaration  du  IC  avril  1S95.  Fontanon,  1,  77'). 

.-».  Délihéralions  du  bureau  de  la  ville,  17-27  juillet  1.^95. 

6.  Cl.  Le  Prestre,  Questions  notables,  chap.  i.xi. 


INTÉRÊT  LÉGAL  ET  BANQUEROUTES.  \~i 

l'industrie,  le  roi,  sur  les  instances  de  Sully,  réduisit  l'in- 
térêt légal  du  denier  douze  au  denier  seize,  c'est-à-dire  de 
liuit  un  tiers  à  six  un  quart  pour  cent'.  Il  ne  faisait  par  là  que 
remettre  en  vigueur  un  édit  de  Charles  IX  resté  impuissant. 
Si,  en  dépit  de  cet  édit,  l'intérêt  s'était  maintenu  au  taux 
de  huit  un  tiers  pour  cent,  c'était  en  partie  parce  que  des 
banqueroutes  répétées  avaient  fortement  ébranlé  le  crédit. 
Les  propriétaires  eux-mêmes  ne  trouvaient  à  emprunter 
sur  leurs  biens-fonds  qu'à  force  de  cautions  et  à  un  taux 
usuraire.  L'opinion  publique  avait  réclamé  la  mort  contre 
les  banqueroutiers  frauduleux,  et  l'ordonnance  d'Orléans 
(1S60)  lui  avait  donné  satisfaction.  Mais  les  tribunaux 
reculèrent  devant  l'application  de  la  peine  capitale  et  se 
contentèrent  de  l'amende  honorable,  du  pilori  et  des 
galères  à  perpétuité.  Tel  fut  le  châtiment  subi  en  1609  par 
un  marchand  de  la  rue  Saint-Denis,  Guillaume  Pingre,  qui 
avait  fait  une  banqueroute  frauduleuse  où  étaient  intéressés 
de  notables  personnages  et  qui  fut  arrêté  à  Valenciennes, 
dans  les  États  de  l'archiduc  -.  Le  lendemain  de  sa  con- 
damnation, la  place  de  Paris  fut  de  nouveau  émue  par  une 
autre  banqueroute  dont  le  passif  s'élevait  à  400  000  écus 
(4  045  246  fr.  05)  ^  Une  aggravation  dans  la  pénalité 
devenait  opportune.  Sully,  qui  avait  déjà  fait  rendre  en  1602 
un  édit  contre  les  banqueroutiers  \  en  provoqua  un  autre 
au  mois  de  mai  1609  '.  Cet  édit  confirmait  l'ordonnance 
d'Orléans,  prononçait  la  peine  de  mort  contre  les  coupables, 
frappait  de  nullité  les  transports  opérés  par  eux  aux  dépens 
de  leurs  créanciers,  ordonnait  la  punition  exemplaire    de 


1.  Édit.  de  juillet  IGOl.    Isambert,  xv,  262.  Économies  royales,   V,  105. 
Legrain,  Décade,  812. 

2.  Registre-journal  de  Lestoile,  508.  Mercure  français,  I,  IGOi). 

3.  Rerjistre-journal.  Ihid. 

4.  Économies  royales,  Y,  240. 

5.  11  l'a  inséré  dans  les  Économies  royales.  V,  339-341  coiiime  étant  son 
œuvre. 


172  HANQL'EROL'TES  ET  CESSIONS  DE  BIENS. 

ceux  qui  prenaient  faussement  celte  qualité  et  défendait  les 
concordats  '.  LaHemasqui,  neuf  ans  auparavant,  demandait 
le  retour  à  la  pénalil*'- draconienne  de  lordonnancede  l'ilK)- 
dut  être  content  et  l'opinion,  indignée  et  inquiétée  par  tant 
de  «  trous  à  la  nuit  »•',  ne  le  fui  pas  moins.  Quant  à  Tinter- 
diction  des  concordais,  elle  aurait  de  quoi  surprendre  si 
Ion  ne  savait  qu'elle  était  dirigée  contre  les  commerçants 
qui,  en  emporlant  l'argent  de  leurs  créanciers,  laissaient 
un  mandataire  pour  transiger  avec  eux  et,  celte  transaction 
une  fois  acceptée  bon  gré  mal  gré  par  les  créanciers,  reve- 
naient jouir  eiïrontément  à  la  barbe  de  ceux-ci  de  l'argent  dont 
ils  les  avaient  frustrés  '.  C'était  ces  concordats  prémédités 
par  les  débiteurs,  imposés  aux  créanciers  que  l'édit  avait 
en  vue.  D'autres,  avec  aussi  peu  de  bonne  foi,  faisaient 
cession  de  loin  et  par  procureur,  contrairement  à  la  loi 
qui  exigeait  que  le  cessionnaire  fût  présent  et  procédât  en 
personne'.  Il  v  en  avait  encore  qui  (rompaient  leurs 
créanciers  en  simulant,  de  concert  avec  leurs  femmes,  une 
séparation  de  biens,  en  mettant  leur  actif  sous  le  nom  de 
celles-ci.  Laffemas  demanda  que  la  femme  complice  de  son 
mari  fût  responsable  sur  ses  propres,  que  la  séparation  do 
biens  ne  pût  avoir  lieu  qu'après  une  enquête  faite  par  dix 
notables  commerçants  étrangers  à  la  famille  et  non  suspects 
de  connivence  ^  Il  dénonçait  aussi  l'habileté  avec  laquelle 
les  cessionnaires  dissimulaient  le  bonnet  vert,  qui  les 
signalait  à  laméliance  et  à  la  déconsidération  publiques  '. 
Au  sujet  de  ce  signe  infamant  les  coutumes  et  la  juris- 

1.  ISAMBEHT,  XV,    ;J49. 

2.  Hemonlrance  en  forme  d'édil,  art.  xiv. 

:5.  Nous  disons  aujourd'hui  trous  à  la  lune. 

'i.  Legrai.n.  Décade,  «3.3-83i. 

h.  Dt'claration  du  10  octobre  Iô.'56.  IsamhkhtXII.  .'>"27. 

<;.  lleinonslrance  en  forme  d'édil,  art.  xv. 

7.  «  ...  pour  obvier  aux  fraudes  de  ceux  qui,  nyant  fait  cession,  ne 
laissent  de  porter  le  chapeau  noir  et  le  petit  bonnet  vert  au  dessous  qu'à 
grand  peine  peut  on  voir.  »  Advertissemenl  sur  les  crimes  des  banque- 
routiers, IGOl). 


VALIDITÉ   DES  CONTRATS.  173 

prudence  ne  furent  pas  toujours  daccord  ;  tantôt  il  était 
imposé  à  tout  cessionnaire  sous  peine  de  perdre  le  bénéfice 
(le  cession,  qu'il  fût  de  bonne  ou  de  mauvaise  foi;  tantôt  il 
n'était  que  la  punition  de  cette  dernière;  tantôt  enfin  le 
cessionnaire  en  était  exempt  et  devait  seulement  abandonner 
en  justice  sa  ceinture  '. 

Ce  fut  aussi  pour  afTermir  le  crédit  par  la  sécurité  des 
transactions  qu  il  fut  détendu  aux  notaires  d'insérer  dans 
leurs  actes  la  clause  de  renonciation  au  sénatus-consulte 
Velleien  et  à  l'authentique  Si  qua  millier.  Ce  sénatus- 
consulte,  on  le  sait,  avait  pour  but  de  protéger  les  femmes 
contre  elles-mêmes  en  frappant  de  nullité  les  obligations 
qu'elles  pourraient  contracter  pour  autrui.  Elles  avaient 
tellement  pris  l'habitude  de  renoncer  à  celte  tutelle  légale 
pour  intervenir  dans  les  contrats  et  engager  leur  bien  dotal 
en  garantie  des  obligations  de  leur  mari  que  cette  renon- 
ciation était  devenue  de  style.  Précisément  à  cause  de  cela 
il  arrivait  aux  notaires  de  l'omettre.  Ce  silence  insolite 
pouvait  être  interprété  comme  une  réserve  du  droit  de  la 
femme  et  autoriser  une  demande  en  nullité.  Par  suite  de 
la  déclaration  d'août  J606,  les  femmes  qui  étaient  parties 
dans  un  acte  furent  par  cela  môme  valablement  obligées  et 
l'absence  dune  clause  dont  l'insertion  était  prohibée,  ne  put 
désormais  être  invoquée  contre  sa  validité". 

Dans  tout  ce  que  nous  venons  de  rapporter  il  n'y  a  rien 
qui  atteste  chez  Henri  IV  un  goût  plus  vif  et  plus  éclairé 
pour  le  commerce  que  chez  ses  prédécesseurs,  et  ce  n'est 
pas  non  plus  dans  ledit,  si  important  d'ailleurs,  de  1597 
qu'il  apparaît  comme  novateur  en  cette  matière,  car  il  n'a 


1.  BoucHEL,  Bibliothèque  du  droit  français,  I,  441.  Charo.ndas  Le  Caron, 
Mémorables  ohaervations  du  droit  français,  v»  Cession.  Recueil  de  plusieurs 
arrêts  notables,  p.  p.  Louet,  V  Cession  de  biens.  Jugement  du  lieutenant 
général  de  Laval  du  9  septembre  1581  et  arrêt  du  parlement  du  16  janvier 
1608  dans  FoNTANON  (1611),  1,764,  763. 

3.  IsAMBERT,  XI,  no  182. 


174  ADMINISTRATION    DES  PONTS   ET  CHAUSSÉES. 

fait  qu'y  reprendre  l'œuvre  mort-née  de  son  prédécesseur 
immédiat.  Mais  il  y  eut  deux  choses  originales  et  fécondes 
qui  distinguèrent  son  rôle  à  cet  égard  :  d'une  part  il  créa 
le  premier  une  commission  pour  reviser  l'organisation 
industrielle  et  commerciale  et  encourager  les  industries 
naissantes,  les  entreprises  d'intérêt  public;  de  l'autre  il 
améliora  et  développa  à  un  haut  degré  les  voies  de  commu- 
nication. Sur  la  commission  du  commerce  nous  n'avons 
rion  à  ajouter  à  ce  que  nous  avons  dit  dans  notre  chapitre 
sur  l'industrie.  Nous  devons,  au  contraire,  faire  connaître 
les  progrès  qui  s'accomplirent  sous  son  règne  dans  les 
ponts  et  chaussées  et  dans  les  voies  de  navigation. 

Un  vient  de  voir  l'état  où  se  trouvaient  les  uns  et  les 
autres  à  la  suite  des  guerres  civiles.  Cet  état  n'était  pas 
entièrement  imputable  à  celles-ci,  il  tenait  aussi  à  l'absence 
dune  administration  centrale  des  ponts  et  chaussées. 
Abandonné  aux  autorités  locales,  aux  seigneurs  et  aux 
villes,  ce  service  public  n'était  pas  administré  avec  l'unité 
et  le  désintéressement  qu'exigent  les  intérêts  généraux. 
Henri  IV  le  centralisa  en  créant  par  un  édit  du  mois  de 
mai  1.599  un  grand  voyer  de  France.  On  sait  que  Sully  fut 
le  premier  titulaire  de  cette  charge.  Ses  attributions  étaient 
purement  administratives  et  le  contentieux  restait  à  la 
juridiction  ordinaire.  Même  dans  l'ordre  administratif,  sa 
création  n'entraîna  pas  celle  d'un  personnel  nouveau.  Les 
agents  placés  sous  l'autorité  du  grand  voyer  existaient 
déjà  :  c  était  les  voyers  particuliers,  et,  là  où  il  n'y  en  avait 
pas,  les  officiers  locaux  ordinaires  et  parmi  eux,  au  premier 
rang,  les  trésoriers  généraux.  Surchargés  ou  peu  zélés,  ces 
fonctionnaires  obéirent  avec  peu  d'empressement  à  l'auto- 
rité nouvelle  à  laquelle  on  venait  de  les  soumettre  ;  une 
déclaration  du  7  juin  1604'  autorisa  alors  le  grand  voyer 

1.  ViGsoN,  Études  historiques  sur  l'administration  des  voies  puhliqueti  en 
Franije  au  xvii'-  et  au  \\iu<^  siècle,  I,  l'iàces  justif.,  n"  4. 


ADMINISTRATION   DES  PONTS   ET  CHAUSSÉES.  475 

à  se  désigner  un  lieutenant  dans  les  administrations 
locales'.  Remède  probablement  inefficace,  car  ce  lieu- 
tenant, ne  touchant  pas  de  gages  pour  ses  nouvelles  fonc- 
tions, dut  mettre  peu  d'ardeur  à  les  remplir.  Les  voyers 
particuliers  n'étaient  pas  les  seuls  agents  spéciaux  que 
le  grand  voyer  eût  sous  ses  ordres,  les  intendants  des 
turcies  et  levées  de  la  Loire  en  relevaient  également.  Au 
moment  oi^i  se  pacifiait  le  pays,  ces  digues  tombaient  en 
ruines.  Ceux  que  l'on  nommait  à  la  charge,  alors  unique, 
d'intendant,  s'y  succédaient  trop  rapidement  pour  pouvoir 
s'y  rendre  utiles.  En  la  confiant  à  M"  Jacques  Chevreux,  au 
mois  d'avril  1594,  Henri  IV  étendit  la  durée  de  ses 
fonctions.  A  la  mort  de  Jacques  Chevreux  (1597),  le  roi  ne 
lui  donna  pas  un  successeur  en  titre  d'office.  L'emploi  fut 
tenu  en  commun  et  en  commission  par  Pierre  Fougeu,  sieur 
d'Escures  et  Barthélémy  Savorny.  Puis,  satisfait  de  leurs 
services,  Henri  le  dédoubla  en  deux  offices  d'intendants 
qui  leur  furent  conférés.  Leurs  attributions  consistaient  à 
faire  les  devis,  à  adjuger  et  à  taxer  les  travaux,  à  arrêter 
les  états  des  fonds  destinés  à  en  'faire  les  frais,  à  disposer  de 
ces  fonds  et  même  à  juger  les  contestations  soulevées  par 
ces  diverses  opérations.  Ils  devaient  se  partager  les  gages  de 
leur  prédécesseur  qui  touchait  3000  livres  (8768  fr.  80). 
Toutefois  la  chambre  des  comptes,  hostile,  comme  toutes 
les  cours  souveraines,  aux  juridictions  spéciales,  n'enre- 
gistra ces  pouvoirs  que  de  l'exprès  commandement  du  roi 
et  en  réservant  les  questions  litigieuses  aux  juges  ordi- 
naires et  la  vérification  des  états  de  recette  aux  trésoriers 
généraux  ^ 


1.  Sully  eut,  par  exemple,  pour  lieutenant  dans  la  généralité  de  Bourges 
le  sire  de  Corbet  Boyer.  Recherches  sur  les  anciennes  voitures  publiques  dans 
le  Berry  et  surtout  à  Bourges  dans  Mémoires  de  la  Société  historique...  du 
C/ier,\]  (18S2j,  p.  155,  n°  2. 

2.  Édit  de  janvier  1603.  Vignon,  I,  Pièces  justif.,n"  d. 

3.  Vignon,  l,  Pièces  Justif.,  n°  3. 


176  ADMINISTRATION    DES   PONTS  ET   CHAUSSÉES. 

Le  voyer  de  Paris  ne  dépendait  pas  du  grand  voyer,  mais 
du  lieutenant  civil.  Le  13  août  1599,  celui-ci  lui  donnait 
commission  pour  inspecter  les  ponts  et  chaussées  de  la 
ville,  de  la  prévôté  et  de  la  vicomte,  les  faire  réparer  par 
les  seigneurs  justiciers  et  les  autres  autorités  particulières 
chargées  de  leur  entretien,  forcer  les  riverains  à  délaisser 
le  terrain  usurpé,  faire  établir  des  bornes  et  planter  des 
ormes  pour  lixer  la  largeur  des  voies'.  Eu  IGOi  Sully 
remboursa  au  voyer  de  Paris  le  prix  de  sa  charge  et  la  lit 
réunir  à  celle  de  grand  voyer". 

L'autorité  de  celui-ci  ne  s'étendait  que  sur  les  pays 
d'élections.  Dans  les  pays  d'états  la  direction  des  travaux 
de  voirie  appartenait  à  un  commissaire  général  qui  recevait 
ses  pouvoirs  et  ses  instructions  du  parlement  de  la 
province^. 

Chaque  année,  les  officiers  locaux  qui,  sous  la  direction 
du  grand  voyer,  s'occupaient  des  travaux  publics  c'est-à- 
dire  ses  lieutenants,  les  trésoriers  de  France,  les  intendants 
des  turcies  et  levées  et  les  élus  partaient  en  chevauchées 
pour  constater  l'état  des  ponts  et  chaussées.  Ces  chevauchées 
avaient  lieu  au  mois  de  février.  C'est  le  moment  où  les 
eaux  sont  le  plus  hautes,  oii  les  chemins  ont  le  plus  soulTert 
de  l'hiver,  où  l'on  peut  le  mieux  apprécier  l'importance 
des  réparations  nécessaires  et  en  dresser  le  devis.  Les 
travaux,  après  avoir  été  soumis  à  l'autorisation  du  grand 
voyer,  étaient  mis  en  adjudication  et  s'exécutaient  pendant 
la  bonne  saison.  C'était  à  l'entrée  de  la  mauvaise,  aux 
mois  de  septembre  et  d'octobre,  qu'on  procédait  au  toisé  et 


1 .  ViGNo.N,  n"  2. 

'J.  Delamare,  Traité  de  la  police  (continuation  de  Le  Clerc  du  Hrillet),  IV, 
G88. 

3.  Voy.  arrêt  du  parlement  de  Grenoble  sur  la  réparation  des  chemins 
en  Dauphiné,  23  mai  IGOâ.  Ibid.,  n°  7.  Bkln  Durand,  Le  Dauphiné  en  1 598 
dans  liullelin  de  la  société  dépavlementale  d'arc/iéolof/ie  et  de  statistique  de 
la  Urôme,  I8C«. 


ADMINISTRATION   DES  PONTS   ET   CHAUSSÉES.  177 

à  la  réception.  Dans  lenrs  chevauchées,  les  déh'-gués  du 
grand  voycr  devaient  s'en([uérir  des  péages,  des  travers  et 
en  dresser  état  afin  de  faire  contribuer  les  tituhiires  aux  frais 
de  réparation.  Leur  devoir  était  aussi  de  s'informer  des  abus 
commis  dans  l'emploi  des  deniers  octroyés  aux  villes  pour 
les  travaux  publics  et  de  les  dénoncer  à  leur  chef.  Ils  véri- 
fiaient enfin  et  lui  envoyaient  les  étals  des  recettes  et  des 
dépenses  faites  par  les  trésoriers  et  les  receveurs,  car  toute 
la  comptabilité  des  travaux  publics  passait  sous  ses  yeux  '. 

Suivant  la  déplorable  tradition  qui  accordait  à  des  parti- 
culiers en  faveur  des  délégations  de  l'autorité  publique, 
certaines  personnes  avaient  obtenu  des  commissions  les 
autorisant  à  faire  exécuter  des  travaux,  à  singérer  dans 
l'administration  de  la  voirie;  c'était  autant  de  brevets 
d'impunité  délivrés  aux  exactions.  Le  roi  déclara  que  les 
pouvoirs  de  ce  genre  ne  seraient  valables  que  lorsqu'ils 
auraient  reçu  l'attache  du  grand  voyer^.  Mais  cette  décla- 
ration ne  triompha  pas  d'habitudes  invétérées;  c'est  ce  que 
témoigne  un  arrêt  du  14  mars  1606  qui  révoque  les 
commissions  délivrées  pour  la  réparation  des  chemins  et 
défend  d'en  expédier  sans  le  visa  déjà  exigé. 

Nous  avons  parlé  des  obligations  des  péagistes  en  matière 
de  voirie.  Un  arrêt  du  conseil  du  2  avril  160^  renouvela 
aux  trésoriers  généraux  la  mission  de  surveillance  qui 
leur  avait  déjà  été  confiée  à  cet  égard ^.  Tl  ne  paraît  pas 
avoir  beaucoup  amélioré  les  choses.  Les  populations 
dénonçaient  l'incurie  des  péagistes  et  le  roi,  passant  par  la 
grande  route  de  Picardie,  reçut  directement  des  plaintes 
contre  l'abbaye  de  Saint-Denis  et  le  duc  de  Montmorency. 
Le  11  avril  1609  un  arrêt  du  conseil  ordonnait  encore  que 
commandement  serait  fait  par  le  grand  voyer  à  tous  les 

I.  ViGNON,  Pièces  Jiist if. ,  n°  5. 

■2.  Déclaration  du  7  juin  1G04.  Vignox,  Pièces  justif.,  u"  4. 

3.  Ibid.,  n"  G. 

12 


178  ADMINISTRATION    DES   PONTS   ET   CHAUSSÉES. 

pcaj^nstes,  sous  peine  de  saisie  de  leurs  péages  et  barrages, 
de  mettre  en  bon  dtal,  dans  un  déhii  lixé,  les  chemins  dont 
l'entretien  était  à  leur  charge'. 

C'est  aux  voies  urbaines,  aux  rues  et  particulièrement 
aux  rues  de  Paris  que  s'appliquait  ledit  de  décembre  1007. 
11  fut  rendu  pour  remédier  aux  conséquences  de  la  facilité 
avec  laquelle  les  seigneurs  justiciers  de  la  c;ipilale  (jui 
exerçaient  dans  leur  ressort  la  police  de  la  voirie,  accordaient 
des  permissions  préjudiciables  à  l'intérêt  général.  Tout 
administratif  quil soit,  c'est  un  document  bien  pittoresque. 
11  évoque  un  lacis  de  voies  étroites,  fangeuses  et  sans 
trottoirs,  surplombées  d'ouvrages  en  encorbellement,  de 
jardins  suspendus,  obscurcies  par  les  auvents  et  les 
enseignes,  encore  rétrécies  par  les  degrés,  les  montoirs, 
les  jambes  étrières,  les  contre-fenctres,  encombrées  par  les 
marchandises  et  les  matériaux,  bordées  de  façades  fuyantes 
ou  ventrues,  souillées  par  les  ordures  ménagères  qu'on 
jette  des  maisons,  enlaidies  par  les  défroques  et  les  drapeaux 
qui  se  balancent  aux  fenêtres,  bref  un  Paris  incommode  et 
nauséabond,  dépourvu  de  perspective,  de  grandeur  et  de 
beauté  mais  fourmiHaut  d'attrayants  détails.  Et  en  même 
temps  qu'il  nous  transporte  dans  le  Paris  du  xvn''  siècle 
naissant,  il  pose  le  principe  niveleur  de  l'alignement  et 
trahit  le  rêve  des  rues  larges,  rêve  et  principe  d'où  sortira 
peu  à  peu  un  Paris  monumental  et  grandiose  oii  tout  sera 
sacrifié  à  la  symétrie,  à  l'effet  et  au  décor.  Cet  édit  attribuait 
le  contentieux  de  la  voirie  à  la  chambre  du  trésor". 

Des  trois  conditions  que  toute  administration  semble 
devoir  réunir,  unité,  spécialité,  compétence,  celle  des 
travaux  publics,  telle  qu'elle  avait  été  organisée  par 
Henri  IV  et  Sully,  possédait  en  partie  la  première,  les 
deux  autres  lui  faisaient  défaut.  La  direction  et  le  contrôle 

I.  VioNox,  Pièces justif.,  ii"  D. 

1.    ISAMRI^RT.   XV.   11"    V.)1. 


ADMINISTRATION   DES  PONTS  ET  CHAUSSÉES.  179 

supérieur  y  étaient  attribués  à  un  fonctionnaire  unique, 
mais  ce  fonctionnaire  n'était  pas  secondé  par  des  agents  de 
son  choix,  exclusivement  voués  à  leurs  fonctions,  préparés 
par  des  études  techniques  à  les  remplir.  On  ne  trouve  dans 
celte  administration  ni  ingénieurs  ni  conducteurs  des  ponts 
et  chaussées  ni  agents  voyers.  C'est  à  une  vieille  institu- 
tion, c'est  aux  maîtres  des  œuvres  de  maçonnerie  et  de 
charpenterie  quelle  va  demander  les  connaissances  pro- 
fessionnelles dont  elle  a  besoin.   Nous  rencontrons  sous 
Henri  IV   plus    d'un  ingénieur,    Louis  de   Foix,    Erard, 
Hugues  Pelletier,  mais   on  ne  fait  pas  appel  à  leur  com- 
pétence  pour  les  travaux   de  voirie  ^    Les  voyers  parti- 
culiers de  certaines  villes  et  les  intendants  des  turcies  et 
levées  sont  les  seuls  agents  qui  fassent  de  ces  travaux  leur 
affaire  principale,  mais,  ne  tenant  pas  leurs  pouvoirs  du 
grand  voyer,  ils  conservent  à  son  égard  une  certaine  indé- 
pendance. Les  premiers  en  abusent.  On  ne  peut  déplacer 
un  évier,  toucher  à  une  enseigne,  boucher  un  trou  à  un 
auvent,  mettre  des  barreaux  à  une  fenêtre  ou  y  poser  un 
pot  de   fleurs  sans   leur  payer  un  droit  discrétionnaire-. 
A  l'absence  d'un  personnel  spécial  et  docile  il  faut  ajouter  la 
nature  précaire  des  ressources.  Une  partie  des  fonds  affectés 
aux  travaux  publics  est  assignée  sur  des  taxes  appartenant 
à  des  particuliers  et  il  est  bien  difficile   d'empêcher  ces 
particuliers  d'en  appliquer  la  totalité  à  leur  profit.  Enfin 
il  manque  à  ce  service  une  juridiction  compétente.  Soit 
qu'il  n'ait  pas   su  s'élever  à  la  conception   d'un  système 
indépendant  et  homogène,  soit  qu'il  ait  trouvé  plus  com- 
mode et  plus  économique  de  se  servir  des  rouages  existants, 
Henri  IV  se  contenta  de  donner  un  chef  à  une  administra- 


1.  C'est  au  second  que  Henri  IV  destinait  la  direction  des  travaux  du  port 
qu'il  songeait  à  crt'cr  près  de  Bayoune  et  de  Fontarabie.  Mémoires  de 
Groidart,  1601.  Collection  Michaud. 

2.  Laffemas,  La  commission,  édit  et  partie  des  mémoires.... 


ISO  TRAVAIX  DLS  PONTS  ET  CHAUSSÉES. 

tion  sans  unité,  lloureusemont  ces  défauts  n'étaient  pas  de 
ceux  dont  ce  chef,  à  force  d'intelligence  et  d'énergie,  ne 
pouvait  pas  triompher,  et  il  reste  à  voir  si  Sully  a  su  le 
faire. 

11  est  malheureusement  impossihle  de  donner  une  énu- 
mération  complète  des  routes  qui  ont  été  ouvertes  ou  répa- 
rées, des  ponts  qui  ont  été  construits  ou  rétablis  sous  ses 
auspices.  Entre  la  Guidr  des  chemins  de  France^  dont  la 
troisième  édition  fut  publiée  en  looS  par  Charles  Estienne 
et  la  carte  des  routes  postales  dressée  en  1632  par  Sanson, 
il  n'existe  aucune  nomenclature  des  routes,  et  ces  deux 
documents  sont  trop  éloignés  de  l'époque  qui  nous  occupe 
pour  que  leur  comparaison  puisse  nous  éclairer  sur  les 
progrès  réalisés  à  cette  époque. 

A  défaut  d'une  statistique  complète,  nous  emprunterons 
à  des  sources  diverses  des  renseignements  partiels  qui, 
par  leur  accumulation,  paraîtront  peut-être  autoriser  une 
conclusion  d'ensemble. 

On  ne  saurait  trop  regretter  que  les  états  généraux  de 
voirie  dressés  par  Sully  en  \  GOO  '  et  en  1609  ne  nous  soient 
pas  parvenus.  Le  second  surtout  aurait  été  très  instructif; 
il  indiquait  le  montant  de  toutes  les  sommes  levées,  de 
lo98  à  1609,  pour  les  travaux  publics,  qu'ils  eussent  été 
entrepris  par  l'Etat  ou  par  l'initiative  privée,  celles  qui 
avaient  été  employées  conformément  à  cette  destination  et 
celles  qui  en  avaient  été  détournées,  ainsi  que  les  moyens 
d'empêcher  à  l'avenir  de  pareils  abus  ^  On  a  conservé  du 
moins  les  états  généraux  du  produit  des  tailles,  tant  du 
principal  que  de  la  grande  crue,  de  1*)99  à  1609,  et  on  peut 
en  tirer  sur  le  budget  des  travaux  publics  des  lumières 
utiles.  Ainsi  on  y  voit  qu'en  160't.  le  montant  de  la  grande 
crue  dépassa  de  21o000  livres  (628  430  fr.  ."i.^))  le  total  de 

1.  Economies  royales,  V,  •3''i. 

2.  Ibid.,  X,  214,  305. 


TRAVAUX   DES   PONTS  ET   CHAUSSÉES.  181 

l'année  précédente,  et  cela  en  partie  à  cause  des  travaux 
du  canal  de  Loire  et  Seine  et  du  pont  de  Rouen*.  L'état 
général  sommaire  de  1605  nous  l'ait  connaître  la  somme 
alTectée  aux  ponts  et  chaussées;  cette  somme  s'éleva  à 
400  000  livres  (1  169173  i'r.  12),  auxquelles  il  faut  ajouter 
une  somme  indéterminée  pour  le  canal  de  Loire  et  Seine, 
pour  la  canalisation  du  Clain  et  de  la  Vesle  ^  En  1606  les 
ponts  et  chaussées  et  les  mêmes  travaux  de  canalisation 
absorbèrent  422  000  livres  (1  233  477  fr.  64),  sur  lesquelles 
sans  doute  400  000  livres  pour  les  ponts  et  chaussées,  comme 
l'année  précédente,  et  22  000  livres  (64  304  fr.  1'j2)  pour  les 
cours  d'eau  en  question.  La  réfection  du  pont  du  Rhône,  à 
elle  seule,  absorba  oOOO  livres  (14  614  fr.  66)='.  En  1607  la 
grande  crue  s'augmenta  de  30  000  livres  (87  687  fr.  98)  qui 
furent  consacrées  à  refaire  les  ponts  de  la  Loire  emportés 
par  les  inondations  \  En  même  temps  le  principal  de  la 
taille,  qui  était,  l'année  précédente,  de  9  76S218  livres 
(28  543  076  fr.)  s'élevait,  par  suite  des  dépenses  faites  pour 
les  ponts  et  chaussées,  à  9  813  218  livres  (28  683  376  fr.  80). 
Ces  dépenses  se  répartissaient  ainsi  :  15  000  livres 
(43  843  fr.  99)  pour  la  généralité  d'Amiens,  18  000  livres 
(52  612  fr.  79)  pour  celle  de  Rouen  et  15  000  livres  pour 
celle  de  Caen^  Sur  le  produit  de  la  grande  crue  en  1609, 

1.  Économies  royales,  X,  220.  Ces  états  ont  été  reproduits  par  Forbonnais. 

2.  Ifjid.,  227.  Cf.  YIII,  68. 

3.  Sur  l'avis  que  m'a  donné  le  S""  Parjon  des  ruines  qui  menacent  le 
pont  du  Rosne  en  vostre  ville,  j'ai  laissé  fonds  dans  Testât  des  réparations 
publiques  de  la  généralité  de  Lyon  de  la  somme  de  cinq  mille  livres  pour 
subvenir  à  cette  dépense,  mais,  parce  que  la  moitié  de  cette  somme  doit 
être  prise  sur  vos  octrois,  je  vous  prie  ne  faire  aucune  ditiiculté  de  la  faire 
mettre  entre  les  mains  du  commis  du  sieur  Arnauld  à  Lyon,  trésorier  des 
ponts  et  chaussées  de  France.  L'œuvre  auquel  j'ai  destiné  cette  somme  est 
des  plus  importantes  aucquels  vous  la  puissiez  employer  et,  pour  cette 
occasion,  lorsque  vous  me  rapporterez  l'état  de  la  recette  et  dépense  de 
vos  deniers  communs,  je  vous  promets  de  passer  cette  partie  sous  le  nom 
du  S''  Arnaud,  ainsi  donc  vous  en  demeurerez  déchargé...  Sully  à  l'échevi- 
nage  de  Lyon.  Paris,  25  mai  IGOG.  Arch.  mun.  de  Lyon  AA  54  fol.  534. 

4.  Économies  royales,  X,  222. 

5.  IbifL,  X,  225-22G, 


182  Tl\AV.\rX   DES  PONTS   1:T    CHAUSSEES, 

qui  s'élevait  à  4  446  000  livres  (1 1  990  1 09  h.  29),  870  000  li- 
vres (2340  242  fr.  71)  furent  employées  aux  travaux  de  la 
Loire,  de  la  Seine,  de  l'Aisne,  de  la  Vesle.  de  la  Vienne  et 
du  Clain,  aux  ports  de  Paris  et  de  Uouen,  aux  fontaines  de 
Kungis,  aux  boues  et  au  pavé  de  la  capitale,  à  la  tour  de 
Cordouan  et  aux  réparations  nécessitées  par  les  inonda- 
tions de  1008'. 

Ces  chitîres  ne  représentent  ([ue  la  pari  de  l'Etat  dans 
les  travaux  publics.  Il  faudrait  y  ajouter  les  sacrifices  faits 
par  les  généralités  et  les  villes,  si  l'on  voulait  connaître  le 
total  des  sommes  consacrées  annuellement  aux  travaux  de 
grande  et  de  petite  voirie.  Ainsi,  en  1600,  la  i^ormandie 
s'imposait  pour  ses  dépenses  locales  246  381  livres 
(720  155  fr.  1 1  ),  sur  lesquelles  100  500  livres  (293  754  fr.  75) 
pour  les  travaux  publics  de  la  province.  Celte  dernière 
somme  se  décomposait  ainsi:  33  000  livres  (96 456  fr.  78j 
pour  les  ponts  et  chaussées,  22  500  livres  (65  765  fr.  99) 
pour  le  pont  do  Rouen,  15  000  livres  (43  843  fr.  99)  pour 
ceux  de  Mantes  et  deSaint-Cloud,  30000  livres  (87  687  fr.  98) 
pour  le  canal  de  Loire  et  Seine  -.  Les  provinces  et  les  vil- 
les dont  les  revenus  ordinaires  étaient  insuffisants  pour 
pourvoir  aux  dépenses  des  travaux  d'intérêt  local,  se  fai- 
saient autoriser  soit  à  contracter  un  emprunt  soit  à  perce- 
voir une  crue  sur  le  prix  du  sel  de  gabelle,  un  droit 
d'entrée  ou  un  péage.  Elles  envoyaient  au  grand  voyer  des 
états  au  vrai,  vérifiés  par  les  trésoriers  de  France,  de  l'em- 
ploi de  ces  taxes  \  Malgré  cette  précaution,  cet  emploi 
n'était  pas  toujours  conforme  à  sa  destination.  Quel(|uu- 
fois  aussi  les  comptables  tardaient  à  rendre  leurs  comptes. 


1.  Économies  royales,  157,  221,  223.  Cf.  Clamageran,  [lisluire  de  l'impôl, 
H,  389. 

2.  Lettre  de  Sully  aux  trésoriers  f^énéraux  de    France   en  Normandie, 
ôdéceiubre  IGUd.  Éconojnies  ro>ja/es,  IX,  218-220. 

3.  Voy.  les  registres  des  lettres  patentes  enregistrées  par  le  bureau  des 
finances  de  la  généralité  de  Paris,  passim. 


VOIES   DE  COMMUNICATION   A   LA  KIN   DU    RÈGNE.  18:{ 

C'est  ce  qu'atteste  un  arrêt  du  conseil  du  23  décembre  1604 
qui,  avant  de  faire  droit  à  la  requête  de  plusieurs  villes 
pour  obtenir  des  autorisations  de  ce  genre,  ordonne  que  les 
receveurs  et  payeurs  de  crues  sur  le  sel  compteront  préala- 
blement des  deniers  dont  ils  ont  eu  le  maniement  du 
{"juin  IGOO  à  la  lin  de  1003.  L'État  mettait  à  la  charge  de 
la  région  principalement  intéressée  l'avance  des  dépenses 
de  voirie.  Les  entrepreneurs  de  transports  par  terre  de 
l'Auvergne,  du  Limousin,  du  Languedoc  et  du  Yivarais 
appellent-ils  la  sollicitude  du  conseil  sur  l'état  défectueux 
du  chemin  neuf  qui  traversait  Lyon,  le  conseil  répartit  par 
tiers  l'avance  des  frais  de  réparation  entre  la  ville,  les  rive 
rains  et  les  paroisses  voisines  et  impose  à  ces  riverains 
les  frais  d'entretien  K  Les  taxes  locales  créées  pour  l'entre- 
tien des  ponts  et  chaussées  étaient  supportées  même  par 
les  privilégiés  ^ 

Quelques  années  avant  la  mort  de  Henri  IV,  la  réfec- 
tion de  nos  voies  de  communication  par  terre  était  bien 
avancée.  Dès  1606  une  partie  des  grandes  routes  avait  été 
repavée  %  elles  étaient  de  nouveau  bordées  d'ormes  qui 
avaient  le  double  avantage  d'en  fixer  les  limites,  de  les 
protéger  contre  les  empiétements  des  riverains  et  de  don- 
ner de  l'ombre  aux  voyageurs  '^.  Plus  d'une  fois  ces  arbres 
eurent  à  souffrir  de  l'impopularité  du  ministre  qui  les 
avait  fait  planter.  «  C'est  un  Sully,  disait  le  paysan  qui  gar- 
dait rancune  à  ces  belles  routes  des  corvées  qu'elles  lui 
avaient  coûtées  '',  faisons-en  un  Biron  ^  »  et  il  décapitait 


1.  Arrêt  du  conseil  du  20  janvier  1601.  Arch.  nationales. 

2.  Florentin  de  Thierriat,  Trois  traités  de  la  noblesse,  lOÛG.  Ari'êt  du  conseil 
du  28  juillet  lOOl. 

3.  Palma  Cayet,  Chronologie  septénaire,  II,  282.  Jeannin,  A  la  mémoire  de 
Henri  quatrième,  mss.  cité  par  Puii.ippson,  I,  356,  n°  I. 

4.  I.  Laffejias,  Histoire  du  commerce,   160C  dans  Cimber  et  Danjol",  XIV 
415-417. 

5.  Babeau,  Le  village  sous  l'ancien  régime,  2"=  édit.,  378-383. 
0.  Tallemant,  Historiette  de  Sut' ij . 


184  VOIES   DE  COMMUNICATION  A   LA  FIN   PU  RÈGNE. 

ces  troncs  dont  le  feuillage  pouvait  déjà  abriter  ses  péni- 
bles charrois.  De  pareils  actes  de  vanilalisnie  n'étonneront 
personne.  11  est  plus  diilicile  d  expliquer  comment  l'élar- 
gissement des  chemins,  lélagagc  et  l'abatagc  des  arbres 
préjudiciables  à  leur  conservation  et  à  leur  usage  eurent 
pour  adversaires  des    hommes    appartenant  aux   classes 
éclairées,  tels  que  les  membres  des  étals  de  Normandie  '. 
Si  beaucoup  de  grandes  routes  se  trouvaient,  à  la  lin  du 
règne  de  Henri  IV,  rendues  à  la  circulation,  il  en  restait 
encore  beaucoup  aussi  où  elle  ne  pouvait  pas  se  faire.  C'est 
à  cette  époque,  en  elTet,  et  non  à  l'avènement  du  roi  que 
se  rapporte  l'information  si  grave  que  nous  avons  empruntée 
à  I.  LafTemas"  et  qui  nous  représente  les  marchands  obligés, 
dans  beaucoup  dendroils,  de  faire  des  détours  de  trente 
ou  quarante  lieues  parce  que  les  chemins  sont  défoncés  et 
périlleux.  Dans  le  passage  auquel  nous  devons  cette  impor- 
tante révélation,  I.  Lafi'emas  ne  dit  pas,  comme  M.  Poirson 
le  lui  fait  dire  \  que  les  chemins  publics  furent  rétablis, 
il  loue  Sully  de  ses  efforts  pour  les  rétablir,   il  exprime 
l'espoir  qu'un  jour  viendra  où  ils  seront  redressés  et  facile- 
ment praticables  *.  Si  l'œuvre  poursuivie  avec  tant  d'activité 
par  le  grand  voyer  n'allait  pas  plus  vite,  cela  tenait  beau- 
coup à  ce  qu'elle  devait  être,  en  partie,  accomplie  par  des 
péagistes  très  insouciants  de  leurs  devoirs.  En  16091e  con- 
seil était  encore  obligé  de  les  leur  rappeler  ■'.  Racheter  les 
péages  aux  titulaires  pour  assurer  aux  voies  de  communi- 
cation les  ressources  assignées  sur  leur  produit,  eût  été 
une  opération  longue,  délicate,  peut-être  périlleuse  pour 
un  gouvernement  à  peine  sorti  de  la  guerre  civile.  Dans  la 


1.  Beaurepaire,  Les  ponts  et  chaussées  dans  la  généralité  de  Rouen  avant 
t7S.9.  Académie  de  Rouen,  18S3. 

2.  Histoire  ducommerce,  p.  12.^. 

3.  111,  3i9. 

4.  Lafpemas,  Histoire  du  commerce. 

5.  Arn'-t  du  18  avril  IG09.  Bibl.  nat.  mss.  Krant;.  liTGO. 


PONTS.  185 

mesure  où  l'administration  du  f^rand  voyer  pouvait  agir 
directement,  elle  ne  recula  jamais,  pour  arriver  à  son  but, 
devant  les  moyens  les  plus  sommaires  et,  comme  nous 
dirions  aujourd'hui,  les  plus  arbitraires.  Par  exemple,  le 
fournisseur  du  pavé  de  Paris  faisait-il  attendre  les  maté- 
riaux nécessaires  au  pavage  de  la  rue  Saint-Antoine,  un 
arrêt  du  conseil  autorisait  le  maître  paveur  du  roi  à  extraire 
des  carrières  privées,  en  amont  de  Fontainebleau  et  ailleurs, 
tout  le  pavé  dont  il  avait  besoin  et  à  réquisitionner  pour 
son  extraction,  sa  taille  et  son  transport,  hommes,  voi- 
tures, bateaux,  chevaux  et  harnais  '. 

L'admiration,  si  légitime  d'ailleurs,  de  Poirson  pour 
l'œuvre  économique  de  Henri  IV  l'a  peut-être  encore  con- 
duit trop  loin  quand  elle  lui  a  fait  dire  "  que  tous  les  ponts 
existant  avant  1599  furent  rétablis.  Si  l'on  s'en  tenait  aux 
documents  authentiques  et  précis,  cette  assertion  devrait 
être  limitée  aux  ponts  de  la  Seine,  de  la  Marne  et  de  l'Yonne, 
pour  lesquels  la  dépense  fut  couverte  au  moyen  d'un  droit 
de  15  sols  (2  fr.  19)  par  muid  de  vin  passant  sous  les  ponts 
de  Paris  ou  transporté  depuis  ces  ponts  jusqu'à  ceux  de 
Conflans,  de  Mantes,  de  Bonnières  et  de  Beaumont-sur- 
Oise  ^.  Il  n'est  pas  douteux,  toutefois,  que  l'activité  de  Sully 
n'ait  fait  beaucoup  plus  et  que  l'affirmation  si  autorisée  du 
président  Jeannin  ne  soit  très  près  de  la  vérité.  «  Henri  fit, 
dit  ce  dernier,  rétablir  les  ponts  que  la  fureur  des  guerres 
avoit  démolis,  en  bâtir  de  nouveaux  *...  »  Non  contente  de 
relever  les  ponts  en  ruine,  de  débarrasser  ceux  qui  restaient 
encore  debout  des  constructions  parasites  qui  entravaient 
la  navigation  %  d'en  édifier  d'autres,    l'administration  du 


1.  Arrêt  du  18  novembre  IGOl.  Bibl.  nat.  luss.  Franc.  18165,  fol.  V11"XV. 

2.  111,  360. 

3.  Arrêt  du  conseil  du  24  janvier  1598.  Palma  Cayet,  Chronologie  septé- 
naire, II,  282,  année  1604. 

4.  A  la  mémoire  de  Henri  quatrième  dans  Phiuppson,  1,  356,  n°  I. 

5.  Arrêt  du  conseil,  novembre  1599.  Bibl.  nat.  niss.  Franc.  18165,  f.  38,  V. 


180  PONTS. 

grand  voycr  accueillit  le  projet  dVii  étal)lir  sur  toutes  les 
rivières  aux  endroits  indiqués  par  les  besoins.  L'auteur  de 
ce  projet,  ('hristoplie  ^larie,  dont  le  nom  est  ri'sté  attaché 
à  un  pont  de  Paris,  s"enL;ageait  à  construire  en  (juatrc  mois 
ceux  qui  lui  seraient  commandés.  Pour  se  rembourser  de 
ses  avances  et  s'assurer  des  bénéfices,  il  obtenait  l'autorisa- 
tion  de  percevoir,  pendant  quinze  ans,  un  péage  rachetable 
par  les  populations.  11  se  déclarait  prêt  à  commencer  les 
travaux  six  mois  après  l'enregistrement  de  son  })rivilègo 
par  les  parlements  du  ressort  \ 

Les  détails  qui  suivent  ne  concernent  que  certains  ponts 
particuliers.  Nous  espérons,  toutefois,  qu'on  ne  les  lira  pas 
sans  intérêt,  surtout  à  cause  des  lumières  qu'ils  jettent 
quelquefois  sur  des  questions  générales. 

Un  arrêt  du  conseil  du  27  septembre  1598  avait  imposé 
sur  le  Languedoc,  pendant  dix  ans,  une  contribution  de 
0  000  écus  (o6  997  fr.  1 8)  destinée  à  achever  le  pont  de  brique 
de  Toulouse  depuis  longtemps  en  construction,  mais  les 
états  de  Languedoc  assemblés  à  Pézenas  en  lo99  avaient 
commencé  par  réduire  à  4000  écus  (37  998  fr.  12)  et  à  six 
années  la  quotité  et  la  durée  de  cette  imposition,  puis  ils 
en  avaient,  quelque  temps  après,  sursis  la  levée  pendant 
leur  procès  avec  la  ville.  Sur  la  requête  de  celle-ci,  un  arrêt 
du  conseil  du  21  mars  1G02  rétablit  l'impôt  au  chilTre  fixé 
par  l'arrêt  de  1598. 

Les  habitants  de  la  Ferté-sous-Jouarre  avaient  présenté 
requête  au  conseil  pour  faire  contribuer  les  élections  de 
Meaux,  de  Coulommiers  et  de  Château-Thierry  aux  frais 
de  la  reconstruction  du  pont  de  la  ville  rompu  pendant  la 
guerre  civile.  Ils  faisaient  remarquer  que  les  grands  chemins 
qui  mettaient  le  plus  directement  en  communication  Paris, 
Chàlons,  Metz  et  la  Brie  venaient  y  aboutir.  Leur  requête 

1.  Bibl.  nat.  mss.  Franr,  18173,  fol.  210  v». 


PONTS.  187 

fut  renvoyée  aux  trésoriers  généraux  de  France  à  Paris.  Les 
travaux,  dont  le  devis  avait  été  dressé  par  des  maîtres  jurés 
maçons,  charpentiers  et  d'autres  métiers,  furent  adjugés 
par  les  trésoriers  généraux  au  prix  de  2  462  écus  30  sols 
(23292  fr.  12).  Sur  le  vu  de  ces  pièces,  le  conseil  ordonna, 
le  28  juillet  1601,  que  le  tiers  de  cette  somme  serait  levé 
sur  les  habitants  de  la  Ferté  pour  payer  les  réparations  les 
plus  nécessaires  et  que  le  reste  serait  pris  sur  le  fonds 
affecté,  dans  l'état  des  finances  de  l'année  suivante,  à  la 
réparation  des  ponts  et  passages.  Estimation,  adjudication, 
répartition  des  dépenses,  on  trouve  là  les  principaux  élé- 
ments de  la  procédure  suivie  dans  les  entreprises  de 
travaux  publics. 

Les  habitants  de  Grenoble  avaient  obtenu  de  Henri  llf, 
pour  trois  ans,  un  fouage  d'un  écu  et  demi  «  sur  l'universel 
dudit  pays  »  pour  refaire  deux  arches  de  leur  pont.  Ils 
demandèrent  à  son  successeur  la  confirmation  de  ce  droit 
que  la  guerre  les  avait  empêchés  de  lever.  Celui-ci  le  rem- 
plaça par  un  octroi  de  la  sols  (2  fr.  19)  à  percevoir  jusqu'à 
concurrence  de  2.jOO  écus  (23648  fr.  82")  sur  chaque  charge 
de  vin  entrant  à  Grenoble  par  terre  ou  par  eau'. 

Signalons  enfin  l'enquête  ouverte  par  les  trésoriers  de 
France  de  Soissons  sur  l'utilité  de  la  reconstruction  du 
pont  de  l'Aisne  détruit  pendant  les  troubles-;  l'autorisation 
donnée  aux  habitants  d'Orléans  d'emprunter  12000  livres 
(35075  fr.  19)  pour  réparer  leurs  ponts  endommagés  par  les 
crues  de  la  Loire  ;  la  restauration  du  pont  d'Avignon  com- 
mencée en  1604  et  à  l'occasion  de  laquelle  le  roi  reven- 
diqua avec  succès  son  droit  exclusif  de  propriété^  ;  l'achè- 
vement du  Pont-Neuf,  commencé  au  mois  de  mai  1578, 
ouvert   à   la   circulation   au  commencement   de   1604  et 


1.  Arrêt  du  28  juillet  IGOl. 

2.  Arrêt  du  conseil  du  11  août  ICOl. 

3.  Économies  royales,  Yll,  321  et  suiv. 


188  VOIES  FLUVIALES. 

terminé  en  1G07'  ;  la  construction  du  pont  Marchand  à 
Paris  commencé  en  1398  et  terminé  en  IGOS';  celle  du 
pont  de  Rouen  commencé  prol)al)lement  en  lilOi,  date  oii 
il  en  est  question  dans  léfat  de  la  grande  crue  de  la  taille, 
et  terminé  certainement  en  1G08  ';  la  construction  du  pont 
qui  joint  le  faubouig  de  lîlois  à  la  ville  ;  l'achèvement  du 
pont  de  Chatelleraull  sur  la  Vienne  commencé  par  Catherine 
de  Médicis;  rétablissement  du  quai  et  du  port  de  la  Saône 
achevée  en  1609*. 

Si  améliorées  que  fussent  les  voies  de  terre,  le  commerce, 
par  une  juste  appréciation  du  beau  réseau  hydrographique 
que  les  étrangers,  depuis  Strabon'',  ont  toujours  considéré 
comme  un  privilège  de  notre  pays,  conservait  sa  préférence 
pour  les  voies  Ihiviales.  C'est  pour  nos  ancêtres  que  le  mot 
de  Pascal  :  «  Les  fleuves  sont  des  chemins  qui  marchent  »  a 
eu  toute  sa  vérité.  Mais  ils  marchent  lentement  et  l'on  sait 
combien  cette  lenteur  était  aggravée,  combien  la  batellerie 
était  entravée  et  découragée  par  la  cupidité  et  l'incurie. 
Nous  avons  à  voir  maintenant  ce  que  Henri  IV  et  Sully  ont 
fait  pour  développer  la  circulation  par  eau. 

Les  états  généraux  de  finances  dressés  par  le  surinten- 
dant nous  ont  déjà  appris  le  nom  d'un  certain  nombre  de 
cours  deau  dont  son  administration  s'est  occupée.  Le  Clain 
et  la  Vesle,  affluents  de  la  Vienne  et  de  l'Aisne,  figurent 
sur  les  états  de  1605  et  de  1609,  la  Vienne  et  l'Aisne  sur 
celui  de  1609  seulement. 

Les  travaux  destinés  à  rendre  le  Clain  navigable  depuis 


1.  Pai.ma  Caykt,  Ckronolofile  septénaire,  ^ii.Regislre-journal  de  Henri  III, 
l>.  100  et  d'Henri  IV,  p.  415'. 

2.  Lettres  patentes  arcordont  au  sieur  ^larchand  l'autorisation  de  cons- 
truire un  pont  à  la  place  du  Pont-aux-.Meuniers,  janvier  1598.  R''gistre- 
journal  d'Henri  IV,  489. 

3.  Lettre  de  Henri  IV  à  Sully,  G  septembre  IGOS.  Économies  royales,  \,  98. 

4.  Le  voi/age  de  France  ..  par  le  sieur  Du  Verdikr,  IG41,  p.  p.  143,  '203, 
203  de  l'édit.  de  lf.G2.  Judoci  Sinceri  Hinerarium  (ialliu:  15S, 

5.  IV.  I,  '2.  Voj-.  notamment  les  relations  de  Dallin^'ton  et  de  Carew. 


VOIES  FLUVIALES.  189 

Poitiers  jusqu'à  son  confluent  dans  la  Vienne  furent  ad- 
jugés, le  o  juillet  1605,  pour  J  89000  livres  (552434  fr.  29). 
Le  19  octobre  1609,  ils  étaient  visités  par  deux  trésoriers 
généraux  de  France  en  Poitou  qui  s  étaient  assurés  que, 
dès  l'année  précédente,  la  rivière  avait  été  livrée  à  la 
navigation  qui  s'y  était  opérée  d'une  façon  satisfaisante'. 
Les  contemporains  de  Henri  IV  avaient  pu  voir  les 
vestiges  du  canal  latéral  do  Braine  qui,  commencé  par 
François  V%  achevé  par  Henri  II,  avait  rendu  la  Vesle 
navigable  depuis  Reims  jusqu'à  son  embouchure  dans 
l'Aisne.  L'abandon  dont  toutes  les  entreprises  d'utilité 
publique  avaient  soufTert  pendant  les  guerres  civiles,  avait 
laissé  combler  ce  canal.  Henri  IV  voulut  restaurer 
l'œuvre  de  ses  prédécesseurs.  De  1599  à  1609  les  documents 
nous  montrent  qu'on  y  travaille.  En  1599  une  commission 
est  nommée  pour  étudier  le  terrain,  examiner  les  projets, 
dresser  les  devis.  Les  principaux  habitants  de  Reims  sont 
consultés  sur  les  meilleurs  moyens  de  réussir.  On  procède 
à  de  nouvelles  expertises,  à  de  nouvelles  études  prépara- 
toires. La  direction  des  travaux  est  confié  à  Thomas 
Cauchon,  sieur  de  Vezernay,  trésorier  général  de  France. 
En  1605  on  s'occupe  de  faire  porter  bateaux  à  la  rivière 
jusqu'à  Sillery.  Sa  canalisation  figure  dans  le  budget  des 
travaux  publics  de  cette  année  et  dans  celui  de  1609.  H 
semble  bien  qu'elle  a  été  conduite  à  terme  et  qu'il  faut 
compter  la  Vesle  au  nombre  des  rivières,  que  Henri  IV 
a  ouvertes  à  la  navigation  -. 

1.  Procès-verbal  de  la  visite  du  Clain  dans  Boncenne,  De  la  nacigaf-ion 
du  Clain  et  de  sa  jonction  à  la  Charente  et  à  la  Sevré  Niortaise,  Poitiers, 
1807.  Pièces  justif.  n»  III.  De  la  Mahsoxmép.e,  La  navigation  du  Clain  dans 
Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  l'Ouest,  2<=  série,  t.  VIII  (1896). 
Et  oiiin  quidem  propter  obices  inculta  erat,  nunc,  iliis  remotis,  navigatur. 
Pap.  Masson,  Descriplio  flutninuui  Galliœ  (1G18),  p.  89.  Vig.\o.n,  I,  Cl.  Dela- 
lande,  p.  388.  Expilly  v  Clain. 

2.  St.  Prioux,  Hist.  de  liraine  (1816)  p.  188-191.  Mémoires  de  Passot,  89- 
118.  Aujourd'hui  la  Vesle  n'est  pas  navigable  mais  il  ne  faut  pas  en  conclure 
qu'elle  ne  l'a  pas  été  autrefois.  Certains  cours  d'eau,  jadis  navigables,  ont 


190  VOIES  FLUVIALES. 

Il  faut  aussi  y  mettre  la  Vienne.  Deux  contemporains, 
qui  écrivaient  l'un  et  l'autre  quelques  années  après 
Henri  IV,  Papire  Masson  et  le  voyageur  allemand  Zinzer- 
ling  sonl  d'accoril  pour  aflirmer  quelle  (Uait  navigable,  au 
moins  depuis  Chàtelleraull '.  Les  Iravaux  de  canalisation 
dont  cette  rivière  avait  été  l'objet  et  qui  sont  portés 
sur  l'état  général  des  tailles  de  1009,  avaient  donc 
abouti.  Le  Limousin  y  gagna  une  voie  de  commu- 
nication fort  avantageuse  avec  la  région  de  la  Loire. 
Il  en  avait  grand  besoin.  De  môme  que  les  relations  entre 
ses  diverses  parties  étaient  rendues  difficiles  par  sa 
configuration  physique,  il  restait,  dans  son  ensemble,  isolé 
des  autres  provinces  et,  pour  le  placement  de  son  plomb, 
de  son  fer,  de  son  bois,  de  son  cuivre,  de  son  papier,  il 
n'avait  pas  d'autre  marché  que  la  région  des  Charentes,  où 
il  était  obligé  de  transporter  ces  produits  à  grands  frais  par 
charrois  et  par  mulets.  Ce  n'est  pas  seulement  sur  la  région 
de  la  Loire  qu'on  songea  à  lui  créer  un  débouché,  on 
voulut  aussi  lui  ouvrir  un  accès  sur  le  Périgord,  la  Guyenne 
et  son  littoral  en  rendant  la  Vénère  navigable  jusqu'à  son 
confluent  avec  la  Dordogne.  Au  moment  où  la  proposition 
en  fut  faite,  en  1606,  l'entreprise  j)arut  trop  lourde  pour  les 
finances  royales.  Elle  fui  soumissionnée  successivement 
par  le  lieutenant  général  du  roi  en  Limousin,  le  sieur  de 
Châteauneuf  puis  par  un  sieur  de  Lobriac  et  ses  associés. 
Le  premier  obtenait,  pendant  quinze  ans,  le  monopole  du 
transport  des  bois  ouvrés  par  la  rivière,  le  second  la  con- 
cession  exorbitante   de  percevoir,   pendant  vingt,  sur  la 


été  délaissés  pnr  le  commerce  depuis  que  le  développement  du  roulage, 
sans  parler  de  rextension  plus  tardive  des  voies  ferrées,  a  rendu  les  trans- 
ports par  terre  plus  économiques. 

1.  Ilic  vero  [à  Gliàtellerau'.l]  navigiorum  paticns  Vigenna  esse  iuripit. 
Pap.  .Masson,  fJcsctiplio  flum'inum  Gtdlin-.  1018  p.  89.  Inlluunt  ipsum  [la 
Loire]  potissimi  lluvii  navigabiles  :  Elaver...  Garus...  Indrus,  VigeJina,  Lera 
et  Meduana.  Jo^/oc(  .S<«ce/-t  lineravium  Galliw  (IGIC).  Préface. 


VOIES   FLUVIALES.  191 

navigation,  des  droits  arbitraires \  Nous  ne  savons  si  les 
travaux  furent  commencés. 

Il  y  a  encore  une  rivière  qui  a  profité  de  la  grande  crue 
dont  Sully  nous  a  sommairement  indiqué  l'emploi,  c'est 
l'Aisne.  Quelles  ont  été  l'importance  et  l'efficacité  des  travaux 
entrepris  pour  améliorer  son  cours?  C'est  ce  qu'aucun 
document  n'est  encore  venu  nous  apprendre'. 

Dès  1393,  le  projet  de  canalisation  de  l'Orne,  d'Argen- 
tan à  Caen,  était  à  l'étude.  Le  24  juillet  de  cette  année,  le 
conseil  donnait  commission  à  Josué  Gandouin,  architecte 
ingénieur,  de  relever  le  cours  de  cette  rivière.  Le  procès- 
verbal  de  cette  visite,  rédigé  le  15  octobre,  présentait 
l'entreprise  comme  peu  onéreuse.  Néanmoins  elle  ne  fut  pas 
exécutée ^ 

Un  arrêt  du  conseil  du  28  mars  1601  ordonna  aux 
trésoriers  de  France  à  Cliàlons  de  faire  inspecter  par  l'un 
d'eux,  assisté  d'experts  le  cours  de  la  rivière  de  Bar-en- 
Rethelois  pour  rechercher  les  moyens  de  la  redresser, 
d'empêcher  ses  inondations  et  de  lui  faire  porter  bateaux. 
Deux  ans  plus  tard,  un  autre  arrêt  du  31  juillet  1603 
imposa  aux  riverains,  pour  son  curage  entre  Buzancy  et 
Saint-Aignan,  une  taxe  de  9  000  livres  (26  306  fr.  39). 
C'était  vraisemblablement  pour  la  faire  servir  à  la  jonc- 
tion de  l'Aisne  et   de  la  Meuse  qu'on  voulait  rendre  la 


i.  Arrêt  du  conseil  du  17  août  I60G.  Collection  des  Arch.  nationales. 

2.  Il  n'est  pas  inutile  de  dire,  comme  acheminement  à  la  solution  de  la 
question,  ciu'en  1041  l'Aisne  était  navigable  depuis  Pontavert  (Aisne,  arr. 
Laon,  c.  NeufcbàteH,  tandis  qu'rn  1G98  elle  ne  l'était  qu'à  partir  de  Soissons, 
exemple  nouveau  du  recul  subi  sur  plus  d'un  point  par  la  narigabilité  et 
indice  que,  du  temps  de  Henri  IV,  elle  a  peut-être  été  assurée  au  delà  de 
Pontavert.  Cf.  Le  voyage  de  France  par  le  sieur  Du  Verdier.  (La  pe  édition 
est  de  1641)  et  État  de  la  France.  Champar/ne. 

3.  Mémoires  de  Groulart,  1G02.  Coll.  Michaud,  XI.  Mémoire  imprimé  sur 
le  projet  de  navigation  de  l'Orne  depuis  Arr/entanjusqu\ï  soji  embouchure  au- 
dessous  de  Caen,  par  B.,  ingénieur  hydrographe  du  roi,  1750.  Arch.  nat. 
Fi'I42.  La>'ge,  Mémoire  sur  le  port  deCuen,  dans  Mém.  de  la  Société  d'agri- 
culture et  de  commerce  de  Caen,  1827. 


10-2  VOIES   FLUVIALES. 

Bar  navigable;  on  aurait  donc  fait  par  là  le  premier  pas 
dans  la  voie  qui  devait  mener  à  la  création  du  canal  des 
Ardennes.  Mais  rien  n'indique  <jue  cxis  mesures  prélimi- 
naires aient  elles-mêmes  été  suivies  d'exécution*. 

Ce  n'est  pas,  au  contraire,  à  un  de  ces  projets,  dont 
l'accomplissement  reste  quelquefois  douteux,  que  nous 
avons  afTaire  pour  le  Cher.  La  canalisation  de  cette  rivière, 
de  Saint-Amand  à  Sainl-Florent,  était,  en  1G()6,  en  voie 
d'exécution.  L'entrepreneur  s'appelait  Nicolas  du  Crocq. 
En  d616  le  Cher  est  classé  par  Zinzerling  parmi  les 
rivières  navigables". 

L'Kure  et  l'Ourcq  furent  ouvertes  à  la  navigation,  la 
première  quelques  années  avant  1603,  la  seconde  un  peu 
avant  1609 ^ 

La  commission  du  commerce  patronna  chaleureusement 
la  proposition  de  rétablir,  de  la  Fère  à  Cliauny,  la  naviga- 
tion de  l'Oise,  interrompue,  depuis  l'origine  des  troubles, 
parla  rupture  des  batardeaux  et  des  écluses.  Le  gouverneur 
de  la  Fère,  le  sieur  de  Manicamp,  s'était  fait,  auprès  de  la 
commission,  l'avocat  de  cette  entreprise  qui  devait  permettre 
l'échange  des  blés,  des  bois,  du  merrain,  des  ardoises,  des 
fers  et  des  toiles  du  Yermandois  et  du  Laonnais  avec  les 
vins  et  le  sel  des  provinces  plus  méridionales.  Fn  l'absence 
d'un  capitaliste  capable  de  faire  les  avances,  il  proposait 
de  recourir  à  une  taxe  sur  les  marchandises  transportées 

1.  Arr(''ts  du  Conseil  et  Lac.ulle,  Len  orlf/ines  /lialoriqiies  du  cannl  dea 
ArdeniH's. 

2.  Arn'ts  du  conseil  du  IG  novembre  ICOG  et  18  septembre  1G07.  Jodoci 
Sinreri  Uinerarium. . .  Pré/ace.  En  1C98  le  Cber  n'était  navigrible  qu'à 
partir  de  Vicrzon  {lUal  de  la  France,  III.  Généralité  d'Orléans).  Sur  ce 
point  encore  il  semble  donc  y  avoir  eu  recul. 

3.  <i  ...  l'Eure  rendue  navigable  depuis  quelques  années  par  artifices 
d'écluses.  »  Description  de  la  Fiance  [parTiiÉoD.  de  .Mavkiine  Tuniji  et],  HMô, 
La  dédicace  est  de  1G0.3  «  la  rivière  d'Ourcq  faite  navigable  de  fraiclic 
mémoire,  portant  bateaux  plus  longs  que  larges...»  Du  Cmi;sne,  Les  anti- 
quités et  recherches  des  villes...  delà  France,  1048,  p.  V-ïi.  La  première  édi- 
tion a  été  publiée  en  IGOO. 


VOIES  FLUVIALES.  193 

par  la  rivière  ou  à  une  imposition  directe  sur  les  commu- 
nautés appelées  à  profiter  de  cette  navigation.  Il  suggérait 
l'idée  de  confier  la  direction  technique  du  travail  à  un 
Flamand  expert,  comme  beaucoup  de  ses  compatriotes, 
dans  les  travaux  hydrauliques  ou  au  maître  des  œuvres  de 
Vermandois.  La  commission  adopta  la  pensée  de  demander 
aux  contribuables  des  généralités  de  Paris,  d'Amiens  et  de 
Soissons  la  somme  nécessaire.  Malheureusement  l'affaire 
traînait  au  conseil,  oii  personne  ne  voulait  la  rapporter.  Les 
commissaires  pressèrent  M.  de  Caumartin  de  la  faire  mettre 
à  l'ordre  du  jour  et  recoururent  au  grand  voyer  lui-même. 
Un  Picard,  le  sieur  Blondeau,  conseiller  au  parlement, 
insista  sur  les  avantages  de  l'opération,  que  sa  connais- 
sance du  pavs  lui  permettait  d'apprécier  mieux  que  per- 
sonne, pour  obtenir  qu'elle  fût  poursuivie  jusqu'à  Guise,  ce 
qui  ne  coûterait  pas  beaucoup  plus.  Cette  extension  devait, 
disait-il,  ouvrir  le  marché  de  Paris  à  une  population  réduite 
jusque-là  à  commercer  avec  l'étranger,  dont  elle  était 
limitrophe,  ou  à  vendre  à  vil  prix,  diminuer  entre  elle  et 
ses  voisins,  sujets  du  roi  d'Espagne  des  relations  qui,  à  la 
longue,  affaiblissent  le  patriotisme  et  faire  de  l'Oise  une 
barrière  pour  notre  pays  entièrement  ouvert  de  ce  côté. 
Chargé  dune  enquête  sur  les  voies  et  moyens,  Blondeau 
rapportait  des  lieux  la  conviction  que  le  rétablissement' de 
la  navigation  de  l'Oise  était  encore  plus  facile  qu'il  ne 
l'avait  cru.  Les  populations  et  notamment  les  habitants  de 
Guise,  qui  avaient  tant  à  y  gagner,  otTraient  de  contribuer 
aux  dépenses.  Bradley  mettait  son  expérience  au  service  de 
l'entreprise,  la  commission  multipliait  les  expertises,  cor- 
respondait avec  les  gouverneurs  et  les  municipalités  pour 
obtenir  leur  concours*.   Tout   semblait  donc  favoriser  ce 


1.  Séances  de  la  commission  du  10  décembre  1C02,  7  janvier,  12  dé- 
cembre 1603,  3  février,  13  avril,  4  mai,  23,  27  et  29  juillet  160i.  Comptes 
raidus,  36,  38,  48,  50.  Recueil  de  ce  qui  se  pas^e...  dans  Cimber  et  Danjou, 

13 


194  VOIES  FLUVIALES. 

projet.  Pourlaul,  ti  en  juger  par  le  silence  qui  se  fait  tout 
d'un  coup  à  son  égard,  on  le  croirait  tombé  dans  l'oubli. 
Cet  oubli,  du  moins,  n'a  pas  été  définitif  ni  peut-être  bien 
long  car  nous  savons  qu'en  1655  l'Oise  était  navigable  du 
pont  de  Jieautor  au  pont  de  Cbauny '.  Or  que  le  rétablisse- 
ment de  la  navigation,  dans  celte  partie  de  son  cours,  ait 
été  accompli  sous  Henri  IV  ou  sous  son  successeur,  il  faut 
toujours  faire  une  larg(^  part,  dans  l'exécution,  et  àson  gou- 
vernement et  à  l'appui  de  ro])inion  locale  et  contemporaine. 

A  la  suite  de  travaux  commencés  dès  1571,  la  Vilaine 
avait  été  ouverte,  depuis  1584,  à  la  navigation.  Sa  canali- 
sation avait  été  exécutée  par  une  société  qui  avait  obtenu, 
pourcinqans,  en  vertu  de  son  cahier  des  charges,  le  monopole 
du  produit  de  la  batellerie  et  elle  avait  abaissé  le  prix  des 
transports  à  un  chiffre  douze  fois  inférieur  aux  transports 
par  terre.  Ce  produit  fut  anéanti,  en  même  temps  que  le 
commerce  de  la  rivière,  par  les  guerres  civiles;  le  matériel, 
les  bateaux,  les  travaux  d'art  furent  détournés  et  détruits. 
Pour  indemniser  la  société,  Henri  IV  lui  accorda,  pendant 
quinze  ans  puis  pendant  cinq,  la  prorogation  de  son  privilège -. 

Les  voies  navigables  ont  eu,  dans  le  mouvement  com- 
mercial, au  temps  de  Henri  IV,  une  part  proportionnelle- 
ment plus  considérable  qu'au  siècle  dernier  et  de  notre 
temps.  Plus  d'un  cours  d'eau  qui,  sous  son  règne,  était 
animé  par  le  passage  des  bateaux,  l'embarquement  et  le 
débarquement  des  marchandises,  la  population  et  les 
établissements  que  la  navigation  attirait  sur  ses  bords, 
a  été  reconquis   par  la  nature  qui  a  éteint  dans  le  calme 

XIV,  238,  239.  Palma  Cayet  qui  a  co|)i(}  le  recueil  dans  sa  Chron.  septé- 
naire, 283. 

1.  Matto.n,  Canalisation  de  COise  et  de  la  fausse  Sambre  sous  Louis  XIV 
dans  Bulletin  de  la  Société  académique  de  Laon,  XVI    I8C7). 

U.  AiTÔts  du  conseil  d'État  du  30  mars  IG(I2  et  du  21  juillet  IGO'J.  Mss. 
franc.  1810(5  à  la  date  et  Arch.  nat.  Collectioi  des  arn'ts  du  conseil.  Levot, 
Précis  sur /a  canalisation  de  la  Dretofjuc.  Annuaiie  <le  Brest  et  du  Finistère 
(1845),  p.  9.-.. 


PROJET   D'I'MON   DES   DEUX    MERS.  195 

et  la  solitude  l'agitation  et  le  bruit  d'autrefois.  Sur  certains 
cours  d'eau  qui  sont  restés  navigables,  la  navigation  a  reculé 
devant  les  circonstances  nalurclles  et  sociales  qui  tendaient 
toujours  à  l'entraver.  Ainsi  la  Seine  qui  n'y  est  plus  acces- 
sible qu'à  partir  de  Méry,  aurait  été,  d'après  Grosley', 
parcourue,  en  amont  de  Troyes,  par  une  batellerie  fort 
active.  La  Loire  portait  bateaux  sur  un  parcours  de  plus  de 
cent  soixante  lieues.  Si  son  chenal  n'était  pas  assez  profond 
pour  laisser  ceux  d'un  fort  tonnage  remonter  son  estuaire, 
ceux  de  deux  cents  et  trois  cents  tonneaux  pouvaient  le 
faire-.  Dès  la  fin  du  xvii''  siècle,  elle  ne  l'était  plus  pour 
les  bateaux  pontés  et  quilles  que  jusqu'aux  Ponts-de- 
Cé^.  Le  nombre  des  rivières  navio-ables  s'élevait  à  cent  vin^î 
et  il  y  avait,  en  outre,  une  foule  de  cours  d'eau  flottables  *. 
L'amélioration  des  routes  et  du  roulage,  la  renaissance 
des  abus  qui  avaient  paralysé  les  transports  par  eau  et 
qu'une  législation  énergique  avait  réussi  à  contenir  et  à 
réprimer  ',  déterminèrent  la  préférence  du  commerce  pour 
les  voies  terrestres  et  l'abandon  relatif  des  voies  fluviales, 
envahies,  du  jour  où  elles  ne  furent  plus  défendues  par 
une  incessante  surveillance  et  un  entretien  continu,  par 
les  empiétements  des  hommes  et  de  la  nature. 

Le    gouvernement    de  Henri   IV    ne    se    contenta   pas 

1.  Groslky,  Mémoires  historiques  et  critiques  sur  V histoire  de  Troyes, 
éd.  1812,  1,24. 

2.  [Le  P.  Mathias  de  Sniiit-Jean,  prieur  des  Carmes  de  Nantes,  dans  le 
siècle  Jean  Eon],  Le  commerce  lionorable  ou  considérations  politiques  conte- 
nant les  motifs  d'hotineuret  de  profit  qui  se  trouvent  à  former  des  compagnies 
de  persoîuies  de  toides  conditions  pour  l'entretien  du  commerce  de  mer  en 
France,  composé  par  un  habitant  de  la  ville  devantes,  4.  Nantes,  Guill.  Le 
MoNNiER,  1G4G.  PP.  317,  ^22.  Cf.  Annales  de  la  Société  académique  de 
Nantes...,  XXV  (LS.î'j),  p.  73.  Gallouedec,  La  Loire  navigable,  dans  Annales 
de  géograpliie,  15  janvier  1897. 

3.  Godard  Falltrier,  Commerce  des  Hollandais  en  Anjou  dans  Mémoires 
de  la  société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'' Anjou.  XXXVIIL 

4.  «  Nous  avons  six  vingts  rivières  navigables  et  infinis  bons  ruisseaux.  » 
Le  manifeste  françois  contre  la  trop  grande  présomption  des  Espagnols,  1624. 

5.  Chevalier,  Navigation  commerciale  de  la  Loire  au  XV^  et  XVl"  siècles. 
Cbi  supra.  Delalande,  Des  canaux  de  navigation,  1778. 


196  CANAL   ENTRE  LA  GARONNE  ET   L'AUDE. 

d'aiigmonter  le  mouvement  de  la  batellerie  en  améliorant 
le  cours  de  nos  voies  tUiviales  et  en  reliant  par  des  canaux 
latéraux  celles  qui  appartenaient  au  même  bassin,  il 
entreprit  de  faire  communiquer  par  des  canaux  à  point 
de  partage  de?  bassins  dillérenls  et  même  d'établir,  entre 
les  deux  mers  dont  la  France  est  baignée,  une  ligne  de 
navigation  intérieure  ininterrompue. 

Pour  accomplir  ce  dernier  dessein,  également  grandiose 
par  les  diflicultés  et  les  résultats,  deux  systèmes  furent 
imaginés.  L'un  consistait  à  unir  la  Méditerranée  et  lOcéan 
par  un  canal  se  dirigeant  du  midi  au  sud-ouest.  Ce  canal 
avait  l'avantage  dopérer  la  jonction  des  deux  mers  de  la 
façon  la  plus  directe  et  la  plus  économique,  mais  il  n'ame- 
nait les  vaisseaux  que  dans  le  golfe  de  Gascogne,  c'est- 
à-dire  fort  loin  encore  de  la  Manche  et  de  la  mer  du  Nord. 
Le  second  système,  beaucoup  plus  largement  conçu, 
faisait  pénétrer  la  ligne  de  navigation  dans  le  centre  du 
pays,  d'où  elle  se  ramifiait  en  trois  réseaux  secondaires, 
l'un  aboutissant  à  l'Océan,  l'autre  à  la  Manche,  le  troisième 
à  la  mer  du  Nord.  La  Saône,  la  Loire,  la  Seine  et  la  Meuse 
mêlaient  leurs  eaux  pour  concourir  à  son  établissement. 
Commençons  par  nous  occuper  du  premier  projet,  de 
celui  qui  a  été  réalisé  par  le  canal  du  Languedoc;  c'est  à 
lui  (juon  a  songé  d'abord  et,  comme  il  n'est  pas  même 
entré,  sous  Henri  IV,  dans  la  période  d'exécution,  il  ne 
nous  arrêtera  pas  longtemps. 

Presque  tout  ce  que  nous  en  savons,  nous  le  devons  à 
la  lettre  écrite  par  le  cardinal  de  Joyeuse  au  roi  le 
2  octobre  lo98.  Lorsque  le  cardinal  partit  pour  Rome 
où  il  était  appelé  par  ses  fonctions  de  protecteur  de  France, 
Henri  lui  demanda  de  s'enquérir  sur  sa  route  des  voies 
et  moyens  pour  parvenir  à  la  création  du  canal  des  Deux- 
Mers  dont  le  projet  lui  avait  élé  soumis.  C'est  le  résultat 
de  cette  enquête  que  ce  prince  de  l'Eglise  nous  fait  con- 


LIGNE   DE   NAVIGATION   INTÉRIEURE  PLUS  ÉTENDUE.         197 

naître.  Pendant  que  le  roi  s'entretenait  de  la  question 
avec  le  célèbre  ingénieur,  Louis  de  Foix,  qu'il  avait 
mandé  pour  cela  auprès  de  lui,  le  cardinal  faisait  venir 
un  élève  d'Adam  de  Craponne,  Pierre  Reneau,  de  Salon, 
l'interrogeait  sur  ce  que  son  maître  lui  avait  dit  d'une 
entreprise  dont  il  avait  fait  la  proposition  à  Catherine 
de  Médicis  et  l'envoyait  en  étudier  sur  le  terrain  la 
réalisation.  11  consultait  en  même  temps  tous  ceux  qui 
pouvaient  lui  fournir  des  renseignements  utiles.  Tous 
les  gens  compétents  s'accordaient  pour  dire  que  la 
Garonne  et  l'Aude  étaient  les  deux  rivières  que  le  canal 
projeté  devait  mettre  en  communication.  Son  tracé  ren- 
contrait une  difficulté  naturelle.  Sur  les  quatorze  lieues 
qu'on  devait  lui  donner,  il  fallait  lui  en  faire  gravir  six  ou 
sept  pour  amener  les  eaux  aux  Pierres  de  Xaurouse,  point 
le  moins  élevé  de  la  chaîne  des  Corbières  qui  sépare  les 
deux  bassins  de  la  Garonne  et  de  l'Aude.  Reneau  triomphait 
de  cette  difficulté  en  empruntant  non  k  la  Garonne  mais 
à  l'Ariège  qui  coule  plus  haut  que  les  Pierres  de  ^^aurouse 
les  eaux  nécessaires  à  l'alimentation  de  son  canal  et  en 
les  grossissant  de  certaines  sources  de  la  Garonne  emma- 
gasinées dans  un  autre  canal  dune  lieue  allant  du 
château  Saint-Michel  au  col  de  Naurouse.  Grâce  à  cette 
masse  d'eau  répartie  sur  les  deux  versants,  les  bateaux 
monteraient  de  la  Garonne  par  des  écluses  à  sas  jusqu'à  la 
ligne  de  partage  et  franchiraient  celte  ligne  pour  descendre 
dans  l'Aude  ou  opéreraient  en  sens  contraire  le  passage  d' un 
bassin  dans  l'autre.  Au  dire  des  gens  de  l'art,  il  suffirait 
de  donner  au  canal  six  pieds  de  profondeur  pour  lui  faire 
porter  des  bateaux  plats  chargés  de  mille  quintaux.  Les 
dépenses,  y  compris  les  expropriations,  étaient  évaluées  à 
600000écus(5699718fr.97)etladuréedutravail^deuxansi. 

l.PoiRSo:^,  Histoire  de  Henri  IV,  III,  393  et  suiv.  et  Documents  sur  les  voies 
de  navif/ation  par  eau,  IV,  ii»  4.  Delxla'sde,  Des  canaux  de  7iavigation,  1778. 


198  lANAF,    ENTRE   SEINE   ET  LOIRE. 

Peu  à  peu  le  projet  du  canal  de  la  Garonne  et  de 
l'Aude  était  délaissé  pour  la  ligne  de  navigation  dont  la 
création  était  la  solution  la  plus  coûteuse  mais  aussi  la 
plus  féconde  du  problème  de  l'union  des  deux  mers.  Ce 
projet  pourtant  conservait  encore  des  partisans.  En  1604 
la  commission  du  commerce  s'en  occupait,  et  celui  qui 
l'en  avait  saisi  faisait  valoir  qu'il  pourrait  être  exécuté 
en  un  an  et  pour  une  somme  qui  ne  dépasserait  pas 
40  000  écus  (371)1181  Ir.  26),  tandis  que  le  canal  entre 
Loire  et  Seine,  auquel  on  travaillait,  demanderait  trois  ans 
et  coûterait  180  000  écus  (170991S  fr.  69)  \ 

La  ligne  de  navigation  qui  tendait  à  obtenir  la  préférence 
devait  être  établie  par  la  jonction  de  la  Seine  et  de  la  Loire, 
de  la  Loire  et  de  la  Saône,  de  la  Saône  et  de  la  Meuse. 
Son  importance  saute  aux  yeux  :  elle  assurait  la  commu- 
nication entre  le  bassin  de  la  Méditerranée  et  celui  de 
l'Océan,  sur  toute  l'étendue  de  notre  littoral  océanique., 
ainsi  qu'avec  les  mers  qui  en  dépendent  et  qui  baignaient 
les  pays  les  plus  industrieux  de  l'Europe,  et  elle  l'assurait 
par  la  France.  Sully,  qui  fut  le  grand  instigateur  de  cette 
belle  entreprise,  estimait  que,  par  le  déplacement  du  transit, 
elle  pourrait  faire  perdre  à  l'Espagne  deux  millions  d'écus 
de  revenus  (18999063  fr.)  et  les  faire  gagner  à  notre  pays-. 
Son  exécution  éviterait  un  voyage  de  cinq  ou  six  mois 
le  long  de  la  péninsule  ibérique,  dans  une  mer  infestée 
de  pirates  et  le  passage  du  détroit  de  Gibraltar  dont 
l'Espagne  avait  la  clef  \ 

Le  grand  voyer  se  mit  de  suite  à  l'œuvre.  11  commença 
par  la  construction  d'un  canal  entre  la  Seine  et  la  Loire. 


1.  ...  there  has  beeu  a  speech  of  iiiaking  a  canal  fioiii  Ihe  Garonne  to 
Rhône  [Lise:  :  Aude],  which  by  Agde  lunneth  into  the  Mediterrancau  «ea 
but  now  Ihe  conceit  is  quite  over...  Carew's  lielalinn  dans  Hirch.  Paimuf. 
Masson,  Descriplio  lluminum  Galliœ,  1618,  p.  191. 

2.  Économies  roi/aten,  VII,  45. 

3.  Relation  d'Aug.  Badoer  {IGO:j-ICOô)  d.ms  Hakozzi  et  Ijehciieï,  11,83. 


CANAL  ENTRE   SEINE   ET   LOIRE.  199 

C'était  une  attention  pour  la  capitale,  à  l'approvisionnement 
de  laquelle  ce  canal  devait  servir  '.  11  alla  plusieurs  fois 
lui-même  sur  les  lieux  pour  se  rendre  compte  des  moyens 
d'exécution  ^.  Les  difficultés  étaient  grandes,  car  c'était  le 
premier  canal  à  point  de  partage.  L'entreprise  fut  soumis- 
sionnée par  Hugues  Cosnier,  le  11  mars  1(104,  au  prix 
de  oOoOOO  livres  (1  47(j 081  fr.  06).  L'adjudicataire  s'enga- 
geait à  terminer  le  travail  en  trois  ans  et  obtenait  l'exploi- 
tation des  moulins  démolis  et  reconstruits  par  lui,  le  pro- 
duit de  la  pêche  dans  le  canal  et  l'autorisation  de  planter 
et  de  cultiver  sur  ses  levées  les  mûriers  dont  il  avait 
entrepris  la  fourniture  pour  tout  le  royaume.  11  dépensa  en 
trois  ans  ISOOOOécus  (1709915  fr.  69)  c'est-à-dire  35 000 li- 
vres (102  302  fr.  64)  de  plus  que  le  prix  de  l'adjudica- 
tion, auquel  étaient  venues  probablement  s'ajouter  cer- 
taines allocations  ^  Les  travaux  avaient  absorbé  plus  de 
300000  ôcus  (3033934  fr.  54)  lorsqu'ils  furent  interrompus 
par  la  mort  du  roi.  Bien  qu'ils  fussent  presque  terminés, 
le  gouvernement  de  la  régence,  qui  se  souciait  peu  des 
œuvres  d'intérêt  public  et  auprès  de  qui  Sully  n'était  pas 
en  faveur,  les  laissa  dans  l'état  où  il  les  avait  trouvés  \  Ils 
ne  furent  repris  qu'en  1638  et  le  canal  ne  fut  ouvert  qu'en 
1642.  Il  partait  de  la  Loire,  près  de  Briare  qui  lui  a  donné 
son  nom  et,  passant  par  Châtillon,  joignait  à  Montargis  le 
Loing  qui  se  jette  dans  la  Seine  près  de  Moret.  11  fran- 
chissait, à  l'aide  de  trente-trois  écluses,  les  collines  qui 
séparent  les  bassins  de  la  Loire  et  de  la  Seine  ^ 

Pour  se  rendre  compte  du  profit  que  le  commerce  pou- 

1.  DuTENS,  Histoire  de  la  navigation  ititérieure,  I,  84. 

2.  Économies  royales,  VII,  316. 

3.  Recueil...  n»  33.  Paljia  Cayet,  Chronolof/ie  septénaire,  283.  Arrêts  du 
conseil  du  14  mars  160G  et  6  février  1610,  Bibl.  nat.  mss.  Franc.  18170, 
fol.  1G3.  18177,   fol.   1.5;). 

4.  J.  A.  Tliuani  Historia,  IV.  237. 

5.  En  166.5  Fléchier  en  comptait  quarante-trois.  Mémoires  sur  tes  Grands 
Jours  d'Auvergne,  1862,  in-8,  p.  307. 


200  PROJETS  d'autres  CANAUX.. 

vait  tirer  de  ce  canal,  il  faut  songer  aux  riches  contrées 
que  traversent  ces  deux  fleuves,  aux  produits  naturels  et 
industriels  que  la  Loire  et  son  principal  aflhienl,  l'Allier, 
vont  chercher  dans  la  région  du  plateau  central  et  amènent 
sur  les  marchés  d'Orléans,  de  Paris  et  de  Nantes  :  charhons 
de  Saint-Étienne'  et  quincaillerie  du  Fore/,  coutellerie  du 
Bourbonnais,  denrées  agricoles  et  bétail  de  l'Auvergne, 
vins  et  bois  de  la  Bourgogne  et  du  Nivernais,  fers  et  bêtes 
à  laine  du  Berry,  marchandises  exotiques  débarquées  à 
Marseille  et  attirées  vers  cette  route  par  la  crainte  de  la 
douane  de  Lyon;  il  faut  songer  encore  à  la  richesse  agricole 
de  la  Normandie  et  de  la  Beauce,  aux  ports  de  la  basse 
Seine  où  venait  s'emmagasiner  pour  l'exportation  l'excédent 
de  la  consommation  intérieure. 

La  jonction  de  la  Saône  et  par  suite  du  Rhône  avec  la 
Loire  formait  le  second  tronçon  de  la  grande  ligne  de 
navigation  intérieure  qui,  sauf  un  transport  par  terre  d'une 
demi-journée  de  Lyon  à  Roanne,  devait  se  raccorder  sans 
solution  de  continuité  à  la  navigation  maritime.  Les  plans 
en  furent  arrêtés  sous  Henri  lY  -  mais  ce  ne  fut  que 
longtemps  après,  de  1783  à  1793,  que  le  dessein  en  fut 
réalisé  par  la  création  du  canal  du  centre  ou  de  Charolais 
de  Chalon-sur-Saône  à  Digoin  '. 

Le  troisième  tronçon,  qui  devait  former  le  rameau  du 
Nord-Est  et  assurer  la  communication  entre  la  Méditer- 
ranée et  la  mer  du  Nord  par  la  jonction  de  la  Saône  et  de 
la  Meuse,  ne  donna  même  pas  lieu  à  des  études  prélimi- 
naires et  la  pensée  n'en  fut  pas  recueillie  par  l'avenir  (jui. 
pour  atteindre  au  même  but,  eut  recours  à  d'autres  moyens. 
Henri  IV  fil  aussi  étudier  le  projet  d'unir  la  Saône  et 
l'Yonne.  11  visait  ainsi  à  ouvrir  une  nouvelle  communication 


1.  l'Ai'iUE  Masson,  Descriptio  flui/iinum  Galliw,  IC.I8. 

2.  Relation  de  Badoer.  U/A  supra, 

.3.  Dltens,  Histoire  de  la  navigation  intérieure. 


GRANDEUR   DE   L'ŒUVRE   DE  CANALISATION.  201 

entre  le  bassin  de  la  Seine  et  la  Bourgogne  et  préludait  à 
la  création  du  canal  de  ce  nom,  dont  Saint-Jean-de-Losne 
et  Joigny  forment  les  points  extrêmes.  On  chercha  à  se 
servir  de  l'Ouche  qui  passe  à  Dijon  et  se  jette  dans  la 
Saône  à  Saint-Jean-de-Losne.  On  se  livra,  sous  la  direction 
de  Jean  Bradley,  maître  des  digues  du  roi,  à  un  examen 
du  cours  de  cette  rivière,  dont  le  résultat  fut  consigné 
dans  un  procès- verbal  du  28  mai  160G.  Cet  examen  fit 
reconnaître  combien  il  serait  difficile  de  rendre  lOuche 
navigable,  et  on  songea  alors  à  creuser  un  canal  latéral 
à  cette  rivière.  Bradley  sotTrit  à  l'exécuter  en  dix-huit 
mois  movennant  120000  francs  (374135  fr.  40),  à  con- 
dition que  la  ville  de  Dijon  prît  à  sa  charge  l'acqui- 
sition du  terrain  ^  Pour  obtenir  la  somme  nécessaire  à 
la  construction  du  canal  de  Dijon  à  la  Saône,  un  arrêt 
du  conseil  du  17  août  1600  établit  un  droit  de  40  s. 
(o  fr.  83)  par  emine  sur  la  farine  vendue  dans  cette  ville. 
En  1007  Sully  fit  procédera  une  nouvelle  visite  des  lieux. 
On  songea  aussi  à  emprunter  le  cours  de  l'Armançon  qui 
se  jette  dans  l'Yonne  au-dessus  de  Joigny  et  on  en  releva, 
à  ce  point  de  vue,  les  particularités.  Mais  les  expertises  et 
les  devis  des  hommes  de  l'art  ne  mirent  pas  en  mouvement 
la  pioche  des  terrassiers  et  ce  ne  fut  pas  avant  1775  que 
les  plans  adoptés  sous  Henri  lY  furent  appliqués  à  la 
création  du  canal  de  Bourgogne. 

Du  réseau  de  navigation  intérieure  dont  ce  prince  avait 
voulu  doter  la  France  il  ne  laissa  pas  une  seule  partie  achevée 
et  livrée  à  la  circulation.  Son  nom,  celui  de  Sully  n'en 
doivent  pas  moins  rester  attachés  à  tout  ce  qui  s'est  fait 
depuis  dans  cette  voie.  La  destinée  économique  d'un  pays 
est  écrite  dans  sa  constitution  physique  avant  d'être  déter- 
minée par  les  aptitudes  de  sa  population.   La  place  à  la 

1.  DcTExs.  Opiis  laucL,  I,  367. 


202  TRANSPORTS  PUBLICS  PAR   TERRE. 

fois  centrale  et  excentrique  de  la  France  en  Europe,  son 
caractère  en  partie  continental  et  en  partie  nuirilinie,  la 
multiplicité  et  le  voisinage  de  ses  cours  d'eau  qui  semblent 
se  rapprocher  pour  s'unir,  la  désignaient  comme  l'inter- 
médiaire des  échanges  entre  les  diverses  nations  de  l'Eu- 
rope, comme  le  carrefour  de  ses  voies  commerciales  les 
plus  fréquentées.  Henri  IV  et  Sully  eurent  conscience  de 
sa  vocation  économique  et,  pour  la  mettre  à  môme  de  la 
remplir,  ils  firent  revivre  le  projet  d'un  canal  du  Midi  déjà 
conçu  sous  les  règnes  précédents  et  ne  l'altandonnèrenl 
que  pour  en  adopter  un  plus  vaste  et  plus  fécond,  qui 
ouvrait  des  issues  au  commerce  français  et  au  commerce 
de  transit  sur  une  autre  partie  du  littoral  océanique,  sur 
la  -Manche  et  sur  la  mer  du  Nord.  Et  ils  ne  se  bornèrent 
pas  à  l'adopter,  ils  en  entamèrent  l'exécution  avec  tant 
d'ardeur  et  de  méthode  que  l'avenir  n'eut  le  plus  souvent 
qu  à  reprendre  les  données  et  les  plans  nés  de  leur  inspi- 
ration ou  éclos  sous  leur  patronage. 

Quels  étaient,  sur  les  chaussi'es  rempierrées,  pavées  et 
devenues  plus  sûres,  sur  les  cours  d'eau  canalisés  et  débar- 
rassés des  entraves  à  la  navigation,  les  moyens  de  trans- 
port ou,  pour  nous  exprimer  d'une  façon  plus  précise,  les 
moyens  publics  de  transport,  les  seuls  dont  le  commerce 
dans  sa  généralité  pût  se  servir?  C'est  ici  peut-être  plus 
que  partout  ailleurs  que  la  vie  sociale  et  économique  de 
notre  temps  semble  différer  le  plus  de  celle  de  nos  ancêtres 
et  qu'on  a  peine  à  ne  pas  sourire  de  la  lenteur  des  déplace- 
ments et  des  échanges  d'autrefois,  quand  on  la  comj)are  au 
mouvement  rapide  et  perpétuel  de  marchandises  et  de  voya- 
geurs qui  nivelé  aujourd'hui  les  prix,  les  idées  et  les  mœurs. 

Le  premier  service  de  voitures  publiques  avait  été  créé 
sous  Charles  IX'.  Par  lettres  i)atentes  du  10  octobre  157^, 

l.  Les  mcssrigcries  de  l'Université  de  Paris  existaient  di'jà,  mais  elles  ne 
servaient  au  public  qu'accessoirement. 


TRANSPORTS  PUBLICS   PAR  TERRE.  203 

Henri  III  avait  accordé  à  Antoine-Philibert  de  Cardaillac, 
sieur  de  Capeile,  maréchal  de  Qnercv,  le  privilège  des 
messageries  de  Paris,  Orléans,  Troyes,  Rouen  et  Beauvais. 
Aux  états  de  Blois  de  1376  et  de  158(S,  le  tiers  avait 
demandé  la  suppression  de  ce  monopole  '.  La  façon  dont 
ces  entreprises  étaient  exploitées  n'offrait,  en  efïet,  aux 
voyageurs  et  aux  expéditeurs  ni  sécurité  ni  économie.  Les 
voituriers  ne  savaient  pas  leur  métier,  les  transports 
n'étaient  pas  tarifés,  libre  carrière  était  laissée  aux  exac- 
tions. 

Certaines  municipalités  avaient  organisé  des  messageries 
qui  présentaient  plus  de  garanties.  Dans  sa  séance  du 
24  mars  1588,  le  capitoulat  de  Toulouse  homologua  un 
règlement  présenté  par  le  syndic  des  messagers  jurés  de 
cette  ville  pour  trois  services  périodiques  dont  elle  était  le 
point  de  départ  :  l'un  pour  Paris,  l'autre  pour  Lyon,  le 
troisième  pour  Bordeaux.  Chacun  de  ces  ordinaires  partait 
tous  les  quinze  jours.  Il  emportait  les  lettres  et  les  paquets 
déposés  au  bureau  des  messageries  et  les  distribuait  aux 
destinataires.  La  durée  réglementaire  du  trajet  entre 
Toulouse  et  Paris  était  de  quinze  jours  dans  la  bonne  saison 
et  de  seize  dans  la  mauvaise,  en  comptant  le  jour  du  départ 
et  celui  de  l'arrivée  ;  entre  Toulouse  et  Lyon,  il  était  de 
huit  et  de  neuf  jours,  entre  Toulouse  et  Bordeaux  de  cinq. 
Une  réduction  était  prévue  pour  le  cas  où,  la  paix  étant 
rétablie,  la  circulation  deviendrait  plus  facile.  Le  tarif 
était  de  8  sous  (1  fr.  26)  par  once  pour  la  première  destina- 
tion, de  6  sous  (0  fr.  94)  pour  la  seconde,  de  4  sous  (0  fr.  63) 
pour  la  troisième.  On  s'en  rapportait,  pour  le  percevoir, 
à  l'indication  du  client  écrite  sur  la  lettre  ou  le  paquet, 
mais,  au  cas  oii  cetle  indication  paraissait  inférieure  à  la 
réalité,  le  port  était  taxé  par  le  maître  du  bureau  -. 

1.  Picot,  Histoire  des  étals  généraux,  III,  29,  203-204. 

2.  Orig.  Arch.  de  la  chambre  de  commerce  de  Toulouse. 


204  TRANSPORTS  PUBLICS  PAR  TERRE. 

Par  un  édit  d'avril  1^94  Henri  IV  créa  un  surintendant 
p'néral  en  titre  doliice  de  tous  les  coches  publics  \  Ses 
attributions  consistaient  à  faire  observer  le  règlement  et 
le  tarit'  (jui  seraient  arrêtés  jiaj-  le  prévùl  de  Paris  et  à 
veiller  sur  le  choix  des  voituriers  et  des  chevaux  comme 
en  i^énéral  sur  le  service  -,  L'arrêt  d'enregistrement  du 
parlement  de  Paris,  rendu  sur  lettres  de  jussion  le 
i'2  mai  toO.'l.  lixa  le  prix  des  places  à  un  écu  un  quart 
(M  fr.  S7)  pour  le  transport  de  Paris  à  Orb'ans,  Itouon  et 
Amiens  aller  et  retour.  Il  imposa  au  surintendant  des 
coches  l'obligation  de  faire  deux  fois  par  mois  et  plus 
souvent,  si  cela  était  nécessaire,  rapport  à  la  police  sur  les 
abus  de  l'exploitation. 

l*ar  cet  édit  Henri  IV  n'avait  l'ait  que  soumettre  au 
contrôle  du  gouvernement  des  entreprises  privées,  il 
n'avait  pas  fait  des  messageries  un  service  public.  Elles 
n'étaient  devenues,  par  suite  de  ce  contrôle,  ni  plus 
nombreuses  ni  môme  beaucoup  plus  commodes.  Quelques 
lignes  seulement  continuaient  à  être  desservies.  L'institu- 
tion ne  s'améliora  pas  quand  la  liberté  fut  remplacée  par  le 
monopole,  adjugé  au  plus  oH'rant  ou  concédé  k  la  faveur  \ 

En  dehors  des  messageries,  le  public  pouvait  recourir  à 
la  poste  aux  chevaux,  qui  était  fort  chère  et  ne  transpor- 
tait pas  de  marchandises,  et  à  des  relais  créés  par  l'in- 
dustrie privée  et  dont  l'existence  est  constatée  par  l'édit 

1.  Les  coches  étaient  des  voitures  couvertes  à  r|ualro  roues. 

2.  IsAJiBEiiT.  XV,  88-80. 

:j.  «  ...  Lcd.  contrat  par  lequel  S.  M.  auroit  vendu,  avec  [)ronjesse  de 
garantie,  à  Pierre  le  Lorain.  à  faculté  de  rachat  perpétuel,  le  droit  et  ferme 
de  tous  les  coches  etcarosses  publiques  de  son  royaume  établis  ou  à  établir..., 
avec  inhibition...  à  tous  autres  d'en  établir,  moyennant  le  prix  de... 
Ô4000  écus  ;.S  12974 fr.  71  ...  Kaitdeiïenses  aux  d.  charrons,  carrossiers  et  tous 
autres  de  louer  carrosses,  coches,  charrettes  et  chevaux,  soit  pour  les  d.  che- 
mins de  traverse  ou  autrement,  sans  le  congé...  de  lad.  dame; Anne  de Bueill... 
lad.  dame...  sera  tenue...  acheter  les  coches  et  carrosses  ou  charrettes.., 
à   présent  en  la  possessidn  desd.  carrossiers  et  charrons  selon...  l'esti- 

malion...  au  dire  de  j;ensà  ce  connaissant  dont  les  parties  conviendront 

Au  conseil  20  décembre  1G08.  l?ibl.  nat.  mss.  Franr.,  1817  i,  f.  200  v". 


TRANSPORTS  PUBLICS  PAR   TRRRE.  20a 

de  mars  lo97  ',  qui  a  pour  objet  do  les  organiser  el  de 
leur  donner  un  caractère  ofiiciel.  Le  pays  soutirait  d'autant 
plus  de  cette  pénurie  de  moyens  de  transport  que  les 
guerres  civiles  avaient  privé  beaucoup  de  particuliers  de 
leurs  chevaux.  L'édit  de  mars  V.\d~  avait  ])our  but,  on  se 
le  rappelle,  aussi  bien  d'en  fournir  à  l'agriculture,  dont  les 
bêtes  de  trait  avaient  été  réquisitionnées  et  volées  par  les 
gens  de  guerre  que  de  faciliter  les  transports.  Nous  avons 
déjà  signalé  son  intérêt  pour  les  cultivateurs,  parlons 
maintenant  de  ses  avantages  pour  le  commerce. 

Cet  édit  établissait  sur  les  grands  chemins  et  les  chemins 
de  traverse  des  relais  séparés  par  la  distance  d'une  traite  ou 
journée  c'est-à-dire  de  douze  à  quinze  lieues.  Leur  exploi- 
tation devait  être  mise  en  adjudication  par  les  deux  géné- 
raux des  relais  créés  en  titre  d'office  aux  gages  de  300  écus 
(4  749  fr.  76)  chacun.  Les  adjudicataires,  revêtus  du  titre 
de  maîtres  jjarticullers  des  relais,  étaient  tenus  d'avoir  dans 
leurs  écuries  le  nombre  de  chevaux  jugé  nécessaire  par 
les  commissaires  du  gouvernement  et  de  les  louer,  au  tarif 
légal,  pour  le  transport  des  Aoyageurs  et  des  marchandises, 
le  halage  des  bateaux  et  le  travail  des  champs.  Ces  chevaux 
étaient  marqués  d'une  H  fleurdelisée,  déclarés  insaisis- 
sables, comme  l'étaient  déjà  les  chevaux  de  poste,  et  leur 
détournement  était  puni  de  mort.  L'industrie  des  loueurs 
de  chevaux  cessa  dès  lors  d'être  libre  et  fut  subordonnée 
à  une  licence  royale  ^  Un  règlement  arrêté  au  conseil,  le 
12  mars  1.397,  chargea  les  généraux  ou  leurs  subdélégués  de 
déterminer  les  relais  d'accord  avec  les  juges  des  lieux,  lixa 
la  mise  à  prix  par  an  et  par  cheval  à  3  écus  un  tiers 
(31  fr.  66)  et  le  tarif  des  journées  aller  et  retour,  sans 
compter  la  nourriture,  à  20  s.  t.  (2  fr.  92)  par  cheval  ordi- 
naire, à  23  s.  (3  fr.  63)  pour  les  chevaux  d'amble,  de  somme 

1.  Préambule  et  art.  vi. 

2.  IsAJiBERT,  XV,  n«  111,  art.  vi. 


200  TRANSPORTS  Pl'RLICS  PAR  TERRK. 

et  (le  halage.  sauvegarda  les  chevaux  contre  l'abus 
que  pouvaient  en  faire  les  voyageurs  et  maintint  les 
messagers  jurés  de  certaines  provinces  dans  le  droit  d'en 
louer'. 

Le  public  accueillit  fort  bien  l'organisation  des  nouveaux 
relais.  Il  les  préféra  à  la  poste  qui  était  plus  chère  et 
n'assurait  pas  le  secret  des  correspondances,  de  sorte  que 
les  écuries  des  maîtres  de  postes  se  dégarnirent  et  que  le 
port  des  dépêches  ol'licielles  en  soufTrit.  Après  une  expé- 
rience de  cinq  ans,  les  relais  furent  réunis  aux  postes  (cdit 
d'août  1602  .  Le  conlrO)leur  général  des  postes  versa  au 
trésor,  pour  prix  de  ses  nouvelles  attributions,  la  somme 
de  32  600  écus-  (300  684  fr.  73^.  Les  maîtres  généraux  et 
particuliers  des  relais  furent  supprimés.  Les  relais  pas- 
sèrent sous  la  direction  des  maîtres  de  poste  qui  louèrent 
des  chevaux  pour  courir  non  plus  seulement  des  postes 
mais  des  demi-postes  c'est-à-dire  des  courses  de  moitié 
moins  rapides  et  moins  chères.  Les  loueurs  de  chevaux 
s'étaient  beaucoup  multipliés.  Grâce  à  cette  multiplicité, 
les  étrangers  pouvaient  dérober  leurs  correspondances  à  la 
surveillance.  Désormais  l'exercice  de  cette  industrie  subor- 
donné, dans  le  régime  précédent,  à  une  licence  royale,  fut 
soumis  à  une  autorisation  du  contrôleur  général  des  postes  ^ 


1.  Dki.a.mahe.  Traité  de  la  police  (^continuation  de  Le  Clerc  du  Brillet  ,  IV. 
.■>99-60 1 . 

•2.  Dklamahe,  IV,  ()itl. 

■).  Ko.NTANO.N-,  IV,  8.')9.  "  Sur  la  requête  présentée  au  roi  en  son  conseil  par 
le  sieur  de  La  Varenue  tendant  à  ce  que...  il  plut  à  S.  M.  casser...  le 
règlement  fait  par  le  sénéchal  et  juges  présidiau.x.  de  Nîmes  le  xxvw'  no- 
vembre IGlKi  et  autres  qui  pourroient  depuis  avoir  été  faits  sur  l'établisse- 
ment des  chevaux  de  relais  de  louage...  vu...  l'édit  de  rétablissement  de 
relais  de  chevaux  de  louage  de  traite  en  traite  sur  les  grands  chemins, 
traverses  et  le  long  des  l'iviéres...  en  l'étendue  de  tout  le  royaume  du  mois 
de  mars  l.î!)"!.  règlements  faits  par  S.  -M.  en  son  conseil  sur  l'établissement 
de  relais  et  chevaux  de  louage  de  mars  aud.  an,  lettres  pat.  en  forme  d'édit 
données  à  Paris  au  mois  d'août  I60'2  contenant  révocation  de  l'édit  des 
relais  de  chevaux  du  mois  de  mars  I.j97  et  réunion  des  relais  aux  postes 
avec  deffenscs  à  toutes  personnes,  de  quelque  qualité...  qu'ils  soient,  de 


TRANSPORTS  PUBLICS  PAR  EAU.  207 

Les  loueurs  él;iblis  furent  maintenus  en  possession  moyen- 
nant le  paiement  d'un  droit  annuel  au  contrôleur.  Un  arrêt 
du  conseil,  rendu  le  24  avril  1610  dans  un  procès  entre 
eux  et  lui,  réduisit  ce  droit  à  6  livres  (16  fr.  18)  par  an  et 
par  cheval'.  Le  personnel  des  postes  et  relais  ne  com- 
prenait pas  seulement  des  messagers  à  cheval  ou  die- 
vaucheiirs,  mais  des  messagers  à  pied,  des  facteurs  ^ 

Le  commerce  iluvial  était  entre  les  mains  d'associations 
ou,  comme  elles  s'appelaient,  de  compagnies  anciennes  et 
puissantes  qui  avaient  le  monopole  des  transports  dans  un 
fleuve,  dans  son  cours  supérieur  ou  inférieur,  quelquefois 
dans  un  bassin  entier.  La  compagnie  des  marchands  de 
l'eau  de  Paris  et  celle  des  marchamls  fréquentant  la  rivière 
de  Loire  étaient  les  plus  célèbres.  Toutes  deux  paraissent 
se  rattacher  aux  collèges  romains  [nautœ  Parisienses, 
nautae  Ligerici).  La  première,  qui  donna  naissance  à  la 
municipalité  parisienne,  n'exerçait  son  monopole  que  dans 
une  partie  de  la  Seine  ^  mais  la  police  de  la  navigation, 
dont  cette  municipalité  était  investie ,  s'étendait  non 
seulement  sur  ce  fleuve  mais  aussi  sur  ses  affluents  :  tarifs 
des  transports,  nomination  des  maîtres  des  ponts ^  étalage 
des  marchandises  dans  les  ports,  chablage  et  plan- 
chéage,  etc.,  tout  cela  lui  ressortissait^  La  compagnie  des 
marchands  fréfj[uentant  la  rivière  de  Loire  accaparait  le 
commerce  par  eau  dans  tout  le  bassin  de  ce  fleuve,    se 

bailler  aucun  cheval  à  louage  ni  relais,  sans  l'expresse  permission  dud. 
sieur  de  La  Varenne...,  contrôleur  général  des  postes  et  relais  de  France, 
ses  fermiers  ou  commis,  casse  les  règlements  faits  parle  sénéchal  de  Beau- 
caire  et  Nîmes....  »  22  décembre  1607.  Bibl.  nat.  Franc.  18172,  f.  146,  v». 

1.  Le  Clerc  du  Brillet,  601. 

2.  PiLOT,  Postes  et  relais  en  Dauphlné  dans  Bulletin  de  l' Académie  delphi- 
îiale,  XIX  (1879),  p.  417. 

■i.  Voy.  les  travaux  de  Le  Roy,  Dissertation  sur  l'origine  de  l'hôtel  de  ville 
en  tête  de  VHistoire  de  Paris  de  Félibiex,  de  Depping  {De  l'état  du  commerce 
et  de  l'industrie  de  Paris  au  XIII''  siècle)  et  de  Lecaron,  Les  origines  de  la 
municipalité  parisienne.  Mcm.  de  la  société  de  l'hist.  de  Paris,  VII  et  VIII. 

4.  Registres  du  bureau  de  la  ville,  Délibérations  du  25  juin,  14  juillet  1594, 
25  février,  8  mars,  13  mars,  13  septembre,  19  octobre  1595  etpass. 


208  TllANSPOHTS  PL15LICS   PAR    EAU. 

chargeait,  moyennant  un  octroi  concédé  par  le  gouver- 
nement, du  balisage  et  du  curage  et  travaillait  avec  succès 
à  faire  réduire  et  supprimer  les  nombreux  péages  perçus 
sur  la  navigation'. 

Le  service  des  coches  deau  pour  le  transport  des 
voyageurs,  des  bagages  et  des  marchandises  d'un  certain 
volume  était  exploité  par  des  concessionnaires  privi- 
légiés. Dès  loDo  il  en  existait  un  entre  Mclun  et  Paris", 
(lorbeil  et  Paris  étaient  desservis  aussi  par  des  coches  qui 
devaient  à  la  première  de  ces  villes  le  nom  de  corbillats, 
doù  nous  est  venu  celui  de  corbillards.  Les  corbillats 
faisaient  deux  voyages  par  semaine.  Le  mardi  ils  partaient 
de  Corbeil  et  revenaient  le  mercredi,  ils  repartaient  le 
vendredi  et  étaient  de  retour  le  samedi,  lis  étaient  en 
partie  halés\  Un  service  du  même  genre  fut  créé  entre 
Sens  et  la  capitale.  Le  coche  de  Sens,  qui  était  de  la 
grandeur  des  corbillats,  quittait  cette  ville  le  mardi  à 
neuf  heures  du  matin,  arrivait  à  sa  destination  le  jeudi  à 
cinq  heures  du  soir,  reparlait  le  samedi  à  neuf  heures 
dans  la  matinée  et  rentrait  à  Sens  le  mardi  suivant  à 
la  même  heure.  Le  cahier  des  charges  imposait  au  con- 
cessionnaire, Vincent  de  Lamarque,  archer  des  gardes 
du  corps,  l'obligation  d'avoir  deux  bateaux,  de  faire  par- 
tir celui  de  Sens,  qu'il  eût  achevé  ou  non  son  charge- 
ment, dès  que  celui  de  Paris  était  de  retour,  de  fournir 
caution  et  d'avoir  des  coffres  solides  pour  la  sûreté  de 
l'argent  et  des  marchandises  précieuses.  Le  voyage  de 
Sens  à  Paris  était  tarifé  20  s.  (2  fr.  92)  par  personne  et 


1.  Mantellieii,  llisloire  de  la  communauté  des  marchands  fréquentant  la 
rivière  de  Loire  et  fleuves  descendant  en  icelle,  2  vol.  8,  1867.  Arn'ts  du 
conseil  du  "20  novembre  1G07  et  24  janvier  1(J0«. 

2.  «  Louis  Cnasserat  et  Biaise  Rousseau,  voituiiers  des  bateaux  appelés 
les  coches  de  .\lelun...  >>  Heg.  du  bureau  de  ta  ville,  22  février  l.îO.j. 

3.  Arrêt  du  conseil  du  20  janvier  IGOI.  Arch.  nationales.  Papire  Masso.n, 
Descrijjliij  fluminum  GaWîa?  (IGI8),  p.   197. 


LÉGISLATION   SPÉCIALE  AUX   COMMERÇANTS.  209 

25  s,  (3  fr.  65)  en  sens  inverse,  parce  qu'on  remontait  la 
Seine  et  l'Yonne.  Pour  le  transport  d'un  muid  de  vin  ou  de 
verjus  on  payait  20  s.,  pour  un  baril  de  salaisons  15  s. 
(2  fr.  19),  pour  un  quintal  do  morues  20  s.  et  40  s.  (5  fr.  85) 
par  quintal  de  bagages.  Les  voyageurs  avaient  le  droit 
d'en  emporter  gratuitement  avec  eux  jusqu'à  concurrence 
de  quatre  livres'. 

La  prospérité  du  commerce  ne  dépend  pas  seulement  de 
la  facilité  avec  laquelle,  conformément  à  sa  mission  dans 
l'économie  sociale,  il  transporte  et  distribue  les  marchan- 
dises. Pour  remplir  complètement  cette  mission,  il  a 
recours  à  certains  procédés,  il  bénéficie  de  certaines 
faveurs,  il  crée  certaines  habitudes  d'où  résulte,  pour  lui  et 
pour  la  classe  qui  l'exerce,  une  certaine  originalité  juridique, 
économique  et  morale.  Si  le  commerçant,  dans  une  société 
aussi  aplanie  par  le  frottement  et  aussi  uniforme  que  la 
nôtre,  se  distingue  encore  par  une  législation,  par  des 
pratiques,  par  des  mœurs  même  assez  spéciales,  il  en  était 
encore  plus  ainsi  dans  une  société  où  tout  avait  sa  tra- 
dition, sa  vie  propre,  sa  physionomie. 

C'était  d'abord  la  législation  qui  lui  faisait  une  place  à 
part.  Si  la  classe  commerçante  n'avait  pas  encore  son  code, 
œuvre  réfléchie  et  laborieuse  que  la  maturité  tranquille  de 
la  monarchie  personnifiée  dans  Louis  XIV  pouvait  seule 
enfanter,  le  droit  commun  avait  déjà  subi,  dans  son  intérêt, 
des  dérogations  qui  l'avaient  déjiouillé  de  son  formalisme 
pour  l'adapter  à  des  besoins,  toujours  sentis,  de  célérité,  de 
simplicité  et  de  confiance. 

Le  commerce  conférait  déjà  aux  mineurs  et  aux  femmes 
mariées  la  capacité  refusée  habituellement  aux  uns  et  aux 
autres.  Mais  cette  exception  était  strictement  limitée  aux 

1.  Arrêts  du  conseil  du  13  septembre  IGOT.  Arch.  nationales. 

14 


210  LEGISLATION   SPECIALE  AIX   COMMERÇANTS. 

actes  commerciaux.  Elle  ne  s'appliquait  pas  seulement  au 
mineur  de  vingt-cinq  ans,  âge  de  la  grande  majorité  mais 
à  celui  qui  n'avait  pas  encore  vingt  ans,  Age  reijuis  par  les 
corporations  pour  parvenir  à  la  maîtrise'.  Jl  leur  suffisait, 
pour  obtenir  celte  émancipation  spéciale,  de  se  livrer  à  des 
opérations  commerciales.  Le  mineur  commerçant  con- 
servait le  droit  de  se  faire  restituer  pour  tous  les  actes  qui 
ne  se  raj)porlaient  pas  à  ses  all'aires  professionnelles-. 

La  femme  mariée  marchande  publique  engageait,  pour 
la  garantie  de  ses  obligations  commerciales,  ses  biens  et 
sa  personne  comme  les  biens  de  son  mari.  Mais  elle  ne 
jouissait  de  celte  capacité  que  si  elle  exerçait  le  commerce 
à  p;irt  et  pour  son  compte  et  non  si  elle  secondait  seulement 
son  mari  dans  le  sien.  Telle  était,  du  moins,  la  distinction 
établie  par  la  coutume  de  Paris,  dont  l'autorité  était 
beaucoup  plus  grande  que  celle  de  toutes  les  autres.  Mais 
cette  distinction  n'était  pas  universellement  acceptée.  Le 
jurisconsulte  nivernais  ('oquille,  par  exemple,  en  contestait 
la  légitimité  ou,  du  moins,  la  trouvait  trop  absolue.  H 
suffisait  à  ses  yeux  que  la  femme  se  livrât  au  commerce 
au  vu  et  au  su  de  son  mari  pour  être  présumée  agir  avec 
son  autorisation  et  pouvoir  s'engager  personnellement '. 

Les  commerçants  étaient  soumis  déjà,  pour  le  recou- 
vrement de  leurs  créances,  à  une  prescription  spéciale. 
Les  marchands  en  détail  et  en  gros  qui  n'avaient  pas 
réclamé  le  payement  de  leurs  fournitures,  les  premiers  dans 
les  six  mois  et  les  seconds  dans  l'année,  couraient  le  risque 

1.  Arri''t  (lu  I*^""  juillet  158.?  visé  par  Jolsse,  Commentaire  i/e  l'ordoinionce 
du  cornmercp,  éd.   1802,  p.  1-3. 

2.  Arrêt  d'avril  IGOI  accordant  restitution  à  un  mineur  qui  a  cautionné 
une  dette  étrang«Jre  à  son  coaiuierce.  Visé  iùid. 

3.  L'IIoMMEAU,  Muxtmea  f/énerales  du  droit  français,  IGDô,  livre  III, 
n°  cxi.iv.  CiiAKO.NDAS  Le  Caron,  Mémoralilfj.i  obsrrvalions,  v  Marclians  et  un 
arrêt  du  1«'  mars  l.j80,  visé  ibid.  Claude  Le  Prestuk,  Questions  notables, 
167!),  p.  Go.'j.  CoQUu.LE,  Quedions  et  ré/jonses  sur  les  articles  des  coutumes. 
n»  cm.  II  faut  reiiian|uer  que  tous  ces  auteurs  se  réfèrent  à  la  jurispru- 
dence du  temps  dont  nous  nous  occupons. 


JURIDICTIONS   CONSULAIRES.  211 

(le  se  voir  opposer  une  fin  de  non-recevoir,  mais  ce  moyen 
n'était  pas  valable  entre  marchands  et  ne  pouvait  être  invo- 
qué que  par  les  clienlsqui  avaient  acheté  pour  leur  usage'. 

Contrairement  à  une  opinion  fort  répandue,  la  preuve 
testimoniale  n'était  pas  admise  d'une  façon  illimitée  en 
matière  commerciale  et  l'article  54  de  l'ordonnance  de 
Moulins  de  1566  qui  la  rejette  au-dessus  de  100  livres 
(370  fr.  48),  recevait,  même  entre  marchands,  son  applica- 
tion^  L'article  5  de  l'édit  de  création  de  la  juridiction  con- 
sulaire de  novembre  1563  ne  parle,  il  est  vrai,  que  de 
témoins,  mais  il  faut  l'interpréter  en  ce  sens  que  leurs  dépo- 
sitions s'ajoutent  à  un  commencement  de  preuve  par  écrit  ^. 

Nous  venons  de  parler  de  la  juridiction  consulaire.  Nous 
sommes  amené  par  là  à  ce  qui  contribuait,  plus  que  tout  le 
reste,  à  assurer  aux  commerçants  une  situation  juridique 
particulière. 

A  la  différence  de  tant  d'institutions,  les  juridictions 
consulaires  ne  sont  enveloppées,  ni  dans  leur  origine  ni  dans 
leur  progrès,  d'aucune  obscurité.  La  «  conservation  des 
foires  de  Lyon  »  fut  leur  premier  modèle,  et  la  conservation 
des  foires  de  Lyon  a  été  empruntée,  sauf  les  modifications 
nécessitées  par  une  adaptation  nouvelle,  aux  foires  de 
Champagne.  On  sait,  du  reste,  que  ce  n'est  pas  seulement 
de  la  juridiction  des  foires  de  Champagne  que  les  foires 
de  Lyon  ont  hérité,  que  c'est  aussi,  sous  la  réserve  déjà 
exprimée,  de  leur  organisme  tout  entier  et  de  leur  rôle 
commercial.  On  sait  aussi  que  cette  transmission,  indiquée 


1.  Ordonnance  de  Louis  XII  de  1513.  art.  67  et.  68.  Couliunc  de  Paris, 
tit.  VI,  art.  126  et  l'î'i.  Cf.  ordonnance  du  commerce,  tit.  I,  art.  vu  et  vin. 

2.  Jugé  le  36  février  1587  que  l'art.  54  de  l'ordonnance  de  Moulins  qui 
défend  la  preuve  par  témoins  au-dessus  de  100  livres  a  lieu  même  entre 
marchands.  Brili.on,  v°  Marchands.  Preuve  testimoniale  d'une  promesse 
verbale  qui  excédait  100  livres  a  été  rejetée  entre  marchands,  1618.  Recueil 
d'arrêts  du  parlement  de  Pa/7's  pris  des  mémoires  de  feu  M"  Pierre  Bardet, 
1773,  I,  4:5. 

A.  JoossE,  Comment,  de  l'ordonnance  de  1673,  lit.  XII,  art.  xii,  p.  248. 


•212  JLRIDICTIONS  CONSULAIRES. 

par  les  circonstances,  a  été,  pour  ainsi  dire,  accomplie 
tout  dune  pièce  par  la  volonté  de  nos  rois  qui  ont  transféré 
aux  secondes  les  privilèges  des  premières.  Les  juridictions 
consulaires  de  Toulouse  (lo49),  de  Rouen  (lo'iO)  et  de 
Paris  (lo(i3)  se  raltachent  l'une  à  l'autre  par  une  filiation 
directe  et  elles  se  ressemblent  encore  en  ce  qu'elles  sont 
toutes  sorties  du  vœu  de  la  classe  intéressée. 

Née  la  première,  la  juridiction  consulaire  de  Lyon  n'avait 
pas  reçu  dès  son  berceau  toute  l'extension  qu'obtinrent  à 
leur  origine  celles  qui  furent  créées  à  son  image.  Elle  ne 
connaissait  que  des  opérations  qui  avaient  lieu  aux  foires  et 
non  de  toutes  les  causes  commerciales.  Mais  ledit  de  4594, 
en  énumérant  les  questions  de  sa  compétence,  s'abstient  de 
cette  restriction  et  range  sans  distinction  dans  cette  com- 
pétence «  les  faits  de  sociétés,  changes,  voitures,  négoces  et 
marchandises  et  tout  ce  qui  en  dépend  ».  Les  lettres  royaux  . 
du  2  décembre  1603,  après  avoir  paru  la  subordonnera  la 
circonstance  que  les  faits  se  sont  passés  aux  foires,  termi- 
nent l'énumération  de  ces  faits  par  les  mots  :  tant  en  foire 
que  hors  foire.  Ce  texte  fut  celui  qui  servit  de  fondement  au 
conservateur  pour  établir  le  caractère  permanent  et  général 
de  sa  juridiction'.  La  portée  en  fut  consacrée  par  un  arrêt 
du  parlement  de  Paris  qui  prononça  «  que  ledit  juge  con- 
servateur connaîtrait  aussi  —  c'est-à-dire  outre  les  faits  de 
foire  —  les  différends  entre  marchans  pour  fait  de  mar- 
chandise, comme  les  autres  juges  consuls  du  royaume,  et 

1.  ...  Il  est  aisé  de  démontrer  que  jusques  en  1C02  le  conservateur  [des 
foires  de  Lyon]  n'a  eu  que  le  droit  de  connoitre  du  coniniercc  des  foires 
parce  qu'il  n'avoit  été   institué  que   pour    connoitre   du  seul    fait    des 

foires Si  ce  pouvoir  universel  sur  toutes  les  matières  du 

commerce,  tant  en  foire,  que  hors  foire,  eût  été  de  temps  immémorial  de  la 
compétence  du  conservateur...,  auroicnt-ils  été  [les  Lyonnais]  dans  le  cas 
de  demander  à  Henri  IV  en  1002  de  donner  au  conservateur  une  ampliation 
de  pouvoir  pour  counoitre  du  commerce  en  général,  tant  en  foire  que  hors 
foire,  ù  l'instar  des  juges  consuls  du  royaume?...  »  Héflexions  sur  l'usage 
de  la  rigueur  de  la  contrainte  par  corps.  WIll»  s.  Arch.  de  la  Seine,  BB. 
Ô094. 


JURIDICTIONS  CONSULAIRES.  213 

que,  comme  eux,  il  ne  pourrait  toutefois  connaître  des 
différends  pour  le  fuit  de  marchandise  entre  autres  que 
marchans,  encore  qu'ils  eussent  volontairement  procédé 
devant  lui'...  ». 

En  assimilant  le  tribunal  des  marchands  de  Lyon  aux 
autres  tribunaux  du  même  genre,  l'arrêt  du  7  septembre  1610 
marquait  une  fois  déplus  les  limites  de  la  juridiction  con- 
sulaire. Pour  qu'une  cause  lui  fût  déférée,  il  fallait  et  qu'elle 
portât  sur  une  question  commerciale  et  que  les  parties 
fussent  des  commerçants.  Il  n'était  pas  superflu  de  rappeler 
ces  limites,  car,  encouragés  par  la  faveur  des  plaideurs, 
les  juges  consuls  étaient  en  train  d'attirer  à  eux  une  foule 
d'affaires  qui  ne  remplissaient  pas  les  conditions  constitu- 
tives de  leur  compétence,  telles  que  prêts  d'argent,  gages 
de  serviteurs  et  autres  causes  purement  civiles  ^  Il  y  avait 
eu  un  temps,  au  contraire,  oii  ils  avaient  été  obligés  de 
défendre  leur  juridiction  contre  les  usurpations  et  les 
entraves  de  la  juridiction  ordinaire  ^  Leur  popularité, 
méritée  par  la  simplicité,  la  célérité  et  l'économie  de  leur 
procédure,  qui  ne  connaissait  ni  procureurs,  ni  avocats,  ni 
épices,  les  avait  soutenus  contre  cette  hostilité  et  leur  avait 
permis  de  devenir  envahissants  à  leur  tour.  Dès  le  mois  de 
décembre  1366,  leur  juridiction  avait  été  introduite  dans 
les  principales  villes  du  royaume*.  Grâce  à  son  intégrité 

1.  Sur  la  compétence  de  la  conservation  des  foires  de  Lyon  voy.  Vaesen, 
La  juridiction  commerciale  à  Li/on  sous  l'ancien  régime,  1879,  chap.  iv. 

i.  Déclaration  de  Louis  XIII  du  2  octobre  1610.  Arch.  nat.,  Collection 
Rondonneau,  ADxi,  20. 

3.  Ordonnance  de  Henri  IV.  Paris,  22  février  1599.  Recueil  contenant  les 
édils,  etc.  sur  rétablissement...  de  la  juridiction  des  consuls  en  la  ville  de 
Paris  et  autres.  Paris,  Denis  Thierry,  1705,  in-4.  Déclaration  de  Charles  IX. 
Bordeaux,  28  avril  1565.  Rondonneau,  ADxi,  29.  Le  tribunal  consulaire, 
érigé  par  Henri  IV  à  Dieppe  en  1589,  ne  put,  par  suite  de  l'opposition  du 
bailliage  et  de  l'amirauté,  entrer  en  fonctions  qu'en  1G43.  Mémoires  chrono- 
logiques pour  servira  l'histoire  de  Dieppe,  1785,  II,  155. 

4.  Éditde  décembre  15GG  visé  par  Marécual,  Traité  des  changes  cl  rechanges, 
1625,  p.  330.  Elle  avait  été  instituée  à  Troyes  et  à  Bordeaux  en  1563  et  en  1564, 
Mémoire  et  livre  de  famille  de  Nicolas  Dare,  Avant-propos,  p.  13.  Lamothe, 


214  JIRIDICTIONS  CONSULAIRES. 

et  à  ses  liiniitTCS,  ses  juiicments  étaient  rarement  infirmés'. 
Elle  eut  pourtant  ses  adversaires.  Parmi  eux  on  sétonne  de 
rencontrer  Lafîemas.  11  semble,  au  contraire,  que  la  sym- 
pathie du  vaillant  pu])liciste  aurait  dû  être  acquise  à  une 
institution  qui  relevait  la  dii:nité  des  commerçants  en 
faisant  d'eux  des  juges  et  assurait  aux  débals  commerciaux 
une  expédition  économique  et  prompte.  Laiïemas  ne  nous  a 
pas  donné  de  bonnes  raisons  de  son  hostilité  mais,  à  l'insis- 
tance avec  laquelle  il  reproche  aux  juges  consuls  leur  sévé- 
rité contre  les  commerçants  embarrassés,  à  l'amer tume  de 
ses  critiques  contre  ce  qu'il  appelle  «  l'édit  des  quatre 
mois  »,  c'est-à-dire  contre  ledit  de  Moulins  qui  établissait 
la  contrainte  par  corps  contre  les  débiteurs  demeurés  insol- 
vables, quatre  moi?  après  la  signification  de  leur  condam- 
nation, on  est  tenté  de  chercher  l'explication  de  ses  senti- 
ments dans  des  rancunes  personnelles,  dans  les  épreuves 
de  son  orageuse  carrière'. 

Règles  particulières  sur  la  capacité  et  la  prescription, 
juridiction  et  procédure  spéciales,  c'en  était  assez  pour 
séparer  les  commerçants,  au  point  de  vue  juridique,  des 
autres  classes  de  la  société. 

Quelques  mois  sur  Vancitnne  bourse  à  Bordeaux  dans  Actes  de  l'académie... 
fie  Bordeaux  IX  (1847),  p.  319  et  Ancienne  bourse  de  Bordeaux.  Compte 
rendu  des  travaux  de  la  commission  des  monuments  liistoriques  de  la  Gironde., 
XIII  (185I-52A  p.  IG. 

1.  Mémoire  anontjme  sur  les  pauvres  enfei'més  adressé  à  Henri  de  Gondi, 
évêque  de  Paris,  1C12.  Arch.  curieuses  de  l'histoire  de  France,  XV.  Dans  un 
procès  plaidé  en  1702,  le  premier  en  date  des  tribunaux  consulaires,  la 
conservation  des  foires  de  Lyon  était  qualifiée  «  la  juridiction  la  plus 
versée  dans  le  négoce  qu'il  y  eût  dans  le  royaume  ».  Augeahd,  Arrêts  no- 
tables des  différents  tribunaux  du  royaume,  I,  n"  cci.x. 

2.  Lakfemas,  Les  trésors  et  lichesses  pour  mettre  l'Etal  en  splendeur  et 
monstrer  au  vray  la  ruyne  des  François  par  le  traffic  et  ?iéyoce  des  estrangers 
et  empescher  facilement  les  petits  procès  en  toutes  vacations,  voir  comme  la 
justice  des  consuls  doit  estre  supprimée  et  autres  belles  raisons....  Le  tout 
pour  le  bien  du  royaume  par  B.  de  Laïkemas.  Paris,  par  Prevosteau,  1598. 
L'incrédulité  ou  l'ignorance  de  ceux  qui  ne  veulent  cognoistre  le  bien  et  repos 
de  l'Èstat  et  veoir  renaistre  la  vie  heureuse  des  François.  Paris,  chez  Jamet 
et  Pierre  Mettaycr,  1000.  Les  discours  d'une  liberté  générale  et  vie  heureuse 
pour  le  bien  du  peuple,   1601. 


MERCIERS.  21S 

Ils  s'en  distinguaient  encore  plus  au  point  de  vue  écono- 
mique. Bien  que  l'édit  de  1;)97  fût  resté  très  loin  par  ses 
résultais  des  intentions  qui  1  avaient  dicté,  il  n'en  avait  pas 
moins  augmenté  le  nombre  des  maîtrises  et  la  plupart  des 
commerçants  ne  s'en  trouvaient  pas  moins,  après  plus 
encore  qu'avant,  classés  dans  des  corporations.  Si  le  vieux 
système  dont  elles  étaient  la  base,  avait  en  apparence 
résisté  au  mouvement  des  idées  et  des  mœurs,  si  même  il 
s'était,  à  certains  égards,  étendu,  il  avait  subi  en  réalité 
des  modifications  qui  avaient  accentué  son  esprit  oligar- 
chique, simplifié  sa  complexité,  élargi  son  formalisme. 
L'évolution  qui  s'opérait  dans  le  commerce  se  faisait  sentir 
sur  ce  système  principalement  par  la  différence  que  la  con- 
sidération publique  mettait  entre  les  corporations,  par  la 
hiérarchie  de  plus  en  plus  marquée  qui  s'établissait  dans  le 
sein  de  chacune,  par  le  groupement  des  professions  ana- 
logues, par  l'importance  croissante  de  certaines  d'entre  elles. 
Cette  dernière  observation  s'applique  surtout  aux  merciers 
et  aux  fripiers.  Les  premiers  étaient  fort  enviés,  et  il  y  avait 
dans  leur  situation  de  quoi  justifier  amplement  un  pareil 
sentiment.  Réunissant  dans  leurs  mains  six  branches  de 
commerce,  monopolisant  le  trafic  de  la  plus  grande  partie  des 
importations  étrangères,  s'abstenant  de  toute  opération  mé- 
canique, «  vendeurs  de  tout  et  faiseurs  de  rien  »,  ils  tenaient 
en  réalité  la  tête  des  six  corps,  dans  les  rangs  desquels  l'an- 
cienneté ne  leur  assignait  que  la  troisième  place.  Négo- 
ciants en  soieries  et  étoffes  de  luxe,  en  lainages,  en  mer- 
cerie, en  orfèvrerie  et  joyaillerie,  en  quincaillerie,  en 
épicerie  et  droguerie,  ils  joignaient  à  l'exploitation  de  ces 
articles  si  divers  le  commerce  en  gros  de  tous  les  autres*. 


1.  «  La  mercerie  contient  en  soi  six  états  savoir  est  :  1"  le  marchand 
grossier  qui  débite  en  gros  toutes  sortes  de  marchandises;  2°  le  marchand 
de  draps  d'or,  d'argent,  de  soie,  demie  ostade,  sarges  et  toilles  ;  Z°  mar- 
chands de  toutes  menues  merceries  ;  4°  marchand  jouaillier  vendant  orfe- 


216  MERCIERS. 

Ils  devançaient  donc,  pour  la  concentration  dos  marchan- 
dises, les  grands  magasins  et  les  bazars  de  notre  temps  et 
s'apj)ropriaient,  comme  //rossicrs^  les  afl'aires  les  plus 
importantes  ei  les  plus  lucratives.  Ils  devaient  d'ailleurs 
leur  existence  non  à  une  fantaisie  gouvernementale  ou  à 
un  calcul  fiscal,  mais  à  de  vrais  besoins.  Le  commerce 
n'avait  pu  étendre  ses  opérations  et  ses  risques  sans  donner 
naissance  à  une  classe  qui  se  vouât  spécialement  à  assortir 
les  marchandises  au  goût  mobile  et  capricieux  du  public, 
à  éveiller  et  à  diriger  elle-même  ce  goût,  à  connaître  les 
cours  dos  diderentes  places  et  le  crédit  des  divers  clients 
et  sans  que  celte  classe  se  trouvât  amenée  et  par  ses 
services  et  par  l'intérêt  des  consommateurs  à  se  placer 
entre  eux  et  les  fabricants,  à  attirer  dans  ses  magasins  les 
marchandises  les  plus  diverses  et  à  s'emparer  du  commerce 
de  gros  et  de  spéculation  où  personne  ne  l'avait  précédée. 
Mais  cette  nécessité  n'était  pas  acceptée  sans  répugnance 
par  des  négociants  qui  se  renfermaient  dans  un  commerce 
spécial  et  qui  se  voyaient  fermer  le  chemin  des  grandes 
affaires  par  des  hommes  d'une  expérience  et  d'une  portée 
supérieures.  Les  merciers  ne  se  contentaient  pas  d'ailleurs 
de  les  enlever  aux  corporations,  ils  prétendaient  s'arroger 
un  droit  d'inspection  sur  toutes  les  marchandises  à  leur 
entrée  dans  les  villes'  et  heurtaient  le  sentiment  de  la 
majorité  du  monde  industriel  et  commercial  en  se  faisant 


vrcrie,  pierres  précieuses,  perles  et  tous  autres  joyaux  ;  5°  marchand 
quincaillier;  fi"  marchand  épicier  droguiste,  sous  lesquels  sont  comprins... 
t(iu«  les  autres  états  ci-apn''s  déclarés.  »  Extrait  des  ordonnances, 
articles  et  regleniens  que  le  Roi  veut...  estrc...  tenus...  i)ar  son  niaislre 
visiteur  et  général  réformateur  de  marchandises  de  grosseries,  merceries, 
jouailleries,  etc..  27  août  1(>0".  Rondo,>xeau  ADi  143.  L'n  mémoire  rédigé  au 
commencement  du  xvnio  siècle,  au  nom  des  maistrcs  et  gardes  du  corps 
des  marchands  merciers  de  Paris,  leur  attribue  nu'mc  »  le  droit  de  faire 
le  commerce  en  gros  comme  en  détail  de  toutes  les  marchandises  imagi- 
nables.... »  Arch.  de  la  Seine,  BB.  b:>ii'i.  Juridiction  conaulairc 

1.  Us  prélevaient  aussi  un  droit  sur  l'ouverture  de  chaque  foire  nou- 
velle. C'était  la  condition  de  leur  présence  à  la  foire. 


FRIPIERS.  217 

les  champions  de  la  liberté  des  importations,  sur  lesquelles 
portaient  en  grande  partie  leurs  opérations.  La  malveil- 
lance les  accusait  d'avoir  entre  eux  un  argot  et  d'être 
affiliés  à  des  associations  de  mendiants  et  de  voleurs  de 
grands  chemins,  avec  lesquels  leur  vie  nomade  les  aurait 
mis  en  contact.  Il  est  possible  qu'amenés  par  leurs  fré- 
quents déplacements  dans  des  milieux  inconnus,  ils  s'y 
fussent  assurés,  comme  les  membres  des  compagnonnages, 
des  correspondants  et  qu'ils  eussent  adopté  des  signes  de 
reconnaissance  et  un  langage  de  convention,  mais  le  mau- 
vais renom  qu'on  leur  faisait  ne  pouvait  être  mérité  que 
par  les  porte-balles  c'est-à-dire  par  le  bas-fonds  de  la 
corporation.  Les  reproches  qu'on  faisait  aux  fripiers  pa- 
raissent avoir  été  mieux  justifiés.  La  diffusion  du  luxe  et 
surtout  d'un  luxe  apparent  et  d'emprunt  avait  donné  aux 
fripiers  un  rôle  analogue  à  celui  des  marchandes  à  la  toilette 
sous  la  monarchie  de  Juillet  et  au  commencement  du  second 
empire.  Ils  tenaient  un  assortiment  complet  et  varié  de  tout 
ce  qui  se  rapporte  au  vêtement  et  à  l'ameublement  et  les 
tailleurs  eux-mêmes,  quand  ils  se  trouvaient  embarrassés 
pour  satisfaire  à  une  commande  pressée,  n'hésitaient  pas  à 
recourir  à  eux\  Ils  devaient  donc  leur  succès  à  de  nouvelles 
habitudes  sociales,  mais  ils  le  devaient  aussi  à  des  motifs 
moins  légitimes.  Juifs  pour  la  plupart^  et  fidèles  à  la  voca- 
tion séculaire  d'Israël,  ils  étaient  receleurs  et  prêteurs  sur 

1 .  Je  ne  suis  pas  si  tôt  sorti  do  ma  couchette 

[C'est  un  fripier  qui  parle] 

Que  voici  des  marclians  qui  sonnent  ma  clochette 
iJeniandaut  un  habit  de  serge  de  seijrneur. 


Donc  ô  tailleurs  d'habits  !  vous  n'êtes  qu'artisans. 
Et  nous,  qui  les  vendons,  nous  sommes  les  niaichaus. 
Or  jugez  maintenant  lequel  est  plus  capable 
Ou  de  celui  qui  vend  ou  celui  qui  travaille  ? 


Discours  de  deux  fripiers  et  de  deux  tailleurs,  1G14.  {Var.  hist.  et 
lut.,  v). 

2.  «  ...  Les  fripiers  de  Paris  qui  sont  à  la  plus  part  Juifs...  »  Noël  du  F.\il, 
Contes  dEulvapel,  XXIV. 


218  MARCHANDS   ET   ARTISANS  SUIVANT   LA    COUR. 

gages,  s'enrichissaient  des  débordements  de  la  jeunesse, 
étaient  regardés  comme  ses  corrupteurs  et  rendaient  à 
leurs  clients  une  foule  de  services  inavouables  et  largement 
payés.  Par  ces  pratiques  clandestines  ils  prêtaient  le  flanc  à 
leurs  adversaires,  irrités  par  leurs  prétentions,  alarmés 
par  leur  concurrence.  Aussi  les  corporations  parisiennes 
allaient-elles  jusqu'à  demander  qu'on  les  réduisît  à  leur 
ancienne  vacation,  c'est-à-dire  à  «  laver,  regratleret  trafiquer 
vieilles  bardes  »  ou  même  qu'on  les  expulsât  de  Paris'. 

Ce  qui,  avec  les  merciers  et  les  fripiers,  se  faisait  place, 
en  dépit  des  résistances,  dans  la  société,  c'était  une  classe 
commerçante  indépendante  des  spécialités  professionnelles, 
les  dominant  toutes,  centralisant  tous  les  genres  de  com- 
merce, accaparant  les  grandes  afîaires.  Ce  n'était  guère 
moins  qu'une  révolution  économique  que  celte  classe, 
venant  se  superposer  au  système  suranné  du  moyen  âge, 
était  en  train  d'accomplir  et  celte  révolution  était  trop 
impérieusement  appelée  par  l'extension  du  marché  et  les 
préférences  du  public  pour  pouvoir  être  compromise  par 
les  abus  qui  s'y  mêlaient. 

Nous  avons  parlé  des  six  corps  de  métiers.  Tout  le 
monde  connaît  cette  aristocratie  commerciale  qui,  jusqu'au 
jour  où  les  cent  notables  bourgeois  investis  du  droit  d'élire 
la  juridiction  consulaire  parisienne  furent  tirés  de  son  sein, 
ne  se  distingua  guère  du  reste  des  corporations  que  par 
son  rang  dans  les  cérémonies  publiques. 

11  y  en  avait  une  autre  ;  celle-là  se  composait  des 
marchands  et  artisans  suivant  la  cour.  La  cour  était 
toujours  le  centre  le  plus  brillant,  sinon  le  plus  sur,  des 
affaires.  Partout  oîi  elle  se  transportait,  ses  fournisseurs 
brevetés    l'accompagnaient   et   jouissaient,   pendant    son 

1.  Voy.  les  avis  donnés  par  les  maîtres  et  gardes  des  ini'licrscn  l.V.)9  sur 
le  projet  d'édit  de  Lalleiiias  dans  l'cdit.  originale  et  Les  Grands  joura  tenus 
à  Paris  (lG22),dans  Var.  fiisl.  el  tilt.,  I.  Descriplion  de  l'aris  par  Platter(lâ99]. 
Mém.  de  la  Société  de  l'Iilst.  de  l'aris,  XXIII,  p.  198. 


LIVRES   DE   COMMERCE.  219 

séjour,  du  privilège  de  faire,  non  seulement  avec  elle  mais 
môme  avec  le  public,  des  transactions  qui  échappaient  à  la 
police  et  à  la  juridiction  des  corporations.  Henri  IV  porta 
à  trois  cent  vingt  le  nombre  de  ces  fournisseurs  et  confirma 
leurs  privilèges  '.  N'étant  ouverts  en  principe  que  pour 
la  cour,  et  le  public  n'y  étant  admis  que  par  tolérance,  le 
nombre  de  leurs  magasins  privilégiés  était  limité.  Ainsi  les 
douze  marchands  de  vin  suivant  la  cour,  ne  pouvaient 
ouvrir  plus  de  deux  caves  et  les  vingt-cinq  cabaretiers 
fournisseurs  en  titre  qu'un  cabaret,  et  ces  établissements 
devaient  être  aussi  près  que  possible  du  Louvre  ^ 

Qu'il  appartienne  à  ces  groupes  d'élite  ou  à  la  plèbe 
commerçante,  qu'il  soit  entré  dans  une  corporation  par  la 
voie  régulière  de  l'apprentissage,  du  compagnonnage  et  du 
chef-d'œuvre  ou  qu'il  ait  été  dispensé  de  ces  épreuves  par 
sa  naissance,  son  argent  ou  la  faveur  royale,  qu'il  ait  été 
«  passé  maître  »  ou  qu'il  soit  «  maître  de  lettres  »,  le  com- 
merçant se  trouve  engagé  dans  une  carrière  où  l'attendent 
également  les  entraves  et  la  protection  d'un  corps  non 
moins  jaloux  de  sa  discipline  que  de  son  monopole. 

La  première  condition  qu'il  lui  faudra  remplir  pour 
réussir,  sera  de  se  rendre  compte  de  ce  qui  entre  chez  lui 
et  de  ce  qui  en  sort  en  marchandises  et  en  argent,  d'établir 
et  d'avoir  toujours  sous  les  yeux  son  doit  et  son  avoir.  Nos 
ancêtres,  on  le  sait,  n'y  avaient  pas  manqué,  et  il  n'est 
aucun  de  nos  lecteurs  qui  ne  connaisse  ces  livres  de  raison  où 
l'on  trouve  des  révélations  morales  là  où  l'on  n'avait  le  droit 
de  chercher  que  des  comptes  de  commerce  ou  de  ménage. 

Avant  comme  après  l'ordonnance  du  commerce  de  1G73 
qui  ne  prescrivait  que  le  livre  journal  et  sanctionnait  celte 

1.  Arrêts  du  15  juillet  1601  et  du  31  mars  1605.  Bihl.  nat.  Franc.  18108, 
fol.  28.  Lettres  patentes  du  16  septembre  1606  dans  Delamare,  1,  172. 

2.  Arrêts  du  conseil  du  29  octobre  1602.  Coll.  des  Archives  nat.  Arrêt  du 
31  mars  1G05  sur  les  cordonniers  de  la  cour.  Bibl.  nat.  Franc.  18108, 
foi.  28. 


220  LIVRES  DE  COMMERCE. 

presn-iption  par  la  menace  de  convertir  la  faillite  en  banque- 
route frauduleuse  ',  les  livres  de  commerce  furent  aussi 
nombreux  que  l'exigeaient  les  besoins  et  l'esprit  d'ordre  de 
chaque  commerçant.  Vers  le  milieu  du  xvii"  siècle,  un 
commerçant  rémois,  Jean  Mailleferl  -,  n'en  tenait  pas 
moins  d'une  vingtaine,  qui  n'étaient  pas  tous,  il  est 
viai,  consacrés  à  ses  alTaires  commerciales.  Dans  ce  qu'il 
appelait  le  premier  livre  secret,  il  inscrivait  les  sommes 
dont  il  était  débiteur  et  dépositaire.  Dans  un  second  livre 
serre/,  étaient  eiu-egistrés,  avec  un  mélange  qui  ne  cboiiuait 
jias  nos  aïeux,  la  description  des  biens  fonciers,  leurs 
revenus,  ceux  de  la  succession  de  sa  première  femme,  les 
naissances,  les  mariages  et  les  morts  de  ses  enfants,  ainsi 
que  les  autres  événements  domesti(jues.  Y,q  journal  relatait 
les  lettres  de  change  souscrites  par  lui  et  les  autres  opé- 
rations de  chaque  jour.  Le  grand  livre  reproduisait  en 
abrégé'  les  ventes  faites  en  France  et  déjà  portées  en  détail 
au  journal.  Il  y  avait  un  autre  grand  livre  pour  les  affaires 
avec  l'étranger;  un  livre  des  ventes  et  achats;  un  livre  des 
lettres  de  change  souscrites  et  tirées  aux  échéances  des 
foires  de  Lyon  et  qu'on  nommait  le  répertoire',  un  troi- 
sième grand  livre  contenant  l'indication  des  capitaux  et 
revenus;  un  livre  d'achats  oii  chaque  marchandise  portait 
un  numéro  d'ordre  ;  un  livre  de  crédit  indiquant  le  montant 
des  dettes  commerciales  et  les  noms  des  créanciers  •';  un 
livre  de  caisse  oij  figuraient  toutes  les  recettes  et  toutes 
les  dépenses;  un  livre  de  bordereaux;  un  livre  de  copie 
de  lettres  où,  au  lieu  de  les  coj)ier  littéralement,  à 
l'exemple  de  certains  de  ses  confrères,  Mailleferl  se 
contentait  de    reproduire   la  substance   des    plus  impor- 

1.  Ordonnance  du  commerce.  111,  1,  XI,  XI. 

2.  Voy.  ses  Mémoires,  p.  p.  M.  Jauabt.  8"  1890. 

3.  Maillefert  y  renonça  plus  tard  parce  que  les  opérations  sur  les  laines, 
la  dra|)erie  et  la  mercerie,  pour  lesiiuelles  il  l'avait  commencé,  s'étaient 
depuis  traitées  au  comptant. 


LIVRES   DE   COMMERCE.  221 

tantes;  un  livre  où  il  inscrivait  les  noms  de  ses  correspon- 
dants ;  un  autre  où  étaient  facturées  les  marchandises  qu'on 
faisait  emballer  par  avance,  quand  les  affaires  laissaient 
des  loisirs,  pour  mieux  assurer  leur  conservation;  un  livre 
des  menus  frais  divisé  en  frais  de  ménage  et  frais  commer- 
ciaux ;  un  livre  d'entrée  et  de  sortie  des  marchandises. 

Ainsi  que  nous  aurons  encore  l'occasion  de  le  remarquer, 
Jean  Maillefert  n'était  en  rien  un  commerçant  ordinaire  et 
la  multiplicité,  parfois  assez  peu  justifiée,  de  ses  livres  de 
commerce  n'était  pas  ce  qui  le  distinguait  le  moins  de  ses 
confrères.  La  plupart  restaient  loin  de  cette  spécialisation 
dans  les  écritures.  Mareschal,  l'auteur  d'un  Traité  des 
changes  et  rechanges  publié  en  1623  ne  compte  que  six 
livres  de  commerce  :  le  journal  qui  porte  aussi  les  noms 
de  carnet,  de  brouillard  et  de  mémorial,  le  grand  livre, 
le  livre  de  raison,  le  bilan,  le  livre  d'achats  et  de  ventes,  le 
livre  de  copie  de  lettres.  Dans  son  Instruction  i^our  dresser 
livres  de  raison  (1627)  Claude  Boyer  en  énumère  sept,  dont 
la  destination  est  notablement  différente  de  celle  qui  est 
indiquée  par  Mareschal  :  le  brouillard,  le  journal,  le  livre 
de  caisse  ou  brouillard  sur  lequel  on  écrit  tout  l'argent  qui 
se  paye  et  reçoit,  le  livre  particulier  des  menues  dépenses, 
le  livre  de  copie  de  lettres,  le  livre  de  copie  de  comptes, 
le  carnet  des  payements.  A  l'époque  de  l'ordonnance  du 
commerce,  à  côté  du  livre  journal,  qui  est  le  plus  important 
et  le  plus  commun,  on  '  trouve  en  usage  le  carnet  ou 
brouillard,  le  grand  livre,  le  livre  de  raison,  le  bilan,  le 
livre  des  achats  et  des  ventes  K  C'est  à  peu  près  ceux  dont 
Mareschal  donne  la  liste  et  c'était  les  plus  en  usage. 

On  conserve  aux  archives  de  l'Hôtel-Dieu  de  Toulouse 
les  papiers  -  d'un  grand  négociant  du  xvi*^  siècle,  nommé 

1.  BoRNiER,  Commentaire  sur  V ordonnance,  lit,  II. 

2.  L'existence   de  ces  papiers   nous  a  été  révélée  par  un   intéressant 
travail  de  M.  Pradel  inséré  dans  les  Mémoires  de  r Académie  de  Toulouse, 


222  COMPTADILIÏH:   en    l'AHTlt:   DOL'DLH. 

Simon  Lecomle.  Parmi  eux  se  liouve  son  livre  journal 
brouillard.  C'est  un  ms.  oblong  en  papier  dont  les  feuillets 
sont  cotés  et  paraphés  et  qui  va  de  l.'>77  à  laSG.  On  lit  en 
t»He  :  JornaUer  pour  la  recette  des  deniers  qui  se  remettront 
tant  de  Pifitoa,  lioardeaaj:  t/ac  autres  lieux.  Ce  registre, 
on  sont  inscrits  les  paiements  à  faire  et  les  recouvrements, 
renvoie  à  un  livre  de  crédit  et  à  un  grand  livre. 

A  12  d'août  [l.iTT]  es  mains  de  Jehan  Lacondte  2  443  livres  1  sol 
reçu  de  M.  noslre  maieur  pour  son  compte  capital  à  présent  au  livre 
de  crédit 2443  1.  (7047  fr.  03). 

El  à  24  dudit  septembre]  ii.'iO  livres  reçu  du  S''  Alary,  marchand 
d'Alliy,  credileiirau  graiidlivre  à  son  compte  à     o.'lO  livres  (1  731  l'r.  88). 

Ceux  (|ui  s'occupent  de  lliistoirc  du  commerce  et  qui 
connaissent  les  documents  que  le  moyen  âge  nous  a 
laissés  sur  cette  histoire,  notaninient  le  Livre  de  comptes 
des  frères  Bonis  ',  ne  seront  pas  surpris  de  trouver  lé 
grand  livre  on  usage  au  xvi'  siècle.  Ils  le  seront  peut-èlre 
davantage  de  constater  que  la  comptabilité  en  partie 
double  élait  connue  et  pratiquée  en  France  dans  la  seconde 
partie  de  cette  période.  Ce  système,  en  effet,  n'a  été  imaginé 
et  divulgué  en  llalie  (ju'à  la  fin  du  xv"  siècle  par  le  moine 
franciscain  Luca  Paccioli,  et  l'Italie  a  devancé  de  si  loin 
la  France  dans  la  science  commerciale  qu'on  pouvait  se 
demander  si  une  méthode  nouvelle  enfouie  dans  un  traité 
d'arilliméliquc  publié  à  Venise  en  141)4  avait  eu  le  temps 
de  se  répandre  au  siècle  suivant  dans  le  commerce  français. 
Il  n'y  a,  il  est  vrai,  dans  le  journal  de  Simon  Lecomte 
qu'un  mot  qui  prouve  l'usage  qu'il  faisait  de  la  comptabi- 
lité en  partie   double,  mais,   si  l'on  se  rappelle  que  cette 

année  18«!},  sous  le  titre:  Un  marchand  de  Paris  nu  XVl"  siècle  (lôS'i-lSSS). 
.M.  Pr.idel  s'est  placé,  en  les  itudiaut,  an  point  de  vue  historique  et  bio- 
graphi(pic,  tandis  que  nous  y  avons  exclusivement  cherché  les  traces  des 
usages  et  des  procédés  comnieriiaux  de  Tépoque. 
1.  Publié  par  M.  Ei>.  routsiili:  en  IsUô. 


COMPTABILITÉ   EN   PARTIE    DOUlîLE,  223 

comptabilité  consiste  essentiellement  à  distinguer  et  à  per- 
sonnifier, pour  ainsi  dire,  les  principaux  chapilres  de 
recettes  et  de  dépenses,  caisse,  marchandises,  effets  à 
recouvrer,  edets  à  payer,  etc.,  à  ouvrir  à  chacun  un  compte 
en  inscrivant  à  son  crédit  tout  ce  qu'il  donne  et  à  son  débit 
tout  ce  qu'il  reçoit  et  à  décomposer  ainsi  chaque  opération 
en  deux,  peut-être  estimera-t-on  que  nous  n'avons  pas 
attribué  au  mot  caisse  dans  les  articles  suivants  une  portée 
exagérée  : 

lo8o. 

Caisse  doit  ù  19  d'octobre  aux  sieurs  Granier  et  Gestel  100  écus 
sol 100  écus  (943  fr.  82). 

grs  Pierre  Granier  et  Questel  en  compagnie,  marchans  de  Toulouse 
doivent  avoir  à  19  d'octobre  la  somme  de  106  écus  sol  sec  pour 
100  écus  de  comptant  qu'ils  m'ont  baillé  à  dépôt  jusques  aux  paie- 
mens  de  Ro3's  '  et  6  écus  ("66  fr.  63)  pour  le  chaiige  et  leur  dois  bail- 
lier  lettre  de  change  au  temps  des  dépèches.  Apart  -  par  promesse  [que] 
leur  ai  faite.  Débiteur  caisse  pour  cent  écus.     106  écus  (1  000  fr.  45). 

S''  Jean  Delpech,  marchant  de  Toulouse  doit  avoir  à  5  de  novembre 
la  somme  de  300  écus  sol  sec  (2  831  fr.  45)  pour  autant  qu'il  m'a 
baillié  à  dépôt  pour  le  payement  de  Roys  à  5  pour  cent  pour  le 
change.  Lui  dois  l)aillier  lettre  de  change  au  temps  de  payer  à  Paris 
par  promesse.  Débiteur  caisse 300  écus. 

S""  Carlier,  marchant  de  Paris  doit  avoir  à  15  de  novembre  la 
somme  de  588  écus  (5  549  fr.  64)  avec  le  change  à  raison  de  5  pour 
cent  que  le  S""  lehan  Sarazin  m'a  baillé  à  dépôt  jusques  aud. 
paiement  de  Royes.  Lui  ai  fait  promesse.  Débiteur  caisse  de 
560  écus 588  écus. 

S""  Jehan  Delpech,  marchans  de  Toulouse  doit  avoir  la  somme  de 
470  écus  (4  435  fr.  94)  que  m'a  baillié  de  contant  à  dépôt  pour  les 
paiemens  de  Royes  à  5  pour  cent  pour  le  change,  qui  fait  en  tout 
500  écus  (4  719  fr.  08),  pour  laquelle  somme  lui  ai  fait  promesse  lui 
baillier  lettre  de  change  pour  les'paiemens  de  Royes  et  lui  dois  déli- 
vrer lesd.  lettres  dans  le  20  de  février  prochain.  Débiteur  caisse  de 
470   écus 500    écus. 

1.  A  l'échéance  de  la  foire  des  Rois  à  Lyon. 

2.  Apparaît. 


22*  LIVRES  DE  COMMERCE. 

M.  Piigier,  bourgeois  do  Toulouse  doit  avoir  à  17  de  novembre  la 
somme  de  400  «^cus  (3  775  fr.  27)  [que]  de  contant  m'a  baillé  à  dépôt 
jusques  aux  paiemens  de  Roj'es  à  o  pour  cent  pour  le  change,  qui 
est  en  tout  420  écus  (3  0G4  fr.  03).  Pour  la  d.  somme  lui  ai  lait 
promesse  de  lui  bailler  lettre  de  change  dans  le  20  de  février  paiaMe 
à  Lyon.  Débiteur  caisse 420  écus. 

A  reçu  le  dépôt  jusques  aux  paiemens  de  Pasques. 

Caisse  doit  donner  à  2U  de  novembre  724  écus  JI^  pour  reste  de 
son  compte  précédent 724  écus  11  s.  (6  834  fr.  97). 

Les  «  parties  doubles  »  c'était  le  côté  ardu  de  la 
science  commerciale.  Le  commerçant  émérite,  qui  nous 
apprenait  tout  à  l'Iieure  le  nom  et  le  nombre  des  livres 
de  commerce,  Jean  Maillefert,  déclare  qu'elles  n'exigent 
guère  moins  d'application  que  toutes  les  parties  réunies 
de  la  philosophie,  qu'il  avait  évidemment  moins  appro- 
fondie, et  que  les  caissiers  qui  y  étaient  rompus  gagnaient 
autant  que  les  commis  des  finances.  Cette  science  avait 
comme  aujourd'hui  ses  maîtres'. 

Quand  on  voit  que,  de  notre  temps,  l'usage  des  livres 
de  commerce  est  loin  d'être  général,  on  est  porté  à  croire 
que  nos  ancêtres  s'affranchissaient  plus  encore  d'une 
comptabilité  régulière.  Il  faut  pourtant  se  mettre  en 
garde  contre  une  pareille  conclusion.  La  vie  des  com- 
merçants d'autrefois,  moins  attirée  au  dehors  par  la 
multiplicité  des  plaisirs  et  la  facilité  des  déplacements, 
plus  sédentaire  et  plus  intime  que  celle  de  leurs  succes- 
seurs, leur  donnait  pour  la  tenue  de  leurs  écritures  plus 
de  temps  et  peut-être  plus  de  goût.  C'étaient  des  gens 
calculateurs,  méthodiques,  appliqués,  pénétrés  du  sérieux 
et  môme  de  la  dignité  de  leur  profession.  L'élément 
moral  des  livres  de  raison  doit  son  origine  au  besoin 
d'ennoblir  par  le  sentiment  du  devoir  les  occupations  et 

1.  Mémoires  de  Mailleferl,  p.  p.  M.  Jadaut. 


LIVRES   DE  COMMERCE.  225 

les  existences  les  plus  modestes.  Les  livres  domestiques 
et  de  commerce  qui  viendront  s'ajouter  à  ceux  que  nous 
connaissons  déjà,  confirmeront,  croyons-nous,  ce  que  ces 
derniers  nous  autorisent  à  dire  de  leurs  habitudes  d'ordre 
et  de  réflexion.  Nous  n'avons  signalé  que  le  livre  journal 
de  Simon  Lecomte,  nous  aurions  pu  en  signaler  d'autres, 
par  exemple  un  livre  de  recette  des  pastels  récoltés  dans 
le  Lantarais  et  livrés  à  Ram  on  Guarric,  marchand  de 
cette  plante  tinctoriale  établi  à  Saint-Pierre-des-Lages', 
livre  qui  commence  au  11  juin  1.320 ■,  les  livres  de  la 
maison  de  soieries  dirigée  par  la  famille  toulousaine 
de  Laran,  qui  vont  de  1549  à  1539^,  un  livre  de  vente  de 
pastels  commençant  le  17  novembre  1566'. 

Outre  l'avantage  d'éclairer  les  commerçants  sur  leurs 
affaires,  les  livres  de  commerce  pouvaient  avoir  celui 
de  fournir  en  leur  faveur,  sinon  des  preuves,  au  moins 
des  présomptions.  En  principe  c'était  contre  celui  qui 
les  tenait  qu'ils  faisaient  foi  et  sa  partie  pouvait  toujours  les 
invoquer  contre  lui\  Seulement  sils  confirmaient  ses 
allégations,  le  serment  pouvait  être  déféré  à  son  adver- 
saire ^  D'un  autre  côté,  la  divulgation  des  affaires  dont  le 
secret  était  déposé  dans  les  livres  de  commerce,  pouvait 
nuire  au  crédit  du  commerçant,  faciliter,  à  ses  dépens, 
une  concurrence  déloyale,  préjudicier,  d'une  façon 
quelconque,    à   ses  intérêts.    Avant    même    l'ordonnance 

1.  Haute-Garonne,  ar.  Villefranche-de-Lauraguais,  canton  de  Lanta. 

2.  Arch.  de  l'Hôtel-Dieu  de  Toulouse.  C'est  un  registre  oblong,  relié  en 
basane  verte,  dont  les  plats  à  recouvrement  sont  serrés  par  un  cordon. 

3.  Arch.  de  la  Haute-Garonne.  Fonds  du  parlement  au  Palais  de  Justice. 

4.  Arch.  de  l'Hôtel-Dieu  de  Toulouse. 

h.  u  Les  papiers  jouinaux  ne  servent  que  contre  ceux  qui  les  ont  écrits 
ou  contre  leurs  héritiers,  si  ce  n'est  en  petite  souiuie.  »  Arrêt  de  juillet  1577, 
visé  par  Brillon,  y"  Livres  de  commerce.  Cf.  Bouchel,  vo  Livres  des  mar- 
chands. «...  nous  avons  présenté  une  seconde  requeste...  à  ce  que  ledit 
Thomas  fût  tenu  de  faire  apparoir  de  son  livre  de  raison  pour  savoir  si 
ladite  somme  lui  est  due.  »  Lemaire  à  S.  Lecomte.  Toulouse,  IG  avril  1578. 
Papiers  Lecomte.  Arch.  de  l'Hôtel-Dieu  de  Toulouse. 

6.  TouBE.\u,  Institutes  du  droit  consulaire,  p.  4(58. 

15 


■22Ô  COMMIS   Kï   APPRENTIS. 

de  1673,  le  législateur  s'était  préoccupé  d'écarter  ce  danger 
sans  priver  la  justice  ni  les  intéressés  des  lumi«'u'es  que 
la  recherche  de  la  vérité  pouvait  tirer  de  documents  aussi 
autorisés,  mais,  sil  en  avait  trouvé  le  moyen,  il  n'avait 
pas  encore  réussi,  à  la  lin  du  règne  de  Henri  IV,  à  le 
faire  exclusivement  adopter.  En  septembre  lo93,  ce 
prince  avait  renouvelé  la  prescription  de  ne  consulter 
les  livres  de  commerce  que  par  voie  de  représcnlation  et 
non  de  communication^  c'est-à-dire  en  faisant  faire,  sans 
déplacement  et  au  domicile  du  commerçant,  par  les 
magistrats,  les  extraits  ordonnés  par  la  justice.  Mais 
ledit  de  juin  162')  indique  que  la  communication  n'avait 
pas  encore  disparu  des  habitudes  de  la  procédure  \ 

Le  commerçant  se  réservait  généralement  le  soin  de 
tenir  ses  écritures".  Quand  il  était  arrivé  à  l'aisance,  il 
laissait  au  contraire  à  des  commis,  à  des  garçons,  à  des 
apprentis  celui  d'acheter,  de  vendre,  d'auner,  de  peser 
et,  à  plus  forte  raison,  de  déballer,  d'étaler,  de  serrer  les 
marchandises.  Ces  courtauds  de  boutique,  comme  on 
appelait  dédaigneusement  ces  modestes  auxiliaires,  s'étaient 
relâchés,  sous  l'influence  des  guerres  civiles,  de  leurs 
habitudes  de  travail,  de  discipline  et  de  déférence.  Il  leur 
restait  de  ces  temps  agités  une  turbulence  qui  les  mêlait, 
dans  les  attroupements  et  les  désordres  de  la  rue,  aux 
laquais  et  aux  clercs  de  procureurs  '.  Toutefois  les  rapports 

1.  Ordonnance  du  commerce,  111,  IX,  X. 

2.  Mémoires  de  Jean  Maiilefert.  Nous  insistons  sur  le  mot  ;/énéralemen( 
car  nous  avons  tiré  de  ces  mômes  mémoires  la  preuve  que  les  livres  étaient 
tenus  aussi  par  des  caissiers.  Voy.  plus  haut,  On  lit  aussi  dans  une 
lettre  de  J.  Charpentier  à  Simon  Lecomte.  Toulouse,  8  juin  1582.  (Papiers 
Lecomte.  Arch.  de  rHùtel-Dicu  de  Toulouse)  :  »  ...  n'estant  point  déclaré 
qui  a  écrit  sur  lelivrede  caisse  ni  jouinal...  » 

.3.  Mémoires  de  Cheverny.  Coll.  Micliaud,  X,  .')5'.).  «  ...  apprentis  et  gens 
sans  moyen  qui  se  sont  mis  durant  les  troubles  eu  plusieurs  endroits  où 
Ton  ne  sauroit  tenir  ordre  ne  Visitation...  »  Lakfemas,  Remonstrnnres  au 
peuple  suivant  les  édits  et  ordonnances  des  Rois  à  cause  du  luxe  et  super- 
fluité  des  soijes  et  clinquants  en  leurs  hahils,  KiOl.  Voy.  aussi  le  passage 
tiré  du  Difilofjue  récréatif  du  marchand  et  du  soldat  \\hlV>],  et  cité  plus  haut. 


APPRENTIS.  227 

(les  patrons  avec  leurs  inférieurs  commençaient  à  se 
ressentir  de  la  réaction  qui  s'opérait  en  tout  vers  l'ordre  et 
l'autorité.  Les  apprentis  ne  parlaient  jamais  à  leur  maître 
que  le  chapeau  à  la  main  et,  dans  beaucoup  de  villes,  à 
Toulouse,  à  Bordeaux,  par  exemple,  ils  mangeaient 
debout  à  leur  table  *.  Le  patron  veillait  à  l'accomplisse- 
ment de  leurs  devoirs  religieux  et  se  rendait  avec  eux 
le  dimanche  à  la  messe  paroissiale  ^  L'apprentissage  et  le 
stage  qui  le  suivait  duraient  parfois  douze,  quinze  et 
vingt  ans^.  Une  éducation  professionnelle  aussi  prolongée, 
s'accomplissant  souvent  dans  la  même  maison,  établissait 
entre  son  chef  et  les  subalternes  une  intimité  qui  rendait 
leur  collaboration  plus  féconde.  Beaucoup  de  ces 
apprentis  et  de  ces  commis  étaient  des  fds  de  famille; 
plus  d'un  entrait  dans  celle  du  patron  et  devenait  son 
associé.  Mais  les  premières  années  de  l'apprentissage 
étaient  ingrates  et  à  peu  près  stériles  ;  on  mettait  les 
apprentis  à  tout,  on  leur  demandait  des  services  qui  ne 
les  préparaient  en  rien  à  leur  future  profession.  La  mère 
de  l'un  d'eux  écrit  le  20  août  1579  :  «  ...  Mon  fils...  est 
en  prompt  danger  de  perdre  son  temps  chez  le  sire  Gaban 
et  Landria  et  non  seulement  en  danger  de  ne  rien  appren- 
dre mais  en  plus  grand  danger  d'oublier  ce  qu'il  savoit... 
de  escrire  et  chiffrer...  car  ils  l'emploient  comme  un 
journalier  à  leurs  négoces  de  leur  maison  et  héritage*.  » 
Sans  nous  dissimuler  combien  (dles  sont  insuffisantes 
pour  faire  apprécier  dans  son  ensemble  la  situation  morale 
de  l'apprenti,  citons  encore  deux  lettres  dont  l'une  fait 
entrevoir  l'affectueuse  sévérité  de  la  famille,  l'autre  la 
rudesse  du  patron.  Voici   ce   qu'écrit,   le    11   mars    l.i82, 


1.  Savary,  Le  parfait  négocianl. 

2.  Ibld.,  p.  39. 

3.  Ibid.,  p.  125. 

4.  Arch.  de  l'IIôtel-Dieu  de  Toulouse.  Popiers  Lecomte. 


22S  APPRENTIS. 

Catherine  Rouillé  à  son  fils  Jean  Charpentier    qui  est   en 
apprentissage  chez  un  certain  Macau.  à  Toulouse  : 

Jehan  Charpentier,  je  reçus  votre  lettre  par  laquelle  me  mandez 
que  deviez  aller  à  Lyon  avec  M.  Baide.  J'en  ai  parlé  à  vostre  père 
h^quei  m'a  dit...  que  ne  saviez  que  coi'lte  Taraient  à  gagner.  Touttefois 
lui  ai  prié  vous  laisser  aller  avec  le  congé  et  avis  de  M.  vostre  niaistre 
et  à  la  compagnie  de  M.  Barde  auquel,  si  y  allez,  vous  gouvernerez 
avec  honneur  et  révérence  à  la  compagnie  que  serez  et  avec  moins 
(le  dépense  que  pourrez.  Je  ni  été  avertie  que  vous  hantez  avec 
l,a  Bistade  qui  est  un  garçon  débauché  qui  ne  bouge  des  jeux  de 
paume.  Ce  n'est  pas  pour  parvenir  et  vous  defTens  de  hanter  telles 
personnes...  Je  vois  par  la  lettre  de  M.  Barde...  qui  vous  a  mis  en 
charge  à  recevoir  quelque  chose  à  la  boulique.  Je  vous  prie  vous 
gouverner,  et  montrer  le  lieu  d'où  vous  estes  sorli'... 

C'est  maintenant  un   patron  qui  parle  : 

M.  Lecomte,  j'ai  reçu  la  votre  du  23  de  février  dernier  passé  par 
mains  de  Jacques  Dufour  votre  neveu...  J'ai  vu  le  contenu  en  la 
votre  par  laquelle  me  recommandez  led.  Dufour.  Je  vous  prie  croire 
que,  pour  l'amour  de  vous,  je  n"en  ferai  non  plus  que  s'il  étoit  mon 
propre  enfant  et  me  peineroi  de  tout  mou  pouvoir  de  l'apprendre 
quelque  chose  qui  soit  à  son  profit  et  honneur  pour  l'avenir,  vous 
assurant  que  à  l'entour  de  moi  ne  demeurera  oisif  mais  l'emploierai 
toujours  en  quelque  chose  et  même  à  écrire  et  compter,  dont  il  a 
bon  besoin...,  car  autrement  en  peu  de  jours  il  auroit  oublié  tout  ce 
peu  qu'il  en  sait  et  j'espère  qu'il  ne  perdra  son  temps,  estimant  qu'il 
sera  de  bon  [le]  commander,  à  ce  que  je  puis  connoitre,  car,  de  ma 
part,  je  suis  fort  rude  à  mes  serviteurs  sans  leur  montrer  caresse 
aucune,  comme  à  la  vérité  il  a  besoin  d'être  tenu  de  court  et  avec 
moi  la  plus  grande  occupation  qu'il  aura,  c'est  de  demeurer  au 
comptoir  à  écrire  et  autres  offices  qui  sont  requis  par  la  ville  ou  aux 
Chartreux...  Au  demeurant  je  vous  dirai  aux  conditions  que  je  puis 
tenir  led.  Dufour  :  c'est  qu'il  faut  qu'il  me  serve  quatre  années  en  me 
payant  la  pension  des  deux  années  du  prix  desquelles  je  me  rapporte 
à  vous  et  ce  que  aviserez,  à  la  charge  qu'il  soit  tenu  vêtu  et  chaussé 
et  même  de  chemises,  car  sur  tout  je  désire  que  l'on  se  tienne 
nettement.  Il  est  mal  vêtu  soit  en  manteau  et  autres  habits  qu'est 
besoin  promptement  lui  en  faire  faire-... 

1.  Arch.  de  l'Hùtei-Dieu  de  Toulouse.  Papiers  Lecomte. 

2.  Sabatery  à  S.  Lecomte.  Bordeaux,  26  avril  1688.  Arch.  de  rHôtcl-Dieu 


FACTEURS.  229 

Indépendamment  de  ces  auxiliaires  qui  habitaient  chez 
lui  et  partageaient  sa  vie,  le  commerçant  en  avait  d'autres 
qui  lui  donnaient  leurs  concours  de  loin  et  avec  une 
certaine  indépendance  ;  nous  voulons  parler  des  facteurs, 
des  commissionnaires  et  des  courtiers. 

Le  terme  de  facteur  était,  dans  un  sens  large,  syno- 
nyme de  commis,  mais,  dans  son  acception  rigoureuse, 
il  désignait  les  agents  qui  faisaient  des  affaires  pour  le 
compte  d'un  commerçant  dont  ils  étaient  séparés  par  la 
distance.  N'agissant  qu'au  nom  de  leur  commettant,  ils 
n'engageaient  que  celui-ci;  ils  n'étaient  donc  pas  respon- 
sables de  son  insolvabilité  et  ne  pouvaient  être  poursuivis 
personnellement  que  sils  étaient  désavoués  par  lui,  auquel 
cas  ils  avaient  usurpé  un  rôle  qui  ne  leur  appartenait  pas 
et  n'avaient  eu  d'un  facteur  que  l'apparence.  Le  com- 
merçant pouvait  être  assigné  au  domicile  de  son  facteur. 
Il  faut  considérer  comme  une  anomalie  l'arrêt  du  parle- 
ment de  Bordeaux  qui  déclarait  le  facteur  incapable  de 
donner  valable  quittance  d'une  somme  due  à  son  com- 
mettant, à  moins  d'y  être  autorisé  par  une  procuration 
spéciale  ou  par  une  lettre  au   débiteur',    car  la    qualité 

de  Toulouse.  Voy.  trois  contrats  d'apprentissage  du  ler  juillet  1555,  du 
26  mai  1557  et  du  19  avril  15G2,  p.  p.  Babinet  de  Rencoigne  dans  Recueil  de 
docitments pour  servir  à  l'histoire  du  commerce  et  de  l industrie  enAngoumois. 
Bulletin...  de  la  Charente,  1880.  p.  .59. 

1.  Consultation  de  Charondas  Lecarox.  Œuvres,  in-fol.  1,  ix-p.  xxx. 
BoERius,  Décisions,  114.  Bol'chel,  v»  Facteur.  On  lira  avec  intérêt  la  lettre 
suivante  écrite  par  un  commerçant  à  son  facteur  le  17  juillet  1585. 

Au  seigneur  Siinon  Conte  de  présent  au  logis  des  Ballances  à  Toulouse. 
Orig.  scellé.) 

De  Paris  ce  17  juillet  158o. 

'<  Simon  Conte,  je  ne  puis  que  je  ne  me  plaigne  bien  et  grandement  et  à 
fort  juste  occasion  du  tort  que  me  tenez  pour  ne  point  vider  vos  comptes 

avec   moi Vous  savez  le  bien  que  je  vous 

ai  commis  en  vos  mains  il  y  a  fort  longtemps.  Vous  m'en  avez  rendu 
compte  pour  quelques  années.  Vous  savez  par  les  comptes  que  m'avez 
rendus  tantôt  pour  une  ou  deux  ou  trois  années  les  passedroits  que  je 
vous  ai  faits.  J'en  ai  les  comptes  pardevers  moi  pour  les  vous  montrer 


•2:\0  COMMISSIONNAIRES  ET  COURTIERS. 

de  facti'ur  résultait  suffisamment  d'actes  répétés  et  n'avait 
pas  besoin  d'être  établie  par  une  procuration. 

Tandis  que  les  facteurs  n'agissaient  que  dans  l'intérêt 
d'un  commerçant,  les  commissionnaires  et  les  courtiers 
acceptaient  les  mandats  de  plusieurs.  Par  contre,  ces 
mandats  étaient  limités  à  une  opération  déterminée  V  Le 
courtier  n'était  qu'un  entremetteur  qui  rapprochait  les 
parties  et  s'éclipsait  pour  les  laisser  conclure.  Un  édit 
de  juin  4 572  avait  érigé  en  titre  d'office  les  agents 
de  change  et  de  banque  et  les  courtiers  en  marchan- 
dise qui  étaient  en  exercice".  La  plupart  des  courtiers 
étaient  d "anciens  maîtres  des  corporations  qui  avaient 
(juilt*'    les   afT'aires   avec   plus    de    considération    que    de 

([iifind  vous  voudrez.  Je  n'ai  été  si  rigoureux  comme  je  sais  que  aucuns 
ont  été  et  comme  je  sais  que  pour  le  jour  d'iiui  sont  encore  plusieurs 
maîtres...  Je  le  sais...  combien  me  coûte  l'achat  des  pastels  ([ue  ave/ 
achetés  en  plus  grand  nombre...  que  vous  ne  deviez  sans  mon  mandement 
ni  aveu...  .le  n'ai  jamais  gagné  3  liv.  t.  par  balle  sur  aucuns  de  vos  achats 
et  je  sais  d'assurance...  que,  si  jamais  vous  n'eussiez  l'ait  achat  pour  moi 
de  pastel,  qu'il  m'en  fut  mieux  à  présent  de  plus  de  10  000  écus  sol... 
Vous  savez  combien  me  coûte  le  procès  que  m'.avez  intenté  et  qu'avez  perdu 
contre  Jehan  Du  Casse  (?)  par  arrêt  de  la  cour  du  parlement  de  Bordeaux. 
Je  retourne  à  vous  dire...  que  les  atlaires  qu'avez  maniées  pour  moi 
depuis  l'an  1572  me  coûtent  plus  de  10  000  écus,  en  y  comprenant  les 
intérêts  de  mon  argent  couché  eu  pastel  qui  a  demeuré  plus  de  six  ans 
sans  aucun  profit....  si  jamais  je  ne  me  fusse  mrlé  de  pastels  ains  seu- 
lement de  draperie  qui  est  mon  état  naturel,  il  me  fut  mieux  pour  moi... 
(le  plus  de  10000  écus.  Si  les  dernières  six  années  qu'avez  manié  mes  affaires 
dans  Toulouse  eussent  été  semblables  aux  cinq  dernières  années  que  An- 
toine Sagnier  me  les  a  maniées  seulement  à  recevoir  mes  dettes  et  payer 
mes  lettres  de  change,  je  sais  combien  il  me  seroit  de  mieux....  Vous 
ne  me  rendez  point  compte  des  comptes,  cedules  et  papiers...  depuis  votre 
dernier  département  de  Paris,  lequel  compte  est  celui  que  vous  demande 
que  j'attends  il  y  a  six  ou  sept  ans  passés 

Sif/7ié :  Jea,n  Uolillk. 

(Arch.  de  l'IIôtel-Dieu  de  Toulouse,  Papiers  Leco.mti;). 

1.  Yoy.  dans  Fkkville,  Cotnmerce  maritime  de  lioue»,  II.  n"  l'iU,  les 
objections  présentées  par  l'échevinage  de  cette  ville,  le  24  novembre  1582, 
contre  l'établissement  des  courtiers. 

2.  Arch.  nat.  Coll.  Rondonneau,  ADX68.  Lettres  de  provision  rie  courtier 
au  Havre  délivrées  par  Henri  IV,  8  septembre  l.")83.  Hohely,  lUstoire  du 
Havre.  I.  Append.,  35. 


BOUTIQUES   ET  GROUPEMENT    DES  COMMERÇANTS.  231 

l'ortunc  et,  en  un  certain  sens,  ils  en  dépendaient  encore'. 
Quelquefois  même  ils  étaient  nommés  par  elles  -.  Les 
commissioimaires,  quand  ils  sabstenaient  do  garantir  le 
succès  del'afFaire  dont  ils  s'occupaient,  ne  se  distinguaient 
guère  des  courtiers.  Ils  ne  prenaient  alors  qu'une  commis- 
sion simple  qui  était  généralement  de  2  pour  100.  Dans 
le  cas  contraire,  ils  touchaient  une  double  commission  et 
étaient  alors,  suivant  une  expression  restée  en  usage, 
tenus  de  croire^. 

Grâce  à  ces  représentants  qui  allaient  chercher  et 
conclure  au  loin  les  atTaires,  la  vie  du  commerçant 
s'écoulait  en  grande  partie  dans  sa  boutique  et  son 
quartier. 

Ces  boutiques  s'ouvraient  sur  la  rue  sous  un  arc  sur- 
baissé ;  assez  souvent  la  lumière  y  pénétrait  par  des 
devantures  vitrées  soutenues  sur  de  légers  châssis.  On 
y  accédait  soit  directement  de  la  voie  publique,  soit  par 
une  allée  qui  conduisait  aussi  aux  étages.  On  y  ménageait 
généralement,  au  moyen  d'une  cloison  à  mi-hauteur, 
appelée,  dans  certains  pays,  mejan^  une  arrière-boutique, 
où  vivait  la  famille,  où  s'empilaient  les  marchandises  qui 
n'étaient  pas  couramment  demandées.  Qu'on  ajoute  une 
cuisine  où  l'on  se  tenait  l'hiver,  une  cour  intérieure  où, 
dans  les  villes  du  Midi,  on  cherchait  l'été  la  fraîcheur  et 
quelques  chambres  au  premier  parfois  envahies  par  les 
marchandises  '  et  l'on  aura  une  idée  sommaire  mais  assez 


1.  Savaky,  Diction,  du  commerce,  v»  Courtier, 

2.  Arrêt  maintenant  ce  privilège  aux  maîtres  gardes  de  la  draperie  de 
Paris,  9  juillet  1605.  Arcii.  nat.,  collection  des  arrêts  du  conseil. 

3.  La  provisione  è  quel  premio  che  si  dà  al  mercante  che  fa  le  faccende 
tue  per  la  sua  fatica,  e  quando,  oltro  alla  fatica,  tu  gli  aggiugni  anco  il 
risico  dello  starti  del  credere,  la  provisione  si  dà  doppia,  cioè  quattro  per 
mille  de'  cambi  e  quattro  per  cento  délie  niercanzie,  ma  gli  amici  si  con- 
tentono  di  tre.  Dava:xzati,  Notizia  de' c«/h6!  publiée  avant  1391. 

4.  PuECH,  Nîmes  à  la  fin  du  XVI''  siècle,  1884,  8,  p.  379.  Babeau,  Les  bour- 
geois d'autrefois,  p.  27.  Quarré  Reybourdon,  Aspect  de  quelques  maisons  de 
Lille  au  commencement  du  XVII''  siècle  dans  A)ni  des  monuments,  1890,  IV. 


■n-1  ENSEIGNES. 

exacte  du  milieu  où  se  tléroulait  l'existence  de  la  bour- 
geoisie couimerçante. 

Certains  quartiers  étaient,  préférablement  à  d'autres, 
recherchés  par  certains  commerces.  Il  y  avait  là  une  vieille 
tradition  dont  le  présent  olïre  encore  des  vestiges  et  qui 
est  si  connue  qu il  est  à  peine  nécessaire  den  donner  des 
exemples. 

La  rue  aux  Fèvres  et  le  Petit- Pont  étaient  le  quartier 
exclusivement  adopté  par  les  marchands  de  draps  dor, 
d'argent  et  de  soie  ',  Les  merciers  étaient  groupés  dans 
l'enclos  du  Palais,  aux  Halles,  au  cimetière  Saint-Jean 
et  aux  environs  du  Grand  et  du  Petit-(lhâtelet  -.  Le  beau 
monde  venait  dans  la  galerie  du  Palais  feuilleter  chez  les 
libraires  les  livres  nouveaux,  marchander  les  objets  de 
parure  chez  les  merciers  et  les  lingères,  qui  achalandaient 
leurs  boutiques  en  servant  les  intrigues  galantes  de  leur 
clientèle  \ 

Les  maisons  de  commerce  ne  se  déplaçaient  que  très 
rarement.  Elles  s'imposaient  à  l'attention  des  passants  par 
des  enseignes  voyantes  et  bizarres  qui  exprimaient  gauche- 
ment et  crûment,  par  Tiniage  et  par  la  légende,  les  ins- 
tincts persistants  et  les  impressions  profondes  de  l'àme 
populaire:  dévotion  naïve,  traditions  historiques,  loyalisme 
monarchique,  émotions  produites  par  les  événements  con- 
temporains, gaieté  gouailleuse  et  amie  de  l'esprit  d'à  peu 

Babeac,  Un  marchand  de  province  sous  Henri  /F  dans  Bulletin  de  la  Société 
d'économie  sociale,  Vlll.  .Malherbe  à  Peiresc,  .^  janvier  I6I.$  dans  Œuvres 
de  Mal/ierhe,  édit.  Lalanne.  FoRETncRE,  Roman  bourgeois,  64.  Voy.  un  dé- 
nombrement des  boutiques  occuptes  à  Paris  par  les  diverses  proTessions 
dans  la  Relation  de  Vr.  d'Ierni  (lôOG).  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de 
Pans,  Xli,  IGi.  Albiuncolrt,  Histoire  r/énéraledes  larrons,  1G29.  Deux  livres 
déraison,  p.  p.  Santi  et  Vidal.  Introd.  p.  2"20-"-!21. 

1.  Savahy,  Le  parfait  négociant,  I,  171. 

2.  Arrêts  du  conseil  du  7  août  et  11  septembre  IGOi,  2(i  mars  1(505. 

3.  Corneille,  Im  galerie  du  Palais.  Voy.  aussi  la  gravure  dAbraham  Uosse 
représentant  la  galerie  du  l'alais  et  les  vers  ijui  en  forment  la  légende  et 
(|ui  ont  été  reproduits  dans  ['Histoire  du  commerce  de  Pujeonneai,  11, 
Append.,  Ili. 


MARCHÉS   L'SURAIRES   ET   I5ANQUES   PUBLIQUES.  233 

près  '.  La  loi  eu  assurait  la  propriété  et  en  défendait,  dans 
le  même  quartier,  la  similitude  -. 

Les  commerçants  du  commencement  du  xvii"  siècle 
avaient  gardé  du  spectacle  des  fortunes  écroulées  et  des 
fortunes  rapidement  édifiées  dont  les  agitations  de  leur 
temps  les  avaient  rendues  témoins,  un  vit'  attrait  pour  la 
spéculation.  C'est  cet  entraînement  qui  rendait  suspects 
les  marchés  à  ternie,  les  ventes  à  crédit.  Les  grossiers  espa- 
çaient en  quatre  ou  cinq  échéances  le  payement  de  leurs 
livraisons  aux  détaillants  -^  ;  ceux-ci,  à  leur  tour,  revendaient 
à  crédit,  même  aux  moins  fortunés  de  leurs  clients,  aux 
laboureurs  et  aux  vignerons  '.  Au  fond,  il  n'y  avait  là  que 
des  marchés  usuraires.  Déjà  l'ordonnance  dOrléans  (I06O) 
avait  prononcé  contre  les  marchands  coupables  d'usure  la 
peine  de  la  confiscation  et  interdit  à  d'autres  qu'aux  mar- 
chands le  marché  à  terme  ".  Mais  les  mesures  légales  étaient 
restées  impuissantes.  L'existence  d'une  banque  d'Etat  ou, 
tout  au  moins,  dun  établissement  de  crédit  fonctionnant 
au  grand  jour  sous  la  garantie  ou  le  contrôle  de  celui-ci, 
en  faisant  une  concurrence  victorieuse  aux  transactions 
clandestines  et  en  jouant  le  rôle  de  régulateur  du  crédit, 
aurait  été  plus  efficace.  Cette  vérité  n'échappa  pas  à  nos 
ancêtres  et  suscita  dans  ce  sens  plus  d'une  tentative.  En 
1506  le  comte  de  Retz  proposa  au  bureau  de  la  ville  de 
Paris  la  création  d'une  banque  au  capital  d'un  million 
de  livres  (3  704  793  fr,  37)  qui  serait  pris  sur  les  quatre  mil- 
lions (14  819  173  fr.   49)  provenant  d'une  loterie  dont  les 

1 .  Ed.  Folrmeh,  Histoire  îles  enseignes. 

2.  Brillox.  Puech,  Nîmes  à  la  fin  du  XVI"  siècle,  153-154.  Malbhanche, 
Causerie  à  propos  de  quelques  enseignes.  Moxgazon,  Enseignes  et  devises 
des  magasins  d'Angers  dans  Mém.  de  la  société  d'agriculture,  sciences  et  arts 
d'Angers,  XL  (1884),  p.  171. 

3.  Savxry,  Parfait  négociant,  I,  162. 

4.  MoNTCHRÉTiEN,  Traité  de  l'économie  politique,  éd.  Funck  Brentano, 
p.  2G0.  Lafffemas,  Remonslrance  en  forme  d'édit..  art.  xvi.  Deux  livres  de 
raison,  p.  p.  Santy  et  Vidal,  p.  199. 

5.  Picot  II,  3.30-33 1- 


'2U  liANQLES   PLBLIOLES. 

lots  i^bions-foniis,  meubles,  etc.),  déjà  réunis  par  l'auteur 
de  l'avis,  seraient  remis  à  la  municipalité.  Cette  banque 
prêterait  au  denier  dix  sur  cautions  et  sur  gages.  Les  fonda- 
teurs céderaient  à  la  ville  le  huitième  du  profit  de  la  lote- 
rie et  de  la  banque.  Grâce  à  celle-ci,  les  emprunteurs 
n'auraient  plus  à  subir  les  exigences  des  usuriers  et  les 
frais  ruineux  des  actes  notariés;  le  commerce  trouverait 
l'argent  nécessaire  à  ses  voyages  au  loin  et  à  ses  approvi- 
sionnements. Malgré  ces  séduisantes  perspectives,  léche- 
vinage  parisien  refusa  de  mettre  son  puissant  crédit  au 
service  de  cette  entreprise  '.  Près  d'un  demi-siècle  après, 
le  20  dé'ccmln-e  ir»08,  le  conseil  d'Ktat  approuvait  les  sta- 
tuts qui  lui  avaient  été  soumis  par  le  sieur  de  Fontenu, 
avocat  au  parlement  pour  la  création  dune  banque  de 
France.  L'institution  qu'il  baptisait  de  ce  nom,  était 
une  banque  de  dépôt  et  de  prêt,  non  d'escompte  et 
démission.  Comme  celle  dont  le  comte  de  Relz  avait 
conçu  l'idée,  elle  était  destinée  à  prêter  sur  cautions 
et  sur  gages.  L'intérêt  attribué  aux  actions  composant 
le  capital  était  légèrement  supérieur  à  l'intérêt  légal 
cl  au  cours  du  change  des  foires  de  Lyon.  Son  sur- 
intendant et  ses  contrôleurs  étaient  investis  du  pou- 
voir de  décerner  contre  ses  débiteurs,  sans  l'intervention 
de  la  justice,  des  contraintes  exécutoires.  Les  frais 
généraux  étaient  couverts  par  le  prélèvement  d'un  droit 
proportionnel  sur  le  mouvement  des  fonds.  Le  capital 
de  l'établissement  de  Paris  était  fixé  à  1. '500  000  livres 
(4  384  391)  fr.  20)  et,  dans  ceux  des  provinces,  suivant 
l'importance  des  villes.  Les  statuts  ne  devaient  être  en- 
registrés que  lorsque  ce  capital  aurait  été  souscrit.  On 
peut  affirmer  qu'il  ne  le  fu!  pas,  car  la  banque  du  sieur 
de  Fontenu   n'a  laissé    d'autre   trace   dans  l'histoire   que 

1.  Itef/islrea  du  bureau  de  tu  ville,  p.  p.  Tuetev,  V    année  lôCG). 


LETTRE    DE  CHANGE.  23î) 

le  projet  dont  on  vient  do  lire  les  clauses  essentielles  '. 

A  pari  l'organisation  défectueuse  du  crédit,  le  commerce 
jouissait,  au  commencement  du  xvn'  siècle,  des  organes 
nécessaires  à  son  existence  et  à  son  essor.  Lettre  de 
change,  sociétés  commerciales,  bourses,  foires  et  mar- 
chés, procédure  des  faillites,  tribunaux  consulaires,  tout  ce 
qui  facilite  aujourd'hui  les  opérations  commerciales,  se 
retrouve,  à  un  degré  de  développement  inférieur,  au  temps 
de  Henri  IV. 

La  lettre  de  change  est  toujours  en  substance  ce  qu'elle 
était  en  ce  temps-là:  un  acte  opérant  un  transport  d'argent 
ou,  comme  on  dit,  une  remise  d'une  place  sur  une  autre. 
Alors,  comme  aujourd'hui,  le  payement  de  la  lettre  de 
change  dans  un  autre  lieu  que  celui  où  elle  a  été  tirée, 
était  une  condition  essentielle.  Pour  ressembler  tout  à  fait 
à  celle  de  notre  temps  ou  même  à  celle  dont  l'ordonnance 
du  commerce  déterminera  les  conditions  légales,  il  lui 
manque  la  clause  à  ordre  -,  la  faculté  d'endossement  qui 
en  est  la  conséquence  et  la  mention  de  la  valeur  reçue, 
espèces,  marchandises  ou  billet.  Faute  de  la  clause  à 
ordre,  elle  n'avait  pas  encore  acquis  cette  facilité  de  trans- 
mission et  de  circulation  qui  l'assimile  presque  au  billet 
de  banque.  Elle  était  payable  à  vue  ^  à  jour  préfix  \  à 
usance  ou  à  double  usance  et  enfin  à  l'une  des  quatre  foi- 
res ou,  ainsi  qu'on  s'exprimait,  à  l'un  des  quatre  payements 


1.  Nous  en  avons  publié  les  statuts  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'his- 
loire  de  Paris,  1890. 

2.  «  Ces  mots  :  ou  à  son  ordre  ne  sont  pas  de  l'essence  d'une  lettre  de 
change...  avant  IGïOles  cambistes  ne  les  mettaient  jamais  dans  leurs  lettres.  >- 
Savaky,  Parères,  n°  82. 

3.  «  ...  ai  écrit  au  sieur  Anth.  Sagnier  de  luy  fournir  450  ccus  sol. 
(4  247  fr.  18)  pour  acheter  lesdites  marchandises  et  lui  promets  les  lui 
rembourser  à  lettre  vue.  »  Boyer  à  Lecomte.  Bordeaux  17  septembre  1583. 
Papiers  Lecomte. 

•i.  «  11  ne  faut  pas  penser  de  payer  lettres  de  change  qui  ont  jour  prefix 
aux  cedules.  »  Michel  Dusosoy  à  Simon  Lecomte.  Bordeaux  5  janvier  1575. 
Ibid. 


23(1  li:tïre  de  change. 

Je  Lvon.  L'usaïu'i'  lixait  rôcliéanco  à  un  mois,  la  double 
usaiice  à  deux  mois  '.  L'aval  élait  déjà  en  usage  et,  comme 
aujourd'luii.  le  tiré  recevait  une  lettre  d'avis  -.  Au  reste,  la 
lettre  de  change  nelait  pas  soumise  à  un  formulaire 
arrêté.  Elle  pouvait,  comme  la  suivante,  èlre  conçue  dans 
la  forme  dune  lettre  ordinaiie  : 

«  Monsieur.  Ce  petit  mot  sera  seulement  pour  vous  prier 
de  payer  deux  jours  vue  à  M.  de  La  Bornerie  la  somme  de 
dix  escus  sol,  pour  semblable  somme  qu'ai  reçue  découlant 
du  sieur  Monchatte  Cerretany,  de  laquelle  somme  de 
dix  escus  ne  laudrai  mettre  en  compte,  espérant  dans 
trois  jours  vous  écrire  et  fere  réponse  d'une  lettre  que  je 
reçus  du  jour  d'hier  venant  de  votre  part...  Toulouse  ce 
23  janvier  lo82.  Votre  bon  ami  et  serviteur  :  Lecomti:.  » 
Au  dos,  le  porteur  a  mis  son  reçu  :  «  J'ai  reçu  les  dix  escus 
contenus  en  l'autre  part  par  les  mains  dudit  sieur  Target^ 
l'ait  à  Paris  ce  18  de  février  lo82.  De  la  liouNF.nii:.  »  Puis 
la  lettre  de  change  est  revenue,  lors  d'un  règlement  de 
compte,  aux  mains  du  tireur  qui  l'a  classée  dans  ses  papiers 
avec  la  rubrique  :  <'  Pour(?)  lettre  de  change  du  sieur 
Simon  Lecomte  en  Toulouse  le  23  janvier  lo82  pour 
10  escus  sol  (Di  fr.  38)  paies  à  M.  de  La  Bornerie  le  10  (sic) 
février  1582  \  » 

Voici  une  autre  rédaction  : 

«  Jésus  Maria.  Ln  Paris  ce  seizième  mai  1.579.  Mons.  Le- 

1.  Ln  durée  légale  du  mois  fut  fixée  ;i  trente  jours  par  Fordonnance  du 
commerce.  Savaky.  Parfait  négociant,  J. 

2.  «  J'ai  reçu  la  votre  d'avis  par  laquelle  me  mandez  accepter  une  lettre 
de  change  que   tirez  à  payer    à   M.  Pancy  (?)   de  la  somme  de  :i()0  écus 

•2  833  fr.  'J9)  sur  la  partie  de  2000  livres  (G297  fr.  75)  que  je  dois  à  M.  Roui- 
ller de  Tan  septante  sept...  »  Carrière  à  Lecomte,  Toulouse  3  novembre  1578. 
■I  ...  je  vous  supplie  délivrer  à  .M.  David,  présent  porteur  les  deux  lettres 
de  change  de  IGOU  livres  (5038  fr.  20)  avec  la  lettre  d'avis...  "  Jean  Magnard 
a  Corneille,  18  janvier  1578.  Papiers  Lecomte.  Davanzati  donne  la  formule 
de  la  lettre  d'avis  :  »  lo  ti  rimetto  per  l'inclusa  di  Ber.  Davanzati  un  marro 
da  Salviati,  presentala  e  risf|uotilo  e  torna  a  rimetterlo  a  me.  » 

•i.  Valentin  Target  ou  Targcr   bourgeois  de  Paris. 

4.  Papiers  Lecomte. 


LETTRE    DE   CHANGE.  237 

comte,  s  il  vous  plaist,  ferez  tenir  et  ordonner  provision  par 
ceste  seconde  de  change,  si  la  première  n'a  esté  acquittée, 
au  quinzième  juin  prochain  pour  payer  au  sieur  Valentin 
ïargier  à  Paris  la  somme  de  50  escus  d'or  sol  (471  fr.  91  ; 
et  ce  pour  la  valeur  de  pareille  somme  que  j'ai  de  par 
deçà  reçue  de  lui  comptant,  dont  à  ce  vous  prie  ne  faire 
faute,  priant  Dieu  que  de  mal  vous  garde.  Pour  oO  escus*.  » 
L'acceptation  par  le  tiré  le  rendait  débiteur,  non  seule- 
ment par  provision  mais  à  titre  définitif^,  ce  qui  n'ôtait  pas 
au  porteur  le  droit  de  se  retourner,  en  cas  d'insolvabilité 
du  tiré,  contre  le  tireur.  Le  refus  du  tiré  d'accepter  ou  de 
payer  amenait  le  protêt,  c'est-à-dire  une  sommation  devant 
notaire  d'avoir  à  accepter  ou  à  payer  et,  faute  de  le  faire, 
une  protestation  contre  le  tiré  et  le  tireur.  Parfois  le 
premier,  requis  d'accepter,  éludait  et  déclarait  se  réserver 


1.  Papiers  Lecomte. 

2.  Arrêt  du  20  janvier  l.ïSi  cité  par  .AlAiiÉciiAL,  Traité  des  changes,  1625. 
Voici  un  exemple  de  protêt: 

'<  Aujourd'tiui  quatorzième  jour  de  mai  l.'>84  à...  six  heures  du  matin,  les 
notaires  du  roi  n.  s.  en  son  Chatellet  de  Paris  soussignés  se  sont  transportés 
de  leurs  études  en  la  maison  de  honorables  hommes  François  et  Nicolas 
Gobelin,  marchan  et  bourgeois  de  Paris  demeurant  es  faubourgs  de  Paris  dits 
de  Saint-Marcel,  où  illec  etans  Pierre  Nivelle  serviteur  et...  au  nom  de  Jehan 
Cartier,  marchand  et  bourgeois  de  Paris  ayant  charge  de  lui,  qui  a  mené 
lesd.  notaires  pour  avoyr  acte  du  contenu  cy  après,  a  prié  et  requis  lesd. 
Gobelin,  pariant  à  François  Gobelin,  de  leur  bailler  et  payer  pour  led. 
Cartier  la  somme  de  200  ecus  sol.  (1887  fr.  63)  mentionnée  en  une  lettre 
d'eschange  envoyée  aud.  Cartier  pour  la  recepvoir  desd.  Gobelin  par  un 
nommé  et  signé  Le  Compte  en  date  à  Toulouse  le  23  mars  1684,  payable 
onze  mois  de  vue,  laquelle  lesd.  Gobelin  ont  jà  vue  au  moyen  du  protest 
à  eux  lait  à  la  requeste  dud.  Cartier  le  5«  avril  dernier  et  encore  l'a  exhibé 
présentement,  protestant,  au  refus  du  change  et  rechange,  de  prendre 
deniers  a  change  et  rechange  et  choses  qui  font  à  protester  en  cette  partie 
tant  depuis  led.  premier  protest  que  auparavant,  qui  a  fait  response  que, 
en  faisant  lever  les  arrêts  qu'il  y  a  sur  les  deniers  que  il  peut  devoir  aud. 
Le  Compte  faits  à  la  requeste  de  plusieurs,  il  est  prest  de  payer,  dont  led. 
Nivelle  [aj  requis  acte  et  ont  signé  la  minute  délivrée  pour  led.  Jehan 
Carlier. 

Nous  soussignés,  couratiers  jurés  des  rechanges  à  Paris  certifions  que  celui 
qui  baille  argent  à  rendre  à  Toulouse  à  six  ou  huit  jours  lettre  vue  pour 
100écus(943  fr.  82)  qu'il  baille  à  Paris,  en  reçoit  à  Toulouse  104  (981  fr.  57) 
ou  105  (991  fr.).  ce  que  certifions  estre  véritable.  Fait  à  Paris,  le  14  de  mai 
1584.  "  Papiers  Lecomte. 


238  LETTRES  DE  CHANGE  SUR   LES  FOIRES   DE   LYON. 

>a  liberté  d'action  à  IVcliéaiice.  C'est  ainsi  que  François 
(fobelin,  mis  en  Jenieiiro,  le  12  avril  1384,  d'accepter  une 
lettre  de  change  qui  lui  avait  été  présentée  le  9  du  même 
mois,  répondait  que,  le  temps  du  payement  venu,  il  verrait 
ce  qu'il  aurait  à  faire,  sur  quoi  le  porteur,  Jean  Cartier, 
prenant  cette  réponse  pour  refus,  sommait  le  tiré  d'accepter 
et,  à  faute  de  le  faire,  réservait  ses  droits  à  tous  dommages- 
intérêts  et  se  faisait  donner  acte  du  tout  par  deux  notaires'. 
Après  le  protêt,  le  porteur  pouvait  revendiquer  contre  le 
tireur  la  provision  contre  laquelle  la  lettre  de  change  lui 
avait  été  d(''livrée  -.  Avant  de  tirer  sur  le  tireur  une  nouvelle 
lettre  de  change  pour  se  rembourser  de  la  première  et  des 
Irais  du  protêt,  le  bénéliciaire  lui  notifiait  le  protêt  et  lui 
laissait  un  délai  raisonnable  pour  pourvoir  à  la  situation, 
«...je  vous  ai  écrit  ces  jours  passés,  mande  Nicolas  Craillet 
à  Simon  Lecomte  le  10  juillet  l.')S2,  vous  donnant  avis 
comme  j'avais  fait  protester  la  lettre  de  change  de  94  escus 
28  s.  t.  (891  fr.  39)  que  m'aviez  faite.  Maintenant,  avec 
commodité  de  ce  porteur,  M.  Signier,  j'ai  bien  voulu  encore 
vous  avertir  afin  que  donniez  ordre  à  cette  partie  et  que 
bientôt  on  en  puisse  estre  paie,  ensemble  du  protêt  que 
j'ai  fait  faire.  J'estime  qu'on  ne  la  vous  tirera  à  paier  par 
delà  moiennant  que  bientost  l'on  ayede  vos  nouvelles^...  » 
Le  porteur  qui  touchait  la  lettre  de  change,  la  laissait, 
avec  son  acquit  au  dos,  à  celui  qui  la  lui  payait'. 

On  a  vu  que  les  échéances  des  lettres  de  change  étaient 
parfois  assignées  aux  foires  ou,  comme  on  disait,  aux 
payements  de  Lyon.  On  sait  que  ces  foires  avaient  lieu 
quatre  fois  par  an,  de  trois  mois  en  trois  mois,  qu'elles 
commençaient  le  premier  lundi  après  les  Rois,  le  premier 

I.  Papiers  Lecomte. 

■J.  Anvt  du  8  mars  I60G  cité  par  Mahéciiai-,  Traite  des  chanrjei'. 

3.  i'apiers  Lecomte. 

4.  .Michel  Uusosoy  à  Simon  Lecomte.  liordeaux,  .'>  janvier  l.VJô.  Boyer  à 
S.  Lecomte.  liordeaux,  l"^' janvier  [1581  ?J  Ibid. 


LETTRES   UE  CHANGE   SUFl   LES  FOIHES   DE   LYON,  230 

lundi  après  Quasimodo,  le  ï  août  et  le  3  novembre  et 
quelles  duraient  quinze  jours.  La  clôture  de  cluicune  était 
suivie  d'une  assemblée  générale  de  tous  les  commerçants, 
français  et  étrangers,  qui  y  avaient  pris  part.  C'est  dans 
cette  assemblée  qu'était  procédé  à  l'acceptation,  au  bilan  et 
au  payement,  soit  par  compensation  ou,  suivant  l'expression 
consacrée,  par  viraient  de  jiartics.,  soit  en  espèces  ou  en 
olTets  de  commerce,  des  lettres  de  change  à  échéance  de  la 
foire  qui  venait  de  se  terminer;  c'est  là  aussi  qu'était  fixé, 
d'après  les  renseignements  apportés  de  tous  les  points  de 
l'Europe  par  les  commerçants  qui  s'étaient  rencontrés  à  la 
foire,  le  cours  légal  du  change  à  Lyon  et  dans  les  places  de 
commerce  de  l'Europe  occidentale'.  Grâce  à  une  tolérance 
qui  comptait  parmi  les  privilèges  des  foires  de  Lyon,  les 
lettres  de  change  tirées  d'une  foire  sur  l'autre  rapportaient, 
par  foire  ou  par  trimestre,  un  intérêt  de  deux  et  demi 
pour  100  qui,  sous  prétexte  qu'il  était  perçu  pour  le  change, 
n'était  pas  considéré  comme  usuraire.  Cet  intérêt,  sous  le 
nom  de  change  et  rechange,  se  capitalisait  et  portait  intérêt 
à  son  tour.  Le  commerçant  qui,  par  exemple,  avait  tiré  à 
la  foire  des  Rois  une  lettre  de  change  de  1000  livres, 
touchait,  à  la  foire  de  Pâques,  1025  livres  et  sa  créance, 
reportée  de  foire  en  foire  ^  s'augmentait  à  chacune  du 
change  pour  le  capital  primitif  et  d'un  rechange  pour 
chaque  remise,  sans  compter  le  courtage,  la  provision  et  le 
change  pour  la  différence  des  espèces '.  D'abord  justifié  par 

1.  Davanzati,  Notizia  de  cambi,  éd.  Bindi,  II,  4-30.  Cl.  Le  Prestre, 
Questio7is  notables  (1645),  chap.  lxxxii.  Savary,  Le  parfait  négociant,  141, 
145.  GoLDSCHMiDT,  Uiilversalgeschichte  desUandelrechts,  1, 235  et  suiv.  Vaesen, 
La  juridiction   commerciale  à  Lyon   sous  l'ancien   i-égime,  (1879)  14G-147. 

".'.  Aux  foires  de  Genève,  l'iutérêt  d'une  foire  à  l'autre  fut,  dans  le 
xv«  siècle,  de  5  p.  100.  Borel,  Les  foires  de  Genève  an  XP  siècle,  p.  136. 

3.  Davanzati,  Notizia  de  cambi.  ÀIaréciial,  Traité  des  changes.  «  Et  font 
payer  le  change  de  remise,  lequel,  ajouté  avec  le  premier  change  de 
trois  mois,  courtage  et  provision  qu'ils  font  payer,  avec  la  transmutation 
des  espèces,  figurée  aux  moins  entendus  à  un  tiers  ou  plus  du  principal...  » 
Laffemas,  Remonstrance  en  forme  d'édit,  art.  xi. 


240  LETTRES   UE   CHANGE    SUR   LES   FOIRES   DE   LYON. 

riuli'rèl  du  commerce  et  par  les  risques  et  les  frais  résultant 
du  défaut  de  payement  et  d'une  nouvelle  remise,  le  rechange 
était  devenu,  pour  une  foule  do  capitalistes  qui  n'avaient 
rien  à  faire  avec  le  commerce  ni  les  foires  de  Lyon,  un 
placement  usuraire  en  même  temps  que  hasardeux.  Cette 
opération  ne  tentait  pas  moins  les  gens  embarrassés  et 
imprévoyants  qui  y  trouvaient  la  facilité  de  faire  proroger 
de  foire  en  foire  leurs  échéances.  Si  l'on  pouvait  ainsi 
réaliser  un  bénéfice  sensiblement  supérieur  à  10  pour  100, 
on  risquait  aussi  de  perdre  le  capital  par  la  faillite  de  ceux 
sur  qui  les  lettres  de  change  étaient  tirées'.  Pour  rassurer 
et  encourager  les  capitalistes,  des  banquiers,  movennant 
double  commission,  prenaient  les  risques  à  leur  charge'; 
des  courtiers  oll'raient  des  débiteurs  solvables  et  se  faisaient 
donner  des  commissions  où  le  nom  du  créancier  restait 
en  blanc  et  (jui  ne  portaient  que  la  somme  prêtée,  le  terme 
et  le  lieu  du  ])ayement.  Grâce  à  cet  anonymat,  ce  n'était 
plus  seulement  des  financiers,  des  spéculateurs  de  pro- 
fession qui  se  livraient  à  ce  genre  d'opérations,  c'était  aussi 
des  fonctionnaires  et  des  comptables  qui  y  engageaient  les 
recettes  publiques,  s'exposant  ainsi  à  ne  pouvoir  faire 
honneur  aux  payements  assignés  sur  leurs  caisses.  L'agri- 
culture, l'industrie,  le  «ommerce  y  perdaient  ce  qu'y  gagnait 
l'agiotage  ^  Les  amis  du  bien  public,  qui  essayaient  de 
s'expliquer  la  stagnation,  encore  trop  grande,  du  marché, 
jointe  à  l'existence  de  tant  de  fortunes  particulières, 
dénonçaient  les  «  changes  et  rechanges  »  comme  un  des 
obstacles  les  plus  graves  au  développement  de  la  pro- 
duction \ 

1.  D.ins  l'esix'.'ce  iiua<;inée  par  Davanzati  [xniv  expliiiiicr  cette  opéraliou, 
il  n'y  avait  pas  moins  de  quatre  faillites  à  craindre. 

2.  1)  A  VAN/ATI,    LOC.  cit. 

3.  Mahkchai.,  Traité  des  changes. 

4.  «  ...  banquiers  et  usuriers  qui  faisoient  (ainsi  que  l'on  voit  à  présent) 
des  monopoles  sous  le  nom  de  change  et  rechange...  »  Lai'femas.  Rêvions- 


FOIRES.  241 

Les  lettres  de  change  nous  ont  insensiblement  conduit 
à  parler  des  foires,  mais  c'est  un  sujet  sur  lequel  il  faut 
revenir,  car  il  mérite  d'être  traité  non  incidemment  mais 
pour  lui-même. 

Le  moyen  âge  n'avait  pu  soustraire  le  commerce  assez 
hardi  pour  sortir  de  l'enceinte  des  villes  aux  dangers  qui 
le  menaçaient  qu'en  lui  ouvrant  des  asiles  oi^i  il  trouvait  la 
sécurité,  des  franchises  et  des  privilèges.  Les  foires  étaient 
ces  asiles.  Des  sauf-conduits  presque  toujours  respectés 
protégeaient  ceux  qui  s'y  rendaient;  une  juridiction  spé- 
ciale et  sommaire  réglait  leurs  débats  ;  des  voies  d'exécution 
rigoureuses  facilitaient  le  recouvrement  de  leurs  créances. 
Ces  avantages    avaient   assuré   le   succès    des    foires    de 
Champagne;  la  fiscalité,  l'expulsion  répétée  des  Lombards 
et  Caorcins,  le  déclin  de  l'industrie  drapière  en  Champagne, 
la  création  de  relations  directes  entre  la  Flandre  et  l'Italie 
avaient  amené  leur  décadence.  De  leur  ruine  naquirent 
les  foires  de  Lyon.  Ce  fut  grâce  à  des  privilèges  analogues, 
auxquels  il  faut  ajouter  la  situation  si  favorable  de  la  ville, 
l'esprit  sérieux   et    les  habitudes   laborieuses   de  la  po- 
pulation, le  génie    commercial    de   la    colonie  italienne, 
que  les  foires  de  Lyon  devinrent  le  marché  commercial 
le  plus  important  de   l'Europe  occidentale.  Abolition  du 
droit  d'aubaine  et  de  représailles,  exemption  du  ban  et 
de   l'arrière-ban,    du    régime    des    maîtrises,    des    droits 
d'entrée  et   de   sortie    du   royaume,  tribunal  de   la  con- 
servation étendant  sa  juridiction  dans  toute  la  France  et 
même,  pour  l'exécution  des  prises  de  corps,  à  l'étranger, 
Lyon  avait  tout  obtenu  au   nom  de  ces  foires*  qui,   au 

trances  en  forme  d'édit,  édit.  Champollion  dans  Mélanges  historiques  {Docu- 
ments inédits],  IV,  XV.  «  ...  par  change  et  rechange  la  France  de  richesse 
est  tombée  en  pauvreté.  »  Laffemas,  Advertissement  et  7'esponse  aux 
marchands  et  autres...,  1600.  Dans  ses  Remonstrances,  Laffemas  demande 
la  suppression  des  courtiers  de  change. 

1.  Privilèges  des  foires  de  Lyon,  p.  p.  Guillaume  Barbier,  1G49. 

16 


242  FOlHtS, 

miliou  du  XVI*  siècle,  avaienl  fait  tripler  sa  population', 
l'ai-  icui"  iuiporlauce  iiiliTualionalo,  les  foires  de  Lyon 
éclipsaient  de  beaucoup  toutes  les  autres.  On  ne  nous 
pardonnerait  pas  pourtant  d'oublier  celles  qui,  tout  en 
n'ayant  donné  lieu  qu'à  un  mouvement  d'alTaires  régional, 
ont  obtenu  une  popularité  ([ui  dure  encore.  Comment  ne 
pas  accorder,  par  exemple,  un  souvenir  à  la  foire  Saint- 
Germain?  Ce  fut  justement  au  milieu  du  xvi"  siècle  qu'elle 
atteignit  son  plus  haut  degré  de  vogue.  A  toutes  les  époques, 
la  mode,  le  bon  ton.  le  luxe,  la  licence  eurent  à  Paris  un 
centre  favori;  sous  Henri  IV  ce  centre  s'appela  la  foire 
Saint-Germain,  comme  il  s'appellera  sous  la  Restauration 
le  Palais-Royal.  Dans  les  boutiques  alignées  en  rues, 
s'étalaient  les  articles  de  l'industrie  parisienne  et  les 
coûteuses  fantaisies  que  les  merciers  recevaient  de  toutes 
les  parties  de  l'Europe  et  même  du  monde.  On  venait  à  la 
foire  pour  les  voir  et  pour  les  marchander;  mais  on  y 
venait  tout  autant  pour  jouer,  pour  se  battre,  pour  chercher 
des  bonnes  fortunes.  Les  chambres  situées  au-dessus  des 
loges  servaient  surtout  à  cela.  Au  rez-de-chaussée  les 
alTaires,  au  [)remier  les  rendez-vous  galants  et  le  tripot  :  le 
marchand  gagnait  ainsi  de  deux  façons.  La  foule,  la 
badauderie,  laccumulation  de  marcbandises  de  prix,  l'abon- 
dante circulation  d'argent  y  faisaient  beau  jeu  aux  char- 
latans, aux  bonneteurs,  aux  filous  -.  Il  y  a  dans  les  sociétés 
des  milieux  et  des  moments  dont  les  gouvernements  ont 
souvent  toléré  les  excès;  mais  cette  tolérance  a  toujours 
cessé  quand  le  désordre  public  est  venu  donner  aux 
désordres  privés  une  redoutable  portée.  C'est  parce  que  le 
pays  se  trouvait  dans  cette  situation,  que  la  foire  fut 
suspendue  pendant  six  ans,  et  ne  rouvrit  ses  portes  qu'en 
1:jO:>.  Ce  fut  l'année  suivante  qu'y  débuta  une  troupe  de 

1 .  Mathieu  de  Vaizei.les,   Traité  des  péages,  lââO. 

2.  Auiim.NCocitT,  Histoire  générale  des  larrons...,  IG20,  p.  101,  108,  110. 


FOIRES.  243 

comédiens  qui  se  produisirent  également  à  la  même 
époque  à  la  foire  Saint-Laurent  et  qui,  essayant  de  se  créer 
dans  Tart  dramatique  une  place  modeste  à  côté  de  la 
Comédie  française,  de  la  Comédie  italienne  et  de  l'Académie 
royale  de  musique,  passant,  pour  échapper  aux  persécutions 
de  leurs  puissants  rivaux,  par  toutes  les  transformations, 
finirent  par  fonder,  au  commencement  du  xvni"  siècle,  le 
genre,  longtemps  si  populnire  et  si  français,  de  l'opéra- 
comique  '.  Xous  devons  aussi  une  mention  à  la  foire  Saint- 
Denis  ou  du  Lendit,  à  celle  de  Beaucaire  où  affluait  la 
population  du  Languedoc,  à  colle  de  la  Guibray  à  Falaise 
dont  les  «  finesses  et  monopoles  »  ont  exercé  la  causticité 
de  Noël  du  FaiP. 

Le  retour  de  la  sécurité  publique  ramena  la  foule  aux 
foires  désertées  et  en  fit  créer  de  nouvelles  ^  Bien  que 
l'assortiment  des  marchands  de  province  fût  très  varié  % 
il  ne  pouvait  suffire  à  tous  les  besoins  locaux,  stimulés  par 
l'émulation  de  bien-être  et  de  luxe  qui  succède  aux  périodes 
de  privations  et  de  souffrances  et  les  seigneurs,  qui  béné- 
ficiaient des  droits  dont  les  foires  étaient  l'occasion,  étaient 
toujours  empressés  à  faire  valoir  sur  ce  point  les  intérêts 
et  les  vœux  des  populations.  Mais  l'ouverture  d'une  foire 
nouvelle  était  subordonnée  à  cette  condition  que,  dans  un 
rayon  de  trois  lieues,  il  n'en  existât  pas,  le  même'jour,  une 
autre.  Les  rois  des  merciers,  leurs  lieutenants,  les  visiteurs 
et  réformateurs  généraux  des  marchandises,  c'est-à-dire  les 

1.  RouLLAND,  La  foire  >^auif -Germai»  sous  les  règnes  de  Charles  IX,  de 
Henri  111  et  de  Henri  IV àd^ns  Mémoirvs  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris,  III. 
Campardon,  Les  spectacles  de  la  foire.  Introd.,  viii-x,  xx. 

2.  ft  ...  ses  finesses  de  la  Guibray  qui  est  le  rendez-vous  des  nieschans 
complots  et  monopoles  de  toute  la  France...  »  Contes  et  discours  d'Eulrapel, 
II,  2G5. 

;5.  Citons,  entre  autres  exemples,  la  création,  par  lettres  patentes  d'oc- 
tobre 1G02,  des  quatre  foires  du  Monastier  dans  la  sénéchaussée  du  Puy-en- 
Velay.  Société  nr/ricole  et  scientifi'/ne  de  la  H lute-Loire,  III  {1881-8'2).  p.  ISI. 

4.  Inventaire  d'un  marchand  landais  au  milieu  du  A'F/e  siècle,  dans  Revue 
des  Sociétés  savantes,  VI  (188'2). 


244  FOIRES. 

autorités  qui  centralisaient  la  surveillance  régionale  du 
commerce,  étaient  probablement  consultés  sur  l'opportunité 
de  ces  créations.  C'était  eux  aussi  qui  procédaient  à  leur 
ouverture  avec  un  cérémonial  qui  était  partout  à  peu  près 
le  même.  L'un  de  ces  oflieiers,  accompagné  ou  non  du 
personnel  de  sa  juridiction,  lieutenants,  greffiers,  huissiers, 
parcourait  à  cheval  et  l'épée  nue  le  champ  de  foire.  Devant 
lui  étaient  portés  par  des  marchands  un  pavillon  de  taffetas 
vert  décoré  des  armes  du  seigneur  et  des  torches  de  cire 
ardente  également  armoriées.  Venait  ensuite  un  bœuf  gras 
caparaçonné.  Il  était  chevauché  par  celui  des  merciers 
qui  venait  de  sen  rendre  adjudicataire  dans  les  enchères 
dont  la  cérémonie  avait  été  immédiatement  précédée,  et  qui 
acquérait  parfois,  par  cette  adjudication,  l'exemption  de 
péages  dans  les  terres  seigneuriales.  Le  montant  en  était, 
dans  certains  endroits,  partagé  entre  ses  confrères.  Le 
représentant  du  roi  des  merciers  faisait  largesse  au  peuple 
en  criant  avec  tous  les  assistants  :  <(  Vive  le  roi  et  le  seigneur 
et  foires  déployées!  »  El,  en  même  temps,  les  marchands 
étalaient  leurs  marchandises,  la  foire  était  ouverte,  le 
seigneur  en  était  mis  en  possession  et  recevait  la  pancarte 
des  droits  qui  lui  étaient  attribués.  Une  fille  publique 
vêtue  d'un  peliçon,  une  truie  suivie  d'un  aveugle  se 
joignaient  parfois  au  cortège  et  ajoutaient  aux  réjouissances 
par  lesquelles  on  fêtait,  aux  frais  du  seigneur,  l'inauguration 
de  la  nouvelle  «  bourse  »  dont  il  avait  dès  lors  la  protection 
et  les  profits  '. 

Les  foires  devaient  survivre  aux  raisons  économiques, 
à  l'organisation  sociale  qui  leur  avait  donné  naissance  et 
avaient   fait   d'elles    un   bienfait.    Soutenues   par   l'esprit 


1.  Barinet  de  liENCOGNB,  Inuiif/uration  d'une  foire  nous  Henri  IV.  Ihillelin 
de  la  Société  arcliéoloQiquc  el  hist.  de  la  C/iarenle,  XV  (186ij  ,  p.  137.  Docu- 
ments inédits.  Mél.  hisL,  I,  217.  Foires  et  marcUés  de  Sainl-Clémentin  dans 
Arch.  hist.  du  Poitou,  XX. 


SOCIETES   COMMERCIALES.  245 

d'autonomie  locale,  par  rattachement  au  privilège,  par 
l'attrait  du  plaisir,  elles  ont  traversé,  non  sans  un  déclin 
croissant,  des  temps  où  la  sûreté  des  communications,  la 
lixité  des  taxes  fiscales  semblaient  leur  enlever  leurs  avan- 
tages pour  ne  leur  laisser  que  leurs  inconvénients.  Déjà, 
au  temps  de  Henri  IV,  elles  avaient  trouvé  des  détracteurs; 
l'infatigable  Laffemas  avait  composé  un  traité  tout  exprès 
contre  elles.  Il  est  vrai  qu'il  n'a  pas  fait  valoir  à  leur 
encontre  les  critiques  qu'on  leur  adresse  généralement;  ce 
qu'il  leur  reproche  seulement,  c'est  de  favoriser  les  impor- 
tations étrang'ères  et  la  sortie  du  numéraire  '. 

Les  marchands  grosdcrs  qui  les  fréquentaient  faisaient 
presque  toujours  partie  de  sociétés  commerciales  et  c'est 
grâce  à  cela  qu'ils  pouvaient  sans  préjudice  délaisser  mo- 
mentanément le  centre  de  leurs  affaires.  Ce  fut  sous 
Henri  IV  que  se  produisirent  les  premières  tentatives  pour 
fonder  des  sociétés  par  actions,  mais  ces  tentatives  ne  réus- 
sirent pas.  Ce  n'est  pas,  on  le  sait  assez,  qu'il  ait  manqué 
sous  son  règne  de  ces  grandes  entreprises  pour  lesquelles 
un  appel  financier  au  public  paraissait  tout  indiqué,  travaux 
de  dessèchements  et  de  canalisation,  propagation  de  la  sé- 
riciculture, colonisation,  fondation  d'industries  nouvel- 
les, etc.,  mais  ceux  qui  se  mirent  à  la  tête  de  ces  entre- 
prises paraissent  s'être  contentés  de  joindre  à  leurs  capitaux 
personnels  ceux  d'un  petit  nombre  d'associés;  ils  ne 
semblent  pas  avoir  constitué  des  sociétés  analogues  à  celles 
qui,  attirant  les  petites  épargnes  par  le  montant  peu  élevé 
des  parts  et  le  fractionnement  des  versements,  facilitant 
leur  négociation  par  la  transmission  au  porteur,  ont  rendu 
possibles  les  grandes  entreprises  des  temps  modernes  et  y 


1.  «  Audit  premier  traité  est  représenté  le  mal  que  font  à  présent  les 
foires  franches  en  ce  royaume  et  la  création  d'icelies,  estant  cause  que  les 
estrangers  enlèvent  les  trésors  en  tous  endroits.  />  Les  discours  d'une  liberté 
générale  et  vie  heureuse  pour  le  bien  du  peuple.,  ICOl. 


240  SOCIÉTÉS  COMMERCIALES. 

ont  intéressé  toutes  les  classes.  On  ne  rencontre  à  l'époque 
qui  nous  occupe  que  la  société  en  nom  collectif,  la  société 
en  commandite  simple,  et,  sous  le  nom  de  société  anonyme, 
la  société  en  participation.  La  seconde  est  celle  qui  mérite 
le  plus  laltention  parce  (|uelle  oITrait  aux  classes  auxquel- 
les le  commerce  était  interdit,  aux  nobles,  aux  ecclésiasti- 
ques, aux  officiers  publics  le  moyen  d'y  engager  leur 
capital  sans  compromettre  ni  leurs  biens  au  delà  de  leur 
apport  ni  leur  nom.  Les  actes  de  société  étaient  générale- 
ment passés  sous  seing  privé  et  les  commerc^ants  repous- 
saient, comme  une  entrave  très  gênante,  l'obligation  de  les 
faire  devant  notaires  ^  L'ordonnance  de  Blois  (1379)  avait 
prescrit  l'enregistrement  de  ceux  qui  créaient  des  sociétés 
entre  étrangers.  En  voici  un  pour  la  formation  d'une 
société  destinée  à  faire  le  commerce  du  pastel.  On  remar- 
quera que  l'un  des  associés,  outre  sa  part  dans  le  capital 
social,  apporte  son  activité  en  qualité  de  gérant  et  reçoit,  à- 
ce  titre,  un  traitement  : 

«  L'an  ii>74  et  le  vingl-troisième  jour  du  mois  de  juillet  ont  été 
accordés  les  pactes  de  compagnie  entre  sieur  André  de  Jesse, 
marchand  de  Toulouse  d'une  part  et  sieur  Antoine  Gailhaid, 
marchand  de  Lauraguais  d'autre  comme  s'ensuit  : 

«  Est  pacte  que  les  d.  de  J.  et  G.  mettront  en  fonds  en  lad. 
compagnie,  chacun  pour  sa  part,  la  somme  de  liOOO  livres  tourn. 
(17003  fr.  27)  en  deniers  claires  et  liiiuides  pour  être  employés  en 
cognauhe  de  pastel  tant  au  lieu  de  Monigailliard,  Villefranche  de 
Lauragois  que  autres  lieux  circonvoisins. 

«  Il  est  pacte  que  la  merchandise  achetée  de  Taigeiit  de  lad. 
compagnie  se  partira  au  tymon  (sic)  et  où  et  quand  que  l'une  partie 
auroit  plus  fourni  d'argent  que  l'autre  à  l'achat  d'icelle  merchandise, 
tirera  au  sol  la  livre  plus  du  pastel  agtavat  et  suivant  l'argent  qui  y 
aura  mis. 

«  llem  est  pacte  que  tous  les  achats  de  cognauhe  de  paslel  que  led. 
G.  a  déjà  faits  ou  fera  pendant  lad.  compagnie  en  la  présenle  année... 
seront  au  profit  d'icelle  et  n'en  pourra  faire  d'autres  achats  parli- 

1.  Procès-verbaux  du  conseil  du  commerce,  'iO  août  IGÛi. 


PHYSIONOMIE   MORALE   DES  ARTISANS   ET  COMMERÇANTS.      247 

culiers  pour  lui  ni  pour  nutros  personnes,  se  ce  n'est  pour  lad. 
compagnie...  et,  avenant  qu'il  accomodat  aud.  de  J.  d'y  mettre  plus 
d'argent  que  de  lad.  somme...,  led.  G.  sera  tenu  de  l'employer  aux 
mêmes  conditions  de  lad.  compagnie  et,  led.  achat  fait,  sera  tenu 
d'en  bailler  le  compte  par  le  môme  aud.  de  J.  quand  par  lui  en  sera 
requis. 

«  Item  est  pacte  que  led.  G.  sera  tenu  faire  porter  et  mettre  toute 
la  cognauhe  qui  se  achètera  pour  lad.  compagnie  dans  les  villes  de 
Villefranche  et  Mongaillard  pour  être  en  plus  grand  assurance  et  ce 
que  coûtera  le  louage  de  la  boutique  qu'il  conviendra  avoir  dans 
Villefranche  se  paiera  aux  dépens  de  lad.  compagnie  et  les  autres 
seront  aux  dépens  dud.  G. 

«  Item  est  pacte  que  la  cognauhe  que  proviendra  desterres  dud.  G., 
de  ses  parsonniés  ou  mouldures  du  molin  sera  mis  à  part  et  étant 
bonne  et  marchande  sera  comptée  comme  le  prix  commun  dud.  achat 
reviendra  ou  comme  vaudront  ordinanement  les  recettes  circon- 
voisins  au  choix  dud.  de  J. 

(c  Item  est  pacte  que  led.  G.  sera  tenu  faire  ou  faire  faire  led.  achat 
par  gens  de  bien  et  intelligents  en  lad.  merchandise  el,  pour  ses 
peines,  vacations  et  frais  qu'il  pourra  avoir  souffer(s,  tant  pour  faire 
charroier,  piller,  trier,  baigner  et  virer  led.  pastel  jusques  à  trente- 
six  voultes,  louaiges  de  boutiques,  sauf  celle  de  Villefranche...,  led. 
de  J.  lui  donne,  pour  chacune  charge  de  pastel  qui  se  truvera  être  à 
sa  part,  20  s.  tourn.  (3  fr.  42),  en  foi  de  quoi  avons  accordé  ces  présents 
pactes...  à  Toulouse...  i.  » 

Quand  on  connaît  les  habitudes  professionnelles  d'une 
classe,  on  est  en  voie  d'en  connaître  l'esprit  et  les  mœurs. 
Qu'on  y  ajoute  son  éducation,  sa  situation  sociale  et  l'on 
aura  réuni,  ou  peu  s'en  faut,  les  influences  qui  déterminent 
sa  physionomie  morale.  C'est  cette  physionomie  des  com- 
merçants et  des  artisans,  car  il  n'y  a  pas  lieu,  à  ce  point  de 
vue,  de  distinguer  les  uns  des  autres,  que  nous  allons 
essayer  de  dessiner. 

Si  l'on  grattait  ces  gens  d'atelier  et  de  boutique  du 
xvn^  siècle  naissant,  on  trouverait  un  fond  ligueur.  Ils 
restent  profondément  attachés  à  leurs  dévotions  paroissiales, 

1.  Signé  par  les  deux  parties  et  par  un  seul  témoin,  bien  que  l'acte  parle 
de  deux.  Papiers  Lecointe. 


248      PHYSIONOMIE   MORALE   DES  ARTISANS   ET  COMMERÇANTS. 

à  leurs  confréries*.  Depuis  que  Henri  III  avait  scandalisé 
la  piété  grave  et  décente  de  la  bourgeoisie  parisienne  par 
les  mascarades  religieuses  de  ses  pénilenls,  les  confréries 
s'étaient  beaucoup  multipliées.  Ici,  d'ailleurs,  comme  pour 
la  Ligue,  le  roi  n'avait  fait  (jucncourager  par  le  patronage 
oiliciel  un  mouvement  favorisé  par  des  circonstances  passa- 
gères et  par  des  sentiments  éternels,  par  des  instincts  gros- 
siers comme  par  des  aspirations  élevées.  Besoin  de  trouver 
dans  des  réunions  intimes  un  soulagement  au\  anxiétés 
publiciiies  et  particulières,  élan  de  mysticisme,  attachement 
fanatique  à  la  religion  nationale,  dévotion  superstitieuse  à 
un  saint  local,  à  un  patron  familier,  goût  de  l'insouciance 
et  de  la  gaieté  cherchées  dans  les  cpanchements  de  la  table, 
ambition  des  honneurs  et  des  titres,  si  burlesques  fussent- 
ils  comme  ceux  de  ]'a  à  sa  guise ^  de  Danse  comme  il  lui 
plaît,  de  Mifpion,  de  Roi  et  de  Reiue  qu'on  adjugeait  aux 
enchères  au  profit  de  la  caisse  sociale,  tout  cela  avait  con- 
tribué à  la  fortune  des  confréries.  Un  érudit  de  la  Marche 
en  a  compté  plus  de  trente-quatre  pour  quatorze  localités 
de  cette  province-.  A  Sarlat,  au  xvp  siècle,  on  en  trouve 
onze.  On  voit  des  gens  qui  sont  affiliés  à  quatorze  con- 
fréries ^  Ce  n'est  pas  seulement  la  sobriété,  la  moralité  privée 
qui  avaient  habituellement  à  soulTrir  de  ces  réunions  entre 
voisins  ou  camarades  de  même  métier,  c'était  aussi  la 
tranquillité  publique  quelles  pouvaient  mettre  en  péril  en 
fortifiant,  en  échauffant,  par  la  solidarité,  de  vieux  instincts 
d'opposition  et  de  turbulence.  Vienne,  en  effet,  à  soufller 
un  vent  de  fanatisme  ou  de  sédition,  il  fera  remonter  à  la 

1.  René  Bexoist,  De  Vinslilution  et  abus  des  confréries,  lôTS.  Babeau,  Les 
bowffeois  d'autrefois,  321. 

1.  UosviEUX,  Documents  relatifs  aux  confréries  de  la  Marc/ie  dans  Mé- 
moires de  la  société  des  sciences  naturelles  et  arch.  de  la  Creuse,  V  (I8ô7), 
p.  414. 

3.  Gérard,  Le  livre  terrier  de  Pierre  liotnnetle,  notaire  de  Sarlat  dans  llul- 
lefin  de  ta  société  fiist.  et  arch.  du  l'érlf/ord,  XI  ;i884),  p.  3?1.  Mémoires 
d'Eustache  Piemond,  p.  146. 


PHYSIONOMIE   MORALE   DES  ARTISANS   ET   COMMERÇANTS.      249 

surface  les  ferments  assoupis  et  précipitera  ces  bourgeois 
paisibles  à  de  déplorables  excès.  Us  conservent  au  râtelier 
les  armes  avec  lesquelles  ils  ont  successivement  délendu  la 
cause  de  la  rébellion  et  celle  de  l'ordre \  avec  lesquelles  ils 
accomplissent  encore  le  pacifique  service  de  la  garde  ur- 
baine, et  ce  n'est  pas  sans  complaisance  quils  les  montrent. 
S'ils  se  font  peindre,  ce  sera  dans  un  costume  militaire-. 
Ils  ont  gardé  des  temps  d'anarchie  le  goût  de  répandre  les 
nouvelles  hasardées,  de  discuter,  de  trancher  les  atîaires 
d'États  Mais  ces  traditions  et  ces  instincts  persistants  sont 
comme  recouverts  aujourd'hui  par  le  respect  d'une  autorité 
qui  sait  se  faire  obéir,  par  la  jouissance  de  la  sécurité  et  du 
bien-être,  par  la  passion  de  s'enrichir,  d'obtenir  tous  les 
honneurs  dont  l'ambition  leur  est  permise,  de  s'élever  ou 
d'élever  leurs  enfants  à  une  condition  supérieure.  Les 
étapes  de  cette  ascension  sont  toutes  tracées  :  c'est  par  les 
dignités  de  la  corporation  qu'ils  débutent,  elles  les  condui- 


1.  «  ...  les  aulnes  des  boutiques  sont  tournées  en  pertui?anes.  »  Satire 
Ménippée,  éd.  L.ibitte,  p.  81.  <<  Le  marchand  quittoit  son  commerce  pour 
sauter  à  la  hallebarde...  La  rue  Saint-Denis  avoit  ses  compagnies  de 
lanciers.  »  Mémoires  du  duc  d' Aiigoulême  cités  par  Poirson,  I,  54.  Babeau, 
Un  marchand  de  promnce  sous  Henri  IV.  Bulletin  de  la  Société  d'économie 
sociale,  16  janvier  1883.  Les  fils  hériteront  de  la  manie  d'avoir  des  armes, 
de  la  tentation  de  s'en  servir  qu'on  remarque  chez  leurs  ligueurs  assagis 
de  pères;  Retz  nous  montre  les  artisans  parisiens,  dans  un  moment  d'efl'er- 
vescence  populaire,  travaillant  à  côté  de  leurs  mousquets.  Mémoires  (1651). 
Coll.  Michaudet  Poujoulat,  p.  300. 

2.  Voy.  dans  Le  berger  fxlmvagant  de  Sorel  (liv.  vin,  p.  128)  l'histoire 
d'un  «  menuisier  gentilhomme  »,  caporal  de  la  milice  bourgeoise,  qui  se 
l'ait  peindre  sous  les  armes,  en  grande  tenue. 

3.  Satire  Ménippée,  p.  80.  ■<  Aujourd'hui  il  n'y  a  boutiqne  de  factoureau, 
ouvroir  d'artisan  ni  comptoir  de  clergeau  qui  ne  soit  un  cabinet  de  prince 
et  un  conseil  ordinaire  d'État  ..  »  Vers  1614.  .Mornay  cité  par  Mayer,  Galerie 
philosophique  du  XVJe  sircle,  II,  Til.  «  Quand  le  savetier  a  gagné,  par  son 
travail  du  matin,  de  quoi  se  donner  un  oignon  pour  le  reste  du  jour,  il 
prend  sa  longue  espée,  sa  petite  cottille,  son  grand  manteau  noir,  et  s'en 
va  sur  la  place  décider  des  intérêts  de  l'État.  »  Les  entretiens  du  diable 
boiteux,  pasquil  du  même  temps.  Ibid.  «  Nous  sommes  en  un  temps  qu'il 
n'y  a  petit  pelé  de  secrétaire  de  Saint-Innocent,  clerc,  pédant,  magister 
crotté,  artisan  qui  ne  se  mêle  d'écrire  et  de  parler  des  affaires  d'État...  » 
Conférence  d'Ariste,  Panurge  et  Guéridon,  vers  1014,  p.  290. 


230      PHYSIONOMIE  MOR.\LK   Ill'S   ARTISANS    ET  COMMERÇANTS. 

sent  aux  charges  municipales'  ;  enfin,  (juand  ils  auront  l'ait 
fortune  dans  les  affaires,  ils  emploieront  leur  capital  à  l'ac- 
quisition (l'un  de  ces  innombrables  offices  que  le  pouvoir 
central  et  les  villes  ne  cessent  de  créer,  ou  le  placeront  dans 
les  parfis^  ou  le  feront  valoir  dans  \vs  r/i(ingcs  ci  rccJuingcs. 
Ils  sont  dès  lors  sur  le  chemin  de  l'opulence  et  de  la  con- 
sidération. Leur  habileté  et  leur  bonheur  feront  le  reste. 
A  une  époque  où  l'argent  mène  à  tout,  où  il  efface  la  bas- 
sesse de  l'origine  comme  les  souillures  du  passé  et  nivèle 
les  rangs,  dans  une  société  qui  est  au  fond  une  démocratie 
puisque  les  fonctions  publiques  et  par  suite  les  privilèges  y 
sont  à  vendre,  leur  avenir  dépend  de  spéculations  heureuses, 
des  services  qu'ils  pourront  rendre  aux  gens  puissants,  du 
prix  qu'ils  sauront  y  mettre.  Si  la  noblesse  n'a  pas  été  pour 
eux  la  conséquence  légale  des  charges  qu'ils  ont  remplies, 
ils  pourront  l'acquérir  à  deniers  comptants-  ou  s'en  parer 
sans  droit  et  par  une  tolérance  accordée  à  la  fortune^  ou, 
au  pis  aller,  l'obtenir  pour  leur  postérité  féminine  par  des 
alliances  avec  des  nobles  authentiques*.  C'est  le  temps  où 
le  connétable  de  Lesdiguières  épouse  Marie  Vignon,  fille 
d'un  fourreur  de  Grenoble,  veuve  d'un  marchand  drapier 
de  la  même  ville  '  ;  où  le  duc  de  Brissac  s'allie  avec  la  fille 

1.  Voici  un  exemple  qui  appartient  au  dernier  quart  du  xvii'^  siècle  mais 
qui  convient  aussi  bien  à  son  début.  En  lG8i  Jean  Pages,  marchand  d'Amiens, 
est  nommé  jeune  garde  de  la  communauté  des  merciers  ;  le  27  avril  1G88 
il  est  choisi  pour  porter  la  châsse  de  saint  Firmin  à  la  procession  géné- 
rale: en  1G89  il  est  désigné  pour  porter  le  dais  à  Saint-Martin  sa  paroisse 
et,  le  20  août  de  la  même  année,  il  est  nommé  ancien  garde;  en  IGUÔ  il 
devient  cliel'  des  postes  de  milice  bourgeoise;  en  I70G  il  est  élu  consul. 
G.MtxiEH,  yiolice  sur  Jean  Pages  dans  Mémoires  des  antiquaires  de  Picar- 
die, V(18.^«). 

2.  En  1GU6  Henri  IV  vendit  des  lettres  de  noblesse.  Picot,  V,  Ih. 

3.  Citons  seulement,  entre  tant  d'autres,  l'exemple  de  Pierre  Michel, 
seigneur  de  Souscarrière,  marquis  de  Montbrun.  Voy.  la  notice  de  M.  Che- 
VECOELn  sur  ce  curieux  personna'^e.  Mémoires  de  la  Société  de  l'Iùsloire  de 
Paris,  XVI. 

4.  «  La  femme  ignoble  mariée  avec  un  gentilhomme  est  anoblie.  »  Flo- 
rentin DE  TiiiEHRiAT,  Tiois  Iraitén  de  ta  nobtesse,  IGOG. 

5.  Tallema.nt,  Historiette  de  Lesdiguières. 


PHYSIONOMIE  MORALE   DES   AUTISANS   ET   COMMERÇANTS.      2bl 

de  Rocher  Portail,  partisan  de  basse  origine  '  ;  oii  un  tanneur 
de  Meulan,  Nicolas  Le  Clerc,  marie  les  siennes  à  un  prési- 
dent à  mortier  au  parlement  de  Paris,  à  un  premier  prési- 
dent de  la  chambre  des  comptes  de  Rouen  et  établit  les 
autres  aussi  bien;  où  son  fils,  sous  le  nom  de  M.  de  Les- 
seville,  devient  maître  des  comptes  à  Paris^;  où  le  fils 
d'un  boulanger  de  Chinon  achète  la  charge  de  prévôt  de 
rile-de-France  ^  ;  où  le  fils  d'un  marchand  lingerest  maître 
des  comptes*  ;  où  celui  d'un  tanneur  d'Autun  s'appelle  le 
président  Jeannin^;  où  Castille,  son  futur  gendre,  quitte 
le  commerce  pour  être  nommé  receveur  du  clergé  '^;  où  le 
fils  d'un  chandelier  passe  intendant  des  finances^  ;  où  celui 
d'un  paysan  de  l'Anjou,  La  Bazinière,  obtient  la  charge  de 
trésorier  de  l'Epargne^;  où  un  marchand  de  soie  voit  le 
sien  siéger  au  parlementa 

A  côté  des  inquiets  et  des  ambitieux,  en  trop  grand 
nombre,  qui  envoyaient  leurs  enfants  aux  écoles  pour  les 
faire  entrer  dans  les  fonctions  publiques  et  qui  croyaient 
s'élever  eux-mêmes  en  y  entrant,  il  y  avait  des  artisans  et 
des  commerçants  plus  sensés  qui  n'attendaient  la  richesse 
et  la  considération  que  de  leur  probité  et  de  leur  habileté 
professionelles  et  qui  n'aspiraient  qu'à  en  laisser  l'héritage 
à  leurs  enfants.  Il  y  avait  du  mérite  de  leur  part  à  ne  pas 
vouloir  sortir  de  leur  sphère,  car,  sïls  avaient  chance  d'y 
trouver  la  fortune,  il  leur  fallait  vaincre,  pour  y  joindre 
l'honneur,  un  préjugé  enraciné.  L'idée  si  juste  et  surtout 
si  utile  que  le  commerce  doit  être  estimé  parce  qu'il  enrichit 


1.  Historiette  de  Brissac. 

2.  Historiette  de  Rocher  Portail, 
•i.  Historiette  de  Petit  Puis. 

4.  Historiette  d'Ant.  Le  Maistre. 
6.  Son  historiette. 

6.  I/)id. 

7.  Historiette  de  Bordier  et  ses  fils. 

8.  Historiette  de  La  Bazinière. 

9.  Tallemant,  Générosités. 


2o2     PHYSIONOMIE  MORALE  DES  ARTISANS  ET  COMMERÇANTS. 

l'Etat,  répugnait  autant  à  l'esprit  français  qu'elle  semblait 
naturelle  à  l'esprit  d'un  Italien  ou  d'un  Anglais.  Legs  de 
l'honneur  chevaleresque,  dont  la  France  avait  été  la  vraie 
patrie,  celte  prévention  interdisait  aux  gentilshommes 
ruinés  par  les  guerres  civiles,  aux  cadets  de  famille  noble 
pourvus  d'une  légitime  insuffisante,  avec  l'exercice  avoué 
du  commerce,  le  moyen  de  reconstituer  leur  patrimoine  et 
les  réduisait  à  des  moyens  d'existence  bien  plus  contraires 
à  la  dignité'.  La  royauté  avait  bien  apporté  des  tempéra- 
ments à  la  dérogcance,  qui  était  encourue  à  l'origine  même 
pour  la  vente  des  produits  du  cru  ",  mais  ces  tempéraments 
avaient  été  timides  et  peu  efficaces^  ;  ici,  comme  toujours, 
la  loi  avait  été  moins  forte  que  l'opinion.  L'usage  pour- 
tant accordait  aux  marchands  la  qualité  iVhonorables 
hommes^  et  le  tilre  de  sire  et  de  mcuaii-e''.  Leurs  femmes 
prenaient  celui  de  de}no isel/e ^ar  suile  de  l'inévitable  exten- 
sion que  subissent  tous  les  titres  honorifiques,  car,  à  s'en  tenir 
à  la  rigueur  de  l'étiquette,  il  aurait  dû  être  réservé  aux  femmes 
mariées  delà  noblesse.  Le  chaperon  était  la  marque  distinc- 
tive  de  leur  condition,  si  bien  qu'on  les  appelait  des  cha- 
prrofîièrrs^.  En  y  restant  fidèles,  elles  cherchaient  à  rcssom- 

1.  Laffe.mas,  Trésors  et  riches.^es  pour  mettre  l'État  en  splendeur,  art.  '269. 

•J.  Édit  du  4  avril  1.^40.  Isambert,  XII,  n"  301. 

■i.  Charles  IX  exempta  de  la  dtJro<.'eance  la  noblesse  de  Marseille,  de  Nor- 
iiinndie  et  de  Hret.'igne  qui  se  livrait  au  commerce.  Sully  répétait  souvent 
que  la  France  n'acquerrerait  jamais  l'ascendant  sur  ses  rivaux  et  ses 
adversaires  tant  que  le  commerce  maritime  y  entraînerait  dérogeance. 
Th.  Leféviœ  du  Gkand  IIamel,  Discours  somynaire  de  la  navigation  et  du  com- 
merce. Dédicace  à  la  reine  mère.  Rouen, IGôO.  La  coutume  de  Troyes  per- 
mettait aux  nobles  de  se  livrer  au  commerce  sans  dérof:er.  Gho>ley,  Mém. 
hist.  et  crit.  sur  l'histoire  de  Troi/es,  II,  IGl  (éd.  I8I2).  Le  métier  de  maître 
de  forges  ne  faisait  pas  perdre  la  noblesse.  Celui  de  verrier  était  œuvre 
de  gentilhomme.  Henri  IV  anoblit  jikis  d'une  fois  des  inventeurs  et  des 
introducteurs  d'industries  nouvelles  en  P'rance. 

4.  «  ...  aussi  les  marchans  .«ont  les  derniers  dn  peuple  qui  portent  qua- 
lité d'honneur,  estans  qualifiés  d'honorables  honunes...  »  Bolxiiel,  Trésor..., 
\o  Marchands. 

5.  Noël  ul  Fail,  Contes  cl  discours  d'Ei/trapel,  II,  562.  Les  ambitieux  de 
la  cour  dans  Variétés  liistoriqnes  el  littéraires,  IV,  37. 

6.  «  ...  Le  chaperon  qui  étoit  la  vraie  marque  et  le  caractère  de  la  bour- 


PHYSIONOMIE   MORALE  DES   ARTISANS  ET   COMMERÇANTS.      2o3 

hier  parle  reste  do  leur  toilette,  notamment  par  la  hauteur 
de  leurs  collets  montés  et  empesés',  par  les  points  coupés 
dont  elles  se  couvraient  le  sein-,  aux  femmes  de  qualité; 
à  défaut  du  masque,  apanage  de  ces  dernières,  elles 
portaient  le  loup^ 

En  acquérant  la  richesse,  en  forçant  les  classes  supé- 
rieures, par  les  crédits  qu'ils  leur  accordaient  et  les  services 
pécuniaires  qu'ils  leur  rendaient,  à  compter  avec  eux,  les 
commerçants  ne  se  relevaient  pas  du  dédain  dont  ils  étaient 
victimes;  on  usait  de  leurs  complaisances,  on  ne  les  en 
méprisait  pas  moins '*.  La  scène  de  Don  Juan  et  de  Mon- 
sieur Dimanche  s'est  jouée  hien  souvent  avant  que  Molière 
l'ait  écrite.  Quand  ces  classes  se  relâchaient  de  leur  arro- 
gance, c'était  plutôt  en  faveur  des  financiers,  des  traitants, 
des  parasites  du  plus  has  étage  qui  étaient  souvent  associés 
à  leurs  prodigalités  et  les  servaient  habituellement  dans 
leurs  embarras. 

Le  mépris  met  à  l'aise  la  conscience  de  ceux  qu'il  humilie, 
ils  cherchent  souvent  à  s'en  consoler  et  à  s'en  venger  par 
la  ruse  et  la  fourberie.  Beaucoup  de  commerçants  avaient 
pris  ce  parti.  Nous  avons  parlé  des  opérations  clandestines 
des  merciers  et  des  fripiers.  Ils  ne  furent  pas  les  seuls  à 
chercher  dans  l'usure  un  supplément  aux  bénéfices  profes- 
sionnels. Un  procédé  très  employé  consistait  à  prêter  à  un 
intérêt  exorbitant  aux  fils  de  famille  en  dissimulant  le 
prêt  sous  une  vente  fictive  de  façon  à  éviter  une  rescision 
pour  incapacité  '\  Est-il    besoin   après  cela  de  parler  de 

geoisie.  «  Flretière,  Roman  bourgeois,  éd.  Ed.  Fourniei",  1854,  p.  30.  La 
Ijrande  division  arrivée  ces  Jours  derniers  entre  les  femmes  et  les  filles  de 
Montpellier  avecle  sujet  de  leurs  querelles  {l(j2ï),da.ns  Var.  Itist.et  lilt.,\ll,2i9. 

1.  SoREL,  Histoire  comique  de  Francion,  éd.  Colombet,  199-200. 

2.  Le  satijrique  de  la  cour.  Var.  hist.  et  litt.,  III. 

3.  QuiCHERAT,  Histoire  du  costume,  434. 

4.  «  S'il  y  a  uiespns  au  monde,  il  est  sur  le  marchant....  »   L.\i-fem.\.s, 
Traité  du  commerce  de  la  vie  du  loyal  marchand...,  IGOl. 

5.  Cleyrac,  Usance  du  négoce  ou  commerce  de  la  banque,  des  lettres  de 
change,  lOô'J.  Flketiére,  Le  voyage  de  Mercure,  16G1. 


21)4      PHYSIONOMIE   MORALE   DES  ARTISANS   ET  COMMERÇANTS. 

l'habiludo  ilo  surfaire  la  marchandise,  du  cliarlalaiiisiue  et 
des  ruses  qui  la  faisaient  valoir  et  en  dissiniulaicnl  les 
d(''fauls,  des  falsifications,  de  la  trom|M'rie  sur  la  ([ualité  et 
le  poids  '  ?  Quand  le  passé  ressemble  aulant  au  présent, 
riiistoricnne  peut  que  signaler  en  passant  leuranalogie,  c'est 
à  marquer  leurs  dilTérences  qu'il  doit  surtout  sattacher. 
La  vie  des  commerçants  ofTrait  d'autres  compensations 
que  celle  d'exj)loiter  le  public  qui  les  dédaignait.  Ils  pre- 
naient leur  part  de  ce  bien-être,  de  ce  luxe,  de  cet  amour 
du  plaisir  qui,  après  avoir  été,  pendant  les  guerres  civiles, 
le  privilège  d'une  minorité,  se  répandaient,  au  commen- 
cement du  xvn''  siècle,  dans  la  société  tout  entière.  On  en 
trouvait  peu  comme  ce  sire  Ilcnriot  dont  nous  parle 
Lestoile ',  qui  s'habillait,  les  dimanches  et  fêtes,  d'une 
petite  robe  doublée  de  taiïetas,  d'un  justaucorps  rayé  de 
bandes  de  soie  de  dilTérentes  couleurs  et  qui,  par  ses  ma- 
nières comme  par  son  costume,  personnifiait  «  la  simpli- 
cité et  prud'liomie  des  bons  marchands  d'autrefois  ».  Plus 
rares  encore  étaient  ceux  qui  portaient  le  béguin  à  l'antique, 
le  justaucorps  de  drap  court,  une  ceinture  de  grosse  lisière, 
le  haut-de-chausses  clérical  avec  haute  braguette,  la  gibe- 
cière au  côté,  les  souliers  d'étolTe  à  pointe  de  cuir  et  la 
barbe  rasée  ^  Le  premier  luxe,  dans  tous  les  temps,  parce 

1.  H.  EsTiEN.NE,  Apolofjie  pour  Hérodote,  éd.  Histelhûber,  1,  ;500-:{0l,  319. 
.320-3".'3,  Vî\-'\21.  La  promenade  des  bons  hommes  ou  jiii/emeiit  de  noslre 
siècle,  1()22.  Sorei.,  Les  visions  admirables  dup^lcrinde  l'amasse.  Les  bif/ar- 
rurcs  et  tourbes  du  seigneur  des  Accords.  ('A.  lOvO,  p.  4!!.  «L'œil  des  (ailleurs.» 
Proverbe.  Us  jurent  de  n'avoir  non  plus  d'étoflc  de  reste  qu'il  n'en  peut 
tenir  dans  leur  œil.  Ocdin,  Curiosités  franraises.  KiiO.  \'oy.  aussi  les  dia- 
logues [jubliés  par  François  Pedock,  chanoine  de  Chartres  sous  le  titre: 
Le  bourgeoix  poli.  C'est  un  {,'uide  de  conversation  conforme  aux  conve- 
nances mondaines.  Dans  ceux  de  ces  dialogues  rpii  ont  [)Our  interlocuteurs 
des  marchands  et  des  clients,  on  trouve  le  nn"nie  boniment  et  le  même 
marchandage  qu'aujourd'hui.  Uien  de  caractéristique  de  l'épiique.  Var. 
fiist.  et  littéraires,  IX,  145.  Noël  du  Fail,  Coules  d'I'hitrapel,  I,  2(iC.  La 
Brlyéke,  Des  biens  de  fortune. 

2.  Journal  de  Flcnri  IV,  éd.  Jouaust,  X,  1-3. 

3.  La  chasse  au  vieil  grognard  de  l'antiquité.  Var.  hist.  et  lillcraires, 
III,  37. 


PHYSIONOMIE   MORALE  DES  ARTISANS  ET   COMMERÇANTS.      255 

que  c'est  celui  qui  coufond  le  mieux  les  rangs,  a  été  le 
luxe  du  costume,  et  c'était  celui  où  se  complaisait  le  plus 
le  monde  des  magasins  et  des  ateliers.  C'est  coilTés  d'un  castor 
à  l'imitation  des  gens  de  qualité,  vêtus  d'un  habit  de  soie  et 
d'un  manteau  de  peluche  que  les  commerçants,  laissant  à 
des  commis  le  soin  du  magasin  ',  se  rendaient  à  la  Bourse  ^ 
sur  le  Pont-Neuf  ou  sur  le  Mail  pour  traiter  leurs  affaires  \ 
Leurs  demeures  se  ressentaient  aussi  du  progrès  du  bien- 
être  et  du  luxe.  «  Quelle  insolence,  s'écrie  Pierre  Mathieu  % 
que  les  bourgeois  et  les  marchands  bâtissent  des  châteaux 
aux  champs  et  des  palais  aux  villes  !  »  Les  portes  cochères 
se  multiplient  avec  les  carrosses  '.  «  C'est  l'un  des  princi- 
paux pactes  du  mariage  —  lit-on  dans  un  livi^et  publié  neuf 
ans  seulement  après  Henri  IV  —  que  de  stipuler  une 
maison  à  porte  cochère  et  un  carross:e  pour  Mademoiselle  ".  » 
Le  goût  de  la  villégiature  se  répand  dans  la  bourgeoisie. 
D'élégantes  maisons  de  campagne,  couvertes  d'ardoise  et 
entourées  de  vergers  avec  des  eaux  vives,  ofTrent  un  délas- 
sement à  leurs  loisirs,  une  jouissance  à  leur  vanité  ".  La 
distribution  intérieure  se  perfectionne;  on  sétudie  à  rendre 
les  pièces  indépendantes,  à  éloigner  les  privés  de  la  salle 
ou  salon,  à  empêcher  par  une  antichambre  l'accès  direct 
de   la   chambre  ^    On   commence  à   dissimuler  sous  des 

1.  La  citasse  au  vieil  grognard,  ôG-ôT.  Les  caquets  de  l'accouche'e,  éd.  Four- 
nier,  238. 

2.  A  Paris  elle  se  tenait  en  plein  air,  dans  la  grande  cour  du  palais. 
Voi/age  à  Paris  de  Thomas  Coryate,  Mémoirei  de  ta  Société  de  t'/nstoire  de 
Paris,  VI,  p.  Z'2.  EncjicLopédie  inclliodlque,  v»  Bourse. 

.3.  Lâchasse  au  vieit  grognard....  «  L'homme  de  boutique  est  vêtu  comme 
le  gentilhomme.  »  Montchrétien,  Traité  d'économie  politique. 

4.  Histoire  de  France...  durant  sefit  années  de  paix,  II,  SGfj. 

5.  Dès  1..89,  à  Bordeaux,  il  n'y  avait  pas  plus  de  conseiller  sans  carrosse 
que  sans  robe  rouge.  J.  de  Galfketeau,  Chronique  bordelaise,  année  lôSl). 
Babeau,  Les  bourgeois  d'autrefois,  p.  25. 

fi.  Plaisants  galimatias  d'un  Gascon  et  d'un  Provençal  no^nmés  Jacques 
Chagrin  et  Ruffin  Allegret,  1GI9. 

7.  La  chasse  au  vieil  grognard...,  p.  59.  Aubrixcourt,  Histoire  générale 
des  larrons...,  1G29,  p.  260-201. 

8.  La  chasse  au  vied  grognard...,  ô8.  Un  financier  dit  à  Henri   IV  de  la 


250      PHYSIONOMIE   MORALE   DES  ARTISANS  ET   COMMERÇANTS. 

ti'iitures  le  crt'pi  criard  des  murs  '.  La  vaisselle  d'argent 
augmente  de  plusèn  plus  à  coté  de  celle  d'étain.  Le  mobilier, 
bien  éloigné  de  la  profusion  moderne,  reste  sobre  et  froide 

Les  plaisirs  deviennent  plus  raffinés  '.  On  se  promène 
au  cours  à  pied  ou,  si  l'on  peut,  en  carrosse,  au  petit  pas 
pour  voir  et  être  vu;  on  fait  des  parties  de  plaisir,  des 
cadeau.i  à  la  campagne;  on  va  manger  des  fraises  et  des 
petits  pois  dans  les  guinguettes  de  Yaugirard,  de  Meudon 
et  de  Saint-Cloud  ;  on  s'invite  à  souper  entre  voisins,  les 
diiuancdies  et  jours  de  fêtes,  et  à  ces  se?vjes  chaque  convive 
apporte  son  plat  '*. 

Le  théâtre  était  aussi  l'un  des  plus  vifs  plaisirs  do  la 
moyenne  et  de  la  petite  bourgeoisie.  Ce  n'était  pas  seule- 
ment les  troupes  de  passage  qui  répondaient  d'une  façon 
intermittente  à  un  goût  d'autant  plus  vif  qu'il  était  moins 
exigeant,  il  trouvait  parfois  à  se  satisfaire  d'une  façon 
hal)ituellc.  Des  amateurs,  commerçants,  artisans,  gens  de 
loi,  se  faisant  à  la  fois  auteurs,  impi^esarii  et  comédiens, 
adaptaient  à  la  scène  certains  épisodes  de  VAyicien  et  du 
Nouveau  Testament^  des  paraboles,  des  légendes  hagiogra- 
phiques puis,  quand  ce  vieux  répertoire  commença  à 
lasser  le  public,  des  sujets  profanes;  se  procuraient  des 
décors  et  un  matériel  scénique  sommaires,  recrutaient  une 
troupe  dans  la  jeunesse  de  la  ville,  la  formaient  et  l'en- 
traînaient par  leurs  leçons  et  leur  exemple.  Les  municipa- 

maison  qu'il  fait  construire  qu'il  «  la  faisoit...  sans  salle  ni  antichambre 
devant  sa  chambre  (car  plusieurs,  sans  être  de  grande  qualité  couunen- 
coient  déjà  à  y  en  mettre)....  »  Mémoires  de  Fonlenay  Mareuil,  coll.  .Michaud, 
îl,  col.  2   année  1610). 

1.  Caquets  de  l'accouchée,  230. 

2.  Babeau,  Les  bourg'ois  d'autrefois,  27.  Un  marchand  de  province  sous 
Henri  IV. 

3.  La  c/iasse  au  vieil  grorjnard...  :  Des  délectations  du  temps  passe. 

4.  FuKETiÈRE,  Roman  bourgeois,  éd.  Asselineau,  51,  82,  80,  109.  Cotgrave 
définit  ainsi  la  serée:  «  À  gossiping  or  good  fellowiikc  meeting  of 
neighbours...  whereto  everie  one  brings  or  sends  his  dish  ».  Cité  par 
BoNAFi-É,  Sotes  sur  la  vie  privée  à  la  Renaissance.  Revue  de  l'aris  du  IS  sept. 
I89G. 


PHYSIONOMIE   MORALE    DES  ARTISANS   ET   COMMERÇANTS.      2o7 

lités  subventionnaient  ces  entre[)rises  dramatiques.  Pendant 
treize  ans,  à  Draguignan,  un  notaire,  Textoris  et  un  cliaus- 
setier,  Gaudin,  furent  associés  pour  jouer  et  faire  jouer 
devant  leurs  concitoyens  des  moralités  et  des  mystères.  Un 
procureur,  Mussoni,  succéda  à  ïextoris,  mais  il  ne  sut  pas 
résister  à  la  tentation  de  rajeunir  son  répertoire  par  des 
personnalités,  et  les  susceptibilités  qu'il  souleva,  le  forcèrent 
à  la  retraite'.  A  une  époque  où  la  vie  religieuse  et  la  vie 
profane  multipliaient  les  cérémonies  somptueuses  et  tou- 
chantes, la  passion  de  la  mise  en  scène  s'était  tellement 
répandue  qu'on  la  trouve  jusque  dans  les  villages.  En  l.'iGO 
des  paysans  d'Annet  en  Brie  organisent  la  représentation 
de  riiistoire  de  Joseph  et  louent  à  un  fripier  des  costumes 
dont  on  a  conservé  la  liste  -. 

L'ignorance  est  encore  bien  grande  chez  les  artisans  et 
les  commerçants,  plus  grande  encore  chez  leurs  compagnes, 
car  les  ordres  religieux  qui  se  vouent  à  l'enseignement  des 
filles,  les  Ursulines  et  les  Feuillantines  commencent  seule- 
ment à  ouvrir  pour  la  jeunesse  féminine  des  maisons 
d'éducation.  En  1()02,  les  habitants  d'Aurillac  demandaient 
au  conseil  du  roi  que  les  chefs  des  confréries  de  métiers 
n'assistassent  plus  aux  assemblées  consulaires,  «  car  ces 
chefs  de  métiers,  la  plupart  ignares,  ne  peuvent  sainement 
juger  des  affaires,  ains  donnent  ordinairement  les  voix 
selon  les  brigues  et  menées  ^  »  Plus  tard,  Toubeau,  dans 
ses  Institiites  de  droit  consulaire^  A'a  jusqu'à  écrire  (pic 
beaucoup  de  marchandsne  savent  ni  lire  ni  écrire.  Pourtant, 
à    Paris   surtout,  le    goût  des  plaisirs  de  l'esprit    semble 


1.  Textes  relatifs  à  des  représentations  sccniques  à  Dragiiignan  aux  XV^, 
XVI"  et  A'F//e  siècles  communiqués  par  M.  Mikeuu  dans  Revue  des  Sociétés 
savantes,  XXXVllI,  p.  4GI. 

2.  Elle  a  été  pul)liee  par  le  baron  Pichon  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
l'histoire  de  Paris  (I88'2)  sous  le  titre  :  Une  représentation  Ihéùlrule  dans 
un  village  de  Brie  au  XV l<^  siècle. 

3.  Bibl.  nat.  niss.  Franc.  181G(i  à  la  date. 


2oN      l'IlYSIONOMIK   MOliALl-:   Dl-S  ARTISANS   ET   COMMERÇANTS. 

si'NL'illcr  chez  eux  :  tiaiis  raiuliloire  dos  cours  publics  et 
des  scrniouiiairo  (jui  se  picjueut  de  heau  langage,  dans  le 
pai'teri-e  qui  apjilaudit  les  tragédies  d'Alexandre  llai-d\-  ou 
rencontre  des  conuiierçants  et  des  artisans  '. 

Ces  bourgeois  du  commencement  du  siècle  annoncent 
(b'jà  ceux  que  Molière,  dans  sa  seconde  moKié,  dessinera 
d'une  touche  si  libre,  si  vigoureuse  et  si  sobre.  11  y  a  tou- 
tefois celle  dill'èrence  (|ue  les  premiers,  encore  conlusionnc's 
des  secousses  de  près  de  vingt  ans  de  guerres  civiles  et  non 
entièrement  dégrisés  de  leurs  chimères  politiques,  s'ouvrent 
seulement  à  la  jouissance  de  la  sécurité,  du  bien-être,  de 
la  sociabilité,  tandis  (|ue  les  seconds,  complètement  assagis 
et  disciplinés  par  plus  de  vingt  ans  de  pouvoir  absolu,  s'y 
éj)a  non  iront. 

1.  Lu  c/iasse  du  vieil  'jrofjiiard... 


CHAPITRE    IV 
L'ÉCONOMIE     COMMERCIALE 

2°    LE    COMMERCE    EXTÉRIEUR. 

En  aborclant  le  commerce  extérieur,  entrons-nous  dans 
un  domaine  vraiment  différent  de  celui  que  nous  quittons? 
On  peut  se  le  demander.  La  fonction  économique  reste  la 
même.  Les  procédés,  les  institutions,  les  organes  destinés 
à  la  remplir,  les  mœurs  et  l'esprit  qu'elle  développe,  ne  se 
modifient  pas.  C'est  souvent  les  mêmes  hommes  qui  com- 
mercent au  dedans  et  au  dehors.  Il  semble  qu'il  n'y 
ait  de  changé  que  le  marché  qui  s'est  agrandi.  Cela  est 
vrai,  mais  cette  simple  altération  de  proportion  entraîne 
avec  elle  une  conséquence  importante.  Elle  donne  nais- 
sance à  des  rapports  internationaux,  et  il  suffit  de  cet 
élément  de  plus,  pour  introduire  dans  un  sujet  déjà  si 
riche  d'aspects,  des  aspects  nouveaux  :  législation  douanière, 
marine  marchande  et  militaire,  droit  maritime,  système 
colonial,  etc.  Tout  à  coup  l'horizon  s'élargit  et  le  commerce 
du  monde  se  déroule  devant  les  yeux.  Si  l'on  n'y  prenait 
garde,  celui  de  la  France,  le  seul  dont  nous  ayons  à  nous 
occuper,  viendrait  s'y  perdre  comme  la  partie  dans  le  tout. 
Mais  plus  le  pays  qu'on  découvre  est  vaste  et  séduisant, 
plus  il  importe  d'y  tracer  et  d'y  limiter  sa  route.  C'est  uni- 
quement pour  reconnaître,  pour  relever  les  traces  de  nos 
compatriotes,  que  nous  devons  nous  y  engager.  Quand  ils 


200  i:\P(HlTAT10NS. 

nous  \  ajij)ar;iîlroiil,  co  sera  ou  comme  exportaleurs  ou 
comme  imporlalciirs  ou  enlin  comme  commissionnaires  et 
entrepreneurs  de  Iransporls.  Tels  sont  les  trois  caractères 
avec  lesquels  ils  se  présentent  dans  leurs  relations  avec 
l'étranger  ;  tels  sont  ceux  que  nous  allons  successivement 
envisager. 

COMMERCE     D'EXI'Oirr.VTION. 

Au  temps  de  Henri  IV  les  articles  d'exportation  de  la 
France  étaient,  en  fait  do  produits  naturels,  les  grains, 
les  vins,  le  sel,  le  pastel,  les  huiles,  Teau-de-vio,  le 
safran,  le  miel,  les  laines,  le  bétail,  les  châtaignes,  les 
graisses,  les  pruneaux,  le  bois,  les  chardons  à  foulon, 
les  meules  de  moulin  et,  pour  les  produits  manufacturés, 
le  i)apier,  les  draps,  les  toiles,  les  étamines  de  Reims, 
les  bougrans  de  Troyes,  la  sayettcrie  d'Amiens,  la  domi- 
noterie*,  la  quincaillerie  du  Forez,  le  fil,  les  écritoires, 
la  poterie,  les  soieries-. 

L'Espagne  et  le  Portugal  étaient  le  marché  le  plus 
important  de  nos  exportations  ^  Elles  n'auraient  fait  pour- 
tant que  balancer  leurs  importations  si  nos  blés,  dont  la 
péninsule  faisait  venir  quelquefois  pour  une  valeur  de  3  ou 
imillions  d'écus  (28498394  fr.  84  ou  37  998126  fr.  4o  c). 
n'avaient  amené   un  excédent   en  notre  faveur*.  Elle  ne 


1.  On  entendait  alors  par  là  les  crucifix,  les  objets  de  dévotion  et  l'ima- 
gerie. Plaidoyers  d' Expilly .   Plaidoyer  \\\. 

2.  Plaidoyers  d'I^x/nlly.  Plaidoyer  Yll  :  Sur  la  défense  du  commeme  avec 
VEspayne  en  1604.  Lettre  de  Jacques  Robin  au  chancelier.  Rouen, 
20  août  ICOO.  Arch.  des  aiïaircs  otrang.  Franco,  7G7,  fol.  IIG;  Relation  de 
Conlariiii  (IG13-I01(>i  dans  Le  Rdazioni  di-yli  slali  Europei...  iiel  seculu  A  17/, 
raccoite  ed  annotate  da  N.  Barozzi  et  da  (j.  Hcrchet.  Série  M.  Eranciu,  I, 
6-37.  Causes  de  l'exlré.me  c/ierté.  publié  par  Imhhmkei.  Variétés  /tisl.  et  lill., 
VII.  1.Î3,  18(;-187.  Relation  de  Hadoer  (IG03- !(;().'.)  dans  le  recueil  de  Barozzi 
et  Bkkchf.t,  I,  84.  Déclaration  royale  du  21  déc.  1005,  Arch.  nat.,  coll. 
Rondonneau,  série  chronologique,  à  la  date.  Lettres  et  ambassades  de 
Fresnes  Canaye,  I,  !('.7. 

3.  Lettre  précitée  de  Jacques  Robin. 

4.  Pluidoyers  d^Expilly.  Ubi  supra. 


EXPORTATIONS.  261 

pouvait  se  passer  de  nos  grains  ^  Nos  toiles  y  étaient 
également  très  recherchées.  En  1609  la  Normandie  lui  en 
fournit  pour  plus  d'un  million  d  ocus  d'or  (1 0 1 13  1 1  o  fr.  12) 
et  la  Bretagne  pour  plus  de  trois  millions  (30  339  34o  fr.  37)-. 
Cette  exportation  aurait  même  été  plus  considérable  si 
elle  n'avait  rencontré  la  concurrence  de  la  contrefaçon 
suisse  et  allemande  qui,  profitant  de  la  diminution  de  la 
production  française  amenée  par  nos  troubles  intérieurs, 
s'était  en  partie  emparée,  grâce  à  l'infériorité  de  ses  prix, 
des  marchés  voisins  ^  Nous  placions  au  delà  des  Pyrénées 
pour  plus  d'un  million  d'écus  d'or  de  papiers,  d'étamines 
de  Reims,  de  saijetterie àWm'iens  et  de  mercerie*.  Par  un 
contraste  qui  se  manifestait  aussi  dans  la  littérature  et 
les  mœurs,  le  pays  qui  se  trouvait  le  plus  séparé  du  notre 
par  la  politique  était  celui  qui  s'en  rapprochait  le  plus 
par  l'intérêt  économique.  Par  elle-même  et  abstraction 
faite  de  ses  riches  annexes  des  Pays-Bas  et  du  Milanais, 
l'Espagne  produisait  peu  et  son  trafic,  sans  cesse  menacé 
par  les  corsaires  anglais  et  hollandais,  ne  consistait  guère 
qu'à  échanger  les  marchandises  des  Indes  occidentales 
contre  les  marchandises  européennes  qu'elle  recevait  des 
pays  de  production.  C'était  principalement  de  la  France 
qu'elle  tirait  de  quoi  alimenter  ce  trafic.  Toutefois,  à  la 
fin  du  règne  de  Henri  lY,  l'Angleterre  et  la  Hollande  nous 
faisaient  à  cet  égard  une  redoutable  compétition  et  nos 
importations  dans  la  péninsule  avaient  sensiblement 
diminué.  Cela  tenait  aussi  à  ce  que  les  colonies  espagnoles 
avaient  cessé  d'écouler  tous  leurs  produits  dans  la  métro- 
pole et  s'étaient  mises,  malgré  les  défenses  de  Philippe  III, 


1.  Relation  de  Contarini.  Ubi  supra. 

2.  Lettre  précitée  de  J.  Robin. 

3.  IhUl. 

4.  Du  Fresne  Canaye  siiinale  en  1G02  une  décroissance  dans  l'impor- 
tation de  la  mercerie  ;  l'Espagne  était  arrivée  à  s'approvisionner  en  partie 
chez  elle.  Lettre  de  Du  Fresnes  Canave  au  roi,  23  octobre  KJOî.  1,  45G-4Ô7. 


•262  EXPORTATIONS. 

à  commercer  directement  avec  les   Indes   orientales    par 
rofc'ji'ii  Pacifique. 

L'Espagne  nen  resta  pas  nujins,  pendant  le  règne 
de  Henri  IV,  noire  tributaire.  Elle  nous  empruntait  même 
des  bras.  Chaque  année,  des  troupes  nombreuses 
d'émigrants  passaient  les  Pyrénées  et  sembaucliaient  chez 
nos  voisins  pour  la  moisson  et  les  travaux  des  champs. 
On  les  appelait  des  gtivachcs  [c/avachos)\  Le  moyen  le 
plus  efficace  d'amener  à  composition  le  gouvernement  du 
Uoi  Caliiolique  quand  il  entreprenait  contre  nous  une 
guerre  de  tarifs  ou  quand  il  ne  protégeait  jias  suffisamment 
nos  compatriotes  contre  l'animosité  de  ses  sujets,  c'était 
de  sevrer  ces  derniers  des  importations  françaises.  Henri  IV 
V  recourut  deux  fois.  Le  3  août  1601,  en  représailles  des 
mauvais  traitements  dont  les  Français  avaient  été  victimes 
et  de  la  violation  de  l'ambassade  française  par  la  justice 
espagnole,  il  interdit  le  commerce  avec  les  Etats  de  Phi- 
lippe IH  et  sanctionna  cette  défense  par  l'emprisonnement 
et  la  confiscation  des  marchandises.  La  seconde  fois,  ce 
fut  en  1004.  Pour  atteindre  le  commerce  hollandais  qui 
continuait  à  se  faire  sous  le  couvert  de  la  France,  le 
gouvernement  du  Roi  Catholique  avait,  l'année  précédente, 
frappé  d'an  droit  de  30  pour  100  les  marchandises  à 
destination  ou  en  provenance  de  notre  pays.  A  cette 
prohibition  dissimulée,  Henri  répondit  par  une  prohibition 
expresse.  Mais  cette  prohibition  n'était  guère  moins 
préjudiciable  à  ses   sujets  qu'à  ceux  de  son  adversaire"^ 


1.  Carew'.s  Relation.  Mémoires  de  Tuvannes,  p.  82.  Le  manifeste  français 
contre  In  trop  grande  présomption  des  Espaf/»ols,  1C24.  Ce  nom  vcnnit  de 
la  ville  de  G.'ip,  dont  I.i  région  mont.i^'ncuse  l'oiirnissait  une  partie  de  ces 
éuiigranls.  Dans  la  Provence  et  le  conitat  Veiiaissin  on  appelle  encore 
f/avols  les  nionlaj.'nards  qui  desrendent  des  Alpes  ou  des  Ccvenncs  pour 
venir  chercher  du  travail  dans  ces  contrées  jjIus  fertiles.  Voy.Tii.  Houssel, 
Sur  la  rjavaciipric  dans  liulletin  de  la  Société  d'agrivutlure,  etc.  de  la  Lozère, 
\\  (I8.18,,  p.  42i. 

2.  Le  syndic  des  États  du  Béarn  et  de  Navarre  s'opposa  à  la  vérification 


EXPORTATIONS.  263 

et  il  y  eut  une  sorte  d'émulation  à  la  tourner.  Le  commerce 
maritime   surtout  ne   put   être  empêché.    Les  passeports 
stipulaient  bien  que  les  bâtiments  français  ne  chargeraient 
et   ne   déchargeraient    rien    dans   l'immense    empire   qui 
obéissait  au  roi  d'Espagne  ;  mais  il  n'était  pas  bien  difficile 
de  dissimuler,  au  cours  du  voyage,  la  violation  de  cette 
clause,  ni  de  tromper  au  retour  sur  la  provenance  de  la 
cargaison  '.  Les  informations,   les  inspections   organisées 
par  Sully,  qui  tenait  beaucoup  à  faire  repentir  nos  voisins 
de   leur  mauvais    procédé,    furent   impuissantes'.   C'était 
surtout  du  littoral  de  l'Océan,  entre  la  Loire  et  la  Garonne, 
plus  particulièrement  des  Sables-d'Olonne,  qui  justement, 
par    une   sorte    d'ironie,    se   trouvait   dans  le   gouverne- 
ment du   surintendant,   que    partaient  les  vaisseaux  cou- 
pables de    ce    commerce   interlope.  Il   y    avait,   dans    le 
nombre,  des  vaisseaux  anglaise  Un  des  inconvénients  de 
cette  mesure  était  en  effet   de   faire  passer  cette  branche 
de  nos  exportations  aux  mains  des   Anglais   qui,    toujours 
à   l'atïùt  de  pareilles   circonstances,    achetaient  en  masse 
les   toiles  et    les    grains  de  France    pour    les   transporter 
dans  les   Etals   de    Philippe   IIL   Un  autre    inconvénient 
était    de  diminuer  les  traites    foraines'.   La    prohibition 
suscita   une    active  contrebande,  et,  parmi   ceux   qui    s'y 
livraient,  il  y  eut  jusqu'à   des   gouverneurs  de  provinces 
et  de  villes'.  Le  roi,  tout  le  premier,  dérogeait,  en  faveur 
de  certaines  personnes,  à  une  mesure  trop    préjudiciable 
pour   être  rigoureusement   appliquée.   Cette   guerre  com- 

de  rodit  d'interdiction  attendu  que  c'était  vouloir  ruiner  le  pays  qui  était 
fort  pauvre  et  ne  subsistait  que  de  la  vente  de  ses  denrées  aux  Espagnols. 
Mémoires  de  La  Force,  I,  172. 

1.  Arrêts  du  conseil  du  10  juillet  1G04.  Arch.  nat. 

2.  Tliuani  liisloria,  VI,  230.  «  Audit  luois  de  mai  fut  envoyé  un  commis- 
saire du  roi  pour  informer  contre  ceux  qui  avoieut  trafiqué  en  Espagne.  » 
Diaire  de  Jacques  Merlin  mir  les  choses...  cjui  se  so7it  passées  en  La  Hochelle. 

3.  Économies  roi/ales,  Vil,  28-29,  117,  103,  100,231-232. 

4.  I/jid.,  2ôl,  234. 

5.  Ibid.,  231-232. 


•2C4  EXPORTATION  S. 

merciale,  entre  deux  pays  qui  étaient  en  paix  depuis  cinq 
ans,  était  trop  funeste  à  l'un  et  à  l'antre  pour  durer  long- 
temps. Jae(|ues  V\  qui  négociait  la  sienne  avec  l'FiSpagne, 
olïrit  sa  médiation.  Les  négociations  s'ouvrirent  en 
Angleterre  entre  notre  ambassadeur,  Cinistophe  de  Uarlay, 
sieur  de  Beaumont,  et  ceux  du  lîoi  Catholique  et  des 
Pays-Bas  auprès  du  roi  Jactpies,  mais  elles  traînèrent  en 
longueur  jusqu'à  ce  que  Sully  eût  reçu  mission  de  les 
poursuivre  tout  seul  avec  le  nonce  BulValo,  agissant 
comme  médiateur,  Ballliazar  de  Zuniga,  ambassadeur 
d'Espagne  en  France,  et  Alexandre  Bovidius,  sénateur  de 
Milan.  Le  traité  fut  signé  par  ces  plénipotentiaires,  le 
13  octobre  KIOl.  Il  abolissait  le  droit  de  30  pour  100  et 
rétablissait  les  anciennes  relations  commerciales  de  la 
France  et  des  pays  soumis  à  la  domination  de  Philippe  IIL 
La  reprit'  de  ces  relations  était  si  vivement  désirée  en 
France,  que  le  roi  n'attendit  pas,  pour  autoriser  le  trans- 
port du  blé  en  Espagne,  la  ratification  du  Hoi  Catholique  '. 
Nos  vins,  notre  pastel,  notre  sel,  nos  laines  trouvaient 
leur  principal  débouché  en  Angleterre.  Les  vaisseaux 
anglais,  qui  y  transportaient  les  vins  de  Bordeaux,  for- 
maient une  véritable  Hutte  que  nos  voisins  appelaient  la 
Hotte  de  Bordeaux,  et  qui  se  déchargeait  à  Londres  de 
plus  de  la  moitié  de  sa  cargaison-.  Bordeaux  était  aussi 
pour  eux  l'entrepôt  et  le  port  d'embarquement  des  pastels 
du  Lauraguais '.  lis  recherchaient  nos  laines,  qui  étaient 
plus  fines  que  les  leurs,  pour  faire  des  creseaux,  des  serges 

1.  Ileiiii  IV  à  Sully,  17  octobre  lOOi.  Éconnuiies  roi/ales.  Vil.  267-'2C9. 
Voir  nvvrl  de  uKiinlevée  par  provision  des  navires  et  luarchandises  saisis 
pour  infraction  à  la  prohibition  du  commerce  avec  l'Espagne  et  les  V;\ys- 
Bas,  IG  décembre  IGO'i.  Arch.  nat.  Arrrts  du  conseil  ;i  la  date.  «  Audit  mois 
[novembre  1G04]  a  été  permise  la  traite  des  blés  en  Espagne.  »  Diaire  de 
J.  Merlin  sur  les  choses...  qui  se  sont  passées  à  La  Hùchelle. 

2.  .Journal  de  l'ambassade  d'IIurault  de  Maisse  en  lô97-ir>98,  f»  203, 
V"  Airh.  des  afl'aires  étrangères.  Jot/ocl  Si/rerl  Ilinerariion  Galli:r  (IGIO) 
l'réfitce. 

3.  Papiers  de  Simon  Lecomte  aux  archives  de  IHôtel-Dleu  de  Toulouse. 


EXPORTATIONS.  265 

(le  Limestre,  etc.,  ils  les  achetaient  aux  lieux  de  produc- 
tion, et  les  faisaient  embarquer  à  Bayonne,  à  Saint-Jean- 
de-Luz,  à  Narbonne,  à  Pecquais,  à  Aigues-Mortes,  à 
IMartigues'.  C'était  aussi  le  chemin  de  l'Angleterre  que 
prenaient  en  partie  nos  toiles,  particulièrement  nos 
bougrans,  notre  papier,  notre  fil  ;  elle  nous  achetait 
également  du  bois,  des  pruneaux,  des  écritoires,  do  la 
poterie,  des  chardons  à  foulon,  des  meules  de  moulin, 
des  soieries-,  etc.  Ces  importations  égalaient  le  chiffre  des 
importations  anglaises. 

On  est  tenté  de  s'en  étonner,  quand  on  connaît  la 
jalousie  avec  laquelle  l'Angleterre  se  réservait  son  marché, 
et  l'ardeur  qu'elle  mettait  à  envahir  les  marchés  étrangers. 
Elle  avait  définitivement  acquis,  sous  Elisabeth,  le  senti- 
ment de  sa  véritable  vocation,  et  était  entrée  résolument 
dans  la  voie  qui,  trop  souvent  aux  dépens  du  droit  des 
gens,  devait  en  faire  la  première  nation  maritime  et 
commerçante  du  monde.  Elle  s'était  émancipée  de  la 
dépendance  commerciale  oii  l'avaient  tenue  jusque-là  les 
villes  hanséatiques,  ce  qui  avait  amené  une  rupture  com- 
plète entre  elle  et  l'Empire.  Elle  s'était  créé  avec  la 
Russie,  les  pays  de  la  Baltique,  le  Levant,  les  Etats  Barba- 
resques,  etc.,  des  relations  directes  qui  étaient  entretenues 
par  autant  de  compagnies  privilégiées.  Plus  elle  donnait 
d'essor  à  l'initiative,  à  l'esprit  des  affaires  et  à  l'amour  du 
gain  qui  distinguent  sa  race,  plus  elle  se  défendait  chez 
elle  de  la  concurrence  étrangère'.    Que    l'on    compare  ce 

1.  .Mémoire  pour  l'établissement  du  trafic,  commerce  et  négoce  de  mer 
en  France.  Bibl.  nat.,  coll.  Brienne,  ;il9,  fol.  1.  Le  texte  porte  Morcesques, 
où  nous  avons  cru  reconnaître  une  altération  de  Martigues. 

3.  «  ...  goods  transported  from  France  to  England  since  1572  on 
canvass,  buckram,  paper,  thread,  inkhorns,  prunes,  pots,  teazies,  mill- 
stones.silks,  wood  and  wines.  »  Calendars  of  stale  papers.  Domestic  séries. 
Eitzabeth,  1(J0I-IC02,  p.  276, 

3.  Sur  le  développement  du  commerce  anglais  à  la  fin  du  xvi«  et  au  com- 
mencement du  xvii«  ?,ièc\e.\o's.^t.^R,AllrjemeineGeschicIitedesW'ellhandels, 
2  Ahth.,  chap.  8. 


2G6  KXI'OHTATIONS. 

que  JiseiU  à  col  ôgiinl  lliiiaiill  de  Maisse  s'exprimant 
en  iriilTavoc  rautorilû  diiii  aiiihassadcur,  et  Moiilclirestien, 
pailaiil.  peu  (raniK'Os  après  la  mort  de  IJciiri  IV,  irune 
siliialioii  dont  il  axait  cli'  témoin  poiidanl  sou  si'joiir  au 
delà  de  la  Manche,  ou  verra  combien  les  Anglais  restèrent, 
pendant  toute  la  duiv-e  de  sou  règiu;  et  en  d(''pit  du  trait('i  de 
commerce  de  KiOCi,  lidèles  au  système  prohibitil".  L'impor- 
tation de  nos  draps  en  Angleterre  était  interdite'.  Il  en 
(jtait  de  môme  de  toutes  les  marchandises  que  pouvait 
f(nirnir  l'industrie  hritaunitjue ,  et,  pour  celles  qui  lui 
t'taient  inconnues,  l'importateur  français  devait  donner 
caution  (ju'il  emploierait  rargent  provenant  de  leur  vente 
à  l'achat  de  marchandises  indig•ènes^  Les  nôtres  ne 
j)Ouvaienl  être  vendues  qu'à  une  compagnie  de  fondation 
royale,  qui  avait  le  monopole  du  commerce  avec  la 
France,  et  qui  faisait  par  conséquent  la  loi  aux  vendeurs  ^ 
niles  étaient,  en  outre,  soumises,  à  leur  entrée  comme 
à  leur  sortie,  à  un  droit  appelé  coulwne  d'élrange7\  qui 
était,  plus  fort  d'un  quart  pour  nous  que  pour  les  com- 
merçants des  autres  pays.  Jacques  I"  avait  étendu  cette 
majoration  à  diiïérents  droits  d'entrée  et  de  sortie \  C'était 
aussi  spécialement  sur  nous  que  pesaient  ceux  de 
scavadge,  de  quayage  et  de  surveyor'\    Enfin  l'entrée    de 

1.  MoNTCiiiiESTiEN,  Traité  de  réconomie  politii/iw,  p.  !)"2.  IJoucii, 
Jkan  OsMONT,  I(jl5,  in-4. 

2.  Ibid.,  i)G-;J7.  Journal  d'Hurault  de  Maisse  cité  par  Prkvost-Paradol, 
Kti-abeth  et  Henri  IV  (I8G3),  p.  'JO. 

3.  .Montchhestien,  94-95,  Thomas  Lei'KVhe  m;  (Juank  IIa.mki-,  Discours  som- 
maire de  lu  n(ivif/alio7i  et  du  commerce  de  France,  lînucii,  KIÔO.  iu-i." 
Keioiainganï,  Mission  de  Thnnieri/  .s''  de  Hoissise,  J,  -ioS. 

•i.  «  ...  le  Roy  d'Angleterre,  dei)iiis  sou  adveneaient  à  la  couronne,  a  mis 
jilusieurs  nouvelles  impositions  sur  plusieurs  marchandises  entrantes  on 
sortantes  de  son  royaume  que  par  cy  devant  on  levoit  sur  tnus  esgalement 
tant  subjets  qu'estrangers  ;  mais  depuis  il  a  octroyé  au  Lord  Cronnneveld 
de  hausser  ces  charges  d'une  quatriesme  part  sur  la  marchandise  ap|)arle- 
nante  aux  François  et,  les  ayans  de  nouveau  tous  rétluits  à  la  muilir.  on 
les  continue  tousjours  sur  nous  et  nous  f.iist  ou  lousjnurs  payer  le  iloiihlc 
de  tout...  »  .MoMcniu:sriE.\,  p.  9i. 

ô.  Iljid.,  90.  Cf.  'i'no.MAS  Le  Kévue,  Op.  taud.,  [>.  83. 


IMPORTATIONS.  267 

certains    produits    fraiirais    tels    que    les  cartes,  la  fleur 
(raniidon,  était  absolument  interdite'. 

Nos  exportations  pour  l'Italie  consistaient  en  draps, 
en  toiles,  en  étamines  de  Reims,  en  sayelterie  d'Amiens, 
en  merceries,  en  quincaillerie,  en  blé,  en  bétail.  En  1609  leur 
eliifTre  selevait  à  un  million  d'écus  d'or  (10  113115  fr.  12) 
au  moins.  Elles  étaient  balancées  par  les  importations. 
Les  échanges  entre  la  France  et  la  Flandre  ne  donnaient 
pas  lieu  à  un  solde  en  numéraire.  Ceux  entre  la  Franco 
et  l'Allemagne,  se  compensaient  aussi  presque  ég■alement^ 


COMMERCE     D  IMPORTATION. 

Les  importateurs  appartenaient  le  plus  souvent  au  pays 
de  production.  Il  y  avait  pourtant  des  Français,  qui  se 
mêlaient  d'acheter  au  lieu  d'origine  les  marchandises 
étrangères  et  de  les  revendre  en  France.  Leur  nombre 
n'était  pas  aussi  grand  qu'il  aurait  pu  l'être,  si  la  législa- 
tion et  l'esprit  de  nos  voisins  s'étaient  montrés  moins 
hostiles  aux  concurrents  venus  du  dehors. 

Le  traité  de  Vervins  obligeait  les  rois  de  France  et 
d'Espagne  à  accueillir  dans  leurs  royaumes  leurs  sujets 
respectifs.  Henri  IV  n'y  manqua  pas  et  c'est  ainsi  qu'inter- 
prétant largement  cette  stipulation,  il  refusa  de  livrer  à 
Elisabeth  des  Irlandais  au  service  du  Roi  Catholique,  que 
la  tempête  avait  forcés  d'aborder  en  France  %  c'est  ainsi 
encore  qu'il  prit  sous  sa  protection  des  Portugais  établis 
à  Nantes  dans  un  intérêt  commercial,  que  la  population 


1.  Kermaingant,  Op.  laïuL,  I,  458. 

2.  ExpiLLY,  Vbi  supra.  Nous  devons  signaler,  en  ce  qui  concerne  la 
Flandre,  le  témoignage  très  dilTérent  de  Du  Plessis  Mornaj-  qui,  au  sujet 
des  Pays-Bas,  écrit  en  lô8i,  c'est-à-dire  à  une  époque  où  nos  exportations 
étaient  moins  importantes:  «  Le  pays  vit  principalement  de  la  France....» 
Dhcours  sur  les  moijens  de  diminuer  L'Espagnol  àtin?,  Mémoires  et  corresp.,  II. 

;i.  Henri  IV  à  Elisabeth,  5  octobre  15'J'J.  Leltres  miss,  V,  1G8. 


268  IMPORTATIONS. 

voulait  faire  expulser'.  Les  Espagnols,  au  conlraire,  étaient 
très  inhospitaliers  pour  nos  compatriotes,  et  maltraitaient 
fort  nos  négociants.  hWdr/dnfa'Jo^  avait  la  principale 
responsabilité  de  ces  avanies.  La  suspension  des  relations 
conimorciales,  arrêtée,  comme  nous  l'avons  dit,  en  IGOi, 
contraignit  le  gouvernement  de  l'Escurial  à  ne  plus  les 
couvrir  de  sa  tolérance.  Une  ordonnance,  publiée  dans 
tous  les  ports  de  la  péninsule  et  notifiée  par  les  soins 
de  Henri  IV  à  tous  les  l'rançais  qui  y  trafi([naient,  assura 
à  ceux-ci,  à  condition  quils  ne  transporteraient  pas  de 
marchandise  ennemie,  l'accueil  et  le  traitement  auxquels 
le  traité  de  Vervins  leur  donnait  droit.  Cette  condition 
laissait  la  porte  ouverte  à  de  nouveaux  conllits,  car  la 
France  ne  pouvait  pas  plus  renoncer  au  prolit  du  transit 
rnlie  les  Provinces-Unies  et  l'Espagne,  que  le  Roi  Catho- 
lique ne  pouvait  permettre  l'admission  des  marchandises 
hollandaises  dans  son  royaume.  Ce  fut  encore  l'introduc- 
tion clandestine  de  ces  marchandises  que  le  gouvernement 
de  Philippe  III  invoqua,  en  1606,  pour  en  fermer  l'entrée 
aux  Rochelais,  sujets  si  peu  obéissants  du  roi,  ajoutait-il, 
qu'ils  ne  méritaient  pas  son  intérêt  ni  sa  protection^.  Nos 
commerçants  n'ayant  pas  eu  moins  à  soulTrir  de  la  mal- 
veillance intéressée  des  autorités  locales  que  de  celle  de 
VAdeia7i(ado,  notre  gouvernement  obtint,  la  même  année, 
que  leurs  causes  fussent  soustraites  à  la  juridiction  de 
ces  autorités  et  déférées  au  conseil.  Les  vexations  qui 
attendaient  nos  commerçants  en  Espagne,  ne  les  empê- 
chaient pas  d'aller  en  assez  grand  nombre  y  chercher 
fortune.  La  colonie  française  était  assez  considérable  dans 
les  principales  villes  de  la  péninsule,  pour  y  avoir  des  con- 


1.  Lerki-f,  Du  commerce  de  Nantes.  I8.")7.  iii-8.  p.  .'>". 

2.  Ainirnl  des  galrres. 

•"î.  Lettre  de  Puisieux  à  La  Bodcrie,  3  novembre  IGOG.  Aiiihas!>adcs  de  La 
lioderie,  I,  404. 


IMPORTATIONS.  269 

suis  (|ui  étaient  nommés  par  elle,  commissionnés  par 
le  Roi  ('alholique  et  pourvus  par  le  roi  de  France  de  lettres 
de  provision  \ 

Ceux  de  nos  commerçants,  que  leurs  affaires  attiraient 
en  Angleterre,  avaient  encore  plus  à  se  plaindre  que  ceux 
qui  séjournaient  en  Espagne.  L'exportation  des  laines 
anglaises  leur  était  interdite,  le  monopole  en  appartenant 
à  une  compagnie  indigène  de  fondation  royale  ".  Le  droit 
de  sortie  sur  les  serges,  les  futaines,  les  bajettes,  lesbom- 
bazins,  les  mocades,  les  camelots,  les  bas  d'estame  était 
beaucoup  plus  élevé  pour  nos  compatriotes  que  pour  les 
autres  étrangers  ^  Celui  sur  l'étain  était  du  double,  en 
attendant  que  l'exportation  nous  en  fût  interdite  pour  être 
réservée  aussi  à  une  compagnie  privilégiée  '*.  Nous  avons 
déjà  dit  que  nos  nationaux  subissaient  une  augmentation 
d'un  quart  dans  le  droit  d'entrée  et  de  sortie  perçu  sous  le 
nom  de  coutume  cl  étranger^  nous  avons  parlé  des  droits 
de  scavadge^  de  qucigage  et  de  surveyor.  Le  traité  d'al- 
liance défensive,  signé  à  Blois  le  29  avril  1572,  entre 
Charles  IX  et  Elisabeth,  avait  complètement  sacrifié  les 
intérêts  français,  en  accordant  aux  Anglais  des  avantages 
commerciaux  dont  les  Français  n'obtenaient  pas  la  réci- 
procité. A  la  vérité,  ce  traité  ne  régissait  plus  officiellement 
les  relations  commerciales  des  deux  pays.  Il  avait  cessé 
d'être  en  vigueur,  parce  qu'il  n'avait  pas  été  renouvelé  par 
le  roi  dans  l'année  de  son  avènement  \  Les  négociations 

1.  «  ...  Lettres  de  commission  du  roi  d'Espagne  du  C  juin  1G07  par 
lesquelles,  sur  la  nomination  faite  par  les  marchans  français  de  la  per- 
sonne dud.  Dufau,  il  auroit  été  commis  à  l'exercice  dud.  consulat. 
Ordonné  que,  daus  trois  mois  après  la  signification  du  présent  arn't,  ledit 
Dufau  prendra  de  S.  ÎM.  lettres  de  provision  dud.  office  de  consul  de  la 
nation  française  à  Séville...  autrement  lui  a  inhibé...  de  s'entremettre  en 
l'exercice  dud.  consulat....  »  Bibl.  nat.  mss.  fr.  18175,  f.  208. 

2.  JMONTCHRESTIEN,  92.  Tii .  Le  Févhe,  81. 
i.  Th.  LeFèvhe,  82. 

4.  Ibid.  et  IMontchrestie.n,  96. 

5.  Sir  Ralph  Wi/ncood's  Memorials  of  a ffairs  of  Sicile,  London,  1725,  111, 


270  IMPORTATIONS. 

de  l'Angleterre  avec  la  France,  de  l.'OO  à  IG04,  eurent 
précisément  pour  but  d'en  obtenir  le  renouvellement,  et 
cest  par  suite  de  son  abrogation  tacite,  que  les  Anglais 
furent  de  nouveau  soumis  au  droit  d'aubaine  dont  il  les 
avait  exemptés.  Mais,  en  fait,  les  Anglais  n'en  jouissaient 
pas  moins  des  avantages  qu'il  leuravait  concédés,  et  dont  ils 
s'étaient  lia  lés  de  ju'ofilcr  :  ils  avaient  établi  des  entrejiôls 
à  Rouen,  à  Caen,  à  Dieppe,  à  Bordeaux'  ;  ils  inondaient 
le  marché  français  de  leurs  draps  communs,  dont  les  gens 
do  la  campagne  ne  pouvaient  se  passer,  parce  que  l'indus- 
trie française  ne  leur  en  olîrait  pas  d'aussi  économiques, 
mais  qui  étaient  souvent  f(u-t  défectueux  -.  La  saisie  de  ces 
draps,  prononcée  par  arrêt  du  conseil  du  21  avril  1600,  le 
règlement  adopté  par  le  conseil  à  leur  égard,  la  prohibi- 
tion des  étolTes  de  couleur  unies  donnèrent  lieu,  entre  les 
deux  gouvernements,  à  de  longues  négociations  auxquelles 
mit  fin  le  traité  de  commerce  du  24  février  1606.  Ce  traité 
révoquait  l'arrêt  en  question,  et  soumettait  les  contesta- 
tions auxquelles  la  qualité  des  draps  anglais  pourrait 
donner  lieu,  au  jugement  des  commissaires  des  deux 
nations  qui,  sous  le  nom  de  conservateurs  du  commerce^ 
devaient  être  établis  dans  les  villes  fréquentées  par  les 
commerçants  anglais  et  français.  Le  même  traité  prépara 
la  solution  d'une  question  qui  était  un  sujet  de  grief  pour 
les  Anglais,  et  qui  avait  occupé  une  place  importante  dans 
les  négociations  :  nous  voulons  parler  des  impôts  que  les 
villes,    servant   d'entrepôts   aux  marchandises  anglaises, 

«  ...  demeurera  encore  cniro  leurs  successeur.'^,  pourveu  que,  dans  l'an 
après  que  l'un  desd.  princes  sera  décédé,  son  successeur  déclare  par  am- 
bassadeur et  ses  lettres  au  survivant  qu'il  accepte  les  mêmes  conditions 
et  veut  contracter  la  même  confédération...  mais  si  dedans  l'an,  etc....  » 
DU.MOXT,  Corps  dipl.,  V,  part.  I,  p.  212. 

1.  Un  arrêt  du  parlement  de  Normandie  du  5  octobre  l-.O.'î  avait  même 
accordé  au.x  commerçants  anj^Mais,  établis  à  Caen,  les  privilèges  des 
bourgeois  de  cette  ville,  notanunent  l'exemption  du  droit  de  sortie  pour  les 
toiles,  bougrans  et  C'inevas.  Tu.  Le  Fèvhk,  Op.  laucl.,  p.  190. 

2.  Winwood  à  Gecill,  12  juin  IGOI.   \Vinv:ood's  Mcmorials,  I,  334. 


IMPORTATIONS.  271 

avaient  mis  sur  ces  marchandises,  et  qui  s'ajoutaient 
aux  impôts  d'Etat.  Par  exemple,  les  officiers  municipaux 
de  Rouen  avaient  doublé  le  droit  d'octroi  sur  les  draps 
anglais.  Le  commerce  britannique  avait  été  atteint 
par  des  taxes  établies  à  Cacn  sur  les  creseaux  (Kerseys)^ 
le  plomb,  l'étain,  la  cire,  les  harengs  et  par  un  droit 
d'entrée  d'un  écu  couronne  (9  fr.  35)  par  tonneau  sur 
les  vaisseaux  abordant  en  Normandie  '.  Le  traité,  en 
confirmant  les  droits  levés  dans  les  deux  royaumes  au 
profit  de  l'Etat,  et  en  ordonnant  que  le  tarif  en  serait 
affiché  dans  les  lieux  publics,  mit  les  municipalités  des 
villes  d'entrepôts  en  demeure  de  produire  au  conseil 
les  lettres  autorisant  ces  taxes,  dont  la  perception  de- 
vait être  provisoirement  continuée  (art.  3  et  4).  Enfin  la 
situation  des  commerçants  résidant  dans  les  deux  pays 
fut  considérablement  améliorée  par  l'abolition  du  droit 
d'aubaine.  Ce  vieux  droit  féodal  et  barbare  s'exerçait 
d'une  façon  qui  le  rendait  plus  odieux  encore  ;  à  la  mort 
d'un  marchand  étranger,  ses  livres  de  commerce  étaient 
examinés,  souvent  dérobés  ;  ses  caisses,  ses  comptoirs 
dévalisés  ;  on  saisissait  et  on  mettait  sous  séquestre  les 
biens  de  ses  associés  et  môme  de  ses  confrères,  sous  pré- 
texte des  relations  d'affaires  qu'ils  avaient  pu  avoir  avec 
le  défunt,  et  ils  ne  pouvaient  obtenir  mainlevée  de  la 
saisie  qu'à  prix  d'argent.  Le  droit  d'aubaine  ne  produisait 
qu'une  somme  insignifiante,  que  l'ambassadeur  anglais 
Winwood  estime  k  200   couronnes  (1870  fr.  68)  par  an.  et 

I.  Calenilars  of  state  papers.  Domesli''  seriez.  Elisabeth  (I598-1C03),  p.  503, 
27G.  Jacques  I<=i",  p.  2'29.  «  Par  nos  lettres  patentes  en  forme  de  décla- 
ration données  à  Fontainebleau  le  l'^  jour  de  novembre  [IGU3],  nous  avons 
ordonné  qu'il  seroit  levé  es  villes  maritimes,  ports  et  havres  de  nostre 
duché  de  Normandie  sur  ceux  de  nos  sujets  d'icelle  province  à  la  sortie 
et  sur  ceux  des  autres  provinces  ou  estrangeres  à  leur  entrée  à  raison  de 
trois  livres  pour  tonneau,  selon  le  port  et  grandeur  d'iceux  vaisseaux,  de 
quelque  marchandise  qu'ils  soient  chargés,  excepté  que,  pour  tonneau 
de  charbon,  mats,  planches  et  bois  à  bâtir,  il  ne  sera  paie  que  20  sols  seu- 
lement. »  11  mars  IG04. 


272  IMPORTATIONS. 

dont  le  roi  gratifiait  le  premier  venu,  mais  il  faisait  perdre 
au  pays  bien  davantage.  Les  marchands  étrangers,  exposés 
aux  avanies  que  nous  venons  de  décrire,  se  contentaient 
d'envoyer  leurs  facteurs  et  leurs  commis,  qui  logeaient  en 
garni,  et  n'apportaient  que  la  quantité  de  marchandises 
dont  ils  espéraient  pouvoir  se  défaire  immédiatement.  Une 
fois  alî'ranchis  du  droit  d'aubaine,  les  négociants  étrangers 
n'auraient  plus  de  raison  pour  ne  pas  venir  s'établir  en 
France  avec  leurs  familles,  y  former  des  approvisionne- 
ments considérables,  et  faire  profiter  notre  pays  de  leur 
industrie  \ 

En  1003,  la  commission  du  commerce  élabora  et  fit 
approuver  par  le  conseil  un  projet  d'édit  réglant  la  situation 
des  marchands  étrangers  en  France.  D'après  ce  projet,  ils 
pouvaient,  dans  les  trois  mois  postérieurs  à  la  promulgation 
de  ledit,  s'établir  à  Paris  et  dans  d'autres  villes  désignées 
par  le  roi  et  y  faire  le  commerce  en  gros  des  matières 
premières,  ainsi  que  des  produits  manufacturés  en  France 
et  des  produits  manufacturés  à  Fétranger  qui  n'avaient  pas 
leurs  congénères  dans  notre  pays.  Pour  jouir  de  ce  privi- 
lège, au([uel  s'ajoutait  l'exemption  du  droit  d'aubaine,  ils 
devaient  obtenir  des  lettres  de  naturalité,  qui  leur  seraient 
accordées  un  an  après  qu  ils  auraient  fixé  leur  domicile 
dans  l'une  de  ces  villes,  et  qu'ils  y  auraient  apporté  des 
marchandises  pour  une  valeur  de  2000  écus  au  moins 
(18  9'J9  fr.  06).  Ils  pouvaient  même  jouir,  dès  la  première 
année,  de  l'exemption  du  droit  d'aubaine  et  du  droit  de 
faire  le  commerce  dans  ces  conditions,  en  fournissant  la 
preuve  qu'ils  possédaient  un  capital  de  2000  écus,  et  en 
donnant  caution  de  prendre,  à  la  fin  de  l'année,  des  lettres 
de  naturalité  et  de  continuer  leur  commerce  en  France. 
Dix  ans  après  la  vérification  de  ces  lettres,  ils  devaient 

I.  Winwood  à  Cecill,  18  mars  IGO'2,  1,  -T.JO. 


IMPORTATIONS.  273 

être,  sous  condition  de  rester  dans  noire  pays,  absolument 
assimilés  aux  nationaux'. 

On  voit  que  nous  nous  occupons  autant  de  la  situation 
des  commerçants  étrangers  établis  en  France,  que  de  celle 
des  Français  appelés  par  leurs  affaires  dans  les  pays 
étrangers.  C'est  qu'il  y  avait  corrélation  entre  elles.  La 
réciprocité,  alors  même  qu'elle  n'existait  pas,  restait  le 
principe  de  ces  relations  internationales,  la  règle  reconnue 
sinon  appliquée,  le  but  vers  lequel  elles  inclinaient.  Elle 
était  méconnue,  à  nos  dépens,  dans  celles  que  nous  avions 
avec  les  Anglais.  Nous  l'avons  dit  et  nous  le  répétons.  Mais 
il  ne  faut  pas  croire  que  le  régime  dont  jouissait  chez  nous 
le  commerce  étranger,  fût  beaucoup  plus  libéral.  Nous 
venons  de  voir  que  ce  commerce  ne  pouvait  se  faire  qu'en 
gros  2,  dans  certaines  villes,  toujours  sous  le  coup  de 
saisies  provoquées  par  les  corporations,  que  la  perspective 
du  droit  d'aubaine  l'obligeait  à  limiter  ses  approvisionne- 
ments et  à  les  écouler  rapidement,  enfin  qu'il  avait  à  subir 
les  exactions  des  gouverneurs  et  des  municipalités^.  Il  n'en 
est  pas  moins  vrai  que  les  négociants  anglais  qui  avaient  des 
établissements  en  France,  causaient,  grâce  à  l'abondance 
et  au  bon  marché  de  leurs  marchandises,  un  préjudice 
considérable  à  notre  industrie  et  à  notre  commerce. 

La  Hollande  et  la  Flandre  nous   envoyaient  des  serges 

1.  Comptes  rendus  de  la  commission,  p.  p.  Champolliox-Fic.eac  dans  les 
Documents  historiques  inédits  tirés  des  collections  mss.  de  la  Bibliothèque 
royale,  IV,  25,  26,  60-02,  83. 

2.  A  l'époque  où  écrivait  Jlontchrestien  (1615),  les  négociants  étrangers 
avaient  cependant  réussi  à  tourner  cette  défense  et  à  vendre  en  détail  et 
en  boutiques.  Seulement,  leurs  boutiques  n'étaient  pas   sur  la  rue,  p.  43. 

3.  Le  n  juin  1600,  le  lieutenant  général  du  bailliage  de  Rouen  condamne 
à  l'amende  un  marchand  flamand  pour  avoir  déchargé  des  balles  de 
chanvre  dans  cette  ville,  sans  la  permission  de  Féchevinage.  La  sentence 
renouvelle  la  défense  faite  aux  étrangers  d'emmagasiner  des  marchandises 
sans  cette  permission,  comme  de  les  vendre  à  des  étrangers  n'ayant  pas 
acquis  droit  de  bourgeoisie  et  de  les  vendre  au  détail.  Ces  étrangers  ne 
pourront  vendre  qu'à  la  halle.  Collection  Rondonneau,  série  chronol.,  à  la 
date. 

18 


274  IMPOUTATIONS. 

de  Leyde,  des  camelots  do  Lille,  des  toiles,  des  savons,  du 
heurrc,  des  fromages  et  c'était  en  partie  par  les  soins  de 
tommerijants  français  que  ces  produits  entraient  en 
France. 

C'était  aussi  sur  ses  vaisseaux  qu'arrivaient  la  morue  et 
le  hareng-  dont  elle  faisait  une  si  grande  consommation.  La 
pèche  et  le  commerce  de  la  morue  lui  appartenaient  même 
presque  exclusivement,  et  celaient  nos  pêcheurs  normands, 
bretons,  rochelais  et  basques  qui  en  approvisionnaient  les 
autres  pays'.  C'est  surtout  du  littoral  compris  entre  Uen- 
daye  et  Cap-Breton  que  parlaient  les  bateaux  qui  allaient 
pécher  ce  poisson  à  Terre-Neuve.  Il  y  avait  longtemps  du 
reste  que  ces  parages  claienl  fré(|uentés  par  les  pêcheurs 
basques,  comme  raltestenl  l'ancien  nom  basque  de  l'ile  de 
Terre-Neuve  (île  de  Bacalaos,  île  des  Morues)  ^  et  celui 
d'ile  de  Cap-Breton  que  conserve  encore,  en  souvenir  de 
l'ancien  port  de  l'Adour,  l'ile  voisine  delà  Nouvelle-Ecosse. 
La  topographie  de  Terre-Neuve  olfre  une  foule  de  noms  de 
lieux,  encore  reconnaissables  sous  leur  forme  britannique, 
qui  sont  empruntés  aux  environs  de  Sainl-Malo  et  qui 
témoignent  de  l'affluence  des  pêcheurs  malouins  dans  ses 
eaux"'.  Ce  fut  pour  ses  sujets  de  Saint-Jean-de-Luz  et  des 
villes  voisines,  que  Henri  IV  songea  en  1001  à  créer  entre 
Bayonne  et  Fontarabie  au  port  de  refuge  bien  nécessaire 
sur   cette    côte  dangereuse.    A   défaut  de   ce  port,  leurs 

1.  .Mo.NTCHRESTiEX,  p.  138.  Uii  voyagcui'  anglais,  Packhurst,  ra[)porte  on 
1578  qu'il  a  rencontré  cent  cinquante  vaisseaux  français  péchant  la  morue 
à  Terre-Neuve.  Kottenkajip,  Gcsch.  d.  colonisation  Amerikas,  11,  21'.', 
d'après  Ilackluyt.  Un  arrêt  du  conseil  du  7  août  1004  déclara  que  la  prohi- 
bition du  commerce  avec  l'Espagne  ne  s'appliquait  pas  au  commerce  de  la 
morue,  puisf|ue  ce  poisson  n'était  pas  un  produit  de  notre  pays,  et  auto- 
risa les  Basques  à  apporter  leur  pêche  en  Espagne,  pourvu  qu'ils  l'y  trans- 
portassent directement  et  sans  aborder  en  France. 

2.  Nous  devons  dire  cependant  qu'A,  lleumont  a  essayé  d'établir  l'ély- 
mologie  germanique  de  ce  mot  dans  une  no.le  de  son  travail  sur  Jean  et 
Sébastien  Cabot.  (At-c/iivio  slurico  ital.,  VI,  dispensa  vi,  p.  421). 

.3.  Antoine,  La  fondation  d'une  république  au  temps  de  la  Ligue.  Mcm.  de 
la  Société  académique  de  Maine-et-Loire,  XXV  (1871),  p.  43. 


IMPORTATIONS.  27o 

vaisseaux  étaient  contraints  d'hiverner  dans  cc.ui  de  Pa- 
sages,  en  territoire  espagnol  *.  Le  Havre  ne  devait  plus 
qu'aux  bateaux  terrc-neuviers  l'activité  qui  animait  en- 
core le  sien.  Pour  l'augmenter,  le  roi  alTrancliit  les  pé- 
cheurs havrais  de  l'inipôl  du  sol  pour  livre  qui  frappait  la 
morue  -. 

Si  la  France  garda  le  monopole  de  cette  pèche,  elle 
se  laissa  peu  à  peu  déposséder  par  les  Hollandais  de 
celle  du  hareng  \  Le  nombre  de  vaisseaux  hollandais 
que  ce  poisson  attirait  dans  la  mer  du  Nord  s'était  élevé 
de  100  et  120  à  600,  à  700  '  et  môme  à  i:;00  \  Il  y  avait  là 
de  quoi  éveiller  les  susceptibilités  de  l'Angleterre  ;  n'était-ce 
pas  dans  ses  eaux,  dans  une  mer  qui  était  comme  une 
dépendance  de  son  territoire,  que  ses  rivaux  maritimes 
recueillaient  de  quoi  remplir  «  ces  tonnes  infectes  qu'ils 
transmutaient  en  tonnes  d'or  "^  ?  »  Le  6  mai  1609,  Jacques  1" 
interdit  aux  navires  étrangers  la  pêche  du  hareng  sur  les 
côtes  d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande  ^  Cette  défense, 
dirigée  contre  les  Provinces-Unies,  atteignait  aussi,  à  un 
moindre  degré,  nos  pêcheurs,  particulièrement  les  Dieppois. 
Ceux-ci  se  plaignirent  à  Henri  IV  qui  fit  solliciter  par  son 
ambassadeur  une  exception  en  faveur  de  ses  sujets  et  qui 
obtint  seulement  que  l'effet  de  la  prohibition  serait 
suspendu  pendant  un  an  \ 

La  France  importait  des  États  Barbaresques  (Maroc, 
Algérie,  Tunis  et  Tripoli)  des  cuirs,  de  la  cire,  des  laines, 
du  corail.  Elle  avait  peut-être  été  la  première  à  nouer  des 


1.  Mémoires  de  Claude  Groiislnrt,  coll.  Petitot,  xlix,  p.  407. 

2.  BoRELY,  Hist.  du  Havre,  H,  271). 

'i.  MONTCHRESTIEX,    139. 

4.  La  Boderie  au  roi,  20  juiQ  IC09.  Ambassades  de  M.  de  La  Boderie  en 
Angleterre  (1750,  in-12),  IV,  304. 

5.  Béer,  Op.  laud.,  2Ahth.,  202. 

6.  MiCHELET,  Précis  d'histoire  de  France,  1842,  p.  253. 

7.  Meteren,  Histoire  des  Pays-Bas,  trad.  Delahaye,  1GI8,  in-fol.  G62,  v". 

8.  Sur  cette  affaire  voy.  Ambassades  de  M.  de  La  Boderie,  IV,  332. 


27G  IMPORTATIONS. 

relations  commerciales  avec  l'Afrique  soptonliionalo,  mais, 
dès  l.'iîlO,  sou  exemple  avait  été  suivi  par  les  Anglais,  les 
Hollandais  et  les  Flamands  qui  étaient  devenus  pour  elle, 
dans  ces  parages,  des  rivaux  redoutables'.  La  pêche  et  la 
préparation  du  corail  avaient  lieu  à  Mascara  en  Algérie. 
Le  monopole  de  ce  commerce  appartenait  à  une  ancienne 
com[)agnie,  la  Conipac/uic  du  curaii,  dont  le  capital  se 
composait  de  vingl-(|uatre  actions  (qitaratz),  à  la  majorité 
desquelles  seprenaientles  délibérations.  Un  arrêt  du  conseil, 
du  8  février  1000',  confirma  le  mode  d'administration  et 
les  privilèges  de  cette  société.  Un  autre  arrèl,  du  même 
jour,  rendu  sur  la  requête  du  consulat  de  Marseille, 
l'obligea  à  continuer  par  cette  ville  l'importation  du  corail 
et  des  autres  marchandises  qu'elle  tirait  des  Etats  Barba- 
resques^ 

1.  MoxTrHRESTiEN,  1.34-13.').  «.Mais  les  Anglois,  Flamens  et  Ilollandois  l'ont  . 
[le  trafic  en  Barbarie]  entrepris  depuis  00  ans....  >i  Tho.mas  Lk  Fkvue,  p.  50. 

'2.  Arch.  nat.,  coll.  des  arrêts  du  conseil. 

3.  Sur  la  requeste  [présentée]  au  Roy  en  son  conseil  par  les  associez  de 
l'ancienne  coujpagnye  du  corail  affin  de  faire  revocquer  le  filtre  et  qualité 
de  gouverneur  que  les  sieurs  de  .Moissac  frères  s'attribuent  au  lieu  de 
•Mascaretz  en  Barbarye  où  s'exerce  le  traffic  du  corail...  combien...  que 
telle  entreprise  puisse  donner  subject  au  Grand  Seigneur  par  la  permission 
duquel  ils  exercent  led.  traffic  de  le  revocquer...  au  lieu  qu'auparavant  les 
affaires  se  traictoient  par  tous  les  associez...  a  la  pluralité  des  quaratz  qui 
sont  en  nombre  de  vingt  quatre  en  tout,  dont  lesd.  de  JM.  n'en  font  que 
quatre...  Le  Hoy  en  son  conseil,  avant  que  faire  droict  sur  la  revocation 
de  pouvoir  donné  ausd.  s^s  de  ]\I.,  ordonne  qu'ils  seront  assignez  et  ouys 
en  icelluy  pour  après  y  estre  pourveu...  et  ce  pendant  veult...  que  les  pri- 
vilégies octroyés  à  lad.  compagnye  du  corail...  leur  soient  conservés  et  le 
traffic  continué  entre  lesd.  associez  suivant  les  advis  qu'ilz  prendront...  à 
la  pluralité  des  quaratz  conformément  à  l'arrest  provisionnel  du  xxi<^  jan- 
vier... 8  février  1000.  —  Sur  la  requête  présentée  au  Roy  par  les  viguiers, 
consuls  et  habitans  de  la  ville  de  Marseille  à  ce  que...  dell'ences...  soient 
faictes  à  Thomas  et  Antoine  henclu  (?),  s'-  de  Moissac...  de  transporter 
ailleurs  qu'en  lad.  ville  le  traffic  dud.  corail,  cuirs,  cires,  laynes  et  autres 
marchandises  qui  viennent  de  Barbarye  ny  de  s'ayder  d'autres  mariniers, 
pilotes  ou  ouvriers  pour  la  manufacture  dud.  corail  que  des  subjecfs  de 
S.  M...  pour  le  grand  préjudice  que  leur  ville  qui  est  assise  en  lieu  sterille 
et  ne  se  peut  conserver  ou  acroistre  qu'avec  le  commerce  recevroit  si  ce 
divertissement  comniancé  par  lesd.  .M.  contre  la  volonté...  des  autres 
associés...  estoit...  continué,  nutre  l'intcrest  de  S.  M.  jjour  les  droicts  qui 
se  lèvent  sur  les  marchandises  (jui  arrivent  au  port  d'icellc....  Le  Roy... 


IMPORTATIONS.  277 

Nos  vaisseaux  rapportaient  des  Açores  le  bois  de  tein- 
ture, le  tabac,  les  cuirs,  la  cochenille  débarqués  par  les  navi- 
res qui  y  faisaient  relâche  en  venant  des  Indes  occidentales. 
Ce  commerce,  qui  avait  cessé  à  la  suite  de  la  tentative  des 
Français  pour  s'emparer  des  îles  en  lo83,  avait  un  peu 
repris  sous  Henri  IV,  mais  l'impôt  mis  par  ce  prince  sur 
les  marchandises  de  cette  provenance  et  la  surveillance  plus 
sévère  exercée  par  l'Espagne,  le  ruinèrent  définitivement'. 

Nous  entretenions  avec  les  îles  du  Cap-Vert  et  la  côte 
occidentale  d'Afrique  (Sénégambie,  Côte  d'Or,  Guinée)  un 
commerce  assez  actif.  Comme  il  arrive  toujours  dans  le 
trafic  avec  les  populations  sauvages,  la  valeur  de  nos  impor- 
tations dans  cette  région  y  était  très  inférieure  à  celle  de 
nos  exportations  ;  nous  y  échangions  de  la  menue  quincail- 
lerie et  de  la  bimbeloterie  contre  de  l'or  en  poudre  et  en 
lingots,  de  l'argent,  des  perles  et  des  pierreries,  de  l'ivoire, 
de  l'ambre  gris  et  noir,  des  cuirs,  de  la  gomme  arabique,  de 
la  cochenille,  du  tabac,  du  poivre,  de  la  maniguette  et 
enfin  contre  des  esclaves  très  durs  au  travail  qui  étaient 
transportés  au  Brésil. 

Nos  compatriotes  avaient,  dans  les  pays  où  ils  faisaient 
des  affaires,  des  bureaux,  des  magasins,  des  commis;  ils  y 
résidaient  assez  souvent  mais  s'y  fixaient  peu.  Ceux  qui 
s'expatriaient  sans  esprit  de  retour,  c'étaient  ceux  que  le 
chômage,  la  misère,  l'appât  de  salaires  plus  élevés  chas- 
saient de  leurs  foyers,  et  ceux-là  ne  pouvaient  trouver  de 
moyens  d'existence  que  dans  le  travail  manuel  ou  dans  des 
emplois  subalternes  ^  Ils  ne  contribuaient  donc  en  rien  au 
développement  du  commerce  national. 

ordonne  ausd.  si"»  de  M...  de  faire  venir  en  lad.  ville  selon  qu'il  souloit... 
le  corail,  cuirs,  cires,  laynes  et  autres  marchandises  qu'ils  amennent  de 
Barbarye...  8  février  IGOO.  Arch.  nat.  Conseil  des  finances,  à  la  date. 

1.  Th.  Le  Fèvre,  65-60. 

2.  '<  ...   la   plupart  de    nos  hommes    sont    contrains   d'aller  chercher 
ailleurs  lieu  d'employ  et  de  travail,  qui  en  Espagne,  qui  en  Angleterre,  qui 


278  ENTREPRISES  COLONIALES. 

Si  les  Français  étaient  peu  (entés  de  fonder  des  établis- 
sements dans  des  pays  civilisés  mais  fort  inhospitaliers  pour 
leurs  concurrents  commerciaux,  étaient-ils  attirés  davan- 
tage par  ces  pays  nouvellement  découverts,  en  grande 
partie  inexplorés,  dont  les  Portugais  et  les  Espagnols 
avaient  montré  la  route  aux  autres  nations  européennes? 
En  abordant  celle  question,  nous  n'avons  pas  l'intention  de 
faire  riiisloire  des  essais  de  colonisation  tentés  sous  le 
règne  de  Henri  IV  :  nous  n'avons  à  nous  en  occuper  qu'au 
point  de  vue  de  leur  iniluence  sur  le  commerce  extérieur 
de  la  France. 

Les  progrès  rapides  des  Hollandais  dans  les  archipels  de 
la  Sonde  et  des  Moluques,  et  la  fondation  de  la  Compagnie 
hollandaise  des  Indes  orientales  (20  mars  1602)*  devaient 
inspirer  à  Henri  IV  l'idée  d'appliquer  à  une  tentative  ana- 
logue les  épargnes  et  l'activité  du  peuple  qu'il  avait  pacifié 
et  qui  s'enrichissait  sous  ses  yeux.  Déjà  une  compagnie 
privée  de  marchands  de  Saint-Malo,  de  Laval  et  de  Vitré, 
sans  attendre  le  patronage  oflieiel,  avait  fait  partir,  le 
18  mai  1001,  deux  navires,  l'un  le  Croissant  de  400  tonneaux, 
l'autre  le  Corbin  de  200,  et  avait  montré  le  pavillon  français 
dans  des  mers  qui  ne  le  connaissaient  pas.  François  Pyraid 
de  Laval  a  raconté  l'histoire  de  cette  expédition,  dont  il 
avait  fait  partie^.  S'il  en  revint  malade  et  plus  pauvre 
(février  IGll),  il  lui  dut  des  succès  d'amour-propre  qui 
purent  adoucir  un  peu  ses  déboires.  La  relation  de  son 
voyage  eut  tant  de  lecteurs,  qu'elle  parvint,  en  cinq  ans,  à  sa 
troisième  édition  (1011-1G15),  et  il  fut  lui-môme  fort 
recherché  par  un  public  avide  d'entendre  de  sa  bouche  ses 


en  Allemagne,  qui  en  Flandres.  »  .Montciihestien,  p.  :)5.  11  est  certain  que 
r.iuteur,  préoccupé  pnr  la  pensée  de  faire  ressortir  les  dangers  de  notre 
situation  économique,  a  exagéré  cette  émigration. 

1.  Sur  l'origine  et  le  rapide  développement  de  la  colonisation  hollan- 
daise aux  Indes  orientales,  voy.  Beek,  Op.  laud.,  2.  AOl/i.,  p.  179-180. 

2.  Voyages  de  François  Pijrurd  de  Laval,  \C<i:>.  I,  4. 


ENTREPltlSES    COLONIALES.  279 

observations  et  ses  impressions,  indice  remarquable  de  la 
curiosité  excitée  par  ces  riches  et  mystérieux  pays'.  En 
1G03,  l'attention  du  roi  fut  attirée  sur  eux  par  un  ambassadeur 
de  Perse,  qui  était  venu  lui  demander  son  appui  pour  en 
chasser  les  Portugais.  11  refusa  de  s'associer  à  dos  actes 
d'hostilité  contre  l'Espagne",  avec  laquelle  il  était  en  paix, 
et  conseilla  à  l'ambassadeur  de  s'adresser  aux  provinces  de 
Hollande  et  de  Zélande^  L'année  suivante,  un  homme  qui 
avait  fait  plus  d'un  voyage  dans  les  contrées  du  Pacifique 
et  qui  les  connaissait  bien*,  Gérard  de  Roy,  s'associa 
plusieurs  personnes,  entre  autres  Antoine  Godefroy,  tréso- 
rier de  France  à  Limoges,  et  demanda  au  roi  d'autoriser  la 
création  d'une  compagnie  de  commerce  dans  ces  régions. 
Cette  Compagnie  assumait  tous  les  frais  de  l'entreprise, 
moyennant  un  monopole  de  quinze  ans  à  partir  de  son 
premier  voyage.  Le  roi  lui  désignerait  un  port  pour  y  équiper 
sa  flotte  et  faire  entrer  en  franchise  les  marchandises  rap- 
portées de  ce  voyage,  lui  fournirait  deux  canons  par 
vaisseau  et  des  munitions  de  guerre  et  obtiendrait  pour  elle 
du  prince  Maurice  la  permission  d'acheter  ou  de  faire  cons- 
truire des  vaisseaux  dans  les  Provinces-Unies  et  d'en  tirer 
des  marins.  Enfm  la  participation  aux  affaires  de  la  société 
ne  devait  pas  entraîner  dérogeance.  L'association  était 
ouverte  à  tous  pendant  six  mois  après  le  retour  de  la  pre- 
mière expédition,  moyennant  un  apport  de  3000  livres 
(87G8  fr.  80)  au  moins.  Ces  conditions  furent  homologuées, 
le  l*""  juin  1604,  par  un  arrêt  du  conseil  qui  désigna  Brest 


1.  Lefizelier,  Le  voyageur  François  Pyrard  est-il  né  à  Laval  ?  Bullelin  de 
la  Société'  de  Vinduatrie  de  In  Mayenne,  III  (1855),  p.  57. 

2.  On  sait  que,  depuis  1580,  le  Portugal  et  ses  colonies  faisaient  partie 
de  la  monarchie  espagnole. 

3.  Calendar  of  state  papers.  Colonial  séries.  East  Indies.  China  and  Japan, 
n°  323. 

4.  «  ...  la  cognoissance  particulière  que  vous  avez  des  ports  et  havres 
des  Indes  orientales  pour  les  voyages  par  vous  cy  devant  faits.  »  Bibl. 
nat.  Fonds  Brienne,  31!),  fol.  110.' 


280  ENTREPRISES  COLONIALES. 

pour  porl  d'altuclie.  Le  29  juin,  la  commission  de  capitaine 
général  de  la  ilotte  royale  des  Indes  orientales  fui  délivrée 
à  Gérard  de  Roy.  Elle  lui  donnait  pouvoir  de  faire  cons- 
truire et  d'équiper  des  vaisseaux,  lui  permettait  de  s'empa- 
rer de  ceux  qui  attaqueraient  les  siens,  et  de  garder  pour 
lui  et  ses  associés  les  quatre  cinquièmes  de  la  prise,  et  lui 
ordonnait  de  réunir  le  plus  tût  possible  sa  flotte  à  Brest 
pour  mettre  à  la  voile'.  Les  choses  n'allèrent  pas  au  gré  de 
l'impatience  du  roi.  En  1G09,  la  Compagnie  n'avait  encore 
fait  partir  aucun  navire.  En  revanche,  une  partie  du  capital, 
fixé  à  4  millions  d'écus  à  la  couronne  (40  l.')2  iGO  fr.  oO). 
avait  été  versée  ;  quatre  bâtiments  allaient  lever  l'ancre  à 
Saint-Malo  ;  la  plus  grande  partie  de  la  flotte  était  achetée  ; 
un  marin  renommé,  Simon  Dansa,  devait  escorterles  convois 
avec  sa  flottille,  que  d'autres  voiles  viendraient  grossir-.  Le 
président  Jeannin,  chargé  de  négocier  une  trêve  entre. 
l'Espagne  elles  Provinces-Unies  et  très  partisan  des  voyages 
d'exploration',  avait  profité  de  son  séjour  aux  Pays-Bas 
pour  procurer  à  la  Compagnie  des  hommes  et  des  navires  ; 
il  se  servait  pour  cela  d'un  certain  Isaac  le  Maire,  originaire 
de  Tournay  et  dévoué  à  la  France,  avec  lequel  il  avait  des 
entrevues  secrètes  ;  il  consultait  le  cosmographe  d'Amster- 
dam Plancius*.  Un  Hollandais,  Peter  Linigens,  s'occupait 
aussi  de  recruter  dans  son  pays  des  marins  et  des  ouvriers  \ 
Ces  préparatifs  causaient  aux  Provinces-Unies  un  vif  mécon- 
tentement. Leur  agent,  Aerssens,  reçut  l'ordre  de  protester 
contre  l'établissement  de  la  Compagnie  et  contre  les  moyens 
employés  pour  la  constituer,  contre  le  rôle  qu'on  voulait, 
donner  au  Flamand  Dansa,  contre  l'embauchage  de  marins 

1.  .Mas.  lirienne  31!),  loi.  110. 

2.  CaLendars  of  stale  papers,  même  série,  n"  iO!). 

;}.  Marc  Lescarbot  dans  la  dédicace  de  son  Histoire  de  la  Xoiivelle  France 
au  président  Jeannin. 

4.  Ségociations  du  président  Jeannin,  coll.  i'clitot  xiii,  '277  et  suiv. 
h.  Philippsox,  lleinrich  IV  und  Vhilip  III.  2  Theil,  p.  -ils. 


ENTREPRISES  COLONIALES.  281 

hollandais.  Cette  protestation  était  accompagnée  de  paroles 
comminatoires  :  les  Hollandais  menaçaient  d'aborder  les 
vaisseaux  français  et  de  pendre  tous  les  Flamands  qui  s'y 
trouveraient  ^  A  la  suite  de  cette  déclaration  énergique, 
formulée  en  1610,  le  silence  se  fait  sur  cette  entreprise,  et 
le  silence  ici,  comme  il  arrive  souvent,  indique  cette  phase 
d'ajournement  et  de  recueillement  oii  les  g-randes  affaires 
s'enlisent  ou  mûrissent. 

Celle-ci  n'était  que  suspendue-:  le  gouvernement  de 
Louis  XIII  la  reprit.  La  Compagnie  fut  constituée  par  un 
édit  en  1613,  et  la  flotte  de  l'amiral  Montmorency  fit  deux 
voyages  qui  mirent  en  évidence  les  dispositions  favorables 
des  indigènes  et  l'hostilité  des  Hollandaise  Malheureuse- 
ment, cette  institution  n'eut  jamais  qu'une  existence  légale  : 
les  Provinces-Unies  conservèrent  le  monopole  du  com- 
merce des  épices  et  jamais  la  concurrence  française  ne  le 
mit  en  péril.  Il  serait  passé  à  notre  pays  et  le  commerce  de 
l'Europe  avec  l'Extrême-Orient  aurait  dès  lors  adopté  la  voie 
qu'il  suit  aujourd'hui,  si  Henri  IV  avait  pu  réaliser  les  vues 
de  l'un  de  ses  meilleurs  serviteurs;  dans  son  Discours  mr  les 
moijens  de  diminuer  l'Espagnol  écrit  en  1391,  Du  Plessis 
Mornay  indiquait  comme  un  de  ceux  qui  devaient  l'attein- 
dre de  la  façon  la  plus  sensible  l'établissement  d'une  ligne 
de  navigation  qui,  partant  des  Moluques,  de  Diu,  de  Goa, 

1.  Calendars  of  slale papers.  ilème  série,  n«^  469,  473,  47G.  Réponse  de 
Henri  IV  aux  représentations  d'Aerssens  le  23  février  1G05  cité  par  Massok, 
Ilist.  du  commerce  du  Levant,  p.  372,  n°  4. 

2.  «  ...  le  feu  Roy...  a  souvent  désiré...  l'établissement  d'une  telle  com- 
pa^jnie  qui,  toutefois,  n'avoit  pas  encore  réussi  mais  maintenant,  etc....  » 
Louis  XIII  à  l'échevinage  et  aux  habitants  de  Rayonne  pour  les  convier  à 
participer  à  la  création  de  cette  compagnie,  0  décemb/'e  1GI8.  liullelin  du 
comité  historique,  III,  156  et  Massox,  Hist.  du  commerce  français  dans  le 
Levant,  p.  109,  113.  La  stérilité  de  cette  tentative  n"empêchait  pas,  bien 
entendu,  les  voyages  particuliers  aux  Indes  orientales.  En  1610,  le  vaisseau 
le  Montmorency  en  rapportait  des  épices,  sur  lesquelles  il  réalisait  un 
bénéfice  net  de  400  p.  100.  Mémoires  ctironologiques  pour  servir  à  Vhist.  de 
Dieppe  (1785)  I,  325. 

3.  ïnoMAN  Le  Févre,  105. 


282  ENTREPRISES  COLONIALES. 

d'Ornuiz,  etc.,  aboutirait  à  Suez,  d'où  ks  marchandises 
seraient  transportées  en  six  jours  à  dos  de  chameaux 
jusqu'à  Rcyroull»,  Alep,  Trip(^li  de  Syrie,  Damiette. 
Alexandrie,  etc.,  et  reprendraient  la  mer  pour  èlre  débar- 
quées dans  les  principaux  ports  du  bassin  de  la  Mé- 
diterranée \ 

Complètement  stérile  fui  l'autorisation  donnée  en  KiOS 
par  Henri  IV  au  sieur  de  Lhopital,  de  fonder  au  Cap,  par  la 
conquête,  des  établissements  qu'il  posséderait  sous  la  sou- 
veraineté du  roi-. 

Si  la  France  trouvait  la  place  déjà  prise  dans  les  Indes  et 
l'archipel  Indien  par  les  Portugais  et  les  Hollandais,  elle 
rencontrait  dans  les  deux  Amériques  des  colonies  déjà 
arrivées  à  un  assez  grand  développement  pour  affecter  l'in- 
dépendance, et  dont  l'Espagne,  leur  métropole,  se  réservait, 
avec  un  soin  jaloux,  le  débouché  et  les  produits.  Les 
Français,  qui  tombaient  dans  les  mains  des  Espagnols  et 
qui  étaient  soupçonnés  de  faire  le  commerce  avec  les 
colonieshispano-américaines,  étaient  mis  à  mort  ou  envoyés 
aux  galères.  Vainement,  les  traités  avaient  tracé  une  ligne 
qui  séparait  la  zone  ouverte  à  la  liberté  du  trafic  et  celle 
qui  restait  abandonnée  à  la  piraterie  et  au  droit  du  plus  fort  ; 
qu'ils  les  trouvassent  dans  la  première,  c'est-à-dire  au  nord 
du  tropique  du  Cancer  et  à  l'est  du  méridien  des  Açores,  ou 
dans  la  seconde,  c'est-à-dire  au  sud  et  à  l'ouest,  les  Espa- 
gnols faisaient  subir  le  même  sort  à  nos  compatriotes  ^  Il  nous 
était  impossible  de  fonder,  dans  les  pays  occupés  par  eux, 
des  colonies  ni  même  des  comptoirs,  tant  que  nous  ne  dis- 
posions pas  d'une  marine  militaire  capable  de  protéger  nos 
vaisseaux  marchands. 

1.  Dnns  Mémoires  et  correspowiance  de  De  Plessis-Mornay,  H. 

2.  l'iiiLiPpsoN,   Vit  supra,  ;i77-378. 

3.  Th.  Le  Fevue,  Op.  laud.,  6i,  97-09.  Remontrance  présentée  nu  roi  et 
à  son  conseil  par  les  capitaines  de  la  marine  française  dans  Levot,  liml.  de 
Brest,  1,  93. 


ENTREPRISES  COLONIALES.  283 

(^est  vers  l'Amérique  du  Nord  qu'il  faut  tourner  les  yeux 
pour  voir  des  efforts  suivis  et  couronnés  dans  une  certaine 
mesure  de  succès.  Les  entreprises  de  colonisation  dans  la 
Nouvelle-France,  qui  comprenait  le  Canada  et  l'Acadie 
c'est-à-dire  la  Nouvelle-Ecosse,  exercèrent  une  influence 
sérieuse  sur  notre  commerce. 

Au  marquis  de  la  Roche  (1398)  et  à  Chauvin  (1,^)99),  suc- 
céda une  Compagnie  formée  par  le  commandeur  de  Chastes 
et  011  entrèrent  les  principaux  négociants  de  Rouen  et  de 
La  Rochelle.  Le  privilège  de  la  traite  des  pelleteries  lui  fut 
accordé. 

Le  commandeur  de  Chastes  lit  entreprendre  par  deux 
officiers  de  la  marine  royale,  du  Pont-Gravé  et  Cham- 
plain,  un  voyage  d'exploration  du  cours  du  Saint- 
Laurent  et  des  pays  qu'il  arrose.  Ce  voyage  révéla  l'existence 
de  richesses  naturelles  qui  étaient  propres  à  attirer  les 
colons  :  pêcheries,  bois  de  construction,  prairies,  mines 
de  cuivre  et  de  platine. 

A  la  mort  du  commandeur  de  Chastes,  qui  eut  lieu  pen- 
dant ce  voyage  (1603),  Pierre  du  Guast,  S''  de  Monts, 
gentilhomme  saintongeais,  devint  le  chef  de  la  colonisa- 
tion. Le  roi  le  nomma  son  lieutenant  général  en  Acadie,  du 
40"=  au  46°  degré.  Sa  commission  portait  qu'il  rechercherait 
et  exploiterait  les  mines  d'or  et  d'argent  et  autres,  le  roi 
se  réservant  le  dixième  du  produit'.  Henri  IV  accorda  à 
de  Monts  et  à  ses  associés  le  monopole  du  commerce  pen- 
dant dix  ans  ^.  Les  commis  des  traites  foraines  ayant  saisi 
vingt-deux  balles  de  castor  expédiées  par  lui  en  France, 
le  roi  lui  en  donna  mainlevée  et  déclara  que  les  marchan- 
dises provenant  de  la  Nouvelle-France  ne  payeraient  que 


1.  On  trouvera   sa   commission    en  date    du   8  novembre    1603    dans 
Marc  Lesc*rbot,  Hist.  de  la  Nouvelle-France,  2°  édit.,  1612. 

2.  Lettres  du  roi  adressantes  aux  amirautés  du  royaume,  18  décembre  1603. 
Ibid. 


•284  ENTREPRISES  COLONIALES. 

les  droits  d'entrée  dus  par  celles  du  cru  passant  dune 
province  dans  l'autre  ^ 

Henri  IV  faisait  respecter  le  jjrivilèij^e  de  la  Compagnie 
de  la  Nouvelle-France  par  les  nations  étrangères.  C'est  ce 
que  constate  une  lettre  où  il  demande  aux  Etats-Généraux 
des  Provinces-Unies  dy  interdire  le  trafic  à  leurs  natio- 
naux-. Ce  privilège  était  une  des  raisons  qui  cnipêcliaient 
le  parlement  de  Rouen  d'enregistrer  la  commission  de 
de  Monts.  Dans  les  lettres  de  jussion  que  le  roi  lui 
adressa  le  17  janvier  1604,  il  représente  que  l'entreprise 
n'a  pas  le  caractère  d'un  véritable  monopole,  puisqu'il 
est  permis  à  tout  le  monde  d'}-  participer  en  entrant 
dans  la  Compagnie  ^  Cette  Compagnie  fut  constituée  par 
acte  notarié  passé  à  Rouen  le  10  février  1004.  La  ré- 
partition des  frais  et  dos  bénéfices  était  fixée  au  sol  la 
livre.  De  Monts  versait  en  son  nom  et  au  nom  d'un  groupe 
de  commerçants  rouennais  dont  il  garantissait  l'entrée 
dans  la  société,  le  montant  approximatif  du  tiers  du  capi- 
tal c'est-à-dire  18  000  livres  (52  012  fr.  79).  D'autres  capi- 
talistes, se  portant  forts  pour  un  autre  groupe  de  com- 
merçants appartenant  à  la  ville  de  Saint-Jean-de-Luz, 
versaient  10  000  livres  (29  229  fr.  33)  à  valoir  sur  un  autre 
tiers  qu'ils  s'engageaient  à  souscrire.  Pour  la  souscription 
du  dernier  tiers,  on  comptait  sur  les  commerçants  de  La 
Rochelle.  Ce  capital  n'était  destiné  qu'à  l'équipement  de 
deux  navires  et  aux  frais  d'un  premier  voyage  '*. 

Le  centre  principal  de  la  traite  des  fourrures  était  à 
ïadoussac.  De  Monts  créa  un  second  entrepôt  à  Port- 
Royal  (aujourd'hui  Annapolis)  et  il  y  transporta  la  colonie. 
En  IGOO,  commença  sérieusement  l'exploitation  agricole. 

1.  Lettres  du  roi  à  la  cour  des  aides  de  liouen,  aux  maîtres  des  ports, 
ofliriers  de  l'amirauté  et  des  traites  foraines  de  Normandie,  8  février  lOOô. 

2.  Lettres  tniss.,  VII,  4G.S. 

:i.  Lettres  iniss.,  VII,  807,  899. 

4.  GossELix,  La  Nonitandie  au  Canada.  Académie  de  Rouen,  1872. 


ENTREPRISES   COLONIALES.  28^ 

De  nouveaux  voyages  d'exploration  mirent  en  évidence  la 
fertilité  du  littoral  depuis  le  45'  degré  et  demi  de  latitude 
jusqu'au  41°,  et  la  colonisation  semblait  appelée  à  réussir 
lorsque,  au  commencement  de  1G07,  sur  la  requête  des 
marchands  de  Saint-Malo,  le  conseil  du  roi  enleva  à  la 
Compagnie  son  monopole.  Celle-ci  qui  déjà,  l'année  précé- 
dente, avait  soullert  de  la  concurrence  des  Basques  et  des 
Hollandais,  se  voyait  privée  par  l'arrêt  du  conseil  du 
moyen  de  relever  ses  affaires;  il  ne  lui  restait  qu'à  se  dis- 
soudre*. Cependant,  en  présence  des  preuves  fournies  par 
de  Monts  sur  la  richesse  et  l'avenir  de  la  colonie,  le  roi 
renouvela  pour  un  an  le  ])rivilège  et,  encouragée  par  cette 
faveur,  la  société  fit  partir  trois  vaisseaux  en  mars  1608. 
Les  colons  qu'ils  amenaient,  dirigés  par  Champdoré  et 
Champlain,  repeuplèrent  Port-Royal  et  fondèrent  Qué- 
bec (1608). 

Champlain  dirigea  dès  lors  ses  explorations  dans  le  Ca- 
nada proprement  dit.  En  1609,  il  occupa  l'embouchure  de 
la  rivière  des  Iroquois,  affluent  du  Saint-Laurent  et  le  lac 
Champlain.  Il  créa  au  saut  Saint-Louis  un  nouveau 
comptoir  et  un  nouvel  établissement  et,  après  la  mort  de 
Henri  IV,  remonta  jusqu'aux  lacs  du  cours  supérieur  du 
Saint-Laurent. 

Quels  furent,  au  point  de  vue  commercial,  les  résultats 
des  découvertes  et  des  établissements  de  Champlain  et  de 
ses  prédécesseurs?  Les  ressources  naturelles  du  Canada 
et  de  l'Acadie  sont  attestées  par  toutes  les  descriptions^  et 
mieux  encore  par  leur  prospérité  actuelle.  Cuirs,  fourrures, 
mines,  bois  de  construction,  chanvre,  grains,  pèche,  etc., 
il  y  avait  là  de  quoi  alimenter  un  mouvement  d'alTaires 
fort  actif  avec  la  France  et  l'Europe.    D'un  autre  côté,  le 

1.  Lescarbot,  ô9I,  o92.  Le  P.  de  Rochemonteix,  Les  Jesidlcs  et  la  Nuuvelle- 
Fran'e  au  XVII'^  siècle,  I,  20. 

2.  Lescarbot,  Champlain,  Denys. 


286  ENTREPRISES  COLONIALES. 

public  manifestait  pour  tout  ce  qui  touchait  aux  «  terres 
neuves  »  un  vif  intérêt',  qui  finit  par  provoquer  un  cou- 
rant important  iréniigration-.  .Mais  au  début  les  émigrants 
se  composèrent  en  majorité  de  vagabonds,  de  men- 
diants, de  condamnés  graciés  pour  la  circonstance,  de 
gens  tarés  qu'on  embarquait  de  gré  ou  de  force  et  à  qui 
manc[uaient  également  et  les  capitaux  et  le  goût  du  tra- 
vaiP.  La  partie  saine  et  laborieuse  de  cette  population 
s'occupa  presque  exclusivement  du  commerce  des  four- 
rures et  des  cuirs.  Le  Père  Cliarlevoix  écrit  qu'en  1608 
lattrait  du  négoce  des  pelleteries  avait  presque  l'ait  aban- 
donner en  Acadie  la  culture  de  la  terre,  au  point  que  les 
colons  étaient  menacés  de  disette  '*.  Ce  fut  à  ce  négoce  que 
les  explorations  et  les  fondations  des  de  Monts  et  des  Cham- 
plain  donnèrent  le  plus  d'impulsion.  En  1608,  il  attirait 
sur  les  côtes  d'Acadie  et  au  Canada  plus  de  quatre-vingts 
vaisseaux''.  Il  y  eut  aussi  une  autre  industrie  qui  profita 
de  ces  essais  de  colonisation  :  ce  fut  la  pèche.  Elle  devint 
plus  active,  elle  exploita  de  nouveaux  parages.  Nous  par- 
lons de  celle  que  venaient  faire,  pendant  trois  mois  de 
l'année,  nos  pêcheurs  des  côtes  de  l'Océan.  Quant  à  la 
pèche  sur  place,  qui  aurait  évité  à  nos  terres-neuviers  un 
aussi  long  séjour  dans  des  mers  glaciales,  qui  leur  aurait 
permis  de  faire  trois  voyages  par  an  au  lieu  d'un,  puisqu'ils 
n'auraient  eu  qu'à  venir  charger  le  produit  de  celle  des 
colons,  elle  ne  s'organisa  pas  d'une  façon  sérieuse''. 

1.  Desciiamps.  Les  découverles  et  l'opinion  en  France  au  XV  l^  siècle.  Revue 
de  géographie,  XVI. 

2.  ((  ...  la  multitude  iriioiiimes  qui  vont  aux  terres  neuves.  »  Mémoira 
de  Tavannes,  coll.  .Micliaud,  p.  82. 

:{.  La  rencontre  merveilleuse  de  Piedaigrelte  avec  M<^  Guillaume  revenant 
desChamps  Élysées...  (lGO())dans  Var.  hist.et  ////.,  III.  L'arcliisot,  HJOb.  Ibid., 
VII.  F'.vKKMAN,  Les  pionniers  français  dans  l'Amérique  du  \ord,  p.  105. 

4.  Histoire  de  la  Souvelle-France  (174i)  t)  vol.  in-12, 1,  190. 

.'>.  Voyages  de  Cliamplain,  cités  par  Foihson,  III,  ô8G,  n°  2. 

6.  Lescaubot,  8i8.  Denys,  Description  géographique  et  historique  des  côtes 
de  l'Amérique  septentrionale,  I,  94.  Il,  249. 


ENTREPRISES  COLONIALES.  287 

La  traite  des  pelleteries  devint  moins  lucrative  lorsque,  la 
prorogation  du  privilège  de  la  Compagnie  de  de  Monts  ayant 
expiré  le  7  janvier  1G()9,  il  fut  libre  pour  tout  le  monde  '. 
Les  sauvages  firent  alors  payer  les  peaux  de  castors  beau- 
coup plus  cher.  «  Aujourd'hui,  écrit  Marc  Lescarbot-, 
depuis  la  liberté  remise,  les  castors  se  vendent  au  double 
de  ce  que  le  S'  de  Monts  en  retiroit.  Car  l'avidité  a  été  si 
grande  qu  a  l'envi  l'un  de  l'autre,  les  marchands  ont  gâté 
le  commerce...  »  Cette  hausse,  qui  atteste  l'importance 
prise  par  le  trafic  des  pelleteries,  pouvait  en  arrêter 
l'essor,  car  il  faut  de  gros  bénéfices  pour  attirer  et  retenir 
les  commerçants  dans  une  voie  nouvelle  et  hasardeuse. 
Ce  danger  ramena  Henri  IV  au  monopole.  La  Compagnie 
privilégiée  créée  en  1613  par  Champlain  et  qui  fut  ouverte, 
moyennant  le  versement  d'un  capital,  à  tous  les  négociants, 
ne  fut  que  la  réalisation  d'une  idée  à  laquelle  l'expérience 
avait  fait  revenir  le  gouvernement  précédent. 

La  politique  coloniale,  comme  on  dirait  aujourd'hui, 
eut,  en  ce  temps-là  aussi,  ses  p.artisans  et  ses  adversaires. 
Parmi  ces  derniers  on  n'est  pas  étonné  de  rencontrer  Sully. 
Il  est  difficile  de  contester  la  clairvoyance  qui  l'amenait  à 
détourner  notre  pays  de  «  la  conservation  et  possession  de 
telles  conquêtes  comme  trop  éloignées  de  nous  et  par  con- 
séquent disproportionnées  au  naturel  et  à  la  cervelle  des 
François,  que  je  reconnois,  à  mon  grand  regret,  n'avoir  ni 
la  persévérance  ni  la  prévoyance  requises  pour  telles  choses 
et  qui  ne  portent  ordinairement  leur  vigueur,  leur  esprit  et 
leur  courage  qu'à  la  conservation  de  ce  qui  leur  touche  de 

1.  Arrêt  du  conseil  du  9  octobre  IGOIJ  permettant  aux  Malouins,  aux 
Bayonnais  et  à  tous  les  sujets  du  roi,  de  commercer  librement  au  Canada, 
malgré  le  monopole  du  S''  de  Monts,  qui  sera  indemnisé  des  frais  de  ses 
voyages  dans  ce  pays  par  la  somme  de  COOO  livres  (IGlSOfr.  08),  laquelle 
sera  répartie,  pour  Tannée  présente,  par  les  juges  des  amirautés  de  Saint- 
Malo  et  de  Bayonne,  sur  les  navires  ayant  trafiqué  lad.  année  audit  pays  à 
proportion  du  tonnage  de  chaque  vaisseau.  Bibl.  nat.  Franc.,  1817G,  fol.  4. 

2.  P.  (J11-GI2. 


288  COMMERCE  DE  COMMISSION. 

proche  en  proche  et  leur  est  incessamment  présent  devant 
les  yeux,  comme  les  expiM'iences  du  passé  ne  l'ont  (|ue  trop 
fait  connoilre,  tellement  que  les  choses  qui  demeurent  sé- 
parées do  notre  corps  par  des  terres  ou  des  mers  étran- 
gères ne  nous  seront  jamais  qu'à  grand'charge  et  à  peu 
d'utilité'.  »  En  Amérique  pourtant,  l'avenir  devait  lui 
donner  tort,  car,  si  nous  n'avons  pas  conservé  nos  colonies 
américaines,  cette  perte  a  été  la  cons('([uence  de  nos  revers 
en  Europe  heaucoup  plus  que  de  nos  fautes  coloniales  et 
elle  n'a  pu  clTacer  l'empreinte  du  génie  franc^ais  sur  des 
pays  oii  les  sympathies  des  populations  indigènes  avaient 
accueilli  nos  premiers  pas  -. 

COMMERCE  DK  COMMISSION. 

Les  documents  que  nous  avons  recueillis  ne  nous  pré- 
sentent jamais  des  commerçants  français  faisant  la  com- 
mission à  l'étranger  pour  leurs  compatriotes.  Ce  silence 
s'explique  par  les  obstacles  que  le  commerce  français  ren- 
contrait dans  la  législation  et  les  mœurs  des  nations  voi- 
sines ^  Quant  aux  commissionnaires  agissant  en  France 
pour  le  compte  de  l'étranger,  il  faut  distinguer  les  commis- 
sionnaires d'achat  et  les  commissionnaires  de  vente.  Les 
commissions  d'achat  s'exécutaient  librement;  elles  favori- 
saient le  commerce  national  et  ne  faisaient  tort  à  personne. 
Il  en  était  autrement  des  commissions  de  vente  ;  elles  ame- 
naient sur  le  marché  des  marchandises  étrangères,  créaient 
une  concurrence  à  nos  négociants  et  auraient  rendu  illu- 

1.  Sully  au  président  .loannin,  28  février  KiOS.  Cinq  cents  Colhert,  20:j 
fol.  2.30.  " 

3.  Pahkman,  Lfs  pionniers  f m  lirais  dans  l' Amérique  du  Nord,  p.  204-205. 

."}.  «  Que  Vos  .Majestés  prennent  la  peine  de  s'enquérir  si  nos  marchands, 
ont  quelques  coiiunissionnaires,  j'eiiten  pour  manier  leur  argent  et  leur 
amasser  les  marcliandises  du  pays  au  préjudice  des  citoyens,  Espagnols 
en  Rsp.igne,  Anglois  en  Angleterre,  Mamans  en  Flandre.  Si  l'on  vous  en 
nomme  un,  ce  sera  un  corbeau  blanc.  »  Mo.nïcmhestien,  p.  8i. 


COMMISSIONS  POUR  LE    COMPTE   DES   ETRANGERS.  289 

soires  les  restrictions  apportées  à  cette  concurrence  et  le 
monopole  des  corporations.  Aussi  ne  pouvaient-elles  léga- 
lement être  exécutées  que  par  des  commissionnaires  ayant 
un  caractère  officiel,  limités  en  nombre  et  dans  les  condi- 
tions oià  leurs  commettants  auraient  pu  vendre  eux-mêmes 
c'est-à-dire  en  gros,  dans  les  marchés  et  après  examen  des 
gardes  jurés  '.  Ces  commissionnaires  en  titre  d'office  furent 
créés  par  un  ôdit  du  mois  do  mars  1586  qui,  rappelant 
les  anciennes  ordonnances  mises  en  oubli,  n'autorisait  les 
étrangers  à  vendre  que  dans  les  foires  et,  en  dehors  des 
foires,  sous  les  réserves  que  nous  venons  d'indiquer.  Les 
commissionnaires  institués  par  cet  édit  étaient  tenus,  lors- 
qu'ils faisaient  une  vente  au  comptant,  de  payer  leur  com- 
mettant dans  les  vingt-quatre  heures;  dans  les  ventes  à 
terme,  ils  garantissaient  la  solvabilité  de  l'acheteur  et  fai- 
saient connaître  son  nom  et  le  prix  au  vendeur,  auquel 
ils  remettaient  l'argent  quinze  jours  après  l'échéance.  Ils 
lui  avançaient,  sur  sa  demande,  les  frais  de  transport  et  le 
montant  des  impôts,  dont  ils  se  remboursaient  sur  le  prix 
avec  un  intérêt  de  10  p.  100.  ils  donnaient  caution  et 
étaient  solidairement  responsables  envers  leurs  mandants 
qui  pouvaient  avoir  recours  sur  leur  bourse  commune.  Leur 
commission  était  de  6  deniers  pour  livre,  c'est-à-dire 
de  2  et  demi  p.  100.  Ils  ne  pouvaient  être  commerçants  ni 
s'associer  avec  des  commerçants.  Enfin,  ils  étaient  exempts 
des  charges  publiques  2. 

Nous  avons  dit  qu'en  droit  les  négociants  étrangers  ne 
pouvaient  s'adresser  qu'à  ces  commissionnaires  pour  faire 
vendre  leurs  marchandises  en  France.  Nous  avons  semblé 
indiquer,  par  là,  qu'il  en  était  autrement  en  fait.  Telle  est 
en  effet  notre  pensée.  L'édit  de  1586  défend  formellement 

1.  Il  en  était  de  mi'ine  pour  les  marchandises   des  forains,  mais  nous 
n'avons  à  nous  occuper  ici  que  des  marchandises  étrangères. 

2.  FONTAA'ON,    I,    10;'5. 

19 


290  COMMISSIONNAIRES  ÉTRANGERS. 

et  sous  des  peines  sévères  à  d'autres  et  noi  uni  ment  aux 
commerçants,  de  vendre  pour  le  compte  de  négociants 
étrangers  '.  Mais  la  pratique  interdite  par  cet  édit  était 
bien  tentante  et  en  même  temps  bien  facile  à  dissimuler; 
aussi  nos  commerçants  ne  se  faisaient-ils  pas  faute  de  s'y 
livrer,  d'autant  plus  que  les  règlements  de  leurs  corpora- 
tions ne  le  leur  défendaient  pas  et  qu'ils  trouvaient  là  un 
accroissement  fort  profitable  de  leurs  affaires.  Il  n'y  avait, 
à  notre  connaissance,  que  les  statuts  des  merciers  qui  le 
défendissent  -.  C'eût  été  là  une  exception  considérable,  vu 
le  grand  nombre  d'articles  qu'embrassait  la  mercerie,  si 
cette  interdiction  avait  été  observée,  mais  Savary  nous 
apprend  que  de  son  temps  elle  ne  l'était  pas.  Elle  ne  l'était 
pas  davantage  sous  Henri  IV.  Montclirétien,  qui  écrivait 
quelques  années  après  la  mort  de  ce  prince,  nous  apprend 
que  les  étrangers  faisaient  faire  leurs  ventes  comme  leurs 
acliats  en  France  par  des  commissionnaires  ou  des  facteurs, 
et  dc^plore  l'extension  que  ce  mode  de  procéder  donnait  à 
leur  commerce,  il  déplore  aussi  —  et  parlait  justifie  notre 
affirmation  —  le  concours  qu'ils  trouvaient  à  cet  égard 
chez  nos  compatriotes  K 

Ils  pouvaient,  du  reste,  se  passer  de  ce  concours,  car  ils 
avaient  en  France  de  nombreux  commissionnaires  de  leur 
pays  auxquels  ils  préféraient  s'adresser.  Profitant  de  la 
libéralité  avec  laquelle  le  nôtre  prodiguait  les  lettres  de 
naturalisation,  des  Espagnols  et  des  Portugais  judaïsants, 
des  Anglais  et  des  Flamands  qui  avaient  de  bonnes  raisons 


1.  «  Aussi  est  défendu  à  tous  iiiarchans  ou  autres  habitans  desd.  villes 
de  prester  leur  nom  ou  marque  ausd...  forains  ny  vendre  lesd.  marchan- 
dises par  commission  sous  leur  nom  ny  autrement,  sous  peine  de  conflsca- 
tion  de  marchandises  et  de  500  escus  ('i710  fr.  09)  d'amende  à  i'encontre 
de  celuy  qui  l'aura...  vendue...  par  commission.  »  Fontaxon,  loc.  cit. 

2.  «  ...  deliendons  a  tous  marchands...  estre  courtier  commissionnaire 
pour  aucun  étranger  ou  forain...  »  Ord.  de  juillet  1001,  art.  10,  dans 
Recueil  d'urdonn.,  staluts  et  règlements  du  corps  de lamercerie,  I7G7. 

3.  P.  Vi,  48,  54,  74. 


COMMISSIONNAIRES   ÉTriANGERS.  291 

pour  quitter  leur  patrie,  ouvraient,  pour  le  compte  de  leurs 
compatriotes,  des  maisons  de  dépôt  et  de  commission  et  ne 
restaient  parmi  nous  que  le  temps  de  faire  fortune  '.  Le 
gouvernement  n'envisageait  pas  cette  immigration  avec  la 
même  inquiétude  que  ceux  à  qui  elle  venait  faire  concur- 
rence. L'intérêt  majeur  à  ses  yeux,  c'était  de  ranimer  et 
de  développer  le  trafic.  Là  où  la  population  manquait 
pour  cela,  il  n'hésitait  pas  à  l'attirer  du  dehors.  C'est  ainsi 
qu'il  accueillait  favorablement  l'idée  de  Boissise,  son  am- 
bassadeur en  Angleterre,  de  faire  de  Calais  l'asile  des  Fla- 
mands et  des  Wallons  victimes  des  lois  anglaises  contre 
les  catholiques  et  même  de  certains  Anglais  inquiets  de  la 
persécution  religieuse  que  la  mort  attendue  d'Elisabeth 
pouvait  déchaîner  contre  eux  ".  Déjà  beaucoup  de  Hollan- 
dais et  de  Zélandais  s'établissaient  dans  cette  ville  pour  y 
faire,    sous  le  couvert  de  la  France,   le  commerce  avec 

1.  «  Les  étrangers  corrompent  nos  mœurs  et  nous  ruinent  le  trafic.  Les 
villes  de  cette  province  sont  iileines  d'Espagnols  et  Portugais  judaïsants, 
Anglois  et  Flamands  de  la  religion  p.  r.  qui,  bien  souvent  bannis  de  leur 
pays,  nous  apportent  leurs  mauvaises  habitudes...,  séduiseut  les  François 
qu'ils  prennent  à  leur  service,  attirent  à  eux  tout  le  trafic  étranger.  Font 
les  Espagnols  et  Portugais  tout  le  trafic  pour  Espagne  et  Portugal,  les 
Anglois  et  Flamands  celui  de  leurs  provinces  comme  commissionnaires 
des  étrangers,  au  lieu  qu'ils  devraient  tous  passer  par  les  mains  des 
François  et  n'acheter  rien  de  la  première  main,  et  cela  sous  ombre  de 
lettres  de  naturalité  qu'ils  ont  jusqu'à  présent  obtenues  avec  trop  de  faci- 
lité, non  pas  avec  dessein  de  demeurer  en  France,  car  ils  n'y  font  aucunes 
acquisitions  d'immeubles  ny  font  construire  aucuns  vaisseaux  et,  ayants 
tout  leur  bien  en  une  cassette,  le  transportent  quand  il  leur  plait.  .  .  . 
Nous  ne  leur  oserions  porter  rien  de  ce  qu'ils  font  ou  peuvent  faire  en 
leur  pays  qui  ne  soit  confisqué,  bien  que,  parle  traité  de  160G,  registre  en 
l<i(t7,  art.  13,  par  lequel  il  semble  que  l'on  ait,  de  gaieté  de  cœur,  trahi  la 
cause  et  l'honneur  de  la  France,  les  marchandises  angloises  apportées  en 
France  étant  jugées  vicieuses,  il  ne  nous  soit  pas  loisible  de  les  confisquer, 
Mess.  de.Maisses  et  de  Boississe,  commissaires  s'étant  contentés  qu'il  leur 
seroit  enjoint  de  les  reporter  en  Angleterre  et  encore  sans  payer  aucun 
droit  de  sortie...  »  Lettre  du  S'' de  Lauzon  à  Richelieu  au  nom  des  com- 
merçants de  Rouen.  Rouen,  Il  novembre  1626.  Arch.  des  aff.  étrang. 
France,  781,  f.  78.  Pour  les  commissionnaires  étrangers  en  vins  à  Bor- 
deaux, voy.  JuLLiAN,  Hist.  de  Bordeaux,  440-441. 

2.  Boissise  au  roi,  l^""  janvier  IGOO.  Le  roi  à  Boissise,  12  janvier  1600. 
Kermaingant,  Mission  de  Jean  de  Tliumery,  sieur  de  Boissise,  II.  Elisabeth 
devait  mourir  trois  ans  plus  tard. 


292  COU  «TIERS  ET  COMMERCE  DE  TRANSPORT. 

l'Espagne  que  l'état  d'hostilité  de  celle-ci  et  des  Provinces- 
Unies  ne  leur  pormcltait  pas  de  faire  ouvertement  et  direc- 
tement '. 

Un  arrêt  du  conseil  du  irj  avril  laOo  créa  dans  les  villes 
les  plus  commerçantes,  à  côté  des  commissionnaires  érigés 
par  l'édit  de  mars  lo8G,  des  courtiers  privilégiés  pour  le 
change,  la  banque  et  la  vente  en  gros  des  marchandises 
étrangères.  Leur  ministère  n'était  pas  obligatoire  mais  il 
devait  être  assez  recherché,  car,  lorsqu'ils  contresignaient 
un  acte  de  vente,  leur  signature  emportait  hypolliètjue  sur 
les  biens  de  lacheteur.  Paris  en  eut  huit,  Lyon  douze, 
Rouen  et  Marseille  quatre,  Amiens,  Dieppe  et  Calais  un, 
Tours,  La  Rochelle  et  Bordeaux  deux,  Toulouse  trois. 
D'autres  charges  devaient  être  créées  dans  les  villes  où  le 
besoin  s'en  ferait  sentir'.  Cette  limitation  d'ailleurs  n'eut 
defTet  que  pour  les  courtiers  de  change  et  de  banque  et  le 
courtage  des  marchandises  étrangères  resta  libre  '\ 

COMMKUCE    DE    TUANSPORT. 

Les  voies  de  communication  et  les  moyens  de  transport 
dont  la  France  était  dotée  servaient  naturellement  aussi 
bien  aux  marchandises  étrangères,  expédiées  à  l'étranger, 
qui  ne  faisaient  que  traverser  notre  territoire,  qu'à  celles 
qui  y  étaient  consommées.  En  faisant  connaître  ces  voies 
de  communication  et  ces  moyens  de  transport,  nous  avons 
devancé  ce  qu'il  y  aurait  à  dire  ici  du  commerce  de  transit 

1.  Aux  plaintes  de  Cecil  contre  ce  commerce  interlope,  Boissise  répond: 
«  Quelle  apparence...  de  leur  refuser  cette  retraite,  dont  les  Étals  recevoient 
grand  avantaire  etconnnodité.  Car  celafaisoit  vivre  la  plupart  des  niarchans 
d'Hollande  etZûlande  qui  tenoient  au  lieu  de  Calais  leurs  facteurs  et,  sous 
le  nom  des  François,  faisoient  leur  trafic  accoutumé  et  que  cux-mômes 
tolùroient  à  leurs  sujets  d'aller  en  Espagne  ou  y  envoyer  sous  le  nom  de 
vos  sujets  [du  roij  ",  l'.-ifl.,  1,  r)3I-532. 

2.  Arch.  n.it.  Coll.  Rondonneau  ADI"^. 

3.  Savary,  Dict.  du  commerce,  v  Courtier. 


COMMERCE   DE  T«Â.NSPORT.  293 

qui  s'opérait  par  terre.  Nous  n'avons  à  ajouter  qu'une 
observation. 

Elle  se  rapporte  à  l'influence  fâcheuse  exercée  sur  ce 
commerce  par  nos  douanes  extérieures  et  intérieures.  En 
obligeant  par  une  déclaration  de  1.j8.j  toutes  les  marchan- 
dises de  Flandre,  d'Angleterre,  d'Allemagne  à  destination 
de  l'Italie  et  du  littoral  méditerranéen  de  l'Espagne  à  pas- 
ser par  la  douane  de  Lyon,  Henri  111  fil  perdre  à  la  France 
la  plus  grande  partie  de  ce  transit  :  la  Flandre  et  l'Angle- 
terre créèrent  alors  une  ligne  de  transports  directe  par  mer 
avec  ritalie  '.  Les  communications  par  terre  entre  la 
Flandre  et  l'Allemagne  d'une  part,  les  péninsules  ibérique 
et  italienne  de  l'autre  s'opérèrent  par  le  Luxembourg  '. 

On  commençait  pourtant  à  ne  plus  traiter  les  marchan- 
dises qui  n'entraient  dans  notre  pays  que  pour  en  sortir 
sur  le  même  pied  que  celles  qui  y  trouvaient  leur  débouché. 
Si  l'on  n'avait  pas  encore  eu  l'idée  d'établir  pour  elles  des 
acquits-à-caution  et  des  entrepôts  francs,  on  accordait  des 
passe-debout,  nous  voulons  dire  des  réductions  des  droits 
de  douane.  En  1606,  des  marchands  milanais  sollicitent 
du  conseil  un  passe-debout  pour  des  marchandises  expé- 
diées d'Espagne  et  d'Italie  en  Flandre  et  en  Allemagne  ^. 

Cette  remarque  faite,  toute  notre  attention  appartient 
maintenant  au  commerce  de  transport  maritime. 

La  nature  n'avait  rien  refusé  à  la  France  de  ce  qui  est 
nécessaire  au  développement  d'une  marine  marchande  ; 
fer,  bois  en  abondance  pour  la  construction  *,  chanvre 

1.  FoRBONWAis,  Recherches  et  considérations  sur  les  finances  de  France,  I, 
70-71,  437. 

2.  Des  marchands  rie  .Milan  regrettent  «  le  grand  tour...  qu'il  leur 
convient  faire  passans  par  le  pais  de  Luxembourg  pour  conduire  es  pais 
de  Flandres  et  Allemaigne  les  marchandises  qu'ilz  font  venir  d'Espaigne  et 
Italie...  »  Cela  à  cause  ds  la  douane  française.  Arrêt  du  conseil  du 
21  mars  IGOG.  Bibl.  nat.  Mss.  Fr.,  18170  à  la  date. 

.3.  ArnHs  du  conseil  du  21  mars  IGOG  et  du  18  novembre  1G08. 
4.  Relation  de  Badoer  dans  B.^rozzi  et  Berchet,  p.  91.  Le  commerce  hono- 
rable... par  un   habitant  de  la  ville  de  Nantes,  IGîG.  <■  Il  se  trouve  des 


294  MARINE  MARCHANDE. 

excellent  et  poix  pour  la  voilure  et  le  gréement  ',  habiles 
charpentiers  de  navires,  population  de  pêcheurs  nombreuse, 
ne  se  bornant  pas  à  la  pèche  cùtière,  mais  babil  née  à  aller 
pocher  le  hareng  sur  les  cotes  d'Ecosse  et  dlrlande,  la 
morue  et  la  baleine  en  Amérique. 

^lalgré  ces  ressources  naturelles,  noire  marine  mar- 
chande était  inférieure  à  celles  de  TEspagne,  de  TAngle- 
terre  et  de  la  Hollande.  De  ces  trois  marines,  la  première 
était  en  déclin,  la  seconde  se  relevait  avec  Elisabeth  de  la 
décadence  oii  l'avaient  laissée  tomber  Edouard  YI  et  Marie 
Tudor,  la  troisième  était  à  son  apogée.  Dans  un  mémoire 
présenté  en  1(J0;{  à  Jacques  T'',  l'un  des  plus  grands  esprits 
du  temps,  sir  Walter  Raleigh  compare  la  marine  et  le  com- 
merce de  son  pays  à  ceux  des  Provinces-Unies.  Il  nous 
apprend  que  c'était  celle  des  Provinces-Unies  qui  trans- 
portait dans  la  Poméranio,  la  Pologne,  le  Danemark,  la 
Norvège,  la  Suède,  l'Allemagne  et  la  Russie  presque  tou- 
tes les  marchandises  de  la  France,  de  l'Espagne,  du  Por- 
tugal, de  la  Turquie,  de  l'Italie  et  de  l'Angleterre.  Celle-ci 
n'envoyait  annuellement  dans  les  pays  de  la  Baltique 
qu'une  centaine  de  vaisseaux  et  son  commerce  ne  se  faisait 
presque  qu'avec  Elbing,  Kœnigsberg  et  Dantzig,  tandis 
que  les  armateurs  hollandais  y  envoyaient  environ 
3  000  vaisseaux  et  étaient  en  relation  d'afï'aires  avec  toutes 
les  villes  de  cette  région.  Le  commerce  hollandais  était 
représenté  dans  tous  les  ports  et  toutes  les  villes  de  France, 
le  commerce  britannique  dans  cinq  ou  six  seulement.  Les 
Provinces-Unies  possédaient  autant  de  vaisseaux  que  onze 


meilleurs  charpentiers  du  monde  pour  baslir  et  construire  des  navires  de 
toutes  sortes...  à  Dieppe,  Ilonnetleur  et  au  Havre,  et  de  fort  bon  bois  pour 
cet  ellect  aux  forests  prochaines,  avec  tout  ce  qui  y  est  nécessaire  d'ail- 
leurs pour  les  equipper,  appareiller  et  mettre  hors.  »  Tu.  Le  Fèvhk,  Op. 
laui/.,  30. 

1.  Mémoire  pour  l'établissement  du  traflic,  commerce  et  négoce  de  mer 
en  France.  Biuennk,  \il'.),  fol.  7. 


MARINE   MARCHANDE.  295 

Etats  ensemble,  y  compris  l'Angleterre;  elles  en  cons- 
truisaient un  millier  par  an.  Leurs  transactions  avec  la 
Russie,  pour  lesquelles,  vingt  ans  auparavant,  il  leur 
suffisait  de  deux  vaisseaux,  en  occupaient  maintenant 
trente  ou  quarante  et  étaient  encore  en  voie  d'accroisse- 
ment. Celles  des  Anglais  avec  cet  Etat,  si  actives  pendant 
soixante-dix  ans,  n'avaient  plus  besoin  en  1600  que  de 
quatre  vaisseaux,  de  deux  ou  trois  en  1002.  Et  cependant 
les  Provinces-Unies  manquaient  de  bois  de  construction  et 
de  marchandises  propres  à  développer  le  fret.  Aussi  n'était- 
ce  pas  les  produits  indigènes  qui  composaient  leurs  car- 
gaisons navales  mais  les  produits  étrangers,  dont  le  trans- 
port leur  était  de  préférence  confié  parce  que,  grâce  à 
l'effectif  réduit  de  leurs  équipages,  leur  fret  était  plus  éco- 
nomique. Tandis  qu'un  navire  anglais  de  100  tonneaux  ne 
pouvait  être  manœuvré  que  par  trente  hommes,  huit  ma- 
rins hollandais  y  suffisaient  '.  Cette  infériorité  du  com- 
merce maritime  britannique  est  confirmée  par  d'autres 
témoignages.  Citons  seulement  un  document  anglais  qui 
constate  en  l.oOS  la  décadence  manifeste  des  ports  de 
Newcastle,  de  IIull,  de  Boston,  de  Lynn,  de  Southampton, 
de  Pool,  de  Weymouth,  de  Bristol  et  de  Chester  -. 

Quant  à  l'infériorité  de  la  France  sur  la  Hollande,  l'Es- 
pagne et  l'Angleterre,  elle  s'explique  par  plusieurs  raisons  : 
petitesse  des  bâtiments  qui  ne  résistaient  pas  à  la  mer  % 
insuffisance  de  marins,  mauvais  état  des  ports  \  défaut  de 

1.  Mémoire  cité  et  analysé  par  Livdsay,  History  of  ancient  commerce  and 
merchant  shippin;^  (1874)  II,  1G2-It)4.  Cf.  Forbonnais  (I,  425)  sur  le  dével- 
loppement  de  la  marine  marchande  des  Provinces-Unies  en  1G69,  et  Béer, 
Ubi  supra,  18G,  201. 

2.  Calendars  of  slate  papers.  Domestic  séries,  Elisabeth,  p.  2. 

3.  L'édit  sur  l'amirauté  de  mars  1584  avait  encouragé  la  construction  des 
navires  de  plus  de  -300  tonneaux.  Art.  lxxii.  Pardessus,  Recueil  des  lois 
maritime^;,  IV,  295. 

4.  C'est  ainsi  que  notre  inTériorité  dans  le  commerce  maritime  est 
expliquée  dans  des  mémoires  rédigés  au  commencement  du  règue  de 
Louis  XIII  par  des  navigateurs  ou  des  marchands,  et  analysés  par  Dareste, 


296  MARINE   MARCHANDE. 

colonies,  inégalité  de  traitement  de  notre  marine  mar- 
chande et  de  celle  des  autres  nations,  morcellement  de 
l'autorité  maritime  par  suite  de  l'existence  des  amirautés, 
absence  d'une  Hotte  do  guerre  capable  de  protéger  notre 
commerce  par  mer. 

L'initiative  de  Henri  IV  se  manifesta  à  l'égard  de  la  ma- 
rine marchande  comme  de  toutes  les  branches  de  la 
richesse  publique.  Dès  loOO,  il  encourageait  ses  sujets  à 
construire  et  à  acheter  des  vaisseaux,  dans  l'espoir  de  ravir 
à  l'Angleterre  et  à  la  Hollande  le  commerce  de  transit  avec 
l'Espagne,  qui  contribuait  tant  à  la  richesse  de  ces  deux 
pays.  Cette  prétention  risquait  même  de  nous  brouiller 
avec  l'Angleterre  '.  L'année  suivante,  il  fit  procéder  aune 
visite  des  ports  et  dresser  l'état  des  réparations  dont  ils 
avaient  besoin  ^  Beaucoup  avaient  souffert  des  guerres 
civiles,  llarlleur  %  Douarnenez  avaient  été  démantelés. 
Ruiné  de  fond  en  comble  par  Eder  de  Fontenelle,  Pen- 
march  n'offrait  plus  que  des  vestiges  informes  de  son  port, 
de  sa  jetée  de  I  500  mètres,  de  ses  fortifications  et  était 
devenu  la  lande  solitaire  et  romantique  dont  les  sentiers, 
par  leurs  noms  de  rues  des  Marchands^  des  Changeurs,  des 
Argentiers,  rappellent  à  peine  au  voyageur  absorbé  par  le 
charme  grandiose  du  paysage,  qu'il  foule  des  voies  jadis 
populeuses  et  animées  '\  Les  ports  sûrs  et  assez  profonds 
pour  recevoir  de  vrais  navires  étaient  rares;  le  Languedoc 
n'en  avait  pas  un  seul  ^  Notre  littoral  océanique  n'offrait 

lUst.  de  Vadministralion,  II,  250-251.  Le  manque  de  marins,  signalé  par  ces 
mémoires,  ne  contredit  pas  absolument  ce  que  nous  avons  dit  du  grand 
nombre  de  prcheurs. 

1.  Calendars  of  state  papers,  p.  15G. 

2.  C'est  du  moins  ce  que  dit  Forbonnais  sans  en  produire  la  preuve  (I,  39)  ; 
nous  avons  vainement  cherciiéce  devisde  travaux  qui  aurait  tant  d'intérêt. 

3.  Su[jplii|ue  adressée  au  roi,  le  28  septembre  15'JG,  par  lirissac,  gou- 
verneur d'ilarfleur.  Dumont  et  Léger,  Histoire  d'ilar fleur  (I8G8),  p.  45. 

4.  Lejean,    Sur  l'histoire  des  ports  du  Finistère  dans   llultetin  arcli.  de 
l'Assodation  bretonne,  111   (1851),  p.  133. 

5.  «  ...  le  Languedoc  n'a  point  de  ports  assurés  ni  capables  de  recevoir 


AMIRAUTÉS.  297 

pas  non  plus  assez  de  refuges,  et  Henri  IV,  on  s'en  souvient, 
voulut  en  ouvrir  un  à  nos  vaisseaux  près  de  Bayonne  et 
de  Fontarabic.  Dans  ses  Remontrances  en  forme  d'édit, 
Laffemas  proposait  de  soumettre  le  commerce  maritime  à 
un  règlement  élaboré  par  d'anciens  négociants  de  Bor- 
deaux, de  Rouen,  de  Narbonne  et  de  Marseille  et  accordant 
des  privilèges  à  la  marine  marchande  nationale  '.  Con- 
vaincu, comme  lui,  au  moins  sur  ce  point,  de  l'utilité  de 
la  protection,  dont  les  autres  pays  lui  donnaient  l'exemple, 
le  roi  mettait  des  droits  de  tonnag-e  et  d'ancrage  sur  les 
vaisseaux  étrangers',  réduisait  des  deux  tiers,  en  faveur  des 
pêcheurs  du  Havre,  le  droit  d'écu  par  tonneau  établi,  en 
1G03,  sur  les  bateaux  pêcheurs  de  morues  et  de  harengs, 
et  distribuait  à  leurs  armateurs  des  primes  prélevées  sur 
le  produit  de  ce  droit  ^. 

La  marine  marchande  et  la  marine  militaire  étaient  pla- 
cées sous  l'autorité  de  l'amiral  de  France  et  des  amiraux 
de  Bretagne,  de  Guyenne  et  de  Provence.  Délivrance  des 
congés  et  passeports,  connaissance  des  rapports  de  voyages, 
des  prises  et  de  toutes  les  causes  maritimes,  nomination  du 
personnel  %  telles  étaient  les  principales  attributions  de 
ces  grands  officiers.  Henri  lY  n'y  retrancha  rien;  il  ne 
chercha  même  pas  à  ramener  à  l'unité  ces  pouvoirs  indé- 
pendants les  uns  des  autres.  A  la  lin  de  son  règne,  on  n'a 
pas  d'autre  simplification  à  signaler  dans  cette  organisation 
que  la  réunion  de  l'amirauté  de  Bretagne  à  l'amirauté  de 

que  de  petites  barques.  »  Remontrance  à  ceux  de  la  religion  p.  r.  du  bas 
Languedoc^  1G29.  Merc.  franc.,  XV,  385. 

1.  Art.  X. 

2.  Of  late  there  has  been  raised  a  crown  a  ton  on  ail  shi^Ds  trading 
thither.  Caiendars  of  stale  papers.  Domestic  séries,  270.  Arrêts  du  conseil 
des  finances,  21  mars  IGOU,  13  août  1G02.  Arch.  nat.  Lettres  miss.,\'\,  âS. 

3.  RoESSLEii,  Le  Havre  d'autrefois,  1883,  p.  23. 

4.  Arrêt  du  conseil  du  10  mars  1G07.  Mss.  Franc.,  181*1,  fol.  IGl  v».  La 
connaissance  des  assurances  avait  été  attribuée  aux  juges  consuls.  Voy.  sur 
les  conflits  de  juridiction  entre  les  consuls  et  les  amirautés.  Pardessus, 
IV,  22G. 


298  MARINE   MILITAIRE. 

France,  qui  comprenait  déjà  celle  de  Normandie  el  Picar- 
die et  se  trouvait  dans  les  mains  du  duc  de  Damville. 
L'amirauté  de  Guyenne  et  l'amiraulé  de  Provence  avaient 
encore  une  existence  propre.  M.  de  Cliàtillon  avait  la  pre- 
mière, et  la  seconde  était  attachée  au  gouvernement  de 
Provence,  qui  appartenait  alors  au  duc  de  Guise  *. 

Il  y  avait  eu  un  temps  où  la  France  disposait  d'une 
marine  militaire  respectable.  François  l*""  et  Henri  H 
avaient  entretenu  de  vingt-cinq  à  trente  galères  qui  leur 
avaient  permis  d'entraîner  Gènes  dans  leur  alliance, 
d'intercepter  les  secours  envoyés  par  Cliarles-Quinl  dans 
le  Milanais  et  le  royaume  de  Naples  et  de  tenir  en  respect 
la  Toscane  et  le  Souverain-Pontife.  Mais  les  guerres  reli- 
gieuses amenèrent  la  ruine  presque  complète  de  nos  forces 
navales  ^.  Toutefois,  cette  ruine  n'était  pas  encore  accom- 
plie en  lo72.  Nous  lisons  en  effet  dans  la  relation  d'un 
ambassadeur  vénitien  antérieure  à  celle  qui  nous  apprend 
celte  décadence,  qu'à  cette  époque  la  marine  du  Levant 
c'est-à-dire  de  la  Méditerranée  se  composait  de  dix-huit  ga- 
lères et  de  dix-sept  vaisseaux  de  400  à  1  oOO  tonneaux  ^  Le 
déclin  de  notre  puissance  navale  ne  fit  que  s'accroître  sous 
Henri  III,  malgré  les  efforts  de  ce  prince  pour  la  relever. 
En  lo94,  le  nombre  des  galères  était  si  réduit  que  les  con- 
damnations aux  galères  ne  pouvaient  être  exécutées  et  que 
cette  peine  dut  être  commuée  en  celle  du  bannissement  *. 
Le  roi  se  préoccupait  dès  lors  d'équiper,  de  réparer  celles 
qui  lui  restaient  et  d'en  faire  construire  de  nouvelles.  Au 
commencement  de  io9o,  il  faisait  demander  pour  leur 
entretien  loOOOO  écus  (1  424  920  fr.  74)  aux  états  de  Lan- 


1.  Carew's  Relation,  p.  429. 

-'.  Relation  de  Gussoni  et  Nani  dans  le  recueil  de  Barozzi  et  Bcrchet, 
I,  468. 

3.  Itclalion  de  Contarini  dans  le  recueil  d'Alberi,  série  I,  IV,  23.S. 

4.  Henri  IV  au  parlement  de  Normandie,  29  janvier  loU4.  Lellres  miss., 
IV,  93. 


MARIiNE   MILITAIRE.  299 

guedoc  et  la  même  somme  aux  dtals  de  Provence  '.A  la 
fin  de  cette  année,  il  chargeait  son  ambassadeur  à  Cons- 
tantinople,  Savary  de  Brèves  d'en  obtenir  du  sultan  dix  ou 
douze  avec  leur  chiourme,  en  attendant  celles  qu'il  se  pro- 
posait de  faire  construire  et  armer  sous  peu  '\  Le  duc  de 
Retz,  général  des  galères,  reçut  des  pouvoirs  pour  recruter 
des  forçats.  Le  roi  poursuivit  auprès  de  l'assemblée  des 
notables  l'assignation  d'un  fonds  spécial  pour  l'entretien  de 
celles  qu'il  voulait  avoir  à  Marseille  ^  Le  4  février  1597, 
il  annonce  l'intention  d'affecter  une  partie  des  recettes 
publiques  de  cette  année  à  en  entretenir  douze  au  moins 
en  état  d'armement  \  11  en  fit  mettre,  en  effet,  de  suite  sur 
chantiers,  comme  on  l'apprend  par  une  lettre  du  8  juil- 
let 1397  ^  En  IGOO,  à  la  suite  d'une  inspection  de  nos  ports 
et  de  notre  flotte,  celle-ci  fut  réparée  \  quelques  galères 
furent  mises  à  flot  \  Le  roi  projetait  d'en  construire  et 
d'en  armer  vingt  pour  le  printemps  de  l'année  suivante, 
et,  pour  se  procurer  des  chiourmes,  il  songeait  à  acheter 
des  esclaves  en  Orient.  Dans  la  crainte  d'indisposer  le 
Grand  Seigneur,  il  ordonnait  à  son  ambassadeur  de  le  son- 
der à  ce  sujet  ^  Obligé  de  restreindre  ses  vues,  son  ambi- 
tion se  réduisit  à  en  faire  sortir  des  ateliers  de  vingt  à 
trente  en  tout,  dont  dix  en  1601.  Au  commencement  de 
celte  année,  il  y  en  avait  cinq  d'armées  à  Marseille  et  une 
en  état  d'être  mise  à  la  mer.  Quant  aux  quatre  autres,  elles 


1.  Commission  au  sieur  de  .Maisse,  25  janvier  1595.  Collection  des  arrêts 
du  conseil  aux  Archives  nationales. 

2.  Lettre  à  Savary  de  Brèves,  11  décembre  1595.  Lettres  7niss.,  IV, 
475,  600. 

.3.  Lettre  du  23  janvier  15'J7.  Ibid.,  675. 

4.  Ibid.,  685. 

5.  Ibid.,  805. 

6.  FORBONXAIS,  I,  39. 

7.  Lettre  de  Savary  de  Brèves,  10  juillet  1600.  Lettres  miss.,  V,  247. 

8.  Lettre  à  Savary  de  Brèves,  31  oct.  1600.  Lettres  77iiss.,  toc.  cit.,  334.  Ce 
projet  se  réalisa  au  moins  dans  une  certaine  mesure  :  il  y  avait  en  1607  des 
Turcs  sur  les  galères  du  roi.  Ambassades  de  La  Boderie,  II,  360. 


300  MARINE   MILITAllŒ. 

dcvaii'ut  être  fournies  toutes  prêtes,  sauf  la  cliiourme, 
pour  U)  000  ducals,  par  un  Génois,  Franccsco  Lomme- 
lino  '.  Henri  rêvait  de  porter  la  puissance  navale  de  la 
France  à  un  point  (ju'elle  n'avait  jamais  atteint  sous  ses 
prédécesseurs  -.  Il  avait  traité  avec  plusieurs  armateurs, 
il  avait  pris  à  son  service  Simon  Dansa  et  ses  vaisseaux, 
il  se  proposait  d'enrôler  d'autres  capitaines,  hollandais  et 
danois.  La  mort  vint  interrompre  l'exécution  de  ses  des- 
seins. Il  laissait  la  marine  de  guerre  moins  puissante  qu'elle 
n'avait  été  sous  Charles  IX.  Elle  se  composait  de  quatorze 
galères,  qui  n'appartenaient  môme  pas  à  l'Etat  mais  étaient 
louées,  moyennant  9  500  écus  (9G074  l'r.  '59)  par  an,  à  des 
particuliers.  Elles  restaient  armées  huit  mois.  Le  reste  du 
temps,  le  roi  ne  payait  que  l'entretien  des  galériens,  et  les 
équipages  étaient  licenciés;  mais  ils  se  tenaient  prêts  à 
répondre  au  premier  appel.  Un  peu  plus  grandes  que  les 
galères  vénitiennes,  celles  du  roi  avaient  vingt-huit  bancs 
de  rameurs;  lentes  à  la  nage,  elles  étaient  assez  bonnes  voi- 
lières.  Elles  quittaient  rarement  le  port,  de  sorte  que  l'équi- 
page était  peu  expérimenté.  La  flotte  stationnaittoutentière 
dans  la  Méditerranée  ;  pour  la  défense  des  côtes  de  l'Océan, 
on  comptait  sur  les  vaisseaux  que  le  Danemark  et  d'autres 
puissances  maritimes  fourniraient  en  cas  de  besoin '.  Il  ne 
faut  pas  s'étonner  que  cette  flotte,  si  peu  nombreuse  et  si  mal 
montée,  n'appartînt  même  pas  au  roi.  La  marine  anglaise, 
beaucoup  plus  considérable  que  la  nôtre,  se  composait  aussi 
en  partie  de  vaisseaux  armés  et  équipés  par  des  particuliers. 

1.  Drpiche  de  Winwood  à  Cecill,  24  janvier  1601,  I,  380.  Leltres  et  ambas- 
sades de  Fresnes  Camoje,  I,  171,  188.  «  J'ay  lettre  du  s'  Lomellino  de 
Gcnnes,  lequel  m'asseure  que,  dans  Pasques,  prochaines,  nous  aurons  douze 
bonnes  galères  prestes  et  équipées  à  Marseille.  »  Lettre  de  Fresnc  Canayc 
à  .M.  de  Brèves,  24  mai  1003,  I,  2°  partie,  p.   19!). 

2.  ...  he  is  ever  haramcring  uper  Luilding  a  navy  for  the  sea,  wliich, 
if  he  should  cllect,  ujight  prove  an  evil  neighbuur  to  your  Majesty's  domi- 
nions. r.AitEVV,  487. 

3.  Relation  de  Gussoni  et  Naui  (IGIO)  dans  le  Recueil  de  Rarozzi  et 
Berchet,  I,  458. 


PIRATERIE.  301 

Si  nous  nous  sommes  étendu  sur  l'insuffisance  de  la 
marine  de  guerre,  c'est  uniquement  parce  qu'il  en  résultait 
pour  notre  commerce  un  manque  presque  absolu  de 
sécurité. 

En  effet,  notre  pavillon  protégeait  très  imparfaitement 
notre  marine  marchande,  même  contre  les  puissances 
secondaires.  Ainsi  la  route  suivie  par  les  vaisseaux  français 
qui  se  rendaient  de  Marseille  en  Italie,  tracée  de  façon  à 
leur  faire  éviter  les  pirates  barbaresques,  les  exposait,  en 
revanche,  aux  exactions  du  duc  de  Savoie.  Après  avoir 
évité  les  îles  d'Hyères,  qui  étaient  un  nid  de  pirates  \  ils 
gagnaient  la  haute  mer  puis  se  rapprochaient  de  la  côte 
vers  Antibes  et  la  longeaient  jusqu'à  Gènes.  Mais,  lorsqu'ils 
passaient  devant  Villefranche,  les  croiseurs  de  Charles- 
Emmanuel  les  forçaient  d'y  relâcher  pour  payer  une  taxe 
de  2  p.  100  sur  la  valeur  de  leur  cargaison.  Si  nous  qua- 
lifions cette  taxe  d'exaction,  c'est  qu'elle  était  vexatoire  et 
contraire  à  la  liberté  des  mers,  car  elle  reposait  d'ailleurs 
sur  un  titre  sûr  et  plusieurs  fois  renouvelé;  Charles  VII 
l'avait  concédée  aux  ducs  de  Savoie,  Louis  XI  et  François  I" 
la  leur  avaient  confirmée  '.  Henri  IV  força  Charles- 
Emmanuel  à  y  renoncer,  mais,  après  la  mort  du  roi,  elle 
fut  rétablie  ^ 

Henri  pouvait  atteindre  ce  prince  et  il  le  lui  prouva 
d'une  façon  éclatante,  mais  comment,  sans  une  force  navale 
imposante,  faire  respecter  le  pavillon  français  par  les 
Barbaresques?  Les  ordres  du  sultan  n'étaient  pas  obéis  par 
le  vice-roi  d'Alger,  par  le  bey  de  Tunis  ni  par  le  roi  de 
Maroc '^.  En  1G02,  le  nombre  des  Français  mis  à  la  chaîne 


1.  Henri  IV  avait  eu  l'intention  de  les  coloniser  et  d'y  établir  des  chantiers 
maritimes.  Philippson,  2.  Ablh.,  378-379. 

2.  Bibl.  nat.  Franc..  3944,  fol.  59. 

3.  Henri  IV  au  duc  de  Savoie,  G  juillet  1G03.   Lettres  miss.,  VI,  126  et 
Picot,  Histoire  des  états  généraux,  IV,  135-136. 

4.  Lettre  à  Savary  de  Brèves,  8  juillet  1597.  Lettres  miss.,  IV,  805  ;  V,  586. 


302  PIRATERIE. 

par  les  corsaires  algériens  dépassait,   disait-on,  deux  ou 
trois  mille'.  Dans  ses  instructions  du  20  juillet  1()04  à  son 
ambassadeur    à    Constantinople,    le    baron    de    Salignac, 
Henri  IV  l'estimait  à  trois  mille  quarante-cinq  et  évaluait 
à  un  million  (2  922  932  fr.  80)  les  pertes  intligées  par  les 
Barbarcsques  aux  Marseillais  et  aux  Provençaux".  Le  roi 
faisait  des  exemples  :  la  môme  année,  il  fit  couler  une 
galiote  algérienne  et  couper  la  tète   au  capitaine  ^  Mais 
ces  actes  isolés  de  répression  ne  pouvaient  mettre  fin  à  un 
brigandage  qu'on  n'aurait  pu  déraciner  qu'en  l'attaquant 
dans  ses  re|)aires.  Henri  le  reconnaissait,  et  on  trouve  un 
aveu  implicite  de  son  impuissance,  dans  un  arrêt  du  conseil 
défendant  aux  vaisseaux,  qui  ne  sont  pas  assez  forts  pour  se 
défendre,   de    longer   les  côtes   soumises  à   l'autorité    du 
Grand  Seigneur*.  On  ne  se  résignait  pas  toujours  à  cette 
impuissance.  On  essayait  de  détruire  la  piraterie  chez  elle. 
Marseille  faisait  marché  avec  le  lieutenant  du  capitaine 
malouin  Beaulieu  qui,  moyennant  une  prime  de  oOO  écus 
(5036  fr.  36),  allait  brûler  sous  la  Goulette,  en  1609,  vingt- 
trois  bâtiments  tunisiens  ^ 

La  vie  lucrative  et  aventureuse  de  corsaire  avait  séduit, 
on    le    sait,    plus    d'un    chrétien.    Pendant   trois    ans,    le 

On  ne  s'étonne  pas  de  Timpuissance  du  Divan  à  protéger  notre  commerce 
contre  les  corsaires  algériens,  quand  ou  sait  que  la  population  tout  entière 
de  la  Régence,  depuis  les  reis  jusqu'à  la  populace,  ne  vivait  que  de  la  pira- 
terie, et  que  vouloir  lui  fermer  celte  source  de  profits,  c'était  la  réduire 
au  désespoir  et  à  la  révolte.  Voy.  H.-D.  de  Ghaiimont,  Relations  entre  la 
France  et  la  Réi^ence d'Alger  au  Xi'lh  siècle,  l^c  partie  :  les  deux  canons  de 
Simon  Dansa,  p.  1-4. 

1.  Lettres  miss.,  V,  (!07. 

2.  Ambassade  en  Turquie  de  J.  de  Gontaul  Biron,  baron  de  Salignac,  p.  p. 
Go.NTALT  BiROX,  Pii'ccs  Juslif. 

3.  Lettres  miss.,  V,  Gôi. 

i.  17  juillet  llîO:}.  .\rch.  nat.  Les  vaisseaux  devaient  avoir  un  tonnage 
de  "000  quintaux  et  un  équipage  suffisant  pour  se  défendre.  Sur  les  pira- 
teries des  Barbarescjues  voy.  encore  Lettres  miss.,  V,  547-548,  082-683,  703, 
VII,  4 '«1-4 42  et  pass. 

a.  Mkzeuvy  (éd.  IG8.'»),  III,  p.  1261.  Ruffi,  Histoire  de  Marseille,  p.  449, 
cité  par  .Masso.n,  lUst.  du  commerce  français  dans  le  Levant,  Introd.,  xxvii. 


PIRATERIE.  303 

Flamand  Simon  Dansa  avait,  sous  le  drapeau  de  l'Islam, 
fait  la  chasse  aux  bâtiments  chrétiens;  puis,  désireux  de 
faire  une  fin,  il  avait  obtenu  de  Henri  IV  son  pardon  et  la 
mission  de  convoyer  et  de  protéger  ces  mêmes  bâtiments*. 
Ce  qui  est  moins  connu,  c'est  que  les  Barbaresques  entre- 
tenaient des  intelligences  dans  les  provinces  maritimes, 
même  avec  des  officiers  du  roi,  et  que  les  occasions  favo- 
rables leur  étaient  signalées.  Le  capitaine  Fouques,  capi- 
taine ordinaire  de  la  marine  royale  du  Ponant,  en  donne 
des  preuves  curieuses  dans  un  mémoire  publié  en  1G12.  Ce 
mémoire  articule  des  faits  précis  et  cite  des  noms  recueillis 
par  l'auteur  pendant  sa  captivité  et  à  la  suite  d'une 
enquête  sur  le  littoral  de  Provence  et  de  Languedoc ^ 

Le  gouvernement  français  demanda  aussi  réparation  au 
sultan  pour  la  destruction  du  bastion  de  France  ^  On 
appelait  de  ce  nom  un  établissement  situé  sur  la  côte, 
à  la  frontière  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie,  à  douze  lieues 
environ  de  Bône.  Fondé  en  1561  par  deux  marchands 
marseillais,  il  se  composait  de  magasins,  d'une  chapelle, 
d'un  cimetière,  d'un  hôpital,  d'une  forteresse  et  servait  de 
comptoir  pour  la  pêche  du  corail  et  le  commerce  des 
produits  barbaresques.  Il  se  complétait  par  des  magasins  à 
La  Calle,  au  cap  Nègre,  à  Bône,  au  cap  Rose  et  à  Collo*. 

Les  pirateries  des  populations  musulmanes  du  littoral 
méditerranéen  s'expliquaient  par  leur  organisation  exclusi- 
vement conçue  en  vue  de  la  course  et  par  leur  fanatisme 

1.  Grammont,  Histoire  d'Alger,  p.  p.  148.149. 

2.  Arch.  curieuses  de  Ci.mber  et  DA^JOu,  I,  série  xv.  Confirmé  par  un  mé- 
moire sur  le  trafic  qui  se  trouve  à  la  Bibl.  nat.  Mss.  Franc.,  3653,  fol.  67, 
et  que  .^1.  Pigeonneau  fait  remonter  aux  dernières  années  du  xvi<=  siècle, 
mais  qui  semble  n'appartenir  qu'aux  premières  du  xvii«. 

3.  Heuri  IV  à  Brèves,  r.)  juillet  1004.  Lettres  miss.,  VI,  C88. 

4.  On  eu  trouve  la  description  dans  le  chap.  iv  de  Y  Histoire  de  la  Bar- 
barie du  P.  Dan  (IGiS).  En  IGOG  Savary  de  Brèves,  voyageant  en  Algérie 
sans  caractère  officiel,  négociait  avec  le  dey  dans  l'intérêt  du  commerce 
français  et  pour  obtenir  la  reconstruction  du  bastion.  Lettres  miss.,  VII,  30. 
Gram.mo.nt,  Hist.  d'Alyer,  p.  35. 


304  PIRATERIE. 

rclij;ieiix.  Il  est  triste  d'avoir  à  ajouter  que  notre  marine 
marchande  n'avait  guère  moins  à  soulTrir  de  celles  dont  les 
auteurs  appartenaient  à  des  nations  chrétiennes  et  officielle- 
ment amies. 

C'est  de  l'Angleterre  (|ue  nous  avions  le  plus  à  nous 
plaindre  sous  ce  rapport  '.  En  UiÛ2,lesMarseillais  estimaient 
à  plus  de  1200000  (11390437  fr.  93)  ou  loOOOOO  écus 
(14  249297  fr.  42)  les  pertes  que  ses  corsaires  leur  avaient 
fait  éprouver".  Nos  débats  avec  elle  à  ce  sujet  s'envenimaient 
d'autres  (juestions  d'intérêt  et  d'amour-propre  qui  en  sont 
inséparables.  C'est  ainsi  qu'elle  outrageait  notre  dignité  en 
forçant  nos  vaisseaux  à  baisser  pavillon  devant  les  siens' 
et  à  subir,  dans  les  conditions  les  plus  humiliantes,  le  droit 
de  visite  \  Les  griefs  de  la  France  n'étaient  pas  générale- 
ment accueillis  par  l'ancienne  alliée  et  la  «  bonne  amie  » 
du  roi  dans  un  esprit  d'impartialité  et  de  bienveillance. 
Légitimes  ou  non,  elle  avait  aussi  ses  motifs  d'aigreur. 
Sévérité  des  autorités  françaises  pour  les  draps  anglais  de 
mauvaise  fabrication,  impôts  nouveaux  sur  ses  sujets  tra- 
fiquant dans  notre  pays,  retards  dans  le  remboursement  des 
sommes  prêtées  au  roi  lorsqu'il  conquérait  son  royaume, 
paix  de  Yervins,  ambition  déçue  sur  Calais,  tout  cela 
la  disposait  plutôt  à  demander  des  réparations  qu'à 
en  accorder.  Au  sujet  de  la  piraterie,  elle  opposait 
ses  récriminations  aux  nôtres.  Son  gouvernement  pré- 
tendait que  la  marine  britannique  pâtissait  aussi  de  nos 

1.  <>  Cette  mer  [Méditerranée]  est  si  infestée  de  corsaires  qui  prennent 
tous  le  nom  d'Anglais,  qu'il  n'y  a  presque  plus  de  moyen  d'y  trafiquer.  » 
Du  Fresne  Canaye  à  de  Vie,  !)  mai  lGO:î,  1,  liv.  II,  p.  182. 

2.  Masso.n,  Op.  laud.  Inirod.,  p.  xxiv. 

3.  Écono'iiies  roy.,  coll.  .Michaud,  II,  4i3. 

4.  «  ...  si  on  doit  se  résigner  à  le  subir,  du  moins  tentcrol-jc  de  con- 
venir avec  eux  que,  quand  ils  voudront  l'exercer  sur  un  de  nos  navires, 
ce  sera  à  eux  de  l'aborder  avec  leur  bateau  et  non  pas  les  François  qu'ils 
contraindront  à  aller  à  eux,  comme  ils  les  y  forcent  constamment  par 
semonce  à  coups  de  canon,  u  Boissise  à  Villeroy,  I''"'  et  2j  septembre  lj99. 
KEK.MAIXGANT,  JÛiision  (le  lioissine,  1,  298. 


PIRATERIE.  305 

corsaires,  qu'il  y  avait  des  Français  sur  les  vaisseaux 
flamands  armés  en  course  à  Dunkerque  *.  Le  grand-amiral, 
Lord  Howard  écrivait,  le  7  octobre  1594,  à  Thomas 
Edmonds,  l'ambassadeur  d'Angleterre,  que  la  France  avait 
donné  aux  Anglais  des  sujets  de  plaintes  bien  mieux 
justifiées  qu'elle  n'en  avait  elle-même,  que  les  prises  faites 
par  les  Français  s'étaient  élevées,  dans  les  huit  dernières 
années,  à  400  000  livres  (1169173  fr.  12)  ^  En  1599, 
Neville  réclamait  satisfaction  pour  la  prise  d'un  vaisseau 
anglais  par  les  Marseillais  ^ 

La  reine  eût  été  d'ail  leurs  mieux  disposée  en  vers  la  France, 
qu'elle  n'aurait  pas  eu  le  pouvoir  de  supprimer  des  habitudes 
très  fructueuses  pour  les  particuliers,  et  qui  s'autorisaient 
de  l'honneur  et  de  l'intérêt  national.  Le  grand  amiral,  les 
premiers  personnages  de  l'Angleterre,  la  souveraine  elle- 
même  étaient  intéressés  dans  les  prises  maritimes  ^  Le 
premier  trafiquait  ouvertement  des  passeports  achetés  par 
les  étrangers  pour  se  mettre  à  l'abri  des  corsaires  anglais*. 
Il  poursuivait  rigoureusement  ceux  contre  lesquels  il 
recevait  des  dénonciations,  mais  uniquement  dans  le  but  de 
confisquer  leurs  biens  à  son  profit,  et  il  refusait  de  les  faire 
servir  à  indemniser  les  victimes''. 

Elisabeth  toutefois  ne  pouvait  éluder  d'une  façon  cons- 
tante les  instances  du  roi.  En  1398,  l'équipage  de  la  Diana 

1.  Henri  Neville  à  Cecill,  28  décembre  1599,  p.  141.  Rien  d'impossible  à 
cela  ;  en  1607  les  armateurs  de  Dunkerque  chercheront  à  attirer  des  pilotes 
et  des  matelots  par  de  grands  avantages  et  Henri  IV  sera  obligé  de 
défendre  à  ceux  de  son  royamne  de  passer  au  service  d'un  prince 
étranger.  Puisieux  à  La  Boderie,  13  mars  1G07.  Ambassades  de  La  BoderiCf 
II,  à  la  date. 

2.  Th.  Birch,  Op.  laud.,  p.  14. 

3.  Winwood's  Memorials,  p.  114. 

4.  Lettres  miss.,  V,  2fi6. 

5.  Prévost-Paradol,  Elisabeth  et  Henri  IV,  d'après  le  journal  de  Hurault 
de  Miisse.  Voy.  aussi  Lettres  miss.,  IX,  4. 

G.  La  Boderie  à  Villeroy,  23  sept.  1606.  Le  même  à  Puisieux,  22  oct.  160C. 
Puisieux  à  La  Boderie,  3  nov.  1606.  Ambassades  de  La  Boderie  en  Angle- 
terre, 5  vol.  in-12  (1750),  aux  dates  indiquées. 

20 


306  PIRATERIE. 

de  Londres  fut  poursuivi  '.  Le  8  février  de  lannée  suivante, 
parut  une  proclamation  défendant  aux  capitaines  conces- 
sionnaires de  lettres  de  marque  contre  l'Espagne,  de  porter 
préjudice  aux  vaisseaux  de  France,  d'Ecosse  et  des  autres 
nations  neutres.  Le  3  janvier  précédent,  une  commission 
avait  été  noinnu'c  pour  exaininci-  nos  réclamations'".  De 
son  côté,  Henri  en  institua  une,  le  lî)  juillet,  pour  connaître 
des  actes  de  piraterie  subis  par  les  sujets  de  la  reine  et 
informer  de  ceux  dont  nos  compatriotes  pourraient  soufl'rir. 
Ses  jugements  devaient  être  sans  appeP. 

Une  troisième  fut  constituée  h  la  fin  de  dOOl,  pour  régler 
la  réparation  des  dommages  causés  par  la  piraterie  et 
établir  entre  les  deux  Etats  la  liberté  du  commerce  et  de  la 
navigation.  Elle  siégea  sans  préjudice  des  deux  premières. 
Elle  s'en  distinguait  par  son  caractère  et  par  sa  mission. 
D'une  part,  en  ciTet,  elle  était  internationale*  et  semblait 
devoir  aboutir,  grâce  à  des  débals  contradictoires  entre  les 
représentants  des  deux  pays,  à  une  transaction  définitive  sur 
les  griefs  respectifs.  De  l'autre,  elle  ne  devait  s'occuper  du 
passé  que  pour  le  liquider,  non  pour  en  instruire,  tâche  dévo- 
lue aux  premières,  et  elle  était  surtout  appelée  à  déterminer 
les  rapports  futurs  de  la  France  et  de  l'Angleterre.  L'accord 
se  fit  conditionnellement  dans  son  sein  sur  les  points  suivants: 

Les  deux  souverains  garantissent  respectivement  à  leurs 
sujets  la  liberté  du  commerce. 

L'armateur,  le  capitaine  ou  l'écrivain  fournira  à  l'ami- 
rauté deux  cautions  qui  pourront  être  poursuivies  lorsque 
le  bâtiment  aura  été  employé  à  la  piraterie. 

1.  Calendars  of  stale  paper.t,  p.  45. 

2.  Rijmers  F<rdera,  éd.  orij^.  xvi,  3Gi,  368.  Neville  à  Cecill,  15  mai  109!). 

3.  TsAMDEKT,  XV,  2"2i.  Wlnwood's  memorials,  125,  128,  141. 

4.  Elle  était  composée,  pour  l'AnglclfiTC,  du  comte  do  Nottingham,  de 
lUdjert  Cecill,  de  Jnhn  I-'ortosrue,  de  John  Pophaui.  de  .lohu  Ilerliert,  de 
Thomas  Parry,  de  Daniel  Duu,  de  Thomas  Edmonds  et,  pour  la  France, 
de  Jean  de  Thumery,  sire  de  Boissise  et  de  Christophe  de  Harhiy,  comte 
de  Heaumont. 


PIRATERIE.  307 

Des  lettres  de  représailles  pourront  être  accordées 
lorsqu'il  n'aura  pas  été  fait  droit  dans  les  trois  mois  à  la 
réclamation  du  souverain  ou  de  l'ambassadeur. 

Les  vaisseaux  d'un  Etat  ne  pourront  pas  saisir  et  arrêter 
les  vaisseaux  de  l'autre,  lorsque  ceux-ci  ont  arboré  leur 
pavillon,  mais  le  transport  d'armes  dans  un  pays  en  guerre 
avec  l'une  des  puissances  contractantes  est  défendu,  comme 
il  est  défendu  en  général  d'abuser  de  la  liberté  du  commerce 
au  détriment  de  l'une  de  ces  puissances. 

Défense  de  saisir  dans  les  ports  de  l'une  d'elles  les 
vaisseaux  de  l'autre  ou  leur  cargaison  et  de  forcer  l'équipage 
à  la  vendre,  sinon  à  un  prix  équitable.  Toutefois,  chacune 
pourra,  en  cas  de  nécessité  et  moyennant  une  juste 
indemnité,  s'approprier  les  navires  de  l'autre,  ainsi  que  leur 
cargaison'. 

Les  sujets  de  l'une  des  puissances  contractantes,  qui 
tueront  ou  vendront  comme  esclaves  les  sujets  de  l'autre, 
seront  passibles  des  peines  les  plus  rigoureuses. 

Les  lettres  de  marque  concédées  seront  révoquées.  Les 
impétrants  se  pourvoiront  devant  les  commissaires  nommés 
par  les  deux  parties  contractantes.  S'ils  n'obtiennent  pas 
justice  dans  les  trois  mois,  ils  pourront  s'en  faire  délivrer 
de  nouvelles.  Elles  ne  seront  expédiées  à  l'avenir  que  sous 
le  grand  sceau. 

Les  bâtiments  mis  en  mer  par  l'ordre  du  souverain,  ceux 
qui  ont  été  appliqués  à  son  service  et  immatriculés  sont 
considérés  comme  bâtiments  de  l'Etat,  qui  est  responsable 
des  dommages  causés  par  eux. 

La  vente  et  le  recel  des  prises  seront  défendus,  à  moins 
d'avoir  lieu  en  vertu  d'une  sentence  de  l'amirauté.  Il  sera 


I.  Cet  article  défend  seulement  l'abus  d'une  pratique  consacrée  par  le 
droit  international  et  dont  il  est  question  dans  le  Guidon  de  la  mer  sous 
le  nom  d'arrêt  de  prince.  Pardessus,  Recueil  des  lois  marilimes,  II,  407.  Ou 
en  trouvera  p'.us  loin  un  exemple. 


303  PIRATERIE. 

également  défendu  de  donner  asile  et  assistance  aux  pirates  ; 
on  devra,  au  contraire,  les  arrêter  et  les  faire  passer  en  justice*. 

Ce  projet  de  traité,  rédigé  en  latin,  est  intitulé  : 
Projjositiones  iiltimo  loco  iiitcr  dominos  comynissarios  hhic 
vide  agitatœ.  Nous  n'avons  donc  affaire  ici  qu'à  un  projet 
en  discussion.  Kn  olTct,  laccord  des  commissaires  des 
deux  nations  était  ^iiliordoniu''  à  racccptation  d'autres  points 
sur  lesquels,  après  une  discussion  de  plusieurs  mois,  l'en- 
tente ne  s'était  pas  encore  faite".  Les  commissaires  con- 
vinrent de  suspendre  les  conférences  pour  attendre  des  ins- 
tructions et,  en  1()02,  ils  dressèrent  acte  de  cette  résolution. 

Cette  négociation  fut  stérile  et,  si  nous  avons  cru  devoir 
faire  connaître  les  clauses  arrêtées  provisoirement  entre 
les  négociateurs,  c'est  qu'elles  donnent  l'idée  du  droit 
maritime  de  cette  époque  et  des  adoucissements,  des  progrès 
par  lesquels  il  tendait,  trop  lentement,  à  se  rapprocher  du 
droit  naturel.  L'un  des  deux  commissaires  français,  M.  de 
Boissise,  reçut  Tordre  (1602)  de  quitter  sans  éclat  la 
conférence  pour  revenir  en  France  ^  Elisabeth,  qui  n'avait 
renoncé  qu'avec  peine  au  droit  de  visite  \  élevait  de  nouveau 
la  prétention  de  l'exercer  pour  empêcher  le  transport  des 
armes.  Elle  prétendait,  en  outre,  s'approprier  les  vaisseaux 
et  les  marchandises  qui  étaient  dans  les  ports  anglais  en 
payant  leur  valeur,  droit  qui  est  reconnu  par  le  projet  de 
traité,  mais  contre  lequel  Henri  IV  protestait  dans  une  lettre 
aux  commissaires  français". 

Comme  on  le  pense  bien,  Henri  IV  ne  se  bornait  pas  à 
réclamer   justice    pour    ses   sujets;    quand   il   n'avait  pu 


1.    Winwood's  Mcjnorlal.s,  1,  392-394. 

2 ia  quibus  ^difficultatibus]  eo  usque  processum  est  ut  de  qiiibus- 

dam  inter  nos  convenciit,  duiuinodo  de  reliquis  qiioque  conveniret,  ((uod 
hactenus  nullo  modo  fieri  potuit.  »  Ibii/.,  p.  39 i. 

3.  Lettres  misa.,  V,  752. 

4.  Th.  Biitcii,  Op.  laud. 

b.  G  mars  \W1.  Lettres  miss.,  V,  753. 


PIRATERIE.  309 

triompher  de  la  force  d'inertie,  de  la  mauvaise  volonté  des 
gouvernements  étrangers,  il  usait  des  armes  que  le  droit 
des  gens  alors  en  vigueur  mettait  à  sa  disposition.  Au  mois 
de  juin  1601,  il  rckinit  un  conseil  extraordinaire  pour 
délibérer  sur  les  moyens  de  tirer  raison  des  préjudices 
causés  à  notre  commerce  maritime  par  les  Espagnols,  les 
Flamands  et  les  Anglaise  En  '1()02,  il  autorise  les  habitants 
de  Marseille  à  saisir  les  marchandises  et  les  navires  des 
Anglais  qui  se  trouvent  en  Provence".  Un  arrêt  du  conseil 
du  13  juillet  1G04,  accorde  à  un  marchand  rouennais  des 
lettres  de  représailles  contre  les  sujets  de  rarchiduc\  Le 
roi  d'Espagne  ayant  autorisé  comme  un  droit  l'abus  par 
lequel  ses  vaisseaux,  traitaient  comme  de  bonne  prise  tous 
les  bâtiments  français  porteurs  de  marchandises  des  Indes 
occidentales  qui  n'avaient  pas  été  achetées  en  Espagne  ou 
en  Portugal,  Henri  IV  fit  réunir  à  Rouen  en  1G07,  sous  la 
présidence  de  l'amiral  de  France,  une  assemblée  solennelle, 
composée  des  officiers  des  vingt-sept  sièges  d'amirauté  de 
Normandie  et  des  principaux  capitaines  du  temps.  Cette 
assemblée  déclara  que  nous  agirions  de  même,  en  vertu  du 
droit  reconnu  par  tous  les  traités,  à  l'égard  des  bâtiments 
espagnols  trouvés  au  sud  du  tropique  du  Cancer  et  à  l'ouest 
du  méridien  des  Açores.  Le  lieutenant  général  de  l'amirauté 
de  Rouen  procéda  en  même  temps  au  recensement  des 
navires  étrangers  amarrés  dans  les  ports  de  Rouen,  de 
Honfleur,  du  Havre  et  de  Dieppe,  en  vue  d'en  faire  l'arrêt 
et  de  les  armer  en  course.  Ces  menaces  de  représailles 
firent  respecter  notre  marine  marchande,  au  moins  pendant 
un  temps,  par  la  marine  espagnole*. 


1.  Groulart,  Voyages  en  cour,  580-587. 

2.  Lettres  miss.,  V,  G29. 

3.  Collection  des  arrêts  du  conseil  aux  Arch.  nat. 

4.  Th.  Le  Fèvre,  Op.  laiid.,  99-100,  18"2.  Remontrance  présentée  au  roi 
et  à  son  conseil  en  1014  par  les  capitaines  de  la  marine  de  France  dans 
Levot,  Hist.  de  Brest,  I,  93. 


310  PIRATERIE. 

Le  roi  ne  recouiail  à  la  course  qu'à  la  dernière  extré- 
mité. Les  Hollandais  ayant  pris  un  navire  de  Calais,  le 
Saint-Gcorf/rs,  réchevinage  et  les  marchands  de  cette  ville 
obtinrent  du  conseil  des  lettres  do  nuu(|iie.  Avant  de  les 
faire  expédier  aux  impétrants,  Henri  ordonna  à  son  ambas- 
sadeur, Buzanval,  d'insister  de  nouveau  auprès  des  Etats- 
Généraux  pour  obtenir  restitution  du  navire  et  de  sa  car- 
gaison'. Le  24  septembre  de  la  môme  année  (IGOO),  il 
écrivait  à  Acrssens,  résident  des  Provinces-Unies,  pour 
provoquer  son  intervention  en  faveur  de  ses  sujets  lésés 
par  les  Hollandais  et  être  dispensé  ainsi  de  l'obligation 
d'accorder  aux  victimes  des  lettres  de  représailles  ^ 

Il  se  servit  aussi  dun  autre  moyen  :  ce  fut  de  frapper 
les  bâtiments  ou  les  marchandises  de  la  nation  à  laquelle 
appartenaient  les  coupables  dun  droit  de  tonnage  ou  d'entrée 
dont  le  produit  était  destiné  à  indemniser  les  victimes  '\ 

La  mort  d'Elisabeth,  l'avènement  de  Jacques  I"  (1603), 
permettaient  de  reprendre  avec  plus  de  chance  de  succès 
les  négociations  interrompues  en  lb02.  Le  nouveau  roi, 
pédant  couronné,  moins  impérieusement  dominé  par 
l'ambition  de  la  suprématie  maritime,  était  animé  de  dispo- 
sitions pacifiques.  Dans  une  lettre  à  M.  de  Brèves  du 
22  juin  1603,  Henri  IV  exprimait  l'espoir  que  l'avènement 
du  premier  des  Stuarts  mettrait  un  terme  aux  pirateries 
des  Anglais.  11  n'en  donnait  pas  moins  aux  négociants 
marseillais  et  bretons  l'ordre  d'armer  des  vaisseaux  en 
course  *.  Ce  sujet  n'était  pas  oublié  dans  les  instructions 
de  Sully,  envoyé  en  ambassade  pour  féliciter  le  successeur 
d'Elisabeth.  Les  pertes  que  ces  pirateries  avaient  causées  au 
commerce  français  y  étaient   évaluées  à  plus  d'un  million 

1.  licuii  IV  à  M.  de  Buzanval,  17  juillet  ICOC.  Lettres  mias.,  Vl,  (..3i-G3ô. 
'2.  Lellns  miss.,  Vli,  3. 

3.  Tu.  Lii  Févue,  Op.  taud.,  101.  Lettre  de  Henri  IV  du  30  juin  15'J3 
Lellres  miss.,  IlI,  813. 

4.  Lettres  misi.,  W,  G"l. 


TRAITÉ   DU   24  FEVRIEU   1006.  311 

d'écus  d'or  (9499531  fr.  Gl)  '.  Jacques  I"  n'essaya  pas 
de  nier  les  faits  et  il  en  rendit  responsable  le  grand  amiral  : 
('  Lorsque  je  lui  parlai  de  piraterie,  écrit  Sully,  il  se  fâcha 
contre  l'amiral  et  ceux  de  son  conseil  qui  voulaient 
soutenir  ce  qui  s'y  fait  "  ». 

Le  traité  du  24  février  1600  fut  le  fruit  de  ces  sentiments 
plus  conciliants.  Parmi  ses  clauses,  nous  n'avons  à  signaler 
ici  que  celles  qui  avaient  pour  but  de  donner  plus  de  sécu- 
rité au  commerce  maritime  de  la  France. 

L'exécution  des  lettres  de  marque  entre  Français  et 
Anglais  était  suspendue  jusqu'à  leur  examen  par  le  conseil 
des  deux  souverains  ;  il  ne  pouvait  en  être  délivré  à 
l'avenir  que  sous  le  grand  sceau  et  après  avis  donné  à 
l'ambassadeur  de  l'État  responsable.  L'article  7  créait  en 
principe  des  commissions  internationales  et  spéciales, 
composées  de  quatre  commerçants,  deux  Français  et  deux 
Anglais,  qui,  sous  le  titre  de  conservateurs  du  commerce, 
devaient  être  désignés  tous  les  ans  à  Rouen,  à  Caen,  à 
Bordeaux,  à  Londres  et  dans  d'autres  villes  anglaises  pour 
faire  droit  aux  plaintes  de  leurs  confrères  ^  Chose  singu- 
lière, celles  auxquelles  la  piraterie  donnait  lieu  n'étaient 
pas  portées  devant  ces  commissions;  c'était  à  l'amirauté 
que  nos  négociants  étaient,  comme  par  le  passé,  obligés 
de  demander  justice.  Notre  ambassadeur  en  Angleterre, 
Lefèvre  de  La  Boderie,  regrettait  cette  omission  et  espéra 
pendant  un  temps  faire  déférer  ces  recours  aux  commis- 
sions internationales  *,  mais  il  dut  bientôt  renoncer  à  cet 


1.  Économies  roy.^  V.  392-394. 

2.  Sully  au  roi,'  6  juillet  1603.  Ibid.,  VI,  123. 

3.  IsAMBEivr,  XV,  291-301. 

4.  «  Vrai  est  que  l'on  a  omis  dans  ledit  traité  l'attribution  de  connais- 
sance aux  conservateurs  du  commerce  des  pirateries  qui  se  feront  par 
l'une  ou  par  l'autre  nation,  cjui  étoit  ce  dont  nous  pouvions  l'etirer  davan- 
tage, parce  que  cela  nous  eût  délivrés  des  injustices  de  cette  amirauté  et 
de  la  rigueur  des  lois  d'icelle,  qui  est  très  grande.  Je  dois  un  de  ces  jours 
conférer  avec  eux  sur  ce  cpe  je  leur  eu  ai  proposé,  et,  avec  cette  occasion, 


312  TRAITÉ  DU  24  FÉVRIER  1606. 

espoir  et  s'estimer  heureux  d'obtenir  que  le  grand  amiral 
n'exerçât  son  droit  de  confiscation  sur  les  biens  des  cou- 
pables quaprès  réparation  du  tort  fait  aux  victimes. 

Le  gouvernement  anglais  mit  du  reste  un  grand  empres- 
sement à  donner  au  traité  toute  la  validité  dont  il  pouvait 
avoir  besoin  et  manifesta  une  grande  impatience  à  voir  le 
gouvernement  français  en  faire  autant.  Bien  que  celui-ci  y 
fût  plus  intéressé  encore,  il  ne  paraît  pas  s'être  montré 
très  soucieux  défaire  jouir  ses  nationaux  de  ses  stipulations. 
En  1G08,  deux  ans  après  son  adoption,  les  conservateurs 
du  commerce  n'avaient  pas  encore  été  nommés  ^ 

Ce  traité  n'améliora,  du  reste,  en  aucune  façon  la 
situation  de  nos  commerçants  en  Angleterre  et,  peu  de 
temps  après  sa  ratification  '\  l'ambassadeur  de  France  était 
encore  obligé  de  demander  justice  pour  nos  compatriotes  ^ 
Notre  marine  marchande  ne  fut  pas  mieux  respectée  par 
les  corsaires  anglais  que  dans  le  passé  \  Aucun  scrupule, 
aucun  intérêt  politique  nétaient  capables  d'arrêter  l'élan 
d'une  nation  qui  aspirait  à  s'approprier  exclusivement 
la  souveraineté  et  la  police  de  lOcéan,  —  7)iare  claiesiim, 
comme  écrira  en  1625  le  théoricien  de  ses  prétentions, 
Jean  Selden  —  qui  intéressait  à  cette  entreprise  toutes  les 
classes  de  la  société  et  qui  y  mettait  une  ardeur  où  entrait 
autant  de  patriotisme  que  de  calcul. 

je  verrai  si  je  pourrai  gagner  que  toutes  les  poursuites  des  marchands, 
volés  en  mer,  soient  renvoyées  par-devant  lesdits  conservateurs,  au  moins 
pour  ce  qui  sera  du  civil.  C'est  chose,  ce  nie  semble,  qui  est  très  juste,  et 
qu'ils  ne  peuvent  honni'tement  refuser,  mais  qui  en  eût  touché  quelque 
mot  dans  le  traité,  c'eût  été  nous  ôter  beaucoup  de  peine.  »  La  Boderie  à 
Villeroj',  29  septembre  IGOC,  I,  à.  la  date. 

1.  «  Ils  me  pressent  de  nommer  ici  des  conservateurs  de  commerce  ne 
plus  ne  moins  qu'ils  en  veulent,  etc.  »  La  Boderie  à  Villeroy.  Uhi supra. 

2.  Il  avait  reçu  en  Angleterre,  antérieurement  au  29  septembre  IGCG, 
toute  la  validité  possible.  Lettre  de  La  Boderie  à  Villeroy  à  cette  date.  En 
France,  il  avait  obtenu  la  ratification  royale  le  20  mai  de  la  même  année. 

.3.  Lettre  de  La  Boderie  à  Puisieux,  21  novembre  1006. 
4.  11  suffirait  pour  s'en  convaincre  de  voir  les  nouvelles  réclamation^  adres- 
sées par  Henri  IV  en  1607  au  gouvernement  anglais.  Lcllres  7nùs.,\\l,  446. 


COMMERCE   DE   TRANSPORT   AU   LEVANT.  313 

Le  lecteur  qui  a  eu  la  patience  de  nous  suivre  jusqu'ici, 
aura  été  frappé  du  caractère  négatif  de  ce  que  nous  lui 
avons  appris  du  commerce  de  transport  maritime  de  la 
France.  Nous  avons  dit  qu'elle  ne  prenait  rang,  sous  ce 
rapport,  qu'après  la  Hollande,  l'Angleterre  et  l'Espagne; 
nous  avons  indiqué  les  causes  de  cette  infériorité,  les 
efforts  de  Henri  IV  pous  y  remédier.  On  sait  ce  qui 
manquait  à  notre  marine  marchande  pour  rivaliser  avec 
celles  que  nous  venons  d'énumérer,  on  sait  ce  qu'elle  n'était 
pas  ;  il  nous  reste  maintenant  à  dire  ce  qu  elle  était,  et 
pourquoi  elle  méritait  d'avoir  une  place  dans  un  travail  sur 
le  commerce  extérieur  de  notre  pays. 

La  France  avait  été  longtemps  l'intermédiaire  obligé,  elle 
était  restée  l'intermédiaire  le  plus  habituel  des  relations 
commerciales  de  l'Occident  et  du  Levant.  Ces  relations  ne 
s'étaient  d'abord  établies  et  maintenues  que  sous  sa  pro- 
tection et  sous  son  nom.  Elle  était,  après  les  républiques 
italiennes,  le  premier  pays  chrétien  qui  fût  entré  en 
rapport  avec  le  monde  musulman  autrement  que  pour  le 
combattre.  Ce  rapprochement,  on  le  sait,  avait  été  amené 
parla  nécessité  où  s'était  trouvé  François  I"  de  se  chercher 
partout  des  alliés  contre  Charles-Quint.  Il  avait  valu  à  ses 
sujets  le  privilège  du  commerce  dans  les  Etats  du  sultan, 
privilège  qu'ils  ne  partageaient  qu'avec  les  Vénitiens,  avec 
cette  différence  que  ceux-ci  étaient  traités  en  tributaires. 
Ce  privilège  datait  du  traité  signé  entre  François  I"  et 
Soliman  au  mois  de  février  1330  (n.s.)  \  Les  capitula- 
tions de  lo36,  qui  furent  la  base  de  toutes  les  capitulations 
postérieures,  ne  plaçaient  pas,  il  est  vrai,  expressément 
les  autres  nations  européennes  sous  la  dépendance  de  la 
nôtre,  mais,  comme  le  droit  de  faire  le  commerce  dans 
l'empire  ottoman  et  d'y  avoir  des  consuls,  lui  était  exclusi- 

1.  Voy.  CiiAr.RiÈRE,  Néfjociations  entre  la  France  et  le  Levant,  I,  C83. 


314  COMMERCE    DE  TRANSPORT  AU   LEVANT. 

vement  réservé,  les  autres  puissances  ne  purent  y  partici- 
per (|u'en  prenant  le  pavillon  français,  en  naviguant  sous  nos 
auspices. 

Les  Anglais  ne  tardèrent  pas  ù  salïrancliir  de  cette 
tutelle.  En  1579,  un  marchand  de  cette  nation,  William 
Ilarborn,  envoyé  en  Turquie  par  1^'lisabclli,  obtint 
d  Aniuralli  lll,  pour  sesconi[)atriotes,  la  liberté  de  négocier 
directement  avec  la  Turquie'.  En  4o81,  la  reine  créa 
la  Compagnie  privilégiée  du  Levant  en  faveur  des  quatre 
marchands  qui  avaient  noué  les  premières  relations 
commerciales  avec  la  Turquie,  et  des  huit  associés  qui 
devaient  se  joindre  à  eux.  Elle  accordait  à  la  société  un 
monopole  de  sept  ans,  mais  avec  faculté  de  le  lui  retirer 
en  la  prévenant  un  an  d'avance  ^  Ilarborn  reçut  pouvoir 
d'établir  des  consuls  dans  les  ports  et  de  faire  des  règle- 
ments pour  le  commerce  britannique  dans  les  Etats  du 
sultan.  Malgré  l'opposition  de  la  France  et  de  Venise,  il  y 
créa  des  comptoirs  -K  En  IGOO,  la  Compagnie  du  Levant 
possédait  quatorze  navires  dont  le  tonnage  s'élevait  à 
2790  tonneaux  et  les  équipages  à  603  hommes.  Cela  ne 
suffisait  pas  aux  besoins  de  son  commerce  ;  elle  en  fréta 
cette  année  treize  déplus  pour  ses  relations  avec  la  Turquie 
et   la  Sérénissime    république  *.    Non    contente    d'avoir 


1.  Macpherson,  Annals  of  commrrce,  4  vol.  in-4,  1805,  II,  1G5. 

2.  lôid.,  1C8-1G9. 

3.  Uni/.,  170,  171.  C'est  donc  à  tort  que  M.  Th.  Lavallée,  clans  un  travail 
sur  les  relations  de  la  France  et  de  la  Porte  ottomane  (Revue  indépendante, 
tomes  X  et  XI),  affirme  que  l'Angleterre  obtint  la  liberté  de  naviguer  et  de 
commercer  sous  son  propre  pavillon  deux  ans  apn-s  le  renouvellement  de 
la  capitulation  avec  la  France,  c'est-à-dire  en  lô8G.  Si  les  faits  que  nous 
avons  signalés  ne  prouvaient  surabondamment  que  les  Anglais  conquirent 
leur  indcpeudance  à  cet  égard  avant  l'époque  indiiiuée  par  .M.  Lavallée,  on 
pourrait  citer  ce  passage  des  instructions  remises  le  23  septembre  1585  à 
Jacques  de  Lancosnie,  s""  de  Brèves,  ambassadeur  à  Constanlinople  : 
«  ...  depuis  peu  de  temps  que  S.  M.  a  entendu  avoir  esté  mise  sus  une  ban- 
nière anglaise  à  la  poursuite  de  la  royne  d'Angleterre.  »  Ciiaiiuièue,  IV, 
427,  n"  1 . 

4.  Calendars  of  slate  papeis,  I,  51G. 


COMMERCE   DE   THANSPORT  AU   LEVANT.  315 

conquis  le  droit  d'arborer  son  pavillon  sur  les  mers  du 
Levant,  l'Angleterre  cherchait  à  y  supplanter  la  France  dans 
son  protectorat  sur  les  marines  européennes,  et  à  y  ruiner 
par  la  piraterie  le  commerce  français'. 

Le  roi,  en  même  temps  qu'il  négociait  le  renouvellement 
des  capitulations-,  s'efTorça,  sans  grand  espoir  et  sans  suc- 
cès, de  faire  replacer  les  iVnglais  sous  sa  bannière'.  A  sa 
mort,  l'Angleterre  conservait  la  grande  situation  commer- 
ciale qu'elle  s'était  rapidement  acquise  en  Orient,  Tributaire, 
avant  lo79,  des  armateurs  marseillais,  dont  les  bâtiments 
lui  apportaient  les  denrées  duLevant  et  de  l'Extrême-Orient 
(Alep  était  le  principal  entrepôt  de  ces  dernières)  \  elle 
avait,  en  IGIO,  des  relations  directes,  politiques  et  commer- 
ciales, avec  les  Etats  du  Grand  Seigneur,  un  ambassadeur 
à  la  Porte  et  des  consuls  dans  les  Échelles  ^ 

En  revanche,  la  France  avait  maintenu  sa  prééminence 
sur  les  autres  puissances  ^  Les  efTorts  du  Roi  Catholique 
pour  accréditer  un  ambassadeur  à  Constantinople  avaient 
échoué  ',  les  atteintes^  portées  au  privilège  de  pavillon  de 
notre    pays   avaient   été   réparées,  et  notre  ambassadeur, 


1.  Henri  IV  à  Boissise,  ISdéc.  159!',  28  sept.  ICOO.  KEr.MAiNGANT,  0/).  laiid., 
II.  Salignac  au  roi,  7  août  1G09.  Gontaut  Biron,  Am'iossade  de  Turquie. 
Sur  la  lutte  de  Salignac  contre  l'ambassadeur  d'Angleterre  à  Constanti- 
nople, voy.  passim  la  correspondance  publiée  par  M.  de  Gontaut  Biron, 
Cet  ambassadeur,  uouîmé  Th.  Glauwer,  fut  un  de  ces  agents  qui,  suivant 
la  tradition  britannique  qu'il  est  curieux  de  trouver  déjà  en  vigueur, 
entreprennent  et  usurpent  le  plus  possible  de  leur  propre  initiative,  avec 
la  perspective  d'être  approuvés  ou  désavoués  selon  le  succès, 

2.  Leitvesmiss.,  IV,  ryl,  889,  890;  V,  30:i. 

3.  Ihid.,  IV,  323,  7G1,  9G2,  V,  247, 

4.  «  ...  La  plupart  du  négoce  de  France  est  vers  Alep...  »  Salignac  au 
roi,  12  août  IGUC.  Gontaut  BnioN,  Ambassade  en  Turquie  {l8Sd),  p.  71. 

Ô.   MO.NTCIIRESTIEX,  134-135. 

G.  Notes  sur  quelques  articles  du  traité  de  IC04,  par  Savaryde  Brèves  et 
art.  IV,  V,  VI  du  même  traité, 

7.  Discours  fuit  par  le  s''  de  Brèves  du  procédé  qui  fut  tenu  lorsqu'il  remit 
entre  les  mains  du  roy  la  personne  du  duc  d'Anjou. 

8.  En  1G0"J,  la  protection  des  Hollandais  et  des  Irlandais  lui  avait  été 
enlevée.  Lettres  miss.,  V,  547-548.  Les  Anglais  avaient  fait  mettre  sous  leur 
pavillon  le  commerce  flamand. 


31G  CAriTLLATION  DU  20  MAI    ICOi. 

Savary  ilo  lîrèves,  avait  fait  modifier,  dans  un  sens  favo- 
rable, les  anciennes  capitulations.  Celle  du  20  mai  1()04, 
entre  Henri  IV  et  le  sultan  Achmet,  soumet  toutes  les 
nations  qui  commercent  par  mer  avec  l'empire  ottoman,  à 
lexception  des  Vénitiens  et  des  Anglais,  à  l'obligation  de 
naviguer  sous  la  bannière  du  Roi  Très  Chrétien.  Ses  sujets 
obtiennent  le  droit  d'exporter  les  marchandises  dont  la 
sortie  est  prohibée  :  cuirs,  cordouans,  cires,  cotons  en 
laine  et  en  fil,  blés  (art.  7  et  12).  Le  traité  applique  en 
leur  faveur  le  principe  que  le  pavillon  couvre  la  marchan- 
dise, et  déroge  à  celui  que  le  pavillon  confisque  la  marchan- 
dise. En  d'autres  termes,  les  vaisseaux  français  portant  de 
la  marchandise  ennemie  ne  seront  pas  capturés,  pas  plus  que 
les  Français  et  les  marchandises  françaises  naviguant  sous 
pavillon  ennemi  (art.  9  et  10).  L'article  14  est  dirigé  contre 
les  pirateries  des  Barbaresques.  L'article  15  accorde  à  nos 
nationaux  le  droit  de  pêcher  le  corail  et  le  poisson  dans  lé 
golfe  de  Stora  Courcouri,  dépeuplant  d'Alger  et  sur  toute 
la  côte  mauritanique.  Leurs  contestations  entre  eux  sont 
soumises  à  la  juridiction  de  leur  ambassadeur  et  de  leurs 
consuls  (art.  18).  Nos  compatriotes  poursuivis  en  justice 
par  des  indigènes  doivent  être  assistés  d'un  interprète 
(art.  34).  Leur  succession  sera  délivrée  à  leur  exécuteur 
testamentaire  et,  s'ils  sont  morts  intestats,  aux  ambassa- 
deurs et  consuls,  pour  les  faire  parvenir  à  leurs  héritiers 
(art.  28).  Les  capitulations  accordées  aux  Vénitiens  leur 
sont  applicables  (art  38) \ 

Bien  que  la  France  ne  possédât  plus,  à  l'époque  de 
Henri  IV,  le  monopole  absolu  du  commerce  avec  les  Etals 
du  Grand  Seigneur,  bien  que  la  découverte  du  passage  du 

1.  Dlmont,  Corps  diplomatique,  V,  part.  II,  -30-42.  Cf.  pour  les  avantages 
nouveaux  attribués  à  la  France  par  cette  ca[iituIation,  les  observations  (|ue 
lui  a  consacrées  Savary  de  Brèves  ilans  son  Discours  sur  l'ulliance  qiia  le 
roy  avi'c  ht  Grand  Seif/neur  et  de  l'utilité  qu'elle  apporte  à  la  Chresticnté, 
p.  2,  et  le  traité  de  lô:3G. 


COMMERCE  DE   MARSEILLE.  317 

Cap  de  Bonne-Espérance  eût  enlevé  à  notre  marine 
marchande  une  partie  du  transport  des  marchandises  de 
l'Extrême-Orient,  le  port  de  Marseille  n'en  était  pas  moins 
rentrep(3t  le  plus  important  des  produits  levantins  et 
orientaux.  Il  n'occupa  pas  toutefois  ce  rang  pendant  tout 
le  règne  de  ce  prince.  La  guerre  civile  et  la  peste  (io80) 
l'en  avaient  fait  déchoir.  En  1399,  le  commerce  marseillais 
était  presque  entièrement  ruiné.  Ce  fut  pour  le  ranimer 
que  le  consul  Honoré  de  Montolieu  proposa  à  la  munici- 
palité, le  o  août  de  cette  année,  la  création  d'une  commis- 
sion qui  devint  plus  tard  le  bureau  et  enfin  la  chambre 
de  commerce.  Les  commerçants  obtenaient  par  là  des 
représentants  pris  dans  leur  sein,  éclairés  et  capables  de 
faire  prévaloir  leurs  intérêts  \  Si  l'on  compare  cette  déca- 
dence à  la  prospérité  décrite  peu  de  temps  après  la  mort 
de  Henri  IV  par  la  relation  vénitienne  de  Gussoni  et  de 
Nani,  on  voit  que  cette  ville  s'était  entièrement  relevée  et 
qu'elle  était  devenue  la  reine  de  la  Méditerranée.  Exposer 
son  activité  commerciale,  c'est  faire  connaître  le  mouvement 
presque  entier  du  trafic  avec  le  Levant,  et  en  même  temps 
presque  tout  le  commerce  de  transport  que  la  prépondé- 
rance des  marines  marchandes  de  la  Hollande,  de  l'Angle- 
terre et  de  l'Espagne  avait  laissé  à  notre  pays. 

Le  port  de  Marseille,  abrité  de  tous  les  vents,  assez 
vaste  pour  recevoir  à  la  fois  toutes  les  flottes  européennes, 
contenait  plus  de  300  vaisseaux.  Son  trafic  avec  le  Levant 
en  occupait  plus  de  soixante-dix.  Ses  bâtiments  y  transpor- 
taient des  réaux  espagnols,  du  corail,  des  soieries  et  des 
draps.  Le  numéraire,  qui  était  l'un  de  ses  principaux 
articles  d'exportation,  s'élevait,  d'après  les  ambassadeurs 


1.  Précis  de  riiistoire  de  la  chambre  de  commerce  de  Marseille,  p.  1  en 
tête  de  VInventaire  des  arcliives  historiques  de  cette  chambre  par  0.  Tessiek. 
Marseille,    1878,   in-i.    Masson,    Hist.    d.u   commerce  de   Levant.   Introd., 

p.  XXVIII-XXIX. 


318  COMMERCE   DE   MARSEILLE. 

véniliens,  ù  2  millions  et  demi  d'écus  d'or  (25282887  fr.  81). 
Montchrétien,  qui  écrivait  peu  de  temps  après,  l'estime  à 
])his  de  sept  millions  d'écus  (70791805  fr.  87),  dont  un 
fiers  en  monnaie  frain-aise,  et  les  deux  tiers  en  espèces 
espagnoles,  et  son  estimation  concorde  exactement  avec  celle 
d'un  Advisaii  roi\  qui  appartient  presque  à  la  môme  époque*. 
Ce  numéraire  ne  payait  pas  de  fret,  mais  le  patron  du  navire 
avait  commission  de  l'employer  en  .ichat  de  soies  grégcs 
ou  de  drogues  et,  à  son  retour,  il  touchiiit  o  p.  100  pour 
le  fret  et  la  commission.  Oiilre  les  drogueries  et  les  soies, 
les  bâtiments  marseillais  rapportaient  du  Levant  de  la 
noix  de  galle,  des  épiceries  de  tout  genre,  des  colons, 
des  toisons  de  moutons,  etc.  Ce  trafic  était  pour  la  plus 
grande  partie  un  trafic  de  commission  et  de  transport.  Ces 
commissions  venaient  dEspagne,  d'Italie,  d'Amsterdam, 
de  Hambourg,  de  tous  les  pays  de  l'Occident.  Il  se  faisait 
aussi  à  Marseille  des  prêts  à  la  grosse  aventure,  à  18  et 
1!)  p.  100,  remboursables,  capital  et  intérêt,  deux  mois 
après  le  retour-.  Veut-on  connaître  le  cbemin  que  prenaient 
ces  denrées,  une  fois  arrivées  à  Marseille?  Une  grande  quan- 
tité des  cotons  en  laine  et  en  fil,  des  drogueries,  de  la  soie 
était  expédiée  à  Yincenzo  Malvasio,  grand  marcliand  en 
gros  de  produits  levantins,  établi  à  Finale  près  de  Savone, 
qui  les  expédiait  à  son  tour  à  Milan,  à  Pavic,  à  Alexandrie, 
en  Piémont  et  en  Lombardic.  Elles  trouvaient  aussi  leur 
placement  à  Gênes  et  dans  son  territoire,  où  étaient  surtout 
importées  beaucoup  de  soies  legis,  ardassincs  et  burafincs'. 
De  Gènes,  une  partie  de  ces  marcliandises  était  amenée  en 

1.  .MoNTCiiHEPTiEN,  p.  127.  Advis  uu  voi  de  ICI'»,  dans  Arcli.  curieuses  de 
l'hisloire  de   France,  2*   série,   t.  I.    Cité   par  Massun,   Op.  Inud.    Inlrod., 

p.    XXXIII. 

2.  Si  d.inno  oitra  di  cio  dnnari  a  risego  di  nave  alli  marinari  c  ad  altri 
cou  IH  e  \'J  per  cenio,  netti  di  ogni  spes_a,  ed  hanno  tempo  a  pngnr  il  capi- 
tale c  pro  do[)0  giiinti  a  .Mnrsiglia  due  uiesi. 

3.  Noms  de  diverses  espèces  de  soies  grèges  venant  du  Levant,  de  Perse, 
des  Indes  ou  de  la  Chine. 


COMMERCE   DE   MARSEILLE.  319 

barques  à  Livouriie,  dans  le  pays  de  Lacques,  à  Civita- 
Yeccliia,  d'où  elles  se  répandaient  dans  toute  la  Toscane 
et  à  Rome.  Il  en  entrait  aussi  en  Espagne  par  Barcelone  et 
Valence.  La  plus  grande  quantité  des  soies  grèges  de  tout 
genre,  ainsi  qu'une  partie  des  cotons  en  laine  et  en  fil, 
était  envoyée  à  Lyon.  Ces  marchandises  y  acquittaient  les 
droits  de  douane  et  se  plaçaient  en  France,  à  Anvers,  dans 
la  haute  et  la  basse  Allemagne.  De  Marseille  à  Lyon,  elles 
ne  payaient  pas  de  droit  de  douane  et  le  prix  du  trans- 
port ne  dépassait  pas  deux  ou  deux  et  demi  pour  100.  Le 
moment  oi^i  les  ambassadeurs  vénitiens  se  trouvaient  à 
Marseille  était  pour  la  ville,  comme  pour  les  affaires,  un 
moment  de  renaissance  et  de  développement.  Il  y  avait  tel 
jour  où  l'on  y  vendait  plus  de  300  balles  de  soie.  On  réparait 
les  vieilles  maisons,  on  en  construisait  de  neuves  et  depuis 
deux  ans  la  population  augmentait. 

C'était  surtout  aux  dépens  de  Venise  que  le  commerce 
de  transport  de  Marseille  prenait  de  l'accroissement.  Comme 
on  pense  bien,  ce  qui  attire  surtout  l'attention  des  ambassa- 
deurs vénitiens  sur  cet  accroissement,  c'est  le  tort  qu'il  fait 
à  leur  patrie.  Ils  se  demandent  pourquoi  les  marchandises 
du  Levant  passent  par  Marseille  plutôt  que  par  Venise.  Ils 
expliquent  cette  préférence  par  difffjrentes  causes  :  les 
vaisseaux  marseillais,  moins  grands  et  plus  légers  que  les 
vénitiens,  vont  plus  vite,  et  les  équipages,  étant  associés 
aux  bénéfices',  déploient  plus  de  zèle  et  aussi  plus  de  cou- 
rage quand  ils  sont  attaqués  par  les  pirates.  L'infériorité 


1.  Navigando  alln  parle.  La  part  du  capitaine  et  de  l'équipage 
était  généralemeut  du  tiers,  les  deux  autres  parts  étant  attribuées  au 
boiivçjeois  ou  propriétaire  du  navire  et  aux  vicluailleurs.  C'est  ce  qu'on 
appelait  la  navigation  au  tiers  par  opposition  à  la  navigation  au 
fret.  Le  premier  mode  de  répartition  était  riotamment  adopté  dans 
la  marine  uorminde  pour  les  voyages  au  long  cours  tandis  que  les  autres 
se  faisaient  au  p-et.  Guidon  delà  mer  (IGtSi,  p.  58.  Breard,  Documents 
relatifs  à  la  marine  normande  et  à  ses  armements  au  XVI^  et  XVIl^  siècles, 
1883. 


320  COMMERCE  DE   MARSEILLE. 

de  Venise  tenait  encore  aux  nombreuses  faillites  qui 
avaient  ébranlé  le  crédit  dans  la  république  et  aux  pertes 
que  les  pirateries  lui  avaient  fait  subir.  Toutefois,  aux 
veux  des  ambassadeurs,  ces  raisons  n'étaient  que  secon- 
daires. Kn  elïet,  les  Marseillais  étaient,  plus  encore  que  les 
Vénitiens,  exposés  aux  pirates,  car  ils  étaient  obligés  de 
passer  devant  Alger  et  Tunis.  Pour  se  protéger  contre  les 
Barbaresques,  ils  avaient  même  pris  à  leur  solde  Simon 
Dansa,  auijuel  ils  donnaient  7  000  écus  (70  791  fr.  80)  par 
an,  pour  escorter  leurs  bâtiments  jusqu'au  delà  de  Malte  et, 
lorsque  cet  babile  marin  avait  été  pris  par  les  corsaires  tu- 
nisiens, ils  avaient  engagé  un  autre  capitaine  aux  mêmes 
conditions.  La  vraie  raison,  c'était  l'économie  que  le  com- 
merce européen  trouvait  à  se  servir  de  la  marine  marchande 
marseillaise.  Les  Lyonnais,  dont  la  ville  était  le  principal 
débouché  ou  le  principal  entrepôt  des  marchandises  du 
Levant,  déclaraient  qu'ils  préféraient  la  voie  de  Marseille 
à  celle  de  Venise,  à  cause  des  frais  excessifs  du  transport 
sur  les  vaisseaux  vénitiens.  Les  droits  que  les  négociants 
lyonnais  auraient  eu  à  payer  dans  les  Echelles  de  Syrie, 
s'ils  s'étaient  adressés  à  des  armateurs  vénitiens,  notamment 
le  droit  de  coltimo^  l'obligation  de  n'acheter  qu'aux  maisons 
vénitiennes  à  l'exclusion  des  indigènes,  le  taux  exorbitant 
du  fret  et  des  assurances,  le  cours  peu  élevé  de  l'or  dans  la 
république'  étaient  autant  de  motifs  pour  empêcher  la  ma- 
rine marchande  vénitienne  de  soutenir  la  concurrence  de 
la  marine  marseillaise  dans  le  Méditerranée.  La  relation 
de  Gussoni  et  de  Nani  établit  le  total  des  frais  que  les 
marchandises  expédiées  des  Echelles  de  Syrie  à  Lyon  par 

1.  Dicono  quelli  di  Lionc,  che  da  noi  troppo  è  gravata  la  mercanzia, 
perché  in  Soria,  oltre  quello  che  pngano  gli  altri,  vi  sono  le  spese  di  cot- 
tiuii»,  li  noli  ingordi,  le  sicurtà  a  prezzo  eccessivo  ed,  oltre  di  cio,  è  neces- 
sario,  che  quelli  che  vogliono  comprare  per  Lione  comprinoda  noi,  hanno 
anco  il  danno  deilc  uionete  valendo  da  noi  l'oro  uieno.  Bakozzi  et  Berchet, 
série  II,  t.  I,  p.  i'.)b. 


COMMERCE   DE   MARSEILLE.  321 

Marseille  ont  à  supporter,  afin  que  la  Seigneurie  puisse  les 
comparer  aux  frais  du  transport  par  Venise  et  réduire  ceux- 
ci  sur  le  même  pied  que  ceux-là,  pour  ramener  à  cette  ville 
la  préférence  du  commerce.  Les  réaux  espagnols,  qui  for- 
maient l'article  d'importation  le  plus  considérable  dans  les 
Echelles,  payaient  en  principe  aux  Turcs  10  p.  100  d'entrée, 
mais  beaucoup  moins  en  fait\  Le  fret  pour  l'aller  et  le 
retour  coûtait  o  p.  100.  Les  Marseillais  et  les  étrangers 
ayant  épousé  une  femme  de  Marseille,  y  étaient  exempts 
de  droits  d'entrée  et  de  sortie.  Les  étrangers,  qui  n'étaient 
pas  dans  ce  cas,  payaient  seuls  .'i  p.  100  sur  les  soies  grèges 
et  les  drogues,  etl  p.  100  sur  toutes  les  autres  marchandises  ^ 
Le  taux  des  assurances  pour  l'aller  et  le  retour  était  de 
9  p.  100.  A  ces  frais,  il  faut  ajouter  un  droit  de  2  écus  par 
balle  pour  payer  le  capitaine  qui  escortait  les  bâtiments 
marseillais  et  un  droit  de  S  écus  par  balle  pour  le  trans- 
port de  Marseille  à  Lyon.  C'était  tout  :  ni  droit  de  cottimo 
ni  droit  de  quarantaine  pour  le  séjour  au  lazarets  La  rela- 
tion vénitienne  oublie,  à  la  vérité,  le  droit  de  2  p.  100  au 
profit  des  consulats  de  Syrie  ^  ;  en  outre,  si  le  droit  de  cottimo 
ou  droit  de  2  p.  100  perçu  par  l'ambassadeur  de  France  à 
Constantinople  n'existait  plus  au  moment  où  elle  était  écrite, 
il  n'en  avait  pas  été  toujours  ainsi  du  vivant  de  Henri  IV. 
Ce  fut  ce  prince  qui  créa  celui-ci.  A  l'origine,  il  n'était 
payé  que  par  les  vaisseaux  français.  M.  de  Brèves  obtint 
du  sultan  que  les  vaisseaux  étrangers  naviguant  sous 
notre  pavillon   y  fussent  également  soumis,  ce  qui  fit  du 


1.  Ma  non  si  pagano  mai  tutti  a  gran  giunta. 

2.  Cf.  les  di-oits  perçus  à  Marseille  en  16G9  sur  les  négociants  étrangers. 
FoRBONNAis,  I,  4^0.  Voir  aussi  I,  359. 

,"!.  Barozzi  et  Berchet,  I,  403-497. 

4.  Sur  les  droits  de  consulat  voy.  Pocqueville,  Mémoire  hist.  et  diploma- 
tique sur  le  commerce  et  les  établissements  français  au  Levant  depuis  l'un  500 
de  J.-C.  jusqu'à  la  fin  du  XVIl^  siècle.  Mém.  de  V Académie  des  inscriptions, 
année  18:53,  X,  568  et  suiv.  Instruction  du  roi  à  Savary  de  Brèves,  citée 
par  Gontaut  Biron,  Op.  laud.,  p.  29,  n.  3. 

21 


322  CONCLUSION. 

tort  à  notre  marine  marchande'.  Le  roi  demanda  à  son  am- 
bassadeur un  état  du  produit  do  cette  taxe,  qui  provoquait 
les  plaintes  des  commerçants  et  lui  exprima  son  étonnement 
de  n'avoir  pas  été  avisé  de  la  concession  du  sultan-.  Ceux- 
ci  en  obtinrent  la  suppression,  mais,  en  KiÛO,  Henri  IV  la 
rétablit'.  En  11102,  sur  les  réclamations  des  habitants  de 
Marseille,  il  en  interdit  la  perception  à  son  ambassadeur*, 
mais  celui-ci  eut  le  crédit  de  la  faire  encore  rétablira 

C'est  le  commerce  extérieur  qui  donne  le  mieux  la 
mesure  du  développement  de  la  production  nationale,  c'est 
lui  qui  révèle  le  mieux  les  aptitudes,  la  vocation  commer- 
ciale d'un  peuple.  Les  exportations,  ne  portant  jamais  que 
sur  l'excédent  de  la  consommation  intérieure,  signalent  les 
points  où  la  production  atteint  son  maximum  ;  d'un  autre 
côté,  les  opérations  au  dehors,  devenant,  par  suite  de 
l'agrandissement  du  marché,  plus  complexes  et  plus  délica- 
tes, exigent  plus  d'intelligence  et  d'esprit  d'entreprise. 

Les  exportations  de  notre  pays  se  distinguaient  par  la 
variété.  Les  produits  naturels  y  dominaient  et  plusieurs 
d'entre  eux  les  céréales,  les  vins,  le  sel,  le  pastel  lui  as- 
suraient presque  des  monopoles,  mais  les  produits  manu- 
facturés, certains  tissus,  la  mercerie,  le  papier,  la  quin- 
caillerie y  tenaient  une  place  importante.  L'ensemble 
s'équilibrait  avec  les  importations  et  là  où  cet  équilibre 
était  rompu,  c'était  au  profit  de  notre  pays,  qui  encaissait  un 
solde  en  numéraire.  De  là  une  circulation  abondante  de 
monnaies  étrangères*^. 


1.  PouncEViLLE,  L'bi  supra,  p.  504. 

2.  Lettre  à  .M.  de  Brèves,  5  février  1596.  Lettres  miss.,  V,  497. 

3.  Ihicl.,  V,  308. 

4.  Ibid.,  IV,  561. 

5.  MoNTciiRESTiEN,  128-129.  Masson,  Hisl.  du  commerce  du  Levant.  Inlrod., 

p.   XXIX-XXX. 

G.  Leghain,  Décade,  854,  cité  par  Pliilippson,  I,  370. 


CONCLUSION.  323 

Le  progrès  accompli  est  grand,  mais  il  ne  l'est  pas  assez 
pour  avoir  replacé  la  France  au  rang  qu'elle  occupait  avant 
les  guerres  civiles.  Les  draps  français,  qui  jadis  approvision- 
naient sans  partage  le  Levant,  sont  remplacés  maintenant 
par  des  draps  anglais.  L'Espagne  n'est  plus  exclusive- 
ment réduite  à  la  mercerie  française,  elle  en  fait  elle-même*. 
Ce  commerce,  qui,  dans  plusieurs  de  ses  branches,  devait 
sa  prospérité  au  goût  de  nos  industries  d'art,  est  en 
souffrance  ^ 

Les  échanges  ne  s'en  développent  pas  moins,  sous  l'im- 
pulsion d'un  gouvernement  toujours  en  éveil  sur  les  inté- 
rêts publics,  toujours  empressé  à  les  servir.  Le  transit  par 
terre  se  sert  volontiers  des  voies  et  des  moyens  de  trans- 
port que  la  France  met  à  sa  disposition.  11  y  recourrait 
plus  encore,  s'il  ne  se  laissait  décourager  parfois  par  nos 
douanes  extérieures  et  intérieures.  C'est  surtout  par  le  canal 
de  notre  pays  que  s'établissent  entre  l'Espagne  et  ses  an- 
ciennes provinces  rebelles  de  la  mer  du  Nord  des  relations 
clandestines,  dont  le  vrai  caractère  ne  trompe  personne,  et 
que  lïntérèt  commun,  plus  fort  que  les  passions  nationales, 
renoue  après  que  les  gouvernements  les  ont  rompues.  Calais 
en  est  chez  nous  le  principal  point  de  départ,  et  y  acquiert 
une  importance  considérable". 

Quant  aux  transports  maritimes,  c'est  un  des  points  où 
éclate  le  plus  l'infériorité  de  notre  pays.  Il  y  avait  trop  peu 
chez  lui  de  ces  marchandises  lourdes  et  encombrantes  qui 
assurent  un  fret  de  sortie.  Le  fer  et  le  bois  étaient  assez 
abondants  pour  suffire  tout  juste  à  ses  besoins,  notamment 
à  la  construction  maritime,  ils  ne  l'étaient  pas  assez  pour 
donner  lieu  à  une  exportation. 

D'ailleurs,  la  marine  marchande  était  tellement  insuffi- 
sante, que  c'était  sur  des  vaisseaux  flamands,  hollandais  et 

1 .  Du  Fresnes  Canaye  au  roi,  23  octobre  1C02,  I,  456-457. 

2.  Voy.  plus  haut  et  Dalllngton,  p.  12. 


324  CONCLUSION. 

anglais  que  se  faisait  le  chargement  des  produits  qui  occu- 
paient le  premier  rang  dans  nos  exportations,  le  vin,  le 
pastel,  le  sel*. 

La  France  prenait  sa  revanche  dans  le  Levant.  Elle  y 
défendait  avec  succès  ce  qui  lui  restait  d'une  situation  pri- 
vilégiée qui  avait  été  entamée.  Menacée  dans  ses  transac- 
tions directes  avec  les  Echelles,  elle  se  rattrapait  par 
l'industrie  des  transports  maritimes,  c'est-à-dire  par  le  genre 
d'entreprises  où  elle  était  en  général  le  plus  arriérée.  Savary 
de  Brèves  évaluait  à 30  millions  de  livres  (87687  98i  fr.  12), 
le  chiffre  de  ses  affaires  dans  cette  région-.  Elles  faisaient 
en  grande  partie  la  fortune  de  Marseille,  et  Lyon  si  déchu 
en  ressentait  le  bienfaisant  contre-coup.  Arboré  sur  la  ma- 
rine royale  et  sur  les  marines  protégées,  le  pavillon  fleur- 
delisé était  celui  que  l'on  rencontrait  le  plus  dans  la 
Méditerranée.  Dans  l'Océan,  notre  patriotisme  trouvait 
encore  de  quoi  se  réjouir.  Si  les  Hollandais  nous  disputaient 
avec  succès  la  pêche  du  hareng,  nos  terre-neuviers 
défiaient,  pour  celle  de  la  morue,  tous  leurs  concurrents. 

Pour  eux,  comme  pour  tous  nos  bateaux  de  pèche  et  de 
commerce,  les  traîtrises  de  la  mer  n'étaient  pas  le  seul 
péril.  Le  brigandage  maritime  les  guettait^  et  les  capturait, 
sous  le  prétexte  qu'étant  neutres,  ils  transportaient  pour  les 
belligérants  de  la  marchandise  de  guerre,  ou  tout  simple- 
ment de  la  marchandise.  La  force  seule  tranchait  la  question 
et  la  force,  on  le  sait,  était  rarement  du  côté  de  la  France. 
On  souffre  de  la  voir  s'adresser  à  l'étranger  pour  avoir  des 

1.  Pour  le  vin,  voy.  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut.  Pour  le  pastel, 
voy.  la  correspondance  de  Siuion  Lecomte.  Quant  au  sel,  Montchrétien  dit 
(p.  72,  73)  que  son  transport  avait  lieu  par  bateaux  flamands  et  hollandais 
et  rapportait  aux  Hollandais    GOÛOO  écus  (60G  786  fr.  91)  de  fret  par  an. 

2.  Cité  par  Masson,  Op.  laiid.  Introd.,  p.  xxx.  En  lC2i,  il  avait  baissé  de 
moitié.  Louis   XIII  à  d'Efliat,  13  août   1624.  Papiers  d  État   de  Richelieu, 

p.  p.   AVENEL,   11,  24. 

3.  «  Vos  marchands  ne  peuvent  sortir  de  nos  havres  qu'aussitost  ils  ne 
soyent  en  proie  aux  Anglois  et  à  toutes  nations.  »  Du  Fresne  Canaye  au 
roi.  Ubi  supra. 


CONCLUSION.  325 

bâtiments,  des  marins,   des  chefs  d'escadre  qui  convoient 
et  protègent  sa  marine  maixhandc. 

Tandis  que  le  marclié  français  est  envahi  par  les  étran- 
gers qui,  lorsqu'ils  ne  veulent  pas  se  fixer  eux-mêmes  dans 
notre  pays,  y  trouvent,  soit  parmi  leurs  compatriotes  soit 
parmi  les  Français  eux-mèmesj  des  commissionnaires  et  des 
facteurs,  les  colonies  françaises  au  dehors  sont  peu  impor- 
tantes. L'accueil  fait  par  les  nations  européennes  à  ceux  de 
nos  nationaux  qui  s'expatrient,  explique  en  partie  ce  peu 
d'empressement,  mais  l'attachement  au  sol  et  le  peu  d'apti- 
tude à  se  trouver  partout  chez  soi  y  sont  aussi  pour  beau- 
coup. Pour  peupler  et  exploiter  les  établissements  de  la 
Nouvelle-France,  on  trouve  surtout,  au  début,  des  gens 
sans  ressource  et  sans  aveu.  Jetés  dans  un  nouveau  milieu, 
arrachés  à  leurs  pernicieuses  habitudes,  moralises  par  la 
solitude  et  la  facilité  des  gains  légitimes,  ils  pourraient 
peut-être  déployer  l'industrie  et  l'activité  qui  assurent 
l'avenir  d'une  colonie,  mais  il  y  faudrait  une  autorité 
énergique  capable  de  les  contenir,  de  les  stimuler  et  de  les 
améliorer  ;  or,  au  point  de  Aue  colonisateur  comme  au 
point  de  Aue  religieux,  la  direction  n'a  pas  été  fortement 
organisée. 

A  côté  des  défauts  inhérents  à  noire  race  et  toujours 
persistants  chez  elle,  le  gouvernement  n'a-t-il  pas  eu  sa  part 
dans  l'insuffisance  des  progrès  accomplis?  En  ne  forçant  pas 
les  étrangers  qui  venaient  vendre  en  France  à  faire  remploi 
en  marchandises  indigènes,  en  leur  permettant  de  remporter 
leurs  marchandises  défectueuses,  sans  même  payer  de  droit 
de  sortie,  au  lieu  de  les  confisquer,  en  n'obtenant  pas  par 
des  mesures  de  représailles  l'abrogation  des  lois  étrangères 
qui  traitaient  nos  nationaux  avec  une  inégalité  choquante, 
en  ne  réservant  pas  à  notre  marine  marchande  le  monopole 
des  transports  à  l'étranger,  le  gouvernement  de  Henri  IV 
n'a-t-il  pas  laissé  échapper  l'occasion  de  placer  ses  sujets  au 


326  CONCLUSION. 

premier  rang  des  nations  industrielles  et  commerçantes  de 
l'Europe?  Il  s'est  trouvé  de  son  temps  et  après  lui  des  com- 
merçants pour  le  lui  reprocher  mais,  aveuglés  par  leur 
intérêt  professionnel,  ils  ont,  croyons-nous,  méconnu  les 
ménagements  que  l'infériorité  de  notre  marine  marchande 
et  de  notre  marine  militaire  et,  à  un  point  de  vue  plus  géné- 
ral, les  lacunes  tle  la  production  nationale  obligeaient  le  roi 
à  ganler  vis-à-vis  de  l'étranger.  Pour  imposer  à  l'Europe 
et  particulièrement  aux  nations  maritimes,  des  mesures 
de  protection  et  de  prohibition  en  faveur  de  notre  commerce 
extérieur  d'échange  et  de  transit,  il  aurait  fallu  pouvoir 
faire  la  loi  sur  les  mers,  se  passer  des  autres,  trouver  chez 
nous-mêmes  la  satisfaction  de  tous  nos  besoins.  On  sait 
combien  nous  étions  loin  d'une  pareille  indépendance  et 
d'une  telle  suprématie.  Le  mélange  de  patience  et  de  fer- 
meté que  Ton  a  remarqué  dans  les  rapports  de  Henri  IV 
avec  des  puissances  qui  disposaient  d'une  force  navale 
supérieure  à  celle  de  la  France,  était  donc  le  seul  système 
dont  il  pût  attendre  des  fruits. 


CHAPITRE  V 
CONCLUSION 

Les  sociétés  sont  des  unités  organiques,  oi!i  toutes  les 
parties  sont  solidaires,  dont  toutes  les  fonctions  concourent 
par  un  concert  général  à  un  efTet  commun.  C'est  déjàbeau- 
coup  d'avoir  montré  le  jeu  de  chaque  organe  mais,  pour  ex- 
pliquer le  mystère  de  la  vie,  il  reste  encore  à  faire  voir  les 
rapports  réciproques  de  tous,  le  mouvement  d'ensemble 
auquel  ils  aboutissent.  Cette  répercussion  de  l'une  à 
l'autre  de  toutes  les  opérations  de  la  vie  sociale  est  peut- 
être  encore  plus  grande  et  plus  frappante  dans  le  domaine 
économique  que  dans  tout  autre.  Aussi  nous  a-t-il  fallu 
faire  un  véritable  effort  pour  ne  pas  être  entraîné,  par  la 
connexité  des  phénomènes  de  cet  ordre,  à  franchir  les 
limites  que  nous  nous  sommes  imposées  en  étudiant  à  part 
l'économie  rurale,  l'économie  industrielle  et  l'économie 
commerciale,  et  nous  ne  sommes  pas  sûr  d'y  avoir  tou- 
jours réussi.  Cette  méthode,  un  peu  artificielle,  était  indis- 
pensable, et  peut-être  pouvons-nous  invoquer  en  sa  faveur 
les  fruits  qu'elle  nous  a  donnés.  Ce  n'est  pas,  toutefois, 
sans  une  certaine  satisfaction  que  nous  en  abordons  une 
autre  qui,  en  même  temps  qu'elle  résumera  les  résultats 
de  la  première,  suivra,  sans  plus  s'astreindre  à  des  divisions 
didactiques,  l'enchaînement  ininterrompu  de  la  création 
et  de  la  circulation  de  la  richesse. 

Au  moment  oii  Henri  IV  montait  sur  le  trône,  la  sura- 


328  LES  GUERRES  CIVILES  ET   L\  NOBLESSE. 

boiulance  des  espèces  d'or  et  d'argent  répandues  en  Europe 
depuis  l'exploitation  des  mines  du  Pérou  et  du  Mexique 
et  surtout  depuis  la  découverte  de  celle  du  Polosi  (1545), 
avait,  avec  laréunion  d'autres  circonstances  d'une  influence 
secondaire,  sextuplé' presque  tous  les  prix.  Le  remède  à 
la  hausse,  l'aclieminement  à  la  baisse,  on  le  connaît  : 
c'est  l'augmentation  de  la  production.  Mais  la  situation  de 
la  France  semblait  lui  en  interdire  jusqu'à  l'espoir.  Elle 
était,  elle  devait  être,  pendant  huit  ans  encore,  bien  qu'avec 
une  décroissance  progressive,  la  proie  de  la  guerre  civile, 
et  ce  n'est  pas  de  la  guerre  civile  qu'on  peut  attendre  le 
développement  alternatif  de  l'oITre  et  de  la  demande,  qui 
abaisse  et  relève  successivement  les  prix  pour  le  commun 
profit  des  consommateurs  et  des  producteurs,  et  répand 
l'aisance  chez  les  uns  et  chez  les  autres. 

La  guerre  intestine,  tel  est  le  triste  legs  dont  hérite, le 
gouvernement  de  Henri  IV  et  qui  entravera  si  longtemps  sa 
marche  et  l'essor  du  pays,  telle  est  la  circonstance  à  laquelle 
il  faut  demander  le  secret  du  règne,  l'explication  de  ses  con- 
trastes attristants  et  radieux.  En  résumer  les  conséquences 
éparses  dans  ce  livre  et  les  envisager  dans  leur  ensemble, 
c'est  une  préparation  indispensable  pour  faire  comprendre 
l'évolution  quia  été  si  lente  à  en  éliminer  les  ferments. 

Les  luttes  religieuses  avaient  accéléré  le  mouvement  qui 
poussait  la  bourgeoisie  à  l'acquisition  des  terres  seigneu- 
riales et  à  l'envahissement  des  fonctions  publiques.  Les 
familles  nobles,  décapitées  souvent  par  la  perte  de  leur  chef 
ou  de  leur  héritier  présomptif,  avaient  été  appauvries  par  le 
ravage  de  leurs  domaines,  par  la  dépréciation  des  revenus  qui 
leur  étaient  payés  en  argent,  par  la  suspension  ou  la  perte 
de  leurs  fermages,  par  l'égalité  des  partages,  qui,  dans 
certaines  provinces,  régissait  les  successions  nobles  comme 

1.  S'il  fallait  en  croire  Tavannes,  elle  les  aurait  même  décuplés. 
Mémoires.  Coll.  Michaud,  p.  82. 


LES  GUERRES  CIVILES  ET  LA   NOBLESSE.  329 

les  successions  roturières.  Elles  avaient  été  obligées  de 
vendre  ou  d'hypothéquer  leurs  licfs  à  des  roturiers  ou 
d'emprunter  sur  gages  à  un  intérêt  qui  s'élevait  jusqu'à 
30  p.  100.  En  même  temps  que  la  bourgeoisie  enrichie  s'ins- 
tallait dans  les  châteaux  délabrés  de  la  noblesse  ',  elle 
s'emparait  des  charges  de  judicature  et  des  bénéfices 
ecclésiastiques,  autrefois  réservés  en  grande  partie  aux 
cadets  de  la  classe  aristocratique,  et  redoutés  maintenant 
par  leur  ignorance  et  leur  paresse.  Beaucoup  de  gentils- 
hommes, dont  le  patrimoine  avait  été  entamé,  mais  qui 
avaient  pu  conserver  le  manoir  héréditaire,  s'estimaient 
heureux  d'y  jouir  d'un  repos  bien  gagné,  d'y  réparer  les 
brèches  de  leur  fortune,  d'y  vivre  largement  et  noblement, 
bien  qu'avec  épargne,  des  produits  de  leur  cru.  Tous 
n'avaient  pas  cette  sagesse;  un  certain  nombre  ne  résistait 
pas  à  la  tentation  de  venir  dépenser  en  une  semaine  à  la 
cour  leurs  économies  d'une  année.  La  fureur  du  jeu  en 
absorbait  la  meilleure  part.  Elle  était  si  grande,  qu'on 
jouait  ses  chevaux,  ses  armes,  tout  ce  qu'on  avait  sur  soi, 
et  on  se  faisait  si  peu  crédit,  que  le  perdant  devait  s'exécu- 
ter tout  de  suite,  dùt-il  s'en  aller  en  chemise.  Heureux  les 
nobles  qui,  sous  les  drapeaux  du  roi  ou  de  la  Ligue, 
avaient  su  se  saisir  de  quelque  place  forte  et  la  garder  ou 
la  vendre  à  l'autorité  légitime.  Endettée^  et  sans  crédit, 
l'influence  de  la  noblesse  était  encore  affaiblie  par  les  ran- 
cunes de  la  population  du  plat  pays  et  môme  de  la  popu- 
lation urbaine  qui  avaient  souffert  de  ses  excès  ^  et  par  la 


1.  JuLLiAN,  Histoire  de  Bordeaux,  4"26, 427.  »  ...  si  l'on  jette  un  coup  d'œil 
au  xvno  siècle  sur  nos  châteaux,  nos  fiefs  et  arrière-ûefs,  on  est  tout 
surpris  de  les  voir  possédés  par  des  seigneurs  et  écuyers  dont  les  ancêtres 
vendaient  du  drap  fabriqué  à  Château-Thierry.  «  Vertus,  Notice  sur  Claude 
Vitard  et  sur  l'état  de  la  société  auXVI^  siècle,  dans  L'élection  de  Château- 
Thierrij.  Annales  de  la  Société  hist.  et  arch.  de  Cfidtenu-Tkierry,  1864. 

2.  Au  moment  où  il  écrivait,  c'est-à-dire  pendant  sa  captivité,  de  1580  à 
1585,  La  Noue,  sur  dix  familles  nobles,  en  comptait  huit  endettées. 

'è.  Dès  158;',  Lorenzo  Priuli  écrivait  :  '<  ...  si  trova...  malissiraa  intelligeuza 


330      LES  GUERRES  CIVILES,   LE  CLERGÉ   ET  LE  TIERS  ÉTAT. 

jalouse  compétition  dos  gens  de  robe,  qui  ne  sortaient 
plus,  comme  jadis,  de  ses  rangs  autant  que  de  ceux  du 
tiers  et  ne  facilitaient  plus,  par  cette  double  origine,  le 
rapprochement  des  deux  classes.  Atteinte  dans  sa  situa- 
tion matérielle  et  morale,  se  rendant  compte  du  danger 
dont  la  menaçait  l'ascension  du  tiers  état  vers  la  pro- 
priété foncière  et  les  hauts  emplois  de  l'administration  et 
de  la  justice,  elle  renfermait  beaucoup  de  mécontents  dont 
l'occasion  pouvait  faire  des  factieux. 

Les  guerres  civiles  avaient  coûté  cher  au  clergé  envi- 
sagé dans  son  ensemble.  En  1;)98,  l'ambassadeur  vénitien, 
Petro  Duodo,  estimait  à  plus  de  40  millions  d'écus  d'or 
(379981  264  fr.  48)  ce  quil  avait  payé,  pendant  leur  durée, 
en  décimes,  en  dons  gratuits,  en  subsides  de  tout  genre. 
Ajoutez  cà  cela  les  emprunts  dont  les  intérêts  avaient  été 
mis  à  sa  charge  et  les  usurpations  dont  il  avait  été  victime, 
de  la  part  des  catholiques  comme  des  protestants  ^  En  dé- 
pit de  tout  cela,  ses  revenus  dépassaient  encore  six  millions 
d'écus  dor"^.  Mais,  si  Tordre  restait  riche,  beaucoup  de  ses 
membres  étaient  devenus  pauvres  et,  parmi  les  mendiants 
qui  encombraient  les  rues,  il  y  avait  des  prêtres ^ 

Les  troubles  intérieurs  avaient  eu  pour  les  différentes 
classes  qui  composaient  le  tiers  état  des  conséquences 
assez  diverses.  La  plus  humble  de  toutes,  celle  des  paysans 
avait  été  la  plus  éprouvée.  Écrasée  d'impôts,  balayée  par 
le  flot   incessant   des  troupes  en  marche  qui  l'emportait 

tra  la  nobiltà  e  il  popolo,  essendo  questo  grandemente  oppresse  da  una 
quantita  grande  di  gentiluomini  poveri  che  li  tiranneggiano  e  vogliono 
vivere,  vestire  e  lussureggiar  a  spese  loro...  »  dans  Albeiu. 

1.  Discours  au  roi  par  le  sieur  de  Monli.c...,  1573,  à  la  suite  des  Co7n- 
menluires,  éd.  Ruble,  V,  299. 

2.  La  Noue,  Discours  politiques  et  mililaires.  Disc.  \  et  w.  Advertissement 
sur  la  réception  du  concile  de  Trente  par  Du  Plessis  Mouxay,  31  jan- 
vier 1583,  dans  Mémoires  et  correspondance  de  Du  Plessis  Mornay,  II. 
Frol'sif.meau,  Le  secret  des  finances  (1581).  Épîlre  au  lecteur,  p.  8.  Noël  du 
Fam,,  Contes  et  discours  d'Eutrapel,  I,  315. 

3.  Laffemas. 


FONCTIONNAIRES  ET   GENS  D'AFFAIRES.  331 

avec  lui  ou  la  rejetait  dans  les  villes,  n'abandonnant 
pourtant  jamais  sans  espoir  de  retour  le  champ  dont  l'ho- 
rizon bornait  toute  sa  vie,  la  population  rurale  avait  dimi- 
nué de  trois  millions  au  moins,  et  ne  suffisait  plus  aux  tra- 
vaux de  la  campagne.  L'abrutissement  du  désespoir  l'avait 
réduite  à  une  docilité  d'enfant'. 

Les  commerçants  et  les  artisans  avaient  vu  considérable- 
ment baisser  le  chitTre  de  leurs  afTaires,  et  leurs  rentes 
avaient  été  trop  souvent  supprimées  pour  pouvoir  suppléer 
à  la  perte  de  leur  clientèle  ^  Les  uns  avaient  été  chercher 
à  l'étranger  le  travail  qu'ils  ne  trouvaient  plus  dans  leur 
pays  ;  les  autres  avaient  déserté  leurs  ateliers  et  leurs  ma- 
gasins pour  prendre  leur  part  des  agitations  de  la  place  pu- 
blique; tous,  se  serrant,  dans  la  désagrégation  générale, 
autour  des  institutions  qui  protégeaient  leur  monopole,  se 
coalisaient  dans  leurs  assemblées  corporatives  pour  main- 
tenir le  cours  élevé  des  marchandises  et  relever  celui  des 
façons. 

11  y  a  toujours  des  gens  qui  s'accommodent  des  malheurs 
publics  et  qui  réussissent  même  à  en  tirer  profit.  A  la 
fin  du  xYf  siècle,  c'étaient  les  gens  de  robe,  de  finances, 
de  bureau  et  une  foule  d'officieux  qui  n'avaient  pas  de 
profession  avouable.  Tous  les  services  de  la  vie  sociale, 
depuis  les  plus  élevés  jusqu'aux  plus  modestes,  depuis  les 
fonctions  de  premier  président  du  parlement  jusqu'à  la 
profession  de  mouleur  de  bois  et  de  vendeur  de  foin, 
avaient  été  érigés  en  offices.  Cela  revient  à  dire  que  tous 
donnaient  lieu,  aux  dépens  du  public,  à  la  perception  de 

1.  «  ...  in  tanta  dejezione  e  miseria,  che  piccioli  lacchè  di  dieci  o  dodici 
anni  fanno  per  le  strade  prigioni  gli  uomini  di  30  e  40  anni  e  lor  donno  le 
taglie,  corne  ne  ho  pur  veduto  qualcuno.  »  Relation  précitée  de  P.  Duodo, 
p.  157. 

2.  Relation  de  Duodo,  p.  159.  «...  les  rentiers  ayant  perdu  cinq  années 
de  leurs  rentes  durant  les  troubles  de  la  Ligue.  >'  Remarques  de  MarbauU, 
p.  76.  Remontrcmces  de  Miron  au  conseil,  22  avril  1605.  Remontrances  de 
Gaston  de  Grieu  dans  François  Miron,  par  Miro.n  de  Lespinay,  222,  224,  233. 


332  FONCTIONNAIRES  ET  GENS  D  AFFAIRES. 

droits  onéreux  et  souvent  arbitraires,   qui  représentaient, 
sur  le  pied  habituel  de  10  ou  20  p.  I00\  l'intérêt  du  capital 
versé  parle  titulaire  aux  parties  casuelles.  Le  [iroduit  de 
ces  offices  devait  être  d'autant  plus  élevé  que  la  possession 
de  beaucoup  d'entre  eux  était  précaire,  que  les  titulaires 
étaient  exposés  à  les  perdre  par  voie  de  suppression  sans 
être  assurés  d'une  indemnité,  ou  à  en  partager  les  profits 
avec  des  collègues  de  nouvelle  création.  Les  embarras  des 
classes  supérieures   avaient   suscité   une    foule    d'agents 
d'affaires  et  d'entremetteurs  qui  vivaient  et  s'enrichissaient 
de  leur  gêne,  de  leur  vanité,  de  leurs  entraînements,  de 
leur  insouciance.  Ainsi  il  y  avait  des  courtiers  qui  se  char- 
geaient de  leur   procurer  de    l'argent  sur  nantissement, 
sans  leur  faire  connaître  le  nom  des  bailleurs  de  fonds, 
de   sorte    que,  si  ces  courtiers  venaient  à  mourir  avant 
le  remboursement,  des  gages,  d'une  valeur  très  supérieure 
à  la  somme  prêtée,  pouvaient  être  perdus  pour  l'emprun- 
teur-. Les  merciers,  les  fripiers  se  mêlaient  de  ce  courtage. 
Ils  se  chargeaient  aussi  de  vendre  les  objets  de  prix  dont 
leurs  clients  voulaient  se  défaire,  et  l'habitude  de  se  pro- 
curer  des   ressources  en  détachant  de  leur  mobilier  un 
joyau,  une  pièce  d'argenterie,  etc.,  était  si  répandue  dans 
les  classes  élevées,  que  Henri  I Y  créa  pour  ce  genre  de  ventes 
une  sorte  d'agence  de  commission".  D'autres  agents  fai- 
saient, avec  un  fort  escompte,  des  avances  aux    gentils- 
hommes obérés  contre  des  billets  en  blanc  et  des  lettres  de 
changesur  les  foires  de  Lyon,  et  se  prêtaient  avec  empres- 


1.  '(  ...  on  sait  bien  que  le  roi  ou  le  peuple  paye  les  gages  à  la  plupart 
des  officiers  à  la  raison  de  dix  ou  vingt  pour  cent...  »  Bouin,  République, 
VI,  II,  910  (éd.  1580). 

V.  Relation  de  Duodo. 

3.  Brevet  acrordé  le  ."51  juillet  1G02  à  Philibert  Beruyer  et  à  Marie  Cail- 
lault,  sa  fille,  leur  permettant  de  revendre  et  colporter  à  Paris  bagues, 
carcans,  perles  et  toutes  sortes  de  pierreries,  objets  d'orfèvrerie,  meubles 
et  bardes  qui  leur  sont  baillés  à  vendre  par  les  particuliers.  Bibl.  nat.  iMss. 
Franc.,  21  797,  f.  14G.  .Mss.  DEr..\MAnE,  Arls  et  7néliers,  \oL  vu. 


GENS  DE  PALAIS  ET  DE  FINANCE.  333 

sèment  à  leur  renouvellement.  La  chicane,  qui  trouve  sur- 
tout à  s'exercer  dans  les  temps  où  la  violence  a  usurpé  et 
embrouillé  tous  les  droits,  avait  aussi  enrichi  beaucoup  de 
praticiens.  Elle  était  également  favorisée  par  la  multipli- 
cité et  la  diversité  des  lois,  le  nombre  des  juridictions  et 
des  gens  de  palais.  On  estimait  que  ceux-ci  étaient  plus 
nombreux  en  France  que  dans  le  reste  de  la  chrétienté 
tout  ensemble  ^  Mais,  parmi  toutes  les  catégories  de  para- 
sites qui  détournaient  à  leur  profit  des  capitaux  perdus 
pour  la  production  et  donnaient  à  la  société  l'apparence  de 
l'activité  économique  et  l'éclat  du  luxe,  aucune  n'attirait 
autant  l'attention  que  celle  des  financiers  et  des  manieurs 
d'argent  de  tous  les  degrés,  donneurs  à'avis'^,  partisans, 
fermiers  et  sous-fermiers  et,  plus  que  tous  les  autres,  inten- 
dants et  surintendants  des  finances.  En  quelques  années, 
ces  derniers  avaient  fait  des  fortunes  prodigieuses.  Ils  ha- 
bitaient des  palais,  y  donnaient  des  fêtes  qui  contrastaient 

1.  «  ...  en  un  seul  parlement  de  France,  il  s'en  trouvera  plus  grand 
nombre  [de  procès]  qu'en  toute  l'Italie...  et  plus  de  procureurs  et  avocats 
en  un  petit  bailliage  de  ce  royaume,  qu'il  n'y  a  en  la  chambre  impériale  de 
toute  l'Allemagne....  »  F.  de  Gravelle,  Politiques  royales,  1596,  p.  148. 
«  ...  nous  avons  en  France  plus  de  lois  que  tout  le  reste  du  monde 
ensemble...  et  si  avons  tant  laissé  à  opiner  et  décider  à  nos  juges,  qu'il 
ne  fut  jamais  liberté  si  puissante  et  si  licencieuse.  »  Mo.ntaigne,  III,  XIII. 

2.  De  tout  temps,  l'administration  fiscale  s'est  mis  l'esprit  à  la  torture 
pour  découvrir  de  nouvelles  matières  imposables;  sous  l'ancien  régime, 
elle  était  secondée  dans  cette  recherche  par  des  officieux  qui  proposaient 
au  gouvernement  des  expédients,  dont  ils  se  faisaient  attribuer  en  partie 
le  produit.  Tout  le  monde  pouvait  se  faire  donneur  cVovis  et,  en  le  deve- 
nant, on  obéissait  à  deux  mobiles  bien  puissants  :  le  plaisir  d'inventer  et 
l'amour  du  gain  sans  travail.  Cette  fièvre  d'invention  et  d'enrichissement 
rapide  enfantait  les  projets  les  plus  bizarres,  et  plus  d'un  ne  le  cède  guère 
à  celui  de  ce  personnage  des  Fâcheux  de  .Molière  qui  proposait  «  de  la 
France....  En  fumeux  ports  de  mer  mettre  toutes  les  côtes.  »  Quelques-uns 
de  ces  donneurs  d'avis  du  temps  de  Henri  IV  se  détachent  de  la  foule  des 
autres,  et  se  présentent  à  nous  avec  une  physionomie  particulière  :  tel  est 
Ange  Gapel,  sieur  du  Luat  qui,  entre  autres  avis,  ouvrit  celui  de  faire  con- 
signer au  demandeur,  au  début  de  toute  instance,  une  somme  de 
25  écus  (237  fr.  49)  à  titre  d'amende  pour  le  cas  où  il  perdrait  sa  cause  et 
qui  espérait  tirer  de  sa  part  dans  le  produit  de  cette  consiguation  plus  de 
50  000  écus  de  rente  (474  976  fr.  58).  Marbault,  Remarques  sur  les  mémoires 
de  Sully  à.  la  suite  des  Économies  royales,  coll.  Michaud,  p.  .35. 


334  GENS  DE  PALAIS  ET  DE  FINANCE. 

douloui-ciiseineiit  avec  la  misère  publique,  et  constituaient 
à  leurs  filles  qui  rivalisaient,  comme  leurs  femmes,  par  la 
toilette  et  les  bijoux,  avec  les  princesses  et  les  plus  grandes 
dames  de  la  cour,  des  dots  de  40  et  50  000  écus  (370  981  fr.  2G 
et  474976  fr.  38).  L'importance  de  cette  classe  de  parvenus 
faisait  l'étonnement  et  le  scandale  des  étrangers.  «  C'est 
un  cas  lamentable,  e'crivait  en  1598  Dallington,  secrétaire 
de  l'ambassadeur  d'Angleterre,  que,  dans  un  beau  pays  et 
plein  de  noblesse,  l'Etat  soit  gouverné  et  toutes  les  affaires 
conduites  par  ceux  de  la  robba  longa,  des  avocats,  des 
procureurs  et  des  gentilsbommes  de  plume  et  d'encre,  tan- 
dis que  la  noblesse  elle-même,  faute  d'instruction,  n'a  pas 
d'emploi  '  ». 

Cet  art  d'exploiter  la  gêne  des  classes  élevées,  de  les 
ruiner  gaiement  en  leur  fournissant  les  moyens  de  pro- 
longer une  prospérité  menteuse,  la  France  ne  l'avait  pas 
apprise  toute  seule.  Fuyant  les  vengeances  auxquelles 
les  exposait  l'abandon  politique  de  notre  pays,  espérant 
partager  la  faveur  avec  laquelle  il  accueillait  tout  ce  qui 
venait  du  leur,  ses  artistes  et  ses  ouvriers,  son  luxe  raffiné 
et  ses  mœurs  aussi  bien  que  son  architecture,  beaucoup 
d'Italiens  étaient  venus  donner  à  la  France  des  exemples 
et  des  leçons  de  cette  science  du  change,  du  crédit,  de 
la  banque  et  de  l'agiotage,  dans  laquelle  leurs  compatriotes 
du  xiv'  siècle,  les  Biche,  les  Mouche,  les  Perruche,  les 
Angoisselle  et  tant  d'autres  avaient  été  nos  premiers  ins- 
tituteurs. Cette  seconde  émigration  ultramontaine  n'avait 
pas  moins  bien  réussi  que  la  première.  Lyon  avait  dû  sa 
prospérité  à  sa  colonie  italienne,  et  les  noms  de  Gondi,  de 
Sardini,  de  Zamet,  de  Cenami,  de  Bonvisi,  etc.,  rappellent 
la  place  considérable  que  les  Italiens  s'étaient  faite  dans 
l'État,  dans  l'administration  fiscale  et  dans  les  affaires  ^ 

1.  Op.  laud.,  p.  1G7. 

2.  Voy.  notamment  Discours  polilirjucs  de  La  Noue  (éd.  1.Ô87). 


RÉGIME   FISCAL.  335 

Hausse  des  prix',  suivie  seulement  de  loin  par  celle 
des  salaires,  stagnation  de  la  production,  diminution  de 
la  population  en  général,  déclassement  de  la  population 
laborieuse,  développement  de  l'agiotage  et  du  luxe,  rien 
ne  manquait  à  la  société  française  vers  l;j98,  au  moment 
où  elle  goûtait  les  premières  douceurs  de  la  pacification 
intérieure  et  de  la  pacification  étrangère,  de  ce  qui  distingue 
un  pays  qui  vit  sur  son  capital  au  lieu  de  vivre  sur  son 
revenu  et  sur  son  travail. 

Douze  ans  plus  tard,  au  moment  où  elle  perdit  son  roi, 
la  France,  tout  en  rappelant  par  certains,  traits  ce  passé 
encore  si  récent,  avait  bien  changé.  Nous  pourrions 
montrer  de  suite  ce  qu'elle  était  devenue,  le  contraste  en 
serait  plus  grand.  Nous  préférons  faire  assister  à  sa  trans- 
formation en  y  discernant  la  part  du  roi,  celle  de  ses 
conseillers,  celle  du  pays.  L'influence  du  gouvernement 
sera  la  première  qui  nous  occupera,  c'est  la  plus  apparente, 
la  plus  facile  à  saisir. 

L'un  des  services  les  plus  essentiels  qu'un  gouvernement 
puisse  rendre  à  la  production,  c'est  d'alléger  les  impôts, 
de  les  proportionner  aux  forces  contributives  du  pays, 
de  les  répartir  équitablement.  Malheureusement,  Henri  IV 
avait  hérité  de  ses  prédécesseurs  un  régime  fiscal  dou- 
blement vicieux,  d'abord  parce  qu'il  épargnait  la  richesse^ 
et  ensuite  parce  qu'il  ne  laissait  entrer  à  l'Epargne  qu'une 

1.  «  ...  incredibile  carestia....  »  Relation  précitée  de  Duodo,  p.  170. 

2.  Cela  n'est  vrai,  on  le  sait,  que  d'une  vérité  générale,  à  laquelle  le 
lecteur  apportera  de  lui-même  les  restrictions  nécessaires.  On  serait,  en 
efl'et,  dupe  d'une  apparence  en  présentant  le  clergé  et  la  noblesse  comme 
exempts  d'impôts.  Les  ecclésiastiques  et  les  nobles,  qui  n'exploitaient  pas 
eux-mêmes  leurs  terres,  supportaient  l'impôt  foncier  en  ce  sens  que,  leurs 
fermiers  y  étant  soumis,  les  fermages  en  diminuaient  d'autant.  En  outre, 
dans  les  pays  de  taille  réelle,  Languedoc,  Daupbiné,  etc.,  il  n'y  avait  pas 
de  distinction,  au  point  de  vue  fiscal,  entre  les  terres  nobles  et  les  terres 
roturières.  Le  clergé  avait  ses  charges  particulières  qui,  pour  être  en  partie 
volontaires,  n'en  étaient  pas  moins  très  onéreuses.  La  noblesse  parlemen- 
taire et  municipale,  à  côté  de  laquelle  la  noblesse  d'épée  ne  formait  qu'une 
infime  minorité,  avait  aussi  les  siennes. 


336  IMPOTS  DIRECTS   ET   DOUANES. 

partie  fort  amoindrie  de  I;i  recette.  Le  biulgol  de  '1596 
se  soldait  encore  par  un  délicil  d'environ  10  millions  de 
livres  (29 220. S28  fr.  04)'.  Les  procédés  et  les  résultats 
des  premières  années  du  règne  n'avaient  été,  en  eiïet, 
que  la  continuation  du  passé.  Trois  ans  plus  tard,  en 
1599,1e  déficit  n'avait  pas  diminué-,  la  dette  publique 
s'élevait  à  300  millions  (87G879  8H  fr.  20) ^  En  4G10, 
elle  était  réduite  à  190  (528  578817  fr.  20),  ou  même  à 
170  millions  (458  461  219  fr)*.  Les  excédents  avaient 
atteint,  de  iCOO  à  1609,  le  chiffre  de  48  millions  et  demi 
(130  796288  fr.  95)^  La  taille  avait  été  progressivement 
réduite  de  20  (53  936  6 1 1  fr.)  à  1 4  millions  (37  755  629  fr.  80)  ; 
un  arriéré  de  20  millii)iis  sur  celle  de  1596  et  des  années 
antérieures,  avait  été  remis  aux  contribuables  retardataires  ; 
en  même  temps,  la  revision  et  la  réduction  des  exemptions, 
en  augmentant  le  nombre  des  taillables,  avaient  allégé 
leur  charge.  Si  impopulaire  que  fut  la  taille,  il  y  avait 
un  impôt  encore  plus  odieux  :  c'était  la  gabelle.  Si  Sully 
le  soumit  à  un  contrôle  plus  sévère,  s'il  se  montra  en 
mên\e  temps  indulgent  pour  les  détenteurs  de  faux  seP, 
il  n'en  réforma  pas  l'assiette  et  s'appliqua  à  en  augmenter 
le  produit  par  des  crues  successives. 

Henri  lY  et  Sully  étaient  partisans  de  la  liberté  d'expor- 
tation, de  la  libre  circulation  des  marchandises  indigènes, 
du  libre  transit  des  marchandises  étrangères.  Mais  la 
prudence  leur  défendait  de  toucher  trop  profondément  au 
système  de  douanes  intérieures  et  extérieures  qu'ils  avaient 
trouvé   en  vigueur.   La  préférence  du  surintendant  pour 


1.  Ci.AMAGERA.N,  Histoiie  (le  l'impôt,  II,  285. 

2.  Clamageran,  II,  3i5. 

3.  Relation  de  Cirew,  p.  486. 

4.  -.  ...  in  februriry  IGOS  he  [Sully]  had  acquittcd  an  hundred  and  thirty 
m.  of  that  debt  [de  300  ni.J....  »  lOid. 

5.  Ci.AMAGEitAN,  11,  345.388.  PontsoN,  III,  90,  142. 
C.  Économies  royales,  coll.  .Micliaud,  III,  178. 


DOUANE   DE  VIENNE.  337 

les  impôts  indirects,  le  poussait  d'ailleurs  à  leur  demander 
les  ressources  nécessaires  pour  suppléer  à  l'insuffisance 
de  l'impôt  direct  que  l'intérêt  de  la  classe  agricole  avait 
fait  réduire.  Voilà  comment  le  souverain  et  le  ministre 
se  trouvèrent  amenés  à  déroger  à  leurs  inclinations  et  à 
leurs  principes,  en  conservant  et  même  en  resserrant  le 
réseau  fiscal,  qui  paralysait  en  partie  l'essor  de  la 
production. 

Les  lignes  de  douanes  avaient  été  tracées  de  façon  à 
suivre  et  à  couper  les  voies  commerciales  les  plus 
fréquentées.  Le  commerce  avait  beau  être  appelé  dans 
d'autres  voies,  il  ne  pouvait  s'y  engager  et  devait  prendre 
celles   qui  lui  faisaient  traverser  la  zone  douanière. 

Les  importations  maritimes  ne  se  faisaient  pas  indif- 
féremment par  tous  les  ports.  Le  corail  et  les  autres  pro- 
duits barbaresques  ne  pouvaient  entrer  que  par  Marseille  *. 
Cette  ville  était  la  seule  sur  la  Méditerranée  par  oi^i 
l'introduction  des  épiceries  et  des  drogueries  des  Indes 
orientales  fût  autorisée.  Sur  l'Océan  elle  n'avait  lieu  que 
par  Rouen.  Par  terre,  elle  était  réservée  à  Lyon  ^ 

Si  ces  marchandises  exotiques,  après  avoir,  à  leur 
débarquement  à  Marseille,  payé  le  droit  de  douane  qui 
était  de  4  pour  100,  remontaient  la  vallée  du  Rhône, 
elles  ne  tardaient  pas  à  entrer  dans  la  circonscription  de  la 
douane  de  Vienne  ou,  comme  on  l'appelait  aussi,  de 
Valence.  Tout  ce  qui  sortait  des  provinces  riveraines  du 
fleuve,    Provence,  Languedoc,   Vivarais,    Dauphiné  pour 

1.  Voy.  plus  haut  le  chapitre  sur  le  commerce  extérieur. 

2.  Adjudicatiou  faite  au  conseil  de  la  ferme  de  la  douane  des  épiceries, 
drogueries  et  autres  denrées  abordant  à  Marseille  et  autres  lieux  du  lit- 
toral pour  quatre  ans,  à  partir  du  1er  janvier  dernier,  moyennant 
4  550  livres  (13  299 fr.  34)  par  an.  17  mars  lC07.Bibl.nat.-Mss.  Franc.,  18171, 
fol.  207,  \°.  «  ...que  les  lieux  destinés  pour  l'entrée  des  épiceries  et  drogue- 
ries sont,  pour  le  regard  de  celles  qui  viendront  par  la...  Méditerranée..., 
Marseille,  pour  la  mer  Océane,  Rouen  et  pour  celles  qui  viendront  par 
terre...,  Lyon  tant  seulement...  »  Déclaration  du  consulat  de  Lyon  du  11  sep- 
tembre 1612.  Arch.  municipales  de  Lyon.  Reg.  BB  148  f°  106,  vo  et  suiv. 

22 


338  DOUANE  DE  LYON. 

se  diriger  vers  Lyon  ou  tout  ce  qui,  en  sens  inverse, 
venait  du  Lyonnais,  du  Forez,  du  Beaujolais,  de  la  Bresse, 
de  ritalie  et  de  la  Savoie  en  passant  par  Lyon  pour  des- 
cendre vers  le  littoral,  était  soumis  à  cette  douane,  dont 
les  bureaux  étaient  établis  à  Vienne  et  à  Sainte-Colombe' 
et  qui,  en  1601,  était  affermée  16  000  écus- (151  992  l'r.  50). 
Afin  d'y  échapper,  les  marchandises  expédiées  pour  le 
continent  se  détournaient  de  leur  itinéraire  naturel,  et 
gagnaient,  par  des  voies  plus  longues  et  cependant  moins 
onéreuses,  leur  destination.  Les  unes,  pour  arriver  dans 
l'Europe  centrale,  septentrionale  et  orientale,  opéraient 
leur  transit  en  terre  exclusivement  étrangère,  par  le 
Comtat  Venaissin,  la  Savoie,  la  Bresse,  Genève  et  la 
Franche-Comté;  les  autres,  qui  devaient  trouver  leur 
placement  dans  l'Europe  occidentale,  suivaient  la  rive 
droite  du  lleuve,  traversaient  le  Languedoc,  le  Vivarais, 
le  Forez  et,  obliquant  à  l'ouest  avant  de  pénétrer  dans  le 
rayon  de  la  douane,  atteignaient  l'Auvergne,  prenaient 
rAllier  à  Maringues  et  passaient  dans  la  Loire  qui  les 
transportait  à  Orléans  '. 

Là  où  cessait  la  zone  de  la  douane  de  Vienne,  com- 
mençait celle  de  la  douane  de  Lyon.  Ce  contact  occasion- 
nait   même    des    conflits.    En    1607,  les   fermiers  de   la 

1.  «  ...  la  ferme  de  la  douane  de  Vienne  qui  se  lève  sur  toutes  les  mar- 
chandises, tant  étrangères  que  autres,  vonans  et  se  voiturans,  tant  par  eaue 
que  par  terre,  de  nos  pays  de  Provence,  Languedoc,  Vivarais,  Daupliiné 
et  autres  qui  passeroient  par  ladite  ville  de  Valence  et  Sainte-Colombe 
allans  à  Lyon,  comuîe  aussi  sur  toutes  sortes  de  marchandises  venant  de 
Lyonnais,  Forez,  Beaujolais,  Hresse,  Italie  et  Savoie  et  autres  lieux  qui 
seroient  chargées  en  nostred.  ville  de  Lyon  et  se  voitureroient  en  nosd.  pays 
de  Provence,  Languedoc  et  autres  lieux  soit  par  eaue  ou  par  terre....  » 
Arrêt  du  conseil  du  10  décembre  IGO.j.  lUbl.  nat.  Franc.,  18169,  fol.  G5. 

2.  Lettres  patentes  de  Henri  IV  du  3  mai  IGOl  contenant  bail  de  la 
douane  de  Vienne  au  profit  du  nommé  Hubert  pour  deu-v  années  et  huitmois, 
au  prix  de  IGOOO  écus  par  an.  Inventaire  des  arch.  municipales  de  Lyon, 
Vlll,p.  414. 

3.  .Mathieu,  Histoire  de  France,  I,  3iG.  Jean  de  Serres,  Incenlaire  de  l'/n<i 
loire  de  France,  V,  331-334.  Uouhet,  Du  fait  de  la  r/abele.  UuUelin  de  ta 
ciété  niverna  ise  des  sciences,  lettres  et  arts,  Y  (1869),  p.  48. 


DOUANES  INTÉRIEURES^  339 

seconde  avaient  usurpé  la  perception  sur  les  marchandises 
à  leur  passage  par   le  Dauphiné\    La  douane   de    Lyon 
attirait   dans  cette  ville   les   soieries,    les   étoffes  d'or  et 
d'argent     et    les     autres    articles     levantins,    italiens   et 
espagnols.  Leur  introduction  dans  le  royaume  ne  pouvait 
s'opérer  que  par  cette  voie  et,   pour  les   introduire  par 
une    autre,   il  fallait   le  consentement  du  fermier    et  du 
conseil  du  roi".  La  contrebande  était  très  active  et,  pour 
l'empêcher,  pour  surveiller  la  circulation,  la  douane  était 
obligée  de  poster  partout  des  agents  secrets  qui  lui  coûtaient 
fort  cher  3.  En  1609,  les  marchandises  de  contrebande  répan- 
dues en  France  étaient  si  nombreuses  que  le  fermier  dut 
se  transporter  ou   envoyer  un  représentant  dans  les  pro- 
vinces où  il  y  en  avait  le  plus,  pour  sommer  les  détenteurs, 
à  son  de  trompe    et   par  cri    public,  de  venir,    dans  les 
six    jours,    les   faire    plomber   et  payer  les  droits  '.  Les 
importations  qui  payaient  la  douane,  ne  payaient  rien   à 
l'entrée  du  royaume '. 

La  traite  d'Anjou  et  trépas  de  Loire  pesait  sur  le  com- 
merce qui  se  faisait,  par  terre  et  par  eau,  entre  l'i^njou 
et  la  Bretagne.  En  1593,  une  nouvelle  réappréciation®  des 
denrées    qui  y   étaient  soumises,    releva    leur  valeur  et 

1.  Arrêt  du  conseil  du  10  février  1G07.  Bibl.  nat.  Franc.,  18171,  fol.  99. 

2.  Arrêt  du  conseil  du  30  déceiubre  1G08.  Franc.,  18174,  fol.  218. 

3.  Froumente.\u,  Le  secret  des  finances.,  1581. 

4.  Arrêts  du  conseil  du  30  octobre  1G08  et  8  octobre  1009.  Franc.,  18174, 
fol.  36  V»  et  18176,  fol.  19  v». 

5.  «  C'a  esté  uug  bon  œuvre  d'avoir  par  vous  obtenu  la  vérification  de 
l'exemption  de  douane  à  l'entrée  du  royaume  pour  les  marchandises  venans 
en  ceste  ville.  »  Lettre  du  consulat  de  Lyon  aux  députés  de  la  ville  en  cour, 
14  août  1604.  Arch.  municipales  de  Lyon  AA  1 12,  fol.  182.  Arrêt  ordonnant 
que  les  marchandises  venant  de  Flandres,  Angleterre,  Allemagne,  etc.,  et 
entrant  par  Picardie,  Normandie  et  Champagne  pour  aller  à  Lyon,  ne  paye- 
ront pas  droit  d'entrée  là  où  elles  entrent,  mais  que  les  marchands  rap- 
porteront certificat  de  la  douane  de  Lyon  de  l'acquit  des  droits  à  Lyon, 
30  septembre  1G04.  Collection  des  arrêts  du  conseil. 

6.  Ou  trouvera  cette  réappréciation  à  la  suite  de  l'édit  du  28  sep- 
tembre 1594  qui  la  mit  en  vigueur,  dans  Rondofineau,  série  chronologique 
ADi»5. 


340  DOUANES. 

diniiiHKi  assez  le  Iransit  pour   provoquer  les  réclamatious 
des  engagisles'. 

Plus  au  sud,  les  deux  grandes  richesses  naturelles  de 
la  Sainlonge,  le  sel  et  le  vin  avaient  à  compter  avec  la 
traite  de  Charente.  Par  application  de  la  pancarte  que 
l'assemblée  des  notables  de  Rouen  venait  de  faire  adopter 
(io9()),  les  vins  de  Saintongc  furent  frappés,  à  leur  sortie 
de  la  province,  d'un  droit  de  4  écus  ()^8  fr.)  par  tonneau. 
Cette  taxe  porta  le  plus  grand  préjudice  à  l'exportation  et 
au  commerce  et,  s'ajoutant  à  la  perception  générale  du 
nouvL'l  impôt,  suscita  dans  les  provinces  de  l'ouest  une 
agitation  qui,  sans  la  présence  et  l'innuoncc  de  Sully, 
aurait  dégénéré  en  soulèvement.  Les  représentations  de 
la  population  intéressée  obtinrent  une  réduction  du  droit 
à  2  écus (d 9  fr.)'. 

Les  contribuables  ne  furent  pas  toujours  aussi  heureux 
dans  leur  résistance.  Un  édit,  du  31  octobre  IGOO,  avait 
établi  sur  les  toiles  qui  sortaient  du  royaume  un  droit 
de  12  den.  pour  livre.  Vainement  l'échevinage  de  Rouen 
fil  remarquer  combien  les  affaires  avaient  déjà  pàti  de 
la  réappréciation  et  de  la  traite  domaniale  auxquelles  cet 
article  venait  d'être  soumis,  et  combien  l'on  faisait  le  jeu 
de  la  concurrence  étrangère  qui  nous  avait  déjà  supplantés 
pour  d'autres  articles.  Le  parlement  et  la  cour  des  aides 
de  Normandie  eurent  beau  joindre  leurs  remontrances  à 
ces  avertissements,  les  échevinages  de  Caen,  du  Havre  et 
de  Dieppe  eurent  beau  concerter  leur  opposition  avec  celle 
de  l'échevinage  de  Rouen  et  envoyer  à  la  cour,  pour  la 
faire  valoir,  une  députation  commune^  les  états  provin- 
ciaux eurent  beau   faire   observer   que  le  nouveau  droit, 

1.  Arr.'t  du  conseil  du  IG  mars  1604.  liibl.  nat.  Franc.,   18IG7  à  la  date. 

2.  Al  MAT,  Le  comoierce  an  XVI''-  aiècle.  Le  fisc  et  les  vins  de  Sainlonge, 
dans  Kecue  des  provinces,  juin  18GG.  Lettres  patentes  du  10  décenil)re  16U5, 
Bibl.  nationale,  Franc.,  18 IG!),  fol.  08  v».  .Mauvald,  Èludus  historiques  sur 
Cognac,  II. 


IMPOTS  INDIRECTS.  341 

n'étant  qu'une  application  de  la  pancarte,  faisait  double 
emploi  avec  les  contributions  par  lesquelles  la  province 
s'était  raclietée  de  celle-ci,  le  gouvernement  ne  se  rendit 
pas  à  ces  représentations  unanimes,  des  lettres  de  jussion 
répétées  imposèrent  aux  cours  souveraines  l'enregistrement 
de  la  taxe,  et  un  édit  du  28  octobre  1603,  vérifié  le 
9  janvier  1604,  en  prorogea  la  perception'. 

Les  résistances  que  nous  venons  de  signaler  nous 
édifient  sur  l'impopularité  d'un  genre  de  taxes  auxquelles 
Sully  donna  une  grande  place  dans  son  système  financier. 
Cela  s'accorde  mal  avec  la  faveur  dont  les  impôts  indirects 
ont  toujours  joui,  tant  au  point  de  vue  fiscal  à  cause  de  la 
facilité  de  leur  recouArement,  qu'au  point  de  vue  de  l'équité 
à  cause  de  leur  proportionalité.  Mais  ces  avantages  étaient 
singulièrement  compromis  à  l'époque  qui  nous  occupe,  par 
le  mode  de  perception  de  ces  impôts.  Ils  étaient,  en  effet, 
personne  ne  l'ignore,  affermés,  et  mettaient  en  jeu  toute 
l'industrie  des  adjudicataires  pour  en  augmenter  le  rende- 
ment. Delà,  une  foule  de  majorations  et  de  vexations  que 
le  contrôle  de  l'administration  supérieure  était  impuissant 
à  découvrir  et  à  réprimer.  Tout  le  monde  sait  que  les 
bénéfices  des  fermiers  étaient  scandaleux;  dans  les  douanes, 
ceux  qui  se  rendaient  adjudicataires  pour  100  000  écus 
(949  933  fr.  16),  n'en  levaient  pas  moins  d'un  million 
(9  499  531  fr.  61)".  L'arbitraire  et  l'insolence  des  commis, 
leurs  lenteurs  calculées,  leurs  procès-verbaux  multipliés  à 
plaisir,  les  détours  imposés  aux  marchandises  pour  passer 
par  les  bureaux  ajoutaient  au  prix  de  revient  des  faux 
frais  considérables,  et  laissaient  au  cœur  des  marchands 
une  profonde  irritation^.  Pour  ne  citer  qu'une  preuve  de 


1.  Cahiers  des  états  de  Normandie  sous  Henri  IV,  p.  p.  BEAunEPAiRE,  I. 

2.  «  ...  car  ceux  qui  ont  tenu  les  douanes,  de  ce  qu'ils  ont  donné  cent 
mil  escus,  en  ont  toujours  levé  un  million.  »  Laffemas,  La  Commission... 

3.  P.  Matthieu,  Histoire  de  France    161  ôj,  I,  34G.   Matthieu  ne  pai'le  que 


342  FISCALITÉ. 

la  imiltiplicilé  bion  connue  des  taxes  indirectes,  nous 
dirons  qu'un  tonneau  de  vin  d'Orléans  acquittait  dix  ou 
douze  droits  dillérents,  avant  d'être  débité  à  la  taverne 
à  Paris'.  D'ailleurs,  s'il  est  vrai  que  les  contribuables 
supportent  souvent  plus  patiemment  les  impôts  indirects 
que  les  impôts  directs,  c'est  quand  les  transactions  sont 
nombreuses,  les  bt-nélices  abondants.  Or,  pendant  la  plus 
grande  partie  du  règne  de  Henri  IV,  il  n'en  fut  pas  ainsi. 
Au  sortir  des  guerres  civiles,  les  paysans,  les  artisans,  les 
commerçants  avaient  eu  à  remplacer  leur  matériel  agricole, 
leur  cheptel  et  leurs  approvisionnements,  à  payer  leurs 
dettes.  La  demande  fut  lente  à  se  produire  et  il  fallut  du 
temps  pour  que  les  commandes  affluassent,  pour  que 
l'aisance  générale  se  répandit  peu  à  peu. 

Du  reste,  les  témoignages  abondent  sur  l'excès  de  la 
fiscalité.  Claude  Groulart  écrit  que  la  paix  n'a  rien  changé 
aux  souffrances  du  peuple;  c'est  en  vain  qu'il  est  gouverné 
par  un  bon  roi,  un  roi  économe,  u  les  dispensateurs  de  ses 
finances  font  pis  que  jamais,  car  on  lève  plus,  on  paye 
moins,  le  peuple  est  plus  affligé  que  l'on  n'a  esté  au  fort 
des  misères"  ».  Sans  doute,  quand  le  premier  président  de 
Normandie  constate  en  ces  termes  que  le  poids  des  impôts 
et  les  malversations  commises  dans  leur  recouvrement  n'ont 
fait  qu'augmenter,  la  pacification  intérieure  est  toute  ré- 
cente, la  paix  avec  l'îlspagne  vient  d'être  signée,  les 
«  dispensateurs  des  finances  »  qu'il  stigmatise  s'appellent 
encore  d'Incarville  et  consorts  et  c'est  à  cejui-ci  nominati- 
vement quil  s'en  prend  de  cette  situation,  que  l'élévation 
de  Sully  à  la  surintendance  va,  sur  plus  d'un  point,  profon- 
dément modifier.  Mais  franchissons  quelques  années  :  c'est 

de  la  douane  de  Vienne,  dont  il  avait  reçu  le  mandat  de  signaler  les  con- 
séquences funestes,  mais  ce  qu'il  en  dit  s'applique  à  toutes  les  taxes 
douanières. 

1.  Cftrew's  Relation. 

2.  Mémoires  de  Claude  Groulart,  année  1598.  Coll.  Michaud,  X(,  580. 


FISCALITI^.  343 

Sully  lui-même,  c'est  le  roi  que  nous  entendrons  en  1604, 
en  1606,  déplorer  la  lourdeur  excessive  des  impôts,  l'extrême 
pauvreté  du  peuple  do  la  campagne,  la  misère  croissant 
d'année  en  année  '.  Enfin  si,  pour  la  lin  du  règne,  on  inter- 
roge un  autre  témoin,  l'ambassadeur  anglais  George  Carew 
dont  la  relation  a  été  écrite  en  1609,  la  déposition  que  nous 
recueillons  est  plus  attristante  encore.  C'est,  nous  dit-il, 
dans  le  gouvernement  français  un  principe  d'écraser  les 
contribuables  pour  les  empêcher  de  remuer'.  Aussi  le 
peuple  maudit  le  gouvernement  et  accuse  le  roi  de  vouloir 
être  non  le  roi  des  Français  mais  le  roi  des  gueux.  Carew 
ajoute  que  les  collecteurs  de  la  taille  poussent  la  rigueur 
jusqu'à  vendre  les  portes,  les  fenêtres,  les  tuiles  de  la 
maison  des  contribuables  insolvables.  De  toutes  les  pro- 
vinces, la  Normandie  était  la  plus  accablée^.  Sully,  se 
vantant  un  jour  à  l'ambassadeur  qu'elle  rapportait  plus  au 
roi  que  le  roi  d'Angleterre  ne  tirait  de  tous  ses  Etats  : 
«  C'est  le  moyen,  lui  répondit  son  interlocuteur,  de  faire 
désirer  aux  sujets  de  Sa  Majesté  Très  Chrétienne  un  chan- 
gement de  maître,  et  d'attacher  les  Anglais  au  leur\  » 

Il  est  donc  incontestable  que  le  gouvernement  de 
Henri  IV  ne  fut  pas  un  gouvernement  bon  marché.  Cela 
s'explique.  Sully,  — car  c'est  lui  surtout  qu'il  faut  ici  mettre 
en  cause,  —  a  donné  à  la  France  de  bonnes  finances.  Or  de 

1.  Sully  à  Henri  IV,  13  septembre  1C04.  Économies  royales,  éd.  Ams- 
terdam, 1725,  VII,  234.  Harangue  de  Henri  IV  aux  notables,  fin  de  1C04. 
Ibid..,  coll.  Michaud,I,  G20.  Sully  aux  trésoriers  de  Rouen,  5  décembre  1606. 
Ibid.,  II,  166,  2.  178.  En  16u3,  les  collecteurs  se  plaignaient  de  ne  pas  pouvoir 
recouvrer  les  tailles  «à  cause  de  l'impuissance  et  pauvreté  du  peuple  ». 
Arrêt  du  conseil  du  9  octobre  1603.  Arch.  nat.,  Collection  des  arrêts  du 
conseil. 

2.  Il  est  difficile  de  ne  pas  rapprocher  celte  affirmation  de  la  déclaration 
de  François  I«''  à  l'ambassadeur  vénitien  :  «  Mon  royaume  est  un  pré  que 
je  fauche  quand  je  veux  »,  et  de  l'assimilation  du  peuple  aux  mulets  qu'on 
trouve  dans  le  Testament  politique.  Il  y  a  là  une  tradition. 

3.  Elle  était  la  plus  riche  et  payait  le  cinquième  des  tailles. 

4.  P.  463.  Sur  l'impopularité  du  roi,  voy.  la  véhé'uente  et  coui'ageuse 
déclaration  du  maréchal  d'Ornano  dans  Lestoile,  X,  5, 


344  ŒUVRE  AGRICOLE  DE  HENRI  IV. 

bonnes  finances,  on  peul  le  dire  sans  paradoxe,  cela  coûte 
cher.  Nous  voulons  dire  qu'un  gouvernement  ne  peul  pas 
obtenir  des  excédents  de  recette,  faire  à  l'amortissement  sa 
part,  racheter  le  domaine  et  les  revenus  publics  engagés, 
désintéresser  les  usurpateurs  de  la  souveraineté  nationale, 
créer  une  réserve  et  un  trésor  de  guerre  sans  demander 
beaucoup  à  un  pays  (jui  se  trouve  dégrevé,  d'autre  part,  du 
cinquième  de  l'impôt  direct.  Le  grand  ministre  ne  put 
arriver  à  ce  résultat,  sans  recourir  à  des  expédients  préjudi- 
ciables en  eux-mêmes  à  la  production,  et  singulièrement 
aggravés  par  le  système  de  recouvrement.  Les  protestations 
et  l'agitation  populaires  avertirent  plus  d'une  fois  le  fisc 
qu'il  atteignait,  dans  les  parties  vives,  une  population  endo- 
lorie par  tant  d'années  de  souffrances  et  plus  d'une  fois  le 
fisc  s'arrêta  '. 

Quand  on  a  indiqué  la  proportion  de  l'impôt  avec  les 
forces  contributives  de  la  population,  on  ne  connaît  pas 
encore  sa  portée  sociale  et  morale.  Il  reste  à  savoir  quel 
emploi  il  a  rern,  dans  quelle  mesure  il  a  servi  au  dévelop- 
pement de  la  richesse  générale  sur  laquelle  il  a  été  prélevé. 
Si  l'on  se  place  à  ce  point  de  vue,  le  gouvernement  de 
Henri  IV  ne  mérite  plus  que  des  éloges,  car,  si  tel  impôt  a 
pu  être  onéreux,  vexatoire,  dommageable  à  la  production, 
le  produit  des  impôts,  dans  leur  ensemble,  a  été,  en  grande 
partie,  consacré  ou  à  la  liquidation  d'un  passé  calamiteux 
ou  à  la  dotation  du  travail  national.  Cette  observation  nous 
amène  à  rappeler  comment  ce  gouvernement  a  compris 
et  servi  les  intérêts  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  du 
commerce. 

Réduction  de  la  taille,  remise  de  l'arriéré,  liberté  du 
commerce   des   grains,    insaisissabilité  du    bétail   et   des 

I.  Outre  les  exemples  cités  plus  haut,  rappelons  ce  qui  se  passa  à  l'occa- 
sion de  la  créatiun  des  marqueurs  jurés  de  cuirs  et  de  la  généralisation  du 
régime  des  maîtrises  et  jurandes. 


ŒUVRE  INDUSTRIELLE  DE   HENRI   IV.  3i5 

instruments  aratoires,  faculté  pour  les  paroisses  de  rentrer 
en  possession  de  leurs  communaux,  établissement  de  relais 
011  les  cultivateurs  purent  trouver  des  chevaux,  dessè- 
chement des  marais,  réforme  de  l'administration  forestière, 
législation  minière  ménageant  les  droits  de  l'Etat  et  les 
droits  individuels,  voilà  ce  que  l'agriculture  lui  a  dii. 

Dans  ce  qu'on  peut  appeler  la  législation  agricole  de 
Henri  IV,  il  n'y  a  qu'à  louer.  On  ne  peut  pas  en  dire  autant 
de  sa  législation  industrielle.  Ici,  il  se  trouvait  en  présence 
d'une  organisation  séculaire  entamée  et  altérée  par  l'évo- 
lution économique,  qui  se  défendait  et  se  raidissait,  pour 
ainsi  dire,  contre  les  exigences  de  cette  évolution  en  se 
faisant  plus  exclusive  et  plus  jalouse.  Fallait-il  l'abolir? 
On  ne  pouvait  y  songer.  Mais  il  aurait  fallu,  du  moins,  ne 
pas  l'étendre,  ne  pas  y  faire  entrer  les  métiers  libres  que 
les  convenances  du  public  avaient  créés,  les  laisser  vivre  et 
grandir  à  côté  des  métiers  jurés,  et  s'en  remettre  à  l'expé- 
rience du  soin  d'éclairer  les  consommateurs  et  le  gouver- 
nement sur  les  avantages  et  les  inconvénients  des  deux 
systèmes.  On  sait,  du  reste,  que  ce  fut  moins  à  une  préfé- 
rence théorique  qu'à  une  préoccupation  fiscale,  que  le 
gouvernement  de  Henri  lY  obéit,  en  érigeant  en  jurandes  et 
en  maîtrises  des  métiers  libres  qui  formaient  dans  le  pays 
une  minorité  fort  imposante,  car  des  villes  comme  Lyon 
n'en  connaissaient  pas  d'autres.  Il  était,  au  contraire,  dans 
la  véritable  voie  quand  il  cherchait  à  restaurer  les  insti- 
tutions qui  avaient  fait  la  vertu  et  la  légitimité  des  corpo- 
rations dans  leurs  beaux  jours.  S'il  s'en  était  tenu  là,  l'édit 
d'avril  1.j97  aurait  pu,  comme  des  tentatives  antérieures, 
rester  impuissant,  il  aurait  été,  du  moins,  applaudi;  il 
souleva,  au  contraire,  on  le  sait,  une  opposition  passionnée 
qui  en  fit  ajourner  l'application  et  conduisit,  tout  l'indique, 
à  son  tacite  abandon. 

La  pensée  d'une  réforme  de  l'organisation  industrielle 


346        ŒlYRE   INDUSTRIELLE   ET  COMMERCIALE   DE   HENRI   IV. 

et  commerciale  survécut  à  cet  échec.  Elle  répondait  à  un 
vœu  de  l'opinion,  elle  s'était  manifestée  maintes  fois  dans 
les  étals-généraux,  et  la  place  qu'elle  occupait  encore  dans 
les  préoccupations  publiques  est  une  preuve  de  plus  qu'elle 
n'avait  pas  trouvé  dans  l'édit  sa  satisfaction.  L'une  des 
t;\ches  assignées  à  la  commission  du  commerce  fut  de  la 
réaliser,  mais  Ton  se  rappelle  qu'elle  ne  l'aborda  en  quoique 
sorte  que  pour  l'éluder. 

La  création  de  cette  commission  doit  être  comptée  à 
Henri  IV  bien  plus  que  cet  édit  comme  un  témoignage  de 
son  intérêt  pour  l'industrie  et  le  commerce.  Bien  qu'elle 
n'ait  pas  été  conçue  comme  une  institution  permanente, 
bien  que  sa  mission  ait  été  de  fait  temporaire,  elle  peut 
être  considérée  comme  la  première  de  ces  chambres  de 
commerce  et  de  manufactures  qui  ont  donné  à  ces  deux 
branches  de  la  production  nationale  une  représentation  et 
des  organes.  Sans  doute,  aujourd'hui,  on  compose  ces  corps 
autrement;  au  lieu  d'y  mettre  presque  exclusivement  des 
magistrats  et  des  administrateurs,  c'est-à-dire  dos  hommes 
dont  le  formalisme  admet  difficilement  les  conditions  de 
simplicité  et  de  célérité  dont  les  transactions  industrielles 
et  commerciales  ont  besoin,  on  y  fait  entrer  des  hommes 
d'allaires.  Mais  les  commerçants  et  les  industriels,  capables 
de  traiter  avec  largeur  d'esprit  les  questions  se  rattachant  à 
leur  profession,  étaient  si  rares  alors,  ils  étaient,  en  consi- 
dération et  en  lumières,  si  inférieurs  aux  gens  de  robe,  que 
ceux-ci  arrivaient  à  représenter  et  à  absorber,  aux  yeux  du 
gouvernement,  le  tiers  état  tout  entier.  Il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que,  pour  la  première  fois,  des  intérêts  qui 
n'avaient  jamais  été  envisagés  que  dans  leurs  rapports  avec 
les  corporations  ou  avec  le  fisc,  furent  compris  dans  leur 
ensemble,  et  avec  le  juste  sentiment  de  leur  importance  et  de 
leur  influence  sur  l'économie  sociale  et  la  grandeur  nationale. 

Ces  intérêts  n'eurent  pas  d'ailleurs  à  souiliir  de  lincom- 


G'XVttE   INDUSTRIELLE   ET  COMMERCIALE   DE   HENRI   IV.       347 

pétence  de  celte  commission.  Si  elle  se  laissa  à  bon  droit 
effrayer  par  la  tâche  de  refondre  l'organisation  industrielle 
et  commerciale,  elle  accueillit  avec  sympathie  et  j)atronna 
avec  zèle,  quand  elle  ne  les  provoqua  pas,  toutes  les 
entreprises  nouvelles.  Il  y  eut  toujours  entre  le  roi  et  elle 
une  entente  parfaite,  et  comme  une  émulation  de  bon 
vouloir  à  1  égard  des  découvertes  et  des  projets  qui  sollici- 
tèrent leur  protection.  La  forme  sous  laquelle  cette  pro- 
tection s'exerça,  varia  peu  et  ne  pouvait  guère  varier  :  ce  fut 
le  monopole,  l'affranchissement  de  la  juridiction  des 
corporations,  l'exemption  d'impôts,  la  naturalisation  pour 
les  étrangers,  des  subventions,  des  pensions,  l'anoblis- 
sement', en  un  mot,  le  privilège.  Le  mot  est  impopulaire, 
il  est  vrai,  mais  il  faut  se  rappeler  d'une  part  avec  quelles 
précautions,  avec  quel  souci  de  l'intérêt  général,  le  procédé 
qu'il  désigne  était  pratiqué  et,  de  l'autre,  qu'il  était  la  seule 
porte  pour  rentrer  dans  le  droit  commun. 

Tout  ce  que  le  gouvernement  de  Henri  IV  a  fait  pour 
l'agriculture  et  pour  l'industrie,  on  peut  dire  qu'il  l'a  fait 
en  même  temps  pour  le  commerce,  car  c'est  l'agriculture 
et  l'industrie  qui  fournissent  au  commerce  les  produits 
auxquels  il  ajoute,  par  ses  opérations,  une  valeur  nouvelle. 
11  n'y  a  peut-être  pas  de  partie  de  l'administration  oii 
éclatent  le  mieux  l'intelligence  et  la  passion  du  bien  public 
de  ce  gouvernement  que  les  ponts  et  chaussées.  C'est  à  lui 
que  remonte,  comme  il  doit  toujours  remonter  à  quiconque 
donne  une  impulsion  suivie  et  crée  une  tradition,  le 
principal  honneur  du  beau  réseau  de  voies  de  communi- 
cation par  terre  et  par  eau,  que  les  autres  nations  euro- 
péennes ont  envié  à  la  France  de  l'ancien  régime.  Ce  n'est 


1.  Par  exemple,  Henri  IV  conféra  la  noblesse  à  Armand  Crommelin  pour 
avoir  introduit  de  Courtrai  à  Saint-Quentin,  en  IST'J,  lafabrique  des  linons 
et  batistes.  Gomart,  Saint-Quentin  j^endant  la  Ligue.  Société  académique 
de  Saint-Quentin,  1848. 


348        (KL'VKE   INDL'STKlIiLLE   ET  COMMERCIALE    DE   HENRI   IV. 

pas  sculoinent  les  travaux  de  voirie,  mais  les  Iravaux 
publics  en  général  qui  ont  été  Je  la  part  du  roi  et  de  son 
ministre  l'objet  d'un  goiït  et  d'une  application  particulière, 
dont  l'exemple  trouva  dans  le  royaume  de  nombreux 
imitateurs'.  Un  contemporain^  a  estimé  à  un  million 
d'écus  d'or  (10  11311,")  fr.  12)  l'argent  dépensé  dans  les 
bâtiments,  mais  ce  cliilTre  paraît  se  rapporter  exclusivement 
aux  embellissements  de  Paris  et  des  cbàteaux  royaux,  et  il 
faut  y  ajouter  les  frais  d'une  foule  de  constructions  de 
pure  utilité,  telles  que  les  fortifications  de  vingt-buit  ])1aces 
frontières  ^  Or,  on  sait  l'inllucnce  considérable  exercée  par 
les  travaux  publics  sur  le  mouvement  général  des  affaires. 
Parmi  les  bienfaits  dont  le  commerce  fut  redevable  à 
Henri  lY,  il  ne  faut  oublier  enfin  ni  l'organisation  officielle 
donnée  aux  relais  ni  les  mesures  pour  raffermir  le  crédit. 

Henri  lY  porta  ses  vues  plus  loin  que  le  commerce 
intérieur.  On  le  croirait  réduit  à  l'impuissance  par  la 
décliéance  de  la  marine  militaire,  et  cependant,  il  trouve 
moyen  de  punir  les  pirateries  barbaresques,  de  s'afirancliir 
en  partie  de  celles  des  nations  maritimes,  de  faire  consacrer 
par  la  Porte  notre  ancien  protectorat  sur  toutes  les  nations 
cbrétiennes  commerçant  au  Levant,  à  l'exception  de  la 
Sérénissime  République  qui  en  est  depuis  longtemps 
exempte,  et  de  l'Angleterre  qui  vient  de  s'y  soustraire;  de 
défendre  contre  celle-ci,  avec  un  succès  mallieureusement 
incomplet,  notre  sécurité  et  notre  dignité,  de  fonder  la 
Compagnie  des  Indes  orientales  et  la  Compagnie  de  la 
Nouvelle-France. 

Plus  justement  que  Louis  XIY,  Henri  lY  aurait  pu  dire  : 

1.  Éconotnies  royales,  coll.  Michaud,  I,  3G2,  2.  Relation  de  Vendramin 
dans  Alberi,  série  I,  IV,  465.  Mémoires  de  Fonlcnuy  Mnreuil,  coll.  Michaud, 
l'l,'2.  28.  Lé^-endc  en  ttHe  de  la  {.'raviire  de  Cl.  Cliastillon  représentant  la 
porte  et  place  do  France  au  Cabinet  des  estampes. 

2.  Mctiioires  de  Tavannes,  coll.  Michaud,  280,  2. 

3.  Cauew,  434.  .MicHELET,  Histoire  de  Fi'ance,  XI,  142. 


PORTRAIT   DE   HENRI   IV.  3i9 

l'Etat  c'est  moi  '.  Jamais  goiiveniemeiit  plus  que  le  sien  ne 
se  ressentit  du  caractère  du  souverain.  C'est  sous  les  traits 
d'un  homme  de  quarante-sept  ans,  de  stature  moyenne,  un 
peu  prématurément  Ijlanclii  par   les  fatigues  et  certains 
excès,  mais  dont  la  vigueur  et  la  souplesse  sont  à  peine 
entamées  par  quelques  attaques  de  goutte,  et  dont  le  visage 
offre,  dans  son  puissant  relief,  un  air  d'autorité  et  de  bonté 
qui  impose  et  séduit,  qu'il  faut  se  représenter  la  monarchie 
française  en  l'an  1600.  L'intelligence  est  vive,  la  conception 
rapide,  le  sens  pratique  exquis,  la  mémoire  excellente,  le 
caractère  beaucoup  mieux  trempé  contre  les  épreuves  de 
l'adversité  que  contre  les  entraînements  de  la  prospérité, 
le  langage  d'une  souplesse  qui  le  fait  passer  sans  disso- 
nance par  tous  les  tons,  d'une  force  inventive  qui   l'égaie 
par  une  foule  d'expressions  à  fleur  de  coin.  La  bonté  et  le 
calcul  ont  une  part  égale  dans  la  conduite,  bonté  native, 
faite  d'optimisme,  de  bonne  hnmeur,  de  vigueur  physique, 
confirmée  par  la  vie   qui,  au  lieu  d'amertume,  a  laissé  un 
certain  scepticisme  et   une  certaine  indifférence  morale, 
c*alcul  aiguisé  par  les  fortunes  diverses  qu'il  a  fallu  subir, 
les  milieux  si  différents  qu'il  a  fallu  traverser.  Tout  ici,  en 
effet,  vient  de  l'hérédité,  de  la  race,  la  plus  fine  et  la  plus 
militaire  de  France,  de  l'éducation,  de  l'expérience;  rien 
de  livresque,  comme  disait  son  compatriote  Montaigne  qui 
écrivait  comme  Henri  parlait.  De  là  ce  je  ne  sais  quoi  de 
prime-sautier,  de  familier,  de  nerveux,  de  hâtif,  de  court  qui 
frappe  dans  sa  pensée,  dans  son  langage,  dans  son  gouver- 
nement, et  qui  n'exclut  qu'en  apparence  la  persévérance  et 
la  maturité.  De  là,  de  celte  vie   errante  et   toujours  en 
selle,  ce  goût   des   délibérations   courtes,  des  résolutions 
promptes,  cette  aversion  des  travaux  sédentaires  du  cabinet, 

I.  Il  est  vrai  que  ce  mot  n'est  jamais  sorti  de  la  bouche  de  Louis  XIV, 
mais  il  exprime  si  bien  sa  pensée  et  l'esprit  de  son  gouvernement,  qu'il 
mérite,  sous  cette  réserve,  de  rester  dans  l'histoire. 


350  VALEL'R    DE   SILLY. 

ce  besoin  danimer  d'un  mouvement  physique  la  discussion 
des  affaires,  de  les  traiter  debout,  dans  l'embrasure  d'une 
fenêtre,  ou  en  se  promenant  dans  les  galeries  du  Louvre  et 
de  Fontainebleau.  C'était  tout  le  contraire  de  la  méthode 
patiente,  minutieuse,  traînante  de  son  grand  adversaire, 
Philippe  II.  Henri  lui  ne  semblait  donner  que  deux  heures 
par  jour  aux  affaires  et,  en  réalité,  par  la  façon  dont  il  y 
faisait  toul  servir,  les  rencontres,  les  conversations,  les 
plaisirs,  il  leur  donnait  tout  son  temps.  Si,  négligeant  les 
parties  éclatantes  et  comme  héroïques  de  sa  carrière, 
celles  qui,  au  lendemain  de  sa  mort  et  jusqu'à  ce  que 
Richelieu  lui  disputât  sa  place  dans  l'imagination  des 
peuples,  ont  grandi  sa  mémoire  jusqu'à  l'apothéose,  on  ne 
s'attache  qu'à  son  administration  intérieure  et  particulière- 
ment à  son  indiience  sur  les  intérêts  économiques  de  son 
rovaume,  on  admire  son  ouverture  d'esprit,  son  intelligence 
des  questions,  sa  confiance  dans  le  succès  des  entreprises 
nouvelles,  sa  persévérance  à  les  soutenir,  son  souci  de 
l'épargne,  allié  au  goût  de  la  grandeur,  son  application  à 
développer  toutes  les  ressources  de  son  royaume  qu'on  a 
heureusement  comparée  à  celle  d'un  propriétaire  à  faire 
valoir  son  domaine.  Telles  sont  les  qualités  dont  le  livre 
qu'on  vient  de  lire  offre  lant  d'exemples,  et  que  Henri  IV 
fit  reluire  en  ces  royales  économies  d'État^  que  son  lidèle 
ministre  à  célébrées. 

Nous  venons  de  désigner  Sully  et,  parmi  les  auxiliaires 
qui,  sans  jamais  substituer  leur  direction  à  la  sienne,  ont 
éclairé  et  pré[)aré  les  éléments  de  ses  décisions,  il  n'en  est 
aucun,  on  le  sait,  qui  l'ait  autant  secondé.  Après  avoir  été 
l'un  des  favoris  de  l'école  philosophique  du  siècle  dernier, 
Sully  court  risque,  si  l'on  n'y  prend  garde,  de  devenir  la 
victime  de  l'école  historique  de  notre  temps.  On  lui  en  veut 
d'avoir  si  longtemps  égaré  l'histoire  avec  son  grand  dessein, 
de  n'avoir  reculé,  pour  avilir  les  autres  serviteurs  de  son 


OL.    DE  SERRES  ET   B.   LAFFEMAS.  351 

maître  et  partager  exclusivement  avec  lui  la  gloire  de  tant 
de  grandes  choses,  ni  devant  les  mensonges  ni  devant  les 
faux.  On  ne  lui  pardonne  pas  d'avoir  fait  de  ses  Mémoires, 
qui  auraient  dû  être  le  guide  le  plus  sûr  pour  l'histoire  du 
temps,  un  livre  semé  de  pièges,  où  Ton  ne  peut  s'avancer 
que  la  sonde  à  la  main,  11  y  a  une  part  de  justice  dans 
ces  rancunes.  Il  ne  faudrait  pas  pourtant  se  laisser  entraîner 
trop  loin  dans  cette  voie  par  le  goût  de  démolition  dont 
la  critique  paraît  à  certains  moments  possédée.  La  méfiance 
avec  laquelle  on  ne  pourra  désormais  s'empêcher  d'aborder 
les  Économies  royales^  ne  les  empêchera  pas  de  rester  le 
monument  le  plus  important  de  l'histoire  de  Henri  IV. 
L'outrecuidance  solennelle  et  gourmée  de  l'homme,  son 
caractère  cassant,  son  impopularité  ne  doivent  pas  faire 
oublier  son  amour  sincère  du  peuple.  Enfin,  —  et  c'est 
surtout  à  ce  titre  qu'il  nous  appartient  de  sauvegarder  sa 
vieille  renommée, —  ses  mérites  et  ses  services,  comme  ad- 
ministrateur, n'ont  rien  à  perdre  à  la  réaction  qui  s'accomplit 
contre  lui  :  voirie,  travaux  publics,  agriculture,  mines, 
forêts,  presque  toutes  les  parties  de  son  administration,  sans 
parler  des  finances,  dont  elles  dépendaient  toutes,  offrent 
les  traces  de  sa  conscience,  de  son  zèle,  de  son  intelligence. 
Sur  tout  cela,  Henri  IV  a  vu  souvent  plus  clair  et  plus  loin 
que  lui,  mais  il  a  débrouillé  les  matières,  instruit  les  ques- 
tions, préparé  au  coup  d'œil  du  roi  des  solutions  mûries. 
Au-dessous  de  Sully,  il  y  a  deux  hommes  dont  l'influence 
s'est  fait  sentir  dans  le  domaine  qui  nous  occupe  et  qui 
doivent  nous  arrêter  :  c'est  Olivier  de  Serres  et  Barthé- 
lémy LafTemas.  Le  premier  encouragea  le  roi  à  entreprendre 
la  propagation  de  la  sériciculture;  par  un  ouvrage  auquel 
le  progrès  des  méthodes  n'a  peut-être  pas  ôté  toute  son 
utilité  et  n'a  rien  ôté  de  son  agrément,  il  contribua,  dans 
une  mesure  difficile  à  déterminer,  à  la  diffusion  du  goût 
de  l'agriculture  et  des  connaissances  agricoles. 


352  01..    DE  SEllRES  ET  B.    L.\FFEM.\S. 

Entre  Olivier  de  Serres  et  Laiïemas,  il  y  a  plus  d'un 
contraste.  Aulanl  la  vie  de  l'un,  à  part  une  courte  partici- 
pation aux  guerres  religieuses,  fut  uniforme  et  tranquille, 
autant  celle  de  l'autre,  telle  qu'on  l'entrevoit  par  les 
écha{)pées  que  nous  ouvrent  les  documents,  nous  apparaît 
comme  une  lutte  opiniAtre  contre  la  mauvaise  fortune. 
Tandis  que  le  Théâtre  d iujriculture  est  surtout  le  fruit  d'une 
expérience  personnelle  exclusivement  appliquée  au  «  ménage 
des  champs  »  et  retlète  un  esprit  mesuré,  d'une  aimable 
prudliomie,  les  nombreux  écrits  de  LalTemas,  œuvres  de 
circonstance,  d'improvisation  et  de  polémique,  révèlent 
par  leur  richesse  de  vues,  par  leur  confusion,  par  leur 
incorrection,  la  fermentation  intellectuelle  du  temps,  la 
hardiesse  et  la  fécondité  d'esprit  de  l'auteur,  son  défaut  de 
culture,  les  vicissitudes  de  sa  carrière.  Tout  cela  n'est  pas 
de  nature,  bien  au  contraire,  à  diminuer  leur  intérêt.  Si 
l'on  essaie  de  filtrer  la  matière  un  peu  trouble  resserrée 
dans  ces  livrets  d'un  aspect  peu  al  trayant,  on  distingue 
trois  cléments  :  des  doctrines  communes  à  ceux  des  con- 
temporains qui  se  sont  occupés  des  mêmes  questions  ;  des 
vues  personnelles  dignes  d'attention  ;  des  contradictions  et 
des  préventions.  Quand  il  demande  la  libre  admission  des 
matières  premières  et  la  prohibition  des  produits  manu- 
facturés qui  ont  leurs  congénères  dans  l'industrie  nationale, 
l'érection  des  métiers  libres  en  jurandes  et  en  maîtrises,  la 
peine  capitale  pour  les  banqueroutiers,  l'unité  des  poids  et 
mesures,  Laffemas  ne  se  sépare  pas  de  son  temps.  Quand 
il  s'acharne  contre  les  tribunaux  consulaires  et  contre  la 
contrainte  par  corps  en  matière  commerciale,  il  oublie  sa 
prédilection  pour  les  juridictions  professionnelles  et  l'im- 
portance du  crédit  dont  il  se  montre  ailleurs  si  pénétré.  De 
la  même  plume,  qui  lui  a  servi  à  prôner  l'unification  de 
l'organisation  industrielle  et  commerciale  par  l'extension 
des  maîtrises  et  jurandes,  il  réclame  la  suppression   des 


B.    LAFFEMAS.  353 

«  maîtrises  inutiles».  Mais,  à  côté  de  ces  tâtonnements,  de 
ces  partis  pris,  que  d'idées  originales,  fécondes  et  pratiques! 
Comment  refuser  sa  sympathie  à  son  plan  de  chambres 
syndicales  corporatives  et  de  grands  bureaux  ou  chambres 
syndicales  régionales,  rattachées  les  unes  aux  autres,  et 
jouissant  d'une  juridiction  et  d'une  administration  auto- 
nomes, à  son  projet  de  création  d'un  conseil  permanent  du 
commerce,  à  ses  caisses  de  secours  pour  les  membres 
indigents  des  corporations,  à  ses  ateliers  ou  plutôt  ses 
villages  oii  l'on  aurait  fait  travailler,  sans  les  réunir,  les 
pauvres  valides  des  deux  sexes  et  les  enfants  rebelles  à 
l'autorité  paternelle,  à  sa  passion  pour  la  moralisation  des 
classes  laborieuses,  à  son  indignation  contre  l'agiotage, 
contre  la  gabelle,  contre  les  affronleurs^  contre  la  multi- 
plicité croissante  des  marchands  de  vin  ;  à  son  insistance 
pour  obtenir  la  substitution  d'un  droit  de  marque  du 
vingtième  sur  les  marchandises  à  toutes  les  taxes  qu'elles 
supportent,  etc.?  Toutes  ces  idées,  rappelons-le,  ont  d'autant 
plus  de  prix  qu'elles  viennent  d'un  homme  qui  ne  les  a 
pas  puisées  dans  les  livres,  mais  dans  une  expérience 
chèrement  payée.  Elles  se  recommandent  encore  par  le 
compte  que  l'esprit  d'innovation  y  tient  des  institutions  exis- 
tantes. Personne  ne  pouvait  mieux  apprécier  que  Plenri  IV 
leur  caractère  pratique  et  sagement  réformateur.  Si  le 
contraste  entre  la  gravité  des  sujets  abordés  par  Lafîemas 
et  les  fonctions  de  fournisseur  de  la  garde-robe  royale 
amena  sur  ses  lèvres  un  de  ces  mots  gouailleurs  dont  il 
était  coutumier,  il  témoigna  de  son  estime  pour  la  per- 
sonne et  les  idées  de  son  tailleur  valet  de  chambre  en  le 
nommant  contrôleur  général  du  commerce,  et  en  créant  la 
commission  du  commerce  pour  examiner  ses  propositions. 
Tels  sont  les  trois  hommes  qui  se  détachent  de  la  foule 
des  auxiliaires  dont  les  noms  ont  en  grande  partie  échappé 
à  l'histoire,  mais  qui  n'ont  pas  plus  manqué  à  Henri  IV  qu'à 

23 


334         CONCOURS   DC    PAYS  A   LA   RENAISSANCE    ÉCONOMIQUE. 

tous  les  souverains  qui  ont  su  les  distinguer  et  s'en  servir. 

Mais  il  L'sl  un  concours  plus  étendu  et  plus  indispensable  : 
c'est  celui  de  la  nation  elle-même.  Il  est  impossible  de  faire 
le  bien  d'un  peuple  malgré  lui,  et  l'on  a  vu,  plus  d'une  fois, 
les  entreprises  d'utilité  gf'nérale,  les  plus  heureusement 
conçues,  échouer  contre  l'apathie  ou  les  préventions  des 
populations  auxquelles  elles  devaient  profiter.  Quel  em- 
pressement la  France  mit-elle  à  entrer  dans  les  voies  que  son 
gouvernement  lui  ouvrait,  comment  aida-t-elle  à  son  relève- 
ment, et  finalement  quel  développement  économique,  quelle 
prospérité  matérielle  avait-elle  atteint,  grâce  à  ses  efforts 
propres  et  à  la  direction  éclairée  de  ce  gouvernement, 
quand  son  roi  lui  fut  enlevé  ?  Telles  sont  les  deux  questions, 
plus  d'une  fois  déjà  abordées  dans  ce  livre,  sur  lesquelles 
nous  reviendrons  en  terminant. 

L'ouvrage  qu'on  vient  do  lire  otTrc  plus  d'un  exemple.de 
la  froideur  ou  même  de  l'hostilité  avec  lesquelles  le  pays 
accueillit  certaines  entreprises  parties  de  l'initiative  offi- 
cielle; il  suffira  de  rappeler  la  généralisation  de  la  sérici- 
culture et  le  dessèchement  des  marais.  On  ne  peut  demander 
à  des  classes  absorbées  par  le  souci  quotidien  de  l'existence, 
c'est-à-dire  à  la  majorité  d'un  pays,  l'abnégation  et  la  hauteur 
de  vue  qui  peuvent  faire  accepter  des  sacrifices  dont  le 
principal  fruit  est  réservé  à  l'avenir.  Cette  prévoyance  et  ce 
désintéressement  ne  peuvent  appartenir  qu'aux  pouvoirs 
héréditaires  qui,  à  la  lumière  des  traditions  nationales  dont 
ils  gardent  le  dépôt,  voient,  par  delà  les  intérêts  viagers 
des  générations  présentes,  ceux  des  générations  futures,  et 
gouvernent  pour  ceux-ci  plus  encore  que  pour  ceux-là. 
Mais  ce  n'est  pas  d'après  des  faits  particuliers  comme  on  en 
trouve  dans  tous  les  temps,  qu'il  faut  juger  la  part  prise  par 
le  pays  à  sa  propre  régénération.  Si  l'on  envisage  le  travail 
national  dans  son  ensemble,  on  constate  son  activité  crois- 
sante, on  voit  la  classe  rurale,  la  classe  ouvrière  déployer 


SITUATION  ÉCONOMIQUE  EN   1610.  355 

de  plus  en  plus  leurs  qualités  traditionnelles,  l'une  sa  per- 
sévérance, sa  sobriété,  son  amour  de  lepargnc,  l'autre  sa 
dextérité,  son  tour  de  main  et  son  goût'. 

La  situation  économique  oîi  Henri  IV  laissa  la  France 
implique  d'ailleurs  que  les  efforts  du  roi  pour  développer 
la  richesse  publique  ont  été  puissamment  et  efficacement 
secondés  par  le  pa\'s.  S'il  en  avait  été  autrement,  il  est  bien 
clair  qu'ils  auraient  été  stériles.  C'est  seulement  dans  les 
dernières  années  du  règne  que  la  prospérité  se  dessine  net- 
tement. Encore  semble-t-elle  démentie  par  certains  faits. 
En  1607,  en  1608,  les  villes  sont  encore  attristées  par  des 
troupes  de  mendiants,  d'estropiés,  souvent  fort  gaillards, 
d'anciens  soldats  ou  soi-disant  tels,  attendant  la  desserte 
aux  portes  des  hôtels  et  des  couvents.  Pas  plus  que  la  men- 
dicité et  le  vagabondage,  ni  le  vol  ni  même  le  brigandage 
n'ont  entièrement  disparu.  En  1607,  par  exemple,  existait 
à  Paris  une  bande  parfaitement  organisée  qui  avait  cons- 
titué pour  elle-même  une  juridiction  complète  siégeant  au 
Port-au-Foin-.  A  la  même  époque,  un  certain  Yéron,  qui 
campait  dans  la  forêt  de  Compiègne  à  la  tête  d'une  troupe 
de  brigands  et  dévalisait  les  voyageurs,  fut  condamné  à 
la  roue  et  ce  ne  fut  qu'en  1608  que  Guillery  subit  le  même 
supplice  ^ 

Cet  faits  prouvent  simplement  qu'une  société  qui  a  été  si 
longtemps  livrée  à  l'anarchie,  renferme,  longtemps  après 
que  celle-ci  a  cessé,  des  réfractaires  attardés  qui  n'acceptent 
pas  le  rétablissement  de  l'ordre  et  des  habitudes  régulières. 
Il  n'y  a  rien  à  en  conclure  ni  contre  la  diffusion  du  travail 
ni  contre  la  sécurité  publique.  Les  relations  vénitienne  et 
anglaise  de  Duodo  et  de  Dallington,  écrites  en  1598,  ne  con- 

1.  Citons  notamment  la  façon  dont  Carew  caractérise  l'habileté  manuelle 
de  nos  ouvriers:  «.  ..  especially  the  French  being  generally  neat  and 
nimble  above  ail  manner  of  manufacturers.  » 

2.  Lestoile,  éd.  Jouaust,  X,  3,  10. 

3.  Voy.  plus  haut  le  chapitre  sur  l'écononiie  rurale. 


3Dr)  sm  ATION   ÉCONOMIQUE  EN   1010. 

vieiulraioiit  plus  à  la  France  do  IGIO,  et  celle-ci  ne  justi- 
fierait même  plus  telle  ou  telle  remarque  atlrislante  qui 
s'applique  aux  premières  années  du  xvii"  siècle.  Les 
dernières  années  de  sa  première  décade  ont  été  décisives, 
et,  pour  s'en  convaincre,  on  n'a  qu'à  lire  le  tableau,  si  peu 
bienveillant  pourtant,  tracé  par  Carcw  en  1009. 

C'est  d'abord  la  sécurité  qui  a  été  rendue  aux  affaires. 
Nous  n'hésiterons  pas,  pour  justifier  une  affirmation  qui 
d'ailleurs  n'étonnera  personne,  à  invoquer  le  rêve  de 
quiétude,  de  sensibilité  discrète  et  pure  que  toute  la  France 
fit  avec  d'Lrfé  aux  rives  du  Lignon^  Dans  cette  exagération 
sentimentale  et  poétique,  il  y  a  une  grande  part  de  vérité  et 
une  part  plus  grande  encore  de  sincérité.  A  travers  ces 
temps  souillés  de  licence  et  de  brutalité,  et  si  durs  pour  le 
pauvre  monde,  court  pourtant  une  veine  de  pureté,  de  pru- 
dhomie,  d'instinct  champêtre,  de  sociabilité  que  recueillent 
et  fortifient  saint  François  de  Sales,  Du  Vair,  Olivier  de 
Serres,  Racan,  l'hùtel  de  Rambouillet.  Le  pays  fut  tellement 
heureux  de  pouvoir  vivre  et  travailler  en  paix,  qu'il  se  rési- 
gna au  prix  onéreux  dont  il  lui  fallait  payer  la  reconstitu- 
tion de  l'organisation  sociale,  et  qu'il  fonda  dans  son  cœur 
cette  tradition  de  gouvernement  paternel,  que  les  troubles 
de  la  régence  de  iMarie  de  -Médicis  affermiront,  et  que 
Thistoire  consacrera. 

Cette  sécurité  avait  été  largement  mise  à  profit.  Ce  n'est 
pas  que  la  France  eût  conquis  sur  le  marché  du  monde 
toute  la  place  que  l'abondance  et  la  variété  de  ses  produc- 
tions, l'intelligence,  l'ardeur  laborieuse  et  l'esprit  indus- 
trieux de  sa  population  semblaient  lui  promettre.  Si  l'Es- 
pagne était  dans  sa  dépendance  commerciale,  si  ce  débouché 
lui  ouvrait  indirectement  celui  des  Indes  occidentales,  dans 
ses  rapports  avec  les  autres  Etats  européens,  ses  importa- 

1.  Voy.  aussi  le  dObut  si  connu  des  Mémoires  de  iMai'.oi.i.es. 


SITUATION   MONÉTAIRE.  3o7 

tions  et  ses  exportations  s'équilibraient  à  peu  près  exacte- 
ment'. Si  l'on  veut  avoir  une  idée  complète  de  la  richesse 
publique,  que  l'on  faisait  en  ce  temps-là  consister  surtout 
dans  le  numéraire,  il  ne  faut  pas  toutefois  tenir  compte 
seulement  de  la  balance  du  commerce.  Les  aflaires,  les 
plaisirs,  l'agrément  de  notre  pays  y  attiraient  déjà  beaucoup 
d'étrangers.  C'était  souvent  des  concurrents  dont  notre 
commerce  s'alarmait  à  bon  droit,  mais  c'était  toujours 
aussi  des  consommateurs  qui  payaient  largement  les  jouis- 
sances qui  abondaient  autour  d'eux.  C'est  par  la  France 
d'ailleurs  que  s'opérait  encore,  malgré  ses  douanes  inté- 
rieures et  ses  taxes  de  circulation,  une  grande  partie  du 
transit  européen-.  Ce  transit  laissait  derrière  lui  beaucoup 
d'argent  qui  n'entrait  pas  entièrement  dans  les  caisses  pu- 
bliques. De  là,  l'affluence  de  monnaies  étrangères  que  nous 
avons  déjà  signalée.  11  y  avait  en  France,  d'après  l'estima- 
tion de  Henri  IV,  six  fois  plus  de  doublons  et  de  pistoles 
espagnols  qu'en  Espagne  ^ 

Cette  aftluencc  fut  encore  augmentée  par  un  genre  de 
spéculation  qui  s'est  pratiqué  dans  tous  les  temps.  Les 
monnaies  étrangères  étaient  inférieures  aux  nôtres  en  poids 
et  en  titre  et  n'en  circulaient  pas  moins  pour  une  valeur 
nominalement  égale.  Cette  différence  entre  la  valeur  réelle 
et  la  valeur  conventionnelle,  amena  tout  naturellement,  en 
même  temps  que  la  surabondance  des  espèces  étrangères, 
la  sortie  des  espèces  françaises.  A  côté  des  premières,  il  en 
circulait  beaucoup  de  rognées  et  de  fausses.  Le  trafic   des 

1.  Ce  que  nous  avons  dit,  dans  le  chapitre  sur  le  commerce  extérieur,  de 
la  balance  du  commerce  entre  la  France  et  les  divers  États,  est  confirmé 
par  le  passage  suivant  d'un  ouvrage  contemporain  :  «...  de  fait  l'étranger, 
iiors  mis  l'Espagne,  n'est  tellement  nécessité  de  nous  que  nous  ne  concer- 
tions ensemble  qui  se  donnera  plus  de  marchandises  ou  manufactures  pour 
tirer  l'argent  de  son  voisin  ».  Traité  et  advis  sur  les  désordres  des  monnoies 
et  diversité  des  moyens  d'y  remédier  [çav  François  Le  Bogue],  IGOO,  p.  29. 

2.  «  ...thethorougfare  of  English,  German,  Spaniards,  Italians.  »  Carew's 
Relation. 

3.  laid. 


338  SITUATION   MONÉTAIRE, 

espèces  inférieures  en  poids  ou  en  titre,  ce  qu'on  appelait 
le  billonnage  avait  pris  beaucoup  d'extension  et  était  assez 
lucratif  pour  amener  plus  d'un  commerçant  à  le  préférer  à 
SCS  alfaircs*.  Le  vrai  remède,  celui  auquel  on  a  recours  au- 
jourd'hui en  pareille  circonstance,  aurait  consisté  à  frapper 
de  décri  les  monnaies  défectueuses,  en  laissant  à  leurs 
détenteurs  le  temps  de  les  échanger  contre  des  espèces 
légales,  et  à  faire,  pour  les  remplacer,  une  large  émis- 
sion de  ces  dernières.  Ce  fut,  en  efiet,  par  une  démonétisa- 
tion (ju'on  commença  l(jOl)".  Mais  les  hôtels  des  monnaies 
ne  se  trouvèrent  pas  en  mesure  de  mettre  en  circulation 
la  quantité  d'espèces  nécessaire  pour  tenir  lieu  de  celles 
qui  en  étaient  exclues.  Les  banquiers  et  les  changeurs,  qui 
faisaient  le  commerce  des  métaux  précieux,  enchérissant 
sur  le  prix  qu'en  donnaient  les  établissements  monétaires, 
les  accaparaient  pour  les  revendre  aux  affineurs  et  aux 
orfèvres^.  En  outre,  le  commerce  étranger,  gêné  par  ce 
décri,  abandonna  notre  pays  et  se  porta  ailleurs:  les  foires 
de  Genève  y  gagnèrent  ce  qu'y  perdirent  les  foires  de  Lyon'. 
Les  monnaies  prohibées  continuèrent  d'ailleurs  à  circuler. 
Sully,  car  ce  futlui  surtout  qui  s'ingénia  pour  empêcher  l'ex- 
portation de  l'or  et  de  l'argent  français,  eut  alors  l'idée  d'éle- 
ver la  valeur  nominale  de  nos  espèces  métalliques,  et  de 
rétablir  l'usage  de  compterpar  livres,  auquel  l'édit  de  1577 
avait  substitué  le  compte  par  écus.  L'écu  d'or  au  soleil  fut 
porté  de  GO  s.  (8fr.  77)àG5(9  fr.  oO),  le  franc  d'argent  de  20  s. 
(2  fr.  92)  à  21  (3  fr.  07),  le  quart  d'écu  de  lo  s.  (2  fr.  19)  à 
16  (2  fr.  34),  le  teston  à  15  s.  G  den.  (2  fr.  26),  la  pièce  de 

1.  '<  Aucuns  luarcliaus  quittans  ie  Irain  de  leurs  niarrhandises  ordi- 
naires se  seroient  jettes  à  traûquer  de  toutes  sortes  de  uionnoies...  décriées 
et  ayant  cours.  »  Déclaration  de  février  1000.  Fontanon,  11,  223. 

2.  Déclaration  du  2  J  mars  1601.  Voy.  préambule  de  l'ordonnance  sur  les 
monnaies  de  septembre  1C02. 

3.  Traité  el  advis  sur  les  monnoies...,  p.  Franc.  Le  Bogue,  avocat  général 
en  la  rour  des  monnoies,  ICOO,  p.  20. 

4.  P.  .Matthieu,  Histoire  de  Henri  IV,  1G;M,  in-fol.,  111,  -iiC. 


SITUATION   MONÉTAinE.  359 

40  S.  (1  l'r.  46)  à  10  s.  7  den.'  (1  fV.  :;5).  En  dehors  de  la 
cour  des  monnaies,  cet  éditne  rencontra  guère  que  des  cen- 
seurs. Il  jeta  le  trouble  dans  les  transactions-  et  ne  réussit 
pas  à  prévaloir  contre  les   habitudes  et  les  besoins.  Les 
espèces  décriées  de  l'étranger  continuèrent  à  circuler  et  les 
monnaies  nationales,  malgré  la  hausse  '  qui  semblait  devoir 
décourager  les  spéculateurs,  continuèrent  à  sortir.   Nous 
n'en  donnerons  d'autre  preuve  que  la  proposition  faite,  en 
1609,  par  l'un  des  générauxdes  monnaies,  Nicolas  Coquerel, 
et  qui  tendait  précisément  à  empêcher  cette  circulation  et 
cette  sortie.  Coquerel  proposait  l'émission  d'une  monnaie 
unique  d'or  et  d'argent,  que  l'on   appellerait  Jicnriqiies.  Les 
henriques  d'or  devaient  valoir  10  livres  8  sous  (28  fr.  04), 
les  demi-henriques  3  livres  4  s.  (14  fr.  02),  le  quart  d'hen- 
rique  32  s.  (7  fr.  01)  et  le  huitième  26  s.   (3  fr.  30).  La 
valeur  du  henrique  d'argent  était  fixée  à  52  s.  (6  fr.  91), 
celle  du  demi-henrique  à  26  s.  (3  fr.  45),  celle  du  quart  de 
henrique  à  13  s.  (1  fr.  72),  celle  du  huitième  de  henrique 
à  6  s.  6  den.  (0  fr.  87).  Cette  proposition  fut  soumise  à  une 
commission,  en  même  temps  que  d'autres  projets  relatifs 
au  même  sujet.  Ce  fut  d'après  son  avis  que  fut  rendu  un 
édit,  qui  ordonna  l'émission  de  henriques  d'or  de  12  livres 
(32  fr.  36),  de  6  livres  (16  fr.  18)  et  de  3  livres  (8  fr.  09)  et  de 
henriques  d'argent  de  20  s.  (2  fr.  70),  de  10  s.  (1  fr.  35)  et 
de  5  s.  (0  fr.  67),  qui  décria  les  espèces  étrangères  et  en 
ordonna  le  dépôt  aux  hôtels  des  monnaies  o\x  les  porteurs 
en  recevraient  la  valeur  intrinsèque,    déduction  faite  des 
droits  et  des  frais  de  monnayage,  et  qui  enfin  démonétisa 
également    les  espèces  françaises  rognées  et   affaiblies  \. 


1.  Ordonn.  de  septembre  1002.  Fostanon  (éd.  ICtl),  II,  227.  Mémoires  de 
Pussot,  105. 

2.  Voy.  notamment  Du  Fresne  Canaye  àBéthune,  lîseptembre  1002,1,449. 

3.  En  1009,  Fécu  d'or  au  soleil  était  monté  jusqu'à  72  s.  Leblanc,  Traité 
des  monnaies,  573. 

4.  Mercure  français,  année  1009,  I,  p.  350  v". 


360  TAUX   DE   L'INTERET. 

Toutes  les  fortunes  particulières  se  trouvèrent  atteintes  par 
la  dépréciation  de  monnaies  qui  étaient  dans  les  mains  de 
tout  le  monde,  et  dont  on  ne  pouvait  se  défaire  que  sur 
le  pied  de  la  valeur  réelle  et  en  supportant  les  frais  de 
la  refonte.  Vainement  le  gouvernement  aurait  essayé  de 
justifier  une  pareille  mesure  en  alléguant  que  les  porteurs 
n'avaient  pu,  sans  violer  la  loi,  recevoir  et  colporter  des 
espèces  étrangères  ;  force  leur  était  bien  de  sen  servir 
puisque  les  monnaies  françaises  n'étaient  pas  assez  abon- 
dantes pour  les  transactions.  Les  remontrances  du  parlement 
et  de  la  chambre  des  comptes  firent  reculer  le  roi  devant 
l'application  de  l'édit.  11  fit  bien  de  reculer,  mais,  pour 
être  encore  peu  senti,  le  danger  auquel  Sully  et  lui  avaient 
voulu  remédier  n'en  était  pas  moins  réel  ;  en  essayant  de 
le  conjurer,  ils  firent  acte  de  prévoyance  et,  s'ils  l'avaient 
fait  en  sauvegardant  équitablement  l'intérêt  de  tous  les  dé- 
tenteurs d'espèces  défectueuses,  c'est-à-dire  de  tout  le 
monde,  et  en  répandant  dans  la  circulation,  en  assez  grande 
quantité  pour  suffire  aux  besoins,  des  monnaies  d'une 
valeur  réelle  égale  à  leur  valeur  nominale,  ils  auraient 
évité  au  pays  la  crise  monétaire  qui  paraît  s'être  produite 
au  début  du  règne  suivant*. 

Les  capitaux,  comme  la  monnaie,  étaient  abondants  et 
l'intérêt  très  peu  élevée  Beaucoup  de  marchands  étaient 
en  même  temps  banquiers  ^  L'intérêt  légal,  on  le  sait, 
avait  été  réduit  à  6  un  quart  p.  100,  mais  l'intérêt  conven- 
tionnel   descendait   gc-néralement   à  5.   Dans  les  prêts  à 

1.  «  ...  le  trouble  où  nous  sommes  à  présent  pour  la  difficulU'  des  mon- 
naies  )  MoNTCiiRESTiE.v,  éd.  Funck  Brentano,  p.  180. 

2.  «  France  being  now  very  rich  and  money  at  a  very  low  iiiterest.  » 
William  Bêcher  à  Salisbury.  Paris,  l'^'"  décembre  1G09.  Cah'udars  of  stale 
papers.  Colonial  séries.  Eadlndia,  China  and  Jnpan,  n"  4G9.  Ci,AMA(iEHAN, 
11,  355. 

3.  Malliard,  Livre  de  raison  d'une  famille  de  Drives  au  AT/»  sii^cle,  dans 
Bulletin  de  la  Société  scientifique,  Idsl.  et  arch.  de  la  Corrèze,  111  (1881), 
p.  G'iO.  Deux  livres  déraison  {\bï'-lbbii)  p.  ]).  L.  DESANTvet  Auo.  Vuial(18UG) 
gr.  in-8.,  p.  H:M44.  Fasc.  IV  des  Arc fi.  hist.  de  CAlbiijeois. 


RÉGIME  IIYPOTIIÉCAIKE.  361 

l'industrie  et  au  commerce  il  était  supérieur.  C'est  ce  qu  on 
peut  conclure  a  priori  du  taux  légal,  puisque  ce  taux  avait 
été  en  partie  adopté  précisément  afin  de  déterminer  la 
préférence  des  capitaux  pour  les  placements  commerciaux 
et  industriels.  Les  risques  que  courent  ces  placements  jus- 
tifiaient cette  difTérence,  que  le  législateur  de  1807  a  cru 
devoir  maintenir.  Ces  risques  seraient  attestés  au  besoin 
par  les  nombreuses  banqueroutes  qui  signalèrent  les  der- 
nières années  du  règne,  et  amenèrent  une  agravation  de  la 
pénalité.  Ce  qui  rendait  ces  placements  plus  hasardeux  et 
le  crédit  plus  difficile  ou  plus  onéreux,  c'était  l'incertitude 
sur  la  solvabilité  des  emprunteurs.  Les  hypothèques  étaient 
tacites,  car  l'édit  de  1381,  qui  subordonnait  leur  validité  à 
l'enregistrement,  avait  été  révoqué  en  1588  par  un  autre 
édit  et  les  formalités  imaginées,  sous  le  nom  de  nantisse- 
ment et  à'appropriaiiccs,  pour  en  révéler  l'existence  aux 
tiers,  étaient  spéciales  à  un  petit  nombre  de  coutumes.  En 
outre,  elles  portaient  sur  tous  les  biens  et  résultaient  d'évé- 
nements qui  échappaient  à  la  connaissance  du  public. 
Tout  acte  notarié,  toute  obligation  sous  seing  privé  re- 
connue en  justice  ou  devant  notaires,  toute  condamnation, 
peut-être  même  tout  acte  de  vente  contresigné  par  un  facteur 
entraînaient  une  hypolbèque  générale.  Personne  ne  pou- 
vait donc  se  flatter  d'y  échapper,  car  il  suffisait,  pour  y  être 
soumis,  d'avoir  passé  un  contrat  ou  perdu  un  procès.  De 
là  des  revendications  inattendues  qui  venaient  troubler 
dans  leur  possession  des  acquéreurs  de  bonne  foi  et  ruiner 
une  foule  de  bonnes' maisons  \  Il  n'existait  pas  plus  de 
publicité  pour  les  actes  constitutifs  ou  modificatifs  de 
sociétés,  au   moins  pour  ceux  entre  regnicoles,  car  ceux 

1.  Henri  IV  et  Sully  i-enouvelèrent  la  tentative  d'introduire  dans  la  loi 
le  principe  de  la  publicité.  En  1603  ou  160G,  fut  rendu  un  édit  qui  avait  été 
préparé  par  Sully  et  qui  reproduisait  à  peu  prcs  les  dispositions  de  celui 
de  1581,  mais  il  ne  fut  enregistré  que  par  le  parlement  de  Rouen  et  resta 
sans  effet. 


362  VALEi:»   DES  OFFICES. 

OÙ  les  contractants  étaient  étrangers  devaient  être  enre- 
gistrés. 

L'insécurité  des  placements  d'alîaires,  jointe  à  d'autres 
circonstances,  continuait  à  faire  préférer  à  bien  des  capita- 
listes un  autre  em[>loi  de  leurs  capitaux.  La  grande  opéra- 
tion de   vérification,    de    classement   et  de  réduction  des 
rentes  publiques,  accomplie  par  Sully  en  IGO.j,  en  rayant 
les  titres  illégitimes,  en  convertissant,  suivant  la  faveur 
plus  ou  moins  grande  due  à  leur  origine,  les  titres  régu- 
liers, accrut  la  sécurité  des  créanciers  de  l'Etat,  releva  le 
crédit  public  et  le  cours  des  rentes,  qui  furent  plus  recher- 
chées encore  que  par  le  passé.  Les  charges  et  les  offices 
exen^aient  sur  les  capitaux  un  attrait  encore  plus  vif.  Ils 
rapportaient    un    intérêt    de    10  ou    20    p.  100    et   don- 
naient un  rang  dans  la  société  ;  depuis  que  la  Paulette,  en 
leur  conférant  le  caractère  de  biens  patrimoniaux  et  héré- 
ditaires, avait  ajouté  à  ces  avantages  la  stabilité,  leur  va- 
leur avait  beaucoup  augmenté.  En  1607,  les  charges   de 
conseillers  au  parlement  se  vendaient  42  (130  947  fr.  39), 
43    (134  065  fr.  18)  et  45  000  francs  ^140  300  fr.  77);  à  la 
chambre  des  requêtes,  elles  montaient  à  50  (155889  fr.  75) 
et  55000  (171478  fr.  72).  Une  charge  de  président  coûtait 
60000  écus  (569  971  fr.  90).  La  présidence  du  grand  con- 
seil dépassait  100  000  (949953  fr.  16).  En  1609,  la  charge 
de  président  des  enquêtes  fut  vendue  48  000  écus  comp- 
tant (485  429   fr.  53),  celle  de  président  de  la  première 
chambre  des  requêtes  38  000  écus  (384298  fr.  37),  celle  de 
conseiller  à  la  môme  chambre  19500  écus  (197  205  fr.  74). 
Lejeay    acheta     celle     de    lieutenant-civil     75  000    écus 
(7.58  483  fr.  63),  dont  150  000  (505  655  fr.  76)  pour  les  par- 
ties casuelles  et  75  000  (252  827  f r.  87)  pour  les  épingles  de 
la  reine,  de  Concini  et  d'autres.  Une  charge  de  procureur 
du  roi  au  Chàtelel  était  vendue  40  000  écus  (404  524  fr.  60). 
Celle  de  premier  président  de  la  cour  des  aides  revenait, 


BAISSE  DES  PRIX.  363 

avec  les  épingles  et  les  pois  de  vin,  à  plus  de 200  000  francs^ 
(623  539  francs).  Ces  exemples  se  rapportent  aux  sommets 
de  la  hiérarchie  sociale  mais  qu'on  descende  à  ses  plus 
humbles  échelons,  et  l'on  constatera  le  prix  élevé  qu'on 
mettait  à  acquérir  une  autorité  quelconque,  à  en  recueillir 
l'honneur  et  le  profit.  A  Paris,  un  office  de  porteur  de  char- 
bon se  vendait  700  ou  800  écus(7  079  fr.  18ou8  090fr.  49), 
un  office  de  mouleur  de  bois  et  de  vendeur  de  foin  1  000 
ou  1200  (10  11 3  fr.  11  ou  12135fr.  74). 

Si  les  emplois  publics  faisaient  toute  l'ambition  de  la 
majorité  de  la  bourgeoisie,  il  y  avait,  dans  son  sein,  desgens 
plus  aventureux  et  moins  soucieux  des  apparences,  qui  se 
laissaient  tenter  davantage  par  les  périlleux  bénéfices  de 
la  spéculation.  Quelquefois,  d'ailleurs,  c'était  les  mêmes.  Le 
désordre  des  temps  avait  jeté  sur  la  place  une  foule  de  va- 
leurs, dont  les  violentes  fluctuations  favorisaient  l'agiotage  : 
titres  de  rente,  provisions  d'offices  et  lettres  de  maîtrise, 
croupes  dans  les  fermes  et  les  partis,  brevets  de  privilèges 
lucratifs  de  tout  genre.  Ceux  qui  jouaient  sur  ces  valeurs 
étaient  aussi  ceux  qui  faisaient  aux  fils  de  famille,  sous  des 
ventes  simulées,  des  prêts  usuraires,  qui  se  faisaient  sous- 
crire des  billets  à  ordre  en  blanc  et  des  lettres  de  change 
sur  les  foires  de  Lyon,  dont  le  montant  s'enflait  de  report 
en  report.  Remettant  en  vigueur  les  recherches  ordonnées 
par  son  prédécesseur  sur  les  actes  d'usure,  Henri  lY  les 
attribua  à  une  commission  composée  de  membres  du 
grand  conseil.  Ce  ne  fut  là,  à  ses  yeux,  comme  aux  yeux 
de  Henri  III,  qu'une  mesure  d'intimidation  destinée  à  faire 
financer  les  coupables  ;  elle  prouve,  du  moins,  à  quel  point 
les  spéculations  usuraires  étaient  répandues. 

Ce  n'était  pas  seulement  le  loyer  des  capitaux  qui  avait 
baissé;  c'était,  ou  peu  s'en  faut,  le  prix  de  toutes  choses. 

1.  Lestoile,  IX,  3G,  2G9,  279,  28i,  389.  X,  134. 


364  liAlSSE   DES   PRIX. 

Cette  baisse  était  duo  au  développemeut  de  la  production 
venant  neutraliser  de  plus  en  plus  la  surabondance  et  la 
dépréciation  du  numéraire.  Peu  de  choses  y  écbappaient. 
La  propriété  rurale  et  les  denrées  agricoles  étaient  du 
nombre,  parce  que  la  première  était  avidement  recher- 
chée, et  que  les  secondes  trouvaient  à  se  placer  sur  le  mar- 
ché extérieur.  Celles  qui  la  subissaient  se  maintenaient 
pourtant  à  des  prix  rémunérateurs,  parce  que  la  concur- 
rence qui  les  faisait  baisser  était  plus  que  compensée  par 
le  progrès  du  bien-être,  du  luxe  et  de  la  consommation.  Le 
monopole  des  corporations  secondait  ce  résultat,  en  res- 
treignant la  première.  L'oiïre  et  la  demande  se  balançaient 
dans  cet  équilibre  instable,  qui  distingue  les  périodes  de 
prospérité  des  périodes  de  crise,  où  l'excès  de  production 
amène  Tencombrement  et  la  dépréciation,  et  des  périodes 
de  liquidation,  où  l'écoulement  à  perte  de  l'excédent  et  le 
ralentissement  de  la  production  ramènent  la  proportion 
entre  les  produits  et  les  besoins  et  prépare  le  relèvement 
des  cours  '. 

Il  resterait  à  donner  une  expression,  à  la  fois  mathéma- 
tique et  morale,  à  ce  que  nous  venons  de  dire  d'une  façon 
abstraite  du  prix  de  la  vie.  Nous  disons  une  expression 
morale,  parce  que  la  valeur  des  choses  ne  dépend  pas  seu- 
lement de  la  puissance  comparée  de  l'argent  à  deux 
époques  données,  mais  des  exigences  variables  des  généra- 
tions successives  en  fait  de  bien-être  et  de  luxe.  Ce  serait 
le  dernier  mot  d'une  étude  historique  de  la  richesse,  la  so- 
lution du  problème  du  bonheur  par  l'histoire,  par  la  con- 
naissance du  tarif  mobile,  si  l'on  peut  ainsi  parler,  des 
jouissances  qui  le  constituent.  On  comprend  que  l'honneur 
de  trouver  cette  solution  ait  séduit  des  esprits  entrepre- 
nants et  laborieux.  En  nous  bornant  à  indi(|uer  la  valeur 

1    JiT.LAii,  Des  crises  commerciales. 


ÉTALON   DE   LA  VALEUR.  365 

intrinsèque  actuelle  des  sommes  qui  se  présentent  dans  ce 
travail,  nous  avons  suffisamment  fait  comprendre  notre  ré- 
pugnance à  nous  associer  à  des  résultats  problématiques». 
Mais  il  reste  loisible  aux  lecteurs  moins  sceptiques  et  plus 
confiants  d'appliquer  à  toutes  ces  sommes  l'un  des  multi- 
plicateurs adoptés  par  les  divers  systèmes.  Nous  nous  bor- 
nerons à  leur  donner  le  moyen  de  rapporter  à  l'étalon 
normal  de  la  valeur  les  valeurs  relatives  particulières  qu'ils 
auront  cru  pouvoir  établir.  Cet  étalon  normal,  c'est  le 
revenu  annuel  qui  entraînait  la  gêne,  celui  qui  donnait 
laisance,  celui  qui  assurait  la  richesse.  On  pouvait  vivre 
de  son  revenu  quand  il  atteignait  de  .jOOO  (13  484  fr.  15)  à 
6000 livres  (I G  180  fr.  98)  \  Avec  10  000  livres  (29  229  fr.  33), 
on  était  riche  ^  et  Henri  III,  dans  ses  jours  de  décourage- 
ment, enviait  le  sort  des  g'entilshommes  qui  possédaient  ce 
revenu  '.  A  la  campagne,  on  pouvait  mener  avec  beaucoup 
moins  une  existence  honorable;  un  revenu  de  2000  livres 
(o393  fr.  66)  y  suffisait,  et  même  le  gentilhomme  qui  jouis- 
sait de  oOO  livres  (1461  fr.  47)  de  rente,  pouvait  garder 
son  rang  et,  par  exemple,  prendre  ses  repas  à  part  des 
paysans  qu'il  faisait  travailler^.  Mais,  dans  cette  modeste 
situation,  il  devait,  on  le  comprend,  se  soumettre  à  une 
sévère  économie  et,  même  avec  cent  (292  fr.  29)  ou  deux 
cents  livres  (.^84  fr.  o9)  de  plus,  il  lui  était  difficile  de  faire 
vivre  une  famille  de  quatre  ou  cinq  enfants''.  On  ne  s'éton- 
nera pas  après  cela  qu'un  maréchal  ferrant,  qui  avait  mis 
de  côté  2000  livres  de  rente  à  Paris,  s'estimât  content  de 
son  sort". 


1.  Leroy-Beallieu,  Ti'cdtt'  Ikéor.  et  pral.  cVéconomie  politique,  III,  90. 

2.  Mémoires  Journaux  de  Pierre  de  Lestoile  (année  1G09),  X,  33. 

3.  Ibid.  (année  1G03),  VIII,   108. 

4.  Mémoires  de  Tavannes,  p.  24. 

5.  Voy.  plus  haut,  chap.  i'''. 

6.  La  Noue,  Discours  politiques. 

7.  Discours  véritable  de  deux  artisans  de  Paris. 


366  CONCLUSION. 

L'étude  qu'on  vient  de  lire  n'a  rien  anjoiiidri  des  fatalités 
naturelles  et  historiques  qui  peuvent  inlluer  sur  l'état  éco- 
nomique d'un  peuple,  et  semblent  soumettre  sa  destinée  à 
des  lois  nécessaires  :  nationalité  accessible  sur  certains 
points,  faute  de  frontières  naturelles  ou  artilicielles,  aux 
attaques  du  dehors  et  contrariée  par  ce  danj^or  dans  son 
développement  pacifique;  insuffisance  des  mines;  rareté 
des  bons  ports;  système  fiscal  vicieux;  habitudes  léguées 
par  une  Ionique  anarchie;  lacunes  et  défauts  du  caractère 
national.  Mais  il  y  a  une  chose  qui  nous  est  apparue  d'une 
façon  plus  saisissante  encore,  c'est  le  triomphe  obtenu  sur 
ces  fatalités  par  l'intelligence  et  l'etlort  du  pays,  par  l'es- 
prit, la  volonté  et  le  cœur  du  roi.  La  renaissance  écono- 
mique dont  les  dernières  années  du  règne  ont  été  témoins, 
la  France,  sans  doute,  l'a  due  beaucoup  à  elle-même;  mais 
elle  l'a  duo  plus  encore  à  son  gouvernement.  Ce  n'est  donc 
ni  à  la  doctrine,  si  en  faveur,  du  fatalisme,  nia  celle,  non 
moins  goûtée,  qui  professe  le  peu  d'influence  et,  par  consé- 
quent, le  peu  d'importance  des  gouvernements,  qu'une  pa- 
reille étude  vient  donner  raison.  Elle  nous  enseigne,  au 
contraire,  pour  notre  consolation  et  notre  espoir,  qu'un 
peuple  est  capable  de  remonter,  à  force  d'énergie,  la 
pente  de  la  décadence,  et  que  rien  ne  peut  l'y  aider  da- 
vantage qu'une  autorité  forte  et  respectée,  passionnée  pour 
lintérêl  public,  en  imposant  le  respect  aux  intérêts  par- 
ticuliers, ouvrant  des  voies  nouvelles  à  l'activité  nationale, 
stimulant  ses  hésitations  et  soutenant  ses  défaillances. 


APPENDICE 


AVIS   DES   NOTABLES    MEGOCIANTS    DE   LYON  SDR   LES    MOYENS    DE    RESTAURER 
LE    COMMERCE   DE   CETTE  VILLE. 

(Arch.  municipales  de  Lyon,  BB,  14G,  fol.  130.) 

Du  jeiidy  neuviesme  jour  de  décembre,  Tan  mil  six  cens  dix, 
après  midy,  en  l'hostel  commung  de  la  ville  de  Lyon,  y  estans 

Sont  compareus  sieurs  Amable  Thierry,  Claude  Poculot, 
Anthoine  Charrier,  Vincent  Richard,  Claude  Pellot,  Jehan  de  Loeille, 
Loys  Puget,  Jehan  Duboys,  Marin  Dausserria,  Jehan  Verges,  Hannibal 
Robbio,  et  Vidal  Rabeyrin,  tous  marchans  de  lad.  ville,  et  encores 
André  Coste,  genevois,  sur  l'advertissement  qu'ilz  ont  heu  de  la  part 
du  consulat  de  l'intervention  du  Roy  et  de  la  Royne-mère,  régente, 
pourle  restablissenient  du  commerce  de  ceste  ville,  auxquelz  led. 
prevost  des  marchans  adictque,  après  plusieurs  plaintes  et  remons- 
trances  que  lad.  ville  a  faict  et  qu'elle  continue  faire  par  ses  députés 
de  la  ruyne  dud.  commerce,  et  finabiement  leurs  Majestés  ont 
escript  sur  ce  subiect  à  Messieurs  les  trésoriers  de  France  la  lettre 
de  cachet  dont  a  eslé  faicte  lecture  par  le  greffier  de  lad.  ville  et 
qui  sera  cy-après  enregistrée. 

De  par  le  Roy. 

Noz  améz  et  féaulx,  aians  considéré  combien  il  importe  au  bien 
de  noz  subieclz  et  à  la  grandeur  de  nostre  royaulme  de  favoriser  le 
commerce  et  de  l'accroistre  par  tous  les  moyens  qu'il  sera  possible, 
soit  entre  noz  subiectz  de  chacune  province,  ou  entre  nos  subiectz 
et  les  estrangiers,  nous  avons  délibéré  de  sçavoir  en  quoy  consiste 
le    principal    trafficq    qui  se   faict  en  nos  provinces    de    Lyonnois, 


368  APPENDICE. 

Foroslz  et  Beaujollois,  et  de  i)reiulre  advis  de  nos  spcciaulx  servi- 
teurs des  moyens  desquelz  ou  pounoit  user  pour  l'augmenter,  et 
d'auUanl  que  les  charges  que  vous  tenez  dans  nosd.  provinces  vous 
donnent  coguoisance  d'une  partie  de  ce  (jui  se  faict  en  la  négo- 
ciation, et  ijue  nous  avons  toute  asseurance  de  l'affection  que  vous 
portez  à  noslre  service,  nous  avons  voulu  en  recepvoir  une  parti- 
culière instruction  de  vous.  Pour  cette  occasion,  sy  tost  que  vous 
avez  recou  la  présente,  osseinb[l]és-vous,  appelés  avec  vous  les  per- 
sonnes que  vous  estimerez  entendre  aud.  commeice;  dressés  ung 
mémoire  de  ce  en  quoy  il  conciste  avec  les  provinces  circoavoisines  ; 
quel  ulilité  et  quel  proffict  lesd.  provinces  en  peuvent  recepvoir, 
quel  moyen  il  y  a  de  l'accroistre  et  mesmes  d'establir  les  manufac- 
tures qui  défaillent;  faictes  le  mesmes  pour  le  trafficq  qui  se  faict 
avec  les  estrangiers,  tant  par  terre  que  par  mer;  adjoustez  aussy  à. 
ce  mémoire,  bien  particulièrement,  quel  nombre  il  y  peult  avoir 
d'ouvriers  qui  gaigiient  leur  vie  en  la  manufacture  des  soyes;  quel 
moyeu  il  y  a  d'augmenter  lesd.  manufactures  et  de  les  accroistre, 
tellement  que  noz  subiectz  feissent  en  cela  le  proffict  qui  va  au.K 
estrangiers,  et  y  mectez  aussi  quelle  quantité  il  peult  avoir  en 
Lyonnois  de  plan  de  meuriers  blancz  ;  quelles  contrées  seroient  les 
plus  propres  pour  en  eslever  et  par  (juelle  voye  on  pourroit  exciter 
noz  subiectz  à  en  planter  en  leurs  terres,  et  sur  le  tout  dressez  vos 
mémoires  par  le  menu  et  les  envoyez  au  sieur  Videsire  Dumaus, 
conseillier  en  nostre  conseil  d'Estat  et  Arnauld,  intendant  de  noz 
finances,  ausquelz  nous  avons  donné  charge  de  cest  affaire  ;  car 
tel  est  nostre  plaisir.  Donné  à  Paris,  le  xvni''  jour  de  novembre  1610. 
Signé  :  Louis.  Et  plus  bas  :  Puelipeaux.  Et  audessus  est  escript  : 
A  nos  araéz  et  féaulx  conseilliers,  les  trésoriers  généraulx  des 
finances  en  la  généralité  de  Lyon. 

Après  la  lecture  de  laquele  lettre,  led.  sieur  prévost  des  marchans 
a  dict  que  lesd.  sieurs  trésoriers  qui  désirent  contribuer  tout  ce 
qu'ilz  pourront  à  ung  sy  bon  œuvre,  ont  baillé  lad.  lettre  au  con- 
sulat pour  avoir  sur  ce  tous  les  advis  et  mémoyres  qu'il  se  pourra,  aftîn 
de  pouvoir  exécuter  leur  commission  à  l'utilité  publique.  Et  c'est 
pourquoy  lesd.  comparans  et  plusieurs  aultres  qui  n'y  sont  venus, 
ont  esté  a[)pelléz  présentement  pour  leur  faire  veoir  le  contenu  de 
lad.  lettre,  traicter  avec  eulx  de  cest  affaire  par  forme  de  commu- 
nicalii)n  et  conférance,  les  priant  d'y  penser  chacun  à  part  soy  et 
en  coramuniciiuer  aux  autres  négotians,  tant  de  la  ville  que  des 
nations  pour  se  trouver  plus  prestz  en  se  conformant  avec  le  corps 
de  lad.  ville  quand  ilz  seront  assemblez  par  lesd.  sieurs  trésoriers 
poui-  en  dire  leurs  opinions. 


APPENDICE.  369 

Surquoy  chacun  des  assistans  aiaiit  dict  ce  que  bon  luy  aiiroit 
semblé  et  leur  dire  esté  récapitulé,  lesd.  sieurs  prévost  des  marchans 
et  eschevins  ont  délibéré  que  les  articles  suivans  seront  baillés  de 
leur  part  ausd.  sieurs  trésoriers  qui  seront  priez  d'y  avoir  esgard 
et  en  charger  leurs  niémoires. 

Sur  les  premier,  deuxiesme  et  111™'=  chefz  de  la  lettre  du  Uoy  : 
En  quoy  concisle  le  commerce  de  lad.  ville,  tant  avec  les  provinces 
circonvoisines  qu'avec  les  'estrangiers  ;  quelle  utilité  et  quel  proffict 
lesd.  provinces  en  peuvent  recepvoir,  et  quel  moien  il  y  a  de 
l'aecroislre  ? 

Que  lad.  ville,  parle  moien  de  sa  situation,  a  tousiours  été  jugée 
l'endroict  le  plus  propre  de  ce  roj^auline  pour  y  establir  le  fonde- 
ment du  commerce  des  Gaules.  Elle  fut  bastie  à  ce  desseing  par  les 
Romains  qui  en  virent  l'effect  tout  aussy  tost.  Nos  roys  Font  ainsy 
recogneu  et  y  ont  transféré  les  foyres  de  Brie  et  Champaigne  comme 
au  lieu  qui,  par  information  faicte  par  tout  le  royaulme  et  avec  les 
voisins  d'icelluy,  fust  jugé  le  plus  commode  pour  y  attirer  les 
estrangiers  et  remeclre  sus  lesd.  foyres,  au  grand  bien  de  tout 
TEstat,  lequel  en  a  tiré  en  toutes  ses  parties  des  commoditéz  indi- 
cibles, tant  et  sy  longuement  que  les  privilleiges  desd.  foyres  ont 
esté  entretenus,  d'aultant  qu'il  s'y  faisoit  ung  sy  grand  négoce 
ramassé  de  tous  les  endroictz  cogneus  par  les  hommes,  qu'il  n'y 
avoit  lieu  plus  célèbre  au  monde,  soit  pour  le  faict  des  marchandises 
ou  pour  les  changes,  el  néantmoingtz  il  ne  luy  est  resté  au  jourd'huy 
qu'une  seule  raerque,  qui  est  d'avoir  la  prérogative  sur  toutes  les 
plasses  de  l'Europe,  à  qui  celle  de  Lyon  baille  la  loy  pour  la  cons- 
titution du  pris  des  changes,  tellement  qu'il  ne  fault  demander  de 
quoy  conciste  le  commerce  de  Lyon  ny  quelle  utilité  il  en  peult 
provenir  s'il  est  utie  foys  restitué  en  la  splandeur  où  il  s'est  veu, 
raesmes  du  règne  de  Loys  douziesme,  François  premier,  et 
Henry  deu.xiesme,  depuis  lequel  temps  il  est  tousiours  allé  déclinant 
par  la  violance  que  les  troubles,  les  nouvelles  impositions  et  les 
nouveaux  éedictz  el  partis  ont  faict  aux  privilleiges  desd.  foyres 
desquelz  dépend  tout  leur  fondement. 

Le  moien  donc  (non  pas  d'accroistre  led.  commerce,  car  il  est 
comme  évanouy),  mais  de  le  restablir  en  la  pluspart,  sera  bien 
facile  à  leurs  Majesté[s]  ;  il  ne  fault  qu'une  seule  patente,  par 
laquelle  tout  ce  qu'a  esté  faict,  introduict  et  ordonné  contre  les 
privilleiges  desd.  foyres  ou  dérogeant  à  iceulx,  depuis  le  règne  de 
Henry  deuxiesme,  soit  révocqué,  et  déclairé  que  leursd.  Majestés 
entendent  que  lesd.  privilleiges  soient,  en  tout  et  partout,  main- 
tenus el  conservés,  tant  pour  les  regnicoles  que  pour  les  estrangiers 

24 


;t70  APPENDICE. 

descIiargeaiiL  lad.  ville  et  les  marchandises  qui  viennent  ou  seront 
négociées  en  icelle,  de  toutes  lesd.  impositions  survenues  depuis  le 
lègne  dud.  roy  Henry  deuxiesine,  et  déclairant  lad.  ville  et  lesd. 
l'oyies  exemptes  et  exceptées  de  tous  ediclz  et  conlractz  qui  se 
trouveront  faictz  depuis  lesd.  temps  au  préjudice  de  la  franchise  et 
liberté  d'icelle  ville,  desd.  foyres  et  des  marchans,  tanl  rej,'nicolle3 
qu'eslrangiers,  qui  les  fréquentent. 

Estant  infallible  que  la  publication  de  cette  bonne  nouvelle,  qui 
sera  incontinent  iiork'e  de  toutes  partz,  fera  bientost  reprendre  à 
tous  les  négocians  le  chemin  de  Lyon,  comme  celuy  auquel  ilz 
peuvent,  avec  plus  de  seureté,  de  liberté  et  d'utilité,  exercer  leurs 
changes  et  négoces. 

Les  troubles,  et  spéciallement  les  derniers,  ont  détourné  le  com- 
merce de  Lyon,  ayans  les  marchans  esté  contrainctz  do  chercher 
des  voyes  ^  plus  asseurées  par  mer  ou  par  les  Allemaignes  et  la 
Lorraine  pour  éviter  l'inlidélité  et  l'impiété  de  la  plupart  de  ceulx 
qui  suivent  la  guerre,  et  pour  éviter  aussi  les  daces  et  impositions 
qu'elle  avoit  engendré.  El  quand  la  paix  universelle  les  a  convié  d'y 
revenir,  ilz  ont  trouvé  que  tant  s'en  fault  que  Içsd.  impositions 
eussent  esté  abolies,  qu'au  contraire  on  les  avoit  augmenté  et  qu'il 
s'en  estoit  simenté- des  nouvelles,  voire  que  par  succession  de  temps 
on  les  avoit  tellement  dilaté,  que,  par  exemple,  la  douanne  de 
Vienne,  qui  ne  fust  jamais  establie  que  pour  durer  jusques  à  oe 
quatorze  mille  écus  eussent  estez  levez,  a  neantmoingtz  continué 
et  esté  affermé  telle  foys  aultant  ou  à  peu  près  que  la  doanne  de 
Lyon,  soubz  prétexte  d'une  clause  glissée  par  surprinse  dans  le 
bail  du  fermier,  par  laquelle  il  avouUu  esteudre  ses  limites  jusques 
en  Italie,  AUemaigne,  Auvergne,  Vivarestz  et  Languedoc,  ayant 
assubiecty  toutes  les  marchandises  venans  desd.  lieux  à  passer  par 
ses  mains,  jaçoit  que  l'intention  de  l'imposition  eust  esté  de  [ne] 
permettre  la  levée  sinon  sur  les  marchandises  qui  passeroient  à 
Vienne  ou  sur  le  Rhosne,  par  le  moyen  de  quoy  la  marchandise 
qui  a  payé  à  Vienne  en  venant  à  Lyon,  luy  paye  encor  un  coup 
quand  elle  descend  à  bas  pour  aller  en  Espaigne,  Provence,  Dauphiné, 
Vivarestz,  Languedoc,  Savoye,  Piedmont  et  Italie. 

L'augmentation  aussy  de  la  douanne  de  Lyon  a  causé  ung  mesme 
mal  au  commerce,  auquel  la  traverse  de  Bresse,  la  foreyne  de 
Mascon,  la  patente  et  foreine  de  Languedoc  qui  sont  toutes  nou- 
veaultéz    (desquelles,     en    tout   cas,    les   marchandises   qui   sont 


1.  Le  copiste  a  lu  foyres. 

2.  Il  faut  probablement  lire  inventé. 


APPENDICE.  371 

amenées  ou  chargées  à  Lyon  doivent  estre  exceptées  par  lesd. 
privilleiges  des  foyres)  apportent  tant  de  désordre  aud.  commerce 
que,  sy  l'on  continue  de  le  fouler  de  tant  de  costés,  en  vain  tentera- 
t-on  de  le  réduire  en  meilleur  forme  qu'il  n'est  à  présent,  au  con- 
traire, comme  il  n'en  reste  plus  que  quelques  estincelles  du  costé 
de  Marseille,  elle  sera  bientost  estoufïee  tout  à  faict,  et  aiiisy  Tune 
des  principales  villes  de  France  demeurera  ruinée  et  dépeuplée,  la 
frontière  la  plus  importante  du  royaulme,  qui  ne  se  peult  conserver 
qu'avec  ung  grand  nombre  d'homes  bien  affectionnés  à  la  coronne, 
se  verra  abandonnée,  la  source  du  commerce  de  ce  royaulme  qui 
estoit  à  Lyon  sera  tarie,  les  aultres  parties  de  cest  estât  en  seront 
grandement  atténuées,  et  la  douanne  de  Lyon  tellement  diminuée, 
que,  ne  s'y  levant  plus  que  sur  ce  que  les  Lyonois  en  consommeront, 
le  Roy  n'en  tirera  comme  rien,  elles  habitans  de  lad.  ville  qui  ont 
d'ordinaire  l'espée  au  costé  pour  la  garde  d'icelle,  se  trouveront  de 
pire  condition  que  tant  et  tant  d'autres  villes  qui  n'ont  et  ne  payent 
aucune  douanne  des  marchandises  qu'elles  usent  et  ne  sontsubiectes 
aux  gardes  et  aultres  despences  qu'il  fault  faire  à  Lyon. 

Plusieurs  edictz  et  pactes  ont  aussy  beaucoup  rapporté  à  la  ruine 
du  négoce  de  Lyon;  les  ungs  par  leur  seule  publication,  et  les  aultres 
par  les  effectz,  comme  le  conseil  en  pourra  estre  plus  particulière- 
ment informé  de  visue,  voir  par  ceulx  qui  auront  en  court  la  charge 
des  affaires  de  la  ville. 

Comme  de  mesmes  il  seroit  besoing  de  régler  quelques  désordres 
intervenus  par  succession  de  temps  en  l'exercice  de  l'office  de  cor- 
retier,  parce  que  plusieurs  qui  le  font  se  sont  émancipés  d'estre 
marchans  et  commissionnaires,  et  de  mesme  ont  faict  les  voictu- 
riers,  ce  qui  cause  beaucoup  de  mal  et  requiert  bien  prompte  et 
severe  provision. 

Sur  le  quatriesme  :  Quel  moyen  il  y  a  d'establir  les  manufactures 
qui  défaillent  à  la  ville  de  Lyon  ? 

Il  n'en  fault  poinct  de  meilleur  que  d'y  remeclre  le  commerce,  car, 
lorsqu'il  estoit  florissant,  il  se  faisoità  Lyon,  en  une  sepmaine,  plus 
de  manufactures  qu'il  ne  s'en  faict  à  présent  en  tout  ung  an.  La 
guerre  a  faict  mourir  une  partie  des  ouvriers  ;  la  faim  en  a  chassé 
une  aultre  partie  qui  est  allée  non  seulement  aux  aultres  villes  du 
royaulme  chercher  sa  vie,  mais,  qui  est  le  pis,  s'est  retiré  aux 
estrangiers  pour  y  establir  les  manufactures  qu'ilz  soloient  venir 
quérir  à  Lyon.  Et  toutesfois  il  ne  fault  pas  doubter  que,  sy  le 
concours  et  affluance  du  négoce  se  remectoit  à  Lyon,  les  ouvriers 
y  arriveroient  de  toutes  paris,  pour  la  comodilé  de  la  vente,  pour  le 
ion  vivre  qu'il  y  faict,  pour  la  liberté  des  maistrises  des  mestiers,  et 


372  APPENDICE. 

pour  l'ancienne  réputation  de  lad.  ville  qui  dure  encores  et  faict 
souhaiter  à  tout  le  monde  d'en  reveoir  les  effectz. 

Sur  le  v<',  touchant  le  nombre  des  ouvriers  qui  i^'aignent  leur  vie  en 
la  manufacture  des  soyes? 

Tout  ce  que  l'on  peult  dire  de  certain,  est  qu'il  y  a  (en  blanc)  cens 
m""''*  ouvriers  qui  font  de  pelitz  velours  et  taffetas  plains  et  quelques 
petitz  sattins  rayés  ou  à  lisseton,  lesquelz  m'"*''  peulvent  avoir  environ 
dix-huict  cens  mestiers  au  lieu  de  sept  mille  que  l'on  y  a  veu  au 
temps  que  les  estrangiers  estoient  en  la  ville  en  grand  nombre,  y 
faisans  venir  leurs  soyes  et  des  ouvriers  qui  manufacturoient  en 
grande  quantité.  11  y  peult  aussy  avoir  (en  blanc)  cens  passementiers 
qui  vivent  assez  paouvrement  de  leur  mestier;  (en  blanc)  teincturiers; 
(en  blanc)  moliniers;  (en  blanc)  plieurs  de  soye,  quelques  bailleurs 
d'eau,  remondeurs  et  plieurs  de  draps,  avec  grand  nombre  de 
cardeuis,  devideurs  et  devideresses,  sy  bien  [que],  par  commune 
estimation,  l'on  tient  que  de  unze  à  douze  mille  personnes  peulvent 
vivre  de  l'art  de  la  soye  dedans  la  ville  de  Lyon. 

Sur  le  vi"^  :  Quel  moyen  il  y  a  d'augmenter  lad.  manufacture  de 
soye  tellement  que  les  subiectz  du  Roy  feissent  en  cela  proffict  qui 
va  aux  estrangiers? 

Il  ne  fault  pas  seulement  augmenter  ce  qui  est  introduict  à  Lyon 
de  l'art  de  la  soye,  comme  l'on  fera  facillement  sy  le  commerce  s'y 
restablit,  ainsy  qu'il  se  veoit  par  l'exemple  du  passé,  car,  en  Testât 
que  led.  art  s'y  exerce  à  présent,  c'est  [trop]  peu  de  chose,  pour 
penser  par  ce  moyen  retenir  l'argent  en  France.  Il  y  fault  establir 
encores  de  vingt  sortes  et  plus  d'ouvrages  d'or,  d'argent  et  de  soye 
qui  ne  le  sont  point  à  Lyon,  qui  sont  grandz  draps  à  grandz  ramages 
ou  compartimens,  et  pour  ornemens  d'esglise,  meubles  de  princes  et 
grandz  seigneurs,  elhabitz  d'homes  et  femmes,  comme,  par  exemple, 
les  velours  turcz,  ris,  supraris  et  rissotailles  des  deux  ou  Iroys,  quatre 
et  cinq  coleurs,  à  grandes  et  petites  figures,  les  sattins  fasson  de 
prairie,  fleurs  des  Indes,  à  la  turque,  en  ligature  de  damas,  à 
ramages,  à  fleurs  et  aultres  de  plusieurs  coleurs;  les  damas  de 
mesmes,  et  les  taffetas  fasson  de  Turquie  à  deux  faces  et  figurés, 
fasson  de  Millau,  brocatels,  frises  sur  frises  et  aultres  estoffes  de 
grand  drap. 

De  toutes  lesquelles  estoffes  qui  sont  celles  qui  emportent  de  France 
les  escus  à  millions,  le  feu  Roy  Henri  le  Grand,  que  Dieu  absolve,  a 
voullu  faire  les  oslablissemens  à  Paris  avec  une  grande  despence  et 
curiosité  indicible,  mais  vainement  et  inutilement,  parceiju'il  a  fallu 
passer  par  les  mains  des  ouvriers  estrangiers  qui  ont  esté  subornés 
par  ceulx  de  leur  pays  pour  crainte  qu'ilz  ont  de  tel  establissement. 


APPENDICE.  373 

A  Lyon,  iing  seul,  nommé  Claude  Dangon,  natif  de  lad.  ville, 
ouvrier  du  Roy,  est  parvenu  en  perfection  à  la  fasson  de  tous  lesd. 
draps  et  y  a  desia  dressé  plus  de  vingt  ouvriers,  y  employant 
jusqu'aux  petitz  enfans  de  douze  et  treize  ans,  qui  les  font  très  bien. 
Et  sy  led.  establissement  ne  se  faict  par  le  moyen  dud.  Dangon,  il 
n'en  fault  que  peu  espérer,  d'ailleurs  led.  Dangon  en  peult  inieulx 
que  personne  faire  les  ouvertures,  car  il  se  faict  fort  de  fournir  tous 
les  ans  vingt  ouvriers  sortans  de  sa  boutique,  qui  fassonneront  très 
bien  chacun  d'eulx  l'une  desd.  vingt  esloiïes,  voyre  plus  grand  nombre 
selon  la  despence  que  l'on  y  vouldra  faire,  pourveu  qu'il  luy  soit 
donné  moyen  d'en  soubztenir  les  fraiz  et  que  son  labeur  ne  luy  soit 
du  tout  infructueux.  A  l'ouyr  parler,  il  semble  qu'ung  fondz  annuel 
bien  petit  à  Tesgard  d'ung  sy  grand  ouvrage  et  d'une  sy  grande  utilité, 
pourroit  suffire  à  tel  establissement. 

Le  surplus  des  autres  articles  de  lad.  lettre  concerne  la  quantité 
du  plan  de  meuriers  qui  peult  estre  en  Lyonnois;  le  moyen  d'en  faire 
planter  davantage  et  les  contrées  qui  sont  propres  à  cela,  dépend  de 
l'information  que  lesd.  sieurs  trésoriers  peulvent  sur  ce  faire  de  leur 
office. 


II 

GRAND    LIVRE   DE   LA    MAISON     DE    SOIERIES    DES   LARAN    DE   TOULOUSE 
COMMENCÉ   LE   25   NOVEMBRE    lb49. 

(Arch.  du  parlement  de  Toulouse  au  palais  de  justice,  F  108.) 

H-Ihs  +  Maria  + 

A  l'houneur  de  Dieu  et  de  la  glorieuse  Vierge  Marie  et  de  tous 
leurs  saints  et  saintes  de  Paradis  sera  fait  et  coumensat  lou  présent 
livre  appetlat  le  mannual  tannât,  en  lou  quai  se  escrivran  toutz  lous 
deuptes  que  ce  faran  d'aiscy  en  avant,  louqual  es  estât  coumensat  le 
jour  de  Sainte-Chatherine  20"=  jour  du  mois  de  nouvembre  1549,  per 
que  plassia  à  N.  S.  J.  C.  et  à  la  Vierge  Marie  et  à  tous  lous  saints 
et  saintes  de  Paradis  de  nous  donnar  gratia  de  le  acabar  et  nous 
donnar  guasan  et  proufftt  de  bonne  part.  Amen  Jésus. 
Manual  tannât  suys  appellat  ltJ49. 

Ne  varietur  : 
(Signé)  :  Boucher  (?). 


374  APPENDICE. 


III 


VENTE   DE   PASTEL. 

(Papiers  Lccouite.  Arch.  de  riIùtcl-Dieu  de  Toulouse,  HB  9i.) 

L'an  1572,  le  septième  jour  de  septembre,  en  Paris  ont  été  faits  les 
pactes  qui  s'ensuivent  entre  Laurent  Bergeron,  marchand  demeurant 
à  Paris  au  nom  de  messieurs  les  Canayes  et  Pierre  CoL...  marchand 
de....  Toulouse,  à  savoir  que  lesd.  Cols  font  vente  a  ud.  Bergeron  delà 
quantité  de  deux  cens  charges  de  pastel  avec  les  tournes  accou- 
tumées de  la  présente  année,  prise  au  lieu  dessus  ou  aux  environs  de 
leur  meilleure  pille,  moyennant  la  somme  de  20'  tourn.  pour  charge, 
montant  le  tout  à  la  somme  de  4000'  tourn.,  sur  laquelle  somme  de 
4000'  tourn.  led.  B.  a  baillé  comptent  auxd.  C.  la  somme  de 
2100'  tourn.  et  pour  le  reste  et  parpayer  d'icelles  deux  cens  charges 
pastel  leur  a  baillé  lettre  de  change  pour  Toulouse.... 

IV 

CORRESPONDA.NXE  COMMERCIALE  TIUÉK   DES  PAPIERS  DE  SIMON   LECOMTE. 

(Arch.  de  l'IIôtel-Dieu  de  Toulouse.) 

Boyer  à  S.  Lecomte. 

Bordeaux,  25  janvier  1578. 

M.  Le  C.  le  présent  porteur  qui  a  esté  mon  apprentis,  s'en  va  de 
Tholouse  pour  travailler  de  son  estât  et  s'eforcer  de  parvenir  en  plus 
grant  degré  que  de  servitude  et,  parce  qu'il  a  ung  bon  home  de  père 
et  une  bonne  mère  qui  me  sont  recommandé,  je  vous  prie,  en  cas  de 
nécessité  s'il  avoit  afîere  en  nécessité  de  maladie,  luy  estre  aydant 
tant  en  sa  nécessité  que  de  luy  ayder  à  trouver  mestre.  Il  est  loyal, 
qu'est  chose  riche  et  qui  me  fait  vous  prier  pour  luy.... 

Votre  meilleur  amy, 

Boyer. 

Le  même  an  même. 

Bordeaux,  3  février  1578. 

Il  commence  par  raconter  dans  tous  ses  détails  physiologiques  la 
maladie  mortelle  de  sa  femme,  puis  il  ajoute  :  «  Au  reste  notre  Dieu 


APPENDICE.  375 

nous  visite  d'autre  façon,  vous  avertissant  que  en  cette  ville  toutes 
sortes  de  marchandises  sont  estées  taucées  depuis  huit  jours....  à 
perte  de  ceux  qui  en  ont,  au  moins  d'une  moitié  et  d'un  tiers.... 
tellement  que,  sur  les  estâmes  que  je  reçus  [envoyées  par  Lecomle] 
ou  sur  autres  marchandises  tant  de  Paris,  Poitou,  Angleterre,  que  je 
commence  de  perdre  et,  si  Dieu  n'a  pitié  de  moi,  jey  perdre  le  tiers.... 
Le  seigneur  PoUis  m'a  a'ssuré,  y  a  un  mois,  qu'il  vous  avoit  escrit  [que] 
le  convoy  estoit  abolli....  Toutefois  le  Roi  a  imposé  la  trete  foraine 
et  est  assise  à  Blaye. 

Decheverry  à  S.  Lecomte. 

Agen,  12  février  lô78. 

...  environ  les  deux  heures  après  midi  arriva  un  bateau....  et  le 
patron  qui  le  conduisoit  déchargea  22  balles  de  la  contremerque  et, 
pour  ce  qu'il  ne  portoit  point  lettre  de  voiture,  celui  qui  a  la  charge 
pour  la  contribution  ne  le  vouleist  laisser  aller  qu'il  n'eust  vu  la  lettre 
de  voiture.... 

«  lehan  Magnard  à  S.  Lecomte,  agent  et  institew  pour  M.  Rouillé 
de  Paris...  » 

Rouen,  11  février  1578. 

M.  Le  C.  je  vous  advise  que,  le  xx.  du  passé,  j'envoyé  à  M.  Rouillé 
une  lettre  de  change  de  M.  Courneilhe  d'Abey  par  M*'  Martin, 
gentilhomme  de  M.  de  Courmisson  qui  s'en  alloit  en  cour.  Je  pense 
que,  dans  peu  de  jours,  vous  et  moi  en  arons  nouvelles,  desquelles, 
tout  aussi  tost  que  je  les  recevrai,  je  vous  en  ferai  part  ou  bien  vous 
enverrai  la  lettre  d'avis  que  led.  S'"  m'envoiera.... 

Decheverry  à  Simon  Lecomte. 

Agen,  G  mars  1578. 

...  Je  vous  avertissois  comme  Durhet  etoit  passé  avec  400  balles  de 
pastel,  desquelles  il  en  laissa  20  balles  pour  la  contribution.  Je  me 
pensois  que  ce  fut  du  votre.  Toutefois  led.  Durbet  me  dit  qu'il  n'en 
etoit  point  et  que,  à  faute  de  bateau,  laissiez  à  charge  le  votre  et 
m'assura....  que  par  les  premiers  bateaux  que  passeroient  seroit 
grand  cas  s'il  n'en  y  avoit  du  votre....  J'ai  remontré  à  celui  qui 
tiennent  [sic]  le  compte  de  la  contribution  comme  je  faisois  de  grande 
dépense  et  que,  pour  le  moins,  il  me  laissât  passer  qq.  60  balles  sans 


376  APPENDICE. 

en  laisser  aucune  balle.  Il  m'a  promis  m'en  laisser  passer  20  balles 
et  j'espère  avoir  moyen  avec  le  peager  d'en  faire  passer  autres 
20  b.  et,  dusse-je  lui  donner  qq.  chose,...  vous  supplie....  de 
m'écrire....  le  nombre  du  pastel  que  avez  chargé....  Geordi  (?)  Mellet  ' 
m'a  dit  qu'il  trouva  à  Bordeaux  2  balles  plus  qu'il  n'ctoit  porté  par 
sa  lettre  de  voiture....  99  balles  de  pastel,  à  savoir  87  balles  de  la 
marque  du  filet  et  12  balles  de  la  marque  des  trois  roses.... 

Le  mcinc  au  même. 

Bordeaux,  18  mars  l.')78. 

...  ai  envoyé  le  compte  du  pastel  que  MM.  Du  Prat  et  Armagnac 
ont  reçu,  par  lequel  pourrez  avoir  veu  que  Geordy  ou  Coquilhon  ont 
perdu  oint}  halles,  car  tous  les  autres  mariniers  à  qui  vous  avez  balié 
pastel,  ont  porté  leur  compte....  Geordy....  me  fit  réponse  que 
FouqueroUes  les  payeroit,  si  se  trouvoit  qu'elles  fussent  perdues  mais 
que  tant  s'en  falloil  qui  les  eust  perdues,  car  il  a  aporté  plus  de  pastel 
que  sa  lettre  de  voiture  ne  portoit.... 

Etienne  Arnauld,  mai tre  priseur  de  pastel. 

Jésus  Maria  en  Toulouse. 

13  juillet  1Ô78. 

M la  présente....  sera  pour  vous  avertir  que  la  marchandise 

que  vous  avez  en  Toulouse,  Dieu  merci,  va  fort  bien.  Au  reste  je  vous 
prie  affectueusement  me  faire  tant  de  bien  et  soulagement  que  de 
me  faire  envoler  une  atestaloire  par  le  moyen  du  .S'  Jehan  du  Casse 
du  pastel  de  M.  Nicolas  Targier  de  la  quantité  de  302  balles,  que  je 
en  suis  responsable  envers  le  droit  de  la  forane  et  dt-jà  le  terme  et 
délai  est  à  la  fin  de  ce  présent  mois.  Si  je  ne  puis  attester  de  lad. 
marchandise  oîi  esse  qu'elle  est,  passé  led.  delay,  lesd.  m"  de  la 
foranne  ne  feront  faute  me  faire  déplaisir  come  cautions  de  lad. 
quantité  de  302  balles  et  pour  led.  Targier,  à  cette  cause  vous 
supplie....  me  fere....  que  led.  du  Casse  me  envoyé  attestatoire  ou 
lettre  de  luy  pour  faire  aparoir  où  est  lad.  marchandise  pour  avoir 
delay.  Au  reste  vous  avertis  que  les  toiles  et  cordes  pour  emballage 
de  pastel  viennent  en  grande  valeur  par  deçà  que,  si  bon  vous  semble, 
en  ferez  votre  provision  par  delà,  si  trouvez  la  commodité  et,  quant 
à  la  marchandise  de  pastel,  elle  descend  à  bon  compte.... 

1.  .Mi.llet  était  un  marinier,  un  entrepreneur  de  transports  par  eau. 


APPENDICE.  377 

Lemaire  à  S.  Lccomte. 

Toulouse,  14  juillet  1578. 

Votre  pastel  se  porte  fort  bien....  toutefois  M«  Ktienne  dit  que 
c'est  trop  peu  de  le  virrer  de  quinze  en  quinze,  comme  vous  m'avez 
mandé.  Led.  M^  Etienne  vous  prie  de  lui  mander  un  certificat  de 
ducasse  pour  le  pastel  de  M.  Targé,  d'autant  que  son  délai  se  passe 
à  la  fin  de  ce  mois.... 

De  Paris,  ce  6  août  1578. 

M.  MacauJl....  la  présente  est  pour  vous  dire  comme  le  S""  Beau- 
semblant  me  mit  en  main  une  cedulle  de  500  ecus  sol,  laquelle....  il 
l'a  fait  faire  en  mon  nom  propre  à  payer  dans  six  mois  prochain 
tellement  que  je  crois....  que,  dans  février  ou  mars  prochain  au  plus 
tard,  en  serez  payé.  Celui  qui  doit  la  cedule  se  nomme  Rousselet, 
marchand  bourgeois  de  ceste  ville  et,  se  pour  lad.  somme  de  500  écus 
sol.  avez  affaire  de  notre  état  de  draperie  et  sarges  rayées  de  Beauvais, 
je  vous  en  envoirai  et  prendrai  la  cedule  pour  mon  compte. 
Partant...  pourrez  quitter  led.  S""  Beausemblant  et  lui  rendre  sa 
promesse  comme  bien  payée  et  acquittée,  car....  dans  Paris  led. 
Rousselet  est  réputé  pour  bonne  dette.  Led.  Beausemblant  ne  m'a 
fait  aucun  compte  des  intérêts.  Vous  pourrez  vous  en  accommoder 
ensemble.... 

Votre  serviteur  et  ami, 

Jehan  Rouillé. 

[P.  S.].  M.  Macault,  je  tiens  la  partie  de  500  ecus  sol  pour  bonne 
et  hardiment  lui  rendrez  sa  cedule,  car  je  tiens  la  cedule  ci-dessus 
escrite  pour  bonne,  car  j'en  ai  parlé  aud.  Rousselot  depuis  ma  lettre 
écrite. 

Lemaire  à  Simon  Lecomte. 

Toulouse,  IG  octobre  1578. 

...Je  n'ai  voulu  fallir  à  vous  avertir  comme  MM.  de  la  bourse  ont 
fait  assigner  tous  ceux  qui  ont  pastel  à  Tonneins  engagé  pour  la 
contribution  due  au  Roi  de  Navarre  aux  fins  qu'ils  fussent  tenus 
lé  desengager  d'autant  qu'il  disoit  que  le  receveur  de  lad.  contribution 
leur  a  écrit  que,  s'ils  ne  mettoient  ordre  que  led.  pastel  fut  retiré, 
et  payé  ce  pourquoi  il  étoit  engagé,  que  tout  le  pastel  que  l'on 
descendroit  seroit  arrêté.... 


378  APPENDICE. 

Biarnois  à  S.  Lecomte. 

Toulouse,  31  octobre  1578. 

...  Encores  ne  soyez  de  couUime  tirer  lettre  de  change  sur  une 
cedule  et  encore  fraîchement  échue,  nonobstant  ce,  je  le  paiai 
aussitôt  que  m'a  été  présenté.... 

Jean  Yvon  à  S.  Lecomte. 

Anvers,  novembre  1578. 

...  les  teinturiers  de  drap  usent  pour  le  présent  plus  que  la  moitié 
de  l'anil  de  Barbarie  et  de  l'indigo  de  Port  Ingade  que  fel  un  grand 
mal  â  pastel....  Quant  aux  vins  de  Bordeau.x  nouveau,  sont  vendu  en 
Zelande  lo  à  10  et  J7.  Item  de  gros  tonneau  cleret  et  blanc  selon 
labonté,  celle  de  Poitou  de  10  à  II  etl2liv.  et  mèmeselonlabonté.... 

Abcl  Monceau  à  S.  Lecomte. 

Toulouse,  2  novembre  1578. 

M.  pour  ce  que  dernièrement  je  vous  donné  avis  comme  j'avois  esté 
averti  par  le  S'  Jehan  Martin  comme  il  avoit  acquitté  la  lettre  de 
change,  suivant  l'ordre  que  je  lui  en  avois  donné  au  sieur  Jacques 
Remon  et  n'en  aj'ant  eu  aucun  avis  de  vous,  il  vous  plaira  ordonner 
par  la  première  commodité  que  je  sois  payé  de  par  deçà,  suivant 
la  promesse  que  me  fistes  à  vostre  partir  pour  ce  que,  comme  savez, 
je  suis  comptable  de  lad.  lettre  de  change.... 

Michel  du  Sosoy  à  S.  Lecomte. 

Bordeaux,  30  décembre  1578. 

M.  Lecomte,  j'ai  reçu  la  vostre  du  23  jour  du  courant  avec  une 
cedulle  inclus  du  S""  Pierre  du  Treyi  [??],  marchand  chaussetier  de 
cette  ville  de  301  liv.  tourn.,  laquelle  il  m'a  promis  payer.  J'ai  accepté 
de  payer  voslre  lettre  de  change  de  013  liv.  el  au  temps  sera  payée 
Dieu  aidant.  Par  le  compte  à  vous  envoyé  vous  trouverez  que  vous 
nous  debviez  316  liv.  12'  9*^.  Ledit  compte  vous  a  esté  envoyé  du 
27*  jour  de  juillet.  Depuis  nous  vous  faisons  bon  591  liv.,  assavoir 
est  480  liv.  pour  la  vente  de  30  balles  pastel  et  111  liv.  pour 
vente  de  bariques,  de  laquelle  partie  nous  est  deu  encores  47  liv, 
il  fait  mauvais  de  recouvrer  debtes  en  ce  temps.  Brief,  vous  faisant 


APPENDICE.  379 

ainsi  tout  bon,  nous  vous  debvrions  274  liv.  7^  3''.  De  la  nous  est 
deu  53  liv.  17'  H  (?),  comme  vous  plaira  voyr  par  le  menu  ou  compte 
que  nous  vous  envoyons  avec  la  présente.  Resteroit  à  vous  deu 
220  liv.  i4'7'i  et  apresent  no  us  payons  pour  vous,  pour  reste  de  vostred. 
lettre  de  change,  la  somme  de  312  liv.,  reste  que  nous  advançons 
91  liv.  9(?)  10"^  qui  sera  tant  moins  de  vostre  d.  compte  de  temps 
qui  vous  est  pour  advis  pour  demeurer  d'accord  de  nos  comptes, 
car  ainsi  se  trouvera  couché  sur  nostre  livre.  Au  reste  je  vois  que 
vous  avez  qq.  bon  pastel  de  par  dellà.  S'il  vous  plaist  nous  en 
envoyer  3  ou  400  balles  de  la  milleure  sorte  pour  la  prochaine  foyre 
de  mars,  nous  en  scavons  déjà  le  débit.... 


Bordeaux,  C  mars  1579. 

M.  Le  Comte...  par  icelle  [lettre]  vous  disiez  d'être  par  deçà  dans 
douze  ou  quinze  jours  mais,  à  ce  que  je  vois,  n'y  êtes  encore,  qu'est 
cause  que  par  la  présente  vous  veux  prier  nous  donner  provision  de 
la  somme  de  180  ecus  que  avons  avancé  pour  vous  jusques  à 
présent...  vous  assurant  qu'ai  grand  affaire  de  nos  den.,  tant  pour 
l'avance  qu'il  nous  a  fallu  faire  pour  le  louage  de  nos  chais  que 
pour  le  paiement  de  ce  qu'élions  reliquataires  à  la  coustume  aux 
derniers  fermiers,  tellement  que,  mercredi  dernier,  M.  Bonault  usa 
d'unefaçon  étrange,  tellement  qu'il  saisit  trente  balles  de  votre  pastel 
dans  le  chay  sans  dire  qui  l'a  perdu  ne  qui  l'a  gagné  mais  ribon 
ribene.  Si  l'avons  retiré  et  sommes  en  grand  peine  tous  en  général 
de  recouvrer  de  MM.  les  nouveaux  fermiers...  acquicts  des  marchan- 
dises entrées  dans  l'année  1578,  tellement  qu'il  nous  faut  aller  devant 
ces  Mess,  les  généraux. 

(Non  signé.) 

Du  Prat  à  S.  Lecomte. 

Bordeaux,  G  avril  1579. 

...  au  20  du  courant  a  été  ma  dernière,  par  laquelle  vous  prions 
nous  donner  provision  de  200  écus  en  déduction  de  ce  que  nous 
devez,  vous  assurant...  que  ce  que  nous  reste  nous  revient  à  grand 
intérêt  à  cause  de  l'avance  qui  nous  faut  faire  qu'est  la  cause  que, 
voyant  votre  longue  demeure,  ai  pris  par  deçà  la  somme  de  200  ecus, 
pour  icelle  somme  être  par  vous  payée  par  delà  huit  jours  après  leur 
vue  au  s""  Barthélémy  Sacaze,  marchand  de  Toulouse,  ce  que 
vous  prie  faire.... 


380  APPENDICE. 

...  au  dernier  ihi  passé  a  été  ma  dernière  copie  d'aulre  avec  la 
seconde  d'échange  de  200  écus,  laquelle  somme  pense  aurez  payé 
au  s.  Sacaze  qui  est  cause  ne  vous  en  dirai  autre,  sinon  que  j'espère 
en  bref  vous  aller  voir  par  delà  et,  sans  votre  partie  de  M.  Testeu 
et  autres,  je  y  serois  à  présent  pour  faire  entendre  à  nos  ennemis  le 
contraire  de  ce  qu'ils  ont  dit  de  moi...  vous  priant....  me  souslenir 
en  mon  honneur....  Au  reste,  si  vous  fussiez  été  par  deçà,  la  plus 
grande  partie  de  votre  pastel  seroit  vendu...  de  ma  part,  je  ne  puis 
rien  faire  ni  ne  ferai  que  ne  nous  ayez  donné  autre  pouvoir...  nous 
avons  vendu  environ  de  400  balles  pastel  de  M.  Madron...  nous 
sommes  aussi  après  à  faire  vente  avec  le  s""  Vezel  de  4  ou  oOO  balles 
pastel  de  .M.  Rabauldi  du  pastel  de  la  compagnie  mais  à  présent  je 
n'y  ai  rien  et  me  coûte  230  ecus 

JSicolas  Coquel,   apothicaire  à  Lyon  à  Simon  Lccomtc,  marchand 
demeurant  aux  Balances  à  Toulouse. 

Lyon,  11  mai  1579. 

Coquel  raconte  la  mort  de  sa  femme  «  avec  un  tel  jugement  et  si 
bon  sens  qui!  n'est  possible  meilleur  et  me  pria  que  je  prisse  pour 
ma  femme  Jehanne  de  Comiuenes  pour  l'amitié  qu'elle  portait  tous 
à  nous  et  à  notre  fille.  Sa  mère  etoit  mariée  [à]  s""  Jehan  Perret,  oncle  de 
ma  f'-mme  et  parrain  de  ma  fille....  Je  vous  avise  que  nos  frères  et 
seurs  et  leurs  enfans  se  portent  bien.  Notre  seur  Jaquema  (sic)  a 
un  beati  fils  et  font  bien  leurs  alfaires.  Aussi  fait  notre  frère  Marc 
Du  Four.  Il  est  revenu  de  la  foire  de  Francfort  en  Alniaigne  et 
amené  environ  trente  chevaux.  11  emporta  13  à  1600  ecus  en  argent 
et  lettre  de  change,  dont  une  bonne  partie  étoit  à  soy  et  une  partie 
qu'on  lui  a  prêté  et  a  bien  vendu  la  moitié.  Il  espère  y  retourner  à  la 
Saint  Jean  pour  le  beau  profit  ([u'il  fait.... 

B.  de  Viltebois  à  Simon  Lecomte,  marchand  de  Paris   à  présent 
à  Toulouse. 

Bordeaux,  20  juillet  1579. 

M.  depuis  votre  parlement  dernier  de  cette  ville,  je  vous  ai  écrit 
deux  fois  et,  n'ayant  point  reçu  réponse...,  j'ai  encore  écrit  la  pré- 
sente... si  je  suis  par  trop  importune...  prendrez  le  tout  en  bonne 
part,  vous  ressouvenant  des  alfeclions  que  peuvent  avoir  les  mères 
envers  leurs  enfans....  Je  vous  veux  bien  avertir  que  mon  fils  Tadé, 
celui  que  avez  mis  avec  le  sire  Perastre,  m'a  écrit  que  de  votre  grâce 
avez  parié  aux  sires  Joseph  (iaian  et  de  Landria  touchant  mon  fils  Jean 


APPENDICE.  :)81 

de  Lestrilhes  que  avez  mis  en  leur  maison  pour  aprentis  et  que  leur 
avez  remontré  le  lort  que  moi  et  mon  fils  pouvons  recevoir  de  ce 
qu'il  se  sont  disirait  de  tenir  boutique,.,  et  que  la  réponse  desd. 
Galanet  Landria  est  qu'il  ont  laissé  lad.  boutique  pour  se  liquide[r], 
à  cause  que  la  compagnie  entre  eux  faite  finit  et  qu'il  peut  être 
que  les  deux  compagnons  se  sépareront  mais  que  led.  (j.  vous  a  dit 
que,  au  cas  qu'ils  se  séparent,  qu'il  a  volonté  de  faire  pour  lui  et 
que  volontiers  il  préférera  mond.  fils  à  tous  autres  pour  le  prendre 
à  son  service...,  l'employant  à  la  marchandise  et  voyage  et  que,  à 
cause  de  ce  qu'il  pourroit  avoir  perdu  qq.  temps,  il  ne  me  demande  pas 
de  pension  pour  la  seconde  année...  je  vous  veux  aussi  avertie  de  ma 
volonté  en  ce  fait,  c'est  que,  tantmoinsque  je  ferai  de  frais  et  mises,  sera 
mieux  pour  moi  el  pour  mesd.  enfants,  pourvu  que,  en  épargnant  sa 
pension,  il  ne  fut  en  rien  retardé...  je  ne  puis  entendre  à  quoi  à 
présent  il  emploie  mond.  fils  de  tant  que  son  frère  Tadé  m'écrit  qu'il 
est  toujours  à  leur  métairie.... 

Sabatery  à  S.  Lecomte. 

Bordeaux,  28  décembre  1579. 

...  vous  ai  voulu  écrire  la  présente  tant  pour  vous  donner  avis  du 
cours  des  marchandises  qui  passent  de  pardeça,  entre  autres  des 
pastels,  lesquels  ne  sont  bien  en  requête...  je  ne  sais  ce  que  ce  sera 
pour  cette  foire  de  mars.  Je  pouvois  vendre  votre  pastel  à  18  liv.  la 
balle  à  payer  dansun  an  mes,  ayant  vu  vos  lettres...,  n'ai  voulu  passer 
plus  outre.  Toutefois  je  baille  une  meslre  [sic]  *  de  votre  pastel  à  un 
Ecossois  qui  en  a  afaire  de  cent  balles  et  au  comptant....  Je  ne  puis 
soit  en  truque^  ou  autrement  à  terme  d'un  an  me  deffere  de  vos  draps,  sy 
ce  n'est  d'un  bleu  ecru  qui  étoit  entemé,  que  ai  reçu  du  s^  Boyer...  il 
est  descendu  gran  nombre...  de  vins  du  haut  pays,  de  manière 
qu'il  y  a  longtemps  que  n'etoit  descendu  tout  à  un  coup  si  grand 
quantité  de  vins  et  pense  que  s'en  fera  bon  comple  à  14  ou  15  ecus 
au  plus  haut  vin  de  ville....  Draperie  d'Angleterre  est  en  peu  de 
requête  à  cause  du  nombre  [qui]  en  est  arrivé.... 

Sabatery  à  Simon  Lecomte. 

Bordeaux,  13  mars  1580. 

M.  Lecomte,  la  votre  du  2^  du  courant  ai  reçue,  par  laquelle  me 
recommandez  la  bonté  de  votre  pastel...  je  ai  fet  et  fais  tout  mon 

1.  Montre,  échaatillon. 

2.  Eq  troc. 


382  APPENDICE. 

possible,  même  en  ai  balle  des  essays  à  deux  ou  trois,  tant  AnjT;lois 
que  Ecossois,  car  faut  que  vous  estimes  que  ne  s'est  vendu  balle  de 
pastel  qui  ne  soit  été  asayé,  d'autant  que  les  Anglois  sont  résolus 
ne  se  charger  de  pastel  que  préalablement  n'ayent  fait  l'ançay  (sic). 
Pour  le  regart  de  vos  draps,  il  n'y  a  moyen  les  pouvoir  vendre  ne 
truquer,  combien  que  je  fais  tout  dévoyer  (?)  à  les  vouloir  truquer 
avec  des  vins  de  haut  pays  mais  ils  m'ont  voulu  laisser  les  rouges  et 
prendre  les  meilleurs....  Pour  la  présente  foire,  il  ne  s'est  pas  vendu 
que  bien  peu  de  pastel,  si  ce  n'est  l'homme  de  M.  Vestos  (??j  qui  a 
fait  vente  de  ses  cent  balles  à  des  Anglois.... 

Dans  une  lettre  du  20  mars  1580,  le  même  correspondant  dément 
la  nouvelle  que  les  pastels  sont  recherchés  et  confirme  le  contenu 
de  la  précédente. 

Le  même  au  même. 

Bordeaux,  10  avril  lôSO. 

La  vente  des  pastels  n'est  guère  echaurfée,  d'autant  ([ue  les  Anglois 
ne  peuvent  vendre  leurs  draperies,  de  sorte  que  ils  [en  ?]  ont  tant 
emporté  que  à  présent  n'ont  moyen  de  payeur].... 

Le  même  au  m>'me. 

Bordeaux,  29  avril  15â0. 

Je  fis  vente  hier  de  cent  balles  de  votre  pastel  à  raison  de  20  livres 
la  halle  à  payer  au  mois  de  mars  prochain...  à  un  Anglois  nommé 
Edouard  Fen,  marchand  de  Londres  et  seize  balles  à  un  autre 
Anglois  nommé  Thomas  Bron,  le  tout  à  prendre  des  cedules  sur  de 
bons  marchands  de  cette  ville. . .  quant  aux  draps  il  ne  m'est  possible 
de  vendre  une  seule  pièce  et  en  suis  marri,  d'autant  que  la  gresse  les 
mange...  c'est  pitié  du  peu  de  dépèche  qu'a  la  draperie  de  pardeça, 
mêmes  le  grand  nombre  c^u'il  y  en  a,  dont  les  Anglois  sont  fort 
elonnés...  l'on  les  tient  de  court  et  ne  trouveront  le  crédit  qu'ont  fait 
par  cidevant.  Au  demeurant  je  suis  sur  le  point  de  bailler  quatre 
pièces  de  votre  drap,  savoir  trois  rouges  et  un  bleu  des  plus  méchants 
à  un  nommé  La  Huade,  lequel  a  un  navire  qui  s'en  va  au  voyage  du 
Brésil,  partie  en  marchandise  et  l'autre  partie  en;;uerre...  de  façon  que, 
moyennant  qu'il  veuille  prendre  lesd.  draps  à  quatre  livres  ou  à 
trois  livres  dix  sols  au  moins  l'aune,  avec  quelque  tonneau  de  vin  que 
je  lui  baille,  lui  ai  promis  lui  fairejusques  à  la  somme  de  150  ecus  à 


APPENDICE.  383 

raison  de  oO  p.  100  au  retour  de  son  voyage,  prenant  toutes  aven- 
tures de  mer  et  de  guerre...  toutefois,  si  ne  voulez  prendre  lad. 
aventure...,  je  le  prendrai  pour  moi  et  vous  paierai  lesd.  draps  au 
prix  que  se  vendront  de  semblables.... 

Sabatery  à  Simon  Lecomte. 

Bordeaux,  14  novembre  1581. 

M.  Le  Comte...  le  S""  d'Armagnac  m'a  fait  entendre  depuis  trois  jours 
que,  lors  de  votre  départ  decette  ville  [Paris],  vous  lui  donnâtes  charge 
de  vous  faire  faire  qq.  chartes  parties  des  pastel  qui  ont  été  chargés 
pour  Rouen  et  autres  lieux,  tant  pour  votre  compte  que  pour  celui  de 
M.  RouUier,  qu'est  la  cause  que  je  vous  ai  voulu  écrire  la  présente 
pour  être  bien  assuré  du  fait  et,  sauf  meilleur  avis,  il  me  semble  que, 
auparavant  rien  faire,  il  sera  meilleur  que  vous  envoyez  la  cantité  et 
nombre  dud.  pastel,  ensemble  les  marques  et  le  nom  qui  faut  qu'il 
soit  nommés  dans  lesd.  chartes  parties,  ensemble  les  dates,  si  pos- 
sible est,  et  par  votre  mémoire  nous  en  ferons  suivant  qu'en  ordon- 
nerez.... 

Le  même  au  même. 

Bordeaux,  27  novembre  1581. 

...  à 21  du  courant  vous  ai  écrit,  vous  donnant...  avis  que  je  me 
doute  que,  en  peu  de  jours,  la  garnison  de  Mon  Segeu  [sic]  *  a  délibéré 
d'aller  arrêter  tous  les  bateaux  qui  monteront  et  descendront,  comme 
ont  fait  ceux  du  Mas  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  payés  de  qq.  partie  qui 
leur  est  due,  que,  si  cela  est,...  si  avez  quelque  chose  à  charger  le  plus 
promptement  ne  sera  que  le  meilleur.... 

Du  Prat  à  Simon  Lecomte. 

Bordeaux,  27  janvier  1578. 

...  à  20  du  courant  a  esté  ma  dernière...  par  laquelle  vous  disois 
comme  j'estois  marri  de  la  longue  demeure  de  voslre  pastel  pour  ce 
que  j'en  eusse  donné  des  essais  à  beaucoup  de  mes  vieux  chalands 
Anglois  et  Ecossois,  lesquels  vont  partir  depuis  et  toutefois  ils  seront 
pardeça  dans  la  fm  de  mars...,  comme  ai  fait  aux  sieurs  Barthélémy 
Saccaze  et  Du  Vergier  de  17  balles  pastel  que  leur  ai  vendu  à  26  liv.  la 
balle  elle  pouvois  bailler  à  moins  de  2oliv.,  suivant  ce  qu'il  m'en  avoit 

1 .  Sans  doute  .Monségur  (Gironde,  av.  La  Réole]. 


384  APPENDICE. 

écrit.  Au  reste  deçà  après  ne  parlons  plus  de  livres  mais  ocus...  et  ne 
passons  aucun  co:ilrat  ne  charte  partie  que  ne  soit  loul  réduit  en 
tous,  tellement  qu'il  y  a  notaires  qu'il  faut  qu'ils  aillent  étudier  à 
cliifTrer  et,  ne  pouvant  enlenilre  ces  10,  12  et  lo  c.  de  ecus 
tellement  qu'ils  sont  tous  neufs  à  leur  eslat  par  advis  (.su),  beaucoup 
i\c  parties  sont  en  arrière  à  cause  du  descry,  tellement  que  ce  qu'est 
de  terme  échu  faut  bailler  terme  3  e!.  4  mois  pour  estreasseuré  firief 
ce  descri  a  faitbeaucoup  de  dommage....  Nous  chargeons  pour  Rouen 
et  Nantes  et  les  frets  valent  pour  Rouen  8  écus,  pour  Nantes  4  écus, 
4  écus  1/3.... 

Sagnier  à  Simon  Lecomte. 

De  Bordeaux,  ce  IG  de  novembre  1582. 

M.  Ma  dernière  vous  ay  envoyé  avec  deux  lettres  de  change 
montant  ensemble  2o7  ecus...  maintenant  je  vous  envoyé  une  pour 
recevoir  du  s""  Jehan  Vidal  demeurant  près  la  maison  de  ville  de 
la  somme  de  166  ecus,  une  autre  sur  le  s""  Arnauld  de  Tauret  de  la 
somme  de  100  ecus,  lesquelles  je  vous  prie  fera  accepter  et  payer. 
Pour  l'asseurance  de  166  ecus,  j'ai  prins  une  promesse  d'un  marchand 
dénommé  Jehan  de  Connys,  laquelle  je  vous  envoyé  pour  estre 
rendue,  lors  que  serez  payé  de  lad.  somme  dud.  Jehan  Vidal.  Le  tout 
me  garderez  pour  satisfaire  à  quelque  partyes  que  M.  Rouillé  doit  à 
Toulouse  sans  rien  remettre.  J'ay  rendu  hier  la  vostre  avec  une  de 
change  pour  recevoir  de  Pierre  Boucher  200  ecus....  J'escris  un  mot 
au  s"'  André  afin  qu'il  mettent  la  partie  entre  vos  mains  ou  qu'il  me  la 
tienne  preste  à  mon  retour....  Depuis  avoir  escrit  la  présente,  je  vous 
envoyé  une  première  de  change  pour  recevoir  à  lettre  vue  cent  escus 
sol  sur  le  s""  Du  Fas  demeurant  au  Puys  (?)  clos. 


A    vous   MM.    TENANT    LE    SIEGE   PRESIDIAL"  EN    TUOLOSE. 

(Arch.  de  l'Hùtel-Dieu  de  Toulouse.  Papiers  de  S.  Lecomte.) 

Supplie  humblement  Symon  Le  Compte,  marchant  de  Paris  que, 
pour  luy  servir,  auroyt  besoin  fera  deux  extraits,  l'ung  d'une  lettre 
missive  escripte  et  signée  par  George  Sabatier,  marchant  de  Bordeaux 
le  xun*  d'apvril  dernier,  l'autre  d'une  cedulle  faicte  et  signée  par 
Jehan  Chauvet,  marchant  de  Tholose  le  xvii«  jullet  mil  VCLXXXII  de 
la  <omme  de  deux  cent  cinquante  ecus  sol,  appelés  deux  merchans 
de  Geste  ville  pour  recognoistre  lesd.  lettres  et  saings,  d'autant  qu'il 


APPENDICE.  38b 

a  besoin  dosd .  extraicls  et,  dessaisissant  des  orijj'inaux,  ce  poui  royent 
esgarer  au  préjudice  du  suppliant.  A  ceste  cause  plaise  à  vos  grâces 
commettre  lesd.  extraictsau  premier  de  vos  groCfiers,  appelle  deux 
marchans,  comme  dictest,  pour  l'adveu  et  recognoissance.  Si  ferez 
bien. 

VI 

M""    LE    MAITRE    DES    PORTS     DE    LA    RIVIEUK    DE    TOULOL'.-E    OC     VOTRE    LIEU- 
TENANT  GENERAL. 

(Arch.  de  l'Hôtel- Dieu  de  Toulouse.  Papiers  de  S.  Lecomte.) 

Supplie  humblement  Simon  Lecomte,  marchand  de  Paris  disant 
que,  le  21*  de  juillet  to79,  il  auroit  fait  charger  en  Toulouse  cent  qua- 
rante sept  balles  pastel  et  pour  icelles  pris  pas>eporls  pour  conduite 
à  [i)lanc]  et  Paris,  sous  obligation  de  rapporter  certificat  de  la  vente 
desd.  pastels  dans  le  délai  de  dix  mois....  ou,  en  défaut  de  ce  faire, 
payer  les  droits  du  roi  de  foraine,  de  laquelle  vente  il  lui  a  été  im- 
possible de  faire  apparoir  dans  led.  délai,  à  cause  que  led.  pastel  est 
encore  en  nature,  partie  en  la  ville  de  |^bkinc]  et  partie  aud,  Paris,  en 
attendant  qq.  commodité  pour  icellui  vendre....  »  demande  renou- 
vellement de  délai. 

VII 

GOBELIN    A    LECOMTE. 

{Ibicl). 

Saint  .Marcel  les  Paris,  14  décciiibre  IJSI. 

...  J'ai  veu  par  votre  lettre  du  to  du  passé  l'état  auquel  étoient 
lors  les  affaires  pour  les  passages  de  la  rivière  qui  n'étoient  encore 
gueres  assurés,  ensemble  l'assurance  qu'il  vous  plait  me  donner  de 
la  conduite  de  nos  man  handises  sitôt  que  lesd.  passages  seront  ou- 
verts, de  laquelle  faisant  état,  j'espère  qu'à  présent  elles  devront  être 
chargées  si,  suivant  les  nouvelles  qui  sont  venues  de  Burdeaux  en 
cette  ville,  les  garnisons  ont  été  contantées  par  M.  de  Matignon.... 


386  APPENDICE. 


\  III 


LIVKE    JOURNAL    HROl'ILLARD    DE   JEAN    LFXOMTE. 

^Papiers  de  Simon  Lecointe.) 

i:)8l 

Jornalier  pour  la  recette  des  den.  que  seremetlront  tant  de  Poitou, 
Bourdeaux  que  autres  lieux  : 

11)77 

A  \-2  daout  es  mains  de  Jehan  LaCombe  24431iv.  tourn.  1  s.  reçu  de 
M.  notre  maieur  pour  son  compte  capital  à  présent  au  livre  de 
crédit 2  4i3 

Et  à  20  de  septembre  1009  liv.  reçu  de  M.  nostre  d.  maienr  nous 
a  prêté  créditeur  au  livre  de  crédit 

Et  à  23  dud.  618  liv.  avons  emprunté  dud.  s''  créditeur  au  livre 
de  credii 

Et  à  26  dud.  o20  liv.  reçu  de  Pierre  Faure  faisant  pour  mess. 
AudruetC?)  en  vertu  dune  lettre  de  change  envoie  parPasteau. 


lo8o 

Sur  Antoine  Soliniac...  à  i'ô  de  juillet  la  somme  de  3042  liv.  de 
conte 

Et  159  ecus  36  s.  sont  pour  le  change  de  la  susd.  somme  a  com- 
prins  (sic)  le  couretage  qui  revient  pour  cent  o  1/4  qui  en  tout  a 
valu 159   liv.  36.  s. 

Et  216  ecus  pour  le  change  de  la  susd.  somme  que  j'ai  prins  à 
dépôt  jusques  aux  paiemens  de  la  foire  de  Rouen  1366  à  6  14  tant 
a  valu  le  change,  remise  avec  le  couretage 216  ecus. 

IbSo 

Sur  Pierre  Praf,  marchant  de  Toulouse  doit  avoir  à  2  de  décembre 
par  casse  la  somme  de  3.'>0  liv.  m'a  baillé  à  dépôt  jusques  aux  paie- 
mens de  Roye  à  4  1/2  pour  le  change....  lui  ai  fait  promettre  lui 
bailler  lettre  de  change  dans  le  20  février  prochain.     .     36o  liv.  45. 


APPENDICE.  387 


0  /  / 


Et  à  24  dud.  [septembre]  ooO  liv.  reçu  du  S""  Alary  marchant 
d'Alby,  créditeur  au  grand  livre  à  son  compte  à ooO. 

Et  à  25  dud.  95  liv.  15  s.  avons  reçu  de  La  Vassor  dOrleans  pour 
laine  burelle  à  lui  vendue 95  i  5, 

Et  à  26  du  d.  520  liv.  reçu  de  Pierre  Fanre  faisant  pour  M.  Audruet. 
en  vertu  d'une  lettre  de  change  envoie  par  Pasteau 520. 

1578 

Et  à  21  de  janvier  557  liv.  6  s.  3d.  tant("?)  ai  emprunté  de  M.  de  Gestes 
nostre  maieur  et  c[r]editeur  au  livre  decredit  à.     .     .     .     557     6  3. 

Et  19  dud.  [février]  1  500  liv.  avons  reçu  du  s''  Cazoltes  pour  compte 
de  M.  Lautier  pour  pareille  somme  [que]  Chanson  lui  avoit  forni  en 
bourse  (?) 1500. 

Et  à  10  dud.  [avril]  640  liv.  avons  reçu  du  s''  Pierre  Subreville  en 
200  ducats  millares  que  led.  Chanson  nous  a  livrés.     .     .     .     640. 

1585 
Caisse  doit  à  19  d'octobre  aux  s""^  Granier  et  Gestel  iOOecussol.     100. 

Caisse  doit  avoir  à  20  d'octobre  80  ecus  14  s.  pour  autant  bailler  à 
Bernard  Manens  débiteur  dud.  M.  à  son  compte 80  14. 

S'  Saurin,  marchant  de  Toulouse,  doit  à  17  de  novembre  à 
caisse  la  somme  de  300  ecus  lui  en  fait  compter  par  Pierre  Bonne 
Foy 300  ecus. 

S'  de  Veires  doit  avoir  à  27   de  novembre  la   somme  de  400  ecus 

pour  une  lettre  de  change  de  mess 

Pour  être  paie  à  Lyon  à  l'acquit  du  S""  Touzin.     .     .     .     400  ecus. 
Et  2  ecus  pour  la  remise  de  100  ecus  à  2  pour  cent.        2   — 

402  ecus. 


1583 

Caisse  doit  donner  à  20  de  novembre  724  ecus  11  s.  pour  reste  de 
son  compte  précédent 724  4s. 


388  APPENDICE. 


1386 


M.  Marquant  doit  à  20  de  février  la  somme  de  1000  ecus  pour  deux 
K'Urts  de  chaiiiic  paiables  à  Lyou  à  ces  prochains  paiements  de  la 
foire   de    lloyes' 

S""  Pierre  Prat,  marchand  de  Toulouse  doit  avoir  à  2  de  décembre 
par  ca[i]sse  la  somme  de  350  ecus  [que]  m'a  baillé  à  dc'^pôt  juscjues 
aux  paiemens  de  Royes  à  4  1/2  pour  [cent]  pour  le  change,  (ju'est  en 
tout  36.-i  ecus  4o  s.  Lui  ai  fait  promesse  lui  bailler  lettre  de  cliange 
dans  le  20  février  prochain 3Go  ecus  4;j  s. 


IX 

LETTRES   DE   VolTLUE. 

(Papiers  de  Siuiuii  Lecoiute.) 

Boycr  à  Simon  Lccointc. 

Bordeaux,  6  février  1579. 

M.  Le  Comte,  je  vous  envoy  une  balle  mienne  que  vous  recevrez 
marquée  d'un  G  et  d'un  B  et  une  barrique  marquée  de  la  marque - 
au  côté  et  à  un  bout  d'icelle  de  trois  rondeaux  ^,  laquelle  balle 
reçus  et  barrique,  le  tout  bien  conduit  sans  être  gâté,  payerez  à 
François  La  Lane  (?),  marinier  du  passage  d'Agen  dix  livres  pour  son 
port  et  le  tout  nie  garderez,  espérant  vous  voir  en  bref — 

Marque  de  la  balle. 

Marque  de  la  barriijue* 

Boyer  à  Lecomte. 

Bordeaux,  i janvier  lô78. 

M.  Le  Comte.  Il  vous  plaira  recevoir  de  Jehan  Bec,  marinier  de 
Toulouse  deux  ballots  de  toiles,  marqués  au  bout  de  la  marque  au 

1.  La  foire  des  Bois,  counne  plus  haut. 

2.  Ici  la  reproduction  de  la  marque  commerciale. 
;i.  Ici  trois  0  accolés. 

4.  Cette  barrique  contenait  des  merluches,  de  la  morue  et  des  harengs. 
C'était  la  «  provision  de  carèuie  »  de  S.  Lecomte.  Avec  l'adresse,  l'e-tpé- 
diteur  met  très  souvent  le  prix  du  port.  «  Payez  de  port  3  s.  » 


APPENDICE.  389 

dos  de  la  présente...  et  un  barril  do  pois  el  inif^  barrique  où  il  y  a 
dedans  un  quarteron  de...  merlus,  etc..  et  le  tout  étant  bien  conduit 
payerez  aud.  Jeban  Vec  20  liv.  pour  son  fret.... 

Sabatcry  à  Simon  Lecomte. 

Bordeaux,  10  mai  1584. 

Au  nom  de  Dieu  en  Bourdeaux  ce  10'=  mai  1584.  M.  Le  Comte,  la 
présente  n'est  que  pour  vous  donner  avis  comme  du  jour  d'hier 
avons  chargé  votre  cofîre  en  compagnie  d'autres  apartenant  au  s""  de 
Besqua...  dans  le  bateau  de  Colerat  d'Agen  marqué  de  la  marque 
dehors,  comme  verrez  par  ma  lettre  de  voiture,  lequel  a  promis  estre 
dans  douze  jours  en  Toulouse  et,  des  la  réception  d'icelui,  vousplera 
m'en  donner  un  mot  d'avis.  Je  n'ai  osé  bailler  la  clé  à  ce  porteur 
avec  la  présente  de  tant  qu'il  est  un  marinier  et  qu'il  connoit  celui 
qui  a  chargé  led.  coffre,  craignant  qu'il  ne  le  rencontrât  en  chemin 
mais  je  ne  faudrai  par  le  premier  homme  sur  qui  partira  de  la  vous 
envoier.... 

Guill.  Boyer  à  S.  Lecomte. 

Bordeaux,  8  juillet  1584. 

M.  Le  Comte,  je  vous  envoie  votre  coffre  enclos  dans  le  coffre  de 
sapin  marqué  de  la  marque  '  en  la  pagine  de  la  présente  dans 
lequel  il  n'y  a  rien  que  vos  papiers...  vous  le  recevrez  de  Nadal  Fro- 
quade,  marinier  de  Tolose...  et  le  tout  bien  conduit  lui  payerez  pour 
son  port  deux  ecus  et  demi  et,  par  ce  qu'il  avoit  crainte  que  MM.  les 
peagiers  lui  demandent  le  péage  dud.  coffre,  je  lui  ai  dit  qu'il  les 
assurât  que  dedans...  il  n'y  a  rien  que  papiers.... 


DOUANE  DE    LYON. 

(Délibération    du  consulat    de    Lyon  du    11    septembre    1613. 
Arch.  municipales  de  Lyon.  Reg.  BB,   148,  f.  lOG  v»  et  suiv.) 

Du  mirdy  unzieme  jour  de  septembre  Lan  mil  six  cent  douze 
après  midys,  en  l'hostel  commun  de  la  ville  de  Lyon,  y  estans  les 
prévost  des  marchans  et  eschevins...  intervenans  en  l'instance 
d'entre  le  fermier  de   la  doanne  dud.  Lyon  prétendant  devoir  lever 


1.  GB. 


390  APPENDICE. 

les  qiiatro  pour  cent  sur  les  marchandisos  d'espiceries  et  drogueries 
qui  les  ont  payé  à  Marseille  d'une  part  et  Claude  Cotlenet,  marchand 
de  lad.  ville  justifiant  de  ses  acquictz.... 

Dient  par  devant  vous  MM.  les  commissaires  députés  par  le  Roy 
pour  le  faict  des  doannes  au  bureau  estably  en  cette  ville  : 

Qu'ils  ont  assez  peu  de  subject  d'intervenir  en  cette  cause  pour 
monslrer  que  la  prétention  dud.  fermier  est  injuste,  puis  que  desja 
cy  devant  en  pareil  cas  vous  l'avez  condamnée  comme  telle. 

C'est  que,  comme  l'establissement  de  la  doanne...  n'a  jamais  été 
fait  que  pour  imposer  ung  droit  d'entrt'e  en  ce  royaulme...,  lorsqu'il 
fust  faicl,  il  ne  se  levoit  aucune  entrée  sur  les  espiceries  et  drogueries 
à  Lyon  ni  ailleurs. 

Car  vous  trouverez...  que,  le  xviii  juillet  1540,..  François  premier 
envoya  en  la  ville  de  Lyon  la  forme...  que  S.  M.  entendait  estre 
observée  pour  la  levée  de  ses  dioils  sur  l'entrée  des  marchandises 
venues  d'Italie,  Avignon  et  Comtat  de  Venisse.... 

Marchandises  qui  sont  spécifiquement  declairées  estre  seulement 
les  draps  d'or,  d'argent  et  de  soye,  toute  espacée  de  crespes,  canetilles, 
passemens,  rubans,  ceintures,  franges,  pannes,  pourfilleures,  orue- 
inens.  habillemens,  fils  d'or  ou  d'argent,  soyes  crues  ou  tainctes  et 
toutes  autres  tissures  et  espèces  d'ouvrages  de  fil  d'or  ou  d'argent  et 
de  soye  ...  venans  d'Italie,  Espaigne,  Avignon  et  comté  de  Venisse.  » 

Henri  II  ordonna  le  payement  de  droits  d'entrée  sur  les  épiceries 
et  drogueries.  Edit  du  25  ou  26  mars  1543. 

«  Que  les  lieux  destinés  pour  l'entrée  des  espiceries  et  drogueries 
sont,  pour  le  regard  de  celles  qui  viendront  par  la  Méditerranée, 
...Marseille,  pour  la  mer  Océane...  Rouen  et  pour  celles  qui  viendront 
par  terre...  Lyon  tant  seulement.... 

Il  est  donc  vray  que,  sy  bien  le  Roy  a  voulu  lever  sur  les 
espiceries  et  drogueries  quatre  pour  cent  à  Marseille,  à  Rouen  et  es 
autres  ports  de  la  Rochelle,  Nantes,  Callais,  depuis  amplifiez  par  ses 
ordonances,  il  n'a  pas  pourtant  eniendu  que  pareil  droict  fust  levé 
à  Lyon  ains  seulement  de  contraindre  toutes  les  espiceries  et  drogue- 
ries venans  par  mer  à  entrer  par  lesd.  villes  et  ports  maritimes 
nioienant  les  quatre  pour  cent  et  celles  venans  par  terre  à  entrer  en 
la  ville  de  Lyon  pour  y  payer  le  droit  de  doanne  qui  est  deux  et  demy 
pour  cent,  oulire  l'octroy  de  quatre  livres  pour  balle  et  pareil  droict 
de  deux  et  demy  sur  les  autres  espiceries  et  drogueries,  venans  aud. 
Lyon,  de  quelque  aultre  endroit  que  ce  soit,  sans  pour  ce  payer  aucun 
droict  d'entrée  aultre  part  qu'à  Lyon.  » 


APPENDICE.  39  f 

Leséchevinscitentà  l'appui  de  cette  opinion  l'edil  du  3  octobre  1ÎS81 , 
la  nouvelle  apréciation  du  droit  d'entrée  du  11  septembre  lo82. 
.  «  Car  le  droict  de  la  doanne  de  Lyon  et  ceulx  de  l'entrée  des 
drogueries,  espiceries  et  autres  marchandises  estrangieres  arrivans 
ailleurs  qu'à  Lyon  ont  bien  cela  de  difîerenct  qu'ils  sont  divers  en 
quantité,  sçavoir  ceulx  de  Lyon  à  raison  les  ungs  de  ciiiqet  lesaultres 
de  deuxet  demy  pour  cent,  au  lieu  que  ceulx  qui  se  lèvent  ailleurs  sont 
à  raison  de  quatre  pour  cent  mais  les  ungs  et  les  aultres  ont  cela  de 
commun...  en  qualité  que  ce  sont  tous  droicts  d'entrée.... 

L'on  vous  supplie...  considérer  combien  grand  a  esté  l'abbus  des 
fermiers  de  Marseille,  Rouen,  la  Rocbelle,  Bourdeaux, Nantes, Calaiset 
aullres  lieus  où  lesd.  droicts  d'entrée  sont  levés,  qui,  se  servans  du 
temps  des  troubles,  ont  contrainct  la  pluspart  des  marchans  de 
Lyon  de  payer  les  droicts  d'entrée  en  ces  lieux  là  et  celuy  mesme  de 
ceste  doanne  qui,  par  raison  n'en  pouvant  lever  aucune  chose  à  Lyon, 
a  faict  des  compositions  secrettes  de  moittié  ou  aultre  portion  avec 
aulcungs  pour  induire  les  moings  entendus  à  s'y  laisser  aller. 

Car  c'est  ce  qui  a  détourné  ce  grand  commerce  des  espiceries  et 
drogueries,  des  draps  d'Angleterre,  des  marchandises  de  Flandres  et 
d'AUemaigne,  du  royaume  d'Aragon  et  aultres  marchandises  en 
nombre  infini  qui  s'amenoient  à  Lyon  et  lesquelles  les  estrangiers  y 
venoient  achepter,  soubz  le  bénéfice  de  la  franchise  desd.  foires,  qui 
est  dud.  droict  d'entrée  comme  de  ceulx  de  la  sortie  mais  qui  ont 
aultre  voye  par  l'injustice  de  l'oppression  desd.  fermiers. 


INDEX    ANALYTIQUE 


Abbeville    échevinage  d'j.    13. 
Académie  royale  de  musique, 

243. 

Acadie,  283, 28.5, 28G. 

Achmet  (sultan  .  Conclut  une  ca- 
pitulation avec  Henri  IV.  31G. 

Acier  de  Damas,  102. 

Açores  îles).  Leur  commerce  avec 
la  France,  277. 

Acquits-à-caution,  203. 

Actes  notariés,  2. 

Adelantado,  amiral  des  galères, 
208. 

Adour    1'),  rivière,  274. 

Aerssens,  agent  des  Provinces- 
Unies.  280. 

Afrique.  Notre  commerce  avec  la 
côte  occidentale  d"  —,  277  ;  —  sep- 
tentrionale. —  Ses  relations  com- 
merciales avec  la  France,  27G. 

Agents  de  change  et  de  banque 
érigés  en  titre  d'ofûce,  230. 

Agiotage,  363. 

Agriculture.  Son  caractère  social 
et  moral,  3-4. 

Aiguë  (Etienne),  marchand  de  Ba- 
gnols,  lOC,  n.   1. 

Aigues-Mortes,  1(\b. 

Aisne,  rivière.  Travaux  qui  s'y  rat- 
tachent,   182,188,191.    Pont,    187. 
Obile.)-  laudatus,  189. 
Aix.  Exécution  del'édit  d'avril  1.397, 

95,  n.  3.  Ob.  laiid..  124. 
Alais,  108. 


I  Alary.  marchand  d'Alby,  222. 

Albergement,  47. 

Albert  (Guillaume),  négociant  ûa- 
mand,  154. 

Albigeois.  Safran,  G9. 

Alep,  entrepôt  des  denrées  de  l'Ex- 
trème-Orient,  315.  Ob.  laiicL,  282. 

Alexandrie,  282. 

Alger  (vice-roi  d'),  301. 

Algérie,  275,276. 

Alignement,  178. 

Alimentation  des  paysans,  CO-Gl. 

Alleaume,  professeur  de  mathéma- 
tiques, 102. 

Allemagne.  Cuirs,  85.  Échanges 
avec  la  France,  267.  Émigration 
des  Français,  277.  n.  2;  —  (Mar- 
chandises d"),  293.  Ofj.  lau'L,  72, 
294. 

Allemands  viennent  travailler  aux 
mines,  3G. 

Allier  (F),  rivière.  Marchandises 
qu'il  peut  transporter,  200.  Ob. 
laïK.I.,  338. 

Almanachs,  03-04. 

Alpes,  262,  n.  1. 

Amérique.  Colonies  espagnoles, 
282;  —  du  Nord.  283.  Ob.  laud., 
288.294. 

Amidon  (fleur  d').  Son  entrée  in- 
terdite en  -Angleterre,  2G7. 

Amiens.  Coches  entre  cette  ville  et 
Paris,  204.  Courtiers,  292;  —  (éche- 
vinage d'},  13,23;—  (fabricants  d'). 


:<9i 


INDEX   ANALYTIQUE. 


90.  Filés,  1-38;  —  (générnlit.-  d'\ 
181. 103.  Sayeteurs,  l-tS.  Sayetteric. 
s:!,  •,'(■.(•. -.'cl.  T.i|>is?eiie?,  150. 

Amirauté   de   Normandie,  W.). 

Amirautés.  'J'.tT-'.'OS. 

Amsterdam,  l.M,  lôO. 

Amurath  III  accorde  à  l'Aiiglc- 
terre  la  liljcrtc  de  commercer  dircc- 
tnueiitavec  la  Turquie.  .314-:J1Ô. 

Ancrage   (droit  d'  .  207. 

Anduze.  lOS. 

Angers.  Exécution  de  ledit  d'avril 
1597, 0.">,  n.  3. 

Angilemont  Hercule  d'  ,  4:{. 

Anglais  l.rurs  importafions  eu 
France,  8:{.  Fabriquent  du  pa[)ier 
en  France,  IGO.  .Nous  enlèvent  le 
commerce  d'importation  en  Espa- 
gne, 2G3.  Nous  font  concurrence 
dans  le  commerce  avec  l'Afrique 
septentrionale,  276.  Fondent  en 
France  des  maisons  de  dépôt  et 
de  commission,  200-291.  Leurs  re- 
lations commerciales  avec  la  Rus- 
sie. 20."..  Ob.  laud.,  201.  Voy.  An- 
gleterre. 

Angles  (les  .  Gard,  29. 

Angleterre.  Draps,  1-37.  Négocia- 
tion pour  le  rétablissement  du  com- 
merce entre  la  France  et  les  États  de 
Philippe  111,  2G4.  Nos  importations 
en  Angleterre,  2G4  2Gô.  Son  dé- 
veloppement commercial  et  son 
système  prohibitif,  2G.3-2G7.  Nos 
relations  commerciales  avec  elle, 
260-2";].  La  pêche  du  hareng  inter- 
dite aux  étrangers  sur  ses  côtes, 
275.  Émigration  des  Français  dans 
ce  pays,  277,  n.  2;  —  (marchandi- 
ses d'),  293.  Transportées  par  la 
marine  des  Provinces-Unies,  204. 
Sa  marine  marchande,  204-20G. 
Son  commerce  de  transit  avec  l'Es- 
pagne, 29G.  Ses  pirateries  et  ses 
griefs,. 304-310.  Établit  des  relations 
commerciales  directes  avec  la  Tur- 
quie, 314-315,  316.  Ob.  laud.,  22, 


71.   72.    118,261.    Voy.   Anglais. 

Angoisselle.  Italiens  émigrés  en 
!•  lam-c.  -V-W. 

Angouléme.  Sa  prospérité,  162. 

Angoumois.  Couimerce  lluvial,  167. 

Anil  de  Barbarie,  378. 

Animaux  nuisibles,  20. 

Anjou.  Mail  à  cotuplant,  46.  Son 
connncrce  auec  la  Urctagne,  [330- 
340;  —  (maison  d';,  105.  Vins, 68  et 
n.  3.  Ob.  lau'L,  15. 

Annapolis.  Voy.  Port-Royal. 

Annet-  en -Brie.  Itoprésentation 
draniati<|ue,  2.')7. 

Annonay  Ardèche}.  .Mines,  33. 
Ob.  laud.,  13. 

Antibes,  301. 

Apprentis.  226-228,  380-381. 

Aquitaine,  58. 

Arbois   .lura  .  \'in,  67. 

Archipel  indien,  282. 

Arçons  (Marguerite  d'',  femme 
d'OI.  de  Serres.  37. 

Ardennes.  Hydromel,  68.  Écobuage, 
73. 

Argentan   urne  ,  18,101, 

Argenieuil.  Vins,  68. 

Ariège,  rivière.  Concourt  au  pro- 
jet de  jonction  entre  l'Aude  et  la 
Garonne,  197.  Ob.  laud.,  33. 

Arles,  123,  124. 

Armançon.  rivière,  201. 

Arnauld  Etienne),  maître  priseur 
de  pasicl.  3  76. 

Arnauld,  intendant  des  finances, 
368. 

Arnauld,  trésorier  des  ponts  et 
chaussées.  181. 

Arrêt  de  prince,  307,  n.  1. 

Arschot.  Ras,  84;  —  (duchesse  d'), 
107. 

Artisans.  Leur  physionomie  mo- 
rale, 247-258.  Conséquence  des 
guerres  civiles  pour  eux,  331. 

Artois,  165. 

Assemblée  des  notables  à  Rouen, 
17. 


IXDEX  ANALYTIQUE. 


395 


Assolements,  fi.ï. 

Assurances  maritimes,  207,  n.  4. 

Ateliers  publics,  ^ï>'>. 

Aubaine    droit  d"  ,  371-27'2. 

Aubigné  lAgrippa  d'),  fiO,  ii.  2. 

Aubin  (Ambroise),  121. 

Aude,  rivière.  Projet  de  sa  jonction 

avec  la  Garonne,  107-108. 
Auge  (vallée  d').  Bœuf,  72. 
Aunis.  Bail   à   complant,  40.    Vins 

blancs,  08.  Ob.  loud.,  20. 
Aurillac  (habitants  d'),  257. 
Authentiques!  qua  mulier,  17.3. 
Auvergne.     Bétail,    2()(>.    Denrées 

agricoles,  200.  Habitations  rurales, 

58.   Mines,  32,33.  Safran,   00.   Ob. 

laud.AZ,n.  1,  71,182,338. 
Auxerre,  07. 
Avignon.   Pont,  187.  Soieries,   125, 

n.  4. 
Avis  (donneurs  d'),  333. 
Ay    .Marne:.  Vin,  07. 
Aynay-le-Château    saccagé,    70, 

n.  1. 

Bacalaos  (île  de).  Ancien  nom  de 

Terre-Neuve.  274. 

Bagé  (marquisat  de  .  Jumente- 
rie,  72. 

Bagnols  (Gard).  Vin,  07. 

Bailcolonger,  47  ;  —  à  complant, 
40;  —  à   convenant,  47. 

Bajettes  anglaises,   200. 

Balbani  (Manfredi),  Lucquois, 
108. 

Baleine.  Pi'che.  204. 

Baltique  fpays  de  la).  Leurs  rela- 
tions commerciales  avec  l'Angle- 
terre, 2C5.  Ob.  loud.,  ]lS,^9i. 

Banque  de  France,  234. 

Banqueroute  de  l'État,  170. 

Banqueroutes  privées,  171-173, 
301. 

Banques  publiques,  233-235. 

Banquiers,  300. 

Bar  (la\  rivière.  Projet  de  la  ren- 
dre navigable,  101-102. 


Barbaresques.   Leurs    pirateries, 

301-303,310,320. 
Barbarie,  270,  n.  3. 
Barde  M.  228. 
Barrois.  Toiles,  84, 130. 
Barthélémy  (sieur  de  ,   contrô- 
leur des  traites  à  Arles,  123-124. 
Bartholus    (Thomas^    .Milanais, 

verrier,  150. 
Bas  d'estame  anglais,  200. 
Bas   de  soie,   125  ;  —  de   laine, 
143; —  de  soie  et  de  tricot  à  Dour- 
dan,  85;  —  de  soie  à  la  fin  du  rè- 
gne, 150. 
Basché  (Chicanons  du  sire  de) 

40. 
Basques,  274,  n.  1.  285. 
Bassano.  Soies,  100. 
Basse    Normandie.    Habitations 

rurales,  50. 
Bassigny.  Fertile  en  céréales,  CG. 
Bastion  de  France,  303. 
Bayonnais,  287,  n.  1. 
Bayonne.   Amirauté,  287.    Échevi- 
nage  et  habitants,  281,  n.  2.  Négo- 
ciants, 85.  Ob    laud.,  179,  265,  297. 
Béarn  ne  vit  que  de  son  commerce 
avec  l'Espagne,  202,  n.  2.  Corroierie, 
85.  États,  202,  n.  2. 
Beaucaire     ^sénéchal    de),  200, 

n.  3. 
Beauee.  B.'js   de  soie   et  de  laine, 
159.  Fertile  en   céréales,   60.  Pau- 
vreté de  la  noblesse,    40  et  n.  4. 
Richesse  agricole.  200. 
Beauclerc  (Nicolas    Le),  tréso- 
rier général  de  France  à  Paris,  98, 
n.  4. 
Beaujolais.  Mines,  32.  Nomination 
d'un  prévôt  des  merciers,  79,  n.  3. 
Propice  à  la  sériciculture  108.  Soie, 
i:!0.  n.  3.  Ob.  laiid.,  14,  158,  338. 
Beaulieu,  capitaine  malouin,  302. 
Beaulieu  (Martin   Ruzé,  sieur 
de),  lieutenant  général  des  mines, 
34. 
Beaumont-sur-Oise.  Pont,  185. 


396 


IMiEX   ANALYTIOIE. 


Beaune.  07.  (IS. 
Beaurieiix.  Vin,  OS. 
Beaiisemblant   en   Dauphiné,  88. 
Beautor  i,ponl  dci,  104. 
Beauvais.  Draps,  Si.  Messageries, 

Bellegarde     Roger   de    Saint- 
Lary.    duc    de  .    i-'iaml    niaitre 
suiintendant  des  mines,  oi. 
Belon    Pierre),  73,  n.  3. 
Benoit   Charles\   conseiller  à  la 

chambre  «les  roniptes,  08.  n.  i. 
Benoit  (Charles.    Maitre    passe- 
mentier   et    moulinier  en    soie    à 
Rouen,  110. 
Berg-op-Zoom,  20. 
Bergeron  (Laurent),  marchanda 
l'.iiis.  :!7i. 

Beringhen ,  jiremier  valet  de 
chambre,  contrôleur  gcnt'-ral  des 
mines.  3i.  Sa  participation  à  la 
propagation  delà  sériciculture,  131. 
.Auloriséà  établir  des  verreries,  IjO. 

Bernardin,  maitre  corroyeur  à 
Nérac.  80. 

Eerry.  Bétes  à  laine,  200.  Draps, 
84.  Élevage,  71.  Fers,  200.  Laines, 
73.  Propice  à  la  sériciculture,  108. 
Oh.  laiid.,  18. 

Beruyer  (Philibert,  revendeur 
breveté,  332,  n.  3. 

Bétail,  insaisissable,  21  ;  —  de  l'Au- 
vergne, 200.  Article  d'exportaticm, 
200. 

Bétes  à.  laine  du  Berry,  200. 

Betterave.  Culture  nouvelle,  38. 

Betz-en-Touraine.  47,  n.  h. 

Beurre,  274. 

Beyrouth,  2.s2. 

Béziers  (diocèse  de  ,  14. 

Biche.  Italiens  établis  en  France, 
3'>'( . 

Bière.  c.S. 

Billets  à  ordre.  ;'.03. 

Biron  'maréchal  de),  183. 

Blanc  de  plomb,  1J7-1.Ô8. 

Blois.   Ktats    généraux,  203.    Pont, 


188  ;  —  traité  de)  entre  Charles  IX 
et  Klisabeth.  20!)  ;  —  (ordonnance 
de)  4.=),  n.  4.  246. 

Blois  (élection  de).  Sériciculture, 
112. 

Blondeau,  conseiller  au  parlement, 
I'.)3. 

Bocage    vie  .   Habitations    rurales, 
58. 

Bodin,  24. 

Bœuf  du  Limousin  et  de  la  valb'e 
d'Auge,  72. 

Bois,  article  d'exportation,  200  ;  —  du 
Nivernais,  200;  —de  teinture,  277. 

Boissise,  ambassadeur  de  France 
en  Angleterre,  291,  202,  n.  1. 

Bologne.  Soieries  125,  n.  4.  Soies, 
1(11).  0/'.  Umd.,  122. 

Bombazins  anglais,  2G9. 

Bon   Berger  fie  .  04,  n.  2. 

Bonnet  vert.  172. 

Bonnières.  Pont,  185. 

Bonvisi.  334. 

Bordeaux.  Convoi,  37.">.  Courtiers, 
2'.)2.  Droits  d'entrée,  390.  Entrepôts 
anglais,  270.  Exécution  de  l'édit 
d'avril  1597,  95,  n.  3.  Juridiction 
consulaire,  213,  n.  4.  Messageries 
entre  cette  ville  et  Toulouse,  203. 
Négociants,  297.  Parlement,  229. 
Pastels.  Vins,  2G4,  Oh.  laud.,  20, 
28,222,  227,  255,  n.  5. 

Bordeaux  (sieur  de),  baron  de 
Colonces,  surintendant  général 
des  jardins  de  France.  Sa  part  dans 
la  propagation  de  la  sériciculture, 
108.    110. 

Bordelage,  40- Î7. 

Boston,  295, 

Bougrans,    article    d'exportation, 
200,   205;  — de   Troyes,    200.    Oh. 
laud.,  270,  n.  1. 
Bourbonnais.      Coutellerie,     200. 

.Mines,  32.  Oh.  laud.,  44. 
Bourg-en-Bresse  saccagé,  79,  n.  1. 
Bourgeois  :Mariei,  peintre, sculp- 
teur el  mécanicien,  10?. 


INDEX  ANALYTIQUE. 


:m 


Bourgeoisie.  Son  ascension  so- 
ciale, 3-28-330. 

Bourges.  Chapellerie,  159. 

Bourges  (généralité  de),  23. 

Bourgogne.  Canal,  "201,  frappée  de 
contributioias,  IG.  Danses,  (V2.  Éle- 
vage du  cheval,  71.  Propice  à  la 
sériciculture,  108.  Sel,  G'J.  Toiles, 
139,  n.  3.  Vins,  07,  200.  Ob.  laud., 
13. 

Bourse  de  commerce,  3.')ô. 

Boutiques,  231-232. 

Brabant.  Toiles,  139. 

Bradiey  (Humphrey),  2r.,  28,  29, 
193. 

Bradleyi'Jean),  maître  des  digues, 
20 1 . 

Bragelonne,  conseiller  au  parle- 
ment, 98,  u.  i. 

Braine.  Canal,  189. 

Braries,  Cl. 

Brenne  (la),  2G. 

Brésil,  277. 

Bresse.  Droit  de  traverse,  370.  Éle- 
vage du  cheval,  72.  Ob.  laud.,  lôS, 
338. 

Brest,  279,  280. 

Bretagne.  Chants  populaires,  15. 
Son  commerceavec  l'Anjou, 339-340. 
Danses,  G2.  Domaine  congéable,  47. 
Élevage,  71.  Exportation  de  son 
blé  et  de  son  vin,  24.  Habitations 
rurales,  58.  Lin  et  chanvre,  G9.  Mor- 
cellement de  la  propriété,  40,  n.  3. 
Noblesse  commerçante,  252,  n.  3. 
Pauvreté  de  sa  noblesse,  40.  Sa  pa- 
cification incomplète,  IG.  Rebelle 
à  la  sériciculture  108.  Toiles,  84, 
139.  Viticulture,  G7.  Voy.  Cou- 
tume, États. 

Brèves  (Jacques  de  Liancosme, 
sieur  de),  314,  n.  3. 

Brèves (Savary  de),  ambassadeur 
du  roi  à  Constantinople,  298,  303, 
n    4,  316,  321-322,  3.''!. 

Briare.  Canal,  199. 

Brid'oison,  49. 


Brie  fertile  en  céréales,  GG.  .Mines, 
33.  Veau.x,  72,  Où.  inul.,  18G. 

Brie  ^Jean  de),  51,  G3,  n.   2,  Gi. 

Brigandage,  3,"i5. 

Brinon-r Archevêque  soutire  de 
la  guerre,  79,  n.  1. 

Brisambourg  Char. -Inf.)  Faïences 
et  poteries,  157. 

Brissac  (duc  de',  250. 

Bristol.  295. 

Bruges,   123. 

Brûlis,  73. 

Bueil    Anne  de),  20 i,  n.  3. 

Buffalo,  nonce  du  Saint-Siège,  2G1. 

Bugey.  Albergement,   i7. 

Bunel  (Jacob),  peintre,  102. 

Busson  (Vincent),  Milanais;  ver- 
rier, 155-15G. 

Buzancy,  191. 

Buzanval,  amba.'îsadeur  auprès  des 
Provinces-Unies,  310. 

Caen.  Émeute,  87,  n.  1  ;  —  (échevi- 
nage  de),  340.  Entrepôts  anglais, 
270,  271.  Toiles,  139,  lil-142,  Ob. 
laud.,  191,  311. 

Caen  (généralité  de),  23,  181. 

Cahaignes    Jacques  de),  142. 

Caillault  (Marie),  revendeusebre- 
vetée,  332,  n.  3. 

Caisses  de  secours  corporatives, 
3:3. 

Calabre.  Vers  à  soie,  108. 

Calais.  Centre  de  commerçants 
étrangers,  291-292,  n.  1  et  du 
commerce  de  l'Espagne  et  des 
Provinces-Unies,  323.  Courtiers, 
292.  Droit  d'entrée  sur  les  épi- 
ceries et  drogueries,  389,  399. 
Lettres  de  marqiîe  accordées  à 
Téchevinage,  310. 

Calendrier  des  bergers  (le),  51, 
G3,  64. 

Camelots,  1G8;  —  anglais,  2G9  ;  — 
de  Lille,  274. 

Campagnes.  Leur  repeuplement, 
40. 


398 


I.NUKX    ANALYTIOUi:. 


Camus   Nicolas  .  118. 
Canada.    Él.iblisscments   français, 
•:,s:),     SSU-'iST.     n.    l.     Ob.    laud., 

Canal    des    .\rdenncs,    IT2  :  —   de 
Bourgogne.  201  ;  —  de  Braine,  189; 

—  du  Centre  ou  de  Charolais  2(!0; 

—  entre  la  Garonne  et  l'Aude,  I9G- 
lî)8:  —  du  Languedoc,  de  Loire  et 
Seine.  ISl.  is?,   l'.tS-'.'OO. 

Canalisation  du  Clain,  de  la  Vesle, 

ISl,    ISS-IS!). 

Canayes  .Les,  négociants,  374. 
Candie.  8ô. 
Canne  à  sucre,  OS. 
Canteperdrix.  Vins,  G7. 
Caorcins.  '2 il. 

Cap  de  Bonne-Espérance.  Pro- 
jet d'y  fonder  des  établissements 
français.  îSÎ.  Ob.  hiiid.,-i\l. 
Cap  Breton.  -'Ti. 
Cap  Breton    île  de  ,  "274. 
Cap  Vert  (,îles   du).  Notre   com- 
merce avec  elles,  277. 
Capel  (Ange  ,  sieur  du  Luat,  o33, 

u.  2. 
Capitaux.  Leur  abondance,  360. 
Capitulations  entre    François  l^"" 

et  Soliman,  313. 
Carcassonne  (environs  de  .  Mi- 
nes. 33. 
Cardaillac     Antoine-Philibert 
de  .  sieur  de  Capelle,  maréchal  de 
Quercy.  203. 
Carlier,  marchand  de  Paris,  223. 
Carrosses,  2ôô. 
Cartes.  Leur    entrée    interdite   en 

Angleterre,  207. 
Cartier  Jean),  m.irchand  et  bour- 
geois de  Paris,  237,  n.  2,  238. 
Castelnau.  Vin,  07. 
Castille,  receveur  du  clergé,  2ôl. 
Catherine  de  Médicis.    Ses  fils 
abandonnent   Fontainebleau,    144. 
Fait  commencer  le  pont  de  Cliatel- 
Icrault,  188.  Ob.  laud.,  l'.»7. 
Cauchon    (Thomas)  .     siour    de 


Vezernay  ,    trésorier    général     de 
France.  IS'.t. 
Caumartin  (M.  de\  l:)3. 
Caumont  château  de  ,  43. 
Cavaliers.  Ce  i\nv  coulait  leur  en- 
tretien, 17. 
Cecill   Robert^  300,  n.  4. 
Cenami,  334. 
Céréales,  Oâ-GO. 
Cerretany  Monchatte  ,  230. 
Cessions  de  biens,  172. 
Cévennes.  .Mûriers,  lo.i.  Ob.  laud., 

33.   KIS,  202,  n.   1. 
Chablage,  207. 
Chablis.  07. 
Chaillot,  près  Paris,  lô3. 
Chalautre-la-Grande ,    détruite, 

7'.i.  n.  I. 
Chalon,  200. 
Châlons,  180. 

Châlons  généralité  de),  23. 
Chambéry.  Suierins.  12.'»,  n.  4. 
Chambre  de  commerce  de  Mar- 
seille. 317. 
Chambre  des  comptes  d'.\ix  ) pré- 
sident de  la  ,   124. 
Chambres  syndicales,  3.53. 
Champagne.  Danses,  02.  Exporta- 
tion de  son  blé  et  de  son  vin,  24. 
F'oires,  211,  241.  Industrie  drapiere, 
241 .  Propice  à  la  sériciculture,  108. 
Toibs.  84.  189.  Ob.  laud.,  18. 
Champdoré,  28,5. 
Champlain.  Ce  qu'il  faitau  Canada, 
2S.">-2SO.  Compagnie  créée  par  lui, 
2S7.  Oh.  laud.,  283. 
Champlain  ilac),  28.5. 
Change.  Son  cours  légal  fixé  à  la  fin 

des  foires  de  Lyon.  230. 
Changes  et  rechanges,  240.  250. 
Chanvre.  Sa  culture,  09. 
Chapellerie  à  la  fin  du  règne,  159. 
Chaperon,  coifl'ure  des  femmes  de 

comtuerçants,  2.J2. 
Charbons  de   S.iint-Étieune,    200. 
Chardons  à,  foulon,  article  d'expor- 
tation, 200. 


INDEX   ANALYTIQUE. 


399 


Charges.  Voy.  Offices. 

Charles  VI  ét.iblit  le  droit  réga- 
lien sur  les  mines,  31. 

Charles  VII  accorde  aux  ducs  de 
Savoie  une  taxe  maritime,  301. 

Charles  VIII,  104. 

Charles  IX  relève  les  commerçants 
de  11  dérogeauce,  252,  u.  3.  Crée 
le  premier  service  de  voitures  pu- 
bliques. 202.  Ob.  laiid.,  21,  32,  33, 
155,  171,  300. 

Charles  (Marguerite  .  Ses  cri- 
mes. 15. 

Charles-Emmanuel,  duc  de  Sa- 
voie, prélève  une  taxe  sur  les  vais- 
seaux passant  devant  \'illefranche, 
301. 

Charles-Quint.  29S,  313. 

Charmeaux  (sieur  de),  président 
à  la  chambre  des  comptes,  1)8,  n.  1. 

Charolais,  200. 

Charrier  Antoine  ,  négociant 
lyonnais,  3G9. 

Chartres.  Ras.,  84.   Ob.   laud.,  13. 

Chartres  (le  vidame  de),  4 1 ,  n.  2. 

Chasse    droit  de,,  19,  20,  50. 

Chasserat   Louis),  208,  n.  2. 

Chastes  (commandeur  de),  for- 
me une  Compagnie  pour  le  com- 
merce en  Amérique,  283. 

Châtaignes,  article  d'exportation, 
200; —  duDauphiné,  G9. 

Château  sous  Henri  IV,  52-53. 

Château-Gaillard  gouverneur 
du\  Ses  exactions,  lOG. 

Château-du-Loir.  Création  d'offi- 
ces, 87,  n.  1. 

Château-Thierry.  44.  n.  2,  329, 
n.  1. 

Château-Thierry  (élection  de), 
18G. 

Châteaudun.  Souffre  des  guerres 
civile?.  79,  n.  1.  Sa  prospérité,  102. 

Châteauneuf  ^sieur  de),  lieute- 
nant général  du  roi  en  Limousin, 
190. 

Châteauverds.  8. 


Châtelet  (le;  à  Paris,  43;  —  (Par- 
quet du),   102. 

Châtellerault.  Création  d'offices, 
87,  n.  1.  Pont,  188.  Toiles,  84,  1.39. 
La  Vienne  navigable  depuis  cette 
ville.  190. 

Châtillon-sur-Seine,  199. 

Châtillon    duc  de),  298. 

Chaumières,  5S-59. 

Chaumont-en-Vexin,  2G,  28. 

Chauny.  Pauvres,  78,  n.  2.  Pont, 
104.  Ob.  laud.,  192. 

Chauvet  Jean) ,  marchand  de 
Toulouse,  384. 

Chauvin,  283. 

Cher,  rivière.  Rendu  navigable,  192. 

Cher  (région  du).  .Morcellement 
de  la  propriété,  40,  n.  3. 

Chester,  295. 

Cheval.  Son  élevage,  71-72. 

Chevalier  Nicolas),  conseiller 
au  parlement.  98,  n.  4. 

Chevaux  tirés  de  l'étranger,  72. 

Chevreux  [M'^  Jacques),  inten- 
dant des  levées  et  turcies  de  la 
Loire,   175. 

Cidre,  68. 

Circulation  et  distribution  de  la 
richesse.  Leur  place  dans  l'ouvra- 
ge, 2. 

Cire,  271. 

Clain.  Canalisation,  181,  188-189. 
Travaux  faits  à  son  occasion,  182. 

Clairets,  vins  rouges,  G7. 

Clergé.  Conséquences  que  les  guer- 
res civiles  ont  pour  lui,  330.  Son 
rôle  dans  la  propagation  de  la 
sériciculture,  llC-117,  131.  Sa 
situation  à  la  suite  des  guerres 
civile?,  43-44:  —  du  diocèse  de 
Laon,  44. 

Cochenille,  277. 

Coches  d'eau,  208-209. 

Colbert.  Ses  tentatives  pour  pro- 
pager la  culture  du  mûrier,  133, 
n.  3. 

Colbert  (Edouard),  118,  121,  n.  4. 


400 


lN[)i:X    ANALYTIQUE. 


Colonies  françaises,  :i'2,">. 

Comaas   Jérôme  de  .  "2'.*. 

Comaus  Marc  de  .  'l'K  l'ii.  n.  :., 
liS-KM. 

Comédie  française,  '2i-]. 

Comédie  italienne,  213. 

Commerçants.  Leur  pliysionomio 
lucralo.  ".'iT-^âS.  Coiiséi]ueiiccs  des 
guerres  civiles  pour  eux,  231. 

Commerce.  Son  caraclére  écono- 
iuii|ue,  l(i:i-IC>4.  Lr-.yislalion  qui  lui 
est  spéciale,  20'.)-2 10.  Préjugrs  dont 
il  est  l'objet,  2Ô1-262;  —  de  com- 
mission et  de  transport,  292-2'.!3, 
313-322.  318-321  ;  —  extérieur  : 
comment  les  Français  peuvent  y 
prendre  part,  2ôl)-2CiO:  —  maritime, 
i'roji't  de  rririement.  2'.)7. 

Commis   de  magasin,  22(5-227. 

Commission   commerce  du  ,2.s.'''. 

Commission  du  commerce.  .)7- 
100,  137-13S,  li2,  113,  114,  i.".7. 
1;)8,  11)2-193,  272-273,  34G-3'i7. 

Commission  internationale 
|iour  !:i  réparatii'U  des  (iommam's 
causi's  i)ar  la  piraterie  et  l'établis- 
sement de  11  liberté  du  commerce 
entre  la  France  et  l'Angleterre,  30<î- 
308. 

Commissionnaires,  230-231  ;  — 
en  titre  irul'llcc,  280;  —  étrangers, 
2'.)0-2'.M  . 

Communautés  agricoles,   18. 

Communaux.  Leur  rachat,  21.  Ob. 
luii'l.,  7(1. 

Compagnie  anglaise  du  Levant,  314  ; 
—  du  corail,  270;  —  hollandaise 
des  Indes  orientales,  278  ;  —  des 
marchands  de  l'eau  et  des  mar- 
chands fréquentant  la  rivièie  de 
Loire,  207-2(18. 

Compiègne  iforêt  de  ,  3ô.j. 

Comptabilité  en  partie  double. 
222-22  1. 

Comtat  "Venaissin.  Mi'iriers,  Ki.'i. 
Oh.  hiiuL,  2(.2,  11.  1,  338. 

Concini,  302. 


Concordats,  172. 

Conflans.  l'ont,  185. 

Confréries.  Leur  développement, 
218. 

Conseil  i)ermanent  ilu  conmierce, 
353. 

Conservateurs  du  commerce, 
270,  311. 

Conservatoire  des  arts  et  mé- 
tiers, l(>2-l(»:!. 

Constantinople,  121. 

Consulats  de  Syrie,  321. 

Consuls  en  Espagne,  20S-2G9. 

Convoi  de  Bordeaux,  375. 

Coquel  Nicolas},  apothicaire  a 
Lyon,  380. 

Coquerel  (Nicolas),  général  des 
monnaies,  3.'»!). 

Corail.  Sa  piche  et  son  commerce, 
27(;.  Sa  pèche,  31G.  Ob.  land.,  337. 

Corbeil.  Coche  d'eau  entre  cette 
ville  et  Paris,  208. 

Corbet  Boyer  (sire  de  ,  lieute- 
nant du  giaml  voyer,  17."). 

Corbières  (monts).  Elevage,  71. 
Laines,  73.  Ob.  lauil,  107. 

Corbillats.  208. 

Corbin    le\  navire,  278. 

Cordonniers  de  Paris,  87,  n.  1. 

Cordouan   tour  de  ,  182. 

Cornas,  08. 

Corporations.  Intluence  de  leur 
ninnopole  sur  les  prix,  304;  — 
parisiennes.  Leurs  vœux,  97. 

Corps  de  métiers  (les  six\  218. 

Corroyeurs  suisses  en  Béarn,  85. 

Corse,  72. 

Cosnier  (Hugues^  bourgeois  de 
Paris,  traite  pour  l'introduction 
de  la  sériciculture  en  Poitou,  115. 
Adjudicataire  du  canal  entre  Seine 
et  Loire,  199. 

Coste    André',  Genevois,  3(;7. 

Costume  des  commerçants  et  or- 
tisans.  251. 

Côte  d'Or,  277. 

Cotons,  3I.S. 


INDEX  ANALYTIQUE. 


401 


Cottimo  (droit  de  ,  :i-20,  :V1\. 
Coucy.  Vi,!,qioblR  royal,  (nS. 
Coulommiers    élection  de),  18(5. 
Courtiers,    ■2:JO--2ol,   T.)-2,  •-V-ii,  —à 

Lyon,  :î7I. 
Courtois  (Pierre\  orfùvic,  102. 
Coutellerie    du    Bourbonnais, 

•20(1. 
Coutume  de  Bretagne,  47,  n.  4;  — 

de  Paris,  210;  —  de   Troyes,   2ô3, 

n.  3. 
Coutume    d'étranger,    droit    de 

douane,  eu  Angleterre,  20(1,  209. 
Craponne  (Adam  de;,  VM . 
Crédit    fonciez',    io,  74;  —   privé, 

:i(;l  ;  —  public,  ;K;2. 
CréiDes  de  soie,  122. 
Créseaux  (angL   Kerseys),  271  ; 

—  anglais,  2(')i. 
Cristalleries.  Voy.  Verreries. 
Crocq  (Nicolas  du),  entrepreneur 

de  la  canalisation  du  Ctier,  192. 
Croissant  (le),  navire,  278. 
Crom'well  (lord),  206,  n.  4. 
Croquants,  8. 
Crus  renouiULiés,  07. 
Cueillette  de   la  soie  (la),    100- 

108. 
Cuirs,  277;   —  d'Allemagne,  85;  — 

dorés  et  drapés,   153-154;    —  (in- 
dustrie des),  à  Poitiers,  85;  à  Né- 

rac,  80.  Offices  s'y  rattachant,  86- 

87. 
Cuissy.  Vin,  08. 

Damas.  Voy.  Acier. 

Damas  cafards,  123,  134. 

Damiette,  282. 

Damville  duc  de),  298.  Voy. 
Montmorency. 

Danemark.  Doit  fournir  des  vais- 
seaux à  la  Fiance,  300.  Ob.  taud., 
72,  118,  29i. 

Dangon  (Claude),  manufacturier 
en  soieries,  IJ8,  130,  373. 

Dangon  (Pierre),  manufacturier 
en  soieries,  130,  n.  3. 


Dansa   (Simon),    chef   d'escadre, 

280,  300,  303,  320. 

Danses,  01 -(;2. 
Dantzig,  294. 

Darnetal    (Seine-Inf.).    Séricicul- 
ture, 110. 
Dauphiné.  Albergement,   47.  Bail 

à    complant,  40.    Cliâtaignes,  69. 

.Mines,  32.  Soie,  130,  n.  3.  06.  lau'/. 

10,    17,  25,  158,  337,  339. 
Dausserria    (Marin),    négociant 

lyonnais,  367. 
Décimes,  43,  44,  n.  2. 
Défrichements,  05. 
Delft   Hollande),  157. 
Delorme  (Philibert),  I4i. 
Demasso,  Napolitain,  154,  n.  1. 
Denrées  agricoles  maintiennent 

leur  valeur,  304  ;  —  de  l'Auvergne, 

200. 
Dentelle  de  Flandre  a  Senlis,  85. 
Dérogeance  encourue     par   suite 

du  commerce,  252. 
Dessèchement  des  marais,  20-29, 

75-70. 
Détrousseurs  de  grauds  ciiemins. 

Leur  popularité  persistante,   10. 
D3ux-Siciles,  105. 
Devieux,  dit  .Mercuri,   parfumeur 

du  roi,  119. 
Diana   (la'i   de  Londres,  vai-^'^ean. 

305-300. 
Dictiers  de  Norl,  02. 
Die  (Drôme),  38. 
Dieppe.  Constructions  maritimes, 

294,  n.  4.  Courtiers,  292;  — (éche- 

vinage  de|,  340.  Entrepôts  anglais, 

270.    Juridiction    consulaire,    213, 

u.  3.  Serges,  84. 
Dieppois,  275. 
Digoin,  200. 
Dijon,  201. 

Dijon  (généralité  de),  23. 
Distractions  des  paysans,  61,  02, 

03. 
Distribution  delarichesse.  Voy. 

Circulation. 

26 


402 


INDEX  ANAI.ÏTIOUE. 


Diu,  '-'SI. 

Documents  privés,  '2. 
Domaine  congéable,  i". 
Dombes  des  .  Jr, 
Dominoterie.     Arlicle    d'cxiiorla- 

tioii,  -.'co. 
Dons  gratuits,    't'-\. 
Dordogne,  liviiic,   't'^,  IW. 
Douane    de  Lyon.    .Marchandises 

qui  y  suiit  soiiniises,  :i8!),  :{'.)0.  Ob. 

laud,   10(i,   200,  21)3,   338-;i:5!),  370, 

371,  3S8. 
Douane  de  Vienne  ou  de  Valcnre. 

337 -338,  3U  n.    3,  370. 
Douanes,   bénéfices   dos  adjudica- 
taires, 341  ;  —  (droit  de),  337.  Leur 

influence,  203;  — intérieures,  330- 

3(0;  —  (liLMies  de),  337. 
Douarnenez.  Dénianlelé,  2".)(;. 
Dourdan.  Bas  de  laine,   I.V.),  n.  .'.. 

Bas  de  soie  et  de  tricot,  8.S,  113. 
Draguignan.  Beiir^sfutioiis   dra- 

ni.ilii|iies,  •2.'>7. 
Draperie  en  France,  137-138,100; 

—  df    Rouen,  83;  —  de  Paris,  Si. 
Draps,  article    d'exportation,   2G0. 

Diminution  de  leur  fabrication,  81  ; 

—  anglais,  270-271  ;  —  de  Paris,  de 
lîoucn,  de  Meaux,  du  Berrj',  de 
Beauvais,  84;  —  du  sceau,  83. 

Dreux  saccagé,  70,  n.   1. 
Drogueries  et  épiceries.  Droits 

d'enlruc,  3'.l0. 
Droit  de  marché,  47. 
Droit    de  marque  sur   les  mar- 

chandi^es,  3,'i3. 
Droit    de    mauvais    gré     Voy. 

Droit  de  marché. 
Droits  d'entrée   sur  les  épiceries 

et  drogueries,  300. 
Droits  d'usage  des  paroisses,  21. 
Duboys     Jean),    négociant  lyon- 

nrijs,   3(j7. 
Dubourg.  Voy.  Du  Bout. 
Du  Bout    Maurice)  directeur  de 

la  manufacture  royale  de  tapisserie, 

102,  120.  li.-,,  14G,   117. 


Duels,  43. 

Dufau,  consul  de  France  ;'i  Seville, 
200.  n.  1. 

Dufour  (Jacques  ,  228. 

Duhamel  (Claude),  maître  plom- 
bier et  foutainier,  i:)7-i.")S. 

Dumans  (Videsire),  conseiller  an 
conseil,  3C.8. 

Durnée  (Guillaume,  peintre  or- 
dinaire du  roi,  I  le. 

Dun  (Daniel),  300,  n.  4. 

Dunkerque.  Corsaires,  305. 

Duplessis  de  Come.  Ses  crimes, 
1.'».  Sa  souiuissinn,  IG. 

Du  Plessis  Mornay  propose  la 
ligue  de  Suez  pour  le  conunerce 
entre  les  Indes  orientales  et  l'Eu- 
n'iie,  281. 

Dupont  (Pierrei,  tapissier,  102, 
I.V2-1.')3. 

Du  Pont  Gravé,  officier  de  la  ma- 
rine royale,  283. 

Duprè  (.Guillaume),  sculpteur  et 
contrôleur  général  des  poinçons 
des  monnaies  de  France,  102. 

Du  Vair,  35G. 

Eau-de-vie.  article  d'exportation, 
200, 

Échéances  prorogées,  lGO-170. 

Écobuage,  73. 

Économie  rurale.  Cli;ip.  i".  Plan 
du  chapitre  qui  lui  est  consacre,  4. 
Circonstances  historiques  dont  elle 
est  allectée,  3-4. 

iîconomie  sociale.  Plan  d'après 
lcr|uel  elle  est  étudiée,  1. 

Écorce  du  mûrier  blanc.  Son  em- 
ploi industriel,  li'i;  —  du  tilleul, 
144. 

Ecosse.  La  pêche  du  hareng  inter- 
dite aux  étrangers  sur  ses  côtes, 
275,294. 

Écouis    Fure),  12. 

Écritoires,  article  d'exportation, 
200. 

Édit  d'avril  1507,  'J2-0G,  215  :  —  de 


INDEX   ANALYTIQUE. 


403 


Foleiubray,  30;   —  de  Rouen,  :iO. 

Edmonds  (Thomas), ambassadeur 
(rAngleterre,  306,  300,  n.  i. 

Edouard  VI,  roi  d'Angleterre,  295. 

Elbing,  294. 

Élevage,  71-73. 

Elisabeth,  reine  d'Angleterre,  205, 
207,  2111,  2'.)i,  305,  308,  310,  -314. 

Émigrants  en  Amérique,  28G;  — 
en  Es[)agMe,  202. 

Emphytéose,  47  et  n.  5. 

Empire  d'Allemagne.  Rompt  ses 
relations  commerciales  avec  l'An- 
gleterre. 205. 

Empire  ottoman,  310. 

Engrais,  73. 

Enseignes,  232-233. 

Entrecours,  70. 

Entrepôts  francs,  293. 

Entreprises  coloniales,  277-288. 

Épernon,  52. 

Épiceries,  318;  —  et  drogueries 
des  Indes  orientales,  337.  Voy. 
Drogueries. 

Épices.  Leur  commerce,  281. 

Érard,  ingénieur,  179. 

Escraignes,  01. 

Escurial  (gouvernement  de  Tj, 
208 . 

Espagne.  Principal  marché  de  nos 
céréales,  24.  Son  commerce  avec 
les  Provinces-Unies,  208,  292,  .323. 
Interdiction  du  commerce  avec 
elle,  274,  n.  1.  Met  obstacle  an 
commerce  de  la  France  avec  les 
Açores,  277.  Nos  exportations  en 
Espagne,  200-204.  Le  commerce 
avec  elle  interdit  puis  rétabli,  202- 
204,  274,  n.  1.  Dépend  commercia- 
lement de  la  France,  350,  357,  n.  1. 
Émigration  des  Français  en  Es- 
pagne, 277,  n.  2.  Sa  marine  mar- 
chande, 294-295.  Ses  marchandises 
transportées  par  la  marine  des 
Provinces-Unies,  294.  Cuirs,  153. 
Commerçants  français  en  Espagne, 
2G8,  209.  Soieries,  125,  n.  4.  Vers 


à  soie,  108,  109,  Ob.  UnuL,  72,  121 
198,  279,280,  290. 
Espagne  (roid').  Tente  vainement 
d'accréditer    un     ambassadeur    à 
Constantinople,    315.     Ob.    laud., 
139,  193,  207,  209. 
Espagnols  traitent  mal  nos  com- 
merçants,  208.  Préjudices   causés 
par  eux  au    commerce    maritime 
français,  309  ;  —  judaïsants  fondent 
on  France   des   maisons  de   dépôt 
et  de    commission,    290-2'.)!.    Ob. 
laud.,  278. 
Espèce  ovine,  72. 
Étain,  271;  —  anylais,  209. 
Étamets  et  ras  de  Milan,  81. 
Étamines  de  Reims,  article  d'ex- 

portatinn,  200,  201. 
Étampes    duché  d'),  143,  n.  0. 
Étang  de  la  Souterraine,  28. 
États    barbaresques.    Produits 
que  la  France  en   tirait,  275-276. 
Leurs  relations  commerciales  avec 
l'Angleterre,  205.  Ob.  laud..,  85. 
États  généraux    de    1570    et   de 

1588,  21  ;  —  de  Blois,  5-0,  203. 
États   du    Béarn   et    de    Navarre, 
202,  n.  2;  —    de  Bourgogne,    05, 
n.  4  ;  —   de    Bretagne,  15;    —    de 
Languedoc,  43,  n.  3,    186,  298;  — 
de  Normandie,  87,  n.  1,  184;  —de 
Provence,  299. 
Eure,  rivière.  Rendue  navigable,  192. 
Europe.  Son  commerce  avec  l'Ex- 
trême-Orient, 281.  Ob.  laud.,  202, 
Exportation  des  céréales,  06. 
Exportations  de  la   France,  200- 

207. 
Exportations  et  importations, 

322. 
Extrême-Orient.   Son  commerce 
avec    l'Europe,    281  ;   —    (denrées 
del'),  315,  317. 

Facteurs,  229-230. 
Fa'iences.  Établissement  de  manu- 
factures, 157. 


404 


INDEX   ANALYTIQUE. 


Faitauds.  Voy.  Fées. 

Falaise.  Foire  «le  la  Guibrnyc,  •2  4;î. 

Faubourgs  Saint-Honoré  et 
Saint  Jacques,  à  Paris,  l.)i:  — 
Saint-Mai'cel.  •-^:iT,  u.  2. 

Fausse  monnaie,  13. 

Faux.  Lotir  fabricatiou.  lôs. 

Faux  saunage,  'l'i,  43. 

Fecamp.  Serges,  8i. 

Fées  et  faitauds.  (il. 

Femmes.  Leurs  travaux  agricoles, 
■,(;;  —  mariées  couimerçantes, 
200-210. 

Fermage.  j.'>-lC. 

Feron  Raoul  le  .  conseiller  de  li 
cliambre  des  couiples,  !)8,  n.  1. 

Fers  du  Berry,  -200. 

Feugère  dirige  des  cristalleries, 
i.')(;. 

Feuillantines,  V>'. 

Feux  de  la  Saint  Jean,  02. 

Fèvres   rue  aux),  à  Paris.  2:52. 

Fil,  article  d'e.vportalion,  2li0. 

Fileries,  VA. 

Finale  près  de  Savons,  ."ilS. 

Fiscalité.  3 42-3 i:}. 

Flamands.  Nous  font  concurrence 
dans  le  commerce  avec  l'Afrique 
septentrionale,  270.  Fondent  en 
France  des  malsons  de  dépôt  et  de 
commission.  290-201.  Préjudice 
causé  par  eux  au  commerce  mari- 
time français,  300.  Oh.  /aiid.,  281, 
201. 

Flandre.Draperie,  137.  Ses  échanges 
avec  la  France,  207, 274.  Émigration 
des  Français  dans  ce  pays,  277, 
n.  2  ;  —  (marchandises  de),  203. 
Tapisserie,  145,  147.  Toiles,  130. 
Ub.  laud.,  72,  241. 

Florensac  Mléraull),  07. 

Florence.  Étoiles  de  soie,  d'or  et 
d'argent,  120,  n.  4.  Serges,  84.  Ob. 
laud.,  81. 

Flotte  de  la  Méditerranée,  300. 
Fœneste    baron  de),  42. 
Foires,  210,  n.  I,  244-24Ô.  Leuruml- 


tiplication  et  cérémonial  de  leur 
ouverture,  243-244  ;  —  de  Beau- 
caire,  243;  —  de  Brie  et  de  Cham- 
pagne, 300;  —  de  Champagne,  211  ; 
—  de  Champagne  et  de  Lyon,  241- 
242;  -  de  Francfort,  380;  —  de 
•  ienève,  239,  n.  2,  3j8  ;  —  de  Gui- 
bray,  243;  —  de  Lyon.  108.  211- 
214,  234,235-230,  238-240,  241,  SfiS. 
303;  —  Saint-Germain,  242;  — 
Saint-Denis  ou  du  Lendit,  243  ;  — 
du  .Monastier,  243,  n.  3  ;  —  de  Poi- 
tou, 107,  108.  u.  1. 

Foix  pays  de'.  .Mines,  33. 

Foix  Louis  de  .ingénieur.  170, 100. 

Fonctionnaires.  331-332. 

Fontainebleau,  42,  108;  —  Car- 
rières. 185;  —  (palais  de  ,  Fran- 
çois l'-'f  y  établit  la  manufacture 
(il'  haute  lire,  1 44. 

Fontaine-Française  (Cùte-d'Or), 
12. 

Fontarabie.  170,  207. 

Fontenay-en-Poitou.  Foires,  108, 
n.  l. 

Fontenay  (Julien  de),  graveur 
en  pierres  flnes,  102. 

Fontenelle    Eder  de).  10.  200. 

Fontenu  (sieur  de),  avocat  au 
parlement,  234. 

Foraine  de  Mâcon,  370. 

Forêts.  Abus  qui  s'y  conuuettent, 
30.  Henri  IV  en  réforme  l'adminis- 
tration, 30-31. 

Forez.  Quincaillerie,  200,  200.  Ob. 
laud.,  14,   158,  338. 

Fortescue  (John),  300,  n.  4. 

Fortier  (Jean),  entreprend  la  nja- 
nufacture  des  tapis   d'Orient,    151- 
■  152. 

Fougeu  (Pierre),  sieur  d'Escures, 
175. 

Fouques,  capitaine  ordinaire  de  la 
marine  royale  du  Ponant,  303. 

Fourcy  (sieur  de],  intendant  des 
bâtiments,  144,  n.  5,  147,  n.  3-148, 
1.52. 


INDEX  ANALYTIQUE. 


40b 


Français  dirigent  des  cristalleries, 
155.  Plus  taxés  en  Angleterre  que 
les  autres  étrangers,  2GC,  n.  4. 
Importateurs  de  marchandises 
étrangères,  2C7.  Établis  à  l'étran- 
ger, 273-274.  Leur  tentative  de 
s'emparer  des  Açores,  277.  Leurs 
entreprises  colonisatrices,  278. 
Comment  ils  sont  traités  par  les 
Espagnols  quand  ils  veulent  faire 
le  commerce  en  Amérique,  282. 
('.■apturés  par  les  corsaires,  301- 
302.  Font  la  course,  305.  OIk  /aud., 
158. 

France.  Sa  vitalité,  sa  population, 
10-11.  Sa  soumission  à  l'autorité 
royale,  11-12.  Insuffisance  de.« 
mines,  35-36.  Pays  agricole,  40. 
Viticulture,  6G.  Élevage,  71-73. 
Chevaux,  72  et  n.  1.  Tannerie,  83. 
Henri  IV  veut  en  faire  un  pays  in- 
dustriel, 103.  Importation  des 
soieries,  103-104.  Sériciculture,  100, 
132.  Industrie  des  soieries,  118, 
122, 123,  125,  n.  4.  Soie,  130.  n.  3. 
Soieries,  136,  n.  3.  Draperie,  137- 
138.  Toiles,  138-142.  Futaines,  142- 
143.  Les  Jésuites  y  rentrent,  145- 
146.  Tapisseries,  145-153.  Maro- 
quins, 154-155.  Verreries,  157.  Fa- 
brique de  tuiles  et  de  carreaux, 
157.  Blanc  de  plomb,  158.  Fabrica- 
tion des  faux,  158-159.  Industrie  à 
la  fin  du  règne,  159-161.  Les  An- 
glais y  fabriquent  du  papier,  160. 
Ligne  de  navigation  entre  les  deux 
mers,  196-202.  Sa  destinée  écono- 
mique, 201-202.  Prévention  qui"  y 
règne  contre  le  commerce,  252. 
Ses  exportations,  260-267  ;  Ses 
échanges  avec  la  Flandre,  267,  avec 
l'Allemagne,    267.     Importations, 

267,  273-277.  Fait  le  transit  entre 
les  Provinces-Unies  et    l'Espagne. 

268.  Situation  des  marchands 
étrangers  qui  s'y  établissent,  272- 
273.  Pêche  de  la  morue  et  du  ha- 


reng, 274-275.  Ses  relations  com- 
merciales avec  r.\frique  septen- 
trionale, 275-276.  Avec  les  Açores 
et  les  îles  du  Cap-Vert,  277.  In- 
lluence  des  essais  de  colonisation 
sur  son  commerce  extérieur,  278. 
Hostilité  de  l'Espagne  contre  ses 
essais  de  colonisation  en  Amé- 
rique, 282.  Vente  des  marchandises 
étrangères,  289-292.  Le  commerce 
entre  les  Provinces-Unies  et  l'Es- 
pagne se  fait  sous  son  couvert, 
291-292.  Commerce  de  transit,  292- 
293.  Marine  marchande,  293-298, 
313.  Ses  marchandises  transpor- 
tées par  la  marine  des  Provinces- 
Unies,  294.  Marine  militaire,  298- 
300.  Ses  difficultés  et  son  traité 
avec  l'Angleterre.  304-312.  Son 
commerce  de  transport  au  Levant, 
313-322,  324.  Exportations  et  im- 
portations, 322.  Draps,  mercerie, 
transit,  marine  marchande,  323- 
324.  .Multiplicité  des  praticiens,  333. 
Immigration  ultramontaine,  334. 
Sa  transformation,  335.  Son  ré- 
gime fiscal,  335.  Impôts  directs  et 
douanes,  336-337.  Ses  efforts  pour 
se  relever,  354-355.  Sa  situation 
économique  en  1610,  355-357.  Sa 
sécurité  lui  donne  le  sentiment  du 
bonheur,  356.  Sa  situation  moné- 
taire, 357-360.  Taux  de  l'intérêt  et 
hypothèques,  360-361.  Ob.  laud., 
22,  24,  26,  42,  48,  108,  146,  222,  272, 
280,  283,  294. 

France  (nord  de  la).  Main  ferme, 
47. 

France  roi  de),  267,  260. 

Francfort.  Foire,  380. 

Franche-Comté,  338. 

François  I'''".  Son  édit  sur  les 
mines,  32,  33.  Noblesse  de  son 
temps,  50-51.  Établit  à  F'ontaine- 
bleau  la  tapisserie  de  haute  lice, 
144.  Commence  le  canal  de  Braine, 
189.    La  marine  militaire  de   son 


406 


INDKX   ANALYTini'E. 


temps,  Î'.)S.  Confirme  aux  ducs  de 
Savoie  une  tixe  maritime,  ;i(>l, 
:\\:\.  llègle  les  droits  de  la  douane 
de  I.yi.n,  :iS'.t.  Oh.  laud.,  80,  î)3. 

François  II.  Mines,  :v\.  06.  taud.,  \ 
:!■.',  :•.:!.  ST. 

Franqueville,  sculpteur,  Kr.'. 

Fret.  Son  prix,  ;J84. 

Fripiers.  Leur  importance,  "210- 
•21.S.  Koiit  le  courtage,  3.3"2. 

Fromages,  '^Ti. 

Fronsac    château  de),  i:{. 

Frontignan.  Vin,  (iS. 

Futaines  industrie  des),  11-2- 
H;j;  —  de  .Montpellier,  8'2  ;  —  d'An- 
gleterre, 14-2,  '2(;'.l. 

Gaban.  commerçant,  "227. 

Gabelle.  •2-2--2:j,  :i:it;. 

Gaillac  Tarn-ct-Ciuronne).  Sa  pros- 
périté. l(;-2.  Vin,  es. 

Gailhard  Antoine),  marchand  du 
LauraL'uais,  2i(j-'247. 

Galères  de  la  Hutte  du  Levant,  ;iO(). 

Gaudouin  Josué), architecte-ingé- 
nieur, l'.tl . 

Gap,  20-2,  n.  1. 

Garde  ^  Abraham  de  la  ,  horlo- 
ger, l(r2. 

Garenne    droit  de,,  50  et  n.   2. 

Garonne,  rivière.  Projet  de  sa 
jonction  avec  l'Aude,  107-11)8.  Ob. 
laud.,  'i'\. 

Garsonnet  (François  de),  dirige 
des  verreries,  lôO. 

Gascogne.  Élevage  du  cheval,  71. 
Marne,  7:{.  Propice  à  la  séricicul- 
ture, 108.  Ob.  laud.,  2G,  8G. 

Gascogne  (golfe  de\  19G. 

Gaudin,  chaussctier  à  Draguignan, 

Gautiers,  8. 

Gavaches  (Gavachos),  2(;2.  cf. 
Gavots. 

Gavots,  202,  n.  1.  Cf.  Gavaches. 

Gênes.  Ktotl'es  de  soie,  d'ur  cl  d'ar- 
gent, 12.-.,  n.  4.  Ob.  laud.,  2'.»8,:W1. 


Genève.  Foires,  aa8,:!:{0.n.  2.  Soie- 
ries,   12.".,  n.  i.  Ob.  laud.,  10'.),  a:$8. 
Gens  d'affaires,  ;{:;i-:i:î2;  de  palais 

et  de   linanoes,  ;i;j;j-:5:j.'). 
Gérosmes,  1 1'.),  n.  :!. 
Gèvaudan.   !!. 
Gibraltar  (détroit  de),  r.)S. 
Gien.  Sa  prospérité,  1('i2. 
Glau^ver  ^Th.),  ambassadeur  d'An- 
gleterre à  Constantinople,  :n,'),  n.  I. 
Goa,  281. 

Gobelins .  La  manufacture  de  haute 
,lice  y  est  transférée,  147,  14'.),  loi, 
ICO. 
Gobelin  (François  et  Nicolas^ 
marchands  et  bourgeois  de  P. iris, 
2:i7,  n.  2;  —(François  ,  2:}8. 
Godefroy,  manufacturier  en  soie- 
ries, 8(5. 
Godefroy  (Antoine^  trésorier  de 

France  à  Limoges,  270. 
Gondi  (les),  •Tî4. 
Gondi  i^Henride),  évéque  de  Paris, 

i:i().  n.  2. 
Gonzague   Louis  de),  duc  de  Ne- 
vers,  crée   à  .N'evers  l'industrie  de 
la  cristallerie,  lô.'^». 
Goussen  (Conrad),  28. 
Graillet  (Nicolas    2:?8. 
Graindorge,  famille  de  manufac- 
turiers de  Caen,  1 41-142  ; —  André, 
Richard  et  Michel,  142. 
Grains,  article  d'exportation,  200. 

Leur  commerce,  2:i-2(;,  7.ï. 
Graisses,  article  d'exportation, 2C.0. 
Grancotte  (Nicolas  ,  fabricant  de 

cuir  doré.  I.'i:i,  1.'. 4,  n.  1. 
Grand  calendrier  et   compost 
des  bergers  composé  par  le 
berger  de  la  Grande  Monta- 
gne, (i;t-(i4. 
Grand  seigneur,  27(i,   n.  :i,  200, 

302. 
Grands  propriétaires.  Soull'rent 

nidins  des  guerres  civiles,  0,  74. 
Grand  voyer,   177,  170,  182,   184, 
186,  180. 


INDEX  ANALYTIQUE. 


Abl 


Granier  (Pierre),  uiarcliand  de 
Tnulouse,   22;]. 

Graves.  Vin,  (.S. 

Greban   (Arnoiil  et  Simone,  ()3. 

Grenoble.  Pont,  IST. 

Grieux,  conseiller  au  i>arlenienl, 
98,  11.   4. 

Guarric  (Ramon),  marchand  de 
pastel,  •.;2.'>. 

Guast  iPierredu),  sieur  de  .Monts, 
dirige  la  colonisation  en  .\inériqiie, 
28:i-385,  28G,  287. 

Guerres  civiles.  Leurs  ell'ets,  4-8  ; 
—  sur  le  couiinercc.  1(;4-1C8. 

Guillery  (capitaine).  Ses  brigan- 
dages el  son  supplice,  IG. 

Guinée,  277. 

Guise  .Aisne).  Son  intérêt  dans  la 
canalisation  de  l'Oise,  193. 

Guise  ^duc  de),  298. 

Guyenne  fertile  en  céréales,  ('(;. 
Exportation  de  son  blé  et  de  son 
vin,  24.  Habitations  rurales,  59. 
Sel,  G9.  Propice  à  la  sériciculture, 
108.  Ob.  laiaf.,  190. 

Guyot  iLaurent) ,  peintre  ordi- 
naire du  roi,  14G. 

Habitations  des  commerçants  et 
artisans,  2ôj-25G  ;  —  rurales,  5G- 
59. 

Hacqueville  (sieur  d'i.  président 
au  tî'rand  conseil,  98,  n.  1 . 

Haras,  72. 

Hardy  (Alexandre),  poète  dra- 
matique, 258. 

Hareng,  271  ;  —  (pêche  du),  274- 
275,  294,  324. 

Harfleur  démantelé,  29(;. 

Harlay  (Christophe  de),  comte 
de  Beaumont,  ambassadeur  en  .An- 
gleterre, 2G4,  30G,  n.  4. 

Haute  Normandie,  4G,  n.  1. 

Hendaye,  27'f. 

Henri  II.  .Mines,  33.  Manufacture 
de  tapisserie  créée  par  lui,  145. 
Cristalleries  créées  par  lui  à  Saint- 


Cicrniain,  155.  Fait  planter  des  or- 
mes le  long  des  routes,  1G4.  Achève 
le  canal  de  Braine,  189.  La  marine 
militaire  de  son  temps,  298.  Éta- 
blit des  droits  d'entrée  sur  les  épi- 
ceries et  drogueries,  389.  06.  laud., 
32.  135,   IGI. 

Henri  III.  Modifie  l'administration 
des  forêts,  30.  Noblesse  de  son 
temps,  .50.  Accorde  le  privilège  de 
certaines  messageries,  203.  Astreint 
certaines  marchandises  à  passer  ])ar 
ia  douane  de  Lyon,  293.  La  marine 
militaire  sous  son  règne,  298.  OO. 
laud.,  187,  3G3,  3G5. 

Henri  IV.  Intérêt  de  son  règne 
pour  l'étude  de  l'économie  sociale, 
1.  Ses  mesures  protectrices  en  fa- 
veur de  l'agriculture,  7-8.  11-14, 
1 7-20.  Fait  une  trê  ve  avec  Mayenne, 
14.  Ses  mesures  réparatrices,  21. 
N'améliore  pas  la  gabelle,  22.  Fa- 
vorable à  la  liberté  du  commerce 
des  grains,  23-2G.  Entreprend  le 
dessèchement  des  marais,  2G-29. 
Réforme  l'administration  des  fo- 
rêts, 30-31.  Fait  faire  une  enquête 
sur  les  mines,  32.  Son  édit  sur  les 
mines,  33-34.  Lecteur  du  Théâdc 
d'uf/ricullufe,  39.  Noblesse  de  son 
temps,  51-54.  Favorise  l'importa- 
tion des  céréales,  GG.  Établit  des 
haras,  72.  L'agriculture  sous  son 
règne,  74,  75-76.  Rétablit  des  offi- 
ces, 8G.  Sa  déclaration  sur  les  let- 
tres de  maîtrise,  87-88.  Son  édit 
d'avril  1597,  92-90.  Installe  des 
artisans  d'élite  au  Louvre  et  les 
protège,  101-102.  A  l'idée  du  Con- 
servatoire des  arts  et  métiers,  102 
Veut  faire  de  la  France  un  pays 
industriel,  103.  Développe  la  séri- 
ciculture et  l'industrie  des  soieries, 
1 04-1 3G.  Prohibe  l'entrée  des  étoffes 
de  soie,  d'or  et  d'argent,  105.  Ce 
qu'il  fait  pourla  draperie,  137-138. 
Fondateur  des   établissements  de 


408 


INDEX   AN'ALYTIQUK. 


haiilc  lice,  de  basse  lice  et  de  la 
Savonnerie,  14i-l.V2.  Fonde  Tin- 
dustrie  des  maroquins,  154-lô.'i. 
Fait  revivre  la  cristallerie,  lôô- 
157.  L'industrie  à  la  fin  de  son  rè- 
gne, 159- KlO.  Originalité  de  s<>n 
œuvre  en  matière  commerciale, 
17:1-174.  Crée  un  grand  voyer,  17i. 
Conunent  il  organise  l'intendance 
des  levées  et  turcies  de  la  Loire, 
17ô.  Administration  des  travaux 
publics  sous  son  règne,  179-180. 
État  des  voies  de  communication 
par  terre  à  la  fin  de  son  règne. 
183-184.  Hend  la  Vesie  navigable, 
189.  Veut  établir  une  ligne  de  navi- 
gation intérieure  ininterrompue, 
19(;-2(V>.  Toniment  il  règle  les  trans- 
ports publics  par  terre,  203-207. 
Érige  un  tribunal  consulaire  à 
Dieppe,  213,  n.  3.  Augmente  le 
nombre  des  marchands  et  artisans 
suivant  la  cour,  200.  Statue  sur  les 
livres  de  commerce,  220.  Vend  des 
lettres  de  noblesse, 2.')0,n.  2.  Anoblit 
des  inventeurs  et  industriels,  2.")2. 
n.  3.  Exportations  de  son  temps,2(iO- 
2(î7.  Interdit  puis  rétablit  le  com- 
merce avec  les  États  de  Philippe  III, 
2(J2-2(;'».  Exerce  sa  protection  sur 
des  sujets  de  Philippe  III,  207-2C8. 
Veut  créer  un  port  entre  Baj'onne 
et  Fontarabie,  27'i-27.j.  Essaye  de 
faire  maintenir  ses  sujets  dans  le 
droit  de  pécher  le  hareng  dans  les 
eaux  anglaises,  275.  Met  un  iiiipût 
sur  les  marchandises  provenant 
des  Açores,277.  Autorise  la  fonda- 
tion d'établissements  au  Cap, 282. 
Accorde  à  de  .Monts  le  monopole  du 
commerce  dans  la  Nouvelle-France, 
283-28.Î.  Ce  qu'il  fait  pour  la  ma- 
rine marchande  et  la  marine  mili- 
taire, 29(;-300.  Impose  à  Charles- 
Emmanuel  sa  renonciation  à  une 
taxe  maritime,  301.  Ce  qu'il  veut 
f;iire  aux  fies  d'Ilyères,  301,  n.  I. 


Réprime  la  piraterie,  302.  Réhabi- 
lite Simon  Dansa,  303.  Commissions 
instituées  par  lui  au  sujet  de  la  pi- 
raterie et  de  la  navigation,  300.  Sa 
protestation  contre  Van  et  de  prin- 
ce, 30S.  Réprime  la  piraterie,  309- 
310.  Ses  plaintes  au  gouvernement 
anglais,  312,  n.  î.  Capitulation  con- 
clue par  lui  avec  sultan  Achinet, 
310.  Crée,  supprime  et  rétablit  le 
droit  de  cotlimo,  321-322.  Aurait-il 
pu  faire  plus  pour  le  développe- 
ment du  commerce  ?  325-320.  Crée 
une  agence  de  revendeurs,  332. 
Régime  fiscal  dont  il  hérite,  335. 
Fiscalité  de  son  gouvernement, 
343-344.  Son  œuvre  agricole,  344- 
345.  Son  œuvre  industrielle  et 
commerciale,  345-348.  Anoblit 
Armand  Crommelin,  347.  Réprime 
les  pirateries,  restaure  notre  pro- 
tectorat au  Levant ,  fonde  des 
comi)agnies  de  commerce.  Son  por- 
trait, 348-350.  Ce  qu'il  fait  de  Lalle- 
nias,  353.  Situation  économique  où 
il  laisse  la  France,  355-35(;.  Ses  me- 
sures monétaires,  358-300.  Essaye 
d'établir  la  publicité  des  hypothè- 
ques, 301.  Crée  une  commission 
contre  l'usure,  303.  Manufacture 
de  soieries  à  Paris,  372.  06.  laud., 
n,  14,  31,  30,  G4,  05,  00,  84,  89, 
13(;,  n.  5,  158,  159,  ICI,  107,  178, 
185,  188,  189,  190,  191,  n.  2,  194, 
202,  212,  n.  1,  235,  242,  245,  255, 
208.  278,  281,  290,  357. 

Hérault,  (n. 

Herbert  (John\  300,  n.  4. 

Hollandais.  Essor  qu'ils  donnent 
à  la  pêche  du  hareng,  275.  Nous 
fontconcurrencc  dans  le  commerce 
avec  l'Afrique  septentrionale,  270. 
Leurs  progrès  dans  les  archipels 
de  la  Sonde  et  des  Moluques,  278. 
Nos  rivaux  heureux  pour  la  pêche 
du  hareng,  324.  Ob. /aud.,'2iib,  291, 
292,  n.   1,  315,  n.  8. 


INDEX  ANALYTIQUE. 


409 


Hollande.  Toiles,  84,  Kil).  Ses  im- 
portations en  France,  273-274.  Sa 
marine  marchande,  294,  290.  Son 
commerce  de  transit  avec  l'Es- 
pagne, 29(».  Ob.  /aud.,  2(il  ;  —  (pro- 
vince de),  279. 

Honfleur.  Constructions  maritimes, 
2'.):i,  n.  4. 

Hôpital  de  la  Trinité,  14:). 

Houblon,  culture  nouvelle,  ;iS. 

Ho-ward  (lord),  grand  amiral 
d'Angleterre,  ;lOô. 

Huiles,    article  d'exportation,  2C)0. 

Hull,  29,5. 

Hurault  de  Maisse,  ambassa- 
deur en  Angleterre,  2GC. 

Hurepoix.  Bas  de  soie  et  de  lainr, 
159. 

Hydromel,  G8. 

Hyères  (Var).  Plantations  de  canne 
à  sucre,  09. 

Hyères  (îles  d'i.  Plantations  de 
canne  à  sucre,  09  Nid  de  pirates, 
:501. 

Hypothèques.  3C1.  Leur  multi- 
plicité   et    leur  clandestinité,  40; 

—  des  récoltes,  20. 

Ile-de-France.  Élevage,  7 1 .  Laines, 
73.  —  Propice  à  la  sériciculture, 
lOS. 

Importations  en  France,  207-277; 

—  par  mer,  337  ;  —et  exportations, 
322. 

Impôts  indirects.  Abus  de  leur  per- 
ception, 341-342. 

Incarville,  342. 

Inde.  Draperie  française,  81. 

Indes  (les),  38. 

Indes  occidentales,  débouché 
pour  la  France,  350.  Oh.  laitd.,  2(')1, 
277. 

Indes  orientales,  278,  280,  281, 
n.  2.  282,  337. 

Indigo,  127,  378. 

Industrie.  EUets  produits  sur  elle 
par  les  guerres  civiles,  77-80;  — 


drapière  en  Champagne,  241  ;  — 
textile.  Sa  renaissance,  8i-8.T. 

Industries  nouvelles,  8.ï. 

Instruments  aratoires  insaisis- 
sables, 21. 

Intérêt.  Son  taux,  300-301  ;  —  légal, 
171  ;  —  des  rentes  réduit  et  remis, 
170. 

Irlandais,  207,  315,  n.  8. 

Irlande.  La  pêche  du  hareng  inter- 
dite sur  ses  côtes,  275;  —  (côtes 
d'),  294. 

Iroquois  (rivière  des),  aflluent 
du  Saint-Laurent,  285. 

Isère.  Navigation,  107. 

Italie.  Laines  françaises,  81.  Soie- 
ries, 122.  Draps,  137.  Nos  échanges 
avec  elle,  207.  Transit  des  mar- 
chandises pour  ce  pays,  293.  Ses 
marchandises  transportées  par  la 
marine  des  Provinces-Unies,  294. 
Route  maritime  de  Marseille  en — , 
301.  06.  lfiud.,98,  72,90,  104,  105, 
124,  125,  125,  n.  4,  222,  241,  338. 

Italiens  dirigent  des  cristalleries, 
155.  Émigrent  en  France,  33i.  Oh. 
laud.,  132. 

Jachère  (régime  de  la\  05. 

Jacques  V'',  roi  d'Angleterre,  mé- 
diateur entre  la  France  et  l'Es- 
pagne, 204.  Majore  certains  droits 
d'entrée  et  de  sortie,  200.  Inter- 
dit la  pêche  du  hareng  aux  étran- 
gers, 275.  Oh.  laud.  294,  310,  311. 

Jardin  des  Plantes.  Son  origine, 
121,  n.  4. 

Jeannin  (président).  Son  origine, 
251.  Oh.  laud.,  98,  n.  4,  280. 

Jesse  (André  de),  marchand  de 
Toulouse,  240-247. 

Jeux  d'adresse  et  de  force,  01,  02. 

Joigny.  SouOre  des  guerres  civiles, 
79,  n.  1.  Oh.  laud.,  67,  201. 

Joseph,  patriarche.  Son  histoire 
mise  à  la  scène,  257. 

Joyeuse,  07. 


410 


1ND1:;\   ANALYTlQl'i:. 


Joyeuse  (cardinal  de\  lOc.-i'.);. 
Juniigny.  Vin,  (!8. 
Juridictions   consulaires,   "^ll- 

214.   3!)7,  n.   4  ;   —    seijîneuriales. 

Leur  imiltiplicité  et  leurs  abus,  'i!)- 

ÔO. 

Kerhanland.  Ses  crimes,  \ô. 
Kerseys.  Vov.  Crézeaux. 

La  Bazinière.  Son  fils  devient 
tivsdiier  de  l'Épargne,  2âl. 

La  Bistade,  '-'.'s. 

La  Boderie  i,Lefèvre  de),  ambas- 
sadeur de  Tranoe  en  Angleterre.:! 1 1 . 

La  Bornerie   M.  de),  23(;. 

La  Casse,  capitaine  huguenot,  8. 

Lacombe  (Jean),  22"2. 

La  Fère  (Aisne).  Tort  que  les 
guerres  civiles  font  à  sou  com- 
merce, lOâ.  06.  html.,  Iî)2. 

La  Ferté-Milon  saccagé,  79,  n.  I. 

La   Ferté-sous-Jouarre.    Pont, 

ISC-l.ST. 

Laffemas  (Barth.).  Hostile  à  l'im- 
portationdes  chevaux,  72.  Demande 
la  suppression  de  certains  offices, 
87,  n.  1.  Sa  vie  et  son  plan  de  ré- 
forme de  l'industrie,  88-i)l.  Mé- 
moire qu'il  présente  au  roi,  90-97. 
Ses  vœux.  Nommé  contrôleur  gé- 
néral du  commerce,  100.  Son  éva- 
luation de  l'importation  des  soie- 
ries, 103-lOi.  Sa  part  dans  la 
propagation  de  la  sériciculture,  lOô, 
109,  m.  Il:},  115,  dans  le  dévelop- 
pement de  l'industrie  des  soieries, 
122,  123.  Partisan  de  la  séricicul- 
ture, 132,  134.  Favorable  à  l'aggra- 
vation de  la  pénalité  contre  les 
banqueroutiers,  172.  Adversaire 
des  jiuidictions  consulaires,  214,  et 
des  foires,  24.'>.  Sa  proposition  au 
sujet  du  commerce  maritime,  297. 
06.  laud.,  40,  n.  1,  84,  88,  92,  12:>, 
ir.2,.3:i2-.3.J3,  377. 

La  Fite,  château,  8. 


La  Fite,  ca|)it.iine  huguenot,  7. 

La  Flèche  saccagée,  79,  n.  1. 

La  Goulette.  Bâtiments  tunisiens 
y  sont  brûlés,  :tO"2. 

La  Haye,  l-^il. 

Laines,  article  d'exportation,  2(iO. 
Leur  importation  en  Angleterre, 
2(>4.  —  anglaises,  209.  OU.  laud., 
73. 

La  Magnane.  Ses  crimes,  l.î. 

Lamarque  Vincent  de  ,  archer 
des  gardes  du  corps,  2(1S. 

Lambert  (Antoine),  marchand 
de  Houen,  139,  l'.l. 

La  Motte  Serrant.  Ses  crimes,  I."). 

Landria.  cnnunerçant,  227. 

Langoiran.  Ses  crimes,  l.ï. 

Languedoc.  Exportation  de  son 
blé  et  de  son  vin,  24.  Mines,  32. 
Locatairerie  perpétuelle,  47.  Habi- 
tations rurales,  59.  Fertile  en  cé- 
réales, 00. ,  Sel,  0'.).  Laines,  81. 
.Mûriers,  105.  Soie,  i:^),  n.  3.  Im- 
position, ISO  ;  —  (canal  du;,  190  ;  — 
(états  du),  180,  298.  N'a  pas  de 
ports,  290.  Foraine,  370.  Oh.  laud., 
25,  84,  108,  158,  183,  237,  3:J8.  — 
(Bas),  29. 

Lannion  (Côtes-du-Nord),  15. 

Lantarais  (Le),  225. 

Laon,  4i. 

Laonnais.  Vins,  08.  Ses  échanges, 
19;'. 

La  Planche  (François  de),  tapis- 
sier llamand,  144,  n.  5,  148-151. 

Laran,  commerçants  en  soieries  de 
Toulouse,  225.  Grand  livre  de  leur 
maison,  373. 

Larchant,  près  Nemours,  29. 

Largentier,  capitaliste,  149. 

Largentière,  f,s. 

La  Roche  (marquis  de  ,  283. 

La  Rochelle.  Vin,  07.  .Maroquins, 
85,  15i.  Sa  j)rospérilé,  102.  Cour- 
tiers, 392.  Droit  d'entrée  sur  les 
épiceries  et  drogueries,  389,  390. 
—  (Commerçants  de),  283,284. 


INDEX   ANALYTIQUE. 


411 


Lauraguais.  Pastel,  fi9,  204. 

Laurent  (Girard),  directeur  de  la 
manufacture  royale  de  lapis,  llô, 
14G,  147. 

Laval.  Toiles,  8  4,  IV.).  Offices  se 
rattachant  à  l'industrie  des  cuirs, 
87,  n.  1  ;  —  (marcliands  de'i  forment 
une  compagnie  pour  le  commerce 
des  Indes  Orientales,  278. 

La  Varenne  (sieur  de),  contrô- 
leur général  des  postes  et  relais, 
206,  n.  3. 

Lavedan.   Élevage  du  cheval,  72. 

La  Villette.  Une  trêve  y  est  con- 
clue, 14. 

Le  Bret  (Cardin),  avocat  général 
à  la  cour  des  aides,  98,  n.  1,  4. 

Le  Clerc  (Nicolas),  tanneur  à 
Meulan,  2')1. 

Lecomte  (Simon),  négociant,  221- 
222,  225,  228,  229,  n.  1,  236,  237, 
n.  2,  238,  374,  375,  376,  377,  378. 
370,  380,  381,  382,  383,  384,  385, 
387,  388. 

Légal  (Simon),  Nimois,  116. 

Le  Havre.  Pêche  de  la  morue,  275. 
Coustructions  maritimes,  293,  n.  4. 
Pêcheurs,  297  ;  —  (échevinage  du), 
340. 

Lejeay,  lieutenant  civil,  3(;2. 

Le  Mans.  Création  d'offices,87,n.l. 

Lembros,  68. 

Lenclu  (?  Thomas  et  Antoine  , 
sieurs  de  Moissac,  276,  n.  3. 

Le  Primatice,  144. 

Lerambert  (Henri),  peintre  ordi- 
naire  du  roi,  146. 

Lesdiguières,  25,  52. 

Lesche-en-Brie,  29. 

Lesseville  (M.  de^,  maître  des 
comptes,  251. 

Le  Tellier  (Jean),  bourgeois  de 
Paris,  traite  pour  l'introduction  de 
la  sériciculture  en  Poitou,  115. 

Lettre  de  change,  235-240,  363, 
378,  379,  3S4,  385,  386.  387. 

Lettre  de  marque,  311. 


Lettre  de  voiture,  375,  376,  387. 

Levant.  Ses  relations  commerciales 
avec  l'Angleterre,  265.  Draperie 
française,  81  ;  —  (denrées  du),  315, 
318.  06.  laïuL,  121. 

Leviston,  18. 

Leyde.  Serges,  H)7,  274. 

Lhopital  (sieur  de)  autorisé  à 
fonder  des  établissements  au  Cap, 
282. 

Lignon  (le),  rivière,  356. 

Ligue  (la),  14,  15  ;  —  de  Montéli- 
mart,  10;  —  des  villains,  10. 

Lille.  Camelots,  274. 

Limoges.  Sa  prospérité,  1(;2. 

Limousin.  Bœufs,  72.  Ses  exporta- 
tions, 190.  Propice  à  la  séricicul- 
ture, 108.  Ob.  laiid.,  183. 

Limoux  (Aude),  8. 

Lin.  Sa  culture,  69. 

Liugettes,  flanelles,  141. 

Littérature  des  paysans,  63. 

Liutgens  (Peter),  Hollandais,  280. 

Livre  de  crédit,  385.386. 

Livres  de  commerce,  219-226. 

Lobriac  (sieur  de).  190. 

Locatairerie  perpétuelle,  47. 

Loches  (mesure  de),  47,  n.  5. 

Lods  et  ventes,  45. 

Loeille  (Jean  de),  négociant 
lyonnais,  367. 

Loing  (le  ,  l'.to. 

Loire  (la).  Péages,  166.  Canal  de 
jonction  avec  la  Seine,  181,  198, 
199.  Ponts,  181.  Travaux  qui  s'y 
rattachent,  182.  Crues,  187.  Sa  na- 
vigabilité, 195.  Sa  jonction  avec 
la  Saône,  198,  200.  Marchandises 
qu'elle  peut  transporter,  200.  Ob. 
laud.,  196,  338  ;  —  (région  de  la), 
190. 

Lombardie,  108. 

Lombards,  241. 

Lommelino  (Francesco),  Génois. 

300. 
Londres,  2(ii,  311. 
Longueville  (duc  de),  28. 


412 


INDEX  ANALYTIQUE. 


Lorain  (Pierre  le),  'io\,  n.  :î. 

Lorraine.  Sel,  l>9.  Papeterie,  100, 
n.  ;!. 

Loudun.  Vin,  08. 

Loueries,  b'.). 

Louis  XI  confirme  aux  ducs  lic 
Savoie  une  taxe  maritime,  ;{()!. 
Ob.  laiid..  125,  n.  ■'». 

Louis  XIII,  l.".:i,  l.'.C,  -281. 

Louis  XIV.  :i8,  n.  i,  :Vi8,3V.),  n.  1. 

Louis  XVI.  :i8,  n.  4. 

Lourdet   Simon),  tapissier,  l.')3. 

Louviers.  Toiles  fines,  8  4,  !:{'.». 

Louvre.  Henri  IV  y  installe  des 
ouvriers  d'élite,  KU-IO'?.  Projet 
d'j'  établir  un  Conservatoire  des 
arts  et  métiers,  Mvl.  Tapisserie, 
lUi,  147,  140,  l;,-2.  Ob.  InucL,  4->, 
V20. 

Louvres  (Seine-et-Oise),  144. 

Luçon.  Sa  prospérité,  102. 

Lucques.  Etoffes  de  soie,  d'or  et 
d'argent,  22ô,  n.  4. 

Luxe.  Son  développement,  10:î. 

Luxembourg.  Transit  des  échanges 
entre  la  Klandre  et  l'Allemagne, 
TKspagne  et  l'Italie,  203. 

Lynn,  20."). 

Lyon.  Une  trêve  y  est  conclue,  14. 
Industrie  des  soieries,  83,  8(;,  lo.'), 
120,  127,  128,  1.30,  133-13G,  100,  1(12. 
Création  d'offices,  87,  n.  1.  L'édit 
d'avril  1507  n'y  est  pas  appliqué, 
00.  Cristalleries,  1,')0.  Chapellerie, 
lôO.  Chemin  neuf,  183.  Foires,  211- 
212,  220,  234,  238,  241,  358,  303. 
Cours  légal  des  changes,  230.  Ses 
privilèges  et  sa  population,  241- 
242.  .Messageries  entre  cette  ville 
et  Paris,  203.  Douane,  201,  203, 
380.  Kntrepftt  et  débouché  des 
marchandises  du  Levant,  320.  Pro- 
fite de  la  prospérité  de  .Marseille, 
324.  Colonie  italienne,  334.  Entrée 
des  épiceries  et  drogueries  des 
Indes,  337.  Restauration  de  son 
commerce,  3(;7-373.    Prospérité  et 


décadence  de  ses  foires.  Le  cours 
du  change  y  est  fixé,  3G0.  Cour- 
tiers, 292,  371.  Décadence  de  l'in- 
dustrie et  de  laville,  371.  Industrie 
de  la  soierie,372.  Lieu  d'importation 
liour  les  épiceries  et  drogueries, 
3S0  ;  —  (échevinage  de),  25,  181, 
n.  3.  Oh.  laud.,  10.  122,  lOG,  200. 
22S,  230,  338. 

Lyon  (généralité  de^.  Séricicul- 
ture, 100,  113,  114. 

Lyonnais.  .Mines,  32.  Charrois,  1(;7. 
.Mûriers,  105,  373.  Propice  à.  la 
sériciculture,  108.  Soie,  130,  n.  3. 
Courtiers,  202.  0/;.  lnud.,  14,  l.'.s. 
338. 

Lyonnais,  j^artisans  de  la  liberté 
des  importations,  105,  n.  4. 

Lys  (Charles  du),  substitut  du 
procureur  général  au  parlement, 
08,  n.  1,  4,  110. 

Macau,  commerçant  à  Toulouse. 
228. 

Machecoul   forêt  de),  10. 

Mâcon.  Foraine,  370. 

Maçonnais  propice  à  la  séricicul- 
ture, lOS. 

Madrid  (château  de).  Établisse- 
ment séricicole,  100.  Oh.  laud., 
107;  —  (Parc  de),  108. 

Mail  (le).  Rendez-vous  des  com- 
merçants, 255. 

Maillefert  (Jean),  commerçant 
rémois,  220,  221,  224. 

Main  ferme,  47. 

Maine,  lîail  à  complant,  40. 

Maire  tisaac  le)  de  Tournay,  2S0. 

Ma'ïs,  cultin-e  nouvelle,  38. 

Maisse  (M.  de),  commissaire  pour 
le  traité  de  1000  avec  l'Angleterre, 
201,  n.  1. 

Maîtres  de  forges.  Leur  profes- 
sion n'entraîne  pas  dérogeance, 
2.V>,  n.  3. 

Maîtres  des  œuvres  de  maçon- 
nerie et  de  charpentcrie,   170. 


INDEX   ANALYTIQUE. 


413 


Maîtrise  de  l'Ile-de-France,  ;iO  ;  — 

(le  iNoniuiudie,  :i(). 
Maîtrises  (création  de),  87. 
Malay    Vicomte    soullïc    de    la 

yuerre,  ''■).  n.  1. 
Malherbe,  .')8. 
Malouins,  ^S",  n.  1. 
Malte  (ordre  de).  Sa  participation 

à  la  propagation  de  la  séricicul- 
ture, 1:}1. 
Malvasio  (Vincenzio),  marchand 

en  gros  de  produits  levantins,  318. 
Manche  (la),  19G,  2()-2. 
Mandat   (Galliot),    conseiller    et 

secrétaire  des  finances  du  roi,  08, 

n.  1. 
Manicamp  (sieur  de),  gouverneur 

de  La  Fera,  193. 
Mantes.  Soieries,  12'2. 
Mantes    (gouverneur   de).     Ses 

exactions,  l(jU. 
Maque   ^hôtel  de  la  ,  rue    de  la 

Tixeranderie,  119, 120. 
Marais  de  Gascogne,  de  TAunis,  du 

Poitou,    de    la     Bombes,    de      la 

Brenne,    de    Ghaumont-en-Vexin, 

de  Bordeaux,  de  Sacy,  2G,  28  ;  — 

de    Lesche-en-Brie ,    de    Tonnay- 

Charente,   du  Bas  Languedoc,  de 

Larchant,  Yarnier,  29. 
Marans  (Ghar.-Inf.).  Sa  prospérité, 

102. 
Marchandes  à,  la  toilette,  217. 
Marchandises  expédiées  pour  le 

continent.    Leur    itinéraire    pour 

échapper  à  la  douane  de  Vienne, 

:]:5S. 
Marchands  font  la  banque,  :5(i()  ;  — 

de  vin,  353. 
Marchands  et  artisans  suivant 

la  cour,  218-219. 
Marchés  usuraires,  2.33. 
Maréchal  (Jean),  verrier,  l.')(;-i.")7. 
Maressé,  archer  de  la  '^arde,   130. 
Marie  (Christophe),  180. 
Marie  de  Médicis,  3.')0,  302. 
Marie  Tudor,  294. 


Marine  marchande,  293-298, 
323-324;  —militaire,  298-300;  — 
normande,  319,  n.  1. 

Maringues,  338. 

Marne  employé  comme  engrais,  73. 

Marne  (la),  rivière.  Ponts,  18.>. 

Maroc,  27."). 

Maroc  (roi  de),  301. 

Maroquins.  Leur  industrie  est  en- 
treprise en  grand,  154-155;  —  à  la 
fin  du  règne,  ICO;  —  de  Flandre, 
de  La  Rochelle,  85. 

Marsay  (sieur  de),  57,  n.  3. 

Marseillan  (Hérault),  07. 

Marseillais.  Pertes  que  la  piraterie 
leur  fait  subir,  302.  Enrôlent  un 
lieutenant  du  capitaine  lieaulieu, 
302,  304.  Prise  d'un  vaisseau  an- 
glais, 305. 

Marseille.  Sa  prospérité,  102.  Mar- 
chandises exotiques,  200.  Noblesse 
commerçante,  252,  n.  3;  —  (con- 
sulat de),  270;  —  (viguiers,  con- 
suls et  habitants  de),  27G,  n.  3. 
Gourtiers,  292;  —  (habitants  dei 
309.  Lieu  d'importation  pour  les 
épiceries  et  drogueries,  389  ;  — 
(négociants  de),  297.  Droits  d'en- 
trée, 390.  Son  commerce  et  sa  pros- 
périté, 317,  322,  324.  Oh.  laial.,  41, 
n.  3,   121,  121,  299,  300,  301. 

Martial  d'Auvergne,  03. 

Martigues,  205. 

Martins (Pierre  des\  peintre,  102. 

Mascara  (Algérie  .  Poche  du  co- 
rail, 276.  Voy.  Mascarets. 

Mascarets  en  Barbarie.  Voy. 
Mascara. 

Matheolus  (le  livre  de),  03. 

Mathon,  lait  caillé,  00. 

Maurice  de  Nassau,  279. 

Mayaffre  (Isaac),  Languedocien, 
a  des  magnaneries  à  Rouen,  110. 

Mayenne  (Gharles  de  Lorraine,  duc 
de)  fait  une  trêve  avec  Henri  IV,  14. 

Meaux.  Industrie  drapière,  81,  84. 

Meaux   (bailliage  dej,  50,  n.  3. 


414 


INDEX   ANALYTIQUE, 


Meaux  élection  de'i,  isc. 
Méditerranée.  Lif,'nedenavij:alion 

filtre  elle  et  lOeéau,  l'JG-202. 
Méditerranée  (bassin  de  la).  Projet 
de  le  leiler  aux  Indes  par  Sue7.,28"2. 
Mellet   Geordi;,  marinier,  V,V>. 
Melun.    Coche    d'eau    entre    cette 
ville  et  Paris,  Î08.  Cristallerie,  lôC. 
liiihistrie  drapière,  Si. 
Mélusine,  .M. 

Mende  (Lozère^  pillée,  "!),  n.  I. 
Mercerie  exportée,  201 . 
Merciers  favorables  aux  importn- 
tions,  '.)".   Leur   importance,  2L")- 
21G.  Prennent  des  commissions  de 
vente  des  étrangers,  200.  Font  le 
courtage,  XV2  ;  —   (rois  des),  2i:i- 
1\'t.  Oh.  IniiiL,  5-42. 
Mercœur   duc  de),  11. 
Merle,  c.iiiitaine  huguenot,  79,  n.  1. 
Méry-sur-Seine,  l'.Kî. 
Mesnil-au-Vast,  .>!. 
Messageries  municipales,  20:1:  —  à 
Toulouse,  Ibid.  ;  —  de  l'L'nivcrsilé, 
202,  n.   1  ;    —   de    Paris,  Orléans, 
Tidyes,  Rouen  et  Beauvais,  20:i. 
Métayage,  'lô. 
Métier  à  la  tire,  128. 
Metz,  ISG. 
Meudon.  Vins,  G8. 
Meulan    (gouverneur   de  .    Ses 

exactions,  KiU. 
Meules  de  moulin,  article  d'expor- 
tation, 2(;0. 
Meung-sur-Loire.  Haras,  72. 
Meuse  (la  ,   !'•»!,    lOG.   Sa  jonction 

avec  la  Saône,  11)8. 
Michel  (Pierre  ,  seigneur  de  Sous- 
Carrière,    manjuis  de    Montbrun, 
2ôO,  n.  :5. 
Michieli    Giovanni).  Sa  relation, 

10. 

Miel,  article  d'exportation,  200. 

Milan.  Étoiles  de  soie,  d'or  et  d'ar- 
gent, 120,  n.  4  ;  —  (marchands  de), 
2'.i:i,  n.  2.  Ras,  84. 

Milanais,  201,  298. 


Mines.  Personnel  atlministratif, :>'». 
(th.  hiwl.,  31,  30. 

Mineurs  commerçants,  309-210. 

Mirande,  belvédère.  W.\. 

Mireval  (lléraulti.  Vin,  08. 

Miroiterie,  loi. 

Mobilier  du  paysan,  .lO-OO. 

Mocades  anglaises,  209. 

Modène.  Sujeries.  I2ô,  n.  \. 

Moisset  Jean  de),  contrôleur  de 
l'artillerie,  des  menus  et  alTaires 
de  la  chambre,  118,  1 19. 

Molière.  .')S. 

Moluciues,  278,  281 . 

Mômeries  de  l'Assomption,  02. 

Monastier  (le)  dans  la  sénéchaus- 
sée du  Puy.  Foires,  2'(:{,  n.  3. 

Monnaies, :i.")7-300.Voy.  Poinçons. 

Monopole  des  engins  et  munitions 
de  guerre,  19. 

Monségur  (Gironde).  La  garnison 
.ur'le  les  bateaux,  :{83. 

Montargis.  Canrd,  199. 

Montconnis  (Claude  de).  29. 

Montélimar,  07. 

Montgailhard,  2iG,  2i7. 

Montmartre,  08. 

Montmorency  (Henri  I",  duc 
de)  fait  une  trêve  avec  le  duc  de 
Nemours,  l'i.  Ob.  laiul.,  17,  18,  19. 
177,  281. 

Montmorency  (le),  vaisseau,  281 . 

Montolieu  (Honoré  de),  consul 
(le  Marseille,  créateur  de  la  cham- 
bre de  commerce  de  cette  ville. 
;51T. 

Montpellier.  Ses  industries,  80. 

Montpensier  (Henri  de  Bour- 
bon, duc  de),  is. 

Montréal  (.\udc).  Vin,  08.  Ob. 
1(1  ml.,  8. 

Moret,  199. 

Morue.  Sa  pêche  et  son  commerce, 
27'i-27,">,  29i,  324. 

Morvan.  Habitations  rurales,  .')8. 

Mouche,  Italiens  émigrés  en  France, 
334. 


INDEX  ANALYTIQUE. 


415 


Movilins  (édit  de),  214;  —  (gônéra- 

lilé  dc),2:i  ;  —  (ordonnance  de),  211. 
Moussengirard      (connuune      de 

l'arr.  de  Beaucaire,  Gard).  Vin,  G". 
Mûrier.   Sa  propagation,  37.   Pays 

de  culture,  triantes  aux  Tuileries, 

Klô  ;  —  en  Lyonnais,  :!72. 
Muscats  et  blanquettes,  CiS. 
Mussoni,  procureur  à  Draguignan, 

257. 

Nantes.  Droit  d'entrée  sur  les  épi- 
ceries et  drogueries,  389,  31)0.  06. 
laud.,  108,200,  207. 

Naples.  Soieries,  12,'),  n.  'i.  Ob. 
laud.,   105;  —  (royaume  de),   2!)8. 

Narbonne  ('négociants  de),  2'.)7  ;  — 
(ville  et  diocèse  de),  14.  Ob.  laud.. 
2G5. 

Naturalisation  (lettres  de),  290. 

Nautse  Ligerici,  Parisienses, 
207. 

Navarre.  États,  202,  n.  2. 

Navigation  au  tiers  et  au  fret,  319, 
n.  1. 

Nemours,  29. 

Nemours  (duc  de)  fait  une  trêve 
avec  Jlontiuorency,  M. 

Nérac  (Lot-et-Garonne).  Vin,  08.  Ob. 
laud.,  80. 

Neufville  (Marie  de).  Voy.  Pail- 
lard (Jacques)  d'Urfé. 

Nevers.  Cristalleries,  155,  150,  157. 
Faïences  et  poteries,  157.  Oh.  laud., 
lOC. 

Neville  (Henri) ,  ambassadeur 
d'Angleterre  en  France,  33,  3i,  305. 

Newcastle,  295. 

Nîmes.  Serges,  8i.  Futaines,  140 
n.  3  ;  —  (sénéchal  et  juges  prési- 
diaux  de),  200. 

Niort.  Sa  prospérité,  102.  l-'oires, 
lus,  n.  1. 

Nivernais.  Bail  à  complant,  40. 
13ordelage,  40.  Propice  à  la  sérici- 
culture, 108.  Bois,  200.  Ob.  laud., 
44,  47,  n.  1. 


Noblesse  peu  aisée,  40,  52.  P'ait  des 
aiïaires,  41.  Son  genre  de  vie,  41- 
43.  Sous  François  1«'',  .50-51;  sous 
Henri  IV,  51-54.  Sa  participation 
à  la  propagation  de  la  sériciculture, 
131  ;  —  comuierçanle,  252  ;  —  in- 
lluence  que  les  guerres  civiles  ont 
sur  elle,  328-330. 

Noix  de  galle,  31  s. 

Nord  .départeuients  du),  30. 

Nord  (mer  du),  190,  200,  202. 

Normandie.  Exportation  de  son 
blé  et  de  son  \in,  24.  Le  fermage 
y  remplace  le  métayage,  45-40. 
Fertile  en  céréales,  00.  Viticulture, 
07.  Lin  et  chanvre,  09,  n.  1.  Éle- 
vage, 71.  Laines,  73.  Insécurité, 
79.  Toiles,  84,  139.  Sériciculture, 
108,  110.  Verreries,  1.50.  Interrup- 
tion du  commerce,  107.  Travaux 
publics,  182.  Richesse  agricole, 
200.  Noblesse  commerçante,  252, 
n.  3.  Droit  de  tonnage  sur  les  vais- 
seaux y  abordant,  271.  Amirauté, 
309.  Parlement,  3 iO.  Cour  des  aides, 
Ibid.  Impôts,  343;  —  (états  de), 
87,  n.   1,  184.  Ob.  laud.,  00. 

Norvège,  29  i. 

Notables  (assemblée  des),  88. 

Notre-Dame  de  Paris  (chapitre 
de),  29. 

Nottingham  (comte  de),  306, 
n.4. 

Nouvelle-Ecosse,  274.  Voy.  Aca- 
die. 

Nouvelle-France.  Colonisation  , 
283-287,  325. 

Noyers  (château  de)  en  Bourgo- 
gne, 10. 

Noyon  soulTre  de  la  guerre,  79, 
n.  1  ;  —  (gouverneur  de).  Ses 
exactions,  100. 

Numéraire  transporté  au  Levant, 
317-318,  321. 

Océan.  Ligne  de  navigation  avec 
la  -Méditerranée,  190-202.  Comment 


416 


INDEX   ANALYTIQUE. 


on  pourvoit  à  lu  dcfense  de  ses 
côtes,  :iO(). 

Océan  pacifique,  'H\'2. 

Offices.  Leur  valeur,  3G-2-aG:J.  Se 
rattachant  à  l'industrie  des  cuirs, 
81!. 

Oise  ,1''  rendue  navigable,  liJI-1'.)i. 

Opéra-comique.  Son  orii,'ine.  '2't'\. 

Or  filé.  la.  on  de  Milan,  ll'.l. 

Orange  iVaurluse\  ;it;;  —  princl- 
pautt-  d").  .Mùiiers.  10,'). 

Organisation  industrielle.  Ses 
abus,  S()-8-2. 

Orient,  124. 

Orléanais.  Vins,  07.  Propice  à  la 
si'riciculture,  108. 

Orléans.  Vins  blancs,  G8.  Création 
d'uflices.  87,  n.  1.  Fabrication  de 
tuiles  et  carreaux,  lo7.  Chapelle- 
rie, 15'.).  Ponts,  187.  Messageries, 
•203.  Coches  entre  cette  ville  et 
Paris,  204.  Ob.  laud.,  200,  338  ;  — 
(généralité  d'),  23.  Sériciculture, 
109,  113,  114;  — (ordonnance  d'), 
171,233. 

Orne.  Projet  de  canalisation,  191. 

Ortie.  Son  emploi  industriel,   144. 

Ourcq   [Vj    rendue  navigable,  192. 

Ouvriers  agricoles,  jô-ôC.  .Mi- 
neurs. ;i.i. 

Ozembray  (sieur  d'),  président 
des  requêtes  du  parlement,  98, 
n.  1. 

Paccioli  (Lucasi,  moine  francis- 
cain italien,  222. 

Pacifique  ^contrées  du).  Créa- 
tinn  diino  Coui[)agnie  pour  en 
fairi^  le  commerce,  279-281. 

Packhurst,  voyageur  anglais, 
274,  n.   1. 

Pages  Jean,", marchand  d'Amiens 
•.'.')().  II.  1. 

Palus  de  Bordeaux,  20,  28. 

Pancarte,  impôt,  340,  341. 

Panisseau  (Périgord),  7. 

Papier.  Sa  fabrication  à  la  lin  du 


règne,  IGD.  .Vrlii'le  d'exportation, 
2(;(i,  2(il. 

Parent  (Etienne;,  manufacturier 
en  soieries,  122-123,  13.'». 

Parent  (Noël\  manufacturier  en 
soieries,  118,  122,  13Ô. 

Pargnan.  Vin,  (18. 

Paris,  teinturerie.  Vaisselle  d'ar- 
gent. 83.  Draps,  drapiers,  84. 
Soieries,  80,  I2ô,  n.  4,  133-134. 
Cordonniers,  87,  n.  1.  Plumassiers, 
95,  n.  2.  Sériciculture,  108,  I(i9, 
114.  Soieries,  118-121,  12Ô,  n.  4, 
133,  134.  Le  Temple,  118.  Hôtel  de 
la  .Maque,  119.  Place  Royale,  121. 
Parc  et  palais  des  Tournclles,  121, 
n.  4,  Manufacturiers  de  soie,  12.i. 
Négociants  en  soieries,  127,  n.  2. 
Hôtel  de  Relz,  131.  Futaines.  142. 
Tapisseries,  145.  Hôpital  de  la 
Trinité,  145.  Maison  professe  des 
.lésuites,  145.  Église  Saint-Merry, 
145.  Louvre,  146,  147.  Gobelins, 
147.  Parlement,  151),  204,  212.  .Ma- 
nufacture de  la  Savonnerie.    151- 

153.  Chaillot,  153.  Faubourgs 
Saint-Honoré     et     Saint-Jacques, 

154.  Cristallerie.  150.  Faïences  et 
poteries,  157.  Tuiles  et  carreaux, 
157.  Chapellerie,  159.  Sa  prospé- 
rité, 1G2.  Banqueroutes,  171.  Voi- 
rie, 178.  Son  aspect,  178;  —  (ports 
de),  182.  Boues  et  pavé,  182.  Rue 
Saint-Antoine,  185.  Pavé,  185. 
Pont  Marie,  18G.  Pont-Neuf,  187- 
188.  Pont  Marchand,  188.  Univer- 
sité, 202,  n.  I.  Messageries,  203. 
Coches,  204.  208-209;  (coutume 
de),  210.  Juridiction  consulaire, 
212.  Louvre,  219.  Foire  Saint- 
Germain,  240.  Palais  Royal,  242. 
Foire  Saint-Laurent,  243.  Rue  aux 
Fèvres.  Petit-Pont.  Enclos  du  Pa- 
lais. Halles.  Cimetière  Saint-Jean. 
Grand  et  Petit  Cliàtclet.  Galerie  du 
Palais,  232.  Projet  de  banque,  234; 
—  (bureau  de  la  ville  de),  233,234. 


INDEX   ANALYTIQUE. 


417 


Faubourg  Saint-Marcel,  237,  n.  2. 
Bourse.  Pont-Neuf.  Mail,  '2hh. 
Courtiers,  292.  Association  de 
voleurs,  355.  Port  au  Foin,  355. 
06.   laucL,    10,    14,  22,  42,  43,    57, 

136,  n.  3,  140;  —  (environs  de), 
vins,  61.   Industrie    drapière,  81; 

—  (généralité  de),  23.  Sériciculture, 
109,  113,  114,  193;  —  (prévôt  de), 
204.   Ob.  luiid.,  G4,  n.  2,  81,    122, 

137,  16G,  1G7,  180,  187,  218,  237, 
2Ô7,  272. 

Parisiens  plantent  des  mûrier?, 
109. 

Parjon  (sieur  ,  181,  n.  3. 

Parlement,  101, 102  ;  —  d'Aix  (pre- 
mier président  du  parlement),  124: 

—  de  Bordeaux,  229;  —  de  Nor- 
mandie, 340;  —  de  Paris,  34,  l.îO, 
204;  —  de  Rouen,  18,  IIG;—  do 
Toulouse,    2.'),  50,  u.  3. 

Paroisses  autorisées  à  racheter 
les  communaux  et  droits  d'usage, 
21. 

Parry  i,Thomas),  306,  n.  4. 

Partis  dajis  les  fermes  publiques, 
25(1. 

Pasages  (port  dei,  en  Guipuzcon, 
275. 

Passe-debout,  293. 

Pastel,  article  d'exportation,  200. 
Société  pour  en  faire  le  commerce, 
246-247.  Son  importation  en  An- 
gleterre, 264;  —  du  Lauraguais, 
69,  264.  Ob.  laud.,  127,  374,375, 
370,377.  379,  381,  382,  383. 

Patente  de  Languedoc,  370. 

Paulette   la),  .302. 

Paupérisme,  78-79,  355. 

Pavie,  50. 

Pays-Bas,  118,  142,  148,149,150, 
154,  201,  280. 

Pays  d'état.  Travaux  de  voirie. 
17(1. 

Pays  Messin,  fertile  en  céréales, 
00. 

Paysans.  Leur  panique  à  l'approche 


des  troupes,  5.  Leurs  associations 
secrètes,  9-10.  Leur  persévérance 
à  se  remettre  au  travail,  10,11. 
Leur  situation  obérée,  20.  Influence 
des  guerres  civiles  sur  eux,  5'i-55. 
330-331.  Leur.^  chaumières,  58-,59; 
—  du  Poitou  rebelles  à  la  propaga- 
tion de  la  sériciculture,  115. 

Péages,  I60-I07,  177,  178,  184. 

Pecquais,  205. 

Pelletier(Hugues),  ingénieur,  179. 

Pellot  Claude  ,  négociant  lyon- 
nais, 307. 

Penmarch  ruiné,  290. 

Pensions  multipliées  par  Henri  IV, 
42. 

Perche.  Élevage  du  cheval,  71. 
Habitations  rurales,  59.  .Morcelle- 
ment de  la  propriété,  40,  n.  3. 

Périgord,  7,  190. 

Périgueux.  Sa  prospérité,  102. 

PerrucJie.  Italiens  émigrés  en 
France,  334. 

Perse  (ambassadeur  de),  279. 

Petit  Jean),  fourbisseur,  102. 

Petit-Pont  (le)  à  Paris,  232. 

Petite-Flandre,  29. 

Petits  cultivateurs,  45. 

Pézenas,  180. 

Philippe  III,  roi  d'Espagne,  frappe 
d'un  droit  prohibitif  le  commerce 
avec  la  France,  202.  Interdit  l'en- 
trée de  son  royaume  aux  Boche- 
lais,  208.    Ob.  laud.,  201. 

Picardent   cépage  de),  07. 

Picardie.  Mines,  33.  Fertile  en  cé- 
réales, 00.  Viticulture,  67.  Bière,  08. 
Lin  et  chanvre,  09.  Élevage,  71. 
Rebelle  à  la  sériciculture,  107. 
Soieries,  134.  Toiles,  139,  n.  3;  — 
(grande  route  de),  177.  Ob.  laud., 
47. 

Piémont,  38. 

Pierre  (Michel),  manufacturier, 
143. 

Pierre,  dirige  des  cristalleries,  1..6. 

Pierres  de  Naurouse  ^les),  197. 
27 


418 


INDEX   ANAI.YTIOIE. 


Pincé  (Pierre  de),  conseiller  de  la 
cli:uiilire  (les  eoiiiptes,  '.)8.  n.  i. 

Pinçon  (^Paul),  iiiaïuifactiirier,  l 't".'- 
1  i:i. 

Pingre  i;Guillaumel,  marcliaiid 
parisien,  17 1. 

Piraterie,  :îOl-:ilO,   :]|->,   .TUi,  T20, 

Place  Royale  à  Paris,  \-2\. 

Placements  mobiliers  rccliei- 
chés,  iO. 

Plaisirs  des  coninierçanls  et  arti- 
sans, "J.!!). 

Planchéage,  207. 

Plancius.  cosmographe  d'Amster- 
dam, 1H0. 

Plessis-lez-Tours'parc  de),  lîl. 

Plestia   C.nli's-du-Nord),  15. 

Plomb,  •J7I. 

Plomberie,  l.>s. 

Plumassiers-panachers  de  Pa- 
ris, 'Jô,  n.  "2. 

Poculot  (Claude),  négociant  lyon- 
nais, :i(»'.). 

Poinçons  des  monnaies,  102. 

Poiré,  ()8. 

Poitiers.  Cuirs,  8.")-,  —  (échevinage 
de).  Son  opposition  à  l'édit  d'avril, 
1597,  9ô,  n.  :).  Ob.  laud.,  80,  n.  G, 
18!);  —  (généralité  de).  Séricicul- 
ture, ll'«. 

Poitou.  Mines,  'il.  Bail  à  complani, 
'iC.  Danses,  (i2.  Élevage  du  cheval, 
71.  Propice  à  la  sériciculture,  l(i8. 
Sériciculture,  llô.  Verrerie,  1.S7. 
Foires,  1()7.  Oh. laud.,  15,  2(>,  ISi), 
222;  _  (sénéchal  de),  95,  n.  a. 

Polders,  29. 

Pologne,  W).  20'». 

Poméranie,  2'.»i. 

Pomerols  (Hérault),  87. 

Pomologie  normande,  (■>8,  n.  \. 

Pontavert    Aisne),  191,  n.  2. 

Ponte  îHorace;,  Italien,  exploite 
(le-  rristalleries,  15(5. 

Pont-Neuf,  25.'.. 

Ponts,     1G5-IIH;,      185-188;    —    de 


lUiuen,  181;  —du  llhùne,  ISI;  — 
de  la  Loire,  181  ;  —  de  Uiuien, 
182;  —  de  Mantes  et  de  Sainl- 
Cloud,  1S2  ;  —  de  Beautor,  de 
(".hauny,  !'.)'•;  —  (maîtres  des), 
KiS,  2(17. 

Ponts  et  chaussées.  Leur  ailmi- 
nistration,  I7't-I79.  Travaux  (|ui 
s'y  rattachent,  180182.  Ob.  laud., 
.•547-358. 

Ponts-de-Cé,  l.)5. 

Pool,  205. 

Popham  f  John),  :!0(!,  n.  i. 

Population.  Sa  diminution,  .3:U  ; 
—  rurale  a  deux  maîtres,  'i8-50. 

Port  d'armes,  I'.). 

Port  au  Foin  à  Paris,  ;i'.5. 

Portail  (Rocher),  partisan,  251. 

Porte-balles,  108. 

Portes  cochères,  2.">5. 

Port-Royal  (Amérique),  284,  285. 

Ports.  Leur  rareté,  290-297. 

Portugais  établis  à  Nantes,  207  ;  — 
judaïsants,  fondent  en  France  des 
maisons  de  dépôt  et  de  commis- 
sion, 290-291.  Oh.  laud.,  278,  279, 
282. 

Portugal.  Nos  exportations  pour 
ce  pays,  2ii0-20i.  Ses  marchan- 
dises transportées  par  la  marine 
des  Provinces-Unies,  'i\)'i.Olj.laml., 
279,  n.  2. 

Postes  aux  chevaux,  21) 4 -207. 

Poterie,  article  d'exportation,  200. 

Poussera otte  (Charles:,  secré- 
taire du  roi,  98,  n.   I,  \. 

Pradel  (lei,  domaine  du  Viva- 
rais,  37. 

Prairies,  (;9-71. 

Prés  (Robert  des),  avocat  au  par- 
lement, 98,  n.  I,  4. 

Prescription  commerciale,  210- 
211. 

Prêt  à  la  grosse  aventure,  318, 
382-383. 

Preuves  en  matière  commerciale, 
211. 


INDEX   ANALYTIQUE. 


419 


Prévost  (Nicolas^  conseiller  de  1 
la  chaïubre  des  comptes,  98,  n.  1. 

Prévôt  de  l'Ile-de-France,  î>ôl. 

Primes  aux  armateurs,  2;)7. 

Prix.  Leur  hausse,  :i27-:î5S.  Leur 
baisse,  3(i:{-3(;i. 

Production.  Sa  place  duns  l'ou- 
vrage, 3. 

Produits  barbaresques,  :i:i7. 

Pronostication  des  laboureurs 
(la),  (Ji,  n.  I. 

Propriété.  Son  régime,  ii;  —  fon- 
cière morcelée,  40,  74.  Augmente 
de  valeur,  40;  —  rurale  maintient 
sa  valeur,  .3G4. 

Provençaux.  Pertes  que  la  pira- 
terie leur  fait  éprouver,  .302. 

Provence.  Mines,  32.  Morcellement 
de  la  propriété,  40,  n.  .3.  Habita- 
tions rurales,  ûl).  Danses,  02.  Ins- 
truction des  paysans,  02.  Fertile 
en  céréales,  00.  Canne  à  sucre,  08. 
Sel,  GO.  On  n'y  fume  pas  les  terres, 
73.  Laines,  81.  Industrie  drapière, 
81.  Mûriers,  104,105.  Sériciculture 
et  soieries,  123-124.  Soie,  130,  n.  3. 
Ob.  laud.,  108,  1.58.  2G2,  n.  1,  337. 

Provinces-Unies.  Leur  commerce 
avec  l'Espagne,  208.  Leur  opposi- 
tion à  l'expédition  d'une  Hotte 
française  dans  les  Indes  orientales, 
280-281.  Commerce  interlope  entre 
elles  et  l'Espagne,  202.  Leur  marine 
marchande,  294-205.  Ob.  laud., 
139,  275,279,280,281,  284. 

Provins.  Souti're  de  la  guerre,  79, 
n.  1. 

Pruneaux,  article  d'exportation, 
200. 

Puget  (Loys),  négociant  lyonnais. 
307. 

Pugier,  marchand  de  Toulouse,  224. 

Puy  (sénéchaussée  du),  243, 
n.3. 

Pyrard  (François)  de  Laval,  278- 
279. 

Pyrénées.  Mines,  33. 


Quartiers    adoptés    par    certains 

conunerces,  232. 
Quatre  fils  Aymon  (les),  51. 
Quayage  (droit  de),  200,  209. 
Québec,  285. 

Quercy,  fertile  en  céréales,  00. 
Questel,  marchand  deToulouse, 223. 
Quevaize,  47. 
Quillebœuf.  Conunerce,  107. 
Quincaillerie  du  Forez,  200,  200. 

Rabasteins.  Vin,  08. 

Rabeyrin  (Vidal,  négociant  lyon- 
nais, 307. 

Racan,  350. 

Race  bovine,  72. 

Raleigh  fsir  "Walter),  29'». 

Rambouillet  (hôtel  de),  3.56;  — 
sieur  de\  98,  n.  1,  '». 

Rancher  (sieur  de),  président 
desenquêtes  dupailement,98,  n.  I. 

Rannou  (les).  Leurs  crimes,  15. 

Ras  de  Milan,  de  Chartres,  d'Ar- 
schot,  84. 

Raulin  (Etienne),  fabricant  d'ins- 
truments de  mathématiques,   102. 

Rebours  (sieur  de),  président  à 
la  cour  des  aides,  98,  n.  1,  4. 

Région  rhénane.  Bail  colonger, 
47. 

Reggio.  Soieries,  125,  n,  4. 

Reims.  Soieries,  128.  Étamines,  200. 
Ob.  laud.,  189. 

Relais.  Leur  organisaiion,  20i-207, 
Ob.  tniul.,  21. 

Reneau  (Pierre),  de  Salon,  ingé- 
nieur, 197. 

Rennes  (sénéchal  de  ,  49,  n.  2. 

Rentes.  Réduction  des  intérêts, 21  ; 
—  de  l'hôtel  de  ville,  43.  06. /f«<c/., 
331,  302. 

Restauration  (gouvernement 
de  la),  242. 

Retz  (comte  de),  233,  234;—  (duc 
de),  général  des  galères,  299;  — 
(hôtel  de),  à  Paris,  114,  131. 

Rhône  (le).  Navigation,  107.  Pont, 


i-20 


INDKX   ANALYTIQUE. 


ISI .  Si  idiu'lioii  avec  la  Lniro,  "iOO. 
Rhône    vallée  du  .  :{:i7. 
Richard      Vincent    ,     iu''t:ociaiit 

lycimai-;,  3('>7. 
Rieux     sieur  de'.    Son    discours 

aux  ctals  do  I.V.»3,  lô. 
Riz.  Sa  provonanre  et  sa  clierlc,  ('.!). 
Roanne  (Loirei,  200 
Robbio    (Hannibal]  ,    m'-gociaut 

lycuni  lis.  :t(;7. 
Roberval   sire  de  ,  ;?'2. 
Robin     Jean  .    liorliculteur,    \'U. 

M.     I. 

Robin  (Thomas  ,    uKuuifacturicr. 
lil. 

Rochefort  (Gard),  2'.). 

Rochelais.   L'enlrco  des  États   de 
iMiilipiH'  III  leur  est  iiitenliU-,  2C.S. 

Roi   Catholique.  \  n.\ .  Espagne 
iFoi  d"  .  Philippe  III. 

Rois  des  merciers.  80-81,  '.):î,  '.).), 
".t(i. 

Roman  de  la   Rose  de  .  .M,  ('<■',. 

Rosny   Seiue-et-Oise),  ll.i. 

Rouen.  Draperie,  83,  84.  Serges,  84 
Kuieute,  87,  n.  I.  Assemblée  des 
notables,  88  ,  '.)!.  Sériciculture. 
1 10.  Maison  du  Bœuf  couronné  1 1(1. 
Toiles,  130-142.  Faubourg  Saint- 
Sever ,  140.  Futaines,  142.  Ver- 
rerie, lôfi.lîas  de  soie.  l.")'J.  Sa  pros- 
périté, 102.  Pont, 181,  188.  Ports, 
182.  Messageries,  203.  Coches  entre 
cette  ville  et  Paris,  204.  Juridiction 
consulaire,  212.  Entrepôts  anglais. 
270,  271.  Importations  étrangères. 
273,  n.  3.  Courtiers,  292.  En- 
trée des  épiceries  et  drogueries 
des  Indes,  337.  Lieu  d'importation 
pour  les  épiceries  et  drogueries, 
389.  Droits  d'entrée,  390;  —  (éche 
village  lie),  3i0  ;  —  négociants  de  . 
283.297;  —  (parlement  de),  110, 
Oh.  faiid.,  17,  18,  ICC,  309,  311  ;  — 
'g<ri'ralité  de),  •>■),  ISI. 
Rouillé  Catherine,  2. '8. 
Rousseau  (Biaise,,  208,  n.  2 


Roussel  (Nicolas^  orTrvre  parfu- 
meur, 102. 

Rovidius  (Alexandre  .  sinat'ur 
de  Milan,  2ci. 

Roy  (Gérard  de),  fonde  une  Com- 
pagnie pour  le  commerce  dans  les 
contrées  du  Pacilii|ue,  279-281 . 

Rozan  (Scipion  de),  fabricant  de 
cuir  doré,  i;)3-!.'»'i. 

Rozier  iTabbé),  auteur  du  Tr/iile 
<f(i(/ri<ii//urt\  3S,   n.   4. 

Rungis    fontaines  de\  I.s2. 

Hussie.  Relations  commerciales 
avec  l'.Vngleterre,  205.  Allaires  des 
Provinces-Unies  avec  elle,29j.  0/>. 
laud.,  294. 

Ryant  Saze  (Gard),  29. 

Sabatier  iGeorge^  marciiand  de 

liordeaux,  381. 
Sables-d'Olonne  vies),  2<;3. 
Sac  des  villes,  78. 
Sacaze  (Barthélémy),  marchand 

de  Toulouse,   37'.». 
Sacy  (Marais  de),  28. 
Safran,  article  d'exportation,  2G0  ; 

—  d'Auvergne,  Cl  ;  —  d'Albigeois, 

(il). 
Sagnier  (Antoine),  229.  n.  l,23.î, 

n.  3. 
Sainctot,  manufacturier  en  soieries, 

lis.  II'.).  120,  121. 
Saint-Aignan,  l'.)l. 
Saint-Amand  (Chen,  192. 
Saint  -  Chamond-en-Lyonnais. 

Mûriers,  lo.j. 
Saint- Denis.  Indusl  rie  dra|)iére,8/. 
Saint-Denis   abbaye  de\  177. 
Saint-Étienne  (Loire),   flliarbons, 

200. 
Saint-Florent,   l'.)2. 
Saint-François  de  Sales,  3.)(i. 
Saint-Georges  [le\  navire,  310. 
Saint -Germain    d'Apchon  ,    41, 

n.  2. 
Saint-Germain-en-Laye.   Cris- 
talleries, l")ij. 


INDEX   ANALYTIQUE. 


421 


Saint-Jean-de-Losne,  "201. 
Saint-Jean-de-Luz,  •20'),  27i  ;  — 

(coiinnerç.ints  de  ,  "28 i. 
Saint-Julien   (Claude  Grippon 

dei,  ;V2. 
Saint-Laurent,    Ileuve,   283,  '28ô. 
Saint-Léger  (dans    le    comté    de 

iMontlort-l'Auifiury).  Haras,  72. 
Saint-Malo,  274,  280  ;—  (amirauté 
de),  287,  n.  I  ;  —  (marchands  de) 
forment  une  Compagnie  pour  le 
commerce  des  Indes  orientales, 
278,  28.Ï. 
Saint-Martin  (chapitre   de)  de 

Tours,  47,  n.  ô. 
Saint-Martin-en-Lyonnais,    33. 
Saint-Merry  (église),  à  Paris,  14.3. 
Saint-Michel  (château),  l'.)7. 
Saint  -  Michel  -  en -Grève,  entre 

Lannlon  et  Plestin,  lô. 
Saint-Offangei  les  frères),  1.),  Kl. 
Saint-Pierre-des-Lages,  22:). 
Saint-Pons  (diocèse  de  ,  14. 
Saint  Quentin.  Toiles  fines,  24. 
Saint  -  Romain  -  en  -  Lyonnais. 

Mûriers,  105. 
Sainte-Colombe ,    siège    des  bu- 
reaux de  la  douane  de  Vienne,  338. 
Sainte-Lucie  en  Sicile.  Soies,  lOîi. 
Saintonge.    Uail   à    complant,  40. 
Sel,  09.  Propice  à  la  sériciculture, 
108.  Son  sel  et  ses  vins,  340.   Ob. 
luud.,  l.-)7,  107,  n.  2. 
Salignac  (baron  de),  ambassadeur 

à  Constaiitinople,  302. 
Santerre  (le).  Droit  de  marché,  47. 
Sanzay  (Anne  de).  Ses  crimes,  1,'). 
Saône  (la).  Quai   et  port,  188.   Sa 
jonction  avec  la  Loire  et  la  Meuse, 
198,  200.  Projet  de  jonction  avec 
Pïonne,   200-201.    06.     laud  ,   19(1, 
201. 
Sarazin  (Jean),  223. 
Sardaigne,  72. 
Sardini,  334. 

Sarlièves   lac  de  ,  en  Auvergne, 
28. 


Sarrasin  (blé  noir),  en  Normandie, 

en  Brelague,  00. 
Sarrode    (Vincent),    Italien,   ex- 

[iltiite  des  ciistijlk-ries,  I.JO. 
Satins  de   Bruges,  122,   134;  —de 

.Montpellier,  80. 
Saumur.  Exécution  de  l'édit  d'avril 

li)97,  95  n.  3;  —  (juge  de),  25. 
Savoie,  122,  338. 

Savoie    (ducs    de)    obtiennent  la 
concession  d'une    taxe   maritime, 
301. 
Savonnerie    (manufacture    de 

laj,  loi,  153,  100. 
Savons,  274. 

Savorny  (Barthélémy  ,  175. 
Sayeteurs  d'Amiens,  138. 
Sayetterie  d'Amiens,  article  d'ex- 
portation, 200,  201,  en  décadence, 
83. 
Scavadge  (droit  de),  2GG,  209. 
Seine  (la).  Péages,  100.  Commerce 
fluvial,  107.  Canal  de  jonction  avec 
la  Loire,  181,  108.  Travaux  qui  s'y 
rattachent,  182.  Ponts,  185.  Sa  na- 
vigabilité, 195.  Police   de  la  navi- 
gation, 207-208.  Ob.  laud.  29,   19G, 
209.  —  (basse)  200  ;  —  (bassin  de 
la),  201. 
Séjourné  (Jean),    sculpteur  fon- 

tainier,  102. 
Sel,  09.    Article  d'exportation,  200. 
Son  importation  en  Angleterre,  204 . 
Sellier    (Jean),  manufacturier  en 

soie,  123. 
Sénatus-consulte  Velléien,  173. 
Sénégambie,  277. 
Senlis.  Dentelle,  85.  Industrie  dra- 

pière,  81. 
Sens.  Coche  d'eau  entre  cette  ville 
et  Paris,  208-209.  Ob.  laud,  44.  n. 
2.  67. 
Sens   archevêque  de),  117. 
Serbaude    sieur  de),  4l,n.  2. 
Serges  anglaises  209;  —  de  Leyde, 
273-274  ;  —  de  Florence,  81  ;  —  de 
Florence,  de    Sommières,  84;    — 


INDKX   ANALYTIQIE. 


de  Nîmes,  Si  ,       de  Liniestre,  8'i, 

Sériciculture.  Ilemi  IV cntrepreiul 
de  la  propager,  106-13:5;  —  à  la  lin 
du  r»''j.'ne,  IGO, 

Serres  (Olivier  de).  Son  origine, 
sa  vie,  son  livre,  37-39.  41.  Son 
iniluence.  10,  301-353.  Trouve 
l'emploi  industriel  de  l'écorce  du 
mûrier,  143-1'ii.  06.  laiid.  42,  45, 
52,  53,  55,  5G,  Ci),  70,  71,  72,  n.  2, 
3.  73,  n.   1,  7'i,  104,  122,  129,  35G. 

Servage,  i'i. 

Setarbe   Laurent),  ébénisle,  102. 

Seurre.  07. 

Séville.  Consul  de  France,  209,  n.  I. 

Sillery.  is;). 

Sociétés.  Défaut  de  publicité.  3G1- 
302.  —  Commerciales,  245-247. 

Soie.  Sa  préparation,  125,  en  France, 
130,  n.  3;  —  en  Touraiuc,  131  ;  — 
italienne,  109;  —  légis,  ardassine 
et  buratine,  318. 

Soieries  à  Lyon  en  désorganisation, 
83,  à  Tours  en  décadence,  83,  à 
Lyon,  h  Tours,  à  Paris,  80,  à  Lyon 
et  à  Tours,  130,  n.  3,  à  Troyes  et  à 
Mantes,  à  Lyon  et  à  Tours,  133-1 30, 
à  Paris,  133-134, à  Montpellier,  134, 
en  Picardie,  134,  à  Troyes,  134,  à 
la  lin  du  règne  159-lGO,  à  Lyon, 
371,  à  Tours,  125,  n.  2,  à  Reims,  128. 
Leurimportation,  103-104.  IlenrilV 
veut  développer  leur  fabrication, 
103,  117-129,  133- 13G.  Métier  à  la 
tire  et  façonnes,  128.  Fabriques 
anciennes  et  nouvelles,  133-13G. 
Situation  de  cette  industrie  à  la 
fin  du  règne,  133-130.  Leur  pro- 
duction dans  le  monde,  133,  n.  5. 
Article  d'exportation,  200. 

Soissons.  Cnation  d'offices,  87,  n.  I . 

Pont,  187,    0/j.  laud,  191,   n     2. 
Soissons  généralité  de),  23,  19;{. 

Soissonnais,  fertile  en  céréales,  CG. 

Soliman.  Capitulations  signées 
entre  lui  et  François  Jc"",  313. 


Sologne.  LIevage.  71.   Lames,    73. 

Sommières.  SLMgcs,  8i. 

Sonde   archipel  de  la),  278. 

Souterraine  (la),  28. 

Southampton,  29.). 

Souverain  Pontife.  298. 

Splandian,  IS. 

Stora  Courcouri  (golfe  de),  310. 

Strabon,  ISS. 

Strada    Ottavio  de  ,  28. 

Suéde,  59,  294. 

Suez.  Idée  d'y  faire  passer  le  com- 
merce entre  les  Indes  et  l'Europe, 
282. 

Suippe(la),  rivière,  107,  n.  3. 

Sully  (Loiret).  115. 

Sully  (Max.  denéthune,duc  de  .  Mo- 
difications qu'il  apporte  à  la  ga- 
belle, 23.  Partisan  du  libre  com- 
merce des  grains,  25-20.  Auteur 
del'édit  sur  les  mines,  33,  34.  Fait 
le  commerce  des  chevaux,  72,  n.  3. 
Son  iniluence  sur  l'agriculture,  70. 
Sa  part  dans  la  propagation  de  la 
sériciculture,  110,  115,  131.  Veut 
utiliser  l'emplacement  du  palais 
des  Tournelles,  121,  n.  4.  Ses  ob- 
jections contre  la  sériciculture,  132. 
Fait  réduire  l'intérêt  légal,  171. 
Fait  aggraver  la  pénalité  des  ban- 
queroutes, 171.  Créé  grand  voyer, 
174.  Réunit  à  sa  charge  celle  de 
voyer  de  Paris,  170.  Son  œuvre  en 
ce  qui  touche  les  ponts,  185-18G. 
Instigateur  du  projet  d'union  des 
deux  mers,  198-199.  Contraire  à 
la  dérogeance  encourue  par  suite 
du  commerce,  252,  n.  3.  Sa  vigi- 
lance pour  rendre  effective  l'inter- 
diction du  commerce  avec  l'Espa- 
gne, 2G3.  Négocie  le  rétablissement 
de  ce  commerce,  20  4.  Contraire  aux 
entreprises  coloniales,  287-288. 
Envoyé  en  ambassade  auprès  de 
Jacques  \<\  310,  311.  Ce  qu'il  fait 
pour  la  gabelle,  336.  Partisan  de 
la  liberté  commerciale,  330.  Calme 


INDEX   ANALYTIQUE. 


^23 


l'agitation  populaire  en  Saintonge, 

340.  Importance  qu'il  donne  dans 
son  systt'me  aux  impôts  indirects, 

341.  Sa  valeur  et  son  œuvre,  350- 
351.  Ses  mesures  monétaires,  358- 
360.  Essaye  d'obtenir  la  publi- 
cité des  hypothèques,  361,  n.  1.  Fait 
reviser  et  classer  les  rentes  pu- 
bliques, 302.  06.  laud.,  36,  42,  102, 
105,  122,  r.>3,  151,  175,  178,  180. 
181,  n.  3.  183,  184,  188,  101,  201, 
202,  .342,  3i3. 

Surintendant  des  eaux  et   fo- 
rêts. 30. 
Surveyor  (droit  de),  2(10,  200. 

Tabac,  277. 

Tadoussac.  Traite  des  fourrures, 
284. 

Table  de  mer  de.Marseille,  41,  n.  3. 

Tables  de  marbre,  31. 

Taffetas  de  Montpellier,  80. 

Taille.  Réforme  dans  son  assiette 
et  sa  perception  et  remise  de  l'ar- 
riéré, 21.  Ses  réductions  succes- 
sives, 22,  Oh.  laud.,  336. 

Talan  (château  de)  en  Bour- 
gogne, IC. 

Tannerie  en  France  perd  sa  re- 
nommée, 83  ;  —  à  la  fin  du  règne, 
100. 

Tapisserie  de  haute  lice,  144-140; 
—  de  basse  lice,  147-151  ;  —  de  la 
Savonnerie,  151-153;  —de  Flandre, 
147-151.  Importation,  151,  n.  3;  — 
à  la  fin  du  règne,  100. 

Target  (Valentin  ,  bourgeois  de 
Paris,  230.  237. 

Targier  Nicolas  ,  370,  377. 

Tapissiers.  Acception  étendue  de 
ce  mot,  145,  n.  3. 

Taschereau.  Obtient  un  privilège 
pour  la  sériciculture,  131. 

Taschereau  (Luc),  manufactu- 
rier, 143. 

Teinturerie  à  Paris  fait  beaucoup 
moins  d'affaires,  83. 


Temple  à  Paris,  118. 

Terlon,  capitoul  de  Toulouse,  43, 
M.  3. 

Terre-Neuve.  Pèche  de  la  morue, 
274. 

Textoris,  notaire  de  Draguignan, 
257. 

Théâtre  d'agriculture,  ouvrage 
d'Olivier  de  Serres,  37-30,  41,  n.5, 
42,  n.  1. 

Théâtre  d'amateurs,  2.50-257. 

Thiérache  fia),  Ui5. 

Thierry  (Amable),  négociant 
lyonnais,  3G7. 

Thiers.  Sa  prospérité,  162. 

Thumery  (Jean  de),  sire  de 
Boissise,  300,  n.  4,  308. 

Tixeranderie  (rue  de  la)  à 
Paris,  110. 

Toiles,  article  d'exportation,  260, 
261.  Frappées  d'un  droit  de  sortie, 
340;  —  de  Hollande.  84,  139,  141, 
n.  3,  5  ;  —  de  Normandie,  de  Bre- 
tagne, de  Barroi-s.  de  Champagne, 
à  Rouen,  à  Troyes,  à  Laval,  à  Cha- 
tellerault,  à  Louviers,  à  Saint- 
Quentin,  84.  En  France,  138-142, 
159;  —  de  Normandie  et  de  Bre- 
tagne, 2()1.  Importées  en  Angle- 
terre, 265.  Oh.  laud.,  274. 

Toisons  de  moutons,  318. 

Tonnage  droit  de)  sur  les  vais- 
seaux abordant  en  Normandie,  27 1 . 
Oh.  laud.,  297. 

Tonnay-Charente,  29. 

Tonnerre,  (17. 

Toscane,  298. 

Toulouse.  Exécution  de  l'édit  d'a- 
vril 1597,  95,  n.  3.  Pont,  186.  Mes- 
sageries, 203.  Juridiction  consu- 
laire, 212.  Logis  des  Ballances, 
229,  n.  1.  Courtiers,  292.  Soieries, 
373.  Oh.  laiid.,  'Ih,  43,  n.  3,  227. 

Touraine.  Morcellement  de  la  pro- 
priété, 40,  n.  3.  Fertile  en  céréales, 
66.  Mûriers,  105.  Soie,  1-30,  n.  3. 
Sériciculture,   131.    Futaines,    143. 


INDEX   ANALYTIQUE. 


Ob.  luuit..  17,  II.  ô;  —  i^bailli  dei, 
l-'ô,  n.  i. 
Tournelles  >parc  et  palais  des). 

r:i.  II.  i. 

Tournon,  (>',. 

Tours.  Soieries,  sa,  Sd,  10.'.,  |-2.'>. 
n.  i,  :iO,  n.  ;i,  i:tl.  i:i:5-|:!.^,  \M\, 
n.  .S,  IC.d.  Futaines,  1  i->-l4:t.  Tapis- 
series, 117.  Courtiers, '^y?. 

Tours  (généralité  de).  Sérici- 
culture,   100,    lia,    ni.  Ob.  lattd., 

n. 

Traite  d'.\njou,  :{:{'J-:{iO  ;  —  de  Cha- 
rente, :v4o. 

Traite  foraine,  -Mh. 

Traité  entre  la  France  et  l'Angle- 
terre, -yM.  n.  1.  :ill-:W2. 

Transports  publics  par  terre, 
■20"J--,'(i(;;  —  par  eau,  ■,>(I7. 

Traucat  François),  propagateur 
de  la  sériciculture,  I0(;,  u.  I. 

Travaux  publics,  ais. 

Traverse  de  IJresse.  H70. 

Tremblay  (Barthélémy  du  ,  I  le. 

Trépas  de  Loire,  ;!:î'.i-:!((>. 

Trésoriers  de  France  en  Lan- 
guedoc, 'JC. 

Tripoli,  37.J  ;  —  de  Syrie.  -283. 

Troyes.  Émeute,  87,  n.  I.  Exécu- 
tion de  l'cdit  d'avril  1597,  95,  n.  :î. 
Soieries,  I2:î,  13;î-l:{5.  Toiles,  i:J9, 
lîl.  Futaines,  142.  Papeterie,  160, 
n.  :i.  Messageries,  30:5.  Juridiction 
consulaire,  21:5,  n.  4.  Coutume, 
252,  n.  :5.  Bougrans,  2(;().  Ub.  laud.. 
'l'i,  n.  2,  (i'i,  n.  2,  195. 

Tuileries,  108  ;  —  (orangerie  des), 

Kl'.l. 

Tunis,  JT.'.. 

Tunis    bey  de  ,  ;ioi. 

Turato  (Jean-André  ,  tireur 
d  (jr,  ll'.i,  120. 

Turcies  et  levées  de  la  Loire, 
I7.'.. 

Turquie.  Les  marchandises  trans- 
portées par  la  marine  des  Pm- 
vinces-l  nies,  294.  Helations  coni 


merciales  entre  elle  et  l'Angleterre, 
:514-:{15.  Vb.  laud.,  72. 

Union  (1').  Crimes  commis  par  ses 

adhérents,  l.'>. 
Université  de  Paris,  202,  n.  I. 
Urfé  (Honoré  d').  :i.'.(;. 
Urfé  (Jacques  Paillard  d'\  72. 
Ursulines,  257. 

Vair  (président  du  ,  121. 

Vaisselle  d'argent  à  Paris,  s:!. 

Valence  idouane  de).  Voy. 
Vienne    douane  de). 

Valenciennes  (Nord),  171. 

Valentinois.  Élevage,  71.  Laines, 
7:i. 

Valeur.  Son  étalon,  ;$C5. 

Valois  les),  51,  u;9. 

Van  der  Veken  (Jean)  crée  une 
pépinière  de  mûriers,  1  l(j. 

Vannes,  ^'ius,  (;8. 

Varicq  (les  frères)  de  Deift,  fa- 
bricants de  tuiles  et  de  carreaux, 
157. 

Varies  (de;,  capitaine  huguenot,  8. 

Varinier  (Pierre),  coutelier  et 
forgeron  d'épées,  102. 

Veaux  de  la  Brie,  79. 

Velay.  Habitations  rurales,  58. 

Velours  à  la  grice,  125,  n.  4;  — 
de  Montpellier,  80. 

Vendôme  soutire  des  guerres  ci- 
viles, 70,  n.  I. 

Venise.  Soieries,  125,  n.  4.  Verre- 
ries, 1.55,  150,  100-101.  Rivale 
malheureuse  de  -Marseille,  :519-:521. 
Ob.  laud.,  222,  :{14,  :!10. 

Vénitiens.  Voy.  Venise. 

Ventadour  Anne  de  Levis, 
duc  de;,  28. 

Verdun  (sieur  de),  président  au 
parlement,  os,  n.  I. 

Verges  Jean),  négociant  lyon- 
nais, :((i7. 

Vergy    (château   dei,  en    15our- 


INDEX  ANALYTIQUE. 


^25 


Vermandois.    Ses  échanges,    102; 

—    inaitro  (les  œuvres  de),  l!):i. 
Vernezon,  auton-:é  a  établir    des 

verreries,  lôC». 
Vernon    (gouverneur    de  .    Ses 

exactions,  KiC). 
Vèron,  chef  de  britrands.  :!.">.">. 
Verreries  et  cristalleries,  1.).') 

157  ;  —  à  la  fin  du  règne,  KiO-HlI. 
Verrier  ou  Vessier  (François  . 

tapissier  flamand,  li8,  n.  I. 
Verriers    font    œuvre    de    gentil 

homme,  252,  n.  3. 
Vervins  (traité  de).    II,  19,  24, 

2(;7,  2(;«. 
Vesle  (la).  Canalisation,  181.   Tra- 
vaux faits  à  son  occasion,  182,  18'.). 
Vézère  ila;,   rivière.  Projet  de  la 

rendre  navigable,  100. 
Vialle  (de   la),  manufacturier  en 

soies,  122. 
Vienne,  rivière.  Travaux  faits  à  son 

occasion,    182,     188.     Pont,     188. 

Rendue  navigable,  190.  Oh.  Icaid., 

189. 
Vienne  (douane  de\  :j:}7-:{38. 
Vierzon,  192,  n.  2. 
Vigiles  du  roi  Charles  VII,  (;:{. 
Vigne.  Soufrage.  Nuages  artificiels, 

38.  —  Voy.  Viticulture. 
Vignobles,  (i.). 

Vignon  iMarie),  femme   du   con- 
nétable de  Lesdiguières,  2ô(). 
Vilaine     (la)     rendue     navigable, 

194. 
Villefranche.  Taxe  perçue  par  le 

duc  de  Savoie  sur  les   vaisseaux 

qui  y  passent.  301. 
Villefranche- de  -  Lauraguais. 
"    2((;,  2)7. 

Villeneuve-de-Berg,  30,  37,  07. 
Villeroy  (ferme  de),  45,  n.  1. 
Villes.  Leur  renaissance,    101-102. 
Villes  jurées  ou  de  loi,  81. 
Vincennes    château  de  ,  I(i7. 


Vin.  Sa  grande  consommation,  07. 
.Article  d'exportation.  200;  —  d'An- 
jou, 08,  n.  3;  —  de  Bordeaux.  Son 
importation  en  Angleterre,  204  ;  — 
de  Bourgogne,  07,  200;  —  du 
Laonnais,  08,  n.  2;  —  de  l'Orléa- 
nais, 07  ;  —  de  Saintonge,  340  ;  — 
de  Vivarals.  07  ;  —  blanc,  07-08  ; 
—  rouge,  07. 

Virement  de  parties,  239. 

Vitaille,  Napolitain,  154,  n.  I. 

Viticulture,  00-08. 

Vitré  (marchands  de  ,  forment  une 
Compagnie  pour  le  commerce  des 
Indes  orientales,  278. 

Vitry  (Philippe  de),  Oo,  n.  4. 

Vivarais.  Vin,  07,  08.  06.  laud.,  14, 
108,  183,  337,  338. 

Vizille  (en  Dauphiné).  Fabrication 
des  faux,  158. 

Voies  de  communication  par 
terre,  104-105,  183-184.  Par  eau, 
105-167,  188-195,  347. 

Voiron-en-Dauphiné.  Fabrication 
des  faux,  158. 

Vorse  (la).  Péages,  100. 

Voyer  de  Paris,  170. 

Voyers  particuliers,  179. 

Wallons,  291. 

"Weymouth,  295. 

Win'wood,  ambassadeur  d'Angle- 
terre, 271. 

"Wolf  (Jean),  marchand  de  Rouen, 
139,  141. 

Yonne  (1'),  rivière.  Ponts,  185. 
Projet  de  jonction  avec  la  Saône, 
200-201.  Oh.  laud.,  209. 

Zamet,  33 't. 

Zélande  (province  de),  279. 
Zélandais,  291,  292.  n.  1. 
Zuniga    Balthazar  de),  ambas- 
sadeur d'Espagne  en  France. 


TAI?LK    DES  MATlh:RES 


A  VAM -PROPOS. 


CHAPITHE  I 
L'économie  rurale. 

Caractère    social    et    moral    de  ragricullure.   —  EH'ets   des  guerres 
civiles.  —  Résistance  spontanée  aux  désordres.  — Vitalité  du  pays. 

—  Mesures  protectrices.  —  Persistance  du  brigandage.  —  Port 
d'armes  et  droit  de  chasse.  —  Situation  obérée  du  cultivateur.  — 
Mesures  réparatrices.  —  Taille  et  gal)elle.  —  Commerce  desgrains. 

—  Dessèchements.  —  Forets.  —  Mines.  —  Olivier  de  Serres.  — 
Théâtre  d'agriculture.  —  Agriculture  et  noblesse  rurale.  —  Clergé. 

—  Petits  cultivateurs  :  le  servage.  —  Fermage  et  métayage.  —  Bail  à 
complant  et  bordelage.  —  Baux  à  longue  durée.  —  Communautés 
rurales.  —  Dualisme  de  la  souveraineté.  —  Vie  des  grands  proprié- 
taires. —  Rapports  entre  les  classes.  —  Ouvriers  agricoles.  —  Cul- 
tivateurs ai?és., —  Maison  du  paysan.  —  Mobilier  du  paysan.  — 
Nourriture  du  paysan.  —  Distractions  du  paysan.  —  Littérature 
du  paysan.  —    Rotation  des  cultures.  —  Céréales.  —  Viticulture. 

—  Cultures  diverses.  —  Pâturages.  —  Élevage.  —  Engrais.  — Con- 
clusion   

CHAPITRE   II 
L'économie  industrielle. 

Effets  des  guerres  civiles.    —  Abus  de  l'organisation  industrielle.  — 
Décadence  de  certaines  industries.—  Prospérité  de  certaines  autres. 

—  Renaissance  des  industries  textiles  —  Industries  nouvelles.  — 
Créations  doflices.  —  Créations  de  maîtrises.  —  Barthélémy  Lalle- 
nias.  —  Plan  de  Lallemas.  —Vœux  des  notables.  —  Éditd'avril  1M)7. 

—  Couunission  ducumnierce.  —  Artistes  privilégiés  du  Louvre.  — 
Projet  d'un  musée  industriel.  —  Importation  des  soies  et  soieries. 


TABLE  DES  MATIÈRES.  427 

—  Culture  (lu  niùner.  —  L'importation  des  soieries  interdite.  —  La 
Cueillette  de  la  soye.  —  Premiers  essais  de  sériciculture.  —La  séri- 
ciculture entreprise  en  grand.  —  L'entreprise  amoindrie.  —  Essais 
dus  à  l'initiative  privée.  —  Appel  au  clergé.  —  Industrie  de  la 
soierie.  —  La  sériciculture  à  la  fin  du  règne.  —  Causes  de  l'insuf- 
fisancedu  succès.  —  Fabriques  anciennes  et  nouvelles  de  soieries.  -• 
Fabrique  lyonnaise.  —  Industrie  de  la  draperie.  —  Industrie  de  la 
toile.  —  Industrie  des  futaines.  —  Industrie  des  bas  de  laine.  — 
Tapisserie  de  haute  lice.  —  Tapisserie  de  basse  lice.  —  Tapis 
d'Orient.  —  Cuirs  dorés  et  drapés.  —  Maroquins.  —  Verreries  et 
cristalleries.  —  Faïences  et  blanc  de  plomb.  —  Plomberie  et  faux. 

—  Conclusion 77 


CHAPITRE  III 
L'économie  commerciale. 

1°   LK   COMMERCK  INTÉRIEUR. 

Etlets  des  guerres  civiles.  —  Prorogation  des  échéances.  —  Remise 
des  intérêts.  —  Intérêt  légal  et  banqueroutes.  —  Cessions  de  biens. 

—  Validité  des  contrats.  —  Administration  des  ponts  et  chaussées. 

—  Travaux  des  ponts  et  chaussées.  —  Voies  de  communication  à  la 
fin  du  règne.  —  Ponts.  —  Voies  fluviales.  —  Projet  d'union  des 
deux  mers.  —  Canal  entre  la  Garonne  et  l'Aude.  —  Ligne  de  navi- 
gation intérieure  plus  étendue.  —  Canal  entre  Seine  et  Loire.  — 
Projets  d'autres  canaux.  —  Grandeur  de  l'œuvre  de  canalisation.  — 
Transports  publics  par  terre.  —  Transports  publics  par  eau.  —  Lé- 
gislation spéciale    aux  commerçants.  —   Juridictions  consulaires. 

—  Modifications  du  régime  comparatif.  —  Merciers.   —  Fripiers. 

—  Marchands  et  artisans  suivant  la  cour.  —  Livres  de  commerce. 

—  Comptabilité  en  partie  double.  —  Commis  et  apprentis. —  Fac- 
teurs. —  Commissionnaires  et  courtiers.  —  Boutiques  et  gi'oupe- 
ment  des  commerçants.  —  Enseignes.  —  Marchés  usuraires  et 
banques  publiques.  —  Lettre  de  change.  —  Lettres  de  change  sur 
les  foires  de  Lyon.  —  Foires.  —  Sociétés  commerciales.  —  Physio- 
nomie morale  des  artisans  et  commerçants I(;.3 

CHAPITRE   IV 
L'économie  commerciale. 

2°    LE    COMMERCE    EXTÉRIEUR. 

Exportations.  —  Importations.  —  Entreprises  coloniales.  —  Com- 
merce de  commission.  —  Commissions  pour  le  compte  des  étran- 
gers. —  Commissionnaires  étrangers.  —  Courtiers  et  commerce  de 
transport.  —  Marine  marchande.  —  Amirautés.  —  Marine  militaire. 


428  TABLE  DES  MATIÈRES. 

—  Piraterie.  —  Traité  du  '2't  février  KIOC).  —  Coauiierce  de  transport 
au  Levant.  —  Capitulation  du  'iO  mai  IdOi.  —  Commerce  de  Marseille. 

—  Conclusion 


CIlAl'lTlil':  V 
Conclusion. 

Les  guerres  civiles  et  la  noblesse.  —  Les  guerres  civiles,  le  clergé  et 
le  tiers  état.  —  Fonctionnaires  et  gens  d'affaires.  —  Gens  de  palais 
et  de  finance.  —  Régime  fiscal.  —  Impôts  directs  et  douanes.  — 
Douane  de  Vienne.  —  Douane  de  Lyon.  —  Douanes  intérieures.  — 
—  Douanes.  —  Impôts  indirects.  —  Fiscalité.  —  OEuvre  agricole 
de  Henri  IV.  —  Œuvre  industrielle  et  commerciale  de  Henri  IV.  — 
Portrait  de  Henri  IV.  —  Valeur  de  Sullj'.  —  Olivier  de  Serres  et 
Laflemas.  —  Concours  du  pays  à  la  renaissance  économique.  — 
Situation  économique  en  IfilO.  —  Situation  monétaire.  —  Taux  de 
l'intérêt.  —  Régime  hypothécaire.  —  Valeur  des  offices.  —  Baisse 
des  prix.  —  Étalon  de  la  valeur.  —  Conclusion -Vl' 

Appendice :iC7 

Index  analytique "ii);} 

Tabi-e  des  matiéhes 426 


e;til-97.  —  CoRBRii..  Imprimerie  Éd.  Cbét*. 


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