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(iUSTAVE FAGNIEZ
L'ÉCONOMIE SOCIALE
DE
LA FRANCE SOUS HENRI IV
lo89-1610
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C
79, BOULEVAiU) SAINT-GERMAIN. 70
1897
Tous droits réservi^s.
L'ÉCONOMIE SOCIALE
DE
LÀ FRANCE SOUS HENRI IV
IMI'KIMKIUE KD. CHKTE.
CxUSTAVE FAGNIEZ
L'ÉCONOMIE SOCIALE
DE
LA FRANCE SOUS HENRI IV
1589-1610
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET G"=
'9, BOULEVARD SAINf-GEBMAIN, 79
1897
Tous droits réservés.
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ADEMPTiE ET PRiËSENTI
L'ÉCONOMIE SOCIALE DE LA FRANCE
SOUS HENRI IV
AVANT PROPOS
Si un esprit curieux des lois de l'évolution sociale voulait
se rendre compte de la manière dont un peuple peut se
relever de la décadence, dans quelle mesure ses propres
forces y suffisent et dans quelle mesure il a besoin pour
cela de son gouvernement, l'histoire lui offrirait peu de
périodes aussi propres à l'éclairer que le règne de Henri IV,
partagé presque également, comme il le fut, entre une
anarchie dissolvante et une féconde activité. Si celui
qu'intéresserait un tel problème en cherchait la solution
dans les historiens de ce prince, il constaterait que le déve-
loppement économique de notre pays n'occupe, dans les
excellents ouvrages dont son époque a été l'objet, qu'une
place accessoire, qu'aucun ouvrage spécial ne lui a été
consacré. 11 en souhaiterait un qui, avec autant de précision
que possible, décrirait la désorganisation sociale au
moment où Henri IV hérita d'un droit contesté et d'une
autorité en partie nominale, et pendant les années qui
suivirent, déterminerait l'esprit et l'efficacité des mesures
destinées à remédier à cette désorganisation, ferait assister
au progrès de la pacification, de la sécurité, du travail et de
la richesse et marquerait le point où en était arrivée, dans
1
2 AVANT- PROPOS.
le [)remienjiiarl du x.vii'' siècle, une prospérité toute récente.
C'est là le livre que nous avons voulu écrire et, en môme
temps que le sujet, nous venons d'en indiquer le plan. Si,
dans ce plan, la production occupe une place prépondé-
rante, on reconnaîtra avec un peu d'attention que celte
place n'est pas exclusive et que, tout en n'ayant pas obtenu,
comme le demande leur importance, un ou plusieurs cha-
pilres à part, tout en étant comme dispersées d'une façon
fragmentaire dans le corps de l'ouvrage, la circulation et
la distribution de la richesse n'ont pas été oubliées. Les
cadres consacrés de l'économie politique ne peuvent être
appliqués aux travaux historiques qu'autant que les docu-
ments permettent de les remplir. Or les documents
les plus précieux pour l'histoire de l'économie sociale,
c'est-à-dire les documents privés, actes notariés, corres-
pondances commerciales, livres de commerce, etc., sont
précisément ceux qui, ayant été conservés avec le moins
de soin. sont devenus les plus rares ou les moins accessibles^
Le public ne nous en voudra pas, nous l'espérons, d'avoir
devancé, en écrivant cet ouvrage, le moment, si jamais il
doit se présenter, où des matériaux de ce genre sortiront de
l'ombre en assez grande quantité pour permettre de mieux
approfondir, de mieux justilier ou môme de rectifier les
traits sous lesquels nous avons présenté l'évolution éco-
nomique de la France à la fin du xvi^ et au commencement
du xvh" siècle.
1 . C'est dans celte dernière catégorie, plus encore que dans la première,
qu'il faut ranger les minutes de notaires. L'tiistoire de la propriété fon-
cière est là et aussi en partie celle de la propriété mobilière, et rien ne
peut suppléer à ces titres qui constituent les archives de la fortune privée.
Aussi faut-il vivement regretter, pour le progrès des sciences sociales et
historiques, que les anciennes minutes ne soient versées que tout à fait
exceptionnellement dans les dépôts publics et aussi que ceux qui ont pu
les consulter dans les études aient porté trop exclusivement leur attention
sur les renseigneu)fnts biographiques qu'ils contiennent.
GUAPITRE I
LÉCONOMIE RURALE
De toutes les applications de l'activité humaine, l'agri-
culture est celle qui se lie le plus intimement à la consti-
tution de la société, de la propriété, de la famille. Suivant
que la société est aristocratique ou démocratique, suivant
que la propriété est collective ou individuelle, suivant la
part que l'organisation de la famille fait à l'autorité pater-
nelle et aux droits des enfants, l'exploitation du sol sera
extensive ou intensive, aux mains d'une' minorité ou d'un
grand nombre de propriétaires, pastorale ou agricole. En
même temps qu'elle est l'image des institutions sociales,
l'agriculture est soumise aux lois régulières de la nature,
toujours immuable en ses variations; elle reproduit dans
ses travaux la périodicité des saisons qui les règlent; elle
berce ceux qui s'y livrent au mouvement monotone de ses
opérations ; elle donne à leur vie la permanence des habi-
tudes, à leur esprit une quiétude qui va parfois jusqu'à
l'apathie et à la routine. Delà les deux aspects sous lesquels
l'économie rurale se présente à nous : elle va se dessiner
à nos yeux telle que la nature et la société réunies l'ont
faite.
La multiplicité et la portée des questions soulevées par
ce sujet n'en sont pas les seules difficultés. Les circonstances
historiques dans lesquelles ces questions s'offrent à nous
ajoutent à leur étude une difficulté de plus. Le pays que
4 Kl'l'KTS DRS GUERRES CIVILES.
Henri IV se trouva brusquement appelé à gouverner
n'était pas dans des conditions normales; c'était un pays
malade, malade à la fois d'une maladie aiguë et de con-
somption. Les lois de l'éconoiuit' rurale, comme de l'éco-
nomie sociale en général, on subissaient un trouble profond.
Au moment oii Henri IV moulait sur le trône, il y avait
onze ans qu'il en était ainsi, et cela devait durer encore près
de neuf ans après son avènement. Le plan du chapitre qu'on
va lire a été tracé par ces circonstances exceptionnelles. ]l
s'ouvrira par un tableau raccourci de la situation où ces
vingt ans de guerre civile et étrangère avaient réduit l'agri-
culture et les classes agricoles. Les mesures réparatrices
adoptées par Henri IV sont inséparables de ce tableau,
elles le suivront immédiatement ou plutôt elles s'y mêle-
ront. Enfin nous chercherons à déterminer l'elTet de ces
mesures et à montrer l'état où la mort de ce prince laissa
l'agriculture et les classes qui s'y consacrent.
En disant qu'à l'avènement de Henri 1 V la France avait
été, pendant onze ans, en proie à la guerre civile,
nous avons résumé, sous une forme abstraite, un ensemble
de souffrances que ceux-là seuls pourront se représenter
qui connaissent le xvi' siècle, ses fureurs religieuses, son
insouciance de la vie humaine, ses âpres convoitises, ses
voluptés mêlées de sang où l'Italie mettait sa corruption et
la féodalité renaissante sa brutalité. Nous ne pouvons
pourtant laisser tout à faire à l'imagination de nos lecteurs
et nous devons placer sous leurs yeux quelques traits de la
déplorable condition faite à l'agriculture et aux cultivateurs.
L'indication chronologique que nous venons de donner est,
d'ailleurs, au-dessous de la réalité, car, en dehors des
onze années de guerre intestine déclarée (ju'on compte
depuis le massacre de Yassy (1"' mars 1562) jusqu'à la
mort de Henri HI (2 août l;>80), les habitants dos cam-
El^FETS DES GUERRES CIVILES. 5
pagnes avaient été loin do jouir de la sécurité nécessaire à
leurs travaux. On sait que ni les trêves ni même les traités
de paix n'interrompaient pas toujours ni sur tous les poinis
les hostilités*. Les troupes ne recevaient pas leur solde et
ne se procuraient des vivres qu'à l'aide de réquisitions.
Elles frappaient les campagnes de contributions et enle-
vaient le bétail ou s'emparaient de la personne des récal-
citrants. Leur marche répandait la terreur dans la popu-
lation civile. Le son lointain des tambours, la poussière
soulevée à l'horizon par les argoulets galopant dans la
plaine, étaient pour les paysans le signal de la fuite ^ C'était
alors, chez tous ces pauvres gens, une panique, une agi-
tation, une cohue, dont un auteur contemporain, qui parle
évidemment ici en témoin oculaire, nous a transmis la
description tragi-comique : on clôturait portes et fenêtres
comme si les maraudeurs pouvaient être arrêtés par ce vain
obstacle, '^.a chassait le bétail devant soi, on emportait ses
éconor .les, on se chargeait, on chargeait les bêtes de somme
des ustensiles les plus indispensables, on détachait de la
cheminée les salaisons qui, dans la vie errante oii l'on
entrait, devaient empêcher de mourir de faim, on se
sauvait dans le bois le plus voisin, on s'entassait dans les
églises '\
Aux états de Blois en 1588, les trois ordres avaient pro-
posé des moyens de remédier au fléau des troupes en marche.
Le clergé et la noblesse avaient exprimé le vœu que l'iti-
néraire, les étapes fussent fixées par un commissaire qui les
accompagnerait; le tiers état avait demandé que la popu-
lation civile fût autorisée à courir sus aux pillards et que
1. Relation de Cavalli, 157 i, clans la Coll. Alberi. Palma Cayet, Clirono-
loffie novetuiaire, Introd. 18. Lettre du roi de Navarre, 8 novembre 1580.
Lettres miss., I, 326-3',i7.
2. Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques: Misères, éd. Lalanne, I, 38-39.
3. NoEL DU Fail, Baliverneries, I, 179, éd. Assezat. Du Chatelif.r, L'agri-
culture et les classes agricoles en Bretagne, 147.
6 EFFETS. DES GUERRES CIVILES.
les soldais ne pussent venilro aux receleurs (]ui suivaient
l'arméo le fruit de leur jtillage *.
A ccMé des troupes enrùlées dans un parti et qui, tout en
confondant trop souvent amis et ennemis, obéissaient cepen-
dant à une certaine discipline, il y avait des bandes qui
n'étaient reconnues ni par la Ligue ni par le roi et qui s'étaient
formées dans le seul but d'exercer le brigandage. Ramassis
de soldais licenciés, elles continuaient en temps de paix à
dévaliser et à torturer le « bonhomme » sans pouvoir pré-
texter les nécessités de la guerre, l'intérêt d'une cause géné-
rale. Serrées de près par les prévôts des maréchaux, placées
peut-être entre une expiation prochaine et une dernière
débauche de cupidité et de cruauté, elles cherchaient un
spectacle dans les souiïrances de leurs victimes, liaient
les pavsans et les prêtres sur un banc, et leur faisaient
racheter aux enchères leurs lettres de prêtrise ou la con-
servation diin membre qui était mutilé si le patient ne
couvrait pas ces enchères^ Elles avaient mille inventions
pour lui faire déclarer la cachette où il avait enfoui ses écono-
mies : on lui serrait la tête avec une corde, on le pendait
par les aisselles ou les doigts, on lui brûlait les pieds avec
une pelle rougio au feu, on renfermait dans un four, on lui
faisait prendre une immersion prolongée, on le tenaillait,
on le rôtissait comme un chapon, on lui donnait les étri-
vières,on le salait, on le faisait jeûner, on le crucifiait, on
le faisait enller jusqu'à ce qu'il crevât, on lui perçait les
lèvres, on le bernai t\
Rien ne serait plus facile que de multiplier ces scènes
d'horreur qui, dans des circonstances analogues, se sont
toujours reproduites dans notre histoire. Nous aimons
1. Picot, Hisl. ds étals génér,, III, 2li.
2. Noël ui Faii,, Haliverneries, 1, 171)- 180.
:}. Satire Ménippée, éd. Labitte, 11.^. Aniupp.v d'Albionk, Les Trai/iqties :
Misère::, 41-47. Heldlion des troubles... dans la ville de Rouen, p. |t.
l'idTiF.ii. Mémoires de Jean liurel. p. p. Ciiassai.nc, année lj!).3, p. 357.
MESURES PROTECTRICES. 7
mieux empruntur à deux relations v«'MiitieniiGS, l'une écrite
en 1574, l'autre en 1582, un coup d'œil d'ensemble sur
l'étal du pays : « Partout des ruines, écrit Cavalli ; le bétail
est, en ^rande partie, détruit, de sorte qu'on ne peut plus
labourer et qu'une grande partie dos champs reste en
friche. Beaucoup de paysans ont abandonné leurs maisons
La population n'est plus, comme autrefois, probe et civile;
la misère, la vue du sang% la guerre l'ont rendue rusée,
grossière et sauvage'. » Priuli nous apprend dans quelle
classe se recrutaient particulièrement ceux qui vivaient de
brigandage et pourquoi ils se recrutaient dans cette classe.
C'était, pour la plupart, des gentilshommes pauvres, comme
il y en avait beaucoup alors, des cadets de famille qui,
privés de la plus grande partie de l'héritage paternel et
n'ayant pas le moyen de s'en! retenir dans l'armée régulière
qui ne touchait pas sa solde, ayant d'ailleurs contracté dans
la guerre civile Ihabitude d'une vie aventureuse « allaient
à la désespérade- » et se mettaient à vivre de ^apines^
Lorsqu'il n'était encore que roi de Navarre, Henri avait
déjà cherché à épargner à la population, autant que le per-
mettaient les intérêts de sa cause et de son armée, les maux
de la guerre. En 1577 il entreprit de débarrasser le plat
pays de Périgord des forts et des bicoques d'oii se répandait
le pillage et où il trouvait une retraite'. Le 15 mai 1580,
il ordonnait au commandant de Panisseau ^ de faire mettre
en liberté des paysans que des soldats de la garnison
avaient pris pour les rançonner. H lui rappelait que les
ordonnances militaires garantissaient la liberté et la sécu-
rité aux paysans qui ne pactisaient pas avec l'ennemie
1. Relation de Cavalli (1574) dans Alberi, série I, vol. 14.
2. Expression de La Noue, dans Discouva poliliques. Discours IV.
:). Relation de Priali (158-2). p. 41-î.
4. Lettres miss., I, 145.
5. Dordogne.
Cf. Lettres miss. Siippl.. Vlll, I8J.
s Kri'KTS ItlîS til'KIUŒS CIVILES.
Eii l.")8:i il fuisail forcer et tiicr les capitaines liiigiicnols
La Fite, de Varies, La Casse, et d'autres qui s'étaient tisso-
ciés et fortifiés dans le château de La Fite pour se livrer au
brigandage'. En iTiSS, il exprimait l'intention de faire
dorénavant loger ses gardes dans les villes où il se trouvait
et non dans les villages des environs « pour éviter la fonle
et plainte du peuple- ». Le 29 août 1584, il recommandait
au gouverneur de ]Montréal (Aude) d'empêcher le renou-
vellement des courses que sa garnison avait poussées jusqu'à
Limoux^.
On trouve partout de pareilles préoccupations et ce n'est
pas chez Henri IV qu'on s'étonnera de les trouver. La pitié
n'était pas inconnue au xvi" siècle, mais ce qu'on ne con-
naissait pas, ce qu'on devait ignorer jusqu'à Louvois, c'est
l'art de faire vivre et mouvoir au sein de lapopulation civile,
sans de trop vives souffrances, des troupes régulières.
Comment ces soulTrances auraient-elles pu lui être évitées
dans un temps oii elle avait affaire non seulement à des
troupes régulières, mais à des bandes sans aveu? On peut
donc affirmer que les bonnes intentions du roi de Navarre
restèrent à peu près stériles.
Les conséquences habituelles d'un pareil état de choses
ne manquèrent pas de se produire : abandon de la culture
sur beaucoup de points, dépopulation des campagnes,
disettes, maladies épidémiques, jacqueries nées du déses-
poir, du dégoût du travail, du goût du pillage contracté par
les victimes à l'école des bourreaux. Le « bonhomme »
devenait féroce à son tour; sous les noms de Gantiers, de
Croquants, de Châieai(ve?'(ls, des bandes peu aguerries
faisaient trembler pourtant et ses égaux et ses maîtres.
Dans ce tableau si sombre la vérité pourtant oblige à
I . Lrllres miss., I, i'!(.
'-». l/jtd., I, j()7.
:t. Ibiil., (•,:;».
RÉSISTANCE SPONTANÉE AUX DÉSORDRES. 9
jeter quelques demi-teintes, quelques échiircies. Quand
l'anarchie dure, les sociétés s'arrangent pour s'en accom-
moder, pour composer avec elle. La France surtout, si faci-
lement inquiète quand elle est heureuse et prospère, si
susceptible et si exigeante pour ses bons gouvernements,
possède à l'égard des mauvais ou, de ce qui est pire, à
l'égard du désordre social, surtout quand il ilatte en elle
certaines passions, une patience et une fécondité de res-
sources qu'on ne peut s'empêcher d'admirer tout en les
trouvant excessives. En ce temps -là aussi, on croyait
souffrir pour de grandes causes, pour l'orthodoxie ou pour
la réforme évangélique et, en même temps qu'on en était
lier, on s'ingéniait pour se dispenser de faire à l'une ou à
l'autre les derniers sacrifices. Beaucoup de grands pro-
priétaires, grâce à une prudente neutralité, en obtenant des
sauvegardes, en imposant le respect par l'armement de
leurs tenanciers, en concluant des ligues d'assurance mu-
tuelle avec leurs voisins, avaient réussi à soustraire leurs
domaines aux déprédations'. Les paysans eux-mêmes
n'avaient pas opposé partout que l'apathie et la résignation
aux maux dont ils étaient victimes. Ils avaient formé, pour
se protéger, des associations secrètes qui s'étendaient
parfois sur plusieurs provinces; forts de leur solidarité,
1. « ...Quant à la noblesseque j'ai réduite à douze cents chefs de maison,
il y en a huit cents lesquels ne se meuvent ni pour le bon ni pour le mauvais
parti, mais les uns s'accommodent aux deux, les plus ménagers ; les autres,
plus casaniers que guerriers, en attendant le vent, demeurent dans leurs
maisons. » Mémoire écrit pour Henri IV, par Jean de Vernyes sur l'Au-
vergne (l.')80). Annales scientifiques, littéraires et industrielles de l'Auvergne,
XI. » ... Nul ue'couroit sur les gentilshommes ni à leurs granges et, si ils
ne se déclaroient de tenir ni pour un parti ni d'autre, mais teuiporisoieut,
attendant quel jeu jouer... » Mémoires d'Eust. Piêmovd, notaire royal del-
phinal de Saint-Antoine-cn-Dauphiné (15T2-1C08) p. p. Bru.\-Durano,
année Ij88, p. 237. »... H n'y avoit que les grangers des gentilshommes et
gens de guerre, qui étoicnt libres de leur bétail et de leur labourage,
même la guerre ne se faisoit que aux marchaus et povres laboureurs
dénués d'amis. .. Ihid., année KiOO, p. 2U7. Voy. aussi p. TM, n. I et préface
de l'éditeur, p. xxvn.
10 MTALlïl-: DU PAYS.
organisés et armés, ils couraient sus aux pillards et osaient
même les attaquer clans les châteaux qui leur servaient de
repaires. Le Daupliiné. par exemple, cul sa Lif/no de Mon-
télinmrt, sa. Lit/Kc des ]'ili(U/is. A l'idée de se défendre vint
se mêler, par une suite naturelle, l'idée de représailles, de
revendications sociales. Entre ces associations, il y en eut
qui finirent par se mellrc au service d'un des partis, d'autres
par imiter les excès qu'elles avaient pour but de réprimer'.
Parmi les traits les plus consolants de cette triste époque,
il faut compter le labeur patient, persévérant, acharné des
petits cultivateurs. Les bandes une foiséloigin-es, le paysan
sortait furtivement des bois, rentrait dans son village envahi
par les loups et les renards, s'attelait, faute de bétail, à la
charrue et semait à la hâte '-. Le calme durait-il, il rem-
plaçait ce qui lui avait été pris, ce qu'il n'avait pu emmener
ou emporter, et recommençait à cultiver avec une ardeur
nouvelle le lopin déterre héréditaire^. Parfois d'ailleurs sa
pauvreté le sauvait : le sac des villes, qui était alors permis
par les lois de la guerre, tentait bien plus le soldat que le pil-
lage peu profitable des villages. Grâce au désordre du temps,
la taille ne venait plus atteindre le petit cultivateur avec la
même exactitude et la même rigueur que dans les temps
réguliers. Enfin toutes les provinces n'avaient pas été
éprouvées par la guerre civile et le brigandage. Dans sa
relation de 1572, Giovanni Michieli constate que si, dans
les provinces que la guerre a désolées, surtout sur le
chemin de Lyon à Paris qu'il avait suivi, beaucoup dédi-
1. Voy. uiènie prcf. p. xii, xx, xxii, et Roman, La r/uerre des pai/saiisen
Dauphiné (1579-1080) dans BuLlelin de, la Société déparlementate d'archéo-
logie el de statistique de la Drôme, XI (1877), p. 22, I i9.
2. Albio.nk, Traijiques: Misères, I, p. 41-42.
3. Carew reconnaît la supériorité du paysan français sur le paysan an-
frlais connue sobriété et puissance de travail. A retalion of llie sinle of
France... hij sir <ieorf/e Carew upon liis returii f'rom liis einijassf/ in IGO'J
dans nn<cii, An historical View of llic négociations fielaecn t/ie courts o/
b'nffland, France and llrussels... London, 17i'i. p. 'S^d.
MESURES PROTECTRICES. il
fices ont été totalement on partiellement détruits, si les
églises ont particulièrement souiïert — ce qui s'explique et
par le fanatisme protestant et par la transformation des
édifices religieux en forteresses — le sol n'a pas cessé d'être
cultivé*. Les ressources naturelles de la France, dit Priuli
dans la relation de 1582 que nous citions tout à l'heure,
n'ont jamais mieux apparu que dans la guerre civile. Elle
n'y a pas produit les conséquences qu'elle produit ailleurs.
Pas un coin du pays n'est resté désert ni inculte une seule
année. Les armées ont eu beau ruiner les régions qu'elles
traversaient, celles qui leur succédaient ont toujours trouvé
de quoi vivre. Le royaume a pu payer au roi plus de
\ 0 millions d'écus {94 381 732 fr. 62)' par an, sans parler de
l'argent levé par les gouverneurs pour les dépenses locales,
ni des sommes beaucoup plus considérables extorquées par
les soldais à l'aide de mille moyens invraisemblables. La
France comptait encore plus de seize millions d'habitants ^
Nous avons tenu à reproduire cet hommage désintéressé
à la vitalité de notre pays. 11 ne dément pas ce que nous
avons dit do la multiplicité des terres en friche, mais il
permet d'affirmer que la plupart des petits cultivateurs ne
se laissaient généralement pas décourager par l'inanité trop
fréquente de leurs efforts, que le travail ne desespérait
généralement pas de reconstituer le modeste capital foncier
que la guerre civile ne se lassait guère non plus de détruire.
L'avènement de Henri IV ne procura pas à l'agriculture
plus de sécurité. La guerre civile et étrangère dura, nous
l'avons dit, neuf ans encore ; toutefois, si le pays ne fut
entièrement pacifié que par la soumission du duc de Mer-
cœur et le traité de Vervins (mars et mai 1598), dès 1595
1. Albehi, IV, 288.
2. Cette évaluation et les suivante?, euipruulces aux tablcau.x de M. N. Je
Wailly, ne donnent que la valeur intrinsèque.
3. Àlberi, IV, iOD.
12 MESURES PROTECTRICES.
les deux tiers ' ou môme plus des trois quarts" do la France
reconnaissaient lautoritù royale. Or, à peine celte autorité
élail-elle rétablie dans une province qu'elle s'appliquait à
la puri;er du briganda^^c. Après la réductiou de la Nor-
mandie en do94, les prévôts des maréchaux battirent le
pays avec de la cavalerie et pourchassèrent dans leurs
retraites les voleurs qui l'infestaient ^ Devenu, à la suite
du couibat de Fontaine-Française, maître de la Bourgogne,
le roi aiïranchit les campagnes des exactions et des violen-
ces que leur faisaient également subir royaux et ligueurs*.
Dès le mois de novembre i.">90, il avait pris des mesures
pour faire observer la discipline par son armée et pour pro-
téger contre les excès de ses soldats la population agricole,
les églises et le clergé. Un règlement militaire adopté le
3 novembre au camp d'Kcouis (Eure) défendit aux chefs et
aux soldais d'abandonner les quartiers à eux assignés par
les maréchaux de camp et des logis et de maltraiter les
habitants chez qui ils étaient logés ; il mettait en même
temps sous la sauvegarde royale les paysans et leur bétail,
limitait à vingt-quatre heures le sac des villes prises,
réservait à l'armée le blé et le vin qui s'y trouveraient. On
sait qu'à cette époque les armées étaient suivies d'une foule
de non combattants qui contribuaient pour nne largo part
à l'indiscipline. Cette queue de pillards, de goujats, de
receleurs que chaque armée traînait après elle, fut obligée
d'entrer dans les cadres. Pour prix de ces mesures protec-
1. PoiRSON, Histoire de Henri /l', II, 17;î.
2. Jhid., 192.
3. « Sur ce que les habitants de la ville et pl.it pays du bailliage de Gisois
fint remontré qu'à l'occasion de la licence que le long cours des troubles a
introduite en ce royaume et l'impunité des crimes qui se commettent, il
se trouve en tous les endroits du pays de N'oruiandie, encore qu'il soit,
réduit à l'obéissnnce de S. M., un si grand nombre de gens de guerre et
autres sans adveu voleurs et brigans qu'il est impossible aux liabitans
dudit pays de traficquer... » Arrêt du Conseil du 24 novembre Ib'Ji.
l'y. ISI-Jî). f" i(i2. P.M.MA CAYEr,J78, :> juin lô'JÔ.
». Puiiiso.v, II, G'J.
MESURES PROTECTRICES. là
trices, le roi exigea que les paysans ne portassent pas de
vivres dans les villes rebelles'. L'édit rendu au siège
de Chartres le 7 mars 1591 visait au même but par des
mesures plus générales. Cet édit défendit, sous peine de
mort, d'enrôler des troupes sans le commandement du roi,
de construire ou d'occuper des forteresses et de forcer les
paysans à y travailler, de lever des contributions en argent
ou en nature, de saisir le bétail et les instruments ara-
toires, de rançonner les paysans, les prêtres, les religieux,
sauf dans le cas où ils prendraient les armes contre le roi
ou fourniraient des vivres à l'ennemi, de faire payer une
rançon aux prisonniers avant que les gouverneurs de pro-
vinces et les officiers supérieurs de l'armée eussent décidé
s'ils avaient été pris en vertu du droit de la guerre, de se
saisir, sous aucun prétexte, des femmes et des enfants, de
piller, de son autorité privée, les biens de l'ennemi-. Le
cri des populations aux abois arrachait souvent aux belli-
gérants des trêves particulières, de province à province, de
diocèse à diocèse, car, dans cette guerre née et alimentée
de passions fédéralistes, chaque région, chaque chef se
battait et traitait un peu pour son compte. Le premier
objet de ces trêves était de rendre à la population civile la
sécurité et de sauvegarder les moyens d'existence qui lui
restaient encore. A Annonay, en 1574, les sectateurs des
deux religions se garantissaient réciproquement la tolé-
rance et la sûreté ; une trêve stipulait que les portes, fermées
aux étrangers, s'ouvriraient au commerce, et que la popu-
lation de la campagne environnante ne serait pas troublée ^
En 1592 l'échevinage d'Amiens proposait à celui d'Abbe-
ville un projet d'accord destiné à soustraire l'agriculture et
1. Arrêtés du Roy publiés en ses camps et armées pour la sûreté des
laboureurs. Chàlons, 1591.
2. Thuani llisloria, V, fil.
;!. Mémoires de Garnon. Coll. Michaud, 1, viii, Cifi, 618.
I* MESURES PROTECTRICES.
le commerce aux ravages de lai;iierrc'. En décembre lo9G,
la ville et le diocèse de ISarbonne faisaient une Irève avec
les diocèses de Saint-Pons et de Béziers dans lintérôt du
labourage'-. Dans celles entre Montmorency et Nemours
pour le Vivarais, d'une pari, le Lyonnais, le Beaujolais et
le Forez, de l'autre, dans celle entre le roi et Mayenne, les
intérêts de l'agriculture sont stipulés, comme ceux du
commerce. L'article 4 de la trêve signée à La Villette le
31 juillet 1593 est ainsi conçu : « Les laboureurs pourront,
en toute liberté, faire leurs labourages, cliarrois et œuvres
accoutumées, sans qu'ils y puissent être empêchés ou
molestés en quelque façon que ce soit, sur peine de la
vie... ». L'article 13 règle que « tous gens de guerre, d'une
part et d'autre, seront mis en garnison, sans qu'il leur soit
permis de tenir les cbumps à la foule du peuple et ruine du
plat pays ». L'article IG charge les prévôts des maréchaux
de faire la police de la campagne'^ Un traité particulier"
appliqua expressément aux vendanges des environs de
Paris la liberté accordée par la trêve de La Villette aux
travaux agricoles; comme la trêve de La Villette, il était
le fruit de la lassitude des combattants, du désir de
ménager Paris où l'opinion était de plus en plus favorable
à la paix et où le roi ne devait pas tarder à entrer. Les
articles 4 et IG de cette trêve furent également reproduits
dans celle qui fut conclue à Lyon le 23 septembre lo9^^
De la part de Henri IV ces stipulations étaient sincères,
elles l'étaient moins de la part des chefs de la Ligue, et on
peut croire, sans leur faire injure, qu'ils en tenaient peu
1. Monuments inédits de l'histoire du tiers élal, II, 1028, dans les Documents
inédits.
2. Délibérations du conseil de la commune de Carcassonne, 20déc. 159G.
Mém. de la Société des arts et sciences de Carcassonne, II, 1856.
3. Palva Cayet, Ckr. noven., 498-500.
4. Triité particulier pour les vendanges des environs de Paris, 2 oc-
tobre 1593. Paris, chez Fréd. Morel.
5. l'A r. M a Caykt, Ofi. laud., C80.
PERSISTANCE DU BRIGANDAGE. i:i
de compte, car le principal motif qui les retenait dans
l'Union était d'exploiter le plus possible leurs gouver-
nements et leurs charges jusqu'au moment où ils se ver-
raient obligés de faire leur soumission. Les paroles que les
auteurs de la Satire Ménipj)ée mettent dans la bouche du
sieur de Rieux ^ orateur de la noblesse aux états généraux
de 1593, ne calomnient pas cette noblesse guisarde et
peignent fidèlement, au contraire, les intérêts qui l'atta-
chaient à la Ligue : « Cependant je courrerai la vache et
lemananttant que je pourrai, et n'y aura paysan, laboureur
ni marchand autour de moi à dix lieues à la ronde qui ne
passe par mes mains et qui ne me paye taille ou rançon-. »
Si l'on compare les aveux du sieur de Rieux à ce que les
registres des états de Rretagne et les travaux d'histoire
locale nous apprennent des crimes commis dans cette pro-
vince, dans l'Anjou, le Poitou et ailleurs, par les Eder
de Fontenelle ^, les Kerhanland, les Anne de Sanzay, les
La Magnane, les Langoiran, les Duplessis de Come, les
La Motte Serrant, les deux frères Saint-Offange, on voit que
les auteurs de la Satire Ménippée n'ont rien exagéré. On
frissonne encore dans les veillées de Bretagne en écoutant
les chants populaires qui racontent les crimes et le châti-
ments d'Eder de Fontenelle roué le 27 septembre 1602 et
nous émeuvent sur les victimes d'une femme, Margue-
rite Charles et des Rannou, ses lieutenants qui, postés à la
tête d'une bande de voleurs, à Saint-Michel-en-Grève,
entre Lannion et Plestin, détroussaient et assassinaient les
voyageurs *.
1. M. Prioux a essayé de réhabiliter ce personnage.
2. Satire Ménippée, 115.
3. Fontenelle a trouvé aussi des défenseurs. Voy. Geslin et Barthéle>iy,
Anci€7is évéchés de Bretar/ne et Duseigneur, dans Bulletin de la Société aca-
démique de Brest, IV, 18G4-G5, p. 242.
4. Chants populaires de la Basse-Bretagne, p. p. Luzel, II. — Duouyn-,
Essai hist. sur VEntre-deux Mers. Actes de l'Académie... de Bordeaux,
XXXII, 1870, p. 377.
16 PERSISTANCE nr ItHKiANDAGE.
11 faut ajouter que ce n'est qu'en 1*108 quEder de Fonto-
nelle, Duplessis de Corne, Saint-Olïangc firent leur sou-
mission (encore venons-nous de \o\v (|ue le |>reniier resta
incorrigible), que la paciiii:ation delà Bretagne ne mit pas
complètement lin au brigandage et à la terreur qui y
avaient régné du commencement de 1593 à la fin de 1597,
que le légendaire capitaine Guillery, établi avec une bande
de quatre cents bommes dans la fonH de Macbecoul, con-
tinua à voler sur les grands chemins, à forcer les maisons
de campagne, à rendre le commerce impossible dans un
rayon de trente à quarante lieues et n'expia ses crimes sur
la roue qu'en 1008'. A la même date la Bourgogne était
encore frappée de contributions par d'anciens capitaines
ligueurs, parcourue par des bandes d'anciens soldats de
l'Union qui trouvaient dans les châteaux de Talan, de Vergy,
de rsoyers un refuge assuré^. Les détrousseurs de passants
et de maisons que nous venons de nommer eurent de nom-
breux émules et de nombreux successeurs. Leurs exploits,
oïl la générosité et 1 héroïsme venaient parfois se mêler au
brigandage, se sont emparés de l'imagination populaire et
ont donné à la littérature française un type dont le succès
n'est peut-être pas encore épuisé ^.
1. PiEHRE DE Lestoile, Rcq. joumal de Henri IV, éd. Jouaust, 47.'i. Ilis/..
vcriiHque des r/rondes et eTécrahles voleries et stibliUlrs de liiiillrrj/, p. p.
B.FiLLON, 1848, ia-8. — La Prise et défaite du capitaine Guillery, in-8. IGOi).
Uéimprinit' dans Var. hist. et littéraires, 1, 289. Ilepmclies du capitaine
Guillery, iltid., WU. — Levot, Les frères Guillery ou deux routiers bretons,
dans bulletin de la Société académique de Brest, VI(, 1871, p. 118. — Diaire
de Jacques Merlin sur les choses les plus mémorables qui se sont passées
en La Rochelle. Arch. hist. de Saintonye, V, 1878. — Discours de la prise
ilu capitaine Chapeau et du capitaine la Caltande, Iô8G, Va)', /lisl. et litt.,
VII, 227.
2. PomsoN, III, 13-14.
:i. Rapprocher à ce point de vue le personnage imaginaiic de Picotin
(ta plaisante nouvelle apportée sur tout ce qui /•e passe en la guerre de
Piémont avec la haranr/ue du capitaine Pir.iitin faicte au duc de Savoie sur
le méconlen terne nt des soldats français, 1G15, Var. hist. et tilt., VI), et le
personnage liisti)rif|ue de Carrefour. Exérulion du capitaine Carrefour.
Ibid.
MESURES PROTECTRICES. 17
La démolition des forteresses élevées pendant la guerre
avait fait l'objet d'un vœu des notables assemblés à Rouen
en I.jOG' ; ce vœu répondait aux intentions du roi. 11 sup-
prima spontanément les garnisons de tous les châteaux
appartenant à des particuliers -. En 1590 il licencia les gens
d'armes qui foulaient le Dauphiné. Les compagnies suppri-
mées ayant continué à vivre sur le paysan par lequel elles
se faisaient entretenir, à raison de 40 s. (o fr. 84) par jour et
par cavalier, la population fit entendre de nouvelles plain-
tes. Le roi ordonna que les compagnies de pied et de che-
val qui ne figuraient pas sur l'état d'efTectif arrêté au mois
d'août seraient supprimées et évacueraient la province.
Si elles continuaient à vouloir lever des contributions,, la
population était autorisée à résistera Une déclaration du
24 février 1597 ordonna aux gouverneurs et aux lieutenants
généraux et particuliers de courir sus aux gens de guerre qui
tenaient la campagne sans commission rovale et d'obliger
ceux qui traversaient le pays en vertu d'ordres du roi, à se
rendre sans délai à leur destination. Les commandants de
ces corps de troupe devaient, avant d'entrer dans une pro-
vince, faire connaître au gouverneur les ordres en vertu
desquels ils se déplaçaient, ainsi que le nombre et le nom
de leurs hommes, et prendre l'attache de ce gouverneur
pour trouver, par étape ou autrement, des logements et
des vivres. Tous les mois, les gouverneurs informeraient
le roi des troupes qui auraient passé dans leur gouverne-
ment, ainsi que de la conduite qu'elles y auraient tenues
Sa correspondance témoigne de sa vigueur dans la répres-
sion de l'indiscipline. En 1596, il ordonne au connétable
de Montmorency d'envoyer la maréchaussée contre lesbri-
1. POIRSON, II, 281.
2. Lettres du 17 janvier, 2G février IhOô. Lettres )niss., IV, 299, 3IS.
3. Lettres miss., VIII, 623.
4. ISAMBEKT, XV, 128.
2
18 MESURES PROTECTRICES.
gaïuis qui infestent les grandes routes et contre les déser-
teurs qui en grossissent le nombre '. La môme année, il
enjoint au duc de Montpensier de licencier ou d'envoyer à
l'armée sa compagnie de chevau-légers, qui, depuis six
mois, pillail le pays-. En 1597 il écrit au connétable de
forcer les compagnies qui parcourent la Champagne à re-
joindre larmée et, si elles s'y refusent, de les faire tailler
en pièces \ En 1598 les garnisons de Normandie, ne rece-
vant pas leur solde, se répandent dans le pays. Sur les
plaintes du parlement de Rouen, le roi envoie l'argent
et écrit au duc de Montpensier de les faire rentrer dans
les places et, en cas de résistance, de les exterminer *.
Le 1" avril 1598, sadressant au connétable : « ... Je vous
prie, lui dit-il, non seulement de ne faire payer les com-
pagnies qui refuseront d'entrer en garnison, mais aussi de
casser... et faire courre sur celles qui se débanderont poiir
tenir les champs... Si nous n'avons tous aucune compas-
sion du peuple, il faudra qu'il succombe et que nous péris-
sions tous avec lui ; auquel propos je vous dirai que j'ai
reçu depuis peu infinies plaintes de votre compagnie de
gens d'armes et de celle de Splandian, lesquelles on m'a
rapporté être encore vers Argentan, faisant peu de cas
d'aller en l'armée et opprimant grandement mes sujets du
pays, ce que je m'assure que vous ignorez... Partant je
vous prie d'y pourvoir^. » La même année, il fit marcher
trois régiments contre un capitaine nommé Leviston qui
ravageait le Berry et il annonça l'intention, lorsque la paix
qui se négociait alors avec l'Espagne serait conclue, de dé-
charger sans tarder son peuple « de telle sorte de gens " ».
1. 4 et C mars 1500. Lettres miss., IV, ôlS-ôl J.
2. Lo roi au connétible, 7 octobre lô96. Ibid., GiG.
3. 23 avril 1Ô'J7. Ifjid., IV, 749.
4. Le roi au parlement de Normandie, 17 février 1508. Ibid., IV. 908.
3. Ibid., IV. 94C.
G. 4 mni 1508. Ibid., IV, 075.
POHT D'ARMES ET DROIT DE CHASSE. 19
La paix signée, ce l'ut le connétable « son compère » qu il
chargea de licencier l'armée, ce qui était une mission
difficile, car on lui devait encore sa solde'. Peu de temps
après le traité de Yervins, le 4 août, il défendit le port des
armes à feu -. C'était là une mesure radicale, difficile à
faire exécuter et à concilier avec le droit de chasse ; il y
dérogea le premier par une foule de dispenses particulières^.
Aussi, dans son édit général sur la chasse de 1601, il se
relâcha de cette rigueur et permit aux gentilshommes l'usage
de l'arquebuse sur leurs terres. Mais les passions étaient
encore trop ardentes, les habitudes trop peu pacifiées pour
que cette permission ne fût pas prématurée : la noblesse
en profita pour vider ses querelles particulières, la paix
publique fut mise en péril, il y eut une recrudescence de
rassemblements armés et de meurtres. Le roi interdit donc
de nouveau à tout le monde l'usage de l'arquebuse et du
pistolet*. Cette interdiction, toutefois, ne pouvait être
durable et, l'apaisement ayant fait des progrès, la déclara-
tion du 3 mars 1604 rendit aux seigneurs le droit de
cbasser à l'arquebuse dans leurs domaines '. Dès 1601 un
édit, également inspiré par la préoccupation de la sûreté
publique, avait réservé à l'Etat le monopole de la fabrica-
tion et de la vente des pièces d'artillerie, de la poudre et
des munitions de guerre ^
En conservant aux gentilshommes, par son édit de 1601,
le privilège exclusif de la chasse, le roi défendit de chasser
dans les blés en tige et les vignes depuis le l" mars jus-
qu'après les vendanges et obligea les seigneurs de fiefs à
1. Lelires miss., TV, 10U2.
2. Isambert, XV. Isambert date cette déclaration du i avril, mais c'est
sous la date du 4 août qu'elle est visée par la déclaration du 14 août IGOl.
3. Édit sur la chasse de IGOl. Isambert.
4. Déclaration du 14 août 160-3. Fontasox, II, 341.
5. IbicL, 3i2.
6. ISAMBEBT, XV, 263.
20 SITL'ATION OBÉRÉE Dr CULTIVATEUR.
réunir leurs hommes tous les trois mois pour faire la chasse
aux loups, aux renards, aux blaireaux et aux autres ani-
maux nuisibles qui s'étaient beaucoup mullij)liés pendant
les guerres civiles. Du reste, le souci de l'agriculture est
ce qui apparaît le moins dans cet édit, comme dans celui de
juillet 1G07: ce qui y domine, c'est la pensée de conser-
ver le gibier et de limiter le droit de chasse au roi et aux
seigneurs (|ui feront reconnaître leurs titres par les auto-
rités compétentes.
Il ne suffisait pas de songer à la sécurité future du cul-
tivateur, il fallait aussi s'occuper de la situation précaire et
obérée où le passé le laissait. Ayant souvent perdu dans la
guerre sa récolte et son matériel d'exploitation, il avait
emprunté pour le remplacer et pour vivre. Il avait dû par-
fois le faire à 100 pour 100 et jamais il n'avait pu le faire à
moins de huit un tiers ', Endetté envers les particuliers,
ayant hypothé(jué ses récoltes -, enlacé par l'usurier de
village qui l'amenait, de sursis en sursis, à un abandon à vil
prix', le cultivateur était aussi endetté envers le fisc, auquel
étaient encore dues des tailles échues avant 1589. Sous le
coup de l'emprisonnement et de la saisie, il abandonnait
son village et laissait ses champs en friche. A quoi lui aurait
servi de rentrer dans sa maison, ta peu près assurée main-
tenant contre le pillage, pour s'en voir bientôt expulsé,
pour se voir arrêter par les recors ? Des actes officiels
de 1595 signalent la « cessation presque générale du
labour », la multiplicité « des terres demeurées désertes et
1. Mémoire de Jean Biirel, p. p. Ghassai.ng, p. 270.
2. Voy. dans le minutier du notaire Mabric, aux archives du palais de
justice à Toulouse, de nombreux emprunts dont le remboursement est
assigné sur les récoltes de pastel.
3. La femme du paysan, Marion, prie Dieu :
tjue l'usurier méclianl, qui dès lonstcmps aj^uignc
lit hume de ses \eu\ le closeau de leur vigne
En SCS papiers journaux ne les puisse accrocher.
Pybrac, Les Plaisirs de la vie rustique (1575).
MESURES RÉPARATRICES. 21
incultivées' ». Pour alléger l'arriéré, le roi commença par
réduire d'un tiers les intérêts des rentes au denier dix et au
denier douze qui étaient échus de 1589 à 1593 (édit du
8 juillet 1594). Les arrérages échus avant cette période ne
subissaient pas de réduction, ils devaient être payés en 1595
et 1596, en même temps que les intérêts de la période
quinquennale et les intérêts courants, au taux stipulé par
le contrai". En 1595, Henri déclara insaisissables les instru-
ments aratoires et le bétail et défendit de réquisitionner
illégalement les laboureurs, leurs chevaux et leur matériel
d'exploitation^. Il rendait ainsi perpétuelle l'insaisissabilité
temporaire accordée par Charles IX en 1571 ' et satisfaisait
au vœu exprimé par le tiers aux états généraux de 1576 et
de 1588", Ce fut pour fournir des chevaux à l'agriculture,
non moins qu'aux voyageurs et aux transports, qu'il créa des
relais dans les villes et les bourgades distantes entre elles
de 12,14 oul51ieues^ Le grand édit de 1600^ qui réforma
profondément l'assiette et la perception de la taille, remit
aux contribuables l'arriéré de 1596 et desannéesantérieures,
qui s'élevait à 20 millions (58 458 656 fr. 08), fit rentrer dans
la classe des taillables tous les usurpateurs de noblesse-, dé-
joua les fraudes employées pour échapper à l'impôt et auto-
risa les paroisses à racheter, au prix coûtant, dans les quatre
ans, les communaux et les droits d'usage aliénés à vil prix
pour payer les exactions qu'elles avaient eu à subir dans la
guerre civile ^
1. Déclaration de mars 1595. Lettres royaux à Téchevinage d'Angers,
du l'ir octobre de la même année, dans AJém. de la Société nationale
d'agriculture, sciences et arts d'Angers, 1851, p. 178.
2. FONTANOX, I, 722.
3. Déclaration du 16 mars 1595. Isambert, XV, 98-99.
4. Ibid., XIV, 238.
5. Picot, III, 180.
6. Édit de mars 1597.
7. Isambert, XV, 131.
8. Philippson [Heinrich IV nnd Philipp Ilf, II, 318) évalue à 40 000 le
nombre de ceux dont les noms furent rétablis sur les rôles.
9. Isambert, n» 139.
22 TAlLLt: ET GABELLE.
Cétait surtout sur les cultivateurs que pesait lu taille.
Ce fut à eux que profitèrent les réductions sucessives qui,
(le 1597 à 1609, en abaissèrent le montant de 20 à 14 mil-
lions'.
Henri IV nintroduisit pas, au contraire, d'améliorations
importantes dans l'assiette et la perception d'un autre impôt
qui portait sur un des produits les plus utiles à l'agriculture
et à relève du bôtaiP. iXous voulons parler de la gabelle.
Cet impôt, on le sait, revêtait la forme d'un monopole. Ce
qui aggravait ce monopole, c'est que le contribuable, au lieu
de le supporter dans la proportion de sa consommation,
le supportait dans la mesure déterminée par le fisc. Tous les
ans des conseillers de la cour des aides répartissaient entre
les paroisses des généralités soumises à la gabelle la quan-
tité de sel qu'ils estimaient répondre à leurs besoins. Cette
quantité leur était fournie par le fermier de la gabelle
à un prix exorbitant. De 15 écus (141 fr. 57), le prix
du muid s'était élevé, après 1588, à 63 (594 fr, 60) ^
Georges Carew, ambassadeur d'Angleterre en France de
1606 à 1609, estime que le sel nécessaire à la consomma-
tion annuelle de sa maison coûtait vingt-huit fois plus à
Paris qu'en Angleterre', Les paroisses répartissaient entre
leurs habitants le sel qui bnir avait été imposé par les con-
seillers. Cette répartition, elle non plus, n'était pas, tant
sen faut, en rapport avec les besoins de chacun : les uns
en avaient plus qu'ils n'en pouvaient consommer, les autres
étaient insuffisamment pourvus, mais, le sel étant mono-
polisé par l'Ktat, les premiers ne pouvaient vendre leur
excédent aux seconds. Il faut ajouter, pour ne rien exa-
l. De 5S 458 6ôG fr. 08 à :n 7.^5 029 fr. 80.
1. Voy. notamment sur l'utilité du sel dans la nourriture du bétail,
Tabbé Tessier, Discours prél. de la section Agriculture de V Encyclopédie
mélh., p. '21 .
3. CoQLiM.E, Dialofjue sur les causes des misères de ta France, p. 233. Cla-
MAOERAN. Ilist. (lel'împ'jt, II, 28i-285.
■t. Dnns lUiicii, An historicat View..., p. 538.
COMMERCE DES GRAINS. 23
gérer, que ce système ne sappliquait dans toute sa rigueur
quaux pays de grande gabelle^ o'est-à-dire aux généralités
de Paris, d'Orléans, de Tours, de Bourges, de Moulins, de
Dijon, de Chàlons, de Soissons, d'Amiens, de Rouen et
de Caen. Sully, peu partisan d'ailleurs de la gabelle',
tenait à ce qu'en cas d'augmentation, l'assiette de la crue
eût lieu non par généralités mais par paroisses ; l'estima-
tion du revenu d'une généralité prétait plus, en effet, à
l'arbitraire que l'estimation de celui d'une paroisse. Il
veillait aussi à ce que la répartition fût équitable, à ce
qu'elle tînt compte de l'augmentation et de la diminution
du revenu-. C'est, à notre connaissance, le seul indice
qu'il se soit occupé de la gabelle. Nous devons dire cepen-
dant que, d'après M, Dareste^, il aurait réussi à dimi-
nuer le prix du sel en augmentant le produit de l'impôt.
Ce produit était notablement atteint par une contre-
bande active et audacieuse qui s'exerçait publiquement,
sous la protection de la noblesse et même des autorités
locales \
C'était beaucoup d'alléger les charges de l'agriculture. Il
fallait encore l'encourager à produire en lui ouvrant des
débouchés aussi étendus que possible. L'ancien régime
n'avait pas compris que le meilleur moyen d'avoir le blé à
bon marché est de le laisser circuler librement. Les pou-
voirs locaux cherchaient toujours à le retenir dans les pro-
vinces où il avait été récolté. Quant au gouvernement cen-
1. En 1605 il représeutait au roi « qu'il n'y avait point de plus onéreuses
impositions que celles qui se levaient par capitation sur le sel... >■ Econo-
mies, roy., éd. 1725, Amsterdam, VIII, U5-(l6.
2. Sully au lieutenant de Blois. 23 octobre 1G06. Économies roy., IX, 21.j.
3. Hist. (le l'administration..., II, lnO.
4. D'autant qu'en la basse Normandie il y a plusieurs gentilshommes
qui font trafic du sel publiquement et contraignent leurs sujets de prendre
du sel en leurs maisons... le sieur de Montgomery. gouverneur de Pon-
torson qui est accusé... de donner escorte aux faux sauniers... la plus
grande partie de la noblesse de Normandie en font trafic ordinaire. Arrêt
du conseil du roi du 13 septembre 1599. Arch. nat.
24 COMMERCE DES GRAINS.
Irai, il accordait assez libéralement des trai/e.s, c'est-à-dire
dos jieriiiis d'exportation, parce que ces traites ctaienl pour
lui une source de revenus. Hodin Màmo la facilité avec
laquelle nos rois permettaient lexportation de nos denrées
et particulièrement du blé et, partageant sur ce point le
préjugé de son temps, il y voit une des causes de renché-
rissement \ Depuis son avènement jusqu'en 1593, Henri lY
avait autorisé la libre sortie des grains. A lire le préambule
des lettres patentes du 12 mars de cette année, par lesquelles
il interdit l'exportation, on croirait qu'il a changé de
système, car, après avoir rendu hommage aux bienlaitsde
la liberté commerciale, il déclare que la France peut se
passer des étrangers et se suflire à elle-même et que la con-
tinuation de la libre exportation la réduirait à la disette ;
mais cette interprétation ne serait pas exacte et il n'y eut
là en réalité qu'une mesure de circonstance. La guerre
venait d'être déclarée à l'Espagne. Or l'Espagne était le
marché le plus important de nos céréales et nous lui four-
nissions presque toutes celles dont elle avait besoin.
C'était pour la priver de cette ressource et nous réserver
toutes les nôtres au début d'une guerre et en prévision
d'une disette, que le roi révoquait ou plutôt suspendait la
liberté d'exportation. Après la paix de Vervins, il la réta-
blit, au moins partiellement. Il accorda à la Bretagne, à la
Normandie, à la Champagne, au Languedoc, à la Guyenne,
le droit d'exporter leur blé et leur vin, moyennant une
surtaxe d'un demi-écu (4 fr. 7a) par charge de blé et d'un
écu (9 fr. 30) par nmid de vin", il ne tarda pas à étendre
cette liberté à tout le royaume ^ Enfin, le 26 février 1601,
1. Discours sur les causes de l'extrême cherté f/ui est aujuuid'luii en
France, 1586, Var. hisl. et litt., VII, 137. 147, 173-174.
2. L'acte rétablissant cette liberté restreinte ne s'est pas conservé. Elle
résulte des lettres patentes du 20 février IGOl i)ubliées par Delaïuare,
Traité de lu police, liv. V, p. 932.
3. Lettres de Henri IV au gouverneur de Béziers du 24 janvier l.">99
COMMERCE DES GHAINS. 25
il abolit celte surtaxe et rendit l'exportation entièrement
libre. Mais, s'inspirant toujours plus des circonstances que
de ses préférences doctrinales, il ne cessa jamais de Tinter-
dire quand la récolte fut peu abondante'.
Il eut plus d'une fois à défendre contre l'intérêt local le
principe dont il avait compris la fécondité. En 1604 les au-
torités du Dauphiné interdirent la sortie du blé. L'échevi-
nage de Lyon s'en plaignit. Le roi écrivit à Lesdiguières,
gouverneur du Dauphiné, de révoquer cette prohibition.
Il fait, à cette occasion, une profession de foi économique
très explicite : « Voulant, comme il est juste et raisonna-
ble, dit-il, que la liberté du commerce soit permise en tou-
tes nos provinces et que celles qui ont nécessité d'une espèce
de marchandises, même de celle de l'aliment et nourriture
des personnes, en soient secourues par les autres oii elles
abondent davantage"-. » La môme année, le parlement de
Toulouse fit ce qu'on avait fait en Dauphiné. Les fermiers
des traites foraines refusèrent alors de payer le prix de leurs
fermes. Les trésoriers de France en Languedoc en infor-
mèrent Sully qui se plaignit au roi \ On se fera une idée du
pouvoir que s'arrogeaient, en pareille matière, les fonction-
naires subalternes eux-mêmes et de la fâcheuse décentrali-
sation qui régnait dans l'administration des subsistances
publiques, en lisant une lettre où le ministre raconte au roi
que le juge de Saumur a défendu de transporter les blés
hors duroyaume et d'en vendre dans son ressort. « Si cha-
que officier en faisait autant, écrivait Sully, votre peuple
{Lettres miss., VIII, "ÎG) et à Gilbert de La Trémoille, marquis de Royau,
du 30 janvier de la même année, p. p. Marchegay, dans Arcb. hist. de
Saintonge, I (1874), p. 327.
1. ... seroit arrivé que, auparavant et durant lad. temps, la stérilité de
blés et vins étant advenue... les traites qui avoient accoustumé de s'en
faire parles provinces de Normandie, Champagne et Picardie ont été délais-
sées... Arrêt du conseil du !'■■ août 1609. La période à laquelle se réfère
cet arrêt dura plus de deu.x ans et demi.
2. Lettre du 3 octobre 1604 à l'échevinage de Lyon. Lettres ?«(ss., VI, 300.
3. Sully au roi, 13 sept. 1604. Econ. roy., VII, 223.
•26 DESSÈCHEMENTS.
serait bientôt sans argent et par conséquent Votre Majesté.
Nous avons cassé le jugement et donné ajournement per-
sonnel aux ofliciers qui l'ont donné '. »
En même temps quïl lullait contre les préjugés et
légoïsme des hommes, Ilonri lYcherchiiil à vaincre l'avarice
de la nature. Il prenait à cœur de transformer en cultures
les marais qui, en Gascogne, dans l'Aunis, le Poitou et
ailleurs-, s'étaient formés naturellement ou, comme ceux
de la Dombes^ et de la Brenne, avaient été créés artifi-
ciellement. Mais leur dessèchement ne pouvait être entre-
pris qu'à l'aide de procédés dont personne en France n'avait
le secret et de capitaux qu'une entreprise aussi nouvelle et
aussi hasardeuse n'avait guère chance d'obtenir de ses
sujets. Pas un Fran(;ais ne se présenla pour tenter ce grand
travail. Le roi accepta alors les offres d'un Hollandais de
Berg-op-Zoom, Humphrey Bradley, qui, dans un pays
conquis sur la mer et sans cesse menacé par elle, avait
acquis l'expérience des travaux d'endiguementet de dessè-
chement.
Déjà Bradley avait obtenu le privilège du dessèchement
des marais de (]haumont-en-Yexin (1597), puis, au mois de
janvier lo99, celui du dessèchement des/Jft/i/s de Bordeaux '*.
Ces entreprises particulières le désignaient pour la direc-
tion de l'entreprise générale à laquelle songeait Henri IV.
Il reçut le titre de maître des digues ^i passa avec le roi, le
8 avril lo99, un traité en forme d'édit. Aux termes de ce
traité, les marais salants, les marais et les étangs poisson-
neux, ceux qui, alimentant les fossés des villes et des clià-
1. Sully au roi, 27 avril 1G07 Ibid., IX, 28C.
2. Cela ne rempi'chait pas d'en sentir tout le chaniie. Dans une lettre à
la belle Corisande, du 17 juin 158C, ceux de .Marans, dans l'Aunis, lui ont
fourni le sujet d'un paysage plein de fraîcheur et de Inmii'Te. Cité par
IrsG, Henri IV écrivain, p. 219.
3. GiiGL'g, Essai sur les causes de la dépopulation dans la Bombes et Vori-
f/ine de ses étangs.
4. DioNNE, Hist. des dessèchements des lacs et marais.
DESSECHEMENTS. 27
teaux, avaient une imporlance stratégique, tous ceux, en
un mot, qui étaient utiles devaient èlre conservés. Le prin-
cipal bénéfice de l'entrepreneur devait consister dans la
moitié des terrains desséchés, qu'ils appartinssent au do-
maine ou à des particuliers. Ceux-ci étaient obligés de su-
bir le dessécliement, s'ils naimaient mieux l'exécuter eux-
mêmes, mais la moitié du terrain leur restait. Ils avaient
même le choix entre l'une et l'autre moitié. Enfin ils pou-
vaient ou acquérir la part de l'entrepreneur au prix fixé par
lui ou le forcer à acheter leur part un cinquième en sus du
prix d'estimation de l'autre moitié. Les marais du domaine
devaient être partagés aussi bien que ceux des particuliers.
On ne pouvait laisser l'entrepreneur seul juge de l'utilité
ou de l'inconvénient de dessécher tels ou tels marais et il
fallait écouter les observations de tous les intéressés. Le
grand maître des eaux et forêts, les maîtres particuliers et
leurs lieutenants furent chargés de faire à cet égard une
enquête de commodo et incommodo , de visiterions les marais
de leur ressort et d'envoyer au grefï'e de la Table de mar-
bre les procès- verbaux de leur visite et de leur enquête '.
En pressentant les difficultés « de ce grand œuvre..., dont
néanmoins toutes les circonstances, qualités et accidents
et retardements ou difficultés ne se peuvent qu'à peine
reconnaître du premier coup par la nouveauté du fait »,
Henri IVne s'était pas trompé. A la fin de 1606, l'entreprise
n'était soutenue que par les capitaux de l'entrepreneur.
Celui-ci s'associa pourtant quelques compatriotes. La dé-
claration dejanvier 1607 reconnut cette association, fit appel
aux capitaux français, précisa et augmenta les droitsdes en-
trepreneurs enverslespropriétaires, accrut leurs avantageset
visa à faciliter leurs opérations'. Un mois après, pour accé-
lérer la solution de leurs difficultés avec les propriétaires,
1. ISAMBERT, XV, 212-222.
2. IsAMBEnT, XV, 313-322.
28 DESSÈCHEMENTS.
ce qui était toujours, avec linsuffisancc des capilaux. la
pierre d'achoppement, le roi nomma dans chaque gc'néralité
une commission cliarg-i'cdcn connaître'. Vers la fin de son
règne, Henri IV n"a\ail pas renoncé à l'espoir démener à
l)ien ce vaste dessein. L'ambassadeur anglais Carew nous
apprend qu'il s'en occupait encore.
S'il ne lui lui pas donné de jouir des résultats de sa per-
sévérance, l'u'uvre d'utilité publi({uequ'il avait conçue n'en
fut pas moins accomplie et l'honneur en remonte directe-
ment à lui. Ou n'observe même pas ici ces interruptions (jui
se produisent dans la plupart des œuvres de longue haleine
et qui amènent à se demander si l'on est en présence d'un
mouvement donné qui continue ou de plans et d'efforts
nouveaux dont il faut attribuer le mérite à d'autres (|u aux
initiateurs. Toute l'impulsion vint de Henri IV et de la
Société constituée en 1G07, et cette impulsion ne sarrcla
pas. C'est donc à lui et àellequil fautéquitablement repor-
ter en grande partie le mérite des dessèchements accomplis
même après sa mort, même par des sociétés particulières
sorties de la première: la transformation des palus de Bor-
deaux en cultures, le curage des fossés de la ville et le
redressement de ses talus qui furent exécutés, du vivant de
Henri IV. par un compatriote, un élève et un auxiliaire
deliradley. Conrad (loussen: ledesséchementdes marais de
Chaumont-en-Vexin dont Bradley céda l'entreprise au
duc de Longueville, engagiste du comté; celui de l'étang
de la Souterraine entrepris, au lendemain de la mort de
Henri IV, par le seigneur du lieu, Anne de Levis, duc de
Ventadour, et achevé seulement au mois d'août '1()20;
celui des marais de Sacy et du lac de Sarlièves en Auver-
gne, ce dernier dû à un Allemand, Ottavio de Strada, qui
se fixa dans ce pays et y créa une famille encore subsis-
1. IsAMBEiiT, i'hi supra.
FORETS. 29
tante'; celui 'les marais Je Lesclie dans la Brie, exécuté en
1629 seulement mais d'après un projet conçu en 1G09'; les
entreprises de dessèchement des marais de Tonnay-Gha-
renle^ de ceux du bas Languedoc, la seconde confiée à
Marc de Comans qui succéda à Bradley, du vivant même
de celui-ci, dans la direction générale, de ceux de Larchant
près de Xemours, pour laquelle le chapitre de Notre-Dame
de Paris traita, le 2^3 juillet 16M, avec Jérôme de Comans'* ;
le traité d'assèchement du marais Yarnier et d'autres
terres immergées aux bords de la Seine. Presque tous ces
travaux soulevèrent les protestations et la résistance des
populations^ qui n'y voyaient ni l'assainissement, ni la mise
en valeur du sol, mais seulement la perte de la pêche qui les
faisait vivre ; presque tous furent exécutés par des ouvriers
tlamands et hollandais qui formèrent des colonies et des
villages, dont les noms de Polders, de Petite-Flandre^ etc.,
attestaient l'origine ". A la mauvaise volonté du grand nom-
bre on est heureux d'opposer l'initiative de quelques grands
propriétaires, tels que Claude de Montconnis qui employa
tovite sa fortune à dessécher et à fertiliser la vaste plaine
située entre Ryant-Saze, Rochefort et les Angles, dans
le canton de Villeneuve-lez-Avignon'.
Ces eaux stagnantes que Henri IV avait voulu rempla-
cer par des terres cultivées, c'est la forêt qui en empêche
la multiplication. En retenant et en absorbant les eaux
1. Cohenoy, Notice sur les e7it7'eprises de dessèchements... dans la généralité
d'Auvergne, 1810.
2. Denis, Lectures sur l'agriculture en Seine-et-Marne, p. 245.
.3. Arrêt du conseil du 6 mars IGIO. Bibl. nat. mss. Franc., 18177,
fol. 255, Y».
4. Denis, Ubi supra.
5. Dans la Charente elle alla si loin que les levées faites pour le dessè-
chement des mai-ais de Ïonnay-Charente furent percées par la malveillance,
et les parties déjà desséchées inondées. Arrêt précité du G mars IGlO.
6. DioNNE, Op. laud. : Déclaration de janvier 1G07. Isambert, XV. .Malvezin,
Histoire du commerce de Bordeaux, 11,390. /. Sinceri Itinerarium Galliœ, 141.
7. De Ribbes, Une grande dame dans son ménage, p. 32-33.
30 FORtTS.
pluviales et soulerniiiies, elle les empêche de devenir un
lléau elles réduit à nètre qu'un bienfait. Malheureusement
les forôls oiïrenl à la cupidité de l'État et des populations
limitrophes des tentations irrésistibles. Les prédécesseurs
tle Henri IV avaient abusé des déboisements ', des aliéna-
tions, Henri IV lui-même s'y était laissé entraîner. Les
guerres civiles avaient favorisé les usuriiations des rive-
rains, les dégâts du bétail ', fait tomber en désuétude les
règlements forestiers. Les titres et les plans domaniaux
avaient été détruits. Les détenteurs en profitaient pour
jirali(juer des coupes abusives, les populations pour s'attri-
buer indûment des droits d'usage. Les agents de l'adminis-
tratioji colUulaient avec les adjudicataires des ventes ; les
arpenteurs, par exemple, leur attribuaient des lots plus
étendus que ne le portaient les adjudications.
Le roi commença par réduire le nombre des droits
usagistes, des coupes exlraordinaii-es et des officiers (édits
de Folembray ^ et de Mouen, février lo96 et janvier 1597).
Uenri m, pour battre monnaie, avait, en 1575, remplacé le
grand maître enquêteur et réformateurgénéral des forôls par
six grands maîtres qui, en 1586, étaient devenus alternatifs.
Ces officiers exploitèrent sans scrupule des charges qu'ils
avaient payées fort cher et mirent les forêts au pillage.
Henri IV rétablit l'unité dans la direction en créant une
charge de surintendant des eaux et forêts de France, et
remboursa deux des maîtrises créées par son prédécesseur,
celles de l'He-de-France et de la Normandie *. Au mois de
mai 1597, il compléta par un édit en quarante articles la
I. BKUNAiti) Pai.i.ssy en déplore déjà l'abus. Recepte véritable par laquelle
tons les Itommes de la France }>ourront apprendre à multiplier et augmenter
leurs trésors, éd. Cap, p. 8G-87.
".'. .Mali.de, C'mdition foresliih'e de l'Orléanais, 91, 08.
:t. Ledit de Folembray fut l'o'uvre personnelle du roi et de .Montmo-
rency. Voy. la lettre du roi mu connétable, 2'.) février lô!)(;.
4. Daheste, Uist. de l'administration, 11, 21. .Maiuy, Les forètsde la France,
441-442.
MINES. 31
réformede l'administration forestière. Les mesures adoptées
par le conseil consistèrent à faire dresser des procès-ver-
baux et des plans fixant le bornage des forêts et des ventes
et à assurer la conservation de ces titres aux greffes des
Tables de marbre ; à obliger les verdiers, gruyers, segrayers
et maîtres sergents à faire les inspections réglementaires; à
mainteniraux Tables de marbre et aux maîtrises particulières
la connaissance des affaires forestières que les intéressés
portaient devant les parlements, moins compétents et déjà
surchargés ; à taxer les vacations des officiers (art. 24) ; à
établir les droits réservés au domaine dans les forêts pos-
sédées par des apanagistes, engagistes, etc. (art. 26) ; à as-
surer, dans les bois des particuliers, la conservation des
baliveaux et des hautes futaies (art. 40); à rendre plus dif-
ficile la soustraction des baliveaux et des jeunes arbres
(art. 31, 33) ; à restreindre les droits de paisson et de glan-
dée (art. 34); à interdire la chasse aux roturiers qui s'en
arrogeaient le droit sous le couvert des seigneurs dont ils
dépendaient fart. 36) ; à obliger les sergents louvetiers qui
négligeaient de détruire les loups à adresser, tous les trois
mois, aux maîtres particuliers et gruyers rapport des prises
faites par eux ^
Bien que l'exploitation des mines soit rangée par les
économistes au nombre des industries, nous nous en occu-
perons ici, parce qu'il s agit de produits tirés du sol et d'une
richesse principalement due à la nature.
Sans vouloir faire l'histoire de l'industrie minière avant
Henri IV, nous dirons pourtant que Charles YI fut le pre-
mier de nos rois qui revendiqua pour la royauté le droit
de copropriété et de contrôle dans l'exploitation des mines.
Le droit de copropriété fut fixé au dixième du produit ^
1 . ISAMBEUT, XV, 141.
2. Ordonnance du 30 mai 1413 dans le recueil de Lamé Fleur y, De la lé-
gislation minérale sons Vanc, monarchie, pièce 1.
32 MINES.
L'éilit de FraiH^ois 1" du 17 octobre lo20 ' ordonna la revi-
sion des concessions, menac^a de poursuites les débiteurs
du droit de dixième et subordonna l'exploitation à l'autori-
sation royale, vérifiée par le contrôleur général des mines.
Sous M en ri II, rex|iloitat ion, divisée jusque-là entre plusieurs
concessionnaires, fut confiée à une société unique placée
sous la direction du sire de Roberval et investie de grands
privilèges -, François II renouvela ;29 juillet lo60) la com-
mission donnée par Henri II à (Mande Grippon de Sainl-
.hilien, associé de lloberval pour la recherche et l'exploita-
tion des mines et lui confirma, pendant quatre ans,
l'abandon du dixième. Cette commission ne fut pas infruc-
tueuse. Elle amena la découverte de gisements dans le
Beaujolais, l'Auvergne, le Lyonnais, le Dauphiné, la Pro-
vence, le Languedoc, le Bourbonnais, le Poitou •', mais la
guerre civile vint bientôt entraver l'exploitation. Elle
n'avait pas encore éclaté quand, le d 1 juillet l.'jGl.
Charles IX confirma au concessionnaire son monopole et
l'allocation du dixième ''. Les propriétaires de mines ayant
prétendu que ce droit ne devait être prélevé que sur les
mines qui étaient déjà en exploitation, Charles iX déclara
(ju'il s'appliquait à toutes et que, à moins de clause expresse,
la propriété des mines n'était pas passée aux acquéreurs ni
aux détenteurs du domaine ^
Henri IV fit faire une enquête sur la richesse minière et
sur les meilleurs moyens de l'exploiter ''. Ces recherches
révélèrent l'existence de gisements dontPalma Cayet et de
1. Lamé Flecry, p. 22.
2. :tO septembre 1548. Lamé Fi-euuy, Op. laud., p. 28. Daheste, llist. île
Vndminislrution. II. 184.
:i. Lamé Flelry, p. 4s.
4. Fo.ntaxon, II, ll(;:5-ll(;4.
6. 26 mai 1Ô63. Ibid., III, 44.'.. Cf. Thuani Ilislorla, II, ;i58, anno IT.GS.
(». « ... Ouï le rapport fait en icelui nostred. conseil par ceux que nous
aurions ci-devant envoyés pour faire faire recherches desd. mines et des
moyens de les mettre en valeur...» (Édit de juin ICOI, art. 4. Lamé Fleirv,
p.:i.)
MINKS. 33
Thon ont donné l'énnniératioa d'une façon presqne iden-
tique '. On découvrit dans les Pyrénées des mines d'or,
d'arg-ent, de talc et de cuivre, dans les montagnes du pays
de Foix des mines de jayet et de pierres précieuses. On
recaieillit dans l'Ariège des parcelles d'or. On s'aperçut
que le sol des environs de Carcassonne renfermait des
mines d'argent ; qu'il y avait dans les Cévennes etleGcvau-
dan des mines de plomb et d'étain , qu'on trouvait du fer
en Auvergne. L'or et l'argent abondaient près du village de
Saint-Martin-en-Lyonnais. La Normandie pouvait fournir
de l'argent et de l'étain de très bonne qualité. La même ex-
ploration amena la découverte de mines de plomb à Anno-
nay, de marcassite, d'or et d'argent en Picardie et en lirie.
Encouragé par ces résultats, le roi rendit, en juin 1601,
un édit sur les mines, qui fut surtout l'œuvre de Sully et
qui confirmait les déclarations de François V\ de Henri II,
de François II et de Charles IX. 11 en diffère pourtant es-
sentiellement en ce que, tandis que les prédécesseurs du
roi, peu confiants dans les bénéfices de l'exploitation,
avaient abandonné aux entrepreneurs le droit régalien du
dixième, Henri reprenait ce droit, mettait l'exploitation en
régie, en faisait vraiment un service public. C'est là ce qui
fait la nouveauté de l'édit. J.-A. de ïhou et l'ambassadeur
d'Angleterre, H. Neville, lui ont attribué une portée exagé-
rée en laissant entendre qu'il enlevait aux propriétaires
l'exploitation de leurs mines \ Les articles 17-22 recon-
1. Chron. sept, anno 1602. — Thuani Ilistorhi. VI, 156, anno 1G03.
'1. Ut ne singulares toto regno doinini eruendis illis sibi injuriam fieri
conquerantui', aiit inde damnuni sentiant, eis prospectum, cautumque ut
sulfuris, niti'i, ferri, chalybis, chalcauthi, carbonis cespitarii, lapidis
cterulei, qui pro tegulis est, gypsi, cretif. lapidis cfementarii et molaris
fodinœ panes eos sint, nec a proprietariis illorum possessio avocari possit.
[Thuani Historin, VI, 156, anno 1603.) I understand there are lately disco-
vered in Poictou and Auvergne certaine raines of silver, wliich they hope
hère will prove very bénéficiai. The King hereupon is about a règlement
genei'aliy for ail the mines in France, deterraining to take them ail into
his own hands, and to content the proprietors with a certayne portion,
3
34 MINES.
naissent expressément, au contraire, le droit des proprié-
laires d'exploiter eux-mêmes, ils les obligent seulement à le
faire sous la surveillance du contrôleur ctMiéral des mines,
dans les conditions fixées par le grand maître, et à faire
apposer une marque sur les produits. Les mines énumérées
par l'article 2 ne sont pas, comme l'insinue deThou, celles
dont l'édit laisse, par exception, l'exploitation auxproprié-
taires, mais celles sur lesquelles le roi renonçait à son
droit du dixième. On peut seulement conclure de l'ar-
ticle 21, en le rapprochant d'un arnH du conseil du
14 mai UiOi dont nous parlerons plus lard, que l'Etat a
qualité pour se substituer dans l'exploitation, au bout d'un
certain temps, au propriétaire négligent.
Le haut personnel créé par ledit se composait d'un
grand maître surintendant, d'un général réformateur en
titre d'office, d un lieutenantgénéral conseiller du roi, d'un
contrôleur général et d'un greffier. Tous ces officiers tou-
chaient des gages fixes et des vacations. L'ambassadeur
Neville ' dit que Sully, par l'intérêt passionné qu'il portait
à l'industrie minière, semblait désigné pour la charge de
grand maître surintendant. Ce fut pourtant à Roger de
Saint-Lary, duc de Bellegarde, qu'elle fut donnée. Celle de
lieutenant général échut à Martin Ruzé, sieur de Beaulieu,
secrétaire d'Étal. Pierre lieringben, premier chambellan,
fut nommé contrôleur '. Le Parlement n'enregistra l'édit
qu'à la suite de lettres de jussion répétées ^ Un arrêt du
conseil du 14 mai 1604 le confirma et le compléta en forti-
proportionable to the profit that shall arise, and so to nianage ail by his
own ofOcers, a niatter which is like to be very offensive. The edict I hâve
seen as ys drawn but yt is not yet passer] the Pailiament. .Mr. de Rosny
affects the niatter niuch, and, if it proceed, is like to be ,i.^reat niasler or
superintendant of ail the mines in France. (II. Xeville à Cecill, 20 août 15!)9
{o.. s.). Sir Ralph \V iuwood' s Memorials of affairs of stale. Lonûon, 1726,1, 0:3.)
1. l'Iii supra.
2. Tfiuani Historia, loc. cil.
'.]. Lettres miss., VI. C7I .
MINES. 35
fianl le contrôle de l'Etat et en s'occupant du sort des ou-
vriers. Le trentième du produit net fut consacré à leur
assurer les secours spirituels et matériels, dont ils étaient
souvent privés par l'isolement des mines en pleine cam-
pagne ; des aumôniers et des médecins furent attachés à
l'exploitation. Si, dans le mois de la concession, l'exploi-
tation n'était pas commencée, le grand maître pouvait
transférer la concession à d'autres. La suspension du travail
exposait aussi les concessionnaires à la déchéance. Ils de-
vaient faire connaître les nomsde leurs associés, quinepou-
vaientcéder leurs parts sans en aviser le grand maître et le
lieutenant. Ils étaienttenus de nommer, pour diriger l'exploi-
tation, un gérant qui était responsable envers l'Etat. Ils ne
pouvaient enfin abandonner l'exploitation sans prévenir le
grand maître ou le lieutenant particulier.
L'arrêt renouvela l'obligation de faire apposer sur tous
les produits la marque du premier. Il établit, au profil des
ouvriers et des fournisseurs, un privilège sur les autres
créanciers Ce privilège primait même le droit du roi. Il
créa un fondeur, essayeur et affineur général ; précédem-
ment le fondeur était un agent des compagnies et les droits
du roi étaient sacrifiés. Comme l'avait fait déjà ledit d'oc-
tobre 1552, il désintéressait les seigneurs hauts-justiciers
et fonciers en leur accordant une part d'entrepreneur et
attirait les étrangers experts en les aft'ranchissant du droit
d'aubaine \
Cette législation, qui conciliait le droit de propriété et
l'intérêt public, était bien conçue et elle aurait développé
la production minière, si les mines avaient été plus abon-
dantes en France, si le rendement avait mieux récompensé
les efforts et les dépenses des entrepreneurs, si les ouvriers
n'avaient pas été rebutés par un travail pénible. Mais les
1. Lamé Fleury, p. 87.
36 OLIVIER DE SERRES.
richesses de notre sous-sol étaient encore moins considé-
rables alors qu'au jourd'liui, puisque le bassin houiller de
nos départements du JNord ne faisait pas partie du terri-
toire. L'ambassadeur vénitien, Yendramin, constate en 1600
que la France, qui abonde en richesses naturelles de toutes
sortes, manque de mines'. Ce n'est pas que les gisements,
an vient de le voir, ne fussent assez nmltipliés, mais ils
n étaient pas assez productifs, même pour couvrir les frais.
J.-A. de Thou déclare que les entrepreneurs ne pouvaient
s'en tirer qu'en condamnant les ouvriers à un régime
excessivement frugal. Les ouvriers français, habitués à une
vie douce et aisée, ne purent se faire à ce régime, non plus
qu'aux fatigues et au péril d'un pareil travail. On fit venir
des Allemands, mais ils s'en dégoûtèrent aussi dès qu'ils
connurent l'existence plus large et plus facile que leur
olfrait notre pays '.
iSous venons de montrer ce que fit ou tenta de faire
Henri IV pour l'agriculture. Il fut secondé, dans cette
partie de son œuvre, non seulement par Sully mais par le
premier en date de nos agronomes, par un homme dont
l'inlluence a contribué au succès de certaines cultures
particulières et à la propagation du goût et de la science
de l'agriculture en général.
Olivier de Serres^ appartenait à une famille protestante
originaire d'Orange, où elle possédait la Tour des Serres.
ISé à Villeneuve-de-Berg, il était le frère aîné de Jean de
Serres, pasteur et auteur de VInventaire de riiistoire de
France^ c'est-à-dire de l'un des meilleurs ouvrages histo-
riques de ce temps. Il nous apprend lui-même * qu'il
1. Albeki, I, série iv, 4S9.
"l. Thuani llistoria, \l, lôG, o?ino 1603.
3. Voy. sur lui, outre le travail de Gasparin, Journal d'agric. prat., 2" série,
tome 111 et l'éloge de François de Neufchâteau, le livre de iM. Vaschalde,
188«, 8.
•i Préface du Thé Aire (Vayric.
THÉÂTRE d'agriculture. 37
passa le temps des guerres civiles à cultiver ses terres, à se
livrer à des expériences agricoles, à étudier les livres
d'agriculture. Ce qu'il ne nous dit pas, c'est qu'avant de se
consacrer exclusivement à faire valoir, il avait [)ris une
part active, quoique courte et limitée, aux guerres reli-
gieuses. Ce fut à lui que les protestants durent de reprendre
Villeneuve-de-Berg, qui avait été occupée par les catho-
liques.
Comme agriculteur, il se distingua surtout par l'irriga-
tion du Pradel, domaine situé en Yivarais qu'il tenait de
sa femme, Marguerite d'Arcons, et par l'extension de la
culture du mûrier. Mais tout ce qu'il fit, soit par ses essais,
soit par ses écrits, pour la propagation du mûrier, nous le
rattacherons à l'industrie des soieries et nous en parlerons
plus tard. Nous ne nous occuperons pas non plus ici du
traité qu'il a intitulé : La seconde richesse du mûrier blanc
(1603), parce que ce traité a pour objet l'application indus-
trielle de l'écorce du mûrier et est, par conséquent,
étranger à l'agriculture. C'est aux connaissances agricoles
dont il fit preuve dans son grand ouvrage, aux préceptes
qu'il y traça, à l'influence exercée par cet ouvrage que nous
devons nous attacher.
Ce qui rend le Théâtre cV agriculture très supérieur aux
traités qui l'avaient précédé, c'est qu'au lieu d'être un
recueil de recettes en partie fantaisistes, il est le fruit à la
fois de l'étude des agronomes anciens et modernes et de
l'expérience. Il est divisé en huit lieues ou livres. Dans le
premier, l'auteur indique les considérations qui doivent
guider pour le choix d'un terrain, la distribution de la
maison, l'administration du « ménage ». Le second s'oc-
cupe de la culture des céréales et des légumes. Le troisième
traite de la vigne, du vin et des autres boissons, le qua-
trième des pâturages et du bétail, le cinquième de la vo-
laille, de l'élève des vers à soie, de l'emploi de l'écorce du
38 THEATRE D'AGRICULTURE.
mûrier, le sixième des jardins et vergers, le septième de
leau et du bois, le huitième de l'emploi de tout ce que
fournil le domaine rustique pour l'alimentation, l'habille-
ment, le mobilier, la lumière, le traitement des maladies
des hommes et des animaux. On voit que l'ouvrage est un
traité d'économie domestique autant que d'agriculture.
C'est, il faut le répéter, une œuvre originale en même
temps que fondée sur la tradition.
M. de Gasparin y signale particulièrement, parmi les
choses nouvelles, le conseil de commencer les travaux de
la jachère immédiatement après la moisson, celui d'ameu-
blir le sol par le brùlement des chaumes, celui d'ouvrir
les travaux par un labour léger. C'est dans Olivier de Serres
qu'on trouve la description la plus méthodique et la plus
exacte de la jachère. C'est lui qui a le premier fait ressortir
la nécessité périodique des défoncements profonds, c'est à
lui qu'on doit la distinction capitale des plantes épuisantes
et de celles qui ne le sont pas, véritable fondement d'une
bonne théorie des assolements. Il s'est fait le patron et
l'avocat de cultures peu répandues de son temps: le maïs,
le houblon, la betterave récemment importée d'Italie et
dont il signale le « jus..., semblable à syrop de sucre »
sans se douter du parti que notre siècle devait tirer de cette
propriété, la garance, le sainfoin, l'esparcette peu cultivée
en dehors des environs de Die, le riz qu'on récoltait en
petite quantité dans notre pays et que nous recevions du
Piémont et des Indes'. Il recommande le soufrage de la
vigne ^ Il pressent les nuages artificiels ^
Le succès du Théâtre cV agriculture fut considérable.
Publié en IGOO il eut, jusqu'en 4675, dix-neuf éditions'.
1. p. H*.
2. Litf m, chap. V.
:i. P. 250-200.
■i. D'après .M. de Kalloux, l'ouvrage d'OI. de Serres aurait été négligé sous
Louis XIV et n'aurait retrouvé la faveur du public que sous Louis XVI et
THÉÂTRE n'AGRICULTURE. 39
Ce succès et l'autorité qu'il consacrait survécurent à l'an-
cien régime. En 1804, à une époque qui présentait avec
celle où il avait fait son apparition plus d'une analogie, le
gouvernement consulaire, estimant qu'il pouvait ranimer et
propager le goût de l'agriculture, le faisait réimprimer à Tlm-
primerie nationale avec les commentaires des plus savants
agronomes du temps. Les nombreux lecteurs qu'il trouva au
.wn*" siècle et dont le plus éminent fut Henri IV lui-même qui,
trois ou quatre mois durant, se le faisait lire pendant une
demi-heure après son diner, ses cinq réimpressions de IGOO
à 1610 donnent le droit d'affirmer qu'il exerça sur l'agri-
culture une sérieuse intluence. Mais il faut s'en tenir à
cette vérité générale; il serait téméraire de lui attribuer
directement l'adoption de cultures et de méthodes nou-
velles. 11 faut se rappeler combien, surtout en agriculture,
les innovations sont lentes à prévaloir, et l'histoire doit
résister à la tentation de donner une origine et une date
. précises à des découvertes, à des progrès dont la théorie
et l'exemple ont souvent précédé de bien loin le triomphe.
C'est la réalité des choses, telle qu'elle ne se trouve ni
dans les textes de lois * ni dans des ouvrages le plus sou-
vent en avance sur leur temps, qu'il faut maintenant es-
sayer de saisir et, pour le faire, pour caractériser l'état
social et économique, l'esprit et les mœurs des classes
rurales, pour déterminer les méthodes et les pratiques
suivies par l'agriculture, nous nous placerons, autant
que possible, dans cette période qui, tout en se ressentant
de l'anarchie qui l'avait précédée, a donné à l'activité du
pays la sécurité dont elle a besoin.
grâce à l'abbé Rozier, l'auteur du Traité d'açjvicuUure. Notice sur Olivier de
Serres dans Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, 184:j.
1. 11 faut avoir toujours présent à l'esprit cet adage du xvi^ siècle d'une
mélancolie résignée : Le laboureur n'a rien à soy et si avons nous prou de
lois.
40 AGRICrLTL'RE ET NOBLESSE HL'HALE.
La France était alors par excellence, bien pins encore
(praujoiirdhiii, un pays agricole. La pacification du pays
avait fait refluer vers les campagnes la population rurale
qui, pour sauvegarder ses biens et sa vie, s'était agglo-
mérée dans les villes. La terre laissée en friche ou cultivée
dune façon irrégulière, réservait aux bras qui lui étaient
rendus une fécondité nouvelle. Malheureusement elle ne
pouvait guère conij)ter que sur des bras. Comme l'indus-
trie, comme le commerce, l'agriculture soutirait de la pré-
férence du capital pour certains placements mobiliers. La
multiplicité et le caractère occulte des hypothèques, l'es-
pèce d'indivision qui grevait la propriété effrayaient le
crédit'. On ne trouvait à emprunter sur biens-fonds qu'à
force de cautions et à un taux usuraire -. La propriété était
<léjà beaucoup plus divisée qu'on ne l'a cru pendant long-
temps''.
Les grands propriétaires appartenaient aux trois classes
de la société, noblesse, clergé, bourgeoisie dans une pro-
portion qui s'accroissait au profit de cette dernière. La no-
blesse, remplie de cadets exclus ou à peu près de la suc-
cession paternelle, était en majorité peu aisée. La pauvreté
des gentilshommes de Bcauce était proverbiale. « Gentil-
homme de Beausse, il est au lit pendant qu'on raccommode
ses chausses». Leur régime était à l'avenant de leur gar-
derobe, et c'était un dicton qu'ils déjeunaient de l'air
du t('m|is'. Ceux de Bretagne n'étaient pas moins misé -
1. Dakesth, Histoire des classe.'f agric, 301.
1. Lakfemas, Remontrances en forme d'édit, art. xvii.
3. Pour la Provence voy. De Hibbes, Les familles et la société en France
Pour la Bret8f.'ne Du Ciiatellier et Dlply, Ilist. de la réunion de la
Hretar/ur, II. :;r.». Pour la Touraine et la région du Cher l'abbé Cheva-
lAEK, Annales de tu Société d'agriculture, sciences, arts et h.-lellres d'Indre-
et-Loire, XXXIX (I8G() et Mémoires de la Société archéolor/ique de Touraine,
XVII (ISG.'j) p. M*. Pour le Perche La Jo.nqlière, De la division de la
propriété territoriale dan.^ le Perche. Bulletin de la Société historique elarch.
de l'Orne, II ^1883).
i. Le Rolx de LtxcY, Prov. fraiir. : « En mémoire de quoy, cncores de
NOBLESSE RUUALE. 41
rables'. Beaucoup de revenus seigneuriaux, qui autrefois
étaient payés en nature, ayant été convertis en argent, avaient
subi la dépréciation qui, depuis l'augmentation de la cir-
culation monétaire, avait avili les espèces. Une partie de
la noblesse cherchait, sans scandaliser personne, des res-
sources dans les atTaires, patronant et commanditant des en-
treprises industrielles", vendant son influence aux traitants,
s'associant à leurs baux avec l'encouragement du pouvoir
qui exemptait de pareilles associations de la dérogeance %
hasardant dans les spéculations son honneur et ses capi-
taux. « En ce temps-là, écrit un contemporain, l'on ne par-
lait que de banqueroutiers à la cour*. » Cette classe était
partagée entre deux tendances. Les traditions, la nécessité
de l'épargne, le rang et l'autorité qui leur y étaient dévolus,
retenaient le plus grand nombre dans leurs terres ^ Ils y
vivaient des produits de leur cru, s'y complaisaient dans
la jouissance de leurs droits honorifiques et utiles et ne les
quittaient que pour passer quelques mois d'hiver à la ville
voisine, dans l'hôtel délabré de famille ^ Le type accompli
de ces gentilshommes campag-nards, c'est Olivier de Serres :
« Mon inclination et Tétat de mes affaires, nous apprend-il
présent, les gentilshommes de Beauce desjeuneut de baisler et s'en trou-
vent fort bien et n'en crachent que mieulx. » Rabelais, Gargantua, I, xvi :
< Et desjeuner tous les matins — Comme les escuiers de Beauce ». Coquil-
LAUT, Monolofjiie des perruques.
1. Du Chatelier, Vuçiriciillure et les classes ar/ricoles en Bretagne.
2. « ... L'acte de l'association... entre le sieur de Serbaude tant pour lui
que pour un seigneur notable de ses amis et aucuns ses associés... » Arrêt
du conseil du G mars lUlO. Arch. nat. Brevet accordé par le roi, le 28 sep-
tembre 1596, au vidame de Chartres et à Saint-Germain d'Apchon pour
l'exploitation d'une invention destinée à faire de l'acier. Bulletin du Comité
de la langue, de l'histoire et des arts. III (1855-56). p. 302. Savary, Parfait
négociant, \, 162. Dictionnaire du commerce, v» Société.
■i. Arrêt du conseil du 10 décembre 1605. Bibl. nat. franc., 181G9 fol., 65.
Articles du bail de la table de mer de Marseille arrêtés au conseil le
14 août 1608. Arch. nat. Collection des arrêts du conseil.
4. Mercure franc., année 1609, fol. 341.
5. Relations de Badoer, I, 85, 87, de Gussoni et Nani, I, 454. de Duodo.
Alberi, Append., 81, 102. Théâtre d'agriculture, II, 774.
G. Mémoires de J. A. de Thou, 1582. Coll. Michaud, XI, 210, 341.
42 NOBLESSE RLRALE.
lui-même, mont retenu aux cliamps, en nui maison et
faict ])asser une bonne partie de mes meilleurs ans, durant
les guerres civiles de ce royaume, cultivant ma terre par
mes serviteurs, comme le temps la peu porter*. » Le
genre de vie adopté par Olivier de Serres et par d'autres
propriétaires de la même classe était encouragé par le roi,
par Sully, par l'opinion. L'attrait de la cour, les perspec-
tives de fortune qu'elle pouvait oltrir et, par exemple,
dune de ces pensions-, que le roi, si ménager pourtant de
l'argent de la France, n'hésitait pas à multiplier sauf à les
supprimer au premier acte de désobciissance, décidaient
les autres à laisser leurs terres à des fermiers et à partir
pour Paris ou Fontainebleau sans autre équipage que deux
ou trois laquais ^ Mais ni le roi, ni Sully n'aimait les qué-
mandeurs, et plus d'un de ces barons de Fœneste, après
avoir diverti le Louvre par s(;s allures provinciales, reve-
nait désenchanté au manoir patrimonial. Ceux qui avaient
su résister à la tentation de le quitter, qui, disposant d'un
revenu de 2000 à 12 000 livres, avaient été assez sages pour
préférer la vie large ou fastueuse qu'il leur assurait à la
campagne, aux embarras qu'il n'aurait pu leur éviter à la
suite du roi, ceux-là exerçaient par leur patronage, pur
l'exemple d'une culture mieux entendue, une influence
très salutaire. Ce n'est pas que tous eussent désappris les
habitudes violentes ou grossières que les guerres civiles
I. Tht'dtre d'af/ricitUure, Préface.
i. Leur chillre annuel dépassait un million d'écus (10 113110 fr. 12). Rela-
tion de G. Carew (HUiO), p. 4:t4.
3. « ... those, who are anywise eniinent for niilitary or civil ableness,
he bindeth them to this obsequiousness bj' givinf,' theiu pensions (of
which there are a great number and well paid) so long as they continue
in their dutifulness. But upon the least disobedience they arc sure to hâve
their pensions stopt, which uiaketh thcni vcry careful not to do any thing
against lus will... they abnndont heir country habitation and, with two or
three lackeys to attend them, follow tlie court. . their possessions
remaining in the hands of their farmers, who pay ail taxes and yield their
landlords su much the less rent... » Relation de G. Carew, 437.
CLERGÉ. 43
avaient développées. Les meurtres, les duels qui n'étaient
quelquefois que des assassinats déguisés, les rapts, la fabri-
cation de la fausse monnaie, le faux saunage armé,
l'oppression capricieuse ou systématique des vilains,
l'ivrognerie venaient attester chez un certain nombre la
persistance d'instincts héréditaires endurcis au fou des
luttes intestines et encouragés par de grandes chances
d'impunité : « Jésus! » pourra dire encore douze ans plus
tard la femme d'un conseiller au Chàtelet, « que les grands
seigneurs sont heureux dans les petites villes! Ils entre-
prennent tout sans contredit. Si le bon seigneur avait fait
cela à Paris, il serait au Chàtelet il y a longtemps'. » Les
archives criminelles, les chroniques locales nous réservent
sans doute la découverte de hobereaux du genre de cet
Hercule d'Angilemont qui, alors que les guerres civiles
n'étaient plus qu'un douloureux souvenir, continuait, de
ses châteaux de Caumont et de Fronsac, à rançonner les
bateaux qui passaient sur la Garonne et la Dordogne et se
mettait cyniquement au-dessus des lois-.
Le clergé était encore le plus grand propriétaire foncier
du royaume. Mais, précisément à cause de sa richesse et
sous prétexte de l'intérêt religieux engagé dans la guerre,
nos rois l'avaient largement saigné, lui avaient souvent
imposé des décimes et des dons gratuits, avaient gagé sur
ses biens, déjà assignés au payement des rentes de l'hôtel
de ville de Paris, des emprunts s'élevant à 300 ou
400 000 écus^ (2849859 fr. 48 et 3 799812 fr. 64). Le
1. Caquets de raccoiichée, l'i2. Est-il besoin de rappeler les crimes dont
l'Auvergne était le théâtre cinquante ans plus tard et dont les mémoires de
Fléchier sur les Grands Jours nous ont conservé le souvenir?
2. Tamizey de Larroque, Hercule d'Angilemont, 1890. Cf. Robiou, Essai
sur la littérature et les mœurs dans la première moitié duxvii^ siècle, p. 21!)
et suiv. Gachon, Les États de Languedoc, p. 13.
3. Relation de Duodo, 111-112. Sous l'influence des passions anticléricales,
l'idée de conflsquer ses biens et de les remplacer par une pension égale à
leur revenu s'était même produite. Un capitoul de Toulouse, Terlon,
44 l'ETlTS CULTIVATEUHS : LE SERVAGE.
clergé ilu diocèse de Laon, par exemple, avait éU' réduit
au plus grand dciiueinenl; il avait été obligé d'engager ou
de vendre à vil prix ses propriétés et il ne mit guère moins
d'un demi-siècle à réparer ses pertes '. Les biens affectés au
culte, ceux qui composaient les menses épiscopales, capi-
tulaires, abbatiales, conventuelles avaient souffert des
spoliations commises par les; protestants et môme par les
catholiques, ainsi que de la gestion de mandataires insou-
ciants ou avides-. Grâce à la mainmorte, grâce à des
règles et à des traditions d'administration excellentes, c'était
encore pourtant dans le clergé qu'on trouvait, en même
temps que les plus grands domaines, l'administration la
mieux entendue.
Autour de ces grands propriétaires et dans des liens
étroits avec eux se groupait une population de tenanciers
et de mercenaires. Le régiîne foncier qui unissait les pre-
miers et la seconde était une sorte d'indivision, de copro-
priété, où l'on distingue d'une part l'ancienne directe, de
l'autre des obligations et des droits contractuels. C'est par
suite de la directe, c'est à titre d'ancien niainmorlable que
le vilain était soumis au chef cens, aux corvées, aux bana-
lités, à la Justice : c'est en qualité de fermier et de colon
partiaire qu'il devait la rente ou la quotité du produit
stipulée parle contrat.
Le servage subsistait encore dans certaines provinces, en
liourbonnais, en Nivernais, par exemple, mais, miné de-
puis de longs siècles par les faits et les idées, dans l'ordre
piésentîi un projet dans ce sens aux États de Languedoc de loi»'.) et 1.->G0.
MéT7ii>ires île Ikunon, coll. Michaud, I, VJII. (ill.
I. EiiquiHe sur la situation de ce clergé en l.")!)G, p. p. .Matton.
•2. As for ttie clergymann... they live not so wealthiley at ttiis day as
tlicir predecessors hâve done. Carew, p. 4:59. « ... essendo la nobiltà rovi-
nata pcr le guerre passate ed il clero niedesimaniente per l'istessa causa,
roniinciando questo da poco in qiia a ristorarsi... iJAooEn, 8,'». Les édits de
capitulation deTroyes, de Sens, de Laon, de Château-Thierry, déchargèrent
les ecclésiastiques des décimes arriérés. P. Cayet, ô78-57t), .")81, .')8i.
Voy. aussi les nombreux arrêts accordant des remises de décimes.
FERMAGE ET MÉTAYAGE. 45
(les faits par l'extension continue des défrichements et le
besoin croissant de bras, dans l'ordre des idées par la con-
viction de la supériorité du travail libre sur le travail ser-
vi le, il n'était plus qu'une exception. La situation écono-
mique du petit cultivateur n'était pas moins avantageuse
que son statut personnel. Débiteur de cens et de rentes en
argent, producteur agricole, c'était lui qui profitait de
l'abaissement de la valeur monétaire et de l'élévation du
prix des denrées. Enfin il était, ainsi qu'on va le voir,
protégé contre l'éviction par des baux do longue durée.
Le fermage et le métayage ne doivent pourtant pas être
rangés dans cette catégorie, car ils ne dépassaient pas neuf
ans, c'est-à-dire la période au delà de laquelle les baux
devenaient emphytéotiques et étaient considérés par les
jurisconsultes comme entraînant translation du domaine
utile et perception des lods et ventes ^ Le preneur pouvait,
on donnant caution, ne payer le fermage qu'à la fin de
l'année; à défaut de caution, il payait par quartier-, Olivier
de Serres^ conseille de passer le bail par-devant notaires.
D'après le droit canon, l'Eglise ne pouvait s'en dispenser,
pas plus qu'elle ne pouvait louer ses terres pour plus de
trois ans '.
Le métayage était plus répandu que le fermage, surtout
dans le Midi et il devait conserver cette préférence jusqu'à
la lin de l'ancien régime. Dans certaines provinces pour-
1. « ... Nous tenons l'opinion des vieils interprètes que tout bail qui se
fait à plus de neuf ans, transfère la seigneurie utile... » Loyse.\u, De la
dislinclion des rentes, liv. I, chap. v, § 8. Voy. les baux de la ferme de
Villeroy de l.âlO à 1609 dans 1' Append. des études hist. su?' l'administration
de l'agriculture en France, par .M.^uguin
2. Pierre de Loulle, Le Digeste du droit et pratique de France, 1(510, liv. X,
tit. V.
3. I, 53.
4. » Le louage des immeubles ne se peut faire que pour neuf ans des biens
séculiers et trois des ecclésiastiques. » P. de Louile, Op. laud. C'était
neuf ans que les baux de biens ecclésiastiques ne devaient pas dépasser,
d'après l'ordonnance de Blois (1579). Is.\mbert, xiv-iOl.
46 BAIL A COMPLANT ET BORDELAGE.
faut il faisait place au fermage. C'est ce qui arriva dans
l'une (les plus riches du royaume, la Normandie. La terre
V augmentait beaucoup de valeur, les cultivateurs y avaient
acquis une aisance ([ui leur pernicllail d'eu oITrir un prix
plus élevé et de suj)porter les avances de sa mise en valeur ;
les propriétaires purent dès lors substituer au loyer en
nature un loyer en argent, en même temps qu'ils met-
taient à la charge des preneurs les frais de certains amen-
dements*. Cette augmentation ne fut pas d'ailleurs particu-
lière à la INormandie, elle fut générale de IGOO à la lin
du règne et même an delà et correspondit à la hausse
croissante des produits agricoles et des fermages-.
Le bail à complant était adopté pour les lignes dans le
Poitou, l'Anjou, le Maine, la Saintonge, l'Aunis, le
Nivernais et le Dauphiné^ Par ce contrat le preneur
sengageait à mettre ou à entretenir un vignoble en valeur
et à fournir au bailleur une certaine quantité de fruits ;
souvent le premier devenait, au bout de cinq ou de sept ans,
propriétaire de la moitié. S'il entretenait avec négligence,
il pouvait être évincé. Dans certaines parties de cette région,
la propriété était considérée comme transférée au preneur,
dans d'autres elle restait au bailleur, ailleurs la question
était controversée. Ce qui est plus important pour nous que
ces distinctions juridiques, c'est le stimulant que le bail
à complani ne pouvait manquer de provoquer chez le
preneur.
Le bordelage était la tenure propre au Nivernais. « Plus
des trois parts des héritages, nous apprend son juriscon-
sulte Coquille, tant es villes qu'aux chanq)s, sont tenus en
I . Bkai'hepaihe, Notes et documents concernant l'état des campagnes de In
Haute-Normandie dans les derniers temps du moyen âge, p. 31-32.
*2. ZoLi-A, tes Variations du revenu et du prix des terres en France au
XVII'' et (Ut xviiie s. Annales de l'École des sciences politiques, 1.S03.
.'5. LovsEAf, {)e la distinction des rentes, liv. I, clmp. v, S 'J. Garsonxet,
Hisl. des locations perpétuelles.
BAUX A LONGUE DURÉE. 47
bourdelage'. » La rente due par le preneur était payable en
argent pour les prés, les bois cl les vignes, en blé pour les
terres labourables, 2n plume, c'est-à-dire en volaille, pour
le bétaiP. Autant le bail à complant était favorable au
progrès de l'agriculture, autant le bordelage lui était con-
traire. Le bonlelier ne pouvait sous-arrenter et était tenu
de faire des améliorations sans avoir l'espoir d'en profiter '.
Le domaine concjéable^ appelé aussi bail à convenant et
quevaize, était particulier à la Bretagne. Il sauvegardait
mieux les intérêts du fermier et par cela même ceux de
l'agriculture, car, en lui imposant la résidence, en lui in-
terdisant de vendre, de démembrer et d'hypothéquer la
tenure, il lui accordait, en cas d'éviction, le remboursement
de ses impenses et de ses travaux \
C'est encore le principe de la longue durée ou de la per-
pétuité qui distingue l'emphytéose, qu'on trouve un peu
partout", Valbergement du Bugey et du Daupliiné, la loca-
tairerie perpétuelle du Languedoc, la main-ferme du nord
de la France, le bail colongor de la région rhénane. Dans
un petit pays de la Picardie, le Santerre, ce principe était
poussé si loin que la résistance du fermier à l'expulsion
légale était, sous le nom de droit de marché et de mauvais
1. Mémoire de ce qui est à faire pour le bien du pays de Nivernais dans
les OEuvres de Coquii-le, I, 271.
2. LoYSEAU, Op. laud., § 9.
:3. Gausonnet, Hi$t. des locations perpétuelles... Pépin Le IIalleuh, Hist.
de l'emp/iytéosf, p. 257-258.
4. Coutume de Bretagne dans Bourdot de Richebourg, YII, 412. Garsonxet
Op. laud.
,5. Comme exemple d'emphytéose, citons le bail perpétuel (pour quatre-
vingts ans) de quatre cents arpents en friche sis dans la paroisse de Betz
enTouraiue. Il est passé par le chapitre de Saint-Martm de Tours moyen-
nant 4 den. t., 101 boisseaux de seijile mesure de Loches de rente foncière
spéciale et indivisible par arpent. Les preneurs doivent payer k dîme à
l'onzième, selon la coutume de tous fruits décimables. Ils s'obligent à faire
les bâtiments, réparations, améliorations, plants de vigne déterminés par
devis et à payer un fermage de 24 boisseaux d'avoine. Ils auront les gas-
peatcx et le tiers des pailles et logeront les bailleurs quand ils viendront
pour leurs affaires. 9 juillet 1568. Arch. nat. KK, 943.
4s COMMUNAUTÉS RURALES.
f/n\ enlri'e ilans les mœurs'. Cotte rapide revue des condi-
tions dans lesquelles était exploitée la propriété rurale ne
justific-t-elle pas la conclusion suivante d'un ouvrage sur
la matière : k La location perpétuelle et le bail à longue
durée étaient, écrit M. Garsonnet, le droit coninuin de la
[iropriété en France avant 178!) ". »
Plus stable, plus permanente encore était la condition
des paysans qui faisaient partie des rares communautés
agricoles encore existantes. A l'origine elles avaient été
pour les tenanciers un moyen de se soustraire à la main-
morte, car leurs membres héritaient les uns des autres. Le
travail, les bénéfices, les pertes y étaient partagés : l'un
labourait ou touchait les bœufs, l'autre conduisait le bétail
au pâturage. Les allaires communes étaient gérées par le
matlrc de la communauté \ celui-ci était inscrit pour elle sur
le rôle des tailles et avait qualité pour la représenter et
l'engager, au moins en matière mobilière '\
Si l'on ne tenait compte que de la sécurité dont elle
jouissait sous l'empire de pareils contrats et du cours as-
censionnel que la ré'volution économique imprimait à ses
bénéfices, la classe des moyens et des petits cultivateurs
n'aurait pas eu à se plaindre ; mais il faut aussi avoir égard
à la façon dont sa situation était affectée par les institu-
tions publi(|ues et par les mœurs.
La lutte séculaire entreprise par la royauté pour rentrer
en possession des attributions de la souveraineté qu'elle
avait concédées ou laissé prendre, était fort avancée mais
non terminée. Cette souveraineté restait démembrée. La
population rurale inférieure était victime de ce dualisme.
1. Lekort, La condition de la propriété dans le nord de la France, et
Gahsonskt, llist. des local, perpét., p. 273-274. — Cf. La Ré/orme sociale,
t. XXIV, p. 1111.
2. O/.. loitd., \). .388.
3. LoYSKi-, Insl. coiit., n" 92. Dareste, 81. Giirekt, La famille limousine,
p. ;,2.
DUALISME DE LA SOUVERAINETÉ. 49
Elle avait deux maîlres : le roi et le seigneur. Elle
acquittait deux fois les charges et les prestations qui sont le
prix de la protection et des avantages que toute société est
censée procurer à ses membres. Elle était justiciable du
roi, mais elle relevait aussi de la juridiction du seigneur ;
([uand elle avait payé la taille au roi, elle avait encore à payer
la taille seigneuriale ; la corvée seigneuriale ne la dispen-
sait pas de la corvée royale. Pour la justice, par exemple, que
voyons-nous? En môme temps que les juridictions royales,
bailliages, sénéchaussées, présidiaux, avaient attiré à elles,
par l'extension des cas royaux et par prévention, la majo-
rité des affaires, les juridictions seigneuriales s'étaient
multipliées à l'infmi. Chaque village, chaque hameau,
chaque château même avait la sienne. Ces justices cham-
pêtres, ces basoches faméliques, ces procureurs, ces
greffiers, ces notaires, ces avocats, ces sergents auxquels
notre littérature, depuis les « chicanons du sire de
Basché* » jusqu'à Brid'oison, a fait la place qui leur est
due, il leur fallait vivre, il leur fallait faire entrer dans la
caisse du seigneur appauvri des amendes, des confiscations.
Tout ce monde-là, à commencer par le juge botté,
éperonné " et en tenue de chasse qui y préside, est ignorant
et servile pour le seigneur autant qu'il est avide. Ses mange-
y'i>5 faisaient de larges brèches dans l'épargne des paysans ^
Il manquait donc à ceux-ci le bienfait d'une justice indé-
pendante, éclairée et peu coûteuse. Des agents si zélés,
si intéressés respectaient-ils toujours les principes tuté-
laires qui n'admettaient la légitimité des tailles, des corvées,
des banalités seigneuriales, que lorsqu'elles s'appuyaient
1. Rabelais, Pantagruel, IV, xii-xvi.
2. Le seneschal de Rennes... tenait ses plaids botté et éperonné, la
perche joignant sa chaire pour y attacher son épervier.. . Noël duFail, II, 170.
3. LoYSEAu, Abus des justices du villaqe. OEuvres, 1678, in-fol. » Autant
redouté qu'un procureur de seigneurie l'est des villageois. » Flp.etière,
Roman bourgeois, éd. Ed. Fournier, 226.
oO VIE DES GlUNDS PROPRIÉTAIRES.
sur un titre ou au moins sur la prescription'? Ne
(.hercliaient-iis pas à perpétuer les usurpations et les abus
(jue leurs maîtres avaient commis à la faveur des guerres
civiles et dont ils prétendaient bien faire des droits ? Par
exemple, nous avons vu que le droit de chasse était sus-
pendu sur les terres ensemencées depuis le 1" mars jus-
(juaprès les vendanges. JNous ajouterons que les seigneurs
ne pouvaient tenir garenne ouverte ou jurée" qu'en vertu
dune autorisation spéciale du roi, et qu'à défaut de cette
autorisation les voisins pouvaient exiger la destruction des
lapins ^ Qui oserait afiirmer pourtant que la fureur do la
chasse, qui possédait la noblesse et qui s'était exercée sans
frein pendant les troubles, s'arrêtât toujours devant ces
barrières?
Quelle intluence les conditions légales, économiques,
fiscales que nous venons d'indiquer avaient-elles sur les
mœurs et l'esprit des classes rurales, envisagées dans leur
ensemble, grands propriétaires fonciers, usufruitiers à long
terme, simples manouvriers?
Un des conteurs les plus exquis du xvi*" siècle, celui qui
a trouvé, pour peindre les mœurs de la société rustique de
cette époque, les couleurs les plus franches et les plus
vraies, Noël du Faii, a opposé les gentilshommes contem-
porains de François l""", ses compagnons d'armes de Pavie,
maniant la lance de onze pieds et demi, vivant sobrement,
aux contemporains grêles et anémiés de Henri III, assouplis
à tous les raffinements du savoir-vivre, ayant la flatterie
sur les lèvres et la trahison dans le cœur. La danse, le
1. BoLCHEH d'Arois, Code rural. D'après la presque unanimité des auteurs,
le droit aux corvées ne s'acquiort que par litre, lu possession sans titre ne
suffit pas. Glïot, Traité des fiefs, p. 2G2.
2. Par opposition à la garenne close de murs.
'.i. Coutume du bailli.ige de .Moaux (1.509), cliap. xxvin, Bolcher d'Argis,
Code rural. La Rociik Fi.AvrN, Des droits seigneuriaux et maliàres féod. à
la suite d'Arréls 7ïoI. du parlement de Toulouse. 1G'20.
VIE DES GRANDS PROPRIÉTAIRES. 51
palet, la barre, la longue paume, la petite guerre étaient
les délassements de cette vigoureuse jeunesse. Les jours
de fôte, elle revêtait le pourpoint de satin, les chausses
boufTantes de taffetas, le bonnet de velours à plume, la
cape de drap ou de frise, les escarpins ; les jours ordi-
naires elle se contentait dun costume plus simple. La
résidence seigneuriale n'avait le plus souvent en ce temps-
là qu'une salle d'apparat où Ton remarquait, pour toute
décoration, des cornes de cerf auxquelles étaient accrochés
des chapeaux, des trompes de chasse, des laisses de chiens,
puis un dressoir où était rangée toute la bibliothèque qui
suffisait aux besoins intellectuels des habitants du château',
la Bible de Nicole Oresme, la Légende dorée, le Calendrier
des bergers de Jean de Brie, les Quatre fils Aijmon, Ogier
le Danois, Mélusine, le Romande la Rose, enfin les râteliers
pour les arcs, les arbalètes, les arquebuses, les rondelles,
les épées. Les chiens y allongeaient sur la paille souvent
renouvelée leurs membres harassés par la chasse. Deux
chambres étaient réservées aux étrangers. Le châtelain
était sur de trouver à cent lieues à la ronde l'hospitalité
qu'il offrait lui-même-.
Ce n'est pas au fond des provinces, ce n'est pas au sein de
la noblesse qui vivait sur ses terres que la décadence
amenée dans les mœurs par les guerres civiles et l'influence
corruptrice des Valois avait pu se faire sentir, et la sim-
plicité dont Noël du Fail, avec l'exagération naturelle au
moraliste et au conteur, fait un mérite aux contemporains
de François I", se retrouvait, à peu de chose près, parmi
les contemporains de Henri IV qui étaient restés fidèles
au manoir patrimonial.
1. '< ... Comme notre noblesse, quelques-uns réservée, est ignorante des
bonnes letti'es... » Noël du Fail, Contes d'Eutrapel, I, 247.
2. Contes et discours d'Eutrapel, chap. xxii. Sur l'ameublement et le
luxe intérieur au xvi<' siècle voy. Les Blasons domestiques (I539j dans le
Recueil de Montaiglon, VI.
52 MK DES GRANDS PROPRIÉTAIRES.
A pail linéiques grantls seigneurs, tels que Lesdigiiières
et Éperuon, qui jouissaient dans leurs gouvernements
dune quasi souveraineté et s'entouraient d'un luxe princier,
la i^rande majorité des gentilshommes et des bénéficiers qui
résidaient constamment ou une partie de Tannée dans leurs
terres, v menaient un train fort modeste. D'abord, nous
1 avons dit, beaucoup parmi les premiers étaient pauvres
et ceux qui avaient oOO livres de rente (1461 fr. 4G) se
piquaient de certaines recherches'. Le petit nombre de
ceux dont le revenu était plus élevé réservaient les prodi-
galités pour leurs séjours à la ville ou à la cour. Tous ne
possédaient pas une habitation aussi vaste et aussi bien
entendue, des communs aussi complets que ceux dont
Olivier de Serres a tracé le plan et la distribution pour
son ménaner modèle. Bâti sur un rocher ou entouré de
douves tarifes et profondes, flanqué de tours rondes ou
carrées qui ennoblissent l'architecture et inspirent le res-
pect, ce château idéal est précédé d'une basse-cour au
milieu de laquelle se trouve une fontaine jaillissante, ou
tout au moins un puits ou une citerne et qui est bordée
de o-aleries couvertes. Sous ces galeries s'ouvrent le cellier,
le bûcher, divers magasins, l'entrée de la cave dont l'accès
doit être conmiode pour que les visites du châtelain ou de
la châtelaine y soient fréquentes. Au premier et au second
étage sont placées la cuisine et ses dépendances, c'est-
à-dire le garde-manger, la boulangerie, le fournil, la lin-
gerie, la buanderie, la vaissellerie, la laiterie, la froma-
gerie, puis une ou deux salles de réception, sept ou huit
chambres appropriées aux diverses saisons et dont chacune
est pourvue de garde-robes, de privés, de garde-meubles,
de lingerie, de cabinets pour la conservation des titres et
papiers. Sous le toit s'étend pour les serviteurs une
1. " ... Le gentilhomme ayant atteint jusqu'à cinq cents livres de revenu...
voulant trancher du grand... » Théâtre d'agric, 1, 22.
VIE DES GRANDS PROPRIÉTAIRES. 33
chambre spacieuse, d'où ils peuvent surveiller la grande
cour et les écuries. A côté sont les greniers et les fruitiers.
Une partie des combles est occupée par une terrasse et un
belvédère [mirande) ; on n'y jouit pas seulement d'une belle
vue et de la promenade en plein air et à couvert, on s'en
sert aussi pour faire sécher le linge et les fruits. Les
granges, étables, écuries, bergeries, placées au couchant,
de l'habitation, en sont séparées par une grande cour de
quinze ou vingt toises. Sur l'un des côtés de cette cour
s'élève la maison du métayer ou du fermier, qui peut ainsi
voir entrer et sortir le bétail. On y remarque aussi un
grand hangar qui sert à la fois de remise, d'abattoir et
d'atelier. Près des abris destinés au bétail sont déposés les
fumiers'. A peu de distance de la maison s'étend le jardin
d'agrément, avec un labyrinthe au centre, le verger avec
ses arbres fruitiers en quinconce, les terre-pleins pour les
jeux de paume et de balle, les cibles pour l'arquebuse,
l'arc et l'arbalète -, le rucher.
Toutes les résidences seigneuriales n'étaient pas pourvues
des commodités et des agréments que nous venons d'énu-
mérer. Le genre de vie de leurs propriétaires ne faisait
presque aucune place à la représentation et à la vanité. Le
châtelain de Mesnil-au-Vast, le sire de Gouberville
mangeait dans de la vaisselle d'étain. Olivier de Serres
signale comme une dérogation à la simplicité primitive,
l'habitude chez les gentilshommes possesseurs de 500 livres
de rente de prendre les repas à part, dans une salle parti-
culière, au lieu de les prendre comme jadis à la cuisine
avec les serviteurs ^ Trois chevaux, six chiens courants,
deux lévriers et six épagneuls, un autour ou un lanier
I. Théâtre cVagric, V^ lieu, chap. v.
"2. Rabelais, Gargantua, I, lv. — Gouberville, p. 295. Cf. la description
d'une résidence seigneuriale donnée par l'ambassadeur vénitien Duodo
dans Alberi, Append., p. 81.
3. Théâtre iVagric, 1, 2"2.
54 RAPPORTS ENTRE LES CLASSES.
pour la vokM'ie, voilà tout ce qui composait, dans le
ilernior quart du xvi" siècle, l'équipage de chasse d'uu gen-
tilhomme campagnard'. Ce même Gouberville présidait
aux travaux quil faisait exécuter, était en état de faire lui-
môme tout ce quil conniiandait et grelTait en personne ses
arbres à fruils.
Cette compétence, cette surveillance, cette simplicité de
vie, en rapprochant le propriétaire de ses tenanciers et de
ses ouvriers, amenait entre eux une certaine analogie
d'hahiludes, une certaine familiarité. L'autorité du pro-
priétaire n'en était pas diminuée, sa sollicitude pour ses
inférieurs en était accrue. Il aplanissait leurs différends et
leur évitait les procès, les faisait soigner dans leurs ma->
ladies, poursuivait leur dégrèvement, ([uand ils avaient été
trop imposés, veillait à l'accomplissement de leurs devoirs
religieux-. 11 ne se permettait les voies de fait qu'à l'égard
de ceux qui étaient d'un ordre tout à fait subalterne ^ Les
rapports des grands propriétaires et de ceux qui étaient
placés sous leur dépendance paraissent avoir été excellents
dans les trois premiers quarts du xvi^ siècle'.
Les guerres civiles les altérèrent assez profondément.
Bouleversés dans leurs habitudes sédentaires et labo-
rieuses, désespérés de voir avorter sans cesse leurs elTorts
pour les reprendre, ruinés, errants, devenus de victimes
pillards et brigands à leur tour, les paysans rapportèrent
dans la vie régulière le goût du désœuvrement et de la
licence ", l'amertume contre les classes dirigeantes qu'ils
1. Les plaisirs du qenlilhomme champe-ihe, par P. N. R. [Nicolas IIapi.v.
Ih-.b].
2. '< Je donnai à nos serviteurs pour aller deinainà confesse, parce qu'il
estoit au jubilé, 5 sols. » Golukuvu.lk, p. G13.
:i. Ibid.
■i. Jhid el de Ribbe. Les familles et la société en France p. 212, ii, 2.
5. « Pdur ce qu'il fasche beaucoup à aucuns de se remettre à travailler
en leur mesnage après avoir gousté la licence de la guerre... et aiment
mieux voler el rober que retourner en leur première suhjecticm. » Dia-
logue rèrrèatif du marchand et dusoldal, I.JTG, Variétés liisl. et lilt.,\].
OUVRIERS AGRICOLES. 55
enveloppaient clans une animosité trop justifiée par une
partie d'entre elles. Ce changement n'a pas échappé, on l'a
vu, aux ambassadeurs vénitiens, qui cependant n'eurent
que des rapports passagers avec la population rurale. Il
pouvait échapper encore moins à Olivier de Serres, qui
vivait en contact quotidien avec elle. Olivier de Serres est
sans illusion sur ceux qu'il emploie. Ce n'est pas qu'il
ressente à leur égard de l'aigreur ou du dédain. Ce n'est
pas un mauvais maître; il fait, par exemple, un devoir aux
propriétaires de donner des soins aux serviteurs malades,
mais c'est un maître que l'expérience a rendu méfiant. II
les sait peu consciencieux et intéressés, et il prend ses pré-
cautions contre leurs défauts. Il recommande de limiter
autant que possible le nombre des ouvriers à l'année, sauf
à embaucher, s'il le faut, des hommes de journée, de ne
pas faire attendre aux mercenaires leurs salaires, mais de
ne pas leur avancer des acomptes, à moins de maladie ou
d'autre cause légitime, de leur devoir toujours quelque
chose, afin de les forcer à revenir, de les surveiller de près,
d'affecter à leur égard une grande fermeté, de ne pas aller
toutefois jusqu'à les frapper, à moins qu'il ne s'agisse de
serviteurs d'un ordre infime.
Malgré la préférence d'Olivier de Serres pour les jour-
naliers, les ouvriers qualifiés étaient loués à l'année, dans
des assemblées ou loueries, à partir de la Saint- Jean, de la
Saint-Michel, de la Saint-Martin, de la Toussaint, de Noël,
de Pâques, etc., et payés partie en nature, partie en
argent'. Le patron payait au mercenaire le vin de marché.
Ces contrats n'étaient pas faits par écrit, mais devant
témoins'. On en trouve un assez grand nombre dans le
livre de raison d'Olivier de Serres et surtout dans celui du
sire de Gouberville. Au mois de janvier 1561 (n. s.), celui-
1. Théâtre d'iif/ric, I, 38.
3. Gouberville, passim.
56 CII.TIVATKL'R? AISÉS.
ci cMiibauclie un laboureur pour un au à raison do 8 livres
(30 fr. 32} tout compris'. Au mois de juillet de la môme
année, il loue un cliovrior pour un au, moyennant 60 s.
(H fr. 30) et une paire de souliers; il lui fait espérer
davantage sil est content de lui". Le 23 mars 1609, Olivier
de Serres engage un meunier pour 3 liv. 10 s. (9 fr. 44) par
mois. Le 21 septembre de la même année, il loue pour un
an, à partir de la Sainl-Micliel, moyennant do livres en
argent (40 fr. Mi), vingt pans de drap, une chemise, un .
chapeau et la chaussure, un bouvier qui devait être en
même temps une sorte de factotum. Le 2 mai 16H, il
arrête un pâtre pour un an; il lui promet dix-huit pa?îs
de drap, un chapeau, une chemise, des souliers et 0 livres
en argent (10 fr. I8)^ Aux travailleurs salariés venaient
se joindre les corvéables. Les femmes partageaient avec
les hommes les plus rudes travaux : elles sciaient les blés,
battaient en grange*.
Comme tout ce qui touche à la vie rurale, les habita-
tions des cultivateurs aisés et des simples paysans ont peu
changé. C'est parmi les premiers qu'il faut ranger le pro-
priétaire de la petite maison que Philibert Hegcmon nous
fait apercevoir dans son poème de La Colombière avec le
four, l'étable, le pressoir, la grange, le colombier qui en
dépendent. C'est aussi dans la demeure d'un rustique à son
aise que nous introduit Noël du Fail. Il nous fait traverser,
pour y entrer, une cour close de haies d'églantiers et
d'aubépines. Au milieu de cette cour le tas de fumier et
sur les côtés les bâtiments d'exploitation. A la mai-
son est attenant un appentis où sont rangés les char-
rettes, les essieux, les limons, les timons. Les murs
et le sol de l'habitation sont en torchis, le plafoiul est
1. P. 034.
2. p. G93.
;{. Livre de raison d'Ol. de Serres, p. p. Vaschalde, 188C, 8.
4. GotBERVlLLE, 29, Ô9.
CULTIVATEURS AISÉS. '61
en charpente apparente. La couverture est en chaume'.
Une fois entré, on était séduit en voyant briller au
râtelier, dans un ordre parfait, les instruments aratoires,
les outils et les harnais. La nappe était encore mise comme
pour proclamer une hospitalité toujours prête. Les restes
du dîner, du pain et du lard, annonçaient que cette hospi-
talité était aussi fi'ugale qu'empressée. Le mobilier se
composait dun colîre renfermant les bardes, conservées
dans la marjolaine et notamment le demi-ceint de la
maîtresse de la maison, et au-dessus une vaisselle grossière,
d'un lit contigu au foyer, oii l'on ne montait pas sans
peine et qui fermait par des vantaux, ce qui le faisait
ressembler à un bufTet, d'escabeaux et de chaises de bois,
mal équarries mais bien assemblées".
Sans doute ce tableau a été tracé par un littérateur, c'est-
à-dire par un auteur qui avait le droit d'altérer la vérité
en vue de l'elTet qu'il voulait produire. 11 ne faudrait pas
pourtant se hâter d'en attribuer certains traits à la fantaisie.
Si, par exemple, l'on s'étonnait qu'un cultivateur assez
riche pour posséder un cheptel aussi nombreux que le
supposent les bâtiments et le matériel mentionnés par Noël
du Fail, se contentât d'une habitation de torchis et de
chaume, d'un mobilier aussi sommaire, dune vaisselle
grossière, nous apprendrons à nos lecteurs que ce ne fui
pas avant 1620 qu'à Paris même on commença à bâtir
avec de la chaux, du sable et de la pierre dure, que toutes
les maisons construites antérieurement dans la capitale
étaient faites, comme s'exprime le document administratif
qui établit ce fait curieux « de boue et de crachat^ ». Nous
1. Noël DU Fail, Daliverneries, I, chap. iv.
2. Ibid.
3. « Chacun sait que toutes les anciennes maisons de Paris sont la plu-
part basties de boue et de crachat, que l'on a commencé à bâtir depuis
trente ans avec chaux et sable et pierre dure. >< Le véritable advis présenté
au roi et à la reine régente le 27 juillet 1651, par le S'' de Marsaj-.
•18 MAISON DU PAYSAN.
ferons remarquer (jiie ce n'était pas seulement, en dépit
de -Mallierbe, la cabane du ])auvre qui était couverte de
chaume, mais aussi, jusquà une épO(|ue assez tardive, les
résidences de la bourgeoisie; nous rappellerons la vaisselle
détain où mangeait Gilles de Goubervillequi était pourtant
nn tout autre personnage que le projtriélaire de la maison
dé'crite par ISoél diiFail.
Au-dessous de lun et de l'autre se plaçaient les véri-
tables paysans, dont les chaumières peuvent être ramenées
à trois types principaux. Le premier consiste dans une
maison conslruite en gros blocs de granit et percée de
petites ouvertures. L'n rez-de-chaussée très bas sert de
collier, de resserre, de poulailler et de porcherie. Il n'y a
qu'une pièce d'habitation, elle est contiguë à celle du rez-
de-chaussée mais surélevée d'un ou deux mètres et acces-
sible par un escalier. Elle est plafonnée de grosses pou-
tres et de solives, surmontée d'un grenier et pourvue d'une
cheminée. Le sol est en terre battue recouverte de sable
granitique et d'argile. On ne s'étonne pas de la prédo-
minance du granit quand on sait que ce type appartient
au Morvan. Là où la nature ne fournit pas do matériaux
aussi solides, là où manque l'art de les exploiter éco-
nomiquement, le paysan cherche presque sous terre un
asile contre les intempéries; ce n'est plus une maison qu'il
habite, c'est presque une tanière. En Auvergne, dans le
Velay, dans la partie septentrionale de l'ancienne Aquitaine,
ces habitations souterraines sont couvertes d'une sorte de
lumuliis en terre et en pierres, soutenu par \\\\ pilier
central et des poutres rayonnantes et assez semblable aux
( kampignons qui agrémentent nos jardins modernes. (ïe
même aspect écrasé se retrouve dans certaines chaumières
de la Bretagne et du Bocage, dont le sol est inférieur au
sol naturel et dont le toit de chaume descend presque
jusqu'à terre. C'est un tvpe que tout le monde connaît. On
MOBILIER DU PAYSAN. 59
est peut-être plus familiarisé encore avec la chaumière à
pans de bois hourdés en terre mêlée de paille, à couver-
ture de chaume et de bardeaux dont Ton rencontre des
échantillons dans une partie du Perche et de la basse Nor-
mandie. Tandis que, dans toutes ces régions, le paysan se
clôt et se terre, en Languedoc, en Guvenne, en Provence
surtout, la maisonnette rustique s'ouvre au soleil et à la
lumière, se décore d'escaliers extérieurs, de balcons,
dappentis pour travailler en plein air \
Pour juger les habitations rurales de la fin du xvi' siècle
et du commencement du xvn", il faut oublier les exigences
que la diffusion du bien-être a répandues dans toutes les
classes. Sinon la demeure du gentilhomme campagnard
n'échapperait pas elle-même à la sévérité de notre délica-
tesse moderne, et nous plaindrions nos ancêtres d'une
absence de cotnfort, dont l'idée leur était aussi étrangère
que le mot et dont ils ne sentaient nullement la privation.
Si humbles que fussent les demeures de nos paysans, si
délabrées que la guerre les eût laissées, l'abbé de MaroUes
prétendait que leurs habitants étaient mieux logés que
certains seigneurs de Pologne et de Suède et qu'il n'y en
avait pas parmi elles qui ne témoignât de la préoccupation
d'un certain bien-être '.
L'inventaire du mobilier qui les garnissait n'est pas
long à faire, et ce mobilier n'était pas très différent de
celui dont Noël du Fail nous a donné la description. On y
voit toujours figurer l'armoire, qui est le meuble principal,
parce qu'il renferme tout ce que le paysan a de précieux,
son linge, ses papiers, ses économies; le lit garni de sa
paillasse, de ses oreillers de balle d'avoine, de ses deux
draps [linceulx) et de sa couverture de laine ; la huche au
pain. Plus d'une pièce de ce mobilier provenait du château
1. ViOLLET-LE-Duc, Dict. d'urcldlectio 6 , V Maison.
2. Cité par Babeau, Vie rurale, p. 18.
60 NOL'KlUTlIlt: DU PAYSAN.
OU lie labbayo du voisinage, qui s'en était il(''rait au profit
de la cliaumière, pour la remplacer par un meuble plus
moderne et plus à la mode '. La pauvreté de ce mobilier
ne l'avait ])as toujours sauvé : les maraudeurs, en vidant
les tiroirs, avaient parfois aussi brisé ou brûlé les meubles ^
Si le mobilier do nos paysans, plus complet et plus com-
mode peut-être que celui de leurs ancêtres, lui est bien
intérieur en solidité et en beauté, leur régime alimentaire
est incontestablement meilleur.
Fromage, poyrc et pain
Est repas de vilain.
ilil un prov('ri)i' du xvi^ siècle '\ Si l'on ajoute à ces ali-
ments le lait frais ou caillé [mathon), le beurre, les fruits,
l'oignon, la civette, l'échalote dont ils frottaient leur pain
d'orge et d'avoine, la soupe et le lard, on aura tout l'ordi-
naire des paysans. L'eau claire était leur boisson habi-
tuelle '*. Qu'emporte dans sa besace ce faucheur en allant
au travail? tout simplement du pain et des poires cuites. 11
en fera son premier repas. A midi, sa femme lui apportera
du fromage et du lard et lui fera bouillir une soupe,
pendant qu ti l'orée du bois il goûtera un peu de fraîcheur
et de repos '. Quand, après leur journée, les vignerons
1. Babeal', Opus (atifl., iC, n. 2. Viollkt-le-Dlc, Dict. du mobilier,
vo Armoire, liahiit.
2. Les villages champcstres
Sans portes et planchers, sans meubles et fenestres.
(Albigné, Les Tragiques.)
'■\. Proverbes franc., T^. p. Le Roi x de Lincy. /l View of Fraunce {\hM), par
Dau.ixoton, secrétaire de raïubassadeur d'Angleterre, trad. p. Emehiqie,
p. 157.
4. Piiir.ipPK i>E Vni'.Y, Les Dirls fie Franr Gonlier, dans le recueil de .Mon-
T\iGLO.N et KoTiisciiii.i», X. lian'/uet du hoys. Ihid. Vii.lox, Les contredits de
Franc Gonlicr dans le Gmnd Testament, éd. Longnon... « Les glaneurs,
esquels fault de la fouace, les batteurs qui ne laissent ail, oignon ne escha-
lole es jardins. >■ Raiielais, l'aniar/ruel, 111, ii.
5. Gaiciiet, Le: p/aisirs des champs, I.'>8:i.
DISTRACTIONS DU PAYSAN. 61
rentreiiL à la ferme, on leur sert à souper un ])lat Je choux,
pour deux, du pain à discrétion et quelquefois, à titre de
douceur, un morceau de fromage. Bien souvent, il est vrai
au cours ou à la fin d'un travail fatigant, le patron ajou-
tait un régal à cette maigre pitance, tantôt de la bière,
tantôt un oison '.
Les veillées étaient remplies par des travaux domestiques.
Le mari, le dos au feu, teillait du chanvre ou raccoutrait
ses bottes. La femme filait. Le reste de la famille raccom-
modait les instruments de travail. A certains jours, on se
réunissait entre voisins et voisines dans des fileries, des
escraigiies et des braries ' égayées de commérages, de
récits légendaires et de contes gaillards ^
Les réunions en plein air étaient fréquentes aussi. Elles
étaient consacrées à la danse et à des jeux d'adresse et de
force, tels que le bibelot, la courteboule, la bille, la choule
ou soûle '. La danse était le délassement habituel du
travail. Un poète du xvi" siècle nous montre les « ousterons
gaillards dansant au bout du champ ' » d'où ils viennent
1 . Pierrot voyant en biens foisonnante l'année,
Pour rire, choisira quelque bonne journée
Et à l'aoust dédie fera tuer l'oison
Festiant ses charliers et toute sa maison.
Ibid. GouBERViLLE. p. 360. Ch ATELIER, lUi^t. clss closses agric. en Bretagne.
SuciiET, Paysans Franc-Comtois des environs de Pontarlier au x\in^ s. Acad.
de Besançon, 1887.
•2. Parce qu'on s'y donnait rendez-vous pour broyer du chanvre. C'était
aussi à tiller le chanvre que se passaient les ecraignes et de là leur nom.
3. Noël du Fail, Propos rustiques, 40. Sebu^lot, Contes des paysans et des
pécheurs.
i. La bille est peut-être la même chose que la soûle.
5. Gauchet, Ubi supra. II est fâcheux que le mot ousteron ne nous soit pas
resté, non plus que celui d'aouteur, dont se sert Gocberville et qui a la
même origine. Dans les vers suivants on entend résonner la mesure mar-
quée par le talon vigoureux des rustiques danseurs :
Puis dit Gontier : Or sus à ma requête,
Souffle, Riflart, une danse bien priso
En attendant que la nappe soit mise
Chacun lit feu de tripper et saillir,
Lliacuu fit feu de frapper de la boite,
02 niSTlJACTIONS DU PAYSAN.
(l'enlever la recolle. Comme ses eliaiisons, chaque pro-
vince avait sa danse, accompagnée d'un instrument particu-
lier. En Poitou, on dansait au son de la cornemuse; la volte
proven(,'ale était rylhnn'îe par les timbales; le hautbois,
le violon et les tambourins composaient lorchestredes bals
bourguignons et champenois; les liretonnes avaient rendu
populaires les passe-pied et les branles'. Les jeux oppo-
saient dans descamj)s contraires village à village, et, dans le
même village, gens mariés à célibataires, surexcitaient les
rivalités et les amours-propres, et, par suite de la folle
ardeur des adversaires, entraînaient des accidents, auxquels
la soûle donnait lieu plus que tous les autres. Ils étaient
accompagnés de nombreuses libations ^ Tout était prétexte
à réjouissances, les fêtes religieuses tout d'abord, mais
aussi les travaux des champs, les chasses, les événements
de famille. On connaît les feux de la Saint-Jean, on connaît
moins peut-être les combats entre filles et garçons le jour
des Saints-Innocents, les tnojncries de l'Assomption où l'on
promenait de maison en maison un objet quelconque
enveloppé de linges qu'il s'agissait de deviner et qui
ressemblait à un marmot, à un iiiome emmailloté, \Q?,dictiers
de ?Soël, cantiques populaires que les enfants alla^nt, le
25 décembre au soir, chanter de porte en porte pour
recueillir quelques pièces de monnaie.
Parmi les distractions des paysans la lecture, on le
devine, tenait encore moins de place que parmi celles du
châtelain. Non quils fussent absolument illettrés. En
Provence, du moins, ceux qui étaient un peu aisés, étaient
Chacun fit feu de sa dame assaillir,
Chacun Ht feu de mener sa mignoUe.
Le Banquet des boi/s, xv« .«., dans le recueil de Montaiglon et Rothschild,
X. Sur le goût et le talent de la danse dans les basses classes, voy. Dal-
LiNOTON, Op. luud., p. 183.
1. Mémoires de Marguerite de Valois (année I5G9), coll. i^Iicliaud.
2. NotL DU Fail, 1, 27. Golbervili i-, 7?, 742, 6G8, 327, 330.
LITTÉRATURE DES PAYSANS. 63
capables de tenir leur comptabilité' ; mais il suffit de regar-
der autour de soi pour faire la dilTéreiice entre l'instruc-
tion qui aide aux premiers besoins de la vie et celle qui
l'ennoblit et la charme. La littérature qui alimentait
rimagination populaire, légendes, chansons, était une
littérature orale. 11 arrivait pourtant, par suite d'une
circonstance particulière, que certaines œuvres et même
des œuvres écrites pour les lettrés, pénétraient dans un
milieu habituellement fermé à la vie intellectuelle. Cette
circonstance, c'était le plus souvent le zèle d'un maître
d'école ou d'un propriétaire voisin, qui se faisait un plaisir
de réunir, les jours de fête, les villageois, pour leur lire
des livres consacrés par une éclatante popularité, comme
le Calendrier des bergers '\ les Fables d'Esope, le Roman
de la Rose^, le Livre de Matheolus, les Faiz, dictes et balla-
des de M" Alain Chartier, les mystères d'Arnoul et de
Simon Greban, les œuvres de Guillaume Crétin, les
Vigiles du roi Charles VII de Martial d'Auvergne'. Le
succès de ces livres dans les campagnes restait d'ailleurs
fort loin de celui des almanachs. L'almanach, c'était
l'encyclopédie des ignorants et des simples. Plus simples
et plus ignorants que tous, les paysans y trouvaient les
lumières dont s'éclairait leur empirisme, les prédictions
qui remédiaient à leurs yeux à l'incertitude des lois de la
nature, les échappées sur l'idéal dont leur àme rudimen-
taire avait besoin. Et ce n'était pas seulement les paysans
qui les prenaient pour guides, le sire de Gouberville tenait
compte pour l'époque de ses travaux des conseils de
Nostradamus. Ouvrons le plus répandu de ces almanachs
au commencement du xvii' siècle, le Grand calendrier et
1. Ch. de Ribbe, Les familles et la société..., p. 12.
2. Composé par Jehan de Brie en 1379.
3. Sous la lorme rajeunie que lui avait donnée Marot. G. Pahis, La litté-
rature française au moyen âge, 2" éd. p. 1"2.
4. Noël du Fail, Propos rustiques, I, 13.
6+ ROTATION DES CULTURES.
compost des bergers, composé par le herçier de la Grand-
Montagne^ publié pour la première lois en 1G02, et dans
les éditions postérieures duipiel on retrouve le Calen-
drier des bergers lie iainx de Brie -. .Nous y trouverons des
notions sur la connaissance des temps, des prières, un
examen de conscience, des principes d'anatomie, des
conseils d'hygiène, des recettes médicales, de l'astrologie.
Ce n'est pas seulement, on le sait, par la foi aux alma-
naclis que se manifestait la crédulité des campagnes, mais
encore par les superstitions qui les peuplaient de fées et
de faitauds. personnages capricieux, tour à tour malfai-
sants ou favorables, qui jetaient des sorts sur les animaux
et se laissaient désarmer par des présents, personnifications
des phénomènes et des forces de la nature, dont les
hommes qu'elle absorbe, intimide et séduit, n'ont
jamais pu se passer \
Peut-être aurions-nous dû commencer ce chapitre sur
l'économie rurale de la France par l'étude de l'agriculture
elle-même, de ses méthodes, de ses produits, de sa place
dans la richesse nationale, mais, nous l'avouons, les
hommes, leur vie matérielle et morale nous ont attiré tout
d'abord et nous avons gardé pour la fin l'art qui les faisait
vivre. On pense bien, d'ailleurs, que, sur cette partie de
notre sujet, nous ne pouvons qu'indiquer les principales
dilTérences qui distinguent l'époque de Henri IV et la
nôtre.
Le système de culture universellement suivi était
1. Voy. aussi la Pronoslicalion des laboureurs, lô-il, dans le recueil de
MoNTAioLox et de Hotiisciiild, H.
2. La première édition sortit des presses de Pierre Garnicr, libraire a
Trnyes. qui ne cessa de le réimprimer dans le format in-i». L'exemplaire
que nous avons eu sous les yeux et qui date de 1602 'in-4°), porte toute-
fois le nom de Nie. Bo.nfo.ns et indique Paris comme lieu d'impression.
Voy. Notice sur Jehan de Urie, par Paul Lacroix, en ti'te du lion llerrjer.
:j. Voy. notamment .Maluy, Lea Fées au rito'jen d'je.
CÉRÉALES. 6 5
l'assolement triennal ou biennal. L'assolement triennal, on
le sait, divise le domaine en trois parties : la première est
semée en hiver, la seconde au printemps, la troisième est
seulement labourée et reste en jachère. Des deux parties
entre lesquelles le domaine se trouve divisé par l'assole-
ment biennal, l'une reçoit les ensemencements d'hiver et
de printemps, l'autre est laissée en guérets. Deux années
et une année sur trois, dans la première rotation, une
année sur deux dans la seconde, chaque sole est donc
ensemencée ou livrée au repos '. Ce n'est que de nos jours
que l'agronomie, éclairée par la connaissance des terrains
et servie parles engrais chimiques, a su, en faisant succéder
sur le même sol les plantes à racines pivotantes (luzerne,
trèfle, etc.), et les plantes à racines chevelues (blés, orge,
avoine), substituer le régime de Talternance au régime de
la jachère". Encore faut-il ajouter que le nouveau système
n'a pas triomphé partout dans notre pays et que l'ancien
n'a pas perdu tous ses défenseurs ^
Les céréales, on le voit, formaient la base de la rotation
en usage au temps de Henri IV. Elles étaient, en efl'et, le
produit le plus important de l'agriculture française.
Comme elles fournissaient l'aliment principal de la classe
inférieure dans notre pays, elles furent toujours l'objet
particulier de la faveur et des encouragements du pou-
voir. Cette faveur avait même conduit à certaines exagé-
rations : pour ne pas laisser diminuer, pour augmen-
ter la production des céréales, on avait fait arracher des
vignobles \ on s'était livré à des défrichements excessifs.
1. Delisle, Éludes sur la condition des classes agricoles, 297-298, 304-319.
Hasïiat, Considérations sur le métayage dans Journal des économ., 1846.
Du Chaïelier, L'agriculture et les classes agric, 215-210. Roscher, Écononne
politique rurale, trad. par Vogel, préface par L. Passy, 87-88.
2. RoziER, Cours d'agriculture.L. deL.\\KnG:<E, Econo)nie rurale de la Fra7îcp.
3. Bastiat, loc. cit. L. de Lavergne, Op. laud.
4. Délibération des états de Bourgogne de la fin du xvie siècle deman-
dant l'arrachage des vignes qui ont envahi les plaines et qui réduisent le
6tî VITICULTURE.
Connu en Normandie dès 1460 ', le sarrasin avait fait, trente
ans après, son apparition en Bretagne et avait été pour la
population nécessiteuse de cette province une grande
ressource-. Quclcpefois la récolte des céréales était assez
abondante pour permettre l'exportation ; d'autres années, au
contraire '\ elle ne suffisait pas à la consommation. Dans
une lettre circulaire * écrite le 1" octobre 1595, au lende-
main d'une récolte très inférieure aux besoins, ITenri IV
recommande aux autorités municipales d'attirer le blé
étranger en rassurant les marchands qui pouvaient craindre
la saisie et en leur faisant espérer qu'il sera taxé à un prix
rémunérateur. Les provinces les plus fertiles en céréales
étaient la Touraine, le Pays Messin, leQuercy, la Guyenne,
le Languedoc, la Provence, la Picardie, le Soissonnais, la
Brie, le Bassigny, la Normandie, mais surtout la Beauce
qu'on appelait le grenier de la France'.
La vigne venait, dans les richesses naturelles de la
France, immédiatement après les céréales. La viticulture
s'était propagée un peu partout, et ce n'est pas sans éton-
nement qu'on la rencontre dans des latitudes qui nous
paraissent aujourd'hui lui être tout à fait rebelles. Cette
dispersion s'était en partie produite par suite de cette idée
que chaque province et môme chaque circonscription
plus petite constituait un monde économique fermé, qui
devait trouver toutes ses ressources en lui-même. Toute-
fois on remarque, dès l'époque de Henri IV, la préoccu-
terrain propre à la culture des céréales. La proposition fut rejetée comme
attentatoire à la liberté des propriétaires. Congrès scientifique de France,
XXV-^ session, p. 388.
1. Delisle, op. laud.
2. « Car, à la vérité, sans ce grain qui nous est venu depuis soixante
ans, les gens pauvres de ce pays auroient beaucoup à souffrir, combien qu'il
amaigrisse fort la terre. » Noël du Fail, Contes... d'Eutrapel, xxix.
:i. Relation de Badoer (1603-1605), I, 84.
4. Lettres miss.. IV. 413.
5. Causes de l'extrême cherté. Ubi supra, p. I7:î. I'miuppson, II, 33G.
Grégoire, p. or.. The View of Frriunce, par DAi,i,iNoroN, p. 4.
VITICULTURE. 67.
patioii d'approprier les cultures aux terrains et aux; climats
et de ne pas persister dans celles qui sont désavouées par
la nature. C'est ainsi que la viticulture avait été abandonnée
en Normandie, en Picardie, en Bretagne'. Si elle occupait
une zone beaucoup trop étendue encore, elle le devait
non seulement à la considération que nous avons dite,
mais encore à ce qu'elle exigeait moins de capital que la
culture des céréales et oiTrait au petit propriétaire un
travail plus rémunérateur ^ Il résultait de son extension
que le vin était abondant et peu coûteux et que l'usage
en était assez répandu pour que l'auteur du Discours sur les
causes de l'extrême cherté ait cru pouvoir écrire en 1386
que tout le monde en buvait, assertion dont il faut préciser
la véritable portée en ajoutant que ce n'était pas pour
tout le monde une habitude, que les paysans ni même les
ouvriers n'en buvaient qu'exceptionnellement.
L'énumération des crus en renom fera connaître ce qu'on
pourrait appeler les migrations de la viticulture ainsi que
les variations du goût. Dans les vins rouges ou clairets
on distingue trois groupes: celui de l'Orléanais, celui du
Yivarais (Montélimar, Yilleneuve-de-Berg, Tournon) et
celui de la Bourgogne (Sens, Auxerre, Tonnerre, Joigny,
Chablis, Seurre et Beaune). A ces trois groupes il faut
joindre quelques crus isolés : ceux de Canteperdrix* et de
Bagnols (Gard), de Ris (Ris-Orangis, Seine-et-Oise), d'Ay
(Marne), d'Arbois (Jura), de La Rochelle, de Castelnau
et de Moussengirard*, et le cépage de Picardent, cultivé
encore aujourd'hui sur les territoires de Marseillan, de
Florensac et de Pomerols dans l'Hérault \ Parmi les vins
1. Théâtre d'afjric, I.
2. A. YûUXG, Voyages en France, II, 189.
3. Commune de Beaucaire, Gard.
4. Legrand d'Acssy, Histoire de la vie privée des Français, éd. de
Roquefort, III, "20.
ô. JIoLiLLEFERT, Les vifjnobles et les vins.
68 CULTURES DIVERSES.
blancs, les plus recherchés élaieut ceux dOiléans, qu'on
appréciait encore plus que ses vins rouges, ceux de
lAunis, du Vivarais (Joyeuse, Largontiùre, Montréal,
Cornas'), de Boaune, de Lenibras (Dordogno, canton de
Bergerac), ceux du Laonnais- (Coucy qui était un \\-
gnoble royal, Beaurieux, Pargnan, Jumigny, Guissy),
ceux de l'Anjou, de Loudun en Languedoc, de Montréal,
de Gaillac, de Uabasteins, de Nérac, do Graves, les mus-
cats et blanquettes de Frontignan et de Mircval (llcraull).
Sans égaler ceux que nous venons de nommer, les plants
aujourd'hui obscurs ou discrédités d'Argenteuil, de Vanves,
de Meudon, de Montmartre et d'autres du terroir sablon-
neux des environs de Paris, passaient pour donner un
vin trc's sain^
Après le vin, la boisson la plus recherchée par nos
ancêtres était le cidre' et le poiré. La bière ne venait
quaprès et l'on n'en buvait que dans les pays privés de
pommes et de poires, tels que certains endroits de la
Picardie. L'hydromel remplaçait le vin dans les pays où
manquait la vigne et où le miel abondait, du côté des
Ardennes, par exemple.
Nous ne ferons qu'énumérer, avant d'arriver aux prairies
et à l'élevage, certaines cultures peu répandues. La canne
à sucre était cultivée en Provence, L'ambassadeur d'Angle-
terre Carew nous apprend que le roi en ht planter dans les
1. Ardèche, arrondissement de Tournon, canton Saint-Peray.
2. Flei HY, Les vins du Laonnoh. Bulletin de la Sociéli; académi>jue de
/.uo/(, X\( 1874).
;{. Théâtre d'ar/ric, I, 209-2G0. Bouchet, Serées, l et II, 2.i0. Etienne et
LiÉBALLT, M'iison rustique, f. 322, 3i9 et suiv. {{akelms, Pantagruel, 111, lvii,
V, XXXIV. GoiioRUY, Devis sur les vif/nes, vins et vendunr/es (154'J).Cii. Sohei.,
Les visions admirables du pi}lerin du Parnasse, lG3r>. Cokvat, Crudilies hus-
tily ffohled up in five ino/il/is trnvels in France, ICll. London. Giii.loky, Les
vinslilancs d'Anjou dans Bulletin de la Soc. indusl. d'Anjou (1800). Philipp-
60N, II. 33fi.
4. Voy._ sur la poniologie normande les détails minutieux donnés par
S. Lues et M. i>E Beaurepaike.
PATURAGES. 69
îles d'Hyères, étendant ainsi les essais qui avaient déjà été
faits sur le continent, aux environs de la ville elle-même*.
Mais cette culture resta aussi limitée que celle du riz, que
nous tirions presque entièrement de l'étranger et que l'on
achetait très cher et à la livre, comme le sucre-. Le pastel
ne venait bien que dans le Lauraguais^ Le Dauphiné
fournissait les meilleures châtaignes. On trouvait le safran
en Auvergne et dans l'Albigeois \ Le sel était assez abon-
dant pour former l'un des principaux articles de nos expor-
tations. On en recueillait en Saintonge, en Lorraine, en
Bourgogne, en Provence, en Languedoc, en Guyenne ;
celui de Saintonge était le meilleur et le plus facile à con-
servera On récoltait en Normandie, en Bretagne et dans
une partie de la Picardie du lin et du chanvre de très bonne
qualité*^; la culture en était assez étendue pour donner
lieu à un commerce avec l'étranger.
L'importance des prairies dans l'économie rurale avait
été parfaitement comprise par Olivier de Serres. « Sur
l'herbage, écrit-il, CQmme sur un ferme fondement toute
l'agriculture s'appuie. Aussi voit-on que, moyennant le
bétail, tout abonde en un lieu, tant par le denier liquide
qui sans attente en sort, que par les fumiers causans abon-
dance de toute sorte de fruits. » En l'absence de toute
circonstance de nature à modifier cette répartition, la part
des bois et des prairies dans le domaine rural devait,
d'après lui, être des deux tiers. En réalité, les pâturages
I. BiRCH. Dems, Description géogr. et hist. de V Amérique septentrionale,
1673, I, 17. Dems et Chassixat. Uyères ancien et mocL, 400-401.
3. Recueil de ce qui se passe dans l'assemblée du commerce... dans les
Documents inéd.
3. Théâtre d'agric., II, 428. Pibrac, Les plaisirs de la vie rustique. Œuvres,
éd. Courbé, p. 130.
4. Pibrac, Uhi supra. Philippson, II, 337.
5. Causes de l'extrême clierté, 153. Reg. journaux de Lestoile, nouvelle
édit. (1574), I, 46.
6. Econ. roy., VI, 319. Discours préliminaire par l'abbé Texier en tête
de la section Agriculture de VEncyclopédie méth.
70 PATURAGES.
élaient loin doccuper la place que le savant agronome leur
assignait. Des droits de dépaissance, dont les uns étaient
réservés aux habitants des communautés, aux cojiimuniers
[pâturer vires on //rassrs), dont les autres étaient acquis à
tout le monde {vaine pâture), suppléaient à rinsul'iisancc des
pacages dans la propriété privée. Le droit de vaine pâture
s'exerçait sur les prés après la première coupe et môme
après le regain. En général, les propriétaires pouvaient s'y
soustraire en se clolunint; cétait le principe dans les i)ays
(le droit écrit et môme ailleurs. Certaines coutumes
pourtant imposaient au propriétaire l'obligation de subir
la vaine pâture. Les paroisses dont les territoires étaient
contigus, jouissaient, sous le nom <)^ entrecours, du droit de
faire pâturer leur bétail sur leurs communaux respectifs'.
Ces communaux avaient été, dans le cours des siècles et
surtout pendant les guerres civiles, usurpés par les
seigneurs. Les paroisses grevées les avaient elles-mêmes
aliénés à vil prix. On a vu qu'un édit rendu en 1600, au
mois de mars, leur accorda, pendant quatre ans, la faculté
de les racheter au prix coûtant -.
La théorie des prairies artificielles était connue. Dès
1389, Ch. Estienne et Jean Liébault en avaient indiqué la
méthode ^ mais les propriétaires avaient peu profité de la
leçon. La pratique ne s'en répandit guère davantage après
([u Olivier de Serres eut tracé la distinction des prés na-
turels et des prairies artificielles, en même temps qu'il
décrivait l'irrigation en homme qui en a la longue expé-
1. Coutiune du bailliage de Sens (I50()), titre xv; du bailliage d'Auxerre,
de l'évôché et comté de Verdun, de Bordeaux (1520), art. ex, de la baronnie
de Linières en Herry (1.531)), de Vitry-le-Francois (1509). chap. xi. Loisel,
Insl. coût., n^s 245. 24". Boucher i/Augis, Code rural. Boncfmk, Les inconvé-
nients des droits féodaux, p. i). Mehi.in, Répertoire, v" Vaine pâture. Rivière,
Hist. des biens communaux en France, 1856. Glasson, Communau.v et
commxinnulés dans l'anr. droit franc. Revue ftist. du droit, 1891.
2. FuE.MiNvii.LE, Traité de Jurisp. sur l'orig. et le f/ouv. des communaux,
p. 7-8, .3!». 114. Cahier du tiers état aux états de Blois, 157G. Picot, IH, ,389.
'■i. L'a;jricullure et maison rustique, '2''-).
ÉLEVAGE. 17
rience'. En admettant, sur la foi de Grégoire- qui n'en
donne pas la preuve, que le roi ait créé, d'après les préceptes
du g-rand agronome, des prairies artificielles dans plusieurs
de ses domaines, il n'en résulterait pas que cet exemple ait
trouvé beaucoup d'imitateurs. La propagation systéma-
tique des prairies artificielles n'a eu lieu qu'au xyu!"" siècle
et, même alors, elle rencontra une telle résistance qu'il
fallut, pour la vaincre, accorder aux propriétaires des pri-
vilèges, des exemptions dédîmes, par exemple'.
En dépit des avantages dont la vaine pâture, les com-
munaux et le parcours faisaient jouir les petits éleveurs, la
production du bétail était peu développée et fort inférieure
déjà, par exemple, à celle de Tx^ngleterre. L'élevage, du
moins, avait le mérite de soumettre aussi peu que possible
le bétail à la stabulation, on préférait le laisser pâturer en
liberté, au risque d'éprouver des difficultés pour s'en
rendre maître \
C'était principalement en Berry et, à un moindre degré,
en Auvergne, en Picardie, en Bretagne, en Sologne, dans
l'Ile-de-France, en Normandie, dans le Valentinois, dans
les monts Corbière qu'on s'adonnait à l'élevage ^ On se
livrait à celui du cheval en Bourgogne, en Normandie, en
Bretagne, en Auvergne, en Poitou, en Gascogne, dans le
Perche, la Bresse, le Lavedan% mais la production chevaline
était très insuffisante et pour les besoins de la vie civile où
le cheval restait le moyen de transport le plus employé et
pour la remonte de la cavalerie qui constituait encore la
force principale des armées. Olivier de Serres regrette
1. Théâtre d'agric, chap. m du VI*^ livre.
'2. Loc. cit.
3. Dareste, 267. Condorcet, Élo(]e de Duhamel de Monceau.
4. Voy. dans le livre de raison de Gouberville la fréquente mention des
battues organisées pour s'emparer du bétail, des chevaux surtout.
5. Théâtre d'agric, I, 558. Philippson, II, 337.
G. Mé7n. de J.-A. de Thon, Michaud et P. XI, 300.
72 ELEVAGE.
que la France, riche en races de chevaux \ soit obligée de
tiror d'Allemagne, d'Angleterre, d'Italie, de Corse,- de
Sardaigne, d'Espagne, de Turquie, de Transylvanie la plus
grande partie de ceux dont elle a besoin^. Le Danemark et
la Flandre en fournissaient aussi. La création des haras fut
une des questions qui occupèrent la commission du com-
merce dont nous dirons ailleurs la'mission et les travaux.
Le roi en établit à Meung-sur-Loire et à Saint-Léger dans
le comté de Montfort-l'Amaïu'y ^ et subventionna la créa-
tion d'une jumenterie entreprise par IMarie de Neufville,
femme de Jacques Paillard d'Urfé, dans le marquisat de
Bagé*. En même temps qu'on cherchait à augmenter la
production, on songeait à diminuer l'importation et à conser-
ver au pays l'argent qu'elle lui coûtait. Lafïemas proposait
de défendre cette importation aux nationaux et d'obliger
les étrangers, qui pourraient seuls s'y livrer, à employer en
marchandises françaises le profit qu'ils en tiraient''.
La réputation des bœufs du Limousin et de la vallée
d'Auge comme des veaux de la Brie* n'autorise pas à
affirmer que l'élevage de la race bovine fût très perfectionné,
et en réalité deux espèces seulement relevaient la France
de l'infériorité où elle était restée dans la production du
bétail : l'espèce ovine pour |la quantité et la qualité',
1. « N'y a-t-il point de bonnes races de chevaux... en divers lieux du
royaume que Ion nomme chevaux de païs? » GoHORnv, op. Imtd.
2. Théâtre il' agric, I, 54'2. Goiiourv, loc. cit.
3. fiecueil de ce qui se passe... Ubi supra. Isaac Laffemas, Histoire du com-
merce dans CniBEu et Danjou, 421. Arrêts du Conseil d'État, Bibl. nat., niss.
franc., 181G'.), fol. 102 v. 181G3 fol. lôO vo. Sully gagnait de l'argent en
achetant en Allemagne des courtauds qu'il revendait cher en Gascogne.
Economies roy, collection Michaud, 1, 378. Sur l'élevage du cheval,
voy. Théâtre d'aqric , VI^ lieu, chap. x.
4. ArnH du conseil du 27 janvier IGOÔ. Bibl. nat. fr., I8IG8, fol. 52. Sur
l'élevage du cheval, voy. encore Bealrepaihe, \oles et documents concernant
l'ancienne administration des liaras en Normandie, 1860.
â. La commission, édit, etc.
6. GoHOHRY, loc. cit. Le Rolx de Lincv, ?rov. franc. Dallington, p. .').
7. « ... Castrati particolarmente, i quali, par la (jualiti délie erbe che
ENGRAIS. 73
l'espèce porcine pour la quantité tout au moins. Les laines
françaises étaient très recherchées à l'étranger. Les plus
hues venaient du Berry, de la Sologne, de l'Ile-de-France,
de la Normandie, du Valentinois, des monts Corbière'.
Là où le hétail est insuffisant, l'engrais l'est aussi. Dans
certaines provinces, d'ailleurs, par incurie ou par système,
on ne fumait jamais les terres; c'était le cas de la Provence-.
Ailleurs on était plus éclairé; dans le Maine, dans d'autres
provinces encore, on appréciait tout le profit que tire la
terre du parcage des moutons \ Si un dicton du x\f siècle
reconmiande de donner au bétail une abondante litière,
c'est surtout pour avoir plus de fumier'. Dans certaines
régions, notamment dans certaines parties de la Gascogne,
on mettait la marne au-dessus de tous les amendements".
Uécobitage n'était guère pratiqué que dans quelques
cantons des Ardennes% mais le brûlis, qui en ditïère peu,
était plus répandue On y recourait surtout quand, au lieu
de laisser reposer la terre, on lui demandait une récolte
deux années de suite ^ Les autres amendements en usage
étaient, outre le fumier d'écurie et d'étable, la fiente du
colombier ou colomhine.^ le varech, le sable marin, le com-
post provenant des boues et du curage des viviers et enfin la
chaux qui nt^ passait pas pour exercer une action très rapide ^
mangiano e per l'aere che spirano, sono in quel paese molto piu saporiti
che non è il vitello d'assai... » Relation de Duodo, 1598, IJhi supra.
1 . Théâtre cVagric., I, ô.îS. André du Chesne, 490.
2. Qi.NQUEREAU DE Beauieu, évêquc de Senez. De luudibus Provincise, 1550.
Cité par Grégoire, op. laud., cxxx.
-3. Belox, cité par Doniol, Histoire des classes agric, 345.
4. Et plus met-on de paille en Testable et plus il y a de furoier. Le IIolx
DE LixcY, Prov. franc., v» Fumier.
5. B. Palissy, Recepte véritable par laquelle tous les hommes de la France
pourront appreyidre à multiplier et augmenter leurs thrésors, !563. Préface.
6. B. Palissv, cité par Grégoire, cxxx.
7. ToLLEMEP,, 317. On sait que l'écobuage consiste à enlever la superficie
de la terre avec les racines et à les brûler, tandis que le brûlis se réduit à
brûler les chaumes après la récolte.
8. Bernard Palissy, op. laud.. 509.
9. GouBERViLLE, -306. ToLLEMER, p. 317. Le Rolx DE Lixcy, Prov. franç.
•74 CONCLUSION.
Si nous ne nous trompons, les faits que nous venons de
mettre sous les yeux de nos lecteurs ont dû les préparer
aux conclusions quil nous reste à leur présenter.
AravènementdellenrilV,ragriculturesubissaitunecrise
(jui durait depuis vingt-sept ans environ etqui avait appauvri
les gramls propriétaires, ruiné la petite culture, multiplié
et aggravé les servitudes féodales, déclassé en partie la
plèbe rurale en lui laissant des habitudes de désœuvrement,
des ferments de déliance et de révolte. Près de dix ans
s'écoulèrent encore avant que la population agricole se
rassît et reprît racine de façon à se prêter à une étude qui
ne peut être féconde que quand elle s'applique à une société
au repos ou. pour mieux dire, livrée à une activité réglée.
Voici ce que cette étude nous a montré : une agricul-
ture i)eu intensive, bien qu'aucun engrais naturel ne lui
soit inconnu ; la prépondérance des céréales dans les asso-
lements; la dispersion mal entendue de la viticulture;
l'insuffisance des pâturages, et, par suite, de l'élevage;
l'exploitation sans ménagement des forêts ; le règne de la
routine ou, si l'on veut, de la tradition, menacé, dans un
avenir encore éloigné, par l'apparition d'un livre oii la
doctrine, appuyée sur l'expérience, fonde l'agronomie
française.
Bien qu'il ne manquât pas de grands domaines, la pro-
priété foncière, par suite de l'égalité des partages \ était
plutôt morcelée. Le crédit agricole n'existait pas et l'intérêt
élevé que l'argent rapportait dans les offices et les fermes
éloignait les capitaux de l'agriculture, comme de l'indus-
trie et du commerce. Les grands propriétaires résidaient
encore sur leurs terres, bien qu'ils se sentissent déjà
attirés vers la ville et la cour. Quand ils n'exploitaient pas
eux-mêmes, ils avaient des fermiers, des colons partiaires
1. « Les partages sont la ruine des maisons de village », écrivait Giy
Cfior;i.i.F.
CONCLUSION. 75
et des locataires emphytéotiques. Grâce à leurs longs baux,
fermiers et colons partiaires, et, à plus forte^raison, loca-
taires emphytéotiques, jouissaient avec sécurité du fruit
de leurs travaux et de leurs dépenses. En revanche ils
trouvaient dans leur bailleur un seigneur qui exerçait sur
eux, concurremment avec le roi, les attributions de la
souveraineté. Malgré les charges de cette souveraineté,
malgré le trouble que les guerres civiles et les usurpations
qui en avaient été la conséquence y avaient apporté, les
rapports des grands propriétaires et de leurs tenanciers
tendaient à reprendre leur ancienne familiarité.
Dans la renaissance agricole qui suivit les guerres
civiles, une grande part doit être accordée à la royauté. Le
bien que la monarchie de l'ancien régime a fait, elle a
eu bien plus de mérite à le faire que les gouvernements
centralisés des temps modernes, car sa bonne volonté a été
souvent contrariée par les autonomies locales, par l'apathie
nationale, par ses propres instruments. Si l'opinion, repré-
sentée surtout par les états généraux, lui a souvent inspiré
ses meilleures résolutions, il faut lui tenir grand compte
de l'énergie qu'elle a dû déployer, avec un système admi-
nistratif et fiscal aussi vicieux, pour les faire triompher.
HenrilV, pourne parler que de lui, aexonérél'agriculturedu
passif arriéré qui la grevait et réduit d'un quart le mon tant de
la taille , dont elle supportait le principal poids. Il lui adonné la
sécurité. Bien qu'il n'ait pas fait, comme l'a dit M. Poirson,
de la liberté du commerce des grains le régime normal et
permanent du pays, bien qu'il l'ait assez souvent subor-
donnée aux circonstances, il en a adopté le principe et il a
réussi à le faire presque constamment prévaloir. Il eut
à combattre pour cela les préjugés du temps et les résis-
tances locales. Ce ne fut pas sur ce point seulement qu'il
s'y heurta. Quand il entreprit de dessécher les marais, le
pays refusa ses capitaux, et les populations qui devaient
76 CONCLUSION.
profiter le plus directement du dessèchement et dont il
avait si scrupuleusement ménagé les droits acquis, entra-
vèrent les travaux. Sully et Olivier de Serres, bien que
linlluence de celui-ci ait été lente à se répandre et soit
difficile à saisir, doivent partager avec Henri la gloire
davoir rendu l'essor à l'agriculture nationale.
CHAPITRE II
L'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE
Qu'on les considère au point de vue moral ou au point
de vue économique, quelle différence entre le milieu que
nous quittons et celui où nous allons entrer! Au lieu de
travaux réguliers comme les saisons, dont les méthodes et
les procédés se modifient peu et lentement, au lieu d "une
population qui ne connaît d'autre groupement que la
famille, dont les seuls liens sont des liens de voisinage et
de commune dépendance, dont la vie et la pensée sont
absorbées par le labeur quotidien, qui n'apprend les évé-
nements publics que par des échos vagues et infidèles,
nous nous trouvons en présence de travaux qui, sans
égaler la mobilité, sans passer par les transformations
perpétuelles de l'industrie contemporaine, répondent, en
dépit de la réglementation, aux sollicitations, aux exigences
du progrès, du goût et de la mode, en présence d'une
population divisée par ses occupations professionnelles en
groupes qui s'observent jalousement et dont chacun recèle
lui-même certaines divisions, avide de nouvelles et de
spectacles, ne manquant jamais ni des unes ni des autres,
prompte à se passionner pour les questions qui y sont en
jeu, passant facilement de la curiosité aies suivre et à les
commenter au désir de jouer un rôle dans les événements.
Les dissensions civiles avaient atteint l'industrie moins
78 EFFETS DES GUERRES CIVILES.
directement que l'agriculture ; mais elle n'avait guère moins
soutTert. Mieux protégées que les campagnes contre le pillage
mais excitant ])!us de convoitises, les villes n'échappaient
pas aux réquisitions, aux contributions de guerre exigées
par les deux partis, catholiques et protestants, royaux et
ligueurs. Leur mise à sac faisait si bien partie des lois de la
guerre, qu'elle avait ses règles. Elle était limitéi^ à trois
jours : un pour piller, un pour emporter et le troisième
pour négocier et fixer la rançon de ce qu'on voulait bien
laisser aux vaincus \ Parmi les artisans, les uns s'enrô-
lèrent au service du premier chef de partisans venu, les
autres émigré rent, d'autres grossirent les bandes de
mendiants formées par les réfugiés des campagnes. Cette
immigration dans les villes fut un des soucis les plus
grantis des municipalités urbaines qui en comptèrent tant
d'autres. Déjà embarrassées des pauvres que le chô-
mage et la diminution des alîaires multipliaient parmi
leurs administrés, elles voyaient avec inquiétude affluer
aux portes ceux du plat pays. Bouches inutiles, bras
sans ouvrage, moralité suspecte, maladies contagieuses,
intelligences avec l'ennemi, esprit de sédition, c'est là
tout ce qu'elles pouvaient en attendre. On leur fermait
les portes, mais, trompant la surveillance, ils se glissaient
isolément dans les villes ou y pénétraient en masse,
moitié de gré, moitié de force. Alors on les expulsait
en y employant des bourgeois commis à cet elîet sous le
nom expressif de chasse-coquim ou bien on les embriga-
dait, en les marquant d'un signe particulier, dans des
chantiers de démolition et de terrassement -. La peste, la
1. Mémoires de La Noue, collection Michaud, I, IX, 002.
■2. Het/islres du bureau de la ville de Paris, p. p. GuÉnix (année lôi)G),
p. 237, 238, 241-242, 24.!, 24'J. Mémoires de Jean Burel, bourr/eois du Puy,
p. p. CiiAssAiNG, p. 66, 03, 99 (années 1.S80, 1.^80). Délibérations du coiiseilde
la commune île Carcassonne. Mém. de la Société des arts et sciences de
Carcassonne, II (1850), 14 octobre 1580 et 22 novembre. 10 décembre lô'JC.
EFFETS DES GUERRES CIVILES. 70
famine venaient périodiqiiementdécimer ces agglomérations
usées par la misère'. Il y avait en de tout temps dans la
classe ouvrière des instincts de turbulence et de révolte,
17 avril 1587. Mémoires sur la Ugxe dans le Laonnois, p. Axt. Riciiart, p. p.
la Société académique de Laon 18G7 (année 1590). Délibération de Féchevi-
nage de Giiauny du 8 février 151)5 dans Bulletin mensuel de la Société
académique de Chaumi, I, ?8I (I88G). « Fut fait un règlement concernant
les pauvres... que les forts et vigoureux travailleroient aux forts et que
tous les gueux porteroient une marque de plomb sur laquelle seroient
les armoiries de la ville » 1507. Diaire de Jacques Mkrlin... Arch. hist. de
Saintonge. V (1878). Cahuo, Histoire de Meaux, p. .'70. Lepinois, Histoire
de Chartres, II, 28G-287. Laffemas. Reigl. r/en..., p. 12.
I. Sans entreprendre de justifier par des faits particuliers cet aperçu de
la détresse des villes, citons quelques exemples qui en préciseront et en
animeront les traits généraux. En 1579 1e capitaine huguenot Merle, aj'ant
surpris Mende, l'avait livrée, pendant dix ou douze jours, au massacre et
au pillage, et avait mis les habitants à rançon. Bulletin de la Société d'' agri-
culture, industrie, sciences et arts de la Lozère, 111 (i852), p. 9^. Bourg-
en-Bresse avait été pris et saccagé 'arrêt du conseil d'État, 10 février U;03.
Bibl. nat. fr. 18100;, Aynay-le-Chàteau avait été pillé et saccagé trois fois,
la Flèche quatre, la Ferté-.Milon avait été assiégée à plusieurs reprises et
entièrement saccagée, Dreux avait été mis à sac (Reg. du conseil d'État
de 1594. Bibl. nat. fr. 18159, fol. 19 v», 358 v», 406 v», 477 v»). Un arrêt de
la même année parle des pertes subies par Châteaudun à la suite du pas-
sage des armées, de la prise et de la reprise de la ville (fol. 00), un autre
des pertes et misères souffertes par les habitants de Vendôme lorsque leur
ville fut prise (fol. 67), un troisième remet à Joigny ses tailles arriérées à
cause des grandes pertes et ruines soutl'ertes durant les troubles (fol. 92);
il est question dans le même registre de la « notoire pauvreté » des habi-
tants de Brienon-F Archevêque « advenue à l'occasion des troubles, passages
et séjour des gens de guerre » (fol. 160), des « pertes, ruynes et ravages
soutferts par les habitants de Malay-Vicomte, tant au passage, séjour des
gens de guerre que à la prinse et reprinse de lad. ville faicteà trois diverses
foys » (fol. 458 v°). Un arrêt de 1599 nous apprend que Xoyon avait été pris
deux fois, que les deux tiers de ses maisons avaient été brûlées, que la
ville avait été décimée par une épidémie (Bibl. nat. fr. 1810, fol. 48). En
1575, Provins se rachète du pillage par une contribution en nature (BouR-
QCELOT, Hist. de Provins. FI, 159), elle subit des réquisitions et des contri-
butions de guerre multipliées (p. 160, 167 note). La peste s'y déclare en
1581, reparaît en 1582, puis en 1580, à la suite de la famine ; elle y régnait
encore à la fin du xvi^ siècle ip. 165-lOG). A la même époque, les foires et
le commerce y étaient entièrement ruinés, de 1500 chefs de famille il n'en
restait pas 500, les villages des environs étaient presque déserts (p. 193-
194). Dans le voisinage, Chalautre-la-Grande avait été saccagée et détruite
en 1580 par les troupes du duc de Guise. La soumission de la Normandie
au roi n'y avait pas rétabli la sûreté des communications, en 1594 le com-
merce y était encore impossible (Arrêt du conseil du 24 nov. 1594. Bibl.
nat. fr. 18159, fol. 402 V). Voy. tncove Hist. de ce qui s'est passé en Bretagne
pendant les guer>'es de la Ligue, par le chanoine .Moreau.
80 ABUS DE l'organisation INDUSTRIELLE.
mais ils avaient été le plus souvent contenus par la vigi-
lance du pouvoir et par le souci de l'existence profession-
nelle. Entretenus pourtant au sein des réunions de confréries
et de compagnonnage, ils avaient fait explosion le jour où
la sainte Inion, prêchant la guerre civile dans toutes ses
églises, avait armé les gens de métiers, les avait fait entrer
dans ses conseils, leur avait appris à trancher des alfaires
d'État '. Est-il besoin d'ajouter après cela que la déférence
des ouvriers pour leurs patrons en avait été fortement
atteinte-?
La situation misérable de l'industrie était en partie
imputable à son organisation même. Cette organisation
recelait des germes de décadence que les troubles poli-
tiques avaient fait mûrir et éclore. Les rois des merciers
qui avaient commencé au xiv'' siècle à exercer une cer-
taine autorité sur les merciers \ c'est-à-dire sur les mar-
chands en gros de certaines provinces obligés par la nature
de leurs alTaires à aller de foire en foire, avaient, à une
époque que nous ne pouvons préciser, mais qui est anté-
rieure à François 1°'', étendu cette autorité sur tous les
marchands et artisans. Personne ne pouvait exercer un
métier sans avoir obtenu à deniers comptants des lettres
de maîtrise du roi des merciers dans la juridiction duquel
il était placé et qui percevait en outre tous les six mois des
droits de visite et d'apprentissage*. En revanche les rois
des merciers avaient charge de veiller à la police des
métiers. François I" tenta, mais sans succès, de réunir à la
1. Harangue de .M. de Lyon dans Satire Ménippée éd. Labitte, p. 8G. Uexé
Benoist, De l'institulion et abus des confréries, 1578. Bodio, Les six livres
de la HépuldifjUP, 1580.
2. Lakfemas, Reit/l. gun., p. 12.
3. ... De toute ancienneté, il est acoustunié avoir en notre pays de Beau-
jolais un prévôt et maître des merciers fréquentans foires et marchés ])our
maintenir les franchises, libertés et usagesentre eux... usités. Nomination
d'un prévôt des merciers de Beaujolais en 1427 par la duchesse de Bourbon.
llullelin de la Société d'émulalion de l'Allier, X, p. 123.
■i. Préambule de Tédit d'avril IJ97. Foxta.nux, I, 1101.
ABCS DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE. 81
couronne ces droits et cette police. Les rois des merciers
continuèrent à percevoir ces taxes, concurremment avec les
gardes-jurés, et les uns comme les autres commirent une
foule de malversations et d'abus. Ces gardes-jurés, nélant
plus élus par les corporations, mais nommés par les rois des
merciers', sentendaient avec eux pour tirer de leurs
charges le plus de profit possible aux dépens des membres
des corporations, aux({uels ils faisaient accepter leurs
exactions en tolérant leurs malfaçons et leurs fraudes'. Les
maîtrises n'étaient devenues accessibles qu'aux fils et aux
gendres de maîtres ou aux candidats assez riches pour se
concilier la bienveillance de ceux-ci par des présents et des
banquets^; à Paris, ces banquets coûtaient aux candidats
de 60 (566 fr. 29) à 200 écus (1887 fr. 63). Les apprentis
riches faisaient à prix d'argent abréger le temps de leur
apprentissage". C'est en vain que le candidat, qui n'avait
pour lui que son mérite, se tirait à son honneur de l'épreuve
longue et coûteuse du chef-d'œuvre, ses examinateurs
refusaient le plus souvent leur approbation à une œuvre
que beaucoup d'entre eux auraient été incapables d'exé-
cuter ^
Mais l'industrie n'était pas universellement soumise au
régime des maîtrises et des jurandes; bon nombre de villes
ne le connaissaient pas. Celles où il était en vigueur se
distinguaient par le nom de villes jurées ou villes de loi.
Même dans celles-ci, bien des métiers étaient libres et le
1. Édit d'avril 1597, art. 4.
2. Ibid. « Deffences seront faites à tous malstres jurez... de plus lever
sur la communauté de leur mestier autres deniers que ceux... mentionnez
aud. règlement et d'en abuser comme ils ont fait par le passé sous pré-
texte de pieté... » Reigl. gen., p. 25. Voy. l'éuumération des abus commis
par les jurés dans un document publié par M". Levasseur, Hisl. des classes
ouvr., Il, 99.
3. Édit. de déc. 1581. Foxtanon, I, 1091. « ... au lieu de festins et autres
frais qu'il lui faudroit faire,.. » Reigl. gen., p. 22.
4. Édit de déc. 1581. Ubi supra.
5. Ibid.
82 DÉCADENCE DE CERTAINES INDUSTRIES.
restaient jusqu'au jour où leur importance croissante les
faisait ériger en corporations. Ce régime ne s'étendait pas
d'ailleurs aux villages ni aux bourgades. Là où elle avait
été mise à môme de porter ses fruits, la liberté avait-elle
été moins fertile en abus que la réglementation? C'était
tout le contraire. La licence y était poussée si loin que les
habitants des villes où l'industrie et le commerce étaient
libres, étaient réduits à^ faire leurs achats et leurs com-
mandes dans des villes jurées', situées quelquefois à quinze
ou vingt lieues de celles qu'ils habitaient-.
Il est plus facile de se représenter en gros ce que l'in-
dustrie française pouvait être devenue en 4589 par suite
des guerres civiles et des vices inhérents à sa constitution
que de spécifier les pertes éprouvées par telle ou telle
industrie particulière. On peut le faire cependant pour
plusieurs d'entre elles.
Les draps français avaient joui d'une grande réputation
et avaient été très recherchés au Levant et jusque dans
l'Inde. Mais les malfaçons, favorisées par les troubles,
avaient discrédité et presque entièrement ruiné l'industrie
drapière. Klle produisait quatre fois moins qu'avant les
guerres civiles. A Provins, où dix-huit cents métiers
marchaient autrefois, à Sentis, à Meaux, à Melun, à Saint-
Denis, dans d'autres localités des environs de Paris, la
fabrication s'était pour ainsi dire arrêtée. La plus grande
partie de la laine recueillie en Languedoc, en Provence,
en Dauphiné, au lieu d'être filée et tissée dans le pays,
passait en Italie d'où elle nous revenait manufacturée sous
forme de serges de Florence, d'étamets, de ras de Milan ^
1. Éditdedéc. l.'iSl. Ubi supra.
2. Préface du lieifjl. r/f/i. Avis des corporations de Paris à la suite de la
Commission, édit et partie des mémoires de l'ordre et eslahlissement du
commerce gênerai des manufactures en ce royaume, F*aris, I'autonmer,
1601, in-40.
.3. Reiffl. f/eii., p. 11.
PROSPÉRITÉ DE CERTAINES AUTRES. 83
Les Anglais inondaient le royaume de leurs draps, de leurs
futaines, de leurs bureaux, de leurs bas de tricot, comme
de leur chapellerie et de leur cordonnerie'. La fabrication
des serges et des camelots, ce qu'on appelait alors la
myetterie, avait été très florissante à Amiens; en 1576 elle
avait tellement perdu de son activité que cinq à six mille
ouvriers étaient réduits au chômage et ne vivaient que
d'aumônes-. Les teinturiers parisiens qui, au milieu du
siècle, teignaient annuellement six cent mille pièces de
drap, en teignaient à la fin moins de cent mille \ La répu-
tation des cuirs français avait été perdue par le défaut de
conscience des tanneurs qui tannaient en moins de trois
mois des cuirs qui leur demandaient autrefois une année
ou deux\ Avant les guerres civiles, l'industrie des soieries
faisait vivre à Tours près de quarante mille personnes, en
1S96 le nombre des fabricants était réduit de huit cents à
deux cents \ A la même date, une revision des règlements
de la fabrique lyonnaise était rendue nécessaire par une
désorganisation presque complète imputable à la même
cause*'.
Certaines industries cependant avaient résisté au malheur
des temps. Rouen continuait à faire de la draperie fine, ses
draps étaient célèbres sous le nom de draps du sceau ^ qu'ils
devaient à la marque qui en indiquait la provenance et en
garantissait la qualité. La vaisselle d'argent de Paris avait
1 . Re/jZ. gen., p. 18. Advis et remonstrances à MM. les commissaires députés
du roi, 1600, p. T.
2. Monuments inéd. de l'hist. du tiers état, II, 903 note. Procès-verbaux
de la commission du commerce dans Ciiampollion, Documents liistoriques
extraits de la Dihiiollièfjue nationale, IX, 100-108.
3. Laffem.\s, Recueil de ce qui seposse en l'assemblée ducon.merce, p. 244.
4. I. Laffemas, Hist. du commerce, p. 419. Beigl. gen., p. 13, 14.
5. Cahier des remontrances que les délégués de Tours doivent portera
l'assemblée des notables de Rouen, analysé par M. Giraidet, Hist. de Tours,
II, 59.
6. Inventaire des arch. municipales de Lyon. Reg. BB 133, année 1596.
7. Reigl. gen., p. 11. I. Laffemas, ///s/, du commerce, p. 420.
84 RENAISSANCE DES INDUSTRIES TEXTILES.
conservé son excellent titre et sa réputation '. Les serges
de Limestre, c'est-à-dire les serges fines fabriquées à
Kouen, à Dieppe, à Féeamp et ailleurs, pouvaient remplacer
avec avantage celles de Florence, sil faut en croire des
juges fort prévenus, il est vrai, en faveur de l'industrie
fran(^aise^ L'un d'eux, Lalïemas, en disait autant de celles
([ue Sommières en Languedoc s'était mise à fabriquer vers
lavènement de Henri IV. En L'iOG, >Jîmes savait donner
aux siennes l'aspect du ras de Milan, Chartres imitait le ras
d'Arschot^; quelques années plus tard, les drapiers de
Paris, intéressés, ne l'oublions pas, à faire valoir la fa-
brique française, mettaient les draps de Paris, de Rouen,
de Meaux, du Berry, de Beauvais, etc., bien au-dessus
de la draperie étrangère *. Dans les dernières années
du xvi" siècle, l'industrie des toiles était assez développée
en Normandie et notamment à Rouen, en Bretagne, en
Barrois, en Champagne et spécialement à Troyes, à Laval,
à Chàtellerault pour donner lieu à un commerce d'expor-
tation'. Louviers, Saint-Quentin, une partie de la
]\ormandie faisaient des toiles fines qui passaient pour
valoir les toiles de Hollande ^
Qu'il y ait quelque complaisance dans la préférence que
les contemporains auxquels nous devons ces renseigne-
ments accordent aux produits français, nous sommes porté
à le croire; il n'en est pas moins incontestable que les deux
industries françaises les plus importantes, les seules qui
eussent contribué jusque-là au commerce d'exportation, la
draperie et les toiles, se ranimaient dans les dernières
années du siècle, à mesure que la pacification du pays
1. Lai'femas, Uiat. du commerce, loc. cit.
2. lieif/l. gen., loc. cit. Avis des corporations.
3. Reii/l. f/en , p. lâ-lG. Avis des corporations.
4. Avis des corporations.
ô. Ibid.
0. liei'jl. ;/en., p. 10.
INDUSTRIES NOUVELLES. 85
faisait des progros. Cette sorte de renaissance toute sponta-
née, et à laquelle le gouvernement n'eut aucune part, se
manifestait, on l'a vu, dans une région assez étendue, dans
des centres assez éloignés l'un de l'autre. Les symptômes
d'activité industrielle qu'il nous reste à signaler ont un
caractère plus local et plus spécial, ce ne sont plus des
traditions qui se renouent, ce sont des créations dont l'ori-
gine se précise parfois par une date ou par un homme.
Dans les dix dernières années du xvi" siècle s'introduisait
à Dourdan l'industrie des bas de soie et de tricot \ Un peu
avant 1596, deux Flamands apprenaient aux habitants de
Sentis et des villages voisins à faire de la dentelle de
Flandre ^ Ce n'est pas le seul exemple d'étrangers venant
s'établir dans notre pays et y apportant des industries nou-
velles ; si beaucoup de nos ouvriers s'étaient expatriés, en
revanche des colonies d'artisans étrangers étaient venues
braver nos agitations intérieures. Ainsi, en 1581, d'habiles
corroyeurs suisses s'étaient fixés en Béarn^ et y exerçaient
l'art de donner aux peaux de bœuf la façon du buffle, à
celles de chèvre la façon du chamois, assez bien pour faire
concurrence aux cuirs d'Allemagne. Sous leur influence la
préparation des peaux de buffle et de chamois, que des né-
gociants de Bayonne allaient chercher à Candie et dans les
États barbaresques, avait atteint en Béarn une grande per-
fection \ Dès 1589, Poitiers travaillait toute espèce de cuirs
à l'imitation de ces cuirs exotiques ^ Les maroquins de la
Rochelle éclipsaient ceux de Flandre, grâce aux fabricants
flamands qui s'étaient établis dans cette ville dont les pri-
1. Reigl. qen., p. 10.
I.lbid.
3. Reiql. gen., p. 10. .M. Poirson (III, 240), trompé par l'ancienne ortho-
graphe de Béarn (Biard), s'est donné beaucoup de peine pour découvrir le
lieu dont Laffemas a voulu parler et a fini par l'identifier avec un bourg du
Lyonnais.
4. Reigl. gen., p. 17.
5. Ibid.
86 CRÉATIONS D'OFFICES.
vilègcs et raulonomic les avaient peut-être attirés'. Vers
I.jOC), un maître corroyeur de ^^érac en Gascogne, nommé
Bernardin, savait apprêter les cuirs de façon à les mettre
à lépreuve des armes blanches*. Il y avait trois ou quatre
ans que Montpellier avait commencé à faire des velours,
des satins, des lalTetas; cette ville se distinguait également
par ses futaines blanches ^ A côté des anciennes fabriques
de soieries de Lyon et de Tours, si éprouvées, mais non
détruites, s'établissait à Paris, sous la direction d'un indus-
triel, nommé GotKl'roy, une manufacture de soieries et
de brocards à laquelle semblait réservé un brillant avenir '.
Henri IV n'était pas malheureusement en mesure d'en-
courager ces témoignages de l'activité renaissante de ses
sujets. Lorsqu'il s'occupa de l'industrie pendant la période
militante de son règne, ce ne fut pas le plus souvent par
intérêt pour elle, mais pour lui demander des ressources
extraordinaires, toutes différentes de celles qu'elle fournit
dans des temps réguliers. C'est ainsi qu'au mois de
janvier Jo9G, il rétablit des offices de contrôleurs, visiteurs,
marqueurs de cuirs", dont la création ne se justifiait que
par la nécessité de payer la solde arriérée des troupes
suisses. Cet édit fut aussi impopulaire que préjudiciable à
l'industrie des cuirs. Il souleva l'opposition des autorités
locales, provoqua des émeutes parmi les gens de métiers
et ne fut exécuté qu'avec beaucoup de peine. Uniquement
préoccupés d'augmenter les produits de leurs charges,
les contrôleurs-marqueurs '' marquaient tous les cuirs
1 . Reigl. gen., p. IG.
2. Ihid.,^. !).
3. Ihid., p. Itl.
4. Ihid.
5. Fo.NTANO.N, 1, 1 IG8. L'édit de création est de 1685.
6. Ces places étaient données à la faveur, sans tenir aucun compte de la
compétence. Ainsi un fourrier de la grande écurie du roi est contrôleur-
visiteur et niarqueur des cuirs de Poitiers. '.Vrrêt du Conseil du 13 octobre
1607. Bibl. nat. fr. 18173, fui. 2!)).
CRÉATIONS DE MAITRISES. 87
qu'on leur présentait et les nombreuses industries qui em-
ploient cette matière s'en trouvaient à la fois trompées et
discréditées. Néanmoins l'édit fut maintenu et survé-
cut non seulement à la guerre civile et étrang^ère qui
le rendait excusable, mais même au roi qui l'avait
rendu*.
On peut rapprocher des créations d'offices les créations
de maîtrises. Il y avait toutefois cette différence entre elles
que, tandis que les premières faisaient renchérir les mar-
chandises, les secondes tendaient à les faire baisser en déve-
loppant la concurrence. Leur danger, c'était que les maî-
trises pouvaient tomber dans les mains des premiers
venus et ouvrir ainsi à des gens sans capacité l'accès des
professions industrielles. Aussi les corporations deman-
daient qu'elles ne fussent délivrées que sur leur désigna-
tion. Elles ne trouvaient pas toujours des acquéreurs. Les
corporations avaient tant de moyens de rendre à ceux-ci
l'exercice du métier difficile et peu profitable, tant de
façons de les vexer et de les dégoûter que souvent les
lettres de maîtrise ne se plaçaient pas. En 1608, il y en
avait une foule qui étaient dans ce cas et dont les plus an-
ciennes remontaient jusqu'à l'avènement de François II,
elles faisaient l'objet d'un trafic et passaient de main en
main en se dépréciant de plus en plus. Elles avilissaient du
même coup celles qui avaient été créées par Henri IV ou
I. L'opposition des municipalités et des corps judiciaires se manifesta
notamment au Mans, à Lyon, à Orléans, à Soissons, à Chûteau-du-Loir, à
Chàtellerault (Arrêt du conseil du 15 février lô9G. Bibl. nat. fr. 18162). Des
émeutes éclatèrent au Mans, à Lyon, à Rouen, à Troyes, à Caen, etc.
(Arrêts du lô février et du 26 août L')98). Les états de Normandie, dans leur
session de décembre 1598, réclamèrent la révocation de l'édit. Robillard
UK Beaurepaire, Cahiers des états sous Henri IV, I, 117. En 1600 et 1601,
Laffemas et les cordonniers de Paris exprimèrent le même voeu. Remon-
trances enferme d'édit et Avis des corporations. Un arrêt de 1618 conflrma
l'existence des contrôleurs, visiteurs et marqueurs créés à Laval en exé-
cution de l'édit. La Beauluere, Recherches sur les corporations d'arts et
métiers du comté-pairie de Laval, p. 40.
88 BARTHÉLÉMY LAFFEMAS.
(jui pouvaient l'être à l'avenir'. Aussi le roi rendit, le
8 juillet 1608, une déclaration révoquant toutes celles qui
avaient été créées avant son avt"^nemont et qui avaient été
délivrées depuis.
Les succès décisifs de Ilonri IV dans le cours de l'an-
née 1590 lui permirent de s'occuper de l'industrie avec des
vues plus désintéressées et plus libérales. La convocation
d'une assemblée de notables conduisait naturellement à
examiner la situation générale du i)ays, à sonder ses
plaies, à rechercher les moyens de les fermer. Lorsque
cette assemblée se réunit à Rouen le 4 novembre 1596, le
roi lui soumit' les projets qu'il avait reçus de plusieurs
particuliers sur les moyens de relever l'industrie nationale.
Le plus remarquable était un plan d'organisation indus-
trielle rédigé par Barthélémy LalTcuias sous le titre de
Règlement général pour dresser les manufactures en ce
royaume \ Les idées de Laffemas, même celles qu'il par-
tage avec son temps, sont bien à lui, en ce sens qu'il se les
est faites lui-même et qu'il ne les a pas puisées dans les
livres, car il n'était rien moins qu'un lettré, mais dans la
longue pratique des affaires '•.
Ce personnage est moins connu par lui-même que par
son fils, Isaac, qui ne jouit pas dans l'histoire d'une très
bonne réputation. Né peut-être en 1545 à Beausemblant en
Dauphin é, facteur d'un grand commerçant, commerçant
ensuite pour son propre compte, attaché vers 156(), en qua-
1. lîien entendu les lettres de maîtrise n'étnient pas vendues directement
par le roi ni par les ooncessiounaircs, elles étaient atlermées à des traitants
qui les allermaient d'autant moins cher qu'elles étaient plus nombreuses.
Heg. du conseil d'État de 1599. Bibl. nat. fr. 181CI, fol. ;J.
'1. lieiffl. geii.
'.]. Paris, Ci.Ai.DE de Mo-treuii., 1ô97, in-8°.
4. « ... Pour n'avoir iceluy autheur jamais esté aux escolles, et ce peu
qu'il a apris a esté en faisant tralfic de marchandise tenant l'argenterie du
roy... », disait-il lui-même. Le quatrième udvevlissement du commerce f'aict
sur le dehvoir de iavmosne des pauvres desdié aux riches et amateurs du
bien])ul)lic, etc. Paris, .Mettayer, 1000, p. 1.'».
PLAN DE LAFFEMAS. 89
lité de tailleur valel de chambre, à la maison du roi de
Navarre, puis, à partir de 1570, fournisseur de son « argen-
terie », il avait fait à tous ces titres de très grandes atï'ai-
res. Elles ne lui avaient pas toujours réussi. Ce n'est pas,
croyons-nous, qu'elles eussent été mal conçues ou mal con-
duites, mais le malheur des temps les avait fait tourner
contre lui. Décret sur ses biens, décret sur sa personne,
emprisonnement, il avait, à l'exception de la faillite et de
la cession de biens, auxquelles il se vante de n'avoir
jamais été réduit, connu ce que la carrière commerciale
peut réserver de plus amer et de plus humiliant. Il avait
éprouvé l'impuissance de l'activité et de l'intelligence en
lutte avec des circonstances sous lesquelles tant d'autres
commerçants contemporains avaient succombé comme lui
mais il avait eu, de plus queux, le goût et le don de se
rendre compte des causes de ses revers et de méditer, pour
le prolit du public, la réforme des institutions, des mœurs,
des abus dont il avait été victime ^
Le plan quil présenta au roi en 1596 était arrêté dans
son esprit dès loSo'. Il fut très probablement appelé à le
soutenir devant l'assemblée des notables ^ Les mesures
générales quil préconisait, en dehors de la sériciculture et
de la création de l'industrie des soieries, consistaient à
rendre universel et obligatoire le système des maîtrises et
des jurandes ; à établir des chambres syndicales de deux
degrés investies de la police et de la juridiction des mé-
tiers, les unes pour chaque corporation, les autres pour
1. Correspondance de Sniox Lecomte aux archives de THôtel-Dieu de
Toulouse. Cabinet des titres, registre 202 et dossiers bleus. Laffemas,
Sowces de plusieurs abus... Aduertissement et réponse aux marchands et
autres oii il est touché des changes, banquiers et banqueroutiers. Ch. Pradel,
Un marchand de Paris au XVI'^ siècle dans Mémoires de V Académie des
sciences, inscriptions et b. -lettres de Toulouse, 1889 et 1890. Paul Laffitte,
Isotice sur Barthélémy Laffemas dans Journal des économistes, mai 187G.
2. Keigl. (jen.
3. Ibid.
90 PLAN DE LAFFEMAS.
toutes les corporations diiii diocèse; ;i protéger l'industrie
nationale en interdisant l'exportation dos matières pre-
mières et l'importation des objets manufacturés; à attirer
les ouvriers étrangers par la naturalisation ; à créer une
caisse de secours pour les gens de métiers infirmes et des
ateliers pour les mendiants valides et les jeunes détenus.
Ce qu'il y a de plus original dans ce plan, c'est l'idée de
syndicats professionnels dispensant, autant que possible,
les corporations de recourir à la justice ordinaire. LafTemas
avait trouvé dans les institutions de son temps le principe
de ce système, car les corporations exerçaient déjà une
certaine juridiction sur elles-mêmes, mais cette juridiction
était très limitée et peu sérieuse; il l'étendait et la fortifiait,
se servant ainsi d'un organe atrophié pour obtenir le
mouvement, l'autonomie et la vie.
Ce projet souleva diverses objections. Les uns lui repro-
chaient de faire du nouveau ; les autres, s'en prenant à
l'industrie elle-même, faisaient remarquer qu'elle entraîne
dérogeance, quelle enlèverait, en se développant, trop de
bras à l'agriculture ; d autres enfin appréhendaient les dan-
gers que ces syndicats électifs pouvaient faire courir à la
société si longtemps agitée par les associations et les réu-
nions. Laffemas reprit la plume pour réfuter ces objections.
Il se défendit de vouloir innover, affirmant qu'il visait au
contraire à faire restaurer l'ancienne police industrielle
altérée par les guerres civiles; il proposait pour modèle à
ses concitoyens l'Italie où l'exercice de l'industrie et du
commerce n'était pas incompatible avec la noblesse'; il
soutenait que l'industrie ne ferait pas tort à l'agriculture et
que les paysans pourraient même employer les loisirs que
leur laissaient les travaux des champs à certains travaux
industriels; enfin c'était, disait-il, à la faveur des confréries
I. Il aur.iit pu ajouter l'exemple de l'Espagne.
VŒUX DES NOTABLES. 91
que s'étaient tenues ces assemblées séditieuses dont on
craignait le retour et les syndicats mettront précisément
fin à ces assemblées '.
Les magistrats, les officiers municipaux qui représen-
taient exclusivement le tiers état dans l'assemblée-, ne
pouvaient être favorables à l'idée de faire de la classe
industrielle une classe indépendante, s'administrant, se
jugeant elle-même, se passant autant que possible des tri-
bunaux ordinaires. Des vues de Lafîemas on ne retrouve,
dans le cahier de doléances adopté par les notables le
23 janvier lo97, que celles qui ont trait à la protection de
l'industrie nationale et à l'établissement des ouvriers
étrangers en France. L'assemblée exprima le vœu que le
roi interdit la sortie des laines et autres matières premières,
ainsi que Tentrée des soieries et draperies, du fil, des pas-
sements et des étoftés d'or et d'argent, qu'il favorisât, au
contraire, par la suppression des droits de douane, l'im-
portation des soies et laines brutes; elle demanda que les
ouvriers étrangers qui viendraient travailler en France
trois ans durant obtinssent les droits de régnicoles sans
avoir besoin de lettres de naturalité ^. Du reste l'analogie
des vœux de Latîemas et de ceux de l'assemblée n'indique
pas nécessairement que celle-ci ait suivi les inspirations de
l'écrivain ; le système protecteur, la naturalisation des
étrangers étaient des idées courantes, que le publiciste et
l'assemblée purent exprimer indépendamment l'un de
l'autre.
Quoi qu'il en soit, les abus dont souffrait l'industrie
avaient été signalés, la question d'une réforme industrielle
avait été posée devant les notables. Ce fut inconteslable-
1. Sa Réponse aux difficullés proposées à rencontre de son rèçjlement est
publiée à la suite du règlement.
2. Voy. la composition de l'assemblée dans Poirsox, Mémoires et docu-
ments nouveaux, p. 31.
3. Cahier de doléances, dans Poirson, Mém. et documents, p. (ij.
92 ÉDIT D'AVRIL 1597.
nient là l'origine de Tédit d'avril l'iî)!'. (Juant à l'in-
fluence sous laquelle cet édit fut conçu, il ne faut la cher-
cher ni dans l'écrit de Lalïemas ni dans les délihérations
dos notahles, son esprit n'est pas difficile à découvrir,
puisqu'il s'annonce lui-mémo comme remettant en vigueur
et complotant celui de décembre io81. Le but de celui-ci
avait été de restaurer l'organisation industrielle du moyen
âge en faisant disparaître les abus que le temps y avait
introduits, de généraliser le régime des corporations et de
l'élargir dans une certaine mesure. 11 avait confirmé les
statuts, rétabli l'élection des gardes-jurés, interdit les ban-
quets et les droits de confrérie, condamné l'usage que les
corporations faisaient du chef-d'œuvre pour écarter les
candidats. Il avait oté à la corporation son caractère étroi-
tement local en autorisant les maîtres reçus dans les villes
qui étaient le siège d'un parlement, d'une sénéchaussée,
d'un bailliage, d'un présidial, à exercer dans le ressort de
ces juridictions, les maîtres dos faubourgs à exercer dans
la ville, ceux de Paris à exercer partout. Enfin il avait un
côté fiscal : il établissait un droit d'entrée gradué suivant
les métiers, qui étaient d'après leur importance répartis en
trois classes. Les troubles du royaume l'empêchèrent
d'être exécuté. Henri IV, dont l'attention était appelée sur
la décadence de l'industrie ot qui cherchait partout des
moyens de remplir le Trésor, s'appropria la réforme de
son prédécesseur. Son édit unifiait l'organisation indus-
trielle on érigeant tous les métiers en jurandes; les arti-
sans qui exerçaient des métiers libres obtenaient la maîtrise
sous la seule condition du serment, faveur personnelle
dont ne devaient pas bénéficier ceux qui s'établiraient dans
la suite. Les membres des corporations durent renouveler
le serment de maîtrise, qui n'avait été reçu que par les
1. Préambule de l'édit.
EDIT d'avril i:i9T. 93
rois des merciers ou leurs délégués, c'est-à-dire par des
gens sans qualité, et prendre de nouvelles lettres de maî-
trise. Lés rois des merciers, leurs lieutenants et ofliciers
étaient supprimés. Aussitôt après la prestation de serment,
les gens de métiers devaient se réunir et procéder à Télec-
tion d'un ou deux gardes-jurés (art. 4). L'édit de 1581
réservait au roi le droit de créer dans chaque métier trois
maîtrises dont les titulaires seraient exempts de chei:"-
d'œuvre (art. 1); la même disposition se retrouvait dans
Tédit de 1597. Ce n'est pas le seul article où apparaisse
l'esprit fiscal dont ils procédaient en grande partie lun et
l'autre. Sous prétexte des avantages qu'ils leur procuraient
et pour indemniser le fisc des droits indûment payés aux
rois des merciers depuis l'époque où François I" avait
ordonné leur suppression, tous les marchands et artisans
étaient soumis à un droit variant d'un écu soleil (9 fr. 50) à
un demi-écu (4 fr. 75) dans les grandes villes et de la moitié
dans les endroits moins importants. Les banquets de récep-
tion étaient interdits.
H serait injuste d'attribuer cet édit à une pensée pure-
ment fiscale; il y aurait, d'autre part, de l'aveuglement à
méconnaître qu'il est inspiré en partie par le désir de se
procurer des ressources pour payer la solde arriérée des
Suisses, car ce désir ne prend pas la peine de se dissimu-
ler. Mais surtout il faut se garder d'y voir avec M. Poirson
l'inauguration de la liberté industrielle. Ce qui a trompé
M. Poirson, c'est que l'édit accorde la maîtrise à tous les
artisans qui, au moment de sa promulgation, exercent des
métiers qui ne sont pas érigés en maîtrises et en jurandes;
mais il n'y a là qu'une de ces dispositions transitoires
comme on en trouve toujours dans les lois qui substituent
une organisation uniforme à une organisation disparate. 11
y a toujours alors des droits acquis à régler, des situa-
tions à faire cadrer avec le régime nouveau. C'est ce que
94 ÉDIT DAVRIL 1597.
fait Henri IV on élevant au rang de maîtres, sans leur rien
(leniander qu'un serment, les industriels et les commer-
çants restés en dehors d'un système que le règlement géné-
ral de 4381 n'avait pas réussi à faire prévaloir dans tout
le pays. Que Ton considère les dispositions essentielles et
permanentes de l'édil, on y reconnaîtra une œuvre de res-
tauration et non d'innovation. Loin d'être abolies, comme
des entraves gênantes pour l'industrie, les épreuves im-
posées aux candidats à la maîtrise étaient confirmées et
ramenées à leur but primitif, comme des garanties égale-
ment commandées par l'intérêt du public et par celui des
corporations. L'article qui réserve au roi le droit de créer
dans chaque métier trois maîtrises en faveur de personnes
n'ayant pas fait de chef-d'œuvre, dit assez clairement que
l'immense généralité des artisans reste soumise à cette
condition. Si l'édit n'est pas plus explicite à cet égard, c'est
qu'il ne fait que confirmer, en l'étendant aux commerçants,
le règlement général de 1581, il lui suffit donc de sy réfé-
rer, et c'est à l'aide de ce règlement qu'il faut comprendre
ses réticences et son esprit général'.
M. Pbilippson- a contesté avant nous la portée exagérée
attribuée par M. Poirson à ledit d'avril 1597, mais il a
invoqué contre l'interprétation de M. Poirson un fait
inexact et que les preuves alléguées par lui sont bien
loin d'établir. La preuve que l'édit n'établit pas la liberté
du travail, c'est, dit-il, que le nombre des maîtrises resta
limité. Présentée sous cette forme générale et absolue,
son affirmation est erronée. Le nombre des maîtres n'était
pas, dans la plupart des corporations, directement et
expressément fixé; ce qui est vrai, c'est que les maîtrises
étaient devenues inabordables pour ceux qui ne pouvaient
1. L'édit dit d'ailleurs expressément qu'il faut se guider dans son appli-
cation par le règlement général (art. G).
2. Heinrich IV und l'/nlipp 111. Berlin, 1870, II, 349 note 2.
ÉDIT D AVRIL 1597. 95
supporter les frais fort onéreux que les maîtres en exercice
et les délégués des rois des merciers imposaient aux
aspirants. En principe, les corporations restaient ouvertes
à tous ceux qui avaient rempli les conditions de la
maîtrise, mais ces conditions avaient été tellement déna-
turées qu'elles en fermaient l'accès à presque tous les
candidats sans fortune ou qui n'avaient pas de parents
parmi les maîtres.
L'édit de 1597 ne fut guère mieux observé que le
règlement général de 1581. îl avait le tort, aux yeux des
corporations, de leur imposer des sacrifices pécuniaires
et d'introduire dans leur sein des concurrents sans titre.
11 y en eut parmi elles qui obtinrent une réduction
des droits, la plupart remboursèrent les acquéreurs des
lettres de maîtrise créées par le roi' ou payèrent aux
parties casuelles la finance à laquelle ces lettres avaient été
taxées. L'édit fut bien accueilli par certains industriels
exerçant des métiers libres et heureux de s'en assurer le
monopole, ainsi que par les membres de certaines corpo-
rations qui 1 invoquèrent un peu abusivement pour se
détacher de ces corporations et en former de nouvelles -.
L'opposition qu'il souleva, les malversations et les abus
dont se rendirent coupables les commissaires chargés de
le faire mettre en vigueur, en firent surseoir l'exécution'.
1. Cette double faveur fut accordée aux merciers de Paris par un arrêt
du 18 janvier 1598. Bibl. nat. fr. 1816-2, fol. 54.
2. « Quoy que la finance volontairement payée dans les coflres du roy
Henri IV par la communauté des marchands maistres plumassiers, pana-
chers, bouquetiers et enjoliveurs de... Paris leur ait procuré les assurances
d'un establissement honorable, ainsi qu'il est déclaré par le premier art.
desd. statuts de juill. 1599. » Collection Delamare, Ay^ts et met., VIII. Bibl.
nat., ms, fr. 'inus, pièce l.j7. En exécution de son édit, Henri IV érigea
en jurande le métier de découpeurs-égratigneurs-gaufreurs sur étoiles.
Même coll. fr. 21792, fol. 232 et suiv. Cahier des brodeurs et des taillan-
diers aux états de 1614. Archives nat., série K.
:j. Arrêt du conseil du 19 août 1599. A Tours, le commis à la recette des
droits fut emprisonné par ordre de l'échevinage (25 août 1598). L'échevi-
nage de Poitiers forma opposition à l'exécution de l'édit, et en conséquence
90 PROJET D'ÉDIT DE LAFFEMAS.
La ville de Lyon, qui avait fait valoir ses privilèges pour
être aiVranchie de son application, obtint gain de cause
en 160G'. En 1602, en 1008 il y avait encore nombre de
villes où il n'existait pas de jurandes-, et les rois des
merciers n'avaient pas encore disparu en 4614, puisquà
cette date le tiers étal inscrivait dans son cahier de doléances
le vœu de leur suppression •*.
LafTemas ne se laissa pas décourager par laccueil ([iie
les notables avaient fait à son projet, il ne cessa de pro-
voquer la sollicitude du roi en faveur de l'industrie et du
commerce du pays. Dans le plus important des mémoires
qu'il lui adressa à ce sujet, il présentait sous la forme d'un
édit un plan de réformes où l'on retrouve en partie les
idées sur lesquelles les notables avaient eu à se prononcer.
Pour fortifier ces idées de l'approbation de la classe com-
pétente, il recueillit, de l'aveu du roi, l'avis des principales
corporations parisiennes. Cette enquête, ouverte en 1598,
dura jusqu'en 1600. Prohibition des produits manufac-
turés à l'étranger, défense d'exporter les matières premières,
établissement d'un nouveau droit de marque d'un sol par
livre sur les articles fabriqués pour remplacer le revenu des
le sénéchal de Poitou rclusa de le publier et de le faire exécuter. Le con-
seil lui ordonna de passer outre par arrêt du 28 nov. 1598. Fr. 18IG3,
loi. 93. Le roi dut envojer des commissaires à Angers, à Saumur. à Aix,
à Toulouse, à Bordeaux, à Troj'es, pour en assurer Tenregistrement et la
publication. .Arrêt? du conseil des 13 janv. et 14 février lô98. Fr. 18IG2,
fol. lô y°, 115, llj V. Lettres 7niss., VIII, 724, et Lettres miss, de Henri IV
conservées dans les arcfiives municipales de Troyes, publiées par .M. liou-
tiot. Troyes, 1857, in-S", p. 50.
1. Arrêts du conseil du 24 janvier 1598. Arrêt ordonnant à l'êchevinage
de Lyon de justifier de leurs privilèges et jusque-là de surseoir à l'exécu-
tion de ledit. 20 janvier IGOi. Fr. 18162, fol. 55. Inventaire des arch. mu-
nicipales de Lyon. Reg. IJB 137, 138. Levasscur. H, ICI.
2. Lettres miss., V, 027, Doc. inéd., p. IGG. << .N'estoit le mestier de sellier
juré de sorle que qui vouloit travailler d'icelluy le pouvoit faire. » Sen-
tence de l'êchevinage de Bourges rendue le 4 déc. 1598. Toubeau de .M.m-
so.v.NEUVE, Les anciennes corporations ouvrières ù llourges, p. 204. « ... es
villes où il y aura maistrise et jurande. » Cahier des bonnetiers aux états
de 1GI4.
3. Cahier du tiers état, p. 21 i.
COMMISSION DU COMMEUCE. 97
douanes extérieures, unité des poids et mesures, création
d'un contrôleur, d'un intendant et d'une chambre du
commerce, revision et réforme de l'organisation des cor-
porations par une commission de douze anciens commer-
çants nommés par lechevinago })arisien, application de
cette nouvelle police aux artisans et marchands suivant
la cour, désignation par les corporations des titulaires des
lettres de maîtrise, taxe des salaires des ouvriers et sur-
veillance de leur conduite par les gardes-jurés, arbitrage
de ceux-ci sur les différends entre gens de même métier,
attribution aux mêmes de la connaissance en première
instance des plaintes contre les maîtres, abolition des con-
fréries, ouverture d'ateliers publics pour faire travailler
les pauvres, tels étaient les moyens que Lafîemas proposa
au roi pour rendre à l'industrie sa prospérité et sur lesquels
il consulta les corporations parisiennes.
Sans se prononcer sur tous ces moyens et en faisant
de leur côté certains vœux inspirés par des intérêts par-
ticuliers, les corporations adhérèrent aux principales idées
de Lafîemas; elles se montrèrent surtout unanimes, à une
exception près, à réclamer la prohibition des produits de
l'industrie étrangère. La seule qui ne s'associa pas à ce
vœu. qui se déclara même contre la prohibition, fut celle
des merciers, qui vivait exclusivement du commerce
et dont le commerce s'alimentait, en grande partie, de
marchandises étrangères '.
Par lettres patentes du 13 avril 1601, le roi nomma une
1. Voir pour ces deux paragraphes les Remontrances en forme d'édit et
les a,vis des corporations imprimés à la suite dans l'édition originale qui
porte pour titre : La coinmissio7i, edit et partie des mémoires de l'ordre et
establissement du commerce gênerai des manufactures en ce royaume. Paris,
Pautonmer, 1601, in-4°. M. A. Ghampollion a réimprimé dans le recueil
précité les Remontrances en forme d'édit. Ce fut Lallemas qui résuma par
écrit les vœux des corporations dans leur ensemble pour éviter les redites
qu'aurait présentées la rédaction des vœux de chacune en particulier.
Cette rédaction fut faite par-devant notaires et soumise aux corporations
qui y signalèrent une omission.
7
98 COMMISSION DU COMMERCE.
commission de dix-sept personnes pour examiner le projet
d'édit de Laiïemas et les documents à l'appui et pour
])réparer, après avoir procédé, si besoin était, à une nouvelle
enquête, des règlements sur le commerce et l'industrie '.
Il suffisait de la présence de sept de ses membres pour
rendre ses délibérations valables. Elle avait le droit de
citer devant elle, par tous les moyens de publicité et au
besoin par huissier, les personnes et les corps qui pou-
N aient lui donner des renseignements utiles ^ Complétée
ou modifiée par d'autres lellres patentes du 10 juillet 1601 \
elle adopta, après quelques séances, un projet de réforma-
tion du commerce qui, soumis au conseil, fut approuvé
j.ar lui. Comme, par suite de la mort de plusieurs de ses
membres et de l'impossibilité de plusieurs autres d'assister
aux séances, elle n'était plus en nombre, le roi la renouvela
et voulut que désormais deux marchands de Paris, élus
par leurs confrères, prissent pari aux délibérations \
Il est regrettable qu'on n'ait pas conservé le projet de
1. Cette commission se composait des sieurs de Rambouillet, chevalier
de l'ordre, de Verdun, président au parlement, d'Hacqueville, président au
grand conseil, de Charmeaux, président à la chambre des comptes, de
Rebours, président à la cour des aides, de Rancher, président de la troi-
sième chambre des enquêtes du f^arlemcnt, d'Ozembray, président des
requêtes du parlement, de Nicolas Prévost et Raoul le Feron, conseillers
de la chambre des comptes, du prévôt des marchands, d'un échevin, de
Nicolas le Beauclerc. trésorier général de France a Paris, de Cardin le
Bret, avocat général à la cour des aides, île Charles du Lys, substitut du
procureur général au parlement, de Galliot Mandat, conseiller et secrétaire
des finances du roi, de Robert des Prés, avocat au parlement, de Charles
Poussemotte, secrétaire du roi, de sa maison, couronne de France et de
ses finances, faisant fonction de secrétaire.
2. Voy. les lettres patentes dans Ciiampollion, p. xiii.
;j. Elles sont visées dans celles du 20 juillet IGO".'. Ciiampollio.n, p. 2.
i. Lettres patentes du 20 juillet 1002. Ibid., p. 1. La nouvelle commis-
sion était formée des sieurs de Itambouiilet, de Rebours, Cardin le Rret,
Charles du Lys, Charles Poussemotte et Robert des Prés, membres de l'an-
cienne, du président Jeanuin, de .M" Rragclonue, de (irieux et Nicolas
Chevalier, conseillers au parlement, de Charles Renoit et Pierre de Pincé,
conseillers de la chambre des comptes, qui remplaçaient les membres morts
ou empêchés. A ces douze membres de droit pouvaient se joindre le prévôt
des marchands et les échevins ou l'un d'eux et deux commerçants pari-
siens élus.
COMMISSION DU COMMERCE. 99
réformation si rapidement délibéré et voté par elle. On
voit du reste, par les termes dans lesquels en parlent les
lettres patentes du 20 juillet 1602, quil n'avait pus été
positivement adopté par le conseil, puisqu'elles assignent
précisément pour lâche à la commission de l'examiner
de nouveau et de l'arrêter définitivement. Les procès-
verbaux de celle-ci ' montrent par leur silence quelle se
déroba à cette tâche et qu'elle ne revint pas sur le projet
en question. C'est même un l'ait digne de remarque que
le peu de place occupée par la réforme de l'organisation
industrielle et commerciale dans les délibérations de
l'assemblée et à quel point elle négligea cette partie de
son programme. On ne peut expliquer son abstention par
l'opposition des corporations à toute modification du
régime existant; tout au contraire elles aspiraient à la
suppression des abus qui s'étaient développés dans leur sein
à la faveur des guerres civiles et à la restauration de leur
ancienne discipline -. Nous voyons même certains fabricants
d'Amiens, dont la profession n'est pas autrement spécifiée,
présenter requête à la commission pour obtenir un
règlement sur leur industrie, et la commission décider
qu'elle examinera leurs anciens statuts pour en proposer
un nouveau au roi^ Parfois aussi c'était spontanément
qu'elle abordait ce travail de revision et de codification de
la législation industrielle et commerciale, mais ce n'était
jamais sans des tâtonnements bien explicables par la
disproportion de cette lâche avec ses moyens. Tantôt elle
songeait à procéder métier par métier et commençait par
1. Nous ne possédons pas de procès-verbaux antérieurs à la reconstitu-
tion de la commission (20 juillet 1602) et il est fort douteux qu'il en ait
été rédigé. Ceux qui nous sont parvenus commencent au 17 août de la
même année.
2. Lettres patentes du 20 juillet 1G02. Ubi supra. Remontrcmces en forme
(redit dans Champollion, p. xxxni. Avis des corporations à la suite de
ces Remontrances, éd. orig. p. 7.
3. Proeès-verhaux de la commission dans Cha.mpoi.liox, p. 97.
100 COMMISSION DU COMMERCE.
la draperie, lantùt, adoptant la iiK'lhode deLalTemas, elle
alTrontait un travail d'ensemble et ordonnait le dépôt au
greUe des statuts et des règlements professionnels ainsi
que des mémoires signalant les abus dont l'abolition était
demandée. De quelque façon qu'elle s'y prit, elle s'arrêtait
découragée.
('/est qu'en ellet une pareille mission, qui l'amenait à
examiner toutes les requêtes des intéressés, à prononcer
>ur leurs prétentions contradictoires, à se faire une opinion
sur une foule de questions leclmiques, dépassait évidem-
ment les forces et la compétence des quinze ou seize per-
sonnes (jue le roi avait prises dans les cours souveraines
et les rangs élevés de l'administration. Pour l'accomplir, il
auniit fallu une commission permanente, oîi l'industrie et
le commerce auraient été plus largement représentés. C'est
de ces deux intérêts de permanence et de compétence que
LatTemas avait tenu compte en demandant la création d'un
conseil de conservateurs du commerce, composé de douze
personnes rétribuées, appartenant à la magistrature et à
l'administration et se renouvelant par moitié tous les ans
et celle d'une commission de douze notables anciens
commerçants et industriels parisiens, nommés par l'éclie-
vinage et chargés de faire un règlement général pour
tous les corps de métiers du royaume. Son plan com-
prenait aussi la création d'un surintendant ou contrôleur
général du commerce. Le roi réduisit les deux conseils
qui faisaient partie de ce plan à un seul, composé, comme
on l'a vu, de magistrats et d'administrateurs, auxquels furent
associés deux négociants, et conféra à LatTemas la com-
mission de contrôleur général'. Le conseil de commerce,
depuis le moment où il fut reconstitué (20 juillet 1602)
jusqu'au 26 octobre 1604, tint cent soixante-seize séances.
1. En attendant qu'elle devînt une charge en titre d'office. Voy. les
lettres de commission du 15 nov. 1(;02. Procès-verbaux, p. 30.
ARTISTES PRIVILÉGIÉS DU LOUVRE. 101
S'il n'accomplit pas la revision et la rel'onte du régime
industriel et commercial, il adopta, dans l'intérêt d'un
grand nombre d'industries particulières, des mesures que
nous aurons à signaler et à apprécier quanti nous nous
occuperons de ces industries.
En même temps qu'il essayait d'améliorer le système des
corporations, Henri IV exemptait de leur étroite régle-
mentation les hommes qu'il jugeait dignes de cette faveur
par leur talent et par leur originalité. Il existait déjà sous
ses prédécesseurs des asiles ouverts à la liberté et au pro-
grès des arts mécaniques. Il en augmenta le nombre en
installant dans la grande galerie du Louvre qu'il venait de
terminer des artisans d'élite, en y créant une véritable
école de beaux-arts et d'arts industriels. Dès 1600, la
grande galerie était occupée par un certain nombre de ces
ouvriers hors ligne ^ Les vexations des corporations vin-
rent les y troubler. Le roi rendit alors, le 30 juin 1607, des
lettres patentes autorisant les hôtes du Louvre à travailler
pour le public, et les apprentis formés par eux à s'établir
dans tout le royaume sans faire de chef-d'œuvre ni prendre
de lettres de maîtrise. Malgré ces lettres patentes qui ne
furent enregistrées par le parlement qu'avec certaines
restrictions, ces artistes privilégies restèrent en butte aux
persécutions de leurs adversaires et furent entravés dans le
droit de travailler pour le public et de faire recevoir leurs
apprentis à la maîtrise. Mais le roi confirma leurs privi-
lèges par d'autres lettres du 22 décembre 1608 qui accep-
taient une partie des réserves formulées par le parlement et
tenaient les autres pour non avenues. Elles exemptaient
les protégés du roi des visites et de la police des corps de
métiers, ouvraient l'entrée de la maîtrise à leurs apprentis
sur le vu d'un simple certificat de leur maître, dispensaient
1. Berty, Topographie liist. de Paris, II, 100.
102 PROJET D'LN MUSÉE INDUSTRIEL.
ces apprentis île se faire inscrire au parquet du Chàtelet,
assuraient aii\ niallres la conservation de leurs privilèges
dans le cas où ils quitteraient la galerie sans leur faute,
mais obligeaient les orfèvres, comme l'avait voulu le par-
lement, à faire marquer leurs ouvrages par les gardes-
jurés de la cor[H)rati(>n. Les artistes, les inventeurs et les
savants auxquels elles accordaient le logement et les
avantages qui y étaient attachés, étaient Jacob Bunel,
peintre, valet de chambre du roi, Abraham de la
Garde, horloger, valet de chambre, Pierre Courtois,
orfèvre, valet de chambre de la reine, Franqueville,
sculpteur, Julien de Fontcnay, graveur en pierres Unes,
valet de chambre, Nicolas Roussel, orfèvre parfumeur,
Jean Séjourné, sculpteur fontainier, Guillaume Diipré,
sculpteur et contrôleur général des poinçons des monnaies
de France, Pierre Varinier, coutelier et forgeron d'épées
en acier de Damas, Laurent Setarbe, ébéniste faiseur de
cabinets,Pierre des Martins,peintre, Jean Petit, fourbisseur,
doreur, damasquineur, Etienne Raulin, fabricant d'instru-
ments de mathématiques, AUeaume, professeur de mathé-
matiques, Maurice du Bout, tapissier de haute lisse, Pierre
du Pont, tapissier de tapis du Levant, Marie Bourgeois,
peintre, valet de chambre, sculpteur, ouvrier en globes
mouvants et autres inventions mécaniques. Les lettres
patentes rendues en faveur des hommes distingués que
nous venons de nommer furent enregistrées le 9 jan-
vier 1609 '.
Henri IV eut aussi l'idée d'établir au Louvre un musée
de machines, d'inventions mécaniques, de modèles indus-
triels; il demanda à Sully - un projet pour l'inslallation de
ce nmsée, mais cette idée ne fut pas réalisée et il laissa à
1. Topographie hisl., II, 100-102. .MiiiON »e l'Espixay, François Miron et
C administration municipale de l'oris sous Henri IV. Pièces a?inexes, p. 348.
2. Économies roy., X, 307-308.
IMPORTATION DES SOIES ET SOIERIES. 103
d'autres l'honneur de créer le Conservatoire des arts et
métiers.
Ce n'est pas dans ses efTorts en grande partie infructueux
pour réformer l'organisation générale de l'industrie que
Henri IV se montra original et créateur; il n'eut pas au
contraire de modèle ni de précurseur dans la tentative de
faire de la France un pays industriel en la dotant d'indus-
tries nouvelles ou en rendant la vie à des industries qui
dépérissaient.
La première qui l'occupa fut celle des soieries. Elle
méritait cette sollicitude à cause de l'usage très répandu
des étoffes de soie au xvi'' siècle. Par suite de cette loi qui
fait que le goût de l'épargne diminue et que celui des
dépenses improductives augmente dans les sociétés qui ne
jouissent pas de la sécurité du lendemain, le luxe s'était
beaucoup développé pendant les guerres civiles et se
manifestait notamment par un goût pour la soie qui avait
gagné jusqu'à la bourgeoisie, jusqu'au peuple. Les négo-
ciants en soieries qui, avant les dernières années du
xvi" siècle, n'étaient que cinq ou six à Paris, s'y étaient
multipliés à l'infini \ Ce goût des étoffes de luxe coûtait
annuellement à la France, d'après l'estimation de l'homme
le plus compétent en pareille matière, B. Laffemas -, six
1. Reigl. gen., p. 7. Laffemas, La façon de faire et semer la graine de
meurier... 1604, in-S", p. 31.
2. Recueil de ce qui se passe en l'assemblée du commerce, 1604, dans Cham-
POLLION, p. 284-285. Dans sa Réponse à MM. de Lyon (p. 3-4), Laffemas
estime à sept millions d'écus d'or (66 490 721 fr. 28) au moins l'importation
tant des soies que des soieries venant d'Italie. Ailleurs {La commission,
édit... o?i<cow/«ercf5'é«eVrt/..., p. 37), il fixe approximativement a2 500000écus
(23 748 829 fr. 0:i) la valeur de la soie qui entre annuellement en France. Dans
un document officiel, la valeur de la soie étrangère introduite dans notre
pays est évaluée à trois ou quatre millions d'écus d'or (de 28 498 594 fr. 83
à 37 998 126 fr. 45). .Mandement du 7 décembre 1602. Isambert, XV, n" 163.
Le Tellier, marchand de soie et auteur de plusieurs ouvrages de
sériciculture, porte à deux millions d'écus (18 999063 fr. 22) le chiffre
de l'importation des soieries étrangères. Brief discours, etc. Voy.
plus bas sur l'auteur et l'ouvrage. Dans la Commission, edit, etc..
1(»4 CULTURE DU MURIER.
millions d'écus (501)07 180 fr. 07). En effet, les docu-
ments que Laffemas, en sa qualité de contrôleur i;t'néral
du commerce, a eus entre les mains, doivent faire pré-
férer son esliniation, (jui est d'ailleurs confirmée par
P. Cavct \ à celle dOlivier de Serres qui ne porte qu'à
quatre millions d'écus (37 008 120 fr. 45), la valeur des
soieries importées.
Pour comprendre la préoccuj)ation que cette importation
inspirait au iiouvernement de Henri IV, il faut se rappeler
que, le numéraire étant alors considéré comme la valeur
par excellence, l'excédent des importations sur les expor-
tations représentait, aux yeux des hommes d'Etat du temps,
une perte sans compensation. Cette doctrine économique,
qui fut érigée plus tard en système et presque en dogme,
sous le nom de balance du commerce, donnait une grande
importance à ce goût passionné des soieries et à l'insuffi-
sance de la production nationale pour y satisfaire. Henri IV
ne fut pas sans doute le premier de nos rois qui tentât, en
naturalisant chez nous l'industrie des soieries, d'affranchir
notre pays du tribut que notre amour des étoffes de luxe
payait à l'étranger, mais aucun de ses prédécesseurs n'avait
conçu ce projet dans d'aussi vastes proportions et ne l'avait
embrassé avec tant d'ardeur.
Nous n'avons pas à remonter aux plantations de mûriers
faites en Provence, soit, comme le dit Olivier de Serres, à
la suite de l'expédition de Charles VIII en Italie -, soit
plutôt, comme le dit M. de Gasparin \ par suite des rap-
parlies omises par Ciiasii-ollion), l'estimation de Laffemas ne dépasso
pas cinq millions d'écus i47 497(i;>8 fr. 00) : « 11 peut venir des étrangers
tous les ans quatre à cinq mil balles de soie et plus que vallent au moins
chacune i>00 écus... et outre six mille balles de fleurets, frizolle et
pétunche que nous mettrons seulement pour six mille balles de soie à la
raison susdite... »
1. Chronologie sept., p. 64, anno l.î!)!).
2. Tliéùtre d'arp-icuUure, éd. 180i, in-4", 11. lOS.
3. liecuei/de mémoires d'agricullurc et d'économi'! rurale. Mûriers, vers d
soie, 111, 7 2-: 3.
L IMPORTATION DES SOIERIES INTERDITE. 10a
ports que la domination de la maison d'Anjou à Naples
amena entre la Provence et les Deux-Siciles, nous n'avons
pas à nous occuper non plus pour le moment des fabriques
établies avant Henri IV à Tours et à Lyon. Il suffira de
dire qu'à la fin du xvi" siècle, on cultivait le mûrier avec
succès non seulement en Provence, mais en Languedoc,
dans les Cévennes, dans la principauté d'Orange, dans le
comtat Venaissin ; cet arbre bravait même le climat moins
chaud de la Touraine, le climat rigoureux de Saint-Gha-
mond et de Saint-Romain dans le Lyonnais. La soie qu'on
recueillait dans ces diverses régions ne le cédait pas à
celle de l'Italie. Tels étaient, au témoignage de Lafl'emas '
et avant que Henri IV s'occupât de la sériciculture, les
points assez nombreux et d'une latitude assez différente
où elle florissait.
C'est en lo9(J que le roi manifesta pour la première fois
son intérêt pour l'industrie de la soie. Il fit planter cette
année dans le jardin des Tuileries des mûriers de trois ans
qui réussirent si bien qu'en 1604 ils paraissaient avoir plus
de vingt-cinq ans ^ Ce fut aussi, on se le rappelle, en lo9()
que l'assemblée des notables demanda que le marché
français fut fermé aux soieries étrangères, sans savoir si
l'industrie nationale était en état de rapprovisionner, sans
chercher à lui donner une vigoureuse impulsion.
Henri IV tomba dans la même erreur. Les fabricants de
soieries de Tours s'étant faits forts de suffire aux besoins
des consommateurs, le roi, contrairement àl'avisde Sully %
se laissa arracher par eux, au mois de janvier 1599, un
édit qui prohibait l'entrée des étoffes de soie, d'or et d'ar-
gent *. Mais ils s'étaient abusés ou avaient abusé le roi sur
1. Reif/leynent f/eneral.
2. Laffëmas, La façon de faire et semer la graine de mûrier, p. 29.
3. Économies roy., IV, 53-r}4.
4. IsAMBERT, XV, 21 "2. p. C\YET, Clv. sept., 6i. J.-A. DE Tiioc, Y, 838. Les
Lyonnais avaient combattu la prohibition dans des mémoires qui répon-
106 LA CLEILLETTE DE LA SOYE.
leurs moyens et sur les besoins du marché français, leur
fabrication resta fort au-ilessous de la demande, le prix des
soieries haussa d'une façon considérable et le public se
plaignit. Les intérêts des banquiers et des fermiers de la
douane de Lyon, aux revenus de laquelle les soieries ita-
liennes contribuaient pour une large part, furent atteints.
Leurs plaintes, jointes au mécontentement général, déci-
dèrent le roi, qui se trouvait alors dans celte ville, à rap-
porter son édit (KiOO).
Tout en se montrant dès irjOG partisan de la sériciculture,
Henri avait besoin d'être édilié sur la valeur des objections
élevées contre elle, sur la question de savoir jusqu'à quel
point le climat de la France était favorable à la culture du
mûrier, à l'élève des vers à soie. Ce fut Olivier de Serres
qui leva ses derniers doutes à cet égard. Le savant agronome
se trouvait à la cour en 1599, c'est lui-même qui nous
l'apprend. Il est permis de croire qu'il y avait été appelé
par le roi pour l'entretenir de cette question, il est certain
du moins qu'il le fit. En composant son traité La cueillette
de la soye par la noiirrilure des vers qui la font (lo99), il
obéissait à une invitation partie du trùne\ Dans ce traité
«
daient à ceux des manufacturiers tourangeaux. Non contents de cela, ils
envoyèrent au roi des délégués qui lui firent remarquer rjue la défense de
l'importation ferait perdre au Trésor 100000 écus (:}79!)8r2 fr. 64) par an.
L'infatigable LaO'emas prit la plume pour réfuter leurs arguments. Les
lirochures des deux partis furent soumises aux corporations parisiennes
pour avoir leur avis. Cette lutte entre une ville manufacturière et une ville
de commerce et de banque autant que de fabrique est digne d'attention.
Voy. B. L.\Fi"E>iAs, Répoiuc à mesmews de Lyon, lesquels veulenL empescker
rompre le cours des marchandises d'Italie avec le préjudice de leurs foires
et l'abus aux changes, Paris, Prevosteau, I.i98, in-S".
1. Dédicace de ce traité qui a été reproduit dans le Tliéûlre d'aç/ricul-
<«/•«. J.-.\. oE Tiiou, VI, 100. Parmi les propagateurs de la sériciculture, il
ne faut pas oublier le jardinier nimois, François Traucat. Voy. son Dis-
tours ubrérjé tant sur les vertus et les propriétés des meuriers, tant blancs
ffue noirs, ayant petites meures blanclies et petites noires, qui ont semblables
feuilles, propres à nourrir les vers à soie et aussi propres à servii' tant aux
corps liumains qu'à faire beau.r meubles et ustensiles de mesnayc. Composé
[tar F. T. maistre jardinier en la ville de .Nîmes en Languedoc, qui, depuis
LA CUEILLETTE DE LA SOYE. 107
il exhorte l'échevinage parisien à encourager la culture des
mûriers et signale les châteaux royaux de Madrid et de
Vincennes comme pouvant en contenir trois cent mille. Il
combat cette idée que la culture du mûrier et l'élève des
vers à soie ne sont possibles que dans les pays chauds;
comme preuve du contraire, il allègue la soie recueillie à
Leyden par les soins de la duchesse d'Arschot, et il pose
en principe que le mûrier peut venir là où vient la vigne.
11 reconnaît seulement que la récolte do la soie est plus
tardive sous un climat froid. Il estime ensuite le produit,
la valeur de la récolte. Un millier de feuilles nourrit une
once de graine de vers, chaque once rend cinq ou six livres
de soie, dont chacune vaut 2 ou 3 écus au moins (19 fr.
ou 28 fr. 50). Chaque once rapporte donc au moins 10 ou
12 écus (9o fr. ou 114 fr.). Quant à la main-d'œuvre, il suffit
de cent ou cent vingt journées pour recueillir et trans-
porter dans les magnaneries de quoi nourrir dix onces
de graine, et ce travail peut être fait en grande partie par
des femmes et des enfants. Le surveillant de la magnanerie
sera payé 3 ou 4 écus (38 fr.), outre sa nourriture. Le prix
de la graine de vers est insignifiant et doit être compté, avec
la construction de la magnanerie, parmi les premiers frais
d'établissement, car, bien qu'il soit nécessaire d'acheter
chaque année un peu de graine nouvelle pour conserver la
qualité de la race, la vente de la graine recueillie par
l'éleveur lui permet d'acheter des œufs. L'élève des vers a
l'avantage de ne pas détourner des travaux des champs, car
c'est avant la récolte, aux mois d'avril et de mai, qu'il con-
vient d'y donner ses soins. 0. de Serres déclare que la
l'an 15G4, a planté ou fait planter es provinces de Languedoc et Provence
plus de quatre millions de meuriers... Dédié auroi. Paris, UiOti. Le 16 dé-
cembre 1602, Traucat s'associa avec Etienne Aiguë, marchand de Bagnols,
pour l'exploitation d'une pépinière de mûriers. Plech, Une ville au temps
jadis..., 8°. 188i, 532. Voy. aussi Éloge de Traucat, par .M. Vlvcexs Saint-
Lal'rent, dans les Mémoires de la Soc. centrale d'agricult., 1S17, p. 468.
108 PREMIERS ESSAIS DE SÉRICICULTLUE.
Piiardie, la Normandie, la Bretagne ne sont pas, à l'excep-
tion lie quelques cantons, favorables à la sériciculture, mais
quelle convient à la Champai;iie, à l'Ile-tle-France, à la
|{ourj;o<:;ne, au Xivernais.au Beaujolais, au Maçonnais, au
Lyonnais, au Ben y. à l'Orléanais, au Limousin, au Boitou,
à la Saintoiige, à la (ïuyeiine, à la Gascogne. Il donne
ensuite des règles pour l'établissement de la mûreraie, il
établit que le ver, nourri du mOrier blanc, donne une soie
plus Une (jue celui qui est nourri du mûrier noir, bien
([u'on lire bon parti de la soie j)lus grossière fournie par
celui-ci dans certaines parties de la Lombardie, à Anduze,
à Alais, dans d'autres endroits des Cévennes. Il passe
ensuite aux coiulitions dans lesquelles on doit établir la
magnanerie, recommande la semence de ver d'Espagne
comme la meilleure, en constatant la réputation que celle
de Calabre a acquise depuis quelques années à cause de sa
fécondité, puis il s'occupe successivement de l'éclosion des
vers, de la formation et du dévidage des cocons.
L'année qui suivit la publication de la Cueillette de la
soi/e. (). de Serres et le sieur de Bordeaux, baron de
C.olonces, surintendant général des jardins de France,
furent chargés de recueillir en Provence, en Languedoc
et en Yivarais, des plants de mûrier pour les jardins
royaux '. Au commencement de 1601, 0. de Serres put en
envoyer à Paris quinze à vingt mille pieds. Ils furent
})lantés aux Tuileries, dans le parc de Madrid- et à Fontai-
nebleau*. Ceux du jardin des Tuileries réussirent si bien
(ju";iu bout de deux ans et demi ils dépassaient la taille hu-
maine la plus élevée. Des magnaneries furent construites
dans ces trois résidences royales, sous la direction du
Lucquois Manfredi Balbani, qui s'était chargé de faire venir
1. T/iéàlre d'ogricuUuie, II, 108.
2. P. Cayet, Clironologie S'ptétiaire, anno IC03. II, 2J'.).
3. Économies royales, anno 1C05.
LA SÉRICICULTURE ENTREPRISE EN GRAND. l'IO
de Genève des personnes propres à diriger les plantations'.
En 1603 l'orangerie des Tuileries fut transformée en ma-
gnanerie pour y faire éclore la graine de ver à soie que le
roi avait fait venir d'Espagne ". La magnanerie qui y existait
déjà contenait un atelier pour les premières préparations
de la soie^ Au château de Madrid on ne se livrait pas non
plus exclusivement à l'élève des vers, mais aussi au nujuli-
nage, à l'organsinagc de la soie*. En 1602 Paris reçut du
Languedoc soixante mille mûriers qui, replantés [)ar les
Parisiens dans leurs jardins, reprirent bien''. Lafïemas, qui
nous l'apprend, ajoute qu'après avoir comparé les soies
recueillies à Paris aux meilleures soies italiennes, à celles
de Sainte-Lucie en Sicile, de Bassano, de Bologne, on
constata que quinze onces de soie française valaient dix-
huitonces de soie italienne \ OrLalTemas devait être mieux
informé que J.-A. de Thou qui prétend que le climat des
environs de Paris compromit le succès de ces tentatives \
Henri IV invita le conseil du commerce à délibérer sur
les moyens les plus propres à doter la France de la sérici-
culture et de l'industrie des soieries. Le conseil passa deux
contrats, l'un le 20 août, l'autre le 14 octobre 1602, pour
la fourniture de plants et de graine de mûrier, ainsi que de
semence de vers, dans les quatre généralités de Tours, de
Lyon, de Paris et d'Orléans. La principale difTérence qui
1. J.-A. DE Thou, 169. Théâtre d'ar/ricullure, II, 111. Recueil de ce qui se
passe en l'assemblée du commerce, dans Ciiampollion, p. 285. Lettres miss.,
V, 20G. Bibl. de l'Institut, coll. Godefroy CXVI.
2. Lettres miss., VI, 63.
3. Théâtre d'agriculture. Ubi supra.
4. P. Cayet, Chronologie sept., II, 259.
h. B. Laffemas, La preuve du plant et proffii des meuriers. Paris, Pau-
TO.NMER, 1003, p. 13.
(I. Jbid., art. .'>.
7. VI, 169. « Nous avons recogneu en ces trois dernières années, écrit
Le Tellier en 1G02 dans la dédicace à 51™^ de Rosny de son Discours con-
tenant la manière de nourrir les vers à soye et la tirer avec figures et inter-
prétations d'icelles, que les soyes faictes en France sont plus belles et plus
fines que les estrangeres. «
UO LA SÉRICICLLTLRE ENTREPRISE EN GRAND.
distingue ces contrais, c'est que le premier lixe le bénéfice
des entrepreneurs pour la fourniture des quatre généralités
à 13 écus (123 fr. "10) par paroisse, tandis que le second
leur accorde une réiribution en bloc de 120 000 livres'
(350 751 fr. 94). Ce dernier stipulait que, l'année suivante
(1603), quatre autres généralités seraient approvisionnées de
plant, de graine et de semence et qu'en 1004 toutes les géné-
ralités seraient mises en étal de cultiver le mûrier et d'élever
des vers à soie. En même temps que du plant, de la graine
et de la semence, les deux entrepreneurs devaient distribuer
des instructions et envoyer dans cliaque élection, un an
après la plantation, des personnes capables de guider la po-
pulation. Ce contrai était passé pour six ans-. Le projet en
fut approuv»'; par un arrêt du conseil du 4 octobre 1602^
et il fut conclu le 14, ainsi que nous lavons dit. Homologué
par lettres patentes le 23 du même mois, il ne lui manquait
rien pour être exécuté, lorsque les objections du sieur de
Bordeaux, intendant général des jardins du roi, en firent
surseoir l'exécution. Ces objections, que nous fait connaî-
tre le rapport du sieur du Lys, délégué par la commission
pour les discuter et faire accepter le contrat, furent appuyées
par Sully, qui y joignit les siennes. Mais le délégué de la
conmiission, assisté d'un des entrepreneurs, en triomplui
et fil adopter le contrat par le conseil. On y ajouta seule-
ment une clause qui donnait satisfaction à la première ob-
jection du sieur de Bordeaux, en obligeant les entrepreneurs
à créer des pépinières de mûrier blanc dans les quatre gé-
néralités, pour remplacer gratuitement les plants distribués
aux propriétaires et morts sans leur faute '\ Lin mandement
royal du 7 décembre 1602 adressé aux élus régla l'exécu-
1. Procès-verbaux dans Ciiampoi-lion, p. 10-23.
2. Ibid.
'■\. Ihid. p. 23. Cf. Lettres patentes de ratification du 23 octobre, p. 27,
4. Addition faite le 3 décembre au contrat du li octobre 1G02. Procès-
verbaux, p. 4i.
LA SÉRICICULTURE ENTREPRISE EX GRAND, 111
tioii du contrat. 11 prescrivait les mesures suivantes. Les
élus répartiront entre les paroisses de leur élection, à
l'exception de celles où, pour des causes diverses, la culture
du mûrier ne peut réussir, du plant de deux à trois
ans et de la graine pour pépinière, plant et graine qui
seront fournis par les entrepreneurs, conformément au
contrat passé avec eux. Les communautés déclareront au
greffe de leur élection le nombre, l'âge, la grosseur des
mûriers existant déjà dans la paroisse, afin que les entre-
preneurs puissent leur procurer des œufs en proportion des
moyens que la paroisse offre pour les nourrir (art. 1). Avec
le plant, la graine et les œufs fournis par les entrepreneurs
à raison de 7 liv. 10 s. (21 fr. 92) pour le cent de mûriers,
une pépinière, une mùreraie et une magnanerie seront
établies dans chaque paroisse, soit par la communauté, soit
par certains habitants, soit par le seigneur du lieu qui ne
dérogera pas en le faisant. Les entrepreneurs distribueront
en même temps des instructions imprimées sur la culture du
mûrier, l'élève des vers, le dévidage des cocons. Les com-
nmnautés ou ceux qui, dans chaque paroisse, auront fait
les frais d'établissement de la pépinière, de la mùreraie et
de la magnanerie vendront des mûriers blancs à tous ceux
qui en voudront acheter (art. 2, 3, 4, 6). La distribution de
la graine, du planl et des œufs se fera du 1" au S avril 1603
en présence d'un commis de Laffemas (art. 3). A partir
du 1" avril il sera envoyé dans chaque élection un ou
plusieurs experts qui y résideront trois mois au moins
pour apprendre aux habitants la culture du mûrier et l'élève
des vers et pour acheter, à raison de 9 francs la livre
(28 fr. 06), la soie recueillie la première année (art. o).
Pendant cette première année, les propriétaires de mûriers
laisseront prendre gratuitement les feuilles par les per-
sonnes qui dans chaque paroisse entreprendront l'élève
des vers.
112 LA SÉRICICLLTLRE ENTREPRISE EN (IRAND.
Le coutral passé avec les entrcproneurs ot le mandement
(|ui vn i'(''L;lait lexécution étaient bien couinis pour le succès
(Je l'entreprise. Distribution à bas prix du ])lant, de la
graine et des œufs, débit assuré de la soie qui était achetée
par les entrepreneurs ou par l'Etat, direction de gens
experts, tout se réunissait pour lui assurer la faveur de la
population. Malheureusement les entrepreneurs n'appor-
tèrent pas d'exactitude dans l'exécution de leurs engage-
ments. Ils auraient dû fournir le plant et la graine dans les
trois derniers mois de 1602 ou, au plus tard, aux mois de
février et de mars de l'année suivante. Au mois d'avril 1G03,
le plant et la graine n'étaient pas encore arrivés et, la saison
étant passée, les mûriers ne pouvaient être semés ou plantés
qu'au printemps de l'année suivante. C'était une année de
perdue. Le roi se plaignit de ce retard à la commission*.
Il n'est donc pas exact de dire, comme le fait M. Poirson-,
que la distribution du plant, de la graine et des œufs eut
lieu du 1" au 8 avril 1003. C'est là ce qui était stipub'; par
le contrat, mais c'est ce qui ne se fit pas.
Il y eut d'autres mécomptes. Les cultivateurs ne mon-
trèrent aucun empressement à acheter du plant et des
œufs^ Dans l'élection de Blois, par exemple, les entre-
preneurs ne purent distribuer que six onces d'œufs \ Les
propriétaires de mûriers ne voulurent pas laisser prendre les
feuilles gratuitement. Aussi les vers éclos en 1603 man-
quèrent de nourriture et périrent". La commission essaya
vainement d'obtenir des lettres patentes pour vaincre la résis-
tance des propriétaires, le chancelier objecta le droit de pro-
priété et conseilla d'employer la persuasion ^ El pourtant ce
1. Procès-verbaux, p. 8G.
-:. III, 270.
:î. Procès-verbaux. Séance du il avril 1G03, p. 80.
4. Procès- verbaux, p. 101.
5. //>it/. Séance du 27 mai 1003, p. Oô.
C. Séances du- Il avril et du 27 mai IG03, p. 80 et 05.
LA SÉRICICULTURE ENTREPRISE E.N GRAND. 113
(|iie la commission demandait, c'était simplement l'applica-
tion de Tai-L 7 du mandement du 7 décembre 1602, article qui
enjoignait aux propriétaires, à peine de 30 livres d'amende
(87 fr. 69), de laisser cueillir les feuilles de leurs mûriers
pendant la première année pour approvisionner la magna-
nerie créée dans chaque paroisse. Il semble résulter d'une
déclaration royale du 24 mars 1603, dont nous n'avons pus
retrouvé le texte, que ceux qui s'étaient chargés d'établir
dans leur paroisse une pépinière, une mùreraie et une
magnanerie avaient essayé d'imposer aux paysans l'achat
de plant, de graine et d'œufs, car cette déclaration les
affranchit de cette obligation. Malheureusement elle eut
pour effet de désintéresser de l'entreprise les élus qui se
considérèrent comme dispensés de la diriger'.
Bien que les experts envoyés dans les quatre généralités
de Paris, d'Orléans, de Tours et de Lyon pour diriger les
plantations eussent déclaré à leur retour qu'elles pouvaient
réussir*, la mortalité des vers à soie en 1603 semblait
donner raison aux adversaires de l'entreprise. Le champion
le plus ardent de la sériciculture, Laffemas, combattit dans
une brochure '^ les conséquences défavorables qu'on tirait
de cet accident. Selon lui, le climat n'est pour rien dans
la mortalité des vers ; elle tient à ce qu'on ne les a pas fait
éclore de bonne heure et à ce qu'on n'a pu leur donner
autant de feuilles qu'il leur en fallait. Les vers ayant éclos
tardivement, les feuilles qu'on leur a données n'étaient
plus assez tendres et la chaleur était trop grande. Les pro-
priétaires de magnaneries qui ont pris soin de les faire
1. Procès-verbaux, p. 87.
2. Le Tellier, Brief discours contenant la manière de nourrir les vers à
soije. Paris, 1C02, in-fol. Mem. et instructions pour l'établissement des meu-
riers, etc. Paris, 1G03, m-i°.
3. Le plaisir de la noblesse et autres qui ont des erilages aux cliamps sur
la preuve certaine et profict des estauffes et soyes qui se font à Paris et les
magazins qui seront auxprovinces. In-S", 1G03. Réimprimé dans les Variétés
hist. et litt.,\U, 303.
ni L'ENTREPRISE AMOINDRIE.
éclore plus tôt ont recueilli de la soie. Par exemple, les
vers élevés dans Thôtel de Retz à Paris ont fourni en 1603
dix-huit livres de soie, qui ont donné un Ix-néfice net de
Oi écus' (607 fr. 97).
Il s'agissait maintenant de réguler l'exécution du contrat
pour l'année 1604. On se rappelle que, dans les intentions
des contractants, la première partie de l'entreprise devant
être réalisée à la lin de 1602 ou au commencement de 1603,
la sériciculture devait être introduite en 1603 dans quatre
généralités nouvelles et en 1604 dans tout le royaume. Ce
plan n'avait pas été exécuté, puisque en 1603 la plantation
des mûriers et l'élève des vers n'avaient été essayées que
dans les quatre généralités de Paris, de Tours, d'Orléans
et de Lyon et que le succès n'avait guère été obtenu que
dans la seconde-. Il fallait désigner maintenant les quatre
généralités où l'expérience serait continuée, non plus en
1603, comme le portait le contrat, mais en 1604. La com-
mission du commerce mit quelque lenteur à faire ce choix.
Le 29 août 1603, les entrepreneurs lui firent sommation
d'y procéder et de leur payer 30 000 livres (87 687 fr, 98),
montant des deux quartiers qui leur étaient dus sur les
120 000 (3o0 7ol fr, 94) à eux promises ^ Le 10 octobre,
nouvelle sommation \ Le conseil du roi décida que, l'année
suivante, la sériciculture ne serait introduite que dans la
généralité de Poitiers et que la somme allouée à l'entre-
preneur serait de 20000 liv. tourn. (38 458 fr, 63), Le plan
primitif, on le voit, était singulièrement réduit, on
renonçait, au moins pour le moment, à généraliser la
1. Le plaisir de la noblesse et autre...., 308-310.
2. Sur les .ichats de graine et de plant par l'échevinafre de Tours et la
propagation de la culture du mûrier sur les reuiparis de la ville et ailleurs,
voy. le mémoire de M. Champoiseau, Co?ifjrés scientifique de France,
XV» session, tome Ie^ et les délibérations du corps de ville, notamment
à la date du G déc. 1603 et de mars 1604, aux archives municipales.
3. Procès-verbaux, p. 117-118.
4. I/ji't., p. m.
ESSAIS DCS A L'INITIATIVE PRIVÉE. 115
production de la soie. Quelles étaient les causes de ce recul?
Pourquoi le gouvernement ramenait-il à des proportions
beaucoup plus modestes une entreprise si largement
conçue? Bien que Laffemas nous représente le roi comme
très satisfait des soies recueillies en 1603', c'est probable-
ment par les mécomptes de cette année que s'explique cet
abandon du plan originel. A une nouvelle sommation des
entrepreneurs la commission répondit que l'intention du
roi était de résilier le contrat et de restreindre l'entreprise
au Poitou pendant l'année 1604". Le 23 décembre 1603,
elle passa un contrat avec deux bourgeois de Paris, JeanLe
Tellier'' et Hugues Cosnier pour l'introduction de la sérici-
culture dans cette province. Les deux entrepreneurs s'en-
gagèrent à fournir cent mille mûriers blancs de deux ans
et de deux à trois pieds, cent vingt-cinq livres de graine,
deux cents onces d'oeufs et deux mille exemplaires
d'instructions, moyennant la somme de 18000 livres^
(32 612 fr. 79). Ils avaient besoin, pour exécuter le contrat,
de l'agrément de Sully, gouverneur du Poitou; le surin-
tendant, qui, malgré ses préventions contre l'industrie de
la soie, se prêtait aux vues du roi et manifestait même
l'intention de planter des mûriers à Rosny et à Sully % la
leur accordai Mais cette fois encore l'entreprise se heurta
à l'esprit routinier des paysans. Ceux du Poitou, occupés
aux salines, refusèrent le plant, la graine et les œufs, les
entrepreneurs ne purent en faire prendre que par les
gentilshommes '.
Cependant l'initiative privée essayait d'introduire la
1 Le plaisir de la noblesse, p. 313.
2. Séance du "28 novembre 1603. Procès-verbaux, p. 133.
3. Marchand de soie et auteur du Binef discours et des Mémoires el instruc-
tions précités.
4. Procès-verbaux, p. 175-180.
5. Dédicace du Brief discours a lM™e de Rosni.
6. Procès-verbaux, p. 129.
7. Ibid., p. 191.
110 APPEL AU CLERGÉ.
séi'ieicultiire en Normandie. En IGO'î, Charles Benoît,
maître passementier et moiilinier en soie, et le Langue-
docien Isaac MayaIVre, établis à Rouen, présentèrent au
roi des échantillons de la soie provenant de leurs magna-
neries. Henri IV en fut satisfait et, sur leur requête,
demanda au parlement de llouen de faire mettre à leur
disposition par l'échevinage, pour une période de vingt ans,
la maison du Bœuf couronné^ sise rue Saint-Vivien, qui
était une propriété municipale \ L'échevinage esquiva
cette demande et les deux associés ne trouvèrent pas plus
d'appui auprès du parlement, lorsqu'ils s'adressèrent à lui
pour contraindre les propriétaires de mûriers à leur vendre
à prix taxé les feuilles nécessaires à la nourriture des vers.
Un arrêt du 15 juin I6O0 leur permit seulement de s'en-
tendre avec les propriétaires, ce quils avaient vainement
essayé de faire précédemment. L'entreprise, si peu secondée
par les autorités locales, échoua au bout de quatre ans ^
On ignore iïssue d'un autre essai fait en Normandie en
exécution du plan général conçu par Henri IV. H s'agit
d'une pépinière créée à Darnetal par un Flamand, Jean
Van der Veken, et pour l'entretien de laquelle il s'adjoignit
unNîmois, Simon Légal, qui sema deux cent quatre-vingt-
cinq mille pépins de mûriers blancs ^
Le roi essaya de gagner à son entreprise la faveur et l'appui
du clergé, qui pouvait être un auxiliaire si précieux, tant
comme propriétaire d'une grande partie du sol qu'à cause
de son intluence sur la population agricole. Il ménagea
entre les députés de l'ordre et les entrepreneurs une con-
1. Mandeuient au parlement de Houen du 23 août IGOl. Lellres miss.
VI, 284.
2. GossFXix, Documents (tutltenl/ti(/iies el inédits pour servir à l'histoire
lie la marine normande et du commerce ronennais. Rouen, in-8°, p. llC-120.
Elatjlissemenl à Rouen en 1604 d'une manufacture de soieries... Comuiu-
nicatioa de .M. Floquet à rAcadéniie de Rouen, 1837.
3. GossELiN, p. 120-121.
INDUSTRIE DE LA SOIERIE. 117
veiition pour la fourniture de plant et de semis aux béné-
ficiers. Il obtint des députés généraux du bureau de Paris
un mandement (décembre 160S) enjoignant aux évêques
du ressort du bureau de faire semer et planter par les
bénéficiers et communautés de leurs diocèses respectifs le
plant et la graine que comportait l'étendue de leurs pro-
priétés. Plusieurs évêques avaient obéi avec empressement
à ce mandement et déterminé la part dans laquelle le
clergé de leur diocèse devait contribuer à la propagation
de cette culture. Mais l'heureux effet de ce mandement fut
compromis par un second qui déclarait que le précédent
n'avait aucun caractère obligatoire et qui encouragea le
mauvais vouloir et la résistance. Pour en triompher, le roi
ordonna la création d'une pépinière de cinquante mille
mûriers blancs au moins dans chaque diocèse par les soins
et aux frais des entrepreneurs qui vendraient, principa-
lement aux ecclésiastiques, de la graine et du plant. Ils
devaient jouir d'une indemnité d'un sol (14 c.) par mûrier
tout planté et du monopole de la vente '. Le roi chercha à
stimuler le zèle de l'assemblée du clergé en faveur de l'en-
treprise, mais, dans la réponse faite à ses exhortations par
l'archevêque de Sens, président de l'assemblée, on sent
percer, sous les protestations de seconder son dessein, les
préventions de l'ordre contre une culture destinée à ali-
menter un luxe que ses devoirs et les convenances lui
défendaient d'encourager ^
En s'efforçant de développer la culture du mûrier et
l'élève des vers à soie, Henri IV voulait rendre plus abon-
dante et moins coûteuse la matière première qui sert à la
fabrication des soieries, il n'aurait donc accompli que la
1. Déclaration du 16nov. 1605. Fontanox, I, 1051.
2. Procès-verbal de l'assemblée du clergé tenue du 27 juillet 1605 au
24 avril 1606. Collection des procès-verbaux des assemblées générales du
clergé, in-fol., 1767, I, p. 765.
us INDUSTRIE DE L.\ SOIERIE.
moitié de sa lâche s il n'avait pas cherché en môme temps
à augmenter la production de ces tissus en créant de nou-
velles manufactures, en donnant plus d'extension aux
anciennes. Il ne voulait pas seulement que la France
fabriquât toutes les étolTes de soie nécessaires à sa con-
sommation, il espérait, ainsi qu'il le déclarait à l'ambas-
sadeur d'Angleterre \ qu'elle fournirait aux besoins de
l'Angleterre, des Pays-Bas, du Danemark, des pays de la
Baltique. Dès 1G02 il existait à Paris une manufacture do
soieries dont Sainctot était le principal directeur ^ Une
autre, fondée dans la môme ville sous le patronage du roi
par Noël Parent et ses frères, n'eut pas des débuis heureux.
Les fabricants furent condamnés par sentence du Chàtelet
à vider leur atelier, situé près du Temple, pour n'avoir pas
payé leur loyer. Sur leur requête, la commission du
commerce, au mois de février 1603, délégua deux de ses
membres pour dresser inventaire des métiers et du ma-
tériel et mettre le tout sous séquestre ^ Cet insuccès ne
découragea pas le roi. La môme année, au mois d'août, il
prenait sous sa protection la manufacture de Sainctot,
auquel il associait Jean deMoisset, contrôleur de rartillerie,
des menus et affaires de la Chambre, N. Camus \ C. Par-
fait et Edouard Colbert, et gratifiait leur association de
grands privilèges. Les affaires de la société devaient com-
prendre le tissage des étoffes unies et façonnées, ainsi que
le battage et la fabrication du fil d'or et d'argent façon de
Milan. Le roi accordait aux associés la qualité de commen-
saux de sa maison, les anoblissait, leur assurait pendant
douze ans le monopole de la fabrication des soieries à
1. Sir Geokge Gauew, A Relation of Ihe state of France... Loc. cil.
2. Procès-verbaux, p 109.
3. Ibid., p. 68-60.
4. Sur Nicolas Camus ou Le Camus voy. O'Reillv. Mémoires sur la vie
publique et privée de Claude Pellot, I, p. 137-138. In-S». Ciiampion. Jean
de Moisset est le fermier général des aides.
INDUSTRIE DE LA SOIERIE. 119
Paris et celui de la fabrication de l'or et de l'argent filé
dans tout le royaume, exemptait leurs ouvriers étrangers
du droit d'aubaine et conférait à tous ceux qui auraient
travaillé chez eux pendant un certain nombre d'années le
privilège de s'établir sans faire de chef-d'œuvre ni prendre
de lettres de maîtrise, sur la simple production d'un cer-
tificat délivré par eux. En outre il leur faisait un prêt de
180 000 livres (520127 fr. 90) sans intérêt et avec faculté
de n'en rembourser au bout de douze ans que loOOOO
(438 439 fr. 92), en d'autres termes il leur faisait don
de 30 000 livres (87 687 fr. 98). Il conservait cependant
à Devieux dit Mercuri, son valet de chambre parfumeur,
et à ses associés, le droit de fabriquer de l'or et de l'argent
filé, ainsi que des soieries rehaussées d'or et d'argent, mais
à condition de recevoir la soie des concessionnaires et de
faire marquer par eux leurs marchandises'. Le 23 février
1004, Sainctot, Moisset et consorts s'associèrent un tireur
d'or milanais, Jean-André Turato. L'année précédente,
Turato avait obtenu, sur la proposition de la commission
du commerce, 3 000 livres (8768 fr. 80) pour ses frais de
premier établissement, une pension annuelle de 1 200 livres
(3o07 fr. o2) et le monopole de l'or filé façon de Milan
pendant dix ans, à charge d'apprendre son art à des Fran-
çaise Il était établi à l'hôtel de la Maque, rue de la ïixe-
randerie. La commission du commerce, saisie par arrêt
du conseil du 4 septembre 1604 du conflit entre lui et
Mercuri ', exprima l'avis que défense fût faite à celui-ci de
faire concurrence au premier jusqu'à ce que l'édit d'août
1. Édit d'août 1C03. Isambert, XV, n" 168.
2. Procès-verbaux, p. 34, 43-44, 51-53, 65. Arrêt du conseil d'État du
13 fév. 16i)3. Arch. nat., Coll. des arrêts du conseil, à la date.
3. Turato rencontra un autre concurrent dans un de ses compatriotes
nommé Gerome Gerôsmes {sic). Le conseil, ayant à juger leur différend,
les soumit à une sorte de concours, dont nous ignorons le résultat. Arrêt
du 16 mars Hi03. Coll. des arrêts du conseil. Arch. nat., à la date.
120 INDrSTRIE DE L\ SOIERIE.
I(i0:i roiidii en faveur de Sainctol et de ses associés, déjà
enregistré par le parlement et la chambre des comptes, le
fût également par la cour des aides et la cour des mon-
naies '.
S'il fallait en croire 1*. Cayet -, l'industrie exercée à la
Maque n'aurait pas consisté seulement dans la fabrication
du iil d'or et d'argent, Turato aurait fait aussi des brocarts, des
soieries rehaussées d'or et d'argent, des satins, des damas
historiés. Ces riches étolTes, dont P. Cayet parle en homme
<|ui les a vues, bien qu'il en attribue la fabrication à Dubout,
cest-à-dire à un tapissier de haute lisse établi au Louvre '\
il avait pu les admirer à la Maque, mais il a antidaté ses
souvenirs d'un an en les rapportant à l'année 1()03, car les
étoiles en question ne pouvaient être que le produit de la
collaboration de Sainctot et de Turato, qui ne fut que la
conséquence de 1 association formée entre eux le 23 février
1G04. Le batteur d'or milanais ne faisait, aux termes
mômes de son privilège du lo février 1603, que fabriquer
le Iil d'or et d'argent que Sainctot et ses associés mettaient
ensuite en œuvre dans leurs tissus. Du reste, leur asso-
ciation avec Turato fut rompue à une date que nous ne
pouvons préciser, mais qui est antérieure au 28 février 1606.
A cette époque, Turato prétendait empêcher ses anciens
associés de fabriquer du fil d'or et d'argent façon de Milan,
mais le conseil du roi lui donna tort et déclara que ceux-ci
pouvaient se livrer par eux-mêmes à cette fabrication *. La
liquidation de la société formée entre Sainctot et Turato
nétait pas encore terminée en 1607, car, le lo mars de celte
année, le conseil du roi condamnait ce dernier à rendre
compte de sa gestion devant des arbitres^.
1. Séance du ô octobre IG04, dan? Procis-verbaux, p. "JG!.
2. Chronologie sept., p. 209, à l'année 1003.
3. Voy. plus bas.
4. Arr<Hdu28 février ICOG. Bibl. nat. fr. 18170, à la date.
5. Collection des arnHs du conseil, ;i la date. Arch. nat.
INDUSTRIE DE LA SOIERIE. 121
La manufacture de soieries et de brocarts de Saiiictot
fut l'objet do la sollicitude constante de Henri IV. Ici,
comme dans beaucoup de ses entreprises, il eut à lutter
contre le formalisme des gens de robe. Le cbancelier fit des
difficultés pour expédier les lettres octroyant aux direc-
teurs de la fabrique la subvention de 60 000 écus
(569 971 fr. 89) qui leur avait été promise, et ceux-ci mena-
cèrent de se retirer. Le roi assigna d'abord ces (iOOOO écus
sur le produit des aubaines '. Sainctot et ses associés se
portèrent adjudicataires pour huit ans d'une partie de la
ferme du sel et obtinrent du roi la préférence sur leurs
concurrents, à offres égales. S'il se produisait des offres
plus avantageuses, la subvention devait être assignée sur
le prix du bail ^ En 1607, Henri écrit au président du Vair
de lui envoyer pour sa manufacture d'étoffes de soie et
d'or un Espagnol et ses deux compagnons qui excellent
dans le travail de ces étoffes, tel qu'il se fait au Levant, et
qui, après avoir habité Constantinople, se trouvent main-
tenant à Marseille ^ Il fit construire, place Royale, pour y
installer les ateliers de Sainctot, un bâtiment qui, com-
mencé en 4604, était achevé en 1606 \
1. Lettres miss.. IX, 48, 60.
2. Lettre de Henri IV à Sully, X'^'^ mai [1G04]. Économies royales, VU,
72-73.
3. Lettres miss., Vil, 438.
4. P. Cayet, Chrotï. sept., II, 283. Procès-verbaux des assemblées du
clergé, 1, p. 765. I. Laffemas, llist. du commerce, p. 413, 414. Sur la manu-
facture de Sainctot voy. encore la relation de Carew dans Birch, p. 434.
J.-A. DE Thou, VI, 170, la déclaration royale d'avril 1605 contenant don aux
entrepi'eneurs des manulactures de soie, or et argent filé à la façon de Milan,
de 6(J00 toises de terre dans le parc des Tournelles. Reg. du conseil. Bibl.
nat. fr. 18174, fol. viii'^^v, des lettres patentes du 28 sept. 1604 autorisant
le sieur Colbert à quitter l'association (Reg. du parlement), et un arrêt
du conseil du 19 mars 1607 ordonnant au trésorier de l'Epargne d'assigner
aux entrepreneurs 3000 livres (8768 fr. 80) sur le bail des cartes. Arrêts du
conseil, à la date. Henri IV voulait concentrer sur l'emplacement du palais
des Tournelles les industries de luxe qu'il cherchait à créer en France.
Procès-verbaux, p. 212. Sully avait un projet différent sur l'atfectation de
ces terrains. £co«. /-o»/., VI, 336-337. Ce fut l'industrie des soieries à ramages
122 INDUSTRIE DE LA SOIERIE.
Il s'occupait 011 même temps à crt^er tles manufactures
ailleurs qu'à Paris. Au moment où il parlait pour la cam-
pagne do Savoie juin IGOO), B. Laiïomas lui prt^'senla Noël
Parent (jui se faisait fort de fabri(]uer des crOpes aussi bien
(ju'à Bologne, ainsi que tous les genres de soieries où excel-
laitritalie '. Le 27 mai lG03,unancion fabricantdesoieriesde
Lyon.nommédela Viallo, proposaàla commission, de l'aveu
de Sully, de fonder celte industrie à Mantes dont le surin-
tendant avait le gouvernement-. L'année suivante, le roi s'y
rendit avec toute la cour, lit planter dans toute l'étendue du
bailliage, sous la direction d'Olivier de Serres, un nombre
considérable de mûriers blancs et établit dans le cliàteau
deux moulins et vingt métiers pour la fabrication des
crêpes lins, facjon de Bologne ^ Cette manufacture fui
dirigée par Noël Parent et par ses frères qui, plus lieureux
qu'à Paris, réussirent à égaler les crêpes de Bologne, à
créer cette industrie en France et même à faire avec une
égale perfection toute espèce de soieries '. La commis-
sion sollicita en sa faveur les privilèges de commensal du
roi et des gages fixes, et il reçut une subvention de
3 000 livres (8768 fr, 80.) pour frais de premier établisse-
ment \
C'est encore un membre de la même famille, Etienne
Parent, qu'on trouve à la tète de l'industrie des satins de
qui donna naissance au Jardin des Plantes. Un horticulteur, Jean Robin,
eut l'idée de créer un jardin fleuriste pour fournir des modèles aux brodeurs
et aux tisserands de soie, et ce fut ce jardin, né des besoins de la mode,
qui servit plus tard à Pétude de la botanique et de la médecine. Qlicherat,
Uisl. du costume, p. 444.
1. Laffemas, Le naturel et profil admirable du meurier... Paris, IfiOl,
p. 16.
2. Procès-verbaux, p. 95.
.■}. .MoLTiÉ, Mantes, histoire, monuments, environs. In-S", 18.j2, p. ôC-57.
Procès-verbaux, p. 2-3!).
4. LMFEa AS, ulji supra, p. 10-17. Procès-verbaux, p. 2^^0-281.
5. Procès-verbaux, ihid. Arrêts du conseil du 10 mars ICO", du 27 mars
1608 et du 17 février 1G09. }]ibl. nat. fr. 18173. P. Ca>et, Ctironologie sept .,
p. 28i, année IGOi.
INDUSTRIE DE LA SOIERIE. 123
Brug-es et damas cafards' qui s'introduisait à Troyes à la
même époque. En 1604 il écrivait à Lafl'emas qu'il avait
commandé deux cents métiers livrables à la Saint-Rémi %
et son associé, Jean Sellier, présentait des échantillons '
à la commission du commerce. Le 13 août de la même
année, le roi accordait à celui-ci un monopole de vingt ans '\
La commission proposa de conférer des lettres de noblesse
à lui et à deux de ses associés et de gratifier ses deux
principaux ouvriers de lettres de naturalité, s'ils étaient
étrangers, et de l'exemption d'impôts, s'ils étaient Français.
Outre le monopole de la fabrication en France, l'impétrant
devait être protégé contre la concurrence étrangère par la
prohibition des soieries de ce genre, aussitôt qu'il serait en
mesure de pourvoir à la consommation nationale. Il s'enga-
geait de son côté à faire battre le plus tôt possible trois ou
quatre cents métiers, à employer autant d'ouvriers français
qu'il pourrait et à n'apprendre le métier qu a des Français'
En 1604 ou 1603^ le roi priait Sully de faire payer au
même entrepreneur 3 047 écus 28 945 fr. 07) que celui-ci
était venu réclamer à Paris pour les frais de son entreprise
et qui, d'après les pièces par lui fournies, lui étaient bien
réellement dus.
De Provence la commission du commerce recevait
aussi des offres. Le sieur de Barthélémy, contrôleur des
traites à Arles se déclarait prêt à y entreprendre la propa-
gation de la culture du mûrier et la création de manu-
factures d'étoffes, notamment de soieries et de brocarts,
1. Damas mêlés de soie et de fleuret.
2. Procès-verbaux, p. 22G-227 .
3. Ibid., 2-29.
4. Ibid., 2^2.
ô. Séance du 21 août 1G04. Procès-verbaux, p. 234-237.
G. Ce qui nous porte à préférer la date de ICOi à celle de 1605 que l'édi-
teur des ie//res wiss/ues a assignée à la lettre du 25 mai, c'est qu'Ét. Parent
annonce à LatTemas, le l'-'r août IG04, la prochaine arrivée de Tellier.
Ibrd., p. 226-227.
124 INDL'STHIE DE LA SOIERIE.
à riinitation des tissus qui se fabriquaient en Italie, en
Espagne et en Orient. Ces offres étaient acceptées et Ton
tombait d'accord des conditions suivantes. Barthélémy
fournira la province de plant et de graine de mûriers blancs
(jui lui seront payés par les localités à raison de 100 s.
(14 fr. 61) le cent de mûriers et de 4 livres (11 fr. 09) la
livre de graine. Une conmiission, composée du premier
])résident du parlement d'Aix, d un président de la chambre
des comptes et de ceux que ces deux magistrats s'adjoin-
dront, réglera la distribution du plant et de la graine,
ainsi que les moyens d'en recouvrer le prix sur les habi-
tants. Harlbclemy établira dans la province dix-huit
ateliers, sixàAi\, six à Arles et six à Marseille, pour
fabriquer les étoffes en question et obtiendra un ])rivilège
de huit ans pour les étoffes façon d'Italie et de douze ans
pour les étoiles façon du Levant. Ce monopole ne préjudi-
eiera pas aux droits des industriels qui sont en possession.
Les apprentis qui seront, autant que possible, des Français
resteront quatre ans en apprentissage et ne pourront
s'établir que deux ans après en être sortis. Les ouvriers
étrangers deviendront Français en vertu d'une simple
déclaration délivrée sans frais. Ils seront, comme les
ouvriers regnicoles, exempts de toute charge personnelle
tant qu'ils n'abandonneront pas le métier. Les apprentis
n'auront besoin pour s'établir que d'un certificat de
l'entrepreneur. Les soies pourront être tirées d'Italie, en
attendant que le royaume en produise en assez grande quan-
tité. Barthélémy deviendra de contrôleur des traites d'Arles
contrôleur général des traites de la province, il sera
anobli, ainsi que trois de ses associés'. Ce projet de traité
fui présenté au conseil et en 1004 il n'attendait plus que
l'homologation royale.
1. Séance du 27 juillet IGO'i. Procès-verbaux, p. 214-210.
INDUSTRlIi DE LA SOIERIE. 125
Les bas de soie nous venaient de l'étranger. Nos
ancêtres, d'après Laffemas, en usaient quatre paires par
an dont chacune leur coûtait quatre écus* (38 fr.).
Le conseil du commerce, qui n'accueillait pas seulement
les propositions des inventeurs et des industriels, mais
qui prenait aussi l'initiative des mesures propres à foncier
en France des industries nouvelles, voulut y introduire la
fabrication des bas de soie et de laine. Elle ne trouva pas
de moyen plus efficace que de permettre à tout le monde
de s'y livrer, sous certaines garanties".
Les efforts de Henri IV pour créer de nouveaux centres
de production ne lui faisaient pas oublier ceux qui exis-
taient déjà. En accordant aux fabricants tourangeaux,
sous l'empire d'une illusion qui ne tarda pas à se dissiper,
la prohibition des soieries étrangères, il les avait autorisés
par une conséquence naturelle à fabriquer tous les articles
que la France tirait des pays voisins. Plusieurs d'entre
eux abusèrent de cette autorisation pour employer dans le
tissage de certains velours de la soie écrue; ils prétendaient
ne faire en cela qu'imiter ce qui se pratiquait en Italie.
Ils réussirent même à convaincre leurs confrères et les
gardes-jurés de la corporation de la supériorité de la soie
écrue sur la soie cuite ou à obtenir subrepticement leur
approbation". Mais le roi, éclairé par les représentations des
fabricants tourangeaux mieux avisés et par le témoignage
des manufacturiers de Paris, revint sur cette dérogation
aux anciens règlements de fabrique et défendit l'emploi
de la soie qui ne serait pas bien cuite, décrusée, blanchie
et teinte *.
1. Reifjl. gen., p. 8.
2. Séance du 4 mai 1604. Pi'ocès-verbaux, p. 185-1 88.
3. Voy. la délibération du corps de ville rapportée par M . Champoiseau
dans son mémoire sur l'industrie séricicole enTouraine. Loc.cif.
i. Henry... à... nostre cour de parlementa Paris. Les UT^' jurez et particul-
liers ouvriers en draps d'or, d'argent et de soye de... Tours nous ont faict
126 INDUSTRIE DE L\ SOIERIE.
Nous avons dit le trouble profond que les guerres
religieuses avaient jeté dans la fabrique de Lyon. Les
roiiionsitrer que feu le roi Louis unzlesme... auruictf.iit venir eu ce royaume
queltiues ouvriers du pays d'Italie, desquels il auroict estably la residanre
en lad. ville de Tours... affin de faire les ouvraiges de draps d'or, d'argent
et de soye auparavant inusités en France et l'apprendre à ses subjects...
les auroit honorés de plusieurs grandz privilleges, et reiglé led. mestier
[par] plusieurs statuts, par lesquels il est porté, entre autres choses que
nul m» dud. mestier ne pourra cmploier aucune soye qu'elle ne soict pre-
mièrement cuitte, blanchie et teinte en bonne tainfure, sur peine de perdre
la soye et les ouvraiges qui en seroient faictz, lequel reiglement auroict
esté gardé par les exposans... et, toutes les fois que se seront trouvé des
contraventions ausd. statuz, elles ayent esté reparées et corrigées par le
bailly de Touraine et par arrests de nostred. court, en sorte que plusieurs
fois des draps où il s'est trouvé de la soye creue ont esté conlisquéz et quel-
quefois brusiés publicquement et les delinquans condamnés en plusieurs
grandes amendes, toutell'ois depuis, par notre edit du mois de janvier mil
cinq cens quatre-vingt-dix-neuf, nous avons permis de faire par tout nostre
royaume toute sorte de draps d'or, d'argent et de soye qui se l'ont à .^lilan,
Gennes, Lucques, Florence et autres villes d'Italie, et toutell'ois quelques
ouvriers particullier dud. mestier se sont licentiés de contrevenir aud.
reiglement, soubz prétexte qu'ilz vouUoient faire croire que les velours, à
la grice qui se font à .Milan et autres lieux d'Italie no sont point entière
ment de soye cuitte et blanchie, tellement que ([ueltiues ungs d'entre eulx
ont faict la thoille et tresme dud. velours à la grice de soye qui nest pas
cuitte, suivant led. reiglement. et, pour se garantir des saisies que les
exposans ont faict faiie sur eux, ilz ont obtenu nos lettres du dixiesme
jour de juing mil six cens quatre, par lesquelles nous avons permis à tous
ouvriers qui voudroient faire les draps de soye des façons de Milan,
Lucques, Florence, Venize, Xaples, Boulongne, Rhege, Modenc, Gennes,
Genefve, Chan)bery, Avignon, Espaigne et autres provinces étrangères de
faire la fabricquation desd. draps de soye telle... qu'elle se faict esd. lieux...
en conséquence desquelles lettres, nostre bailly de Touraine, sans s'intlormer
auttrement de l'usaige desd. villes..., auroict donné sa sentence du trei-
ziesme jour de septembre dernier, par la(iuelle il auroict ordonné qua les
ouvriers dud. mestier jouiroient du contenu en nosd. lettres, à la charge
neanmoingtz que, es velours plains et autres draps qui se decouppent, ilz
ne pciurroient emploier aucune soye escrcue, en quoy faisant nostred.
bailly ou son lieutenant a paisiblement permis ausd. ouvriers d'emploier
de la soie creue es velours figurez et autres estofles qui ne se decouppent
point, et neanmoingtz nous avons esté advertiz par plusieurs notables
bourgeois et marchans de nostred. ville de Paris et par les ouvriers en draps
d'or et d'argent et de soye que nous avons faict venir exprès pour faire en
nostred. ville de Paris telz ouvraiges qui se font esd. villes d'Italie, que en
toutes espèces de drap de soye, soict de velours figuré ou aultres, il n'est
point permis en Italie d'emploier de soye escreue et qui ne soict bien
cuitte, blanchie et tainte, parce que les soyes escreues ne peuvent prendre
bonne tainlure et qu'estant emploiées à faire la thoille et tresme des
velours, elle ternit le lustre du drapt, joint que la thoille et tresme des
velours qui n'est faicte de soye bien cuitte couppe le poil desd. velours
INDUSTRIE DE LA SOIEIUE. 127
mesures de Henri IV lu' furent pas toutes de nature à la
relever. La substitution du pastel à l'indigo désormais
proscrit ne fut pas considérée comme un progrès par
les teinturiers lyonnais ni par le consulat qui demandèrent
la liberté d'user des matières colorantes employées
jusque-là \ Les fabricants s'émurent bien davantage
encore de l'édit somptuaire de 1608 qui défendait, en
même temps que l'importation des soieries étrangères,
l'usage des soieries indigènes. Il menaçait l'existence de
la première industrie de Lyon, qui comptait alors environ
deux mille métiers et sept à huit mille ouvriers. Les
intéressés firent porter leurs remontrances au roi par l'un
des leurs, Ambroise Aubin, qui obtint sans aucun doute
le rappel de l'édit'. Heureusement l'influence de Henri IV
qui se pelle incontinant et ceulx qui veulent emploier lesd. soies non
cuittes n'y sont poussez d'autre nfTection que pour faire proffict au dom-
njaige du public, d'aultant que ung drap qui est faict de soye escreue et
semble qu'il y ait plus de soye qu'il n'y en a, à cause de quoy en toutes les
fabricques d'Italie tous les draps, de quelque espèce et façon qu'ilz soient,
où il y a de la soye escreue et non bien cuitte, sont réprouvez et confis-
quez... ce qui a meu les maistres jurez dud. estât d'ouvriers en soye dud.
Tours et la plus grande partie des luaistres particulliers joinctz avec eulx
d'appeller de lad. sentence de nostre bailly de Tours ou son lieutenant...
et, d'aultant que le procès est pendant devant vous, ilz nous ont très hum-
blement supplié voulloir déclarer sur ce nostre volonté... Pour ce est-il
que nous, après avoir faict veoir à nostre conseil nostre edit du mois de
janvier mil cinq cens quatre vingtz dix-neuf, noz lettres dud. dixiesme
juing mil six cens quatre, avec les attestations de plusieurs notables
marchans et ouvriers en soye de... Paris, en datte du dix huictieme jour de
décembre dernier, le tout cy attaché soubz le contre-scel de nostre chan-
cellerie, de l'advis de nostred. conseil..., ordonnons, déclarons... que tous
draps de soye qui se feront en lad. ville de Tours et autres lieux soient
faictz de bonne soye bien cuitte, descreue, blanchie et teinte en bonne
teinture, faisant très expresses detfences à tous ouvriers en draps d'or,
d'argent et de soye d'en emploier qui ne soient bien appareillée (sic)
suivant leurs statuts... (0 janvier 1C05. Registre au parlement de Paris le
15 janvierl605. Arch. nat. Xi' 8G45, fol. 200).
1. Inventaire des arch. municipales de Lyon. Reg. BB 140. Inventaire
Chape aux Arch. de Lyon, Vlll, .3G7.
2. Inventaire des arch. municipales de Lyon. Portefeuille AA 155. Les
négociants en soieries de Paris firent aussi une démarche auprès du roi pour
empêcher l'exécution de l'édit. Lestoile, Registre-Journal de Henri IV
(collection -Michaud et Poujoulat), p. 5-31.
12S INDUSTKIE DE LA SOIERIE.
sur la falni(|ue lyonnaise ne se réduisit pas à ces mesures
malencontreuses; elle se manifesta aussi par la protection
(ju'il accorda à un Lyonnais, (Maude Dangon, fabricant de
soieries et de brocarts, l'un de ces obscurs inventeurs dont
le nom reste ignoré, non seulement de la postérité, mais
(|uel({uefois même de ceux qui s'em'ichissent de leurs décou-
vertes. Claude Danij^on dota sa ville natale du métier à la
tire' et de la fabrication des façonnés qui devait tant con-
tribuer à la renommée et à la richesse de l'industrie
Ivonnaise. Au mois de mars lt)07. il obtint le titre de
maître ouvrier du roi en draps d'or, d'argent et de soie à
Lyon, un privilège de cinq ans et la direction de la
fabrication des étoffes nouvelles do son invention dans la
ville et tout le royaume-. Déjà en IGOo ses concitoyens
l'avaient indemnisé par un don de 200 livres tournois
(584 fr. 59) des dépenses qu'il avait faites pour introduire
chez eux ses velours taffetas et autres tissus d'un nouveaii
genre et pour aller en présenter des échantillons au roi".
Pour monter ses métiers, pour fournir aux frais de
premier établissement il avait dû contracter des dettes;
le 11 août 1607, un arrêt du conseil lui accorda une sur-
séance de six mois qui fut renouvelée par un autre arrêt du
12 février 1608'.
Une faudrait pas croire que les villes dont nous venons
de parler fussent les seules où l'on fabriquât des soieries.
Keims, pour ne mentionner que celle-là, comptait
en 1600 cinquante-quatre maîtres ouvriers en soie'^ qui
1. On peut voir dans le musée industriel de Lyon nn mddrle rOdult du
métier inventé par Ct.. Dangon.
2. Lettres patentes de mars 1G07 enregistrées au parlement le dernier
avril 1611. Arch. nat. Registres du parl.X'" 8Gi7, fol. 227 v». Voy. aussi
MoNFAi-CON, llisloire de la ville de Lyon, 18î7,in-8", II, 73ô. On verra dans le
mémoire publié en appendice (n" I)en quoi consistaient ces étoiles nouvelles.
3. Inventaire des arch. municipales de Lyon. Heg. HH 142.
4. Arch. nat. Arn'ts du conseil à la date, liibl. nat. fr. 18173, fol. OC.
5. Vakin, Arrinves de Reims, sUilnls, II, 375.
LA SÉRICICULTURE A LA FLN DU RÈGNE. 129
firent modifier leurs règlements pour les rendre aussi
conformes que possible à ceux de leurs confrères
parisiens ^ Tout en restant très inférieure à la demande,
la fabrication indigène s'était beaucoup développée ^.
Si nous avons cru devoir entrer dans l'exposé minutieux
des efforts de Henri IV pour faire de la sériciculture et
de l'industrie des soieries une branche importante de la
production nationale, c'est que, selon nous, la conception
d'une entreprise, les moyens employés pour la faire
réussir n'offrent guère moins d'intérêt que ses résultats.
L'intelligence et la persévérance méritent d'attirer l'attention
de l'historien, même quand elles ont été déployées en
pure perte, parce qu'elles provoquent des réflexions
instructives sur les causes de leur impuissance et qu'elles
offrent le spectacle attachant de la volonté aux prises
avec les circonstances. Toutefois, on essaierait en vain
de le nier, la première question qu'on se posera toujours
au sujet d'une tentative qui n'a en vue que la prospérité
matérielle d'une société sera nécessairement celle de savoir
si elle a ouvert une voie nouvelle à l'activité nationale et
augmenté la richesse et le bien-être du pays.
Pour résoudre cette question en ce qui concerne la
sériciculture, il ne suffit pas de constater qu'elle se trouve
de nos jours, comme avant le règne de Henri IV, localisée
dans certaines provinces, qu'elle ne s'est pas généralisée
au même degré ({ue la viticulture, par exemple, dont
Olivier de Serres la rapprochait au point de vue des con-
ditions climatériques. Ce fait n'autorise pas à considérer
le dessein du roi et de ses auxiliaires comme chimé-
rique ; la négligence des gouvernements qui ont succédé
au sien, des événements d'un ordre général peuvent
1. Varin, p. 3TG.
2. Laffemas, Reigl. gen., p. 7. La façon de faire et semer la f/raine de
meurier..., ie04. p. 31.
9
130 L\ SÉKICICLLTUIIE A L\ FIN DU HÈGNE.
rexpliijuer, sans qu'il soit nécessaire de sen prendre aux
vices inhérents à l'entreprise ou aux moyens employés
pour la mellre à exécution. C'est à la i\n du règne
(piil faut nous })lac(M' pour nous rendre compte des
résultais.
Or, nous Irouvons dès cette époque les preuves péremp-
toires que le succès n'avait jias répondu aux espérances.
l"]n 1610, un s' Maressé, ancien archer de la garde,
j)roposait au nouveau roi de renouveler des essais qui
n'avaient échoué, d'après lui, que par suite des moyens
d'exécution'. Dans un mémoire anonyme, puhlié deux ans
plus tard sur les jtauvres des hospices, nous lisons qu'il
ne subsistait aucune trace de l'entreprise de Henri IV'.
11 y a là de l'exagération. Montehrétien est plus près de la
vérité quand, tout en constatant que le roi n'avait pas
réussi à augmenter autant qu'il le voulait la production
de la soie et en rendant responsables de cet insuccès ceux
qu'il avait chargés de la réalisation de ses intentions, il
reconnaît que la sériciculture a, grâce à lui, acquis une
certaine extension dans les régions oi^i elle existait déjà ^
1. Propositions faites au roi par MaicM., contenant les moyens de rendre
la soie aussi commune en France qu'elle l'est à lu Chine et par toute l'Italie
et l'Espagne, 1610. Cité par Gaspakix, Mémoires d'atjriculture et d'économie
rurale, 11, 68.
'2. Mémoire concernant les pauvres enfermés adressé à Henri de Gondi,
évêque de Paris, 1012. Archives curieuses de l'hist. de France, X.\, 264-65.
3. (1 Aussi nostre grand Henry... print fort à cœur le dessein de faire
abonder la soye en ce royaume..., ce i|ui sans doute eust pu réussir à son
contentement..., si ceux là, sur qui S. M. se reposoit de la conduite de cette
allaire, l'eussent secondé avec un jugement égal à son all'ectio}i. Tout Co
qui nous en est revenu de bien, c'est que le désir qu'il fist naistrc en
plusieurs de s'accommoder dn profit des soyes a produict ce fruict qu'il
s'en fait maintenant en Provence, Languedoc, Dauphiné, Touraine,
Lionnois, Beaujolois et divers autres lieux de la France à plus de quatre ou
cinq cens mille livres... car, pour ce qui concerne la faltrique. chacun
scait-il pas que depuis longtemps nous l'avions à Lion et à Tours ? »
Traiclé de l'économ. polilirjue, 161.'), p. 98. .Montehrétien exhorte le roi et la
reine mère à encourager la sériciculture et l'industrie de la soie, dont le
défaut de persévérance des Français a empêché, malgré les efforts de
Henri IV, la fondation définitive. Ibid., p. ;i'j-U>0. \oy. aussi p. 129.
J.-A. DE Tiiou, V, 8;)«.
LA SÉRICICULTURE A LA FIN DU RÈGNE. 131
Le témoignage de Montchrétien se trouve confirmé pour
une région particulière, la Touraine, par le rapprochement
do deux faits séparés l'un de Vautre par près do quatre-
vingts ans. En 1(307 Henri IV accordait à un s"" Taschereau
le privilège héréditaire de planter et d'exploiter des mûriers
dans le parc de Plessis-lez-Tours et ses dépendances'.
Or nous trouvons en 1693 un des descendants du con-
cessionnaire dirigeant au même lieu une pépinière
de 800 000 mûriers blancs qui servait à entretenir et à
propager la sériciculture dans le pays". L'entreprise de
Taschereau n'avait donc pas été éphémère et ce n'est pas
seulement, on peut le croire, en 1693 qu'elle avait com-
mencé à porter des fruits. Nous savons, d'autre part, que
l'industrie des soieries fut très florissante à Tours pendant
la première moitié du xvii" siècle ^ Les efforts de Henri
avaient donc obtenu un effet quelquefois durable, plus
souvent passager et limité. L'exemple qu'il avait donné en
plantant des mûriers, en établissant des magnaneries
avait trouvé d'assez nombreux imitateurs parmi les
courtisans, les grands seigneurs, le haut clergé, les ordres
monastiques, l'ordre de Malte \ Nous avons déjà parlé de
la soie recueillie dans le jardin de l'hôtel de Retz. Sully,
les secrétaires d'Etat, le premier valet de chambre
Beringhen avaient fait des plantations de mûriers pour
plaire à leur maître ^ Mais si un certain nombre de o-rands
1. Champoiseau, loc. cit.
2. BoisLiSLE, Correspondance des contrôleurs généraux avec les intendants
l, n» 1185. '
3. Chevalier, La décadence de la manufacture de soieries à Tours. Mé-
moires de la Société archéologique de Touraine, V, 361.
4. Gasparin, Op. laud. Carew a exragéré en disant : « ... he Ifenri IV)
bas caused most of the gentlemen and possessioners of his reahn to plant
mulbery trees in their grounds for the noiirishint; of ?ilk-worms » p. 430.
Isaac Laffemas a exagéré encore plus en éci'ivantque la production de la
soie indigène pouvait suffire aux besoins du pays.
5. J.-B. I.eTelmer, Brief discours... Dédié à la duchesse de Sully. Paris
Pautonnier, ICOÎ. B. Laffemas, Lettres et exemples de la feu royne mère'
comme elle faisoit travailler aux manufactures et foiwnissoit aux ouvriers
132 CAUSE DE L'INSUFFISANCE DU SUCCES.
propriétaires était Gntn'; clans la voie ouverte par lui, la
niasse des petits cultivateurs, qui exploitait dès lors la
plus grande partie du sol, ne l'avait pas suivi, le clergé,
dans son ensemble, n'avait pas mis au service de son
projet toute sa puissance de propagande. Le succès local
et partiel qu'il obtint resta loin de la grandeur du plan
quil avait conçu.
Le pays, en accueillant froidement sa tentative, obéit-il
à une routine aveugle ou se rendit-il compte des obstacles
qu'elle rencontrait dans les circonstances physiques, dans
la nature des clioses? Les partisans de la sériciculture,
Olivier de Serres, LalTemas, affirment, en s'appuyant sur
l'expérience, que le climat de la France n'est contraire
ni à la culture du mûrier ni à l'élève des vers à soie,
ils font ressortir combien la cueillette du mûrier, les
soins à donner aux vers sont faciles et peu coûteux,
la cueillette pouvant être faite par des femmes et des
enfants et ne détournant nullement, non plus que le
travail de la magnanerie, des travaux agricoles ; ils in-
voquent les résultats obtenus : d'après eux, la soie
recueillie en France, môme dans les régions tempérées,
vaut ou même dépasse en qualité la soie italienne. En
regard de cette opinion nous devons mettre celle des incré-
dules, des adversaires, celle de Sully qui déclarait à
Henri IV que le printemps était trop froid et trop tardif
pour l'éclosion des vers et la végétation des mûriers, que ces
arbres ne pouvaient pas donner avant quatre ou cinq ans
une végétation suffisante pour nourrir les vers', celle de
certains Italiens de bon jugement qui, consultés par George
Carew sur les chances de l'entreprise, lui répondirent qu'elle
de ses propres deniers. Paris, PACTO^i.MER, 1G02, in-8°. Le premier vr\let de
chambre, Beringlien, était un personnage remuant et en crédit qui sut se
faire intéresser dans plusieurs entreprises, notamment dans une exploita-
tion de forges et de fonderies.
1. Économies royales, ColL Michaud, 1, âlô.
FABRIQUES ANCIENNES ET NOUVELLES DE SOIERIES. 133
finirait par échouer, les vers ne pouvant vivre ou au moins
donner de bonne soie avec une température aussi froide
que la nôtres De ces deux opinions, sur la valeur desquel-
les il n'appartient qu aux hommes spéciaux de se prononcer,
le pays semble avoir partagé la seconde. Le roi lui-même
paraît s'être découragé; c'est ce qu'on peut conclure de
l'abandon d'une partie du plan primitif, de sa répugnance
à user de contrainte, à imposer la sériciculture aux culti-
vateurs. Sans vouloir condamner son initiative, nous ferons
remarquer que, comme le reconnaît 0. de Serres, l'élève
des vers ne peut être entreprise utilement à moins de deux
ou trois mille pieds de mûriers et que les mûriers ne rap-
portent qu'au bout de cinq, six, sept ou huit ans^ N'est-
ce pas assez pour expliquer la réserve des petits cultiva-
teurs? Les grands propriétaires seuls pouvaient supporter
de pareils sacrifices et, s'il fallait s'en prendre à quelqu'un
de la disproportion entre la largeur des vues et les résultats,
ce serait la noblesse et le clergé qu'on devrait en rendre
responsables^.
Les fabriques de soieries établies par Henri IV à Paris,
à Troyes et à Mantes survécurent-elles à leur fondateur?
Les anciennes fabriques de Lyon et de Tours acquirent-elles
sous son règne un développement nouveau et durable?
M. Poirson* n'a aucun doute à cet égard ; il fait honneur à
Henri IV de l'importance que l'industrie des soieries a prise
dans la production nationale ^ il fait remonter jusqu'à lui
1. Dans Birch, p. 431.
2. Théâtre d'agriculture, p. 114, 120, loi.
3. Les tentatives faites par Colbert en 1670 pour propager la culture du
mûrier ne fm-ent pas plus heureuses, bien que les intendants ne se fi-ssent
pas scrupule d'en faire planter d'autorité. Lettres de Colbert publiées par
M. P. Clément, IV, 233, note 2.
4. m, 281-289.
5. « On évalue la production des soieries dans le monde à deux milliards
de francs, et la France y figure pour une valeur de 1200 millions. »
FoNTPKRTuis, Le mouvement économique aur États-Unis et au Canada, dans
V Économiste français du 25 nov. 1882.
134 FABRIQUES ANCIENNES ET NOLVELLLES DE SOIERIES.
les maniifac(ures(|ui existent «ni qui existaieiit.au moment
où il «Privait, à Paris et en Picardie ; les deux tiers de celles
du Midi lui devraient, à l'en croire, leur existence, celles
de Lyon, de Tours et de Montpellier, leur essor. Mais si
l'on cherche sur quoi s'appuient ces affirmations, on ne
découvre que quelques textes empruntés à Lallemas qui
prouvent seulement les espérances que le projet du roi
faisait naître chez Tapùtre le plus fervent de l'industrie
séricicole' et un seul document" se rapportant véritable-
ment à la question, mais d'où il résulte seulement que la
fabrique de Lyon était en décadence sous les successeurs
immédiats de Henri IV.
Point n'était besoin, pour faire apprécier la persistance
de l'élan imprimé par le roi à l'industrie des soieries, de
rechercher, comme l'a fait M. Poirson, l'état de la produc-
tion et de l'exportation au milieu du xvii" siècle, à la fin de
l'ancien régime, sous la Restauration, sous la monarchie
de Juillet, lâche trop difficile pour être entreprise ainsi
incidemment et à la légère; c'est à des témoins aussi rap-
prochés que possible de l'année 1610, de l'époque où les
mesures prises par le roi avaient pu produire leurs fruits
et où un autre gouvernement n'avait pu en compromettre
le succès, qu'il faut demander des renseignements sur le
sort des établissements fondés par Henri IV et sur l'exten-
sion qu il a pu donner à ceux qui existaient avant lui.
Au lendemain même de sa mort, peut-être dès les der-
nières années de sa vie, les maisons formées à Paris sous
son patronage avaient disparue La fabrique de satins de
Bruges et de damas cafards établie à Troyes ne paraît pas
avoir mieux réussi, car non seulement elle est restée in-
1. PoiKso.N, lil, 281, note I ; 283, note 1. Voy. aussi le passage tiréd'lsAAc
Laffemas, p. 281.
1. PoiHsox. III, 285.
3. .Mémoire précité concernant les pauvres enfermés, 1612. Enquête faite
en IGIO sur le commerce et l'industrie sOricicole de Lyon, à Tappcndice.
FABRIQUES ANCIENNES ET NOUVELLES DE SOIERIES. 133
connue au dernier historien de celte ville*, mais elle n'a
laissé aucune trace dans les archives municipales ni dans
les archives départementales de l'Aube-. La manufacture
établie à Mantes sous les yeux du roi et sous la direction
des Parent fut, au contraire, on l'a vu. une création dura-
ble et féconde.
Si nous passons aux deux anciens centres de production,
à Tours et à Lyon, le premier nous offre une activité que
nous avons déjà constatée, qui ne s'est arrêtée que dans la
seconde moitié du xvn" siècle et dans laquelle l'influence de
Henri IV peut revendiquer une part. Quant à la fabrique
lyonnaise, elle ne s'était pas relevée, à la lin du règne de
Henri IV, de la décadence qu'elle subissait à la suite du com-
merce local, depuis la mort de Henri H^ La ville était
moitié moins riche qu'elle ne l'avait été vingt ans aupara-
vant '*. Questionnés officiellement sur les moyens d'y
soutenir l'industrie en déclin, sur le nombre des ouvriers en
soie et sur la manière de développer l'industrie qui les
faisait vivre, les consuls montraient les ateliers déserts, les
ouvriers décimés par la guerre ou ayant porté dans d'autres
villes ou même à l'étranger les arts qui faisaient la pros-
périté de Lyon ; proposaient le rétablissement du commerce
comme l'unique remède aux souffrances de l'industrie et
estimaient à onze ou douze mille le nombre des habitants
qui gagnaient leur vie dans la fabrique des soieries et celui
des métiers qui fabriquaient des soieries communes à dix-
huit cents, au lieu de sept mille qu'on comptait autrefois.
A leurs yeux, il ne suffisait pas, pour empêcher la sortie de
l'argent français qui préoccupait le nouveau gouvernement,
de développer la fabrication de ces étoffes ordinaires, il
1. BouTiOT, Histoire de Troyes.
2. Renseignement dû à M. Francisque André, archiviste de TAube.
3. Voy. l'enquête publiée en appendice.
•i. Relation de G. Carew dans Birch, p. 43i-435.
136 FABRIOI'E LYONNAISE.
fallait introduire à Lyon la fabrication des riches étoiles
façonnées dont ils comptaient vingt types dilTéreuls, et ils
désignaient Claude Dangon comme le seul homme capable
de faire réussir cette fabrication nouvelle, à laquelle il se
livrait déjà avec succès et qu'il apprendrait à ses compa-
triotes, s'il recevait l'assistance pécuniaire du gouverne-
ment. Le consulat demandait en môme temps pour Dangon
la confirmation des privilèges qu'il tenait du feu roi* et
qu'il eut à défendre contre ses confrères'. Les nouveaux
types créés par ce grand industriel attirèrent toujours
l'attention et l'intérêt de la municipalité% mais il ne fut pas
mis en possession des moyens qui lui auraient permis de
tirer la fabrique lyonnaise de la crise on elle languissait.
En 1619, le chifTre des ouvriers en soie à l'aumône s'élevait
à plus de six mille \ Lyon n'en dut pas moins à Claude
Dangon, avec la fabrication des façonnés, la source de sa
richesse future, et le patronage accordé par Henri IV à cet
éminent manufacturier doit le faire considérer, malgré la sta-
gnation permanente de l'industrie séricicoleà Lyon pendant
tout son règne, comme le premier auteur d'une prospérité
que Napoléon et la Restauration devaient porter à son
apogée '■'.
1. Inventaire des arch. municipales de Lyon. Reg. BB 140, année IGIO.
2. Ihid. lieg. BB 147, année IGll.
3. Visite faite par le consulat des ateliers de Pierre Dangon, maître ou-
vrier [le successeur, probablement le (ils de Claude] pour le roi en étoiles
d'or, d'argent et de soie, afin d'examiner « diverses sortes de manufac-
tures desdits draptz, non encore jamais veuz en France, qu'il a présente-
ment sur ses métiers. » Description de ces étoiles dont le fini et récint
merveilleux engagent les échevins à délivrer, d'après son désir, au fabri-
cant un certificat constatant qu'il a détaché de ses métiers des échruitilions
<• qu'il dict vouloir soubdain envoyer en la ville de Paris pour les faire veoir
et scavoir si elles [les étoffes] agréeront en cette forme, etc. » Ihid. Heg.
BB 14!», année 1613. Voy, aussi sur la fabrique lyonnaise et sur Cl. Danoo.v,
MoNFAi.co.N, His/. de la ville de f-yoïi, II, 735-737.
i. Ibid. Heg. 1Ô5, année ICiy.
5. .Moutchrétien ne connaît pas d'autres centres de fabrication fpie ceux
qui existaient avant Henri IV, Tours et Lyon p. 98). Pour lui cette indus-
trie reste toujours à fonder en France dans les proportions (pie le roi avait
INDUSTRIE DE LA DRAPERIE. 137
La fabrication du drap était bien plus répandue en France
(jue celle des soieries. Toutefois elle ne pouvait suffire à la
consommation nationale qui avait recours à l'Angleterre
pour les draps communs, à lltalie et à la Flandre pour les
articles de luxe. La draperie française, quoique ruinée par
les guerres civiles, paraît avoir repris, dans les dernières
années du xvi" siècle, une certaine activité due, non aux
encouragements de l'Etat, dont l'industrie n'avait pas encore
attiré l'attention, mais au rétablissement graduel de la
paix publique. La protection de Henri lY ne fit pas plus
défaut à la draperie qu a la soierie ; nous en avons pour
garant G. Carew qui atteste les efforts du roi pour affranchir
la France de l'importation des draps anglais, sans nous faire
connaître les moyens qu'il employa dans ce but*. Si son
intérêt pour l'industrie de la laine ne se manifesta pas par
un projet d'ensemble analogue à celui dont la sériciculture
et les soieries furent l'objet, c'est qu'il ne s'agissait pas ici
d'une industrie nouvelle à créer, mais de fabriques déjà
existantes à ranimer. Nous avons dit que la commission
du commerce entreprit de donner aux industries de la laine
une police nouvelle ; ce ne fut pas sans peine qu'elle put
obtenir des corporations intéressées un projet dérèglement,
qu'on n'a pas conservé, qui ne devait pas, d'après certains
indices, se recommander par des idées nouvelles et qui
n'exerça aucune influence sur la fabrication". En dehors
de cette vaine tentative, nous n'avons à signaler aucune
mesure générale inspirée par l'intérêt de la draperie. Nous
devons donc nous borner à faire connaître celle que les
voulu lui donner et qui seules pouvaient mettre la production du pays en
rapport avec sa consommation, lui permettre de se suffire à lui-même et
même de fournir aux besoins des nations voisines, Voj\ le passage cité
plus haut, et dans le même ouvrage, p. 129.
1. Op. laud., p. 4.32.
2. Procès-verbaux, IIO-III, 114, 115, n\, \T2, 123, 124, 126,152, 153,
157, 159, 181.
138 INDUSTRIE DE LA TOILE.
sayeteursir Amiens obtinrent Je la commission et du conseil.
En 1G03, alors que leur industrie ne s'était pas encore
relevée de sa décadence, ils se plaignirent, et léchevinage
avec eux. de renchérissement des filés causé par la
concurrence étrangère. Des marchands étrangers au pays
venaient acheter les lih's dans les villages et les marchés,
aux paysans, aux petits iilateurs et à des marchands en gros,
pour les exporter ou les i-e vendre aux tisserands à un prix
élevé. La commission proposa d'interdire la vente des Hlés
à Amiens et dans la banlieue ailleurs qu'au marché et de
défendre l'exportation'. Un arrêt du conseil du 28 février
1G04 adopta ces propositions et leur donna force de loi,
en y ajoutant, conformément au vœu des sayeteurs, la
défense de cumuler les métiers de filateur et de peigneur de
laine. La commission et le gouvernement oubliaient qu'en
protégeant les tisserands, en s'eftorçant d'abaisser pour eux
le prix de la matière première, ils portaient atteinte aux
intérêts des filateurs-. S'il faut en croire Montchrétien,
l'industrie du drap, tout en étant répandue dans presque
toutes les provinces, se trouvait en déclin dans les années
qui suivirent la mort de Henri IV : tel bourg du royaume,
où l'on faisait autrefois de la draperie pour plus de quatre
ou cinq cent mille livres, n'en produisait plus que pour
une valeur de trente mille. Ce qu'il y a de certain, c'est
que le marché français continuait à être envahi par les
draps étrangers ; les drapiers parisiens le constatent en le
déplorant dans le cahier de doléances qu'ils présentèrent
aux états de 1614 \
La production des toiles était plus considérable encore
en France que celle des draps, elles l'était assez pour
qu'elles formassent un article important de nos exporta-
1. Séance du 18 juillet. Procès-verbaux, lOG-108.
2. Ileg. du conseil. Arch. nat. E G*, f. 18'>.
3. Arch. nat., K.C7.J, n" 20.
INDUSTRIE DE LA TOILE. 139
lions'. Parmi les lieux de production, nous citerons seu-
lement la Normandie et spécialement Rouen, Caen et
Louviers, la Bretagne, Laval, Chàtelleraull, ïroyes, le
Barrois, la Champagne ■. L'exportation aurait été plus con-
sidérable encore si l'étranger n'était venu enlever nos
filasses et nos étoupes % comme il enlevait nos laines et
nos soies.
En 1604 le roi d'Espagne interdit l'entrée des toiles de
Hollande dans ses Etats; c'eût été l'occasion pour notre
pays de s'emparer de ce marché, si nos toiles avaient pu
remplacer celles des Provinces-Unies. Ce fut à cette époque
que deux marchands de Rouen, Jean Wolf et Antoine
Lambert offrirent au roi d'établir dans cette ville une
manufacture de toiles fines à l'imitation de celles qui se
fabriquaient en Brabant, en Flandre, en Hollande. Ils
s'engageaient à faire venir des ouvriers de l'étranger, à
prendre en France la moitié de leurs apprentis, à établir
des curanderies pour blanchir comme on le faisait dans
ces trois pays, c'est-à-dire d'une façon supérieure au blan-
chiment pratiqué en France \ Ils demandaient que le roi
avançât à chaque chef de métier, qui viendrait s'établir à
Rouen, pour ses frais de déplacement et d'établissement,
25 écus (237 fr. 49) imputables sur le prêt fait aux entre-
preneurs. Ils fixaient ce prêt à 100 000 écus (949 933 fr. 16)
remboursables en dix ans. Ils demandaient aussi la créa-
tion d'une halle à Rouen pour vendre les matières pre-
mières et les produits de leur industrie, le titre et les privi-
lèges de commensaux de la maison du roi, le droit de
1. MOKTCHRÉTIEN, p. 89.
2. Avis des corp., p. .S. .AIorin, Hist. de Louviers, II, 71.
-3. Et, comme Ton afferme, toutes les fiUasses de lyn, de chanvre et
estouppes dequoy ron faict lesil. toilles estranges sont prinses et enlevées
de France, mesmes des pays de Champaigne, Picardie et Bourgongne. »
Traité du commerce. Bibl. nat. Fr. "21)85, f. 15.
4. Procès-verbaux, 92-93.
140 INDUSTRIli DE LA TOILE.
tenir un magasin de « merceries » à Paris sans être sou-
mis aux visites du bureau de la ville, la faculté d'acheter
à l'étranger pour 50 000 écus (474 1)70 fr. "iS) par an de fil,
de cendre gravelée, de savon et d'autres matières néces-
saires à leur industrie, le privilège d'avoir aux faubourgs
de Rouen une l)rasserie nù les brasseurs roueniiais n'au-
raient rien à voir, celui de prendre du sel blanc pour les
besoins de leur industrie sans payer gabelle. Les tisserands
étrangers qui viendraient s'établir en France devaient être
Iraiti'S comme re^nicoles, exempts d'impôts, placés sous la
surveillance exclusive des deux entrepreneurs. Ces propo-
sitions furent soumises à la commission du commerce
qui les adopta sous certaines restrictions. Elle s'en remet-
tait au roi pour le chilTre de la subvention sollicitée par les
entrepreneurs, elle ne leur laissait la surveillance de
l'industrie nouvelle que pendant huit mois, temps qu'ils
devaient mettre à profit pour rédiger et lui présenter un
projet de statuts et de règlements qui recevraient la
validation royale \ La manufacture, établie au faubourg
Saint-Scver et connue sous le nom de la grande tissan-
derie, fut autorisée et constituée par des lettres patentes
et par divers contrais enregistrés le 30 janvier 1006 au
parlement de Rouen. Elle se composait d'ateliers pouvant
contenir 350 métiers à tisser et de deux curanderies,
dont chacune devait employer cinquante ouvriers. Elle
compta doO métiers la première année, 200 autres la sui-
vante. Les directeurs obtenaient un prêt de loOOOO livres
(438 439 fr. 92). Leur fabrication, toute nouvelle en France,
comprenait le linge de corps, de table c et autres ouvrages
ouvrés, damassés, figurés ou rayés d'or et d'argent ou de
soie, de toute couleur ou façon -. » Ils fondèrent à Mantes
1. Procùs-verbal de la séance du 3 septemb.-e IGOi. Procès- verbaux,
j). 2il-2.")2. licriieil (le ce qui se passe... Champoluon, p. 293.
2. GossELiN, 0/). laud.,p. Ii0-l41.
INDUSTRIE DE LA TOILE. - 141
une autre manufacture do toiles fines, façon de Hollande,
pour laquelle le roi leur alloua une subvention de 90 000 li-
vres ^ (263 063 fr. 1).')). Mantes possédait encore à la même
date, en 1607, un établissement du même genre dirigé par
Thomas Robin et également subventionné par le roi ^. Il
fui aussi question d'établir cette industrie à Troyes et
les chefs de l'entreprise faisaient espérer une diminu-
tion de 10 s. (1 fr. 46) par aune sur le prix des toiles de
Hollande ^.
Quel fut le sort des manufactures de toiles fines fondées
sous le patronage de Henri IV? M. Gosselin, qui a con-
tribué à mettre en lumière les origines de celle de Wolf et
Lambert et qui avait sous la main les dépôts d'archives les
plus propres à nous éclairer sur son avenir, s'est déclaré
hors d'état de dire ce qu'elle était devenue \ Nous avons
été plus heureux pour les établissements dirigés à Mantes
par les mêmes entrepreneurs et par Thomas Robin; deux
ans après la mort de Henri IV, ces établissements n'exis-
taient plus '\ Caen, au contraire, n'avait pas laissé dépérir
l'art de la lingerie qui, avec les flanelles [lingettes) et les
bourses brodées, faisait sa renommée industrielle. Elle
devait la beauté de cette lingerie principalement à lune de
ses anciennes familles, les Graindorge dont chaque généra-
tion, pour ainsi dire, depuis 1460. avait fait faire un nou-
veau progrès à la fabrication. Parmi les membres de
1. Arrêt du conseil du 25 août 1607. Arch. nit. à la date.
2. Arrêt du conseil du 14 août 1G07. Même collection. J. A. De Thou, VI,
170, anno 1603.
3. Laffemas, Le naturel et profit admirable du meurier... Paris, 1604. Sur
le projet de Henri IV d'alTranchir son royaume de l'importation des toiles
fines de Hollande, voy. Garew, dans Bircti, p. 430. Voy des preuves de sa
sollicitude pour les entrepreneurs de cette industrie. Lettres missives,W\,
344 ; IX, n» 88 .
4. Ouvr. cité, p 141 .
5. « Tesmoin les toilles façon de Hollande à Mantes dont aujour-
d'huy il ne parait marque ne vestige. » Mémoire anonyme concernant les
pauvres enfermés, ubi supra.
U-2 INDUSTRIE DES ITTAINES.
celte famille, le panégyriste des plus illustres Caeniiais de
son temps, le docteur Jacques de Cahaignes, a distingué
surtout André (Iraindorge qui au linge de table uni ajouta
le linge broché d'ornements gc'onK'Iriqiies et de fleurs;
Richard, iils d'André qui inventa le linge damassé orné de
iigures d'animaux et darmoiries; Michel, fds aîné de
Richard qui poussa encore plus loin les procédés de fabri-
cation et forma une foule d'élèves qui les répandirent en
France '.
L'industrie des futaines, assez récente en France ■ et
qui avait ses principaux centres à Rouen et à Troyes %
soulTrait des malfaçons et de la supériorité d'apprêt et de
teinture des futaines étrangères, principalement do celles
d'Angleterre \ Un fabricant, originaire des Pays-Bas,
Paul Pinçon, apporta en France l'art de teindre, de friser
et d'apprêter les futaines et basins comme on le faisait
chez nos voisins, et sollicita les encouragements de la com-
mission du commerce. Les épreuves auxquelles il fut sou-
mis, l'opinion des gens compétents lui furent entièrement
favorables. Fort de l'approbation de la commission, il se
mit à appliquer son procédé à Paris, à Rouen, à Troyes
et à Tours, fit venir des ouvriers étrangers et se crut dès
lors autorisé à solliciter un privilège. Le 3 mars 160G il en
obtint un de dix ans, à condition de prendre autant d'ap-
prentis français qu'il pourrait, d'observer les règlements
qui seraient faits plus tard sur son industrie, de ne pas
teindre ni apprêter d'après les procédés ordinaires, et sans
1. Cahagnesii E/ofpornm civimn Cadomensium centuria prima. Elofjia
ir> et 29. 1()09. La IUe, Mémoires sur l'ancien commerce de Caen dans Méoi.
de la'Sociélé d'agricidlure et de commerce de Caen, 183G. Bordeaux, Les an-
ciennes 7naisons monumentales de Caen. Bulletin monumental, 1846.
2. Proct'S-verbaiix, \. 167.
a. Ibid., p. IGO, 109, et Lettres pat. accordées à Paul Pinçon le3marslG0C.
Archives nat., Heg. du pari. X''^ 8045, f. 329 v". A la fin du xvi= siècle, une
manufacture de futaines fut établie à Nîmes; c'est la première en date de
cette ville. Plech, Cne vUte au temps Jadis..., p. ôli.
4. CiiAMr>OLLi(j>, p. IG7-168.
INDUSTRIE DES BAS DE LAINE. 143
préjudice des concessions analogues antérieures ^ L'année
précédente, le roi avait accordé pour huit ans à Michel
Pierre et à Luc Taschereau le monopole de la fabrication
des futaines à Tours et en Touraine. La municipalité
renonça, en faveur de cette industrie, à l'impôt du sol pour
livre sur toutes les matières premières et sur les produits
manufacturés -.
Nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer
sur le succès définitif du procédé introduit en France
par Pinçon ni de dire si l'industrie des futaines et des
basins se ressentit d'une façon notable et durable de l'inté-
rêt que le roi et plusieurs municipalités^ manifestèrent pour
elle *.
Nous ne pouvons que répéter à propos de l'industrie des
bas de laine ce que nous avons dit de celle des bas de soie.
Introduites à Dourdan à la fin du xvi" siècle, l'une et l'au-
tre avaient reçu de la commission du commerce des statuts
qui en rendaient l'exercice libre à tout le monde, sous la
condition d'observer les prescriptions relatives à la qualité
et au poids et sous la garantie de marques de fabrique ''.
Trente ans plus tard, elles avaient pris une extension dont
le point de départ doit remonter à Henri lY ^
Nous aurons passé en revue toutes les industries des tis-
1. Lettres patentes précitées et Champollion, aux pages visées par la
table v» Futaines.
"2. Arrêt du conseil du 8 février 1G05. Bibl. nat., Fr. 10843. Giraudet,
Hisl. de Tours, 179.
3. Laffemas. Le naturel et profil admirable du meurier..., p. Ifi.
4. M. Gosselin, si bien placé pour suivre la destinée de rétablissement
de Paul Pinçon à Rouen, n'a pu ici encore que poser la question de savoir
ce qu'il était devenu, p. 141.
5. Séance du 4 mai 1604. Champollion. 185-188.
c. « Le duché d'Estampes et pays de Dourdan est remplj- d'un nombre
infini de personnes qui s'occupent... de mieux en mieux à travailler en
bas de soye et d'estame... » Nouveau règlement gênerai sur toutes sortes
de marchandises et manufactures qui sont utiles et nécessaires dans ce
royaume représenté au roy pour le grand bien et profit des villes et autres
lieux de la France par M. le marquis de la Gomberdiere, 16-34. Réimpz-imé
dans FouRMEiH, Variétés hist. et litt.. III, 109.
144 TAPISSEIUE DE HALTE LICE.
sus sur lesijuclles nous avons pu recueillir des renseigne-
niiMits. (juand nous aurons mentionné un projet formé pour
ulilisor une nouvelle matière textile. Olivier de Serres ayant
soumis au roi les essais heureux (|u"il avait faits pour trans-
former en tissus les filaments de l'écorce de mûrier blanc,
i-elui-ci rinvila à faire connaître au public sa découverte,
(le lut ])our répondre à celle provocation que le savant ap'o-
nome publia l'opuscule intitulé: La sccotidc richesse du
meurrier blanc, qu'il reproduisit dans le Théâtre d'agi'icid-
tiire '. On utilisait déjà l'écorce du tilleul, particulière-
ment à Louvres-en-Parisis, pour la corderie et la toile
grossière, l'ortie pour la toile fine -. La commission du
commerce proposa d'accorder à Olivier de Serres pour
l'exploitation de son invention un privilège de vingt ans,
avec exemption d'impôts pendant la même période et des
avantages pour ses commis '. Ce privilège lui fut conféré
par un arrêt du conseil du 23 mars 1004 '.
A l'avènement de Henri IV, l'industrie de la tapisserie
était, comme toutes les autres, en décadence ". La manu-
facture de haute lice, fondc^^e par François I" dans le
palais de Fontainebleau et dirigée successivement par le
Primatice et Philibert Delorme, n'existait plus, depuis que
les fils de Catherine de Médicis avaient abandonné cette
1. Chap. XVI du V^ lieu.
■:. Théâtre d'agricullure, II, 147-l.")l.
:j. Séance du 2 septembre IG0:5. Champoi-uo.n, p. Il!)-r2().
i. Arrêts du conseil. Arch. nat., à la date.
:i. " Aujourd'huy 4 janv 1599. le Uoy... désirant rétablir en son roj'aume
la manufacture de tapisserie de haute lisse... » Brevet de la charge et inten-
dance de la manufacture de tapisserie de haute lisse en faveur du sieur de
Kourcy, intendant des bâtiments. Bibl. nat. Collection Delamarc. Fr. 21780,
f. •Jdô. « la tapisserie de haulte lice qui a cy-devant Ceury en cesie d.
ville [Paris] et délaissée et discontinuée depuys q.q. années... » Remon-
trances du bureau de la ville au sujet des privilèges accordés en 1(507 à
.Marc de Gomans et à François de la Planche. J.-J. Glu fuev, Histoire f/éiié-
rale ileln tapisserie; tapisseries françaises, Renaissance, p. 109. '< Les manu-
factures de tapisseries que les desordres des règnes précédents avaient
abolies. >. Salval, Anti'/uilés de Paris, II, hWi.
TAPISSERIE DE HAUTE LICE. Uo
résidence ^ L'atelier cre'é par Henri II à Paris, dans
riiôpilai de la Trinité, avait au contraire subsisté '; à côté
de cet atelier destiné, comme tous ceux du même établis-
sement, à apprendre un métier à des enfants orpbelins et
pauvres, on comptait sans doute à Paris et en province un
assez grand nombre d'ateliers privés ^ mais notre pays
n'en faisait pas moins venir de l'étranger, particulière-
ment de Flandre, la plupart des tentures qui décoraient
les églises et les appartements.
Ce fut en 1397 que Henri IV établit rue Saint-Antoine,
dans" la maison professe des Jésuites, devenue vacante par
suite de leur expulsion, et sous la direction de Girard
Laurent, auquel il associa plus fard Maurice Dubout, une
manufacture royale ^ Du premier de ces artistes on ne
connaît que le nom. On en sait un peu plus sur le second,
que les historiens appellent à tort Dubourg^; il était sorti
de l'école de la Trinité et il exécuta pour l'église Saint-
Merry, en vertu d'un marché passé le 2 septembre 1584'*,
une suite de tapisseries représentant les scènes de la vie de
Jésus-Christ, dont deux fragments sont parvenus jusqu'à
nous'. Lorsque les portes de la France se rouvrirent pour
1. GuiFFREY, ouvr. cité, 1-2, 79.
2. GuiFFREY, 79.
3. II existait en efTet partout des corporations de tapissiers, mais tous
les tapissiers n'étaient pas des fabricants de tapisseries. Ce terme n'était
pas moins compréhensif que celui même de tapisserie ; on l'appliquait aux
fabricants et aux marchands de certains tissus et, comme de nos jours, aux
marchands d'une foule d'objets et d'étoiles d'ameublement. Voy. Lacor-
DAiRE, Notice historique sur la manufacture des Gobelins et de tapis de la
Savonnerie. 1853, p. 12, n» 2.
4. Lacoroaire, p. 28.
5. Sauval, Pal.ma Caïet, Lacordaire. P. Cayet s'est trompé plus grave-
ment encore en faisant de Dubout un étranger et un fabricant de soieries
et en mettant sa manufacture à la Maque. Chronologie sept., p. 259.
Con Michaud et Poujoulat. Richer, au rapport de Salval (II, 508), a partao-é
ces deux erreurs.
6. Et non 1594, comme le dit Sauvai et, d'après lui, M. Lacordaire. Le
marché a été publié pour la première fois par M. Guiffrey, p. 92.
7. L'un est conservé au musée de Cluny, l'autre au musée des Gobelins.
GuiFFREY, 89, n. 2.
dO
146 TAPISSERIE DE HAUTE LICE.
les Jésuites, à la fin de 1603, la manufacture à la lôte de
laquelle se trouvaient toujours Laurent et Dubout fut
transportée au Louvre'.
Ses produits faisaient l'admiration des étrangers. L'am-
bassadeur anglais, George Carew, dans sa relation sur l'état
de la France écrite en 1609, nous apprend que ces tapis-
series, où n'entrait ni or ni argent, coûtaient pourtant,
à cause de la perfection du travail, 16 couronnes l'aune
(149 fr, 6o); il ajoute (ju'elles étaient recherchées par les
cardinaux et les princes italiens'. Nous savions déjà que
les tapisseries fabriquées au Louvre étaient des tapisseries
de haute lice^; grâce à Carew, nous savons qu'elles
n'étaient pas rehaussées d'or ni d'argent et nous connais-
sons bien dès lors les caractères par lesquels elles se
distinguaient, au point de vue technique, de celles dont
nous parlerons tout à l'heure. Le roi avait attaché à
l'atelier du Louvre un peintre, Toussaint Dubreuil, et
un sculpteur, Tremblay *. Henri Lerambert, son peintre
ordinaire, fournissait aussi des patrons pour les tapis-
series de haute lice. A la mort de Lerambert, en 1610,
Guillaume Dumée et Laurent Guyot obtinrent, à la
suite d'un concours, le brevet de peintres ordinaires'.
Les apprentis, sortis de l'atelier de Laurent et de Du-
bout, jouissaient, comme tous ceux qui avaient appris
leur métier dans la galerie du Louvre, du privilège de
1. Lacokd\(re, p. 28, n. 3.
2. In his uew buildings at the Louvre, the first place finished was ileii-
vered to sonie Netherianders, who woik in haute lice with sucli curious-
ness, as every Flemisli ell of that tapestry aiuountctii to sixteen crowns,
though it hath neilher silver nor gold in it : and at tliat priée some car-
dinals and other princes of Italy cause suit? thcreof to be niade for thein.
Op. laud. On voit que les souvenirs de Carew l'ont trompé sur la nationalité
de Laurent et de Dubout.
?.. Voy. le brevet de .M. de Fourcy cité plus haut.
4. Salvai,, II, p. 500. GuiFFUEV, p. 105.
5. GuiKUtEv, Les m uiufaclures parisiennes de tapisseries. Mém. de l'hisl.
de Paris, XIX, 77.
TAPISSERIE DE BASSE LICE. 147
s'établir sans lettres de maîtrise et sans chef-d'œuvre.
En fondant des établissements particuliers, ils propa-
geaient les procédés de la haute lice et préparaient la
restauration de cette industrie déchue, la manufacture
royale exerçait par eux sur l'industrie privée l'iniluence
d'une école modèle.
Cette manufacture survécut longtemps à Henri IV, on
peut dire qu'elle lui survit toujours. Longtemps après sa
mort, on retrouve au Louvre Girard Laurent et Maurice
Dubout, leurs fils les y remplacent, et la translation même
de la manufacture de haute lice du Louvre aux Gobelins
dans le dernier tiers du xv!!** siècle \ ne peut faire oublier
son origine, pas plus qu'elle n'a altéré essentiellement son
caractère.
En même temps qu'il fondait à Paris une fabrique de
tapisseries de haute lice, Henri IV songeait à attirer en
France des tapissiers flamands. Déjà, sous le règne de son
prédécesseur, en io83, le projet d'établir à Tours la fabri-
cation des tapisseries de Flandre avait été conçu-, puis,
selon toute apparence, abandonné. Dès 1.599, la pensée de
faire venir des tapissiers flamands était arrêtée chez le roi
et les termes du document qui nous révèle ce fait autorisent
même à dire que des négociations avaient déjà été engagées
dans ce but'. Nous ne pouvons déterminer d'une façon
précise l'époque à laquelle les deux artistes auxquels
Henri IV s'était adressé répondirent à ses avances; ce qu'il
y a de certain, c'est qu'au commencement de 1601 c'était
un fait accompli, puisque, le 12janvierde cette année, le
roi les plaçait sous la direction de l'intendant général de
1. Gl'iffrey, 13. 104.
2. Archives municipales de Tours. Délibéi-ations du conseil de ville.
Henri IV avait repris ce projet, mais la mort l'empêcha d'y donner suite.
GiRAUDET, Hist. de Tours, 180.
.■^. «... espérant aussi [le Roij que le dessein ciu'elle a de faire venir des
Païs-Bas grand nombre d'ouvriers pour travailler ausd. tapisseries réus-
sira... » Brevet précité du s^ de Fourcy.
148 TAPISSERIE DE BASSE LICE.
ses bâtiments, M. do Fourcy, déjà chargé de la manufac-
ture de haute lice '.
Quel était le genre de fabrication (jue ]Marc de Comans
et François de la Planche apportaient de leur pays? Cette
question pouvait, jusqu'à ces derniers temps, présenter
quelque incertitude. Le brevet précité du sieur de Fourcy, en
date du 4 janvier 1599, dit que c'est pour concourir à la
restauration de la tapisserie de haute lice que le roi se
proposait de faire venir des ouvriers des Pays-Bas ^
P. Cayet, qui parle des ouvrages de Comans et de la
Planche pour les avoir vus, les considère comme des
ouvrages de haute lice^ Pour M. Lacordaire, c'est aussi
des ouvriers haut-liciers qui vinrent se fixer à Paris''.
Mais nous croyons que ces autorités ne peuvent prévaloir
contre le texte si heureusement découvert par M. Guiffrey.
Dans les remontrances présentées par le bureau de la ville
contre les privilèges accordés aux deux associés nous
lisons : « Et d'aultant que la tapisserie de haulte-lice qui a
cy devant lleury en ceste dite ville et délaissée et discon-
tinuée depuys quelques années est beaucoup plus précieuse
et meilleure que celle de la marche dont ils usent aux
Pais Bas, qui est celle que l'on veult establir''. » Il est
impossible de souhaiter un texte plus décisif. Que Henri IV
ait eu, en 1599, l'intention de faire venir en France des tapis-
siers haut-liciers, on doit l'admettre, mais il est certain
que ceux qui y sont venus, que Marc Comans et François
de la Planche ne fabriquaient pas de tapisseries de haute
lice, qu'ils ne pouvaient par conséquent fabriquer que des
1. Lacordaire, p. 30. Un comptede dépenses de la même année constate
un don de 200 écus (189!) fr. 90) fait à François Verrier ou Vessier, tapissier
flamand, pour l'attirer en France avec d'autres ouvriers. Cmiffhky, p. 109.
2. Voy. le passage cité plus haut.
3. Chronologie sept., p. 258-259, à l'année 1603.
4. P. 30.
5. Glifkbey, p. 109.
TAPISSERIE DE BASSE LICE. 149'
tapisseries de basse lice qu'on appelait alors tapisseries
de la marche, à cause des marches ou pédales qui distin-
guaient le métier de basse lice.
La fabrication des deux artistes flamands ne se différen-
ciait pas seulement de celle du Louvre par la disposition
horizontale de la chaîne sur le métier. Ce qui la caracté-
risait aussi, c'était les rehauts d'or et d'argent dont ils enri-
chissaient leurs produits. En même temps que des tapis-
series de luxe, ils en fabriquaient de plus communes de la
même qualité et du même prix que celles des Pays-Bas'.
P. Gayet vante la vérité et la vie qu'ils savaient mettre dans
leurs ouvrages ".
Les débuis de Marc Comans et de François de la Planche
à Paris ne furent pas exempts de difficultés. Ils subirent
plusieurs pérégrinations^ avant de trouver aux Gobelins
une installation définitive. L'argent leur manqua. Ils avaient
supporté les premiers frais d'établissement et fait face
jusqu'en 1606 avec leurs ressources personnelles aux dé-
penses courantes. Henri IV espérait qu'un capitaliste,
nommé Largentier, s'associerait avec eux, mais celui-ci,
n'ayant qu'une foi médiocre dans le succès, se borna à leur
prêter à intérêt et ne voulut pas partager les risques de
l'entreprise. Ils firent donc appel au roi^ qui, placé entre la
nécessité de faire des sacrifices pécuniaires et la perspective
de voir avorter une œuvre qu'il avait à cœur, se décida à
leur accorder des avantages considérables. Dans les lettres
1. At another place called the Gobelins there is other tapestry wrought
of rich stuff and quality, most of it consisting of gold threads wich 1 hâve
not seen any -where but there, and likewise other ordinary siiits of tapes-
try of ail sorts, of the priée and goodness, that they are made in the Low
countries. G. Carew^s Relation dans Birch, p. 434.
2. «... et ne se pourroit jamais rien voir de mieux, ny pour les person-
nages auxquels il semble qu'il ne leur reste plus que la parole, ny pour
les paysages et histoires qui sont représentées après le naturel... )- Chro-
nologie sept., p. 259.
3. Lacordaire, p. 33.
4. Lettre de Henri IV à Sully, 21 juillet 1608, Lettres iniss., VI, 643.
150 TAPISSERIE DE BASSE LICE.
patentes du mois de janvier 1607, rien n'était oublié pour
assurer leurs intérêts et flatter leur amonr-propro, non plus
que pour naturaliser en France leur industrie. 11 s obtenaient,
pour une période de quinze ans', un monopole excluant
aussi bien la fabrication et la vente en France que l'impor-
tation étrangère. Les matières premières employées par
eux étaient, ainsi que leurs ouvrages, exemptes de tous
tlroits, leurs ouvriers étrangers traités comme regnicoles
et atïranchis de toutes tailles, subsides, gardes et imposi-
tions. Le roi prenait à sa charge les frais de leur établisse-
ment à Paris et ailleurs et concourait aux dépenses de
l'entreprise par une subvention de 100 000 livres tournois
(292293 fr. 28). Tels étaient les avantages accordés à leur
industrie. Ils recevaient en même temps des distinctions
honoriliques et certains avantages personnels : ils étaient
anoblis, devenaient commensaux du roi, ses pensionnaires
pour la somme annuelle de loOO livres (4384 fr. 40)
chacun, obtenaient Tautorisation d'exploiter des brasseries
de bière partout où ils voudraient, étaient garantis contre
les conséquences de leur expatriation et avaient leurs causes
commises au parlement de Paris. En échange de tant de
faveurs, ils prenaient l'engagement de ne pas vendre leurs
tapisseries plus cher que celles qu'on importait des Pays-
Bas^ et de maintenir constamment en activité quatre-
vingts métiers, dont soixante à Paris et vingt à Amiens ou
dans toute autre ville de leur choix. Le roi devait placer
dans leurs ateliers vingt-cinq apprentis la première année
et vingt les deux années suivantes. Ces privilèges soule-
vèrent les protestations du bureau de la ville, protecteur
naturel tic l'intérêt des tapissiers parisiens, mais le roi n'en
1. M. Lacordaire dit vingt-cinq ans (p. 32), mais nous avons préféré
suivre l'analyse très complète donnée par M. GuiH'rey, p. 108.
2. On sait par la relation de Carew qu'ils étaient fidèles à cet engage-
ment. Voy. plus haut.
TAPIS D'ORIENT. 151
tint pas compte. Il ne cessa d'étendre sa protection sur les
directeurs des Gobelins. Au mois de mars 1607, il presse
Sully de leur faire payer leur subvention de 100 000 liv, ;
sans quoi ils ne pourraient, dit-il, continuer leurs travaux i.
La même année, il écrit à son ambassadeur dans les
Provinces-Unies de les assister dans un procès quils
venaient de perdre à Amsterdam et qu'ils poursuivaient en
appel à la Haye^.
En pourvoyant libéralement à l'établissement de la
tapisserie de basse lice à Paris, Henri IV assura l'avenir
de cette industrie, il fut le fondateur des Gobelins. Il
resterait à savoir si les nouveaux ateliers créés par les
élèves des Gobelins à Paris ou en province furent assez
nombreux pour faire de la tapisserie de basse lice, qui
était déjà une industrie locale, une industrie nationale et
pour rendre pratique et applicable la prohibition des tapis-
series étrangères établie par le roi dès lo99^. C'est surtout
aux érudils de province qu'il appartient de nous éclairer
sur cette question en retrouvant les traces des fabriques qui
purent être créées dans diverses parties de la France sur
le modèle des Gobelins'.
C'est encore Henri IV qu'on trouve à l'origine de la
manufacture de la Savonnerie. Un étranger, Jean Fortier.
dont la nationalité nous est inconnue, fit agréer par la
commission du commerce le projet d'établir en France
l'industrie des tapis façon d'Orient. La commission proposa
de lui accorder une avance de 3000 livres (8768 fr. 80), de
1. Lettres du 15 et du 1d mars 1G07. Lettres miss., Vil, 131, 155.
■2. IbicL, VII, 450.
3. Édit de janvier 1599 défendant l'iiuportation des tapisseries, came-
lots, bureaux et autres étoffes mêlées de soie manufacturées aux Pays-Bas
et ailleurs. Registre du conseil. Bibl. nat. Fr. 18165, f. G7 v». Arrêt du
11 sept 1601 défendant l'entrée des tapisseries étrangères à personnages,
bocages ou verdures, dans Lacordaire, p. 31.
4. M. GuiFFREY a montré la voie. Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris,
XIX, 101.
152 TAPIS D'ORIENT.
mettre gratuitement à sa disposition les locaux nécessaires
et de lui conférer le droit do surveiller l'exercice de cette
industrie nouvelle jusqu'à ce qu elle eût été réglementée
par le roi. Il prenait l'engagement de former en trois ans
des apprentis français qui ne pourraient néanmoins
sétablir et lui faire concurrence ipie deux ans après être
sortis d'apprentissage '. On ignore i)Ourquoi le silence se
fait tout à coup sur Jean Fortier. Dans le compte rendu
des délibérations et des résolutions de la commission
qu'il publia en 1004, Laiïemas range son projet parmi ceux
que la commission avait adoptés, mais que le conseil
n'avait pas encore examinés ^ Quoi qu'il en soit, l'idée de
créer en France l'industrie des tapis de Turquie ne fut pas
abandonnée, et ce que Jean Fortier n'avait pas fait, Pierre
Dupont le lit. En 1604 le roi ordonna à M. de Fourcy de
faire construire pour lui sous la galerie du Louvre un
logement et un atelier ^ Le 4 janvier 1608, il lui accordait
un brevet de logement *, qui ne faisait sans doute que
régulariser une jouissance de fait déjà constatée par le
premier état des artistes logés dans la grande galerie (1607)".
George Carew parle des tapis tissés exclusivement en soie
et imités des tapis persans qu'il avait vus au Louvre ". La
mort de Henri IV mit en péril l'entreprise de Pierre Dupont,
1. Séance du 2:5 juillet iGO'i. Ciiampoluon, page 211-213. Voyez aussi
page -.'OU, 202.
2. Art. 21. CiiAMPOLLiON, p. 292.
3. L.\coRDAinE,p. 30-40, d'après l'ouvrage de Piehre Dupont, S/ro?>?a<oiOYyfe
ou de l'excellence de la manufacture des tapis dits de Turquie nouvellement
eslablie en France sou§ la conduite de noble homme Pierre du l'ont, ta/)issier
ordinaire du Roy esdits ouvrages. A Paris, en la galerie du Louvre, en la
maison de l'autheur. 1632, in-i». Bibl. nat. Réserve. MM. Daiicel et
J. GfiFFREY ont publié une nouvelle édition de cet ouvrage pour la Société
de l'/iisloire de l'art français.
't. Publie par M. Lacordaire, p. 39.
h. Gliffrev, p. 104.
G. " Besides, at the same place [au Louvre] are wrought sundry sorts of
rich carpels made ail of silk after the fashion of those of Persia. » Dans
Bircb, p. 43i.
CUIRS DORÉS ET DRAPÉS. 153
mais celui-ci fit appel à Louis XIII en 1626, s'associa
Simon LourJet et fut installé en 1627 dans la maison de
la Savonnerie, près Chaillot, avec le privilège de fabriquer
toute sorte de tapis, d'ameublements et d'ouvrages du
Levant en or, en argent, en soie et en laine. Pour l'indus-
trie des tapis du Levant, comme pour celle de la haute
lice et de la basse lice, l'histoire aura à déterminer
l'importance de son extension et de sa production, mais ce
qui est acquis dès à présent, c'est l'initiative de Henri IV
et le succès qui la couronna.
Nos pères tendaient leurs intérieurs de cuirs gaufrés,
peints, argentés, dorés, qui, bien que dus à un travail
tout différent de celui des tapisseries, doivent en être
rapprochés, parce qu'ils servaient au même usage. C'était
surtout l'Espagne qui excellait dans cette industrie. Un
fabricant de cuir doré, Scipion de Rozan, présenta requête
au roi pour obtenir pendant dix ans le monopole de la
fabrication de ces tentures qu'il se faisait fort de fabriquer
avec la même perfection que nos voisins. Sa requête fut
renvoyée à la commission du commerce. Celle-ci, qui avait
déjà eu à examiner une demande du même genre émanée
d'un autre industriel, après avoir consulté des experts et vu
des échantillons du savoir-faire du pétitionnaire, proposa
de lui accorder un privilège de dix ans pour le cuir doré
drapé qui constituait une invention nouvelle, et de cinq ans
pour le cuir doré façon commune K Un arrêt du conseil
du 21 août 1604 " et des lettres patentes de même date^
conférèrent à Scipion de Rozan un privilège décennal qu'il
devait partager avec Nicolas Grancolte, sans distinguer,
comme l'avait suggéré la commission, entre le cuir doré
drapé et le cuir doré connu précédemment. Les ateliers
1. Séance du 9 avril 1604. Champollion, p. 171.
2. Bibl. nat. Fr. 10843 à la date.
:j. Arch. nat. )le^. du Pari. X*^ 8045. fol. 101.
154 MAROQUINS.
furent établis aux faubourgs Saint-Honorô et Sainl-Jacques;
l'on y faisail travailler des pauvres '.
On a vu (jue l'industrie des maroquins llorissait à la
Rochelle à la fin du xvi' siècle, mais elle paraît y être restée
localisée jusqu'au moment où Henri IV accepta les pro-
positions d'un népiciant namand,nomni(' Guillaume Albert,
pour rétablir en p;rand dans notre pays. Le plan de celui-
ci consistait à faire venir un grand nombre de fabricants
de Gand, de Malines, d'Amsterdam, d'autres villes des
Pavs-Bas, et de fonder, avec le concours des capitalistes
de son pays et du nôtre, une société pour l'exploitation de
celte industrie dans toute la France. Il mettait à son entre-
prise des conditions que le roi accepta, si exorbitantes
qu'elles fussent, tant il était frappé de la consommation
considérable de maroquins qui se faisait en France et du
profit que ses sujets trouveraient à fabriquer eux-mêmes
ce qu'ils tiraient de l'étranger. Guillaume Albert obtint un
monopole de vingt ans ; les certificats de capacité délivrés
par lui devaient avoir la môme valeur que des lettres de
maîtrise, les directeurs de manufactures et les ouvriers
étrangers deviendraient Français après un séjour de trois
ans et seraient exempts du guet et de la garde urbaine.
Le roi s'engageait à ne pas augmenter pour l'entrepreneur
et ses associés, pendant la durée de leur privilège, les
droits d'entrée sur les peaux, les cuirs et les matériaux
nécessaires à leur fabrication; les produits manufacturés
étaient alTranchis de droits de douane, de péages, passages,
traites foraines, etc. L'exportation des peaux de chèvres
brutes était interdite '. C'est sans doute à une entreprise
1. Paljia Cavet, Chr. sept., p. 28'» à l'année 1604. Voy. aux arch. munici-
pales de Lyon un acte notarié du II mars IGOG par lequel Grandcotte per-
met à Demasso et Vitaille, Napolitains, d'exercer pendant deux ans dans
cette ville le métier de tapissiers en cuir doré et drapé.
2. Les lettres patentes de privilèges sont datées d'août 1008. Arch. nat.
Reg. des bannières, V l» f. 18. On ne s'étonne pas (pie les cours souve-
VERRERIES ET CRISTALLERIES. 155
aussi largement conçue que la France dut un développe-
ment de la fabrication qui lui permettait, quelques années
après la mort de Henri IV, de se suffire presque entière-
ment à elle-même *.
Les industries dont il nous reste à parler sont trop nom-
breuses pour pouvoir nous arrêter longtemps et trop
diverses pour pouvoir être soumises à une classification.
Nous les aurions même passées sous silence, si la multi-
plicité et la variété des industries et des découvertes
auxquelles Henri IV accorda son patronage ne contribuaient
pas à faire connaître l'activité industrielle de son temps et
l'intelligence du souverain, ouverte à toutes les idées,
sympathique à tous les progrès.
En entreprenant de dérober à Venise le secret de ses
verreries, Henri IV ne faisait que suivre les traces de
Henri H, mais les cristalleries créées par ce prince à
Saint-Germain-en-Laye n'avaient pas subsisté au delà de
Charles IX ". Le duc de Nevers, Italien d'origine, avait
relevé à Nevers cet art italien que nos rois avaient laissé
dépérir, et il avait joint à la verrerie de cristal blanc la
verrerie colorée et irisée l Ce fut lui qui poussa le roi à
faire revivre cette industrie ^. Dans les entreprises encou-
ragées par Henri IV. il faut distinguer celles qui furent
dirigées par des Italiens et celles à la tête desquelles se
trouvent des Français. En 1397, deux Milanais, Vincent
raines aient protesté contre des privilèges aussi cteudus. Voy. lettres de
jussion pour l'enregistrement pur et simple des précédentes adressantes à
la chambre des comptes. 27 août 1609. IbiiL, f. 25.
1. MoNTCHRÉriKN, p. lOG-IOT. Voy. aussi La Gomberdiére dans Fourmer,
recueil cité, p. 1 19.
2. J.-A. DE Tnou, VI, 169-170, anno 1G03. P. Cayet, Chronologie septé?uii>'e,
259, même année.
3. P. Cayet, loc. cit. « Hinc vitrariae... artis artifices egregii, jussu tuo
accersiti... » Épitre dédicatoire de Gaston de Claves à Louis de Gonzaoue
duc de Nevers en tète de son Apologia Argiropeiae et chrysopeiae adversus
ïhomam Erastum. Nivernis, l.-)90.
4. P. Cayet, loc. cit.
1d6 verreries et CRISTALLERIES.
lîussoii et Thomas Bartholus, établirent à Rouen une
verrerie qui fut encouragc-e par Henri IV. Leur entreprise
n'ayant pas réussi, ils devinrent les associés de Jacques
Sarrode, autre Italien qui exploitait depuis longtemps des
cristalleries à Paris, à Nevers et à Lyon avec son frère
Vincent Sarrode et son neveu Horace Ponte '. En août lo97,
le roi accorda aux Sarrode et à Ponte l'autorisation d'en
établir une autre h Melun en interdisant la création de
maisons rivales à Paris ou à la distance de trente lieues
de cette ville, sans préjudice toutefois des établissements
actuels ou futurs de Feugère et de Pierre". Comme maisons
françaises, nous signalerons les verreries fondées à Rouen
par un Provençal d'Aix, François de Garsonnet, qui obtint
du roi, le 8 mars I6O0, un privilège de dix ans pour la
ISormandie, privilège qui fut renouvelé pour la môme
période par Louis XllP, les cristalleries fondées à Paris
et ailleurs, en 1(30G et 1607, par Jean Maréchal qui venait
de découvrir de son côté le secret de faire des verreries à
l'instar de Venise *. Maréchal présenta requête pour
obtenir un privilège à Paris et dans un rayon de trente
lieues, ou plutôt pour partager celui dont jouissait déjà
Feugère. Le 10 février 1009, le conseil du roi le lui accorda
provisoirement et en attendant l'information à laquelle sa
requête devait donner lieu. L'entrée et la vente de tous
les cristaux ne sortant pas de ses ateliers ou de ceux de
Feugère étaient interdites, les cristaux italiens étaient
1. GossEi.iN, 12G-128. IsA.MBEiiT, XV, IGi. Dès i:)9'». Jacques Sarrode solli-
citait le privilège de cette industrie à Lyon où il l'avait introduite le
premier. Nous n'hésitons pas en eflet h reconnaître Jacques Sarrode dans
le Sair/nes Sacrado au sujet duquel Henri IV écrivit à -M. de Bellièvre une
lettre du -4 octobre I59i publiée par .M. Halphen.
*2. IsoinERT, lor. cit.
3. GOSSELIN. p. 128.
4. Lettres pat. permettant à Maréchal d'établir une verrerie à Paris.
Fév. ICOf). Lettres pat. permettant à Beringhen, Vernezon et Maréchal d'éta-
blir des verreries à Paris et dans d'autres villes, Mars 1607. Reg. du pari,
à la date. I. Laffemas, Ilist. du commerce, p. 421.
FAÏENCES ET BLANC DE l'LO.MB. 1S7
seuls exceptés V La manufacture parisienne de Maréchal
survécut à Henri IV et fui confirmée dans ses privilèges
en 1650 '. Les Sarrode, de leur côté, qui s'éluient distingués
dans la verrerie avant Henri lY, conservèrent jusqu'à la
fin du siècle dernier la réputation qu'ils y avaient acquise;
ils propagèrent cette industrie dans plusieurs provinces,
notamment en Poitou et leur maison de Nevers en devint
le centre pour la France et même pour l'étranger ^
Des manufactures de faïences et de poteries blanches et
colorées furent établies à Paris, à Nevers, à Brisambourg
en Saintonge '. Les frères Varicq, de Delft, qui avaient
introduit en France la fabrication d'un nouveau genre de
tuiles courbes et plombées, obtinrent un privilège pour
toute espèce de tuiles et de carreaux simples ou émaillés,
de faîtages •' et d'autres objets propres à la décoration des
édifices, se virent protégés contre les vexations des cou-
vreurs et encouragés dans le projet d'étendre leur industrie
qui comptait déjà des établissements dans plusieurs villes,
notamment à Paris et à Orléans ^
Le blanc de plomb ou sous-carbonate de plomb, qui
servait aux peintres, aux médecins, aux vétérinaires, venait
de l'étranger. La commission du commerce proposa
d'accorder pour dix ans à Claude Duhamel, maître
plombier et fontainier, le monopole de la fabrication dont
il avait découvert les procédés, à charge de ne vendre
qu'en gros à raison de 15 livres (43 fr. 84) le cent, de
fournir tous les épiciers et peintres de Paris et de la prévôté
1. Bibl. nat. Fr. 18175 à la date.
2. Arch. nat. Reg. des ordonnances enregistrées au parlement, à la date.
3. BouTiLLiER, Histoire des gentilshommes verriers et de la verrerie de Nevers
dans Bulletin de la Société nivernaise (1886), XII. Le Vaillant de La Fiefff,
Les verreries de la Normandie, 1876, in-8.
4. J.-A. DE Thou, iibi supra.
5. C'étaient sans doute des faîtages en faïence peinte et vernissée, comme
un en voit au musée céramique de Sèvres.
6. Lettres pat. du 28 mai I59!J, du 13 mars 1000, du 10 octobre 1603, du
15 mai 1004, du 21 mai 1009. Reg. des ordonnances du pari, à la date.
158 PLOMHERIE ET FAUX.
et d'apprendre la fabrication à des Français '. En 1G04, la
France fabriquait du blanc de plomb beaucoup meilleur et
moins coùleux que celui de 1 elranti'çr -.
La commission du commerce accueillit aussi favorable-
ment deux inventions dues à l'horloger du roi, Antoine
Ferrier ou Février \ Elle proposa de lui accorder un brevet
de ving-t ans pour l'exploitation d'un procédé permellant
de joindre ensemble sans soudure les tuyaux de plomb
servant à la conduite des eaux. Elle y mit comme condi-
tion que l'inventeur apprendrait son procédé à des Français \
Elle sollicita également en faveur de Ferrier le })rivilège
dexploiter pendant vingt ans ses systèmes pour faire
tourner les moulins à tous les vents sans déplacer le corps
du moulin et pour faire monter l'eau plus facilement que
par le passé ^.
La fabrication des faux fut établie à Yizille et à Voiron
en Dauphiné dans les dernières années de Henri IV. Les
entrepreneurs, qui avaient fait des frais considérables et
qui voyaient leur industrie menacée par les produits
étrangers, moins coûteux et inférieurs, sollicitèrent la
prohibition des faux étrangères et le monopole de la
fabrication en France. Le conseil dEtat, auquel leur
requête avait été renvoyée, fut d'avis de restreindre la
prohibition et le monopole aux provinces qu'ils étaient en
mesure d'approvisionner, c'est-à-dire au Dauphiné, à la
Provence, au Languedoc, au Lvonnais, au Forez, au Beau-
jolais et à la Bresse''. Nul doute que des lettres patentes.
1 . Procès- verbaux 7G-7C, 85. Recueil de ce qui se passe... loc. cil., 588.
2. P. Cayet, Chronologie sept., p. 28'j.
:j C'est sous celte dernière forme que son nom se pn'-sente dans une
lettreà l'échevinnge de Paris du '20 juin IGOG par laquelle Henri IVlenouuue
garde de la porte de la Tournelie ou de Saint-Bernard, Letlres )niss., VI, G27.
4. Séance du 8 avril I60:{. Procès-verbaux, p. SU. Cf. P. Cayet, Chrono-
logie se/it., p. 284, anno 16<)4.
5. Procès-verbaux, p. 101.
G. Re". du conseil. Hibl. nat. Fr. 18I7C. f. 187 v».
CONCLUSION. In9
conformes à cet avis, n'aient été accordées aux hommes qui
avaient doté le sud-est de la France dune industrie
nouvelle.
Nous venons de passer en revue la plupart des entreprises
industrielles qui furent provoquées ou encouragées par le
gouvernement de Henri IV, en indiquant, autant que pos-
sible, le sort qui leur échut. Nous devons en finissant jeter
un coup d'oeil sur Tensemble de l'industrie française à la
mort du roi et mettre ainsi le lecteur, qui connaît déjà sa
situation au moment de son avènement, à même de se
rendre compte du progrès accompli.
Des deux industries principales de la France, la draperie
et les toiles, la première était en décadence et continuait à
souffrir de la concurrence étrangère. Pour les toiles com-
munes, la France était à la tète de la production et par la
quantité et par la qualité'. Quant aux toiles fines, plusieurs
manufactures fondées sous le patronage du roi et avec le
concours d'ouvriers hollandais subsistaient encore 2. Nous
étions restés les premiers dans la chapellerie qui était
surtout active à Bourges, à Orléans, à Paris et à Lyon -.
La France importait encore des bas de soie pour une valeur
de plus de trois millions de livres par an (809492 fr. 10),
mais la fabrication de cet article s'était introduite à Rouen*
et llorissait dans le Ilurepoix et la Beauce, en même temps
que la fabrication des bas de laines De toutes les industries
qui avaient attiré l'intérêt de Henri IV, aucune ne l'avait
occupé d'une façon plus suivie que la soierie, mais le succès
final était loin d'avoir répondu à sa sollicitude et à ses sa-
1. Voy. plus haut et Montchhétien, p. 86-89.
2. Voy. plus haut, et Montchrétiex, loc. cil.
3. MONTCHRÉTIEN, p. 8i.
4. Ibid., p. 102.
5. « Et d'autant que les bas d'estames que l'on appelle communs... se
fabriquent à Dourdan et lieux circonvoisins de Beausse... » Statuts des bon-
netiers de Paris. IGO8. Bibi. nat., collection Delamare, Fr. 21792, pièce 137.
160 CONCLUSION.
crilices. 11 n'avait pas réussi à populariser la sériciculture et,
autant qu'on jioul en juger par les documents ou par le
silence même de Ihistoiro, les nouvelles manufactures de
soieries, à l'exception d'une seule, ne lui avaient pas survécu,
tandis que, parmi les anciennes, celle de Tours seule pros-
pérait. Toutefois le germe de la renaissance de la fabrique
lyonnaise avait été semé, et, par la protection qu'il accorda
à l'inventeur du métier à la tire et des façonnés, Henri IV
mérite d'être considéré comme le père d'une des industries
qui font le plus d'honneur à notre pays. Par un heureux
contraste, tout ce qu'il avait fait en faveur de la tapisserie
avait réussi et c'est à lui qu'il faut faire remonter l'origine
des Gobelins et de la Savonnerie. La tannerie était une
des industries les plus florissantes du royaume et, grâce à la
surveillance qui s'exerçait sur les cuirs étrangers, la con-
currence étrangère ne lui faisait pas de tort. Cependant,
quelques années après la mort du roi, les cuirs ayant
beaucoup perdu de leur qualité, elle était sur une pente
qui pouvait lu ramener au discrédit et à la stagnation
où le roi l'avait trouvée'. La fabrication des maroquins
était assez développée pour suffire à la consommation du
pays-. Celle du papier avait encore plus d'importance, car
non seulement elle égalait nos besoins, mais elle donnait
lieu à un commerce d'exportation. Seulement, depuis la
mort du roi, la papeterie française avait à redouter la con-
currence des Anglais qui avaient établi en France des moulins
à papier ^ Enfin nos verreries et nos cristalleries avaient fait
preuve de vitalité et, si Venise conservait le monopole des
1. Voy. ci-dessus, et Mo.ntciirktien, p. 106-: 07.
2. Voy. plus haut, et Montciikétien, p. 107.
■i. MoxTciiuÉTiEN, p. llG-117. A ïroyes notamment la papeterie était très
active. Klle fut protégée contre la concurrence de la Lorraine, où s'étaient
établis des moulins à papier, avec le concours des plus haljilcs ouvriers de
Troyes, par un arrêt du conseil du 10 mars IGO.'j, prohibant la sortie des
chiirons et l'entrée du papier pour tout le royaume. Bibl. nat. Fr. 181G8 à
la date.
CONCLUSION. 161
grands miroirs \ la petite miroiterie s'était perfectionnée
ctiez nous.
Lorsqu'elle perdit sou roi, la France travaillait à recon-
quérir le rang industriel qu'elle occupait sous Henri 11 et
d'où les guerres de religion l'avaient fait descendre. Plu-
sieurs branches d'industrie étaient redevenues lloris-
santes. Beaucoup d'autres, en revanche, continuaient à vé-
géter-. Au reste, pour exprimer la mesure dans laquelle le
succès avait récompensé les efforts du roi, nous ne saurions
mieux faire que d'emprunter les termes d'un contemporain
que son esprit d'observation, son expérience des affaires ren-
dent le meilleur juge de cette question : « Nostre feu Roy...,
dit Montchrétien, a fait connoitre en beaucoup de subjets
l'honorable passion qu'il avoit d'embellir son royaume de
toutes sortes d'artifices, il a receu volontiers ce qu'on luy
a proposé à ceste fin, l'a favorisé d'avantageux privilèges
et quelquefois a fourni le principal nerf qui donne le mou-
vement... Ces bons mouvemens... ont été suivis de différens
etïects, les uns profitables, les autres non du tout respon-
dans à la sincérité de ses intentions. » Montchrétien parle
ici des entreprises nouvelles, des fondations que le gouver-
nement de Henri IV a prises sous son patronage. Mais, à
côté de ces créations qui sont quelquefois un peu artificielles,
il y a le mouvement spontané et général d'activité indus-
trielle qui se développe sous la seule influence de la sécu-
rité et de la bienveillance du pouvoir. Il n'y a pas de svm-
ptôme plus significatif de ce mouvement que l'importance
croissante des villes. Or si plusieurs d'entre elles, comme
1. En 1632 un Vénitien était sur le point d'établir en France Findiistrie
des miroirs de grande dimension. Le résident de la Sérénissime République,
entretenant le doge de l'importance qu'il y a à faire avorter cette entre-
prise et à rappeler dans sa patrie ce maslro de specc/ii grandi, dit :
« Quest'artedifar specchi grandi non si trova chea Venetiae sarebbenovis-
sima qui... » Copie des dépêches des ambassadeurs vénitiens. Bibl. nat.
Filza 82, n» 440. Voy. aussi Levasseur, II, 200.
2. MOSTCHRÉTIEN, p. 107.
11
162 CONCLUSION.
Lyon, ne sétaient pas relevées, ', la plupart renaissaient de
leur ruine avec une telle rapidité et un tel éclat qu'elles
semblaient n'avoir jamais soulTert ou avoir tiré de leurs
soulTrances une ardeur plus grande à travailler et à vivre.
Ce n'était pas seulement des villes importantes comme
Marseille, Rouen, Angoulême, Périgueux, Limoges, Agen,
la Rochelle qui étaient devenues plus populeuses et plus
prospères qu'avant les troubles ; des villes secondaires,
comme Marans, Luçon, Chàteaudun, Gien, Niort, Tliiers.
Gaillac, attiraient l'attention par les aiïaires dont elles
étaient le centre-. Paris, comme sous le second empire,
servait déjà de modèle à Témulation d'embellissement,
d'affaires et de plaisirs qui s'était emparée des chefs-lieux,
plus ou moins importants, de la vie provinciale. Sa popula-
tion dépassait 400000 âmes. La multiplicité et la beauté
des constructions, l'accroissement de la circulation faisaient
de la capitale un sujet de fierté pour ses habitants, d'ad-
miration pour les étrangers et dans le fouillis pittoresque
de la cité du moyen âge s'ébauchait déjà vaguement la ville
symétrique et imposante que nous avons sous les yeux'.
1. Francbsco Gregory dIerni attribue à cette ville en lô9G une popula-
tion de 100000 âmes. Voj". sa relation publiée par Rayxald àans Bulletin de
la Société de l' histoire de Paris, XII, 1S85.
2. Brantôme, Grands capitaines français. Amiral de Châlillon, éd. Lalanne,
IV, 328. Iieliciae Galliae... auctore iMathia Quado. Francfort-sur-le-Mein,
1603. Papire .Massox, Descriptio fluminum Galliae, 1618, p. 39, 46, 594, 681.
Descriptio orae marilimaeal) ostio Carentonis amnisusque ad ostium Ligeris.
Bibl. nat. LK. 11742. Voyages de .Montaigne, •'■d. 1774, II, 4ô4.
3. Pai'ire Massos, Descriptio fluminum Galliae, p. 235. Jean Cecii. Frev,
Adtniranda Galliarum. Paris 1GV8. « Quelle vilenie qu'on ne puisse meshuy
quasi plus aller par Paris à cause des carrosses et des charrettes dont le
nombre accroît chacun jour ! J'ai vu le temps que les petits enfants
jouoient au volant sur le pont Nostre Dame aux jours de fête... tant de
batiniens qu'on eleve... Les étrangers qui passent dansParis se plaignent
f|u'on ne peut voir la ville à cause des maisons. » Le secrétaire de Saint-
Innocent, 1615. " Paris, que le feu roi Henri le Grand a orné de tant de
grands et magnifiques batimens que d'un désert que tu étais durant la
guerre civile, il en a fait la plus riche, la plus populeuse, la plus auguste
et la plus célèbre ville de tout Yan'wers.nAdverlisseinent à la France touchant
les libelles qu'on semé contre le gouvernement, 161."). Relations de Gussoni
et -Nani (IGlu; dans Barozzi et Berchet, Série 11.
CHAPITRE III
L'ÉCONOMIE COMMERCIALE
1" LE COMMERCE INTÉRIEUR.
Si nous continuons à nous laisser conduire, dans l'étude
de l'économie sociale, par la succession naturelle des phases
de la production, nous arrivons au commerce. Déjà sans
doute Fagriculture et l'industrie ont en vue des opérations
commerciales, déjà l'une et l'autre se livrent à ces opéra-
tions et réalisent sur les marchandises qui sortent de leurs
fermes et de leurs ateliers un premier bénéfice, mais il existe
une classe qui se voue exclusivement à l'achat et à la vente
de ces marchandises, à leur transport et à leur répartition
suivant les besoins des consommateurs. C'est la classe des
commerçants. Ne créant que des valeurs et non des produits,
n'ayant prise sur l'imagination ni, comme l'agriculture, par
la poésie du milieu ni, comme l'industrie, par les trans-
formations surprenantes ou séduisantes de la matière,
inséparable de la spéculation, le commerce a soulevé cer-
taines préventions qui ont été jusqu'à contester ses services.
Alors surtout qu'il se borne à rapprocher l'offre et la
demande et se réduit à la commission, il a été souvent
considéré comme un rouage parasite qui ne fonctionne
qu'aux communs dépens du producteur et du consomma-
teur. Il n'obtient une sympathie sans mélange que lorsqu'il
porte et propage à l'étranger l'influence française soit en y
164 EFFETS DES GL'EUllES CIVILES.
expédiant des iiiarcliandises soit en y onvoyaiil des colons.
Avant de le suivre dans un domaine oii il ennoblit et gagne
sa cause en la confondant avec celle tlu patriotisme, avant
de voir comniLMil le coninu'rce ext(;rieiir disposait de l'ex-
cédent de nos produits sur les besoins de la consommation
indigène, il faut étudier dans quelle mesure et de quelle
façon il pourvoyait à celte consotnmation.
Chaque fois (jue nous abordons l'étude d'une des branches
de la production nationale, c'est par le lamentable tableau
du mal que lui ont fait les guerres civiles, qu'il faut le
commencer. Si souvent rapprochés, confondus par leur
solidarité dans la vie économique du pays, l'agriculture,
l'industrie, le commerce le sont encore par leurs communes
épreuves. De cette analogie de situation et par conséquent
de méthode résulte une certaine monotonie mais cette
monotonie ne contribue-t-elle pas, en fortifiant l'impres-
sion pénible inspirée par les souffrances du pays, à donner
un sentiment plus vif de la vérité ?
Naturellement les troubles civils avaient atteint surtout
le commerce en gros, de ville à ville, de région à région.
Les voies étaient impraticables et peu sûres. Les routes,
laissées à l'abandon, usurpées par les riverains, etTacées
par la végétation, à peine reconnaissables aux quelques
ormes' qui les bordaient encore, ne se distinguaient plus
de la campagne. Les ponts étaient en ruines, les bacs
ne répondaient plus à l'appel des voyageurs. Il fallait
quelquefois, pour trouver une route carrossable, se
détourner de trente ou quarante lieues^. Le commerce
1. Ces ormes avaient été plantés en exécution d'une mesui'e générale
prise par Henri II en 1554. On les appelait vulgairement des Ilenris.
Journal de Jean Glaumeau, prêtre de Bonrf/es au XVI" sièclr, cité par Boin-
QUEi-or dans sa notice sur ce journal. Mémoires des anlir/uaii-es, 18.')i.
2. Lakfemas, Ilist. du Commerce, États de Normandie, novembre \h',)3,
p. p. H. DE BEAunEPAihE, I, 55. Arn't du conseil d'État, janvier l.')95 dans
CLAIflAMBALLT C.>3,*f. 21.
EFFETS DES GUERRES CIVILES. 165
abandonnait ses anciens itinéraires et délaissait des villes
à la prospérité desquelles il avait largement contribué.
La Fére, par exemple, perdait ainsi ses relations com-
merciales avec la ïhiérache et l'Artois. Quand le roulage
ne se résignait par à ces longs circuits, il essayait de
s'ouvrir une route nouvelle, à côté de l'ancienne, dont
il empruntait, autant que possible, le tracé et cet
itinéraire, une l'ois frayé, était adopté et remplaçait la
vraie route.
Voies anciennes et voies ébaucliées par la circulation
étaient également peu sûres. Les périls étaient nombreux
et, si l'on était assez heureux pour échapper à l'un d'eux,
ce nétait guère que pour tomber dans un autre .
Fondrières, bandes de loups, troupes de brigands,
vexations des gouverneurs et des châtelains, il était bien
difficile de sauver sa personne ou sa bourse de tant de
dangers.
Cherchait-on à s'y soustraire en prenant les voies
fluviales, on y retrouvait à tout le moins les mêmes
exactions. Les péages y pullulaient, aussi vexatoires dans
leur perception qu'illégitimes dans leur origine et arbitraires
dans leur taux. Us étaient exploités par des fermiers sans
scrupule qui, de connivence avec ceux qui les avaient
usurpés, multipliaient pour la navigation les entraves
et les retards afm de s'en faire payer le rachat. Lentement
les chalands avançaient sur les cours deau obstrués par
les éboulis des berges, par les moulins, par les pêcheries.
De lieu en lieu ou à peu près il fallait s'arrêter, aborder,
amarrer près des bureaux, attendre le péager absent à
dessein et acheter le droit de continuer sa route en payant
à un commis. Les arches des ponts étaient quelquefois
barrées par des chaînes qu'on ne pouvait faire lever
qu'après avoir longuement marchandé. On ne pouvait
franchir ces arches, rétrécies par les moulins qui s'y
166 EFFETS DES GUERRES CIVILES.
adossaient, qu'avec une grande prudence et l'assistance
dos maifres des ponts^ espèce do surveillants de la navigation
et de pilotes auxquels étaient dus, pour ce service, de
nouveaux droits tarifés suivant le nombre des chevaux
de halagc'. Tout à coup le bateau touchait et échouait,
le lit de la rivière ayant été arbitrairement exhaussé par
les riverains, et le renllouage était un nouveau prétexte
aux revendications des péagers. Nul compte n'était tenu
du principe qui exemptait les denrées destinées à la
consommation du propriétaire ni de celui qui interdisait
de percevoir deux fois sur les mêmes marchandises, à
l'aller et au retour ni de la franchise accordée à celles
qui étaient transportées aux foires de Lyon-. Sur la Loire
les péages étaient si multipliés qu'ils rapportaient par an,
tant au roi qu'aux ligueurs, un million 600 000 écus
(Iol992o0 fr. 08) et qu'un bateau qui partait de Nantes
avec une charge de sel de 25 écus (237 fr. 49) n'arrivait à
Nevers qu'après avoir payé en droits de circulation 100 écus
(949fr. 95) c'est-à-dire le quadruple de sa valeur. En 1567
on comptait sur la Loire et ses affluents cent vingt péages,
en 1568 le nombre des péagers s'élevait à plus de deux
cents ^ De Rouen à Paris le total des droits pour une
petite barque de marchandises s'élevait à 1000 écus
(9499 fr. 53)*. Les gouverneurs de Vernon, de Château-
Gaillard, de Mantes et de Meulan, celui de Noyon avaient
ajouté aux anciens tarifs des péages sur la Seine et la
Vorse de nouveaux droits que leurs péagers percevaient
avec arbitraire et sans délivrer d'acquits'. La navigation
1. lieyislres du bureau de la ville de Paris, 13 septembre, 19 et 25 octobre,
20 novembre 1595.
2. Matmiei- de Vaizelles, Trailé des péages, 155U. Arr<"t du conseil du
10 mars IGOl. Bibl. nat. Mss. Franc , 18167 à la date.
^. Chevalier, Navigation commerciale de la Loire au xv<= el au xvi' s.
Mémoires de la Société archéolor/ique de Touraine, 11, 22C.
4. Rclntion de P. Duodo (1598 dans Ai.nERi, XV, Apjnnd., p. 109.
.5. Registres du bureau de la ville, Ifi février 1598.
EFFETS DES GUERRES CIVILES. J67
du Rhône, de l'Isère' et de toutes les voies fluviales souf-
frait des mômes abus.
Il y eut un moment où, par suite de l'insécurité, les
charrois cessèrent dans le Lyonnais. En Normandie le
commerce s'arrêtait devant les exactions qu'il subissait
à Quillebœuf et dans les autres villes situées sur les
rivières. Sur la Seine, dans l'Angoumois^ et ailleurs le
trafic fluvial s'interrompait, était anéantie
Ce fléau des péages et des taxes de circulation était
d'ailleurs, on le sait, très ancien et les guerres civiles
n'avaient fait que le rendre plus criant.
Elles avaient amené aussi la ruine de certaines foires
j^dis florissantes, telles que les foires de Poitou \
Le commerce qui se renfermait dans l'intérieur des
villes, qui se réduisait à la consommation locale, échap-
pait à ces dangers, à ces vexations. Mais là encore les
efl"ets des troubles civils se faisaient sentir. Que de boutiques
fermées, que de commerçants, de commis, do garçons
de magasin sans ouvrage! Les uns grossissaient les
troupes de mendiants qui promenaient dans les villes
inquiètes leurs mines faméliques et faisaient queue à la
porte des hôtels et des couvents pour attendre la desserte,
les autres s'enrôlaient dans les bandes de détrousseurs
de grands chemins ou dans ces associations de voleurs, dont
1. Mandement de Henri IV du 10 août 1607. Arch. nat. Rerj. du parlement,
X'"8646, fol. IX"XV.
2. Requête présentée à Henri IV en 1590 par les gentilshommes de l'An-
goumois et de la Saintonge partisans de sa cause citée dans Lièvre, La
misère et les épidémies à Angouléme au wi'^ et au \\ii<^ siècle. Les garnisons
auxquelles on faisait attendre le paiement de leur solde, arrêtaient, pour
se payer, les bateaux. Lettre de Sabatéry à Simon Lecomte. Bordeaux,
27 novembre 1681. Papiers Lecomte aux archives de l'Hôtel-Dieu de Tou-
louse. Délibération prise à Bordeaux en jurade le 18 décembre 1583. Cham-
POLLiON, Mélanges historiques. H, 485.
3. « Suippe, petit fleuve.., ne porte basteaux à raison des ponts et bacs,
desquels les seigneurs prennent gros revenus ». Ch. Estienne, Lrt guide des
ctiemins, p. 227.
4. Les sérées de Guillaume Bouchef, xxxv'' serée.
168 EFFETS DES GUERRES CIVILES.
les affiliés se reconnaissaient à des cérémonies et à un argot
particuliers et qui dissimulaient leurs inavouables moyens
d'existence sons le métier de porteballe et de camelot '.
La démoralisation des classes commerçantes était, en
effet, pour le commerce, la conséquence la plus grave et
la plus triste des guerres civiles. Les habitudes sonl la
meilleure sauvegarde des vertus de la population inférieure,
l'amour du gain par le travail en est la source et, une fois
que cette source est tarie, elles disparaissent avec elle.
Le spectacle scandaleux et alléchant des grandes fortunes
réalisées par la concussion et l'agiotage, la diminution des
affaires avaient déclassé une foule de marchands qui se
lançaient dans les opérations usuraires ou « se ruaient^
conmie dit un contemporain, sur les états et sur le doux
maniement des finances - ».
Le souverain qui se trouvait appelé à porter sur cette
plaie économique et morale un œil attentif et une main
délicate, ne semblait pas particulièrement préparé à cette
lâche. N'avait-il pas été le premier des bandoliers avant
1. Ayant l'âge de neuf à dix ans, craignant que mon père me donnât le
fouet pour quelque faute commise, ... je prins résolution d'aller trouver un
petit mercier qui venoit souvent à la maison de mon père et... résolus m'en
aller avec lui. 11 n'étoit coesme, n'ayant parvenu à ce degré... La vie gene-
reusedes mcnxelols, giieiis etboesmiens..., 159G. Vav. Mst. et litL, Vlll. " L'an-
tiquité nous apprend et les docteurs de l'argot nous enseignent qu'un roi
de France ayant établi des foires à Niort, Fontenay et autres lieux du
Poitou, plusieurs personnes se voulurent mêler de la mercerie; pour
remédier à cela, les vieux merciers s'assemblèrent et ordonnèrent que
ceux qui voudroient à l'avenir être merciers se feroient recevoir par les
anciens... puis ordonnèrent un certain langage entre eux avec quelques céré-
monies pour être tenues par les professeurs de la mercerie. Il arriva que
plusieurs merciers mangèrent leurs balles, néanmoins ne laissèrent pas
d'aller aux susd. foires, où ils trouvèrent grande rpiantité de pauvres gueux,
desquels ils s'accostèrent et leur apprirent leur langage et cérémonies. Les
gueux réciproquement leur enseignèrent charitablement â mendier. Voilà
d'où sont sortis tant de braves et fameux argotiers. >• Jargon ou langage
de l'argot réformé, au t. VIII des Joyeuselés, cité ifjid. 153, n° I. CoesmeloUer,
camelot, nom d'argot donné aux merciers et colporteurs atliliés à la con-
frérie des voleurs de grands chemins. Salval, liv. V, I, jl4.
2. Dr Fuesses Canayf. au roi, T.i octobre 160*.?, J, 45(!-'«57. Laifemas, Les
moyens de chasser la gueuserie, etc.
PROROGATION DES ÉCHÉANCES 169
d'être le roi de France? Son indulgence, sa sympathie
n'étaicnt-elle pas acquises au soldai peinant sous la cuirasse,
mal payé, irrégulièrement nourri qui se laissait séduire
par « dame picorée »? Est-ce à la cour des Valois, est-ce
dans les camps où il avait troué ses pourpoints, qu'il
aurait pu apprendre à s'intéresser à ce monde casanier
dont la vie s écoulait dans le demi-jour d'une boutique,
qu'il aurait pu comprendre comment ces gens-là travail-
laient à leur manière à la prospérité et à la grandeur d'une
nation? Mais, en cela comme dans le reste, ce fut son
mérite de savoir, pour retourner un de ses mots célèbres,
cesser de faire le roi de Navarre pour faire le roi de
France.
Dans la législation et l'administration commerciales qui
sautorisent de son nom, tout certes ne fut pas original ni
désintéressé. Sur plus d'un point il ne fit que reprendre
une idée abandonnée, une tentative avortée de ses ancêtres
et plus d'une fois il obéit à une préoccupation fiscale. Les
mesures de circonstance eurent aussi leur part dans son
œuvre. Parmi elles il faut ranger la prorogation des
échéances. Déjà l'édit de réduction de Paris du 28 mars 1394
avait annulé les saisies faites sur ses habitants et déchargé
provisoirement les débiteurs, jusqu'à l'adoption d'un arran-
gement amiable entre eux et leurs créanciers, du paiement
des intérêts antérieurs à ceux de l'année courante'. Moins
de deux mois plus tard, le 16 mai, un arrêt du conseil
autorisa les commerçants parisiens désireux d'obtenir un
délai pour le paiement de leurs dettes, à se pourvoir devant
le lieutenant civil. Cet arrêt défendait en même temps la
continuation des assemblées qui avaient eu lieu pour rédi-
ger et signer des pétitions en vue de cette surséance et
exercer une sorte de pression sur l'autorité ". Plus tard
1. POIRSON, I, 5ôl.
2. Bibl. nat. Mss. Franc. 18159, fol. 193 v».
170 REMISE DES INTÉRÊTS.
une prorogation générale fut accordée au commerce
parisien. Le 29 août laî)8 elle fut prolongc'C de quatre
mois '. Elle navait pas encore atteint son terme que de
nouveaux répits étaient sollicités -.
Ce ne fut pas seulement par la suspension des échéances
que le gouvernement vint en aide aux débiteurs embar-
rassés, ce fut aussi, on le sait, en les lilti'rant d'une partie
dos intérêts arriérés. L'édit de juillet 1594, statuant sur
les rentes constituées avant 1589, réduisit d'un tiers les
intérêts échus depuis cette année jusqu'à la fin de 1593 '.
Les débiteurs retardataires dont la dette ne dépassait pas
une année d'intérêts, furent mis à l'abri de la saisie et
autorisés à se libérer du capital par quartier en même temps
que de l'intérêt de l'année courante \ Ces facilités et ces
remises étaient commandées par la banqueroute chronique
dont les créanciers de l'Etat étaient victimes. En 1595 les
rentes de 1587 n'étaient pas encore payées et le fonds des
impositions allectées à leur paiement n'était pas môme
suffisant pour fournir à un quartier de l'année courante '".
Tandis que la situation des débiteurs était équitablement
allégée, la jurisprudence sauvegardait les droits des créan-
ciers en les relevant des prescriptions et péremptions
d'instance qui auraient pu les faire déchoir de leur droit
aux intérêts pendant la période de 1594 à 1598 ^'.
Nous avons dit l'entraînement des capitaux vers des
placements très rémunérateurs pour ceux qui les faisaient
mais improductifs au point de vue général. Pour les
ramener vers le commerce, comme vers l'agriculture et
1. Arrêts (lu conseil à cette date.
2. Arn't du conseil, 21 novembre 1^8. Hiljj. nat. .Ms.^. Franr. 1810.1,
fol. 89 v-o.
:j. FoNTANO.v, I, 772.
4. Déclaration du IC avril 1S95. Fontanon, 1, 77').
.-». Délihéralions du bureau de la ville, 17-27 juillet 1.^95.
6. Cl. Le Prestre, Questions notables, chap. i.xi.
INTÉRÊT LÉGAL ET BANQUEROUTES. \~i
l'industrie, le roi, sur les instances de Sully, réduisit l'in-
térêt légal du denier douze au denier seize, c'est-à-dire de
liuit un tiers à six un quart pour cent'. Il ne faisait par là que
remettre en vigueur un édit de Charles IX resté impuissant.
Si, en dépit de cet édit, l'intérêt s'était maintenu au taux
de huit un tiers pour cent, c'était en partie parce que des
banqueroutes répétées avaient fortement ébranlé le crédit.
Les propriétaires eux-mêmes ne trouvaient à emprunter
sur leurs biens-fonds qu'à force de cautions et à un taux
usuraire. L'opinion publique avait réclamé la mort contre
les banqueroutiers frauduleux, et l'ordonnance d'Orléans
(1S60) lui avait donné satisfaction. Mais les tribunaux
reculèrent devant l'application de la peine capitale et se
contentèrent de l'amende honorable, du pilori et des
galères à perpétuité. Tel fut le châtiment subi en 1609 par
un marchand de la rue Saint-Denis, Guillaume Pingre, qui
avait fait une banqueroute frauduleuse où étaient intéressés
de notables personnages et qui fut arrêté à Valenciennes,
dans les États de l'archiduc -. Le lendemain de sa con-
damnation, la place de Paris fut de nouveau émue par une
autre banqueroute dont le passif s'élevait à 400 000 écus
(4 045 246 fr. 05) ^ Une aggravation dans la pénalité
devenait opportune. Sully, qui avait déjà fait rendre en 1602
un édit contre les banqueroutiers \ en provoqua un autre
au mois de mai 1609 '. Cet édit confirmait l'ordonnance
d'Orléans, prononçait la peine de mort contre les coupables,
frappait de nullité les transports opérés par eux aux dépens
de leurs créanciers, ordonnait la punition exemplaire de
1. Édit. de juillet IGOl. Isambert, xv, 262. Économies royales, V, 105.
Legrain, Décade, 812.
2. Registre-journal de Lestoile, 508. Mercure français, I, IGOi).
3. Rerjistre-journal. Ihid.
4. Économies royales, Y, 240.
5. 11 l'a inséré dans les Économies royales. V, 339-341 coiiime étant son
œuvre.
172 HANQL'EROL'TES ET CESSIONS DE BIENS.
ceux qui prenaient faussement celte qualité et défendait les
concordats '. LaHemasqui, neuf ans auparavant, demandait
le retour à la pénalil*'- draconienne de lordonnancede l'ilK)-
dut être content et l'opinion, indignée et inquiétée par tant
de « trous à la nuit »•', ne le fui pas moins. Quant à Tinter-
diction des concordais, elle aurait de quoi surprendre si
Ion ne savait qu'elle était dirigée contre les commerçants
qui, en emporlant l'argent de leurs créanciers, laissaient
un mandataire pour transiger avec eux et, celte transaction
une fois acceptée bon gré mal gré par les créanciers, reve-
naient jouir eiïrontément à la barbe de ceux-ci de l'argent dont
ils les avaient frustrés '. C'était ces concordats prémédités
par les débiteurs, imposés aux créanciers que l'édit avait
en vue. D'autres, avec aussi peu de bonne foi, faisaient
cession de loin et par procureur, contrairement à la loi
qui exigeait que le cessionnaire fût présent et procédât en
personne'. Il v en avait encore qui (rompaient leurs
créanciers en simulant, de concert avec leurs femmes, une
séparation de biens, en mettant leur actif sous le nom de
celles-ci. Laffemas demanda que la femme complice de son
mari fût responsable sur ses propres, que la séparation do
biens ne pût avoir lieu qu'après une enquête faite par dix
notables commerçants étrangers à la famille et non suspects
de connivence ^ Il dénonçait aussi l'habileté avec laquelle
les cessionnaires dissimulaient le bonnet vert, qui les
signalait à laméliance et à la déconsidération publiques '.
Au sujet de ce signe infamant les coutumes et la juris-
1. ISAMBEHT, XV, ;J49.
2. Hemonlrance en forme d'édil, art. xiv.
:5. Nous disons aujourd'hui trous à la lune.
'i. Legrai.n. Décade, «3.3-83i.
h. Dt'claration du 10 octobre Iô.'56. IsamhkhtXII. .'>"27.
<;. lleinonslrance en forme d'édil, art. xv.
7. « ... pour obvier aux fraudes de ceux qui, nyant fait cession, ne
laissent de porter le chapeau noir et le petit bonnet vert au dessous qu'à
grand peine peut on voir. » Advertissemenl sur les crimes des banque-
routiers, IGOl).
VALIDITÉ DES CONTRATS. 173
prudence ne furent pas toujours daccord ; tantôt il était
imposé à tout cessionnaire sous peine de perdre le bénéfice
(le cession, qu'il fût de bonne ou de mauvaise foi; tantôt il
n'était que la punition de cette dernière; tantôt enfin le
cessionnaire en était exempt et devait seulement abandonner
en justice sa ceinture '.
Ce fut aussi pour afTermir le crédit par la sécurité des
transactions qu il fut détendu aux notaires d'insérer dans
leurs actes la clause de renonciation au sénatus-consulte
Velleien et à l'authentique Si qua millier. Ce sénatus-
consulte, on le sait, avait pour but de protéger les femmes
contre elles-mêmes en frappant de nullité les obligations
qu'elles pourraient contracter pour autrui. Elles avaient
tellement pris l'habitude de renoncer à celte tutelle légale
pour intervenir dans les contrats et engager leur bien dotal
en garantie des obligations de leur mari que cette renon-
ciation était devenue de style. Précisément à cause de cela
il arrivait aux notaires de l'omettre. Ce silence insolite
pouvait être interprété comme une réserve du droit de la
femme et autoriser une demande en nullité. Par suite de
la déclaration d'août J606, les femmes qui étaient parties
dans un acte furent par cela môme valablement obligées et
l'absence dune clause dont l'insertion était prohibée, ne put
désormais être invoquée contre sa validité".
Dans tout ce que nous venons de rapporter il n'y a rien
qui atteste chez Henri IV un goût plus vif et plus éclairé
pour le commerce que chez ses prédécesseurs, et ce n'est
pas non plus dans ledit, si important d'ailleurs, de 1597
qu'il apparaît comme novateur en cette matière, car il n'a
1. BoucHEL, Bibliothèque du droit français, I, 441. Charo.ndas Le Caron,
Mémorables ohaervations du droit français, v» Cession. Recueil de plusieurs
arrêts notables, p. p. Louet, V Cession de biens. Jugement du lieutenant
général de Laval du 9 septembre 1581 et arrêt du parlement du 16 janvier
1608 dans FoNTANON (1611), 1,764, 763.
3. IsAMBERT, XI, no 182.
174 ADMINISTRATION DES PONTS ET CHAUSSÉES.
fait qu'y reprendre l'œuvre mort-née de son prédécesseur
immédiat. Mais il y eut deux choses originales et fécondes
qui distinguèrent son rôle à cet égard : d'une part il créa
le premier une commission pour reviser l'organisation
industrielle et commerciale et encourager les industries
naissantes, les entreprises d'intérêt public; de l'autre il
améliora et développa à un haut degré les voies de commu-
nication. Sur la commission du commerce nous n'avons
rion à ajouter à ce que nous avons dit dans notre chapitre
sur l'industrie. Nous devons, au contraire, faire connaître
les progrès qui s'accomplirent sous son règne dans les
ponts et chaussées et dans les voies de navigation.
Un vient de voir l'état où se trouvaient les uns et les
autres à la suite des guerres civiles. Cet état n'était pas
entièrement imputable à celles-ci, il tenait aussi à l'absence
dune administration centrale des ponts et chaussées.
Abandonné aux autorités locales, aux seigneurs et aux
villes, ce service public n'était pas administré avec l'unité
et le désintéressement qu'exigent les intérêts généraux.
Henri IV le centralisa en créant par un édit du mois de
mai 1.599 un grand voyer de France. On sait que Sully fut
le premier titulaire de cette charge. Ses attributions étaient
purement administratives et le contentieux restait à la
juridiction ordinaire. Même dans l'ordre administratif, sa
création n'entraîna pas celle d'un personnel nouveau. Les
agents placés sous l'autorité du grand voyer existaient
déjà : c était les voyers particuliers, et, là où il n'y en avait
pas, les officiers locaux ordinaires et parmi eux, au premier
rang, les trésoriers généraux. Surchargés ou peu zélés, ces
fonctionnaires obéirent avec peu d'empressement à l'auto-
rité nouvelle à laquelle on venait de les soumettre ; une
déclaration du 7 juin 1604' autorisa alors le grand voyer
1. ViGsoN, Études historiques sur l'administration des voies puhliqueti en
Franije au xvii'- et au \\iu<^ siècle, I, l'iàces justif., n" 4.
ADMINISTRATION DES PONTS ET CHAUSSÉES. 475
à se désigner un lieutenant dans les administrations
locales'. Remède probablement inefficace, car ce lieu-
tenant, ne touchant pas de gages pour ses nouvelles fonc-
tions, dut mettre peu d'ardeur à les remplir. Les voyers
particuliers n'étaient pas les seuls agents spéciaux que
le grand voyer eût sous ses ordres, les intendants des
turcies et levées de la Loire en relevaient également. Au
moment oi^i se pacifiait le pays, ces digues tombaient en
ruines. Ceux que l'on nommait à la charge, alors unique,
d'intendant, s'y succédaient trop rapidement pour pouvoir
s'y rendre utiles. En la confiant à M" Jacques Chevreux, au
mois d'avril 1594, Henri IV étendit la durée de ses
fonctions. A la mort de Jacques Chevreux (1597), le roi ne
lui donna pas un successeur en titre d'office. L'emploi fut
tenu en commun et en commission par Pierre Fougeu, sieur
d'Escures et Barthélémy Savorny. Puis, satisfait de leurs
services, Henri le dédoubla en deux offices d'intendants
qui leur furent conférés. Leurs attributions consistaient à
faire les devis, à adjuger et à taxer les travaux, à arrêter
les états des fonds destinés à en 'faire les frais, à disposer de
ces fonds et même à juger les contestations soulevées par
ces diverses opérations. Ils devaient se partager les gages de
leur prédécesseur qui touchait 3000 livres (8768 fr. 80).
Toutefois la chambre des comptes, hostile, comme toutes
les cours souveraines, aux juridictions spéciales, n'enre-
gistra ces pouvoirs que de l'exprès commandement du roi
et en réservant les questions litigieuses aux juges ordi-
naires et la vérification des états de recette aux trésoriers
généraux ^
1. Sully eut, par exemple, pour lieutenant dans la généralité de Bourges
le sire de Corbet Boyer. Recherches sur les anciennes voitures publiques dans
le Berry et surtout à Bourges dans Mémoires de la Société historique... du
C/ier,\] (18S2j, p. 155, n° 2.
2. Édit de janvier 1603. Vignon, I, Pièces justif.,n" d.
3. Vignon, l, Pièces Justif., n° 3.
176 ADMINISTRATION DES PONTS ET CHAUSSÉES.
Le voyer de Paris ne dépendait pas du grand voyer, mais
du lieutenant civil. Le 13 août 1599, celui-ci lui donnait
commission pour inspecter les ponts et chaussées de la
ville, de la prévôté et de la vicomte, les faire réparer par
les seigneurs justiciers et les autres autorités particulières
chargées de leur entretien, forcer les riverains à délaisser
le terrain usurpé, faire établir des bornes et planter des
ormes pour lixer la largeur des voies'. Eu IGOi Sully
remboursa au voyer de Paris le prix de sa charge et la lit
réunir à celle de grand voyer".
L'autorité de celui-ci ne s'étendait que sur les pays
d'élections. Dans les pays d'états la direction des travaux
de voirie appartenait à un commissaire général qui recevait
ses pouvoirs et ses instructions du parlement de la
province^.
Chaque année, les officiers locaux qui, sous la direction
du grand voyer, s'occupaient des travaux publics c'est-à-
dire ses lieutenants, les trésoriers de France, les intendants
des turcies et levées et les élus partaient en chevauchées
pour constater l'état des ponts et chaussées. Ces chevauchées
avaient lieu au mois de février. C'est le moment où les
eaux sont le plus hautes, oii les chemins ont le plus soulTert
de l'hiver, où l'on peut le mieux apprécier l'importance
des réparations nécessaires et en dresser le devis. Les
travaux, après avoir été soumis à l'autorisation du grand
voyer, étaient mis en adjudication et s'exécutaient pendant
la bonne saison. C'était à l'entrée de la mauvaise, aux
mois de septembre et d'octobre, qu'on procédait au toisé et
1 . ViGNo.N, n" 2.
'J. Delamare, Traité de la police (continuation de Le Clerc du Hrillet), IV,
G88.
3. Voy. arrêt du parlement de Grenoble sur la réparation des chemins
en Dauphiné, 23 mai IGOâ. Ibid., n° 7. Bkln Durand, Le Dauphiné en 1 598
dans liullelin de la société dépavlementale d'arc/iéolof/ie et de statistique de
la Urôme, I8C«.
ADMINISTRATION DES PONTS ET CHAUSSÉES. 177
à la réception. Dans lenrs chevauchées, les déh'-gués du
grand voycr devaient s'en([uérir des péages, des travers et
en dresser état afin de faire contribuer les tituhiires aux frais
de réparation. Leur devoir était aussi de s'informer des abus
commis dans l'emploi des deniers octroyés aux villes pour
les travaux publics et de les dénoncer à leur chef. Ils véri-
fiaient enfin et lui envoyaient les étals des recettes et des
dépenses faites par les trésoriers et les receveurs, car toute
la comptabilité des travaux publics passait sous ses yeux '.
Suivant la déplorable tradition qui accordait à des parti-
culiers en faveur des délégations de l'autorité publique,
certaines personnes avaient obtenu des commissions les
autorisant à faire exécuter des travaux, à singérer dans
l'administration de la voirie; c'était autant de brevets
d'impunité délivrés aux exactions. Le roi déclara que les
pouvoirs de ce genre ne seraient valables que lorsqu'ils
auraient reçu l'attache du grand voyer^. Mais cette décla-
ration ne triompha pas d'habitudes invétérées; c'est ce que
témoigne un arrêt du 14 mars 1606 qui révoque les
commissions délivrées pour la réparation des chemins et
défend d'en expédier sans le visa déjà exigé.
Nous avons parlé des obligations des péagistes en matière
de voirie. Un arrêt du conseil du 2 avril 160^ renouvela
aux trésoriers généraux la mission de surveillance qui
leur avait déjà été confiée à cet égard ^. Tl ne paraît pas
avoir beaucoup amélioré les choses. Les populations
dénonçaient l'incurie des péagistes et le roi, passant par la
grande route de Picardie, reçut directement des plaintes
contre l'abbaye de Saint-Denis et le duc de Montmorency.
Le 11 avril 1609 un arrêt du conseil ordonnait encore que
commandement serait fait par le grand voyer à tous les
I. ViGNON, Pièces Jiist if. , n° 5.
■2. Déclaration du 7 juin 1G04. Vignox, Pièces justif., u" 4.
3. Ibid., n" G.
12
178 ADMINISTRATION DES PONTS ET CHAUSSÉES.
pcaj^nstes, sous peine de saisie de leurs péages et barrages,
de mettre en bon dtal, dans un déhii lixé, les chemins dont
l'entretien était à leur charge'.
C'est aux voies urbaines, aux rues et particulièrement
aux rues de Paris que s'appliquait ledit de décembre 1007.
11 fut rendu pour remédier aux conséquences de la facilité
avec laquelle les seigneurs justiciers de la c;ipilale (jui
exerçaient dans leur ressort la police de la voirie, accordaient
des permissions préjudiciables à l'intérêt général. Tout
administratif quil soit, c'est un document bien pittoresque.
11 évoque un lacis de voies étroites, fangeuses et sans
trottoirs, surplombées d'ouvrages en encorbellement, de
jardins suspendus, obscurcies par les auvents et les
enseignes, encore rétrécies par les degrés, les montoirs,
les jambes étrières, les contre-fenctres, encombrées par les
marchandises et les matériaux, bordées de façades fuyantes
ou ventrues, souillées par les ordures ménagères qu'on
jette des maisons, enlaidies par les défroques et les drapeaux
qui se balancent aux fenêtres, bref un Paris incommode et
nauséabond, dépourvu de perspective, de grandeur et de
beauté mais fourmiHaut d'attrayants détails. Et en même
temps qu'il nous transporte dans le Paris du xvn'' siècle
naissant, il pose le principe niveleur de l'alignement et
trahit le rêve des rues larges, rêve et principe d'où sortira
peu à peu un Paris monumental et grandiose oii tout sera
sacrifié à la symétrie, à l'effet et au décor. Cet édit attribuait
le contentieux de la voirie à la chambre du trésor".
Des trois conditions que toute administration semble
devoir réunir, unité, spécialité, compétence, celle des
travaux publics, telle qu'elle avait été organisée par
Henri IV et Sully, possédait en partie la première, les
deux autres lui faisaient défaut. La direction et le contrôle
I. VioNox, Pièces justif., ii" D.
1. ISAMRI^RT. XV. 11" V.)1.
ADMINISTRATION DES PONTS ET CHAUSSÉES. 179
supérieur y étaient attribués à un fonctionnaire unique,
mais ce fonctionnaire n'était pas secondé par des agents de
son choix, exclusivement voués à leurs fonctions, préparés
par des études techniques à les remplir. On ne trouve dans
celte administration ni ingénieurs ni conducteurs des ponts
et chaussées ni agents voyers. C'est à une vieille institu-
tion, c'est aux maîtres des œuvres de maçonnerie et de
charpenterie quelle va demander les connaissances pro-
fessionnelles dont elle a besoin. Nous rencontrons sous
Henri IV plus d'un ingénieur, Louis de Foix, Erard,
Hugues Pelletier, mais on ne fait pas appel à leur com-
pétence pour les travaux de voirie ^ Les voyers parti-
culiers de certaines villes et les intendants des turcies et
levées sont les seuls agents qui fassent de ces travaux leur
affaire principale, mais, ne tenant pas leurs pouvoirs du
grand voyer, ils conservent à son égard une certaine indé-
pendance. Les premiers en abusent. On ne peut déplacer
un évier, toucher à une enseigne, boucher un trou à un
auvent, mettre des barreaux à une fenêtre ou y poser un
pot de fleurs sans leur payer un droit discrétionnaire-.
A l'absence d'un personnel spécial et docile il faut ajouter la
nature précaire des ressources. Une partie des fonds affectés
aux travaux publics est assignée sur des taxes appartenant
à des particuliers et il est bien difficile d'empêcher ces
particuliers d'en appliquer la totalité à leur profit. Enfin
il manque à ce service une juridiction compétente. Soit
qu'il n'ait pas su s'élever à la conception d'un système
indépendant et homogène, soit qu'il ait trouvé plus com-
mode et plus économique de se servir des rouages existants,
Henri IV se contenta de donner un chef à une administra-
1. C'est au second que Henri IV destinait la direction des travaux du port
qu'il songeait à crt'cr près de Bayoune et de Fontarabie. Mémoires de
Groidart, 1601. Collection Michaud.
2. Laffemas, La commission, édit et partie des mémoires....
ISO TRAVAIX DLS PONTS ET CHAUSSÉES.
tion sans unité, lloureusemont ces défauts n'étaient pas de
ceux dont ce chef, à force d'intelligence et d'énergie, ne
pouvait pas triompher, et il reste à voir si Sully a su le
faire.
11 est malheureusement impossihle de donner une énu-
mération complète des routes qui ont été ouvertes ou répa-
rées, des ponts qui ont été construits ou rétablis sous ses
auspices. Entre la Guidr des chemins de France^ dont la
troisième édition fut publiée en looS par Charles Estienne
et la carte des routes postales dressée en 1632 par Sanson,
il n'existe aucune nomenclature des routes, et ces deux
documents sont trop éloignés de l'époque qui nous occupe
pour que leur comparaison puisse nous éclairer sur les
progrès réalisés à cette époque.
A défaut d'une statistique complète, nous emprunterons
à des sources diverses des renseignements partiels qui,
par leur accumulation, paraîtront peut-être autoriser une
conclusion d'ensemble.
On ne saurait trop regretter que les états généraux de
voirie dressés par Sully en \ GOO ' et en 1609 ne nous soient
pas parvenus. Le second surtout aurait été très instructif;
il indiquait le montant de toutes les sommes levées, de
lo98 à 1609, pour les travaux publics, qu'ils eussent été
entrepris par l'Etat ou par l'initiative privée, celles qui
avaient été employées conformément à cette destination et
celles qui en avaient été détournées, ainsi que les moyens
d'empêcher à l'avenir de pareils abus ^ On a conservé du
moins les états généraux du produit des tailles, tant du
principal que de la grande crue, de 1*)99 à 1609, et on peut
en tirer sur le budget des travaux publics des lumières
utiles. Ainsi on y voit qu'en 160't. le montant de la grande
crue dépassa de 21o000 livres (628 430 fr. ."i.^)) le total de
1. Economies royales, V, •3''i.
2. Ibid., X, 214, 305.
TRAVAUX DES PONTS ET CHAUSSÉES. 181
l'année précédente, et cela en partie à cause des travaux
du canal de Loire et Seine et du pont de Rouen*. L'état
général sommaire de 1605 nous l'ait connaître la somme
alTectée aux ponts et chaussées; cette somme s'éleva à
400 000 livres (1 169173 i'r. 12), auxquelles il faut ajouter
une somme indéterminée pour le canal de Loire et Seine,
pour la canalisation du Clain et de la Vesle ^ En 1606 les
ponts et chaussées et les mêmes travaux de canalisation
absorbèrent 422 000 livres (1 233 477 fr. 64), sur lesquelles
sans doute 400 000 livres pour les ponts et chaussées, comme
l'année précédente, et 22 000 livres (64 304 fr. 1'j2) pour les
cours d'eau en question. La réfection du pont du Rhône, à
elle seule, absorba oOOO livres (14 614 fr. 66)='. En 1607 la
grande crue s'augmenta de 30 000 livres (87 687 fr. 98) qui
furent consacrées à refaire les ponts de la Loire emportés
par les inondations \ En même temps le principal de la
taille, qui était, l'année précédente, de 9 76S218 livres
(28 543 076 fr.) s'élevait, par suite des dépenses faites pour
les ponts et chaussées, à 9 813 218 livres (28 683 376 fr. 80).
Ces dépenses se répartissaient ainsi : 15 000 livres
(43 843 fr. 99) pour la généralité d'Amiens, 18 000 livres
(52 612 fr. 79) pour celle de Rouen et 15 000 livres pour
celle de Caen^ Sur le produit de la grande crue en 1609,
1. Économies royales, X, 220. Ces états ont été reproduits par Forbonnais.
2. Ifjid., 227. Cf. YIII, 68.
3. Sur l'avis que m'a donné le S"" Parjon des ruines qui menacent le
pont du Rosne en vostre ville, j'ai laissé fonds dans Testât des réparations
publiques de la généralité de Lyon de la somme de cinq mille livres pour
subvenir à cette dépense, mais, parce que la moitié de cette somme doit
être prise sur vos octrois, je vous prie ne faire aucune ditiiculté de la faire
mettre entre les mains du commis du sieur Arnauld à Lyon, trésorier des
ponts et chaussées de France. L'œuvre auquel j'ai destiné cette somme est
des plus importantes aucquels vous la puissiez employer et, pour cette
occasion, lorsque vous me rapporterez l'état de la recette et dépense de
vos deniers communs, je vous promets de passer cette partie sous le nom
du S'' Arnaud, ainsi donc vous en demeurerez déchargé... Sully à l'échevi-
nage de Lyon. Paris, 25 mai IGOG. Arch. mun. de Lyon AA 54 fol. 534.
4. Économies royales, X, 222.
5. IbifL, X, 225-22G,
182 Tl\AV.\rX DES PONTS 1:T CHAUSSEES,
qui s'élevait à 4 446 000 livres (1 1 990 1 09 h. 29), 870 000 li-
vres (2340 242 fr. 71) furent employées aux travaux de la
Loire, de la Seine, de l'Aisne, de la Vesle. de la Vienne et
du Clain, aux ports de Paris et de Uouen, aux fontaines de
Kungis, aux boues et au pavé de la capitale, à la tour de
Cordouan et aux réparations nécessitées par les inonda-
tions de 1008'.
Ces chitîres ne représentent ([ue la pari de l'Etat dans
les travaux publics. Il faudrait y ajouter les sacrifices faits
par les généralités et les villes, si l'on voulait connaître le
total des sommes consacrées annuellement aux travaux de
grande et de petite voirie. Ainsi, en 1600, la i^ormandie
s'imposait pour ses dépenses locales 246 381 livres
(720 155 fr. 1 1 ), sur lesquelles 100 500 livres (293 754 fr. 75)
pour les travaux publics de la province. Celte dernière
somme se décomposait ainsi: 33 000 livres (96 456 fr. 78j
pour les ponts et chaussées, 22 500 livres (65 765 fr. 99)
pour le pont do Rouen, 15 000 livres (43 843 fr. 99) pour
ceux de Mantes et deSaint-Cloud, 30000 livres (87 687 fr. 98)
pour le canal de Loire et Seine -. Les provinces et les vil-
les dont les revenus ordinaires étaient insuffisants pour
pourvoir aux dépenses des travaux d'intérêt local, se fai-
saient autoriser soit à contracter un emprunt soit à perce-
voir une crue sur le prix du sel de gabelle, un droit
d'entrée ou un péage. Elles envoyaient au grand voyer des
états au vrai, vérifiés par les trésoriers de France, de l'em-
ploi de ces taxes \ Malgré cette précaution, cet emploi
n'était pas toujours conforme à sa destination. Quel(|uu-
fois aussi les comptables tardaient à rendre leurs comptes.
1. Économies royales, 157, 221, 223. Cf. Clamageran, [lisluire de l'impôl,
H, 389.
2. Lettre de Sully aux trésoriers f^énéraux de France en Normandie,
ôdéceiubre IGUd. Éconojnies ro>ja/es, IX, 218-220.
3. Voy. les registres des lettres patentes enregistrées par le bureau des
finances de la généralité de Paris, passim.
VOIES DE COMMUNICATION A LA KIN DU RÈGNE. 18:{
C'est ce qu'atteste un arrêt du conseil du 23 décembre 1604
qui, avant de faire droit à la requête de plusieurs villes
pour obtenir des autorisations de ce genre, ordonne que les
receveurs et payeurs de crues sur le sel compteront préala-
blement des deniers dont ils ont eu le maniement du
{"juin IGOO à la lin de 1003. L'État mettait à la charge de
la région principalement intéressée l'avance des dépenses
de voirie. Les entrepreneurs de transports par terre de
l'Auvergne, du Limousin, du Languedoc et du Yivarais
appellent-ils la sollicitude du conseil sur l'état défectueux
du chemin neuf qui traversait Lyon, le conseil répartit par
tiers l'avance des frais de réparation entre la ville, les rive
rains et les paroisses voisines et impose à ces riverains
les frais d'entretien K Les taxes locales créées pour l'entre-
tien des ponts et chaussées étaient supportées même par
les privilégiés ^
Quelques années avant la mort de Henri IV, la réfec-
tion de nos voies de communication par terre était bien
avancée. Dès 1606 une partie des grandes routes avait été
repavée % elles étaient de nouveau bordées d'ormes qui
avaient le double avantage d'en fixer les limites, de les
protéger contre les empiétements des riverains et de don-
ner de l'ombre aux voyageurs '^. Plus d'une fois ces arbres
eurent à souffrir de l'impopularité du ministre qui les
avait fait planter. « C'est un Sully, disait le paysan qui gar-
dait rancune à ces belles routes des corvées qu'elles lui
avaient coûtées '', faisons-en un Biron ^ » et il décapitait
1. Arrêt du conseil du 20 janvier 1601. Arch. nationales.
2. Florentin de Thierriat, Trois traités de la noblesse, lOÛG. Ari'êt du conseil
du 28 juillet lOOl.
3. Palma Cayet, Chronologie septénaire, II, 282. Jeannin, A la mémoire de
Henri quatrième, mss. cité par Puii.ippson, I, 356, n° I.
4. I. Laffejias, Histoire du commerce, 160C dans Cimber et Danjol", XIV
415-417.
5. Babeau, Le village sous l'ancien régime, 2"= édit., 378-383.
0. Tallemant, Historiette de Sut' ij .
184 VOIES DE COMMUNICATION A LA FIN PU RÈGNE.
ces troncs dont le feuillage pouvait déjà abriter ses péni-
bles charrois. De pareils actes de vanilalisnie n'étonneront
personne. 11 est plus diilicile d expliquer comment l'élar-
gissement des chemins, lélagagc et l'abatagc des arbres
préjudiciables à leur conservation et à leur usage eurent
pour adversaires des hommes appartenant aux classes
éclairées, tels que les membres des étals de Normandie '.
Si beaucoup de grandes routes se trouvaient, à la lin du
règne de Henri IV, rendues à la circulation, il en restait
encore beaucoup aussi où elle ne pouvait pas se faire. C'est
à cette époque, en elTet, et non à l'avènement du roi que
se rapporte l'information si grave que nous avons empruntée
à I. LafTemas" et qui nous représente les marchands obligés,
dans beaucoup dendroils, de faire des détours de trente
ou quarante lieues parce que les chemins sont défoncés et
périlleux. Dans le passage auquel nous devons cette impor-
tante révélation, I. Lafi'emas ne dit pas, comme M. Poirson
le lui fait dire \ que les chemins publics furent rétablis,
il loue Sully de ses efforts pour les rétablir, il exprime
l'espoir qu'un jour viendra où ils seront redressés et facile-
ment praticables *. Si l'œuvre poursuivie avec tant d'activité
par le grand voyer n'allait pas plus vite, cela tenait beau-
coup à ce qu'elle devait être, en partie, accomplie par des
péagistes très insouciants de leurs devoirs. En 16091e con-
seil était encore obligé de les leur rappeler ■'. Racheter les
péages aux titulaires pour assurer aux voies de communi-
cation les ressources assignées sur leur produit, eût été
une opération longue, délicate, peut-être périlleuse pour
un gouvernement à peine sorti de la guerre civile. Dans la
1. Beaurepaire, Les ponts et chaussées dans la généralité de Rouen avant
t7S.9. Académie de Rouen, 18S3.
2. Histoire ducommerce, p. 12.^.
3. 111, 3i9.
4. Lafpemas, Histoire du commerce.
5. Arn'-t du 18 avril IG09. Bibl. nat. mss. Krant;. liTGO.
PONTS. 185
mesure où l'administration du f^rand voyer pouvait agir
directement, elle ne recula jamais, pour arriver à son but,
devant les moyens les plus sommaires et, comme nous
dirions aujourd'hui, les plus arbitraires. Par exemple, le
fournisseur du pavé de Paris faisait-il attendre les maté-
riaux nécessaires au pavage de la rue Saint-Antoine, un
arrêt du conseil autorisait le maître paveur du roi à extraire
des carrières privées, en amont de Fontainebleau et ailleurs,
tout le pavé dont il avait besoin et à réquisitionner pour
son extraction, sa taille et son transport, hommes, voi-
tures, bateaux, chevaux et harnais '.
L'admiration, si légitime d'ailleurs, de Poirson pour
l'œuvre économique de Henri IV l'a peut-être encore con-
duit trop loin quand elle lui a fait dire " que tous les ponts
existant avant 1599 furent rétablis. Si l'on s'en tenait aux
documents authentiques et précis, cette assertion devrait
être limitée aux ponts de la Seine, de la Marne et de l'Yonne,
pour lesquels la dépense fut couverte au moyen d'un droit
de 15 sols (2 fr. 19) par muid de vin passant sous les ponts
de Paris ou transporté depuis ces ponts jusqu'à ceux de
Conflans, de Mantes, de Bonnières et de Beaumont-sur-
Oise ^. Il n'est pas douteux, toutefois, que l'activité de Sully
n'ait fait beaucoup plus et que l'affirmation si autorisée du
président Jeannin ne soit très près de la vérité. « Henri fit,
dit ce dernier, rétablir les ponts que la fureur des guerres
avoit démolis, en bâtir de nouveaux *... » Non contente de
relever les ponts en ruine, de débarrasser ceux qui restaient
encore debout des constructions parasites qui entravaient
la navigation % d'en édifier d'autres, l'administration du
1. Arrêt du 18 novembre IGOl. Bibl. nat. luss. Franc. 18165, fol. V11"XV.
2. 111, 360.
3. Arrêt du conseil du 24 janvier 1598. Palma Cayet, Chronologie septé-
naire, II, 282, année 1604.
4. A la mémoire de Henri quatrième dans Phiuppson, 1, 356, n° I.
5. Arrêt du conseil, novembre 1599. Bibl. nat. niss. Franc. 18165, f. 38, V.
180 PONTS.
grand voycr accueillit le projet dVii étal)lir sur toutes les
rivières aux endroits indiqués par les besoins. L'auteur de
ce projet, ('hristoplie ^larie, dont le nom est ri'sté attaché
à un pont de Paris, s"enL;ageait à construire en (juatrc mois
ceux qui lui seraient commandés. Pour se rembourser de
ses avances et s'assurer des bénéfices, il obtenait l'autorisa-
tion de percevoir, pendant quinze ans, un péage rachetable
par les populations. 11 se déclarait prêt à commencer les
travaux six mois après l'enregistrement de son })rivilègo
par les parlements du ressort \
Les détails qui suivent ne concernent que certains ponts
particuliers. Nous espérons, toutefois, qu'on ne les lira pas
sans intérêt, surtout à cause des lumières qu'ils jettent
quelquefois sur des questions générales.
Un arrêt du conseil du 27 septembre 1598 avait imposé
sur le Languedoc, pendant dix ans, une contribution de
0 000 écus (o6 997 fr. 1 8) destinée à achever le pont de brique
de Toulouse depuis longtemps en construction, mais les
états de Languedoc assemblés à Pézenas en lo99 avaient
commencé par réduire à 4000 écus (37 998 fr. 12) et à six
années la quotité et la durée de cette imposition, puis ils
en avaient, quelque temps après, sursis la levée pendant
leur procès avec la ville. Sur la requête de celle-ci, un arrêt
du conseil du 21 mars 1G02 rétablit l'impôt au chilTre fixé
par l'arrêt de 1598.
Les habitants de la Ferté-sous-Jouarre avaient présenté
requête au conseil pour faire contribuer les élections de
Meaux, de Coulommiers et de Château-Thierry aux frais
de la reconstruction du pont de la ville rompu pendant la
guerre civile. Ils faisaient remarquer que les grands chemins
qui mettaient le plus directement en communication Paris,
Chàlons, Metz et la Brie venaient y aboutir. Leur requête
1. Bibl. nat. mss. Franr, 18173, fol. 210 v».
PONTS. 187
fut renvoyée aux trésoriers généraux de France à Paris. Les
travaux, dont le devis avait été dressé par des maîtres jurés
maçons, charpentiers et d'autres métiers, furent adjugés
par les trésoriers généraux au prix de 2 462 écus 30 sols
(23292 fr. 12). Sur le vu de ces pièces, le conseil ordonna,
le 28 juillet 1601, que le tiers de cette somme serait levé
sur les habitants de la Ferté pour payer les réparations les
plus nécessaires et que le reste serait pris sur le fonds
affecté, dans l'état des finances de l'année suivante, à la
réparation des ponts et passages. Estimation, adjudication,
répartition des dépenses, on trouve là les principaux élé-
ments de la procédure suivie dans les entreprises de
travaux publics.
Les habitants de Grenoble avaient obtenu de Henri llf,
pour trois ans, un fouage d'un écu et demi « sur l'universel
dudit pays » pour refaire deux arches de leur pont. Ils
demandèrent à son successeur la confirmation de ce droit
que la guerre les avait empêchés de lever. Celui-ci le rem-
plaça par un octroi de la sols (2 fr. 19) à percevoir jusqu'à
concurrence de 2.jOO écus (23648 fr. 82") sur chaque charge
de vin entrant à Grenoble par terre ou par eau'.
Signalons enfin l'enquête ouverte par les trésoriers de
France de Soissons sur l'utilité de la reconstruction du
pont de l'Aisne détruit pendant les troubles-; l'autorisation
donnée aux habitants d'Orléans d'emprunter 12000 livres
(35075 fr. 19) pour réparer leurs ponts endommagés par les
crues de la Loire ; la restauration du pont d'Avignon com-
mencée en 1604 et à l'occasion de laquelle le roi reven-
diqua avec succès son droit exclusif de propriété^ ; l'achè-
vement du Pont-Neuf, commencé au mois de mai 1578,
ouvert à la circulation au commencement de 1604 et
1. Arrêt du 28 juillet IGOl.
2. Arrêt du conseil du 11 août ICOl.
3. Économies royales, Yll, 321 et suiv.
188 VOIES FLUVIALES.
terminé en 1G07' ; la construction du pont Marchand à
Paris commencé en 1398 et terminé en IGOS'; celle du
pont de Rouen commencé prol)al)lement en lilOi, date oii
il en est question dans léfat de la grande crue de la taille,
et terminé certainement en 1G08 '; la construction du pont
qui joint le faubouig de lîlois à la ville ; l'achèvement du
pont de Chatelleraull sur la Vienne commencé par Catherine
de Médicis; rétablissement du quai et du port de la Saône
achevée en 1609*.
Si améliorées que fussent les voies de terre, le commerce,
par une juste appréciation du beau réseau hydrographique
que les étrangers, depuis Strabon'', ont toujours considéré
comme un privilège de notre pays, conservait sa préférence
pour les voies Ihiviales. C'est pour nos ancêtres que le mot
de Pascal : « Les fleuves sont des chemins qui marchent » a
eu toute sa vérité. Mais ils marchent lentement et l'on sait
combien cette lenteur était aggravée, combien la batellerie
était entravée et découragée par la cupidité et l'incurie.
Nous avons à voir maintenant ce que Henri IV et Sully ont
fait pour développer la circulation par eau.
Les états généraux de finances dressés par le surinten-
dant nous ont déjà appris le nom d'un certain nombre de
cours deau dont son administration s'est occupée. Le Clain
et la Vesle, affluents de la Vienne et de l'Aisne, figurent
sur les états de 1605 et de 1609, la Vienne et l'Aisne sur
celui de 1609 seulement.
Les travaux destinés à rendre le Clain navigable depuis
1. Pai.ma Caykt, Ckronolofile septénaire, ^ii.Regislre-journal de Henri III,
l>. 100 et d'Henri IV, p. 415'.
2. Lettres patentes arcordont au sieur ^larchand l'autorisation de cons-
truire un pont à la place du Pont-aux-.Meuniers, janvier 1598. R''gistre-
journal d'Henri IV, 489.
3. Lettre de Henri IV à Sully, G septembre IGOS. Économies royales, \, 98.
4. Le voi/age de France .. par le sieur Du Verdikr, IG41, p. p. 143, '203,
203 de l'édit. de lf.G2. Judoci Sinceri Hinerarium (ialliu: 15S,
5. IV. I, '2. Voj-. notamment les relations de Dallin^'ton et de Carew.
VOIES FLUVIALES. 189
Poitiers jusqu'à son confluent dans la Vienne furent ad-
jugés, le o juillet 1605, pour J 89000 livres (552434 fr. 29).
Le 19 octobre 1609, ils étaient visités par deux trésoriers
généraux de France en Poitou qui s étaient assurés que,
dès l'année précédente, la rivière avait été livrée à la
navigation qui s'y était opérée d'une façon satisfaisante'.
Les contemporains de Henri IV avaient pu voir les
vestiges du canal latéral do Braine qui, commencé par
François V% achevé par Henri II, avait rendu la Vesle
navigable depuis Reims jusqu'à son embouchure dans
l'Aisne. L'abandon dont toutes les entreprises d'utilité
publique avaient soufTert pendant les guerres civiles, avait
laissé combler ce canal. Henri IV voulut restaurer
l'œuvre de ses prédécesseurs. De 1599 à 1609 les documents
nous montrent qu'on y travaille. En 1599 une commission
est nommée pour étudier le terrain, examiner les projets,
dresser les devis. Les principaux habitants de Reims sont
consultés sur les meilleurs moyens de réussir. On procède
à de nouvelles expertises, à de nouvelles études prépara-
toires. La direction des travaux est confié à Thomas
Cauchon, sieur de Vezernay, trésorier général de France.
En 1605 on s'occupe de faire porter bateaux à la rivière
jusqu'à Sillery. Sa canalisation figure dans le budget des
travaux publics de cette année et dans celui de 1609. H
semble bien qu'elle a été conduite à terme et qu'il faut
compter la Vesle au nombre des rivières, que Henri IV
a ouvertes à la navigation -.
1. Procès-verbal de la visite du Clain dans Boncenne, De la nacigaf-ion
du Clain et de sa jonction à la Charente et à la Sevré Niortaise, Poitiers,
1807. Pièces justif. n» III. De la Mahsoxmép.e, La navigation du Clain dans
Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 2<= série, t. VIII (1896).
Et oiiin quidem propter obices inculta erat, nunc, iliis remotis, navigatur.
Pap. Masson, Descriplio flutninuui Galliœ (1G18), p. 89. Vig.\o.n, I, Cl. Dela-
lande, p. 388. Expilly v Clain.
2. St. Prioux, Hist. de liraine (1816) p. 188-191. Mémoires de Passot, 89-
118. Aujourd'hui la Vesle n'est pas navigable mais il ne faut pas en conclure
qu'elle ne l'a pas été autrefois. Certains cours d'eau, jadis navigables, ont
190 VOIES FLUVIALES.
Il faut aussi y mettre la Vienne. Deux contemporains,
qui écrivaient l'un et l'autre quelques années après
Henri IV, Papire Masson et le voyageur allemand Zinzer-
ling sonl d'accoril pour aflirmer quelle (Uait navigable, au
moins depuis Chàtelleraull '. Les Iravaux de canalisation
dont cette rivière avait été l'objet et qui sont portés
sur l'état général des tailles de 1009, avaient donc
abouti. Le Limousin y gagna une voie de commu-
nication fort avantageuse avec la région de la Loire.
Il en avait grand besoin. De môme que les relations entre
ses diverses parties étaient rendues difficiles par sa
configuration physique, il restait, dans son ensemble, isolé
des autres provinces et, pour le placement de son plomb,
de son fer, de son bois, de son cuivre, de son papier, il
n'avait pas d'autre marché que la région des Charentes, où
il était obligé de transporter ces produits à grands frais par
charrois et par mulets. Ce n'est pas seulement sur la région
de la Loire qu'on songea à lui créer un débouché, on
voulut aussi lui ouvrir un accès sur le Périgord, la Guyenne
et son littoral en rendant la Vénère navigable jusqu'à son
confluent avec la Dordogne. Au moment où la proposition
en fut faite, en 1606, l'entreprise j)arut trop lourde pour les
finances royales. Elle fui soumissionnée successivement
par le lieutenant général du roi en Limousin, le sieur de
Châteauneuf puis par un sieur de Lobriac et ses associés.
Le premier obtenait, pendant quinze ans, le monopole du
transport des bois ouvrés par la rivière, le second la con-
cession exorbitante de percevoir, pendant vingt, sur la
été délaissés pnr le commerce depuis que le développement du roulage,
sans parler de rextension plus tardive des voies ferrées, a rendu les trans-
ports par terre plus économiques.
1. Ilic vero [à Gliàtellerau'.l] navigiorum paticns Vigenna esse iuripit.
Pap. .Masson, fJcsctiplio flum'inum Gtdlin-. 1018 p. 89. Inlluunt ipsum [la
Loire] potissimi lluvii navigabiles : Elaver... Garus... Indrus, VigeJina, Lera
et Meduana. Jo^/oc( .S<«ce/-t lineravium Galliw (IGIC). Préface.
VOIES FLUVIALES. 191
navigation, des droits arbitraires \ Nous ne savons si les
travaux furent commencés.
Il y a encore une rivière qui a profité de la grande crue
dont Sully nous a sommairement indiqué l'emploi, c'est
l'Aisne. Quelles ont été l'importance et l'efficacité des travaux
entrepris pour améliorer son cours? C'est ce qu'aucun
document n'est encore venu nous apprendre'.
Dès 1393, le projet de canalisation de l'Orne, d'Argen-
tan à Caen, était à l'étude. Le 24 juillet de cette année, le
conseil donnait commission à Josué Gandouin, architecte
ingénieur, de relever le cours de cette rivière. Le procès-
verbal de cette visite, rédigé le 15 octobre, présentait
l'entreprise comme peu onéreuse. Néanmoins elle ne fut pas
exécutée ^
Un arrêt du conseil du 28 mars 1601 ordonna aux
trésoriers de France à Cliàlons de faire inspecter par l'un
d'eux, assisté d'experts le cours de la rivière de Bar-en-
Rethelois pour rechercher les moyens de la redresser,
d'empêcher ses inondations et de lui faire porter bateaux.
Deux ans plus tard, un autre arrêt du 31 juillet 1603
imposa aux riverains, pour son curage entre Buzancy et
Saint-Aignan, une taxe de 9 000 livres (26 306 fr. 39).
C'était vraisemblablement pour la faire servir à la jonc-
tion de l'Aisne et de la Meuse qu'on voulait rendre la
i. Arrêt du conseil du 17 août I60G. Collection des Arch. nationales.
2. Il n'est pas inutile de dire, comme acheminement à la solution de la
question, ciu'en 1041 l'Aisne était navigable depuis Pontavert (Aisne, arr.
Laon, c. NeufcbàteH, tandis qu'rn 1G98 elle ne l'était qu'à partir de Soissons,
exemple nouveau du recul subi sur plus d'un point par la narigabilité et
indice que, du temps de Henri IV, elle a peut-être été assurée au delà de
Pontavert. Cf. Le voyage de France par le sieur Du Verdier. (La pe édition
est de 1641) et État de la France. Champar/ne.
3. Mémoires de Groulart, 1G02. Coll. Michaud, XI. Mémoire imprimé sur
le projet de navigation de l'Orne depuis Arr/entanjusqu\ï soji embouchure au-
dessous de Caen, par B., ingénieur hydrographe du roi, 1750. Arch. nat.
Fi'I42. La>'ge, Mémoire sur le port deCuen, dans Mém. de la Société d'agri-
culture et de commerce de Caen, 1827.
10-2 VOIES FLUVIALES.
Bar navigable; on aurait donc fait par là le premier pas
dans la voie qui devait mener à la création du canal des
Ardennes. Mais rien n'indique <jue cxis mesures prélimi-
naires aient elles-mêmes été suivies d'exécution*.
Ce n'est pas, au contraire, à un de ces projets, dont
l'accomplissement reste quelquefois douteux, que nous
avons afTaire pour le Cher. La canalisation de cette rivière,
de Saint-Amand à Sainl-Florent, était, en 1G()6, en voie
d'exécution. L'entrepreneur s'appelait Nicolas du Crocq.
En d616 le Cher est classé par Zinzerling parmi les
rivières navigables".
L'Kure et l'Ourcq furent ouvertes à la navigation, la
première quelques années avant 1603, la seconde un peu
avant 1609 ^
La commission du commerce patronna chaleureusement
la proposition de rétablir, de la Fère à Cliauny, la naviga-
tion de l'Oise, interrompue, depuis l'origine des troubles,
parla rupture des batardeaux et des écluses. Le gouverneur
de la Fère, le sieur de Manicamp, s'était fait, auprès de la
commission, l'avocat de cette entreprise qui devait permettre
l'échange des blés, des bois, du merrain, des ardoises, des
fers et des toiles du Yermandois et du Laonnais avec les
vins et le sel des provinces plus méridionales. Fn l'absence
d'un capitaliste capable de faire les avances, il proposait
de recourir à une taxe sur les marchandises transportées
1. Arr(''ts du Conseil et Lac.ulle, Len orlf/ines /lialoriqiies du cannl dea
ArdeniH's.
2. Arn'ts du conseil du IG novembre ICOG et 18 septembre 1G07. Jodoci
Sinreri Uinerarium. . . Pré/ace. En 1C98 le Cber n'était navigrible qu'à
partir de Vicrzon {lUal de la France, III. Généralité d'Orléans). Sur ce
point encore il semble donc y avoir eu recul.
3. <i ... l'Eure rendue navigable depuis quelques années par artifices
d'écluses. » Description de la Fiance [parTiiÉoD. de .Mavkiine Tuniji et], HMô,
La dédicace est de 1G0.3 « la rivière d'Ourcq faite navigable de fraiclic
mémoire, portant bateaux plus longs que larges...» Du Cmi;sne, Les anti-
quités et recherches des villes... delà France, 1048, p. V-ïi. La première édi-
tion a été publiée en IGOO.
VOIES FLUVIALES. 193
par la rivière ou à une imposition directe sur les commu-
nautés appelées à profiter de cette navigation. Il suggérait
l'idée de confier la direction technique du travail à un
Flamand expert, comme beaucoup de ses compatriotes,
dans les travaux hydrauliques ou au maître des œuvres de
Vermandois. La commission adopta la pensée de demander
aux contribuables des généralités de Paris, d'Amiens et de
Soissons la somme nécessaire. Malheureusement l'affaire
traînait au conseil, oii personne ne voulait la rapporter. Les
commissaires pressèrent M. de Caumartin de la faire mettre
à l'ordre du jour et recoururent au grand voyer lui-même.
Un Picard, le sieur Blondeau, conseiller au parlement,
insista sur les avantages de l'opération, que sa connais-
sance du pavs lui permettait d'apprécier mieux que per-
sonne, pour obtenir qu'elle fût poursuivie jusqu'à Guise, ce
qui ne coûterait pas beaucoup plus. Cette extension devait,
disait-il, ouvrir le marché de Paris à une population réduite
jusque-là à commercer avec l'étranger, dont elle était
limitrophe, ou à vendre à vil prix, diminuer entre elle et
ses voisins, sujets du roi d'Espagne des relations qui, à la
longue, affaiblissent le patriotisme et faire de l'Oise une
barrière pour notre pays entièrement ouvert de ce côté.
Chargé dune enquête sur les voies et moyens, Blondeau
rapportait des lieux la conviction que le rétablissement' de
la navigation de l'Oise était encore plus facile qu'il ne
l'avait cru. Les populations et notamment les habitants de
Guise, qui avaient tant à y gagner, otTraient de contribuer
aux dépenses. Bradley mettait son expérience au service de
l'entreprise, la commission multipliait les expertises, cor-
respondait avec les gouverneurs et les municipalités pour
obtenir leur concours*. Tout semblait donc favoriser ce
1. Séances de la commission du 10 décembre 1C02, 7 janvier, 12 dé-
cembre 1603, 3 février, 13 avril, 4 mai, 23, 27 et 29 juillet 160i. Comptes
raidus, 36, 38, 48, 50. Recueil de ce qui se pas^e... dans Cimber et Danjou,
13
194 VOIES FLUVIALES.
projet. Pourlaul, ti en juger par le silence qui se fait tout
d'un coup à son égard, on le croirait tombé dans l'oubli.
Cet oubli, du moins, n'a pas été définitif ni peut-être bien
long car nous savons qu'en 1655 l'Oise était navigable du
pont de Jieautor au pont de Cbauny '. Or que le rétablisse-
ment de la navigation, dans celte partie de son cours, ait
été accompli sous Henri IV ou sous son successeur, il faut
toujours faire une larg(^ part, dans l'exécution, et àson gou-
vernement et à l'appui de ro])inion locale et contemporaine.
A la suite de travaux commencés dès 1571, la Vilaine
avait été ouverte, depuis 1584, à la navigation. Sa canali-
sation avait été exécutée par une société qui avait obtenu,
pourcinqans, en vertu de son cahier des charges, le monopole
du produit de la batellerie et elle avait abaissé le prix des
transports à un chiffre douze fois inférieur aux transports
par terre. Ce produit fut anéanti, en même temps que le
commerce de la rivière, par les guerres civiles; le matériel,
les bateaux, les travaux d'art furent détournés et détruits.
Pour indemniser la société, Henri IV lui accorda, pendant
quinze ans puis pendant cinq, la prorogation de son privilège -.
Les voies navigables ont eu, dans le mouvement com-
mercial, au temps de Henri IV, une part proportionnelle-
ment plus considérable qu'au siècle dernier et de notre
temps. Plus d'un cours d'eau qui, sous son règne, était
animé par le passage des bateaux, l'embarquement et le
débarquement des marchandises, la population et les
établissements que la navigation attirait sur ses bords,
a été reconquis par la nature qui a éteint dans le calme
XIV, 238, 239. Palma Cayet qui a co|)i(} le recueil dans sa Chron. septé-
naire, 283.
1. Matto.n, Canalisation de COise et de la fausse Sambre sous Louis XIV
dans Bulletin de la Société académique de Laon, XVI I8C7).
U. AiTÔts du conseil d'État du 30 mars IG(I2 et du 21 juillet IGO'J. Mss.
franc. 1810(5 à la date et Arch. nat. Collectioi des arn'ts du conseil. Levot,
Précis sur /a canalisation de la Dretofjuc. Annuaiie <le Brest et du Finistère
(1845), p. 9.-..
PROJET D'I'MON DES DEUX MERS. 195
et la solitude l'agitation et le bruit d'autrefois. Sur certains
cours d'eau qui sont restés navigables, la navigation a reculé
devant les circonstances nalurclles et sociales qui tendaient
toujours à l'entraver. Ainsi la Seine qui n'y est plus acces-
sible qu'à partir de Méry, aurait été, d'après Grosley',
parcourue, en amont de Troyes, par une batellerie fort
active. La Loire portait bateaux sur un parcours de plus de
cent soixante lieues. Si son chenal n'était pas assez profond
pour laisser ceux d'un fort tonnage remonter son estuaire,
ceux de deux cents et trois cents tonneaux pouvaient le
faire-. Dès la fin du xvii'' siècle, elle ne l'était plus pour
les bateaux pontés et quilles que jusqu'aux Ponts-de-
Cé^. Le nombre des rivières navio-ables s'élevait à cent vin^î
et il y avait, en outre, une foule de cours d'eau flottables *.
L'amélioration des routes et du roulage, la renaissance
des abus qui avaient paralysé les transports par eau et
qu'une législation énergique avait réussi à contenir et à
réprimer ', déterminèrent la préférence du commerce pour
les voies terrestres et l'abandon relatif des voies fluviales,
envahies, du jour où elles ne furent plus défendues par
une incessante surveillance et un entretien continu, par
les empiétements des hommes et de la nature.
Le gouvernement de Henri IV ne se contenta pas
1. Groslky, Mémoires historiques et critiques sur V histoire de Troyes,
éd. 1812, 1,24.
2. [Le P. Mathias de Sniiit-Jean, prieur des Carmes de Nantes, dans le
siècle Jean Eon], Le commerce lionorable ou considérations politiques conte-
nant les motifs d'hotineuret de profit qui se trouvent à former des compagnies
de persoîuies de toides conditions pour l'entretien du commerce de mer en
France, composé par un habitant de la ville devantes, 4. Nantes, Guill. Le
MoNNiER, 1G4G. PP. 317, ^22. Cf. Annales de la Société académique de
Nantes..., XXV (LS.î'j), p. 73. Gallouedec, La Loire navigable, dans Annales
de géograpliie, 15 janvier 1897.
3. Godard Falltrier, Commerce des Hollandais en Anjou dans Mémoires
de la société d'agriculture, sciences et arts d'' Anjou. XXXVIIL
4. « Nous avons six vingts rivières navigables et infinis bons ruisseaux. »
Le manifeste françois contre la trop grande présomption des Espagnols, 1624.
5. Chevalier, Navigation commerciale de la Loire au XV^ et XVl" siècles.
Cbi supra. Delalande, Des canaux de navigation, 1778.
196 CANAL ENTRE LA GARONNE ET L'AUDE.
d'aiigmonter le mouvement de la batellerie en améliorant
le cours de nos voies tUiviales et en reliant par des canaux
latéraux celles qui appartenaient au même bassin, il
entreprit de faire communiquer par des canaux à point
de partage de? bassins dillérenls et même d'établir, entre
les deux mers dont la France est baignée, une ligne de
navigation intérieure ininterrompue.
Pour accomplir ce dernier dessein, également grandiose
par les diflicultés et les résultats, deux systèmes furent
imaginés. L'un consistait à unir la Méditerranée et lOcéan
par un canal se dirigeant du midi au sud-ouest. Ce canal
avait l'avantage dopérer la jonction des deux mers de la
façon la plus directe et la plus économique, mais il n'ame-
nait les vaisseaux que dans le golfe de Gascogne, c'est-
à-dire fort loin encore de la Manche et de la mer du Nord.
Le second système, beaucoup plus largement conçu,
faisait pénétrer la ligne de navigation dans le centre du
pays, d'où elle se ramifiait en trois réseaux secondaires,
l'un aboutissant à l'Océan, l'autre à la Manche, le troisième
à la mer du Nord. La Saône, la Loire, la Seine et la Meuse
mêlaient leurs eaux pour concourir à son établissement.
Commençons par nous occuper du premier projet, de
celui qui a été réalisé par le canal du Languedoc; c'est à
lui (juon a songé d'abord et, comme il n'est pas même
entré, sous Henri IV, dans la période d'exécution, il ne
nous arrêtera pas longtemps.
Presque tout ce que nous en savons, nous le devons à
la lettre écrite par le cardinal de Joyeuse au roi le
2 octobre lo98. Lorsque le cardinal partit pour Rome
où il était appelé par ses fonctions de protecteur de France,
Henri lui demanda de s'enquérir sur sa route des voies
et moyens pour parvenir à la création du canal des Deux-
Mers dont le projet lui avait élé soumis. C'est le résultat
de cette enquête que ce prince de l'Eglise nous fait con-
LIGNE DE NAVIGATION INTÉRIEURE PLUS ÉTENDUE. 197
naître. Pendant que le roi s'entretenait de la question
avec le célèbre ingénieur, Louis de Foix, qu'il avait
mandé pour cela auprès de lui, le cardinal faisait venir
un élève d'Adam de Craponne, Pierre Reneau, de Salon,
l'interrogeait sur ce que son maître lui avait dit d'une
entreprise dont il avait fait la proposition à Catherine
de Médicis et l'envoyait en étudier sur le terrain la
réalisation. 11 consultait en même temps tous ceux qui
pouvaient lui fournir des renseignements utiles. Tous
les gens compétents s'accordaient pour dire que la
Garonne et l'Aude étaient les deux rivières que le canal
projeté devait mettre en communication. Son tracé ren-
contrait une difficulté naturelle. Sur les quatorze lieues
qu'on devait lui donner, il fallait lui en faire gravir six ou
sept pour amener les eaux aux Pierres de Xaurouse, point
le moins élevé de la chaîne des Corbières qui sépare les
deux bassins de la Garonne et de l'Aude. Reneau triomphait
de cette difficulté en empruntant non k la Garonne mais
à l'Ariège qui coule plus haut que les Pierres de ^^aurouse
les eaux nécessaires à l'alimentation de son canal et en
les grossissant de certaines sources de la Garonne emma-
gasinées dans un autre canal dune lieue allant du
château Saint-Michel au col de Naurouse. Grâce à cette
masse d'eau répartie sur les deux versants, les bateaux
monteraient de la Garonne par des écluses à sas jusqu'à la
ligne de partage et franchiraient celte ligne pour descendre
dans l'Aude ou opéreraient en sens contraire le passage d' un
bassin dans l'autre. Au dire des gens de l'art, il suffirait
de donner au canal six pieds de profondeur pour lui faire
porter des bateaux plats chargés de mille quintaux. Les
dépenses, y compris les expropriations, étaient évaluées à
600000écus(5699718fr.97)etladuréedutravail^deuxansi.
l.PoiRSo:^, Histoire de Henri IV, III, 393 et suiv. et Documents sur les voies
de navif/ation par eau, IV, ii» 4. Delxla'sde, Des canaux de 7iavigation, 1778.
198 lANAF, ENTRE SEINE ET LOIRE.
Peu à peu le projet du canal de la Garonne et de
l'Aude était délaissé pour la ligne de navigation dont la
création était la solution la plus coûteuse mais aussi la
plus féconde du problème de l'union des deux mers. Ce
projet pourtant conservait encore des partisans. En 1604
la commission du commerce s'en occupait, et celui qui
l'en avait saisi faisait valoir qu'il pourrait être exécuté
en un an et pour une somme qui ne dépasserait pas
40 000 écus (371)1181 Ir. 26), tandis que le canal entre
Loire et Seine, auquel on travaillait, demanderait trois ans
et coûterait 180 000 écus (170991S fr. 69) \
La ligne de navigation qui tendait à obtenir la préférence
devait être établie par la jonction de la Seine et de la Loire,
de la Loire et de la Saône, de la Saône et de la Meuse.
Son importance saute aux yeux : elle assurait la commu-
nication entre le bassin de la Méditerranée et celui de
l'Océan, sur toute l'étendue de notre littoral océanique.,
ainsi qu'avec les mers qui en dépendent et qui baignaient
les pays les plus industrieux de l'Europe, et elle l'assurait
par la France. Sully, qui fut le grand instigateur de cette
belle entreprise, estimait que, par le déplacement du transit,
elle pourrait faire perdre à l'Espagne deux millions d'écus
de revenus (18999063 fr.) et les faire gagner à notre pays-.
Son exécution éviterait un voyage de cinq ou six mois
le long de la péninsule ibérique, dans une mer infestée
de pirates et le passage du détroit de Gibraltar dont
l'Espagne avait la clef \
Le grand voyer se mit de suite à l'œuvre. 11 commença
par la construction d'un canal entre la Seine et la Loire.
1. ... there has beeu a speech of iiiaking a canal fioiii Ihe Garonne to
Rhône [Lise: : Aude], which by Agde lunneth into the Mediterrancau «ea
but now Ihe conceit is quite over... Carew's lielalinn dans Hirch. Paimuf.
Masson, Descriplio lluminum Galliœ, 1618, p. 191.
2. Économies roi/aten, VII, 45.
3. Relation d'Aug. Badoer {IGO:j-ICOô) d.ms Hakozzi et Ijehciieï, 11,83.
CANAL ENTRE SEINE ET LOIRE. 199
C'était une attention pour la capitale, à l'approvisionnement
de laquelle ce canal devait servir '. 11 alla plusieurs fois
lui-même sur les lieux pour se rendre compte des moyens
d'exécution ^. Les difficultés étaient grandes, car c'était le
premier canal à point de partage. L'entreprise fut soumis-
sionnée par Hugues Cosnier, le 11 mars 1(104, au prix
de oOoOOO livres (1 47(j 081 fr. 06). L'adjudicataire s'enga-
geait à terminer le travail en trois ans et obtenait l'exploi-
tation des moulins démolis et reconstruits par lui, le pro-
duit de la pêche dans le canal et l'autorisation de planter
et de cultiver sur ses levées les mûriers dont il avait
entrepris la fourniture pour tout le royaume. 11 dépensa en
trois ans ISOOOOécus (1709915 fr. 69) c'est-à-dire 35 000 li-
vres (102 302 fr. 64) de plus que le prix de l'adjudica-
tion, auquel étaient venues probablement s'ajouter cer-
taines allocations ^ Les travaux avaient absorbé plus de
300000 ôcus (3033934 fr. 54) lorsqu'ils furent interrompus
par la mort du roi. Bien qu'ils fussent presque terminés,
le gouvernement de la régence, qui se souciait peu des
œuvres d'intérêt public et auprès de qui Sully n'était pas
en faveur, les laissa dans l'état où il les avait trouvés \ Ils
ne furent repris qu'en 1638 et le canal ne fut ouvert qu'en
1642. Il partait de la Loire, près de Briare qui lui a donné
son nom et, passant par Châtillon, joignait à Montargis le
Loing qui se jette dans la Seine près de Moret. 11 fran-
chissait, à l'aide de trente-trois écluses, les collines qui
séparent les bassins de la Loire et de la Seine ^
Pour se rendre compte du profit que le commerce pou-
1. DuTENS, Histoire de la navigation ititérieure, I, 84.
2. Économies royales, VII, 316.
3. Recueil... n» 33. Paljia Cayet, Chronolof/ie septénaire, 283. Arrêts du
conseil du 14 mars 160G et 6 février 1610, Bibl. nat. mss. Franc. 18170,
fol. 1G3. 18177, fol. 1.5;).
4. J. A. Tliuani Historia, IV. 237.
5. En 166.5 Fléchier en comptait quarante-trois. Mémoires sur tes Grands
Jours d'Auvergne, 1862, in-8, p. 307.
200 PROJETS d'autres CANAUX..
vait tirer de ce canal, il faut songer aux riches contrées
que traversent ces deux fleuves, aux produits naturels et
industriels que la Loire et son principal aflhienl, l'Allier,
vont chercher dans la région du plateau central et amènent
sur les marchés d'Orléans, de Paris et de Nantes : charhons
de Saint-Étienne' et quincaillerie du Fore/, coutellerie du
Bourbonnais, denrées agricoles et bétail de l'Auvergne,
vins et bois de la Bourgogne et du Nivernais, fers et bêtes
à laine du Berry, marchandises exotiques débarquées à
Marseille et attirées vers cette route par la crainte de la
douane de Lyon; il faut songer encore à la richesse agricole
de la Normandie et de la Beauce, aux ports de la basse
Seine où venait s'emmagasiner pour l'exportation l'excédent
de la consommation intérieure.
La jonction de la Saône et par suite du Rhône avec la
Loire formait le second tronçon de la grande ligne de
navigation intérieure qui, sauf un transport par terre d'une
demi-journée de Lyon à Roanne, devait se raccorder sans
solution de continuité à la navigation maritime. Les plans
en furent arrêtés sous Henri lY - mais ce ne fut que
longtemps après, de 1783 à 1793, que le dessein en fut
réalisé par la création du canal du centre ou de Charolais
de Chalon-sur-Saône à Digoin '.
Le troisième tronçon, qui devait former le rameau du
Nord-Est et assurer la communication entre la Méditer-
ranée et la mer du Nord par la jonction de la Saône et de
la Meuse, ne donna même pas lieu à des études prélimi-
naires et la pensée n'en fut pas recueillie par l'avenir (jui.
pour atteindre au même but, eut recours à d'autres moyens.
Henri IV fil aussi étudier le projet d'unir la Saône et
l'Yonne. 11 visait ainsi à ouvrir une nouvelle communication
1. l'Ai'iUE Masson, Descriptio flui/iinum Galliw, IC.I8.
2. Relation de Badoer. U/A supra,
.3. Dltens, Histoire de la navigation intérieure.
GRANDEUR DE L'ŒUVRE DE CANALISATION. 201
entre le bassin de la Seine et la Bourgogne et préludait à
la création du canal de ce nom, dont Saint-Jean-de-Losne
et Joigny forment les points extrêmes. On chercha à se
servir de l'Ouche qui passe à Dijon et se jette dans la
Saône à Saint-Jean-de-Losne. On se livra, sous la direction
de Jean Bradley, maître des digues du roi, à un examen
du cours de cette rivière, dont le résultat fut consigné
dans un procès- verbal du 28 mai 160G. Cet examen fit
reconnaître combien il serait difficile de rendre lOuche
navigable, et on songea alors à creuser un canal latéral
à cette rivière. Bradley sotTrit à l'exécuter en dix-huit
mois movennant 120000 francs (374135 fr. 40), à con-
dition que la ville de Dijon prît à sa charge l'acqui-
sition du terrain ^ Pour obtenir la somme nécessaire à
la construction du canal de Dijon à la Saône, un arrêt
du conseil du 17 août 1600 établit un droit de 40 s.
(o fr. 83) par emine sur la farine vendue dans cette ville.
En 1007 Sully fit procédera une nouvelle visite des lieux.
On songea aussi à emprunter le cours de l'Armançon qui
se jette dans l'Yonne au-dessus de Joigny et on en releva,
à ce point de vue, les particularités. Mais les expertises et
les devis des hommes de l'art ne mirent pas en mouvement
la pioche des terrassiers et ce ne fut pas avant 1775 que
les plans adoptés sous Henri lY furent appliqués à la
création du canal de Bourgogne.
Du réseau de navigation intérieure dont ce prince avait
voulu doter la France il ne laissa pas une seule partie achevée
et livrée à la circulation. Son nom, celui de Sully n'en
doivent pas moins rester attachés à tout ce qui s'est fait
depuis dans cette voie. La destinée économique d'un pays
est écrite dans sa constitution physique avant d'être déter-
minée par les aptitudes de sa population. La place à la
1. DcTExs. Opiis laucL, I, 367.
202 TRANSPORTS PUBLICS PAR TERRE.
fois centrale et excentrique de la France en Europe, son
caractère en partie continental et en partie nuirilinie, la
multiplicité et le voisinage de ses cours d'eau qui semblent
se rapprocher pour s'unir, la désignaient comme l'inter-
médiaire des échanges entre les diverses nations de l'Eu-
rope, comme le carrefour de ses voies commerciales les
plus fréquentées. Henri IV et Sully eurent conscience de
sa vocation économique et, pour la mettre à môme de la
remplir, ils firent revivre le projet d'un canal du Midi déjà
conçu sous les règnes précédents et ne l'altandonnèrenl
que pour en adopter un plus vaste et plus fécond, qui
ouvrait des issues au commerce français et au commerce
de transit sur une autre partie du littoral océanique, sur
la -Manche et sur la mer du Nord. Et ils ne se bornèrent
pas à l'adopter, ils en entamèrent l'exécution avec tant
d'ardeur et de méthode que l'avenir n'eut le plus souvent
qu à reprendre les données et les plans nés de leur inspi-
ration ou éclos sous leur patronage.
Quels étaient, sur les chaussi'es rempierrées, pavées et
devenues plus sûres, sur les cours d'eau canalisés et débar-
rassés des entraves à la navigation, les moyens de trans-
port ou, pour nous exprimer d'une façon plus précise, les
moyens publics de transport, les seuls dont le commerce
dans sa généralité pût se servir? C'est ici peut-être plus
que partout ailleurs que la vie sociale et économique de
notre temps semble différer le plus de celle de nos ancêtres
et qu'on a peine à ne pas sourire de la lenteur des déplace-
ments et des échanges d'autrefois, quand on la comj)are au
mouvement rapide et perpétuel de marchandises et de voya-
geurs qui nivelé aujourd'hui les prix, les idées et les mœurs.
Le premier service de voitures publiques avait été créé
sous Charles IX'. Par lettres i)atentes du 10 octobre 157^,
l. Les mcssrigcries de l'Université de Paris existaient di'jà, mais elles ne
servaient au public qu'accessoirement.
TRANSPORTS PUBLICS PAR TERRE. 203
Henri III avait accordé à Antoine-Philibert de Cardaillac,
sieur de Capeile, maréchal de Qnercv, le privilège des
messageries de Paris, Orléans, Troyes, Rouen et Beauvais.
Aux états de Blois de 1376 et de 158(S, le tiers avait
demandé la suppression de ce monopole '. La façon dont
ces entreprises étaient exploitées n'offrait, en efïet, aux
voyageurs et aux expéditeurs ni sécurité ni économie. Les
voituriers ne savaient pas leur métier, les transports
n'étaient pas tarifés, libre carrière était laissée aux exac-
tions.
Certaines municipalités avaient organisé des messageries
qui présentaient plus de garanties. Dans sa séance du
24 mars 1588, le capitoulat de Toulouse homologua un
règlement présenté par le syndic des messagers jurés de
cette ville pour trois services périodiques dont elle était le
point de départ : l'un pour Paris, l'autre pour Lyon, le
troisième pour Bordeaux. Chacun de ces ordinaires partait
tous les quinze jours. Il emportait les lettres et les paquets
déposés au bureau des messageries et les distribuait aux
destinataires. La durée réglementaire du trajet entre
Toulouse et Paris était de quinze jours dans la bonne saison
et de seize dans la mauvaise, en comptant le jour du départ
et celui de l'arrivée ; entre Toulouse et Lyon, il était de
huit et de neuf jours, entre Toulouse et Bordeaux de cinq.
Une réduction était prévue pour le cas où, la paix étant
rétablie, la circulation deviendrait plus facile. Le tarif
était de 8 sous (1 fr. 26) par once pour la première destina-
tion, de 6 sous (0 fr. 94) pour la seconde, de 4 sous (0 fr. 63)
pour la troisième. On s'en rapportait, pour le percevoir,
à l'indication du client écrite sur la lettre ou le paquet,
mais, au cas oii cetle indication paraissait inférieure à la
réalité, le port était taxé par le maître du bureau -.
1. Picot, Histoire des étals généraux, III, 29, 203-204.
2. Orig. Arch. de la chambre de commerce de Toulouse.
204 TRANSPORTS PUBLICS PAR TERRE.
Par un édit d'avril 1^94 Henri IV créa un surintendant
p'néral en titre doliice de tous les coches publics \ Ses
attributions consistaient à faire observer le règlement et
le tarit' (jui seraient arrêtés jiaj- le prévùl de Paris et à
veiller sur le choix des voituriers et des chevaux comme
en i^énéral sur le service -, L'arrêt d'enregistrement du
parlement de Paris, rendu sur lettres de jussion le
i'2 mai toO.'l. lixa le prix des places à un écu un quart
(M fr. S7) pour le transport de Paris à Orb'ans, Itouon et
Amiens aller et retour. Il imposa au surintendant des
coches l'obligation de faire deux fois par mois et plus
souvent, si cela était nécessaire, rapport à la police sur les
abus de l'exploitation.
l*ar cet édit Henri IV n'avait l'ait que soumettre au
contrôle du gouvernement des entreprises privées, il
n'avait pas fait des messageries un service public. Elles
n'étaient devenues, par suite de ce contrôle, ni plus
nombreuses ni môme beaucoup plus commodes. Quelques
lignes seulement continuaient à être desservies. L'institu-
tion ne s'améliora pas quand la liberté fut remplacée par le
monopole, adjugé au plus oH'rant ou concédé k la faveur \
En dehors des messageries, le public pouvait recourir à
la poste aux chevaux, qui était fort chère et ne transpor-
tait pas de marchandises, et à des relais créés par l'in-
dustrie privée et dont l'existence est constatée par l'édit
1. Les coches étaient des voitures couvertes à r|ualro roues.
2. IsAJiBEiiT. XV, 88-80.
:j. « ... Lcd. contrat par lequel S. M. auroit vendu, avec [)ronjesse de
garantie, à Pierre le Lorain. à faculté de rachat perpétuel, le droit et ferme
de tous les coches etcarosses publiques de son royaume établis ou à établir...,
avec inhibition... à tous autres d'en établir, moyennant le prix de...
Ô4000 écus ;.S 12974 fr. 71 ... Kaitdeiïenses aux d. charrons, carrossiers et tous
autres de louer carrosses, coches, charrettes et chevaux, soit pour les d. che-
mins de traverse ou autrement, sans le congé... de lad. dame; Anne de Bueill...
lad. dame... sera tenue... acheter les coches et carrosses ou charrettes..,
à présent en la possessidn desd. carrossiers et charrons selon... l'esti-
malion... au dire de j;ensà ce connaissant dont les parties conviendront
Au conseil 20 décembre 1G08. l?ibl. nat. mss. Franr., 1817 i, f. 200 v".
TRANSPORTS PUBLICS PAR TRRRE. 20a
de mars lo97 ', qui a pour objet do les organiser el de
leur donner un caractère ofiiciel. Le pays soutirait d'autant
plus de cette pénurie de moyens de transport que les
guerres civiles avaient privé beaucoup de particuliers de
leurs chevaux. L'édit de mars V.\d~ avait ])our but, on se
le rappelle, aussi bien d'en fournir à l'agriculture, dont les
bêtes de trait avaient été réquisitionnées et volées par les
gens de guerre que de faciliter les transports. Nous avons
déjà signalé son intérêt pour les cultivateurs, parlons
maintenant de ses avantages pour le commerce.
Cet édit établissait sur les grands chemins et les chemins
de traverse des relais séparés par la distance d'une traite ou
journée c'est-à-dire de douze à quinze lieues. Leur exploi-
tation devait être mise en adjudication par les deux géné-
raux des relais créés en titre d'office aux gages de 300 écus
(4 749 fr. 76) chacun. Les adjudicataires, revêtus du titre
de maîtres jjarticullers des relais, étaient tenus d'avoir dans
leurs écuries le nombre de chevaux jugé nécessaire par
les commissaires du gouvernement et de les louer, au tarif
légal, pour le transport des Aoyageurs et des marchandises,
le halage des bateaux et le travail des champs. Ces chevaux
étaient marqués d'une H fleurdelisée, déclarés insaisis-
sables, comme l'étaient déjà les chevaux de poste, et leur
détournement était puni de mort. L'industrie des loueurs
de chevaux cessa dès lors d'être libre et fut subordonnée
à une licence royale ^ Un règlement arrêté au conseil, le
12 mars 1.397, chargea les généraux ou leurs subdélégués de
déterminer les relais d'accord avec les juges des lieux, lixa
la mise à prix par an et par cheval à 3 écus un tiers
(31 fr. 66) et le tarif des journées aller et retour, sans
compter la nourriture, à 20 s. t. (2 fr. 92) par cheval ordi-
naire, à 23 s. (3 fr. 63) pour les chevaux d'amble, de somme
1. Préambule et art. vi.
2. IsAJiBERT, XV, n« 111, art. vi.
200 TRANSPORTS Pl'RLICS PAR TERRK.
et (le halage. sauvegarda les chevaux contre l'abus
que pouvaient en faire les voyageurs et maintint les
messagers jurés de certaines provinces dans le droit d'en
louer'.
Le public accueillit fort bien l'organisation des nouveaux
relais. Il les préféra à la poste qui était plus chère et
n'assurait pas le secret des correspondances, de sorte que
les écuries des maîtres de postes se dégarnirent et que le
port des dépêches ol'licielles en soufTrit. Après une expé-
rience de cinq ans, les relais furent réunis aux postes (cdit
d'août 1602 . Le conlrO)leur général des postes versa au
trésor, pour prix de ses nouvelles attributions, la somme
de 32 600 écus- (300 684 fr. 73^. Les maîtres généraux et
particuliers des relais furent supprimés. Les relais pas-
sèrent sous la direction des maîtres de poste qui louèrent
des chevaux pour courir non plus seulement des postes
mais des demi-postes c'est-à-dire des courses de moitié
moins rapides et moins chères. Les loueurs de chevaux
s'étaient beaucoup multipliés. Grâce à cette multiplicité,
les étrangers pouvaient dérober leurs correspondances à la
surveillance. Désormais l'exercice de cette industrie subor-
donné, dans le régime précédent, à une licence royale, fut
soumis à une autorisation du contrôleur général des postes ^
1. Dki.a.mahe. Traité de la police (^continuation de Le Clerc du Brillet , IV.
.■>99-60 1 .
•2. Dklamahe, IV, ()itl.
■). Ko.NTANO.N-, IV, 8.')9. " Sur la requête présentée au roi en son conseil par
le sieur de La Varenue tendant à ce que... il plut à S. M. casser... le
règlement fait par le sénéchal et juges présidiau.x. de Nîmes le xxvw' no-
vembre IGlKi et autres qui pourroient depuis avoir été faits sur l'établisse-
ment des chevaux de relais de louage... vu... l'édit de rétablissement de
relais de chevaux de louage de traite en traite sur les grands chemins,
traverses et le long des l'iviéres... en l'étendue de tout le royaume du mois
de mars l.î!)"!. règlements faits par S. -M. en son conseil sur l'établissement
de relais et chevaux de louage de mars aud. an, lettres pat. en forme d'édit
données à Paris au mois d'août I60'2 contenant révocation de l'édit des
relais de chevaux du mois de mars I.j97 et réunion des relais aux postes
avec deffenscs à toutes personnes, de quelque qualité... qu'ils soient, de
TRANSPORTS PUBLICS PAR EAU. 207
Les loueurs él;iblis furent maintenus en possession moyen-
nant le paiement d'un droit annuel au contrôleur. Un arrêt
du conseil, rendu le 24 avril 1610 dans un procès entre
eux et lui, réduisit ce droit à 6 livres (16 fr. 18) par an et
par cheval'. Le personnel des postes et relais ne com-
prenait pas seulement des messagers à cheval ou die-
vaucheiirs, mais des messagers à pied, des facteurs ^
Le commerce iluvial était entre les mains d'associations
ou, comme elles s'appelaient, de compagnies anciennes et
puissantes qui avaient le monopole des transports dans un
fleuve, dans son cours supérieur ou inférieur, quelquefois
dans un bassin entier. La compagnie des marchands de
l'eau de Paris et celle des marchamls fréquentant la rivière
de Loire étaient les plus célèbres. Toutes deux paraissent
se rattacher aux collèges romains [nautœ Parisienses,
nautae Ligerici). La première, qui donna naissance à la
municipalité parisienne, n'exerçait son monopole que dans
une partie de la Seine ^ mais la police de la navigation,
dont cette municipalité était investie , s'étendait non
seulement sur ce fleuve mais aussi sur ses affluents : tarifs
des transports, nomination des maîtres des ponts ^ étalage
des marchandises dans les ports, chablage et plan-
chéage, etc., tout cela lui ressortissait^ La compagnie des
marchands fréfj[uentant la rivière de Loire accaparait le
commerce par eau dans tout le bassin de ce fleuve, se
bailler aucun cheval à louage ni relais, sans l'expresse permission dud.
sieur de La Varenne..., contrôleur général des postes et relais de France,
ses fermiers ou commis, casse les règlements faits parle sénéchal de Beau-
caire et Nîmes.... » 22 décembre 1607. Bibl. nat. Franc. 18172, f. 146, v».
1. Le Clerc du Brillet, 601.
2. PiLOT, Postes et relais en Dauphlné dans Bulletin de l' Académie delphi-
îiale, XIX (1879), p. 417.
■i. Voy. les travaux de Le Roy, Dissertation sur l'origine de l'hôtel de ville
en tête de VHistoire de Paris de Félibiex, de Depping {De l'état du commerce
et de l'industrie de Paris au XIII'' siècle) et de Lecaron, Les origines de la
municipalité parisienne. Mcm. de la société de l'hist. de Paris, VII et VIII.
4. Registres du bureau de la ville, Délibérations du 25 juin, 14 juillet 1594,
25 février, 8 mars, 13 mars, 13 septembre, 19 octobre 1595 etpass.
208 TllANSPOHTS PL15LICS PAR EAU.
chargeait, moyennant un octroi concédé par le gouver-
nement, du balisage et du curage et travaillait avec succès
à faire réduire et supprimer les nombreux péages perçus
sur la navigation'.
Le service des coches deau pour le transport des
voyageurs, des bagages et des marchandises d'un certain
volume était exploité par des concessionnaires privi-
légiés. Dès loDo il en existait un entre Mclun et Paris",
(lorbeil et Paris étaient desservis aussi par des coches qui
devaient à la première de ces villes le nom de corbillats,
doù nous est venu celui de corbillards. Les corbillats
faisaient deux voyages par semaine. Le mardi ils partaient
de Corbeil et revenaient le mercredi, ils repartaient le
vendredi et étaient de retour le samedi, lis étaient en
partie halés\ Un service du même genre fut créé entre
Sens et la capitale. Le coche de Sens, qui était de la
grandeur des corbillats, quittait cette ville le mardi à
neuf heures du matin, arrivait à sa destination le jeudi à
cinq heures du soir, reparlait le samedi à neuf heures
dans la matinée et rentrait à Sens le mardi suivant à
la même heure. Le cahier des charges imposait au con-
cessionnaire, Vincent de Lamarque, archer des gardes
du corps, l'obligation d'avoir deux bateaux, de faire par-
tir celui de Sens, qu'il eût achevé ou non son charge-
ment, dès que celui de Paris était de retour, de fournir
caution et d'avoir des coffres solides pour la sûreté de
l'argent et des marchandises précieuses. Le voyage de
Sens à Paris était tarifé 20 s. (2 fr. 92) par personne et
1. Mantellieii, llisloire de la communauté des marchands fréquentant la
rivière de Loire et fleuves descendant en icelle, 2 vol. 8, 1867. Arn'ts du
conseil du "20 novembre 1G07 et 24 janvier 1(J0«.
2. « Louis Cnasserat et Biaise Rousseau, voituiiers des bateaux appelés
les coches de .\lelun... >> Heg. du bureau de ta ville, 22 février l.îO.j.
3. Arrêt du conseil du 20 janvier IGOI. Arch. nationales. Papire Masso.n,
Descrijjliij fluminum GaWîa? (IGI8), p. 197.
LÉGISLATION SPÉCIALE AUX COMMERÇANTS. 209
25 s, (3 fr. 65) en sens inverse, parce qu'on remontait la
Seine et l'Yonne. Pour le transport d'un muid de vin ou de
verjus on payait 20 s., pour un baril de salaisons 15 s.
(2 fr. 19), pour un quintal do morues 20 s. et 40 s. (5 fr. 85)
par quintal de bagages. Les voyageurs avaient le droit
d'en emporter gratuitement avec eux jusqu'à concurrence
de quatre livres'.
La prospérité du commerce ne dépend pas seulement de
la facilité avec laquelle, conformément à sa mission dans
l'économie sociale, il transporte et distribue les marchan-
dises. Pour remplir complètement cette mission, il a
recours à certains procédés, il bénéficie de certaines
faveurs, il crée certaines habitudes d'où résulte, pour lui et
pour la classe qui l'exerce, une certaine originalité juridique,
économique et morale. Si le commerçant, dans une société
aussi aplanie par le frottement et aussi uniforme que la
nôtre, se distingue encore par une législation, par des
pratiques, par des mœurs même assez spéciales, il en était
encore plus ainsi dans une société où tout avait sa tra-
dition, sa vie propre, sa physionomie.
C'était d'abord la législation qui lui faisait une place à
part. Si la classe commerçante n'avait pas encore son code,
œuvre réfléchie et laborieuse que la maturité tranquille de
la monarchie personnifiée dans Louis XIV pouvait seule
enfanter, le droit commun avait déjà subi, dans son intérêt,
des dérogations qui l'avaient déjiouillé de son formalisme
pour l'adapter à des besoins, toujours sentis, de célérité, de
simplicité et de confiance.
Le commerce conférait déjà aux mineurs et aux femmes
mariées la capacité refusée habituellement aux uns et aux
autres. Mais cette exception était strictement limitée aux
1. Arrêts du conseil du 13 septembre IGOT. Arch. nationales.
14
210 LEGISLATION SPECIALE AIX COMMERÇANTS.
actes commerciaux. Elle ne s'appliquait pas seulement au
mineur de vingt-cinq ans, âge de la grande majorité mais
à celui qui n'avait pas encore vingt ans, Age reijuis par les
corporations pour parvenir à la maîtrise'. Jl leur suffisait,
pour obtenir celte émancipation spéciale, de se livrer à des
opérations commerciales. Le mineur commerçant con-
servait le droit de se faire restituer pour tous les actes qui
ne se raj)porlaient pas à ses all'aires professionnelles-.
La femme mariée marchande publique engageait, pour
la garantie de ses obligations commerciales, ses biens et
sa personne comme les biens de son mari. Mais elle ne
jouissait de celte capacité que si elle exerçait le commerce
à p;irt et pour son compte et non si elle secondait seulement
son mari dans le sien. Telle était, du moins, la distinction
établie par la coutume de Paris, dont l'autorité était
beaucoup plus grande que celle de toutes les autres. Mais
cette distinction n'était pas universellement acceptée. Le
jurisconsulte nivernais ('oquille, par exemple, en contestait
la légitimité ou, du moins, la trouvait trop absolue. H
suffisait à ses yeux que la femme se livrât au commerce
au vu et au su de son mari pour être présumée agir avec
son autorisation et pouvoir s'engager personnellement '.
Les commerçants étaient soumis déjà, pour le recou-
vrement de leurs créances, à une prescription spéciale.
Les marchands en détail et en gros qui n'avaient pas
réclamé le payement de leurs fournitures, les premiers dans
les six mois et les seconds dans l'année, couraient le risque
1. Arri''t (lu I*^"" juillet 158.? visé par Jolsse, Commentaire i/e l'ordoinionce
du cornmercp, éd. 1802, p. 1-3.
2. Arrêt d'avril IGOI accordant restitution à un mineur qui a cautionné
une dette étrang«Jre à son coaiuierce. Visé iùid.
3. L'IIoMMEAU, Muxtmea f/énerales du droit français, IGDô, livre III,
n° cxi.iv. CiiAKO.NDAS Le Caron, Mémoralilfj.i obsrrvalions, v Marclians et un
arrêt du 1«' mars l.j80, visé ibid. Claude Le Prestuk, Questions notables,
167!), p. Go.'j. CoQUu.LE, Quedions et ré/jonses sur les articles des coutumes.
n» cm. II faut reiiian|uer que tous ces auteurs se réfèrent à la jurispru-
dence du temps dont nous nous occupons.
JURIDICTIONS CONSULAIRES. 211
(le se voir opposer une fin de non-recevoir, mais ce moyen
n'était pas valable entre marchands et ne pouvait être invo-
qué que par les clienlsqui avaient acheté pour leur usage'.
Contrairement à une opinion fort répandue, la preuve
testimoniale n'était pas admise d'une façon illimitée en
matière commerciale et l'article 54 de l'ordonnance de
Moulins de 1566 qui la rejette au-dessus de 100 livres
(370 fr. 48), recevait, même entre marchands, son applica-
tion^ L'article 5 de l'édit de création de la juridiction con-
sulaire de novembre 1563 ne parle, il est vrai, que de
témoins, mais il faut l'interpréter en ce sens que leurs dépo-
sitions s'ajoutent à un commencement de preuve par écrit ^.
Nous venons de parler de la juridiction consulaire. Nous
sommes amené par là à ce qui contribuait, plus que tout le
reste, à assurer aux commerçants une situation juridique
particulière.
A la différence de tant d'institutions, les juridictions
consulaires ne sont enveloppées, ni dans leur origine ni dans
leur progrès, d'aucune obscurité. La « conservation des
foires de Lyon » fut leur premier modèle, et la conservation
des foires de Lyon a été empruntée, sauf les modifications
nécessitées par une adaptation nouvelle, aux foires de
Champagne. On sait, du reste, que ce n'est pas seulement
de la juridiction des foires de Champagne que les foires
de Lyon ont hérité, que c'est aussi, sous la réserve déjà
exprimée, de leur organisme tout entier et de leur rôle
commercial. On sait aussi que cette transmission, indiquée
1. Ordonnance de Louis XII de 1513. art. 67 et. 68. Couliunc de Paris,
tit. VI, art. 126 et l'î'i. Cf. ordonnance du commerce, tit. I, art. vu et vin.
2. Jugé le 36 février 1587 que l'art. 54 de l'ordonnance de Moulins qui
défend la preuve par témoins au-dessus de 100 livres a lieu même entre
marchands. Brili.on, v° Marchands. Preuve testimoniale d'une promesse
verbale qui excédait 100 livres a été rejetée entre marchands, 1618. Recueil
d'arrêts du parlement de Pa/7's pris des mémoires de feu M" Pierre Bardet,
1773, I, 4:5.
A. JoossE, Comment, de l'ordonnance de 1673, lit. XII, art. xii, p. 248.
•212 JLRIDICTIONS CONSULAIRES.
par les circonstances, a été, pour ainsi dire, accomplie
tout dune pièce par la volonté de nos rois qui ont transféré
aux secondes les privilèges des premières. Les juridictions
consulaires de Toulouse (lo49), de Rouen (lo'iO) et de
Paris (lo(i3) se raltachent l'une à l'autre par une filiation
directe et elles se ressemblent encore en ce qu'elles sont
toutes sorties du vœu de la classe intéressée.
Née la première, la juridiction consulaire de Lyon n'avait
pas reçu dès son berceau toute l'extension qu'obtinrent à
leur origine celles qui furent créées à son image. Elle ne
connaissait que des opérations qui avaient lieu aux foires et
non de toutes les causes commerciales. Mais ledit de 4594,
en énumérant les questions de sa compétence, s'abstient de
cette restriction et range sans distinction dans cette com-
pétence « les faits de sociétés, changes, voitures, négoces et
marchandises et tout ce qui en dépend ». Les lettres royaux .
du 2 décembre 1603, après avoir paru la subordonnera la
circonstance que les faits se sont passés aux foires, termi-
nent l'énumération de ces faits par les mots : tant en foire
que hors foire. Ce texte fut celui qui servit de fondement au
conservateur pour établir le caractère permanent et général
de sa juridiction'. La portée en fut consacrée par un arrêt
du parlement de Paris qui prononça « que ledit juge con-
servateur connaîtrait aussi — c'est-à-dire outre les faits de
foire — les différends entre marchans pour fait de mar-
chandise, comme les autres juges consuls du royaume, et
1. ... Il est aisé de démontrer que jusques en 1C02 le conservateur [des
foires de Lyon] n'a eu que le droit de connoitre du coniniercc des foires
parce qu'il n'avoit été institué que pour connoitre du seul fait des
foires Si ce pouvoir universel sur toutes les matières du
commerce, tant en foire, que hors foire, eût été de temps immémorial de la
compétence du conservateur..., auroicnt-ils été [les Lyonnais] dans le cas
de demander à Henri IV en 1002 de donner au conservateur une ampliation
de pouvoir pour counoitre du commerce en général, tant en foire que hors
foire, ù l'instar des juges consuls du royaume?... » Héflexions sur l'usage
de la rigueur de la contrainte par corps. WIll» s. Arch. de la Seine, BB.
Ô094.
JURIDICTIONS CONSULAIRES. 213
que, comme eux, il ne pourrait toutefois connaître des
différends pour le fuit de marchandise entre autres que
marchans, encore qu'ils eussent volontairement procédé
devant lui'... ».
En assimilant le tribunal des marchands de Lyon aux
autres tribunaux du même genre, l'arrêt du 7 septembre 1610
marquait une fois déplus les limites de la juridiction con-
sulaire. Pour qu'une cause lui fût déférée, il fallait et qu'elle
portât sur une question commerciale et que les parties
fussent des commerçants. Il n'était pas superflu de rappeler
ces limites, car, encouragés par la faveur des plaideurs,
les juges consuls étaient en train d'attirer à eux une foule
d'affaires qui ne remplissaient pas les conditions constitu-
tives de leur compétence, telles que prêts d'argent, gages
de serviteurs et autres causes purement civiles ^ Il y avait
eu un temps, au contraire, oii ils avaient été obligés de
défendre leur juridiction contre les usurpations et les
entraves de la juridiction ordinaire ^ Leur popularité,
méritée par la simplicité, la célérité et l'économie de leur
procédure, qui ne connaissait ni procureurs, ni avocats, ni
épices, les avait soutenus contre cette hostilité et leur avait
permis de devenir envahissants à leur tour. Dès le mois de
décembre 1366, leur juridiction avait été introduite dans
les principales villes du royaume*. Grâce à son intégrité
1. Sur la compétence de la conservation des foires de Lyon voy. Vaesen,
La juridiction commerciale à Li/on sous l'ancien régime, 1879, chap. iv.
i. Déclaration de Louis XIII du 2 octobre 1610. Arch. nat., Collection
Rondonneau, ADxi, 20.
3. Ordonnance de Henri IV. Paris, 22 février 1599. Recueil contenant les
édils, etc. sur rétablissement... de la juridiction des consuls en la ville de
Paris et autres. Paris, Denis Thierry, 1705, in-4. Déclaration de Charles IX.
Bordeaux, 28 avril 1565. Rondonneau, ADxi, 29. Le tribunal consulaire,
érigé par Henri IV à Dieppe en 1589, ne put, par suite de l'opposition du
bailliage et de l'amirauté, entrer en fonctions qu'en 1G43. Mémoires chrono-
logiques pour servira l'histoire de Dieppe, 1785, II, 155.
4. Éditde décembre 15GG visé par Marécual, Traité des changes cl rechanges,
1625, p. 330. Elle avait été instituée à Troyes et à Bordeaux en 1563 et en 1564,
Mémoire et livre de famille de Nicolas Dare, Avant-propos, p. 13. Lamothe,
214 JIRIDICTIONS CONSULAIRES.
et à ses liiniitTCS, ses juiicments étaient rarement infirmés'.
Elle eut pourtant ses adversaires. Parmi eux on sétonne de
rencontrer Lafîemas. 11 semble, au contraire, que la sym-
pathie du vaillant pu])liciste aurait dû être acquise à une
institution qui relevait la dii:nité des commerçants en
faisant d'eux des juges et assurait aux débals commerciaux
une expédition économique et prompte. Laiïemas ne nous a
pas donné de bonnes raisons de son hostilité mais, à l'insis-
tance avec laquelle il reproche aux juges consuls leur sévé-
rité contre les commerçants embarrassés, à l'amer tume de
ses critiques contre ce qu'il appelle « l'édit des quatre
mois », c'est-à-dire contre ledit de Moulins qui établissait
la contrainte par corps contre les débiteurs demeurés insol-
vables, quatre moi? après la signification de leur condam-
nation, on est tenté de chercher l'explication de ses senti-
ments dans des rancunes personnelles, dans les épreuves
de son orageuse carrière'.
Règles particulières sur la capacité et la prescription,
juridiction et procédure spéciales, c'en était assez pour
séparer les commerçants, au point de vue juridique, des
autres classes de la société.
Quelques mois sur Vancitnne bourse à Bordeaux dans Actes de l'académie...
fie Bordeaux IX (1847), p. 319 et Ancienne bourse de Bordeaux. Compte
rendu des travaux de la commission des monuments liistoriques de la Gironde.,
XIII (185I-52A p. IG.
1. Mémoire anontjme sur les pauvres enfei'més adressé à Henri de Gondi,
évêque de Paris, 1C12. Arch. curieuses de l'histoire de France, XV. Dans un
procès plaidé en 1702, le premier en date des tribunaux consulaires, la
conservation des foires de Lyon était qualifiée « la juridiction la plus
versée dans le négoce qu'il y eût dans le royaume ». Augeahd, Arrêts no-
tables des différents tribunaux du royaume, I, n" cci.x.
2. Lakfemas, Les trésors et lichesses pour mettre l'Etal en splendeur et
monstrer au vray la ruyne des François par le traffic et ?iéyoce des estrangers
et empescher facilement les petits procès en toutes vacations, voir comme la
justice des consuls doit estre supprimée et autres belles raisons.... Le tout
pour le bien du royaume par B. de Laïkemas. Paris, par Prevosteau, 1598.
L'incrédulité ou l'ignorance de ceux qui ne veulent cognoistre le bien et repos
de l'Èstat et veoir renaistre la vie heureuse des François. Paris, chez Jamet
et Pierre Mettaycr, 1000. Les discours d'une liberté générale et vie heureuse
pour le bien du peuple, 1601.
MERCIERS. 21S
Ils s'en distinguaient encore plus au point de vue écono-
mique. Bien que l'édit de 1;)97 fût resté très loin par ses
résultais des intentions qui 1 avaient dicté, il n'en avait pas
moins augmenté le nombre des maîtrises et la plupart des
commerçants ne s'en trouvaient pas moins, après plus
encore qu'avant, classés dans des corporations. Si le vieux
système dont elles étaient la base, avait en apparence
résisté au mouvement des idées et des mœurs, si même il
s'était, à certains égards, étendu, il avait subi en réalité
des modifications qui avaient accentué son esprit oligar-
chique, simplifié sa complexité, élargi son formalisme.
L'évolution qui s'opérait dans le commerce se faisait sentir
sur ce système principalement par la différence que la con-
sidération publique mettait entre les corporations, par la
hiérarchie de plus en plus marquée qui s'établissait dans le
sein de chacune, par le groupement des professions ana-
logues, par l'importance croissante de certaines d'entre elles.
Cette dernière observation s'applique surtout aux merciers
et aux fripiers. Les premiers étaient fort enviés, et il y avait
dans leur situation de quoi justifier amplement un pareil
sentiment. Réunissant dans leurs mains six branches de
commerce, monopolisant le trafic de la plus grande partie des
importations étrangères, s'abstenant de toute opération mé-
canique, « vendeurs de tout et faiseurs de rien », ils tenaient
en réalité la tête des six corps, dans les rangs desquels l'an-
cienneté ne leur assignait que la troisième place. Négo-
ciants en soieries et étoffes de luxe, en lainages, en mer-
cerie, en orfèvrerie et joyaillerie, en quincaillerie, en
épicerie et droguerie, ils joignaient à l'exploitation de ces
articles si divers le commerce en gros de tous les autres*.
1. « La mercerie contient en soi six états savoir est : 1" le marchand
grossier qui débite en gros toutes sortes de marchandises; 2° le marchand
de draps d'or, d'argent, de soie, demie ostade, sarges et toilles ; Z° mar-
chands de toutes menues merceries ; 4° marchand jouaillier vendant orfe-
216 MERCIERS.
Ils devançaient donc, pour la concentration dos marchan-
dises, les grands magasins et les bazars de notre temps et
s'apj)ropriaient, comme //rossicrs^ les afl'aires les plus
importantes ei les plus lucratives. Ils devaient d'ailleurs
leur existence non à une fantaisie gouvernementale ou à
un calcul fiscal, mais à de vrais besoins. Le commerce
n'avait pu étendre ses opérations et ses risques sans donner
naissance à une classe qui se vouât spécialement à assortir
les marchandises au goût mobile et capricieux du public,
à éveiller et à diriger elle-même ce goût, à connaître les
cours dos diderentes places et le crédit des divers clients
et sans que celte classe se trouvât amenée et par ses
services et par l'intérêt des consommateurs à se placer
entre eux et les fabricants, à attirer dans ses magasins les
marchandises les plus diverses et à s'emparer du commerce
de gros et de spéculation où personne ne l'avait précédée.
Mais cette nécessité n'était pas acceptée sans répugnance
par des négociants qui se renfermaient dans un commerce
spécial et qui se voyaient fermer le chemin des grandes
affaires par des hommes d'une expérience et d'une portée
supérieures. Les merciers ne se contentaient pas d'ailleurs
de les enlever aux corporations, ils prétendaient s'arroger
un droit d'inspection sur toutes les marchandises à leur
entrée dans les villes' et heurtaient le sentiment de la
majorité du monde industriel et commercial en se faisant
vrcrie, pierres précieuses, perles et tous autres joyaux ; 5° marchand
quincaillier; fi" marchand épicier droguiste, sous lesquels sont comprins...
t(iu« les autres états ci-apn''s déclarés. » Extrait des ordonnances,
articles et regleniens que le Roi veut... estrc... tenus... i)ar son niaislre
visiteur et général réformateur de marchandises de grosseries, merceries,
jouailleries, etc.. 27 août 1(>0". Rondo,>xeau ADi 143. L'n mémoire rédigé au
commencement du xvnio siècle, au nom des maistrcs et gardes du corps
des marchands merciers de Paris, leur attribue nu'mc » le droit de faire
le commerce en gros comme en détail de toutes les marchandises imagi-
nables.... » Arch. de la Seine, BB. b:>ii'i. Juridiction conaulairc
1. Us prélevaient aussi un droit sur l'ouverture de chaque foire nou-
velle. C'était la condition de leur présence à la foire.
FRIPIERS. 217
les champions de la liberté des importations, sur lesquelles
portaient en grande partie leurs opérations. La malveil-
lance les accusait d'avoir entre eux un argot et d'être
affiliés à des associations de mendiants et de voleurs de
grands chemins, avec lesquels leur vie nomade les aurait
mis en contact. Il est possible qu'amenés par leurs fré-
quents déplacements dans des milieux inconnus, ils s'y
fussent assurés, comme les membres des compagnonnages,
des correspondants et qu'ils eussent adopté des signes de
reconnaissance et un langage de convention, mais le mau-
vais renom qu'on leur faisait ne pouvait être mérité que
par les porte-balles c'est-à-dire par le bas-fonds de la
corporation. Les reproches qu'on faisait aux fripiers pa-
raissent avoir été mieux justifiés. La diffusion du luxe et
surtout d'un luxe apparent et d'emprunt avait donné aux
fripiers un rôle analogue à celui des marchandes à la toilette
sous la monarchie de Juillet et au commencement du second
empire. Ils tenaient un assortiment complet et varié de tout
ce qui se rapporte au vêtement et à l'ameublement et les
tailleurs eux-mêmes, quand ils se trouvaient embarrassés
pour satisfaire à une commande pressée, n'hésitaient pas à
recourir à eux\ Ils devaient donc leur succès à de nouvelles
habitudes sociales, mais ils le devaient aussi à des motifs
moins légitimes. Juifs pour la plupart^ et fidèles à la voca-
tion séculaire d'Israël, ils étaient receleurs et prêteurs sur
1 . Je ne suis pas si tôt sorti do ma couchette
[C'est un fripier qui parle]
Que voici des marclians qui sonnent ma clochette
iJeniandaut un habit de serge de seijrneur.
Donc ô tailleurs d'habits ! vous n'êtes qu'artisans.
Et nous, qui les vendons, nous sommes les niaichaus.
Or jugez maintenant lequel est plus capable
Ou de celui qui vend ou celui qui travaille ?
Discours de deux fripiers et de deux tailleurs, 1G14. {Var. hist. et
lut., v).
2. « ... Les fripiers de Paris qui sont à la plus part Juifs... » Noël du F.\il,
Contes dEulvapel, XXIV.
218 MARCHANDS ET ARTISANS SUIVANT LA COUR.
gages, s'enrichissaient des débordements de la jeunesse,
étaient regardés comme ses corrupteurs et rendaient à
leurs clients une foule de services inavouables et largement
payés. Par ces pratiques clandestines ils prêtaient le flanc à
leurs adversaires, irrités par leurs prétentions, alarmés
par leur concurrence. Aussi les corporations parisiennes
allaient-elles jusqu'à demander qu'on les réduisît à leur
ancienne vacation, c'est-à-dire à « laver, regratleret trafiquer
vieilles bardes » ou même qu'on les expulsât de Paris'.
Ce qui, avec les merciers et les fripiers, se faisait place,
en dépit des résistances, dans la société, c'était une classe
commerçante indépendante des spécialités professionnelles,
les dominant toutes, centralisant tous les genres de com-
merce, accaparant les grandes afîaires. Ce n'était guère
moins qu'une révolution économique que celte classe,
venant se superposer au système suranné du moyen âge,
était en train d'accomplir et celte révolution était trop
impérieusement appelée par l'extension du marché et les
préférences du public pour pouvoir être compromise par
les abus qui s'y mêlaient.
Nous avons parlé des six corps de métiers. Tout le
monde connaît cette aristocratie commerciale qui, jusqu'au
jour où les cent notables bourgeois investis du droit d'élire
la juridiction consulaire parisienne furent tirés de son sein,
ne se distingua guère du reste des corporations que par
son rang dans les cérémonies publiques.
11 y en avait une autre ; celle-là se composait des
marchands et artisans suivant la cour. La cour était
toujours le centre le plus brillant, sinon le plus sur, des
affaires. Partout oîi elle se transportait, ses fournisseurs
brevetés l'accompagnaient et jouissaient, pendant son
1. Voy. les avis donnés par les maîtres et gardes des ini'licrscn l.V.)9 sur
le projet d'édit de Lalleiiias dans l'cdit. originale et Les Grands joura tenus
à Paris (lG22),dans Var. fiisl. el tilt., I. Descriplion de l'aris par Platter(lâ99].
Mém. de la Société de l'Iilst. de l'aris, XXIII, p. 198.
LIVRES DE COMMERCE. 219
séjour, du privilège de faire, non seulement avec elle mais
môme avec le public, des transactions qui échappaient à la
police et à la juridiction des corporations. Henri IV porta
à trois cent vingt le nombre de ces fournisseurs et confirma
leurs privilèges '. N'étant ouverts en principe que pour
la cour, et le public n'y étant admis que par tolérance, le
nombre de leurs magasins privilégiés était limité. Ainsi les
douze marchands de vin suivant la cour, ne pouvaient
ouvrir plus de deux caves et les vingt-cinq cabaretiers
fournisseurs en titre qu'un cabaret, et ces établissements
devaient être aussi près que possible du Louvre ^
Qu'il appartienne à ces groupes d'élite ou à la plèbe
commerçante, qu'il soit entré dans une corporation par la
voie régulière de l'apprentissage, du compagnonnage et du
chef-d'œuvre ou qu'il ait été dispensé de ces épreuves par
sa naissance, son argent ou la faveur royale, qu'il ait été
« passé maître » ou qu'il soit « maître de lettres », le com-
merçant se trouve engagé dans une carrière où l'attendent
également les entraves et la protection d'un corps non
moins jaloux de sa discipline que de son monopole.
La première condition qu'il lui faudra remplir pour
réussir, sera de se rendre compte de ce qui entre chez lui
et de ce qui en sort en marchandises et en argent, d'établir
et d'avoir toujours sous les yeux son doit et son avoir. Nos
ancêtres, on le sait, n'y avaient pas manqué, et il n'est
aucun de nos lecteurs qui ne connaisse ces livres de raison où
l'on trouve des révélations morales là où l'on n'avait le droit
de chercher que des comptes de commerce ou de ménage.
Avant comme après l'ordonnance du commerce de 1G73
qui ne prescrivait que le livre journal et sanctionnait celte
1. Arrêts du 15 juillet 1601 et du 31 mars 1605. Bihl. nat. Franc. 18108,
fol. 28. Lettres patentes du 16 septembre 1606 dans Delamare, 1, 172.
2. Arrêts du conseil du 29 octobre 1602. Coll. des Archives nat. Arrêt du
31 mars 1G05 sur les cordonniers de la cour. Bibl. nat. Franc. 18108,
foi. 28.
220 LIVRES DE COMMERCE.
presn-iption par la menace de convertir la faillite en banque-
route frauduleuse ', les livres de commerce furent aussi
nombreux que l'exigeaient les besoins et l'esprit d'ordre de
chaque commerçant. Vers le milieu du xvii" siècle, un
commerçant rémois, Jean Mailleferl -, n'en tenait pas
moins d'une vingtaine, qui n'étaient pas tous, il est
viai, consacrés à ses alTaires commerciales. Dans ce qu'il
appelait le premier livre secret, il inscrivait les sommes
dont il était débiteur et dépositaire. Dans un second livre
serre/, étaient eiu-egistrés, avec un mélange qui ne cboiiuait
jias nos aïeux, la description des biens fonciers, leurs
revenus, ceux de la succession de sa première femme, les
naissances, les mariages et les morts de ses enfants, ainsi
que les autres événements domesti(jues. Y,q journal relatait
les lettres de change souscrites par lui et les autres opé-
rations de chaque jour. Le grand livre reproduisait en
abrégé' les ventes faites en France et déjà portées en détail
au journal. Il y avait un autre grand livre pour les affaires
avec l'étranger; un livre des ventes et achats; un livre des
lettres de change souscrites et tirées aux échéances des
foires de Lyon et qu'on nommait le répertoire', un troi-
sième grand livre contenant l'indication des capitaux et
revenus; un livre d'achats oii chaque marchandise portait
un numéro d'ordre ; un livre de crédit indiquant le montant
des dettes commerciales et les noms des créanciers •'; un
livre de caisse oij figuraient toutes les recettes et toutes
les dépenses; un livre de bordereaux; un livre de copie
de lettres où, au lieu de les coj)ier littéralement, à
l'exemple de certains de ses confrères, Mailleferl se
contentait de reproduire la substance des plus impor-
1. Ordonnance du commerce. 111, 1, XI, XI.
2. Voy. ses Mémoires, p. p. M. Jauabt. 8" 1890.
3. Maillefert y renonça plus tard parce que les opérations sur les laines,
la dra|)erie et la mercerie, pour lesiiuelles il l'avait commencé, s'étaient
depuis traitées au comptant.
LIVRES DE COMMERCE. 221
tantes; un livre où il inscrivait les noms de ses correspon-
dants ; un autre où étaient facturées les marchandises qu'on
faisait emballer par avance, quand les affaires laissaient
des loisirs, pour mieux assurer leur conservation; un livre
des menus frais divisé en frais de ménage et frais commer-
ciaux ; un livre d'entrée et de sortie des marchandises.
Ainsi que nous aurons encore l'occasion de le remarquer,
Jean Maillefert n'était en rien un commerçant ordinaire et
la multiplicité, parfois assez peu justifiée, de ses livres de
commerce n'était pas ce qui le distinguait le moins de ses
confrères. La plupart restaient loin de cette spécialisation
dans les écritures. Mareschal, l'auteur d'un Traité des
changes et rechanges publié en 1623 ne compte que six
livres de commerce : le journal qui porte aussi les noms
de carnet, de brouillard et de mémorial, le grand livre,
le livre de raison, le bilan, le livre d'achats et de ventes, le
livre de copie de lettres. Dans son Instruction i^our dresser
livres de raison (1627) Claude Boyer en énumère sept, dont
la destination est notablement différente de celle qui est
indiquée par Mareschal : le brouillard, le journal, le livre
de caisse ou brouillard sur lequel on écrit tout l'argent qui
se paye et reçoit, le livre particulier des menues dépenses,
le livre de copie de lettres, le livre de copie de comptes,
le carnet des payements. A l'époque de l'ordonnance du
commerce, à côté du livre journal, qui est le plus important
et le plus commun, on ' trouve en usage le carnet ou
brouillard, le grand livre, le livre de raison, le bilan, le
livre des achats et des ventes K C'est à peu près ceux dont
Mareschal donne la liste et c'était les plus en usage.
On conserve aux archives de l'Hôtel-Dieu de Toulouse
les papiers - d'un grand négociant du xvi*^ siècle, nommé
1. BoRNiER, Commentaire sur V ordonnance, lit, II.
2. L'existence de ces papiers nous a été révélée par un intéressant
travail de M. Pradel inséré dans les Mémoires de r Académie de Toulouse,
222 COMPTADILIÏH: en l'AHTlt: DOL'DLH.
Simon Lecomle. Parmi eux se liouve son livre journal
brouillard. C'est un ms. oblong en papier dont les feuillets
sont cotés et paraphés et qui va de l.'>77 à laSG. On lit en
t»He : JornaUer pour la recette des deniers qui se remettront
tant de Pifitoa, lioardeaaj: t/ac autres lieux. Ce registre,
on sont inscrits les paiements à faire et les recouvrements,
renvoie à un livre de crédit et à un grand livre.
A 12 d'août [l.iTT] es mains de Jehan Lacondte 2 443 livres 1 sol
reçu de M. noslre maieur pour son compte capital à présent au livre
de crédit 2443 1. (7047 fr. 03).
El à 24 dudit septembre] ii.'iO livres reçu du S'' Alary, marchand
d'Alliy, credileiirau graiidlivre à son compte à o.'lO livres (1 731 l'r. 88).
Ceux (|ui s'occupent de lliistoirc du commerce et qui
connaissent les documents que le moyen âge nous a
laissés sur cette histoire, notaninient le Livre de comptes
des frères Bonis ', ne seront pas surpris de trouver lé
grand livre on usage au xvi' siècle. Ils le seront peut-èlre
davantage de constater que la comptabilité en partie
double élait connue et pratiquée en France dans la seconde
partie de cette période. Ce système, en effet, n'a été imaginé
et divulgué en llalie (ju'à la fin du xv" siècle par le moine
franciscain Luca Paccioli, et l'Italie a devancé de si loin
la France dans la science commerciale qu'on pouvait se
demander si une méthode nouvelle enfouie dans un traité
d'arilliméliquc publié à Venise en 141)4 avait eu le temps
de se répandre au siècle suivant dans le commerce français.
Il n'y a, il est vrai, dans le journal de Simon Lecomte
qu'un mot qui prouve l'usage qu'il faisait de la comptabi-
lité en partie double, mais, si l'on se rappelle que cette
année 18«!}, sous le titre: Un marchand de Paris nu XVl" siècle (lôS'i-lSSS).
.M. Pr.idel s'est placé, en les itudiaut, an point de vue historique et bio-
graphi(pic, tandis que nous y avons exclusivement cherché les traces des
usages et des procédés comnieriiaux de Tépoque.
1. Publié par M. Ei>. routsiili: en IsUô.
COMPTABILITÉ EN PARTIE DOUlîLE, 223
comptabilité consiste essentiellement à distinguer et à per-
sonnifier, pour ainsi dire, les principaux chapilres de
recettes et de dépenses, caisse, marchandises, effets à
recouvrer, edets à payer, etc., à ouvrir à chacun un compte
en inscrivant à son crédit tout ce qu'il donne et à son débit
tout ce qu'il reçoit et à décomposer ainsi chaque opération
en deux, peut-être estimera-t-on que nous n'avons pas
attribué au mot caisse dans les articles suivants une portée
exagérée :
lo8o.
Caisse doit ù 19 d'octobre aux sieurs Granier et Gestel 100 écus
sol 100 écus (943 fr. 82).
grs Pierre Granier et Questel en compagnie, marchans de Toulouse
doivent avoir à 19 d'octobre la somme de 106 écus sol sec pour
100 écus de comptant qu'ils m'ont baillé à dépôt jusques aux paie-
mens de Ro3's ' et 6 écus ("66 fr. 63) pour le chaiige et leur dois bail-
lier lettre de change au temps des dépèches. Apart - par promesse [que]
leur ai faite. Débiteur caisse pour cent écus. 106 écus (1 000 fr. 45).
S'' Jean Delpech, marchant de Toulouse doit avoir à 5 de novembre
la somme de 300 écus sol sec (2 831 fr. 45) pour autant qu'il m'a
baillié à dépôt pour le payement de Roys à 5 pour cent pour le
change. Lui dois l)aillier lettre de change au temps de payer à Paris
par promesse. Débiteur caisse 300 écus.
S"" Carlier, marchant de Paris doit avoir à 15 de novembre la
somme de 588 écus (5 549 fr. 64) avec le change à raison de 5 pour
cent que le S"" lehan Sarazin m'a baillé à dépôt jusques aud.
paiement de Royes. Lui ai fait promesse. Débiteur caisse de
560 écus 588 écus.
S"" Jehan Delpech, marchans de Toulouse doit avoir la somme de
470 écus (4 435 fr. 94) que m'a baillié de contant à dépôt pour les
paiemens de Royes à 5 pour cent pour le change, qui fait en tout
500 écus (4 719 fr. 08), pour laquelle somme lui ai fait promesse lui
baillier lettre de change pour les'paiemens de Royes et lui dois déli-
vrer lesd. lettres dans le 20 de février prochain. Débiteur caisse de
470 écus 500 écus.
1. A l'échéance de la foire des Rois à Lyon.
2. Apparaît.
22* LIVRES DE COMMERCE.
M. Piigier, bourgeois do Toulouse doit avoir à 17 de novembre la
somme de 400 «^cus (3 775 fr. 27) [que] de contant m'a baillé à dépôt
jusques aux paiemens de Roj'es à o pour cent pour le change, qui
est en tout 420 écus (3 0G4 fr. 03). Pour la d. somme lui ai lait
promesse de lui bailler lettre de change dans le 20 de février paiaMe
à Lyon. Débiteur caisse 420 écus.
A reçu le dépôt jusques aux paiemens de Pasques.
Caisse doit donner à 2U de novembre 724 écus JI^ pour reste de
son compte précédent 724 écus 11 s. (6 834 fr. 97).
Les « parties doubles » c'était le côté ardu de la
science commerciale. Le commerçant émérite, qui nous
apprenait tout à l'Iieure le nom et le nombre des livres
de commerce, Jean Maillefert, déclare qu'elles n'exigent
guère moins d'application que toutes les parties réunies
de la philosophie, qu'il avait évidemment moins appro-
fondie, et que les caissiers qui y étaient rompus gagnaient
autant que les commis des finances. Cette science avait
comme aujourd'hui ses maîtres'.
Quand on voit que, de notre temps, l'usage des livres
de commerce est loin d'être général, on est porté à croire
que nos ancêtres s'affranchissaient plus encore d'une
comptabilité régulière. Il faut pourtant se mettre en
garde contre une pareille conclusion. La vie des com-
merçants d'autrefois, moins attirée au dehors par la
multiplicité des plaisirs et la facilité des déplacements,
plus sédentaire et plus intime que celle de leurs succes-
seurs, leur donnait pour la tenue de leurs écritures plus
de temps et peut-être plus de goût. C'étaient des gens
calculateurs, méthodiques, appliqués, pénétrés du sérieux
et môme de la dignité de leur profession. L'élément
moral des livres de raison doit son origine au besoin
d'ennoblir par le sentiment du devoir les occupations et
1. Mémoires de Mailleferl, p. p. M. Jadaut.
LIVRES DE COMMERCE. 225
les existences les plus modestes. Les livres domestiques
et de commerce qui viendront s'ajouter à ceux que nous
connaissons déjà, confirmeront, croyons-nous, ce que ces
derniers nous autorisent à dire de leurs habitudes d'ordre
et de réflexion. Nous n'avons signalé que le livre journal
de Simon Lecomte, nous aurions pu en signaler d'autres,
par exemple un livre de recette des pastels récoltés dans
le Lantarais et livrés à Ram on Guarric, marchand de
cette plante tinctoriale établi à Saint-Pierre-des-Lages',
livre qui commence au 11 juin 1.320 ■, les livres de la
maison de soieries dirigée par la famille toulousaine
de Laran, qui vont de 1549 à 1539^, un livre de vente de
pastels commençant le 17 novembre 1566'.
Outre l'avantage d'éclairer les commerçants sur leurs
affaires, les livres de commerce pouvaient avoir celui
de fournir en leur faveur, sinon des preuves, au moins
des présomptions. En principe c'était contre celui qui
les tenait qu'ils faisaient foi et sa partie pouvait toujours les
invoquer contre lui\ Seulement sils confirmaient ses
allégations, le serment pouvait être déféré à son adver-
saire ^ D'un autre côté, la divulgation des affaires dont le
secret était déposé dans les livres de commerce, pouvait
nuire au crédit du commerçant, faciliter, à ses dépens,
une concurrence déloyale, préjudicier, d'une façon
quelconque, à ses intérêts. Avant même l'ordonnance
1. Haute-Garonne, ar. Villefranche-de-Lauraguais, canton de Lanta.
2. Arch. de l'Hôtel-Dieu de Toulouse. C'est un registre oblong, relié en
basane verte, dont les plats à recouvrement sont serrés par un cordon.
3. Arch. de la Haute-Garonne. Fonds du parlement au Palais de Justice.
4. Arch. de l'Hôtel-Dieu de Toulouse.
h. u Les papiers jouinaux ne servent que contre ceux qui les ont écrits
ou contre leurs héritiers, si ce n'est en petite souiuie. » Arrêt de juillet 1577,
visé par Brillon, y" Livres de commerce. Cf. Bouchel, vo Livres des mar-
chands. «... nous avons présenté une seconde requeste... à ce que ledit
Thomas fût tenu de faire apparoir de son livre de raison pour savoir si
ladite somme lui est due. » Lemaire à S. Lecomte. Toulouse, IG avril 1578.
Papiers Lecomte. Arch. de l'Hôtel-Dieu de Toulouse.
6. TouBE.\u, Institutes du droit consulaire, p. 4(58.
15
■22Ô COMMIS Kï APPRENTIS.
de 1673, le législateur s'était préoccupé d'écarter ce danger
sans priver la justice ni les intéressés des lumi«'u'es que
la recherche de la vérité pouvait tirer de documents aussi
autorisés, mais, sil en avait trouvé le moyen, il n'avait
pas encore réussi, à la lin du règne de Henri IV, à le
faire exclusivement adopter. En septembre lo93, ce
prince avait renouvelé la prescription de ne consulter
les livres de commerce que par voie de représcnlation et
non de communication^ c'est-à-dire en faisant faire, sans
déplacement et au domicile du commerçant, par les
magistrats, les extraits ordonnés par la justice. Mais
ledit de juin 162') indique que la communication n'avait
pas encore disparu des habitudes de la procédure \
Le commerçant se réservait généralement le soin de
tenir ses écritures". Quand il était arrivé à l'aisance, il
laissait au contraire à des commis, à des garçons, à des
apprentis celui d'acheter, de vendre, d'auner, de peser
et, à plus forte raison, de déballer, d'étaler, de serrer les
marchandises. Ces courtauds de boutique, comme on
appelait dédaigneusement ces modestes auxiliaires, s'étaient
relâchés, sous l'influence des guerres civiles, de leurs
habitudes de travail, de discipline et de déférence. Il leur
restait de ces temps agités une turbulence qui les mêlait,
dans les attroupements et les désordres de la rue, aux
laquais et aux clercs de procureurs '. Toutefois les rapports
1. Ordonnance du commerce, 111, IX, X.
2. Mémoires de Jean Maiilefert. Nous insistons sur le mot ;/énéralemen(
car nous avons tiré de ces mômes mémoires la preuve que les livres étaient
tenus aussi par des caissiers. Voy. plus haut, On lit aussi dans une
lettre de J. Charpentier à Simon Lecomte. Toulouse, 8 juin 1582. (Papiers
Lecomte. Arch. de rHùtel-Dicu de Toulouse) : » ... n'estant point déclaré
qui a écrit sur lelivrede caisse ni jouinal... »
.3. Mémoires de Cheverny. Coll. Micliaud, X, .')5'.). « ... apprentis et gens
sans moyen qui se sont mis durant les troubles eu plusieurs endroits où
Ton ne sauroit tenir ordre ne Visitation... » Lakfemas, Remonstrnnres au
peuple suivant les édits et ordonnances des Rois à cause du luxe et super-
fluité des soijes et clinquants en leurs hahils, KiOl. Voy. aussi le passage
tiré du Difilofjue récréatif du marchand et du soldat \\hlV>], et cité plus haut.
APPRENTIS. 227
(les patrons avec leurs inférieurs commençaient à se
ressentir de la réaction qui s'opérait en tout vers l'ordre et
l'autorité. Les apprentis ne parlaient jamais à leur maître
que le chapeau à la main et, dans beaucoup de villes, à
Toulouse, à Bordeaux, par exemple, ils mangeaient
debout à leur table *. Le patron veillait à l'accomplisse-
ment de leurs devoirs religieux et se rendait avec eux
le dimanche à la messe paroissiale ^ L'apprentissage et le
stage qui le suivait duraient parfois douze, quinze et
vingt ans^. Une éducation professionnelle aussi prolongée,
s'accomplissant souvent dans la même maison, établissait
entre son chef et les subalternes une intimité qui rendait
leur collaboration plus féconde. Beaucoup de ces
apprentis et de ces commis étaient des fds de famille;
plus d'un entrait dans celle du patron et devenait son
associé. Mais les premières années de l'apprentissage
étaient ingrates et à peu près stériles ; on mettait les
apprentis à tout, on leur demandait des services qui ne
les préparaient en rien à leur future profession. La mère
de l'un d'eux écrit le 20 août 1579 : « ... Mon fils... est
en prompt danger de perdre son temps chez le sire Gaban
et Landria et non seulement en danger de ne rien appren-
dre mais en plus grand danger d'oublier ce qu'il savoit...
de escrire et chiffrer... car ils l'emploient comme un
journalier à leurs négoces de leur maison et héritage*. »
Sans nous dissimuler combien (dles sont insuffisantes
pour faire apprécier dans son ensemble la situation morale
de l'apprenti, citons encore deux lettres dont l'une fait
entrevoir l'affectueuse sévérité de la famille, l'autre la
rudesse du patron. Voici ce qu'écrit, le 11 mars l.i82,
1. Savary, Le parfait négocianl.
2. Ibld., p. 39.
3. Ibid., p. 125.
4. Arch. de l'IIôtel-Dieu de Toulouse. Popiers Lecomte.
22S APPRENTIS.
Catherine Rouillé à son fils Jean Charpentier qui est en
apprentissage chez un certain Macau. à Toulouse :
Jehan Charpentier, je reçus votre lettre par laquelle me mandez
que deviez aller à Lyon avec M. Baide. J'en ai parlé à vostre père
h^quei m'a dit... que ne saviez que coi'lte Taraient à gagner. Touttefois
lui ai prié vous laisser aller avec le congé et avis de M. vostre niaistre
et à la compagnie de M. Barde auquel, si y allez, vous gouvernerez
avec honneur et révérence à la compagnie que serez et avec moins
(le dépense que pourrez. Je ni été avertie que vous hantez avec
l,a Bistade qui est un garçon débauché qui ne bouge des jeux de
paume. Ce n'est pas pour parvenir et vous defTens de hanter telles
personnes... Je vois par la lettre de M. Barde... qui vous a mis en
charge à recevoir quelque chose à la boulique. Je vous prie vous
gouverner, et montrer le lieu d'où vous estes sorli'...
C'est maintenant un patron qui parle :
M. Lecomte, j'ai reçu la votre du 23 de février dernier passé par
mains de Jacques Dufour votre neveu... J'ai vu le contenu en la
votre par laquelle me recommandez led. Dufour. Je vous prie croire
que, pour l'amour de vous, je n"en ferai non plus que s'il étoit mon
propre enfant et me peineroi de tout mou pouvoir de l'apprendre
quelque chose qui soit à son profit et honneur pour l'avenir, vous
assurant que à l'entour de moi ne demeurera oisif mais l'emploierai
toujours en quelque chose et même à écrire et compter, dont il a
bon besoin..., car autrement en peu de jours il auroit oublié tout ce
peu qu'il en sait et j'espère qu'il ne perdra son temps, estimant qu'il
sera de bon [le] commander, à ce que je puis connoitre, car, de ma
part, je suis fort rude à mes serviteurs sans leur montrer caresse
aucune, comme à la vérité il a besoin d'être tenu de court et avec
moi la plus grande occupation qu'il aura, c'est de demeurer au
comptoir à écrire et autres offices qui sont requis par la ville ou aux
Chartreux... Au demeurant je vous dirai aux conditions que je puis
tenir led. Dufour : c'est qu'il faut qu'il me serve quatre années en me
payant la pension des deux années du prix desquelles je me rapporte
à vous et ce que aviserez, à la charge qu'il soit tenu vêtu et chaussé
et même de chemises, car sur tout je désire que l'on se tienne
nettement. Il est mal vêtu soit en manteau et autres habits qu'est
besoin promptement lui en faire faire-...
1. Arch. de l'Hùtei-Dieu de Toulouse. Papiers Lecomte.
2. Sabatery à S. Lecomte. Bordeaux, 26 avril 1688. Arch. de rHôtcl-Dieu
FACTEURS. 229
Indépendamment de ces auxiliaires qui habitaient chez
lui et partageaient sa vie, le commerçant en avait d'autres
qui lui donnaient leurs concours de loin et avec une
certaine indépendance ; nous voulons parler des facteurs,
des commissionnaires et des courtiers.
Le terme de facteur était, dans un sens large, syno-
nyme de commis, mais, dans son acception rigoureuse,
il désignait les agents qui faisaient des affaires pour le
compte d'un commerçant dont ils étaient séparés par la
distance. N'agissant qu'au nom de leur commettant, ils
n'engageaient que celui-ci; ils n'étaient donc pas respon-
sables de son insolvabilité et ne pouvaient être poursuivis
personnellement que sils étaient désavoués par lui, auquel
cas ils avaient usurpé un rôle qui ne leur appartenait pas
et n'avaient eu d'un facteur que l'apparence. Le com-
merçant pouvait être assigné au domicile de son facteur.
Il faut considérer comme une anomalie l'arrêt du parle-
ment de Bordeaux qui déclarait le facteur incapable de
donner valable quittance d'une somme due à son com-
mettant, à moins d'y être autorisé par une procuration
spéciale ou par une lettre au débiteur', car la qualité
de Toulouse. Voy. trois contrats d'apprentissage du ler juillet 1555, du
26 mai 1557 et du 19 avril 15G2, p. p. Babinet de Rencoigne dans Recueil de
docitments pour servir à l'histoire du commerce et de l industrie enAngoumois.
Bulletin... de la Charente, 1880. p. .59.
1. Consultation de Charondas Lecarox. Œuvres, in-fol. 1, ix-p. xxx.
BoERius, Décisions, 114. Bol'chel, v» Facteur. On lira avec intérêt la lettre
suivante écrite par un commerçant à son facteur le 17 juillet 1585.
Au seigneur Siinon Conte de présent au logis des Ballances à Toulouse.
Orig. scellé.)
De Paris ce 17 juillet 158o.
'< Simon Conte, je ne puis que je ne me plaigne bien et grandement et à
fort juste occasion du tort que me tenez pour ne point vider vos comptes
avec moi Vous savez le bien que je vous
ai commis en vos mains il y a fort longtemps. Vous m'en avez rendu
compte pour quelques années. Vous savez par les comptes que m'avez
rendus tantôt pour une ou deux ou trois années les passedroits que je
vous ai faits. J'en ai les comptes pardevers moi pour les vous montrer
•2:\0 COMMISSIONNAIRES ET COURTIERS.
de facti'ur résultait suffisamment d'actes répétés et n'avait
pas besoin d'être établie par une procuration.
Tandis que les facteurs n'agissaient que dans l'intérêt
d'un commerçant, les commissionnaires et les courtiers
acceptaient les mandats de plusieurs. Par contre, ces
mandats étaient limités à une opération déterminée V Le
courtier n'était qu'un entremetteur qui rapprochait les
parties et s'éclipsait pour les laisser conclure. Un édit
de juin 4 572 avait érigé en titre d'office les agents
de change et de banque et les courtiers en marchan-
dise qui étaient en exercice". La plupart des courtiers
étaient d "anciens maîtres des corporations qui avaient
(juilt*' les afT'aires avec plus de considération que de
([iifind vous voudrez. Je n'ai été si rigoureux comme je sais que aucuns
ont été et comme je sais que pour le jour d'iiui sont encore plusieurs
maîtres... Je le sais... combien me coûte l'achat des pastels ([ue ave/
achetés en plus grand nombre... que vous ne deviez sans mon mandement
ni aveu... .le n'ai jamais gagné 3 liv. t. par balle sur aucuns de vos achats
et je sais d'assurance... que, si jamais vous n'eussiez l'ait achat pour moi
de pastel, qu'il m'en fut mieux à présent de plus de 10 000 écus sol...
Vous savez combien me coûte le procès que m'.avez intenté et qu'avez perdu
contre Jehan Du Casse (?) par arrêt de la cour du parlement de Bordeaux.
Je retourne à vous dire... que les atlaires qu'avez maniées pour moi
depuis l'an 1572 me coûtent plus de 10 000 écus, en y comprenant les
intérêts de mon argent couché eu pastel qui a demeuré plus de six ans
sans aucun profit.... si jamais je ne me fusse mrlé de pastels ains seu-
lement de draperie qui est mon état naturel, il me fut mieux pour moi...
(le plus de 10000 écus. Si les dernières six années qu'avez manié mes affaires
dans Toulouse eussent été semblables aux cinq dernières années que An-
toine Sagnier me les a maniées seulement à recevoir mes dettes et payer
mes lettres de change, je sais combien il me seroit de mieux.... Vous
ne me rendez point compte des comptes, cedules et papiers... depuis votre
dernier département de Paris, lequel compte est celui que vous demande
que j'attends il y a six ou sept ans passés
Sif/7ié : Jea,n Uolillk.
(Arch. de l'IIôtel-Dieu de Toulouse, Papiers Leco.mti;).
1. Yoy. dans Fkkville, Cotnmerce maritime de lioue», II. n" l'iU, les
objections présentées par l'échevinage de cette ville, le 24 novembre 1582,
contre l'établissement des courtiers.
2. Arch. nat. Coll. Rondonneau, ADX68. Lettres de provision rie courtier
au Havre délivrées par Henri IV, 8 septembre l.")83. Hohely, lUstoire du
Havre. I. Append., 35.
BOUTIQUES ET GROUPEMENT DES COMMERÇANTS. 231
l'ortunc et, en un certain sens, ils en dépendaient encore'.
Quelquefois même ils étaient nommés par elles -. Les
commissioimaires, quand ils sabstenaient do garantir le
succès del'afFaire dont ils s'occupaient, ne se distinguaient
guère des courtiers. Ils ne prenaient alors qu'une commis-
sion simple qui était généralement de 2 pour 100. Dans
le cas contraire, ils touchaient une double commission et
étaient alors, suivant une expression restée en usage,
tenus de croire^.
Grâce à ces représentants qui allaient chercher et
conclure au loin les atTaires, la vie du commerçant
s'écoulait en grande partie dans sa boutique et son
quartier.
Ces boutiques s'ouvraient sur la rue sous un arc sur-
baissé ; assez souvent la lumière y pénétrait par des
devantures vitrées soutenues sur de légers châssis. On
y accédait soit directement de la voie publique, soit par
une allée qui conduisait aussi aux étages. On y ménageait
généralement, au moyen d'une cloison à mi-hauteur,
appelée, dans certains pays, mejan^ une arrière-boutique,
où vivait la famille, où s'empilaient les marchandises qui
n'étaient pas couramment demandées. Qu'on ajoute une
cuisine où l'on se tenait l'hiver, une cour intérieure où,
dans les villes du Midi, on cherchait l'été la fraîcheur et
quelques chambres au premier parfois envahies par les
marchandises ' et l'on aura une idée sommaire mais assez
1. Savaky, Diction, du commerce, v» Courtier,
2. Arrêt maintenant ce privilège aux maîtres gardes de la draperie de
Paris, 9 juillet 1605. Arcii. nat., collection des arrêts du conseil.
3. La provisione è quel premio che si dà al mercante che fa le faccende
tue per la sua fatica, e quando, oltro alla fatica, tu gli aggiugni anco il
risico dello starti del credere, la provisione si dà doppia, cioè quattro per
mille de' cambi e quattro per cento délie niercanzie, ma gli amici si con-
tentono di tre. Dava:xzati, Notizia de' c«/h6! publiée avant 1391.
4. PuECH, Nîmes à la fin du XVI'' siècle, 1884, 8, p. 379. Babeau, Les bour-
geois d'autrefois, p. 27. Quarré Reybourdon, Aspect de quelques maisons de
Lille au commencement du XVII'' siècle dans A)ni des monuments, 1890, IV.
■n-1 ENSEIGNES.
exacte du milieu où se tléroulait l'existence de la bour-
geoisie couimerçante.
Certains quartiers étaient, préférablement à d'autres,
recherchés par certains commerces. Il y avait là une vieille
tradition dont le présent olïre encore des vestiges et qui
est si connue qu il est à peine nécessaire den donner des
exemples.
La rue aux Fèvres et le Petit- Pont étaient le quartier
exclusivement adopté par les marchands de draps dor,
d'argent et de soie ', Les merciers étaient groupés dans
l'enclos du Palais, aux Halles, au cimetière Saint-Jean
et aux environs du Grand et du Petit-(lhâtelet -. Le beau
monde venait dans la galerie du Palais feuilleter chez les
libraires les livres nouveaux, marchander les objets de
parure chez les merciers et les lingères, qui achalandaient
leurs boutiques en servant les intrigues galantes de leur
clientèle \
Les maisons de commerce ne se déplaçaient que très
rarement. Elles s'imposaient à l'attention des passants par
des enseignes voyantes et bizarres qui exprimaient gauche-
ment et crûment, par Tiniage et par la légende, les ins-
tincts persistants et les impressions profondes de l'àme
populaire: dévotion naïve, traditions historiques, loyalisme
monarchique, émotions produites par les événements con-
temporains, gaieté gouailleuse et amie de l'esprit d'à peu
Babeac, Un marchand de province sous Henri /F dans Bulletin de la Société
d'économie sociale, Vlll. .Malherbe à Peiresc, .^ janvier I6I.$ dans Œuvres
de Mal/ierhe, édit. Lalanne. FoRETncRE, Roman bourgeois, 64. Voy. un dé-
nombrement des boutiques occuptes à Paris par les diverses proTessions
dans la Relation de Vr. d'Ierni (lôOG). Bulletin de la Société de l'histoire de
Pans, Xli, IGi. Albiuncolrt, Histoire r/énéraledes larrons, 1G29. Deux livres
déraison, p. p. Santi et Vidal. Introd. p. 2"20-"-!21.
1. Savahy, Le parfait négociant, I, 171.
2. Arrêts du conseil du 7 août et 11 septembre IGOi, 2(i mars 1(505.
3. Corneille, Im galerie du Palais. Voy. aussi la gravure dAbraham Uosse
représentant la galerie du l'alais et les vers ijui en forment la légende et
(|ui ont été reproduits dans ['Histoire du commerce de Pujeonneai, 11,
Append., Ili.
MARCHÉS L'SURAIRES ET I5ANQUES PUBLIQUES. 233
près '. La loi eu assurait la propriété et en défendait, dans
le même quartier, la similitude -.
Les commerçants du commencement du xvii" siècle
avaient gardé du spectacle des fortunes écroulées et des
fortunes rapidement édifiées dont les agitations de leur
temps les avaient rendues témoins, un vit' attrait pour la
spéculation. C'est cet entraînement qui rendait suspects
les marchés à ternie, les ventes à crédit. Les grossiers espa-
çaient en quatre ou cinq échéances le payement de leurs
livraisons aux détaillants -^ ; ceux-ci, à leur tour, revendaient
à crédit, même aux moins fortunés de leurs clients, aux
laboureurs et aux vignerons '. Au fond, il n'y avait là que
des marchés usuraires. Déjà l'ordonnance dOrléans (I06O)
avait prononcé contre les marchands coupables d'usure la
peine de la confiscation et interdit à d'autres qu'aux mar-
chands le marché à terme ". Mais les mesures légales étaient
restées impuissantes. L'existence d'une banque d'Etat ou,
tout au moins, dun établissement de crédit fonctionnant
au grand jour sous la garantie ou le contrôle de celui-ci,
en faisant une concurrence victorieuse aux transactions
clandestines et en jouant le rôle de régulateur du crédit,
aurait été plus efficace. Cette vérité n'échappa pas à nos
ancêtres et suscita dans ce sens plus d'une tentative. En
1506 le comte de Retz proposa au bureau de la ville de
Paris la création d'une banque au capital d'un million
de livres (3 704 793 fr, 37) qui serait pris sur les quatre mil-
lions (14 819 173 fr. 49) provenant d'une loterie dont les
1 . Ed. Folrmeh, Histoire îles enseignes.
2. Brillox. Puech, Nîmes à la fin du XVI" siècle, 153-154. Malbhanche,
Causerie à propos de quelques enseignes. Moxgazon, Enseignes et devises
des magasins d'Angers dans Mém. de la société d'agriculture, sciences et arts
d'Angers, XL (1884), p. 171.
3. Savxry, Parfait négociant, I, 162.
4. MoNTCHRÉTiEN, Traité de l'économie politique, éd. Funck Brentano,
p. 2G0. Lafffemas, Remonslrance en forme d'édit.. art. xvi. Deux livres de
raison, p. p. Santy et Vidal, p. 199.
5. Picot II, 3.30-33 1-
'2U liANQLES PLBLIOLES.
lots i^bions-foniis, meubles, etc.), déjà réunis par l'auteur
de l'avis, seraient remis à la municipalité. Cette banque
prêterait au denier dix sur cautions et sur gages. Les fonda-
teurs céderaient à la ville le huitième du profit de la lote-
rie et de la banque. Grâce à celle-ci, les emprunteurs
n'auraient plus à subir les exigences des usuriers et les
frais ruineux des actes notariés; le commerce trouverait
l'argent nécessaire à ses voyages au loin et à ses approvi-
sionnements. Malgré ces séduisantes perspectives, léche-
vinage parisien refusa de mettre son puissant crédit au
service de cette entreprise '. Près d'un demi-siècle après,
le 20 dé'ccmln-e ir»08, le conseil d'Ktat approuvait les sta-
tuts qui lui avaient été soumis par le sieur de Fontenu,
avocat au parlement pour la création dune banque de
France. L'institution qu'il baptisait de ce nom, était
une banque de dépôt et de prêt, non d'escompte et
démission. Comme celle dont le comte de Relz avait
conçu l'idée, elle était destinée à prêter sur cautions
et sur gages. L'intérêt attribué aux actions composant
le capital était légèrement supérieur à l'intérêt légal
cl au cours du change des foires de Lyon. Son sur-
intendant et ses contrôleurs étaient investis du pou-
voir de décerner contre ses débiteurs, sans l'intervention
de la justice, des contraintes exécutoires. Les frais
généraux étaient couverts par le prélèvement d'un droit
proportionnel sur le mouvement des fonds. Le capital
de l'établissement de Paris était fixé à 1. '500 000 livres
(4 384 391) fr. 20) et, dans ceux des provinces, suivant
l'importance des villes. Les statuts ne devaient être en-
registrés que lorsque ce capital aurait été souscrit. On
peut affirmer qu'il ne le fu! pas, car la banque du sieur
de Fontenu n'a laissé d'autre trace dans l'histoire que
1. Itef/islrea du bureau de tu ville, p. p. Tuetev, V année lôCG).
LETTRE DE CHANGE. 23î)
le projet dont on vient do lire les clauses essentielles '.
A pari l'organisation défectueuse du crédit, le commerce
jouissait, au commencement du xvn' siècle, des organes
nécessaires à son existence et à son essor. Lettre de
change, sociétés commerciales, bourses, foires et mar-
chés, procédure des faillites, tribunaux consulaires, tout ce
qui facilite aujourd'hui les opérations commerciales, se
retrouve, à un degré de développement inférieur, au temps
de Henri IV.
La lettre de change est toujours en substance ce qu'elle
était en ce temps-là: un acte opérant un transport d'argent
ou, comme on dit, une remise d'une place sur une autre.
Alors, comme aujourd'hui, le payement de la lettre de
change dans un autre lieu que celui où elle a été tirée,
était une condition essentielle. Pour ressembler tout à fait
à celle de notre temps ou même à celle dont l'ordonnance
du commerce déterminera les conditions légales, il lui
manque la clause à ordre -, la faculté d'endossement qui
en est la conséquence et la mention de la valeur reçue,
espèces, marchandises ou billet. Faute de la clause à
ordre, elle n'avait pas encore acquis cette facilité de trans-
mission et de circulation qui l'assimile presque au billet
de banque. Elle était payable à vue ^ à jour préfix \ à
usance ou à double usance et enfin à l'une des quatre foi-
res ou, ainsi qu'on s'exprimait, à l'un des quatre payements
1. Nous en avons publié les statuts dans le Bulletin de la Société de l'his-
loire de Paris, 1890.
2. « Ces mots : ou à son ordre ne sont pas de l'essence d'une lettre de
change... avant IGïOles cambistes ne les mettaient jamais dans leurs lettres. >-
Savaky, Parères, n° 82.
3. « ... ai écrit au sieur Anth. Sagnier de luy fournir 450 ccus sol.
(4 247 fr. 18) pour acheter lesdites marchandises et lui promets les lui
rembourser à lettre vue. » Boyer à Lecomte. Bordeaux 17 septembre 1583.
Papiers Lecomte.
•i. « 11 ne faut pas penser de payer lettres de change qui ont jour prefix
aux cedules. » Michel Dusosoy à Simon Lecomte. Bordeaux 5 janvier 1575.
Ibid.
23(1 li:tïre de change.
Je Lvon. L'usaïu'i' lixait rôcliéanco à un mois, la double
usaiice à deux mois '. L'aval élait déjà en usage et, comme
aujourd'luii. le tiré recevait une lettre d'avis -. Au reste, la
lettre de change nelait pas soumise à un formulaire
arrêté. Elle pouvait, comme la suivante, èlre conçue dans
la forme dune lettre ordinaiie :
« Monsieur. Ce petit mot sera seulement pour vous prier
de payer deux jours vue à M. de La Bornerie la somme de
dix escus sol, pour semblable somme qu'ai reçue découlant
du sieur Monchatte Cerretany, de laquelle somme de
dix escus ne laudrai mettre en compte, espérant dans
trois jours vous écrire et fere réponse d'une lettre que je
reçus du jour d'hier venant de votre part... Toulouse ce
23 janvier lo82. Votre bon ami et serviteur : Lecomti:. »
Au dos, le porteur a mis son reçu : « J'ai reçu les dix escus
contenus en l'autre part par les mains dudit sieur Target^
l'ait à Paris ce 18 de février lo82. De la liouNF.nii:. » Puis
la lettre de change est revenue, lors d'un règlement de
compte, aux mains du tireur qui l'a classée dans ses papiers
avec la rubrique : <' Pour(?) lettre de change du sieur
Simon Lecomte en Toulouse le 23 janvier lo82 pour
10 escus sol (Di fr. 38) paies à M. de La Bornerie le 10 (sic)
février 1582 \ »
Voici une autre rédaction :
« Jésus Maria. Ln Paris ce seizième mai 1.579. Mons. Le-
1. Ln durée légale du mois fut fixée ;i trente jours par Fordonnance du
commerce. Savaky. Parfait négociant, J.
2. « J'ai reçu la votre d'avis par laquelle me mandez accepter une lettre
de change que tirez à payer à M. Pancy (?) de la somme de :i()0 écus
•2 833 fr. 'J9) sur la partie de 2000 livres (G297 fr. 75) que je dois à M. Roui-
ller de Tan septante sept... » Carrière à Lecomte, Toulouse 3 novembre 1578.
■I ... je vous supplie délivrer à .M. David, présent porteur les deux lettres
de change de IGOU livres (5038 fr. 20) avec la lettre d'avis... " Jean Magnard
a Corneille, 18 janvier 1578. Papiers Lecomte. Davanzati donne la formule
de la lettre d'avis : » lo ti rimetto per l'inclusa di Ber. Davanzati un marro
da Salviati, presentala e risf|uotilo e torna a rimetterlo a me. »
•i. Valentin Target ou Targcr bourgeois de Paris.
4. Papiers Lecomte.
LETTRE DE CHANGE. 237
comte, s il vous plaist, ferez tenir et ordonner provision par
ceste seconde de change, si la première n'a esté acquittée,
au quinzième juin prochain pour payer au sieur Valentin
ïargier à Paris la somme de 50 escus d'or sol (471 fr. 91 ;
et ce pour la valeur de pareille somme que j'ai de par
deçà reçue de lui comptant, dont à ce vous prie ne faire
faute, priant Dieu que de mal vous garde. Pour oO escus*. »
L'acceptation par le tiré le rendait débiteur, non seule-
ment par provision mais à titre définitif^, ce qui n'ôtait pas
au porteur le droit de se retourner, en cas d'insolvabilité
du tiré, contre le tireur. Le refus du tiré d'accepter ou de
payer amenait le protêt, c'est-à-dire une sommation devant
notaire d'avoir à accepter ou à payer et, faute de le faire,
une protestation contre le tiré et le tireur. Parfois le
premier, requis d'accepter, éludait et déclarait se réserver
1. Papiers Lecomte.
2. Arrêt du 20 janvier l.ïSi cité par .AlAiiÉciiAL, Traité des changes, 1625.
Voici un exemple de protêt:
'< Aujourd'tiui quatorzième jour de mai l.'>84 à... six heures du matin, les
notaires du roi n. s. en son Chatellet de Paris soussignés se sont transportés
de leurs études en la maison de honorables hommes François et Nicolas
Gobelin, marchan et bourgeois de Paris demeurant es faubourgs de Paris dits
de Saint-Marcel, où illec etans Pierre Nivelle serviteur et... au nom de Jehan
Cartier, marchand et bourgeois de Paris ayant charge de lui, qui a mené
lesd. notaires pour avoyr acte du contenu cy après, a prié et requis lesd.
Gobelin, pariant à François Gobelin, de leur bailler et payer pour led.
Cartier la somme de 200 ecus sol. (1887 fr. 63) mentionnée en une lettre
d'eschange envoyée aud. Cartier pour la recepvoir desd. Gobelin par un
nommé et signé Le Compte en date à Toulouse le 23 mars 1684, payable
onze mois de vue, laquelle lesd. Gobelin ont jà vue au moyen du protest
à eux lait à la requeste dud. Cartier le 5« avril dernier et encore l'a exhibé
présentement, protestant, au refus du change et rechange, de prendre
deniers a change et rechange et choses qui font à protester en cette partie
tant depuis led. premier protest que auparavant, qui a fait response que,
en faisant lever les arrêts qu'il y a sur les deniers que il peut devoir aud.
Le Compte faits à la requeste de plusieurs, il est prest de payer, dont led.
Nivelle [aj requis acte et ont signé la minute délivrée pour led. Jehan
Carlier.
Nous soussignés, couratiers jurés des rechanges à Paris certifions que celui
qui baille argent à rendre à Toulouse à six ou huit jours lettre vue pour
100écus(943 fr. 82) qu'il baille à Paris, en reçoit à Toulouse 104 (981 fr. 57)
ou 105 (991 fr.). ce que certifions estre véritable. Fait à Paris, le 14 de mai
1584. " Papiers Lecomte.
238 LETTRES DE CHANGE SUR LES FOIRES DE LYON.
>a liberté d'action à IVcliéaiice. C'est ainsi que François
(fobelin, mis en Jenieiiro, le 12 avril 1384, d'accepter une
lettre de change qui lui avait été présentée le 9 du même
mois, répondait que, le temps du payement venu, il verrait
ce qu'il aurait à faire, sur quoi le porteur, Jean Cartier,
prenant cette réponse pour refus, sommait le tiré d'accepter
et, à faute de le faire, réservait ses droits à tous dommages-
intérêts et se faisait donner acte du tout par deux notaires'.
Après le protêt, le porteur pouvait revendiquer contre le
tireur la provision contre laquelle la lettre de change lui
avait été d(''livrée -. Avant de tirer sur le tireur une nouvelle
lettre de change pour se rembourser de la première et des
Irais du protêt, le bénéliciaire lui notifiait le protêt et lui
laissait un délai raisonnable pour pourvoir à la situation,
«...je vous ai écrit ces jours passés, mande Nicolas Craillet
à Simon Lecomte le 10 juillet l.')S2, vous donnant avis
comme j'avais fait protester la lettre de change de 94 escus
28 s. t. (891 fr. 39) que m'aviez faite. Maintenant, avec
commodité de ce porteur, M. Signier, j'ai bien voulu encore
vous avertir afin que donniez ordre à cette partie et que
bientôt on en puisse estre paie, ensemble du protêt que
j'ai fait faire. J'estime qu'on ne la vous tirera à paier par
delà moiennant que bientost l'on ayede vos nouvelles^... »
Le porteur qui touchait la lettre de change, la laissait,
avec son acquit au dos, à celui qui la lui payait'.
On a vu que les échéances des lettres de change étaient
parfois assignées aux foires ou, comme on disait, aux
payements de Lyon. On sait que ces foires avaient lieu
quatre fois par an, de trois mois en trois mois, qu'elles
commençaient le premier lundi après les Rois, le premier
I. Papiers Lecomte.
■J. Anvt du 8 mars I60G cité par Mahéciiai-, Traite des chanrjei'.
3. i'apiers Lecomte.
4. .Michel Uusosoy à Simon Lecomte. liordeaux, .'> janvier l.VJô. Boyer à
S. Lecomte. liordeaux, l"^' janvier [1581 ?J Ibid.
LETTRES UE CHANGE SUFl LES FOIHES DE LYON, 230
lundi après Quasimodo, le ï août et le 3 novembre et
quelles duraient quinze jours. La clôture de cluicune était
suivie d'une assemblée générale de tous les commerçants,
français et étrangers, qui y avaient pris part. C'est dans
cette assemblée qu'était procédé à l'acceptation, au bilan et
au payement, soit par compensation ou, suivant l'expression
consacrée, par viraient de jiartics., soit en espèces ou en
olTets de commerce, des lettres de change à échéance de la
foire qui venait de se terminer; c'est là aussi qu'était fixé,
d'après les renseignements apportés de tous les points de
l'Europe par les commerçants qui s'étaient rencontrés à la
foire, le cours légal du change à Lyon et dans les places de
commerce de l'Europe occidentale'. Grâce à une tolérance
qui comptait parmi les privilèges des foires de Lyon, les
lettres de change tirées d'une foire sur l'autre rapportaient,
par foire ou par trimestre, un intérêt de deux et demi
pour 100 qui, sous prétexte qu'il était perçu pour le change,
n'était pas considéré comme usuraire. Cet intérêt, sous le
nom de change et rechange, se capitalisait et portait intérêt
à son tour. Le commerçant qui, par exemple, avait tiré à
la foire des Rois une lettre de change de 1000 livres,
touchait, à la foire de Pâques, 1025 livres et sa créance,
reportée de foire en foire ^ s'augmentait à chacune du
change pour le capital primitif et d'un rechange pour
chaque remise, sans compter le courtage, la provision et le
change pour la différence des espèces '. D'abord justifié par
1. Davanzati, Notizia de cambi, éd. Bindi, II, 4-30. Cl. Le Prestre,
Questio7is notables (1645), chap. lxxxii. Savary, Le parfait négociant, 141,
145. GoLDSCHMiDT, Uiilversalgeschichte desUandelrechts, 1, 235 et suiv. Vaesen,
La juridiction commerciale à Lyon sous l'ancien i-égime, (1879) 14G-147.
".'. Aux foires de Genève, l'iutérêt d'une foire à l'autre fut, dans le
xv« siècle, de 5 p. 100. Borel, Les foires de Genève an XP siècle, p. 136.
3. Davanzati, Notizia de cambi. ÀIaréciial, Traité des changes. « Et font
payer le change de remise, lequel, ajouté avec le premier change de
trois mois, courtage et provision qu'ils font payer, avec la transmutation
des espèces, figurée aux moins entendus à un tiers ou plus du principal... »
Laffemas, Remonstrance en forme d'édit, art. xi.
240 LETTRES UE CHANGE SUR LES FOIRES DE LYON.
riuli'rèl du commerce et par les risques et les frais résultant
du défaut de payement et d'une nouvelle remise, le rechange
était devenu, pour une foule do capitalistes qui n'avaient
rien à faire avec le commerce ni les foires de Lyon, un
placement usuraire en même temps que hasardeux. Cette
opération ne tentait pas moins les gens embarrassés et
imprévoyants qui y trouvaient la facilité de faire proroger
de foire en foire leurs échéances. Si l'on pouvait ainsi
réaliser un bénéfice sensiblement supérieur à 10 pour 100,
on risquait aussi de perdre le capital par la faillite de ceux
sur qui les lettres de change étaient tirées'. Pour rassurer
et encourager les capitalistes, des banquiers, movennant
double commission, prenaient les risques à leur charge';
des courtiers oll'raient des débiteurs solvables et se faisaient
donner des commissions où le nom du créancier restait
en blanc et (jui ne portaient que la somme prêtée, le terme
et le lieu du ])ayement. Grâce à cet anonymat, ce n'était
plus seulement des financiers, des spéculateurs de pro-
fession qui se livraient à ce genre d'opérations, c'était aussi
des fonctionnaires et des comptables qui y engageaient les
recettes publiques, s'exposant ainsi à ne pouvoir faire
honneur aux payements assignés sur leurs caisses. L'agri-
culture, l'industrie, le «ommerce y perdaient ce qu'y gagnait
l'agiotage ^ Les amis du bien public, qui essayaient de
s'expliquer la stagnation, encore trop grande, du marché,
jointe à l'existence de tant de fortunes particulières,
dénonçaient les « changes et rechanges » comme un des
obstacles les plus graves au développement de la pro-
duction \
1. D.ins l'esix'.'ce iiua<;inée par Davanzati [xniv expliiiiicr cette opéraliou,
il n'y avait pas moins de quatre faillites à craindre.
2. 1) A VAN/ATI, LOC. cit.
3. Mahkchai., Traité des changes.
4. « ... banquiers et usuriers qui faisoient (ainsi que l'on voit à présent)
des monopoles sous le nom de change et rechange... » Lai'femas. Rêvions-
FOIRES. 241
Les lettres de change nous ont insensiblement conduit
à parler des foires, mais c'est un sujet sur lequel il faut
revenir, car il mérite d'être traité non incidemment mais
pour lui-même.
Le moyen âge n'avait pu soustraire le commerce assez
hardi pour sortir de l'enceinte des villes aux dangers qui
le menaçaient qu'en lui ouvrant des asiles oi^i il trouvait la
sécurité, des franchises et des privilèges. Les foires étaient
ces asiles. Des sauf-conduits presque toujours respectés
protégeaient ceux qui s'y rendaient; une juridiction spé-
ciale et sommaire réglait leurs débats ; des voies d'exécution
rigoureuses facilitaient le recouvrement de leurs créances.
Ces avantages avaient assuré le succès des foires de
Champagne; la fiscalité, l'expulsion répétée des Lombards
et Caorcins, le déclin de l'industrie drapière en Champagne,
la création de relations directes entre la Flandre et l'Italie
avaient amené leur décadence. De leur ruine naquirent
les foires de Lyon. Ce fut grâce à des privilèges analogues,
auxquels il faut ajouter la situation si favorable de la ville,
l'esprit sérieux et les habitudes laborieuses de la po-
pulation, le génie commercial de la colonie italienne,
que les foires de Lyon devinrent le marché commercial
le plus important de l'Europe occidentale. Abolition du
droit d'aubaine et de représailles, exemption du ban et
de l'arrière-ban, du régime des maîtrises, des droits
d'entrée et de sortie du royaume, tribunal de la con-
servation étendant sa juridiction dans toute la France et
même, pour l'exécution des prises de corps, à l'étranger,
Lyon avait tout obtenu au nom de ces foires* qui, au
trances en forme d'édit, édit. Champollion dans Mélanges historiques {Docu-
ments inédits], IV, XV. « ... par change et rechange la France de richesse
est tombée en pauvreté. » Laffemas, Advertissement et 7'esponse aux
marchands et autres..., 1600. Dans ses Remonstrances, Laffemas demande
la suppression des courtiers de change.
1. Privilèges des foires de Lyon, p. p. Guillaume Barbier, 1G49.
16
242 FOlHtS,
miliou du XVI* siècle, avaienl fait tripler sa population',
l'ai- icui" iuiporlauce iiiliTualionalo, les foires de Lyon
éclipsaient de beaucoup toutes les autres. On ne nous
pardonnerait pas pourtant d'oublier celles qui, tout en
n'ayant donné lieu qu'à un mouvement d'alTaires régional,
ont obtenu une popularité ([ui dure encore. Comment ne
pas accorder, par exemple, un souvenir à la foire Saint-
Germain? Ce fut justement au milieu du xvi" siècle qu'elle
atteignit son plus haut degré de vogue. A toutes les époques,
la mode, le bon ton. le luxe, la licence eurent à Paris un
centre favori; sous Henri IV ce centre s'appela la foire
Saint-Germain, comme il s'appellera sous la Restauration
le Palais-Royal. Dans les boutiques alignées en rues,
s'étalaient les articles de l'industrie parisienne et les
coûteuses fantaisies que les merciers recevaient de toutes
les parties de l'Europe et même du monde. On venait à la
foire pour les voir et pour les marchander; mais on y
venait tout autant pour jouer, pour se battre, pour chercher
des bonnes fortunes. Les chambres situées au-dessus des
loges servaient surtout à cela. Au rez-de-chaussée les
alTaires, au [)remier les rendez-vous galants et le tripot : le
marchand gagnait ainsi de deux façons. La foule, la
badauderie, laccumulation de marcbandises de prix, l'abon-
dante circulation d'argent y faisaient beau jeu aux char-
latans, aux bonneteurs, aux filous -. Il y a dans les sociétés
des milieux et des moments dont les gouvernements ont
souvent toléré les excès; mais cette tolérance a toujours
cessé quand le désordre public est venu donner aux
désordres privés une redoutable portée. C'est parce que le
pays se trouvait dans cette situation, que la foire fut
suspendue pendant six ans, et ne rouvrit ses portes qu'en
1:jO:>. Ce fut l'année suivante qu'y débuta une troupe de
1 . Mathieu de Vaizei.les, Traité des péages, lââO.
2. Auiim.NCocitT, Histoire générale des larrons..., IG20, p. 101, 108, 110.
FOIRES. 243
comédiens qui se produisirent également à la même
époque à la foire Saint-Laurent et qui, essayant de se créer
dans Tart dramatique une place modeste à côté de la
Comédie française, de la Comédie italienne et de l'Académie
royale de musique, passant, pour échapper aux persécutions
de leurs puissants rivaux, par toutes les transformations,
finirent par fonder, au commencement du xvni" siècle, le
genre, longtemps si populnire et si français, de l'opéra-
comique '. Xous devons aussi une mention à la foire Saint-
Denis ou du Lendit, à celle de Beaucaire où affluait la
population du Languedoc, à colle de la Guibray à Falaise
dont les « finesses et monopoles » ont exercé la causticité
de Noël du FaiP.
Le retour de la sécurité publique ramena la foule aux
foires désertées et en fit créer de nouvelles ^ Bien que
l'assortiment des marchands de province fût très varié %
il ne pouvait suffire à tous les besoins locaux, stimulés par
l'émulation de bien-être et de luxe qui succède aux périodes
de privations et de souffrances et les seigneurs, qui béné-
ficiaient des droits dont les foires étaient l'occasion, étaient
toujours empressés à faire valoir sur ce point les intérêts
et les vœux des populations. Mais l'ouverture d'une foire
nouvelle était subordonnée à cette condition que, dans un
rayon de trois lieues, il n'en existât pas, le même'jour, une
autre. Les rois des merciers, leurs lieutenants, les visiteurs
et réformateurs généraux des marchandises, c'est-à-dire les
1. RouLLAND, La foire >^auif -Germai» sous les règnes de Charles IX, de
Henri 111 et de Henri IV àd^ns Mémoirvs de la Société de l'histoire de Paris, III.
Campardon, Les spectacles de la foire. Introd., viii-x, xx.
2. ft ... ses finesses de la Guibray qui est le rendez-vous des nieschans
complots et monopoles de toute la France... » Contes et discours d'Eulrapel,
II, 2G5.
;5. Citons, entre autres exemples, la création, par lettres patentes d'oc-
tobre 1G02, des quatre foires du Monastier dans la sénéchaussée du Puy-en-
Velay. Société nr/ricole et scientifi'/ne de la H lute-Loire, III {1881-8'2). p. ISI.
4. Inventaire d'un marchand landais au milieu du A'F/e siècle, dans Revue
des Sociétés savantes, VI (188'2).
244 FOIRES.
autorités qui centralisaient la surveillance régionale du
commerce, étaient probablement consultés sur l'opportunité
de ces créations. C'était eux aussi qui procédaient à leur
ouverture avec un cérémonial qui était partout à peu près
le même. L'un de ces oflieiers, accompagné ou non du
personnel de sa juridiction, lieutenants, greffiers, huissiers,
parcourait à cheval et l'épée nue le champ de foire. Devant
lui étaient portés par des marchands un pavillon de taffetas
vert décoré des armes du seigneur et des torches de cire
ardente également armoriées. Venait ensuite un bœuf gras
caparaçonné. Il était chevauché par celui des merciers
qui venait de sen rendre adjudicataire dans les enchères
dont la cérémonie avait été immédiatement précédée, et qui
acquérait parfois, par cette adjudication, l'exemption de
péages dans les terres seigneuriales. Le montant en était,
dans certains endroits, partagé entre ses confrères. Le
représentant du roi des merciers faisait largesse au peuple
en criant avec tous les assistants : <( Vive le roi et le seigneur
et foires déployées! » El, en même temps, les marchands
étalaient leurs marchandises, la foire était ouverte, le
seigneur en était mis en possession et recevait la pancarte
des droits qui lui étaient attribués. Une fille publique
vêtue d'un peliçon, une truie suivie d'un aveugle se
joignaient parfois au cortège et ajoutaient aux réjouissances
par lesquelles on fêtait, aux frais du seigneur, l'inauguration
de la nouvelle « bourse » dont il avait dès lors la protection
et les profits '.
Les foires devaient survivre aux raisons économiques,
à l'organisation sociale qui leur avait donné naissance et
avaient fait d'elles un bienfait. Soutenues par l'esprit
1. Barinet de liENCOGNB, Inuiif/uration d'une foire nous Henri IV. Ihillelin
de la Société arcliéoloQiquc el hist. de la C/iarenle, XV (186ij , p. 137. Docu-
ments inédits. Mél. hisL, I, 217. Foires et marcUés de Sainl-Clémentin dans
Arch. hist. du Poitou, XX.
SOCIETES COMMERCIALES. 245
d'autonomie locale, par rattachement au privilège, par
l'attrait du plaisir, elles ont traversé, non sans un déclin
croissant, des temps où la sûreté des communications, la
lixité des taxes fiscales semblaient leur enlever leurs avan-
tages pour ne leur laisser que leurs inconvénients. Déjà,
au temps de Henri IV, elles avaient trouvé des détracteurs;
l'infatigable Laffemas avait composé un traité tout exprès
contre elles. Il est vrai qu'il n'a pas fait valoir à leur
encontre les critiques qu'on leur adresse généralement; ce
qu'il leur reproche seulement, c'est de favoriser les impor-
tations étrang'ères et la sortie du numéraire '.
Les marchands grosdcrs qui les fréquentaient faisaient
presque toujours partie de sociétés commerciales et c'est
grâce à cela qu'ils pouvaient sans préjudice délaisser mo-
mentanément le centre de leurs affaires. Ce fut sous
Henri IV que se produisirent les premières tentatives pour
fonder des sociétés par actions, mais ces tentatives ne réus-
sirent pas. Ce n'est pas, on le sait assez, qu'il ait manqué
sous son règne de ces grandes entreprises pour lesquelles
un appel financier au public paraissait tout indiqué, travaux
de dessèchements et de canalisation, propagation de la sé-
riciculture, colonisation, fondation d'industries nouvel-
les, etc., mais ceux qui se mirent à la tête de ces entre-
prises paraissent s'être contentés de joindre à leurs capitaux
personnels ceux d'un petit nombre d'associés; ils ne
semblent pas avoir constitué des sociétés analogues à celles
qui, attirant les petites épargnes par le montant peu élevé
des parts et le fractionnement des versements, facilitant
leur négociation par la transmission au porteur, ont rendu
possibles les grandes entreprises des temps modernes et y
1. « Audit premier traité est représenté le mal que font à présent les
foires franches en ce royaume et la création d'icelies, estant cause que les
estrangers enlèvent les trésors en tous endroits. /> Les discours d'une liberté
générale et vie heureuse pour le bien du peuple., ICOl.
240 SOCIÉTÉS COMMERCIALES.
ont intéressé toutes les classes. On ne rencontre à l'époque
qui nous occupe que la société en nom collectif, la société
en commandite simple, et, sous le nom de société anonyme,
la société en participation. La seconde est celle qui mérite
le plus laltention parce (|uelle oITrait aux classes auxquel-
les le commerce était interdit, aux nobles, aux ecclésiasti-
ques, aux officiers publics le moyen d'y engager leur
capital sans compromettre ni leurs biens au delà de leur
apport ni leur nom. Les actes de société étaient générale-
ment passés sous seing privé et les commerc^ants repous-
saient, comme une entrave très gênante, l'obligation de les
faire devant notaires ^ L'ordonnance de Blois (1379) avait
prescrit l'enregistrement de ceux qui créaient des sociétés
entre étrangers. En voici un pour la formation d'une
société destinée à faire le commerce du pastel. On remar-
quera que l'un des associés, outre sa part dans le capital
social, apporte son activité en qualité de gérant et reçoit, à-
ce titre, un traitement :
« L'an ii>74 et le vingl-troisième jour du mois de juillet ont été
accordés les pactes de compagnie entre sieur André de Jesse,
marchand de Toulouse d'une part et sieur Antoine Gailhaid,
marchand de Lauraguais d'autre comme s'ensuit :
« Est pacte que les d. de J. et G. mettront en fonds en lad.
compagnie, chacun pour sa part, la somme de liOOO livres tourn.
(17003 fr. 27) en deniers claires et liiiuides pour être employés en
cognauhe de pastel tant au lieu de Monigailliard, Villefranche de
Lauragois que autres lieux circonvoisins.
« Il est pacte que la merchandise achetée de Taigeiit de lad.
compagnie se partira au tymon (sic) et où et quand que l'une partie
auroit plus fourni d'argent que l'autre à l'achat d'icelle merchandise,
tirera au sol la livre plus du pastel agtavat et suivant l'argent qui y
aura mis.
« llem est pacte que tous les achats de cognauhe de paslel que led.
G. a déjà faits ou fera pendant lad. compagnie en la présenle année...
seront au profit d'icelle et n'en pourra faire d'autres achats parli-
1. Procès-verbaux du conseil du commerce, 'iO août IGÛi.
PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS. 247
culiers pour lui ni pour nutros personnes, se ce n'est pour lad.
compagnie... et, avenant qu'il accomodat aud. de J. d'y mettre plus
d'argent que de lad. somme..., led. G. sera tenu de l'employer aux
mêmes conditions de lad. compagnie et, led. achat fait, sera tenu
d'en bailler le compte par le môme aud. de J. quand par lui en sera
requis.
« Item est pacte que led. G. sera tenu faire porter et mettre toute
la cognauhe qui se achètera pour lad. compagnie dans les villes de
Villefranche et Mongaillard pour être en plus grand assurance et ce
que coûtera le louage de la boutique qu'il conviendra avoir dans
Villefranche se paiera aux dépens de lad. compagnie et les autres
seront aux dépens dud. G.
« Item est pacte que la cognauhe que proviendra desterres dud. G.,
de ses parsonniés ou mouldures du molin sera mis à part et étant
bonne et marchande sera comptée comme le prix commun dud. achat
reviendra ou comme vaudront ordinanement les recettes circon-
voisins au choix dud. de J.
(c Item est pacte que led. G. sera tenu faire ou faire faire led. achat
par gens de bien et intelligents en lad. merchandise el, pour ses
peines, vacations et frais qu'il pourra avoir souffer(s, tant pour faire
charroier, piller, trier, baigner et virer led. pastel jusques à trente-
six voultes, louaiges de boutiques, sauf celle de Villefranche..., led.
de J. lui donne, pour chacune charge de pastel qui se truvera être à
sa part, 20 s. tourn. (3 fr. 42), en foi de quoi avons accordé ces présents
pactes... à Toulouse... i. »
Quand on connaît les habitudes professionnelles d'une
classe, on est en voie d'en connaître l'esprit et les mœurs.
Qu'on y ajoute son éducation, sa situation sociale et l'on
aura réuni, ou peu s'en faut, les influences qui déterminent
sa physionomie morale. C'est cette physionomie des com-
merçants et des artisans, car il n'y a pas lieu, à ce point de
vue, de distinguer les uns des autres, que nous allons
essayer de dessiner.
Si l'on grattait ces gens d'atelier et de boutique du
xvn^ siècle naissant, on trouverait un fond ligueur. Ils
restent profondément attachés à leurs dévotions paroissiales,
1. Signé par les deux parties et par un seul témoin, bien que l'acte parle
de deux. Papiers Lecointe.
248 PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS.
à leurs confréries*. Depuis que Henri III avait scandalisé
la piété grave et décente de la bourgeoisie parisienne par
les mascarades religieuses de ses pénilenls, les confréries
s'étaient beaucoup multipliées. Ici, d'ailleurs, comme pour
la Ligue, le roi n'avait fait (jucncourager par le patronage
oiliciel un mouvement favorisé par des circonstances passa-
gères et par des sentiments éternels, par des instincts gros-
siers comme par des aspirations élevées. Besoin de trouver
dans des réunions intimes un soulagement au\ anxiétés
publiciiies et particulières, élan de mysticisme, attachement
fanatique à la religion nationale, dévotion superstitieuse à
un saint local, à un patron familier, goût de l'insouciance
et de la gaieté cherchées dans les cpanchements de la table,
ambition des honneurs et des titres, si burlesques fussent-
ils comme ceux de ]'a à sa guise ^ de Danse comme il lui
plaît, de Mifpion, de Roi et de Reiue qu'on adjugeait aux
enchères au profit de la caisse sociale, tout cela avait con-
tribué à la fortune des confréries. Un érudit de la Marche
en a compté plus de trente-quatre pour quatorze localités
de cette province-. A Sarlat, au xvp siècle, on en trouve
onze. On voit des gens qui sont affiliés à quatorze con-
fréries ^ Ce n'est pas seulement la sobriété, la moralité privée
qui avaient habituellement à soulTrir de ces réunions entre
voisins ou camarades de même métier, c'était aussi la
tranquillité publique quelles pouvaient mettre en péril en
fortifiant, en échauffant, par la solidarité, de vieux instincts
d'opposition et de turbulence. Vienne, en effet, à soufller
un vent de fanatisme ou de sédition, il fera remonter à la
1. René Bexoist, De Vinslilution et abus des confréries, lôTS. Babeau, Les
bowffeois d'autrefois, 321.
1. UosviEUX, Documents relatifs aux confréries de la Marc/ie dans Mé-
moires de la société des sciences naturelles et arch. de la Creuse, V (I8ô7),
p. 414.
3. Gérard, Le livre terrier de Pierre liotnnetle, notaire de Sarlat dans llul-
lefin de ta société fiist. et arch. du l'érlf/ord, XI ;i884), p. 3?1. Mémoires
d'Eustache Piemond, p. 146.
PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS. 249
surface les ferments assoupis et précipitera ces bourgeois
paisibles à de déplorables excès. Us conservent au râtelier
les armes avec lesquelles ils ont successivement délendu la
cause de la rébellion et celle de l'ordre \ avec lesquelles ils
accomplissent encore le pacifique service de la garde ur-
baine, et ce n'est pas sans complaisance quils les montrent.
S'ils se font peindre, ce sera dans un costume militaire-.
Ils ont gardé des temps d'anarchie le goût de répandre les
nouvelles hasardées, de discuter, de trancher les atîaires
d'États Mais ces traditions et ces instincts persistants sont
comme recouverts aujourd'hui par le respect d'une autorité
qui sait se faire obéir, par la jouissance de la sécurité et du
bien-être, par la passion de s'enrichir, d'obtenir tous les
honneurs dont l'ambition leur est permise, de s'élever ou
d'élever leurs enfants à une condition supérieure. Les
étapes de cette ascension sont toutes tracées : c'est par les
dignités de la corporation qu'ils débutent, elles les condui-
1. « ... les aulnes des boutiques sont tournées en pertui?anes. » Satire
Ménippée, éd. L.ibitte, p. 81. << Le marchand quittoit son commerce pour
sauter à la hallebarde... La rue Saint-Denis avoit ses compagnies de
lanciers. » Mémoires du duc d' Aiigoulême cités par Poirson, I, 54. Babeau,
Un marchand de promnce sous Henri IV. Bulletin de la Société d'économie
sociale, 16 janvier 1883. Les fils hériteront de la manie d'avoir des armes,
de la tentation de s'en servir qu'on remarque chez leurs ligueurs assagis
de pères; Retz nous montre les artisans parisiens, dans un moment d'efl'er-
vescence populaire, travaillant à côté de leurs mousquets. Mémoires (1651).
Coll. Michaudet Poujoulat, p. 300.
2. Voy. dans Le berger fxlmvagant de Sorel (liv. vin, p. 128) l'histoire
d'un « menuisier gentilhomme », caporal de la milice bourgeoise, qui se
l'ait peindre sous les armes, en grande tenue.
3. Satire Ménippée, p. 80. ■< Aujourd'hui il n'y a boutiqne de factoureau,
ouvroir d'artisan ni comptoir de clergeau qui ne soit un cabinet de prince
et un conseil ordinaire d'État .. » Vers 1614. .Mornay cité par Mayer, Galerie
philosophique du XVJe sircle, II, Til. « Quand le savetier a gagné, par son
travail du matin, de quoi se donner un oignon pour le reste du jour, il
prend sa longue espée, sa petite cottille, son grand manteau noir, et s'en
va sur la place décider des intérêts de l'État. » Les entretiens du diable
boiteux, pasquil du même temps. Ibid. « Nous sommes en un temps qu'il
n'y a petit pelé de secrétaire de Saint-Innocent, clerc, pédant, magister
crotté, artisan qui ne se mêle d'écrire et de parler des affaires d'État... »
Conférence d'Ariste, Panurge et Guéridon, vers 1014, p. 290.
230 PHYSIONOMIE MOR.\LK Ill'S ARTISANS ET COMMERÇANTS.
sent aux charges municipales' ; enfin, (juand ils auront l'ait
fortune dans les affaires, ils emploieront leur capital à l'ac-
quisition (l'un de ces innombrables offices que le pouvoir
central et les villes ne cessent de créer, ou le placeront dans
les parfis^ ou le feront valoir dans \vs r/i(ingcs ci rccJuingcs.
Ils sont dès lors sur le chemin de l'opulence et de la con-
sidération. Leur habileté et leur bonheur feront le reste.
A une époque où l'argent mène à tout, où il efface la bas-
sesse de l'origine comme les souillures du passé et nivèle
les rangs, dans une société qui est au fond une démocratie
puisque les fonctions publiques et par suite les privilèges y
sont à vendre, leur avenir dépend de spéculations heureuses,
des services qu'ils pourront rendre aux gens puissants, du
prix qu'ils sauront y mettre. Si la noblesse n'a pas été pour
eux la conséquence légale des charges qu'ils ont remplies,
ils pourront l'acquérir à deniers comptants- ou s'en parer
sans droit et par une tolérance accordée à la fortune^ ou,
au pis aller, l'obtenir pour leur postérité féminine par des
alliances avec des nobles authentiques*. C'est le temps où
le connétable de Lesdiguières épouse Marie Vignon, fille
d'un fourreur de Grenoble, veuve d'un marchand drapier
de la même ville ' ; où le duc de Brissac s'allie avec la fille
1. Voici un exemple qui appartient au dernier quart du xvii'^ siècle mais
qui convient aussi bien à son début. En lG8i Jean Pages, marchand d'Amiens,
est nommé jeune garde de la communauté des merciers ; le 27 avril 1G88
il est choisi pour porter la châsse de saint Firmin à la procession géné-
rale: en 1G89 il est désigné pour porter le dais à Saint-Martin sa paroisse
et, le 20 août de la même année, il est nommé ancien garde; en IGUÔ il
devient cliel' des postes de milice bourgeoise; en I70G il est élu consul.
G.MtxiEH, yiolice sur Jean Pages dans Mémoires des antiquaires de Picar-
die, V(18.^«).
2. En 1GU6 Henri IV vendit des lettres de noblesse. Picot, V, Ih.
3. Citons seulement, entre tant d'autres, l'exemple de Pierre Michel,
seigneur de Souscarrière, marquis de Montbrun. Voy. la notice de M. Che-
VECOELn sur ce curieux personna'^e. Mémoires de la Société de l'Iùsloire de
Paris, XVI.
4. « La femme ignoble mariée avec un gentilhomme est anoblie. » Flo-
rentin DE TiiiEHRiAT, Tiois Iraitén de ta nobtesse, IGOG.
5. Tallema.nt, Historiette de Lesdiguières.
PHYSIONOMIE MORALE DES AUTISANS ET COMMERÇANTS. 2bl
de Rocher Portail, partisan de basse origine ' ; oii un tanneur
de Meulan, Nicolas Le Clerc, marie les siennes à un prési-
dent à mortier au parlement de Paris, à un premier prési-
dent de la chambre des comptes de Rouen et établit les
autres aussi bien; où son fils, sous le nom de M. de Les-
seville, devient maître des comptes à Paris^; où le fils
d'un boulanger de Chinon achète la charge de prévôt de
rile-de-France ^ ; où le fils d'un marchand lingerest maître
des comptes* ; où celui d'un tanneur d'Autun s'appelle le
président Jeannin^; où Castille, son futur gendre, quitte
le commerce pour être nommé receveur du clergé '^; où le
fils d'un chandelier passe intendant des finances^ ; où celui
d'un paysan de l'Anjou, La Bazinière, obtient la charge de
trésorier de l'Epargne^; où un marchand de soie voit le
sien siéger au parlementa
A côté des inquiets et des ambitieux, en trop grand
nombre, qui envoyaient leurs enfants aux écoles pour les
faire entrer dans les fonctions publiques et qui croyaient
s'élever eux-mêmes en y entrant, il y avait des artisans et
des commerçants plus sensés qui n'attendaient la richesse
et la considération que de leur probité et de leur habileté
professionelles et qui n'aspiraient qu'à en laisser l'héritage
à leurs enfants. Il y avait du mérite de leur part à ne pas
vouloir sortir de leur sphère, car, sïls avaient chance d'y
trouver la fortune, il leur fallait vaincre, pour y joindre
l'honneur, un préjugé enraciné. L'idée si juste et surtout
si utile que le commerce doit être estimé parce qu'il enrichit
1. Historiette de Brissac.
2. Historiette de Rocher Portail,
•i. Historiette de Petit Puis.
4. Historiette d'Ant. Le Maistre.
6. Son historiette.
6. I/)id.
7. Historiette de Bordier et ses fils.
8. Historiette de La Bazinière.
9. Tallemant, Générosités.
2o2 PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS.
l'Etat, répugnait autant à l'esprit français qu'elle semblait
naturelle à l'esprit d'un Italien ou d'un Anglais. Legs de
l'honneur chevaleresque, dont la France avait été la vraie
patrie, celte prévention interdisait aux gentilshommes
ruinés par les guerres civiles, aux cadets de famille noble
pourvus d'une légitime insuffisante, avec l'exercice avoué
du commerce, le moyen de reconstituer leur patrimoine et
les réduisait à des moyens d'existence bien plus contraires
à la dignité'. La royauté avait bien apporté des tempéra-
ments à la dérogcance, qui était encourue à l'origine même
pour la vente des produits du cru ", mais ces tempéraments
avaient été timides et peu efficaces^ ; ici, comme toujours,
la loi avait été moins forte que l'opinion. L'usage pour-
tant accordait aux marchands la qualité iVhonorables
hommes^ et le tilre de sire et de mcuaii-e''. Leurs femmes
prenaient celui de de}no isel/e ^ar suile de l'inévitable exten-
sion que subissent tous les titres honorifiques, car, à s'en tenir
à la rigueur de l'étiquette, il aurait dû être réservé aux femmes
mariées delà noblesse. Le chaperon était la marque distinc-
tive de leur condition, si bien qu'on les appelait des cha-
prrofîièrrs^. En y restant fidèles, elles cherchaient à rcssom-
1. Laffe.mas, Trésors et riches.^es pour mettre l'État en splendeur, art. '269.
•J. Édit du 4 avril 1.^40. Isambert, XII, n" 301.
■i. Charles IX exempta de la dtJro<.'eance la noblesse de Marseille, de Nor-
iiinndie et de Hret.'igne qui se livrait au commerce. Sully répétait souvent
que la France n'acquerrerait jamais l'ascendant sur ses rivaux et ses
adversaires tant que le commerce maritime y entraînerait dérogeance.
Th. Leféviœ du Gkand IIamel, Discours somynaire de la navigation et du com-
merce. Dédicace à la reine mère. Rouen, IGôO. La coutume de Troyes per-
mettait aux nobles de se livrer au commerce sans dérof:er. Gho>ley, Mém.
hist. et crit. sur l'histoire de Troi/es, II, IGl (éd. I8I2). Le métier de maître
de forges ne faisait pas perdre la noblesse. Celui de verrier était œuvre
de gentilhomme. Henri IV anoblit jikis d'une fois des inventeurs et des
introducteurs d'industries nouvelles en P'rance.
4. « ... aussi les marchans .«ont les derniers dn peuple qui portent qua-
lité d'honneur, estans qualifiés d'honorables honunes... » Bolxiiel, Trésor...,
\o Marchands.
5. Noël ul Fail, Contes cl discours d'Ei/trapel, II, 562. Les ambitieux de
la cour dans Variétés liistoriqnes el littéraires, IV, 37.
6. « ... Le chaperon qui étoit la vraie marque et le caractère de la bour-
PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS. 2o3
hier parle reste do leur toilette, notamment par la hauteur
de leurs collets montés et empesés', par les points coupés
dont elles se couvraient le sein-, aux femmes de qualité;
à défaut du masque, apanage de ces dernières, elles
portaient le loup^
En acquérant la richesse, en forçant les classes supé-
rieures, par les crédits qu'ils leur accordaient et les services
pécuniaires qu'ils leur rendaient, à compter avec eux, les
commerçants ne se relevaient pas du dédain dont ils étaient
victimes; on usait de leurs complaisances, on ne les en
méprisait pas moins '*. La scène de Don Juan et de Mon-
sieur Dimanche s'est jouée hien souvent avant que Molière
l'ait écrite. Quand ces classes se relâchaient de leur arro-
gance, c'était plutôt en faveur des financiers, des traitants,
des parasites du plus has étage qui étaient souvent associés
à leurs prodigalités et les servaient habituellement dans
leurs embarras.
Le mépris met à l'aise la conscience de ceux qu'il humilie,
ils cherchent souvent à s'en consoler et à s'en venger par
la ruse et la fourberie. Beaucoup de commerçants avaient
pris ce parti. Nous avons parlé des opérations clandestines
des merciers et des fripiers. Ils ne furent pas les seuls à
chercher dans l'usure un supplément aux bénéfices profes-
sionnels. Un procédé très employé consistait à prêter à un
intérêt exorbitant aux fils de famille en dissimulant le
prêt sous une vente fictive de façon à éviter une rescision
pour incapacité '\ Est-il besoin après cela de parler de
geoisie. « Flretière, Roman bourgeois, éd. Ed. Fourniei", 1854, p. 30. La
Ijrande division arrivée ces Jours derniers entre les femmes et les filles de
Montpellier avecle sujet de leurs querelles {l(j2ï),da.ns Var. Itist.et lilt.,\ll,2i9.
1. SoREL, Histoire comique de Francion, éd. Colombet, 199-200.
2. Le satijrique de la cour. Var. hist. et litt., III.
3. QuiCHERAT, Histoire du costume, 434.
4. « S'il y a uiespns au monde, il est sur le marchant.... » L.\i-fem.\.s,
Traité du commerce de la vie du loyal marchand..., IGOl.
5. Cleyrac, Usance du négoce ou commerce de la banque, des lettres de
change, lOô'J. Flketiére, Le voyage de Mercure, 16G1.
21)4 PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS.
l'habiludo ilo surfaire la marchandise, du cliarlalaiiisiue et
des ruses qui la faisaient valoir et en dissiniulaicnl les
d(''fauls, des falsifications, de la trom|M'rie sur la ([ualité et
le poids ' ? Quand le passé ressemble aulant au présent,
riiistoricnne peut que signaler en passant leuranalogie, c'est
à marquer leurs dilTérences qu'il doit surtout sattacher.
La vie des commerçants ofTrait d'autres compensations
que celle d'exj)loiter le public qui les dédaignait. Ils pre-
naient leur part de ce bien-être, de ce luxe, de cet amour
du plaisir qui, après avoir été, pendant les guerres civiles,
le privilège d'une minorité, se répandaient, au commen-
cement du xvn'' siècle, dans la société tout entière. On en
trouvait peu comme ce sire Ilcnriot dont nous parle
Lestoile ', qui s'habillait, les dimanches et fêtes, d'une
petite robe doublée de taiïetas, d'un justaucorps rayé de
bandes de soie de dilTérentes couleurs et qui, par ses ma-
nières comme par son costume, personnifiait « la simpli-
cité et prud'liomie des bons marchands d'autrefois ». Plus
rares encore étaient ceux qui portaient le béguin à l'antique,
le justaucorps de drap court, une ceinture de grosse lisière,
le haut-de-chausses clérical avec haute braguette, la gibe-
cière au côté, les souliers d'étolTe à pointe de cuir et la
barbe rasée ^ Le premier luxe, dans tous les temps, parce
1. H. EsTiEN.NE, Apolofjie pour Hérodote, éd. Histelhûber, 1, ;500-:{0l, 319.
.320-3".'3, Vî\-'\21. La promenade des bons hommes ou jiii/emeiit de noslre
siècle, 1()22. Sorei., Les visions admirables dup^lcrinde l'amasse. Les bif/ar-
rurcs et tourbes du seigneur des Accords. ('A. lOvO, p. 4!!. «L'œil des (ailleurs.»
Proverbe. Us jurent de n'avoir non plus d'étoflc de reste qu'il n'en peut
tenir dans leur œil. Ocdin, Curiosités franraises. KiiO. \'oy. aussi les dia-
logues [jubliés par François Pedock, chanoine de Chartres sous le titre:
Le bourgeoix poli. C'est un {,'uide de conversation conforme aux conve-
nances mondaines. Dans ceux de ces dialogues rpii ont [)Our interlocuteurs
des marchands et des clients, on trouve le nn"nie boniment et le même
marchandage qu'aujourd'hui. Uien de caractéristique de l'épiique. Var.
fiist. et littéraires, IX, 145. Noël du Fail, Coules d'I'hitrapel, I, 2(iC. La
Brlyéke, Des biens de fortune.
2. Journal de Flcnri IV, éd. Jouaust, X, 1-3.
3. La chasse au vieil grognard de l'antiquité. Var. hist. et lillcraires,
III, 37.
PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS. 255
que c'est celui qui coufond le mieux les rangs, a été le
luxe du costume, et c'était celui où se complaisait le plus
le monde des magasins et des ateliers. C'est coilTés d'un castor
à l'imitation des gens de qualité, vêtus d'un habit de soie et
d'un manteau de peluche que les commerçants, laissant à
des commis le soin du magasin ', se rendaient à la Bourse ^
sur le Pont-Neuf ou sur le Mail pour traiter leurs affaires \
Leurs demeures se ressentaient aussi du progrès du bien-
être et du luxe. « Quelle insolence, s'écrie Pierre Mathieu %
que les bourgeois et les marchands bâtissent des châteaux
aux champs et des palais aux villes ! » Les portes cochères
se multiplient avec les carrosses '. « C'est l'un des princi-
paux pactes du mariage — lit-on dans un livi^et publié neuf
ans seulement après Henri IV — que de stipuler une
maison à porte cochère et un carross:e pour Mademoiselle ". »
Le goût de la villégiature se répand dans la bourgeoisie.
D'élégantes maisons de campagne, couvertes d'ardoise et
entourées de vergers avec des eaux vives, ofTrent un délas-
sement à leurs loisirs, une jouissance à leur vanité ". La
distribution intérieure se perfectionne; on sétudie à rendre
les pièces indépendantes, à éloigner les privés de la salle
ou salon, à empêcher par une antichambre l'accès direct
de la chambre ^ On commence à dissimuler sous des
1. La citasse au vieil grognard, ôG-ôT. Les caquets de l'accouche'e, éd. Four-
nier, 238.
2. A Paris elle se tenait en plein air, dans la grande cour du palais.
Voi/age à Paris de Thomas Coryate, Mémoirei de ta Société de t'/nstoire de
Paris, VI, p. Z'2. EncjicLopédie inclliodlque, v» Bourse.
.3. Lâchasse au vieit grognard.... « L'homme de boutique est vêtu comme
le gentilhomme. » Montchrétien, Traité d'économie politique.
4. Histoire de France... durant sefit années de paix, II, SGfj.
5. Dès 1..89, à Bordeaux, il n'y avait pas plus de conseiller sans carrosse
que sans robe rouge. J. de Galfketeau, Chronique bordelaise, année lôSl).
Babeau, Les bourgeois d'autrefois, p. 25.
fi. Plaisants galimatias d'un Gascon et d'un Provençal no^nmés Jacques
Chagrin et Ruffin Allegret, 1GI9.
7. La chasse au vieil grognard..., p. 59. Aubrixcourt, Histoire générale
des larrons..., 1G29, p. 260-201.
8. La chasse au vied grognard..., ô8. Un financier dit à Henri IV de la
250 PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS.
ti'iitures le crt'pi criard des murs '. La vaisselle d'argent
augmente de plusèn plus à coté de celle d'étain. Le mobilier,
bien éloigné de la profusion moderne, reste sobre et froide
Les plaisirs deviennent plus raffinés '. On se promène
au cours à pied ou, si l'on peut, en carrosse, au petit pas
pour voir et être vu; on fait des parties de plaisir, des
cadeau.i à la campagne; on va manger des fraises et des
petits pois dans les guinguettes de Yaugirard, de Meudon
et de Saint-Cloud ; on s'invite à souper entre voisins, les
diiuancdies et jours de fêtes, et à ces se?vjes chaque convive
apporte son plat '*.
Le théâtre était aussi l'un des plus vifs plaisirs do la
moyenne et de la petite bourgeoisie. Ce n'était pas seule-
ment les troupes de passage qui répondaient d'une façon
intermittente à un goût d'autant plus vif qu'il était moins
exigeant, il trouvait parfois à se satisfaire d'une façon
hal)ituellc. Des amateurs, commerçants, artisans, gens de
loi, se faisant à la fois auteurs, impi^esarii et comédiens,
adaptaient à la scène certains épisodes de VAyicien et du
Nouveau Testament^ des paraboles, des légendes hagiogra-
phiques puis, quand ce vieux répertoire commença à
lasser le public, des sujets profanes; se procuraient des
décors et un matériel scénique sommaires, recrutaient une
troupe dans la jeunesse de la ville, la formaient et l'en-
traînaient par leurs leçons et leur exemple. Les municipa-
maison qu'il fait construire qu'il « la faisoit... sans salle ni antichambre
devant sa chambre (car plusieurs, sans être de grande qualité couunen-
coient déjà à y en mettre).... » Mémoires de Fonlenay Mareuil, coll. .Michaud,
îl, col. 2 année 1610).
1. Caquets de l'accouchée, 230.
2. Babeau, Les bourg'ois d'autrefois, 27. Un marchand de province sous
Henri IV.
3. La c/iasse au vieil grorjnard... : Des délectations du temps passe.
4. FuKETiÈRE, Roman bourgeois, éd. Asselineau, 51, 82, 80, 109. Cotgrave
définit ainsi la serée: « À gossiping or good fellowiikc meeting of
neighbours... whereto everie one brings or sends his dish ». Cité par
BoNAFi-É, Sotes sur la vie privée à la Renaissance. Revue de l'aris du IS sept.
I89G.
PHYSIONOMIE MORALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS. 2o7
lités subventionnaient ces entre[)rises dramatiques. Pendant
treize ans, à Draguignan, un notaire, Textoris et un cliaus-
setier, Gaudin, furent associés pour jouer et faire jouer
devant leurs concitoyens des moralités et des mystères. Un
procureur, Mussoni, succéda à ïextoris, mais il ne sut pas
résister à la tentation de rajeunir son répertoire par des
personnalités, et les susceptibilités qu'il souleva, le forcèrent
à la retraite'. A une époque où la vie religieuse et la vie
profane multipliaient les cérémonies somptueuses et tou-
chantes, la passion de la mise en scène s'était tellement
répandue qu'on la trouve jusque dans les villages. En l.'iGO
des paysans d'Annet en Brie organisent la représentation
de riiistoire de Joseph et louent à un fripier des costumes
dont on a conservé la liste -.
L'ignorance est encore bien grande chez les artisans et
les commerçants, plus grande encore chez leurs compagnes,
car les ordres religieux qui se vouent à l'enseignement des
filles, les Ursulines et les Feuillantines commencent seule-
ment à ouvrir pour la jeunesse féminine des maisons
d'éducation. En 1()02, les habitants d'Aurillac demandaient
au conseil du roi que les chefs des confréries de métiers
n'assistassent plus aux assemblées consulaires, « car ces
chefs de métiers, la plupart ignares, ne peuvent sainement
juger des affaires, ains donnent ordinairement les voix
selon les brigues et menées ^ » Plus tard, Toubeau, dans
ses Institiites de droit consulaire^ A'a jusqu'à écrire (pic
beaucoup de marchandsne savent ni lire ni écrire. Pourtant,
à Paris surtout, le goût des plaisirs de l'esprit semble
1. Textes relatifs à des représentations sccniques à Dragiiignan aux XV^,
XVI" et A'F//e siècles communiqués par M. Mikeuu dans Revue des Sociétés
savantes, XXXVllI, p. 4GI.
2. Elle a été pul)liee par le baron Pichon dans le Bulletin de la Société de
l'histoire de Paris (I88'2) sous le titre : Une représentation Ihéùlrule dans
un village de Brie au XV l<^ siècle.
3. Bibl. nat. niss. Franc. 181G(i à la date.
2oN l'IlYSIONOMIK MOliALl-: Dl-S ARTISANS ET COMMERÇANTS.
si'NL'illcr chez eux : tiaiis raiuliloire dos cours publics et
des scrniouiiairo (jui se picjueut de heau langage, dans le
pai'teri-e qui apjilaudit les tragédies d'Alexandre llai-d\- ou
rencontre des conuiierçants et des artisans '.
Ces bourgeois du commencement du siècle annoncent
(b'jà ceux que Molière, dans sa seconde moKié, dessinera
d'une touche si libre, si vigoureuse et si sobre. 11 y a tou-
tefois celle dill'èrence (|ue les premiers, encore conlusionnc's
des secousses de près de vingt ans de guerres civiles et non
entièrement dégrisés de leurs chimères politiques, s'ouvrent
seulement à la jouissance de la sécurité, du bien-être, de
la sociabilité, tandis (|ue les seconds, complètement assagis
et disciplinés par plus de vingt ans de pouvoir absolu, s'y
éj)a non iront.
1. Lu c/iasse du vieil 'jrofjiiard...
CHAPITRE IV
L'ÉCONOMIE COMMERCIALE
2° LE COMMERCE EXTÉRIEUR.
En aborclant le commerce extérieur, entrons-nous dans
un domaine vraiment différent de celui que nous quittons?
On peut se le demander. La fonction économique reste la
même. Les procédés, les institutions, les organes destinés
à la remplir, les mœurs et l'esprit qu'elle développe, ne se
modifient pas. C'est souvent les mêmes hommes qui com-
mercent au dedans et au dehors. Il semble qu'il n'y
ait de changé que le marché qui s'est agrandi. Cela est
vrai, mais cette simple altération de proportion entraîne
avec elle une conséquence importante. Elle donne nais-
sance à des rapports internationaux, et il suffit de cet
élément de plus, pour introduire dans un sujet déjà si
riche d'aspects, des aspects nouveaux : législation douanière,
marine marchande et militaire, droit maritime, système
colonial, etc. Tout à coup l'horizon s'élargit et le commerce
du monde se déroule devant les yeux. Si l'on n'y prenait
garde, celui de la France, le seul dont nous ayons à nous
occuper, viendrait s'y perdre comme la partie dans le tout.
Mais plus le pays qu'on découvre est vaste et séduisant,
plus il importe d'y tracer et d'y limiter sa route. C'est uni-
quement pour reconnaître, pour relever les traces de nos
compatriotes, que nous devons nous y engager. Quand ils
200 i:\P(HlTAT10NS.
nous \ ajij)ar;iîlroiil, co sera ou comme exportaleurs ou
comme imporlalciirs ou enlin comme commissionnaires et
entrepreneurs de Iransporls. Tels sont les trois caractères
avec lesquels ils se présentent dans leurs relations avec
l'étranger ; tels sont ceux que nous allons successivement
envisager.
COMMERCE D'EXI'Oirr.VTION.
Au temps de Henri IV les articles d'exportation de la
France étaient, en fait do produits naturels, les grains,
les vins, le sel, le pastel, les huiles, Teau-de-vio, le
safran, le miel, les laines, le bétail, les châtaignes, les
graisses, les pruneaux, le bois, les chardons à foulon,
les meules de moulin et, pour les produits manufacturés,
le i)apier, les draps, les toiles, les étamines de Reims,
les bougrans de Troyes, la sayettcrie d'Amiens, la domi-
noterie*, la quincaillerie du Forez, le fil, les écritoires,
la poterie, les soieries-.
L'Espagne et le Portugal étaient le marché le plus
important de nos exportations ^ Elles n'auraient fait pour-
tant que balancer leurs importations si nos blés, dont la
péninsule faisait venir quelquefois pour une valeur de 3 ou
imillions d'écus (28498394 fr. 84 ou 37 998126 fr. 4o c).
n'avaient amené un excédent en notre faveur*. Elle ne
1. On entendait alors par là les crucifix, les objets de dévotion et l'ima-
gerie. Plaidoyers d' Expilly . Plaidoyer \\\.
2. Plaidoyers d'I^x/nlly. Plaidoyer Yll : Sur la défense du commeme avec
VEspayne en 1604. Lettre de Jacques Robin au chancelier. Rouen,
20 août ICOO. Arch. des aiïaircs otrang. Franco, 7G7, fol. IIG; Relation de
Conlariiii (IG13-I01(>i dans Le Rdazioni di-yli slali Europei... iiel seculu A 17/,
raccoite ed annotate da N. Barozzi et da (j. Hcrchet. Série M. Eranciu, I,
6-37. Causes de l'exlré.me c/ierté. publié par Imhhmkei. Variétés /tisl. et lill.,
VII. 1.Î3, 18(;-187. Relation de Hadoer (IG03- !(;().'.) dans le recueil de Barozzi
et Bkkchf.t, I, 84. Déclaration royale du 21 déc. 1005, Arch. nat., coll.
Rondonneau, série chronologique, à la date. Lettres et ambassades de
Fresnes Canaye, I, !('.7.
3. Lettre précitée de Jacques Robin.
4. Pluidoyers d^Expilly. Ubi supra.
EXPORTATIONS. 261
pouvait se passer de nos grains ^ Nos toiles y étaient
également très recherchées. En 1609 la Normandie lui en
fournit pour plus d'un million d ocus d'or (1 0 1 13 1 1 o fr. 12)
et la Bretagne pour plus de trois millions (30 339 34o fr. 37)-.
Cette exportation aurait même été plus considérable si
elle n'avait rencontré la concurrence de la contrefaçon
suisse et allemande qui, profitant de la diminution de la
production française amenée par nos troubles intérieurs,
s'était en partie emparée, grâce à l'infériorité de ses prix,
des marchés voisins ^ Nous placions au delà des Pyrénées
pour plus d'un million d'écus d'or de papiers, d'étamines
de Reims, de saijetterie àWm'iens et de mercerie*. Par un
contraste qui se manifestait aussi dans la littérature et
les mœurs, le pays qui se trouvait le plus séparé du notre
par la politique était celui qui s'en rapprochait le plus
par l'intérêt économique. Par elle-même et abstraction
faite de ses riches annexes des Pays-Bas et du Milanais,
l'Espagne produisait peu et son trafic, sans cesse menacé
par les corsaires anglais et hollandais, ne consistait guère
qu'à échanger les marchandises des Indes occidentales
contre les marchandises européennes qu'elle recevait des
pays de production. C'était principalement de la France
qu'elle tirait de quoi alimenter ce trafic. Toutefois, à la
fin du règne de Henri lY, l'Angleterre et la Hollande nous
faisaient à cet égard une redoutable compétition et nos
importations dans la péninsule avaient sensiblement
diminué. Cela tenait aussi à ce que les colonies espagnoles
avaient cessé d'écouler tous leurs produits dans la métro-
pole et s'étaient mises, malgré les défenses de Philippe III,
1. Relation de Contarini. Ubi supra.
2. Lettre précitée de J. Robin.
3. IhUl.
4. Du Fresne Canaye siiinale en 1G02 une décroissance dans l'impor-
tation de la mercerie ; l'Espagne était arrivée à s'approvisionner en partie
chez elle. Lettre de Du Fresnes Canave au roi, 23 octobre KJOî. 1, 45G-4Ô7.
•262 EXPORTATIONS.
à commercer directement avec les Indes orientales par
rofc'ji'ii Pacifique.
L'Espagne nen resta pas nujins, pendant le règne
de Henri IV, noire tributaire. Elle nous empruntait même
des bras. Chaque année, des troupes nombreuses
d'émigrants passaient les Pyrénées et sembaucliaient chez
nos voisins pour la moisson et les travaux des champs.
On les appelait des gtivachcs [c/avachos)\ Le moyen le
plus efficace d'amener à composition le gouvernement du
Uoi Caliiolique quand il entreprenait contre nous une
guerre de tarifs ou quand il ne protégeait jias suffisamment
nos compatriotes contre l'animosité de ses sujets, c'était
de sevrer ces derniers des importations françaises. Henri IV
V recourut deux fois. Le 3 août 1601, en représailles des
mauvais traitements dont les Français avaient été victimes
et de la violation de l'ambassade française par la justice
espagnole, il interdit le commerce avec les Etats de Phi-
lippe IH et sanctionna cette défense par l'emprisonnement
et la confiscation des marchandises. La seconde fois, ce
fut en 1004. Pour atteindre le commerce hollandais qui
continuait à se faire sous le couvert de la France, le
gouvernement du Roi Catholique avait, l'année précédente,
frappé d'an droit de 30 pour 100 les marchandises à
destination ou en provenance de notre pays. A cette
prohibition dissimulée, Henri répondit par une prohibition
expresse. Mais cette prohibition n'était guère moins
préjudiciable à ses sujets qu'à ceux de son adversaire"^
1. Carew'.s Relation. Mémoires de Tuvannes, p. 82. Le manifeste français
contre In trop grande présomption des Espaf/»ols, 1C24. Ce nom vcnnit de
la ville de G.'ip, dont I.i région mont.i^'ncuse l'oiirnissait une partie de ces
éuiigranls. Dans la Provence et le conitat Veiiaissin on appelle encore
f/avols les nionlaj.'nards qui desrendent des Alpes ou des Ccvenncs pour
venir chercher du travail dans ces contrées jjIus fertiles. Voy.Tii. Houssel,
Sur la rjavaciipric dans liulletin de la Société d'agrivutlure, etc. de la Lozère,
\\ (I8.18,, p. 42i.
2. Le syndic des États du Béarn et de Navarre s'opposa à la vérification
EXPORTATIONS. 263
et il y eut une sorte d'émulation à la tourner. Le commerce
maritime surtout ne put être empêché. Les passeports
stipulaient bien que les bâtiments français ne chargeraient
et ne déchargeraient rien dans l'immense empire qui
obéissait au roi d'Espagne ; mais il n'était pas bien difficile
de dissimuler, au cours du voyage, la violation de cette
clause, ni de tromper au retour sur la provenance de la
cargaison '. Les informations, les inspections organisées
par Sully, qui tenait beaucoup à faire repentir nos voisins
de leur mauvais procédé, furent impuissantes'. C'était
surtout du littoral de l'Océan, entre la Loire et la Garonne,
plus particulièrement des Sables-d'Olonne, qui justement,
par une sorte d'ironie, se trouvait dans le gouverne-
ment du surintendant, que partaient les vaisseaux cou-
pables de ce commerce interlope. Il y avait, dans le
nombre, des vaisseaux anglaise Un des inconvénients de
cette mesure était en effet de faire passer cette branche
de nos exportations aux mains des Anglais qui, toujours
à l'atïùt de pareilles circonstances, achetaient en masse
les toiles et les grains de France pour les transporter
dans les Etals de Philippe IIL Un autre inconvénient
était de diminuer les traites foraines'. La prohibition
suscita une active contrebande, et, parmi ceux qui s'y
livraient, il y eut jusqu'à des gouverneurs de provinces
et de villes'. Le roi, tout le premier, dérogeait, en faveur
de certaines personnes, à une mesure trop préjudiciable
pour être rigoureusement appliquée. Cette guerre com-
de rodit d'interdiction attendu que c'était vouloir ruiner le pays qui était
fort pauvre et ne subsistait que de la vente de ses denrées aux Espagnols.
Mémoires de La Force, I, 172.
1. Arrêts du conseil du 10 juillet 1G04. Arch. nat.
2. Tliuani liisloria, VI, 230. « Audit luois de mai fut envoyé un commis-
saire du roi pour informer contre ceux qui avoieut trafiqué en Espagne. »
Diaire de Jacques Merlin mir les choses... cjui se so7it passées en La Hochelle.
3. Économies roi/ales, Vil, 28-29, 117, 103, 100,231-232.
4. I/jid., 2ôl, 234.
5. Ibid., 231-232.
•2C4 EXPORTATION S.
merciale, entre deux pays qui étaient en paix depuis cinq
ans, était trop funeste à l'un et à l'antre pour durer long-
temps. Jae(|ues V\ qui négociait la sienne avec l'FiSpagne,
olïrit sa médiation. Les négociations s'ouvrirent en
Angleterre entre notre ambassadeur, Cinistophe de Uarlay,
sieur de Beaumont, et ceux du lîoi Catholique et des
Pays-Bas auprès du roi Jactpies, mais elles traînèrent en
longueur jusqu'à ce que Sully eût reçu mission de les
poursuivre tout seul avec le nonce BulValo, agissant
comme médiateur, Ballliazar de Zuniga, ambassadeur
d'Espagne en France, et Alexandre Bovidius, sénateur de
Milan. Le traité fut signé par ces plénipotentiaires, le
13 octobre KIOl. Il abolissait le droit de 30 pour 100 et
rétablissait les anciennes relations commerciales de la
France et des pays soumis à la domination de Philippe IIL
La reprit' de ces relations était si vivement désirée en
France, que le roi n'attendit pas, pour autoriser le trans-
port du blé en Espagne, la ratification du Hoi Catholique '.
Nos vins, notre pastel, notre sel, nos laines trouvaient
leur principal débouché en Angleterre. Les vaisseaux
anglais, qui y transportaient les vins de Bordeaux, for-
maient une véritable Hutte que nos voisins appelaient la
Hotte de Bordeaux, et qui se déchargeait à Londres de
plus de la moitié de sa cargaison-. Bordeaux était aussi
pour eux l'entrepôt et le port d'embarquement des pastels
du Lauraguais '. lis recherchaient nos laines, qui étaient
plus fines que les leurs, pour faire des creseaux, des serges
1. Ileiiii IV à Sully, 17 octobre lOOi. Éconnuiies roi/ales. Vil. 267-'2C9.
Voir nvvrl de uKiinlevée par provision des navires et luarchandises saisis
pour infraction à la prohibition du commerce avec l'Espagne et les V;\ys-
Bas, IG décembre IGO'i. Arch. nat. Arrrts du conseil ;i la date. « Audit mois
[novembre 1G04] a été permise la traite des blés en Espagne. » Diaire de
J. Merlin sur les choses... qui se sont passées à La Hùchelle.
2. .Journal de l'ambassade d'IIurault de Maisse en lô97-ir>98, f» 203,
V" Airh. des afl'aires étrangères. Jot/ocl Si/rerl Ilinerariion Galli:r (IGIO)
l'réfitce.
3. Papiers de Simon Lecomte aux archives de IHôtel-Dleu de Toulouse.
EXPORTATIONS. 265
(le Limestre, etc., ils les achetaient aux lieux de produc-
tion, et les faisaient embarquer à Bayonne, à Saint-Jean-
de-Luz, à Narbonne, à Pecquais, à Aigues-Mortes, à
IMartigues'. C'était aussi le chemin de l'Angleterre que
prenaient en partie nos toiles, particulièrement nos
bougrans, notre papier, notre fil ; elle nous achetait
également du bois, des pruneaux, des écritoires, do la
poterie, des chardons à foulon, des meules de moulin,
des soieries-, etc. Ces importations égalaient le chiffre des
importations anglaises.
On est tenté de s'en étonner, quand on connaît la
jalousie avec laquelle l'Angleterre se réservait son marché,
et l'ardeur qu'elle mettait à envahir les marchés étrangers.
Elle avait définitivement acquis, sous Elisabeth, le senti-
ment de sa véritable vocation, et était entrée résolument
dans la voie qui, trop souvent aux dépens du droit des
gens, devait en faire la première nation maritime et
commerçante du monde. Elle s'était émancipée de la
dépendance commerciale oii l'avaient tenue jusque-là les
villes hanséatiques, ce qui avait amené une rupture com-
plète entre elle et l'Empire. Elle s'était créé avec la
Russie, les pays de la Baltique, le Levant, les Etats Barba-
resques, etc., des relations directes qui étaient entretenues
par autant de compagnies privilégiées. Plus elle donnait
d'essor à l'initiative, à l'esprit des affaires et à l'amour du
gain qui distinguent sa race, plus elle se défendait chez
elle de la concurrence étrangère'. Que l'on compare ce
1. .Mémoire pour l'établissement du trafic, commerce et négoce de mer
en France. Bibl. nat., coll. Brienne, ;il9, fol. 1. Le texte porte Morcesques,
où nous avons cru reconnaître une altération de Martigues.
3. « ... goods transported from France to England since 1572 on
canvass, buckram, paper, thread, inkhorns, prunes, pots, teazies, mill-
stones.silks, wood and wines. » Calendars of stale papers. Domestic séries.
Eitzabeth, 1(J0I-IC02, p. 276,
3. Sur le développement du commerce anglais à la fin du xvi« et au com-
mencement du xvii« ?,ièc\e.\o's.^t.^R,AllrjemeineGeschicIitedesW'ellhandels,
2 Ahth., chap. 8.
2G6 KXI'OHTATIONS.
que JiseiU à col ôgiinl lliiiaiill de Maisse s'exprimant
en iriilTavoc rautorilû diiii aiiihassadcur, et Moiilclirestien,
pailaiil. peu (raniK'Os après la mort de IJciiri IV, irune
siliialioii dont il axait cli' témoin poiidanl sou si'joiir au
delà de la Manche, ou verra combien les Anglais restèrent,
pendant toute la duiv-e de sou règiu; et en d(''pit du trait('i de
commerce de KiOCi, lidèles au système prohibitil". L'impor-
tation de nos draps en Angleterre était interdite'. Il en
(jtait de môme de toutes les marchandises que pouvait
f(nirnir l'industrie hritaunitjue , et, pour celles qui lui
t'taient inconnues, l'importateur français devait donner
caution (ju'il emploierait rargent provenant de leur vente
à l'achat de marchandises indig•ènes^ Les nôtres ne
j)Ouvaienl être vendues qu'à une compagnie de fondation
royale, qui avait le monopole du commerce avec la
France, et qui faisait par conséquent la loi aux vendeurs ^
niles étaient, en outre, soumises, à leur entrée comme
à leur sortie, à un droit appelé coulwne d'élrange7\ qui
était, plus fort d'un quart pour nous que pour les com-
merçants des autres pays. Jacques I" avait étendu cette
majoration à diiïérents droits d'entrée et de sortie \ C'était
aussi spécialement sur nous que pesaient ceux de
scavadge, de quayage et de surveyor'\ Enfin l'entrée de
1. MoNTCiiiiESTiEN, Traité de réconomie politii/iw, p. !)"2. IJoucii,
Jkan OsMONT, I(jl5, in-4.
2. Ibid., i)G-;J7. Journal d'Hurault de Maisse cité par Prkvost-Paradol,
Kti-abeth et Henri IV (I8G3), p. 'JO.
3. .Montchhestien, 94-95, Thomas Lei'KVhe m; (Juank IIa.mki-, Discours som-
maire de lu n(ivif/alio7i et du commerce de France, lînucii, KIÔO. iu-i."
Keioiainganï, Mission de Thnnieri/ .s'' de Hoissise, J, -ioS.
•i. « ... le Roy d'Angleterre, dei)iiis sou adveneaient à la couronne, a mis
jilusieurs nouvelles impositions sur plusieurs marchandises entrantes on
sortantes de son royaume que par cy devant on levoit sur tnus esgalement
tant subjets qu'estrangers ; mais depuis il a octroyé au Lord Cronnneveld
de hausser ces charges d'une quatriesme part sur la marchandise ap|)arle-
nante aux François et, les ayans de nouveau tous rétluits à la muilir. on
les continue tousjours sur nous et nous f.iist ou lousjnurs payer le iloiihlc
de tout... » .MoMcniu:sriE.\, p. 9i.
ô. Iljid., 90. Cf. 'i'no.MAS Le Kévue, Op. taud., [>. 83.
IMPORTATIONS. 267
certains produits fraiirais tels que les cartes, la fleur
(raniidon, était absolument interdite'.
Nos exportations pour l'Italie consistaient en draps,
en toiles, en étamines de Reims, en sayelterie d'Amiens,
en merceries, en quincaillerie, en blé, en bétail. En 1609 leur
eliifTre selevait à un million d'écus d'or (10 113115 fr. 12)
au moins. Elles étaient balancées par les importations.
Les échanges entre la France et la Flandre ne donnaient
pas lieu à un solde en numéraire. Ceux entre la Franco
et l'Allemagne, se compensaient aussi presque ég■alement^
COMMERCE D IMPORTATION.
Les importateurs appartenaient le plus souvent au pays
de production. Il y avait pourtant des Français, qui se
mêlaient d'acheter au lieu d'origine les marchandises
étrangères et de les revendre en France. Leur nombre
n'était pas aussi grand qu'il aurait pu l'être, si la législa-
tion et l'esprit de nos voisins s'étaient montrés moins
hostiles aux concurrents venus du dehors.
Le traité de Vervins obligeait les rois de France et
d'Espagne à accueillir dans leurs royaumes leurs sujets
respectifs. Henri IV n'y manqua pas et c'est ainsi qu'inter-
prétant largement cette stipulation, il refusa de livrer à
Elisabeth des Irlandais au service du Roi Catholique, que
la tempête avait forcés d'aborder en France % c'est ainsi
encore qu'il prit sous sa protection des Portugais établis
à Nantes dans un intérêt commercial, que la population
1. Kermaingant, Op. laïuL, I, 458.
2. ExpiLLY, Vbi supra. Nous devons signaler, en ce qui concerne la
Flandre, le témoignage très dilTérent de Du Plessis Mornaj- qui, au sujet
des Pays-Bas, écrit en lô8i, c'est-à-dire à une époque où nos exportations
étaient moins importantes: « Le pays vit principalement de la France....»
Dhcours sur les moijens de diminuer L'Espagnol àtin?, Mémoires et corresp., II.
;i. Henri IV à Elisabeth, 5 octobre 15'J'J. Leltres miss, V, 1G8.
268 IMPORTATIONS.
voulait faire expulser'. Les Espagnols, au conlraire, étaient
très inhospitaliers pour nos compatriotes, et maltraitaient
fort nos négociants. hWdr/dnfa'Jo^ avait la principale
responsabilité de ces avanies. La suspension des relations
conimorciales, arrêtée, comme nous l'avons dit, en IGOi,
contraignit le gouvernement de l'Escurial à ne plus les
couvrir de sa tolérance. Une ordonnance, publiée dans
tous les ports de la péninsule et notifiée par les soins
de Henri IV à tous les l'rançais qui y trafi([naient, assura
à ceux-ci, à condition quils ne transporteraient pas de
marchandise ennemie, l'accueil et le traitement auxquels
le traité de Vervins leur donnait droit. Cette condition
laissait la porte ouverte à de nouveaux conllits, car la
France ne pouvait pas plus renoncer au prolit du transit
rnlie les Provinces-Unies et l'Espagne, que le Roi Catho-
lique ne pouvait permettre l'admission des marchandises
hollandaises dans son royaume. Ce fut encore l'introduc-
tion clandestine de ces marchandises que le gouvernement
de Philippe III invoqua, en 1606, pour en fermer l'entrée
aux Rochelais, sujets si peu obéissants du roi, ajoutait-il,
qu'ils ne méritaient pas son intérêt ni sa protection^. Nos
commerçants n'ayant pas eu moins à soulTrir de la mal-
veillance intéressée des autorités locales que de celle de
VAdeia7i(ado, notre gouvernement obtint, la même année,
que leurs causes fussent soustraites à la juridiction de
ces autorités et déférées au conseil. Les vexations qui
attendaient nos commerçants en Espagne, ne les empê-
chaient pas d'aller en assez grand nombre y chercher
fortune. La colonie française était assez considérable dans
les principales villes de la péninsule, pour y avoir des con-
1. Lerki-f, Du commerce de Nantes. I8.")7. iii-8. p. .'>".
2. Ainirnl des galrres.
•"î. Lettre de Puisieux à La Bodcrie, 3 novembre IGOG. Aiiihas!>adcs de La
lioderie, I, 404.
IMPORTATIONS. 269
suis (|ui étaient nommés par elle, commissionnés par
le Roi ('alholique et pourvus par le roi de France de lettres
de provision \
Ceux de nos commerçants, que leurs affaires attiraient
en Angleterre, avaient encore plus à se plaindre que ceux
qui séjournaient en Espagne. L'exportation des laines
anglaises leur était interdite, le monopole en appartenant
à une compagnie indigène de fondation royale ". Le droit
de sortie sur les serges, les futaines, les bajettes, lesbom-
bazins, les mocades, les camelots, les bas d'estame était
beaucoup plus élevé pour nos compatriotes que pour les
autres étrangers ^ Celui sur l'étain était du double, en
attendant que l'exportation nous en fût interdite pour être
réservée aussi à une compagnie privilégiée '*. Nous avons
déjà dit que nos nationaux subissaient une augmentation
d'un quart dans le droit d'entrée et de sortie perçu sous le
nom de coutume cl étranger^ nous avons parlé des droits
de scavadge^ de qucigage et de surveyor. Le traité d'al-
liance défensive, signé à Blois le 29 avril 1572, entre
Charles IX et Elisabeth, avait complètement sacrifié les
intérêts français, en accordant aux Anglais des avantages
commerciaux dont les Français n'obtenaient pas la réci-
procité. A la vérité, ce traité ne régissait plus officiellement
les relations commerciales des deux pays. Il avait cessé
d'être en vigueur, parce qu'il n'avait pas été renouvelé par
le roi dans l'année de son avènement \ Les négociations
1. « ... Lettres de commission du roi d'Espagne du C juin 1G07 par
lesquelles, sur la nomination faite par les marchans français de la per-
sonne dud. Dufau, il auroit été commis à l'exercice dud. consulat.
Ordonné que, daus trois mois après la signification du présent arn't, ledit
Dufau prendra de S. ÎM. lettres de provision dud. office de consul de la
nation française à Séville... autrement lui a inhibé... de s'entremettre en
l'exercice dud. consulat.... » Bibl. nat. mss. fr. 18175, f. 208.
2. JMONTCHRESTIEN, 92. Tii . Le Févhe, 81.
i. Th. LeFèvhe, 82.
4. Ibid. et IMontchrestie.n, 96.
5. Sir Ralph Wi/ncood's Memorials of a ffairs of Sicile, London, 1725, 111,
270 IMPORTATIONS.
de l'Angleterre avec la France, de l.'OO à IG04, eurent
précisément pour but d'en obtenir le renouvellement, et
cest par suite de son abrogation tacite, que les Anglais
furent de nouveau soumis au droit d'aubaine dont il les
avait exemptés. Mais, en fait, les Anglais n'en jouissaient
pas moins des avantages qu'il leuravait concédés, et dont ils
s'étaient lia lés de ju'ofilcr : ils avaient établi des entrejiôls
à Rouen, à Caen, à Dieppe, à Bordeaux' ; ils inondaient
le marché français de leurs draps communs, dont les gens
do la campagne ne pouvaient se passer, parce que l'indus-
trie française ne leur en olîrait pas d'aussi économiques,
mais qui étaient souvent f(u-t défectueux -. La saisie de ces
draps, prononcée par arrêt du conseil du 21 avril 1600, le
règlement adopté par le conseil à leur égard, la prohibi-
tion des étolTes de couleur unies donnèrent lieu, entre les
deux gouvernements, à de longues négociations auxquelles
mit fin le traité de commerce du 24 février 1606. Ce traité
révoquait l'arrêt en question, et soumettait les contesta-
tions auxquelles la qualité des draps anglais pourrait
donner lieu, au jugement des commissaires des deux
nations qui, sous le nom de conservateurs du commerce^
devaient être établis dans les villes fréquentées par les
commerçants anglais et français. Le même traité prépara
la solution d'une question qui était un sujet de grief pour
les Anglais, et qui avait occupé une place importante dans
les négociations : nous voulons parler des impôts que les
villes, servant d'entrepôts aux marchandises anglaises,
« ... demeurera encore cniro leurs successeur.'^, pourveu que, dans l'an
après que l'un desd. princes sera décédé, son successeur déclare par am-
bassadeur et ses lettres au survivant qu'il accepte les mêmes conditions
et veut contracter la même confédération... mais si dedans l'an, etc.... »
DU.MOXT, Corps dipl., V, part. I, p. 212.
1. Un arrêt du parlement de Normandie du 5 octobre l-.O.'î avait même
accordé au.x commerçants anj^Mais, établis à Caen, les privilèges des
bourgeois de cette ville, notanunent l'exemption du droit de sortie pour les
toiles, bougrans et C'inevas. Tu. Le Fèvhk, Op. laucl., p. 190.
2. Winwood à Gecill, 12 juin IGOI. \Vinv:ood's Mcmorials, I, 334.
IMPORTATIONS. 271
avaient mis sur ces marchandises, et qui s'ajoutaient
aux impôts d'Etat. Par exemple, les officiers municipaux
de Rouen avaient doublé le droit d'octroi sur les draps
anglais. Le commerce britannique avait été atteint
par des taxes établies à Cacn sur les creseaux (Kerseys)^
le plomb, l'étain, la cire, les harengs et par un droit
d'entrée d'un écu couronne (9 fr. 35) par tonneau sur
les vaisseaux abordant en Normandie '. Le traité, en
confirmant les droits levés dans les deux royaumes au
profit de l'Etat, et en ordonnant que le tarif en serait
affiché dans les lieux publics, mit les municipalités des
villes d'entrepôts en demeure de produire au conseil
les lettres autorisant ces taxes, dont la perception de-
vait être provisoirement continuée (art. 3 et 4). Enfin la
situation des commerçants résidant dans les deux pays
fut considérablement améliorée par l'abolition du droit
d'aubaine. Ce vieux droit féodal et barbare s'exerçait
d'une façon qui le rendait plus odieux encore ; à la mort
d'un marchand étranger, ses livres de commerce étaient
examinés, souvent dérobés ; ses caisses, ses comptoirs
dévalisés ; on saisissait et on mettait sous séquestre les
biens de ses associés et môme de ses confrères, sous pré-
texte des relations d'affaires qu'ils avaient pu avoir avec
le défunt, et ils ne pouvaient obtenir mainlevée de la
saisie qu'à prix d'argent. Le droit d'aubaine ne produisait
qu'une somme insignifiante, que l'ambassadeur anglais
Winwood estime k 200 couronnes (1870 fr. 68) par an. et
I. Calenilars of state papers. Domesli'' seriez. Elisabeth (I598-1C03), p. 503,
27G. Jacques I<=i", p. 2'29. « Par nos lettres patentes en forme de décla-
ration données à Fontainebleau le l'^ jour de novembre [IGU3], nous avons
ordonné qu'il seroit levé es villes maritimes, ports et havres de nostre
duché de Normandie sur ceux de nos sujets d'icelle province à la sortie
et sur ceux des autres provinces ou estrangeres à leur entrée à raison de
trois livres pour tonneau, selon le port et grandeur d'iceux vaisseaux, de
quelque marchandise qu'ils soient chargés, excepté que, pour tonneau
de charbon, mats, planches et bois à bâtir, il ne sera paie que 20 sols seu-
lement. » 11 mars IG04.
272 IMPORTATIONS.
dont le roi gratifiait le premier venu, mais il faisait perdre
au pays bien davantage. Les marchands étrangers, exposés
aux avanies que nous venons de décrire, se contentaient
d'envoyer leurs facteurs et leurs commis, qui logeaient en
garni, et n'apportaient que la quantité de marchandises
dont ils espéraient pouvoir se défaire immédiatement. Une
fois alî'ranchis du droit d'aubaine, les négociants étrangers
n'auraient plus de raison pour ne pas venir s'établir en
France avec leurs familles, y former des approvisionne-
ments considérables, et faire profiter notre pays de leur
industrie \
En 1003, la commission du commerce élabora et fit
approuver par le conseil un projet d'édit réglant la situation
des marchands étrangers en France. D'après ce projet, ils
pouvaient, dans les trois mois postérieurs à la promulgation
de ledit, s'établir à Paris et dans d'autres villes désignées
par le roi et y faire le commerce en gros des matières
premières, ainsi que des produits manufacturés en France
et des produits manufacturés à Fétranger qui n'avaient pas
leurs congénères dans notre pays. Pour jouir de ce privi-
lège, au([uel s'ajoutait l'exemption du droit d'aubaine, ils
devaient obtenir des lettres de naturalité, qui leur seraient
accordées un an après qu ils auraient fixé leur domicile
dans l'une de ces villes, et qu'ils y auraient apporté des
marchandises pour une valeur de 2000 écus au moins
(18 9'J9 fr. 06). Ils pouvaient même jouir, dès la première
année, de l'exemption du droit d'aubaine et du droit de
faire le commerce dans ces conditions, en fournissant la
preuve qu'ils possédaient un capital de 2000 écus, et en
donnant caution de prendre, à la fin de l'année, des lettres
de naturalité et de continuer leur commerce en France.
Dix ans après la vérification de ces lettres, ils devaient
I. Winwood à Cecill, 18 mars IGO'2, 1, -T.JO.
IMPORTATIONS. 273
être, sous condition de rester dans noire pays, absolument
assimilés aux nationaux'.
On voit que nous nous occupons autant de la situation
des commerçants étrangers établis en France, que de celle
des Français appelés par leurs affaires dans les pays
étrangers. C'est qu'il y avait corrélation entre elles. La
réciprocité, alors même qu'elle n'existait pas, restait le
principe de ces relations internationales, la règle reconnue
sinon appliquée, le but vers lequel elles inclinaient. Elle
était méconnue, à nos dépens, dans celles que nous avions
avec les Anglais. Nous l'avons dit et nous le répétons. Mais
il ne faut pas croire que le régime dont jouissait chez nous
le commerce étranger, fût beaucoup plus libéral. Nous
venons de voir que ce commerce ne pouvait se faire qu'en
gros 2, dans certaines villes, toujours sous le coup de
saisies provoquées par les corporations, que la perspective
du droit d'aubaine l'obligeait à limiter ses approvisionne-
ments et à les écouler rapidement, enfin qu'il avait à subir
les exactions des gouverneurs et des municipalités^. Il n'en
est pas moins vrai que les négociants anglais qui avaient des
établissements en France, causaient, grâce à l'abondance
et au bon marché de leurs marchandises, un préjudice
considérable à notre industrie et à notre commerce.
La Hollande et la Flandre nous envoyaient des serges
1. Comptes rendus de la commission, p. p. Champolliox-Fic.eac dans les
Documents historiques inédits tirés des collections mss. de la Bibliothèque
royale, IV, 25, 26, 60-02, 83.
2. A l'époque où écrivait Jlontchrestien (1615), les négociants étrangers
avaient cependant réussi à tourner cette défense et à vendre en détail et
en boutiques. Seulement, leurs boutiques n'étaient pas sur la rue, p. 43.
3. Le n juin 1600, le lieutenant général du bailliage de Rouen condamne
à l'amende un marchand flamand pour avoir déchargé des balles de
chanvre dans cette ville, sans la permission de Féchevinage. La sentence
renouvelle la défense faite aux étrangers d'emmagasiner des marchandises
sans cette permission, comme de les vendre à des étrangers n'ayant pas
acquis droit de bourgeoisie et de les vendre au détail. Ces étrangers ne
pourront vendre qu'à la halle. Collection Rondonneau, série chronol., à la
date.
18
274 IMPOUTATIONS.
de Leyde, des camelots do Lille, des toiles, des savons, du
heurrc, des fromages et c'était en partie par les soins de
tommerijants français que ces produits entraient en
France.
C'était aussi sur ses vaisseaux qu'arrivaient la morue et
le hareng- dont elle faisait une si grande consommation. La
pèche et le commerce de la morue lui appartenaient même
presque exclusivement, et celaient nos pêcheurs normands,
bretons, rochelais et basques qui en approvisionnaient les
autres pays'. C'est surtout du littoral compris entre Uen-
daye et Cap-Breton que parlaient les bateaux qui allaient
pécher ce poisson à Terre-Neuve. Il y avait longtemps du
reste que ces parages claienl fré(|uentés par les pêcheurs
basques, comme raltestenl l'ancien nom basque de l'ile de
Terre-Neuve (île de Bacalaos, île des Morues) ^ et celui
d'ile de Cap-Breton que conserve encore, en souvenir de
l'ancien port de l'Adour, l'ile voisine delà Nouvelle-Ecosse.
La topographie de Terre-Neuve olfre une foule de noms de
lieux, encore reconnaissables sous leur forme britannique,
qui sont empruntés aux environs de Sainl-Malo et qui
témoignent de l'affluence des pêcheurs malouins dans ses
eaux"'. Ce fut pour ses sujets de Saint-Jean-de-Luz et des
villes voisines, que Henri IV songea en 1001 à créer entre
Bayonne et Fontarabie au port de refuge bien nécessaire
sur cette côte dangereuse. A défaut de ce port, leurs
1. .Mo.NTCHRESTiEX, p. 138. Uii voyagcui' anglais, Packhurst, ra[)porte on
1578 qu'il a rencontré cent cinquante vaisseaux français péchant la morue
à Terre-Neuve. Kottenkajip, Gcsch. d. colonisation Amerikas, 11, 21'.',
d'après Ilackluyt. Un arrêt du conseil du 7 août 1004 déclara que la prohi-
bition du commerce avec l'Espagne ne s'appliquait pas au commerce de la
morue, puisf|ue ce poisson n'était pas un produit de notre pays, et auto-
risa les Basques à apporter leur pêche en Espagne, pourvu qu'ils l'y trans-
portassent directement et sans aborder en France.
2. Nous devons dire cependant qu'A, lleumont a essayé d'établir l'ély-
mologie germanique de ce mot dans une no.le de son travail sur Jean et
Sébastien Cabot. (At-c/iivio slurico ital., VI, dispensa vi, p. 421).
.3. Antoine, La fondation d'une république au temps de la Ligue. Mcm. de
la Société académique de Maine-et-Loire, XXV (1871), p. 43.
IMPORTATIONS. 27o
vaisseaux étaient contraints d'hiverner dans cc.ui de Pa-
sages, en territoire espagnol *. Le Havre ne devait plus
qu'aux bateaux terrc-neuviers l'activité qui animait en-
core le sien. Pour l'augmenter, le roi alTrancliit les pé-
cheurs havrais de l'inipôl du sol pour livre qui frappait la
morue -.
Si la France garda le monopole de cette pèche, elle
se laissa peu à peu déposséder par les Hollandais de
celle du hareng \ Le nombre de vaisseaux hollandais
que ce poisson attirait dans la mer du Nord s'était élevé
de 100 et 120 à 600, à 700 ' et môme à i:;00 \ Il y avait là
de quoi éveiller les susceptibilités de l'Angleterre ; n'était-ce
pas dans ses eaux, dans une mer qui était comme une
dépendance de son territoire, que ses rivaux maritimes
recueillaient de quoi remplir « ces tonnes infectes qu'ils
transmutaient en tonnes d'or "^ ? » Le 6 mai 1609, Jacques 1"
interdit aux navires étrangers la pêche du hareng sur les
côtes d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande ^ Cette défense,
dirigée contre les Provinces-Unies, atteignait aussi, à un
moindre degré, nos pêcheurs, particulièrement les Dieppois.
Ceux-ci se plaignirent à Henri IV qui fit solliciter par son
ambassadeur une exception en faveur de ses sujets et qui
obtint seulement que l'effet de la prohibition serait
suspendu pendant un an \
La France importait des États Barbaresques (Maroc,
Algérie, Tunis et Tripoli) des cuirs, de la cire, des laines,
du corail. Elle avait peut-être été la première à nouer des
1. Mémoires de Claude Groiislnrt, coll. Petitot, xlix, p. 407.
2. BoRELY, Hist. du Havre, H, 271).
'i. MONTCHRESTIEX, 139.
4. La Boderie au roi, 20 juiQ IC09. Ambassades de M. de La Boderie en
Angleterre (1750, in-12), IV, 304.
5. Béer, Op. laud., 2Ahth., 202.
6. MiCHELET, Précis d'histoire de France, 1842, p. 253.
7. Meteren, Histoire des Pays-Bas, trad. Delahaye, 1GI8, in-fol. G62, v".
8. Sur cette affaire voy. Ambassades de M. de La Boderie, IV, 332.
27G IMPORTATIONS.
relations commerciales avec l'Afrique soptonliionalo, mais,
dès l.'iîlO, sou exemple avait été suivi par les Anglais, les
Hollandais et les Flamands qui étaient devenus pour elle,
dans ces parages, des rivaux redoutables'. La pêche et la
préparation du corail avaient lieu à Mascara en Algérie.
Le monopole de ce commerce appartenait à une ancienne
com[)agnie, la Conipac/uic du curaii, dont le capital se
composait de vingl-(|uatre actions (qitaratz), à la majorité
desquelles seprenaientles délibérations. Un arrêt du conseil,
du 8 février 1000', confirma le mode d'administration et
les privilèges de cette société. Un autre arrèl, du même
jour, rendu sur la requête du consulat de Marseille,
l'obligea à continuer par cette ville l'importation du corail
et des autres marchandises qu'elle tirait des Etats Barba-
resques^
1. MoxTrHRESTiEN, 1.34-13.'). «.Mais les Anglois, Flamens et Ilollandois l'ont .
[le trafic en Barbarie] entrepris depuis 00 ans.... >i Tho.mas Lk Fkvue, p. 50.
'2. Arch. nat., coll. des arrêts du conseil.
3. Sur la requeste [présentée] au Roy en son conseil par les associez de
l'ancienne coujpagnye du corail affin de faire revocquer le filtre et qualité
de gouverneur que les sieurs de .Moissac frères s'attribuent au lieu de
•Mascaretz en Barbarye où s'exerce le traffic du corail... combien... que
telle entreprise puisse donner subject au Grand Seigneur par la permission
duquel ils exercent led. traffic de le revocquer... au lieu qu'auparavant les
affaires se traictoient par tous les associez... a la pluralité des quaratz qui
sont en nombre de vingt quatre en tout, dont lesd. de JM. n'en font que
quatre... Le Hoy en son conseil, avant que faire droict sur la revocation
de pouvoir donné ausd. s^s de ]\I., ordonne qu'ils seront assignez et ouys
en icelluy pour après y estre pourveu... et ce pendant veult... que les pri-
vilégies octroyés à lad. compagnye du corail... leur soient conservés et le
traffic continué entre lesd. associez suivant les advis qu'ilz prendront... à
la pluralité des quaratz conformément à l'arrest provisionnel du xxi<^ jan-
vier... 8 février 1000. — Sur la requête présentée au Roy par les viguiers,
consuls et habitans de la ville de Marseille à ce que... dell'ences... soient
faictes à Thomas et Antoine henclu (?), s'- de Moissac... de transporter
ailleurs qu'en lad. ville le traffic dud. corail, cuirs, cires, laynes et autres
marchandises qui viennent de Barbarye ny de s'ayder d'autres mariniers,
pilotes ou ouvriers pour la manufacture dud. corail que des subjecfs de
S. M... pour le grand préjudice que leur ville qui est assise en lieu sterille
et ne se peut conserver ou acroistre qu'avec le commerce recevroit si ce
divertissement comniancé par lesd. .M. contre la volonté... des autres
associés... estoit... continué, nutre l'intcrest de S. M. jjour les droicts qui
se lèvent sur les marchandises (jui arrivent au port d'icellc.... Le Roy...
IMPORTATIONS. 277
Nos vaisseaux rapportaient des Açores le bois de tein-
ture, le tabac, les cuirs, la cochenille débarqués par les navi-
res qui y faisaient relâche en venant des Indes occidentales.
Ce commerce, qui avait cessé à la suite de la tentative des
Français pour s'emparer des îles en lo83, avait un peu
repris sous Henri IV, mais l'impôt mis par ce prince sur
les marchandises de cette provenance et la surveillance plus
sévère exercée par l'Espagne, le ruinèrent définitivement'.
Nous entretenions avec les îles du Cap-Vert et la côte
occidentale d'Afrique (Sénégambie, Côte d'Or, Guinée) un
commerce assez actif. Comme il arrive toujours dans le
trafic avec les populations sauvages, la valeur de nos impor-
tations dans cette région y était très inférieure à celle de
nos exportations ; nous y échangions de la menue quincail-
lerie et de la bimbeloterie contre de l'or en poudre et en
lingots, de l'argent, des perles et des pierreries, de l'ivoire,
de l'ambre gris et noir, des cuirs, de la gomme arabique, de
la cochenille, du tabac, du poivre, de la maniguette et
enfin contre des esclaves très durs au travail qui étaient
transportés au Brésil.
Nos compatriotes avaient, dans les pays où ils faisaient
des affaires, des bureaux, des magasins, des commis; ils y
résidaient assez souvent mais s'y fixaient peu. Ceux qui
s'expatriaient sans esprit de retour, c'étaient ceux que le
chômage, la misère, l'appât de salaires plus élevés chas-
saient de leurs foyers, et ceux-là ne pouvaient trouver de
moyens d'existence que dans le travail manuel ou dans des
emplois subalternes ^ Ils ne contribuaient donc en rien au
développement du commerce national.
ordonne ausd. si"» de M... de faire venir en lad. ville selon qu'il souloit...
le corail, cuirs, cires, laynes et autres marchandises qu'ils amennent de
Barbarye... 8 février IGOO. Arch. nat. Conseil des finances, à la date.
1. Th. Le Fèvre, 65-60.
2. '< ... la plupart de nos hommes sont contrains d'aller chercher
ailleurs lieu d'employ et de travail, qui en Espagne, qui en Angleterre, qui
278 ENTREPRISES COLONIALES.
Si les Français étaient peu (entés de fonder des établis-
sements dans des pays civilisés mais fort inhospitaliers pour
leurs concurrents commerciaux, étaient-ils attirés davan-
tage par ces pays nouvellement découverts, en grande
partie inexplorés, dont les Portugais et les Espagnols
avaient montré la route aux autres nations européennes?
En abordant celle question, nous n'avons pas l'intention de
faire riiisloire des essais de colonisation tentés sous le
règne de Henri IV : nous n'avons à nous en occuper qu'au
point de vue de leur iniluence sur le commerce extérieur
de la France.
Les progrès rapides des Hollandais dans les archipels de
la Sonde et des Moluques, et la fondation de la Compagnie
hollandaise des Indes orientales (20 mars 1602)* devaient
inspirer à Henri IV l'idée d'appliquer à une tentative ana-
logue les épargnes et l'activité du peuple qu'il avait pacifié
et qui s'enrichissait sous ses yeux. Déjà une compagnie
privée de marchands de Saint-Malo, de Laval et de Vitré,
sans attendre le patronage oflieiel, avait fait partir, le
18 mai 1001, deux navires, l'un le Croissant de 400 tonneaux,
l'autre le Corbin de 200, et avait montré le pavillon français
dans des mers qui ne le connaissaient pas. François Pyraid
de Laval a raconté l'histoire de cette expédition, dont il
avait fait partie^. S'il en revint malade et plus pauvre
(février IGll), il lui dut des succès d'amour-propre qui
purent adoucir un peu ses déboires. La relation de son
voyage eut tant de lecteurs, qu'elle parvint, en cinq ans, à sa
troisième édition (1011-1G15), et il fut lui-môme fort
recherché par un public avide d'entendre de sa bouche ses
en Allemagne, qui en Flandres. » .Montciihestien, p. :)5. 11 est certain que
r.iuteur, préoccupé pnr la pensée de faire ressortir les dangers de notre
situation économique, a exagéré cette émigration.
1. Sur l'origine et le rapide développement de la colonisation hollan-
daise aux Indes orientales, voy. Beek, Op. laud., 2. AOl/i., p. 179-180.
2. Voyages de François Pijrurd de Laval, \C<i:>. I, 4.
ENTREPltlSES COLONIALES. 279
observations et ses impressions, indice remarquable de la
curiosité excitée par ces riches et mystérieux pays'. En
1G03, l'attention du roi fut attirée sur eux par un ambassadeur
de Perse, qui était venu lui demander son appui pour en
chasser les Portugais. 11 refusa de s'associer à dos actes
d'hostilité contre l'Espagne", avec laquelle il était en paix,
et conseilla à l'ambassadeur de s'adresser aux provinces de
Hollande et de Zélande^ L'année suivante, un homme qui
avait fait plus d'un voyage dans les contrées du Pacifique
et qui les connaissait bien*, Gérard de Roy, s'associa
plusieurs personnes, entre autres Antoine Godefroy, tréso-
rier de France à Limoges, et demanda au roi d'autoriser la
création d'une compagnie de commerce dans ces régions.
Cette Compagnie assumait tous les frais de l'entreprise,
moyennant un monopole de quinze ans à partir de son
premier voyage. Le roi lui désignerait un port pour y équiper
sa flotte et faire entrer en franchise les marchandises rap-
portées de ce voyage, lui fournirait deux canons par
vaisseau et des munitions de guerre et obtiendrait pour elle
du prince Maurice la permission d'acheter ou de faire cons-
truire des vaisseaux dans les Provinces-Unies et d'en tirer
des marins. Enfm la participation aux affaires de la société
ne devait pas entraîner dérogeance. L'association était
ouverte à tous pendant six mois après le retour de la pre-
mière expédition, moyennant un apport de 3000 livres
(87G8 fr. 80) au moins. Ces conditions furent homologuées,
le l*"" juin 1604, par un arrêt du conseil qui désigna Brest
1. Lefizelier, Le voyageur François Pyrard est-il né à Laval ? Bullelin de
la Société' de Vinduatrie de In Mayenne, III (1855), p. 57.
2. On sait que, depuis 1580, le Portugal et ses colonies faisaient partie
de la monarchie espagnole.
3. Calendar of state papers. Colonial séries. East Indies. China and Japan,
n° 323.
4. « ... la cognoissance particulière que vous avez des ports et havres
des Indes orientales pour les voyages par vous cy devant faits. » Bibl.
nat. Fonds Brienne, 31!), fol. 110.'
280 ENTREPRISES COLONIALES.
pour porl d'altuclie. Le 29 juin, la commission de capitaine
général de la ilotte royale des Indes orientales fui délivrée
à Gérard de Roy. Elle lui donnait pouvoir de faire cons-
truire et d'équiper des vaisseaux, lui permettait de s'empa-
rer de ceux qui attaqueraient les siens, et de garder pour
lui et ses associés les quatre cinquièmes de la prise, et lui
ordonnait de réunir le plus tût possible sa flotte à Brest
pour mettre à la voile'. Les choses n'allèrent pas au gré de
l'impatience du roi. En 1G09, la Compagnie n'avait encore
fait partir aucun navire. En revanche, une partie du capital,
fixé à 4 millions d'écus à la couronne (40 l.')2 iGO fr. oO).
avait été versée ; quatre bâtiments allaient lever l'ancre à
Saint-Malo ; la plus grande partie de la flotte était achetée ;
un marin renommé, Simon Dansa, devait escorterles convois
avec sa flottille, que d'autres voiles viendraient grossir-. Le
président Jeannin, chargé de négocier une trêve entre.
l'Espagne elles Provinces-Unies et très partisan des voyages
d'exploration', avait profité de son séjour aux Pays-Bas
pour procurer à la Compagnie des hommes et des navires ;
il se servait pour cela d'un certain Isaac le Maire, originaire
de Tournay et dévoué à la France, avec lequel il avait des
entrevues secrètes ; il consultait le cosmographe d'Amster-
dam Plancius*. Un Hollandais, Peter Linigens, s'occupait
aussi de recruter dans son pays des marins et des ouvriers \
Ces préparatifs causaient aux Provinces-Unies un vif mécon-
tentement. Leur agent, Aerssens, reçut l'ordre de protester
contre l'établissement de la Compagnie et contre les moyens
employés pour la constituer, contre le rôle qu'on voulait,
donner au Flamand Dansa, contre l'embauchage de marins
1. .Mas. lirienne 31!), loi. 110.
2. CaLendars of stale papers, même série, n" iO!).
;}. Marc Lescarbot dans la dédicace de son Histoire de la Xoiivelle France
au président Jeannin.
4. Ségociations du président Jeannin, coll. i'clitot xiii, '277 et suiv.
h. Philippsox, lleinrich IV und Vhilip III. 2 Theil, p. -ils.
ENTREPRISES COLONIALES. 281
hollandais. Cette protestation était accompagnée de paroles
comminatoires : les Hollandais menaçaient d'aborder les
vaisseaux français et de pendre tous les Flamands qui s'y
trouveraient ^ A la suite de cette déclaration énergique,
formulée en 1610, le silence se fait sur cette entreprise, et
le silence ici, comme il arrive souvent, indique cette phase
d'ajournement et de recueillement oii les g-randes affaires
s'enlisent ou mûrissent.
Celle-ci n'était que suspendue-: le gouvernement de
Louis XIII la reprit. La Compagnie fut constituée par un
édit en 1613, et la flotte de l'amiral Montmorency fit deux
voyages qui mirent en évidence les dispositions favorables
des indigènes et l'hostilité des Hollandaise Malheureuse-
ment, cette institution n'eut jamais qu'une existence légale :
les Provinces-Unies conservèrent le monopole du com-
merce des épices et jamais la concurrence française ne le
mit en péril. Il serait passé à notre pays et le commerce de
l'Europe avec l'Extrême-Orient aurait dès lors adopté la voie
qu'il suit aujourd'hui, si Henri IV avait pu réaliser les vues
de l'un de ses meilleurs serviteurs; dans son Discours mr les
moijens de diminuer l'Espagnol écrit en 1391, Du Plessis
Mornay indiquait comme un de ceux qui devaient l'attein-
dre de la façon la plus sensible l'établissement d'une ligne
de navigation qui, partant des Moluques, de Diu, de Goa,
1. Calendars of slale papers. ilème série, n«^ 469, 473, 47G. Réponse de
Henri IV aux représentations d'Aerssens le 23 février 1G05 cité par Massok,
Ilist. du commerce du Levant, p. 372, n° 4.
2. « ... le feu Roy... a souvent désiré... l'établissement d'une telle com-
pa^jnie qui, toutefois, n'avoit pas encore réussi mais maintenant, etc.... »
Louis XIII à l'échevinage et aux habitants de Rayonne pour les convier à
participer à la création de cette compagnie, 0 décemb/'e 1GI8. liullelin du
comité historique, III, 156 et Massox, Hist. du commerce français dans le
Levant, p. 109, 113. La stérilité de cette tentative n"empêchait pas, bien
entendu, les voyages particuliers aux Indes orientales. En 1610, le vaisseau
le Montmorency en rapportait des épices, sur lesquelles il réalisait un
bénéfice net de 400 p. 100. Mémoires ctironologiques pour servir à Vhist. de
Dieppe (1785) I, 325.
3. ïnoMAN Le Févre, 105.
282 ENTREPRISES COLONIALES.
d'Ornuiz, etc., aboutirait à Suez, d'où ks marchandises
seraient transportées en six jours à dos de chameaux
jusqu'à Rcyroull», Alep, Trip(^li de Syrie, Damiette.
Alexandrie, etc., et reprendraient la mer pour èlre débar-
quées dans les principaux ports du bassin de la Mé-
diterranée \
Complètement stérile fui l'autorisation donnée en KiOS
par Henri IV au sieur de Lhopital, de fonder au Cap, par la
conquête, des établissements qu'il posséderait sous la sou-
veraineté du roi-.
Si la France trouvait la place déjà prise dans les Indes et
l'archipel Indien par les Portugais et les Hollandais, elle
rencontrait dans les deux Amériques des colonies déjà
arrivées à un assez grand développement pour affecter l'in-
dépendance, et dont l'Espagne, leur métropole, se réservait,
avec un soin jaloux, le débouché et les produits. Les
Français, qui tombaient dans les mains des Espagnols et
qui étaient soupçonnés de faire le commerce avec les
colonieshispano-américaines, étaient mis à mort ou envoyés
aux galères. Vainement, les traités avaient tracé une ligne
qui séparait la zone ouverte à la liberté du trafic et celle
qui restait abandonnée à la piraterie et au droit du plus fort ;
qu'ils les trouvassent dans la première, c'est-à-dire au nord
du tropique du Cancer et à l'est du méridien des Açores, ou
dans la seconde, c'est-à-dire au sud et à l'ouest, les Espa-
gnols faisaient subir le même sort à nos compatriotes ^ Il nous
était impossible de fonder, dans les pays occupés par eux,
des colonies ni même des comptoirs, tant que nous ne dis-
posions pas d'une marine militaire capable de protéger nos
vaisseaux marchands.
1. Dnns Mémoires et correspowiance de De Plessis-Mornay, H.
2. l'iiiLiPpsoN, Vit supra, ;i77-378.
3. Th. Le Fevue, Op. laud., 6i, 97-09. Remontrance présentée nu roi et
à son conseil par les capitaines de la marine française dans Levot, liml. de
Brest, 1, 93.
ENTREPRISES COLONIALES. 283
(^est vers l'Amérique du Nord qu'il faut tourner les yeux
pour voir des efforts suivis et couronnés dans une certaine
mesure de succès. Les entreprises de colonisation dans la
Nouvelle-France, qui comprenait le Canada et l'Acadie
c'est-à-dire la Nouvelle-Ecosse, exercèrent une influence
sérieuse sur notre commerce.
Au marquis de la Roche (1398) et à Chauvin (1,^)99), suc-
céda une Compagnie formée par le commandeur de Chastes
et 011 entrèrent les principaux négociants de Rouen et de
La Rochelle. Le privilège de la traite des pelleteries lui fut
accordé.
Le commandeur de Chastes lit entreprendre par deux
officiers de la marine royale, du Pont-Gravé et Cham-
plain, un voyage d'exploration du cours du Saint-
Laurent et des pays qu'il arrose. Ce voyage révéla l'existence
de richesses naturelles qui étaient propres à attirer les
colons : pêcheries, bois de construction, prairies, mines
de cuivre et de platine.
A la mort du commandeur de Chastes, qui eut lieu pen-
dant ce voyage (1603), Pierre du Guast, S'' de Monts,
gentilhomme saintongeais, devint le chef de la colonisa-
tion. Le roi le nomma son lieutenant général en Acadie, du
40"= au 46° degré. Sa commission portait qu'il rechercherait
et exploiterait les mines d'or et d'argent et autres, le roi
se réservant le dixième du produit'. Henri IV accorda à
de Monts et à ses associés le monopole du commerce pen-
dant dix ans ^. Les commis des traites foraines ayant saisi
vingt-deux balles de castor expédiées par lui en France,
le roi lui en donna mainlevée et déclara que les marchan-
dises provenant de la Nouvelle-France ne payeraient que
1. On trouvera sa commission en date du 8 novembre 1603 dans
Marc Lesc*rbot, Hist. de la Nouvelle-France, 2° édit., 1612.
2. Lettres du roi adressantes aux amirautés du royaume, 18 décembre 1603.
Ibid.
•284 ENTREPRISES COLONIALES.
les droits d'entrée dus par celles du cru passant dune
province dans l'autre ^
Henri IV faisait respecter le jjrivilèij^e de la Compagnie
de la Nouvelle-France par les nations étrangères. C'est ce
que constate une lettre où il demande aux Etats-Généraux
des Provinces-Unies dy interdire le trafic à leurs natio-
naux-. Ce privilège était une des raisons qui cnipêcliaient
le parlement de Rouen d'enregistrer la commission de
de Monts. Dans les lettres de jussion que le roi lui
adressa le 17 janvier 1604, il représente que l'entreprise
n'a pas le caractère d'un véritable monopole, puisqu'il
est permis à tout le monde d'}- participer en entrant
dans la Compagnie ^ Cette Compagnie fut constituée par
acte notarié passé à Rouen le 10 février 1004. La ré-
partition des frais et dos bénéfices était fixée au sol la
livre. De Monts versait en son nom et au nom d'un groupe
de commerçants rouennais dont il garantissait l'entrée
dans la société, le montant approximatif du tiers du capi-
tal c'est-à-dire 18 000 livres (52 012 fr. 79). D'autres capi-
talistes, se portant forts pour un autre groupe de com-
merçants appartenant à la ville de Saint-Jean-de-Luz,
versaient 10 000 livres (29 229 fr. 33) à valoir sur un autre
tiers qu'ils s'engageaient à souscrire. Pour la souscription
du dernier tiers, on comptait sur les commerçants de La
Rochelle. Ce capital n'était destiné qu'à l'équipement de
deux navires et aux frais d'un premier voyage '*.
Le centre principal de la traite des fourrures était à
ïadoussac. De Monts créa un second entrepôt à Port-
Royal (aujourd'hui Annapolis) et il y transporta la colonie.
En IGOO, commença sérieusement l'exploitation agricole.
1. Lettres du roi à la cour des aides de liouen, aux maîtres des ports,
ofliriers de l'amirauté et des traites foraines de Normandie, 8 février lOOô.
2. Lettres tniss., VII, 4G.S.
:i. Lettres iniss., VII, 807, 899.
4. GossELix, La Nonitandie au Canada. Académie de Rouen, 1872.
ENTREPRISES COLONIALES. 28^
De nouveaux voyages d'exploration mirent en évidence la
fertilité du littoral depuis le 45' degré et demi de latitude
jusqu'au 41°, et la colonisation semblait appelée à réussir
lorsque, au commencement de 1G07, sur la requête des
marchands de Saint-Malo, le conseil du roi enleva à la
Compagnie son monopole. Celle-ci qui déjà, l'année précé-
dente, avait soullert de la concurrence des Basques et des
Hollandais, se voyait privée par l'arrêt du conseil du
moyen de relever ses affaires; il ne lui restait qu'à se dis-
soudre*. Cependant, en présence des preuves fournies par
de Monts sur la richesse et l'avenir de la colonie, le roi
renouvela pour un an le ])rivilège et, encouragée par cette
faveur, la société fit partir trois vaisseaux en mars 1608.
Les colons qu'ils amenaient, dirigés par Champdoré et
Champlain, repeuplèrent Port-Royal et fondèrent Qué-
bec (1608).
Champlain dirigea dès lors ses explorations dans le Ca-
nada proprement dit. En 1609, il occupa l'embouchure de
la rivière des Iroquois, affluent du Saint-Laurent et le lac
Champlain. Il créa au saut Saint-Louis un nouveau
comptoir et un nouvel établissement et, après la mort de
Henri IV, remonta jusqu'aux lacs du cours supérieur du
Saint-Laurent.
Quels furent, au point de vue commercial, les résultats
des découvertes et des établissements de Champlain et de
ses prédécesseurs? Les ressources naturelles du Canada
et de l'Acadie sont attestées par toutes les descriptions^ et
mieux encore par leur prospérité actuelle. Cuirs, fourrures,
mines, bois de construction, chanvre, grains, pèche, etc.,
il y avait là de quoi alimenter un mouvement d'alTaires
fort actif avec la France et l'Europe. D'un autre côté, le
1. Lescarbot, ô9I, o92. Le P. de Rochemonteix, Les Jesidlcs et la Nuuvelle-
Fran'e au XVII'^ siècle, I, 20.
2. Lescarbot, Champlain, Denys.
286 ENTREPRISES COLONIALES.
public manifestait pour tout ce qui touchait aux « terres
neuves » un vif intérêt', qui finit par provoquer un cou-
rant important iréniigration-. .Mais au début les émigrants
se composèrent en majorité de vagabonds, de men-
diants, de condamnés graciés pour la circonstance, de
gens tarés qu'on embarquait de gré ou de force et à qui
manc[uaient également et les capitaux et le goût du tra-
vaiP. La partie saine et laborieuse de cette population
s'occupa presque exclusivement du commerce des four-
rures et des cuirs. Le Père Cliarlevoix écrit qu'en 1608
lattrait du négoce des pelleteries avait presque l'ait aban-
donner en Acadie la culture de la terre, au point que les
colons étaient menacés de disette '*. Ce fut à ce négoce que
les explorations et les fondations des de Monts et des Cham-
plain donnèrent le plus d'impulsion. En 1608, il attirait
sur les côtes d'Acadie et au Canada plus de quatre-vingts
vaisseaux''. Il y eut aussi une autre industrie qui profita
de ces essais de colonisation : ce fut la pèche. Elle devint
plus active, elle exploita de nouveaux parages. Nous par-
lons de celle que venaient faire, pendant trois mois de
l'année, nos pêcheurs des côtes de l'Océan. Quant à la
pèche sur place, qui aurait évité à nos terres-neuviers un
aussi long séjour dans des mers glaciales, qui leur aurait
permis de faire trois voyages par an au lieu d'un, puisqu'ils
n'auraient eu qu'à venir charger le produit de celle des
colons, elle ne s'organisa pas d'une façon sérieuse''.
1. Desciiamps. Les découverles et l'opinion en France au XV l^ siècle. Revue
de géographie, XVI.
2. (( ... la multitude iriioiiimes qui vont aux terres neuves. » Mémoira
de Tavannes, coll. .Micliaud, p. 82.
:{. La rencontre merveilleuse de Piedaigrelte avec M<^ Guillaume revenant
desChamps Élysées... (lGO())dans Var. hist.et ////., III. L'arcliisot, HJOb. Ibid.,
VII. F'.vKKMAN, Les pionniers français dans l'Amérique du \ord, p. 105.
4. Histoire de la Souvelle-France (174i) t) vol. in-12, 1, 190.
.'>. Voyages de Cliamplain, cités par Foihson, III, ô8G, n° 2.
6. Lescaubot, 8i8. Denys, Description géographique et historique des côtes
de l'Amérique septentrionale, I, 94. Il, 249.
ENTREPRISES COLONIALES. 287
La traite des pelleteries devint moins lucrative lorsque, la
prorogation du privilège de la Compagnie de de Monts ayant
expiré le 7 janvier 1G()9, il fut libre pour tout le monde '.
Les sauvages firent alors payer les peaux de castors beau-
coup plus cher. « Aujourd'hui, écrit Marc Lescarbot-,
depuis la liberté remise, les castors se vendent au double
de ce que le S' de Monts en retiroit. Car l'avidité a été si
grande qu a l'envi l'un de l'autre, les marchands ont gâté
le commerce... » Cette hausse, qui atteste l'importance
prise par le trafic des pelleteries, pouvait en arrêter
l'essor, car il faut de gros bénéfices pour attirer et retenir
les commerçants dans une voie nouvelle et hasardeuse.
Ce danger ramena Henri IV au monopole. La Compagnie
privilégiée créée en 1613 par Champlain et qui fut ouverte,
moyennant le versement d'un capital, à tous les négociants,
ne fut que la réalisation d'une idée à laquelle l'expérience
avait fait revenir le gouvernement précédent.
La politique coloniale, comme on dirait aujourd'hui,
eut, en ce temps-là aussi, ses p.artisans et ses adversaires.
Parmi ces derniers on n'est pas étonné de rencontrer Sully.
Il est difficile de contester la clairvoyance qui l'amenait à
détourner notre pays de « la conservation et possession de
telles conquêtes comme trop éloignées de nous et par con-
séquent disproportionnées au naturel et à la cervelle des
François, que je reconnois, à mon grand regret, n'avoir ni
la persévérance ni la prévoyance requises pour telles choses
et qui ne portent ordinairement leur vigueur, leur esprit et
leur courage qu'à la conservation de ce qui leur touche de
1. Arrêt du conseil du 9 octobre IGOIJ permettant aux Malouins, aux
Bayonnais et à tous les sujets du roi, de commercer librement au Canada,
malgré le monopole du S'' de Monts, qui sera indemnisé des frais de ses
voyages dans ce pays par la somme de COOO livres (IGlSOfr. 08), laquelle
sera répartie, pour Tannée présente, par les juges des amirautés de Saint-
Malo et de Bayonne, sur les navires ayant trafiqué lad. année audit pays à
proportion du tonnage de chaque vaisseau. Bibl. nat. Franc., 1817G, fol. 4.
2. P. (J11-GI2.
288 COMMERCE DE COMMISSION.
proche en proche et leur est incessamment présent devant
les yeux, comme les expiM'iences du passé ne l'ont (|ue trop
fait connoilre, tellement que les choses qui demeurent sé-
parées do notre corps par des terres ou des mers étran-
gères ne nous seront jamais qu'à grand'charge et à peu
d'utilité'. » En Amérique pourtant, l'avenir devait lui
donner tort, car, si nous n'avons pas conservé nos colonies
américaines, cette perte a été la cons('([uence de nos revers
en Europe heaucoup plus que de nos fautes coloniales et
elle n'a pu clTacer l'empreinte du génie franc^ais sur des
pays oii les sympathies des populations indigènes avaient
accueilli nos premiers pas -.
COMMERCE DK COMMISSION.
Les documents que nous avons recueillis ne nous pré-
sentent jamais des commerçants français faisant la com-
mission à l'étranger pour leurs compatriotes. Ce silence
s'explique par les obstacles que le commerce français ren-
contrait dans la législation et les mœurs des nations voi-
sines ^ Quant aux commissionnaires agissant en France
pour le compte de l'étranger, il faut distinguer les commis-
sionnaires d'achat et les commissionnaires de vente. Les
commissions d'achat s'exécutaient librement; elles favori-
saient le commerce national et ne faisaient tort à personne.
Il en était autrement des commissions de vente ; elles ame-
naient sur le marché des marchandises étrangères, créaient
une concurrence à nos négociants et auraient rendu illu-
1. Sully au président .loannin, 28 février KiOS. Cinq cents Colhert, 20:j
fol. 2.30. "
3. Pahkman, Lfs pionniers f m lirais dans l' Amérique du Nord, p. 204-205.
."}. « Que Vos .Majestés prennent la peine de s'enquérir si nos marchands,
ont quelques coiiunissionnaires, j'eiiten pour manier leur argent et leur
amasser les marcliandises du pays au préjudice des citoyens, Espagnols
en Rsp.igne, Anglois en Angleterre, Mamans en Flandre. Si l'on vous en
nomme un, ce sera un corbeau blanc. » Mo.nïcmhestien, p. 8i.
COMMISSIONS POUR LE COMPTE DES ETRANGERS. 289
soires les restrictions apportées à cette concurrence et le
monopole des corporations. Aussi ne pouvaient-elles léga-
lement être exécutées que par des commissionnaires ayant
un caractère officiel, limités en nombre et dans les condi-
tions oià leurs commettants auraient pu vendre eux-mêmes
c'est-à-dire en gros, dans les marchés et après examen des
gardes jurés '. Ces commissionnaires en titre d'office furent
créés par un ôdit du mois do mars 1586 qui, rappelant
les anciennes ordonnances mises en oubli, n'autorisait les
étrangers à vendre que dans les foires et, en dehors des
foires, sous les réserves que nous venons d'indiquer. Les
commissionnaires institués par cet édit étaient tenus, lors-
qu'ils faisaient une vente au comptant, de payer leur com-
mettant dans les vingt-quatre heures; dans les ventes à
terme, ils garantissaient la solvabilité de l'acheteur et fai-
saient connaître son nom et le prix au vendeur, auquel
ils remettaient l'argent quinze jours après l'échéance. Ils
lui avançaient, sur sa demande, les frais de transport et le
montant des impôts, dont ils se remboursaient sur le prix
avec un intérêt de 10 p. 100. ils donnaient caution et
étaient solidairement responsables envers leurs mandants
qui pouvaient avoir recours sur leur bourse commune. Leur
commission était de 6 deniers pour livre, c'est-à-dire
de 2 et demi p. 100. Ils ne pouvaient être commerçants ni
s'associer avec des commerçants. Enfin, ils étaient exempts
des charges publiques 2.
Nous avons dit qu'en droit les négociants étrangers ne
pouvaient s'adresser qu'à ces commissionnaires pour faire
vendre leurs marchandises en France. Nous avons semblé
indiquer, par là, qu'il en était autrement en fait. Telle est
en effet notre pensée. L'édit de 1586 défend formellement
1. Il en était de mi'ine pour les marchandises des forains, mais nous
n'avons à nous occuper ici que des marchandises étrangères.
2. FONTAA'ON, I, 10;'5.
19
290 COMMISSIONNAIRES ÉTRANGERS.
et sous des peines sévères à d'autres et noi uni ment aux
commerçants, de vendre pour le compte de négociants
étrangers '. Mais la pratique interdite par cet édit était
bien tentante et en même temps bien facile à dissimuler;
aussi nos commerçants ne se faisaient-ils pas faute de s'y
livrer, d'autant plus que les règlements de leurs corpora-
tions ne le leur défendaient pas et qu'ils trouvaient là un
accroissement fort profitable de leurs affaires. Il n'y avait,
à notre connaissance, que les statuts des merciers qui le
défendissent -. C'eût été là une exception considérable, vu
le grand nombre d'articles qu'embrassait la mercerie, si
cette interdiction avait été observée, mais Savary nous
apprend que de son temps elle ne l'était pas. Elle ne l'était
pas davantage sous Henri IV. Montclirétien, qui écrivait
quelques années après la mort de ce prince, nous apprend
que les étrangers faisaient faire leurs ventes comme leurs
acliats en France par des commissionnaires ou des facteurs,
et dc^plore l'extension que ce mode de procéder donnait à
leur commerce, il déplore aussi — et parlait justifie notre
affirmation — le concours qu'ils trouvaient à cet égard
chez nos compatriotes K
Ils pouvaient, du reste, se passer de ce concours, car ils
avaient en France de nombreux commissionnaires de leur
pays auxquels ils préféraient s'adresser. Profitant de la
libéralité avec laquelle le nôtre prodiguait les lettres de
naturalisation, des Espagnols et des Portugais judaïsants,
des Anglais et des Flamands qui avaient de bonnes raisons
1. « Aussi est défendu à tous iiiarchans ou autres habitans desd. villes
de prester leur nom ou marque ausd... forains ny vendre lesd. marchan-
dises par commission sous leur nom ny autrement, sous peine de conflsca-
tion de marchandises et de 500 escus ('i710 fr. 09) d'amende à i'encontre
de celuy qui l'aura... vendue... par commission. » Fontaxon, loc. cit.
2. « ... deliendons a tous marchands... estre courtier commissionnaire
pour aucun étranger ou forain... » Ord. de juillet 1001, art. 10, dans
Recueil d'urdonn., staluts et règlements du corps de lamercerie, I7G7.
3. P. Vi, 48, 54, 74.
COMMISSIONNAIRES ÉTriANGERS. 291
pour quitter leur patrie, ouvraient, pour le compte de leurs
compatriotes, des maisons de dépôt et de commission et ne
restaient parmi nous que le temps de faire fortune '. Le
gouvernement n'envisageait pas cette immigration avec la
même inquiétude que ceux à qui elle venait faire concur-
rence. L'intérêt majeur à ses yeux, c'était de ranimer et
de développer le trafic. Là où la population manquait
pour cela, il n'hésitait pas à l'attirer du dehors. C'est ainsi
qu'il accueillait favorablement l'idée de Boissise, son am-
bassadeur en Angleterre, de faire de Calais l'asile des Fla-
mands et des Wallons victimes des lois anglaises contre
les catholiques et même de certains Anglais inquiets de la
persécution religieuse que la mort attendue d'Elisabeth
pouvait déchaîner contre eux ". Déjà beaucoup de Hollan-
dais et de Zélandais s'établissaient dans cette ville pour y
faire, sous le couvert de la France, le commerce avec
1. « Les étrangers corrompent nos mœurs et nous ruinent le trafic. Les
villes de cette province sont iileines d'Espagnols et Portugais judaïsants,
Anglois et Flamands de la religion p. r. qui, bien souvent bannis de leur
pays, nous apportent leurs mauvaises habitudes..., séduiseut les François
qu'ils prennent à leur service, attirent à eux tout le trafic étranger. Font
les Espagnols et Portugais tout le trafic pour Espagne et Portugal, les
Anglois et Flamands celui de leurs provinces comme commissionnaires
des étrangers, au lieu qu'ils devraient tous passer par les mains des
François et n'acheter rien de la première main, et cela sous ombre de
lettres de naturalité qu'ils ont jusqu'à présent obtenues avec trop de faci-
lité, non pas avec dessein de demeurer en France, car ils n'y font aucunes
acquisitions d'immeubles ny font construire aucuns vaisseaux et, ayants
tout leur bien en une cassette, le transportent quand il leur plait. . . .
Nous ne leur oserions porter rien de ce qu'ils font ou peuvent faire en
leur pays qui ne soit confisqué, bien que, parle traité de 160G, registre en
l<i(t7, art. 13, par lequel il semble que l'on ait, de gaieté de cœur, trahi la
cause et l'honneur de la France, les marchandises angloises apportées en
France étant jugées vicieuses, il ne nous soit pas loisible de les confisquer,
Mess. de.Maisses et de Boississe, commissaires s'étant contentés qu'il leur
seroit enjoint de les reporter en Angleterre et encore sans payer aucun
droit de sortie... » Lettre du S'' de Lauzon à Richelieu au nom des com-
merçants de Rouen. Rouen, Il novembre 1626. Arch. des aff. étrang.
France, 781, f. 78. Pour les commissionnaires étrangers en vins à Bor-
deaux, voy. JuLLiAN, Hist. de Bordeaux, 440-441.
2. Boissise au roi, l^"" janvier IGOO. Le roi à Boissise, 12 janvier 1600.
Kermaingant, Mission de Jean de Tliumery, sieur de Boissise, II. Elisabeth
devait mourir trois ans plus tard.
292 COU «TIERS ET COMMERCE DE TRANSPORT.
l'Espagne que l'état d'hostilité de celle-ci et des Provinces-
Unies ne leur pormcltait pas de faire ouvertement et direc-
tement '.
Un arrêt du conseil du irj avril laOo créa dans les villes
les plus commerçantes, à côté des commissionnaires érigés
par l'édit de mars lo8G, des courtiers privilégiés pour le
change, la banque et la vente en gros des marchandises
étrangères. Leur ministère n'était pas obligatoire mais il
devait être assez recherché, car, lorsqu'ils contresignaient
un acte de vente, leur signature emportait hypolliètjue sur
les biens de lacheteur. Paris en eut huit, Lyon douze,
Rouen et Marseille quatre, Amiens, Dieppe et Calais un,
Tours, La Rochelle et Bordeaux deux, Toulouse trois.
D'autres charges devaient être créées dans les villes où le
besoin s'en ferait sentir'. Cette limitation d'ailleurs n'eut
defTet que pour les courtiers de change et de banque et le
courtage des marchandises étrangères resta libre '\
COMMKUCE DE TUANSPORT.
Les voies de communication et les moyens de transport
dont la France était dotée servaient naturellement aussi
bien aux marchandises étrangères, expédiées à l'étranger,
qui ne faisaient que traverser notre territoire, qu'à celles
qui y étaient consommées. En faisant connaître ces voies
de communication et ces moyens de transport, nous avons
devancé ce qu'il y aurait à dire ici du commerce de transit
1. Aux plaintes de Cecil contre ce commerce interlope, Boissise répond:
« Quelle apparence... de leur refuser cette retraite, dont les Étals recevoient
grand avantaire etconnnodité. Car celafaisoit vivre la plupart des niarchans
d'Hollande etZûlande qui tenoient au lieu de Calais leurs facteurs et, sous
le nom des François, faisoient leur trafic accoutumé et que cux-mômes
tolùroient à leurs sujets d'aller en Espagne ou y envoyer sous le nom de
vos sujets [du roij ", l'.-ifl., 1, r)3I-532.
2. Arch. n.it. Coll. Rondonneau ADI"^.
3. Savary, Dict. du commerce, v Courtier.
COMMERCE DE T«Â.NSPORT. 293
qui s'opérait par terre. Nous n'avons à ajouter qu'une
observation.
Elle se rapporte à l'influence fâcheuse exercée sur ce
commerce par nos douanes extérieures et intérieures. En
obligeant par une déclaration de 1.j8.j toutes les marchan-
dises de Flandre, d'Angleterre, d'Allemagne à destination
de l'Italie et du littoral méditerranéen de l'Espagne à pas-
ser par la douane de Lyon, Henri 111 fil perdre à la France
la plus grande partie de ce transit : la Flandre et l'Angle-
terre créèrent alors une ligne de transports directe par mer
avec ritalie '. Les communications par terre entre la
Flandre et l'Allemagne d'une part, les péninsules ibérique
et italienne de l'autre s'opérèrent par le Luxembourg '.
On commençait pourtant à ne plus traiter les marchan-
dises qui n'entraient dans notre pays que pour en sortir
sur le même pied que celles qui y trouvaient leur débouché.
Si l'on n'avait pas encore eu l'idée d'établir pour elles des
acquits-à-caution et des entrepôts francs, on accordait des
passe-debout, nous voulons dire des réductions des droits
de douane. En 1606, des marchands milanais sollicitent
du conseil un passe-debout pour des marchandises expé-
diées d'Espagne et d'Italie en Flandre et en Allemagne ^.
Cette remarque faite, toute notre attention appartient
maintenant au commerce de transport maritime.
La nature n'avait rien refusé à la France de ce qui est
nécessaire au développement d'une marine marchande ;
fer, bois en abondance pour la construction *, chanvre
1. FoRBONWAis, Recherches et considérations sur les finances de France, I,
70-71, 437.
2. Des marchands rie .Milan regrettent « le grand tour... qu'il leur
convient faire passans par le pais de Luxembourg pour conduire es pais
de Flandres et Allemaigne les marchandises qu'ilz font venir d'Espaigne et
Italie... » Cela à cause ds la douane française. Arrêt du conseil du
21 mars IGOG. Bibl. nat. Mss. Fr., 18170 à la date.
.3. ArnHs du conseil du 21 mars IGOG et du 18 novembre 1G08.
4. Relation de Badoer dans B.^rozzi et Berchet, p. 91. Le commerce hono-
rable... par un habitant de la ville de Nantes, IGîG. <■ Il se trouve des
294 MARINE MARCHANDE.
excellent et poix pour la voilure et le gréement ', habiles
charpentiers de navires, population de pêcheurs nombreuse,
ne se bornant pas à la pèche cùtière, mais babil née à aller
pocher le hareng sur les cotes d'Ecosse et dlrlande, la
morue et la baleine en Amérique.
^lalgré ces ressources naturelles, noire marine mar-
chande était inférieure à celles de TEspagne, de TAngle-
terre et de la Hollande. De ces trois marines, la première
était en déclin, la seconde se relevait avec Elisabeth de la
décadence oii l'avaient laissée tomber Edouard YI et Marie
Tudor, la troisième était à son apogée. Dans un mémoire
présenté en 1(J0;{ à Jacques T'', l'un des plus grands esprits
du temps, sir Walter Raleigh compare la marine et le com-
merce de son pays à ceux des Provinces-Unies. Il nous
apprend que c'était celle des Provinces-Unies qui trans-
portait dans la Poméranio, la Pologne, le Danemark, la
Norvège, la Suède, l'Allemagne et la Russie presque tou-
tes les marchandises de la France, de l'Espagne, du Por-
tugal, de la Turquie, de l'Italie et de l'Angleterre. Celle-ci
n'envoyait annuellement dans les pays de la Baltique
qu'une centaine de vaisseaux et son commerce ne se faisait
presque qu'avec Elbing, Kœnigsberg et Dantzig, tandis
que les armateurs hollandais y envoyaient environ
3 000 vaisseaux et étaient en relation d'afï'aires avec toutes
les villes de cette région. Le commerce hollandais était
représenté dans tous les ports et toutes les villes de France,
le commerce britannique dans cinq ou six seulement. Les
Provinces-Unies possédaient autant de vaisseaux que onze
meilleurs charpentiers du monde pour baslir et construire des navires de
toutes sortes... à Dieppe, Ilonnetleur et au Havre, et de fort bon bois pour
cet ellect aux forests prochaines, avec tout ce qui y est nécessaire d'ail-
leurs pour les equipper, appareiller et mettre hors. » Tu. Le Fèvhk, Op.
laui/., 30.
1. Mémoire pour l'établissement du traflic, commerce et négoce de mer
en France. Biuennk, \il'.), fol. 7.
MARINE MARCHANDE. 295
Etats ensemble, y compris l'Angleterre; elles en cons-
truisaient un millier par an. Leurs transactions avec la
Russie, pour lesquelles, vingt ans auparavant, il leur
suffisait de deux vaisseaux, en occupaient maintenant
trente ou quarante et étaient encore en voie d'accroisse-
ment. Celles des Anglais avec cet Etat, si actives pendant
soixante-dix ans, n'avaient plus besoin en 1600 que de
quatre vaisseaux, de deux ou trois en 1002. Et cependant
les Provinces-Unies manquaient de bois de construction et
de marchandises propres à développer le fret. Aussi n'était-
ce pas les produits indigènes qui composaient leurs car-
gaisons navales mais les produits étrangers, dont le trans-
port leur était de préférence confié parce que, grâce à
l'effectif réduit de leurs équipages, leur fret était plus éco-
nomique. Tandis qu'un navire anglais de 100 tonneaux ne
pouvait être manœuvré que par trente hommes, huit ma-
rins hollandais y suffisaient '. Cette infériorité du com-
merce maritime britannique est confirmée par d'autres
témoignages. Citons seulement un document anglais qui
constate en l.oOS la décadence manifeste des ports de
Newcastle, de IIull, de Boston, de Lynn, de Southampton,
de Pool, de Weymouth, de Bristol et de Chester -.
Quant à l'infériorité de la France sur la Hollande, l'Es-
pagne et l'Angleterre, elle s'explique par plusieurs raisons :
petitesse des bâtiments qui ne résistaient pas à la mer %
insuffisance de marins, mauvais état des ports \ défaut de
1. Mémoire cité et analysé par Livdsay, History of ancient commerce and
merchant shippin;^ (1874) II, 1G2-It)4. Cf. Forbonnais (I, 425) sur le dével-
loppement de la marine marchande des Provinces-Unies en 1G69, et Béer,
Ubi supra, 18G, 201.
2. Calendars of slate papers. Domestic séries, Elisabeth, p. 2.
3. L'édit sur l'amirauté de mars 1584 avait encouragé la construction des
navires de plus de -300 tonneaux. Art. lxxii. Pardessus, Recueil des lois
maritime^;, IV, 295.
4. C'est ainsi que notre inTériorité dans le commerce maritime est
expliquée dans des mémoires rédigés au commencement du règue de
Louis XIII par des navigateurs ou des marchands, et analysés par Dareste,
296 MARINE MARCHANDE.
colonies, inégalité de traitement de notre marine mar-
chande et de celle des autres nations, morcellement de
l'autorité maritime par suite de l'existence des amirautés,
absence d'une Hotte do guerre capable de protéger notre
commerce par mer.
L'initiative de Henri IV se manifesta à l'égard de la ma-
rine marchande comme de toutes les branches de la
richesse publique. Dès loOO, il encourageait ses sujets à
construire et à acheter des vaisseaux, dans l'espoir de ravir
à l'Angleterre et à la Hollande le commerce de transit avec
l'Espagne, qui contribuait tant à la richesse de ces deux
pays. Cette prétention risquait même de nous brouiller
avec l'Angleterre '. L'année suivante, il fit procéder aune
visite des ports et dresser l'état des réparations dont ils
avaient besoin ^ Beaucoup avaient souffert des guerres
civiles, llarlleur % Douarnenez avaient été démantelés.
Ruiné de fond en comble par Eder de Fontenelle, Pen-
march n'offrait plus que des vestiges informes de son port,
de sa jetée de I 500 mètres, de ses fortifications et était
devenu la lande solitaire et romantique dont les sentiers,
par leurs noms de rues des Marchands^ des Changeurs, des
Argentiers, rappellent à peine au voyageur absorbé par le
charme grandiose du paysage, qu'il foule des voies jadis
populeuses et animées '\ Les ports sûrs et assez profonds
pour recevoir de vrais navires étaient rares; le Languedoc
n'en avait pas un seul ^ Notre littoral océanique n'offrait
lUst. de Vadministralion, II, 250-251. Le manque de marins, signalé par ces
mémoires, ne contredit pas absolument ce que nous avons dit du grand
nombre de prcheurs.
1. Calendars of state papers, p. 15G.
2. C'est du moins ce que dit Forbonnais sans en produire la preuve (I, 39) ;
nous avons vainement cherciiéce devisde travaux qui aurait tant d'intérêt.
3. Su[jplii|ue adressée au roi, le 28 septembre 15'JG, par lirissac, gou-
verneur d'ilarfleur. Dumont et Léger, Histoire d'ilar fleur (I8G8), p. 45.
4. Lejean, Sur l'histoire des ports du Finistère dans llultetin arcli. de
l'Assodation bretonne, 111 (1851), p. 133.
5. « ... le Languedoc n'a point de ports assurés ni capables de recevoir
AMIRAUTÉS. 297
pas non plus assez de refuges, et Henri IV, on s'en souvient,
voulut en ouvrir un à nos vaisseaux près de Bayonne et
de Fontarabic. Dans ses Remontrances en forme d'édit,
Laffemas proposait de soumettre le commerce maritime à
un règlement élaboré par d'anciens négociants de Bor-
deaux, de Rouen, de Narbonne et de Marseille et accordant
des privilèges à la marine marchande nationale '. Con-
vaincu, comme lui, au moins sur ce point, de l'utilité de
la protection, dont les autres pays lui donnaient l'exemple,
le roi mettait des droits de tonnag-e et d'ancrage sur les
vaisseaux étrangers', réduisait des deux tiers, en faveur des
pêcheurs du Havre, le droit d'écu par tonneau établi, en
1G03, sur les bateaux pêcheurs de morues et de harengs,
et distribuait à leurs armateurs des primes prélevées sur
le produit de ce droit ^.
La marine marchande et la marine militaire étaient pla-
cées sous l'autorité de l'amiral de France et des amiraux
de Bretagne, de Guyenne et de Provence. Délivrance des
congés et passeports, connaissance des rapports de voyages,
des prises et de toutes les causes maritimes, nomination du
personnel % telles étaient les principales attributions de
ces grands officiers. Henri lY n'y retrancha rien; il ne
chercha même pas à ramener à l'unité ces pouvoirs indé-
pendants les uns des autres. A la lin de son règne, on n'a
pas d'autre simplification à signaler dans cette organisation
que la réunion de l'amirauté de Bretagne à l'amirauté de
que de petites barques. » Remontrance à ceux de la religion p. r. du bas
Languedoc^ 1G29. Merc. franc., XV, 385.
1. Art. X.
2. Of late there has been raised a crown a ton on ail shi^Ds trading
thither. Caiendars of stale papers. Domestic séries, 270. Arrêts du conseil
des finances, 21 mars IGOU, 13 août 1G02. Arch. nat. Lettres miss.,\'\, âS.
3. RoESSLEii, Le Havre d'autrefois, 1883, p. 23.
4. Arrêt du conseil du 10 mars 1G07. Mss. Franc., 181*1, fol. IGl v». La
connaissance des assurances avait été attribuée aux juges consuls. Voy. sur
les conflits de juridiction entre les consuls et les amirautés. Pardessus,
IV, 22G.
298 MARINE MILITAIRE.
France, qui comprenait déjà celle de Normandie el Picar-
die et se trouvait dans les mains du duc de Damville.
L'amirauté de Guyenne et l'amiraulé de Provence avaient
encore une existence propre. M. de Cliàtillon avait la pre-
mière, et la seconde était attachée au gouvernement de
Provence, qui appartenait alors au duc de Guise *.
Il y avait eu un temps où la France disposait d'une
marine militaire respectable. François l*"" et Henri H
avaient entretenu de vingt-cinq à trente galères qui leur
avaient permis d'entraîner Gènes dans leur alliance,
d'intercepter les secours envoyés par Cliarles-Quinl dans
le Milanais et le royaume de Naples et de tenir en respect
la Toscane et le Souverain-Pontife. Mais les guerres reli-
gieuses amenèrent la ruine presque complète de nos forces
navales ^. Toutefois, cette ruine n'était pas encore accom-
plie en lo72. Nous lisons en effet dans la relation d'un
ambassadeur vénitien antérieure à celle qui nous apprend
celte décadence, qu'à cette époque la marine du Levant
c'est-à-dire de la Méditerranée se composait de dix-huit ga-
lères et de dix-sept vaisseaux de 400 à 1 oOO tonneaux ^ Le
déclin de notre puissance navale ne fit que s'accroître sous
Henri III, malgré les efforts de ce prince pour la relever.
En lo94, le nombre des galères était si réduit que les con-
damnations aux galères ne pouvaient être exécutées et que
cette peine dut être commuée en celle du bannissement *.
Le roi se préoccupait dès lors d'équiper, de réparer celles
qui lui restaient et d'en faire construire de nouvelles. Au
commencement de io9o, il faisait demander pour leur
entretien loOOOO écus (1 424 920 fr. 74) aux états de Lan-
1. Carew's Relation, p. 429.
-'. Relation de Gussoni et Nani dans le recueil de Barozzi et Bcrchet,
I, 468.
3. Itclalion de Contarini dans le recueil d'Alberi, série I, IV, 23.S.
4. Henri IV au parlement de Normandie, 29 janvier loU4. Lellres miss.,
IV, 93.
MARIiNE MILITAIRE. 299
guedoc et la même somme aux dtals de Provence '.A la
fin de cette année, il chargeait son ambassadeur à Cons-
tantinople, Savary de Brèves d'en obtenir du sultan dix ou
douze avec leur chiourme, en attendant celles qu'il se pro-
posait de faire construire et armer sous peu '\ Le duc de
Retz, général des galères, reçut des pouvoirs pour recruter
des forçats. Le roi poursuivit auprès de l'assemblée des
notables l'assignation d'un fonds spécial pour l'entretien de
celles qu'il voulait avoir à Marseille ^ Le 4 février 1597,
il annonce l'intention d'affecter une partie des recettes
publiques de cette année à en entretenir douze au moins
en état d'armement \ 11 en fit mettre, en effet, de suite sur
chantiers, comme on l'apprend par une lettre du 8 juil-
let 1397 ^ En IGOO, à la suite d'une inspection de nos ports
et de notre flotte, celle-ci fut réparée \ quelques galères
furent mises à flot \ Le roi projetait d'en construire et
d'en armer vingt pour le printemps de l'année suivante,
et, pour se procurer des chiourmes, il songeait à acheter
des esclaves en Orient. Dans la crainte d'indisposer le
Grand Seigneur, il ordonnait à son ambassadeur de le son-
der à ce sujet ^ Obligé de restreindre ses vues, son ambi-
tion se réduisit à en faire sortir des ateliers de vingt à
trente en tout, dont dix en 1601. Au commencement de
celte année, il y en avait cinq d'armées à Marseille et une
en état d'être mise à la mer. Quant aux quatre autres, elles
1. Commission au sieur de .Maisse, 25 janvier 1595. Collection des arrêts
du conseil aux Archives nationales.
2. Lettre à Savary de Brèves, 11 décembre 1595. Lettres 7niss., IV,
475, 600.
.3. Lettre du 23 janvier 15'J7. Ibid., 675.
4. Ibid., 685.
5. Ibid., 805.
6. FORBONXAIS, I, 39.
7. Lettre de Savary de Brèves, 10 juillet 1600. Lettres miss., V, 247.
8. Lettre à Savary de Brèves, 31 oct. 1600. Lettres 77iiss., toc. cit., 334. Ce
projet se réalisa au moins dans une certaine mesure : il y avait en 1607 des
Turcs sur les galères du roi. Ambassades de La Boderie, II, 360.
300 MARINE MILITAllŒ.
dcvaii'ut être fournies toutes prêtes, sauf la cliiourme,
pour U) 000 ducals, par un Génois, Franccsco Lomme-
lino '. Henri rêvait de porter la puissance navale de la
France à un point (ju'elle n'avait jamais atteint sous ses
prédécesseurs -. Il avait traité avec plusieurs armateurs,
il avait pris à son service Simon Dansa et ses vaisseaux,
il se proposait d'enrôler d'autres capitaines, hollandais et
danois. La mort vint interrompre l'exécution de ses des-
seins. Il laissait la marine de guerre moins puissante qu'elle
n'avait été sous Charles IX. Elle se composait de quatorze
galères, qui n'appartenaient môme pas à l'Etat mais étaient
louées, moyennant 9 500 écus (9G074 l'r. '59) par an, à des
particuliers. Elles restaient armées huit mois. Le reste du
temps, le roi ne payait que l'entretien des galériens, et les
équipages étaient licenciés; mais ils se tenaient prêts à
répondre au premier appel. Un peu plus grandes que les
galères vénitiennes, celles du roi avaient vingt-huit bancs
de rameurs; lentes à la nage, elles étaient assez bonnes voi-
lières. Elles quittaient rarement le port, de sorte que l'équi-
page était peu expérimenté. La flotte stationnaittoutentière
dans la Méditerranée ; pour la défense des côtes de l'Océan,
on comptait sur les vaisseaux que le Danemark et d'autres
puissances maritimes fourniraient en cas de besoin '. Il ne
faut pas s'étonner que cette flotte, si peu nombreuse et si mal
montée, n'appartînt même pas au roi. La marine anglaise,
beaucoup plus considérable que la nôtre, se composait aussi
en partie de vaisseaux armés et équipés par des particuliers.
1. Drpiche de Winwood à Cecill, 24 janvier 1601, I, 380. Leltres et ambas-
sades de Fresnes Camoje, I, 171, 188. « J'ay lettre du s' Lomellino de
Gcnnes, lequel m'asseure que, dans Pasques, prochaines, nous aurons douze
bonnes galères prestes et équipées à Marseille. » Lettre de Fresnc Canayc
à .M. de Brèves, 24 mai 1003, I, 2° partie, p. 19!).
2. ... he is ever haramcring uper Luilding a navy for the sea, wliich,
if he should cllect, ujight prove an evil neighbuur to your Majesty's domi-
nions. r.AitEVV, 487.
3. Relation de Gussoni et Naui (IGIO) dans le Recueil de Rarozzi et
Berchet, I, 458.
PIRATERIE. 301
Si nous nous sommes étendu sur l'insuffisance de la
marine de guerre, c'est uniquement parce qu'il en résultait
pour notre commerce un manque presque absolu de
sécurité.
En effet, notre pavillon protégeait très imparfaitement
notre marine marchande, même contre les puissances
secondaires. Ainsi la route suivie par les vaisseaux français
qui se rendaient de Marseille en Italie, tracée de façon à
leur faire éviter les pirates barbaresques, les exposait, en
revanche, aux exactions du duc de Savoie. Après avoir
évité les îles d'Hyères, qui étaient un nid de pirates \ ils
gagnaient la haute mer puis se rapprochaient de la côte
vers Antibes et la longeaient jusqu'à Gènes. Mais, lorsqu'ils
passaient devant Villefranche, les croiseurs de Charles-
Emmanuel les forçaient d'y relâcher pour payer une taxe
de 2 p. 100 sur la valeur de leur cargaison. Si nous qua-
lifions cette taxe d'exaction, c'est qu'elle était vexatoire et
contraire à la liberté des mers, car elle reposait d'ailleurs
sur un titre sûr et plusieurs fois renouvelé; Charles VII
l'avait concédée aux ducs de Savoie, Louis XI et François I"
la leur avaient confirmée '. Henri IV força Charles-
Emmanuel à y renoncer, mais, après la mort du roi, elle
fut rétablie ^
Henri pouvait atteindre ce prince et il le lui prouva
d'une façon éclatante, mais comment, sans une force navale
imposante, faire respecter le pavillon français par les
Barbaresques? Les ordres du sultan n'étaient pas obéis par
le vice-roi d'Alger, par le bey de Tunis ni par le roi de
Maroc '^. En 1G02, le nombre des Français mis à la chaîne
1. Henri IV avait eu l'intention de les coloniser et d'y établir des chantiers
maritimes. Philippson, 2. Ablh., 378-379.
2. Bibl. nat. Franc.. 3944, fol. 59.
3. Henri IV au duc de Savoie, G juillet 1G03. Lettres miss., VI, 126 et
Picot, Histoire des états généraux, IV, 135-136.
4. Lettre à Savary de Brèves, 8 juillet 1597. Lettres miss., IV, 805 ; V, 586.
302 PIRATERIE.
par les corsaires algériens dépassait, disait-on, deux ou
trois mille'. Dans ses instructions du 20 juillet 1()04 à son
ambassadeur à Constantinople, le baron de Salignac,
Henri IV l'estimait à trois mille quarante-cinq et évaluait
à un million (2 922 932 fr. 80) les pertes intligées par les
Barbarcsques aux Marseillais et aux Provençaux". Le roi
faisait des exemples : la môme année, il fit couler une
galiote algérienne et couper la tète au capitaine ^ Mais
ces actes isolés de répression ne pouvaient mettre fin à un
brigandage qu'on n'aurait pu déraciner qu'en l'attaquant
dans ses re|)aires. Henri le reconnaissait, et on trouve un
aveu implicite de son impuissance, dans un arrêt du conseil
défendant aux vaisseaux, qui ne sont pas assez forts pour se
défendre, de longer les côtes soumises à l'autorité du
Grand Seigneur*. On ne se résignait pas toujours à cette
impuissance. On essayait de détruire la piraterie chez elle.
Marseille faisait marché avec le lieutenant du capitaine
malouin Beaulieu qui, moyennant une prime de oOO écus
(5036 fr. 36), allait brûler sous la Goulette, en 1609, vingt-
trois bâtiments tunisiens ^
La vie lucrative et aventureuse de corsaire avait séduit,
on le sait, plus d'un chrétien. Pendant trois ans, le
On ne s'étonne pas de Timpuissance du Divan à protéger notre commerce
contre les corsaires algériens, quand ou sait que la population tout entière
de la Régence, depuis les reis jusqu'à la populace, ne vivait que de la pira-
terie, et que vouloir lui fermer celte source de profits, c'était la réduire
au désespoir et à la révolte. Voy. H.-D. de Ghaiimont, Relations entre la
France et la Réi^ence d'Alger au Xi'lh siècle, l^c partie : les deux canons de
Simon Dansa, p. 1-4.
1. Lettres miss., V, (!07.
2. Ambassade en Turquie de J. de Gontaul Biron, baron de Salignac, p. p.
Go.NTALT BiROX, Pii'ccs Juslif.
3. Lettres miss., V, Gôi.
i. 17 juillet llîO:}. .\rch. nat. Les vaisseaux devaient avoir un tonnage
de "000 quintaux et un équipage suffisant pour se défendre. Sur les pira-
teries des Barbarescjues voy. encore Lettres miss., V, 547-548, 082-683, 703,
VII, 4 '«1-4 42 et pass.
a. Mkzeuvy (éd. IG8.'»), III, p. 1261. Ruffi, Histoire de Marseille, p. 449,
cité par .Masso.n, lUst. du commerce français dans le Levant, Introd., xxvii.
PIRATERIE. 303
Flamand Simon Dansa avait, sous le drapeau de l'Islam,
fait la chasse aux bâtiments chrétiens; puis, désireux de
faire une fin, il avait obtenu de Henri IV son pardon et la
mission de convoyer et de protéger ces mêmes bâtiments*.
Ce qui est moins connu, c'est que les Barbaresques entre-
tenaient des intelligences dans les provinces maritimes,
même avec des officiers du roi, et que les occasions favo-
rables leur étaient signalées. Le capitaine Fouques, capi-
taine ordinaire de la marine royale du Ponant, en donne
des preuves curieuses dans un mémoire publié en 1G12. Ce
mémoire articule des faits précis et cite des noms recueillis
par l'auteur pendant sa captivité et à la suite d'une
enquête sur le littoral de Provence et de Languedoc ^
Le gouvernement français demanda aussi réparation au
sultan pour la destruction du bastion de France ^ On
appelait de ce nom un établissement situé sur la côte,
à la frontière de l'Algérie et de la Tunisie, à douze lieues
environ de Bône. Fondé en 1561 par deux marchands
marseillais, il se composait de magasins, d'une chapelle,
d'un cimetière, d'un hôpital, d'une forteresse et servait de
comptoir pour la pêche du corail et le commerce des
produits barbaresques. Il se complétait par des magasins à
La Calle, au cap Nègre, à Bône, au cap Rose et à Collo*.
Les pirateries des populations musulmanes du littoral
méditerranéen s'expliquaient par leur organisation exclusi-
vement conçue en vue de la course et par leur fanatisme
1. Grammont, Histoire d'Alger, p. p. 148.149.
2. Arch. curieuses de Ci.mber et DA^JOu, I, série xv. Confirmé par un mé-
moire sur le trafic qui se trouve à la Bibl. nat. Mss. Franc., 3653, fol. 67,
et que .^1. Pigeonneau fait remonter aux dernières années du xvi<= siècle,
mais qui semble n'appartenir qu'aux premières du xvii«.
3. Heuri IV à Brèves, r.) juillet 1004. Lettres miss., VI, C88.
4. On eu trouve la description dans le chap. iv de Y Histoire de la Bar-
barie du P. Dan (IGiS). En IGOG Savary de Brèves, voyageant en Algérie
sans caractère officiel, négociait avec le dey dans l'intérêt du commerce
français et pour obtenir la reconstruction du bastion. Lettres miss., VII, 30.
Gram.mo.nt, Hist. d'Alyer, p. 35.
304 PIRATERIE.
rclij;ieiix. Il est triste d'avoir à ajouter que notre marine
marchande n'avait guère moins à soulTrir de celles dont les
auteurs appartenaient à des nations chrétiennes et officielle-
ment amies.
C'est de l'Angleterre (|ue nous avions le plus à nous
plaindre sous ce rapport '. En UiÛ2,lesMarseillais estimaient
à plus de 1200000 (11390437 fr. 93) ou loOOOOO écus
(14 249297 fr. 42) les pertes que ses corsaires leur avaient
fait éprouver". Nos débats avec elle à ce sujet s'envenimaient
d'autres (juestions d'intérêt et d'amour-propre qui en sont
inséparables. C'est ainsi qu'elle outrageait notre dignité en
forçant nos vaisseaux à baisser pavillon devant les siens'
et à subir, dans les conditions les plus humiliantes, le droit
de visite \ Les griefs de la France n'étaient pas générale-
ment accueillis par l'ancienne alliée et la « bonne amie »
du roi dans un esprit d'impartialité et de bienveillance.
Légitimes ou non, elle avait aussi ses motifs d'aigreur.
Sévérité des autorités françaises pour les draps anglais de
mauvaise fabrication, impôts nouveaux sur ses sujets tra-
fiquant dans notre pays, retards dans le remboursement des
sommes prêtées au roi lorsqu'il conquérait son royaume,
paix de Yervins, ambition déçue sur Calais, tout cela
la disposait plutôt à demander des réparations qu'à
en accorder. Au sujet de la piraterie, elle opposait
ses récriminations aux nôtres. Son gouvernement pré-
tendait que la marine britannique pâtissait aussi de nos
1. <> Cette mer [Méditerranée] est si infestée de corsaires qui prennent
tous le nom d'Anglais, qu'il n'y a presque plus de moyen d'y trafiquer. »
Du Fresne Canaye à de Vie, !) mai lGO:î, 1, liv. II, p. 182.
2. Masso.n, Op. laud. Inirod., p. xxiv.
3. Écono'iiies roy., coll. .Michaud, II, 4i3.
4. « ... si on doit se résigner à le subir, du moins tentcrol-jc de con-
venir avec eux que, quand ils voudront l'exercer sur un de nos navires,
ce sera à eux de l'aborder avec leur bateau et non pas les François qu'ils
contraindront à aller à eux, comme ils les y forcent constamment par
semonce à coups de canon, u Boissise à Villeroy, I''"' et 2j septembre lj99.
KEK.MAIXGANT, JÛiision (le lioissine, 1, 298.
PIRATERIE. 305
corsaires, qu'il y avait des Français sur les vaisseaux
flamands armés en course à Dunkerque *. Le grand-amiral,
Lord Howard écrivait, le 7 octobre 1594, à Thomas
Edmonds, l'ambassadeur d'Angleterre, que la France avait
donné aux Anglais des sujets de plaintes bien mieux
justifiées qu'elle n'en avait elle-même, que les prises faites
par les Français s'étaient élevées, dans les huit dernières
années, à 400 000 livres (1169173 fr. 12) ^ En 1599,
Neville réclamait satisfaction pour la prise d'un vaisseau
anglais par les Marseillais ^
La reine eût été d'ail leurs mieux disposée en vers la France,
qu'elle n'aurait pas eu le pouvoir de supprimer des habitudes
très fructueuses pour les particuliers, et qui s'autorisaient
de l'honneur et de l'intérêt national. Le grand amiral, les
premiers personnages de l'Angleterre, la souveraine elle-
même étaient intéressés dans les prises maritimes ^ Le
premier trafiquait ouvertement des passeports achetés par
les étrangers pour se mettre à l'abri des corsaires anglais*.
Il poursuivait rigoureusement ceux contre lesquels il
recevait des dénonciations, mais uniquement dans le but de
confisquer leurs biens à son profit, et il refusait de les faire
servir à indemniser les victimes''.
Elisabeth toutefois ne pouvait éluder d'une façon cons-
tante les instances du roi. En 1398, l'équipage de la Diana
1. Henri Neville à Cecill, 28 décembre 1599, p. 141. Rien d'impossible à
cela ; en 1607 les armateurs de Dunkerque chercheront à attirer des pilotes
et des matelots par de grands avantages et Henri IV sera obligé de
défendre à ceux de son royamne de passer au service d'un prince
étranger. Puisieux à La Boderie, 13 mars 1G07. Ambassades de La BoderiCf
II, à la date.
2. Th. Birch, Op. laud., p. 14.
3. Winwood's Memorials, p. 114.
4. Lettres miss., V, 2fi6.
5. Prévost-Paradol, Elisabeth et Henri IV, d'après le journal de Hurault
de Miisse. Voy. aussi Lettres miss., IX, 4.
G. La Boderie à Villeroy, 23 sept. 1606. Le même à Puisieux, 22 oct. 160C.
Puisieux à La Boderie, 3 nov. 1606. Ambassades de La Boderie en Angle-
terre, 5 vol. in-12 (1750), aux dates indiquées.
20
306 PIRATERIE.
de Londres fut poursuivi '. Le 8 février de lannée suivante,
parut une proclamation défendant aux capitaines conces-
sionnaires de lettres de marque contre l'Espagne, de porter
préjudice aux vaisseaux de France, d'Ecosse et des autres
nations neutres. Le 3 janvier précédent, une commission
avait été noinnu'c pour exaininci- nos réclamations'". De
son côté, Henri en institua une, le lî) juillet, pour connaître
des actes de piraterie subis par les sujets de la reine et
informer de ceux dont nos compatriotes pourraient soufl'rir.
Ses jugements devaient être sans appeP.
Une troisième fut constituée h la fin de dOOl, pour régler
la réparation des dommages causés par la piraterie et
établir entre les deux Etats la liberté du commerce et de la
navigation. Elle siégea sans préjudice des deux premières.
Elle s'en distinguait par son caractère et par sa mission.
D'une part, en ciTet, elle était internationale* et semblait
devoir aboutir, grâce à des débals contradictoires entre les
représentants des deux pays, à une transaction définitive sur
les griefs respectifs. De l'autre, elle ne devait s'occuper du
passé que pour le liquider, non pour en instruire, tâche dévo-
lue aux premières, et elle était surtout appelée à déterminer
les rapports futurs de la France et de l'Angleterre. L'accord
se fit conditionnellement dans son sein sur les points suivants:
Les deux souverains garantissent respectivement à leurs
sujets la liberté du commerce.
L'armateur, le capitaine ou l'écrivain fournira à l'ami-
rauté deux cautions qui pourront être poursuivies lorsque
le bâtiment aura été employé à la piraterie.
1. Calendars of stale paper.t, p. 45.
2. Rijmers F<rdera, éd. orij^. xvi, 3Gi, 368. Neville à Cecill, 15 mai 109!).
3. TsAMDEKT, XV, 2"2i. Wlnwood's memorials, 125, 128, 141.
4. Elle était composée, pour l'AnglclfiTC, du comte do Nottingham, de
lUdjert Cecill, de Jnhn I-'ortosrue, de John Pophaui. de .lohu Ilerliert, de
Thomas Parry, de Daniel Duu, de Thomas Edmonds et, pour la France,
de Jean de Thumery, sire de Boissise et de Christophe de Harhiy, comte
de Heaumont.
PIRATERIE. 307
Des lettres de représailles pourront être accordées
lorsqu'il n'aura pas été fait droit dans les trois mois à la
réclamation du souverain ou de l'ambassadeur.
Les vaisseaux d'un Etat ne pourront pas saisir et arrêter
les vaisseaux de l'autre, lorsque ceux-ci ont arboré leur
pavillon, mais le transport d'armes dans un pays en guerre
avec l'une des puissances contractantes est défendu, comme
il est défendu en général d'abuser de la liberté du commerce
au détriment de l'une de ces puissances.
Défense de saisir dans les ports de l'une d'elles les
vaisseaux de l'autre ou leur cargaison et de forcer l'équipage
à la vendre, sinon à un prix équitable. Toutefois, chacune
pourra, en cas de nécessité et moyennant une juste
indemnité, s'approprier les navires de l'autre, ainsi que leur
cargaison'.
Les sujets de l'une des puissances contractantes, qui
tueront ou vendront comme esclaves les sujets de l'autre,
seront passibles des peines les plus rigoureuses.
Les lettres de marque concédées seront révoquées. Les
impétrants se pourvoiront devant les commissaires nommés
par les deux parties contractantes. S'ils n'obtiennent pas
justice dans les trois mois, ils pourront s'en faire délivrer
de nouvelles. Elles ne seront expédiées à l'avenir que sous
le grand sceau.
Les bâtiments mis en mer par l'ordre du souverain, ceux
qui ont été appliqués à son service et immatriculés sont
considérés comme bâtiments de l'Etat, qui est responsable
des dommages causés par eux.
La vente et le recel des prises seront défendus, à moins
d'avoir lieu en vertu d'une sentence de l'amirauté. Il sera
I. Cet article défend seulement l'abus d'une pratique consacrée par le
droit international et dont il est question dans le Guidon de la mer sous
le nom d'arrêt de prince. Pardessus, Recueil des lois marilimes, II, 407. Ou
en trouvera p'.us loin un exemple.
303 PIRATERIE.
également défendu de donner asile et assistance aux pirates ;
on devra, au contraire, les arrêter et les faire passer en justice*.
Ce projet de traité, rédigé en latin, est intitulé :
Projjositiones iiltimo loco iiitcr dominos comynissarios hhic
vide agitatœ. Nous n'avons donc affaire ici qu'à un projet
en discussion. Kn olTct, laccord des commissaires des
deux nations était ^iiliordoniu'' à racccptation d'autres points
sur lesquels, après une discussion de plusieurs mois, l'en-
tente ne s'était pas encore faite". Les commissaires con-
vinrent de suspendre les conférences pour attendre des ins-
tructions et, en 1()02, ils dressèrent acte de cette résolution.
Cette négociation fut stérile et, si nous avons cru devoir
faire connaître les clauses arrêtées provisoirement entre
les négociateurs, c'est qu'elles donnent l'idée du droit
maritime de cette époque et des adoucissements, des progrès
par lesquels il tendait, trop lentement, à se rapprocher du
droit naturel. L'un des deux commissaires français, M. de
Boissise, reçut Tordre (1602) de quitter sans éclat la
conférence pour revenir en France ^ Elisabeth, qui n'avait
renoncé qu'avec peine au droit de visite \ élevait de nouveau
la prétention de l'exercer pour empêcher le transport des
armes. Elle prétendait, en outre, s'approprier les vaisseaux
et les marchandises qui étaient dans les ports anglais en
payant leur valeur, droit qui est reconnu par le projet de
traité, mais contre lequel Henri IV protestait dans une lettre
aux commissaires français".
Comme on le pense bien, Henri IV ne se bornait pas à
réclamer justice pour ses sujets; quand il n'avait pu
1. Winwood's Mcjnorlal.s, 1, 392-394.
2 ia quibus ^difficultatibus] eo usque processum est ut de qiiibus-
dam inter nos convenciit, duiuinodo de reliquis qiioque conveniret, ((uod
hactenus nullo modo fieri potuit. » Ibii/., p. 39 i.
3. Lettres misa., V, 752.
4. Th. Biitcii, Op. laud.
b. G mars \W1. Lettres miss., V, 753.
PIRATERIE. 309
triompher de la force d'inertie, de la mauvaise volonté des
gouvernements étrangers, il usait des armes que le droit
des gens alors en vigueur mettait à sa disposition. Au mois
de juin 1601, il rckinit un conseil extraordinaire pour
délibérer sur les moyens de tirer raison des préjudices
causés à notre commerce maritime par les Espagnols, les
Flamands et les Anglaise En '1()02, il autorise les habitants
de Marseille à saisir les marchandises et les navires des
Anglais qui se trouvent en Provence". Un arrêt du conseil
du 13 juillet 1G04, accorde à un marchand rouennais des
lettres de représailles contre les sujets de rarchiduc\ Le
roi d'Espagne ayant autorisé comme un droit l'abus par
lequel ses vaisseaux, traitaient comme de bonne prise tous
les bâtiments français porteurs de marchandises des Indes
occidentales qui n'avaient pas été achetées en Espagne ou
en Portugal, Henri IV fit réunir à Rouen en 1G07, sous la
présidence de l'amiral de France, une assemblée solennelle,
composée des officiers des vingt-sept sièges d'amirauté de
Normandie et des principaux capitaines du temps. Cette
assemblée déclara que nous agirions de même, en vertu du
droit reconnu par tous les traités, à l'égard des bâtiments
espagnols trouvés au sud du tropique du Cancer et à l'ouest
du méridien des Açores. Le lieutenant général de l'amirauté
de Rouen procéda en même temps au recensement des
navires étrangers amarrés dans les ports de Rouen, de
Honfleur, du Havre et de Dieppe, en vue d'en faire l'arrêt
et de les armer en course. Ces menaces de représailles
firent respecter notre marine marchande, au moins pendant
un temps, par la marine espagnole*.
1. Groulart, Voyages en cour, 580-587.
2. Lettres miss., V, G29.
3. Collection des arrêts du conseil aux Arch. nat.
4. Th. Le Fèvre, Op. laiid., 99-100, 18"2. Remontrance présentée au roi
et à son conseil en 1014 par les capitaines de la marine de France dans
Levot, Hist. de Brest, I, 93.
310 PIRATERIE.
Le roi ne recouiail à la course qu'à la dernière extré-
mité. Les Hollandais ayant pris un navire de Calais, le
Saint-Gcorf/rs, réchevinage et les marchands de cette ville
obtinrent du conseil des lettres do nuu(|iie. Avant de les
faire expédier aux impétrants, Henri ordonna à son ambas-
sadeur, Buzanval, d'insister de nouveau auprès des Etats-
Généraux pour obtenir restitution du navire et de sa car-
gaison'. Le 24 septembre de la môme année (IGOO), il
écrivait à Acrssens, résident des Provinces-Unies, pour
provoquer son intervention en faveur de ses sujets lésés
par les Hollandais et être dispensé ainsi de l'obligation
d'accorder aux victimes des lettres de représailles ^
Il se servit aussi dun autre moyen : ce fut de frapper
les bâtiments ou les marchandises de la nation à laquelle
appartenaient les coupables dun droit de tonnage ou d'entrée
dont le produit était destiné à indemniser les victimes '\
La mort d'Elisabeth, l'avènement de Jacques I" (1603),
permettaient de reprendre avec plus de chance de succès
les négociations interrompues en lb02. Le nouveau roi,
pédant couronné, moins impérieusement dominé par
l'ambition de la suprématie maritime, était animé de dispo-
sitions pacifiques. Dans une lettre à M. de Brèves du
22 juin 1603, Henri IV exprimait l'espoir que l'avènement
du premier des Stuarts mettrait un terme aux pirateries
des Anglais. 11 n'en donnait pas moins aux négociants
marseillais et bretons l'ordre d'armer des vaisseaux en
course *. Ce sujet n'était pas oublié dans les instructions
de Sully, envoyé en ambassade pour féliciter le successeur
d'Elisabeth. Les pertes que ces pirateries avaient causées au
commerce français y étaient évaluées à plus d'un million
1. licuii IV à M. de Buzanval, 17 juillet ICOC. Lettres mias., Vl, (..3i-G3ô.
'2. Lellns miss., Vli, 3.
3. Tu. Lii Févue, Op. taud., 101. Lettre de Henri IV du 30 juin 15'J3
Lellres miss., IlI, 813.
4. Lettres misi., W, G"l.
TRAITÉ DU 24 FEVRIEU 1006. 311
d'écus d'or (9499531 fr. Gl) '. Jacques I" n'essaya pas
de nier les faits et il en rendit responsable le grand amiral :
(' Lorsque je lui parlai de piraterie, écrit Sully, il se fâcha
contre l'amiral et ceux de son conseil qui voulaient
soutenir ce qui s'y fait " ».
Le traité du 24 février 1600 fut le fruit de ces sentiments
plus conciliants. Parmi ses clauses, nous n'avons à signaler
ici que celles qui avaient pour but de donner plus de sécu-
rité au commerce maritime de la France.
L'exécution des lettres de marque entre Français et
Anglais était suspendue jusqu'à leur examen par le conseil
des deux souverains ; il ne pouvait en être délivré à
l'avenir que sous le grand sceau et après avis donné à
l'ambassadeur de l'État responsable. L'article 7 créait en
principe des commissions internationales et spéciales,
composées de quatre commerçants, deux Français et deux
Anglais, qui, sous le titre de conservateurs du commerce,
devaient être désignés tous les ans à Rouen, à Caen, à
Bordeaux, à Londres et dans d'autres villes anglaises pour
faire droit aux plaintes de leurs confrères ^ Chose singu-
lière, celles auxquelles la piraterie donnait lieu n'étaient
pas portées devant ces commissions; c'était à l'amirauté
que nos négociants étaient, comme par le passé, obligés
de demander justice. Notre ambassadeur en Angleterre,
Lefèvre de La Boderie, regrettait cette omission et espéra
pendant un temps faire déférer ces recours aux commis-
sions internationales *, mais il dut bientôt renoncer à cet
1. Économies roy.^ V. 392-394.
2. Sully au roi,' 6 juillet 1603. Ibid., VI, 123.
3. IsAMBEivr, XV, 291-301.
4. « Vrai est que l'on a omis dans ledit traité l'attribution de connais-
sance aux conservateurs du commerce des pirateries qui se feront par
l'une ou par l'autre nation, cjui étoit ce dont nous pouvions l'etirer davan-
tage, parce que cela nous eût délivrés des injustices de cette amirauté et
de la rigueur des lois d'icelle, qui est très grande. Je dois un de ces jours
conférer avec eux sur ce cpe je leur eu ai proposé, et, avec cette occasion,
312 TRAITÉ DU 24 FÉVRIER 1606.
espoir et s'estimer heureux d'obtenir que le grand amiral
n'exerçât son droit de confiscation sur les biens des cou-
pables quaprès réparation du tort fait aux victimes.
Le gouvernement anglais mit du reste un grand empres-
sement à donner au traité toute la validité dont il pouvait
avoir besoin et manifesta une grande impatience à voir le
gouvernement français en faire autant. Bien que celui-ci y
fût plus intéressé encore, il ne paraît pas s'être montré
très soucieux défaire jouir ses nationaux de ses stipulations.
En 1G08, deux ans après son adoption, les conservateurs
du commerce n'avaient pas encore été nommés ^
Ce traité n'améliora, du reste, en aucune façon la
situation de nos commerçants en Angleterre et, peu de
temps après sa ratification '\ l'ambassadeur de France était
encore obligé de demander justice pour nos compatriotes ^
Notre marine marchande ne fut pas mieux respectée par
les corsaires anglais que dans le passé \ Aucun scrupule,
aucun intérêt politique nétaient capables d'arrêter l'élan
d'une nation qui aspirait à s'approprier exclusivement
la souveraineté et la police de lOcéan, — 7)iare claiesiim,
comme écrira en 1625 le théoricien de ses prétentions,
Jean Selden — qui intéressait à cette entreprise toutes les
classes de la société et qui y mettait une ardeur où entrait
autant de patriotisme que de calcul.
je verrai si je pourrai gagner que toutes les poursuites des marchands,
volés en mer, soient renvoyées par-devant lesdits conservateurs, au moins
pour ce qui sera du civil. C'est chose, ce nie semble, qui est très juste, et
qu'ils ne peuvent honni'tement refuser, mais qui en eût touché quelque
mot dans le traité, c'eût été nous ôter beaucoup de peine. » La Boderie à
Villeroj', 29 septembre IGOC, I, à. la date.
1. « Ils me pressent de nommer ici des conservateurs de commerce ne
plus ne moins qu'ils en veulent, etc. » La Boderie à Villeroy. Uhi supra.
2. Il avait reçu en Angleterre, antérieurement au 29 septembre IGCG,
toute la validité possible. Lettre de La Boderie à Villeroy à cette date. En
France, il avait obtenu la ratification royale le 20 mai de la même année.
.3. Lettre de La Boderie à Puisieux, 21 novembre 1006.
4. 11 suffirait pour s'en convaincre de voir les nouvelles réclamation^ adres-
sées par Henri IV en 1607 au gouvernement anglais. Lcllres 7nùs.,\\l, 446.
COMMERCE DE TRANSPORT AU LEVANT. 313
Le lecteur qui a eu la patience de nous suivre jusqu'ici,
aura été frappé du caractère négatif de ce que nous lui
avons appris du commerce de transport maritime de la
France. Nous avons dit qu'elle ne prenait rang, sous ce
rapport, qu'après la Hollande, l'Angleterre et l'Espagne;
nous avons indiqué les causes de cette infériorité, les
efforts de Henri IV pous y remédier. On sait ce qui
manquait à notre marine marchande pour rivaliser avec
celles que nous venons d'énumérer, on sait ce qu'elle n'était
pas ; il nous reste maintenant à dire ce qu elle était, et
pourquoi elle méritait d'avoir une place dans un travail sur
le commerce extérieur de notre pays.
La France avait été longtemps l'intermédiaire obligé, elle
était restée l'intermédiaire le plus habituel des relations
commerciales de l'Occident et du Levant. Ces relations ne
s'étaient d'abord établies et maintenues que sous sa pro-
tection et sous son nom. Elle était, après les républiques
italiennes, le premier pays chrétien qui fût entré en
rapport avec le monde musulman autrement que pour le
combattre. Ce rapprochement, on le sait, avait été amené
parla nécessité où s'était trouvé François I" de se chercher
partout des alliés contre Charles-Quint. Il avait valu à ses
sujets le privilège du commerce dans les Etats du sultan,
privilège qu'ils ne partageaient qu'avec les Vénitiens, avec
cette différence que ceux-ci étaient traités en tributaires.
Ce privilège datait du traité signé entre François I" et
Soliman au mois de février 1330 (n.s.) \ Les capitula-
tions de lo36, qui furent la base de toutes les capitulations
postérieures, ne plaçaient pas, il est vrai, expressément
les autres nations européennes sous la dépendance de la
nôtre, mais, comme le droit de faire le commerce dans
l'empire ottoman et d'y avoir des consuls, lui était exclusi-
1. Voy. CiiAr.RiÈRE, Néfjociations entre la France et le Levant, I, C83.
314 COMMERCE DE TRANSPORT AU LEVANT.
vement réservé, les autres puissances ne purent y partici-
per (|u'en prenant le pavillon français, en naviguant sous nos
auspices.
Les Anglais ne tardèrent pas ù salïrancliir de cette
tutelle. En 1579, un marchand de cette nation, William
Ilarborn, envoyé en Turquie par 1^'lisabclli, obtint
d Aniuralli lll, pour sesconi[)atriotes, la liberté de négocier
directement avec la Turquie'. En 4o81, la reine créa
la Compagnie privilégiée du Levant en faveur des quatre
marchands qui avaient noué les premières relations
commerciales avec la Turquie, et des huit associés qui
devaient se joindre à eux. Elle accordait à la société un
monopole de sept ans, mais avec faculté de le lui retirer
en la prévenant un an d'avance ^ Ilarborn reçut pouvoir
d'établir des consuls dans les ports et de faire des règle-
ments pour le commerce britannique dans les Etats du
sultan. Malgré l'opposition de la France et de Venise, il y
créa des comptoirs -K En IGOO, la Compagnie du Levant
possédait quatorze navires dont le tonnage s'élevait à
2790 tonneaux et les équipages à 603 hommes. Cela ne
suffisait pas aux besoins de son commerce ; elle en fréta
cette année treize déplus pour ses relations avec la Turquie
et la Sérénissime république *. Non contente d'avoir
1. Macpherson, Annals of commrrce, 4 vol. in-4, 1805, II, 1G5.
2. lôid., 1C8-1G9.
3. Uni/., 170, 171. C'est donc à tort que M. Th. Lavallée, clans un travail
sur les relations de la France et de la Porte ottomane (Revue indépendante,
tomes X et XI), affirme que l'Angleterre obtint la liberté de naviguer et de
commercer sous son propre pavillon deux ans apn-s le renouvellement de
la capitulation avec la France, c'est-à-dire en lô8G. Si les faits que nous
avons signalés ne prouvaient surabondamment que les Anglais conquirent
leur indcpeudance à cet égard avant l'époque indiiiuée par .M. Lavallée, on
pourrait citer ce passage des instructions remises le 23 septembre 1585 à
Jacques de Lancosnie, s"" de Brèves, ambassadeur à Constanlinople :
« ... depuis peu de temps que S. M. a entendu avoir esté mise sus une ban-
nière anglaise à la poursuite de la royne d'Angleterre. » Ciiaiiuièue, IV,
427, n" 1 .
4. Calendars of slate papeis, I, 51G.
COMMERCE DE THANSPORT AU LEVANT. 315
conquis le droit d'arborer son pavillon sur les mers du
Levant, l'Angleterre cherchait à y supplanter la France dans
son protectorat sur les marines européennes, et à y ruiner
par la piraterie le commerce français'.
Le roi, en même temps qu'il négociait le renouvellement
des capitulations-, s'efTorça, sans grand espoir et sans suc-
cès, de faire replacer les iVnglais sous sa bannière'. A sa
mort, l'Angleterre conservait la grande situation commer-
ciale qu'elle s'était rapidement acquise en Orient, Tributaire,
avant lo79, des armateurs marseillais, dont les bâtiments
lui apportaient les denrées duLevant et de l'Extrême-Orient
(Alep était le principal entrepôt de ces dernières) \ elle
avait, en IGIO, des relations directes, politiques et commer-
ciales, avec les Etats du Grand Seigneur, un ambassadeur
à la Porte et des consuls dans les Échelles ^
En revanche, la France avait maintenu sa prééminence
sur les autres puissances ^ Les efTorts du Roi Catholique
pour accréditer un ambassadeur à Constantinople avaient
échoué ', les atteintes^ portées au privilège de pavillon de
notre pays avaient été réparées, et notre ambassadeur,
1. Henri IV à Boissise, ISdéc. 159!', 28 sept. ICOO. KEr.MAiNGANT, 0/). laiid.,
II. Salignac au roi, 7 août 1G09. Gontaut Biron, Am'iossade de Turquie.
Sur la lutte de Salignac contre l'ambassadeur d'Angleterre à Constanti-
nople, voy. passim la correspondance publiée par M. de Gontaut Biron,
Cet ambassadeur, uouîmé Th. Glauwer, fut un de ces agents qui, suivant
la tradition britannique qu'il est curieux de trouver déjà en vigueur,
entreprennent et usurpent le plus possible de leur propre initiative, avec
la perspective d'être approuvés ou désavoués selon le succès,
2. Leitvesmiss., IV, ryl, 889, 890; V, 30:i.
3. Ihid., IV, 323, 7G1, 9G2, V, 247,
4. « ... La plupart du négoce de France est vers Alep... » Salignac au
roi, 12 août IGUC. Gontaut BnioN, Ambassade en Turquie {l8Sd), p. 71.
Ô. MO.NTCIIRESTIEX, 134-135.
G. Notes sur quelques articles du traité de IC04, par Savaryde Brèves et
art. IV, V, VI du même traité,
7. Discours fuit par le s'' de Brèves du procédé qui fut tenu lorsqu'il remit
entre les mains du roy la personne du duc d'Anjou.
8. En 1G0"J, la protection des Hollandais et des Irlandais lui avait été
enlevée. Lettres miss., V, 547-548. Les Anglais avaient fait mettre sous leur
pavillon le commerce flamand.
31G CAriTLLATION DU 20 MAI ICOi.
Savary ilo lîrèves, avait fait modifier, dans un sens favo-
rable, les anciennes capitulations. Celle du 20 mai 1()04,
entre Henri IV et le sultan Achmet, soumet toutes les
nations qui commercent par mer avec l'empire ottoman, à
lexception des Vénitiens et des Anglais, à l'obligation de
naviguer sous la bannière du Roi Très Chrétien. Ses sujets
obtiennent le droit d'exporter les marchandises dont la
sortie est prohibée : cuirs, cordouans, cires, cotons en
laine et en fil, blés (art. 7 et 12). Le traité applique en
leur faveur le principe que le pavillon couvre la marchan-
dise, et déroge à celui que le pavillon confisque la marchan-
dise. En d'autres termes, les vaisseaux français portant de
la marchandise ennemie ne seront pas capturés, pas plus que
les Français et les marchandises françaises naviguant sous
pavillon ennemi (art. 9 et 10). L'article 14 est dirigé contre
les pirateries des Barbaresques. L'article 15 accorde à nos
nationaux le droit de pêcher le corail et le poisson dans lé
golfe de Stora Courcouri, dépeuplant d'Alger et sur toute
la côte mauritanique. Leurs contestations entre eux sont
soumises à la juridiction de leur ambassadeur et de leurs
consuls (art. 18). Nos compatriotes poursuivis en justice
par des indigènes doivent être assistés d'un interprète
(art. 34). Leur succession sera délivrée à leur exécuteur
testamentaire et, s'ils sont morts intestats, aux ambassa-
deurs et consuls, pour les faire parvenir à leurs héritiers
(art. 28). Les capitulations accordées aux Vénitiens leur
sont applicables (art 38) \
Bien que la France ne possédât plus, à l'époque de
Henri IV, le monopole absolu du commerce avec les Etals
du Grand Seigneur, bien que la découverte du passage du
1. Dlmont, Corps diplomatique, V, part. II, -30-42. Cf. pour les avantages
nouveaux attribués à la France par cette ca[iituIation, les observations (|ue
lui a consacrées Savary de Brèves ilans son Discours sur l'ulliance qiia le
roy avi'c ht Grand Seif/neur et de l'utilité qu'elle apporte à la Chresticnté,
p. 2, et le traité de lô:3G.
COMMERCE DE MARSEILLE. 317
Cap de Bonne-Espérance eût enlevé à notre marine
marchande une partie du transport des marchandises de
l'Extrême-Orient, le port de Marseille n'en était pas moins
rentrep(3t le plus important des produits levantins et
orientaux. Il n'occupa pas toutefois ce rang pendant tout
le règne de ce prince. La guerre civile et la peste (io80)
l'en avaient fait déchoir. En 1399, le commerce marseillais
était presque entièrement ruiné. Ce fut pour le ranimer
que le consul Honoré de Montolieu proposa à la munici-
palité, le o août de cette année, la création d'une commis-
sion qui devint plus tard le bureau et enfin la chambre
de commerce. Les commerçants obtenaient par là des
représentants pris dans leur sein, éclairés et capables de
faire prévaloir leurs intérêts \ Si l'on compare cette déca-
dence à la prospérité décrite peu de temps après la mort
de Henri IV par la relation vénitienne de Gussoni et de
Nani, on voit que cette ville s'était entièrement relevée et
qu'elle était devenue la reine de la Méditerranée. Exposer
son activité commerciale, c'est faire connaître le mouvement
presque entier du trafic avec le Levant, et en même temps
presque tout le commerce de transport que la prépondé-
rance des marines marchandes de la Hollande, de l'Angle-
terre et de l'Espagne avait laissé à notre pays.
Le port de Marseille, abrité de tous les vents, assez
vaste pour recevoir à la fois toutes les flottes européennes,
contenait plus de 300 vaisseaux. Son trafic avec le Levant
en occupait plus de soixante-dix. Ses bâtiments y transpor-
taient des réaux espagnols, du corail, des soieries et des
draps. Le numéraire, qui était l'un de ses principaux
articles d'exportation, s'élevait, d'après les ambassadeurs
1. Précis de riiistoire de la chambre de commerce de Marseille, p. 1 en
tête de VInventaire des arcliives historiques de cette chambre par 0. Tessiek.
Marseille, 1878, in-i. Masson, Hist. d.u commerce de Levant. Introd.,
p. XXVIII-XXIX.
318 COMMERCE DE MARSEILLE.
véniliens, ù 2 millions et demi d'écus d'or (25282887 fr. 81).
Montchrétien, qui écrivait peu de temps après, l'estime à
])his de sept millions d'écus (70791805 fr. 87), dont un
fiers en monnaie frain-aise, et les deux tiers en espèces
espagnoles, et son estimation concorde exactement avec celle
d'un Advisaii roi\ qui appartient presque à la môme époque*.
Ce numéraire ne payait pas de fret, mais le patron du navire
avait commission de l'employer en .ichat de soies grégcs
ou de drogues et, à son retour, il touchiiit o p. 100 pour
le fret et la commission. Oiilre les drogueries et les soies,
les bâtiments marseillais rapportaient du Levant de la
noix de galle, des épiceries de tout genre, des colons,
des toisons de moutons, etc. Ce trafic était pour la plus
grande partie un trafic de commission et de transport. Ces
commissions venaient dEspagne, d'Italie, d'Amsterdam,
de Hambourg, de tous les pays de l'Occident. Il se faisait
aussi à Marseille des prêts à la grosse aventure, à 18 et
1!) p. 100, remboursables, capital et intérêt, deux mois
après le retour-. Veut-on connaître le cbemin que prenaient
ces denrées, une fois arrivées à Marseille? Une grande quan-
tité des cotons en laine et en fil, des drogueries, de la soie
était expédiée à Yincenzo Malvasio, grand marcliand en
gros de produits levantins, établi à Finale près de Savone,
qui les expédiait à son tour à Milan, à Pavic, à Alexandrie,
en Piémont et en Lombardic. Elles trouvaient aussi leur
placement à Gênes et dans son territoire, où étaient surtout
importées beaucoup de soies legis, ardassincs et burafincs'.
De Gènes, une partie de ces marcliandises était amenée en
1. .MoNTCiiHEPTiEN, p. 127. Advis uu voi de ICI'», dans Arcli. curieuses de
l'hisloire de France, 2* série, t. I. Cité par Massun, Op. Inud. Inlrod.,
p. XXXIII.
2. Si d.inno oitra di cio dnnari a risego di nave alli marinari c ad altri
cou IH e \'J per cenio, netti di ogni spes_a, ed hanno tempo a pngnr il capi-
tale c pro do[)0 giiinti a .Mnrsiglia due uiesi.
3. Noms de diverses espèces de soies grèges venant du Levant, de Perse,
des Indes ou de la Chine.
COMMERCE DE MARSEILLE. 319
barques à Livouriie, dans le pays de Lacques, à Civita-
Yeccliia, d'où elles se répandaient dans toute la Toscane
et à Rome. Il en entrait aussi en Espagne par Barcelone et
Valence. La plus grande quantité des soies grèges de tout
genre, ainsi qu'une partie des cotons en laine et en fil,
était envoyée à Lyon. Ces marchandises y acquittaient les
droits de douane et se plaçaient en France, à Anvers, dans
la haute et la basse Allemagne. De Marseille à Lyon, elles
ne payaient pas de droit de douane et le prix du trans-
port ne dépassait pas deux ou deux et demi pour 100. Le
moment oi^i les ambassadeurs vénitiens se trouvaient à
Marseille était pour la ville, comme pour les affaires, un
moment de renaissance et de développement. Il y avait tel
jour où l'on y vendait plus de 300 balles de soie. On réparait
les vieilles maisons, on en construisait de neuves et depuis
deux ans la population augmentait.
C'était surtout aux dépens de Venise que le commerce
de transport de Marseille prenait de l'accroissement. Comme
on pense bien, ce qui attire surtout l'attention des ambassa-
deurs vénitiens sur cet accroissement, c'est le tort qu'il fait
à leur patrie. Ils se demandent pourquoi les marchandises
du Levant passent par Marseille plutôt que par Venise. Ils
expliquent cette préférence par difffjrentes causes : les
vaisseaux marseillais, moins grands et plus légers que les
vénitiens, vont plus vite, et les équipages, étant associés
aux bénéfices', déploient plus de zèle et aussi plus de cou-
rage quand ils sont attaqués par les pirates. L'infériorité
1. Navigando alln parle. La part du capitaine et de l'équipage
était généralemeut du tiers, les deux autres parts étant attribuées au
boiivçjeois ou propriétaire du navire et aux vicluailleurs. C'est ce qu'on
appelait la navigation au tiers par opposition à la navigation au
fret. Le premier mode de répartition était riotamment adopté dans
la marine uorminde pour les voyages au long cours tandis que les autres
se faisaient au p-et. Guidon delà mer (IGtSi, p. 58. Breard, Documents
relatifs à la marine normande et à ses armements au XVI^ et XVIl^ siècles,
1883.
320 COMMERCE DE MARSEILLE.
de Venise tenait encore aux nombreuses faillites qui
avaient ébranlé le crédit dans la république et aux pertes
que les pirateries lui avaient fait subir. Toutefois, aux
veux des ambassadeurs, ces raisons n'étaient que secon-
daires. Kn elïet, les Marseillais étaient, plus encore que les
Vénitiens, exposés aux pirates, car ils étaient obligés de
passer devant Alger et Tunis. Pour se protéger contre les
Barbaresques, ils avaient même pris à leur solde Simon
Dansa, auijuel ils donnaient 7 000 écus (70 791 fr. 80) par
an, pour escorter leurs bâtiments jusqu'au delà de Malte et,
lorsque cet babile marin avait été pris par les corsaires tu-
nisiens, ils avaient engagé un autre capitaine aux mêmes
conditions. La vraie raison, c'était l'économie que le com-
merce européen trouvait à se servir de la marine marchande
marseillaise. Les Lyonnais, dont la ville était le principal
débouché ou le principal entrepôt des marchandises du
Levant, déclaraient qu'ils préféraient la voie de Marseille
à celle de Venise, à cause des frais excessifs du transport
sur les vaisseaux vénitiens. Les droits que les négociants
lyonnais auraient eu à payer dans les Echelles de Syrie,
s'ils s'étaient adressés à des armateurs vénitiens, notamment
le droit de coltimo^ l'obligation de n'acheter qu'aux maisons
vénitiennes à l'exclusion des indigènes, le taux exorbitant
du fret et des assurances, le cours peu élevé de l'or dans la
république' étaient autant de motifs pour empêcher la ma-
rine marchande vénitienne de soutenir la concurrence de
la marine marseillaise dans le Méditerranée. La relation
de Gussoni et de Nani établit le total des frais que les
marchandises expédiées des Echelles de Syrie à Lyon par
1. Dicono quelli di Lionc, che da noi troppo è gravata la mercanzia,
perché in Soria, oltre quello che pngano gli altri, vi sono le spese di cot-
tiuii», li noli ingordi, le sicurtà a prezzo eccessivo ed, oltre di cio, è neces-
sario, che quelli che vogliono comprare per Lione comprinoda noi, hanno
anco il danno deilc uionete valendo da noi l'oro uieno. Bakozzi et Berchet,
série II, t. I, p. i'.)b.
COMMERCE DE MARSEILLE. 321
Marseille ont à supporter, afin que la Seigneurie puisse les
comparer aux frais du transport par Venise et réduire ceux-
ci sur le même pied que ceux-là, pour ramener à cette ville
la préférence du commerce. Les réaux espagnols, qui for-
maient l'article d'importation le plus considérable dans les
Echelles, payaient en principe aux Turcs 10 p. 100 d'entrée,
mais beaucoup moins en fait\ Le fret pour l'aller et le
retour coûtait o p. 100. Les Marseillais et les étrangers
ayant épousé une femme de Marseille, y étaient exempts
de droits d'entrée et de sortie. Les étrangers, qui n'étaient
pas dans ce cas, payaient seuls .'i p. 100 sur les soies grèges
et les drogues, etl p. 100 sur toutes les autres marchandises ^
Le taux des assurances pour l'aller et le retour était de
9 p. 100. A ces frais, il faut ajouter un droit de 2 écus par
balle pour payer le capitaine qui escortait les bâtiments
marseillais et un droit de S écus par balle pour le trans-
port de Marseille à Lyon. C'était tout : ni droit de cottimo
ni droit de quarantaine pour le séjour au lazarets La rela-
tion vénitienne oublie, à la vérité, le droit de 2 p. 100 au
profit des consulats de Syrie ^ ; en outre, si le droit de cottimo
ou droit de 2 p. 100 perçu par l'ambassadeur de France à
Constantinople n'existait plus au moment où elle était écrite,
il n'en avait pas été toujours ainsi du vivant de Henri IV.
Ce fut ce prince qui créa celui-ci. A l'origine, il n'était
payé que par les vaisseaux français. M. de Brèves obtint
du sultan que les vaisseaux étrangers naviguant sous
notre pavillon y fussent également soumis, ce qui fit du
1. Ma non si pagano mai tutti a gran giunta.
2. Cf. les di-oits perçus à Marseille en 16G9 sur les négociants étrangers.
FoRBONNAis, I, 4^0. Voir aussi I, 359.
,"!. Barozzi et Berchet, I, 403-497.
4. Sur les droits de consulat voy. Pocqueville, Mémoire hist. et diploma-
tique sur le commerce et les établissements français au Levant depuis l'un 500
de J.-C. jusqu'à la fin du XVIl^ siècle. Mém. de V Académie des inscriptions,
année 18:53, X, 568 et suiv. Instruction du roi à Savary de Brèves, citée
par Gontaut Biron, Op. laud., p. 29, n. 3.
21
322 CONCLUSION.
tort à notre marine marchande'. Le roi demanda à son am-
bassadeur un état du produit do cette taxe, qui provoquait
les plaintes des commerçants et lui exprima son étonnement
de n'avoir pas été avisé de la concession du sultan-. Ceux-
ci en obtinrent la suppression, mais, en KiÛO, Henri IV la
rétablit'. En 11102, sur les réclamations des habitants de
Marseille, il en interdit la perception à son ambassadeur*,
mais celui-ci eut le crédit de la faire encore rétablira
C'est le commerce extérieur qui donne le mieux la
mesure du développement de la production nationale, c'est
lui qui révèle le mieux les aptitudes, la vocation commer-
ciale d'un peuple. Les exportations, ne portant jamais que
sur l'excédent de la consommation intérieure, signalent les
points où la production atteint son maximum ; d'un autre
côté, les opérations au dehors, devenant, par suite de
l'agrandissement du marché, plus complexes et plus délica-
tes, exigent plus d'intelligence et d'esprit d'entreprise.
Les exportations de notre pays se distinguaient par la
variété. Les produits naturels y dominaient et plusieurs
d'entre eux les céréales, les vins, le sel, le pastel lui as-
suraient presque des monopoles, mais les produits manu-
facturés, certains tissus, la mercerie, le papier, la quin-
caillerie y tenaient une place importante. L'ensemble
s'équilibrait avec les importations et là où cet équilibre
était rompu, c'était au profit de notre pays, qui encaissait un
solde en numéraire. De là une circulation abondante de
monnaies étrangères*^.
1. PouncEViLLE, L'bi supra, p. 504.
2. Lettre à .M. de Brèves, 5 février 1596. Lettres miss., V, 497.
3. Ihicl., V, 308.
4. Ibid., IV, 561.
5. MoNTciiRESTiEN, 128-129. Masson, Hisl. du commerce du Levant. Inlrod.,
p. XXIX-XXX.
G. Leghain, Décade, 854, cité par Pliilippson, I, 370.
CONCLUSION. 323
Le progrès accompli est grand, mais il ne l'est pas assez
pour avoir replacé la France au rang qu'elle occupait avant
les guerres civiles. Les draps français, qui jadis approvision-
naient sans partage le Levant, sont remplacés maintenant
par des draps anglais. L'Espagne n'est plus exclusive-
ment réduite à la mercerie française, elle en fait elle-même*.
Ce commerce, qui, dans plusieurs de ses branches, devait
sa prospérité au goût de nos industries d'art, est en
souffrance ^
Les échanges ne s'en développent pas moins, sous l'im-
pulsion d'un gouvernement toujours en éveil sur les inté-
rêts publics, toujours empressé à les servir. Le transit par
terre se sert volontiers des voies et des moyens de trans-
port que la France met à sa disposition. 11 y recourrait
plus encore, s'il ne se laissait décourager parfois par nos
douanes extérieures et intérieures. C'est surtout par le canal
de notre pays que s'établissent entre l'Espagne et ses an-
ciennes provinces rebelles de la mer du Nord des relations
clandestines, dont le vrai caractère ne trompe personne, et
que lïntérèt commun, plus fort que les passions nationales,
renoue après que les gouvernements les ont rompues. Calais
en est chez nous le principal point de départ, et y acquiert
une importance considérable".
Quant aux transports maritimes, c'est un des points où
éclate le plus l'infériorité de notre pays. Il y avait trop peu
chez lui de ces marchandises lourdes et encombrantes qui
assurent un fret de sortie. Le fer et le bois étaient assez
abondants pour suffire tout juste à ses besoins, notamment
à la construction maritime, ils ne l'étaient pas assez pour
donner lieu à une exportation.
D'ailleurs, la marine marchande était tellement insuffi-
sante, que c'était sur des vaisseaux flamands, hollandais et
1 . Du Fresnes Canaye au roi, 23 octobre 1C02, I, 456-457.
2. Voy. plus haut et Dalllngton, p. 12.
324 CONCLUSION.
anglais que se faisait le chargement des produits qui occu-
paient le premier rang dans nos exportations, le vin, le
pastel, le sel*.
La France prenait sa revanche dans le Levant. Elle y
défendait avec succès ce qui lui restait d'une situation pri-
vilégiée qui avait été entamée. Menacée dans ses transac-
tions directes avec les Echelles, elle se rattrapait par
l'industrie des transports maritimes, c'est-à-dire par le genre
d'entreprises où elle était en général le plus arriérée. Savary
de Brèves évaluait à 30 millions de livres (87687 98i fr. 12),
le chiffre de ses affaires dans cette région-. Elles faisaient
en grande partie la fortune de Marseille, et Lyon si déchu
en ressentait le bienfaisant contre-coup. Arboré sur la ma-
rine royale et sur les marines protégées, le pavillon fleur-
delisé était celui que l'on rencontrait le plus dans la
Méditerranée. Dans l'Océan, notre patriotisme trouvait
encore de quoi se réjouir. Si les Hollandais nous disputaient
avec succès la pêche du hareng, nos terre-neuviers
défiaient, pour celle de la morue, tous leurs concurrents.
Pour eux, comme pour tous nos bateaux de pèche et de
commerce, les traîtrises de la mer n'étaient pas le seul
péril. Le brigandage maritime les guettait^ et les capturait,
sous le prétexte qu'étant neutres, ils transportaient pour les
belligérants de la marchandise de guerre, ou tout simple-
ment de la marchandise. La force seule tranchait la question
et la force, on le sait, était rarement du côté de la France.
On souffre de la voir s'adresser à l'étranger pour avoir des
1. Pour le vin, voy. ce que nous avons dit plus haut. Pour le pastel,
voy. la correspondance de Siuion Lecomte. Quant au sel, Montchrétien dit
(p. 72, 73) que son transport avait lieu par bateaux flamands et hollandais
et rapportait aux Hollandais GOÛOO écus (60G 786 fr. 91) de fret par an.
2. Cité par Masson, Op. laiid. Introd., p. xxx. En lC2i, il avait baissé de
moitié. Louis XIII à d'Efliat, 13 août 1624. Papiers d État de Richelieu,
p. p. AVENEL, 11, 24.
3. « Vos marchands ne peuvent sortir de nos havres qu'aussitost ils ne
soyent en proie aux Anglois et à toutes nations. » Du Fresne Canaye au
roi. Ubi supra.
CONCLUSION. 325
bâtiments, des marins, des chefs d'escadre qui convoient
et protègent sa marine maixhandc.
Tandis que le marclié français est envahi par les étran-
gers qui, lorsqu'ils ne veulent pas se fixer eux-mêmes dans
notre pays, y trouvent, soit parmi leurs compatriotes soit
parmi les Français eux-mèmesj des commissionnaires et des
facteurs, les colonies françaises au dehors sont peu impor-
tantes. L'accueil fait par les nations européennes à ceux de
nos nationaux qui s'expatrient, explique en partie ce peu
d'empressement, mais l'attachement au sol et le peu d'apti-
tude à se trouver partout chez soi y sont aussi pour beau-
coup. Pour peupler et exploiter les établissements de la
Nouvelle-France, on trouve surtout, au début, des gens
sans ressource et sans aveu. Jetés dans un nouveau milieu,
arrachés à leurs pernicieuses habitudes, moralises par la
solitude et la facilité des gains légitimes, ils pourraient
peut-être déployer l'industrie et l'activité qui assurent
l'avenir d'une colonie, mais il y faudrait une autorité
énergique capable de les contenir, de les stimuler et de les
améliorer ; or, au point de Aue colonisateur comme au
point de Aue religieux, la direction n'a pas été fortement
organisée.
A côté des défauts inhérents à noire race et toujours
persistants chez elle, le gouvernement n'a-t-il pas eu sa part
dans l'insuffisance des progrès accomplis? En ne forçant pas
les étrangers qui venaient vendre en France à faire remploi
en marchandises indigènes, en leur permettant de remporter
leurs marchandises défectueuses, sans même payer de droit
de sortie, au lieu de les confisquer, en n'obtenant pas par
des mesures de représailles l'abrogation des lois étrangères
qui traitaient nos nationaux avec une inégalité choquante,
en ne réservant pas à notre marine marchande le monopole
des transports à l'étranger, le gouvernement de Henri IV
n'a-t-il pas laissé échapper l'occasion de placer ses sujets au
326 CONCLUSION.
premier rang des nations industrielles et commerçantes de
l'Europe? Il s'est trouvé de son temps et après lui des com-
merçants pour le lui reprocher mais, aveuglés par leur
intérêt professionnel, ils ont, croyons-nous, méconnu les
ménagements que l'infériorité de notre marine marchande
et de notre marine militaire et, à un point de vue plus géné-
ral, les lacunes tle la production nationale obligeaient le roi
à ganler vis-à-vis de l'étranger. Pour imposer à l'Europe
et particulièrement aux nations maritimes, des mesures
de protection et de prohibition en faveur de notre commerce
extérieur d'échange et de transit, il aurait fallu pouvoir
faire la loi sur les mers, se passer des autres, trouver chez
nous-mêmes la satisfaction de tous nos besoins. On sait
combien nous étions loin d'une pareille indépendance et
d'une telle suprématie. Le mélange de patience et de fer-
meté que Ton a remarqué dans les rapports de Henri IV
avec des puissances qui disposaient d'une force navale
supérieure à celle de la France, était donc le seul système
dont il pût attendre des fruits.
CHAPITRE V
CONCLUSION
Les sociétés sont des unités organiques, oi!i toutes les
parties sont solidaires, dont toutes les fonctions concourent
par un concert général à un efTet commun. C'est déjàbeau-
coup d'avoir montré le jeu de chaque organe mais, pour ex-
pliquer le mystère de la vie, il reste encore à faire voir les
rapports réciproques de tous, le mouvement d'ensemble
auquel ils aboutissent. Cette répercussion de l'une à
l'autre de toutes les opérations de la vie sociale est peut-
être encore plus grande et plus frappante dans le domaine
économique que dans tout autre. Aussi nous a-t-il fallu
faire un véritable effort pour ne pas être entraîné, par la
connexité des phénomènes de cet ordre, à franchir les
limites que nous nous sommes imposées en étudiant à part
l'économie rurale, l'économie industrielle et l'économie
commerciale, et nous ne sommes pas sûr d'y avoir tou-
jours réussi. Cette méthode, un peu artificielle, était indis-
pensable, et peut-être pouvons-nous invoquer en sa faveur
les fruits qu'elle nous a donnés. Ce n'est pas, toutefois,
sans une certaine satisfaction que nous en abordons une
autre qui, en même temps qu'elle résumera les résultats
de la première, suivra, sans plus s'astreindre à des divisions
didactiques, l'enchaînement ininterrompu de la création
et de la circulation de la richesse.
Au moment oii Henri IV montait sur le trône, la sura-
328 LES GUERRES CIVILES ET L\ NOBLESSE.
boiulance des espèces d'or et d'argent répandues en Europe
depuis l'exploitation des mines du Pérou et du Mexique
et surtout depuis la découverte de celle du Polosi (1545),
avait, avec laréunion d'autres circonstances d'une influence
secondaire, sextuplé' presque tous les prix. Le remède à
la hausse, l'aclieminement à la baisse, on le connaît :
c'est l'augmentation de la production. Mais la situation de
la France semblait lui en interdire jusqu'à l'espoir. Elle
était, elle devait être, pendant huit ans encore, bien qu'avec
une décroissance progressive, la proie de la guerre civile,
et ce n'est pas de la guerre civile qu'on peut attendre le
développement alternatif de l'oITre et de la demande, qui
abaisse et relève successivement les prix pour le commun
profit des consommateurs et des producteurs, et répand
l'aisance chez les uns et chez les autres.
La guerre intestine, tel est le triste legs dont hérite, le
gouvernement de Henri IV et qui entravera si longtemps sa
marche et l'essor du pays, telle est la circonstance à laquelle
il faut demander le secret du règne, l'explication de ses con-
trastes attristants et radieux. En résumer les conséquences
éparses dans ce livre et les envisager dans leur ensemble,
c'est une préparation indispensable pour faire comprendre
l'évolution quia été si lente à en éliminer les ferments.
Les luttes religieuses avaient accéléré le mouvement qui
poussait la bourgeoisie à l'acquisition des terres seigneu-
riales et à l'envahissement des fonctions publiques. Les
familles nobles, décapitées souvent par la perte de leur chef
ou de leur héritier présomptif, avaient été appauvries par le
ravage de leurs domaines, par la dépréciation des revenus qui
leur étaient payés en argent, par la suspension ou la perte
de leurs fermages, par l'égalité des partages, qui, dans
certaines provinces, régissait les successions nobles comme
1. S'il fallait en croire Tavannes, elle les aurait même décuplés.
Mémoires. Coll. Michaud, p. 82.
LES GUERRES CIVILES ET LA NOBLESSE. 329
les successions roturières. Elles avaient été obligées de
vendre ou d'hypothéquer leurs licfs à des roturiers ou
d'emprunter sur gages à un intérêt qui s'élevait jusqu'à
30 p. 100. En même temps que la bourgeoisie enrichie s'ins-
tallait dans les châteaux délabrés de la noblesse ', elle
s'emparait des charges de judicature et des bénéfices
ecclésiastiques, autrefois réservés en grande partie aux
cadets de la classe aristocratique, et redoutés maintenant
par leur ignorance et leur paresse. Beaucoup de gentils-
hommes, dont le patrimoine avait été entamé, mais qui
avaient pu conserver le manoir héréditaire, s'estimaient
heureux d'y jouir d'un repos bien gagné, d'y réparer les
brèches de leur fortune, d'y vivre largement et noblement,
bien qu'avec épargne, des produits de leur cru. Tous
n'avaient pas cette sagesse; un certain nombre ne résistait
pas à la tentation de venir dépenser en une semaine à la
cour leurs économies d'une année. La fureur du jeu en
absorbait la meilleure part. Elle était si grande, qu'on
jouait ses chevaux, ses armes, tout ce qu'on avait sur soi,
et on se faisait si peu crédit, que le perdant devait s'exécu-
ter tout de suite, dùt-il s'en aller en chemise. Heureux les
nobles qui, sous les drapeaux du roi ou de la Ligue,
avaient su se saisir de quelque place forte et la garder ou
la vendre à l'autorité légitime. Endettée^ et sans crédit,
l'influence de la noblesse était encore affaiblie par les ran-
cunes de la population du plat pays et môme de la popu-
lation urbaine qui avaient souffert de ses excès ^ et par la
1. JuLLiAN, Histoire de Bordeaux, 4"26, 427. » ... si l'on jette un coup d'œil
au xvno siècle sur nos châteaux, nos fiefs et arrière-ûefs, on est tout
surpris de les voir possédés par des seigneurs et écuyers dont les ancêtres
vendaient du drap fabriqué à Château-Thierry. « Vertus, Notice sur Claude
Vitard et sur l'état de la société auXVI^ siècle, dans L'élection de Château-
Thierrij. Annales de la Société hist. et arch. de Cfidtenu-Tkierry, 1864.
2. Au moment où il écrivait, c'est-à-dire pendant sa captivité, de 1580 à
1585, La Noue, sur dix familles nobles, en comptait huit endettées.
'è. Dès 158;', Lorenzo Priuli écrivait : '< ... si trova... malissiraa intelligeuza
330 LES GUERRES CIVILES, LE CLERGÉ ET LE TIERS ÉTAT.
jalouse compétition dos gens de robe, qui ne sortaient
plus, comme jadis, de ses rangs autant que de ceux du
tiers et ne facilitaient plus, par cette double origine, le
rapprochement des deux classes. Atteinte dans sa situa-
tion matérielle et morale, se rendant compte du danger
dont la menaçait l'ascension du tiers état vers la pro-
priété foncière et les hauts emplois de l'administration et
de la justice, elle renfermait beaucoup de mécontents dont
l'occasion pouvait faire des factieux.
Les guerres civiles avaient coûté cher au clergé envi-
sagé dans son ensemble. En 1;)98, l'ambassadeur vénitien,
Petro Duodo, estimait à plus de 40 millions d'écus d'or
(379981 264 fr. 48) ce quil avait payé, pendant leur durée,
en décimes, en dons gratuits, en subsides de tout genre.
Ajoutez cà cela les emprunts dont les intérêts avaient été
mis à sa charge et les usurpations dont il avait été victime,
de la part des catholiques comme des protestants ^ En dé-
pit de tout cela, ses revenus dépassaient encore six millions
d'écus dor"^. Mais, si Tordre restait riche, beaucoup de ses
membres étaient devenus pauvres et, parmi les mendiants
qui encombraient les rues, il y avait des prêtres ^
Les troubles intérieurs avaient eu pour les différentes
classes qui composaient le tiers état des conséquences
assez diverses. La plus humble de toutes, celle des paysans
avait été la plus éprouvée. Écrasée d'impôts, balayée par
le flot incessant des troupes en marche qui l'emportait
tra la nobiltà e il popolo, essendo questo grandemente oppresse da una
quantita grande di gentiluomini poveri che li tiranneggiano e vogliono
vivere, vestire e lussureggiar a spese loro... » dans Albeiu.
1. Discours au roi par le sieur de Monli.c..., 1573, à la suite des Co7n-
menluires, éd. Ruble, V, 299.
2. La Noue, Discours politiques et mililaires. Disc. \ et w. Advertissement
sur la réception du concile de Trente par Du Plessis Mouxay, 31 jan-
vier 1583, dans Mémoires et correspondance de Du Plessis Mornay, II.
Frol'sif.meau, Le secret des finances (1581). Épîlre au lecteur, p. 8. Noël du
Fam,, Contes et discours d'Eutrapel, I, 315.
3. Laffemas.
FONCTIONNAIRES ET GENS D'AFFAIRES. 331
avec lui ou la rejetait dans les villes, n'abandonnant
pourtant jamais sans espoir de retour le champ dont l'ho-
rizon bornait toute sa vie, la population rurale avait dimi-
nué de trois millions au moins, et ne suffisait plus aux tra-
vaux de la campagne. L'abrutissement du désespoir l'avait
réduite à une docilité d'enfant'.
Les commerçants et les artisans avaient vu considérable-
ment baisser le chitTre de leurs afTaires, et leurs rentes
avaient été trop souvent supprimées pour pouvoir suppléer
à la perte de leur clientèle ^ Les uns avaient été chercher
à l'étranger le travail qu'ils ne trouvaient plus dans leur
pays ; les autres avaient déserté leurs ateliers et leurs ma-
gasins pour prendre leur part des agitations de la place pu-
blique; tous, se serrant, dans la désagrégation générale,
autour des institutions qui protégeaient leur monopole, se
coalisaient dans leurs assemblées corporatives pour main-
tenir le cours élevé des marchandises et relever celui des
façons.
11 y a toujours des gens qui s'accommodent des malheurs
publics et qui réussissent même à en tirer profit. A la
fin du xYf siècle, c'étaient les gens de robe, de finances,
de bureau et une foule d'officieux qui n'avaient pas de
profession avouable. Tous les services de la vie sociale,
depuis les plus élevés jusqu'aux plus modestes, depuis les
fonctions de premier président du parlement jusqu'à la
profession de mouleur de bois et de vendeur de foin,
avaient été érigés en offices. Cela revient à dire que tous
donnaient lieu, aux dépens du public, à la perception de
1. « ... in tanta dejezione e miseria, che piccioli lacchè di dieci o dodici
anni fanno per le strade prigioni gli uomini di 30 e 40 anni e lor donno le
taglie, corne ne ho pur veduto qualcuno. » Relation précitée de P. Duodo,
p. 157.
2. Relation de Duodo, p. 159. «... les rentiers ayant perdu cinq années
de leurs rentes durant les troubles de la Ligue. >' Remarques de MarbauU,
p. 76. Remontrcmces de Miron au conseil, 22 avril 1605. Remontrances de
Gaston de Grieu dans François Miron, par Miro.n de Lespinay, 222, 224, 233.
332 FONCTIONNAIRES ET GENS D AFFAIRES.
droits onéreux et souvent arbitraires, qui représentaient,
sur le pied habituel de 10 ou 20 p. I00\ l'intérêt du capital
versé parle titulaire aux parties casuelles. Le [iroduit de
ces offices devait être d'autant plus élevé que la possession
de beaucoup d'entre eux était précaire, que les titulaires
étaient exposés à les perdre par voie de suppression sans
être assurés d'une indemnité, ou à en partager les profits
avec des collègues de nouvelle création. Les embarras des
classes supérieures avaient suscité une foule d'agents
d'affaires et d'entremetteurs qui vivaient et s'enrichissaient
de leur gêne, de leur vanité, de leurs entraînements, de
leur insouciance. Ainsi il y avait des courtiers qui se char-
geaient de leur procurer de l'argent sur nantissement,
sans leur faire connaître le nom des bailleurs de fonds,
de sorte que, si ces courtiers venaient à mourir avant
le remboursement, des gages, d'une valeur très supérieure
à la somme prêtée, pouvaient être perdus pour l'emprun-
teur-. Les merciers, les fripiers se mêlaient de ce courtage.
Ils se chargeaient aussi de vendre les objets de prix dont
leurs clients voulaient se défaire, et l'habitude de se pro-
curer des ressources en détachant de leur mobilier un
joyau, une pièce d'argenterie, etc., était si répandue dans
les classes élevées, que Henri I Y créa pour ce genre de ventes
une sorte d'agence de commission". D'autres agents fai-
saient, avec un fort escompte, des avances aux gentils-
hommes obérés contre des billets en blanc et des lettres de
changesur les foires de Lyon, et se prêtaient avec empres-
1. '( ... on sait bien que le roi ou le peuple paye les gages à la plupart
des officiers à la raison de dix ou vingt pour cent... » Bouin, République,
VI, II, 910 (éd. 1580).
V. Relation de Duodo.
3. Brevet acrordé le ."51 juillet 1G02 à Philibert Beruyer et à Marie Cail-
lault, sa fille, leur permettant de revendre et colporter à Paris bagues,
carcans, perles et toutes sortes de pierreries, objets d'orfèvrerie, meubles
et bardes qui leur sont baillés à vendre par les particuliers. Bibl. nat. iMss.
Franc., 21 797, f. 14G. .Mss. DEr..\MAnE, Arls et 7néliers, \oL vu.
GENS DE PALAIS ET DE FINANCE. 333
sèment à leur renouvellement. La chicane, qui trouve sur-
tout à s'exercer dans les temps où la violence a usurpé et
embrouillé tous les droits, avait aussi enrichi beaucoup de
praticiens. Elle était également favorisée par la multipli-
cité et la diversité des lois, le nombre des juridictions et
des gens de palais. On estimait que ceux-ci étaient plus
nombreux en France que dans le reste de la chrétienté
tout ensemble ^ Mais, parmi toutes les catégories de para-
sites qui détournaient à leur profit des capitaux perdus
pour la production et donnaient à la société l'apparence de
l'activité économique et l'éclat du luxe, aucune n'attirait
autant l'attention que celle des financiers et des manieurs
d'argent de tous les degrés, donneurs à'avis'^, partisans,
fermiers et sous-fermiers et, plus que tous les autres, inten-
dants et surintendants des finances. En quelques années,
ces derniers avaient fait des fortunes prodigieuses. Ils ha-
bitaient des palais, y donnaient des fêtes qui contrastaient
1. « ... en un seul parlement de France, il s'en trouvera plus grand
nombre [de procès] qu'en toute l'Italie... et plus de procureurs et avocats
en un petit bailliage de ce royaume, qu'il n'y a en la chambre impériale de
toute l'Allemagne.... » F. de Gravelle, Politiques royales, 1596, p. 148.
« ... nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde
ensemble... et si avons tant laissé à opiner et décider à nos juges, qu'il
ne fut jamais liberté si puissante et si licencieuse. » Mo.ntaigne, III, XIII.
2. De tout temps, l'administration fiscale s'est mis l'esprit à la torture
pour découvrir de nouvelles matières imposables; sous l'ancien régime,
elle était secondée dans cette recherche par des officieux qui proposaient
au gouvernement des expédients, dont ils se faisaient attribuer en partie
le produit. Tout le monde pouvait se faire donneur cVovis et, en le deve-
nant, on obéissait à deux mobiles bien puissants : le plaisir d'inventer et
l'amour du gain sans travail. Cette fièvre d'invention et d'enrichissement
rapide enfantait les projets les plus bizarres, et plus d'un ne le cède guère
à celui de ce personnage des Fâcheux de .Molière qui proposait « de la
France.... En fumeux ports de mer mettre toutes les côtes. » Quelques-uns
de ces donneurs d'avis du temps de Henri IV se détachent de la foule des
autres, et se présentent à nous avec une physionomie particulière : tel est
Ange Gapel, sieur du Luat qui, entre autres avis, ouvrit celui de faire con-
signer au demandeur, au début de toute instance, une somme de
25 écus (237 fr. 49) à titre d'amende pour le cas où il perdrait sa cause et
qui espérait tirer de sa part dans le produit de cette consiguation plus de
50 000 écus de rente (474 976 fr. 58). Marbault, Remarques sur les mémoires
de Sully à. la suite des Économies royales, coll. Michaud, p. .35.
334 GENS DE PALAIS ET DE FINANCE.
douloui-ciiseineiit avec la misère publique, et constituaient
à leurs filles qui rivalisaient, comme leurs femmes, par la
toilette et les bijoux, avec les princesses et les plus grandes
dames de la cour, des dots de 40 et 50 000 écus (370 981 fr. 2G
et 474976 fr. 38). L'importance de cette classe de parvenus
faisait l'étonnement et le scandale des étrangers. « C'est
un cas lamentable, e'crivait en 1598 Dallington, secrétaire
de l'ambassadeur d'Angleterre, que, dans un beau pays et
plein de noblesse, l'Etat soit gouverné et toutes les affaires
conduites par ceux de la robba longa, des avocats, des
procureurs et des gentilsbommes de plume et d'encre, tan-
dis que la noblesse elle-même, faute d'instruction, n'a pas
d'emploi ' ».
Cet art d'exploiter la gêne des classes élevées, de les
ruiner gaiement en leur fournissant les moyens de pro-
longer une prospérité menteuse, la France ne l'avait pas
apprise toute seule. Fuyant les vengeances auxquelles
les exposait l'abandon politique de notre pays, espérant
partager la faveur avec laquelle il accueillait tout ce qui
venait du leur, ses artistes et ses ouvriers, son luxe raffiné
et ses mœurs aussi bien que son architecture, beaucoup
d'Italiens étaient venus donner à la France des exemples
et des leçons de cette science du change, du crédit, de
la banque et de l'agiotage, dans laquelle leurs compatriotes
du xiv' siècle, les Biche, les Mouche, les Perruche, les
Angoisselle et tant d'autres avaient été nos premiers ins-
tituteurs. Cette seconde émigration ultramontaine n'avait
pas moins bien réussi que la première. Lyon avait dû sa
prospérité à sa colonie italienne, et les noms de Gondi, de
Sardini, de Zamet, de Cenami, de Bonvisi, etc., rappellent
la place considérable que les Italiens s'étaient faite dans
l'État, dans l'administration fiscale et dans les affaires ^
1. Op. laud., p. 1G7.
2. Voy. notamment Discours polilirjucs de La Noue (éd. 1.Ô87).
RÉGIME FISCAL. 335
Hausse des prix', suivie seulement de loin par celle
des salaires, stagnation de la production, diminution de
la population en général, déclassement de la population
laborieuse, développement de l'agiotage et du luxe, rien
ne manquait à la société française vers l;j98, au moment
où elle goûtait les premières douceurs de la pacification
intérieure et de la pacification étrangère, de ce qui distingue
un pays qui vit sur son capital au lieu de vivre sur son
revenu et sur son travail.
Douze ans plus tard, au moment où elle perdit son roi,
la France, tout en rappelant par certains, traits ce passé
encore si récent, avait bien changé. Nous pourrions
montrer de suite ce qu'elle était devenue, le contraste en
serait plus grand. Nous préférons faire assister à sa trans-
formation en y discernant la part du roi, celle de ses
conseillers, celle du pays. L'influence du gouvernement
sera la première qui nous occupera, c'est la plus apparente,
la plus facile à saisir.
L'un des services les plus essentiels qu'un gouvernement
puisse rendre à la production, c'est d'alléger les impôts,
de les proportionner aux forces contributives du pays,
de les répartir équitablement. Malheureusement, Henri IV
avait hérité de ses prédécesseurs un régime fiscal dou-
blement vicieux, d'abord parce qu'il épargnait la richesse^
et ensuite parce qu'il ne laissait entrer à l'Epargne qu'une
1. « ... incredibile carestia.... » Relation précitée de Duodo, p. 170.
2. Cela n'est vrai, on le sait, que d'une vérité générale, à laquelle le
lecteur apportera de lui-même les restrictions nécessaires. On serait, en
efl'et, dupe d'une apparence en présentant le clergé et la noblesse comme
exempts d'impôts. Les ecclésiastiques et les nobles, qui n'exploitaient pas
eux-mêmes leurs terres, supportaient l'impôt foncier en ce sens que, leurs
fermiers y étant soumis, les fermages en diminuaient d'autant. En outre,
dans les pays de taille réelle, Languedoc, Daupbiné, etc., il n'y avait pas
de distinction, au point de vue fiscal, entre les terres nobles et les terres
roturières. Le clergé avait ses charges particulières qui, pour être en partie
volontaires, n'en étaient pas moins très onéreuses. La noblesse parlemen-
taire et municipale, à côté de laquelle la noblesse d'épée ne formait qu'une
infime minorité, avait aussi les siennes.
336 IMPOTS DIRECTS ET DOUANES.
partie fort amoindrie de I;i recette. Le biulgol de '1596
se soldait encore par un délicil d'environ 10 millions de
livres (29 220. S28 fr. 04)'. Les procédés et les résultats
des premières années du règne n'avaient été, en eiïet,
que la continuation du passé. Trois ans plus tard, en
1599,1e déficit n'avait pas diminué-, la dette publique
s'élevait à 300 millions (87G879 8H fr. 20) ^ En 4G10,
elle était réduite à 190 (528 578817 fr. 20), ou même à
170 millions (458 461 219 fr)*. Les excédents avaient
atteint, de iCOO à 1609, le chiffre de 48 millions et demi
(130 796288 fr. 95)^ La taille avait été progressivement
réduite de 20 (53 936 6 1 1 fr.) à 1 4 millions (37 755 629 fr. 80) ;
un arriéré de 20 millii)iis sur celle de 1596 et des années
antérieures, avait été remis aux contribuables retardataires ;
en même temps, la revision et la réduction des exemptions,
en augmentant le nombre des taillables, avaient allégé
leur charge. Si impopulaire que fut la taille, il y avait
un impôt encore plus odieux : c'était la gabelle. Si Sully
le soumit à un contrôle plus sévère, s'il se montra en
mên\e temps indulgent pour les détenteurs de faux seP,
il n'en réforma pas l'assiette et s'appliqua à en augmenter
le produit par des crues successives.
Henri lY et Sully étaient partisans de la liberté d'expor-
tation, de la libre circulation des marchandises indigènes,
du libre transit des marchandises étrangères. Mais la
prudence leur défendait de toucher trop profondément au
système de douanes intérieures et extérieures qu'ils avaient
trouvé en vigueur. La préférence du surintendant pour
1. Ci.AMAGERA.N, Histoiie (le l'impôt, II, 285.
2. Clamageran, II, 3i5.
3. Relation de Cirew, p. 486.
4. -. ... in februriry IGOS he [Sully] had acquittcd an hundred and thirty
m. of that debt [de 300 ni.J.... » lOid.
5. Ci.AMAGEitAN, 11, 345.388. PontsoN, III, 90, 142.
C. Économies royales, coll. .Micliaud, III, 178.
DOUANE DE VIENNE. 337
les impôts indirects, le poussait d'ailleurs à leur demander
les ressources nécessaires pour suppléer à l'insuffisance
de l'impôt direct que l'intérêt de la classe agricole avait
fait réduire. Voilà comment le souverain et le ministre
se trouvèrent amenés à déroger à leurs inclinations et à
leurs principes, en conservant et même en resserrant le
réseau fiscal, qui paralysait en partie l'essor de la
production.
Les lignes de douanes avaient été tracées de façon à
suivre et à couper les voies commerciales les plus
fréquentées. Le commerce avait beau être appelé dans
d'autres voies, il ne pouvait s'y engager et devait prendre
celles qui lui faisaient traverser la zone douanière.
Les importations maritimes ne se faisaient pas indif-
féremment par tous les ports. Le corail et les autres pro-
duits barbaresques ne pouvaient entrer que par Marseille *.
Cette ville était la seule sur la Méditerranée par oi^i
l'introduction des épiceries et des drogueries des Indes
orientales fût autorisée. Sur l'Océan elle n'avait lieu que
par Rouen. Par terre, elle était réservée à Lyon ^
Si ces marchandises exotiques, après avoir, à leur
débarquement à Marseille, payé le droit de douane qui
était de 4 pour 100, remontaient la vallée du Rhône,
elles ne tardaient pas à entrer dans la circonscription de la
douane de Vienne ou, comme on l'appelait aussi, de
Valence. Tout ce qui sortait des provinces riveraines du
fleuve, Provence, Languedoc, Vivarais, Dauphiné pour
1. Voy. plus haut le chapitre sur le commerce extérieur.
2. Adjudicatiou faite au conseil de la ferme de la douane des épiceries,
drogueries et autres denrées abordant à Marseille et autres lieux du lit-
toral pour quatre ans, à partir du 1er janvier dernier, moyennant
4 550 livres (13 299 fr. 34) par an. 17 mars lC07.Bibl.nat.-Mss. Franc., 18171,
fol. 207, \°. « ...que les lieux destinés pour l'entrée des épiceries et drogue-
ries sont, pour le regard de celles qui viendront par la... Méditerranée...,
Marseille, pour la mer Océane, Rouen et pour celles qui viendront par
terre..., Lyon tant seulement... » Déclaration du consulat de Lyon du 11 sep-
tembre 1612. Arch. municipales de Lyon. Reg. BB 148 f° 106, vo et suiv.
22
338 DOUANE DE LYON.
se diriger vers Lyon ou tout ce qui, en sens inverse,
venait du Lyonnais, du Forez, du Beaujolais, de la Bresse,
de ritalie et de la Savoie en passant par Lyon pour des-
cendre vers le littoral, était soumis à cette douane, dont
les bureaux étaient établis à Vienne et à Sainte-Colombe'
et qui, en 1601, était affermée 16 000 écus- (151 992 l'r. 50).
Afin d'y échapper, les marchandises expédiées pour le
continent se détournaient de leur itinéraire naturel, et
gagnaient, par des voies plus longues et cependant moins
onéreuses, leur destination. Les unes, pour arriver dans
l'Europe centrale, septentrionale et orientale, opéraient
leur transit en terre exclusivement étrangère, par le
Comtat Venaissin, la Savoie, la Bresse, Genève et la
Franche-Comté; les autres, qui devaient trouver leur
placement dans l'Europe occidentale, suivaient la rive
droite du lleuve, traversaient le Languedoc, le Vivarais,
le Forez et, obliquant à l'ouest avant de pénétrer dans le
rayon de la douane, atteignaient l'Auvergne, prenaient
rAllier à Maringues et passaient dans la Loire qui les
transportait à Orléans '.
Là où cessait la zone de la douane de Vienne, com-
mençait celle de la douane de Lyon. Ce contact occasion-
nait même des conflits. En 1607, les fermiers de la
1. « ... la ferme de la douane de Vienne qui se lève sur toutes les mar-
chandises, tant étrangères que autres, vonans et se voiturans, tant par eaue
que par terre, de nos pays de Provence, Languedoc, Vivarais, Daupliiné
et autres qui passeroient par ladite ville de Valence et Sainte-Colombe
allans à Lyon, comuîe aussi sur toutes sortes de marchandises venant de
Lyonnais, Forez, Beaujolais, Hresse, Italie et Savoie et autres lieux qui
seroient chargées en nostred. ville de Lyon et se voitureroient en nosd. pays
de Provence, Languedoc et autres lieux soit par eaue ou par terre.... »
Arrêt du conseil du 10 décembre IGO.j. lUbl. nat. Franc., 18169, fol. G5.
2. Lettres patentes de Henri IV du 3 mai IGOl contenant bail de la
douane de Vienne au profit du nommé Hubert pour deu-v années et huitmois,
au prix de IGOOO écus par an. Inventaire des arch. municipales de Lyon,
Vlll,p. 414.
3. .Mathieu, Histoire de France, I, 3iG. Jean de Serres, Incenlaire de l'/n<i
loire de France, V, 331-334. Uouhet, Du fait de la r/abele. UuUelin de ta
ciété niverna ise des sciences, lettres et arts, Y (1869), p. 48.
DOUANES INTÉRIEURES^ 339
seconde avaient usurpé la perception sur les marchandises
à leur passage par le Dauphiné\ La douane de Lyon
attirait dans cette ville les soieries, les étoffes d'or et
d'argent et les autres articles levantins, italiens et
espagnols. Leur introduction dans le royaume ne pouvait
s'opérer que par cette voie et, pour les introduire par
une autre, il fallait le consentement du fermier et du
conseil du roi". La contrebande était très active et, pour
l'empêcher, pour surveiller la circulation, la douane était
obligée de poster partout des agents secrets qui lui coûtaient
fort cher 3. En 1609, les marchandises de contrebande répan-
dues en France étaient si nombreuses que le fermier dut
se transporter ou envoyer un représentant dans les pro-
vinces où il y en avait le plus, pour sommer les détenteurs,
à son de trompe et par cri public, de venir, dans les
six jours, les faire plomber et payer les droits '. Les
importations qui payaient la douane, ne payaient rien à
l'entrée du royaume '.
La traite d'Anjou et trépas de Loire pesait sur le com-
merce qui se faisait, par terre et par eau, entre l'i^njou
et la Bretagne. En 1593, une nouvelle réappréciation® des
denrées qui y étaient soumises, releva leur valeur et
1. Arrêt du conseil du 10 février 1G07. Bibl. nat. Franc., 18171, fol. 99.
2. Arrêt du conseil du 30 déceiubre 1G08. Franc., 18174, fol. 218.
3. Froumente.\u, Le secret des finances., 1581.
4. Arrêts du conseil du 30 octobre 1G08 et 8 octobre 1009. Franc., 18174,
fol. 36 V» et 18176, fol. 19 v».
5. « C'a esté uug bon œuvre d'avoir par vous obtenu la vérification de
l'exemption de douane à l'entrée du royaume pour les marchandises venans
en ceste ville. » Lettre du consulat de Lyon aux députés de la ville en cour,
14 août 1604. Arch. municipales de Lyon AA 1 12, fol. 182. Arrêt ordonnant
que les marchandises venant de Flandres, Angleterre, Allemagne, etc., et
entrant par Picardie, Normandie et Champagne pour aller à Lyon, ne paye-
ront pas droit d'entrée là où elles entrent, mais que les marchands rap-
porteront certificat de la douane de Lyon de l'acquit des droits à Lyon,
30 septembre 1G04. Collection des arrêts du conseil.
6. Ou trouvera cette réappréciation à la suite de l'édit du 28 sep-
tembre 1594 qui la mit en vigueur, dans Rondofineau, série chronologique
ADi»5.
340 DOUANES.
diniiiHKi assez le Iransit pour provoquer les réclamatious
des engagisles'.
Plus au sud, les deux grandes richesses naturelles de
la Sainlonge, le sel et le vin avaient à compter avec la
traite de Charente. Par application de la pancarte que
l'assemblée des notables de Rouen venait de faire adopter
(io9()), les vins de Saintongc furent frappés, à leur sortie
de la province, d'un droit de 4 écus ()^8 fr.) par tonneau.
Cette taxe porta le plus grand préjudice à l'exportation et
au commerce et, s'ajoutant à la perception générale du
nouvL'l impôt, suscita dans les provinces de l'ouest une
agitation qui, sans la présence et l'innuoncc de Sully,
aurait dégénéré en soulèvement. Les représentations de
la population intéressée obtinrent une réduction du droit
à 2 écus (d 9 fr.)'.
Les contribuables ne furent pas toujours aussi heureux
dans leur résistance. Un édit, du 31 octobre IGOO, avait
établi sur les toiles qui sortaient du royaume un droit
de 12 den. pour livre. Vainement l'échevinage de Rouen
fil remarquer combien les affaires avaient déjà pàti de
la réappréciation et de la traite domaniale auxquelles cet
article venait d'être soumis, et combien l'on faisait le jeu
de la concurrence étrangère qui nous avait déjà supplantés
pour d'autres articles. Le parlement et la cour des aides
de Normandie eurent beau joindre leurs remontrances à
ces avertissements, les échevinages de Caen, du Havre et
de Dieppe eurent beau concerter leur opposition avec celle
de l'échevinage de Rouen et envoyer à la cour, pour la
faire valoir, une députation commune^ les états provin-
ciaux eurent beau faire observer que le nouveau droit,
1. Arr.'t du conseil du IG mars 1604. liibl. nat. Franc., 18IG7 à la date.
2. Al MAT, Le comoierce an XVI''- aiècle. Le fisc et les vins de Sainlonge,
dans Kecue des provinces, juin 18GG. Lettres patentes du 10 décenil)re 16U5,
Bibl. nationale, Franc., 18 IG!), fol. 08 v». .Mauvald, Èludus historiques sur
Cognac, II.
IMPOTS INDIRECTS. 341
n'étant qu'une application de la pancarte, faisait double
emploi avec les contributions par lesquelles la province
s'était raclietée de celle-ci, le gouvernement ne se rendit
pas à ces représentations unanimes, des lettres de jussion
répétées imposèrent aux cours souveraines l'enregistrement
de la taxe, et un édit du 28 octobre 1603, vérifié le
9 janvier 1604, en prorogea la perception'.
Les résistances que nous venons de signaler nous
édifient sur l'impopularité d'un genre de taxes auxquelles
Sully donna une grande place dans son système financier.
Cela s'accorde mal avec la faveur dont les impôts indirects
ont toujours joui, tant au point de vue fiscal à cause de la
facilité de leur recouArement, qu'au point de vue de l'équité
à cause de leur proportionalité. Mais ces avantages étaient
singulièrement compromis à l'époque qui nous occupe, par
le mode de perception de ces impôts. Ils étaient, en effet,
personne ne l'ignore, affermés, et mettaient en jeu toute
l'industrie des adjudicataires pour en augmenter le rende-
ment. Delà, une foule de majorations et de vexations que
le contrôle de l'administration supérieure était impuissant
à découvrir et à réprimer. Tout le monde sait que les
bénéfices des fermiers étaient scandaleux; dans les douanes,
ceux qui se rendaient adjudicataires pour 100 000 écus
(949 933 fr. 16), n'en levaient pas moins d'un million
(9 499 531 fr. 61)". L'arbitraire et l'insolence des commis,
leurs lenteurs calculées, leurs procès-verbaux multipliés à
plaisir, les détours imposés aux marchandises pour passer
par les bureaux ajoutaient au prix de revient des faux
frais considérables, et laissaient au cœur des marchands
une profonde irritation^. Pour ne citer qu'une preuve de
1. Cahiers des états de Normandie sous Henri IV, p. p. BEAunEPAiRE, I.
2. « ... car ceux qui ont tenu les douanes, de ce qu'ils ont donné cent
mil escus, en ont toujours levé un million. » Laffemas, La Commission...
3. P. Matthieu, Histoire de France 161 ôj, I, 34G. Matthieu ne pai'le que
342 FISCALITÉ.
la imiltiplicilé bion connue des taxes indirectes, nous
dirons qu'un tonneau de vin d'Orléans acquittait dix ou
douze droits dillérents, avant d'être débité à la taverne
à Paris'. D'ailleurs, s'il est vrai que les contribuables
supportent souvent plus patiemment les impôts indirects
que les impôts directs, c'est quand les transactions sont
nombreuses, les bt-nélices abondants. Or, pendant la plus
grande partie du règne de Henri IV, il n'en fut pas ainsi.
Au sortir des guerres civiles, les paysans, les artisans, les
commerçants avaient eu à remplacer leur matériel agricole,
leur cheptel et leurs approvisionnements, à payer leurs
dettes. La demande fut lente à se produire et il fallut du
temps pour que les commandes affluassent, pour que
l'aisance générale se répandit peu à peu.
Du reste, les témoignages abondent sur l'excès de la
fiscalité. Claude Groulart écrit que la paix n'a rien changé
aux souffrances du peuple; c'est en vain qu'il est gouverné
par un bon roi, un roi économe, u les dispensateurs de ses
finances font pis que jamais, car on lève plus, on paye
moins, le peuple est plus affligé que l'on n'a esté au fort
des misères" ». Sans doute, quand le premier président de
Normandie constate en ces termes que le poids des impôts
et les malversations commises dans leur recouvrement n'ont
fait qu'augmenter, la pacification intérieure est toute ré-
cente, la paix avec l'îlspagne vient d'être signée, les
« dispensateurs des finances » qu'il stigmatise s'appellent
encore d'Incarville et consorts et c'est à cejui-ci nominati-
vement quil s'en prend de cette situation, que l'élévation
de Sully à la surintendance va, sur plus d'un point, profon-
dément modifier. Mais franchissons quelques années : c'est
de la douane de Vienne, dont il avait reçu le mandat de signaler les con-
séquences funestes, mais ce qu'il en dit s'applique à toutes les taxes
douanières.
1. Cftrew's Relation.
2. Mémoires de Claude Groulart, année 1598. Coll. Michaud, X(, 580.
FISCALITI^. 343
Sully lui-même, c'est le roi que nous entendrons en 1604,
en 1606, déplorer la lourdeur excessive des impôts, l'extrême
pauvreté du peuple do la campagne, la misère croissant
d'année en année '. Enfin si, pour la lin du règne, on inter-
roge un autre témoin, l'ambassadeur anglais George Carew
dont la relation a été écrite en 1609, la déposition que nous
recueillons est plus attristante encore. C'est, nous dit-il,
dans le gouvernement français un principe d'écraser les
contribuables pour les empêcher de remuer'. Aussi le
peuple maudit le gouvernement et accuse le roi de vouloir
être non le roi des Français mais le roi des gueux. Carew
ajoute que les collecteurs de la taille poussent la rigueur
jusqu'à vendre les portes, les fenêtres, les tuiles de la
maison des contribuables insolvables. De toutes les pro-
vinces, la Normandie était la plus accablée^. Sully, se
vantant un jour à l'ambassadeur qu'elle rapportait plus au
roi que le roi d'Angleterre ne tirait de tous ses Etats :
« C'est le moyen, lui répondit son interlocuteur, de faire
désirer aux sujets de Sa Majesté Très Chrétienne un chan-
gement de maître, et d'attacher les Anglais au leur\ »
Il est donc incontestable que le gouvernement de
Henri IV ne fut pas un gouvernement bon marché. Cela
s'explique. Sully, — car c'est lui surtout qu'il faut ici mettre
en cause, — a donné à la France de bonnes finances. Or de
1. Sully à Henri IV, 13 septembre 1C04. Économies royales, éd. Ams-
terdam, 1725, VII, 234. Harangue de Henri IV aux notables, fin de 1C04.
Ibid.., coll. Michaud,I, G20. Sully aux trésoriers de Rouen, 5 décembre 1606.
Ibid., II, 166, 2. 178. En 16u3, les collecteurs se plaignaient de ne pas pouvoir
recouvrer les tailles «à cause de l'impuissance et pauvreté du peuple ».
Arrêt du conseil du 9 octobre 1603. Arch. nat., Collection des arrêts du
conseil.
2. Il est difficile de ne pas rapprocher celte affirmation de la déclaration
de François I«'' à l'ambassadeur vénitien : « Mon royaume est un pré que
je fauche quand je veux », et de l'assimilation du peuple aux mulets qu'on
trouve dans le Testament politique. Il y a là une tradition.
3. Elle était la plus riche et payait le cinquième des tailles.
4. P. 463. Sur l'impopularité du roi, voy. la véhé'uente et coui'ageuse
déclaration du maréchal d'Ornano dans Lestoile, X, 5,
344 ŒUVRE AGRICOLE DE HENRI IV.
bonnes finances, on peul le dire sans paradoxe, cela coûte
cher. Nous voulons dire qu'un gouvernement ne peul pas
obtenir des excédents de recette, faire à l'amortissement sa
part, racheter le domaine et les revenus publics engagés,
désintéresser les usurpateurs de la souveraineté nationale,
créer une réserve et un trésor de guerre sans demander
beaucoup à un pays (jui se trouve dégrevé, d'autre part, du
cinquième de l'impôt direct. Le grand ministre ne put
arriver à ce résultat, sans recourir à des expédients préjudi-
ciables en eux-mêmes à la production, et singulièrement
aggravés par le système de recouvrement. Les protestations
et l'agitation populaires avertirent plus d'une fois le fisc
qu'il atteignait, dans les parties vives, une population endo-
lorie par tant d'années de souffrances et plus d'une fois le
fisc s'arrêta '.
Quand on a indiqué la proportion de l'impôt avec les
forces contributives de la population, on ne connaît pas
encore sa portée sociale et morale. Il reste à savoir quel
emploi il a rern, dans quelle mesure il a servi au dévelop-
pement de la richesse générale sur laquelle il a été prélevé.
Si l'on se place à ce point de vue, le gouvernement de
Henri IV ne mérite plus que des éloges, car, si tel impôt a
pu être onéreux, vexatoire, dommageable à la production,
le produit des impôts, dans leur ensemble, a été, en grande
partie, consacré ou à la liquidation d'un passé calamiteux
ou à la dotation du travail national. Cette observation nous
amène à rappeler comment ce gouvernement a compris
et servi les intérêts de l'agriculture, de l'industrie et du
commerce.
Réduction de la taille, remise de l'arriéré, liberté du
commerce des grains, insaisissabilité du bétail et des
I. Outre les exemples cités plus haut, rappelons ce qui se passa à l'occa-
sion de la créatiun des marqueurs jurés de cuirs et de la généralisation du
régime des maîtrises et jurandes.
ŒUVRE INDUSTRIELLE DE HENRI IV. 3i5
instruments aratoires, faculté pour les paroisses de rentrer
en possession de leurs communaux, établissement de relais
011 les cultivateurs purent trouver des chevaux, dessè-
chement des marais, réforme de l'administration forestière,
législation minière ménageant les droits de l'Etat et les
droits individuels, voilà ce que l'agriculture lui a dii.
Dans ce qu'on peut appeler la législation agricole de
Henri IV, il n'y a qu'à louer. On ne peut pas en dire autant
de sa législation industrielle. Ici, il se trouvait en présence
d'une organisation séculaire entamée et altérée par l'évo-
lution économique, qui se défendait et se raidissait, pour
ainsi dire, contre les exigences de cette évolution en se
faisant plus exclusive et plus jalouse. Fallait-il l'abolir?
On ne pouvait y songer. Mais il aurait fallu, du moins, ne
pas l'étendre, ne pas y faire entrer les métiers libres que
les convenances du public avaient créés, les laisser vivre et
grandir à côté des métiers jurés, et s'en remettre à l'expé-
rience du soin d'éclairer les consommateurs et le gouver-
nement sur les avantages et les inconvénients des deux
systèmes. On sait, du reste, que ce fut moins à une préfé-
rence théorique qu'à une préoccupation fiscale, que le
gouvernement de Henri lY obéit, en érigeant en jurandes et
en maîtrises des métiers libres qui formaient dans le pays
une minorité fort imposante, car des villes comme Lyon
n'en connaissaient pas d'autres. Il était, au contraire, dans
la véritable voie quand il cherchait à restaurer les insti-
tutions qui avaient fait la vertu et la légitimité des corpo-
rations dans leurs beaux jours. S'il s'en était tenu là, l'édit
d'avril 1.j97 aurait pu, comme des tentatives antérieures,
rester impuissant, il aurait été, du moins, applaudi; il
souleva, au contraire, on le sait, une opposition passionnée
qui en fit ajourner l'application et conduisit, tout l'indique,
à son tacite abandon.
La pensée d'une réforme de l'organisation industrielle
346 ŒlYRE INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE DE HENRI IV.
et commerciale survécut à cet échec. Elle répondait à un
vœu de l'opinion, elle s'était manifestée maintes fois dans
les étals-généraux, et la place qu'elle occupait encore dans
les préoccupations publiques est une preuve de plus qu'elle
n'avait pas trouvé dans l'édit sa satisfaction. L'une des
t;\ches assignées à la commission du commerce fut de la
réaliser, mais Ton se rappelle qu'elle ne l'aborda en quoique
sorte que pour l'éluder.
La création de cette commission doit être comptée à
Henri IV bien plus que cet édit comme un témoignage de
son intérêt pour l'industrie et le commerce. Bien qu'elle
n'ait pas été conçue comme une institution permanente,
bien que sa mission ait été de fait temporaire, elle peut
être considérée comme la première de ces chambres de
commerce et de manufactures qui ont donné à ces deux
branches de la production nationale une représentation et
des organes. Sans doute, aujourd'hui, on compose ces corps
autrement; au lieu d'y mettre presque exclusivement des
magistrats et des administrateurs, c'est-à-dire dos hommes
dont le formalisme admet difficilement les conditions de
simplicité et de célérité dont les transactions industrielles
et commerciales ont besoin, on y fait entrer des hommes
d'allaires. Mais les commerçants et les industriels, capables
de traiter avec largeur d'esprit les questions se rattachant à
leur profession, étaient si rares alors, ils étaient, en consi-
dération et en lumières, si inférieurs aux gens de robe, que
ceux-ci arrivaient à représenter et à absorber, aux yeux du
gouvernement, le tiers état tout entier. Il n'en est pas
moins vrai que, pour la première fois, des intérêts qui
n'avaient jamais été envisagés que dans leurs rapports avec
les corporations ou avec le fisc, furent compris dans leur
ensemble, et avec le juste sentiment de leur importance et de
leur influence sur l'économie sociale et la grandeur nationale.
Ces intérêts n'eurent pas d'ailleurs à souiliir de lincom-
G'XVttE INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE DE HENRI IV. 347
pétence de celte commission. Si elle se laissa à bon droit
effrayer par la tâche de refondre l'organisation industrielle
et commerciale, elle accueillit avec sympathie et j)atronna
avec zèle, quand elle ne les provoqua pas, toutes les
entreprises nouvelles. Il y eut toujours entre le roi et elle
une entente parfaite, et comme une émulation de bon
vouloir à 1 égard des découvertes et des projets qui sollici-
tèrent leur protection. La forme sous laquelle cette pro-
tection s'exerça, varia peu et ne pouvait guère varier : ce fut
le monopole, l'affranchissement de la juridiction des
corporations, l'exemption d'impôts, la naturalisation pour
les étrangers, des subventions, des pensions, l'anoblis-
sement', en un mot, le privilège. Le mot est impopulaire,
il est vrai, mais il faut se rappeler d'une part avec quelles
précautions, avec quel souci de l'intérêt général, le procédé
qu'il désigne était pratiqué et, de l'autre, qu'il était la seule
porte pour rentrer dans le droit commun.
Tout ce que le gouvernement de Henri IV a fait pour
l'agriculture et pour l'industrie, on peut dire qu'il l'a fait
en même temps pour le commerce, car c'est l'agriculture
et l'industrie qui fournissent au commerce les produits
auxquels il ajoute, par ses opérations, une valeur nouvelle.
11 n'y a peut-être pas de partie de l'administration oii
éclatent le mieux l'intelligence et la passion du bien public
de ce gouvernement que les ponts et chaussées. C'est à lui
que remonte, comme il doit toujours remonter à quiconque
donne une impulsion suivie et crée une tradition, le
principal honneur du beau réseau de voies de communi-
cation par terre et par eau, que les autres nations euro-
péennes ont envié à la France de l'ancien régime. Ce n'est
1. Par exemple, Henri IV conféra la noblesse à Armand Crommelin pour
avoir introduit de Courtrai à Saint-Quentin, en IST'J, lafabrique des linons
et batistes. Gomart, Saint-Quentin j^endant la Ligue. Société académique
de Saint-Quentin, 1848.
348 (KL'VKE INDL'STKlIiLLE ET COMMERCIALE DE HENRI IV.
pas sculoinent les travaux de voirie, mais les Iravaux
publics en général qui ont été Je la part du roi et de son
ministre l'objet d'un goiït et d'une application particulière,
dont l'exemple trouva dans le royaume de nombreux
imitateurs'. Un contemporain^ a estimé à un million
d'écus d'or (10 11311,") fr. 12) l'argent dépensé dans les
bâtiments, mais ce cliilTre paraît se rapporter exclusivement
aux embellissements de Paris et des cbàteaux royaux, et il
faut y ajouter les frais d'une foule de constructions de
pure utilité, telles que les fortifications de vingt-buit ])1aces
frontières ^ Or, on sait l'inllucnce considérable exercée par
les travaux publics sur le mouvement général des affaires.
Parmi les bienfaits dont le commerce fut redevable à
Henri lY, il ne faut oublier enfin ni l'organisation officielle
donnée aux relais ni les mesures pour raffermir le crédit.
Henri lY porta ses vues plus loin que le commerce
intérieur. On le croirait réduit à l'impuissance par la
décliéance de la marine militaire, et cependant, il trouve
moyen de punir les pirateries barbaresques, de s'afirancliir
en partie de celles des nations maritimes, de faire consacrer
par la Porte notre ancien protectorat sur toutes les nations
cbrétiennes commerçant au Levant, à l'exception de la
Sérénissime République qui en est depuis longtemps
exempte, et de l'Angleterre qui vient de s'y soustraire; de
défendre contre celle-ci, avec un succès mallieureusement
incomplet, notre sécurité et notre dignité, de fonder la
Compagnie des Indes orientales et la Compagnie de la
Nouvelle-France.
Plus justement que Louis XIY, Henri lY aurait pu dire :
1. Éconotnies royales, coll. Michaud, I, 3G2, 2. Relation de Vendramin
dans Alberi, série I, IV, 465. Mémoires de Fonlcnuy Mnreuil, coll. Michaud,
l'l,'2. 28. Lé^-endc en ttHe de la {.'raviire de Cl. Cliastillon représentant la
porte et place do France au Cabinet des estampes.
2. Mctiioires de Tavannes, coll. Michaud, 280, 2.
3. Cauew, 434. .MicHELET, Histoire de Fi'ance, XI, 142.
PORTRAIT DE HENRI IV. 3i9
l'Etat c'est moi '. Jamais goiiveniemeiit plus que le sien ne
se ressentit du caractère du souverain. C'est sous les traits
d'un homme de quarante-sept ans, de stature moyenne, un
peu prématurément Ijlanclii par les fatigues et certains
excès, mais dont la vigueur et la souplesse sont à peine
entamées par quelques attaques de goutte, et dont le visage
offre, dans son puissant relief, un air d'autorité et de bonté
qui impose et séduit, qu'il faut se représenter la monarchie
française en l'an 1600. L'intelligence est vive, la conception
rapide, le sens pratique exquis, la mémoire excellente, le
caractère beaucoup mieux trempé contre les épreuves de
l'adversité que contre les entraînements de la prospérité,
le langage d'une souplesse qui le fait passer sans disso-
nance par tous les tons, d'une force inventive qui l'égaie
par une foule d'expressions à fleur de coin. La bonté et le
calcul ont une part égale dans la conduite, bonté native,
faite d'optimisme, de bonne hnmeur, de vigueur physique,
confirmée par la vie qui, au lieu d'amertume, a laissé un
certain scepticisme et une certaine indifférence morale,
c*alcul aiguisé par les fortunes diverses qu'il a fallu subir,
les milieux si différents qu'il a fallu traverser. Tout ici, en
effet, vient de l'hérédité, de la race, la plus fine et la plus
militaire de France, de l'éducation, de l'expérience; rien
de livresque, comme disait son compatriote Montaigne qui
écrivait comme Henri parlait. De là ce je ne sais quoi de
prime-sautier, de familier, de nerveux, de hâtif, de court qui
frappe dans sa pensée, dans son langage, dans son gouver-
nement, et qui n'exclut qu'en apparence la persévérance et
la maturité. De là, de celte vie errante et toujours en
selle, ce goût des délibérations courtes, des résolutions
promptes, cette aversion des travaux sédentaires du cabinet,
I. Il est vrai que ce mot n'est jamais sorti de la bouche de Louis XIV,
mais il exprime si bien sa pensée et l'esprit de son gouvernement, qu'il
mérite, sous cette réserve, de rester dans l'histoire.
350 VALEL'R DE SILLY.
ce besoin danimer d'un mouvement physique la discussion
des affaires, de les traiter debout, dans l'embrasure d'une
fenêtre, ou en se promenant dans les galeries du Louvre et
de Fontainebleau. C'était tout le contraire de la méthode
patiente, minutieuse, traînante de son grand adversaire,
Philippe II. Henri lui ne semblait donner que deux heures
par jour aux affaires et, en réalité, par la façon dont il y
faisait toul servir, les rencontres, les conversations, les
plaisirs, il leur donnait tout son temps. Si, négligeant les
parties éclatantes et comme héroïques de sa carrière,
celles qui, au lendemain de sa mort et jusqu'à ce que
Richelieu lui disputât sa place dans l'imagination des
peuples, ont grandi sa mémoire jusqu'à l'apothéose, on ne
s'attache qu'à son administration intérieure et particulière-
ment à son indiience sur les intérêts économiques de son
rovaume, on admire son ouverture d'esprit, son intelligence
des questions, sa confiance dans le succès des entreprises
nouvelles, sa persévérance à les soutenir, son souci de
l'épargne, allié au goût de la grandeur, son application à
développer toutes les ressources de son royaume qu'on a
heureusement comparée à celle d'un propriétaire à faire
valoir son domaine. Telles sont les qualités dont le livre
qu'on vient de lire offre lant d'exemples, et que Henri IV
fit reluire en ces royales économies d'État^ que son lidèle
ministre à célébrées.
Nous venons de désigner Sully et, parmi les auxiliaires
qui, sans jamais substituer leur direction à la sienne, ont
éclairé et pré[)aré les éléments de ses décisions, il n'en est
aucun, on le sait, qui l'ait autant secondé. Après avoir été
l'un des favoris de l'école philosophique du siècle dernier,
Sully court risque, si l'on n'y prend garde, de devenir la
victime de l'école historique de notre temps. On lui en veut
d'avoir si longtemps égaré l'histoire avec son grand dessein,
de n'avoir reculé, pour avilir les autres serviteurs de son
OL. DE SERRES ET B. LAFFEMAS. 351
maître et partager exclusivement avec lui la gloire de tant
de grandes choses, ni devant les mensonges ni devant les
faux. On ne lui pardonne pas d'avoir fait de ses Mémoires,
qui auraient dû être le guide le plus sûr pour l'histoire du
temps, un livre semé de pièges, où Ton ne peut s'avancer
que la sonde à la main, 11 y a une part de justice dans
ces rancunes. Il ne faudrait pas pourtant se laisser entraîner
trop loin dans cette voie par le goût de démolition dont
la critique paraît à certains moments possédée. La méfiance
avec laquelle on ne pourra désormais s'empêcher d'aborder
les Économies royales^ ne les empêchera pas de rester le
monument le plus important de l'histoire de Henri IV.
L'outrecuidance solennelle et gourmée de l'homme, son
caractère cassant, son impopularité ne doivent pas faire
oublier son amour sincère du peuple. Enfin, — et c'est
surtout à ce titre qu'il nous appartient de sauvegarder sa
vieille renommée, — ses mérites et ses services, comme ad-
ministrateur, n'ont rien à perdre à la réaction qui s'accomplit
contre lui : voirie, travaux publics, agriculture, mines,
forêts, presque toutes les parties de son administration, sans
parler des finances, dont elles dépendaient toutes, offrent
les traces de sa conscience, de son zèle, de son intelligence.
Sur tout cela, Henri IV a vu souvent plus clair et plus loin
que lui, mais il a débrouillé les matières, instruit les ques-
tions, préparé au coup d'œil du roi des solutions mûries.
Au-dessous de Sully, il y a deux hommes dont l'influence
s'est fait sentir dans le domaine qui nous occupe et qui
doivent nous arrêter : c'est Olivier de Serres et Barthé-
lémy LafTemas. Le premier encouragea le roi à entreprendre
la propagation de la sériciculture; par un ouvrage auquel
le progrès des méthodes n'a peut-être pas ôté toute son
utilité et n'a rien ôté de son agrément, il contribua, dans
une mesure difficile à déterminer, à la diffusion du goût
de l'agriculture et des connaissances agricoles.
352 01.. DE SEllRES ET B. L.\FFEM.\S.
Entre Olivier de Serres et Laiïemas, il y a plus d'un
contraste. Aulanl la vie de l'un, à part une courte partici-
pation aux guerres religieuses, fut uniforme et tranquille,
autant celle de l'autre, telle qu'on l'entrevoit par les
écha{)pées que nous ouvrent les documents, nous apparaît
comme une lutte opiniAtre contre la mauvaise fortune.
Tandis que le Théâtre d iujriculture est surtout le fruit d'une
expérience personnelle exclusivement appliquée au « ménage
des champs » et retlète un esprit mesuré, d'une aimable
prudliomie, les nombreux écrits de LalTemas, œuvres de
circonstance, d'improvisation et de polémique, révèlent
par leur richesse de vues, par leur confusion, par leur
incorrection, la fermentation intellectuelle du temps, la
hardiesse et la fécondité d'esprit de l'auteur, son défaut de
culture, les vicissitudes de sa carrière. Tout cela n'est pas
de nature, bien au contraire, à diminuer leur intérêt. Si
l'on essaie de filtrer la matière un peu trouble resserrée
dans ces livrets d'un aspect peu al trayant, on distingue
trois cléments : des doctrines communes à ceux des con-
temporains qui se sont occupés des mêmes questions ; des
vues personnelles dignes d'attention ; des contradictions et
des préventions. Quand il demande la libre admission des
matières premières et la prohibition des produits manu-
facturés qui ont leurs congénères dans l'industrie nationale,
l'érection des métiers libres en jurandes et en maîtrises, la
peine capitale pour les banqueroutiers, l'unité des poids et
mesures, Laffemas ne se sépare pas de son temps. Quand
il s'acharne contre les tribunaux consulaires et contre la
contrainte par corps en matière commerciale, il oublie sa
prédilection pour les juridictions professionnelles et l'im-
portance du crédit dont il se montre ailleurs si pénétré. De
la même plume, qui lui a servi à prôner l'unification de
l'organisation industrielle et commerciale par l'extension
des maîtrises et jurandes, il réclame la suppression des
B. LAFFEMAS. 353
« maîtrises inutiles». Mais, à côté de ces tâtonnements, de
ces partis pris, que d'idées originales, fécondes et pratiques!
Comment refuser sa sympathie à son plan de chambres
syndicales corporatives et de grands bureaux ou chambres
syndicales régionales, rattachées les unes aux autres, et
jouissant d'une juridiction et d'une administration auto-
nomes, à son projet de création d'un conseil permanent du
commerce, à ses caisses de secours pour les membres
indigents des corporations, à ses ateliers ou plutôt ses
villages oii l'on aurait fait travailler, sans les réunir, les
pauvres valides des deux sexes et les enfants rebelles à
l'autorité paternelle, à sa passion pour la moralisation des
classes laborieuses, à son indignation contre l'agiotage,
contre la gabelle, contre les affronleurs^ contre la multi-
plicité croissante des marchands de vin ; à son insistance
pour obtenir la substitution d'un droit de marque du
vingtième sur les marchandises à toutes les taxes qu'elles
supportent, etc.? Toutes ces idées, rappelons-le, ont d'autant
plus de prix qu'elles viennent d'un homme qui ne les a
pas puisées dans les livres, mais dans une expérience
chèrement payée. Elles se recommandent encore par le
compte que l'esprit d'innovation y tient des institutions exis-
tantes. Personne ne pouvait mieux apprécier que Plenri IV
leur caractère pratique et sagement réformateur. Si le
contraste entre la gravité des sujets abordés par Lafîemas
et les fonctions de fournisseur de la garde-robe royale
amena sur ses lèvres un de ces mots gouailleurs dont il
était coutumier, il témoigna de son estime pour la per-
sonne et les idées de son tailleur valet de chambre en le
nommant contrôleur général du commerce, et en créant la
commission du commerce pour examiner ses propositions.
Tels sont les trois hommes qui se détachent de la foule
des auxiliaires dont les noms ont en grande partie échappé
à l'histoire, mais qui n'ont pas plus manqué à Henri IV qu'à
23
334 CONCOURS DC PAYS A LA RENAISSANCE ÉCONOMIQUE.
tous les souverains qui ont su les distinguer et s'en servir.
Mais il L'sl un concours plus étendu et plus indispensable :
c'est celui de la nation elle-même. Il est impossible de faire
le bien d'un peuple malgré lui, et l'on a vu, plus d'une fois,
les entreprises d'utilité gf'nérale, les plus heureusement
conçues, échouer contre l'apathie ou les préventions des
populations auxquelles elles devaient profiter. Quel em-
pressement la France mit-elle à entrer dans les voies que son
gouvernement lui ouvrait, comment aida-t-elle à son relève-
ment, et finalement quel développement économique, quelle
prospérité matérielle avait-elle atteint, grâce à ses efforts
propres et à la direction éclairée de ce gouvernement,
quand son roi lui fut enlevé ? Telles sont les deux questions,
plus d'une fois déjà abordées dans ce livre, sur lesquelles
nous reviendrons en terminant.
L'ouvrage qu'on vient do lire otTrc plus d'un exemple.de
la froideur ou même de l'hostilité avec lesquelles le pays
accueillit certaines entreprises parties de l'initiative offi-
cielle; il suffira de rappeler la généralisation de la sérici-
culture et le dessèchement des marais. On ne peut demander
à des classes absorbées par le souci quotidien de l'existence,
c'est-à-dire à la majorité d'un pays, l'abnégation et la hauteur
de vue qui peuvent faire accepter des sacrifices dont le
principal fruit est réservé à l'avenir. Cette prévoyance et ce
désintéressement ne peuvent appartenir qu'aux pouvoirs
héréditaires qui, à la lumière des traditions nationales dont
ils gardent le dépôt, voient, par delà les intérêts viagers
des générations présentes, ceux des générations futures, et
gouvernent pour ceux-ci plus encore que pour ceux-là.
Mais ce n'est pas d'après des faits particuliers comme on en
trouve dans tous les temps, qu'il faut juger la part prise par
le pays à sa propre régénération. Si l'on envisage le travail
national dans son ensemble, on constate son activité crois-
sante, on voit la classe rurale, la classe ouvrière déployer
SITUATION ÉCONOMIQUE EN 1610. 355
de plus en plus leurs qualités traditionnelles, l'une sa per-
sévérance, sa sobriété, son amour de lepargnc, l'autre sa
dextérité, son tour de main et son goût'.
La situation économique oîi Henri IV laissa la France
implique d'ailleurs que les efforts du roi pour développer
la richesse publique ont été puissamment et efficacement
secondés par le pa\'s. S'il en avait été autrement, il est bien
clair qu'ils auraient été stériles. C'est seulement dans les
dernières années du règne que la prospérité se dessine net-
tement. Encore semble-t-elle démentie par certains faits.
En 1607, en 1608, les villes sont encore attristées par des
troupes de mendiants, d'estropiés, souvent fort gaillards,
d'anciens soldats ou soi-disant tels, attendant la desserte
aux portes des hôtels et des couvents. Pas plus que la men-
dicité et le vagabondage, ni le vol ni même le brigandage
n'ont entièrement disparu. En 1607, par exemple, existait
à Paris une bande parfaitement organisée qui avait cons-
titué pour elle-même une juridiction complète siégeant au
Port-au-Foin-. A la même époque, un certain Yéron, qui
campait dans la forêt de Compiègne à la tête d'une troupe
de brigands et dévalisait les voyageurs, fut condamné à
la roue et ce ne fut qu'en 1608 que Guillery subit le même
supplice ^
Cet faits prouvent simplement qu'une société qui a été si
longtemps livrée à l'anarchie, renferme, longtemps après
que celle-ci a cessé, des réfractaires attardés qui n'acceptent
pas le rétablissement de l'ordre et des habitudes régulières.
Il n'y a rien à en conclure ni contre la diffusion du travail
ni contre la sécurité publique. Les relations vénitienne et
anglaise de Duodo et de Dallington, écrites en 1598, ne con-
1. Citons notamment la façon dont Carew caractérise l'habileté manuelle
de nos ouvriers: «. .. especially the French being generally neat and
nimble above ail manner of manufacturers. »
2. Lestoile, éd. Jouaust, X, 3, 10.
3. Voy. plus haut le chapitre sur l'écononiie rurale.
3Dr) sm ATION ÉCONOMIQUE EN 1010.
vieiulraioiit plus à la France do IGIO, et celle-ci ne justi-
fierait même plus telle ou telle remarque atlrislante qui
s'applique aux premières années du xvii" siècle. Les
dernières années de sa première décade ont été décisives,
et, pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire le tableau, si peu
bienveillant pourtant, tracé par Carcw en 1009.
C'est d'abord la sécurité qui a été rendue aux affaires.
Nous n'hésiterons pas, pour justifier une affirmation qui
d'ailleurs n'étonnera personne, à invoquer le rêve de
quiétude, de sensibilité discrète et pure que toute la France
fit avec d'Lrfé aux rives du Lignon^ Dans cette exagération
sentimentale et poétique, il y a une grande part de vérité et
une part plus grande encore de sincérité. A travers ces
temps souillés de licence et de brutalité, et si durs pour le
pauvre monde, court pourtant une veine de pureté, de pru-
dhomie, d'instinct champêtre, de sociabilité que recueillent
et fortifient saint François de Sales, Du Vair, Olivier de
Serres, Racan, l'hùtel de Rambouillet. Le pays fut tellement
heureux de pouvoir vivre et travailler en paix, qu'il se rési-
gna au prix onéreux dont il lui fallait payer la reconstitu-
tion de l'organisation sociale, et qu'il fonda dans son cœur
cette tradition de gouvernement paternel, que les troubles
de la régence de iMarie de -Médicis affermiront, et que
Thistoire consacrera.
Cette sécurité avait été largement mise à profit. Ce n'est
pas que la France eût conquis sur le marché du monde
toute la place que l'abondance et la variété de ses produc-
tions, l'intelligence, l'ardeur laborieuse et l'esprit indus-
trieux de sa population semblaient lui promettre. Si l'Es-
pagne était dans sa dépendance commerciale, si ce débouché
lui ouvrait indirectement celui des Indes occidentales, dans
ses rapports avec les autres Etats européens, ses importa-
1. Voy. aussi le dObut si connu des Mémoires de iMai'.oi.i.es.
SITUATION MONÉTAIRE. 3o7
tions et ses exportations s'équilibraient à peu près exacte-
ment'. Si l'on veut avoir une idée complète de la richesse
publique, que l'on faisait en ce temps-là consister surtout
dans le numéraire, il ne faut pas toutefois tenir compte
seulement de la balance du commerce. Les aflaires, les
plaisirs, l'agrément de notre pays y attiraient déjà beaucoup
d'étrangers. C'était souvent des concurrents dont notre
commerce s'alarmait à bon droit, mais c'était toujours
aussi des consommateurs qui payaient largement les jouis-
sances qui abondaient autour d'eux. C'est par la France
d'ailleurs que s'opérait encore, malgré ses douanes inté-
rieures et ses taxes de circulation, une grande partie du
transit européen-. Ce transit laissait derrière lui beaucoup
d'argent qui n'entrait pas entièrement dans les caisses pu-
bliques. De là, l'affluence de monnaies étrangères que nous
avons déjà signalée. 11 y avait en France, d'après l'estima-
tion de Henri IV, six fois plus de doublons et de pistoles
espagnols qu'en Espagne ^
Cette aftluencc fut encore augmentée par un genre de
spéculation qui s'est pratiqué dans tous les temps. Les
monnaies étrangères étaient inférieures aux nôtres en poids
et en titre et n'en circulaient pas moins pour une valeur
nominalement égale. Cette différence entre la valeur réelle
et la valeur conventionnelle, amena tout naturellement, en
même temps que la surabondance des espèces étrangères,
la sortie des espèces françaises. A côté des premières, il en
circulait beaucoup de rognées et de fausses. Le trafic des
1. Ce que nous avons dit, dans le chapitre sur le commerce extérieur, de
la balance du commerce entre la France et les divers États, est confirmé
par le passage suivant d'un ouvrage contemporain : «... de fait l'étranger,
iiors mis l'Espagne, n'est tellement nécessité de nous que nous ne concer-
tions ensemble qui se donnera plus de marchandises ou manufactures pour
tirer l'argent de son voisin ». Traité et advis sur les désordres des monnoies
et diversité des moyens d'y remédier [çav François Le Bogue], IGOO, p. 29.
2. « ...thethorougfare of English, German, Spaniards, Italians. » Carew's
Relation.
3. laid.
338 SITUATION MONÉTAIRE,
espèces inférieures en poids ou en titre, ce qu'on appelait
le billonnage avait pris beaucoup d'extension et était assez
lucratif pour amener plus d'un commerçant à le préférer à
SCS alfaircs*. Le vrai remède, celui auquel on a recours au-
jourd'hui en pareille circonstance, aurait consisté à frapper
de décri les monnaies défectueuses, en laissant à leurs
détenteurs le temps de les échanger contre des espèces
légales, et à faire, pour les remplacer, une large émis-
sion de ces dernières. Ce fut, en efiet, par une démonétisa-
tion (ju'on commença l(jOl)". Mais les hôtels des monnaies
ne se trouvèrent pas en mesure de mettre en circulation
la quantité d'espèces nécessaire pour tenir lieu de celles
qui en étaient exclues. Les banquiers et les changeurs, qui
faisaient le commerce des métaux précieux, enchérissant
sur le prix qu'en donnaient les établissements monétaires,
les accaparaient pour les revendre aux affineurs et aux
orfèvres^. En outre, le commerce étranger, gêné par ce
décri, abandonna notre pays et se porta ailleurs: les foires
de Genève y gagnèrent ce qu'y perdirent les foires de Lyon'.
Les monnaies prohibées continuèrent d'ailleurs à circuler.
Sully, car ce futlui surtout qui s'ingénia pour empêcher l'ex-
portation de l'or et de l'argent français, eut alors l'idée d'éle-
ver la valeur nominale de nos espèces métalliques, et de
rétablir l'usage de compterpar livres, auquel l'édit de 1577
avait substitué le compte par écus. L'écu d'or au soleil fut
porté de GO s. (8fr. 77)àG5(9 fr. oO), le franc d'argent de 20 s.
(2 fr. 92) à 21 (3 fr. 07), le quart d'écu de lo s. (2 fr. 19) à
16 (2 fr. 34), le teston à 15 s. G den. (2 fr. 26), la pièce de
1. '< Aucuns luarcliaus quittans ie Irain de leurs niarrhandises ordi-
naires se seroient jettes à traûquer de toutes sortes de uionnoies... décriées
et ayant cours. » Déclaration de février 1000. Fontanon, 11, 223.
2. Déclaration du 2 J mars 1601. Voy. préambule de l'ordonnance sur les
monnaies de septembre 1C02.
3. Traité el advis sur les monnoies..., p. Franc. Le Bogue, avocat général
en la rour des monnoies, ICOO, p. 20.
4. P. .Matthieu, Histoire de Henri IV, 1G;M, in-fol., 111, -iiC.
SITUATION MONÉTAinE. 359
40 S. (1 l'r. 46) à 10 s. 7 den.' (1 fV. :;5). En dehors de la
cour des monnaies, cet éditne rencontra guère que des cen-
seurs. Il jeta le trouble dans les transactions- et ne réussit
pas à prévaloir contre les habitudes et les besoins. Les
espèces décriées de l'étranger continuèrent à circuler et les
monnaies nationales, malgré la hausse ' qui semblait devoir
décourager les spéculateurs, continuèrent à sortir. Nous
n'en donnerons d'autre preuve que la proposition faite, en
1609, par l'un des générauxdes monnaies, Nicolas Coquerel,
et qui tendait précisément à empêcher cette circulation et
cette sortie. Coquerel proposait l'émission d'une monnaie
unique d'or et d'argent, que l'on appellerait Jicnriqiies. Les
henriques d'or devaient valoir 10 livres 8 sous (28 fr. 04),
les demi-henriques 3 livres 4 s. (14 fr. 02), le quart d'hen-
rique 32 s. (7 fr. 01) et le huitième 26 s. (3 fr. 30). La
valeur du henrique d'argent était fixée à 52 s. (6 fr. 91),
celle du demi-henrique à 26 s. (3 fr. 45), celle du quart de
henrique à 13 s. (1 fr. 72), celle du huitième de henrique
à 6 s. 6 den. (0 fr. 87). Cette proposition fut soumise à une
commission, en même temps que d'autres projets relatifs
au même sujet. Ce fut d'après son avis que fut rendu un
édit, qui ordonna l'émission de henriques d'or de 12 livres
(32 fr. 36), de 6 livres (16 fr. 18) et de 3 livres (8 fr. 09) et de
henriques d'argent de 20 s. (2 fr. 70), de 10 s. (1 fr. 35) et
de 5 s. (0 fr. 67), qui décria les espèces étrangères et en
ordonna le dépôt aux hôtels des monnaies o\x les porteurs
en recevraient la valeur intrinsèque, déduction faite des
droits et des frais de monnayage, et qui enfin démonétisa
également les espèces françaises rognées et affaiblies \.
1. Ordonn. de septembre 1002. Fostanon (éd. ICtl), II, 227. Mémoires de
Pussot, 105.
2. Voy. notamment Du Fresne Canaye àBéthune, lîseptembre 1002,1,449.
3. En 1009, Fécu d'or au soleil était monté jusqu'à 72 s. Leblanc, Traité
des monnaies, 573.
4. Mercure français, année 1009, I, p. 350 v".
360 TAUX DE L'INTERET.
Toutes les fortunes particulières se trouvèrent atteintes par
la dépréciation de monnaies qui étaient dans les mains de
tout le monde, et dont on ne pouvait se défaire que sur
le pied de la valeur réelle et en supportant les frais de
la refonte. Vainement le gouvernement aurait essayé de
justifier une pareille mesure en alléguant que les porteurs
n'avaient pu, sans violer la loi, recevoir et colporter des
espèces étrangères ; force leur était bien de sen servir
puisque les monnaies françaises n'étaient pas assez abon-
dantes pour les transactions. Les remontrances du parlement
et de la chambre des comptes firent reculer le roi devant
l'application de l'édit. 11 fit bien de reculer, mais, pour
être encore peu senti, le danger auquel Sully et lui avaient
voulu remédier n'en était pas moins réel ; en essayant de
le conjurer, ils firent acte de prévoyance et, s'ils l'avaient
fait en sauvegardant équitablement l'intérêt de tous les dé-
tenteurs d'espèces défectueuses, c'est-à-dire de tout le
monde, et en répandant dans la circulation, en assez grande
quantité pour suffire aux besoins, des monnaies d'une
valeur réelle égale à leur valeur nominale, ils auraient
évité au pays la crise monétaire qui paraît s'être produite
au début du règne suivant*.
Les capitaux, comme la monnaie, étaient abondants et
l'intérêt très peu élevée Beaucoup de marchands étaient
en même temps banquiers ^ L'intérêt légal, on le sait,
avait été réduit à 6 un quart p. 100, mais l'intérêt conven-
tionnel descendait gc-néralement à 5. Dans les prêts à
1. « ... le trouble où nous sommes à présent pour la difficulU' des mon-
naies ) MoNTCiiRESTiE.v, éd. Funck Brentano, p. 180.
2. « France being now very rich and money at a very low iiiterest. »
William Bêcher à Salisbury. Paris, l'^'" décembre 1G09. Cah'udars of stale
papers. Colonial séries. Eadlndia, China and Jnpan, n" 4G9. Ci,AMA(iEHAN,
11, 355.
3. Malliard, Livre de raison d'une famille de Drives au AT/» sii^cle, dans
Bulletin de la Société scientifique, Idsl. et arch. de la Corrèze, 111 (1881),
p. G'iO. Deux livres déraison {\bï'-lbbii) p. ]). L. DESANTvet Auo. Vuial(18UG)
gr. in-8., p. H:M44. Fasc. IV des Arc fi. hist. de CAlbiijeois.
RÉGIME IIYPOTIIÉCAIKE. 361
l'industrie et au commerce il était supérieur. C'est ce qu on
peut conclure a priori du taux légal, puisque ce taux avait
été en partie adopté précisément afin de déterminer la
préférence des capitaux pour les placements commerciaux
et industriels. Les risques que courent ces placements jus-
tifiaient cette difTérence, que le législateur de 1807 a cru
devoir maintenir. Ces risques seraient attestés au besoin
par les nombreuses banqueroutes qui signalèrent les der-
nières années du règne, et amenèrent une agravation de la
pénalité. Ce qui rendait ces placements plus hasardeux et
le crédit plus difficile ou plus onéreux, c'était l'incertitude
sur la solvabilité des emprunteurs. Les hypothèques étaient
tacites, car l'édit de 1381, qui subordonnait leur validité à
l'enregistrement, avait été révoqué en 1588 par un autre
édit et les formalités imaginées, sous le nom de nantisse-
ment et à'appropriaiiccs, pour en révéler l'existence aux
tiers, étaient spéciales à un petit nombre de coutumes. En
outre, elles portaient sur tous les biens et résultaient d'évé-
nements qui échappaient à la connaissance du public.
Tout acte notarié, toute obligation sous seing privé re-
connue en justice ou devant notaires, toute condamnation,
peut-être même tout acte de vente contresigné par un facteur
entraînaient une hypolbèque générale. Personne ne pou-
vait donc se flatter d'y échapper, car il suffisait, pour y être
soumis, d'avoir passé un contrat ou perdu un procès. De
là des revendications inattendues qui venaient troubler
dans leur possession des acquéreurs de bonne foi et ruiner
une foule de bonnes' maisons \ Il n'existait pas plus de
publicité pour les actes constitutifs ou modificatifs de
sociétés, au moins pour ceux entre regnicoles, car ceux
1. Henri IV et Sully i-enouvelèrent la tentative d'introduire dans la loi
le principe de la publicité. En 1603 ou 160G, fut rendu un édit qui avait été
préparé par Sully et qui reproduisait à peu prcs les dispositions de celui
de 1581, mais il ne fut enregistré que par le parlement de Rouen et resta
sans effet.
362 VALEi:» DES OFFICES.
OÙ les contractants étaient étrangers devaient être enre-
gistrés.
L'insécurité des placements d'alîaires, jointe à d'autres
circonstances, continuait à faire préférer à bien des capita-
listes un autre em[>loi de leurs capitaux. La grande opéra-
tion de vérification, de classement et de réduction des
rentes publiques, accomplie par Sully en IGO.j, en rayant
les titres illégitimes, en convertissant, suivant la faveur
plus ou moins grande due à leur origine, les titres régu-
liers, accrut la sécurité des créanciers de l'Etat, releva le
crédit public et le cours des rentes, qui furent plus recher-
chées encore que par le passé. Les charges et les offices
exen^aient sur les capitaux un attrait encore plus vif. Ils
rapportaient un intérêt de 10 ou 20 p. 100 et don-
naient un rang dans la société ; depuis que la Paulette, en
leur conférant le caractère de biens patrimoniaux et héré-
ditaires, avait ajouté à ces avantages la stabilité, leur va-
leur avait beaucoup augmenté. En 1607, les charges de
conseillers au parlement se vendaient 42 (130 947 fr. 39),
43 (134 065 fr. 18) et 45 000 francs ^140 300 fr. 77); à la
chambre des requêtes, elles montaient à 50 (155889 fr. 75)
et 55000 (171478 fr. 72). Une charge de président coûtait
60000 écus (569 971 fr. 90). La présidence du grand con-
seil dépassait 100 000 (949953 fr. 16). En 1609, la charge
de président des enquêtes fut vendue 48 000 écus comp-
tant (485 429 fr. 53), celle de président de la première
chambre des requêtes 38 000 écus (384298 fr. 37), celle de
conseiller à la môme chambre 19500 écus (197 205 fr. 74).
Lejeay acheta celle de lieutenant-civil 75 000 écus
(7.58 483 fr. 63), dont 150 000 (505 655 fr. 76) pour les par-
ties casuelles et 75 000 (252 827 f r. 87) pour les épingles de
la reine, de Concini et d'autres. Une charge de procureur
du roi au Chàtelel était vendue 40 000 écus (404 524 fr. 60).
Celle de premier président de la cour des aides revenait,
BAISSE DES PRIX. 363
avec les épingles et les pois de vin, à plus de 200 000 francs^
(623 539 francs). Ces exemples se rapportent aux sommets
de la hiérarchie sociale mais qu'on descende à ses plus
humbles échelons, et l'on constatera le prix élevé qu'on
mettait à acquérir une autorité quelconque, à en recueillir
l'honneur et le profit. A Paris, un office de porteur de char-
bon se vendait 700 ou 800 écus(7 079 fr. 18ou8 090fr. 49),
un office de mouleur de bois et de vendeur de foin 1 000
ou 1200 (10 11 3 fr. 11 ou 12135fr. 74).
Si les emplois publics faisaient toute l'ambition de la
majorité de la bourgeoisie, il y avait, dans son sein, desgens
plus aventureux et moins soucieux des apparences, qui se
laissaient tenter davantage par les périlleux bénéfices de
la spéculation. Quelquefois, d'ailleurs, c'était les mêmes. Le
désordre des temps avait jeté sur la place une foule de va-
leurs, dont les violentes fluctuations favorisaient l'agiotage :
titres de rente, provisions d'offices et lettres de maîtrise,
croupes dans les fermes et les partis, brevets de privilèges
lucratifs de tout genre. Ceux qui jouaient sur ces valeurs
étaient aussi ceux qui faisaient aux fils de famille, sous des
ventes simulées, des prêts usuraires, qui se faisaient sous-
crire des billets à ordre en blanc et des lettres de change
sur les foires de Lyon, dont le montant s'enflait de report
en report. Remettant en vigueur les recherches ordonnées
par son prédécesseur sur les actes d'usure, Henri lY les
attribua à une commission composée de membres du
grand conseil. Ce ne fut là, à ses yeux, comme aux yeux
de Henri III, qu'une mesure d'intimidation destinée à faire
financer les coupables ; elle prouve, du moins, à quel point
les spéculations usuraires étaient répandues.
Ce n'était pas seulement le loyer des capitaux qui avait
baissé; c'était, ou peu s'en faut, le prix de toutes choses.
1. Lestoile, IX, 3G, 2G9, 279, 28i, 389. X, 134.
364 liAlSSE DES PRIX.
Cette baisse était duo au développemeut de la production
venant neutraliser de plus en plus la surabondance et la
dépréciation du numéraire. Peu de choses y écbappaient.
La propriété rurale et les denrées agricoles étaient du
nombre, parce que la première était avidement recher-
chée, et que les secondes trouvaient à se placer sur le mar-
ché extérieur. Celles qui la subissaient se maintenaient
pourtant à des prix rémunérateurs, parce que la concur-
rence qui les faisait baisser était plus que compensée par
le progrès du bien-être, du luxe et de la consommation. Le
monopole des corporations secondait ce résultat, en res-
treignant la première. L'oiïre et la demande se balançaient
dans cet équilibre instable, qui distingue les périodes de
prospérité des périodes de crise, où l'excès de production
amène Tencombrement et la dépréciation, et des périodes
de liquidation, où l'écoulement à perte de l'excédent et le
ralentissement de la production ramènent la proportion
entre les produits et les besoins et prépare le relèvement
des cours '.
Il resterait à donner une expression, à la fois mathéma-
tique et morale, à ce que nous venons de dire d'une façon
abstraite du prix de la vie. Nous disons une expression
morale, parce que la valeur des choses ne dépend pas seu-
lement de la puissance comparée de l'argent à deux
époques données, mais des exigences variables des généra-
tions successives en fait de bien-être et de luxe. Ce serait
le dernier mot d'une étude historique de la richesse, la so-
lution du problème du bonheur par l'histoire, par la con-
naissance du tarif mobile, si l'on peut ainsi parler, des
jouissances qui le constituent. On comprend que l'honneur
de trouver cette solution ait séduit des esprits entrepre-
nants et laborieux. En nous bornant à indi(|uer la valeur
1 JiT.LAii, Des crises commerciales.
ÉTALON DE LA VALEUR. 365
intrinsèque actuelle des sommes qui se présentent dans ce
travail, nous avons suffisamment fait comprendre notre ré-
pugnance à nous associer à des résultats problématiques».
Mais il reste loisible aux lecteurs moins sceptiques et plus
confiants d'appliquer à toutes ces sommes l'un des multi-
plicateurs adoptés par les divers systèmes. Nous nous bor-
nerons à leur donner le moyen de rapporter à l'étalon
normal de la valeur les valeurs relatives particulières qu'ils
auront cru pouvoir établir. Cet étalon normal, c'est le
revenu annuel qui entraînait la gêne, celui qui donnait
laisance, celui qui assurait la richesse. On pouvait vivre
de son revenu quand il atteignait de .jOOO (13 484 fr. 15) à
6000 livres (I G 180 fr. 98) \ Avec 10 000 livres (29 229 fr. 33),
on était riche ^ et Henri III, dans ses jours de décourage-
ment, enviait le sort des g'entilshommes qui possédaient ce
revenu '. A la campagne, on pouvait mener avec beaucoup
moins une existence honorable; un revenu de 2000 livres
(o393 fr. 66) y suffisait, et même le gentilhomme qui jouis-
sait de oOO livres (1461 fr. 47) de rente, pouvait garder
son rang et, par exemple, prendre ses repas à part des
paysans qu'il faisait travailler^. Mais, dans cette modeste
situation, il devait, on le comprend, se soumettre à une
sévère économie et, même avec cent (292 fr. 29) ou deux
cents livres (.^84 fr. o9) de plus, il lui était difficile de faire
vivre une famille de quatre ou cinq enfants''. On ne s'éton-
nera pas après cela qu'un maréchal ferrant, qui avait mis
de côté 2000 livres de rente à Paris, s'estimât content de
son sort".
1. Leroy-Beallieu, Ti'cdtt' Ikéor. et pral. cVéconomie politique, III, 90.
2. Mémoires Journaux de Pierre de Lestoile (année 1G09), X, 33.
3. Ibid. (année 1G03), VIII, 108.
4. Mémoires de Tavannes, p. 24.
5. Voy. plus haut, chap. i'''.
6. La Noue, Discours politiques.
7. Discours véritable de deux artisans de Paris.
366 CONCLUSION.
L'étude qu'on vient de lire n'a rien anjoiiidri des fatalités
naturelles et historiques qui peuvent inlluer sur l'état éco-
nomique d'un peuple, et semblent soumettre sa destinée à
des lois nécessaires : nationalité accessible sur certains
points, faute de frontières naturelles ou artilicielles, aux
attaques du dehors et contrariée par ce danj^or dans son
développement pacifique; insuffisance des mines; rareté
des bons ports; système fiscal vicieux; habitudes léguées
par une Ionique anarchie; lacunes et défauts du caractère
national. Mais il y a une chose qui nous est apparue d'une
façon plus saisissante encore, c'est le triomphe obtenu sur
ces fatalités par l'intelligence et l'etlort du pays, par l'es-
prit, la volonté et le cœur du roi. La renaissance écono-
mique dont les dernières années du règne ont été témoins,
la France, sans doute, l'a due beaucoup à elle-même; mais
elle l'a duo plus encore à son gouvernement. Ce n'est donc
ni à la doctrine, si en faveur, du fatalisme, nia celle, non
moins goûtée, qui professe le peu d'influence et, par consé-
quent, le peu d'importance des gouvernements, qu'une pa-
reille étude vient donner raison. Elle nous enseigne, au
contraire, pour notre consolation et notre espoir, qu'un
peuple est capable de remonter, à force d'énergie, la
pente de la décadence, et que rien ne peut l'y aider da-
vantage qu'une autorité forte et respectée, passionnée pour
lintérêl public, en imposant le respect aux intérêts par-
ticuliers, ouvrant des voies nouvelles à l'activité nationale,
stimulant ses hésitations et soutenant ses défaillances.
APPENDICE
AVIS DES NOTABLES MEGOCIANTS DE LYON SDR LES MOYENS DE RESTAURER
LE COMMERCE DE CETTE VILLE.
(Arch. municipales de Lyon, BB, 14G, fol. 130.)
Du jeiidy neuviesme jour de décembre, Tan mil six cens dix,
après midy, en l'hostel commung de la ville de Lyon, y estans
Sont compareus sieurs Amable Thierry, Claude Poculot,
Anthoine Charrier, Vincent Richard, Claude Pellot, Jehan de Loeille,
Loys Puget, Jehan Duboys, Marin Dausserria, Jehan Verges, Hannibal
Robbio, et Vidal Rabeyrin, tous marchans de lad. ville, et encores
André Coste, genevois, sur l'advertissement qu'ilz ont heu de la part
du consulat de l'intervention du Roy et de la Royne-mère, régente,
pourle restablissenient du commerce de ceste ville, auxquelz led.
prevost des marchans adictque, après plusieurs plaintes et remons-
trances que lad. ville a faict et qu'elle continue faire par ses députés
de la ruyne dud. commerce, et finabiement leurs Majestés ont
escript sur ce subiect à Messieurs les trésoriers de France la lettre
de cachet dont a eslé faicte lecture par le greffier de lad. ville et
qui sera cy-après enregistrée.
De par le Roy.
Noz améz et féaulx, aians considéré combien il importe au bien
de noz subieclz et à la grandeur de nostre royaulme de favoriser le
commerce et de l'accroistre par tous les moyens qu'il sera possible,
soit entre noz subiectz de chacune province, ou entre nos subiectz
et les estrangiers, nous avons délibéré de sçavoir en quoy consiste
le principal trafficq qui se faict en nos provinces de Lyonnois,
368 APPENDICE.
Foroslz et Beaujollois, et de i)reiulre advis de nos spcciaulx servi-
teurs des moyens desquelz ou pounoit user pour l'augmenter, et
d'auUanl que les charges que vous tenez dans nosd. provinces vous
donnent coguoisance d'une partie de ce (jui se faict en la négo-
ciation, et ijue nous avons toute asseurance de l'affection que vous
portez à noslre service, nous avons voulu en recepvoir une parti-
culière instruction de vous. Pour cette occasion, sy tost que vous
avez recou la présente, osseinb[l]és-vous, appelés avec vous les per-
sonnes que vous estimerez entendre aud. commeice; dressés ung
mémoire de ce en quoy il conciste avec les provinces circoavoisines ;
quel ulilité et quel proffict lesd. provinces en peuvent recepvoir,
quel moyen il y a de l'accroistre et mesmes d'establir les manufac-
tures qui défaillent; faictes le mesmes pour le trafficq qui se faict
avec les estrangiers, tant par terre que par mer; adjoustez aussy à.
ce mémoire, bien particulièrement, quel nombre il y peult avoir
d'ouvriers qui gaigiient leur vie en la manufacture des soyes; quel
moyeu il y a d'augmenter lesd. manufactures et de les accroistre,
tellement que noz subiectz feissent en cela le proffict qui va au.K
estrangiers, et y mectez aussi quelle quantité il peult avoir en
Lyonnois de plan de meuriers blancz ; quelles contrées seroient les
plus propres pour en eslever et par (juelle voye on pourroit exciter
noz subiectz à en planter en leurs terres, et sur le tout dressez vos
mémoires par le menu et les envoyez au sieur Videsire Dumaus,
conseillier en nostre conseil d'Estat et Arnauld, intendant de noz
finances, ausquelz nous avons donné charge de cest affaire ; car
tel est nostre plaisir. Donné à Paris, le xvni'' jour de novembre 1610.
Signé : Louis. Et plus bas : Puelipeaux. Et audessus est escript :
A nos araéz et féaulx conseilliers, les trésoriers généraulx des
finances en la généralité de Lyon.
Après la lecture de laquele lettre, led. sieur prévost des marchans
a dict que lesd. sieurs trésoriers qui désirent contribuer tout ce
qu'ilz pourront à ung sy bon œuvre, ont baillé lad. lettre au con-
sulat pour avoir sur ce tous les advis et mémoyres qu'il se pourra, aftîn
de pouvoir exécuter leur commission à l'utilité publique. Et c'est
pourquoy lesd. comparans et plusieurs aultres qui n'y sont venus,
ont esté a[)pelléz présentement pour leur faire veoir le contenu de
lad. lettre, traicter avec eulx de cest affaire par forme de commu-
nicalii)n et conférance, les priant d'y penser chacun à part soy et
en coramuniciiuer aux autres négotians, tant de la ville que des
nations pour se trouver plus prestz en se conformant avec le corps
de lad. ville quand ilz seront assemblez par lesd. sieurs trésoriers
poui- en dire leurs opinions.
APPENDICE. 369
Surquoy chacun des assistans aiaiit dict ce que bon luy aiiroit
semblé et leur dire esté récapitulé, lesd. sieurs prévost des marchans
et eschevins ont délibéré que les articles suivans seront baillés de
leur part ausd. sieurs trésoriers qui seront priez d'y avoir esgard
et en charger leurs niémoires.
Sur les premier, deuxiesme et 111™'= chefz de la lettre du Uoy :
En quoy concisle le commerce de lad. ville, tant avec les provinces
circonvoisines qu'avec les 'estrangiers ; quelle utilité et quel proffict
lesd. provinces en peuvent recepvoir, et quel moien il y a de
l'aecroislre ?
Que lad. ville, parle moien de sa situation, a tousiours été jugée
l'endroict le plus propre de ce roj^auline pour y establir le fonde-
ment du commerce des Gaules. Elle fut bastie à ce desseing par les
Romains qui en virent l'effect tout aussy tost. Nos roys Font ainsy
recogneu et y ont transféré les foyres de Brie et Champaigne comme
au lieu qui, par information faicte par tout le royaulme et avec les
voisins d'icelluy, fust jugé le plus commode pour y attirer les
estrangiers et remeclre sus lesd. foyres, au grand bien de tout
TEstat, lequel en a tiré en toutes ses parties des commoditéz indi-
cibles, tant et sy longuement que les privilleiges desd. foyres ont
esté entretenus, d'aultant qu'il s'y faisoit ung sy grand négoce
ramassé de tous les endroictz cogneus par les hommes, qu'il n'y
avoit lieu plus célèbre au monde, soit pour le faict des marchandises
ou pour les changes, el néantmoingtz il ne luy est resté au jourd'huy
qu'une seule raerque, qui est d'avoir la prérogative sur toutes les
plasses de l'Europe, à qui celle de Lyon baille la loy pour la cons-
titution du pris des changes, tellement qu'il ne fault demander de
quoy conciste le commerce de Lyon ny quelle utilité il en peult
provenir s'il est utie foys restitué en la splandeur où il s'est veu,
raesmes du règne de Loys douziesme, François premier, et
Henry deu.xiesme, depuis lequel temps il est tousiours allé déclinant
par la violance que les troubles, les nouvelles impositions et les
nouveaux éedictz el partis ont faict aux privilleiges desd. foyres
desquelz dépend tout leur fondement.
Le moien donc (non pas d'accroistre led. commerce, car il est
comme évanouy), mais de le restablir en la pluspart, sera bien
facile à leurs Majesté[s] ; il ne fault qu'une seule patente, par
laquelle tout ce qu'a esté faict, introduict et ordonné contre les
privilleiges desd. foyres ou dérogeant à iceulx, depuis le règne de
Henry deuxiesme, soit révocqué, et déclairé que leursd. Majestés
entendent que lesd. privilleiges soient, en tout et partout, main-
tenus el conservés, tant pour les regnicoles que pour les estrangiers
24
;t70 APPENDICE.
descIiargeaiiL lad. ville et les marchandises qui viennent ou seront
négociées en icelle, de toutes lesd. impositions survenues depuis le
lègne dud. roy Henry deuxiesine, et déclairant lad. ville et lesd.
l'oyies exemptes et exceptées de tous ediclz et conlractz qui se
trouveront faictz depuis lesd. temps au préjudice de la franchise et
liberté d'icelle ville, desd. foyres et des marchans, tanl rej,'nicolle3
qu'eslrangiers, qui les fréquentent.
Estant infallible que la publication de cette bonne nouvelle, qui
sera incontinent iiork'e de toutes partz, fera bientost reprendre à
tous les négocians le chemin de Lyon, comme celuy auquel ilz
peuvent, avec plus de seureté, de liberté et d'utilité, exercer leurs
changes et négoces.
Les troubles, et spéciallement les derniers, ont détourné le com-
merce de Lyon, ayans les marchans esté contrainctz do chercher
des voyes ^ plus asseurées par mer ou par les Allemaignes et la
Lorraine pour éviter l'inlidélité et l'impiété de la plupart de ceulx
qui suivent la guerre, et pour éviter aussi les daces et impositions
qu'elle avoit engendré. El quand la paix universelle les a convié d'y
revenir, ilz ont trouvé que tant s'en fault que Içsd. impositions
eussent esté abolies, qu'au contraire on les avoit augmenté et qu'il
s'en estoit simenté- des nouvelles, voire que par succession de temps
on les avoit tellement dilaté, que, par exemple, la douanne de
Vienne, qui ne fust jamais establie que pour durer jusques à oe
quatorze mille écus eussent estez levez, a neantmoingtz continué
et esté affermé telle foys aultant ou à peu près que la doanne de
Lyon, soubz prétexte d'une clause glissée par surprinse dans le
bail du fermier, par laquelle il avouUu esteudre ses limites jusques
en Italie, AUemaigne, Auvergne, Vivarestz et Languedoc, ayant
assubiecty toutes les marchandises venans desd. lieux à passer par
ses mains, jaçoit que l'intention de l'imposition eust esté de [ne]
permettre la levée sinon sur les marchandises qui passeroient à
Vienne ou sur le Rhosne, par le moyen de quoy la marchandise
qui a payé à Vienne en venant à Lyon, luy paye encor un coup
quand elle descend à bas pour aller en Espaigne, Provence, Dauphiné,
Vivarestz, Languedoc, Savoye, Piedmont et Italie.
L'augmentation aussy de la douanne de Lyon a causé ung mesme
mal au commerce, auquel la traverse de Bresse, la foreyne de
Mascon, la patente et foreine de Languedoc qui sont toutes nou-
veaultéz (desquelles, en tout cas, les marchandises qui sont
1. Le copiste a lu foyres.
2. Il faut probablement lire inventé.
APPENDICE. 371
amenées ou chargées à Lyon doivent estre exceptées par lesd.
privilleiges des foyres) apportent tant de désordre aud. commerce
que, sy l'on continue de le fouler de tant de costés, en vain tentera-
t-on de le réduire en meilleur forme qu'il n'est à présent, au con-
traire, comme il n'en reste plus que quelques estincelles du costé
de Marseille, elle sera bientost estoufïee tout à faict, et aiiisy Tune
des principales villes de France demeurera ruinée et dépeuplée, la
frontière la plus importante du royaulme, qui ne se peult conserver
qu'avec ung grand nombre d'homes bien affectionnés à la coronne,
se verra abandonnée, la source du commerce de ce royaulme qui
estoit à Lyon sera tarie, les aultres parties de cest estât en seront
grandement atténuées, et la douanne de Lyon tellement diminuée,
que, ne s'y levant plus que sur ce que les Lyonois en consommeront,
le Roy n'en tirera comme rien, elles habitans de lad. ville qui ont
d'ordinaire l'espée au costé pour la garde d'icelle, se trouveront de
pire condition que tant et tant d'autres villes qui n'ont et ne payent
aucune douanne des marchandises qu'elles usent et ne sontsubiectes
aux gardes et aultres despences qu'il fault faire à Lyon.
Plusieurs edictz et pactes ont aussy beaucoup rapporté à la ruine
du négoce de Lyon; les ungs par leur seule publication, et les aultres
par les effectz, comme le conseil en pourra estre plus particulière-
ment informé de visue, voir par ceulx qui auront en court la charge
des affaires de la ville.
Comme de mesmes il seroit besoing de régler quelques désordres
intervenus par succession de temps en l'exercice de l'office de cor-
retier, parce que plusieurs qui le font se sont émancipés d'estre
marchans et commissionnaires, et de mesme ont faict les voictu-
riers, ce qui cause beaucoup de mal et requiert bien prompte et
severe provision.
Sur le quatriesme : Quel moyen il y a d'establir les manufactures
qui défaillent à la ville de Lyon ?
Il n'en fault poinct de meilleur que d'y remeclre le commerce, car,
lorsqu'il estoit florissant, il se faisoità Lyon, en une sepmaine, plus
de manufactures qu'il ne s'en faict à présent en tout ung an. La
guerre a faict mourir une partie des ouvriers ; la faim en a chassé
une aultre partie qui est allée non seulement aux aultres villes du
royaulme chercher sa vie, mais, qui est le pis, s'est retiré aux
estrangiers pour y establir les manufactures qu'ilz soloient venir
quérir à Lyon. Et toutesfois il ne fault pas doubter que, sy le
concours et affluance du négoce se remectoit à Lyon, les ouvriers
y arriveroient de toutes paris, pour la comodilé de la vente, pour le
ion vivre qu'il y faict, pour la liberté des maistrises des mestiers, et
372 APPENDICE.
pour l'ancienne réputation de lad. ville qui dure encores et faict
souhaiter à tout le monde d'en reveoir les effectz.
Sur le v<', touchant le nombre des ouvriers qui i^'aignent leur vie en
la manufacture des soyes?
Tout ce que l'on peult dire de certain, est qu'il y a (en blanc) cens
m""''* ouvriers qui font de pelitz velours et taffetas plains et quelques
petitz sattins rayés ou à lisseton, lesquelz m'"*'' peulvent avoir environ
dix-huict cens mestiers au lieu de sept mille que l'on y a veu au
temps que les estrangiers estoient en la ville en grand nombre, y
faisans venir leurs soyes et des ouvriers qui manufacturoient en
grande quantité. 11 y peult aussy avoir (en blanc) cens passementiers
qui vivent assez paouvrement de leur mestier; (en blanc) teincturiers;
(en blanc) moliniers; (en blanc) plieurs de soye, quelques bailleurs
d'eau, remondeurs et plieurs de draps, avec grand nombre de
cardeuis, devideurs et devideresses, sy bien [que], par commune
estimation, l'on tient que de unze à douze mille personnes peulvent
vivre de l'art de la soye dedans la ville de Lyon.
Sur le vi"^ : Quel moyen il y a d'augmenter lad. manufacture de
soye tellement que les subiectz du Roy feissent en cela proffict qui
va aux estrangiers?
Il ne fault pas seulement augmenter ce qui est introduict à Lyon
de l'art de la soye, comme l'on fera facillement sy le commerce s'y
restablit, ainsy qu'il se veoit par l'exemple du passé, car, en Testât
que led. art s'y exerce à présent, c'est [trop] peu de chose, pour
penser par ce moyen retenir l'argent en France. Il y fault establir
encores de vingt sortes et plus d'ouvrages d'or, d'argent et de soye
qui ne le sont point à Lyon, qui sont grandz draps à grandz ramages
ou compartimens, et pour ornemens d'esglise, meubles de princes et
grandz seigneurs, elhabitz d'homes et femmes, comme, par exemple,
les velours turcz, ris, supraris et rissotailles des deux ou Iroys, quatre
et cinq coleurs, à grandes et petites figures, les sattins fasson de
prairie, fleurs des Indes, à la turque, en ligature de damas, à
ramages, à fleurs et aultres de plusieurs coleurs; les damas de
mesmes, et les taffetas fasson de Turquie à deux faces et figurés,
fasson de Millau, brocatels, frises sur frises et aultres estoffes de
grand drap.
De toutes lesquelles estoffes qui sont celles qui emportent de France
les escus à millions, le feu Roy Henri le Grand, que Dieu absolve, a
voullu faire les oslablissemens à Paris avec une grande despence et
curiosité indicible, mais vainement et inutilement, parceiju'il a fallu
passer par les mains des ouvriers estrangiers qui ont esté subornés
par ceulx de leur pays pour crainte qu'ilz ont de tel establissement.
APPENDICE. 373
A Lyon, iing seul, nommé Claude Dangon, natif de lad. ville,
ouvrier du Roy, est parvenu en perfection à la fasson de tous lesd.
draps et y a desia dressé plus de vingt ouvriers, y employant
jusqu'aux petitz enfans de douze et treize ans, qui les font très bien.
Et sy led. establissement ne se faict par le moyen dud. Dangon, il
n'en fault que peu espérer, d'ailleurs led. Dangon en peult inieulx
que personne faire les ouvertures, car il se faict fort de fournir tous
les ans vingt ouvriers sortans de sa boutique, qui fassonneront très
bien chacun d'eulx l'une desd. vingt esloiïes, voyre plus grand nombre
selon la despence que l'on y vouldra faire, pourveu qu'il luy soit
donné moyen d'en soubztenir les fraiz et que son labeur ne luy soit
du tout infructueux. A l'ouyr parler, il semble qu'ung fondz annuel
bien petit à Tesgard d'ung sy grand ouvrage et d'une sy grande utilité,
pourroit suffire à tel establissement.
Le surplus des autres articles de lad. lettre concerne la quantité
du plan de meuriers qui peult estre en Lyonnois; le moyen d'en faire
planter davantage et les contrées qui sont propres à cela, dépend de
l'information que lesd. sieurs trésoriers peulvent sur ce faire de leur
office.
II
GRAND LIVRE DE LA MAISON DE SOIERIES DES LARAN DE TOULOUSE
COMMENCÉ LE 25 NOVEMBRE lb49.
(Arch. du parlement de Toulouse au palais de justice, F 108.)
H-Ihs + Maria +
A l'houneur de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie et de tous
leurs saints et saintes de Paradis sera fait et coumensat lou présent
livre appetlat le mannual tannât, en lou quai se escrivran toutz lous
deuptes que ce faran d'aiscy en avant, louqual es estât coumensat le
jour de Sainte-Chatherine 20"= jour du mois de nouvembre 1549, per
que plassia à N. S. J. C. et à la Vierge Marie et à tous lous saints
et saintes de Paradis de nous donnar gratia de le acabar et nous
donnar guasan et proufftt de bonne part. Amen Jésus.
Manual tannât suys appellat ltJ49.
Ne varietur :
(Signé) : Boucher (?).
374 APPENDICE.
III
VENTE DE PASTEL.
(Papiers Lccouite. Arch. de riIùtcl-Dieu de Toulouse, HB 9i.)
L'an 1572, le septième jour de septembre, en Paris ont été faits les
pactes qui s'ensuivent entre Laurent Bergeron, marchand demeurant
à Paris au nom de messieurs les Canayes et Pierre CoL... marchand
de.... Toulouse, à savoir que lesd. Cols font vente a ud. Bergeron delà
quantité de deux cens charges de pastel avec les tournes accou-
tumées de la présente année, prise au lieu dessus ou aux environs de
leur meilleure pille, moyennant la somme de 20' tourn. pour charge,
montant le tout à la somme de 4000' tourn., sur laquelle somme de
4000' tourn. led. B. a baillé comptent auxd. C. la somme de
2100' tourn. et pour le reste et parpayer d'icelles deux cens charges
pastel leur a baillé lettre de change pour Toulouse....
IV
CORRESPONDA.NXE COMMERCIALE TIUÉK DES PAPIERS DE SIMON LECOMTE.
(Arch. de l'IIôtel-Dieu de Toulouse.)
Boyer à S. Lecomte.
Bordeaux, 25 janvier 1578.
M. Le C. le présent porteur qui a esté mon apprentis, s'en va de
Tholouse pour travailler de son estât et s'eforcer de parvenir en plus
grant degré que de servitude et, parce qu'il a ung bon home de père
et une bonne mère qui me sont recommandé, je vous prie, en cas de
nécessité s'il avoit afîere en nécessité de maladie, luy estre aydant
tant en sa nécessité que de luy ayder à trouver mestre. Il est loyal,
qu'est chose riche et qui me fait vous prier pour luy....
Votre meilleur amy,
Boyer.
Le même an même.
Bordeaux, 3 février 1578.
Il commence par raconter dans tous ses détails physiologiques la
maladie mortelle de sa femme, puis il ajoute : « Au reste notre Dieu
APPENDICE. 375
nous visite d'autre façon, vous avertissant que en cette ville toutes
sortes de marchandises sont estées taucées depuis huit jours.... à
perte de ceux qui en ont, au moins d'une moitié et d'un tiers....
tellement que, sur les estâmes que je reçus [envoyées par Lecomle]
ou sur autres marchandises tant de Paris, Poitou, Angleterre, que je
commence de perdre et, si Dieu n'a pitié de moi, jey perdre le tiers....
Le seigneur PoUis m'a a'ssuré, y a un mois, qu'il vous avoit escrit [que]
le convoy estoit abolli.... Toutefois le Roi a imposé la trete foraine
et est assise à Blaye.
Decheverry à S. Lecomte.
Agen, 12 février lô78.
... environ les deux heures après midi arriva un bateau.... et le
patron qui le conduisoit déchargea 22 balles de la contremerque et,
pour ce qu'il ne portoit point lettre de voiture, celui qui a la charge
pour la contribution ne le vouleist laisser aller qu'il n'eust vu la lettre
de voiture....
« lehan Magnard à S. Lecomte, agent et institew pour M. Rouillé
de Paris... »
Rouen, 11 février 1578.
M. Le C. je vous advise que, le xx. du passé, j'envoyé à M. Rouillé
une lettre de change de M. Courneilhe d'Abey par M*' Martin,
gentilhomme de M. de Courmisson qui s'en alloit en cour. Je pense
que, dans peu de jours, vous et moi en arons nouvelles, desquelles,
tout aussi tost que je les recevrai, je vous en ferai part ou bien vous
enverrai la lettre d'avis que led. S'" m'envoiera....
Decheverry à Simon Lecomte.
Agen, G mars 1578.
... Je vous avertissois comme Durhet etoit passé avec 400 balles de
pastel, desquelles il en laissa 20 balles pour la contribution. Je me
pensois que ce fut du votre. Toutefois led. Durbet me dit qu'il n'en
etoit point et que, à faute de bateau, laissiez à charge le votre et
m'assura.... que par les premiers bateaux que passeroient seroit
grand cas s'il n'en y avoit du votre.... J'ai remontré à celui qui
tiennent [sic] le compte de la contribution comme je faisois de grande
dépense et que, pour le moins, il me laissât passer qq. 60 balles sans
376 APPENDICE.
en laisser aucune balle. Il m'a promis m'en laisser passer 20 balles
et j'espère avoir moyen avec le peager d'en faire passer autres
20 b. et, dusse-je lui donner qq. chose,... vous supplie.... de
m'écrire.... le nombre du pastel que avez chargé.... Geordi (?) Mellet '
m'a dit qu'il trouva à Bordeaux 2 balles plus qu'il n'ctoit porté par
sa lettre de voiture.... 99 balles de pastel, à savoir 87 balles de la
marque du filet et 12 balles de la marque des trois roses....
Le mcinc au même.
Bordeaux, 18 mars l.')78.
... ai envoyé le compte du pastel que MM. Du Prat et Armagnac
ont reçu, par lequel pourrez avoir veu que Geordy ou Coquilhon ont
perdu oint} halles, car tous les autres mariniers à qui vous avez balié
pastel, ont porté leur compte.... Geordy.... me fit réponse que
FouqueroUes les payeroit, si se trouvoit qu'elles fussent perdues mais
que tant s'en falloil qui les eust perdues, car il a aporté plus de pastel
que sa lettre de voiture ne portoit....
Etienne Arnauld, mai tre priseur de pastel.
Jésus Maria en Toulouse.
13 juillet 1Ô78.
M la présente.... sera pour vous avertir que la marchandise
que vous avez en Toulouse, Dieu merci, va fort bien. Au reste je vous
prie affectueusement me faire tant de bien et soulagement que de
me faire envoler une atestaloire par le moyen du .S' Jehan du Casse
du pastel de M. Nicolas Targier de la quantité de 302 balles, que je
en suis responsable envers le droit de la forane et dt-jà le terme et
délai est à la fin de ce présent mois. Si je ne puis attester de lad.
marchandise oîi esse qu'elle est, passé led. delay, lesd. m" de la
foranne ne feront faute me faire déplaisir come cautions de lad.
quantité de 302 balles et pour led. Targier, à cette cause vous
supplie.... me fere.... que led. du Casse me envoyé attestatoire ou
lettre de luy pour faire aparoir où est lad. marchandise pour avoir
delay. Au reste vous avertis que les toiles et cordes pour emballage
de pastel viennent en grande valeur par deçà que, si bon vous semble,
en ferez votre provision par delà, si trouvez la commodité et, quant
à la marchandise de pastel, elle descend à bon compte....
1. .Mi.llet était un marinier, un entrepreneur de transports par eau.
APPENDICE. 377
Lemaire à S. Lccomte.
Toulouse, 14 juillet 1578.
Votre pastel se porte fort bien.... toutefois M« Ktienne dit que
c'est trop peu de le virrer de quinze en quinze, comme vous m'avez
mandé. Led. M^ Etienne vous prie de lui mander un certificat de
ducasse pour le pastel de M. Targé, d'autant que son délai se passe
à la fin de ce mois....
De Paris, ce 6 août 1578.
M. MacauJl.... la présente est pour vous dire comme le S"" Beau-
semblant me mit en main une cedulle de 500 ecus sol, laquelle.... il
l'a fait faire en mon nom propre à payer dans six mois prochain
tellement que je crois.... que, dans février ou mars prochain au plus
tard, en serez payé. Celui qui doit la cedule se nomme Rousselet,
marchand bourgeois de ceste ville et, se pour lad. somme de 500 écus
sol. avez affaire de notre état de draperie et sarges rayées de Beauvais,
je vous en envoirai et prendrai la cedule pour mon compte.
Partant... pourrez quitter led. S"" Beausemblant et lui rendre sa
promesse comme bien payée et acquittée, car.... dans Paris led.
Rousselet est réputé pour bonne dette. Led. Beausemblant ne m'a
fait aucun compte des intérêts. Vous pourrez vous en accommoder
ensemble....
Votre serviteur et ami,
Jehan Rouillé.
[P. S.]. M. Macault, je tiens la partie de 500 ecus sol pour bonne
et hardiment lui rendrez sa cedule, car je tiens la cedule ci-dessus
escrite pour bonne, car j'en ai parlé aud. Rousselot depuis ma lettre
écrite.
Lemaire à Simon Lecomte.
Toulouse, IG octobre 1578.
...Je n'ai voulu fallir à vous avertir comme MM. de la bourse ont
fait assigner tous ceux qui ont pastel à Tonneins engagé pour la
contribution due au Roi de Navarre aux fins qu'ils fussent tenus
lé desengager d'autant qu'il disoit que le receveur de lad. contribution
leur a écrit que, s'ils ne mettoient ordre que led. pastel fut retiré,
et payé ce pourquoi il étoit engagé, que tout le pastel que l'on
descendroit seroit arrêté....
378 APPENDICE.
Biarnois à S. Lecomte.
Toulouse, 31 octobre 1578.
... Encores ne soyez de couUime tirer lettre de change sur une
cedule et encore fraîchement échue, nonobstant ce, je le paiai
aussitôt que m'a été présenté....
Jean Yvon à S. Lecomte.
Anvers, novembre 1578.
... les teinturiers de drap usent pour le présent plus que la moitié
de l'anil de Barbarie et de l'indigo de Port Ingade que fel un grand
mal â pastel.... Quant aux vins de Bordeau.x nouveau, sont vendu en
Zelande lo à 10 et J7. Item de gros tonneau cleret et blanc selon
labonté, celle de Poitou de 10 à II etl2liv. et mèmeselonlabonté....
Abcl Monceau à S. Lecomte.
Toulouse, 2 novembre 1578.
M. pour ce que dernièrement je vous donné avis comme j'avois esté
averti par le S' Jehan Martin comme il avoit acquitté la lettre de
change, suivant l'ordre que je lui en avois donné au sieur Jacques
Remon et n'en aj'ant eu aucun avis de vous, il vous plaira ordonner
par la première commodité que je sois payé de par deçà, suivant
la promesse que me fistes à vostre partir pour ce que, comme savez,
je suis comptable de lad. lettre de change....
Michel du Sosoy à S. Lecomte.
Bordeaux, 30 décembre 1578.
M. Lecomte, j'ai reçu la vostre du 23 jour du courant avec une
cedulle inclus du S"" Pierre du Treyi [??], marchand chaussetier de
cette ville de 301 liv. tourn., laquelle il m'a promis payer. J'ai accepté
de payer voslre lettre de change de 013 liv. el au temps sera payée
Dieu aidant. Par le compte à vous envoyé vous trouverez que vous
nous debviez 316 liv. 12' 9*^. Ledit compte vous a esté envoyé du
27* jour de juillet. Depuis nous vous faisons bon 591 liv., assavoir
est 480 liv. pour la vente de 30 balles pastel et 111 liv. pour
vente de bariques, de laquelle partie nous est deu encores 47 liv,
il fait mauvais de recouvrer debtes en ce temps. Brief, vous faisant
APPENDICE. 379
ainsi tout bon, nous vous debvrions 274 liv. 7^ 3''. De la nous est
deu 53 liv. 17' H (?), comme vous plaira voyr par le menu ou compte
que nous vous envoyons avec la présente. Resteroit à vous deu
220 liv. i4'7'i et apresent no us payons pour vous, pour reste de vostred.
lettre de change, la somme de 312 liv., reste que nous advançons
91 liv. 9(?) 10"^ qui sera tant moins de vostre d. compte de temps
qui vous est pour advis pour demeurer d'accord de nos comptes,
car ainsi se trouvera couché sur nostre livre. Au reste je vois que
vous avez qq. bon pastel de par dellà. S'il vous plaist nous en
envoyer 3 ou 400 balles de la milleure sorte pour la prochaine foyre
de mars, nous en scavons déjà le débit....
Bordeaux, C mars 1579.
M. Le Comte... par icelle [lettre] vous disiez d'être par deçà dans
douze ou quinze jours mais, à ce que je vois, n'y êtes encore, qu'est
cause que par la présente vous veux prier nous donner provision de
la somme de 180 ecus que avons avancé pour vous jusques à
présent... vous assurant qu'ai grand affaire de nos den., tant pour
l'avance qu'il nous a fallu faire pour le louage de nos chais que
pour le paiement de ce qu'élions reliquataires à la coustume aux
derniers fermiers, tellement que, mercredi dernier, M. Bonault usa
d'unefaçon étrange, tellement qu'il saisit trente balles de votre pastel
dans le chay sans dire qui l'a perdu ne qui l'a gagné mais ribon
ribene. Si l'avons retiré et sommes en grand peine tous en général
de recouvrer de MM. les nouveaux fermiers... acquicts des marchan-
dises entrées dans l'année 1578, tellement qu'il nous faut aller devant
ces Mess, les généraux.
(Non signé.)
Du Prat à S. Lecomte.
Bordeaux, G avril 1579.
... au 20 du courant a été ma dernière, par laquelle vous prions
nous donner provision de 200 écus en déduction de ce que nous
devez, vous assurant... que ce que nous reste nous revient à grand
intérêt à cause de l'avance qui nous faut faire qu'est la cause que,
voyant votre longue demeure, ai pris par deçà la somme de 200 ecus,
pour icelle somme être par vous payée par delà huit jours après leur
vue au s"" Barthélémy Sacaze, marchand de Toulouse, ce que
vous prie faire....
380 APPENDICE.
... au dernier ihi passé a été ma dernière copie d'aulre avec la
seconde d'échange de 200 écus, laquelle somme pense aurez payé
au s. Sacaze qui est cause ne vous en dirai autre, sinon que j'espère
en bref vous aller voir par delà et, sans votre partie de M. Testeu
et autres, je y serois à présent pour faire entendre à nos ennemis le
contraire de ce qu'ils ont dit de moi... vous priant.... me souslenir
en mon honneur.... Au reste, si vous fussiez été par deçà, la plus
grande partie de votre pastel seroit vendu... de ma part, je ne puis
rien faire ni ne ferai que ne nous ayez donné autre pouvoir... nous
avons vendu environ de 400 balles pastel de M. Madron... nous
sommes aussi après à faire vente avec le s"" Vezel de 4 ou oOO balles
pastel de .M. Rabauldi du pastel de la compagnie mais à présent je
n'y ai rien et me coûte 230 ecus
JSicolas Coquel, apothicaire à Lyon à Simon Lccomtc, marchand
demeurant aux Balances à Toulouse.
Lyon, 11 mai 1579.
Coquel raconte la mort de sa femme « avec un tel jugement et si
bon sens qui! n'est possible meilleur et me pria que je prisse pour
ma femme Jehanne de Comiuenes pour l'amitié qu'elle portait tous
à nous et à notre fille. Sa mère etoit mariée [à] s"" Jehan Perret, oncle de
ma f'-mme et parrain de ma fille.... Je vous avise que nos frères et
seurs et leurs enfans se portent bien. Notre seur Jaquema (sic) a
un beati fils et font bien leurs alfaires. Aussi fait notre frère Marc
Du Four. Il est revenu de la foire de Francfort en Alniaigne et
amené environ trente chevaux. 11 emporta 13 à 1600 ecus en argent
et lettre de change, dont une bonne partie étoit à soy et une partie
qu'on lui a prêté et a bien vendu la moitié. Il espère y retourner à la
Saint Jean pour le beau profit ([u'il fait....
B. de Viltebois à Simon Lecomte, marchand de Paris à présent
à Toulouse.
Bordeaux, 20 juillet 1579.
M. depuis votre parlement dernier de cette ville, je vous ai écrit
deux fois et, n'ayant point reçu réponse..., j'ai encore écrit la pré-
sente... si je suis par trop importune... prendrez le tout en bonne
part, vous ressouvenant des alfeclions que peuvent avoir les mères
envers leurs enfans.... Je vous veux bien avertir que mon fils Tadé,
celui que avez mis avec le sire Perastre, m'a écrit que de votre grâce
avez parié aux sires Joseph (iaian et de Landria touchant mon fils Jean
APPENDICE. :)81
de Lestrilhes que avez mis en leur maison pour aprentis et que leur
avez remontré le lort que moi et mon fils pouvons recevoir de ce
qu'il se sont disirait de tenir boutique,., et que la réponse desd.
Galanet Landria est qu'il ont laissé lad. boutique pour se liquide[r],
à cause que la compagnie entre eux faite finit et qu'il peut être
que les deux compagnons se sépareront mais que led. (j. vous a dit
que, au cas qu'ils se séparent, qu'il a volonté de faire pour lui et
que volontiers il préférera mond. fils à tous autres pour le prendre
à son service..., l'employant à la marchandise et voyage et que, à
cause de ce qu'il pourroit avoir perdu qq. temps, il ne me demande pas
de pension pour la seconde année... je vous veux aussi avertie de ma
volonté en ce fait, c'est que, tantmoinsque je ferai de frais et mises, sera
mieux pour moi el pour mesd. enfants, pourvu que, en épargnant sa
pension, il ne fut en rien retardé... je ne puis entendre à quoi à
présent il emploie mond. fils de tant que son frère Tadé m'écrit qu'il
est toujours à leur métairie....
Sabatery à S. Lecomte.
Bordeaux, 28 décembre 1579.
... vous ai voulu écrire la présente tant pour vous donner avis du
cours des marchandises qui passent de pardeça, entre autres des
pastels, lesquels ne sont bien en requête... je ne sais ce que ce sera
pour cette foire de mars. Je pouvois vendre votre pastel à 18 liv. la
balle à payer dansun an mes, ayant vu vos lettres..., n'ai voulu passer
plus outre. Toutefois je baille une meslre [sic] * de votre pastel à un
Ecossois qui en a afaire de cent balles et au comptant.... Je ne puis
soit en truque^ ou autrement à terme d'un an me deffere de vos draps, sy
ce n'est d'un bleu ecru qui étoit entemé, que ai reçu du s^ Boyer... il
est descendu gran nombre... de vins du haut pays, de manière
qu'il y a longtemps que n'etoit descendu tout à un coup si grand
quantité de vins et pense que s'en fera bon comple à 14 ou 15 ecus
au plus haut vin de ville.... Draperie d'Angleterre est en peu de
requête à cause du nombre [qui] en est arrivé....
Sabatery à Simon Lecomte.
Bordeaux, 13 mars 1580.
M. Lecomte, la votre du 2^ du courant ai reçue, par laquelle me
recommandez la bonté de votre pastel... je ai fet et fais tout mon
1. Montre, échaatillon.
2. Eq troc.
382 APPENDICE.
possible, même en ai balle des essays à deux ou trois, tant AnjT;lois
que Ecossois, car faut que vous estimes que ne s'est vendu balle de
pastel qui ne soit été asayé, d'autant que les Anglois sont résolus
ne se charger de pastel que préalablement n'ayent fait l'ançay (sic).
Pour le regart de vos draps, il n'y a moyen les pouvoir vendre ne
truquer, combien que je fais tout dévoyer (?) à les vouloir truquer
avec des vins de haut pays mais ils m'ont voulu laisser les rouges et
prendre les meilleurs.... Pour la présente foire, il ne s'est pas vendu
que bien peu de pastel, si ce n'est l'homme de M. Vestos (??j qui a
fait vente de ses cent balles à des Anglois....
Dans une lettre du 20 mars 1580, le même correspondant dément
la nouvelle que les pastels sont recherchés et confirme le contenu
de la précédente.
Le même au même.
Bordeaux, 10 avril lôSO.
La vente des pastels n'est guère echaurfée, d'autant ([ue les Anglois
ne peuvent vendre leurs draperies, de sorte que ils [en ?] ont tant
emporté que à présent n'ont moyen de payeur]....
Le même au m>'me.
Bordeaux, 29 avril 15â0.
Je fis vente hier de cent balles de votre pastel à raison de 20 livres
la halle à payer au mois de mars prochain... à un Anglois nommé
Edouard Fen, marchand de Londres et seize balles à un autre
Anglois nommé Thomas Bron, le tout à prendre des cedules sur de
bons marchands de cette ville. . . quant aux draps il ne m'est possible
de vendre une seule pièce et en suis marri, d'autant que la gresse les
mange... c'est pitié du peu de dépèche qu'a la draperie de pardeça,
mêmes le grand nombre c^u'il y en a, dont les Anglois sont fort
elonnés... l'on les tient de court et ne trouveront le crédit qu'ont fait
par cidevant. Au demeurant je suis sur le point de bailler quatre
pièces de votre drap, savoir trois rouges et un bleu des plus méchants
à un nommé La Huade, lequel a un navire qui s'en va au voyage du
Brésil, partie en marchandise et l'autre partie en;;uerre... de façon que,
moyennant qu'il veuille prendre lesd. draps à quatre livres ou à
trois livres dix sols au moins l'aune, avec quelque tonneau de vin que
je lui baille, lui ai promis lui fairejusques à la somme de 150 ecus à
APPENDICE. 383
raison de oO p. 100 au retour de son voyage, prenant toutes aven-
tures de mer et de guerre... toutefois, si ne voulez prendre lad.
aventure..., je le prendrai pour moi et vous paierai lesd. draps au
prix que se vendront de semblables....
Sabatery à Simon Lecomte.
Bordeaux, 14 novembre 1581.
M. Le Comte... le S"" d'Armagnac m'a fait entendre depuis trois jours
que, lors de votre départ decette ville [Paris], vous lui donnâtes charge
de vous faire faire qq. chartes parties des pastel qui ont été chargés
pour Rouen et autres lieux, tant pour votre compte que pour celui de
M. RouUier, qu'est la cause que je vous ai voulu écrire la présente
pour être bien assuré du fait et, sauf meilleur avis, il me semble que,
auparavant rien faire, il sera meilleur que vous envoyez la cantité et
nombre dud. pastel, ensemble les marques et le nom qui faut qu'il
soit nommés dans lesd. chartes parties, ensemble les dates, si pos-
sible est, et par votre mémoire nous en ferons suivant qu'en ordon-
nerez....
Le même au même.
Bordeaux, 27 novembre 1581.
... à 21 du courant vous ai écrit, vous donnant... avis que je me
doute que, en peu de jours, la garnison de Mon Segeu [sic] * a délibéré
d'aller arrêter tous les bateaux qui monteront et descendront, comme
ont fait ceux du Mas jusqu'à ce qu'ils soient payés de qq. partie qui
leur est due, que, si cela est,... si avez quelque chose à charger le plus
promptement ne sera que le meilleur....
Du Prat à Simon Lecomte.
Bordeaux, 27 janvier 1578.
... à 20 du courant a esté ma dernière... par laquelle vous disois
comme j'estois marri de la longue demeure de voslre pastel pour ce
que j'en eusse donné des essais à beaucoup de mes vieux chalands
Anglois et Ecossois, lesquels vont partir depuis et toutefois ils seront
pardeça dans la fm de mars..., comme ai fait aux sieurs Barthélémy
Saccaze et Du Vergier de 17 balles pastel que leur ai vendu à 26 liv. la
balle elle pouvois bailler à moins de 2oliv., suivant ce qu'il m'en avoit
1 . Sans doute .Monségur (Gironde, av. La Réole].
384 APPENDICE.
écrit. Au reste deçà après ne parlons plus de livres mais ocus... et ne
passons aucun co:ilrat ne charte partie que ne soit loul réduit en
tous, tellement qu'il y a notaires qu'il faut qu'ils aillent étudier à
cliifTrer et, ne pouvant enlenilre ces 10, 12 et lo c. de ecus
tellement qu'ils sont tous neufs à leur eslat par advis (.su), beaucoup
i\c parties sont en arrière à cause du descry, tellement que ce qu'est
de terme échu faut bailler terme 3 e!. 4 mois pour estreasseuré firief
ce descri a faitbeaucoup de dommage.... Nous chargeons pour Rouen
et Nantes et les frets valent pour Rouen 8 écus, pour Nantes 4 écus,
4 écus 1/3....
Sagnier à Simon Lecomte.
De Bordeaux, ce IG de novembre 1582.
M. Ma dernière vous ay envoyé avec deux lettres de change
montant ensemble 2o7 ecus... maintenant je vous envoyé une pour
recevoir du s"" Jehan Vidal demeurant près la maison de ville de
la somme de 166 ecus, une autre sur le s"" Arnauld de Tauret de la
somme de 100 ecus, lesquelles je vous prie fera accepter et payer.
Pour l'asseurance de 166 ecus, j'ai prins une promesse d'un marchand
dénommé Jehan de Connys, laquelle je vous envoyé pour estre
rendue, lors que serez payé de lad. somme dud. Jehan Vidal. Le tout
me garderez pour satisfaire à quelque partyes que M. Rouillé doit à
Toulouse sans rien remettre. J'ay rendu hier la vostre avec une de
change pour recevoir de Pierre Boucher 200 ecus.... J'escris un mot
au s"' André afin qu'il mettent la partie entre vos mains ou qu'il me la
tienne preste à mon retour.... Depuis avoir escrit la présente, je vous
envoyé une première de change pour recevoir à lettre vue cent escus
sol sur le s"" Du Fas demeurant au Puys (?) clos.
A vous MM. TENANT LE SIEGE PRESIDIAL" EN TUOLOSE.
(Arch. de l'Hùtel-Dieu de Toulouse. Papiers de S. Lecomte.)
Supplie humblement Symon Le Compte, marchant de Paris que,
pour luy servir, auroyt besoin fera deux extraits, l'ung d'une lettre
missive escripte et signée par George Sabatier, marchant de Bordeaux
le xun* d'apvril dernier, l'autre d'une cedulle faicte et signée par
Jehan Chauvet, marchant de Tholose le xvii« jullet mil VCLXXXII de
la <omme de deux cent cinquante ecus sol, appelés deux merchans
de Geste ville pour recognoistre lesd. lettres et saings, d'autant qu'il
APPENDICE. 38b
a besoin dosd . extraicls et, dessaisissant des orijj'inaux, ce poui royent
esgarer au préjudice du suppliant. A ceste cause plaise à vos grâces
commettre lesd. extraictsau premier de vos groCfiers, appelle deux
marchans, comme dictest, pour l'adveu et recognoissance. Si ferez
bien.
VI
M"" LE MAITRE DES PORTS DE LA RIVIEUK DE TOULOL'.-E OC VOTRE LIEU-
TENANT GENERAL.
(Arch. de l'Hôtel- Dieu de Toulouse. Papiers de S. Lecomte.)
Supplie humblement Simon Lecomte, marchand de Paris disant
que, le 21* de juillet to79, il auroit fait charger en Toulouse cent qua-
rante sept balles pastel et pour icelles pris pas>eporls pour conduite
à [i)lanc] et Paris, sous obligation de rapporter certificat de la vente
desd. pastels dans le délai de dix mois.... ou, en défaut de ce faire,
payer les droits du roi de foraine, de laquelle vente il lui a été im-
possible de faire apparoir dans led. délai, à cause que led. pastel est
encore en nature, partie en la ville de |^bkinc] et partie aud, Paris, en
attendant qq. commodité pour icellui vendre.... » demande renou-
vellement de délai.
VII
GOBELIN A LECOMTE.
{Ibicl).
Saint .Marcel les Paris, 14 décciiibre IJSI.
... J'ai veu par votre lettre du to du passé l'état auquel étoient
lors les affaires pour les passages de la rivière qui n'étoient encore
gueres assurés, ensemble l'assurance qu'il vous plait me donner de
la conduite de nos man handises sitôt que lesd. passages seront ou-
verts, de laquelle faisant état, j'espère qu'à présent elles devront être
chargées si, suivant les nouvelles qui sont venues de Burdeaux en
cette ville, les garnisons ont été contantées par M. de Matignon....
386 APPENDICE.
\ III
LIVKE JOURNAL HROl'ILLARD DE JEAN LFXOMTE.
^Papiers de Simon Lecointe.)
i:)8l
Jornalier pour la recette des den. que seremetlront tant de Poitou,
Bourdeaux que autres lieux :
11)77
A \-2 daout es mains de Jehan LaCombe 24431iv. tourn. 1 s. reçu de
M. notre maieur pour son compte capital à présent au livre de
crédit 2 4i3
Et à 20 de septembre 1009 liv. reçu de M. nostre d. maienr nous
a prêté créditeur au livre de crédit
Et à 23 dud. 618 liv. avons emprunté dud. s'' créditeur au livre
de credii
Et à 26 dud. o20 liv. reçu de Pierre Faure faisant pour mess.
AudruetC?) en vertu dune lettre de change envoie parPasteau.
lo8o
Sur Antoine Soliniac... à i'ô de juillet la somme de 3042 liv. de
conte
Et 159 ecus 36 s. sont pour le change de la susd. somme a com-
prins (sic) le couretage qui revient pour cent o 1/4 qui en tout a
valu 159 liv. 36. s.
Et 216 ecus pour le change de la susd. somme que j'ai prins à
dépôt jusques aux paiemens de la foire de Rouen 1366 à 6 14 tant
a valu le change, remise avec le couretage 216 ecus.
IbSo
Sur Pierre Praf, marchant de Toulouse doit avoir à 2 de décembre
par casse la somme de 3.'>0 liv. m'a baillé à dépôt jusques aux paie-
mens de Roye à 4 1/2 pour le change.... lui ai fait promettre lui
bailler lettre de change dans le 20 février prochain. . 36o liv. 45.
APPENDICE. 387
0 / /
Et à 24 dud. [septembre] ooO liv. reçu du S"" Alary marchant
d'Alby, créditeur au grand livre à son compte à ooO.
Et à 25 dud. 95 liv. 15 s. avons reçu de La Vassor dOrleans pour
laine burelle à lui vendue 95 i 5,
Et à 26 du d. 520 liv. reçu de Pierre Fanre faisant pour M. Audruet.
en vertu d'une lettre de change envoie par Pasteau 520.
1578
Et à 21 de janvier 557 liv. 6 s. 3d. tant("?) ai emprunté de M. de Gestes
nostre maieur et c[r]editeur au livre decredit à. . . . 557 6 3.
Et 19 dud. [février] 1 500 liv. avons reçu du s'' Cazoltes pour compte
de M. Lautier pour pareille somme [que] Chanson lui avoit forni en
bourse (?) 1500.
Et à 10 dud. [avril] 640 liv. avons reçu du s'' Pierre Subreville en
200 ducats millares que led. Chanson nous a livrés. . . . 640.
1585
Caisse doit à 19 d'octobre aux s""^ Granier et Gestel iOOecussol. 100.
Caisse doit avoir à 20 d'octobre 80 ecus 14 s. pour autant bailler à
Bernard Manens débiteur dud. M. à son compte 80 14.
S' Saurin, marchant de Toulouse, doit à 17 de novembre à
caisse la somme de 300 ecus lui en fait compter par Pierre Bonne
Foy 300 ecus.
S' de Veires doit avoir à 27 de novembre la somme de 400 ecus
pour une lettre de change de mess
Pour être paie à Lyon à l'acquit du S"" Touzin. . . . 400 ecus.
Et 2 ecus pour la remise de 100 ecus à 2 pour cent. 2 —
402 ecus.
1583
Caisse doit donner à 20 de novembre 724 ecus 11 s. pour reste de
son compte précédent 724 4s.
388 APPENDICE.
1386
M. Marquant doit à 20 de février la somme de 1000 ecus pour deux
K'Urts de chaiiiic paiables à Lyou à ces prochains paiements de la
foire de lloyes'
S"" Pierre Prat, marchand de Toulouse doit avoir à 2 de décembre
par ca[i]sse la somme de 350 ecus [que] m'a baillé à dc'^pôt juscjues
aux paiemens de Royes à 4 1/2 pour [cent] pour le change, (ju'est en
tout 36.-i ecus 4o s. Lui ai fait promesse lui bailler lettre de cliange
dans le 20 février prochain 3Go ecus 4;j s.
IX
LETTRES DE VolTLUE.
(Papiers de Siuiuii Lecoiute.)
Boycr à Simon Lccointc.
Bordeaux, 6 février 1579.
M. Le Comte, je vous envoy une balle mienne que vous recevrez
marquée d'un G et d'un B et une barrique marquée de la marque -
au côté et à un bout d'icelle de trois rondeaux ^, laquelle balle
reçus et barrique, le tout bien conduit sans être gâté, payerez à
François La Lane (?), marinier du passage d'Agen dix livres pour son
port et le tout nie garderez, espérant vous voir en bref —
Marque de la balle.
Marque de la barriijue*
Boyer à Lecomte.
Bordeaux, i janvier lô78.
M. Le Comte. Il vous plaira recevoir de Jehan Bec, marinier de
Toulouse deux ballots de toiles, marqués au bout de la marque au
1. La foire des Bois, counne plus haut.
2. Ici la reproduction de la marque commerciale.
;i. Ici trois 0 accolés.
4. Cette barrique contenait des merluches, de la morue et des harengs.
C'était la « provision de carèuie » de S. Lecomte. Avec l'adresse, l'e-tpé-
diteur met très souvent le prix du port. « Payez de port 3 s. »
APPENDICE. 389
dos de la présente... et un barril do pois el inif^ barrique où il y a
dedans un quarteron de... merlus, etc.. et le tout étant bien conduit
payerez aud. Jeban Vec 20 liv. pour son fret....
Sabatcry à Simon Lecomte.
Bordeaux, 10 mai 1584.
Au nom de Dieu en Bourdeaux ce 10'= mai 1584. M. Le Comte, la
présente n'est que pour vous donner avis comme du jour d'hier
avons chargé votre cofîre en compagnie d'autres apartenant au s"" de
Besqua... dans le bateau de Colerat d'Agen marqué de la marque
dehors, comme verrez par ma lettre de voiture, lequel a promis estre
dans douze jours en Toulouse et, des la réception d'icelui, vousplera
m'en donner un mot d'avis. Je n'ai osé bailler la clé à ce porteur
avec la présente de tant qu'il est un marinier et qu'il connoit celui
qui a chargé led. coffre, craignant qu'il ne le rencontrât en chemin
mais je ne faudrai par le premier homme sur qui partira de la vous
envoier....
Guill. Boyer à S. Lecomte.
Bordeaux, 8 juillet 1584.
M. Le Comte, je vous envoie votre coffre enclos dans le coffre de
sapin marqué de la marque ' en la pagine de la présente dans
lequel il n'y a rien que vos papiers... vous le recevrez de Nadal Fro-
quade, marinier de Tolose... et le tout bien conduit lui payerez pour
son port deux ecus et demi et, par ce qu'il avoit crainte que MM. les
peagiers lui demandent le péage dud. coffre, je lui ai dit qu'il les
assurât que dedans... il n'y a rien que papiers....
DOUANE DE LYON.
(Délibération du consulat de Lyon du 11 septembre 1613.
Arch. municipales de Lyon. Reg. BB, 148, f. lOG v» et suiv.)
Du mirdy unzieme jour de septembre Lan mil six cent douze
après midys, en l'hostel commun de la ville de Lyon, y estans les
prévost des marchans et eschevins... intervenans en l'instance
d'entre le fermier de la doanne dud. Lyon prétendant devoir lever
1. GB.
390 APPENDICE.
les qiiatro pour cent sur les marchandisos d'espiceries et drogueries
qui les ont payé à Marseille d'une part et Claude Cotlenet, marchand
de lad. ville justifiant de ses acquictz....
Dient par devant vous MM. les commissaires députés par le Roy
pour le faict des doannes au bureau estably en cette ville :
Qu'ils ont assez peu de subject d'intervenir en cette cause pour
monslrer que la prétention dud. fermier est injuste, puis que desja
cy devant en pareil cas vous l'avez condamnée comme telle.
C'est que, comme l'establissement de la doanne... n'a jamais été
fait que pour imposer ung droit d'entrt'e en ce royaulme..., lorsqu'il
fust faicl, il ne se levoit aucune entrée sur les espiceries et drogueries
à Lyon ni ailleurs.
Car vous trouverez... que, le xviii juillet 1540,.. François premier
envoya en la ville de Lyon la forme... que S. M. entendait estre
observée pour la levée de ses dioils sur l'entrée des marchandises
venues d'Italie, Avignon et Comtat de Venisse....
Marchandises qui sont spécifiquement declairées estre seulement
les draps d'or, d'argent et de soye, toute espacée de crespes, canetilles,
passemens, rubans, ceintures, franges, pannes, pourfilleures, orue-
inens. habillemens, fils d'or ou d'argent, soyes crues ou tainctes et
toutes autres tissures et espèces d'ouvrages de fil d'or ou d'argent et
de soye ... venans d'Italie, Espaigne, Avignon et comté de Venisse. »
Henri II ordonna le payement de droits d'entrée sur les épiceries
et drogueries. Edit du 25 ou 26 mars 1543.
« Que les lieux destinés pour l'entrée des espiceries et drogueries
sont, pour le regard de celles qui viendront par la Méditerranée,
...Marseille, pour la mer Océane... Rouen et pour celles qui viendront
par terre... Lyon tant seulement....
Il est donc vray que, sy bien le Roy a voulu lever sur les
espiceries et drogueries quatre pour cent à Marseille, à Rouen et es
autres ports de la Rochelle, Nantes, Callais, depuis amplifiez par ses
ordonances, il n'a pas pourtant eniendu que pareil droict fust levé
à Lyon ains seulement de contraindre toutes les espiceries et drogue-
ries venans par mer à entrer par lesd. villes et ports maritimes
nioienant les quatre pour cent et celles venans par terre à entrer en
la ville de Lyon pour y payer le droit de doanne qui est deux et demy
pour cent, oulire l'octroy de quatre livres pour balle et pareil droict
de deux et demy sur les autres espiceries et drogueries, venans aud.
Lyon, de quelque aultre endroit que ce soit, sans pour ce payer aucun
droict d'entrée aultre part qu'à Lyon. »
APPENDICE. 39 f
Leséchevinscitentà l'appui de cette opinion l'edil du 3 octobre 1ÎS81 ,
la nouvelle apréciation du droit d'entrée du 11 septembre lo82.
. « Car le droict de la doanne de Lyon et ceulx de l'entrée des
drogueries, espiceries et autres marchandises estrangieres arrivans
ailleurs qu'à Lyon ont bien cela de difîerenct qu'ils sont divers en
quantité, sçavoir ceulx de Lyon à raison les ungs de ciiiqet lesaultres
de deuxet demy pour cent, au lieu que ceulx qui se lèvent ailleurs sont
à raison de quatre pour cent mais les ungs et les aultres ont cela de
commun... en qualité que ce sont tous droicts d'entrée....
L'on vous supplie... considérer combien grand a esté l'abbus des
fermiers de Marseille, Rouen, la Rocbelle, Bourdeaux, Nantes, Calaiset
aullres lieus où lesd. droicts d'entrée sont levés, qui, se servans du
temps des troubles, ont contrainct la pluspart des marchans de
Lyon de payer les droicts d'entrée en ces lieux là et celuy mesme de
ceste doanne qui, par raison n'en pouvant lever aucune chose à Lyon,
a faict des compositions secrettes de moittié ou aultre portion avec
aulcungs pour induire les moings entendus à s'y laisser aller.
Car c'est ce qui a détourné ce grand commerce des espiceries et
drogueries, des draps d'Angleterre, des marchandises de Flandres et
d'AUemaigne, du royaume d'Aragon et aultres marchandises en
nombre infini qui s'amenoient à Lyon et lesquelles les estrangiers y
venoient achepter, soubz le bénéfice de la franchise desd. foires, qui
est dud. droict d'entrée comme de ceulx de la sortie mais qui ont
aultre voye par l'injustice de l'oppression desd. fermiers.
INDEX ANALYTIQUE
Abbeville échevinage d'j. 13.
Académie royale de musique,
243.
Acadie, 283, 28.5, 28G.
Achmet (sultan . Conclut une ca-
pitulation avec Henri IV. 31G.
Acier de Damas, 102.
Açores îles). Leur commerce avec
la France, 277.
Acquits-à-caution, 203.
Actes notariés, 2.
Adelantado, amiral des galères,
208.
Adour 1'), rivière, 274.
Aerssens, agent des Provinces-
Unies. 280.
Afrique. Notre commerce avec la
côte occidentale d" —, 277 ; — sep-
tentrionale. — Ses relations com-
merciales avec la France, 27G.
Agents de change et de banque
érigés en titre d'ofûce, 230.
Agiotage, 363.
Agriculture. Son caractère social
et moral, 3-4.
Aiguë (Etienne), marchand de Ba-
gnols, lOC, n. 1.
Aigues-Mortes, 1(\b.
Aisne, rivière. Travaux qui s'y rat-
tachent, 182,188,191. Pont, 187.
Obile.)- laudatus, 189.
Aix. Exécution del'édit d'avril 1.397,
95, n. 3. Ob. laiid.. 124.
Alais, 108.
I Alary. marchand d'Alby, 222.
Albergement, 47.
Albert (Guillaume), négociant ûa-
mand, 154.
Albigeois. Safran, G9.
Alep, entrepôt des denrées de l'Ex-
trème-Orient, 315. Ob. laiicL, 282.
Alexandrie, 282.
Alger (vice-roi d'), 301.
Algérie, 275,276.
Alignement, 178.
Alimentation des paysans, CO-Gl.
Alleaume, professeur de mathéma-
tiques, 102.
Allemagne. Cuirs, 85. Échanges
avec la France, 267. Émigration
des Français, 277. n. 2; — (Mar-
chandises d"), 293. Ofj. lau'L, 72,
294.
Allemands viennent travailler aux
mines, 3G.
Allier (F), rivière. Marchandises
qu'il peut transporter, 200. Ob.
laïK.I., 338.
Almanachs, 03-04.
Alpes, 262, n. 1.
Amérique. Colonies espagnoles,
282; — du Nord. 283. Ob. laud.,
288.294.
Amidon (fleur d'). Son entrée in-
terdite en -Angleterre, 2G7.
Amiens. Coches entre cette ville et
Paris, 204. Courtiers, 292; — (éche-
vinage d'}, 13,23;— (fabricants d').
:<9i
INDEX ANALYTIQUE.
90. Filés, 1-38; — (générnlit.- d'\
181. 103. Sayeteurs, l-tS. Sayetteric.
s:!, •,'(■.(•. -.'cl. T.i|>is?eiie?, 150.
Amirauté de Normandie, W.).
Amirautés. 'J'.tT-'.'OS.
Amsterdam, l.M, lôO.
Amurath III accorde à l'Aiiglc-
terre la liljcrtc de commercer dircc-
tnueiitavec la Turquie. .314-:J1Ô.
Ancrage (droit d' . 207.
Anduze. lOS.
Angers. Exécution de ledit d'avril
1597, 0.">, n. 3.
Angilemont Hercule d' , 4:{.
Anglais l.rurs importafions eu
France, 8:{. Fabriquent du pa[)ier
en France, IGO. .Nous enlèvent le
commerce d'importation en Espa-
gne, 2G3. Nous font concurrence
dans le commerce avec l'Afrique
septentrionale, 276. Fondent en
France des maisons de dépôt et
de commission, 200-291. Leurs re-
lations commerciales avec la Rus-
sie. 20.".. Ob. laud., 201. Voy. An-
gleterre.
Angles (les . Gard, 29.
Angleterre. Draps, 1-37. Négocia-
tion pour le rétablissement du com-
merce entre la France et les États de
Philippe 111, 2G4. Nos importations
en Angleterre, 2G4 2Gô. Son dé-
veloppement commercial et son
système prohibitif, 2G.3-2G7. Nos
relations commerciales avec elle,
260-2";]. La pêche du hareng inter-
dite aux étrangers sur ses côtes,
275. Émigration des Français dans
ce pays, 277, n. 2; — (marchandi-
ses d'), 293. Transportées par la
marine des Provinces-Unies, 204.
Sa marine marchande, 204-20G.
Son commerce de transit avec l'Es-
pagne, 29G. Ses pirateries et ses
griefs,. 304-310. Établit des relations
commerciales directes avec la Tur-
quie, 314-315, 316. Ob. laud., 22,
71. 72. 118,261. Voy. Anglais.
Angoisselle. Italiens émigrés en
!• lam-c. -V-W.
Angouléme. Sa prospérité, 162.
Angoumois. Couimerce lluvial, 167.
Anil de Barbarie, 378.
Animaux nuisibles, 20.
Anjou. Mail à cotuplant, 46. Son
connncrce auec la Urctagne, [330-
340; — (maison d';, 105. Vins, 68 et
n. 3. Ob. lau'L, 15.
Annapolis. Voy. Port-Royal.
Annet- en -Brie. Itoprésentation
draniati<|ue, 2.')7.
Annonay Ardèche}. .Mines, 33.
Ob. laud., 13.
Antibes, 301.
Apprentis. 226-228, 380-381.
Aquitaine, 58.
Arbois .lura . \'in, 67.
Archipel indien, 282.
Arçons (Marguerite d'', femme
d'OI. de Serres. 37.
Ardennes. Hydromel, 68. Écobuage,
73.
Argentan urne , 18,101,
Argenieuil. Vins, 68.
Ariège, rivière. Concourt au pro-
jet de jonction entre l'Aude et la
Garonne, 197. Ob. laud., 33.
Arles, 123, 124.
Armançon. rivière, 201.
Arnauld Etienne), maître priseur
de pasicl. 3 76.
Arnauld, intendant des finances,
368.
Arnauld, trésorier des ponts et
chaussées. 181.
Arrêt de prince, 307, n. 1.
Arschot. Ras, 84; — (duchesse d'),
107.
Artisans. Leur physionomie mo-
rale, 247-258. Conséquence des
guerres civiles pour eux, 331.
Artois, 165.
Assemblée des notables à Rouen,
17.
IXDEX ANALYTIQUE.
395
Assolements, fi.ï.
Assurances maritimes, 207, n. 4.
Ateliers publics, ^ï>'>.
Aubaine droit d" , 371-27'2.
Aubigné lAgrippa d'), fiO, ii. 2.
Aubin (Ambroise), 121.
Aude, rivière. Projet de sa jonction
avec la Garonne, 107-108.
Auge (vallée d'). Bœuf, 72.
Aunis. Bail à complant, 40. Vins
blancs, 08. Ob. loud., 20.
Aurillac (habitants d'), 257.
Authentiques! qua mulier, 17.3.
Auvergne. Bétail, 2()(>. Denrées
agricoles, 200. Habitations rurales,
58. Mines, 32,33. Safran, 00. Ob.
laud.AZ,n. 1, 71,182,338.
Auxerre, 07.
Avignon. Pont, 187. Soieries, 125,
n. 4.
Avis (donneurs d'), 333.
Ay .Marne:. Vin, 07.
Aynay-le-Château saccagé, 70,
n. 1.
Bacalaos (île de). Ancien nom de
Terre-Neuve. 274.
Bagé (marquisat de . Jumente-
rie, 72.
Bagnols (Gard). Vin, 07.
Bailcolonger, 47 ; — à complant,
40; — à convenant, 47.
Bajettes anglaises, 200.
Balbani (Manfredi), Lucquois,
108.
Baleine. Pi'che. 204.
Baltique fpays de la). Leurs rela-
tions commerciales avec l'Angle-
terre, 2C5. Ob. loud., ]lS,^9i.
Banque de France, 234.
Banqueroute de l'État, 170.
Banqueroutes privées, 171-173,
301.
Banques publiques, 233-235.
Banquiers, 300.
Bar (la\ rivière. Projet de la ren-
dre navigable, 101-102.
Barbaresques. Leurs pirateries,
301-303,310,320.
Barbarie, 270, n. 3.
Barde M. 228.
Barrois. Toiles, 84, 130.
Barthélémy (sieur de , contrô-
leur des traites à Arles, 123-124.
Bartholus (Thomas^ .Milanais,
verrier, 150.
Bas d'estame anglais, 200.
Bas de soie, 125 ; — de laine,
143; — de soie et de tricot à Dour-
dan, 85; — de soie à la fin du rè-
gne, 150.
Basché (Chicanons du sire de)
40.
Basques, 274, n. 1. 285.
Bassano. Soies, 100.
Basse Normandie. Habitations
rurales, 50.
Bassigny. Fertile en céréales, CG.
Bastion de France, 303.
Bayonnais, 287, n. 1.
Bayonne. Amirauté, 287. Échevi-
nage et habitants, 281, n. 2. Négo-
ciants, 85. Ob laud., 179, 265, 297.
Béarn ne vit que de son commerce
avec l'Espagne, 202, n. 2. Corroierie,
85. États, 202, n. 2.
Beaucaire ^sénéchal de), 200,
n. 3.
Beauee. B.'js de soie et de laine,
159. Fertile en céréales, 60. Pau-
vreté de la noblesse, 40 et n. 4.
Richesse agricole. 200.
Beauclerc (Nicolas Le), tréso-
rier général de France à Paris, 98,
n. 4.
Beaujolais. Mines, 32. Nomination
d'un prévôt des merciers, 79, n. 3.
Propice à la sériciculture 108. Soie,
i:!0. n. 3. Ob. laiid., 14, 158, 338.
Beaulieu, capitaine malouin, 302.
Beaulieu (Martin Ruzé, sieur
de), lieutenant général des mines,
34.
Beaumont-sur-Oise. Pont, 185.
396
IMiEX ANALYTIOIE.
Beaune. 07. (IS.
Beaurieiix. Vin, OS.
Beaiisemblant en Dauphiné, 88.
Beautor i,ponl dci, 104.
Beauvais. Draps, Si. Messageries,
Bellegarde Roger de Saint-
Lary. duc de . i-'iaml niaitre
suiintendant des mines, oi.
Belon Pierre), 73, n. 3.
Benoit Charles\ conseiller à la
chambre «les roniptes, 08. n. i.
Benoit (Charles. Maitre passe-
mentier et moulinier en soie à
Rouen, 110.
Berg-op-Zoom, 20.
Bergeron (Laurent), marchanda
l'.iiis. :!7i.
Beringhen , jiremier valet de
chambre, contrôleur gcnt'-ral des
mines. 3i. Sa participation à la
propagation delà sériciculture, 131.
.Auloriséà établir des verreries, IjO.
Bernardin, maitre corroyeur à
Nérac. 80.
Eerry. Bétes à laine, 200. Draps,
84. Élevage, 71. Fers, 200. Laines,
73. Propice à la sériciculture, 108.
Oh. laiid., 18.
Beruyer (Philibert, revendeur
breveté, 332, n. 3.
Bétail, insaisissable, 21 ; — de l'Au-
vergne, 200. Article d'exportaticm,
200.
Bétes à. laine du Berry, 200.
Betterave. Culture nouvelle, 38.
Betz-en-Touraine. 47, n. h.
Beurre, 274.
Beyrouth, 2.s2.
Béziers (diocèse de , 14.
Biche. Italiens établis en France,
3'>'( .
Bière. c.S.
Billets à ordre. ;'.03.
Biron 'maréchal de), 183.
Blanc de plomb, 1J7-1.Ô8.
Blois. Ktats généraux, 203. Pont,
188 ; — traité de) entre Charles IX
et Klisabeth. 20!) ; — (ordonnance
de) 4.=), n. 4. 246.
Blois (élection de). Sériciculture,
112.
Blondeau, conseiller au parlement,
I'.)3.
Bocage vie . Habitations rurales,
58.
Bodin, 24.
Bœuf du Limousin et de la valb'e
d'Auge, 72.
Bois, article d'exportation, 200 ; — du
Nivernais, 200; —de teinture, 277.
Boissise, ambassadeur de France
en Angleterre, 291, 202, n. 1.
Bologne. Soieries 125, n. 4. Soies,
1(11). 0/'. Umd., 122.
Bombazins anglais, 2G9.
Bon Berger fie . 04, n. 2.
Bonnet vert. 172.
Bonnières. Pont, 185.
Bonvisi. 334.
Bordeaux. Convoi, 37.">. Courtiers,
2'.)2. Droits d'entrée, 390. Entrepôts
anglais, 270. Exécution de l'édit
d'avril 1597, 95, n. 3. Juridiction
consulaire, 213, n. 4. Messageries
entre cette ville et Toulouse, 203.
Négociants, 297. Parlement, 229.
Pastels. Vins, 2G4, Oh. laud., 20,
28,222, 227, 255, n. 5.
Bordeaux (sieur de), baron de
Colonces, surintendant général
des jardins de France. Sa part dans
la propagation de la sériciculture,
108. 110.
Bordelage, 40- Î7.
Boston, 295,
Bougrans, article d'exportation,
200, 205; — de Troyes, 200. Oh.
laud., 270, n. 1.
Bourbonnais. Coutellerie, 200.
.Mines, 32. Oh. laud., 44.
Bourg-en-Bresse saccagé, 79, n. 1.
Bourgeois :Mariei, peintre, sculp-
teur el mécanicien, 10?.
INDEX ANALYTIQUE.
:m
Bourgeoisie. Son ascension so-
ciale, 3-28-330.
Bourges. Chapellerie, 159.
Bourges (généralité de), 23.
Bourgogne. Canal, "201, frappée de
contributioias, IG. Danses, (V2. Éle-
vage du cheval, 71. Propice à la
sériciculture, 108. Sel, G'J. Toiles,
139, n. 3. Vins, 07, 200. Ob. laud.,
13.
Bourse de commerce, 3.')ô.
Boutiques, 231-232.
Brabant. Toiles, 139.
Bradiey (Humphrey), 2r., 28, 29,
193.
Bradleyi'Jean), maître des digues,
20 1 .
Bragelonne, conseiller au parle-
ment, 98, u. i.
Braine. Canal, 189.
Braries, Cl.
Brenne (la), 2G.
Brésil, 277.
Bresse. Droit de traverse, 370. Éle-
vage du cheval, 72. Ob. laud., lôS,
338.
Brest, 279, 280.
Bretagne. Chants populaires, 15.
Son commerceavec l'Anjou, 339-340.
Danses, G2. Domaine congéable, 47.
Élevage, 71. Exportation de son
blé et de son vin, 24. Habitations
rurales, 58. Lin et chanvre, G9. Mor-
cellement de la propriété, 40, n. 3.
Noblesse commerçante, 252, n. 3.
Pauvreté de sa noblesse, 40. Sa pa-
cification incomplète, IG. Rebelle
à la sériciculture 108. Toiles, 84,
139. Viticulture, G7. Voy. Cou-
tume, États.
Brèves (Jacques de Liancosme,
sieur de), 314, n. 3.
Brèves (Savary de), ambassadeur
du roi à Constantinople, 298, 303,
n 4, 316, 321-322, 3.''!.
Briare. Canal, 199.
Brid'oison, 49.
Brie fertile en céréales, GG. .Mines,
33. Veau.x, 72, Où. inul., 18G.
Brie ^Jean de), 51, G3, n. 2, Gi.
Brigandage, 3,"i5.
Brinon-r Archevêque soutire de
la guerre, 79, n. 1.
Brisambourg Char. -Inf.) Faïences
et poteries, 157.
Brissac (duc de', 250.
Bristol. 295.
Bruges, 123.
Brûlis, 73.
Bueil Anne de), 20 i, n. 3.
Buffalo, nonce du Saint-Siège, 2G1.
Bugey. Albergement, i7.
Bunel (Jacob), peintre, 102.
Busson (Vincent), Milanais; ver-
rier, 155-15G.
Buzancy, 191.
Buzanval, amba.'îsadeur auprès des
Provinces-Unies, 310.
Caen. Émeute, 87, n. 1 ; — (échevi-
nage de), 340. Entrepôts anglais,
270, 271. Toiles, 139, lil-142, Ob.
laud., 191, 311.
Caen (généralité de), 23, 181.
Cahaignes Jacques de), 142.
Caillault (Marie), revendeusebre-
vetée, 332, n. 3.
Caisses de secours corporatives,
3:3.
Calabre. Vers à soie, 108.
Calais. Centre de commerçants
étrangers, 291-292, n. 1 et du
commerce de l'Espagne et des
Provinces-Unies, 323. Courtiers,
292. Droit d'entrée sur les épi-
ceries et drogueries, 389, 399.
Lettres de marqiîe accordées à
Téchevinage, 310.
Calendrier des bergers (le), 51,
G3, 64.
Camelots, 1G8; — anglais, 2G9 ; —
de Lille, 274.
Campagnes. Leur repeuplement,
40.
398
I.NUKX ANALYTIOUi:.
Camus Nicolas . 118.
Canada. Él.iblisscments français,
•:,s:), SSU-'iST. n. l. Ob. laud.,
Canal des .\rdenncs, IT2 : — de
Bourgogne. 201 ; — de Braine, 189;
— du Centre ou de Charolais 2(!0;
— entre la Garonne et l'Aude, I9G-
lî)8: — du Languedoc, de Loire et
Seine. ISl. is?, l'.tS-'.'OO.
Canalisation du Clain, de la Vesle,
ISl, ISS-IS!).
Canayes .Les, négociants, 374.
Candie. 8ô.
Canne à sucre, OS.
Canteperdrix. Vins, G7.
Caorcins. '2 il.
Cap de Bonne-Espérance. Pro-
jet d'y fonder des établissements
français. îSÎ. Ob. hiiid.,-i\l.
Cap Breton. -'Ti.
Cap Breton île de , "274.
Cap Vert (,îles du). Notre com-
merce avec elles, 277.
Capel (Ange , sieur du Luat, o33,
u. 2.
Capitaux. Leur abondance, 360.
Capitulations entre François l^""
et Soliman, 313.
Carcassonne (environs de . Mi-
nes. 33.
Cardaillac Antoine-Philibert
de . sieur de Capelle, maréchal de
Quercy. 203.
Carlier, marchand de Paris, 223.
Carrosses, 2ôô.
Cartes. Leur entrée interdite en
Angleterre, 207.
Cartier Jean), m.irchand et bour-
geois de Paris, 237, n. 2, 238.
Castelnau. Vin, 07.
Castille, receveur du clergé, 2ôl.
Catherine de Médicis. Ses fils
abandonnent Fontainebleau, 144.
Fait commencer le pont de Cliatel-
Icrault, 188. Ob. laud., l'.»7.
Cauchon (Thomas) . siour de
Vezernay , trésorier général de
France. IS'.t.
Caumartin (M. de\ l:)3.
Caumont château de , 43.
Cavaliers. Ce i\nv coulait leur en-
tretien, 17.
Cecill Robert^ 300, n. 4.
Cenami, 334.
Céréales, Oâ-GO.
Cerretany Monchatte , 230.
Cessions de biens, 172.
Cévennes. .Mûriers, lo.i. Ob. laud.,
33. KIS, 202, n. 1.
Chablage, 207.
Chablis. 07.
Chaillot, près Paris, lô3.
Chalautre-la-Grande , détruite,
7'.i. n. I.
Chalon, 200.
Châlons, 180.
Châlons généralité de), 23.
Chambéry. Suierins. 12.'», n. 4.
Chambre de commerce de Mar-
seille. 317.
Chambre des comptes d'.\ix ) pré-
sident de la , 124.
Chambres syndicales, 3.53.
Champagne. Danses, 02. Exporta-
tion de son blé et de son vin, 24.
F'oires, 211, 241. Industrie drapiere,
241 . Propice à la sériciculture, 108.
Toibs. 84. 189. Ob. laud., 18.
Champdoré, 28,5.
Champlain. Ce qu'il faitau Canada,
2S.">-2SO. Compagnie créée par lui,
2S7. Oh. laud., 283.
Champlain ilac), 28.5.
Change. Son cours légal fixé à la fin
des foires de Lyon. 230.
Changes et rechanges, 240. 250.
Chanvre. Sa culture, 09.
Chapellerie à la fin du règne, 159.
Chaperon, coifl'ure des femmes de
comtuerçants, 2.J2.
Charbons de S.iint-Étieune, 200.
Chardons à, foulon, article d'expor-
tation, 200.
INDEX ANALYTIQUE.
399
Charges. Voy. Offices.
Charles VI ét.iblit le droit réga-
lien sur les mines, 31.
Charles VII accorde aux ducs de
Savoie une taxe maritime, 301.
Charles VIII, 104.
Charles IX relève les commerçants
de 11 dérogeauce, 252, u. 3. Crée
le premier service de voitures pu-
bliques. 202. Ob. laiid., 21, 32, 33,
155, 171, 300.
Charles (Marguerite . Ses cri-
mes. 15.
Charles-Emmanuel, duc de Sa-
voie, prélève une taxe sur les vais-
seaux passant devant \'illefranche,
301.
Charles-Quint. 29S, 313.
Charmeaux (sieur de), président
à la chambre des comptes, 1)8, n. 1.
Charolais, 200.
Charrier Antoine , négociant
lyonnais, 3G9.
Chartres. Ras., 84. Ob. laud., 13.
Chartres (le vidame de), 4 1 , n. 2.
Chasse droit de,, 19, 20, 50.
Chasserat Louis), 208, n. 2.
Chastes (commandeur de), for-
me une Compagnie pour le com-
merce en Amérique, 283.
Châtaignes, article d'exportation,
200; — duDauphiné, G9.
Château sous Henri IV, 52-53.
Château-Gaillard gouverneur
du\ Ses exactions, lOG.
Château-du-Loir. Création d'offi-
ces, 87, n. 1.
Château-Thierry. 44. n. 2, 329,
n. 1.
Château-Thierry (élection de),
18G.
Châteaudun. Souffre des guerres
civile?. 79, n. 1. Sa prospérité, 102.
Châteauneuf ^sieur de), lieute-
nant général du roi en Limousin,
190.
Châteauverds. 8.
Châtelet (le; à Paris, 43; — (Par-
quet du), 102.
Châtellerault. Création d'offices,
87, n. 1. Pont, 188. Toiles, 84, 1.39.
La Vienne navigable depuis cette
ville. 190.
Châtillon-sur-Seine, 199.
Châtillon duc de), 298.
Chaumières, 5S-59.
Chaumont-en-Vexin, 2G, 28.
Chauny. Pauvres, 78, n. 2. Pont,
104. Ob. laud., 192.
Chauvet Jean) , marchand de
Toulouse, 384.
Chauvin, 283.
Cher, rivière. Rendu navigable, 192.
Cher (région du). .Morcellement
de la propriété, 40, n. 3.
Chester, 295.
Cheval. Son élevage, 71-72.
Chevalier Nicolas), conseiller
au parlement. 98, n. 4.
Chevaux tirés de l'étranger, 72.
Chevreux [M'^ Jacques), inten-
dant des levées et turcies de la
Loire, 175.
Cidre, 68.
Circulation et distribution de la
richesse. Leur place dans l'ouvra-
ge, 2.
Cire, 271.
Clain. Canalisation, 181, 188-189.
Travaux faits à son occasion, 182.
Clairets, vins rouges, G7.
Clergé. Conséquences que les guer-
res civiles ont pour lui, 330. Son
rôle dans la propagation de la
sériciculture, llC-117, 131. Sa
situation à la suite des guerres
civile?, 43-44: — du diocèse de
Laon, 44.
Cochenille, 277.
Coches d'eau, 208-209.
Colbert. Ses tentatives pour pro-
pager la culture du mûrier, 133,
n. 3.
Colbert (Edouard), 118, 121, n. 4.
400
lN[)i:X ANALYTIQUE.
Colonies françaises, :i'2,">.
Comaas Jérôme de . "2'.*.
Comaus Marc de . 'l'K l'ii. n. :.,
liS-KM.
Comédie française, '2i-].
Comédie italienne, 213.
Commerçants. Leur pliysionomio
lucralo. ".'iT-^âS. Coiiséi]ueiiccs des
guerres civiles pour eux, 231.
Commerce. Son caraclére écono-
iuii|ue, l(i:i-IC>4. Lr-.yislalion qui lui
est spéciale, 20'.)-2 10. Préjugrs dont
il est l'objet, 2Ô1-262; — de com-
mission et de transport, 292-2'.!3,
313-322. 318-321 ; — extérieur :
comment les Français peuvent y
prendre part, 2ôl)-2CiO: — maritime,
i'roji't de rririement. 2'.)7.
Commis de magasin, 22(5-227.
Commission commerce du ,2.s.'''.
Commission du commerce. .)7-
100, 137-13S, li2, 113, 114, i.".7.
1;)8, 11)2-193, 272-273, 34G-3'i7.
Commission internationale
|iour !:i réparatii'U des (iommam's
causi's i)ar la piraterie et l'établis-
sement de 11 liberté du commerce
entre la France et l'Angleterre, 30<î-
308.
Commissionnaires, 230-231 ; —
en titre irul'llcc, 280; — étrangers,
2'.)0-2'.M .
Communautés agricoles, 18.
Communaux. Leur rachat, 21. Ob.
luii'l., 7(1.
Compagnie anglaise du Levant, 314 ;
— du corail, 270; — hollandaise
des Indes orientales, 278 ; — des
marchands de l'eau et des mar-
chands fréquentant la rivièie de
Loire, 207-2(18.
Compiègne iforêt de , 3ô.j.
Comptabilité en partie double.
222-22 1.
Comtat "Venaissin. Mi'iriers, Ki.'i.
Oh. hiiuL, 2(.2, 11. 1, 338.
Concini, 302.
Concordats, 172.
Conflans. l'ont, 185.
Confréries. Leur développement,
218.
Conseil i)ermanent ilu conmierce,
353.
Conservateurs du commerce,
270, 311.
Conservatoire des arts et mé-
tiers, l(>2-l(»:!.
Constantinople, 121.
Consulats de Syrie, 321.
Consuls en Espagne, 20S-2G9.
Convoi de Bordeaux, 375.
Coquel Nicolas}, apothicaire a
Lyon, 380.
Coquerel (Nicolas), général des
monnaies, 3.'»!).
Corail. Sa piche et son commerce,
27(;. Sa pèche, 31G. Ob. land., 337.
Corbeil. Coche d'eau entre cette
ville et Paris, 208.
Corbet Boyer (sire de , lieute-
nant du giaml voyer, 17.").
Corbières (monts). Elevage, 71.
Laines, 73. Ob. lauil, 107.
Corbillats. 208.
Corbin le\ navire, 278.
Cordonniers de Paris, 87, n. 1.
Cordouan tour de , 182.
Cornas, 08.
Corporations. Intluence de leur
ninnopole sur les prix, 304; —
parisiennes. Leurs vœux, 97.
Corps de métiers (les six\ 218.
Corroyeurs suisses en Béarn, 85.
Corse, 72.
Cosnier (Hugues^ bourgeois de
Paris, traite pour l'introduction
de la sériciculture en Poitou, 115.
Adjudicataire du canal entre Seine
et Loire, 199.
Coste André', Genevois, 3(;7.
Costume des commerçants et or-
tisans. 251.
Côte d'Or, 277.
Cotons, 3I.S.
INDEX ANALYTIQUE.
401
Cottimo (droit de , :i-20, :V1\.
Coucy. Vi,!,qioblR royal, (nS.
Coulommiers élection de), 18(5.
Courtiers, ■2:JO--2ol, T.)-2, •-V-ii, —à
Lyon, :î7I.
Courtois (Pierre\ orfùvic, 102.
Coutellerie du Bourbonnais,
•20(1.
Coutume de Bretagne, 47, n. 4; —
de Paris, 210; — de Troyes, 2ô3,
n. 3.
Coutume d'étranger, droit de
douane, eu Angleterre, 20(1, 209.
Craponne (Adam de;, VM .
Crédit fonciez', io, 74; — privé,
:i(;l ; — public, ;K;2.
CréiDes de soie, 122.
Créseaux (angL Kerseys), 271 ;
— anglais, 2(')i.
Cristalleries. Voy. Verreries.
Crocq (Nicolas du), entrepreneur
de la canalisation du Ctier, 192.
Croissant (le), navire, 278.
Crom'well (lord), 206, n. 4.
Croquants, 8.
Crus renouiULiés, 07.
Cueillette de la soie (la), 100-
108.
Cuirs, 277; — d'Allemagne, 85; —
dorés et drapés, 153-154; — (in-
dustrie des), à Poitiers, 85; à Né-
rac, 80. Offices s'y rattachant, 86-
87.
Cuissy. Vin, 08.
Damas. Voy. Acier.
Damas cafards, 123, 134.
Damiette, 282.
Damville duc de), 298. Voy.
Montmorency.
Danemark. Doit fournir des vais-
seaux à la Fiance, 300. Ob. taud.,
72, 118, 29i.
Dangon (Claude), manufacturier
en soieries, IJ8, 130, 373.
Dangon (Pierre), manufacturier
en soieries, 130, n. 3.
Dansa (Simon), chef d'escadre,
280, 300, 303, 320.
Danses, 01 -(;2.
Dantzig, 294.
Darnetal (Seine-Inf.). Séricicul-
ture, 110.
Dauphiné. Albergement, 47. Bail
à complant, 40. Cliâtaignes, 69.
.Mines, 32. Soie, 130, n. 3. 06. lau'/.
10, 17, 25, 158, 337, 339.
Dausserria (Marin), négociant
lyonnais, 367.
Décimes, 43, 44, n. 2.
Défrichements, 05.
Delft Hollande), 157.
Delorme (Philibert), I4i.
Demasso, Napolitain, 154, n. 1.
Denrées agricoles maintiennent
leur valeur, 304 ; — de l'Auvergne,
200.
Dentelle de Flandre a Senlis, 85.
Dérogeance encourue par suite
du commerce, 252.
Dessèchement des marais, 20-29,
75-70.
Détrousseurs de grauds ciiemins.
Leur popularité persistante, 10.
D3ux-Siciles, 105.
Devieux, dit .Mercuri, parfumeur
du roi, 119.
Diana (la'i de Londres, vai-^'^ean.
305-300.
Dictiers de Norl, 02.
Die (Drôme), 38.
Dieppe. Constructions maritimes,
294, n. 4. Courtiers, 292; — (éche-
vinage de|, 340. Entrepôts anglais,
270. Juridiction consulaire, 213,
u. 3. Serges, 84.
Dieppois, 275.
Digoin, 200.
Dijon, 201.
Dijon (généralité de), 23.
Distractions des paysans, 61, 02,
03.
Distribution delarichesse. Voy.
Circulation.
26
402
INDEX ANAI.ÏTIOUE.
Diu, '-'SI.
Documents privés, '2.
Domaine congéable, i".
Dombes des . Jr,
Dominoterie. Arlicle d'cxiiorla-
tioii, -.'co.
Dons gratuits, 't'-\.
Dordogne, liviiic, 't'^, IW.
Douane de Lyon. .Marchandises
qui y suiit soiiniises, :i8!), :{'.)0. Ob.
laud, 10(i, 200, 21)3, 338-;i:5!), 370,
371, 3S8.
Douane de Vienne ou de Valcnre.
337 -338, 3U n. 3, 370.
Douanes, bénéfices dos adjudica-
taires, 341 ; — (droit de), 337. Leur
influence, 203; — intérieures, 330-
3(0; — (liLMies de), 337.
Douarnenez. Dénianlelé, 2".)(;.
Dourdan. Bas de laine, I.V.), n. .'..
Bas de soie et de tricot, 8.S, 113.
Draguignan. Beiir^sfutioiis dra-
ni.ilii|iies, •2.'>7.
Draperie en France, 137-138,100;
— df Rouen, 83; — de Paris, Si.
Draps, article d'exportation, 2G0.
Diminution de leur fabrication, 81 ;
— anglais, 270-271 ; — de Paris, de
lîoucn, de Meaux, du Berrj', de
Beauvais, 84; — du sceau, 83.
Dreux saccagé, 70, n. 1.
Drogueries et épiceries. Droits
d'enlruc, 3'.l0.
Droit de marché, 47.
Droit de marque sur les mar-
chandi^es, 3,'i3.
Droit de mauvais gré Voy.
Droit de marché.
Droits d'entrée sur les épiceries
et drogueries, 300.
Droits d'usage des paroisses, 21.
Duboys Jean), négociant lyon-
nrijs, 3(j7.
Dubourg. Voy. Du Bout.
Du Bout Maurice) directeur de
la manufacture royale de tapisserie,
102, 120. li.-,, 14G, 117.
Duels, 43.
Dufau, consul de France ;'i Seville,
200. n. 1.
Dufour (Jacques , 228.
Duhamel (Claude), maître plom-
bier et foutainier, i:)7-i.")S.
Dumans (Videsire), conseiller an
conseil, 3C.8.
Durnée (Guillaume, peintre or-
dinaire du roi, I le.
Dun (Daniel), 300, n. 4.
Dunkerque. Corsaires, 305.
Duplessis de Come. Ses crimes,
1.'». Sa souiuissinn, IG.
Du Plessis Mornay propose la
ligue de Suez pour le conunerce
entre les Indes orientales et l'Eu-
n'iie, 281.
Dupont (Pierrei, tapissier, 102,
I.V2-1.')3.
Du Pont Gravé, officier de la ma-
rine royale, 283.
Duprè (.Guillaume), sculpteur et
contrôleur général des poinçons
des monnaies de France, 102.
Du Vair, 35G.
Eau-de-vie. article d'exportation,
200,
Échéances prorogées, lGO-170.
Écobuage, 73.
Économie rurale. Cli;ip. i". Plan
du chapitre qui lui est consacre, 4.
Circonstances historiques dont elle
est allectée, 3-4.
iîconomie sociale. Plan d'après
lcr|uel elle est étudiée, 1.
Écorce du mûrier blanc. Son em-
ploi industriel, li'i; — du tilleul,
144.
Ecosse. La pêche du hareng inter-
dite aux étrangers sur ses côtes,
275,294.
Écouis Fure), 12.
Écritoires, article d'exportation,
200.
Édit d'avril 1507, 'J2-0G, 215 : — de
INDEX ANALYTIQUE.
403
Foleiubray, 30; — de Rouen, :iO.
Edmonds (Thomas), ambassadeur
(rAngleterre, 306, 300, n. i.
Edouard VI, roi d'Angleterre, 295.
Elbing, 294.
Élevage, 71-73.
Elisabeth, reine d'Angleterre, 205,
207, 2111, 2'.)i, 305, 308, 310, -314.
Émigrants en Amérique, 28G; —
en Es[)agMe, 202.
Emphytéose, 47 et n. 5.
Empire d'Allemagne. Rompt ses
relations commerciales avec l'An-
gleterre. 205.
Empire ottoman, 310.
Engrais, 73.
Enseignes, 232-233.
Entrecours, 70.
Entrepôts francs, 293.
Entreprises coloniales, 277-288.
Épernon, 52.
Épiceries, 318; — et drogueries
des Indes orientales, 337. Voy.
Drogueries.
Épices. Leur commerce, 281.
Érard, ingénieur, 179.
Escraignes, 01.
Escurial (gouvernement de Tj,
208 .
Espagne. Principal marché de nos
céréales, 24. Son commerce avec
les Provinces-Unies, 208, 292, .323.
Interdiction du commerce avec
elle, 274, n. 1. Met obstacle an
commerce de la France avec les
Açores, 277. Nos exportations en
Espagne, 200-204. Le commerce
avec elle interdit puis rétabli, 202-
204, 274, n. 1. Dépend commercia-
lement de la France, 350, 357, n. 1.
Émigration des Français en Es-
pagne, 277, n. 2. Sa marine mar-
chande, 294-295. Ses marchandises
transportées par la marine des
Provinces-Unies, 294. Cuirs, 153.
Commerçants français en Espagne,
2G8, 209. Soieries, 125, n. 4. Vers
à soie, 108, 109, Ob. UnuL, 72, 121
198, 279,280, 290.
Espagne (roid'). Tente vainement
d'accréditer un ambassadeur à
Constantinople, 315. Ob. laud.,
139, 193, 207, 209.
Espagnols traitent mal nos com-
merçants, 208. Préjudices causés
par eux au commerce maritime
français, 309 ; — judaïsants fondent
on France des maisons de dépôt
et de commission, 290-2'.)!. Ob.
laud., 278.
Espèce ovine, 72.
Étain, 271; — anylais, 209.
Étamets et ras de Milan, 81.
Étamines de Reims, article d'ex-
portatinn, 200, 201.
Étampes duché d'), 143, n. 0.
Étang de la Souterraine, 28.
États barbaresques. Produits
que la France en tirait, 275-276.
Leurs relations commerciales avec
l'Angleterre, 205. Ob. laud.., 85.
États généraux de 1570 et de
1588, 21 ; — de Blois, 5-0, 203.
États du Béarn et de Navarre,
202, n. 2; — de Bourgogne, 05,
n. 4 ; — de Bretagne, 15; — de
Languedoc, 43, n. 3, 186, 298; —
de Normandie, 87, n. 1, 184; —de
Provence, 299.
Eure, rivière. Rendue navigable, 192.
Europe. Son commerce avec l'Ex-
trême-Orient, 281. Ob. laud., 202,
Exportation des céréales, 06.
Exportations de la France, 200-
207.
Exportations et importations,
322.
Extrême-Orient. Son commerce
avec l'Europe, 281 ; — (denrées
del'), 315, 317.
Facteurs, 229-230.
Fa'iences. Établissement de manu-
factures, 157.
404
INDEX ANALYTIQUE.
Faitauds. Voy. Fées.
Falaise. Foire «le la Guibrnyc, •2 4;î.
Faubourgs Saint-Honoré et
Saint Jacques, à Paris, l.)i: —
Saint-Mai'cel. •-^:iT, u. 2.
Fausse monnaie, 13.
Faux. Lotir fabricatiou. lôs.
Faux saunage, 'l'i, 43.
Fecamp. Serges, 8i.
Fées et faitauds. (il.
Femmes. Leurs travaux agricoles,
■,(;; — mariées couimerçantes,
200-210.
Fermage. j.'>-lC.
Feron Raoul le . conseiller de li
cliambre des couiples, !)8, n. 1.
Fers du Berry, -200.
Feugère dirige des cristalleries,
i.')(;.
Feuillantines, V>'.
Feux de la Saint Jean, 02.
Fèvres rue aux), à Paris. 2:52.
Fil, article d'e.vportalion, 2li0.
Fileries, VA.
Finale près de Savons, ."ilS.
Fiscalité. 3 42-3 i:}.
Flamands. Nous font concurrence
dans le commerce avec l'Afrique
septentrionale, 270. Fondent en
France des malsons de dépôt et de
commission. 290-201. Préjudice
causé par eux au commerce mari-
time français, 300. Oh. /aiid., 281,
201.
Flandre.Draperie, 137. Ses échanges
avec la France, 207, 274. Émigration
des Français dans ce pays, 277,
n. 2 ; — (marchandises de), 203.
Tapisserie, 145, 147. Toiles, 130.
Ub. laud., 72, 241.
Florensac Mléraull), 07.
Florence. Étoiles de soie, d'or et
d'argent, 120, n. 4. Serges, 84. Ob.
laud., 81.
Flotte de la Méditerranée, 300.
Fœneste baron de), 42.
Foires, 210, n. I, 244-24Ô. Leuruml-
tiplication et cérémonial de leur
ouverture, 243-244 ; — de Beau-
caire, 243; — de Brie et de Cham-
pagne, 300; — de Champagne, 211 ;
— de Champagne et de Lyon, 241-
242; - de Francfort, 380; — de
• ienève, 239, n. 2, 3j8 ; — de Gui-
bray, 243; — de Lyon. 108. 211-
214, 234,235-230, 238-240, 241, SfiS.
303; — Saint-Germain, 242; —
Saint-Denis ou du Lendit, 243 ; —
du .Monastier, 243, n. 3 ; — de Poi-
tou, 107, 108. u. 1.
Foix pays de'. .Mines, 33.
Foix Louis de .ingénieur. 170, 100.
Fonctionnaires. 331-332.
Fontainebleau, 42, 108; — Car-
rières. 185; — (palais de , Fran-
çois l'-'f y établit la manufacture
(il' haute lire, 1 44.
Fontaine-Française (Cùte-d'Or),
12.
Fontarabie. 170, 207.
Fontenay-en-Poitou. Foires, 108,
n. l.
Fontenay (Julien de), graveur
en pierres flnes, 102.
Fontenelle Eder de). 10. 200.
Fontenu (sieur de), avocat au
parlement, 234.
Foraine de Mâcon, 370.
Forêts. Abus qui s'y conuuettent,
30. Henri IV en réforme l'adminis-
tration, 30-31.
Forez. Quincaillerie, 200, 200. Ob.
laud., 14, 158, 338.
Fortescue (John), 300, n. 4.
Fortier (Jean), entreprend la nja-
nufacture des tapis d'Orient, 151-
■ 152.
Fougeu (Pierre), sieur d'Escures,
175.
Fouques, capitaine ordinaire de la
marine royale du Ponant, 303.
Fourcy (sieur de], intendant des
bâtiments, 144, n. 5, 147, n. 3-148,
1.52.
INDEX ANALYTIQUE.
40b
Français dirigent des cristalleries,
155. Plus taxés en Angleterre que
les autres étrangers, 2GC, n. 4.
Importateurs de marchandises
étrangères, 2C7. Établis à l'étran-
ger, 273-274. Leur tentative de
s'emparer des Açores, 277. Leurs
entreprises colonisatrices, 278.
Comment ils sont traités par les
Espagnols quand ils veulent faire
le commerce en Amérique, 282.
('.■apturés par les corsaires, 301-
302. Font la course, 305. OIk /aud.,
158.
France. Sa vitalité, sa population,
10-11. Sa soumission à l'autorité
royale, 11-12. Insuffisance de.«
mines, 35-36. Pays agricole, 40.
Viticulture, 6G. Élevage, 71-73.
Chevaux, 72 et n. 1. Tannerie, 83.
Henri IV veut en faire un pays in-
dustriel, 103. Importation des
soieries, 103-104. Sériciculture, 100,
132. Industrie des soieries, 118,
122, 123, 125, n. 4. Soie, 130. n. 3.
Soieries, 136, n. 3. Draperie, 137-
138. Toiles, 138-142. Futaines, 142-
143. Les Jésuites y rentrent, 145-
146. Tapisseries, 145-153. Maro-
quins, 154-155. Verreries, 157. Fa-
brique de tuiles et de carreaux,
157. Blanc de plomb, 158. Fabrica-
tion des faux, 158-159. Industrie à
la fin du règne, 159-161. Les An-
glais y fabriquent du papier, 160.
Ligne de navigation entre les deux
mers, 196-202. Sa destinée écono-
mique, 201-202. Prévention qui" y
règne contre le commerce, 252.
Ses exportations, 260-267 ; Ses
échanges avec la Flandre, 267, avec
l'Allemagne, 267. Importations,
267, 273-277. Fait le transit entre
les Provinces-Unies et l'Espagne.
268. Situation des marchands
étrangers qui s'y établissent, 272-
273. Pêche de la morue et du ha-
reng, 274-275. Ses relations com-
merciales avec r.\frique septen-
trionale, 275-276. Avec les Açores
et les îles du Cap-Vert, 277. In-
lluence des essais de colonisation
sur son commerce extérieur, 278.
Hostilité de l'Espagne contre ses
essais de colonisation en Amé-
rique, 282. Vente des marchandises
étrangères, 289-292. Le commerce
entre les Provinces-Unies et l'Es-
pagne se fait sous son couvert,
291-292. Commerce de transit, 292-
293. Marine marchande, 293-298,
313. Ses marchandises transpor-
tées par la marine des Provinces-
Unies, 294. Marine militaire, 298-
300. Ses difficultés et son traité
avec l'Angleterre. 304-312. Son
commerce de transport au Levant,
313-322, 324. Exportations et im-
portations, 322. Draps, mercerie,
transit, marine marchande, 323-
324. .Multiplicité des praticiens, 333.
Immigration ultramontaine, 334.
Sa transformation, 335. Son ré-
gime fiscal, 335. Impôts directs et
douanes, 336-337. Ses efforts pour
se relever, 354-355. Sa situation
économique en 1610, 355-357. Sa
sécurité lui donne le sentiment du
bonheur, 356. Sa situation moné-
taire, 357-360. Taux de l'intérêt et
hypothèques, 360-361. Ob. laud.,
22, 24, 26, 42, 48, 108, 146, 222, 272,
280, 283, 294.
France (nord de la). Main ferme,
47.
France roi de), 267, 260.
Francfort. Foire, 380.
Franche-Comté, 338.
François I'''". Son édit sur les
mines, 32, 33. Noblesse de son
temps, 50-51. Établit à F'ontaine-
bleau la tapisserie de haute lice,
144. Commence le canal de Braine,
189. La marine militaire de son
406
INDKX ANALYTini'E.
temps, Î'.)S. Confirme aux ducs de
Savoie une tixe maritime, ;i(>l,
:\\:\. llègle les droits de la douane
de I.yi.n, :iS'.t. Oh. laud., 80, î)3.
François II. Mines, :v\. 06. taud., \
:!■.', :•.:!. ST.
Franqueville, sculpteur, Kr.'.
Fret. Son prix, ;J84.
Fripiers. Leur importance, "210-
•21.S. Koiit le courtage, 3.3"2.
Fromages, '^Ti.
Fronsac château de), i:{.
Frontignan. Vin, (iS.
Futaines industrie des), 11-2-
H;j; — de .Montpellier, 8'2 ; — d'An-
gleterre, 14-2, '2(;'.l.
Gaban. commerçant, "227.
Gabelle. •2-2--2:j, :i:it;.
Gaillac Tarn-ct-Ciuronne). Sa pros-
périté. l(;-2. Vin, es.
Gailhard Antoine), marchand du
LauraL'uais, 2i(j-'247.
Galères de la Hutte du Levant, ;iO().
Gaudouin Josué), architecte-ingé-
nieur, l'.tl .
Gap, 20-2, n. 1.
Garde ^ Abraham de la , horlo-
ger, l(r2.
Garenne droit de,, 50 et n. 2.
Garonne, rivière. Projet de sa
jonction avec l'Aude, 107-11)8. Ob.
laud., 'i'\.
Garsonnet (François de), dirige
des verreries, lôO.
Gascogne. Élevage du cheval, 71.
Marne, 7:{. Propice à la séricicul-
ture, 108. Ob. laud., 2G, 8G.
Gascogne (golfe de\ 19G.
Gaudin, chaussctier à Draguignan,
Gautiers, 8.
Gavaches (Gavachos), 2(;2. cf.
Gavots.
Gavots, 202, n. 1. Cf. Gavaches.
Gênes. Ktotl'es de soie, d'ur cl d'ar-
gent, 12.-., n. 4. Ob. laud., 2'.»8,:W1.
Genève. Foires, aa8,:!:{0.n. 2. Soie-
ries, 12."., n. i. Ob. laud., 10'.), a:$8.
Gens d'affaires, ;{:;i-:i:î2; de palais
et de linanoes, ;i;j;j-:5:j.').
Gérosmes, 1 1'.), n. :!.
Gèvaudan. !!.
Gibraltar (détroit de), r.)S.
Gien. Sa prospérité, 1('i2.
Glau^ver ^Th.), ambassadeur d'An-
gleterre à Constantinople, :n,'), n. I.
Goa, 281.
Gobelins . La manufacture de haute
,lice y est transférée, 147, 14'.), loi,
ICO.
Gobelin (François et Nicolas^
marchands et bourgeois de P. iris,
2:i7, n. 2; —(François , 2:}8.
Godefroy, manufacturier en soie-
ries, 8(5.
Godefroy (Antoine^ trésorier de
France à Limoges, 270.
Gondi (les), •Tî4.
Gondi i^Henride), évéque de Paris,
i:i(). n. 2.
Gonzague Louis de), duc de Ne-
vers, crée à .N'evers l'industrie de
la cristallerie, lô.'^».
Goussen (Conrad), 28.
Graillet (Nicolas 2:?8.
Graindorge, famille de manufac-
turiers de Caen, 1 41-142 ; — André,
Richard et Michel, 142.
Grains, article d'exportation, 200.
Leur commerce, 2:i-2(;, 7.ï.
Graisses, article d'exportation, 2C.0.
Grancotte (Nicolas , fabricant de
cuir doré. I.'i:i, 1.'. 4, n. 1.
Grand calendrier et compost
des bergers composé par le
berger de la Grande Monta-
gne, (i;t-(i4.
Grand seigneur, 27(i, n. :i, 200,
302.
Grands propriétaires. Soull'rent
nidins des guerres civiles, 0, 74.
Grand voyer, 177, 170, 182, 184,
186, 180.
INDEX ANALYTIQUE.
Abl
Granier (Pierre), uiarcliand de
Tnulouse, 22;].
Graves. Vin, (.S.
Greban (Arnoiil et Simone, ()3.
Grenoble. Pont, IST.
Grieux, conseiller au i>arlenienl,
98, 11. 4.
Guarric (Ramon), marchand de
pastel, •.;2.'>.
Guast iPierredu), sieur de .Monts,
dirige la colonisation en .\inériqiie,
28:i-385, 28G, 287.
Guerres civiles. Leurs ell'ets, 4-8 ;
— sur le couiinercc. 1(;4-1C8.
Guillery (capitaine). Ses brigan-
dages el son supplice, IG.
Guinée, 277.
Guise .Aisne). Son intérêt dans la
canalisation de l'Oise, 193.
Guise ^duc de), 298.
Guyenne fertile en céréales, ('(;.
Exportation de son blé et de son
vin, 24. Habitations rurales, 59.
Sel, G9. Propice à la sériciculture,
108. Ob. laiaf., 190.
Guyot iLaurent) , peintre ordi-
naire du roi, 14G.
Habitations des commerçants et
artisans, 2ôj-25G ; — rurales, 5G-
59.
Hacqueville (sieur d'i. président
au tî'rand conseil, 98, n. 1 .
Haras, 72.
Hardy (Alexandre), poète dra-
matique, 258.
Hareng, 271 ; — (pêche du), 274-
275, 294, 324.
Harfleur démantelé, 29(;.
Harlay (Christophe de), comte
de Beaumont, ambassadeur en .An-
gleterre, 2G4, 30G, n. 4.
Haute Normandie, 4G, n. 1.
Hendaye, 27'f.
Henri II. .Mines, 33. Manufacture
de tapisserie créée par lui, 145.
Cristalleries créées par lui à Saint-
Cicrniain, 155. Fait planter des or-
mes le long des routes, 1G4. Achève
le canal de Braine, 189. La marine
militaire de son temps, 298. Éta-
blit des droits d'entrée sur les épi-
ceries et drogueries, 389. 06. laud.,
32. 135, IGI.
Henri III. Modifie l'administration
des forêts, 30. Noblesse de son
temps, .50. Accorde le privilège de
certaines messageries, 203. Astreint
certaines marchandises à passer ])ar
ia douane de Lyon, 293. La marine
militaire sous son règne, 298. OO.
laud., 187, 3G3, 3G5.
Henri IV. Intérêt de son règne
pour l'étude de l'économie sociale,
1. Ses mesures protectrices en fa-
veur de l'agriculture, 7-8. 11-14,
1 7-20. Fait une trê ve avec Mayenne,
14. Ses mesures réparatrices, 21.
N'améliore pas la gabelle, 22. Fa-
vorable à la liberté du commerce
des grains, 23-2G. Entreprend le
dessèchement des marais, 2G-29.
Réforme l'administration des fo-
rêts, 30-31. Fait faire une enquête
sur les mines, 32. Son édit sur les
mines, 33-34. Lecteur du Théâdc
d'uf/ricullufe, 39. Noblesse de son
temps, 51-54. Favorise l'importa-
tion des céréales, GG. Établit des
haras, 72. L'agriculture sous son
règne, 74, 75-76. Rétablit des offi-
ces, 8G. Sa déclaration sur les let-
tres de maîtrise, 87-88. Son édit
d'avril 1597, 92-90. Installe des
artisans d'élite au Louvre et les
protège, 101-102. A l'idée du Con-
servatoire des arts et métiers, 102
Veut faire de la France un pays
industriel, 103. Développe la séri-
ciculture et l'industrie des soieries,
1 04-1 3G. Prohibe l'entrée des étoffes
de soie, d'or et d'argent, 105. Ce
qu'il fait pourla draperie, 137-138.
Fondateur des établissements de
408
INDEX AN'ALYTIQUK.
haiilc lice, de basse lice et de la
Savonnerie, 14i-l.V2. Fonde Tin-
dustrie des maroquins, 154-lô.'i.
Fait revivre la cristallerie, lôô-
157. L'industrie à la fin de son rè-
gne, 159- KlO. Originalité de s<>n
œuvre en matière commerciale,
17:1-174. Crée un grand voyer, 17i.
Conunent il organise l'intendance
des levées et turcies de la Loire,
17ô. Administration des travaux
publics sous son règne, 179-180.
État des voies de communication
par terre à la fin de son règne.
183-184. Hend la Vesie navigable,
189. Veut établir une ligne de navi-
gation intérieure ininterrompue,
19(;-2(V>. Toniment il règle les trans-
ports publics par terre, 203-207.
Érige un tribunal consulaire à
Dieppe, 213, n. 3. Augmente le
nombre des marchands et artisans
suivant la cour, 200. Statue sur les
livres de commerce, 220. Vend des
lettres de noblesse, 2.')0,n. 2. Anoblit
des inventeurs et industriels, 2.")2.
n. 3. Exportations de son temps,2(iO-
2(î7. Interdit puis rétablit le com-
merce avec les États de Philippe III,
2(J2-2(;'». Exerce sa protection sur
des sujets de Philippe III, 207-2C8.
Veut créer un port entre Baj'onne
et Fontarabie, 27'i-27.j. Essaye de
faire maintenir ses sujets dans le
droit de pécher le hareng dans les
eaux anglaises, 275. Met un iiiipût
sur les marchandises provenant
des Açores,277. Autorise la fonda-
tion d'établissements au Cap, 282.
Accorde à de .Monts le monopole du
commerce dans la Nouvelle-France,
283-28.Î. Ce qu'il fait pour la ma-
rine marchande et la marine mili-
taire, 29(;-300. Impose à Charles-
Emmanuel sa renonciation à une
taxe maritime, 301. Ce qu'il veut
f;iire aux fies d'Ilyères, 301, n. I.
Réprime la piraterie, 302. Réhabi-
lite Simon Dansa, 303. Commissions
instituées par lui au sujet de la pi-
raterie et de la navigation, 300. Sa
protestation contre Van et de prin-
ce, 30S. Réprime la piraterie, 309-
310. Ses plaintes au gouvernement
anglais, 312, n. î. Capitulation con-
clue par lui avec sultan Achinet,
310. Crée, supprime et rétablit le
droit de cotlimo, 321-322. Aurait-il
pu faire plus pour le développe-
ment du commerce ? 325-320. Crée
une agence de revendeurs, 332.
Régime fiscal dont il hérite, 335.
Fiscalité de son gouvernement,
343-344. Son œuvre agricole, 344-
345. Son œuvre industrielle et
commerciale, 345-348. Anoblit
Armand Crommelin, 347. Réprime
les pirateries, restaure notre pro-
tectorat au Levant , fonde des
comi)agnies de commerce. Son por-
trait, 348-350. Ce qu'il fait de Lalle-
nias, 353. Situation économique où
il laisse la France, 355-35(;. Ses me-
sures monétaires, 358-300. Essaye
d'établir la publicité des hypothè-
ques, 301. Crée une commission
contre l'usure, 303. Manufacture
de soieries à Paris, 372. 06. laud.,
n, 14, 31, 30, G4, 05, 00, 84, 89,
13(;, n. 5, 158, 159, ICI, 107, 178,
185, 188, 189, 190, 191, n. 2, 194,
202, 212, n. 1, 235, 242, 245, 255,
208. 278, 281, 290, 357.
Hérault, (n.
Herbert (John\ 300, n. 4.
Hollandais. Essor qu'ils donnent
à la pêche du hareng, 275. Nous
fontconcurrencc dans le commerce
avec l'Afrique septentrionale, 270.
Leurs progrès dans les archipels
de la Sonde et des Moluques, 278.
Nos rivaux heureux pour la pêche
du hareng, 324. Ob. /aud.,'2iib, 291,
292, n. 1, 315, n. 8.
INDEX ANALYTIQUE.
409
Hollande. Toiles, 84, Kil). Ses im-
portations en France, 273-274. Sa
marine marchande, 294, 290. Son
commerce de transit avec l'Es-
pagne, 29(». Ob. /aud., 2(il ; — (pro-
vince de), 279.
Honfleur. Constructions maritimes,
2'.):i, n. 4.
Hôpital de la Trinité, 14:).
Houblon, culture nouvelle, ;iS.
Ho-ward (lord), grand amiral
d'Angleterre, ;lOô.
Huiles, article d'exportation, 2C)0.
Hull, 29,5.
Hurault de Maisse, ambassa-
deur en Angleterre, 2GC.
Hurepoix. Bas de soie et de lainr,
159.
Hydromel, G8.
Hyères (Var). Plantations de canne
à sucre, 09.
Hyères (îles d'i. Plantations de
canne à sucre, 09 Nid de pirates,
:501.
Hypothèques. 3C1. Leur multi-
plicité et leur clandestinité, 40;
— des récoltes, 20.
Ile-de-France. Élevage, 7 1 . Laines,
73. — Propice à la sériciculture,
lOS.
Importations en France, 207-277;
— par mer, 337 ; —et exportations,
322.
Impôts indirects. Abus de leur per-
ception, 341-342.
Incarville, 342.
Inde. Draperie française, 81.
Indes (les), 38.
Indes occidentales, débouché
pour la France, 350. Oh. laitd., 2(')1,
277.
Indes orientales, 278, 280, 281,
n. 2. 282, 337.
Indigo, 127, 378.
Industrie. EUets produits sur elle
par les guerres civiles, 77-80; —
drapière en Champagne, 241 ; —
textile. Sa renaissance, 8i-8.T.
Industries nouvelles, 8.ï.
Instruments aratoires insaisis-
sables, 21.
Intérêt. Son taux, 300-301 ; — légal,
171 ; — des rentes réduit et remis,
170.
Irlandais, 207, 315, n. 8.
Irlande. La pêche du hareng inter-
dite sur ses côtes, 275; — (côtes
d'), 294.
Iroquois (rivière des), aflluent
du Saint-Laurent, 285.
Isère. Navigation, 107.
Italie. Laines françaises, 81. Soie-
ries, 122. Draps, 137. Nos échanges
avec elle, 207. Transit des mar-
chandises pour ce pays, 293. Ses
marchandises transportées par la
marine des Provinces-Unies, 294.
Route maritime de Marseille en — ,
301. 06. lfiud.,98, 72,90, 104, 105,
124, 125, 125, n. 4, 222, 241, 338.
Italiens dirigent des cristalleries,
155. Émigrent en France, 33i. Oh.
laud., 132.
Jachère (régime de la\ 05.
Jacques V'', roi d'Angleterre, mé-
diateur entre la France et l'Es-
pagne, 204. Majore certains droits
d'entrée et de sortie, 200. Inter-
dit la pêche du hareng aux étran-
gers, 275. Oh. laud. 294, 310, 311.
Jardin des Plantes. Son origine,
121, n. 4.
Jeannin (président). Son origine,
251. Oh. laud., 98, n. 4, 280.
Jesse (André de), marchand de
Toulouse, 240-247.
Jeux d'adresse et de force, 01, 02.
Joigny. SouOre des guerres civiles,
79, n. 1. Oh. laud., 67, 201.
Joseph, patriarche. Son histoire
mise à la scène, 257.
Joyeuse, 07.
410
1ND1:;\ ANALYTlQl'i:.
Joyeuse (cardinal de\ lOc.-i'.);.
Juniigny. Vin, (!8.
Juridictions consulaires, "^ll-
214. 3!)7, n. 4 ; — seijîneuriales.
Leur imiltiplicité et leurs abus, 'i!)-
ÔO.
Kerhanland. Ses crimes, \ô.
Kerseys. Vov. Crézeaux.
La Bazinière. Son fils devient
tivsdiier de l'Épargne, 2âl.
La Bistade, '-'.'s.
La Boderie i,Lefèvre de), ambas-
sadeur de Tranoe en Angleterre.:! 1 1 .
La Bornerie M. de), 23(;.
La Casse, capitaine huguenot, 8.
Lacombe (Jean), 22"2.
La Fère (Aisne). Tort que les
guerres civiles font à sou com-
merce, lOâ. 06. html., Iî)2.
La Ferté-Milon saccagé, 79, n. I.
La Ferté-sous-Jouarre. Pont,
ISC-l.ST.
Laffemas (Barth.). Hostile à l'im-
portationdes chevaux, 72. Demande
la suppression de certains offices,
87, n. 1. Sa vie et son plan de ré-
forme de l'industrie, 88-i)l. Mé-
moire qu'il présente au roi, 90-97.
Ses vœux. Nommé contrôleur gé-
néral du commerce, 100. Son éva-
luation de l'importation des soie-
ries, 103-lOi. Sa part dans la
propagation de la sériciculture, lOô,
109, m. Il:}, 115, dans le dévelop-
pement de l'industrie des soieries,
122, 123. Partisan de la séricicul-
ture, 132, 134. Favorable à l'aggra-
vation de la pénalité contre les
banqueroutiers, 172. Adversaire
des jiuidictions consulaires, 214, et
des foires, 24.'>. Sa proposition au
sujet du commerce maritime, 297.
06. laud., 40, n. 1, 84, 88, 92, 12:>,
ir.2,.3:i2-.3.J3, 377.
La Fite, château, 8.
La Fite, ca|)it.iine huguenot, 7.
La Flèche saccagée, 79, n. 1.
La Goulette. Bâtiments tunisiens
y sont brûlés, :tO"2.
La Haye, l-^il.
Laines, article d'exportation, 2(iO.
Leur importation en Angleterre,
2(>4. — anglaises, 209. OU. laud.,
73.
La Magnane. Ses crimes, l.î.
Lamarque Vincent de , archer
des gardes du corps, 2(1S.
Lambert (Antoine), marchand
de Houen, 139, l'.l.
La Motte Serrant. Ses crimes, I.").
Landria. cnnunerçant, 227.
Langoiran. Ses crimes, l.ï.
Languedoc. Exportation de son
blé et de son vin, 24. Mines, 32.
Locatairerie perpétuelle, 47. Habi-
tations rurales, 59. Fertile en cé-
réales, 00. , Sel, 0'.). Laines, 81.
.Mûriers, 105. Soie, i:^), n. 3. Im-
position, ISO ; — (canal du;, 190 ; —
(états du), 180, 298. N'a pas de
ports, 290. Foraine, 370. Oh. laud.,
25, 84, 108, 158, 183, 237, 3:J8. —
(Bas), 29.
Lannion (Côtes-du-Nord), 15.
Lantarais (Le), 225.
Laon, 4i.
Laonnais. Vins, 08. Ses échanges,
19;'.
La Planche (François de), tapis-
sier llamand, 144, n. 5, 148-151.
Laran, commerçants en soieries de
Toulouse, 225. Grand livre de leur
maison, 373.
Larchant, près Nemours, 29.
Largentier, capitaliste, 149.
Largentière, f,s.
La Roche (marquis de , 283.
La Rochelle. Vin, 07. .Maroquins,
85, 15i. Sa j)rospérilé, 102. Cour-
tiers, 392. Droit d'entrée sur les
épiceries et drogueries, 389, 390.
— (Commerçants de), 283,284.
INDEX ANALYTIQUE.
411
Lauraguais. Pastel, fi9, 204.
Laurent (Girard), directeur de la
manufacture royale de lapis, llô,
14G, 147.
Laval. Toiles, 8 4, IV.). Offices se
rattachant à l'industrie des cuirs,
87, n. 1 ; — (marcliands de'i forment
une compagnie pour le commerce
des Indes Orientales, 278.
La Varenne (sieur de), contrô-
leur général des postes et relais,
206, n. 3.
Lavedan. Élevage du cheval, 72.
La Villette. Une trêve y est con-
clue, 14.
Le Bret (Cardin), avocat général
à la cour des aides, 98, n. 1, 4.
Le Clerc (Nicolas), tanneur à
Meulan, 2')1.
Lecomte (Simon), négociant, 221-
222, 225, 228, 229, n. 1, 236, 237,
n. 2, 238, 374, 375, 376, 377, 378.
370, 380, 381, 382, 383, 384, 385,
387, 388.
Légal (Simon), Nimois, 116.
Le Havre. Pêche de la morue, 275.
Coustructions maritimes, 293, n. 4.
Pêcheurs, 297 ; — (échevinage du),
340.
Lejeay, lieutenant civil, 3(;2.
Le Mans. Création d'offices,87,n.l.
Lembros, 68.
Lenclu (? Thomas et Antoine ,
sieurs de Moissac, 276, n. 3.
Le Primatice, 144.
Lerambert (Henri), peintre ordi-
naire du roi, 146.
Lesdiguières, 25, 52.
Lesche-en-Brie, 29.
Lesseville (M. de^, maître des
comptes, 251.
Le Tellier (Jean), bourgeois de
Paris, traite pour l'introduction de
la sériciculture en Poitou, 115.
Lettre de change, 235-240, 363,
378, 379, 3S4, 385, 386. 387.
Lettre de marque, 311.
Lettre de voiture, 375, 376, 387.
Levant. Ses relations commerciales
avec l'Angleterre, 265. Draperie
française, 81 ; — (denrées du), 315,
318. 06. laïuL, 121.
Leviston, 18.
Leyde. Serges, H)7, 274.
Lhopital (sieur de) autorisé à
fonder des établissements au Cap,
282.
Lignon (le), rivière, 356.
Ligue (la), 14, 15 ; — de Montéli-
mart, 10; — des villains, 10.
Lille. Camelots, 274.
Limoges. Sa prospérité, 1(;2.
Limousin. Bœufs, 72. Ses exporta-
tions, 190. Propice à la séricicul-
ture, 108. Ob. laiid., 183.
Limoux (Aude), 8.
Lin. Sa culture, 69.
Liugettes, flanelles, 141.
Littérature des paysans, 63.
Liutgens (Peter), Hollandais, 280.
Livre de crédit, 385.386.
Livres de commerce, 219-226.
Lobriac (sieur de). 190.
Locatairerie perpétuelle, 47.
Loches (mesure de), 47, n. 5.
Lods et ventes, 45.
Loeille (Jean de), négociant
lyonnais, 367.
Loing (le , l'.to.
Loire (la). Péages, 166. Canal de
jonction avec la Seine, 181, 198,
199. Ponts, 181. Travaux qui s'y
rattachent, 182. Crues, 187. Sa na-
vigabilité, 195. Sa jonction avec
la Saône, 198, 200. Marchandises
qu'elle peut transporter, 200. Ob.
laud., 196, 338 ; — (région de la),
190.
Lombardie, 108.
Lombards, 241.
Lommelino (Francesco), Génois.
300.
Londres, 2(ii, 311.
Longueville (duc de), 28.
412
INDEX ANALYTIQUE.
Lorain (Pierre le), 'io\, n. :î.
Lorraine. Sel, l>9. Papeterie, 100,
n. ;!.
Loudun. Vin, 08.
Loueries, b'.).
Louis XI confirme aux ducs lic
Savoie une taxe maritime, ;{()!.
Ob. laiid.. 125, n. ■'».
Louis XIII, l.".:i, l.'.C, -281.
Louis XIV. :i8, n. i, :Vi8,3V.), n. 1.
Louis XVI. :i8, n. 4.
Lourdet Simon), tapissier, l.')3.
Louviers. Toiles fines, 8 4, !:{'.».
Louvre. Henri IV y installe des
ouvriers d'élite, KU-IO'?. Projet
d'j' établir un Conservatoire des
arts et métiers, Mvl. Tapisserie,
lUi, 147, 140, l;,-2. Ob. InucL, 4->,
V20.
Louvres (Seine-et-Oise), 144.
Luçon. Sa prospérité, 102.
Lucques. Etoffes de soie, d'or et
d'argent, 22ô, n. 4.
Luxe. Son développement, 10:î.
Luxembourg. Transit des échanges
entre la Klandre et l'Allemagne,
TKspagne et l'Italie, 203.
Lynn, 20.").
Lyon. Une trêve y est conclue, 14.
Industrie des soieries, 83, 8(;, lo.'),
120, 127, 128, 1.30, 133-13G, 100, 1(12.
Création d'offices, 87, n. 1. L'édit
d'avril 1507 n'y est pas appliqué,
00. Cristalleries, 1,')0. Chapellerie,
lôO. Chemin neuf, 183. Foires, 211-
212, 220, 234, 238, 241, 358, 303.
Cours légal des changes, 230. Ses
privilèges et sa population, 241-
242. .Messageries entre cette ville
et Paris, 203. Douane, 201, 203,
380. Kntrepftt et débouché des
marchandises du Levant, 320. Pro-
fite de la prospérité de .Marseille,
324. Colonie italienne, 334. Entrée
des épiceries et drogueries des
Indes, 337. Restauration de son
commerce, 3(;7-373. Prospérité et
décadence de ses foires. Le cours
du change y est fixé, 3G0. Cour-
tiers, 292, 371. Décadence de l'in-
dustrie et de laville, 371. Industrie
de la soierie,372. Lieu d'importation
liour les épiceries et drogueries,
3S0 ; — (échevinage de), 25, 181,
n. 3. Oh. laud., 10. 122, lOG, 200.
22S, 230, 338.
Lyon (généralité de^. Séricicul-
ture, 100, 113, 114.
Lyonnais. .Mines, 32. Charrois, 1(;7.
.Mûriers, 105, 373. Propice à. la
sériciculture, 108. Soie, 130, n. 3.
Courtiers, 202. 0/;. lnud., 14, l.'.s.
338.
Lyonnais, j^artisans de la liberté
des importations, 105, n. 4.
Lys (Charles du), substitut du
procureur général au parlement,
08, n. 1, 4, 110.
Macau, commerçant à Toulouse.
228.
Machecoul forêt de), 10.
Mâcon. Foraine, 370.
Maçonnais propice à la séricicul-
ture, lOS.
Madrid (château de). Établisse-
ment séricicole, 100. Oh. laud.,
107; — (Parc de), 108.
Mail (le). Rendez-vous des com-
merçants, 255.
Maillefert (Jean), commerçant
rémois, 220, 221, 224.
Main ferme, 47.
Maine, lîail à complant, 40.
Maire tisaac le) de Tournay, 2S0.
Ma'ïs, cultin-e nouvelle, 38.
Maisse (M. de), commissaire pour
le traité de 1000 avec l'Angleterre,
201, n. 1.
Maîtres de forges. Leur profes-
sion n'entraîne pas dérogeance,
2.V>, n. 3.
Maîtres des œuvres de maçon-
nerie et de charpentcrie, 170.
INDEX ANALYTIQUE.
413
Maîtrise de l'Ile-de-France, ;iO ; —
(le iNoniuiudie, :i().
Maîtrises (création de), 87.
Malay Vicomte soullïc de la
yuerre, ''■). n. 1.
Malherbe, .')8.
Malouins, ^S", n. 1.
Malte (ordre de). Sa participation
à la propagation de la séricicul-
ture, 1:}1.
Malvasio (Vincenzio), marchand
en gros de produits levantins, 318.
Manche (la), 19G, 2()-2.
Mandat (Galliot), conseiller et
secrétaire des finances du roi, 08,
n. 1.
Manicamp (sieur de), gouverneur
de La Fera, 193.
Mantes. Soieries, 12'2.
Mantes (gouverneur de). Ses
exactions, l(jU.
Maque ^hôtel de la , rue de la
Tixeranderie, 119, 120.
Marais de Gascogne, de TAunis, du
Poitou, de la Bombes, de la
Brenne, de Ghaumont-en-Vexin,
de Bordeaux, de Sacy, 2G, 28 ; —
de Lesche-en-Brie , de Tonnay-
Charente, du Bas Languedoc, de
Larchant, Yarnier, 29.
Marans (Ghar.-Inf.). Sa prospérité,
102.
Marchandes à, la toilette, 217.
Marchandises expédiées pour le
continent. Leur itinéraire pour
échapper à la douane de Vienne,
:]:5S.
Marchands font la banque, :5(i() ; —
de vin, 353.
Marchands et artisans suivant
la cour, 218-219.
Marchés usuraires, 2.33.
Maréchal (Jean), verrier, l.')(;-i.")7.
Maressé, archer de la '^arde, 130.
Marie (Christophe), 180.
Marie de Médicis, 3.')0, 302.
Marie Tudor, 294.
Marine marchande, 293-298,
323-324; —militaire, 298-300; —
normande, 319, n. 1.
Maringues, 338.
Marne employé comme engrais, 73.
Marne (la), rivière. Ponts, 18.>.
Maroc, 27.").
Maroc (roi de), 301.
Maroquins. Leur industrie est en-
treprise en grand, 154-155; — à la
fin du règne, ICO; — de Flandre,
de La Rochelle, 85.
Marsay (sieur de), 57, n. 3.
Marseillan (Hérault), 07.
Marseillais. Pertes que la piraterie
leur fait subir, 302. Enrôlent un
lieutenant du capitaine lieaulieu,
302, 304. Prise d'un vaisseau an-
glais, 305.
Marseille. Sa prospérité, 102. Mar-
chandises exotiques, 200. Noblesse
commerçante, 252, n. 3; — (con-
sulat de), 270; — (viguiers, con-
suls et habitants de), 27G, n. 3.
Gourtiers, 292; — (habitants dei
309. Lieu d'importation pour les
épiceries et drogueries, 389 ; —
(négociants de), 297. Droits d'en-
trée, 390. Son commerce et sa pros-
périté, 317, 322, 324. Oh. laial., 41,
n. 3, 121, 121, 299, 300, 301.
Martial d'Auvergne, 03.
Martigues, 205.
Martins (Pierre des\ peintre, 102.
Mascara (Algérie . Poche du co-
rail, 276. Voy. Mascarets.
Mascarets en Barbarie. Voy.
Mascara.
Matheolus (le livre de), 03.
Mathon, lait caillé, 00.
Maurice de Nassau, 279.
Mayaffre (Isaac), Languedocien,
a des magnaneries à Rouen, 110.
Mayenne (Gharles de Lorraine, duc
de) fait une trêve avec Henri IV, 14.
Meaux. Industrie drapière, 81, 84.
Meaux (bailliage dej, 50, n. 3.
414
INDEX ANALYTIQUE,
Meaux élection de'i, isc.
Méditerranée. Lif,'nedenavij:alion
filtre elle et lOeéau, l'JG-202.
Méditerranée (bassin de la). Projet
de le leiler aux Indes par Sue7.,28"2.
Mellet Geordi;, marinier, V,V>.
Melun. Coche d'eau entre cette
ville et Paris, Î08. Cristallerie, lôC.
liiihistrie drapière, Si.
Mélusine, .M.
Mende (Lozère^ pillée, "!), n. I.
Mercerie exportée, 201 .
Merciers favorables aux importn-
tions, '.)". Leur importance, 2L")-
21G. Prennent des commissions de
vente des étrangers, 200. Font le
courtage, XV2 ; — (rois des), 2i:i-
1\'t. Oh. IniiiL, 5-42.
Mercœur duc de), 11.
Merle, c.iiiitaine huguenot, 79, n. 1.
Méry-sur-Seine, l'.Kî.
Mesnil-au-Vast, .>!.
Messageries municipales, 20:1: — à
Toulouse, Ibid. ; — de l'L'nivcrsilé,
202, n. 1 ; — de Paris, Orléans,
Tidyes, Rouen et Beauvais, 20:i.
Métayage, 'lô.
Métier à la tire, 128.
Metz, ISG.
Meudon. Vins, G8.
Meulan (gouverneur de . Ses
exactions, KiU.
Meules de moulin, article d'expor-
tation, 2(;0.
Meung-sur-Loire. Haras, 72.
Meuse (la , !'•»!, lOG. Sa jonction
avec la Saône, 11)8.
Michel (Pierre , seigneur de Sous-
Carrière, manjuis de Montbrun,
2ôO, n. :5.
Michieli Giovanni). Sa relation,
10.
Miel, article d'exportation, 200.
Milan. Étoiles de soie, d'or et d'ar-
gent, 120, n. 4 ; — (marchands de),
2'.i:i, n. 2. Ras, 84.
Milanais, 201, 298.
Mines. Personnel atlministratif, :>'».
(th. hiwl., 31, 30.
Mineurs commerçants, 309-210.
Mirande, belvédère. W.\.
Mireval (lléraulti. Vin, 08.
Miroiterie, loi.
Mobilier du paysan, .lO-OO.
Mocades anglaises, 209.
Modène. Sujeries. I2ô, n. \.
Moisset Jean de), contrôleur de
l'artillerie, des menus et alTaires
de la chambre, 118, 1 19.
Molière. .')S.
Moluciues, 278, 281 .
Mômeries de l'Assomption, 02.
Monastier (le) dans la sénéchaus-
sée du Puy. Foires, 2'(:{, n. 3.
Monnaies, :i.")7-300.Voy. Poinçons.
Monopole des engins et munitions
de guerre, 19.
Monségur (Gironde). La garnison
.ur'le les bateaux, :{83.
Montargis. Canrd, 199.
Montconnis (Claude de). 29.
Montélimar, 07.
Montgailhard, 2iG, 2i7.
Montmartre, 08.
Montmorency (Henri I", duc
de) fait une trêve avec le duc de
Nemours, l'i. Ob. laiul., 17, 18, 19.
177, 281.
Montmorency (le), vaisseau, 281 .
Montolieu (Honoré de), consul
(le Marseille, créateur de la cham-
bre de commerce de cette ville.
;51T.
Montpellier. Ses industries, 80.
Montpensier (Henri de Bour-
bon, duc de), is.
Montréal (.\udc). Vin, 08. Ob.
1(1 ml., 8.
Moret, 199.
Morue. Sa pêche et son commerce,
27'i-27,">, 29i, 324.
Morvan. Habitations rurales, .')8.
Mouche, Italiens émigrés en France,
334.
INDEX ANALYTIQUE.
415
Movilins (édit de), 214; — (gônéra-
lilé dc),2:i ; — (ordonnance de), 211.
Moussengirard (connuune de
l'arr. de Beaucaire, Gard). Vin, G".
Mûrier. Sa propagation, 37. Pays
de culture, triantes aux Tuileries,
Klô ; — en Lyonnais, :!72.
Muscats et blanquettes, CiS.
Mussoni, procureur à Draguignan,
257.
Nantes. Droit d'entrée sur les épi-
ceries et drogueries, 389, 31)0. 06.
laud., 108,200, 207.
Naples. Soieries, 12,'), n. 'i. Ob.
laud., 105; — (royaume de), 2!)8.
Narbonne ('négociants de), 2'.)7 ; —
(ville et diocèse de), 14. Ob. laud..
2G5.
Naturalisation (lettres de), 290.
Nautse Ligerici, Parisienses,
207.
Navarre. États, 202, n. 2.
Navigation au tiers et au fret, 319,
n. 1.
Nemours, 29.
Nemours (duc de) fait une trêve
avec Jlontiuorency, M.
Nérac (Lot-et-Garonne). Vin, 08. Ob.
laud., 80.
Neufville (Marie de). Voy. Pail-
lard (Jacques) d'Urfé.
Nevers. Cristalleries, 155, 150, 157.
Faïences et poteries, 157. Oh. laud.,
lOC.
Neville (Henri) , ambassadeur
d'Angleterre en France, 33, 3i, 305.
Newcastle, 295.
Nîmes. Serges, 8i. Futaines, 140
n. 3 ; — (sénéchal et juges prési-
diaux de), 200.
Niort. Sa prospérité, 102. l-'oires,
lus, n. 1.
Nivernais. Bail à complant, 40.
13ordelage, 40. Propice à la sérici-
culture, 108. Bois, 200. Ob. laud.,
44, 47, n. 1.
Noblesse peu aisée, 40, 52. P'ait des
aiïaires, 41. Son genre de vie, 41-
43. Sous François 1«'', .50-51; sous
Henri IV, 51-54. Sa participation
à la propagation de la sériciculture,
131 ; — comuierçanle, 252 ; — in-
lluence que les guerres civiles ont
sur elle, 328-330.
Noix de galle, 31 s.
Nord .départeuients du), 30.
Nord (mer du), 190, 200, 202.
Normandie. Exportation de son
blé et de son \in, 24. Le fermage
y remplace le métayage, 45-40.
Fertile en céréales, 00. Viticulture,
07. Lin et chanvre, 09, n. 1. Éle-
vage, 71. Laines, 73. Insécurité,
79. Toiles, 84, 139. Sériciculture,
108, 110. Verreries, 1.50. Interrup-
tion du commerce, 107. Travaux
publics, 182. Richesse agricole,
200. Noblesse commerçante, 252,
n. 3. Droit de tonnage sur les vais-
seaux y abordant, 271. Amirauté,
309. Parlement, 3 iO. Cour des aides,
Ibid. Impôts, 343; — (états de),
87, n. 1, 184. Ob. laud., 00.
Norvège, 29 i.
Notables (assemblée des), 88.
Notre-Dame de Paris (chapitre
de), 29.
Nottingham (comte de), 306,
n.4.
Nouvelle-Ecosse, 274. Voy. Aca-
die.
Nouvelle-France. Colonisation ,
283-287, 325.
Noyers (château de) en Bourgo-
gne, 10.
Noyon soulTre de la guerre, 79,
n. 1 ; — (gouverneur de). Ses
exactions, 100.
Numéraire transporté au Levant,
317-318, 321.
Océan. Ligne de navigation avec
la -Méditerranée, 190-202. Comment
416
INDEX ANALYTIQUE.
on pourvoit à lu dcfense de ses
côtes, :iO().
Océan pacifique, 'H\'2.
Offices. Leur valeur, 3G-2-aG:J. Se
rattachant à l'industrie des cuirs,
81!.
Oise ,1'' rendue navigable, liJI-1'.)i.
Opéra-comique. Son orii,'ine. '2't'\.
Or filé. la. on de Milan, ll'.l.
Orange iVaurluse\ ;it;; — princl-
pautt- d"). .Mùiiers. 10,').
Organisation industrielle. Ses
abus, S()-8-2.
Orient, 124.
Orléanais. Vins, 07. Propice à la
si'riciculture, 108.
Orléans. Vins blancs, G8. Création
d'uflices. 87, n. 1. Fabrication de
tuiles et carreaux, lo7. Chapelle-
rie, 15'.). Ponts, 187. Messageries,
•203. Coches entre cette ville et
Paris, 204. Ob. laud., 200, 338 ; —
(généralité d'), 23. Sériciculture,
109, 113, 114; — (ordonnance d'),
171,233.
Orne. Projet de canalisation, 191.
Ortie. Son emploi industriel, 144.
Ourcq [Vj rendue navigable, 192.
Ouvriers agricoles, jô-ôC. .Mi-
neurs. ;i.i.
Ozembray (sieur d'), président
des requêtes du parlement, 98,
n. 1.
Paccioli (Lucasi, moine francis-
cain italien, 222.
Pacifique ^contrées du). Créa-
tinn diino Coui[)agnie pour en
fairi^ le commerce, 279-281.
Packhurst, voyageur anglais,
274, n. 1.
Pages Jean,", marchand d'Amiens
•.'.')(). II. 1.
Palus de Bordeaux, 20, 28.
Pancarte, impôt, 340, 341.
Panisseau (Périgord), 7.
Papier. Sa fabrication à la lin du
règne, IGD. .Vrlii'le d'exportation,
2(;(i, 2(il.
Parent (Etienne;, manufacturier
en soieries, 122-123, 13.'».
Parent (Noël\ manufacturier en
soieries, 118, 122, 13Ô.
Pargnan. Vin, (18.
Paris, teinturerie. Vaisselle d'ar-
gent. 83. Draps, drapiers, 84.
Soieries, 80, I2ô, n. 4, 133-134.
Cordonniers, 87, n. 1. Plumassiers,
95, n. 2. Sériciculture, 108, I(i9,
114. Soieries, 118-121, 12Ô, n. 4,
133, 134. Le Temple, 118. Hôtel de
la .Maque, 119. Place Royale, 121.
Parc et palais des Tournclles, 121,
n. 4, Manufacturiers de soie, 12.i.
Négociants en soieries, 127, n. 2.
Hôtel de Relz, 131. Futaines. 142.
Tapisseries, 145. Hôpital de la
Trinité, 145. Maison professe des
.lésuites, 145. Église Saint-Merry,
145. Louvre, 146, 147. Gobelins,
147. Parlement, 151), 204, 212. .Ma-
nufacture de la Savonnerie. 151-
153. Chaillot, 153. Faubourgs
Saint-Honoré et Saint-Jacques,
154. Cristallerie. 150. Faïences et
poteries, 157. Tuiles et carreaux,
157. Chapellerie, 159. Sa prospé-
rité, 1G2. Banqueroutes, 171. Voi-
rie, 178. Son aspect, 178; — (ports
de), 182. Boues et pavé, 182. Rue
Saint-Antoine, 185. Pavé, 185.
Pont Marie, 18G. Pont-Neuf, 187-
188. Pont Marchand, 188. Univer-
sité, 202, n. I. Messageries, 203.
Coches, 204. 208-209; (coutume
de), 210. Juridiction consulaire,
212. Louvre, 219. Foire Saint-
Germain, 240. Palais Royal, 242.
Foire Saint-Laurent, 243. Rue aux
Fèvres. Petit-Pont. Enclos du Pa-
lais. Halles. Cimetière Saint-Jean.
Grand et Petit Cliàtclet. Galerie du
Palais, 232. Projet de banque, 234;
— (bureau de la ville de), 233,234.
INDEX ANALYTIQUE.
417
Faubourg Saint-Marcel, 237, n. 2.
Bourse. Pont-Neuf. Mail, '2hh.
Courtiers, 292. Association de
voleurs, 355. Port au Foin, 355.
06. laucL, 10, 14, 22, 42, 43, 57,
136, n. 3, 140; — (environs de),
vins, 61. Industrie drapière, 81;
— (généralité de), 23. Sériciculture,
109, 113, 114, 193; — (prévôt de),
204. Ob. luiid., G4, n. 2, 81, 122,
137, 16G, 1G7, 180, 187, 218, 237,
2Ô7, 272.
Parisiens plantent des mûrier?,
109.
Parjon (sieur , 181, n. 3.
Parlement, 101, 102 ; — d'Aix (pre-
mier président du parlement), 124:
— de Bordeaux, 229; — de Nor-
mandie, 340; — de Paris, 34, l.îO,
204; — de Rouen, 18, IIG;— do
Toulouse, 2.'), 50, u. 3.
Paroisses autorisées à racheter
les communaux et droits d'usage,
21.
Parry i,Thomas), 306, n. 4.
Partis dajis les fermes publiques,
25(1.
Pasages (port dei, en Guipuzcon,
275.
Passe-debout, 293.
Pastel, article d'exportation, 200.
Société pour en faire le commerce,
246-247. Son importation en An-
gleterre, 264; — du Lauraguais,
69, 264. Ob. laud., 127, 374,375,
370,377. 379, 381, 382, 383.
Patente de Languedoc, 370.
Paulette la), .302.
Paupérisme, 78-79, 355.
Pavie, 50.
Pays-Bas, 118, 142, 148,149,150,
154, 201, 280.
Pays d'état. Travaux de voirie.
17(1.
Pays Messin, fertile en céréales,
00.
Paysans. Leur panique à l'approche
des troupes, 5. Leurs associations
secrètes, 9-10. Leur persévérance
à se remettre au travail, 10,11.
Leur situation obérée, 20. Influence
des guerres civiles sur eux, 5'i-55.
330-331. Leur.^ chaumières, 58-,59;
— du Poitou rebelles à la propaga-
tion de la sériciculture, 115.
Péages, I60-I07, 177, 178, 184.
Pecquais, 205.
Pelletier(Hugues), ingénieur, 179.
Pellot Claude , négociant lyon-
nais, 307.
Penmarch ruiné, 290.
Pensions multipliées par Henri IV,
42.
Perche. Élevage du cheval, 71.
Habitations rurales, 59. .Morcelle-
ment de la propriété, 40, n. 3.
Périgord, 7, 190.
Périgueux. Sa prospérité, 102.
PerrucJie. Italiens émigrés en
France, 334.
Perse (ambassadeur de), 279.
Petit Jean), fourbisseur, 102.
Petit-Pont (le) à Paris, 232.
Petite-Flandre, 29.
Petits cultivateurs, 45.
Pézenas, 180.
Philippe III, roi d'Espagne, frappe
d'un droit prohibitif le commerce
avec la France, 202. Interdit l'en-
trée de son royaume aux Boche-
lais, 208. Ob. laud., 201.
Picardent cépage de), 07.
Picardie. Mines, 33. Fertile en cé-
réales, 00. Viticulture, 67. Bière, 08.
Lin et chanvre, 09. Élevage, 71.
Rebelle à la sériciculture, 107.
Soieries, 134. Toiles, 139, n. 3; —
(grande route de), 177. Ob. laud.,
47.
Piémont, 38.
Pierre (Michel), manufacturier,
143.
Pierre, dirige des cristalleries, 1..6.
Pierres de Naurouse ^les), 197.
27
418
INDEX ANAI.YTIOIE.
Pincé (Pierre de), conseiller de la
cli:uiilire (les eoiiiptes, '.)8. n. i.
Pinçon (^Paul), iiiaïuifactiirier, l 't".'-
1 i:i.
Pingre i;Guillaumel, marcliaiid
parisien, 17 1.
Piraterie, :îOl-:ilO, :]|->, .TUi, T20,
Place Royale à Paris, \-2\.
Placements mobiliers rccliei-
chés, iO.
Plaisirs des coninierçanls et arti-
sans, "J.!!).
Planchéage, 207.
Plancius. cosmographe d'Amster-
dam, 1H0.
Plessis-lez-Tours'parc de), lîl.
Plestia C.nli's-du-Nord), 15.
Plomb, •J7I.
Plomberie, l.>s.
Plumassiers-panachers de Pa-
ris, 'Jô, n. "2.
Poculot (Claude), négociant lyon-
nais, :i(»'.).
Poinçons des monnaies, 102.
Poiré, ()8.
Poitiers. Cuirs, 8.")-, — (échevinage
de). Son opposition à l'édit d'avril,
1597, 9ô, n. :). Ob. laud., 80, n. G,
18!); — (généralité de). Séricicul-
ture, ll'«.
Poitou. Mines, 'il. Bail à complani,
'iC. Danses, (i2. Élevage du cheval,
71. Propice à la sériciculture, l(i8.
Sériciculture, llô. Verrerie, 1.S7.
Foires, 1()7. Oh. laud., 15, 2(>, ISi),
222; _ (sénéchal de), 95, n. a.
Polders, 29.
Pologne, W). 20'».
Poméranie, 2'.»i.
Pomerols (Hérault), 87.
Pomologie normande, (■>8, n. \.
Pontavert Aisne), 191, n. 2.
Ponte îHorace;, Italien, exploite
(le- rristalleries, 15(5.
Pont-Neuf, 25.'..
Ponts, 1G5-IIH;, 185-188; — de
lUiuen, 181; —du llhùne, ISI; —
de la Loire, 181 ; — de Uiuien,
182; — de Mantes et de Sainl-
Cloud, 1S2 ; — de Beautor, de
(".hauny, !'.)'•; — (maîtres des),
KiS, 2(17.
Ponts et chaussées. Leur ailmi-
nistration, I7't-I79. Travaux (|ui
s'y rattachent, 180182. Ob. laud.,
.•547-358.
Ponts-de-Cé, l.)5.
Pool, 205.
Popham f John), :!0(!, n. i.
Population. Sa diminution, .3:U ;
— rurale a deux maîtres, 'i8-50.
Port d'armes, I'.).
Port au Foin à Paris, ;i'.5.
Portail (Rocher), partisan, 251.
Porte-balles, 108.
Portes cochères, 2.">5.
Port-Royal (Amérique), 284, 285.
Ports. Leur rareté, 290-297.
Portugais établis à Nantes, 207 ; —
judaïsants, fondent en France des
maisons de dépôt et de commis-
sion, 290-291. Oh. laud., 278, 279,
282.
Portugal. Nos exportations pour
ce pays, 2ii0-20i. Ses marchan-
dises transportées par la marine
des Provinces-Unies, 'i\)'i.Olj.laml.,
279, n. 2.
Postes aux chevaux, 21) 4 -207.
Poterie, article d'exportation, 200.
Poussera otte (Charles:, secré-
taire du roi, 98, n. I, \.
Pradel (lei, domaine du Viva-
rais, 37.
Prairies, (;9-71.
Prés (Robert des), avocat au par-
lement, 98, n. I, 4.
Prescription commerciale, 210-
211.
Prêt à la grosse aventure, 318,
382-383.
Preuves en matière commerciale,
211.
INDEX ANALYTIQUE.
419
Prévost (Nicolas^ conseiller de 1
la chaïubre des comptes, 98, n. 1.
Prévôt de l'Ile-de-France, î>ôl.
Primes aux armateurs, 2;)7.
Prix. Leur hausse, :i27-:î5S. Leur
baisse, 3(i:{-3(;i.
Production. Sa place duns l'ou-
vrage, 3.
Produits barbaresques, :i:i7.
Pronostication des laboureurs
(la), (Ji, n. I.
Propriété. Son régime, ii; — fon-
cière morcelée, 40, 74. Augmente
de valeur, 40; — rurale maintient
sa valeur, .3G4.
Provençaux. Pertes que la pira-
terie leur fait éprouver, .302.
Provence. Mines, 32. Morcellement
de la propriété, 40, n. .3. Habita-
tions rurales, ûl). Danses, 02. Ins-
truction des paysans, 02. Fertile
en céréales, 00. Canne à sucre, 08.
Sel, GO. On n'y fume pas les terres,
73. Laines, 81. Industrie drapière,
81. Mûriers, 104,105. Sériciculture
et soieries, 123-124. Soie, 130, n. 3.
Ob. laud., 108, 1.58. 2G2, n. 1, 337.
Provinces-Unies. Leur commerce
avec l'Espagne, 208. Leur opposi-
tion à l'expédition d'une Hotte
française dans les Indes orientales,
280-281. Commerce interlope entre
elles et l'Espagne, 202. Leur marine
marchande, 294-205. Ob. laud.,
139, 275,279,280,281, 284.
Provins. Souti're de la guerre, 79,
n. 1.
Pruneaux, article d'exportation,
200.
Puget (Loys), négociant lyonnais.
307.
Pugier, marchand de Toulouse, 224.
Puy (sénéchaussée du), 243,
n.3.
Pyrard (François) de Laval, 278-
279.
Pyrénées. Mines, 33.
Quartiers adoptés par certains
conunerces, 232.
Quatre fils Aymon (les), 51.
Quayage (droit de), 200, 209.
Québec, 285.
Quercy, fertile en céréales, 00.
Questel, marchand deToulouse, 223.
Quevaize, 47.
Quillebœuf. Conunerce, 107.
Quincaillerie du Forez, 200, 200.
Rabasteins. Vin, 08.
Rabeyrin (Vidal, négociant lyon-
nais, 307.
Racan, 350.
Race bovine, 72.
Raleigh fsir "Walter), 29'».
Rambouillet (hôtel de), 3.56; —
sieur de\ 98, n. 1, '».
Rancher (sieur de), président
desenquêtes dupailement,98, n. I.
Rannou (les). Leurs crimes, 15.
Ras de Milan, de Chartres, d'Ar-
schot, 84.
Raulin (Etienne), fabricant d'ins-
truments de mathématiques, 102.
Rebours (sieur de), président à
la cour des aides, 98, n. 1, 4.
Région rhénane. Bail colonger,
47.
Reggio. Soieries, 125, n, 4.
Reims. Soieries, 128. Étamines, 200.
Ob. laud., 189.
Relais. Leur organisaiion, 20i-207,
Ob. tniul., 21.
Reneau (Pierre), de Salon, ingé-
nieur, 197.
Rennes (sénéchal de , 49, n. 2.
Rentes. Réduction des intérêts, 21 ;
— de l'hôtel de ville, 43. 06. /f«<c/.,
331, 302.
Restauration (gouvernement
de la), 242.
Retz (comte de), 233, 234;— (duc
de), général des galères, 299; —
(hôtel de), à Paris, 114, 131.
Rhône (le). Navigation, 107. Pont,
i-20
INDKX ANALYTIQUE.
ISI . Si idiu'lioii avec la Lniro, "iOO.
Rhône vallée du . :{:i7.
Richard Vincent , iu''t:ociaiit
lycimai-;, 3('>7.
Rieux sieur de'. Son discours
aux ctals do I.V.»3, lô.
Riz. Sa provonanre et sa clierlc, ('.!).
Roanne (Loirei, 200
Robbio (Hannibal] , m'-gociaut
lycuni lis. :t(;7.
Roberval sire de , ;?'2.
Robin Jean . liorliculteur, \'U.
M. I.
Robin (Thomas , uKuuifacturicr.
lil.
Rochefort (Gard), 2'.).
Rochelais. L'enlrco des États de
iMiilipiH' III leur est iiitenliU-, 2C.S.
Roi Catholique. \ n.\ . Espagne
iFoi d" . Philippe III.
Rois des merciers. 80-81, '.):î, '.).),
".t(i.
Roman de la Rose de . .M, ('<■',.
Rosny Seiue-et-Oise), ll.i.
Rouen. Draperie, 83, 84. Serges, 84
Kuieute, 87, n. I. Assemblée des
notables, 88 , '.)!. Sériciculture.
1 10. Maison du Bœuf couronné 1 1(1.
Toiles, 130-142. Faubourg Saint-
Sever , 140. Futaines, 142. Ver-
rerie, lôfi.lîas de soie. l.")'J. Sa pros-
périté, 102. Pont, 181, 188. Ports,
182. Messageries, 203. Coches entre
cette ville et Paris, 204. Juridiction
consulaire, 212. Entrepôts anglais.
270, 271. Importations étrangères.
273, n. 3. Courtiers, 292. En-
trée des épiceries et drogueries
des Indes, 337. Lieu d'importation
pour les épiceries et drogueries,
389. Droits d'entrée, 390; — (éche
village lie), 3i0 ; — négociants de .
283.297; — (parlement de), 110,
Oh. faiid., 17, 18, ICC, 309, 311 ; —
'g<ri'ralité de), •>■), ISI.
Rouillé Catherine, 2. '8.
Rousseau (Biaise,, 208, n. 2
Roussel (Nicolas^ orTrvre parfu-
meur, 102.
Rovidius (Alexandre . sinat'ur
de Milan, 2ci.
Roy (Gérard de), fonde une Com-
pagnie pour le commerce dans les
contrées du Pacilii|ue, 279-281 .
Rozan (Scipion de), fabricant de
cuir doré, i;)3-!.'»'i.
Rozier iTabbé), auteur du Tr/iile
<f(i(/ri<ii//urt\ 3S, n. 4.
Rungis fontaines de\ I.s2.
Hussie. Relations commerciales
avec l'.Vngleterre, 205. Allaires des
Provinces-Unies avec elle,29j. 0/>.
laud., 294.
Ryant Saze (Gard), 29.
Sabatier iGeorge^ marciiand de
liordeaux, 381.
Sables-d'Olonne vies), 2<;3.
Sac des villes, 78.
Sacaze (Barthélémy), marchand
de Toulouse, 37'.».
Sacy (Marais de), 28.
Safran, article d'exportation, 2G0 ;
— d'Auvergne, Cl ; — d'Albigeois,
(il).
Sagnier (Antoine), 229. n. l,23.î,
n. 3.
Sainctot, manufacturier en soieries,
lis. II'.). 120, 121.
Saint-Aignan, l'.)l.
Saint-Amand (Chen, 192.
Saint - Chamond-en-Lyonnais.
Mûriers, lo.j.
Saint- Denis. Indusl rie dra|)iére,8/.
Saint-Denis abbaye de\ 177.
Saint-Étienne (Loire), flliarbons,
200.
Saint-Florent, l'.)2.
Saint-François de Sales, 3.)(i.
Saint-Georges [le\ navire, 310.
Saint -Germain d'Apchon , 41,
n. 2.
Saint-Germain-en-Laye. Cris-
talleries, l")ij.
INDEX ANALYTIQUE.
421
Saint-Jean-de-Losne, "201.
Saint-Jean-de-Luz, •20'), 27i ; —
(coiinnerç.ints de , "28 i.
Saint-Julien (Claude Grippon
dei, ;V2.
Saint-Laurent, Ileuve, 283, '28ô.
Saint-Léger (dans le comté de
iMontlort-l'Auifiury). Haras, 72.
Saint-Malo, 274, 280 ;— (amirauté
de), 287, n. I ; — (marchands de)
forment une Compagnie pour le
commerce des Indes orientales,
278, 28.Ï.
Saint-Martin (chapitre de) de
Tours, 47, n. ô.
Saint-Martin-en-Lyonnais, 33.
Saint-Merry (église), à Paris, 14.3.
Saint-Michel (château), l'.)7.
Saint - Michel - en -Grève, entre
Lannlon et Plestin, lô.
Saint-Offangei les frères), 1.), Kl.
Saint-Pierre-des-Lages, 22:).
Saint-Pons (diocèse de , 14.
Saint Quentin. Toiles fines, 24.
Saint - Romain - en - Lyonnais.
Mûriers, 105.
Sainte-Colombe , siège des bu-
reaux de la douane de Vienne, 338.
Sainte-Lucie en Sicile. Soies, lOîi.
Saintonge. Uail à complant, 40.
Sel, 09. Propice à la sériciculture,
108. Son sel et ses vins, 340. Ob.
luud., l.-)7, 107, n. 2.
Salignac (baron de), ambassadeur
à Constaiitinople, 302.
Santerre (le). Droit de marché, 47.
Sanzay (Anne de). Ses crimes, 1,').
Saône (la). Quai et port, 188. Sa
jonction avec la Loire et la Meuse,
198, 200. Projet de jonction avec
Pïonne, 200-201. 06. laud , 19(1,
201.
Sarazin (Jean), 223.
Sardaigne, 72.
Sardini, 334.
Sarlièves lac de , en Auvergne,
28.
Sarrasin (blé noir), en Normandie,
en Brelague, 00.
Sarrode (Vincent), Italien, ex-
[iltiite des ciistijlk-ries, I.JO.
Satins de Bruges, 122, 134; —de
.Montpellier, 80.
Saumur. Exécution de l'édit d'avril
li)97, 95 n. 3; — (juge de), 25.
Savoie, 122, 338.
Savoie (ducs de) obtiennent la
concession d'une taxe maritime,
301.
Savonnerie (manufacture de
laj, loi, 153, 100.
Savons, 274.
Savorny (Barthélémy , 175.
Sayeteurs d'Amiens, 138.
Sayetterie d'Amiens, article d'ex-
portation, 200, 201, en décadence,
83.
Scavadge (droit de), 2GG, 209.
Seine (la). Péages, 100. Commerce
fluvial, 107. Canal de jonction avec
la Loire, 181, 108. Travaux qui s'y
rattachent, 182. Ponts, 185. Sa na-
vigabilité, 195. Police de la navi-
gation, 207-208. Ob. laud. 29, 19G,
209. — (basse) 200 ; — (bassin de
la), 201.
Séjourné (Jean), sculpteur fon-
tainier, 102.
Sel, 09. Article d'exportation, 200.
Son importation en Angleterre, 204 .
Sellier (Jean), manufacturier en
soie, 123.
Sénatus-consulte Velléien, 173.
Sénégambie, 277.
Senlis. Dentelle, 85. Industrie dra-
pière, 81.
Sens. Coche d'eau entre cette ville
et Paris, 208-209. Ob. laud, 44. n.
2. 67.
Sens archevêque de), 117.
Serbaude sieur de), 4l,n. 2.
Serges anglaises 209; — de Leyde,
273-274 ; — de Florence, 81 ; — de
Florence, de Sommières, 84; —
INDKX ANALYTIQIE.
de Nîmes, Si , de Liniestre, 8'i,
Sériciculture. Ilemi IV cntrepreiul
de la propager, 106-13:5; — à la lin
du r»''j.'ne, IGO,
Serres (Olivier de). Son origine,
sa vie, son livre, 37-39. 41. Son
iniluence. 10, 301-353. Trouve
l'emploi industriel de l'écorce du
mûrier, 143-1'ii. 06. laiid. 42, 45,
52, 53, 55, 5G, Ci), 70, 71, 72, n. 2,
3. 73, n. 1, 7'i, 104, 122, 129, 35G.
Servage, i'i.
Setarbe Laurent), ébénisle, 102.
Seurre. 07.
Séville. Consul de France, 209, n. I.
Sillery. is;).
Sociétés. Défaut de publicité. 3G1-
302. — Commerciales, 245-247.
Soie. Sa préparation, 125, en France,
130, n. 3; — en Touraiuc, 131 ; —
italienne, 109; — légis, ardassine
et buratine, 318.
Soieries à Lyon en désorganisation,
83, à Tours en décadence, 83, à
Lyon, h Tours, à Paris, 80, à Lyon
et à Tours, 130, n. 3, à Troyes et à
Mantes, à Lyon et à Tours, 133-1 30,
à Paris, 133-134, à Montpellier, 134,
en Picardie, 134, à Troyes, 134, à
la lin du règne 159-lGO, à Lyon,
371, à Tours, 125, n. 2, à Reims, 128.
Leurimportation, 103-104. IlenrilV
veut développer leur fabrication,
103, 117-129, 133- 13G. Métier à la
tire et façonnes, 128. Fabriques
anciennes et nouvelles, 133-13G.
Situation de cette industrie à la
fin du règne, 133-130. Leur pro-
duction dans le monde, 133, n. 5.
Article d'exportation, 200.
Soissons. Cnation d'offices, 87, n. I .
Pont, 187, 0/j. laud, 191, n 2.
Soissons généralité de), 23, 19;{.
Soissonnais, fertile en céréales, CG.
Soliman. Capitulations signées
entre lui et François Jc"", 313.
Sologne. LIevage. 71. Lames, 73.
Sommières. SLMgcs, 8i.
Sonde archipel de la), 278.
Souterraine (la), 28.
Southampton, 29.).
Souverain Pontife. 298.
Splandian, IS.
Stora Courcouri (golfe de), 310.
Strabon, ISS.
Strada Ottavio de , 28.
Suéde, 59, 294.
Suez. Idée d'y faire passer le com-
merce entre les Indes et l'Europe,
282.
Suippe(la), rivière, 107, n. 3.
Sully (Loiret). 115.
Sully (Max. denéthune,duc de . Mo-
difications qu'il apporte à la ga-
belle, 23. Partisan du libre com-
merce des grains, 25-20. Auteur
del'édit sur les mines, 33, 34. Fait
le commerce des chevaux, 72, n. 3.
Son iniluence sur l'agriculture, 70.
Sa part dans la propagation de la
sériciculture, 110, 115, 131. Veut
utiliser l'emplacement du palais
des Tournelles, 121, n. 4. Ses ob-
jections contre la sériciculture, 132.
Fait réduire l'intérêt légal, 171.
Fait aggraver la pénalité des ban-
queroutes, 171. Créé grand voyer,
174. Réunit à sa charge celle de
voyer de Paris, 170. Son œuvre en
ce qui touche les ponts, 185-18G.
Instigateur du projet d'union des
deux mers, 198-199. Contraire à
la dérogeance encourue par suite
du commerce, 252, n. 3. Sa vigi-
lance pour rendre effective l'inter-
diction du commerce avec l'Espa-
gne, 2G3. Négocie le rétablissement
de ce commerce, 20 4. Contraire aux
entreprises coloniales, 287-288.
Envoyé en ambassade auprès de
Jacques \<\ 310, 311. Ce qu'il fait
pour la gabelle, 336. Partisan de
la liberté commerciale, 330. Calme
INDEX ANALYTIQUE.
^23
l'agitation populaire en Saintonge,
340. Importance qu'il donne dans
son systt'me aux impôts indirects,
341. Sa valeur et son œuvre, 350-
351. Ses mesures monétaires, 358-
360. Essaye d'obtenir la publi-
cité des hypothèques, 361, n. 1. Fait
reviser et classer les rentes pu-
bliques, 302. 06. laud., 36, 42, 102,
105, 122, r.>3, 151, 175, 178, 180.
181, n. 3. 183, 184, 188, 101, 201,
202, .342, 3i3.
Surintendant des eaux et fo-
rêts. 30.
Surveyor (droit de), 2(10, 200.
Tabac, 277.
Tadoussac. Traite des fourrures,
284.
Table de mer de.Marseille, 41, n. 3.
Tables de marbre, 31.
Taffetas de Montpellier, 80.
Taille. Réforme dans son assiette
et sa perception et remise de l'ar-
riéré, 21. Ses réductions succes-
sives, 22, Oh. laud., 336.
Talan (château de) en Bour-
gogne, IC.
Tannerie en France perd sa re-
nommée, 83 ; — à la fin du règne,
100.
Tapisserie de haute lice, 144-140;
— de basse lice, 147-151 ; — de la
Savonnerie, 151-153; —de Flandre,
147-151. Importation, 151, n. 3; —
à la fin du règne, 100.
Target (Valentin , bourgeois de
Paris, 230. 237.
Targier Nicolas , 370, 377.
Tapissiers. Acception étendue de
ce mot, 145, n. 3.
Taschereau. Obtient un privilège
pour la sériciculture, 131.
Taschereau (Luc), manufactu-
rier, 143.
Teinturerie à Paris fait beaucoup
moins d'affaires, 83.
Temple à Paris, 118.
Terlon, capitoul de Toulouse, 43,
M. 3.
Terre-Neuve. Pèche de la morue,
274.
Textoris, notaire de Draguignan,
257.
Théâtre d'agriculture, ouvrage
d'Olivier de Serres, 37-30, 41, n.5,
42, n. 1.
Théâtre d'amateurs, 2.50-257.
Thiérache fia), Ui5.
Thierry (Amable), négociant
lyonnais, 3G7.
Thiers. Sa prospérité, 162.
Thumery (Jean de), sire de
Boissise, 300, n. 4, 308.
Tixeranderie (rue de la) à
Paris, 110.
Toiles, article d'exportation, 260,
261. Frappées d'un droit de sortie,
340; — de Hollande. 84, 139, 141,
n. 3, 5 ; — de Normandie, de Bre-
tagne, de Barroi-s. de Champagne,
à Rouen, à Troyes, à Laval, à Cha-
tellerault, à Louviers, à Saint-
Quentin, 84. En France, 138-142,
159; — de Normandie et de Bre-
tagne, 2()1. Importées en Angle-
terre, 265. Oh. laud., 274.
Toisons de moutons, 318.
Tonnage droit de) sur les vais-
seaux abordant en Normandie, 27 1 .
Oh. laud., 297.
Tonnay-Charente, 29.
Tonnerre, (17.
Toscane, 298.
Toulouse. Exécution de l'édit d'a-
vril 1597, 95, n. 3. Pont, 186. Mes-
sageries, 203. Juridiction consu-
laire, 212. Logis des Ballances,
229, n. 1. Courtiers, 292. Soieries,
373. Oh. laiid., 'Ih, 43, n. 3, 227.
Touraine. Morcellement de la pro-
priété, 40, n. 3. Fertile en céréales,
66. Mûriers, 105. Soie, 1-30, n. 3.
Sériciculture, 131. Futaines, 143.
INDEX ANALYTIQUE.
Ob. luuit.. 17, II. ô; — i^bailli dei,
l-'ô, n. i.
Tournelles >parc et palais des).
r:i. II. i.
Tournon, (>',.
Tours. Soieries, sa, Sd, 10.'., |-2.'>.
n. i, :iO, n. ;i, i:tl. i:i:5-|:!.^, \M\,
n. .S, IC.d. Futaines, 1 i->-l4:t. Tapis-
series, 117. Courtiers, '^y?.
Tours (généralité de). Sérici-
culture, 100, lia, ni. Ob. lattd.,
n.
Traite d'.\njou, :{:{'J-:{iO ; — de Cha-
rente, :v4o.
Traite foraine, -Mh.
Traité entre la France et l'Angle-
terre, -yM. n. 1. :ill-:W2.
Transports publics par terre,
■20"J--,'(i(;; — par eau, ■,>(I7.
Traucat François), propagateur
de la sériciculture, I0(;, u. I.
Travaux publics, ais.
Traverse de IJresse. H70.
Tremblay (Barthélémy du , I le.
Trépas de Loire, ;!:î'.i-:!((>.
Trésoriers de France en Lan-
guedoc, 'JC.
Tripoli, 37.J ; — de Syrie. -283.
Troyes. Émeute, 87, n. I. Exécu-
tion de l'cdit d'avril 1597, 95, n. :î.
Soieries, I2:î, 13;î-l:{5. Toiles, i:J9,
lîl. Futaines, 142. Papeterie, 160,
n. :i. Messageries, 30:5. Juridiction
consulaire, 21:5, n. 4. Coutume,
252, n. :5. Bougrans, 2(;(). Ub. laud..
'l'i, n. 2, (i'i, n. 2, 195.
Tuileries, 108 ; — (orangerie des),
Kl'.l.
Tunis, JT.'..
Tunis bey de , ;ioi.
Turato (Jean-André , tireur
d (jr, ll'.i, 120.
Turcies et levées de la Loire,
I7.'..
Turquie. Les marchandises trans-
portées par la marine des Pm-
vinces-l nies, 294. Helations coni
merciales entre elle et l'Angleterre,
:514-:{15. Vb. laud., 72.
Union (1'). Crimes commis par ses
adhérents, l.'>.
Université de Paris, 202, n. I.
Urfé (Honoré d'). :i.'.(;.
Urfé (Jacques Paillard d'\ 72.
Ursulines, 257.
Vair (président du , 121.
Vaisselle d'argent à Paris, s:!.
Valence idouane de). Voy.
Vienne douane de).
Valenciennes (Nord), 171.
Valentinois. Élevage, 71. Laines,
7:i.
Valeur. Son étalon, ;$C5.
Valois les), 51, u;9.
Van der Veken (Jean) crée une
pépinière de mûriers, 1 l(j.
Vannes, ^'ius, (;8.
Varicq (les frères) de Deift, fa-
bricants de tuiles et de carreaux,
157.
Varies (de;, capitaine huguenot, 8.
Varinier (Pierre), coutelier et
forgeron d'épées, 102.
Veaux de la Brie, 79.
Velay. Habitations rurales, 58.
Velours à la grice, 125, n. 4; —
de Montpellier, 80.
Vendôme soutire des guerres ci-
viles, 70, n. I.
Venise. Soieries, 125, n. 4. Verre-
ries, 1.55, 150, 100-101. Rivale
malheureuse de -Marseille, :519-:521.
Ob. laud., 222, :{14, :!10.
Vénitiens. Voy. Venise.
Ventadour Anne de Levis,
duc de;, 28.
Verdun (sieur de), président au
parlement, os, n. I.
Verges Jean), négociant lyon-
nais, :((i7.
Vergy (château dei, en 15our-
INDEX ANALYTIQUE.
^25
Vermandois. Ses échanges, 102;
— inaitro (les œuvres de), l!):i.
Vernezon, auton-:é a établir des
verreries, lôC».
Vernon (gouverneur de . Ses
exactions, KiC).
Vèron, chef de britrands. :!.">.">.
Verreries et cristalleries, 1.).')
157 ; — à la fin du règne, KiO-HlI.
Verrier ou Vessier (François .
tapissier flamand, li8, n. I.
Verriers font œuvre de gentil
homme, 252, n. 3.
Vervins (traité de). II, 19, 24,
2(;7, 2(;«.
Vesle (la). Canalisation, 181. Tra-
vaux faits à son occasion, 182, 18'.).
Vézère ila;, rivière. Projet de la
rendre navigable, 100.
Vialle (de la), manufacturier en
soies, 122.
Vienne, rivière. Travaux faits à son
occasion, 182, 188. Pont, 188.
Rendue navigable, 190. Oh. Icaid.,
189.
Vienne (douane de\ :j:}7-:{38.
Vierzon, 192, n. 2.
Vigiles du roi Charles VII, (;:{.
Vigne. Soufrage. Nuages artificiels,
38. — Voy. Viticulture.
Vignobles, (i.).
Vignon iMarie), femme du con-
nétable de Lesdiguières, 2ô().
Vilaine (la) rendue navigable,
194.
Villefranche. Taxe perçue par le
duc de Savoie sur les vaisseaux
qui y passent. 301.
Villefranche- de - Lauraguais.
" 2((;, 2)7.
Villeneuve-de-Berg, 30, 37, 07.
Villeroy (ferme de), 45, n. 1.
Villes. Leur renaissance, 101-102.
Villes jurées ou de loi, 81.
Vincennes château de , I(i7.
Vin. Sa grande consommation, 07.
.Article d'exportation. 200; — d'An-
jou, 08, n. 3; — de Bordeaux. Son
importation en Angleterre, 204 ; —
de Bourgogne, 07, 200; — du
Laonnais, 08, n. 2; — de l'Orléa-
nais, 07 ; — de Saintonge, 340 ; —
de Vivarals. 07 ; — blanc, 07-08 ;
— rouge, 07.
Virement de parties, 239.
Vitaille, Napolitain, 154, n. I.
Viticulture, 00-08.
Vitré (marchands de , forment une
Compagnie pour le commerce des
Indes orientales, 278.
Vitry (Philippe de), Oo, n. 4.
Vivarais. Vin, 07, 08. 06. laud., 14,
108, 183, 337, 338.
Vizille (en Dauphiné). Fabrication
des faux, 158.
Voies de communication par
terre, 104-105, 183-184. Par eau,
105-167, 188-195, 347.
Voiron-en-Dauphiné. Fabrication
des faux, 158.
Vorse (la). Péages, 100.
Voyer de Paris, 170.
Voyers particuliers, 179.
Wallons, 291.
"Weymouth, 295.
Win'wood, ambassadeur d'Angle-
terre, 271.
"Wolf (Jean), marchand de Rouen,
139, 141.
Yonne (1'), rivière. Ponts, 185.
Projet de jonction avec la Saône,
200-201. Oh. laud., 209.
Zamet, 33 't.
Zélande (province de), 279.
Zélandais, 291, 292. n. 1.
Zuniga Balthazar de), ambas-
sadeur d'Espagne en France.
TAI?LK DES MATlh:RES
A VAM -PROPOS.
CHAPITHE I
L'économie rurale.
Caractère social et moral de ragricullure. — EH'ets des guerres
civiles. — Résistance spontanée aux désordres. — Vitalité du pays.
— Mesures protectrices. — Persistance du brigandage. — Port
d'armes et droit de chasse. — Situation obérée du cultivateur. —
Mesures réparatrices. — Taille et gal)elle. — Commerce desgrains.
— Dessèchements. — Forets. — Mines. — Olivier de Serres. —
Théâtre d'agriculture. — Agriculture et noblesse rurale. — Clergé.
— Petits cultivateurs : le servage. — Fermage et métayage. — Bail à
complant et bordelage. — Baux à longue durée. — Communautés
rurales. — Dualisme de la souveraineté. — Vie des grands proprié-
taires. — Rapports entre les classes. — Ouvriers agricoles. — Cul-
tivateurs ai?és., — Maison du paysan. — Mobilier du paysan. —
Nourriture du paysan. — Distractions du paysan. — Littérature
du paysan. — Rotation des cultures. — Céréales. — Viticulture.
— Cultures diverses. — Pâturages. — Élevage. — Engrais. — Con-
clusion
CHAPITRE II
L'économie industrielle.
Effets des guerres civiles. — Abus de l'organisation industrielle. —
Décadence de certaines industries.— Prospérité de certaines autres.
— Renaissance des industries textiles — Industries nouvelles. —
Créations doflices. — Créations de maîtrises. — Barthélémy Lalle-
nias. — Plan de Lallemas. —Vœux des notables. — Éditd'avril 1M)7.
— Couunission ducumnierce. — Artistes privilégiés du Louvre. —
Projet d'un musée industriel. — Importation des soies et soieries.
TABLE DES MATIÈRES. 427
— Culture (lu niùner. — L'importation des soieries interdite. — La
Cueillette de la soye. — Premiers essais de sériciculture. —La séri-
ciculture entreprise en grand. — L'entreprise amoindrie. — Essais
dus à l'initiative privée. — Appel au clergé. — Industrie de la
soierie. — La sériciculture à la fin du règne. — Causes de l'insuf-
fisancedu succès. — Fabriques anciennes et nouvelles de soieries. -•
Fabrique lyonnaise. — Industrie de la draperie. — Industrie de la
toile. — Industrie des futaines. — Industrie des bas de laine. —
Tapisserie de haute lice. — Tapisserie de basse lice. — Tapis
d'Orient. — Cuirs dorés et drapés. — Maroquins. — Verreries et
cristalleries. — Faïences et blanc de plomb. — Plomberie et faux.
— Conclusion 77
CHAPITRE III
L'économie commerciale.
1° LK COMMERCK INTÉRIEUR.
Etlets des guerres civiles. — Prorogation des échéances. — Remise
des intérêts. — Intérêt légal et banqueroutes. — Cessions de biens.
— Validité des contrats. — Administration des ponts et chaussées.
— Travaux des ponts et chaussées. — Voies de communication à la
fin du règne. — Ponts. — Voies fluviales. — Projet d'union des
deux mers. — Canal entre la Garonne et l'Aude. — Ligne de navi-
gation intérieure plus étendue. — Canal entre Seine et Loire. —
Projets d'autres canaux. — Grandeur de l'œuvre de canalisation. —
Transports publics par terre. — Transports publics par eau. — Lé-
gislation spéciale aux commerçants. — Juridictions consulaires.
— Modifications du régime comparatif. — Merciers. — Fripiers.
— Marchands et artisans suivant la cour. — Livres de commerce.
— Comptabilité en partie double. — Commis et apprentis. — Fac-
teurs. — Commissionnaires et courtiers. — Boutiques et gi'oupe-
ment des commerçants. — Enseignes. — Marchés usuraires et
banques publiques. — Lettre de change. — Lettres de change sur
les foires de Lyon. — Foires. — Sociétés commerciales. — Physio-
nomie morale des artisans et commerçants I(;.3
CHAPITRE IV
L'économie commerciale.
2° LE COMMERCE EXTÉRIEUR.
Exportations. — Importations. — Entreprises coloniales. — Com-
merce de commission. — Commissions pour le compte des étran-
gers. — Commissionnaires étrangers. — Courtiers et commerce de
transport. — Marine marchande. — Amirautés. — Marine militaire.
428 TABLE DES MATIÈRES.
— Piraterie. — Traité du '2't février KIOC). — Coauiierce de transport
au Levant. — Capitulation du 'iO mai IdOi. — Commerce de Marseille.
— Conclusion
CIlAl'lTlil': V
Conclusion.
Les guerres civiles et la noblesse. — Les guerres civiles, le clergé et
le tiers état. — Fonctionnaires et gens d'affaires. — Gens de palais
et de finance. — Régime fiscal. — Impôts directs et douanes. —
Douane de Vienne. — Douane de Lyon. — Douanes intérieures. —
— Douanes. — Impôts indirects. — Fiscalité. — OEuvre agricole
de Henri IV. — Œuvre industrielle et commerciale de Henri IV. —
Portrait de Henri IV. — Valeur de Sullj'. — Olivier de Serres et
Laflemas. — Concours du pays à la renaissance économique. —
Situation économique en IfilO. — Situation monétaire. — Taux de
l'intérêt. — Régime hypothécaire. — Valeur des offices. — Baisse
des prix. — Étalon de la valeur. — Conclusion -Vl'
Appendice :iC7
Index analytique "ii);}
Tabi-e des matiéhes 426
e;til-97. — CoRBRii.. Imprimerie Éd. Cbét*.
(onREii.. - iMi'iuMi:iur m. cketk.
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