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Full text of "Le berceau de Christophe Colomb et la Corse"

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LIBRARY 

OF   THK 

University  OF  California. 

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LE    BERCEAU 


DE 


CHRISTOPHE  COLOMB 

"ET  LA  CORSE 


PAR 


L'ABBE    CASABIANCA 

2e  vicaire  de  Si-Ferdinand  des  Ternes,  Paris,  Chanoine  honoraire  de  Fréjus. 


EXTRAIT  DE  LA  REVUE   DU  MONDE   CATHOLIQUE 

(des   1"  JUILLET    ET   !«■    AOUT    1889) 


DEUXIEME     ÉDITION 


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PARIS 

H.    ^VELTER,    ÉDITEUR 

59,     RUE     BONAPARTE,     59 
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LE    BERCEAU 


DE 


CHRISTOPHE  COLOIHB 

ET  LA  COESE 


PAR 


L'ABBE     CASABIANCA 

2"  vicaire  de  St-Fcrdinand  des  Ternes,  Paris,  Clianoine  honoraire  de  Fréjus, 


EXTRAIT  DE  LA  REVUE    DU  MONDE    CATHOLIQUE 

(des    1"   JUILLET    ET    l'^'"   AOUT    1889) 
DEUXIÈME     ÉDITION 


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PARIS 

H.    ^VE'LTER,    ÉDITEUR 

59,     RUE     BONAPARTE,     59 

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LE   BERCEAU 


DE 


CHRISTOPHE  COLOMB  ET  LA  CORSE 


I 


Depuis  un  certaiu  nombre  d'années,  il  se  fait  autour  du  nom 
de  Gtiristophe  Colomb  un  grand  bruit  de  plumes  et  de  papiers,  de 
pages  de  livres  et  de  feuilles  de  journaux,  de  pétitions  d'assem- 
blées délibérantes  et  de  décrets  présidentiels  (1);  le  marbre  et  le 
bronze  se  sont  mis  de  la  partie;  la  chaire  et  le  Parnasse,  avec  leur 
voix  grave  ou  harmonieuse,  se  sont  respectueusement  inclinés 
vers  cette  grande  ligure.  La  France  et  l'Italie,  l'Espagne  et  l'An- 
gleterre, le  Portugal  et  les  Etats-Unis  ont  tour  à  tour  élevé  la 
voix  dans  ce  concert  d'acclamations,  et  les  habitants  des  deux  hé- 
misphères s'apprêtent  à  célébrer  pompeusement,  en  1892,  le  qua- 
trième centenaire  de  la  découverte  du  Nouveau-Monde.  Quel  est 
le  motif  de  ce  mouvement  d'opinion,  de  cette  curiosité  universelle 
si  singulièrement  intriguée  ?  C'est  tout  simplement,  en  même  temps 
que  le  célèbre  anniversaire,  l'invention  présumée  du  lieu  qui  a 
donné  le  jour  au  grand  Navigateur. 

Si  Smyrne  et  Chios,  Colophon  et  Salamine,  Rhodes,  Argos  et 
Athènes  se  disputent  le  berceau  du  Chantre  de  Y  Iliade;  Nervi  et 
Gogoletto,  Brugiasco  et  Savone,  Plaisance,  Gênes  et  d'autres  lo- 
caUtés  d'Italie,  d'Espagne  et  d'Angleterre  se  disputent  celui  de 
l'iUustre  Amiral. 

Piquante  ironie  du  sort!  La  découverte  de  ce  glorieux  berceau, 
en  plein  siècle  de  lumières,  rencontre  plus  de  difficultés  que  n'en 
a  rencontrées  la  découverte  de  tout  un  monde  perdu  dans  leloin- 

(1)  Décret  de  M.  Grévy  du  6  août  1882,  autorisant  la  viUe  de  Caivi  ;à  ériger  une 
statue  à  Christophe  Colomb. 


236817 


—  4  — 

taines  régions.  Tant  il  est  vrai  que  les  événements  les  plus  consi- 
dérables et  les  plus  éclatants  sont  dus  parfois  à  des  causes  bien 
modestes  et  souvent  inconnues. 

Après  avoir  protesté  au  dix-huitième  siècle  contre  les  préten- 
tions de  Gênes  et  des  autres  villes,  la  Corse  vient  de  nouveau 
d'élever  la  voix  pour  réclamer  Christophe  Colomb  comme  un  en- 
fant de  Calvi. 

Qu'y  aurait-il  d'étrange  à  ce  que  la  Corse,  «  qui,  au  dire  de 
Rousseau,  devait  un  jour  étonner  l'Europe,  »  qu'y  aurait-il 
d'étrange,  disons-nous,  à  ce  que  cette  île  ajoutât,  à  l'étonnement 
d'avoir  enfanté  le  plus  grand  Héros  des  armées,  celui  d'avoir  donné 
le  jour  au  plus  intrépide  Héros  des  mers? 

Telle  est  la  question  que  se  sont  posée  deuxexcellents  ecclésias- 
tiques, M.  l'abbé  Casanova  (1)  et  M.  l'abbé  Peretti.  Nous  n'avons 
à  nous  occuper,  dans  cette  étude,  que  de  l'ouvrage  de  ce  dernier, 
intitulé:  Christophe  Colomb,  Français,  Corse  et  Calvais  (2). 

L'auteur  le  divise  en  trois  parties  :  Mystère  y  Probabilités, 
Lumière, 

Dans  la  première  partie,  M.  Tabbé  Peretti  nous  dit  qu'un  voile 
mystérieux  cache  le  berceau  de  Christophe  Colomb.  En  effet,  les 
historiens  génois  tels  que  Giustiniani,  Foglietta,  Gallo  et  Casoni 
affirment  qu'il  était  Génois  sans  cependant  préciser  le  lieu  de  sa 
naissance;  le  qualificatif  Génois  signifiant  également  natif  de  la 
ville  Gênes  et  citoyen  des  Etats  de  Gènes. 

Don  Fernand,  son  fils,  «  qui  n'osa  jamais,  par  respect  filial, 
l'interroger  sur  le  lieu  de  son  origine,  se  contente  de  nous  ap- 
prendre «  qu'autant  sa  personne  avait  été  douée  et  enrichie  de 
tout  ce  qui  était  nécessaire  à  une  si  grande  entreprise,  autant 
Dieu  voulut  que  sa  patrie  et  son  origine  fussent  plus  incertaines 
ei.  plus  inconnues  ». 

Barthélémy  Las  Casas,  qui  nous  a  conservé  le  journal  de  bord 
de  l'illustre  Navigateur,  dit  «  qu'il  plut  à  Dieu  de  le  choisir  Gé- 
nois de  nation,  quelle  que  soit  la  localité  de  cette  République  où 
il  est  proprement  né  ». 

(1)  Pour  ce  qui  est  delà  thèse  de  M.  l'abbrt  Casanova,  nous  renvoyons  le  lecteur  à 
la  réfutation  si  autorisée  et  si  lumineuse  de  M.  llarrisse,  dans  sa  brochure  Cristuphe 
Colomb  et  la  Corse.  Nous  attendons  la  nouvelle  édition,  grandement  augmentée, 
de  l'ouvrage  de  M,  le  Curé  d'Olmi  e  Capella,  pour  faire  connaître  notre  opinion 
personnelle. 

(2)  Olagnier,  éditeur,  Bastia. 


—  5  — 

Gasoni  paraît  plus  explicite,  puisqu'il  nous  dit  que  les  parents 
de  Colomb  habitaient  le  village  de  Terra-Rossa;  mais  cet  historien 
ne  mérite  aucune  conhance  par  la  raison  que  tous  les  détails  qu'il 
donne  sur  Christophe  Colomb  sont  contredits  par  le  fils  de  l'A- 
miral. 

On  a  parlé,  il  est  vrai,  d'un  testament  dans  lequel  Christophe 
Colomb  alfirmerait  qu'il  était  né  dans  la  ville  de  Gênes;  mais  ce 
document,  ne  portant  aucune  indication  de  lieu,  de  séjour,  de 
mois,  d'année,  ni  de  véritable  signature,  a  été  rejeté  comme  apo- 
cryphe par  les  historiens  génois  eux-mêmes. 

Si  nous  consultons  les  Archives,  nous  [voyons  que,  dans  celles 
de  Gènes,  il  est  question  d'un  Dominique  Colomb,  tisserand,  qui 
possédait  dans  cette  ville  une  maison  avec  jardin  ;  de  deux  iils 
qui  répondent  aux  noms  de  Jacques  et  de  Christophe;  or,  suffit-il, 
pour  avoir  le  droit  de  proclamer  qu'on  a  découvert  la  famille  de 
Christophe  Colomb,  de  nous  montrer  un  cardeur  de  laine,  appelé 
Dominique  Colomb,  ayant  deux  enfants  répondant  aux  noms  des 
deux  frères  du  grand  Amiral?  «  Non,  répond  M.  Peretti,  ces  in- 
dications sont  insuffisantes,  d'autant  'plus  qu'au  témoignage  des 
historiens,  il  existait  dans  la  Ligurie  plusieurs  branches  collaté- 
rales de  la  famille  Colomb.  » 

Reste  un  mémoire  sur  la  maison  habitée,  à  Gênes,  par  Chris- 
tophe Colomb,  dans  lequel  Marcel  Staglieno  (l'auteur  du  mémoire) 
s'efforce  de  déterminer  remplacement  de  deux  maisons  que  Domi- 
nique Colomb  possédait  dans  cette  ville.  Il  est  certain,  d'après  des 
documents  authentiques,  qu'un  Dominique  Colomb  payait,  à  Tab- 
baye  de  Saint-Étienne,  une  redevance  annuelle  de  11  sous,  pour 
droit  d'emphythéose  sur  une  maison  sise  dans  la  rue  Droite;  mais 
est-il  aussi  incontestable  que  ce  Dominique  Colomb  soit  le  père  de 
Christophe  Colomb? La  tradition  elle-même  ignore  l'emplacement, 
à  Gênes,  de  la  maison  de  Christophe  Colomb,  puisque  ce  ne  fut 
qu'en  1812  qu'on  s'est  préoccupé  de  savoir  où  elle  se  trouvait.  De 
plus,  ce  n'est  qu'en  1858  qu'on  a  placé  une  inscription  commémo- 
rative  dans  la  ruelle  deMolcento;  et  Staglieno,  rapportant  ce  fait, 
remarque  que  la  municipalité  s'était  trompée  et  sur  l'emplacement 
de  la  maison  et  sur  la  profession  de  Dominique  Colomb.  Voilà 
pourquoi  la  municipalité  génoise  en  1887,  ne  tenant  compte  d'au- 
cune tradition,  car  il  n'en  existait  pas,  et  adoptant  les  conclusions 
de  Staglieno,  acheta  la  maison   sise  dans  la  rue  Droite,  comme 


—  6  — 

élaot  celle  qui  a  dû  être  le  berceau  de  Christophe  Colomb.  Comme 
on  le  voit,  cette  tradition  n'est  ni  ancienne  ni  bien  établie. 

Pour  ce  qui  est  des  Archives  de  Savooe,  oii  nous  trouvons  des 
actes  passés  en  1476  entre  Dominique  Colomb,  habitantcette  ville, 
et  le  notaire  François  Camagli,  ne  peut-on  pas  dire  que  ce  Domi- 
nique était  le  même  que  celui  qui  était  entré  à  Gênes  en  1487,  et 
qu'il  vivait  encore  en  1491?  Nous  trouvons,  dans  les  mêmes  Ar- 
chives, un  acte  touchant  la  dot  de  Bianchettina  Colomb,  fille  de 
Dominique  Colomb;  or,  ni  Bianchettina,  ni  son  mari  Bavarello,  ni 
leur  filsPantalino,  ne  se  sont  jamais  doutés  qu'un  membre  de  leur 
famille  avait  découvert  TAmérique. 

ft  De  sorte  que,  dit  M.  Peretti,  nous  sommes  en  droit  de  con- 
clure, avec  Barrisse,  Washington  Irving  et  Roselly  de  Lorgnes, 
qu'on  ne  sait  rien  de  certain  sur  l'origine  de  Christophe  Colomb 
et  que  le  lieu  de  sa  naissance  est  enveloppé  d'obscurité.  » 

II 

Nous  passons  sous  silence  les  preuves  données  par  les  autres 
localités,  et  que  M.  Peretti  trouve  sans  fondement,  et  nous  arri- 
vons à  la  seconde  partie  de  ce    livre. 

«  Quelle  est  donc  la  vraie  patrie  du  grand  Navigateur  ?  se  de- 
mande l'auteur.  Calvi,  continue-t-il,  autrefois  ville  importante  et 
capitale  même  de  la  Corse,  aujourd'hui  chef-lieu  minuscule  de 
l'arrondissement  de  ce  nom,  nous  répond  avec  assurance  que 
l'Amiral  de  l'Océan  est  né  dans  Tenceintede  ses  vieux  murs.  » 

Et  sur  quelles  preuves  la  ville  de  Calvi  établit -elle  sa  réclama- 
tion? Elle  nous  montre:  1«  dans  ses  actes  paroissiaux  du  seizième 
siècle  une  famille  Colomb  ;  2°  une  rue  portant  le  nom  de  Colomb, 
appelée,  au  seièmezi  siècle,  rue  du  Fil,  del  Filo,  qui  rappelle  le 
métier  de  tisserand  exercé  par  le  père  de  Tillustre  Navigateur; 
3°  une  maison  en  ruines  habitée,  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle,  par  une  famille  Colomb,  et  que  la  tradition  calvaise  désigne 
comme  le  berceau  de  l'Amiral . 

Elle  trouve  même  une  preuve  en  sa  faveur  dans  le  silence  des 
historiens  étrangers  et  insulaires  sur  le  berceau  du  grand  homme. 

En  eflet^  si  les  historiens  génois  n'ont  pas  dit  que  Christophe 
Colomb  était  né  à  Calvi,  c'est  tout  simplement  parce  qu'il  leur 
était  difficile  de  se  renseigner  à  cet  égard.  «  Calvaisde  naissance, 


Génois  par  adoption,  Français  politiquement,  tantôt  au  service  du 
roi  René,  tantôt  au  service  de  Gênes,  tantôt  même  corsaires,  les 
membres  de  cette  famille  étaient  de  toutes  les  patries  et  sem- 
blaient n'en  avoir  aucune.  »  On  le  savait  Génois,  n'était-ce  pas 
assez? 

Pour  ce  qui  est  des  historiens  insulaires,  tels  que  Pietro  Cirneo, 
Filippini,  Limperani,  etc.,  leur  silence  sur  l'origine  calvaise  de 
Christophe  Colomb  s'explique:  1°  par  le  fait  que  les  Corses,  irrités 
de  la  fidélité  de  Calvi  à  la  république  de  Gênes,  n'avaient  garde  de 
lutter  pour  les  illustrations  de  cette  ville;  2^  ces  historiens, n'étant 
pas  Galvais,  n'avaient  point  à  écrire  l'histoire  de  cette  cité  ;3'' enfin 
par  la  haine  jalouse  de  Gênes  contre  les  illustrations  de  la  Corse 
indomptée,  où  elle  cherchait  à  anéantir  toute  noblesse,  toute  supé- 
riorité, et  011,  pour  cela,  elle  employait  tous  les  moyens  que  sa  per- 
fidie lui  suggérait  ;  l'altération  et  la  destruction  des  Archives 
corses,  l'intimidation,  la  prison  et  la  mort  pour  les  historiens  qui 
se  permettaient  d'écrire  des  choses  déplaisantes  pour  [la  République 
Sérénissime;  or,  comme  elle  tenait  à  l'honneur  d'avoir  donné  le 
jour  à  Christophe  Colomb,  elle  n'aurait  permis  à  personne  d'écrire 
qu'il  était  né  dans  cette  Corse  asservie. 

Il  est  juste  aussi  d'ajouter  que  les  guerres  et  les  incendies  qui 
dévastèrent  l'île  aux  seizième  et  dix-septième  siècles  ont  presque 
anéanti  les  archives  publiques  et  privées. 

Et  cependant,  malgré  le  système  d'intimidation  exercé  par 
Gênes,  quelques  chroniqueurs  insulaires  parlent  à  mots  couverts 
de  quelques  Calvais  de  renoyn,  dont  ils  sont  obligés  de  taire  les 
noms...  et  qui  se  sont  enrichis  et  illustrés  dans  les  Indes.  Or, 
qui  nous  dit  que  Christophe  Colomb  ne  se  trouve  pas  compris 
dans  ces  sous-entendus? 

Il  existe  une  Elégie  à  la  Corse  que  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Relies-Lettres,  dans  sa  séance  du  8  février  188G,  a  déclaré 
a  croire  qu'elle  a  été  faite  au  seizième  siècle  pour  appuyer  une 
légende  locale,  regardant  la  Corse  comme  la  patrie  de  Christophe 
Colomb  » . 

De  plus,  le  baron  Simon  de  Ruochberg  affirme  que  le  P.  Denis 
d'Omessa  avait  communiqué  à  M.  Mathieu  Arrighi  un  manuscrit 
portant  que  Christophe  Colomb  était  né  à  Calvi  ;  et  l'on  sait  que 
Napoléon,  pendant  son  court  séjour  àiPorlo-Ferrajo,  avait  conçu 
le  projet  de  prescrire  des  recherches  historiques  sur  le  grand 


Amiral,  au  point  de  vue  de  soo  origine  corse.  M.  Peretti  complète 
la  série  de  ces  témoignages,  en  citant  des  vers  écrits  par  le  général 
Fabiani,  en  1731;  par  M.  Parodi,  en  1836;  par  Mgr  Peretti  en 
1840,  et  par  M.  Tonelli  en  1886,  et  dans  lesquels  on  chante  l'ori- 
gine calvaise  de  Christophe  Colomb;  enfln,  il  rappelle  que  la  Re- 
vue de  Paris,  de  1841  ^  écrivait  :  «  Ceci  est  vrai,  Christophe 
Colomb  est  né  à  Calvi,  en  Corse.  » 

Mais  voici  quatre  faits  qui  semblent  donner  une  nouvelle  force 
à  la  tradition  Calvaise.  Don  Fernand  nous  apprend  que,  lors  de  la 
première  expédition,  le  navire  de  son  père  fut  suivi  par  un  grand 
nombre  de  poissons,  désignés  dans  le  journal  du  bord  sous  le  nom 
de  tonifia;  or,  la  ionina,  inconnue  en  Italie  et  en  Espagne,  est 
parfaitement  connue  de  tous  les  pêcheurs  de  Calvi,  qui  lui  donnent 
encore  le  nom  de  pala^nita;  donc,  Christophe  Colomb  a  pu  ap- 
prendre à  connaître  ces  poissons  dans  les  eaux  de  Calvi,  heu  de 
sa  naissance. 

M.  Peretti  fait  remarquer  que  Christophe  Colomb  a  donné  aux 
différentes  îles  et  aux  ports  qu'il  avait  découverts  des  noms  de 
saints  dont  il  avait  dû  voir  les  statues  ou  les  tableaux  dans  les 
églises  de  Calvi,  et  de  certaines  dévotions  fort  en  faveur  dans 
cette  ville.  C'est  ainsi  qu'il  a  appelé  la  première  île  qu'il  découvrit 
Saint' Sauveur,  et  la  seconde  Conception  de  Marie.  C'est  ainsi 
qu'il  donna  à  un  port  le  nom  de  sainte  Catherine,  à  un  autre  celui 
de  saint  Nicolas,  et  enfin  à  un  promontoire  de  l'île  de  Cuba  celui 
de  Sainie-Croiœ.  Or,  ajoute  notre  confrère,  nous  trouvons  dans 
un  vieil  oratoire  de  Calvi  une  ancienne  statue  du  Sauveur  ;  dans 
l'église  de  Saint-Jean-Baptiste,  un  autel  dédié  à  la  Conception; 
dans  toute  la  population  de  Calvi,  un  culte  particulier  pour  saint 
Nicolas  et  sainte  Catherine^  et  enfin  une  dévotion  spéciale  à  la 
Saiyite-Croix. 

Ce  n'est  pas  tout":  lors  de  l'insurrection  des  indigènes  d'Ilispa- 
niola,  Christophe  Colomb  employa  pour  la  réprimer  deux  cents 
chrétiens,  vingt  chevaux  et  vingt  chiens  corses,  cani  corsi.  Or,  la 
présence  de  ces  chiens  suppose  qu'ils  avaient  suivi  leurs  maîtres 
corses  qui  avaient  accompagné  leur  illustre  compatriote.  Enfin, 
nous  trouvons  à  cette  époque,  en  Amérique,  beaucoup  de  Corses  et 
surtout  de  Çalvais  tels  que  Antoine  Torre,  Jean-Antoine  Vincen- 
telli,  Barthélémy  Balestriere,  Michel-Ange  Battaglini,  Georges 
Minucci,  etc.,  etc.  Or,  ces  Galvais,  accompagnant  Christophe  Co- 


—  9  — 

lomb  dans  sa  seconde  expédition,  constituent  une  grande  proba- 
bilité en  laveur  de  Galvi,  comme  étant  le  berceau  de  leur  illustre 
chef.  «  Notre  conclusion,  dit  M.  Pcretti,  est  que,  avec  quelques 
probabilités  en  leur  faveur,  il  y  a  de  véritables  impossibilités  à 
admettre  que  Christophe  Colomb  soit  né  à  Gênes,  à  Gogoletto,  à 
Savone  ou  à  Plaisance;  mais  quand  il  s'agit 'de  Calvi,  toules  les 
probabilités  s'accumulent  en  sa  faveur.  » 


III 


Nous  arrivons  à  la  troisième  partie,  la  plus  curieuse  et  la  plus 
intéressante,  nous  voulons  dire  à  ce  que  M.  l'abbé  Peretti  appelle 
la  Lumière. 

Puisqu'il  lui  a  été  impossible  de  retrouver  l'acte  de  naissance  de 
son  héros.  Fauteur  va  s'efforcer  d'en  reconstituer  l'équivalent,  en 
recherchant  l'origine  et  les  membres  d^  sa  famille. 

Partant  de  cette  donnée  de  droit  civil  que,  pour  établir  un  actede 
naissance,  il  faut  un  nom  de  famille,  un  nom  de  lieu  et  une  date, 
M.  Peretti  interroge  successivement  les  historiens  Gasoni,  Fogliet- 
ta,  Giustiniani,  Bracelli,  etc.,  qui  lui  donnent  chacun  le  lambeau 
qu'il  détient  de  ces  précieux  documents. 

Ces  historiens  lui  apprennent,  en  effet,  que  parmi  les  divers  capi- 
taines de  marine  génois  qui  s'unirent  enl4o9à  Jean,  duc  d'Anjou, 
pour  l'aider  à  reconquérir  le  royaume  de  Naples  se  trouvait  Chris- 
tophe Colomb,  neveu  d'un  autre  Christophe  du  même  nom...;  que 
ce  fut  avec  ce  second  Christophe,  patron  de  trois  navires,  que  se  mit 
à  naviguer  le  jeune  Christophe  avec  son  frère  Barthélémy,  et  qu'ils 
avaient  un  frère  nommé  Jacques.  Voilà  pour  les  noms.  Pour  ce  qui 
est  de  la  date,  Gasoni  fixe  l'entrée  en  scène  du  second  Christophe 
à  l'année  1429.  Le  premier  pourra  ainsi  être  célèbre  une  trentaine 
d'années  avant,  comme  le  troisième  l'a  été  une  trentaine  d'années 
après. 

Voici  maintena-nt  comment  M.  Peretti  trouve  l'origine  calvaise 
de  cette  famille.  Il  commence  par  faire  observer  qu'en  Corse,  aux 
quinzième  et  seizième  siècles^  le  nom  de  lieu  d'origine  tantôt  géné- 
rique et  tantôt  particularisée  était  substitué  au  nom  de  famille;  il 
en  donne  quelques  exemples  :  ainsi,  un  Corse  qui  voyageait  à 
l'étranger,  au  lieu  de  joindre  à  son  nom  de  baptême  son  nom  de 
famille  qui  n'existait  même  pas  pour  plusieurs^  joignait  son  nom 


—  10  — 

d'origine  ;  il  se  disait  simplement  Corse  ;  et  quand  il  voyageait 
dans  les  États  de  Gênes,  il  s'appelait  Calvo-Calvais,  s'il  était  de 
Calvi, 

Or,  les  historiens  Bracelli  et  Giustiniani  nous  parlent,  en  1420  et 
en  1537,  d'un  Christophe  Calvo  ou  Calvi,  accompagnant  comme 
conseiller  le  frère  du  doge  de  Gênes  ;  d'un  Jacques  Calvo,  envoyé 
contre  le  roi  d'Aragon  en  1435  ;  enfin,  d'un  Barthélémy  Corso, 
envoyé  dans  une  expédition  contre  les  Turcs.  Ce  qui  prouve  que 
ce  Barthélémy  était  de  Calvi,  c'est  que  seuls  les  Galvais  parmi  les 
Corses,  par  un  privilège  spécial  de  la  République,  pouvaient  pré- 
tendre aux  emplois  d'officiers  dans  les  armes  de  Gênes. 

Or,  le  mot  Calvo  ou  Calvi,  dit  M.  Peretti,  signifie  Calvais, 
natif  de  Calvi  ;  il  en  trouve  la  preuve  dans  la  personne  de  Jean-Luc 
Mon,  qui,  après  avoir  été  nommé  évêque  de  la  Guardia,  dans  le 
royaume  de  Naples,  ajouta  à  son  nom  celui  de  sa  ville  natale,  Calvi, 
et  se  fit  appeler  Jean-Luc  Moncalvo. 

Il  en  résulte  que  l'inventeur  de  l'Amérique,  appartenant  à  cette 
famille,  est  par  là  même  né  à  Calvi. 

Si  on  demande  à  M.  Peretti  la  raison  du  silence  de  Christophe 
Colomb  sur  son  origine,  quand  il  s'est  présenté  à  la  cour  d'Espa- 
gne, il  répondra  que  ce  silence  s'imposait,  et  que  c'eût  été  une 
grande  imprudence  de  se  dire  Calvo -Calvais,  attendu  qu'ayant, 
lui  et  les  siens,  porté  les  armes  contre  les  rois  d'Aragon,  il  eût  vu 
sa  demande  de  secours  repoussée  par  la  cour  d'Espagne . 

Que  Christophe  Colomb  soit  Français,  cela  ne  fait  aucun  doute, 
puisque,  en  1459,  au  moment  où  il  prenait  la  mer,  Gênes  et  ses 
États,  —  Calvi  par  conséquent,  —appartenaient  depuis  un  an  à  la 
France  ;  ce  fut,  en  effet,  au  mois  de  février  de  l'année  1458  que  le 
Doge  et  le  conseil  délibérèrent  de  donner  leur  ville  au  roi  de  France, 
Charles  VII,  et,  le  11  mai  de  la  même  année,  le  duc  d'Anjou  prenait 
possession  de  la  ville,  à  titre  de  souverain,  au  nom  du  roi  de 
France. 

Tel  est,  sommairement  analysé,' l'ouvrage  important  de  M.  l'abbé 
Peretti.  Nous  l'avonslu  avec  tout  ce  que  nous  avons  de  patriotisme, 
de  vénération  pour  la  vérité  et  d'affection  pour  l'auteur.  Il  n'est 
que  justice  de  rendre  hommage  à  ses  longues  et  patientes  recher- 
ches, à  sa  sincérité  historique,  à  l'ingéniosité  de  son  argumenta- 
tion et  à  son  vif  amour  pour  la  Corse. 

M.  l'abbé  Peretti  termine  son  livre  par  ces  lignes  :  «  A  la  criti- 


•    —  11  — 

que  maintenant  de  dire  si  nous  nous  sommes  trompé,  car  nous  ne 
voulons  que  la  vérité,  et  volontiers  nous  redirons  toujours  la 
maxime  célèbre  :  Amicus  Plato  ,  magis  arnica  veritas. 

Indépendamment  de  la  joie  que  nous  eussions  éprouvée  de  la 
découverte  d'une  nouvelle  vérité,  gaudium  de  veritate,  comme 
parle  saint  Augustin,  nous  aurions  été  heureux  d'ajouter  un  qua- 
trième nom  à  notre  trinité  de  grands  hommes  ;  mais  nous  avons  le 
ragret  de  constater  qu'aucun  des  arguments  de  M,  l'abbé  Peretti 
ne  prouve  l'origine  calvaise  de  Christophe  Colomb.  Nous  voyons 
bien  dans  son  ouvrage  de  vagues  insinuations,  des  inductions  plus 
ingénieuses  que  fondées,  des  conjectures  sans  consistance,  des 
sous-entendus  sans  valeur  ;  mais  des  preuves  convaincantes,  des  faits 
ou  des  documents  authentiques,  des  raisons  solides,  seuls  éléments 
de  l'histoire,  tout  cela  y  fait  complètement  défaut. 

Si  donc  nous  nous  permettons  de  lever  le  bouclier  dans  ce  tour- 
noi historique,  ce  n'est  pas  contre  notre  terre  natale,  que  nous 
chérissons  du  fond  de  notre  cœur,  mais  c'est  contre  l'erreur  qu'il 
est  du  devoir  de  tout  homme  d'arrêter,  au  seuil  de  l'histoire  ; 
c'est  aussi  pour  défendre  la  vérité,  supérieure  à  la  patrie,  à  la  fa- 
mille et  à  l'amitié  ;  voilà  pourquoi  nous  ajoutons  à  l'adresse  de 
noire  cher  et  laborieux  confrère  cette  belle  pensée  d'un  ancien  : 

Non  eadem  sentira  bonos  de  rébus  eisdem, 
Incolumi  licuit  semper  amicitia. 

Voici  donc  les  raisons  qui  nous  empêchent  d'accepter  les 
conclusions  de  M.  l'abbé  Peretti  ;  pour  procéder  avec  ordre,  nous 
allons  reprendre  un  à  un  tous  ses  arguments  et  les  étudier  au 
flambeau  de  la  raison  et  au  témoignage  de  Thistoire. 

M.  Peretti  commence  par  dire  que  tous  les  auteurs  contempo- 
rains du  grand  Navigateur  ne  s'expliquent  pas  clairement  sur  son 
berceau  ;  ils  se  contentent  dédire  qu'il  était  Génois,  ce  qui  peut 
s'entendre  né  dans  la  ville  ou  dans  les  États  de  Gênes  ;  ainsi  par 
lent  Giustiniani.  Foglietta,  Gallo,  Las  Casas,  pour  ne  citer  que 
ces  quatre  écrivains.  Nous  répondrons,  au  contraire,  qu'en  exami- 
nant bien  le  texte,  nous  trouvons  dans  ces  quatre  auteurs  et  dans 
d'autres,  que  M.  Peretti  n'a  pas  cités,  un  témoignage  bien  expli- 
cite en  faveur  de  la  ville  de  Gênes  et  de  la  Ligurie. 

1"  Dans  Giustiniani  :  en  effet,  comme  dans  le  récit  qu'il  a  fait 
des  ambassadeurs,  annonçant  qu'un  Génois  nommé  Christophe 


—  12  —       • 

Colomb  avai  t  découvert  un  nouveau  monde,  on  pouvait  croire 
qu'il  avait  voulu  parler,  non  d'un  originaire  de  Gênes,  mais  d'un 
citoyen  de  la  République,  il  a  eu  soin  dans  ses  A?inotazioni, 
placées  à  la  fin  de  son  ouvrage  (1),  de  bien  préciser  sa  pensée, 
en  disant  que  si  don  Fernand  osa  lui  reprocher  plusieurs  faussetés 
touchant  l'origine  de  son  père  (reproches  qu'il  a  réfutés  dans  son 
travail  sur  la  Bible  Polyglotte),  il  se  garda  bien  de  le  contredire 
quand  il  le  fit  naître  dans  la  ville  de  Gê7ies  ;  non  si  trova  che 
egli  rinfacci  corne  errore  l'averlo  fatto  nascere  nella  citta 
di  Genova  (!)  Voilà  qui  est  bien  clair. 

IV 

2°  Dans  la  relation  de  Foglietta,  où  il  est  dit  «  que  les  exploits 
de  Christophe  Colomb  ont  apportera  sa  ville  de  Gênes,  civitati 
nostrœ,  une  gloire  à  peine  inférieure  à  celle  de  Rome  ».  Comme 
on  le  voit,  il  s'agit  ici  d'un  parallèle  entre  la  ville  de  Gênes  et 
celle  de  Rome,  et  non  pas  entre  l'Empire  romain  et  la  République 
de  Gênes;  nous  trouvons  la  confirmation  explicite  de  Foglietta 
dans  ses  Éloges  des  Liguriens  illustres,  où  il  appelle  Christophe 
Colomb  V honneur  éternel  des  habitants  de  la  Ligurie  et  de  la 
ville  de  Gênes,  sa  patrie...  Te  quoque  Ligurum  et  Genuœ  pa- 
triœ  sempiternum  decus,  Christophore  Columbe,  huic  \primœ 
classi  inferunt  cœleste  ingenium  et  Divina  vii^tus  tua  (2). 

Voici  enfin  des  vers  qui  expliquent  avec  une  clarié  évidente  la 
pensée  de  Foglietta. 

Parmi  les  nombreuses  pièces  de  poésie  adressées  à  cet  auteur, 
à  l'occasion  de  son  ouvrage  si  remarquable  à  tant  de  points  de 
vue,  et  qui  sont  placées  dans  V Avant-propos,  nous  voyons  qu'un 
poète,  parlant  de  cet  ouvrage,  lui  dit  : 

«  Après  avoir  parcouru  l'Océan,  que  vient  de  découvrir  Colomb, 
qui  partage  avec  ton  maître  la  gloire  d'avoir  vu  le  jour  dans  la 
ville  de  Gênes.  » 

Imenso  Oceanoque,  obibis  orbem, 
Quem  modo  reperit  Columbus,  ille, 
Ornât  qui  Genuam  simul  parentem, 
Gum  tuo  domino  (3). 

(1)  An7iali  di  Genoa,  t.  Il,  p.  716,  §  19. 

(2)  Clarorum  Ligurum  Flof/ia,  p.  770,  ap.  Muratori. 

(3)  Carmina  R.  P.  Lauraitii  Blanci  iii  honorem  Ulberli  Fogliett?o,  in  prsomio  Ilis- 
ioriœ  Genuensium. 


—  13  — 

Et  un  autre  : 

Pervia  virtuli  Lisriinim  sunt  omnia. 


'D' 


Namqiie  ego  quid  memorem  seranlem  ignota  Columbum 
^quora,  et  ab  nostro  submotos  orbe  recessus 
—  Oceani (i). 

3<*  Et  maintenant,  si  nous  arrivons  à  Antonio  Gallo  «  qui,  d'après 
M.  Peretti,  use  d'une  tournure  qui  prête  à  l'équivoque  )>,  nous 
avons  le  pénible  étonnenient  de  constater  que  le  texte  cité  par 
M.  le  curé  de  Galvi  a  été  tronqué.  Le  voici  en  effet  tel  qu'il  nous 
le  donne  :  Christophorus  et  Bartholomœus  Genuœ  plebeis  orti 
parentibus  carminatores  lanœ  fuerunt.  Or  le  voici  dans  son 
intégrité  authentique,  tel  que  nous  l'avons  pris  dans  Gallo  lui- 
même  :  Christophorus  et  Bartholomœus  Colombi  fratres,  na- 
tione  LIGURES,  ac  Genuœ  plebeis  orti  parentibus  (2). 

Gomme  on  le  voit,  les  deux  mots  natione  Ligures,  qui  expli- 
quent leur  nationalité,  et  le  sens  de  ville  du  mot  Geyiuœ,  ayant 
été  supprimés,  il  en  résulte  que  Gallo  affirme  nettement  que 
Gh.  Golomb  est  né  à  Gênes. 

Et  si  M.  Peretti  vient  n@us  objecter  que  le  témoignage  de  Gallo 
n'a  aucune  valeur,  nous  lui  répondrons,  avecMuratori,  «  que  cet 
historien,  ayant  été  le  contemporain  de  Gh.  Golomb,  son  autorité, 
en  pareille  matière,  est  d'un  grand  poids,  eodem  teinpore  quo 
floruit  Colombus  et  Antonius  Gallus;  quare  auctoyntas  ejus, 
hac  in  re,  non  levé  pondus  habet  (3)  ». 

4»  Si  don  Fernand  ne  peut  nous  faire  connaître  le  berceau  de 
son  père,  il  nous  indique  clairement  la  contrée  qui  renferme  celui 
de  ses  grands-parents;  que  signifient  eneffet  ces  paroles  ?  «  Je  dis 
que  malgré  que  ses  parents  (de  Gh.  Golomb)  fussent  riches  en 
vertu,  ayant  été  réduits  à  la  gêne  et  à  la  pauvreté  par  les  guerres 
et  les  factions  de  la  Lombardie,  j'ignore  comment  ils  ont 
vécu  et  où  ils  ont  demeuré  (4).  »  Ne  signifient-elles  pas  que  les 
guerres  et  les  factions  qui  ont  fait  de  grands  ravages  en  Lombar- 
die  avaient  ruiné  les  parents  de  son  père  qui  habitaierd  natu.- 

(1)  Pricmium  Ilistoriœ  Genuensium. 

(2)  De  Rébus  Genuens.  et  de  Navigat.  Columb.   ap.  Muratori,  t.   XXIII,  p.  302. 
(3)Praefacio,  tomo  citato. 

(4)  Dico  che  quanlunque  fossero  i  suoi  genltovi  buoni  in  virtU  esseiido  per  cagione 
délie  guerre  e  partialita  délia  Lumhardia  rldotti  al  bisogno  e  pocerla,  non  trovo 
corne  vivessero  e  habitassero,  cap.  U,  p.  3. 


—  14  — 

rellement  cette  contrée?  C'est  eu  vain  que  M.  l'abbc  Peretti  inter- 
prète ces  paroles  :  guen^e  et  partialiia  délia  Lomhardia^ 
dans  le  sens  de  guerres  et  de  factions  de  la  Lombardie,  dont  la 
Ck)rse, — soumise  pendant  dix-huitans  aux  ducs  de  Milan,  — s'était 
ressentie  pendant  cette  domination. 

Rien  ne  donne  droit  à  notre  honorable  confrère  d'émettre  son 
interprétation.  Ah  î  nous  aurions  compris  cette  interprétation  si 
don  Fernand  avait  parlé  seulement  une  fois  de  la  Corse  ;  mais 
jamais  ce  nom  ne  tombe  de  sa  plume  ;  tandis  que  nous 
l'entendons  parler  de  Rome  et  de  Venise,  de  Gènes  et  de 
Plaisance,  de  Bugiasco.  de  Savone  et  d'autres  villes  du  continent 
italien  ;  c'est  là  qu'il  cherche  à  découvrir  l'origine  de  son  père, 
le  berceau  et  la  condition  de  ses  ancêtres  ;  par  conséquent,  quand 
il  parle  des  guerres  et  des  factions  qui  ont  déchiré  la  Lombardie, 
il  a  bien  l'intention  de  parler  d'événements  malheureux  qui  se 
sont  déroulés  dans  cette  contrée  et  pas  ailleurs,  et  qui  ont  ruiné  ses 
grands-parents  qui  y  habitaient. 

Supposons  qu'un  homme,  écrivant  en  l'année  1889,  des  bords 
de  la  Neva  ou  de  la  Tamise,  l'histoire  des  parents  de  son  père, 
s'exprime  ainsi  :  <l  Ses  parents  furent  réduits  à  la  gène  et  à  la 
pauvreté  par  la  guerre  et  les  dissensions  intimes  qui  ravagèrent 
la  France  en  1871.  » 

Quel  est  le  lecteur  qui  concluerait  de  ces  paroles  que  les  pa- 
rents de  cet  homme  habitaient  l'Algérie  ou  la  Guadeloupe  ?  Le 
sens  naturel  et  obvie  de  cette  phrase  n'est-il  pas  qu'ils  étaient  en 
France,  et  que  c'est  là,  sur  le  continent  français,  qu'ils  ont  été 
ruinés  par  la  guerre  étrangère  et  la  discorde  civile  ? 

Or,  la  Corse  se  trouvant  à  un  moment  donné,  vis-à-vis  de  la 
Lombardie,  dans  la  même  situation  que  se  trouvent  l'Algérie  et 
l:i  Guadeloupe  vis-à-vis  de  la  France,  il  en  résulte  que  lorsqu'il 
est  question  d'une  famille  ruinée  par  les  guerres  et  les  factions  de 
la  Lombardie,  on  comprend  que  cette  famille  habitait  cette  contrée. 

Ce  qui  vient  confirmer  notre  interprétation  et  exphquer  la  pensée 
de  don  Fernand,  c'est  un  contemporain  de  Ch.  Colomb.  Ramusio. 
qui  affirme  que  «  l'origine  de  ses  ancêtres  vient  de  Plaisance  en 
Lombardie,  située  sur  les  rives  du  Pô  T>A'origme  de  suoi passati 
viene  dalla  citta  di  Piacenza  inLomhardia  che  è  posta  su  la 
riva  del  Po  ii). 

(1)  Délie  nooigationi  al  Nuovo-Mondo,  t.  AU,  p.  64. 


-■  15  ~ 

Ainsi  don  Fernand  affirme  avec  certitude  que  les  parents  de 
?)0n  ^hva  habitaient  la  Lombardie,  et  qu'ils  y  ont  été  ruinés; 
il  ignore  seulement  ce  qu'ils  sont  devenus  après  leurs  revers, 
comment  ils  ont  vécu  et  où  ils  ont  habité;  ces  dernières  paroles 
laissent  à  supposer  qu'ils  avaient  quitté  cette  province,  ce  qui 
expliquerait  la  présence  de  plusieurs  familles  Colomb  dans  la 
Ligurie... 

50  Si  nous  interrogeons  les  intimes  du  grand  Navigateur,  ils 
nous  répondront  tous  qu'il  est  né  dans  la  Ligurie.  Ainsi,  Ber- 
naldez,  curé  de  la  ville  de  Los  Palacios,  son  ami  particulier,  son 
grand  protecteur,  et  qui  avait  en  sa  possession  des  manuscrits 
de  l'Amiral,  le  fait  naître  à  Gênes  ;  Christobal  Colon  nacio  en 
Genoba  donde  era  Gomerciante  de  libros  impresos  (1). 

Pierre-Martir  d'Angheria,  ami  mtime  de  Gh.  Golomb,  qu'il 
avait  connu  avant  la  conquête  de  Grenade,  et  qui  c<  n'affirme  rien 
que  d'après  les  paroles  et  les  rapports  de  l'Amiral  »,  le  dit  natif 
de  la  Ligurie;  Christophoy us  quidam  Colonus  oir  Ligur. 
(Livre  VP  des  Épîtres,  n°  130.) 

Enfin,  B.  Las  Casas  lui-même,  compagnon  de  voyage,  ami  in- 
time de  Christophe  Golomb,  qui  n'a  écrit  que  d'après  les  manu- 
scrits et  les  entretiens  du  grand  Navigateur,  —  ce  sont  les  paroles 
de  M.  Peretti,  —  affirme,  on  ne  peut  plus  clairement,  qu'il  était 
né  dans  la  LiguyHe  ;  ici  encore  nous  nous  voyons  dans  l'obliga- 
tion de  rapporter  le  texte  authentique  en  regard  du  texte  notable- 
ment altéré  que  cite  notre  confrère,  et  que  voici  :  «  Cet  homme, 
dit  Las  Casas,  il  plut  à  Dieu  de  le  choisir  Génois  de  nation,  quelle 
que  soit  la  localité  de  cette  Répubhque  où  il  est  proprement  né  (2).» 

Or,  voici  le  texte  authentique,  tel  que  nous  l'avons  relevé  à  la 
Bibliothèque  Nationale  : 

Fué  pues,  este  varon  escogido  de  nacion  Genovès,  de  al- 
gun  lugar  de  la  provingia  de  Genova  ;  quel  fuere  donde  nacio 
a  que  nombre  tuvo  el  tal  lugar  no  consta  la  verdad  dello  mas 
de  que  se  socia  llamar  antes  que  Ilegase  al  estado  que  Ilego 
Cristobal  Columbo  de  Terra-Rubra,  y  lo  mismo  su  hermano 
Bartolomé  Colon,  de  quien  despues  se  haro  no  poco  men- 
cion  (3). 

(1)  Hlsloire  du  Roi  et  de  la  Reine  catholiques,  ch.  cxxiii. 

(2)  Page  56. 

(3)  Hisior.  de  las  Indias,  t.  I",  cap,  ii,  p.  42. 


—  16  ~ 

«  Cet  homme  fut  choisi  de  nation  génoise,  d'une  localité  de  la 
province  de  Gênes,  quoiqu'on  ne  sache  pas  laquelle,  —  localité, 
—  mais  ce  qui  est  certainement  établi,  c'est  qu'avant  de  parvenir 
à  la  situation  à  laquelle  il  arriva,  il  se  faisait  appeler  Christophe 
Colomb  de  Terra-Ruhra,  ainsi  que  son  frère  Barthélémy  Colomb, 
dont  il  a  été  beaucoup  parlé  depuis.  » 

Une  définition  exacte,  avons-nous  appris  en  philosophie,  doit 
exprimer  le  genre  prochain  et  la  différence  propre  de  la  chose  à 
définir,  definitio  constare  débet  génère  proximo  et  differentia 
pro/jr/a  ;  or,  Barthélémy  Las  Casas,  un  bon  logicien,  nousalaissé 
de  l'origine  de  Christophe  Colomb  une  définition  qui  possède  ces 
deux  propriétés;  en  nous  disant  en  eifet  qu'il  était  «  de  nation  gé- 
noise», de  nacion  genovésy  il  exclut  toute  nationalité  française, 
espagnole,  anglaise,  etc.  ;  et  en  ajoutant  qu'il  était  né  dans  la 
province  de  Gênes,  de  algun  lugar  de  la  provincia  de  Genova, 
et  non  pas  «  de  la  RépubUque  de  Gènes  »,  comme  le  prétend 
M.  Peretti,  il  circonscrit  le  lieu  de  sa  naissance  dans  cette  seule 
province,  et  il  exclutpar  là  même  la  Lombardie,la  Toscane,  voire 
même  la  Corse  qui,  tout  en  étant  sous  la  dépendance  de  Gênes, 
était  en  dehors  de  la  province  génoise  ;  il  va  même  jusqu'à  lais- 
ser entendre  que  son  berceau  est  à  Terra-Rossa. 

Nous  avions  donc  bien  raison  de  dire  que  B.  Las  Casas,  contrai- 
rement à  l'assertion  de  M.  l'abbé  Peretti,  se  prononce  formelle- 
ment en  faveur  de  l'origine  Ligurienne  de  l'illustre  Amiral. 


6''  Nous  trouvons  la  confirmation  de  ces  divers  témoignages 
dans  le  cardinal  Bembo,  historien  du  quinzième  siècle,  qui  af- 
firme que  C.  Colomb  était  né  dans  la  Ligurie. 

Erat  Colmnbus  homo  Ligur  ingenio  peracri,  qui  nullas 
emensus  regiones  midtum  maris,  et  Oceani  perlustr avérât.., 
edocetque...  quinque esse  Cœli partes  (1). 

Dans  le  récit  de  Ramusio,  contemporain  de  Ch.  Colomb,  histo- 
rien estimé  de  Venise,  et  qui  n'avait  aucun  parti  pris  pour  Gènes, 
et  où  il  est  dit  que  l'opinion  la  plus  certaine  était  celle  qui  le  fai- 
sait naître  à  Cucurgo,  près  de  Gênes,  et  que  lorigine  de  ses  an- 
cêtres venait  de  Plaisance,  sur  la  rive  du  Pô,  per  piu  certo  si 

(1)  Ilist.  Venelx,  lib.  Vi,  p.  «2. 


~   17  ~ 

liene  che  gli  fosse  diCiœurgo^luogo  pressa  alla  citta  cli  Genova  ; 
rof'igine  cli  suoipassati  venue  dalla  cilla  di  Piacenza  in  Loin- 
hardia  che  ê  posla  sidla  riva  del  Pô  (1). 

Enfin,  clans  ces  vers  expressifs  écrits  sur  une  mappemonde  que 
Barthélémy  Colomb,  envoyé  par  son  frère  Christophe,  portait,  le 
13  février  1488,  à  Henri  VII,  roi  d'Angleterre  : 

Janua  cui  patria  est,  nomen  cui  Bartholomanis, 
Golimibiis  de  Terra  rubra,  opus  dédit  istud  (2). 

Ajoutons, "pour  compléter  notre  démonstration,  que  M.  Peretti, 
en  citant  le  témoignage  de  Washington  Irving,  de  Roselly  de  Lor- 
gues  et  de  M.  Barrisse,  semble  faire  croire  que  ces  auteurs  doutent 
encore  du  berceau  de  Christophe  Colomb;  or,  il  est  juste  de  dire 
qu'ils  sont  tous  les  trois  affirmatifs. 

«  Il  est  prouvé,  dit, le  premier,  que  Christophe  Colomb  naquit 
dans  l'ancienne  cité  de  Gênes  (3).  » 

«  Il  est  temps,  dit  le  second,  de  remplacer  cette  hésitation  par 
une  afïrmation  précise  :  Christophe  Colomb  est  né  à  Gênes  (Ji^).  » 

Enfin,  le  troisième,  dont  la  compétence  sur  celte  question  est 
indiscutable  et  indiscutée,  puisqu'il  a  consacré  toute  sa  vie  à  Chris- 
tophe Colomb,  affirme  «  que  les  actes  notariés  circonscrivent 
l'origine  de  la  famille  de  naissance  et  la  première  résidence  de 
Domenico,  père  de  l'illustre  Amiral,  dans  la  vallée  de  Fontana- 
Buona  (5)  ». 

Non  seulement  M.  Harrisse  a  démontré,  avec  des  documents 
notariés,  que  le  père  deCh.  Colomb  avait  vécu  à  Gènes  sans  désem- 
parer (sauf  un  séjour  àSavone),  à  partir  de  1451)  (0);  mais  depuis, 
on  a  trouvé  à  Gênes  le  contrat  d'apprentissage  dudit  Dominique 
Colomb,  lequel  nous  le  montre  résidant  dans  la  ville  même  de 
Gênes,  à  dater  de  1429.  Or,  Ch.  Colomb,  d'après  un  autre  docu- 
ment notarié,  est  né  entre  1446  et  1451  :  Christofforus  de  Co- 

(1)  Navigationi  al  Nuovo-Mondo,  t,  Ilf, p.64. 

(2)  Celui  qui  a  donné  cet  ouvrage  s'appelle  Barthélémy  Colomb,  Génois,  de  ïerra- 
s;i.  (Las  Casas,  t.  J,  lib.  I,  cap.  cxxix,  p.  22o.) 

(3)  Christopher  Coluvibus...  mas  boi'ii  inthecily  of  Genoa,  abouthtlie  year  IWo.  of 
poor  but  repulable  and  mérilorious  parentage.  (W.  Irvingj  Vie  et  voy.  de  Ch.  Co- 
lomb, édition  classique,  ch.  i.) 

f4i  Christophe  Colotnb,  p.  G.  Palmé. 

(5)  Harrisse,  Histoire  de  C.  Colomb,  t.  1,  p  220. 

(6)  Christophe  Colomb,  1  vol.,  II.  p.  402. 


—  18  — 

lumho,  filius  Dominici^  maior  annis  decemnovem  (au  30  octo- 
bre 1470)  (1). 

Voici  une  autre  preuve  biea  plus  convaincante  encore,  s'il  est 
possible,  en  ce  sens  que  le  Dominique  Colomb  de  la  ville  de  Quiu- 
to,  près  de  Gênes,  est  bien  le  père  du  découvreur  du  Nouveau- 
Monde;  c'est  un  contrat  par  lequel  Giovanni,  Malteo  et  Ami- 
ghetto  Colombo,  tous  trois  de  Quinto,  et  neveux  de  Dominique 
Colomb  de  Quinto,  envoient  à  frais  communs  l'aîné  ^d'entre  eux, 
Giovanni,  en  Espagne,  auprès  de  Christophe  Colomb,  le  30  octo- 
bre 1496,  et  stipulent  qu'ils  partageront  les  bénéfices  de  ce  qu'il 
en  rapportera;  et  ce  qui  démontre  bien  que  le  Ch.  Colomb  qu'il 
va  voir,  et  que  d'autres  actes  notariés  montrent  être  son  cousin 
germain,  est  incontestablement  le  grand  iNavigateur  génois,  c'est 
que,  dans  ce  document,  il  est  qualifié  d'amiral  du  roi  d'Espagne  : 
Christophorum  de  Coliimho.  armiratum  i'egis  Hispaniœ  (2). 

Voici,  entin,  cequeiM.  H.  Ilarrisse  dit  au  sujet  des  diverses 
prétentions  :  «  La  plus  audacieuse  et  la  moins  fondée  de  ces  pré- 
tentions est,  assurément,  celle  qui  fait  naître  Christophe  Colomb 
à  Calvi,  Corse  (3).  » 

Il  résulte  de  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  que,  contraire- 
ment à  l'affirmation  de  M.  Peretti  qui  dit  «  qu'un  mystère  enve- 
loppe le  lieu  de  naissance  de  Christophe  Colomb  et  de  ses  ancêtres  » , 
il  en  résulte,  disons-nous,  que  les  familiers  du  célèbre  Naviga- 
teur, ses  historiens  contemporains  et  postérieurs,  et  tous  ceux 
qui,  dans  ces  derniers  temps,  se  sont  occupés  de  cette  grande  ques- 
tion avec  impartialité,  intelligence  et  droiture,  tous  sont  unanimes 
à  le  faire  naître  dans  la  Ligurie  et,  le  plus  grand  nombre,  daiis  la 
ville  de  Gênes. 

Nous  pourrions,  à  la  rigueur,  nous  arrêter  ici  ;  car,  en  faisant 
briller  la  lumière  là  où  M.  Peretti  ne  voyait  que  l'obscurité,  le 
doute  et  le  mystère,  nous  avons  sapé  la  base  même  de  sa  thèse. 

Qu'a-t-il  voulu  prouver  en  elïet  dans  la  première  partie  de  son 
ouvrage  intitulée  «  Mystère  »  ?  Si  ce  n'est  que  les  familiers  et  les 
auteurs  contemporains  de  Christophe  Colomb,  voulant  établir  son 
origine,  se  sont  contentés  de  dire  qu'il  était  Génois,  de  nation 
génoise.  Comme  cette  manière  de  désigner  l'origine  de  son  héros 

(1)  Archives  tabellaires  de  Gènes,  découvertes  récentes  du  marquis  Staglieno. 
(i)  Archives  tabellaires  de  Gênes,  la  Not.  de  13.  Pilosio,  liasse  o,  u°  775. 
f3)T.  I-",  p.  159,  notes  du  bas. 


—  19  — 

lui  a  semblé  très  vague,  il  s'est  dit  que  du  moment  que  la  Corse 
faisait  partie  de  la  nalion  génoise,  cette  île  se  croyait  suffisamment 
autorisée,  avec  quelques  petites  preuves  qu'elle  apporterait  à  l'ap- 
pui de  ses  prétentions,  pour  réclamer,  comme  un  de  ses  enfants, 
l'inventeur  de  l'Amérique. 

Il  est  certain,  en  effet,  que  si  ces  historiens  n'avaient  dit  que 
cela,  les  réclamations  de  la  Corse  auraient  pu  avoir  quelque  appa- 
rence de  légitimité.  Mais,  malheureusement  pour  notre  île,  tous 
les  historiens  contemporains,  Génois,  Lombards,  Espagnols  el 
postérieurs,  affu^ment  expUcitement,  comme  nous  venons  de  le 
prouver,  qu'il  est  non  seulement  génois  de  nation,  mais  origi- 
naire de  la  Ligurie,  de  la  province  de  Gênes,  autrement  dit  du 
co7itinent  génois  ;  ce  qui  enlève  la  moindre  probabihtéaux  récla- 
mations de  Calvi. 

Mais  continuons  à  examiner  la  valeur  des  autres  raisons  allé- 
guées par  notre  confrère. 

M.  Peretti  fait  remarquer  que  Giustiniani,  Foglietta  et  Gallo, 
étant  Génois,  «  tenaient  beaucoup  à  la  gloire  de  leur  ville,»  et  que, 
par  conséquent,  leur  témoignage  doit  être  regardé  comme  suspect. 
Nous  lui  répondrons  d'abord  que  Pierre-Martir  d'Anghierra,  Bem- 
bo  et  Ramusio  n'étant  pas  Génois  et  étant,  par  conséquent,  dé- 
sintéressés dans  la  question,  affirment  la  même  chose  ;  c'est  donc 
qu'elle  est  vraie;  [ensuite,  que  si  on  doit  considérer  comme  sus- 
pect le  témoignage  des  historiens  de  Gênes,  on  ne  voit  pas  pour- 
quoi ses  réclamations  en  faveur  de  Calvi  paraîtraient  moins  sus- 
pectes, puisqu'il  est,  lui  aussi,  Corse  et  curé  dans  cette  ville.  De 
plus,  en  histoire,  un  témoignage  positif  ne  se  récuse  que  par  un 
autre  témoignage  positif  plus  autorisé,  et  non  pas  par  une  fin  de 
non-recevoir  ou  par  un  simple  pi'ocès  de  tendances. 

M.  Peretti  dit  qu'il  était  difficile  aux  historiens  de  Colomb  de 
se  renseigner  sur  son  origine  «  avec  le  caractère  cosmopolite  de 
sa  famille  qui  était  de  toutes  les  patries  ^et  semblait  n'en  avoir  au- 
cune ».  Nous  répondons  qu'il  leur  eût  été  difficile  d'obtenir  ce 
renseignement  si,  avant  la  découverte  du  Nouveau-Monde,  la  fa- 
mille de  l'illustre  Navigateur  fut  toujours  restée  obscure  et  incon- 
nue; mais  tel  n'est  pas  son  cas.  Au  dire  de  M.  Peretti,  elle  devait 
être  très  connue,  puisqu  il  prétend  que  Christophe  Calvo,  con- 
seiller, en  1420,  du  frère  du  doge  dans  une  expédition  contre  AI- 
fonse  V,  roi  d'zVragon;  Antoine  Oa^^o  ou  Calvi,  chargé,  on  1442, 


—  20  — 

par  le  roi  René,  de  la  garde  du  fort  Château-Neuf;  Jean-Baptiste 
Cali'iyiticqiiQS  Calvo,  en  1435,  patron  d'un  navire  envoyé  par 
Gênes  au  secours  deGaete  assiégée,  et  Barthélémy  Cor^o,  capitai- 
ne d'un  vaisseau,  en  1481,  équipé  à  la  prière  du  Pape  contre 
les  Turcs,  formaient  la  famille  de  Colomb  sous  le  nom  de  Calvo. 
dont  nous  aurons  à  parler  plus  loin.  Or,  comme  les  membres  de 
cette  famille  s'étaient  fait  inscrire  dans  la  marine  génoise  sous  le 
nom  de  Calvo  ou  Calvi,  pour  se  conformer  à  l'usage,  et  aussi 
pour  avoir  droit  à  une  foule  de  privilègesque  Calvi, la  ville  fidèle^ 
avait  obtenus  pour  ses  enfants,  il  eût  été  on  ne  peut  plus  facile  de 
consulter  les  archives  de  la  marine  génoise  :  là,  à  la  vue  d'une 
famille  Calvo  ou  Calvi,  —  adjectif  qui  signifie,  toujours  au  dire 
de  M.  Peretti,  natil  de  Calvi,  —  ils  auraient  immédiatement  trouvé 
le  berceau  de  l'inventeur  de  l'Amérique.  L'historien  qui  avait  plus 
de  facihté  que  les  autres,  Mgr  Giustiniani,  évéque  de  Nebbio,  en 
Corse,  aurait  dû  entendre  dire,  dans  son  diocèse,  au  moment  de 
la  grande  découverte,  que  l'inventeur  était  un  de  ses  diocésains; 
mais  non,  il  n'entend  rien  dire  de  ce  genre,  et  alors  il  écrit,  sans 
la  moindre  protestation  des  insulaires,  que  cet  inventeur  est  né  à 
Gênes. 

D'après  don  Fernand,  le  lieu  d'origine  de  son  père  était  telle- 
ment obscur  qu'il  semble  que  Dieu  l'ait  fait  exprès  pour  qu'il  vq?>- 
idXinconyiu.  Cette  indication,  remarque  M.  Peretti,  semble  bien 
viser  Calvi,  chef-Ueu  minuscule  de  Tarrondissement  de  ce  nom. 

Nous  répondrons  que  Calvi,  au  quinzième  siècle,  n'était  nulle- 
ment une  ville  obscure  ;  bien  au  contraire,  elle  était  très  impor- 
tante :  n'était-elle  pas  la  capitale  de  la  Corse,  le  boulevard  de  la 
république  de  Gênes,  comme  l'appelle  M.  Peretti,  et  enfin,  suivant 
l'expression  deBracielli,  une  forteresse  célèbre?  Calvum  célèbre 
oppidu7n.  (De  Bello  hispanico^  1.  I,  p.  12G8.) 

VI 

M.  Peretti  dit  que  la  situation  géographique  de  Calvi  réalise 
pleinement  la  parole  de  don  Fernand,  qui  nous  montre  son  père 
appelé  par  Dieu  «  non  des  châteaux  et  des  palais,  mais  des  mey^s 
et  CiQS> rivières  ». 

Franchement,  nous  ne  voyons  pas,  dans  les  deux  traits  rn^r^  et 
rivières,  des  caractères  qui  soient  propres  à  Calvi;  toutes  les  lo- 


—  21  — 

calités  du  littoral  de  la  Corse  ou  de  l'Italie  ont  le  droit  d'en  dire 
autant;  nous  allons  même  plus  loin,  et  nous  afdrmons  que  si  la 
mer  baigne  Galvi,  aucune  rivière  ne  lui  apporte  ses  eaux,  à  moins 
toutefois  que  M.  Perelti  n'appelle  une  rivière  un  modeste  cours 
d'eau  qui  ee  jette  dans  le  golfe  de  Galvi  à  quelques  kilomètres  de 
la  ville,  et  dont  le  lit  est  si  plein  que  les  populations  et  les  géo- 
graphes ne  le  désignent  autrement  que  sous  le  nom  expressif  de 
fleuve  à  sec,  fiume  secco. 

Tandis  que  si  nous  regardons  du  côté  du  continent  génois,  nous 
trouvons  que  l'ancienne  République  ligurienne  comprenait  une 
étroite  lisière  de  terrain  dite  Rivière,  entre  les  Apennins  et  la 
mer,  et  se  divisait:  1°  en  rivière  du  Levant  (où  se  trouvaient 
Gènes,  Lavagna,  Spezzia,  etc.);  I""  en  livière  du  Ponent  (qui 
comprenait  les  villes  de  Novi,  Savone,  Viotimille,  etc.).  Or,  ces 
deux  -rivières  (\w\  caractérisent  le  territoire  génois,  et  la  Méditer- 
ranée qui  baigne  les  cotes  de  Gênes,  concordent  admirablement 
avec  les  paroles  de  don  Fcrnand. 

Déplus,  nous  voyons  le  Besagno,  fleuve  d'une  certaine  impor- 
tance, se  jeter  dans  le  golfe  de  Gênes,  entre  le  lazaret  des  mar- 
chandises et  la  porta  délia  Cava.  Enfin,  nous  pouvons  ajouter 
que^Ramusio  nous  apprend  que  les  ancêtres  deGhristophe  Colomb 
sont  originaires  de  Plaisance,  placée  sur  le  bords  du  Pô,  Vorigi- 
ne  deisuoi  passati  venne  dalla  cittadi  Piacenza  in  Lombardia 
che  è  posta  su  la  riva  del  Po. 

M.  Peretti  n'a  trouvé  dans  les  archives  de  Galvi  qu'une  famille 
portant  le  nom  de  Colomb,  et  dans  cette  ville  qu'une  rue  del  Filo, 
convertie  plus  tard  en  rue  Colombo.  Mais  si  nous  regardons  du 
côté  de  Gênes,  nous  y  trouvons,  au  dire  de  M.  lïarrisse,  plus  de 
cent  familles  Colomb,  dont  plusieurs  portent  le  nom  de  Domini- 
que, père  du  grand  Amiral;  tout  un  quartier  des  Colomb,  une 
tour  Colomb,  et  jusqu'à  des  tombeaux  aux  armes  des  Colomb. 
Or,  n'est-il  pas  plus  logique  et  plus  naturel  d'admettre  que  ce 
héros  sorte  d'un  lieu  où  son  nom  est  si  répandu  et  où  tant  d'im- 
portants monuments  immortalisent  sa  mémoire,  plutôt  que  d'une 
localité  qui  ne  compte  qu'une  famille  de  ce  nom? 

D'ailleurs,  on  peut  expliquer  la  présence  de  l'unique  famille  de 
ce  Colomb,  que  M.  Peretti  nous  montre  à  Galvi,  en  faisant  remar- 
quer qu'un  très  grand  nombre  de  familles  corses,  telles  que  Are- 
na,  Casanova,  Colonna,  Galeazzi,  Grimaldi,  Lomellini,  Malaspina, 


—  22  - 

Marchesi,  Moiitalti,  Pietra-Santa,  etc.,  etc.,  sont  d'origine  génoi- 
se; or,  la  famille  dont  parle  notre  cher  confrère,  loin  d'élre  la 
souche  du  grand  Amiral,  ne  serait  tout  simplement  qu'un  modeste 
rameau  du  grand  arbre  généalogique  qui  recouvre  de  son  ombre 
presque  toutes  les  localités  de  la  Ligiirie;  «  il  y  avait  bien  peu 
de  localités,  nous  dit  Gasoni,  où  la  famille  Colomb  ne  se  fût  intro- 
duite, sans  compter  ceux  de  ses  membres  qui  habitaient  la  ville 
de  Gênes  (1).  » 

L'argument  tiré  de  la  rue  ciel  Filo  est  absolument  sans  valeur; 
en  voici  les  raisons  :  ce  sont  les  historiens  génois  Gallo,  Foglietta, 
Giustiniani  et  Gasoni  qui  nous  on!  appris  que  les  parents  du 
grand  Amiral  étaient  des  cardeurs  de  laine,  cay^minatores  lanœ: 
a  Or,  nous  dit  M.  Peretti,  étudiant  la  valeur  de  leurs  assertions,  notre 
avis  est  que  le  témoignage  de  ces  auteurs  n'a  aucun  poids,  parce 
qu'ils  étaient  tous  Génois,  parce  qu'ils  parlaient  d'un  homme 
qu'ils  n'avaient  jamais  connu,  et  qu'ils  n'avaient  pu  se  renseigner 
sur  sa  famille.  »  Nous  sommes  donc  en  droit,  de  l'avis  de  M.  l'abbé 
Peretti  lui-même,  de  ne  pas  accepter  que  les  parents  de  Christophe 
Colomb  fussent  des  cardeurs  de  laine.  Mais  voici  un  témoignage 
positif  qui  confirme  pleinement  notre  opinion  :  Don  Fernand,  en 
qui  M.  Peretti  a  la  plus  entière  confiance,  «  parce  qu'il  a  fait  tout 
ce  qui  était  possible  matériellement  et  moralement  pour  connaître 
la  vérité;  don  Fernand,  qui  déclare  qu'on  ne  trouvera  pas  dans 
son  ouvrage  les  défauts  que  l'on  rencontre  chez  la  plupart  des 
historiens,  c'est-à-dire  le  peu  de  vérilé  et  Vincertilude  de  ce 
qu'ils  écyHvent  :  don  Fernand,  dont  le  témoignage  ne  saurait  être 
suspecté  sans  faire  injure  à  sa  vertu  (2)  »,;  eh  bien,  don  Fernand 
nous  dit  en  termes  formels  que  «  son  père  et  ses  ancêtres  avaient 
toujours  trafiqué  sur  mer  »,  il  suo  irafico  e  de'  suoi  maggiori 
fii  sempre  per  mare(3).  Ce  qui  donne  un  grand  poids  à  la  parole 
de  don  Fernand,  c'est  qu'il  s'était  surtout  proposé  de  réfuter  les 
erreurs  des  historiens  génois  ;  il  est  certain  qu'ayant  vécu  avec 
son  père,  il  était  plus  à  môme  que  personne  de  connaître  quelle 
avait  été  la  profession  de  ses  parents. 

D'ailleurs,  cette  rue  del  Filo  ou  Colombo  ne  prouverait  pas 
plus  que  Christophe  Colomb  soit  né  à  Calvi,  que  la  rue  Bonaparte 

(1)  Annalidi  Genova,\.  l" 

(2)  Page  51, 

(3)  Ilist.  de  U.  Fern.  Colomb,  ch.  H,  p.  5. 


-   '?3  ~ 

à  Paris  ne  prouve  que  le  vainqueur  de  Marengo  soil  né  dans  la 
capitale  de  la  France;  et  puis,  qui  nous  dit  que  Galvi,  la  ville  fidè- 
le, n'ait  voulu  faire  ses  grâces  à  la  cité  superbe,  en  donnant  h 
l'une  de  ses  rues  le  nom  d'un  de  ses  plus  illustres  enfants? 

Or,  du  moment  que  l'histoire  véridique  ne  nous  présente  pas 
de  cardeurs  de  laine  dans  la  famille  de  Christophe  Colomb,  la  rue 
del  FilOy  à  Galvi,  n^a  aucun  lien  avec  celte  famille. 

Par  voie  de  conséquence,  si  cette  rue  ne  tient  par  aucun  (il  à 
la  famille  des  marins,  il  en  résulte  que  le  nom  de  Colomb,  qui  lui 
a  été  donné,  cesse  d'avoir  la  moindre  valeur  en  faveur  de  la  thèse 
de  M.  l'abbé  Peretti  (1). 

M.  Peretti,  à  la  suite  de  M.  l'abbé  Casanova,  prétend  que  si  les 
historiens  insulaires  ont  gardé  le  silence  sur  les  grands  hommes 
de  Calvi  et  par  conséquent  sur  Christophe  Colomb,  c'est  parce 
qu'ils  en  voulaient  à  celle  ville,  sans  patriotisme,  d'avoir  voué  à 
Gênes  une  fidélité  éternelle  :  Cimtas  Calvi  semper  fidelis. 

Pour  nous,  nous  trouvons  au  contraire  que  Morati  et  Filippini 
parlent,  le  premier^  d'un  Dominique  Varsi,  d'un  Dominique  Parodi 
et  d'une  foule  d'nulres  Calvais  Q,é\h\)VQ%  par  leurs  richesses  etleur 
valeur  ;  et  le  second,  de  dix  CalvaisÛQwi  il  cite  les  noms,  qui  avaient 
acquis  de  grandes  fortunes  en  Amérique  ;  or,  il  est  fort  étrange  que 
ces  historiens  parlciit  des  Calvai-,  qui  se  ?>oni  enrichis,  et  qu'ils  ne 
disent  pas  un  mot  de  ceux  qui,  comme  Christophe  Colomb,  se 
seraient  couverts  d'une  gloire  imynorteUe. 

Il  y  a  plus  :  le  P.  Franciscain  Olivese  parle  du  P.  Jean,  de  Calvi, 
général  de  son  ordre,  et  ne  fait  aucune  mention  de  Christophe 
Colomb,  qui  pourtant  mourut  tertiaire  de  Saint-François  et  dans 
un  couvent  de  Franciscains.  N'est-ce  pas  singulier,  inouï  ? 

Enfin,  l'archidiacre  Colonna,qui  connaissait  Calvi  et  ses  hommes 
illustres  par  le  menu,  puisqu'il  parle  de  la  générosité  de  Giovan 
Antonio  Vencentello  qui  donna  deux  de  ses  principales  maisons  à 
sa  ville  natale,  qui  y  fonda  un  mont-de  -piété,  qui  agrandit  le  fa- 
meux couvent  des  mineurs  de  l'Observance  ;  Colonna,  qui  parle  de 
la  vaillance  des  femmes  de  Calvi,  ne  dit  pas  un  mot  de  Christophe 
Colomb,  et  ce  nom  ne  se  trouve  même  jamais  sous  sa  plume. 
N'est-il  pas  étrange  qu'un  historien  des  Hommes  illustres  de  la 


(1)  Le  commandant  Buochberg  lui-même,  que  M.  Peretti  prend  au   sérieux,   affirme 
que  Christophe  Colomb  était  fils  d'un  pêcheur,  page  32o. 


—  24  — 

Corse  passe  sous  silence  Tilliistre  Navigateur  s'il  était   natif    cle 
Calvi  ? 

M.  Perelti  nous  dit  que  les  historiens  insulaires  ont  des  sous- 
entendus  siguificalifs  à  l'endroit  de  Christophe  Colomb.  Pour  ré- 
duire à  néant  celte  conjecture,  contentons-nous  de  citer  la  phrase 
de  Filippini.  «  Et  puisque  j'ai  commencé  à  parler  de  ceux  (lisez, 
des  Corses)  qui  ont  secoué  la  pauvreté  en  Espagne,  je  ne  me  tairai 
pas  sur  le  compte  de  quelques  Calvais  qui  se  sont  enrichis  dans  la 
navigation  aux  Indes.  »  Ne  voil-on  pas  que  l'historien  parlant  des 
Corses  en  général,  et  non  pas  des  habitants  de  Calvi  en  particu- 
lier, fait  une  mention  spéciale  de  quelques  Calvais  importanis, 
sans  avoir  le  moins  du  monde  la  pensée  d'en  laisser  sous  silence 
d'autres  plus  célèbres?  Par  conséquent  ces  sous-entendus  ne 
prouvent  rien  en  faveur  de  Christophe  Colomb  ;  non,  ce  n'est  pas 
avec  des  sous-entendus  de  cette  nature  que  l'on  fait  l'histoire. 

M.  Perelti  nous  dit  que  si  les  historiens  corses  n'ont  pas  affir- 
mé l'origine  calvaise  de  Christophe  Colomb,  c'était  par  crainle  de 
Gênes,  qui  les  menaçait  d'emprisonnement  et  de  mort,  et  qui  tra- 
vaillait à  étouffer  toute  illustration  et  à  détruire  toute  noblesse 
dans  l'ile. 

Nous  répondons  que  s'il  est  admissible  que  Gênes  empêchât,  en 
principe,  les  Corses  d'arriver  à  la  gloire,  il  nous  est  difficile  d'ad- 
mettre ces  duretés  et  ces  rigueurs  quand  il  s'agissait  de  Calvi,  la 
ville  fidèle,  la  seule  ville  en  Corse  dont  les  habitants  avaient  le 
privilège  de  pouvoir  aspirer  à  tous  les  emplois  et  à  toutes  les 
chay^ges,  même  7nilitaires,  et  de  porter  le  iit)^e  de  fils  de  la  Ré- 
jniblique  ;  la  ville  enfin  qui  ne  faisait  qu'un  avec  Gênes.  Ce  de- 
vait être,  au  contraire,  un  devoir  et  un  honneur  pour  elle,  que 
de  favoriser  l'élévation  de  ces  enfants  très  dévoués,  figli  ubidien- 
iissimi.  Nous  concédons,  dans  une  certaine  mesure,  que  Gènes 
détruisît  ou  expurgeât  les  imprimés  oij  il  était  question  de  choses 
qui  n'étaient  pas  à  sa  louange,  et  qu'elle  menaçât  leurs  auteurs  de 
ses  sévérités.  Mais  comment  se  fait-il  queGiubega,  syndic  de  Cal- 
vi, n'ait  pas  fait  mention  de  Christophe  Colomb  dans  son  Histoire 
de  la  Corse,  restée  à  l'état  de  manuscrit  ?  Il  pouvait  et  devait  af- 
firmer l'origine  calvaise  de  son  illustre  concitoyen,  sans  craindre 
les  tracasseries  de  Gênes,  son  manuscrit  n'ayant  pas  vu  le  jour! 
Mais  non.  Il  ne  l'a  pas  fait  :  c'est  que  l'inventeur  du  Nouveau- 
Monde  n'avait  pas  le  droit  de  figurer  dans  son  Histoire  de  la  Corse. 


-  25  — 

On  pourrait  à  la  rigueur  tirer  quelque  parti  du  silence  des  histo- 
riens corses,  si,  parmi  les  personnages  de  Galvi  qu'ils  citent,  ils 
faisaient  seulement  mention  d'un  Colomb  quelconque  ;  mais  non  : 
ainsi,  ils  nous  parlent  de  Bartliélemy  de  Welayster,  de  Pierre  Mi- 
gnucci,  de  Michel-Ange  Battaglini,de  Jean- Antoine  Vincentello  qui 
prêta  des  millions  à  Philippe  II,  et  jamais  d'un  Colomb.  Nous 
ajoutons  qu'il  répugne  à  notre  patriotisme  d'admettre  ce  lâche 
silence  de  la  part  des  Corses  que  nous  voyons  constamment 
armés  pour  secouer  le  joug  odieux  de  Gênes  et  reconquérir  leur 
indépendance.  Or,  des  hommes  qui  ne  craignaient  pas  de  ver- 
ser leur  sang  pour  recouvrer  leur  liberté  devaient  avoir  encore 
moins  peur  de  verser  quelques  gouttes  d'encre  pour  revendiquer 
leurs  gloires  insulaires.  Si  donc  ils  n'ont  pas  revendiqué  Chris- 
tophe Colomb  comme  un  des  leurs,  c'est  qu'il  ne  leur  appartenait 
pas. 

VII 

M.  Peretti  nous  dit  que,  dans  le  but  de  ravir  à  la 'Corse  l'hon- 
neur d'avoir  donné  le  jour  au  grand  Amiral  de  l'Océan,  Gênes  a 
eu  recours  à  la  mutilation,  à  l'enlèvement  et  à  la  destruction  des 
archives  de  Calvi. 

Faisons  ici  une  distinction  :  ou  il  s'agit  ici  de  Gênes  en  tant 
que  République  ;  ou  de  Gênes  en  tant  que  ville  :  or,  dans  les  deux 
cas,  cette  allégation  ne  tient  pas  debout  devant  la  critique.  S'il 
s'agit,  en  effet,  de  Gênes  entant  que  République,  nous  répondrons 
que  cette  assertion  aurait  quelque  valeur  si,  à  cette  époque,  la 
Corse  n'eût  pas  été  génoise;  mais  du  moment  que  cette  île  fai- 
sait partie  de  la  République  de  Gênes,  sa  gloire  était,  par  là 
même,  la  gloire  de  la  République;  de  même  que  la  gloire  acquise 
par  la  Corse  en  produisant  Napoléon  appartient  à  la  France,  puis- 
qu'on 1769  la  Corse  était  française;  et  alors  quel  intérêt  aurait- 
elle  eu  à  faire  naître  Christophe  Colomb  sur  un  point  plutôt  que 
sur  un  autre  de  ses  États  ? 

S'il  s.'agit  de  Gênes  en  tant  que  ville,  nous  répondrons  que,  si 
c'était  pour  faire  croire  que  Christophe  Colomb  était  né  dans  ses 
murs  qu'elle  avait  détruit  les  archives  de  Calvi,  nous  sommes  en 
droit  de  conclure  qu'elle  a  pu  et  dû  exercer  le  même  vandalisme 
dans  celles  des  nombreuses  localités  de  la  Ligurie  qui  réclamaient 


—  26  — 

le  même  honneur,  puisque  aucune  ne  peut  produire  l'acte  cîe 
naissance.  Ov,  est-il  admissible  que  Gènes  ait  fait  cela  ?  Et  si  elle 
l'a  fait,  peut-on  admettre  qu'elle  l'ait  fait  à  l'insu  de  ces  municipa- 
lités ?  Et  si  elles  l'ont  su,  comment  n'ont-elles  pas  protesté  ?  Et 
alors  qu'on  nous  montre  les  traces  de  cette  protestation  !  Mais 
non;  laissons  décote  ces  mesquines  histoires  de  clocher,  pures 
chicanes,  qui  ne  doivent  pas  trouver  place  dans  une  discussion 
sérieuse. 

Pour  ce  qui  est  de  l'Élégie  qui  parle  de  la  Corse  comme  étant 
la  patrie  de  Christophe  Colomb,  il  faut  remarquer  que  l'Académie 
des  inscriptions  et^  belles-lettres,  en  prenant  comme  authentiques 
les  paroles  rapportées  par  le  journal  le  Soleil,  n'affirme  pas,  mais 
se  contente  de  conjecturer,  de  croire  qu'elle  a  été  faite  au 
seizième  siècle  pour  appuyer,  non  pas  une  tradition,  mais  une 
simple  légende  locale;  or,  ce  n'est  pas  avec  des  légendes  qu'on 
écrit  l'histoire.  Qui  ne  sait  qu'un  héros  légendaire  est  celui  auquel 
l'opinion  populaire  attribue  des  actions  qu'il  n'a  jamais  faites  ni 
pu  faire  ? 

Mais  voici  ce  que  nous  lisons  dans  le  compte  rendu  officiel  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  et  qui  amoindrit  sin- 
guhèrement  la  valeur  de  ce  document  : 

«  M.  l'abbé  Giorgi  adresse  des  vers  latins  attribués  à  Christo- 
phe Colomb,  où  il  est  parlé  de  la  Corse  comme  sa  patrie. 

«  Le  président  dit  que  cette  prétention  même  doit  faire  rece- 
voir cette  pièce  de  vers  avec  beaucoup  de  défiance  (1).  » 

Cette  appréciation  nous  dispense  de  tout  commentaire. 

Quant  aux  assertions  de  M.  Savelli,  à  l'Ode  du  général  Fabiani, 
aux  renseignements  du  baron'Buochberg  et  aux  vers  élégants  de 
Ms''  Peretti  et  des  autres  poètes,  nous  ferons  observer  que  leur 
point  de  départ  est  : 

lo  Un  manuscrit  du  P.  Denis  de  Gorte;  or,  quelle  est  la  valeur 
historique  de  ce  manuscrit  ?  Existe-t-il  ?  Où  est-il  ?  Autant  de 
questions  qui  attendent  une  réponse  ; 

2°  L'Encyclopédie  du  dix-neuvième  siècle,  qui  s'exprime  ainsi  : 
«  Christophe  Colomb  estné  dans  les  États  de  Gènes,  selon  la  plu- 
pari  des  auteurs,  et  dans  l'île  de  Corse,  si  l'on  en  croit  quelques 
manuscrits  récemment  découverts.  » 

(i)  Comptes  rendus  officiels  des  séances  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,   ISSiî, 
4*  série,  t.  XIV,  p.  5.  Séance  du  5  février. 


^  27  — 

Or,  quels  sont  ces  manuscrits  ?  Où  sont-ils  ?  Il  faut  qu'on 
puisse  en  examiner  et  en  discuter  la  valeur  ?  M.  Peretli  lui-même 
n'en   signale  aucun  qui  offre  des  preuves  convaincantes  ; 

3°  Sur  un  article  de  la  Revue  de  Pm-is,  en  1841,  où  il  est  dit 
que  M.  Giubega  avait  découvert  l'acte  de  naissance  de  Christophe 
Colomb.  Nous  répondons  à  cette  invention  par  les  deux  docu- 
ments suivants  : 

«  M.  Giubega,  ancien  sous-préfet  à  Bastia,  m*a  donné  l'assu- 
rance que  sa  famille  n'a  jamais  possédé  l'acte  de  naissance  de 
Christophe  Colomb.  Il  a  ajouté  que  feu  son  père,  informé  par  un 
ancien  commandant  de  la  place  de  Gorte  que  Christophe  Colomb, 
d'après  le  dire  d'un  vieux  moine,  était  né  à  Calvi,  s'était  empressé 
de  faire  toutes  les  recherches  nécessaires,  mais  que  ses  investi 
gâtions  n'avaient  abouti  à  aucun  résultat  (1).  » 

(c  Quant  à  ce  que  la  Revue  de  Paris  a  pu  dire  en  1841  au  sujet 
de  la  découverte  à  Calvi  de  l'acte  de  naissance  de  Christophe 
Colomb,  ce  fait  est  complètement  inexact  (2)  ;  » 

4°  De  plus,  aux  beaux  vers  des  poètes  sus-nommés,  Gènes  et 
les  autres  localités  de  l'Italie  peuvent  opposer  ceux  d'autres  poètes 
de  renom;  en  voici  quelques-uns: 

Unus  erat  mundus  ;  duo  sint?  ait  iste:  fuêre. 

Ce  vers  se  trouve,  au  milieu  d'autres  inscriptions,  sur  une 
maison  de  Gogoletto,  où  l'on  prétend  que  Christophe  Colomb  a  vu 
le  jour. 

Il  naquit  dans  les  murs  de  la  superbe  Gênes, 

Dont  la  gloire  égala  les  plus  beaux  jours  d'Athènes  (3). 

Un  uom  délia  Liguria   avra  ardimento 
AU'incognito  corso  esporsi  prima  : 
Ne'l  incoguilo  corso  esporsi  prima  : 
Né  l'inopislo  mar,n'l  dubbio  clima. 

Tu  spiegherai,  Colombo,  aun  novo  polo 
Lontane  si  le  forlunate  antenne, 

(1)  Lettre  de  M.  Giamarchi,  président  du  tribunal  de  première  instance  de  Calvi,  à 
M.   Harrisse,  2i  août  18G7. 

(2)  Pièce  transmise  par  M.  de  Zerbi,  le  sous-préfet  de  Calvi,  à  M.  Santelli,  le  8 
septembre  1867.  Cette  pièce  est  de  M.  Giubega  fils.  Christophe  Colomb  et  la  Corse, 
par  Harrfsse,  p.  2, 

(3)  Christophe  Colomb,  poème  français,  dix-septième  siècle,  cli.   i,  p.  10. 


—  28  — 

Ch'appena  seguira  cogli  occhi  il  volo 

La  lama  che  ha  mille  occhi  e  mille  penne  (1). 

Ipse  ego  promerilas  landes  irqnare  canendo 
Si  possem,  non  illa  magis  mihi  maxima  curœ 
Res  fuerit,  primusque  labor  tua  dicere  facta, 
Gui  mecum  patria  est  eadem,  generose  Golumbe, 

Cujus  avos  olim  praiclara  Placentia  misit, 
Antiquae  florent,  et  ubi  vesligia  prolis  (2). 

M.  Peretti  déduit  de  la  présence  des  chiens  corses  à  Ilispaniola 
la  conclusion  qu'ils  accompagnaient  des  maîtres  corses  :  «  Car, 
dit-il,  ces  animaux  n'ont  pu  s'y  rendre  tout  seuls,  et  jamais,  en 
Europe,  on  n'a  fait  de  levée  de  chiens  destinés  à  des  expéditions 
militaires.  » 

N'en  déplaise  à  notre  vénéré  confrère,  les  chiens  ont  joué,  au 
contraire,  un  grand  rôle  dans  les  guerres  européennes  et  coloniales. 
L'hstoire  d'Angleterre  est  remplie  de  récits  de  grandes  batailles 
dans  lesquelles  les  chiens  d'Ecosse  se  distinguèrent.  Les  Finlan- 
dais dressaient  habilement  les  chiens  à  combattre  contre  la  cava- 
lerie et  à  sauter  au  nez  des  chevaux;  Henri  VIII  envoya  à  Gharles- 
Quiut,  en  guerre  avec  François  F',  quatre  cents  chiens  anglais; 
enfin,  l'expédition  française  de  Saint-Domingue  a  renouvelé  l'essai 
des  chiens  de  guerre,  mais,  par  la  faute  des  vendeurs,  cet  essai 
ne  réussit  pas.  M.  le  heutenant  Jupin,  dans  son  intéressant  ou- 
vrage, publié  l'année  dernière,  sur  les  Chiens  militaires  dans 
Varmée  française,  montre  les  nombreux  services  qu'ils  peuvent 
rendre,  dans  une  guerre,  comme  gardiens,  comme  éc!aireurs  et 
comme  estafettes;  par  conséquent  les  chiens  dont  parle  l'auteur 
ont  pu  avoir  été  transportés  par  d'autres  que  par  des  Corses,  c'est- 
à-dire  par  des  Génois  ou  des  Espagnols,  et  alors  la  conclusion 
qu'il  en  tire  n'a  plus  sa  raison  d'être. 

Qui  nous  dit  enfin  que  ces  chiens  corses  ne  se  trouvaient  pas  à 

(1)  •  Du  sein  de  la  Ligurie  s'élèvera  un  mortel  qui  o^era  le  premier  affronter  le 
courroux  de  ces  mers  inconnues...  Ce  sera  loi,  généreux  Colomb,  qui  vers  un  pôle 
nouveau  dirigera  tes  voiles  fortunées  ;  à  peine  les  mille  voix  de  la  renommée  pourront 
chanter  tes  aventures,  etc.  »  (Le  Tasse,  Jérusalem  délivrée,  ch.  xv,  pp.  31-32.) 

(2)  «  Si  je  pouvais,  en  chantant,  exprimer  dignement  tes  louanges,  ô  généreux  Co- 
lomb, mon  plus  grand  soiu  et  mon  premier  travail  seraient  de  proclamer  tes  hauts  faits, 
ô  toi,  dont  je  partage  la  patrie;  toi,  dont  Tillustre  Plaisance  a  j.idis  envoyé  les  aïeux 
partout  où  fleurissent  les  rejetons  d'une  antique  lignée!  »  Poème  héroïque  de  liarth. 
Marinoni,  imprimé  à  Viterbe  en  1583.  (Vo/r  Campi,  ll/.slohr  rrclc.'fia.^(if/vr  'le  Plai- 
sance, t.  III,  p.  239.) 


—  29  — 

Ilispaiiiola,  avant  sa  découverte  par  Christophe  Colomb,  au  même 
titre  que  «  les  chevaux  d'Espagne  qu'il  avait  remarqués  lors  de  sa 
visite  au  Cacique  deTile  de  Noël  ,  et  dont  les  habitants  de  la  colo- 
nie lui  avaient  souvent  parlé  (I)?  » 

VIII 

Pour  donner  plus  de  force  à  son  argument,  M.  Peretti  semble 
dire  que  la  Corse  a  le  monopole  de  l'amour  des  chiens  :  «  En  Corse, 
dit-il,  un  chien  fait  partie  de  la  famille;  c'est  un  de  ses  membres 
obligés  ;  quand  il  meurt,  on  le  remplace.  )> 

Mais  ne  savons-nous  pas  que,  chez  tous  les  peuples,  le  chien  est 
considéré  comme  un  animal  noble  et  précieux,  comme  l'ami  dé- 
voué de  l'homme?  En  France,  il  tourne  la  broche;  en  Sibérie,  il 
tire  le  traîneau,  et  partout  il  conduit  l'aveugle  ;  ici,  c'est  le  chien 
du  vieux  Tobie  qu'il  couvre  de  joyeuses  caresses  à  son  retour  de 
Rages  ;  là,  c'est  celui  de  Lamartine,  qui 

Bondit  autour  de  lui,  de  joie  et  de  tendresse, 
Se  roule  sur  ses  pieds  enchaînés  de  caresses, 
Léchant  ses  mains,  mordant  son  habit,  son  soulier, 
Sautant  du  seuil  au  lit,  de  la  chaise  au  foyer  (2). 

Pour  ce  qui  est  de  la  présence  des  Corses  sur  les  divers  points 
de  l'Amérique,  cela  ne  prouve  rien,  par  la  raison  que  tous  les 
peuples  maritimes,  Italiens,  Espagnols,  Français,  Anglais,  etc., 
sont  entrés,  avec  un  avide  empressement,  dans  la  voie  ouverte 
par  Christophe  Colomb,  pour  aller  chercher  fortune  dans  le  Nou- 
veau-Monde; or,  les  Corses  dont  parle  M.  l'abbé  Peretti  n'ont 
fait  que  suivre  ce  grand  mouvement  d'émigration,  sans  qu'il  soit 
nécessaire  pour  cela  de  faire  de  Christophe  Colomb  leur  compatriote. 

M.  Peretti  prétend  que  le  Tonina,  dont  il  est  question  dans  le 
journal  de  bord  du  grand  Navigateur,  inconnu  en  Italie  et  en 
Espagne,  est  seulement  connu  des  pêcheurs  de  Calvi,  qui  lui 
donnent  encore  le  nom  de  Palamila. 

Pour  réduire  à  néant  cette  prétention,  contentons-nous  deprier 
M.  Tabbé  Peretti  de  vouloir  bien  ouvrir  le  Grand  Dictionnaire  de 


(1)  Don  Fernand,c.  xliii,  p.  201. 

(2)  II  résulte  d'une  statistique   faite  en  188.>  que  la  Corse  est  le  clépaitement   fran- 
çais qui  ait  le  moins  de  chiens;  il  n'y  eu  a  que  7,u22,  tandis  que,    dans  les  autres,  la 


—  30  — 

rAcadéinie  espagnole,  et  il  y  trouvera  Tonina  aticn  nooo,  thon 
nouveau;  qu'il  veuille  bien  encore  consulter  le  Dictionnaire  italien 
de  Tomaseo,  8  volumes  in-folio,  et  il  y  il  trouvera  Tonina,  jeune 
thon  que  l'on  met  en  salaison  ;  qu'il  consulte  le  premier  Diction- 
naire portugais  venu,  qui  lui  apprendra  que  Tonina  veut  dire  atun 
de  un  ano,  thon  d'un  an  ;  le  Tonina  est  aussi  connu  sous  le  nom 
de  Palamita,  du  latin  Pelamis,  jeune  thon. 

Enfin,  voici  ce  que  nous  lisons  dans  le  tome  II,  page  20,  en 
note  au  bas  de  la  page,  de  l'ouvrage  de  M.  de  Navarettc,  auquel 
fait  allusion  notre  confrère  :  «  Guvier  dit  que  le  Tonine  est  une 
espèce  de  poisson  particulier  du  genre  des  thons,  qui  est  plus 
petit  que  le  thon  ordinaire  et  qui^  au  lieu  d'être,  comme  lui,  d'un 
bleu  d'acier  uniforme,  a  le  dos  couvert  de  petites  taches  et  ver- 
miculations  noires  (1).  » 

En  somme,  Tonina  n'est  qu'un  diminutif  de  tonno,  thon.  D'oii 
il  résulte  que  si  Christophe  Colomb  a  pu  connaître  le  Toyiina  ail- 
leurs que  dans  les  eaux  de  Calvi,  la  conclusion  que  l'auteur  tire 
de  cette  circonstance  desinit  inpiscem. 

Pour  ce  qui  est  des  noms  de  saints  et  de  dévolions  qu'on 
retrouve  à  Calvi  et  qui  ont  été  donnés  par  Christophe  Colomb 
aux  îles,  aux  ports  et  aux  caps  qu'il  avait  découverts,  nous  ferons 
observer  que  cette  remarque  aurait  quelque  valeur  si  les  statues, 
les  tableaux  et  les  dévotions  en  question  étaient  propres  à  Calvi  et 
n'existaient  que  dans  cette  ville. 

Or,  il  n'est  pas  nécessaire  d'être  bien  ferré  en  iconographie 
sacrée  et  en  histoire  ecclésiastique  pour  savoir  : 

lo  Qu'on  trouve,  dans  presque  toutes  les  églises  du  monde 
catholique,  soit  des  statues,  soit  des  tableaux  du  Sauveur  et  de 
la  Conception,  ainsi  que  la  dévotion  à  la  Sainte-Croix  : 

2o  Qu'il  existait  à  Gênes,  du  temps  de  Christophe  Colomb  (1447- 
1510),  une  Catherine  de  la  famille  de  Fieschi ,  mariée  à  Adrien 
Adorno,  seigneur  de  la  célèbre  famille  de  ce  nom,  qui  se  consacra, 
à  la  mort  de  son  mari,  au  soin  des  malades,  dans  le  grand  hôpital 
de  la  ville  ;  que  sa  piété  était  si  éclatante  et  si  connue  qu'au  dire 
de  son  biographe  «  des  personnes  de  grande  vertu  et  fort  éclairées 
dans  les  voies  de  Dieu  venaient  exprès  de  bien  loin  pour  lui 
rendre  visite,  et  ne  la  quittaient  qu'avec  étonnement  en   louant 

(i)  Note  ajoutée  par  M.  de  la  Roquette,  traducteur. 


—  31  — 

Dieu  des  merveilles  qu'il  opérait  eu  cette  dame  ».  Elle  est  cooQue 
daus  le  Martyrologe  sous  le  nom  de  Saiute  Catherine  de  Gêues, 
où  l'OQ  voit  encore  le  magnilique  tombeau  qui  contient  ses  restes 
vénérés  (1)  ; 

3'*  Qu'on  trouve,  dès  le  quinzième  siècle,  au  centre  de  Gênes, 
l'église  ciel  Gesit,  entre  le  couvent  de  Saint-Barnabe,  appartenant 
aux  Pères  Capucins,  et  la  villa  de  l'illustre  famille  des  iMoneglia, 
et  une  église  dédiée  à  saint  Nicolas  de  Tolenlino  ; 

4"  Qu'on  voit,  donnant  sur  le  port  de  la  ville,  une  église  de 
Sainte-Croiœ,  ainsi  qu'une  chapelle  dédiée  à  smni  Jean  ■  BaptiséOy 
située  près  de  l'église  de  Saint-Laurent,  qui  renferme  une  plaque 
en  bronze,  trouvée,  en  150G,  aux  environs  de  Gênes,  et  sur  laquelle 
se  trouve  une  longueetfort  curieuse  inscription  (2). 

Par  conséquent  si  Christophe  Colomb  a  pu  connaître  ces  statues, 
ces  tableaux,  ces  dévotions  et  ces  églises  ailleurs  que  dans  la  ville 
de  Calvi,  la  conclusion  que  M.  Peretti  tire  de  ces  circonstances 
demeure  sans  fondement. 

Mais  à  quoi  bon  chercher  des  raisons  imaginaires  pour  expliquer 
ces  diverses  dénominations,  du  moment  que  son  historien  a  bien 
voulu  nous  faire  connaître  lui-même  les  motifs  qui  lui  ont  inspiré 
ces  religieuses  et  touchantes  attentions? 

Écoutons  son  fils  nous  dire  les  contidences  de  son  père  :  «  Il 
appela,  dit-il,  la  première  île  Saini-Sauceury  pour  remercier  Dieu 
de  la  lui  avoir  uidiquée,  et  de  l'avoir  délivré  de  beaucoup  de  dan- 
gers (3);  il  appela  la  seconde  A^am^e-il/aHe  cfe  la  Conception,  à 
cause  de  sa  dévotion  pour  Marie  et  de  la  plus  grande  confiance 
que  les  chrétiens  ont  en  elle  (4).  »  (Ch.  xxv,  p.  109.) 

Pour  ce  qui  est  de  Saint-Nicolas,  nous  savons  également  par 
don  Fernand  que  son  père  avait  découvert  un  porta  Cuba  le  6  dé- 
cembre, jour  dédié  au  patron  de  l'enfance;  ce  fut  donc  tout  sim- 
plement pour  mettre  sa  nouvelle  découverte  sous  la  protection  de 
ce  saint  qu'il  lui  a  donné  son  nom:  Intro  nel  porlo  di  S.  Nicolo, 

(1)  On  célèbre  sa  fête  le  14  septembre,  quoique  Benoît  XIV  ait  inséré  son  nom  dans 
le  xMartyrologe,  sous  le  22  mars.  • 

CijBrâcelii,  De  Bello  int.  Gen.  et  Ilisp.  in  fine,  7iota  ad  Calcem.  —  Vlatt  delà 
ville  de  Gênes  au  quinzième  siècle,  apud    Foglietam,  lib.  1,  p.  205. 

(3)  La  prima...  a  gloria  di  Dia  chegli  e  la  avea  manifestala  e  salialolo  du  molli 
pericoli,  chiamo    San-Salvalore. [Uist.   del.  S.  D.  Fern.  Colomb,    cap.  xxv,  ,p.  109.) 

(4)  E  la  seconda  par  la  devolione  che  avea  nella  Concetlion  dclla  Madonna,  e 
perché  il  siio  favoreèil  principale  che  Imnno  i  chrisliani,  chiamo  Sanla  Maria 
délia  Conceitione .  (Id...) 


—  32  — 

e  nomalo  cosi  da  lui  in  memoria  délia  sua  solennità  la  quate 
correa  in  quel  giorno.  fCh.  xxx,  p.  63.) 

Pour  ce  qui  est  du  port  de  SaJDtc-Galherine,  nous  savons  qu'il  le 
découvrit  le  24  novembre,  veille  delà  fête  delà  patronne  d'Alexan- 
drie,  ce  qui  explique  amplement  cette  dénomination  (1). 

Il  appela  une  grande  ile  Sainte-Marie  de  Guadeloupe  par  dévotion 
personnelle,  et  aussi  pour  récompenser  les  bonnes  prières  des 
religieux  du  couvent  de  ce  nom,  auxquels  il  avait  promis  de 
donner  à  quelque  île  le  nom  de  leur  monastère  (2). 

M.  Peretti  nous  laisse  entendre  que  Gênes  rejeta  les  propo- 
sitions de  Christophe  Colomb,  parce  qu'elles  venaient  d'un  Corse. 

Avant  d'émettre  une  pareille  assertion,  il  serait  sage  de  s'assu- 
rer si  réellement  le  futur  héros  des  mers  a  fait  cette  démarche; 
or,  aucun  historien  contemporain  n'en  fait  mention.  Don  Fernand 
lui-même  n'en  dit  mot;  il  n'en  existe  aucune  trace  dans  aucun  do- 
cument génois;  il  faut  descendre,  suivant  la  juste  remarque  de 
M.  Harrisse,  jusqu'à  Casini,  écrivain  du  siècle  dernier,  pour  ren- 
contrer, chez  un  auteur  lirjurien^  la  première  allusion  à  cette 
offre   con trouvée. 

Or,  cet  historien,  d'après  M.  Peretti  lui-même,  sacrifie  aux 
préjugés,  manque  d'exactitude  et  se  contredit  en  plusieurs  en- 
droits; nous  sommes,  sur  ce  point,  d'accord  avec  notre  confrère, 
et  nous  récusons  le  témoignage  d'un  historien  si  peu  digne  de  foi. 

Non  seulement  les  historiens  liguriens  ne  font  pas  mention  de 
cette  démarche,  mais  Bembo,  contemporain  du  grand  Navigateur, 
donne  à  entendre  qu'il  ne  l'a  pas  faite.  Parlant,  en  effet,  de  l'inven- 
teur de  l'Amérique,  le  savant  cardinal  dit  qu'étant  Génois  il  alla 
proposer  ses  projets  aux  rois  d'Espagne,  Ferdinand  et  Isabelle, 
Chnstophoriis  Colomhiis,  homo  ligur.Ferdinando  et  Isahellœ, 
Hispaniaru7n  regibus,  proposuit  (3).  Comme  on  le  voit,  à 
peine  a-t-il  dit  qu'il  était  Génois,  sans  s'arrêter  au  Sénat  de  Gênes 
ni  à  aucune  proposition  faite  à  cette  assemblée,  il  le  fait  partir 
pour  l'Espagne  (4). 

(1)  Lune5,  24  de  novembre,  manda  ahzar  las  anclas  y  dm  las  vêlas,  y  snlio  de 
aquel  piierto  de  Santa  Catalina.  (  Las  Casas,  Ilist.  de  las  Indias,  t.  I,  1.  xlviii, 
p.  348.) 

(2)  Il  liinedi  4  novembre,  Vamiraglio  si  parti...  per  venire  ad  un  altra  grand 
Isola  che  chiamo  S.  Maria  Guadalupe  per  devotione  e  preghi  dé  Frafi  délia  Casa 
di  quella  vocatione,  à  quali  haveva  promesso  dimetlere  ad  alcuva  Isola,  il  nome, 
del  sua  monastero . 

(S)  Hisiori.-B  Venetw,    lib.    VI,  p.  73. 

(4)  Don  Fernand  lui-même  «  rous  apprend  que   son   père,  se  trouvant  en  Portugal 


—  33  — 

Par  conséquent,  si  Gênes  n'a  pas  eu  à  examiner  les  propositions 
de  Christophe  Colomb,  il  serait  aussi  impossible  qu'injuste  d'ar- 
guer de  sa  haine  imaginaire  contre  la  Corse;  et  alors  la  conclusion 
de  M.  Tabbé  Peretti   se  dissipe  comme  une  vaine  fumée. 

IX 

Mais  nous  avons  hâte  d'arriver  au  point  capital  qui  est,  aux 
yeux  de  M.  le  curé  de  Calvi,  le  flambeau  qui  éclaire  le  berceau 
de  Christophe  Colomb  ;  nous  voulons  parler  du  mot  Calvo  ou 
Calvi. 

Nous  avons  vu,  en  effet,  que  les  historiens  Giustiniani,  Foglietta 
et  Casoni  parlent  d'un  Christophe  Calvo  ou  Calvi,  d'un  Jacques 
Calvo,  d'un  Antoine  Calvo  ou  d'un  Barthélémy  Corso,  qui  ont 
joué  un  certain  rôle  dans  les  expéditions  de  Gênes  contre  les  rois 
d'Aragon  et  contre  les  Turcs.  Or,  M.  Peretti,  après  avoir  essayé 
de  prouver  que  les  Corses  qui,  aux  quinzième  et  seizième  siècles, 
voyageaient  en  Italie  et  dans  les  autres  pays,  avaient  l'habitude 
(ceux  surtout  qui  n'avaient  pas  de  nom  de  famille)  de  joindre  à 
leur  nom  de  baptême  celui  du  lieu  de  leur  naissance  ou  de  leur 
patrie,  croit  et  affirme  que  les  personnages  que  nous  venons  de 
nommer,  portant  le  nom  de  Calvo  ou  Calvi,  —  qualificatif  qu'il 
traduit  par  ville  de  Calvi  en  Corse,  —  composent  la  famille  du 
Héros  des  mers  dont  il  cherche  le  berceau.  M.  l'abbé  Peretti  dit 
que  les  suffixes  anw^,  inus,  ensis,  marquent  l'idée  d'origme  ;  par 
conséquent  un  homme  qui,  'au  quinzième  et  au  seizième  siècle, 
s'appelait  Antonius  Calvus,  cela  voulait  dire  que  cet  Antoine 
était  de  Calvi  ;  il  cite,  à  l'appui  de  son  affirmation,  l'exemple  de 
Jean  Calvus,  général  des  Franciscains,  et  celui  de  Jean-Luc 
Moncalvo,  évêque  de  la  Guardia  et^tous  deux  de  Calvi. 

Nous  répondons  que  les  suffixes  cités  marquent  l'idée  d'origine 
lorsqu'ils  sonl  employés  selon  les  règles  de  la  grammaire;  il  est 
certain  que  Romanus  veut  dire  Romain,  et  P^irm^n^w,  Parisien  ; 
mais  la  grammaire  veut  aussi  que  les  noms  neutres  de  lieu  for- 
ment leur  masculin  en  ensis.  C'est  ainsi  que  Lugdimum  formera 
Lugdunensis,  pour  désigner  un  Lyonnais,  et  Adjacium  formera 

coMMKNÇA  à  conjecturer  que  de  même  que  les  Portugais  naviguaient  si  loin  au  raidi,  on 
pourrait  naviguer  vers  l'Occident  et  trouver  terre  dans  ce  voyage  ».  (Gh.  v,  p.  o.  )  Or. 
si  Christophe  Colomb  était  en  Portugal  lorsqu'il  commença  à  formuler  ses  conjectures, 
il  ne  put  proposer  son  projet  aux  Génois,  avant  de  se    rendre  dans  ce    royaume. 

3 


—  34  — 

Adjacensis  pour  désigûer  un  Ajaccien;  or,  si  nous  appliquons 
cette  règle  à  Galvi,  soit  qu'on  l'appelle  en  latin  Calvum  ou  Cal- 
vium,  elle  nous  obligera  à  designer  un  de  ses  habitants  sous  le 
nom  de  Calvensis,  Calviensis  ou  a  Calvio,  et  nullement  sous 
celui  de  Calvus  ou  de  Çalviiis. 

C'est  ainsi  d'ailleurs  que  les  historiens  désignent  les  habitants 
de  cette  ville  ;  en  voici  la  preuve  tirée  de  trois  auteurs  différents. 

Ex  conveniibus  Corsicanis...  era^  calvensis  dequoid  solum 
celehratur  quod  'produxerit. ..  Generalem  'ïninistrum  Fratrem 
Joannem  a  Calvio...  (1) 

Cum  autem  Corsi  omnes,  prœter  Bonifacienses  et  Galvenses, 
Vincentello  Istriœ  obtemperarent,  etc.  (2). 

Et  Ristorucius  et  Antoniiis  Guilïielmus  miserunt  nuntium 
ad  Galvenses  (3). 

Galvenses  enim  injuriis  et  contumeliis  Catalonorum  et  Ara- 
gonensium  siibacti...  prœsidio  regio  expulsa,  sub  antiquum 
Geniiensium  imperiutn  sponte  redierunt  (4). 

Mais  alors  que  faites- vous,  nous  dira-t-on,  de  Joannes  Calvus 
ou  Calvius  ?  Eh  bien,  nous  répondrons  tout  simplement  que  Cal- 
vus  ou  Calvius  pourrait  être  un  nom  de  famille  qui  est  le  même 
que  celui  de  sa  ville  natale  (5). 

Ce  qui  nous  autoriserait  à  le  croire,  c'est  :  1"  le  lémoignage  du 
cardinal  Pallavicini  qui,  parlant  des  Pères  décédés  pendant  la 
durée  du  concile  de  Trente,  relate  la  mort  de  Jean  Calvi,  général 
des  Mineurs  observants  et  originaire  de  la  Corse,  etc.  Tra  prhni 
fil  Giovanni  Calvi,  générale  di  Minori  Osservanti,  Corso  di 
patria  ,  esemplare  di  vita,  elc.  (6). 

C'est  2°  la  7iomenclalure  biographique  des  pères  et  des  théo- 
logiens de  ce  concile,  dans  laquelle  nous  lisoQs  ce  qui  suit  :  Jean 
Galvi,  de  la  terre  de  Galvi,  en  Corse,  général  des  Mineurs  de  l'Ob- 
servance ;   il   était  de  la  famille  Maltei,  s'il  faut  en  croire  Ange- 


Ci  Olivesi,  Sera/ici  raf/f/ucif/li  délia proiiiiciadi  Corsica.  p.  248,  cité  par  iM.  Pcretli. 

(2)  Petrus  Cyrneus  lib.'  Wi,  p.  464. 

(3)  Petrus  Cyrneus,  p.  467. 

(4)  Foglietta,  lib.  X,  p.  554. 

(5)  Sans  sortir  de  l'arrondissement  de  Calvi,  nous  trouvons  des  familles  Antonini  dans 
la  commune  de  San- Antonino;  Belf/odore,  dans  celle  de  Belgodere;  Coslciy  dans  celle 
de  Costa;  Murall,  dans  celle  de  Muro. 

(0)  Pallavicini,  Ulst.  du  Conc.  de  Trente,  t.  II,  lib.  IX,  cap.  iii,  p.  3,  17. 


—  35  — 

François  Golonna,  dans  son  manuscrit   intitulé  :  Hommes  ilhis- 
t7'es  de  la  Corse  (1). 

Pour  prouver  que  Cahn  peut  bien  être  ici  un  nom  de  famille, 
nous  nous  contenterons  de  citer  quelques  autres  Pères  de  ce  con- 
cile, qui  étaient  égaloment  des  Mineurs  de  l'Observance,  et  dont  le 
nom  de  religion  est  suivi  de  leur  nom  de  famille.  Nous  trouvons, 
en  effet,  sur  cette  même  table,  les  noms  de  François  Quinonhis, 
général  des  Mineurs  ;  Vincent  Lunello,  Espagnol  ;  Auge  Guisti- 
niani,  de  Gènes;  Antoine  Pagani,^Q  Venise  ;  Jacques  Allain, 
Français,  etc.  (2). 

3°  Enfin,  la  Table  générale  des  généraux  de  l'Ordre  Séra- 
phique,  dressée  en  1884,  dans  laquelle  nous  voyons  que  sur  les 
101  généraux  qui  ont  succédé  à  saint  François,  33  seulement 
portent  leur  nom  de  religion  avec  celui  de  leur  pays  natal,  et  68 
leur  nom  de  religion,  suivi  des  noms  de  famille  et  de  leur  pays 
natal;  en  voici  d'ailleurs  quelques-uns  qui  mettront  nos  lecteurs 
à  même  de  juger  de  visu. 

En  1500  Egidius  Delphinus  de  Amelia,  Italus. 

1506  Romualdus  Gratianus^  à  Gotinila,  Italus. 

1510  Philippus  Porcacius,  à  Baguacavallo,  Italus. 

1523  Franciscus  Quinoniiis  de  Luna,  Hispanus,  etc. 

1529  Paulus  Pizotus,  à  Parma^  Italus,  etc. 

1535  Vincentius  Lunelliis,  Hispanus,  etc. 

1541  Joannes  Calvus,  Italus  Provinciœ  Corsicœ» 

1792  Joachim  Campany,  Hispanus,  etc. 

1814  Gaudentius  Petrignani,  à  Goziano. 
Que  si  on  nous  objecte  les  constitutions  franciscaines,  qui  obli- 
gent les  religieux' de  cet  ordre  à  faire  suivre  leur  nom  de  religion 
du  nom  de  \t.\xv  pays  natal,  nous  répondrons  que  cette  obligation 
ne  vise  que  la  signature  des  lettres  ou  des  titres,  nello  scrivere 
lettere  e  iitoli,  écrits  par  eux,  et  nullement  les  historiens  et  les 
chroniqueurs  qui  écrivent  la  vie  d'un  des  religieux  ou  qui  compo- 
sent une  éiâtaphe  pour  son  tombeau  ;  nous  voyons,  en  effet,  les 
historiens  joindre  le  nom  de  famille  au  nom  de  religion  des  mem- 
i>res  tant  soit  peu  célèbres  de  cet  ordre.  Sans  aller  bien  loin,  nous 
nous  contenterons  d'en  trouver  la  preuve  dans  le  Catalogue  bio- 
graphique des  Eoêques  connus  d'Ajaccio,  que  nous  trouvons 

(])  Hist.  du  Conc.  de  Trente,  Edition  Migae,  t.  III,  p,  1027. 

(2J  Manuscrits  du  Concile  de  TreQte,  a»  liiii,  p.   S'y).  Bibliothèque  Mazariue. 


—  36  — 

dans  VOrdo  de  ce  cher  diocèse,  et  dans  lequel  nous  voyons  un 
certain  nombre  d'évêqucs  observaniins  inscrits  sous  leur  nom 
de  religion,  accompagné  de  leur  nom  de  famille: 

1420,  Paul  A^^^erh";  1598,  Philippe  Pa/^awmz;  1498,  Pierre 
S^nnola;  1772,  Mathieu  Guasco. 

Nos  lecteurs  ont  pu  remarquer  que  nous  avons  dit,  au  com- 
mencement de  cette  digression  grammaticale,  que  Calvo  pourrait 
être  un  nom  de  famille;  nous  nous  garderons  bien,  par  pure  sa- 
gesse, de  l'affirmer:  les  variations  des  noms  de  lieu  en  latin  étant 
si  fréquentes,  surtout  si  défectueuses  à  cette  époque,  nous  pré- 
férons nous  tenir  sur  la  réserve  ;  mais  même  en  admettant  que, 
dans  le  cas  présent,  Calvus  veuille  signifier  un  habitant  de  Calvi, 
il  ne  s'ensuit  pas  que  tous  les  Calvo  et  les  Cahn  que  nous  trou- 
vons dans  l'histoire  ne  désignent  que  des  habitants  de  cette  ville 
et  qu'ils  n'aient  pas  une  autre  signification  ;  sans  quoi  il  faudrait 
dire  queBénévent,  Ghevreuse  et  Aumale  n'éveillent  que  l'idée  des 
villes  de  ce  nom,  sans  faire  songer  aux  personnages  illustres  qui 
les  portent  comme  leur  glorieux  nom  de  famille. 

Par  conséquent,  en  concédant  que  Calvo  ici  signifie  un  habitant 
de  Calvi,  nous  maintenons  que,  dans  les  autres  cas  cités  par 
M.  Peretti,  il  signifie  un  nom  de  famille.  Nous  en  donnons  des 
preuves  plus  loin. 


Pour  prouver  que  le  mot  Calvo  ou  Calvi  est  ici  un  nom  de  lieu, 
M.  Peretti  cite  les  noms  de  trois  capitaines  qui  se  trouvaient  |dans 
une  expédition  aux  côtés  de  Christophe  Calvo:  ce  sont  Jacques 
Correto,  Antoine  Ceva  et  François  Carmagnola;  or,  dit-il,  Ceva, 
Correto  et  Carmagnola  étant  des  noms  de  localités,, Ca/t;o  ou  Calvi 
doit  l'être  aussi. 

Nous  répondrons  que  ces  exemples  ne  prouvent  rien  par  la 
raison  bien  simple  que,  dans  ces  trois  noms,  nous  nous  trouvons 
en  présence  de  terres  qui  étaient  des  fiefs  de  dignité  donnant  droit 
à  des  titres  nobiliaires;  c'étaient  en  efiet  le  marquis  de  Correto,  le 
marquis  de  Ceva  et  le  comte  Carmagnola  ;  c'est  ainsi  que  nous  avons, 
en  France,  le  duc  de  Broglie  qui  tire  son  nom  de  son  domaine  de 
Broghe,  dans  l'Eure;  le  marquis  d'Espeuilles,  qui  tire  le  sien  de  sa 
terre  d'Espeuilles,  dans  la  Nièvre,  et  le  baronde  Goulaioe,  du  nom 
de  sou  château  dans  l'Indre-et-Loire. 


-  37  — 

Tandis  que  Christophe  Colomb,  n'étant  pas  noble  et  n'ayant  pas 
le  nom  patronymique  de  C.alvo,  ne  pouvait  pas  s'appeler  du  nom 
de  sa  ville  natale,  mais  seulement  de  son  nom  de  famille  puis- 
qu'il en  avait  un.  Pour  ce  qui  est  de  l'exemple  qu'il  nous  cite  de 
Mgr  Jean-Luc  Moncalvo,  il  est  facile  de  constater  que  la  compa- 
raison manque  de  parité  et  que  par  conséquent  elle  ne  prouve  rien. 

Ainsi,  du  côté  deGiovan  Luca  MoJicalvo,  nous  trouvons  d'abord 
qu'il  avait  gardé  en  Italie  son  nom  de  famille  Mon,  tout  court  ; 
qu'il  avait  ensuite  ajouté  à  ce  nom  celui  de  Calvo,  sa  ville  natale, 
lors  de  son  élévation  à  l'épiscopat,  et  en  cela  nous  trouvons  qu'il 
a  eu  plus  de  goût  que  le  prélat  dont  parle  Boileau 

,     .   .  Qui  fit  au  dos  d'un  carrosse 

A  côté  d'une  mitre  armorier  sa  crosse  ; 

et  qu'il  avait  enfin  gardé,  le  restant  de  sa  vie,  son  nom  ainsi  agré- 
menté. 

Du  côté  de  Christophe,  au  [contraire,  nous  ne  voyons  que  son 
Dom  de  Ibaptême  accompagné  du  qualificatif  Calvo:  de  plus,  il 
aurait  ajouté  ce  qualificatif,  dès  qu'il  aurait  pris  du  service  dans 
la  marine  génoise;  et  bref,  il  l'aurait  perdu  à  une  époque  inconnue 
de  sa  vie.  Au  lieu  de  prouver  la  thèse  de  M.  Peretti,  cet  argument 
serait  plutôt  de  nature  à  l'infirmer,  puisqu'il  nous  montre  un 
habitant  de  Galvi  conservant,  en  Italie,  son  nom  de  famille,  Mon, 
contrairement  à  l'usage  de  ses  concitoyens  et  à  la  théorie  préconi- 
sée par  l'auteur,  et  ne  l'agrémentant  du  nom|de  sa  patrie,  que  le 
jour  où  il  reçut  la  mitre  épiscopale. 

Si  xM.  Peretti  insiste  en  nous  citant  des  Corses  voyageant  à  l'é- 
tranger aux  quinzième  et  seizième  siècles,  qui  ne  portaient  que 
leur  nom  de  baptême  suivi  de  leur  nom  d'origine,  tels  que  Sampier 
di  Bastelica,  Pietro  Cirneo  (de  Cyrnos,  ancien  nom  de  la  Corse)  et 
les  seigneurs  de  Felge,  nous  lui  ferons  respectueusement  remar- 
quer que  ces  personnages  ont  conservé  dans  l'histoire  leur  nom 
d'origine  ;  Christophe  Colomb  et  les  membres  de  sa  famille  font 
seuls  exception  à  la  règle,  puisque  depuis  son  retour  d'Amérique 
ni  lui,  ni  son  fils,  ni  ses  frères,  ni  ses  historiens  ne  font  jamais 
mention  du  nom  de  Calvo,  sous  lequel,  d'après  M.  Peretti,  il  se 
serait  fait  inscrire,  à  l'exemple  de  ses  frères  et  de  son  oncle,  dans 
la  marine  génoise,  sous  lequel  aussi  ils  étaient  connus  de  1420  à 
1477.  Pourquoi  cette  exception?  n'est-elle  pas  étrange? 


—  38  — 

Aurait-il,  à  un  moment  donné,  dédaigné  de  conserver  le  nom  de 
sa  patrie  ?  Il  semble  au  contraire  que  son  vieux  nom  de  guerre 
Calvo,  ayant  été  à  la  peine,  méritait,  comme  l'oriflamme  de  Jearme 
d'Arc,  de  se  trouver  aussi  à  l'honneur.  Pourrait-on  nous  dire,  au 
moins,  à  quel  endroit  de  ses  voyages,  à  quelle  époque  de  sa  vie  il 
a  perdu  son  nom,  comme  un  accessoire  inutile,  à  l'instar  du  fleuve 
dont  parle  le  Dante  ? 

Laddove  il  nome  suo  diventa  vano. 

Mais  non:  disons  tout  simplement  que  Calvo  ou  Calvi  est  ici  un 
nom  de  famille  ;  en  voici  plusieurs  preuves  :  la  première,  nous  la 
trouvons  dans  Foglietta;  cet  historien  en  effet,  nous  parlant 
d'une  escadre  destinée,  en  1477,  à  faire  la  poursuite  aux  Catalans 
qui  infestaient  les  côtes  de  Gènes,  nous  donne  les  noms  de  baptê- 
me et  de  famille  des  trois  capitaines  qui  la  commandaient  :  c'étaient 
Benoît  Spinola,  Grégoire  Ceniurione  et  Jean-Baptiste  Calvo  ou 
Calvi;  or,  quel  est  le  lecteur  qui  oserait  prétendre  que  Spinola, 
Centuynone  et  Calvo  ou  Calvi  sont  ici  des  noms  de  lieu  et  non 
pas  des  noms  de  famille  ? 

La  seconde,  nous  la  trouvons  dans  Gallo,  qui'nous  apprend  que 
le  commandement  de  cette  flotte  était  confié  par  rang  de  classe, 
aux  nobles  d'abord  et  aux  plébéiens  ensuite;  nous  trouvons  J.-B. 
Calvo  parmi  les  nobles;  mais  la  famille  de  Gh.  Colomb  était  tout 
à  fait  roturière  ! 

Trirèmes  per  ordines  civibus  aitrihidœ  :  Nobiles  Benedictus 
Spinola^  GregoriusCeniu7'io,  Johannes Bapiista  Calvus  fuere. 

Plebeji,  Fransciscus  Montaltus,  Andréas  Albanus  (1). 

La  troisième,  nous  la  trouvons  dans  les  Archives  italiennes;  ainsi 
nous  trouvons,  dans  celles  de  Gênes  (1502),  Lazare  6'a^f2,  peintre 
de  talent;  dans  celles  de  Venise  (1405),  Antoine  Çalvo;  dans  cel- 
les de  Ravenne  (1527),  Maxime-Fabien  Calvo;  dans  celles  de 
Bergame  (1576),  Donat  Calvi;  dans  celles  de  Crémone  (1664), 
Jean  Calvi,  etc.  (2;.  Nous  passons  sons  silence  leurs  professions 
et  leurs  titres,  pour  ne  pas  fatiguer  nos  lecteurs.  Nous  trouvons 
la  confirmation  de  notre  explication  dans  Giustiniaoi;  après  avoir 
raconté  le  retour  d'Espagne  des  ambassadeurs  génois  qui  apportè- 

{l)Gallo,  de  Rehus  Gen..  p.   281. 

{t)  Trésor  des  ilores  rares  et  précieux,  par  Graesse,  t.  II,  p. 22-23;  et  Biographie 
universelle,  par  Michaud,  t.  XVl. 


—  39  — 

reot  la  nouvelle  de  la  découverte  du  Nouveau-Monde  par 
Christophe  Colomb,  l'auteur  dit  que  le  roi  de  France  avait  conçu 
le  projet  de  reconquérir  le  royaume  de  Naples  qu'il  croyait  lui 
appartenir,  par  suite  d'un  testament  de  la  reine  Jeanne  qui  l'avait 
donné  à  Carlo  Eliajio  Calvo,  genovese. 

Enfin,  actuellement  encore,  il  existe  plusieurs  familles  Calvo  et 
6'a/^^■  dans  diverses  villes  d'Italie,  à  Gènes  et  à  Vicence,  à  Pise  et 
à  Milan,  à  Florence,  à  Ber^anie,  à  Fort-Maurice,  etc.,  etc.  (1). 

Indépendamment  de  ce  que  nous  venons  de  dire,  pour  nous 
convaincre  que  ces  deux  noms  Colomb  et  Calvo  forment  deux 
familles  parfaitement  distinctes,  nous  n'avons  qu'à  ;nous  reporLei 
aux  dates  auxquelles  elles  apparaissent  dans  l'histoire. 

Nous  trouvons  d'un  côté,  en  1420,  un  Christophe  Calvi,  déli- 
vrant Bonifacio  ;  en  1435,  un  Jacques  Calvo,  ravitaillant  Gaëte  ; 
en  1442,  un  Antonio  Calvo,  allant  au  secours  du  roi  René;  en 
1477,  un  Jean-Baptiste  Calvo  ou  Cakn,  faisant  la  chasse  aux 
Catalans;  enfin,  en  1481,  un  Barthélémy  Corso,  en  guerre  contre 
les  Turcs. 

D'un  autre  côté,  en  1459,  nous  trouvons  un  Christophe  Co- 
lomb, un  Barthélémy  Colomb  et  un  Jacques  Colomb  en  guerre, 
au  service  de  Gênes,  pour  aider  Jeaa,  duc  d'Anjou,  à  reconqué- 
rir le  royaume  paternel  de  Naples,  contre  les  Mahométans  et  les 
Vénitiens.  Or,  si  ces  deux  noms  constituent  la  même  famille,  il  en 
résulte  une  conséquence  qui  bat  en  brèche  la  théorie  de  M.  l'abbé 
Peretti,  à  savoir  :  que  sa  famille  calvaise,  tout  en  voyageant  hors 
de  la  Corse,  tout  en  combattant  dans  la  marine  génoise,  ^tout 
en  ayant  des  capitaines  inscrits  sur  les  registres  de  cette  ma- 
ynne,  et  cela  depuis  l'année  1457  jusqu'à  l'année  1481,  aurait 
bel  et  bien  conservé  son  nom  de  famille,  Colomb. 

Par  conséquent,  il  est  impossible  à  M.  Peretti  d'échapper  au  di- 
lemme suivant  :  il  est  obligé,  ou  de  convenir  que  la  famille  Calvo 

(1)  Nous  trouvons,  dès  J'année  de  Rome  072,  un  Licinius  Calvo,  orateur  et  poète 
distingué,  qu'on  a  opposéà  Gicéron  et  à  Catulle.  H  y  a  plus;  parmi  les  quatre  cents 
membres  qui  composaient  le  Grand  Conseil  de  Gênes  en  1377,  nous  voyons  figurer  un 
Jean-Baptiste  Calvo  et  un  Barthélémy  Calvo,  fils  de  Jérôme;  Q.  Iliéroivjmi  ;  et  tous 
ces  magistrats  étaient  choisis  dans  la  noblesse,  «  e.r  unèverso  Nobiidalis  ordiiie  eli- 
gimus.  » 

Thésaurus  ant.  A.  Histor.  Ital,  t.  I,  pars  posterior,  p.  1498. 

«Ce  fut  Elien  Calvo,  un  Génois,  qui  découvrit  le  testament  de  la  reine  Jeanne,  resté 
caché  depuis  plusieurs  années.  »  lieyinœ  lesiamentum,  quod  pcv  multos  annos  la- 
t lierai,  Elianus  Calvus  Genuensis  delevit.  (Muratori,  K.  ital.  Script.,  t.  XXIV.  p. 
538.) 


~  40  — 

el  la  famille  Colomb  sont  deux  familles  distinctes,  ou  de  renoncer 
à  dire  que  la  famille  Colomb  avait  changé  son  nom  contre  celui 
d'un  nom  de  pays. 

Or,  dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas,  Christophe  Colomb, 
n'appartenant  pas  à  la  famille  Calvo  et  n'ayant  jamais  troqué  son 
nom  de  famille  contre  un  nom  quelconque  de  lieu,  rien  ne  prouve 
qu'il  soit  originaire  de  Calvi. 

Pour  ce  qui  est  de  Barthélémy  Corso,  dont  M.  Peretti  veut  à 
tout  prix  faire  un  Galvais,  nous  lui  ferons  observer  que  s'il  avait 
été  de  Calvi,  il  lui  eût  été  plus  naturel  de  prendre  le  nom  de 
Calvo  ou  Calvi,  à  l'exemple  des  membres  de  sa  famille,  d'autant 
plus  que  ce  titre  lui  donnait  droit  aux  privilèges  dont  il  a  été 
question  plus  haut;  or.  s'il  s'est  contenté  de  s'appeler  Corso, 
c'est  qu'il  était  tout  simplement  de  la  Corse  sans  pour  cela  être 
de  Calvi;  par  conséquent,  n'ayant  aucun  hen  de  parenté  avec  la 
famille  Calvo  sus-nommée,  il  en  résulte  que  Christophe  Colomb 
n'était  pas  son  frère  et  conséquemment  pas  de  Calvi. 

XI 

Et  puis,  avouOQS-le,  il  en  coûte  à  notre  religieuse  admiration 
pour  le  grand  caractère' du  héros  chrétien,  qui,  nous  l'espérons, 
recevra  les  honneurs  des  autels  (1),  d'en  faire  un  caméléon  qui 
change  de  nom  en  changeant  de  milieu  :  qui  s'appelle  Christophe 
à  Calvi,  Calvo  à  Gènes,  Colon  en  Espagne,  Colomb  aux  Indes,  et 
de  le  voir  ainsi  tomber  dans  la  catégorie  des  personnes  «  qui  por- 
tent trois  noms,  de  peur  d'en  manquer  ;  un  pour  la  campagne  et 
pour  la  ville,  pour  les  lieux  de  leur  service  ou  de  leur  emploi  (2)». 

En  fait  de  changement  de  nom  nous  n'acceptons  que  celui  qu'il 
jugea  à  propos  de  faire  en  Espagne,  ainsi  que  nous  l'apprend  don 
Fernand. 

Et  maintenant,  qu'il  nous  soit  permis  de  faire  deux  remarques 
d'un  ordre  purement  intime,  mais  dont  la  délicatesse  et  la  gravité 
trouveront,  nous  en  sommes  sûr,  un  écho  dans  les  cœurs  nobles 
et  généreux. 

Eh  quoi!  Le  vieux  Jacob,  mourant  sur  la  terre  d'Egypte,  de- 

(1)  La  Scma//?/^  r<?/(7i>//se  de  Paris,  du  29juin  dernier,  annonçait  que  M.  le  comte 
Roselly  de  Lorgues  a  reçu,  eu  cour  de  Home,  la  mission  officielle  de  «  postulateur  m 
pour  la  cause  de  Béatification  du  grand  Amiral. 

(2)  La  Bray ète,  De  (juelf/ lies  iisagex. 


—  41  — 

mande  à  être  enterré  dans  le  pays  de  ses  pères,  sepelite  me  ciim 
patribus  meis.  Le  héros  de  Virgile,  percé  d'un  trait  mortel  dans 
les  champs  des  Latins,  se  souvient  amoureusement  de  sa  douce 
patrie  : 

...Et  dulces  moriens  reminiscitur  Argos. 

Napoléon,  sur  son  rocher  de  Sainte-Hélène,  tourne  son  regard 
ému  vers  c<sa  chère  Corse,  qu'il  reconnaît  à  ses  sites  agrestes  et 
à  l'odeur  de  ses  parfums  ». 

Christophe  Colomb  seul,  s'éteignant  en  Espagne,  n'a  ni  une 
parole,  ni  un  souvenir,  ni  un  regard  pour  Calvi.  Non,  non  ;  nous 
ne  comprenons  pas  un  héros  qui  meurt  sans  patriotisme,  et  ce 
héros  ne  saurait  être  un  Corse. 

Ah!  c'est  que,  suivant  la  pensée  de  l'Évangile  :  Vbi  thésaurus 
vester  est,  ibi  et  cor  vestrum  erit,  le  trésor  de  Christophe  Co- 
lomb, —  lisez  son  berceau,  se  trouvait  ailleurs  qu'à  Calvi,  nous 
voulons  dire  sur  le  continent  génois,  puisque  les  derniers  batte- 
ments de  son  cœur  ont  été  pour  Gênes,  ainsi  qu'il  résulte  de  son 
testament  et  de  sa  lettre  aux  seigneurs  de  la  Banque  de  Saint- 
Georges,  quoique  l'authenticité  de  ces  documents  ait  été  contes- 
tée (1). 

'  (1)  M.  l'abbé  Perelti  nous  ayant  habitué  à  de  trop  graves  inexactitudes,  parlafaute- 
de  ses  sources,  comme  nous  voulons  bien  le  croire,  nous  avons  tenu,  pendant  la  cor- 
rection de  nos  épreuves,  à  nous  assurer  de  la  valeur  des  objections  qu'il  a  soule- 
vées contre  le  testament  de  G.  Colomb  ;  or,  ces  objections  sont  sans  fondement  et 
le  codicille  du  grand  navigateur  est    partaitement  authentique. 

Et  d'abord,  faisons  remarquer  ici  à  -M.  Peretli  et  à  nos  lecteurs  que  ce  n'est  pas  dans 
son  le<'tament  que  C.  Colomb  a  déclaré  «  être  né  dans  la  ville  de  (Jênes  »,  mais  dans 
Vacie  par  lequel  il  instUua  un  majorai,  le  22  février  1498,  en  vertu  d'une  autorisa- 
tion des  rois  catholiques,  du  !23  avril  1497. 

L'acte  instituant  le  majorât  est  resté  comme  tous  les  actes  notariés  passés,  présents 
et  futurs,  aux  mains  du  notaire  ;  on  ne  pourrait  en  avoir  que  des  expéditions  ou  copies. 

La  première  expédition  de  cet  acte  important  et  des  actes  ^des  dernières  volontés  de 
C.  Colomb  par  lui  exprimées  dans  le  codicille  de  Ségovie,  le  ?o  'août  1505,  a  été  de- 
mandée et  obtenue  par  dom  Diego,  son  lils,  le  22'avril  1524  ,  et  Pedro  de  Azcoylia, 
notaire  royal  et  successeur  immédiat  de  celui  qui  avait  reçu  les  dernières  volontés  du 
grand  amiral,  en  lui  remettant  cette  expédition,  ajouta  que  les  pièces  attribuées  à 
C.  Colomb  étaient  écrites  de  la  propre  main  de  ce  dernier  :  Estaba  escrlpta  de  la  le- 
ira  propria  del  dlclio  D.   Cristobal. 

L'une  de  ces  copies  a  de  tout  temps  été  conservée  aux  archives  des  Indes,  à  Séville 
(Est.  I.  G  I.  L.  P.).  L'autre  copie  se  trouve  à  Gênes,  aux  archives  d'Etat.  {Filza  poti- 
ticornm,  marzo  3,  n"  19.) 

Et  maintenant  voici  une  preuve  évidenle  en  faveur  de  l'authenticité  de  ce  document. 
Nous  la  trouvons  dans  ce  fait  qu'aux  seizième  et  dix-septième  siècles,  époque  où  per- 
sonne n'avait  intérêt  à  la  contester,    cette  ^authenticité   était  juridiquement  reconnue.- 

En  effet,  quelques  prétendants  ayant  contesté  l'authenticité  de  l'Institution  dumajo 


—  42  — 

On  sait  combien  les  hommes  en  général  et  les  Corses  en  parti- 
culier, après  s'être  enrichis  ou  illustrés  à  l'étranger,  ont  à  cœur 
de  retourner  dans  leur  patrie,  d'y  séjourner,  au  moins  un  certain 
temps,  et  d'y  laisser  quelque  souvenir  important.  Or,  nous  ne 

rat,  le  grand  conseil  des  Indes  repoussa  leur  dire  et  reconnut  la  validité  de  cette  pièce. 

De  plus,  comme  on  objectait  que  G.  Colomb,  en  1S02,  avait  exécuté,  par-devant 
notaire,  une  autre  disposition  du  majorât,  acte  qui  primait  celui  de  d498,  et  que 
l'exemplaire  del'institution  de  1498  portait  une  notule  abrogeantce  dernier  acte  et  quel- 
ques lignes  batonnées  ;  le  conseil  des  Indes,  sans  même  s'arrêter  à  considérer  que 
cette  interpellation  n'était  pas  de  la  maiu  de  G.  Golomb,  et  que  les  ratures  avaient  clé 
faites  récemment,  en  l'absence  même  de  l'Institution  de  1502,  se  reporta  forcément 
aux  actes  de  1498,  1505  et  1506. 

«  Ge  sont  ces  trois  derniers  documents,  remarque  M.  llarrisse,  qui  servirent  de  base 
aux  arrêts  des  l"  avril  1605,  22  décembre  1608  et  16  juin  1790,  arrêts  qui  fixèrent, 
d'abord  dans  la  maison  de  Portugal,  puis  dans  celle  de  Larreategui,  l'héritage  de 
Christophe  Golomb.  ^^{Christophe  Colomb,  t.  Il,  p.  loT.) 

Les  originaux,  les  expéditions  légalisées,  les  minutes  simples  et  Vlnsfitutlon  du 
majorât,  se  trouvent  actuellement  entre  les  mains  de  dom  Colon,  de  la  Gerda,  duc  de 
Veragua  et  de  la  Vega,  à  Madrid. 

Gomme  on  le  voit,  l'authenticité  de  ce  document  de  G.  Golomb  a  été  parfaitement 
reconnue  et  établie  au  seizième  siècle. 

Arrivons  maintenant  aux  objections  formulées  par  M.  l'abbé  Peretti. 

Ge  document,  dit  il,  doit  être  considéré  comme  faux  :  i°  parce  qu'il  n'est  ni  daté, 
ni  véritablement  signé;  2°  parce  que  D.  Fernand  n'en  parla  en  aucune  façon  ;  3"  parce 
que  la  Banque  de  St-Georges  n'a  jamais  demandé  l'exécution  de  la  clause  qui  lui  ac- 
cordait un  dixième  des  revenus  du  grand  amiral;  4°  parce  qu'il  n'a  été  montré  et 
connu  que  plus  de  soixante-dix  ans  après  la  mort  du  héros. 

Nous  répondons  à  la  première  objection  en  disant  que  l'absence  de  date  et  de  signa- 
ture en  règle  peut  bien  entacher  un  testament  de  nullité  légale,  mais  qu'elle  ne  sau- 
rait détruire  son  authenticité  au  point  de  vue  historique. 

11  y  a  quelques  mois,  nous  avons  été  institué  exécuteur  testamentaire';  quelle  n'a  pas 
été  noire  surprise,  en  ouvrant  le  testament  olographe,  de  constater  que  le  testateur 
avait  oublié  de  le  dater;  eh  bien!  quoiqu'il  y  eût  là  une  cause  de  nullité, les  héritiers, 
reconnaissant  l'écriture  du  défunt,  passèrent  outre  et  procédèrent  à  la  liquidation  de  la 
succession  sans  la  moindre  contestation. 

Pour  ce  qui  est  de  la  signature,  nous  pouvons  répondre  que  G.  Golomb  signait  de 
différentes  manières  :  tantôt  Chrislophorus,  tantôt  XpoferefiS,  taniàt  el  Almirante^ 
c'est  cette  dernière  qu'il  a  mise  au  bas  de  son  majorât.  Et  puis,  en  admettant  la  falsifi- 
cation de  cet  acte,  pourrait-on  supposer  que  celui  qui  l'aurait  fabriqué  eût  été  assez 
naïf  pour  employer  un  nom  dont  la  nouveauté  seule  aurait  servi  à  en  déceler  [la  faus- 
seté? Non,  cette  objection  ne  mérite  aucune  considération  :  disons-le  une  fois  pour 
toutes,  ce  testament  a  puêtre  regardé  par  quelques-uns  comme  nul,  mais  jamais  per- 
sonne de  sérieux  ne  l'a  supposé  aprocryphe. 

Nous  répondons  à  la  seconde  en  disant  que  du  moment  que  D.  Fernand  affirme 
avoir  puisé  la  matière  de  ses  histoires  dans  les  écrits  laissés  par  son  père,  nous 
avons  le  droit  de  comprendre  l'institution  du  majorât  au  nombre  de  ces  écrits.  Il 
n'avait  pas  besoin  de  citer  par  le  menu  tous  les  écrits  de  ^son  père  dans  lesquels  il 
avait  puisé  ses  renseignements. 

Nous  répondons  à  la  troisième  que  la  Banque  de  Saint-Georges  a  parfaitement  ré- 
clamé l'exécution  de  la  clause  testamentaire,  par  une  lettre  adressée  à  Diego  Colon,  le 
8  décembre  1511,  lettre  reproduite  par  Bordoni,  dans  l'introduction  qu'il  a  faite  à  la 
nouvelle  édition  des  Historié. 

Nous  répondons  enfin  à  la  quatrième  en  disant  que  si  ce  document  n'a  paru  devant 
un  tribunal  que  soixante-dix  ans  après  la  mort  de  G.  Golomb,  pour  les  besoins  d'un 
procès,  il  n'en  est  pas  moins  vrai   qu'en  1524  il  a  été  vu,  connu  et  délivré   copie    au- 


—  43  — 

trouvons  rien  de  ce  genre  à  Galvi,  de  la  part  de  la  famille  de  Chris- 
tophe Colomb;  cette  famille,  pourtant,  ayant  reçu  de  lui  tout  son 
lustre,  avait  l'impérieux  devoir  d'entourer  de  respect  et  d'honneur 
son  glorieux  berceau  : 

In  te  omnis  domus  inclinata   recumbit. 


thentique,  en  présence  de  l'alcade  Juan  de  Avila,  parle  notaire  Pedro  de  Azcoytia,  au 
chambellan  de  Diego  Colon,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

Et  puis,  le  fait  qu'un  testament  ne  paraît  en  public  que  plusieurs  années  aprèslà  mort 
duteslateurn'est  pas  une  preuve  contre  son  authenticité:  un  testaraentétant  desa  nature 
destiné  à  demeurer  soigneusement  renfermé,  soit  dans  les  archives  tabellionnaires. 
soit  dans  les  papiers  de  famille,  on  ne  le  produit  un  public  qu'à  propos  d'une  action 
judiciaire  pour  attester  ou  pour  défendre  des  droits  méconnus  :  c'est  ce  qui  est  arrivé 
pour  celui  de  C.  Colomb;  il  est  resté  pour  ainsi  dire  inconnu,  tant  que  personne  ne 
l'a  invoqué  pour  l'attaquer  ou  pour  s'en  prévaloir,  mais  il  a  été  produit  au  grand 
jour,  à  l'occasion  d'un  procès  qui  n'a  fait  que  reconnaître  et  confirmer  son  authenti- 
cité. 

D'ailleurs,  si  ce  document  avait  été  apocryphe,  le  duc  de  Veragua  ne  serait  pas 
universellement  reconnu  comme  l'héritier  légitime  du  grand  amiral.  Donc  il  est  par- 
faitement authentique,  donc  quand  il  y  est  dit  que  le  grand  emiral  est  né  à  Gênes, 
cela  est  parfaitement  vrai;  donc  il  n'est  pasnéà_,Caivi.  (Voir  pour  de  plus  amples  éclair- 
cissements H.  Harrisse:  C.  Colomb,  son  origine,  sa  vie,  etc.,  t.  11,  p.  148  à  163.) 

Puisque  nous  avons  occasion  de  parler  ici  du  majorât  de  G.  Colomb,  faisons  aussi 
remarquer  que  le  testament  de  son  fils  ne  fait  aucnne  mention  de    la  Corse. 

En  etï?t  dans  le  testament  de  don  Fernand  Colomb,  quel'éminent  critique  et  l'infa- 
tigable chercheur  américain,  Harrisse,  a  publié,  nous  lisons  que  le  testateur  fait  des 
legs  à  des  Génois  connus,  à  la  ville  de  Gènes,  aux  religieux  de  l'Observance  de  Rome, 
à  des  Français,  etc.,  etc.;  il  demande  qu'on  mette  à  la  disposition  des  marchands  gé- 
nois. Génoveses  mercacleres,  les  livres  de  la  bibliothèque  colombine  qu'il  avait  fondée 
lui,  D.  Fernand  Colon,  fils  de  D.  Christophe  Colon,  Génois,  de  lihraria  Fernandina 
que  insiituyo  D.  Fernando  Coton,  hojo  de  D  Xpval,  Colon,  Genovès ,  tandis  que 
nous  avons  cherché  en  vain  un  souvenir,  un  mot  pour  la  Corse. 

iNous  ferons  remarquer,  à  propos  de  l'expression  génois,  que  ce  qualificatif  n'était 
donné,  à  cette  époque,  qu'aux  citoyens  natifs  du  continent,  et  nullement  aux  habitants 
des  colonies,  comme  la  Corse  ;  actuellement  encore,  on  appellera  Français  et  Anglais 
deux  citoyens  originaires  des  ces  deux  nations,  tandis  qu'on  dira  simplement  un  Al- 
gérien, un  Irlandais,  de  deux  individus  natifs  de  l'Algérie  et  de  l'Irlande,  quoique  ces 
deux  provinces  soient  sous  la  domination  de  la  France  et  de  l'Angleterre,  l'ar  consé- 
quent, lorsque  Ch.  Colomb  et  son  fils  se  disent  Génois,  ils  ont  bien  la  pensée  d'indi- 
quer leur  pays  d'origine  et  non  de  politique. 

D'ailleurs,  ayant  conservé  une  pénible  impression  du  Sénat  de  Gènes  qui,  d'après 
Me  Peretti,  l'avait  traité  de  visionnaire,  Christophe  Colomb,  s'il  avait  été  réellement 
Corse,  n'aurait  pas  manqué  de  se  dire  tel  et  de  procurer  ainsi  à  son  île  natale  une 
gloire  qui  n'aurait  pu  lui  être  disputée  par  la  dédaigneuse  république. 

Disons  en  terminant  cette  trop  longue  note  (nous  n'en  finirions  pas  si  nous  voulions 
opposer  toutes  les  objections  qui  se  pressent  dans  notre  esprit)  qu'en  rappelant  le 
procès  retentissant  qui  eut  lieu  au  sujet  de  ce  testament,  en  i578,  M.  l'abbé  Peretti 
nous  fournit,  sans  s'en  douter,  une  arme  terrible  contre  lui.  Ce  procès,  en  effet,  que 
nous  avons  étudié  attentivement  dans  le  Mémorial  del  pleylo  (mémoire  du  procès), 
nous  révèle  les  prétentions  de  plusieurs  familles  du  continent  italien  qui,  se  disant 
parentes  ou  alliées  de  l'illustre  défunt,  réclamaient  leur  part  dans  son  héritage  ;  or,  il 
nous  a  été  impossible  de  découvrir  dans  ce  précieux  document  aucune  réclamation 
venant  de  la  Corse,  la  raison  en  est  bien  simple;  c'est  que  cette  île,  n'ayant  aucun  lien 
de  parenté  avecC.  Colomb,  n'avait  rien  à  réclamer  dans  sa  succession. 


—  44  — 

Mais  non,  elle  n'en  fait  jamais  mention;  aucun  document,  du 
moins,  ne  le  prouve. 

Donc,  si  nous  ne  lui  faisons  pas  l'injure  de  croire  qu'elle  avait 
oublié 

Que  la  patrie  est  chère  à  tous  les  cœurs  bien  nés, 

nous  sommes  obligé  de  conclure  qu'elle  n'est  pas  originaire  de 
Calvi. 

Loin  de  nous  la  pensée  de  dire  de  notre  vénéré  confrère  ce  que 
Tauteurde  la  Henriade  disait  d'un  certain  ecclésiastique  de  son 
temps  : 

Monsieur  l'abbé  vous  entame  une  histoire, 
Qu'il  ne  croit  point,  mais  qu'il  veut  faire  croire. 

Nous  avons  une  trop  grande  opinion  de  sa  sincérité  pour  en 
douter  un  seul  instant;  seulement  il  nous  semble: 

l**  Que,  du  moment  qu'il  n'attache  aucune  foi  au  testament  de 
Christophe  Colomb,  parce  qu'il  n'est  ni  daté  ni  signé,  la  logique 
aurait  dû  l'obliger  à  traiter  de  même  un  autre  document,  qui  n'est 
ni  daté  ni  signé,  qu'il  attribue,  a  d'après  la  qualité  du  papier  fl), 
au  commandant  Buochberg,  et  dans  lequel  il  découvre  un  témoi- 
gnage de  la  tradition  corse  et  calvaise  (2)  »  ; 

i2o  Que,  du  moment  qu'il  n'a  aucune  confiance  dans  les  récits  de 
Gallo,  Foglietta  et  Giustiniani,  il  devrait,  au  moins,  se  garder  bien 
d'emprunter  à  ces  chroniqueurs  certains  témoignages  favorables  à 
sa  thèse  comme,  par  exemple,  la  profession  de  cardeur  de  laine 
des  parents  de  l'Amiral,  profession  niée  formellement  par  don 
Fernand  ; 

S''  Que  du  moment  qu'il  savait  par  [les  pièces  produites  par 
M.  H.  Barrisse,  dans  son  Chynstophe  Colomb  et  la  Corse,  que  ja- 
mais la  famille  Giubega  n'a  eu  en  sa  possession  ni  vu  l'acte  de 
naissance  de  l'Inventeur  des  Indes,  il  aurait  dû  s'abstenir  de  citer 
la  Revue  de  Paris  de  1841,  dont  l'article  puisait  toute  sa  force 
dans  la  soi-disant  découverte  de  ce  document.  Ce  sont  là  assuré- 
ment de  regrettables  distractions  qui  seraient  de  nature  à  nuire  à 
la  véracité  de  l'histoire,  sans  compromettre  pour  cela  la  loyauté 
de  l'historien. 

(i)  Pages  126,  331. 
(2)  Page  334. 


—  45  — 

Nous  nous  résumons  :  si  le  fils,  les  amis  intimes  et  les  auteurs 
contemporains  de  Christophe  Colomb  et  ceux  qui,  dans  la  suite, 
ont  parlé  de  lui  en  prose  ou  en  vers,  s'accordent  à  le  faire  naître 
sur  le  continent  génois  ;  si  l'unique  famille  que  nous  trouvons  à 
Calvi  n'est  qu'un  simple  rameau  du  grand  arbre  généalogique  qui 
recouvre  presque  toutes  les  localités  de  la  Ligurie  ;  si  la  rue  del 
Filo  n'a  aucun  rapport  avec  la  famille  de  l'Amiral,  et  si  la  rue 
Colombo  n'est  qu'un  tribut  d'hommage  payé  à  un  citoyen  de  la 
métropole  ;  si  les  deux  traits  caractéristiques,  mers  et  rivières 
n'appartiennent  pas  en  propre  à  cette  ville,  et  si  le  mot  rivières 
lui  est  même  complètement  étranger  ;  si  le  silence  et  les  sous-en- 
tendus des  historiens,  corses  ou  étrangers  demeurent  sans  valeur; 
si  l'Élégie  à  la  Corse  et  les  vers  de  quelques  poètes  ne  sont  que 
le  produit  d'imaginations  qui  ont  pris  leurs  désirs  pour  des  réa- 
lités; si  le  Tonina  existe  ailleurs  que  dans  les  eaux  de  Calvi,  'et 
si  les  chiens  que  l'on  trouve  en  Amérique,  à  la  suite  de  Christo- 
phe Colomb,  ont  pu  y  avoir  été  transportés  par  d'autres  que  par 
des  Corses  ,  si  les  quelques  Calvais  que  nous  voyons  aux  Indes 
n'ont  fait  qu'imiter  l'émigration  de  tous  les  peuples  des  côtes  ;  si 
rien  ne  prouve  que  le  Sénat  de  Gènes  ait  rejeté  les  propositions 
du  futur  navigateur  parce  qu'il  était  Corse;  si  les  mots  Calvo  ou 
Calvi  sont  ici,  non  pas  des  noms  de  lieu,  mais  des  noms  de  fa- 
mille, ainsi  que  cela  a  été  démontré  par  des  arguments  irréfutables, 
il  s'ensuit  qu'il  ne  reste  plus,  en  Corse,  de  Christophe  Colomb, 
que 

Magni  nominis  umbra, 

et  deux  vaillants  champions  qui  ont  fait,  en  pure  perte,  des  efforts 
héroïques  pour  transformer  cette  ombre  insaissisable  en  une  pa- 
triotique réalité. 

Nous  terminons  cette  étude  sur  l'ouvrage  de  M.  l'abbé  Peretti, 
en  répétant  qu'il  témoigne  d'un  sérieux  travail  de  patience  et  de 
patriotiques  efforts,  ce  dont  nous  devons  lui  savoir  gré  ;  mais  nous 
avons  le  regret  d'avouer,  dans  notre  sincérité,  que,  malgré  tout 
notre  désir  û*y  trouver  des  arguments  convaincants  en  faveur  de 
l'origine  calvaise  de  Christophe  Colomb,  nous  sommes  forcé  de 
reconnaître  que  ceux  qui  nous  ont  été  présentés  ne  sont  guère 
de  nature  à  dissiper  nos  doutes  et  à  entraîner  notre  adhésion. 

«  L'histoire,  dit  M.  Guizot,  repose  sur  deux  bases  :  les  docu- 


—  46  — 

ments  positifs  sur  les  faits  et  les  personnes  ;  les  vraisemblances 
morales  sur  reochaînement  des  faits  et  l'action  des  personnes  (1).  » 
Or,  dans  la  tentative  que  M.  Peretti  vient  de  faire  pour  prouver 
Torigine  calvaise  de  Christophe  Colomb,  nous  ne  trouvons  ni  un 
document  positif  ni  une  vraisemblance  morale  en  faveur  de  celte 
origine  ;  nous  voyons  au  contraire  que  tous  les  documents  positifs 
et  toutes  les  vraisemblances  morales  protestent  énergiquement 
contre  une  pareille  prétention.  De  sorte  que,  après  comme  avant 
la  lecture  de  ce  livre,  assurément  bien  curieux,  nous  nous  trou- 
vons à  'endroit  du  berceau  de  l'illustre  navigateur,  du  moins  pour 
ce  qui  concerne  la  Corse,  dans  la  même  disposition  d'esprit  que  le 
patriarche  de  la  Bible  qui  espérait  la  lumière  après  les  ténèbres, 

Post  tenebras  spero  lucem. 

Les  anciens  avaient  divinisé  l'Histoire  :  ils  en  faisaient  une  muse 
sous  le  nom  de  Glio,  et  la  présentaient  couronnée  de  lauriers,  une 
trompette  dans  la  main  droite,  un  manuscrit  dans  la  main  gauche. 

Plus  modeste  que  cette  pompeuse  fiction,  M.  l'abbé  Peretti  se 
contente  d'avoir 

Un  fil  dans  une  main  et  dans  l'antre  un  flambeau  (2). 

Malheureusement,  son  filo  est  bien  trop  court  pour  coudre  la  gé- 
néalogie de  C .  Colomb,  et  son  flambeau  ne  jette  aucune  Lumière 
sur  le  berceau  du  grand  Amiral. 

Il  nous  1  reste  donc  à  souhaiter  que  notre  infatigable  confrère 
poursuive  ses  recherches  afin  de  découvrir,  —  ce  qui  nous 
semble  bien  difficile,  —  des  documents  plus  probants. 

Ajoutons  cependant,  en  finissant,  que  la  Corse  possède  assez  de 
gloires,  solides  comme  le  granit  de  ses  montagnes,  éclatantes 
comme  le  soleil  qui  fait  fleurir  ses  orangers,  notoires  comme  la 
bravoure  de  ses  enfants,  pour  ne  pas  en  disputer  une  nouvelle  aux 
probantes,  au  doute  et  au  mystère.  Elle  n'a,  d'ailleurs,  qu'à  s'arra- 
cher aux  factions  politiques  qui  la  déchirent,  l'énervent  et  la 
corrompent  ;  qu'à  éteindre  ses  discordes,  ses  haines  et  ses 
vengeances;  qu'à  se  recueillir,  travailler  et  prier,  afin  d'enfanter  de 
nouvelles  illustrations  et  de  prouver  ainsi  que,  si  elle  n'a  pas 
produit  Christophe  Colomb,  elle  serait  capable  d'un  si  sublime 
effort  et  digne  de  lui  avoir  donné  le  jour. 

(1)  Méditalio7i  sur  r essence  de  la  relif/iun,  p.  3:24. 

(2)  Deliste. 


APPENDICE 


En  écrivant  à  la  page  77  de  notre  seconde  brochure  «  que  les  mots 
CaniCoïsi  signifient  bien  des  chiens  courageux  et  féroces  »,  nous  n'avons 
pas  prétendu  que  corsi  ne  veut  pas  dire,  corses,  de  la  Corse,  mais  seule- 
ment qu'en  Italien,  quand  on  ditcaui  corsi,  on  entend  des  chiens  féroces, 
qui  ont  les  instincts  des  chiens  de  race  corse.  Or  comme  cette  race  est 
aussi  répandue  en  Italie  que  la  race  des  chiens  des  Alpes  ou  des  Pyré- 
nées l'est  dans  les  diverses  contrées  de  la  France,  Christophe  Colomb 
aurait  pu  s'en  procurer  dans  la  péninsule  Italique  sans  les  faire  venir 
directement  de  la  Corse  et  sans  pour  cela  être  né  en  Corse.  D'ailleurs 
los  perros  bravissimos  de  Las  Casas  tranchent  définitivement  la  question. 


On  nous  a  objecté  que  dans  notre  ouvrage  Trente  jours  à  la  campagne , 
page  68,  nous  avons  admis  l'origine  calvaise  de  C.  Colomb  ;  donc,  nous 
dit-on, vous  êtes  en  contradiction  avec  vous-même! 

Nous  répondons  1°  qu'il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  à  ce  que  nous  nous 
soyons  trompé,  surtout  quand  on  entend  la  Sagesse  des  Nations  nous 
dire:  Errare  humanum  est  ;  quand  on  entend  le  Prophète  royal  s'écrier: 
Erravi  slcut  ovis  quœ  periit,  et  quand  on  voit  saint  Augustin  mettre  sa 
gloire  à  écrire  le  livre  des  Rétractations. 

Nous  répondons  2°  que  n'ayant  pas  encore  lu  l'ouvrage  de  M.  l'abbé 
Casanova  (celui  de  M.  Peretti  n'étant  pas  encore  paru),  nous  avons  été 
trompé,  comme  bien  d'autres,  par  les  comptes-rendus  erronés  qu'en  a 
donnés  le  journal  le  Conservateur  ;  c'est  à  la  suite  de  ces  comptes- 
rendus  que  nous  écrivions  en  1885  :  «Il  résulte  des  récentes  découvertes 
de  M.  l'abbé  Casanova  que  Christophe  Colomb  est  né  à  Calvi. 

Par  conséquent,  s'il  y  a  eu  contradiction  matérielle  sous  notre  plume,  il 
n'y  a  pas  eu  contradiction  morale  dans  notre  pensée.  Dès  que  nous  avons 
vu  clair  par  nous-môme,  nous  n'avons  pas  hésité  à  sacrifier  l'ombre  à 
la  réalité. 


Poitiers.  —  Imp.  Bi.ais,  Roy  et  Gic,  rue  Victor-Hugo,  7. 


Lettre  de  M.  le  comte  Roselly  de  L.or^ues 

CHOISI   PAR    PIE    IX    POUR    ÉGUIRE    LA    VIE   DE   CHRISTOPHE    COLOMB 


Paris,  20  juillet  1889. 

Monsieur  l'Abbé, 

Tandis  qu'en  Corse,  à  la  suite  des  recherches  bibUographiques  de 
MM.  les  curés  Casanova  et  Peretti,  décernant  à  Calvi  l'honneur  d'avoir 
vu  naître  Christophe  Colomb,  les  populations  restent  émues,  et  qu'une 
patriotique  exaltation  organise  des  comités,  prépare  de  souscriptions 
pour  mieux  solenniser  cette  nouveauté,  l'accréditer  au  loin,  la  transfor- 
mer finalement  en  réalité  historique,  il  est  consolant  de  rencontrer  un 
esprit  droit  et  ferme,  sachant  résister  à  l'enthousiasme  irréfléchi  des 
foules,  et  qui,  sans  autre  souci  que  l'amour  de  la  vérité,  lui  sacrifie 
résolument  ses  affinités,  l'affection  du  sol  natal  et  ses  propensions 
naturelles. 

Il  faut  une  rare  vigueur  morale  pour  demeurer  inébranlable  dans  son 
sentiment,  malgré  le  courant  de  l'opinion,  la  puissance  du  nombre.  Je 
viens.  Monsieur  l'Abbé,  de  lire  avec  le  plus  grand  intérêt  votre  écrit  non 
moins  lucide  qu'érudit,  intitulé  :  le  Berceau  de  Christophe  Colomb  et  la 
Corse. 

Avant  d'entrer  dans  aucun  détail  sur  les  mérites  de  cette  docte  dis- 
sertation, qu'on  peut  dire  un  modèle  de  discussion  courtoise,  permettez- 
moi  de  vous  féUciter  d'abord  de  votre  courage,  de  votre  intrépide  dé- 
fense du  vrai,  de  saluer  cette  noble  droiture  d'esprit  qui,  s'élevant 
au-dessus  des  ambitions  locales,  des  suffrages,  ^des  considérations  de 
personnes,  ne  voit  premièrement  et  par-dessus  tout  que  la  vérité  pure, 
la  vérité,  lumière  inséparable  de  nos  destinées  immortelles,  qui  est 
aussi  le  flambeau  de  l'histoire  et  sans  laquelle  il  ne  reste  aux  mains  que 
la  torche  du  mensonge  éclairant  la  chute  de  nos  pas  dans  l'erreur. 

Vous  avez  certainement  mesuré  la  violence  de  l'opposition  qu'allait 
soulever  votre  franchise  ;  mais  un  intérêt  supérieur  aux  exigences  d'un 
patriotisme  aveugle  a  guidé  votre  plume,  et  vous  avez  très  judicieuse- 
ment élucidé  la  question  du  berceau  de  Christophe  Colomb,  en  recon- 
naissant que  malgré  les  inductions  présentées,  les  documents  nouveaux 
exhumés,  les  textes  anciens  torturés  ou  tronqués,  aucune  preuve  n'éta- 
blissait péremptoirement  que  le  Révélateur  du  globe  fût  né  à  Calvi. 

Pour  mon  compte,  si  je  ne  puis  être  d'accord  avec  M.  l'abbé  Peretti, 


—  II  — 

je  ne  saurais  pourtant  lui  refuser  mes  sympathies;  j'ai  loué  ses  inten- 
tions, ses  laborieuses  recherches,  sa  généreuse  persévérance.  J'honore 
son  caractère  et  ne  serais  pas  surpris,  au  fond,  qu'en  son  for  intérieur, 
il  ne  s'agitât  quelque  doute  sur  la  valeur  de  son  objectif.  Ce  n'est  point 
vainement  qu'il  a  intitulé  Mystère  la  première  partie  de  son  livre,  et  je 
ne  pense  pas  que  la  dernière  l'ait  totalement  éclairci. 

Au  demeurant,  Monsieur  l'Abbé,  votre  travail  est  un  service  véritable 
rendu  à  la  Corse,  car  il  tend  à  modérer  les  emportements  d'un 
zèle  imprudent,  à  prévenir  des  manifestations  prématurées  qui  pourraient 
tourner  à  la  confusion  de  leurs  auteurs  et  à  épargner  ainsi  aux  Galvais 
une  déception  humiliante. 

Véritablement,  en  dehors  de  l'île  de  Corse,  personne  n'a  cru  Christo- 
phe Colomb  né  à  Calvi.  On  a  beau  faire  du  bruit,  illuminer,  tirer  des  pé- 
tards, se  parer  du  décret  présidentiel,  nul  bibliographe,  nul  archiviste  ne 
concède  à  la  {.Corse  le  berceau  du  Héros  des  mers.  La  prétention  de 
Calvi  n'ajoute  qu'un  numéro  de  plus  à  la  série  des  villes  et  des  villages 
qui  revendiquent  Christophe  Colomb. 

En  résumé,  votre  écrit,  remarquable  d'érudition,  de  clarté,  de  logique, 
est,  à  mon  sens,  mieux  qu'une  simple  œuvre  littéraire  :  il  constitue  un 
acte  de  courage  et  d'un  patriotisme  supérieur. 

Recevez-en  mes  félicitations  sincères,  et  veuillez  agréer,  Monsieur 
l'Abbé,  les  sentiments  respectueux  de  votre  obéissant  et  dévoué  serviteur, 

Comte  RosELLY  de  Lorgues. 


Wiettve  de  31.  Pletri,  a^iicieu  sénateur. 

Villa  Nointet,  par  Presles  (Seine-et-Oise),  le  16  juillet  1889. 

Monsieur  le  ViCAmE  et  cher  Compatriote, 

On  me  transmet  à  la  campagne  la  brochure  sur  le  Berceau  de  Chris- 
tophe Colomb,  que  vous  avez  bien  voulu  m'adresser  h  Paris. 

J'ai  lu  de  suite  votre  travail,  et  j'ajoute  que  je  l'ai  lu  avec  le  plus  vif 
intérêt. 

Après  vous  avoir  lu,  il  n'est  plus  possible  de  se  faire  la  moindre  illu- 
sion sur  la  véritable  patrie  du  grand  Navigateur. 

Vous  avez  démontré  da  le  manière  la  plus  irrécusable  que  Christophe 
Colomb  n*est  pas  né  à  Calvi. 


Je  vous  félicite  cordialement  de  ne  pas  avoir  sacrifié  la  vérité  à  un 
faux  patriotisme. 

Croyez,  mon  cher  Compatriote,  à  tous  mes  sentiments  d'affectueuse 
estime, 

J.-M.   PlETRI. 


Lettre  du  docteur  «le  Pîetra-Santa 

LAURÉAT    DE    L'INSTITUT 
SECRÉTAIRE     GÉNÉRAL     DE      LA      SOCIÉTÉ      FRANÇAISE     d'hYGIÈNB 


Paris,  15  juillet  1889, 
Mon  cuer  Abbé, 

Je  viens  de  passer  ma  soirée  en  tête  à  tête  avec  votre  brochure  :  le 
Berceau  de  Christophe  Colomb  et  la  Corse,  et  ceÏR  agréablement  et  utile- 
ment. C'est  un  vrai  travail  de  bénédictin  auquel  vous  vous  êtes  livré. 
Il  est  difficile  de  résumer  et  d'analyser  mieux  que  vous  ne  l'avez  fait, 
dans  la  première  partie,  l'ouvrage  de  l'abbé  Peretti,  dans  lequel  je  n'ai 
pas  trouvé  la  preuve  de  l'origine  calvaise  du  grand  Navigateur. 

Pour  la  second  partie,  vos  objections  et  réserves  sont  des  plus  sérieu- 
ses, et  je  partage  entièrement  votre  opinion. 

Je  vous  avouerai,  du  reste,  que  je  n'ai  jamais  eu  de  goût  pour  ce 
mode  d'écrire  l'histoire. 

C'est  déjà  assez  difficile  d'étudier  les  faits  dans  leur  grand  ensemble, 
en  cherchant  à  déterminer  leur  enchaînement,  leur  philosophie  et  leur 
morale.  Mais  si  Ton  veut  se  perdre  dans  les  détails  en  cherchant  à  dé- 
couvrir les  contradictions,  en  supputant  les  sentiments  elles  mobiles  des 
chroniqueurs,  en  se  faisant  des  arguments  même  de  leur  silence  ou  de 
leurs  arrière-pensées,  on  verse  nécessairement  dans  le  dialectique  d'un 
autre  âge. 

Du  reste,  comme  votre  exposition  est  toujours  impartiale  et  correc- 
te, comme  votre  polémique  est  sans  cesse  des  plus  courtoises,  M.  l'abbé 
Peretti  ne  pourra  que  vous  savoir  gré  de  votre  étude. 

Mille  amitiés, 

D'  DE  Pietra-Santa. 


\Yiî>\.  —  Poitiers,  Imprimerie  Bîais,  Roy  et  Cie,  7,  rue  Victoi-Hugc 


A  LA  LIliRAllUE  PALME 

OUVRAGES   DU    MÊME   AUTEUR 


Écrin  de  Notre-Dame  de  Lourdes,  par  l'abbé  L.-M.  Casabianca,  du 
clergé  de  Paris.  Ouvrage  approuvé  par  LL.  EEm.  les  cardinaux  Donnet 
et  Pie,  par  NN.  SS.  les  Archevêques  et  Évèques  de  Chaml)éry,  Toulouse, 
Brindisi,  Ajaccio,  Vannes,  devers,  etc.  Un  joli  vol.  elzévirien.  2"  édition. 

Prix 2     • 

Bordeaux,  24  janvier  1877 
Monsieur  l'Abbé, 
J'ai  reçu  votre  Écrin  deNofre-Dame  de  Lourdes.  Je  vous  félicite  d'avoir  recueilli 
dans  ce  livre  les  émotions  par  vous  éprouvées  lors  de  la  consécration  de  la 
basilique  et  du  couronnement  de  la  Vierge  immaculée.  En  retraçant  votre  liis- 
toire,  vous  avez  retracé  celle  de  près  de  cent  mille  personnes  présentes  a  la  cé- 
rémonie et  qui,  comme  vous,  se  sont  crues  un  moment  à  la  porte  du  ciel. 

Votre  Manuel  aura  l'avantage  de  rappeler  aux  heureux  pèlerins  du  3  juillet  18x5 
le  bonheur  qu'ils  ont  ressenti  sans  le  pouvoir  exprimer  et,  de  plus,  il  le  tera 
passer  dans  l'àme  de  ceux  qui  n'y  sont  allés  que  d'esprit  et  de  cœur. 

Chacun  en  aura  donc  sa  part  ;  n'est-ce  pas  ce  qui  se  fait  au  ciel  ?  Cujus  parti- 
cipatio  ejus  in  idipswn.  Le  croyant  et  l'incrédule  liront  avec  fruit  votre  opuscule; 
l'un  se  sentira  fortifié  dans  sa  foi,  l'autre  éclairé  surtout,  par  ce  chel-d  œuvre 
d'exposition  doctrinale  de  notre  vénérable  et  bien-aimé  sutiïagant  de  Poitiers. 

Avec  votre  Manuel,  tout  pèlerin  de  Lourdes  passera  des  Ijeuresde  bonheur  dans 
la  prière  et  les  chants,  dans  la  méditation  des  vertus  de  Marie  et  de  la  lecture 
des  guérisons  miraculeuses  dans  les  âmes  encore  plus  que  dans  les  corps.  Quant 
à  ceux  qui  ne  pourront  pas  visiter  le  sanctuaire  vénérable,  ils  y  trouveront 
Lourdes  avec  sa  grotte  de  Massabielle,  Bernadette  en  extase  en  présence  de  la 
Vierge  immaculée;  ils  entendront  le  bruit  du  Gave  et  le  murmure  de  la  source 
intarissable,  image  de  la  douce  voix  de  Marie;  ils  graviront  la  montagne  et,  en 
contemplant  dans  la  basilique  la  Vierge  couronnée,  ils  croiront,  eux  aussi,  la 
voir  dans  les  splendeurs  du  ciel.  ^•  ?.  e  •     » 

Je  bénis  donc  votre  livre.  Puisse-t-il  faire   tout  le    bien  qu'il  est  appelé  à  taire  i 

Votre  tout  dévoué  : 

f  F.  Cardinal  Donnet 
Archevêque  de   Bordeaux. 

Trente  jours  à  la  campagne  ou  le  Salut  par  la  nature,  par  l'abbé  L.-M. 

5-^  édition ^     ^^ 

irs  à  la  campagne,  et  celte  lecture  nous  a 
charmé.  M.  l'abbè  Casablanca  a  "déployé  une  grande  habileté  dans  Papphcation 
de  sa  méthode  ;  de  plus,  il  a  tiré  un  excellent  parti  des  Saintes  Ecritures  ;  son 
livre  a  de  brillantes  qualités  et  réunit  à  une  gravité  toute  chrétienne  les  cUarmes 
de  la  saine  poésie...  (L'Univers.)  .    ,  x  •    o^ir^r. 

...  M.  l'abbé  Casabianca  a  étudié  sous  ses  divers  aspects  la  nature  qui,  se  on 
son  expression,  n'esl.  que  l'alphabet  du  grand  livre  écrit  dans  les  cieux.  11  a  lail 
remarauer  que  toutes  les  créatures  subalternes  deviennent,  entre  les  mains  de  Uieu, 
tantôt  des  canaux  de  grâce,  tantôt  des  trophées  de  gloire,  tantôt  des  instruments 
deiustice  et  de  vengeance.  Comme  on  le  voit,  l'idée  est  aussi  élevée,  aussi  pro- 
fonde qu'originale  ;  il  fallait  un  grand  talent  d'analyse,  beaucoup  d  érudition 
pour  lui  donner  tout  son  développement.  M.  Casabianca  s'est  montre  a  la  nau- 
teur  de  la  tâche  entreprise.  (Le  Monde.) 

Plusieurs  Semaines  religieuses,  la  Revue  critique,  l'Ami  des  Livres  en  ont  parlé 
avec  éloges.  


Casabianca. 

...  Nous  venons  de  lire  Trente  jours  à  la 


Le  Prêtre  en  voyage,  par  l'abbé  L.-M.  Casabianca. 
Ce  livre  dispense  MM.  les  Ecclésiastiques  en  voyage  d'en  emporter  plusieurs 
autres,  puisqu'il  renferme  tout  ce  qui  leur  est  nécessaire  pour  leurs  divers  exer- 
cices de  piété  :  Méditations,  Lectures  spirituelles.  Preces  ante  et  post  missam. 
Extraits  du  Nouveau  Testament,  de  V Imitation  de  Jêsus-Christ,  etc.,  etc.  —  ^^ 
joli  volume  in-18  de  350  pages "    " 


922,1. —   POI 


MPRIME  RIB     DLAIS, 


ROY     ET     C* 


VICTOR-H  UGO.