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Full text of "Le bulletin des recherches historiques"

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BULLETIN    D'ARCHEOLOGIE,    D'HISTOIRE,    DE 

BIOGRAPHIE,  DE  BIBLIOGRAPHIE,  DE 

NUMISMATIQUE,  ETC.,  ETC, 

publié  par 

Pierrk-Georoks  Roy 


VOLUME  VINGT-SIXIEME 


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LEVIS 


1920      ilVp^ 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVI         BEAUCEVILLE-JANVIER  1920  No   1 

JEAN-BAPTISTE    COUILLARD    DE 
LESPINAY 


Il  naquit  à  Québec  le  2  mai  1657,  du  mariage  de  Louis 
Couillard,  sieur  de  Lespinay,  et  de  Geneviève  Desprès. 

Il  était  le  petit-fils  de  Guillaume  CouiUard. 

M.  de  Lespinay  fut  nonmié  de  bonne  heure  capitaine 
des  gardes  de  la  Ferme.  Il  se  livra  aussi  à  la  navigation 
puisque  nous  le  voyons  à  diverses  reprises  qualifié  de  *' ca- 
pitaine de  navire". 

Le  15  mars  1691,  le  gouverneur  de  Frontenac  donnait 
à  M.  de  Lespinay  une  conunission  de  capitaine  de  port 
pour  Québec. 

Cette  commission  mérite  d'être  connue  : 

'*  Louis  de  Buade  Comte  de  Frontenac  Gouverneur  et 
Lieutenant  Général  jDour  le  Roy  en  toute  la  France  sep- 
tentrionnalle. 

*'Sur  les  advis  qui  nous  avoient  esté  donnez  des  lan- 
née  gbje.  soixante,  et  dix  neuf  qu'au  préjudice  des  deff en- 
ces  que  nous  avons  faites  de  rien  jetter  dans  le  port  et  ha- 
vre de  cette  ville  qui  pust  l'encombrer  et  faire  tort  aux 
bastiments  qui  sy  retirent,  on  ne  laissoit  pas  dy  contreve- 
nir, nous  jugeâmes  a  propos  attendu  que  le  lieu  est  fort  re- 


serré  et  qu'il  ny  en  a  point  d'autre  plus  commode  aux  en- 
virons de  cette  ville  ou  les  bastiments  puissent  demeurer 
a  lancre  en  seureté,  de  commettre  le  Sr  Maheu  pour  faire 
les  fonctions  de  Capitaine  Maistre  de  port,  et  tenir  la  main 
a  ce  que  personne  ny  pust  jetter  aucunes  pierres  ny  autres 
choses  capables  d'endommager  les  bastiments,  ce  que  le  Sr 
Maheu  auroit  empesché  jusqu'à  son  decez  arrivé  en  1683, 
mais  comme  depuis  ce  temps  on  auroit  négligé  dy  commet- 
tre une  autre  personne  en  sa  place,  on  nous  auroit  fait 
depuis  nostre  retour  en  ce  pais  diverses  plaintes  qu'au 
préjudice  de  nos  mesmes  deffences  on  continues  encore  a 
jetter  dans  le  d.  port  et  havre  plusieurs  choses  encombran- 
tes, qui  font  un  tort  considérable  aux  bastiments  qui  y 
abordent  ;  que  souvent  Ion  y  voile  les  amares,  cordages,  et 
aparaux  des  bastiments  et  chaloupes,  et  qu'on  y  fait  plu- 
sieurs autres  desordres  qui  peuvent  préjudicier  a  la  seureté 
des  d.  bâtiments  qui  sont  obligez  de  sy  retirer  ;  ce  qui  pou- 
voit  mesme  dans  la  suitte  rendre  le  port  inutile,  a  quoy 
estant  nécessaire  de  pourvoir,  nous  avons  commis  et  esta- 
bly,  et  par  les  présentes  commettons  et  establissons  par 
provision,  et  sous  le  bon  plaisir  de  Sa  Majesté  et  de  Mon- 
seigneur Ladmiral  le  Sr  de  Lespinay  Capitaine  Maistre 
de  port  pour  en  cette  qualité  avoir  inspection  et  tenir  la 
main  a  ce  que  personne  ne  jette  plus  a  ladvenir  aucunes 
pierres  ny  autres  choses  encombrantes  dans  le  port  et  ha- 
vre de  cette  ville  qui  puisse  le  combler,  resserrer,  ou  endom- 
mager les  bastiments  qui  sy  retirent  sous  les  peines  au  cas 
appartenant,  et  faire  par  le  d.  sieur  de  Lespinay  touttes 
les  fonctions  qui  sont  attribuées  aux  capitaines  et  Mais- 
tres  des  ports  et  havres  des  villes  de  f rance  suivant  les  or- 
donnances et  reiglements  de  la  Marine,  et  ceux  que  l 'Estât 
du  pais  et  la  disposition  du  lieu  donnera  subjet  dy  adjou- 


...  5  — 

ter,  MANDONS  au  Sr  Lotbinière  Lieutenant  General  de 
Québec  et  juge  de  ladmirauté  de  recevoir  le  d.  sr  de  Les- 
jjinay  en  la  d.  qualité  et  de  luy  faire  prester  semient  au  cas 
requis,  en  tesmoing  de  quoy  nous  avons  signé  ces  présentes 
a  y  celles  fait  apposer  le  sceau  de  nos  armes  et  contresigné 
par  l'un  de  nos  secrétaires  a  Québec  ce  quinziesme  mars 
gbje  quatre  vingts  onze  signé  front enac  et  plus  bas  par 
Monseigneur  de  Monseignat  et  scellés."  (1) 

Dans  un  mémoire  adressé  à  M.  de  Pontchartrain  en 
1701,  M.  LeRoy  de  la  Potherie  écrit  : 

*'Un  capitaine  de  port  serait  fort  nécessaire.  '*I1  y 
a  un  nommé  M.  de  l'Espinay  qui,  du  vivant  de  M.  de  Fron- 
tenac, était  pourvu  d'une  ]3ro vision  de  capitaine  et  de  maî- 
tre de  i)ort  pour  le  bien  des  vaisseaux  marchands.  Pour 
peu  d'appointements  comme  de  cent  écus  que  Sa  Majesté 
voulut  lui  accorder,  je  ne  connais  guère  d'homme  qui  aient 
plus  de  probité  et  plus  de  savoir  que  lui  pour  ces  sortes  de 
détail.  Il  est  beau-père  de  M.  de  Vincelot  qui  a  eu  l'hon- 
neur de  vous  apporter  en  1699  la  nouvelle  de  la  mort  de  M. 
de  Frontenac". 

Le  3  novembre  1702,  MM.  de  Callières  et  de  Beauhar- 
nois  écrivaient  au  ministre  : 

Le  sieur  de  Lespinay  qui  se  dit  capitaine  de  port  n'a 
eu  qu'une  commission  de  Me  le  comte  de  Frontenac  que  S. 
M.  n'a  jamais  voulu  approuver  ni  étant  pas  nécessaire  pré- 
sentement, pour  un  petit  port  comme  celui  de  Québec,  où 
il  n'y  a  que  quelques  barques,  de  conunettre  un  capitaine 
de  port.  De  plus  le  d.  sieur  de  Léi3inay  n'a  pas  de  qualité 
ni  par  sa  naissance  ni  par  ses  services  pour  obtenir  un  tel 
emploi.      Il  est  honnête    honune  et  bon    à  faire    l'emploi 


(1)     Archives  publiques  du   Canada.   Correspondance   générale,   vol.    11,   fo- 
lio 196. 


—  6—    . 

qu'il  a  de  capitaine  des  gardes  de  la  Ferme  dont  il  fait 
depuis  longtemps  les  fonctions."  (2) 

Le  2  janvier  1703,  Charles  Bécard  de  Grandville,  pro- 
cureur de  la  Prévôté  de  Québec,  décédait.  MM.  de  Cal- 
lières  et  de  Beauharnois  proposèrent  au  ministre  de  le 
remplacer  par  M.  Couillard  de  Lespinay. 

Le  27  avril  1703,  l'intendant  de  Beauharnois  écrivait 
au  ministre  : 

A  l'égard  du  sieur  de  l'Epine  (Lespinay)  que  nous  vous 
proposions  pour  procureur  du  Roi,  quoique  ce  soit  celui 
pour  lequel  on  vous  avait  demandé.  Monseigneur,  la  com- 
mission de  capitaine  de  port  à  Québec,  ce  qui  ne  parait  pas 
trop  convenir,  M.  de  Callières  m'assure  que  c'est  un  fort 
honnête  homme.  Je  les  connaîtrai  mieux  tous  dans  cet 
été  et  l'automne  prochain  nous  aurons  l'honneur  de  vous 
proposer  les  meilleurs  sujets  du  pays  pour  les  charges  va- 
cantes, c'est  de  quoi  nous  sommes  convenus  ensemble."  (3) 

Le  15  novembre  1703,  MM.  de  Vaudreuil  et  Beauhar- 
nois écrivaient  encore  au  ministre  : 

"Nous  vous  avons.  Monseigneur,  proposé  pour  rem- 
plir la  charge  de  procureur  du  Roi  de  la  prévôté  le  sieur 
de  l'Epine  (Lespinay)  parent  du  défunt,  parce  que  nous 
n'avons  osé  vous  parler  d'un  sujet  contre  lequel  nous  avons 
oui  dire  que  l'on  vous  avait  fortement  écrit,  c'est  le  sieur 
de  Vincelot,  beau-fils  du  dit  sieur  de  l'Epine  (Lespinay), 
si,  cependant,  vous  nous  faites  l'honneur  d'ajouter  quelque 
foi  à  ce  que  nous  pouvons  vous  dire  de  lui,  nous  aurons 
celui  de  vous  assurer  que  le  dit  sieur  de  Vincelot  est  celui 
de  ce  pays  que  nous  connaissons  le  plus  capable  de  bien 
remplir  cet  emploi.      Il  est  agissant,  a  de  l'esprit  et  dans 


(2)  Archives  publiques  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  20. 

(3)  Archives   publiques  du   Canada.     Correspondance  générale,   vol.   21. 


l'espérance  d'avoir  une  place  au  Conseil  comme  il  en  avait 
été  flatté  par  M.  de  Champigny,  il  s'est  appliqué  à  l'étude 
de  l'ordonnance  et  de  la  coutume  de  Paris  qu'il  sait 
bien."  (4) 

Ni  M.  de  Lespinay  ni  M.  Amyot  de  Vincelot  ne  furent 
nommés.  C'est  un  Français  de  France,  M.  Thierry,  qui 
eut  la  charge.     Il  reçut  ses  lettres  de  provisions  en  1704. 

La  maladie  ayant  empêché  M.  Thierry  de  passer  dans 
la  Nouvelle-France,  le  10  octobre  1705,  l'intendant  Rau- 
dot  donnait  la  commission  suivante  à  M.  Couillard  de  Les- 
pinay : 

''Jacques  Baudot,  etc. 

"Sa  Majesté  ayant  cy  devant  pourveu  de  la  charge 
de  Procureur  du  Roy  de  la  Prevosté  et  amirauté  de  Qué- 
bec la  personne  du  sr  Thierry  que  la  maladie  qui  luy  est 
survenue  en  France  avant  le  départ  des  vaisseaux  de  ce 
pays  a  empesché  de  i^asser  cette  année,  qu'il  est  cependant 
nécessaire  de  ijourvoir.  d'une  personne  capable  d'en  faire 
les  fonctions  en  son  absence  ;  sur  le  louable  raport  qui  nous 
a  été  fait  de  la  personne  de  Jean-Baptiste  Couillard  de 
Lespinay,  bourgeois  de  cette  ville,  et  de  ses  sens,  suffisance, 
capacité,  loyauté,  prud'hommis,  experiance  et  affection  au 
service  de  Sa  Majesté  ;  à  ces  causes  avons  commis  et  com- 
mettons le  d.  sr  de  Lepinay  pour  faire  et  exercer  en  l'ab- 
sence du  d.  sr  Thierry  les  fonctions  de  Procureur  du  Roy 
de  la  d.  Prevosté  et  amirauté  de  Québec,  pour  de  la  pré- 
sente commission  jouir  jusqu'au  d.  temps  et  tout  ainsy  que 
pourait  faire  le  d.  sr.  Thierry  s'il  était  icy  présent  aux  hon- 
neurs, authoritéz,  prérogatives  et  exemptions  dont  on  a 
accoutumé  de  jouir  les  Procureurs  du  Roy  de  la  prevosté 
et  amirauté.      Mandons  aux  officiers  des  d.  jurisdictions 


(4)     Archives   publiques  du   Canada.     Correspondance  générale,  vol.   21. 


qu'après  avoir  receu  le  serment  du  d.  sr  de  Lepinay  au  tel 
cas  requis  ils  le  mettent  et  instituent  en  pocession  de  la  pre 
sente  commission,  ensemble  des  honneurs,  authoritez,  pré- 
rogatives, exemptions,  gages,  fruits,  profits,  revenus  et 
emolumens  au  d.  office  de  Procureur  du  Roy  appartenans, 
le  fassent,  souffrent  et  laissent  jouir  et  user  pleinement  et 
paisiblement  et  le  fassent  obéir  et  entendre  de  ceux  et  ain- 
sy  qu'il  appartiendra  concernant  le  d.  office.  En  témoin 
de  quoy  nous  avons  signé  ces  présentes  de  notre  main,  à 
y-celles  fait  apposer  le  sceau  de  nos  armes  et  fait  contre- 
signer par  l'un  de  nos  secrétaires.  En  notre  hôtel,  à  Qué- 
bec, le  dix  octobre  1705. 

RAUDOT"  (5) 

M.  Thierry  ne  se  souciant  pas,  une  fois  rétabli,  de  ve- 
nir prendre  sa  charge,  le  9  juin  1708,  le  Roi  accordait  à  M. 
Couillard  de  Lespinay  les  provisions  de  l'office  de  son  pro- 
cureur en  la  Prévôté  de  Québec.  (6) 

Huit  années  plus  tard  le  27  avril  1716,  M.  de  Lespinay 
remplaçait  M.  Dupuy  de  Lislois  comme  lieutenant  parti- 
culier de  la  même  Prévôté  de  Québec.  (7) 

Le  20  novembre  1717,  le  comte  de  Toulouse,  grand- 
amiral  de  France,  donnait  à  M.  de  Lespinay  une  commis- 
sion de  lieutenant-général  de  l'Amirauté  de  Québec.  (8) 

Cette  commission  fut  confirmée  par  le  roi  le  18  jan- 
vier 1718.  (9) 

M.  de  Lespinay  exerça  cette  charge  concurremment 
avec  celle  de  procureur  de  la  Prévôté. 

(5)  Ordonnances  des  intendants,  cahier  1,  p.  4. 

(6)  Ces    provisions    sont    enregistrées    au    cahier    III    des    Insinuations    du 
Conseil  Supérieur  de  Québec. 

(7)  Provisions     au  cahier     IV  des  Insinuations     du   Conseil   Supérieur  de 
Québec. 

(8)  Commission  publiée  au  vol.  III,  p.  95,  des  EDITS  ET  ORDONNANCES. 

(9)  Confirmation  au  vol.  III,  p.  95,  des  EDITS  ET  ORDONNANCES. 


—  9  -- 

M.  Jean-Baptiste  Couillard  de  Lespinay  décéda  à 
Québec  le  8  mars  1735,  à  l'âge  de  78  ans. 

Il  avait  épousé,  à  Québec,  le  23  octobre  1680,  Geneviè- 
ve de  Cbavigny,  veuve  de  Charles  Amiot,  et  fille  de  Eléo- 
nore  de  Grandmaison  dont  il  est  si  souvent  question  dans 
notre  histoire.  Elle  était  décédée  onze  ans  avant  lui  (21 
avril  1724),  sans  lui  laisser  d'enfants.  (10) 

M.  l'abbé  Couillard-Desprès,  dans  son  HISTOIRE 
DES  SEIGNEURS  DE  LA  RIVIERE-DU-SUD,  dit  de 
M.  de  Lespinay  : 

"Jean-Baptiste  Couillard  de  Lespinay  fut  l'un  des 
plus  célèbres  descendants  du  premier  colon  canadien  ;  les 
fonctions  qu'il  fut  appelé  à  remplir  montrent  en  quelle  es- 
time il  était  tenu  par  les  gouverneurs  et  les  intendants. 

*'Les  communautés  le  comptèrent  parmi  leurs  amis 
les  plus  dévoués.  En  1707,  il  consentit  à  ratifier  la  vente 
faite  en  1666,  par  son  aïeule,  Marie-Guillemette  Hébert,  à 
Mgr  de  Laval,  du  terrain  du  séminaire  de  Québec.  Il  dé- 
clare dans  cet  acte  qu'en  "ce  qui  peut  le  concerner,  il  agrée, 
approuve  et  ratifie  de  sa  part  le  dit  contrat  de  vente  en  tout 
son  contenu,  consent  et  veut  qu'il  sorte  son  plein  et  entier 
effet,  se  départissant  même  entièrement  de  toutes  préten- 
tions et  droits  sur  les  choses  vendues,  par  le  dit  contrat,  si 
aucun  il  avait  ou  pouvait  avoir  de  quelque  matière  que  ce 
soit." 

"M.  Couillard  de  Lespinay  donna  aux  Dames  Ursu- 
lines  des  preuves  non  équivoques  de  l'admiration  qu'il 
leur  portait  pour  l'oeuvre  si  noble  qu'elles  poursuivaient 
avec  zèle  depuis  la  fondation  de  la  colonie. 

(10)  Elle  avait  eu  deux  -enfants  de  son  premier  mariage,  un  fils  et  une  fille. 
Celle-ci  fut  religieuse  ursuline.  Joseph  Amiot  de  Vincelotte  est  bien  connu  dans 
notre  histoire. 


...  10  — 

''M.  de  Lespinay,  disent  les  ANNALES,  en  1721,  of- 
fre à  notre  communauté  une  terre  en  bois  debout,  située 
sur  la  rivière  Saint-Charles,  vers  Lorette,  ayant  deux  ar- 
pents de  front  sur  quarante  de  profondeur,  ne  demandant 
pour  toute  redevance  que  des  prières  à  perpétuité  pour  lui 
et  pour  sa  femme.  En  acceptant  ce  don,  nous  nous  obli- 
geâmes à  lui  faire  dire  chaque  année  une  messe,  et  à  lui  of- 
frir trois  communions  générales  aux  grandes  fêtes. 

''Cette  terre,  nommée  le  Gros  Pin,  fut  cultivée  avec 
soin  pendant  plusieurs  années  ;  ayant  été  dévastée  au 
temps  des  guerres,  elle  fut  vendue  avec  peu  de  profits  mais 
îe  souvenir  du  donateur  n'est  pas  moins  impérissable  par- 
mi nous,  et  il  se  transmet  à  la  postérité  par  la  messe  annuel- 
le de  mars." 

P.  a.  R. 


ERNEST    GIRARD,    ARTISTE 


Né  aux  Trois-Rivières,  le  14  mai  1873,  du  mariage  d'Octave  Girard,  fabricant, 
et  de  Louise  Dufresne,  le  sujet  de  cette  notice,  Ernest  Girard,  commença  à 
bonne  heure,  l'étude  de  la  gravure  et  du  dessin  à  Montréal.  De  cette  ville,  il 
se  rendit  à  Toronto  puis  à  Buffalo.  Vers  1895  on  le  trouve  à  Paris  où  il  se 
perfectionne  dans  son  art.  Ce  jeune  homme  faisait  déjà  preuve  d'un  talent 
sérieux  lorsque  la  mort  termina  sa  carrière  dans  l'ancienne  mère  patrie,  le  18 
septembre  1897.  Le  Monde  illustré,  de  Montréal  a  publié,  en  janvier,  avril  et 
mai  1897  quelques-uns  de  ses  dessins  et  l'on  peut  juger  par  eux  que  notre  pays 
se  serait  avec  raison  enorgueillit  de  cet  artiste. 

E.-Z.  M. 


— 11  - 


UN  DOCUMENT  INEDIT  DU  BARON 
DE  LAHONTAN 


Le  fameux  baron  de  Lahontan,  auteur  d'un  voyage  en 
Amérique  fort  prisé  par  les  uns  autant  que  fort  décrié  par 
les  autres,  a  laissé  à  Montréal,  im  document  qui  intéresse- 
ra probablement. 

C'est  une  donation  à  cause  de  mort,  signée  par  le  no- 
taire Maugue  et  placée  dans  ses  minutes.  Cependant  le 
texte  de  la  pièce  n'est  pas  de  l'écriture  de  Maugue,  l'on 
serait  plutôt  porté  à  croire  que  c'est  Laliontan  qui  a  tenu 
la  plume  si  l 'orthographe  et  la  phraséologie  n'étaient  pas 
aussi  bizarres.  Mais,  après  tout,  Lahontan  n'avait  alors 
que  dix-huit  ans  et  il  pouvait  bien,  avec  la  grammaire, 
prendre  des  libertés  que  des  personnages  plus  âgés  et  plus 
considérables  se  pennettaient  volontiers. 

Au  surplus,  on  sera  peut-être  également  surpris  de 

rencontrer  dans  cet  acte  certaines  dispositions  qui 

mais  n'anticipons  pas. 

Rappelons  que  Lahontan  est  arrivé  à  Québec  en  no- 
vembre 1683,  qu'il  vint  à  Montréal  en  juin  1684,  qu'il  en 
partit  pour  le  fort  Frontenac  et  revint  à  Montréal  en  no- 
vembre de  la  même  année. 

C'est  donc  au  retour  de  son  premier  voyage  dans  l'in- 
térieur de  la  contrée  qu'il  juge  que  dans  notre  ''pays  de 
fatigue"  l'existence  est  en  danger  et  qu'il  vaut  mieux 
prendre  ses  précautions. 

"Par  devant  Claude  Maugue  greffier  et  tabel- 
lion de  l'Isle  de  montréal  et  notaire  royal  en  la 
nouvelle  France  et  témoins  soubsignés  fut  présent 
en  personne  Messire  Armand  darce  escuier  Sei- 
gneur et  baron  de  Lahontan  et  Seigneur  derleix  en  cha- 
losse  lequel  a  reconnu  et  confessé  avoir  fait  donation  à 
cause  de  mort  a  honorable  femme  f rançoise  décantes  yeuf- 
ve  de  deffunt  Messire  Isaac  de  Lom,  darce,  escuier,  baron 
de  Lahontan  et  Seigneur  Dorteix,  conseiller  honorère  au 
parlement  de  pau  en  béarn  et  réformateur  du  domaine  des 


—12--- 

eaux  et  forets  de  la  province  de  béarn  pères  et  mères  dudit 
donateur  tous  les  biens  qui  peuvent  lui  competer  et  aparte- 
nir  de  la  succession  d  udit  sieur  fut  son  père  et  autres  suc- 
cessions donations  qu'autrement,  à  la  charge  toutefois 
qu'incontinen  que  la  mort  du  dit  donateur  sera  connue. 
La  dite  Dame  sa  mère  fournira  et  livrera  aud  cy  après 
només  les  Sommes  y  déclarées  pour  les  causes  et  raison, 
bonveille  (  ?)  amitiés  et  obligations  qu'il  leur  a  et  en  cas 
de,  mort  seulemen,  comme  dit  est,  à  prendre  sur  les  biens 
qui  pourront  lui  apartenir  de  la  succession  du  dit  feu 
sieur  son  père  premièrent  le  dit  donateur  veut  et  entent 
qu'il  soit  donné  à  l'église  paroisiale  de  cette  ville  de  ville- 
marie  au  dit  Montréal  la  somme  de  trois  cent  soixante  et 
sine  livres  monoyé  de  canada  plus  deux  cens  livres  à  lopi- 
tal  dudit  montreal  le  tout  pour  faire  prier  dieu  pour  le  re- 
pos de  son  âme  après  son  décès  ;  plus  cent  livres  argent  de 
france  a  charles  belongest  et  à  sa  femme,  plus  cent  quatre 
vint  dix  livres  à.  pierre  mallet  et  à  sa  femme,  pour  bons  ser- 
vices qu'il  a  reçeu  de  lui  dans  ce  païs  ;  plus  cent  escus,  mo- 
noyé de  france  pour  les  réparations  de  la  chapelle  size  au 
château  de  Lahontan  maison  dudit  donateur  ;  plus  cent 
escus  pour  les  réparations  de  l'église  de  nostre  dame  de 
habet,  église  paroisiale  dudit  lieu  ;  plus  dix  pistoles  mo- 
noyé de  france,  à  françoise  (un  blanc),  fille  de  pierre  (un 
blanc),  fiUeole  du  dit  donateur  maitaiier  demeurant  à  une 
maitarie  nommée  La  Salle,  apartenante  et  dépendante 
dudit  donateur.  En  regart  du  dereste  (  ?)  de  dédits  biens 
qui  pourroient  apartenir  audit  sieur  donateur,  il  les  laisse 
et  remet  à  la  disposition  de  ladite  dame  sa  mère  pour  en 
faire  ainsi  qu'elle  advisera.  La  présente  donation  faite 
seulement  en  cas  de  mort  veu  que  ledit  donateur  est  dans 
un  païs  de  fatigue  et  il  peut  rencontrer  journellement 
dans  des  accidens  tant  de  l'eau,  feu,  guerre  et  autres  cho- 
ses qui  sont  assés  fréquentes  et  qui  est  seulement  un  sim- 
ple disposition  testamentaire  laquelle  en  cas  du  cédant  il 
veut  et  entend  qu'elle  porte  son  plein  et  entier  effet  suivant 
sa  teneur,  car  ainsi  est  sa  volonté  et  intention.  Fait  audit 
Montréal,  estude  du  notaire,  après  midi.  Le  vint  sine  de 


™  13  — 

novembre  1684,  présence  de  sieur  Simon  guilori  et  de 
francois  Lauri  teymoins,  demeurant  et  soubsignés  avec  le 
Sieur  donateur  et  notaire. 

DARCE  (s.  c.) 
Mx\UGUE  (s.  c.) 
Simon  Guillory,  armurier  que  les  lecteurs  du  Bulletin 
connaissent  déjà,  et  François  Lory,   sergent  huissier  du 
bailliage,  les  témoins,  n'ont  pas  signé  le  précieux  document. 
Si  l'on  compare  deux  des  noms  de  lieux  mentionnés 
dans  le  texte  ci-dessus  avec  ceux  du  remarquable  ouvrage 
de  J.  Edmond  Roy  sur  le  baron  de  Lahontan  on  verra  que 
Derleix  et  Borteix,  ici,  est  Esleich  dans  Roy  et  que  habet 
est  Abet. 

E.  Z.  MASSICOTTE 


BOULDUC 

Louis  Boulduc  qui  passa  au  Canada  vers  1664,  et  que  nous  voyons  en 
1676,  qualifié  procureur  du  roi  et  bourgeois  de  Québec,  était  fils  de  Pierre, 
maître  apotliicaire,  domicilié  en  la  rue  St- Jacques,  paroisse  de  St-Benoit, 
à  Paris. 

Simon  Boulduc  continua  sur  les  traces  de  Pierre  ;  il  naquit  en  1647, 
et  fut  apothicaire  de  la  reine  d'Espagne  et  de  la  duchesse  d'Orléans  ;  juge 
consul  de  Paris  et  pensionnaire  de  l'Académie  des  Sciences.  Il  mourut 
en  1729.  Quand  vint  en  1696,  l'édit  sur  l'enregistrement  des  armoiries, 
Simon  s'y  conforma  et  inscrivit  ses  armes  dans  la  généralité  de  Paris. 

Son  fils,  Gilles-François,  écuyer,  né  en  1673,  embrassa  la  même  car- 
rière. Il  devint  premier  apothicaire  du  roi  Louis  XV  et  de  la  reine  Ma- 
rie Leczinska.  En  1699,  il  fut  nommé  associé  de  l'Académie  royale  des 
Sciences.  Il  fut  également  professeur  démonstrateur  en  chimie  au  jar- 
din royal  des  Plantes.  Juge-consul  de  Paris,  et,  échevin  en  1726.  Il 
mourut  à  Versailles  en  1742.  Ses  armes  dans  l'Armoriai  de  la  ville  de 
Paris,  de  Beaumont,  diffèrent  légèrement  de  celles  de  son  père.  L'éche- 
vinat  l'avait  anobH  et  lui  permettait  le  port  audessus  de  ses  armes  d'une 
couronne  de  comte. 

Ce  doit  être  Simon  ou  Gilles-François,  qui  composa  en  1721  avec  un 
M.  La  Serre,  une  poudre  :  Alkermes  ou  Aurifique  de  Glaubec,  spécifique 
pour  les  fièvres,  l'hydropisie,  les  vertiges,  l'apoplexie,  la  dysenterie,  la  gra- 
velle,  la  petite  vérole,  etc.,  etc.  REGIS  ROY 


...  14... 

LA  FAMILLE  GAULTIER  DE  VARENNES 


1ère  génération:   René  Gaultier  de  Varennes 
2ème  génération:    Jacques-René  Gaultier  de  Varennes 


JACQUES-RENE    GAULTIER   DE    VARENNES 


Voici  l'acte  de  baptême  de  René  Gaultier  de  Varen- 
nes, tel  qu'on  le  lit  dans  le  registre  des  Trois-Rivières  : 

^'L'an  de  grâce  1677,  le  28  octobre,  je  F.  Gabriel  de  la 
Ribourde,  ai  suppléé  aux  cérémonies  qui  avaient  été  ob- 
mises  au  baptesme  d'un  fils  (on  lit  en  marge,  baptême  de 
Jacques  René  Gaultier  de  Varennes)  de  Monsieur  René 
Gaultier,  seigneur  de  Varenne,  et  de  Mademoiselle  Marie 
Boucher,  ses  père  et  mère.  Monsieur  Pierre  Boucher  et 
Mademoiselle  Marguerite  Seigneuret,  procureurs  de  Mon- 
seigneur Jacques  Duchesneau,  Intendant  pour  Sa  Majesté 
en  ce  pays  de  la  Nouvelle-France,  et  de  Mademoiselle  Ba- 
zire,  parrein  et  marrcine.  '  ' 

"Cet  enfant  de  Monsieur  de  Varenne  a  été  deubment 
ondoyé  par  le  R.  P.  Martial  Limozin,  le  2ième  jour  d'octo- 
bre 1677". 

Jacques-René  embrassa  très  jeune  la  carrière  militai- 
re ;  le  15  novembre  1703  (1),  MM.  de  Vaudreuil  et  de 
Beauharnois  sollicitaient  pour  lui  une  place  d'enseigne  : 
''Le  Sieur  de  Varennes,  écrivaient-ils  au  roi,  est  de  nais- 
sance, et  fils  d'un  gouverneur  des  Trois-Rivières.  Il  sert 
depuis  longtemps,  et  toujours  avec  distinction.  Quand 
les  Anglais  vinrent  à  Québec  en  1690,  il  avait  alors  seize  à 
dix-sept  ans  (2)  et  voyant  les  troupes  défiler  pour  passer 
la  petite  rivière,  qui  est  entre  Québec  et  Beauport,  où  les 
Anglais  devaient  faire  leur  descente,  il  se  jetta  à  la  nage, 
son  épée  entre  les  dents,  alla  aux  ennemis  à  la  tête  des 
troupes,  et  fit  merveille.  '  ' 

(1)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  1703,  C.  II,  Vol.  21. 

(2)  Il  n'avait  en  réalité  que  treize  ans. 


--  15  — 

La  promotion  sollicitée,  lui  fut  accordée,  car  c'est  en 
cette  qualité  d'enseigne  qu'il  prit  jjart  dans  l'hiver  de  1708, 
à  l'expédition  connnandée  par  les  sieurs  de  Rouville  et  Des- 
chaillons,  et  dirigée  contre  le  bourg  de  Haverhill,  dans  la 
Nouvelle- Angleterre  (3).  En  1710,  il  était  nommé  lieu- 
tenant dans  les  troupes  de  la  marine  (4).  Le  7  août  1712, 
il  épousait,  à  Montréal,  Marie- Jeanne  Lemoyne. 

Au  contrat  de  mariage,  passé  le  jour  précédent  par- 
devant  le  notaire  Rainbault,  assistaient  les  plus  hauts  per- 
sonnages, résidant  alors  à  Ville-Marie.  On  y  voyait  de  la 
part  du  futur  époux  :  sa  mère,  Marie  Boucher,  dame  de 
Varennes,  le  vieux  Pierre  Boucher,  seigneur  de  Boucher- 
ville  et  sa  digne  épouse,  Jeanne  Cr évier,  le  Sr  Petit  de  Le- 
Villiers,  et  Magdelaine  Gaultier  de  Varennes,  son  épouse, 
le  Sr.  de  Sabrevois,  Dame  Marie  Renée  de  Varennes,  veu- 
ve de  la  Jemmeraye,  sa  soeur,  Demoiselle  Marguerite  Gau- 
tier de  Varennes,  Ignace  Gamelin,  Maître  Taillandier,  No- 
taire-royal, le  Sr.  de  Puybaraux, — de  la  part  de  la  future 
épouse,  Messire  Charles  'Lemoyne,  chevalier  de  l'Ordre  de 
Saint-Louis,  baron  de  Longueil,  et  lieutenant  du  roy  au 
gouvernement  de  Montréal,  oncle  paternel  et  tuteur  de  la 
dite  demoiselle  Lemoyne,  et  Dame  Elizabeth  Souart,  son 
épouse,  Jean  Bouillet,  Sr.  de  la  Chassagne,  chevalier  de 
l'ordre  militaire  de  Saint-Louis  major  de  Montréal,  et  de- 
moiselle Marie  Lemo3me,  son  épouse,  Jacques  LeBer  Sr. 
de  Senneville,  cousin,  le  Sr.  de  Lignery,  capitaine  d'une 
compagnie  du  détachement  de  la  marine,  et  dame  Anne 
Robutel  de  la  Noue,  son  épouse,  Philippe  Robutel,  Sr  de  la 
Noue,  seigneur  de  Chateauguay,  son  cousin,  Nicolas  Le- 
moyne, Sr.  D'Assigny,  Louis  Sicard  de  Beaujeu,  et  Dame 
Thérèse  Migeon,  son  épouse.  Délies  Suzanne,  Angélique 
de  la  Noue,  Joseph  de  la  Noue,  Demoiselle  Catherine  Ju- 
chereau,  Jean  Soumande. 

Voici  l'acte  de  mariage  de  René  Gaultier  de  Varennes 

(3)  Liste  des  officiers,  qui  ont  été  dans  le  parti  commandé  par  MM.  d'Es- 
chaillons  et  Rouville— Archives  du  Canada.  Correspondance  générale,  1708,  C. 
II,  Vol,  28. 

(4)  Archives  du  Canada,  Rég.,  des  dépêches,  10  mai  1710.     Série  B.  Vol.  32. 


—  16  — 

et  de  Jeanne  Lemoyne  de  Sainte-Hélène,  tel  qu'il  est  con- 
signé dans  le  registre  officiel  de  Notre-Dame  de  Montréal. 

Le  septième  jour  d'août  de  l'an  mil  sept  cent  douze, 
après  la  publication  d'un  ban  et  reçu  le  certificat  de  Mon- 
sieur Ango  Demezeretz,  par  lequel  il  appert  que  le  procès 
entre  M.  de  Varennes  avec  Madelle  Robineau  est  terminé, 
et  qu'il  n'y  a  plus  rien  qui  empêche  le  dit  Sieur  de  Varen- 
nes de  se  marier  à  qui  lui  semblera.  (5) 

Je  soussigné  Prêtre  A^icaire  de  la  paroisse  de  Ville- 
Marie  après  avoir  obtenu  la  dispense  de  deux  bans  de  Mre. 
François  Vaclion  de  Belmont  Grand-vicaire  de  Monsei- 
gneur l'Evêque  de  Québec,  et  après  avoir  pris  le  mutuel 
consentement  de  René  Gautier  Ecuyer  Seigneur  de  Va- 
rennes  Lieutenant  dans  les  troupes  de  la  marine  âgé  de 
trente  et  cinq  ans,  fils  de  deffunt  René  Gautier,  vivant 
Ecuyer  Seigneur  de  Varennes,  Gouverneur  des  Trois-Ri- 
vières,  et  autres  lieux  dépandans  dudit  Gouvernement,  et 
de  Dame  Marie  Bouclier  son  Epouse,  ses  père  et  mère 
d'une  part  ;  et  de  Demoiselle  Jeanne  Lemoyne  de  Sainte- 
Hélène  âgée  de  vingt  quatre  ans,  fille  de  delïunt  Jacques 
Lemoyne,  vivant.  Ecuyer  Sieur  de  Sainte-Hélène,  Lieute- 
nant dans  les  troupes  du  détachement  de  la  marine,  et  de 
deffunte  Dame  Jeanne  Dufrenoy  son  épouse,  ses  père  et 
mère,  de  cette  paroisse,  d'autre  part  :  Les  ay  mariés  et 
leur  ay  donné  la  bénédiction  nuptiale  en  présence  de  Mes- 
sire  Charles  Lemoyne,  baron  de  Longueil,  Chevalier  de 
l'Ordre  militaire  de  St-Louis  et  lieutenant  de  Roy  dans 
cette  place,  oncle  de  ladite  épouse,  de  Jean  Douillet  Ecuyer 
Sieur  de  la  Chassagne,  aussi  chevalier  de  l'Ordre  de  St- 
Louis,  major  de  cette  place  et  oncle  de  ladite  épouse,  de  Da- 
me Marie  Boucher,  mère  dudit  époux,  de  Charles  Petit 

(5)  René  Gautier  de  Varennes  s'était  engagé  par  un  acte  passé  devant 
Maître  Marien  Taillandier,  notaire-royal,  résidant  à  Boucherville,  en  date  au  24 
novembre  1709,  à  épouser  demoiselle  Marguerite  Renée  Robineau  de  Bécancourt, 
fille  de  Pierre  Robineau  de  Bécancourt,  baron  de  Portneuf.  Plus  tard  il  voulut 
se  libérer  de  cet  engagement,  ce  qui  donna  lieu  à  un  long  procès.  Par  sentence 
du  Conseil  Supérieur  (27  juillet  1712)  il  fut  dégagé  de  sa  promesse,  et  condamné 
à  payer  trois  mille  livres  à  la  demoiselle  de  Bécancourt. 

Jugements  et  délibérations  du  Conseil  Supérieur  de  Québec,  Vôl.  VI,  pp. 
451-455. 


...  17  — 

Ecuyer  Sieur  de  Livilier,  Capitaine  d'une  compagnie  du- 
dit  détachement,  beau-frère  de  Tépoux,  de  Charles  Phili- 
bert Ecuyer  officier  dans  lesdites  troupes,  de  Jacques  Le- 
Ber,  Ecuyer,  Sieur  de  Seneville,  Lieutenant  dans  les  dites 
troupes,  de  Simon  Dupuy,  Ecuyer,  enseigne  dans  lesdites 
troupes  et  de  plusieurs  autres  parens  et  amis  desdites  par- 
ties.     Lesquels  ont  signé  avec  lesdites  parties. 

Petit  Delivilier,  Magdelaine  Gautier,  Marie- 
René  Gautier,  Elisabeth-  Souart,  Senneville, 
Dadoncour,  René  Gautier  de  Varennes,  Ma- 
rie Jane  de  Ste-Hélène,  Marie  Boucher,  veu- 
ve  de   Varenne,    Longueil,    M.    Marguerite 
Gaultier,  Lachassaigne,  Marie- Anne  Lemoy- 
ne,    Philbert    Dupuy,    Charlotte    Livilliers, 
Paul  Joseph  Longueil,  Priât,  Vicaire. 
M.  de  Varennes  demeurait  à  Montréal  où  sa  position 
d'officier  dans  les  troupes  de  la  Marine  le  retenait. — En 
1723,  il  rendait  f oy  et  hommage,  devant  l 'intendant  Begon, 
pour  la  belle  seigneurie  de  Varennes,  dont  il  se  trouvait  le 
principal  possesseur. 

La  seigneurie  était  bien  habitée  si  nous  en  jugeons  par 
l'aveu  et  dénombrement  que  René  Gaultier  de  Varennes, 
produisit  dans  la  même  année. 

En  1736,  M.  de  Varennes  était  promu  au  rang  de  ca- 
pitaine des  troupes  et  chargé  du  conmiandement  d'une 
compagnie  (6).  Dans  une  liste  (7)  des  officiers  militai- 
res de  la  colonie  faite  en  1739,  avec  des  apostilles  rappe- 
lant leurs  états  de  service,  on  lit  ce  qui  suit  :  Varennes 
(de)  ''Fort  capable,  de  conduite  irréprochable". 

LTne  malheureuse  affaire  devait  briser  à  jamais  sa 
carrière  militaire. 

En  1743,  M.  Silvain,  à  qui  Madame  de  la  Jemmeraye 
s'était  unie  en  secondes  noces,  eut  de  fâcheux  démêlés  avec 
le  sieur  de  Monrepos,  juge  de  Montréal,  qui  obtint  même 
un  décret  de  prise  de  corps  contre  lui.      Le  capitaine  de 

(6)  Archives  du  Canada,  reg.  des  dep.  26  Avril  1736  Série  B.  Vol.  64. 

(7)  Voir  "Aperçu  sur  quelques  contemporains,  par  l'abbé  Daniel  P.  SS.  p.  59. 


...  18  - 

garde  à  quion  s'adressa,  selon  l'usage,  pour  l'exécution  de 
ce  décret,  était  ce  jour-là  M.  de  Varennes,  beau-frère  de  M. 
Silvain  ;  il  refusa  d'agir  ;  et  comme  la  garde  ne  devait  être 
relevée  que  le  lendemain,  M,  Silvain  eut  la  facilité  de  s'en- 
fuir, et  même  de  faire  enlever  tous  les  meubles  de  sa  mai- 
son. M.  de  Varennes  fît  plus  encore  :  il  souleva  tous  les 
officiers  de  la  garnison  contre  M.  de  la  Valtrie,  qui  étant 
de  garde  le  lendemain,  voulut  prêter  main-forte  (8).  Le 
roi  informé  de  ce  qui  était  arrivé,  cassa  M.  de  Varennes  et 
donna  sa  compagnie  à  un  autre.  De  plus,  il  interdit  pour 
trois  mois  les  sieurs  Duplessis,  Faber  et  Rocbert  de  la 
Morandière,  pour  la  conduite  ir régulière  qu'ils  avaient 
tenue  en  cette  occasion.  (9) 

La  disgrâce  de  M.  de  Varennes  causa  une  grande 
émotion  par  tout  le  pays. 

MM.  de  Beauliarnois  et  M.  de  Hocquant,  s'employè- 
rent de  leur  mieux  pour  le  réhabiliter  auprès  du  roi.  (10) 

De  son  côté  Monseigneur  de  Pontbriand,  dans  une 
lettre  adressée  au  président  du  Conseil  de  Marine  disait  : 
''Je  ne  puis  m 'empêcher,  monsieur,  de  vous  avouer  que 
j 'ay  ressenti  très  vivement  la  disgrâce  de  M.  de  Varennes. 
J'appris  qu'il  était  malade  dans  la  prison  ;  je  pensai  qu'il 
était  du  ministère  de  charité  que  j 'exerce,  de  représenter 
son  état  à  M.  le  général,  j 'en  obtins  l'élargissement,  je  m'en 
repens  ;  peut-être  qu'une  plus  longue  prison  vous  eut  don- 
né occasion  de  luy  pardonner.  Si  cela  était,  je  vous  sup- 
plie. Monsieur,  de  consoler  cet  affligé  qu'tin  service  trop 
officieux  de  ma  part  aurait  rendu  malheureux."  (11) 

Le  roi  et  le  ministre  se  contentèrent  de  répondre  à 


(8)  Archives  du  Canada. — Le  président  du  Conseil  de  Marine  à  M.  de  Beau- 
harnois,  24  mars  1744.     Série  B.  Vol.  78. 

(9)  Archives  du  Canada.  Coll.  Moreau  de  St-Mery,  1741-1749.  Vol.  II,  p.  173. 

(10)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  10  octobre  1744,  série 
F.  81  bis.  1744.  p.  421. 

(11)  Archives  du  Canada.       Correspondance  générale,  30  octobre  1744.   Sé- 
rie F.  81  bis. 


™  19  — 

toutes  les  suppliques,  que  la  faute  de  M.  de  Varennes  avait 
été  trop  grave,  pour  être  susceptible  de  grâce.  (12) 

M.  de  Varennes  décéda  à  Montréal  ;  voici  l'acte  de  sa 

sépulture  : 

Le  vingt  huit  juillet,  mil  sept  cent  cinquante  sept,  a 
été  inliumé  dans  la  chapelle  de  Sainte- Anne,  de  cette  égli- 
se, le  corps  de  M.  Jacques  René  Gaultier,  écuyer,  seigneur 
de  Varennes,  ancien  capitaine  d'infanterie,  décédé  le  jour 
précédent,  vers  trois  heures  et  demy,  après-niidy,  âgé  d'en- 
viron quatre  vingt  et  un  ans.  Ont  été  présens  Mrs.  Fau- 
con et  Poulin,  prêtres. 

Faucon,  ptre  ;  Poulin,  ptre  ;  Deat,  vie. 

Madame  de  Varennes,  décéda  quelques  jours  plus 
tard,  le  6  août  1757.      Elle  était  âgée  de  69  ans. 

Du  mariage  de  Jacques  René  Gaultier  de  Varennes  et 
de  Jeanne  Lemoyne  de  Sainte-Hélène,  étaient  nés  les  en- 
fants dont  les  noms  suivent. 

I 

Marie  Charlotte  ^Gaultier  de  Varennes.  Née  à  Mon- 
tréal, le  24  juin  1713.  Décédée  au  même  endroit,  le  20  mai 
1715. 

II 
J ean-Marie  Gaultier  de  Varennes.      Né  à  Montréal, 
le  28  juillet  1714.      Décédé  et  inliumé  à  Longueil,  le  22 
avril  1715. 

III 

Elisabeth  Charlotte  Gaultier  de  Varennes.  Née  à 
Montréal  le  18  novembre  1715.  Mariée  à  Montréal,  le  9 
août  1734,  à  François  Marie  Soumande,  fils  de  Jean  Sou- 
mande  et  de  Anne  Chapoux. 

(12)     Archives   du   Canada-registre   des   Dep.        Le    président   du   Conseil    de 
marine  à  M.  de  Beauharnois,  28  avril  1745.       Série  B.  Vol.  81. 

Le  même  à  M.  l'Kvêque  de  Québec,  12  mai  1745.       Série  B.  Vol.  81. 
Le  même  à  M.  de  la  Jonquière,  a  mai  1749.       Série  B.  Vol.  89. 
M.  Aegidius  Fauteux,  a  publié  dans  le  "Bulletin  des  Recherches  Historiques" 
(1917)  une  étude  sur  M.  Silvain,  où  il  raconte  au  long  cet  épisode. 


--20--- 

François  Marie  Soumande  était  le  neveu  de  la  Mère 
Saint- Augustin  (Louise  Soumande)  i)remière  supérieure 

de  l'Hôpital-Général  de  Québec,  et  du  chanoine  Louis  Sou- 
mande. Il  était  cousin  du  chanoine  Pierre  Hazeur  de  l'Or- 
me qui  fut  délégué  du  chapitre  de  Québec,  en  France. 

Un  de  ses  frères,  Jean  Paschal  Soumande,  marié  à 
Ursule  LeVerrier  fut  assasiné  en  pleine  rue  de  Paris,  en 
1740. 

Le  chanoine  Hazeur  de  l'Orme,  écrivant  à  son  frère 
Thierry  Hazeur,  chanoine  à  Québec,  en  date  du  20  mai 
1740,  raconte  en  détail  cette  malheureuse  affaire  ;  en  ter- 
minant, il  ajoute,  parlant  de  François  Marie,  ces  quelques 
mots  :  "Son  frère  de  l'Orme  aurait  mieux  fait  de  passer 
(en  France)  que  lui,  il  est  plus  entendu  et  a  plus  de  con- 
duite. (13) 

Dans  une  autre  lettre  (11  mai  1741)  il  dit  :  "Souman- 
de De  l'Orme  est  un  garçon  sage  et  entendu  qui  fera  les" 
affaires  infiniment  mieux  que  celui  qui  est  mort  ne  les  au- 
rait faites".  (14) 

TV 

Jean  Hypolite  Gaultier  de  Varennes.  Le  continua- 
teur de  la  ligne. 

V 

René  Gaultier-  de  Varennes.  Né  à  Montréal,  le  27 
avril  1720. 

René  embrassa  la  carrière  militaire.  Il  passa  en 
Louisiane  en  1739,  pour  servir  comme  cadet  sous  les  or- 
dres de  M.  de  Bien  ville  (16).  De  là  il  revint  en  Acadie, 
où  il  fut  nommé  enseigne  en  second,  en  1750,  et  enseigne 
en  pied,  en  1754  (16) .  A  l'ouverture  de  la  guerre  de  Sept 
Ans,  il  fut  rappelé  à  Québec  (17).      Promu  au  grade  de 

(13)  Le  chapitre  de  la  Cathédrale  de   Québec   et   ses   délégués   en   France. 
Bulletin  des  Recherches  Historiques,  1910,  p.  290. 

(14)  Loi.  cit.  1910.  p.  299. 

(15)  Rapport  concernant  les  Archives  Canadiennes  pour  l'année  1905.  Vol. 
I.  pp.  455-456. 

(16)  Rapport  sur  les  Archives  Canadiennes  par  Douglas  Brymner,  1886.  p. 
CXXVIII. 

(17)  Rapport  concernant  les  Archives  Canadiennes  pour  Vanne  1905.  Vol. 
I.  p.  506. 


—  21  — 

lieutenant  en  1757,  il  combattit  valeureusement  à  la  batail- 
le de  Saint-Foy,  le  28  avril  1760.  Ayant  eu  les  deux  cuis- 
ses fracassées  par  un  boulet,  il  mourut  deux  heures  après 
(18).      Il  signait  Varennes  de  Ste-Hélène. 

VI 

Marie- Anne- Jeanne  Gaultier  de  Varennes.  Née  à 
Montréal  le  14  août  1723. 

Mariée  à  Montréal,  le  5  juin  1742,  à  François  Marie 
Bouat,  fils  de  François  Marie  Bouat,  lieutenant-général 
de  Montréal,  et  de  Madeleine  Lambert  Dumont. 

VII 

Elisabeth  Hypolite  Gaultier  de  Varennes.  Née  à 
Montréal,  le  22  août  1725.  Nous  ignorons  ce  qu'elle  est 
devenue. 

VIII 

Jeanne  Charlotte  Amahle  Gaultier  de  Varennes.  Née 
à  Montréal,  le  13  juillet  1730. 

Décédée  au  même  endroit,  le  27  novembre  1737. 

IVANHOE  CARON,  ptre 


(18)     Rapport  sur  les  Archives  Canadiennes  par  Douglas  Brymner.  1886.  p. 
CXXXIX. 

Collection  Lévis-Lettres  et  pièces  militaires,  p.  309. 


QUESTION 


Quel  est  ce  M.  de  L'Isle  qui  mourut  commandant  du 
fort  Bourbon,  à  la  baie  d'Hudson,  dans  l'hiver  de  1709  ? 

XXX 


—  22 


COMMENT  LUDGER  DUVERNAY 

ACQUIT  LA  "MINERVE" 

EN  1827 


Tout  le  monde  a  entendu  j^arler  de  la  Minerve,  de  son  fondateur  et 
de  son  imprimeur,  mais  tout  n'a  pas  été  dit  à  leur  sujet. 

Il  reste  à  connaître  bien  des  petits  faits,  intéressants  pour  plusieurs, 
par  exemple  :  Quelle  était  la  valeur  d'un  journal  de  langue  française  de 
l'importance  de  la  Minerve  en  1827  ?  Combien  d'abonnés  ce  journal 
comptait-il  ?  Quel  salaire  exigeait  un  rédacteur  alors  ?  Si  ces  questions 
piquent  votre  curiosité  lisez  le  document  ci-dessous  et  vous  serez  édifié. 


18  JANVIER  1827  —  VENTE  DU  TITRE  DE  LA 

''MINERVE"  PAR  Sr  A.-N.  MORIN  A 

Sr  L.   DUVERNAY 

Pardevant  les  notaires  publics  de  la  province  du  Bas-Canada  rési- 
dants en  la  ville  de  Montréal  soussignés. 

Est  comparu  le  sieur  Augustin  Norbert  Morin  étudiant  en  droit,  de- 
meurant en  la  Cité  de  Montréal,  lequel  a  reconnu  et  confessé  avoir  vendu, 
cédé  et  abandonné  de  ce  jour  à  toujours,  à  Maître  Ludger  Duvernay  im- 
primeur résidant  en  la  ville  des  Trois-Eivières,  à  ce  présent  et  acceptant 
pour  lui  ses  hoirs  et  ayant  cause,  la  propriété  du  titre  d'un  journal  qui  a 
été  imprimé  et  publiée  en  la  ville  de  Montréal  sous  le  titre  de  La  Minerve, 
sans  aucune  garantie  d'aucune  souscription  ou  abonnement  de  qui  que  ce 
soit,  pour  en  jouir  et  disposer  par  ledt  acceptant  comme  bon  lui  semblera. 

S'est  d'ailleurs  engagé  ledt  sieur  Augustin  Norbert  Morin  envers 
ledt.  Mtre  Ludger  Duvernay  à  être  le  rédacteur  et  l'éditeur  du  journal 
susdt  La  Minerve  pendant  le  temps  et  espace  de  six  mois,  à  compter  du 
premier  février  prochain  au  plus  tard,  et  promet  donner  à  ce  papier  nou- 
vel toute  l'attention  en  son  pouvoir  pour  le  rendre  Eecommandable. 

La  vente  du  titre  du  journal  susdit  faite  pour  et  moyennant  le  prix 
et  somme  de  sept  livres  dix  chelins  courant  que  ledt  sr  Morin  reconnoit 
avoir  reçue  avant  ces  présentes  dudt  sr  Duvernay  ;  et  l'engagement  dudt 
Sr  Morin  comme  Editeur  et  Rédacteur  pour  celle  de  quinze  livres  courant. 


—  23  -- 

pendant  et  pour  six  mois,  comme  dit  est,  (qu'il  y  ait  trois  cents  souscrip- 
teurs ou  moins  à  la  Minerve)  ;  et  pour  sept  livres  dix  chelins  courant  en 
addition,  par  chaque  centaine  de  souscripteurs  qu'il  y  aura  outre  les  trois 
cents  sus-mentionnés  ;  et  de  suite  pour  la  proportion  additionnelle  de  cet- 
te somme  de  sept  livres  dix  chelins  par  chaque  vingt-cinq  souscripteurs 
en  outre  des  cent  cy  dessus,  pour  le  temps  des  six  mois  susdts,  laquelle 
somme  de  quinze  livres,  et  toute  autre  en  addition  suivant  le  nombre  des 
souscripteurs,  comme  susdt  sera  payable  par  ledt  sieur  Duvernay  à  l'or- 
dre dudt  Sr  Morin  par  chaque  trois  mois,  à  compter  du  jour  que  se  pu- 
bhera  le  premier  numéro  de  ladte  Minerve,  à  peine,  etc. 

Il  est  entendu  et  convenu  que  le  Sr  Duvernay  supportera  à  lui  seul  tous 
les  frais  de  l'impression  et  publication  du  Journal  La  Minerve  pendant  les 
six  mois  que  le  Sr  Morin  eu  sera  l'Editeur  et  le  Rédacteur,  et  que  le  Sr 
Duvernay  fournira  les  journaux  des  pays  étrangers  en  nombre  suffisant, 
et  procurera  l'accès  journalier  à  la  Bibhothèque  de  Montréal  audt  Sr  Mo- 
rin à  ses  propres  dépens,  sans  que  celui-cy  soit  tenu  d'y  contribuer  en  au- 
cune manière. 

Pour  l'exécution  des  présentes  les  parties  ont  élu  leur  domicile  en 
leur  demeure  respective,  auquel  lieu,  etc. 

Fait  à  Montréal,  en  l'étude  l'aii  mil  huit  cent  vingt  sept  le  dix-huit 
de  janvier,  et  ont  les  parties  signé  avec  notaires,  lecture  faite. 

A.  N.  Morin,  Lr  Duvernay,  R.  O'Keefle,  N.  P.  J.  M.  Mondelet. 

^% 

Ludger  Duvernay  qui  arrivait  des  Trois-Rivières  n'avait  probable- 
ment pas  une  imprimerie  assez  considérable  pour  éditer  La  Minerve,  il  lui 
fallait  donc  trouver  un  atelier.  Voilà  pourquoi,  M.  Duvernay  entre 
aussitôt  en  pourparlers  avec  le  négociant  Dominique  Bernard,  proprié- 
taire d'un  atelier  et  d'un  journal,  mais  assez  embarrassé  de  l'un  et  de  l'au- 
tre ! 

En  effet,  le  19  septembre  1826,  M.  John  Jones  avait  loué  du  sieur 
Bernard,  son  imprimerie  et  son  journal,  le  Canadian  Spectator,  mais  trois 
mois  ne  s'étaient  pas  écoulé  que  Jones  était  disparu  sans  laisser  d'adresse 
à  son  locateur.  On  dut  nommer  un  curateur  à  l'absent,  c'est  Eusèbe  Hy- 
acinthe Frécliette  qui  fut  choisi  et  ce  dernier  rétrocéda  les  biens  du  fu-* 
gitif  au  propriétaire. 

Cela  fait,  M.  Bernard  loue  pour  cinq  ans,  à  Ludger  Duvernay  'les 
caractères  et  les  meubles  qui  composent  l'imprimerie  .    .    .    .situé  sur  la 


—  24  -- 

rue  Saint-Jean-Baptiste,  à  charge  par  le  preneur,  d'imprimer  leCanadian 
Spectator,  de  se  conformer  aux  directions  du  rédacteur  Jocelyn  W aller 
et  de  lui  payer  annuellement  150  livres  de  salaire,  en  versements  trimes- 
triels. 

«     Le  bailleur  promet  que  son  journal  aura,  au  moins  250  abonnés. 

Le  preneur  aura  la  liberté  d'imprimer  un  autre  journal  que  le  Spec- 
tator "pourvu  qu'il  soit  rédigé  et  conduit  dans  et  sur  les  mêmes  princi- 
pes que  celui-là  !  " 

Ces  trois  contrats,  la  vente,  la  rétrocession  et  le  bail  sont  de  même 
date  et  portent  des  numéros  successifs. 

E.  Z.  MASSICOTTE 


UN  LIVRE  DE  M.  MASSICOTTE 


M.  E.-Z.  Massicotte  vient  de  publier  un  Répertoire  des  arrêts^  édits,  man- 
dements, ordonnances  et  règlements  conservés  dans  les  archives  du  palais  de 
justice  de  Montréal. 

Il  n'y  a  peut-être  pas  de  pays  qui  possèdent  des  archives  plus  complètes 
que  la  province  de  Québec.  Et  les  palais  de  justice  de  Montréal  et  de  Québec 
contiennent  à  eux  seuls  plus  d'archives  de  toutes  sortes  que  tous  nos  autres 
dépôts  d'archives  réunis. 

Le  grand  ennui  pour  les  historiens  et  les  chercheurs  est  de  trouver  ce  qu'ils 
cherchent.  La  plupart  de  nos  dépôts  d'archives  n'ont  pas  de  catalogues  ni  de 
répertoires  ou  inventaires. 

Le  Répertoire  de  M.  Massicotte  nous  fait  connaître  des  centaines  d'édits,  de 
mandements,  d'ordonnances,  de  règlements,  etc,  etc,  dispersés  dans  des  greffes 
de  notaires,  des  dossiers  de  cours,  etc,  etc.  Il  n'y  a  que  ceux  qui  ont  dépensé 
des  mois  et  des  semaines  à  chercher  dans  nos  dépôts  d'archives  qui  peuvent  ap- 
précier à  sa  juste  valeur  le  nouvel  ouvrage  de  M.  Massicotte.  Cet  érudit  col- 
laborateur du  Bulletin  vient  de  se  donner  un  nouveau  titre  à  la  reconnaissance 
des  amis  de  notre  histoire. 


-.  25  —  _      . 

MEMOIRE 

sur  la  partie  occidentale  du  Canada,  depuis 

Michillimakinac  jusqu'au  fleuve  du 

Mississipi 

Mémoire  sur  la  partie  occidentale  du  Canada  depuis  Michilimakinac 
jusqu'au  fleuve  du  Mississipi,  tant  par  la  Baie  des  Puans,  Rivière  des  Re- 
nards, et  Ouisconcinq  que  par  Chicagou  et  Rivière  des  Illinois,  avec  un 
détail  des  contrées,  rivières  et  nations  qui  se  trouvent  sur  les  routes,  dans 
le  Mississipi  et  le  Missouri,  la  qualité  du  terrain,  l'espèce  de  chasse  dans 
chacun  de  ces  pays  :  en  un  mot  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  une  connais- 
sance générale  et  exacte  de  ces  différentes  contrées  accompagné  de  quel- 
ques vues  sur  la  recherche  d'une  mer  à  l'ouest  de  ce  continent,  le  tout, 
puisé  dans  les  notes  qu'en  ont  donné  ceux  qui  après  avoir  parcouru  ces 
différents  pays  ont  été  reconnus  pour  les  plus  intelligents,  et  qui  ont  por- 
té plus  de  penchant  au  vrai  et  moins  de  passion  pour  le  merveilleux,  dé- 
faut presque  général  dans  tout  ce  qui  s'appelle  voyageurs  de  quelque  gen- 
re qu'ils  soient.  (1) 

ROUTE  DE  MICHILIMAKINAC  AU  HAUT  DU  MISSISSIPI 
PAR  LA  BAIE,  etc. 

Après  avoir  laissé  Michillimakinac  pour  se  rendre  à  la  Baie  on  tra- 
verse au  nord  du  lac  Michigau  et  faisant  route  sur  cette  côte  la  première 
rivière  qu'on 'trouve  est  celle  de  Mine  à  Coquin,  à  dix-neuf  lieues  de  Mi- 
chillimakinac, petite  et  dont  la  source  est  à  deux  lieues  au  nord  dans  des 
marais  ;  tous  ces  terrains  sont  bas  et  ne  produisent  que  des  pins  et  sapins. 
Avant  cette  rivière  et  à  peu  près  à  sept  lieues  dans  le  lac  Michigan,  com- 
mencent les  isles  au  Castor  dont  la  suite  occupe  près  de  quarante  lieues 
toujours  parallement  à  la  côte  du  nord  du  lac  ;  toutes  ces  isles  sont  d'un 
terrain  élevé  et  très  bon,  couvertes  de  très  beaux  bois  de  hante  futaye  dont 
le  plus  ordinaire  est  le  chêne,  le  franc  frêne  et  l'érable,  sans  mélange  de 
taiUis,  en  sorte  qu'on  y  peut  voir  fort  loin  devant  soi. 

,  A  dix  lieues  de  la  Rivière  de  Mine  à  Coquin  est  un  havre  parfait  qui 


(1)  L'original  du  Mémoire  que  nous  donnons  ici  était  en  la  possession  de 
feu  M.  Ed.  GlacKemeyer,  notaire  de  Québec.  Nous  ignorons  ce  qu'il  est  devenu. 
Ce  Mémoire  dont  l'auteur  est  inconnu  semble  avoir  été  écrit  en  1763  ou  peu  après. 


—  26  — 

met  à  l'abri  de  tout  vent  p  la  pêche  J  est  très  abondante  et  il  s'y  prend 
quantité  de  poissons  blancs  et  de  fort  gros.  (2) 

A  cinq  lieues  de  ce  havre  est  la  rivière  de  l'Amitié  (ainsi  nommée 
parce  que  c'était  en  cette  rivière  que  les  coureurs  de  bois  sans  congé  ve- 
naient chercher  leur  pardon  (3).  Cette  rivière  est  fort  peu  considérable 
et  prend  sa  source  dans  un  petit  lac  bordé  de  fol  avoine  à  trois  lieues  de 
son  embouchure. 

On  compte  cinq  lieues  de  cette  rivière  à  la  Pointe  aux  Ecores,  qui 
avance  près  d'une  lieue  dans  le  lac,  et  sept  lieues  de  cette  pointe  à  se  ren- 
dre au  détour  (ainsi  nommé  parce  que  c'est  à  ce  point  que  commence  la 
Baie  des  Puans  et  que  pour  la  parcourir  ])as  son  côté  septentrionnal  on 
doit  détourner  sur  la  droite)  nous  allons  pour  le  présent  suivre  la  route 
ordinaire,  c'est-à-dire  la  traverser  d'île  en  île  pour  joindre  son  côté  du  sud 
que  nous  suivrons  jusqu'au  Fort  de  la  Baie  et  reviendront  ensuite  au  Dé- 
tour pour  la  parcourir  ])ar  son  côté  du  nord.  La  côte  du  lac  jusque  là  est 
d'un  terrain  aride  et  ])our  la  |)lupart  pays  impraticable. 

Du  détour  on  se  rend  ])ar  quatre  traverses  d'île  en  île  jusqu'à  celle 
des  Poux  qui  en  est  à  huit  heues.  L'île  des  Poux  peut  avoir  une  lieue  et 
demie  de  circuit  et  est  d'un  terrain  assez  élevé  et  bon.  Cette  île  est  ha- 
bitée par  quelques  familles  de  Folles  Avoines  et  Sauteurs  qui  y  cultivent 
du  blé  d'Inde  ;  (4)  la  pêche  y  est  abondante  et  le  poisson  le  plus  ordinaire 
y  est  la  truite  et  le  j)oisson  blanc  qui  y  est  fort  gros. 

De  cette  île  on  se  rend  par  une  dernière  traverse  de  deux  lieues  au 
Petit  Détroit,  pointe  occidentale  de  l'entrée  de  la  baie  ;  par  conséquent 
sa  largeur  en  cette  partie  est  de  dix  lieues. 

Du  Petit  Détroit  (confluent  des  eaux  de  la  Baie  et  du  lac  Michigan) 
on  compte  sept  lieues  jusqu'à  la  Grosse-Ile  ;  la  largeur  de  la  Baie  par  le 
travers  de  cette  île  est  de  six  à  sept  lieues. 

La  distance  de  cette  île  à  l'entrée  de  la  Baie  de  l'Eturgeon  est  de  sept 
lieues  ;  on  peut  du  fond  de  cette  baie  profonde  de  trois  lieues  se  rendre  au 
lac  Michigan  par  un  portage  d'un  peu  moins  de  demie  lieue. 

De  l'entrée  de  la  baie  de  l'Eturgeon  au  Cap  du  Vermillon,  trois  lieues. 


(2)  Ce  poisson  est  d'un  très  bon  goût,  et  il  a  de  particulier  que  sans  autre 
assaisonnement  que  son  bouillon  et  un  peu  de  sel  on  le  mange  avec  plaisir. 

(3)  Si,  dans  le  temps  de  leur  course,  ils  eu.ssent  été  saisis,  leur  peine  était 
les  galères,  mais  à  leur  considération  la  cour  accordait  tous  les  sept  à  huit  ans 
une  amnistie  générale  à  laquelle  participaient  tous  ceux  qui  se  présentaient. 

(4)  Appelle  communément  en  Europe  blé  d'Espagne  ou  de  Turquie,  qui  pa- 
rait être  naturel  à  l'Amérique. 


-  27  — 

et  le  pays  rempli  de  rochers  est  pour  la  plupart  impraticable,  ainsi  que 
celui  qui  est  presque  Jusqu'au  fond  de  la  Baie  des  Puants. 

Du  Vermillon  au  Fort,  qui  est  à  l'extrémité  de  la  Baie,  et  oii  elle 
reçoit  la  rivière  des  lienards,  on  compte  quinze  lieues,  d'un  pays  presque 
pareil  à  celui  détaillé  ci-dessus  ;  c'est  par  la  rivière  des  Renards  qu'on 
communique  en  haut  du  Mississipi  ;  mais  avant  de  la  détailler  il  convient 
de  décrire  la  côte  septentrionalle  de  la  Baie  des  Puants. 

COTE  SEPTENTRIONALLE  DE  LA  BAIE  DES  PUANTS 

Du  détour  pour  côtoyer  la  côte  du  nord  de  la  Baie,  on  prend,  comme 
je  l'ai  dit  ci-dessus,  sur  la  droite  et  après  avoir  fait  deux  lieues  on  trouve 
la  Baie  des  Noé,  qui  a  trois  lieues  de  profondeur  vers  l'est-nord-est,  et  cinq 
lieues  de  largeur  à  son  entrée. 

On  compte  sept  lieues  de  la  pointe  occidentale  de  cette  baie  à  la  riviè- 
re de  l'Eturgeon  ;  cette  rivière  n'est  point  navigable  et  se  perd  dans  des 
marais  à  sept  à  huit  lieues  de  son  embouchure. 

Il  y  a  de  cette  rivière  à  celle  des  Folles  Avoines  dix  lieues  ;  à  une  de- 
mie lieue  de  son  embouchure  est,  dans  cette  rivière,  un  village  de  Folles 
Avoines  qui  peut  fournir  cent  trente  hommes  eii  état  de  porter  les  armes  ; 
ils  sont  assez  tranquilles  ;  ils  sont  alliés  de  presque  toutes  les  nations  ;  ils 
ne  se  nourrissent  que  d'éturgeons  qu'ils  ont  en  grande  quantité  dans  leur 
rivière,  et  ne  cultivent  aucun  terrain  ;  leur  commerce  consiste  en  peaux  de 
cerfs,  orignals,  ours,  castors,  martes,  pécans  et  loutres,  et  quoiqu'ils  aient 
aussi  du  chevreuil  ils  ne  font  aucun  usage  de  ces  peaux,  étant  trop  pares- 
seux pour  se  donner  la  pêne  de  les  passer  ;  les  terres  de  cette  rivière  sont 
basses  et  remplies  de  savanes  (5)  ;  elle  prend  sa  source  dans  quelques  pe- 
tits lacs  et  marais  qui  ne  sont  pas  fort  éloignés. 

On  ne  compte  que  trois  lieues  de  cette  rivière  à  celle  de  Pichetigan 
qui,  quoiqu'elle  n'ait  de  largeur  que  deux  arpents  à  son  embouchure  porte 
cependant  canot  vers  le  nordest  l'espace  de  cinquante  lieues   ;  elle  prend 


(5)  C  est  un  terrain  déboisé  qui  ne  produit  pour  l'ordinaire  que  des  bluets 
gueules  noires  ou  autres  fruits  arbustes  de  cette  espèce  ;  il  y  a  grande  apparen- 
ce qu'elles  viennent  ordinairement  de  petits  lacs  sant  égoût,  sur  lesquels  il  s'est 
formé  une  mousse  qui  par  la  succession  des  terres  fait  une  croûte  de  l'épaisseur 
d'un  pied  et  plus  ;  lorsque  vous  les  passez  vous  sentez  cette  croûte  plier  sous 
vous  et  vous  risqueriez  de  passer  au  travers  si  vous  restiez  trop  constamment 
au  mêême  lieu  ;  il  m'est  arrivé  cent  fois  de  la  percer  avec  des  perches  fort  lon- 
gues que  j'enfonçais  ensuite  en  entier  sans  la  moindre  résistance,  et  en  la  reti- 
rant il  en  jaillissait  à  l'instant  une  eau  boueuse  qui  m'inondait  et  m'obligeait  à 
m'éloigner  au  plus  vite  du  trou  que  j'avais  fait. 


...  28  --- 

sa  source  dans  un  lac  qu'on  nomme  Folle- Avoine,  parce  qu'on  y  voit  beau- 
coup de  ce  grain.  (6) 

Cette  rivière  contient  beau(;oup  d'éturgeons  et  ses  rivages  sont  de  bon- 
ne hauteur  et  d'un  terrain  propre  à  produire  du  froment  et  toute  autre 
espèce  de  grain — premier  terrain  de  cette  nature  depuis  Michilimakinac — 
tout  le  reste  étant  impraticable  et  pour  ainsi  dire  propre  à  rien. 

A  sept  lieues  de  cette  rivière  est  celle  du  Canton  qui  vient  des  petits 
lacs  qui  sont  à  une  vingtaine  de  lieues  de  son  embouchure  ;  elle  n'est  point 
navigable  par  sa  grande  rapidité  et  son  deffaut  d'eau. 

Il  y  a  de  cette  rivière  à  celle  de  Gaspade  trois  lieues  :  elle  est  aussi 
très  rapide,  point  navigable  et  a  ses  sources  assez  près  ;  la  pêche  d'étur- 
geon  y  est  assez  abondante.  . 

On  compte  de  cette  rivière  cinq  lieues  à  gagner  la  pointe  du  Grand 
Souamigon  qui  saillit  d'une  lieue  dans  la  baie  et  de  celle-ci  à  une  seconde 
qu'on  appelle  Petit  Souamigon,  deux  lieues  de  traverse. 

Du  Petit  Souamigon  au  fort  de  la  Baie  (à  l'entrée  de  la  rivière  des 
Eenards,  comme  il  a  été  déjà  dit)  on  compte  deux  lieues  :  le  terrain,  de- 
puis la  rivière  de  Picbetigan,  est  bon  et  couvert  de  beaux  bois  de  haute 
futaie  dont  le  plus  commun  est  le  chêne,  l'rable,  le  hêtre  et  autres  bois 
durs  ;  la  chasse  y  est  aussi  très  abondante,  et  la  même  que  ce  qui  a  été  dit, 
savoir  ours,  chevreuil,  orignal,  cerfs,  martes  et  pécands,  et  dans  les  pays 
aquatiques  castors  et  loutres.     * 

EIVIEEE  AUX  REXAEDS 

Cette  rivière  à  l'entrée  de  laquelle  est  le  fort  de  la  Baie  peut  avoir 
quatre  arpents  (7)  de  largeur,  et  est  pendant  six  lieues  d'un  cours  fort 
égal  et  point  rapide  elle  est  bordée  de  prairies  et  ensuite  d'un  terrain  plus 
élevé  couvert  de  bois  de  haute  futaie,  clairs,  et  de  la  plus  grande  beauté, 
où  la  chasse  de  chevreuil,  ours,  orignal,  cerf  et  autres  bêtes  fauves  est  des 
plus  abondantes  ;  le  terrain  y  est  admirable  et  capable  de  produire  de  ma- 
gnifique froment  et  autres  grains  de  toutes  espèce. 


(6)  Folle-avoine  est  une  espèce  de  ris  dont  le  grain  ressemble  beaucoup  à 
celui  de  l'avoine  ;  il  est  fort  commun  dans  tous  les  pays  mouillés  de  l'Amérique 
il  vient  dans  l'eau  dont  il  surpasse  la  surface  de  trois  et  quatre  pieds.  Cette 
nourriture  est  fort  saine  et  très  utile  aux  Sauvages  qui  sont  à  portée  d'en  faire 
provision  -  la  récolte  en  est  facile  lorsqu'il  est  mûr.  On  va  en  canot  dans  les 
marais  ou  rivières  où  il  vient  et  la  seule  crémonie  était  de  saisir  les  têtes  d'épis 
et  de  les  secouer  ou  battre  avec  le  manche  de  l'aviron  dans  le  canot. 

(7)  L'arpent  en  Canada  est  de  trente  toises  de  longueur  ou  de  dix  perches 
de  trois  toises  chacune  ;  il  faut  quatre  vingt  quatre  arpents  à  la  ligne  de  ce  pays 
ou  25  20  toises  par  conséquent  240. 


—  29  — 

A  six  lieues  de  son  embouchure  est  un  premier  portage  qui  peut  avoir 
un  quart  de  lieue  de  longueur,  et  au-dessus  la  rivière  continue  l'espace 
de  quatre  lieues  d'un  fort  courant. 

A  quatre  lieues  du  premier  portage  est  un  deuxième  portage  qu'on 
appelle  le  Grand  Colini  qui  est  une  chute  au  moins  de  dix  pieds  de  hau- 
teur perpendiculaire,  et  au-dessus  la  rivière,  l'espace  de  trois  lieues  est 
sans  secours  sensible  jusqu'à  un  petit  rapide. 

Après  avoir  passé  le  rapide  on  entre  dans  le  lac  des  Puants,  qui  a  de 
longueur  environ  sept  lieues  sur  deux  lieues  de  largeur  ;  le  terrain  y  est 
admirable  et  couvert  des  plus  beaux  chênes  qu'il  soit  possible  de  voir  et 
de  suite.  A  l'entrée  de  ce  lac  est  un  village  de  Puants  qui  peut  fournir 
cent  quarante  hommes  en  état  de  porter  les  armes  ;  ils  ne  vivent  qu'au 
blé  d'Inde  qui  y  vient  en  abondance. 

Cette  nation  est  alliée  de  presque  toutes  les  nations  voisines,  qui  sont 
les  Sakis,  Eenards,  Fol  les- Avoines,  Sioux,  Poutéouatamis,  etc,  et  sont  en 
guerre  depuis  bien  des  années  avec  les  Missouris  qu'ils  suivent  avec  tant 
d'ardeur  que,  quoiqu'ils  soient  dans  un  pays  de  chasse  admirable,  ils  ne 
s'en  occupent  que  pour  vivre,  et  point  du  tout  pour  satisfaire  au  commer- 
ce de  pelleterie  ;  ils  ont  paru  de  tout  temps  fort  attachés  au  Français  qui, 
pour  les  raisons  qu'on  vient  de  détailler,  n'en  peut  tirer  d'autre  avantage. 

A  la  sortie  de  ce  lac,  on  reprend  la  rivière  des  Eenards  qu'on  suit  sans 
difficulté  jusqu'au  lac  Lapaquoy,  long  de  quatre  lieues,  large  de  un  peu 
plus  de  demi-lieue  et  si  rempli  de  folles-avoines  qu'on  a  peine  à  trouver  le 
passage  ;  ce  lac  est  à  vingt-cinq  lieues  de  celui  des  Puants  ;  il  est  bordé 
des  plus  belles  terres  qu'il  soit  possible  de  voir  ;  les  bois  (8)  y  sont  clairs, 
droits  et  les  plus  beaux  qu'on  puisse  désirer,  remplis  de  bêtes  fauves. 

On  compte  trois  lieues  de  ce  lac  à  gagner  celui  du  Boeuf  (ainsi  nom- 
mé par  la  quantité  de  boeufs  sauvages  qu'on  y  tue),  il  peut  avoir  cinq 
lieues  de  longueur  sur  une  demie  lieue  de  largeur. 

Il  y  a  de  l'extrémité  de  ce  lac  à  la  Fourche  sept  lieues  ;  cette  rivière 
vient  du  nord  où  elle  prend  sa  source  à  six  lieues  dans  les  terres. . 

De  la  Fourche  au  Portage  du  Ouisconcinq  (fin  de  la  rivière  des  Ee- 
nards et  hauteur  des  terres  entre  les  eaux  du  lleuve  de  St-Laurent  et 
celles  du  Mississipi)  on-  compte  cinq  lieues  ;  jusque  là  depuis  l'em- 
bouchure de  la  rivière  des  Eenards,  les  plus  belles  terres  et  les  plus  beaux 
bois  qu'il  soit  possible  d'imaginer  ;  massez  bonne  chasse  presque  partout. 


(8)     Chenière  continue  dans  toute  la  rivière  des  Renards. 


—  30  — 

Le  portage  du  Ouisconsinq  peut  avoir  demie  lieue  de  longueur  et  après 
ravoir  passé  du  Ouisconsiug  qui  venant  de  l'est  où  sont  ces  sources  est 
navigable  près  de  soixante  lieues  de  ce  côté  ;  elle  peut  avoir  au  portage 
une  petite  demie  lieue  de  largeur  et  continue  jusqu'au  fleuve  du  Missis- 
sipi  à  être  d'une  navigation  très  commode  ayant  plusieurs  îles  d'un  bon 
terrain. 

EIVIEEE  DU  OUISCONCINQ,  DEPUIS  LE  PORTAGE  JUSQU'AU 

MISSISSIPI. 

La  rivière  du  Ouisconcinq,  comme  nous  venons  de  le  dire,  est  navi- 
gable à  l'est  du  portage  près  de  soixante  lieues  vers  ses  sources.  Elle  est 
bordée  de  ce  côté  d'uu  terrain  très  fertile  couvert  de  beaux  bois  et  chasse 
en  tout  genre  très  abondante  ;  le  terrain  qui  la  borde  depuis  le  portage 
jusqu'au  Mississipi  n'est  point  aussi  favorable  ;  ce  sont  communément 
des  prairies  de  un  quart  de  lieue  et  plus  de  largeur,  mais  qui  se  "terminent  à 
des  montagnes  sans  bois  et  pour  l'ordinaire  rochers. 

Le  climat  y  est  fort  doux  et  plus  on  approche  du  Mississipi,  plus 
l'air  y  est  tempéré  ;  depuis  Michillimakinac  jusqu'à  le  portage  l'hiver  y 
est  à  peup  rès  comme  dans  les  habitations  du  Canada,  et  jusqu'à  Niagara. 

On  compte  de  ce  portage,  descendant  la  rivière,  douze  lieues  jusqu'au 
village,  des  Sakis,  qui  peut  fournir  cent  cinquante  hommes  portant  les 
armes.  De  petites  îles,  de  distance  à  autre,  sans  nom  particulier.  Cette 
nation  est  très  laborieuse,  fait  du  blé  d'Inde  en  quantité,  chasse  au  che- 
vreuil et  à  la  biche  et  ne  fournit  guère  d'autres  peaux  ;  ils  sont  presque 
toujours  en  guerre  contre  les  Missouris  et  quelque  chose  que  l'on  fasse  on 
ne  peut  arrêter  les  partis  qu'ils  y  envoient  continuellement.  D'ailleurs 
leur  commerce  est  sur  et  ils  paraissent  fort  attachés  au  Français. 

Il  y  a  de  ce  village  à  la  rivière  Manitou  ou  Oualagon  quinze  lieues  ; 
cette  rivière  n'est  pas  considérable  et  prend  source  à  quinze  lieues  ou  en- 
viron vers  le  nordest. 

On  trouve  à  dix  lieues  de  cette  rivière  celle  des  Kicapous,  plus  con- 
sidérable, même  terre  que  ci-dessus  et  îles  assez  fréquentes  et  à  huit  lieues 
de  cette  dernière  le  fleuve  du  Mississipi.  Ce  fleuve  peut  avoir  une  demie 
lieue  de  largeur  près  de  l'embouchure  du  Ouisconeing,  très  rapide,  rempli 
d'îles  petites  et  moyennes,  bordé  de  part  et  d'autre  de  prairies  qui,  à  une 
demie  lieue  et  plus,  s'appuient  à  des  montagnes  non  boisées  qui  par  dis- 
tance viennent  elles-même  s'appuyer  au  fleuve  ;  la  chasse  au  boeuf,  ours, 
chats  et  castor  y  est  assez  avantageuse  ;  les  prairies  sont  d'une  terre  très 
fertile. 


~  31  — 

Avant  de  parcourir  le  fleuve,  il  est  à  propos  de  détailler  la  route 
qu'on  tient  de  Michillimakinac  au  sud  du  lac  Michigan  pour  s'y  rendre 
par  Chicagou  et  la  rivière  des  Illinois  qui  se  verse  dans  ce  fleuve. 

ROUTE  DE  MICHILIMAKINAC  AU  MISSISSIPI  " 

PAR  CHICAGOU 

Mchilimakinac  (comme  j'aurais  dû  le  dire  d'abord)  est  le  rendez- 
vous  général  de  tous  ceux  qui  se  rendent  dans  les  postes  du  nord  des  pays 
d'en  haut  ou  qui  en  reviennent.  Il  est  à  la  partie  la  plus  occidentale  du 
lac  HuTon,  et  où  ce  lac  se  joint  à  celui  du  Michigan,  on  a  construit  un  fort 
de  gros  pieux  qui  se  touchent  immédiatement,  hauts  de  douze  à  quinze 
pieds  hors  de  terre.  Cette  enceinte  est  de  forme  quadrilatère  de  qua- 
rante à  cinquante  toises  de  côtés,  flanquée  ou  à  peu  près,  qui  renferme  une 
chapelle  servant  d'église  au  fort,  avec  quarante  et  quelques  bâtiments  en 
bois,  qui  servent  de  logements  et  de  magasins  ;  il  peut  y  avoir  douze  à 
quinze  familles  françaises  dont  quelques  unes  de  sang  mêlé  établies  à  ce 
poste,  ce  qui  fait  un  nombre  fixe  de  dix-huit  à  vingt  combattants,-  mais 
comme  il  est  le  dépôt  général  de  tous  ceux  du  nord,  on  y  voit  assez  cons- 
tamment tout  l'été  cent  et  quelques  Français  en  état  de  combattre.  Le 
terrain  aux  environs  n'est  qu'un  sable  aride  qui  ne  produit  rien,  et  on 
n'y  vit  que  de  poisson,  blé  d'Inde  et  viandes  sèches,  peu  de  fraîches,  que 
les  Sauvages  de  la  Grosse-Ile  de  Michillimakinac  et  d'ailleurs  apportent. 

En  laissant  le  poste  et  suivant  la  côte  du  sud  du  lac  Michigan,  on 
trouve  à  huit  ou  neuf  lieues  dans  le  lac,  le  nouveau  village  d'Outaouais  et 
Sauteurs  de  Michihmakinac  établis  à  l'Arbre  Croche  où  ils  cultivent  du 
blé  d'Inde  en  grande  quantité  qu'ils  apportent  au  fort,  et  qu'ils  vendent 
à  ceux  chargés  des  provisions  des  postes  du  nord.  C'est  à  ce  nouvel  éta- 
blissement que  les  terres  commencent  à  êêtre  bonnes  et  elles  sont  d'autant 
meilleures  que  vous  poussez  plus  avant  dans  le  lac  Michigan. 

On  compte  de  l'Arbre  Croche,  à  gagner  la  Petite  Traverse,  deux 
lieues  et  plus  ;  cette  traverse,  qui  est  de  quatre  lieues  d'une  pointe  à  l'au- 
tre, est  la  largeur  d'une  baie  qui  entre  dans  les  terres  de  près  de  six  lieues. 

Il  n'y  a  de  cette  baie  à  la  rivière  Malamon  que  une  lieue  ;  cette  riviè- 
re, large  seulement  de  deux  arpents,  quoique  rapide,  porte  cependant 
canot  jusqu'à  cent  lieues  de  son  embouchure,  oii  elle  prend  sa  source  dans 
un  lac  de  deux  lieues  de  longueur  sur  une  lieue  de  largeur  ;  les  terres  de 
cette  rivière  ainsi  que  de  tout  le  Michigaji  jusqu'à  Cliicagou  sont  très 


™  32  — 

fertiles,  et  la  plupart  couvertes  de  chênes  admirables.       La  chasse  en  tout 
genre  est  aussi  très  avantageuse. 

De  cette  rivière  à  la  Grande  Baie  deux  lieues.  Cette  baie  peut  avoir 
quatre  lieues  de  largeur  et  entre  au  sud-est  de  onze  lieues  dans  les  terres. 

Laissant  cette  baie  et  après  avoir  fait  huit  lieues  on  trouve  une  mon- 
tagne de  sable  haute  de  trois  cents  pieds  au  moins  qu'on  nomme  POurs 
qui  dort,  sur  laquelle  on  ne  voit  pas  un  arbre. 

De  cette  montagne  à  la  rivière  du  Bédelie  six  lieues.  Cette  rivière 
est  navigable  jusqu'à  trente  lieues,  où  elle  prend  sa  source  dans  un  lac  de 
grandeur  médiocre.  Toutes  les  profondeurs  de  terres  fournissent  une 
chasse  abondante  en  tout  genre  et  de  chenières  presque  continuelles  et 
les  plus  belles  qu'il  soit  possible  de  voir. 

De  cette  rivière  à  celle  de  Saint-Nicolas,  dix  lieues  ;  cette  rivière 
n'est  pas  considérable  et  ne  porte  canot  que  huit  à  dix  lieues. 

On  trouve  à  dix  lieues  de  cette  dernière,  la  rivière  Blanche,  qui,  à  son 
embouchure,  est  fort  étroite  mais  à  peine  avez-vous  fait  cinquante  pas 
que  vous  entrez  dans  un  lac  long  de  trois  lieues  sur  deux  lieues  de  largeur 
au-dessus  duquel  cette  rivière  porte  encore  canot  plus  de  trente  lieues 
vers  le  sud. 

On  compte  de  cette  rivière  à  celle  de  Maskigou  trois  lieues  ;  elle  est 
considérable  et  est  navigable  au  sud  Jusqu'à  quarante  lieues  de  son  em- 
bouchure ;  même  bois  et  chasse  que  partout  ailleurs. 

Il  y  a  de  cette  dernière  à  celle  de  Ouichitanon  trois  lieues  ;  elle  est 
peu  considérable  et  ne  porte  canot  que  jusqu'à  six  lieues. 

A  quinze  lieues  de  celle-ci  est  celle  de  Kikanamaso  plus  considérable 
et  qui  est  navigable  vers  le  sud  l'espace  de  quarante  lieues. 
(La  fin  dans  la  prochaine  livraison) 


LE  PREMIER  NOTAIRE  DE  LA 
NOUVELLE-FRANCE 


Quel  a  été  le  premier  notaire  de  la  Nouvelle- France  ? 

Si  l'on  s'en  rapporte  à  l'Histoire  du  notariat  de  feu  J.  E.  Roy,  il  serait  dif- 
ficile de  se  prononcer  sur  ce  point,  car  les  divers  greffiers  de  Champlain  et  de 
Montmagny  ont  exercé  les  fonctions  de  notaire,  par  tolérance,  et  ils  ont  laissé 
des  actes. 

Par  ailleurs,  il  est  certain  que  c'est  Laurent  Bermen  qui  le  premier,  prend 
la  qualité  de  notaire  royal  dans  un  acte  du  11  août  1647. 

X.  Y.  Z. 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVI  BEAUCEVILLE-=FEVRIER  1920  No  2 


La  famille  Rouer  de  Villeray 

Louis  Rouer  de  Villeray 


La  famille  Rouer  de  Villeray  était  originaire  d'Italie, 
et  appartenait  à  la  maison  de  La  Rovère,  l'une  des  plus 
illustres  et  des  plus  anciennes  de  l'Europe,  qui  a  donné 
deux  papes  à  l'Eglise,  des  princes  souverains  à  l'Italie, 
une  infinité  de  cardinaux  et  d'évêques,  des  doges  à  la  Ré- 
publique de  Gênes  et  des  chevaliers  des  ordres  les  plus  dis- 
tingués de  l'Europe.  (1) 

Divisé  en  plusieurs  branches,  établie  en  Piémont  d'où 
elle  sortait,  à  Gênes,  à  Venise,  dans  le  Comtat-Venaissin, 
cette  famille  a  passé  aussi  en  France  sous  plusieurs  noms  : 
Rouvère,  La  Rouyer,  Rouer.  Quant  à  ce  qui  concerne 
ce  dernier  nom,  il  y  avait  dans  le  Languedoc  des  Rouer  de 
Fourquevaux,  venus  de  Lombardie,  dont  l'un,  Raymond 
de  Rouer,  chevalier  de  l'Ordre  du  Roi,  gouverneur  de  Nar- 
bonne,  envoyé  en  ambassade  vers  le  roi  d'Espagne,  com- 
manda, vers  1562,  comme  capitoul,  les  armées  du  Roi  con- 
tre des  religionnaires,  dans  le  Haut-Languedoc.  (2) 

Louis  Rouer  de  Villeray,  le  premier  de  ce  nom  qui  vint 
s'établir  dans  la  Nouvelle-France,  était  né  sur  la  parois- 
ci)     Dictionnaire  de  la  noblesse  ;  Voyage  à  la  Louisiane  et  sur  le  continent 
de  l'Amérique  septentrionale,  fait  dans  les  aminées  1794  à  1798  par  B.  D. 
(2)     P.  Margry,  Les  Rouer  de  Villeray,  p.  5. 


-  34  — 

se  de  Notre-Dame-en-Grève,  ville  d'Amboise,  évêché  de 
Tours,  en  1629,  du  mariage  de  Jacques  Rouer  de  Villeray, 
valet  de  chambre  de  la  Reine,  et  de  Marie  Perthuis. 

Louis  Rouer,  qui  arriva  en  Canada  vers  1650,  à  l'âge 
de  vingt-un  ou  vingt-deux  ans,  y  vint  très  pauvre,  dit  M. 
Margry.  Mais  il  s 'était  sans  doute  résolu  à  cet  exil  pour 
conquérir  au  loin  ce  que  le  sort  lui  avait  refusé  dans  sa  pa- 
trie et  peut-être  donné  à  des  aînés.  Ainsi  faisaient  les 
cadets  de  Normandie  prenant  pour  devise  ces  mots  : 
'  '  Cbercbe  qui  n  'a.  " 

L'avocat  Peronne  Du  Mesnil,  qu'on  ne  peut  guère 
croire  car  ses  avancés  sont  des  attaques  furieuses  et  non 
prouvées  contre  les  principaux  habitants  de  la  colonie,  dit 
dans  un  de  ses  Mémoires  au  ministre  Colbert,  que  M.  de 
Yilleray  était  arrivé  dans  la  Nouvelle-France  en  1651 
comme  valet  du  gouverneur  de  Lauzon  qui  "le  prit  en  pri- 
son de  la  Rochelle  où  il  estait  détenu  faute  de  payement 
de  la  somme  de  71  1.  comme  appert  par  le  papier  de  la 
geoUe  du  10  juillet  1651".  (3) 

Le  gouverneur  de  Frontenac,  dans  une  de  ses  lettres, 
dit  que  M.  de  Villeray  s'engagea  comme  soldat  dans  la  gar- 
nison de  Québec,  en  arrivant  ici.  M.  J.-Edmond  Roy  sem- 
ble croire  que  M.  de  Villeray  agit  plutôt  comme  secrétaire 
du  gouverneur  de  Lauzon.  Il  a  pu  être  en  même  temps 
soldat  et  secrétaire  du  gouverneur. 

A  part  l'affirmation  de  M.  de  Frontenac,  nous  n'avons 
pas  de  preuve  que  M.  de  Villeray  a  été  soldat  dans  la  gar- 
nison de  Québec.  Mais  il  est  certain  qu'il  fut  secrétaire 
du  gouverneur  de  Lauzon.  Une  concession  de  terrain  à 
Québec  en  date  du  15  mai  1656,  accordée  par  le  gouverneur 
de  Lauzon  à  Charles  Sevestre,  lieutenant  particulier  civil 
et  criminel  en  la  juridiction  de  Québec,  est  signée  "Lau- 
son"  et  plus  bas  "par  Monseigneur,  Rouer"  (4).  Ce 
Rouer  ne  peut  être  autre  que  notre  M.  Rouer  de  Villeray. 


(3)  Bulletin  des  Recherches  Historiques,  vol.  XXI,  p.  197. 

(4)  Pièces  judiciaires,   nota,riales,   etc.,   etc.,   conservées   aux  Archives  Judi- 
ciaires de  Québec,  première  liasse,  no.  33. 


—  35  — 

En  septembre  1656,  le  gouverneur  de  Lauzon  s'embar- 
quait pour  la  France  et  laissait  l'administration  de  la 
la  colonie  à  son  fils,  M.  de  Lauzon-Charny.  M.  de  Villeray 
continua  à  agir  connue  secrétaire  du  gouverneur  sous  M. 
de  Lauzon-Charny.  -Le  3  septembre  1657,  ce  dernier  ac- 
corde une  concession  à  Nicolas  Juchereau  de  Saint-Denys 
sur  l'île  d'Orléans.  Cette  concession  est  signée  par  M. 
de  Lauzon-Charny,  et  plus  bas  on  lit  :  "Par  Monsieur  le 
gouverneur"  "Rouer".  (5)  Dans  le  contrat  de  mariage 
de  M.  Rouer  de  Villeray  reçu  un  peu  plus  tard,  le  9 
février  1658,  par  le  notaire  Peuvret  de  Mesnu,  il  est  égale- 
ment qualifié  de  secrétaire  du  gouverneur.  Il  ne  peut  donc 
y  avoir  de  doute  sur  ce  point. 

Dans  une  colonie  naissante  les  hommes  instruits  ne 
sont  pas  nombreux.  Les  autorités  confient  au  même  in- 
dividu plusieurs  charges  à  la  fois.  M.  de  Villeray,  tout 
en  servant  de  secrétaire  à  M.  de  Lauzon,  exerça  comme  no- 
taire à  Québec.  Ses  lettres  de  nomination  n'ont  pas  été 
conservées,  mais  il  est  certain  qu'il  exerça  cette  charge  de 
1654  à  1657. 

Pareillement,  nous  voyons  par  la  commission  de  M. 
Martin  de  Saint- Aignan  comme  juge-prévôt  de  la  seigneu- 
rie de  Beaupré  du  7  novembre  1663,  que  M.  de  Villeray 
avait  exercé  cette  charge  :  "Supplie  Charles  Aubert  la 
Chesnaye,  intéressé  pour  la  i^lus  considérable  partie  dans 
la  seigneurie  de  Beaupré  et  isle  d 'Orléans,  lisons-nous  dans 
cette  commission,  disant  que  la  dite  terre  et  seigneurie  est 
demeurée  depuis  un  assez  long  tems  sans  juge,  par  la  ca- 
ducité du  sieur  Olivier  Le  Tardif,  et  la  démission  du  sieur 
Rouer  de  Villeray  de  sa  commission  de  juge-prévôt  en  la 
dite  terre (6) 

A  quelle  date  M.  de  Villeray  fut-il  nonnné  juge  pré- 
vôt de  la  seigneurie  de  Beaupré  ?  Combien  de  temps  gar- 
da-t-il  cette  charge  ?  Il  nous  est  ùnpossible  de  répondre  à 
ces  deux  questions,  mais  rien  n'empêchait  M.  de  Villeray 
d'être  en  même  temps  secrétaire  du  gouverneur,  notaire 

(5)      Acte  de  foy  et  hommage  de  Juchereau  de  Saint-Denys. 
(6)     Edits  et  Ordonnances,  vol.  III,  p.  86. 


—  36!  — 

à  Québec  et  juge  prévôt  sur  la  côte  de  Beaupré.  Cette 
dernière  charge  était  plutôt  une  sinécure  car  les  habitants 
n'étaient  pas  encore  bien  nombreux  à  cette  époque  dans  la 
seigneurie  de  Beaupré. 

Dès  son  arrivée  à  Québec  en  octobre  1651,  le  gouver- 
neur de  Lauzon  plaçait  l'administration  de  la  justice  sur 
un  pied  plus  régulier.  Un  grand-sénéchal  fut  mis  à  la 
tête  de  la  justice  ordinaire.  Un  lieutenant-général  civil 
et  criminel  et  un  lieutenant  particulier,  assistés  d'un  pro- 
cureur fiscal,  furent  chargés  de  rendre  la  justice  sous  l'au- 
torité de  ce  grand-sénéchal.  (7) 

Le  premier  grand-sénéchal  de  la  Nouvelle-France  fut 
Jean  de  Lauzon,  fils  du  gouverneur.  Cette  charge  de 
grand-sénéchal,  au  dire  de  M.  de  La  Tour,  était  plutôt  un 
titre  d'honneur.  (8)  Nicolas  Le  Vieux  d'Haute  ville  et 
Louis- Théandre  Chartier  de  Lotbinière  occupèrent  suc- 
cessivement la  charge  de  lieutenant-général  de  la  séné- 
chaussée de  Québec.  Charles  Sevestre  exerçait  dès  1656 
la  charge  de  lieutenant  particulier  de  la  sénéchaussée. 

Charles  Sevestre  étant  décédé  à  Québec  le  9  décembre 
1657,  M.  d'Ailleboust,  qui  avait  succédé  au  gouverneur  de 
Lauzon,  nomma  M.  de  Villeray  lieutenant  particulier  de 
la  sénéchaussée. 

M.  Sevestre  occupait  aussi  la  charge  de  commis  du 
magasin  des  Cent- Associés  à  Québec.  M.  de  Villeray  lui 
succéda  pareillement  dans  cet  emploi. 

M.  Sevestre  avait  tenu  ses  écritures  d'une  façon  telle 
qu'après  sa  mort  on  eut  beaucoup  de  difficultés  à  les  com- 
prendre. M.,  de  Villeray,  son  successeur,  qui  avait  épousé 
sa  fille  deux  mois  après  sa  mort,  fut  tenu  responsable  de  ses 
erreurs  ou  de  sa  mauvaise  gestion. 

Le  5  septembre  1658,  le  gouverneur  d'Argenson  écri- 
vait à  M.  de  Morangé,  conseiller  ordinaire  du  Roi  en  ses 
Conseils  et  directeur  de  ses  finances  : 

"La  mort  de  M.  Sevestre  a  obligé  Monsieur  d'Aille- 

(7)  Ferland,  Cours  d'histoire  du  Canada,  vol.  1er,  p.  402. 

(8)  Mémoires  sur  la  vie  de  Mgr  de  Laval. 


—  37  ™ 

boust  d'en  arrêter  les  comptes.  J'ai  ordonné  qu'on  en 
mit  la  copie  entre  les  mains  de  Monsieur  Denis  pour  vous 
l'envoyer.  Il  (M.  Sevestre)  avait  la  charge  de  lieutenant 
particulier  laquelle  après  sa  mort  Monsieur  d'Ailleboust 
a  fait  exercer  par  le  sieur  de  Villeray  sous  votre  bon  plai- 
sir. Je  le  trouve  très  capable  et  personne  à  s'en  acquitter 
avec  honneur  et  je  ne  fais  nul  doute  que  recevant  cette  gra- 
tification de  votre  compagnie  il  n'en  aie  une  parfaite  re- 
connaissance. C  'est  à  lui  que  M.  Denis  avait  fait  opposi- 
tion pour  sa  maison,  mais  je  l'ai  trouvée  si  fort  avancée 
qu'il  aurait  été  néanmoins  nécessaire  de  le  dédommager, 
outre  qu'elle  n'est  point  du  côté  de  la  rade  et  qu'ainsi  on 
peut  dire  qu'elle  est  plutôt  contre  la  bienséance  que  contre 
la  nécessité.  Il  n'en  est  pas  de  même  d'une  autre  qui  re- 
gardait la  rade  des  vaisseaux  et  que  j 'ai  ordonnée  qui  fut 
levée  parce  qu'elle  empêche  la  batterie. 

'*Le  sieur  de  Bécancour  n'a  pu  s'empêcher  de  témoi- 
gner sa  chaleur  ordinaire  sur  la  conservation  du  bâtiment 
du  Sr  de  Villeray  sur  ce  qu'il  disait  en  avoir  concession 
mais  il  a  été  bien  étonné  lorsque  je  lui  ai  dit  que  ce  ne  pou- 
vait être  qu'une  surprise  puisque  si  il  est  vrai  que  le  bâti- 
ment de  ViUeray  nuise  à  la  forteresse  du  magasin,  celle 
qu'il  y  bâtirait  à  la  place  causerait  le  même  empêchement 
et  que  par  là  il  découvrait  seulement  l'intérêt  qui  le  faisait 
agir  et  nullement  la  pensée  de  la  justice  et  de  maintenir 
les  droits  de  votre  compagnie".  (9) 

M.  d'Argenson,  on  le  voit,  avait  ime  haute  opinion  de 
l'honnêteté  et  des  capacités  de  M.  de  Villeray.  Mais  celui- 
ci  avait  des  ennemis  et  ils  réussirent  à  indisposer  le  gou- 
verneur contre  lui.  La  plupart  des  lettres  de  M.  d'Ar- 
genson au  ministre  n'ont  pas  été  conservées  mais  c'est  cer- 
tainement sur  ses  plaintes  que  M.  de  Villeray  fut  obligé 
de  traverser  les  mers  pour  aller  s'expliquer  auprès  des 
autorités. 

Dans  un  arrêté  du  Roi  signé  à  Paris  le  13  mai  1659, 
au  sujet  de  la  traite  des  pelleteries,  nous  lisons  : 

(9)     Archives  du  Canada,  Correspondance  générale,  vol.  1er. 


—  38  — 

" .et  d'autant  que  Sa  d.  Majesté 

a  été  informée  que  le  nornmé  Rouer  de  Villeray  a  été  par 
voies  et  moyens  illicites  élu  et  nommé  pour  être  du  con- 
seil de  la  dite  traite  que  d'ailleurs  il  est  accusé  de  plusieurs 
crimes  dont  il  doit  se  justifier  auparavant  que  d'exercer 
aucune  charge  publique  et  qu'il  doit  représenter  tous  les 
comptés  que  défunt  Sevestre  son  beau-père  a  rendus  de 
la  recette  et  dépense  des  droits  du  dit  magasin  avec  les  re- 
gistres qu'il  en  a  tenus  et  les  autres  pièces  justificatives 
des  d.  comptes.  Sa  dite  Majesté  ordonne  que  pour  y  sa- 
tisfaire et  pour  se  purger  des  d.  crimes  le  d.  Rouer  viendra 
en  France  par  le  retour  des  vaisseaux  qui  iront  cette  an- 
née au  dit  pays  et  cependant  qu'il  sera  procédé  au  plus  tôt 
à  l'élection  et  nomination  d'une  autre  personne  pour  as- 
sister au  dit  Conseil  de  la  traite  au  lieu  et  place  du  d.  Rouer 
par  les  habitants  du  dit  pays  qui  seront  assemblés  à  cette 
fin  par  l'ordre  du  sieur  d'Argenson".  (10) 

Le  21  octobre  1659,  le  gouverneur  d'Argenson  écri- 
vait au  ministre  : 

''Il  y  a  un  habitant  d'ici  appelé  Villeray  qui  s'en  va 
en  France  se  justifier  de  quelque  accusation  que  font  Mrs 
de  la  Cie  contre  lui.  Il  a  quelques  qualités  assez  bonnes 
mais  on  ne  peut  avoir  confiance  en  lui  parce  qu'il  a  été  à 
trop  de  Messieurs  :  M.  de  Lauzon,  M.  de  Charny  et  M. 
d 'Ailleboust,  si  bien  qu'il  voltige  tantôt  d'un  côté  et  tantôt 
d'un  autre".  (11) 

M.  de  Villeray  partit  à  bord  du  vaisseau  du  capitaine 
Poulet  qui  prit  la  mer  le  26  octobre  1659.  Le  Père  Bar- 
thélémy Vimont,  l'abbé  de  Queylus,  M.  de  Bécancour, 
M.  Chartier  de  Lotbinière  et  la  plupart  des  marchands  de 
Québec  et  de  Montréal  s'embarquèrent  en  même  temps 
que  M.  de  Villeray.  (12) 

M.  de  Villeray  revint  au  pays  au  printemps  de  1660. 

Les  explications  de  M.  de  Villeray  avaient  été  trou- 
vées si  satisfaisantes  qu'on- lui  remit  sa  charge  dès  son 

(10)  Archives  Provinciales  de  Québec,  1ère  série,  cahier  1er. 

(11)  Archives  Provinciales  de  Québec,  1ère  série,  cahier  1er. 

(12)  Journal  des  Jésuites. 


...  zu ... 

retour  au  pays.  Le  gouverneur  d'Argenson,  indigne- 
ment trompé  sur  son  compte,  lui  rendit  aussi  toute  son 
estime. 

Le  4  novembre  1660,  M.  d'Argenson  écrivait  au  minis- 
tre : 

''On  nous  a  donné  bien  des  comptes  à  revoir  cette  an- 
née. Pour  moi,  ma  pensée  était  de  décharger  le  commis 
du  magasin  du  compte  rendu  en  1657  de  même  que  nous 
avions  fait  des  autres,  mais  on  a  jugé  dans  le  Conseil  d'ici 
plus  à  propos  de  renvoyer  ce  compte  sans  l'arrêter,  mais 
seulement  avec  quelques  remarques.  Cela  ne  laissera  pas 
d'embarrasser  le  commis  du  magasin  ou  du  moins  ses  hé- 
ritiers desquels  est  le  sieur  de  Villeray,  lieutenant-parti- 
culier de  ce  Québec,  qui  est  un  des  meilleurs  habitants  de  ce 
pays  et  un  fort  honnête  honmie.  Il  avait  passé  en  Fran- 
ce l 'année  passée  et  va  encore  y  faire  un  tour.  Il  lui  serait 
fâcheux  d'être  recherché  après  avoir  payé  par  l'ordre  de 
ceux  qui  avaient  le  pouvoir  et  vous  voyez  bien  qu'il  serait 
impossible  à  un  commis  de  refuser  un  commandement  du 
gouverneur  particulier  quand  il  y  fait  donner  quelque  ap- 
probation du  Conseil.  Ce  n'est  pas  que  j'en  aie  jamais 
voulu  user  de  la  sorte.  J'ai  toujours  laissé  une  entière 
liberté  au  Conseil  de  disposer  et  de  donner  les  ordres  au 
commis  de  payer  mais  seulement  pour  vous  montrer  la 
justice  qu'il  y  a  de  décharger  le  commis,  ce  que  je  vous  prie 
d'insinuer  à  ceux  qui  pourraient  vous  en  parler".  (13) 

M.  de  Villeray  s'embarqua  pour  la  France,  à  Québec, 
le  5  novembre  1660,  sur  le  vaisseau  de  Pointel.  (14)  Il  re- 
vint dans  la  Nouvelle-France  au  cours  de  l'été  de  1661. 

A  l'automne  de  1662,  nouveau  voyage  en  France.  M. 
de  Villeray  s'embarqua  le  20  septembre  1662,  sur  le  vais- 
seau du  sieur  La  Mothe,  avec  mademoiselle  Mance,  M.  La 
Garenne,  etc.  (15) 

D'après  l'édit  de  création  du  Conseil  Souverain  de  la 
Nouvelle-France  du  mois  d'avril  1663,  le  nouvelle  institu- 

(13)  Archives  Provinciales  de  Québec,  1ère  série,  cahier  1er. 

(14)  Journal  des  Jésuites. 

(15)  Journal  des  Jésuites. 


—  40--- 

lion  devait  se  composer  du  gouverneur  de  Mézy,  de  Mgr 
de  Laval  et  de  cinq  autres  personnes  qu'ils  devaient  choi- 
sir conjointement  et  de  concert. 

Ces  cinq  personnes  furent  choisies  le  18  septembre 
1663.  Le  premier  nom  sur  lequel  s'arrêtèrent  M.  de  Mé- 
zy et  Mgr  de  Laval  fut  celui  de  M.  de  Villeray.  Il  fut 
choisi  comme  premier  conseiller. 

Dès  la  deuxième  séance  du  Conseil  Souverain,  M.  de 
Villeray  fut  chargé  d'une  mission  délicate  et  peut-être 
dangereuse. 

En  1660,  les  directeurs  de  la  Compagnie  des  Cent- 
Associés  avaient  envoyé  à  Québec  l'avocat  Peronne  Du 
Mesnil  en  qualité  de  contrôleur  général,  d'intendant  et  de 
juge  souverain.  Pendant  son  séjour  de  près  de  quatre 
années  ici,  Peronne  Du  Mesnil  se  conduisit  comme  un  vé- 
ritable inquisiteur,  accusant  tous  les  hommes  en  place  d'ê- 
tre des  voleurs. 

En  septembre  1663,  Peronne  DuMesnil  apprenant  que 
le  Conseil  Souverain,  nouvellement  organisé,  avait  l'in- 
tention de  demander  aux  commis  et  receveurs  des  deniers 
de  la  Communauté  de  rendre  leurs  comptes  pour  les  deux 
dernières  années,  fit  forcer  l'étude  de  M.  Audouart,  gref- 
fier de  l'ancien  Conseil,  et  enlever  certains  registres  et  piè- 
ces justificatives  dont  on  avait  besoin  pour  cette  reddition 
de  comptes. 

Le  20  septembre  1663,  le  Conseil  Souverain  chargeait 
MM.  de  Villeray  et  Bourdon  d'enlever  ces  registres  et  pa- 
piers à  Peronne  DuMesnil,  puis  de  les  sceller  et  mettre 
sous  bonne  garde.  Il  devait  aussi  forcer  Peronne  Du 
Mesnil  à  quitter  la  maison  qu'il  habitait  et  qui  apparte- 
nait à  la  colonie. 

Une  escorte  de  soldats  fut  donnée  à  MM.  de  Villeray 
et  Bourdon  et  ils  s'acquittèrent  de  leur  mission  avec  une 
fermeté  qui  ne  plût  pas  au  sieur  Peronne  DuMesnil  qui 
faisait  le  rodomont  dans  le  pays  dtpuis  quarante  mois. 

De  là  les  accusations  aussi  mensongères  que  ridicu- 
les portées  par  cet  avocat  bavard  contre  M.  de  ViUeray 


—  41  — 

après  son  retour  en  France.  (16) 

Deux  partis  se  formèrent  bientôt  dans  le  Conseil  Sou- 
verain :  celui  de  l'évèque,  qui,  obéissant  à  l'édit  du  roi, 
avait  établi  son  séminaire  et  la  dime,  et  s'opposait  avec 
i'ermeté  à  la  vente  des  boissons  enivrantes  aux  sauvages  ; 
et  le  parti  du  gouverneur,  qui,  se  figurant  que  Mgr  de  La- 
val voulait  emj^iéter  sur  ses  attributions,  essayait  de  se 
venger  en  favorisant  la  traite  de  l'eau-de-vie  et  en  lui 
créant  des  embarras  pour  la  dime. 

M.  de  Villeray  n  'hésita  pas  à  se  déclarer  en  faveur  de 
la  dîme  et  contre  la  traite  de  l 'eau-de-vie,  c'est-à-dire  pour 
son  évêque  contre  le  gouverneur  de  Mézy. 

De  là,  la  fureur  de  ce  dernier  contre  M.  de  Villeray  et 
MM.  d'Auteuil  et  Bourdon,  procureur-général,  qui  avaient 
agi  connue  lui. 

Le  13  février  1663,  pendant  que  Mgr  de  Laval  était 
au  château,  dans  la  salle  ordinaire  des  séances  du  Conseil 
Souverain,  M.  d'Angoville,  secrétaire  de  M.  de  Mézy,  vint 
de  la  i3art  de  son  maître  lui  donner  lecture  de  l'avis  de 
destitution  de  MM.  de  Villeray,  d'Auteuil  et  Bourdon. 

"Il  ne  les  avait  nommés,  disait-il,  qu'à  la  suggestion 
de  l'évèque  de  Pétrée,  dont  ils  étaient  les  créatures.  Ils 
avaient  voulu  se  rendre  maîtres  du  Conseil,  contre  les  in- 
térêts du  roi  et  du  public,  dans  le  but  de  favoriser  des  par- 
ticuliers. Ils  avaient  formé  et  fomenté  des  cabales,  con- 
trairement à  leur  devoir  et  au  sennent  de  fidélité  qu'ils 
avaient  prêté  au  roi.  On  avait  profité,  ajoutait-il,  de  sa 
bonne  foi  et  de  son  ignoi'ance  du  pays  pour  le  faire  con- 
sentir à  leur  nomination.  Il  priait  maintenant  le  prélat 
de  se  joindre  à  lui  pour  faire  une  assemblée  du  peuple,  à 
l'effet  de  choisir  d'autres  officiers." 

Mgr  de  Laval  se  contenta  de  faire  remarquer  que  cette 
déclaration  n'avait  aucime  valeur,  puisqu'il  ne  lui  avait 
pas  donné  son  concours,  ainsi  que  le  voulait  l'édit  de  cré- 
ation du  Conseil  Souverain. 


(16)     Le  Mémoire  de  Péronne  DuMesnil  a  été   publié  dans  le  Bulletin  des 
Recherches  Historiques,  vol.  XXI,  pp.  166  et  seq. 


—  42-- 

"M.  de  Mézy,  dit  M.  l'abbé  Gosselin,  alliait  une  foi 
profonde  à  de  grands  travers  d'esprit.  On  lui  fit  entendre 
que  ses  actes  arbitraires  forceraient  le  clergé  à  lui  interdi- 
re les  sacrements  de  l'Eglise  ;  de  ce  moment,  sa  conscien- 
ce ne  fut  pas  en  repos.  '  ' 

Enfin,  à  la  séance  du  Conseil  Souverain,  le  16  avril 
1663,  M.  de  Mézy  rendit  ses  bonnes  grâces  à  MM.  de  Vil- 
leray  et  Bourdon  et  il  déclara  comme  nul  et  non  avenu  tout 
ce  qu'il  avait  dit  et  écrit  contre  eux.  La  disgrâce  de  M. 
de  Villeray  avait  duré  deux  mois.  (17) 

Cependant  la  colère  de  M.  de  Mézy  contre  M.  de  Ville- 
ray et  les  autres  membres  du  Conseil  Souverain  qui  par- 
tageaient ses  opinions  n'était  calmée  qu'en  apparence. 
Elle  n'attendait  qu'une  occasion  favorable  pour  éclater  de 
nouveau. 

M.  Charron  avait  été  élu  syndic  des  habitants  en  as- 
semblée publique  régulièrement  convoquée  par  ordre  du 
Conseil  Souverain.  M.  Charron  résigna  bientôt.  Une  as- 
semblée convoquée  pour  lui  élire  un  successeur  fut  sans 
résultat.  Une  troisième  assemblée,  convoquée  par  le  gou- 
verneur seul  et  par  conséquent  irrégulière,  nomma  M.  Le- 
mire. 

Certains  conseillers,  parmi  lesquels  MM.  de  Villeray 
et  d'Auteuil,  ayant  protesté  contre  cette  élection,  M.  de 
Mézy  ne  put  se  contenir  et  il  suspendit  de  leurs  fonctions 
MM.  de  Villeray,  d'Auteuil,  de  la  Ferté  et  le  procureur 
général  Bourdon. 

C'est  au  moment  où  M.  de  Mézy  était  le  plus  monté 
contre  M.  de  Villeray  que  ce  dernier  traversa  en  France 
probablement  pour  ses  affaires  et  peut-être  aussi  pour  met- 
tre le  ministre  au  courant  de  ce  qui  se  passait  ici.  Il  s'em- 
barqua le  30  août  1664  sur  le  vaisseau  du  sieur  Le  Gan- 
gneur.  (18) 

Vingt  jours  après  le  départ  de  M.  de  Villeray  pour  la 

(17)  Sur  cet  épisode  on  peut  consulter  M.  l'abbé  Gosselin,  Vie  de  Mgr 
de  Laval,  tome  I,  pp.  437  et  seq.  Tout  l'événement  est  raconté  de  main  de  maî- 
tre. 

(18)  Journal  des  JésvAtes. 


—  43  — 

France,  le  19  septembre  1664,  M.  de  Mézy  se  présentait  au 
Conseil  Souverain  et  déclarait  que  le  roi  lui  avait  donné  le 
pouvoir  et  à  Mgr  de  Laval  de  changer  les  conseillers  au 
bout  de  l'an,  qu'il  en  avait  jjarlé  plusieurs  fois  à  l'évêque 
mais  qu'ils  n'avaient  pu  s'entendre.  Il  donnait  donc  avis 
aux  sieurs  de  la  Ferté,  d'Auteuil  et  Bourdon,  procureur 
général,  qu'ils  n'étaient  plus  officiers  du  Conseil.  Il  an- 
nonçait également  que  M.  de  Villeray,  en  route  pour  la 
France,  ne  faisait  plus  ijartie,  non  plus,  du  Conseil  Sou- 
verain. 

Le  24  du  même  mois,  M.  de  Mézy,  de  sa  seule  autorité, 
nommait  les  successeurs  des  conseillers  destitués.   * 

"En  tout  cela,  dit  Garneau,  le  gouverneur  violait  l'é- 
dit  royal,  car,  s'il  ne  pouvait  nonmier  les  conseillers  sans  le 
consentement  de  l'évêque,  il  ne  pouvait  non  plus  se  passer 
de  ce  consentement  pour  les  destituer  ou  les  suspen- 
dre". (19) 

En  France,  M.  de  Villeray  ne  perdit  pas  son  temps. 
Il  vit  le  ministre  et  le  fit  voir  par  ses  amis. 

Il  écrivit  même  un  mémoire  que  nos  historiens  ne  sem- 
blent pas  avoir  connu  et  où  il  donne  les  raisons  de  la  haine 
du  gouverneur  de  Mézy  contre  lui. 

**La  source  du  désordre,  écrivait-il  en  cette  occasion, 
procède  de  deux  choses  :  l'une  de  ce  que  l'édit  du  roi  tou- 
chant l'érection  du  Conseil  Souverain  à  Québec  diminue 
la  grande  autorité  des  gouverneurs,  et  l'autre  l'avarice 
de  M.  de  Mézy,  qui  lui  a  fait  rechercher  par  force  et  par 
artifice  une  augmentation  de  5,000  livres  au  delà  des  pré- 
cédents gouverneurs.  Jugez  où  cela  va,  en  égard  au  pays 
et  à  sa  pauvreté.  J'ai  fait  tout  le  possible  pour  empê- 
cher cette  augmentation  et  que  les  intentions  de  Sa  Majes- 
té fussent  suivies,  et  plus  j 'y  ai  fait  mon  devoir,  plus  il  a 
eu  occasion  de  m'en  savoir  mauvais  gré,  et  pour  cela  il  a 
mis  tout  en  usage  pour  me  perdre".  (20) 

M.  de  Villeray  revint  dans  la  Nouvelle-France  pen- 

(19)  Histoire  du  Canada,  tome  1er  p.  201. 

(20)  Bibliothèque  Nationale,  fonds  Colbert,  collection  verte. 


...  44|-- 

dant  l'été  de  1665.  Il  fit  probablement  la  traversée  sur  le 
Saint-Sébastien  qui  amenait  ici  l'intendant  Talon.  Ce 
vaisseau  parti  de  Larochelle  le  24  mai  1665,  jeta  l'ancre 
devant  Québec  le  12  septembre  suivant.  La  traversée 
avait  duré  117  jours  !  M.  de  Villeray  apprit  en  arrivant 
en  même  temps  que  sa  destitution  la  mort  de  celui  qui  en 
avait  été  la  cause.  M.  de  Mézy  était  en  effet  décédé  à 
Québec  le  5  mai  1665. 

Coïncidence  curieuse  !  Dans  le  mémoire  d'instruc- 
tions remis  à  M.  Talon  avant  son  départ,  le  roi  semblait 
insinuer  que  les  Jésuites  menaient  tout  le  pays,  y  compris 
le  gouverneur  et  l'évêque.      Le  roi  disait  à  M.  Talon  de 

s'informer  là-dessus.      "Pour  y  parvenir 

il  faudra  qu'il  voit  le  procureur  général  et  le  sieur  Ville- 
ray, qui  sont  les  deux  principaux  du  Conseil  Souverain 
établi  à  Québec,  que  l'on  dit  être  entièrement  dévoués  aux 
dits  Jésuites,  desquels  il  tirera  ce  qu'ils  en  peuvent  savoir 
sans  néanmoins  se  découvrir  de  ses  intentions.  '  ' 

Pendant  ces  cent-dix-sept  jours  de  traversée  M.  Ta- 
lon eut  amplement  le  temps  de  questionner  M.  de  Villeray 
sur  les  choses  du  pays.  Celui-ci,  qui  habitait  la  Nouvelle- 
France  depuis  quatorze  ans  et  qui  avait  été  mêlé  à  tous  les 
événem^ts  importants,  lui  donna,  nous  pouvons  le  croire, 
des  renseignements  qui  mirent  M.  Talon  absolument  au 
fait  de  la  situation  du  pays. 

M.  de  Tracy  arrivé  dans  le  pays  le  30  juin  1665  se 
chargea  de  réparer  l'injustice  conmiise  au  détriment  de  M. 
de  Villeray  par  l'irascible  M.  de  Mézy.  Le  6  décembre 
1666,  il  faisait  de  nouvelles  nominations  au  Conseil  Sou- 
verain et  M.  de  Villeray  recevait  la  charge  de  premier 
conseiller. 

Le  10  novembre  1668,  le  Conseil  Souverain  de  la  Nou- 
velle-France rendait  son  célèbre  arrêt  permettant  à  "tous 
les  Français  habitants  de  la  Nouvelle-France  de  vendre  et 
débiter  toutes  sortes  de  boissons  aux  sauvages  qui  en  vou- 
dront acheter  d'eux  et  traiter."  Mgr  de  Laval  et  M.  Le 
Gardeur  de  Tilly  seuls  refusèrent  de  signer  cet  arrêt.  M. 


—  45  — 

de  Villeray,  comme  les  autres  membres  du  Conseil  Sou- 
verain, y  api30sa  sa  signature. 

C'était  la  première  fois  que  M.  de  Villeray  différait 
d'opinion  avec  Mgr  de  Laval  sur  le  funeste  commerce  de 
l'eau-de-vie.      Il  dût  regretter  cette  erreur. 

C'est  l'intendant  Talon  qui  avait  décidé  le  Conseil 
Souverain  à  adopter  cet  arrêt. 

"Certes,  a  écrit  M.  Cliapais,  Talon  ne  se  rendait  pas 
compte  du  fléau  qu'il  déchaînait.  Il  croyait,  sans  doute, 
servir  encore  le  bien  public  en  provoquant  cette  décision. 
Cependant  quelles  que  pussent  être  ses  intentions,  il  com- 
mettait un  acte  dont  l'historien  impartial  ne  saui^ait  l'ex- 
cuser. Il  y  a  dans  sa  vie  bien  des  pages  glorieuses.  Mais 
on  voudrait  pouvoir  déchirer  celle  qu'il  écrivit  le  10  novem- 
bre 1668".  (21) 

La  même  remarque  s'applique  à  M.  de  Villeray.  On 
voudrait  pouvoir  déchirer  la  triste  page  qu'il  écrivit  le  10 
novembre  1668. 

M.  de  Villeray  avait  été  d'autant  plus  mal  inspiré  en 
suivant  M.  Talon  sur  cette  question  de  l'eau-de-vie  qu'en 
cette  même  année  1668  il  avait  été  élu  marguillier  de  l'é- 
glise paroissiale  de  Québec  qui  était  en  même  temps  la  ca- 
thédrale de  Mgr  de  Laval.  L'évêque  de  Québec,  toute- 
fois, ne  lui  garda  pas  rancune  pour  ce  faux  pas  dans  sa 
carrière  jusque  là  sans  reproche. 

Le  14  janvier  1669,  le  gouverneur  de  Courcelle  conti- 
nuait M.  de  Villeray  dans  sa  charge  de  conseiller  au  Con- 
seil Souverain. 

Nous  lisons  dans  le  procès- verbal  de  l'assemblée  du 
Conseil  Souverain  tenue  ce  jour-là  : 

"En  l'assemblée  convoquée  au  château  Saint-Louis 
de  Québec  par  M.  Daniel  de  Remy,  chevalier,  seigneur  de 
Courcelle,  gouverneur  et  lieutenant-généraj  pour  le  roi  en 
la  Nouvelle-France,  où  il  présidait  assiste  de  Messieurs 
Claude  de  Bouteroue.  conseiller  de  Sa  Majesté  en  ses  con- 
seils, intendant  de  la  justice,  police  et  finances  de  ce  pays, 

(21)     Jean  Talon,  p.  245. 


—  46- 

et  de  Mgr  François  de  Laval,  évêque  de  Petrée,  nommé 
par  le  E-oi  premier  évêque  de  ce  pays  lorsqu'il  aura  plu  à 
notre  Saint  Père  le  Pape  d 'y  en  établir  un,  conseiller  per- 
pétuel au  Conseil  Souverain  établi  à  Québec,  par  l'édit  du 
mois  d'avril  1663;  les  sieurs  de  Villeray,  de  Gorribon,  et 
Tilly,  Damour's,  de  la  Tesserie,  de  Moucliy  et  Peuvret  ayant 
été  mandés,  il  leur  a  été  déclaré  qu'il  a  été  fait  choix  de 
leurs  personnes  pour  remplir  les  charges  du  dit  Conseil, 
savoir  les  dits  sieurs  de  Villeray,  Gorribon,  de  Tilly,  Da- 
mours  et  de  la  Tesserie  pour  être  continués  dans  l'exer- 
cice des  charges  de  conseillers,  le  dit  sieur  de  Mouchy  pour 
être  établi  en  la  charge  de  substitut  du  procureur  général, 
et  le  dit  sieur  Peuvret  pour  être  continué  secrétaire  et 
greffier".  (22) 

Le  gouverneur  de  Courcelle  n'était  pas  un  ami  de  Mgr 
de  Laval.  Le  13  janvier  1670,  il  réorganisait  le  Conseil 
Souverain.  M.  de  Villeray,  que  le  gouverneur  jugeait  trop 
favorable  à  Mgr  de  Ijaval  et  à  son  clergé,  fut  remplacé  com- 
me conseiller  par  M.  Dupont. 

M.  Patoulet,  secrétaire  de  l'intendant  Talon,  écrivait 
au  ministre,  le  25  janvier  1672,  au  sujet  de  l'exclusion  de 
M.  de  Villeray  : 

''M.  de  Courcelle  en  1670  estima  devoir  congédier  le 
conseil  formé  par  M.  de  Tracy,  lui  et  M.  Talon,  pour  en  ex- 
clure le  sieur  de  Villeray,  sou]3çonné  par  lui  d'avoir  de  trop 
fortes  liaisons  avec  M.  l 'évêque  de  Pétrée  et  les  PP.  Jé- 
suites. Et  comme  il  n'a  peut-être  pas  fait  réflexion  que 
le  roi  ne  lui  a  pas  confié  ce  pouvoir-là,  et  que  des  habitants 
du  pays  ont  dit  que  lorsque  M.  de  Courcelle  en  sera  parti 
ils  protesteront  de  nullité  contre  les  arrêts  que  le  nouveau 
conseil  qu'il  a  établi  a  rendus,  je  crois  qu'il  serait  bon  pour 
remédier  à  beaucoup  de  chicanes,  qui  pourraient  naître  de 
là,  d'autoriser  par  un  arrêt  du  Conseil  de  Sa  Majesté  le 
procédé  de  moirdit  sieur  de  Courcelle,  et  cependant  faire 
rentrer  le  dit  sieur  de  Villeray,  seul  honmie  capable  de  ju- 
dicature.      M.  l 'évêque  de  Pétrée  et  les  PP.  Jésuites  se 

(22)     Jugements  et  délibérations  du  Conseil  Souverain  de  la  Nouvelle-Fran- 
ce, \cA.  1er,  p.  539. 


—  47  ™ 

conformant  en  toutes  choses  aux  instructions  du  roi,  il  ne 
peut  plus  être  suspect".  (23) 

Il  tombait  dans  le  lot  de  M.  de  Villeray  de  devenir  la 
bête  noire  des  gouverneurs  de  la  Nouvelle-France.  Tour 
à  tour  MM.  de  Mézy,  d'Argenson  et  de  Courcelle  avaient  eu 
des  griefs  contre  lui.  Mais  le  gouverneur  de  Frontenac 
devait  être  tout  le  temps  de  son  administration  un  violent 
et  presque  toujours  injuste  adversaire  de  M.  de  Villeray. 

Le  2  novembre  1672  M.  de  Frontenac  écrivait  au  minis- 
tre Colbert  : 

"Ile  ne  me  reste  plus  Monseigneur,  pour  faire  ime 
aussi  longue,  et  peut-être  aussi  une  aussi  ennuyeuse  let- 
tre, qu'à  vous  dire  que  Mrs.  Paget  et  quantité  d'autres 
principaux  habitants  de  LaRochelle,  qui  sont  créanciers  de 
la  communauté  du  Canada  me  présentèrent  en  passant  ime 
requête  par  laquelle  ils  me  demandaient  que  j 'eusse  à  les 
faire  payer  de  ce  qui  leur  était  dû  par  les  habitants  de  ce 
pays,  prétendant  qu'on  y  avait  touché  de  grandes  som- 
mes sur  les  dix  pour  cent  qu'on  y  lève,  sans  qu'ils  eussent 
été  payés  de  quoi  que  ce  soit.  Comme  je  n'étais  pas  en  lieu 
de  leur  pouvoir  rien  répondre,  je  les  remis  quand  je  serais 
arrivé,  et  en  ayant  parlé  depuis  à  M.  Talon,  il  m'a  dit  qu'il 
ajusterait  cela  quand  il  serait  en  France. 

''Cependant  les  habitants  m'ont  fait  ici  les  mêmes 
plaintes,  disant  que  le  droit  se  levait  toujours  sans  qu'ils 
se  vissent  acquittés  de  la  moindre  somme  ;  qu'un  nommé 
Villeray  avait  été  depuis  quelques  années  établi  par  M.  Ta- 
lon pour  le  recevoir,  et  qu'il  n'y  en  avait  pas  un  d'eux  qui 
ne  connut  fortune  d'être  arrêté  prisonnier,  lorsqu'ils  al- 
laient à  LaRochelle.  Les  marchands  et  le  syndic  des  ha- 
bitants me  vinrent  même  trouver  il  y  a  quelques  jours 
pour  se  plaindre  que  le  dit  Villeray  voulait  exiger  un  droit 
de  cinq  pour  cent  sur  toutes  les  marchandises  sèches  qui 
avait  été  aboli  il  y  a  deux  ans  sans  néanmoins  qu'il  y  eut  eu 
pour  le  rétablir  aucune  ordonnance  publiée   :  qu'on  leur 

(23)     Archives  du  Canaxïa,  Correspondance  générale,  vol.  3. 


--48- 

avait  demandé  la  déclaration  de  leur  facture  de  cette  an- 
née et  même  exigé  le  droit  d'un  capitaine  d'un  vaisseau 
qui  est  parti  depuis  huit  ou  dix  jours  pour  les  Iles,  ce  qui  ne 
donnait  pas  un  grand  courage  de  continuer  ce  commerce. 
Ce  sera  à  vous  à  régler,  s'il  vous  plait,  toutes  ces  choses-là 
avec  M.  Talon  qui,  je  crois,  vous  en  rendra  bon  compte. 
Ils  viennent  de  m 'apporter  leurs  requêtes  que  je  vous  en- 
voie sur  les  cottes  G.  L. 

"L'on  m'a  donné  avis  que  ce  Villerày  avait  envie  de 
vous  demander  la  charge  de  procureur-général  du  Con- 
seil Souverain  ;  mais  il  passe  ici  pour  un  esprit  fort  brouil- 
lon et  qui  cherche  à  mettre  la  désunion  partout  quoique 
d'ailleurs  il  ait  de  l'entendement  et  du  savoir.  C'est  ce 
qui  a  obligé  il  y  a  un  an,  de  l'ôter  du  Conseil  où  il  faisait 
la  charge  de  conseiller.  Il  y  a  encore  une  autre  raison 
plus  forte,  c'est  qu'il  est  entièrement  dévoué  aux  Pères 
Jésuites,  et  Von  dit  même  ici  comynunément  qu'il  est  du 
nombre  de  ceux  qui  sans  en  porter  l'habit  ne  laissent  pas 
d'en  avoir  fait  les  voeux.  (24)  C'est  pourquoi  j 'ai  cru  qu'il 
était  de  mon  devoir  de  vous  en  avertir,  afin  que  vous  vis- 
siez, en  cas  que  l'on  vous  en  parlât,  si  après  avoir  (eu)  au- 
tant de  peine  à  ôter  aux  Pères  Jésuites  la  connaissance  et 
la  direction  des  affaires  de  ce  pays  il  serait  à  propos  de 
leur  ouvrir  une  porte  pour  y  entrer  indirectement."  (25) 

Le  13  novembre  1673,  M.  de  Frontenac  revenait  à  la 
charge  auprès  du  ministre  Colbert  : 

"M.  Paget  et  les  autres  qui  m'avaient,  comme  je  vous 
le  marquai  l'année  passée,  parlé  des  dettes  que  leur  doit  le 
pays,  m'ont  encore  celle-ci  envoyé  une  nouvelle  requête 
pour  être  satisfaits  ;  mais  je  leur  mande  qu'ils  n'ont  qu'à 
s'adresser  à  vous  et  que  vous  réglerez  cela  ou  avec  M.  Ta- 
lon ou  avec  celui  dont  le  Roi  fera  choix,  pour  lui  donner 
l 'intendance  de  ce  pays. 

"Cependant  comme  un  nommé  Villerày  duquel  je  me 
donnai  l'honneur  de  vous  jjarler  dans  mes  dernières  dépê- 

(24)  Tous  les  mots  en  italiques  sont  en  chiffres. 

(25)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  cahier  3. 


...  49  — 

ches  et  dont  je  vous  dépeignais  le  caractère,  était  commis 
pour  la  levée  du  dix  pour  cent  et  que  pendant  cet  hiver  il 
m'a  donné  en  deux  ou  trois  rencontres  des  marques  de  son 
humeur  brouillonne,  intriguante  et  propre  à  mettre  la  di- 
vision et  le  trouble  partout,  je  crus  en  partant  pour  le  vo- 
yage du  lac  Ontario,  et  prévoyant  qu'il  arriverait  quelques 
vaisseaux  avant  mon  retour,  devoir  remettre  cette  com- 
mission entre  les  mains  d'une  personne  plus  affectionnée 
pour  le  service  et  qui  fut  moins  dépendante  des  Jésuites, 
dont  il  est  un  des  ijrincipaux  arc-boutants  et  duquel  ils  se 
servent  dans  toutes  leurs  machines.  C'est  pourquoi  j'ai 
commis  le  sieur  Peiras  qui  a  été  autrefois  secrétaire  de  M. 
de  Courcelles  et  qui  est  un  homme  très  capable,  en  bonne 
réjjutation  et  entre  les  mains  de  qui  les  deniers  seront  plus 
assurés  qu'ils  n'auraient  été  dans  celles  de  l'autre.  Et  com- 
me il  avait  déjà  fait  la  recette  de  deux  vaisseaux  devant 
que  j'eusse  reçu  vos  premiers  ordres  qui  ne  sont  arrivés 
ici  que  le  troisième  septembre  par  navire  du  capitaine 
Poulet,  et  que  je  voyais  que  les  gens  de  M.  Talon  à  qui  le 
dit  Villeray  avait  à  répondre,  s'en  retournaient  en  France, 
j 'ai  cru  que  vous  ne  trouveriez  pas  mauvais  que  je  ne  chan- 
geasse rien  de  ce  que  j 'avais  fait,  avant  que  de  savoir  vos 
intentions,  vous  assurant  que  le  sr  de  Peiras  rendra  un  bon 
et  fidèle  compte  à  l'intendant  qui  viendra  en  ce  pays  de 
tout  ce  qui  aura  passé  jjar  ses  mains. 

"Si  j'ai  manqué  en  cela  ça  été  en  croyant  bien  faire  et 
non  pas  manquer  d'obéissance  à  vos  ordres  que  je  servirai 
toujours  aveuglement."  (26) 

Le  ministre  Colbert,  qui  connaissait  de  longue  date 
l'antipathie  de  M.  de  Frontenac  pour  M.  de  Villeray,  lui 
répondait  le  17  mai  1674  : 

''A  l'égard  du  sieur  de  Villeray,  Sa  Majesté  a  toujours 
reconnu  que  c 'estait  celuy  de  tous  les  habitans  de  Canada 
qui  estait  le  plus  acconmiodé,  et  qui  s'appliquait  le  plus  au 
coumierce,  et  mesme  qui  avait  déjà  des  vaisseaux  en  mer 
qui  avaient  donné  commencement  au  commerce  avec  les 

(26)     Archives  du  Canada.  Correspondance  générale,  vol.  4. 


—  50  — 

Isles  de  l'Amérique  ;  et  comme  Sa  Majesté  vous  a  toujours 
fait  connaistre  qu'il  n'y  avait  rien  de  plus  important,  et 
de  plus  nécessaires  que  ces  sortes  d'establissemens,  aussy 
ceux  qui  s'y  portent  debvraient  asseurement  avoir  le  plus 
de  part  en  vostre  confidence,  et  en  vos  bonnes  grâces,  affin 
que  par  le  favorable  traitement  qu'ils  recevraient  de  vous, 
ils  fussent  convier  à  augmenter  ce  commerce,  et  que  leur 
exemple  excitât  les  autres  à  s'y  porter;  c'est  asseurement 
l'ordre  et  la  règle  que  vous  debvez  tenir,  et  quoy  que  vous 
trouviez  quelques  deffauts  en  ces  sortes  de  gens,  il  faut  les 
dissimuler,  et  les  souffrir,  parce  que  le  bien  qu'ils  peuvent 
faire,  excède  le  mal,  et  puisque  la  compagnie  avait  donné 
au  d.  Villeray  la  commission  de  recevoir  les  droits  de  dix 
pour  cent,  vous  ne  pouviez  pas  et  ne  debviez  pas  donner 
cette  receepte  à  un  autre  sous  prétexte  que  le  dit  Villeray 
est  attaché  aux  Jésuites. 

''Sa  Majesté  veut  de  plus  que  le  commis  de  la  compa- 
gnie paye  les  36.000  1.  des  charges  extraordinaires  du  pais 
suivant  l 'estât  de  la  compagnie  sans  que  vous  l'obligiez  à 
payer  davantage. 

"Sa  Majesté  veut  que  vous  teniez  soigneusement  la 
main  à  ce  que  les  habitans  se  pourvoyent  des  armes,  pou- 
dres, plomb  et  autres  munitions  qui  leur  seront  nécessai- 
res pour  leur  défense. 

"Que  le  recensement  de  tous  les  habitants  se  fasse 
tous  les  ans  avec  grand  soin,  en  sorte  qu'il  n'en  soit  obmis 
aucun. 

"Que  vous  portiez  tous  les  garçons  et  filles  au  mariage, 
aussy  tost  qu'ils  viennent  en  âge. 

"Que  vous  restablissiez  le  sieur  de  Villeray  dans  sa 
charge  de  premier  Conseiller  au  Conseil  Souverain,  en  cas 
qu'il  ne  l'ayt  point  encore  esté."  (27) 

M.  de  Villeray  ne  devait  pas  être  longtemps  en  de- 
hors du  Conseil  Souverain.  Au  printemps  de  1674,  la 
Compagnie     des     Indes     Occidentales     "bien    informée 

(27)     Archives  du  Canada.    Ordres  du  Roi,  série  B.  vol.  6. 


...  51  — 

que  ce  serait  faire  justice  à  M.  de  Villeray  et  en  même 
temps  procurer  un  bien  à  la  Nouvelle-France  de  le  réta- 
blir (fens  la  charge  de  premier  conseiller  au  Conseil  Sou- 
verain qu'il  possédait  ci-devant",  le  nommait  au  roi,  ainsi 
qu'elle  en  avait  le  i3rivilège  pas  ses  lettres  patentes,  pour 
continuer  d'en  exercer  la  fonction. 

Le  18  mai  1674,  le  ministre  Colbert  informait  M.  de 
Frontenac  de  la  nomination  de  M.  de  Villeray  mais  il  ou- 
bliait de  joindre  à  sa  lettre  les  provisions  de  Sa  Majesté. 

M.  de  Villeray  fut  tout  de  même  installé  dans  son  an- 
cienne charge  de  premier  conseiller  le  8  octobre  1674.  Il 
est  dit  dans  le  procès- verbal  de  réception  :  *'Le  Conseil 
pour  donner  à  Sa  Majesté  des  marques  de  sa  parfaite  obéis- 
sance et  de  la  promptitude  avec  laquelle  il  se  porte  à  exécu- 
ter ses  ordres  sur  la  moindre  connaissance  qu'il  peut  avoir 
de  ses  volontés,  a  ordonné  et  ordonne  que  nonobstant  le 
défaut  de  la  présentation  des  provisions  du  dit  sieur  de 
Villeray il  sera  reçu  en  une  des  charges  de  conseil- 
ler au  dit  Conseil  sans  lui  donner  de  rang  pour  le  présent 
"(28) 

Le  gouverneur  de  Frontenac  était  présent  à  la  séance 
en  question  et  c'est  lui  qui  dictait  ces  belles  phrases.  .  .  . 
pour  la  galerie. 

Quelques  semaines  plus  tard,  le  14  novembre  1674,  il 
écrivait  à  M.  Colbert  et  tout  en  informant  le  ministre  de 
ses  procédés  de  bon  prince  à  l'égard  de  M.  de  Villeray  il 
lui  servait  un  plat  de  sa  façon  : 

"Vous  me  marquez  que  Sa  Majesté  pourvoit  encore 
deux  conseillers  au  Conseil  Souverain  pour  composer  le 
nombre  de  sept.  Cependant  M.  de  Bellinzani  ne  m'a  en- 
voyé que  les  provisions  du  Sr  de  Lotbinière  et  celles  du  Sr 
Dauteuil  pour  procureur-général,  duquel  vous  ne  me  fai- 
siez aucune  mention.  On  les  a  reçus  l'un  et  l'autre,  mais 
l'oubli  des  provisions  du  sieur  de  Villeray  que  vous  m'or- 
donnez par  les  derniers  articles  de  votre  dépêche,  de  ré- 
tablir en  la  première  place  de  conseiller,  a  causé  quelque 

(28)     Jugements  et  Délibérations  du  Conseil  Souverain,  vol.  1er,  p.  861. 


—  52  — 

difficulté  au  Conseil  pour  le  remettre  dans  ce  rang,  parce 
qu'il  ne  représentait  point  ses  provisions  et  quoique  j'aye 
fait  toutes  (sortes)  d'instances,  comme  vous  pourre»  voir 
par  le  procès- verbal  et  l'arrêt  que  le  Conseil  a  donné 
(cotte  A)  que  je  vous  envoyé,  je  n'ai  pu  obtenir  qu'il  fut  re- 
çu à  la  première  place,  mais  seulement  en  celle  de  conseiller 
sans  lui  donner  de  rang  et  ce  par  provision  en  attendant 
qu'il  représente  ses  provisions  et  que  la  volonté  du  Roi  ou 
la  vôtre,  leur  fut  plus  clairement  connue. 

P.  G.  R. 

(La  suite  dans  la  prochaine  livraison) 


PAUVRE  PETIT  ! 


Vous  ne  connaissez  pas  la  lamentable  histoire  de  ce  petit  montréalais  qui, 
au  dix-septième  siècle,  paya  de  sa  vie  une  fugue  d'écolier  ! 

L'événement  est  consigné  dans  un  procès  verbal  des  archives  judiciaires  de 
Montréal  (7  février  1686)  et  j'en  extrais  les  brèves  notes  qui  vont  renseigner  le 
lecteur. 

Le  lundi,  4  février  1686,  à  deux  heures  de  relevée,  Pierre  Chesne,  âgé  de  six 
ans  et  dix  mois,  fils  aine  de  Pierre  Chesne,  tailleur  d'habits,  quittait  la  demeure 
paternelle  pour  l'école.  Mais  pour  une  raison  qu'on  ignore,  au  lieu  de  se  rendre 
où  il  devait,  l'enfant  prit  le  chemin  du  coteau  Saint-Louis,  audessus  de  la  cha- 
pelle Notre-Dame  de  Bon-Secours. 

La  bise  mordait  et  l'enfant  n'avait  aux  pieds  que  des  sabots,  n'importe,  il 
allait  devant  lui,  libre,  et  ne  semblait  pas  embarrassé.  Le  meunier  du  coteau 
en  l'apercevant  lui  demanda  ce  qu'il  faisait,  il  répondit  qu'il  se  rendait  à  Lon- 
gueuil,  chez  son  oncle  Jean  Petit  !  Puis  il  poursuivit  sa  route  jusqu'au  ruisseau 
Migeon,  où  il  rencontra  la  femme  du  sergent  Cabozié  qui,  elle  aussi  le  question- 
na. De  nouveau,  le  jeune  chemineau  déclara  qu'il  allait  à  Longueuil,  et  per- 
sonne ne  songea  à  empêcher  ce  bambin,  chaussé  de  sabots,  de  s'avanturer  sur 
le  fleuve  par  une  température  boréale,  à  cinq  heures  de  l'après-midi  ! 

Ne  voyant  point  revenir  leur  enfant,  les  parents  partirent  le  quérir  dans  la 
ville.  On  s'adressa  aux  amis,  aux  connaissances,  on  s'informa  à  tous  les  carre- 
fours, sans  résultat  ! 

Deux  jours  durant,  on  agrandit  le  champ  des  recherches  et  on  suivit  les  tra- 
ces de  l'enfant,  sur  la  glace,  dans  diverses  directions.  Finalement,  on  le  trouva 
non  loin  du  manoir  de  Longueuil:  "il  était  étendu  sur  le  dos.  .  .  le  pied  droit 
"nud,  le  bras  droit  sur  son  estomac  et  le  bras  gauche  eslevé,  la  main  d'icelluy 
"plyée  roidde  par  le  froid  et  la  gellée  qu'il  a  fait  depuis  son  départ  et  qui  l'ont 
fait  mourir"  ! 

Le  sort  pénible  de  ce  malheureux  écolier  dut  faire  le  sujet  de  bien  des  com- 
mentaires dans  Ville-Marie  et  les  environs.  Combien  de  mères,  avec  raison,  si- 
gnalèrent, à  leurs  enfants  qui  refusaient  d'écouter,  la  fin  tragique  du  Petit  Ches- 
ne. 

E.  Z.  MASSICOTTE 


—  53  — 

i;ancetre  de  sir  wilfrid  laurier 


L'ancêtre  de  Sir  Wilfrid  Laurier  se  nommait  Cottineau,  il  portait, 
en  plus,  le  surnom  de  Champlaurier,  mais  ce  surnom,  par  la  suite,  se 
transforma  en  celui  de  Laurier  qui  est  devenu  un  nom  patronymique  assez 
répandu  et  surtout  fort  connu. 

Personne  n'ignore  cela,  car  la  généalogie  de  notre  grand  homme  d'é- 
tat a  été  faite  par  M.  P.-G.  Roy,  mais  ce  que  l'on  sait  moins  c'est  que  le 
fondateur  de  la  famille  Laurier  se  rendit  chez  le  notaire  avant  de  se  pré- 
senter à  l'église  et  que  Bénigne  Basset  dressa  alors  un  contrat  de  mariage 
qui  est  resté  dans  les  archives  de  Montréal.  Cette  pièce  pouvant  offrir 
de  l'intérêt  nous  en  mettons  le  texte  à  la  disposition  du  lecteur  : 

24  AOUST,  1676 

CONTRACT  DE  MARIAGP^  ENTRE  FRANÇOIS  COTTINEAU 
DIT    CHAMPLAURIE  ET  MAGDELAINE  MILLOTS 

Par  devant  Bénigne  Basset,  nottaire  Royal  de  L'Isle  de  Montréal  en 
la  Nouvelle-France  et  Tesmoings  Soubzignez  furent  présens,  François 
Cottineau  (1)  dit  Champlaurié  habitant  de  la  Seigneurie  de  la  Chesnaye, 
de  présent  en  cette  Ville  de  Montréal,  fils  de  deffunt  Jean  Cottineau,  vi- 
vant vigneron,  demeurant  au  bourg  de  St.  Clou,  Prez  la  Roche  Foucaut, 
diocèse  D'Angoulesme,  et  de  Jeanne  Dupuis  Ses  père  et  mère,  en  Son  Nom 
d'une  part.  Et  Magdelaine  Millots,  fille  de  Jacques  Millots,  habitant  dud 
Montréal,  et  de  Jeanne  Hébert,  Ses  père  et  mère,  Aussy  en  Son  Nom 
d'Autre,  Lesquelles  partyes,  en  la  présence  et  du  Consentement  de  leurs 
parens  et  amis,  pour  ce  Assemblez  d'Une  part  et  D'Autre,  Scavoir,  de  la 
part  dud  François  Cottineau,  Séraphin  Marganne,  Escuyer,  Sr  de  la  Val- 
trye,  Lieutenant  au  régiment  de  Carignan,  Pierre  Perthuy  dit  la  Lime 
h'ant  dud  Montréal,  et  Bernard  Mercier  dit  La  Fontaine,  habitant  de  la 
dte  Seigneurie  de  la  Chenaye  :  Et  de  la  part,  de  la  ditte  Magdelaine  Mil- 
lots, Lesd  Jacques  Millots  et  Jeanne  Hébert,  Ses  père  et  mère,  Robert  le 
Cavelier  dit  Deslauriers,  et  Adrianne  du  Vivier,  ses  grands  père  et  mère. 
Le  Sieur  Anthoine  Forestier  (2),  Son  oncle,  à  Cause  de  Marie  Mag'ne 

(1)  Dans  son  acte  de  mariage,  il   se  prénomme  François- Jacques.    (Tang., 
I.  p.  142.) 

(2)  Chirurgien  de  Montréal. 


—  54  — 

Cavelier,  Sa  femme  et  tante  Utérine,  de  ladte  Mag'ne  Millots,  Ignace 
Hébert  Son  oncle,  Jean  Baptiste  Le  Cavelier,  Son  oncle  du  Costé  Mater- 
nel ;  Philippes  de  Carion  (3),  Escuyer,  Sieur  du  Fresnoye,  Lieutenant 
d^Une  Compagnie  d'Infanterie  au  Régiment  de  L'Estrade,  Paul  Maurel, 
Escuyer,  Enseigne  and.  Régiment  (4),  Le  Sr  Abraham  Bouat  (5),  Ni- 
colas Hubert  Mre.  Tailleur  d'habits,  Pierre  Caillé  Sr  de  la  Rochelle, 
Aussy  Mre.  Tailleur  D'habits,  sieur  Gilles  Lauson  Mre.  chaudronnier, 
Urbain  Geté,  habitant  (6),  Jacques  Hubert,  Aussy  h'ant,  Guillaume 
Gourany  (7),  Anthoine  Brunel  tous  demeurant  Aud  Montréal  ;  Reconnu- 
rent et  confessèrent  Avoir  fait  et  Accordé  les  traitté  et  promesse  de  Ma- 
riage, qui  Ensuivent,  C'est  A  scavoir,  Led  François  Cottineau  avoir  pro- 
mis prendre  la  dte  Mag'ne  Millots,  à  Sa  femme  et  Espouse,  comme  aussy 
ladte  Mag'ne  Millots,  Avoir  promis  prendre,  led  François  Cottineau  à 
Son  Mary  et  T{]spoiix,  et  le  mariage  faire  et  Sollenniser  en  face  de  Ste. 
Eglise  Catholique  apostolique  et  Romaine  le  plus  tost  que  faire  se  pourra, 
et  qu'il  Sera  Ad  visé  etdellibéré  Entre  eux  Leursd  Parents  et  amis,  Si  Dieu 
et  notre  mère  Ste  P]glise  sy  consentent  et  Accordent  pour  estre  Uns  et 
Communs  en  tous  biens  Meubles  acquêts  et  Conquests  Immeubles,  suivant 
la  Coustume  de  Paris. 

Ne  seront  tenus  des  debtes  et  hypothèques,  l'Un  de  l'autre  faites  et 
Créés  avant  la  solennité  de  leur  Mariage,  A  venir  sy  aucune  y  a  Seront 
payées  et  Acquittées  par  celuy  qui  les  Aura  faites  et  crées  et  Sur  son  bien. 
En  faveur  duquel  Mariage,  les  père  et  mère  de  la  future  Espouse  ont  pro- 
mis bailler  et  fournir  Aux  futurs  Espoux,  et  en  advancement  de  leurs 
hoyries  Le  landemain  de  leurs  Espousailles  jusqu'à  la  somme  de  Soi- 
xante et  quinze  livres,  en  Une  Vache  Laitière,  et  Autres  Bestiaux  qui  se- 
ront pour  lors  estimez.  Entre  les  partys  pour  demeurer  Icelle  Somme  de 
Soixante  et  quinze  livres,  Confuse  en  ladte  Communauté.  Sera  Douée  la 
future  Espouse  de  la  Somme  de  deux  Cens  livres  Tournois  de  Douaire 
préfix  et  pour  et  Une  fois  payer,  ou  du  Douaire  Coustumier  suivant  ladte. 
Coustume  à  son  choix.  Et  le  Cas  Arrivant  la  Mort  du  futur  Espoux  Sans 


(3)  Il  a  laissé  son  nom  à  un  endroit  près  du  Long-Sault,  qui  s'appelle  au- 
jourd'hui Carillon. 

(4)  Inhumé  à  Montréal  en  1679.  (Tang.,  I,  442). 

(5)  Fameux  cabaretier  de  Montréal,  père  du  juge  F.-M.  Bouat. 

(6)  Ancêtre  de  Sir  L.-A.  Jette. 

(7)  Gournay  dit  Latour,  tailleur.  (Tanguay,  I,  279). 


...  55  — 

Enfant  Vivant  dud  futur  Mariage/  led  futur  Espoux  a  fait  don  à  cause 
de  Mort,  à  la  future  Espouse  et  Aux  siens  de  tous  et  chacun  les  biens  de 
leur  ditte  Communauté,  à  quelque  Valleur  que  le  tout  Se  puisse  Monter 
pour  en  Jouir  par  elle  et  les  siens  Comme  de  Son  propre  et  loyal  acquest, 
Et  Aussy,  Sy  la  dte.  future  espouse  Venoit  à  décéder,  avant  led  futur  es- 
poux,  Sans  Enfant  Vivant  d'Eux  deux,  Led  futur  Espoux,  Jouyra  pen- 
dant Sa  Vie  Seulement  des  biens  de  la  ditte  Communauté,  pour  la  Moitié 
D'Icelle  retourner  Aux  héritiers  de  la  dte.  future  Espouse,  Comme  plus 
habiles  à  Succéder,  et  pour  faire  Insinuer.  Car  ainsy  etc.  promettans  etc. 
obligeans  chacun  en  droict  Soy  etc.  Eenoncans  etc.  fait  et  passé  Aud  Mon- 
tréal en  la  Maison  dud  Sieur  forestier.  L'an  Mil  six  Cens  soixante  et 
seize,  Le  Vingt  quatrié.  Jour  d'Aoust,  avant  midy  en  présence 
des  Sieurs  Jean  Gervaise  et  Jean  Bousquet  Tesmoings  y  demeurans  et 
Soubzignez  Avec  Led  Sieur  de  la  Valletrie,  Perthuy,  Millots,  Le  Cavelier, 
forestier,  Ignace  Hébert,  Les  Sieurs  de  Carion,  Maurel,  Hubert,  CaiUé, 
Lauson,  Led  Sr  Bouat,  Lesd  futurs  Espoux,  Leurs  Autres  parens  et  amis 
pour  Ne  scavoir  de  faire  Enquis  Suivant  L'ordce. 

Lavaltrie,  Pr  Perthuis,  A.  Bouat,  Grilles  Lauson, 
Millots,  A.  Forestier,  Le  CaveUer,  M.  le  CaveHer, 
Maurel,  Ignace  Heber,  Carion,  Nicolas'  Hubert, 
Pierre  Caillé,  Jaque  Hubert,  Jehan  Grervaise,  Bas- 
set. 

xx'x 

Bien  que  le  contrat  date  du  24  août  1676,  le  mariage  n'eut  lieu  que 
cinq  mois  plus  tard,  le  7  janvier  1677. 

E.  Z.  MASSICOTTE 


QUESTION 


Oii  était  né  ce  pauvre  Justin  McCarthy  dont  M.  de  Gaspé  parle  avec 
tant  de  mélancolie  dans  ses  Mémoires  ?  Je  sais  qu'il  était  fils  de  Jere- 
mjah  McCarthy,  arpenteur. 

XXX 


™  56  — 

MEMOIRE 

sur  la  partie  occidentale  du  Canada,  depuis 

Michillimakinac  jusqu'au  fleuve  du 

Mississipi 

(Suite  et  fin) 

A  onze  lieues  de  cette  dernière  on  trouve  la  rivière  de  Saint-Joseph 
belle,  grande  et  très  navigable  :  à  vingt  cinq  lieues  de  son  embouchure 
est  le  fort  de  Saint-Joseph  et  au})rès  un  village  de  Pouteoiiatamis  qui  peut 
fournir  un  nombre  de  deux  cents  et  quelques  combattants  ;  ces  sauvages 
sont  très  braves  et  se  font  craindre  de  toutes  les  nations  ;  ils  n'ont  cepen- 
dant; pour  l'ordinaire,  de  guerre  qu'avec  les  Chicachas  où  ils  envoient 
continuellement  des  partis  et  ])araissent  fort  attachés  au  Français  ;  ils 
sèment  et  récoltent  à  leur  village  beaucoup  de  blé  d'Inde  ;  la  chasse  au 
chevreuil,  au  chat,  et  à  l'ours  y  est  très  avantageuse.  La  rivière  de  Saint- 
Joseph  est  encore  navigable  plus  de  vingt  lieues  au-dessus  de  ce  village. 
On  peut^  par  un  portage,  de  cette  rivière  joindre  les  sources  du  Théakiki 
qui  sont  des  marais  assez  étendus  et  par  cette  rivière  se  rendre  au  Missis- 
sipi jusqu'à  la  fourche  le  Théakiki  se  joint  à  la  rivière  des  Illinois.  La 
route  par  terre  du  fort  Saint- Joseph  à  celui  du  Détroit  (sur  la  communi- 
cation du  lac  Huron  au  lac  Erié)  est  estimé  par  les  voyageurs  de  quatre 
vingt  lieues,  mais  on  ne  doit  guère  la  compter  au  delà  de  soixante,  les 
routes  au  travers  des  bois  étant  toujours  estimées  beaucoup  au  delà  de  ce 
qu'elles  sont  réell  ement.  Assez  près  des  sources  de  la  rivière  Saint- 
Joseph  sont  celles  de  la  rivière  de  Saint-Jérôme  ou  du  Ouabache  qui  se 
joint  à  la  Belle-Rivière  ou  Ohio  et  ensemble  versent  leurs  eaux  dans  le 
Mississipi,  à  trente  lieues  et  plus  du  point  ou  les  deux  rivières  se  réunis- 
sent, qu'on  appelle  la  Source.  Le  fort  de  Saint-Joseph  est,  ainsi  que  pres- 
que tous  ceux  des  pays  d'en  haut,  de  pieux  ronds,  et  peut  contenir  pour  le 
présent  dix  à  douze  familles  françaises,  ce  qui  avec  les  engagés  de  ce  poste, 
fait  pour  l'ordinaire  un  nombre  de  18  à  30  Français  en  état  de  porter  les 
armes. 

De  l'embouchure  de  la  rivière  de  Saint-Joseph,  à  Chicagou  (qui  est 
l'extrémité  du  lac  Michigan)  on  compte  trente  lieues,  terrain  également 
fertile  et  forêts  admirables  presque  tout  chênes.       Il  s'y  voit  aussi  quel- 


—  57  - 

ques  familles  françaises.  On  franchit  par  un  portage  de  demie  lieue  ou 
environ,  la  hauteur  des  terres  de  Chicagou  aux  sources  de  la  rivière  des 
Illinois  qui  communique  avec  les  Mississipi.  Ses  sources  sont  une  suite 
de  petits  lacs  et  marais  bordés  de  prairies  fort  étendues  où  dans  les  années 
sèches  Peau  manque  assez  communément,  ce  qui  rend  la  navigation  en  ces 
temps  presque  impraticables  jusqu'à  douze  à  quinze  lieues  de  Chicagou. 

KIVIERE  DES  ILLINOIS 

On  compte  du  portage  de  Chicagou  quinze  lieues  à  gagner  la  Four- 
ché (qui  est  le  point  où  le  Théakiki  se  joint  à  la  rivière  des  Illinois), 
jusque  là,  comme  il  a  été  dit,  la  rivière  des  Illinois  est  peu  navigable  dans 
les  années  sèches,  par  son  deiïaut  d'eau  et  sa  rapidité  qui  pour  lors  occa- 
sionnent des  décharges  et  portages  (9)  très  fréquents  ;  au-dessous  de  la 
Fourche  on  la  trouve  beaucoup  plus  praticable  en  tout  temps.  Elle  con- 
serve cependant  toujours  de  la  rapidité  qui,  dans  quelques  parties,  rend  sa 
navigation  assez  pénible  .;  d'ailleurs  ces  terres  y  sont  belles,  quantité  de 
prairies  et  presque  partout  chasse  abondante  surtout  à  l'ours,  au  chevreuil 
et  au  chat. 

De  la  Fourche  aux  Péoria  soixante  lieues  ;  le  village  est  composé  de 
trois  cents  et  quelques  combattants  de  nation  illinoise,  très  laborieux  et 
grands  chasseurs  de  boeufs  sauvages  seulement,  ce  qui  fait  qu'on  ne  tire 
d'eux,  aucune  pelleterie.  Ces  sauvages  ne  sont  en  guerre  avec  personne 
et  sont  regardés  de  toutes  les  nations  comme  de  vrais  poltrons  et  craignent 
plus  le  Français  qu'ils  ne  l'aiment. 

Il  y  a  du  village  des  Péoria  au  Mississipi  quatre  vingt  lieues,  toujours 
même  terres  et  prairies  que  ci-dessus,  beaucoup  de  boeufs  sauvages  par- 
tout. L'air  est  très  tempéré  dans  tout  le  cours  de  la  rivière  des  Illinois 
et  d'autant  plus  qu'on  approche  davantage  du  Mississipi,  en  sorte  qu'à  ce 
fleuve  on  s'apperçoit  à  peine  de  l'iiiver.  Les  chaleurs,  en  été,  y  sont  ex- 
cessives et  occasionnent  assez  communément  des  fièvres  intermittentes 
qu'on  nomme  en  ce  pays  fièvres  tremblantes,  parce  que  l'accès  commence 
par  un  froid  qui  oblige  à  affubler  d'un  monceau  de  couvertures  celui  qui 
en  est  attaqué  ;  il  s'échauffe  peu  à  peu  et  finit  par  ime  sueur  forte  qui  lui 
rend  la  santé  pour  deux  jours  ;  le  troisième,  le  même  accès  reprend  de 
la  même  façon  et  se  passe  de  même. 

ROUTE  DEPUIS  L'EMBOUCHURE  DE  LA  RIVIERE  DES  ILLI- 
NOIS VERS  LES  SOURCES  DU  MISSISSIPI 

La  course  du  Mississipi  est  très  rapide  partout  ;  le  fleuve  est  bordé 


(9)  On  appelle  portages  tous  les  passages  où  l'on  est  obligé  de  porter  et  la 
charge  et  le  canot,  soit  qu'on  y  soit  forcé  par  quelques  chutes,  rapides  considé- 
rables ou  deffaut  d'eau  absolu,  soit  qu'on  veuille  passer  d'une  rivière  à  une  au- 
tre qui  n'ont  aucune  communication  et  décharge.  Ceux  où  l'on  peut  passer  le 
canot  avec  une  partie  delà  charge  seulement  ou  même  à  vide. 


—  58  — 

de  prairies  qui  à  un  quart  de  lieue  au  plus  à  une  demie  lieue,  s'appuient 
à  des  montagnes  pierreuses  et  non  boisées  lesquelles,  comme  il  a  été  déjà 
dit,  viennent  elles-mêmes  s'appuyer  de  distance  à  autre  au  fleuve.  Il  y  a 
assez  grande  eau  partout  et  plusieurs  îles  dont  quelques  unes  d'une  terre 
fertile  et  très  bien  boisées.  (10) 

La  même  chasse  qu'il  a  été  dit  à  l'embouchure  du  Ouisconcing.  On 
compte  de  l'embouchure  de  la  rivière  des  Illinois  à  celle  de  la  rivière  des 
Moines  (11)  soixante  lieues.  Cette  rivière  a  ses  sources  vers  le  sud-ouest 
et  porte  canot  de  ce  côté  près  de  quatre  vingt  lieues  ;  ces  terres  sont  belles  ; 
beaucoup  de  prairies  et  la  chasse  au  boeuf  sauvage  y  est  abondante. 

De  la  rivière  des  Moines  à  l'embouchure  de  la  rivière  à  la  Roche,  soi- 
xante lieues,  même  terrain  et  chasse  que  ci-dessus  ;  cette  riyière  prend  sa 
source  vers  l'est,  et  quoique  très  plate  et  assez  rapide,  elle  est  navigable  de 
ce  côté  près  de  cent  cinquante  lieues,  elle  est  bordée  de  belles  prairies  et  la 
chasse  au  chevreuil  dans  tout  son  cours  y  est  très  abondante. 

De  l'embouchure  de  la  rivière  à  la  Roche  à  celle  du  Ouisconsing,  soi- 
xante lieues,  même  terrain  et  chasse  que  ci-dessus.  La  rivière  du  Ouis- 
consing ayant  été  détaillée  (p.p.)  Je  ne  m'y  arrêterai  point  et  continuerai 
j  à  suivre  le  Mississipi  vers  ses  sources  ;  il  est  seulement  à  remarquer  que 
comme  ce  fleuve  vient  du  nord  on  a  très  peu  près  le  climat  à  l'embouchure 
du  Ouisconsing  est  déjà  très  différent  de  ce  qu'il  est  auprès  de  la  rivière 
des  Illinois  et  que  plus  on  suit  son  cours  vers  ses  sources  plus  l'air  y  de- 
vient froid,  en  sorte  qu'au  portage  Saint- Antoine  et  au-dessus  l'hiver  y  est 
très  long  et  le  froid  extrême,  ce  que  nous  verrons  ci-après;  la  chasse  au- 
près du  Ouisconsing  et  au  dessus  est  très  avantageuse  pour  le  boeuf,  le 
castor,  le  chat  et  l'ours,  qui  y  sont  en  assez  grande  quantité. 

On  compte  du  Ouisconsing  à  la  rivière  à  la  Crosse  environ  vingt 
Keues,  cette  rivière,  qui  vient  de  l'est,  porte  canot  de  ce  côté  près  de  cin- 
quante lieues  ;  on  y  trouve  beaucoup  de  castors,  pécands,  loutres  et  mar- 
tes ;  Elle  traverse  une  prairie  qu'on  appelle  prairie  aux  ailes,  qui  borde 
le  fleuve  l'espace  d'une  lieue  et  s'étend  en  profondeur  jusqu'à  deux  lieues, 
s'appuyant  à  de  hautes  montagnes  déboisées. 

Il  n'y  a  de  l'embouchure  de  la  rivière  à  la  Crosse  que  deux  lieues  pour 
se  rendre  à  celle  de  la  rivière  Noire  qui  vient  du  sud-est  et  est  navigable 
l'espace  de  trente  lieues  ;  les  terres  et  chasse  de  cette  rivière  sont  les  mê- 
mes que  dans  la  précédente. 

On  compte  de  cette  rivière  jusqu'à  la  Montagne  Trempée  cinq  lieues  ; 
cette  montagne  est  une  île  déboisée  qui  a  plus  de  soixante  pieds  de  hau- 
teur, d'un  terrain  fort  ingrat. 

(10)  Le  bois  le  plus  commun  est  le  chêne,  le  noyer  de  France  et  beaucoup 
d'autres  bois  différents  de  celui  qu'on  voit  en  Canada. 

(11)  Les  voyageurs  donnent  ce  nom  aux  chats  sauvagres  tout  ainsi  que 
celui  de  plus  aux  castors. 


I 


—  59—   . 

De  cette  île  au  lac  Pépin,  vingt-cinq  lieues,  mêmes  prairies  et  même 
suite  de  montagnes  ;  ce  lac  peut  avoir  trois  quarts  de  lieues  de  largeur 
sur  une  loùgueur  de  sept  lieues,  bordé  de  prairies  qui,  à  une  demie  lieue 
s'appuie  à  la  chaine  de  montagnes. 

Du  lac  Pépin  à  la  rivière  Sainte-Croix  douze  lieues  ;  cette  rivière  est 
navigable  Pespace  de  cent  vingt  lieues  vers  le  nord -est,  où  sont  ses  sources  ; 
elle  est  assez  rapide  et  très  plate  en  beaucoup  d'endroits.  On  peut  par 
son  moyen  se  rendre  au  lac  Supérieur  en  faisant  près  de  sa  source  un  por- 
tage de  demie  lieue,  pour  tomber  dans  celles  de  la  petite  rivière  Noésa- 
cointe  qui,  à  vingt  cinq  lieues  de  ce  portage,  se  vide  dans  le  lac  Supérieur. 
Ces  deux  rivières  courent  à  peu  près  sud-ouest  et  nord-est,  et  sont  bor- 
dées d'un  terrain  égal  et  fertile  couvert  de  très  beaux  bois  où  la  bête  fauve 
de  toute  espèce,  est  très  commune. 

A  douze  lieues  de  l'embouchure  de  la  rivière  de  Sainte-Croix,  conti- 
nuant toujours  à  monter  le  Mississipi,  on  trouve  l'embouchure  de  la  rivière 
Saint-Pierre,  large  de  quatre  arpents  à  son  entrée,  très  profonde,  et  qui 
est  navigable,  sans  rapides,  jusqu'à  cent  cinquante  lieues  vers  le  sud-ouest  ; 
la  terre  y  est  bonne  et  fort  aplanie,  la  chasse  du  boeuf  très  abondante.  On 
trouve  dans  le  haut  de  cette  rivière  un  village  de  Sioux  qui  peut  produire 
un  nombre  de  quinze  cents  combattants  ;  ces  sauvages  n'ont  point  de  ré- 
sidence fixe,  ils  sont  presque  toujours  en  marche  et  ne  vivent  que  de  boeuf 
qu'ils  chassent  avec  la  flèche  ;  les  femmes  s'y  vêtissent  de  peaux  de  boeuf  ; 
les  hommes  y  sont  constamment  nus,  n'ayant  pas  même  l'attention  de  se 
couvrir  la  pure  nudité.  Comme  leur  pays  n'est  qu'une  suite  de  prairies  im- 
menses, ils  dressent  leurs  camps  chaque  soir,  pour  ainsi  dire,  se  mettant 
.à  couvert  sous  des  tentes  faites  de  peaux  de  boeuf,  à  qui  ils  donnent  la 
forme  de  cônes  tronqués  d'une  quantité  suffisante  pour  laisser  passer  li- 
brement la  fumée.  Cette  nation  fait  la  gurre  à  toutes  les  nations  voisi- 
nes. Il  y  a  outre  ce  village  quantité  d'autres  de  même  nation  tous  très 
nombreux  dont  les  Européens  n'ont  de  connaissance  que  par  le  récit  de 
ceux-ci;  les  prairies  qu'ils  habitent  sont  si  immenses  et  si  uniformes  que 
ceux  qui  les  traversent  ne  trouvent  pas  même  de  bois  pour  f-aire  cuire  leur 
manger  ;  ils  se  servent  pour  cet  effet  de  fiente  de  boeufs  sauvages  qui  y 
fourmillent. 

De  l'embouchure  de  la  rivière  Saint-Pierre  au  portage  Saint-Antoine 
trois  lieues  ;  ce  portage  occasionnée  par  une  moyenne  chute  et  suite  de 
rapides  est  le  premier  qu'on  trouve  dans  le  fleuve  du  Mississipi  qui,  de 
son  embouchure  à  ce  portage,  a  au  moins  six  cents  lieues,  toujours  d'un 
cours  très  rapide  mais  navigable  partout,  même  pour  des  pirogues  et  ba- 
teaux plats  du  port  de  trente  tonneaux  et  plus  ;  c'est  à  cette  chute  que 
cesse  la  double  chaîne  de  montagnes  que  j'ai  dit  accompagner  le  fleuve 
presque  dans  tout  son  cours.  Au-dessus  de  ce  portage  qui  est  environ 
d'un  quart  de  lieue  et  où  on  prétend  qu'il  y  a  des  mines  de  cuivre  assez 
abondantes,  est  une  suite  de  prairies  qui  se  succèdent  presque  sans  inter- 
ruption ;  la  chasse  y  est  parfaite  et  on  y  fait  en  abondance  des  pellete- 
ries de  toute  espèce. 


.—  60  — 

On  trouve,  à  trois  lieues  de  ce  portage,  un  village  de  Sioux  qu'on 
nomme  gens  des  Laos  ;  ils  se  servent  de  canots  et  font  usage  d'armes  à  feu 
qu'ils  tirent  du  Français  avec  qui  ils  traitent  ;  leur  pays  est  rempli  d'un 
nombre  infini  de  petits  lacs  et  pour  cette  raison  est  appelle  Les  Mille 
Lacs  ;  ils  ne  sèment  aucun  grain  et  ne  vivent  que  de  chasses,  de  pêches 
et  de  folle-avoine,  qu'ils  trouvent  en  grande  quantité  le  long  de  tous  ces 
lacs.  Ils  sont  presque  toujours  en  guerre  avec  les  Cris  (12)  et  les  Assini- 
bouels,  peuple  qu'on  trouve  sur  la  route  suivie  pour  découvrir  à  l'ouest, 
partant  du  lac  Supérieur. 

On  compte  du  village  des  Gens  des  Lacs  à  la  rivière  à  la  Corneille, 
trente  lieues.  Cette  rivière  est  bordée  de  bois  l'espace  de  trois  lieues, 
et  au-dessus,  ce  sont  des  prairies  de  suite  ;  elle  est  navigable  vers  le  sud- 
ouest  l'espace  de  cinquante  lieues  dans  des  prairies  immenses  et  de  la 
meilleure  terre  qu'il  soit  possible  de  voir  ;  l'hiver  y  dure  près  de  sept 
mois,  d'un  froid  extraordinaire  avec  beaucoup  de  neige. 

Je  ne  détaillerai  pas  plus  loin  le  cours  du  Mississipi  qui,  de  la  riviè- 
re à  la  Corneille  (la  dernière  connue  par  les  Européens)  est  encore  navi- 
gable vers  le  nord-ouest  près  de  trois  cents  lieues  (si  on  en  croit  les  Sau- 
vages) toujours  bordé  de  terre  de  même  qualité,  mêmes  prairies  et  chas- 
se à  peu  près  la  même. 

VUES  SUR  UNE  DECOUVERTE  A  L'OUEST  AU  MOYEN  DU 

MISSISSIPI 

On  peut  observer  partout  ce  qui  a  été  dit  que  le  Mississipi  des  sour- 
ces duquel  on  n'a  encore  qu'une  idée  confuse  peut  servir  pour  découvrir 
à  l'ouest  beaucoup  plus  utilement  que  la  route  par  le  lac  Supérieur,  par 
la  quantité  de  grandes  rivières  encore  inconnues  que  reçoit  ce  fleuve  dans 
sa  partie  supérieure  qui  viennent  pour  la  plupart  de  l'ouest  et  du  nord- 
ouest  ;  d'ailleurs  si  l'on  fait  attention  qu'on  peut  par  le  moyen  de  deux 
faibles  portages  se  rendre  ,du  haut  de  ce  fleuve  au  pays  des  Cristinaux  par 
où  on  a  tenté  jusqu'à  ce  jour  de  découvrir  une  mer  à  l'Ouest  ;  on  se  con- 
vaincra qu'en  suivant  le  fleuve  on  doit  épargner  près  de  cent  lieues  de 
marche  et  plus  de  quatre-vingt  portages. 

Ainsi  mon  sentiment  serait  que  pour  cette  recherche  il  faudrait,  par- 
tant de  Montréal,  se  rendre  à  la  Baie  des  Puants  ;  de  là,  par  la  rivière 
des  Renards  et  le  Ouisconsing  au  Mississipi  qu'on  monterait  tant  qu'il  se 
rait  navigable,  tenant  note  de  toutes  les  grandes  rivières  qu'on  laisserait 
derrière  soi,  pour  y  revenir  au  besoin  ;  je  ne  doute  point  qu'en  parcourant 
ce  fleuve  et  les  différentes  rivières  qu'il  reçoit  vers  ses  sources,  on  ne  par- 

(12)  Cris  au  lieu  de  Cristinaux  ;  les  voyageurs  ont  l'habitude  de  ne  nom- 
mer plusieurs  nations  que  par  la  première  syllabe  de  leur  véritable  nom.  Ainsi 
ils  disent  Pou  au  lieu  de  Pouteouatami  ,Sak  au  lieu  de  Sakis  ;  Otiis  au  lieu  de 
Ouiatanon  ;  Chi  au  lieu  de  Chicachas  ;  Kas  au  lieu  de  Kaskakia  ;  Pé  au  lieu  de 
péoria,  etc. 


...  61  ™ 

vint  par  les  connaissances  que  pourraient  fournir  les  différentes  nations 
sur  la  route,  à  trouver  enfin  quelque  rivière  qui  se  rende  à  cette  mer,  si  elle 
existe;  mais,  pour  y  réussir  il  ne  faut  pas  moins  qu'im  homme  instruit, 
très  intelligent  et  déjà  dans  Thabitude  de  ces  voyages,  ayant  une  connais- 
sance parfaite  de  l'homme  en  général,  et  une  suffisante  des  sauvages  pour 
en  tirer  le  parti  le  plus  convenable  ;  mais  surtout  un  sujet  assez  attentif 
pour  ne  pas  négliger  la  plus  petite  chose  ;  il  n*est  point  de  minuties  pour 
des  entreprises  de  cette  espèce  ;  les  choses  qui  souvent  sont  regardées  de 
tous  comme  bagatelles  et  ne  tendant  à  rien  sont  souvent  celles  d'où  dé- 
pend la  réussite.  Ce  n'est  donc  que  par  une  tension  d'esprit  continuelle 
sur  tous  les  objets  qui  peuvent  se  présenter,  par  un  jugement  sain  et  une 
combinaison  juste  qu'on  peut  parvenir  au  but  qu'on  doit  se  proposer  dans 
toutes  les  marches  ;  mais,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  il  faut  être  instruit, 
surtout  assez  d'astronomie  pour  savoir  en  tout  temps  oti  l'on  est,  sans 
quoi  on  marche  à  l'aveugle,  croyant,  après  avoir  contourné  toutes  les  si- 
nuosités d'une  ou  plusieurs  rivières,  avoir  fait  sept  à  huit  cent  lieues  en 
route  directe  tandis  qu'elle  n'est  peut-être  pas  de  trois  cent  lieues,  et  c'est 
là  je  crois  le  cas  où  nous  nous  trouvons  pour  tout  ce  qui  a  été  fait  jus- 
qu'ici à  ce  sujet,  au  moins  n'est-on  pas  certain  du  contraire  par  le  défaut 
d'acquit  de  la  part  de  ceux  employés  à  ces  découvertes  qui,  d'ailleurs,  se 
sont  plus  occupés  de  leur  commerce  que  de  l'objet  pour  lequel  ils  étaient 
employés. 

Eoute  dans  le  Mississipi,  depuis  la  rivière  des  Illinois  jusqu'aux 
premiers  établissements  français  (dits  des  Illinois),  de  là  remontant  le 
fleuve  jusqu'au  Missouri,  dont  nous  suivrons  ce  qui  est  connu  de  son 
cours. 

ROUTE  DANS  LE  MISSISSIPI 

Le  Mississipi  auprès  et  au-dessous  de  la  rivière  des  Illinois  est  com- 
me nous  avons  dit  qu'il  était  au-dessus,  c'est-à-dire  grande  eau,  d'un 
cours  rapide  et  d'ime  largeur  d'un  quart  de  lieue  à  une  demie-heue,  avec 
des  îles  assez  fréquentées  dont  la  majeure  partie  bien  boisées,  bordé  de 
part  et  d'autre  par  des  prairies  larges  de  un  quart  de  lieue  et  plus,  ter- 
minées de  chaque  côté  par  une  chaîne  de  montagnes  qui,  de  distance  à 
autre  viennent  s'appuyer  au  fleuve  ;  la  chasse  y  est  aussi  de  même  espèce 
et  toujours  assez  abondante. 

De  l'embouchure  de  la  rivière  des  Illinois,  suivant  le  cours  du  fleuve, 
douze  lieues  jusqu'à  la  rivière  du  Missouri,  qui  vient  du  nord  ouest  et 
dont  les  sources  sont  vraisemblablement  dans  un  grand  éloignement 
puisque  les  Sauvages  les  plus  reculés  que  nous  connaissions  n'en  ont  au- 
cune idée,  et  se  sauvent  sur  les  questions  qu'on  leur  fait  à  ce  sujet  en 
disant  qu'elle  n'a  point  de  bout  ;  (13)  nous  détaillerons  dans  un  mo- 
ment ce  que  nous  connaissons  du  cours  de  cette  rivière. 


—  62  — 

On  compte  douze  lieues  du  Missouri  aux  premiers  établissements 
français  (connus  sous  le  nom  général  d'Etablissements  des  Illinois).  Je 
n'entrerai  pour  le  présent  dans  aucun  détail  à  ce  sujet  ;  je  me  contente 
d'indiquer  le  lieu,  me  réservant  de  le  détailler  dans  un  autre  temps,  et 
lorsque  je  parcourerai  le  fleuve  jusqu'à  son  emboucluire.  Je  vais  donc 
reprendre  le  Missouri,  qui  est  à  douze  lieues  au  nord  de  ce  premier  éta- 
blissement. 

ROUTÉ  DANS  LE  MISSOURI 

La  rivière  du  Missouri,  comme  nous  l'avons  dit  ci-dessus,  est  très 
longue  et  il  est  à  présumer  qu'on  ignore  encore  partie  de  son  cours  puis- 
que les  sauvages  qui  en  parlent,  pour  qui  trois  et  quatre  cents  lieues  ne 
sont  rien,  non  seulement  en  ignorent  les  sources,  mais  même  ne  se  sont 
point  apperçu  d'une  diminution  d'eau  sensible,  quelque  loin  qu'ils  aient 
poussé,  montant  cette  rivière.  Elle  peut  avoir  un  tiers  de  lieue  de  largeur 
moyenne  ;  elle  est  profonde  et  son  cours  rapide  que  ses  eaux,  blanchies 
par  les  éboulis  continuels  qui  s'y  font,  rencontrant  le  Mississipi  le  tra- 
verse à  moitié  sans  se  confondre  evec  celles  de  ce  fleuve  qui  sont  assez 
claires  ;  les  terres  qui  bordent  le  Missouri  sont  les  plus  belles  qu'il  soit 
possible  d'imaginer,  et  si  fertiles  pour  toutes  sortes  de  productions  qu'on 
ne  peut  s'en  former  une  idée  qu'en  voyant  ce  qu'elles  produisent. 

On  compte  de  l'embouchure  de  cette  rivière  soixante  lieues  jusqu'au 
village  des  Missouris,  qui  peut  fournir  cent  cinquante  combattants  ;ils 
cultivent  beaucoup  de  blé  d'Inde  et  de  tabac  dont  ils  recueillent  une 
grande  quantité,  et  ils  élèvent  beaucoup  de  chevaux  dont  ils  font  usage 
pour  courir  le  boeuf  sauvage  ;ils  ne  portent  la  guerre  chez  aucune  na- 
tion mais  sont  en  but  à  presque  toutes  celles  des  pays  d'en  haut  qui  les 
harcèlent  par  des  partis  continuels. 

A  quarante  lieues  de  ce  village  est  la  rivière  d'Eslands,  qui  vient  du 
sud,  et  à  l'embouchure  de  laquelle  les  Français  ont  construit  un  port  ; 
(14)  à  trente  lieues  de  ce  port  et  dans  cette  rivière  est  un  village  de  Cau- 
sées dont  le  nombre  est  de  quatre  cents  ou  à  peu  près  en  état  de  porter  les 
armes  ;  les  terres  de  cette  rivière  sont  comme  celles  du  Missouri. 

De  l'embouchure  de  la  rivière  d'Eslands  six  lieues  jusqu'au  village 
des  Autata  oiî  on  voit  environ  cent  cinquante  combattants,  et  à  quinze 
arpents  au-dessus  un  second  village  de  cinquante  hommes  portant  armes. 
Tous  ces  sauvages  vivent  au  blé  d'Inde  et  au  boeuf  sauvage  qui  y  est  très 
commun. 


(13)  C'est  au  réel  l'expression  dont  ils  se  servent. 

(14)  On  doit,  sans  qu'il  soit  besoin  de  le  dire,  juger  que  tous  les  forts  cités 
dans  le  pays  ne  sont  qu'une  suite  de  pieux  ronds  posés  l'un  auprès  de  l'autre, 
se  touchant  immédiatement,  de  12  à  15  pieds  d'élévation  hors  de  terre,  qui  sert 
d'enceinte  à  quelques  baraques-  en  bois  dont  partie  sert  de  logement,  l'autre  de 
magasin. 


—  63  — 

Au  sud  de  ces  villages,  sur  la  rive  opposée  du  Missouri,  et  la  rivière 
des  Panis  dans  laquelle  on  trouve  à  trente  lieues  de  son  embouchure  trois 
villages  de  Panis  qui  ensemble  peuvent  faire  nombre  de  trois  cents  com- 
battants. 

Du  village  des  Autata  (sur  le  Missouri)  à  gagner  celui  des  Maha  on 
compte  soixante  lieues.  Ce  village  peut  contenir  six  cents  combattants 
qui  vivent  et  chassent  conîme  les  précédents,  ce  qui  fait  que  les  Français, 
qui  ne  vivent  qu'aux  pelleteries  précieuses,  y  vont  rarement. 

De  ce  village  à  ceux  des  Eikaras  (qui  sont  les  derniers  de  cette  riviè- 
re connus  par  les  Européens)  on  compte  près  de  deux  cents  lieues.  Ces 
villages  sont  au  nombre  de  quarante,  à  la  voix  Fun  de  l'autre,  et  qui  au 
rapport  de  ceux  qui  y  ont  été,  peuvent  contenir  chacun  quatre  à  cinq  cents 
hommes.  Je  finis  en  cet  endroit,  passé  outre,  et  c'est  sur  le  rapport  de 
ces  sauvages  qu'on  doit  juger  que  les  sources  de  cette  rivière  sont  encore 
fort  éloignées. 

EEFLEXIONS  SUE  LE  MISSOURI  POUR  LA  RECHERCHE 
D'UNE  MER  A  L'OUEST 

Le  sentiment  assez  unanime  de  presque  tous  ceux  qui  ont  parcouru 
ces  pays  est  que  poussant  le  plus  avant  qu'il  est  possible,  par  le  Missouri, 
on  doit  parvenir  à  avoir  quelques  connaissances  d'une  mer  à  l'ouest  si 
elle  existe  ;  il  ne  faut  cependant  point  se  dissimuler  toutes  les  difficul- 
tés qui  doivent  accompagner  cette  recherche  par  la  quantité  de  nations 
qu'on  doit  rencontrer  sur  la  route,  qui  semblent  d'autant  plus  nombreu- 
se que  vous  poussez  plus  avant  dans  ces  contrées.  Si  vous  êtes  exposé 
à  vous  voir  arrêté  au  moindre  de  leurs  caprices,  soyez  plus  nombreux  et 
assez  pour  n'avoir  rien  à  craindre  de  leur  inconstance,  vous  leur  devenez 
suspect,  vous  éprouvez  mille  difficultés  de  leur  part  pour  la  subsistance, 
que  vous  ne  pouvez  pour  lors  obtenir  que  de  vive  force  et  si  vous  emplo- 
yez cette  voie  c'est  vous  mettre  dans  l'impossibilité  de  pousser  plus  loin, 
même  de  rétrograder,  la  nation  offensée  pouvant  s'allier  à  l'instant  tou- 
tes les  nations  au-dessus  et  au-dessous  d'elle  et,  par  conséquent,  vous 
faire  autant  d'ennemis,  et  pour  toujours,  qu'il  y  a  •  d'individus  sur  votre 
route.  D'ailleurs,  comme  il  a  été  exposé  ci-dessus,  le  commerce  connu 
de  ce  pays  ne  présente  point  encore  un  espoir  de  gain  assez  considérable 
pour  que  des  particuliers  osassent  s'exposer,  sans  plus  de  sûreté,  aux  frais 
immenses  qu'exigerait  cette  opération  en  grand. 

Au  surplus  qu'on  ne  se  promette  pas  de  moindres  difficultés  en  faisant 
cette  recherche  par  le  haut  du  Mississipi  car  même  avant  d'être  à  ses 
sources,  vous  vous  trouvez  déjà  dans  le  pays  immense  des  Sioux,  nation 
très  nombreuse  peu  sociable  et  dont  on  ne  connait  que  la  moindre  partie; 
tant  il  est  vrai,  comme  je  l'ai  insinué  ci-devant,  que  pour  se  promettre 


-64  — 

quelque  réussite,  il  ne  faut  pas  moins  pour  diriger  le  tout  qu'un  homme 
d'une  intelligence  peu  commune,  d'une  prudence  consommée  et  orné  des 
connaissances  en  tout  genre  relatives  à  cette  partie,  d'un  esprit  assez 
fertile  pour  trouver  chez  lui  toutes  les  ressources  qui  peuvent  lui  devenir 
nécessaires,  qui,  pour  peu  qu'on  approfondisse  l'objet,  doivent  être  mul- 
tipliées à  l'infini  ;  à  quoi  il  faut  ajouter  la.  conduite  même  des  siens 
qui  quelque  bien  choisis  qu'ils  soient,  ne  le  sont  jamais  assez  pour  con- 
courir tous  avec  le  même  zèle  au  bien  de  l'entreprise  ;  s'il  survient  quelque 
dérangement  quel  remède  y  apporter  dans  un  pays  si  éloigné,  où  chacun 
se  croit  maître  et  ose  tout  impunément,  ayant  la  liberté  de  se  soustraire 
pour  toujours  à  la  punition  qu'il  mérite,  pouvant  s'échapper  immédiate- 
ment après  avoir  satisfait  à  sa  passion  particulière. 

FIN 


LES  DISPARUS 


J.  B.  MONIER 


Né  à  Nantes,  France,  en  1847.  Fit  la  campagne  d'Italie  avec  les 
zouaves  pontificaux,  sous  le  général  de  Charette,  s'enrôla  dans  les  francs- 
tireurs  durant  la  guerre  de  1870-71,  puis  vint  au  Canada  en  1872.  Après 
avoir  été  secrétaire  de  l'hon.  L.  Beaubien,  il  collabore  à  VEtendard  puis 
fonde  le  Prix  Courant.  Ensuite,  il  passe  au  Monde,  à  la  Presse  et  au 
Canada.  Il  était  attaché  à  la  rédaction  de  ce  dernier  quotidien  depuis 
1903,  lorsque  la  mort  le  surprit  au  travail  le  7  décembre  1918.  Feu  M. 
Monier  était  un  érudit  modeste  et  un  poète  agréable. 

ANATOLE  PARTHENAIS 

Sculpteur  canadien  de  grand  talent,  né  en  septembre  1839.  Après 
avoir  été  trois  fois  couronné  par  l'Ecole  impériale  des  beaux  arts  de  Paris, 
se  sentant  frappé  d'un  mal  incurable  il  revint  au  pays  et  s'éteignit  à  Jo- 
liette,  le  37  décembre  1864. 

X. 


BULLETIN 

DES 


RECHERCHES  HISTORIQUES 


VOL.  XXVÏ  BEAUCEVILLE^MARS  1920  No   3 


La  famille  Rouer  de  Villeray 

Louis  Rouer  de  Villeray 


(SUITE) 

"J'aurais  néanmoins  fort  souhaité  que  le  Conseil  ne 
se  fut  pas  arrêté  à  cette  formalité  dans  Tappréliension  que 
j 'ai  que  vous  ne  me  soupçonniez  de  ne  pas  avoir  agi  en  cela 
comme  je  devrais  et  que  ce  ne  soit  un  effet  d'un  reste  de 
chagrin  que  j 'aurais  contre  lui,  puisque  je  vous  assure  que 
si  je  vous  ai  écrit  ci-devant  sur  son  sujet,  dans  les  termes 
que  j'ai  fait,  ce  n'a  été  que  par  les  connaissances  que  j'ai 
eues  du  caractère  de  son  esprit  ;  car,  du  reste,  il  n'y  a  hom- 
me en  Canada  dont  je  dusse  être  plus  satisfait,  puisqu'il 
n'y  en  a  point  qui  ait  eu  tant  de  somnissions  apparentes 
pour  moi,  ni  qui  ait  pris  plus  de  soin  de  rechercher  mon 
amitié;  mais  j'ai  toujours  eu  en  vue  de  suivre  exactement 
ce  que  vous  m'aviez  prescrit  en  partant,  sur  le  sujet  de  Mr 
Vévêque  de  Pétrée  et  des  Pères  Jésuites,  (29)  j'ai  cru  ne 
les  devoir  pas  autoriser  par  leurs  émissaires  dont  celui-ci 
est  le  principal  et  le  plus  dangereux,  comme  vous  pourrez 
aisément  le  vérifier  par  des  x)ersonnes  désintéressées  qui 
vous  instruiront  de  tout  ce  qu'il  a  fait,  non  seulement  du 
temps  de  Mr  de  Courcelles,  mais  encore  de  celui  de  plu- 

(29)     Tous  les  mots  soulignés  en  chiffres. 


—  66  ™ 

sieurs  autres  gouverneurs  qui  l'avaient  précédé.  Pour 
moi,  il  ne  m'avait  jamais  donné  aucun  sujet  de  plainte 
quand  je  vous  en  ai  fait  le  portrait,  mais  je  ne  craindrai 
point  de  vous  dire  d'abord  qu'il  est  venu  en  ce  pays,  il  a 
pris  parti  dans  la  garnison,  et  a  été  soldat  dans  le  fort,  que 
la  fortune  qu'il  y  a  fait  ensuite  est  si  médiocre  que,  s'il  n'a- 
vait été,  les  dernières  années,  facteur  et  commissionnaire 
d'un  marchand  de  LaRochelle  dont  les  affaires  sont  assez 
embrouillées,  il  n'y  aurait  jamais  pu  subsister  ;  qu'il  ne 
s'est  jamais  appliqué  au  commerce  de  la  mer,  publiant  ici 
hautement  que  le  temps  et  l'étude  qu'il  a  donnés  depuis  dix 
ans  aux  choses  du  droit  et  de  la  jurisprudence,  où  je  ne  le 
crois  pas  encore  fort  habile,  lui  ont  fait  abandonner  tou- 
tes sortes  de  trafics  ;  que,  bien  loin  d'avoir  des  vaisseaux 
sur  la  mer,  il  n'a  jamais  eu  une  chaloupe  sur  cette  rivière, 
comme  en  ont  de  simples  habitants  de  Québec,  et  même  qu'il 
n'a  pas  présentement  un  canot  de  bois  pour  traverser  la 
rivière  et  qu'à  l'égard  du  commerce  avec  les  îles  de  l'Amé- 
rique, jamais  il  n'y  a  pensé  ni  travaillé.  Mais  il  n'est  pas 
étrange  qu'on  ait  espéré  pouvoir  vous  déguiser  les  choses 
sur  des  faits  qu'on  a  cru  qui  ne  se  pourraient  pas  éclaircir 
de  si  loin,  puisque,  dans  ceux  dont  on  devrait  présumer 
que  je  pourrais  vous  envoyer  aisément  la  preuve,  on  n'a 
pas  laissé  de  le  faire. 

"La  copie  que  vous  recevrez  cotée  B.  de  la  commission 
que  Mr  Talon  lui  a  donnée  en  son  nom  pour  lever  le  dix 
pour  cent,  vous  fera  connaître  que  ce  n'est  point  MM.  de 
la  Compagnie  qui  la  lui  avaient  donnée  et  que  je  n'ai  point 
eu  dessein  de  choquer  leurs  droits  en  la  donnant,  comme 
j'avais  fait,  à  un  autre,  puisque  si  leur  nom  eut  paru,  je 
n'aurais  eu  garde  d'y  rien  changer  ;  mais  voyant  tous  les 
gens  de  Mr  Talon  s'en  retourner  en  France,  et  ne  croyant 
pas,  comme  je  vous  l'ai  déjà  marqué,  les  deniers  en  trop 
grande  sûreté  dans  les  mains  d'une  personne  peu  accomo- 
dée,  je  crus  les  devoir  remettre  dans  celles  d'un  homme  de 
bien  et  fidèle  comme  celui  que  j 'avais  choisi. 

"Cependant,  Monseigneur,  aussitôt  que  j'ai  reçu  vo- 


—  67  — 

tre  dépêche  j 'ai  remis  la  commission  à  Mr  de  Villeray 
qui  a  fait,  cette  année,  la  recette  du  dix  pour  cent,  par  où 
vous  reconnaîtrez  ma  prompte  obéissance,  et  que  je  n'ai 
aucune  peine  à  tout  ce  que  vous  ordonnerez. 

''Comme  il  n'est  pas  content  de  l'arrêt  qu'on  a  donné 
sur  sa  réception,  il  m'a  demandé  de  lui  permettre  de  passer 
en  France  où  il  ne  manquera  pas  de  vous  alléguer  l'injus- 
tice que  Mr  de  Courcelles  lui  a  faites  de  l'ôter  du  Conseil 
de  son  autorité  et  sans  le  consentement  de  Mr  l'évêque, 
mais  c'est  à  Mr  de  Courcelles  à  vous  rendre  compte  des  rai 
sons  qu'il  a  eues  pour  cela  et  que  j'ignore.  Tout  ce  qui 
est  de  ma  connaissance,  est  que  le  registre  du  Conseil,  dont 
je  vous  envoyé  copie  cotté  C,  porte  que  les  cinq  conseil- 
lers qui  le  composent,  ont  été  établis  du  consentement  mu- 
tuel de  Mr  de  Courcelles  et  de  Mr  l'évêque;  que  l'acte  de 
rétablissement  du  Conseil  qui  se  fait  tous  les  ans,  aux  pre- 
miers jours  de  l'année,  est  signé  de  Mr  de  Courcelle  et  de 
Mr  de  Bouteroue  lors  intendant  et  qu'il  est  spécialement 
marqué  qu'il  n'est  point  signé  de  Mr  l'évêque  parce  qu'il 
était  malade  ;  que  les  gouverneurs  précédents  ont  plusieurs 
fois  changé  de  conseillers  suivant  les  termes  de  l'Edit  de 
création  qui  porte  qu'ils  seront  tous  les  ans  changés  ou  con- 
tinués ;  qu'il  y  a  cinq  ans  que  le  Conseil  subsiste  dans  le 
même  état  où  il  est,  à  la  réserve  de  deux  conseillers  que  j 'y 
ai  mis  depuis  que  je  suis  gouverneur,  par  le  retour  en 
France  d'un  de  ceux  qui  l'était  et  la  mort  d'un  autre,  que 
le  sieur  de  Tilly  y  a  toujours  eu  la  première  place,  qui  est 
un  vieux  gentilliomme  de  60  ans  et  le  seul  peut-être  de  cette 
qualité  qui  se  soit  venu  habiter  en  ce  pays,  dans  les  com- 
mencements de  la  colonie,  qu'il  y  a  apporté  beaucoup  de 
bien  dont  il  a  perdu  une  grande  i^artie  dans  la  guerre  des 
Iroquois  qui  le  pillèrent,  qu'il  se  trouve  présentement 
chargé  de  quinze  enfants  tous  vivants,  qu'il  est  apparenté 
de  toutes  les  personnes  les  i^lus  considérables  du  pays  et 
que,  dans  le  temps  qu'il  i)ourrait  espérer  quelques  grati- 
fications il  est  à  la  veille  de  recevoir  une  grande  mortifica- 
tion, se  voyant  obligé  de  descendre  d'un  degré  et  peut-être 


...  68  --- 

de  sortir  tout-à-fait  du  Conseil  si  vous  n'avez  la  bonté  de 
lui  faire  octroyer  des  provisions  d'une  des  charges  de  con- 
seiller, comme  il  m'a  prié  de  vous  le  demander".  (30) 

Le  7  janvier  1675,  le  gouverneur  de  Frontenac  renou- 
velait le  Conseil  Souverain.  Après  un  discours  pompeux 
où  il  déclarait  qu'il  avait  tro^)  bonne  opinion  des  Conseil- 
lers pour  s'imaginer  qu'il  y  en  eut  aucun  qui  eut  été  capa- 
ble de  manquer  à  son  devoir,  à  son  serment,  à  sa  conscien- 
ce, à  son  prince  et  à  lui-même,  il  nommait  de  nouveau  MM. 
Le  Gardeur  de  Tilly,  Damours,  Dupont,  de  Peiras  et  de 
Vitré.  MM.  de  Villerav  et  de  Lotbinière,  tenant  leur  char- 
ge  du  roi,  n'eurent  pas  besoin  d'être  nommés  de  nouveau. 
La  chose  était  fort  heureuse  pour  M.  de  Villeray.  Avec 
les  sentiments  qu'entretenait  le  gouverneur  à  son  égard  il 
est  bien  probable  qu'il  aurait  été  mis  de  côté. 

En  cette  même  année  1675,  le  Conseil  Souverain  fut 
presque  entièrement  transformé.  Il  fut  assimilé  aux 
compagnies  supérieures  du  royaume.  Les  conseillers  fi- 
xés au  nombre  de  sept  recevaient  les  mêmes  privilèges, 
prérogatives,  exemptions  et  autorités  que  les  conseillers 
des  cours  souveraines  de  France.  Au  lieu  d'être  choisis 
chaque  année  par  le  gouverneur  et  l'évêque,  les  conseillers 
devaient  à  l'avenir  être  nommés  à  vie  et  par  mandement 
direct  du  roi. 

Anomalie  assez  curieuse,  l'édit  de  réorganisation  du 
Conseil  Souverain  est  daté  du  5  juin  1675  et  les  nomina- 
tions des  sept  nouveaux  conseillers  avaient  été  faites  par  le 
roi  cinq  semaines  plus  tôt,  le  26  avril  1675. 

M.  de  Villeray  fut  maintenu  dans  sa  charge  de  pre- 
mier conseiller. 

Le  16  novembre  1675,  M.  de  Villeray  achetait  de  René 
Robineau,  seigneur  de  Bécancour,  grand-voyer  de  la  Nou- 
velle-France, le  petit  fief  de  Bécancour  sur  la  Grande- Al- 
lée, à  Québec. 

Ce  fief  d'un  arpent  de  front  sur  dix  de  profondeur 
était  borné  par  devant  à  la  Grande- Allée,  par  derrière  au 

(30)     Archives  du  Canada.    Correspondance  générale,  vol.  4. 


-  69  — 

fleuve  Saint-Laurent,  d'un  côté  aux  représentants  de  feue 
Marie-Marguerite  Le  Gardeur,  femme  de  feu  Paul  Gode- 
froy,  et  de  l'autre  à  un  emplacement  que  M.  de  Villeray 
avait  acquis  des  héritiers  de  feu  Jean  de  Lauzon,  grand 
sénéchal  de  la  Nouvelle-France.  M,  Robineau  avait  eu 
la  concession  de  ce  fief  de  la  Compagnie  de  la  Nouvelle- 
France,  le  26  février  1657. 

M.  de  Villeray  paya  son  acquisition  six  cents  livres 
comptant.  (31) 

Par  son  édit  du  5  juin  1675,  qui  confinnait  et  réglait 
l'établissement  du  Conseil  Souverain,  le  roi  avait  aussi 
ordonné  que  l'intendant  connue  président  du  Conseil  de- 
vait demander  les  avis,  recueillir  les  voix,  prononcer  les 
arrêts.  En  un  mot,  l'intendant  devait  avoir  les  mêmes 
fonctions  que  les  premiers  présidents  des  cours  en  France. 
Les  deux  premières  places  du  Conseil  devaient  cependant 
appartenir  au  gouverneur  et  à  l'évêque. 

Le  greffier  du  Conseil  Souverain,  d'après  les  ordres 
de  l'intendant  Duchesneau,  dans  les  procès- verbaux  des 
séances  du  Conseil,  intitulait  M.  de  Frontenac  "chef  du 
conseil". 

Au  mois  de  janvier  1679,  le  gouverneur  donna  ordre 
au  greffier  du  Conseil  Souverain,  M.  Peuvret,  de  changer 
la  formule  employée  jusqu'alors  et  de  lui  donner  désor- 
mais le  titre  de  chef  et  président  du  Conseil. 

M.  Duchesneau  s'opposa  très  énergiquement  à  ce 
changement. 

Le  20  mars  1679,  sur  la  proposition  du  procureur-gé- 
néral d'Auteuil,  le  Conseil  Souverain  délégua  deux  se  ses 
membres,  MM.  de  Villeray  et  de  la  Martinière,  auprès  de 
M.  de  Frontenac  et  de  M.  Duchesneau  afin  de  les  engager  à 
laisser  de  côté  leurs  prétentions  respectives  jusqu'à  ce  que 
le  roi  eut  décidé  la  question. 

L'intendant  Duchesneau  consentit  bien  volontiers  à 
cet  arrangement,  mais  le  gouverneur  ne  voulut  entendre 
aucun  accommodement. 


(31)     Acte   de  vente  devant   Romain   Becquet,   notaire   à  Québec,   le   16   no- 
vembre 1675. 


...  70  - 

Après  de  nombî'eux  et  longs  pourparlers  qui  ne  servi- 
l'ent  qu'à  monter  davantage  les  esprits,  le  27  mars  1679, 
M.  de  Frontenac  se  rendait  au  Conseil  Souverain  et  décla- 
ra qu'il  eut  à  le  traiter  désormais  en  la  même  manière  et  à 
lui  donner  les  mêmes  qualités  qu'il  plaisait  à  Sa  Majesté 
de  lui  donner.  Et  il  ordonna  formellement  au  greffier 
Peuvret  de  le  qualifier  à  l'avenir  de  chef  et  président  du 
Conseil,  soit  sur  son  plumitif,  soit  sur  le  grand  registre, 
dans  toutes  les  intitulations  qu'il  y  ferait  des  assemblées 
où  il  assisterait. 

Du  27  mars  au  3  juillet  1679,  les  séances  se  passèrent 
en  discussion  oiseuse,  le  gouverneur  et  l'intendant  persis- 
tant l'un  et  l'autre  dans  leurs  prétentions. 

La  séance  du  3  juillet  1679  fut  très  orageuse.  M.  Du- 
chesneau  consentit  à  se  retirer  du  Conseil  mais  il  défendit 
au  greffier  de  donner  au  gouverneur  l'intitulation  qu'il 
exigeait.  Le  gouverneur  et  l'intendant  se  contèrent  leur 
fait  devant  tous  les  conseillers. 

Ce  fut  le  lendemain  de  cette  séance  orageuse  que  M.  de 
Frontenac  exila  de  Québec  les  conseillers  de  Villeray  et  de 
Tilly  et  le  procureur-général  d'Auteuil.  M.  de  Villeray 
eut  ordre  de  se  retirer  à  l'île  d'Orléans,  dans  la  maison  de 
M.  Berthelot,  M.  de  Tilly  devait  se  rendre  èhez  son  beau- 
père,  M.  Jucliereau  de  Saint-Denis,  à  Beauport,  et  M. 
d'Auteuil  devait  se  retirer  dans  sa  maison  de  Monceaux,  à 
Beauport,  en  attendant  de  s'embarquer  tous  trois  pour  al- 
ler rendre  compte  de  leur  conduite  au  roi. 

Le  5  juillet  1679,  le  Conseil  Souverain  se  réunit  à 
Monceaux  chez  le  procureur-général  d'Auteuil;  deux  con- 
seillers, MM.  Damours  et  de  la  Martinière,  furent  députés 
aui)rès  >du  gouverneur  pour  lui  demander  de  révoquer  ses 
ordres  au  sujet  de  MM.  de  Villeray,  de  Tilly  et  d'Auteuil. 
M.  de  Frontenac  ne  voulut  rien  entendre. 

Les  choses  traînèrent  ainsi  jusqu'au  milieu  d'octobre. 
Le  16  octobre  1679,  le  Conseil  adopta  une  résolution  priant 
le  gouverneur  et  l'intendant  de  consentir  à  ce  que  ni  l'un 
ni  l'autre  ne  seraient  nommés  dans  l'en  tête  des  procès- 


.-.  71  — 

verbaux  du  Conseil,  mais  que  le  greffier  écrirait  seulement  : 
''le  Conseil  assemblée".  Le  gouverneur  et  l'intendant 
consentirent  à  cet  ex2)édient.  Le  gouverneur  rappela 
même"  MM.  de  Villeray,  de  Tilly  et  d'Aut€uil  à  Québec.  Le 
Conseil  se  mit  résolument  à  l'oeuvre  pour  disposer  des  af- 
faires qui  s'étaient  accumulées  pendant  cette  longue  que- 
relle. 

Le  10  novembre  1679,  l'intendant  Duchesneau  entre- 
tenait longuement  le  ministre  des  prétentions  de  M.  de 
Frontenac  au  sujet  des  intitulations^rpms  il  ajoutait: 

"Depuis  que  le  Conseil  a  eu  la  liberté  de  s'assembler, 
on  a  toujours  travaillé  à  l'expédition  des  affaires  qui  ne  se 
sont  pas  trouvées  en  grand  nombre,  par  besoin  que  j'ai 
pris  d'accommoder  autant  qu'il  m'a  été  possible,  la  plus 
grande  partie  des  procès  et  de  prévenir  les  différents  qui 
pouvaient  arriver  ;  à  quoi  je  puis  dire,  Monseigneur,  que 
j 'ai  réussi  à  la  satisfaction  de  tout  le  monde  et  que  j 'ai  rete- 
nu les  esprits  dans  le  devoir  qui  avaient  assez  de  disposi- 
tions de  s'aigrir. 

"L'union  dans  laquelle  Mr  le  gouverneur  a  vu  tous 
les  officiers  du  Conseil  pour  ne  point  consentir  qu'on  don- 
nât aucune  atteinte  à  la  déclaration  du  Roi,  l'a  mis  dans 
d'étranges  emportemens  contre  eux;  jusqu'à  les  traiter  de 
séditeux  et  de  rebelles,  et  il  s'est  efforcé  de  faire  passer 
cette  bonne  intelligence  pour  une  cabale,  et  c'est  l'adresse 
dont  il  s'est  toujours  servi  pour  tâcher  de  décrier  tout  ce 
qu'on  a  fait  pour  le  bien  du  pays  et  rendre  suspects  les 
plus  honnêtes  gens. 

"Le  sieur  de  Villeray,  qui  va  par  ordre  de  Mr  le  gou- 
verneur, rendre  compte  de  sa  conduite  à  Sa  Majesté,  vous 
informera.  Monseigneur,  de  toutes  choses.  Je  suis  obligé 
par  la  force  de  la  vérité  de  vous  dire,  comme  vous  le  recon- 
naitrez,  qu'il  est  homme  capable.  Il  est  d'ailleurs  d'une 
probité  connue,  et  fait  honneur  à  la  colonie  par  sa  nais- 
sance noble  et  par  ses  autres  bonnes  qualités,  quoiqu'il  ne 
subsiste  que  par  son  grand  ménage."  (32) 

(32)     Archives  du  Canada.    Correspondance  générale,  vol.  5. 


—  72  - 

M.  de  Villeray,  qui  était  un  lutteur  peu  ordinaire  et 
qui  était  d'ailleurs  accoutumé  à  la  disgrâce  des  gouver- 
neurs, s'embarqua  pour  la  France  à  la  fin  de  novembre 
1679.  (33) 

Là-bas,  ses  protecteurs  ordinaires  firent  valoir  sa 
cause  auprès  du  ministre  qui  lui  était  déjà  favorable  et 
qui  était  passablement  fatigué  des  ennuis  que  lui  causait 
M.  de  Frontenac. 

M.  de  Villeray  revint  dans  la  Nouvelle-France  au 
mois  d'octobre  1680.  Il  était  jjorteur  d'un  ordre  de  Louis 
XIV  à  M.  de  Frontenac  de  le  rétablir  dans  ses  fonctions 
de  conseiller.  Il  apportait  aussi  une  lettre  du  roi  fort 
sévère  pour  M.  de  Frontenac. 

''Tous  les  corps  et  presque  tous  les  particuliers,  écri- 
vait le  roi,  se  plaignent  avec  des  circonstances  si  claires, 
que  je  ne  puis  douter  de  beaucoup  de  mauvais  traitements, 
qui  sont  entièrement  contraires  à  la  modération  que  vous 
devez  avoir.  Vous  avez  voulu  que  dans  les  registres  du 
Conseil  Souverain,  vous  fussiez  qualifié  de  chef  et  prési- 
dent de  ce  Conseil,  ce  qui  est  entièrement  contraire  à  mon 
édit  concernant  cet  établissement,  en  date  du  5  juin  1675; 
et  je  suis  d'autant  plus  surpris  de  cette  prétention,  que  je 
suis  assuré  qu'il  n'y  a  que  vous  dans  mon  royaume  qui 
étant  honoré  du  titre  de  gouverneur  et  lieutenant-général 
dans  un  pays,  eut  désiré  d'être  qualifié  chef  et  président 
d'un  Conseil  pareil  à  celui  du  Canada.  Je  désire  donc  que 
vous  abandonniez  cette  prétention  mal  fondée,  et  que  vous 
vous  contentiez  du  titre  de  gouverneur  et  mon  lieutenant- 
général.  . . .  Au  surplus,  l'abus  que  vous  avez  fait  de 
l'autorité  que  je  vous  ai  commise,  en  exilant  deux  conseil- 
lers et  le  procureur-général  i^our  une  cause  aussi  légère 
que  celle-là  ne  me  plait  guère,  et  n'était  l'assurance  précise 
que  vos  amis  m'ont  donnée  que  vous  agiriez  avec  plus  de 
modération  à  l'avenir,  j'aurais  pris  la  résolution  de  vous 
faire  revenir.  " 

Le  voyage  forcé  que  M.  de  Villeray  venait  de  faire  en 

(33)     Entre  le  21  et  le  29.  » 


—  73  — 

France  avait  été  pour  lui  une  occasion  de  dépenses  consi- 
dérables. L'intendant  Duchesneau,  témoin  journalier  des 
colères  et  des  injustices  de  M.  de  Frontenac  pour  M.  de  Vil- 
leray,  essaya  de  lui  obtenir  une  gratification.  Le  13  no- 
vembre 1680,  il  écrivait  au  ministre  : 

*'J'ai  fait  connaître  au  Conseil  Souverain  les  inten- 
tions de  Sa  Majesté  sur  l'expédition  des  procès  et  pour  em- 
pêcher que  la  chicane  ne  s'y  introduisit  afin  que  les  procé- 
dures de  justice  ne  divertissent  point  les  habitants  de  leur 
travail  et  de  leur  commerce  ;  je  vois  les  officiers  très  dis- 
posés à  les  remplir. 

*' Je  dois  vous  dire  en  cet  endroit,  Monseigneur,  que  le 
sieur  de  Villeray,  j^remier  conseiller,  qui  a  l'honneur  d'être 
connu  de  vous,  et  qui  est  sans  contredit  le  plus  habile  et  le 
plus  capable  de  rendre  service  au  Roi  dans  ce  pays,  mérite 
d'être  distingué  par  quelques  gratifications  de  Sa  Majesté. 
Il  a  extrêmement  souiïert  de  son  envoi  en  France,  et  com- 
me il  est  fort  honnête  homme  et  de  naissance,  il  subsiste 
honorablement  du  provenu  de  sa  terre  qu'il  fait  valoir 
avec  une  grande  économie.  Il  a  été  obligé  de  l'abandon- 
ner longtemps.  Il  a  perdu  cette  année  ime  partie  de  ses 
provisions  par  le  naufrage  du  navire  Saint-Joseph.  Ce 
qui  fait  qu'il  a  très  grand  besoin  des  bienfaits  du 
Roi."  (34) 

M.  de  Frontenac  était  fidèle  à  ses  amis.  Qu'ils  eus- 
sent tort  ou  raison,  il  les  défendait  avec  une  égale  ardeur. 
Pareillement,  lorsqu'il  voulait  obtenir  des  faveurs,  il  ne 
cessait  d'importmier  le  ministre  que  quand  il  avait  obtenu 
ce  qu'il  demandait. 

M.  de  Frontenac  était  aussi  jidèle  à  ses  ennemis  en  ce 
sens  qu'il  ne  les  lâchait  que  quand  ils  ],es  avaient  démoli. 
La  lettre  de  blâme  reçue  du  roi  et  apportée  par  M.  de  Vil- 
leray lui-même  dût  être  assez  difficile  à  digérer  pour  lui. 
Aussi  il  ne  tarda  guère  à  créer  une  nouvelle  querelle  à  M. 
de  Villeray. 

"Par  l'article  25  de  l'Edit  de  1600,  écrit  Ignotus,  il 

(34)     Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  5. 


—  74  — 

était  défendu  de  prendre  le  titre  d'écuyer  à  quiconque 
n'était  j)oint  issu  d'un  aieul  et  d'un  père  ayant  porté  les 
armes,  ou  servi  le  public  en  des  charges  honorables  suscep- 
tibles de  conférer  un  commencement  de  noblesse  à  sa  pos- 
térité. Une  déclaration  du  mois  de  janvier  1624  alla  beau- 
coup plus  loin.  Elle  interdit  le  titre  d'écuyer  et  l'usage 
d'armoiries  timbrées  à  tous  ceux  qui  n'étaient  point  de  ra- 
ce noble,  et  cela  sous  peine  de  deux  mille  livres  d'amende. 
On  voit  par  le  Journal  des  Audiences  que,  le  13  août  1633, 
sur  les  conclusions  du  procureur-général,  il  fut  défendu  à 
ceux  qui  n'étaient  pas  gentilshommes  de  prendre  la  qua- 
lité d'écuyer  et  de  timbrer  leurs  armes,  sous  une  pénalité 
de  quinze  cents  livres."  (35) 

L'édit  de  1600  fournit  l'occasion  désirée  par  l'iras- 
cible gouverneur  pour  recommencer  la  guerre  à  M.  de  Vil- 
leray. 

Au  mois  de  mars  1681,  le  Conseil  Souverain  était  oc- 
cupé au  procès  de  Louis  Bolduc,  procureur  du  roi  à  la  pré- 
vôté de  Québec,  accusé  de  malversations.  M.  de  Villeray 
avait  été  chargé  de  procéder  aux  informations  dans  cette 
affaire. 

Bolduc  était  un  des  protégés  du  gouverneur.  Plusieurs 
fois  déjà,  il  l'avait  défendu  auprès  du  ministre.  Cette 
poursuite,  on  le  comprend,  donnait  de  l'humeur  à  M.  de 
Frontenac. 

Le  10  mars  1681,  devant  le  Conseil  Souverain,  le  gou- 
verneur fit  une  énergique  remontrance  à  M.  de  Villeray. 
Les  Jugements  et  délibérations  du  Conseil  Souverain  nous 
ont  conservé  la  teneur  de  cette  remontrance  : 

"Monsieur  le  gouverneur  a  dit  que  puisque  la  Cour 
était  occupée  à  rechercher  les  abus  que  les  officiers  peu- 
vent commettre  dans  l 'administrations  de  leurs  charges, 
il  était  surpris  que  le  procureur-général  qui  témoigne  tant 
de  chaleur  pour  en  être  éclairci  en  de  certaines  rencontres, 
demeure  dans  le  silence  dans  d'autres  et  les  dissimule  quoi- 
qu'il ne  les  puisse  ignorer,  que  pour  lui  gouverneur  il  n'en 

(35)     La  Presse,  janvier  1903. 


...  75  —        . 

peut  pas  faire  de  même  i)arce  qu'il  manquerait  à  son  de- 
voir et  que  sa  condescendance  autoriserait  la  continuation 
des  abus  et  servirait  comme  d'une  espèce  de  titre  à  ceux 
qui  les  voudraient  continuer,  qu'ainsi  il  ne  peut  pas  s'em- 
pêcher d'avertir  la  Compagnie  de  deux  manquements  no- 
tables qu'a  fait  le  sieur  de  Villeray  dans  un  exploit  qui  est 
tombé  entre  ses  mains  et  qui  est  semblable  à  beaucoup  d'au- 
tres à  ce  qu'il  a  appris  donnés  en  conséquence  de  ses  ordon- 
nances sur  le  même  sujet,  le  premier  en  ce  que  le  dit  ex- 
ploit n'est  point  libellé  et  qu'il  n'y  est  point  dit  contre  qui 
le  témoin  doit  être  entendu  quoique  les  formules  de  l'or- 
donnance du  Roi  le  porte  expressément,  et  le  second  en  ce 
que  la  qualité  d'écuyer  qui  est  donné  au  dit  sieur  de  Ville- 
ray sans  qu'il  ait  produit  sur  cela  aucuns  titres  qui  puis- 
sent faire  voir  qu'elle  lui  appartient,  qu'il  exhorte  la  Com- 
pagnie à  donner  ordre  à  ces  abus  afin  que  dorénavant  les 
exploits  soient  libellés  en  la  manière  que  l'ordonnance  le 
désire,  et  que  les  témoins  que  l'on  voudra  entendre  ne  puis-' 
sent  être  surpris,  et  que  le  dit  sieur  de  Villeray  ne  puisse 
l^rendre  des  qualités  qu'il  n'ait  prouvé  lui  appartenir,  et 
se  conformer  mieux  à  l'arrêt  du  Conseil  d'Etat  du  Roi 
donné  le  29  mai  dernier  et  registre  dans  la  Compagnie  le 
24  octobre  aussi  dernier,  par  lequel  le  Roi  défend  aux  Con- 
seillers de  prendre  d'autres  qualités  que  celles  qu'il  leur 
donne  dans  les  lettres  de  provisions  de  leurs  charges."  (36) 

Sept  jours  plus  tard,  le  17  mars,  M.  de  Villeray  sou- 
mettait au  Conseil  Souverain  sa  réponse  à  la  remontrance 
de  M.  de  Frontenac.  Elle  est  trop  longue  pour  être  citée 
ici.  Mais  le  premier  conseiller  répondait  point  pour  point 
à  la  remontrance  du  gouverneur. 

Au  sujet  de  l'exploit  d'assignation,  M.  de  Villeray  dé- 
clarait que  le  manquement,  s'il  y  en  avait  un,  était  le  fait) 
de  l'huissier  et  non  le  sien. 

Quant  au  titre  d'écuyer,  M.  de  Villeray  affirmait  qu'il 
ne  l'avait  jamais  pris  dans  aucun  des  actes  et  registres  du 

(36)     Juyements  et  Délibérations  du  Conseil  Souverain,  \'o\.  II  p.  478. 


...  76  --- 

Conseil,  et  que  s'il  s'en  était  servi  ailleurs  c'était  dans  le 
but  de  le  confirmer  à  ses  enfants  en  vertu  de  son  droit. 

"D'ailleurs,  ajoutait-il,  il  n'est  pas  venu  en  pensée  au 
dit  sieur  de  Villeray  de  produire  ses  titres  tant  parce  qu'il 
ne  lui  a  pas  été  connu  qu'il  fut  d'aucune  nécessité  ni  ayant 
eu  aucune  déclaration  du  Koi  pour  la  recherche  de  la  no- 
blesse, ni  personne  préposée  à  cet  effet  qui  ait  paru  en  ce 
pays  ;  que  si  quelques  particuliers  sous  prétexte  de  la 
crainte  de  perdre  les  titres  qu'ils  ont,  et  de  la  difficulté  de 
les  recouvrer,  ou  autrement,  ont  eu  la  précaution  d'en  de- 
mander l'enregistrement  au  Conseil  et  qu'on  ait  bien  voulu 
leur  accorder  cette  grâce  purement  et  simplement  ;  il  n'a 
pas  cru  que  cela  le  dût  obliger  de  faire  enregistrer  les  siens. 
Par  ces  réponses  et  raisons  le  dit  sieur  de  Villeray  justi- 
fiant suffisamment  qu'il  n'y  a  eu  aucun  abus  commis  de  sa 
part,  ni  contravention  au  dit  arrêt  du  Conseil  d'Etat  ;  il  a 
lieu  d'espérer  que  Monsieur  le  Gouverneur  qui  a  ainsi  paru 
être  prévenu  contre  lui,  voulant  bien  laisser  le  Conseil  dans 
la  liberté  entière  d'opiner,  il  sera  donné  acte  au  dit  sieur 
de  Villeray  de  ses  dites  réponses,  et  ordonner  qu'elles  se- 
ront enregistrées  pour  servir  et  valoir  ce  que  de  raison,  et 
afin  de  faire  connaître  qu'il  est  en  droit  de  prendre  la  dite 
qualité  d'écuyer  dans  ses  affaires  particulières  pour  les 
raisons  susdites,  il  a  joint  à  la  présente  réponse,  sans  que 
cela  puisse  tirer  à  conséquence,  un  inventaire  des  titres 
justificatifs  de  sa  dite  qualité,  fait  à  Québec  le  quatorze 
mars  1681.  '  ' 

Le  Conseil,  après  avoir  entendu  le  procureur-général, 
déclara  qu'il  serait  sursis  à  l'examen  de  la  noblesse  du  sieur 
de  Villeray  jusqu'à  ce  qu'on  eut  connu  les  volontés  de  Sa 
Majesté  sur  la  recherche  des  usurpateurs  de  noblesse  au 
Canada. 

La  discussion,  au  Conseil,  se  prolongea  encore  pendant 
plusieurs  séances  au  détriment  des  affaires  du  pays.  M.  de 
Frontenac,  malgré  les  preuves  de  noblesse  apportées  par 
M.  de  Villeray,  lui  défendit  de  s'intituler  écuyer,  et,  celui- 


...  77  — 
ci,  pour  tenniner  cette  chicane,  s'en  abstint.  (37) 

Frontenac,  avec  son  flair  ordinaire,  jugeant  que  le  roi 
le  blâmerait  d'avoir  soulevé  une  si  longue  querelle  et  d'a- 
voir fait  perdre  le  temps  du  Conseil  pour  une  si  petite  af- 
faire, crut  que  le  meilleur  moyen  de  se  tirer  du  mauvais 
pas  oii  l'avait  conduit  son  orgueil  et  sa  haine  contre  de  Vil- 
leray  serait  de  l'attaquer  sur  une  autre  point.  Dans  sa 
lettre  du  2  novembre  1681  au  marquis  de  Seignelay,  après 
s'être  plaint  amèrement  du  Conseil  Souverain,  il  écrivait: 

"Si  les  sieurs  de  la  Martinière  et  de  Monceaux  s'é- 
taient contentés  d'envoyer  à  la  Cour  leurs  plaintes  en  par- 
ticulier sur  les  prétendus  mauvais  traitements  reçus  de 
moi,  et  de  prier  M.  Duchesneau  de  les  appuyer,  il  y  aurait 
moins  à  redire  j)uisqu'il  doit  être  libre  à  chaque  particulier 
de  se  plaindre  des  violences  qu'il  croit  qu'on  lui  fait  et  d'a- 
vertir Sa  Majesté  vu  qu'il  se  persuaderait  être  contre  son 
service  mais  de  l'avoir  voulu  faire  juridiquement,  comme 
ils  l'ont  fait,  c'est  informer  ouvertement  contre  un  gouver- 
neur, et  de  vouloir  le  soumettre  à  leur  juridiction.  Ce  que 
je  n'estime  pas.  Monsieur,  que  vous  approuverez. 


(37)  Sur  toute  cette  chicane  à  propos  du  titre' d'écuyer  on  peut  consulter 
les  Jugements  et  Délibérations  du  Conseil,  vol.  II,  pp.  477  et  seq.  et  une  étude  de 
ignotus  dans  la  Presse  de  janvier  1902. 

P.  G.  R. 

(La  suite  dans  la  prochaine  livraison) 


—  78  — 

LA  FAMILLE  GAULTIER  DE  VARENNES 


lière    génération  :  René  Gaultier  de  Varennes. 

2ième  génération:  Jacques-Bené  Gaultier  de  Varennes. 

Sième  génération:  J ean-HyppoUte  Gaultier  de  Varennes. 


JEÀN-HYPPOLITE    GAULTIER    DE    VARENNES 


Jean-Hyppolite,  le  continuateur  de  la  lignée  des  de 
Varennes,  naquit  à  Montréal,  le  7  septembre  1717.  Il  fut 
baptisé  le  même  jour  et  eut  pour  parrain  Joseph-Hyppo- 
lite  de  Senneville,  et  pour  marraine,  Charlotte  de  Lévil- 
liers. 

Entré  très  jeune  dans  les  troupes  de  la  marine,  Jean- 
Hyppolite  fut  nommé  enseigne  en  second,  en  1744,  et  ensei- 
gne en  pied  en  1746  (1). 

Le  cinq  février  1746,  il  épousait  Louiêe-Charlotte 
Sarrazin;  le  mariage  fut  célébré  dans  l'église  paroissiale 
de  Sainte-Foy,  en  présence  de  Pierre  de  la  Verendrye, 
lieutenant  d'une  compagnie  du  détachement  de  la  marine, 
de  Gaspard  Adhémar  de  Lantagnac,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  d'Ignace  Aubert,  sieur  de  Gaspé. 

Louise  Charlotte  Sarrazin,  née  à  Québec,  en  1727, 
était  fille  du  célèbre  docteur  Michel  Sarrazin,  médecin 
ordinaire  du  roi  à  Québec,  membre  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  Paris,  membre  du  Conseil  Supérieur 
de  la  Nouvelle-France,  lequel  décéda  à  Québec  le  8  sej)- 
tembre  1734. 

Elle  était  nièce,  par  sa  mère,  des  chanoines  Joseph 
Thierry  Hazeur  et  Pierre  Hazeur  de  l'Orme.  Ce  dernier 
fut  envoyé  en  France,  en  1722,  comme  délégué  du  Chapitre 
de  Québec. 

Charlotte  avait  deux  frères  plus  âgés  qu'elle,  Joseph- 
Michel,  né  en  1714,  et  Claude-Michel,  né  en  1722. 

Le  premier,  Joseph-Michel,  passa  à  Paris,  dans  l'au- 

(1)      RapiH>rt  siir  les  Archives  canadiennes,  par  Douglas  Brymner,  1886. 
Note  E,  p.  CXXVII. 


—  79  - 

tomne  de  1731.  Son  oncle,  le  chanoine  de  l'Orme,  s'inté- 
ressa vivement  à  lui,*  et  dans  sa  correspondance  avec  son 
frère  le  chanoine  Thierry  Hazeur,  il  parle  souvent  de  son 
cher  neveu.  Au  risque  de  paraître  un  peu  long,  nous  cite- 
rons les  détails  intéressants  qu'il  donne  sur  l'arrivée  de 
ce  jeune  homme  à  Paris,  et  sur  les  études  qu'il  y  poursui- 
vait, dans  une  lettre  en  date  du  24  février  1732  (2). 

**Je  vous  ai  mandé,  disait-il,  par  les  premiers  vais- 
seaux, l'heureuse  arrivée  de  Sarrazin  à  Paris  et  ce  qu'on 
a  fait  pour  lui  depuis  qu'il  est. . .  J'ai  été  charmé  de  le 
voir.  En  revenant  du  Berry,  je  demandai  à  l'auberge  où 
on  loge  les  carosses  à  Orléans,  s'il  n'y  avait  pas  un  jeune 
homme  de  telle  ou  telle  figure  avec  un  Jésuite.  On  me  dit 
que  oui,  mais  qu'ils  étaient  partis  pour  Paris  le  jour  même 
que  j'arrivai  à  Orléans.  J'en  fus  très  fâché. . .  j'écrivis 
une  lettre  à  un  de  mes  amis  à  Paris  pour  le  prier  de  retenir 
cet  enfant  chez  lui,  mais  il  ne  put  le  trouver.  Le  père 
Bushler  l'amena  au  Séminaire  des  Missions  Etrangères, 
croyant  m'y  trouver.  M.  Montigny  eut  la  bonté  de  le  rete- 
nir et  de  le  coucher  dans  une  chambre,  une  nuit  seulement  ; 
car  M.  Hersant  à  qui  j'avais  écrit,  sachant  qu'il  y  était, 
alla  le  chercher  et  l'amena  chez  lui;  et  deux  jours  après, 
j'arrivai  à  Paris  où  je  l'embrassai  tendrement.  Je  le  fis 
habiller  et  le  menai  avec  moi  et  mon  Hazeur  à  Versailles. 
Je  le  présentai  à  M.  de  Maurepas  qui  me  parut  fort  aise 
de  le  voir  et  lui  promit  de  lui  rendre  service.  MM.  Raudot 
et  Forcade  furent  aussi  charmés  de  voir  le  jeune  enfant 
et  lui  promirent  de  travailler  pour  lui.  En  effet,  ils  s'y 
sont  employés  efficacement,  puisqu'avec  les  recommanda- 
tions de  MM.  les  gouverneur  et  intendant,  qui  ne  lui  ont 
pas  nui,  M.  de  Maurepas  a  eu  la  bonté  de  lui  accorder  450 
francs  de  pension,  grâce  que  l'on  regarde  ici  comme  très 
considérable,  surtout  dans  le  temps  où  nous  sommes,  et 
où  l'on  n'accorde  de  faveur  à  qui  que  ce  soit  surtout  quand 
il  s'agit  d'argent.    H  aura  ces  450  francs  tant  qu'il  sera 

(2)      Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  de  Québec  et  ses  délégués  en  France. — 
Bulletin  des  Recherches  Historiques,  1910,  p.  201,  204. 


—  80- 

à  Paris  pour  y  faire  ses  études.  .  .  Je  n'ai  pas  voulu  par- 
ler à  Sarrazin  de  tout  ce  que  vous  M.  «Sarrazin  et  ma  soeur 
m'aviez  écrit  sur  le  dessein  qu'il  aurait  de  se  faire  jésuite. 
Je  l'ai  laissé  agir  de  lui-même.  Je  lui  représentai  seule- 
ment qu'il  fallait  seconder  les  bonnes  intentions  que  pa- 
raissait avoir  le  ministre  pour  lui,  aussi  bien  que  tous  les 
amis  de  son  cher  père:  MM.  Raudot,  Forcade,  l'abbé  Bi- 
gnon,  M.  de  Réaumur  et  les  autres  à  qui  je  l'ai  ])résenté, 
qui  tous  l'ont  trouvé  joli  et  x^lein  d'esprit.  Il  me  dit  qu'il 
ferait  tout  ce  que  je  voudrais.  Je  lui  donnai  à  entendre 
que  la  pension  était  pour  faire  ses  études  en  médecine, 
qu'il  fallait  qu'il  s'y  donnât  tout  entier.  Il  commence  par 
son  cours  d'anatomie  sous  M.  de  Verdier  qui,  aj^rès  M.  de 
Vincelon,  passe  pour  le  plus  habile  que  nous  ayons  dans 
Paris.  Ce  M.  Verdier  est  charmé  de  mon  neveu  dans  lequel 
il  trouve  une  disposition  étonnante.  C  'est  lui-même  qui  me 
l'a  dit,  il  y  a  quelques  jours,  il  le  propose  pour  exemple  à 
tous  les  écoliers.  Il  faut  compter  que  cet  enfant  fera  plus 
de  progrès  dans  trois  mois  que  les  autres  en  six.  Dans  les 
("ommencements,  il  a  eu  un  peu  de  peine  à  s'accoutumer  à 
voir  les  cadavres,  encore  plus  à  les  toucher.  Aujourd'hui 
il  y  est  fait  entièrement  et  ne  sent  jjIus  aucun  dégoût . .  . 
Il  va  exactement  toi.is  les  jours  à  l'école  d'anatomie. . .  Il 
a  acheté  de  temps  en  temps  des  têtes  de  mouton  j^our  les 
disséquer.  Je  l'ai  vu  faire  devant  moi,  il  s'y  prend  très 
bien.  .  .  Il  lui  en  coûtera  200  frs.  pour  faire  son  cours 
d'anatomie;  après  cela  il  fera  son  cours  de  médecine,  de 
botanique  et  son  droit,  car  je  veux  absolument  qu'il  soit 
bon  jurisconsulte  et  le  faire  passer  avocat.  Il  apprend 
actuellement  à  danser.  Il  commence  à  le  faire  très  joli- 
ment ;  toute  sa  peine  est  de  mettre  les  pieds  en  dehors.  Les 
pères  et  mères  devraient  veiller  sur  leurs  enfants  quand  ils 
sont  jeunes;  car  l'on  a  beaucoup)  de  peine  à  rompre  ces 
mauvaises  habitudes  quand  on  est  grand.  Je  voulais  lui 
faire  apprendre  à  faire  des  armes;  il  craint  dit-il  dé 
s 'éborgner.  Il  ne  faut  j^as  tout  apprendre  à  la  fois ...  Le 
père  Bushler,  jésuite,  a  eu  des  soins  extraordinaires  de  lui 
depuis  son  départ  du  Canada.    Il  l'aime  comme  ses  yeux 


...  81  — 

et  a  pour  lui  des  attentions  extraordinaires.  Il  le  vient  voir 
de  temps  en  temps  sans  lui  i^arler  d'être  jésuite,  à  quoi  je 
ne  crois  pas  que  Sarrazin  pense  beaucoup ...  Je  lui  fais 
recommencer  sa  pliilosopliie,  sans  cependant  le  détourner 
de  son  anatomie,  afin  qu'il  puisse  passer  maître  ès-arts  à 
Paris  ;  car  pour  le  bonnet  de  docteur,  il  pourra  le  prendre 
à  Rheims.  A  l'égard  de  son  droit,  il  le  pourra  faire  après 
sa  philosophie  ;  il  ne  faut  pas  grand  temps  pour  cela.  Je 
veux  faire  en  sorte  qu'il  se  rende  absolument  capable  de 
remplir  les  charges  de  son  i3ère." 

Malheureusement,  Joseph-Michel,  qui  donnait  de  si 
belles  espérances,  mourut  presque  subitement  de  la  petite 
vérole,  au  mois  de  septembre  1739  (3). 

Le  chanoine  de  l'Orme  ne  se  laissa  pas  décourager  par 
ce  contretemps.  Il  fit  venir  auprès  de  lui  son  second  neveu, 
Claude  Michel.  Le  2  mai  1742,  il  annonçait  que  ce  jeune 
homme  était  arrivé  à  Paris,  et  qu'il  étudiait  le  génie  et 
l'artillerie.  Le  bon  clianoine  parle  fréquemment  de  ce 
neveu  dans  sa  correspondance  (4).  Incidemment,  dans 
une  lettre  du  14  mai  1743,  il  dit  un  mot  de  sa  nièce  Louise- 
Charlotte,  ''j'ai  appris  avec  plaisir,  dit-il,  que  ma  chère 
nièce,  votre  fille,  est  très  aimable,  qu'elle  avait  beaucoup 
d'esprit,  et  qu'elle  savait  au  delà  de  ce  que  son  âge  de- 
mande" (5). 

Après  la  mort  de  Madame  Sarrazin,  arrivée  le  4  avril 
1743,  il  recommande  cette  nièce  au  chanoine  Hazeur;  ce- 
lui-ci avait  été  nommé  tuteur  des  deux  enfants  du  docteur 
Sarrazin,  et  était  devenu  en  cette  qualité  administrateur 
de  leur  belle  propriété  sur  le  chemin  Ste-Foy. 

Cette  propriété,  qui  embrassait  toute  l'étendue  com- 
prise aujourd'hui  entre  l'avenue  du  Belvédère  et  l'ancien- 
ne propriété  Holland  appartenant  aujourd'hui  à  M.  Vic- 
tor Chateauvert,  la  Grande- Allée  et  la  rivière  Saint-Char- 
les, avait  une  superficie  de  597  arpents  ;  c'était  la  terre 
Saint-Jean.  Le  fief  Saint-Jean,  enclavé  dans  cette  portion 
de  terre,  contenait  soixante  arpents. 

(3)  Loc.  cit.  pp.  267-269. 

(4)  L.OC.  cit.  pp.  359-361. 

(5)  Loc.  cit.  p.   355. 


...  82  — 

Le  docteur  Sarrazin  avait  obtenu  la  terre  et  le  fief 
Saint- Jean,  en  1709,  par  sentence  publique  d'adjudication, 
contre  les  héritiers  du  sieur  Aubert  de  la  Cliesnaye. 

A  la  mort  de  Madame  Sarrazin  cette  propriété  resta 
indivise  entre  ses  deux  enfants.  Après  son  mariage,  Loui- 
se-Charlotte vînt  résider  avec  son  époux  sur  la  terre  Saint- 
Jean;  le  chanoine  Thierry  habitait  avec  eux;  mais  il  n'y 
j'esta  pas  longtemps,  n'ayant  pu  s'entendre  avec  le  sieur 
de  Varennes,  qui  lui  intenta,  en  1747,  un  procès  pour  l'obli- 
ger à  rendre  compte  de  sa  tutelle.  En  1752,  les  époux  de 
Varennes  s 'en  allèrent  habiter  Montréal  ;  Jean-Hyppolite 
était  alors  enseigne  à  pied  dans  les  troupes  de  la  marine. 
Le  17  mai  1757,  il  cédait  à  Jacques  Cartier  Langevin, 
marchand  à  Québec,  tous  les  droits,  prétentions,  que  lui  et 
son  épouse  avaient  sur  les  terres  de  Saint-Jean  et  Saint- 
François,  jjour  la  somme  de  11,000  livres. 

Claude  Michel  Sarrazin,  après  de  brillantes  études, 
était  devenu  ingénieur  volontaire  dans  les  troupes  fran- 
çaises ;  il  avait  épousé  à  Paris,  le  18  octobre  1751,  Catheri- 
ne-Marie de  Monceaux,  fille  de  Jean-Christophe-Marie  de 
Monceaux  et  de  Marie-Madeleine  Juchereau  Duchesnay. 
Un  de  leurs  descendants,  Louis-Pierre  Girauld  d'Avrain- 
ville,  né  en  1856,  a  été  avocat  à  la  Cour  d'Appel  de  Paris. 
Après  bien  des  recherches,  il  est  parvenu  à  établir  le  lien  de 
parenté  qui  existe  entre  la  famille  Girault  d'Avrain ville, 
de  France,  et  la  famille  Gaultier  de  Varennes,  de  Québec. 
Le  7  août  1907,  il  adressait  au  docteur  Joseph  Gaultier  de 
Varennes,  de  Québec,  l'intéressante  lettre  qui  suit  : 

"Monsieur  le  docteur, 

"  J 'ai  bien  reçu  à  Paris  le  18  mars  votre  intéressante 
lettre  du  7  mars,  et  je  ne  veux  pas  tarder  davantage  à  vous 
remercier  de  votre  extrême  obligeance  à  me  répondre  sur 
votre  famille  Gauthier  de  Varennes. 

''  Comme  vous  le  verrez,  monsieur,  par  les  notes  gé- 
néalogiques ci- jointes,  et  grâce  à  vos  propres  recherches, 
nous  descendons  bien  d'un  auteur  commun,  le  docteur 
Michel  Sarrazin,  savant  canadien  mort  à  Québec  en  1734, 


—  83  --- 

dont  un  fils  fut  mon  arrière-grand-père  paternel,  et  une 
fille  épousa  Jean  Gauthier  de  Yarennes,  votre  bisaïeul 
paternel. 

"  Nos  deux  familles  sont  donc  bien  authentiquement 
deux  rameaux  issus  d'un  même  tronc,  dont  l'un  (le  vôtre) 
est  resté  au  Canada,  et  dont  l'autre  (le  mien)  est  revenu 
en  France,  après  la  cession  de  1763. 

"  J'ai  quelque  orgueil  à  être  issu  d'une  souche  aussi 
vivace  que  votre  famille  franco-canadienne  et  d'une  race 
qui  a  donné,  au  milieu  de  tant  d'épreuves  matérielles  et 
politiques,  un  si  bel  exemple  d'attachement  et  de  fidélité 
de  race  à  sa  vieille  mère-patrie,  la  Vieille  France;  j'ai 
aussi  quelque  joie  personnelle  à  avoir  été  l'artisan  de  ce 
rattachement  indiscutable  de  deux  rameaux  d'une  même 
famille  qui  s'ignoraient  depuis  plus  de  140  années.  Grâce 
à  des  notes  de  famille  assez  nombreuses,  je  connaissais  ce 
lien  étroit  qui  unissait  ma  famille  à  la  Nouvelle-France, 
je  savais  l'alliance,  mais  c'était  tout;  avec  persévérance 
j'ai  travaillé  ces  notes,  et  je  suis  arrivé  à  reconstituer  une 
parenté  de  cousin-germain  avec  l'honorable  famille  Ju- 
chereau  Duchesnay,  à  Beauport  en  1729  ;  mais  où  trouver 
après  150  ans  ? 

'  '  Grâce  à  mon  aimable  confrère  canadien,  M.  Lemoy- 
ne  de  Martigny,  conseiller  à  Paris  du  Canada,  j'ai  eu 
l'adresse  de  mon  cousin  M.  Edouard  Duchesnay,  de  Qué- 
bec; depuis  1899  je  suis  en  correspondance  suivie  avec 
celui-ci. 

"  Mon  cousin  de  Québec,  sur  ma  demande  et  mes  indi- 
cations de  parenté  x^robable,  m'a  donné  votre  adresse; 
vous  avez  eu  l'extrême  obligeance  de  me  répondre  et  c'est 
donc  grâce  à  vous  que  je  peux  vous  fixer  le  croquis  généa- 
logique ci-dessous  dont  vous  trouverez  le  détail  assez  com- 
plet dans  une  note  séparée. 

Auteur  commun  des  deux  familles. 

DOCTEUR  MICHEL   SARRAZIN,  de  Québec. 

Né  en  1659,  mort  à  Québec  en  1734. 

Plusieurs  enfants,  dont  1  fils  et  1  fille. 


...  84  — 


Claude  Michel  Sarrazin  de  l'Etang, 
né  à  Québec  le  28  septembre  1722. 
Seifjneur  de  St.  .Jean,  St.  François, 
Officier  Ingénieur  volontaire  en 
France,  y  demeure  après  la  Cession 
du  Canada  de  1763,  marié  à  Paris 
le  18  oct.  1751,  à  Catherine  Marie 
de  Manceaux,  morts  tous  deux  à  Pa- 
ris vers  1805. 

Ils  ont  eu  une  fille. 


I 

Un   flls 
Claude    Michel    Sarrazin 

(1722-1809). 
Ep.  Marie  de  Monceaux. 


De    l'Etang 


Une  fllle 
Catherine   Sarrazin   de   l'Etang. 
Née  en  1766,  morte  en  1847. 
Ep.   en  1799   Edme  Girauld  d'Avrain- 
ville. 

I 
Un  fils 
Achille    Girauld    d'Avrainville     (1807- 
1887). 


Un   fils 
Louis  Girauld   d'Avrainville. 
Né  en   1816.     Avocat  à  la  Cour. 


Charlotte  Louise  Angélique  Sarrazin, 
née  à  Québec  en  1727.  Mariée  à 
Sainte-Foye  le  5  février  1746,  à 
Jean  Joseph  Hippolyte  Gauthier 
seigneur  de  Varennes  Sieur  de  la 
Vérandrie,  officier,  enseigne  en  pied 
du   détachement  de   la   Marine. 

Né    à le 17.  .  .  . 

Mort   à. . le , .  17  .  .  .  . 

Ils  ont  eu  un   fils. 


.  Une  fille 
Charlotte    Louise   Angélique   Sarrazin. 
Née  à  Québec  en  1727. 
Ep.  à  Ste-Foy   le  5   février   1746,   Jean 
Gauthier  de  Varennes. 
I 
Un  fils 
Etienne    Gauthier    de    Varennes. 
Marié,  en  1791,  à  Anne  Paquet. 


I 

Un  fils 
Etienne  Gauthier  de  Varennes. 


Un  fils 
I 

Un  fils 
Joseph   Gauthier   de   Varennes. 
Docteur  à  Québec. 


"  Vous  voyez  donc,  monsieur,  que  la  filiation  accou- 
plée dans  les  deux  familles  Gauthier  de  Varennes  et 
Girauld  d'Avrainville  est  ininterrompue  depuis  1730 
jusqu'en  1907. 

"  Vous  remarquerez,  tant  dans  le  croquis  ci-dessus 
que  dans  la  note  détaillée  ci-jointe  (6),  qu'il  y  a  quelques 


(6)  Auteur  commun. — Michel  Sarrazin  né  à  Nuits  en  Bourgogne,  le  5 
septembre  1659,  a  dû  arriver  en  Nouvelle-France  vers  1685,  médecin  ordi- 
naire du  roi  à  Québec,  en  1697,  membre  correspondant  de  l'Académie  des 
Sciences  de  Paris,  membre  du  Conseil  Supérieur  du  Canada,  28  nov.  1707, 
épousa  à  Montréal,  le  20  juin  1712,  Marie-Anne-Ursule  Hazeur,  fille  de  Fran- 
çois Hazeur,  marchand  et  conseiller  du  Conseil  Supr.  Seigneur  de  la  Malbaie, 
et  de  Antoinette  Soumande;  il  mourut  à  Québec  le  8  sep.  1734.  Ils  ont  eu 
7  enfants  (3  décédés  en  bas  âge),  4  filles  et  3  garçons. 


—  85 


Catherine    Marie   Agathe    Hélène    Sar- 

razln    de   l'Etang. 
Née  à  Troyes  le  17  février  1766   (mor- 
te en  1745),  mariée  le  10  floréal  An 
VII   (30  avril  1799)   à  Paris,  à  Bd- 
me   Louis  Girauld   d'Avrainville. 
I 
Un  fils 
Achille   Girauld   d'Avrainville. 
Né   à   Paris   le   21    décembre   1807. 
Avoué  de  1er  instance  à  Paris  de  1838 
à  73,  marié  le  16  août  1841  à  C.  Go- 
dard.     Mort    à    Lyon    le    3    octobre 
1887. 

I 
Louis  Girauld  d'Avrainville. 
Né  à  Paris  le  15  juin  1856. 
Avocat  à  la  Cour  à  Paris. 

Fait  à  Paris  le   5  avril   1907. 


I 

Etienne  Gauthier  de  Varennes. 

Né    à le 17 

Marié    .à le    1er    février    1791 

à   Anne   Paquet. 
Mort   à le 17  ...  . 

I 
Etienne  Gauthier  de  Varennes. 

Né    à le 1791 

Marié    à le 18 ...  . 

à    

Mort   à le 18.  .  .  . 

I 

I 

Joseph  Gauthier  de  Varennes. 

Né    à le 18 

Docteur  en   Médecine  à,  Québec. 


lacunes  de  dates  pour  votre  famille  Gauthier  de  Varennes  ; 
je  vous  serai  bien  obligé,  monsieur,  après  avoir  copié  ma 
note,  si  vous  le  voulez  bien,  me  la  retourner  après  avoir 
rempli  les  blancs  que  vous  trouverez. 

"Je  me  fais  un  agréable  x^laisir  de  vous  adresser  à  part, 
par  même  courrier  recommandé,  un  tableau  généalogique 
de  ma  famille  Girauld  d'Avrainville  que  je  suis  heureux 
de  vous  offrir. 

**  En  terminant  ma  longue  lettre,  permettez-moi,  cher 
monsieur,  de  vous  offrir  pour  vous  et  toute  votre  famille 
(je  pourais  dire  toute  notre  famille  de  là-bas)  mes  plus 
respectueux  souvenirs  et  remerciements. 

"L.  GIRAULD  D'AATIAINVILLE, 

*'  Avocat  de  la  Cour." 

Comme  on  le  voit  par  ce  document,  Claude-Michel  ne 
revint  pas  en  Canada.  En  1757,  il  chargeait  Ignace  Per- 
thuis,  conseiller  du  roi  à  Québec,  de  faire  faire  le  partage 
entre  la  partie  des  terres  de  Saint-Jean  et  de  Saint-Fran- 
çois, qui  devait  lui  revenir,  et  celle  qui  avait  été  cédée  par 
Jean-Hyppolite  Gaultier  de  Varennes  au  sieur  Cartier 
Langevin.  Ce  partage  fut  fait  le  13  août  1757,  en  présence 
des  sieurs  Perthuis,  Cartier-Langevin  et  le  notaire  Baro- 
let,  qui  en  dressa  l'acte  sur-le-champ.     Jacques  Cartier 


...  86  — 

Langevin  eut  la  partie  nord-est  de  la  propriété,  et  Claude- 
Michel  la  partie  sud-ouest.  Le  8  mai  1758,  il  vendait  cette 
partie  de  terrain  (318  arpents  en  superficie)  et  le  fief 
Saint-Jean,  qui  y  était  enclavé,  au  sieur  Charles  Turpin, 
marchand  coiffeur,  pour  la  somme  de  9,000  livres.  Jean- 
Hyppolite  Gaultier  de  Varennes,  promu  au  rang  de  lieute- 
nant en  1756  (7),  combattit  vaillamment  à  la  bataille  de 
Sainte-Foy. 

Après  la  cession  du  pays  à  l 'Angleterre,  il  alla  demeu- 
rer à  Varennes;  nous  voyons  par  un  contrat  devant  Du- 
vernay,  qu'il  acheta  le  11  mars  1761  un  terrain  et  une 
maison  près  de  l'église  paroissiale;  le  manoir  seigneurial 
de  la  famille  avait  été  brûlé  en  1760  par  les  troupes  de 
Murray.  Dans  l'automne  de  1761,  Jean-Hyppolite  s'em- 
.barqua  sur  V Auguste  j^our  passer  en  France,  et  périt  dans 
le  naufrage  de  ce  navire  (8). 

Sa  veuve  continua  d'habiter  Varennes.  Dans  le  rôle 
de  la  noblesse  canadienne,  de  1767,  elle  est  mentionnée 
comme  résidant  encore  dans  cet  endroit,  avec  quatre  en- 
fants, trois  frères  et  une  soeur  (9).  Elle  dut  revenir  rési- 
der à  Québec,  vers  1770. 

A  la  requête  de  Jean-Baptiste  Bouat  et  de  Jean  Bou- 
cher de  la  Broquerie,  la  portion  (2/6)  de  la  seigneurie  de 
Varennes,  qui  lui  restait  fut  saisie  et  vendue  par  le  shérif 
de  Montréal,    le    18   novembre  1776;    elle  fut  adjugée  à 

(7)  Rapport  sur  les  Archives  canadiennes,  par  Douglas  Brymner,  1886. 
Note  E,  p.  CLXXVII. 

(8)  Rapport  sur  les  Archives  canadiennes,  par  Douglas  Brymner,  1886. 
Note  E,  p.  CLXXX. 

Le  document  suivant  nous  a  été  fourni  par  M.  Aegédius  Fauteux,  biblio- 
thécaire de  Saint-Sulpice  à  Montréal. 

Le  28  décembre  1768. 

ACTE  de  notoriété  pour  Monsieur  Varennes.  Sont  comparus  Luc  Decha- 
pe  Chevalier  de  l'ordre  royal  et  militaire  de  Saint-Louis,  et  Pierre  Dépensier 
infirmier  de  l'Hôtel-Dieu,  demeurant  en  cette  ville,  lesquels  ont  dit  et  déclaré 
pour  acte  de  notoriété  qu'ils  ont  une  parfaite  connaissance  que  Joseph  Hippo- 
lyte  Gautier,  écuyer  sieur  de  Varennes,  vivant  lieutenant  des  troupes  du  déta- 
chement de  la  marine  en  Canada,  a  péri  dans  le  naufrage  de  L'Auguste,  en 
passant  de  cette  colonie  en  france  sur  les  Côtes  de  Louisbourg,  le  vingt  cinq 
Novembre,  Mil  sept  cent  soixante  et  un. — Lacorne,  St  Luc,  Hervieux,  Pierre 
Dépancier,  Guy  Sanguinet,  Pierre  Panet.  (Cahier  Paillon,  vol.  OO-SS.,  vol.  10, 
p.   110.) 

(9)  Rapport  sur  les  Archives  canadiennes,  par  Douglas  Brymner,  1888. 
Note  C,  p.  34. 


-87  — 

Christophe  Sangiiinet,  de  Montréal,  pour  la  somme  de 
30,000  livres.  La  veuve  de  Jean-Hyppolite  se  retira  alors 
chez  ses  fils  à  l 'Ancienne-Lorette,  et  elle  décéda  en  cette 
paroisse,  en  1793.    Voici  l'acte  de  sa  sépulture: 

"  Le  dix-huit  juillet,  mil  sept  cent  quatre  vingt  treize, 
par  nous  prêtre,  chapelain  à  l'Hôpital-Général,  a  été  in- 
humé dans  l'église  de  cette  paroisse,  le  corps  de  Délie 
Charlotte  Sarrazin,  veuve  de  sieur  Joseph  Hyppolite  Gol- 
thier  de  Vareine,  écuyer,  capitaine  d'une  compagnie  du 
détachement  de  la  Marine,  décédée  le  seize  du  présent,  su- 
bitement. Etaient  présents,  Messire  Descheneaux,  curé 
de  cette  paroisse,  Ignace  Plamondon,  Charles  Déry,  Ignace 
Déry. — Descheneaux.  '  ' 

Du  mariage  de  Jean-Hyppolite  Gaultier  et  de  Louise- 
Charlotte  Sarrazin  naquirent  les  enfants  dont  les  noms 
suivent  : 

lo — Pierre-René  Gaultier  de  Varennes,  baptisé  à  No- 
tre-Dame de  Québec,  le  18  juillet  1747.  Cet  enfant,  qui 
avait  pour  parrain  Pierre  Gautier  de  la  Verendrye,  le 
Découvreur,  fut  inhumé  à  Ste-Foy,  le  21  septembre  de  la 
même  année. 

2o — Marie-Michelle  Gaultier  de  Varennes,  baptisée  à 
Notre-Dame  de  Québec,  le  28  octobre  1748.  Nous  croyons 
qu'elle  décéda  en  bas  âge,  nous  n'avons  pu  trouver  son  acte 
de  sépulture. 

3o — Marie-Charlotte  Gaultier  de  Varennes,  baptisée 
à  Notre-Dame  de  Québec,  le  8  mars  1750  et  inhmnée  à  Qué- 
bec, le  3  février  1751. 

4o — Louise-Charlotte  Gaultier  de  Varennes,  baptisée 
à  Notre-Dame  de  Montréal,  le  25  mars  1753.  Décédée  en 
bas  âge. 

5o — J oseph-Etienne-Hy ppolite  Gaultier  de  Varennes, 
baptisé  à  Notre-Dame  de  Montréal,  le  31  août  1755. 

Le  continuateur  de  la  lignée  (branche  aînée). 

6o — Louis  Gaultier  de  Varennes,  baptisé  à  Notre- 
Dame  de  Montréal,  le  27  octobre  1756. 

Le  continuateur  de  la  lignée  (branche  cadette). 

7o — Marie-Charlotte  Gaultier  de  Varennes,  baptisée 


—  88-- 

à  Notre-Dame  de  Montréal,  le  4  décembre  1758  ;  inlmmée 
au  même  endroit,  le  9  avril  1759. 

8o — Marie-Charlotte  Gaultier  de  Varennes,  baptisée 
à  Varennes,  le  24  avril  1761.  '  Elle  entra  comme  élève  au 
couvent  des  Ursulines  de  Québec,  à  l'automne  de  1772; 
elle  ne  devait  plus  en  sortir.  "Au  mois  de  janvier,  (1778) 
dit  le  récit  des  Ursulines  (10),  prenait  l'habit  sous  le  nom 
de  Ste-Catherine,  Mlle  Charlotte  de  Varennes,  âgée  de  17 
ans,  fille  de  Jean-Hyppolite  de  Varennes,  Ecr.,  seigneur  de 
Varennes  et  lieutenant  d'infanterie,  et  de  Mme  Charlotte 
Sarrazin. 

''Mgr  Briand  venait  encore  en  aide  à  cette  ancienne  et 
noble  famille,  que  les  malheurs  des  temps  avaient  ruinée, 
et  paya  presque  en  entier  la  dot  de  la  jeune  demoiselle.  On 
trouve  dans  un  écrit  du  temps:  "C'est  un  sujet  très  ac- 
compli, d'un  caractère  rare  et  d'une  vocation  à  toute 
épreuve.  Nous  en  souhaiterions  plusieurs  de  sa  trempe." 
Au  reste,  elle  est  la  première  de  ces  "quatre  Délies  bien 
nées,  bien  élevées",  dont  parlait  une  correspondance  déjà 
citée." 

Voici  en  quels  termes  touchants,  le  récit  des  Ursuli- 
nes (11)  nous  raconte  sa  carrière  et  sa  mort. 

"Beauté,  honneurs,  plaisirs,  tout  passe  ;  rien  de  solide 
que  d'aimer  Dieu  et  le  servir  !" 

"Oh!  qu'elles  avaient  bien  compris  l'immuable  vérité 
de  ces  paroles,  ces  deux  touchantes  amies,  infiniment  plus 
estimables  par  leurs  qualités  intérieures  que  par  les  avan- 
tages d'un  beau  nom  et  d'une  beauté  passagère. 

"Nées  toutes  deux  la  même  année  à  Montréal,  et  ve- 
nues au  pensionnat  vers  la  même  époque,  Mlles  de  Varen- 
nes et  de  Landriève  marchèrent  au  ciel  par  la  même  route 
et  y  arrivèrent  presque  en  même  temps.  Leur  carrière  fut 
courte,  mais  elle  fut  féconde  en  mérites.  Après  quelques 
années  seulement  de  travaux,  elles  entendirent  la  douce 
voix  qui  les  avait  appelées  à  son  service,  retentir  de  nou- 

(10)  Ijcs   Ursulines   de   Quél>ec,   depuis  leiu*   établissement  jusqu'à  nos 
joui's,  tome  III,  p.  195.  ' 

(11)  Loc.  cit.  pp.   381-382, 


-89  — 

veau  à  leur  oreille  :  ^'L 'hiver  est  passé,  les  pluies  ont  cessé, 
levez-vous,  mes  bien-aimées  et  venez.  '  '  Et  ces  épouses  con- 
fiantes quittaient  la  terre  pour  se  joindre  au  cortège  du 
Roi  des  vierges. 

Nous  avons  vu,  en  1778,  avec  quelle  ferveur  Mlle  Char- 
lotte de  Varennes  franchissait  les  portes  du  cloître,  et 
avec  quelle  bonheur  aussi  on  accueillait  au  monastère  cette 
fiancée  du  Seigneur,  à  qui  le  ciel  semblait  n'avoir  rien 
refusé,  et  que  l'on  voyait  échapper  aux  caresses  d'un  mon- 
de perfide.  Cette  petite  nièce  de  la  Mère  Genev.  Boucher 
de  St-Pierre  avait  trouvé  en  son  âme  une  heureuse  semence 
de  piété,  héritage  le  plus  précieux  de  l'ancien  et  vénéré 
seigneur  de  Boucherville  à  ses  enfants;  sa  vocation  reli- 
gieuse datait  de  l'époque  de  sa  première  communion  et  elle 
fut  fidèle  à  ses  saints  engagements  comme  l'atteste  le  récit. 

''Son  talent  pour  instruire  et  former  les  enfants  nous 
était  extrêmement  précieux,  et  elle  l'employait  avec  ardeur 
à  l'égard  de  nos  élèves  de  nos  classes  externes,  tandis  que 
son  naturel  doux  et  poli,  son  humeur  enjouée,  étant  des 
plus  sociables  et  des  plus  habiles  à  récréer  innocemment 
les  autres,  la  rendaient  chères  à  toutes.  C'était  une  âme 
ouverte  qui  allait  droit  à  Dieu  et  l'aimait  de  tout  son  coeur, 
se  portant  avec  une  grande  tendresse  de  dévotion  à  honorer 
le  S.-C.  de  Jésus  et  la  très-sainte  Vierge. 

"Sr  Charlotte  de  Varennes  de  Ste-Catherine  étant 
très  délicate,  la  communauté  ne  pouvait  naturellement  se 
flatter  de  la  conserver  aussi  longtemps  que  sa  vénérée 
grande-tante,  la  Mère  Saint-Pierre.  "Atteinte  dans  sa  32e 
année  d'une  jDthisie  accompagnée  d'une  transpiration  ex- 
cessive, elle  fut  en  moins  de  six  mois  réduite  à  l'extrémité  ; 
nos  efforts  pour  arrêter  les  progrès  du  mal  furent  inutiles. 
Le  6  juin  1792,  après  14  années  seulement  de  vie  religieuse, 
cette  aimable  et  pieuse  soeur,  qui  avait  fait  de  bon  coeur 
à  Dieu  le  sacrifice  de  la  vie,  mérita  d'habiter  avec  lui  pour 
jamais  dans  les  tabernacles  éternels." 

IVANHOE  CARON,  ptre 


...  90  - 


La  complainte  des  40  noyés 


Enfin,  j'ai  pu  obtenir  au  eomi)let  (je  le  crois,  du  moins),  cette  fa- 
meuse complainte  des  40  noyés  dont  je  parlais  dans  mon  article  paru 
l'année  dernière  (pp.  314  et  343)  et  qu'un  lecteur  du  Bulletin  réclamait 
dès  1898  (p.  64). 

Voici  le  texte  de  ce  chant  populaire  tel  que  je  peux  le  rétablir  avec 
l'aide  de  deux  anciens. 

L'un  d'eux,  M.  F.-X.  Sénécal,  âgé  de  70  ans  et  qui  demeure  aujour- 
d'hui dans  la  paroisse  Saint-Christophe,  île  Jésus,  est  né  à  Laprairie,  dans 
le  rang  de  la  Bataille.  Il  apprit  la  complainte  de  son  grand-père,  Fran- 
çois Sénécal,  vers  1858.  Plus  tard,  il  la  transcrivit  sur  un  papier  et 
c'est  son  manuscrit  qu'il  m'a  remis.  A  M.  Sénécal,  je  dois  les  couplets 
1  à  10,  12  et  14  à  21. 

L'autre,  M.  Josej)h-Albert  Kichard,  mécanicien  de  Montréal,  aussi 
âgé  de  70  ans,  est  né  à  Sainte-Martine,  comté  de  Châteauguay.  Son  père, 
Louis  Richard,  né  au  Cap  Saint-Ignace  en  1807,  demeurait  à  Saint-Hya- 
cinthe, lorsque  la  catastrophe  se  produisit  en  1819  et  c'est  là  qu'il  apprit 
la  complainte  que  son  fils  a  recueillie.  M.  J.  A.  Richard  n'a  pas  pu  se 
rappeler  autant  de  couplets  que  M.  Sénécal,  mais  sa  version  en  contient 
quatre  qu'aucun  autre  chanteur  n'avait  retenus.  Ce  sont  ceux  qui  por- 
tent les  numéros:    11,  13,  14  et  22. 


Ecoutez  Chrétiens, 
La  triste  complainte 
Que  tous  coeurs  humains 
Soient  saisis  de  crainte, 
Car  c'est  un  arrêt  porté, 
Que  par  la  Divinité  ! 

2 
Par  un  vendredi. 
Selon  qu'on  raisonne. 
Il  s'est  englouti 
Quarant'-cTeux  personnes 
Dans  le  fleuve  Saint-Laurent 
Qui  sera  leur  monument. 


3 

Près  de  l'île  au  Héron, 

Place  remarquable, 

Pour  ceux  qui  voiront 

Ce  lieu  déplorable, 

C'est  un  sujet  d'oraison 

Pour  ceux  qui  y  passeront.     (1) 

4 
Par  un  très  grand  vent 
Au  pied  de  ces  chutes 
Le  sort  inconstant 
Et  les  eaux  disputent, 
Renversent  ainsi  le  bateau 
Livrent  tout  ce  monde  à  l'eau. 


(1)     Variante  fournie  par  Madame  Larichelière,  née  Hermine  Audet  : 

Près  de  l'île  au  Héron 
Place  redoutable 
Ceux  qui  y  passeront 
Souvenir  remarquable, 
Là  un  navire  a  chaviré,  ^ 

Presque  tous  se  sont  noyés. 


91  — 


Ce  pauvre  Brosseau 
Tout  rempli  d'hardiesse 
A  bravé  les  eaux 
Avec  grand  (e)  détresse, 
A  péri,  dans  un  moment. 
Quarante  et  un  de  ses  gens. 

6 


(2) 


Trois  se  sont  sauvés, 

Deux  homm(es),  une  femme, 

Qu'ont  été  trouvés 

Près  de  rendre  l'âme 

Sur  la  sole  du  bateau 

Au  gré  des  vents  et  des  flots.     (3) 


Ces  pauvres  patients. 
Quoique  avec  douleur, 
Sur  cet  instrument 
Ont  dérivé  six  heures. 
Entre  la  mort  et  la  vie 
Qui  les  menacent  de  péril. 

8 

Mais  par  un  effet 

De  la  Providence, 

Des  hommes  bien  faits 

Leur  donn(ent)  assistance, 

A  terre  les  ont  rendus 

Quoi  qu'ils  se  croyaient  perdus. 

9 

Retournons  vers  ceux 
Qui  sont  les  victimes 
De  ce  gouffre  affreux 
Quoique  légitime   !   ! 
Ceux-là  font  verser  des  pleurs 
En  racontant  leurs  malheurs. 


10 


J'entends  ces  enfants 

Dont  les  pèr(es)  et  mères 

Sont  dans  le  courant 

De  cette  rivière, 

Pouss(ent)  des  cris  et  des  sanglots. 

Réfléchissant  sur  leurs  maux   ! 

11 

L'époux  s'écriait   : 
Oh  !  ma  chère  épouse. 
Quel  malheur  affreux 
Xous  y  sommes  tous  !  ! 
C'est  aujourd'hui  notre  fin 
L'orphelin  est  sans  soutien. 

12 

Pendant  quelques  jours 

Au  bord  du  rivage, 

Les  larm(es)  coul(ent)  toujours. 

Dues  à  ce  naufrage. 

La  nuit,  avec  sa  frayeur, 

Ne  peut  arrêter  les  pleurs. 

13 

Varenne(s)  et  Verchères 
Ont  eu  la  douleur 
De  voir  sur  leurs  grèves, 
Même  à  Contrecoeur, 
Plusieurs  de  ces  pauvres  corps. 
Depuis  longtemps  étaient  morts. 

14 

Je  n'oublierai  pas 

Aussi  Boueherville, 

Ainsi  que  Longueuil 

Près  de  notre  ville. 

Que  Dieu  bénisse,  à  jamais, 

Ces   paroisses   pour   leurs  bienfaits. 


(2)  Quarante  et  un,  plus  Brosseau,  font  quarante  deux,  comme  il  est  dit  au 
deuxième  couplet. 

(3)  Tous  les  vieillards  que  j'ai  interrogés  et  qui  ont  conservé  quelques  bri- 
bes de  la  complainte  se  rappelent  ce  couplet  ! 


—  92 


15 

Cet  événcmcMit 

Fjst  digne  de  larmes 

Pour  tous  les  parents 

De  ces  pauvres  âmes 

Et  pour  ceux  qui  chanteront 

Ces  vers  en  rétiexion  ! 

Cessons  de  pleurer, 
Offrons  nos  prières. 
D'un  coeur  disposé 
Vers  le  Dieu  de  gloire  ; 
Qu'il  abrège  les  tourments 
Que  souffrent  ces  pénitents. 

17 

Ce  grand  accident 

Doit  être  un -exemple 

11  doit  en  tout  temps 

Finir  la  carrière 

De  ceux  qui  vont  sur  les  eaux  ! 

Où  plusieurs  font  leur  tombeaux  ! 

18 

Chrétiens,  qui  voyez 

Ce  tableau  de  peines  : 

Les  pauvres  noyés 

Que  les  eaux  entraînent. 

Ils  demandent  les  secours 

De  vos  prier  (es)  en  ce  jour. 


19 


Mettez-vous,  un  peu, 
Amis,  à  leur  place  ! 
Nous  appreiulrons  d'eux 
A  garder  la  grâce 
Afin  d'être  toujours  prêt 
Si  Dieu  prononce  l'arrêt. 

20 

Qui  que  nous  soyons. 

Sur  terre  ou  sur  l'onde. 

Sans  cesse  prions. 

Pour  un  si  grand  monde. 

Qui  voyage  sur  ces  eaux 

Où  plusieurs  font  leurs  tombeaux. 

21 

Vous,  chers  voyageurs, 
Que  la  destinée 
(Expose  aux  malheurs). 
Quantité  d'années, 
(jîardez  donc,  absolument. 
L'usage  des  Sacrements. 

22 

Qu'en  a  composé 
La  triste  complainte. 
C'est  François  Dupont 
Et  Louis  Lafontaine 
Pour  se  souvenir  longtemps 
De  ce  terrible  accident  ! 


XXX 

De  qui  sont  ces  couplets  ?  De  François  Dupont  et  de  Louis  Lafontai- 
ne ?  J'en  doute. 

Depuis  trente  ans  que  je  m'occupe  de  folklore  j'ai  souvent  constaté  que 
des  chanteurs  de  régions  différentes  s'attribuaient  la  paternité  d'un  même 
morceau  parce  qu'ils  y  avaient  introduit  quelques  mots  ou  quelques  traits 
locaux.  Cela  flattait  leur  vanité.  La  déclaration  finale  peut  donc  être 
reçue  avec  suspicion. 

D'autant  plus  que  si  on  examine  les  vers  de  près  on  aperçoit  à.  cer- 
tains indices  qu'ils  ont  dû  être  composés  par  un  lettré,  dont  le  texte  ori- 
ginal a  été  déformé  en  passant  de  bouche  en  bouche,  ce  qui  arrive  toujours. 

Alors,  suivant  l'opinion  de  l'historien  de  Laprairie,  le  docteur  T. 
Brisson  avec  qui  j'en  ai  causé,  la  première  version  de  cette  pièce  a  pu  avoir 


—  93  — 

pour  auteur  l'abbé  Boucher-Belleville  qui  fut  curé  de  Laprairie  entre 
1793  et  1839,  car  cet  ecclésiastique  avait  la  plume  facile  et  il  a  signé  plu- 
sieurs cantiques  en  vogue  au  commencement  du  siècle  dernier. 

Par  ailleurs,  M,  J.  A.  Richard  m'a  confié  une  assertion  qui  mérite 
d'être  considérée.  Son  père  prétendait  que  la  complainte  était  l'oeu\Te 
des  sieurs  Dupont  et  Lafontaine,  mais  que  leur  texte  avait  été  revisé  par 
un  curé  de  Laprairie  ! 

E.  Z.  MASSICOTTE 


Les  actes  de  foi  et  hommage  conservés  à  Montréal 


Par-ci  par-là,  on  t^ou^'e,  dans  les  documents  notariés  conservés  dans 
les  archives  du  palais  de  justice  de  «Montréal,  des  actes  de  foi  et  homma- 
ge, aveu  et  dénombrement  qui  peuvent  présenter  quelque  intérêt,  à  ceux 
qui  s'occupent  de  l'histoire  de  nos  seigneuries. 

Nous  avons  donc  pris  notes  de  ces  actes,  à  mesure  qu'ils  se  sont  of- 
ferts à  nous  et  nous  en  avons  dressé  la  liste  suivante. 

1667,  26  janvier. — Foi  et  hommage  par  damoiselle  Jeanne  Mance, 
administratrice  de  l'hôpital  (Hôtel-Dieu)  aux  Seigneurs  de  l'île  de  Mon- 
tréal, à  cause  des  terres  du  dit  Hôtel-Dieu.       (Etude  Basset) 

1667,  1er  février. — Foi  et  hommage  par  damoiselle  Isabelle  (Elisa- 
beth) Moyen,  veuve  de  Lambert  Closse,  vivant  major  de  Montréal,  aux 
Seigneurs  de  Montréal,  à  cause  des  terres  concédées  à  son  défunt  mari. 
{Etude  Basset) 

1676,  16  septembre. — Foi  et  hommage,  par  Jacques  Le  Ber,  mar- 
chand co-seigneur  pour  deux-tiers  de  l'île  saint-Paul,  près  Montréal. 
{Etude  Basset) 

1676,  17  septembre. — Foi  et  hommage  par. Jacques  Le  Moyne,  ci-de- 
vant commissaire  des  Magasins  du  roi,  seigneur  du  fief  Notre-Dame  (ou 
Ste-Marie)  à  cause  de  son  domaine  consistant  en  demi-lieue  de  front  sur 
le  Saint-Laurent  sur  une  lieue  et  demie  de  profondeur.       {Etude  Basset) 

1676,  17  septembre. — Foi  et  hommage,  par  Michel  Messier,  sieur  de 
Saint-Michel,  à  cause  de  son  fief  appelé  "le  cap  de  la  Trinité."  {Etu- 
de Basset) 

1676,  9  octobre. — Foi  et  hommage,  par  Claude  Robutel  de  St-André 
à  cause  de  son  fief  consistant  en  un  tiers  de  l'île  Saint-Paul,  près  Mon- 
tréal.     {Etude  Basset) 


^94  — 

1G77,  36  août. — Foi  et  hommage  par  Joseph  Godefroy,  écuyer,  sieur 
de  Vieuxpont  à  cause  de  son  fief  sur  le  bord  du  fleuve  Saint-Laurent  au- 
dessus  des  Trois-Rivières.       {Etude  Basset) 

1677,  37  août. — Foi  et  hommage,  par  Charles  Le  Moyne,  écuyer,  à 
cause  de  son  fief  et  seigneurie  de  Longueuil.       (Etude  Basset) 

1677,  37  août. — Foi  et  hommage  par  Charles  LeMoyne,  écuyer,  à 
cause  de  son  fief  et  seigneurie  de  Chateauguay.       {Etude  Basset) 

1677,  31  août. — Foi  et  hommage  par  Laurent  Bory  sieur  de  Grand- 
maison,  à  cause  de  son  fief  et  seigneurie  de  la  Geulaudière  sur  le  côté  sud 
du  fleuve  Saint-Laurent.       {Etude  Basset) 

1677,  15  septembre. — Foi  et  hommage  par  M.  J.  B.  Le  Gardeur,  sieur 
de  Repentigny,  faisant  pour  J.  B.  Le  Gardeur,  sieur  de  Courtemanche, 
à  cause  de  sa  seigneurie  de  Courtemanche,  bornée  en  front  par  la  rivière 
des  Prairies.       {Etude  Basset) 

1677,  15  septembre. — Foi  et  liommage  par  J.  B.  Le  Gardeur,  écuyer, 
sieur  de  Repentigny,  à  cause  de  son  fief  sis  sur  le  côté  nord  du  fleuve 
Saint-Laurent.       {Etude  Basset) 

1693,  18  Juin. — Foi  et  hommage,  par  Prudent  Bougret  Dufort  re- 
présentant son  fils  et  autres  à  l'intendant  Bochart,  à  cause  de  la  moitié 
d'un  fief  appelé  Flsle  du  Pas,  l'Isle  aux  Vaches  etc.       {Etude  Adkémar) 

1695,  15  août. — Foi  et  hommage  par  Charles  LeMoyne  de  Longueuil, 
capitaine,  à  cause  de  son  fief  de  Longueuil,  et  les  îles  Rondes  et  de  Sainte- 
Hélène.       {Etude  Basset) 

1699,  9  juillet. — Foi  et  hommage,  par  Dominique  de  la  Motte,  écu- 
yer, sieur  de  Lucière,  à  cause  de  son  fief  de  Lucière.     {Etude  Basset) 

1706,  8  juin. — Foi  et  hommage,  par  Antoine  Pécaudy,  sieur  de 
Contrecoeur  dont  il  a  hérité  de  son  père  Antoine  Pécaudy  de  Contre- 
coeur.      {Etude  Raimbault) 

1706,  33  juin. — Foi  et  hommage  par  Jean-Baptiste  LeMoyne  de 
Martigny  pour  sa  seigneurie  du  Cap  de  la  Trinité  à  l'intendant  Jacques 
Raudot,  à  Montréal.     {Etude  Adhémar) 

1706,  37  juin. — Foi  et  hommage  par  René  Fézeret,  sieur  de  Saint- 
Charles,  pour  son  fief  sis  sur  la  rivière  Ouamasl<a,  tenant  d'un  côté  à  la 
concession  du  sieur  de  Bourchemin.       {Etude  Raimbault) 

1706,  1er  juillet. — Foi  et  hommage  par  Jacques  Alexis  de  Fleury 
Deschambault  à  cause  de  son  fief  de  Chauvigny  tenant  d'un  côté  à  la  sei- 
gneurie de  Portneuf.       {Etude  Raimbault) 

1707,  3  octobre. — Foi  et  hommage  de  Daniel  Migeon,  sieur  de  La- 
gauchetière,  tant  pour  lui  que  pour  dame  Tliérèse  Migeon,  sa  soeur,  épou- 


—  95  — 

se  de  Louis  Liéiiard  de  Beaujeu,  écuyer,  à  Messieurs  les  Seigneurs  de 
Montréal  à  cause  du  fief  Lagauchetière,  près  de  la  ville,  et  du  fief  Brans- 
sat  au  premier  ruisseau,     {Etude  Adhéniar) 

1738,  24  juillet. — Foi  et  hommage  par  René  Gaultier  de  Varennes, 
écuyer,  capitaine,  à  cause  des  arrières  fiefs  de  Carion  et  de  Morel  sis  à  la 
rivière  des  Prairies.       {Etude  Lepallieur  fils) 

1743,  22  juin. — Foi  et  hommage  par  Pierre- Antoine  de  la  Corne, 
sieur  de  la  Colombière,  officier,  à  Charles  LeMoyne,  baron  de  Longueuil, 
chevalier,  major  de  Montréal,  demeurant  rue  St- Vincent,  à  cause  du  fief 
sis  sur  le  bord  de  la  rivière  Chambly  ou  Richelieu  qu'il  tient  de  feu  le 
baron  de  Longueuil,  gouverneur  de  Montréal.  {Etude  de  J.  B.  Adhé- 
mar) 

1747,  5  mai. — Foi  et  hommage  par  Charles  Le  Pallieur  de  Voisy  à 
Dame  Françoise  Cuillerier,  veuve  de  Joseph  Trottier  des  Ruisseaux,  vi- 
vant seigneur  et  propriétaire  de  la  seigneurie  de  l'île  Perrot.  {Etude  de 
J.  B.  Adhémar) 

1751,  8  juillet. — Foi  et  hommage  par  Jean  LeBer,  écuyer,  sieur  de 
Senneville,  enseigne  d'infanterie,  comme  tuteur  de  demoiselle  Marie-Anne 
LeBer  de  Senneville,  à  messire  Louis  Normant,  supérieur  de  Saint-Sul- 
pice,  à  cause  du  fief  de  Senneville.  {Etude  de  L.-C.  Danré  de  Blanzy) 
{Mentionné  dans  le  répertoire  de  P.  Panet,  mais  non  trouvé.) 

1761,  9  mars. — Foi  et  hommage  du  Sieur  Baron  à  Mr  le  général. 

En  suite. — Aveu  et  dénombrement.     {Etude  Racicot) 

1764,  3  août. — Foi  et  hommage  par  Gabriel  Christie,  lieutenant  co- 
lonel et  Moses  Hazeu,  à  Son  Excellence  Ralph  Burton,  gouverneur  de 
Montréal,  à  cause  de  deux  seigneuries  sises  le  long  de  la  rivière  Chambly 
et  acquises  de  Clément  Sabrevois  de  Bleury  et  de  son  épouse  Dame  Ca- 
therine Guichard.       {Etude  Panet) 

1769,  16  août. — Foi  et  honunage  par  Jacques  Nouvion  et  Madeleine 
Favereau  veuve  de  J.  B.  Normandin,  à  René  Boucher  de  la  Bruère,  sieur 
de  Montarville  à  cause  de  la  terre  et  seigneurie  de  Petit  bois  relevant  en 
plein  fief,  du  dit  sieur  de  la  Bruère.       {Etude  Racicot) 

1770,  2  juillet. — Foi  et  hommage  par  François  Boucher,  écuyer, 
sieur  de  la  Périère  à  René-Amable  Boucher  de  Boucherville,  à  cause  de 
l'arrière  fief  relevant  du  dit  sieur  de  Boucherville. 

En  suite. — Aveu  et  dénombrement.       {Elude  Racicot) 

1771,  7  mai. — Foi  et  hommage  par  Joseph  Boucher,  sieur  de  la  Bruè- 
re, à  René-Amable  Boucher,  sieur  de  Boucherville  à  cause  de  deux  lopins 
de  terre,  relevant  en  arrière  fief  du  sieur  Boucher  de  Boucherville. 

En  suite.— A\eu  et  dénombrement.       {Etude  Racicot) 


-  96  — 

1779^  36  août. — Foi  et  hommage  par  Jacques  Viger,  bourgeois  de 
Montréal,  à  Eené-Amable  Boucher  de  Boucherville,  à  cause  de  la  "terre  et 
seigneurie  du  fief  Saint-Jean",  dépendant  de  la  seigneurie  de  Boucher- 
ville.       {Etude  Racicot) 

1779,  39  septembre. — Foi  et  hommage,  par  Charles  Boucher,  sieur 
de  Grosbois,  à  Eené-Amable  Boucher,  sieur  de  Boucherville  à  cause  de  la 
terre  et  seigneurie  qu'il  possède  dans  l'île  Saint-Joseph  et  relevant  de  M. 
de  Boucherville  le  signeur  primitif.     (Etude  Racicot) 

1780,  7  novembre. — Foi  et  hommage,  par  Pierre  Huet  dit  ,Dulude  en 
sa  qualité  de  tuteur  des  enfants  de  feu  Pierre  Favreau  et  Pierre  Favreau, 
fils,  à  Eené-Amable  Boucher  sieur  de  Boucherville  à  cause  de,  d'un  arrière 
fief  relevant  du  dit  sieur  Seigneur. 

En  suite. — Aveu  et  dénombrement.       {Etude  Racicot) 

1780,  10  novembre. — Foi  et  hommage  par  Joseph  Boucher,  sieur  de 
la  Broquerie  au  nom  de  Pierre  Eené  Boucher,  sieur  de  Mogras,  son  fils 
mineur,  à  Eené-Amable  Boucher,  sieur  de  Boucherville,  à  cause  d'un  ar- 
rière fief  relevant  de  la  seigneurie  de  Boucherville. 

En  suite. — Aveu  et  dénombrement.       {Etude  Racicot) 

1780,  33  décembre. — Foi  et  hommage  par  Dame  Marie- Anne  Bailleul 
veuve  de  Joseph  Boucher,  sieur  de  Noix,  à  Eené-Amable  Boucher  de  Bou- 
cherville, à  cause  de  l'arrière  fief  qu'elle  tient  de  son  père,  lequel  l'avait 
acquis  de  Paul  Eaimbault  de  Saint-Blain. 

1781,  3  janvier. — Foi  et  hommage  par  Jacques  Eacicot,  fils  à  Fran- 
çois Boucher,  sieur  de  Piedmont,  à  cause  de  l'arrière  fief  nommé  commu- 
nément le  Petit  bois. 

En  suite. — Aveu  et  dénombrement.       {Etude  Racicot) 
En  suite. — Aveu  et  dénombrement.       {Etude  Racicot) 
1781,  13  "janvier. — Foi  et  hommage  par  Joseph  LeMoine  Despins, 
procureur  -de  Jacques  Lemoine  Despins,  à  Eené  Amable  Boucher  de  Bou- 
cherville, à  cause  d'un  arrière  fief,  sis  dans  l'île  Saint-Joseph.     {Etude 
Racicot) 

1784,  9  novembre. — Foi  et  hommage  jiar  Clément  Sabrevois  de  Bleu- 
ry  à  Eené-Amable  Boucher,  sieur  de  Boucherville,  à  cause  de  son  arrière 
fief  sis  dans  l'île  Saint-Joseph. 

Ensuite. — Aveu  et  dénombrement.       {Etude  Racicot) 
1786,  1er  juin. — Foi  et  hommage  par  Philibert  Coilly  dit  Novion,  à 
François  Boucher,  sieur  de  Piedmont,  à  cause  d'une  portion  d'arrière  fief 
qu'il  possède  dans  le  fief  Petit  Bois.       {Etude  Racicot) 

Il  E.-Z.  MASSICOTTE 


^1 . 

BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVI  BEÀUCEVILLE==AVRIL  1920  No  4 


La  famille  Rouer  de  Villeray 

Louis  Rouer  de  Villeray 


(Suite) 


*' C'est  pourquoi  je  vous  supplie  très  humblement  d'a- 
voir la  bonté  de  m'en  faire  avoir  raison,  tant  au  regard  des 
deux  premiers,  que  du  sieur  de  Villeray  qui  a  toujours  été 
regardé  par  ceux  qui  m'ont  précédé  dans  ce  gouvernement 
comme  le  premier  mobile  et  le  principal  instrument  de  tou- 
tes les  divisions  qu'on  y  a  fait  naître,  je  ne  le  dis  (pas), 
par  aucun  ressentiment  contre  lui,  mais  pour  vous  infor- 
mer seulement  de  la  vérité  qu'il  est  aisé  de  justifier,  tant 
par  des  arrêts  du  Conseil  Souverain  de  Québec,  où  plu- 
sieurs gouverneurs  ont  été  obligés  à  différentes  reprises  de 
lui  ôter  la  charge  de  conseiller,  que  par  un  arrêt  du  Conseil 
d'Etat  de  Sa  Majesté  au  rapport  de  M.  de  Brienne  par  le- 
quel il  était  déclaré  incapable  de  posséder  aucune  charge 
en  Canada.  Mais  l'appui  qu'il  a  jusqu'à  présent  trouvé 
par  le  moyen  de  certaines  gens  qui  ont  grand  intérêt  de  le 
protéger  l'a  non  seulement  garanti  de  toutes  ces  punitions 
mais  en  lui  procurant  des  avantages  et  des  gratifications 
à  l'exclusion  des  persomies  qui  étaient  ici  le  plus  zélées 
pour  le  service  du  Roi  lui  ont  encore  augmenté  son  inso- 


,  —  98  — 

lence  avec  l'envie  de  continuer  ses  mêmes  intrigues  et  me- 
nées, et  donné  un  méchant  exemple  à  ceux  qui  auraient  pu 
appréhender  le  péril  qu'il  devait  y  avoir  à  l'imiter."  (38) 

,  Dans  ce  même  automne  de  1681,  M.  de  Villeray,  qui 
avait  d'importantes  affaires  à  régler  en  France,  demanda 
à  M.  de  Frontenac  la  permission  de  s'embarquer  sur  un  des 
vaisseaux  qui  partaient  de  Québec  vers  le  10  ou  le  11  décem- 
bre. 

M.  de  Frontenac,  qui  se  doutait  que  le  principal  objet 
du  voyage  de  M.  de  Villeray  en  France  était  de  porter 
jjlainte  contre  lui  au  ministre  et  qui  avait  déjà  fait  l'expé- 
rience que  les  séjours  du  premier  conseiller  en  France 
étaient  désastreux  pour  lui,  refusa  d'accorder  le  congé 
demandé. 

M.  de  Villeray  qui  n'était  pas  facile  à  désarçonner  eut 
recours  au  Conseil  Souverain.  Le  8  novembre,  il  le  requé- 
rait de  députer  deux  de  ses  membres  auprès  du  gouverneur 
pour  le  faire  revenir  sur  son  refus.  MM.  Dupont  de  Neu- 
ville et  de  Peiras,  qui  avaient  la  confiance  du  gouverneur, 
acseptèrent  la  tâche.  Mais  leur  éloquence  fut  dépensée  en 
pure  perte,  M.  de  Frontenac  refusa  jjéremptoirement  de 
laisser  partir  M.  de  Villeray.  (39) 

Le  13  novembre  1681,  avec  son  astuce  ordinaire,  le 
gouverneur  donnait  au  ministre  les  raisons  qui  l'avaient 
engagées  à  empêcher  M.  de  Villeray  de  passer  en  France. 

"Je  n'avais  point  voulu.  Monsieur,  vous  marquer  dans 
la  première  lettre  que  je  me  suis  donné  l'honneur  de  vous 
écrire,  il  y  a  onze  mois,  que  le  procureur-général  s'est  avisé 
d'intenter  un  procès  criminel  contre  le  procureur  du  roi 
de  la  Prévôté  de  cette  ville,  parce  qu'il  n'est  pas  agréable 
à  M.  Duchesneau  lequel  l'a  fait  par  le  moyen  de  ceux  de 

(38)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  .5. 

(39)  Dans  son  Mémoire  sur  les  moeurs,  coustumes  et  religion  des  Sauv<i- 
ges  de  l'Amérique  Septentrionale  (p.  131),  Nicolas  Perrot  écrit  qu'en  1681  M.  de 
Villeray  fut  chargé  par  M.  de  Frontenac  de  publier,  dans  le  pays  des  Outaouais, 
l'amnistie  accordée  aux  coureurs  de  bois  et  qu'il  fut  en  même  temps  établi  com- 
mandant dans  ces  lieux.  Il  fait  certainement  erreur.  D'abord  M.  de  Villeray 
n'étant  pas  militaire  n'aurait  pas  été  nommé  commandant  aux  Outaouais,  puis, 
M.  de  Frontenac,  à  tort  ou  à  raison,  avait  trop  de  griefs  contre  M.  de  Villeray 
pour  le  charger  d'une  semblable  mission. 


—  99  — 

sa  cabale,  interdire  de  sa  charge,  sur  la  simple  dénoncia- 
tion d'un  homme  de  Bayonne  qui  négocie  ici  et  qu'on  a  fait 
évader  et  passer  en  France  depuis  deux  mois,  contre  la  dé- 
fense que  je  lui  en  avais  faite,  parce  qu'il  eut  ou  qu'il  ne 
pouvait  prouver  les  choses  qu'il  avait  avancées  contre  lui. 
Cependant  le  procureur-général  n'ayant  pas  eu  les  preu- 
ves qu'il  en  espérait,  a  demandé  qu'il  fut  informé  de  sa  vie 
et  de  ses  moeurs  depuis  17  ans  qu'il  est  en  ce  pays,  quoi 
qu'il  y  en  ait  six  qu'il  a  été  reçu  en  la  dite  charge  de  pro- 
cureur du  Roi,  sans  aucune  plainte  ni  opposition,  et  il  a 
fait  entendre  soixante  et  dix  témoins,  sans  avoir  trouvé, 
à  ce  qu'on  dit,  aucune  matière  d'asseoir  une  condamnation 
contre  lui,  ce  qui  est  cause  qu'après  toutes  les  chicanes  pos- 
sibles qui  ont  été  faites  pour  allonger  l'instruction  de  cette 
affaire,  et  nous  restant  un  grand  nombre  de  requêtes  pré- 
sentées par  le  procureur  du  Roi  pour  la  faire  juger  leur 
dernière  refuite  a  été  de  me  faire  demander  par  le  rappor- 
teur qui  est  le  Sr  de  Villeray,  congé  de  passer  en  France 
d'oii  il  n'y  a  qu'im  an  qu'il  est  revenu,  ce  qui  m'a  obligé  à 
ne  lui  point  accorder,  afin  que  cet  officier  put  avoir  plus 
tôt  justice,  laquelle  il  était,  monsieur,  résolu  de  vous  aller 
demander  sur  l'expression  qu'il  prétend  qu'on  lui  a  faites, 
si  son  procès  avait  été  jugé  avant  le  départ  des  vaisseaux 
et  qu'il  eut  pu  en  avoir  toutes  les  pièces  pour  vous  les  por- 
ter." (40) 

Dans  une  lettre  de  l'intendant  Duchesneau  au  minis- 
tre de  Seignelay  datée  du  même  jour  (13  novembre  1681), 
nous  entendons  un  autre  son.  M.  Duchesneau  fait  la  nomen- 
clature de  tous  les  abus  de  pouvoir  commis  par  M.  de  Fron- 
tenac. Il  insiste  beaucoup  sur  l'injustice  commise  par  le 
gouverneur  envers  M.  de  Villeray  en  lui  défendant  de  se 
qualifier  d'écuyer,  titre  qui  lui  avait  été  reconnu  par  le 
Conseil  d'Etat  du  Roi  dans  la  dernière  recherche  de  la  no- 
blesse. (41) 

En  1682,  le  roi  enlevait  le  gouvernement  de  la  Nou- 

(40)  Archives  du  Canada.    Correspondance  générale,  vol.  5. 

(41)  OCallaghan.  Documents  relative  to  the  history  of  the  state  of  New- 
York,  vol.  IX,  p.  156. 


—  100  - 

velle-France  à  M.  de  Frontenac.  Les  deux  querelles  ridicu- 
les faites  à  M.  de  Villeray  en  1681  ne  furent  pas  les  causes 
immédiates  de  son  rappel.  Mais  ces  deux  incidents  joints 
à  des  douzaines  d'autres  firent  certainement  comprendre 
au  roi  que  la  position  de  M.  de  Frontenac  n'était  plus  te- 
nable. 

M.  de  Villeray  dût  éprouver  un  singulier  soulagement 
de  se  voir  enfin  débarrassé  de  son  implacable  ennemi.  Pen- 
dant près  de  dix  ans  M.  de  Frontenac  ne  lui  avait  laissé 
aucun  répit. 

Une  preuve  que  M.  de  Villeray  n'était  pas  l'homme 
que  M.  de  Frontenac  dépeignait  au  ministre  c'est  que  ses 
successeurs  immédiats  MM.  de  la  Barre  et  de  Denonville, 
lui  accordèrent  toute  leur  confiance  et  n'eurent  pas  à  s'en 
repentir.    Leurs  lettres  au  ministre  en  font  foi. 

Le  27  avril  1684,  le  gouverneur  de  la  Barre  et  l'inten- 
dant de  Meulles,  sur  la  demande  de  M.  de  Villeray,  accor- 
daient à  ses  fils,  Augustin  Rouer  de  la  Cardonnière  et 
Louis  Rouer  d'Artigny,  une  étendue  de  deux  lieues  de  ter- 
re, ''prés  et  bois,  de  front  sur  le  fleuve  Saint-Laurent,  sur 
deux  lieues  de  profondeur  dans  les  terres,  à  prendre  de- 
puis une  rivière  qui  est  vis-à-vis  l'isle  Verte  ;  du  côté  du 
sud  de  la  dite  isle,  icelle  dite  rivière  comprise,  jusqu'à  deux 
lieues  en  descendant  le  dit  fleuve,  ensemble  les  bastures, 
isles  et  islots  qui  se  rencontrent  vis-à-vis  les  dites  deux 
lieues,  jusqu'à  la  dite  isle  Verte,  icelle  même  comprise.   .  " 

Cette  concession  était  faite  aux  sieurs  de  la  Cardon- 
nière et  d'Artigny,  à  toujours,  en  toute  propriété,  en  titre 
de  fief  et  seigneurie,  haute,  moyenne  et  basse  justice.  (42) 

C'est  la  seigneurie  de  L'isle- Verte  qui  est  devenue* 
l 'importante  paroisse  de  L 'Isle- Verte. 

A  l'automne  de  1685,  M.  de  Villeray  passait  encore  en 
France.  (43)  Depuis  son  arrivée  dans  le  pays  il  en  était 
à  son  sixième  ou  septième  voyage  en  France.      La  traver- 


(42)  Pièces  et  documents  relatifs  à  la  teniire  seigneuriale,  p.  18. 

(43)  Lettre  de  M.  Duchesneau  au  ministre,  28  septembre  1685. 


—  101  — 

sée  entre  Québec  et  les  ports  français  duraient  alors  soi- 
xante-dix et  même  quelquefois  quatre-vingt-dix  jours.  Il 
fallait  une  dose  de  patience  i)eu  ordinaire  pour  faire  le 
voyage  si  souvent  dans  d'aussi  tristes  conditions. 

Le  13  novembre  1685,  M.  de  Denonville  faisait  l'éloge 
de  M.  de  Villeray  au  ministre.      Il  lui  écrivait  : 

*'Le  Sr  de  Villeray  premier  Conseiller  du  Conseil 
Souverain  m'a  prié  de  prendre  la  liberté  de  vous  escrire 
à  son  sujet,  il  vous  demande  une  grâce  pour  son  fils  aine 
qu'il  voudrait  attacher  auprès  de  luy  et  luy  donner  occa- 
sion d 'estudier  et  se  rendre  capable  de  luy  succéder. 

''Je  luy  dois  Monseigneur  le  témoignage  de  l'estime 
miiverselle  qu'il  s'est  acquise  d'homme  intègre  et  de  juge 
incorruptible  ;  il  s'est  toujours  conduit  dans  un  grand 
desinterressement  :  quand  il  paraistra  Monseigneur  que 
vous  le  distinguez  je  vous  asseure  que  ce  sera  un  moyen 
I^our  animer  les  autres  à  suivre  son  exemple. 

"Il  a  une  affaire  en  France  qui  luy  est  de  conséquen- 
ce cepend.  je  l'ay  retenu  n'ayant  personne  plus  capable  de 
me  donner  connaissance  des  affaires  du  Conseil  Souverain 
dans  lesquelles  il  s'est  toujours  comjiorté  en  homme  de  bien, 
et  qui  ne  se  gouverne  n'y  par  crédit  n'y  par  faveur,  mais 
toujours  dans  l'estroite  justice  et  dans  les  règles  du  bien 
publicq.  Je  suis  témoin  de  quelques  endroits  ou  il  s'est 
conduit  avec  fermeté  et  sagesse.  Notre  Conseil  Souve- 
rain vous  rend  compte  Monseigneur  de  l'arrest  qu'il  a  ren- 
du a  l'égard  de  l'affaire  de  Rageot  ou  il  l'a  demis  de  sa 
charge  de  greffier  en  attendant  vos  ordres.  J'ay  eu  l'hon- 
neur de  vous  en  escrire  par  le  Retour  des  Navires  du  Roy. 
J'adjouteray  seulement  Monseigneur  que  je  sçay  seure- 
ment  que  l'on  n'a  cherché  qu'a  vexer  ce  pauvre  malheu- 
reux chargé  d'une  grosse  famille,  c'est  un  homme  de  bien 
si  il  y  en  a  un  seul  en  ce  pays,  il  est  reconnu  tel  dans  tout 
le  pays.  On  l'a  osté  Monseigneur  pour  mettre  en  sa  place 
un  homme  qui  méritera  qu'on  l'oste  de  son  employ  de 
Geôlier  si  il  continue  de  vivre  comme  il  a  fait  par  le  passé. 


—  102  — 

C'est  le  plus  insolent  et  arrogant  homme  qui  soit  dans  le 
pays,  il  a  grande  part  a  une  insolence  que  son  fils  a  fait 
devant  l'église  en  publicq,  mettant  l'Ej^ée  à  la  main  dont  il 
a  frappé  de  plusieurs  coups,  le  Sr.  Chalons,  cy-devant 
agent  des  anciens  fermiers.  Il  est  en  f uitte,  il  y  a  un  décret 
de  prise  de  corps  contre  luy,  son  Père  se  vante  de  l'avoir 
élevé  en  bretteur.  C'est  un  de  nos  libertins  et  fainéants 
qu'il  ne  faudra  pas  épargner  non  plus  que  son  père  qui  dit 
hautement  que  son  fils  a  très  bien  fait."  (44) 

M.  Gilles  de  Boyvinet,  agent-général  de  la  Compa- 
gnie du  Canada,  s 'étant  noyé  dans  la  rade  de  Québec  en 
revenant  de  France  le  22  juillet  1686,  l'intendant  Bochart 
Champigny,  après  avoir  pris  l'avis  du  gouverneur  de  De- 
nonville,  donna  une  commission  à  M.  de  Villeray  comme 
inspecteur  ou  contrôleur  de  cette  compagnie. 

M.  Bochart  Champigny  écrivait  au  ministre  le  16  no- 
vembre 1686  :  "Le  sieur  de  Boyvinet,  qui  revenait  de 
France  pour  être  agent  de  messieurs  les  intéressés,  s 'étant 
noyé  à  son  arrivée  en  ce  pays,  M.  de  Meulles  donna  une 
commission  au  sieur  de  la  Héronnière  qui  était  agent  depuis 
un  an  pour  continuer  cet  emploi.  Ayant  été  révoqué  par  la 
procuration  que  ces  messieurs  avaient  donnée  au  sieur 
Boj^inet,  j'ai  conmiis  pour  inspecteur  le  sieur  Villeray, 
premier  conseiller  du  Conseil  Souverain  de  Québec,  hom- 
me de  probité,  de  l'avis  de  M.  de  marquis  de  Denonville. 
Ils  ont  travaillé  ensemble  jusqu'au  27  octobre  dernier,  que 
le  dit  sieur  la  Héronnière  s'avisa  de  refuser  l'entrée  du  bu- 
reau au  dit  sieur  Villeray,  ce  qui  lui  donna  lieu  de  me  pré- 
senter requête,  sur  laquelle  après  les  avoir  entendus  tous 
deux,  et  le  sieur  Blondel,  contrôleur  du  bureau,  et  sur  l'in- 
telligence qui  étaient  entre  les  dits  sieurs  la  Héronnière  et 
Blondel,  après  m 'avoir  le  dit  sieur  Blondel  dit  auparavant 
que  le  dit  sieur  la  Héronnière  faisait  beaucoup  de  fripon- 
neries, j 'ordonnai  que  l'ordonnance  de  M.  de  Meulles  serait 
exécutée  et  que  toutes  les  lettres  de  change  que  le  dit  sieur 
la  Héronnière  tirerait  sur  la  France  seraient  certifiées  par 

(44)     Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  série  C",  vol.  7. 


-  103  — 

le  dit  sieur  Villeray,  afin  d'éviter  toutes  les  friponneries 
qu'ils  pourraient  faire  ensemble  contraires  au  bien  et  à 
l 'avantage  de  messieurs  les  intéressés  qui  ont  grand  intérêt 
d'avoir  ici  un  agent  honnête  honune."  (45) 

Le  30  octobre  1686,  M.  de  Villeray  sollicitait  l'agré- 
ment du  Conseil  Souverain  pour  passer  en  France. 

"Sur  ce  qui  a  été  dit  par  M.  Louis  de  Villeray,  pre- 
mier conseiller  de  ce  conseil,  est-il  dit  au  procès-verbal  de 
cette  séance,  que  dès  l'année  passée  le  besoin  de  ses  affai- 
res l'appelant  en  France,  il  n'avait  pas  cru  devoir  deman- 
der la  permission  d'y  aller  à  cause  que  Monsieur  de  Meul- 
les,  ci-devant  intendant,  était  absent  pour  son  voyage  de 
l'Acadie  et  que  Monsieur  le  gouverneur  lui  fit  connaître 
qu'il  était  à  propos  qu'il  restât,  mais  que  conmae  les  avis 
qu'il  a  d'abondant  reçus  cette  année  lui  font  connaître 
qu'il  n'était  pas  possible  de  s'en  dispenser  cette  année  sans 
en  souffrir  un  très  grand  préjudice  il  en  aurait  conféré 
avec  M.  le  Gouverneur  et  M.  l 'intendant  qui  avait  donné  les 
mains  à  ce  qu'il  fit  ce  voyage,  il  requiert  la  Compagnie  de 
vouloir  aussi  le  faire  et  lui  en  donner  la  permission."  (46) 

Le  Conseil  se  rendit  volontiers  à  la  demande  de  M.  de 
Villeray  et  il  s'embarqua  dans  les  premiers  jours  de  no- 
vembre. 

*  M.  de  Villeray  revint  de  France  dans  l'été  de  1687,  jus- 
te pour  constater  que  sa  maison  avait  été  incendiée  pen- 
dant son  absence.  La  perte  était  considérable  pour  lui  car 
il  n'était  pas  riche. 

Le  9  septembre  1687,  MM.  de  Denon ville  et  Bochart 
Champigny  écrivaient  au  ministre  : 

"Nous  devons  vous  dire  que  le  pauvre  M.  Villeray, 
premier  conseiller,  à  son  retour  de  France,  a  trouvé  sa  mai- 
son brûlée.  C'est  un  fort  honnête  homme  qui  travaille  ici 
depuis  longtemps  et  qui  a  bien  besoin  pour  se  remettre 
que  vous  ayez  la  bonté   de  lui  continuer   la   gratification 


(45)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  8. 

(46)  Jugements  et  Délibérations  du  Conseil  Roiiveratn. 


—  104  — 

que  vous  lui  avez  donnée  cette  année."  (47) 

La  mauvaise  fortune  poursuivait  M.  de  Villeray. 
C'était  la  seconde  fois  qu'il  voyait  l'incendie  détruire  sa 
maison.  En  1682,  dans  le  grand  incendie  de  la  basse-ville 
de  Québec,  il  avait  également  perdu  sa  maison  et  tout  ce 
qu'elle  contenait.  Il  est  vrai  qu'à  cette  époque  Québec 
n'avait  guère  les  moyens  de  se  défendre  contre  le  feu.  Tou- 
tes les  maisons  étaient  construites  en  bois  et  on  avait  au- 
cune protection  contre  l'incendie. 

En  1688,  M.  de  Villeray  remontrait  au  gouverneur  de 
Denonville  et  à  l'intendant  Bochart  Cliampigny  que  la 
concession  qui  avait  été  accordée  à  ses  fils,  MM.  de  la  Car- 
donnière  et  d  ' Artigny  en  1684,  pouvait  difficilement  se  par- 
tager et  il  leur  demandait  d'accorder  au  sieur  d 'Artigny 
seul  cette  concession  et  d 'en  accorder  une  autre  au  sieur  de 
la  Cardonnière.  Le  24  avril  1688,  MM.  de  Denonville  et  Bo- 
chart Cliampigny  se  rendaient  à  la  demande  de  M.  de  Vil- 
leray et  ils  accordaient  au  sieur  de  la  Cardonnière  une 
nouvelle  concession  :  ''deux  lieues  de  front  sur  le  fleuve 
Saint-Laurent  à  prendre  joignant  et  attenant  à  la  conces- 
sion du  Bic  appartenant  au  sieur  de  Vitré,  conseiller  au 
dit  conseil,  en  descendant  le  dit  fleuve,  et  deux  lieues  de 
profondeur,  ensemble  la  rivière  dite  de  Rimouski  et  autres 
rivières  et  luisseaux,  si  aucuns  se  trouvent  dans  la  dite 
estendue,  avec  l'isle  Saint-Barnabe,  et  les  bastures,  isles 
et  islets  qui  se  pourront  rencontrer  vis-à-vis  les  dites  deux 
lieues  jusqu'à  la  dite  isle  Saint-Barnabe,  avec  droit  de  fief, 
seigneurie  et  justice,  haute  moyenne  et  basse.  .   .   .  "(48) 

La  concession  accordée  à  M.  Rouer  de  la  Cardonnière 
le  24  avril  1688,  après  avoir  eu  bien  des  vicissitudes  et  avoir 
changé  plusieurs  fois  de  propriétaires,  est  devenue  l 'impor- 
tante ville  de  Rimouski. 

Le  5  avril  1689,  M.  de  Villeray  réussissait  à  faire  aug- 
menter la  concession  qui  avait  été  accordée  à  son  fils  d 'Ar- 
tigny en  1684  et  en  1688.  Ce  jour-là,  MM.  de  Denonville  et 

(47)     Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  9. 
(4S)     Pièces  et  documents  relatifs  à  In  tenure  seigneuriale,  p.  20. 


—  105  — 

Bochart  Champigny  concédaient  à  M.  de  Villeray  pour  le 
sieur  d'Artigny,  son  fils,  et  à  M.  de  la  Chesnaye,  ' 'l'est en- 
due  de  terre  qui  se  peut  rencontrer  entre  leurs  dites  con- 
cessions, avec  deux  lieues  de  profondeur,  de  laquelle  éten- 
due ils  jouiront  chacun  moitié  par  moitié,  sçavoir  :  le  dit 
sieur  d'Artigny,  de  celle  qui  joint  la  petite  rivière  Verte, 
et  les  islets  et  les  bastures  qui  se  peuvent  rencontrer  vis-à- 
vis,  comme  le  dit  sieur  de  la  Chesnaye  de  l'autre  moitié  qui 
le  joint  à  cause  de  sa  dite  concession,  et  pareillement  les 
islets  et  battures  qui  se  peuvent  rencontrer  vis-à-vis  la 
dite  moitié,  lesquelles  portions  seront  et  demeureront  doré- 
navant jointes,  unies  et  incorporées  à  leurs  dites  conces- 
sions  "  (49) 

En  novembre  1689,  M.  de  Frontenac  revenait  prendre 
le  gouvernement  de  la  Nouvelle-France. 

M.  de  Villeray  ne  dût  pas  le  voir  arriver  sans  une  cer- 
taine appréhension.  Pendant  sa  première  administra- 
tion, M.  de  Frontenac  ne  lui  avait  été  guère  favorable.  En 
serait-il  de  même  sous  le  nouveau  régime  ? 

Mais,  évidemment,  M.  de  Frontenac  n'avait  pas  été 
renvoyé  dans  la  Nouvelle-France  sans  recevoir  de  sérieux 
avertissements  du  roi  ou  du  ministre.  On  se  rappelait  euA 
core  à  la  cour  la  façon  brutale  dont  il  avait  traité  le  Conseil 
Souverain  et  ses  principaux  officiers,  MM.  de  Villeray, 
d'Auteuil,  etc.,  etc. 

Le  comte  de  Frontenac  était  un  habile  politique.  Il 
changea  comjjlètement  de  tactique.  Pendant  son  premier 
séjour  dans  le  pays  il  manquait  bien  peu  de  séances  du 
Conseil  Souverain.  Plus  de  trois  mois  s'étaient  écoulés 
depuis  son  arrivée,  et  M.  de  Frontenac  n'avait  pas  encore 
fait  son  apparition  au  Conseil.  Cependant,  l'intendant 
Bochart  Champigny  et  le  procureur-général  d'Auteuil 
l'avaient  invité  plusieurs  fois  à  s'y  rendre. 

Cette  façon  d'agir  du  gouverneur  intriguait  les  con- 
seillers qui  pour  la  plupart  siégeaient  depuis  plusieurs  an- 
nées et  savaient  avec  quel  intérêt  ir  suivait  autrefois  les 

(49)     Pièces  et  documents  relatifs  à  la  tenure  seigneuriale,  p.  22. 


„..  106  — 

travaux  du  Conseil. 

Le  procureur-général  d'Auteuil,  fils  de  l'ancien  pro- 
cureur-général que  Frontenac  avait  si  maltraité  autrefois, 
prit  sur  lui  de  se  rendre  au  château  Saint-Louis  afin  de  sa- 
voir son  intention.  M.  de  Frontenac  répondit  sèchement 
que  le  Conseil  savait  ce  qu'il  avait  à  faire  ;  que  pour  lui, 
il  s'y  rendrait,  quand  le  service  du  roi  l'y  appelerait. 

Cette  réponse  embarrassa  les  Conseillers.  Le  20  fé- 
vrier 1690,  il  fut  décidé  par  le  Conseil  que  MM.  de  Ville- 
ray,  premier  conseiller,  Damours,  Dui3ont  et  de  Peiras 
se  rendraient  auprès  de  M.  de  Frontenac  pour  l'inviter  à 
prendre  sa  place  au  Conseil. 

Le  27  janvier  1690,  la  députation  se  présentait  au  châ- 
teau Saint-Louis.  M.  de  Villeray,  à  titre  de  doyen,  fit  ce 
petit  discours  au  gouverneur  : 

**Nous  venons  de  la  part  du  Conseil  pour  vous  inviter 
d'y  venir  prendre  votre  place.  Ce  qui  a  empêché  de  le  fai- 
re plus  tôt,  c'est  la  difficulté  où  la  Compagnie  s'est  trou- 
vée sur  l'ordre  qu'elle  devait  tenir  à  votre  réception  parce 
que  jusqu'à  présent  nous  n'avons  rien  de  réglé  pour  la  ma- 
nière que  l'on  doit  garder  à  celle  de  Messieurs  les  gouver- 
neurs non  plus  qu  'à  celles  de  Messieurs  les  évêques  et  Mes- 
sieurs les  intendants.  Et  comme  la  Compagnie  eût  été  bien 
aise,  âui^aravant  de  savoir  votre  sentiment  sur  ce  qui  vous 
concerne  afin  de  s'y  conformer  de  tout  son  possible,  elle  en 
avait  chargé  Monsieur  le  procureur-général  dans  la  pen- 
sée. Monsieur,  que  vous  pourriez  vous  en  ouvrir  à  lui.  Et 
néanmoins  il  a  rapporté  à  la  compagnie  que  vous  en  ayant 
parlé,  vous  ne  lui  aviez  fait  autre  réponse,  sinon  que  le 
Conseil  savait  ce  qu'il  avait  à  faire  et  que  vous  y  viendriez 
quand  le  service  du  Roi  vous  y  appellerait,  si  i3ien  que  la 
Compagnie  en  nous  chargeant  de  vous  prier  de  vouloir 
bien  lui  marquer  le  jour  qu'il  vous  plaira  de  venir  prendre 
votre  place  nous  a  encore  recommandé  de  vous  demander 
les  vues  que  vous  pourriez  avoir  sur  la  manière  dont  vous 
estimez  y  devoir  être  reçu,  dans  l 'assurance  que  nous  vous 


...  107  — 

donnons  qu'elle  est  dans  le  sentiment  de  vous  rendre  avec 
plaisir  tout  ce  qu'elle  vous  doit."  (50) 

M.  de  Frontenac  répondit  assez  rudement  à  M.  de  Vil- 
leray  que  c'était  au  Conseil  Souverain  de  lui  faire  savoir 
de  quelle  manière  il  voulait  le  recevoir  et  qu'il  verrait  en- 
suite ce  qu'il  aurait  à  faire. 

Les  pourparlers  entre  M.  de  Frontenac  et  M.  de  Vil- 
leray  agissant  pour  le  Conseil  Souverain  se  poursuivirent 
encore  plusieurs  jours.  En  fin  diplomate  qu'il  était,  M. 
de  Frontenac  se  gardait  bien  de  faire  savoir  aux  Conseil- 
lers le  cérémonial  qu'il  exigeait  X30ur  son  entrée  au  Con- 
seil. De  cette  façon,  il  comptait,  sans  doute,  qu'on  lui  of- 
frirait plus  que  moins.  Il  serait  trop  long  de  rapporter 
ici  les  entrevues  entre  le  gouverneur  et  le  premier  conseil- 
ler de  Villeray. 

Après  cinq  ou  six  rencontres  entre  M.  de  Frontenac  et 
M.  de  Villeray,  celui-ci,  au  nom  des  conseillers,  suggéra 
que  chaque  fois  que  le  gouverneur  se  rendrait  au  Conseil 
deux  conseillers  iraient  le  recevoir  dans  la  salle  des  par- 
ties. S'il  n'était  pas  satisfait  de  cette  offre,  le  Conseil 
s'engageait  à  s'en  rapporter  à  ce  qu'il  jugerait  à  propos 
"en  telle  façon  que  le  dit  sieur  comte  de  Frontenac  serait 
content." 

Cette  fois,  le  vieux  diplomate  se  déclara  satisfait.  Il 
voulut  bien  informer  les  Conseillers  qu'il  se  rendrait  au 
Conseil  après  Pâques. 

Il  semble  que  pendant  sa  seconde  administration  M. 
de  Frontenac  n'ait  eu  aucun  sujet  de  jjlainte  contre  M.  de 
Villeray.  Du  moins,  ses  lettres  ne  font  aucune  mention 
de  M.  de  Villeray.  On  a  même  le  droit  de  supposer  que  les 
préventions  du  gouverneur  étaient  disparues  puisque  nous 
le  voyons,  le  3  août  1690,  tenir  sur  les  fonts  baptismaux  un 
petit-fils  de  M.  de  Villeray. 

Le  4  novembre  1693,  l'intendant  Bocliart  Champigny 
prenait  la  peine  d'informer  le  ministre  qu'il  était  très  sa- 
tisfait de  M.  de  Villeray  : 

(55)     Les  Ursulines  de  Québec,  tome,  II,  p.  13. 


—  108  --- 

"La  bonne  conduite  et  l'application  des  Srs  de  Ville- 
ray  et  Benac,  agent  et  contrôleur  de  la  ferme,  me  donnent 
lieu  de  vous  en  rendre  tous  les  bons  témoignages  qu'il  est 
possible  de  vous  assurer  que  Mrs  les  fermiers  généraux 
peuvent  se  reposer  et  prendre  une  entière  confiance  sur 
leurs  soins  et  fidélité."  (51) 

M.  de  Lamothe-Cadillac,  dans  un  long  mémoire  de  ré- 
criminations daté  du  28  septembre  1694  et  où  il  attaquait 
tous  ceux  qu'il  n'aimait  pas,  disait  de  M.  de  Villeray  : 

"N'est-ce  pas  encore  une  chose  honteuse  de  voir  M.  de 
Villeray,  le  premier  conseiller,  tenir  la  boucherie  dans  sa 
maison  et  faire  débiter  de  la  viande  par  son  valet,  et  mada- 
me sa  femme  en  recevoir  l'argent  ? 

"Prenez  la  peine  de  vous  en  informer,  et  vous  ne  trou- 
verez personne  qui  ne  rende  ce  témoignage. 

"De  quel  avis  peuvent  donc  être  ces  messieurs,  sur 
l'article  de  la  viande  principalement,  puisqu'ils  sont  eux- 
mêmes  bouchers  ?  Y  a-t-il  apparence  qu'ils  décident  con- 
tre leurs  propres  intérêts (52) 

M.  de  Lamothe-Cadillac  en  voulant  nuire  à  M.  de  Vil- 
leray auprès  du  ministre  rendait  hommage  à  son  honnê- 
teté et  à  son  désintéressement.  Quand  tant  d'autres  au- 
tour de  lui  s'enrichissaient  en  quelques  années,  M.  de  Vil- 
leray qui  avait  rempli  '  plusieurs  charges  où  il  aurait  pu 
s'amasser  un  pécule  était  pauvre  et  était  obligé  de  faire 
du  commerce  pour  subsister,  ses  appointements  de  premier 
conseiller  ne  lui  donnant  pas  suffisamment  pour  faire  vi- 
vre sa  famille. 

Encore  en  1694,  M.  Bochart  Champigny  se  plaisait  à 
louer  les  bons  services  de  M.  de  Villeray. 

Le  24  octobre  1694,  il  écrivait  au  ministre  : 

"Je  continuerai  à  vous  rendre  de  bons  témoignages  de 
la  conduite  de  Mr  de  Villei'ay  et  de  M.  Benac,  agent  et  con- 

(51)  Archives  lu  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  12. 

(52)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  13. 


...  109  — 

trôleur  des  fei'mes  en  ce  pays,  dont  l'application,  la  fidélité 
et  l'exactitude  m'engagent  à  vous  dire  qu'on  ne  saurait 
choisir  deux  meilleurs  officiers  ni  plus  honnêtes  gens  pour 
remplir  ces  emplois.  "  (53) 

Le  20  octobre  1699,  l'intendant  Bochart  Champigny 
donnait  au  ministre  des  renseignements  sur  l'organisation 
religieuse  et  judiciaire  de  la  ♦Nouvelle-France. 

"La  justice,  écrivait-il,  se  rend  dans  une  parfaite  équi- 
té et  avec  autant  de  désintéressement,  principalement  au 
Conseil  de  Québec  où  la  partialité  et  la  prévention  n'ont 
point  d'entrée. 

"Monsieur  le  gouverneur  y  occupe  la  première  place, 
M.  l'évêque  la  deuxième  et  son  grand- vicaire  en  son  absen- 
ce qui  est  un  sujet  de  moiiitication  pour  l'intendant  à  ce 
qui  me  semble.  Il  ne  devrait  pas  être  préféré  y  faisant  les 
fonctions  de  premier  président  et  prononçant  les  arrêts. 
Il  y  a  sept  conseillers  dont  le  plus  ancien  qui  y  est  le  sieur 
de  Villeray  mérite  une  considération  particulière  aussi 
bien  que  le  sieur  d'Auteuil  procureur-général."  (54) 

"Dans  l'hiver  de  1700-1701,  raconte  l'annaliste  du  mo- 
nastère des  Ursulines,  il  y  eut  à  Québec  des  maladies  popu- 
laires qui  firent  d'étranges  ravages.  Le  mal  s'annonçait 
l^ar  un  mauvais  rlimne,  auquel  se  joignait  une  fièvre  arden- 
te accompagnée  de  fortes  douleurs  de  côté,  et  il  emportait 
les  personnes  en  peu  de  jours.  La  contagion,  qui  avait  com- 
mencé sur  la  fin  de  novembre,  se  répandit  bientôt  dans  tou- 
te la  ville,  et  il  n  'y  eut  pas  de  maison  qui  ne  fut  changée  en 
hôpital.  Toutes  les  communautés  furent  attaquées  en  mê- 
me temps,  et  à  peine  en  restait-il  quelques  ims  debout  pour 
soigner  et  assister  les  autres."  (55) 

La  maladie  sé\ât  avec  une  violence  extrême.  M.  de 
Villeray,  qui  était  âgé  de  71  ans,  fut  une  des  premières 
victimes  de  ce  fléau  d'un  nouveau  genre.    Il  succomba  le  6 


(53)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  12. 

(54)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  17. 
(50)     Jugements  et  délibérations  du  Conseil  Souvera.n. 


—  110"- 

décembre  1700,  et  fut  inhumé  le  lendemain  dans  la  cathé- 
drale. 

Ceux  qui,  mettant  leur  conscience  au-dessus  de  leur 
intérêt  et  de  leur  tranquillité,  ne  craignent  pas  de  faire 
leur  devoir,  s'attirent  d'ordinaire  bien  des  ennuis  et  des 
tracas  de  ceux  dont  ils  barrent  le  chemin  et  empêchent  les 
menées.  Il  en  fut  ainsi  de  M.  de  Villeray.  Toute  sa  vie  il 
fut  en  butte  au  mauvais  vouloir  de  ceux  qui  profitaient  de 
leurs  charges  pour  assouvir  leur  ambition  et  faire  leur  for- 
tune. Mais  à  sa  mort  le  sentiment  fut  unanime  pour  ren- 
dre justice  à  sa  mémoire. 

Dans  un  mémoire  envoyé  au  ministre  au  sujet  de  celui 
qui  devait  le  remplacer  comme  premier  conseille!*  au  Con- 
seil Souverain,  on  trouve  une  note  qui  permet  à  la  fois  de 
savoir  ce  qu'était  la  charge  de  premier  conseiller  et  ce 
qu'on  pensait  de  M.  de  Villeray. 

"Le  sieur  de  Villeray,  est-il  dit  dans  ce  mémoire,  l'a 
exercée  depuis  la  déclaration  du  roi  de  l'année  1675  avec 
beaucoup  d'équité  et  d'honneur.  Personne  avant  lui  ne 
l'avait  possédée,  ce  qui  donne  aujourd'hui  lieu  de  douter, 
sous  le  bon  plaisir  de  Sa  Majesté,  si  cette  i)lace  est  unique 
et  distincte  des  six  autres,  ou  si  l'ancien  des  six  conseillers 
y  doit  monter  de  droit  pas  succession. 

"Le  sieur  de  Villeray  s'est  toujours  regardé  dans  sa 
place  comme  primus  inter  pares.  Ca  toujours  été  et  c'est 
encore  l'esprit  dans  lequel  M.  le  gouverneur  et  M.  l'inten- 
dant et  tous  les  membres  du  Conseil,  regardent  cette  pre- 
mière place  :  changer  cet  ordre,  ce  serait  les  désoler  tous.  '  ' 

Plus  loin,  dans  la  même  pièce,  il  est  dit  que  la  mémoi- 
re de  M.  de  Villeray  était  respectée  dans  tout  le  pays.  (57) 


(57)     Archives  de  la  Marine,  Personnel  civil,  Canada. 


—  ir 

C'est  toujours  uii'^ 
leur  devoir  malgré  t 

leur  mort  l'équilib'  .^u  jus- 

tice. 

M.  de  Ville:  .^  civaii  épousé,  à  Québec,  le  19  février 
1658,  Catherine  Sevestre,  fille  de  feu  Charles  Sevestre  et 
de  Marie  Pichon. 

Elle  décéda  à  Québec  le  24  janvier  1670,  et  fut  inhumée 
dans  l'église  paroissiale. 

En  secondes  noces,  à  Québec,  le  26  novembre  1675,  M. 
de  Villeray  épousa  Marie- Anne  Du  Saussay  de  Bemont, 
fille  de  Jacques  Du  Saussay  de  Bemont  et  de  Anne  Carlier, 
de  Saint-Nicolas  de  Paris. 

Madame  de  Villeray  s'en  retourna  en  France  quelques 
aimées  après  la  mort  de  son  mari.  (58) 

M.  de  Villeray  n'eut  pas  d'enfant  de  son  second  ma- 
riage.   Trois  fils  étaient  nés  de  sa  première  union  : 


AUGUSTIN  ROUER  DE  LA  CARDONNIERE  ET  DE 

VILLERAY 
Le  continuateur  de  la  lignée. 

II 
LOUIS  ROUER  D'ARTIGNY 

Né  à  Québec,  le  9  février  1667. 

Le  27  avril  1684,  MM.  de  la  Barre  et  de  Meulles,  sur  la 
demande  de  M.  de  Villeray,  accordaient  à  ses  fils,  Augus- 
tin Rouer  de  la  Cardonnière  et  Louis  Rouer  d'Artigny, 
une  étendue  de  deux  lieues  de  terre.  '  '  prés  et  bois,  de  front 
sur  le  fleuve  Saint-Laurent,  sur  deux  lieues  de  profondeur 

(58)  Sur  le  point  de  s'embarquer  pour  la  Franco,  le  4  octobre  1701,  Marie- 
Anne  UuSaussay  faisait  donation  de  tous  ses  biens  en  cas  de  mort  à  son  cousin 
issu  de  germains,  Benjamin  Dervilliers  de  la  Boissière,  lieutenant  en  pied  d'une 
compagnie  des  troupes  du  détachement  de  la  marine   (Greffe  de  Chambalon). 


—  112  — 

dans  les  terres,  à  prendre  depuis  une  rivière  qui  est  vis-à- 
vis  risle- Verte,  du  côté  du  sud  de  la  dite  isle  icelle  dite  ri- 
vière comprise,  jusqu'à  deux  lieues  en  descendant  le  dit 
fleuve,  ensemble  les  bastures,  isles  et  islets  qui  se  rencon- 
trent vis-à-vis  les  dites  deux  lieues,  jusqu'à  la  dite  Isle 
Verte,  icelle  môme  comprise "(59) 

Cette  concession  était  faite  à  MM.  de  la  Cardonnière 
(it  d'Artigny  à  toujours  en  toute  propriété,  en  titre  de  fief 
drseigneurie,  haute  moyenne  et  basse  justice. 

'10 

En  1688,  M.  de  Villeray  remontrait  au  gouverneur  de 
Denonville  et  à  l'intendant  Bochart  Champigny  que  la  con- 
ié^fesion  qui  avait  été  accordée  à  ses  fils,  le  27  avril  1684, 
pouvait  difficilement  se  partager  et  il  leur  demandait  d 'ac- 
céder au  sieur  d'Artigny  seul  cette  concession  et  d'en  ac- 
corder une  autre  au  sieur  de  la  Cardonnière.  Le  24  avril 
1688,  MM.  de  Denonville  et  Bochart  Champigny  se  ren- 
daient à  la  demande  de  M.  de  Villeray.  M.  d'Artigny  restait 
^^1  propriétaire  de  la  seigneurie  de  L 'Isle-Verte  et  M.  de 
la  Cardonnière  reçut  une  autre  concession. 

Le  5  avril  1689,  M.  Rouer  d'Artigny  recevait  une  im- 
portante augmentation  à  la  seigneurie  que  son  père  avait 
obtenue  pour  lui  en  1684.    Entre  cette  dernière  concession 

et  celle  de  M.  Aubert  de  la  Chesnaye  ( ), 

il  restait  une  certaine  étendue  de  terre  non  concédée.  Le  5 
avril  1689,  MM.  de  Denonville  et  Bochart  Champigny  con- 
[^MMent  toute  cette  étendue  à  MM.  Aubert  de  la  Chesnaye 
ë¥^©fouer  d'Artigny.  L'acte  de  concession  disait  :  "Nous, 
îî^^ft  égard  à  la  dite  remontrance,  avons,  en  vertu  du  pou- 
yoîîj  à  nous  donné  par  Sa  Majesté,  donné,  accordé  et  con- 
(^^(3e,^Monnons,  accordons  et  concédons  par  ces  présentes 
a,vi/j#t  sieur  de  Villeray,  pour  le  dit  sieur  d'Artigny,  et  au 
dït'^sieur  de  la  Chesnaye,  l'estendue  de  terre  qui  se  peut 


.{noii. 
(59)     Pièces  et  documents  relatifs  à  la  tenure  seigneuriale,  p.  18. 


—  113  — 

rencontrer  entre  leurs  dites  concessions,  avec  deux  lieues 
de  profondeur,  de  laquelle  étendue  ils  jouiront  chacun  moi- 
tié par  moitié,  sçavoir  :  le  dit  sieur  d'Artigny,  de  celle  qui 
joilit  la  petite  rivière  Verte,  et  les  islets  et  les  battures  qui 
se  peuvent  rencontrer  vis-à-vis "  (60) 

Cette  augmentation  fut  confirmée  par  le  roi  le  24  mai 
1689.  (61) 

M.  Rouer  d'Artigny  ne  s'occupa  pas  beaucoup  du  beau 
domaine  qui  lui  avait  été  accordé,  et,  douze  ans  plus  tard, 
le  1er  mai  1701,  il  échangeait  sa  seigneurie  de  L'Isle- Verte 
avec  Pierre  De  Niort  de  La  Noraye  fils.  Celui-ci  lui  don- 
nait en  retour  une  sonune  de  240  livres  de  rente  annuelle 
à  constitution  rachetable  par  la  somme  de  4800  livres.  (62) 

A  la  mort  de  son  frère,  M.  Rouer  de  Villeray,  en  1711, 
M.  Rouer  d 'Artigny  essaya  de  se  faire  nonuner  à  sa  place 
au  Conseil  Supérieur.  Mais  Jean-François  Hazeur  avait 
plus  d'influence  que  lui  et  il  fut  nonuné. 

Hazeur  faisait  depuis  deux  ans  les  fonctions  de  lieute- 
nant particulier  de  la  prévôté  de  Québec  à  la  place  de  M. 
Dupuy  qui  agissait  lui-même  comme  lieutenant-général 
en  l'absence  de  M!  Riverin. 

Le  ministre,  pour  consoler  M.  Rouer  d'Artigny  de  sa 
déconvenue,  lui  offrit  la  charge  intérimaire  de  lieutenant 
particulier.  (63) 

Le  18  juin  1712  le  roi  signait  un  ordre  à  M.  Rouer 
d'Artigny  ijour  faire  les  fonctions  de  lieutenant  particu- 
lier de  la  prévôté  de  Québec  à  la  place  de  M.  Hazeur.  (64) 

M.  Rouer  d'Artigny  fut  reçu  en  sa  charge  par  le  Con- 
seil Supérieur  le  8  novembre  1712.  Se  servant  du  texte 
même  de  l'ordre  du  roi,  le  Conseil  Supérieur  faisait  enre- 
gistrer à  son  procès-verbal  que  le  sieur  Rouer  d'Artigny 


(60)  Pièces  et  documents  relatifs  à  la  tenure  seigneuriale,  p.  22. 

(61)  Insinuations  du  Conseil  Souverain,  cahier  2. 

(62)  Acte  devant  Chambalon,  notaire  à  Québec,  le  1er  mai  1701. 

(63)  Richard,  p.  442. 

(64)  Ordre  d?  Sa  Majesté  en  faveur  de  M.  Rouer  d  Artigny  dans  Insinua- 
tions du  Conseil  Souverain,  cahier  3. 


...  n4  — 

ferait  les  fonctions  de  lieutenant  particulier  pendant  que 
le  sieur  Dupuy  y  continuerait  celles  de  lieutenant  géné- 
ral. (65) 

M.  Rouer  d'Aitigny  remplit  les  fonctions  de  lieute- 
nant-particulier de  la  prévôté  de  Québec  jusqu'au  12  octo- 
bre 1716,  date  de  l'entrée  en  fonctions  de  M.  Couillard  de 
Lespinay  nommé  à  cette  charge  par  provisions  du  roi  le  27 
avril  précédent. 

M.  Rouer  d'Artigny  ne  resta  pas  longtemps  sans  char- 
ge. En  1716,  M.  de  la  Durantaye,  conseiller  au  Conseil  Su- 
l)érieur,  décédait.  MM.  de  Vaudreuil  et  Bégon  suggérèrent 
au  ministre  de  le  remplacer  par  M.  Rouer  d'Artigny.  "Il 
est  homme  de  probité  et  capable  de  remplir  cette  place", 
écrivaient-ils  au  ministre.  (66) 

Le  ministre  reconunanda  la  nomination  de  M.  Rouer 
d 'Artigny.  Ses  lettres  de  provisions  furent  signées  par  le 
roi  le  3  avril  1717.  (67) 

Il  fut  installé  en  cette  charge  le  16  août  1718. 

Dans  un  rapport  fait  au  ministre  le  26  octobre  1722, 
l'intendant  Bégon  disait  de  M.  Rouer  d'Artigny  : 

"M.  d'Artigny,  âgé  de  60  ans,  conseiller  pourvu  le  3 
avril  1717,  reçu  le  16  août  1718;  les  fonctions  de  lieutenant 
particulier  de  la  Prévôté  qu  'il  a  fait  pendant  plusieurs  an- 
nées l'ont  mis  au  fait  des  affaires  de  la  judicature  et  il  est 
droit  et  appliqué".  (68) 

M.  Rouer  de  Villeray  père  avait  été  presque  toute  sa 
vie  en  butte  à  l'animadversion  du  gouverneur  de  la  Nou- 
velle-France. Son  fils,  M.  Rouer  d'Artigny,  fut  dans  le 
même  cas. 

En  1728,  lors  des  difficultés  qui  s'élevèrent  entre  le 
gouverneur  de  Beauharnois,  l'intendant  Dupuy,  le  chapitre 
de  l'église  cathédrale,  etc.,  etc.,  au  sujet  des  funérailles  de 


(65)  Jugements  du  Conseil  Supérieur,  vol.  V,  p.  528. 

(66)  Ahchives  du  Canada.     Correspondance  générale,,  vol 

(67)  L#ettres  de  provisions  dans  Insinuations  du  Conseil  Supérieur,  cahier  5. 

(68)  Archives  du  Canada.     Correspondance  générale,  vol.  120. 


—  115  — 

Mgr  de  Saint- Vallier,  M.  Rouer  d'Artigny,  qui  avait  nialen 
contreusenient  adopté  le  i)arti  de  l'irascible  intendant  Du- 
puy  s'attira  la  disgrâce  du  gouverneur  de  Beauliarnois. 
Celui-ci,  le  13  mai  1728,  exila  M.  Rouer  d'Artigny  à  Beau- 
mont  et  lui  ordonna  d'y  demeurer  jusqu'à  nouvel  ordre 
sous  peine  de  désobéissance. 

Le  1er  octobre  1728,  M.  de  Beauliarnois  expliquait  à 
sa  façon  toute  l 'affaire  au  ministre  : 

"J'ay  l'honneur  de  vous  envoyer  une  ordoimance  de 
Mr  Dupuy  à  laquelle  j 'ay  répondu  en  marge.  Vous  y 
verés,  Monseigneur,  le  mensonge  y  régner  de  touttes  les  fa- 
çons, mais  la  vérité  toutte  nue  se  trouve  dans  ma  réponse. 

"Les  deux  conseillers  qui  ont  donné  occasion  à  cette 
ordonnance  sont  les  Srs  Gaillard  et  Dartigny,  deux  hom- 
mes attachés  à  M.  Dupuy  au  point  de  leur  faire  signer  et 
dire  tout  ce  qu'il  voulait.  Conune  il  y  en  avait  encore  deux 
ou  trois  autres  i)our  ainsy  dire  dans  le  même  cas  et  que  la 
justice  ne  se  rendait  qu'autant  que  la  passion  les  condui- 
sait, il  estait  public  et  chacun  se  plaignait  de  ne  point  plai- 
der contre  ces  parties  que  s'estait  contre  M.  Dupuy. 

"Cela  me  fit  prendre  le  party.  Monseigneur,  d'en  en- 
voyer un  à  Beauport  qui  n'est  qu'à  une  lieue  de  Québec 
et  l'autre  à  Beaiunont  qui  n'en  est  qu'à  deux,  par  un  ordre 
que  je  leur  envoyez  de  Montréal  et  auquel  ils  ont  désobéi, 
M.  Dupuy  les  ayant  réfugiés  chez  luy. 

"Depuis  son  rappel  le  Sr  Dartigny  s'est  fort  exposé, 
il  a  esté  pour  prendre  scéance  au  Conseil.  M.  le  Procureur 
général  m'a  dit  qu'il  avait  eu  l'honneur  de  vous  en  ren- 
dre compte.  Les  propositions  qui  luy  ont  esté  faittes  d'y 
implorer  ma  clémence  ne  se  sont  pas  accordées  avec  les  sen- 
timents que  luy  ont  inspirés  les  personnes  avec  qui  il  de- 
meure. Comme  c  'est  lever  le  masque  avec  trop  de  hardies- 
se, je  laisse  partir  M.  Dupuy.  Je  vous  advoue,  Monsei- 
gneur, que  ces  deux  Messieurs  là  (entrautres  le  Sr  Darti- 
gny) mérittent  d'estre  i:)unis  d'autant  qu'ils  estaient  con- 
venus chez  moy  (dans  le  tems  que  je  les  envoyez  prier  d'y 


...  1  IG  — 

venir  pour  leur  parler  à  l'occasion  de  l'ordre  que  j'avais 
porté  au  Conseil),  que  je  les  commandais  en  particulier 
X)ar  conséquent  ils  devaient  encore  moins  désobéir  dans 
cette  dernière  affaire."  (69) 

Quatre  jours  plus  tard,  le  4  octobre  1728,  M.  Rouer 
d'Artigny  se  présentait  au  Conseil  pour  y  prendre  séance. 

Le  greffier  notait  ainsi  la  démarche  de  M.  Rouer 
d'Artigny  dans  son  procès-verbal  de  la  séance  du  Conseil 
Supérieur  : 

'  '  Du  lundi,  4  octobre  1728. 

"Le  Conseil  assemblé  ou  estaient  Monsieur  Delino, 
premier  conseiller,  Mrs  Macart,  Sarrazin,  St  Simon,  Guil- 
lemin,  Crespin,  conseillers,  et  Verrier  procureur  général 
du  Roy. 

"Mr  Delino  a  présidé. 

"Sur  ce  que  le  Sr  Dartigny  coner  en  ce  conseil  s'y 
est  présenté  ce  jourd'huy  pour  y  prendre  scéance  sans 
qu'yl  ait  apparu  au  d.  Conseil  que  le  sr  Dartigny  ait  eu  de 
Mr  le  Gouverneur  Général  quelque  ordie  jjortant  revoca- 
tion de  celuy  qu'yl  avait  donné  le  treize  may  dernier  au  d. 
s.  Dartigny  de  partir  aussitôt  le  d.  ordre  receu  pour  se 
rendre  à  Beaumont  ou  yl  demeurerait  jusqu'à  nouvel  or- 
dre sous  jjeine  de  désobéissance.  Ouy  le  Procureur  géné- 
ral du  Roy  le  Conseil  sous  le  bon  plaisir  de  Sa  Majesté  at- 
tendant qu'yl  luy  ait  plu  de  statuer  sur  ce  sujet  a  ar resté 
que  le  d.  s.  Dartigny  s'abstiendra  de  prendre  scéance  au 
conseil  en  la  d.  qualité  de  conseiller  jusqu'à  ce  qu'yl  ait 
raporté  un  ordre-de  mon  d.  cr.  le  Gouverneur  Général,  por- 
tant révocation  du  premier."  (70) 

M.  Rouer  d'Artigny  fut  donc  obligé  de  s'abstenir  de 
paraître  au  Conseil  Supérieur  jusqu'à  ce  qu'il  eut  plû  au 
ministre  de  rendre  sa  décision. 

Le  12  avril  1729,  le  ministre  blâmait  fortement  le  gou- 
verneur de  Beauliarnois  d'avoir  expulsé  MM.  Rouer  d'Ar- 
tigny et  Gaillard  du  Conseil  Supérieur.    Le  ministre  lui 

(69)  Archives  du  Canada.       Correspondance  générale,  série  C",  vol,  50. 

(70)  Jugements  et  Délibérations  dit  Conseil  ^iipérienr.  ' 


—  117-^ 

écrivait  qu'il  s'était  arrogé  un  droit  que  le  roi  n'avait  con- 
fié à  personne.  D'ailleurs,  ajoutait-il,  la  raison  que  vous 
donnez  que  ces  conseillers  suivaient  aveuglement  les  avis 
de  M,  Dupuy  n  'a  aucune  valeur.  Puis,  il  lui  ordonnait  de 
rappeler  MM.  Rouer  d'Artigny  et  Gaillard  à  Québec.  La 
conclusion  de  la  lettre  du  ministre  illustre  les  moeurs  du 
temps.  "Pour  sauvegarder  l'autorité  que  vous  avez  com- 
promise il  ne  sera  rien  dit  à  MM.  Rouer  d'Artigny  de  la 
désapprobation  du  roi  ;  au  contraire,  M.  Hocquart  a  ordre 
de  leur  faire  une  mercuriale  de  la  part  du  roi  connue  s'ils 
étaient  coupables.  " 

M.  Hocquart  fit  ce  que  Sa  Majesté  lui  avait  ordonné. 
Le  3  octobre  1729,  if  faisait  part  au  Conseil  Supérieur  des 
ordres  du  Roi.  Le  procès-verbal  de  cette  séance  le  note 
ainsi  : 

''Sur  ce  qui  a  esté  dit  par  Monsieur  Hocquart  commis- 
saire général  faisant  les  fonctions  d'yntendant  en  ce  pays 
que  l'intention  de  Sa  Majesté  est  que  les  srs  Gaillard  et 
Dartigny  conseillers  reprennent  leurs  places  au  Conseil 
corome  auparavant  l'arrest  du  quatre  octobre  mil  sept  cent 
vingt-huit  ouy  le  Procureur  Général  du  Roy  le  Conseil  a 
ordonné  et  ordonne  que  les  d.  sr  Gaillard  et  Dartigny  re- 
prendront leurs  places  au  Conseil  comme  auparavant  le  d. 
arrest  du  d.  jour  quatre  octobre."  (71) 

M.  Rouer  d'Artigny  rej)rit  son  siège  au  Conseil  Supé- 
rieur le  10  octobre  1729.  Il  en  avait  donc  été  exclu  dix- 
sept  mois  ! 

M.  Rouer  d'Artigny  décéda  à  Québec  le  5  juillet  1744, 
et  fut  inhumé  le  lendemain  dans  l'église  cathédrale. 

Il  ne  s'était  pas  marié. 

III 
CHARLES  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Québec  le  2  mai  1669. 

Décédé  au  même  endroit  le  23  septembre  1672. 

(71)     Jugements  et  Délibérations  du  Conseil  Supérieur. 

P.  G.  R. 
(A  suivre) 


—  118 


LE  PRETENDU  TESTAMENT  DE  L'ABBE 

JORIAN 


On  sait  que  la  question  de  l'inamovibilité  des  curés  fut,  en  la  Nou- 
velle-France, une  cause  de  démêlées ,  entre  les  évoques  et  les  possesseurs 
de  cures  fixes,  au  dix-huitième  siècle.  Le  Bulletin  a  déjà  signalé  le  procè§ 
qui  eut  lieu  en  1730,  entre  Mgr  Dosquet  et  l'abbé  Voyer,  curé  de  Sainte- 
Anne  de  la  Pérade,  au  sujet  de  la  "remise  de  ses  titres"  (1901,  p.  366). 

Ajoutons,  à  cette  affaire,  celle  de  l'abbé  Jorian  qui  me  paraît  ignorée. 

*  #     * 

L'abbé  André  Jorian  était  né  à  Québec,  le  19  mars  1691,  et  avait  été 
ordonné  le  6  avril  1715. 

Après  avoir  été  curé  de  Champlain  (1782-28),  il  reçut  la  cure  de 
Laprairicj  en  1728,  mais  son  évêque  voulut  le  déplacer  en  1731  et  voici 
comment  la  chose  se  fit,  d'après  l'abbé  Jorian  qui  en  a  consigné  le  récit 
dans  un  document  qu'il  appelle  son  testament  et  qu'il  dépose,  en  une  en- 
veloppe, chez  le  notaire  J.-B.  Adhémar. 

*  *     * 

(Acte  de  dépôt,  sur  l'enveloppe) 
"  Testament  olographe  de  M.  Jorian  déposé  en  mon  étude  ,1e  14e 
"août  1731. 

"  Aujourd'huy,  quatorzième  "avril  avant  midy,  mil  sept  cens  trente 
"  un,  est  comparu  pardevant  nous  notaire  royal,  en  la  juridiction  royalle 
"  de  Montréal,  Messire  André  Jorian,  curé  de  la  paroisse  de  Laprairie  de_ 
"  la  Magdeleine  lequel  a  déposé  en  notre  étude  le  présent  paquet,  contenant 
"  son  testament  olographe  cacheté  de  trois  empreinte  en  cire  rouge  du 
"  cachet  dont  se  sert  ledit  sr  Jorian,  dont  il  nous  a  requis  acte  que  nous 
"  luy  avons  octroyé  pour  luy  valloir  et  servir  ce  que  de  raison.  Fait  et 
"  passé  audit  Montréal  les  jour  et  an  susdits,  en  présence  des  sieurs  Etien- 
"  ne  Rivard,  Saint-Dizier  et  Joseph  Guillory  témoins  qui  ont  signé  avec 
"  ledit  sieur  Jorian  et  notaire,  après  lecture  faite,  suivant  l'ordonnance. 

"JORIAN,  ptre 
"ST   DISIER 
"JOSEPH    GUILLORY 

"  ADHEMAR.  " 

*  *     * 


--  119  — 

(A  l'intérieur  de  l'enveloppe) 

"  Xous  André  Joriaii,  curé  de  la  paroisse  ae  la  Nativité  de  la  Prairie 
"  de  la  Madelaine.  Monseigneur  de  Samos,  coadjuteur  à  l'évêché  de  Qué- 
"bec  nous  ayant  mandé  par  Sa  Lettre  missive  de  luy  venir  parler  au 
"  Séminaire  des  Messrs.  de  Saint-Sulpioe  établient  en  la  ville  du  Mont- 
"  réal  oîi  il  étoit  alors,  à  quoy  nous  avons  obéi  à  l'instant,  et  serions  venu 
"  parler  à  mondit  Seigneur  de  Samos  pour  savoir  de  luy  ce  qu'il  souhait- 
"  toit  de  nous  ;  dans  la  conversation,  il  nous  demanda  les  titres,  provisions 
"  et  installation  en  la  dite  cure  de  laquelle  nous  aurions  été  pourvu  par  le 
"  Chapitre  de  la  cathédrale  de  Québec,  jiendant  la  vacance  du  siège  épis- 
"  copal  ;  a  cette  demande,  sans  nous  écarter  du  respect  dû  à  Sa  Grandeur, 
"  nous  luy  aurions  dit  que  nous  ne  pouvions  nous  démettre  d'un  titre  dont 
"  nous  avions  été  pourvu,  et  que  nous  faisions  actuellement  les  fonctions 
"  curiales,  sans  aucune  plainte  contre  nous  ;  Sur  quoy.  Sa  Grandeur  nous 
"  répliqua  que  nous  n'avions  qu'à  garder  nos  provisions,  mais  qu'il  nous 
"  susciteroit  tant  de  peines  et  de  chagrins  qu'il  nous  contraindroit  d'aban- 
"  donner  cette  paroisse  et  de  Luy  en  remettre  nos  titres,  et  que  son  inten- 
"  tion  étoit  absolument  que  nous  eussions  à  aller  desservir  la  cure  de 
"  Contrecoeur,  que  telle  étoit  Sa  volonté.  Nous,  ayant  voulu  savoir  quels 
"  pourroient  être  les  sujets  de  plainte  qu'il  y  avoit  contre  nous,  et  ayant 
"  demandé  par  nous  mêmes  et  par  d'autres  personnes  d'être  entendu  pour 
"  notre  justification  afin  de  nous  disculper  des  accusations  que  peut-être 
"  des  Esprits  mécontents  auroient,  mal  à  propos,  porté  contre  nous.  Sa 
"  Grandeur  auroit  refusé  de  nous  donner  aucune  audiance  pendant  huit 
"  jours  que  nous  avons  resté  dans  le  Séminaire,  et  nous  auroit  fait  savoir 
"  pour  toute  réponse  qu'il  ne  vouloit  entendre  aucune  justification  à  ce 
"  sujet,  parce  qu'il  vouloit  être  obéi  sans  réplique.  Nous,  en  conséquence 
"  de  telles  violences  et  menaces  prévoyant  ne  pouvoir  en  obtenir  de  justice, 
"  nous  nous  sommes  trouvé  contraint  et  forcé  de  remettre  à  Sa  Grandeur, 
"  malgré  nous,  nos  provisions  de  ladite  cure  et  d'en  faire  une  démission 
"  pure  et  simple,  telle  qu'on  l'exigeoit  de  nous,  et  de  condescendre  à  ses 
"  volontés.  Ce  qui  nous  oblige  à  déclarer  par  le  présent  testament  olo- 
"  graphe  tout  de  notre  main  et  signé  de  nous  que  nous  protestons  contre 
"  la  démission  que  nous  avons  faite  et  la  remise  de  nos  titres,  comme  faite 
"  par  force  et  violence,  et  protestons  par  ces  présentes  de  nous  pourvoir 
"  ])ar  devant  juges  compétans  pour  faire  déclarer  ladite  démission  nulle 
"  et  faite  contre  les  droits  canoniijues  et  pour  éviter  les  chagrins  que 


—  12(1  — 

'■'  pouroît  nous  causer  mondit  Seigneur  de  Samos  et  dont  il  nous  a  menacé, 
"  nous  nous  trouvons  obligé  de  faire  la  })résente  protestation  contre  mondit 
"  Seigneur  de  Samos  et  de  la  déposer  dans  les  grefs  pour  pouvoir  nous  en 
"  servir  en  tems  et  lieu  et  rentrer  en  possession  d'un  bénéfice  que  mondit 
"  Seigneur  de  Samos  n'a  pu  dç  force  et  de  violence  nous  ôter  sans  observer 
"  en  pareil  cas  les  formalités  requises  et  nécessaires  par  les  loix  divines 
"  et  humaines.    Fait  à  Montréal,  ce  quatorzième  avril  1731. 

"  JORIAN,  ptre.  " 
*     *     * 

Il  nous  plaît  de  croire  que  l'abbé  Jorian  revint  à  de  meilleurs  senti- 
ments !  Bientôt  après,  on  le  voit  faisant  les  fonctions  curiales  à  Contre- 
coeur (sans  calembour?),  puis  à  Saint-Pierre  du  Sud,  à  Saint-Thomas 
de  Montmagny,  et  finalement  à  Berthier,  où  il  remet  son  âme  à  Dieu  le  24 
décembre  1748, 

11  ne  donna  jamais  suite  à  son  projet  de  procès  et,  sans  doute,  il 
oublia  son  prétendu  testament  qui,  au  fond,  n'était  que  la  protestation 
d'un  bénéficiaire  évincé. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


JACQUES  PERRAULT 


Né  à  Québec  le  2  juin  1718,  du  mariage  de  François  Perrault,  négociant,  et 
de  Suzanne  Page  Carcy. 

Il  continua  le  commerce  de  son  père  et  l'augmenta  considérablement.  Ses 
affaires  se  faisaient  surtout  avec  la  France  et  les  lies  d'Amérique.  Il  possé- 
dait plusieurs  navires  qui  transportaient  de  Québec  en  France  et  aux  colonies 
françaises  les  produits  des  postes  de  pêche  et  de  traite  qu'il  exploitait  sur  la  rive 
nord  du  golfe  Saint- Laurent. 

Pendant  le  siège  de  Québec,  Jacques  Perrault  se  transporta  aux  Trois-Ri- 
vières  avec  sa  famille. 

La  conquête  du  pays  ayant  causé  la  ruine  comjjlète  de  son  commei*ce,  Jac- 
ques Perrault  songea  à  aller  s'établir  en  France.  Un  de  ses  frères,  Michel 
Perrault,  établi  à  Larochelle,  lui  conseillait  fortement  d'aller  le  rejoindre. 

Le  voyage  en  France,  avec  sa  jeune  famille  présentait  cependant  de  nom- 
breuses difficultés,  et  Jacques  Perrault,  finalement,  se  décida  à  rester  au  Canada. 

Comme  le  commerce  avec  la  France  n'était  plus  possible,  Perrault  reprit 
son  négoce  avec  des  marchands  anglais  de  Londres. 

Le  succès  couronna  son  énergie  et  sa  persévérance,  et,  en  peu  d'années,  il 
refit  la  fortune  que  la  guerre  lui  avait  fait  perdre. 

Jacques  Perrault  décéda  à  Québec  le  18  mars  1775.  Il  laissait  douze  enfants 
dont  plusieurs  parvinrent  à  de  belles  situations. 


—  121  -- 

AVANT  LA  BATAILLE  DE 
CHATEAUGUAY 


D'après  le  document  dont  nous  donnons  copie,  ci-dessous,  celui  qui 
devait  s'immortaliser,  à  Chateauguay,  au  mois  d'octobre  1813,  se  trou- 
vait au  mois  de  février  ])récéflent,  en  garnison  à  Saint-Philippe  de  La- 
prairie. 

A  un  certain  moment,  il  dut,  sans  doute,  avoir  besoin  de  réquisition- 
ner les  voitures  de  l'endroit  et  comme  le  nommé  Isabelle  n'obtempérait 
})as,  le  bouillant  colonel  de  Salaberry  usa  de  la  grande  force  musculaire 
dont  il  était  doué  pour  faire  obéir  le  récalcitrant,  mais  ce  dernier  porta 
plainte  : 


COUR  DU  BANC  DU  ROI 


District  de 
Montréal 


Le  14:6  jour  d'Août  1813  Thoma.5  Isabelle,  cultivateur  de  St-Philippe, 
Demandr 

vs 

Charles  De  Salaberry,  Ecuier,  Lient,  Col.  audit  lieu  de  St-Philippe 

Défend  r 

Le  Demandr  poursuit  le  Défendr  pour  la  somme  de  onze  livres  .... 
de  dommages,  savoir  £.  10  pour  avoir  ledit  Defendr,  le  neuf  de  Février 
dernier  (le  Demandeur  passant  paisiblement  avec  sa  voiture  sur  le  che- 
min qui  conduit  à  l'Eglise  St-Philippe)  arrêté  la  voiture  du  Demandr  et 
là  et  alors  avoir  battu  ledit  Demandr  à  coups  de  pieds  et  de  poing  et  ce 
sans  provocation  et  avoir  aussi,  là  et  alors,  fait  battre  le  Demandeur  par 
un  de  ses  Miliciens  ou  Sergeant  ;  et  £.  1,  de  dommage  pour  s'être  emparé 
par  force  de  ladte  voiture  et  cheval  dudit  Demandeur  et  avoir  permis  et 
souffert  que  phisiéurs  des  Miliciens,  sous  les  ordres  et  commandement  du 
défendr.  se  soient  promenés  avec  ladte  voiture  en  en  aient  fait  usage  jus- 
qu'au lendemain" 


f 


—  122--- 

Signification  de  l'action  fut  faite  au  lieutenant  colonel  par  l'huissier 
John  Montgomery,  le  7  septembre  1813,  à  six  heures  du  matin,  à  Saint- 
Philipj)e. 

^      5|«      * 

Nous  n'avons  pas  mis  la  main  sur  le  registre  dans  lequel  ce  procès  a 
été  consigné.  Seulement,  il  appert  par  les  annotations  au  dos  du  docu- 
•ment  que  le  défendeur  plaida  no?i  coupable  et  que  la  cause  ne  fut  entendue 
qu'au  mois  de  novembre  1813,  alors  que  le  guerrier  devenu  fameux  ne  fut 
condamné  qu'à  un  louis  et  un  chelin  de  dommages,  plus  les  dépens. 

E.  Z.  MASSICOTTP] 


QUESTIONS 


Je  vois  dans  unî'étud'  hzstorique  publiée  dans  l'Opinion  Puhliq::e  du  4  sep- 
tembre 1873  que  Adrien  Huault,  fils  du  gouverneur  de  Montmagny,  vendait,  en 
3  660,  la  seigneurie  de  la    Rivière-du-Sud  à  Louis  Théandre  Chartler  de  Lotbinière. 

Nos  historiens  ne  disent-ils  pas  tous  que  le  gouverneur  de  Montmagny, 
haut  gradé  de  l'Ordre  de  Malte,  ne  s'était  pas  marié  ? 

CURIEUX 

Le  16  avril  1807,  la  Chambre  d'Assemblée  adoptait  une  loi  qui  accordait  à 
Jean-Baptiste  Bédard  le  droit  et  privilège  exclusif  d'ériger  des  ponts  dans  la 
province.  Pareillement,  dans  \a.Gazette  de  Québec  du  7  mai  1807,  on  donne  les 
modèles  nos.  1  et  2  des  ponts  de  Jean-Baptiste  Bédard. 

Quel  est  ce  Bédard  dont  il  est  ici  question  ?  Qui  me  renseignera  sur  les 
ponts  construits  par  Jean-Baptiste  Bédard  ? 

P  X.  B. 


—  123  — 

LE  JUGEMENT  DE  DIEU 


Les  documents  qui  attestent  que  nos  ancêtres  s'en  rapportaient,  par- 
fois, au  "jugement  de  Dieu"  pour  décider  de  la  culpabilité  d'un  accusé  ne 
sont  pas  eonmiuns,  à  Montréal.  En  voici  un,  qui  me  paraît  à  la  fois 
rare  et  curieux  : 

COUR  DU  BANC  DU  ROI 

District  de 
Montréal 

Le  23  jour  de  janvier  1797  Charles  Gendron  faisant  pour  sa  fille  mi- 
neure, Marie  Gendron,  âgée  de  dix-huit  ans. 

Demdr. 
va 
J.  Bte  Parizien 

Defendr. 

Le  Demaudr.  poursuit  le  Défendr.  pour  la  somme  de  onze  livre,  deux 
c'helins,  deux  deniers  de  dommages  pour  avoir  accusé  ladite  Marie  Gen- 
dron d'avoir  volé  un  éventail  et  de  l'avoir  en  présence  de  plusieurs  per- 
sonnes mis  comme  il  l'entendait  à  1'  Epreuve,  en  la  faisant  souffler  dans 
un  canon  de  fusil  qui  étoit  chargé,  amorcé  et  bandé,  disant  que  si  elle 
étoit  coupable  qu'elle  serait  tuée,  et  que  si  elle  étoit  innocente  le  fusil  ne 
partiroit  pas.  Et  ce  vers  la  St-Michel  de  l'année  1795.  Et  qu'il  soit 
tenu  de  lui  faire  ample  Réparation  d'honneur,  laquelle  dite  somme,  quoi- 
qu'il lui  ait  souvent  demandée,  lui  reste  due,  pourquoi  le  Demandeur  re- 
quiert jugement. 

Saveuse  de  Beaujeu, 
protonotaire  de  la  cour  du  banc  du  roi. 

Au  dos  est  un  ordre  de  comparaître  en  la  chambre  d'audience  le  24 
janvier  1797,  signé  par  le  juge  P.  L.  Panet,  puis  un  procès-verbal  de  si- 
gnification au  défendeur,  J.  B.  Parisien,  île  Perrot,  signé  par  l'huissier 
Marston. 


—  124  — 

Le  "jugement  de  la  clivinité"  ayant  été  favorable  à  la  demoiselle  Gen- 
dron,  elle  avait  raison  de  réelamer  des  dommages  et  "ample  réparation 
d'honneur"  ;  c'est  évident  ! 

E.  Z.  MASSICOTTE 


M.  DE  ST-VINCENT 
BARON  DE  MARCY 


Pierre  de  St-Vinoent,  baron  de  Marcy,  né  en  Champagne  vers  1660, 
est  venu  au  Canada  entre  1690  et  1695.  Tl  avait  épousé  (en  France,  très 
})rol)ablement),  demoiselle  Marie-Antoinette  Dugard.  M.  de  St- Vincent 
était  capitaine  dans  les  troupes  de  la  colonie  en  1706,  et  il  reçut  la  croix 
de  St-Louis  en  1730,  en  récomjiense  de  ses  services. 

Son  (ils  Henri-Albert  fut  enseigne  en  second  en  1729;  enseigne  en 
pied,  1733,  puis  lieutenant  en  1747,  et  capitaine  en  1756. 

Charles-Albert,  fils  de  Henri-Albert,  fut  baptisé  à  Québec  en  1733, 
et  je  crois  que  c'est  lui  qui  obtint  une  expectative  de  lieutenant  en  1756. 
H  en  exerça  les  fonctions  dans  les  dernières  campagnes  de  cette  époque 
mouvementée  et  angoissante  oii  le  Canada  changea  de  maître.  En  1767, 
il  parait  à  LaRochelle  avec  le  titre  de  lieutenant. 

Son  père,  Henri-Albert,  figure  aussi  dans  les  combats  et  les  batailles 
de  1755-60. 

Tanguay  a  rapporté  que  cette  famille  était  originaire  de  la  Champa- 
gne. Elle  était  plutôt  du  pays  de  Biscaye.  Bernard  de  St- Vincent  s'é- 
tablit en  Lorraine  en  1512,  et  fut  grand  fauconnier  de  Lorraine,  sous  le 
duc  Charles  TU,  son  fils  Claude  eut  la  même  charge  augmentée  du  district 
du  Bar,  Claude  eut  deux  fils  :  Jacques  et  Philibert.  La  famille  se  déploya  et 
forma  trois  branches;  la  deuxième  porta  le  nom  de  Marcy  et  fit  ses  preu- 
ves de  noblesse  devant  l'intendant  de  la  province  Champenoise  en  1666  à 
Marcy,  élection  de  Vitry. 

Maximilien,  fils  de  Philibert,  eut  d'un  premier  mariage  Philibert  II 
qui  épousa  Elisabeth  de  Péri  gnon.  Ce  sont  les  auteurs  du  rameau  cana- 
dien. 

Pour  autres  détails  sur  cette  famille,  nous  renvoyons  au  dictionnaire 
généalogique  de  Mgr  Tanguay,  vol.  T,  j).  193,  et  vol.  III,  p.  406. 

REGIS  Ûok 


125  — 


PIERRE-JACQUES  DRUILLON,  SEI- 
GNEUR DE  MACE 


Nous  recevons  de  M.  Claude  de  Bonnault,  domicilié  près  de  Vierzon, 
France,  une  copieuse  notice  sur  son  parent,  Pierre-Jacques  Druillon, 
seigneur  de  Macé,  un  officier  de  valeur  de  la  dernière  période  du  régime 
français.       Cette  notice  précieuse  intéressera  les  lecteurs  du  Bxdletin. 

Pierre- Jacques  Druillon,  écuyer,  seigneur  de  Macé,  naquit  à  Blois. 
le  9  septembre  1725.  Il  ap})artenait  à  une  fanwlle  vouée  depuis  deux  siècles 
à  la  magistrature.  Son  père  était  lieutenant  général  au  bailliage  de 
Blois,  comme  l'avait  été  le  père  de  ce  dernier  et  son  aieul. 

A  titre  de  fils  aine,  cette  charge  lui  était  destinée,  mais  le  jeune 
Druillon  ne  témoigna  guère  de  goût  pour  ?étude  du  droit  et  lorsqu'à  24 
ans,  sa  famille  l'eût  laissé  libre  de  suivre  sa  vocation,  il  décida  d'entrer 
au  service.  Il  s'adressa  à  son  parent,  le  comte  de  la  Galissonnière  (cou- 
sin issu  de  germain  de  sou  père),  qui  le  fit  nommer  officier  dans  les  trou- 
pes des  colonies. 

De  1750  à  1751,  il  sert  en  qualité  d'enseigne  à  Louisbourg  où  il  rem- 
plit les  fonctions  de  sous-aide  major.  Passé  au  Canada  en  1751,  il  est 
affecté  au  poste  de  Niagara  avec  l'emi)loi  de  major.  Après  avoir  ^irigé 
la  construction  des  forts  de  la  Presqu'île  et  de  la  Rivière-aux-Boeufs,  ainsi 
que  du  fort  Duquesne  (pour  ce  dernier  travail  il  était  subordonné  au  che- 
valier Le  Mercier),  il  fut  détaché  avec  Jumonville  et  entrainé  dans  le 
guet-apens  qui  coûta  la  vie  à  ce  dernier  (1754).  Druillon  en  fut  quitte 
pour  un  coup  de  baïonnette  au  ventre  et  être  "mis  totallement  nud". 

Fait  prisonnier  et  conduit  dans  les  cachots  de  Williamsburg,  il  se 
vit  ensuite  renvoyé  en  Angleterre,  d'où  il  réussit  à  gagner  la  France  en 
compagnie  de  MM.  de  Richarville  et  du  Sablé  (1755).  Promu  alors 
enseigne  en  pied,  il  est  dirigé  sur  le  Canada,  l'année  suivante.  En  1757, 
il  fait  la  campagne  d'hiver,  commandant  une  compagnie  du  détachement 
de  M.  de  Kigaud  et  se  trouve  au  siège  du  fort  George.  Il  s'embarque 
pour  la  France  en  septembre  de  la  même  année. 


—  1 26  — 

Au  printemps  de  1758,  il  revient  en  Canada  avec  200  hommes  de 
troupes  réglées.  L'année  1759  lui  vaut  le  grade  de  lieutenant.  De  nou- 
veau employé  comme  ingénieur,  il  est  chargé  des  premiers  travaux  de 
l'Isle-aux-Noix  ;  puis  met  ensuite  en  état  de  défense  Laprairie  et  Châ- 
teauguay.  Au  cours  de  la  campagne  de  1760,  on  le  voit  à  la  tête  d'une 
compagnie  du  premier  bataillon  de  la  marine  avec  laquelle  il  prend  part 
à  la  bataille  de  Sainte-Foy.  Détaché  à  l'île  Sainte-Hélène,  il  y  reste 
jusqu'à  la  capitulation  de  Montréal. 

Kapatrié  avec  la  garnison  et  les  fonctionnaires  de  la  colonie,  il  jouit, 
pendant  plusieurs  années,  du  traitement  accordé  par  le  roi  aux  officiers 
du  Canada.  A  ce  titre,  il  touchait  encore  en  1774  un  traitement  de  300 
livres.  Mais  il  semble  avoij  obtenu  de  bonne  heure  l'autorisation  de  se 
fixer  à  Blois.  C'est  là  qu'il  se  marie,  en  1769,  avec  Marie-Anne  Petit 
de  Thoizy.  J'ignore  à  quelle  époque  il  s'est  retiré  du  service. 

M.  Druillon  "le  Canadien" — c'est  sous  ce  surnom  que  le  désigne  dans 
ses  mémoires  le  comte  Dufort  de  Cheverny — est  décédé  à  Blois,  le  26  juin 
1780. 

Sa  descendance  mâle  s'est  éteinte  en  1845,  mais  la  postérité,  issue  de 
lui,  en  ligne  féminine,  demeure  passablement  nombreuse. 

A  ces  renseignements,  M.  de  Bonnault  a  bien  voulu  joindre  l'em- 
preinte d'un  cachet  aux  armes  de  la  famille  Druillon.  Ce  cachet  ap- 
partient, aujourd'hui,  à  M.  le  comte  de  Place,  à  Bourges,  qui,  lui  aussi 
desceid  de  l'oft'icier  Druillon. 

Les  armes  se  blasonnent  ainsi  :  d'azur,  à  une  fasce  d'argent  chargée 
de  deux  roses  de  gueules  accompagnées  en  chef  d'une  étoile  d'argent  et, 
en  pointe,  d'un  croissant  du  même. 

E.-Z.  M. 


—  127  - 


CLAUDE  DE  BEAULIEU 


Capitaine  général  des  gardes  des  fermes  du 
roi  en  Canada  ! 


Que  sait-on  sur  ce  M.  de  Beaulieu  qui  fut  capitaine  des  gardes  des 
fermes  du  roi  en  Canada,  en  1699  ? 

Mgr  Tanguay  (Dic-généa.,  I,  54)  a  trouvé  dans  les  registres  pa- 
roissiaux de  Montréal  qu'il  se  prénommait  Claude. 

A  notre  tour  nous  produisons  deux  documents  qui  donnent  quelques 
détails  sur  ses  fonctions  en  notre  pays. 

D'autres,  sans  doute,  arriveront  à  faire  mieux  !  En  tous  cas,  pour  le 
moment,  voici  nos  pièces  : 

1er   DOCUMENT 

"Monsieur  de  Beaulieu  Cap.  Général  commandant  tous  les  gardes 
"des  fermes  du  Roy. en  Canada  ayant  eu  ordre  de  résider  cy  après  au 
"Montréal  depuis  le  départ  des  Vaisseaux  pour  la  France  jusqu'à  leur 
"retour  en  Canada,  et  ensuitte  de  revenir  à  Québec  pour  y  faire  ses  fonc- 
"tions  pendant  le  séjour  des  Vaisseaux  suivant  l'instruction  que  nous 
"luy  avons  remis.  11  est  nécessaire  d'établir  au  Montréal  une  personne 
"de  méritte,  capable  et  entendue  pour  y  faire  la  fonction  dud.  sieur  de 
"Beaulieu,  pendant  son  séjour  à  Québec,  et  comme  Mr.  de  Lamotte  de 
"Lucière  a  touttes  les  qualitez  requises  Et  qu'il  est  recommandé  par 
"Monsieur  le  Chevalier  de  Callières,  gouverneur  général  de  la  Nouvelle 
"France  Nous  Lavons  nommé  et  etably  pour  Capitaine  commandant 
"des  gardes  qui  résideront  à  Montréal  et  dans  l'étendue  du  Gouverne- 
"ment,  en  l'absence  dud.  sieur  de  Beaulieu  pendant  le  temps  des  années 


■  ..-  128—  . 

"du  bail  de  Mr.  Louis  Guigues  pour  y  faire  les  mêmes  fonctions  et  jouir 
"des  mêmes  prérogatives  que  celles  dud.  sieur  de  Beaulieu,  et  ce  aux  ap- 
"pointemens  de  quatre  cens  livres  par  an,  monoye  de  Canada,  qui  seront 
"payez  par  Mr.  de  Villeray  sur  la  quittance  dud.  sieur  de  La  motte,  à 
"commencer  dès  l'année  prochaine  1700  et  continuer  tant  qu'il  plaira  à 
"Mrs,  les  Fermiers  Généraux,  Enjoignons  aux  gardes  de  la  Ferme  d'obéir 
"aud.  sieur  de  la  motte  comme  aud.  sieur  de  beaulieu  A  peine  de  révoca- 
"tion.  Prions  M.  De  beaulieu  de  faire  reconnoistre  léd.  sieur  de  la  motte 
"en  lad.  qualité  et  de  luy  donner  une  Instruction  en  conformité  de  celle 
"que  nous  luy  avons  remise  :  fait  à  Québec  le  septième  Octobre  1699. 

d'Aubenton  de  Villebois  ' 

2ème  -DOCUMENT 
"A  monsieur 

"Monsieur  De  la  motte  Lucière  command.  les  gardes  de  la  ferme  en 
"l'absence  de  M.  De  Beaulieu  cap.  général. 

"A  Montréal. 
(Au  verso) 

"A  Québec,  le  22  octobre  1699 
"Comme  la  Compagnie  a  chargé  M.  Desforges  de  l'Inspection  gé- 
"néralle  de  la  ferme  du  Canada,  Je  vous  prie.  Monsieur,  de  le  reconnoître 
"en  cette  qualité,  et  d'avoir  pour  luy  tous  les  égards  que  cet  Employ 
"exige,  conforment,  a  l'Instruction  que  nous  luy  avons  remise 

de  Villebon 

XXX 

On  remarquera  que  le  premier  document  est  signé  d'Aubenton  de 
Villebois  et  le  seconde  Villebon.  Pourtant  ce  doit  être  le  même  fonc- 
tionnaire qui  signe  les  deux  pièces  !  Villebon  est-il  un  autre  de  ses  noms 
territoriaux,  ou  bien  n'est-ce  qu'une  apparente  déformation  de  Villebois  ? 
Nous  abandonnons  le  problème  pour  le  moment. 

Sur  le  sieur  de  La  Motte  Lucière,  dont  il  est  question  plus  haut,  nous 
avons  des  notes  abondantes  que  nous  verserons  dans  le  Bulletin. 

E.  Z.  MASSICDTTE 


n^ 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES  HISTORIQUES 


VOL.  XXVI  BEAUCEVILLE-MAI  1920  No   5 


La  famille  Rouer  de  Yilleray 


AUGUSTIN  ROUER  DE  LA  CARDONNIERE  ET  DE 

VILLERAY 


(Suite) 

1ère  génération:   Louis  Rouer  de  Villeray. 
2e  génération  :    Augustin  Rouer  de  la  Cardonnière 
et  de  Villeray. 

AUGUSTIN  ROUER  DE  LA  CARDONNIERE  ET  DE 

VILLERAY 

Né  à  Québec  le  13  juin  1664. 

On  a  commis  bien  des  erreurs  sur  ce  personnage. 
Elles  s'expliquent  par  le  fait  qu'il  porta  le  nom  de  Rouer 
de  la  Cardonnière  jusqu'à  la  mort  de  son  père,  le  6  décem- 
bre 1700,  et  qu'à  partir  de  cette  date,  en  qualité  d'aîné  de 
la  famille,  il  prit  le  nom  de  Rouer  de  Villeray. 

Le  27  avril  1684,  le  gouverneur  de  la  Barre  et  l'inten- 
dant de  Meulles  accordaient  aux  frères  Augustin  Rouer 
de  la  Cardonnière  et  Louis  Rouer  d'Artigny  une  étendue 
de  deux  lieues  de  terre  '*prés  et  bois,  de  front  sur  le  fleuve 
Saint-Laurent,  sur  deux  lieues  de  profondeur  dans  les 


terres,  à  prendre  depuis  une  rivière  qui  est  vis-à-vis  l'Isle 
Verte,  du  côté  du  sud  de  la  dite  isle,  icelle  dite  rivière  com- 
prise, jusqu'à  deux  lieues  en  descendant  le  dit  fleuve, 
ensemble  les  bastures,  isles  et  islots  qui  se  rencontrent  vis- 
à"vis  les  dites  deux  lieues,  jusqu'à  la  dite  Isle  Verte, 
icelle  même  comprise.  .  .  "  (72). 

Cette  concession  était  faite  aux  sieurs  Rouer  de  la 
Cardonnière  et  Rouer  d'Artigny,  à  toujours,  en  tput^  pip- 
priété,  en  titre  de  fief  et  seigneurie,  haute,  moyenne  et 
basse  justice. 

C  'est  la  seigneurie  qui  est  devenue  l 'importante 
paroisse  de  L'isle-Verte.  ^'^* 

En  1685,  l'intendant  de  Meulles,  qui  avait  toujours  été 
l'ami  de  M.  de  Villeray  père,  essaya  de  faire  nommer  son 
fils  à  la  charge  de  lieutenant  particulier  de  la  prévôté  de 
Québec.  Le  6  octobre  1685,  il  adressait  un  mémoire  au 
ministre  pour  lui  faire  voir  la  nécessité  d'un  lieutenant 
particulier  de  la  Prévôté  de  Québec  et  faire  connaître  les 
droits  de  son  protégé  à  cette  charge: 

"  La  Compagnie,  écrivait-il,  à  laquelle  en  1628  le  Roi 
avait  concédé  la  propriété  de  la  Nouvelle-France  avait 
laissé  au  gouverneur-général  le  soin  d'y  rendre  la  justice. 
En  1651  (?),  le  gouverneur  de  Lauzon,  voyant  que  les 
habitants  commençaient  à  se  multiplier,  établit  pour  chef 
de  la  justice  ordinaire  un  grand  sénéchal  pour  toute  la 
Nouvelle-France  avec  un  lieutenant-général  civil  et  cri- 
minel au  siège  de  Québec  et  un  lieutenant  particulier  aussi 
civil  et  criminel  pour  y  rendre  la  justice  en  première  ins- 
tance dont  l'appel  ressortissait  pardevant  le  gouverneur 
général,  lequel  avait  pouvoir  de  Sa  Majesté  de  ju^er  sou- 
verainement et  en  dernier  ressort.  '  .    'JJ 

"  Cela  a  continué  de  cette  sorte  jusqu'en  l6éS,  année 

pendant  laquelle  la  Compagnie  remit  la  propriété  au  Roi. 

■     "  Et  cette  même  année  1663  Sa  Majesté  ayant  par  son 

édit  établi  le  Conseil  Souverain  du  dit  pays  avec  pouvoir 

entr 'autres  choses  de  commettre  à  Québec,  aux  Trois- 
— — )'  iiHLi-iaiHr^ 

(72)     Pièces  et  documents  relatifs  à  la  tenure  seigneuriale,  p.  18. 


—  181  — 

Rivières  et  autres  lieux  et  en  la  manière  qu'il  le  jugerait 
nécessaire  des  personnes  pour  juger  en  première  instance. 

"  Le  dit  Conseil  en  établit  aux  Trois-Rivières  et  à 
Montréal,  mais  il  ne  jugea  pas  en  devoir  établir  à  Québec 
estimant  pour  lors  qu'il  y  aurait  du  mieux  à  cet  égard  de 
juger  les  différends  des  parties  en  dernier  ressort  sans 
passer  par  aucim  autre  degré  de  juridiction.  . 

*'  Néanmoins  la  Comijagnie  d'Occident  à  laquelle  l$\ 
Roi  concéda  en  1664  la  même  propriété  du  dit  pays  qu'avait 
l'ancienne  compagnie  voyant  que  les  habitants  se  midti- 
pliaient  et  que  plusieurs  avaient  de  la  difficulté  de  souffrir 
que  leurs  différends  fussent  ainsi  jugés  d'abord  en  dernier 
ressort  établit  à  Québec  en  1666  sous  son  autorité  un  seul 
juge,  savoir  un  lieutenant  général  civil  et  criminel  pour 
juger  en  jjremière  instance. 

"Et  Sa  Majesté  après  avoir  repris  en  1674  la  pro- 
priété du  dit  pays  y  établit  et  institua  par  son  édit  de 
1677  le  siège  de  la  prévôté  de  Québec  et  rétablit  en  même,, 
temps  le  lieutenant-général  seidement  avec  un  procureur."^ 
pour  Sa  Majesté  et  un  greffier. 

j      '  '  Mais  connue  du  depuis  les  habitants  se  sont  aug- 
mentés notablement  et  s'augmentent  de  jour  à  autre  par 
les  soins  particidiers  que  Sa  Majesté  prend  du  dit  pays 
et  qu'il  est  déjà  arrivé  en  plusieurs  occasions  que  le  public 
et  les  particuliers  ont  souffert  et  pourraient  dorénavant 
souffrir  plus  considérablement  faute  d'un  juge  pour  faire 
les  visites  ordinaires  de  police,  juger  en  première  instance 
et  tenir  le  siège  de  la  prévôté,  le  lieutenant-général  en 
étant  absent,  soit  pour  affaires  iDubliques,  ou  particulières, , 
par  maladie,  causes  de  récusations,  prise  à  partie  ou  autre-  , 
ment,  outre  que  lorsque  messieurs  les  intendants  sont_ 
obligés  de  prendre  avec  eux  le  nombre  d'assesseurs  néces-  ' 
saires  pour  juger  des  matières  criminelles  dont  ils  estiment 
devoir  connaître,  ils  ont  de  la  difficulté  de  trouver  sur  les 
lieux  nombre  compétent  de  praticiens. 

"  De  manière  qu'il  ne  pourrait  pas  se  fait,  monseî'l. 
gneur,  que  vous  ne  procurassiez  un  grand  avantage  au 
public  et  aux  particuliers  habitants  de  ce  pays  si  vous 


...  132  — 

aviez  agréable  d'inspirer  au  Roi  de  vouloir  rétablir  le  dit 
office  de  lieutenant  particulier  ainsi  que  Sa  Majesté  a  fait 
celui  de  lieutenant-général  au  dit  siège  de  la  prévôté  et 
faire  la  grâce  au  sieur  de  Villeray,  premier  conseiller  du 
dit  Conseil  Souverain,  dernier  pourvu  du  dit  office  de 
lieutenant  particulier  lequel  il  exerçait  actuellement  lors 
de  la  création  du  dit  Conseil,  d'en  pourvoir  Atigustin 
Rouer  de  Villeray,  son  fils  aîné,  en  attribuant  au  dit  office 
des  gages  raisonnables  à  proportion  de  ceux  du  dit  lieu- 
tenant général  et  le  dit  sieur  de  Villeray  et  toute  sa  famille 
seront  d'autant  plus  obligés  de  continuer  leurs  voeux  et 
leurs  prières  pour  votre  prospérité  et  santé. 

'*  Nous  Jacques  de  Meulles,  chevalier,  seigneur  de  la 
Source,  grand  bailli  d'Orléans,  et  intendant  de  la  justice, 
police*  et  finances  du  dit  pays  de  la  Nouvelle-France,  cer- 
tifions qu'il  serait  avantageux  au  public,  aux  habitants  de 
Québec  et  étrangers  qui  y  trafiquent  qu'il  plut  à  Monsei- 
gneur le  marquis  de  Seignelay  inspirer  au  roi  de  vouloir 
rétablir  le  dit  office  de  lieutenant  particulier  au  siège  de 
la  dite  prévôté  et  même  d'en  disposer  en  faveur  du  fils  aîné 
du  dit  sieur  de  Villeray,  premier  conseiller  au  dit  Conseil 
Souverain,  lequel  en  ce  faisant  serait  plus  invité  de  con- 
tinuer son  application  à  rendre  son  dit  fils  capable  d'es- 
pérer pouvoir  obtenir  de  Sa  Majesté  la  survivance  de 
l 'office  de  premier  conseiller,  que  le  dit  sieur  de  Villeray  a 
exercé  et  exerce  avec  honneur  et  intégrité  depuis  la  créa- 
tion du  dit  conseil  qui  fut  en  la  dite  année  mil  six  cent 
soixante  et  trois,  en  foi  de  quoi  nous  avons  signé  le  présent 
certificat  à  icelui  fait  apposer  le  cachet  de  nos  armes  et 
contresigner  par  un  de  nos  secrétaires  à  Québec  ce  sixième 
octobre  mil  six  cent  quatre  vingt  cinq." — de  Meulles  (73). 

Le  long  plaidoyer  de  l'intendant  de  Meulles  en  faveur 

de  la  nomination  d'un  lieutenant  particulier  de  la  Prévôté 

à  Québec  laissa  le  ministre  insensible.    Il  devait  s'écouler 

près  de  dix  ans  avant  la  nomination  d'un  lieutenant  par- 

•  ticulier  de  la  Prévôté  dans  la  capitale. 

(78)     Archives  du  Canada,  Correspondance  générale. 


-  133  — 

Comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  la  seigneurie  de 
L'Isle- Verte  avait  été  accordée  en  commun  à  MM.  Rouer 
de  la  Cardonnière  et  Rouer  de  Villeray.  Une  seigneurie 
possédée  ainsi  en  commun  avait  certains  désavantages. 
La  terre  ne  manquait  pas  dans  la  Nouvelle-France,  et  M. 
Rouer  de  Villeray  père  se  décida  à  faire  accorder  une 
autre  seigneurie  à  son  fils  aîné.  En  1688,  il  obtenait  du 
gouverneur  de  Denon ville  et  de  l'intendant  Bochart 
Champigny  que  son  fils  Louis  Rouer  d'Artigny  garderait 
seul  la  seigneurie  de  L'Isle- Verte  et  que  Augustin  Rouer 
de  la  Cardonnière  recevrait  une  autre  concession. 

Le  24  avril  1688,  Augustin  Rouer  de  la  Cardonnière 
recevait  l'étendue  de  deux  lieues  de  terre  de  front  sur  le 
fleuve  Saint-Laurent,  du  coté  du  sud,  à  prendre  joignant 
et  attenant  la  concession  du  Bic  qui  appartenait  au  sieur 
de  Vitré  en  descendant  le  fleuve,  et  deux  lieues  de  profon- 
deur dans  les  terres,  ensemble  la  rivière  dite  de  Rimouski 
et  autres  rivières  et  ruisseaux  si  aucuns  se  trouvent  dans 
la  dite  étendue,  avec  l'île  de  Saint-Barnabe,  et  les  battures, 
isles  et  islets  qui  se  ]:)ourront  rencontrer  entre  les  dites 
terres  et  la  dite  isle. . .  "  (74). 

Cette  concession  fut  confirmée  par  le  roi  le  24  mai 
1689  (75). 

M.  Rouer  de  la  Cardonnière  garda  sa  seigneurie  de 
Rimouski  un  peu  plus  de  six  ans.  Le  10  juillet  1694,  il  la 
cédait  à  Germain  Lepage  en  échange  d'une  terre  que  ce 
dernier  possédait  à  Saint-François  de  l'île  d'Orléans  du 
chef  de  sa  femme,  Marie-Madeleine  Gagnon  (76). 

Le  16  juin  1703,  le  roi  décidait  de  porter  à  douze  le 
nombre  des  conseillers  au  Conseil  Supérieur.  M.  Rouer 
de  Villeray  fut  choisi  avec  MM.  de  la  Colombière,  Morel 
de  la  Durantaye  et  Aubert  de  la  Chesnaye  comme  conseil- 
lers d 'augmentation. 

Les  lettres  de  provisions  de  M.  Rouer  de  Villeray 
furent  signées  par  le  roi  le  même  jour,  16  juin  1703  (77). 

(74)  Insinuations  du  Conseil  Supérieur,  cahier  2. 

(75)  Insinuations  du  Conseil    Supérieur,   cahier   2. 

(76)  Acte  d'échange  devant  Chambalon,  notaire  à  Québec,  le  10  juillet  1694. 

(77)  Insinuations  du  Conseil  Supérieur,  cahier  2. 


—  134  — 

Il  fut  installé  le  29  octobre  1703  (78). 

M.  Rouer  de  Villeray  habita  successivement  Québec, 
Rimouski,  l'île  d'Orléans  et  Sainte-Foy. 

C'est  pendant  qu'il  habitait  Sainte-Foy  qu'il  eut 
avec  les  marguilliers  de  cette  paroisse  un  curieux  différend 
au  sujet  de  la  place  qu'il  devait  occuper  dans  l'église 
paroissiale. 

Le  litige  fut  décidé  par  l'intendant  Raudot  le  27  fé- 
vrier 1707. 

L'ordonnance  rendue  par  M.  Raudot  a  été  conservée. 
On  y  voit  quelle  importance  nos  ancêtres  attachaient  à  ces 
■questions  de  préséance  qui  nous  semblent  des  vétilles 
'aujourd'hui: 

'*  Le  sieur  de  Villeray  coner  au  Conseil  Supérieur 
de  cette  ville  ayant  fait  venir  pardevant  nous  les  Marguil- 
liers de  Notre-Dame  de  Foy  pour  estre  condamnés  à  luy 
fournir  une  place  dans  leur  Eglise,  convenable  à  sa  dignité 
tant  pour  luy  que  ]iour  sa  famille  laquelle  fait  son  séjour 
actuel  sur  une  habitation  étant  dans  la  d.  paroisse  qu'il 
a  acquise  depuis  peu  et  les  d.  Marguilliers  nous  ayant  répon 
du  qu  'il  n  'y  avait  aucune  place  dans  leur  Eglise  à  donner, 
nous  y  aurions  fait  transporter  Me  Delajoûe,  lequel  nous 
a  raporté  le  plan  de  la  de.  Eglise,  par  lequel  ayant  veu 
qu'en  avançant  le  banc  des  P.  Jésuites  seigneurs  de  la  de. 
Paroisse,  on  pourrait  ensuite  trouver  ime  place  pour 
f 'mettre  un  banc  pour  le  d.  Sieur  de  Villeray  en  sorte  qu'il 
se  trouverait  trois  bancs  entre  celuy  des  seigneurs  et 
l'oeuvre  sans  que  cela  puisse  apporter  aucune  incommo- 
•>dité  à  la  de.  Eglise  le  d.  sieur  de  Villeray  nous  ayant  de- 
-mandé  que  les  d.  marguilliers  soient  condamnez  à  luy 
-^Fournir  un  banc  dans  le  d.  endroit  aux  offres  qu'il  fait  de 
payer  le  d.  banc  suivant  ce  que  paye  celuy  proche  duquel 
,ii  sera,  à  quoi  ayant  égard  veu  le  plan  à  nous  apporté  par 
le  d.  Me  de  la  Joue  nous  condamnons  les  d.  Marguilliers 
à  fournir  au  d.  sr  de  Villeray  un  banc  ai)rès  celuy  des  d. 
Pères  Jésuittes  seigneurs  de  la  d.  paroisse  en  reculant  le 

(78)     Jugements  du  Conseil  Supérieur,  vol.  II. 


...  135  — 

'd.  banc  en  sorte  qu'il  y  ait  trois  bancs  entre  yceluy  et 
Toeuvre  de  la  d.  Eglise,  en  cas  de  refus  des  d.  marguilliers 
permis  au  d:  sieur  de  Villeray  d'en  faire  faire  im  de  pa- 
reille grandeur  et  largeur  que  les  deux  qui  y  sont  à  présent 
et  le  placer  dans  l'endroit  marqué  par  notre  ordonnance, 
et  luy  sera  tenu  compte  de  ce  qui  sera  par  luy  déboursé  en 
déduction  du  prix  qu'il  payera  annuellement  pour  le  d. 
banc  le  plus  que  nous  avons  fixé  au  prix  du  banc  le  plus 
jj roche.  Mandons,  etc.  Fait  et  donné  à  Quél)ec  en  notre  liotel 
le  27e  jour  de  février  1707.— Raudot  (79). 

M.  Rouer  de  Villerav  décéda  au  printemps  de  1711 
(80). 

M.  Rouer  de  Villeray  avait  épousé,  à  Québec,  le  1er 
septembre  1689,  Marie-Louise  Le  Gardeur  de  Tilly,  fille 
de  Charles  Le  Gardeùr  de  Tilly  et  de  Geneviève  Juchereau 
de  Maur. 

Elle  décéda  après  1722  puisqu'en  cette  année  elle 
donnait  son  consentement  au  mariage  de  son  fils  avec 
Marie-Madeleine  Foulon  dit  Dumont. 
<  /  -.:  Enfants  :  «  M I  '  I 


LOUIS   ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Québec  le  3  août  1690. 

Le  10  février  1693,  son  parrain,  le  gouverneur  de 
Frontenac,  lui  faisait  un  joli  cadeau  en  lui  concédant  le 
lac  Métis,  aussi  connu  sous  le  nom  de  lac  Kesquabequiac. 

"Nous,  disaient  MM.  de  Frontenac  et  Bochart  Cham- 
pigny,  en  vertu  du  pouvoir  à  nous  conjointement  donné 
par  Sa  Majesté,  avons  au  dit  Louis  Rouer,  ses  successeurs 
ou  ayans  cause,  donné,  accordé  et  concédé,  donnons,  accor- 
dons et  concédons  par  ces  présentes,  en  pleine  propriété 
à  perpétuité  le  dit  lac  appelé  Mitis,  avec  une  lieue  de  terre 

(79)  Ordonnances  des  Intendants,  cahier  1er,  folio  90. 

(80)  On  ne 'trouve  l'acte  de  sépulture  de  M.  Rouer  de  Villeray  ni  à  Québec, 
ni  à  Sainte-Foy  ni  à.  Saint-T^aurent.  Le  23  février  1711,  M.  de  Villeray  assis- 
tait à  une  séance  du  Conseil  Supérieur.  Le  1er  juillet  1711,  sa  veuve,  Marie- 
Louise  Le  Gardeur  de  Tilly,  demandait  élection  de  tutelle  à  sej^  mineurs.  M. 
Rouer  de  Villeray  est  donc  mort  entre  le  23  février  et  le  1er  juillet  1711. 


—  136  — 

de  profondeur  tout  autour  d'iceluy,  à  titre  de  fief  et 
justice,  haute,  moyenne  et  basse,  aux  droits  de  chasse, 
pesche  et  traitte  dans  la  dite  étendue. . .  "  (81). 

Cette  concession  était  faite  à  titre  de  fief  et  justice, 
haute,  moyenne  et  basse,  avec  droit  de  chasse,  pêche  et 
traite,  etc,  etc. 

M.  Rouer  de  Villeray  père  n'étant  pas  en  état  de 
remplir  les  conditions  de  la  concession  accordée  à  son  fils 
mineur,  se  fit  autoriser  par  une  assemblée  de  famille,  le 
27  avril  1701,  à  vendre  ou  échanger  le  lac  Métis  ou  Kesqua- 
bequiac.  Il  faut  croire  qu'il  ne  trouva  pas  d'acheteur 
.  puisque  la  seigneurie  du  lac  Métis  ne  fut  vendue  que  long- 
temps après  la  mort  de  Louis  Rouer  de  Villeray  par  sa 
mère,  héritière  de  ses  biens  (82). 

Le  jeune  Rouer  de  Villeray  qui  avait  embrassé  la 
carrière  de  la  marine,  se  perdit  en  1712  **sur  la  prise  faite 
par  M.  Dumont  du  vaisseau  la  Brise  avec  lequel  il  était 
en  course". 

II 

ANGELIQUE-HYACINTHE  ROUER  DE  VILLERAY 

Née  à  Québec  le  14  juillet  1692. 

Mariée  à  Sainte-Foy,  le  20  mai  1717,  à  Charles- Joseph 
Damours  de  Louvières,  enseigne  reformé. 

Celui-ci  décéda  à  Sainte-Foy  le  19  avril  1728  (83). 

En  secondes  noces,  à  Saint-Nicolas,  le  7  juin  1736, 
Angélique-Hyacinthe  Rouer  de  Villeray  devint  l'épouse  de 
Denis  Rousseau,  marchand. 

Elle  décéda  à  Saint-Nicolas  le  25  novembre  1749. 

III 
JACQUES-AUGUSTIN  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  en  1694  (84). 

(81)  Pièces  et  documents  relatifs  à  le  tenure  seigneuriale,  p.  405.  , 

(82)  Acte  de  vente  de  la  seigneurie  de  Métis  par  Madame  Rouer  de  Ville- 
ray à  Nicolas  Lianoullier,  à  Québec,  le  18  mai  1725. 

(83)  Pour  leurs  enfants  voir  notre  Famille  Juthe/^'-tw  Duchesnay,  p.  74. 

(84)  Mgr  Tanguay  le  fait  naître  en  1698.  Un  acte  de  tutelle  du  3  juillet 
1711,  lui  donne  dix-sept  ans  et  son  acte  de  mariage  le  dit  majeur  de  vingt-huit 
ans.     Il  n'y  a  donc  pas  à  se  tromper.     Il  est  né  en  1694. 


...  137  --- 

Décédé  à  Québec  le  21  décembre  1762. 

Il  avait  épousé  à  Québec,  le  14  juillet  1722,  Marie- 
Madeleine,  fille  de  Nicolas  Foulon  dit  Dumont  et  de  Barbe 
de  Boyère. 

Elle  décéda  à  Québec  le  26  décembre  1767. 

Enfants  : 

I.— MARIE-MADELEINE   ROUER  DE  VILLERAY 

Née  à  Québec  le  1er  mai  1723. 

Mariée  à  Saint-Nicolas,  le  7  août  1758,  à  Michel  Fré- 
chette,  fils  de  Jean-Baptiste  Fréchette  et  de  Marie  Rous- 
seau. 

En  secondes  noces,  à  Saint-Nicolas,  le  26  août  1776, 
elle  devint  la  femme  de  Alexandre  Couture,  veuf  de  Ca- 
therine Frontigny  et  fils  de  feu  Augustin  Couture  et  de 
Elisabeth  Turgeon  (85). 

Elle  décéda  à  Saint-Nicolas  le  26  décembre  1787. 
II.— AUGUSTIN  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Québec  le  12  janvier  1725. 

Décédé  à  l'Hôtel-Dieu  de  Québec  le  17  juUlet  1787. 

Il  avait  épousé,  en  1755,  Marie-Anne  LeBorgne- 
Belisle. 

Elle  décéda  au  Cap-Santé  le  13  mars  1807,  à  Page 
d'environ  92  ans. 

De  ce  mariage  naquirent  : 
lo — Marie-Joseph  Rouer  de  Villeray  né  en  1756.    Dé- 
cédé à  Québec  le  26  août  1757. 

2o — Alexandre  Rouer  de  Villeray. 

3o-— Madeleine  Rouer  de  Villeray  née  en  1759.  Ma- 
riée à  Saint-Nicolas,  le  26  août  1788,  à  Louis- Jérémie 
Douville,  fils  de  feu  Joseph  DouviUe  et  de  Marie-Ursule 
Brulotte  (86).  Décédée  à  THôtel-Dieu  de  Québec  le  27 
mars  1840  (à  81  ans). 

4o — Marie- Joseph  Rouer  de  ViUeray  né  à  L 'Islet  le  3 
septembre  1760.    Décédé  à  Kamouraska  le  15  mars  1774. 

(85)  Contrat  de  mariage  devant  M.  d'Artigny,  notaire  à  Québec,  le  19  août 
1776. 

(86)  Contrat  de  mariage  devant  Alexandre  Dumas,  notaire  à  Québec,  le  18 
août  1788. 


...  138  — 

5o — Anastasie  Rouer  de  Villeray  née  au  Cap  Saint- 
Ignace  le  31  mars  1762.  Mariée  à  Saint-Mcolas,  le  21 
juillet  1788,  à  Jean-Baptiste  Vermet,  fils  de  Jean-Baptiste 
Vermet  et  de  feue  Marie  Lessard  (87). 

6o — -Hypolite  Rouer  de  Villeray  né  à  Kamouraska  le 
22  octobre  1763.  Navigateur.  Marié  à  Québec  le  11  jan- 
vier 1803,  à  Françoise  Thibodeau,  fille  de  Urbain  Thibo- 
deau  et  de  Marie-Anastasie  DeBlois,  de  la  paroisse  du 
Cap-Santé  (88). 

7o — Marie- Anne  Rouer  de  Villeray  née  en  1773.  Ma- 
riée à  Saint-Nicolas,  le  23  août  1784,  à  Ignace  Halle,  veuf 
de  Suzanne  Cloutier.  Décédée  à  Saint-Henri  de  Lauzon 
le  7  juillet  1813  (à  50  ans). 

III.— LOUIS-CHARLES  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Québec  le  18  septembre  1726. 

Il  épousa,  à  Québec,  le  11  février  1749,  Thérèse  La- 
guerne  de  Morville,  fille  de  feu  Claude-Dorothée  Laguerne 
de  Morville,  lieutenant  des  troupes  et  sous-ingénieur,  et 
de  Marie-Thérèse  La  joue. 

En  secondes  noces,  il  épousa  Marie-Thérèse  Le  Noir. 

M.  Rouer  de  Villeray  décéda  à  l'Hôpital-Général  de 
Québec  le  17  septembre  1797. 

De  son  premier  mariage  il  avait  eu:. 

lo — Marie-Louise  Rouer  de  Villeray  née  à  Québec  le 
22  novembre  1749.  Décédée  au  même  endroit  le  2  janvier 
1750. 

2o — Louis-René  Rouer  de  Villeray  né  à  Québec  le  9 
janvier  1751.  Décédé  à  Varennes  le  3  décembre  1833.  Il 
avait  épousé  à  Varennes,  le  12  août  1782,  Marie-Margue- 
rite Catien.  Elle  décéda  à  Varennes  le  10  août  1847,  à 
l'âge  de  80  ans  et  5  mois.    Enfants: 

A. — Judith- Apolline  Rouer  de  Villeray  née  à  Varen- 

(87)  Contrat  de  mariage  devant  M.  Panet,  notaire  à  Québec,  le  14  juillet 
1788 

(88)  Contrat  de  mariage  devant  François- Xavier  Larue,  notaire  à  la  Poin- 
te-aux-Trembles,  le  10  janvier  1803.  L<e  19  août  1818,  Hypolite  Rouer  de  Ville- 
ray et  Françoise  Thibodeau  faisaient  baptiser  un  enfant  au  Cap-Santé.  Il  reçut 
au  baptême  le  prénom  de  Urbain.      Nous  ignorons  si  cet  enfant  a  fait  souche. 


...  139  --- 

nés  le  10  septembre  1784.  Décédée  au  même  endroit  le  5 
mars  1875,  à  l'âge  de  90  ans,  6  mois  et  5  jours. 

B. — Michel  Rouer  de  Villeray  né  à  Varennes  le  22 
juin  1786,    Décédé  au  même  endroit  le  15  septembre  1786. 

C. — Amable  Rouer  de  Villeray  né  à  Varennes  le  3 
octobre  1787.  Il  partit  pour  la  Louisiane  vers  1827.  Sa 
famille  n'en  eut  plus  de  nouvelles. 

D. — Marie-Adélaïde  Rouer  de  Villeray  née  à  Varen- 
nes le  19  décembre  1789.  Décédée  au  même  endroit  le  5 
mars  1883,  à  l 'âge  de  93  ans  et  4  mois. 

E. — Thérèse-Dorothée  Rouer  de  Villeray  née  à  Va- 
rennes le  16  février  1792.  Décédée  au  même  endroit  le  31 
mai  1795. 

F. — Sophie  Rouer  de  Villeray  née  à  Varennes  le  22 
septembre  1793.    Décédée  au  même  endroit  le  27  mai  1795. 

G. — Louis-Edouard  Rouer  de  Villeray  né  à  Varennes 
le  19  juillet  1796.  Il  décéda  chez  les  Soeurs  Grises  à  Mont- 
réal vers  1880.  Il  avait  épousé,  à  Québec,  le  7  novembre 
1826,  Marie- Anne  Sylvestre,  tille  de  JeanBaptiste  Sylves- 
tre et  de  Marie  Dion.  Il  laissa  deux  filles.  L'une  mariée 
à  Montréal  mourut  aux  Etats-Unis.  On  ne  sait  ce  qu'il 
advint  de  l'autre. 

H. — Rosalie  Rouer  de  Villeray  née  à  Varennes  le  22 
juin  1798.    Décédée  au  môme  endroit  le  1er  août  1798.  : 

I. — Jules-Léon  Rouer  de  Villeray  né  à  Varennes  le 
10  février  1800.  Il  fit  d'abord  partie  d'une  communauté 
de  Frères  puis  tint  un  petit  commerce  à  Montréal.  Décédé 
célibataire  quelque  part  au  Nouveau-Brunswick. 

J. — Marie-Dorothée  Rouer  de  Villeray  née  à  Varen- 
nes le  7  octobre  1803.  Décédée  à  l'Hospice  de  la  Jemme- 
raie  à  Varennes  le  13  janvier  1892. 

K. — Marie-Elmire  Rouer  de  Villeray  née  à  Varennes 
le  23  janvier  1806.  Décédée  au  même  endroit  le  21  avril 
3806. 

3o — Anonyme  né  et  décédé  à  Québec  le  26  décembre 
1751. 

4o — Madeleine- Augustin  Rouer  de  Villeray  né  à  Que- 


—  140  — 

bec  le  28  novembre  1753.    Décédé  à  la  Pointe-Lévy  le  17 
juillet  1754. 
IV.— ANNE-CATHERINE-JOSEPH  ROUER  DE 

VILLERAY 

Née  à  Québec  le  26  octobre  1727. 
V.— ANGELIQUE-MICHELLE   ROUER   DE 
VILLERAY 

Née  à  Québec  le  17  mars  1729. 
Décédée  au  même  endroit  le  14  septembre  1729. 
VI.— AUGUSTIN-MICHEL  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Québec  le  13  mai  1730. 

Décédé  au  même  endroit  le  3  juin  1730. 
*    VIL— JEANNE-ANGELIQUE  ROUER  DE 
VILLERAY 

Née  à  Québec-  le  30  décembre  1731. 
VIII.— ALEXIS  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Québec  le  18  janvier  1734. 

Cadet  dans  les  troupes  du  détachement  de  la  marine. 

Noyé  accidentellement  à  Québec  le  8  juillet  1761. 

IX.— GENEVIEVE  ROUER  DE  VILLERAY 

Née  à  Québec  le  22  juin  1735. 

Mariée  à  Québec,  en  mai  1761,  à  Daniel  Pascaud,  natif 
de  Londres,  veuf  de  Suzanne  Gasquet,  et  fils  de  Daniel 
Pascaud  et  de  Elisabeth  Collins,  de  Larochelle  (89). 
X.— JOSEPH  ROUER  DE  LA  CARDONNIERE 

Né  à  Québec  le  11  novembre  1736. 

Il  fut  fait  enseigne  dans  les  troupes  du  détachement 
de  la  marine  le  1er  mars  1757. 

A  la  conquête,  il  s'embarqua  pour  la  France  où  il 
continua  de  servir. 

En  1764,  M.  Rouer  de  la  Cardonnière  passait  à  Cayen- 
ne  en  qualité  de  sous-lieutenant.  Il  y  fut  fait  lieutenant 
en  1769. 


(89)  Contrat  de  mariage  devant  Le  Maître  Lamorille,  notaire  à  Québec,  le 
27  mal  1761.  Lie  contrat  de  mariage  donne  21  ans  à  la  future.  Elle  se  ra- 
jeunissait de  cinq  ans. 


...  141  — 

Neuf  années  plus  tard,  en  1778,  embarqué  sur  le  Su- 
perbe, il  prenait  part  à  une  campagne  contre  les  corsaires 
anglais. 

En  1781,  il  escortait  avec  quarante-cinq  hommes  sur 
une  canonnière  un  brick  chargé  de  poudre  pour  Surinam. 

En  1782,  M.  Rouer  de  la  Cardonnière  faisait  la  cam- 
pagne contre  Demerary.  Sa  belle  conduite  dans  cette 
conquête  le  fit  choisir  comme  commandant  à  Essequibo. 

La  même  année,  il  était  fait  capitaine. 

En  mars  1784,  il  passait  à  la  Martinique  où  il  était 
incorporé  dans  le  régiment  de  cette  colonie. 

En  1790,  sa  santé  détruite  l'obligeait  à  demander  sa 
retraite  après  trente-huit  ans  de  service. 

Sa  belle  carrière  militaire  lui  avait  valu  la  croix  de 
Saint-Louis. 

XL— MARIE-DENISE  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Québec  le  8  mars  1740. 

Probablement  décédée  en  bas  âge. 

IV 
GENEVIEVE-FRANÇOISE  ROUER  DE  VILLERAY 

Née  en  1696  (90). 

Mariée  à  Québec,  le  16  novembre  1722,  à  Louis-Joseph 
Lambert,  fils  de  feu  Gabriel  Lambert  et  de  Marie-Renée 
Roussel. 

M.  Lambert  décéda  à  Saint-Joseph  de  la  Pointe-de- 
Lévy  le  21  janvier  1760. 

Madame  Lambert  décéda  trois  mois  plus  tard,  à 
Saint-Nicolas,  le  16  avril  1760. 

C'est  la  très  modeste  succession  laissée  par  Louis- 
Joseph  Lambert  et  sa  veuve  qui  a  fait  éclore  cette  monu- 
mentale fumisterie  qu'on  a  appelée  la  succession  Lambert. 
Encore  aujourd'hui,  les  bureaux  d'avocats  reçoivent  de 
temps  en  temps  la  visite  de  descendants  de  Louis-Joseph 
Lambert  qui  se  prétendent  héritiers  de  ses  seigneuries  et 
richesses.     Louis- Joseph  Lambert  n'a  jamais  eu  de  sei- 

(90)   -Un  acte  de  tutelle  du  3  juillet  1711  lui  donne  quinze  ans. 


--  142  — 

gneuries.  Et  quand  il  épousa  Geneviève-Françoise  Rouer 
de  Villeray  il  y  avait  déjà  plusieurs  années  que  les  Villeray 
s'étaient  dépossédés  de  leurs  seigneuries.  Mais  essayez 
donc  de  raisonner  avec  des  chercheurs  d'héritages  ! 

V 

BENJAMIN  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  en  1701. 

Le  continuateur  de  la  lignée. 

VI 
HECTOR  ROUER  DE  VILLERAY  D'ARTIGNY 
Né  à  Saint-Laurent  de  l'île  d'Orléans  le  25  décembre 
1702. 

Il  entra  de  bonne  heure  dans  les  troupes  du  détache- 
ment de  la  marine,  puisque  en  1737  il  était  fait  enseigne 
en  pied. 

En  1751,  M.  de  Villeray  d'Artigny  était  enseigne  en 
pied  de  la  compagnie  de  Lorimier  en  garnison  à  Montréal. 
Nous  ne  trouvons  nulle  trace  de  M.  de  Villeray  d'Ar- 
tigny après  1756.    Il  est  probable  qu'il  passa  en  France 
à  la  cession  du  pays. 

M.  Rouer  de  Villeray  d'Artigny  avait  épousé  à  Mont- 
réal, le  13  août  1731,  Marie  Neveu,  fille  de  Jean-Baptiste 
Neveu,  marchand  et  bourgeois,  et  de  Françoise-Elisabeth 
Legros. 

Enfants  : 
L— MATHIEU-HECTOR  ROUER  DE  VILLERAY 

D'ARTIGNY 
Né  à  Montréal  le  23  mars  1734. 
Décédé  à  la  Longue-Pointe  le  22  septembre  1734. 
IL— JEAN-MAURICE  ROUER  DE  VILLERAY 
D'ARTIGNY 
Né  à  Montréal  le  9  août  1735. 
Décédé  au  même  endroit  le  8  mars  1736. 
III.— MARIE-GERTRUDE  ROUER  DE  VILLERAY 

D'x\RTIGNY 

Née  à  Montréal  le  27  avril  1737. 


—  143  — 

Décédée  au  même  endroit  le  7  juillet  1737. 
IV.— MARIE-HYPOLITE  ROUER  DE  VILLERAY 

D'ARTIGNY 
Née  à  Montréal  le  28  juin  1741. 

Mariée  à  Montréal,  le  1er  mars  1756,  à  Charles-Fran- 
çois de  Marillac,  chevalier,  capitaine  au  régiment  de  Lan- 
doc,  fils  de  messire  Jean-Baptiste- Ange  de  Marillac, 
commandant  du  même  régiment,  chevalier  de  Saint-Louis, 
et  de  défunte  dame  Marie-Marthe  de  Malique,  de  la  pa- 
roisse de  Saint-Eustache,  ville  et  diocèse  de  Paris. 

Le  chevalier  de  Marillac  fut  mortellement  blessé  à  la 
bataille  des  Plaines  d'Abraham  le  13  septembre  1759  et 
décéda,  quelques  jours  plus  tard,  à  l'Hôpital-Général  de 
Québec. 

V.— MARIE-ELISABETH  ROUER  DE  VILLERAY 

D'ARTIGNY 
Née  à  Montréal  le  15  novembre  1742. 
Décédée  au  même  endroit  le  17  novembre  1742. 
VL— LOUIS-HECTOR  ROUER  DE  VILLERAY 
D'ARTIGNY 
Né  à  Montréal  le  28  janvier  1745. 

VII 
LOUIS  ROUER  DE  VILLERAY 
Né  à  la  Sainte-Famille  de  l'île  d'Orléans  le  1er  juin 
1705. 

Décédé  au  même  endroit  le  9  décembre  1705. 

VIII 
MARIE-CATHERINE  (91)  ROUER  DE  VILLERAY 
Née  à  la  Sainte-Famille  de  l'île  d'Orléans  le  1er  juin 
1705. 

Elle  vivait  encore  en  juillet  1711. 

IX 
PIERRE-IGNACE  ROUER  DE  VILLERAY 
Né  en  1707  (92). 
Il  vivait  encore  en  1711. 


(91)  Un  acte  de  tutelle  du  3  juillet  1711  lui  donne  leg  prénoms  Madeleine- 
Catherine. 

(92)  Un  acte  de  tutelle  du  3  juillet  1711  lui  donne  quatre  ans. 


—  144  — 

X 

MARIE-CATHERINE  ROUER  DE  VILLERAY  (93) 

Née  à  Sainte-Foy  le  22  août  1709. 

Mariée  à  Québec,  le  10  novembre  1726,  à  Michel 
Drouard,  fils  de  Robert  Drouard  et  de  Madeleine  Page. 

M.  Drouard  succomba  à  la  j^etite  vérole  à  Québec  le 
10  mars  1733. 

En  secondes  noces,  à  Québec,  le  14  mai  1735,  Marie- 
Catlierine  Rouer  de  Villeray  devint  la  femme  de  Michel 
d'Irumberry  de  Salaberry,  de  Saint- Vincent  de  Ciboure, 
diocèse  de  Bayonne,  fils  de  Martin  d'Irumberry  de  Sala- 
berry et  de  Marie  de  Michelance. 

Elle  décéda  subitement  à  Québec  le  26  août  1740  (94). 


1ère  génération:   Louis  Rouer  de  Villeray. 
2ème  génération  :  Augustin  Rouer  de  la  Cardonnière 
et  de  Villeray. 

3ème  génération:    Benjamin  Rouer  de  Villeray. 
'  BENJAMIN  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  en  1701  (95).^ 

Dès  qu'il  fut  en  âge  de  servir  son  père  obtint  pour  lui 
une  enseigne  dans  les  troupes  du  détachement  de  la  marine. 

Le  1er  avril  1733,  il  était  fait  enseigne  en  second. 

En  1739,  le  1er  avrils  il  était  promu  enseigne  en  pied. 

Sous  le  réghne  français  au  Canada,  malgré  les  dan- 
gers que  couraient  journellement  les  officiers  et  les  actions 
d'éclat  qu'ils  accomplissaient,  les  promotions  ne  venaient 
pas  vite.  Le  ministre  était  si  loin  !  En  1748,  M.  de  Ville- 
ray était  encore  enseigne  en  pied  et  en  garnison  à  Mont- 
réal. 


(93)  En  écrivant  l'acte  de  naissance  de  Marie-Catherine  Rouer  de  Villeray, 
le  curé  de  Sainte-Foy  a  eu  une  distraction  et  a  écrit  :  fille  de  Augustin  Rouer 
de  Villeray  et  de  Marie-Louise  Polet,  au  lieu  de  Marie-Louise  Le  Gardeur  de 
Tilly.  Cette  singulière  distraction  a  mis  Mgr  Tanguay  dans  l'erreur.  Il  fait 
marier  (Dictionnaire  généalogique) ,  Augustin  Rouer  de  Villeray  à  Marie-Louise 
tandis  que  sa  femme  vivait  encore. 

(94)  Elle  laissait  une  fille  qui  fut  religieuge  ursuline  à  Québec.       La  mère' 
Sainte-Catherine  décéda  le  2  décembre  1823,  à  l'âge  de  85  ans. 

(95)  Un  acte  de  tutelle  du  3  juillet  1711  lui  donne  quinze  ans.  mais  à  son 
mariage,  à  Montréal,  le  16  août  1735,  il  se  déclare  âgé  de  trente-cinq  ans.  Il 
était  donc  né  en  1701. 


...  145  --- 

C'est  à  la  fin  de  1748  ou  dans  les  premiers  mois  de 
l'année  1749  que  M.  de  Villeray  fut  envoyé  servir  à  Louis- 
bourg. 

Dans  un  arrêté  fait  à  Louisbourg  le  11  octobre  1749 
par  MM.  de  la  Gàlissonnière  et  Desherbiers,  et  intitulé 
"Projet  de  promotion  pour  la  garnison  de  Louisbourg", 
nous  trouvons  que  parmi  les  lieutenants  qu'ils  proposent 
est  Benjamin  de  Villeray,  enseigne  en  pied  en  Canada. 
Plus  loin,  nous  lisons  :  *  '  J 'ai  aussi  placé  le  sieur  Benjamin 
de  Villeray,  très  ancien  enseigne  en  pied  dans  les  troupes 
du  Canada,  et  bon  officier  comme  méritant  avoir  une  com- 
pagnie à  la  première  promotion  après  celle-ci." 

En  1750,  les  nominations  faites  par  le  roi  au  comman- 
dement des  seize  compagnies  vacantes  sur  les  vingt-quatre 
qu'il  y  avait  à  l'île  Royale  permirent  à  M.  de  Villeray 
d'obtenir  une  promotion  qu'il  attendait  depuis  plusieurs 
années.    Il  fut  fait  lieutenant. 

L'année  suivante,  en  1751,  il  obtenait  le  commande- 
ment d'une  compagnie. 

En  1753,  M.  de  Villeray  était  nommé  commandant  du 
fort  Gasi^areau  au  i)oste  de  la  Baie  Verte.  Gaspareau 
était  plutôt  im  poste  de  ravitaillement  pour  le  fort  de 
Beauséjour.  Le  commandant  du  fort  Gaspareau  était 
sous  les  ordres  du  commandant  du  fort  de  Beauséjour. 

En  1755,  une  expédition  anglaise  composée  de  troupes 
levées  dans  le  Massachusetts  sous  le  commandement  du 
colonel  Monckton  débarquait  à  Chignectou.  Elle  marcha 
aussitôt  contre  le  fort  de  Beauséjour  défendu  par  une 
garnison  d'une  centaine  de  soldats  et  de  trois  cents  Aca- 
diens.  Le  commandant  du  fort  de  Beauséjour  était  le 
sieur  de  Vergor,  qui  devait  jouer  un  si  triste  rôle  quatre 
ans  plus  tard  à  Québec.  Les  Anglais  ouvrirent  la  tranchée 
le^  12  juin,  et,  le  16,  Vergor  capitulait  après  une  faible 
résistance.  La  petite  garnison  obtint  les  honneurs  de  la 
guerre  et  Monckton  s'engagea  à  ne  pas  inquiéter  les  Aca- 
diens  qui  avaient  combattu  avec  elle. 

P.  G.  R. 
(La  fin  dans  la  prochaine  livraison) 


...  146  — 

LE  JEU  DES  ECHECS  AU  CANADA 


i  U 


Jouaitron  aux  échecs  en  la  Nouvelle-France  ? 
,     fj  Je  n'ai  pas  encore  vu  de  texte  qui  renseigne  sur  ce  point.     Pour  le 
moment,  la  plus  ancienne  mention  du  jeu  qui  me  soit  connue  date  du 
dix-huitième  siècle.     Elle  existe  dans  l'étude  consacrée  à  l'imprimeur 
Fleury  IJklesplet  par  le  numismate  R.-W.  McLàchlan.     (Ottawa,  1916). 

Au  nombre  des  documents  que  M.  McLachlan  a  recueillis  pour  son 
ouvrage  dans  la  collection  Haldimand  (archives  fédérales),  et  qu'il  repro- 
duit en  appendice,  on  remarque  une  chanson  sur  les  échecs  signée  Anony- 
me et  dont  l'auteur  était  le  R.  P.  Bernard  Well,  jésuite  belge,  venu  au 
Canada  en  1756.  Ce  religieux  résida  à  Montréal  entre  1777  et  1791, 
date  de  sa  mort, ,  et  il  aurait,  au  témoignage  de  l'éditeur,  publié  divers 
articles  dan?  la  jQazette  de  Mesplet,  sous  le  .pseudonyme  de  Anonyme. 

L'autorité  surveillait  Mesplet,  en '1779.^    jOn  prétendait  qu'il  laissait 

paraître  dans  spn.périodique  des,  articles  subversifs.     Rendu  nerveux  par 

les  plaintes  nombreuses  que  l'on  portait  contre  lui,  Mesplet  crut  faire  un 

bon   coup  en  envoyant  au  gouverneur   Haldimand  le   manuscrit   d'une 

chanson  que  le  P.  Well  lui  avait  remis.  ,  ,  v   l      . 

1         Evidemment,  limprimeur  avait  ou  voulait  faire  croire  qu  il  avait 

,anerçu  des  allusions  épouvantables  dans  le  manuscrit  en  question. 

^Mespleîb  àyait-il  tort,  avait-il  raison?  'Le  lecteur  en  jugera.     La 

chanson  est  intéressante  et  mérite  d'être  lue,  elle  démontre  que  les  échecs 

étaient  connus  des  Canadiens  en  1779,  cela  suffit  pour  donner  à  cette  poésie 

,^n  clrqit  ^'entrée  dans  l'histoire  du  jeu  des  échecs  au  Canada. 
■  *  -îf  * 

EN   PARLANT   DU   JEU   DES   ECHECS 
CHANSON 

.^[^^  SuriJe.jjeuque  j'ai  dans  les  mains, 

..j  Le  sort  n'étend  pas  ses  caprices; 

Ce  sort  qui,  parmi  les  humains. 
Couronne  si  souvent  les  vices. 
<  ;  C/ombien  d'hommes  aux  premiers  rangs 

.  ^,,  ,,jQue  le  seul  hasard  a  fait  grands. 


...  147  -- 

2     ■ 


Les  Rois  ont  des  fous  pour  soldats, 
Qui  les  servent  dans  chaque  armée; 
Messieurs  ne  vous  en  plaignez  pas, 
Puisque  dans  plus  d'une  assemblée, 
Les  hommes  seraient  bien  heureux 
De  n'en  pouvoir  compter  que  deux. 


Les  fous  sont  placés  près  du  Roi, 
Un  tel  roi  pout-il  être  sage? 
Des  courtisans  quand  je  les  vois. 
Je  reconnais  ici  l'image. 
Jamais  s'il  s'agit  d'un  bon  choix, 
De  deux  sots  n'écoutez  pas  la  voix. 


Le  chevalier  change  souvent 
De  couleur  et  de  contenance: 
Dans  son  bizarre  changement. 
Reconnaissons  notre  inconstance: 
A  tous  moments,  sans  le  scavoir, 
Nous  passons  tous  du  blanc  au  noir. 


Le  Roi  fait  un  ])as  chaque  fois. 
Jamais  il  n'en  fait  davantage. 
Pour  notre  bonheur  tous  les  Rois 
Devraient  suivre  un  pareil  usage. 
Quand  on  gouverne  les  Etats, 
On  doit  s'avancer  pas  à  pas. 


...  148  — 

6 

Vous  avez  pris  un  de  mes  pions, 
Et  moi  je  vais  prendre  un  des  vôtres. 
Tout  ce  qu'aux  autres  nous  faisons, 
Nous  devons  l'attendre  des  autres: 
Quand  pièce  à  quelqu'un  l'on  fera. 
Pièce  pour  pièce  il  nous  jouera. 


Je  ne  scais  pour  quelle  raison 
Le  Roi  n'est  pas  avec  la  Reine, 
Tandis  qu'il  garde  la  maison 
Madame  court  la  prétentaine ... 
ECHEC  ET  MAT  !. . .  il  doit  souffrir; 
Pourquoi  laissez  sexe  courrir  ? 
*  *  * 

Pour  sûr,  les  lecteurs  de  la  Gazette  littéraire  auraient  mieux  goûté 
ces  vers  que  la  prose  du  sieur  Valentin  Jautard.  Mais  là  n'est  pas  la 
question.    Passons  plutôt  au  dix-neuvième  siècle  pour  ajouter  deux  notes  ! 

La  première  est  extraite  du  Bulletin  de  1902,  p.  151.  On  y  voit  que 
It  fameux  peintre  Louis  Dulongpré  venu  demeurer  à  Montréal  après  1784 
et  qui  mourut  à  St-Hyacinthe  en  1843,  était  un  fervent  adepte  du  jeu 
des  échecs.  Son  adversaire  favori  n'était  autre  que  le  notaire  Joseph 
Papineau,  père  du  tribun,  et  c'est  entre  1787  et  1837  que  ces  dignes  ama- 
teurs oubliaient  leurs  travaux  sur  l'échiquier. 

Nous  puisons  notre  dernière  anecdote  dans  les  Souvenirs  d'un  demi- 
siècle  de  J.-G.  Barthe. 

"  Lorsque  l'honorable  J.-R.  Vallières  quitta  Trois-Rivières  pour  venir 
siéger  à  Montréal  (1842),  il  n'était  déjà  plus  que  l'ombre  de  lui-même. 
Le  savant  magistrat  était  devenu  tellement  affecté  de  faiblesse  et  de  maux 
de  jambes  que  pendant  un  temps  il  fallut  le  porter  sur  le  banc  judiciaire 
parce  qu'elles  lui  refusaient  le  service,  ce  qui  fut  l'occasion  pour  son  ami 
Heney  de  lui  faire  un  compliment  fort  flatteur.  Ils  faisaient  presque 
tous  les  jours  leur  partie  d'échecs  vers  la  même  heure.  M.  Heney  était 
venu  un  peu  plus  tôt  cette  dernière  fois  et  M.  Vallières  semblait  se  faire 
quelque  peu  désirer.     Mme  Vallières  était  allée  le  presser  un  peu  et  lui 


—  140  — 

passer  une  robe  de  chambre  en  le  grondant  de  sa  paresse.  Il  entra  dans 
ce  déshabillé  au  petit  salon  où  se  faisait  d'ordinaire  leur  partie  et  8*excusa 
de  son  mieux  auprès  de  son  vieil  ami,  en  imputant  toute  la  faute  à  ses 
jambes  qui  avaient  prescjue  refusé  de  le  porter  ce  matin-là,  ce  qui  l'avait 
retenu  au  lit. 

Mon  cher,  repartit  ce  dernier,  vous  êtes  comme  la  statue  de  Nabucho- 
donosor  qui  avait  les  pieds  d'argile  et  la  tête  d'or. 

Ce  fut  peut-être,  dit-on,  la  seule  fois  que  M.  Vallières  resta  à  court, 
mais  il  ne  put  reconnaître  que  par  un  sourire  combien  il  était  flatté  du 
tour  heureux  que  M.  Ileuey  avait  donné  en  excuse  de  sa  paresse  appa- 
rente." 

E.-Z.    MASSICOTTE 


LE  PEINTRE  DULONGPRE 


Trois  fois  déjà,  il  a  été  question  du  peintre  Dulongpré  dans  le  Bulle- 
tin (vol.  VIII,  pp.  119  et  150  :  vol.  XXIII,  p.  191)  mais  il  reste  encore 
des  renseignements  à  glaner  sur  ce  personnage  qui  occupera  une  place 
dans  l'histoire  de  la  peinture  au  Canada. 

Tout  d'abord,  notons  que  c'est  le  5  de  février  1787  que  Louis  Du- 
longpré se  marie,  à  Notre-Dame  de  Montréal.  Dans  l'acte  de  mariage, 
l'officiant,  l'abbé  Dézery,  relate  que  l'époux  est  fils  de  feu  Louis  Dulong- 
pré, négociant,  et  de  Marie-Jeanne  Duguay  ;  qu'il  a  28  ans  (ce  qui  le  fe- 
rait naître  en  1759)  et  qu'il  est  originaire  de  la  paroisse  de  Saint-Marcel, 
diocèse  de  Paris.  Ceci  ne  concorde  pas  avec  la  notice  parue  dans  le  Bul- 
letin de  1902,  p.  119,  où  l'on  écrit  que  Dulongpré  naquit  dans  la  paroisse 
de  Saint-Denis  de  Paris  en  1754.  Il  n'aurait  donc  eu  que  84  ans,  au  lieu 
de  89  ans,  à  son  décès  survenu  en  1843. 

L'épouse  s'appelait  Marguerite  Campaux  et  n'avait  que  dix-huit  ans. 
Les  anciens  racontent  qu'elle  était  si  jolie  que  son  mari  reproduisit  ses 
traits  dans  plusieurs  de  ses  tableaux  religieux.  Aussi,  disait-on  plaisam- 
ment de  madame  Dulongpré  qu'elle  avait  son  portrait  dans  toutes  les 
églises. 

La  maison  du  peintre,  à  TVIontréal,  s'élevait  sur  le  côté  est  de  la  rue 
Saint- André  (autrefois  Campeau),  entre  l'avenue  Viger  et  la  rue  Lagau-' 
chetière.  Cette  maison  attirait  l'attention  parce  qu'elle  différait  des  au- 
tres en  ce  que  le  rez-de-chaussé  qui  servait  d'atelier*  avait  une  hauteur 
peu  ordinaire.  On  comprend  que  les  tableaux  religieux  que  l'on  comman- 
dait au  sieur  Dulongpré  avaient  souvent  de  grandes  dimensions  et  qu'il 
lui  fallait  un  atelier  très  spacieux. 

E.  Z.  M. 


—  150  — 

LES  DU  PLESSIS 


HHU'Xf.'â 


"Dans  les  premiers  temps  de  la  colonie,  on  voit  figurer  au  cours  dos 
événements,  parfois,  une  mention  d'un  du  Plessis-Bochart,  ailleurs,  d'un 
du  Plessis-Kerbodot,  ou  encore  Guillemot-du-Plessis,  et  même  rien  que 
du  Plessis.  Veut-on  parler  d'une  ou  de  plusieurs  personnes  avec  tous 
ces  noms  diversifiés  ? 

Nous  avons  lu  aussi  que  ce  sieur  du  Plessis  était  parent  des  du 
Plessis-Richelieu,  famille  du  fameux  cardinal,  mais  on  n'indique  pas  à 
quel  degré. 

Toutes  ces  choses  ne  laissaient  pas  que  de  nous  intriguer  et  afin  d'en 
avoir  le  coeur  satisfait  là-dessus,  nous  préparions  une  série  de  questions 
pour  le  Bulletin  de  Reclierches  Historiques  lorsque  le  volume  V  des  Mé- 
langes Historiques  de 'M.  Suite  nous  arriva.  Dans  les  premières  pages 
nous  y  trouvâmes  un  article  intitulé  :  Les  deux  Duplessis,  qui  semble  être 
une  réponse  à  ce  que  nous  désirions  savoir.  On  nous  y  apprend  que  ces 
noms  précités  s'appliquent  à  deux  officiers,  mais  ce  qu'on  en  donne  de 
leur  origine  en  France,  ou  de  leur  parenté,  n'est  pas  exact.  L'article  de 
M.  Suite  et  nos  notes  permettent  d'établir  l'identité  de  ces  deux  person- 
nages qui  figurent  dans  l'Histoire  du  Canada,  de  1633  à  1653. 

Le  sieur  du  Plessis  qui  accompagna  M.  de  Caen  en  1633,  c'est  du 
Plessis-Bochart.  Ce  mot  n'est  qu'un  surnom.  Le  nom  de  famille,  le  réel, 
après  tout,  et  qu'il  importe  de  connaître,  c'est:  CHARLES,  sieur  du 
Plessis-Bochart  ! 

Pour  trouver  le  lien  de  parenté  entre  lui  et  les  du  Plessis-Richelieu, 
nous  avons  examiné  soigneusement  la  généalogie  de  ces  derniers.  La 
seigneurie  du  Plessis,  sise  au  Poitou,  était  tenue  à  foi  et  hommage  de 
l'évêque  de  Poitiers,  à  cause  de  la  baronnie  et  châtellenie  d'Angle,  dont 
elle  est  éloignée  de  trois  lieues. 

François  de  la  Porte  (né  à  Parthenay,  Poitou)  s'est  marié  deux  fois. 
Il  épousa  d'abord,  en  1548,  Claude  Bochart,  fille  d'Antoine  Bochart, 
seigneur  de  Farinvilliers.  Cette  union  dura  environ  dix  ans.  Il  n'eut 
qu'une  fille  de  ce  mariage  :  Suzanne  qui  devint  la  femme  de  François 
(III)  du  Plessis.  Ce  sont  les  père  et  mère  du  célèbre  cardinal  de  Riche- 
lieu. Voici  la  liste  de  leurs  enfants.  On  n'y  verra  pas  de  du  Plessis- 
Bochart,  pas  plus  qu'il  n'y  a  des  du  Plessis  dans  la  famille  des  Bochart. 

I.  Henri  du  Plessis,  tué  en  duel  en  1619,  par  le  marquis  de  Thémi- 
nes.     Femme  :    Marguerite  Guyot  de  Charmeaux.     Pas  d'enfants. 


...  J5l  — 

II.  Alphonse-Louis  du  Plessis,  nçramé  à  l'évêché  de  Luçonj   arche- 
vêque d'Aix  et  de  Lyon  ;  ^anMialî  et  grand-àumônier  ^e  France'^  etc./  s  :  I. 
à  Lyon,  1653. 

III.  Armand-Jean  du  Plessis;    cardinal-duc  de  Richelieu.     ;    1/ 

IV.  Françoi.se  du  Plessis,  m  :  lo  à  Jean  de  Bcauvau,  seigneur  de 
Pimpeau;   2o  à  René  de  Vignerot,  seigneur  de  Pont-Courlay. 

V.  Nicole  du  Plessis,  femme  d'Urbain  de  Maillé,  marquis  de  Brezé. 
Cela  finit  la  branche  de  Richelieu. i(.j> m  hcxtiir  )ol> 

Dans  la  généalogie  des  Bochart  (Dictionnaire  de  LaChesnaye-Des- 
bois)  nous  constatons  que  la  seconde  femme  de  François  de  la  Porte 
(1559)  était  la  fille  de  la  cousine  germaine  de  Suzanne.  Elle  avait  nom 
Madeleine  CHARLES,  fille  de  Nicolas  CHARLES,  seigneur  du  Plessis- 
Picquet  et  de  Jeanne  Bochart.  cette  dernière  fille  de  Jean  (II)  Bochart 
de  Champigny,  ancêtre  de  V intendant  du  Canada..  C'est  le  petit-fils  de 
Nicolas,  qui  accole  au  nom  de  la  seigneurie  de  du-Plessis  celui  de  sa 
grand'mère,  et  qui  passe  au  Canada. 

La  parenté  de  du  Plessis-Bochart  Avec  le  célèbre  cardinal  est  du 
côté  des  deux  grand'mères,  qui  étaient  cousines.  Le  nom  de  du  Plessis 
a  été  porté  par  les  deux  familles  avec  cette  différence  que  pour  les  Riche- 
lieu c'est  leur  nom  en  propre,  et  pour  les  du  Plessis-Bochart,  c'est  un 
surnom.  Après  cela,  le  renvoi  à  la  page  28  du  numéro  V  des  Mélanges 
Historiques,  doit  être  revisé,  car  on  y  lit:  —  "Notons  que,  de  1686  à  1702, 
"  nous  avons  eu  au  paya  un  intendant  du  nom  de  Jean  Bochart,  qui  n'a 
"  rien  à  voir  avec  du  Plessis-Bochart." 

Que  l'on  nous  jjermette  en  même  temps  une  autre  rectification  au 
bas  de  la  page  11  des  Mélanges.  Les  du  Plessis-Richelieu  et  les  de  la 
Porte  étaient  du  Poitou,  mais  non  les  Bochart  qui  tirent  leur  origine  du 
Vezelai,  en  Bourgogne. 

*  *  * 

Maintenant,  passons  à  l'autre  du  Plessis,  appelé  Kerbodot  et  (xUIL- 
LEMOT.  Ici,  le  nom  de  la  famille  est  GUILLEMOT.  C'est  une  maison 
de  Bretagne.  Les  GUILLEMOT  possédèrent  dix-sept  seigneuries  ou  fiefs, 
et  selon  la  mode  du  temps  ils  se  distinguaient  entre  eux  par  le  port  d'un 
nom  de  terre  ajouté  au  norii  familial.  Ils  sont  d'ancienne  extraction,  dans 
l'évêché  de  Saint-Brieuc,  et  leur  noblesse  remonte  à  1376. 

Les  GUILLEMOT,  sieurs  du  Plessis,  possédaient  évidemment  quel- 
que petit  fief  du  nom  de  Kerbodot,  puisqu'il  a  été  uni  au  nom  de  du 
Plessis,  mais  il  ne  .parait  pas  dans  la  liste  des  seigneuries  leur  appartenant. 
Je  n'ai  pas  non  plus  rencontré  ce  nom  dans  aucun  armoriai  breton. 

REGIS    ROY 


■-  152 


LA  CHANSON  DES  FRERES  DU  CANADA 


M.  Fauteux,  de  la  bibliothèque  Saint-Sulpice  de  Montréal,  m'a  signalé 
une  chanson  dédiée  à  la  société  des  Frères  du  Canada  dont  J'ai  dit  quelques 
mots  dans  le  Bulletin  de  1917,  p.  319.  Les  vers  de  cette  chanson  sont 
pauvres  et  mal  ajustés,  l'auteur  n'a  pas  daté  sa  pièce  et  ne  l'a  pas  signée  ; 
n'importe,  c'est  un  document  historique  qui  pourra  être  utilisé  et  J'en  ai 
pris  copie. 

-I  ^inr^itm-^',.  cfh      KEFRAIN  : 

.jr'T     .,,i.,,.v, -v  . 

Vivons,  aimons,  chérissons  la  Concorde, 
Chantons  l'amour  qui  nous  a  réunis. 
Dans  nos  plaisirs,  évitons  la  discorde 
-Ai   i«l-     Soyons  toujours  d'un  seul  et  même  avis. 
Vivons,  aimons,  chérissons  la  Concorde 
Chantons  l'amour  qui  nous  a  réunis. 


Par  des  égards,  que  chacun  se  prévienne, 
Soyons  polis,  complaisans  sans  fadeur. 
S'il  se  glissait  entre  nous  quelque  haine, 
De  la  chasser,  engageons  notre  honneur. 


(Refrain) 


2 


Que  la  vertu  Jamais  de  nous  s'écarte 
Enchaînons-la  dans  un  Juste  milieu. 
Nourissons-nous  d'une  Joie  délicate 
Qu'aucun  excès  n'avilisse  nos  jeux. 


(Refrain) 


Point  de  pédant,  maudissons  cette  race, 
Redoutons-la,  autant  que  le  poison. 
Elle  décide  toujours  avec  audace, 
Et  bien  souvent,  sans  rime  ni  raison. 


roîl    «lOi'IVl 


(Refrain) 


153  — 


Dans  nos  plaisirs  qu'aucune  inquiétude 
Ne  porte  obstacle  à  nos  amusements. 
Ayons  pour  nous  cette  aimable  habitude 
De  n*afficher  que  le  consentement. 

(Refrain) 


Par  des  bienfaits,  signalons  notre  gloire, 
Soyons  vertueux,  à  la  mort,  à  la  vie  ! 
Que  tous  nos  noms,  au  temple  de  mémoire, 
A  l'univers  puissent  porter  envie. 

(Refrain) 


6 


Que  nos  promesses  ne  soient  point  de  chimère 
Appliquons-nous  tous  à  les  maintenir. 
Que  notre  amour  soit  ardent  et  sincère 
N'en  oublions  jamais  le  souvenir. 

(Refrain) 


Sur  les  débris  du  plus  grand  des  naufrages, 
Dans  le  néant,  dit-on,  tout  tombera. 
Consolons-nous  en  attendant  l'orage 
Et  dans  le  temps  se  sauve  qui  pourra. 

(Refrain) 

Le  couplet  final,  sinon  les  autres,  pourrait  bien  donner  raison  à  ceux 
qui  soutiennent  que  quelques  Frères  du  Canada  n'étaient  pas  d'une  ortho- 
doxie exagérée. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


—  :lSi  -T- 

LA  PLANTATION  DU  MAI  DANS  LE 
BON  VIEUX  TEMPS  ,, 


)iil). 


C'était  une  coutume  Jolie  et  fort  aneienne  que  celle  de  la  plantation 
du  mai,  dans  nos  campagnes,  mais  ni  son  âge  ni  son  agrément  ne  l'ont 
empêché  de  tomber  dans  l'oubli.  Tout  lasse  et  tout  passe  ici-bas:  l'évo- 
lution poursuit  son  oeuvre.  Il  reste  aux  cherclieurs  de  compiler  dans  des 
publications  spéciales  les  documents  qui  aideront,  un  jour  ou  l'autre,  à 
ressusciter  par  l'écriture  ou  par  l'j^^iage  les  choses  disparues. 

L'occasion  s'en  présentant,  rappelons  que  pour  nos  pères  le  premier 
jour  du  mois  de  mai  marquait  ai^tre;  clio^e  que  la  date  du  déménagement 
ou  de  la  fête  des  socialistes,  des  communistes,  des  anarchistes  et  autres 
istes. 

A  l'approche  de  ce  Jour,  nos  pères  songeaient  plutôt  au  mai  majes- 
tueux qu'ils  allaient  élever  devant  l'église,  devant  le  presbytère,  devant  le 
manoir  seignçurial  ou  devant  la  demeure  du  capitaine  de  milice  de  la 
paroisse. 

D'avance  aussi ^  ils.  escomptaient  les  Joies  et  les  douceurs  que  leur 
procurerait  la  cérémonie  de  la  plantation,  car  cellç-ci  se  terminait  par  un 
fricot  ou  des  libations  qui  mettaient  tout  le  monde  en  gaieté. 

Le  Bulletin  a  déjà  publié  (1905,  p.  158)  un  extrait  des  mémoires 
de  Nicolas-Gaspard  Boisseau  qui  renseigne  bien  sur  les  diverses  phases 
de  la  cérémonie  du  mai;  ajoutons  à" ce  morceau  substantiel  quelques  notes 
qui  aideront  à  faire  voir  la  plantation  du  mai  sous  divers  aspects. 


Le  mai  fut-il  planté  dans  toutes  les  paroisses  ou  dans  toutes  les  sei- 
gneuries, sans  exception?     Evidemment  non. 

Un  passage  de  VHistoire  de  la  colonie  (II,  224),  de  l'abbé  Faillon, 
pourrait  nous  laisser  croire  que  les  sauvages  rendirent  cet  honneur  à  M. 
de  MaisonneUve,''aii  moin^'iètti '1654  on  1655,  cependant  le  ffclit  n'est  pas 
certain.  ■  ''    '  ;   '^^     .  ; .  -  j  ^i:^'i-'>  ,  ;  ,.■•,,  •■.:(! 

Aucun  document  nous  indique  que  des  plantations  de  mai  eurent 
lieu  en  face  de  la  résidence  des  seigneurs  de  Montréal.  La  coutume  paraît 
donc  nle*pàs-*a\'oir  ét^  observée  en  notre  ville. 


—  155  — 

Par  contré,  elle  le  fut  à  Vareimes  et  le  R.  P.  Louife  Lalande  nous  en 
informe  dans  son  excellente  Histoire  de  Bouchervilïe. 

Elle  dut  l'être  également  à  Verchères,  car  dans  ses  contrats  de  con- 
cessions, dame  Marie  Perrot,  veuve  de  François  Jarret  de  Verchères,  fai- 
sait insérer  la  clause  suivante:  "De  plus,  le  preneur  (c'est-à-dire  le  con- 
cessionnaire) sera  tenu  d'ayder  tous  les  ans  à  perpétuité,  à  planter  un  may 
au  premier  Jour  de  may,  audevant  la  porte  de  la  maison  seigneurialle  dudit 
Verchères  comme  les  habitants  de  lad.  seigneurie  sont  obligés  de  faire  à 
peyne  d'un  escu  d'amende. . ." 

Cette  seigneuresse,  on  le  voit,  avait  trouvé  un  moyen  efficace  de  main- 
tenir chez  les  censitaires  un  zèle  qui  ne  fut  pas  toujours  et  partout  digne 
des  plus  grands  éloges. 

A  preuve,  la  protestation  indignée  que  le  seigneur  de  Berthier  fait 
consigner  par  son  notaire  le  premier  mai  1793  : 

"L'an  mil  sept  cent  quatre  vingt  treize,  le  premier  jour  de  Mai,  à 
la  requête  de  l'honorable  .Inincs  (îuthbert  Ecuier,  seigneur  de  Berthier 
et  autres  lieux;  Je  nïîtairc  de  la  pro\'ince  résident  audit  Berthier  dans 
le  comté  de  Warwick  soussigné,  et  témoins  ci-après  nommés,  étant  présent 
ce  jourd'hui  anniversaire  pour  ])lanter  le  Mai  conformément  aux  obli- 
gations des  tenanciers  dudit  Seigneur;  et  le  tour  de  pilanter  ledit  May 
au  Manoir  seigneurial  étant  au  Capitaine  Joseph  Roch,  de  la  côte  du 
ât.  Esprit  pour  le  faire  planter  ce  jourd'hui  suivant  la  coutume  usitée 
en  cette  province  et  autorisé  ])ar  les  anciennes  loix  et  confirmée  en  dernier 
par  Acte  de  parlement  de  la  Grande  Bretagne;  et  ledit  Capitaine  Joseph 
Roch  ayant  entrepris  de  se  soustraire  à  cette  coutume,  en  manquant  ce 
jourd'hui  au  devoir  qu'il  est  tenu  de  remplir  et  par  ce  moyen  traçant  le 
chemin  aux  habitans  dont  le  ])rocédé  pouroit  devenir  dangereux  par  la 
suite;  J'ai  en  conséquence  à  la  requête  susdite  notifié  ouvertement  en 
plein  champ  en  présence  de  toute  l'assemblée  d'habitans  pour  assister  à 
la  cérémonie  du  May,  que  ledit  Seigneur  James  Cuthbert  Ecuier  protes- 
tait et  proteste  solennellement  contre  ledit  Josph  Roch,  Capitaine  des 
Milices  en  la  Côte  du  St.  Esprit,  et  contre  ses  adhérans  pour  sa  négligence 
de  paroitre,  refus  de  rendre  sur  les  lieux  et  faire  planter  le  May  ce  jour- 
d'hui ainsi  qu'il  était  obligé,  par  convention  entre  cinq  Capitaines  de 
ladite  Seigneurie  au  mépris  de  toutes  loix  et  coutumes  usitée  en  cette 
province  à  cet  égard,  et  pour  tous  fraix  dommages  et  torts  qui  pourra  en 
résulter,  et  pour  tout  ce  qui  peut  et  doit  se  protester  en  pareil  cas. 


...  156  --- 

"Ce  fait  et  protesté  au  Manoir  Seigneurial  près  de  la  place  du  May 
et  encore  en  la  présence  des  Srs  Daniel  Loson  et  Alexandre  Fraser,  té- 
moins à  ce  requis  et  ont  signé  avec  nous,  lecture  faite. 

"Daniel  Loson- — Alex,  Fraser  —  F.  Joran  N.P." 

La  grève  contre  la  plantation  du  mai  ! 

Voilà  bien  ce  que  nous  apprend  cet  acte. 

C'est  le  seul  cas  que  nous  avons  remarqué  dans  nos  archives.  Il  ne 
doit  pas  être  unique.,  l'exemple  a  pu  être  suivi,  mais  peut-on  dire  que  le 
capitaine  Joseph  lloeh,  du  Saint-Esprit,  a  porté  le  premier  coup  mortel  à 
la  gracieuse  coutume  dont  nous  venons  de  vous  entretenir  ? 

,.  ,  E.-Z.   MASSIGOTTE 

Uni 


JOCELYN  WALLER 


Quelqu'un  a  demandé  dans  le  Bulletin  de  mars  1918  p.  78,  des  renseignements 
sur  Jocelyn  Waller.    Personne  n'ayant  répondu,  j'offre  le  peu  que  je  possède. 

Ce  journaliste  estimé  des  Canadiens  français  est  mort  à  Montréal    le  2  dé-' 
cembre  1828,  âgé  de  55  ans  et  il  fut  inhumé  le  4  du  même  mois,  suivant  son  acte 
de  sépulture  inscrit  dans  le  registre  de  la  Christ  Church.     A  l'époque  de  son  dé- 
cès, M.  Waller  était  rédacteur  du  C'anadian  Spectator  qu'il  avait  fondé. 

On  relèvera  un  autre  détail  sur  ce  journaliste  dans  le  contrat  de  location  de 
l'imprimerie  du  Spectator  par  Dominique  Bernard  à  Ludger  Duvernay,  le  18 
janvier  1827.  J'ai  donné  la  substance  de  ce  bail  dans  le  Bulletin  de  janvier  1920, 
pp.  23  et  24.  M.  Waller  laissa  un  profond  souvenir  et  des  regrets  sincères.  On 
en  a  cette  preuve  qu'au  premier  banquet  de  la  Société  Saint- Jean -Baptiste,  à 
Montréal,  le  24  juin  1834,  les  patriotes  portèrent,  à  la  mémoire  du  défunt  un 
1  toast  qui  fut  bu  en  silence,  disent  les  journaux  du  temps. 

-lihtf  Son  fils,  le  docteur  Waller,  raconte  M.  Barthe,  dans  ses  Souvenirs  d'un  demi 
siècle  (y>.  386"),  après  avoir  "erré  sur  le  pavé,  fut  nommé  traducteur  de  la  Cham- 
bre d'assemblée." 

^,.  E.-Z.   M. 


—  157  — 

L'ENGAGEMENT   D'UN   CHIRURGIEN 
POUR  L'OUEST  AU  DIX-HUI- 
TIEME SIECLE 


Le  hasard  nous  fait  trouver  un  contrat  d'engagement  que  pourra 
utiliser  l'historien  de  la  médecine  en  la  Xouvelle-France,  car  ce  document 
donne  une  idée  des  conventions  arrêtées,  autrefois,  entre  les  traiteurs  et 
les  hommes  de  l'art. 

*  *  * 

Le  Dictionnaire  généalogique  de  Mgr  Tanguay  ne  mentionne  pas 
Charles  Doullon  Desmarest,  chirurgien,  mais  nous  avons  sur  lui  quelques 
renseignements  que  nous  ajouterons  ci-après. 

Quant  à  M.  de  la  Corne,  ce  doit  être  Louis  de  Chapt,  écuyer,  sieur  de 
la  Corne»  né  à  Montréal  en  1696  qui  épousa  Elisabeth  de  Ramezay  et 
mourut  dans  sa  seigneurie  de  Terrebonne,  en  1762. 


23  JUIN  1753 

Fut  présent  Sr.  Charles  Doullon  Desmarets  chirurgien  demeurant 
à  la  Pointe  Claire  en  cette  Isle,  étant  ce  jour  en  cette  ville  lequel  s'est 
obligé  et  s'oblige  envers  Mre  Louis  De  Chapt  chevalier  de  la  Corne  Capi- 
taine d'infanterie  chevalier  de  lordre  militaire  de  St  Louis  ce  présent 
et  acceptant  pour  a  sa  première  requisiton  se  transporter  avec  lui  jusqu'au 
poste  de  la  mer  de  Ouest  (1)  hyverner  aud.  lieu  pendant  trois  hyvers  et 
descendre  en  l'année  mil  sept  cens  cinquante-six  par  les  convois  ordinaires 
et  pendant  tout  ledt.  tems  exercer  aud.  poste  et  sesd.  dépendances  sa  pro- 
fession de  chirurgien;  soigner;  et  traiter  panser  et  médicamenter  tant 
les  engagés  dud.  Sr  de  la  Corne  que  les  sauvages,  pourquoy  led.  Sr  La 
Corne  promet  de  lui  fournir  les  remèdes  et  médicaments  qu'il  a  pour 
joindre  à  ceux  que  led.  Sr.  Doullon  Desmarets  fournit,  lequel  d.  Sr 
Desmarets  promet  en  outre  de  tenir  en  ordre  autant  que  faire  se  pourra 

(1)  Ces  mots  sont  difficiles  à  déchiffrer.  Ils  signifient  peut-être  le  lac 
Supérieur,  car  on  sait  que  M.  de  la  Corne  avait  alors  des  intérêts  dans  les 
postes  du  lac  de  la  Pluie  et  du  lac  des  Bois.,  non  loin  du  lac  Supérieur. 


—  158  — 

tour  le»  éqiilpiies,{:^|]|i|)i|*ës,  factur<|s  .:e|  autres"  EçiSte  généralement  quel- 
conques dud.  Si.  jLa  Corne  et  de  faire  tout  ce  qui  (iepejidra  de  lui  pour 
le  bien  et  avantage  dùd.  Sieur,  auquel  il  sera  tenu  d'obéir  hi  a  faire  tout 
ce  qui  lui  sera  commandé  de  limite  et  honnête  ^et  tout  ce  qu'un  bon  et 
fidel  commis  peut  faire  lequel  d.  Sr  Doullon  mond.  sieur  La  Corne 
promet  et  s'oblige  de  iiourir  loger  et  chauffer  tant  en  montant  qu'en 
descendant,  et  étant  aud.  poste  à  son  pot  ordinaire,  et  de  lui  payer  a  son 
retour  en  cette  ville  pour  tout  ses  appointements  gages  et  sallaires  aud. 
voyage  la  somme  de  douze  cent  quatre  vingt  dix  livres  en  monnaye  ayant 
cours  en  ce  pays,  étant  convenu  entre  lesd.  parties  que  tous  les  castors 
et  pelleteries  qu'il  retirera  des  i)ansements,  soins  et  médicaments  qu'il 
aurait  faits  seront  partagés  par  Egalle  moitié,  laquelle  moitié,  afférente 
au  Sr,  Doullon,  il  laissera  aud.  S.  La  Corne  (jui  lui  en  tiendra  compte  sur 
le  pied  que  vaudront  les  pelleteries  à  Michilimakinak,  car  ainsy  etc  pro- 
mettant etc.  obligeant  etc,  fait  et  passé  à  Montréal,  étude  de  Danré,  l'un 
des  notaires  soussignés  l'an  mil  sept  cents  cinquante  trois  Içs  4e^^vème 
jour  de  juin  après-midi,  et  ont  les  parties  signé,  lecture  faite.;,,?    .Mnnt»  n! 

(Signé)     Le  Chev.  De  La  Corne 
"  Doulon  Desmarest 

"  Bouron 

"  Danré  De  Blanzy 

(Au  verso) 

Et  le  quatorze  juin  de  relevée,  mil  sept  cens  cinquante  trois,  pardt. 

Les  No'res  Royaux  susd.    Et  soussignés  sont  comparus  led.  Mre.  Louis 

de  Chap,  chevalier  de  la  Corne  et  Sr.  Charles  Doullon  Desmarets  nommés 

et  qualifiés  en  Lacté  des  autres  parts  Lesquelles  se  sont  volontairement 

désisté  et  par  ces  préseijtes  se  désistent  de  l'acte  de  conventions  de  autres 

parts,   consentants  respectivement,   qu'iceluy   demeure  nul,   comme  non 

fait  ni  avenu  sans  aucun  dépens,  domages  et  intérêts  de  part  et  d'autre 

Et  a  led.  Sr  de  la  Corne  remis  aud.  Doulon  l'expéd'on  dud  acte,  promet, 

etc  fait  et  passé  aud.  Montréal,  les  jours  et  an, susd.    Et  ont  signé  Lecture  , 

faite. 

Doullon  Desmarets 

(Aucune  autre  signature). 

*  *  * 

Charles  Doullon  Desmarets  avait  plus  d'une  corde  à  son  arc!    Le  20 


--159--- 

février  1753,  une  foramippinn  dr  Botairp  lui  avait  été  acrordj^  et  son  étude 
était  installée  à  la  Poiivli-C'laire  uîi  taiu-  doute  il  t!.-ierçait;''9es  deux  pro- 
fessions. 

Le  2  Juin  1753,  il  est  à  Montréal  pour  s'engager  à  M.  de  la  Corne; 
lô  Jtendeniaija,  il  retourne  dans  sa  paroisse  et  rédige  des  actes. 

.Que  se  passe-t-il -alors  ?  Sans  doute,  il  songe  à  la  vie  dans  les  postes 
lointains,  il  en  C3,use  et  il  se  ravise,  puisque  le  14  juin  notre  chirurgien- 
tabellion  revient  à  Montréal  pour  résilier  son  contrat. 

•  i-  •  -  -  ■  .     î    ,- 

^      Ensuit^  le  sieur  Desmàrest  continue  d'instrumenter  à   la   Pointe- 

d^e.    Puis,  après  le  22  avril  1754,  on  perd  sa  trace. 

''    Est -il,  cette  fois,  parti  ])out  l'ouest?    Ce  serait  bien  possible. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


A  PROPOS  DE  LUTINS 


_,j^|a,p;a«(e,7^,  ,anQée  1899,  du  Bulletin,  M.  Sylva  Clapin  nous  donne  une  défi- 
tion  du  lutin  et  il  termine  ainsi  :  "Pour,  éloigner  le  lutin  des  écuries,  il  fallait 
tracer  une  grande  croix  sur  les  portes  et  c'est  ce  qui  se  fait  encore  aujourd'hui, 
parmi  les  Acadiens  et  les  riverains  du  bas  Saint-Laurent." 

'Dans  la  région  de  Montréal  comme  dans  celle  des  Trois-Rivières  on  emplo- 
yait un  autre  moyen. 

M-  Napoléon  Saint-Armand,- septuagénaire  de  Sainte-Geneviève  de  Batiscan, 
me  l'a  enseigné,  au  mois  d'août  1919  : 

"Pour  se  débarrasser  du  lutin,  dit-il,  les  anciens  plaçaient  un  demi-minot  de 
cendre  derrière  la  porte  de  l'écurie.  Quand  le  lutin  entrait  il  renversait  le  sceau  ! 
Il  lui  fallait  alors  ramasser  la  cendre  grain  à  grain,  jusqu'au  dernier,  car  il  de- 
vait éviter  de  laisser  trace  de  son  passage.  La  besogné  était  longue,  il  n'avait 
plus  le  temps  de  s'occuper  des  chevaux,  aussi  ne  reVenalt-il  pas,  ou  rarement, 
dans  un  endroit  où  on  l'avait  attrapé  de  la  sorte."  Dans  la  région  de  Montréal, 
nos  pères  remplaçaient  la  cendre  par  de  la  graine  de  mil  et  l'effet  était  le  même. 

E.-Z.   M. 


—  160  — 

M.  de  BEÂUSSIER  de  L1SIE 


Louis- Joseph  de  Beaussier  de  l'Isle,  chevalier  de  St-Louis  et  chef 
d'Escadre  des  armées  navales,  qui  naquit  à  Toulon,  l'an  1700,  s'est  trouve 
un  peu  mêlé  à  l'histoire  des  derniers  jours  de  Louisbourg.  Aimant  la 
mer,  il  entra  dans  la  marine  de  très  bonne  heure.  En  1722,  il  fut  nom- 
mé enseigne,  promu  lieutenant  en  1729,  et  reçut  le  grade  de  capitaine 
en  1749.      Le  roi  lui  accorda  la  croix  de  St-Louis  l'année  suivante. 

En  1755,  il  faisait  partie  de  l'escadre  de  Dubois  de  la  Mothe  pour 
ravitailler  le  Canada.  Au  début  du  printemps  de  1756,  M.  de  Beaussier 
dirige  trois  vaisseaux  et  trois  frégates,  partant  de  Brest,  et  ayant  à  bord, 
Montcalm,  ses  officiers,  et  les  régiments  de  la  Sarre  et  de  Royal-Roussil- 
lon.  Il  échappa  aux  Anglais  qui  croisaient  à  l'entrée  du  golfe  et  près 
de  l'île  du  Cap  Breton,  et  jeta  l'ancre  devant  Québec  au  commencement 
de  mai.  En  retournant,  il  dépose  à  Louisbourg  l'argent  qu'il  avait  à  y 
remettre,  puis  il  appareille  et  entre  en  chasse  contre  l'Anglais.  Son 
navire,  le  HEROS  devance  les  deux  autres  vaisseaux  qui  l'accompagnent, 
et,  il  livre  seul  le  combat  à  deux  forts  bâtiments  ennemis.  Le  veilt  tombe 
et  les  deux  consorts  français  ne  peuvent  lui  venir  en  aide.  M.  de  Beaus- 
sier lutte  avec  ardeur  et  l'ennemi  trouvant  un  adversaire  trop  vaillant 
abandonne  la  partie  et  se  sauve.  Rentré  à  Louisbourg,  le  brave  capi- 
taine compta  ses  pertes  :  48  tués  et  48  blessés.  Lui-même,  il  reçut  une 
blessure  à  la  jambe.  Il  sortit  du  port  le  13  août  et  arriva  au  Port-Louis 
le  6  septembre  avec  huit  prises  et  quatre  cents  prisonniers. 

En  récompense  de  ses  services  le  roi  le  gratifia  d'une  pension  de 
mille  livres. 

En  1757,  il  croisa  d'abord  dans  la  Manche  avec  une  escadre,  puis 
fut  envoyé  avec  quatre  vaisseaux  et  une  frégate  au  secours  de  Louisbourg. 
Après  une  traversée  de  quatorze  jours  il  entrevoit  les  côtes  de  l'île  Royale, 
passe  à  travers  l'escadre  anglaise  qui  lui  barrait  la  route  et  pénétra  dans 
le  port.  La  chute  de  cette  place  entraîna  la  perte  de  son  escadre,  brûlée 
pendant  le  siège. 

Après  cela,  il  eut  le  commandement  des  Iles-sous-le-Vent,  et  de  St- 
Domingue. 

Il  épousa,  en  1757,  Melle  Louise  Jouenne  de  Losriesre. 

Le  rang  de  chef  d'escadre  qui  lui  fut  conféré  en  1764,  lui  vint  un 
an  avant  sa  mort,  en  France. 

MM.  de  Beaussier  de  l'Isle  blasonnaient  :  D'azur,  à  trois  coquilles 
d'or. 

REGIS  ROY 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVI  BEAUCEVILLE-JUIN  1920  No  6 


La  famille  Rouer  de  Villeray 

AUGUSTIN  ROUER  DE  LA  CARDONNIERE  ET  DE 

VILLERAY 


(SUITE  ET  FIN) 

Le  lendemain  de  la  capitulation  du  fort  Beauséjour, 
le  colonel  Monckton  envoyait  la  lettre  suivante  à  M.  de 
Villeray,  commandant  du  fort  Gaspareau: 

"Je  vous  envoie  une  copie  de  la  capitulation  que  j 'ai 
accordée  à  Monsieur  de  Vergor  et  à  sa  garnison.  Je  vous 
accorderay  une  pareille  capitulation  pour  vous  et  pour 
votre  garnison  sy  vous  voulez  consentir  à  me  rendre  votre 
fort. 

^  '  Mais  si  au  contraire  vous  ne  vous  soumettez  pas  aux 
conditions  que  je  vous  offre,  vous  ne  devez  pas  vous  atten- 
dre à  aucune  grâce  de  ma  part,  non  plus  que  votre  gar- 
nison. 

"  Si  vous  acceptez  les  conditions  que  je  vous  offre 
en  les  signant  et  en  me  les  envoyant  par  un  officier,  je  vous 
en  ferai  l'échange." 

Le  fort  Gaspareau  n'était  à  proprement  parler  qu'une 
grande  enceinte  avec  des  pieux  debout.  De  plus,  M.  de 
Villeray  n'avait  sous  ses  ordres  qu'une  vingtaine  de  sol- 
dats. Il  ne  pouvait  compter  sur  les  pauvres  Acadiens  que 
les  Anglais  menaçaient  de  considérer  comme  des  traîtres 


>/iri-i62-4M>i 

s^ils  prenaient  les  armes  contre  eux.  Il  accepta  donc  la 
capitulation  que  lui  offrait  Monckton. 

Mais  il  se  liâta  peut-être  trop  de  rendre  son  fort.  Pour 
l'honneur  des  armes  françaises,  il  aurait  dû  attendre  au 
moins  que  les  assiégeants  fussent  à  portée  de  fusil  de  son 
fort. 

Le  8  juillet  1755,  le  chevalier  de  Drucour  terminait 
une  lettre  au  ministre  en  écrivant:  ^^V 

'' . .  .Je  n'ay  rien  résumé  à  la  louange  du  Sr  Villeray. 
J'ai  jugé  parce  que  j'ai  vu  du  personnel  et  parce  qu'on 
m'en  a  dit  que  c'est  un  bon  hoimne  qui  avait  perdu  la  tête. 
Je  plains  sa  famille,  il  a  des  garçons  qui,  m'a-t-on  dit, 
donnent  de  l'espérance  pour  l'avenir,  ce  qui  me  détermi- 
nerait à  vous  demander,  Monseigneur,  une  retraite  pour 
luy  telle  que  vous  la  jugerez  convenable  et  la  nomination 
de  sa  compagnie  au  Sr  de  Saint- Aigne.  " 

M.  de  Villeray,  qui  avait  eu  vent  de  la  lettre  du  che- 
valier de  Drucour  au  ministre,  se  résolut  à  se  justifier.  Le 
20  septembre  1755,  il  lui  écrivait  de  Louisbourg: 

"  Mon  devoir  exigeant  que  je  vous  rende  compte  d'un 
poste  que  j 'ai  commandé  pendant  deux  ans,  partie  sous  les 
ordres  de  Monsieur  de  la  Martinière  et  partie  sous  celles 
de  Monsieur  de  Vergor,  tous  deux  capitaines  en  Canada, 
permettez  que  je  m'en  acquitte,  ce  que  je  vais  faire  avec 
la  sincérité  dont  un  honnête  homme  ne  doit  jamais  se  sé- 
parer. 

"  Je  suis  fâché  de  joindre  à  ce  détail  le  malheureux 
événement  de  la  prise  du  dit  fort  par  les  Anglais. 

"  Le  fort  de  Gaspareau  n'était  autre  chose  qu'un 
espace  de  vingt-cinq  toises  sur  toute  face,  entouré  de  pi- 
quets et  d'une  blagousse  (block-house)  à  chaque  coin  dont 
le  peu  de  solidité  n'aurait  pas  permis  d'y  établir  des  bat- 
teries, le  tout  étant  plus  près  de  tomber  que  de  pouvoir 
être  utile. 

'*  Jugé,  Monseigneur,  si  un  tel  fort  défendu  par  vingt 
hommes  seulement  n'était  pas  plus  capable  de  procurer 
à  son  commandant  du  désagrément  que  de  l'honneur.    Ce- 


—  163  -- 

pendant  dans  cette  x^tîrplexité  j'eusse  tenté  une  défense 
si  les  lâches  Acadiens  eussent  exécuté  mes  ordres  plutôt 
que  de  servir  les  Anglais  comme  ils  ont  fait  dès  leur  débar- 
quement au  fort  Lawrence. 

''  Les  dépêches  de  Monsieur  de  Vergor  vous  informent 
de'  ce  qui  s'est  passé  à  Beauséjour  et  moy  je  n'ay  à  vous 
informer  que  de  ce  qui  s'est  x^assé  au  Gaspareau  et  voici 
le  tout. 

•''  **  Les  Anglais  ayant  x)aru  dans  la  Baye  française  le 
2!  de  juin,  Monsieur  de  Vergor  me  dépêcha  un  ordre  pour 
luy  envoyer  à  Beauséjour  tous  les  habitants  de  Gaspareau, 
de  la  Baye  Verte  et  autres  lieux  dépendant  de  mon  com- 
mandement. Ce  qu'ayant  exécuté,  je  restais  avec  vingt 
soldats.  Il  ne  me  survint  aucun  événement  jusqu'à  la  prise 
de  Beauséjour  que  celui  de  revoir  les  habitants  revenir 
chez  eux  sans  vouloir  x)lus  exécuter  les  ordres  de  M.  de 
Vergor  et  les  miennes.  M.  de  Vergor  se  rendit  le  16  y 
ayant  été  forcé  non  seulement  i^ar  les  raisons  d'un  fort 
délabré  ]>ar  la  bombe,  mais  encore  par  une  troisième  rébel- 
lion des  habitants. 

"  "  Le  lendemain,  17  du  mois,  je  reçus  une  ambassade 
du  commandant  anglais  qui  non  seulement  demandait  que 
je  lui  remis  mon  fort,  mais  encore  me  menaçait  de  disgrâce 
forte  si  je  ne  me  rendais  aux  mêmes  conditions  de  M.  de 
Vergor,  ce  que  vous  verrez,  Monseigneur,  par  les  termes 
de  sa  lettre  ici  jointe  ainsi  que  celle  de  la  capitulation. 

**  Toutefois,  les  rodomontades  n'eussent  eu  ici  aucun 
effet,  si  j'eusse  pu  ramener  les  habitants  à  leur  devoir  et 
les  obliger  de  reconnaître  la  bonté  dont  vous  les  avez  acca- 
blés. Après  une  mûre  délibération  avec  deux  officiers  tant 
du  dehors  que  de  ma  garnison,  nous  avons  cru  devoir  me^ 
nager  l'intérêt  de  la  France  en  acceptant  une  capitulatidii^ 
qui  n'est  nullement  contre  l'honneur  et  que  d'ailleurs  je 
ne  devais  pas  espérer  un  miracle  de  la  fortune,  n'étant  pas 
en  état  de  soutenir  la  première  décharge  d'artillerie  puis- 
que je  n'étais  j^as  même  à  l'abri  du  fusil. 

'*  Je  vous  proteste,  Monseigneur,  que  je  serai  toujours 
sensible  à  cette  disgrâce  quoique  ce  soit  le  sort  de  la  guerre 


...  164  — 

et  que  je  sache  par  expérience  que  vous  distinguez  le  véri- 
table officier  "  (96). 

Mais  les  explications  de  M.  de  Villeray  arrivèrent  trop 
tard  en  France.  Le  ministre  avait  ordonné  à  M.  de  Vau- 
dreuil,  le  20  février  1756,  de  réunir  à  Québec  un  conseil  de 
guerre  afin  de  décider  si  la  conduite  de  MM.  de  Vergor  et 
de  Villeray  avait  été  ce  qu'elle  devait  être  en  rendant  les 
forts  de  Beauséjour  et  Gaspareau. 

Le  conseil  de  guerre  se  réunit  à  Québec  au  mois  de 
septembre  1757.  MM.  de  Vergor  et  de  Villeray  furent 
acquittés  des  accusations  portées  contre  eux. 

Dans  les  Mémoires  du  sieur  de  G.  sur  les  affaires  du 
Canada  depuis  1749  jusqu'à  1760,  nous  trouvons  des  détails 
piquants  sur  le  conseil  de  guerre  qui  acquitta  MM.  de 
Vergor  et  de  Villeray. 

''  La  Cour,  dit  ce  caustique  anonyme,  n'avait  pas  été 
contente  du  peu  de  défense  qu'on  avait  fait  au  fort  de 
Beauséjour;  les  dépenses  qu'elle  avait  faites  à  son  occa- 
sion lui  avaient  fait  penser  qu'il  ne  pouvait  y  avoir  que 
de  la  faute  du  commandant:  dès  l'année  suivante,  elle 
avait  donné  ordre  à  M.  de  Vaudreuil  d'instruire  le  procès 
du  S.  de  Vergor  et  celui  du  S.  de  Villeray,  qui  commandait 
à  Gasparaux,  parce  que  dans  les  comptes  qu'on  lui  rendait, 
la  moindre  enceinte  de  pieux  était  un  fort  ce  qu'elle  pré- 
sumait aussi  par  les  dépenses  qu'on  y  faisait;  mais  ce 
général,  gagné  par  l'intendant,  avait  évité  d'obéir;  enfin, 
la  Cour  le  lui  enjoignit  si  fortement  que  cette  année  il  y 
fut  obligé;  il  avait  envoyé  ordre  au  S.  de  Villeray,  qui 
était  de  la  garnison  de  Louisbourg,  de  se  rendre  à  Québec  ; 
ce  que  cet  officier  fit.  Le  20  septembre  1757,  les  sieurs  de 
Vergor  et  de  Villeray  reçurent  ordre  de  rester  aux  arrêts, 
chacun  dans  leur  logis;  comme  tout  était  concerté  avec 
l'intendant,  le  général  choisit  pour  instruire  ce  procès  un 
officier  affidé  et  dont  les  connaissances  étaient  bornées. 

"  On  commença  par  M.  de  Vergor,  qu'on  interrogea, 
mais  qui  n'ayant  pas  l'ombre  de  bon  sens,  disait  souvent 
ce  qui  pouvait  lui  être  contraire;    ensuite  on  admit  des 

(96)     Rapport  concernant  les  Archives  Canadiennes  pour  Vannée  1904,  p.  9. 


...  165  ~- 

témoins;  on  rejeta  ceux  qui  parlèrent  un  peu  trop  juste, 
et  dans  ce  grand  nombre  qu'on  ouït,  on  n'admit  que  les 
réponses  de  ceux  qui  furent  favorables  à  cet  officier;  on 
gagna  quelques  Acadiens  et  d'autres  qui,  craignant  la 
puissance  de  l'intendant,  de  qui  ils  dépendaient,  firent  des 
mémoires,  et  déposèrent  comme  on  leur  prescrivait;  en- 
suite on  en  vint  jusqu'à  donner  à  Vergor  une  personne  qui 
ajustait  ses  réponses. 

"  Ensuite  on  interrogea  le  S.  de  Villeray;  c'était  un 
officier  d'une  très  bonne  famille  et  de  la  valeur  duquel  on 
ne  devait  point  douter,  il  présenta  des  mémoires  vifs,  et 
sur  sa  situation  lors  du  siège  de  Beauséjour  et  sur  ce  que 
le  S.  de  Vergor  aurait  dû  faire  pour  la  défense  de  son 
fort;  que,  pour  lui,  étant  sous  ses  ordres. . .  Ces  mémoi- 
res qui  attaquaient  la  réputation  de  Vergor  ne  furent  point 
goûtés  ;  on  fit  représenter  à  de  Villeray  que  sa  justification 
dépendait  de  celle  de  l'autre,  et  qu'on  pouvait  le  chicaner; 
il  n'avait  point  de  protection;  on  lui  i^résenta  im  autre 
mémoire,  en  lui  disant  que  c'était  celui-là  qu'il  fallait 
communiquer  à  ses  juges  ;  il  fut  obligé  d'obéir  et  de  regar- 
der comme  une  grâce  ce  qu'il  devait  avoir  de  droit. 

*'  Enfin,  le  conseil  de  guerre  s'assembla  au  château 
à  Québec  :  il  était  composé  de  MM.  de  Vaudreuil  et  Bigot, 
présidents;  M.  de  Trivier,  commandant  du  bataillon  de 
la  Reine;  de  Montreuil,  faisant  fonction  de  major-général 
des  troupes  de  terre  ;  de  M.  le  chevalier  de  Longueil,  lieu- 
tenant de  Roi,  commandant  de  la  place;  de  Noyelle,  major 
des  Trois-Rivières  ;  d'Aiguebelle,  St-Vineul  (97)  et  Du- 
mas, capitaines. 

'*  Ces  officiers  furent  renvoyés  absous;  le  premier 
rejeta  le  peu  de  défense  qu'il  fit  sur  ce  que  les  Acadiens 
ne  le  secondèrent  pas  et  firent  une  espèce  de  rébellion:  il 
y  avait  bien  des  choses  à  lui  objecter  entre  autres  qu'il 
n'en  avait  fait  aucun  usage,  et,  par  conséquent,  il  devait 
ignorer  ce  qu'ils  auraient  fait^  et  que,  puisqu'ils  ne  lui 
servaient  de  rien,  il  ne  devait  pas  les  conserver,  et  rejeter 
sur  ce  qu'ils  voulaient  sortir  la  reddition  de  son  fort. 

(97)     Plutôt  Saint-Vincent. 


...  166  --- 

"  Au  fond,  on  pouvait  appeler  ce  siège  le  siège  de  ve- 
lours ;  on  dormait  tranquillement  la  nuit  ;  les  ennemis  ne 
veillaient  pas  même  le  matin  ;  ils  tiraient  quelques  bombes, 
une  petite  prévenait  toujours  la  grosse  et  on  aurait  dit 
que  M.  Monckton  badinait  ;  on  ne  tira  ])as  un  seul  coup  de 
canon,  et,  de  notre  part,  sans  M.  Jacau  Fiedmont,  on  aurait 
tout  réservé  la  poudre  pour  l'ennemi  ainsi  que  les  vivres, 
qu'on  économisait  plus  qu'on  avait  fait  avant  le  siège,  ce 
qui  fit  dire  à  quelques-uns  qu'il  fallait  que  Vergor  les  eut 
vendus  à  l'ennemi:  le  commandant  resta  toujours  très 
tranquille  dans  S(m  fort.  On  ne  faisait  aucune  sortie,  on 
ne  faisait  ])as  même  coucher  des  détachements  en  dehors 
des  pallissades,  en  un  mot,  jamais  place  ne  fut  si  mal  dé- 
fendue; il  en  emporta  beaucoup  d'argent;  ses  domesti- 
ques même  s'enrichirent  du  pillage.  Comme  à  son  retour 
à  Québec,  chacun  le  blâmait,  il  vantait  la  défense  qu'il 
avait  faite,  au  x>rix  du  S.  de  Villeray  qu'il  dépeignait 
comme  un  homme  sans  coeur  et  qui  s'était  rendu  à  la  pre- 
mière sommation;  cet  officier  apprit  à  son  arrivée  ces 
discours  injurieux;  il  composa  un  mémoire  de  tout  ce  qui 
s'était  passé  à  Beauséjour,  de  la  qualité  de  ce  fort,  de  ce 
qu'il  était  capable  et  enfin  un  parallèle  avec  le  fort  de 
Gasparaux  dont  il  fait  ainsi  la  description: 

"  Le  fort  de  Gasparaux  n'est  proprement  qu'un  en- 
trepôt destiné  à  recevoir  les  effets  qui  arrivent  par  la  baie 
Verte,  et  les  faire  transporter  à  Beauséjour,  dont  il  est 
éloigné  de  cinq  lieues  et  demie;  il  est  situé  sur  la  baie 
Verte  et  au  bord  d'un  petit  ruisseau  nommé  Gasparaux, 
nom  d'un  jDoisson  qu'on  y  prend  qui  ressemble  assez  au 
hareng;  il  est  de  pieux  debout,  fort  mauvais,  flanqué  de 
quatre  blagouses  (block  houses)  de  bois  moitié  pourri, 
sans  glacis  ni  fossé,  éloigné  de  quatre  toises  seulement 
d'un  grand  bois,  et  des  deux  côtés  enfermé  par  de  grosses 
souches  et  des  f redoches,  qui  pouvaient  aisément  favoriser 
l'approche  de  l'ennemi;  il  avait  seulement  vingt  hommes 
de  garnison  pour  défendre  vingt-cinq  toises  de  terrain  par 
chaque  face.  '  ' 

"  Il  finit  par  dire  qu'on  ne  peut  pas  présumer  que 


—  167  — 

dans  sa  situation  il  eût  pu  espérer  une  capitulation  plus 
lionorable  que  celle  de  Beauséjour,  et  qu'il  est  surpris  de 
la  conduite  du  S.  de  Vergor  à  son  égard,  d'autant  plus  que 
si,  avec  vingt  hommes  et  dans  un  mauvais  réduit,  il  eut 
prescrit  des  conditions  à  l'ennemi,  il  en  aurait  tiré  une 
gloire  dont  le  S.  de  Vergor  serait  la  victime,  et  ajoute,  en 
parlant  de  Beauséjour,  ''la  peur  fit  plus  d'ouvrage  que 
la  bombe  ;  et  ne  fit  place  qu  'à  la  discorde  et  à  la  confusion  ; 
quel  moyen  que  dans  ce  chaos  on  se  souvint  de  moi,  en 
m 'envoyant  du  secours,  et  qu'on  me  mit  dans  le  cas  de  faire 
décider  si,  faute  de  bravoure,  j'ai  rendu  le  fort". 

"M.  l'intendant,  qui  était  parvenu  à  son  but,  se  char- 
gea de  faire  passer  en  France  ce  procès,  avec  les  sentences, 
et  les  lettres  que  M.  de  Vaudreuil  écrivit  à  la  Cour  en  con- 
séquence "  (98). 

Le  gouverneur  de  Vaudreuil,  après  l'acquittement  de 
M.  de  Villeray  par  le  conseil  de  guerre,  lui  donna  ordre 
d'aller  prendre  le  commandement  de  sa  compagnie  à  l'île 
Royale. 

M.  de  Villeray  arriva  juste  à  temps  pour  prendre  part 
à  la  défense  de  Louisbourg.  On  connaît  le  sort  de  cette 
malheureuse  ville.  En  1758,  M.  de  Drucour  était  obligé  de 
capituler  après  un  défense  héroïque  et  im  siège  qui  avait 
duré  plusieurs  semaines. 

La  capitulation  portait  que  tous  les  officiers  seraient 
transportés  en  Angleterre  sur  des  vaisseaux  anglais.  M. 
de  Villeray  fut  donc  conduit  en  Angleterre  d'où  il  passa 
en  France.  Sa  femme  et  ses  enfants  l'y  rejoignirent  peu 
après. 

M.  de  Villeray  décéda  à  Rochefort  le  30  novembre 
1760.  Le  roi  venait  justement  de  lui  accorder  la  croix  de 
Saint-Louis  que  lui  avaient  mérité  ses  longues  années  de 
bons  et  loyaux  services. 

Il  avait  éx)Ousé,  à  Montréal,  le  16  août  1735,  Marie- 
Joseph    Pepin-Laforce,    fille    de    Pierre    Pepin-Laforce, 

(98)  On  conserve  aux  Archives  Judiciaires  de  Québec  une  partie  du  dossier 
du  procès  de  MM.  Vergor  et  de  Villeray.  Elle  a  été  publiée  dang  le  Rapport 
sur  les  Archives  du  Canada  pour  1906. 


—  168  — 

garde-magasin  du  roi  à  Niagara,  et  de  Miehelle  Leber. 

La  mort  de  son  mari  plongea  madame  Roiier  de  Vil- 
leray  dans  la  misère.  Eloignée  de  ses  parents  qui  avaient 
de  la  fortune,  elle  dût  avoir  recours  à  la  cliarité  publique 
pour  faire  subsister  ses  enfants. 

Dans  une  liste  officielle  de  1763  relative  aux  veuves 
d^officiers  qui  résidaient  à  Eochefort,  nous  lisons: 

''  Mme  de  Villeray,  veuve  d'un  capitaine,  sans  res- 
sources, 47  ans,  dettes  400  livres,  a  été  secourue  des  chari- 
tés publiques  qu'on  lui  a  retranchées."  nicvov 

Elle  décéda  en  France. 

Du  mariage  de  Benjamin  Rouer  de  Villeray  et  de 
Marie- Joseph  Pepin-Laforce  étaient  nés: 

I 

HECTOR-HYACINTHE  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Montréal  le  3  octobre  1738. 
Décédé  au  même  endroit  le  31  janvier  1739. 

II 
'       RENE-BENJAMIN  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Montréal  le  4  mai  1740. 
Le  continuateur  de  la  lignée. 

III 
MARIE-JOSEPH- AMABLE  ROUER  DE  VILLERAY 

;  '      Née  à  Montréal  le  20  octobre  1744. 

Elle  vivait  encore  en  1763  et  résidait  avec  sa  mère  à 
Rochefort. 

IV 
MARGUERITE  ROUER  DE  VILLERAY 

Née  à  Montréal  le  23  décembre  1745. 
Décédée  au  même  endroit  le  5  avril  1748. 

V 
ANTOINE  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Montréal  le  7  décembre  1749. 
Décédé  au  même  endroit  le  9  janvier  1750. 


•  —  169  — 

VI 

. .  .ROUER  DE  VILLERAY 

Né  au  fort  Gaspareau  en  1753. 
i)éc6dé  en  bas  âge. 

VII 
CHEVALIER  ROUER  DE  VILLERAY 
Né  au  fort  Gaspareau  en  1754. 
Décédé  en  bas  âge. 

VIII 
LOUIS  ROUER  DE  VILLERAY 
Né  à  Louisbourg  le  25  octobre  1756. 
Décédé  avant  1763. 

IX 
JOSETTE  ROUER  DE  VILLERAY 
Née  en  France,  probablement  à  Rochefort,  en  1760. 
Elle  vivait  encore  en  1763  et  était  à  Rochefort  avec  sa 


mère. 


1ère  génération  :  Louis  Rouer  de  Villeray. 

2ème  génération  :  Augustin  Rouer  de  la  Cardonnière 


!.n 


et  de  Villeray. 

3ème  génération:    Benjamin  Rouer  de  Villeray. 
4ème  génération:  René-Benjamin  Rouer  de  Villeray. 

RENE-BENJAMIN  ROUER  DE  VILLERAY 

Né  à  Montréal  le  4  mai  1740. 

Il  commença  à  servir  à  l'île  Royale,  en  qualité  de 
cadet  gentilhomme,  le  1er  septembre  1750. 

Il  fut  nommé  enseigne  en  second  le  1er  avril  1754. 

En  1755,  lors  de  l'attaque  des  forts  de  Beauséjour  et 
Gaspareau  par  le  colonel  Monckton,  il  servait  à  Gaspareau 
sous  les  ordres  de  son  père. 

Dans  la  liste  des  officiers  des  troupes  de  l'île  Royale 
du  1er  octobre  1757,  on  trouve  un  enseigne  en  second  du 
nom  de  Villeray.  C'est  René-Benjamin  Rouer  de  Ville- 
ray. 


...  170—    • 

En  1763,  René-Benjamin  Rouer  de  Villeray  était  à 
Rochefort  avec  le  grade  d'enseigne  en  pied.  Dans  une 
note  officielle  on  le  dit  âgé  de  25  ans.  IL  en  avait  23.  Ses 
appointements  étaient  de  40  livres  par  mois.  Ses  dettes 
se  montaient  à  200  livres.  La  note  ajoute:  "On  le  dit 
bon  sujet.  Il  a  madame  sa  mère  qui  a  été  secourue  pen- 
dant un  temps  des  charités  publiques  qu'on  lui  a  retran- 
chées par  la  suite." 

Le  1er  mai  1764,  M.  Rouer  de  Villeray  était  nommé 
aide-major  dans  les  troupes  nationales  de  Cayenne.  Un 
mal  de  poitrine  le  força  de  revenir  presque  aussitôt  en 
France. 

Le  9  septembre  1766,  il  était  reçu  dans  les  gardes  du 
corps  du  roi,  compagnie  de  Villeray. 

Décoré  de  la  croix  de  Saint-Louis  le  1er  octobre  1776, 
il  fut,  deux  ans  plus  tard,  fait  brigadier,  puis,  le  13  mars 
1785,  promu  maréchal  des  logis. 

Le  1er  avril  1788,  il  passait  major  de  cavalerie  et,  le 
6  avril  1789,  devenait  lieutenant-colonel. 

**  Là  devait  s'arrêter  sa  carrière,  nous  dit  M.  Margry, 
car  la  royauté  tombait  et  il  ne  voulait  servir  qu'elle.  Il 
fut  un  de  ceux  qui  tentèrent  en  conséquence  de  la  soutenir. 
Mais  si  sa  foi  dans  ses  principes  demeura  stérile  comme 
celle  de  tant  d'autres,  si  elle  ajouta  même  aux  malheurs 
des  temps,  elle  contribua  aussi  à  l'honorer  par  l'exemple 
d'une  fidélité  noble.  M.  de  Villeray  se  rendit  au  château 
dans  les  deux  journées  du  24  et  du  28  février  1791." 

M.  Rouer  de  Villeray  émigra  en  septembre  1791  et  fit 
à  son  corps  la  campagne  de  1792,  après  laquelle  il  se  retira 
aux  Etats-Unis,  sur  les  bords  de  l'Hudson. 

En  1800,  M.  Rouer  de  Villeray  retourna  en  France 
et  y  obtint  sa  pension  de  retraite.  Il  vécut  alors  loin  des 
affaires. 

Au  retour  des  Bourbons  en  France,  M.  Rouer  de  Vil- 
leray reprit  le  service.  Le  1er  juin  1714,  il  se  réunissait 
à  son  corps.  Mais  l'âge,  qui  l'empêchait  presque  de  mon- 
ter à  cheval,  le  força  de  prendre  sa  retraite  au  bout  de 


...  171  — 

quinze  jours.  Louis  XVIII  lui  accorda  sa  retraite  comme 
colonel  de  cavalerie. 

Lors  des  événements  de  mars  1815,  M.  Rouer  de  Vil- 
leray,  qui  avait  plus  de  coeur  que  de  force,  offrit  de  nou- 
veau ses  services  à  son  roi. 

M.  Rouer  de  Villerav  décéda  moins  d'un  an  plus  tard, 
le  12  février  1816. 

Il  avait  épousé  Marie- Joseph  d'Agobert.  Nous 
n'avons  pas  de  renseignements  sur  la  famille  de  cette  noble 
femme.  Elle  signait  "marquise  de  Villeray".  Il  est  pos- 
sible que  Louis  XVIII,  sur  les  dernières  années  de  son 
règne,  pour  récompenser  M.  Rouer  de  Villeray  de  sa  fidé- 
lité et  de  ses  services,  l'ait  créé  marquis.  Une  chose  est 
certaine,  c'est  que  madame  de  Villeraj  n'aurait  pas  pris 
le  titre  de  marquise  si  elle  n'avait  pas  eu  le  droit  de  le 
porter. 

La  marquise  de  Villeray  était  une  femme  émineni- 
ment  distinguée.  En  1793,  pendant  l'exil  de  son  mari  aux 
Etats-Unis,  elle  avait  été  deux  fois  amenée  devant  des 
tribunaux  révolutionnaires,  au  Havre  et  à  Rouen.  Chaque 
fois  elle  avait  forcé  la  bienveillance  en  même  temps  que 
l'estime  de  ses  juges  par  ses  réponses  et  les  témoignages 
de  sa  conduite.  A  la  même  époque,  elle  eut  à  surmonter 
d'autres  difficultés  d'un  caractère  peut-être  plus  doulou- 
reux. Son  père  et  sa  «nère,  dans  la  crainte  de  la  voir 
perdre  ses  biens  et  peut-être  la  vie,  employèrent  tous  les 
moyens  qu'ils  purent  trouver,  jusqu'à  la  priver  de  ses 
revenus,  pour  l'obliger  à  divorcer.  Cette  bonne  chrétienne 
refusa  avec  la  plus  grande  énergie  de  se  prêter  à  ce  moyen 
que  sa  religion  réprouvait. 

Née  en  France  et  n'ayant  jamais  vécu  au  Canada,  la 
marquise  de  Villeray  s'intéressa  toujours  à  notre  pays. 
Elle  était  en  correspondance  avec  plusieurs  parents  cana- 
diens de  son  mari  (99).    Les  rares  Canadiens  qui  passaient 

(99)  M.  Montarville  Boucher  de  la  Bruère  a  publié  ses  lettres  à  son  pa- 
rent, l'honorable  de  Salaberry,  père  du  héros  de  Châteauguay,  dans  le  Bulletin 
des  Recherches  Historiques,  vol.  XXI,  p.  3  et  seq. 


...  172  - 

alors  en  France  reçurent  l'hospitalité  la  plus  cordiale  et 
la  plus  franche  de  la  marquise  de  Villeray. 

C'est  elle  qui,  en  avril  1820,  lors  du  voyage  de  Mgr 
Plessis  en  France,  lui  ménagea  une  entrevue  avec  Louis 
XVIII.  Mgr  Plessis  raconte  ainsi  cette  entrevue  dans 
son  Journal  d\in  voyage  en  Europe: 

"  Par  le  moyen  de  M.  l'éveque  de  Chartres,  premier 
aumônier  de  Monsieur  et  du  comte  de  Bouille,  l'un  de  ses 
aides  de  camp,  l'éveque  de  Québec  s'était  procuré  l'avan- 
tage d'être  introduit  à  ce  prince  estimable,  considéré 
comme  l'ancre  de  miséricorde  de  la  famille  Bourbon  et 
de  la  religion  catholique  en  France.  Il  désirait  aussi  être 
présenté  à  Madame  la  duchesse  d'Angoulême,  pour  hono- 
rer en  elle  le  seulmais  estimable  rejeton  de  l'infortuné 
Louis  XVI.  Le  vicomte  de  Montmorency,  premier  gen- 
tilhomme de  cette  princesse,  lui  avait  promis  de  lui  rendre 
ce  service,  mais  le  négligea,  peut-être  parce  qu'il  croyait 
que  le  séjour  du  i:)rélat  à  Paris  devait  se  i^rolonger  encore 
de  quelques  semaines.  Quant  à  voir  le  roi,  il  n'y  songeait 
nullement,  lorsqu'il  api)rit  que  madame  la  marquise  de 
Villerai  avait  négocié  cette  entrevue  avec  M.  le  duc  de 
la  Chastre,  premier  gentilhomme  de  Sa  Majesté.  La 
chose  était  si  avancée,  lorsqu'il  le  sut,  qu'il  n'était  pas 
honnêtement  possible  de  reculer.  Il  fut  réglé  que  ce  serait 
le  dimanche,  30  avril,  entre  le  déjeuner  du  roi  et  sa  messe, 
que  la  présentation  serait  faite,  c  'est-à-dire  à  onze  heures. 
L'éveque  s'y  rendit  ponctuellement.  Introduit  par  un 
suisse  dans  ce  que  l'on  appelle  la  salle  du  trône,  il  y  fit 
antichambre  jusqu'à  ce  qu'un  des  officiers  du  roi  vint  lui 
dire  que  Sa  Majesté  était  prête  à  le  recevoir.  C'était  une 
audience  privée.  Le  roi  lui  parla  avec  bonté,  lui  fit  des 
questions  sur  l'état  de  la  religion  en  Canada,  se  recom- 
manda à  ses  prières,  et  le  chargea  de  dire  à  ses  diocésains 
que  leur  ancien  père  ne  les  avait  pas  oubliés,  mais  qu'il 
fallait  respecter  les  traités.  Sa  Majesté,  indisposée  d'un 
Teste  de  goutte,  était  assise  dans  un  fauteuil,  et  devait 
assister  à  la  messe  dans  ses  appartements  où  l'on  préparait 
un  autel  à  cet  effet,  lorsque  l'éveque  sortit  d'avec  elle, 


^.^- 


...  178  — 

satisfait  de  l'accueil  obligeant  qu'il  en  avait  reçu  "  (100). 
Du  mariage  de  René-Benjamin  Rouer  de  Villeray  et 
de  Marie- Joseph  d'Agobert  étaient  nés  deux  enfants: 

I 

'    RENE-JACQUES-LOUIS-MARIE  ROUER  DE 

VILLERAY 

Né  à  Paris  le  5  octobre  1782. 

Il  entra  dans  la  cai'rière  de  la  marine  où  plusieurs  de 
ses  parents  s'étaient  distingués,  mais  qu'aucun  de  son  nom, 
du  moins  en  France,  n'avait  encore  suivie. 

Le  jeune  Rouer  de  Villeray  fut  embarqué  pour  la 
première  fois  comme  aspirant  de  deuxième  classe,  l'an 
VIIL 

Il  prit  d'abord  part  aux  campagnes  de  la  Méditerra- 
née et  de  Saint-Domingue  sous  l'amiral  Gantlieaume,  à 
la  campagne  de  la  Martinique,  au  combat  du  Finistère,  où 
il  commandait  i^ar  suite  de  la  maladie  d'un  ofticier. 

En  l'an  II,  étant  embarqué  sur  la  frégate  la  Cornélie 
à  Alexandrie,  il  accompagna  au  Caire,  en  qualité  d'inter- 
prète d'anglais,  le  colonel  Sébastiani,  envo3^é  extraordi- 
naire des  consuls.  Il  fut  envoyé  par  lui,  dans  une 
circonstance  périlleuse,  avec  des  dépêches  pour  la  frégate 
et  il  mérita  les  éloges  du  futur  maréchal. 

En  l'an  XIII,  enseigne  provisoire,  il  était  à  Trafalgar 
sur  le  vaisseau  V Indomptable,  capitaine  Hubert.  Le 
navire,  dans  cette  fameuse  affaire  où  il  avait  perdu  beau- 
coup de  monde  et  éprouvé  des  avaries  considérables,  fut 
jeté  à  la  côte  entre  le  port  Sainte-Marie  et  Rota.  Pendant 
la  nuit  du  25  au  26  octobre  1805,  il  lit  naufrage.  Mille 
hommes  et  tous  les  officiers  au  nombre  de  douze  périrent. 
M.  Rouer  de  Villeray  seul  fut  sauvé.  Le  consul  général 
de  France  en  Andalousie  écrivait  à  cette  occasion:  M. 
de  Villeray  a  seul  échappé  à  cet  affreux  naufrage;  aussi 
commença-t-il,  malgré  ses  souffrances  personnelles,  à  faire 
emporter  les  moins  blessés  des  deux  cent  quarante  hom- 

(100)     Mgr  Henri  Têtu,  Journal  d'un   voyage  en  Europe  par  Mgr  Joseph- 
Octave  Plessis,  p.  416. 


...  174  -.    .  • 

mes,  tant  marins. que  soldats,  jetés  comme  lui  à  la  côte  et 
provenant  d'abord  de  l'équipage  de  V Indomptable,  puis 
d 'une  partie  de  celui  du  Bucentaure,  qui  réunis  formaient 
un  total  de  douze  cents  hommes.  M.  Rouer  de  Villeray, 
s 'oubliant  lui-même  pour  soigner  ses  compagnons  d'irt 
fortune,  a  prouvé  en  cette  circonstance  combien  il  sait 
allier  les  devoirs  de  l'humanité  à  la  fermeté  d'un  officier." 

Cet  éloge  était  d'autant  plus  mérité  que  M.  Rouer  de 
Villeray  n'avait  alors  que  vingt-trois  ans. 

Embarqué  sur  le  Héros  comme  enseigne,  puis  sur 
V Argonauto-V emudor ,  capitaines  Begon  et  Billiet,  du  1er 
août  1806  au  14  juin  1808,  il  se  trouva  devant  Cadix,  au 
combat  et  au  bombardement  dans  les  journées  des  9  et  10 
juin.  M.  Billiet,  dans  son  rapport,  parle  avec  avantage 
de  sa  belle  conduite  en  cette  occasion. 

Quatre  jours  après  cette  affaire,  M.  de  Villeray  était 
fait  prisonnier  de  guerre  et  transféré  de  Cadix  aux  îles 
Baléares.  Il  se  trouvait  à  Palma  le  22  mars  1810,  lors  du 
massacre  des  prisonniers  par  la  populace.  Le  gouverne- 
ment réussit  à  sauver  une  partie  de  ces  malheureux  en  les 
jetant  sur  l'île  de  Cabrera.  M.  de  Villeray,  sur  la  recom- 
mandation d'un  seigneur  espagnol,  resta  prisonnier  sur 
les  bâtiments  de  guerre  anglais  jusqu'au  13  avril  1811, 
époque  à  laquelle,  par  ordre  de  l'amiral  sir  Charles  Cotton, 
il  fut  débarqué  à  Campo  en  Calabre.  Une  fois  en  liberté, 
il  voulut  regagner  aux  dépens  des  ennemis  le  temps  qu'ils 
lui  avaient  fait  perdre.  Embarqué  sur  la  Ville  de  May  en- 
ce,  en  qualité  de  lieutenant  de  vaisseau  et  sous-adjudant 
de  la  flottille,  du  27  août  1811  au  23  mars  1812,  il  se  signala 
dans  trois  affaires  devant  Boulogne. 

La  décoration  de  la  Légion  d'honneur  fut  alors  de- 
mandée pour  lui  par  le  contre-amiral  Baste,  qui  avait  eu 
l'occasion  de  l'apprécier.  Les  connaissances  que  M.  Rouer 
der  Villeray  avait  déployées  dans  les  différentes  missions 
qui  lui  avaient  été  confiées,  la  bravoure  et  le  sang-froid 
montrés  par  lui  dans  les  journées  des  3,  20  et  21  septembre 
3811  engagèrent  même  le  contre-amiral  Baste  de  se  l'atta- 
cher comme  aide-de-camp,  et  celui-ci  le  suivit  à  la  grande 


...  175  — 

armée,  dans  la  fatale  cam23agne  de  1812,  du  24  mars  de 
cette  année  au  8  mars  de  la  suivante.  Il  fut  chargé  en 
chef  dans  cette  campagne  des  transports  par  eau  à  Koe- 
nigsberg,  Tilsitt,  Wehluh  et  Kowno,  et  reçut  des  témoi- 
gnages flatteurs  de  la  satisfaction  d'officiers  de  distinction 
sous  lesquels  il  servit.  La  croix  fut  demandée  deux  fois 
encore  pour  lui,  mais  c'était  pendant  la  malheureuse  re- 
traite et  l'empereur  Napoléon  n'avait  pas  le  temps  de 
s'occuper  de  ceux  qui  se  sacrifiaient  pour  lui.  A  son  retour 
en  France,  il  prit  juste  le  repos  nécessaire  pour  se  remettre 
de  ses  fatigues.  Le  19  mai  1813,  il  s'embarquait  sur  le 
Duguesclin,  qui  faisait  partie  de  l'escadre  du  comte  Mis- 
siessy.  Le  19  novembre  1813,  il  était  détaché  avec  187 
hommes  pour  commander  l'artillerie  à  Gorcum.  Le  20 
février  1814,  il  fut  fait  prisonnier  par  les  Prussiens  et  ne 
rentra  en  France  qu'au  mois  de  juin  suivant. 

A  la  Restauration,  M.  de  Villeray  continua  à  servir. 
Il  se  battait  plutôt  pour  le  pays  que  pour  le  régime  qui  le 
gouvernait.  Le  18  août  1819,  il  recevait  enfin  la  croix  de 
la  Légion  d'honneur  qu'il  méritait  depuis  longtemps. 

Dans  le  même  été  de  1814^  M.  de  Villeray  partait  sur 
la  frégate  îa  Duchesse  d'Angoulême,  qu'il  commanda  du 
5  septembre  1814  au  19  septembre  1815,  sous  le  comte  de 
Villemague.  C'est  lui  qui  eut  la  mission  de  confiance  de 
conduire  sur  son  vaisseau  l'ambassadeur  de  France  au 
Brésil.  Ce  voyage  lui  valut  le  grade  de  capitaine  de  fré- 
gate. 

Enfin,  le  1er  mars  1817,  M.  de  Villeray  obtenait  le 
brick  V Ecureuil,  avec  une  importante  mission  au  Sénégal. 
Ce  que  c'est  que  nos  souhaits,  remarque  M.  Margry.  Il 
aspirait  à  commander  pour  se  signaler  et  le  premier  com- 
mandement qu'il  obtint  le  mena  à  la  mort.  Rouer  de  Vil- 
leray, regardé  par  ses  camarades  et  de  ses  chefs  comme 
un  des  officiers  propres  à  honorer  un  jour  la  marine, 
mourut  des  fièvres  dans  ce  voyage,  trois  semaines  après 
son  arrivée  au  Sénégal. 

M.  Rouer  de  Villeray  ne  s'était  pas  marié.    Avec  lui 


—  176- 

disparut  en  France  le  dernier  représentant  mâle  de  cette 
famille  distinguée  (101). 

II 
MARIE-JACQUELINE-JOSEPHINE  ROUER  DE 

VILLERAY 
Née  à  Paris  en  1784. 

Elle  fut  clianoinesse  honoraire .  du  chapitre  royal  de 
Sainte- Anne.  'ii.^' 

Comme  sa  mère,  elle  s'intéressa  toujours  à  è'ès' parents 
éloignés  du  Canada  et  entretint  avec  eux  un  commerce 
très  suivie  de  lettres  qui  ne  se  discontinua  qu'avec  sa  mort. 

p.-e.  R. 


(101)  Nous  avons  emprunté  tous  nos  renseignements  sur  René-Benjamin 
Rouer  de  Villeray  et  son  fils,  Jacques-Louis-Marie  Rouer  de  Villeray,  à  l'étude 
de  M.  Pierre  Margny,  Les  J'ourr  de  Villeray. 


MARIAGES,  EN  1667,  D'OFFICIERS  DU  REGIMENT 
DE  CARIGNAN 

Talon  mandait  au  ministre,  le  27  octobre  16G7,  qu'il  y  avait  deux  capitaines  du 
régiment  de  Carignan,  mariés  dans  le  pays,  et  un  lieutenant,  avec  la  fille  du 
goûveneur  de  Trois-Rivières  ;  qu'un  autre  lieutenant  et  quatre  enseignes  se 
préparaient  aussi  à.  contracter  mariage.  ' 

M.  Chapais  interprêtant  cette  lettre  de  Talon  nomme  les  deux  capitaines  et 
dit  que  c'étaient  Antoine  Pécaudy,  sieur  de  Contrecoeur  qui  avait  épousé  Barbe 
îJenis,  le  17  septembre  1667,  et  Pierre  de  St-Ours,  marié  à  Marie  Mullois. 

Le  contrat  de  mariage  de  ce  dernier  couple  a  été  rédigé  par  le  notaire  La 
Rue,  le  8  janvier  1G68.  Suivant  la  coutume,  leur  union  a  dû  être  célébrée  peu  de 
jours  après.  Pensait-il  bien  à  Pierre  de  St-Ours,  monsieur  l'intendant  en  tra- 
çant sa  lettre  à  Colbert  ?  ne  serait-ce  pas  à  Sidrac  Dugué  de  Boisbriant,  marié 
à  Marie  Moyen,  le  7  novembre  1667,  et  dont  les  accordailles,  assurément,  de- 
vaient être  connues  le  27  octobre,  plutôt  qu'à  M.  de  St-Ours  dont  le  mariage 
n'était  peut-être  ]ias  encore  arrêté  à  ce  moment  lil,  pas  même  ébauclxé  ? 

REGIS  ROT 


LA  FRANCE  ET  LES  CANADIENS-FRANÇAIS  EN  1837 


M.  I^éveillaud,  dans  son  Histoire  du  Canada,  p.  354,  prétend  que  la  France 
s'intéressa  à  l'insurrection  de  1837  ;  que  M.  de  Pontoy,  ambassadeur  de  France 
aux  Etats-Unis,  et  M.  de  Soligny,  attaché  d'ambas.sade,  vinrent  au  Canada  pour 
se  renseigner  sur  les  causes  du  soulèvement,  ses  chances  de  succès,  et  que  ces, 
messieurs  assistèrent  même  à  une  assemblée  politique  qui  eut  lieu  à  Laprairie, 
le  IF  septembre  1837. 

Qu'y  a-t-il  de  vrai  dans  cette  assertion  et  que   résulte-t-il  de  la  vérité  des 
représentants  de  la  France  ? 

JU.   'JDV  CABRETTE 


—  177  — 

LEBLANC  DE  MARCONNAY 


M.  Benjamin  Suite,  dans  le  Bulletin  de  1912,  p.  353,  nous  a  parlé  du 
sieur  Hyacinthe  Leblanc  de  Marconnay,  journaliste  français  qui  vécut  en 
Canada  entre  1834  et  1845. 

Notre  doyen,  au  cours  de  ses  notes,  émet  l'assertion  que  cet  écrivain 
devait  être  protestant  et  patriote  et  il  invite  les  chercheurs  à  fournir  des 
notes  qui  le  feront  connaître  davantage. 

Nous  en  avons  recueilli  quelques-unes  qui  n'aideront  pas  à  la  béati- 
fication du  sieur  de  Marconnay,  car  elles  tendent  à  prouver  qu'il  fut  un 
bureaucrate  doublé  d'un  franc-maçon,  au  moins  durant  une  période  de  sa 

vie. 

*  *  * 

D'abord,  les  opinions  politiques. 

Durant  son  passage  à  la  Minerve,  le  sieur  Leblanc  a  pu  servir  la  cause 
de  Papineau,  mais  ensuite?...  Il  ne  faut  pas  compulser  longtemps  le 
Populaire,  fondé  par  Léon  Gosselin  et  rédigé  par  Leblanc  de  Marconnay, 
pour  apercevoir  que  ni  l'un  ni  l'autre  ne  frayaient  avec  les  Patriotes. 
Au  mois  de  septembre  1837,  mécontents  de  l'attitude  de  cette  petite  feuille, 
les  Fils  de  la  liberté  vont  manifester  devant  le  bureau  du  journal,  rue 
Saint-Nicolas  Tolentin  (aujourd'hui.  Saint- Timothée)  et  ne  se  retirent 
qu'après  avoir  brisé  l'enseigne  du  Populaire  (1). 

Leblanc  de  Marconnay,  par  ailleurs,  ne  ménage  par  les  épithètes 
malsonnantes  quand  il  lui  faut  écrire  sur  "l'infernale  association"  qui  est 
sa  bête  noire.  Il  fait  mieux  :  il  ridiculise  les  Canadiennes  qui,  à  l'instar 
des  Canadiens  patriotes,  ont  décidé  de  se  vêtir  en  tissus  de  fabrication 
domestique. 

Ce  manque  *  d'égard  fut  vivement  ressenti  par  Louis-Hyppolyte 
LaFontaine  dont] la  femme  portait  un  costume  en  petite  étoffe  du  pays. 
Ayant  rencontré,! au  palais  de  justice,  l'avocat  Gosselin,  propriétaire  du 
journal,  le  futur  fliomiae  d'Etat  l'apostropha  et  des  taloches  suivirent  la 
prise  de  bec.  Voit-on  ill  grave  et  sage  LaFontaine  administrant  des  coups 
de  poings  ?  Mei|tion,  ^  la  scène  se  trouve  dans  le  Populaire  du  10  no- 
vembre 1837.        .   ,  .. 

■   ■  *    •X'    * 

Passons  à  un  autre  fait.    On  sait  que,  pendant  son  séjour  en  France, 


(1)      Jje  Populaire,  11  septembre  1837. 


—  178  — 

Louis-Joseph  Papineau  publia  une  Histoire  de  l'insurrection  du  Canada 
et  que  parut  ensuite,  à  Montréal,  une  Réfutation  de  l'écrit  de  M.  Papineau 
signée  par  M.  Sabrevois  de  Bleury.  Or,  le  consciencieux  Philéas  Gagnon, 
qui  ne  lançait  rien  à  la  légère,  note  dans  son  Essai  de  bibliographie,  vol. 
I,  No  3957,  que  cette  "réponse  violente"  était  en  réalité  de  la  plume  du 
sieur  de  Marconnay. 

Dira-t-on  encore  qu'il  fut  patriote  et  papineautiste  ? 

*  *  * 

Abordons  le  second  point,  celui  de  l'accointance  de  M.  de  Marconnay 
avec  la  franc-maçonnerie. 

11  n'y  a  qu'à  ouvrir  l'ouvrage  de  J.-H.  Graham  :  Outlines  of  the 
History  of  Freemasonry  in  the  Province  of  Québec,  p.  182  et  183,  pour  y 
trouver  le  passage  qui  lève  tout  doute  : 

"  The  foUowing  remarkable  correspondence  and  action  took  place 
during  this  year  (1851),  between  La  loge  clémente  Amitié,  of  Paris, 
France,  and  Albion  Lodge,  No  17,  E.  R.  Québec.  The  translation  as 
made  at  the  time  is  given. 

"Union  beneficence,  Lodge  of  Clément  Friendship, 
Orient  of  Paris. 

Feb.  31,  1851. 
"  The  Respected  Albion  Lodge,  No  17, 

Québec. 
"Worshipful  Master  and  Brethren: 

"  You  hâve  one  of  the  most  ancien  Temples  of  Freemasonry,  since 
its  érection  dates  from  1721;  and  it  is  the  admiration  which  we  feel  for 
its  constant  labors  that  induces  us  to  solicit  and  alliance  with  you,  such 
as  we  hâve  already  with  a  great  number  of  British  Lodges  abroad,  and 
particularly  with  the  Provincial  Grand  Lodgfe  of  Nova  Seotia. 

"  The  Clément  Friendship  Lodge  desires  to  restore  to  masonry  its 
essential  character  of  cosmopolitanism,  because  it  believes  that  masons 
enjoy  the  benefits  of  family  while  travelling  in  a  ïoreign  land. 

"  We  hope,  therefore,  that  you  will  accède  totour  ^ishes,  and  hence 
forth  our  Craft  as  their  children  may  be  proud  of  sùch  an  Union. 

"  To  prove  to  you  our  sympathies,  we  are  ready  to  grant  the  title  of 
Honorary  Members  in  our  Lodge  to  your  respectful  W  :  Master  and  to 


—  179  — 

your  W  :  Secretary. 

"  Brother  Leblanc  de  Marconnay,  our  Secretary  General,  who  ad- 
dresses  this  letter,  bas  long  resided  in  your  country,  and  bas  bad  tbe 
bappiness  to  assist  in  the  duties  of  some  of  tbe  Montréal  Lodges,  wbere 
hé  was  editor  of  the  Minerve,  the  Populaire  and  the  Ami  du  Peuple,  and 
it  will  be  bis  duty  to  keep  up  the  bonds  of  friendsbip.  You  may  write 
to  him  in  English. 

"  This  letter  will  be  delivered  to  you  by  M.  Auguste  Winnick,  who 
travels  for  Brother  Bouffard,  a  member  of  our  Lodge  and  a  much  esteemed 
merchant. 

"In  tlie  bo]>e  of  receiving  an  early  and  favorable  answer,  we  beg 
of  you  to  accept  our  sincère  wishes  for  your  prosperity. 

"  By  order  of  the  Lodge, 

"  LEBLANC  DE  MARCONNAY, 

"  Secrétaire  général. 

"  Mons.  Leblanc  de  Marconnay 

Homme  de  Lettres 

29,  rue  Chariot,  à  Paris." 


Enfin,  peut-on  invoquer  que  le  manque  de  ressources  a  pu  forcer  le 
sieur  Leblanc  à  courtiser  des  causes  qu'il  n'aimait  pas?  Cela  n'est  guère 
possible.  Son  état  de  fortune  semblait  florissant,  puisque  le  30  novembre 
1839  il  achetait  de  Marguerite  Roy,  veuve  du  notaire  Jean-Marie  Cadieu, 
une  créance  de  "1400  livres  courantes".  Il  paya  cette  jolie  somme  au 
moyen  de  traites  sur  Paris  "qui  furent  dûment  acquittées"  (1). 

"Quatorze  cents  livres  courantes",  c'est  sept  mille  dollars,  et  sept 
mille  dollars  en  1839  valaient  vingt  mille  dollars  de  1920.  Un  journaliste 
qui  peut  faire  de  semblables  transactions  est  capable  de  choisir  ses  opi- 
nions. 

E.-Z.    MASSICOTTE 


(1)      Voir  les  actes  du  30  décembre  1839  et  du  19  novembre  1840,  étude 
du  notaire  Guillaume  Cauchy,  archives  de  Montréal. 


t^lrffe 


—  ISO- 
LES TRIBUNAUX  DE  POLICE  DE 
MONTREAL 


De  1648  à  1663,  ce  fut  Paul  de  Cliomede,  sieur  de  Maisonneuvii, 
fondateur  et  gouverneur  de  Montréal,  qui  rendit  la  justice,  haute,  moyenne 
et  basse.  ,   . 

L'année  1663  modifia  cet  état  de  choses.  L«  Conseil  Souverain,  qui 
venait  d'être  créé,  résolut  d'établir  en  notre  ville  une  sénéchaussée  royale. 
En  ce  faisant,  le  Conseil  oùtr'epassait  ses  pouvoirs  et  les  Seigneurs  de 
l'île  décndèrent,  avec  raison,  de  combattre  cet  empiétement. 

Néanmoins,  M.  de  Maisonneuve  abandonna  le  tribunal  seigneurial 
à  Charles  d'Ailleboust,  et  presqu'aussitôt,  il  tenta  une  innovation  hardie, 
restée  unique  dans  nos  annales,  si  je  ne  m'a1)use.  En  effet,  au  mois  de 
mars  1664,  notre  gouverneur  imagine  d'instaurer  un  tribunal  de  police 
dont  les  juges  auraient  eu  à  peu  près  les  attributions  des  juges  de  paix 
d'aujourd'hui.  Mais  ce  qui  surjirendra  davantage,  c'est  que  ces  juges, 
au  nombre  de  cinq,  furent  élus  par  les  habitants  de  l'île  de  Montréal. 
Le  protfès-verbal  de  cette  élection  extraordinaire  est  conservé  dans  les 
archives  du  Palais  de  justice  de  Montréal. 

Quels  étaient  ces  prédécesseurs  de  nos  magistrats?  Sûrement  leurs 
noms  méritent  d'être  connus  et  les  voici  : 

Jacques  Le  Moyne,  ancêtre  des  Le  Moyne  de  Martigny  et  frère  de 
Charles  Le  Moyne  de  Longueuil; 
'    '  Gabriel  Sel,  sieur  du  Clos,  ancêtre  dès  familles  Decelles;  ;  • 

Jacques  Picot  dit  Labrie;  '« 

Jean  Leduc  et  Louis  Prud'homme  dont  les  descendants  sont  lègi©n. 

Ces  cinq  "personnes  notables,  dit  le  document,  auront  le  pourplr  de 
juger  et  de  régler  toutes  matières  concernant  la  police  nécessaire?  |iour 
le  bien  de  cette  habitation".  »         'H 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  les  administrateurs  de  la  Nouvelle-P||nce, 
se  conformant  aux  désirs  des  gouvernants  de  l'ancienne  France,  n'apurou- 
vaient  pas  ces  manifestations  de  la  volonté  populaire  et  que  les  fon^|ion- 
uaires  élus  par  les  habitants,  syndics,  échevins  ou  juges,  ne  purent  ti^ver 
grâce  devant  les  autorités  civiles.  '  M 

Le  temps  du  suffrage  souverain  n'était  pas  encore  venu  et  lés  fonc- 
tionnaires de  1664  n'ont  pas  dû  fonctionner  !  ;.  li 

*  *  *  ' 


—  181  — 

Cent  ans  plus  tard,  exactement,  sous  le  régime  anglais,  surgissent 
les  juges  de  paix.  Puis,  avec  l'accroissement  de  la  population  et  la  néces- 
sité d'un  tribunal  correctionnel  permanent,  ces  justiciers,  choisis  parmi 
les  citoyens  de  toute  profession  et  de  toute  classe,  cèdent  le  pas  presque 
partout  aux  magistrats  choisi  parmi  les  membres  du  barreau. 

En  France,  les  juges  de  paix  ne  datent  que  de  1790,  mais  en  Angle- 
terre, leur  institution  remonte,  pour  le  moins,  au  15e  siècle,  et  c'est  d'une 
ancienne  loi  passée  sous  Henri  V,  qui  régna  de  1413  à  1422,  que  nous 
vient  l'expression  "Sessions  de  la  paix". 

Cette  loi  décrétait  que  des  "sessions  trimestrielles  de  la  paix"  seraient 
tenues  dans  la  semaine  qui  suit  chaque  fête:  de  saint  Michel  (29  sep- 
tembre), de  l'Epiphanie  (6  janvier),  de  Pâques  (mobile)  et  de  la  trans- 
lation de  saint  Thomas  de  Cantorbéry  (7  juillet). 

En  dehors  de  ces  dates,  les  sessions  étaient  spéciales  ou  générales. 

*  *  * 

Si  l'on  s'en  rapporte  aux  archives  fédérales  du  Canada,  les  premières 
commissions  de  juge  de  paix,  pour  le  district  de  Montréal,  furent  émises 
le  12  décembre  1764,  et  elles  ne  désignaient  que  les  sieurs  John  Grant 
et  Samuel  Mather,  mais  d'autres  commissions  doivent  être  perdues,  car 
le  27  décembre  1764,  une  première  session  trimeJ^trielle  de  la  paix  eut 
lieu  à  Montréal  et  six  juges  étaient  présents  ! 

Ensuite,  quelque  fait  se  produisit,  puisque  le  11  janvier  1765  le 
gouverneur  Murray  nomme  27  juges  de  paix  pour  notre  district,  et  ceux 
que  nous  avons  mentionnés  plus  haut  se  trouvent  inclus.  Cette  dernière 
pièce,  qui  prend  la  forme  d'un  édit  royal,  est  copiée  au  début  de  notre  plus 
ancien  registre  des  sessions. 

Nommons  les  privilégiés  que  cet  édit  favorise  : 

Hector-Théophile  Cramahé,  John  Collins,  Jean  Dumas  Saint-Martin, 
Thomas  Dunn,  John  Fraser,  Hugh  Finlay,  James  Goldfrap,  Conrad 
Gugy,  John  Grant,  Samuel  Gridley,  Samuel  Holland,  Moses  Hazen,  T.-A. 
Irving,  John  Jordan,  Francis  Noble  Knife,  Thomas  Lambe,  John  Li- 
vingstou,  Samuel  Mather,  ^rancis  Mackay,  Samuel  Mackay,  Louis  Metral, 
François  Mounier,  Wafter  Murray,  Adam  Mabane,  Benjamin  Price,  John 
Rowe,  Thomas  Walker. 

Aucun  Canadien-français  ne  figure  dans  cette  fournée.  Les  seuls 
individus  parlant  notre  langue  désignés  par  l'autorité  pour  rendre  la 
justice  étaient  les  sieurs  Cramahé,  Dumas,  Gugy,  Métrai  et  Mounier; 
tous  étaient  protestants  suisses  ou  français. 


—  182  — 

De  ceux-ci,  Dumas  Saint-Martin  fut  le  seul,  à  Montréal,  qui  prêta 
les  serments  d'office,  d'allégeance  et  de  test.  C'est  ce  dernier  serment, 
on  le  sait,  qui  avait  empêché  Murray  d'appeler  des  Canadiens  catholiques 
au  tribunal  et  qui  l'avait  obligé  de  choisir  ses  juges  dans  une  population 
protestante  fort  restreinte  et  qu~'il  ne  prisait  pas  beaucoup,  si  l'on  s'en 
rapporte  à  ses  mémoires. 

A  partir  de  1769,  un  autre  huguenot  siège  au  tribunal:  c'est  le  fa- 
meux Pierre  du  Calvet.  L'année  suivante  (1770)  John  Martheille  entend 
quelques  procès,  mais  on  ne  sait  rien  sur  sa  nationalité. 

Il  faut  attendre  1779  et  la  réorganisation  du  tribunal  de  Montréal 
pour  voir  monter  les  nôtres  sur  le  banc.  Alors,  vu  que  le  serment  du  test 
avait  été  aboli,  on  compta  plusieurs  Canadiens  français,  notamment: 
Hertel  de  Rouville,  Joseph  de  Longueuil,  Neveu-Sevestre,  Pierre  Mézière, 
Pierre  Fortier,  Pierre  Guy,  Saint-Georges  Dupré  et  Jacques  Le  Moyne. 

Sur  la  période  qui  s'étend  ensuite  jusqu'à  la  rébellion  de  1837-88 
les  renseignements  sont  plutôt  vagues.  Cependant,  il  est  connu  que 
Thomas  McCord,  Jean-Marie  Mondelet,  Samuel  Gale  et  David  Ross 
prirent  le  titre  de  magistrats  de  police  ou  agirent  comme  tels. 

Entre  1838  et  1866,  d'après  F.  J.  Audet,  des  Archives  fédérales,  notre 
district  eut  les  magistrats  suivants  : 

Gugy,  Bartholomew-C.-A.,  22  novembre,  1838. 

Coleman,  Thomas,  2  janvier,  1839. 

Kinnear,  David,  31  janvier,  1839. 

Buxton,  Judge  Samuel,  15  avril,  1839. 

Eainsford,  Thomas,  22  avril,  1839. 

Bowen,  Edward-Henry  (Montréal  et  Trois-Rivières),  14  mai    1839. 

McCord,  William-King,  18  mai  1839. 

Coffin,  William-Foster,  26  juin,  1839. 

Wetherall,  Charles,  22  juillet,  1839.      " 

Duchesnay,  Elzéar-J.,  22  juillet,  1839. 

Leclerc,  Pierre-Edouard,  1  juillet,  1840. 

Clarke,  Edwards- Adams  (Montréal  et  Trois-Rivières),  19  décembre 
1840. 

Driscoll,  Henry,  21  avril  1841. 

Coffin,  Augustus,  17  août,  1842. 

Clark,  Eleazar,  28  mars,  1865. 

Ermatinger,  William,  28  mars  1865. 


—  183 


Bréhaut,  William-Henry   (Montréal  et  Trois-Eivières),   13  janvier 


1866. 


Depuis  la  Confédération,  les  magistrats  de  police  et  les  juges  des 
sessions  ont  été,  d'après  les  archives  de  Montréal: 

William-Henri  Bréhaut,  1866. 

M.  J.-C.  Coursol,  1869. 

M.-C.  Desnoyers,  1876. 

C.-A.  Dugas,  1878. 

L.-W.  Sicotte,  1892. 

E.-U..Lafontaine,  1895. 

F.-X.  Choquet,  1898. 
;       Husmer  Lanctôt,  1901. 

Camille  Piché,  1906. 

Adolphe  Bazin,  1908. 

J.-F.  Saint-Cyr,  1909. 

S.-P.  Leet,  1915. 

Victor  Cusson,  1917. 

J.-L.  bécarie,  1919. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


QUESTIONS 

Dans  un  procès  qui  se  déroulait  à  la  Prévôté  de  Québec  en  1730,  je  vois  que 
le  nommé  Arnoul  Balthazar  Pollet,  notaire  et  huissier  de  la  seigneurie  de  Sainte 
Anne  (de  la  Pérade),  était  venu  dans  la  Nouvelle-France  "par  lettre  de  petit  ca- 
chet". Que  vei^t  dire  cette  dornière  expression  ? 

NOTATBE 

M.  Massicotte,  (B.  R.  H.  1919,  pp.  150,  175),  a  réglé  la  question  du  DeLisIe 
qui  fut  délégué  en  Angleterre  en  1783.  Il  se  prénommait  Jean,  non  pas  Jean-Guil- 
laume comme  son  fils.  Il  reste  à  connaître  le  prénom  exact  d'un  autre  de  ces 
délégués.  Le  Bulletin  de  1906  pp.  326  l'appelle  Jean-Baptiste-Amable  tandis  que 
M.  Suite,  dans  ses  Mélanges  Historiques,  I,  p.  113,  dit  que  c'est  Toussaint-Antoine! 
Qui  a  raison  ? 

FANCINE 

Vers  1879,  parut,  à  Montréal,  un  roman  intitulé  le  Secrétaire  d'ambassade  et 
signé  par  Charles  Lepine.  Peu  de  temps  après,  un  correspondant  signala  dans 
l'Opinion  publique  (No.  du  4  décembre,  p.  580)  que  l'ouvrage  ci-dessus  indiqué 
n'était  que  la  reproduction  du  roman  d'Amédée  Achard.     Les  rêveurs  de  Paris. 

Si  je  me  rappelle  bien,  il  circula,  dans  le  temps  que  Charles  Lepine  et  le  pré- 
tendu vicomte  Edouard  de  Narbonne-Lara  n'était  qu'une  seule  et  même  personne. 
Avait-on  raison  ? 

X.  Y.  Z. 


—  184  — 

LES  SECRETAIRES  DU  ROI  AU  CANADA 


La  charge  de  secrétaire  du  roi  était  convoitée,  car  elle  anoblissait 
après  vingt  ans  de  possession.  Cet  office  était  purement  honorifique;  il 
n'y  avait  rien  à  faire  que  pour  le  premier  des  quatre  secrétaires  du  cabinet 
du  roi  qui  tenait  la  plume.  Celui-là  écrivait  au  nom  de  son  auguste 
maître,  contrefaisait  à  merveille  son  écriture,  et  plus  d'un  noble  en  France 
a  dans  son  cartulaire  tel  document  qu'il  croit  être  de  main  royale,  tandis 
qu'il  était  du .  secrétaire  Eose.  Les  trois  autres  secrétaires  du  cabinet 
avaient  leurs  entrées  chez  le  roi.  Le  grand  collège  des  secrétaires  du  roi 
compta  jusqu'à  six  cents  membres,  et,  comme  cette  charge  s'acquérait 
moyennant  finance,  on  voit  quel  Joli  denier  s'encaissait  dans  le  trésor 
royal.  C'était  une  façon  comme  une  autre  de  battre  monnaie  et  le  souve- 
rain ou  son  ministre  firent  valoir  ainsi  plus  d'un  tour  qu'ils  avaient  en 
sac.  Ils  tiraient  profit  de  la  vanité  humaine.  Cependant,  au  bout  de 
vingt  ans,  pour  avoir  droit  à  la  noblesse,  il  fallait  obtenir  des  lettres  d'en- 
registrement, sinon  tout  était  perdu.  Aurait-il  été  dans  ce  cas;  notre  seul 
canadien  secrétaire  du  roi  ?  Mgr  Tanguay  {Dict.  Généa.  VII,  356)  indi- 
que que  Antoine-Pierre  Trottier,  sieur  Desauniers,  a  eu  cette  charge. 
Est-ce  bien  certain  ?  Je  n'ai  rien  trouvé  ailleurs  à  l'appui  de  ce  fait.  Oii 
Mgr  Tanguay  a-t-il  puisé  ce  renseignement  ? 

François  Daine,  conseiller,  lieutenant-général  civil  et  criminel  à 
Québec,  a  été  reçu  secrétaire  du  roi  en  1728. 

M.  Joseph  Perthuis,  conseiller  à  Québec,  a  acheté  une  charge  de  secré- 
taire en  1774  moyennant  40,000  livres. 

François  Bigot  en  obtint  une  en  1754.  Il  était  de  la  noblesse  alors 
du  chef  paternel.  S'il  acheta  la  charge  de  secrétaire  du  roi  c'était  proba- 
blement en  vue  de  s'en  défaire  plus  tard  avec  profit.  Ce  qui  serait  bien 
en  ligne  avec  son  caractère.  Pour  être  reçu  dans  toute  charge  royale  il 
y  avait  des  formalités  à  remplir,  et  production  de  certificats  de  naissance, 
religion,  etc. 

Bigot  a  produit:  V 

I 

Extrait  des  registres  des  baptêmes  de  l'église  métropolitaine  et  pri- 
matiale  de  Bordeaux. 


—  185  — 

I  "  Du  mercredi)  31  janvier  1703,  a  été  baptisé  François,  fils  légitime  de 
Messire  Louis-Amable  Bigot,  conseiller  au  Parlement  et  de  dame  Mar- 
guerite Lombard,  son  épouse,  paroisse  St-Mexent;  parrain,  Mons.  Fran- 
çois Lombard,  son  oncle,  chanoine  de  St-Emilion;  marraine,  dame^ 
Geneviève  Bigol,  épouse  de  Mons.  de  Richon,  écuyer,  tante;  naquit  hier 
30  dudit  mois  à  deux  heures  du  matin." 

II 

Le  certificat  de  catholicité  est  de  M.  Récher,  curé  de  Québec,  lequel 
atteste  que  M.  Bigot,  intendant  de  la  Nouvelle-France,  fait  profession  de 
la  religion  catholique;  il  est  daté  de  Québec  le  6  juin  1754.  Cette  pièce 
est  certifiée  par  le  lieutenant-général  civil  et  criminel  de  Québec,  M.  Daine, 
qui  a  signé  et  apposé  un  cachet  à  ses  armes. 

III 

M.  Joseph  de  la  Borde,  capitaine  de  vaisseaux  du  roi,  chevalier  de 
St-Louis,  demeurant  ordinairement  à  Toulon,  mais  de  passage  à  Paris, 
dit  connaître  François  Bigot  depuis  plus  de  vingt  ans.  Il  a  signé  :  La  Bot 
de. 

IV 

Gabriel  de  Berny,  conseiller  du  roi,  maître  ordinaire  en  sa  chambre 
des  Comptes  à  Paris,  dit  connaître  le  sr  Bigot  depuis  plus  de  quarante 
ans.  Il  sait  que  le  sr  Bigot  est  fils  du  doyen  des  conseillers  du  Parlement 
de  Bordeaux,  et  qu'il  est  allié  du  marquis  de  Puisieux,  ministre  d'etât  (1). 

*  *  * 

Au  cas  où  cela  puisse  intéresser  mes  lecteurs,  je  leur  ajoute  ceci  : 
Relevé  dans  VEtat  civil  des  familles  bordelaises  avant  la  Révolution: 
Mariages..   (Pierre  Meller,  Bordeaux,  1909.) 

"Paroisse  Ste-Eulalie,  mariage,  29  avril  1698,  de  Mire  Louis-Amable 
de  Bigot,  conseiller  au  Parlement,  fils  de  Louis,  receveur  des  parties 
casuelles,  et  de  J.  Massé,  avec  Marie  Lombard,  fille  de  Joseph,  secrétaire 
du  roi,  et  de  Marguerite  Lafitte." 

^''  REGIS   ROY 


(1)      Brulart  de  Puisieux.  f^ 


—  186  — 

LE  DOCTEUR  LAJUS  ETAIT-IL  D'ORIGI- 

.;;;;^':;;:;,     ne  canadienne  ? 

'Mil 


Dans  la  septième  série  de  ses  Maple  Leaves  publiée  en  1906,  Sir 
James-M.  LeMoine,  faisant  la  revue  des  personnages  importants  qui  habi- 
taient autrefois  la  rue  Sainte-Famille,  à  Québec,  écrit  : 
,,,  .(."'The  street  and  hill  leading  down  from  the  parochial  Church 
(whose  iitle  was  Cathedraî  of  the' I mmaculaie  Conception  of  the  Blessed 
Virgin  Mary)  to  the  outlet,  where  Hope  Gâte  was  built  in  1786,  was 
called  Ste-Famille  street,  from  rite  vicinity  to  the  Cathedraî.  On  the 
east  side,  half  way  up  the  hill  still  exists  the  old  homestead  of  the  de 
Léry,  in  1854,  oceupied  by  sir  E.-P.  Taché,  since,  sold  to  the  Québec 
Seminary  (1).  On  the  opposite  side  a  little  higher  up,  also  survives  the 
old  house  of  M.  Jean  Langevin,  father  of  the  bishop  of  Eimouski,  sir  H.- 
Ij,  Langevin  and  others.  Hère,  in  the  closing  days  of  French  Domination, 
lived  the  first  Acadian,  who  hrought  to  Québec  the  news  of  the  dispersion 
of  his  compatriots,  so  eloquenily  sung  hy  Longfelloiv:  Dr  Lajus,  of 
French  extraction,  icho  settled  at  Québec,  and  married  a  sister  of  Bishop 
Hubert .  . ." 

Dans  le  Journal  (inédit)  de  James  Thompson  conservé  dans  les  ar- 
chiye^  (Jq  la  Queb.ec .  Jjiterary  and  Historical  Society,  nous  lisons  égale- 
ipep^  :  t.,'t»  «iitfii  iïiiïT  \y.  r;n 

"Un  Dr  Lajus,  de  l'armée,  accompagné  d'un  guide  indien,  laissa 
Louisbourg  immédiatement  après  la  prise  de  cette  ville  par  les  Anglais, 
en  juin  1758,  et  parcourut  le  territoire  qui  s'étend  entre  cette  dernière 
place  et  Québec.  Il  apporta  ici  les  premières  nouvelles  de  la  chute  de 
Louisbourg.    Il  s'installa  à  Québec  et  fut  notre  médecin  de  famille." 

Sir  James-M.  LeMoine  se  trompait  en  donnant  le  célèbre  docteur 
Lajus  comme  d'origine  aeadienne.  Lajus  était  né  à  Québec  le  28  août 
1731,  du  mariage  de  Jourdain  Lajus,  chirurgien,  originaire  de  la  ville  de 
Nay,  en  Béarn,  et  de  Louise-Elisabeth'  Moreau.  Le  père  de  Lajus  était 
un  chirurgien  de  talent  et  d'expérience  et  c'est  lui  qui  montra  son  art  à 
son  fils. 


(1)      Cette  maison  a  ètd  détruite  en   1919   pour  fjaire  place  au  nouveau 
bâtiment  du  séminaire  de  Québec.  '   '    '^  '    ' 


—  187  — 

/  i  JFrîiçiis  ILsifué  s'établit  à  .Québec  icomme  son  pèr^J^'-^^  bié^^t 
une  clientèle  considérable.     ."  ,  -,   ,   «    i 

Ce  qui  a  trompé  sir  James-M.  LeMoine  au  sujet  du  docteur  Lajus 
c'est  qu'en  janvier  1745  il  était  choisi  par  l'intendant  Hocquart  en  qualité 
de  chirurgien-major  pour  aller  à  la  suite  du  détachement  commandé  par 
M.  Marin,  destiné  pour  la  campagne  d'Acadie.  Lajus  resta  en  Acadie 
jusqu'à  la  fin  de  la  campagne.  Il  est  fort  possible  que  c'est  lui  qui  apporta 
à  Québec,  comme  l'écrit  M.  Thompson,  la  nouvelle  de  îa  chute  de  Louis- 
bourg. 

Le  docteur  Lajus  fut  marguillier  de  Notre-Dame  de  Québec  en  1768. 
Il  fut  aussi  un  des  membres  du  premier  bureau  d'examinateurs  en  méde- 
cine à  Québec,  en  1789. 

Le  docteur  Lajus  décéda  à  Québec  le  7  octobre  1799.  Deux  de  ses 
fils  furent  prêtres  et  sa  fille  devint  la  femme  du  patriote  Pierre-Stanislas 
Bédard. 


QUESTIONS 

La  plupart  des  questions  que  je  pose  ici  aux  intermédiaires  du  Bulletin 
létlr  ont  déjà  été  posées  sous  une  forme  ou  sous  une  autre.  Aucune,  je 
crois,  n'a  reçu  de  réponse  définitive.  Je  pose  de  nouveau  ces  questions, 
espérant  que  si  on  ne  peut  répondre  à  toutes  on  me  donnera  au  moins  la 
solution  de  quelques-unes.  Ces  réponses,  si  je  ne  me  fais  illusion,  intéresse- 
ront autant  que  moi  la  plupart  des  lecteurs  du  Bulletin. 

lo. — A-t-on  fait  de  la  poterie  sous  le  régime  français  au  Canada  ?  Où, 
quand  et  par  qui  a  été  établi  la  première  poterie  au  Canada.  ? 

2o. — Par  qui  et  à  quel  endroit  a  été  ouvert  le  preinier  moulin  à  scier 
naû  par  la  vapeur  dans  la  province  de  Québec  ?  »  > 

3o. — Quel  est  le  citoyen  intelligent  qui  a  établi  loi'  premières  beurreries 
et  fromageries  privées  ou  coopératives  dans  notre  pays   ? 

4o. — Les  moulins  de  pulpe  de  Chicoutimi  sont-ils  les  premiers  du  genre 
établis  au  Canada  ?  Si  non,  où  et  quand  a  été  ouvert  te  premier  moulin  de 
pulpe  dans  tout  le  pays  ? 

5o. — Nous  avons  aujourd'hui  des  douzaines  de  manufactures  d'allumettes 
de  bois  dispersées  dans  tout  le  pays  ?  Quel  a  été  le  promoteur  de  cette  indus- 
trie si  utile  ? 

6o. — Il  est  certain  qu'on  a  fabriqué  des  cloches  au  Canada  sous  le  régi- 
me français.  Nous  avons  eu  ici  des  fondeurs  si  nous  n'avons  pas  eu  de 
manufactures.  Quels  étaient  ces  fondeurs  ?  Où  exercaient-ils  leur  indus- 
trie ? 

7o. — On  faisait  aussi  au  Canada  autrefois  de  l'étoffe  domestique.  Où 
et  quand  a  été  établi  le  premier  moulin  moderne  d'étoffes  canadiennes    ? 

MANUF. 


^  188  — 

LE  HEROS  DE  CHATEAUGUAY  ET  LA 

CHANSON 


Nous  devons  à  M.  J.-A.  Kiehard,  âgé  de  70  ans,  mécanicien  de  Mont- 
réal, le  texte  d'une  chanson  composée  par  quelques  malins  troupiers,  du 
régiment  de  M.  de  Salaberry,  en  1812-13. 

Philippe  Aubert  de  Gaspé,  au  sujet  de  cette  production  populaire,  a 
écrit  dans  ses  Mémoires  un  passage  que  l'on  aimera  à  relire: 

"Les  Voltigeurs  craignaient  leur  commandant  comme  le  feu;  le 
couplet  de  chanson  suivant  à  son  adresse,  assez  drôle  dans  sa  naïveté  toute 
canadienne,  en  fait  foi  : 

C'est  notre  major 
Qu'a  le  diable  au  corps j 
Qui  nous  don'ra  la  mort: 
Y'a  pas  de  loup  ni  tigre 
Qui  soit  si  rustique. 
Sous  la  rondeur  du  ciel 
Ya  pas  son  pareil. 

"Mais  si  les  Voltigeurs  canadiens  craignaient  leur  commandant,  ils 
en  étaient  en  même  temps  fiers  et  l'aimaient;  ceux  que  j'ai  connus,  après 
la  guerre  de  1812,  tenaient  tous  le  même  langage  : 

" — C'est  bien  vrai  que  le  colonel  de  Salaberry  nous  menait  sous  le 
fouet,  mais  c'était  un  homme  juste  :  pas  plus  de  passe-droit  pour  le  soldat 
que  pour  l'officier,  chacun  buvait  à  la  même  tasse. . . 

"Je  regrette  de  ne  pouvoir  donner  toute  la  chanson  de  nos  gais  Vol- 
tigeurs, dans  laquelle  plusieurs  des  officiers  et  sous-officiers  attrapaient 
soit  un  compliment  ou  un  coup  de  griffe.  Je  n'ai  su  que  le  premier  cou- 
plet et  le  dernier  que  voici  : 

Qu'en  a  fait  la  chanson. 
C'est  trois  jolis  garçons 
Qui  sont  dans  les  prisons: 
Qui  n'ont  ni  pain  ni  viande; 
Rien  à  leur  demande; 
Et  pas  même  un  sou 
,  ,  ,  Pour  boire  un  s. . .  coup. 


—  189  — 

"Il  est  à  supposer  que  le  colonel  tenait  les  réfraetaires  de  son  régiment 
à  un  régime  très  sévère,  ce  qui  ne  leur  faisait  rien  perdre  de  leur  gaîté, 
mais  aiguisait  au  contraire  leur  verve  poétique  "  (  1  ) . 

*  *   * 

La  version  de  M.  Richard  contient  sept  couplets.  Si  Pon  s'en  rap- 
porte aux  souvenirs  de  M.  de  Gaspé,  le  morceau  avait  plus  de  couplets 
encore  que  notre  informateur  n'en  a  appris.  N'importe,  c'est  tout  de 
même  une  heureuse  addition.  Comme  toujours,  dans  les  chansons  trans- 
mises oralement,  les  versions  varient  d'individu  à  individu.  Mais  on 
remarquera  que  les  variantes  du  dernier  couplet  sont  assez  plausibles  dans 
les  deux  cas  pour  empêcher  de  se  prononcer  sur  la  priorité  de  l'une  sur 
l'autre. 


1 


Qu'il  est  triste,  en  ce  jour, 
De  quitter  l'amour 
Pour  suivre  le  tambour. 
Je  me  fonds  en  larmes. 
D'avoir  pris  les  armes. 
Le  jour  comme  la  nuit 
Je  me  meurs  d'ennui. 


Le  matin  de  retour, 
On  entend  le  tambour 
Battre  le  point  du  jour. 
Avec  leurs  baguettes 
Battent  la  retraite. 
Neuf  heures  sont  sonnées, 
La  garde  il  faut  monter. 


(1)     Gaspé,  Mémoires,  p.  485,  et  Roy,  La  famille  d'Irumberry  de  Sala- 
berry,  p.  92. 


—  190  — 

Il  faut  se  préparer 
Pour  être  examinés 
Devant  nos  officiers 
Dessur  la  coiffure 
•     Dessur  les  chaussures. 
;  ,  Si  cela  n'est  pas  bien 

En  prison  nous  irons. 


I4id  iiiiii'i^  »i>  'j^huii.jN^ous  avons  un  Major 

Qui  a  le  diable  au  corps. 
Il  nous  caus'ra  la  mort. 
Il  n'y  a  ni  loup  ni  tigre 
Qui  soit  si  rustique 
Sous  la  rondeur  du  ciel 
Il  n'a  pas  son  pareil. 


Nous  avons  un  sergent 
C'est  un  fort  bon  enfant. 
Quand  il  a  de  l'argent 

Y  va  à  la  cantine 

Y  boire  chopine 

Y  passe  bien  son  temps 
Il  est  toujours  content. 


Messieurs  les  caporaux 
Ne  parlez  pas  si  haut 
Le  major  est  en  haut 


—  191  — 

Il  j/  }i}ia*f  nmvKrmy)//  H-î-inarioi 

Qu'en  a  fait  la  chanson 

C'est  un  joli  garçon 

Dedans  ce  bataillon. 

En  jouant  aux  cartes 

Faisant  le  diable  à  quatre 

Disant  j'ai  pas  un  sou  ' 

Pour  prendre  un  pauvre  coup. 

*  *  * 
M.  Richard  n'a  pu  se  rappeler  tous  les  vers  du  sixième  couplet.    C'est 
vers  1864  qu'il  entendit  chanter  ce  morceau  par  son  oncle  Jérémie  Lau- 
rence qui  était  un  milicien  de  1812-13. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


LES  DISPARUS 

EDMOND-MARIE   TEMPLE 

Edmond-Marie  Temple  est  né  à  Rennes,  France,  en  1853  et  parait  s'être 
rendu  au  Canada  en  1880.  Successivement,  il  s'adonna  au  journalisme,  à  l'en- 
seignement du  dessin  et  au  théâtre.  Il  projeta  de  fonder  une  bibliothèque 
technique,  puis  fut  promoteur  des  écoles  du  soir  à  Montréal  et  il  eut  la  di- 
rection de  celles-ci  pendant  quelque  temps.  Mort  le  20  mars  1895,  à  Sainte- 
Louise  de  rislet  et  inhumé  à  Montréal,  deux  jours  après. 

CABRETTE 

WILLIAM -AUGUSTUS  LEGGO 

^  /  ^^.  •    i     •      •  '  ■  i^i'ïU  ; 

Né  à  Québec,  le  25  janvier  1830,  W.  A.  Leggo  apprit  le  métier  de  graveur 
dans  l'atelier  de  son  père  puis,  à  17  ans,  il  alla  se  perfectionner  à  Boston. 
A  son  retour  au  pays  il  s'adonna  à  la  photogravure  dont  on  commençait  à 
s'occuper  et  il  fit  l'essai  du  procédé  dans  le  Canadian  illustrated  netvs,  de 
Montréal.  Il  consacra  une  partie  de  sa  vie  à  mûrir  diverses  inventions  dont 
l'une  était  un  aéroplane  !  On  lui  doit  en  autres  choses  une  jolie  édition  des 
gravures  coloriées  de  Bourne.  M.  Leggo  est  mort  à  Lachute,  le  21  juilet 
1915. 

CABRETTE 


QUESTION 

Est-ce  dans  le  Courrier  des  Etats-Unis  de  1845  que  M.  Régis  de  Trobriand 
publia  un  roman  sur  les  événements  de  1837-38  ?  En  plus  la  chansonnette  Le 
temps  des  hirondelles  parue  dans  l'Album  de  la  Minerve  de  1850  p.  265,  est-elle 
du  même  auteur? 

A.  B.  C. 


—  192  — 

JOSEPH-FRANÇOIS-XAVIER  PERRAULT 


Né  à  Montréal  le  10  février  1784,  il  était  le  fils  de  Joseph-François 
Perrault,  qui  devint  plus  tard  protonotaire  du  district  de  Québec,  et  de 
Ursule  McCarthy. 

M.  Perrault  exerça  pendant  près  de  quarante  ans  les  fonctions  de 
greffier  de  la  paix  à  Québec.  D'abord  nommé  conjointement  avec  William 
Green  le  1er  avril  1815,  il  eut  ensuite  pour  conjoints  Alexander-S.  Scott, 
de  1833  à  1842,  puis  Pierre-Antoine  Doucet,  de  1846  à  1853. 

Il  s'était  fait  recevoir  avocat  (5  avril  1817)  mais  il  n'exerça  jamais 
sa  profession. 

Pendant  la  guerre  de  1812-13,  M.  Perrault,  qui  en  sa  qualité  d'offi- 
cier public  aurait  pu  rester  tranquillement  chez  lui,  s'empressa  d'offrir 
ses  services.  Capitaine  dans  le  Régiment  des  Voltigeurs  Canadiens,  il 
prit  part  à  la  bataille  de  Châteauguay,  Il  s'intéressa  toujours  à  la  milice 
et  à  sa  mort  il  était  encore  colonel  du  régiment  d'artillerie  de  la  milice 
de  Québec. 

'"'M.  Perrault  décéda  à  Québec  le  27  décembre  1853. 


A  PROPOS  DE  LANGUE 


En  1840  et  1864,  alors  que  le  juge  Lewis-Thomas  Drummond  né  en  Ir- 
lande, et  le  juge  Francis-Godshall  Johnson,  originaire  d'Angleterre,  faisaient 
partie  du  barreau  de  Montréal,  il  arriva  dans  un  fameux  procès  pour  meur- 
tre, que  M.  Drummond  fut  chargé  de  la  défense  pendant  que  M.  Johnson 
représentait  la  Couronne. 

L'accusé  et  les  témoins  étant  canadiens-français  les  deux  avocats  pro- 
cédèrent en  français,  ce  qui  leur  fut  facile,  car  l'un  et  l'autre  maniaient  la 
langue  de  Molière  avec  grande  aisance.  M.  Drummond  se  glorifiait  d'être 
un  ancien  élève  du  collège  de  Nicolet  et  M.  Johnson  avait  fait  ses  études  en 
France. 

CABRETTE 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVI  BEAUCEVILLE- JUILLET  1920  No   7 

Uo  mémoire  de  M.  de  Bourlamaque 
sur  le  Canada 


Le  mémoire  que  nous  offrons  ici  aux  lecteurs  du  Bul- 
letin des  Becherclies  Historiques  est  de  M.  de  Bourlama- 
que, qui  fut  un  des  princi])aux  lieutenants  du  marquis  de 
Montcalm  dans  la  guerre  de  1755  à  1760. 

Nous  donnons  ce  mémoire  d'après  une  copie  conser- 
vée aux  Archives  Provinciales  de  Québec. 

La  lettre  suivante  de  M.  de  Bourlamaque,  datée  de 
Paris  le  1er  août  1762  et  adressée  au  ministre  de  la  ma- 
rine, exi^lique  l'objet  du  mémoire. 

M.  de  Bourlamaque  écrivait  au  ministre: 

"Je  prends  la  lilDcrté  de  vous  adresser  un  mémoire 
sur  le  Canada.  Vous  pourrez  voir  les  objets  qui  y  sont 
traités  dans  une  récapitulation  qui  est  à  la  fin  du  dit  mé- 
moire. C'est  le  fruit  de  mon  inaction  depuis  mon  retour 
de  Malte  et  des  connaissances  que  j 'ai  prises  dans  cette  co- 
lonie, pendant  cinq  ans  que  j 'y  ai  été  employé.  Il  est  vrai 
que  les  circonstances  actuelles  ne  paraissent  pas  permet- 
tre que  ce  mémoire  soit  d'aucune  utilité.  Mais  outre  que 
le  public  ne  peut  pénétrer  les  vues  de  ceux  qui  gouvernent, 
ces  circonstances  peuvent  changer  et  j 'ai  cru  à  tout  hazard 
vous  devoir  compte  de  mon  travail  et  de  mes  idées. 


...  194  — 

**  Au  pis  aller,  ce  mémoire  vous  fera  connaître  le  désir 
que  j'ai  d'être  utile  et  mon  zèle  pour  tout  ce  qui  a  rapport 
au  service  du  roi." 


MEMOIRE  SUR  LE  CANADA 


Si  l'on  jugeait  de  cette  colonie,  j^ar  les  dépenses  qu'elle 
a  occasionnées  i)endant  la  guerre,  et  par  les  profits  qui 
en  sont  reveims  depuis  qu'elle  est  établie,  sa  j)ossession 
paraîtrait  désavantageuse  à  la  France. 

Mais  en  recherchant  les  causes  de  ces  dépenses  et  les 
sources  de  ces  i)rofits,  il  sera  aisé  de  se  convaincre  que  les 
fautes  de  l'administration  ont  produit. les  uns  et  tari  les 
autres. 

L'on  ne  prétend  pas  au  reste  entrer  dans  le  détail  de 
ces  fautes  et  encore  moins  jeter  des  soupçons  sur  la  con- 
duite de  ceux  qui  en  ont  été  chargés;  mais  l'on  peut 
avancer  sans  témérité  que,  depuis  le  commencement  du 
siècle,  le  Canada  a  été  gouverné  sur  de  faux  principes, 
quant  à  son  accroissement  et  à  son  commerce,  soit  que  ceux 
qui  en  avaient  l'administration  aient  manqué  de  lumières, 
d'union  et  de  ce  ton  de  vérité  si  nécessaire  pour  instruire 
des  Ministres  sur  des  objets  éloignés,  soit  que  la  cour  ait 
donné  trop  peu  d'attention  aux  ressources  et  aux  intérêts 
du  pays. 

La  partie  militaire  n'a  pas  été  traitée  avec  plus  de 
succès;  nulle  disposition  pendant  la  paix,  nulle  frontière 
établie  solidement,  ni  même  reconnue,  nul  projet  raison- 
nable pour  se  deffendre  ou  pour  attaquer,  quelques  trou- 
pes, mais  sans  ferme  instruction  ni  discipline,  point  de 
magasins  et  pour  toute  ressource  une  confiance  aveugle 
qui,  jointe  à  la  basse  appréhension  de  déplaire,  promettait 
des  succès  au  lieu  de  peindre  les  besoins. 

Il  est  arrivé  de  là  que  la  guerre  ne  pouvait  être  sou- 
tenue qu'autant  de  temps  que  les  ennemis  seraient  faibles 
ou  mal  conduits.    Car  quoique  les  efforts  des  troupes  et  la 


—  195  — 

fidélité  des  habitans  aient  reculé  la  perte  de  la  colonie  jus- 
qu'au moment  de  la  plus  affreuse  disette,  on  peut  assurer 
néanmoins  que  la  seconde  campagne  eut  été  le  terme  de 
la  défense,  si  l 'ennemi,  qui  était  infiniment  plus  nombreux, 
avait  eu  au  commencement  de  la  guerre  des  chefs  un  peu 
entendus. 

Je  ne  parle  pas  ici  de  l'intérêt  particulier  et  de  l'avi- 
dité, vices  honteux  que  l'on  ne  peut  pas  supposer  aux  gens 
en  place,  mais  qui  ne  laissent  pas  de  nuire  au  bien  public 
en  infectant  les  subalternes,  lorsque  les  chefs  manquent 
de  lumières  ou  de  fermeté. 

Des  hommes  presque  égaux  et  une  autorité  égale  entre 
le  Gouverneur  et  l'Intendant  pourraient  bien  avoir  été 
quelquefois  une  source  d'abus.  Si  ces  deux  hommes  sont 
également  capables,  ils  seront  ennemis  parce  qu'il  est 
dans  l'humanité  de  ne  vouloir  partager  avec  personne  la 
gloire  et  la  faveur,  et  chacun  d'eux  cherchera  peut-être  à 
dégrader  les  vues  de  son  collègue,  ou  directement,  ou  par 
des  moyens  cachés. 

Si  l'un  d'eux  est  supérieur  en  talens,  le  plus  faible 
cherchera  également  à  lui  nuire  parce  que  la  vanité  et  la 
jalousie  sont  plus  ordinaires  encore  aux  génies  médiocres 
qu  'aux  autres,  ou  bien  il  deviendra  sa  créature  et  son  écho. 

Il  faudrait  donc  mettre  sa  confiance  en  un  seul,  ou  la 
partager  entre  trois. 

Lorsque  les  Français  commencèrent  à  s'établir  en 
Canada,  les  naturels  du  pays  leur  firent  une  guerre  cruelle 
et  opiniâtre  ;  de  là  les  colons  s 'accoutumèrent  à  une  grande 
considération  pour  les  sauvages. 

Elle  a  subsisté  depuis  malgré  leur  faiblesse  et  l'aug- 
mentation des  forces  de  la  colonie.  On  a  cru  jusqu'au 
dernier  moment  et  on  a  tâché  de  persuader  à  la  cour  que 
leur  alliance  était  presque  suffisante  pour  repousser  les 
Anglais. 

Les  dépenses  ont  été  prodiguées  pour  leur  plaire,  ou 
clu  moins  cette  confiance  a  servi  de  prétexte  à  des  dépen" 
ses  excessives. 


—  196  — 

L'expérience  doit  avoir  détrompé  sur  les  secours 
qu'on  en  peut  attendre.  Les  sauvages  sont  bons  pour  la 
petite  guerre,  et  lorsqu'ils  seront  de  bonne  volonté,  un  gé- 
néral en  tirera  grand  parti  pour  avoir  des  nouvelles  et 
faire  des  prisonniers,  mais  voilà  tout.  Les  meilleurs  sont 
tout  au  plus  des  hussards,  d'ailleurs  ils  ne  savent  bien  à 
leur  manière  que  lorsque  l'on  a  une  sui)ériorité  décidée. 
Ils  coûtent  beaucoup,  aiïament  une  armée,  im])ortunent 
et  occupent  trop  les  chefs  et  quoique  méprisés  du  soldat, 
sont  capables  de  le  décourager  à  tout  propos. 

Je  crois  donc  qu'il  est  essentiel  de  conserver  l'alliance 
des  sauvages  autant  pour  l'intérêt  de  notre  commerce  que 
pour  faire  nombre  à  la  guerre,  mais  il  ne  faut  ni  les  crain- 
dre ni  com})ter  trop  sur  leurs  secours  ;  en  les  traitant  avec 
justice  et  fermeté,  ils  en  seront  bien  meilleurs.  La  com- 
plaisance les  rend  insolents,  très  coûteux  et  moins  utiles. 

On  ne  parlera  pas  ici  des  avantages  qui  résulteront  de 
la  possession  ^qui  a  besoin  de  matelots  exercés  pour  le  com- 
merce, ni  de  l'utilité  qu'en  retireront  nos  manufactures 
auxquelles  le  luxe  des  colonies  assure  le  dédit  des  mar- 
chandises surannées;  on  ne  s'attachera  qu'à  donner  une 
idée  des  productions  utiles  que  le  Royaume  j^eut  tirer  de 
ce  pays. 

La  terre  du  Canada  produit  avec  abondance  les  blés 
de  toute  espèce  pour  peu  quelle  soit  cultivée  ;  elle  est  néces- 
saire pour  ses  habitens. 

On  en  pourroit  exporter  de  quoi  nourrir  nos  Iles  de 
l'Amérique  et  mêmes  les  provinces  maritimes  du  Royau- 
me qui  en  manquent  quelquefois.  Le  chanvre  y  vient  très 
bien. 

Les  bestiaux  y  sont  abondants  et  fourniront,  quand  on 
voudra,  des  cuirs,  des  salaisons  et  des  laines  fort  supérieu- 
res à  celles  de  France  et  presque  égales  à  celles  d'Angle- 
terre. Cette  dernière  partie  surtout  mérite  une  grande 
considération.  On  pêche  la  morue  à  l'entrée  du  fleuve 
St-Laurent  et  sur  les  côtes  occidentales  du  Golfe.  On 
trouve  en  Canada  des  bois  de  constructions  qui  passeront 


...   197  — 

pour,  très  bons  quand  ils  seront  bien  choisis  si  l'intérêt 
particulier  ne  vient  pas  à  bout  de  les  défricher,  en  tout 
cas  la  marine  marchande  y  fera  l'emplette  de  ses  navires, 
comme  celles  des  Anglais  dans  la  Nouvelle  Angleterre. 

Le  commerce  du  merrain  n'y  sera  pas  plus  difficile 
])our  nous  que  pour  nos  voisins.  Le  goudron  et  les  gom- 
mes y  sont  abondans;  on  y  trouve  des  mines  de  fer  qui 
ne  demandent  qu'à  être  bien  régies  et  même  du  plomb  dans 
les  parties  voisines  du  fleuve  Mississipi. 

La  plupart  des  objets  ci-dessus  ont  été  de  peu  de  con- 
sidération jusqu'à  cette  heure,  parce  qu'il  n'a  jamais  été 
pris  aucune  mesure  solide  pour  augmenter  la  culture  des 
terres  et  bestiaux,  source  de  richesse  inépuisable  pour  ce 
pays. 

Les  mines  de  fer  et  la  construction  des  vaisseaux  n'ont 
pas  été  d'une  grande  utilité,  le  prix  extraordinaire  de  la 
main-d'oeuvre  en  a  fait  évanouir  les  profits. 

On  ne  s'est  pas  aperçu  sans  doute  qu'il  avait  pour 
cause  la  négligence  du  gouvernement.  Car  il  n'en  est  pas 
d'ime  colonie  qui  produit  les  matières  de  subsistances, 
comme  de  nos  Iles  de  l'Amérique. 

La  main-d'oeuvre  peut  bien  y  être  un  peu  plus  chère 
qu'en  Europe,  mais  elle  a  été  en  Canada,  lorsqu'on  entre- 
tiendra dans  le  crédit  des  espèces  et  lorsqu'on  veillera  sur 
les  matières  premières.  On  y  a  vu  quelquefois  le  mono- 
pole envahir  le  commerce  intérieur  des  premières  produc- 
tions et  amener  la  disette  sur  une  terre  abondante,  mais 
qui  comme  toutes  les  autres,  éprouve  des  années  de  sté- 
rilité. 

Le  commerce  des  i)elleteries  qui  a  paru  seul  fixer 
l'attention  sera  sans  doute  ])lus  considérable,  'lorsque  les 
postes  où  sç  fait  la  traite  des  sauvages  ne  seront  plus  entre 
les  mains  de  quelques  j^articuliers  qui  mettant  un  prix 
arbitraire  aux  marchandises  qu'ils  fournissent  et  à  celles 
qu'ils  reçoivent,  découragent  le  chasseur  et  lui  font  naî- 
tre l'envie  de  porter  sa  chasse  à  l'étranger. 

Le  privilège  accordé  à  la  Compagnie  des  Indes  pour 


...  198  — 

la  portée  du  castor,  a  du  être  nuisible,  car  tout  privilège  de 
cette  espèce  est  un  monopole  permis  et  la  permission  ne 
lève  pas  les  abus. 

La  fureur  d'étendre  sa  puissance  au  loin  a  toujours 
épuisé  les  forces  du  Canada.  On  a  négligé  l'intérieur  d'un 
pays  riclie  en  toutes  sortes  de  productions  et  dénué  de 
cultivateurs,  pour  aller  planter  de  nouveaux  établisse- 
ments, sans  utilité  et  sans  communication;  les  dépenses 
en  ont  été  immenses;  ils  ont  arrêté  la  culture  des  terres, 
ils  ont  détruit  annuellement  la  plus  robuste  jeunesse  et 
n'ont  été  utiles  qu'à  un  petit  nombre  de  particuliers,  qui 
y  ont  trouvé  aux  dépens  du  roi  la  source  de  leur  fortune. 

A  cette  occasion,  on  ne  peut  s'empêcher  de  dire  que 
telles  limites  que  nous  ])rescrivent  les  Anglais  dans  cette 
partie  du  monde,  tant  qu'il  restera  à  la  France  les  deux 
bords  du  fleuve  St-Laurent  et  des  rivières  affluentes,  de- 
puis son  embouchure  jusqu'au  lac  Ontario  et  la  faculté 
de  traiter  avec  les  nations  sauvages  par  les  lacs  et  par  la 
grande  rivière,  même  sans  aucune  propriété  sur  ces  lacs, 
nous  n'aurons  ])erdu  que  des  chimères  et  la  source  des 
vraies  richesses  ne  nous  sera  x)oint  ôtée. 

Je  ne  disconviens  ])as  au  reste  qu'il  ne  fut  plus  avan- 
tageux aux  Français  d'avoir  seuls  des  établissements  sur 
les  lacs  et  d'exclure  les  Anglais  de  tout  commerce  dans 
cette  partie;  mais  cet  avantage  ne  serait  relatif  qu'aux 
pelleteries  et  ce  que  nous  feraient  ])erdre  à  cet  égard,  des 
limites  plus  rapprochées  serait  bien  ])eu  de  choses,  en 
comparaison  de  ce  qui  nous  resterait  dans  l'intérieur  du 
pays.  Ceux  qui  prétendent  que,  pour  peu  que  nos  limites 
fussent  resserrées  par  un  traité  de  joaix,  il  serait  plus 
avantageux  de  céder  la  colonie  entière,  connaissent  bien 
peu  les  avantages  qu'en  pourrait  tirer  une  bonne  admi- 
nistration et  raisonnent  sans  doute,  d'après  quelques  Ca- 
nadiens qui,  ayant  passé  leur  vie  dans  la  traite  avec  les 
sauvages,  ne  connaissent  d'autre  intérêt  et  y  rapportent 
toutes  leurs  vues. 

Il  serait  inutile  de  démontrer  que  la  possession  du 


—  199  — 

Canada  peut  être  avantageuse  à  la  France,  si  l'impossibi- 
lité de  le  défendre  faisait  envisager  la  perte  de  nos  espé- 
rances au  premier  moment  d'une  rupture,  mais  heureuse- 
ment la  nature  a  donné  à  ce  pays  des  moyens  de  défense  : 
il  II 'est  question  que  de  s'occuper  pendant  la  paix  à  les 
mettre  en  oeuvre. 

Le  Canada  ne  peut  être  attaqué  que  par  le  lac  Onta- 
rio, par  le  lac  Champlain  et  par  le  fleuve  St-Laurent. 

Je  suppose  les  Anglais  maîtres  de  la  mer,  mais  je 
suppose  en  même  temps  que  le  gouverneur  a  eu  soin  de 
faire  des  magasins  de  vivres  assez  abondants  pour  nourrir 
les  troupes  pendant  une  campagne,  s'il  survient  dans  le 
cours  de  la  guerre  une  année  de  stérilité.  Je  suppose 
encore  qu'il  lui  a  été  envoyé  des  armes,  des  munitions, 
avant  que  la  voie  des  transi)orts  soit  interceptée.  Ainsi 
c'est  à  lui  à  former  son  plan  de  défense,  indépendamment 
des  secours  d'Europe. 

Il  est  nécessaire  qu'il  ait  ce  plan  devant  les  yeux  dès 
le  premier  instant  que  la  France  rentrera  en  possession 
du  Canada  et  qu'il  ne  perde  pas  un  seul  jour,  sans  travail- 
ler à  son  exécution. 

Du  côté  du  lac  Ontario,  l'on  n'aura  pas  grand  chose  à 
craindre  si  l'on  veut  se  reposer  jusqu'aux  rapides  de  Ca- 
taracoui. 

Cette  frontière  sera  impénétrable,  pour  peu  qu'on 
profite  des  positions  heureuses  qu'on  trouve  dans  ces 
rapides.  Quelques  forts  bien  placés  et  des  troupes  fort 
inférieures  aux  attaques  suffiront  j)our  la  défense. 

Il  est  vrai  qu'en  1760  le  major^général  Amlierst,  qui 
commandait  en  chef  les  troupes  anglaises,  choisit  cette 
frontière  pour  attaquer  le  Canada  avec  l'armée  princi- 
pale. 

Il  connaissait  l'impossibilité  où  nous  étions  d'y  en- 
voyer des  troupes  et  la  résolution  dans  laquelle  étaient 
les  sauvages  domiciliés  de  la  colonie,  d'abandonner  notre 
alliance;  d'ailleurs  il  redoutait  ou  feignait  de  redouter  le 
poste  de  l'Ile  aux  Noix  qu'il  avait  respecté  l'année  pré- 


—  200-^ 

cédente,  et  voulait  prouver  que  s'il  n'avait  pas  fait  la  con- 
quête du  Canada  en  1759,  la  faute  devait  en  être  imputée 
au  brigadier  Gage  qu'il  avait  chargé  de  pénétrer  par  ces 
rapides.  Quoiqu'il  en  soit,  ce  choix  d'attaque  fait  peu 
d'honneur  à  ses  connaissances  militaires,  la  défection  des 
sauvages  et  du  corps  de  milice,  chargé  de  la  défense  des 
rapides,  sauva  son  armée  d'une  destruction  totale. 

Du  côté  du  lac  Champlain,  l'île  aux  Noix  fournit  un 
excellent  poste.  Elle  est  située  au  milieu  de  la  rivière  St- 
Jean  et  si  l'on  y  construit  des  remparts  et  des  casemates, 
on  peut  assurer  qu'elle  sera  impossible. 

Il  est  vrai  qu'elle  ne  défend  que  le  cours  de  la  rivière 
et  qu  'on  peut  cheminer  des  deux  côtés  hors  de  la  portée  de 
son  canon;  mais  le  pays  est  la  plupart  du  temps  inondé 
et  praticable  seulement  dans  les  grandes  sécheresses.  Il 
restera  alors  la  ressource  de  chicaner  l'ennemi  dans  les 
bois  par  un  camp  volant,  qui  tirera  ses  subsistances  par  la 
rivière  St-Jean  ou  par  le  fleuve  St-Laurent,  au  lieu  que 
l'ennemi  sera  obligé  de  faire  ses  transports  par  charrois 
dans  un  pays  coupé  de  marais  et  de  ruisseaux,  et  une  place 
sur  ses  derrières. 

Un  corps  très  inférieur  aura  donc  un  grand  avantage 
pour  faire  qu'il  soit  venu  des  forces  capables  de  le  com- 
batre,  ou  des  pluies  qui  inondent  le  pays. 

Il  est  nécessaire  en  outre  d'avoir  un  fort  en  arrière 
de  l'Ile  aux  Noix  sur  la  même  rivière,  et  des  petits  bâti- 
ments armés  en  guerre,  qui  auraient  leur  retraite  sur  l'île 
aux  Noix,  assureront  sa  communication  avec  le  bas  de  la 
rivière  et  empêcheront  l'ennemi  de  jetter  des  bateaux  au- 
dessous  de  l'Ile  aux  Noix,  après  en  avoir  fait  le  portage 
devant  cette  île.  On  peut  même  assurer  que  si  l'on  était 
en  état  d'avoir  une  marine  supérieure  sur  le  lac  Cham- 
plain, il  serait  bien  difficile  à  l'ennemi  de  faire  aucune 
entreprise  en  deçà  de  ce  lac. 

Je  suppose,  maintenant,  que  les  ennemis,  malgré  ces 
difficultés,  soient  assez  forts  et  assez  heureux  pour  se 
rendre  maistres  du  pays  qui  est  entre  le  lac  Champlain  et 


—  201- 

le  fleuve  St-Laurent  :  le  pis  aller  sera  d'évacuer  toutes  les 
habitations  qui  sont  dans  cette  partie  et  de  faire  passer  les 
habitans  et  les  bestiaux  sur  la  rive  gauche  du  fleuve. 

-Ces  habitations  seront  désolées,  la  rivière  Chambly 
souiïrira  quelques  courses  de  troupes  légères  mais  tant  que 
l'île  aux  Noix  se  soutiendra,  l'enneiîîi  n'ayant  point  de 
bateaux  pour  traverser  le  fleuve  on  sera  bien  sûr  de  lui 
voir  repasser  le  lac  Champlain  à  la  fin  de  la  campagne; 
car  quand  même  il  aurait  assez  de  pionniers  pour  faire  un 
chemin  solide  jusqu'au  bord  du  fleuve  et  assez  de  chevaux 
pour  y  transporter  des  bateaux  et  du  canon,  il  suffirait  de 
deux  ou  trois  bâtiments  armés  en  guerre  sur  le  fleuve  St- 
Laurent,  pour  lui  en  rendre  le  passage  absolument  impos- 
sible. 

Dans  ce  projet  pour  la  défense  de  la  colonie  du  côté 
des  lacs,  j'ai  rapproché  ses  frontières  bien  en  deçà  de  ce 
qu'elles  étaient  avant  cette  guerre  et  je  ne  suppose  aucun 
établissement  solide  à  Niagara  ni  à  Frontenac,  non  plus 
qu'à  St-Frédéric,  parce  que  je  ne  pense  pas  qu'on  puisse 
avoir,  pendant  la  paix,  le  temps  ni  les  moyens  de  donner 
à  ces  établisseinens  la  solidité  nécessaire. 

D'ailleurs  ce  sont  les  habitations  de  la  colonie  qu'il 
faut  défendre.  Elles  ne  s'étendent  pas  au  delà  des  rapides 
Je  Cataracoui  et  se  terminent  à  cinq  lieues  au-dessous  de 
l'île.  Augmenter  les  forces,  est  un  axiome  d'autant  plus 
vrai,  que  dans  le  cas  dont  il  s'agit  il  ne  fera  rien  perdre 
et  il  serait  à  désirer  qu'on  l'eut  pratiqué  dans  la  guerre 
que  vient  de  soutenir  le  Canada. 

Cependant  on  pourra  faire  des  forts  à  Niagara,  à 
Frontenac  et  à  St-Frédéric,  lorsque  les  objets  plus  essen- 
tiels seront  remplis. 

Du  côté  de  la  mer,  le  fleuve  St-Laurent  n'offre  aucune 
défense  jusqu'à  Québec.  L'on  a  dit  souvent  qu'il  y  avait 
des  îles  ou  des  caps  propres  à  barrer  le  cours  du  fleuve; 
on  s'est  trompé,  nulle  forteresse  au-dessous  de  cette  ville 
ne  pourra  empêcher  les  vaisseaux  ennemis  de  le  remonter. 

Et  même  à  Québec  et  la  Pointe  Lévis,  quoique  le  fleuve 


.-  202  — 

n'ait  à  cet  endroit  que  600  toises  de  large,  il  faudrait  pour 
y  arrêter  des  vaisseaux  avoir  des  batteries  des  deux  côtés 
du  fleuve,  ce  qui  est  impossible,  parce  qu'on  ne  jieut  cons- 
truire vis-à-vis  Québec  aucune  forteresse  qui  ne  fut  exces- 
sivement commandée.  Elle  ne  retarderait  l'ennemi  que 
le  peu  de  temps  dont  il  aurait  besoin  pour  s'en  rendre 
maître. 

Ainsi  l'on  sera  toujours  réduit  aux  batteries  de  Qué- 
bec et  telles  formidables  qu'elles  puissent  être,  elles  n'ar- 
rêteront pas  des  vaisseaux  qui  auront  le  secours  du  vent 
et  de  la  marée. 

Ces  inconvénients  ne  doivent  pas  empêcher  de  regar- 
der Québec  comme  le  point  de  défense  essentiel  du  Canada. 
On  peut  y  construire  une  forteresse  en  état  de  soutenir 
un  long  siège  et  l'abandonner  à  ses  proi)res  forces,  lorsque 
l'ennemi  aura  forcé  le  débarquement  et  acquis  une  supé- 
riorité décidée,  alors  il  s'arrêtera  à  en  faire  le  siège,  ou 
il  cherchera  à  pénétrer  dans  le  i)ays  s'il  entreprend  le 
siège,  supposons  qu'il  ait  le  tems  de  le  terminer  avant  le 
départ  des  vaisseaux  et  qu'on  ne  puisse  assembler  assez  de 
forces  pour  lui  faire  lever,  il  sera  bien  hardi  s'il  se  hasar- 
de à  laisser  ]:)endant  l'hiver  une  garnison  dans  Québec. 
Les  troupes  françaises  cantonnées  autour  de  la  ville  ne 
permettront  pas  à  cette  garnison  de  s'éloigner  du  chemin 
couvert  sans  combattre. 

Comment  i)ourra-t-elle  se  pourvoir  de  la  quantité  im- 
mense de  bois  nécessaire  pour  passer  la  mauvaise  saison? 
Où  prendra-t-elle  des  bestiaux  pour  les  malades  qui  ne 
peuvent  être  nourris  avec  la  viande  salée  ? 

Ce  projet  de  se  cantonner  autour  de  Québec  fut  donné 
en  1759  et  aurait  forcé  les  Anglais  de  rendre  la  place  au 
milieu  de  l'hiver. 

Mais  le  Gouverneur  et  l'Intendant,  auxquels  il  fut 
proposé,  assurèrent  que  la  colonie  était  dans  l'impossibilité 
de  fournir  les  vivres  nécessaires  pour  nourrir  les  troupes 
dans  ces  cantonnemens. 

Si  l'ennemi,  au  lieu  de  faire  le  siège  de  Québec,  s'en 


...  203  — 

contente  d'en  masquer  la  garnison  avec  une  partie  de  son 
armée,  et  entreprend  de  pénétrer  dans  l'intérieur  du  pays, 
alors  les  troupes  battues  se  retireront  à  dix  lieues  au-dessus 
de  Québec,  derrière  la  rivière  de  Jacques-Cartier. 

C'est  une  barrière  impénétrable  et  qui  couvre  par 
terre  toute  la  rive  gauche  du  fleuve.  La  rive  droite  qui 
est  moins  importante  est  coupée  à  peu  près  à  la  même 
distance  par  des  rivières  et  des  positions  aisées  à  soutenir, 
et  les  troupes  postées  sur  ces  deux  rives  pourront  soutenir 
et  communiquer  en  traversant  le  fleuve. 

Mais  ce  n'est  point  assez  d'être  postés  sur  les  deux 
côtés  du  fleuve,  il  est  d'une  telle  largeur  que  l'ennemi  le 
remonterait  aisément,  sans  que  les  batteries  de  terre  puis- 
sent s'y  opposer.  Il  est  nécessaire  de  se  pourvoir  avant 
la  guerre  de  quelques  frégates  à  fond  plat,  c'est-à-dire  ne 
tirant  que  8  ou  9  pieds  d'eau,  armées  chacune  de  18  ou  20 
canons  de  24. 

Elles  combattront  avec  avantage  contre  celles  de  l'en- 
nemi, car  il  n'osera  conii^romettre  ses  vaisseaux  de  ligne 
dans  une  rivière  où  le  manque  d'eau  les  exposerait  à 
échouer  à  chaque  instant. 

Si  néanmoins  la  connaissance  du  pays  lui  avait  fait 
naître  l'idée  de  faire  construire  de  pareils  vaisseaux  qui 
fussent  supérieurs  en  nombre,  il  resterait  encore  pour  les 
arrêter  le  passage  de  Richelieu  à  14  milles  au-dessus  de 
Québec. 

Les  vaisseaux  ne  peuvent  remonter  cette  partie  du 
fleuve  qu'un  à  un  et  avec  le  secours  d'un  vent  forcé. 

Quatre  frégates  mouillées  au  haut  du  passage  dé- 
truiraient aisément  cent  vaisseaux,  l'un  après  l'autre. 

Les  troupes  en  se  fortifiant  à  hauteur  du  passage 
seront  en  état  de  faire  durer  la  campagne  jusqu'à  la  mau- 
vaise saison  et  Québec  subsistant,  elle  se  terminera  tou- 
jours par  le  départ  de  l'ennemi. 

Il  faut  observer  que  j'ai  mis  les  choses  au  pir,  que 
j'abandonne  le  Canada  à  ses  propres  forces  et  qu'il  ne 
reçoit  aucun  secours  de  France.    Car  s'il  y  était  envoyé 


—  204  — 

une  escadre  avant  l'arrivée  des  ennemis,  il  leur  serait  mo- 
ralement impossible  de  remonter  le  fleuve  au-dessus  de 
Québec,  même  après  avoir  battu  cette  escadre  parce  que 
ses  débris  réunis  avec  la  marine  du  pays  et  placés  dans 
les  endroits  propres,  suffisent  |)our  rendre  la  navigation  du 
fleuve  impraticable. 

Je  n  'ai  point  parlé  non  plus  des  chicanes  sans  nombre 
qu'on  peut  employer  à  la  défense  comme  brûlots,  radeaux 
et  artifices,  chaînes  et  chaloupes  canonnières. 

J'ai  sui)])osé  que  les  troupes  destinées  à  empêcher  le 
débarquement  ont  été  battues  et  qu'elles  sont  demeurées 
fort  inférieures  à  l'ennemi. 

Il  n'est  xjas  néanmoins  vraisemblable  qu'il  x)uisse 
transporter  un  nombre  de  troupes  assez  considérable  pour 
rendre  la  défense  très  disproportionnée. 

Ceci  est  d'autant  plus  vrai,  que  les  trois  corps  de 
troupes  qui  défendent  le  Canada,  s'il  est  attaqué  en  même 
temps  par  ses  trois  frontières,  ont  l'avantage  de  pouvoir 
se  réunir  lorsqu'on  le  jugera  à  ])ropos,  pour  combattre 
celle  des  armées  ennemies  dont  la  jjosition  sera  la  plus 
inquiétante,  et  de  retourner  ensuite,  chacun  dans  leur  par- 
tie; au  lieu  que  l'ennemi  ne  peut  établir  aucun  commu- 
nication, ni  même  aucun  concert  précis  entre  les  différans 
corps  qu'il  fera  agir. 

Je  crois  donc  pouvoir  conclure  sans  témérité  qu'en 
fortifiant  Québec  d'une  manière  respectable,  ce  qui  est 
très  possible,  le  X)is  aller  sera  après  des  mauvais  succès, 
de  voir  détruire  le  quart  des  habitations  de  la  colonie. 

Mais  le  départ  de  l'ennemi  en  laissera  toujours  la 
propriété  au  Roy  et  comme  le  bois  y  est  très  commun  cette 
perte  sera  bientôt  réparée.  Il  faut  même  supposer  que 
les  ennemis  aient  l'inhumanité  et  la  commodité  de  brûler 
toutes  les  habitations  qu'ils  auront  parcourues.  A  l'égard 
des  grains  et  des  bestiaux  on  les  fera  remonter  dans  les 
parties  où  l'ennemi  ne  pourra  i:)énétrer. 

On  serait  même  à  l 'abri  de  craindre  la  destruction 
dont  nous  venons  de  parler,   si   l'on   i:)ouvait   construire 


—  205  — 

avant  la  guerre  un  assez  grand  nombre  de  frégates  à  fond 
plat  et  de  chaloupes  canonnières,  pour  être  supérieur  en 
marine  devant  Québec. 

Je  ferai  remarquer,  à  cette  occasion,  ce  qui  se  passa 
dans  la  campagne  de  1759.  Elle  s'ouvrit  de  notre  côté, 
sans  aucuns  préparatifs  pour  Québec.  Cette  ville  n'était 
point  en  état  de  soutenir  un  siège.  On  n'avait  pris 
d'avance  aucune  pré<'aution  pour  barrer  le  fleuve. 

Quelques  frégates  marchandes  armées  en  guerre  et 
commandées  par  des  officiers  contraires  faisaient  toute 
notre  marine.  Ses  brûlots  furent  mal  exécutés  et  en  trop 
petit  nombre,  le  cours  du  fleuve  sous  Québec  ne  fut  point 
disputé. 

L'armée  qui  défendait  le  débarquement  n'était  pas  de 
plus  de  3,000  hommes  de  troupes  :  les  milices  qui  y  étaient 
.jointes  étaient  cxcessivenient  diminuées  i)ar  la  désertion. 
Les  Anglais,  après  avoir  été  repoussés  au  débarquement, 
sur]U'ireiit  au-dessus  de  Québec  une  côte  très  aisée  à  dé- 
fendre et  s 'étant  formés  avec  une  grande  promptitude, 
battirent  notre  petite  armée  le  13  septembre,  elle  se  retira 
derrière  la  rivière  de  Jacques-Cartier,  sans  vivres,  sans 
munitions,  sans  artillerie  et  sans  tentes.  Le  lieutenant 
de  Roy  de  Québec  ouvrit  ses  portes  aux  Anglais  sans  avoir 
été  attaqué. 

Tous  ces  avantages  ne  leur  donnèrent  pas  assez  de 
confiance  pour  oser  remonter  j^lus  haut  que  Québec,  quoi- 
qu'il y  eut  encore  six  semaines  de  campagne. 

Ils  se  bornèrent  à  établir  une  garnison  dans  cette 
place  pendant  l'hiver.  Si  Québec  eut  été  en  état  de  sou- 
tenir un  siège  de  trois  mois,  quel  fruit  les  Anglais  auraient- 
ils  tiré  de  leur  débarquement  et  de  la  victoire  du  treize 
septembre. 

Après  avoir  parlé  de  l'utilité  dont  peut  être  le  Canada 
au  Royaume  et  de  la  ])ossibilité  de  le  mettre  en  état  de  se 
défendre  par  lui-même,  je  vais  hasarder  mes  idées  sur 
la  manière  dont  il  devrait  être  gouverné  et  sur  les  dépenses 
qu'il  occasionnerait  pendant  la  paix. 


—  206  --- 

Il  est  nécessaire  que  le  Gouverneur  de  cette  colonie 
soit  homme  de  guerre  pour  qu'il  puisse  la  disposer  à  la 
soutenir;  homme  d'Etat  pour  y  faire  fleurir  la  culture 
des  terres,  le  commerce  et  l'industrie  des  habitans,  d'un 
caractère  ferme,  actif,  travaillant  par  lui-même  et  voyant 
tout,  jaloux  du  bien  public,  ennemi  des  fripons  et  irrépro- 
chable sur  l'intérêt.  Il  est  à  propos  que  la  Cour  lui  fixe 
une  somme  pour  les  dépenses  militaires,  marines  et  forti- 
fications, dont  la  disposition  soit  remise  à  ses  lumières. 

Il  n'est  pas  moins  essentiel  que  l'Intendant  soit  hon- 
nête homme,  économe,  éclairé,  instruit  dans  toutes  les  par- 
ties du  gouvernement,  i3olice,  justice,  finances,  culture, 
population,  commerce,  industrie,  détails  de  marine,  etc, 
vigilant  sur  les  intérêts  du  Roi  et  du  pays,  sévère  sur 
l'article  des  friponneries  et  soumis  à  l'autorité  du  Gou- 
verneur Général  dans  tous  les  cas  où  le  Conseil  ci-après 
ne  serait  pas  assemblé. 

Le  chef  de  la  religion  doit  être  un  évêque  qili  joigne 
aux  talens  d 'un  pasteur  la  connaissance  des  parties  les  plus 
essentielles  de  l'administration  civile  et  politique  et  assez 
éclairé  pour  que  la  religion,  dans  ses  mains,  ne  soit  pas 
un  obstacle  au  bien  de  la  colonie. 

La  cour  peut  donner  toute  autorité  au  Gouverneur 
Général,  quand  il  sera  tel  qu'on  vient  de  le  dire,  mais  com- 
me il  faut  assurer  la  liberté  des  citoyens  et  pourvoir  aux 
vexations  injustes,  ainsi  qu'aux  entreprises  qu'une  con- 
fiance trop  étendue  pourrait  l'engager  à  faire  de  son 
propre  mouvement  :  il  sera  établi  un  Conseil  d 'Etat,  com- 
posé du  Gouverneur  Général,  de  l 'Evêque  et  de  l'Inten- 
dant. Ce  conseil  s'assemblera  toutes  les  fois  qu'un  des 
trois  le  requerra. 

Les  affaires  y  seront  décidées  à  la  pluralité  des  voix. 
Les  décisions  seront  enregistrées;  copie  des  registres  sera 
remise  à  chacun  de  ceux  qui  le  composent  pour  les  envoyer 
à  la  cour,  les  trois  Membres  du  Conseil  devant  répondre 
chacun  de  leurs  opinions. 

Il  y  aura  un  secrétaire  du  Conseil  d'Etat  dont  la  fonc- 


20 


i  — 


tion  sera  de  rapporter  les  affaires  qu'on  y  devra  traiter, 
de  tenir  les  registres  et  faire  les  écritures  et  copies  qui  y 
auront  rapport. 

Tout  citoyen  de  la  colonie  qui  aura  lieu  de  se  plaindre 
du  Gouverneur  Général  pourra  s'adresser  à  l'Evêque  ou 
à  l'Intendant,  qui,  sur  la  connaissance  qu'ils  prendront  du 
grief,  seront  en  droit,  si  le  cas  leur  i)araît  en  valoir  la 
peine,  de  faire  tenir  le  Conseil  d'Etat. 

Ils  pourront  l'un  et  l'autre  le  faire  assembler,  lors- 
qu'ils s'apercevront  que  \t>  Gouverneur  Général,  hors  le 
cas  de  dépenses  militaires,  fera  des  innovations  qui  leur 
paraîtront  contiaires  au  bien  public  ou  aux  intérêts  du 
Roi,'  ou  lorsqu'ils  auront  eux-mêmes  quelque  nouveauté 
utile  à  proposer. 

Le  Gouverneur  Général  assemblera  aussi  le  Conseil 
d'Etat  lorsqu'il  se  croira  obligé  de  faire  des  innovations 
essentielles  avant  d'en  avoir  reçu  l'agrément  de  la  cour 
et  se  conformera  à  sa  décision.  A  l'égard  de  la  partie 
militaire,  il  n'en  rendra  compte  qu'à  la  cour  dont  les  ins- 
tructions lui  serviront  de  règle. 

La  justice  sera  rendue  comme  à  l'ordinaire  pour  le 
Conseil  Supérieur.  Il  sera  établie  à  Québec  une  Chambre 
de  Commerce  dont  les  délibérations  et  les  arrêts  seront  su- 
jets à  la  revision  du  Conseil  d'Etat  ;  ce  qui  n'empêchera 
pas  que  la  Chambre  de  Commerce  ne  rende  compte  directe- 
ment à  la  cour  de  ce  qu'elle  aura  décidé  ou  des  propositions 
qu'elle  aura  faites  au  Conseil  d'Etat. 

On  la  composera  des  négocians  les  plus  éclairés  et  il 
sera  accordé,  sur  le  rapport  du  Gouverneur  Général,  quel- 
que récompense  honorifique  aux  membres  de  cette  Cham- 
bre qui  auront  proposé  les  moyens  les  plus  utiles  pour 
augmenter  le  commerce  du  pays,  relativement  au  bien  du 
Royaume. 

La  Chambre  de  Commerce  tiendra  la  main  à  empêcher 
les  monopoles  et  éclairera  sur  cet  article  le  gouvernement. 
Le  Conseil  d'Etat  sera  juge  souverain  dans  cette  partie. 

Le  Conseil  d'Etat  sera  en  droit  d'établir  une  taxe 


—  208  — 

pour  les  denrées  et  marchandises,  tant  étrangères  que  du 
cru  du  pays,  si  l'on  s'aperçoit  qu'elles  soient  portées  à  un 
prix  trop  considérable. 

On  ne  se  servira  dans  la  colonie  d'aucune  autre  mon- 
naie que  celle  de  papier  imprimé  et  dans  la  même  forme 
qu'elle  se  faisait  ci-devant,  avec  cette  différence  que  les 
ordonnances  seront  marquées  d'une  empreinte  et  signées, 
non  seulement  de  l'Intendant,  mais  aussi  du  Gouverneur 
Général  et  d'un  commissaire  ou  contrôleur  nommé  à  cet 
effet. 

Les  ordonnances  seront  portées  comme  ci-devant  au 
trésor  chaque  année  avant  le  départ  des  vaisseaux  pour 
être  retirées  par  le  Trésorier  et  remplacées  à  ceux  qui  les 
rapporteront  par  des  lettres  de  change  à  un  ou  à  plusieurs 
termes. 

Il  sera  dressé  un  procès  verbal  des  ordonnances  con- 
verties en  lettres  de  change  lequel  sera  signé  de  l'Inten- 
dant, du  contrôleur,  du  Trésorier  et  visé  par  le  Gouverneur 
Général.    Ce  procès  verbal  sera  envoyé  à  la  cour. 

On  brûlera  les  ordonnances  qu'on  aura  retirées  et  l'on 
conservera  la  note  de  leurs  numéros,  pour  être  remplacées 
sous  le  même  titre,  à  mesure  qu'on  en  aura  besoin. 

Toutes  les  dépenses  fixes  seront  réglées  par  des  Etats 
de  la  cour. 

Les  extraordinaires  ou  imprévues  ne  pourront  être 
approuvées  si  elles  ne  sont  revêtues  de  l'autorité  du  Con- 
seil d'Etat,  à  moins  qu'elles  ne  regardent  les  sauvages  ou 
la  partie  militaire. 

Quoique  les  dépenses  militaires  soient  remises  entiè- 
l'ement  à  la  prudence  du  Gouverneur  Général,  l'Intendant 
et  sous  lui  les  principaux  officiers  de  plume  seront  autori- 
sés et,  dans  l'obligation  d'en  prendre  une,  connaissance 
exacte  et  détaillé,  non  qu'il  puisse  s'opposer  aux  projets 
qui  auront  la  guerre  pour  objet  et  qui  peuvent  être  de 
son  report,  mais  pour  éclaircir  le  Gouverneur  sur  les  pré- 
varications dont  il  ne  se  serait  pas  aperçu  et  la  cour  sur 
celles  qu'il  ne  voudrait  pas  apercevoir. 


—  209  — 

On  empêchera  les  orfèvres  de  fondre  les  espèces  d'or 
et  d'argent,  et  à  cet  effet,  ils  seront  obligés  de  rendre  comp- 
te des  matières  qu'ils  emploient,  des  ouvrages  qu'ils  livre- 
ront. 

(La  fin  dans  la  prochaine  livraison) 


QUESTIONS 


Dans  son  testament  reçu  à  Québec  par  le  notaire  Chambalon  le  25 
mai  1703,  le  gouverneur  de  Callières  recommande  particulièrement  à  son 
frère  le  niar(|uis  de  Callières,  qu'il  institue  son  héritier  et  légataire,  de 
prendre  soin  de  Monsieur  le  chevalier  de  Courcy,  "ne  lui  ayant  connu  que 
de  bonnes  inclinations". 

Quel  est  ce  chevalier  de  Courcy  ?    A-t-il  servi  ici  ? 

NOT. 

— ^  Dans  un  document  daté  du  25  mai  1703,  je  vois  la  signature  très 
belle  de  Joseph  Hanibal,  habitant  de  Québec.  Quel  est  ce  M.  Hanibal? 
Que  faisait-il  à  Québec? 

XXX. 

—  Quel  fut  le  premier  Canadien-Français,  c'est-à-dire  quel  fut  le 
premier  enfant  né  dans  la  Xouvelle-France  d'un  père  et  d'une  mère 
français  ? 

A.  B.  C. 

—  On  voit  dans  l'Histoire  des  Ursulines  (vol.  III,  p.  6)  qu'on  trouva, 
en  1854,  dans  le  grenier  d'une  maison  de  la  basse-ville  de  Québec  des 
paniers  remplies  de  lettres  du  trop  célèbre  Estèbe.  Ces  lettres  ont-elles 
été  conservées?    Où  sont-elles? 

CUEIEUX. 


...  210  — 

LES  FRANCS-FRERES 


SOCIETE    POLITIQUE    SECRETE    DE    MONTREAL 


Je  dois  à  un  octogénaire,  ancien  officier  de  Justice,  les  renseignements 
qui  suivent  sur  les  Francs-Frères,  société  politique  secrète  d'il  y  a  soixante 
ans. 

En  autant  que  je  me  rappelle,  dit-il,  la  société  des  Francs-Frères  fut 
fondée  en  1856  et  la  plupart  des  sociétaires  appartenaient  ou  avaient 
appartenu  à  l'Institut  canadien. 

J'avais  dix-sept  ans  lorsque  je  devins  membre.  Les  réunions  se  te- 
naient, rà  cette  époque,  au  deuxième  étage^  d'une  maison  sise  au  coin  nord- 
ouest  des  rues  Sainte-Catherine  et  Sang^inet.  " 

Apparemment,  c'était  une  société  de  protection  et  de  secours  mutuels 
pour  les  libéraux;  elle  avait  un  rituel  semblable  à  celui  de  toutes  les 
sociétés  secrètes,  mais  le  fait  qu'elle  fut  dénoncée  par  le  clergé  laisse  sup- 
poser qu'elle  avait  un  autre  but  que  j'ignore. 

Un  soir,  ajoute-t-il,  des  citoyens  de  la  paroisse  Saint- Jacques  firent 
irruption  dans  notre  salle  et  nous  forcèrent  de  déguerpir.  Ce  fut  le 
coup  de  mort  des  Francs-Frères. 

Après  cette  affaire,  les  sociétaires  s'assemblèrent  tantôt  chez  l'avocat 
Desjardins  (Magloire),  rue  Saint- Vincent,  tantôt  ailleurs,  mais  le  prestige 
de  l'institution  était  évanoui  à  toujours. 

Quelques-uns  des  membres  les  plus  en  vue  étaient  les  avocats  J. 
Doutre,  M.  Desjardins  et  Richer,  puis  M.  J.-E.  Lafond,  le  comédien  A.-V. 
Brazeau  et  son  frère  Guillaume.     Tous  sont  décédés. 

»  *  * 

Le  18  avril  1881,  un  correspondant  confiait  à  la  Minerve  une  longue 
lettre  qui  avait  pour  but  "d'édifier  les  rédacteurs  du  journal  sur  la  croi- 
sade entreprise  contre  certains  francs-maçons".  De  ce  morceau  où  l'on 
ne  peut  démêler  la  part  de  la  calomnie  et  de  la  médisance,  j'extrais  quel- 
ques passages'  qui  me  semblent  concerner  nos  Francs-Frères. 

^f  ^   # 

*'L'Institut-Canadien  de  Montréal,  créé  en  1844,  et  nourri,  dès  son 


—  21  l'- 
origine, de  l'esprit  de  Voltaire,  était  déjà,  en  1853,  pour  ne  pas  dire 
avant,  dirigé  en  grande  partie  par  l'influence  des  sociétés  secrètes.  La 
preuve  en  est,  qu'en  1853-1854,  une  seule  loge,  désignée  sous  le  nom  de 
loge  des  Franc-Frères  et  soumise  à  la  'grande  loge  des  Odd-Fellows  de 
Montréal,  contenait  environ  deux  cents  membres  du  susdit  Institut- 
Canadien.  Il  est  à  remarquer  en  passant  que  ses  deux  cents  membres 
comprenaient  les  sommités  libérales-rouges  de  l'Institut-Canadien  :  car,  à 
cette  époque,  les  conservateurs  n'étaient  ]ias  admis,  en  pratique,  à  la  loge 
des  Francs-Frères. 

"Les  réceptions  dans  la  loge  des  Francs-Frères  se  faisaient  comme 
cliez  les  francs-maçons.  On  bandait  les  yeux  du  nouveau  candidat  pour 
lui  faire  subir  les  premières  épreuves,  puis  on  le  conduisait  par  une  corde 
au  cou  dans  une  cbambre  tendue  de  noir,  où  se  trouvait  un  cercueil  vide 
recouvert  d'un  drap  'mortuaire  avec  une  tête  de  mort  pour  complément. 
Là,  en  face  d'une  table  où  se  trouvait  une  espèce  de  bible,  et,  en  présence 
de  plusieurs  Francs-Frères,  armés  de  poignards,  après  avoir  enlevé  le 
bandeau  qui  lui  couvrait  les  yeux,  on  faisait  jurer  au  novice  Franc-Frère, 
et  cela  sous  menace  de  mort,  entr'autres  les  points  suivants:  lo  de  garder 
le  secret  absolu  sur  tout  ce  qu'il  connaissait  de  la  fraternité  des  Francs- 
Frères;  2o  d'obéir  aveuglement  au  grand  maître  de  la  loge  et  aux  ordres 
des  loges  supérieures  ;  3o  d'être  toujours  .démocrate,  libéral  eïi  politique, 
et  de  combattre  de  toutes  ses  forces  toute  autre  forme  de  gouvernement, 
spécialement  la  monarcbie  ;  -lo  enfin  de  propager  autant  qu'il  serait  en  son 
pouvoir  les  doctrines  des  Francs-Frères." 

Mon  informateur,  je  l'ai  déjà  dit,  ne  sait  rien  de  l'affiliation  des 
Francs-Frères  aux  Odd-FeUows,  Il  a  cependant  ouï  dire  que  Magloire 
Desjardins  faisait  partie  de  cette  dernière  association. 

M.  Desjardins,  sur  la  fin  de  sa  vie,  n'était  plus  catholique.  Il  mourut 
âgé  de  43  ans,  le  26  décembre  1864  et  fut  enterré  dans  le  cimetière  pro- 
testant. L'acte  de  son  décès  est  inscrit  dans  le  registre  de  l'église  pres- 
bytérienne franco-canadienne  de  1865  sous  la  signature  du  pasteur  Duclos. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


QUESTION 

La  Chambre  de  Commerce  de  Québec  a  célébré  en  1908  le  centenaire 
de  sa  fondation.  Cette  Chambre  de  Commerce  est-elle  la  plus  vieille  ins- 
titution du  genre  au  Canada  ?  Quelles  sont  les  Chambres  de  Comnxerce 
canadiennes  fondées  avant  celle  de  Québec  ? 

COMM. 


—  212  — 

LE  CHANOINE  JEAN-BAPTISTE 
GOSSELIN 


"Gosselin  Jean-Baptiste,  ordonné  à  Québec  le  26  octobre  1734,  mou- 
rut en  1759." 

Cette  trop  laconique  note  de  Tanguay  est  même  inexacte.  Le  millé- 
sime 1749  doit  être  substitué'à  celui  de  1759.  Il  semble  donc  écrit  que 
pas  une  date  de  cet  auteur  n'est  sûrement  impeccable.  En  matière  généa- 
logique surtout,  causer  et  rire  sont  imprudences  presque  toujours  fatales. 
Heureusement,  il  est  d'autres  mines  de  renseignement  que  le  Répertoire 
du  clergé  canadien. 

M.  Gosselin,  je  l'ai  souligné  plus  baut,  était  originaire  du  diocèse 
d'Amiens.  Il  vint  en  Canada  au  }>rintemps  de  1739,  en  compagnie  de 
Mgr  Dosquet  et  des  abbés  et  de  St-Poncy. 

Le  jeune  abbé,  qui  n'était  même  pas  dans  les  ordres,  était  une  recrue 
destinée  au  Séminaire  de  Québec  par  le  Séminaire  des  Missions  étran- 
gères de  Paris.  On  sait  l'amitié  qui  a  toujours  existé  entre  ces  deux 
Maisons.  Les  Messieurs  du  Séminaire  de  Paris,  présumant  que  le  fils 
avait  hérité  du  talent  financier  de  son  père,  espéraient  qu'il  serait  à  la 
procure  un  précieux  collaborateur  en  attendant  qu'il  en  devint  le  titulaire. 
Mais  l'expérience  ne  tarda  ])as  à  démontrer  que  le  fils  du  financier  avait 
plus  de  vocation  et  d'aptitudes  pour  le  spirituel  que  pour  le  temporel,  ce 
qui  n'est  pas  précisément  un  déficit,  du  moins  pour  un  lévite. 

On  l'installa  donc  à  la  procure  alors  sous  la  direction  d'un  M.  Hamel. 
Mais  il  fut  bientôt  évident  qu'il  n'était  pas  l'homme  providentiel  annoncé 
et  attendu.  Pendant  son  triennat  il  ne  révolutionna  pas  le  système  fiscal 
de  ses  prédécesseurs.  Il  semble  même  les  avoir  copiés,  bien  qu'il  eût  pu 
faire  table  rase  et  inaugurer  une  ère  nouvelle  puisqu'il  devint  le  titulaire 
de  la  procure.  L^ne  preuve,  c'est  que  les  archives  renferment  des  "Actes" 
qu'il  a  signés  en  quahté  de  procureur  et  qui  le  mentionnent  comme  tel. 

Il  n'appert  donc  pas  (|u'il  ait  éclipsé  ses  aînés,  comme  l'espéraient 
les  Messieurs  du  Séminaire  de  Paris.  A  priori,  la  conclusion  s'impose. 
Mais  le  fait  qui  semble  l'amoindrir  est,  rigoureusement  du  moins,  suscep- 
tible d'une  autre  interprétation.  Jeune,  inexpérimenté,  sans  le  noviciat 
piréalable,  et  transplanté  dans  un  milieu  étranger,  temporiser  a  peut-être 
été  sa  politique.    Si  peu  de  manoeuvres  maladroites  suffisent  à  embourber 


—  213  — 

n'importe  quel  char  financier  !  S'il  a  ainsi  raisonné,  j'opine  à  croire  qu'il 
eût  été  un  procureur  assez  avisé,  avec  plus  de  goût  pour  les  affaires,  bien 
entendu. 

Après  un  premier  séjour  à  Québec,  le  jeune  clerc  —  désireux  sans 
doute  de  revoir  son  pays  —  repassa  temporairement  en  France,  dans  l'été 
de  1732,  en  compagnie,  cette  fois  encore,  de  Mgr  Bosquet,  et  de  l'abbé 
Boulanger,  l'un  de  ses  collal)orateurs  à  la  procure. 

Arrivé  à  Paris,  il  se  rendit  au  Séminaire  des  Missions  étrangères,  et 
le  17  mai  1733,  M.  de  Montigny,  l'un  des  directeurs,  écrivait  au  Séminaire 
de  Québec:  "Nous  avons  eu  ici  pendant  quelque  temps  M.  Gosselin;  il 
a  perdu  son  père  et  ses  affaires  de  fainille  l'ont  appelé  à  son  pays.  Nous 
avons  cru  qu'il  était  à  propos  de  lui  donner  un  an  pour  s'appliquer  à 
l'étude  et  se  disposer  à  recevoir  les  ordres  sacrés  et  la  prêtrise.  Comme 
Je  séminaire  de  Laon,  dont  MM.  de  St-Nicolas,  du  Chardronnet  ont  la 
direction,  est  assez  proche  de  son  pays,  nous  lui  avons  conseillé  d'aller  y 
passer  un  an  et  nous  y  payerons  sa  pension." 

L'intérêt  évident  que  le  Séminaire  de  Paris  })ortait  au  fils  m'inchne 
à  croire  que  le  père  lui  avait  rendu  des  services  financiers.  Sinon,  ses 
sympathies  n'en  sont  que  plus  dignes  d'éloges.  En  tout  cas,  il  a  été  pour 
le  jeune  abbé  un  protecteur  et  un  directeur  avisé. 

Quelques  jours  plus  tard,  le  20  mai,  M.  de  Montigny  écrivait  à  M. 
de  St-Ferrcol,  supérieur  du  Séminaire  de  Québec  : 

"M.  Gosselin  a  du  zèle  pour  le  soutien  de  votre  séminaire,  mais  quoi- 
qu'il ait  quelque  expérience  du  temporel  du  Canada,  il  ne  paraît  guère 
propre  pour  tenir  les  livres  et  les  comptes.  Je  n'ai  point  voulu  redire  à 
ces  Messieurs  du  Séminaire  de  Québec,  à  moins  qu'on  ne  le  fit  directeur; 
personne  n'aurait  été  de  cet  avis.  Je  ne  sais  ce  que  vous  et  vos  Messieurs 
en  pensez". 

Cette  note  suggestive  prouve  évidemment  que  M.  de  Montigny  était 
le  confident  de  M.  Gosselin,  un  peu  osé,  il  me  semble,  en  sollicitant  son 
agrégation  bien  qu'il  ne  fût  pas  encore  prêtre.  Ainsi  vont  les  choses  en 
matière  d'agrégation:  les  uns  la  réclament  trop  tôt,  et  les  autres  trop 
tardivement. 

Les  Messieurs  du  Séminaire  de  Québec,  on  le  conçoit,  éludèrent  la  ré- 
ponse à  cette  question;  mais  le  16, octobre  1733,  dans  une  lettre  au  Sémi- 
naire de  Paris,  ils  sollicitèrent  le  retour  de  leur  ancien  procureur: 

"Nous  espérons  que  M.  Gosselin  aura  persévéré  dans  l'attachement 
qu'il  nous  a  promis,  et  que  vous  aurez  la  bonté  de  nous  le  renvoyer.     Sa 


^  214  — 

présence  nous  aurait  été  très  utile  cette  année  ;  néanmoins,  comme  nous 
aimons  son  bien,  nous  avons  supporté  son  absence  avec  la  soumission  que 
nous  devons  à  vos  sentiments  et  à  ceux  du  coadjuteur  qui  a  jugé  à  propos 
de  lui  faire  faire  une  année  de  séminaire  en  France;  nous  espérons  que 
nous  n'en  aurons  dans  la  suite  que  plus  de  consolation  et  de  services." 

Abstraction  faite  du  point  de  vue  pratique,  ce  témoignage  est  presque 
l'équivalent  d'une  agrégation. 

Au  printemps  de  1734,  les  Messieurs  du  Séminaire  de  Paris,  sachant 
que  leur  protégé  était  disposé  à  retourner  au  Canada,  écrivirent  au  Sémi- 
naire de  Québec: 

"Nous  vous  renvoyons  M.  Gosselin,  mais  comme  il  se  dispose  à  la 
prêtrise  et  qu'il  faut  qu'il  étudie,  il  ne  pourra  pas  encore  sitôt  êtr^  utile 
pour  les  affaires  temporelles.  Il  aurait  souhaité  que  nous  l'eussions 
agrégé  à  votre  séminaire  de  Québec,  non  pour  être  directeur,  mais  pour 
être  de  votre  corps.  Nous  avons  différé  cette  affaire  à  laquelle  l'Evoque 
n'aurait  pas  voulu  donner  les  mains." 

Mgr  Dosquet,  nommé  évoque  de  Québec,  entrait  dans  sa  ville  le  16 
avril  1734,  et,  avec  lui,  vraisemblablement,  l'abbé  Gosselin.  Trois  se- 
maines après,  le  8  septembre,  Mgr  Dosquet  l'ordonnait  sous-diacre; 
diacre  le  12  du  même  mois,  et  prêtre  le  18. 

Que  se  passa-t-il  au  lendemain  de  son  ordination?  Je  l'ignore.  Mais 
l'abbé  dont  le  Séminaire  de  Québec  avait  sollicité  le  retour  lui  échappa. 

Il  partit  presque  aussitôt  pour  aller  missionner  —  à  Lanoraie  pro- 
bablement—qu'il quitta  en  1736  pour  repasser  en  France  une  seconde 
fois.  Soit  nostalgie  ou  inconstance,  soit  un  mélange  de  l'un  et  de  l'autre, 
il  ne  devait  cesser  de  pérégriner  que  dans  le  royaume  des  cieux  . 

Les  Messieurs  du  Séminaire,  au  lieu  de  le  reconduire  au  bateau, 
écrivirent  au  Séminaire  de  Paris:  "M.  Gosselin,  après  avoir  poursuivi 
avec  chaleur  les  titres  de  sa  mission  et  les  avoir  obtenus,  a  pris  le  parti 
de  repasser  en  France.  Les  titres  qu'il  a  pris  lui  ôtent  tout  droit  de  ne 
Jamais  rien  prétendre  du  Séminaire  ae  Québec,  ni  à  celui  de  Paris.  Il 
compte  pourtant  retourner  chez  vous  comme  pensionnaire.  Vous  pouvez 
le  recevoir  en  cette  qualité,  mais  qu'il  n'ait  toujours  envie  de  revenir  au 
Canada,  que  ce  ne  soit  pas  à  nos  dépens,  ni  pour  le  Séminaire." 

La  teneur  de  ce  passeport  laisse  suffisamment  deviner  ce  qui  s'était 
passé  au  lendemain  de  l'ordination,  et  pourquoi  l'on  se  boudait.  Le 
privilège  de  l'agrégation  était  la  cause  de  tout  le  mal.  Il  était  pour  le 
Jeune  prêtre  la  condition  sine  qua  non  de  son  entrée  au  Séminaire  qui,  de 


—  215  — 

son  côté,  persistait  à  le  lui  refuser.  L'évêque  n'avait  pas  juridiction  dans 
cette  question  cVhabeas  corpus  improprement  dit,  et  le  mariage  fut  man- 
qué. Chaque  partie  était  donc  dans  son  droit,  bien  que  toutes  deux 
n'eussent  pas  également  raison.  En  tout  cas,  dans  mon  estimation,  ces 
conflits  bien  humains  n'ont  rien  qui  doivent  étonner. 

En  apparence  du  moins,  les  Messieurs  du  Séminaire  de  Paris  n'atta- 
chèrent guère  d'importance  à  l'incident  auquel  ils  firent  allusion  dans 
les  termes  suivants,  dans  une  lettre  en  date  du  18  mai  1T3T:  "M.  Gos- 
selin  est  resté  dans  son  pays  et  y  fait  les  fonctions  de  vicaire." 

En  1738,  il  reprit  son  bâton  de  pèlerin,  comme  il  appert  par  une 
lettre  des  directeurs  du  Séminaire  de  Paris,  en  date  du  15  mai  : 

"M.  Gosselin  a  pris  son  parti  de  lui-même  pour  retourner  au  Canada; 
ce  n'est  point  nous  qui  le  renvoyons.  11  aurait  souhaité  que  nous  l'eussions 
fait,  mais  nous  n'avons  j)as  cru  devoir  surcharger  votre  séminaire.  11  est 
de  bonne  volonté  et  il  aime  votre  oeuvre,  mais  il  est  bien  vif  et  ne  se 
laisserait-  peut-être  pas  facilement  conduire.  D'ailleurs,  il  vous  serait 
entièrement  inutile  pour  la  conduite  de  vos  jeunes  gens.  Nous  ne  vous 
conseillons  donc  pas  de  l'agréger  facilement  quoique  nous  n'ayons  nul 
sujet  de  plainte  contre  lui.  Nous  lui  avons  môme  fait  amitié  lorsqu'il  est 
revenu  de  son  pays,  nous  l'avons  reçu  au  Séminaire  le  peu  de  temps  qu'il 
e^t  resté  à  Paris  et  nous  lui  avons  donné  50  livres  par  gratification  que 
nous  ne  mettons  pas  sur  vos  comptes." 

Cette  lettre  démontre  que  la  sympathie  de  ces  Messieurs  pour  leur 
protégé  ne  se  démentait  pas.  En  présence  d'un  cas  identique  les  médecins 
actuels  concluraient  probablement  à  la  neurasthénie. 

Pendant  son  court  séjour  à  Québec,  M.  Gosselin  semble  avoir  été 
l'auxiliaire  de  la  cure  de  Québec  et  s'occupa  de  botanique.  On  lit,  en  effet 
dans  Ferland  (1),  qu'en  1739  l'intendant  Hocquart  faisait  passer  à 
Rochefort  "un  petit  ballot  contenant  un  herbier,  formé  par  le  sieur 
Gosselin,  prêtre  et  chanoine". 

Chanoine  titulaire  de  Québec,  il  devait  l'être  un  jour,  mais  il  ne 
l'était  pas  à  cette  époque. 

Dans  l'automne  de  1738,  il  fut  chargé  de  la  desserte  des  missions 
de  la  rivière  Chambly.  Le  10  mai  1741,  Daine  déclare  qu'il  a  fait  "cession 
de  sa  seigneurie  au  sieur  Gosselin,  curé  de  la  rivière  Chambly,  il  y  a  envi- 
ron deux  ans". 

(1)      Vol.   II,   p.   450. 


—  216  — 

Cette  seigneurie  était  dans  la  baie  de  Missiskuoy,  au  lac  Cham- 
plain  (2). 

M.  Gosselin  desservit  ces  missions  trois  ans  environ:  Yamaska  1738- 
40;    Saint-Denis  et  Saint-Charles,  1740-41. 

Après  la  mort  de  Mgr  de  l'Auberivière,  le  Chapitre  de  Québec  nomma 
M.  Gosselin  curé  inamovible  d'Yamaska,  ainsi  que  cinq  autres  curés.  Il 
venait  à  peine 'de  recevoir  ses  lettres  qu'il  sollicita  sa  translation  à  un 
autre  poste,  alléguant  insul'iisance  du  revenu. 

Le  Chapitre,  par  délibération  en  date  du  18  septembre  1740,  consentit 
à  lui  donner  les  titres  et  provisions  d'une^  nouvelle  cure  sur  la  rivière 
Chambly,  dont  l'érection  était  réservée  au  bon  plaisir  du  futur  évêque, 
et  le  chargeait  en  même  temps  de  desservir,  par  voie  de  mission,  le  rang 
de  la  seigneurie  de  Contrecoeur  qui  longe  la  rivière  Chambly,  ainsi  que 
la  seigneurie  de  Saint-Denis. 

Puis,  le  Chaj)itre  décida  en  même  temps  l'érection  de  la  seigneurie 
de  Lafrcsnière  et  Contrecoeur  en  paroisse,  avec  saint  Louis  pour  titulaire 
et  M.  Gosselin  })our  curé. 

Malheureusement,  cette  ])ro('édure  du  Chapitre,  paraît-il,  était  ultra 
vires.  Aussi,  Mgr  de  Pontbriand,  après  prise  de  possession  du  siège  de 
Québec,  exigea  purement  et  simplement  la  démission  des  inamovibles. 
C'était  son  droit  incontestable  ;  mais  il  pouvait  également  bien  suppléer 
à  l'absence  de  juridiction  en  ratifiant  les  nominations  faites  de  bonne  foi 
par  le  Cîhapitre.  Cette  revalidation  n'eût  probablement  j)as  mis  en  péril 
l'Eglise  du  Canada.  En  tout  cas,  M.  Gosselin  s'xécuta  princièrement,  et, 
le  7  septembre  1741,  il  signait  sa  déijiission  rédigée  comme  suit: 

"L'An,  1741,  je,  J.-B.  Gosselin,  curé  de  Saint-Michel  d'Yamaska, 
ai  remis  purement  et  simplement  la  dite  paroisse  d'Yamaska  entre  les 
mains  de  Monseigneur  pour  en  disposer  comme  il  le  jugera  à  propos, 
renonçant  dès  à  présent  à  tout  droit  sur  la  dite  cure,  m'en  tenant  dès  à 
présent  à  mon  canonicat  (3).     7  sept.  1741.     Signé:    Gosselin." 

A  l'époque  où  il  démissionnait  comme  curé  d'Yamaska,  M.  Gosselin 
était  bien  et  dûment  chanoine  titulaire  du  Chapitre  de  Québec.  Les  pro- 
visions qu'il  tenait  du  roi  étaient  datées  du  18  mai  1741.  L'installation 
du  successeur  du  chanoine  Le  Riche  avait  eu  lieu  le  31  aoiit  1741.  Cette 
nomination  dût  être  agréable  à  l'intendant  Hocquart  qui  en  fut  le  parrain 


(2)  Edits  et  Ord.,  vol.  II,  p.   56. 

(3)  Archives  de  l'Archevêché. 


—  217  — 

comme  nous  allons  le  voir. 

Se  trouvant  à  Québec  lors  de  l'arrivée  de  Mgr  de  l'Auberivière,  M. 
Gosselin  se  prodigua  à  tel  point  pour  les  malades  du  vaisseau  arrivé  le 
7  août,  que  l'intendant  Hocquart  crut  devoir  le  signaler  à  la  cour  dans  les 
termes  suivants: 

"Le  sieur  Gosselin  ne  sera  pas  en  état  cette  année  d'envoyer  beaucoup 
de  plantes;  de})uis  l'arrivée  des  vaisseaux  du  roi,  il  s'est  employé  entiè- 
rement à  consoler  les  malades  de  l'équipage  du  vaisseau  détenus  dans 
les  hôpitaux  et  à  leur  administrer  les  sacrements.  Il  l'a  fait  avec  une 
générosité  d'autant  plus  louable  qu'il  était  presque  le  seul  des  ecclésias- 
tiques séculiers  qui  se  soit  livré  à  cette  oeuvre  de  charité  sans  ménage- 
ment. . .     Il  mérite,  Monseigneur,  pour  cette  raison,  vos  bontés." 

"  Comme  il  y  a  deux  canonicats  qui  vaquent  en  régale,  je  prends  la 
liberté  de  vous  en  demander  un  pour  lui  ;  il  s'en  est  rendu  digne.  Ce 
bénéfice  lui  donnera  de  quoi  vivre  et  lui  permettra  de  travailler  dans  le 
temps  de  ses  vacances  à  la  recherche  des  plantes  pour  le  Jardin  du 
Roi"  (4). 

M.  Gosselin,  comme  il  en  avait  prévenu  Mgr  de  Pontbriand,  revint 
donc  à  Québec  dans  l'automne  de  1741.  Il  collaborait  au  ministère  de  la 
paroisse  Xotre-Dame  de  Québec  et,  de  plus,  le  Chapitre  le  chargea  de  dire 
la  messe  quotidienne  au  Palais  de  l'Intendant  cà  raison  de  100  livres  par 
an,  du  1er  novembre  au  14  octobre  1742,  sans  cependant  le  dispenser  de 
l'assistance  à  l'office. 

Tout  de  même,  il  sut  arranger  son  affaire  pour  prendre  ses  vacances, 
comme  il  appert  par  le  journal  du  P.  Maurice,  S.J.,  pour  l'année  1742: 

"Dans  le  premier  voyage  de  la  goélette,  M.  Gosselin,  prêtre  et  cha- 
noine de  la  cathédrale  de  Quél)ec,  s'embarqua  avec  il.  Cugnet  pour  voir 
si  dans  les  terres  du  Domaine  il  ne  trouverait  pas  quelques  plantes  par- 
ticulières. Il  a  eu  le  bonheur,  dit-on,  d'en  rencontrer  quelques-unes,  qui 
ont  été  estimées  et  reçues  au  Jardin  du  Roi,  en  France"  (5). 

La  passion  des  voyages  n'est  en  rien  contraire  à  la  foi  et  aux  bonnes 
moeurs.  Si  quelqu'un  en  doute,  il  n'a  (|u'à  consulter  le  chanoine  Huard. 
Après  un  nouveau  séjour  de  quatre  ans,  il  n'est  donc  pas  étonnant  que  le 
chanoine  Gosselin  rêvât  une  petite  promenade  en  France.  Sa  santé, 
pensait-il,  réclamait  l'air  du  pays  natal.    Personne  n'en  douterait  !     C'est 


(4)  Cahier  Ferland  C.  Histoire  du  Séminaire. 

(5)  Notice  sur  les  Missions  du  Saguenay,  p.   32. 


Parti  sur  la  fin  de  l'automne  de  1748,  M.  Gosselin  se  rendit  au 
Séminaire  de  Paris  où  il  passa  l'hiver.  En  effet,  le  1er  avril  1749,  on 
écrivait:  "M,  Gosselin  est  à  peu  près  dans  le  même  état;  il  est  toujours 
avec  nous." 

Il  se  rendit  ensuite  dans  son  pays  où  il  mourut  à  la  fin  de  septembre 
1749.  Xous  en  avons  la  preuve  dans  une  lettre  du  15  janvier  1750,  écrite 
par  M.  de  Canne-Falaise,  au  Chapitre  de  Québec:  "J'ai  acquitté,  dit-il, 
les  messes  pour  le  repos  de  l'âme  de  feu  M.  de  Lotbinière  et  M.  Gosselin 
décédé  en  son  pays  à  la  fin  de  septembre." 

La  correspondance  que  j'ai  citée,  les  faits  et  gestes  que  j'ai  mention- 
nés démontrent,  il  me  semble,  que  ce  chanoine  Gosselin  était  un  impulsif 
que  seuls  les  Messieurs  du  Séminaire  de  Paris  ont  parfaitement  compris. 

Mgr  DAVID  GOSSELIN    (1) 
selln. 


(7)      Extrait  de  son  récent   ouvrage  en  trois  volumes:     La  famille  Gos- 


La  baronnie  du  CapTourmente 


"En  1724,  écrivait  M.  Benjamin  Suite,  dans  la  Revue  Canadienne  de 
1885  (page  299),  alors  que  la  famille  de  Caën  avait  en  mains  le  commerce 
de  pelleteries  du  Saint-Laurent  et  avant  que  l'on  eut. entrepris  de  mettre  une 
seule  charrue  flans  le  sol  d  Québec  ou  des  environs,  le  roi  accorda  à  Guillau- 
me de  Caën,  à  titre  de  fief  noble,  le  cap  Tourmente,  l'île  d'Orléans,  et  autres 
îles  du  voisinage.  Une  petite  ferme  pour  les  bestiaux,  au  pied  du  Cap  Tour- 
mente, fut  l'entreprise  noble  de  Caën,  qui  perdit  ses  terres  et  son  titre  en 
1627  à  la  formation  de  la  Compagnie  des  Cent-Associés". 

Tous  nos  historiens  ont,  en  effet,  mentionné  cette  baronnie  du  Cap-Tour- 
mente créée  en  faveur  de  Guillaume  de  Caën,  le  3  janvier  1724,  mais  une 
baronnie  ne  se  fonde  comme  on  établit  une  terre  d'habitant  dans  les  forêts 
canadiennes.  Guillaume  de  Caën  a  dû  recevoir  des  lettres-patentes  pour  sa 
baronnie.  Ces  lettres  ont-elles  été  publiées  quelque  part  ?  Où  ?  Si  elles  n'ont 
pas  été  publiées  elles  doivent  se  trouver  en  original  quelque  part.  Qui  m'in- 
diquera où  je  les  trouverai  ? 

A.  B  C. 


précisément  sur  ce  point  qu'il  se  faisait  illusion. 

Le  1-i  septembre  1742,  il  était  en  instance  auprès  du  Chapitre,  sans 
l'autorisation  duquel  un  chanoine  titulaire  ne  peut  s'absenter.  Bien  plus, 
il  lui  fallait  présenter  le  certificat  d'un  médecin  attestant  qu'un  congé 
lui  était  nécessaire.  La  demande  d'un  simple  billet  de  confession  eut 
mieux  fait  son  affaire.  M.  Gosselin  resta  donc  à  Québec,  continuant  de 
dire  la  messe  au  Palais,  de  confesser  les  religieuses,  de  faire  du  ministère 
à  la  cathédrale  et  de  remplir  ses  fonctions  de  chanoine  (6). 

Au  lieu  du  congé  qu'il  sollicitait  en  1742,  le  Chapitre  lui  confia  la 
charge  de  trésorier,  par  arrêté  du  16  avril  1743.  Il  est  probable  qu'il 
goûta  médiocrement  cette  marque  de  confiance,  car  il  réussissait  à  faire 
agréer  sa  démission  de  procureur  du  Chapitre,  le  15  octobre  1744. 

Cependant  il  ruminait  toujours  de  repasser  en  France,  et  le  Chapitre 
continuait  de  faire  la  sourde  oreille,  voulant  sans  doute  lui  donner  le 
temps  de  préparer  sa  malle.  Enfin,  le  7  octobre  1748,  muni  d'un  certi- 
ficat de  son  médecin,  le  chanoine  Gosselin  sollicita  un  congé  de  deux  ans 
que  le  Chapitre  lui  accorda  volontiers.  Il  se  montra  même  bon  prince 
puisque  l'autorisation  stipulait  ce  qui  suit:  "Pendant  le  dit  temps,  il 
jouira  du  revenu  de  sa  prébende  tant  pour  le  gros  que  pour  la  rétribution 
mensuelle,  à  l'exception  des  deux  mois  de  vacances  pendant  lesquels  il  ne 
touchera  la  rétribution  mensuelle  que  sur  le  même  pied  que  ceux  qui  sont 
à  Québec  et  s'absentent  pendant  le  dit  temps." 

Deux  jours  plus  tard,  Mgr  de  PontHriand  écrivait  au  ministre  des 
Colonies  :  "Malgré  le  petit  nombre  de  chanoines,  je  n'ai  pu  refuser  au 
sieur  Gosselin  la  permission  de  passer  en  France,  à  cause  de  la  faiblesse 
de  sa  vue.  S'il  pouvait  obtenir  une  pension  il  quitterait  volontiers  son 
canonicat.  Je  crains  (ju'il  ne  se  fixe  en  France  et  que,  sous  prétexte  d'in- 
firmité, il  ne  conserve  son  canonicat." 

En  style  clair  etjiet:  Je  veux  bien  qu'il  passe  en  France  et  même 
qu'il  reste,  pourvu  que  la  mense  épiscopale  n'y  contribue  en  rien".  Evi- 
demment, les  adieux  de  l'évêque  et  de  son  chanoine  ne  durent  pas  être 
aussi  déchirants  que  ceux  de  saint  Paul  et  des  anciens  d'Ephèse.  Cette 
légère  croix  qu'il  redoutait  trop,  Mgr  Pontbriand  ne  devait  pas  la  porter. 
Dieu  lui  en  préparait  une  plus  épiscopale  et  insoupçonnée  à  cette  heure-là, 
sous  le  poids  de  laquelle  il  succomba  en  1760,  après  être  monté  au  cal- 
vaire. 


(6)     Registres  du  Chapitre. 


—  220  — 

LE  ROMAN  D'UN  PRATICIEN 


JACQUES  XOUETTE 


Le  Bulletin  s'est  occupé  de  ce  personnage  en  1915,  mais  depuis  nous 
avons  constaté  qu'il  eut  une  aventure  à  Montréal  qui  vaut  la  peine  d'être 
consignée. 

*  *   ^ 

Jacques  Xouette  dut  venir  en  la  Nouvelle-France  avant  1741,  puis- 
qu'au  mois  d'octobre  1742,  Mgr  de  Pontbriand  écrivait  au  ministre 
Pontchartrain  que  le  nommé  Nouette  dit  la  Souffleterie,  faisant  les  fonc- 
tions de  procureur  ou  de  praticien  et  qui  demeurait  à  Québec  depuis 
quelques  années,  n'était  pas  un  sujet  désirable. 

A  cette  époque,  il  vivait  avec  une  femme  dont  le  mari  était  absent 
et  "qui  avait  fait  parler  d'elle". 

Pour  cette  raison  et  pour  d'autres  encore,  les  autorités  religieuses 
cherchaient  à  le  chasser  du  Canada. 

Par  prudence  ou  par  affaire,  Jacques  Xouette  transporta  ses  pénates 
à  Montréal  et  c'est  ici  qu'on  le  trouve  mêlé  à  une  scène  curieuse  dans 
laquelle  il  ne  joue  pas  le  plus  mauvais  rôle. 

Nous  puisons  les  détails  qui  vont  suivre  dans  les  archives  judiciaires 
de  Montréal,  7  mars  au  22  avril  1743. 

Le  Jeudi  soir,  7  mars  1743,  Madeleine  Guyon-Després,  épouse  de 
Louis-Mathieu  Damours  de  Clignancourt,  soupa  avec  la  femme  de  Fran- 
çois Foucher,  procureur  du  roi,  à  Montréal,  lequel  résidait  en  son  hôtel, 
rue  Saint-Paul. 

Vers  onze  heures.  Madame  de  Clignancourt  se  retira  et  M.  Foucher 
sortit  avec  elle  pour  la  reconduire  Jusqu'à  la  maison  de  Nicolas  Morant, 
charpentier,  chez  qui  elle  logeait.  En  route,  ils  furent  rejoints  par  le 
sieur  Xouette  qui  avait  soupe  en  ville  et  qui  avait  chambre,  lui  aussi,  à  la 
pension  Morant.  Tous  trois  entrèrent  dans  la  chambre  de  madame  de 
Clignancourt. 

A  peine  était-on  installé  que  Charles  Ruette  d'Auteuil,  sieur  de  Mon- 
ceaux, entra.  Jacques  Xouette  lui  souhaita  le  bonsoir,  mais  M,  d'Auteuil 
lui  répondit  qu'il  ne  recevait  pas  le  salut  de  B.  de  J.  (sic)  comme  lui; 
qu'il  était  un  fripon  et  un  insolent. 


—  221  — 

A  quoi,  ledit  Nouette  répliqua  qu'il  ne  méritait  pas  ces  épithètes, 
car  il  était  un  honnête  homme. 

M.  d'Auteuil  rétorqua  que  Nouette  était  un  F.  (sic)  coquin,  qu'il 
avait  dit:  "qu'il  ferait  vendre  ses  neigres",  etc..  enfin  il  lui  servit  un 
plat  d'invectives  qu'il  termina  par  un  soufflet. 

"En  ce  même  moment  le  dit  Nouette  mit  l'épée  à  la  main  pour  parer 
un  coup  de  canne  que  M.  d'Auteuil  lui  destinait." 

M.  Foucher  "voulut  s'o])poser  à  cette  vaillance  conjointement  avec 
madame  de  Clignaucourt".  Sur  ce  bruit,  le  maître  de  la  maison,  M.  Mo- 
rant,  et  un  pensionnire,  J.-B.  Boucher  de  Xiverville,  se  jetèrent  sur  le 
sieur  d'Auteuil  et  le  sortirent. 

M.  Morant  reprocha  à  M.  d'Auteuil-  de  venir  chez  lui  insulter  ses 
pensionnaires.  A  cela  le  gentilhomme  répondit  qu'il  était  venu  voir  sa 
cousine  !  !  ! . . . 

Madame  de   Clignaucourt  répondit:     "Je   ne  sais  quelle  est  cette 

attention  de  venir  me  rendre  visite  à  cette  heure,  lui  qui  ne  m'en  a  jamais 

fait  aucune." 

*  *  * 

Dès  qu'il  fut  dehors,  M.  d'Auteuil  se  rendit  chez  le  juge  Guiton  de 
Monrepos  et  logea  une  plainte,  en  pleine  nuit,  contre  Jacques  Xouette. 
Il  l'accusait  de  l'avoir  insulté  et  de  l'avoir  menacé  de  l'épée.  M.  d'Auteuil, 
fans  doute,  voulait  prendre  "les  devants"  car  il  n'ignorait  pas  à  quel  plai- 
deur retors  il  avait  affaire. 

Les  témoins  furent  assignés  et  le  9  mars,  à  5  heures  de  relevée,  l'in- 
terrogatoire commença  devant  M.  de  Monrepos.  Pas  n'est  besoin  de  dire 
que  les  témoignages  ne  furent  pas  favorables  à  M.  d'Auteuil,  car  mani- 
festement, il  était  l'agresseur. 

Le  lendemain,  Jacques  Xouette,  à  son  tour,  présente  une  requête  fort 
bien  motivé,  par  laquelle  il  demande  la  permission  de  déposer  une  plainte 
contre  le  sieur  d'Auteuil.'  D'accusé,  il  veut  devenir  accusateur  et  il  a 
en  sa  faveur  le  poids  de  la  preuve.  Mais  la  récrimination  était  rarement 
reçue,  aussi  écrit-il  un  véritable  plaidoyer  pour  soutenir  ses  prétentions. 
Il  invoque  les  opinions  des  jurisconsultes  éminents:  Julius  Clarus  (Guilio 
Cloro),  Papon,  Imbert,  Gail,  et  il  accumule  les  citations  de  façon  telle 
qu'il  eut  gain  de  cause. 

A  ce  moment,  l'horizon  s'assombrit. 

Le  juge  Guiton  de  Monrepos  s'aperçoit,  tout-à-coup,  qu'il  ne  peut 


siéger.    Il  se  récuse  et  remet  le  procès  au  lieutenant  particulier  du  tribu- 
nal, Jean-François  Mailhot,  sorte  de  juge  suppléant. 

Le  procureur  du  roi,  François  Foucher,  ne  peut  pro.céder  étant  témoin 
et  J.-B.  Adhémar,  le  greffier,  est  nommé  substitut  du  procureur  du  roi. 
Mais  il  se  récuse  parce  qu'il  est  parent  avec  madame  de  Clignancourt. 

Nicolas-Augustin  (juillet  de  Chaumont  est  désigné  pour  remplacer 
Adhémar,  mais  tout  aussitôt  lui  aussi  se  récuse,  sous  le  prétexte  qu'il  a  eu 
des  difficultés  avec  le  sieur  d'Aute»il. 

Alors  on  s'adresse  au  notaire  François  Simonnet  qui  refuse  la  charge, 
parce  cju'il  considère  que  les  raisons  données  par  ses  devanciers  ne  sont 
pas  valables  ! 


Finalement  on  procède  quand  même  et  le  juge  Mailhot  trouve  moyen 
de  sortir  de  l'impasse.  11  pèse  le  pour  et  le  contre,  examine  à  gauche  et 
à  droite  et  renvoie  les  parties  dos  à  dos  !  !  ! 


Dans  l'anciejine-Franco,  M.  de  Pontchartrain  s'occupait  du  sieur 
Xouette.  Le  8  mai  1743,  il  avait  adressé  à  l'intendant  Hocquart  la  plainte 
de  l'évêque  de  Québec.  Il  donnait,  sans  doute,  par  la  même  occasion, 
l'ordre  de  renvoyer  Nouette  du  pays,  car  l'intendant  fait  monter  notre 
praticien  dans  un  navire  à  destination  de  la  Kochelle,  le  3  novembre  1743. 

Ce  même  intendant  a  tracé  du  sieur  Nouette  un  portrait  ni  flatté  ni 
flatteur:  "Il  n'y  a  point  de  chicanes  dont  il  ne  soit  capable  dans  l'exercice 
de  sa  profession ...  ;  infidèle  dans  les  dépôts,  solliciteur  de  mauvais  pro- 
cès, indiscret  dans  ses  discours  et  ses  écrits  ;  de  mauvaises  moeurs  avec  de 
l'esprit,  voilà  le  précis  de  son  caractère." 


Nouette  portait  un  nom  territorial  qui  varie  suivant  les  documents. 
Dans  la  lettre  de  Mgr  de  Pontbriand,  on  lit  :  de  la  Souffleterie,  dans  celle 
de  M.  de  Pontchartrain,  c'est  la  Bérisseterie,  à  Montréal,  on  écrit  la  Bou- 
flerie.  Cela  est  sans  importance,  Nouette  n'était  pas  noble,  puisqu'il  ne 
prend  jamais  le  titre  d'écuyer. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


^  ""'  -?■ 
L'HONORABLE  TOUSSAINT  POTHIER 


Ce  personnage  a  joué  un  tel  rôle  dans  le  monde  de  la  finance  et  de 
la  politique  d'autrefois  que  des  notes  biographiques  sur  lui  doivent  avoir 
leur  place  dans  le  Bulletin.  Nous  les  extrayons  du  Dktionnaire  généa- 
logique de  Mgr  Tanguay,  d'une  notice  publiée  par  l'abbé  Bois  dans 
l'Opinion  pibïique  de  1873  (10  juillet),  de  ï Histoire  des  Canadiens- 
Français  de  M.  Suite  et  des  archives  du  palais  de  justice  de  Montréal. 

*  *  * 

Sa  généalogie  s'établit  facilement  à  l'aide  du  Dictionnaire  de  Mgr 
Tanguay. 

I. — Etienne  Pothier  dit  Laverdure  épouse  Michelle  de  la  Haye,  à 
Québec,  le  9  septembre  1670. 

II. — Toussaint  Pothier  épouse  Marguerite  Thunay,  à  Montréal,  le 
premier  décembre  1703. 

III. — Toussaint  Pothier  épouse  Geneviève  Hervieux,  à  Montréal, 
le  3  mai  1734. 

IV. — Louis-Tou.ssaint  Pothier  épouse,  à  Montréal,  Louise  Courault, 
le  28  avril  1769. 

De  ce  mariage  naît,  à  Montréal,  le  16  mai  1771,  Jean-Baptiste  Tous- 
saint Pothier,  le  sujet  de  cette  notice. 

Celui-ci  commença  de  bonne  heure  à  s'occuper  du  commerce  des 
fourrures  dans  lequel  son  père  avait  acquis  une  jolie  fortune,  car  Louis- 
Toussaint  avait  été  un  des  fondateurs  de  la  fameuse  Compagnie  du  Xord- 
Ouest  avec  les  Kocheblave,  les  Frobisher,  les  Cotté,  les  McTavish. 

Devenu  riche  à  son  tour  et  propriétaire  «les  seigneuries  de  Lanaudière, 
de  Carufel  et  autres,  le  futur  honorable  songea  à  se  construire  un  manoir 
le  long  de  la  rivière  Maskinongé  et  dès  1811,  il  commença,  là-bas,  des 
travaux  considérables. 

En  1812,  il  organisait  un  corps  de  voyageurs  canadiens  pour  la 
défense  des  lacs  et,  après  cela,  on  le  trouve  commissaire  pour  la  construc- 
tion du  canal  de  Lachine,  1825  ;  membre  du  Conseil  législatif,  de  1824  à 
1838;  membre  du  Conseil  exécutif,  de  1838  à  1839;  membre  du  Conseil 
s})écial,  de  1838  à  1841;  arbitre  pour  le  partage  du  revenu  des  douanes 
entre  le  Bas  et  le  Haut  Canada  (3,  George  III)  et  commissaire  pour 
l'exploration  des  terres  entre  l'Outaouais  et  le  Saguenay. 

Ses  nombreuses  occupations  ne  l'empêchaient  pas  de  s'intéresser  aux 


—  224  — 

études  scientifiques  et  il  fut  l'un  des  fondateurs  et  des  bienfaiteurs  de  la 
Société  d'histoire  naturelle  de  Montréal  qui  existe  encore. 

Le  10  Janvier  1820,  il  avait  épousé,  à  Montréal,  Anne-Françoise 
Bruyères,  fille  mineure  de  feu  Ralph- Flenry  Bruyères,  ancien  lieutenant- 
colonel  des  Ingénieurs  royaux,  et  de  Jeanne  Dunbar. 

L'honorable  Toussaint  Pothier  décéda  à  Montréal,  le  23  octobre  1845. 

Après  la  mort  de  l'iionorable  Rocli  de  Saint-Ours,  qui  était  shérif  de 
Montréal  (V.  B.  R.  IL,  V,)V.),  p.  235),  l'honorable  Pothier  fut  appelé  à 
recueillir  la  succession  du  défunt  conjointement  avec  Andrew  Stuart 
(21  septembre  1839),  mais  il  se  produisit  quelque  fait,  encore  ignoré,  qui 
empêcha  les  nouveaux  titulaires  de  prendre  leur  poste,  car  cinq  jours  plus 
tard,  le  26  septembre,  deux  autres  shérifs  conjoints,  tous  deux  Anglais, 
cette  fois,  étaient  désignés  pour  les  remplacer. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


QUESTIONS 


M.  Adjutor  Rivarrl,  membre  de  la  Sociôtc  Royale,  vient  de  recevoir  un 
prix  de  l'Académie  Française  pour  son  délicieux  volume  Chez  nous.  Je  sais 
que  M.  Louis  Fréchette  a  également  été  couronné  pjir  l'Académie  Française 
pour  un  volume  de  poésies.  D'autres  auteurs  canadiens  ont-ils  reçu  des  dis- 
tinctions aussi  flatteuses  de  l'Académie  Française   ? 

LIVRE 

— On  annonce  pour  le  mois  d'août  la  visite  de  la  reine  de  Roumanie  au 
Canada.  La  plupart  des  souverains  d'Angleterre,  depuis  la  Conquête,  ont 
fait  des  séjours  au  Canada  mais  avant  de  monter  sur  le  trône.  Le  Canada 
a-t-il  eu  comme  hôtes  des  souverains  en  exercice  ?  Je  serais  fort  curieux 
qu'un  lecteur  du  Bulletin  éluciderait  ce  petit  point  d'histoire  afin  de  mettre 
fin  à  une  discussion  qui  dure  déjà  depuis  plusieurs  semaines. 

XXX 

— Je  sais  que  l'abbé  Richard,  curé  (Je  Détroit,  a  été  pendant  plusieurs 
années  membre  du  Congrès  des  Etats-Unis.  Le  fait  a  déjà  été  mentionné 
dans  le  Bulletin,  je  crois.  Mais  l'abbé  Richard  était  un  Français  de  France. 
Avons-nous  en  des  Canadiens-Français  membres  du  Congrès  des  Etats-Unis  ? 
L'honorable  M.  Pothier  n'a-t-il  pas  été  membre  du  Congrès  avant  d'être 
gouverneur  d'un  des  états  de  l'Union  Annéricaine    ? 

AMERIC 

— Vous  obligerez  beaucoup  un  mutualiste  en  l'informant  si  nous  avons 
emprunté  la  forme  de  nos  sociétés  de  secours  mutuel  à  la  France,  à  l'Angle- 
terre ou  aux  Etats-Unis.  Où  ont  été  établies  les  premières  sociétés  de  se- 
cours mutuel  dans  la  province  de  Québec  ?  La  Société  des  Artisans  Cana- 
diens-Français, l'Alliance  Nationale,  les  différentes  Unions  Saint-Joseph 
sont  des  sociétés  de  fondation  relativement  récente.  Il  y  a  dû  y  en  avoir 
d'autres  avant  cela. 

MUTUEL 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES  HISTORIQUES 


VOL.  XXVI  BEAUCEVILLE-4lillT  I920AODT       No  18 

Un  mémoire  de  M.  de  Boarlamaque 
sur  le  Canada 

(SUITE  ET  FIN) 

.  Comme  on  doit  chercher  à  donner  à  l 'argent  de  papier 
le  cours  le  plus  avantageux,  il  serait  ])eut  être  de  l'intérêt 
du  Roy  de  retirer  du  Canada  l'or  et  l'argent  moimoyé  que 
les  Anglais  pourront  y  laisser  et  à  cet  effet,  dès  qu'il  y  au- 
rait dans  le  public  assez  de  papier  moiniaie  d'or  et  d'argent 
contre  les  lettres  de  change  payable  au  premier  terme  avec 
un  profit  médiocre. 

On  empêcherait  par  cette  opération  que  les  espèces 
d 'or  et  d 'argent  ne  diminuent  la  valeur  des  ordonnances 
et  ne  passent  chez  l'étranger  par  la  voie  de  contrebande. 

Le  Gouverneur-Général  fera  faire,  la  première  année, 
un  recensement  des  habitans  de  la  colonie  dans  les  villes 
et  à  la  campagne  un  état  des  arpens  de  terre  en  valeur,  de 
leur  produit  année  conmmne,  de  la  quantité  de  chevaux 
et  de  bestiaux  qui  s'y  trouveront  et  sur  la  connaissance 
qu'il  prendra  de  la  situation  des  pays  à  cet  égard,  il  fera, 
de  concert  avec  le  conseil  d'Etat,  des  rcglemens  pour  aug- 
menter la  culture,  la  population  et  les  }3estiaux.  Il  sera 
même  autorisé  à  faire  aux  dejDens  du  Roi  des  avances  aux 
plus  misérables. 


—  226  — 

Les  troupes  pouvant,  à  peu  de  chose  près,  remplir  en 
temps  de  paix  tous  les  besoins  du  service,  les  habitans  res- 
teront sur  leur  terres  x)our  les  cultiver,  mais  ceux  qui  se 
présenteront  de  bonne  volonté,  pour  être  employés  aux  tra- 
vaux du  Roi  ou  aux  voyages,  seront  admis  et  favorisés  par 
le  Gouvernement. 

Comme  les  habitans  de  la  campagne  ne  seront  plus  dé- 
tournés de  leurs  travaux,  ils  pourront  s'occuper  entière- 
ment de  la  culture  des  terres  et  de  l'augmentation  des  bes- 
tiaux, mais  le  canadien  étant  naturellement  paresseux  et 
ne  travaillant  précisément  que  jjour  se  fournir  le  nécessai- 
re, il  serait  à  propos  de  le  forcer  à  un  travail  raisonnable, 
par  quelque  impôt  qui  l'oblige  à  tirer  de  sa  terre  ce  qu'on 
doit  naturellement  en  attendre.  Cet  impôt  doit  être  en 
denrées  et  la  meilleure  manière  de  le  lever  serait  de  faire 
nourrir  chez  les  habitans  une  partie  des  soldats  que  le  Roi 
y  entretiendr.a.    Ce  projet  sera  expliqué  ci'après. 

La  boisson  naturelle  du  pays  étant  la  bière  de  sapinet- 
te,  la  mêlasse  qui  est  nécessaire  à  sa  composition  ne  paiera 
que  peu  ou  point  de  droits  d'entrée. 

Les  vins  et  eaux  de  vie  paieront  sept  ou  huit  pour  cent. 

Les  marchandises  de  première  nécessité  seront  taxées 
à  cinq  ou  six  pour  cent  et  celles  de  luxe  à  proportion  de  leur 
inutilité,  paieront  un  droit  d'entrée  plus  fort. 

On  établira  des  droits  sur  les  cabarets  de  ville  et  des 
faubourgs. 

On  lèvera  exactement  le  droit  de  contrôle  sur  tous  les 
actes  et  le  droit  de  lods  et  ventes. 

Il  sera  établi  des  magasins  de  sel  dans  les  villes  et 
principaux  forts. 

Les  vaisseaux  du  Roy  l'apporteront  -  de  France  et  il 
sera  vendu  à  son  profit  à  un  jDrix  très  modique  pour  encou- 
rager les  habitans  à  faire  des  salaisons  dont  le  commerce  se- 
rait avantageux  au  pays. 

Les  vaisseaux  du  Roi  apporteront  aussi  de  la  poudre  à 
tirer,  elle  sera  vendu  aux  habitans  le  même  prix  qu'en 
France. 

L'on  fera  passer  en  Canada  des  régissans  entendus 


_227  — 

pour  exploiter  les  mines  de  fer  qui  sont  auprès  des  trois 
Rivières,  Elles  fo.urniront  le  fer,  les  bombes  et  boulets  né- 
cessaires pour  l'artillerie,  et  ce  qui  par  la  suite  ne  sera  i>as 
consommé  pour  le  service  du  Roy,  sera  vendu  aux  parti- 
culiers. 

L'on  ne  permettra  point  aux  officiers  de  troupes,  aux 
connnissaires,  ni  à  aucun  de  ceux  qui  servent  le  Roy,  de 
faire  le  commerce,  de  telle  nature  qu'il  puisse  être  directe- 
ment ni  indirectement,  par  eux  mêmes  ou  par  leurs  femmes 
enfans  ou  domestiques. 

Ils  ne  pourront  non  ])lus  entrer  dans  (lucune  entrepri- 
se, fournir  des  chevaux  et  voitures  pour  le  service,  des  bâ- 
timens  de  transport  sur  mer,  ou  sur  les  lacs  et  sur  le  fleuve, 
se  charger  d'aucune  exploitation,  fourniture  de  marchan- 
dises, denrées  de  telle  nature  qu'elle  puisse  être. 

Il  sera  nécessaire  que  l'on  tienne  la  main  exactement 
à  cet  article  qui  est  d'une  grande  conséquence.  Les  offi- 
ciers et  autres  au  service  du  Roi,  pourront  seulement  faire 
valoir  des  terres,  prendre  des  concessions  et  en  vendre  les 
fruits  de  toute  nature. 

Il  serait  à  propos  que  l'on  attirât  au  Canada  des  famil- 
les étrangères  sans  avoir  égard  à  la  religion.  On  augmente" 
rait  par  là  cette  Colonie  sans  faire  tort  au  Royaume  et  le 
l)etit  nombre  de  protestans  que  cette  tolérance  y  introdui- 
rait, ne  serait  jamais  assez  considérable  pour  donner  at- 
teinte à  la  religion  des  anciens  habitans,  il  y  a  même  a  pa- 
rier que  la  plupart  de  ces  familles  embrasseraient  bientôt  la 
religion  dominante.  On  pourrait  d'ailleurs  les  obliger  à  fai- 
1  e  baptiser  leurs  enfans. 

Ces  familles  seraient  transportées  en  Canada  sur  les 
A'^aisseaux  du  Roi.  Il  leur  serait  concédé  des  terres  en  ar- 
rivant et  le  Gouverneur  sera  autorisé  à  leurs  faire  des 
avances  en  bestiaux,  outils,  grains  et  subsistances,  lesquel- 
les avances  ils  remplaceront  dans  un  temps  fixé. 

Toutes*  concessions  faites  ci-devant  aux  particuliers 
et  qui  n'ont  pas  été  mises  en  valeur  seront  retirés  au  bout 
de  trois  ans,  si  les  dits  particuliers  n'y  ont  point  établi  d 'ha- 
bitans, et  le  Roi  sera  le  maitre  de  les  donner  à  d'autres. 


—  228  — 

Les  postes  où  se  fait  la  traite  avec  les  sauvages  ne  se- 
ront plus  donnés  à  des  particuliers. 

Le  commerce  y  sera  libre  à  tout  le  monde  et  l'on  n'exi- 
gera aucun  droit  de  ceux  qui  y  enverront  des  canots. 

Les  commandans  des  Postes  seront  relevés  au  plus 
tard  tous  les  deux  ans  ;  ils  ne  pourront  y  faire  aucune  es- 
pèce de  trafic,  en  marchandises  ni  en  pelleteries  de  retour. 

Ils  recevront  seulement  les  présens  que  les  sauvages 
pourront  leur  faire,  bien  entendu  que  le  Roi  ne  sera  pas 
obligé  de  les  compenser  par  d'autres  et  que  les  particuliers 
que  doimeront  les  sauvages  ai)partiendront  au  Roi. 

Les  garnisons  des  forts  seront  relevées  tous  les  ans,  et 
l'on  y  enverra  en  même  temps,  les  vivres  nécessaires  pour 
l'année  et  les  niarchandises  destinées  aux  sauvages.  Un 
écrivain  ou  commis  sera  chargé  de  les  conduire  et  en  répon- 
dre. 

Les  canots  que  porteront  ces  vivres  et  marchandises 
seront  armés  par  les  soldats  de  la  nouvelle  garnison,  et  si  le 
nombre  n'en  est  pas  suffisant,  on  en  détachera  qui  revien' 
dront  avec  ces  canots.  Lorsque  la  navigation  sera  difficile, 
comme  elle  l'est  pour  tous  les  i)Ostes  éloignés,  on  commen- 
dra  des  miliciens  pour  guider  les  soldats  et  les  instruire. 

Le  Gouverneur  Général  prendra  les  mesures  les  plus 
justes  pour  que  le  Roy  ne  soit  pas  obligé  d'acheter  dans 
les  postes  les  effets  nécessaires  pour  faire  des  présens  aux 
Sauvages.  Il  réglera  ces  présens,  et  comme  cet  article  a 
été  la  source  d'abus  trè^  coûteux,  il  aura  soin  d'être  ins- 
truit par  des  gens  affidés,  du  nombre  des  Sauvages  qui 
visiteront  les  postes  et  sera  autorisé  à  faire  des  gratifica- 
tions aux  commandans  qui  se  seront  bien  conduits  et  à  pu- 
nir avec  la  plus  grande  rigueur,  ceux  qui  auront  manqué  de 
fidélité. 

Il  réglera  aussi  le  prix  des  marchandises  dans  les  x>os- 
tes  et  aura  soin  que  les  commandans  y  empêchent  le  mono- 
pole. 

Il  fixera  les  lieux  où  devra  se  faire  la  traite  avec  les 
sauvages  et  réduira  le  nombre  des  postes  autant  qu'il  lui 
sera  possible  surtout  de  ceux  qui  sont  éloignés.    Il  suffit 


—  229  — 

d 'empêcher  les  sauvages  de  traiter  avec  les  Anglais  et  pour 
cet  effet  on  doit  avoir  pour  principe  de  leur  procurer  les 
meilleurs  marchandises  et  au  meilleur  marché  possible. 

Si  on  pouvait  avoir  à  cet  égard,  quelque  avantage  sur 
les  Anglais,  on  les  attirerait  aisément  avec  leurs  paquets 
dans  des  lieux  peu  éloignés  de  la  colonie. 

L 'on  aura  soin  d 'empêcher  que  les  Canadiens  ou  Fran- 
çais libertins  ne  soient  reçus  parmi  les  sauvages,  parce  que, 
dès  qu'ils  y  sont  adoptés,  ils  sont  perdus  pour  l'Etat. 

Le  Koy  ayant  licencié  ce  qui  restait  de  soldats  des 
troupes  du  Canada  après  la  prise  de  ce  pays,  il  n'est  pas 
l^ossible  de  rétablir  ces  troupes  elles  seraient  composées  de 
nouvelles  levées  et  par  conséquent  incapables  de  faire  la 
guerre.  Il  parait  indispensable  de  faire  passer  dans  cette 
Colonie  des  régimens  d'infanterie  qui  y  tiendront  garnison 
pendant  trois  ou  quatre  ans.  Et  conune  les  officiers  de  ces 
régimens  seraient  privés  de  venir  de  tems  en  tems  dans 
leurs  familles  où  ils  trouvent  des  ressources,  il  serait  juste 
que  le  Roi  les  dédommageât  par  un  traitement  plus  avan- 
tageux ;  on  en  parlera  ci-après. 

^  Les  finances  gagneraient  à  cet  arrangement.  Le  Roi 
ne  serait  pas  obligé  de  garder  sur  23ied  un  plus  grand 
nombre  de  troupes  pendant  la  paix  et  épargnerait  par  con- 
séquent la  dépense  de  celles  qu'il  entretient  en  Canada. 

Il  est  vrai  qu'au  moment  de  la  guerre,  il  faudrait  re- 
parer ce  vide  par  des  augmentations.  Mais  cet  inconve*. 
nient  serait  moindre  que  de  confier  la  défense  d 'une  colonie 
à  des  soldats  qui  n'auraient  jamais  fait  la  guerre. 

Il  faut  en  Canada  un  petit  corps  d'artillerie  composé 
de  canoniers,  bombardiers,  artificiers  et  ouvriers.  Ce  coi^ps 
ne  peut  être  moindre  que  deux  cents  hommes  pendant  la 
paix  et  sera  augmenté  à  la  guerre.- 

On  sera  obligé  d'y  avoir  un  Ingénieur  en  chef  et  4  In- 
génieurs ordinaires.  Le  nombre  pourra  en  être  moindre, 
quand  il  n'y  aura  plus  de  fortifications  à  construire.  Il 
est  à  propos  de  former  en  Canada  une  troupe  de  volontai- 
res, chef  seurs,  commandée  par  les  officiers  canadiens  qui 
entendent  les  langues  sauvages.  Cette  troupe  destinée  à  la 


—  230  — 

petite  guerre,  servirait  en  tems  de  paix  à  rassembler  les  li- 
bertins qui  se  donnent  d'ordinaire  aux  sauvages  et  serait 
employée  aux  besoins  du  service  relatifs  à  sa  destination. 

Il  suffirait  qu'elle  fut  de  150  liommes  pendant  la  paix  ; 
en  temps  de  guerre  on  pourrait  la  porter  aisément  à  trois 
ou  quatre  cens  hommes,  les  gens  du  pays  étant  très  pro- 
pres à  ce  genre  de  service. 

Il  serait  en  outre  nécessaire  d'y  entretenir  un  corps 
de  matelots  qui  servirait  pendant  la  paix  aux  transports 
sur  le  fleuve  et  sur  les  Lacs,  et  pendant  la  guerre,  armerait 
les  bâtiments  destinés  à  défendre  l'entrée  de  la  Colonie. 

Il  pourrait  n'être  en  tems  de  paix  que  de  150  ou  200 
hommes  ;  qui  ayant  acquis  la  coimaissance  de  la  navigation 
du  pays,  seraient  des  chefs  d'équipage  pendant  la  guerre. 
La  dépense  de  leur  entretien  seraif  compensée  avantageu- 
sement par  les  transports  continuels  et  nécessaires  dont  ils 
épargneraient  les  frais  au  Roi. 

Les  Milices  du  Canada  sont  très  bonnes.  Il  y  a  dans 
ce  pays  là  beaucoup  plus  d'hommes  naturellement  coura- 
geux que  dans  les  autres.  Lorsqu'on  les  accoutumera  à 
l'obéissance,  on  en  tirera  un  grand  parti  à  la  guerre. 

Le  Canadien  est  ennemi  de  la  gêne  et  inconstant,  mais 
très  docile  lorsqu'il  tiouve  fermeté  et  justice  dans  ses 
chefs.  Il  aime  la  petite  guerre  de  préférence  et  y  est  très 
propre.  Cependant  il  ne  sera  pas  diificile  de  le  faire  com- 
battre en  ordre,  sous  l'appui  des  troupes  réglées  lorsqu'on 
le  prendra  par  l'amour  de  la  gloire  qui  est  naturel  aux  ha- 
bitans  du  Canada. 

L'on  pourra  en  ten^s  de  guerre  mettre  sous  les  armes 
8,000  bons  miliciens  ;  mais  il  faut  que  les  levées  soient  fai- 
tes avec  choix  et  rigoureusement.  Il  n'y  a  sortes  de  ruses 
et  d'intrigues  que  les  bons  hommes  n'emploient  pour  faire 
marcher  les  mauvais  à  leur  place. 

Dans  les  tems  critiques  on  pourra  pousser  la  levée  jus- 
qu'à 11  ou  12,000  hommes  ;  et  si  pendant  la  paix,  l'on  prend 
quelque  soin  de  la  population  on  peut  espérer  qu'au  bout 
de  vingt  ans,  les  milices  seront  d'un  tiers  plus  nombreuses. 

Sur  le  pied  où  le  Boi  entretient  d'ordinaire  les  batail- 


...  231  — 

Ions  en  tems  de  paix,  il  serait  nécessaire  qu'il  y  eut  tou- 
jours en  Canada,  douze  bataillons  de  vieilles  troupes,  ce  qui 
ferait  environ  6,000  hommes,  et  ce  serait  trop  peu  si  la 
colonie  était  attaquée  avant  qu'elle  eut  reçu  des  secours  de 
France. 

L'on  doit  supposer  néanmoins,  qu'avant  que  la  voie 
soit  fermée  aux  transports,  on  aura  le  tems  d'y  faire  pas* 
ser  de  nouveaux  bataillons,  ou  au  moins  l'augmentation  or- 
dinaire qui  est  de  160  hommes  par  bataillons,  on  aurait 
alors  8,000  hommes  d'infanterie,  ce  qui  joint  aux  milices, 
suffirait  pour  conserver  le  pays  lorsqu'on  resserrera  la  dé- 
fensive. Comme  il  a  été  proposé,  bien  entendu  que  la  cour 
y  enverra  de  plus  grandes  forces  s'il  est  possible  et  tâchera 
de  réparer  les  pei'tes  annuelles  par  des  petits  convois  ha- 
sardés et  qui  ne  seront  presque  jamais  interceptés,  si  on 
les  fait  partir  à  la  fin  de  février. 

Il  serait  à  désirer  que  dans  le  nombre  des  12  bataillons, 
il  y  en  eut  toujours  deux  ou  trois  de  troupes  allemandes. 

On  i)ermettrait  aux  soldats  de  ces  deux  bataillons  de 
se  marier  dans  le  pays,  après  trois  années  de  service,  ce 
serait  le  moyen  d'aiigmenter  la  population  sans  nuire  à 
celle  du  royamne.  D'ailleurs,  ces  bataillons  seraient  un 
appât  i>pur  les  coureurs  et  vagabonds  des  colonies  Anglai- 
ses où  il  y  a  beaucoup  d'Allemands. 

Si  les  capitulations  de  nos  régiments  Allemands,  ou  la 
difficulté  des  recrues  emi^êchaient  d'en  faire  passer  en  Ca- 
nada, on  pourrait  permettre  aux  bataillons  français  qui  de- 
vraient y  i)asser,  d'engager  dans  chaque  compagnie  un 
certain  nombre  d'allemands  qu'ils  laisseraient  dans  le  pays. 

Peut-être  que  l'Etat  où  se  trouvera  le  Canada  quand 
il  reviendra  sous  la  domination  du  Roi,  ne  permettra  pas 
d'y  faire  i:)ayer  d'abord  les  douze  bataillons,  ils  pourraient 
gêner  pour  le  logement  et  pour  la  subsistance  des  officiers. 
En  ce  cas  on  se  contenterait  d'en  envoyer  huit  ou  dix  pour 
la  première  et  la  seconde  année  ;  pendant  lesquelles  on 
s'arrangerait  d'en  etivoyer  huit  ou  dix  pour  la  première  et 
la  seconde  année,  pendant  lesquelles  on  s'arrangerait  pour 
recevoir  les  autres. 


—  232  — 

Il  serait  à  propos  de  donner  à  chaque  capitaine  400  1. 
de  gratification  par  an  et  250  à  chaque  lieutenant,  à  pro- 
portion aux  officiers  supérieurs. 

Le  soldat  devant  être  nourri  par  le  Roy  ou  par  l 'habi- 
tant ou  retiendra  sur  sa  paie  3s  6d  par  jour,  il  lui  restera 
200  L 

Le  Roi  retiendra  aussi  la  masse  et  fournira  l'habille- 
ment. 

La  ration  du  soldat  ne  i^eut  être  moindre  en  Canada 
que  de  28  onces  de  pain,  6  onces  de  pois  et  8  onces  de  vian- 
de salée  ou  12  onces  de  viande  f raidie.  L'air  du  pays  exige 
plus  d'alimens  que  celui  de  France.  Cette  ration  coûtera 
au  plus  8  s. 

Les  marchandises  et  denrées  étrangères  étant  plus 
chères  en  Canada  qu'en  France,  il  serait  à  propos  que  le 
Roy  accordât  aux  officiers  le  transport  gratis  sur  ses  vais- 
seaux, jusqu'à  la  quantité  de  25  tonneaux  par  bataillon. 
La  même  faveur  sera  faite  comme  par  le  passé  au  Gouver" 
neur  Général  et  à  l'Intendant,  on  pourra  l'éte^idre  aux 
Etats  majors  des  lacs,  commissaires  :  ce  qui  ferait  environ 
450  tonneaux,  lesquels  raportés  sur  les  vaisseaux  que  le 
Roy  fera  passer  tous  les  ans  en  Canada  seraient  un  objet 
peu  considérable. 

Il  sera  i)ermis  aux  troupes  de  laisser  on  France  un  offi- 
cier par  Régiment,  pour  être  chargé  de  la  correspondance 
et  faire  les  emplettes  et  chargements  ])our  les  officiers  dans 
les  ports  du  Régiment. 

L 'liabillement  du  soldat  sera  comme  en  France,  on  y 
joindra  seulement  une  couverture  et  un  gilet  tous  les  deux 
ans,  une  paire  de  guêtres  d 'étoffes  une  paire  de  mitaine  et 
six  paires  de  souliers  de  boeuf  tanné  tous  les  ans. 

Il  ne  sera  plus  donné  d'équipemens  aux  soldats  qui 
iront  à  la  guerre  non  plus  qu'aux  officiers  et  domestiques. 
On  ne  donnera  aux  miliciens  qui  serviront,  qu'une  paire  de 
soulliers  tannés  par  mois,  une  paire  dg  mitasse  et  un  bra- 
guet  pour  la  campagne,  un  gilet  et  une  paire  de  mitaines 
à  ceux  qui  serviront  l'hiver.  La  dépense  des  équipements 
a  toujours  été  très  considérable  et  inutile.    Un  soldat  n'a 


—  233  — 

pas  besoin  de  deux  habillemens.  Les  domestiques  doivent 
être  entretenus  par  leur  maîtres.  A  l'égard  des  miliciens 
il  faut  les  obliger  à  porter  de  quoi  se  vêtir  pendant  la  cam- 
pagne ;  le  peuple  du  Canada  est  assez  aisé  pour  se  passer 
de  ce  traitement,  sauf  à  aider  les  plus  misérables  à  titre  de 
gratifications. 

Lorsque  les  troujDCS  seront  détachées  dans  des  forts 
éloignées  ou  campées  sur  des  frontières  inhabitées  et  lors- 
qu'elles seront  en  marche,  l'officier  recevra  une  ration  de 
vivres  pour  lui  semblable  à  celle  du  soldat  et  une  pour  son 
domestique,  bien  entendu  qu'elle  ne  sera  donnée  qu'aux 
effectifs,  partout  ailleurs  il  se  nourrira  au  moyen  de  sa 
solde. 

Les  officiers  d'artillerie  n'auront  plus  de  droit  de 
voyage  ni  de  poudre. 

L'on  ne  donnera  plus  aux  gens  qui  voyagent  des  certi- 
ficats pour  être  payés  de  leurs  dépenses,  sous  prétexte  du 
service  ;  ceux  qui  voyageront  réellement  pour  des  cas  ex- 
traordinaires, par  ordre  du  Gouverneur-général  seront  in 
demnisés  de  leurs  frais  par  des  gratifications  et  oii  sera 
très  circonspect  là  dessus. 

Les  Gouverneurs  de  Montréal  et  des  Trois-Rivières 
inutiles  en  tems  de  paix  et  pouvant  être  en  temi3S  de  guerre 
avantageusement  remplacés  par  les  officiers  supérieurs  des 
bataillons,  l'on  fera  bien  de  supprimer  ces  gouvernemens. 

Il  y  aura  seulement,  dans  chacune  des  trois  villes,  un 
Lieutenant  de  Roi  du  Gouvernement,  un  Major  et  un  aide 
major. 

Les  emi^lois  de  Major  et  d'aick  major  de  ces  places  se- 
ront donnés  à  des  officiers  actifs  et  intelligens,  parce  qu'ils 
seront  chargés  du  détail  des  milices  sous  l'autorité  des 
Lieuten^ans  de  Roi  et  du  Gouverneur  Général. 

Le  Gouverneur  général  sera  Inspecteur  des  troupes  y 
il  n'y  aura  plus  de  Major  Général,  inspecteur  commandant 
des  troupes,  emploi  abusif  qui  coûte,  embarasse  et  ne  sert 
à  rien. 

Les  recrues  seront  fournies  par  le  Roi  et  transportées 


...  234  — 

sur  ses  vaisseaux  d'après  les  états  que  le  Gouverneur-Gé- 
néral enverra  à  la  tin  de  l 'automne. 

Chaque  lieutenant  de  Roi  fera  tenir  par  le  Major  un 
rôle  exact  des  miliciens  de  son  gouvernement,  depuis  l'âge 
de  18  ans  jusqu'à  50,  on  y  distinguera  les  gens  mariés  et 
l 'on  fera  trois  classes,  des  bons,  des  médiocres  et  des  mau" 
vais. 

Les  Lieutenant  de  Roy  feront  deux  fois  par  an,  la  re- 
vue des  miliciens,  au  commencement  et  à  la  fin  de  l 'été.  Le 
Gouverneur-Général  sera  présent  à  une  de  ces  revues.  On 
les  obligera  à  avoir  chacun  un  bon  fusil,  une  corne  à  poudre 
et  un  sac  à  plomb. 

Il  sera  nécessaire  que  le  Roy  fasse  passer  en  Canada 
400  maîtres  et  compagnons  ouvriers  de  tous  genres,  surtout 
pour  les  forges  et  constructions  de  marines  lesquels  seront 
nourris  aux  dépens  du  Roi  pendant  les  premières  années, 
et  ne  serviront  qu'aux  travaux  du  service. 

Il  faudra  aussi  y  faire  passer  des  outils  de  toute  espè- 
ce en  suffisante  quantité  et  une  provision  de  fer  x>our  la 
première  année  en  attendans  que  les  forges  puissent  en 
fournir. 

Il  est  de  la  plus  grande  importance  de  faire  construire 
des  hangars  pour  les  effets  d'artillerie,  l'air  du  Canada 
étant  très  destructif. 

Comme  le  bois  est  commun,  cette  dépense  sera  peu  con- 
sidérable. 

L 'on  ne  peut  espérer  de  trouver  au  Canada  la  premiè- 
re année,  les  vivres  nécessaires  pour  la  subsistance  des  trou- 
pes ;  on  sera  obligé  d'envoyer  en  France  15  ou  20  mille 
quarts  de  farine  et  quatre  ou  5  mille  quarts  de  lard,  ce  qui 
augmentera  pas  la  dépense. 

Nous  allons  maintenant  entrer  dans  le  détail  des  dépen- 
ses que  le  Canada  occasionnera  au  Roi  pendant  chaque  an- 
née de  paix  y  compris  ce  qui  sera  à  faire  pour  le  mettre  en 
état  de  défense. 

On  verra  par  le  tableau  ci  après  quels  appointemens 
l'on  estime  être  donnés  au  Gouverneur  Général,  à  l'Inten- 
dant, aux  Etats  majors  et  aux  officiers  de  plume  et  de  jus- 


—  235  — 

tice.  Ils  doivent  paraître  suffisans  à  tout  homme  désinter- 
ressé  qui  a  une  connaissance  parfaite  de  ce  pays. 

200,000  1.  que  nous  proposons  pour  les  presens  a  faire 
aux  Sauvages  seront  plus  que  suffisans  entre  les  mains 
d 'un  Gouverneur  éclairé  et  occupé  des  intérêts  du  Roy. 

150,000  1.  pour  les  dépenses  extraordinaires  fourni- 
ront aux  frais  imprévus  et  aux  gratifications  i^our  les  su' 
jets  qui  se  distingueront,  ainsi  qu'aux  avances  à  faire  pen- 
dant les  premières  années  de  la  paix  aux  nouveaux  habi- 
tans.  Le  Gouverneur  sera  obligé  de  rendre  un  compte 
exact  de  ces  deux  articles,  d'en  donner  une  connaissance 
entière  à  l'Intendant,  qui  ne  pourra  néamnoins  refuser 
d'acquitter  à  cet  égard  les  ordonnances  du  Gouverneur- 
Général. 

200,000  1.  pour  les  frais  de  régie  et  écrivains  doivent 
être  assez,  si  l'Intendant  est  économe  et  entendu,  d'autant 
que  la  ration  que  nous  avons  estimée  à  8s  coûtera  moins, 
lorsqu'on  fera  les  em])lettes  à  propos  et  que  les  moutures 
et  salaisons  et  engrais  seront  bien  régis.  L'Intendant  sera 
obligé  de  rendre  compte  de  ces  manutentions,  ainsi  que  de 
tous  les  autres  détails  de  finances,  au  Gouverneur  Général. 

Les  recrues  ne  coûteront  rien  au  Roi  parce  qu'il  trou- 
vera sur  le  non  comj^let  et  sur  les  paies  de  gratifications, 
un  bénéfice  en  solde  et  subsistance  qui  suffira  pour  cet  ob- 

Les  communautés,  hôpitaux  et  missions  ont  des  fonds 
en  Canada.  S'ils  ne  suffisent  pas  pour  l'entretien  des  re- 
ligieux et  religieuses,  pour  le  traitement  des  soldats  mala- 
des en  abandonnant  le  prix  de  la  ration,  et  pour  l'entretien 
des  missionnaires  de  la  Colonie,  quelques  pensions  sur  les 
bénéfices  y  pourvoient  sans  être  à  la  charge  du  Roi. 

Reste  a  entrer  dans  le  détail  des  dépenses  à  faire  pour 
les  fortifications,  artillerie,  bâtimens  royaux,  forges  et 
constructions  de  marine. 

Comme  les  matériaux  à  employer  pour  ces  différens 
objets  se  trouvent  dans  le  pays,  l'on  ne  peut  mieux  estimer 
ces  dépenses  qu'en  calculant  la  main  d'oeuvre. 

L'on  ne  peut  travailler  en  Canada,  que  depuis  le  15 


...  236  — 

Mai  jusqu'au  15  Octobre.    Le  froid  est  excessif  dans  les 
autres  mois  de  l'année. 

On  fera  camper  les  troupes  pendant  ces  cinq  mois 
dans  les  lieux  que  l'on  voudra  fortifier  et  pendant  l'hiver 
on  les  logera  chez  les  habitans  à  la  réserve  des  garnisons 
pour  les  villes  et  forts  que  l 'on  doit  estimer  au  plus  à  1500 
hommes. 

Des  cinq  mois  de  travail  il  en  faut  ôter  les  dimanches 
et  fêtes  princii)ales,  reste  130  jours. 

Les  douze  bataillons  camx:)és  pourront  fournir  2,500 
travailleurs  qui  seront  payés  à  12  par  jour  de  travail. 

On  pourra  tirer  des  villes  et  de  la  campagne  environ 
1200  travailleurs  de  bonne  volonté  qui  seront  et  auront  10 
par  jour. 

Tous  ces  articles  sont  calculés  sur  le  tableau  ci-après. 

Les  soldats  campés  seront  nourris  aux  dépens  du  Roy, 
pendant  les  cinq  mois  d'été.  Les  1500  hommes  de  garni- 
son le  seront  aussi  pendant  les  mois  d'hiver.  Mais  le  sur- 
plus sera  nourri  chez  l'habitant  où  il  sera  logé  et  aux  dé- 
pens du  dit  habitant,  lequel  avec  un  travail  médiocre,  pour" 
ra  tirer  de  sa  terre,  de  quoi  nourrir  son  hôte,  d'autant  que 
ceux  qui  ne  logeront  point  contriburont  à  la  subsistance 
pour  leur  part  suivant  des  rôles  qui  seront  arrêtés  a  cet 
effet  dans  chaque  Paroisse  et  cette  manière  d'impôt  sera  > 
la  seule  que  le  Canadien  paiera  au  Roi.      '    ' 

On  achètera  pour  le  comjjte  du  Roi  ou  on  louera  un 
nombre  de  chevaux  suffisant  pour  aider  aux  travaux  de 
fortifications  et  de  l'artillerie.  Il  en  faudra  environ  300 
qu'on  n'aura  pas  de  jjeine  de  trouver  dans  un  pays  où  il  y 
en  a  beaucoup  trop.  On  a  estimé  cette  dépense  et  les  au- 
tres frais  extraordinaires  des  travaux  à  120,000  1. 

Le  Roi  retenant  sur  la  paie  du  soldat  3  6  par  jour,  on 
a  déduit  avec  raison  du  total  des  dépenses  415,187  1.  puis- 
que cette  somme  entrera  dans  l'extraordinaire  des  guerres, 
ou  sera  employée  dans  la  recette  du  Trésorier  de  la  Colo- 
nie.   Ainsi  la  dépense  annuelle  ne  sera  que  de  2,005,115  1. 

Si  l'on  calcule  ce  que  le  Roy  doit  tirer  des  droits  d'en- 
trée pour  toutes  les  boissons  et  marchandises  sèches,  des 


—  237  — 

droits  de  cabaret  dans  les  villes,  du  contrôle  des  lods  et  ven- 
tes, de  la  vente  du  sel  et  de  la  poudre  et  de  la  concession  des 
terres,  cette  sonrnie  passera  500,000  1.  et  augmentera  toutes 
les  années  pour  le  Canada  d'environ  4,500,000  1.  lesquels 
ne  commenceront  à  être  payés  que  la  seconde  année  au  ter- 
me des  lettres  de  change  ;  il  y  aura  même  une  partie  de  cet- 
te somme  qui  restera  la  première  année  dans  le  pays  en 
monnaie  de  papier. 

Il  est  aisé  de  voir  i^ar  le  tableau  que  plus  de  la  moitié 
de  cette  somme  sera  employée  aux  fortifications  et  autres 
travaux  du  Roy  et  par  conséquent  ne  sera  plus  nécessaire 
lorsqu'ils  seront  finis. 

Si  des  vues  supérieures  déterminaient  le  Roy  à  af- 
franchir ses  sujets  du  Canada  de  toute  espèce  d'impôt  pen- 
dant quelques  années  il  faudrait  alors  payer  aux  habitans 
la  subsistance  des  soldats  qui  seraient  logés  chez  eux  et  on 
ne  pourrait  la  payer  moins  de  5.  par  jour,  ce  qui  ferait  258,- 
000  1.  à  ajouter  à  la  somme  ci-dessus. 

A  l'égard  de  la  durée  des  travaux,  il  parait  impossi" 
ble  de  la  déterminer  présentement,  cependant  on  doit  se 
promettre  qu'en  cinq  ou  six  années  au  plus,  les  trois  fron- 
tières seront  en  état  de  défense  si  l'on  veille  à  ce  que  les 
4000  hommes  destinés  à  ces  travaux,  soient  bien  employés. 

L'on  ne  prétend  pas  dans  le  tableau  des  dépenses  n'en 
avoir  omis  aucune,  mais  ce  qui  peut  avoir  échappé  serait 
peu  considérable. 

On  n'a  point  compris  dans  ce  calcul  les  munitions  de 
guerre,  pièces  et  effets  d'artillerie  dont  il  est  nécessaire 
que  le  Canada  soit  pourvu,  non  plus  que  les  outils  de  toute 
espèce  et  cordages  pour  la  Marine,  qu'il  faut  y  envoyer 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  en  état  de  les  fournir,  l'article  de  l'ar- 
tillerie serait  très  considérable,  si  le  Roi  était  obligé  d'en 
faire  l'achat  dans  une  même  année.  Mais  on  peut  dès  le 
premier  moment  de  la  paix  commencer  cet  approvisionne- 
ment, en  dégarnissant  les  places,  les  plus  à  portée  de  la 
mer  que  l'on  pourvoira  ensuite  à  loisir. 

La  dépense  quoique  forte  en  elle-même  sera  peu  à 
charge  de  cette  manière. 


—  238  — 

Si  l'on  juge  à  propos  on  donnera  l'état  de  cet  appro- 
visionnement. 

Nous  ne  parlons  pas  ici  des  profits  que  les  finances  du 
Roi  et  l 'Etat  tireront  indirectement  du  Canada  par  la  voie 
ofu  connnerce. 

Mais  il  est  à  présumer,  que  si  cette  colonie  est  bien 
gouvernée,  elle  indemnisera  amplement  des  1,500,000  1. 
qu'elle  aura  coûtées  pendant  les  premières  années  de  la 
paix. 

Plusieurs  des  choses  proposées  dans  ce  Mémoire,  peu- 
vent être  sujettes  à  des  objections,  surtout  de  la  part  de 
ceux  qui  connaissent  peu  le  Canada,  ou  de  ceux  qui  y  ont 
des  intérêts  particuliers.  On  aurait  pu  y  répondre  d'avan- 
ce mais  on  aurait  fait  un  volume. 

Ce  mémoire,  qui  n'est  que  trop  long  n'a  pour  but  que 
de  fixer  les  idées  sur  la  dépense  qu'occasionnerait  le  Canada 
et  sur  les  moyens  de  le  lîien  gouverner. 

On  n'a  rien  avancé  qui  ne  soit  établi  sur  des  raisons 
solides,  ou  sur  l 'expérience. 

DEPENSE  DU  CANADA  PENDANT  LES  1ères  AN- 
NEES DE  LA  PAIX 

Gratifications  aux  officiers  des  Bataillons  et  de 

l'artillerie,  aux  ingénieurs  et  constructeurs  190.000. 
Gratifications  aux  commandans  des  postes  éloi- 
gnés   , 25.000. 

Couvertures,  Gilets  aux  soldats  et  canoniers  .   .  85.000. 

Appointemens  du  Gouverneur  Général 50.000. 

de  L'Intendant 50.000. 

"              du  Secrétaire  du  Conseil  ....  3.000. 
de  3  Lieutenans  de  Roi  à  5,000  1. 

^chaque 15.000. 

de  3  Majors  à  3,000  1.  chaque  .   .  9.000. 

de  3  aide  major  à  1,200  1.  chaque  3.600. 

du  Capt  de  port  de  Québec  .   .   .  2.000. 
des  Connnissaires,  contrôleurs  et 

principaux    garde  Magasins  35.000. 


—  239 


99 


»> 


des    officiers  de  justice  pour  le 
conseil  et  autres  jurisdictions  .   .       40.000. 
des  Interprêtes  pour  les  Sauva- 
ges et  leur  subsistances  .   .   .       15.000. 

Bois  et  lumières  pour  les  corps  de  garde 10.000. 

Entretien  et  subsistance  de  150  chasseurs  com- 
mandés par  12  officiers 48.000. 

Idem  pour  150  matelots  commandés  par  18  offi" 

ciers  corsaires  ou  mariniers .       45.000. 

Subsistances  pendant  l 'année  à  200  canonniers  à  8 

par  jour 29.000. 

Entretien  et  subsistance  de  400  maîtres  ouvriers 

ou  compagnons 58.000. 

Paie  de  400  maîtres  ou  compagnons  à  30  c  l'un 

dans  l'autre  pendant  130  jours 18.000. 

Subsistance  de  1200  travailleurs  du  pays  pendant 

150  jours 12.000. 

Subsistance  pendant  l'année  à  1500  soldats  des 

Bataillons 219.000 

Idem  des  autres  4,500  soldats  pendant  150  jours 

de  campement 288.000. 

Paie  des  1200  travailleurs  du  pays  à  10s.  pendant 

150  jours 78.000. 

Paie  de  2500  soldats  travailleurs  à  1.25  pendant 

130  jours 9.360. 

Supplément  pour  la  paie  de  200  maîtres  ou  com- 
pagnons ouvriers  qui  peuvent  être  employés 
toute  l'année ., 54.000. 

Supplément  pour  la  paie  nourriture  de  400  tra- 
vailleurs au  pays  qui  peuvent  travailler  aux 
forges  et  aux  bois  de  construction  toute  l'an- 
née        69.000. 

Dépense  de  chevaux  et  frais  extraordinaires  pour 

les  fortifications  et  l'artillerie 120.000. 

Frais  de  régie  et  de  transport  et  paie  des  écri- 
vains et  commis 200.000. 


—  240  -- 

Dépenses  des  Sauvages 200.000. 

Dépenses  extraordinaires 150.000. 


2.420.960. 
A  déduire  pour  la  retenue  de  3c.  6d  faite  sur  la 

paie  de  6.500  soldats  et  canoniers, 415.187. 


Reste  pour  la  dépense  totale  de  chaque  année  .  .  2.005.778. 


Sur  quoi  est  encore  à  déduire  ce  que  le  Roi 
tirera  annuellement  du  Canada  en  droits 
d'entrée  et  autres  que  nous  avons  estimé  à  .  .   500.000. 

MARGUILI.KR  KX  FRANC-MAC  ON, 


Dans  ses  Petites  Choses  de  notre  histoire  (2e  série),  M.  Pierre-Georges 
Roy  rappelle  le  cas  peu  banal  d'un  franc-niaçon  en  même  temps  marguillier 
de  la  fabrique  de  Montréal  vers  1771,  et  il  ajoute  que,  lorsque  le  fait  fut  ré- 
vélé, le  scandale  fut  d'autant  plus  grand  que  le  marguillier  en  question,  Pier- 
re Gamelin,  était  le  père  d'un  sulpicien  du  Collège  de  Montréal. 

Je  regrette  d'enlever  à  l'aventure  un  peu  de  son  piquant,  mais  ce  dernier, 
détail  est  inexact.  Pierre  , Gamelin  Maugras,  qui  fut  le  père  du  sulpicien 
Pierre-Mathieu  Gamelin  Maugras,  né  en  1740  et  mort  en  1771,  avait  la  meil- 
leure des  raisons  pour  n'être  pas  en  1771  e«i  niême  temps  marguillier  et  franc- 
megon,  puisqu'il  n'était  plus  de  ce  monde  depuis  14  ans  déjà,  étant  décédé  à 
Montréal  le  3  juitet  1757. 

Quel  est  donc,  en  ce  cas,  le  marguillier  franc-maQon  ?  Je  n'en  vois  pas 
d'autre  que  le  neveu  du  précédent,  et  le  cousin  germain  du  sulpicien,  Pierre- 
Joseph  Ganivelin,  fils  de  Joseph  et  d'Angélique  Giasson.  Quoiqu'il  n'eut  que 
35  ans  en  1771,  il  était  déj^  un  des  négociants  les  plus  importants  de  Mon- 
tréal et  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  ait  été  choisi  marguillier  malgré  son  ftge 
relativement  peu  avancé. 

M.  Pierre-Georges  Roy  explique  l'accointance  de  Pierre  Gamelin  avec  la 
franc-maçonnerie  par  son  constant  voisinage  avec  la  société  anglaise.  Il  est 
remarquable  en  effet  que  presque  toutes  les  filles  de  Pierre  Gamelin,  nées  de 
son  mariage  avec  Louise-Archange  Delorimier,  se  soient  mariées  avec  des 
protestants  anglais  et  devant  le  ministre  anglican,  Marguerite  avec  Henry 
Loedel,  Marie-Louise  avec  John  Conn'olly  et  Catherine  avec  le  4ieutenant 
William  Pritchard. 

On  remarquera  d'ailleurs  que,  dans  sa  lettre  à  Pierre  Gairlelin,  Mgr  Briand 
ne  fait  aucunement  allusion  au  fait  qu'il  a  un  fils  prêtre.  C'eut  été  pourtant 
un  argument  de  première  force  à  faire  valoir  pour  toucher  le  coeur  du  cou- 
pable. L'évêque  ne  s'en  est  pas  servi  pour  la  bonne  raison  que  j'ai  dite  plus 
plus  haut. 

-  C'est  à  l'abbé  Gosselin  que  M.  Pierre-Georges  Roy  avoue  avoir  emprunté 
cette  histoire  d'un  franc-maçon  père  de  sulpicien.  L'excellent  auteur  de 
l'Eglise  du  Canada  a  certes  rendu  de  précieux  services,  mais  il  écrivait  vite 
quelquefois  et  il  a  besoin  d'être  contrôlé.  C'est  ainsi  que  sur  la  foi  de  ce  qu'il 
avait  écrit,  j'ai  pris  moi-même  le  secrétaire  de  M.  de  Beauharnois  pour  un 
d'Aillebout  des  Musseaux,  alors  qu'il  s'agissait  de  Jean-Christophe-Marie, 
sieiÉ"  de  Monceaux.     Depuis  que  le  bon  abbé  m'a  joué  ce  tour,  je  m'en  défie. 

AEG.  FAUTBUX 


...  241  -- 

L'INVASION  AMERICAINE  CHANTEE 


Une  chanson  sur  l'invasion  américaine,  voilà  une  rareté.  Aucun 
folkloriste  de  mes  amis  n'a  entendu  parler  d*une  telle  pièce. 

La  version  que  je  possède  m'a  été  fournie  par  M.  Joseph-Albert  Ri- 
chard, mécanicien,  à  Montréal,  né  en  1850.  Il  la  tient  de  son  père,  Louis 
Richard,  entrepreneur  menuisier,  né  au  Cap  Saint-Ignace  et  qui,  après 
avoir  demeuré  en  divers  endroit  de  la  province  a  fini  ses  jours  dans  la 
métropole. 

Le  chanteur  ignore  où  et  quand  son  père  apprit  ce  chant,  mais  il 
sait  qu'il  est  très  ancien.  Xe  daterait-il  pas  de  1776-77  ?  On  peut  le 
supposer.  J'imagine  aussi  qu'il  a  dû  avoir  plus  de  cinq  couplets.  La 
transmission  orale  l'a  écourté  vraisemblablement,  car  cela  se  produit  pres- 
que toujours. 

La  lecture  de  la  version  Richard  aura  peut-être  le  bon  effet  de  ré- 
veiller des  souvenirs  et  de  faire  surgir  des  variantes  qui  compléteront  le 
morceau. 

Ecoutons  le  barde  populaire  : 

En  Canada  est  arrivé 

Une  chose  à  remarquer. 

Les  Canadiens  vivaient  tranquilles 

Les  Bastonnais  ont  décidé 

De  les  soumettre  à  leur  contrée. 

Partant  de  la  vill(e)  de  Baston 

Ont  pris  le  fort  de  Carillcii. 

Et  tout  (es)  les  autr(es)  place  (s)  ensuite 

Et  tout  (es)  les  provisions 

Mortiers,  boulets,  bomb(es)  et  canons. 

Le  fort  Saint-Jean,  en  vérité 
A  pour  sur  le  mieux  résisté, 
Et  malgré  toute  leur  vaillance. 
Les  Bastonnais  l'ayant  bloqué 
Il  a  fallu  capituler. 


—  242  — 

Montgomery,  leur  général, 

En  arrivant  à  Montréal, 

Sur  le  champ  fait  sommer  la  ville 

Qu'ell(e)  doit  se  , soumettre  au  congre     (sic) 

Il  a  fallu  capituler. 

Montgomery  après  cela 
Poursuit  Carleton  à  grands  pas. 
A  entré  par  la  Basse-ville    ' 
Pour  prendre  Québec  par  assaut. 
C'est  là  qu'il  trouve  son  tombeau  ! 

Si  je  ne  m'abuse,  cette  pièce  intéressante  a  échappé  à  feu  F.  A.  H. 
Larue  qui  publia  une  bi«n  jolie  étude  sur  nos  chansons  historiques  du 
Canada  dans  le  Foyer  Canadien  de  1865.  ■ 

E.  Z.  MASSICOTTE 


REPONSE 


Beaussler  de  l'Isle  (Vol.  XXVI,  p.  160). — Voici  ce  que  je  trouve  au  sujet 
de  cet  officier  dans  Mazas  .  Histoire  de  l'ordre  de  Saint-Louis,  (II,  157). 

"Beaussier  de  l'Isle — Originaire  de  Toulon,  fils  du  feu  capitaine  de  port 
de  Toulon- — Enseigne  de  port  en  1732,  lieutenant  de  port  en  1739,  capitaine 
de  port  en  1749.  (Liste  générale  des  officiers  de  marine,  1749).  Chef  d'es- 
cadre en  1764 — a  fait  quatre  campagnes  avant  d'être  nommé  enseigne  ;  était 
au  bombardement  de  Tripoli  en  1728,  a  été  fait  prisonnier  à  Louisbourg  en 
1758— Mort  le  4  juin  17  65   (Registre  des  mouvements,  tome  1er,  p.   156)" 

On  peut  voir  que  les  dates  d'avancement  données  par  Mazas  et  celles  don- 
nées par  M.  Régis  Roy  ne  concordent  pas.  L'erreur  typographique  est-elle 
dans  Mazâs  ou  dans  le  Bulletin  •? 

AEG.  F. 

Le  Secrétaire  d'ambassade  (Vol.  XXVI,  p.  183). — Il  est  à  peu  près  cer- 
tain, quoique  ce  ne  soit  pas  absolument  prouvé,  que  le  faux  vicomte  de  Nar- 
bonne-Lara  est  bien  le  même  qui  a  publié^  sous  le  pseudonyme  de  Charles 
Lépine,  le  roman  intitulé  :  "Le  Secrétaire  d'ambassade".  Mais  ce  qui  est 
incontestable,  c'est  que  cette  publication  est  un  plagiat  éhonté  d'une  nouvel- 
le d'Amédée  Achard  :  "Fabien  de  Serny",  qui  forme)  la  deuxième  partie  des 
"Rêveurs  de  Paris".  Presque  d'un  bout  à  l'autre,  le  même  texte  est  repro- 
duit ^ans  aucun  changement  et  les  noms  mêmes  des  personnages  ont  été 
conservés.  Notre  exemplaire  est  daté  de  1879  et  porte  la  mention  :  seconde 
édition.  Est-ce  que  ce  livre  aurait  eu  deux  éditions  la  même  année,  ou  bien 
est-ce  une  autre  fumisterie  de  l'auteur  ? 

AEG.  F. 


—  243  — 

UNE  LETTRE  AU  NEGOCIANT  POISSET 

EN  1763 


A  titre  de  curiosité,  pourquoi  ne  pas  conserver  copie  d*une  lettre 
qu'adresse  en  1763,  un  sieur  Xiger  de  Paris,  à  son  parent  ou  "son  frère", 
le  négociant  Poisset  qui  résidait  dans  la  région  de  Montréal. 

On  y  lira  une  référence  à  l'intendant  Bigot,  alors  domicilié  à  la  Bastil- 
le et  dont  le  procès  n'est  pas  encore  terminé  et,  surtout,  une  étonnante  re- 
marque, à  savoir  que  l'on  était  d'avis  en  France,  que  les  Canadiens  "ne  se- 
raient point  mal  sous  le  gouvernement  anglais"  : 


* 
*       * 


"Depuis  la  mort  de  Mgr  le  due  de  Bourgogne,  ma  femme.  Monsieur 
mon  cher  frère,  ne  s'est  point  bien  porté,  et  depuis  plus  d'un  an  elle  est 
toujours  malade  ce  qui' l'empêche  de  pouvoir  vous  écrire.  Nous  comptons, 
cependant  que  la  belle  saison  où  nous  entrons  luy  rendra  la  santé  et  elle 
semble  prendre  quelques  forces  depuis  quelques  jours.  Nous  perdons 
beaucoup  par  la  mort  dé  cet  auguste  prince  aussy  avons-nous  pris  la  dé- 
termination de  nous  retirer  dans  mon  pays  sitôt  que  mon  affaire  sera  dé- 
cidée et  que  ma  femme  pourra  soutenir  le  voyage. 

"Mr  Darpentigny  qui  veut  bien  se  charger  de  vous  faire  parvenir  la 
présente  vous  dira  la  tournure  que  ma  femme  a  voit  donné  pour  pouvoir 
obtenir  le  paiement  de  vos  effets.  Mgr  le  Dauphin  luy  avoit  promis  de 
luy  faire  donner  dessus  un  acompte  de  15,000  livres,  mais  l'affaire  de 
Mr  Bigot  a  tout  arresté.  Ce  Mr  est  toujours  à  la  Bastille  et  l'on  dit  que 
son  procès  sera  bientôt  jugé.  Il  y  a  eu  un  arrêt  du  conseil  qui  a  enjoint 
à  tous  les  porteurs  des  effets  du  Canada  d'en  faire  la  déclaration  à  Mr.  de 
Larochette,  cy-devant  comnais  des  trésoriers  généraux  de  la  marine  en 
Canada.  J'ay  fait  cette  déclaration  pour  vos  effets  et  pour  être  toujours 
sur  pieds  j'ay  dit  dans  cette  déclaration  que  ma  femme  avoit  des  intérêts 
de  famille  à  reigler  avec  son  beaufrère  Mr  Poisset  à  qui  appartenait  les 
effets.    Mr  d'Arpentigny  vous  expliquera  le  pourquoy. 

"Nous  agirons  toujours  pour  vos  intérêts,  comme  pour  les  nôtres 
propres  et  sitôt  qu'il  y  aura  quelque  chose  de  décidé  concernant  la  gé- 


-[244- 

néralité  de  ces  effets  nous  verrons  ce  qu'il  conviendra  de  faire  pour  le 
mieux.  Et  suivant  le  cas  nous  verrons  à  tirer  le  parti  le  plus  avantageux. 
Si  nous  partons  pour  mon  pays  avant  l'entière  consommation  de  cette  af- 
faire je  laisserai  vos  effets  à  Paris  à  un  de  mes  parens  pour  agir  pour 
vous  en  notre  nom  et,la  chose  sei'a  en  bonnes  mains. 

"L'on  nous  assure  que  vous  ne  serez  point  mal  sous  le  gouvernement 
anglois.  Nous  en  serions  bien  charmés.  Pour  nous  depuis  quelques  tems 
nous  sommes  dans  les  amertumes  avec  cependant  grande  espérance  d'en 
sortir  bientôt.  Toute  ma  famille  vous  présente  ses  sincères  respects  et 
bien  des  compliments  à  leurs  chers  cousins  et  cousines.  Le  régiment  de 
mon  fils  aîné  vat  être  réformé,  nous  sommes  occupés  à  le  placer  dans 
quelques  autres  corps. 

Agréez,  je  vous  prie  les  tendres  et  sincères  compliments  de  ma  femme 
qui  embrasse  de  tout  son  coeur  ses  chers  neveux  et  chers  nièces. 

J'ay  l'honneur  d'être  avec  tout  l'attachement  possible., 

Monsieur 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

NIGER 

"Versailles,  ce  28  avril  1763. 

"Si  vous  daignez  m'honorer  de  vos  nouvelles  je  vous  prie  d'addresser 
vos  lettres  à  Chatillon  de  Michaille  en  Bugey,  route  de  Lyon  à  Genève. 
Marquez  nous  aussy  s'il  vous  plait  par  quelle  voye  nous  pourrons  vous 
écrire". 

y" 
*  * 

Cette  lettre  fut  remise,  le  20  mars  1766,  par  une  demoiselle  Poisset. 
fille  du  négociant,  on  peut  le  supposer,  au  notaire  Charles-François  Caron 
qui  pratiqua  dans  l'île  Jésus,  entre  1734  et  1767.  Le  notaire  négligea 
d'inscrire  cette  pièce  dans  son  répertoire  et  de  lui  donner  un  numéro,  en 
sorte  qu'elle  s'est  trouvé  dans  les  papiers  divers  de  ce  tabellion  lorsque  son 
étude  prit  le  chemin  des  archives  de  Montréal. 

Mademoiselle  Poisset  devait  attacher  de  l'importance  à  la  conserva- 
tion de  cette  lettre  rappelant  ses  droits  à  une  réclamation  qui  peut-être  ne 
fut  jamais  réglée. 

--^-^--  E.  Z.  MASSICOTTE 


—  245  — 

LE  GENERAL  MOREAU  ET  LA  GUERRE 

DE  1812 


Victor  Moreau  a  été  un  des  plus  grands  généraux  de  la  Révolution. 
Sa  retraite  <lu  Rhin  en  1796  et  sa  victoire  de  Hohenlinden  en  1800  suf- 
firaient à  illustrer  son  nom  quand  même  n'aurait-il  que  ces  deux  faits 
militaires  à  son  actif,  mais  il  en  eut  des  douzaines  d'autres. 

En  1804,  Moreau  fut  arrêté  })ar  ordre  de  Naj)oléon.  Il  était  accusé 
d'avoir  eu  des  relations  avec  Pichegru  et  peut-être  avec  Cadoudal. 

Le  1er  juin  1804,  Moreau  était  condamné  à  deux  ans  de  prison.  Au 
sortir  de  l'audience  où  il  venait  de  recevoir  sa  condamnation,  Moreau 
écrivait  à  sa  femme  : 

"On  vient,  ma  chère  amie,  de  me  condamner  à  deux  ans  de  prison. 
C'est  le  comble  de  l'horreur  et  de  l'infamie.  Si  je  suis  un  conspirateur, 
je  dois  périr.  Certes,  il  ne  peut  pas  y  avoir  des  circonstances  atténuantes, 
comme  le  jugement  le  porte.  C'est,  évidemment,  un  jugement  dicté  pour 
justifier  le  rapport  du  Grand  Juge.  L'indignation  m'empêche  de  t'en  dire 
davantage.    Je  ne  veux  aucune  grâce". 

L'empereur  hii  fit  dire  <|ue  s'il  se  désistait  de  son  jwuvoir,  remise  lui 
serait  faite  de  sa  peine,  à  condition  qu'il  partirait  ])our  l'Amérique. 

Moreau  accepte,  et  le  25  juin  1804,  le  jour  même  de  l'exécution  de 
son  prétendu  complice  Cadoudal,  il  était  conduit  à  la  frontière  d'Espagne. 

C'est  le  4  juillet  1805  seulement  que  Moreau  s'embarqua  sur  leNew- 
York,  qui  faisait  voile  pour  Philadelphie,  avec  sa  femme  et  sa  fille,  âgée 
de  quelques  mois. 

Le  général  Moreau  s'établit  à  Morisville,  état  de  Pensylvanie.  Il 
devait  y  vivre  jusqu'en  1813. 

Malgré  les  efforts  que  faisait  Moreau  pour  vivre  retiré,  il  ne  put  pen- 
dant son  séjour  aux  Etats-Unis  éviter  la  curiosité  et  l'enthousiasme  de  la 
foule.  Chaque  fois  qu'il  voyageait,  des  centaines  de  curieux  se  réunissaient 
devant  l'hôtel  où  il  descendait  et  ils  ne  consentaient  à  se  retirer  qu'après 
l'avoir  vu.  La  foule  américaine  est  friande  d'hommes  célèbres.  Les  deux 
présidents  qui,  pendant  le  séjour  de  Moreau  en  Amérique,  se  succédèrent 
à  la  tête  de  l'état,  Jefferson  et  Madison,  eurent  beaucoup  d'égards  pour  le 
proscrit.  Ils  l'invitèrent  souvent  à  les  rencontrer  et  lui  rendirent  même 
ses  visites. 


/ 

V 


—  246  — 

Lorsque  les  Etats-Unis  préparaient  leur  invasion  manquée  du  Cana- 
da en  1813,  il  fut  beaucoup  question  de  confier  le  commandemejit  de  l'ar- 
mée d'invasion  au  général  français.  Les  bruits  en  furent  assez  persis- 
tants et  assez  publics  pour  se  répandre  même  ani  Canada.  Nous  en  avons 
la  preuve  dans  un  mémoire  préparé  vers  1811  par  M.  Joseph  Bouchette, 
arpenteur-général  du  Canada,  oîi  il  est  fait  allusion  au  général  Moreau. 

Dans  ce  mémoire,  M.  Bouchette  attirait  l'attention  du  sous-secrétai- 
re des  colonies  sur  le  projet  en  préparation  aux  Etats-Unis  d'envoyer,  s'il 
^'  avait  guerre  entre  l'Angleterre  et  les  Etats-Unis,  le  général  Moreau  à  la 
tête  de  six  mille  hommes  pour  faire  la  conquête  du  Canada.     ' 

M,  Bouchette  disait  que  personne  mieux  que  Moreau  n'était  capable 
de  conduire  une  pareille  expédition,  mais  il  ajoutait  : 

"Je  suis  d'avis  qu'il  n'aurait  qu'une  bien  faible  chance  de  réussir  et 
qu'il  faudrait  aux  Américains  une  armée  beaucoup  plus  considérable.  Je 
craindrais  davantage,  si  l'on  parlait  de  quinze  ou  vingt  mille  gommes  ré- 
partis comme  il  suit,  savoir  :  six  ou  sept  mille  liommes  sous  le  général 
Moreau  dirigés  sur  Montréal,  un  pareil  nombre  remontant  la  rivière  Ken- 
nébec  pour  descendre  la  rivière  de  la  Chaudière  et  venir  se  camper  devant 
Québec  et  élever  des  batteries  en  face  de  la  ville  à  la  Pbinte-Lévy,  tandis 
que  trois  ou  quatre  mille  descendraient  la  rivière  Saint-François  avec  l'in- 
tention de  se  réunir  à  l'armée  de  Moreau  aux  Trois-Eivières  s'il  réussis- 
sait à  prendre  Montréal"  (1). 

On  a  dit  que  le  général  Moreau  refusa  de  prendre  le  commandement 
de  l'armée  américaine.  Ceci  est  une  inexactitude  :  ce  commandement  ne 
lui  fut  jamais  offert.  Du  moins,  c'est  ce  qu'affirme  M.  Ernest  Daudet, 
dans  son  livre  L'exil  et  la  mort  du  général  Moreau.  Et  M,  Daudet  était 
bien  informé  puisqu'il  a  eu  entre  les  mains  tous  les  papiers  et  les  lettres 
du  grand  soldat. 

On  aimera  peut-être  à  connaître  le  sort  de  Moreau  après  son  départ 
des  Etats-Unis. 

Pendant  ses  huit  années  de  séjour  à  Morisville,  le  général  Moreau 
avait^reçu  plusieurs  communications  des  souverains  alliés  qui  réclamaient 
ses  services  pour  les  aider  à  détrôner  Napoléon.  Moreau,  malgré  ses  griefs 
contre  Napoléon  qui  avait  été  si  injuste  pour  lui,  avait  toujours  hésité  h 
})asser  en  Europe.  11  désirait  ardemment  la  chute  de  celui  qu'il  appelait 
le  tyran  mais  il  ne  voulait  pas  commander  une  armée  contre  la  France. 


(1)     Rapport  sur  les  Archives  du  Canada  pour  1892,  p.  LVI. 


—  247-~ 

Enfin,  en  1813,  Tempereur  de  Russie,  Alexandre,  lui  envoya  un  émis- 
saire qui  eut  raison  de  ses  scrupules.  Il  s'embarqua  le  25  juin  1813  sur 
ï'Hannibal. 

Moreau  rencontra  l'empereur  de  Russie  à  Prague  le  IT  août  1813. 
Le  souverain  russe  et  le  général  français  s'entendirent  très  bien.  C'est 
même  Moreau  qui  revisa  et  corrigea  les  plans  des  généraux  alliés  pour  la 
campagne  dans  laquelle  ils  venaient  d'entrer  contre  Napoléon. 

Dix  jours  plus  tard,  le  27  août  1813,  à  la  bataille  de  Dresde,  Moreau 
eut  les  deux  jambes  fracassés  pendant  qu'il  visitait  le  front  de  l'armée 
Tus8«  en  compagnie  de  l'empereur  Alexandre. 

Moreau  mourut  cinq  jours  plus  tard,  le  2  septembre  1813. 

Moreau  avait  fini  sa  carrière  jusque  là  si  glorieuse  en  combattant  con- 
tre sa  patrie.  L'histoire,  tout  en  le  blâmant  de  cette  erreur,  n'a  pas  été 
trop  dure  pour  lui.  Napoléon  avait  été  si  injuste  à  son  égard  qu'elle  in- 
voque presque  des  circonstances  atténuantes  en  sa  faveur, 

s  P.  G.  R. 


KKPONSE 


Iicttrcs  de  cachet.  (XXVI,  p.  183). — La  "lettre  du  petit  cachet"  dont  on 
'parle  en  1730.  à  propos  du  notaire  Pollet,  de  la  seigneurie  de  Sainte-Anne 
n'est  rien  autre  chose  que  ce  qu'on  appelait  plus  généralement  la  lettre  de 
cachet. 

D'après  Funck-Brentano  (Les  Lettres  de  cachet  à  Paris,  p.  XI),  les  let- 
tres de  cachet  sont  désignées  dans  les  textes  des  XVe  et  XVIe  siècles  indiffé- 
remment par  les  expressions  "lettres  du  roi",  "dettres  closes"  ,  lettres  du  pe- 
tit signet",  lettres  du  petit  cachet". 

L'expression  "lettres  du  petit  cachet"  se  rencontre  encore  fréquemment 
sous  le  règne  de  Louis  XIV,  mais,  à  dater  du  gouvernement  de  Louis  XV,  l'ex- 
pression "lettres  de  cachet"  devient  d'un  usage  général.  La  prévôtét  de 
Québec,  en  employant  "lettres  du  petit  cachet"  en  1730,  se  servait  donc  déjà 
d'un  «archaïsme. 

A  ce  propos,  il  est  peut-être  intéressant  de  rappeler  comment  Malesherbes 
définit  les  lettres  de  cachet  : 

"Les  lettres  par  lesquelles  le  Roi  fait  connaître  sa  volonté  sont  de  deux 
espèces.  Les  unes  sont  faites  pour  devenir  des  lois  du  royaume,  et  elles  en 
acquièrent  le  caractère  par  l'enregistrement  ;  il  faut  que  tout  le  monde  les 
connaisse  puisque  tout  le  monde  doit  y  obéir  ;  c'çst  ce  qu'on  appelle  lettres 
patentes.  Mais  les  lettres  par  lesquelles  le  Roi  notifie  ses  volontés  à  des 
particuliers  et  même  à  des  corps,  celles  qui  ne  contiennent  d'ordres  que  pour 
ceux  à  qui  elles  sont  adressées  et  qui  ne  sont  pas  faites  pour  devenir  des  lois, 
sont  fermées  et  cachetées  et  on  les  nomme  lettres  closes  et,  plus  communé- 
ment, lettres  de  cachet.  Elles  ne  diiïèrent  des  lettres  missives,  par  lesquelles 
chaque  particulier  donne  ses  ordres  à  ceux  qui  lui  sont  subordonnés,  qu'en  ce 
que  la  signature  du  Roi  n'est  pas  réellement  de  sa  main  ;  elle  est  présumée 
être  conforme  à  sa  volonté  et  cela  est  certifié  par  la  signature  du  secrétaire 
d'Etat." 

AEG.  F. 


...  248  — 


EDMOND  DE  SUEVE,  SEIGNEUR  EN  PAR- 
TIE DE  SAINTE-ANNE  DE  LA  PERADE 


De  quelle  partie  de  la  France  venait  Edmond  de  Suève  ?  Pour  l'his- 
toire des  premiers  habitants  de  la  Nouvelle-France  les  contrats  de  mariage 
sont  des  sources  d'informations  extrêmement  précieuses.  Les  notaires  de 
l'ancien  régime  ne  manquaient  jamais  d'enregistrer  les  noms  des  père  et 
mère  des  futurs  conjoints  et  d'indiquer  les  paroisses  qu'ils  habitaient  dans 
la  vieille  France.  M.  de  Suève,  n'ayant  pas  jugé  à  propos  de  se  marier, 
a  donc  privé  les  historiens  du  précieux  document  qui  leur  aurait  dit  de 
quelle  partie  de  la  France  il  était  originaire. 

Edme  ou  Edmond  de  8uève  était  lieutenant  dans  le  régiment  de 
Carignan  et  il  passa  ici  avec  cette  troupe  d'élite  dans  l'été  de  1665. 

Après  le  licenciement  du  régiment  de  Carignan,  il  décida  de  rester 
au  pays. 

Le  39  octobre  1672,  l'intendant  Talon  concédait  conjointement  à 
MM.  de  Suève,  lieutenant  au  régiment  de  Carignan,  et  de  Lanaudière, 
enseigne  au  même  régiment,  "l'étendue  de  terre  qui  se  trouvera  'sur  le 
fleuve  Saint-Laurent  au  lieu  dit  des  Grondines,  depuis  celles  appartenantes 
aux  Religieuses  de  l'Hôpital  jusqu'à  la  rivière  Sainte- Anne,  icelle  com- 
prise, sur  une  lieue  de  profondeur,  avec  la  quantité  de  terre  qu'ils  ont 
acquise  du  sieur  Amelin..." 

C'est  le  fief  et  seigneurie  de  Sainte-Anne  de  la  Pérade. 

M.  de  Suève  au  lieu  de  coloniser  le  beau  domaine  que  venait  de  lui 
accorder  M.  Talon  s'occupa  à  satisfaire  son  goût  pour  la  chasse.  L'avoir 
qu'il  avait  à  son  arrivée  dans  la  Nouvelle-France  s'épuisa  bientôt  et  il  se 
trouva  vis-à-vis  de  rien. 

Le-  13  novembre  1680,  l'intendant  Duchesneau  écrivait  au  ministre: 

"Les  officiers  des  troupes'  continuent  d'employer  ce  qu'il  plaît  au 
Roi  et  à  vous,  Monseigneur,  de  leur  accorder  à  payer  leurs  dettes.  J'ai 
oublié  l'année  dernière  de  vous  demander  une  semblable  gral^ificntion 
pour  le  sieur  de  Moras,  lieutenant,  qui  est  un  gentilhomme  chargé  de  huit 
enfants  dans  une  grande  pauvreté.  Il  y  en  a  encore  d'autres  pour  lesquels 
je  n'ai  pas  osé  vous  parler  parce  que  ce  sont  des  gens  qui  équipent  pour 
eux  des  coureurs  de  bois,  excepté  le  sieur  de  Suève,  vieux  garçon  de  60 


â49:- 


ans,  qui  a  été  lieutenant,  qui  avait  toujours  passé  pour  avoir  du  bien  et 
qui  est  tombé  cette  année  dans  une  grande  misère  "  (  1  ) . 

Le  recensement  de  1681  nous  apprend  que  M.  de  Suève  résidait  dans 
sa  seigneurie  de  Sainte-Anne.  Il  lui  donne  cinquante  ans.  Il  s'occupait 
évidemment  plus  de  chasse  que  de  défrichement  car  le  même  recensement 
le  dit  propriétaire  de  trois  fusils  et  oublie  de  mentionner  ses  arpents  de 
terre  en  valeur. 

Le  8  août  1691,  M.  de  Suève  donnait  à  la  fabrique  de  la  paraisse 
de  Sainte-Anne  de  la  Pérade  "deux  habitations  de  deux  arpents  de  front 
sur  quarante  arpents  de  profondeur,  tenant  l'une  à  l'autre,  prenant  par 
devant  à  la  rivière  Sainte-Anne,  par  côté  par  dessus  à  Charles  Vallée  et 
d'autre  côté  par  dessous  à  Philippe  Etienne". 

L'une  des  deux  terres  était  donnée  pour  le  service  du  curé  et  de  ses 
successeurs,  l'autre  devait  servir  pour  élever  la  future  église  de  la  paroisse. 

Cette  donation  était  faite  quitte  de  toutes  sortes  de  rentes  pour  l'ave- 
nir et  à  perpétuité  (2). 

M.  de  Suève  décéda  à  Sainte-Anne  de  la  Pérade  le  1er  mars  1707, 
et  fut  inhumé  dans  l'église  paroissiale  (3). 

Par  son  testament  fait  le  16  juin  1695,  M.  de  Suève  avait  légué  à 
Edmond  Chorel  la  part  et  moitié  de  la  seigneurie  de  Sainte-Anne  qui  lui 
avait  été  concédée  le  29  octobre  1672.  Il  lui  donnait  en  outre:  lo  une 
terre  de  cinq  arpents  de  front  sur  le  bord  de  la  rivière  Sainte-Anne,  sur 
quarante  arpents  de  profondeur,  joignant  d'un  côté  à  Daniel  LeMerle  et 
d'autre  à  Jean  Picard  ;  2o  une  autre  terre  de  quatre  arpents  de  front, 
dans  l'île  Saint-Ignace,  traversant  la  dite  île,  joignant  d'un  côté  madame 
veuve  de  Lanaudière,  mitoyenne  de  la  dite  seigneurie  avec  le  sieur  Don- 
tigny,  et  d'autre  part  à  Jean  Picard  ;  3o  une  autre  terre  de  quatre  arpents 
de  front,  située  entre  les  terres  de  madame  veuve  de  Lanaudière  et  du 
sieur  Desruisseaux  ;  4o  une  autre  terre  de  deux  arpents  de  front  située 
entre  les  terres  du  sieur  Desruisseaux  et  du  sieur  Saint-Romain. 

Le  donateur  obligeait  Edmond  Chorel  à  rendre  la  foi  et  hommage, 
et  à  payer  les  dettes  qu'il  pourrait  avoir  au  jour  de  son  décès.  Il  se  réser- 
vait en  outre  l'usufruit  et  jouissance  de  sa  moitié  de  seigneurie  et  de  ses 


(1)  Archives  du  Canada,   Correspondance  générale. 

(2)  Acte  devant  Michel  Roy,  notaire  à  Sainte-Anne,  le  8  août  1691. 

(3)  Dans  son  étude  Le  régiment  de  Curignan,  M.  Benjamin  Suite  a  con- 
fondu Edme  de  Suève,  seigneur  en  partie  de  Sainte-Anne,  avec  Lesueur,  le 
fameux  explorateur  et  traiteur.  Il  n'y  eut  aucune  relation  quelconque  entre 
ces  deux  personnages. 


—  250  — 

terres.     Il  exigeait  aussi  deux  cents  messes  basses  pour  le  repos  de  son 
âme  dans  l'an  de  son  décès. 

M.  de  Suève  prenait  la  peine  de  déclarer  dans  son  testament  qu'il 
faisait  don  de  ses  biens  à  Edmond  Chorel  pour  le  récompenser  des  bons 
et  réels  secours  et  amitiés  qu'il  lui  avait  rendus,  et  avec  l'espoir  qu'il  les 
continuerait  à  l'avenir  (1). 

P.-G.   R. 


(1)      Testament   devant   Cusson,   notaire  au   Cap   de   la   Madeleine,   le   1( 
juin  1695. 


QUESTIONS 

M.  Faucher  de  Saint-Maurice,  dans  son  ouvrage  choses  et  autres,  p.  208, 
usère  la  note  suivante  :   "Charles  Ltclerc  mourut  de  paralysie  le  9  septembre 

1870,  âgé  de  45  ans,  à  Saint-Paul  de  Chester Le  clère  était  vif,  enjoué 

et  maniait  une  fine  plume.  Il  a  éparpillé  un  peu  partout  nombre  de  jolies 
nouvelles  parmi  lesquelles  je  cite  de  mémoire  :  IVerniite  de  la  caverne  aux 
féos,  Le  lac  ina.skljiongé,  La  fille  de  l'usurier,  La  chute  de  Nia^ra,  Un  pre- 
mier coup  de  scalpel.  La  nuit  du  31  décembre.  Le  capot  d'orignal,  Vn  jour  de 
l'aïi,  Coeur  brisé,  La  fille  d'Isaac,  Mon  village,  La  berline  bleue  etc.  ainsi 
qu'un  roman  Amour  et  vengeance. 

Où  et  quand  cet  écrivain  est-il  né  et  dans  quels  journaux  a-t-il  publié 
ses  oeuvres  ? 

Enfin,  la  nouvelle  Le  lac  Maskinongé  reproduite  dans  l'Album  des  famil- 
les de  180,  p.  323  sous  la  signature  de  C.  A.  H.  L.  est-elle  de  lui  ? 

M.  A.  S. 


—  251  — 

UNE  CHANSON  SUR  LA  PLANTATION 

DU  MAI 


A-t-il  existé  des  chansons  spéciales  en  rapport  avec  la  plantation  du 
mai  ? 

Voilà  une  question  que  les  folkloristes  se  sont  souventes  fois  posé  de- 
puis des  années.  Or  comme  tout  vient  à  point  à  qui  éait  attendre,  la  ré- 
ponse m'arrive  enfin. 

Ces  jours  derniers,  un  citoyen  de  Saint-Rémi,  comté  de  Xapierville 
avec  qui  j*en  causais  m*a  aussitôt  procuré  ce  que  je  désirais. 

Mon  informateur  qui  est  M,  Ephrem  Terreault  a  appris  de  sa  mère, 
à  Saint-Remi,  vers  1870,  la  jolie  chansonnette  dont  voici  le  texte  : 

I 
Le  premier  jour  de  mai — ^^T^abouré  ! 
Il  m'a  pris  fantaisie 
D'aller  planter  un  mai — Labouré  ! 
A  la  porte  de  ma  mie 

Las 
Sur  ces  terres  labourées 

Ah  !  ah  ! 
Sur  ces  terres  labourées. 

2 
D'aller  planter  un  mai — Labouré  ! 
A  la  porte  de  ma  mie 
Quand  le  mai  fut  planté — Labouré  ! 
Dans  la  maison  j'entrai-e. 

Las  ! 
Sur  ces  terres,  etc. 

3 
Je  m'assieds  sur  un  banc— Labourant   ! 
Faisant  comme  les  autres. 

4 
Croyant  flatter  ma  mie — Labourie  ! 
J'en  ai  flatté  une  autre. 


—  262  — 

5 

Elle  me  dit  :  Galant  — Labourant  ! 
Allez  flatter  la  vôtre. 

6 

Je  ne  suis  pas  galant — Labourant  ! 
Je  suis  eomm(e)  tous  les  autres. 


Je  porte  l'habit  bleu — Laboureux 
Passementé  de  jaune.   ... 

Monsieur  Terreault  n'en  sait  pas  plus  long. 

Depuis  que  j'ai  recueilli  les  couplets  ci-dessus,  une  autre  personne 
m'a  dit  les  avoir  entendus  aux  Trois-Rivières,  vers  1885.  Ils  étaient 
chantés  par  une  dame  Godin,  née  Arcélie  Matte,  qui  les  tenait  de  sa  mère 
domiciliée  à  Sainte-Anne-de-la-Pérade,  ce  qui  prouve  que  cette  chanson 
fut  assez  répandue  aux  temps  jadis. 

Lecteurs  qui  connaîtraient  des  variantes  de  ces  couplets  ou  d'autres 
chansons  sur  le  mai  devraient  les  communiquer  au  soussigné  (département 
des  archives,  palais  de  justice,  Montréal)  qui  recevra  avec  reconnaissan(;e 
tous  les  renseignements  qu'on  voudra  lui  transmettre, 

E.  Z.  MASSICOTTE 


Le  nom  de  la  Beauee 


Le  nom  de  Nouvelle-Beauce,  dit-on,  a  été  donné  à  cette  partie  de  la 
province  de  Québec  qui  s'étend  le  long  de  la  rivière  Chaudière,  vers  la  fron- 
tière américaine,  en  souvenir  de  ce  petit  coin  de  la  France,  célèbre  par  la 
fertilité  de  ses  terres  et  qui  portait  le  nom  de  Beauee. 

Je  ne  veux  pas  douter  que  le  nom  de  notre  Beauee  canadienne  a  été 
emprunté  à  celui  de  la  Beauee  française.     Mais  pourquoi   ? 

Les  sites  de  notre  Beauee  ressemblent-ils  à  ceux  de  la  Beauee  fran- 
çaise ?  Les  premiers  seigneurs  de  la  Beauee  étaient-ils  originaires  de  la 
Beauee  de  France  ?  Choisirent-ils  leurs  premiers  colons  dans  cette  belle 
partie  de  la  vieille  France  ? 

Qui  me  donnera  la  vraie  origine  du  nom  de  Nouvelle-Beauce  ou  Beauee  ? 

BEAUCE 


—  253  — 

UN  DIVORCE  DEVANT  NOTAIRE 


Récemment,  en  consultant  les  actes  du  notaire  Jean- Jacques  Jorant 
qui  pratiqua  dans  les  environs  de  Montréal  entre  1*85  et  1815,  mon  at- 
tention fut  attirée  par  cet  intitulé  peut-être  unique  dans  les  archives  de 
Montréal  :  Divorce  entré  sieur  Michel  Hotier  et  darne  Marie-Agathe  Gras- 
set, son  épouse. 

Je  me  suis  hâté  de  lire  pour  constater  qu*il  s'agissait  d'une  sépara- 
tion de  corps  et  de  biens  faite  dans  des  conditions  quelque  peu  différentes 
de  l'ordinaire. 

Dans  notre  droit,  la  séparation  ne  saurait  être  fondée  sur  le  con- 
sentement mutuel  des  époux  et  elle  doit  être  décrétée  par  le  tribunal.  Or 
ici,  les  deux  époux,  accompagnés  chacun  de  son  père,  plus  de  deux  té- 
,  moins  et  d'un  juge  de  paix  de  Sa  Majesté  conviennent  qu'ils  ne  peuvent 
vivre  ensemble,  etc.      Lisez  plutôt  : 

No  67—27  octobre  1787 

Divorce  entre  Sieur  Michel  Ilotier  et  Dame  Marie  Agathe  Grasset, 
son  épouse. 

Pardevaut  le  Notaire  de  la  jirovince,  résident  en  la  paroisse  St-  An- 
toine sur  la  rivière  Richelieu,  fut  présent  Michel  Hotier  habitant  rési- 
dent à  Beloéuil,  et  dame  Marie  Agathe  Grasset,  son  épouse  de  lui  due- 
ment  autorisée  à  l'effet  qui  en  suit  et  aussi  en  la  présence  des  sieurs  Ja- 
ques Hotier  et  Marc  Grasset  leur  père  et  beau  père,  lesquels  dit  Michel 
Hotier  et  dame  Marie  Grasset,  mari  et  femme  ne  pouvant  s'accorder 
entr*eux  ni  vivre  paisiblement  dans  leur  ménage  ont  pris  et  prennent  par 
ces  présentes  la  résolution  de-  se  séparer  l'un  d'avec  l'autre  et  ce  en  vue 
de  vivre  et  mener  une  conduite  plus  salutaire  à  leur  âme  ;  en  conséquence 
de  quoi  lesdits  séparés,  sont  convenus  respectivement  l'un  avec  l'autre, 
que  ledit  Michel  Hotier  aura  seulement  la  vue  sur  ses  enfans  issus  de  son 
mariage  avec  ladite  Marie  Agathe  Grasset,  sa  femme,  et  qu'elle  dite  Agathe 
Grasset  jouira  des  fruits  de  la  terre  et  autres  biens  qui  étaient  en  commu- 
nauté entr'eux  suivant  leur  contrat  de  mariage,  pour  maintenir  et  élever 
chrétiennement  lesdits  enfans.  Ce  fut  ainsi  fait  et  accordé  en  présence 
des  susnommés,  et  aussi  de  Pierre  Guérout  Ecuier,  un  des  Juges  de  paix 
de  Sa  Majesté  résident  à  St-Denis,  lesquelles  dites  parties  ainsi  séparées 
ont  déclaré  ne  savoir  signer  de  même  que  lesdits  Pères  et  beaux  pères,  ont 
fait  respectivement  leur  marque  ordinaire  après  lecture  faite,  et  a  mon 


^  264  — 

dit    Sieur  le  'Juge    de  paix  signé    aviec  ïe  Notaire.  A  St.  Denis,  le  vingt 
&ept  octobre  mfl  sept  cent  quatre-vingt-sept. 

Michel  X  Hotier,  Marie  Agathe  X  Grasset 

Jaques  X  Hotier,  Mare  X  Grasset 

P.  Guerout  J.  P.  Joseph  Allard  témoin,  Dormicour 

J.  JOEAN  X.  P. 

^  Pourquoi  cet  apparat   ?  Pourquoi  ce  terme  divorce,  jamais  employé 
par  les  Canadiens-frangais  catholifj[ues  ? 

Toute  cette  scène  ne  serait-elle  pas  l'oeuvre  de  Pierre  Guerout  ?  Ce- 
lui-ci était  un  français  ou  un  suisse  né  en  Allemagne  en  1753  et  venu 
en  notre  pays  avec  les  troupes  mercenaires  d'Angleterre  en  1780.  Son 
engagement  fini  il  s'établit  à  Saint-Antoine  sur  Kichelieu,  puis  à  Saint- 
Denis.  (1)  Bientôt  ce  fut  un  marchand  considérable,  jouissant  de  la 
faveur  populaire,  puisqu'il  fut  député  et  dont  les  opinions  ou  les  sugges- 
tions devaient  avoir  beaucoup  de  poids.  Etant  européen  il  avait  une 
mentalité  autre  que  la  nôtre ....  Enfin,  qui  sait  ? 

E.  Z.  MASS^COTTE 


(1)      B.  R.  H.,  1907,  p.   3. 


RErONSK 


L,c  chevalier  de  Courcy.   (Vol.  XXVI,   p ) — Le  sieur  chevalier  dé 

Courcy  que  M.  de  Callicres,  gouverneur  de  .la  Nouvelle-France,  recommande 
à  son  frè.rc  le  marquis  de  Callières,  son  légataire  universelle,  ne  peut  être 
autre  que  Charles  Potier,  chevalier  de  Courcy,  enseigne  des  vaisseau.x  du 
Roi,  que  l'on  voit  épouser,  en  1717,  Madeleine-Catherine  Ruette  d'Auteuil, 
veuve  de  JF'rançois  De  Selles  de  Marbrelle,  et  fille  du  procureur-général  d'Au- 
teuil. 

Ce  chevalier  de  Courcy  fut,  parait-il,  le  bisaeiiil  de  M.  Henry  de  Courcy, 
l'écrivain  de  mérite  qui  a  publié  Lies  servantes  de  Dieu  en  Canada.  Voyez 
La  Famille  Juchereau  Duchesi»ay,  p.  97. 

P.  G  R. 

Adrien  Hiiault.    (Vol.  XXVI,  p ) — Adrien  Huault  n'était  pas  le 

flls  du  gouverneur  de  Montmagny.  Charles  Huault  né  vers  15  83  et  gouver- 
neur du  Canada  eut  trois  frères  et  deux  soeurs.  Les  voici  dans  leur  ordre 
de  classement  :  Louis-Claude,  mort  jeune  ;  Adrien  mort  en  1648,  sans  allian- 
ce ;  Charles-Claire  et  Charlotte.  Louis,  continuant  la  lignée,  né  en  1585 
et  mort  en  1647  eut  sept  enfants.  Adrien  (qui  suit)  ;  Louis,  prêtre  ;  Jac- 
ques ;  Catherine  ;  Charlotte  ;  Boince  et  .Jeanne.  Adrien  (né  en  1619  :  s. 
1699)  est  celui  qui  vendit  en  1660  la  seigneurie  de  la  Rivière  du  Sud,  à  Louis- 
Théandre  Chartier  de  Lotbinière,  et  l'auteur  de  l'article  publié  dans  l'Opinion 
Publique  du  4  septembre  1873,  se  trompait  dans  le  degré  de  parenté  attribué. 
Au  lieu  de  fils,  Adrien  était  le  neveu  du  gouverneur  de  Montmagny. 

REGIS  ROY 


—  255  — 

LE  DUC  D'ANVILLE 


Louisbourg,  considéré  comme  la  clef  du  Canada,  était  tombé  aux 
mains  des  Anglais.  La  nouvelle  de  cette  perte  avaît  eu  un  retentissement 
pénible  au  Canada,  et,  afin  de  venger  l'honneur  national,  M.  de  Maure- 
pas,  ministre  d'Etat,  sur  les  avis  du  gouverneur  Beauharnois  et  de  l'in- 
tendant Hocquart,  fit  préparer  un  armement  considérable  pour  reprendre 
la  forteresse  de  l'île  Royale:  onze  vaisseaux  et  trente  transports,  dit 
Ferland  (vol.  II,  478);  onze  vaisspaux  de  ligne,  cinq  frégates  et  trente- 
cinq  transport,  corrige  le  Rév.  P.  LeJeune,  O.M.I.  (Tableaux  synop.  de 
l'Hist.  du  Canada,  3e  fascicule, 'p.  150),  furent  confiés  au  duc  d'Anville. 
Non  pas  à  Nicolas  de  la  Rochefoucault,  comme  l'annonce  ce  dernier 
auteur,  mais  bien  Jean-Baptiste-Louis-Frédéric  de  Roye  de  la  Rochefou- 
cault (rameau  de  Roye  et  de  Roucy),  duc  d'Anville  par  brevet  de  1733, 
marquis  de  Roucy,  né  le  17  août  1709,  reçu  en  survivance  de  la  charge  de 
lieutenant-général  des  galères  en  1720,  lieutenant-général  des  armées  na- 
vales en  1745  et  qui  est  mort  sur  le  Northumherïand  le  27  septembre, 
1746.  {Hùt.  Généa.  et  Chrono.  des  pairs  de  France.  Le  P.  Anselme, 
V,  402.) 

Le  seul  des  LaRochefoucault  qui  a  porté  le  nom  de  Nicolas  mentionné 
par  le  P.  LeJeune,  O.M.I.,  n'a  pas  été  duc  d'Anville.  C'était  Alexandre- 
Nicolas  de  la  Rocliefoucault  (rameau  de  Surgères),  marquis  de  Surgères, 
lieutenant-général  des  armées  en  1748  et  mort  le  29  avril  17G0.  C'est 
probablement  ce  titre  de  lieutenant-général  qui  a  induit  le  P.  LeJeune 
Il  erreur. 

Le  Bulletin  des  Rech.  Hist.,  1914,  p.  90,  nous  rapporte  la  visite  que 
fit  M.  Faucher  de  St-Maurice  à  la  baie  de  Chibouctou. . .  "C'est  là",  dit 
M.  Faucher,  "que  pendant  quelques  années  a  reposé  dans  la  mort  le  duo 
d'Anville,  de  la  famille  de  Montmorency". 

Cet  écrivain  s'est  trompé.     Il  a  pris  Damville  pour  d'Anville. 

Damville  était  une  baronnie  érigée  en  duché-pairie  en  faveur  de 
Henri  de  Montmorency  qui  mourut  en  1632.  Le  duché  de  Damville  fut 
ressuscité  en  faveur  de  son  neveu  François-Christophe  de  Lévis-Ventadour. 
Le  titre  passa  ensuite  à  Louis-Alexandre  de  Bourbon,  comte  de  Toulouse, 
qui  le  vendit  en  1719  à  Mde  de  Parabère  —  et  la  pairie  s'éteignit  là.  Il 
n'y  avait  donc  pas  de  duc  Damville  en  1746. 

REGIS  ROY 


—  258  — 

LE  THEATRE  A  MONTREAL  EN  1816 


Pour  faire  suite  aux  diverses  notes  que  j'ai  publiées  dans  le  Bulletin 
en  1917,  1918  et  1919  j'ajoute  l'annonce  suivante  que  je  viens  de  remar- 
quer dans  le  Spectateur  canadien  du  18  novembre  1816  : 

Les  Amateurs  Canadiens  de  cette  ville  se  proposent  de  donner  au  Pu- 
blic dans  le  cours  de  cet  liyver,  quelques  Représentations  dramatiques  à 
l'hôtel  de  Tesseyman  où  ils  ont  approprié  la  Salle  d'assemblée  à  cet  effet. 
Ils  débuteront  mercredi,  le  vingt-sept  du  courant  par 

L'AVOCAT  PATELIN, 

Comédie  en  trois  Actes 
.    ^  par  Brueys  et  Palaprat 

^  — Suivie  de — 

-'"^.  L'ENRAGE 

Comédie  en  un  acte 

^;  —Et  de— 

r  /'  CRISPIN  MEDECIN 

"'*  Comédie  en  trois  actes 

par  Mr.  de  Hauteroche 

Les  Portes  s'ouvriront  à  6  heures,  et  la  toile  se  lèvera  à  7  heures  pré- 
cises. Les  dames  et  messieurs  qui  désirent  s'assurer  des  places  sont  priés 
d'envoyer  le  26  ou  27  courant  au  Théâtre  depuis  9  heures  du  matin  jus- 
qu'à 3  heures  du  soir. 

Comme  les  Amateurs  désirent  que  les  Dames  et  messieurs  qui  hono- 
reront le  Théâtre  de  leur  présence,  ne  soient  point  gênés,  ils  ont  limité  le 
nombre  des  billets  à^250. 

On  publiera  cette  semaine  des  affiches  plus  détaillées. 

Le  sieur  Tesseyman  ne  figure  pas  dans  le  directory  de  Doige,  édite 
trois  ans  plus  tard  (1819).  Il  faudrait  donc  chercher  ailleurs  pour  sa- 
voir où  était  l'hôtellerie  assez  spacieuse  pour  héberger  des  spectacles. 

E.  Z.  MASSICOTTE 


ts'1 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES  HISTORIQUES 

— — — -i—^^^^^— ^— ■^^^— ^^^^^■■^^^■^^^■^^^— ^ 
VOL.  XXVI  BEAUCEVILLE-SEPTEIWBRH  1929  No  » 

LES  FAMILLES  DE  NOS  GOUVERNEURS 

FRANÇAIS 


Quels  sont  les  gouverneurs  français  qui  ont  amené  leur 
famille  au  pays  *? 

Deux  ans  après  la  fondation  de  Québec,  le  30  décembre 
1610,  Champlain  avait  épousé  à  Paris  Hélène  Boullé,  fille 
de  Nicolas  Boullé,  secrétaire  de  la  Chambre  du  roi.  Elle 
était  calviniste  comme  toute  sa  famille.  C  'est  M.  de  Monts, 
calviniste  lui-même,  qui  ^vait  poussé  Champlain  à  con- 
tracter ce  mariage  disproportionné  d'âge.  Le  fondateur 
de  Québec  avait  alors  quarante  ans  sonnés  et  Hélène  Boul- 
lé n'avait  j^as  encore  atteint  sa  douzième  année.  Comme 
la  jeune  femme  n'était  pas  encore  nubile,  en  vertu  des  con- 
ventions matrimoniales,  les  époux  ne  devaient  vivre  en- 
semble qu'au  bout  de  deux  ans. 

Ce  ne  fut  que  dix  ans  après  son  mariage,  en  1620,  que 
Champlain  amena  sa  femme  à  Québec.  Dans  l'intervalle, 
madame  de  Champlain  s'était  converti  au  catholicisme. 
Elle  resta  dans  la  Nouvelle-France  jusqu'en  1624.  Il  n'y 
avait  alors  à  Québec  que  quatre  ou  cinq  j^ersonnes  du  sexe 
et  on  comprend  qu'un  jeune  femme  qui  avait  été  élevée  à 
Paris  devait  s'ennuyer  à  mourir  dans  une  petite  bourga- 
de comme  était  alors  la  future  capitale  de  la  Nouvelle- 
France. 


—  258  — 

Madame  de  Champlain  consacrait  à  peu  près  tout  son 
temps  à  l'étude  de  la  langue  algonquine.  Elle  s'occupait 
aussi  de  catéchiser  les  petits  sauvages. 

Dans  ses  courses  à  travers  la  forêt  qui  entourait  l 'ha- 
bitation de  Québec,  madame  de  Champlain  portait  ordinai- 
rement à  sa  ceinture  un  petit  miroir  à  toilette,  ainsi  que  le 
voulait  la  mode  du  temps.  Les  Sauvages  prenaient  plaisir 
à  regarder  leur  figure  basanée  se  réfléchir  dans  la  glace  ma- 
gique et  ils  disaient  naïvement  :  "Une  femme  aussi  jolie, 
qui  guérit  nos  maladies,  et  qui  nous  aime  jusqu'à 'porter 
notre  image  près  de  son  coeur,  doit  être  plus  qu'une  cré- 
ature humaine.  '  '  Elle  devint  presque  un  dieu  aux  yeux  re- 
connaissants des  pauvres  Sauvages  et  ils  étaient  portés  à 
lui  vouer  un  espèce  de  culte. 

L'ennui,  la  peur  des  Iroquois,  les  privations  durent 
engager  madame  de  Champlain  à  retourner  en  France. 

Dix  ans  après  la  mort  de  son  mari,  le  7  novembre  1645, 
madame  de  Champlain  entra  dans  un  monastère  d'Ursu- 
lines  à  Paris,  d'abord  comme  bienfaitrice  puis  comme  no- 
vice sous  le  nom  de  soeur  Hélène  de  Saint- Augustin.  En 
1648,  elle  fondait  le  monastère  des  Ursulines  de  Meaux. 
Elle  mourut  en  odeur  de  sainteté  dans  ce  couvent  le  20  dé- 
cembre 1654,  à  l'âge  de  cinquante  six  ans  (1) .         , 

C'est  dans  la  nuit  du  15  juin  1636  que  le  vaisseau  qui 
portait  Charles  Huault  de  Montmagny,  successeur  de 
Champlain  au  gouvernement  de  la  Nouvelle-France,  entra 
en  rade  de  Québec.  Le  nouveau  gouverneur  avait  amené 
avec  lui  son  lieutenant,  Antoine-Louis  de  Bréhaut  de  l 'Isle, 
son  secrétaire,  Martial  Piraube,  et  trois  officiers  militaires 
MM.  de  Saint-Jean,  de  Malepart  et  de  Maupertuis. 

'  '  Quel  étonnement  à  ces  peuples,  dit  naïvement  le  Père 
Le  Jeune,  dans  la  Relation  de  1636,  de  voir  cette  leste  no' 
blesse,  tant  d'écarlates,  tant  de  personnes  bien  faites  !" 

M.  de  Montmagny  montra  dès  sa  descente  du  vaisseau 
quel  homme  il  était.  En  s 'engageant  dans  la  côte  La  Mon- 
tagne, il  aperçut  la  grande  croix  de  bois  du  petit  cimetière 
de  Québec  alors  situé  dans  le  flanc  de  la  montagne.  "Voici, 

(1)     N.-E.  Dionne,  Samuel  Champlain,  tome  deuxième,  p.  395. 


—  259  - 

dit-il,  la  première  croix  que  je. rencontre  sur  le  pays,  ado- 
rons le  crucifié  en  son  image".  Il  se  jeta  aussitôt  à  genoux 
dans  le  sentier  abrupt.  Sa  suite  et  tous  les  citoyens  de 
Québec  qui  étaient  venus  le  saluer  en  firent  autant. 

Le  gouverneur  de  Montmagny  était  chevalier  de  l'or- 
dre de  Malte.  Il  n'était  donc  pas  marié  puisque  les  digni- 
taires de  l'ordre  de  Malte  s'engageaient  par  voeu  au  céli- 
bat. 

M.  de  Montmagny  qui  vécut  ici  de  1636  à  1648  sut  ga- 
gner l'estime  et  l'affection  de  tous.  Les  Jésuites  en  font 
les  plus  grands  éloges  dans  leurs  Relations. 

Louis  d  ' Ailleboust  de  Coulonge,  qui  devait  être  le  troi- 
sième gouverneur  de  la  NouvelleFrance,  était  passé  ici  en 
1643,  avec  sa  femme  Marie-Barbe  de  Boulogne,  et  sa  belle- 
soeur,  Philippe-Gertiude  de  Boulogne.  Il  se  proposait  de 
collaborer  à  l 'oeuvre  de  Montréal. 

En  1647,  M.  d 'Ailleboust  de  Coulonge  passait  en  Fran- 
ce, chargé  par  les  habitants  du  Canada  de  demander  au 
roi  certaines  modifications  à  son  arrêt  du  27  mars  1747. 
Pendant  qu'il  était  en  France,  le  2  mars  1648,  il  fut  nommé, 
sur  la  recommandation  de  la  Compagnie  des  Cent- Asso- 
ciés, pour  succéder  à  M.  de  Montmagny  au  gouvernement 
de  la  Nouvelle-France. 

M.  d 'Ailleboust  de  Coulonge  fut  de  retour  à  Québec 
le  20  août  1648,  et  prit  inmiédiatement  i^ossession  de  son 
gouvernement  qu'il  garda  jusqu'en  octobre  1651. 

De  1651  à  1658,  M.  d 'Ailleboust  de  Coulonge  résida  à 
Québec  sur  sa  terre  de  Coulonge.  Il  mourut  à  Montréal, 
le  31  mai  1660. 

Marie-Barbe  de  Boulogne,  veuve  de  M.  d 'Ailleboust  de 
Coulonge,  vécut  quelque  temps  à  Montréal  puis,  en  1663, 
entra  au  noviciat  des  L^rsulines  de  Québec.  Elle  en  sortit 
bientôt.  En  1670,  elle  se  donna  à  l 'Hôtel-Dieu  de  Québec  où 
elle  décéda  le  7  juin  1685. 

Nous  lisons  dans  VHisfoire  de  J'Hôtel-Dieu  de  Qué- 
hec  de  la  mère  Juchereau  de  Saint-Ignace  : 

''Barbe  de  Boulogne  était  une  âme  prévenue  de  la  grâ" 
ce  dès  le  berceau  ;  elle  ne  se  maria  que  par  le  conseil  de  son 


—  260  — 

confesseur,  et  à  condition  que  M.  d ' Ailleboust,  qu'elle  épou- 
sa, lui  laisserait  garder  inviolablement  le  voeu  de  virginité 
qu'elle  avait  fait  dès  son  enfance.  Ce  confesseur  était  un 
Jésuite,  grand  serviteur  de  Dieu,  qui  apparemment  n'agis- 
sait pas  en  cela  sans  l'avoir  consulté.  Il  dit  à  M.  d 'Aille- 
boust en  lui  montrant  sa  future  épouse  :  ''Voici  une  Vierge 
que  Dieu  vous  confie  pour  en  être  le  gardien  ;  si  vous  ou- 
bliez la  promesse  que  vous  lui  faites,  et  que  vous  ayez  la 
hardiesse  de  donner  quelque  atteinte  à  sa  pureté.  Dieu 
vous  châtira  terriblement".  Ces  paroles  menaçantes  con- 
firmèrent M.  d 'Ailleboust  dans  la  résolution  où  il  était  de 
vivre  en  continence. 

*' Cependant  après  quelques  années,  il  fit  de  grandes 
peines  à  son  épouse,  au  sujet  de  son  voeu  qu'il  voulait  rom- 
pre ;  mais  sa  patience,  son  courage  la  firent  triompher. 
Son  époux  rentra  dans  les  sentiments  de  fidélité  dont  il 
voulait  s'écarter  ;  de  sorte  que,  après  cette  attaque,  qui  fut 
longue,  il  la  laissa  paisible,  et  mourut  fort  chrétiennement 
en  Canada,  où  il  avait  été  gouverneur." 

Quoiqu'il  en  soit  du  voeu  de  virginité,  il  est  établi  que 
Louis  d 'Ailleboust  et  Marie-Barbe  de  Boulogne  n'eurent 
pas  d'enfants  (2). 

On  dit  que  la  veuve  du  gouverneur  d 'Ailleboust  de 
Coulonge  refusa  les  propositions  de  mariage  du  gouver- 
neur de  Courcelles  et  de  l'intendant  Talon. 

Le  14  octobre  1651,  M.  Jean  de  Lauzon  débarquait  à 
Québec  avec  deux  de  ses  fils,  Jean  de  Lauzon  et  Louis 
de  Lauzon  de  la  Cetière.  Un  autre  fils  de  M.  de  Lauzon, 
Charles  de  Lauzon  de  Charny,  vint  le  rejoindre  à  Québec 
le  1er  juillet  1652.  Lors  de  son  arrivée  dans  la  Nouvelle- 
France  le  gouverneur  de  Lauzon  était  veuf  déjà  depuis 
quelques  années.  Sa  femme,  Marie  Gaudard,  a  laissé  son 
nom  au  fief  de  Gaudarville. 

Les  trois  fils  de  M.  de  Lauzon  se  marièrent  dans  la 
Nouvelle-France,  Charles  de  Lauzon  de  Charny  devenu 
veuf,  passa  en  France,  se  fit  recevoir  prêtre  et  revint  dans 

(2)     Aegidius  Fauteux,  La  famille  d' Ailleboust,  p.  23 


—  261  — 

la  Nouvelle-France  avec  Mgr  de  Laval.    Jean  de  Lauzon 
fut  tué  par  les  Iroquois  le  22  juin  1661. 

Le  gouverneur  de  Lauzon  était  repassé  en  France  dans 
Tété  de  1656. 

Dans  son  célèbre  Mémoire,  M.  Aubert  de  la  Chesnaye 
raconte  que  M.  de  Lauzon  s'était  rendu  impopulaire  au- 
près des  colons  de  Québec  qui  lui  reprochaient  de  ne  pas  fai- 
re les  dépenses  nécessaires  pour  soutenir  sa  dignité.  M. 
Faillon,  de  son  côté,  accuse  M.  de  Lauzon  d 'avoir  favorisé 
ses  fils  et  leurs  parents  au  détriment  de  bien  des  personnes 
méritantes.  Il  est  bien  difficile  de  démêler  la  vérité  sur 
l'administration  de  M.  de  Lauzon  car  sa  correspondance 
avec  les  ministres,  qui  aurait  jeté  tant  de  lumière  sur  tous 
ces  faits,  a  été  perdue. 

Pierre  de  Voyer,  vicomte  d'Argenson,  nommé  gou- 
verneur de  la  Nouvelle-France  le  26  janvier  1657,  arriva  à 
Québec  le  11  juillet  1658.  Jeune  encore,  il  avait  à  peine 
trente  ans,  sa  grande  sagesse  et  ses  moeurs  sévères  l'avaient 
fait  remarquer  du  président  Lamoignon  qui  le  reconunan- 
da  au  roi  pour  remplacer  M.  de  Lauzon. 

M.  d 'Argenson  n  'était  pas  marié. 

Le  gouverneur  d 'Argenson  repartit  pour  la  France  le 
19  septembre  1661. 

Le  baron  Pierre  Du  Bois  d'Avaugour,  successeur  de 
M.d 'Argenson,  était,  lui  aussi,  célibataire.  Arrivé  ici  le  31 
août  1661,  il  repartit  pour  la  France  à  l'automne  de  1663. 

Le  vieux  loup  de  mer  Nicolas  Gargot  s'exprime  en  ter- 
mes excellents  sur  M.  d'Avaugour,  qui  était  brave,  franc 
et  loyal  mais  d'une  opiniâtreté  telle  que  son  séjour  dans  la. 
Nouvelle-France  fut  peu  agréable  pour  lui  et  tous  ceux  qui 
le  rencontrèrent. 

"L'année  suivante,  qui  fut  1663,  dit  Gargot,  on  obligea 
encore  Gargot  de  faire  le  même  voyage,  et  avec  les  mêmes 
vaisseaux  et  semblables  voitures.  Aussi  le  succès  en  fut 
fort  approuvant  du  précédent.  Il  passa  dans  son  vaisseau 
l'évêque  de  Petrée  et  le  sieur  de  Mézy,  homme  de  peu  de 
conduite.  Ce  dernier  y  allait  être  gouverneur  en  la  place 
du  sage  et  vertueux  M.  Dubois  d'Avaugour,  que  quelqu'un 


—  262  — 

a  nommé  avec  justice  le  Du  Terrail  du  temps.  Ce  brave 
gentilhomme,  quoiqu'il  eût  lieu  de  se  plaindre  contre  plu- 
sieurs personnes  du  Canada,  néanmoins  étant  de  retour  en 
France,  se  contenta  de  rendre  raison  au  Roi  de  son  adminis- 
tration, sans  blâmer  personne  ;  ayant  obtenvi  congé  de  Sa 
Majesté  il  fut  en  Allemagne  trouver  M.  l'électeur  de  Ma- 
yence  son  bon  ami,  qui  le  mena  dans  l'armée  qui  allait  en 
Hongrie.  Là  il  fut  choisi  pour  défendre  le  fort  de  Serin  où 
il  est  mort  glorieusement  en  combattant  contre  les  infidè- 
les." (3) 

Le  chevalier  Charles- Augustin  de  Mézy,  successeur  de 
M.  d'Avaugour  au  gouvernement  de  la  NouvelleFrance, 
-arriva  à  Québec  le  16  septembre  1663. 

Son  administration  fut  loin  d'être  heureuse. 

M.  de  Mézy  décéda  au  château  SaintLouis  le  7  mai 
1665. 

Cotmne  ses  deux  prédécesseurs  immédiats,  M.  de  Mésy 
n'était  pas  marié. 

Daniel  de  Rémy  de  Courcelles  arriva  à  Québec  au  mois 
de  septembre  1665  en  même  temps  que  l 'intendant  Talon. 

M.  de  Courcelles  n'avait  pas  été  marié  ou  il  était  veuf 
puisque,  pendant  son  séjour  dans  la  colonie,  la  veuve  du 
gouverneur  d  ' Ailleboust  refusa  ses  propositions  de  ma- 
riage. 

Louis  de  Buade,  comte  dePalluau  et  de  Frontenac,  fut 
gouverneur  de  la  Nouvelle-France  à  deux  reprises,  dé  1672 
à  1682,  puis  de  1689  à  sa  mort  (1698) . 

Frontenac  avait  épousé  le  28  octobre  1648  Anne  de  la 
Grange,  fille  d'un  maître  des  requêtes.  De  ce  mariage  na- 
quit un  fils.  François-Louis  de  Frontenac,  qui  fut  tué  à  la 
tête  de  son  régiment  pendant  qu'il  était  au  service  de  l'é- 
vêque  de  Munster,  allié  de  la  France. 

Madame  de  Frontenac  ne  vint  jamais  au  Canada. 

Quand  la  nouvelle  de  la  mort  du  comte  de  Frontenac 
parvint  en  France,  Saint-Simon  mentionna  le  fait  en  di- 
sant que  c'était  un  homme  d'esprit  fort  du  monde  et  par- 
cs) Mémoires  de  la  vie  et  des  aventures  de  Xieolas  Gargot,  capitaine 
entretenu  par  Sa  Alajesté  dans  la  marine. 


—  263  — 

i  aitement  ruiné.  *  '  Sa  f  eninie  avait  été  belle  et  galante  ex- 
trêmement du  grand  monde  et  du  plus  reclierché.  Elle  et 
son  amie  mademoiselle  d'Outrelaise  étaient  des  personnes 
dont  il  fallait  avoir  l'approbation  ;  on  les  appelait  les  di- 
vines. Un  si  aimable  homme  et  une  fennne  si  merveil- 
leuse ne  vivaient  pas  aisément  ensemble,  aussi  le  mari 
n'eut  pas  de  i)eine  à  se  résoudre  d'aller  vivre  et  mourir  à 
Québec,  plutôt  que  de  mourir  de  faim  ici,  en  mortel  auprès 
d 'une  divine. 

Madame  de  Frontenac  mourut  en  1707,  neuf  ans  après 
son  niari.  Saint-Simon  note  la  moii:  de  la  grande  dame  en 
ces  termes  : 

"Mourut  aussi  madame  de  Frontenac  dans  un  bel  ap- 
partement que  le  feu  duc  de  Lude  qui  était  fort  galant  lui 
avait  donné  à  l'Arsenal  étant  grand  maître  de  l'Artillerie. 
Elle  avait  été  belle  et  ne  l'avait  pas  ignoré.  Elle  et  mada- 
me d'Outrelaise  donnaient  le  ton  à  la  ville  et  à  la  cour  ;  el- 
les exigeaient  l'encens  comme  décors  ;  et  ce  fut  toute  leur 
vie  à  qui  leur  en  prodiguerait.  Madame  de  Frontenac 
était  fort  vieille  et  voyait  encore  chez  elle  force  bonne  com- 
pagnie" (4). 

Antoine  Lefebvre,  seigneur  de  la  Barre,  gouverneur 
de  la  Nouvelle-France  de  1682  à  1684,  avait  épousé  le  20 
septembre  1645  Marie  Mandat,  fille  de  Galiot  Mandat,  sieur 
d'Aigrefoin,  maître  des  comptes,  et  de  Marguerite  LeRe- 
bours. 

M.  de  la  Barre  amena  à  Québec  sa  femme  et  ses  en- 
fants. S'il  faut  en  croire  l'intendant  de  Meulles,  le  gou- 
verneur faisait  les  choses  à  la  bonne  franquette.  Il  as- 
semblait le  Conseil  Souverain  dans  son  antichambre.  Ce 
docte  corps  était  obligé  de  délibérer  parmi  les  allées  et 
venues  des  domestiques,  au  milieu  du  bruit  des  gardes  réu- 
nis dans  une  salle  voisine.  '  '  Le  gouverneur  tient  l 'audien- 
ce, écrivait  M.  de  Meulles  au  ministre  en  1684,  tout  l'hiver 
au  coin  de  son  feu,  où  sa  femme,  ses  enfants  et  ses  domes- 
tiques sont  continuellement"  (5). 

(4)  T.-P.  Bédard,  La  comtesse  de  Frontenac,  p.  63. 

(5)  Archives  du  Canada,  Correspondance  générale.  Vol. 


—  264  — 

M.  de  la  Barre  fut  rappelé  par  le  roi  à  cause  de  sa 
campagne  désastreuse  contre  les  Iroquois  et  il  s'embarqua 
pour  la  France  à  l'automne  de  1684.  Il  mourut  à  Paris 
en  1688,  et  sa  femme  le  suivit  dans  la  tombe  l'année  sui- 
vante. 

Le  gouverneur  de  la  Barre  laissa  un  fils  qui  dissipa  une 
fortune  de  plus  de  40,000  livres  de  rente.   . 

C'est  le  1er  août  1685  que  Jacques  René  de  Brisay, 
marquis  de  Denonville,  débarqua  à  Québec  pour  prendre 
possession  de  son  gouvernement.  Le  Conseil  Souverain, 
réuni  le  3  août  pour  l 'enregistrement  de  ses  provisions,  dé- 
puta deux  ses  membres,  MM.  Villeray  et  Vitré,  pour  aller 
saluer  madame  la  générale,  "et  lui  témoigner  la  joie  de  la 
Compagnie,  de  ce  qu'elle  eût  bien  voulu  s'exposer  aux  dan- 
gers de  la  mer  et  donner  au  pays  la  satisfaction  de  posséder 
une  personne  de  sa  conduite  et  de  sa  vertu"  (6). 

Mgr  de  Saint- Vallier  rarement  prodigue  d'éloges  ne 
peut  taire  son  admiration  pour  la  vie  que  menait  madame 
de  Denonville  dans  la  Nouvelle-France  : 

"Elle  est,  écrivait-il,  à  la  tête  de  toutes  les  bonnes  oeu- 
vres, toujours  la  première  aux  messes  de  paroisse,  aux  pro' 
cessions,  aux  saluts,  et  à  toutes  les  dévotions  publiques, 
tantôt  dans  une  église,  tantôt  dans  une  autre  :  elle  a  mis  les 
actions  de  piété  à  la  mode  dans  Québec,  parmi  les  person- 
nes de  son  sexe,  qui  se  font  honneur  de  la  suivre  partout, 
même  dans  les  hôj)itaux  où  elle  sert  les  malades  de  ses  pro- 
pres mains,  et  dans  les  mains  des  pauvres  honteux,  qu'elle 
assiste  selon  leurs  divers  besoins  en  santé  et  en  maladie  ; 
elle  les  instruit,  elle  les  console,  elle  panse  leurs  plaies,  elle 
leur  prépare  des  remèdes,  elle  fait  leurs  lits  ;  et  tout  cela 
d'une  manière  si  aisée  et  si  naturelle,  qu'on  xoit  bien  qu'el- 
le y  est  accoutumée,  et  qu'elle  découvre  par  la  pénétration 
de  sa  foi  la  personne  de  Jésus-Christ  dans  celle  des  miséra- 
bles ;  elle  passe  une  partie  de  sa  vie  dans  les  monastères 
des  filles,  où  on  a  cru  devoir  lui  accorder  une  libre  entrée, 
pour  sa  propre  consolation  et  pour  celle  des  religieuses  qu'- 

(6)     Jugements  du  Conseil  Souverain,  vol,  II,  p.  1013. 


—  265  -- 

elle  édifie  beaucoup  par  sa  conversatioîi  et  par  sa  conduite  ; 
le  restedu  temps  se  liasse  dans  sa  maison  à  élever  sa  famille 
et  à  travailler  de  ses  mains,  apprenant  encore  plus  par  son 
exemple  que  par  ses  paroles  à  toutes  les  personnes  qui  vien- 
nent lui  rendre  leurs  devoirs,  qu'une  femme  chrétienne, 
de  quelque  rang  qu'elle  puisse  être,  ne  doit  jamais  demeu- 
rer inutile,  et  que  dès  qu  'elle  ne  fait  rien,  elle  est  en  état  de 
faire  beaucoup  de  mal."  (7) 

Le  marquis  et  la  marquise  de  Denonville  avaient  ame- 
né ici  leur  petite  tille,  Marie-Catherine.  Ils  la  mirent  au 
pensionnat  des  Ursulines  de  Québec. 

Mademoiselle  de  Denonville  conserva  dans  le  monde  la 
tendre  piété  dont  elle  aA^ait  fait  i)reuve  au  pensionnat  des 
Ursulines.  De  retour  en  France,  elle  entra  chez  les  Carmé- 
lites de  Chartres,  où  elle  se  rendit  fort  remarquable  par  la 
sainteté  de  sa  vie. 

Dans  un  mémoire  anonyme  daté  de  Québec,  le  30  oc- 
tobre 1688  et  intitulé  ^'Relation  des  événements  de  la  guer" 
re  et  disposition  des  aiïaires  du  Canada"  on  lit  : 

'* Quant  aux  autres  nouvelles  particulières  je  ne  les 
déduiray  point  icy,  parce  qu  'elles  me  mèneraient  trop  loin, 
et  qu'il  y  aurait  des  choses  trop  fortes  pour  de  certaines 
personnes  si  je  m'anuisais  à  rapporter  tout  tidèlement. 

'*J'y  adjouteray  seulement  un  article  sur  lequel  vous 
trouverez  peut-être  estrange  que  je  ne  dise  rien,  sçavoir  si 
M.  le  gouverneur  fait  quelque  conmierce.  Je  vous  diray 
que  non,  mais  que  Madame  la  gouvernante  qui  est  d'hu- 
meur à  ne  pas  négliger  l'occasion  du  profit,  a  fait,  jusqu'à 
la  fin  de  l'hyver  dernier,  tenir  dans  le  château  de  Québec 
une  chambre,  pour  ne  pas  dire  une  boutique,  pleine  de  mai'- 
chandises,  et  trouvé  moyen  après  cela  de  faire  une  loterie 
pour  se  défaire  du  rebut  qui  lui  estait  resté,  et  qui  lui  a 
plus  produit  que  sa  bonne  marchandise. 

Pour  ce  qui  est  des  intrigues  de  M.  son  mari,  bien  des 
gens  dirent  qu'il  profite  de  l'occasion,  mais  je  n'en  dis  rien, 
n'avançant  que  les  choses  dont  j'ai  une  parfaite  connais- 

(7)     Etat  présent  de  l'église  et  de  la  colonie  française  dans  la  Nouvelle- 
France,  p.     82. 


—  266  — 

sançe.  Ainsy,  je  ne  dis  cecy  que  sur  le  bruit  commun  ; 
mais  pour  le  reste  qui  est  ci-devant,  je  proteste  de  n'estre 
prévenu  d 'aucune  passion,  et  que  le  seul  intérêt  du  pays  et 
la  pure  vérité  des  choses  me  font  satisfaire  votre  curiosité". 
^:^  Il  ne  faut  pas  attacher  trop  d'importance  aux  dires  de 
eet  anonyme.  Sa  haine  contre  le  marquis  de  Denonville 
perce  à  toutes  les  pages  de  son  mémoire.  Il  est  le  seul 
d'ailleurs  à  attaquer  la  marquise  de  Denonville.'  Les  té- 
moignages de  Mgr  de  Saint- Vallier  et  des  annalistes  des 
communautés  religieuses  de  Québec  doivent  compter  plus, 
nous  semble-t-il,  que  celui  de  ce  pamphlétaire  anonyme. 

La  marquise  de  Denonville  née  Catherine  Courtin, 
décéda  en  son  château  de  Denonville,  le  18  mai  1710,  à  l'â- 
ge de  64  ans.  Le  marquis  de  Denonville  la  suivit  dans  la 
tombe  le  24  septembre  de  la  même  année,  à  l 'âge  de  72  ans; 

Lorsque  Louis-Hector  de  Callières  fut  nommé  gouver- 
neur de  la  Nouvelle'France,  le  20  avril  1699,  il  y  avait  déjà 
quinze  ans  qu'il  servait  ici  en  qualité  de  gouverneur  de 
Montréal.  M.  de  Callières  décéda  au  château  Saint-Louis, 
le  26  mai  1703,  moins  de  trois  ans  après  son  installation 
conmie  gouverneur. 

Par  son  testament  reçu  par  le  notaire  Chambalpu  la 
veille  de  sa  mort,  on  voit  que  M.  de  Callières  n'était  pas 
marié.  Il  demandait  à  être  inhumé  dans  l'église  des  Ré- 
collets,  mais  ajoutait  que  "son  coeiir  devait  être  séparé  de 
son  corps  et  mis  dans  une  boîte  de  plomb  ou  d'argent  i^our 
ensuite  être  déposé  es  mains  des  Révérends  Pères  Recol- 
lets pour  être  par  eux  gardé' jusqu'à  ce  que  Monsieur  le 
marquis  de  Callières,  frère  du  dit  seigneur  testateur,  leur 
eut  donné  son  avis  sur  son  intention  à  cet  égard". 

Le  marquis  Philippe  Rigaud  de  Vaudreuil,  successeur 
de  M.  de  Callières,  fut  gouverneur  de  la  Nouvelle-France 
de  1703  à  1725..  Il  décéda  au  château  Saint-Louis  le  10 
octobre  1725, 

Le  gouverneur  de  Vaudreuil  avait  épousé  une  cana- 
dienne, Louise-Elisabeth  de  Joybert,  née"  à  Gemseck,  sur  la 
rivière  Saint-Jean,  le  18  août  1673.  Elle  avait  reçu  son  ins- 
truction au  couvent  des  Ursulines  de  Québec. 


—  267  -- 

On  sait  que  la  marquise  de  Vaudreuil  fut  appelée  en 
1708  à  la  cour  de  France  comme  sous-gouvernante  des  en- 
fants de  France  Le  navire  qui  devait  la  conduire  en 
France  parti  de  Québec  à  l'automne  de  1709  fut  pris  par 
les  Anglais,  mais  le  conmiandant  du  vaisseau  ennemi  fit 
débarquer  madame  de  Vaudreuil  au  Havre. 

"La  marquise  de  Vaudreuil,  dit  M.  Ernest  Gagnon,  se 
rendit  inunédiatement  à  Versailles,  et  fut  accueillie  avec 
bonté  par  madame  de  Ma  intenon,  qui  la  j^résenta  au  roi.  On 
lui  confia  aussitôt  l'éducation  du  jeune  duc  d'Alençon,  et 
le  duc  de  SaintSimon,  qui  n'était  guère  porté  à  "flatter  les 
gens,  dit  dans  ses  Mémoires,  qu'elle  était  bien  au-dessus  de 
son  emploi.  .  .  .Elle  s'acquitta  de  sa  tâche  avec  tant  d'in- 
telligence et  de  tact  que  le  jeune  prince,  son  élève  étant 
mort,  on  la  retint  à  la  cour  2)]usieurs  années  encore  pour  y 
élever  les  autres  enfants  du  duc  de  Berry"  (8) 

La  marquise  de  Vaudreuil,  qui  restait  à  la  cour  j^our 
aider  ses  fils  qui  avaient  besoin  de  la  protection  du  roi,  se 
décida  en  1724  à  repasser  dans  la  Nouvelle-France.  Le 
marquis  de  Vaudreuil  décéda  quelques  mois  après  son  re- 
tour. )e  10  octobre  1725. 

Connue  quatre  de  ses  fils  faisaient  leur  service  en 
France  et  qu'ime  de  ses  filles  y  était  marié,  la  marquise  de 
Vaudreuil  repassa  en  France  à  l'automne  de  1725  avec  ses 
deux  filles  non  mariées.  Elle  décéda  à  Paris  en  janvier 
1740. 

Charles  de  Beauharnois,  chevalier  de  la  Boische,  qui 
fut  le  quatorzième  gouverneur  de  la  Nouvelle-France,  re- 
çut le  titre  de  marquis  dans  ses  provisions  de  gouverneur 
qui  furent  signées  par  le  roi  le  11  janvier  1726.  Il  avait 
épousé,  le  6  août  1716,  Renée  Pays,  veuve  en  secondes  no- 
ces de  Pierre  Hardouineau,  seigneur  de  Laudianière. 

C'est  le  30  août  1726  que  le  marquis  de  Beauharnois 
débarqua  à  Québec. 

M.  de  Beauharnois  fut  gouverneur  de  la  Nouvelle- 
France  de  1726  à  1747,  soit  vingt-un  ans. 

(8)     lie  fort  et  le  château  Salnt-Louls,  p.  119.  -        • 


.-.•268  — 

*^Sage,  courageux  et  habile,- dit  M.  l'abbé  Ferland,  ce 
gouverneur  avait  épousé  une  dame  veuve  déjà  avancée-  en 
âge,  dont  il  n'avait  pas  eu  d'enfants"  (9). 

Ces  lignes  laissent  entendre  que  la  marquise  de  Beau- 
harnois  suivit  son  mari  dans  la  NouvelleFrance.  Nous 
croyons  qu'elle  était  morte  avant  la  nomination  de  M.  de 
Beauharnois  au  gouvernement  de  la  Nouvelle-France.  Le 
19  août  1725,  le  procès-verbal  du  Conseil  Supérieur  porte  : 
^'  Sur  ce  que  le  procureur-général  du  Roy  a  représenté  que 
M.  le  marquis  de  Beauharnois  pourvu  par  Sa  Majesté  de 
la  charge  de  gouverneur  et  lieutenant-général  en  ce  pays, 
et  M.  Dupu}^  commis  et  député,  intendant,  étant  attendus 
de  jour  à  autre,  il  convient  de  faire  à  chacun  d'eux  une  dé- 
putation  pour  les  comj)limenter  de  la  part  du  Conseil  sur 
telle  heureuse  arrivée  en  cette  ville.  .  .  "Si  la  marquise  de 
Beauharnois  avait  accompagné  son  mari  ici,  le  Conseil 
Supérieur  n'aurait  j)as  manqué  de  lui  offrir  ses  homma- 
ges comme  il  l 'avait  fait  pour  toutes  les  autres  nobles  dames 
qui  passèient  au  Canada  avec  leurs  maris  nommés  au  gou- 
vernement du  pays.  De  plus,  au  mois  d'octobre  1730,  de 
grandes  fêtes  eurent  lieu  à  Québec  à  l'occasion  de  la  nais- 
sance du  Dauphin.  La  relation  officielle  très  -détaillée  de 
ces  fêtes  ne  dit  pas  un  mot  de  la  marquise  de  Beauharnois. 
Nous  sommes  donc  en  droit  de  croire  que  le  gouverneur  de 
•Beauharnois  était  déjà  veuf  lors  de  son  arrivée  à  Québec 
en  août  1726. 

Le  marquis  de  Beauharnois  décéda  à  Paris  le  12  juin 
1749,  douze  ans  après  son  retour  en  France.  Il  était  le 
grand-oncle  d'Alexandre  de  Beauharnois  ou  de  Beauhar- 
nais  qui  fut  le  premier  mari  de  Joséphine  Tascher  de  la 
Pagerie,  qui  devint  impératrice  des  Français  et  que  Napo- 
léon 1er  répudia  pour  épouser  Marie-Louise  d'Autriche. 

Nommé  au  gouvernement  de  la  NouvelleFrance  le  15 
mars  1746,  le  marquis  Jacques-Pierre  de  Taffanel  de  la 
Jonquière,  s'était  embarqué  ie  22  juin  1746  sur  le  Northum- 
berland,  qui  faisait  partie  de  la  fllotte  de  M.  d'Anville.  On 
sait  le  triste  sort  de  cette  escadre  que  M.  de  la  Jonquière 

(9)     Cours  d'histoire  du  Canada. 


—  269—  c 

fut  obligé  de  ramener  en  France  sans  avoir  accompli  sa 
mission.  Le  nouveau  gouverneur  se  rembarqua  l'année 
suivante  pour  venir  prendre  son  poste.  Mais  cette  fois  il 
tomba  aux  mains  des  Anglais  qui  le  gardèrent  prisonnier 
en  Angleterre. 

Le  10  juin  1747,  Roland-Michel  Barrin,  comte  de  la 
Galissonnière,  était  nommé  pour  remplacer  temporaire- 
ment M.  de  la  Jonquière  au  gouvernement  de  la  Nouvelle- 
France.  Le  comte  de  la  Galissonnière  arriva  à  Québec  le  19 
septembre  1747,  Si  M.  de  la  Galissonnière  était  marié  sa 
J  fenmie  ne  le  suivit  pas  dans  la  Nouvelle-France. 
'  Le  savant  suédois  Peter  Kalm,  qui  visita  la  Nouvelle- 

France  pendant  l'administration  de  M.  de  la  Galissonniè- 
re, a  tracé  le  poi-trait  suivant  de  ce  gouverneur  : 

"Le  marquis  de  la  Galissonnière,  âgé  d'environ  cin- 
quante ans,  est  un  lionmie  de  petite  stature,  à  la  taille  un 
peu  déformée,  et  d'un  extérieur  agréable  ;  son  savoir  est 
vraiment  étonnant  et  s'étend  à  toutes  les  branches  de  la 
science,  surtout  à  l'histoire  naturelle,  dans  laquelle  il  est 
si  bien  versé  que,  lorsqu'il  commença  à  discourir  sur  cette 
matière,  je  crus  entendre  un  autre  Linné.  M 'entretenant 
avec  lui  de  l'utilité  de  l'histoire  naturelle,  de  la  meilleure 
méthode  à  suivre  pour  l'apprendre  et  l'employer  ensuite 
à  améliorer  l'état  d'un  pays,  je  fus  étonné  de  le  voir  tirer 
ses  raisons  de  la  politique,  aussi  bien  que  de  la  philosophie, 
cles  mathématiques  et  d'autres  sciences.  Je  confesse  que 
mes  conversations  avec  ce  gentilhomme  m'ont  été  très  ins- 
tructives et  que  j'en  ai  toujours  tiré  beaucoup  de  notions 
utiles  "(10). 

Le  comte  de  la  Galissonnière  quitta  Québec  le  24  sep- 
tembre 1749,  regretté  de  tous.  On  a  dit  qu'il  était  bossu. 
Au  témoignage  de  Kalm,  il  n'était  pas  bossu  mais  avait 
simplement  la  taille  un  peu  déformée  A  tout  événement, 
si  le  comte  de  la  Galissonnière  était  bossu,  il  n'était  certai' 

(10)  Mémoires  de  la  Société  Historique  de  Montréal.  Kalm  donne  le 
titre  de  marquis  à  M.  de  la  Galissonnière,  mais  dans  ses  lettres  de  nomination 
du  10  juin   1747,   le  roi  s'exprime  ainsi   :   "Nous  avons  choisi  le  sieur  comte 

de  la  Galissonnière "  Peut-être  M.  de  la  Galissonnière  fut-il  créé  marquis 

après  son  départ  de  la  Nouvelle-France. 


—  270  — 

nement  pas  manchot.  Dans  sa  rencontre  du  20  mai  1756, 
avec  l'amiral  anglais  Byng,  il  lui  fit  voir  trente-six  chan- 
delles. L'escadre  commandée  par  M.  de  la  Galissonniè- 
le  était  composée  de  douze  vaisseaux  et  de  cinq  frégates. 
L 'escadre  anglaise  était  forte  de  treize  vaisseaux  et  de  cinq 
frégates.  L 'amiral  Byng  paya  sa  défaite  de  sa  tête.  Une 
cour  martiale  le  condamna -à  mort  et  il  fut  fusillé  à  bord  de 
son  propre  vaisseau.  Le  marquis  de  la  Galissonnière 
mourut  à  Nemours  le  26  octobre  1756,  cinq  mois  après  son 
éclatante  victoire.  On  dit  qu'il  fut  sur2)ris  par  la  mort 
au  moment  où  il  se  rendait  à  Fontainebleau  pour  recevoir 
le  bâton  de  maréchal  de  France  des  mains  de  Louis  XV. 

En  1749,  le  marquis  de  la  Jonquière  passa  enfin  au 
Canada  pour  prendre  le  gouvernement  de  la  colonie  que  le 
roi  lui  avait  donné'  le  15  mars  1746.  Il  débarqua  à  Qué- 
bec, le  15  août. 

Kalm  assista  à  la  réception  solennelle  qui  fut  faite  au 
gouverneur  de  la  Jonquière  et  il  nous  en  donne  le  récit  sui- 
vant : 

"Vei^s  huit  heures,  les  principaux  habitants  de  la  vil- 
le se  sont  assemblés  dans  la  maison  de  M.  de  Vaudreuil,  qui 
vient  d'être  nommé  gouverneur  des  Trois-Rivières  et  dont 
le  père  a  été  gouverneur-général  du  Canada.  Sa  maison 
est  dans  la  basse-ville.  M.  le  marquis  de  la  Galissonnière, 
gouverneur-général  jusqu'à  ce  jour,  et  qui  partira  pour  la 
France  à  la  première  occasion,  y  vint  pareillement,  accom- 
pagné de  tous  les  officiers  publics.  Je  fus  invité  à  assis" 
ter  à  la  cérémonie.  A  huit  heures  et  demie,  le  nouveau 
gouverneur-général  est  descendu  de  son  vaisseau  dans  une 
chaloupe  couverte  d'un  tapis  rouge,  et  au  même  moment 
les  canons,  du  haut  des  remparts,  donnèrent  le  signal  de 
mettre  en  branle  toutes  les  cloches  de  la  ville.  Les  per- 
sonnes de  distinction  descendirent  au  rivage  pour  rendre 
hommage  au  gouverneur,  qui,  à  son  débarquement  de  la 
chaloupe,  fut  reçu  par  le  marquis  de  la  Galissonnière. 
Après  qu'ils  se  furent  salués  l'un  l'autre,  le  connnandant 
de  la  ville  présenta  au  nouveau  gouverneur-général,  dans 
le  langage  le  plus  éloquent,  une  adresse  à  laquelle  il  répon- 


—  271  — 

dit  fort  laconiquement  et  qui  fut  suivie  d'une  salve  géné- 
ral des  canons  des  ramparts.  Toute  la  rue  jusqu'à  la  ca' 
tliédrale  était  bordée  d'hommes  sous  les  armes  apparte- 
nant pour  la  plupart  à  la  classe  bourgeoise.  Le  gouver- 
neur-général se  dirigea  vers  la  cathédrale  passant  entre 
cette  double  haie.  Il  portait  un  habillement  rouge,  tout 
galonné  d'or.  Ses  gens,  en  livrée  verte,  le  précédaient  le  fu- 
sil sur  l'épaule.  A  son  arrivée  à  la  cathédrale,  il  fut  reç-u 
par  l'évêque  du  Canada  revêtu  de  ses  habits  pontificaux, 
la  tête  couverte  d'une  large  mître  dorée,  une  haute  crosse 
d'argent  massif  à  la  main  et  entouré  de  son  clergé.  Après 
une  courte  adresse  de  l'évêque  au  gouverneur-général,  un 
prêtre,  accompagné  de  deux  autres  ecclésiastiques,  l'un  à 
sa  droite  et  l'autre  à  sa  gauche^  qui  tenaient  en  mains  des 
cierges  allumés,  suivant,  apportant  un  crucifix  d'argent  fixé 
au  bout  d 'un  long  bâton  et  le  lui  donna  à  baisef". 

"Ensuite  le  cortège  se  dirigea  vers  le  choeur,  en  pas- 
sant par  la  grande  allée,  dans  l'ordre  suivant  :  l'évêque 
suivi  de  son  clergé,  les  gens  du  gouverneur  marchant  tête 
couverte  et  le  fusil  sur  l'épaule,  puis  le  gouverneur  lui' 
même  avec  sa  suite  et  la  foule.  A  l'entrée  du  choeur,  le 
gouverneur-général  et  le  général  de  la  GaliSsonnière  s'ar- 
rêtèrent devant  une  stalle  couverte  d'un  tapis  rouge  et  y 
restèrent  pendant  tout  le  temps  de  la  messe,  qui  fut  célé- 
brée par  l'évêque  lui-même.  De  l'église  il  se  rendit  au  palais 
(le  château  St-Louis)  où  les  ijersonnages  de  marque  vin- 
rent lui  rendre  leurs  hommages.  Les  religieux  des  dif- 
férents ordres,  avec  leurs  supérieurs  respectifs  vinrent 
aussi  lui  témoigner  leur  joie  de  son  arrivée. 

"De  toute  cette  foule  qui  s'était  portée  au  devant  du 
gouverneur,  aucun  ne  resta  pour  le  dîner,  à  l'exception  de 
ceux  qui  avaient  été  invités  d'avance,  et  j'eus  l'honneur 
d'être  de  ce  nombre.  Le  repas  dura  fort  longtemps  et  fut 
aussi  somptueux  que  l'occasion  le  demandait". 

Le  marquis  de  la  Jonquière  décéda  à  Québec  le  17  mars 
1752. 

Il  avait  épousé,  le  3  juin  1721,  Marie- Angélique  de  la 
Valette.      De  ce  mariage  naquit  ime  fille,  Jacquette,  qui 


—  272  — 

devint,  le  5  avril  1746,  l'épouse  de  Jacques  Roger,  marquis 
de  Noé,  capitaine  de  cavalerie.  Deux  mois  après  son  ar- 
rivée à  Québec,  le  9  octobre  1749,  M.  de  la  Jonquière  avait 
demandé  au  ministre  un  passage  pour  sa  femme,  sa  fille  et 
son  gendre  qu'il  voulait  faire  venir  au  Canada.  Mais  ceux- 
ci  ne  purent  se  décider  à  passer  dans  la  Nouvelle-France 
malgré  les  prières  instantes  que  leur  faisait  le  marquis  de 
la  Jonquière,  dans  chacune  de  ses  lettres,  de  venir  le  rejoin- 
dre à  Québec.  La  marquise  de  la  Jonquière,  qui  était 
pourtant  la  femme  d'un  marin,  avait  peur  de  la  mer,  et  la 
marquise  de  Noé,  sa  fille,  préférait  rester  en  France. 

Le  successeur  de  M.  de  la  Jonquière  au  gouvernement 
de  la  Nouvelle- France  fut  également  un  marin,  Ange  Du' 
Quesne  de  Menne ville.  Il  fut  nommé  le  1er  janvier  1752 
et  arriva  à  Québec  dans  les  premiers  jours  d'août. 

Le  marquis  DuQuesne  de  Menneville  était  le  fils  d'un 
chef  d'escadre  mort  commandant  du  port  de  Toulon  et  de 
la  même  famille  que  le  grand  Du  Quesne,  l 'un  des  plus  cé- 
lèbres marins  du  dix-septième  siècle. 

Le  gouverneur  DuQuesne  de  Menneville  s'était  marié 
mais  n  'eut  pas  d 'enfant.  S 'il  amena  sa  femme  à  Québec, 
elle  ne  lit  pas  grand  bruit  car  nous^ne  la  voyons  mention- 
née nulle  part.  Quant  à  M.  Du  Quesne  de  Menneville  lui- 
même,  il  ne  fut  pas  populaire  à  Québec.  Susceptible  à  l'ex- 
trême, plutôt  renfermé,  il  n'avait  pas  d'amis  et  ne  chercha* 
pas  à  s'en  créer.  L'auteur  des  Mémoires  sur  les  affaires 
du  Canada  depuis  1749  jusqu'à  1760  dit  de  M.  Du  Quesne  : 

"Le  marquis  DuQuesne  était  d'une  famille  que  la  va- 
leur avait  élevée  aux  plus  hauts  emplois  de  la  marine  ;  il 
était  d'une  taille  au-dessus  de  la  médiocre,  bien  fait,  et  avait 
de  l'esprit  ;  il  était  fier  et  hautain,  et  ne  souffrait  pas  qu'on 
.manquât  impunément  à  ses  ordres  :  sa  fierté  néanmoins 
cédait  au  sexe  dont  il  se  fit  aimer  ;  mais  on  s 'est  point  aper- 
çu que  l'amour  lui  eût  fait  faire  des  fautes  considérables  : 
coimne  il  avait  peu  de  bien,  il  chercha  à  s'en  procurer  ;  mais 
ce  ne  fut  jamais  par  des  voies  criantes  ;  son  mérite  ne  fut 
connu,  et  on  ne  le  regretta  que  lorsque  son  successeur  eût 


...  273  — 

fait  assez  de  fautes  pour  faire  dire  que  si  le  marquis  Du 
Quesne  eut  commandé  on  eut  réussi  '  '. 

Après  son  départ  de  la  Nouvelle-France,  en  1755,  le 
marquis  DuQuesne  de  Menneville  reprit  son  service  dans 
la  marine.  Créé  chef  d'escadre,  il  commandait  en  avril 
1759,  le  Foudroijant  et  soutint  contre  trois  vaisseaux  an- 
glais un  combat  qui  dura  sept  heures.  Il  fut  à  la  fin  con- 
traint de  se  rendre. 

Commandeur  de  Saint-Louis  en  janvier  1763,  le  mar* 
quis  DuQuesne  de  Menneville  se  retira  du  service  le  8  avril 
1776,  avec  le  titre  de  lieutenant-général.  Il  mourut  deux 
ans  plus  tard,  le  17  septembre  1778  à  Antony,  Seine.  Le 
14  décembre  1774,  il  avait  fait  son  testament  devant  maî- 
tre Boulard,  notaire  à  Paris,  et  avait  institué  pour  son  hé- 
ritière et  légataire  universelle  sa  soeur  Ursule  DuQuesne, 
veuve  de  Guillaume  d'Isard,  ce  qui  indique  bien  que  s'il 
s'était  marié  il  ne  laissa  pas  d'enfants. 

Le  dernier  gouverneur  de  la  Nouvelle-France  sous  le 
régime  français  fut  le  marquis  Pierre  de  Vaudreuil  de  Ca- 
vagnal,  quatrième  fils  de  notre  p>'emier  gouverneur  de 
Vaudreuil.  Il  était  né  le  22  novembre  1698  au  château 
Saint-Louis  de  Québec  qu'il  devait  occuper  cinquante-sept 
ans  plus  tard  comme  gouverneur  de  la  Nouvelle-France. 
Lors  de  sa  nomination  au  gouvernement  de  tout  le  pays, 
le  marquis  de  Vaudreuil  était  depuis  treize  ans  gouver- 
neur de  la  Louisiane.  Et  avant  de  se  rendre  en  Louisia- 
ne pour  occujier  ce  haut  poste,  M.  de  Vaudreuil  avait  épou- 
sé Mlle  Fleury  de  la  Gorgendière,  veuve  de  François  Le 
Verrier  de  Rousson,  capitaine  dans  les  troupes  du  détache- 
ment de  la  marine. 

Le  marquis  de  Vaudreuil  fut  le  premier  Canadien  ap" 
pelé  à  gouverner  la  colonie  avec  le  titre  de  gouverneur. 
C'est  au  milieu  de  la  joie  générale  qu'il  débarqua  à  Québec 
le  23  juin  1755. 

Le  marquis  de  Vaudreuil  gouverna  la  Nouvelle-Fran- 
ce jusqu'à  la  conquête  du  pays  par  les  Anglais.  Le  mar- 
quis de  Montcalm  qui  n'aimait  pas  le  gouverneur  de  Vau- 
dreuil ni  sa  femme  leur  décoche  de  temps  en  temps  des 


—  274  — 

traits  acérés  dans  son  Journal  ou  ses  lettres.  Quoiqu'en 
dise  Montcalm,  le  marquis  et  la  marquise  de  Vaudreuil 
étaient  populaires  à  Québec  et  dans  toute  la  colonie.  Mont- 
calm accuse  le  gouverneur  de  Vaudreuil  de  protéger  sur- 
tout les  parents  de  sa  femme.  La  protection  du  marquis  de 
Vaudreuil  s'étendait  à  tous  les  Canadiens.  Ses  prédéces- 
seurs ne  voyaient  que  par  les  yeux  des  officiers  venus  avec 
eux  de  la  vieille  France.  Le  gouverneur  de  Vaudreuil  né 
au  pays,  Canadien  de  coeur  et  d'âme,  protégeait  ses  compa- 
triotes.     Pouvons-nous  l'en  blâmer  '? 

Après  la  conquête,  le  marquis  de  Vaudreuil  passa  en 
France  avec  sa  femme  et  son  beau-fils,  M.  Le  Verrier,  major 
de  Québec.      Il  décéda  à  Paris  le  4  août  1778. 

P.  G.  R. 


RÉPONSKS 

Adhémar.  (XXVI,  p.  183). — En  réponse  à  Fanclne,  je  puis  l'assurer  que 
le  prénom  exact  d'Adhémar,  le  co-délégué  de  Jean  Delisle  en  1783,  est  bien 
Jean-Baptiste-Amable  et  non  pas  Toussaint-Antoine.  La  collection  Baby, 
appartenant  à  l'Université  de  Montréal  et  déposée  à  la  Bibliothèque  Saint- 
Sulpice,  possède  plusieurs  lettres  de  lui,  datées  d'Angleterre,  pendant  sa  mis- 
sion, et  il  n'y  a.  aucun  doute  sur  son  identification.  D'ailleurs,  son  frère, 
Toussaint-Antoine  Adhémar  de  Saint-Martin,  demeurait  depuis  plusieurs  an- 
nées à  Détroit,  à  cette  époque.  C'est  Jean-Baptiste  Adhémar  qui  fut  le  vé- 
ritable délégué  des  Canadiens  en  1783  ;  alors  que  Delisle  ne  passa  que  quel- 
ques mois  et  W.  D.  Powell  que  quelques  semaines  en  Angleterre,  Adhémar 
y  séjourna  plus  de  deux  ans  et,  à  son  retour,  au  commencement  de  1786,  il 
fut  encore  retardé  de  plusieurs  mois  par  un  quasi-naufrage  qui  l'avait  rejeté 
sur  les  côtes  du  Portugal. 

AEG  F. 

La  plantation  du  mai.  (XXVI,  p.  154). — ^Aux  autorités  qu'il  cite  sur  la 
plantation  du  mai  dans  les  seigneuries,  M.  Massicotte  nous  permettra  peut- 
être  d'ajouter  Philippe  Aubert  de  Gaspé  qui,  i^ans  ses  "Anciens  Canadiens" 
consacre  tout  un  chapitre,  le  8ème,  à  la  Fête  du  Mai.  Il  faut  donc  croir» 
qu«  la  coutume  florissait  aussi  à.  Saint-Jean-Port-Joll. 

AEG  F. 


-  275  — 


LETTRE    DE    L'INTENDANT    DUCHES- 

NEAU  AU  MARQUIS  DE  SEIGNELAY, 

FILS  DE  COLBERT  (13  novembre 

1681) 


Monseigneur, 

J'ai  reçu  avec  tout  le  respect  dont  je  suis  capable  les  ordres  du  Roi 
et  la  lettre  qu'il  vous  a  plû  me  faire  l'honneur  de  m'éerire  le  2  may  der- 
nier. La  Xouvelle-Franee  a  grand  sujet  de  bien  espérer  pour  son  repos  et 
sa  félicité,  puisque.  Monseigneur,  s'est  voulu  décharger  sur  vous  des  soins 
pleins  de  tendresse  qu'il  en  a  toujours  pris  et  que  vous  avez  le  pouvoir  et 
l'inclination  de  le  secourir. 

Je  me  dois  aussi  estimer  bienheureux  de  vous  pouvoir  marquer  ma 
fidélité  et  mon  obéissance  à  vos  commandements  et  de  vous  renouveler 
les  assurances  très  respectueuses  de  mes  très  humbles  services  que  vous 
eûtes  la*  bonté  d'agréer  la  première  fois  que  j*eu8  le  bonheur  de  vous  les 
offrir  comme  créature  de  votre  illustre  maison. 

Je  tâcherai.  Monseigneur,  de  répondre  exactement  à  tout  ce  que  le 
Roi  et  vous  m'ordonnez  et  de  vous  informer  ensuite  de  l'état  de  ce  pays 
et  de  ce  qui  s'y  est  passé  après  le  départ  des  vaisseaux  de  l'année  dernière. 
Je  le  ferai  assurément  avec  toute  la  fidélité  que  je  vous  dois  et  dans  la 
pure  vérité  sans  que  les  choses  qui  sont  arrivées  me  donnent  d'autre  mou- 
vement que  celui  de  faire  mon  devoir  et  de  m'acquitter  des  obligations 
dont. le  service  de  Sa  Majesté  et  le  bien  du  pays  chargent  ma  conscience. 

Vous  reconnaitrez.  Monseigneur,  par  le  recensement  des  Sauvage? 
que  j'ai  fait  cette  année  que  leur  nombre  est  augmenté  de  deux  cent  sept 
personnes.  J'ose  vous  dire  qu'entre  tous  les  moyens  qui  m'on^  été  pres- 
crits pour  attirer  les  Sauvages  parmi  nous  et  les  accoutumer  à  nos  ma- 
nières celui  dont  on  peut  attendre  le  plus  de  succès  sans  craindre  les  iïi- 
convéniens  qui  se  trouvent  dans  tous  les  autres  est  celui  d'établir  au  mi- 
lieu de  nous  des  villages  de  ces  peuples. 

Il  parait  même  que  c'est  le  meilleur  puisque  dans  la  mission  de  la 
Montagne  de  Montréal  gouvernée  par  Messieurs  du  Séminaire  de  Saint 
Sulpice  qui  y  sont  établis  et  dans  celle  du  Sault  de  la  Prairie  de  la  Ma- 
deleine qui  en  est  proche,  dans  celles  de  Sillery  et  de  Lorette  qui  sont  aux 
environs  de  Québec  toutes  trois  dirigées  par  les  Pères  Jésuites  on  élevé 


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les  jeunes  enfans  à  la  Française  excepté  pour  leurs  vivres  et  leurs  habits 
qu'il  est  nécessaire  de  leur  faire  retenir  afin  qu'ils  ne  soient  pas  délicats 
et  qu'ils  se  trouvent  plus  dispos  et  moins  embarrassés  pour  la  chasse  qui 
l'ait  leur  richesse  et  la  nôtre. 

On  a  commencé  à  montrer  dans  toutes  ces  missions  à  lire  et  à  écrire 
aux  jeunes  garçons  ;  dans  celle  de  la  Montagne  de  Montréal,  les  filles  de  la 
Congrégation  s'appliquent  à  l'instruction  des  jeunes  filles  et  les  font- tra- 
vailler en  couture  ?  les  Ursulines  de  Québec  font  la  même  chose  à  l'égard 
de  celles  qu'on  leur  donne,  qu'elles  les  reçoivent  indifféremment  de  tou- 
tes les  missions  tant  établies  parmi  nous  que  dans  les  pays  des  Sauvages 
sous  la  direction  des  Pères  Jésuites. 

Sur  cela.  Monseigneur,  vous  me  permettrez,  s'il  vous  plait,  de  vous 
dire  deux  choses  :  la  première  qu'on  ne  peut  trop  favoriser  ces  missions 
et  donner  créance  parmi  les  sauvages  à  Messieurs  de  Saint-Sulpice  et  aux 
Pères  Jésuites  d'autant  que  non  seulement  elles  mettent  le  pays  en  sûreté 
et  y  apportent  des  pelleteries,  mais  elles  glorifient  extrêmement  Dieu  et 
le  Roi  comme  fils  aine  de  l'Eglise  pour  le  grand  nombre  de  bons  chré- 
tiens qui  s'y  forment. 

La  Seconde  que  peut-être  Sa  Majesté  pourrait  augmenter  notable- 
ment ce  grand  bien  si  elle  me  donnait  ordre  de  faire  de  sa  part  quelques 
petits  présens  aux  Sauvages  des  Villages  établis  parmi  nous  pour  en  at- 
tirer un  plus  grand  nombre  et  si  elle  destinait  un  petit  fonds  pour  pour- 
voir les  Filles  Sauvages  qui  sortent  des  Ursulines  après  avoir  été  instrui- 
te, afin  de  les  marier  et  d'en  faire  des  familles  chrétiennes. 

Je  ne  manquerai  pas,  Monseigneur,  d'exhorter  les  habitans  à  élever 
des  Sauvages  et  je  ne  me  rebuterai  point  d'en  donner  l'exemple,  quoique 
trois  m'avaient  déjà  quitté  après  avoir  bien  fait  de  la  dépense  pour  eux 
par  ce  que  je  les  voulais  assujettir  à  apprendre  quelque  chose  ;  les  Pères 
Jésuites  ont  été  plus  heureux  que  moi  et  en,  ont  des  nations  les  plus  éloi- 
gnées, comme  des  Illinois  et  des  Loups  qui  savent  lire  et  écrire,  parler 
français  et  jouer  des  instruments. 

Vous  verrez,  Monseigneur,  par  la  lettre  que  j'ai  écrite  aux  propriétai- 
res des  terres  en  justice  et  en  fief  tant  pour  eux  que  pour  leurs  habitans, 
qu'après  avoir  conféré  avec  Monsieur  L'Evêque  comme  vous  m'ordonnez 
de  lé  faire  pour  tout  ce  qui  regarde  le  spirituel  de  ce  pays  et  pour  suivre 
les  intentions  du  Roi  et  les  vostres  qu'on  a  réduit  aux  dimes- seules  la 
subsistance  d'un  curé  auquel  on  a  donné  l'étendue  qu'on  a  cru  nécessaire 
pour  cela  et  même  on  a  soumis  cette  étendue  au  jugement  des  propriétai- 


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res  et  habitans  afia  que  s'ils  croyaient  qu'elle  fut  trop  grande  on  la  di- 
minuât et  aussi  que  si  elle  ne  l'était  pas  assez  on  l'augmentât. 

Cependant,  Monseigneur,  les  propriétaires  des  fiefs  et  des  Seigneu- 
ries et  les  habitans  ont  représenté  que  l'étendue  étant  augmentée  les  peu- 
ples se  trouveraient  plus  abandonnés  parce  que  dans  celles  qu'on  avait  déjà 
marquées  à  chacun  curé  les  habitans  qui  les  composaient  n'entendaient  la 
messe  pour  l'ordinaire  qu'un  dimanche  en  un  mois  ou  en  six  semaines 
que  mêmes  les  dîmes  n'augmenteraient  pas  par  une  plus  grande  étendue 
par  ce  que  les  habitans  étant  assistés  plus  rarement  ne  déclareraient  ne 
devoir  de  dîme  qu'à  proportion  de  l'assistance  qu'on  ftur  donnerait  et 
qu'étant  impossible  de  les  affermer  par  la  diffculté  de  les  recueillir  sans 
de  grands  frais  à  cause  de  la  situation  des  lieux  il  faudrait  s'en  rapporter 
à  leur  bonne  foi. 

Les  curés,  d'autre  côté,  ont  remontré  qu'ils  sont  déjà  surchargés  de 
travail  étant  obligés  de  marcher  incessament,  tantôt  en  raquettes  sur  les 
neiges  pendant  l'hiver  et  tantôt  en  canot  pendant  l'été,  où  ils  rament 
tout  le  jour,  et  que  si  on  leur  augmentait  leur  étendue  qui  était  déjà  trop 
grande,  ils  ne  se  trouveraient  pas  capables  de  fournir  à  une  aussi  grande 
fatigue. 

Cependant,  Monseigneur,  toutes  ces  difficultés  ne  m'ont  pas  empêché 
de  faire  connaître  les  intentions  de  Sa  Majesté  et  la  vôtre,  et  Monsieur 
l'Eveque  a  renvoyé  les  prêtres  dans  les  lieux  qu'ils  avaient  accoutumé 
d'assister  et  leur  a  ordonné  de  se  contenter  des  vivres  les  plus  simples  et 
du  seul  nécessaire  pour  leur  entretien,  quelques-uns  des  propriétaires  des 
fiefs  et  des  Seigneuries  ont  offert  de  les  nourrir  chez  eux  et  ils  doivent 
pourvoir  à  leur  entretien,  comme  cela  se  fait  volontairement  et  indépen- 
damment des  dîmes  on  ne  peut  assurer  qu'il  continueront. 

Vous  me  permettrez,  Monseigneur,  de  vous  représenter  qu'on  ne  peut 
prendre  de  règle  certaine  sur  ce  qui  se  fait  en  France  puisque  assurément 
la  dépense  est  bien  différente  en  ce  pays,  si  je  ne  craignais  point'  de  vous 
être  importun,  je  vous  ferais  un  détail  qui  vous  persuaderait  de  cette  vé- 
rité. Je  me  contenterai  seulement  de  vous  marquer  que  le  vin  qui  ne 
coûte  en  France  X  11  la  barique,  se  vent  cinquante,  soixante  et  soixante- 
dix  livres,  le  reste  des  liqueurs  à  proportion,  les  habits  y  coûtent  le  dou- 
ble dont  les  Ecclésiastiques  usent  beaucoup  à  cause  de  leurs  fréquents 
voyages  et  la  longueur  de  l'hiver,  les  souliers  se  vandent  cent  sols  et  six- 
livres,  un  valet  qui  ne  gagne  que  dix,  douze  et  quinze  écus  de  gages  en  a 
ici  cinquante  et  enfin  le  bois  de  chauffage  qui  n'entre  presque  point  en 


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Frafice  dans  la  dépense  d*un  curé  vaut  dans  les  habitudes  au  moins  trois 
livres  et  dans  Québec  cent  sous  ou  six  francs  la  corde  et  on  en  consomme 
extrêmement  à  cause  de  la  rigueur  et  de  la  longueur  de  Phiver  néanmoins, 
Monseigneur,  le  Roi  et  vous  serez  obéis  et  je  ferai  toutes  choses  pour  ré- 
duire aux  dîmes  seules  la  subsistances  des  curés  comme  il  m'est  commandé. 

Comme  je  ne  dois  point  vous  tromper,  Monseigneur,  je  dois  vous  dire 
oju'il  y  n'y  a  point  de  personnes  en  ce  pays,  qui  puisse  doter  une  tlglise 
de  m  11  mais  même  qui  la  puisse  faire  bâtir  solidement  à  ses  dépens,  tout 
les  gens  sont  ici  remplis  d'une  grande  vanité  et  il  n'y  en  a  pas  un  qui  ne 
prétende  à  être  patron  et  chacun  veut  un  curé  dans  sa  terre  et  tout  ces 
gens  là,  un  seul  excepté,  sont  fort  endettés  et  dans  la  dernière  pauvreté, 
et  ce  seul  là  est  encore  plus  pauvre  parce  qu'il  est  dans  une  sordide  avarice. 

Il  n'y  a  dans  tout  le  pays  que  le  nombre  de  sept  églises  paroissiales 
sans  compter  celle  de  Québec  dont  les  murailles  soient  de  pierre  qui  sont 
dans  les  Seigneuries  de  Monseigneur  l'Evêque,  et  des  Messieurs  de  St- 
Sulpice  et  dans  deux  seigneuries  particulières  lesquelles  ont  été  bâties 
de  partie  des  fonds  que  Sa  Majesté  a  appliqués  pour  ce  sujet  des  fortes 
contributions  de  ces  Messieurs  et  des  charités  des  particuliers,  les  autres 
sont  des  pfèces  de  bois  et  des  planches  qui  ont  été  construites  aux  dépens 
des  propriétaires  des  fiefs  et  des  habitans  que  Monseigneur  l'Evêque  re- 
fuse de  consacrer  par  ce  qu'il  dit  qu'il  est  de  son  devoir  et  de  son  obliga- 
tion de  ne  donner  la  consécration  qu'à  des  bâtimens  solides  et  de  durée. 

Ainsi,  Monseigneur,  ^^i  les  dîmes  suffisent  pour  la  subsistance  des 
curés,  il  ne  sera  pas  6e  besoin  que  les  patrons  y  contribuent,  ce  qu'ils  ne 
sont  pas  en  état  de  faire,  })uis  qu'excepté  les  personnes  que  je  viens  de 
vous  nommer,  il  n'y  a  pas  un  particulier  dans  ce  pays  qui  ait  le  pouvoir 
de  se  mettre  en  devoir  de  faire  bâtir  des  Eglises  de  quelque  manière  que 
ce  soit,  ils  diront  assez  qu'ils  le  feront,  mais  il  n'est  pas  en  leur  puissance 
de  l'exécution  et  il  y  eu  a  quelqu'uns  qui  m'ont  dit  qu'ils  feraient  bâtir 
le  chacun  de  bonnes  pièces  de  bois  et  qu'ils  obligeraient  les  habitans  de 
faire  construire  la  nef  de  la  même'  façon  et  qu'ils  espéraient  que  sur  cela 
on  leur  accorderait  le  patronage,  il  semble  que  par  l'Edit  du  Roi  ils  doi- 
vent bâtir  l'Eglise  entièrement  et  ce  serait  encore  une  difficulté  si  un  bâ- 
timent de  bois  devrait  suffire  à  moins  que  le  Patron  ne  s'obligeât  de  l'en- 
tretenir, vous  aurez  la  bonté.  Monseigneur,  de  me  faire  savoir  votre  volonté 
sur  ces  deux  chefs. 

J'ai  reçu  TEtat  des  gratifications  qu'il  a  plu  à  Sa  Majesté  d'accor- 
der aux  Communautés,  aux  Eglises  et  aux  particuliers  de  ce  pays,  je  con- 


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tinue  de  vous  assurer,  Monseigneur,  qu'on  en  fait  un  bon  usage  et  tel  que 
je  l'ai  mandé  les  années  précédentes  ;  j'ai  seulement  touché  3000  livres 
pour  les  mariages  de  cette  année  je  rends  compte  de  ceux  que  j'ai  emplo- 
yés l'année  dernière  et  de  150,0  livres  pour  l'Eglise  de  Montréal. 

Coureurs  de  bois.  Sur  toute  l'affaire  des  Coureurs  de  bois  et  sur  là 
protection  que  j'ai  écrit  les  années  dernières  que  Monsieur  de  Frontenac 
leur  donnait  en  même  tems  de  l'Intérêt  qu'il  avait  avec  eux,  je  n'ai  pu 
me  dispenser  de  le  faire  puisque  ce  que  j'ai  mandé  sur  ce  sujet  n'a  pas 
été  avancé  avec  inconsidération  et  que  j'en  ai  envoyé  les  pièces  justifica- 
tives et  que  ce  qu'a  fait  encore  cette  année.  Monsieur  le  Gouverneur,  et 
que  je  vous  expliquerai  dans  la  suite  vous  convaincra  que  l'affaire  des 
coureurs  de  bois  était  la  sienne. 

Je  vous  assure,  Monseigneur,  que  j'ai  fait  punir  tout  autant  de  dé- 
sobéissants aux  ordres  du  Roi  que  j'en  ai  pu  faire  prendre  qui  sont  seize 
en  nombre.  Le  prévôt  a  aussi  fait  son  devoir  quelque  chose  qu'on  ait 
mandé  au  contraire,  mais  que  pouvais-je  faire  sans  secours  et  sans  force 
et  que  pouvait  faire  le  prévôt  qui  avait  ordre  de  Monseigneur  le  Gouver- 
neur de  lui  donner  avis  toutes  les  fois  qu'il  irait  en  course  en  conséquence 
de  mes  ordonnances,  ainsi  il  était  toujours  prévenu  et  travaillait  beaucoup 
sans  succès. 

Je  crois  ne  m'être  guère  trompé  dans  le  nombre  des  Coureurs  de  bois 
et  assurément.  Monseigneur,  celui  qui  a  rapporté  qu'ils  ne  sont  pas  cinq 
ou  six  mois  de  l'année  absents  de  leurs  familles  et  qu'il  n'est  rien  de  plus 
aisé  que  d'en  être  informé  et  de  les  prendre  à  leur  retour  n'y  a  pas  fait 
reflexion,  puisque  les  coureurs  de  bois  sont  au  moins  deux  ans  et  quelque 
fois  trois  et  plus  dans  leurs  voyages  et  qu'il  est  très  difficile  de  les  prendre. 

Et  afin,  Monseigneur,  que  vous  en  soyez  persuadé  permettez  moi  de 
vous  dire  qu'il  y  a  deux  sortes  de  Coureurs  de  bois,  les  premiers  vont  a  la 
source  du  Castor  dans  les  nations  sauvages  des  Assiniconets,  Xadous- 
sieux,  Miamis,  Illinois  et  autres  et  ceux-là  ne  peuvent  faire  les  voyages 
qu'en  deux  ou  trois  ans. 

Les  seconds  qui  ne  sont  pas  en  si  grand  nombre  vont  seulement  au 
devant  des  Sauvages  et  des  Français  qui  descendaient  jusques  au  Long 
Sault  la  petite  nation  et  quelques  fois  jusques  à  Michilimakinak  afin  de 
profiter  seuls  de  leurs  pelleteries  pour  lesquelles  ils  leur  portent  des  mar- 
chandises et  le  plus  souvent  rien  que  de  L'eau  de  vie,  contre  la  défense 
du  Roi,  dont  ils  les  enivrent  et  les  ruinent,  ceux  là  peuvent  faire  leurs 
voyages  à  peu  près  dans  les  tems  qui  vous  a  été  marqué  et  même  dans  un 


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beaucoup  plus  court,  il  n'est  pas  facile  de  prendre  les  uns  et  les  autres  si 
on  n'est  pas  appuyé  de  personnes  sans  intérêt  et  pour  peu  qu'ils  soient 
favorisés,  ils  reçoivent  des  avis  aisément  et  les  bois  et  les  rivières  leur 
donnent  une  grande  facilité  de  se  soustraire  à  la  justice,  c'est  ce  qui  est 
arrivé  depuis  quatre  ans. 

Tout  ce  que  je  viens  de  vous  dire,  Monseigneur,  m'a  donné  la  pensée 
de  vous  informer  exactement  de  toutes  les  nations  desquelles  nous  tirons 
les  pelleteries,  de  leurs  intérêts  et  d'attirer  tout  ce  commerce,  mais  com- 
me cette  matière  est  trop  étendue  pour  être  traitée  dans  une  lettre  j'en 
dresserai  un  mémoire  particulier  pour  vous  être  présenté  et  par  occasion 
j'y  parlerai  de  L'Acadie  qu'on  néglige,  des  avantages  qu'on  en  peut  tirer 
et  du  pays  qu'habitent  les  Anglais  et  je  joindrai  à  ce  mémoire  la  carte 
divisée  en  quatre  parties  de  tous  les  lieux  dont  je  parlerai  que'  je  vous 
supplie.  Monseigneur,  d'agréer  comme  un  ])résent  qui  vous  marquera  ma 
très  humble  servitude. 

Dieu  veuille  que  les  ordres  que  le  Roi  et  vous,  Monseigneur,  donnez  à 
Monsieur  le  Gouverneur  pour  employer  ses  gardes  et  les  soldats  des  gar- 
nisons, afin  de  retenir  les  coureurs  de  bois  soient  mieux  exécutés  que  ceux 
qui  étaient  descendus  sur  les  nouvelles  de  l'amnistie  ne  remontassent  de 
ce  chef,  dans  les  habitations  éloignées  des  sauvages  avant  qu'elle  fut  pu- 
bliée, comme  ils  ont  fait  en  très  grand  nombre  et  on  croit  que  présente- 
ment il  y  a  plus  de  soixante  canots  partis. 

Tous  les  moyens  dont  Sa  Majesté  et  vous.  Monseigneur,  vous  servez 
pour  remettre  ces  libertins  dans  leur  devoir  et  les  ordres  qui  ont  été  en- 
voyés sur  ce  sujet  sont  non  seulement  les  meilleurs,  mais  même  ils  sont 
pleins  de  bonté  et  d'indulgence  pour  ces  misérables,  si  on  ne  se  donnait 
pas  la  liberté  de  les  expliquer,  de  les  étendre,  et  de  ne  les  suivre  qu'autant 
qu'ils  s'accommodent  à  l'intérêt  particulier  de  ceux  qui  les  expliquent, 
c'est  ce  que  vous  reconnaitrèz,  Monseigneur,  quand  je  vous  en  dirai  comp- 
te de  l'enregistrement  et  de  l'exécution  des  lettres  d'amnistie  et  de  l'Edit 
pour  la  punition  de  ceux  qui  contreviendront  aux  ordres  du  Roi. 

Ce  que  je  viens  d'écrire  au  sujet  du  nombre  et  de  la  longue  absence 
des  coureurs  de  bois,  justifie  assez.  Monseigneur,  ce  que  j'avais  mandé  que 
ce  pays  se  peuplait  et  que  les  terres  demeuraient  incultes  une  absence  de 
deux  ans  de  cinq  personnes  au  sentiment  de  ceux  qu'en  manquent  le  moins, 
qui  sont  les  plus  propres  au  travail  de  la  terre  n'en  peut  augmenter  la 
culture  et  les  plaintes  que  j'ai  reçues  des  propriétaires  des  seigneuries  qui 


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ne  profitent  pas  avec  les  coureurs  de  bois  de  ce  qu'ils  ne  peuvent  trouver 
d'hommes  pour  leurs  travaux  le  confirment  encore. 

Quand  à  ce  que  j'ai  dit  aussi  touchant  le  commerce  qui  se  fait  de  no» 
pelleteries  avec  les  Anglais  par  les  Français  mêmes,  et  que  les  Anglais 
les  achètent  plus  cher  presque  de  la  moitié  que  nous  ne  faisons  et  qu'ils 
donnent  leurs  marchandises  à  meilleur  marché  vous  n'en  serez  que  trop 
convaincu,  si  vous  voulez  vous  donner  la  peine.  Monseigneur,  de  faire 
examiner  les  pièces  qui  les  justifient  et  qui  découvriront  ceux  qui  favo- 
risent ce  commerce  et  elles  vous  feront  aussi  voir  que  si  l'entrée  des  cas- 
tors n'a  point  diminué  dans  le  Royaume  depuis  cinq  ou  six  ans  elle  aurait 
augmenté,  si  ce  commerce  avait  été  empêché,  cette  lettre  Monseigneur, 
serait  trop  longue  si  je  ne  me  réservais  de  vous  faire  le  détail  par  des 
mémoires  particuliers  de  ce  que  je  vous  dis  en  gros. 

Comme  Monsieur  le  comte  de  Frontenac  a  déclaré  qu'il  ne  donne- 
rait point  de  permission  que  l'année  prochaine  pour  aller  faire  le  com- 
merce avec  les  Sauvages  dans  leurs  habitations  et  que  l'intention  du  Roi 
et  la  votre  sont  que  je  les  vise,  je  vous  supplie,  Monseigneur,  de  vouloir 
bien  m'indiquer  si  Sa  Majesté  et  vous  n'entendez  pas  que  ceux  qui  ont 
été  obéissants  aux  ordres  du  Roi  soient  préférés  aux  autres  pour  les  pre- 
mières permissions. 

Pour  ce  qui  regarde,  Monseigneur,  ce  que  j'avais  mandé  touchant  la 
conduite  du  Sieur  Perrot,  Gouverneur  du  Montréal,  dont  Sa  Majesté  me 
mande  que  je  n'ai  envoyé  aucunes  pièces  justificatives,  vous  connaitrez. 
Monseigneur,  par  celles  que  je  vous  envoie  cette  année  que  je  n'avais  rien 
écrit  que  de  véritable. 

J'ai  toujours  fait  Monseigneur,  tout  ce  qui  a  dépendu  de  moi  pour 
le  service  du  Roi  et  le  bien  de  la  Colonie  tant  à  tenir  la  main  qu'il  ne  fut 
tait  aucune  violence  aux  sujets  naturels  de  Sa  Majesté  qu'aux  Sauvages 
qui  sont  sous  sa  domination  afin  de  rendre  ce  pays  heureux  par  l'union 
des  uns  et  l'abondance  causée  par  le  grand  nombre  des  autres  que  j'ai 
taché  d'y  attirer,.,  mais  l'autorité  dont  Sa  Majesté  veut  que  je  me  serve 
pour  cela  en  faisant  le  devoir  de  ma  charge  aussi  bien  que  celle  des  au- 
tres officiers  de  Justice  nous  est  ôté  puisque  Monsieur  le  Gouverneur  rie 
permet  qu'autant  qu'il  lui  plaît  l'exécution  de  ce  que  nous  ordonnons  et 
c'est  un  des  chefs  que  je  mè  réserve  de  vous  expliquer  par  un  mémoire 
séparé. 

Les  ordres  que  Sa  Majesté  et  vous  Monseigneur,  donnez  aux  Gou- 
verneurs de  n'exiger  point  de  présents  des  Sauvages  sont  très  avantageux 


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à  la  Colonie.  Il  n'y  a  pas  eu  de  grandes  plaintes  cette  année  sur  ce  sujet 
non  plus  que  sur  les  désordres  qui  arrivent  depuis  quelques  années  dans 
la  traite  de  Montréal  parce  qu'on  a  empêché  quatre  vingt  dix  canots  Ou- 
tawas  extrêmement  chargés  de  pelleteries  de  descendre  sur  des  appréhen- 
sions de  peste  que  leur  ont  donné  des  libertins  connus  contre  lesquels  Mon- 
sieur le  Gouverneur  n'a  pas  voulu  qu'on  ait  informé. 

Si  les  coureurs  de  bois  qui  n'osaient  descendre  depuis  trois  ou  quatre 
ans  n'étaient  venus  et  n'avaient  apporté  du  Castor  en  très  grande  quan- 
tité on  n'aurait  pas  pu  en  fournir  aux  fermiers  ce  qu'ils  ne  doivent  faire 
passer  en  France,  mais  ce  qui  est  de  déplorable,  c'est  que  presque  toute  la 
pelleterie  est  tombée  entre  trois  ou  quatre  mains  et  que  le  commerce  est 
ruiné,  c'est  ce  que  j'espère  vous  faire  voir  clairement  par  un  mémoire  par- 
ticulier. 

J'ai  rendu  une  ordonnance  conformément  à  ce  que  le  Eoi  et  vous. 
Monseigneur,  m'ordonnez,  touchant  le  méchant  Castor  sec  qui  doit  être 
pris  pour  tout  son  }>oids,  mais  il  est  arrivé  une  difficulté  sur  une  méprise 
(.[ui  a  été  faite  à  ce  qu'il  me  semble  dans  la  lettre  du  Roi  par  ces  termes. 
11  faut  sans  difficulté  le  faire  exécuter  et  obliger  les  fermiers  à  prendre  le 
Castor  pour  tout  son  poids  en  déduisant  vingt  sous  dû  ])rix  de  4  et  10 
sous  que  se  vend  ordinairement  le  Castor  demi  gras. 

Comn:^e  j'ai  un  respect  profond  pour  tout  ce  qui  est  écrit  dans  la  lettre 
du  Roi  et  que  j'ai  n'ose  pas  me  donner  la  liberté  de  l'expliquer  et  que 
oependanti  j'ai  bien  vu  que  l'intention  de  Sa  Majesté  n'était  que  de  ne  pas 
confondre  le  méchant  Castor  sec  qui  ne  se  vend  que  dix  sous  et  qu'il 
n'était  point  question  de  Castor  demi  gras  qui  ne  se  vend  pas  m.  x 
connue  il  est  porté  par  la  dite  lettre  mais  pas  x  sous.  J'ai  ordonné  que 
le  dit  Castor  sec  serait  pris  pour  tout  son  poids  à  x.  s.  à  la  charge  néan- 
moins que  les  habitans  et  marchands  qui  porteraient  du  Castor  demi  gras 
au  bureau  de  la  Ferme  de  Sa  Majesté  se  soumettrait  de  rapporter  ce 
qu'ils  auraient  reçu  pour  chacune  livre  en  plus  avant  qu'il  ne  semblait 
être  porté  par  les  ordres  de  Sa  Majesté  contenus  dans  la  dite  lettre  ainsi 
que  le  prétendait  l'agent  des  fermiers,  s'il  était  ainsi  ordonné  par  Sa 
Majesté. 

Cependant,  Monseigneur,  permettez  moi  de  vous  dire  qu'il  ne  serait 
pas  juste  qu'on  leur  accordât  rien  sur  cette  prétention  par  ce  que  les  pi<o- 
fits  que  faisaient  les  dits  fermiers  sur  les  habitants  en  ne  prenant  leur 
Castor  sec  qu«  pour  une  livre  et  demie  quoiqu'il  en  pesât  souvent  deux  ne 
montait  pas  an  qu'à  cinq  ou  six  livres  tout  au  plus  et  si  on  diminuait  de 


—  283  — 

20  sous  le  castor  demi  gras  outre  l'embarras  que  causerait  cette  diminu- 
tion et  les  différends  continuels  qui  naîtraient  sur  le  Castor  gras  et  demi- 
gras  au  préjudice  de  mon  avis  du  20bre  16T6  contenant  que  le  méchant 
Castor  se  serait  diminué  de  20  sous  par  livre  sur  4.10  sous  auquel  prix 
tout  le  Castor  se  vendait  alors  indistinctement  et  qu'il  serait  pris  pour 
tout  son  poids  que  le  bon  Castor  sec  et  vieux  demeurerait  aux  dits  4  francs 
dix  sous  et  que  le  dit  Castor  gras  et  demi  gras  sans  distinction  pour  obvier 
aux  différends  qui  pouvaient  arriver  serait  augmenté  jusques  à  0. .  X 
sous  lequel  avis  a  été  confirmé  par  Arrêt  du  Conseil  d'Etat  du  Roi  du  16 
Mai  167<  il  causerait  encore  plus  de  soixante  mille  livres  de  pertes  aux 
habitans. 

Il  y  a  un  an  que  j'ai  reçu  les  ordres  du  Roi  pour  n'obliger  plus  les 
fermiers  d'acheter  les  cendres  et  je  l'ai  pas  fait  depuis.  Je  vous  assure, 
Monseigneur,  que  je  m'applique  de  tout  mon  pouvoir  pour  porter  les  ha- 
bitans à  faire  de  la  potasse  et  je  vous  promets  de  rechef  que  je  m'effor- 
cerai encore  davantage  à  leur  persuader  et  que  j'aiderai  moi-même  ceux 
qui  la  voudront  entreprendre  selon  mon  peu  de  moyens. 

Sur  le  reproche  que  Sa  Majesté  et  vous,  Monseigneur,  me  faites  au 
regard  du  conmierce  de  ce  pays  avec  les  Iles  d'Amérique,  je  vous  dirai 
avec  vérité  n'y  était  point  allé  tant  de  vaisseaux  de  ce  pays  que  depuis 
que  j'y  suis,  il  y  en  a  eu  des  choses  fâcheuses,  je  vous  supplie  avec  tout  le 
respect  dont  je  suis  capable  de  me  faire  la  grâce  de  croire  que  je  ne  le 
ferais  pas  s'il  s'agissait  de  moins  que  de  la  perte  d'un  pays  qui  a  tant 
coûté  au  Roi  et  de  tirer  de  l'oppression  un  grand  nombre  de  familles 
presque  réduites  au  désespoir  et  qui  sont  dans  le  dessein  de  se  retirer  en 
France. 

J'ai  toujours  protesté  à  Monseigneur  votre  père  que  je  n'ai  jamais  été 
capable  de  lui  déguiser  aucune  chose,  que  je  lui  ai  toujours  dit  la  vérité 
sans  artifice  et  que  j'ai  plutôt  diminué  qu'augmenté  les  rapports  que  je- 
lui  ai  faits,  j'ai  déjà  pris  plusieurs  fois  la  liberté  dans  cette  lettre  de  vous 
assurer  de  la  même  sincérité.  . 

Je  le  fais  encore.  Monseigneur,  puisque  l'animosité  dont  on  me  blâ- 
me n'a  point  ^u  part  à  ce  que  j'ai  écrit  au  sujet  de  Mr.  le  comte  de  Fron- 
tenac quoique  j'eusse  pu  avoir  quelque  émotion  par  la  prison  qu'il  a 
lait  subir  à  mon  fils  écolier  âgé  de  seize  ans  à  dix  sept  pendant  un  mois 
sans  avoir  eu  le  liberté  de  prendre  l'air  dans  la  Cour  du  Fort  où  il  était 
détenu,  ce  qui  a  paru  si  rude  et  si  injuste  que  tout  le  pays  en  a  été  dans  le 
dernieç  étgnnemeot  et  par  celle  qu'il  a.  fait  aussi  souffrir  à  mon  dômes.- 


...  284 j— 

tique  qu'il  a  fait  enlever  des  prisons  de  cette  ville  où  je  l'avais  fait  met- 
tre sur  les  plaintes  qu'il  en  avait  faites  avec  bien  peu  de  fondements  et 
qu'il  a  fait  resserver  dans  une  chambre  basse  du  fort  sans  avoir  eu  la  con- 
solation de  parler  à  personne. 

La  rigueur  avec  laquelle  Mr.  le  Gouverneur  les  traitait  l'un  et  l'au- 
tre était  pour  les  obliger  mon  fils  de  se  dédire  de  ce  qu'il  s'était  plaint  à 
moi  qu'il  l'avait  frappé  et  maltraité  dans  son  cabinet  en  lui  allant  faire 
civilité  et  lui  demander  justice  et  pour  contraindre  mon  domestique  qui 
avait  servi  mon  fils  de  dire  que  mon  fils  n'avait  pas  dit  la  vérité  et  qu'il 
s'était  plaint  à  tort. 

Peut-être,  Monseigneur,  que  les  injures,  les  reproches  et  les  violen- 
ces que  Mr.  le  Gouverneur  me  fait  tous  les  jours  au  conseil  dans  lequel  il 
m'a  traité  de  téméraire  et  d'insolent  la  prison  dont  il  me  menace  souvent, 
les  ll)elle8  diffamatoires  qu'il  autorise  contre  moi  et  les  insolences  in- 
concevables que  le  Sieur  Boisseau  commet  à  mon  égard  par  écrit  et  de  vive 
voix  tant  à  Québec  que  dans  tous  les  autres  lieux  du  pays  dans  lesquels  il 
a  toujours  suivi  Monsieur  le  Gouverneur,  que  le  soustrait  à  la  Justice, 
auraient  pu  altérer  la  modération  que  j'ai  toujours  conservée  mais  tout 
cela  ne  m'a  pas  touché,  je  l'ai  regardé  avec  indifférence  et  je  n'ai  pas  lais- 
sé que  d'agir  de  concert  pour  les  affaires  du  Tîoi  et  d'aller  chez  lui  à  l'or- 
dinaire et  je  continuerai  à  le  faire  quoique  réjcemment  il  m'ait  fort  mal- 
traité dans  son  cabinet  à  l'occasion  du  Sieur  de  La  Vallière  auquel  il  a 
donné  le  commandement  de  L'Acadie  parceque  je  refusais  de  lui  faire 
payer  une  somme  assez  considérable  et  me  défendais  sur  les  ordres  précis 
que  j'ai  du  Roi  et  de  Monseigneur  votre  père  de  ne  rien  ordonner  en  plus 
avant  qu'il  n'est  porté  par  l'Etat  de  Sa  Majesté,  à  moins  qu'il  ne  me  l'or- 
donnât absolument. 

Après  tout  ce  que  je  vous .  viens  de  représenter.  Monseigneur,  me 
trouvant  dans  une  si  fâcheuse  conjoncture  j'ai  pris  le  dessein  de  vous  dé- 
couvrir avec  toute  la  sincérité  possible  l'état  déplorable  dans  lequel  se 
trouve  ce  pays,  les  intrigues  qu'on  fait  jouer  pour  y  maintenir  le  désordre  ' 
et  les  artifices  dont  pn  se  sert  pour  empêcher  que  les  plaintes  n'aillent 
jusques  à  vous. 

L'autorité  dont  Mr.  le  Gouverneur  est  revêtu  lui  est  un  moyen  faci- 
le pour  y  réussir  parce  qu'il  ne  se  fait  rien  ni  dans  la  justice  lii  dans  le 
commerce  que  ce  qu'il  veut  et  qu'il  ne  favorise  dans  l'une  et  dans  l'autre 
que  ceux  dont  les  affaires  ont  du  rapport  à  ses  entreprises,  ou  ceux  qui 
s'interressent  avec  lui,  la  force  qu'il  a  en  main  appuie  ses  intérêts  et  il  ne 


.„285  — 

l'emploie  que  pour  intimider  les  peuples  et  les  empêcher  de  se  plaindre 
ou  pour  donner  des  couleurs  à  ses  violences  en  exigeant  des  particuliers 
de  fausses  déclarations  dont  il  puisse  se  servir  pour  affaiblir  ce  qu'on 
pourrait  dire  contre  lui  et  pour  tourner  à  son  avantage  tout  ce  qu'il  fait. 

Et  parce  que  le  détail  des  choses  de  la  conséquence  de  celles  qu,e  je 
viens  de  vous  dire,  Monseigneur,  ne  peut  se  renfermer  dans  une  lettre, 
j'ai  cru  afin  de  ne  pas  vous  être  importun  le  devoir  faire  par  des  mémoires 
particuliers  justifiés  par  de  bonnes  pièces. 

Le  premier  vous  fera  voir  que  les  ordres  du  Roi  ne  sont  point  exécutés, 
que  la  justice  est  opprimée  que  les  officiers  y  sont  persécutés  et  que  les 
coupables  demeurent  impunis. 

Le  second  vous  marquera  les  désordres  causés  par  les  coureurs  de  bois 
ce  qui  a  entretenu  la  désobéissance  aux  ordres  du  Roi,  ce  qui  l'entretient 
encore  et  qu'il  est  vrai  qu'il  y  a  un  commerce  public  avec  les  Anglais  aux- 
quels on  porte  nos  pelleteries  au  préjudice  de  la  ferme  du  Roi,  qui  les 
achètent  bien  plus  cher  que  nous  et  qu'ils  vendent  leurs  marchandises  à 
meilleur  marché. 

Le  troisième  vous  convaincra  Monseigneur,  de  tout  ce  que  j'ai  mandé 
l'année  dernière  au  sujet  du  Sieur  Perrot,  Gr.,  de  Montréal,  vous  y  verrez 
la  continuation  de  sa  mauvaise  conduite,  aussi  bien  que  celle  du  Sr.  de 
la  Salle,  Gr  du  Fort  de  Frontenac,  et  de  celle  du  Sieur  Dulut,  chef  des 
coureurs  de  bois,  et  vous  y  découvrirez  des  associations  particulières  fort 
préjudiciables  au  pays. 

Le  quatrième  vous  persuadera  que  quoiqu'on  puisse  faire  en  Canada 
et  dans  l'Acadie  un  commerce  avantageux  que  cependant  il  se  détruit. 

Vous  connaitrez  par  le  cinquième  la  conduite  extravagante  et  impie 
du  Sr.  Boisseau,  de  laquelle  je  ne  vous  informe.  Monseigneur,  que  parce 
qu'il  fait  état  de  revenir  ici  l'année  prochaine  et  que  son  retour  serait 
préjudiciable  du  pays. 

Enfin,  le  sixième  vous  fera  voir  l'Etat  de  la  Ferme  du  Roi  par  son 
établissement  par  ce  qui  s'est  fait  ensuite  et  parce  qui  se  passe  aujourd'hui. 

Mon  Secrétaire  que  je  vous  envoie  a  entre  les  mains  ces  mémoires  et 
toutes  les  pièces  sur  lesquelles  je  les  appuie  et  il  a  encore  celles  qui  con- 
cerne la  prison  de  mon  fils  et  de  mon  domestique  que  je  ne  lui  ai  pas  re- 
mises pour  vous  les  présenter,  Monseigneur,  afin  d'en  obtenir  la  satisfac- 
tion, au  contraire  je  vous  supplie  avec  toutes  les  instances  possibles  de  n'y 
faire  aucune  réflexion,  c'est  seulement  pour  me  justifier  de  ce  que  Mr  le 
Grouverneur  a  dit  tout  haut  depuis  quelques  jours  qu'il  se  plaindrait  à 


—  286  — 

votis  qu'en  cette  occasion  j'avais  voulu  exciter  une  rébellion  contre  lui. 

J'espère,  Monseigneur,  que  vous  connaitrez  que  ma  conduite  a  été  con 
forme  aux  comandements  que  j'avais  reçu  l'année  dernière  de  Sa  Majesté 
et  de  Monseigneur  Votre  père.  J'ai  tout  souffert,  j'ai  remontré,  et  enfin 
j'en  donne  avis  au  Tîoi  et  à  vous  Monseigneur,  je  me  tiendrai  toute  cette 
année  dans  la  même  réserve  que  j'ai  gardée.  Je  renvoie  mes  deux  en- 
fans  pour  ne  pas  les  exposer  davantage  à  de  nouvelles  insultes,  je  m^appli- 
querai  uniquement  à  faire  mon  devoir  autant  qu'on  m'en  donnera  la  li- 
berté et  je  souffrirai  tout  patiemment  conformément  à  ce  qui  m'est  or- 
donné avec  la  résolution  de  vous  informer  comme  je  dois  de  tout  ce  qui 
s'est  passé. 

Ce  sont  les  sentiments.  Monseigneur,  dans  lesquels  je  suis  et  j'espè- 
re que  vous  serez  Siitisfait  de  ma  conduite.  Je  finis.  Monseigneur,  en 
vous  demandant  avec  un  empressement  plein  de  respect  pour  vous  et  de 
tendresse  pour  ce  pauvre  pays  qu'il  vous  plaise  en  avoir  compassion  vous 
assurant  que  je  sacrifierais  ma  vie  volontiers  pour  son  repos  et  pour  vous 
témoigner  qu'on  ne  peut-être  avec  plus  de  fidélités,  plus  d'obéissance  et 
plus  de  soumission  que  je  suis, 

Monseigneur, 

Votre  très  humble,  très  obéissant  et  très  fidèle  serviteur, 

DUCHESNEAU  (1) 


(1)      Archives  provinciales  de  Québec. 


LES  "  DEPOUILLES  "  DU  PERE  JESUITE 

CAZOT 


5^st-il  vrai  que,  en  avril  1800,  lorsque  le  gouvernement,  après  la 
mort  du  Père  Cazot,  s'empara  des  biens-mobiliers  du  ci-devant  ordre  des 
Jésuites,  il  donna  ordre  de  remettre  à  la  cathédrale  de  Québec  tous  les 
vases  sacrés,  ornements  d'église,  peintures,  etc,  etc,  qui  se  trouvaient  dans 
l'ancienne  chapelle  du  collège  des  Jésuites  de  Québec? 

C'est  le  16  avril  1800  que  M,  Sheppard,  shérif  du  district  de  Québec, 
saisit  les  biens-mobiliers  du  défunt  Père  Cazot.  Le  shérif  Sheppard  en 
dressa  un  inventaire  très  détaillé  qu'il  attacha  à  l'original  même  du  bref 
de  prise  de  possession  des  propriétés  et  seigneuries  que  les  Jésuites  pos- 
sédaient dans  le  pays.  Authentiqué  par  le  shérif  Sheppard  et  scellé  du 
grand  sceau  de  la  Province  cet  inventaire  fut  déposé  dans  les  archives 
de  la  Cour  du  Banc  du  Roi. 


...  287  — 

Cet  inventaire  a  été  publié  dans  la  Revue  Canadienne  de  1889  (tome 
deuxième  de  la  troisième  série,  p.  271)  par  feu  M.  J.-Edmond  Roy. 

L'inventaire  dressé  par  le  shérif  Sheppard  mentionne  tout  ce  qui 
se  trouvait  dans  l'ancien  collège  des  Jésuites  à  Québec  :  ornements  sacrés, 
argenterie,  linge,  livres,  cahiers  divers  sur  les  seigneuries  possédées  par 
les  Jésuites,  lettres,  comptes,  meubles,  ustensiles  de  cuisine,  argent, 
etc,  etc. 

L'inventaire  des  biens-mobiliers  des  PP.- Jésuites  saisis  le  16  avril 
1800,  par  le  shérif  Sheppard,  donne  la  liste  des  effets  remis  à  Mgr  J.-O. 
Plessis,  coadjuteur  de  l'évêque  de  Québec  et  curé  de  sa  cathédrale. 

Elle  se  lit  comme  suit: 

1  ostensoir  ou  Soleil  d'argent.  , 

3  calices  d'argent. 

2  ciboires  d'argent. 

3  paires  de  burettes  d'argent. 

2  plats  pour  burettes,  d'argent. 

6  chandeliers  et  croix  d'argent. 

2  chandeliers  portatifs  d'argent. 

1  bénitier  d'argent. 

1  croix  processionale  d'argent. 

2  brods  ou  girandoles  d'argent.  ^ 
'  4  pots  à  fleurs  avec  les  fleurs,  d'argent. 

1  encensoir  et  navette,  d'argent. 

1  lampe  d'argent. 

1  piscine  d'argent. 

1  statue  de  la  sainte  Vierge,  d'argent. 

1  statue  de  la  saint  Ignace,  d'argent. 

1  statue  de  saint  François-Xavier,  d'argent. 
14  cuillères  potagères. 

24  cuillères  de  table. 

4  grandes  fourchettes. 
24  fourchettes  de  table. 
12  cuillères  à  café. 

2  écuelles  avec  leurs  couverts,  d'argent. 
2  gobelets  d'argent. 

8  chandeliers  et  croix  argentés. 
6  petits  chandeliers  argentés. 
6  pots  à  fleur  argentés. 

4  statues  argentées. 

2  reliquaires  d'argent.  - 

6  chandeliers  de  cuiyre. 


-  288  — 

8  chandeliers  (dont  1  caseé)  de  cuirre. 

2  Christs  de  cuivre. 

4  petits  chandeliers  portatifs  de  cuivre. 

26  devants  d'autel. 

16  chasubles  garnies. 

3  chapes. 

2  dalmatiques. 

1  étole  et  3  vieilles  étoles. 

1  drap  mortuaire. 
24  aubes. 
29  surplis. 
15  liappes  d'autel. 

14  nappes  de  communion. 

9  douzaines  de  nappes  de  purification. 

17  corporaux. 
12  pâlies. 

123  amicts. 
20  linges  à  lavab». 

15  cordons. 

8  essuie-mains. 

1  paquet  de  linge  sale. 

1  paquet  de  linge  sale.         * 

1  paquet  de  linge  sale. 

1  paquet  de  linge  sale. 

1  carreau  rouge. 

5  vieux  tapis. 

6  petits  tableaux. 

1  statue  de  cire. 
12  bouquets. 

4  missels. 

2  pupitres. 

1  livre  de  chant. 

1  table  en  marbre. 

1  lustre  en  cuivre. 

Quelques  vieux  fauteuils,  chaises,  etc. 

1  pendule. 

1  Christ  d'ivoire. 

3  couronnes  de  fleure. 

3  reliquaires  de  bois  doré. 

4  garnitures  de  canons  d'autels. 


lîi, 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVI  BEAIJCEVIUE-  OCTOBRE  1920  No   10  . 


A-t-on  calomnié  M.  de  la  Jonquière  ? 


Fixons  d'abord  un  petit  i)oint  d'iiistoire  au  sujet  du 
gouverneur  de  la  Jonquière. 

On  ne  s'accorde  pas  sur  la  date  de  la  mort  de  ce  haut 
]  )ersonnage. 

■  "Les  cliirurgiens,  nous  dit  l'auteur  anonyme  d'un 
mémoire  sur  le  Canada,  employèient  tout  leur  art  pour 
lui  i)rolonger  la  vie  ;  enfin  il  mourut  le  17  mai  1752,  à  six 
heures  et  demie  du  soir,  âgé  de  soixante-et-sept  ans"  (1). 

Parkman  veut  que  le  gouverneur  de  la  Jonquière  soit 
mort  le  6  mars  1752  :  "He  died  on  the  sixtJrof  Mardi. 
1752,  not  on  the  seventeenth  of  May,  as  stated  in  the  Mr 
nioirc.s  sur  Je  Canada,  1749-1760"  (2). 

D'après  l'intendant  Bigot  c'est  le  19  mars  1752,  que  le 
marquis  de  la  Jonquière  rendit  son  âme  à  Dieu  (3). 

M.  de  la  Jonquière  fut  iidiumé  dans  l'église  des  Ré- 
collets de  Québec.  On  avait  mis  sur  sa  tombe  une  inscri])- 
tion  rappelant  ses  titres,  son  âge  et  la  date  de  sa  mort. 
Nous  avons  sous  les  yeux  deux  copies  de  cette  inscription, 
l'une  extraite  de  VHistory  of  Canada  de  Smith,  l'autre  de 
Le  chef  d'escadre  marquis  de  la  Jonquière.  L'une  dit  :  "Dé- 
cédé à  Québec,  le  17  niay  1752,  à  six  heures  et  demie  du  soir, 
, ( 

(1)  Mémoire»  sur  le  Canada,  depuis  1749    jusqu'à  1760,  p.  60. 

(2)  Montcalni  and  Wolfc.  vol.  II.  p.  206. 

(.S)      Kai)i>oi'l  sur  les  Archives  du  Canada  pour  1887,  p.  CLX. 


—  290  — 

t'igé  de  G7  ans",  l'autre  :  ''Décédé  à  Québec,  le  17  mars  1752, 
à  six  heures  et  demie  du  soir,  âgé  de  soixante-sept  ans".  La- 
quelle croire  f 

La  vérité  est  que  M.  de  la  Jonquière  mourut  le  17 
mars,  suivant  le  texte  formel  de  l 'acte  de  sépulture  : 

"Le  vingt  de  mars,  mil  sept  cens  cinquante-deux  a  été 
inhumé  dans  l'église  des  RR.  PP.  Récollets  conformément 
à  ses  dernières  volontés,  haut  et  puissant  seigneur  Pierre- 
Jacques,  marquis  de  la  Jonquière,  chef  d'escadre  des  ar- 
mées navales  de  Sa  Majesté,  commandeur  de  l'Ordre  Ro- 
yal et  Militaire  de  St-Louis,  gouverneur  et  lieutenant'gé- 
néral  pour  le  Roy  en  toute  la  Nouvelle-France,  que  nous 
soussigné,  curé,  de  Québec,  et,  chanoine  honoraire  de  la 
cathédrale,  avons  conduit  en  la  dite  église  des  RR.  P.  Ré- 
collets avec  les  cérémonies  ordinaires  ;  il  était  décédé  le 
dix-sept  du  dit  mois,  muni  des  sacrements  de  l'Eglise,  âgé 
(le  soixante-sept  ans". 

Cet  acte  de  sépulture  est  signé  par  M.  J.-F.  Récher, 
curé  de  Québec. 

Un  auteui'  anonyme,  qui  avait  une  plume  bien  effilée 
et  qui  prenait  plaisir  à  ramasser  tous  les  potins  de  la  rue 
désagréables  aux  gens  en  place,  dit  que  dans  sa  dernière 
maladie,  les  domestiques  de  M.  de  la  Jonquière  ayant  al- 
lumé des  bougies  près  de  son  lit,  il  les  fit  ôter,  x:>ar  avarice, 
et  remplacer  par  des  chandelles  de  suif,  en  disant  qu'elles 
coûtaient  moins,  cher,  et  éclaireraient  aussi  bien. 

Le  marquis  de  Montcalm  lance  une  accusation  autre- 
ment plus  grave  contre  la  mémoire  du  gouverneur  de  la 
Jonquière.  Dans  son  Journal,  à  la  date  du  14  mai  1758, 
il  écrit  : 

"L'abbé  de  la  Vallinière,  prêtre  de  Saint-Sulpice,  a 
prêché  à  la  paroisse  (de  Montréal),  avec  plus  de  vérité 
que  d'éloquence,  contre  le  crime  de  voler  le  Roi  et  sur  l'o- 
bligation de  la  restitution.  Cette  opinion  que  de  voler  le 
Roi  est  licite,  est  dans  la  tête  de  tous  les  Canadiens  depuis 
que  MM-  de  la  Jonquière  et  Bigot  sont  en  place,  et  en  don 
lient  l 'exemple  pour  eux  et  leurs  créatures.  M.  de  la  Jon- 
quière, au  lit  de  mort,  en  fit  une  espèce  d'amende  honora- 


—  291  — 

ble  devant  l'évêque  qui  lui  portait  le  saiut-sacrement,  et 
révêque  monta  le  lendemain  en  chaire  pour  en  faire  part 
au  public"  (4). 

Le  marquis  de  Montcalm  parle  ici  par  oui-dire.  Le 
gouverneur  de  la  Jonquière  était  mort  depuis  quatre  ans, 
quand  M.  de  Montcalm  arriva  à  Québec,  le  12  mai  1756. 
Aucun  des  mémoires  du  temps  ne  parle  de  cette  prétendue 
amende  honorable  d.e  M.  de  la  Jonquière  à  son  lit  de  mort. 
Le  marquis  de  Montcalm  devait  tenir  ce  potin  outrageant 
pour  la  mémoire  de  M.  de  la  Jonquière  de  quelque  mécon- 
tent mis  à  sa  place  par  le  gouverneur  défunt. 

Le  gouverneur  de  la  Jonquière  était-il  aussi  avare 
que  l'insinue  auteur  des  M  empire  s  sur  le  Canada  ? 

Nous  croyons  que  cet  anonyme  a.  tout  simplement  ca- 
lomnié M.  de  la  Jonquière,  comme  il  a  fait  de  bien  d'au- 
tres personnages  canadiens. 

La  marquise  de  la  Jonquière  ne  suivit  pas  son  mari 
au  Canada.  Quelques-unes  des  lettres  que  lui  écrivit  M. 
de  la  Jonquière  pendant  son  gouvernement  au  Canada  ont 
été  conservées.  Elles  nous  montrent  que  M.  de  la  Jon- 
quière dépensait  ici  tout  son  traitement  et  une  bonne  par- 
tie de  ses  revenus  personnels. 

L'équipement  du  marquis  de  la  Jonquière  pour  venir 
au  Canada  lui  coûta  exactement  67,532  livres.  En  outre, 
en  arrivant  à  Québec,  il  acheta  pour  14,000  francs  d'ar- 
genterie de  M.  de  la  Galissonnière. 

M.  de  la  Jonquière  avait  amené  ici  à  ses  frais  un  ca- 
pitaine et  douze  gardes,  un  secrétaire,  douze  domestiques, 
des  chevaux,  des  carrosses,  etc.,  etc.  Le  voyageur  Kalm, 
présent  à  l'entrée  solennelle  de  M.  de  la  Jonquière  dans  la 
ville  de  Québec,  fut  frappé  de  la  nmnihcence  de  l'uniforme 
rouge  tout  galonné  d'or  du  gouverneur.  La  bonne  te- 
nue et  les  riches  livrées  vertes  de  ses  gardes  qui  le  précé" 
daieiit,  le  fusil  sur  l'épaule,  firent  aussi  son  admiration. 
Tout  ceci  n'indique  pas  précisément  la  mesquinerie  et  en- 
core moins  l'avarice.      Car,  enfin^  il  ne  faut  pas  oublier 

(4)     Joiiriia]  du  marquis  de  Montcabn,  p.  349. 


™  292  ™ 

que  tous  ces  gens  étaient  habillés,  nourris,  payés  i)ar  le 
gouverneur  lui-même.  Le  roi  de  France  ne  donnait  pas 
un  liai'd  à  son  représentant  pour  ses  frais  de  re])résenta- 
tions. 

Nous  n'avons  d'ailleurs  qu'à  citer  quelques  fragments 
des  lettres  de  M.  de  la  Jonquière  à  sa  femme  pour  montrer 
qu'il  fit  les  honneurs  de  sa  i)osition  avec  autant  de  munih- 
cence  que  ses  ])rédécesseurs.  Il  est  bien  vrai  qu'il' se  plaint 
que  tout  cela  hii  coûte  cher,  mais  n'est-ce  pas  là  la  meil- 
leure preuve  qu'il  n'avait  ])as  la  foi'tune  que  lui  ])réte  ses 
détracteurs  1 

Le  19  août  1749,  le  marquis  de  la  Jonquicic  écrit  à  sa 
femme  : 

" ..J'ai  pris  ])ossession  de  mon  gouvernement 

le  15  de  ce  mois  au  milieu  de  l'acclamation  générale  des 
grands  et  (\v>^  petits.v  Les  harangues  du  clergé  et^de  tous 
les  corps  ont  fait  beaucou])  souffrir  ma  modestie  ])ar  les 
belles  et  magiiifi(iues  choses  qu'ils  mjont  dites,  n'aimant 
])as  tant  d'encens.  Les  festins  n'ont  pas  discontinué  de- 
])uis  que  je  suis  ici,  surtout  chez  Monseigneur  l'évêque 
qui  est  l'iiounne  de  France  le  plus  poli  et  le  plus  aimable. 
J'ai  commencé  hier  à  donner  à  manger  à  tous  les  notables 
de  la  ville  et  à  leurs  fenmies,  je  leur  fais  grande  chère  ;  j 'a- 
vais  trois  tables  de  quarante  ]jersonnes.  J 'ai  aujourd'hui 
trente-six  couverts  pour  Messieurs  du  Conseil  Supérieur, 
leurs  femmes  et  tous  les  capitaines  d'infanterie  ;  j'aurai 
encore  une  pareille  fournée  cette  semaine  pour  que  tout  le 
monde  y  paisse,  ensuite  je  n'aurai  qu'une  table  de  dix-huit 
couverts  tous  les  jours,  soir  et  matin " 

On  avouera  que  pour  un  avare,  le  marquis  de  la  Jon- 
quière recevait  largement  au  château  Saint-Louis.  Dix- 
huit  couverts,  soir  et  matin  ! 

Le  marquis  de  la  Jonquière,  qui  n'était  pas  un  Crésus, 
aurait  voulu  au  moins  payer  ses  dépenses  avec  ce  que  le 
Roi  lui  donnait.      Il  était  loin  d'y  atriver. 

Le  9  octobre  1749,  il  écrit  à  sa  femme  : 

"Je  vous  assure  que  si  les  denrées  du  pays  continuent 


™  293  — 

à  être  aussi  chères,  je  ne  saurais  vivre  avec  ce  que  le  Roi 
me  donne  à  moins  que  je  ne  me  retranche  beaucoup ..." 

En  février  1750,  il  revient  là-dessus  : 

"J'ai  donné  à  diner  et  à  souper  les  iquatre  derniers 
jours  (du  carnaval)  à  une  vingtaine  de  personnes,  je  fis 
danser  jusqu'à  deux  heures  après  minuit.  Il  m'en  coûte 
])lus  que  ce  que  le  Roi  me  donne,  raison  qui  m'engagera  à 
demander  plus  tôt  d'être  relevé." 

Le  3  octobre  1750,  le  marquis  de  hi  Jonquière  écrit 
encore  à  sa  femme  : 

"Il  Semble  que  tous  les  malheurs  nous  suivent,  vous 
n'avez  ])as  de  récolte  et  moi  je  dépense  phis  que  le  Roi  ne 
me  donne.  Il  m'^n  a  coûté  la  première  année  38,000 
francs,  tant  i)our  la  table,  écurie,  gages  de  domestiques  et 
l'entretien  de  mes  équipages.  Je  ne  coimais  i)lus  ce  pays 
tout  étant  en  feu,  hors  les  marchandises  qui  viennent  de 
France.  Le  i)rix  des  denrées  n'a  ])as  dimimié  depuis  la 
])aix." 

Que  d 'a.ssertions  mensongères  et  calonniiatrices  on  a 
faites  sur  M.  de  la  Jonquière  !  I/un  de  ses  détracteurs 
écrit  :  "If  avait  gagné  des  sommes  inmienses  dans  ses  vo- 
yages et  il  avait  plusieurs  millions.  '  '  On  ne  cache  pas  des 
millions  connue  on  fait  disparaître  un  mouchoir  de  soie. 
Il  est  établi  que  la  tille  du  marquis  de  la  Jonquière,  la 
marquise  de  Noé,  qui  fut  sa  légataire  universelle,  reçut  un 
héritage  bien  ordinaire.  Ceci  ne  détruit-il  pas  la  légende 
des  millions  amassés  par  le  défunt  gouverneur  ? 

D'autres  ont  affirmé  que  M.  de  la  Jonquière  avait 
sollicité  le  gouveraement  du  Canada  pour  y  faire  sa  for- 
tune. 

M.  de  la  Jonquière  fut  loin  de  solliciter  la  charge  de 
gouverneur  de  la  Nouvelle-France,  M.  de  Maurepas,  minis- 
tre de  la  marine,  dût  insister  beaucoup  pour  lui  faire  ac- 
cepter. Et  si  M.  de  la  Jonquière  avait  fait  au  Canada 
ies  profits  fabuleux  dont  on  parle,  aurait-il  insisté  dans 
chacune  de  ses  lettres  au  ministre  pour  être  relevé  de  son 
commandement  ? 

Mais  le  document  qui  nous  donne  la  preuve  la  plus 


...  294  — 

concluante  que  M.  de  la  Jonquière  n'était  pas  avare  ni  mê- 
me mesquin  est,  croyons-nous,  le  propre  testament  du  gou- 
verneur. Un  avare,  même  à  l 'article  de  la  mort,  ne  se  dé' 
pouille  pas  tout  d'un  coup  du  vieil  homme  pour  faire  des 
largesses  à  droite  et  à  gauche  sans  considération  de  sang 
et  de  parenté.  A  part  celui  de  Champlain,  nous  avons  eu 
la  bonne  fortune  d'étudier  en  détail  les  testaments  de  tous 
les  gouverneurs  français  morts  au  Canada.  Aucun  d'eux 
n'a  fait  des  legs  et  des  dons  plus  généreux  que  le  gouver- 
neur de  la  Jonquière. 

Qu'on  en  juge  par  la  simple  énumération  de  ses  legs. 
Et  d'abord,  il  traite  roj^alement  ses  gens.  Il  veut  que  le 
capitaine  de  ses  gardes,  M.  de  Bonne,  et  son  épouse  soient 
nourris  à  ses  dépens,  comme  à  sa  propre  table,  pendant 
]jlusieurs  mois  après  sa  mort.  Il  ordonne  la  même  chose 
pour  son  secrétaire,  M.  de  Saint- Sauveur,  j^endant  trois 
mois  après  sa  mort.  Son  maître  d'hôtel,  le  sieur  Cape- 
lan,  et  sa  femme  reçoivent  une  rente  viagère  de  quatre 
cent  cinquante  livres.  Ils  devront  être  payés  de  leurs 
gages  jusqu'à  leur  retour  en  France.  En  outre,  une  fois 
rendus  là-bas,  s'ils  le  veulent,  ils  seront  logés  gratuitement 
dans  une  de  ses  maisons  jusqu'à  leur  mort.  Son  cuisi- 
nier, Armingo,  et  son  palefrenier  devront  être  nourris  et 
])ayés  de  leurs  gages  pendant  trois  mois.  Les  domesti- 
ques qui  l'ont  veillé  pendant  sa  maladie  reçoivent,  chacun, 
vingt-quatre  livres,  outre  leurs  gages  et  salaires. 

Voyons  maintenant  les  générosités  de  M.  de  la  Jon- 
quière  à  Québec  et  en  France; 

Il  lègue  cent  cinquante  livres  à  la  paroisse  de  Québec  ; 
cent  livres  aux  pauvres  de  Québec  ;  cent  livres  à  l'Hôpital- 
Grénéral  de  Québec  ;  cent  livres  à  l'Hôtel-Dieu  de  Québec  ; 
cent  livres  aux  IJrsulines  de  Québec,  et  cent  cinquante  li- 
vres aux  pauvres  de  chacune  des  paroisses  de  ses  seigneu" 
ries  situées  en  France.  Enfin,  il  ordonne  à  ses  exécuteurs 
testamentaires  de  faire  dire  566  messes  pour  le  repos  de 
son  âme  par  les  chanoines  du  chapitre  de  Québec,  les  prê- 
tres du  Séminaire  et  les  Pères  Récollets. 

Est-ce  là  le  testament  d'un  avare  I 


—  295  — 

Nous  le  répétons  :  le  gouverneur  de  la  Jonquière  a  été 
calomnié. 

Dans  une  de  ses  dernières  lettres  au  ministre  de  la 
marine,  le  gouverneur  de  la  Jonquière,  avec  sa  franchise 
et  son  honnêteté  de  marin,  s'est  peint  mieux  que  n'aurait 
pu  lé  faire  le  biographe  le  mieux  averti  : 

'Me  suis  pénétré,  écrivait-il,  de  la  plus  vive  reconnais- 
sance à  la  justice  que  vous  rendez  à  mes  sentiments,  j 'ose 
dire  qu'elle  m'est  due  et  que  le  zèle  que  je  n'ai  point  cessé 
d'avoir  depuis  mon  âge  le  plus  tendre  pour  le  service  du 
Roi  sont  des  sûrs  garants  de  ma  conduite  ;  je  ne  vous  dis- 
simulerai pas  que  la  moindre  suspicion  que  vous  eussiez 
sur  moi,  trancherait  le  fil  de  mes  jours  ;  l'obéissance  aux 
ordres  de  Sa  Majesté  m'a  conduit  dans  ce  gouvernement, 
je  ne  m'y  occupe  que  de  son  sei*vice,  l'intérêt  est  incompa- 
tible et  à  mes  sentiments  et  à  la  dignité  de  la  place  que  je 
remplis  ;  j'ai  atteint  l'âge  de  soixante-six  ans  et  je  n'ai 
pas  une  seule  goutte  de  sang  dans  mes  veines  qui  ne  pétille 
pour  le  service  de  mon  Roi,  j'ai  toujours  eu  la  gloire  d'y 
être  employé  et  j'aurai  celle  d'y  mourir,  mais  je  ne  puis 
me  dispenser.  Monseigneur,  de  vous  supplier  très  instam- 
ment de  vouloir  bien  rendre  compte  au  roi  de  ma  lettre  et 
d'obtenir  mon  rappel  de  Sa  Majesté  le  i^lus  tôt  qu'il  se 
pourra,  mes  services  lui  étant  acquis  en  France  comme 
partout  ailleurs  "  (  5  ) . 

Les  phrases  du  vieux  marin  sont  rudes  comme  devait 
être  toute  sa  personne,  mais,  dites,  ne  sent-on  pas  vibrer 
le  coeur  de  l'honnête  homme  à  travers  ces  mots  hachés  ? 

P.  G.  R. 


CS)      Le  chef  d'escadre  marquis  de  la  .Tonquière.  p.  221. 


QUESTION 


— L*acteur  Villeray,  décédé  à  Montréal  il  y  a  quelques  mois,  appar- 
tenait-il à  la  famille  lîouer  de  Villeray  dont  le  Bulletin  vient  de  publier 
l'histoire  généalogique  ? 

A.  B.  0. 


296  — 


Les  Rouer  de  Villeray 


Je  trouve  dans  mes  notes  sur  la  famille  de  Villeray  quelques  ren- 
seignements qui  pourraient  s'ajouter  à  la  généalogie  récemment  publiée 
|)ar  M.  Pierre-Georges  Eoy.  Ces  renseignements  sont  très  minces,  et 
l'on  doit  s'y  attendre  car,  où  M.  Roy  a  passé,  il  ne  reste  guère  à  glaner 
(•n  matière  historique  ;  mais  je  les  donne  tels  qu'ils  sont,  et  assez  sou- 
vent pour  de  simples  conjectures. 

Dans  l'état  des  familles  des  officiers  de  l'Jle  Royale  à  Rochefort  en 
17G3,  état  conservé  aux  Archives  de  la  Marine  à  Paris,  je  rencontre  la 
note  suivante  sur  la  famille  de  feu  Benjamin  île  Villeray,  l'ancien  com- 
mandant du  fort  Gaspareau. 

Mme  de  Villeray,.  veuve  d'un  cajjitaine,  sans  ressources  47  ans 

"  Mlle  de  Villeray,  sa  fille  19  ans 

Josette  de  Villeray,  sa  fille  .  21^2  '^^^^ 

Chev.  de  Villeray,  son  fils  9  ans 

Ce  tal)leau  comprend  tout  ce  qui  restait  de  la  famille  de  Benjamin 
de  Villeray,  à  l'exception  de  René-Benjamin  qui  était  déjà  dans  le  service 
et  dont  il  n'y  avait  pas  à  tenir  compte. 

I^e  chevalier  de  Villeray,  âgé  de  9  ans  en  1763,  est  certainement 
(('lui  que  ]\r.  Roy  mentionne  comme  né  au  fort  Gaspareau  en  1754  et  dé- 
cédé en  bas  âge.  Ne  faut-il  pas  présumer  plutcOt  qu'il  est  })arvenu  à  l'âge 
d'honmie  ? 

Quant  à  René-Benjamin  lui-même,  il  me  paraît  intéressant  de  noter 
que  son  acte  de  baptême,  en  date  du  4  mai  1740,  dans  le  registre  de  No- 
tre-Dame de  Montréal,  a  été  corrigé  par  une  ordonnance  du  juge  Panet 
(lu  23  août  119.S.  Dans  l'acte  le  nom  du  ])ère  avait  été  écrit  "X'ilvct"  et  il 
s'agissait  de  restituer  le  vrai  nom  :  "Rouer  de  V'illeray". 

Le  nom  de  Villeray,  di.<ait  l'avis  des  parents,  était  un  nom  de  U'Itc 
])ris  ])ar  !;i  famille,  et  au  bas  de  la  pétition  apparaissaient  les  noms  sui- 
^■ants  :  Louis  de  Salaberry,  cousin,  Charles  Lusignan,  cousin,  Joseph 
Perinault,  cousin,  Pierre  Paul  Neveu  Sevestre,  cousin,  René-Amable  B. 
de  Boucherville,  Maurice  Blondeau  et  Pierre  Foretier. 

L'ordonance  du  juge  Panet  fait  mention  d'une  ordonn_ance  du  Châ- 


...  297  - 

tcjlet  de  Paris  du  13  mai  178b,  qui  ordoimait  de  mettre  le  nom  de  Rouer 
avant  celui  de  Villeray,  dans  l'acte  de  célébration  de  mariage  du  requé- 
rant, René-Benjamin  de  Villeray,  avec  Marie-Jacqueline-Joséphine  d'A- 
gobert,  du  19  novembre  1781,  étant  au  registre  de  la  paroisse  de  St-Mer- 
ry  de  Paris. 

Ajoutons  que  le  dit  René-Benjamin  de  Villeray,  dans  la  pétition  de 
l<98,  est  représenté  "actuelement  émigré  français  à  Albany,  état  de  New- 
York." 

Mme  Veuve  Benjamin  de  Villeray  et  l'une  de  ses  filles  au  moins  vi- 
vaient encore  eu  France  en  1773,  car  en  cette  année  une  pension  est  ac- 
cordée à  la  mère  et  à  la  soeur  de  M.  de  Villeray,  garde  du  corps.  {Rap- 
port des  Archives,  1905).  ♦ 

Si  nous  passons  maintenant  à  Hector  Rouer  de  Villeray  d'Artigny. 
4e  fils  d'Augustin  Rouer  de  la  (Jardonnière,  je  suis  en  mesure  d'affirmer 
((u'il  n'est  pas  passé  en  France  à  la  cession  du  pays,  et  pour  cause.  Dans 
une  des  listes  publiées  par  l'abbé  Daniel,  il  figure^armi  les  officiers  morts 
en  Canada  depuis  le  départ  des  troupes,  et  en  effet  nous  voyons  au  regis- 
tre de  Notre-Dame  de  Montréal  qu'il  a  été  inhumé  dans  cette  ville  le  9 
janvier  1761,  à  l'âge  de  58  ans. 

C'est  sans  doute  lui  qui,  ayant  été  lieutenant  et  conunandant  à  La- 
chine,  fut  imjdiqué  sous  le  nom  de  d'Artigny  dans  l'affaire  Bigot  et  con- 
damné comme  contumace  par  le  jugement  de  1763  quoique  mort  depuis 
deux  ans. 

Aux  enfants  d'Hector  Rouer  d'Artigny  déjà  nommés,  il  faut  ajouter 
le  suivant,  son  premier  né  :  Marie-Catherine,  baptisée  à  Montréal  le  26 
mars  1733  et  inhumée  au  même  endroit,  le  16  mars  1733. 

L'un  au  moins  des  fils  d'Hector  dArtigny  a  dû  parvenir  à  l'âge  d'Iiom- 
nie,  et  c'est  le  plus  jeune,  Louis,  né  en  17-15,  que  nous  rencontrons  à  Mon- 
tréal, le  6  octobre  1748,  parrain  d\n  enfant  de  sa  soeur,  Mme  de  Maril- 
lac.  Et  il  y  a  tout  Jiou  de  croire  que  c'est  lui  (|ui,  dans  u]ie  des  listes 
de  l'abbé  Daniel,  figure  comme  cadet  à  Rochefort  en  1763  sous  le  nom 
de  Villeray  d'Artigny.  ) 

Dans  ces  mêmes  listes,  publiées  par  l'abbé  Daniel,  nous  rencontrons 
plusieurs  Villeray  qu'il  n'est  pas  facile  de  distinguer  les  uns  des  autres. 
/  lo. — Parmi  les  enseignes  notés  en  Canada  en  1761   :  Villeray  de  la 

Cardonnière.  Je  suppose  que  c'est  Alexis,  né  en  1754,  fils  de  Louis- 
Charles  Rouer  de  Villeray.  .  Parmi  les  officiers  morts  en  Canada,  après 
le  départ  des  troupes,  on  trouve  en  offet    :  Villeray  de  la  Cardonnière, 


...  298  — 

noyé  le  8  juillet  1761.       11  ne  peut  s'agir  de  Joseph  Rouer  de  la  Cardon- 
nière  son  frère,  parce  qu'il  était  alors  un  des  officiers  de  l'Ile  Royale. 

2o. — Parmi  les  enseignes  restés  au  Canada  :  Jean  de  Villeray.  Ce 
nom  n'apparait  pas  dans  la  généalogie  préparée  par  M.  Roy  et  reste  par 
conséquent  un  problème. 

3o. — Parmi  les  officiers  de  l'Ile  Royale  servant  à  Rochel'ort  en  17G3  : 
le  chevalier  de  Villeray,  lieutenant.  Il  s'agit  sans  aucun  doute  de  René- 
Benjamin  de  Villeray  qui  était  enseigne  en  pied  à  Louisbourg  en  1757 
et  qui  a  dû  être  t'ait  lieutenant  plus  tard. 

4o. — Parmi  les  mêmes  officiers  ,:  Villeray  de  la  Cardonnière,  ensei- 
gne. 

Je  suppose  qu'il  s'agit  de  Josepli  Rouer  de  la  Cardonnière,  né  en 
1736  et  que  M.  Roy  dit  avoir  été  fait  enseigne  en  1757.  Mais  je  me  de- 
maiide  s'il  n'y  ^  pas  .encore  un  autre  de  Villeray  que  ne  mentionne  ni  l'ab- 
bé Daniel,  ni  M.  Roy. 

Dans  l'état  des  ott'iciers  de  l'Ile  Royale  que  publie  M.  McLennan, 
dans  son  grand  ouvrage  sur  Louisbourg,  d'après  les  Archives  de  la  Ma- 
rine, nous  rencontrons  trois  de  Villeray,  dont  deux  sont  certainement, 
selon  leurs  états  de  service,  Benjamin  de  Villeray  et  son  fils  le  chevalier 
René-Benjamin,  mais  dont  le  troisième  qui  devrait  être  -los.  IJouer  de  la 
(Cardonnière,  ne  paraît  cependant  pas  l'être.       Voici  sa  note  : 

de  Villeray  v  Enseigne  en  second.  Ile  Royale,  1754 

Enseigne  en  pied.    Ile  Royale,  1757 
Mort  à  Rochefort,    le  3  sept.     1759 

Ce  ne  peut-être  Jos.  Rouer  de  la  Cardonnière,  s'il  est  vrai  qu'il  mou- 
rut Uprès  1790. 

Et  pourquoi  ne  serait-ce  pas  un  fils  resté  inconnu  de  Benjamin  de 
Villeray  ?  Il  est  en  effet  remarquable  qu'on  ne  connaît  pas  d'enfant  né  à 
ce  dernier  avant  1738,  alors  qu'il  était  marié  depuis  1735.  Ce  serait 
l'aîné  de  René  Benjamin  que  l'on  distingue  probablement  pour  cette  rai- 
son comme  chevalier  de  Villeray  dans  l'état  mentionné  plus  haut.  11 
resterait  à  expliquer  l'absence  de  Jos.  Rouer  de  la  Cordonnière  sur  la 
liste  publiée  par  M.  McLennan,  mais  d'autres  oft'iciers  manquent  aussi. 

A  la  rigueur,  ce  Villeray  mort  à  Rochefort  en  1759  pourrait  être 
l'ierre-Ignace  Rouer  de  Villeray  que  M.  Roy  dit  vivre  encore  eu  1711  et 
que  je  retrouve  moi-même  parrain  à  Québec  en  1736,  sous  le  nom  de  Vil- 
leray de  la  Cardonnière,  mais,  né  en  1707,  il  est  peu  probable  qu'il  n'ait 
été  qu'enseigne  en  1757. 


—  299  — 

Il  ue  me  reste  plus  qu'une  observation  à  faire  au  sujet  de  Marie- 
Anne  LeBorgue-Belleisle,  femme  dAuguste  Eouer  de  Villeray.  D'après 
le  registre  du  Cap  Santé,  elle  serait  décédée  à  92  ans  en  1807.  C'est 
donc  qu'elle  serait  née  en  1715  et  aurait  été,  à  son  mariage  en  1755,  de 
dix  ans  plus  âgée  que  son  mari.  Mais  le  plus  singulier,  c'est  qu'elle  au- 
rait eu  58  ans  lorsque  naquit  son  dernier  enfant,  en  1773.  Marie- Anne 
LeBorgne  doit  être,  non  pas  la  fille  d'Alexandre  LeBorgne  et  d'Anastasie 
de  St-Castin,  mais  sa  petite-fille,  issue  du  mariage  d'Alexandre  LeBorgne 
et  de  Marie  Leblanc,  et  alors  elle  serait  née  après  1731.  Ce  ne  serait  pas 
le  premier  cas  d'une  septuagénaire  transformée  en  nonagénaire  par  nos 
registres. 

AEGIDIUS  FAUTEUX 


UN  CAS  CURIEUX 


Dans  les  documents  qui  sont  conservés  au  palais  de  Justice  de  Montréal 
il  y  a  des  faits  qui  pourraient  probablement  intéresser  ceux  qui  s'occupent  de 
l'histoire  de  la  médecine  au  Canada,  sous  le  régime  français,  tel  par  exemple, 
ce  cas  d'allaitement  tardif. 

Un  marchand  de  Montréal,  Pierre  Roze,  souffrant  d'une  maladie  conta- 
gieuse et  incapable  sans  doute,  de  consommer  les  aliments  ordinaires  engagea 
une  sauvagesse  pour  l'allaiter  !  Cette  précieuse  nourrice  lui  fut  trouvée  par 
Paul  Le  Moyne  de  Maricour.  Le  malade  n'en  mourut  pas  moins  quelques 
semaines  plus  tard  et  la  Sauvagesse  réclama  son  salaire  du  sieur  Antoine 
Pascaud,  marchand,  exécuteur  testamentaire  du  défunt.  Pour  s'éviter  des 
embarras,  Pascaud  décida  de  ne  payer  que  sur  un  ordre  du  tribunal.  De  là 
un  procès  dont  voici  le  résumé  : 

"A  monsieur  le  lieutenant  général  civil  et  criminel  de  la  prévôté  de 
Montréal. 

Suplie  humblement,  Marie  Chambli  et  vous  remontre  qu'elle  auroit  aletté 
le  sr  Pierre  Roze  environ  un  mois  et  demi,  pour  raison  de  quoy,  ledit  Roze 
luy  avoit  promis,  en  présence  de  monsieur  de  Maricour  et  de  François  Roze 
de  l'habiller  à  la  françoise  de  pied  en  cap.  Et  coinnae  ledit  Roze  est  décédé 
depuis  trois  à  quatre  jours  sans  avoir  satisfait  à  sa  promesse.  Elle  a  recours 
à  vous  pour  y  estre  pourveu. 

Ce  considéré,  monsieur,  il  vous  plaize  avoir  égard  aux  paines  et  risques 
dan.s  laquelle  ladite  supliante  est  exposée  à  contracter  la  maladie  dudit  dé- 
funt lioze,  tt  en  conséquence  de  la  promesse  dudit  Roze,  Et  après  avoir  en- 
tendu le  dit  sieur  de  Maricour  et  le  dit  François  Roze  son  frère,  à  tels  jours 
et  heure  qu'il  vous  plaira,  ordonner  au  sieur  Pascaud,  l'exécuteur  de  son  tes- 
tament de  me  fournir  les  choses  qui  me  seront  nécessaires  pour  m'habiller 
suivant  ma  condition  de  pied  en  cap,  conformément  à  la  dite  promesse,  Et 
vous  ferez  justice. 

ARDOUIN 
faisant  pour  la  suppliante 

Suite  à  la  page  310 


—  3(Kj  — 


Nouvelles  notes  sur  la  foi  et  hommage 


Aux  notes  que  iiou^  a\on!5  publiées  à  deux  reprises  sur  la  loi  et  hom- 
mage, il  nous  est  encore  possible  d'ajouter,  car  les  archives  Judiciaires 
sont  d'une  richesse  telle  qu'il  semble  impossible  d'en  tirer  tout  ce  qu'elles 
l'enferment  de  renseignements,  en- une  fois  ou  môme  en  plusieurs. 

Notre  addition,  consiste  d'abord  en  une  douzaine  d'intitulés  d'actes 
de  foi  et  hommage  ce  ((ui  complétera  (pour  l'instant)  la  liste  précédem- 
ment publiée  dans  le  numéro  de  mars  du  Bulleiin. 

n'33,  20  février. — Foi  et  hommage  par  Nicolas-Gaspard  Boucault, 
conseiller  du  roi,  procureur  de  la  prévôté  et  amirauté  de  Québec,  à  Mme 
veuve  baronne  de  Longueuil,  vu  l'absence  de  son  fils  e*Ȉ  cause  d'un  fief 
relevant  de  la  seig^ieurie  de  Beloeil. 

(l^'jtude  (le  Raimbault  11  Is) 

1732,  IS  mars. — Foi  et  hommage  par  Joseph-Hypohte  Le  Ber,  sieur 
de  Senneville,  k  Messieurs  les  Seigneurs  de  Montréal,  à  cause  de  s(.»u  Jicf 
"au  bout  d'en  haut  de  l'Ile  de  Montréal." 

(Etude  de  Le  Pallieur,  père)     . 

1743,  4  mars. — Foi  vt  hommage  ])ar  Mathurin  Favreau  à  M.  <le 
liouclierville,  à  cause  d'un  arrière  fief  (ju'il  a  acquis  de  Marie-Anne  Mar- 
ganne  de  la  N'altci-ic,  veuve  de  M.  de  (li'osltois  et  (]ni  relèxc  du  (.lit  soi- 
gneur. 

(  Ftude  de  A.  Loiseau  ) 

1743,  1(5  mars.^ — Foi  et  liommage  par  KeJié  l)0U(;lier,  sieur  de  Mont- 
briin  et  Josepli  lioutelace  (et  Outelas)  à  M.  de  Boucherville,  à  cause 
d'un  arrière  lief  acquis  pas  eux  de  Jean  Boucher  de  Montbru]i  et  rcle- 
\Miit  du  dit  seigneur  de  Boucherville. 

(Etude  de  A.  Loiseau) 

1743,  1()  mars. — Foi  et  liommage  par  François  Boucher  sieur  de  la 
Perrière  à   .M.  de  Boucherville,  à  cause  d'un  arrière  fief  dont  il  a  hérité    ^ 


t 

df 


de  son  père  Kené  Boucher  dv  la    l'crrière  et  qui  relève  dudit  seigneur  de 
Boucherville. 

(Etude  de  A.  Loiseau) 


-  301  -  ^  \ 

1T43,  16  avril. — Foi  et  honifiiage  par  Jacques  Le  Moiue  Despins  ii 
M.  de  Boucherville,  à  cause  de  la  part  et  portion  d'arrière  fief  qu'il  a 
hérité  de  feu  son  père  René  Lemoine,  sieur  Despins. 

(Etude  de  A.  Loiseau) 
— -  1757,  19  mars. — Foi  et  hommage  par  Joseph  Paradis,  tant  [)uur  lui 
(^iie  pour  François  Daine  conseiller  du  roi,  René  Boucher  de  la  Bruère  et 
(  lément  Boucher  de  la  Périère,  au  sieur  Claude  Pécaudy  de  Contrecoeur, 
s  cause  d'un  arrière  fief  acquis  de  Jean  Péan,  sieur  de  Livaudière  et  qui 
relève  de  la  seigneurie  de  Contrecoeur.  • 

(£tude  Panet) 

1761,  9  mars. — Foi  et  hommage  du  sieur  Baron  à  Mr  le  Général  Gage. 
(Cette  pièce  mentionnée  au  répertoire  de  Panet  ne  se  trouve  plus  dans  son 
étude). 

1761,  32  juin. — Foi  et  hommage  par  Mlle  Marie-Anne-Noele  Denis 
de  Vitré,  tant  [)our  elle  que  pour  Mathieu-Théodose  Denis  de  Vitré,  son 
frère,  à  MM.  de  Saint-Sulpice,  à  cause  du  fief  Closse  dont  une  moitié  lui 
;i  été  donnée  par  Louise  Bizard,  veuve  de  Charles  Renault  Dubuisson  et 
l'autre  moitié  appartient  à  son  frère  et  à  elle  par  héritage. 

(Etude  Panet) 

1761,  3  août. — Foi  et  hommage  par  Louis- Jacques-Charles  Renault 
Dubuisson,  Marie-Louise  Guyon  Després,  épouse  de  Charles  Gédéon  de 
Catalogne  et  Dlle  Marie-Anne  Gabriel  Dubuisson  à  Marie-Anne-Noele 
Denis  de  Vitré,  à  cause  d'un  fief  relevant  de  la  dite  seigneurie. 

(Etude  Panet) 

1763,  28  septembre. —  Foi  et  hommage  par  Jean  Martheille,  négo- 
ciant de  Québec,  représenté  par  M.  Dumas  de  Saint-Martin,  de  Montréal, 
au  gouverneur  Gage,  à  cause  du  fief  et  seigneiirie  de  la  Grande-Isle,  dans 
le  lac  Champlain,  acquis  de  François  Daine. 

(Etude  Panet)  y 

1763,  1er  octobre.— Foi  et  hommage  par  René  Cartier  fils,  au  gou- 
verneur Gage  à  cause  de. son  fief  sis  au  bout  des  seigneuries  du  Sault- 
Saint-Louis,  Chateauguay,  Villechauve  et  Laprairie,  acquis  du  sieur  Le 
Ber  de  Seiraeville. 

(Etude  Panet) 

1764,  27  mars. — Foi  et  hommage  du  sieur  Christie  et  du  sieur  Jean 
C'ampbell.  (Cette  pièce  mentionnée  au  répertoire  de  Panet  ne  se  trou- 
ve plus  dans  son  étude). 

Xons  crovons  devoir  faire  suivre  cette  liste  du  texte  même  de  l'acte 


...  302  — 

de  foi  et  hommage  du  sieur  Boucault;  procureur  du  roi  à  Québec  et  dont 
il  est  ci-dessus  question,  parce  que  cette  pièce  nous  rend  compte  des  for- 
malités observées- lorsque  le  Seigneur  était  absent  au  moment  où  le  vas- 
sal venait  pour  l'assurer  de  sa  soumission  et  de  son  respect  ainsi  que  de 
sa  fidélité  à  remplir  toutes  ses  obligations. 

20  février  1732. 

Foy  et  hommage  par  Mr.  Boucault  à  Mr.  de  Longueuil 

Aujourd'huy,  en  la  compagnie  et  assisté  du  notaire  royal  de  la  juri- 
diction royalle  de  Montréal  y  résident,  soussigné  et  témoins  cy  bas  nom- 
més, Mr.  Nicolas  Gaspard  Boucault  Cons.  du  roy  et  son  procureur  aux 
sièges  de  la  Prévosté  et  Amirauté  de  Québec,  s'est  transporté  au  château 
de  la  baronie  de  Longueuil,  et  à  la  principale  porte  et  entrée  dud.  château, 
ou  étant,  ayant  frappé  à  lad.  porte  seroit  à  l'instant  survenue  Dame  Mar- 
guerite Le  Gardeur,  veuve  de  feu  Mon§.  le  baron  de  Longueuil,  à  laquelle 
mondit  Sr.  Boucault  ayant  demandé  si  Mons.  le  baron  de  Longueuil  avoit 
quelques  personnes  chargées  de  recevoir  les  foy  et  hommages  de  ses  vas- 
seaux  notamment  ceux  relevant  de  son  fief  de  Beloeil  scitué  sur  le  bord 
de  la  rivière  de  Richelieu  au  (mot  rayé)  de  Chambly,  la  dite  dame  luy 
auroit  dit  que  mondit  Sr.  le  baron  de  Longueuil  est  absent  et  en  l'ancien- 
ne France,  qu'il  ny  a  aucun  établissement  sis  sur  le  domaine  du  fief  de 
Beloeil,  qu'elle  n'est  point  chargée  d'aucune  de  ses  affaires,  ny  dudit  fief 
de  Beloeil,  que  cependant  elle  douera  avis  à  mondit  Sr.  Baron  de  Lon- 
gueuil du  sujet  du  transport  de  mondit  Sr.  Boucault,  Veu  laquelle  ré- 
ponse mondit  Sr.  Boucault  auroit  encore  frappé  par  trois  divers  fois  à 
lad.  porte  et  principale  entrée  dudit  château  et  a  appelé  à  haute  et  intel- 
ligible voix  monsieur  le  baron  de  Longueuil  et  dit  :  Mons.  le  baron  de 
Longueuil  je  vous  fais  et  porte  la  foy  et  hommage  que  je  suis  tenu  de  vous 
faire  et  porter  à  cause  de  mon  fief  de  six  arpens  de  terre  de  front  sur 
cinquante  arpens  de  profondeur  scitué  sur  le  bord  de  la  rivière  de  Cham- 
bly à  prendre  audessous  du  domaine  de  votre  terre  et  seigneurie  de  Be- 
loeil, appartenances  et  dépendances  de  mondit  fief,-  relevant  à  titre  d'ar- 
rière fief  foy  et  hommage  de  votre  dite  terre  et  seigneurie  de  Beloeil,  le- 
quel fief  de  six  arpens  m'appartient  au  moyen  de  la  concession  que  m'en 
a  fait  feu  Mons.  le  baron  de  Longueuil  par  contrat  passé  devant  Me 
Louet  N're  royal  à  Québec,  le  quinzième  avril  mil  sept  cent  vingt-trois, 
duquel  expédition  a  été  délivrée  à  mondit  feu  sieur  le  baron  de  Longueuil, 
vous  requérant  me  recevoir  à  lad.  foy  et  hommage,  à  la  charge  de  vous 


—  303  - 

bailler  mon  aveu  et  dénombrement  suivant  la  Coutume  de  Paris  suivie 
en  ce  pays. 

Dont  et  ce  que  dessus,  ledit  Boucault  a  requis  acte  audit  notaire  à 
luy  octroyé  le  présent  pour  luy  servir  et  valoir  ce  que  de  raison. 

Fait  comme  dit  est,  à  la  principale  porte  et  entrée  dudit  château 
de  Longueuil,  l'an  mil  sept  cent  trente-deux  le  vingtième  jour  de  février, 
en  présence  et  assisté  des  nommés  André  de  la  Mare  dit  St.  André,  ha- 
bitant dud.  Longueuil  et  Pierre  Bourdon  aussy  habitant  dudit  lieu  qui 
ont  déclaré  ne  sçavoir  signer  de  ce  interpellé  suivant  l'ordce.  Et  a  lad, 
dame  Longueuil  douairière  signé  avec  mondit  Sieur  Boucault  après  lec- 
ture faite   ;  et  laissé  copie  à  lad.  Dame  Longueuil. 

de  Longuel     (sic)  Boucault 

Haimbault  fils,  N're  royal         , 

E.-Z  MASSICOTTE 


QUESTIONS 


Jacques  Saint-Gemme  vint  de  France  s'établir  à  Montréal  vers  1653. 
Mgr  Tanguay,  dans  son  Dictionnaire  généalogique,  nous  donne  bien  la 
liste  des  enfants  de  Jacques  Saint-Gemme,  mais  il  ne  mentionne  pas  la 
descendance  de  chacun  det^-ses  fils.  Cette  famille  Saint-Gemme  existe-t- 
elle  encore  au  pays  ? 

W.  C. 

— M.  Massicotte  a  mentionné,  je  crois,  dans  le  Bulletin  des  Recher- 
ches Historiques,  certaines  loteries  tenues  so^s  le  régime  français  au  Ca- 
nada. IjCS  loteries  étaient-elles  permises  d'après  l'ancienne  loi  françai- 
se ?  Y  avait-il  une  réglementation  quelconque  au  sujet  des  loteries  ?  Tout 
renseignement  sur  les  loteries  obligerait 

UN  CURIEUX 

— Quel  fut  le  premier  concessionnaire  de  l'île  Jésus  ?  Quels  ont  été 
les  npms  successifs  de  l'île  Jésus  ? 

I.  0. 


804  — 


NOS  ORIGINES 


Dans  cet  article  il  n'est  pas  question  des  ménages  venus  de  France 
ni  des  hommes  isolés  qui  se  sont  mariés  en  Canada,  mais  seulement  des 
filles  mariées  ici  et  que  je  ne  puis  rattacher  à  aucune  famille  ou  parenté 
connues  parmi  nous.  Cependant  il  n'y  a  pas  de  doute  que  la  bonne  moi- 
tié de  ces  filles  avaient  déjà  des  parents  ou  connaissances  parmi  nos  ha- 
bitants, car  les  noms  des  personnes  et  des  localités  sont  très  souvent  les 
mêmes.  En  réalité,  toute  la  population  des  premiers  temps  se  recru- 
tait de  cette  manière. 

i^ous  plaçons  l'arrivée  de  chacune  de  ces  filles  à  la  date  du  mariage 
en  Canada.  Il  ne  s'en  présente  pas  avant  1638,  et,  de  ce  moment  jus- 
qu'à 1656,  le  chiffre  en  est  mince,  mais  aussi,  entre  ces  deux  dates,  nous 
ne  comptons  que  de  200  à  500  personnes  établies  à  demeure  ■  ;  alors  tout 
s'accorde.  '*  Plus  tard,  nous  verrons  des  tableaux  augmentant  et  qui  se- 
ront expliqués  par  les  circonstances  de  notre  histoire.  i 
a       1638. — Perinne  Sodin,  Anjou,  mariée  à  François  Drouet. 

1639. — Marie  Panis,  Normandie,  mariée  à  Guillaume  Bigot.  Isa- 
beau  Panis,  Normandie,  mariée  à  Jean  Sory.  Marie  d'Abancourt,  Pi- 
cardie, mariée  à  Jean  Jolliet. 

1640. — Catherine  Gayet,  Normandie,  mariée  à  Nicolas  Bonhomme. 

16^2. — Vincente  Ducarieux,  Normandie,  mariée  à  Pierre  Gagnon. 
Barbe  Hubou,  Normandie,  mariée  à  Jean  Mnlouer. 

1645. — Marie  Simon,  Poitou,  mariée  à  Claude  Larchevêque. 

1646. — Madeleine,  Anne,  Barbe  Aymard,  trois  soeurs,  Poitou,  ma- 
riées à  Zacharie  Cloutier,  Guillaume  Couture,  Olivier  LeTardif. 

1647. — Françoise  Morin,  Rochelle,  mariée  à  Antoine  Pelletier.  Jean- 
ne Jallaut,  Poitou,  mariée  à  Marin  Terrier,  Marie  Pelletier,  Saintonge, 
mariée  à  Jean  Petau.  ^Françoise  Boudeau,  Normandie,  mariée  à  Ma- 
thurin  Gagnon.  Marguerite  Bérard,  ville  de  Chartres,  mariée  à  Pierre 
Lemieux. 

1648. — Esther  de  Lambourg,  Beauce,  mariée  à  Guillaume  Gautier. 
Suzanne  Bugeaux,  Saintonge,  mariée  à  Guillaume  Grimard.  Marguerite 
Chariot,  St-Jean  des  Grès  (Paris  ?)  mariée  à  Louis  Loisel.      Marguerite 


/ 


...  305  — 

Bigon,  ville  de  Paris,  mariée  à  Guillaurae  Banse.  Marie  Houdes.  Nor- 
mandie, mariée  à  Jean  Houdan. 

1649. — Perinne  Baudry,  Poitou,  mariée  à  Pierre  Michelet.  Su- 
zanne Barlot,  Poitou,  mariée  à  Jean  Noël.  Marié  Regnault,  Rochelle, 
mariée  à  Pierre  Plusson. 

1650. — Marguerite  Guillebourday,  Poitou,  mariée  à  Jean  BaiUar- 
geon.  Marie  Métayer,  Poitou,  mariée  à  Mathurin  Baillargeon.  Marie 
Piton,  Poitou,  mariée  à  Léonard  Leblanc.  Jacquette  ou  Jacqueline  Vi- 
vier, de  lieu  inconnu,  appelée  aussi  Tiray,  mariée  à  Jean  Le  Normand. 
Jacqu£tte  Ri  vérin,  Poitou,  mariée  à  Jean  Normand  dit  Leguay.  Edouarde 
.louineau,  de  lieu  inconnu,  mariée  à  Gervais  LeNormand. 

1651. — Marguerite  Benard,  Beauce,  mariée  ^'  Claude  Bouchard.  Ma- 
deleine Roussin,  Perche,  mariée  à  Michel  Huppé.  Antoinette  de  Lier- 
court,  Normandie,  mariée  à  Biaise  Juillet,  Jeanne  Lersy,  Anjou,  ma- 
riée à  Jean  Millouer.  Marguerite  Breton,  Paris,  mariée  à  Nicolas  Pa- 
tenotre. 

1652. — Jacqueline  Desbordes,  Paris,  mariée  à  Glaiide  Charland.  Jean- 
ne Mignon,  Rochelle,  mariée  à  Jean  Guay.  Marie  Soulinie,  de  lieu  in- 
connu, mariée  à  Jean  Leduc.  Madeleine  Dupont,  Picardie,  mariée  à 
Noël  Pinguet. 

1653. — Marie  Girard,  Normandie,  mariée  à  Antoine  Rouillard,  Fran- 
çoise Jobin,  Normandie,  mariée  à  Pierre  Dandonneau.  Françoise  Le- 
liène,  Lorraine,  mariée  à  Gabriel  Gosselin.  Françoise  Lehoux,  de  lieu 
inconnu,  mariée  à  Robert  Paré.  Jeanne  Bitouset,  Paris,  mariée  à  Louis 
Guimont.  Anne  Ledet,  Rochelle,  mariée  à  Jean  Neveu.  Marie  Gachet, 
Brie,  mariée  à  Pierre  Nolin.  Marie  Grondin,  Paris,  mariée  à  Jacques  Pi- 
(•ault,  Jacquette  Tourault,  Angoumois,  mariée  à  Jacques  Prenirau. 

1654. — Jeanne  Roussilière,  Sainton"ge,  mariée  à  Pierre  Gaudin.  Ma- 
rie Lorgueil,  Normandie,  mariée  à  Toussaint  Hunault.  Jeanne  Merriii. 
Poitou,  mariée  à  Eloi  Jarry.  Marie  Renault,  Orléanais,  mariée  à  Ma- 
thurin Langevin.  Madeleine  Duval,  de  lieu  inconnu,  mariée  à  Pierre 
.louineau.  Judith  Rigaud,  Saintonge,  mariée  à  François  Lemaitre. 
Marie  Renardin  de  la  Blanehetière,  de  lieu  inconnu,  mariée  à  Nicolas  Le 
Vieux  de  Hauteville.  Marthe  Pijison,  Anjou,  mariée  à  Jean  Milot. 
Michelle  Leflot,  de  lieu  inconnu,  mariée  à  Jacques  Perrot.  Jacquette 
Touraude,  Angoumois,  mariée  à  Maurice  Arrivé.  Jeanne  Soldé,  Anj0u, 
mariée   à   Jacques   Beaunais.        Jeanne   Lerouge,   Champagne,   mariée   à 


—  306  — 

Louis  Carreau.  Marguerite  Gosselin,  Perche,  mariée  à  Jean  Crête.  An- 
ne Lesong,  Lorraine,  mariée  à  Jean-François  Desmarais.  Jeanne  Bedîe, 
Anjou,  mariée  à  Jean  Dumets.  Catherine  Boutet,  de  lieu  inconnu,  ma- 
riée à  Charles  Philippeaux.  Catherine  Lorion,  Rochelle,  mariée  à  Pierre 
Villain. 

1655. — Françoise  Bernard,  Mans,  mariée  à  Marin  Janot.  Suzanne 
Jaroussel,  Rochelle,  mariée  à  Simon  Lereau.  Jeanne  de  Chanverlan- 
ge,  Berri,  mariée  à  Pierre  Levasseur.  ,  Louise  de  Mousseau,  Paris,  ma- 
riée à  Pierre  Pellerin.  Madeleine  François,  Lorraine,  mariée  à  Guil- 
laume Tibaut.  Nicole  Roland,  Paris,  mariée  à  François  Blondeau.  Ca- 
therine Collin,  Paris,  mariée  à  Claude  Guyon.  Marthe  Hubert,  Cham- 
pagne, mariée  à  Nicolas  Gendron. 

1656. — Marie  Chateign}'^,  Rochelle,  mariée  à  Pierre  Lefebvre.  Anne 
Lelaboureur,  Normandie,  mariée  à  Jean  Normand.  Antoinette  Grenier, 
Paris,  mariée  S^Jaeques  Bernier.  Marie  Foubert,  Normandie,  mariée 
i'i  Jean  Cusson.  Marie  Depéré,  Gascogne,  mariée  à  Thierry  Delestre. 
Marie  Jamarre,  Belgique,  mariée  à  Pierre  Duval.  Marie  Richard,  Ro- 
chelle, mariée  à  François  Fafard.  Jacqueline  Bullois,  Mans,  mariée  à 
Denis  Derome.  Marie  Laurence,  de  lieu  inconnu,  mariée  à  Eustache 
Lambert.  t 

La  vile  et  le  diocèse  de  la  Rochelle  sont  mis  ensemble,  de  même  pour 
Paris  et  ses  environs. 

1638.— Anjou  1.— 1639— Normandie  3.  Picardie  1.— 1640— Nor- 
mandie 1.-1642— Normandie  2.— 1645— Poitou  1.— 1646— Poitou  3.— 
1647 — Normandie  1.  Poitou  1.  Beauce  1.  Rochelle  1.  Saintonge  1. — 1648 
— Paris  2.  Normandie  1.  Beauce  1.  Saintonge  1. — 1649 — Poitou  2.  Ro- 
chelle 1. — 1650 — Poitou  4.  Inconnu  2. — 1651 — Beauce  1.  Perche  1.  Nor- 
mandie 1.  Anjou  1.  Paris  1. — 1652 — Paris  1.  Rochelle  1.  Picardie  1.  In- 
connu 1. — 1653 — Normandie  2.  Paris  2.  Brie  1.  Rochelle  1.  Angoumois  1. 
Lorraine  1.  Inconnu  1. — 1654 — Inconnu  4.  Anjou  3.  Saintonge  2.  Nor- 
mandie 1.  Poitou  1.  Orléonais  1.  Perche  1.  Angoumois  1.  Rochelle  1.  Lor- 
raine 1. — 1655 — Paris  3.  Champagne  1.  Lorraine  1.  Berri  1.  Rochelle  1. 
Mans  1. — 1656 — ^Rochelle  2.  Normandie  2.  Paris  1.  Belgique  1.  Gascogne 
1.  Mans  1.  Inconnu  1. 

Soit  :  en  18  ans,  de  18  provinces,  80  filles,  dont  la  bonne  moitié  ve- 
nait de  quatre  provinces  :  Normandie  13,  Poitou  12,  Paris  10,  Rochelle  9, 
et  à  cette  dernière  ajoutons  Saintonge  5,  ce  qui  nous  donne  49  sur  80, 

BENJAMIN  SULTE 


—  307  — 

JOCELY'N  WALLER 


Est-ce  trop  de  revenir  une  troisième  fois  sur  Jocelyn  Waller  dans  le 
Bulletin  des  Recherches  Historiques  ?  Il  me  semble  que  non.  Ce  re- 
marquable journaliste  a  été  un  des  plus  dévoués  amis  de  la  cause  cana- 
dienne-française, et  cependant  Ton  nous  a  reproché  notre  ingratitude  à 
son  endroit.  C'est  ainsi  que  H.  J.  Morgan,  dans  une  phrase  de  sa  Bi- 
bliotheca  Canadensis,  oîi  perce  l'oreille  du  tory,  affirme  que  le  parti  au- 
quel il  se  lia,  ne  trouva  pas  mieux  pour  lui  prouver  sa  gratitude  que  de 
le  laisser  mourir  de  faim  littéralement.  Il  n*est  pas  douteux  que  Mor- 
gan exagère.  Waller  a  été  en  butte  à  toutes  sortes  de  malheurs,  mais 
ses  amis  canadiens  ne  le  pouvaient  pas  empêcher. 

Après  la  mort  de  Waller,  il  se  fit  un  mouvement  chez  les  nôtres  pour 
élever  un  monument  quelconque  à  sa  mémoire.  C'est  le  jeune  Auguste- 
Norbert  Morin  qui  en  avait  pris  la  direction,  et  dans  le  catalogue  de  la 
correspondance  Neilson  qui  vient  de  paraître,  ces  jours  derniers,  dans  le 
Rapport  des  Archives  du  Canada  pour  1918,  nous  trouvons  plusieurs  let- 
tres de  lui  à  cette  occasion.  Nous  ne  savons  ce  qu'il  advint  exactement 
de  cette  entreprise  ni  quelle  forme  prit  cet  hommage  projeté  à  la  mémoi- 
re de  la  victime  de  Dalhousie.  Il  ne  nous  en  reste  qu'une  circulaire  im- 
primée dont  je  viens  de  retrouver  un  rare  exemplaire.  Cette  circulaire 
a  très  probablement  pour  auteur  Auguste-Norbert  Morin.  Elle  est  si 
rare  qu'on  la  peut  presque  dire  inédite.  J'ai  pensé  qu'elle  ne  serait  pas 
sans  intérêt  pour  les  lecteurs  du  Bulletin  et  je  la  reproduis  en  entier  : 

NOTES  SUR  M.  WALLER 
"JOCELYN  WALLER,  écuyer,  frère  de  Sir  ROBERT  WALLER, 
baronet,  et  allié  aux  premières  familles  d'Irlande  et  dAngleterre,  est  venu 
en  Canada  en  1820,  avec  la  commission  de  Greffier  de  la  Couronne  pour 
la  province.  Il  entra  aussitôt  en  charge  ;  mais  sa  commission  lui  avait 
été  donnée  en  Angleterre,  et  M.  le  président  Monk  avait  déjà  donné  la 
même  commission  à  une  autre  personne  dans  la  colonie.  Finalement, 
cette  dernière  commission  fut  confirmée.  M.  Waller  se  retira  à  la  Cam- 
pagne. Il  avait  un  revenu  de  £200  sterling,  provenant  des  biens  de  sa 
famille  en  Irlande,  et  avec  ses  habitudes,  il  vivait  tranquille  et  indépen- 
dant. 


...  308  — 

"Deux  ans  après,  l'ancienne  gazette  de  Montréal  changea  de  proprié- 
tairesi  Ils  faisaient  proiession  d'indépendance  et-  de  libéralité.  Ils 
s'adressèrent  à  M.  Waller  pour  en  prendre  la  coïiduite.  Il  accepta  et  en 
commença  bientôt  la  rédaction.  Tenant,  par  sa  naissance,  à  des  familles 
distinguées,  libéra)  dans  son  éducation  et  ses  sentiments,  il  conduisit  son 
journal  sur  les  professions  de  son  prospectus.  Cela  ne  plut  pas  à  plu- 
sieurs de  ceux  qui  {)rotégeaient  ce  journal  à  Montréal.  Les  propriétaires 
'lui  firent  des  remontrances  :  M.  Waller  répondit  qu'il  ne  le  conduirait 
que  d'après  ses  sentiments  et  il  revint  à  Québec. 

"Survint  alors  le  fameux  Bill  de  l'Union.  Toutes  les  presses  qui 
imprimaient  en  langue  anglaise  étaient  assej-vies  au  parti  de  l'union,  qui 
était  aussi  le  parti  du  gouvernement.  Le  public  fut  indigné  de  ce  bill, 
mais  il  avait  reçu  l'approbation  pres(]ue  entière  de  Sir  JAMES  MAC!- 
KINTOSH,  et  autres  amis  e  la  justice  et  du  pa\'s  en  Angleterre.  Ils 
avaient  seulement  objecté  à  sa  passation,  parce  que  le  pays  n'en  avait  eu 
aucune  connaissance.  Il  fallait  se  faire  entenre  par  ceux  du  pays  qui 
ne  parlaient  que  la  langue  anglaise,  et  que  l'on  excitait  contre  la  masse 
(le  ses  habitants  ;  il  fallait  se  faire  entendre  dans  les  autres  colonies,  dans 
le  Haut-Canada,  et  par  ceux  en  Angleterre  qui  pouvaient  contribuer  à 
faire  manquer  le  coup  fatal  qu'on  voulait  porter  à  la  masse  de  la  })opula- 
rion  canadienne.  On  se  décida  à  faire  imprimer  à  Montréal  un  journal 
en  langue  anglaise,  qui  ferait  connaître  les  sentiments  des  habitants  du 
pays,  qui  relevewMt  les  faussetés  qu'on  imprimait  journellement  contre 
eux,  et  qui  répondrait  aux  arguments  du  parti  adverse.  L'indépendance 
qu'avait  montrée  M.  Waller  dans  la  rédaction  de  la  gazette  de  Montréal 
lit  jeter  les  yeux  sur  lui.  Il  laissa  sa  retraite  dans  Québec,  et  se  jeta  dans 
l'arène,  en  faveur  de  ses  principes,  en  faveur  de  la  justice,  et  en  faveur 
du  pays  ;  contre  ses  amis  personnels,  contre  ceux  qui  disposaient  de  tou- 
tes les  faveurs,  de  tous  les  avantages.  L'on  peut  se  faire  une  idée  de  l'i- 
nimitié qu'il  se  suscitait,  de  la  haine  du  parti  de  l'union  qui  croyait  avoir 
le  pays  pour  proie  certaine.  Selon  la  tactique  de  ce  parti,  on  vomit  con- 
tre lui  des  injures,  on  noircit  son  caractère,  on  inventa  mille  calomnies. 
1 1  ne  s'écarta  pas  cependant  dans  la  lutte  du  langage  d'un  homme  bien  éle- 
\é  ;  ne  s'attacha  jamais  aux  personnes,  ni  aux  actes  de  la  vie  privée  ;  ne 
s'adressa  ni  aux  passions  ni  aux  préjugés,  mais  dévoila  la  fausseté  des 
M\ancés  de  ses  adversaires  en  tout  ce  qui  regardait  les  affaires  publiques, 
signala  les  abus,  indiqua  les  remèdes,  et  terrassa  ])ar  ses  arguments.  Ceux 
du  parti  contraire  nej^ouvaient  s'empêcher  d'avouer  la  supériorité  de  ses 


—  309  — 

talents.  Eu  fin,  cho^e  inconnue  jusc^u'alors,  il  fit  un  parti  nombreux  en 
laveur  du  pays  parmi  eeux  qui  ne  parlaient  que  la  langue  anglaise.  Se-s 
écrits  furent  lus,  admirés  et  republiés  dans  le  Haut-Canada,., dans  le< 
colonies  voisines,  dans  les  Etats-Unis  et  en  Angleterre. 

"La  voie  l'ut  aussi  ouverte  aux  requêtes  du  pav^  adressées  au  roi  et 
j'u  parlement  en  Angleterre  ;  Waller  triomphait  de  ses  adversaires,  et  le 
pays  allait  partager  ce  triomphe.  C'est  alors  qu'on  lâcha  contre  lui  M. 
le  procureur  du  roi,  qui  multiplia  les  indictements,  sf  répand^H  en  in- 
jures, et  renouvelait  les  accusations  d'abord  rejetés.  Jl  trouve  enfin  un 
grand  jury,  sommé  comme  on  les  sommait  alors,  parmi  une  cer- 
taine classe  seulement,  qui  trouva  bill  contr  Waller.  Le,s  arrestations, 
(  autionnements  et  procès  de  Waller,  faisjiient  la  grande  occu])ation  de 
tous  les  termes  criminels  à  Montréal.  On  en  fit  même  exprès.  Ses  en- 
nemis et  les  ennemis  du  pays  se  félicitaient  publiquement  de  le  voir  em- 
prisonné, pilorié,  et  parmi  ceux-là  était,  peut-être,  un  bon  nombre  de  ceux 
qui  devaient  composer  Iq  jury  spécial  par  le«iuel  M.  le  j)rocureur  voulait,  n 
toute  outrance,  le  faire  juger. 

"Le  triomphe  donné  à  la  cause  du  pays  par  le  rap})ort  chi  (••tniiié  ilu 
Canada,  n'était  pas  utt- triomphe  jwur  M.  Waller,  toujours  M.  le  procu- 
reur du  roi  s'acharnait  contre  lui.  Un  jury  spécial  renvoyé,  il  insistait 
sur  un  autre.  Le  pays  triomphait  ;  mais^tout  était  dans  l'incertitude 
pour  M.  Waller  ;  il  pouvait  mourir  en  prison  ;  il  pouvait  être  exposé  à 
ce  que,  au  loin,  dans  son  pays  natal,  au  milieu  de  sa  fainille,  cela  serait 
regardé  comme  un  déshonneur.  11  succomba  à  la  maladie,  au  milieu  de 
tant  de  fatigues,  tant  d'hostilités,  tant  d'inquiétudes.  Jl  mourut  au  ser- 
vice du  pays  et  ne  broncha  pas  jusqu'à  la  mort.  11  mourut  au  moment 
<»ù  les  libertés  du  pays  étaient  conservées,  en  partie  par  ses  efforts,  au  mo- 
ment où  il  avait  droit  de  partager  sa  tranquilité  et  jouir  de  sa  reconnais- 
sance. 11  mourut  au  moment  où  par  la  mort  de  son  frère  aînéj'^l  deve- 
nait Sir  Jocelyn,  baronet,  avec  un  revenu  annuel  de  six  ou  sept  mille 
louis  sterling.  Son  fils  aîné,  maintenant  Sir  Edward  Waller,  a  succédé 
aux  honneurs  et  aux  biens  de  sa  famille.  Elle  ne  demande  rien.  Il  ne 
reste  au  |)ays  que  de  témoigner  sa  reconnaissance  pour  les  services  de  M. 
Waller,  et  d'hqnorer  ses  restes  par  un  monument  qui  attestera  l'estime  de 
ses  concitoyens,  et  qui  fera  disparaître  encore  un  autre  de  ces  reproches 
([u'on  se  plait  injustement  à  répandre  contre  le  pays,  afin  de  l'affaiblir  et 
de  l'écraser. 


—  310  — 

Québec,  29  août  1831.'* 

Jocelyn  Waller  était  le  fils  de  Sir  Robert  Waller,  du  comté  de  Tip- 
perary,  en  Irlande,  crée  baronet  en  1780,  Il  eut  lui-même  une  nom- 
breuse famille,  cinq  fils  et  3  filles.  C'est  l'un  de  ses  fils,  sir  Edmund, 
qui  succéda  à  son  oncle  en  1830  et  devint  4e  baronet.  Un  autre  fils 
s'établit  à  Brooklyn,  N.  Y.  et  y  eut  une  nombreuse  postérité.  Quant  au 
troisième  fils,  le  Dr.  Samuel  Waller,  dont  parle  G.  I.  Barthe,  il  mourut 
à  Montréal  en  1878.  On  trouvera  dans  Burke's  Baronetage  de  1881 
tout  le  détail  sur  l'ascendance  et  la  descendance  de  Jocelyn  Waller. 

AEGIDIUS  FAUTEUX        "^ 


Suite  de  la  page  299 

Soient  assignés  ledit  sieur  Pascaud  et  le  dit  sieur  de  Maricourt  et  ledit 
Rose  à  comparaître  par  devant  nous  en  nostre  hostel,  mardy  prochain,  heure 
d'audience. 

Mandons,  etc.  Fait  à  Villemarie,  le  17e  jour  de  fêv.1702. 

JUCHEREAU  DE  ST  DENIS 

Trois  jours  après,  le  20  février,  on  procédait  à  l'inventaire  des  biens  de 
feu  Pierre  Roze. 

Le  21  février,  à  l'audience,  Marie  Chambli  "habillée  en  sauvagesse  et  ne 
parlant  que  l'iroquois"  donna  son  témoignage  par  l'intermédiaire  de  Fran- 
çoise Goupil,  veuve  du  sieur  Gouraud  La  Coste  qui  avait  été  nommée  inter- 
prète d'office. 

Le  sieur  LeMoyne  de  Maricour,  37  ans  et  François  Roze,  18  ans,  corrobo- 
rèrent les  assertions  de  la  plaignante  en  sorte  que  le  sieur  Pascaud  reçut  or- 
dre de  payer  la  dette. 

Le  22  février,  Françoise  Goupil  accompagnée  de  l'iroquoise  comparut 
devant  le  tribunal  et  déclara  que  celle-ci  avait  reçu  des  habits  pour  une  som- 
me de  70  livres,  19  sols  et  qu'elle  était  satisfaite. 

Si  l'on  tient  compte  de  la  valeur  de  l'argent  à  cette  époque  la  "fille  des 
bois"  devait  avoir  choisi  un  costume  assez  coquet. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


L'ANCIENNE  PRISON  DE  MONTREAL 


"Le  vingt  trois  février,  mil  huit  cent  quarante,  le  saint  Sacrifice  de  la 
Messe  a  été  offert  pour  la  première  fois,  dans  la  prison  neuve  de  cette  ville, 
située  au  couvent  Ste-Marie.  Une  partie  des  effets  nécessaires  a  été  fournie 
par  le  séminaire  ;  le  reste  a  été  acquis  par  le  produit  d'une  souscription  vo- 
lontaire, mise  en  opération  par  Edmond  Barron,  Ecuier,  Sheriff  du  District 
de  Montréal,  et  l'un  des  marguilliers  de  l'Oeuvre  et  Fabrique  de  Notre-Dame 
de  Montréal.  Le  premier  Prêtre,  envoyé  pour  la  Messe  et  l'exhortation,  a 
été  Monsieur  Jacques  Arraud,  Prêtre  du  Séminaire,  et  aumônier  de  la  Prison. 
Tous  les  prisonniers  Catholiques  étaient  présens  :  les  hommes  d'un  côté  et  les 
V)ersonnes  du  sexe  de  l'autre.  Le  tout  s'est  passé  avec  édification  et  continué 
avec  la  décence  convenable.  Les  détenus  en  recueillent  des  fruits  de  con- 
solation et  de  grâce, 

JOS  QUIBLIER  »Supr 


—  311  - 


La   Fête   de   saint   Jean-Baptiste 


Depuis  quelle  année  n'est -elle  plus  chômée  ? 

La  fête  de  S.  Jean-Baptiste  était  chômée  dans  FEglise  universelle  à 
l'époque  de  la  découverte  du  Canada  et  de  la  fondation  de  Québec. 

Cependant  la  génération  actuelle  n'a  jamais  eu  connaissance  du  pre- 
mier chômage  de  cette  fête.  A  quelle  époque  a-t-on  cessé  de  l'observer 
comme  fête  d'obligation  ? 

C'est  dans  la  collection  des  Mandemenls.  .  .  .des  évêques  de  Québec 
qu'on  peut  trouver  la  réponse  à  cette  question.  Au  début  de  la  colonie, 
les  fêtes  chômées  de  droit  commun,  étaient,  outre  les  dimanches,  de  plu.^ 
de  trente,  auxquelles  s'ajoutaient  quelques  fêtes  chômées  par  dévotion 
(S.  Madeleine,  S.  Martin),  parce  qu'on  les  chômait  en  France. 

Toutefois  la  misère  des  temps  obligea  les  évêques  de  Québec,  à  diver- 
i*es  époques,  à  réduire  soit  temporairement  pour  les  travaux  des  semences, 
soit  à  perpétuité,  à  cause  de  la  pauvreté  générale,  ou  d'autres  raisons,  le 
nombre  des  fêtes  d'obligation.  Ces  prescriptions  portèrent,  on  le  com- 
prend, sur  des  fêtes  moins  importantes,  de  sorte  qu'on  a  toujours  observé 
au  pays  les  fêtes  qui  sont  encore  chômées. 

La  fête  de  S.  Jean-Baptiste  fut  du  nombre  des  fêtes  supprimées. 

La  première  liste  des  fêtes  chômées  qui  fut  donnée  au  clergé,  en  ce 
pays,  est  celle  de  Mgr  de  Saint- VaUier  (2e  év.  de  Québec),  en  1694,  et 
elle  mentionne  expressément  celle  de  S.  Jean-Baptiste  (1). 

Ce  même  évêque  réduisit  en  1716  les  fêtes  des  mois  de  juin,  juillet  et 
aoiit,  **à  l'égard  de  ceux  qui  vont  à  la  mer  pour  pécher,  et  non  pas  pour 
«eux  qui  restent  à  terre  pour  sécher  le  poisson",  mais  il  conserva  par  ex- 
ception le  chômage  de  la  fête  de  S.  Jean-Baptiste,  aussi  bien  que  de  la 
Pentecôte,  de  la  Fête-Dieu  et  de  l'Assomption  (2). 

Cet  état  de  chose  dura  jusqu'en  1744. 

Mgr  Dubreil  de  Pontbriand  (6e  év,  de  Québec),  afin  de  diminuer  les 
jours  de  fêtes  d'obligation  et  de  permettre  en  même  temps  aux  fidèles  de 
célébrer  ces  mêmes  fêtes,  comme  précédemment,  employa  un  moyen  terme  : 
Il  retrancha  l'office  et  la  messe  de  quelques  jours  de  fête,  entr'autres  de 


(1)  Mandements  des  érêques  de  Québec,  t.  I.  p.  835. 

(2)  Idem,  p.  489. 


—  312  — 

celles  du  '^4  juin.,  et  les  transl'éi'a  au  (Jimanche,  pour  S.  Jean-Baptiste  en 
particulier,  au  dimanche  qui  se  trouve  entre  le  21  et  le  28  juin.       De  la 

.sorte  la  fête  n'était  ))]us  chômée  le  24  (3),  mais  était  célébrée  comme  d'ha- 

hitude,  [)ar  l'office  et  les  messes,  le  dimanche,  à  la  place  de  l'office  du  di- 
manche, ou  de  la  fêtp-*Kcur rente.      Cette  pratique  dura  plus  de  vingt  ans. 

Mais  comme  cette  '*t ranslalioii  des  têtes  remises  au  dimanche.  .  .  . 
a  occajsionné  beaucoup  de  contusion  dans  l'arrangement  de  l'office  divin", 
son  succei^seur,  Mgr  Briand  (7e  év.  de  Québec),  a  ramené,  en  1744,  ces 
offices  à  leur  jour  propre,  et  a  ])rescrit  qu'on  en  ferait  la  solennité  le  di- 
manche ;  à  partir, de  1768  (4),  la  fête  de  S.  Jean-Baptiste  se  fit  donc  de 
nouveau  le  24  de  juin,  comme  avant  1745,  mais  elle  ne  fut  plus  chômée. 

Les  changements  de  1791,  1793  (5)  et  autres  n'aft'ectèrent  pas  cette 
fête  qui  demeura  fête  de  dévotion  jusqu'en  1911. 

Kn  1!)11,  le  l'a[)e,  voulant  diminuer  les  l'êtes  d'obligation,  (S.  Jean- 
i>a[jtiste  était  toujours  chômé  dans  l'église  universelle),  adopta,  pour  quel- 
ques fêtes,  particulièrement  celle  de  S.  Jean  Baptiste,  la  pratique  de  Mgr 
Dubreil  de  Pontbriand  et  fixa  l'ort'ice  même  au  dimanche  qui  précède  la 
fête  des  88.  A.  Pierre  et  Paul,  c'est-à-dire  celui  qui  tombe  entre  le  21  et 
le  28  juin  ((i).  Toutefois  cet  état  de  chose  ne  put  durer.  Dans  la  2e 
jéforme  du  bréviaire  (1913,  obligatoire  en  191.')),  la  fête  de  S.  .haii  Bap- 
tiste fut  restituée  à  son  jour,  })arce  qu'on  voulait  éviter»  la  fixation  des 
fêtes  de  saints  à  des  dimanches  (7). 

Pour  résumer,  si  l'on  considère  \r  jour  mênic  du  24  juin,  on  doit  dire 
qu'il  l'ut  le  siège  de  la  fête  de  S.  Jean-Baptiste,  depuis  l'origine  du  Ca- 
nada jusqu'en  1744,  puis  de  1768  à  1912,  enfin  depuis  1915  ;  si  l'on  con- 
sidère le  chômage,  que  cette  fête  fut  chômée  en  Canada  depuis  l'origine 
jusqu'en  1744  alors  qu'elle  deviivt  jusqu'à  présent  fête  de  dévotion,  excepté 
(>n  1912-3-4  ;  enfin,  si  l'on  considère  le  jour  de  la  l't^e,  ce  fut  le  dimanche 
entre  le  21  et  le  28  juin,  de  1744  à  1768,  puis  de  1912  à  1914  et  le  24 
juin  le  restt>  du  temps. 

ABBE  J.  S. 


(3)  Idem,  t.  II,  p.  42.  ♦      •  • 

(4)  Idem,  t.  II,  p.   297. 

(5)  Idenî,   t.  II,  p.   437  et  459. 

(C)      Revues      de    l'année,      particulièrement      Ami    du    Clergé,    t.    XXXIII 
(1911)  p.  696  et  783.  f 

(7)      Ami,  ibid.  p.   979. 


813 


MIGEON    DE    BRANSAT 


M.  Migeon  de  lîraiisat  est  probablement  veiiii  au  Caïunla  en  même 
temps  que  le  régiment  de  C'arignan.  Il  y  eut  tout  uii  changement  dan- 
la  direction  des  affaires  dans  la  colonie  à  cette  époque — mouvement  assez 
considérable  pour  oceu])er  certains  esprits  aventureux  de  f>ance,  et  c'est 
ce  qui  expliquerait  alors,  le  passage  ici  de  notre  personnage.  L'abbé  Fail- 
1  on  s'est  méj>riis  sur  le  nom  de  Migeon.  ^D'après  lui,  il  serait  arrivé  un 
M.  J.-B.  Migeon  avant  KUU.  11  mêle  Tleux  noms  et  confond  J.-B  I.e 
Mignon,  qui,  singulièrement,  occupa  à  Montréal  le  poste  de  .procureur- 
fiscal  des  seigneurs,  place  que  devait  remplir  bientôt  après,  notre  J.-B  Mi- 
geon de  Bransat.  •  Ceci  est  clairemejit  démontré  par  M.  PI  -Z  Massicotte, 
au  numéro  8  du  XXIe  volume  du  Bulletin  des  Recherches  Historiques. 
L'abbé  Faillon  termine  la  reproduction  de  l'ordonnance  de  M.  de  Mai- 
sonneuve,  du  15  février  lfi64,  au  sujet  de  l'élection  de  cinq  juges  à  Ville- 
marie,  par  leur  prestation  de  serment  devant  M.  Daillebout  des  Musseaux, 
juge  civil  et  criminel  de  la  terre  seigneuriale,  et  devant,  (dit-il),  Jean- 
lîaptiste  Migeon,  procureur-fiscal  des  seigneurs  et  avocat  au  Parlement  de 
Paris,  né  à  Moulins,  en  Bourbonnais,  et  neveu  de  ^I.  Souart  qui  l'avait  dé- 
terminé ainsi  que  plusieurs  autres  de  ses  parents  et  de  ses  amis  à  ])asser 
tlans  la  Xouvele-France,  par  zèle  pour  la  religion. 

L'auteur  de  "Vfli.vfoire  de  In  colonie  frnnçnise  eii  Camida.",  par  ces 
remaniues  nous  invite  à  croire  à  une  j)arenté  entre  M.  l'abbé  Souart  et 
Migeon  de  Bransat  avAnt  même  le  passage  de  celui-ci  au  Canada.  11 
jious  est  difficile  de  comprendre  cela,  ayant  sous  regard  la  généalogie  des 
Migeon. 

Tanguay  (1-131)  nous  apprend  que  Catherine  Gauchet  qui  épousa 
Jean-BaptisVe  Migeon  de  Bransat  était  la  cousine  de  M.  Souart.  Plus 
loin,  (1-451)  il  varie  et  rap})orte  qu'elle  était  la  nièce  de  M.  l'abbé.  Ci' 
point-ci  de  j)afenté  s'accorde  mieux  avec  Faillon  et  nous  paraîtrait  plus 
conforme  à  la  vérité. 

La  famille  Migeon  appartenait  à  la  bourgeoisie  commerçante  de  Mou- 
lins ;  ses  membres  n'ont  figuré  sous  aucun  rôle  important  dans  l'histoire 
de  cette  ville.       Ce  nom  est  encore  ^)orté  en  Bourbonnais,  mais  par  des 


...  314  — 

gens  (le  modeste  condition.       Il  y  a,  notamment  à  Yzeure,  un  Migeon, 
maréchal-ferrant,  qui  est  conseiller  municipal  de  cette  commune. 

Mgr  Tanguay  place  la  naissance  de  J.-B.  Migeon  de  Bransat  en  1639, 
le  nomme  Jean-Bapiiste,  et,  le  dit  fils  de  Marguerite  des  Bordes.  Voilà 
trois  inexa,ctitudes,  dont  on  ne  saurait  cependant  le  blâmer.  11  a  donné 
simplement  ce  qu'il  a  trouvé.  Notre  personnage  a  été  baptisé  le  26  no- 
vembre, 1636  à  St-Pierre-des-Menestraux,  succursale  de  St-Pierre-d'Y- 
zeine,  ù  Moulins,  et  nommé  Jean,  sans  plus.  Son  père,  Jean  Migeon, 
était  marchand  boîtier  à  Moulins,  et  sa  mère  s'appelait  Marie  Desbordes. 
Les  parrain  et  marraine  furent  :  Jean  Migeon,  l'aîné,  (oncle),  marchand 
à  Moulins,  e*  damoiselle  Jeanne  de  Bonefoy,  feme  de  noble  Charles  Barbe, 
trésorier  de  France  au  bureau  des  finances  de  la  généralité  de  Moulins. 

D'après  quelle  inspiration  ou  inclination  Jean  Migeon  s'est-il  décidé 
d'accoler  un  second  nom  à  celui  de  sa  famille  ?  Etait-ce  pour  se  donner 
])lus  d'imiK)rtancG  et  faire  croire  qu'il  était  de  qualité  ?  Ou,  suivait-il  un 
courant  à  la  mode  ?  Cette  dernière  supposition  est  la  plus  probable.  Car, 
M.  Jean  Migeon,  procureur-fiscal  des  MM.  de  St-Sulpice  de  Montréal, 
n'avait  aucun  droit  au  nom  de  Bransat.  C'est  le  nom  d'une  commune 
«ise  près  de  St-Pourçain,  département  de  l'Allier.  Il  n'y  est  point  né 
et  d'après  les  archives  de  sa  famille  ou  les  recherches  que  l'on  a  pu  ac- 
complir, il  n'y  avait  aucun  bien,  de  plus,  il  est  reconnu  qu'en  1658  et  les 
années  suivantes,  les  Lomet,  de  Moulins,  se  qualifiaient  encore  sieurs  de 
Bra7isat  ainsi  que  le  constate  l'extrait  suivant  d'un  contrat  de  mariage 
existant  dans  les  archives  de  M.  Xavier  de  Bodinat  :  "Par  devant  An- 
"thoine  Phelipard,  notaire,  tabellion  royal,  garde-notte  héréditaire  au 
"pa'is  et  duché  de  Bourbonnois,  à  Moulins,  soubsigné,  ont  été  personnel- 
élément  établis  :  Me  Jean  Fouchier,  sieur  des  Prots  Saint  Syphorien  et 
"à  son  autorité  damoiselle  Marie  Fauvre,  sa  femme,  et  sous  leur  auctorité 
"Me  Gilbert  Fouphier,  leur  fils,  advocat  en  Parlement,  paroissiens  d'Y- 
"zeure,  dune  part  ;  noble  Toussaint  Lomet,  sieur  de  Bransat,  conseiller 
"du  Roy,  etc.,  etc. 

Le  14  juillet,  1665,  Jean- (Baptiste)  Migeon,  marchand,  est  parrain  à 
Villemarie.  lie  25  novembre  suivant  son  mariage  a  lieu  au  mêm'e  en- 
droit, avec  Catherine  Gauchet  de  Belleville,  fille  de  Claude;  et  de  Suzanne 
Dufeu,  de  St-Sulpice,  Paris.  Elle  avait  refusé  un  riche  établissement - 
en  France  et  vint  au  Canada  avec  l'intention  de  se  faire  religieuse.  Elle 
changea  d'idée.  Souvent  femme  varie.  ....  Ce  fut  peu  après  l'arri- 
vée du,  régiment  de  Carignan.       Ca  été  l'un  des  mariages  marquants  de 


...  315  — 

l'année  dans  la  petite  ville  de  Marie,  si  l'on  en  juge  par  les  noms  des  té- 
moins : 

M.  Henri  de  Chastelard  de  Salière,  colonel  du  régiment  ; 

M.  de  Flotte,  sieur  de  la  Fredière,  capitaine  et  major  du  régiment  et 
neveu  du  colonel  ; 

M.  Annibal-Alexis  de  Flotte,  frère  ou  cousin  de  la  Fredière   ; 

M,  Roger  de  Bonneau,  capitaine  au  régiment  ; 

M.  François  Feraud,  lieutenant  et  aide-major  ; 

M.  l'abbé  Michel  Barthélémy  ;  ? 

M.  l'abbé  Gilles  Perrot,  prêtre  de  St  Sulpice  ; 

M.  Balthazar  Desportes,  probablement  officier  du  régiment 

M.  Gilbert  Dupéron  ;  probablement  officier  du  régiment. 

M.  Jean-Vincent  Philippe,  sieur  de  Hautmenil,  neveu  de  l'abbé 
.Souart. 

M.  Migeon  de  Bransat  s'étant  établi  à  Montréal  y  écoula  le  reste  de 
ses  jours.  Il  s'acquitta  des  devoirs  de  sa  charge  avec  conscience  et  sans 
crainte.  Il  était  d'un  caractère  précis  et  juste,  possédant  des  idées  assez 
libérales  qu'il  tempérait  avec  un  certain  ordre  ;  pas  belliqueux,  mais  ré- 
taliant  à  une  attaque  sur  sa  personne  par  une  convocation  immédiate  en 
justice. 

La  famille  Migeon  en  France  retrace  son  origine  depuis  : 

Honorable  homme  Toussaint  Migeon,  né  vers  1565,  bourgeois  de 
Gharroux,  qui  épousa  vers  1595,  Péronnelle  Guiot.  Toussaint  n'était 
plus  en  1633.      Ses  enfants  furent  : 

(1)  Vénérable  et  discrète  personne  Messire  François  Migeon,  doc- 
teur en  théologie,  prêtre,  curé  de  St-Jean  de  Gharroux  de  1631  à  1680  ; 
religieux  de  l'Ordre  de  St-Jean  de  Jérusalem  ;  s  :  1680  âgé  de  83  ans  ; 

(2)  Honorable  personne  Jean  Migeon,  l'aîné,  naquit  vers  1603  ; 
bourgeois  de  Gharroux,  demeurant  à  Moulins,  paroisse  St-Pierre  d'Yzeure. 
Marié  en  1633  à  Catherine  Jacquemet,  veuve  de  Pierre  Barde  (1). 

(3)  Jean  Migeon,  le  jeune,  né  vers  1604,  marchand  à  Moulins, 
éiK)usa  en  1634,  Marie  Desbordes,  fille  de  noble  Christophe  Desbordes, 
porte-manteau  de  Henri  IV,  dont  ; 

(a)     Jean,  baptisé  à  St-Pierre,  Moulins,  le  26  novembre,  1636  ; 


(1)  Sa  fille  Claude,  épousa  Claude  Vigier,  dont  un  fils  qui  porta  le  nom 
de  sieur  des  Méchins.  Nous  signalons  ce  nom  à  titre  de  curiosité.  A-t-il 
quelque  rapport  avec  l'endroit  désigné  ainsi  au  Canada  ? 


—  316  — 

(h)  Marie,  née  1637,  mariée  en  1(560  à  Maître  Jean  Couppery,  mar- 
cliand  de  Moulins  ; 

.     ((•)      Louise,  l)  :  eu  1639  à  Moulins. 

Jean-Baptiste  Mvgeon  avait  des  armes  (]ui  n'ont  j)oint  été  enregis- 
trées dans  aucun  armoriai  de  France,  que  nous  sachions.  Nous  les  re- 
[iroduiroiis  plus  tard,  à  la  suite  de  iios  recherclies  armoriales,  tome  III. 

REGIS  ROY 


LES  DISPARUS 


CHARLES  SABATIKR 

Sur  le  musicien  qui  composa  la  musique  du  Drapeau  de  Carillon,  si  i^o- 
l)ulaire  en  ce  pays,  on  lit  ce  qui  suit  dans  le  Joiii-nal  de  l'instruction  publique. 
du  18  septemre  1862   : 

"Cliarles  Waugh,  connu  sous  le  nom  de  Charles  Sabatier,  comiîositeur 
et  pianiste  distingué  vient  de  mourir  à  Montréal,  le  22  août  1862.  Né  en 
Allemagne,  il  avait  été  élevé  en  France  où  il  s'était  fait  une  certaine  réputa- 
tion. Des  excès  et  une  circonstance  naturelle  l'ont  empêché  d'atteindre  au 
premier  rang  et  l'ont  poussé  à  voyager  de  pays  en  pays.  Il  vint  au  Canada 
il  y  a  une  dizaine  d'années  et  tandis  que  son  génie  et  son  éducation  musicale 
auraient  pu  lui  assurer  d'excellentes,  sinon  de  brillantes  positions,  son  intem- 
pérance l'avait  réduit  à  la  misère.  On  a  de  lui  plusieurs  compositions,  en 
outre  la  cantate  en  rhonneur_du  prince  de  Galles  (1860).  Des  amis  chari- 
tables et  dévoués  ont  essayé,  à  plusieurs  reprises,  de  le  remettre  dans  la  bon- 
ne voie,  et  ils  espéraient  presque  avoir  réussi,  car  Sabatier  était  à  l'Hôtel- 
Dieu  plutôt  en  réclusion  réparatrice  qu'à  titre  d'invalide.  Malheureusement, 
une  fatale  occasion  se  présenta  pour  lui  de  manquer  à  ses  bonnes  résolutions  ; 
il  s'éch.appa  de  sa  retraite,  on  le  ramena  dans  un  état  pénible  à,  voir  et  il 
mourut  d'apoplexie  peu  d'heures  après  son  retour.  Exemple  terrible  d'une 
hello  carrière  brisée  par  une  passion  l^rutale  et  t.\'rannique   !" 

CABRETTE 


ADOLPH  VOGT 


Né  à  Liebenstein,  Sxe  Meiningen,  Allemagne,  le  29  novembre  1842.  Ses 
parents  l'amenèrent  en  Amérique  en  1S46  et  il  requt  ses  premières  leçons  de 
de.ssin  à  Philadelphie.  En  1861,  il  alla  poursuivre  ses  études  en  Allemagne 
et  en  Suisse,  puis,  en  1865,  il  venait  s'établir  à  Montréal  en  1867.  Cet  artiste 
dont  on  dit  beaucoup  de  bien  ti  laissé  plusieurs  tableaux  de  scènes  canadien- 
nes et  il  a  fourni  au  Canadian  Illustrated  News  la  plupart  de  ses  illustrations 
sur  l'invasion  Fénienne.'       .VI.  Vogt  mourut  à  New-York,  le  22  février  1871. 

CABRETTE 


—  317 


Un   testament   du    docteur   Sarrazin 


L'un  des  pliKS  lamoux  médecins  du  roi,  sous  le  régime  iraucais  fut 
ee  Michel  Sarrazin  dont  les  historiens  et  les  dictionnaires  mentionnent 
le  nom  et  auquel  Mgr  Laliamme  a  consacré  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
royale  du  Canada  de  1887,  une  étude  qu'il  faut  lire. 

Aucun  des  hiogra}»hes  du  sieur  Sarrazin  ne  fait  cepeudant  allusion 
au  document  que  nous  venons  de  copier  dans  l'étude  du  notaire  Antoine 
Adhémar  et  qui  nous  paraît  inédit.  Comme  cette  pièce  fimrnit  des  ren- 
seignements que  les  annali.stes  ])euvent  utiliser,  nous  la  reproduisons  en 
entier,  mais  non  sans  avoir  rétahli  les  mots  abrégés  (Adhémar  fait  usage 
de  quantité  d'a))réviation)  ni  sans  avoir  modifié  quelque  peu  l'orthogra- 
})he  lorsqu'elle  était  trop  personnelle   : 

Pardevant  Anthoine  Adhémar,  notaire  royal  et  tabellion  de  l'isle  de 
Montréal  en  la  Nouvelle  France  résidant  à  Villemarie  en  la  dite  isle  et 
tesmoins  enfin  nommés  fut  présent  en  sa  personne  sieur  Michel  Sarrazin 
chirurgien  major  des  troupes  du  détachement  de  la  marine  gysant  au  lit 
malade  dans  une  des  salles  de'  l'hospital  Saint- Joseph  de  cette  dite  ville 
qui  servoit  cydevant'd'Esglise  sur  la  rue  Saint-Paul,  mais  sain  d'esprit  et 
d'entendement,  comme  il  est  apj)aru  audit  notaire  et  tesmoins  en  fin  nom- 
més^ Lequel  coirsidérant  l'incertitude  de  toutes  choses  et  principalement 
de  l'heure  de  la  mort  et  craignant  d'en  estre  preveneu  ne  voulant  ])as 
moi;rir  san^Jais.'^er  un  testament  et  sans  avoir  réglé  et  dispo.se  de  ses  biens. 
.Vprès  av(îTr  pensé  au  salut  de  son  âme.  Pour  ces  causes,  il  a  fait,  dicté  et 
nommé  audit  notaire  soussigné,  jjrésence  des  dits  tesmoins  cy-après  nom- 
més, son  testament  et  ordonnance  de  dernière  volonté. 

Au  Jiom  du  Père,  du  Fils  et  du  saint  Esprit,  ain.<y  qu'il  ensuit  : 
Premièrement,  comme  un  vray  (,'hréstien  et  Catholique  a  recommandé  et 
recommande  son  âme  quand  elle  partira  de  son  corps  à  Dieu  le  Créateur, 
Père,  Fils  et  saint  Esprit,  suppliant  Sa  divine  bonté  par  les  mérites  de  la 
]>assion  de  Nostre  Seigneur  Jésus  Christ  et  par  l'intercession  de  la  Glo- 
rieuse Vierge  Marie,  de  Saint  Michel,  son  patron  et  de  tous  les  Saints  et 
Saintes  de  Paradis  le  mettre  et  placer  au  Royaume  des  Cieux  au  nombre 
des  bien  heureux. 

Veut  et  entend  le  dit  sieur  Testateur  «pie  .<es  dettes  soient  payées  et 


—  o 


18- 


torts  par  luy  faits  sy  aucuns  se  trouvent  réparés  par  le  sieur  Exécuteur 
du  présent  testannent  cy-après  nommé. 

Item  fait  son  testament  de  Cinq  sols  pour  estre  aumosnés  en  la  ma- 
nière accoutumée. 

Item  désire  et  ordonne  que  son  corps  soit  inhumé  et  enterré  au  ci- 
juetière  de  la  paroisse  de  cette  ville  et  que  ses  honneurs  funèbres,  prières 
et  services  soient  faits  en  l'église  paroissiale  de  cette  dite  ville  ainsy  que 
ledit  Sieur  Exécuteur  de  son  présent  testament  le  jugera  à  propos. 

Item  donne  et  lègue  aux  pauvres  dudit  hospital  St-Joseph  de  cette 
dite  ville  afin  qu'ils  se  souviennent  de  luy  en  leurs  prières  la  somme  de 
six  cents  livres,  argent  de  ce  pays  pour  une  fois  payer. 

Item  donne  et  lègue  aux  Sieurs  La  Source,  St  Amands  et  La  Sonde 
chirurgiens  demeurant  en  cette  dite  ville,  tous  les  livres  de  chirurgie 
qu'il  a  et  luy  appartiendront  à  l'heure  de  son  décès,  lesquels  ils  partage- 
ront esgallement  entre  eux. 

Item  donne  et  lègue  à  Magdeleyne  Bonnefoy  sa  mère  veuve  de  sieur 
Claude  Sarrazin  demeurant  à  Gilly,  en  Bourgogne,  en  l'ancienne  France, 
l'usufruit  et  jouissance,  pendant  sa  vie  seulement,  de  tous  les  biens  pro- 
pres que  le  dit  sieur  Testateur  a  et  luy  appartiendront  en  ladite  ancienne 
France  au  jour  de  son  décès. 

Déclarant  ledit  sieur  testateur  qu'il  luy  est  deub  par  monsieur  le 
Trésorier  de  la  marine  pour  restes  tant  de  sa  gratification  et  de  ses  ap- 
pointements, environ  la  somme  de  mil  livres,  argent  de  France  ; 

Comme  déclare  ledit  sieur  Testateur  qu'il  a  envoyé  en  France  l'an- 
née dernière,  des  effets  pour  lesquels  il  a  mandé  de  luy  envoyer  des  bar- 
des et  autres  choses  suivant  ses  mémoires  qu'ils  luy  devront  la  présente 
année  ou  suivantes  et  dont  ledit  I]xécuteur  testamentaire  a  une  parfaite 
eonnaisçance.  ' 

Et  à  l'esgard  de  tous  les  autres  biens  meubles,  acquêts  et  conquets 
immeubles  que  le  dit  sieur  testateur  a  et  luy  appartiendront  au  jour  de  son 
décès  en  ce  dit  pays  de  la  Nouvelle  France  avec  sesdits  appointements  et 
gratifications  et  ce  quy  luy  doit  venir  de  France  la  présente  année  oju 
suivante,  en  conséquence  des  effets  quil  y  a  voit  envoyé  l'année  dernière 
ainsy  qu'il  l'a  dit  et  déclaré  cy-dessus,  ledit  testateur  veut  que  ledit  Exé- 
cuteur de  son  présent  testament  les  distribue  et  emploie  selon  l'ordre  et  la 
prière  qu'il  luy  en  a  fait. 

Et  pour  exécuter  et  accomplir  ledit  présent  testament  Iceluy  aug- 
menter plutôt  que  diminuer  ledit  sieur  testateur  a  nommé  Messire  Es- 

V 


--  o 


19- 


tienne  Guyotte  prêtre  et  curé  de  l'Eglise  paroissiale  de  cette  dite  ville  de 
Villemarie  son  bon  ami,  le  prie  d'en  prendre  la  peine  Icelhuy  augmenter 
j)lutot  que  diminuer  ezmaius  duquel  il  s'est  dessaisi  de  tous  sesdits  biens 
scis  et  scitnés  en  ce  pays  de  la  Nouvelle  France  et  ceux  quy  luy  doivent 
venir  de  France  la  présente  année  ou  suivantes  jusques  à  la  valeur  et  ac- 
complissement du  présent  testament,  voulant  qu'il  en  soit  saisi  suivant 
la  coutume,  révoquant  tous  autres  testaments  et  codicilles  qu'il  pourroit 
avoir  fait  avant  celui-ci  auquel  seul  il  s'arreste  comme  estant  sa  dernière 
volonté. 

Ce  fut  ainsi  fait  dicté  et  nommé  par  ledit  sieur  Sarrazin  testateur 
audit  notaire  présence  desdits  tesmoins  en  fin  nommés  et  par  ledit  notaire 
on  présence  des  dits  témoins  audit  sieur  testateur  leu  et  releu  iceluy  pré- 
sent testament  qu'il  a  dit  bien  entendre  et  veut  qu'il  soit  exécuté  selon  sa 
iorme  et  teneur  en  la  dite  salle  dudit  hospital  quy  servoit  cy-devant  d'es- 
glise  seize  sur  la  rue  Saint  Paul  où  il  est  au  lit  malade,  l'an  mil  six  cent 
quatre  vingt  douze,  le  treiziesme  jour  d'Aoust  après  midy,  en  présence 
des  sieurs  Pierre  Cavellier  marchand  et  George  Pruneau  praticien,  tes- 
moins demeurant  audit  Villemarie  soussignés  avec  led  sieur  testateur  et 
notaire  suivant  l'ordonnance. 

SAKUAZIN,  G.  PRUNEAT,      P.  L'AVELLIEK,      ADHEMAK, 

no're 

La  générosité  du  testateur  envers  ses  confrères  uoiib  semble  particu- 
lièrement intéressante  :  ce  doit  même  être  le  seul  professionnel  ayant  eu 
l'excellente  idée  d'aider  ses  confrères  en  cette  façon  et  ce  legs  constitue 
un  de  ces  traits  à  noter  dans  la  vie  d'un  homme. 

Les  trois  confrères  que  le  testateur  gratifie  l'assistaient  sans  doute, 
dans  sa  maladie  et  devaient  être  attachés  à  l'Hôtcl-Dieu.  Ils  étaient 
bien  connus  et  c'est  pourquoi  le  notaire  ne  les  désigne  que  par  leurs  so- 
briquets, alors  qu'il  aurait  dû  écrire,  au  long  :  Dominique  Thaumur  dit 
la  Source,  Jean-Baptiste  Maublant  dit  Saint-Amant  et  Jean-Baptiste  Le 
Riche  dit  la  Sonde. 

I^e  chirurgien  Sarrazin,  grâce  à  sa  constitution,  sinon  àr  ses  confrères 
de  Montréal,  triompha  de  la  maladie.  Quelques  mois  plus  tard,  il  tra- 
versait l'Atlantique  pour  aller  parfaire  ses  études  à  Paris. 

Il  devait  revenir  à  Montréal.  Une  première  fois,  il  avait  cru  nous 
abandonner  sa  dépouille  mortelle,  la  seconde  fois,  il  n'y  laissa  que  son 
"célibat",  assez  mûr  du  reste,  car  le  savant  médecin,  comptait  cinquante- 


820 


ti'ois  |)riiitonii)s  l()i-s(|U(>  !o  20  juin  171î2,  il  é{)()USH  à   Ville-Marie,  Mario- 
Aiiiic-rrsule  llazciii-.  ;~i  itciiic  âgée  de  '^higt  ans. 

Dernier  (lo'lail  curieux  et  ((ue  l'on  tivmve  dans  A  travers  les  reyisire.s 
(le  Mgr  Tanguay   :  "Imi  juin   170"3,  Michel  Sarra;^  était  le  seul  médecin 

(lu  l'oi,  (lii!is  l;i   X<)U\cllc-l''r;inc('  c-t  ses  appointements  étaient   de  (iOO  li\-res 
]iar  an,  sans  aucune  i'i''ti'il)ut ion  (ic  la  pari  de  ses  ])atients". 

K.-Z.  MAS-Sl COTTE 


UN  ANCIEN  SECRETAIRE  DU  CHEVALIER 
DE  LEVIS 


MgT  Tiinguay.  à  )n  page  490  du  volume  VI  de  son  DictioMîmiiv  fAéncalo- 
}ii(|uo,  mentionne  Pierre  Raby,  sergent  au  régiment  de  Cîuienne,  fils  de  Claude 
Itaby  et  de  Jeanne  Bompart,  de  la  Salle,  diocèse  d'Ambrun,   en  Dauphin*. 

Pierre  Raby  épousa,  à  la  Pointe-aux+Trembles  de  Montréal,  le  22  novem- 
bre 1756.,  Gabrielle-Françoise  Br'ouillet,  puis,  en  secondes  noces,  à  Terrebon- 
ne,  le  4  février  17C5,  Marguerite  Lepage.  , 

Ce  Pierre  Raby  doit  être  l'ancêtre  des  Raby  de  la  région  de  Montréal. 

Dans  un  document  datant  de  17(53  Pierre  Raby  est  mentionné  comme 
"ancien  secrétaire  de  M.  de  chevalier  de  Lévis". 

Voilà  un  titre  dont  ses  descendants  peuvent  être  fiers. 

P.  G.Jl. 


BERNÏERES  DE  LOUVIGNY 


Le  grand  vicaire  de  l'évêque  de  Quéliec  était  de  Normandie.  Sa  famille 
avait  été  anoblie  eji  1587.  En  16GC,  Guy  Chamillart  donne  ce  tableau  gé- 
néalogiciue  on  faisant  sa  rochorrhc  de  la,  noblesse  dans  la  g^éralité  de  Caen   : 

l'II.RlîF. 

l'Icrio     .loaii 


"arloiiu'nt    ili-    Nor- 
iiu'urant  à  St-.Ican 


Mari<'>  à   .\l:p!(l!.'iiH'  l.c   Hrcidii  eu    1  !'>-•; 

RollamI  lie  I '.cMiiiii  (S  sr  vie  l.oUN'i.mi.v  Consci  i  !ei'  : 
mandie,  né  1529  de  la  ville  de  Caen. 

Jean,  Ecr,  sr  de  Gavrus  Trésorier  de  M  mic  -À  Caen 
de  Caen  né  1633.  •  -  ■ 

Henri,  Ptre  grand  vicaire  de  Mgr  de  Petrée  à  Québec,  né  1635. 

Jean-Baptiste  Ecr  sr  de  Vaubesnard,   paroisse  St-"Jean  de  Caen,   né   ](>o9 

Michel,  Ecr,  sr  de  Venoix,  iiaroisse  de  St-Jean  de  Caen  né  1641. 

S'il  y  eut  des  filles,  elles  ne  sont  pas  nommées. 

REGIS   FiOY 


y^ 


BULLKTIiN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVI  BEàUCEVILLE-=  NOVEMBRE  1920         No   11 

Ce  que  le  gouverneur  de  Callières  pensait  de  nos 
officiers  militaires  en  1701 


En  1701,  la  colonie  de  la  Nouvelle-Frante  avait  pour 
la  défendre  contre  les  attaques  des  sauvages  et  des  Anglais 
vingt-huit  compagnies  de  ti'oupes  composées  de  soldats 
surtout  recrutés  en  France.  Bien  peu  de  ces  soldats  étaient 
originaires  du  pays.  Ces  vingt-liuit  compagnies  avaient 
pour  officiers  vingt-huit  capitaines,  vingt-huit  lieutenants 
et  vingt-trois  enseignes  en  pied.  On  comptait  en  outre 
parmi  ces  officiers  un  capitaine  reformé  et  quatorze  lieu- 
tenants reformés.  La  plupart  des  officiers  étaient  des 
Français  de  la  vieille  France.  Une  quinzaine  peut-être 
sur  les  quatre-vingt-quatorze  officiers  des  troupes  étaient 
des  enfants  du  pays  et  encore  étaient-ils  tous  fils  d'officiers 
venus  de  là-bas.  On  voit  que  notre  part  dans  les  faveurs 
militaires  était  plutôt  maigre.  Il  nous  manquait  un  ap- 
point qui  alors  conmie  aujourd'hui  était  l'argument  le  plus 
])uissant  auprès  des  gouvernants,  l'influence. 

La  littérature  militaire  pour  être  concise  n'en  est  pas 
moins  extrêmement  intéressante  et  fort  importante  pour 
l 'histoire  ;  nous  allons  essayer  de  le  prouver  j)ar  une  sim- 
]de  pièce  qui,  dans  le  fond,  n'était  qu'un  rapport  ordinaire 
d'un  chef  militaire  à  son  supérieur. 


—  322  — 

Le  15  octobre  1701,  le  gouverneur  de  Callières  en- 
voyait au  ministre  un  état  des  officiers  des  troupes  servant 
au  Canada  a|)ostillé  de  leurs  qualités  et  services.  M.  de 
Callières  ne  consacre  pas  plus  de  quatre  ou  cinq  lignes  à 
chaque  officier,  cependant  son  état  nous  donne  leur  pedi- 
gree mieux  que  ne  pourrait  le  faire  le  meilleur  de  nos  his- 
toriographes même  après  des  années  de  recherches.  C'est 
que  M.. de  Callières  parlait  d'après  les  renseignements  que 
lui  avaient  fournis  les  officiers  eux-mêmes.  Nous  donnons 
ici  les  apostilles  de  M.  de  Callières.  Il  va  sans  dire  que  les 
prénoms  des  différents  officiers  ont  été  ajoutés  par  nous. 
Sous  le  régime  français,  on  avait  la  très  mauvaise  habitude 
de  ne  désigner  les  individus  que  sous  leurs  noms  de.  famille 
ou  de  terre.  De  là,  les  difficultés  de  nos  historiens  pour 
identifier  avec  sûreté  des  personnages  qui  ont  joué  des 
drôles  assez  importants. 

CAPITAINES 

Claude  de  Ramezay:  "Le  sieur  de  Ramezay,  capi- 
taine et  commandant  les  troupes." 

Pierre  de  Saint-Ours:  "Le  sieur  de  St-Ours,  natif 
de  Grenoble  en  Dauphinay,  âgé  de  58  ans,  a  esté  fait  en- 
seigne à  14  ans  et  capitaine  à  20  ans  dans  le  régiment  de 
Carignan  qui  vint  en  Canada  en  1664  et  eut  une  commission 
de  capitaine  au  dit  pays  en  1687  où  il  est  marié." 

François  Lefebvre  Duplessis  Fabert:  "Le  sieur  Du- 
plessis  Fabert,  natif  de  Paris,  âgé  de  54  ans,  a  esté  enseigne 
dans  le  régiment  de  Navarre  en  1664,  lieutenant  dans  Dar- 
bouville  le  30  octobre  1665,  cai^itaine  reformé  en  Candie 
dans  le  régiment  de  Saint- Vallier  en  1669,  capitaine  en 
l)ied  dans  le  mesme  régiment  en  1671  et  capitaine  en  pied 
en  Canada  en  1687  où  il  est  marié.  '  ' 

Jean  Bouillet  de  la  Chassaigne:  "Le  sieur  de  la 
Cliasseigne,  natif  de  Paray,  dans  le  comté  de  Charolais, 
âgé  de  46  ans,  a  esté  fait  enseigne  dans  le  régiment  de  Na- 
varre en  1673,  lieutenant  dans  le  même  régiment  en  1675, 
capitaine  dans  le  régin^ent  de  Condé  le  17  août  1677  et 


—  323  — 

capitaine  en  Canada  en  1687  où  il  est  marié.  Il  est  bon 
officier.  " 

Nicolas  Daneau  de  Muy:  "Le  sieur  Dumiiis,  natif 
de  Beauvais  en  l.'isle  de  France,  âgé  de  48  ans,  a  esté  fait 
lieutenant  en  1674,  capitaine  en  1678  et  capitaine  en  Ca- 
nada en  1685  où  il  est  marié." 

Jacques  LePicard  Dumesny  de  Noré:  '*Le  sieur  Du- 
mesny  de  Noré,  natif  de  Caën,  âgé  de  40  ans,  a  esté  fait 
garde  de  la  marine  en  1677,  enseigne  de  vaisseau  en  1684, 
ca]:)itaine  en  Canada  la  même  année,  lieutenant  de  vais- 
seau en  1692,  est  marié  en  Canada." 

Daniel  Auger  de  Subercase:  "Le  sieur  Subercase, 
natif  de  Bear,  âgé  de  38  a;is,  est  venu  capitaine  en  Canada 
en  1687,  fait  major  des  troupes  en  1693,  et  enseigne  de 
vaisseau  en  1695.    Bon  officier." 

Raymond-Biaise  des  Bergères:  "Le  sieur  des  Ber- 
gères, natif  d'Orléans,  âgé  de  46  ans,  a  servy  pendant  sept 
ans  dans  la  seconde  compagnie  des  Mousquetaires  du  Roy, 
envoyé  capitaine  en  Canada  en  1685,  où  il  estait  marié  et 
est  veuf  depuis  près  de  deux  ans.  '  ' 

Guillaume  de  Lorimier:  "Le  sieur  Lorrimier,  natif 
de  Paris,  âgé  de  46  ans,  fait  sous-lieutenant  dans  le  régi- 
ment de  la  Reine,  le  20  mars  1673,  lieutenant  dans  le  même 
régiment  le  15  septembre  1676,  lieutenant  de  la  1ère  com- 
pagnie des  grenadiers  dans  le  même  régiment  le  2  sep- 
tembre 1679,  capitaine  en  Canada  le  10  septembre  1685, 
où  il  est  marié." 

François  Le  Verrier  de  Rousson:  "Le  sieur  Le  Ver- 
rier, natif  de  Paris,  âgé  de  42  ans,  a  servi  dans  la  première 
compagnie  des  Mousquetaires  du  Roy  deux  ans,  cornette 
de  cavalerie  dans  le  régiment  de  Varennes  en  1675,  lieute- 
nant reformé  et  en  pied  dans  le  régiment  de  la  Valette 
l'espace  de  deux  ans.  Reformé  en  1686,  capitaine  en  Ca- 
nada en  1687  où  il  sert  actuellement  et  enseigne  de  vaisseau 
en  1695." 

Charles-Henry,  marquis  d'Aloigny  de  la  Groix:  "Le 
sieur  de  la  Grove  est  au  fort  Frontenac.     Bon  officier." 


—  324  — 

Charles  LeMoyiie,  baron  de  Longueuil  :  "Le.  sieur  de 
Longueuil,  natif  de  Canada,  âgé  de  45  ans,  a  esté  fait  lieu- 
tenant dans  le  régiment  de  Saint-Laurent  en  1680,  lieute- 
nant en  Canada  en  1687,  capitaine  reformé  le  12  janvier 
1691  et  capitaine  en  pied  le  29  février  de  la  mesme  année, 
marié  et  établi  au  dit  pays.      Bon  officier." 

Daniel  de  Greysolon  Duluth:  "Le  sieur  Duluth,  na- 
tif de  Saint-Germain  la  Vallée  en  Forêt,  âgé  de  62  ans; 
en  l 'année  1665  est  entré  dans  les  Gens  d 'armes  du  Roy  où 
il  est  resté  jusqu'en  1675,  a  esté  fait  capitaine  reformé  en 
Canada  le  2  janvier  1691  et  capitaine  en  pied  au  dit  païs 
le  25  mars  1696.    Bon  officier." 

Joseph-Alexandre  de  l'Êstringuan  de  Saint-Martin: 
"Le  sieur  de  St-Martin  Viabon,  natif  de  Saint-Benoist- 
le  Fleury  sur  la  Loire,  âgé  de  45  ans,  a  esté  fait  lieutenant 
reformé  dans  le  régiment  de  la  marine  en  1673  et  lieutenant 
en  pied  dans  la  même  année,  il  a  esté  fait  garde  de  la  mari- 
ne en  1684,  et  est  venu  la  mesme  année  lieutenant  en  Cana- 
da, capitaine  refomié  en  1690,  enseigne  de  vaisseau  en 
1695,  et  capitaine  en  pied  en  1697,  où  il  est  marié.  '  ' 

Paul  LeMoyne  de  Maricourt:  "Le  sieur  de  Mari- 
court,  âgé  de  36  ans,  natif  de  Canada,  où  il  a  servy  en 
qualité  d'officier  subalterne  depuis  l'année  1686  jusqu'en 
1691  qu'il  a  esté  fait  capitaine  et  enseigne  de  vaisseau  en 
1694,  marié  et  étably." 

Jacques  LeVasseur  de  Néré:  "Le  sieur  LeVasseur 
de  Nerré,  natif  de  Paris,  âgé  de  37  ans,  a  esté  fait  capi- 
taine en  pied  dans  le  régiment  d'Anjou,  en  1691,  fait 
capitaine  reformé  et  garde  de  la  marine  avec  ordre  de  ve- 
nir en  Canada  en  qualité  d'ingénieur  en, 1693,  et  fait  capi- 
taine en  pied  au  dit  pays  de  Canada  en  1694  où  il  sert  ac- 
tuellement et  où  il  a  sa  famille.  Il  est  bon  officier  et  bon 
ingénieur.  '  ' 

Charles  P.etit  de  l'Evilliers:  "Le  sieur  Petit  de 
l'Eyilliers,  natif  du  diocèse  de  Soissons,  âgé  de  40  ans,  a 
esté  fait  garde  de  la  marine  en  1683,  est  venu  enseigne  des 
troupes  en  Canada  en  1687,  fait  lieutenant  reformé  en 


1 


—  825  — 

3690,  capitaine  reformé  en  1693  et  capitaine  en  pied  la 
mesme  année,  enseigne  de  vaisseau  en  1695,  marié  en  Ca- 
nada. " 

Antoine  de  LaMotte  Cadillac:  ''Le  sieur  de  la  Motte 
Cadillac  au  Détroit.  Bon  officier  ayant  de  la  capacité." 
•  Joseph  Desjordy  Moreau  de  Cabanac:  "Le  sieur  de 
Cabanac,  natif  de  Carcassonne,  âgé  de  45  ans,  a  servy 
lieutenant  reformé  dans  le  régiment  du  Roy,  et  lieutenant 
dans  le  régiment  de  Picardie,  est  venu  lieutenant  et  garde 
de  la  marine  en  Canada,  en  1685,  fait  capitaine  reformé 
en  1694,  enseigne  de  vaisseau  en  1695  et  capitaine  en  pied 
en  1696.    Marié.    Bon  officier."  '     ^ 

François  Desjordy  Moreau  de  Cabanac:  "Le  sieur 
Des j  ourdis,  natif  de  Carcassonne,  âgé  de  35  ans,  est  venu 
lieutenant  en  Canada  en  1685,  fait  capitaine  reformé  en 
1693,  enseigne  de  vaisseau  en  1695,  et  capitaine  en  pied 
au  dit  païs  de  Canada  en  1697  où  il  est  marié.  Bon  offi- 
cier." 

Michel  Godefroy  de  Linctot:  "Le  sieur  de  Linctot 
n'a  i3as  encore  envoyé  l'état  de  ses  services." 

Alphonse  de  Tonty,  baron  de  Paludy:  "Le  sieur  de 
Tonty,  au  Détroit.    Bon  officier  et  capable." 

Pierre- Jacques  de  Joybert  de  Soulanges:  "Le  sieur 
de  Soulanges,  natif  de  Canada,  âgé  de  25  ans,  a  esté  fait 
enseigne  en  1683,  lieutenant  en  1693,  enseigne  de  vaisseau 
en  1695,  et  capitaine  en  1700." 

Chevalier  de  Champigny:  "Le  sieur  chevalier  de 
Champigny  passé  en  France." 

Louis  de  la  Porte  de  Louvigny  :  "Le  sieur  De  Lapor- 
te  Louvigny,  natif  de  Paris,  âgé  de  39  ans,  a  psté  lieutenant 
dans  le  régiment  de  Navarre,  en  1677,  lieutenant  en  Ca- 
nada en  1684,  capitaine  reformé  en  1686,  capitaine  en  pied 
en  1691,  et  enseigne  de  vaisseau  en  1695,  fait  major  des 
Trois-Rivières  le  20  avril  1700,  marié  en  Canada." 

Jean-Maurice- Josué  Boisberthelot  de  Beaucours:  "Le 
sieur  de  Beavicourt  bois  Berthelot,  natif  de  l'evesché  de 
Cornouailles,  âgé  de  36  ans,  a  esté  fait  garde  de  la  marine 
en  1684,  lieutenant  en  Canada  en  1688,  capitaine  reformé 


—  826  — 

en  1691,  enseigne  de  vaisseau  en  1692,  a  fait  les  fonctions 
d'ingénieur  en  1693  et  fat  capitaine  en  pied  en  1701.  Bon 
officier." 

François  de  La  Forest :  ''Le  sieur  de  la  Forest,  natif 
de  Paris,  âgé  de  46  ans,  a  esté  fait  capitaine  en  pied  pour 
servir  dans  l'Amérique  en  1684,  capitaine  reformé  dans 
les  troupes  en  Canada  en  1691,  garde  de  la  marine  en  1694 
et  capitaine  en  pied  dans  les  troupes  de  Canada  en  1701. 
Bon  officier  et  capable." 

Jean-Ba])tiste  Céloron  de  Blainville:  "Le  sieur  de 
Blenville;   on  ne  les  a  pas  encore  envoyés." 

.^  CAPITAINE  REFORME 

Jean-Baptiste  Le  Gardeur  de  Repentignj^  :  "Le  sieur 
de  Repentigny,  natif  de  Canada,  âgé  de  70  ans,  fait  capi- 
taine reformé  en  1689  dans  les  troupes  que  Sa  Majesté  y 
entretient  et  où  il  sert  actuellement,  marié  et  estably.  Il 
est  homme  de  bonne  conduitte  et  capable.  '  ' 

LIEUTENANTS 

De  Martelly  :  "Le  sieur  de  Martelly,  natif  de  Toulon, 
a  esté  fait  lieutenant  reformé  en  Canada  en  1695  et  lieu- 
tenant en  pied  au  dit  pays  en  1700." 

René  Le  Gardeur  de  Beauvais:  "Le  sieur  Le  Gar- 
deur de  Beauvais,  natif  de  Québec,  en  Canada,  âgé  de  41 
ans  ,a  été  fait  lieutenant  reformé  en  1688,  lieutenant  en 
pied  en  1690  et  garde  de  la  marine  en  1694,  marié.  Bon 
officier." 

François  Mariauchau  d'Esgly:  "Le  sieur  Desglis, 
natif  de  Paris;  âgé  dé  35  ans,  a  esté  fait  enseigne  de  la 
colonelle  du  régiment  de  Daupliinay  en  1688,  lieutenant 
dans  les  troupes  de  Canada  en  1691  et  lieutenant  en  pied 
en  1696." 

Pierre-Noël  Le  Gardeur  de  Tilly:  "Le  sieur  Le 
Gardeur,  natif  de  Canada,  âgé  de  49  ans,  a  esté  fait  ensei- 
gne en  1688,  lieutenant  reformé  en  1690  et  lieutenant  en 
pied  en  1692,  marié  et  étably.    Bon  officier." 


...  327  — 

Nicolas  d 'Ailleboust  de  Menteht:  "Le  sieur  de  Men- 
tet,  natif  de  Canada,  âgé  de  38  ans,  a  esté  fait  enseigne  en 
1687,  lieutenant  reformé  en  1688,  et  lieutenant  en  pied  en 
1689,  marié  et  étably." 

Pierre  Le  Gardeur  de  Repentigny:  "Le  sieur  de 
Repentigny  fils,  natif  de  Canada,  âgé  de  44  ans,  a  servy 
deux  ans  en  qualité  d'enseigne,  deux  ans  en  qualité  de 
lieutenant  reformé  et  sert  depuis  dix  ans  en  qualité  de 
lieutenant  en  pied,  marié  et  étably.    Bon  officier." 

Jacques-Charles  de  Sabrevois:  "Le  sieur  de  Sabre- 
voye,  natif  de  Beauce,  âgé  de  36  ans,  a  servy  lieutenant 
reformé  dans  le  régiment  de  l'affaire  (  ?)  en  1682,  est  venu 
lieutenant  reformé  en  Canada  en  1685  et  lieutenant  en 
l)ied  en  1688,  servant  actuellement  >en  la  dite  qualité,  ma- 
rié.   Bon  officier." 

Jean-Paul  Le  Gardeur  de  Repentigny  de  Saint- 
Pierre:  "Le  sieur  de  Saint-Pierre  Repentigny,  natif  de 
Canada,  âgé  de  40  ans,  a  esté  fait  lieutenant  en  1689  servant 
actuellement  en  la  ditte  qualité,  marié  et  étably." 

Christophe  Dufros  de  la  Jemerais:  "Le  sieur  de  la 
Jemeraye,  natif  de  Bretagne,  âgé  de  38  ans,  fait  garde  de 
la  marine  en  1683,  passé  en  Canada  en  qualité  d'enseigne 
en  1687,  lieutenant  reformé  en  1690,  lieutenant  en  pied 
en  1691,  et  enseigne  de  vaisseau  en  1695.     Bon  officier." 

Pierre  d 'Ailleboust  d' Argent  euil:  "Le  sieur  d'Ar- 
genteuil,  natif  de  Canada,  âgé  de  42  ans,  a  esté  fait  lieu- 
tenant reformé  en  1690  et  lieutenant  en  pied  en  1694,  ma- 
rié." 

Dervilliers  de  la  Boissière:  "Le  sieur  Dervilliers, 
natif  de  Paris,  âgé  de  26  ans,  a  esté  fait  enseigne  en  Cana- 
na  en  1696,  et  lieutenant  en  j)ied  en  1700." 

Mongenault:  "Le  sieur  de  Mongenault  est  en  Fran- 
ce." 

François  Le  Guantier  de  Rané:  "Le  sieur  de  Ranay, 
natif  de  Poitou,  âgé  de  41  ans,  a  esté  fait  garde  de  la  ma- 
rine en  1685,  est  venu  lieutenant  reformé  en  1687  et  fait 
lieutenant  en  pied  en  1692,  marié.    Bon  officier." 


-  328  — 

Jacques-Charles  Renaud  Du  Buisson:  "Le  sieur 
Dubuisson,  natif  de  Paris,  âgé  de  35  ans,  a  servy  en  Ca- 
nada en  qualité  de  cadet  i)endant  10  ans,  fait  enseigne 
l'eformé  en  1696  et  lieutenant  en  pied  en  1698.  Bon  offi- 
cier." 

Constant  LeMarcliand  de  Lignery:  "Le  sieur  de 
Ligneris,  natif  de  Tourennes,  âgé  de  38  ans,  a  esté  fait 
lieutenant  dans  le  régiment  d'Auvergne  en  1675,  fait  garde 
de  la  marine  en  1683,  venu  lieutenant  reformé  en  Canada 
en  1687  et  fait  lieutenant  au  dit  païs  en  1690,  marié  et 
étably.      Bon  officier.  '  ' 

Etienne  de  Vildonné:  "Le  sieur  de  Vildené,  natif 
de  Paris,  âgé  de  35  ans,  a  servy  en  Canada  en  qualité  de 
cadet  pendant  3  ans,  fait  enseigne  reformé  en  1687,  fait 
prisonnier  par  les  Iroquois  en  1689,  lieutenant  reformé 
à  son  retour  en  1692,  et  lieutenant  en  pied  en  1696,  marié." 

Josei)li- Antoine  de  Frenel  de  la  Pipardière:  "Le 
sieur  de  la  Pipardière;  on  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses 
services.  '  ' 

Jacques  Testard  de  Montigny:  "Le  sieur  Montigny, 
natif  de  Canada,  âgé  de  37  ans,  fait  enseigne  reformé  en 
1690,  enseigne  en  pied  en  1692,  lieutenant  à  l'Acadie  en 
1693,  garde  de  la  marine  la  mesme  année  et  en  1687  est 
revenu  en  Canada  pour  y  servir  en  qualité  de  lieutenant 
où  il  sert  actuellement,  marié.    Bon  officier." 

Bertrand  de  Persillon  :  "Le  sieur  de  Persillon,  natif 
de  Béar,  âgé  de  38  ans,  a  esté  fait  garde  de  la  marine  en 
1-684  et  venu  lieutenant  en  Canada  en  1687  où  il  sert  actuel- 
lement en  la  ditte  qualité." 

Augustin  Le  Gardeur  de  Courtemanclie  :  "Le  sieur 
de  Courtemanche,  natif  de  Canada,  âgé  de  37  ans,  a  esté 
fait  enseigne  en  1690,  lieutenant  reformé  en  1691  et  lieu- 
tenant en  pied  en  1692,  marié.  Bon  officier,  brave  homme 
et  de  bonne  conduite." 

Antoine  de  Planiblle:  "Le  sieur  de  Planiolle,  natif 
de  Montpellier,  âgé  de  45  ans,  a  esté  lieutenant  dans  le 
régiment  d'Anjou  en  1678  et  venu  lieutenant  en  Canada 


I 


. ._.  329  — 

en  1687,  où  il  sert  actuellement  en  la  ditte  qualité,  marié, 
a  un  brevet  de  la  marine  en  1694." 

Denis  D'Estienne  de  Clerin:  "Le  sieur  Clerin,  natif 
d'Aix,  en  Provence,  âgé  de  41  ans,  a  esté  sous-lieutenant 
dans  le  régiment  de  Vendosme  en  1672,  a  servy  mareschal 
des  logis  dans  les  dragons  de  la  Reine  en  1680,  cornette 
dans  le  même  régiment  en  1682,  a  eu  une  commission  d'en- 
seigne reformé  en  Canada  en  1685,  enseigne  en  pied  au  dit 
l)aïs  en  1687,  lieutenant  reformé  en  1691,  et  lieutenant  en 
pied  en  1695,  faisant  les  fonctions  d'ayde-major  de  la 
ville  de  Montréal  depuis  12  ans,  où  il  est  marié.  Bon  offi- 
cier et  s 'acquittant  bien  de  son  devoir." 

Pierre  Robineau  de  Bécancour:  "Le  sieur  de  Bécan- 
court,  natif  de  Canada,  est  en  France." 

.  M.  de  la  Monnerie:  "Le  sieur  de  la  Monnerie,  natif 
de  Poitou,  âgé  d^  44  ans,  a  esté  sous-lieutenant  dans  le 
régiment  de  Nouailles  en  1675,  lieutenant  dans  le  même 
régiment  en  1677,  venu  en  Canada  en  1685  où  il  a  esté  fait 
sous-lieutenant  et  lieutenant  en  pied  en  1691.  A  un  brevet 
de  garde  de  la  marine  en  1694,  marié.    Bon  officier." 

Pierre  Bécard  de  Grandville  :  Le  sieur  de  Grandville; 
natif  de  Paris,  âgé  de  55  ans,  a  esté  enseigne  et  lieutenant 
dans  le  régiment  de  Poitou  pendant  6  ans,  est  venu  en 
Canada  lieutenant  dans  le  régiment  de  Carignan  en  1665 
et  fait  lieutenant  dans  les  troupes  que  Sa  Majesté  y  entre- 
tient présentement,  en  1686,  marié.    Bon  officier." 

Paul  d'Ailleboust  de  Périgny  :  "Le  sieur  de  Périgny, 
natif  de  Canada,  âgé  de  40  ans,  a  esté  fait  lieutenant  re- 
formé en  1690  et  lieutenant  en  pied  en  1696,  marié  et  éta- 
bly." 

Alexandre  LeNeuf  de  Beaubassin:  "Le  sieur  de 
Beaubassin,  natif  de  Canada,  âgé  de  35  ans,  a  esté  fait 
garde  de  la  marine  le  2  avril  1687,  enseigne  en  1691,  lieu- 
tenant reformé  en  1693  et  lieutenant  en  1696." 

J ean-Louis  de  La  Corne  :  "Le  sieur  de  La  Corne  est 
en  France." 


-  330 


LIEUTENANTS  REFORMES 

Jean-Baptiste  Hertel  de  Rouville:  "Le  sieur  de 
Rouville,  natif  de  Canada:  on  n'a  pas  reçu  l'état  de  ses 
services,  mais  il  est  bon  officier." 

Jean-Baijtiste  de  Saint-Ours:  "Le  sieur  de  Saint- 
Tours  fils,  natif  de  Canada,  âgé  de  32  ans,  sert  depuis  10 
ans  en  qualité  d'enseigne  et  de  lieutenant  reformé." 

René  Frérot:  "Le  sieur  Frérot,  natif  de  Canada, 
âgé  de  26  ans,  a  servy  longtemps  cadet  dans  les  troupes  de 
ce  pais  et  fait  lieutenant  reformé  en  1696.    Bon  officier." 

Zacharie-François  Hertel  de  La  Frenière  :  "Le  sieur 
de  La  Fi'enière,  natif  de  Canada  :  on  n'a  pas  envoyé  l'état 
de  ses  services." 

François  Le  Mondion  de  Mongaron  de  la  Canterie: 
"Le  sieur  de  Mondion,' 'ùatif  de  l'archevêché  de  Tours,  âgé 
de  36  ans,  a  servy  dans  les  Cadets  de  Brisai  en  1682,  a 
esté  fait  garde  de  la  marine  en  1684,  et  passé  en  Canada 
en  qualité  d'enseigne  en  1688  et  lieutenant  reformé  en 
1694,  servant  actuellement  en  la  dite  qualité  et  ayant  fait 
les  fonctions  d 'ayde-ma j  or  pendant  six  ans.    Bon  officier.  '  ' 

Jacques  du  Gué  :  "Le  sieur  Duguay,  natif  de  Canada, 
il  est  détaché  au  Détroit.    Bon  officier.  '  ' 

Grédéon  de  Catalogne:  "Le  sieur  de  Catalogne,  natif 
de  Béar,  âgé  de  38  ans,  est  passé  en  Canada  en  qualité 
de  cadet  en  1683,  fait  enseigne  en  1687  et  lieutenant  re- 
formé en  1691,  marié.    Bon  officier." 

Pierre-Thomas  Tarieu  de  la  Pérade:  "Le  sieur  de 
la  Pérade,  natif  de  Canada,  âgé  de  25  ans,  a  servy  depuis 
l'année  1687  en  qualité  de  cadet  jusqu'en  1689  qu'il  fut 
fait  enseigne  et  lieutenant  reformé  en  1694.    Bon  officier.  '  ' 

Philippe  Le  Saunier  de  Saint-Michel:  "Le  sieur  de 
Saint-Michel,  natif  de  Caen,  âgé  de  39  ans,  a  servy  pendant 
5  ans,  dans  les  dragons  en  qualité  de  maréchal  des  logis 
et  5  autres  années  sous-lieutenant  dans  le  régiment  de 
Piedmont  et  passé  en  Canada  en  qualité  de  cadet  en  1687, 
fait  enseigne  reformé  en  1688,  enseigne  en  pied  en  1693 
et  lieutenant  reformé  en  1694." 


—  331  — 

Jules  Le  Foiirnier  Du  Vivier:  "Le  sieur  de  Vivier, 
natif  de  Normandie,  âgé  de  36  ans,  a  servy  dans  les  Cadets 
de  Brisac  en  1682,  fait  sous-lieutenant  dans  le  régiment 
de  Languedoc  en  1684,  passé  en  Canada  en  1687  où  il  fut 
fait  enseigne  reformé  et  lieutenant  en  1694,  marié.  Bon 
officier.  '  ' 

M.  de  Chacornade:  "Le  sieur  de  Chacornade,  natif 
de  Picardie,  âgé  de  29  ans,  est  entré  dans  les  cadets  de 
Louvigny  en  1690,  en  est  sorty  en  1692  pour  sous-lieutenant 
dans  le  régiment  d'Agenois,  lieutenant  dans  le  régiment 
Royal-vaisseaux  en  1693  et  est  venu  lieutenant  reformé 
en  Canada  en  1694.    Bon  officier." 

Zacharie  Robutel  de  La  Noue  :  "Le  sieur  de  La  Noust, 
natif  de  Canada:  on  n'a  pas  encore  Pétat  de  ses  services, 
mais  bon  officier.  " 

Léon  de  Langy:  "Le  sieur  de  Langy,  natif  de  Poi- 
tou, âgé  de  31  ans,  est  entré  dans  les  cadets  à  Besançon  en 
1682,  passé  en  Canada  en  1687  où  il  a  porté  le  mousquet 
jusqu'en  1691  qu'il  a  esté  fait  enseigne  en  pied  et  lieute- 
nant reformé  en  1696." 

François  Hertel:  "Le  sieur  Hertel,  paire,  natif  de 
.   Canada." 

ENSEIGNES  EN  PIED 

Louis-Philippe  de  Rigaud  de  Vaudreuil:  "Le  sieur 
chevalier  de  Vaudreuil,  natif  de  Canada,  âgé  de  11  ans,  a 
esté  fait  enseigne  en  pied  en  1694." 

Pierre  de  Saint-Ours:  "Le  sieur  chevalier  de  Saint- 
Tours,  natif  de  Canada,  âgé  de  25  ans,  a  esté  fait  enseigne 
en  pied  en  1693." 

Louis- Joseph  Morel  de  la  Durantaye:  "Le  sieur  de 
la  Durantais  fils,  âgé  de  27  ans,  a  servy  en  qualité  de  cadet 
depuis  1687  jusqu'en  1690  qu'il  fut  fait  enseigne  reformé 
et  enseigne  en  pied  en  1692." 

Jacques  Hertel  de  Cournoyer:  "Le  sieur  de  Cour- 
noyers,  natif  de  Canada." 

François  Amariton  :  "Le  sieiir  Amariton,  natif  d'Or- 
.  léans,  est  en  France." 


—  332  — 

René  Boucher  de  la  Périère:  ''Le  sieur  de 'la. Per- 
rière, natif  de  Canada:  on  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses 
services,  mais  bon  officier." 

Alexandre  Bertliier  de  Vilmur:  "Le  sieur  Berthier, 
natif  de  Canada,  âgé  de  26  ans,  a  esté  garde  de  la  marine 
en  1686,  enseigne  reformé  en  1689,  et  enseigne  en  "pied  en 
1691.    Bon  officier." 

Frédéric-Louis  Herbin:  "Le  sieur  Herbin,  natif  de 
Versailles,  âgé  de  24  ans,  passé  en  Canada  en  qualité  d'en- 
seigne dans  les  troupes  en  1688." 

Jean  Delaur  de  Balancin:  "Le  sieur  Delaur,  natif 
de  Bear,  âgé  de  20  ans,  fait  enseigne  en  pied  en  Canada 
en  1700." 

Nicolas  des  Bergères  de  Rigauville:  "Le  sieur  des 
Bergères  fils,  natif  d'Etampes,  âgé  de  22  ans,  passé  en 
Canada  en  1685,  où  il  a  servy  en  qualité  de  cadet  jusqu'en 
1696  qu^il  a  esté  fait  enseigne  en  pied." 

François  de  Selles  de  Marbrelle  :  "Le  sieur  de  Selles  : 
on  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses  services." 

Pierre  Boucher  de  Boucherville  :  "Le  sieur  de  Bou- 
cherville,  natif  de  Canada,  âgé  de  48  ans,  a  esté  fait  ensei- 
gne reformé  en  1688  et  enseigne  en  pied  en  1691,  marié." 

Bobé  de  Villiers:  "Le  sieur  de  Villiers,  natif  de 
Nantes,  âgé  de  19  ans,  est  passé  en  Canada  en  1696  en 
qualité  de  cadet  et  fait  enseigne  en  pied  en  1700." 

Le  sieur  de  la  Plante. 

Quentin  de  La  Salle  :  "Le  sieur  de  La  Salle,  natif  de 
Paris,  âgé  de  27  ans,  est  passé  en  Canada  en  qualité  d'en- 
seigne en  1696,  1er  niay  1701,  fait  enseigne  de  Costebelle 
à  Plaisance." 

Daniel  Migeon  de  la  Gauchetière:  "Le  sieur  de  la 
(lauchetière,  natif  de  Canada,  âgé  de  28  ans,  a  esté  fait 
garde  de  la  marine  en  1692  et  enseigne  en  pied  en  1693.'- 

Etienne  de  Miré  de  l'Argenterie:  "Le  sieur  de  l'Ar- 
genterie:  on  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses  services." 

M.  Duplessis:  "Le  sieur  Duplessis  fils,  natif  de  Ca- 
nada, âgé  de  12  ans,  a  esté  fait  enseigne  en  pied  en  1700," 


—  338  — 

Claude  de  Ramezay  :  "Le  sieur  de  Ramezay  fils,  natif 
de  Canada,  âgé  de  10  ans,  a  esté  fait  enseigne  en  pied  en 
1700." 

Noël  Chartrain.  ' 

Pierre  Fournier  de  BeUeval:  *'Le  sieur  de  Belleval, 
natif  de  Paris,  âgé  de  38  ans,  a  serw  en  Canada  en  qualité 
de  eadet  pendant  12  ans,  et  a  esté  fait  enseigne  en  1700/' 

René-Louis  Fournier  du  Figuier:  "Le  sieur  Four- 
nier du  Figuier,  natif  de  Canada,  âgé  de  24  ans,  a  esté 
sous-lieutenant  dans  le  régiment  de  Guienne  en  1693  et  est 
venu  en  Canada  en  1694  en  qualité  d'enseigne  où  il  sert 
actueUement.     Bon  officier." 

François-Marie  Margane  de  Batilly:  "Le  sieur  de 
Batilly,  natif  de  Canada,  âgé  de  28  ans,  a  servy  en  qualité 
de  cadet  depuis  Tannée  1688  jusqu'en  1690  qu'il  a  esté  fait 
enseigne  en  pied,  servant  actuellement  en  la  dite  qualité." 

P.-G.  R. 


JEAN-FRANCOIS  iMAILHIOT 


Né  à  Montréal  le  4  novembre  1692,  du  mariage  de  J.ean  Mailhiot,  mar- 
chand, et  de  Madeleine  Marchand. 

Il  fut  d'abord  marchand. 

Le  19  février  1740,  l'intendant  Hocquart  donnait  à  Mailhiot  une  com- 
mission pour  agir  comme  lieutenant-particulier  en  la  juridiction  de  Montréal, 
attendu  la  maladie,  le  grand  âge  et  les  infirmités  de  M.  Raimbault,  lieute- 
nant-général. 

M.  Mailhiot  décéda  à  Montréal  le  29  janvier  1756. 

On  voit  dans  la  lettre  postulatoire  de  l'abbé  Mathieu  Falcoz,  vice-pro- 
moteur du  diocèse  de  Québec,  au  vicaire-général  de  l'évêque  de  Québec,  com- 
missaire établi  pour  informer  des  faits  miraculeux  attribués  à  Mgr  de  Lau- 
berivière.  que  M.  Mailhiot  fut  guéri  miraculeusement,  par  l'attouchement  d'une 
relique  du  saint  évêque. 

^  "M.  Mailhiot.  dit  l'abbé  Falcoz,  était  tombé  dangereusement  malade, 
dans  le  mois  d'avril  1742,  d'un  crachement  de  sang  abondant  et  continu 
pendant  douze  jours  consécutifs,  avait  ressenti  des  douleurs  si  vives  dans 
toutes  les  parties  de  son  corps  et  se  serait  senti  tellement  épuisé  que,  sans 
sommeil,  sans  force,  sans  mouvement,  presque  sans  respiration,  on  n'espérait 
plus  rien  de  sa  vie,  et  on  attendait  à  chaque  moment  qu'il  rendît  les  derniers 
soupirs.  Une  personne  pieuse  et  pleine  de  confiance  aux  mérites  de  Mgr  de 
Lauberivière,  et  de  foi  en  tout  ce  qui  avait  servi  à  son  usage,  lui  attacha,  vis- 
à-vis  là  poitrine,  une  petite  partie  de  ses  habits.  Dans  le  moment  même,  le 
crachement  de  sang  cessa,  les  douleurs  se  dissipèrent,  la  respiration  se  fit 
librement,  le  sommeil  revint  et  il  fut  parfaitement  guéri." 


334 


FONDEURS  DE  CLOCHES  AU  CANADA 


Dans  le  Bulletin  de  juillet  1920,  un  correspondant  demande  des 
renseignements  au  sujet  des  fondeurs  de  cloches  au  Canada.  Nous  lui 
livrons  bien  volontiers  les  quelques  notes  que  nous  avons  recueillies  A  ce 
sujet. 

L'abbé  de  la  Tour  écrivait  dans  ses  Mémoires  sur  la  Vie  de  Mgr  de 
Laval,  p:  172:  "Sur  la  fin  de  l'année  1664,  M.  l'évêque  fit  la  bénédiction 
des  trois  premières  cloches  du  Canada  qui  jusque  là  n'avait  eu  que  quel- 
ques elophettes:   ces  cloches  furent  fondues  dans  le  pays."  (1) 

-Après  avoir  cité  ces  derniers  mots,  l'abbé  Auguste  Gosselin  ajoutait: 
"Ce  qui,  il  faut  bien  l'avouer,  semble  bien  difficile  à  croire."  (2) 

Eh!  bien,  l'historien  la  ^Tour  n'a  pas  fait  erreur  et  les  trois  cloches 
dont  on  fit  la  bénédiction  solennelle  à  la  fin  de  l'année  1664,  avaient  été 
fondues  au  Canada,  A  Québec  même.  On  en  a  la  preuve  très  claire  dans 
le  compte  que  rend  de  son  administration,  Damours,  marguillier  en  charge 
pour  l'exercice  allant  du  19  novembre  1663  A  ])areil  jour  1664.  Ce  comp- 
te, arrêté  le  7  juin  1665,  ])orte  les  signatures  do  :  Damours,  H.  de  Ber- 
nières,  Charles  Aubert,  lluette  d'Auteuil,  Huboust  des  Longchamps,  Ju- 
chereau  de  la  Ferté,  Madrv,  de  Lettre  (3). 

Au  chapitre  des  dépenses,  on  trouve  plusieurs  item  concernant  les 
futures  cloches:  achats  de  mitraille  (4),  de  cuivre,  d'étain,  etc,  le  tout 
recueilli  un  peu  partout:  à  Québec,  dans  les  environs  et  jusqu'à  l'île 
d'Orléans.  André  Julien,  cliaudronnier,  en  fournit  à  lui  seul  un  bon  lot. 
On  ramassa  ainsi,  pour  la  somme  de  240  francs  environ,  entre  cinq  et  six 
ceiits  livres  de  matériaux. 

La  fabrique  ])aye  ensuite  A  Charles  Philippeau,  serrurier,  treize 
livres  pour  "la  ferrure  des  moules  des  cloches",  et  256  Ibs,  pour  "les 
battante  des  dites  cloches". 


(1)  En  1646,  M.  de  Montmagny  donna  à  la  paroisse  une  cloche  de  100 
livres  placée  dans  le  clocher,  l'année  précédente,  et  appartenant  à  la  Com- 
pagnie. 

Robert  Hache  fit  don  en  1650  d'une  cloche  de  1.000  livres;  elle  arriva 
en  1651.  Jolie  clochette  !  (Cf.  Catalogue  des  Bienfaiteurs  de  N.-D.  de  Re- 
couvrance,   arch.   du  Sém.   de  Québec). 

(2)  Henri  de  Dernières.      Ipd.  in-12,  p.   146. 

(3)  Archives  du  Séminaire  de   Québec. 

(4)  C'est  tout  simplement  de  la  ferraille. 


—  335  — 

N'est-ce  pas  que  ces  livres  de  comptes  soiit  impayables?  Mais  il  y  a 
mieux  encore:  "Douiu'  au  Sr  Hamonuet,  oOlbs.lO.  sur  ce  (|ue  la  paroisse 
lui  doit  pour  la  fonde  (sic)  des  cloches."  Et  l'on  trouve  de  ces  entrées 
jusqu'en  1665,  montant  à  la  somme  de  2081bs.8s.  (o). 

Il  n'y  a  donc  pas  de  doute  possible,  on  fondait  des  cloches  au  Canada 
dès  1664.     Le  fondeur  se  nommait  Jean  Hamonnet  ou  Amounet  (6). 

Dans  un  contrat  du  29  octobre  1664,  (Duquet),  il  est  qualifié  de 
maître-fondeur  et  Becquet  écrit  le  4  mars  1666:  "maître-fondeur  au  dit 
pays".  Le  recensement  de  1666  l'inscrit  sous  le  nom  de  Jean  Amounet, 
maître-fondeur,  38  ans;  celui  de  1667  porte:  Jean  Hammonnet,  45  ans. 
Il  avait  bien  vieilli  dans  les  derniers  douze  mois  ! 

Xous  ne  ])ouvons  dire  si  Hamonnet  eut  l'occasion  de  fondre  ici  d'au- 
tres cloches  que  celles  de  la  cure  de  Québec.  Combien  de  tempe  demeure- 
t-il  au  pays?  Nous  l'ignorons.  Tanguay  ne  le  mentionne  même  pas  non 
plus  que  son  frère  Pierre,  âgé  de  1?  ans,  inscrit  au  recensement  de  1667. 

Le  3  octobre  1712,  à  Beauport,  Pierre  La  Tour,  "maîti'e-f ondeur . . . 
demeurant  depuis  quelque  temps  au  dit  Beauport"  17),  convolait  en 
troisième  noces  avec  Catherine  Chevalier  (8). 

Peu  après,  j^eut-être  au  commencement  de  1713,  il  entreprenait  la 
fonte  de  quatre  cloches  destinées  respectivement  aux  églises  ou  cliapelles 
de  Boucherville,  de  Bonsecours,  de  Montréal,  de  la  mission  de  Saint- 
François  et  de  Saint-Nicolas.  "Le  compte  des  quatre  cloches  que  le 
Sieur  La  Tour  a  fondu"  (sic,)  est  sous  lios  yeux  (9). 

On  avait  envoyé  de  Boucherville  trois  cloches  cassées:  l'une  pesant 
]98  livres,  la  seconde  196  et  la  plus  petite,  83.  De  ces  477  livres  de  métal, 
La  Tour  tira  une  cloche  du  poids  de  425^/^  livres.  Elle  coûta  248  Ibs.  10 
sols  dont  212  Ibs  10  pour  la  façon  et  le  reste  pour  les  fournitures. 

Bonsecours  avec  une  cloche  cassée  de  75  livres  ne  pouvait  prétendre 
avoir  un  bourdon.  La  Tour  lui  en  fondit  une  de  97  livres  grâce  à  vingt- 
deux  livres  de  métal  prises  sur  ce  qui  était  resté  de  celle  de  Boucherville. 


(5)  Pour  les  comptes  de  1665.     Arch.  de  N.-D.  de   Québec. 

(6)  Il  signait  Amonnet  dans  Fillion  le  8  nov..  1664;  hamounet  dans 
ÏJuQuet,  le  29  oct.,  1664,  et  hamonnet,  d'une  belle  écriture,  dans  Becquet,  le 
4   mars   1666;     nous  avons  vu   nous-même  ces  signatures  au  greffe. 

(7)  Notes  sur  les  Archives  de  N.-D.   de   Beauport,  Langevin. 

(8)  Tanguay,  Dict.  gén..  vol.  V,  p.  185. — D'après  le  contrat  de  mariage 
passé  devant  Chambalon  le  23  sept.  1712,  La  Tour  était  fils  de  Louis,  huissier 
au  siège  présidial  de  Saintes,  et  de  Marthe  Michel,  veuf,  en  1ères  noces,  de 
Renée  Dubois  et,  en  secondes,  de  Jacquette  L^vas.seur. 

(9)  Archives  du  Sém.  de  Québec. 


—  836  — 

Il  fit  la  même  chose  pour  la  vieille  cloche  de  110  livres  que  lui  avait  en- 
voyée le  P.  LeBruii,  missionnaire  de  St-Franeois,  il  y  ajouta  les  trente 
livres  restant  de  celles  de  Boucherville  et  fit  ainsi  une  cloche  de  140 
livres  qui  coûta  196  Ibs.  Nous  n'avons  pas  de  détails  pour  la  cloche  de 
Saint-Nicolas;  nous  savons  seulement  que-  le  curé,  M.  Picart,  devait 
payer.  Ces  cloches  furent  fondues  à  Beau  port  comme  il  appert  par  un 
des  item  du  compte. 

Trois  ans  plus  tard,  en  1716,  La  Tour  est  à  Québec  et  demeure  rue 
8ault-au-Matelot  (10).  Le  11  mai,  par  contrat  passé  devant  Chambalon, 
il  entreprit  de  fondre  une  cloche  de  1,800  livres  pour  la  paroisse  de  Qué- 
bec (11).  Mais  en  voilà  assez  pour  celui-ci  ;  passons  plutôt  à  un  troisième 
et  ce  sera  le  dernier. 

M.  Pécher,  curé  de  Québec,  écrivait  dans  son  Journal  le  27  octobre 
1757  (13)  :  "On  fond  à  Beauport  la  petite  cloche  de  la  paroisse  qui  doit 
j)eser  1,500  livres;  le  métal  ayant  manqué,  les  anses  de  la  cloche  sont 
restées  imparfaites  n'ayant  ])as  plus  de  cinq  à  six  pouces  au-dessus  de  la 
cloche."  Mauvaise  affaire!  Mais  le  15  novembre  le  bon  curé  note  que 
"le  fondeur  de  cloches  a  suppléé,  à  Beauport,  par  ime  nouvelle  fonte,  les 
anses  de  la  3e  cloche  de  Québec  en  perçant  le  cerveau  de  cette  cloche  et 
y  faisant  couler  du  métal  pour  Joindre  en  dedans  du  cerveau  les  dites  anses 
les  unes  aux  autres." 

L'auteur  nous  apprend  enfin  que  la  bénédiction  solennelle  de  cette 
cloche  eut  lieu  le  88  novembre.  M.  Bigot,  représenté  par  Daine,  en  étant 
le  parrain  et  Mademoiselle  Daine,  la  marraine. 

Il  ne  manquait  plus  que  le  nom  du  fondeur.  Nous  sommes  allé  le 
demander  aux  livres  de  comptes  de  la  paroisse.  Au  chapitre  des  dépenses, 
année  1757,  après  avoir  noté  des  achats  de  mitraille  Jusqu'à  la  somme  de 
320  livres,  nous  sommes  arrivé  à  l'item  suivant: 

"Payé  A  Etienne  Simonneau  fondeur  pour  façon  de  la  3e  cloche  pe- 
sante 1758  livres  et  pour  la  gratification  accordée  par  la  fabi'ique  suivant 
quittance  :   803  Ibs  4  sols." 

Avec  ce  qui  {)récède,  il  est  assez  démontré  que,  sous  le  régime  fran- 
çais, on  fondait  des  cloches  au  Canada. 

AMEDEE   GOSSELIN,   ptre 


(10)  Beaudet,   Recensement  de   Québec,    1716. 

(11)  Greffe  de  Chambalon. 

(12)  Archives  du  Sém.   de  Québec. 


337  — 


NOTES  HISTORIQUES  SUR  LANORAIE  (D 


Lanoraie  occupe  sur  le   Saint-Laurent  une  étendue  d'environ  trois 
lieues  sur  deux  de  profondeur.     Le  relief  présente,  une  suite  de  bandes 
longitudinales  parallèles  au  fleuve  :  la  zone  agricole  d'une  largeur  moyenne 
de  quinze  à  vingt  arpents     est  comjwsée  de  marne,     d'argile  et  de     terre 
noire;    la  pinière,  sorte  de  terrasse  sablonneuse  couronnée  de  forêts  de 
conifères  et  de  bouleaux,  de  maigres  pâturages  et  de  quelques  champs  de 
seigle;   en  contre-bas,  la  "savanne",  dépression  lacustre  au  sol  spongieux 
recouvert  de  bois  de  sapin  et  d'épi  nette,  et  au  fond  de  laquelle  coulent  en 
sens  contraire,  après  avoir  presque  mêlé  leurs  sources,  les  petites  rivières 
Saint-Joseph  et  Saint-Jean.       Celle-ci  présente  ce  curieux  phénomène  de 
remonter  l'espace  de  trois  lieues  en  amont  du  fleuve  où  elle  se  jette  à 
Lavaltrie  après  avoir  contourné  la  pinière.     Le  sol  va  en  s'élevant  gra- 
duellement à  la  Petite-Pinière  et  surtout  à  Saint-Henri  qui  contient  quel- 
ques bonnes  fermes  et  de  riches  "sucreries".     Au  dehi  de  Saint-Henri, 
autre  dépression  occupée  par  la  forêt  à  laquelle  font  suite  des  marécages 
dangereux,  riches  seulement  en  bluets  et  en  atocas.    A  l'est  de  la  paroisse, 
à  Dautray,  la  topographie  est  sensiblement  la  même,  mais  la  pente  géné- 
rale est  plutôt  dirigée  vers  le  fleuve.     La  rivière  Saint-Joseph  draine  les 
eaux  du  Petit-P'ois,  région  agricole  très  fertile,  et,  à  son  embouchure,  aux 
limites  de  la  paroisse,  actionne  les  roues  du  vieux  moulin  seigneurial. 
De  nombreux  ruisseaux  naissent  au  pied  de  la  pinière  et,  coulant  au  fond 
de  tranchées  parfois  très  larges,  divisent  toute  la  zone  avoisinant  le  fleuve 
en  longs  rectangles  à  l'extrémité  inférieure  desquels  s'élèvent  les  maisons 
et  leurs  dépendances  tout  près  du  "chemin  du  roi".     Au  centre  de  la  pa- 
roisse, gros  village  de  780  âmes  (1909),  avec  son  pensionnat,  son  école 
modèle  de  garçons,  son  moulin  à  scie  et  à  farine,  ses  épiceries,  ses  ^Hbou- 
cheries",  sa  forge,  etc. .  .     L'industrie  —  chaussures  et  vernis  —  n'a  guère 
réussi  à  s'acclimater.     La  plus  grande  partie  du  village  trouve  dans  la 
navigation  une  honnête  subsistance  sinon  toujours  l'aisance.     La  paroisse 
a  joui  autrefois  d'une  grande  prospérité;   aujourd'hui  elle  est  plutôt  sta- 
tionnaire,  étant  tro])  e.xclusivement  composée  des  deux  seules  classes  de 


(1)    Extrait  d'une  intéressante  brochure  de  M.  l'abbé  Desrosiers,  Le  Sacré- 
Coeiu*  de  Lanoraie. 


-  338  — 

cultivîitcurs  et  de  navigateurs.  Elle  fut  l'une  des  plus  lentes  à  se  peupler, 
quoiqu'elle  comprenne  deux  des  plus  anciennes  seigneuries  de  la  Nouvelle- 
France,  Dautray  et  La  Noraye. 

En  effet,  la  concession  de  Dautray  à  Jean  Bourdon,  ingénieur  royal, 
d^te  du  1er  décembre  1637,  deux  ans  après  la  mort  de  Champlain.  D'une 
étendue  de  deux  lieues  de  profondeur  sur  une  demi-lieue  le  long  du  fleuve, 
elle  fut  doublée  à  peine  dix  ans  plus  tard.  Est-ce  une  preuve  que  le  sei- 
gneur concessionnaire  l'habitait  ?  Peut-être,  si  l'on  considère  les  avan- 
tages de  ce  fertile  endroit  protégé  par  la  garnison  du  fort  Richelieu  et 
situé  dans  le  voisinage  de  l'île  Saint-Ignace  qui  était  alors  un  grand 
marché  de  pelleteries.  Il  est  probable  que  Jean  Bourbon  céda  ses  droits 
au  sieur  Dautray,  puisqu'en  1673  le  nom  de  ce  dernier  est  cité  dans  l'acte 
de  concession  du  fief  voisin  d'Orvilliers  ou  d'Antaya.  M.  Dautray  habita 
j)robableraent  sa  seigneurie  et  y  fit  construire  une  chapelle  desservie  par 
le  curé  de  Saurel.  En  1681,  Dautray  comptait  vingt-deux  âmes.  Le 
recensement  de  1685  en  fait  aussi  mention.  En  1688,  M.  de  la  Noraye, 
du  régiment  de  Carignan,  les  sieurs  Lessart  et  autres  obtiennent  le  terri- 
toire situé  entre  Dautray  et  Lavaltrie,  et  comprenant  deux  lieues  de  pro- 
fondeur. Ce  n'était  que  la  confirmation  d'un  titre  acquis  depuis  longtemps. 
L'acte  de  concession  dit  en  effet  que  le  fief  de  la  Noraye  a  été  concédé  il 
y  a  plus  de  trente  ans  au  sieur  Sevestre  qui  mourut  quatre  ans  après, 
léguant  sa  seigneurie  à  plusieurs  cohéritiers  "qui  ne  purent  en  venir  au 
partage. . .  de  sorte  que  les  dits  lieux  sont  restés  inhabités." 

L'année  suivante,  les  Iroquois,  maîtres  des  deux  rives  du  Saint- 
Laurent  entre  Montréal  et  les  Trois-Rivières,  massacraient  tout  sur  leur 
passage.  A  Dautray,  tous  les  colons  périrent  ainsi  que  le  seigneur.  Cette 
belle  campagne  resta  longtemps  déserte.  M.  de  Catalogne,  qui  a  recueilli 
les  traditions  du  grand  massacre,  dit  en  1709:  "A  Berthier,  il  y  a  peu 
d'habitants;  à  La  Noraye  et  à  Antaya  encore  moins;  à  Dautré,  depuis  le 
massacre  général,  il  n'y  en  a  plus.  A  Lavaltrie,  la  plus  grande  partie  des 
terres  sont  redevenues  en  taillis." 

M.  de  la  Noraye  se  désintéressa  sans  doute  d'une  propriété  si  exposée 
aux  incursions  des  Iroquois,  et  cela,  d'autant  plus  volontiers  qu'il  avait 
obtenu  un  autre  fief  sur  la  rivière  Sainte-Anne.  Quoi  qu'il  en  soit,  les 
deux  seigneuries  de  La  Noraye  et  de  Dautray  passent  en  1724  aux  mains 
du  sieur  J.-B.  Neveu,  colonel  des  miliciens  de  Montréal,  lequel  s'emprfesse 
d'exploiter  son  vaste  domaine  qu'il  .vint  habiter.  ï^n  1738  on  signale 
un  fourneau  à  goudron  à  Dautray.     M.  Neveu  défriche  des  terres,  cons- 


—  339  — 

truit  (à  Laiioraie)  une  église  et  un  presbytère,  deux  moulins,  Fuii  à  seie, 
l'autre  à  farine,  plusieurs  autres  bâtiments,  maisons  et  granges,  encourage 
même  par  des  avances  considérables  l'établissment  de  ses  tenanciers.  Il 
fait  tant  et  si  bien  qu'il  obtient  du  roi,  le  4  juillet  1739,  la  prolongation 
de  sa  double  seigneurie  et  sur  la  même  largeur,  jusqu'à  la  rivière  l'As- 
somption. L'augmentation  qui  atteignait  les  Laurentides  au  nord,  triplait 
j)resque  l'étendue  du  domaine  primitif.  Sept  ans  auparavant  (1732), 
Messire  J.-Aug.  Mercier,  le  premier  curé  en  titre  de  Lanoraie,  ouvrait  le 
premier  registre  de  la  paroisse.  i 

Citons  quelques-unes  des  familles  primitives:  Bourbon,  Bonin,  Ber- 
geron,  Codère,  Dalcourt,  Desrosiers,  Goulot,  Laliberté,  Marion,  Robillard, 
etc..  La  population  s'était  rapidement  accrue;  elle  atteignait  déjà 
315  âmes  en  1739  et  dix  ans  plus  tard  Lanoraie  pouvait  équiper  44  mili- 
ciens et  Dautray  31.  Grâpe  à  la  générosité  de  Messire  Gaillard,  alors 
curé  de  Berthier,  qui  fournit  les  matériaux,  et  du  seigneur  Neveu  qui 
donna  le  terrain,  Messire  Dunière  fît  édifier,  bien  en  vue  sur  la  côte, 
la  deuxième  église  de  Lanoraie  (1744).  Elle  était  construite  en  pierres 
de  taille  et  mesurait  quatre  vingts  ])ieds  par  quarante.  Pour  consolider 
l'oeuvre  religieuse  déjà  commencée,  M.  Xeveu  fît  don  à  la  fabrique  d'une 
terre  de  trois  arpents  sur  quarante  (1753).  Trois  ans  plus  tard  la  pa- 
roisse recevait  pour  la  première  fois  la  visite  de  l'évêque  de  Québec  qu'elle 
ne  devait  revoir  que  treize  ans  après. 

C'est  que  la  cession  du  Canada  à  l'Angleterre,  en  1763,  rendait  sin- 
gulièrement difficile  l'administration  religieuse  du  pays.  Le  clergé 
li'augmentait  pas  en  proportion  de  la  population  catholique  à  desservir; 
la  noblesse  canadienne  disparaissait  rapidement.  Le  vieux  seigneur  de 
Dautray,  J.-B.  Neveu,  et  son  fils  Pierre  étaient  décédés:  ils  furent  inhu- 
més à  Lanoraie.  La  seigneurie  passa  à  François  Neveu  qui,  en  1771,  la 
vendit  au  seigneur  de  Berthier,  James  Cuthbert.  Elle  fut  léguée  par  ce 
dernier  à  son  troisième  fils  Ross,  qui  la  laissa  à  ses  nombreux  héritiers 
qui  la  possèdent  encore. 

Au  point  de  vue  religieux,  Lanoraie  subit  le  sort  de  beaucoup  de  pa- 
roisses d'alors:  de  1785  à  1837,  elle  fut  réunie  à  Lavaltrie  et  mêrtie  à 
Saint-Paul  pour  les  besoins  du  culte.  11  se  fît  cependant  dans  la  paroisse 
des  améliorations  appréciables.  L'église  eut  sa  première  cloche  (1773), 
son  clocher,  une  sacristie  en  pierre,  deux  grancls  tableaux  représentant, 
l'un,'  la  Nativité  de  la  sainte  Vierge,  et  l'autre,  celle  de  saint  Jean-Bap- 


...  340  — 

tiste.     François  Ducharme,  marguillier  sortant,  fut  le  premier  à  remplir 
pendant  un  an  la  charge  de  constable  à  la  porte  de  l'église  (vers  1800). 

Les  visités  épiscopales  étaient  rares:  on  n'en  constate  que  trois  en 
soixante  ans,  en  1768j  1T88  et  1803.  Lanoraie  demande  en  vain  un  curé 
résident.  Elle  peut  avec  Dautray  et  indépendamment  de  Lavaltrie  pour- 
voir à  la  subsistance  d'un  pasteur,  puisque  les  deux  concessions  réunies 
donnent  en  dîmes,  année  commune,  au  moins  269  minots  de  blé,  2G0 
d'avoine  et  60  de  pois. 

Toutes  les  terres  de  la  grand'côte  sont  concédées;  le  Petit-Bois-  de 
Dautray  est  défriché  depuis  longtemps.  Le  relai  des  chevaux  de  poste 
se  fait  chez  Ijafontaine  (auj.  Lasalle)  où  se  trouve  l'auberge,  à  deux  lieues 
et  seize  arpents  de  Berthier  et  à  trois  lieues  et  seize  arpents  de  Lavaltriè>  ' 
ce  qui  laisse  croire  qu-'il  n'y  avait  pas  d'arrêt  régulier  à  Lanoraie.  Pour- 
tant le  village  prenait  tous  les  jours  une  importance  nouvelle.  De  plus 
on  plus,  s'imposait  la  nécessité  d'ouvrir  des  comiïiunications  avec  le  nord 
de  la  paroisse,  riche  en  boig  de  pins,  d'érables,  de  merisiers  et  même  en 
terre  arable.  Déjà  les  plus  liardis  et  les  plus  entreprenants  des  bûcherons 
avaient . remarqué  la  bonne  qualité  du  sol;  ils  résolurent  de  l'exploiter. 
Vers  1835,  Pierre  Bergeron  s'enfonça  hardiment  dans  la  forêt  et,  décidé 
de  s'y  tailler  un  domaine,  il  commença  le  défrichement  du  rang  de  Saint- 
Henri.  Peu  après  il  s'y  établissait  avec  sa  famille:  il  devenait  ainsi  le 
})ionnier  du  nord  de  la  paroisse.  D'autres  colons  suivirent.  D'abondantes 
moissons  de  seigne  et  même  de  blé  occupèrent  bientôt  les  nombreuses  clai- 
rières taillées  dans  la  forêt.  Ross  Cuthbert  encouragea  ce  mouvement  de 
colonisation  et,  pour  en  assurer  la  continuité,  il  obtient  de  la  fabrique,  et 
en  échange  de  soixante-seize  arpents  de  forêt,  l'autorisation  d'ouvrir  sur 
la  terre  de  la  cure  un  chemin  public  pour  mettre  Saint-Henri  en  commu- 
nication avec  la  grand'côte.  La  population  augmentait  rapidement  :  1,318 
âmes  en  1840,  et  1,797  dans  256  maisons  six  ans  plus  tard.  .  La  fabrique 
concédait  des  emplacements,  et  Messire  Quintal  achetait  les.  premières 
orgues.  C'est  à  cette  époque  aussi  (1850)  que  les  premiers  trains  chargés 
de  bois  et  de  produits  agricoles  arrivèrent  du  nord.  Au  prix  d'efforts 
persévérants,  M.  Joliette  avait  réussi  à  percer  la  forêt  qui  séparait  l'In- 
dustrie (aujourd'hui  Joliette)  du  fleuve,  par  un  petit  chemin  de  fer  encore 
bien  rudimentaire  mais  qui  ouvrait  au  commerce  et  à  l'industrie  une 
immense  région  agricole  et  forestière.  Lanoraie  devenait  de  ce  chef  un 
centre  actif  d'échanges  entre  Montréal  surtout  et  toutes  les  paroisses  du 
nord.     La  physionomie  du  village  se  transforme  rapidement.     Tout  un 


—  341  — 

monde  de  travailleurs  s'y  établit  et  l'aisance  sourit  à  plusieurs.  L'agri- 
culture s'améliore  et  conquiert  de  nouveaux  champs,  les  forêts  sont  exploi- 
tées, les  routes  se  multiplient  et  le  commerce  s'étend. 

Par  bonheur  il  se  trouva  alors  à  la  tête  de  la  paroisse  un  prêtre 
émiuent,  capable  de  se  réjouir  de  cette  prospérité  inouïe  et  d'en  tirer 'tout 
le  profit  possible.  Ce  prêtre  fût  Messire  Alfred  Loranger.  Né  à  Yama- 
chiche  en  1836,  nommé  curé  de  Lanoraie  en  1859,  il  mourut  en  1884, 
après  avoir  mérité  par  ses  vertus,  son  grand  zèle,  ses  oeuvres  nombreuses, 
le  titre  de  second  fondateur  de  Lanoraie.  Il  pensa  à  tout  excepté  à  lui- 
môme;  lui  resta  et  mourut  dans  le  mauvais  presbytère  bâti  en  1838  par 
Messire  Brais.  Dès  1863,  la  belle  église  actuelle  (180  pieds  par  53), 
construite  cette  fois  loin  de  la  côte,  était  consacrée  au  culte.  Deux  ans 
plus  tard  M.  Loranger  y  ajoutait  une  vaste  sacristie  (40  pieds  par  30), 
aussi  en  pierre,  et  faisait  l'acquisition  d'un  carillon  de  quatre  cloches. 
L'année  suivante,  il  fit  enceindre  le  nouveau  cimetière,  entourant  l'église, 
d'un  mur  d'une  longueur  totale  de  près  de  1,000  pieds  et  faisait  bénir  une 
élégante  chapelle  mortuaire  également  en  pierre. 

M.  Loranger  était  aussi  pieux  qu'actif.  Il  établit  plusieurs  confré- 
ries, répandit  la  dévotion  au  Sacré-Coeur  de  Jésus,  et  ne  cessa  de  recom- 
mander la  communion  fréijuente  et  l'exercice  du  chemin  de  la  croix. 
Apôtre  de  la  tempérance,  il  n'eut  de  repos  qu'après  avoir  fait  fermer  les 
buvettes.  Son  oeuvre  d'éducation  est  aussi  très  remarquable.  Avec  le 
produit  des  contributions  généreuses  de  la  fabrique  et  de  ses  paroissiens, 
il  fît  élever  la  même  année  (1874)  une  école  modèle  pour  garçons  qu'il 
confia  aux  Clercs  de  Saint- Viateur,  et  un  vaste  couvent  à  la  fois  hospice 
pour  vieillards,  orphelinat,  pensionnat  et  école  primaire  pour  filles,  sous 
la  direction  des  Soeurs  de  la  Providence.  Il  compléta  son  oeuvre  scolaire 
en  fondant  une  bibliothèque  paroissiale  de  plus  de  trois  cents  volumes.  Sa 
charité  était  inépuisable  :  il  mourut  pauvre,  d'une  maladie  contractée  dans 
l'exercice  de  son  ministère  auprès  d'un  malade  étranger  à  sa  paroisse. 
Aussi  sa  mémoire  est-elle  encore  en  grande  vénération  à  Lanoraie. 

Depuis  1885,  la  paroisse,  au  point  de  vue  du  mouvement  des  affaires, 
n'a  cessé  de  rétrograder.  La  construction  du  Pacifique  Canadien  absorba 
dans  son  vaste  réseau  le  petit  chemin  de  fer  de  Lanoraie  et  mit  ainsi  les 
paroisses  du  nord  en  relations  plus  directes  et  plus  commodes  avec  les 
grandes  villes.  Lanoraie  ne  fît  plus  que  décliner.  Sa  population  tomba 
brusquement  de  2,300  âmes  on  1878  à  1,715,  en  1891.   .    .    . 

L'abbé   ADELARD   DESROSIERS 


-  342  — 


NOS  ANCIENNES  COURS  D'APPEL 


Depuis  la  fondation  de  la  colonie  de  Canada  ou  de  la  Nouvelle-France, 
jusqu'à  l'établissement  du  Conseil  Souverain,  en  1663,  il  n'y  a  réellement 
que  le  Gouverneur,  le  plus  souvent  seul,  qui  ait  exercé  la  prérogative  d'en- 
tendre les  appels.  Toute  la  justice  était  administrée  par  ce  dernier,  en 
compagnie  de  son  secrétaire,  qui  servait  en  même  temps  de  greffier, 
notaire-tabellion,  garde-notes,  huissier,  etc. 

Le  (jrouverneur  était  revêtu  des  pouvoirs  exécutif,  législatif  et  judi- 
ciaire les  plus  amples.     Il  jugeait  souverainement  et  en  dernier  ressort. 

Par  la  Commission  que  reçoit  Champlain  en  1612,  du  Comte  de 
Soissons,  Lieutenant-Général  et  Vice-Roy  de  la  Nouvelle-France,  il  est 
permis  au  dit  Sieur  de  Champlain,  "commettre,  établir  et  constituer  tels 
capitaines  et  lieutenants  que  besoin  sera;  et  pareillement  commettre  des 
officiers  pour  la  distribution  de- la  justice  et  entretien  de  la  police,  règle- 
ment et  ordonnance". 

En  effet,  on  voit  qu'en  1621  (Leclercq  —  Establissement  de  la  Foy, 
tome  I,  }).  186),  dans  la  requête  présentée  au  Roi  de  la  part  clés  habitants 
de  Québec,  par  le  Père  Georges  LeBaillif,  Louis  Hébert  se  donne  le  titre 
de  Procureur  du  Roi;  Gilbert  Courseron,  celui  de  Lieutenant  du  Prévôt, 
et  le  nommé  Nicolas  s'intitule  Greffier  de  la  juridiction  de  Québec, 
(''étaient  là  les  premiers  officiers  de  justice  établis  en  notre  pays  et  le 
commencement  de  l'organisation  judiciaire  au  Canada. 

Dans  une  autre  commission  que  reçoit  Champlain  du  Duc  de  Ven- 
tadeur,  en  1635,  on  y  trouve  encore  les  mêmes  recommandations  concer- 
nant la  justice. 

Dans  la  prolongation  de  la  commission  de  Montmagny  par  le  Roi, 
le  6  juin  1645,  on  lit  ce  qui  suit:  "Comme  aussi  par  forme  de  prévision, 
et  jusqu'à  ce  qu'il  y  ait  des  juges  souverains  établis  sur  les  lieux  pour 
l'administration  de  la  justice,  nous  donnons  pouvoir  au  Gouverneur  et 
aux  Lieutenants  qui  seront  par  vous  établis,  de  juger  souverainement  et 
en  dernier  ressort,  avec  les  chef  et  officiers  de  la  Nouvelle-France  qui  se 
trouveront  près  de  vous,  tant  les  soldats  qu'autres  habitants  des  dits  lieux." 
Il  n'y  a  ])as  de  doute  (jue,  jusque  vers  1621,  il  n'y  avait  pas  d'autre  tribunal 
(le  justice  que  celui  du  Gouverneur.     Cham])]rtin   aurait  donc  exercé  la 


—  343-.- 

prérogative  de  juger  en  Appel  jusqu'à  cette  date  et  très  probablement 
jusqu'à  sa  mort. 

De  1621  jusqu'à  l'établissement  de  la  Sénéchaussée,  vers  1651,  il 
paraît  y  avoir  eu  un  tribunal  quelconque  composé  de  Conseillers,  qui 
administraient  la  justice  inférieure:  le  Gouverneur  agissant  comme  prin- 
cipal justicier  dans  les  causes  de  quelque  importance. 

En  l'année  1646  on  voit  des  procédures  se  faire  par  devant  M.  le 
Gouverneur,  assisté  de  M.  Deschatelets  (Noël  Juchereau),  "licencié  en 
loi",  pour  excès  commises  contre  Jacques  Regnault,  alors  au  service  des 
Mères  de  l'Hôpital,  qu'on  avait  manqué  de  tuer,  pendant  une  ribotte,  le 
mardi-gras,  1646.  En  1648,  MM.  Dechavigny  et  Giffard  sont  membres 
du  conseil  établi  par  Sa  Majesté  en  ce  jjays.  François  Menouël,  chirurgien, 
était  aussi  l'un  des  membres  de  ce  conseil  en  1651. 

M.  de  Lauzon,  qui  arrive  à  Québec  le  14  octobre  1651,  avait  été 
chargé  de  placer  l'administration  de  la  justice  sur  un  pied  plus  régulier. 
La  compagnie  de  la  Nouvelle-France  avait  décidé  que  la  justice  ordinaire 
aurait  pour  chef  un  grand  Sénéchal;  qu'on  nommerait  un  Lieutenant- 
Général  civil  et  criminel  et  pareillement  un  Lieutenant  particulier,  pour 
y  rendre  la  justice  en  première  instance;  les  Appels  ressortissant  devant 
le  gouverneur  qui  avait  pouvoir  de  Sa  Majesté  de  juger  souverainement 
et  en  dernier  ressort  (1).  La  charge  de  Grand-Sénéchal  fut  accordée  à 
Jean  do  Lauzon,  fils  du  nouveau  gouverneur.  Cette  charge  du  Crand- 
Sénéebal  n'était  qu'un  titre  d'honneur  comme  elle  l'est  aiijourd'lmi  dans 
les  provinces  de  *France  (3).  La  justice  était  administrée  au  nom  du 
Sénéchal  par  les  officiers  de  la  Sénéchaussée,  qui  était  un  Lieutenant 
Général  civil  et  criminel,  un  Lieutenant  particulier  et  un  Procureur 
Fiscal. 

Bien  peu  de  documents  légaux  nous  sont  restés  sur  cette  période  qui 
précède  immédiatement  le  Conseil  Souverain.  Toutefois,  l'on  sait  que 
Nicolas  Levieux,  sieur  d'Hauteville,  et  Louis  Théandre  Chartier,  sieur 
de  Lotbinière,  occupèrent  la  charge  de  Lieutenant  Général  en  la  dite 
Sénéchaussée;  le  premier  en  1654  et  le  second  en  1658.  Charles  Sevestre 
on  1656  et  Louis  Jîouer  de  Villeray  en  1660  y  occupent  celle  de  Lieutenant 
particulier.  Les  Appels  de  ce  tribunal  étaient  portés  devant  le  Gouver- 
neur, comme  le  j)rouvent  quelques  jugements  rendus  par  M.  de  Lauzon 
père. 


(1)  Ferland,  I,  p.   40. 

(2)  Latour,  Mémoire  sur  la  vie  de  Mgr  rte  L.aval. 


—  344  — 

Jusqu^à  ce  moment  (1G63)  il  n'y  avait  point  eu,  à  proprement  parler, 
de  véritable  tribunal  d'Appel  dans  la  Nouvelle-France.  Les  gouverneurs 
jugeaient  les  affaires  le  plus  équitablement  possible  sans  s'occuper  outre 
mesure  des  lois  écrites,  convaincus  qu'ils  étaient  de  leur  souveraineté  ; 
on  ne  s'avisait  ])as  d'appeler  de  leurs  sentences. 

CONSEIL    SOUVERAIN 
(1663) 

Enfin,  par  l'édit  de  création  du  Conseil  Souverain  en  avril  1663, 
un  tribunal  d'Appel  se  trouvait  régulièrement  organisé,  pour  entendre  en 
dernier  ressort  toutes  les  affaires,  quelque  minimes  qu'elles  fussent,  civi- 
les et  criminelles,  "donnons  et  attribuons  le  pouvoir  de  connaître  de  tou- 
tes causes  civiles  et  criminelles  pour  juger  souverainement  et  en  dernier 
ressort  selon  les  lois  et  ordonnances  de  notre  royaume". 

Le  Conseil  est  présidé  par  le  gouverneur,  ayant  à  sa  droite  l'Evêque 
et  l'Intendant,  à  sa  gauche,  avec  en  outre  cinq  autres  membres  choisis 
conjointement  par  le  Gouverneur  et  l'Evêque,  les  séances  ayant  lieu  une 
fois  par  semaine.  Le  Conseil  prend  connaissance  aussi  bien  des  causes 
criminelles  que  civiles,  provenant  des  juridictions  inférieures  du  pays. 

Le  25  janvier  1673,  une  ordonnance  de  Frontenac  décide  que  les 
Appels  des  Seigneurs  haut  jiisticiers  se  feront  devant  le  Lieutenant 
Général  dans  chaque  juridiction,  et  non  au. Conseil  Souverain,  comme 
ces  Seigneurs  prétendent  que  leurs  titres  de  concession  leur  donnent  droit. 

Les  cinq  premiers  conseillers  choisis  par  le  Gouverneur  et  l'Evêque 
furent  Louis  Rouer  sieur  de  Villeray;  Jean  Juchereau  sieur  de  la  Ferté; 
Denis- Joseph  Ruette  d'Auteuil  sieur  de  Monceau;  Charles  Legardeur 
sieur  de  T'illy  et  Mathieu  d'Amours  sieur  Deschaufour.  Le  conseil  siège 
autour  d'une  table,  les  parties  plaidant  dans  le  dos  des  conseillers. 

Les  lois  observées  sont  celles  du  royaume  de  France,  et  autant  que 
possible,  suivant  la  forme  et  manière  qui  se  pratiquent  dans  le  ressort  du 
Parlement  de  Paris. 

Dans  ce  C^onseil  Souverain  ou  Supérieur,  tribunal  d'appel  par  excel- 
lence, grandement  amélioré  si  on  le  compare  à  ceux  qui  le  précédèrent, 
le  Gouverneur  y  exerce  encore  une  influence,*, peut-être  trop  considérable 
])()ur  le  bien  de  la  justice^     Ne  yit-on  })as,  en  effet,  qulques-inis  de  ces 


....345  — 

gouverneurs  suspendre  de  leurs  fonctions  des  conseillers  récalcitrants  qui 
étaient  remplacés  par  des  gens  plus  dociles  (3). 

D'après  ce  f|ue  nous  avons  m  des  papiers  du  Conseil  Souverain,  il 
n'y  eut  qu'un  bien  petit  nombre  de  ses  jugements  qui  furent  portés  au 
Conseil  d'Etat  en  France. 

Presque  tous  ceux  qui  ont  écrit  sur  cette  période  du  régime  français 
vantent  les  lois  françaises  de  ce  temps  et  la  manière  équitable  qui  en 
règle  l'exécution.  Ce  qui  nous  a  le  plus  surpris  pendant  cette  période 
judiciaire,  c'est  l'empire  que  semble  avoir  FEtat  sur  l'EgUse,  empire 
subi  sans  trop  de  plaintes. 

REGIME  ANGLAIS 

Pendant  la  périotle  indécise  qui  suit  immédiatement  la  prise  du 
Canada,  de  1760  à  1T64,  on  a  loyalement  laissé  subsister  les  lois  françaises 
et  on  a  essayé,  autant  que  possible,  d'y  administrer  la  justice  comme  sous 
le  régime  français,  comme  le  prescrivait  d'ailleurs  l'article  quarante-deux 
de  la  Capitulation  de  Montréal,  qui  disait  que  les  Français  et  Canadiens 
continueraint  d'être  gouvernés  suivant  la  Coutume  de  Paris:  mais  que 
Amherst  n'avait  pas  voulu  sanctionner  en  répondant:  "They  beeome 
subjects  of  the  King." 

La  Province  est  divisée  en  trois  districts  judiciaires,  Québec,.  Mont- 
réal et  Trois-Rivières. 

Le  deux  novembre  1760,  James  Murray  établit  à  Québec  une  "Cour 
et  Conseil  Supérieur",  qu'il  appelle  aussi  "Conseil  Militaire"  et  "Conseil 
de  guerre"  et  dont  sont  nommés  membres,  les  personnes  suivantes,  tous 
officiers  de  l'armée  anglaise  : 

Le  major  Augustin  Prévost. 

Les  Capitaines  Hector-Théophilus  Cramahé,  James  Barbult,  Ricbar<1 
Baillie,  Hugh  Cameron,  Edmond  Malone,  John  Brown. 

Dans  l'ordonnance  de  Murray,  du  31  octobre  1760,  établissant  des 
Règles  de  pratique  sur  la  manière  de  procéder  dans  les  audiences  du 
Gouverneur  en  son  Hôtel,  ou  au  Conseil  de  guerre,  l'article  sept  prescrit 
que  "les  jugements  qui  seront  rendus  en  notre  Hôtel  à  l'audience  seront 


(3)  C'est  ce  qui  arriva  en  1663,  quand  M.  de  Mézy  voulut  faire  sanc- 
tionner par  le  Conseil  la  nomination  d'un  Syndic  des  habitants.  Il  suspendit 
trois  des  cinq  conseillers  et  les  remplaça  par  d'autres  de  son  choix.  Il  me 
semble  avoir  vu  quelque  part  que  Frontenac  en  usa  de  même  quelques  années 
plus  tard. 


—  346  — 

exécutés  saj)s  a])pel".  On  doit  donc  attribuer  "au  gouverneur  en  son 
Hôtel"  les  pouvoirs  djc  juger  en  dernier  ressort. 

C'était  l'une  des  premières  lois  que  recevaient  nos  ancêtres  du  district 
(le  Québec  de  leurs  vainqueurs. 

Les  délibérations,  plaidoyers  et  registres  de  la  dite  ("our  ou  (Jonseil 
militaire  sont  en  français. 

Jean-Etienne  Cugnet  et  Belcourt  Delafontaine,  Procureurs  généraux, 
dirigeaient  toute  la  procédure  et  sont,  de  fait,  les  juges. 

Le  greffier  est  le  notaire  Jean-Claude  Panet,  qui  a  le  soin  de  la 
rédaction  des  registres  de  la  Cour  et  qui  y  franchise  jusqu'aux  noms  des 
juges  :  James  deviejit  Jacques,  John  devient  Jean,  etc.  Et,  pourtant, 
tous  les  juges  sont  des  militaires  anglais. 

Les  jugements  des  Appels  dans  le  district  de  Québec  n'ont  pas  été 
conservés,  que  nous  sachions;  l'on  ne  possède  que  les  registres  de  la  Cour 
militaire  qui  ne  juge  pas  en  dernier  ressort.  Heureusement  que  les  juge- 
ments des  Appels  du  district  de  Montréal  pour  la  même  période  nous 
sont  restés  et  se  trouvent  au  Secrétariat  Provincial.  On  y  rencontre  une 
ordnonnance  de  Thomas  Gage,  gouverneur  de  Montréal,  en  date  du ^31 
octobre  1760,  dans  laquelle  on  lit  entre  autres  choses: 

"Que  par  le  ])lacart  du  23  septembre,  les  officiers  de  la  milice  dans 
chaque  paroisse  sont  munis  d'autorité  de  terminer  les  différends  qui 
pourraient  survenir  parmi  les  habitants  de  leurs  paroisses,  mais  que  les 
])arties  intéressées  pourraient  rappeler  de  leurs  jugements  par  devant 
l'officier  commandant  les  troupes  du  Roi  dans  le  district  ou  cantonnement 
où  les  parties  résident,  et  que  non  contentés  de  cette  seconde  décision 
les  parties  auraient  droit  d'en  rappeler  devant  nous." 

"Xous  faisons  scavoir  en  conséquence  que  tous  Appels  faits  par 
devant  nous  doivent  être  rédigés  par  écrit  et  remis  entre  les  mains  de 
notre  secrétaire  et  le  jour  que  nous  destinerons  à  les  écouter  et  déterminer 
sera  publié  et  affiché  auqul  jour  les  parties  intéressées  avec  leurs  témoins 
seront  ouis." 

Ceux  qui  exercent  la  charge  de  juges  en  ])remière  instance  dans  la 
chambre  des  milices  de  Montréal,  de  1760  à  1764,  sont  René  Decouagne, 
Mézières,  Neveu  Sevestre,  les  deux  frères  Hervieux,  Fonblanche,  Bondy, 
Rhéaume,  L.  Prud'homme,  Lecomte,  Dupré,  Cheneville,  Ignace  Gamelin, 
Hery  et  Dufy  Desaulnier. 

Presque  tous  sont  des  marchands:  ce  qui  semblerait  donner  raison 
à  Raynal  (Hist.  philos.)  qui  a  écrit  que  c'étaient  des  officiers  des  troupes 


...  347  --- 

qui  jugeaient  les  causes  à  Québec  et  aux  Trois-Riyières,  tandis  qu'à 
Montréai  ces  fonctions  augustes  et  délicates  auraient  été  confiées  à  des 
citoyens  (4). 

Jls  siégeaient  en  la  chambre  du  greffe  et  exerçaient  la  charge  de 
juge  gratuitement  (17  oet.  1761). 

Le- greffier  Panet  y  reçoit  pour  émoluments  30  sols  par  sentence, 
comme  il  recevait  sous  le  régime  français. 

Les  membres  du  Conseil  militaire  du  Gouverneur,  qui  exercent  quel- 
(juefois  conjointement  avec  lui  la  prérogative  de  juger  en  Appel  pendant 
la  même  période,  sont  les  suivants  : 

En  1761  :  Haldimand,  colonel  du  4e  Bataillon  du  Royal  Américain, 
M.  Ord,  Colonel  commandant  de  l'artillerie,  M.  Reid,  Major,  Gabriel 
Christie,  Major  et  Maréchal  de  Logis  de  l'armée. 

1762,  22  mars:  Guillaume  Browning,  Major  du  4:6e  régiment,  Hé- 
bert Munster,  Major  du  4e  bataillon  du  Royal  Américain. 

1763,  21  novembre:  Thos  Falconer,  Capitaine  du  44e  Régiment, 
Président  de  la  Cour  d'Appel,  Capt.  Lient.  Evans,  du  28e  régiment, 
Ijieut.   Denis   Carleton,   Lient.   John   Shepherd,  Lient.   Alexander  Dow. 

1764,  20  janvier  :  Capt.  Charles  Tassell,  (,'om.  du  28e  régiment, 
Capt.  Lient.  William  Johnstone,  Artillerie  Royale,  Capt.  Lient.  Boyle 
Reach,  du  27e  régiment. 

1764,  20  mars:  Capt.  Dunbar,  du  44e  régiment.  Lient.  Olivier 
Shorne. 

Des  394  appels  qui  ont  eu  lieu  dans  le  district  de  Montréal,  du  6 
décembre  1760  jusqu'au  10  août  1764,  c'est-à-dire  pendant  tout  le  règne 
militaires,  trois  causes  seulement  ont  été  entendues  par  le  Gouverneur  et 
son  Conseil,  toutes  les  autres  l'ont  été  par  le  Gouverneur  seul. 

Dans  une  cause  des  Dames  de  la  Congrégation  de  Montréal  contre 
Etienne  Blot,  voiturier  de  Montréal,  la  Chambre  des  milices  rend  jugement 
contre  le  défendeur,  le  2  décembre  1760.  Le  défendeur  Blot  ayant  appelé 
de  cette  décision  devant  le  Gouverneur  Gage,  celui-ci,  quatre  jours  plus 
tard  seulement,  rend  son  jugement  comme  suit  : 

"Ayant  examiné  les  représentations  d'Etienne  Blot  contre  les  Dames 
de  la  Congrégation,  avec  le  bail  et  la  sentence  enjoints,  donnée  par  MM. 


(4)  Dans  la  pétition  des  Canadiens  Catholiques  à.  Sa  Majesté,  du  mois 
de  décembre  1773  (Documents  relating  to  the  constitutional  history  of  Ca- 
nada by  Short  and  Doughty,  Ottawa  1907,  p.  354)  on  confirme  cette  assertion, 
qu'à  Montréal  la  justice  aurait  été  rendue  par  les  citoyens  pendant  le  règne 
militaire. 


-  348  -- 

les  Capitaines  de  milice,  nous  jugeons  cette  sentence  être  juste  et  équi- 
table et  faisons  savoir  qu'elle  est  homologuée  par  nous,  rendue  par  nous 
le  6  décembre  1760.     Thomas  Gage;    par  son  excellence,  (r.  Mathurin." 

Le  Gouverneur  Gage  y  signe  les  registres  comme  gouverneur  de 
Montréal,  du  6  décembre  1760  jusqu'au  21  octobre  1763.  Ealph  Burton 
le  signe  la  première  fois  comme  son  successeur  le  31  octobre  1763,  lorsqu'il 
venait  d'exercer  la  même  charge  aux  Trois-Kivières. 

Dans  les  causes  concernant  le  commerce,  la  Cour  de  milice  nomme 
des  hommes  d'affaires  comme  arbitres,  qui  règlent  ces  choses  comme  sous 
ie  gouvernement  français. 

Si  je  ne  me  trompe  pas,  ces  Appels  devant  le  Gouverneur  étaient 
complètement  gratuits  :  voilà  ce  qui  pourrait  bien  expliquer  le  grand 
nombre  d'Appels  qui  eurent  heu  sous  le  régime  militaire.  Ne  serait-ce 
])as  là  aussi  un  ])eu  l'origine  de  cette  propension  du  Canadien  pour  l'Appel, 
que  l'on  a  souvent  attribuée  à  son  origine  normande  ? 

Les  quelques  notes  du  district  de  Montréal,  rapportées  ci-dessus, 
doivent  servir  à  compléter  les  renseignements  qui  nous  manquent  sur  le 
district  de  Québec:  étant  convaincu  qu'on  a  dû  exercer  la  justice  unifor- 
mément dans  les  différents  districts. 

Ce  qui  a  été  dit  de  Québec  et  de  Montréal  s'applique  également  au 
district  des  Trois-Kivières,  où  le  même  système  judiciaire  avait  été  établi. 

Les  écrivains  qui  ont  écrit  sur  cette  période  de  notre  histoire  ont 
tous  eu  l'air  de  croire  que  la  justice  y  aurait  été  plus  ou  moins  mal  admi- 
nistrée ;  pour  ma  part,  après  avoir  parcouru  les  registres  de  ces  Cours 
militaires,  qui  sont  conservés  aux  Archives  judiciaires  du  district  de  Qué- 
bec et  au  Secrétaire  Provincial,  je  suis  resté  sous  l'impression,  que  les 
nouveaux  sujets  du  Eoi  d'Angleterre,  n'ont  pas  dû  trouver,  sur  ce  point, 
grand  changement  dans  l'administration  de  la  justice,  car  on  y  avait  con- 
servé à  peu  près  tous  les  détails  de  la  procédure  française,  qui  l'avait  im- 
médiatement précédée.  Tout  y  était  français,  moins  les  juges  qui  pa- 
raissent s'être  assez  bien  accommodés  de  la  Coutume  de  Paris  sans  avoir 
eu  la  prétention  de  vouloir  y  mêler  d'aucujie  manière  les  lois  de  l'Angle- 
terre. 

Par  une  ordonnance  du  Gouverneur  Murray,  le  20  septembre  1764  ; 
amendée  et  exphquée  le  12  novembre  suivant  il  est  décrété  que,  tous  les 
ordres,  jugements  ou  décrets  du  Conseil  militaire  de  Québec,  comme  de 
toutes  les  autres  Cours  de  Justice  dans  le  dit  gouvernement,  depuis  la 
^date  de  la  capitulation  de  Montréal,  (8  septembre  1760)  jusqu'à  l'établis- 


—  349  ™  ^ 

semeiit  du  gouvernement  civil  en  cette  province  (10  août  1764)  demeu- 
rent approuvés,  ratifiés  et  confirmés  et  auront  leurs  plein  effet  et  vigueur 
excepté  dans  les  cas  ou  la  valeur  en  litige  a  excédé  la  somme  de  300  louis 
sterling,  ou  il  sera  libre  aux  parties  d'en  appeler  aoi  Gouverneur 
et  Conseil  de  Sa  Majesté  en  cette  province,  pourvu  que  l'Appel  soit  déposé 
au  greffe  du  Conseil,  dans  les  deux  mois.  Si  le  décret  est  confirmé  par  le 
Gouverneur  et  son  Conseil,  il  sera  permis  d'en  appeler  au  Eoi  en  son  ^'on- 
seil  Privé,  pourvu  que  le  montant  en  litige  dépasse  500  louis.  Cette  or- 
donnance est  le  dernier  document  concernant  le  Régime  militaire. 

1764 

A  la  fin  de  l'année  1763,  ou  au  commencement  de  1764,  nous  arri- 
vait comme  une  bombe,  une  Proclamation  Royale  du  Roi  d'Angleterre,  en 
date  du  7  octobre  1763,  par  laquelle  au  mépris  des  capitulations  il  était 
annoncé,  entre  autres  choses  que  nous  serions  à  l'avenir  gouvernés,  "as 
near  as  may  be,  agréable  to  the  laws  of  England". 

Par  la  commission  de  Murray  comme  "Captain  gênerai  and  Gover- 
nor  in  Chief  of  Ûie  Province  of  Québec",  portant  la  date  du  31  novem- 
bre 1763^  pouvoir  lui  est  donné  à  lui  et  son  Conseil,  en  attendant  qu'une 
chambre  élective  soit  instituée,  de  faire  des  lois,  statuts  et  ordonnances 
pour  le  bon  gouvernement  de  la  Province  ;  mais  ces  lois,  "are  not  to  be 
répugnant,  but  as  near  as  may  be,  agréable  to  the  laws  ans  statutes  of 
this  our  Kingdom  of  Great-Britain". 

Par  cette  même  commission,  il  est  exigé  des  serments  atroces  contre 
la  transsubstantiation  (o),  la  puissance  du  Pape,  de  tous  ceux  qui  rece- 
vront un  emploi  quelconque  de  Sa  Majesté,  rendant  ainsi  tout  catholique 
inhabile  à  recevoir  aucun  emploi  public. 

Le  19  septembre  1764  Murray  lance  son  ordonnance  établissant  des 
Cours  de  justice. 

Cette  fois  le  pays  est  divisé  en  deux  districts  seulement,  Québec  et 
Montréal,  divisés  du  côté  nord  par  la  rivière  St-Maurice  et  du  côté  sud 
])ar  celle  appelée  Godefroy. 

Cette  ordonnance  établit  une  Cour  du  Banc  du  Roi  ou  "Suprême 
Court"  ;  une  cour  des  Plaidoyers  communs  et  des  testaments  (Court  of 


(5>  "I,.  .  .  do  déclare  trat  I  do  believe  that  there  is  not  any  transubstan- 
liation  in  the  Sacrement  of  the  I^ord's  Supper,  or  in  the  éléments  of  bread 
and  wine,  at  or  after  the  consécration  thereof  by  any  person  whatsoéver." 
(A  collection  of  several  commissions,  London,  1777,  page  106).  C'était  là  ce 
fameux  serment  que  les  catholiques  auraient  été  obligés  de  prêter  pour  accep- 
ter une  position  publique  quelconque  à  ce  moment-là. 


...  350  —   ^ 

(^'omînoii  Pleas  aiul  Probate)  ainsi  qu'une  Cour  de  Vice-Amirauté  et  une 
cour  d'Appel  ;  (Court  of  Error  or  Appeals),  composée  du  gouverneur  et 
de  son  Conseil.  Ce  conseil  se  composait  lors  de  sa  fondation  des  person- 
nes suivantes  : 

Le  juge  en  chef  Gregory,  Paul  Aemilius  Irving,  Hector  Théophilus 
Cramahé,  Adam  Mabane,  Walter  Murra}-,  Samuel  llolland,  Thomas  Dunn, 
François  Mounier. 

C'est  ce  Conseil,  quelquefois  nommé  Cour  de  Chancellerie,  présidée 
})ar  le  Gouverneur,  qui  entend  en  dernier  ressort,  les  Appels  des  cours 
inférieures  dont  le  litige  dépasse  le  montant  de  300  louis, 

Ce  Conseil  cumule  les  pouvoirs  de  juge  et  de  .législateur  en  même 
temps. 

Avec  l'arrivée  du  gouverneur  Carleton,  en  1766,  le  Conseil  se  com- 
pose de  douze  membres,  jusqu'au  bill  de  Québec. 

Le  premier  registre  de  cette  cour  d'Appel  qui  a  été  conservé  à  Québec, 
commence  lé  deux  novembre  1773,  et  son  en-tête  se  lit  comme  suit  :  "In 
the  Court  of  Appeals  before  the  Governor  and  Council  for  the  Province 
of  Québec". 

Le  premier  registre  de  cette  cour  d'Appel  qui  a  été  conservé  à  Qué- 
hec,  commence  le  deux  novembre  1773,  et  son  en-tête  se  lit  comme  suit  : 
"In  the  Court  of  Appeals  before  the  Governor  and  Council  for  the  Pro- 
vince of  Québec". 

Le  2  août  1774,  cette  cour  siège  au  Château  St- Louis  :  le  10  elle  siège 
au  Collège  des  Jésuites,  après  convocation  publiée  par  le  Greffier 
Shepherd  dans  la  "Gazette  de  Québec",  pour  expédier  les  affaires  qui  se- 
ront prêtes  à  paraître  devant  la  Cour  où  sont  présents  : 

Le  Lieutenant-Gouverneur  Cramahé,  Président,  ainsi  que  les  sieurs 
juges  :  Hugh  Finlay,  Collin  Drummond,  James  Cuthbert,  François  Le- 
vesque,  John  Collins,  John  Cardan. 

Le  deux  novembre  1774,  cette  Cour  siège  encore  au  Collège  des  Jé- 
suites. 

Le  25  janvier  1775,  la  cour  siège  "in  the  Council  Chamber",  et  est 
présidée  par  4e  Gouverneur   ;  les  autres  juges  présents  sont   :  le  Lient.-  ' 
Gouverneur  Cramahé  et  les  sieurs  Collin  Drummond,  Edward  Harrison, 
John  Collins  et  John  Cardan. 

(La  fin  dans  la  prochaine  livraison) 

PHILEAS  GAGNON 


—  351  -4 

RECENSEMENT  DES  ECOLES  DE  MONTREAL 

EN  1828 

(D'après  notes  recueillies  diiiis  les  archives  du  séminaire  de  St-Sulplce) 

Ecoles  de  la  paroisse  N.  D.  M.  Bernard  et  M.  Vézina  92 

FAUBOURG  ST-LAURENT 
Ecole  anglaise  mixte,  M.  McBride,  10 

Ecole  française,  filles,  Mlle  Liefebvre,  80 

Ecole  française,  garçons,  M.  Deslauriers,  40 

FAUBOURG   QUEBEC 
Ecole  française,  filles,  Mlle  Desmarais,  60 

Ecole  anglaise,  garçons,  M.  Lyne,  25 

Ecole  anglaise,  filles,  Mlle  Donnellan,  6 

Ecole  anglaise,  garçons,  Mlle  Waters,  12- 

BONSECOURS 
Ecole  française  et  anglaise  pour  garçons  et  filles,  Mlles  Burroughs  et  Silver   50 

COUVENT  S.  MARIE 
Ecole,  garçons  et  filles,  Mlle  de  Lépine  20 

AUX  RECOLLETS 
Ecole  anglaise,  garçons,  M.  Clarke  30 

Ecole  anglaise,  filles,  Mlle  Flanigan,  50 

Ecole  anglaise,  garçons,  M.  Casey,  40 

SOEURS  GRISES 
Ecole  et  pensionnat  pour  orphelines  irlandaises,  les  soeurs  40 

FAUBOURG  S.   ANTOINE 
Ecole  anglaise,  Mlle  Lebrun  40 

Ecole  française,  Mlle  Marier  .  70 

TANNERIE  DES  ROLLAND 
Ecole  paroissiale,  garçons  et  filles,  Mlle  Rolland,  30 

Ecole  anglaise,  garçons  et  filles,  M.  Moriarty  25 

FAUBOURG  S.   JOSEPH 
Ecole  française,  filles,  Mme  Turcot  50 

COTE-DES-NEIGES 
Ecole  française,  garçons  et  filles,  Mme  Dequoy,  32 

CONGR.  N.  DAME   (rue  Notre-Dame) 
Ecole  et  pensionnat,  les  soeurs  -  300 

PETIT  SEMINAIRE 
Pensionnaires 
Ecole  française  et  anglaise 

Enfants  total 
POPULATION  DE  MONTREAL  ET  FAUXBOURGS  EN  1806 
Ville  485  maisons, 

Faubourg  S  Laurent   514  maisons. 
Faubourg  S.  Antoine 
Faubourg  Récollets      588  maisons, 
Faubourg  Québec 


170 

84 

11 

1416 

1806 

3223 

âmes 

2780 

" 

694 

•• 

1172 

" 

1567 

" 

1587  maisons,  9436 

En  1818  :  Total  des  maisons  à  Montréal  et  ses  fauboursg  était  de       2180 
A  Québec  et  ses  faubourgs  était  de  2008 

E.-L. 


—  352  — 

LE  CHEVALIER  DE  LACORNE 


A  propos  de  l'engagement  du  chirurgien  Doullon  Desmarets  à  Louis  de 
Chapt.,  chevalier  de  Lacorne,  en  175  3,  M.  E.  Z.  Massicotte,  dans  le  Bulletin 
de  mai,  émet  l'opinion  que  le  Lacorne  en  question  n'est  autre  que  Louis  de 
Chapt,  sieur  de  Lacorne,  né  à  Montréal  en  1696  et  qui  épousa  Elizabeth  de 
Ramezay.  Je  crois  qu'il  fait  erreur;  Il  s'agit  dans  l'espèce  du  chevalier  de 
Lacorne.  Or,  il  n'y  eut  qu'un  seul  des  fils  de  Jean-Louis  de  Lacorne,  premier 
du  nom  en  Canada,  qui  ait  porté  le  nom  de  chevalier,  et  ce  fut,  noii  l'époux 
d'Elizabeth  de  Ramezay,  qu'on  désignait  Lacorne  l'aîné,  mais  son  frère  Louis- 
François,  celui  qui,  après  avoir  été  baptisé  à  Montréal,  le  21  juin  1704,  quoi- 
uqe  né  onze  mois  auparavant,  le  6  juillet  1703,  épousa  à  Montréal,  le  21  jan- 
vier 1728,  Marie-Anne  Hubert-Lacroix,  veuve  de  Charles  de  Couagne,  qui  fut 
fait  capitaine  le  24  avril  1744,  chevalier  de  Saint-Louis  le  23  mai  1749,  et 
périt  dans  le  naufrage  de  l'Auguste  en  1761,  sans  laisser  de  postérité. 

M.  Faillon,  dans  ses  notes  manuscrites,  fait  précisément  mention  d'un 
acte  du  8  juin  1753  dans  lequel  le  chevalier  de  Lacorne  est  qualifié  "comman- 
dant pour  le  roi  des  postes  de  l'ouest".  C'est  ce  qui  explique  son  engagement 
du  chirurgien  Desmarets  pour  un  poste  de  l'ouest  le  2  juin  de  la  même  année. 

Je  fais  cette  correction,  non  pour  le  vrai  plaisir  de  prendre  en  faute  M. 
Massicotte,  quoique  ce  soit  une  aubaine  assez  rare,  mais  dans  le  dessein  de 
rendre  un  peu  de  justice  à  ce  pauvre  chevalier  de  Lacorne  qui,  après  avoir 
eu  la  malchance  d'une  si  triste  mort,  se  voit  encore  presque  constamment 
frustré  de  la  gloire  à  laquelle  il  a  droit.  C'est  le  plus  souvent  au  profit  de  son 
cadet  Lacorne  St-Luc  qu'on  le  dépouille,  et  pourtant  j'ose  dire  que,  dans 
toute  la  guerre  de  sept  ans,  son  rôle  a  été  plus  glorieux  que  celui  de  St-Luc 
et  d'aucun  autre  de  ses  frères.  J'en  appelle  au  témoignage  du  chevalier  de 
Lévis  (Lettres,  p.  457).  Après  avoir  pris  une  part  très  brillante  à  la  campa- 
gne de  M.  de  Ramezay  en  Acadie  en  1746,  il  ne  se  signala  pas  moins  dans  la 
campagne  de  1759.  Or,  très  souvent  ses  exploits  sont  portés  au  crédit  de 
Lacorne  St-Luc.  C'est  ainsi  que  M.  W.  D.  Lighthall,  dans  son  étude  sur 
Lacorne  St-Luc,  et  M.  F.  H.  Severance,  dans  son  bel  ouvrage  :An.old  Fron- 
tier  of  France,  substituent  de  St-Luc  au  chevalier  de  La  Corne  pour  tout  ce 
qui  regarde  la  campagne  d'Oswego  en  1759. 

Mais  il  y  a  mieux  encore.  En  1913,  M.  ArthurS.  Bennett  a  publié  à 
Toronto  une  plaquette  intitulée  :  Chevalier  de  La  Corne  and  thé'Carrot  River 
Valley  of  Saskatchewan.  Ai-je  besoin  de  dire  encore  une  fois  que  pour  l'au- 
teur, M.  Bennett,  le  chevalier  de  la  Corne  n'est  autre  que  Lacorne  St-Luc  ? 
Je  ne  lui  en  veux  pas,  parce  qu'il  ne  savait  pas  mieux,  mais  j'en  veux  au 
Bulletin  des  Recherches  Historiques  d'avoir  écrit  ce  qui  suit  (vol.  20,  p.  11), 
en  rendant  compte  de  ce  même  travail  : 

"En  1753,  le  chevalier  de  LaCorne,  celui-là  même  qui,  en  1761,  devait 
raconter  le  naufrage  de  l'Auguste,  explorait  la  vallée  de  la  rivière  Carrot, 
dans  la  Saskatchewan,  et  au  printemps  de  1754  ensemençait  quelques  ar- 
pents de  terre  en  cet  endroit  ." 

Je  crois  même  me  rappeler  que  M.  A.  S.  Bennett  proposait  d'élever  un 
monument  quelconque  à  Lacorne  St-Luc,  le  premier  agriculteur  de  l'ouest. 

Celui  qui  explora  la  vallée  de  la  rivière  Carrot  ,en  1754  est  le  même  qui 
engagea  en  i753  le  chirurgien  Doullon  Desmarets,  mais  encore  une  fois  il  n'y 
en  a  que  pour  St-Luc.       Sic  vos  non  vobis. 

Je  n'ai  aucunement  le  désir  de  déprécier  Lacorne  St-Luç.pour  relever  son 
frère  trop  oublié,  mais  il  faut  bien  dire  que  ce  fidèle  commensal  de  Lord 
Dorchester  doit  la  majeure  partie  de  sa  réputation  d'abord  au  naufrage  de 
l'Auguste,  dont  il  a  eu  le  bonheur  de  se  tirer  à  peu  près  seul,  et  ensuite  au 
roman  de  M.  de  Gaspé  Les  Anciens  Canadiens,  où  il  est  idéalisé  à  plaisir. 

AEGIDIUS  FAUTEUX 


^S'^ 


hui.i.i:tin 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVI  BEAUCEVILLE- DECEMBRE  If 21  N»    12 


Les  deux  capitaines  de  Saint^Martin 


Nous  avons  eu  deux  eapitaities  de  Saint-Martin  dans 
les  troupes  du  détachement  de  la  marine  servant  au 
Canada  sous  le  régime  français. 

Ije  premier,  Joseph- Alexandre  de  l'Estringuan  de 
Saint-Martin,  était  né  vers  1660  à  Saint-Benoît-le-Fleury 
sur  la  Loire,  du  mariage  de  Nicolas  de  l'Estringuan, 
écuyer,  sieur  de  Saint-Martin,  et  de  dame  Anne  Jffcquier. 

Ijes  i)iè('es  officielles  du  temps  désignent  M.  de  Saint- 
Martin  quelquefois  sous  le  nom  de  Saint-Martin  Viabon, 
d'autres  fois  sous  le  nom  de  sieur  de  l'Estringuan  et  le 
l)lus  souvent  sous  le  nom  de  sieur  de  Saint-Martin. 

Jjaffilard  nous  donne  les  dates  des  promotions  de  M. 
de  Saint-Martin  comme  suit: 

(larde-marine  à  Rochefort,  le  1er  mars  1684;  lieute- 
nant reformé  en  Canada,  en  juillet  1684;  lieutenant  en 
]iied,  le  1er  mars  1688  ;  capitaine  reformé  en  1691  ;  con- 
firmé, le  1er  mars  1693;    enseigne  de  vaisseau,  le  5  mai 


.     --854  — 

1695  ;  capitaine  dans  les  troupes  du  détachement  de  la 
marine,  le  12  mai  1697. 

En  1717, 'M.  de  Saint-Martin  demandait  la  charge  de 
commandant  des  troupes  Agaçante  par  la  mort  du  marquis 
d 'Aloigny.  Il  faisait  valoir  qu'il  était  le  plus  ancien  capi- 
taine des  troupes  du  détachement  de  la  marine,  qu'il  avait 
fa,it  la  campagne  d'Alger  et  qu'il  avait  été  fait  garde- 
marine  en  1684. 

Le  gouverneur  de  Vaudreuil  se  prononça  contre  lui. 
Il  déclara  qu'il  n'avait  pas  les  capacités  voulues  pour 
exercer  un  commandement  ni  pour  tenir  un  emploi  dans 
l'état-major. 

En  octobre  1722,  le  gouverneur  de  Yaudreuil,  dans 
son  rapport  au  ministre  sur  les  officiers  des  troupes  du 
détachement  de  la  marine,  disait  de  M.  de  Saint-Martin: 

''Le  sieur  de  Saint-Martin,  âgé  de  65  ans.  Il  n'a  au- 
cune mauvaise  qualité  (sic)  ;  il  a  une  bonne  conduite,  et 
est  plus  propre  à  servir  dans  une  place  qu'à  marcher  en 
campagne.  '  ' 

En  cette  même  année  1722,  M.  de  Saint-Martin  rece- 
vait la  croix  de  Saint rLouis. 

Le  capitaine  de  Saint-Martin  dût  mourir  peu  après 
puisqueLaffillard  nous  apprend  que  son  successeur  prit 
le  commandement  de  sa  compagnie  le  15  mars  1723. 

M.  de  Saint-Martin  avait  épousé  à  Montréal,  le  1er 
septembre  1694,  Madeleine-Louise  Juchereau  de  Saint- 
Denys,  fille  du  seigneur  de  Beauport. 

Ils  eurent  une  fille,  Marie- Anne- Josette  de  l'Estrin- 
guan  de  Saint-Martin,  qui  se  maria  à  la  gaumine;  dans 
l'église  de  Beauport,  le  7  janvier  1711,  avec  Louis  de  Mon- 
téléon,  offi(îier  dans  les  troupes  du  détachement  de  la  ma- 
rine.    Ce   mariage   occasionna   deux   longs   procès,   l'un 


'  ij 


355  — 

devant  l'oflicialitc  de  Québec  et  l'autre  devant  les  autorités 
civiles.  Jjes  choses  finirent  par  s'arranger,  cependant,  et 
le  mariage  de  Montéléon-Saint-Martin  fut  refait  devant 
l'autorité  compétente.  La  chronique  scandaleuse  du  pays 
s'était  toutefois  délectée  de  toute  cette  affaire  pendant 
plusieurs  mois. 

Nous  n'avons  aucun  renseignement  sur  l'autre  capi- 
taine de  Saint-Martin  avant  1750.  Ce  trop  peu  verbeux 
officier  n'a  pas  même  daigné  nous  laisser  ses  prénoms. 

En  1750,  MM.  Dumas  et  D'E^nia  ayant  été  pronms 
capitaines,  leurs  lieutenances  furent  données  à  MM.  de 
LaRoche-Vernay  et  de  Saint-Martin.  C  'est  là  la  première 
mention  de  M.  de  Saint-Martin  dans  nos  archives.  Y  avait- 
il  longtemps  qu'il  serv^ait?    D'où  venait-il?    Mystère... 

En  1756,  M.  de  Saint-Martin  servait  dans  les  environs 
de  Carillon  sous  les  ordres  de  M.  de  Lévis.  Celui-ci,  dans 
ses  lettres  au  gouverneur  de  Vaudreuil,  au  marquis  de 
Montcalm  et  aux  auti-es  chefs  de  l'armée,  semble  porter 
beaucoup  de  considération  à  M.  de  Saint-Martin. 

L'année  suivante,  à  la  promotion  du  1er  mai  1757,  M. 
de  Saint-Martin  recevait  le  commandement  d'une  com- 
l)agnie. 

M.  de  Saint-Martin,  en  cette  même  année  1757,  fit 
partie  de  l'expédition  de  M.  de  Rigaud  de  Vaudreuil  con- 
tre le  fort  George.  Il  commandait  la  première  division  de 
l'armée  et  rendit  de  grands  services  à  son  chef. 

Dans  les  combats  qui  précédèrent  immédiatement  la 
bataille  des  Plaines  d'Abraham,  M.  de  Saint-Martin  eut 
des  commandement  très  importants.  On  avait  confiance 
dans  la  bravoure,  la  capacité  et  la  prudence  de  ce  brave 
soldat. 

A  la  fin  de  l 'été  de  1759,  M.  de  Saint-Martin  eut  avis 


—  356  — 

que  le  roi,  sur  la  recommandation  du  marquis  de  Mont- 
calm,  venait  de  le  créer  chevalier  de  Saint-Louis. 

On  sait  que  le  fatal  matin  du  13  septembre  1759  l'ar- 
mée de  Wolfe  put  se  déployer  sur  les  Plaines  d 'Abraham 
grâce  à  la  faiblesse  du  poste  du  Foulon  commandé  par  le 
trop  fameux  Tergor.  Le  poste  français  en  cet  endroit 
aurait  dû  compter  au  moins  cent  hommes.  Il  en  avait  tout 
au  plus  une  trentaine,  Vergor  ayant  permis  aux  autres 
miliciens  de  Lorette  d 'aller  travailler  à  leurs  récoltes.  Or, 
Vergor  avait  relevé  à  ce  poste  le  capitaine  de  Saint- 
Martin.  A  quoi  tient  le  succès  d'une  bataille'?  Si  M.  de 
Saint-Martin  avait  eu  encore  le  commandement  du  poste 
du  Foulon  le  13  septembre  1759,  il  est  certain  qu'il  n'au- 
rait pas  permis  un  tel  manquement  à  la  discipline.  Il 
n'aurait  pas,  non  plus,  été  surpris  dans  son  lit  comme  le 
fut  l'inepte  Vergor.  Enfin,  on  a  le  droit  de  supposer  qu'il 
aurait  culbuté  l'avant-garde  de  l'armée  de  Wolfe  en  bas 
de  la  falaise  et  Québec  aurait  été  sauvé. 

Dans  l'hiver  de  1759-1760,  le  capitaine  de  Saint- 
Martin  fut  mis  à  la  tête  d'un  important  détachement  dont 
la  tâche  était  de  tenir  en  alerte  les  troupes  anglaises  qui 
hivernaient  à  la  Pointe-de-Lévis. 

Dans  le  Journal  des  campagnes  du  chevalier  deLévis, 
on  trouve  des  précisions  assez  intéressantes  sur  les  allées 
et  venues  de  M.  de  Saint-Martin  pendant  ce  rude  hiver: 

''Au  commencement  de  février,  y  lit-on,  la  rivière 
ayant  pris  vis-à-vis  de  Québec,  les  ennemis  marchèrent  en 
force  sur  le  sieur  de  Saint-Martin,  qui  fusilla  i^endant 
quelque  temps,  mais,  cédant  au  nombre,  se  x'etira  au  tra- 
vers des  bois  et  passa  la  rivière  du  Saut  de  la  Chaudière, 
ayant  j^erdu  une  quinzaine  d'hommes  et  un  officier  qui 
avait  été  pris.    Le  sieur  Dumas,  qui  commandait  sur  cette 


—  857  — 

frontière,  fit  marcher  du  monde  vers  cette  partie  pour  la 
soutenir,  mais  après  l'avoir  renforcée,  il  laissa  le  sieur  dé 
Saint-Martin  sur  les  bords  de  cette  rivière  pour  la  défen- 
dre. Les  ennemis  ayant  envoyé,  peu  de  jours  après,  un 
détachement  d'environ  cinquante  hommes  pour  le  recon- 
naître, il  en  eut  avis,  passa  la  rivière,  s'embusqua  et  les 
attaqua;  il  en  tua  beaucoup,  fit  quelques  prisonniers  et 
dispersa  le  reste. 

"L'ex23édition  qui  devait  se  faire  pour  tirer  des  vivres 
d'au-dessous  de  Québec  ne  put  pas  avoir  lieu  à  cause  de  la 
grande  gelée  et  que  les  moulins  n'allaient  pas.  Les  enne- 
mis se  retirèrent,  après  avoir  été  suivis  par  le  détachement 
de  M.  de  Saint-Martin,  et  laissèrent  un  poste  à  l'église  de 
la  jjaroisse  de  la  Pointe-de-Lévis.  On  crut  qu'il  était  pos- 
sible de  les  chasser  de  ce  poste;  on  voulut  retenter  de 
nouveau.  M.  de  Bourlamaque  devait  se  porter  sur  cette 
frontière.  On  fit  marcher  du  monde  du  gouvernement 
des  Trois-Rivières.  Il  devait  faciliter  cette  expédition  par 
des  mouvements  qu'il  devait  faire  aux  environs  de  la 
place.  Mais  M.  Dumas,  dès  que  le  monde  fut  rassemblé, 
forma  un  détachement  plus  fort  au  sieur  Saint-Martin  et 
l'envoya  se  poster  à  la  portée  de  la  ville  pour  leur  ôter  la 
communication  avec  le  poste  qu'ils  avaient  à  l'église  de  la 
Pointe-de-Lévis.  Les  ennemis  firent  une  sortie  considé- 
lable;  son  détachement  regagna  le  bois  et  la  dite  rivière. 
Il  eut  quelques  traîneurs  pris.  M.  de  Bourlamaque  arriva 
dans  ce  temps,  et  repartit  peu  de  jours  après  pour  Mont- 
réal, voyant  l'impossibilité  qu'il  y  avait  de  rien  entrepren- 
dre sur  les  postes  des  ennemis.  Après  cette  expédition, 
les  ennemis  brûlèrent  une  trentaine  de  maisons  à  la 
Pointe-de-Lévis  et  cinq  ou  six  à  Sainte-Foi"  (1). 

(1)  Journaî  des  campagnes  du  chevalier  de  Lévls,  p.  239. 


—  858  --- 

M.  de  Saint-Martin  fut  blessé  mortellement  à  la  ba- 
taille de  Sainte-Foy  le  28  avril  1760,  et  décéda  à  l'Hôpital- 
Général  de  Québec  le  8  mai  suivant. 

L'acte  de  sépulture  de  M.  de  Saint-Martin  conservé 
à  l'Hô])ital-Général  de  Québec  dit: 

"L'an  mil  sept  cent  soixante,  le  neuf  mai,  a  été  inhu- 
mé dans  le  cimetière  de  cet  hôpital  le  corps  de  Mr  de 
Saint-Martin,  ca])itaine  des  troupes  de  la  colonie,  servant 
en  qualité  de  capitaine  des  grenadiers  au  siège  de  Québec 
où  il  a  reçu  un  coup  de  feu  dont  il  est  décédé  hier  muni 
des  sacrements  de  l'église;  en  foy  de  quoy  j'ay  signé  — 
Higauville,  ptre,  cliane." 

M.  de  Saint-Martin  était-il  Canadien  ou  Français? 

Dans  sa  lettre  du  10  novembre  1759  à  M.  Berryer,  le 
chevalier  de  Lévis  écrivait  : 

"Le  sieur  de  Saint-Martin,  capitaine,  qui  sert  depuis 
longtemps,  soit  en  France  ou  dans  la  colonie,  avec  le  plus 
grand  zèle  et  application,  a  été  employé  continuellement 
comme  un  ofticier  de  distinction;  je  vous  ])rie  de  lui  faire 
accorder  la  croix  de  Saint-Louis"  (2) 

Pour  nous,  cette  note  du  chevalier  de  Lévis  établit 
hors  de  tout  doute  que  M.  de  Saint-Martin  était  Français. 

Très  ])eu  de  Canadiens  servirent  en  France  sous  le 
régime  français  et  leurs  noms  nous  sont  connus. 

Qui  nous  donnera  les  ])rénoms  du  brave  capitaine  de 
Saint-Martin? 

P.-G.  R. 


(2)    Jjcttres  du  chevalier  de  Tjéria.  i>. 


—  359  - 


Les  chansons  du  jour  de  Tan  au  Canada  français  ^ 

Parmi  les  quinze  cents  chansons  que  j'ai  moissonnées  depuis  ,1883, 
dans  la  région  de  Montréal,  dans  celle  des  Trois-Rivières  et  dans  le  comté 
de  Prescott,  Ont.,  il  s'en  trouve  toute  une  catégorie  qui  concerne  les  fêtes 
et  les  anniversaires. 

Et  entre  ces  fêtes,  pas  n'est  besoin  de  vous  dire  que  le  jour  de  l'an 
n'est  pas  oublié!  Loin  de  là,  car  c'est  peut-être  les  chansons  du  jour  de 
l'an  qui  comptent  |)armi  nos  productions  populaires  les  plus  caractéristi- 
ques.   En  voici  quelques  exemples. 

La  première  est  le  récit  typique  de  la  visite  d'une  jeune  fille  à  ses 
])arents,  le  premier  jour  de  l'année.  Bien  que  le  sujet  soit  traité  d'une 
façon  quelque  peu  allègre,  il  ne  s'y  rencontre  pas  moins  plusieurs  détails 
de  moeurs.  D'autre  i)art,  la  prédominence  du  même  son  dans  les  couplets 
et  le  retour  régulier  de  l'adverbe  assurément  produisent  un  effet  curieux. 

p]lle  m'a  été  chantée  par  M.  L.-H.  Cantin,  actuellement  de  Montréal 
et  autrefois  de  Hawkesbury,  Ont.  J'en  ai  aussi  obtenu  une  variante  de 
]\L  Ephrem  Terreault  de  Saint-Rémi,  comté  de  Napierville. 

De  son  côté,  M.  C.-M.  Barbeau,  le  distingué  folkloriste  d'Ottawa,  en 
a  recueilli,  à  Mille-Vaches,  comté  de  Saguenay,  une  version  ])lus  abrégée 
(jUe  celle-ci,  ce  qui  démontre  que  cette  chanson  est  connue  aux  deux  extré- 
mités de  la  ])rovince  de  Québec, 

Savez-vous  ce  qu'une  fille 
Doit  faire  à  tous'  les  jours  de  l'an  'f 
lîille  doit  aller  voir  son  père. 
Aussi   sa  mèr(e)    pareillement,  . 
Assurément  ! 
Oui,  je  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemps. 

Elle  doit  aller  voir  son  père. 
Aussi  sa  mèr(e)  pareillement. 
Eh!  bonjour  donc,  ma  bon  (ne)  mère, 
Mon  cher  papa  est-il  absent  ? 

Assurément  !  -  . 

Oui,  je  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemps. 


—  860  - 


Mil!  bonjour  (loue,  ma  hou  (ne)  môro, 
Mon  cher  })a])a  est-il  absent? 
Sa  mère  lui  a  fait  réponse  : 
11  est  allé  aux  bâtiments, 
Assurément  ! 
Oui,  je  l'aurai  dans  la  ménioir(e)  longtemps. 

Sa  mère  lui  a  fait  réponse;: 
11  est  allé  aux  bâtiments. 
Allez  donc  que  lui  faire  signe, 
Qu'il  revienne  prom])tement, 
Assurément  ! 
Oui,  jo  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemj)s. 

Allez  donc  que  lui  faire  signe, 
Qu'il  revienne  promptement. 
La  bonn(e)  femme  sort  su'l'perron 
('ogn(e)   sur  un  plat  d'fer  ])lanc, 
Assurément  ! 
Oui,  Je  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemps. 

La  bonn(e)  femme  sort  su'l'perron, 
Cogn(e)  sur  un  plat  d'fer  blanc. 
Ils  ont  ai)erçu  le  bonhomme, 
Qui  s'en  venait  en  trottinant, 
Assurément  ! 
Oui,  je  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemps. 

Ils  ont  aperçu  le  bonhomme, 
-  Qui  s'en  venait  en  trottinant. 
A  genoux,  ell(e)  se  jette  à  terre, 
A  genoux  bien  dévotement, 
Assurément  ! 
Oui,  je  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemps. 

A  genoux  ell(e)  se  jette  à  terre, 
A  genoux  bien  dévotement. 
L'bonhomm(e)  du  bout  de  sa  mitaine. 
Fait  des  magi(es)  sur  tous  les  sens. 
Assurément  ! 
Oui,  je  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemps. 


36 


L'boiihomni(e)  du  bout  de  sa  mitaiue, 
Fait  des  magi(es)   sur  tous  les  sens. 
Je  te  souhait (e)  bien  des  richesses, 
Un  mari  avant  le  printemps, 
Assurément  ! 
Oui,  je  l'aurai  dans  Va  mémoir(e)  longtemps. 

Je  te  souhait  (e)  bien  des  richesses, 
Un  mari  avant  le  printemps, 
Des  bénédictions  sans  cesse, 
Jusques  au  prochain  jour  de  Tan, 
Assurément  ! 
Oui,  je  l'aurai  dans  la  mémoir(e)  longtemps. 


De  la  deuxième,  nous  avons  deux  versions  ;  l'une  vient  de  M.  Vincent 
Ferrier  de  Repentigny,  autrefois  de  Saint-Timothée;  comté  de  Beauhar- 
nois,  et  l'autre  de  M.  Ferdinand  Lacombe.  Cette  pièce  nous  indique  que 
si  nos  pères  n'étaient  })as  des  prohibition  ni  stes,  ils  avaient  du  moins 
l'intention  de  ne  pas  faire  d'abus! 

Voici  d'abord  la  version  de  Repentigny  : 


C'est  aujourd'hui  le  premier  jour  de  l'an. 

Fêtons-le  donc  agréablement. 

C'est  à  cette  table  que  tout  chacun  s'engage 

A  fêter  ce  jour,  avec  contentement 

Afin  que  tout  le  reste  de  l'année  s'en  ressent  (sic). 

II 

Commençons  l'année  du  mieux  que  nous  pourrons. 
Faisons  disparaîtr(e)  tout  ce  qui  n'est  pas  bon. 
Aimons-nous  en  frèr(es),  d'une  amitié  sincère. 
Ah  !  quel  contentement,  pour  des  parents. 
D'avoir  des  enfants  qui  s'amus(ent)  si  tendrement! 

III 

Oh!  ma  chère  bouteill(e),  que  tu  m'as  fait  plaisir, 
D'avoir  fait  la  ronde  et  puis  d'en  revenir. 


362 


Tu  as  fait  ton  devoir,  tu  n'as  pas  coûté  cher, 
T'as  bien  fait  la  ronde,  t'as  pas  beaucoup  baissé, 
Et  si  ça  continu(e)  ça  va  très  bien  aller. 

IV 

Si  les  fill(es)  en  ont  composé  la  chanson. 

Ce  n'est  pas  la  caus(e)  qu'ils  n'avaient  pas  raison  ! 

Les  garçons  sont  menteurs,  ils  aiment  trop  à  boire, 

J'vous  Jur(e)  qu'en  vérité,  y'auraient  pas  tant  d'vieux  garçons. 

S'ils  aimaient  les  fi[ll(es),  comme  ils  aim(ent)  la  boisson. 

Dans  la  version  Lacombe,  le  couplet  IV  ci-dessus  n'existe  pas;   il  est 
rem])lacé  par  les  deux  couplets  suivants  : 

Vous  savez  tous  que  j'aim(e)  pas  la  boisson! 

C'est  que  j'haïs  pas  de  prendre  un  p'tit  cou]), 

A  moitié  de  mon  verr(e),  ne  me  couch(e)  pas  à  terre. 

Prenons-en  tous,  mais  ménageons-nous  tous. 

Qu'à  la  fin  d'ia  veillée  il  n'y  ait  personn(e)   de  saoul   {sic). 

Mes  chers  })arents,  que  je  suis  donc  content, 

De  m'y  voir  ici,  avec  vous  autres  présent. 

Vous  qui  m'êtes  si  cher,  que  mon  coeur  révère, 

Puissiez-vous  (vous)  conserver  avec  nous  dans  ce  monde. 

Puissiez- vous  (vous)  conserver  encor(e)  plusieurs  années. 


La  troisième  nous  a  été  fournie  par  M.  L,-Ii.  Cantin,  qui  l'a  apprise 
vers  1895,  à  Saint-Eomuald  de  Lévis.  Elle  se  chante  sur  l'air:  "Dans 
cette  étable". 


Dans  l(e)  temps  des  fêtes, 
Tout  le  monde  est  si  gai 
Que  la  toilette 
N'est  pas  trop  ménagée. 
On  va  chez  son  voisin. 
On  se  donne  la  main. 
Et  puis,  on  se  la  souhaite. 
Et  quand  le  verre  est  plein, 
On  fait  trinquette. 


-  36o  — 

II 

Les  pèr(es)  et  mères 

Attend  (eut)  leurs  enfants, 

Dans  leurs  chaumières, 

Le  coeur  tout  palpitant. 

Et  sans  cérémonies, 

L(e)    bonliomm(e)    sort   son   whiskey, 

Et  la  bonn(e)  femm(e)  les  verres. 

On  s'embrasse  et  on  rit 

Comm(e)  des  compères  ! 

III 

Dans  la  grand (e)  chambre, 

Tout  est  bien  préparé 

En  circonstance. 

Pour  tout(e)  la  parenté! 

Les  pâtés,  les  rôtis. 

Les  volailles  farcies, 

Sans  compter  la  côt(e)lette, 

Le  flacon  de  whiskey . . . 

C'est  pas  trop  bête  ! 

*  *  * 

Terminons  par  une  chansonnette  que  vous  avez  dû  entendre  "assu- 
rément". J'en  dois  le  texte  à  M.  Etienne  Poitras  (pii  l'apprit  à  Québec, 
il  y  a  plus  de  vingt  ans. 

Au  jour  de  l'an  (bis) 

Tout'  les  vieill'  filles 

Font  la  grimace. 
Au  jour  de  l'an  (bis) 

Les  vieux  garçons  en  font  autant  ! 

E.-Z.    MASSICOTTE 


---  364 


NOS  ANCIENNES  COURS  D'APPEL 

(Suite  et  fin) 


1774 

Le  23  juin  1774  fut  saiictioinié  en  Angleterre  le  fameux  Acte  de 
Québec,  sous  le  titre  de  An  Act  for  making  more  effectuai  provision  for 
llie  government  of  tlie  Province  of  Québec,  in  North  America,  qui  réta- 
blissait dans  le  pays  les  lois  civiles  françaises,  et  rappelait  ces  fameux 
serments  si  injurieux  pour  les  catholiques  et  leur  religion. 

Ce  bill  venait  en  force  le  premier  mai  1775. 

Autant  il  donne  de  contentement  aux  Canadiens-Français,  autant 
il  chagrine  les  Anglais,  établis  dans  le  pays,  qui  n'en  avaient  été  prévenus 
en  aucune  façon. 

Par  ce  bill,  toutes  les  lois  civiles  alors  en  existence  sont  révoquées, 
aussi  bien  celles  établies  par  la  Proclamation  Royale  de  1763,  que  celles 
faites  par  le  gouverneur  et  son  Conseil  depuis  cette  date,  pour  être  rem- 
placées par  the  laits  and  cusions  of  Canada.  .    . 

Toutes  les  commissions  de  conseilleurs,  juges  et  autres  officiers  du 
gouvernemeiit  se  trouvent  infirmées,  révoquées  et  annulées'  au  10  mai 
1775. 

Il  est  loisible  à  Sa  Majesté  d'établir  un  Conseil  dont  le  nombre  des 
conseillers  ne  devra  pas  dépasser  vingt-trois  ni  être  de  moins  de  dix-sept 
dont  une  majorité  pourra  f9,ire  des  ordonnances  pour  la  police,  le  bonheur 
et  le  bon  gouvernement  de  la  Province.  Les  premiers  membres  du 
nouveau  Conseil  Législatif  furent  assermentés  le  dix-sept  août  1775 
au  Château  St-Louis  mais  ne  siégèrent  régulièrement  que  pendant  l'hiver 
de  1777,  quand  fut  rendue  l'ordonnance  des  nouvelles  judicatures. 

L'invasion  du  pays  par  les  troupes  du  Congrès  avait  retardé  l'éclosion 
du  nouveau  régime. 

Les  membres  du  Conseil  créé  par  l'Acte  de  Québec  sont  les  sui- 
vants (1)  : 

H. -T.  Cramahé,  lieutenant-gouverneur,  Wm  Hey,  juge  en  chef,  les 
lions.  Ilugh  Pinlay,  Thomas  Dunn,  James  Cuthbert,  Colin  Drummond, 


(1)   Gazette  de  Québec,  24  août  1775. 


—  305  ~ 

Francis  Leves<|ue,  l'Alward  Harrisoii,  John  Collins,  Adam  Mabane,  Pe- 
caiidy  de  Contrecoeur,  Kocli  de  St-Ours  D'Echaillons,  Charles-François  de 
Lanaudière,  George  Pow-nall,  (Jcorge  Allsopp,  St-Luc  de  la  Corne,  Josepli- 
Gaspard  Chaussegros  De  Léry,  Alexander  Johnston,  Conrad  Gugy, 
Picotté  de  Bellestre,  Desbergères  de  Kigauville,  John  Fraser. 

C'était  la  première  fois  depuis  la  conquête  que  des  catholiques  pou- 
vaient siéger  comme  juges.  •''*' 

Un  salaire  de  100  louis  est  attaché  a  cette  position  de  Conseiller 
Législatif;   le  Conseil  siège  à  huis-clos. 

Le  serment  des  conseillers  les  oblige  à  garder  le  secret  de  leurs 
délibérations. 

Par  commission  sous  le  grand  sceau  de  la  province,  signé  du  gouver- 
neur Carleton,  en  date  du  premier  août  1776,  }e  gouverneur,  le  lieutenant- 
gouverneur,  le  juge  en  chef  et  les  membres  de  ce  Conseil  sont  constitués 
comme  tribunal  d'Appel,  et  sont  autorisés  à  entendre  toutes  causes  civiles 
des  Cours  inférieures  oîi  le  montant  en  litige  dépassera  dix  louis. 

Dans  les  causes  où  le  montant  en  dispute  dépassera  500  louis,  il  sera 
permis  d'en  appeler  au  Conseil  Privé  en  Angleterre. 

Par  cette  commission  la  Cour  est  autorisée  à  reviser  et  examiner  les 
})rocédures  des  Cours  dont  il  est  fait  appel,  et  à  entendre  et  considérer 
"tous  nouveaux  témoignages"  qui  peuvent  être  présentés  par  l'une  ou 
Pautre  des  parties. 

•  Cette  disposition  permettant  d'entendre  de  nouveaux  témoignages 
avait  été  tirée  du  droit  français  et  ne  fut  pas  maintenue  par  l'acte  de 
Judicature^'de  1794. 

Maseres,  dans  son  Plan  of  a  convenient  meihod  of  adniinistering 
justice  in  fhe  Province  of  Québec  (A  collection  of  several  Commissions) 
j)résenté  à  Lord  llillsborough  en  17'(0,  suggérait  l'Appel  des  Cours  Infé- 
rieures au  gouverneur  et  à  son  Conseil. 

L'un  des  résultats  de  l'Appel,  y  dit-il,  serait  de  conserver  de  l'uni- 
formité dans  les  lois  par  toute  la  province,  qui  autrement  ])Ourraient 
différer  dans  chaque  juridiction. 

Il  suggérait  aussi  que,  pour  la  même  raison,  les  décisions  des  Cours 
Inférieures  ne  fussent  pas  acceptées  comme  autorités  pour  régler  des 
disputes  subséquentes,  car  on  ne  devrait  s'appuyer  que  sur  les  décisions 
de  la  Cour  d'Appel  ou  de  celles  du  Conseil  Privé. 

Il  suggère  encore  que,  j)our  (pie  le  gouverneur  et  son  Conseil  ne  soient 


-  3(56 


pas  privés  des  lumières  de  j)ers()iiiies  versées  dans  les  lois,  d'adjoindre  au 
gouverneur  et  ('oiis(m']  les  juges  des  différents  districts  judiciaires  et 
])eut-ôtre  aussi  les  procureurs  du  Roi,  qui  donneraient  leurs  avis  sur  les 
appels,  et  pour  cet  effet,  il  propose  de  les  faire  venir  à  Québec,  pendant  un 
mois,  vers  le  temps  du  jour  de  l'an. 

Il  soumet  aussi  que  ces  appels  seraient  seulement  comme  ils  le  sont 
en  Angleterre,  pour  corriger  les  erreurs  en  loi  commises  dans  les  Cours 
Inférieures,  et  non  pour  considérer  de  nouveau  les  faits  de  la  cause,  à 
inoins  que  ces  faits  eussent  été  appréciés  jnir  un  seul  juge,  sans  le  secours 
d'un  juré. 

Les  parties  pourront,  si  elles  le  jugent  à  [)ropos,  faire  écrire  les  témoi- 
gnages par  le  greffier  et  y  faire  signer  les  témoins,  j)uis  adjoindre  le  tout 
au  dossier  pour  être  remis  à  la  Cour,  qui  alors  pourrait  prendre  connais- 
sance aussi  bien  des  faits  qtie  de  la  loi  ;  mais  qu'il  ne  lui  serait  pas  ])ermis 
"d'entendre  de  nouveaux  témoignages". 

Comme  on  peut  le  voir,  l'avis  de  Maseres,  sur  le  fait  de  nouveaux 
témoignages  ne  fut  i)as  accepté  lorsque  fut  constituée  cette  nouvelle  Cour 
d'Appel. 

Toutefois  ilaseres  jiaraît  avoir  réussi  subséquemment  à  faire  par- 
tager ses  idées  sur  ce  sujet  aux  autorités  en  Angleterre,  car  des  instruc- 
tions royales  reyues  par  Haldimand,  en  date  du  16  juillet  17T9,  {ConsU- 
iiitional  documentai,  by  Sbort  and  Dougbty,  page  478)  intimaient  à  ce 
dernier  de  faire  passer  {)ar  le  Conseil  une  ordonnance  i)our  expliquer  et 
amender  celle  de  1Î7?,  qui  aurait  décrété  que  la  Cour  d'Appel  devra  se 
borner  à  examiner  seulement  les  erreurs  en  loi  qui  auraient  pu  être  com- 
mises, ainsi  que  la  ])reuve  transmise  ])ar  la  Cour  dont  il  y  aura  ap|)el,  sans 
qu'il  soit  permis  d'entendre  de  nouvelles  dispositions  ni  de  réexaminer 
de  nouveau  les  témoins  déjà  entendus. 

^  Quelques  jours  plus  tard,  contrairement  à  ses  liabitudes  de  docilité 
ordinaire,  le  Conseil  se  permet  de  discuter  ces  instructions  royales  et 
d'exprimer  clairement  à  l'Angleterre  les  objections  qu'il  avait  de  s'y 
conformer,  dans  l'état  où  se  trouvait  la  })rovince. 

En  consé(]uence,  l'exécution  de  cette  ordonnance  fut  remise  jusqu'à 
ce  ([ue  le  roi  se  ])rononçàt  de  nouveau  sur  cette  question. 

JjC  Conseil  qui,  en  même  temps  (pi'il  pouvait  juger  en  A])pel,  avait 
aussi  des  pouvoirs  législatifs  et  exécutifs,  établis  le  25  février  1777,  des 
Cours  civiles  de  judicature  pour  la  province  de  Québec.  Même  division 
de  la  province  ([ue  j)récédemment,  en  deux  districts,  Québec  et  Montréal, 


...  367  -- 

avec  une  Cour  de  Plaidoyers  Commuus  dans  chacun  de  ces  districts, 
siégeaient  une  journée  par  semaine,  pour  la  décision  des  affaires  dont  la 
valeur  en  litige  ne  dépasse  pas  10  louis  et  une  autre  journée  pour  celles 
de  10  louis  et  au-dessus. 

Cette  Cour  est  aussi  autorisée  à  siéger  comme  Cour  de  "Probate" 
pour  la  vérification  des  testaments  et  pour  entendre  toutes  les  causes  con- 
cernant "les  propriétés  et  les  droits  de  citoyens",  suivant  les  règles  pres- 
crites par  l'article  X  du  Bill  de  Québec. 

L'article  IV  de  cette  ordonnance  décrète  "que  le  gouverneur  et  son 
Conseil  sont  par  ces  présentes  érigés  et  constitués  (ils  l'étaient  déjà  par 
la  commission  mentionnée  plus  haut  du  1er  août  1776)  en  Cour  Supé- 
rieure de  juridiction  cinle  (dont  en  l'absence  du  gouverneur  le  juge  en 
chef  sera  président)  pour  entendre  et  juger  tous  appels  des  Cours  Infé- 
rieures de  juridiction  civile  dans  la  province  dont  la  valeur  en  litige  excé- 
dera la  somme  de  dix  livres  sterling  ou  de  causes  concernant  la  perception 
ou  demande  de  quelque  droit  dû  à  Sa  Majesté,  ou  de  quelqu'honoraires 
d'office,  rentes  annuelles  ou  autres  telles  semblables  affaires,  ou  choses 
dont  les  droits  seront  fixés  à  l'avenir,  quoique  la  somme  soit  au-dessous 
de  dix  livres  sterling". 

"Cinq  des  membres  du  dit  Conseil  (excepté  les  juges  qui  auront  rendu 
la  sentence  dont  on  fait  appel)  avec  le  gouverneur,  le  lieutenant-gouver- 
neur et  le  jugé  en  chef  composeront  une  Cour  à  cet  effet,  qui  siégera  tous 
les  premiers  lundis  de  chaque  mois  pendant  toute  l'année  et  qui  continuera 
à  sjéger  chaque  mois  aussi  longtemps  que  les  affaires  le  requèreront. 

"Et  la  dite  Cour  d'Appel  aura  pouvoir  de  reviser  et  examiner  toutes 
les  procédures  des  Cours  Inférieures  et  de  corriger  toutes  erreurs  tant  de 
droit  que  de  fait  et  de  rendre  tels  jugements  que  les  Cours  Inférieures 
auraient  dû  prononcer,  et  d'accorder  et  décréter  dans  tels  jugements  telles 
exécutions  que  prescrit  la  loi". 

"Les  jugements  de  la  dite  Cour  d'Appel  seront  définitifs  dans  tous 
procès  dont  la  valeur  en  litige  n'excédera  point  la  somme  de  cinq  cents 
livres  sterling;  mais  dans  ceux  qui  excéderont  cette  somme,  il  pourra  en 
être  interjeté  appel  à  Sa  Majesté  en  son  Conseil  Privé,  en  donnant  pre- 
mièrement par  l'appelant  suffisantes  cautions  qu'il  poursuivra  effective- 
ment le  dit  appel,  qu'il  répondra  du  montant  de  la  condamnation  et  qu'il 
[•aiera  aussi  tous  les  frais  et  dommages  qui  seront  accordés  par  Sa  Majesté 
en  son  Conseil  Privé,  dans  le  cas  où  le  jugement  de  la  dite  Cour  d'Appel 
serait  confirmé." 


—  368  — 

Ju<,f<'ineiit  sus])en(lu  jus(^u'à  la  décision  déliiiitivc  de  l'iipi)el. 

Tons  procès  restant  pendant  dans  aucune  des  Cours  d'zVppel  étal)lies 
ci-(le\anl  en  cette  province,  seront  })ortcs  incessaniment  h  la  Cour  d'Appel 
établie  par  ces  présentes,  pour  y  obtenir  jugement  et  exécution. 

Ordoniiance  le  1  mars  177  7,  (pii  établit  une  seule  (îour  de  juridiction 
(•riminelle  en  la  ])ruvince.  Cette  Cour  sera  nommée  Cour  du  Banc  du 
lioi,  qui  décidera  suivant  les  lois  d'Angleterre  et  les  ordonnances  du 
gouverneur  et  Conseil. 

Jl  y  a  beaucoup  de  plaintes  contre  toutes  les  CV)urs  de  justice  de 
ces  temj)S  et  contre  la  Cour  d'Apj)el  particulièrement:  ces  plaintes  vien- 
]ient  surtout  des  anciens  sujets  de  Sa  Majesté  d'Angleterre. 

Le  14  février  1780,  ]\I.  Grant,  conseiller,  ayant  fait  une  motion  devant 
le  Conseil,  pour  savoir  si  un  membre  de  ce  corps,  en  tant  que  membre 
d'un  corps  législatif,  ne  j)eut  pas  i)rendre  co])ie  des  documents  mis  devant 
le  Conseil  })ar  Son  Excellence  le  gouverneur  ou  autres  ])ersonnages  afin 
de  pouvoir  l'étudier  on  son  parti(ailier  et  se  former  une  opinion  des  affaires 
(ju'il  est  appelé  à  juger.     Cette  motion  est  rejetée  par  le  (Conseil. 

Le  4  juillet  1785,  dans  un  appel  de  William  et  Robert  Grant  contre 
Alex.  Gray,  M.  Delery  iHilidrew  not  understanding  the  englisk  pïeadings. 

Le  24  août  1786,  la  Cour  d'Appel  ordonne  qu'à  l'avenir,  dans  toutes 
Is  causes  où  les  procédures  sont  en  anglais  seulement,  les  parties  ou  leurs 
conseils  feront  faire  un  résumé  des  différents  plaidoyers  ainsi  que  des 
])rocédures  et  jugements  des  C*ours  Inférieures,  faisant  connaître  les  rai- 
sons d'ap])el,  etc,  etc,  pour  le  tout  être  traduit  en  français  et  mis  à  la 
disposition  des  juges 'canadiens  français  qui  font  partie  de  la  Cour  d'Appel. 

Le  0  janvier  1787,  les  marcbands  de  Québec  s'adressant  au  Conseil 
Législatif  s^expriment  comme  suit,  article  XI  : 

"Les  défauts  de  jiratiques  dans  les  Cours  Inférieures  se  sont  aussi 
introduits  dans  la  Cour  d'Appel,  qui  pendant  ces  buit  dernières  années 
s'est  trouvée  à  agir  a\ec  désavantage  n'ayant  j)as  un  seul  de  ses  membres 
(|ui  fut  strictement  un  homme  de  loi  pour  renseigner  les  autres  membres 
de  ce  Conseil  sur  les  questions  de  loi." 

La  même  année  (1787)  -Hugb  Finlay,  l'un  des  memlires  même  du 
Conseil,  rendant  témoignage  à  l'enquête  faite  sur  l'administration  de  la 
justice  en  cette  ])rovince,  dit  que  dans  plusieurs  causes  commerciales  qu'il 
cite,  la  Cour  d'Ap])el  dans  certains  cas  s'a])puie  sur  les  lois  français  et  dans 
d'autres  sur  celles  d'Angleterre. 


...  369  — 

Il  (lit  aussi  que  cette  Cour  d'Appel  n'a  jamais  adopté  de  principes 
généraux  de  loi  comme  base  de  ses  décisions,  mais  il  est  convaincu  que 
les  membres  français  décident  suivant  leur  entendement  et  au  meilleur  de 
leur  connaissance.  Les  membres  canadiens-français,  en  général,  se  basent 
sur  les  lois  françaises  pour  toutes  les  affaires,  étant  convaincus  que  c'est  là 
ce  que  l'Acte  de  Québec  décrète  ;  les  anglais,  eux,  Sont  d'opinion  que  dans 
une  cause  commerciale  dont  les  ])arties  sont  aiiglaises  cette  cause  doit  être 
jugée  comme  elle  le  serait  en  Angleterre. 

X'est-il  pas  curieux  que  les  jugements  des  Cours  Inférieures,  prési- 
dées ])ar  des  hommes  de  loi  généralement  compétents,  qui  ont  été  élevés 
dans  cette  ])rofession,  soient  revisés  et  très  souvent  renversés  par  une  Cour 
d'Appel  qui  fut  toujours  composée  en  grande  majorité  de  gens,  probable- 
ment honorables,  mais  qui  n'avaient  aucune  compétence  dans  les  lois. 

Avant  1788,  il  u\  avait  ]»as  de  Règles  de  pratique  dans  aucune  de 
nos  Cours  de  justice  (Registre  2  avril  1800).  p]n  effet,  ce  ne  fut  que  le 
29  de  janvier  1788  que  la  Cour  d'Appel  adopta  des  règlements  sur  la 
])ratique  par  lesquels  entre  autres  choses  on  y  règle  qu'il  y  aura  péremption 
d'instance  après  un  an  de  suspension  des'  procédures  ;  que  la  robe  et  le 
rabat  seront  requis  pour  les  avocats  j)laidant  devant  cette  Cour,  etc. 

Avant  cette  date  les  avocats  étaient  toutefois  tenus  de  ne  pas  se 
])résenter  à  la  Cour  d'Appel  autrement  qu'en  habit,  veste  et  pantalon 
noirs  ;  je  trouve  ce  qui  suit  sur  ce  sujet  dans  les  registres  de  la  Société 
du  Barreau  établie  à  Québec  en  1779.  Le  5  juillet  1784,  M.  Thomas, 
a\ocat,  est  condamné  à  5  schellins  d'amende  par  résolution  du  corps  des 
avocats,  réunis  en  assemblée,  pour  être  allé  au  Conseil  samedi,  le  19  juin 
précédent,  oii  il  avait  plaidé  en  veste  blanche.  Lé  même  jour  Jean-A. 
I^lnet  est  aussi  condamné  au  môme  montant  jwur  avoir  plaidé  au  Conseil 
en  habit  gris. 

D'après  le  même  registre  de  cette  "Société  du  Barreau"  (que  je 
])ossède  dans  ma  bibliothèque),  à  la  date  du  29  novembre  1784,  il  y  est 
dit  qu'il  y  avait  quinze  avocats  commissionnés  qui  pratiquaient  à  Québec. 
Ces  derniers  étaient  alors  reçus  sous  le  bon  plaisir  du  gouvernement. 

Les  statistiques  judiciaires  de  ce  temps  sont  si  rares  que  je  m'empresse 
de  publier  les  renseignements  qui  suivent,  ]iariis  dans  la  (Idzpffc  ih  Qurhec 
du  5  janvier  1792  : 


—  870  — 

Des  règles  de  pratique  (2)  ])oiir  la  Cour  d'Appel  ainsi  ([ue  pour  la 
Cour  du  Baue  du  Roi  sont  adoptées  et  mises  en  force  le  19  janvier  1809. 

Par  x'cs  nouvelles  règles  de  pratique,  il  est  ordonné  que  les  avocats 
ne  doivent  paraître  à  la  Cour  qu'habillés  de  noir,  avec  toge,  etc,  (Robes 
and  Bands),  comme  il  est  d'usage  à  Westminster  Hall,  Angleterre,  avec 
les  cheveux  en  queue  (Hair  in  hags). 

Les  protonotaires,  le  shérif  et  le  crieur  sont  aussi  obligés  de  porter 
les  costumes  que  })ortent  les  mêmes  officiers  en  Angleterre,  avec  en  sus, 
pour  le  shérif,  son  bâton  d'office  et  son  sabre  (Wand  of  office  (md  sivord). 

I^e  bureau  du  shérif,  ainsi  que  celui  du  protonotaire,  doivent  être 
omerts  de  '8'  à  '6'  lieures,  jiendant  le  temps  que  la  Cour  siège  ;  ([uand  la 
Cour  ne  siège  j)as  ces  bureaux  sont  fermés  de  midi  à  '2'  heures. 

De  vives  protestations  s'élevèrent  dans  la  Chambre  d'Assemblée  au 
sujet  de  ces  règles  de  pratique,  qui  aboutirent  à  une  enquête  faite  en 
1814,  par  un  comité  de  cette  Chaml)re,  qui  concluait  à  l'impeachment  des 
juges  Jonathan  Sewell  et  James  Monk,  pour  s'être  arrogé  par  ces  règles 
de  ])ratique  des  droits  législatifs  que  la  Chambre  seule  pouvait  exercer. 

Je  ne  veux  pas  entrer  dans  tous  les  détails  de  cet  événement  judi- 
ciaire; disons  seulement  que  des  trente-six  griefs  ou  résolutions  du  comité 
auquel  avait  été  référée  la  question,  la  Chambre  en  vota  trente-quatre 
unanimement;  une  voix  seulement  ayant  été  enregistrée  contre  les  deux 
j)remières  résolutions  du  comité. 

JjCS  chefs  d'accusation  contre  le  juge-en-chef  Sewell  sont  particuliè- 
rement violents  et  y  auraient  gagné  à  l'être  moins.  Ce  rapport  de  la 
Chambre  fut  mis  entre  les  mains  du  gouverneur  Prévost  pour  être  trans- 
mis à  )Son  Altesse  Royale  le  Prince  Régent,  avec  prière  du  gouverneur  de 
suspendre  les  dits  juges  dans  l'intérim.  Le  gouverneur  s'engage  à  trans- 
mettre le  tout  en  Angleterre,  mais  ne  croit  pas  devoir  suspendre  les  dits 
juges  à  la  requête  de  la  Chambre  seulement,  le  Conseil  Législatif  n'ayant 
])as  été  consulté  là -dessus. 

Les  plaintes  de  la  Chambre  ayant  été  soumises  au  Conseil  Privé, 
celui-ci  décida  c{ue  les  dits  juges,  ni  les  Cours  qu'ils  président,  n'avaient 
outrepassé  leur  autorité  en  faisant  de  telles  règles  de  pratique  ;    inutile 


(2)  Rules  and  orders  of  practice  in  the  Provincial  Court  of  Appeals,  Lower 
Canada,  Québec:  Printed  by  P.-E.  Desbarats,  Law  Printer  to  the  King's  Most 
Excellent  Majesty,  1809,  12  pages  grand  in- 4. 

Orders  and  rides  of  practice  in  the  Court  of  King's  Bench^  for  the  District 
of  Québec,  Loiocr  Canada,  Québec:     M.DCCC.IX.     397   pages  in- 16. 


...  371  — 

(le  dire  que  les  deux  juges-en-chef  se  défendirent  habilement  devant  le 
Conseil  Privé  ;  je  possède  dans  ma  bibliothèque  le  mémoire  de  défense  du 
juge  Sewell,  qui  est  un  modèle  du  genre. 

Les  deux  juges  firent  circuler  une  petite  brochure  (3),  contenant  la 
réponse  du  Prince  Régent  leur  donnant  gain  de  cause  contre  l'Assemblée. 

En  1815  la  Chambre  d'Assemblée  ayant  fait  une  nouvelle  enquête 
"sur  la  constitution  existante  des  Cours  de  justice  criminelle  et  civile 
dans  la  province",  un  projet  de  loi  (4)  fut  lu  une  première  fois  en  Cham- 
bre, qui  avait  pour  but  d'amender  de  nouveau  l'Acte  de  Judicature  de 
la  34e  année  du  règne  de  Sa  Majesté  George  III.  Par  ce  projet  de  loi, 
on  érigit  une  Cour  Supérieure  de  Juridiction  ou  Cour  Provinciale 
d'Appel,  laquelle  Cour  aurait  été  composée  du  juge-en-chef  et  de  quatre 
juges  associés  du  Banc  du  Hoi,  dont  trois  feront  quorum  ;  le  plus  ancien 
juge  y  présidant. 

Cette  Cour  devait  siéger  pendant  trois  termes  ou  sessions  par  année, 
du  1er  au  9  des  mois  de  mars,  juillet  et  décembre  ;  les  mêmes  juges  siègent 
aussi  comme  Cour  de  juridiction  criminelle  ou  Cour  Provinciale  du  Banc 
du  Roi,  pour  les  matières  criminelles. 

Il  était  aussi  statué  par  l'article  VIII  de  ce  projet  de  loi,  qu'aucun 
juge  de  la  Cour  du  Banc  du  Roi  pour  les  matières  cinks  ne  pourrait  être 
nommé  à  moins  qu'il  n'ait  été  un  avocat  duement  admis  à  pratiquer  et 
qu'il  n'ait  pratiqué  de  bonne  foi  au  barreau,  pendant  cinq  ans. 

Ce  projet  de  loi,  qui  n'eut  pas  de  suite  pour  le  moment,  ne  devait 
en  grande  partie  devenir  en  force  que  sous  l'Union  en  1843. 

Le  16  novembre  1818,  le  juge-en-chef  Sewell  écrit  au  gouverneur- 
général,  se  ])laignant  de  l'absence  presque  continuelle  de  certains  juges 
de  la  Cour  d'Appel,  ce  qui  fait  que  les  affaires  de  cette  Cour  sont  retardées, 
faute  de  quorum.  On  paraît  surtout  s'absenter  quand  paraissent  les  causes 
du  district  de  Québec.  Les  juges  dont  on  se  plaint  ici  sont  les  juges 
ilonk,  Baby,  Cuthbert  et  Perceval. 


(  3  )  Message  de  Son  Excellence  l'Administrateur  en  chef  à  la  Chambre 
d'Assemblée,  vendredi,  2  février  1816.  Québec:  Imprimé  à  la  Nouvelle-Impri- 
merie, No  21.  rue  Buade,  1816,  17  pages  in- 8.  Textes  anglais  et  français  en 
legard. 

(4)  Imprimé  sous  le  titi-e  suivant:  Extraits  des  procédés  de  la  Chambre 
d'Assemblée  dans  la  prc7nière  session  du  huitième  Parlement  Provincial  du  Bas- 
Canada,  sur  la  constitution  coHistante  des  Cours  de  justice  criminelle  et  civile 
dans  la  dite  Province.  Québec,  imprimé  à  la  Nouvelle- Imprimerie,  No  21,  rue 
Buade,  1815,  6  7  pages  in- 12.     Textes  anglais  et  français  en  regai'd. 


...  372  --- 

Des  iruiiblcs  étant  .surveiius  dans  le  pays,  la  constitution  l'ut  suspen- 
due Je  10  lévrier  1838  et  la  proclamation  s'en  fit  à  Québec,  le  âî)  mars 
.suivaid.  Vn  Conseil  spécial  de  \ingt-deu.\  menihn's  fut  institué  pour  la 
direction  des  affaires  du  pays. 

Dans  cet  acte  qui  est  intitulé:  An  Act  to  mal-e  temporary  provùion 
fur  ihc  governement  of  Lower  Canada  (1  et  2  Victoria,  chap.  9),  il  est 
stipulé  j)ar  l'article  YT,  que  rien  de  ce  qui  est  contenu  dans  cet  acte  ne 
sera  considéré  comme  affectant  ou  invalidant  aucune  loi,  statut  ou  ordon- 
]iance,  maintenant  en  l'orce,  en  la  dite  province  du  Bas-Canada,  ou  aucune 
partie  d'ioelle,  excepté  dans  le  cas  où  ceux-ci  seraient  en  complète  contra- 
diction avec  le  dit  acte  de  suspension. 

Lu  Cour  Provinciale  d'Appel  reste  composée  comme  auparavant  du 
gouverneur,  du  lieutenant-gouverneur,  ou  de  l'administrateur  de  la  pro- 
vince et  des  membres  du  Conseil  exécutif,  qui  sont  les  suivants:  les  hono- 
rables Wm  Smith,  (!.-Fs  Delery  et  W.-A.  Cochran  (ayant  rang  et  préséance 
suivant  la  date  de  leurs  commissions),  ainsi  que  les  honorables  John 
Stewart,  Dominique  Mondelet,  Hughs  Heney,  George  Pemberton,  Louis 
Panet,  William  Shephred,  D.  Daly,  E.-G.  Kouth,  Geo.  Moffat,  Peter 
McGill,  Toussaint  Pothier  et  Pierre  De  Rocheblave,  puis  le  Juge-en-chef 
de  la  Cour  du  Banc  du  Roi  à  Montréal,  dont  cinq  formeront  un  quorum. 

Pendant  les  })remières  séances  de  cette  nouvelle  Cour  d'Appel,  durant 
la  suspension  de  la  constitution,  ce  fut  le  juge-en-chef  Sewell  qui  présida 
la  Cour  ;  l'année  suivante  c'était  James  Stuart,  son  plus  formidable  ad- 
versaire et  ennemi,  qui  le  remplaçait  sur  le  même  siège. 

Ceux  qui  aimeraient  à  connaître  l'opinion  de  Lord  Durham  sur  ce 
])lus  haut  tribunal  de  justice  de  notre  province,  feraient  bien  de  lire  son 
rapport  sur  les  affaires  du  Canada,  en  1839,  où  il  fait  une  histoire  de  cette 
Cour  d'Appel  qui  n'est  pas  très  flatteuse  pour  le  tribunal,  et  qui  pourtant, 
]U)us  croyons,  se  rapproche  pas  mal  de  la  vérité. 

11  y  fait  surtout  un  portrait  saisissant  du  Conseil  Exécutif  dont 
les  membres  sont  les  juges  d'Appel.  Durham  prétend  avoir  réorganisé 
cette  Cour  à  son  arrivée  ici  et  avoir  ranimé  la  confiance  dans  ses  décisions. 

Dans  son  projet  d'LTnion,  Durham  suggère  une  Cour  Suprême  d'Ap- 
pel pour  toutes  les  colonies  de  l'Amérique  du  Nord,  au  lieu  de  laisser 
subsister  un  tribunal  d'Ap])el  dans  chacune  des  provinces.  Cette  sug- 
gestion de  Lord  Durham  devait  à  ])eu  près  se  réaliser  par  l'établissement 
d'une  Cour  Suprême  pour  la  Puissance,  en  1875. 


...  373  — 

Tous  les  éléments  politiques  du  pays  paraissent  s'accorder  pour  cri- 
tiquer la  composition  de  ce  tribunal  d'A])pel,  dont  les  juges  sont  des 
membres  du  Comité  Exécutif.  On  en  avait  fait  le  sujet  d'une  des  quatre- 
vingt-douze  Eésolutions,  en  1834  (5). 

1841 

Union  Législative  des  provinces  du  Bas  et  du  Haut-Canada,  con- 
sommée le  23  juillet  1840,  par  un  acte  intitulé:  An  Act  to  reunite  ihe 
provinces  of  Upper  and  Lower  Canada  and  for  the  government  of  Canada 
(3  et  4  Victoria,  chap.  35);  le  pays  portant  maintenant  le  nom  officiel 
de  Province  du  Canada. 

L'union  judiciaire  des  deux  }>rovinces  n'eut  pas  lieu  toutefois,  quoi- 
qu'elles fussent  réunies  en  une  .seule,  j)ar  cet  acte,  car  le  Haut  et  le  Bas- 
Canada  demeurèrent  séparés  en  deux  parties  bien  distinctes  quant  aux 
institutions  légales,  et  le  Parlement  de  l'Union  légifère  le  plus  souvent 
séparément  pour  chacune  de  ces  deux  ci -devant  provinces. 

La  partie  P]st  du  Canada  (Québec)  conserve  ses  anciennes  lois  civiles 
françaises  telles  qu'elles  existaient  avant  l'Union. 

Les  articles  quarante-six  et  quarante-sept  de  l'acte  de  l'Union  statue 
que  toutes  les  lois,  statuts  et  ordonnances  en  force  dans  les  deux  provinces 
au  moment  de  l'L^nion  et  non  rappelées  par  le  dit  acte,  resteront  en  force 
dans  les  dites  deux  provinces  respectivement  comme  si  l'Union  n'avait 
])as  eu  lieu. 

Par  le  statut  de  1843  (6  Vict.,  chap.  16-20)  la  Cour  d'Appel  se  com- 
pose de  tous  les  juges  de  la  Cour  du  Banc  de  la  Reine,  dont  quatre  forment 
un  quormn  ;  les  termes  ayant  lieu  du  1er  au  10  novembre  inclusivement, 
des  mois  de  mars,  juillet  et  novembre  chaque  année.  La  Cour  siège  alter- 
nativement à  Québec  et  à  Montréal. 

La  première  séance  de  cette  Cour  sous  la  nouvelle  loi  eut  lieu  à 
Québec.  Ce  transport  de  la  prérogative  de  juger  en  Appel,  du  Conseil 
Exécutif  aux  juges  de  la  Cour  du  Banc  de  la  Reine,  pour  lequel  on  com- 
battait depuis  si  lon^emps,  a  été  peut-être  le  plus  grand  pas  fait  pour 
augmenter  la  confiance  dans  les  décisions  de  ce  tribunal,  jusques-là  com- 
posé de  créatures  dociles,  que  le  gouverneur  faisait  mouvoir  à  sa  guise  et 
qui  dépendaient  complètement  de  son  Ijoii  vouloir,  pour  la  conservation 


(5)   Voir  le  84ième,  art.  1er. 


—  374  — 

(le  leur  position.  C'était, enfin  le  triomphe  des  idées  de  la  ('hambre  d'As- 
semblée de  1815. 

Par  le  statut  12  Victoria,  chap.  37  et  38,  les  termes  de  la  Cour  d'Ap- 
])el  et  Erreurs  sont  changés  comme  suit  :  à  Montréal,  du  1er  au  12  mars 
et  du  1er  au  13  octobre;  à  Québec,  du  7  au  18  janvier  et  du  1er  au  12 
juillet. 

Par  la  17ième  section  du  statut  20  Victoria,  chap.  44,  les  causes  en 
Ap])el  des  districts  d'Ottawa,  Montréal,  Terrebonne,  Joliette,  Richelieu, 
St-François,  Bedford,  St-Hyacinthe,  Iberville  et  Beauharnois  sont  enten- 
dues et  déterminées  à  Montréal  seulement  et  les  writs  "en  tels  cas  sont 
retournables  là;  et  les  causes  des  districts  des  Trois-Rivières,  Québec, 
(Saguenay,  Gasi)é,  Kamouraska,  Montmagny,  Beauce  et  Arthabaska  sont 
entendues  et  déterminées  en  la  cité  de  Québec  seulement,  où  les  writs  sont 
retournables.  Les  termes  de  la  Cour  sont  encore  changés  cette  fois  et 
sont  comme  suit:  Montréal,  les  1er  de  mars,  juin,  septembre  et  décembre; 
Québec,  le  12  des  mêmes  mois,  chaque  année. 

1867 

L'article  129  de  l'Acte  de  l'Amérique  Britannique  du  Nord  stipule 
(jue,  dans  tous  les  cas  non  prévus  par  le  dit  acte,  toutes  les  lois  en  force 
au  C'anada,  dans  la  Nouvelle-Ecosse  et  au  Nouveau-Brunswick  au  temps 
de  la  Confédération  de  ces  provinces,  continueront  d'être  en  force  dans 
les  dites  })rovinces  comme  si  la  Confédération  n'avait  pas  eu  lieu;  sujet 
toutefois  aux  changements  qu'y  pourraient  faire  les  Communes  ou  les 
Législatures  de  ces  différentes  provinces  suivant  l'autorité  conférée  par 
cet  acte  aux  dites  Législatures. 

1875 

Par  le  statut  du  Canada  de  l'année  1875  (38  Vict.,  chap.  11)  une 
Cour  Suprême  ou  Cour  générale  d'Appel  pour  tout  le  Canada  est  établie, 
laissant  exister  les  Cours  d'Appel  des  provinces,  avec  privilèges  de  faire 
reviser  les  jugements  de  ces  dernières  par  le  Conseil  Privé  comme  aupa- 
ravant, sans  être  obligé  de  passer  par  la  Cour  Suprême. 

Cette  Cour  Suprême  se  compose  d'un  juge-en-chef  et  de  cinq  juges 
jjuinés,  dont  deux  au  moins  doivent  être  choisis  parmi  les  membres  du 


...  l^ct  ... 

barreau  de  la  province  de  Québec,  afin  que  cette  Cour  puisse  toujours 
avoir  l'assistance  de  personnes  particulièrement  renseignées  sur  les  lois 
des  Canadiens-Français  de  la  province  de  Québec.  Il  y  a  appel  des  Cours 
Provinciales  à  ce  tribunal  pour  les  causes  civiles  et  criminelles. 

Pour  les  causes  de  Québec,  l'appel  ne  peut  venir  que  de  la  Cour  du 
Banc  du  Koi  ou  de  la  Cour  Supérieure  siégeant  en  Kévision  quand  il  n'y 
a  pas  d'appel  à  la  Cour  d'Appel. 

Il  y  a  appel  des  jugements  de  la  Cour  d'Appel  à  la  Cour  Suprême 
du  Canada,  en  matières  criminelles;  mais  seulement  quand  les  juges  de 
la  Cour  d'Appel  ne  sont  pas  unanimes  dans  leur  jugement.  Il  n'y  a  pas 
d'appel  de  plein  droit  d'un  jugement  d'aucune  Cour  Criminelle  du  Cana- 
da au  Conseil  Privé  en  Angleterre.  Il  peut  toutefois  y  avoir  appel  de 
grâce  —  comme  dans  l'affaire  Gaynor  et  Greene  —  si  le  Conseil  Privé 
juge  à  propos  de  s'y  prêter,  et  cela  malgré  la  section  1025  du  Code  Cri- 
minel (55-56  V.,  c.  39,  sec.  75). 

Le  Conseil  Privé  n'admet  des  appels  de  la  Cour  Suprême  du  Canada 
que  dans  des  cas  graves  d'intérêt  public  ou  de  points  de  loi  importants. 
Il  n'y  a  pas  d'appel  de  plein  droit,  excepté  pour  des  causes  de  l'Amirauté. 

Avec  l'établissement  de  la  Cour  Suprême,  nos  Cours  Provinciales 
d'Appel  perdirent  leur  titre  de  principal  et  plus  haut  tribunal  judiciaire 
de  ce  pays. 

PHILEAS    GAGNON 


I  E  CHEVALIER  DE  GHAMPIGNY 


Le  chevalier  de  Champigny  était  le  Irère  cadet  de  notre  intendant,  M.  Bo- 
chart  Champigny. 

Garde  de  la  marine  en  1695,  le  chevalier  de  Champigny  obtint,  l'année  sui- 
vante, une  enseigne  dans  les  troupes  du  détachement  de  la  marine  servant  dans 
la  Nouvelle-France. 

En  1698,  il  était  promu  lieutenant,  et,  le  20  avril  1700,  fait  capitaine  en  pied. 

Le  18  octobre  1700,  MM.  de  Calliêres  et  Bochart  Champigny  écrivaient  au 
ministre  : 

"Les  sieurs  Linctot,  Tonty,  Boulanges  et  chevalier  de  Champigny  remer- 
cient très  humblement  Sa  Majesté  de  la  grâce  qu'elle  leur  vient  de  faire  en  leur 
accordant  à  chacun  une  compagnie " 

Le  18  mai  1700,  le  chevalier  de  Champigny  obtenait  un  congé  de  neuf  mois. 
Il  s'embarqua  pour  la  France  à  l'automne  de  la  même  année. 

M.  de  Champigny  ne  revint  pas  dans  la  Nouvelle- France.  Le  1er  mars 
1702,  il  obtenait  du  roi  la  permission  de  se  retirer  de  son  service,  et,  le  1er  avril 
suivant,  M.  Le  Gardeur  de  Courtemanche  recevait  le  commandant  de  sa  compa- 
gnie. 


376  — 


JOACHIM    CHALONS 


Joacliim  Châlons  vint  dans  la  Nouvelle-France  en  qua- 
lité d'agent  des  intéressés  en  la  société  en  commandite  for- 
mée par  M.  Oudiette  qui  avait  obtenu  du  roi  de  France  la 
ferme  des  droits  sur  les  castors,  les  orignaux,  les  vins,  les 
eaux-de-vie  et  le  tabac. 

Le  28  septembre  1685,  l'intendant  de  Meulles  écrivait 
au  ministre  : 

"Les  précédents  fermiers  ont  eu  icy  deux  conmiis  l'un 
noimné  Chalons  et  l'autre  Riverin  qui  estaient  i3arvenus  à 
un  si  hault  point  de  gloire  et  de  fierté  qu'ils  se  sont  donné 
la  liberté  de  controller  toutes  les  actions  de  ceux  qui  ont 
l 'authorité  du  Roy  en  mains  ;  j 'ay  sçeu  plusieurs  fois 
qu'ils  parlaient  avec  la  dernière  insolence  de  Monsieur  de 
la  Barre,  et  qu'enfin  cela  pourrait  diminuer  et  rendre  mé- 
prisable l'autorité  que  Sa  Majesté  luy  avait  -confiée,  ce  qui 
aurait  i^u  dégénérer  en  sédition  et  révolte,  et  après  leur 
en  avoir  donné  avis  par  deux  ou  trois  fois  avec  toute  l'hon- 
nesteté  imaginable  et  particulièrement  au  nommé  Chalons, 
et  lui  avoir  fait  connaistre  que  cela  est  fort  dangereux  et 
qu'il  devait  se  contenter  d'avoir  mandé  son  sentiment  à 
Paris,  je  luy  fis  niesme  connaistre  qu'il  devait  profiter  de 
mon  exemple  et  du  respect  que  j 'avais  jjour  Monsieur  de  la 
Barre  pour  que  je  n'eusse  pas  lieu  d'en  estre  satisfait,  tout 
ce  que  je  luy  dis  luy  prouva  si  peu  de  choses  qu'il  continua 
de  plus  en  plus  à  parler  avec  autant  de  liberté  que  je  me 
trouvay  obligé  de  luy  dire  que  je  le  ferais  mettre  prison- 
nier si  j'apprenais  qu'il  en  parlast  davantage.  Il  n'en  fit 
I3as  moins  pour  cela,  et  au  lieu  qu'il  ne  i)arlait  que  contre 
Monsieur  de  la  Barre,  il  commença  sous  main  à  se  déchaî- 
ner contre  moy  ;  Luy  et  le  d.  Riverin  étaient  appuyés  i^ar 
Monsieur  de  Montortier  qui  n'ayant  rien  à  faire  ici  pas- 
sait son  tenqjs  avec  eux  à  gloser  et  conunenter  toutes  nos 


...  377  -- 

actions,  et  appuyer  secrètement  toutes  les  cabales  de  ces 
deux  messieurs.  S'il  est  vray,  Monseigneur,  que  nous 
nous  sommes  trouvés  embarrassés  Monsieur  de  la  Barre 
et  moy  sur  ce  que  nous  devions  faire,  parceque  les  faisant 
mettre  en  prison,  c 'estait  leur  donner  lieu  de  crier  et  de 
faire  entendre  à  leurs  maistres  que  leur  emprisonnement 
aurait  causé  un  grand  préjudice  à  leurs  droits  ;  ils  prévo- 
yaient si  bien  cette  raison  qu'ils  s'en  tenaient  tout  tiers  et 
vivaient  presque  comme  indépendants,  ces  deux  conmiis 
m'ont  parlé  depuis  ce  temps  avec  ime  hardiesse  et  une  in- 
solence que  je  devais  faire  punir  à  l'heure  mesme. 

"Je  prendray  la  liberté  de  vous  dire  encore.  Monsei- 
gneur, que  deux  personnes  de  probité  me  sont  venus  trou- 
ver pour  me  dire  que  le  d.  Châlons  s'abandonnait  si  fort  à 
sa  i^assion  qu'il  gardait  aucunes  mesures  et  qu'en  toute 
occasion  il  jjarlait  de  moy  avec  la  dernière  insolence  ;  si 
j'avais  fait  mon  devoir  je  l'aurais  fait  mettre  en  prison. 
Mais,  Monseigneur,  comme  cette  affaire  regarde  ma  per- 
sonne et  que  ces  sortes  d'actions  pourraient  peut-être  vous 
faire  concevoir  que  je  suis  violent  et  que  je  me  servirais 
de  l'auctorité  que  le  Roy  m'a  confiée  pour  me  venger  j'ay 
cru  que  le  meilleur  était  de  vous  en  donner  connaissance 
et  de  vous  en  demander  justice  pour  servir  d'exemi)le  à  ces 
sortes  de  commis,  et  leur  apprendre  d'estre  toujours  dans 
leur  devoir  et  ne  se  i)oint  glorifier  et  tirer  tro})  d'avantage 
du  crédit  de  leurs  maistres  ;  on  aura  des  nouvelles  de  ces 
deux  commis  chez  Monsieur  de  Vitry  La  Ville,  cy-devant 
fermier  de  ce  i:>ais  "  (  1  ) . 

(1)     2o  série,  vol.  4,  folio  2277. 


—  fî7S  - 


QUESTIONS 


— On  sait  que  l'irascible  M.  de  Mézy,  gouverneur  de  la  Nouvelle-France, 
et  plusieurs  autres  personnages  de  marque  demandèrent  à  être  enterrés  dans 
le  cimetière  des  pauvres  de  l'Hôtel-Dieu  de  Québec.  Ce  cimetière  existe-t-il 
encore  ?  Bien  des  lecteurs  du  Bulletin  liraient  avec  plaisir,  j'en  suis  certain, 
un  historique  de  ce  cimetière  plus  connu  sous  le  régime  français  que  de  nos 
Jours  ? 

QUEBEC 

— Au  pied  d'un  acte  de  Guillaume  Audouard,  à  la  date  du  25  juillet  1651, 
je  vois  la  signature  de  J.  Renoiiard  de  Bellair.  I^'écriture  est  très  belle  et 
le  nom  est  suivi  d'un  paraphe  très  étudié.  Le  corps  de  l'acte  donne  le  pré- 
nom de  Jacques  à  M.  Renoiiard  de  Bellair  qui  n'agit  en  la  circonstance  que 
comme  témoin.  Tanguay  ne  dit  pas  un  mot  de  ce  personnage.  A-t-il  fait 
souche  au  pays  '.'  Qui  me  renseignera  sur  lui   ? 

R.  O.  B. 

— Sous  le  régime  français  la  plupart  des  formules  de  serment  portaient 
"lequel  après  serment  par  luy  fait  de  dire  vérité  et  qu'il  nous  a  dit  n'être  parent, 
allié,  serviteur  ni  domestique " 

Quelle  différence  faisait-on  sous  le  régime  français  entre  le  serviteur  et  le 
domestique  ?  Aujourd  hui,  il  semble  que  les  fonctions  du  serviteur  sont  à  peu 
près  les  mêmes  que  celles  du  Domestique. 

AGO 

Dans  une  note  du  Père  Jésuite  François  de  Crespieul  au  sujet  de  la  mis- 
sion de  Tadoussac,  je  lis  : 

"Il  serait  bon  aussi  d'achever  le  Dictionnaire  du  Père  LeJeune  en  langue 
montagnèze  (montagnaise),  d'autant  qu'il  n'y  en  a  aucun  en  ce  pays". 

Le  Dictionnaire  du  Père  LeJeune  a-t-il  été  publié  ?  S'il  est  encore  inédit, 
où  le  manuscrit  en'  est-il  conservé  ? 

LINGT 

— Dans  un  acte  notarié  de  1760  ou  1761  il  est  question  d'un  endroit  nom- 
mé "Les  Sources"  dans  le  gouvernement  de  Montréal.  Où  se  trouvait  cette 
paroisse  ou  seigneurie  ? 

A.   B. 

— Dans  sa  lettre  au  ministre  du  24  septembre  168  5,  où  il  lui  raconte  qu'il 
vient  diétablir  une  monnaie  nouvelle  à  l'aide  de  cartes  à  jouer,  l'intendant  de 
Meulles  écrit  :  "J'ây  rendu  une  ordonnance  par  laquelle  j'ay  obligé  tous  les 
habitants  de  recevoir  cette  monnaie  en  m'obligeant  en  mon  nom  de  rem- 
bourser les  d.  billets,  personne  ne  les  a  refusé  et  cela  a  fait  un  si  bon  effet 
que  par  ce  moyen  les  troupes  ont  vécu  à  l'ordinair". 

Cette  ordonnance  de  l'intendant  de  Meulles  a-t-elle  été  ])ubliée   ?  Où    ? 

X  Y  Z 


—  379  — 
TABLE  DES  MATIERES 


Actes  de  foi  et  honmiage  conservés  à  Montréal,  Inventaire 

des. 93,300 

Adhémar.  Jean-Baptiste- Amable 274 

Allaitement  tardif 299 

Allumettes    au  Canada,  La  première  manufacture  d'  187 

Amariton,  François 331 

Amyot  de  Vincelotte 6 

Argenteuil,  Pierre  d'Ailleboust  d'. 327 

Anville,    Le    duc  d' .   255 

Argenterie,  Etienne  de  Miré  de  r 332 

Auteurs    canadiens-français    couronnés    par  l'Académie 

française 224 

Batilly,  François- Marie  Margane  de 333 

Beaubassin,  Alexandre  Le  Neuf  de 329 

Beauce,  Le  nom  de  la 252 

Beaulieu,  capitaine-général  des  Gardes,  Claude  de.   .   127 

Beaussier  de  risle,  M.  de M60,  242 

Bédard,  Les  i^onts  de  Jean-Baptiste .  ^ 122 

Belleval,  Pierre  Fournier  de 333 

Bergères,  Ra}anont-Blaise  des ?..   323,  332 

Bermen,  Le  notaire  Laurent 32 

Bernière  de  Louvigny,  La  famille 320 

Berthier  de  Vilnmr,  Alexandre 332 

Beurrer ie  au  Canada,  La  première 187 

Blainville,  Jean-Baptiste  Céloron  de 326 

Bolduc,  procureur  de  la  Prévoté,  Louis 13 

Boucher  de  la  Perière,  R-ené 332 

Boucher  de  Boucherville,  Pierre 332 

p^ Bourlamaque  et  son  mémoire  sur  le  Canada.   .   .   193,  225 
Callières  et  nos  oificiers  militaires  en  1701,  M.  de.    .   321 

Canadien-Français.  Le  premier 209 

Canadiens-Français    membres    du     Congrès    des  Etats- 
Unis.  .  .  .  ^ 224 


..-380-- 

Cap-Tourmente,  La  baronnie  du 219 

Y^Carigiiaii,  Mariages  d'officiers  du  régiment  de 176 

i/vCazot,  Les  dépouilles  du  Père  Jésuite .........  286 

Chacornade,  M.  de .   .  .  .' 331 

Châlons,  Joacliim 376 

Chambre  de  Commerce  du  Canada,  La  première.   .   .  211 

Cliampigny,  Chevalier  de 325,  375 

Chanson  des  Frères  du  Canada 152 

Chassaigne,  Jean  Bouillet  de  la 322 

Châteauguay,  Avant  la  bataille  de. 121 

Chesne,  Pierre .  52 

Clerin,  Denis  D'Estienne  de 329 

Cloches  au  Canada,  Les  premières 187,  334 

Complainte  des  40  noyés 90 

Contrat  d'engagement  d'un  chirurgien  pour    l'Ouest  au 

dix-huitième  siècle 157 

Couillard  de  Lespinay,  Louis 3 

Courcy,  Le  chevalier  de 209,  254 

Coureurs  de  bois 279 

Cournoyer,  Jacques  Hertel  de .  . 33 1 

Cours  d'appel,  Nos  anciennes 342,  364 

Coui*temanche,  Augustin  Le  Gardeur  de 328 

D'Auteuil  de  Monceaux,  Charles 220 

De  Muy,  Nicolas  Daneau  de 323 

Desjardy  Moreau  de  Cabanac,  François .  .^ 325 

Desmarets,  Le  chirurgien  Charles  Doullon •  .  157 

Dime  dans  la  Nouvelle-France,  La 277 . 

Divorce  devant  notaire.  Un 253 

Druillon  de  Macé,  Pierre-Jacques 125 

Du  Buisson,  Jacques-Charles  Renaud 328 

Duchesneau    au  ministre  de  Seignelay,  Lettre  de  l'inten- 
dant.   '.275 

Du  Gué,  Jacques • .  330 

Duïongpré,  Le  j)eintre ^ .  149 

Dulutli,  Daniel  de  Greysolon ".  324 

Dumesny  de  Noré,  Jacques  Le  Picard . 323 

Du  Plessis,  Les 15Ç;  332 

Duplessis-Fabert,  Fançois  Lef ebvre '.  322 


y 


...  381  ,- 

Durantaye,  M.  de  la 331 

Duvernay  et  la  i¥i»É'/-rr,  Liidger 22 

Echecs  au  Canada,  Le  jeu  d'.  . 146 

Ecoles    de  Montréal  en  1828 351 

Esgly,  François  Mariauchau  d'.  .  T 326 

Estèbe,  Les  lettres  du  fameux 209 

Etoffe  canadienne 187 

Familles  de  ilos  gouverneurs  français,  Les 257 

Foi  et  hommage  conservés  à  Montréal,  Les  actes  de  93,  300 

Fondeurs  de  cloches  au  Canada 187,  333 

France  et  la  rébellion  de  1837,  La 176 

Francs-Frères,  Les 210 

Frères  du  Canada,  Les 152 

Fromagerie  au  Canada,  La  première 187 

Gamelin,  marguillier  franc-maçon,  Pierre- Joseph.  .   .  240 

Grauchetière,  Daniel  Migeon  de  la 332 

Girard,  artiste,  Ernest 10 

Gosselin,  Le  chanoine  Jean-Baptiste 212 

Grandville,  Pierre  Bécard  de 329 

Groix,  Charles-Henry,  marquis  d'Aloignv  ^le  la.   .   .  .  323 

Hanibal,  Joseph ' .  209 

Herbin,  Frédéric-Louis 332 

Héros  de  Châteauguay  et  la  chanson,  Le 188 

Hertel,  François 331 

Huault,  Adrien ^ 122,  254 

Invasion  américaine  chantée,  L  ' 241 

Jemerais,  Christophe  Dufros  de  la .  . 327 

Jésus,  La  première  concession  de  l 'île 303 

Jonquière,  A-t-on  calonmié  M.  de  la 289 

Jorian,  Le  prétendu  testament  de  Pabbé 118 

Jugement  de  Dieu,  Le 123 

La  Corne,  Jean-Louis  de 329 

La  Corne,  Le  chevalier  de 351 

La  Forest,  François  de 326 

La  Hontan,  Un  document  inédit  sur  le  baron  de.  .  .  .  11 

Lajus  était-il  d'origine  canadienne.  Le  docteur.   .   .   .  186 

Lamothe-Cadillac,  Antoine  de 325 

Langy,  Léon  de 331 


—  882    - 

Langue,  A  propos  de 192 

Lanoraie,  Notes  historiques  sur 337 

La  Noue,  Zacharie  Robutel  de 331 

LaSalle,  Quentin  de 332 

Laurier,  L 'ancêtre  de  sir  Wilfrid . 53 

Leblanc  de  Marconnay,  Le  sieur 177 

Leclerc,  Charles 250 

Le  Gardeur  de  Beauvais,  René 326 

Le  Gardeur  de  Tilly 326 

Leggo,  William- Augustus 191 

LeMoyne  de  Maricourt,  Paul 324 

Lettres  de  cachet 183,  247 

Levasseur  de  Neré,  Jacques 324 

Le  Verrier  de  Rousson,  François 323 

Lignery,  Marchand  de 328 

Linctot,  Michel  Godefroy  de 325 

L'ïsle,  commandant  du  fort  Bourbon,  M.  de 21 

Longueuil,  Charles  LeMoyne,  baron  de 324 

Lorimier,  Guillaume  de 323 

Loteries  sous  le  régime  français,  Les 303 

Louvigny,  Louis  de  la  Porte  de 325 

Lutins,  A  propos  de 159 

Mai,  La  plantation  du 154, '251 

Marguillier  et  franc-maçon 240 

Martelly,  Le  sieur  de 326 

Massicotte,  Un  livre  de  M.  E.-Z 2^ 

McCarthy,  Où  est  né  Justin .     55 

Mémoire  de  M.  de  Bourlamaque  sur  le  Canada .   •   193,  225 
Mémoire  sur  la  partie  occidentale  du  Canada ...   25,     56 

Mentecht,  Nicolas  d'Ailleboust  de "...   327 

Migeon  de  Branssat 313 

Mondion,  de  Mongaron  de  la  Ganterie,  Frs 330 

Monier  J.-B 64 

Monnerie,  M.  de  la 329 

Montigny,  Jacques  Testard  de 328 

Moreau  et  la  guerre  de  1812,  Le  général ^45 

Moulin  à  scier  sous  le  régime  français 187 

Narbonne-Lara  et  Charles  Lepine 183,  242 


—  383  - 

Notaire  de  la  Nouvelle-Frauce,  Le  premier 32 

Nouette  de  la  Soulïletei  ie,  Jacques 220 

Officiers  militaires  du  Canada  en  1701 321 

Origines,  Nos 304 

Parthenais  Anatole 64. 

Pérade,  Pierre-Thomas  de  la 330 

Périgny,  Paul  d'Ailleboust  de 329 

Perreault,  Jacques 120 

Perreault,  Joseph-François-Xavier 192 

Persillon,  M.  de 328 

Petit  de  L'Evilier,  Charles 324 

Pipardière,  J.-A.  de  Frenel  de  la 328 

Poisset,  Une  lettre  du  négociant 243 

Poterie  sous  le  régime  français,  La 187 

Pothier,  L 'honorable  Toussaint 223 

Prison  de  Montréal,  L'ancienne. 310 

Pulperie  au  Canada,  La  première 187 

Raby,  Pierre .» .  .   320 

Ramezay,  Claude  de 322,  333 

Repentigny ' 326,  327 

Roman  d'un  praticien,  Le - 220 

Rouville,  Jean-Baptiste  Hertel  de 330 

Roze,  Pierre 299 

Sabatier,  Charles 316 

Saint-Gemmes,  les  descendants  de  Jacques 303 

Saint-Jean-Baptiste,  La  fête  de 311 

Saint-Martin,  Jos- Alex  de  l'Estringuan  de .  .  .  .   324,  353 

Saint-Martin,  Le  capitaine  de :  353 

Saint-Michel,  Philippe  Le  Saunier  de 330 

Saint-Ours,  Pierre  de 322,  330,  331 

Saint- Vincent,  baron  de  Marcy,  M.  de 124 

Salaberry,  Charles  de 121 

Sarrazin,  JJn  testament  du  doc^teur 317 

Secrétaire  d'amhassade,  lue  roman  le 242 

Secrétaire  du  chevalier  de  Lévis,  Un  ancien 320 

Secrétaires  du  roi  au  Canada,  Les 18-4 

Selles    de  Marbrelle,  François  de 332 

Sociétés  de  secours  mutuel.  Nos ' 224 


—  384  —   • 

Soulanges,  Pierre- Jacques  de  Joybert  de 325 

Souverains,  hôtes  du  Canada 224 

Subercase,  Daniel  Auger  de 328 

Suève,  seigneur  en  partie  de  Sainte- Anne,  M.  de.   .   .  249 

Temple,  Edmond-Marie , 191 

Théâtre  à  Montréal  en  1816,  Le 256 

Thierry,  procureur  du  roi 7 

Tribunaux  de  police  à  Montréal  autrefois. 180 

Trobriand  et  son  roman  sur  1837-38,  Régis  de 191 

Varennes,  La  famille  Gaultier  de 14,  78 

Vaudreuil,  MM.  de  Rigaud  de 331 

Villedonné,  Etienne  de 328 

Villerav,  La  famille  Rouer  de  33,  65,  97,  129,  161,  295,  296 

Villiers,  Bobé  de 332 

Vivier,  Jules  Le  Fournier  du 331 

Vogt,  Adolphe 316 

Waller,  Jocelyn 156,  307 


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OHIHK 


BULLETIN    D'ARCHEOLOGIE,    D'HISTOIRE,    DE 

BIOGRAPHIE,  DE  BIBLIOGRAPHIE,  DE 

NUMISMATIQUE,  ETC,  ETC, 


PUBLIE  PAR 


Pif:rrk-Gi:org;es-Roy 


VOLUME  VINGT-SEPTIEME         ^1 


I.EVIS 


1»SI 


I 


BUI^LKTirV 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE- JANVIER  1121  N»l 


JOHN  BLACK 


John  Black  est  probablement  un  inconnu  pour  la 
plupart  de  nos  lecteurs.  C'est  pourtant  un  personnage 
qui  eut  son  heure  de  célébrité.  Venu  d'Ecosse  vers 
1787,  il  s'était  établi  à  Québec  comme  constructeur  de  na- 
vires. En  1792,  sir  Alured  Clarke,  alors  lieutenant-gou- 
verneur de  la  province,  le  nomma  surintendant  des  chan- 
tiers du  gouvernement  à  Kingston.  Etant  de  passage  à 
Québec,  dans  l'été  de  1794,  il  fut  saisi  une  nuit  (24  août) 
par  la  force  militaire  et  conduit  à  la  prison  locale,  où  il 
resta  enfermé  jusqu'au  25  mars  1795.  L'année  suivante, 
le  24  juin  1796,  il  était  élu  représentant  du  comté  de  Qué- 
bec, au  i)arlement  provincial.  Pour  un  homme  qui  sortait 
de  prison,  l'honneur  était  grand,  et  Black  jouissait  certai- 
nement à  cette  époque  d'une  popularité  peu  ordinaire  dans 
la  vieille  cité.  Un  événement  inattendu  allait  le  mettre  en 
vue  encore  davantage,  c'était  d'ailleurs  ce  que  Black 
recherchait,  et  il  allait  être  servi  à  souhait.  Des  troubles 
avait  éclaté  dans  la  province  à  propos  de  l"'Acte  des  che- 
mins". On  ne  parlait  que  de  conspirations  contre  le  gou- 
vernement. Des  aventuriers  français  répandus  dans  les 
campagnes  prêchaient  la  révolte;  on  disait» même  que  les 
Américains  du  Vermont  méditaient  une  attaque  sur  le 
Canada.  L 'ambassadeur  de  la  réjjublique  française  auprès 
du  gouvernement  américain,  Pierre-Auguste  Adet,  semble 


_..  4  - 


avoir  été  le  principal  instigateur  de  toutes  ces  menées.  En 
tout  cas,  David  McClane  l'avait  certainement  rencontré, 
et  c'est  d'après  ses  instigations  qu'il  se  rendit  à  Québec 
l)our  aviser  avec  Black  sur  les  meilleurs  moyens  à  prendre 
pour  s'emparer  de  la  ville.  On  sait  ce  qui  arriva.  McClane 
avait  un  complice,  un  nommé  Frécliette,  qui  se  présenta 
chez  Black,  le  10  mai  1797,  et  l'avertit  qu'un  inconnu,  caché 
dans  un  petit  bois  le  long  du  chemin  Saint-Louis,  désirait 
lui  parler.  Black  se  rendit  à  l'endroit  désigné,  et  fit  con- 
naissance avec  l'inconnu  qui  n'était  autre  que  McClane. 
Celui-ci  lui  dévoila  tous  ses  plans,  et  Black  courut  avertir 
l'honorable  John  Young,  un  des  membres  du  Conseil  exé- 
cutif. La  nuit  suivante  McClane,  qui  s'était  rendu  à  la 
résidence  de  Black,  fut  arrêté  et  conduit  à  la  prison.  Con- 
damné à  mort  comme  traître  et  espion,  il  fut  pendu  le  21 
juillet  1797.  Black  avait  été  le  principal  agent  de  l'arres- 
tation de  McClane,  son  nom  fut  porté  aux  nues  par  les  mem- 
bres du  gouvernement.  Black  ne  tarda  pas  à  demander 
une  récompense.  Le  gouverneur  Prescott  lui  donna  une 
lettre  de  recommandation  pour  le  secrétaire  du  départe- 
ment de  la  Guerre  et  des  Colonies,  le  duc  de  Portland,  et  le 
chargea  de  se  rendre  en  Angleterre  pour  réclamer  lui- 
même  ce  qu'il  désirait.  Black  s'embarqua  pour  Londres 
au  printemps  de  1798.  Le  bateau  qui  le  portait  fut  pris 
l)ar  les  Français  à  l 'entrée  de  la  Manche,  et  Black  fut  em- 
mené comme  prisonnier  de  guerre  à  Bordeaux.  Il  réussit 
cependant  à  s'échapper,  traversa  les  Pyrénées  et  gagna 
Lisbonne,  au  Portugal,  d'où  il  s'embarqua  pour  l'Angle- 
terre. Il  débarqua  à  Londres,  au  mois  de  septembre,  et  eut 
de  suite  plusieurs  entrevues  avec  John  King,  le  sous-secré- 
taire du  département  de  la  Guerre  et  des  Colonies.  Au 
mois  de  novembre,  il  obtenait  une  recommandation  du  duc 
de  Kent,  et  enfin  la  promesse  qu'une  récompense 
substantielle  lui  serait  accordée.  De  retour  à  Québec,  dans 
l'été  de  1799,  1^  lieutenant-gouverneur  Robert  Shore  Mil- 
nes  lui  accorda  (30  décembre  1799),  d'après  l'ordre  qu'il 
en  avait  reçu  du  duc  de  Portland,  tout  le  canton  de  Dorset, 
dans  le  comté  de  Beauce,  lequel  canton  contenait,  à  part 


les  réserves  du  Clergé  et  de  la  Couronne,  cinquante-trois 
mille  acres  de  terre.  Black  voulut  avoir  davantage;  il 
lui  fallait,  disait-il,  une  compensation  pour  les  dommages 
qu'il  avait  subis  dans  son  commerce  et  sa  réputation,  lors 
de  son  emprisonnement  en  1794.  C  'était  plutôt  une  appro- 
bation publique  de  sa  conduite  qu'il  désirait  se  faire  don- 
ner. î]n  effet,  depuis  l'affaire  McClane,  le  peuple  ne 
voulait  plus  voir  en  lui  qu'un  traître.  Aussi,  convaincu 
que  c'en  était  fini  de  sa  popularité,  il  annonçait  à  ses  élec- 
teurs, dans  la  Gazette  de  Québec,  le  18  juin  1800,  qu'il  ne 
solliciterait  plus  leur  mandat,  et  qu'il  s'effaçait  en  faveur 
du  procureur  général,  l'honorable  Jonathan  Sewell. 

''C'est,  disait  Black,  un  monsieur    qui    s'est    rendu 
]*emarquable  par  ses  talents  et  son  intégrité,  et  qui  a  déjà 
bien  des  droits  à  vos  suffrages  ;  c  'est  pour  lui  maintenant  • 
que  je  sollicite  cet  appui  que  vous  m'avez  donné  avec  tant 
de  générosité. 

"Vous  aurez  alors,  messieurs,  un  représentant  pour 
votre  comté  particulier,  bien  plus  capable  de  vous  servir 
que  moi  ;  et,  en  même  temps,  j 'ose  espérer  que  la  province 
ne  sera  point  privée  de  mes  services;  tant  faibles  sont-ils, 
ils  seront  toujours  employés  à  l'avantage  de  mes  conci- 
toyens et  au  bien-être  du  pays.  Dans  quelque  situation  que 
je  x)uisse  me  trouver,  je  vous  devrai  particulièrement  ma 
reconnaisance  la  plus  vive,  et  lorsque  je  pourrai  vous  ser- 
vir convenablement,  soyez  persuadés  que  j 'y  serai  toujours 
porté  par  inclination." 

Tout  cela  n'était  que  de  la  flatterie.  Black  savait  bien 
qu'il  avait  perdu  toute  influence.  Il  était,  de  plus,  réduit 
à  la  misère  noire.  Au  mois  de  juin  1802,  sa  maison  et  un 
morceau  de  terrain  qu'il  possédait  dans  le  quartier  du 
Palais,  à  Québec,  étaient  vendus  à  l'enchère;  l'année  sui- 
vante, au  mois  de  mars,  c'était  le  tour  de  deux  vaisseaux 
qui  venaient  de  sortir  de  son  chantier  de  construction. 

Black  était  d'une  ténacité  peu  ordinaire  ;  il  ne  se  laissa 
pas  abattre  par  les  revers  qui  l'accablaient,  et  continua  à 
demander  d'ime  main  les  faveurs  du  gouvernement,  pen- 


...  6  — 

dant  que  de  l 'autre  il  mendiait  son  pain  dans  les  rues  de 
la  ville. 

En  180(i,  il  traverse  en  Angleterre,  et  va  de  nouveau 
frapper  à  la  porte  du  duc  de  Kent.  Il  lui  présente  cette 
fois  un  mémoire  sur  le  gouvernement  du  Canada  (1)  où 
il  expose  ses  idées  sur  les  changements  qu'il  jugeait  néces- 
saires de  faire  dans  le  mode  d'administration  de  la  colonie. 
Il  y  avait,  à  son  avis,  trop  de  députés  canadiens  dans  la 
Chambre  d'assemblée,  les  anglais  ne  pouvaient  y  exercer 
aucune  influence.  En  outre  l'organisation  militaire  était 
défectueuse  ;  les  forces  régulières  étaient  sous  le  comman- 
dement d'un  officier  de  langue  anglaise,  tandis  que  la  mi- 
lice était  commandée  par  un  officier  de  langue  française. 
J3ans  le  cas  d'une  invasion  \mr  des  troupes  parlant  la 
langue  française,  "il  est  facile,  dit-il,  de  prévoir  les  consé- 
quences d'un  tel  état  d-e  choses,  mais  pénible  d'en  saisir 
toute  l'horreur". 

"Et  n'est-il  pas  à  craindre,  ajoute-t-il,  qu'il  ne  sur- 
vienne un  malentendu  entre  le  commandant  des  forces  du 
roi  et  le  commandant  de  la  milice  pour  des  motifs  sembla- 
bles à  ceux  qui  engendrèrent, 'au  mois  de  septembre  1759, 
la  dispute  entre  les  officiers  français,  jaloux  de  la  renom- 
mée du  général  Montcalm,  et  qui  contribuèrent  à  un  si  haut 
degré  à  la  subjugation  finale  de  la  province." 

Pour  remédier  à  ces  défectuosités,  voici  ce  qu'il  pro- 
posait: "En  premier  lieu,  disait-il,^  il  faudrait  unir  les 
provinces  de  Haut-Canada  et  de  Bas-Canada,  si  cela  peut 
se  faire  sans  difficulté,  sinon  ériger  huit  nouveaux  comtés 
sur  les  trois  millions  d'acres  de  terre  concédés  récemment 
et  chaque  comté  élirait  deux  représentants.  En  outre,  la 
durée  d'un  parlement  devrait  être  fixée  à  sept  ans  au  lieu 
de  quatre,  et  chaque  candidat,  pour  être  éligible,  devrait 
jouir  d'un  revenu  de  cent  cinquante  livres  par  année  au 
moins  provenant  de  propriété  immobilière,  ou  retirer  un 
salaire  permanent  égal  à  ce  montant.  Je  désire  faire  ob- 
server à  Votre  Altesse  Royale  à  ce  sujet,  que  le  pays  ne 

(1)   Arch.  Canad.,  Q.  106,   p.   561.     Doughty  et  McArthur.     Doc.  const.  1791- 
1S18,  pp.  327-328. 


saurait  prospérer  avec  la  constitution  actuelle  qui  ouvre 
la  voie  au  grand  nombre  d'incendiaires  de  la  pire  catégorie 
tandis  que  les  conditions  d'éligibilité  qui  viennent  d'être 
proposées  auraient  jjour  effet  de  mettre  de  l'avant  les 
hommes  sensés  et  éclairés  du  pays. 

"L'union  des  provinces,  continue  Black,  ou  l'érection 
de  huit  nouveaux  comtés  aurait  pour  résultat  de  rappro- 
cher considérablement  les  Anglais  des  Français  quant  au 
nombre.  Et  comme  l'on  doit  s'y  attendre,  dans  tous  les 
pays  le  chef  d'un  parti  combattra  le  gouvernement  de  Sa 
Majesté  par  tous  lés  moyen^  jusqu'à  ce  qu'il  soit  appelé 
au  j3ouvoir  ou  ait  obtenu  quelque  chose  conforme  à  ses 
vues.  Votre  Altesse  Royale  se  rendra  compte  que,  en  fixant 
à  sept  ans  la  durée  d'un  parlement,  on  déplorera  moins 
souvent  la  nécessité  de  se  précautionner  contre  les  déma- 
gogues accapareurs.  L'union  des  deux  provinces  ou 
l'érection  des  nouveaux  comtés  ajoutera  huit  membres  au 
Conseil  législatif.  '  ' 

Evidemment,  Black  était  de  l'école  des  Sewell  études 
Ryland^  c'étaient  tout  simplement  leurs  idées  qu'il  émet- 
tait ici. 

Ce  mémoire  était  accompagné  d'une  pétition  au  géné- 
ral Wetherall,  où  Black  exposait  les  actions  d'éclat  qu'il 
avait  accomi^lies  au  service  de  son  roi  et  de  son  pays;  il 
convient  de  s'y  arrêter  un  peu  pour  voir  comment  Black 
savait  se  donner  de  l'importance. 

En  1794,  il  avait  arrêté  deux  chefs  qui  avaient  poussé 
à  la  révolte  huit  cents  hommes,  à  propos  de  l'acte  des  che- 
mins. Black  fait  ici  une  erreur,  l'"Acte  des  chemins"  ne 
fut  adopté  en  Chambre  que  deux  ans  a^jrès,  en  1796.  Il 
voulait  probablement  mentionner  l'acte  de  milice. 

En  1794  encore,  à  la  suite  d'une  déposition  faite  de- 
vant un  magistrat  français,  par  deux  inconnus,  il  est 
envoyé  en  prison,  au  moment  où  il  avait  158  hommes  à  son 
emploi.  En  1796,  il  est  élu  représentant  du  comté  de 
Québec,  au  parlement  provincial. 

En  1797,  il  arrête  un  général  français  (McClane)  et 
son  aide-de-camp  (P^réchette)  qui  sont  condamnés  à  mort 


....  8  -t 

sous  l'accusation  de  trahison.  En  1787  encore,  M.  Aclet, 
rambassadeur  de  France,  et  Don  Urico,  rambassadeur 
d'Espagne  aux  Etats-Unis,  soudoyent  cinq  espions  pour 
l'assassiner;  il  les  fait  arrêter,  puis  déporter. 

En  1798,  le  général  Prescott  et  les  membres  du  Conseil 
l'envoyent  en  Angleterre  demander  une  récompense. 

Il  rencontre  le  duc  de  Kent,  qui  a  l'obligeance  de  le 
recommander  au  roi.  Le  sous-secrétaire  d'Etat,  M.  John 
King,  répond  en  date  du  26  décembre;.1797  que  c'est  l'in- 
tention du  gouvernement  de  Sa  Majesté  de  lui  accorder 
immédiatement  ce  qu'il  demande,  et  sans  doute  on  aurait 
fait  droit  à  sa  pétition,  si  un  changement  dans  le  gouver- 
nement du  Canada  n'était  intervenu  à  cette  époque  ;  c'était 
justement  au  moment  où  Prescott  avait  été  remplacé  par 
sir  Robert  Shore  Milnes.  Il  conclut  sa  pétition  en  rappe- 
lant au  général  Wetherall  la  nature  des  faveurs  qu'il  avait 
sollicitées  en  1799,  et  qu'il  sollicite  de  nouveau. 

Il  désire  qu'on  lui  accorde  des  lettres  patentes  confir- 
mant ses  titres  à  la  possession  des  îles  Ronde  et  de  Grâce, 
en  face  de  Sorel,  et  de  la  Grande  Ile,  située  entre  Kingston 
et  l'île  Carleton,  dans  la  partie  inférieure  du  lac  Ontario, 
qui  lui  ont  été  concédées  en  1799. 

Il  désire  en  outre  qu'on  lui  accorde  la  position  de  sur- 
intendant des  chantiers  de  construction  navale  de  Sa 
Majesté  dans  le  Haut  et  le  Bas-Canada  ;  s'il  était  en  même 
temps  nommé  mesureur  de  bois,  il  en  résulterait  pour  le 
gouvernement  une  économie  de  £5,000  par  année.  Enfin  il 
espère  qu'après  avoir  attendu  l'espace  de  douze  ans  et 
cinq  mois,  avoir  traversé  l'océan  trois  fois,  on  usera  de 
diligence  pour  l'aider  à  sortir  de  la  triste  position  où  il  se 
trouve  maintenant,  étant  réduits,  lui  et  sa  famille,  à  la  plus 
cruelle  misère. 

En  terminant  il  demandait  au  général  Wetherall  de 
ne  pas  faire  connaître  en  public  l'état  de  gêne  où  il  se 
trouvait.  Il  ajoutait  que  si  on  faisait  droit  à  sa  pétition 
il  espérait  pouvoir  obtenir  les  secours  pécuniaires  dont  il 
avait  grand  besoin,  qu'il  n'osait  aller  demander  à  ceux  qui 
l'avaient  connu  autrefois,  par<*e  que  probablement  on  se 


—  9  — 

contenterait  de  lui  répondre  par  un  haussement  d'épaule 
ou  par  un  regard  de  malicieuse  compassion. 

Cette  pétition  était  datée  du  19  de  janvier  1807.  Le  6 
de  février,  le  duc  de  Kent  la  renvoyait  à  sir  George  Shee, 
secrétaire  du  département  de  la  Guerre  et  des  Colonies, 
avec  une  lettre  où  il  disait  tout  son  estime  pour  John  Black, 
et  regardait  la  gêne  où  se  trouvait  celui-ci  comme  une  honte 
pour  le  gouvernement  ;  c'était  un  devoir  de  reconnaissance 
que  de  lui  accorder  la  position  qu'il  sollicitait  (2). 

Sir  George  Shee  ne  se  laissa  pas  trop  émouvoir  par  la 
lettre  du  duc  de  Kent.  Robert  Shore  Milnes,  l'ancien- 
lieutenant-gouverneur,  venait  de  retourner  en  Angleterre  ; 
Shee  lui  demanda  ce  qu'il  en  était  au  juste  des  prétentions 
de  Black  ;  le  16  mars  1807,  Milnes  lui  répondait  confiden- 
tiellement ;  il  était  bien  surpris,  disait-il,  de  constater  que 
Black  n'avait  p^s  fait  connaître  à  Son  Altesse,  le  duc  de 
Kent,  la  nature  de  la  récompense  qu'il  avait  déjà  reçue. 
De  l'avis  du  Conseil  de  l'Exécutif,  il  (Milnes)  avait  con- 
cédé à  Black  par  lettres  patentes  le  canton  de  Dorset,  en 
tout  53,000  acres  de  terre.  "J'ai  raison  de  croire,  ajoutait- 
il,  que  Black  a  vendu  ces  terrains  pour  une  sonrnie  consi- 
dérable; c'est  vrai  qu'il  a  été  mallieureux  en  affaires,  j'ai 
toujours  compris  qu'il  était  satisfait  de  sa  rémunération, 
si  cependant  le  besoin  pressant  où  il  trouve  et  si  la  recom- 
mandation du  duc  de  Kent  peut  lui  faire  obtenir  quelque 
chose  de  plus,  je  n'ai  qu'une  chose  à  ajouter:  c'est  que  ses 
services  dans  l'affaire  McClane  ont  été  de  la  première 
imi3ortance.  '  ' 

En  terminant,  Milnes  faisait  remarquer  à  Shee  que 
les  îles  dont  Black  demandait  la  concession  dépendaient 
de  la  seigneurie  de  Sorel,  qui  avait  été  achetée  par  le  gou- 
vernement anglais  pour  des  fins  militaires,  il  n'y  avait  pas 
de  chantiers  pour  la  construction  des  navires  de  Sa  Majesté 
dans  la  province  du  Bas-Canada,  et  par  conséquent  il 
n'existait  pas  de  position  de  surintendant  (3). 

La  réponse  de  Milnes  n'était  certainement    pas    de 

(2)  Arch.  Canad.,  Q.  106,  pp.  45-49. 

(3)  Arch.  Canad.,  Q.  106,  pp.  335-36-37. 


—  10  — 

nature  à  aA^ancer  les  affaires  de  Blaek  ;  un  autre  événement 
allait  être  cause  de  nouveaux  délais;  le  25  mars  1808,  le 
ministère  Grenville  était  remplacé  par  le  ministère  Port- 
land.  Ceci  entraînait  un  remaniement  général  dans  le 
cabinet  anglais.  Le  vicomte  Castlereagli  devenait  secré- 
taire du  département  de  la  Guerre  et  des  Colonies,  et 
Edward  Cooke  prenait  la  place  de  sir  George  Shee,  au 
sous-secrétariat.  Black  allait  recommencer  les  négocia- 
tions avec  ces  deux  nouveaux  chefs;  le  21  janvier  1808,  il 
écrit  à  Cooke  qu'on  a  faussement  représenté  à  l'ancien 
secrétaire  d'Etat  qu'il  avait  reçu  une  immense  étendue  de 
terre  au  Canada;  il  n'a  eu,  dit-il,  qu'une  concession  de 
1,200  acres  avec  d'autres  associés  dans  le  canton  de  Dorset. 
Si  on  est  en  mesure  de  lui  prouver  qu'il  a  reçu  davantage 
et  qu'il  a  clierclié  à  tromper  le  duc  de  Kent,  il  est  prêt  à 
prendre  avec  sa  famille  le  chemin  de  Botany  Bay  pour 
aller  y  finir  ses  jours  en  exil. 

Il  demande,  dans  la  même  lettre,  que  les  forges  de 
Saint-Maurice  lui  soient  aifermées  pour  vingt  ans  au  prix 
de  £1,000  par  année  (4). 

Le  24  février,  le  2  avril,  14  avril,  31  mai  et  31  juillet, 
nouvelles  lettres  à  Cooke;  dans  la  dernière  il  demande 
une  pension  et  exprime  le  désir  que  son  nom  soit  inscrit 
sur  la  liste  civile  du  Canada.  Enfin,  ce  même  jour  du  31 
juillet,  il  obtenait  de  Castlereagh  la  recommandation  sui- 
vante pour  remettre  au  gouverneur  Craig  : 

''John  Black,  dont  la  conduite  dans  une  circonstance 
critique  est  très  bien  connue  par  toute  la  province  de  Qué- 
bec, a  été  recommandé  par  l'Exécutif  de  cette  province,  et 
par  un  mémoire  des  citoyens  du  pays,  comme  étant  digne 
d'une  faveur  spéciale  de  Sa  Majesté.  Depuis,  on  a- pro- 
posé de  lui  accorder  le  bail  des  forges  de  Saint-Maurice, 
qui  a  été  donné  à  MM.  Munro  et  Bell,  si  on  peut  le  repren- 
dre sans  inconvénient  ;  on  pourrait  encore  lui  accorder  la 
position  de  surintendant  des  chantiers  de  construction 
navale  de  Sa  Majesté  avec  un  salaire  approprié,  ou  bien 

(4)  Arch.  Canad.,  Q.  108,  pp.  97-89. 


...  Il ... 

lui  octroyer  une  concession  de  terre  qui  lui  assurerait  un 
moyen  de  vivre. 

"Je  laisse  à  votre  discrétion  l'examen  de  ces  diffé- 
rents projets,  mais  vu  les  circonstances  où  se  trouve  M. 
Black,  j 'ai  à  vous  signifier  que  c  'est  la  volonté  du  roi  que 
vous  lui  domiiez  une  position  qui  devra  lui  procurer  des 
moyens  de  subsistance  et  qui  sera  en  même  temps  une  ré- 
comj^ense  de  ses  services,  de  manière  à  réi^ondre  à  la  haute 
opinion  qu'ont  de  lui  et  le  Conseil  et  les  habitants  de  la 
province  de  Québec." 

,  Muni  de  cette  chaleureuse  épître,  Black  s'embarqua 
pour  retourner  à  Québec,  mais  voici  encore  un  contre- 
temps. Il  avait  pris  passage  sur  une  frégate  de  Sa  Majesté 
la  Bonne  Citoyenne,  portant  18  canons.  ^  C'était  justement 
au  pire  temjis  du  blocus  continental.  Anglais  et  Français 
se  pourchassent  sur  terre  et  sur  mer. 

A  mi-traversée,  la  Bonne  Citoyenne  rencontra  une 
frégate  française,  la  Furieuse,  de  44  canons,  et  montée  par 
195  hommes.  Un  vif  combat  s'engagea,  la  victoire  resta  à 
la  Bonne  Citoyenne;  la  Furieuse  fut  capturée  et  conduite 
à  Halifax.  Black,  blessé  pendant  le  combat,  dut  passer 
l'hiver  à  Halifax,  et  n'arriva  à  Québec  qu'à  la  fin  d'août 
3809  (5). 

Il  transmit  de  suite  à  Craig  la  lettre  que  lui  avait 
donnée  lord  Castlereagh.  Craig  ne  fut  pas  lent  à  répondre. 
'  '  Mon  devoir,  écriVait-il  à  lord  Castlereagh  le  12  septembre 
1809  (6),  est  d'obéir  aux  ordres  de  Sa  Majesté,  mais  je  ne 
puis  m 'empêcher  de  vous  faire  remarquer  qu'on  vous  a 
tromi3é  en  vous  dépeignant  la  situation  de  ce  personnage 
(Black).  Tous  ici  sont  d'avis  qu'il  a  reçu  la  récompense 
qu'il  méritait,  et  quoique  je  ne  puisse  rien  dire  des  témoi- 
gnages en  sa  faveur  qu'il  a  pu  faire  valoir  en  Angleterre, 
i'étonnement  et  la  surprise  qu'on  manifeste  ici  en  voyant 
l'influence  dont  il  jouit  me  portent  à  croire  qu'il  a  employé 
ces  témoignages  ])our  une  toute  autre  fin  que  celle  pour 
laquelle  ils  lui  ont  été  donnés.     Quant  à  ce  qui  regarde 

(5)  Gazette  de  Québec,  31  août  180&. 

(6)  Arch.  Canad.  Q.  110,   p.   24. 


—  12  — 

l'octroi  d'un  nouveau  morceau  de  terre  à  Black,  je  dois 
déclarer  que  ce  monsieur  a  déjà  reçu  un  canton  entier,  pour 
récompense  de  ses  services.  J'ai  appris  qu'il  avait  vendu 
ce  canton;  je  ne  crois  pas  que  personne  ait  jamais  reçu 
une  étendue  aussi  considérable  de  terre.  Si  votre  Seigneu- 
rie désire  que  l'on  fasse  preuve  d'une  pliis  grande  libéra- 
lité en  faveur  de  Black,  je  lui  demanderai  de  déterminer 
elle-même  la  quantité  qui  devra  lui  être  donnée;  ce  sera 
certainement  le  meilleur  moyen  de  se  conformer  aux  ins- 
tructions de  Sa  Majesté.  Car,  quelque  soit  le  degré  de 
mérite  sous  lequel  on  puisse  envisager  la  conduite  de  Black 
dans  une  circonstance  particulière,  je  n'hésite  pas  à  décla- 
rer à  Votre  Seigneurie,  que  ce  n'est  pas  un  personnage 
^ue  je  voudrais  recommander  jDour  une  position  qui  exige 
de  l'honnêteté.'^ 

Ce  fut  tout;  Craig  avait  tranché  la  question  avec  sa 
raideur  habituelle,  et  Black  ne  pouvait  espérer  qu'il  chan- 
gerait d'opinion  sur  son  compte.  Notre  Black  reprit  de 
suite  le  chemin  de  l'Angleterre.  En  arrivant  à  Londres, 
il  se  présenta  de  nouveau  chez  le  duc  de  Kent;  il  avait 
besoin  de  sa  protection  pour  arriver  auprès  du  comte  de 
Liverpool  qui  venait  de  remplacer  lord  Castlereagh  au 
secrétariat  du  département  de  la  Guerre  et  des  Colonies. 
Liverpool  le  reçut  avec  bonté  et  le  10  novembre  1810,  il 
lui  remettait  une  dépêche  (7)  i30ur  Son  Excellence  Fran- 
cis Gore,  lieutenant-gouverneur  du  HautrCanada.  Li- 
verpool expliquait  à  Gore  que  Black,  n'ayant  pu  obtenir 
des  gouverneurs  du  Bas-Canada  la  récompense  qu'il  solli- 
citait depuis  si  longtemps,  demandait  maintenant  qu'on 
lui  accordât  une  concession  de  terre  dans  le  Haut-Canada. 
C  'était  son  désir  que  3,000  acres  de  terre  lui  fussent  donnés 
aux  conditions  les  plus  avantageuses. 

Black  voulait- revenir  de  suite  au  Canada,  mais  n'ayant 
jms  le  sou  pour  payer  son  passage,  il  dut  passer  l'été  de 
1811  en  Angleterre;  enfin,  au  mois  d'août  1812,  il  débar- 
quait à  Québec. 

Francis  Gore  venait  de  partir  pour  l'Angleterre;   la 

(7)   Arch.  Canad.  Q.  153,  p.  25. 


—  18  — 

« 

guerre  entre  la  Grande-Bretagne  et  les  Etats-Unis  était 
déclarée  depuis  le  mois  de  juin;  toujours  est-il  que  Black 
ne  put  i)résenter  la  lettre  de  Liverpool  à  Gore  qu'au  mois 
de  septembre  1815.  Il  s'était  rendu  à  York  (Toronto) 
pour  la  lui  remettre  personnellement.  Le  15  février  1816, 
Gore  lui  faisait  répondre  par  son  secrétaire,  William 
Halton,  qu'il  ne  ])ouvait  mettre  devant  les  membres  du 
Conseil  la  lettre  du  comte  de  Liverpool,  écrite  depuis  si 
longtemps,  et  qu'il  n'agirait  que  sur  l'ordre  du  nouveau 
secrétaire  d'Etat,  le  comte  de  Bathurst.  "Mais,  lui  répon- 
dit Black,  les  ordres  donnés  par  une  administration  ne 
peuvent-ils  pas  être  exécutés  i)ar  l'administration  qui  la 
remplace  ?  Votre  Excellence  sait  bien  que  ses  amis  et  ses 
ennemis  ont  toujours  été  les  miens;  et  même  dans  une 
circonstance  extraordinaire,  je  n'hésite  pas  à  le  déclarer, 
si  je  n'avais  rempli  mon  devoir  envers  le  roi  et  le  pays, 
peut-être  qu'à  ce  moment  l'Amérique  anglaise  ne  sérail 
plus  un  apanage  de  la  couronne  anglaise."  Malgré  toutes 
ces  belles  déclarations  de  loj^auté  Black  ne  put  rien  obtenir 
Force  lui  fut  donc  de  reprendre  le  chemin  de  l'Angleterre 
Il  était  à  New- York  au  mois  d'août  1817  et  de  là  il  adres- 
sait à  lord  Bathurst  un  mémoire  doimant  une  description 
de  la  grande  yille  américaine,  à  cette  époque  (8). 

"Monseigneur,  disait-il,  je  ne  croyais  pos  que  je  serais 
réduit  un  jour  à  vous  écrire  de  cet  endroit.  Cette  ville 
est  bien  protégée  ])ar  des  rivières,  défendue  par  un  grand 
nombre  de  tours,  de  châteaux  et  de  redoutes.  Sa  popula- 
tion est  très  unie,  et  son  orgueil  a  accru  en  proportion  de 
ce  que  le  drapeau  anglais  a  été  déshonoré  par  sir  Georges 
Prévost.  Cette  j^opulation  est  excessivement  hostile  à 
l 'Angleterre.  Mais  pour  abattre  les  Américains,  et  rendre 
leurs  aspirations  conformes  au  rang  qu'ils  doivent  occuper 
parmi  les  nations  de  la  terre,  il  en  coûtera  probablement 
à  ma  patrie  des  cent  mille  hommes,  des  millions  d'or,  les 
sueurs  douloureuses  des  vieux  fronts  anglais.  Ce  bébé 
impudent  jusqu'à  l'excès,  dont  la  fortune  a  grandi  plus 
vite  que  le  jugement,  s 'efforce,  maintenant  de  faire  servir 

(8)   Arch.  Canad.,  Q.  147,  p.  60. 


-  14  — 


les  inventions  humaines  à  la  réalisation  de  ses  idée^' politi- 
ques. C 'est  î pourquoi  les  Américains  ont  décidé  de  cons- 
truire des  vaisseaux  de  guerre  de  dimension  plus  considé- 
rable que  ceux  de  l'Angleterre,  et  ils  ont  maintenant  sur 
chantier  un  navire  de  196  pieds  sur  55  de  large,  qui  portera 
112  canons;  Votre  Seigneurie  se  rendra  compte  que  nous 
n'avons  rien  de  semblable  en  Angleterre." 

Black  disait  à  lord  Bathurst  qu'il  irait  le  voir  quel- 
ques jours  après  la  réception  de  la  présente  lettre,  et  qu'il 
lui  donnerait  d'autres  détails  sur  les  efforts  que  les  Amé- 
ricains déployaient  pour  se  préparer  à  rencontrer  le 
gouvernement  de  Sa  Majesté.  Il  ajoutait  que  les  ordres 
donnés  par  lord  Liverpool  et  i)ar  Sa  Seigneurie  pour  lui 
accorder  une  récompense  n'avaient  pas  été  remplis;  si 
l'appel  qu'il  fait  dans  le  moment  ne  réussit  pas,  il  en 
appellera  cette  fois  au  parlement  ;  si  là,  encore,  on  refuse 
de  lui  faire  justice,  il  écrira  l'histoire  de  sa  vie  et  la  col- 
])ortera.  Comme  le  vieil  Homère  il  ira  de  porte  en  porte, 
en  demandant  l'aumône  et  en  racontant  ses  malheurs.  Il 
est  bien  déterminé  à  passer  le  reste  de  sa  vie  en  Angleterre, 
où  dans  quelque  possession  européenne  de  Sa  Majsté,  pour 
exciter  la  génération  qui  se  lève  à  défendre  ses  droits  et 
ses  libertés,  bien  décidé  à  se  réjouir  ou  à  pleurer,  selon  ce 
qu'il  plaira  à  Sa  Seigneurie  de  statuer  sur  son  sort. 

Le  13  mai  1818  (9),  il  écrit  à  Henry  Goulburn,  sous- 
secrétaire  du  département  de  la  Guerre  et  des  Colonies, 
et  accuse  réception  de  sa  dernière  lettre  au  nom  de  lord 
Bathurst,  dont  il  fait  un  éloge  dithyrambique.  J'aurais 
bien  continué  à  vous  rendre  visite,  dit-il  à  Goulburn,  mais 
en  voyant  tant  de  scélérats  et  tant  de  i)arvenus  solliciter 
les  faveurs  de  Sa  Majesté,  j'ai  pensé  que  vous  pouviez 
])eut-être  vous  imaginer  que  j 'étais  un  de  leurs  semblables, 
mais,  Dieu  merci,  je  sais  souffrir  en  silence. 

"Vous  me  demandez  quels  sont  les  moyens  dont  je 
dispose  pour  faire  valoir  un  lot  de  terre;  voici:  j'ai  un 
neveu  qpi  i)eut  m 'avancer  une  somme  de  £7,000  livres 
sterling  chaque  année,  et  ainsi  je  me  trouve  en  moyen  de 

(9)   Arch.  Canad.,  Q.  150,  p.  518.  - 


—  15  - 

l)0usser  la  culture  sur  une  plus  grande  échelle  que  n'im- 
])orte  qui.  Je  prie  donc  le  noble  lord  Bathurst  de  m 'accor- 
der un  noni])re  déterminé  d'acres  de  terre,  à  même  les 
terrains  vacants  de  la  Couronne,  dans  les  cantons  du  Bas- 
Canada.  S'il  vous  plaît  de  ne  pas  être  trop  chiche,  et  de 
me  donner  une  gratification  convenable. "  Il  annonce  qu'il 
a  l'intention  de  conduire  avec  lui,  en  Canada,  un  ministre 
du  culte;  il  pourrait  bâtir  une  église  en  douze  mois,  en 
])lein  milieu  des  forêts,  et  établir  ainsi  en  peu  de  temps  une 
belle  colonie.  Enfin,  il  a  appris  que  le  duc  de  Richmond 
devait  bientôt  partir  pour  Québec  ;  il  pourrait  être  attaché 
à  sa  suite  et  rendre  ainsi  de  grands  services  i3ar  les  con- 
naissances qu'il  a  des  deux  Canadas,  où  il  a  demeuré  trente 
ans.  Le  fart  de  sa  nomination  à  une  semblable  position 
serait  de  nature  à  fermer  la  'bouche  à  tous  les  jaloux  qui 
se  réjouissent  du  malheur  des  autres,  e,t  dont  les  succès 
laissent  croire  qu'eux  seuls  ont  raison.  Quelques  jours 
plus  tard  (10),  Goulburn,  ayant  fait  savoir  à  Black  que  sa 
présence  n'était  plus  requise  à  Londres,  qu'on  lui  enver- 
rait en  Canada  les  i^apiers  qu'il  désirait,  celui-ci  lui  répon- 
dait qu'il  se  trouvait  dans  une  cruelle  anxiété.  Tous  les 
navires  marchands  en  destination  de  Québec  avaient  quitté 
l'Angleterre,  et  il  venait  d'apprendre  qu'aucun  vaisseau 
de  Sa  Majesté  ne  toucherait  à  ce  port  durant  l'été. 

Le  10  juin  (11),  il  annonçait  qu'il  s'était  embarqué 
sur  le  navire  Friendship,  en  partance  pour  Québec.  Mais 
on  avait  découvert  que  ce  navire  étant  sur  lest  ne  pouvait 
prendre  deè  passagers  sans  payer  des  droits  de  douane. 
Le  prix  du  passage  se  trouvant  par  là  même  beaucoup 
plus  élevé,  il  n'avait  pas  eu  assez  d'argent  pour  le  payer 
et  on  l'avait  reconduit  à  terre  sans  plus  de  cérémonie. 
"Circonstance,  dit-il,  qui  me  joermet  de  m 'adresser  à  vous 
de  nouveau.  Je  vous  prie  donc  d'avoir  la  bonté  de  m 'en- 
lever la  perspective  que  j 'ai  devant  moi  de  passer  le  reste 
de  ma  vie  les  menottes  aux  mains,  sous  la  dépendance  de 
ceux  que  je  devrais  gouverner .  . .     Dans  toutes  les  corres- 

(10)  Arch.  Canad.,  26  mai  1818,  Q.  150.  p.  523. 

(11)  Arch.  Canad.,  Q.  150,  p.  542. 


...  1  B  — 

l)ondances  expédiées  à  Son  'Excellence  sir  Francis  Gore, 
aux  lords  Melville,  et  CastlereaglV,  j'ai  déclaré  que  j'étais 
venu  trouver  les  détenteurs  du  Pouvoir  pour  obtenir  le 
redressement  de  torts  sans  exemple  dans  l'histoire,  et  si 
maintenant  je  dois  retourner  sans  un  ordre  positif  du 
noble  lord  Batliurst,  si  mon  sort  est  laissé  à  la  discrétion 
d'un  dé  ces  satellites  qui  se  grossissent  plus  que  la  planète, 
cela  vraiment  me  laisse  une  espérance  peu  encourageante." 

Le  16  juin  (12),  il  demande  à  lord  Bathurst,  par  l'en- 
tremise de  Goulburn,  de  vouloir  lui  avancer  vingt  livres 
pour  paj^er  son  passage  ;  il  est  sans  le  sou  et  aucun  capi- 
taine de  navire  ne  veut  le  x)rendre  à  son  bord. 

Le  noble  lord  Bathurst  ne  daigna  pas  même  lui  répon- 
dre. Black  usa  alors  d'un  expédient  pour  attirer  l'atten- 
tion du  secrétaire  d 'Etat.  Il  lui  fit  parvenir  par  Goulburn 
une  copie  du  mémoire  qu'il  avait  autrefois  présenté  au  duc 
de  Kent  sur  le  gouvernement  du  Canada.  Dans  sa  lettre 
à  Goulburn  (13)  il  ajoutait  certaines  considérations  qui 
ne  manquent  pas  d'intérêt.  ''Vous  voudrez  bien  faire 
remarquer  à  Sa  Seigneurie,  lui  disait-il,  que  jamais  dans 
aucune  des  possessions  de  Sa  Majesté  des  sujets  ont  mon- 
tré autant  de  zèle  pour  défendre  leur  pays  que  ceux  des 
deux  Canadas.  Et  même  dans  la  dernière  guerre,  lorsque 
toutes  les  bayonnettes  étaient  braquées  sur  la  poitrine  de 
la  vieille  Angleterre,  c'était  une  satisfaction  de  voir  les 
marchands  se  jalouser  Içs  uns  les  autres  pour  hausser  le 
prix  de  leurs  fermes  deux,  trois,  quatre  et  cinq  fois  au  delà 
de  la  valeur  primitive  de  celles-ci  ;  c  'est  donc  absurde  pour 
eux  de  prétendre  qu'ils  ont  combattu  pour  l'Angleterre, 
c'est  plutôt  pour  défendre  leurs  plus  chers  intérêts"... 
C'est  en  lisant  l'adresse  tronquée  envoyée  par  les  citoyens 
du  Haut-Canada  au  prince  régent  que  cette  considération 
lui  était  venue  à  l'esprit,  disait-il.  Gourlay  qui,  dans  le 
moment,  déclamait  contre  l'administration  anglaise  dans 
le  Haut-Canada,  avait  été  l'inspirateur  de  l'adresse  en 
question.     Black  trouvait  qu'elle  contenait  du  bon,  mais 

(12)  Black  à  Goulburn.     Arch.  Canad.,  Q.  150,  p.  547. 

(13)  Ach.  Canad.,  Q.  150,  pp.  552-558. 


...17-. 

aussi  1111  grand  nombre  de  demandes  absurdes. 

Dans  un  post-scriptum,  il  s'étend  au  long  sur  la  ques- 
tion des  réserves  du  Clergé  et  de  la  Couronne,  législation 
qu'il  faudrait  abolir,  dit-il,  car  elle  est  un  formidable 
obstacle  au  développement  des  deux  Canadas  ;  on  pourrait 
donner  ces  réserves  aux  gens  honnêtes  qui  ont  le  moins 
déclamé  contre  le  gouvernement.  Si  l'on  veut  fournir  un 
moyen  de  subsistance  au  clergé,  que  l'on  s'empare  des 
biens  des  Jésuites,  ou  bien  que  l'on  réserve  im  bloc  de 
30,000  acres  de  terre  le  long  de  la  rivière  Restigouche,  de 
50,000  dans  le  district  de  Québec,  de  30,000  dans  celui  des 
Trois-Rivières  et  de  50,000  dans  celui  de  Montréal;  ces 
étendues  de  terre  resteront  inoccupées  pendant  de  longues 
années,  mais  le  développement  des  deux  provinces  n'en 
marchera  que  mieux.  Il  ajoutait  que  cette  proposition 
allait  beaucoup  moins  loin  que  les  mesures  prises  autrefois 
])ar  le  gouvernement  français  pour  l'Eglise  catholique. 

Le  25  août,  il  écrivait  de  Chelsea  à  Goulburn  (14)  que 
sa  position  devenait  de  plus  en  plus  difficile  ;  on  le  consi- 
dérait comme  un  homme  ruiné,  et  aucun  capitaine  de 
navire  ne  voulait  liri  accorder  un  billet  de  passage.  Sa 
décision  était  donc  prise,  il  resterait  en  Angleterre  jusqu'au 
printemps  suivant,  se  confiant  à  la  charité  d'un  vieil  ami 
qui  l'avait  autrefois  protégé  à  Québec  et  qui  dans  le  mo- 
ment lui  donnait  sa  nourriture  de  chaque  jour. 

Dans  un  post-scriptum,  il  ajoutait:  "Mes  déboires 
ont  conunencé  le  19  août  1794,  lorsque  je  fus  emprisonné 
illégalement.  Le  prétexte  supposé  de  cet  emprisonnement 
était  que  ma  popularité  parmi  deux  ou  trois  cenl^  ouvriers 
que  j 'employais  constituait  un  crime.  J'ai  demandé  depuis 
ce  temps  de  prendre  des  procédures  contre  moi,  on  m'a 
toujours  refusé  cette  faveur.  De  même  on  a  fait  valoir 
plus  que  de  raison  aux  ministres  de  Sa  Majesté  le  don 
que  j 'ai  reçu.  Voici  les  faits.  C'est  en  commun  avec  qua- 
rante-trois associés  que  l'on  m'a  fait  la  concession  d'un 
canton.  Nous  avons  eu,  mes  associés  et  moi,  chacun  1,200 
acres;    ceux-ci  me  choisirent  pour  leur  chef,  et  j'eus  à 

(14)   Arch.  Canad.,  Q.  150,  p.  562. 


...  18  — 

payer  les  fiais  (rarpentage  et  les  honoraires.  Lorsque  les 
lettres  patentes  furent  émises,  l'honorable  John  Young 
lue  demanda  de  racheter  aux  meilleures  conditions  possi- 
bles les  parts  de  mes  associés,  et  de  lui  céder  le  tout  pour 
le  rembourser  d'une  dette  que  j'avais  contractée  envers 
lui.  Il  me  donna  trois  guinées  par  jour  pour  transiger 
l'affaire.  Je  réussis  et  je  lui  donnai  le  canton  entier.  C 'est 
là  la  pure  vérité.  Comme  les  ministres  de  Sa  Majesté  ne 
semblent  pas  disposés  à  me  rétablir  dans  l'état  d'honnêteté 
où  je  vivais  avant  mes  malheurs,  je  préfère  maintenant  un 
emploi  permanent  dans  les  possessions  européennes  de  Sa 
Majesté  plutôt  que  de  retourner  en  Canada,  vivre  dans  la 
misère  et  je  refuse  de  me  fier  plus  longtemps  à  l'espérance 
lointaine  que  nous  serons  un  jour,  moi  et  ma  famille,  gra- 
tifiés d 'un  octroi  de  terre.  " 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  triste,  dit-il,  c'est  que  les  méchants 
attribuent  les  malheurs  qui  m'accablent  depuis  24  ans,  à 
la  vengeance  divine  qui  me  poursuit,  paraît-il,  i30ur  avoir 
]'empli,  en  une  circonstance  extraordinaire,  mon  devoir 
envers  mon  roi  et  ma  patrie. 

Au  mois  de  février  1819  (15),  Black  rééditait  encore 
à  lord  Bathurst  les  mêmes  histoires,  et  le  priait  de  lui 
accorder  un  emploi  soit  dans  le  Nouveau-Brunswick,  soit 
dans  son  pays  de  naissance.  Vu  son  âge  avancé,  il  préfé- 
rait cela  à  toute  autre  chose. 

La  dernière  lettre  que  nous  avons  de  lui  est  datée  du 
mois  de  mars  1819,  et  adressée  à  Goulburn  (16).  Black 
sollicite  une  pension  pour  aller  vivre  en  Ecosse.  '  *  Courbé 
sous  le  poids  de  l'âge  et  des  infortunes,  dit-il,  je  me  sens 
incapable  de  lutter  davantage  et  je  ne  désire  autre  chose 
qu'une  petite  allocation  pour  terminer  en  paix  le  peu  de 
temps  qui  me  reste  à  passer  sur  cette  terre." 

Il  dut  mourir  en  Ecosse;  nous  n'avons  rien  trouvé 
cependant  qui  puisse  apporter  quelques  éclaircissements 
sur  ce  point.  Black  avait  une  famille,  des  enfants;  il 
parle  souvent  de  ses  fils,  dans  sa  correspondance.    Rien 

(15)  Arch.  Canad.,  8  février  1819,  Q.  153,  p.  21. 

(16)  Arch.  Canad.,  1819,  Q.  153,  p.  43. 


-    19  — 

n'indique  cei)endant  qu'aucun  d'eux  ne  soit  revenu  en 
Canada. 

D'après  un  correspondant  du  Bulletin  des  Reclierches 
historiques  (novembre  1908),  un  Canadien  du  nom  de 
Henry  Black  serait  mort  à  (xodburg,  en  Ecosse,  le  10  dé- 
cembre 1844.  C'est  ijrobablement  un  des  fils  de  ce  pauvre 
John.  / 

IVANHOE   CARON,   ptre 


NICOLAS  DAUSSY  DE  SAINT-MICHEL 


En  1687,  Nicolas  Daussy  de  Saint-Michel  passait  dans  la  Nouvelle- 
France  en  qualité  de  lieutenant  reformé  dans  les  troupes  du  détachement' 
de  la  marine. 

Il  ne  devait  ])as  y  faire  un  long  séjour. 

En  1691,  le  sieur  de  Saint-Michel  était  fait  lieutenant  en  pied. 

Quelques  jours  à  peine  après  avoir  reçu  sa  promotion,  Saint-Michel 
était  arrêté  à  la  demande  du  supérieur  du  séminaire  de  Saint-Sulpice  de 
Montréal.      Il  était  accusé  de  sodomie. 

Saint-Michel  subit  d'abord  son  procès  devant  les  officiers  du  bailliage 
de  Montréal.  Le  10  septembre  1691,  le  Conseil  Souverain  commettait 
un  de  ses  membres  pour  recommencer  le  procès  de  Saint-Michel  et  de  ses 
co-accusés  les  soldats  Jean  Forgeron  dit  Larose  et  Jean  Filio  dit  Dubois. 

Le  13  novembre  1691,  le  Conseil  Souverain  déclarait  Saint-Michel 
atteint  et  convaincu  du  crime  dont  il  était  accusé,  et  le  bannissait  de  la 
colonie  à  perpétuité.  Il  lui  était  enjoint  de  garder  son  ban  à  peine  de  la 
vie.  Le  Conseil  ordonnait,  de  plus,  que  "la  minute  et  grosse  de  l'instruc- 
tion faite  par  le  bailli  de  Montréal,  ensemble  l'instruction  faite  de  nouveau 
par  le  conseiller  commissaire  (de  Peiras)  seraient  cousues  dans  un  sac  et 
scellées  du  sceau  du  f'onseil  sans  qu'il  pût  être  ouvert  que  par  arrêt  exprès 
rendu". 

Le  nommé  Saint-Michel  fut  réexpédié  en  France  au  printemps  de 
1693. 


-20 


François  Provost  appartenait-il  au  régiment 
de  Carignan  ? 


Le  28  mai  1699,  François  Provost  qui  avait  été  major  et  lieutenant 
de  Roi  à  Québec,  était  nommé  gouverneur  des  Trois-Rivières,  en  rempla- 
cement de  M.  de  Ramezay  appelé  au  commandement  des  troupes  de  la 
Nouvelle-France. 

D'après  M.  LeRoy  de  la  Potherie,  M.  Provost  fut  très  populaire  aux 
Trois-Rivières.      En  1703,  il  écrivait  au  ministre  : 

"On  vous  a  donné.  Monseigneur,  mille  bénédictions,  quand  vous  avez 
donné  à  M.  Provost  le  gouvernement  des  Trois-Rivières.  C'est  un  hom- 
me généreux,  il  est  aimé  de  toute  la  ville.  Il  ne  cherche  que  les  moments 
de  faire  plaisir  à  un  chacun.  Il  ne  se  mêle  point  dans  le  commerce  des 
pelleteries  des  bourgeois  qui  auraient  volontiers  chanté  le  Te  Deum,  en 
actions  de  grâce,  quand  vous  leur  avez  ôté  M.  de  Ramezay.  Les  peuples 
des  colonies  demandent  à  être  menés  par  la  douceur.  Il  les  chagrinait 
cependant  dans  leur  traite  de  pelleteries  avec  les  Sauvages,  enlevant  aux 
marchands  avec  une  autorité  fatiguante,  tout  ce  qu'il  pouvait  trouver 
de  meilleur.  Le's  Sauvages  qui  veulent  avoir  la  liberté  de  commercer  à 
leurs  fantaisies  ne  s'accommodaient  guère  de  toutes  ces  manières"  (1). 

Malheureusement  Trois-Rivières  ne  jouit  pas  longtemps  du  paternel 
gouvernement  de  Provost.      Il  mourut  à  Québec  le  1er  juin  170S. 

De  tous  nos  anciens  historiens  la  mère  Juchereau  de  Saint-Ignace 
est  la  seule  à  dire  que  M.  Provost  était  arrivé  dans  la  Nouvelle-France  en 
qualité  d'officier  dansée  régiment  de  Carignan. 

Parlant  du  siège  de  Québec  par  Phips  en  1690,  elle  écrit  : 


(1)      Archives  du  Canada,   Correspondance  générale,   vol.   18. 


—  21  — 

"Des  Sauvages  de  l'Acadie  vinrent,  dans  le  mois  d'août,  dire  à  M. 
Provost,  ancien  officier  du  régiment  de  Carignan  et  lieutenant  de  roi  à 
Québec,  et  qui  commandait  en  l'absence  de  M.  le  comte  de  Frontenac,  que 
le  Port-Royal  était  pris  par  les  x\nglais  et  qu'ils  devaient  venir  ici"  (2). 

M.  Benjamin  Suite  qui  a  fait  une  enquête  approfondie  afin  de  retra- 
cer les  officiers  du  régiment  de  Carignan  et  qui  a  consigné  le  résultat 
de  ses  recherches  dans  les  Mémoires  de  la  Société  Royale  du  Canada,  an- 
née 1900,  ne  compte  pas  François  Provost  parmi  les  officiers  du  célèbre 
régiment.  Le  témoignage  isolé  de  la  mère  Juchereau  de  Saint-Ignace 
ne  lui  a  sans  doute  pas  paru  une  preuve  assez  convaincainte. 

Pourtant,  M.  Provost  a  bel  et  bien  été  officier  au  régiment  de  Cari- 
gnan. Et  nous  en  avons,  outre  l'affirmation  de  la  mère  Juchereau  de 
Saint-Ignace,  un  témoignage  qu'on  ne  peut  récuser. 

Le  22  juillet  166(),  le  notaire  Romain  Becquet,  de  Québec,  dressait 
l'inventaire  des  biens  meubles  de  deux  officiers  du  régiment  de  Carignan 
qui,  quelques  semaines  auparavant,  avaient  été  tués  par  les  Iroquois.  M. 
Provost  était  présent,  il  signe  même  à  l'acte  et  le  notaire  le  désigne  com- 
me suit  :  "François  Provost,  Escuyer,  lieutenant  de  la  compagnie  de 
Monsieur  le  chevalier  de  Grandfontaine,  capitaine  au  régiment  de  Cari- 
gnan, faisant  la  charge  de  major  à  Quebecq." 

Comme  on  le  voit,  la  mère  Juchereau  de  Saint-Ignace  était  bien  en 
droit  de  qualifier  M.  Provost  d'ancien  officier  au  régiment  de  Carignan. 

Un  chercheur  avisé  qui  prendrait  la  peine  de  lire  avec  attention  les 
actes  des  notaires  de  Québec  et  de  Montréal  pour  la  période  de  1665  à  1680 
ou  1685  ferait  sortir  de  la  poussière  de  l^oubli  bien  d'autres  officiers  du 
régiment  de  Carignan.  Nous  ne  connaissons  peut-être  pas  la  moitié  des 
officiers  de  ce  corps  d'élite. 

P.  Ct.  R. 


(2)     Histoire  de  l'Hotel-DIeu  de  Québec,  p.  317. 


■--  22 


PAPINEAU  ET  LA  CHANSON 


C*est  en,  1918  que  nous  avons  commencé  à  livrer  au  Bîilletin  les 
chansons  sur  Papineau  que  nous  avions  alors  recueillies.  Des  trouvailles 
faites  depuis  nous  permettent  d'allonger  la  série,  mais  curieux  hasard,  nos 
additions  sont  anti-papineautistes  !  Dans  le  présent  numéro  nous  passons 
deux  de  ces  pièces.  La  première  nous  a  été  chantée  par  M.  Henri  Girard, 
actuellement  de  Montréal.  11  l'a  apprise  de  sa  grand'mère,  vers  1890. 
Elle  la  tenait  d'un  nommé  Tétrault,  surnommé  Garskoua,  de  Saint-Atha- 
nase  d'Iberville.  Le  chanteur  n'a  j)u  nous  fournir  que  deux  couplets  et 
demi. 


Papineau  s'est  bien  vanté 
Qu'il  voulait  faire  la  guerre. 
Avec  ses  fusils  de  bois 

Contre  l'Angleterre. 
Ah  !  ah  !  ah  !  mais,  cependant 
Nous  en  rirons  bien  longtemps. 

2 

Monsieur  Bardy 
C'est  un  homme  qu'a  de  l'esprit 
Il  s'en  va  de  village  en  compagne 
llamassant  les  fill(es)  et  les  femmes. 
Ah  !  ah  !  ah  !  etc. 


Papineau  nous  a  dit 
D'être  bien  sages 
Nous  aurons  la  liberté 


Nous  dev(«is  la  seconde  i\  M.  A.  Fauteux,  de  la  bibliothèque  Saint- 
Sulpice.  Cette  clianson  a  été  publiée  en  feuilles  et  il  y  en  a  deux  édi- 
tions, différentes  quant  à  la  toilette,  seulement.       Dans  l'une,  le  texte  est 


—  23  — 

surmonté  d'une  gravure  explicative  représentant  un  Canadien  montant 
un  cheval  qui  galoppe.  A  gauche  du  dessin,  on  voit  un  poteau  indica- 
teur sur  lequel  est  une  enseigne  portant  l'inscription  :  Etats-Unis  ;  c'est 
Papineau  qui  s'enfuit  !  L'autre  édition  n'a  pas  de  gravure,  mais  l'impres- 
sion est  meilleure  et  le  texte  est  encadré  d'un  filet., 

PEPER'  N'VA  PAS-T-EN  GUERRE 

Air   :  Malbrough  s'en  va-t-en  guerre 

1 

Pépèr'  n'va  pas  t'en  guerre, 

t  Sur  les  pieds,  sur  les  mains,  sur  la  tête, 

Pépèr' «n'va  pas  t'en  guerre 

On  n'sait  quand  il  viendra  (ter) 

Il  a  pris  l'escampette 

Pour  gagner  les  Etats  , 

3 
Ou  vas-tu  donc,  Pépère 
Où  vas-tu  de  c'train  là  ? 

4 
Je  cherche  une  cachette  x 

Pour  jusqu'après  l'combat 

5 
Mais  c'est  pas  brav',  Pépère 
Arrangera  tout  ca 

6 
De  se  sauver  comm'  ça  ! 
Dis  rien,  le  p'tit  DessauUes 

7 
La  St-Denis  se  passe 
Pépèr'  ne  revient  pas 

8 
Mais  le  petit  DessauUes 
Arrangera  tout  ça. 

E.-Z  MASSICOTTE 


—  24 


L'ENGAGEMENT    DE    DEUX    CHIRUR- 
GIENS POUR  L'HOTEL-DIEU  DE 
MONTREAL 


Le  plus  aucieii  contrat  fait  par  les  lîeligieuses  hospitalières  de  FHô- 
tel-Dieu  de  Montréal  avec  des  chirurgiens  qui  devaient  "panser  et  médica- 
menter"  les  malades  de  l'institution  est  })eut-être  celui  dont  nous  don- 
nons ci-après  la  copie  textuelle. 

On  en  trouve  la  minute  dans  l'étude  du  notaire  Claude  Mangue  qui, 
fut  en  plus  greffier  du  tribunal  des  Seigneurs  entre  les  années  1677  et  1684. 

Vingt  aoust  1681 — Pardevant  Le  nore  de  Lisle  de  Montréal  en  la  nou- 
velle france  et  tesmoins  Soubsignez  furent  présents  Révérende  mère  Renée 
LeJumeau  Supérieure  des  Dames  religieuses  hospitalières  de  ce  lieu  Soeur 
Marie  Morin  dépositaire  de  l'hospital  D'une  part  et  Les  Sieurs  Jean  Mar- 
tinet de  Fonblanche,  et  Antoine  Forestier  m'res  chirurgiens  demeurans 
en  cette  ville  Lesquels  ont  fait  entr'eux  les  conventions  Suivantes,  Sçavoir 
que  lesd.  chirurgiens  promettent  et  s'obligent  de  bien  et  Deiiement  Servir 
L'hospital  de  Villemarie,  penser  et  médicamenter  tous  les  malades  qui  s'y 
trouveront,  et  par  quartier  de  trois  eu  trois  mois  et  se  renderont  assidus  à 
venir  visitter  les  dits  malades  environ  sur  les  sept  heures  du  matin  par 
chacun  jour  et  autresheures  Lorsqu'il  sera  nécessaire,  Et  ce  pour  et  mo- 
yennant la  somme  de  soixante  quinze  livres  chacun,  et  par  chacun  an,  A 
commancer  le  temps  de  Leur  service  des  le  premier  juillet  dernier.  Et  sans 
que  lesd,  chirurgiens  puissent  prétendre  aucune  autre  cHose  desd.  malades 
ny  du  garson  qui  servira  led.  hospital  soit  pour  le  razer  ou  autrement,  et 
ne  fourniront  que  de  leurs  soins  et  travail.  Les  remèdes  seront  fournis  par 
led.  hospital  et  outre  lesd.  chirurgiens  promettent  et  s'obligent  de  visitter 
led.  hospital  L'un  pour  L'absence  de  L'autre  lorsqu'il  en  seront  requis, 
Car,  ainsy  etc  promettant  etc,  obligeant  etc,  Renonçant  etc. 

Fait  et  passé  aud.  hospital  de  L'agrément  de  Messire  Gabriel  Souart 
ancien  prestre  du  Semre  de  St  Sulpice  de  Paris,  Résident  en_  celiiy  de 
Montréal,  Leur  Supérieur,  présence  de  Sr  Louis  Marin  Boucher  Boisbuis- 
son  et  de  pierre  maguet  tesmoins  y  demeurans  qui  ont  avec  lesd.  dames 
religieuses,  chirurgiens  et  nore  sigilé  moud.  Sieur  Souart  le  vingt  août 
1681. 

(i.  Souart       Soeur  Renée  le  .Jumeau       Soeur  Marie  Morin       A. 


—  25  — 

Forestier       J.  Martinet       Maguet       Mangue  Xore. 
Le:  sieur  Martinet  de  Fonblanclie  (que  quelques  historiens  surnom- 
jueut  Tourblanche,  par  erreur)  et  le  sieur  Forestier  sont  deux  des  chirur- 
giens les  plus  en  vue  de  Montréal  au  dix-septième  siècle  et  leurs  noms  ap- 
paraissent souvent  dans  les  documents  de  l'époque. 

E.-Z.  MASSTCOTTE 


NOS  ORIGINES 


PERSONNES  VENUES  DE  FRANCE  ET  AYANT  FORME  DES 
FAMILLES  CANADIENNES 


Hommes 

Femmes 

Garçons 

Filles 

1640 

99 

40 

40 

52 

1640    montre 

1650 

1]2 

76 

62 

118 

ce  qui  était 

1660 

445 

140 

119 

307 

venu    depuis 

1670 

1411 

258 

175 

70 

1608 

1680 

1915 

324 

212 

1135 

1690 

2413 

'358 

238 

1178 

Garçons  venus 

1700 

2935 

383 

244 

1203 

avec  père  et  mère 

1710 

3211 

395 

250 

1229 

1720 

3524 

405 

251 

1244 

Femmes    venues 

1730 

3989 

416 

253 

1257 

avec  leurs  maris 

1740 

4463 

431 

263 

1275 

1750 

5036 

451 

269 

1294 

Hommes  mariés 

on  non.       Ces  derniers 

mariés  en 

Canada. 

Filles 

venues  avec  leurs  fa- 

milles  au  seule 

Hommea 

5036 

Femmes 

451 

Garçons 

269 

Filles 

1244 

7,005 
Toute  la  population  canadienne-française  est  sortie  de  ces  7,050  per- 
sonnes.     Après  1750  le  nombre  des  nouvelles  souches  est  faible  :  je  ne  le 
compte  pas — c'est  impossible. 

B.  SULTE     . 


—  26  — 

REPONSE 


La  Chambre  de  Coinmerce  de  Québec  (XXVI,  p.  211). — Quelques 
notes  historiques  sur  cette  institution  dont  le  centenaire  de  la  fondation 
a  été  célébré  par  un  grand  banquet  au  Château-Frontenac,  samedi,  le  20 
février   1909. 

-«  A  ce  banquet  présidé  par  le  major  Hethrington,  président  de  la 
Chambre  pour  l'année  1909,  Fon  faisait  en  quelques  mots  l'histoire  de  la 
fondation  de  cette  institution.  Le  Président  disait  avec  raison  que  c'é- 
tait la  première  association  de  ce  genre  qui  ait  existé  dans  le  pays  pour 
célébrer  son  centième  anniversaire. 

La  fondation  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Québec  remonte  au 
mardi,  21  février  1809.  Il  y  avait  ce  jour-là  une  réunion  des  princi- 
})aux  hommes  d'affaires  de  Québec  à  l'hôtel  Union  nouvellement  érigé, 
pour  prendre  en  considération  une  communication  reçue  par  MM.  Irvine, 
McNaught  &  Cie,  de  l'Association  des  marchands  d'Halifax  connue  sous 
le  nom  de  Committee  of  Trade  of  Halifax,  fondée  vers  1804.  Cette  réu- 
nion de  marchands  de  Québec  se  constitua  immédiatement  en  association 
sous  le  nom  de  Committee  of  Trade  of  Québec  et  fit  l'élection  de  ses 
officiers. 

Dans  cette  communication  des  marchands  d'Halifax,  on  suggérait  aux 
hommes  d'affaires  de  Québec  et  de  Montréal  de  se  former  en  association, 
})Our  de  concert  avec  eux  présenter  des  requêtes  au  gouvernement  de  la 
Grande-Bretagne,  afin  que  celui-ci  favorisât  davantage  les  colonies  an- 
glaises de  l'Amérique  et  les  aidât  dans  leur  projet  d'essayer  à  supplanter 
les  Américains  dans  leur  commerce  avec  les  Antilles  et  surtout  pour  re- 
présenter à  la  mère  patrie  le  dommage  fait  au  commerce  canadien  par  la 
suspension  des  actes  de  navigation.  Il  était  aussi  question  pour  les  pro- 
vinces canadiennes  de  s'entendre  pour  la  nomination  d'un  même  agent 
en  Angleterre  qui  aurait  été  Nathaniel  Atcheson,  l'auteur  de  American 
Encroachment  qui  venait  de  paraître  à  Londres. 

La  réunion  de  Québec  choisit  pour  étudier  ces  propositions  et  prépa- 
rer une  réponse  un  certain  nombre  de  ses  membres.  Furent  nommés  à 
cet  effet  :  Jamas  Irvine,  président,  John  Black wood,  John  Painter,  John 
Mure,  John  Jones,  John  Patterson  et  David  Munroe.  Voilà  les  noms 
de  ceux  que  l'on  peut  appeler  les  fondateurs  de  la  Chambre  de  Commerce 
de  Québec. 


^      ---  27  — 

Le  "Comité  de  Commerce  de  Québec"  fut  constitué  en  corporation 
oji  1841  et  incorporé  sous  le  nom  de  "Cliaml)re  de  Commerce  de  Québec". 

D*après  ce  qui  j)récède  il  est  évident  qu'il  existait  à  Halifax  une  as- 
sociation, dont  la  fondation  est  antérieure  à  celle  de  Québec  de  cinq  ou  six 
ans.  Il  faut  remarquer  cependant  que  le  Commitfee  of  Trade  of  Halifax 
a  suspendu  ses  réunions  pendant  quelque  temps.  Québec  est  la  première 
institution  du  genre  sur  le  continent  américain  qui  n'ait  pas  eu  de  sus- 
pension dans  ses  assemblées  et  ait  pu  célébrer  son  centenaire. 

Voici  la  liste  des  présidents  de  l'institution  depuis  sa  fondation  en 
1809,  jusqu'à  nos  jours. 

COMITE  DE   COMMERCE   DE   1809   A   1841  : 
James  Irvine  1809 

John  Stewart  '  1832 

W.  Finlay  ~  1825 

Geo.  Pemberton  -  1838 

Hon.  Wm.  Walker  1841 

CHAMBRE  DE   COMMERCE,  DE   1842  à   1920  :      . 
William  Walker,  avril  1842. 
James  Dean,  avril  1848. 
Wm.  Walker,  avril  1849. 
James  Dean,  avril  1850. 
James  Gillespie,  avril  1853. 
Henry  T.  Xoad,  avril  1854. 
James-B.  Forsyth,  avril  185G, 
James  Gillespie,  avril  1857. 
James  Dean,  avril  1860. 
James  Gillespie,  avril  1861. 
James-G.  Ross,  avril  1862. 
A.  Joseph,  avril  1863. 
Henry  Fry,  avril  1866. 
D.-E.  Price,  avril  1868. 
A.  Josejih,  avril  1872. 
R.-H.  Dobell,  avril  1873. 
Weston  Hunt,  avril  1876. 
Joseph  Shehyn,  avril  1878. 
Owen  Murphy,  avril  1880, 
Henry  Webster,  avril  1882. 


...  28  ™ 

Honorable  Joseph  Shehyii,  avril  1883. 

T.  Ledroit,  avril  1887. 

Ilonorable  11.  Tiirner,  déeeinhre  1889. 

Victor  Châteauvert,  décembre  1892. 

Thos  Brodie,  décembre  1893  (1). 

E.-B.  Garneau,  mai  1894. 

Honorable  R.-R.  Dobell,  décembre  1895. 

H. -Edmond  Dupré,  décembre  1897. 

M.  Joseph,  décembre  1898. 

George  Tanguay,  janvier  1901. 

Sir  William  Priée,  janvier  1903. 

P.-J.  Bazin,  juin  1904. 

William  Power,  janvier  1905. 

Geo.  E.  Amyot,  janvier  1906. 

T.-S.  Hethrington,  janvier  1908. 

G.-A.  Vandry,  janvier  1910. 

Wm.  A.  Marsh,  janvier  1912. 

Joseph  Picard,  janvier  1914. 

J.-G.  Scott,  janvier  1916. 

O.-B.  Bédard,  janvier  1918. 

J.-T.  Ross,  janvier  1919. 


I 

4 


O.-A.  COTE 


(1)      Décédé  23  mai  1894. 


LE  FILS  DE  M.  DE  SAUREL 


Dans  la  Famille  Juchereau  (p.  58),  on  voit  qu'en  novembre  1683,  le 
gouverneur  de  la  Barre  avait  envoyé  ses  dépêches  à  la  Gour  par  le  fils  de 
M.  de  Saurel,  ancien  capitaine  au  régiment  de  Carignan  et  fondateur  de 
la  ville  de  Sorel.  M.  de  la  Barre,  y  lisons-nous  encore,  priait  en  même 
temps  le  ministre  de  nommer  le  jeune  de  Saurel  enseigne  de  la  marine. 

L'auteur  de  La  famille  Duchesnay  avait  emprunté  ce  renseignement  i 

d'un  résumé  d'une  lettre  de  M.  de  la  Barre  au  ministre,  en  date  du  4  no-  ) 

vembre  1683,  publié  dans  le  Rapport  sur  les  Archives  Canadiennes  pour 
1885  (p.  XLII)   : 

"Envoie  des  dépêches  par  le  fils  de  M.  de  Saurel,  décédé  au  mois  de 


--  29  — 

novembre  et  recommande  que  le  premier  soit  nommé  enseigne  de  la  ma- 
rine''. 

Depuis,  nous  avons  eu  la  curiosité  de  lire  le  texte  même  de  la  lettre 
de  M.  de  la  Barre  au  ministre  du  4  novembre  1683. 

Or  voici  exactement  ce  qu'écrivait  M.  de  la  Barre  : 

"Le  sieur  Sorel  que  je  vous  avais  nommé  pour  mériter  ce  gouverne- 
ment (de  Montréal,  à  la  place  de  Perrot),  est  mort  au  mois  de  novembre 
dernier  ;  je  croy  que  vous  feriez  bien  la  grâce  à  sa  veuve  de  luy  conserver 
sa  gratification  de  1683,  si  l'état  n'était  pas  encore  fait,  et  ce  serait  une 
chose  bien  avantageuse  au  service  s'il  vous  agréait  de  mettre  le  Sr  LeMoy- 
ne  à  la  place  du  dit  Sorel  ;  il  a  rendu  de  grands  services  en  ce  pays,  mais 
celui  qu'il  vient  de  rendre  ce  mois  de  juillet  est  si  considérable  qu'il  est 
à  propos  pour  l'encourager  à  l'avenir  -où  il  vous  peut  encore  mieux  servir 
si  vous  luy  accordiez  cette  gratification  ;  il  est  capitaine  de  la  ville  de 
Montréal  et  a  plus  fait  la  guerre  contre  les  Iroquois  qu'aucun  officier  qiii 
soit  en  Canada.  Je  vous  envoyé  son  fils  pour  porter  mes  despêches,  qui 
est  un  jeune  homme  qui  entend  fort  bien  la  mer,  scait  cette  rivière  admi- 
rablement, qui  a  mené  et  ramené  déjà  plusieurs  navires  en  France,  pour 
vous  supplier  d'en  faire  un  enseigne  de  marine  ;  il  pourra  fort  bien  servir, 
et  il  est  avantageux  que  vous  ayez  dans  ce  corps  des  gens  qui  connaissent 
parfaitement  le  pays,  outre  que  son  père  s'en  ressentant  infiniment  votre 
redevable,  sera  d'autant  plus  obligé  de  bien  servir  le  Roi  dans  toutes  les 
occasions  qui  s'en  présentent  journellement  au  sujet  des  Iroquois.  Je  vous 
•  supplie  d'avoir  la  bonté  de  luy  accorder  ou  luy  refuser  promptement,  afiji 
qu'il  puisse  revenir  à  LaRochelle  sans  perte  de  temps".  (1) 

Ce  n'est  donc  pas  le  fils  de  M.  de  Saurel  qui,  à  l'automne  de  1683, 
porta  les  dépêches  de  M.  de  la  Barre  à  la  cour  mais  le  fils  de  M.  LeMoyne. 

M.  de  Saurel  n'eut  pas  d'enfant. 

Il  n'est  jamais  trop  tard  pour  réparer  une  erreur.  Dans*  l'espèce, 
notre  faute  était  jusqu'à  un  certain  point  excusable  puisque  nous  avions 
comme  autorité  une  pièce  officielle  portant  tous  les  caractères  de  l'au- 
thenticité. 

P.  G.  R 


(1)  Archives  de  la  province  de  Québec,  Manuscrits  relatifs  à  l'histoire  de 
la  Nouvelle-France,  1ère  série,  vol.  2. 


30 


NOS  CHANSONS  HISTORIQUES 


LA  PEKTE  DU  CANADA 

Voici  deux  chansous  populaires  qui,  malgré  leur  âge  respectable, 
pourraient  bien  être  inédites.  Il  y  a  donc  raison  de  leur  donner  asile 
dans  une  publication  où  les  amateurs  de  demain  pourront  les  retrouver. 

Ces  deux  pièces  remontent  à  la  cession  du  Canada  et  toutes  deux 
m'ont  été  chantées  par  M.  Joseph-Albert  Richard,  mécanicien,  né  à  Mon- 
tréal en  1850  et  qui  m'a  procuré  quelques-uns  des  chants  historiques 
que  j'ai  déjà  confiés  ^u  Bulletin.  Soit  dit  en  passant,  M.  Richard  affec- 
tionne particulièrement  les  productions  populaires  qui  traitent  de  notre 
histoire  et  il  s'est  fait  un  devoir  d'api)rendre  toutes  celles  qu'il  a  pu  enten- 
dre. 

La  première  qui  semble  avoir  un  soldat  pour  auteur  fut  apprise  par 
M.  Richard  père,  au  Cap  Saint-Ignace,  au  début  du  dix-neuvième  siècle; 
il  la  transmit  ensuite  à  son  fils,  notre  informateur,  vers  1860,  à  Montréal. 
Elle  n'a  que  quatre  couplets  : 

1 

Quand  Georges  trois,  prit  l'Canada 
La  sainte  Vierge  est  au  combat, 
A  la  trahison  de  Valgor,  (Vergor) 
Elle  était  entre  les  deux  camps. 
Pour  défendre  nos  régiments. 
•  .  2 

Courage  mes  frères  Canadiens 
Prenons  notre  sort  en  chrétiens  '' 

Et  soutenons  notre  couronne 
Braves  soldats  et  miliciens. 
Soutenons-la  jusqu'à  la  fin. 

3 
Invoquons  les  Anges  et  les  Saints, 
Qu'ils  nous  tend(ent)  aujourd'hui  la  main. 
Et  implorons  la  Vierge  sainte 
Qu'Elle  daigne  par  sa  bonté, 
Xous  conserver  la  liberté. 


...  31  -- 

4 
Qu'en  a  composé  la  chausoii, 
C'est  un  soldat  du  bataillon 
Qu'est  prêt  à  se  livrer  lui-même. 
Pour  la  défense  de  ses  droits, 
Vive  le  Roi  !  vive  la  paix  ! 

La  seconde  serait  sans  doute  fort  intéressante  si  le  chanteur  n'avait 
pas  oublié  une  partie  des  quatre  derniers  couplets. 

Comme  la  précédente,  notre  informateur  l'a  reçue  de  son  père.  Celui- 
ci  la  tenait  d'un  original  que  tout  Montréal  a  connu  autrefois  et  dont 
nous  dirons  quelques  mots  ci-après  : 

1 
Sire  Louis,  quinze  du  nom. 
Prêtez,  s'il  vous  plait,  l'attention. 
Des  Canadiens  écoutez  les  malheurs. 
Sont  aujourd'hui  dans  de  si  grand's  alarmes 
Par  les  Anglais  dépouillée  de  leurs  armes 
Ils  sont  réduits  à  de  si  grands  malheurs 
Par  la  faute  du  marquis  de  Vaudreuil. 

2 
Cher  Canadien  parle  hardiment 
Sans  faire  aucun  déguisement. 
Explique-moi  la  vérité  du  faite  (sic) 
Comment  les  Anglais  ont-ils  pris  Québec  ? 
Comment  Français,  Canadiens  et  Sauvages 
^  Ont-ils  manqué  d'hardiesse  et  de- courage  ? 

3 
Ne  pouviez-vous  pas  avec  tous  mes  Français 
Tailler  en  pièce  l'armée  des  Anglais  ? 
L'Anglais  poursuivant  son  chemin, 
Le  quatorze  du  mois  de  juin 
A  l'île,  là  ils  ont  débarqué 
A  la  barbe  de  tous  nos  officiers. 

4 
Trois  gros  vaisseaux 
Nous  ont  donné  l'alarte 
Et  les  bateaux 


—  32  — 

Qui  étaient  en  découverte 

Ils  s'en  vont  chargé  d'artillerie 

Pour  débarquer  au  Sault  Montmorency 

Lorsque  Vergor  a  tombé  dans  l'écart 


Lorsque  les  Anglais  vous  ont  attaqué 
N'étiez  vous  pas  bien  fortifiés 


Vous  pouviez  bien  dedans  cette  assurance 
Certainement  observer  le  silence. 
Sans  exposer  tous  ces  braves  guerriers 
A  perdre  la  vie  avec  tant  d'officiers. 


Adieu,  mes  très  chers  Canadiens 
Je  vous  vois  perdre  tous  vos  biens 
Après  avoir  vaillamment  combattu 


L'original  ou  le  détraqué  qui  enseigna  ce  chant  à  M.  Richard  père 
s'appelait  Bénoni  Boutin,  mais  tout  le  monde  trouvait  plus  drôle  de  dire 
Bénoni  Boudin.  C'était  un  simple,  originaire,  prétend-on,  de  Saint-Jac- 
ques-le-mineur.  Après  avoir  "voyagé",  c'est-à-dire  servi  de  nautonnier 
"sur  les  bateaux  du  roi"  entre  Montréal  et  Cataracoui,  il  finit  par  demeu- 
rer tout  le  temps  dans  la  métropole.  Il  travaillait  quand  il  pouvait  ;  le 
plus  souvent,  il  quêtait.  Sur  ses  dernières  années  les  taquineries  et  les  in- 
solences de  la  foule  l'affolèrent,  le  rendirent  bien  misérable.  Quand  on 
le  traitait  bien,  il  causait  sensément  et  pouvait  chanter  un  bon  nombre  de 
chansons  intéressantes  qu'il  tenait  de  sa  mère.  Bénoni  Boutin-  mourut 
il  Montréal  au  mois  de  mai  1876  et  il  se  retirait  alors  chez  M.  Richard  père. 


E.-Z.  MASSICOTTE 


BUL.I^^7nN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 


VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE- FEVRIER  1921  N»  2 


LES  DEUX  CAPITAINES  DORVILLIERS 


Voici  un  nom  qui  a  été  la  cause  ou  plutôt  l'occasion  de 
bien  des  erreurs.    Nous  avons  eu  dans  la  Nouvelle-France  : 

François  Chorel  dit  Dorvilliers,  sieur  de  Saint-Ro- 
main, originaire  de  Saint-Nise,  évêché  de  Lyon,  qui  s'éta- 
blit aux  Trois- Rivières,  puis  à  Champlain,  s'occupa  de 
commerce,  de  traite  et  de  culture.  Il  décéda  à  Cliamplain 
le  6  janvier  1709.  De  son  mariage  avec  Anne  Aubuclion 
il  eut  i^lusieurs  enfants  dont  trois  furent  religieuses  et  les 
autres  s'établirent  fort  convenablement  grâce  à  la  jolie 
fortune  laissée  par  leur  père. 

François  Chorel  Dorvilliers,  fils  du  jjrécédent,  fit  aus- 
si du  commerce.  Le  16  juin  1695,  Edmond  de  Suève,  an- 
cien officier  au  régiment  de  Carignan  et  seigneur  en  par- 
tie de  Sainte- Anne  (de  la  Pérade),  le  faisait  son  légataire 
universel.  Les  biens  de  M.  de  Suève  consistaient  dans  sa 
part  de  la  seigneurie  de  Sainte- Anne,  une  terre  de  cinq  ar- 
pents sur  quarante  de  profondeur,  une  autre  terre  de  qua- 
tre arpents  de  front  située  dans  l'île  Saint-Ignace,  une 
troisième  terre  de  quatre  arpents  de  front,  et  enfin  une 
quatrième  terre  de  deux  arpents  de  front,  toutes  situées 
dansJa  seigneurie  de  Sainte- Anne.  François  Chorel  Dor- 
villiers est  surtout  connu  i^ar  ses  démêlés  judiciaires  avec 
M.  Tarieu  de  la  Pérade  et  sa  belliqueuse  épouse  Madeleine 
de  Verchères. 


—  34    '- 

liémy  de  Guillouet  Dorvilliers  qui  fut  capitaine  des 
gardes  du  gouverneur  de  la  Barre,  capitaine  d'une  coniija- 
gnie  franche  de  la  marine,  x^^i^?  enfin,  commandant  au 
fort  Frontenac  (Cataracoui). 

....de  Guillouet  Dorvilliers,  fils  du  précédent,  qui 
servit  ici  comme  lieutenant  puis  comme  capitaine  et  ren- 
dit de  précieux  services  au  gouverneur  de  Frontenac  lôrs 
du  siège  de  Québec  en  1690. 

Benjamin  Dervilliers  (et  non  Dorvilliers)  de  la  Bois- 
sière,  originaire  de  Paris,  fils  de  Jean  Dervilliers,  écuyer 
de  la  maréchale  et  duchesse  de  Villeroi,  qui  arriva  dans  la 
Nouvelle-France  connue  enseigne  dans  les  troupes  du  dé- 
tachement de  la  marine  en  1696,  épousa  Claire  Godefroy 
de  Linctot,  des  Trois-Rivières,  fut  promu  lieutenant  en 
1700,  capitaine  en  1715  et  mourut  un  peu  avant  1737. 

Charles  Petit  de  Levilliers,  originaire  de  Marigny, 
diocèse  de  Soissons,  qui  passa  dans  la  Nouvelle-France 
connue  enseigne  dans  les  troupes  du  détachement  de  la 
marine  en  1687,  éi)ousa,  lui  aussi,  une  canadienne,  et  décé- 
da à  Montréal  le  2  juillet  1714. 

Ces  six  personnages,  ont  vécu  à  peu  près  à  la  même 
é]3oque  et  quatre  étaient  officiers  dans  les  troupes.  La  si- 
militude des  noms  aidant,  il  n'est  pas  étonnant  qu'on  les 
ait  confondus  et  qu  'il  en  soit  résulté  maintes  eri^eurs. 

Pour  aujourd'hui,  nous  nous  contentons  de  démêler 
les  carrières  des  deux  capitaines  Dorvilliers  père  et  fils. 

Rémy  de  Guillouet  Dorvilliers  commença  sa  carrière 
militaire  comme  enseigne  de  la  compagnie  colonelle  du  ré- 
giment de  Conty  en  1651.  Six  ans  plus  tard,  en  1657,  il 
était  promu  capitaine  dans  le  jnême  régiment. 

D'après  Laffilard,  M.  Dorvilliers  serait  passé  dans  la 
Nouvelle-France  en  1661.  Nous  croyons  plutôt  qu'il  ar- 
riva ici  comme  capitaine  des  gardes  du  gouverneur  de  la 
Barre  en  1682. 

On  voit  par  un  des  premiers  mémoires  de  M.  de  la  Bar- 
re à  M.  de  Seignelay  que  dès  l'automne  de  1682  il  se  propo- 
sait d 'envover  M.  Dorvilliers  avec  un  certain    nombre    de 


—  35  — 

soldats  pour  renforcer  la  petite  garnison  du  fort  Pronte- 
nac. 

En  1683,  M.  de  la  Barre  demandait  la  majorité  de 
Québec  pour  son  protégé,  M.  Dorvilliers. 

Les  plaintes  continuelles  que  le  ministre  de  Seignelay 
recevait  contre  M.  Perrot,  gouverneur  de  Montréal,  l'ayant 
décidé  à  le  remplacer,  le  gouverneur  de  la  Barre  lui  propo- 
sa comme  son  successeur  le  cai)itaine  de  Cliambly  ou  M. 
Provost,  major  de  Québec. 

Dans  sa  lettre  du  4  novembre  1683  à  M.  de  Seignelay, 
M.  de  la  Barre  disait  de  M.  Dorvilliers  :    ^ 

"En  cas,  Monseigneur,  que  vous  choisissiez  le  major 
de  Québec  pour  gouverneur  de  Montréal,  je  vous  supplie 
de  demander  au  Roi  la  majorité  (de  Québec)  pour  le  Sr 
Dorvilliers,  gentilhonmie  de  Bourbonnais,  qui  a  trente  ans 
d'ancienneté  de  capitaine  d'infanterie,  qui  commandait 
sous  moi  le  bataillon  de  Poitou  dans  les  îles  de  l'Amérique 
et  qui  est  présent  ici  près  de  moi.  M.  le  comte  de  St-Gé- 
ran  vous  certifiera  qui  il  est  et  son  mérite"  (1). 

Le  5  juin  1684,  sur  le  point  de  partir  pour  son  expédi- 
tion contre  les  Iroquois,  M.  de  la  Barre  écrivait  à  M*,  de 
Seignelay  : 

"Connue  ce  dont  je  manque  le  plus  pour  l'entreprise 
que  je  dois  commencer  est  de  ]3ons  officiers  de  guerre  capa- 
bles de  mener  nos  habitants  au  feu,  je  vous  supplie  que  le 
sieur  Dorvilliers,  capitaine  de  mes  gardes^  ayant  20  ans  de 
service  et  capitaine  d'infanterie,  ne  me  reste  i3as  inutile  et 
que  vous  ayiez  pour  agréable  d'envoyer  pour  lui  un  brevet 
de  maréchal  ou  sergent  de  bataille  qui  me  puisse  autoriser 
à  lui  donner  le  connnandement  dont  il  est  capable .  .  ."(2) 

Lorsque  M.  de  la  Barre  se  mit  en  marche  pour  le  pays 
des  Iroquois,  il  divisa  ses  forces  en  trois  corps  :  M.  DuGué 
reçut  le  <îommandement  de  l'avant-garde,  M.  de  la  Barre 

(1)  Archives  de  la   province   de  Québec,   Manuscrits   relatifs  à  l'histoire  de 
la  Nouvelle-France,  2ème  série,  cahier  4. 

(2)  Archives  de  la  province  de   Québec.   Manuscrits   relatifs  à   l'histoire   de 
la  Nouvelle-France,  2ème  série,  cahier  4. 


-  36  —    . 

lui-même  se  mit  à  la  tête  du  centre,  et  M.  DorVilliers  prit  le 
commandement  de  l'arrière-garde. 

On  connaît  le  résultat  de  cette  expédition.  M.  Dor- 
villiers,  toutefois,  n'y  fit  pas  trop  mauvaise  tigure.  Dans 
la  lettre  du  Père  Bechefer  à  Cabart  de  Villermont  où  il  ra- 
conte ce  voyage,  il  dit  de  M.  Dorvilliers  : 

'^M.  Dorvilliers  qui  est  un  vieux  officier  d'uije  grande 
capacité  et  d'un  mérite  fort  distingué"  (3). 

A  l'automne  de  1684,  M.  de  la  Barre  se  décida  à  envo- 
yer M.  Dorvilliers  en  France  afin  d 'informer  la  Cour  de 
ce  qui  se  passait  ici. 

Dans  son  mémoire  au  roi  du  13  novembre  1684,  en  ré- 
])onse  à  la  dépêche  de  Sa  Majesté  du  10  avril  précédent,  M. 
de  la  Barre  écrivait  : 

"Comme  j 'envoyé  exprès  à  V.  M.  le. sieur  D 'Orvilliers, 
mon  capitaine  des  Gardes,  pour  lui  rendre  compte  de  ee  qui 
^'est  j)assé  à  notre  prétendue  expédition  de  guerre  et  de  la 
qualité  du  pays  des  Sonnontouans  qu'il  avait  été  exprès 
reconnaître  dès  le  petit  printemps  et  l'informer  aussy  de  la 
conduite  du  colonel  Dongan,  gouverneur  de  la  Nouvelle- 
York,  à  notre  égard  et  de  la  différence  qu'il  y  a  entre  ses 
paroles  et  sa  conduite  à  l'égard  des  Iroquois  et  surtout  des 
►Sonnontouans  auxquels  il  a  envoyé  otfrir  400  chevaux  et 
autant  de  fantassins  de  secours  au  même  temps  qu'il  a  fait 
planter  le:s  armes  du  duc  d 'York  dans  leurs  bourgs,  et  que 
dans  le  moment  il  a  despêché  le  sieur  Arnault,  son  envoyé 
aux  Onontagués,  Onéiouts  et  Oiogoins  pour  leur  faire  dé- 
fense expresse  d'entrer  en  aucun  traité  ny  conférence  avec 
moy,  sans  ses  ordres  précis  connue  sujets  du  duc  d'York 
dépendans  de  luy  et  de  son  gouvernement"  (4). 

M.  Dorvilliers  revint  dans  la  Nouvelle-France  au  prin- 
temps de  1685.  Pendant  son  séjour  en  France,  le  5  mars 
1685,  il  avait  reçu  un  ordre  du  roi  jjour  conmiander  la  com- 
pagnie de  M.  du  Rivau  Huet. 

En  cette  même  année  1685,  M.  Dorvilliers  accompagna 

(3)  The  Jesuit  Relations  and  nllied  documents,  vol.  L.XIII,  p.  270. 

(4)  Archives  de  la  province  de  Québec,  Manuscrits   relatifs  à  l'histoire  de 
la  Nouvelle-France,  1ère  série,  cahier  2. 


...  37  — 

le  gouverneur  de  Deuouville  dans  sou  voyage  au  fort  Fron- 
tenac. M.  La  Forest,  qui  commandait  en  cet  endroit  pour 
4e  compte  de  Cavelier  de  LaSalle,  ayant  obtenu  la  permis- 
sion de  se  rendre  aux  Illinois,  M.  Dorvilliers  reçut  son 
commandement.  Le  poste  de  Frontenac  était  alors  d'une 
grande  importance. 

Le  13  novembre  1685,  le  gouverneur  de  Denonville 
écrivait  au  ministre  :  • 

/'J'aurais  besoin  d'un  grand  volume  pour  vous  r^idre 
compte  exact  du  pays,  et  vous  donner  une  connaissance 
parfaite  de  toutes  choses.  J 'abrégerai  ma  lettre,  monsei- 
gneur, tout  autant  que  je  pourrai  pour  vous  être  moins  à 
charge,  et  que  vous  puissiez  i)rendre  la  peine  de  la  lire  tout 
au  long. 

"Je  conunencerai,  Monseigneur,  j^ar  vous  rendre 
compte  du  voyage  que  j'ai  fait  à  Cataroksy  (Cataraqui) 
où  j 'ai  mis  le  sieur  Dorvilliers  pour  y  commander.  M.  de 
la  Barre  y  avait  mis  vingt-cinq  hommes  sans  officiers,  M. 
de  La  Forest,  honune  fort  sage  et  de  bon  esprit  y  étant  de 
la  part  de  M.  de  LaSalle  mais  comçie  il  m'a  prié  de  luy 
permettre  d'aller  aux  Illinois  aux  affaires  de  M.  de  LaSal- 
le, je  me  suis  résolu  d'y  mettre  M.  Dorvilliers  avec  sa  coni- 
pagnie,  la  sûreté  de  ce  poste  me  paraissant  d'une  grande 
sûreté  '  '. 

Plus  loin,  dans  la  même  lettre,  le  marquis  de  Denonvil- 
le écrivait  encore  : 

"Si  vous  approuvez  les  vues  que  je  puis  avoir  à  l'égard 
du  fort  de  Cataroksy,  et  que  le  Roy  veuille  bien  y  entrete- 
nir un  commandant,  j 'espère  que  vous  voudrez  bien  avoir 
la  bonté  de  procurer  au  sieur  Dorvilliers  quelque  gratifica- 
tion tous  les  ans  pour  l'engager  à  y  bien  faire  son  devoir; 
il  a  son  fils  auprès  de  lui  qui  est  assez  joli  garçon"  (5). 

Le  10  novembre  1686,  le  gouverneur  de  Denonville 
écrivait  au  ministre  : 

'  '  Quoique  le  sieur  Dorvilliers  ne  soit  commandant 
(à  Cataracoui)  qu'en  l'absence  de  M.  de  la  Salle,    cepen- 

(5)     Archives  de  la  province  de  Québec,  manuscrits  relatifs  à  l'histoire  de  la 
Nouvelle-France,  2ème  série,  cahier  4. 


...  38  — 

dant  si  Monseigneur  voulait  bien  lui  pi'ocurer  quelque  gra- 
tification pour  le  réjouir  du  séjour  mélancolique  qu'il  y 
fait,  cela  l'encouragerait  à  continuer  de  bien  faire  son  de- 
voir. Je  vous  assure  qu'il  y  prend  bien  du  soin  et  qu'il 
s'applique  très  fort. 

"Dorvilliers  souhaiterait  fort  que  vous  voulussiez  bien 
donner  sa  compagnie  à  son  tils,  qui  est  auprès  de  lui,  joli 
garçon  et  servant  bien  ;  volontiers  il  continuerait  ici  ses 
services  tandis  que  son  fils  y  resterait,  j 'ai  tout  lieu,  Mon- 
seigneur, de  me  louer  de  ses  soins  et  de  son  application. 

"Si  vous  agréez  que  le  sieur  Dorvilliers  remette  sa 
compagnie  à  son  fils  vous  l'engagerez  en  ce  pays  pour  tout 
le  temps  que  la  guerre  durera;  il  est  bon  officier,  je  suis 
très  content  de  tout  ce  qu'il  a  fait  à  Cataracouy"  (6). 

Au  printemps  de  1687,  lorsque  l'intendant  Bochart 
Çhampigny  monta  au  fort  Frontenac  avec  la  ])ermission  et 
])robablement  même  sur  les  ordres  du  gouverneur  De- 
nonville,  pour  y  accomplir  son  acte  de  tricherie  à  l'égard 
d^s  Iroquois,  M.  Dorvilliers  était  encore  en  commandement 
en  cet  endroit.  Il  dût  aider  l'intendant  à  faire  tomber  les 
Iroquois  dans  le  piège  et  à  les  faire  prisonniers  afin  de  les 
envoyer  servir  sur  les  galères  en  France.  Cette  besogne, 
nous  n'en  avons  aucun  doute,  dût  lui  répugner  mais  l'offi- 
cier comme  le  soldat  doit  obéir  à  ses  chefs  et  exécuter  quel- 
quefois des  ordres  que  sa  loyauté  et  son  honneur  ne  peu- 
vent approuver. 

Dans  l'exi^édition  de  M.  de  Denonville  contre  les  Tson- 
nontouans,  quelques  semaines  plus  tard,  M.  Dorvilliers  re- 
çut un  commandement  important.  On  voit  dans  les  rela- 
tions du  temps  que  les  quatre  connnandants  des  troupes  ré- 
gulières furent  MM.  Dorvilliers,  Saint-Cirq,  de  Troyes  et 
Valrennes,  "capitaines  d'infanterie  et  bons  officiers". 

Après  l'expédition,  M.  Dorvilliers  reprit  son  comman- 
dement au  fort  Frontena.c. 

Le  6  novembre  1687,  le  gouverneur  de  Denonville  écri- 
vait au  ministre  : 


(6)     Archives  de  la  province  de  Québec,  Man\iscritH  relatifs  à  1  histoire  de  la 
Nouvelle- Fra,nce,  2ème  série,  cahier  5. 


...  39  — 

'  '  Monseigneur  se  souviendra,  s 'il  lui  plait,  que  le  sieur 
Dorvilliers  qui  commande  à  Cataracouy  n'ayant  plus  de 
'compagnie  y  sert  à  ses  dépens,  et  nous  n'avons  aucun  sujet 
dans  tous  les  officiers  qui  le  vaille"  (7). 

A  l'automne  de  1688,  M.  Dorvilliers  repassait  en 
Firance. 

Le  13  janvier  1689,  le  roi  lui  donnait  le  commandement 
d 'une  compagnie  à  Cayenne.  Il  recevait  en  même  temps 
le  titre  de  lieutenant  de  roi.  \ 

Créé  chevalier  de  Saint-Louis  le  28  juillet  1705,  M. 
Dorvilliers  était  nommé  huit  mois  plus  tard,  le  9  mars  1706, 
gout<^rneur  de  Cayenne.  Il  mourut  dans  ce  commande- 
ment le  18  août  1713. 

Un  mot  maintenant  de  M.  Guillouet  Dorvilliers  tils. 
Nous  ignorons  ses  prénoms. 

C'est  en  1685  qu'il  était  venu  .rejoindre  son  père  dans 
la  Nouvelle-France. 

Le  1er  mars  1687,  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  il 
recevait  le  commandement  de  la  com})agnie  de  son  père. 

Lors  du  siège  de  Québec  par  Phipps  en  1690,  M.  Dor- 
villiers fut  un  des  braves  officiers  qui  aidèrent  le  gouver- 
neur de  Frontenac  à  repousser  l 'envahisseur. 

On  voit  dans  le  Mémoire  de  Gédéon  de  Catalogne  que 
MM.  Dorvilliers  et  de  Subercase  furent  mis  à  la  tête  de 
cent  hommes  pour  empêcher  les  Anglais  de  faire  une  des- 
cente sur  l'île  d'Orléans.  Ceci  se  passait  après  la  bataille 
des  grèves  de  Beauj^ort  où  M.  Dorvilliers  avait  fait  brave-- 
ment  son  devoir  à  la  tête  de  sa  compagnie"  (8). 

A  la  fin  de  1691,  un  parti  d'Iroquois  avait  fait  vingt- 
deux  sauvages  amis  des  Français  prisonniers  dans  les  en- 
virons de  Chambly.  Les  Sauvages  du  Sault  Saint-Louis, 
avertis,  se  mirent  à  la  poursuite  des  Iroquois,  les  rejoigni- 
rent sur  le  lac  Champlain  et  réussirent  îi  délivrer  les  pri- 
sonniers. 


(7)  Archives  de   la  province  de  Québec,  ilanuscrits  relatifs  à   l'histoire  de 
la  Nouvelle-France,  2ème  série,  cahier  5. 

(8)  Collection  de  manuscrits,  vol.  I,  p.  526. 


-  40  — 

Fiers  de  leur  succès,  les  vainqueurs  s'empressèrent  de 
venir  en  infoi'mer  le  gouverneur  de  Frontenac.  Celui-ci, 
sur  leur  demande,  assembla  cent-vingt  Français  et  deux- 
cent-cinquante  Sauvages  pour  aller  attaquer  les  Iroquois. 
Il  mit  ce  détachement  sous  le  commandement  de  M.  Dor - 
villiers  et  lui  donna  M.  Boisberthelot  de  Beaucours  conime 
second.  Les  autres  officiers  du  parti  étaient  MM.  de 
Sourdy,  Sénéchal  d'Auberville,  de  La  Brosse,  Forsan  et  de 
Beaubassin. 

Le  détachement  partit  de  Montréal  au  mois  de  février 
1692.  Mais  M.  Dorvilliers  eut  une  malchance.  Trois 
jours  après  le  départ  de  Montréal,  ])endant  qu'on  préparait 
le  repas  de  la  troupe,  il  eut  la  jambe  tellement  échaudée  par 
une  chaudière  d'eau  bouillante,  qu'il  dût  remettre  le  com- 
mandement à  M.  de  Beaucours  et  revenir  sur  ses  pas  (9). 

En  1694,  M.  Dorvilliers  se  décidait  à  repasser  en  Fran- 
ce afin  d'entrer  dans  la  marine. 

Lieutenant  de  vaisseau  la  même  année,  il  fut  promu,  le 
25  novembre  1712,  capitaine  de  frégate. 

Le  22  mai  1715,  M.  Dorvilliers  remplaçait  son  père 
comme  gouverneur  de  Cayenne. 

Il  mourut  à  bord  du  F^aon  en  i^assant  en  France  le  13 
décembre  1728. 

P.  G.  R. 


(9)     Charlevoix,  Histoire  f/énéralè  rfc  /"  NoitvcUc-France.  vol.  II,  p.  112. 


—  41.— 

LES  CHIRURGIENS  DE  MONTREAL 
AU  XVIIe  SIECLE 


Sur  les  ejiirurgins  de  Montréal  au  dix-septième  siègle,  nous  avons 
déjà  publié,  dans  le  Bulletin  du  mois  d'août  1914  (p.  352),  les  notes  que 
nous  avions  alors  recueillies.  La  poursuite  de  nos  fouilles,  nous  met  en 
mesure  d'ajouter  de  nouveaux  noms  et  de  nouveaux  renseignepients  qui 
complètent  (pouif  le  moment),  l'article  paru  il  y  a  sept  ans. 

1658-1663. — .-.  .'Dubois. — Le  7  mars  1660,  au  mariage  de  Jacques 
Millots  avec  Jeanne  Hébert  est  présent  le  chirurgien  Dubois.  Plus  tard, 
lorsque  le  tabellion  de  Ville-Marie  dresse  l'inventaire  des  biens  de  feu 
Léger  Aguenier,  9  janvier  1664,  un  item  mais  apprend  que  le  décédé  de- 
vait "8  livres  à  la  succession  de  défunt  sieur  Dubois,  chirurgien".  Celui 
ci  est  donc  mort  entre  1660  et  1664  et  comme  son  nom  n'est  pas  au  regis- 
tre de  Notre-Dame,  Dubois  pourrait  bien  avoir  été  tué  par  les  Iroquois. 

Par  ailleurs,  dans  un  acte  de  Basset  du  15  septembre  1658,  un  D\iboi 
appose  sa  signature  à  côté  de  celle  de  Dollard  des  Ormeaux. 

1661. — Jean  Gaillard. — Nous  avons  déjà  démontré  que  Gaillard  était 
i'  Montréal  de  1661  à  1667  et  (|u'on  perd  sa  trace  ensuite.  Mais  voilà  que 
treize  ans  plus  tard,  dans  un  acte  de  Mangue,  (2  décembre  1680)  il  est 
question  d'un  "Louis  Gaillard,  chirurgien,  depuis  longtemps  parti  àvt  pays 
et  tenu  pour  mort  ou  péry".  Ce  disparu  avait  laissé  une  maison  à  Ville- 
Marie  et  on  venait  de  la  "vendre  juridiquement  à  Charles  Le  Moyne".  A 
ce  moment,  un  sieur  André  Trajot,  cousin  de  l'absent  et  son  seul  héritier 
connu,  se  présente  pour  recueillir  sa  succession.  Il  a  l'assentiment  du 
supérieur  du  Séminaire  de  Montréal  qui  est  aussi  le  représentant  des  sei- 
gneurs de  l'île.  Trajot  eut  gain  de  cause  et  reçut  le  prix  de  la  maison 
357  livres  et  deux  sous.  Jean  Gaillard  et  Louis  Gaillard  ne  sont-ils  pas 
un  seul  et  même  individu  ?  Il  portait  deux  prénoms,  ou  bien  le  notaire  ou 
l'héritier  a  fait  erreur. 

1665-1694. — André  Rapin  dit  la  Muzeite. — Il  eêt  présent  à  un  maria- 
ge le  8  mars  1666.  Né  en  1640,  dans  le  diocèse  de  Luçon,  en  Poitou,  il 
épouse  Clémence  Jarry,  à  Montréal,  le  25  novembre  1669.  Il  fut  attaché 
à  l'Hôtel-Dieu,  de  1679  à  1686.  Durant  son  service,  il  demeurait  au  coin 
sud-ouest  des  rues  Saint-Jacques  et  Saint-Pierre.  Par  la  suite,  il  alla  de- 
meurer à  Lachine,  où  il  fut  iidiumé  en  décembre  1694. 


....  42  -^-. 

\{UJ\).—Anloiii('  Fore-slirr: — il  est  iiieiitioiniG  dans  uu  acte  sous  soinij 
])nvé  du  6  avril  1669  et,  l'amiée  suivante,  il, épouse  Madeleine  Le  Cavelier. 

Forestier  fit  du  service  è* F FIôtel-Dieti  dès  1661,  ainsi  que  Martinet 
de  Fonblanche,  conîme  nous  l'avons  déjà  dit.  Entre  autres  détails  non- 
veauXy  sur  son  compte,  mentionnons  ceux-ci.  Forestier  fit  établir  par  le 
tribunal,  le  24  avril  1711,  que  les  officiers  des  troupes  n'avaient  droit  d'ê- 
tre traités  gratuitement  que  pendant  leur  séjour  à  l'hôpital.  Hors  de  là, 
ils  devaient  les  payer  des  honoraires,  comme  les  autres  patients. 

Ce  chirurgien,  a  fait  usage  de  trois  sceaux  différents.  Le  premier 
qu'il  appose  en  1673,  est  indéchiffrable  ;  le  second,  (1694)  représente  un 
coeur  percé  d'une  flèche  et  surmonté  des  lettres  H.  B.  ;  enfin  le  troisième 
(1703)  consiste  en  une  empreinte  de  la  lettre  F  adextrée  en  chef  d'une 
étoile. 

1670. — Michel  Gamelm  dit  Lafontaiue. — 11  épouse  Marguerite  Cre- 
vier  aux  Trois-Rivières,  non  })as  en  1663,  comme  le  dit  Tanguay,  mais 
vers  le  16  novembre  1661  (1).  ' 

D'après  les  archives  de  l'Hôtel-Dieu,  il  aurait  été  attaché  à  cette  ins- 
titution entre  1670  et  1674. 

Gamelin  mourut  avaut  1683,  car  eu  cette  aimée,  sa  veuve  convole  une 
troisième  fois. 

1677.— Michel  de  Sir»sé  dit  Saint-Michel— Le  30  août  1677,  "Mi- 
chel de  Siressé,  sr  de  Saint-Michel"  qui  signe  "Michel  de  Sirssé",  chirur- 
gien demeurant  à  Montréal,  achète  de  Jean  Raynaud  dit  Planchard,  une 
terre  de  40  arpents,  sise  à  la  côte  Saint-Jean,  pour  le  prix  considérable  de 
1125  livres.  En  plus,  l'acheteur  s'engage  à  payer  30  livres  pour  les  "épin- 
gles" de  la  dame  Raynaud  et  à  "trois  années  de  service  de  chirurgie  pour 
Ja  barbe  et  la  seignée  seulement  dudit  vendeur,  sa  fenune  et  enfans.  .  .  . 
en  leur  maison,  à  la  Pointe-aux-Trembles".  Dans  un  document  Judiciai- 
re de  la  même  année,  ce  personnage  est  désigné  dans*  ces  ternies  :  "Michel 
de  Sircay,  chirurgien  et  valet  de  chambre  de  Mgr  le  gouverneur  Perrot". 
Voilà  tout  ce  que  nous  avons  trouvé. 

M.  L.  Lamontagne  est  d'avis  que  la  carrière  de  ce  chirurgien  ne  finit 
par  là.  Mgr  Tanguay,  prétend-il  s'en  est  occupé  en  quatre  endroits  de 
son  dictionnaire  et  chaque  fois  sous  un  uoni  différent. 


(1)  Date  du  contrat  de  mariage  dressé  par  S.  Ameau.  M.  Léandre  Lamon- 
tagne nous  signale  que  Marguerite  Crevier  avait  épousé,  auparavant,  Jacques 
Fournier,  mais  que  ce  mariage  fut  annulé.  Fournier  se  maria  de  nouveau  en 
1663.  Voir  Tanguay,  I,  239  et  250,  puis  TV,  8.5  et  16,5.  Erronément  à  cette  page 
elle  est  dite  veuve  de  Jacques  Fournier. 


-  4.S  - 

Au  vol.  J,  p.  188,  le  maître  généalogiste  meniioniie  François  de  Sircé  _ 
dit  Saint-Michel  et  a  la  page  Ô'A,  François  Saint-Michel.  Au  vol.  III,  p. 
83,  ontrouve  François  Circé,  puis  au  vol.  VII,  p.  227,  François  Saint-Mi- 
chel et  Cyr  dit  Saint-Michel. 

Peu  de  colons  ont  eu  autant  d'honneur. 

Ce  François  Sireé  ou  Circé  dit  Saint-Michel  qui  se  marie  à  Quéhec  en 
1680,  avec  M.  Medeleine  Berthelot  est-il  bien  le  Michel  Sirssé,  sr  de  Saint- 
Michel  de  Montréal  ? 

En  tout  cas,  si  c'est  le  même,  on  ne  jieut  nier  que  ce  fut  un  nomade. 
11  n'y  a  qu'à  relever  les  act^s  de  baptême  de  ses  quinze  enfants  pour  aper- 
cevoir qu'il  ne  moisissait  pas  en  place  :  il  y  en  a  dans  les  registres  de 
Québec,  dans  ceux  de  la  Pointe-aux-Trembles  de  Québec,  de  Batiscan,  de 
Bécancour,  de  Sorel  et  de  l'île  du  Pas.  Par  la  suite,  cette  famille  se  dis- 
perse dans  la  région  de  Montréal  et  les  descendants  adoptent  le  nom  de 
Circé. 

1677. — Jean  La  Flanche. — Jean  (de)  la  Planche,  iils  d'un  chirur- 
gien de  la  Flèche,  en  Anjou,  é]>ouse  aux  Trois-Rivières,  le  6  octobre  1675, 
la  veuve  Judith  Kigaud.  Trois  mois  plus  tôt,  il  avait  fait  dresser  son 
contrat  de  mariage  à  la  Bîvière  Manereuil.  Ce  contrat  fut  déposé  dans 
le  greffe  d'Adhémar,  l'année  suivante. 

Le  21  février  1677,  Basset  nous  apprend  que  le  chirurgien  I^a  Plan- 
che est  rendu  à  Montréal.  Son  séjour,  en  cette  ville  fut  accompagné  de 
graves  ennuis.  Judith  Kigaud,  originaire  de  St-Jean  d'Augely  ^  avait 
épousé  en  16M,  François  Le  Maistre  dont  elle  eut  8  enfants.  Au  mois 
de  janvier  1667  elle  avait  convolé  aVec  Jean  Terrien  qui  lui  donna  trois 
enfants.  En  1675,  elle  se  maria  en  troisième  noces  avec  le  chirurgien  La 
Planche.  Ces  unions  successives  ne  l'avaient  pas  assagie,  car  en  1679,  elle 
est  arrêtée  sous  l'accusation  d'avoir  déserté  le  foyer  conjugal  et  de  vivre 
maritalement  avec  un  nommé  Pierre  Cavelier  au  scandale  de  la  popula- 
tion' montréalaise. 

1680-90. —  Jean  Jallot. — Né  en  1648,  il  épousa^  vejs  1661,  Marie- 
Antoinette  Chouard  des  Groseillers,  fille  du  célèbre  explorateur,  compa- 
gnon de  lîadisson.  Jallot  vécut  à  Champlain,  seigneurie  de  Batiscan,  de 
1678  à  1680.  En  cette  dernièrfe  année,  il  est  rendu  à  la  Pointe-aux-Trem- 
bles  de  Montréal,  où  il  possède  une  maison  :  en  1688,  on  le  rencontre  à  de 
Repentigny. 

Jallot  a  fait  partie  de  cette  petite  trou|>e  de  colons  qui,  au  mois  de  juil- 
let 1690,  tenta  d'arrêter  Ips  Iroquois  qui  semaient  la  terreur  au  ])as  de  l'île. 


--  44  - 

Il  se  fit  tuer  avec  une  douzaîiie  d'autres.  Leur  action  héroïque  semble 
avoir  détourné  l'ennemi.     - 

1680. —  Gilles  Marin. — Dans  un  acte  de  Mangue,  9  janvier  1680,  on 
voit  qf"  "GTille  Marin,  chirurgien"  est  {)résent  et  qu'il  signe.  Il  est  alors 
domicilié  h  la  Pointe-Aux-Trembles. 

16<^^.-^'1  n^ome  Barrois. — Fils  d'uji  chirurgien  du  diocèse  de  Bourges 
en  Berry,  il'épousa,  à  Montréal,  le  13  janvier  1673,  Anne  Le  Ber,  nièce  de 
Jacques  Le  Ber  de  Senneville  et  cousine, de  la  fameuse  recluse  Jeanne  Le 
Ber.  Dix  ans  après  (16  novembre  1683),  lorsqu'il, vend  sa  terre  à  La- 
prairie,  le  notaire  Maugue  donne  à  Barrois,  la  ([ualité  de  maître  chirur- 
gien. 

16S3. — Jean  Bouvet  de  la  Cliainbi'e. — Né  en  1641,  il  épousa  à  Québec, 
en  1673,  Madeleine  Bidquin  dont  il  eut  une  fille.  Le  notaire  Maugue,  le 
8  août  1683,  rédige  un  acte  par  lequel  François  Bordet  de  Chambly,  fe- 
connait  devoir  30  livres  au  sieur  Bouvet  de  la  Chambre,  deveim  maître 
chirurgien  à  Saint-Ours,  "pour  médicaments,  oeuvres  de  chirurgie  et  ali- 
mens  fournis". 

1686. — Nicolas  Sainus. — Né  en  1656,  clans  le  diocèse  d'Amiens,  lé 
cliirurgien  Samus  épouse,  Marie-Anne  Gautier,  à  Boucherville,  le  35  fé- 
vrier 1686.  Moins  de  deux  ans  après,  on  l'enterrait  au  même  endroit 
(13  janvier  1688).  A  cette  date,  Samus  avait  déjà  vu  mourir  sa  femme 
(  t  sa  fille  unique.      Toute  cette  famille  s'éteignit  en  quelques  mois. 

1687. — Jean  Michel,  sieur  de  Saint-Michel. — Etant  chirurgien-major 
'du  fort  Saint-Louis,  il  épousa,  à  Lachine,  Jeanne,  fille  du  sergent  Michel 
André,  le  11  février  1687.  Comme  il  n'y  avait  pas  de  notaire,  il  ne 'fit 
rédiger  son  contrat  de  mariage  que  le  18  avril  suivant  à  Montréal.  (Mau- 
gue).     Michel  était  originaire  du  diocèse  d'Agen. 

IQSS.^Marien  Tailhandier  dit  la  Beaume, — Fils  d'Antoine  Tailhan- 
dier,  procureur  de  la  justice  de  Masaye,  en  Auvergne,  il  épouse  à  Boucher- 
ville,  le  8  janvier  1688,  Madeleine  Baudry,  veuve  de  Jean  de  Puibarau. 
Lors  de  son  mariage,  il  était  soldat  et  chirurgien  de  la  compagnie  de  M. 
Daneau  de  Muy.  A  ses  occupations,  il  ajouta,  eii  1699,  la  charge  de  no- 
taire de  Bouciherville  restée  vacante  par  la  mort  de  Michel  Moreau.  Mieux 
que  cela,  le  35  juillet,  1699,  il  devenait  juge  du  tribunal  seigneurial  de 
sa  localité.  Ces  fonctions  diverses  ne  l'empêchèrent  pas  d'exercer  son 
"art  de  chirurgie",  ainsi  qu'eji  témoigne  des  documents,  de  1691  et  de  1735 

IQSS.— Antoine  Cha,udillon. — Après  un  séjour  à  Sorel  (1674-1684) 
Chaudillon  vint  demeurer  à  la  Pointe-aux-Trembles  où  on  note  sa  présen- 


—  45  — 

ce  eu  1688.  Il  |>araît  avoir  pris  part  an  ooinl)at  de  la  rivière  des  Prairies, 
en  1690  et  y  avoir  été  blessé. 

1689. — Dominique  Tkaumur  de  ht  Source. — Né  en  1(\63,  il  épouse  à 
Montréal,  le  25  août  1689,  Jeanne  Prudhomme.  En  1693,  il  acquiert 
un  omplacement  rue  St-Fraugois-Xavier,  côté  est.  Les  archives  de  T Hô- 
tel-Dieu ne  le  mettent  au  nombre  fies  chirurgiens  de  l'institution  qu'entre 
1699  et  1705.  Néanmoins,  le  docteur  Sarrazin  le  porte  sur  son  testa- 
ment en^692. 

Thaumur  de  la  Source  est  mort  en  mai  lîll.  Son  fils,  Antoine- 
René,  né  en  1692,  fut  ordonné  prêtre  en  1717  et  sa  lille,  Louise-Thérèse, 
née  en  1706,  fut  la  deuxième  soeur  qui  se  Joignit  à  dame  Youville  pour 
l'aider  dans  son  oeuvre. 

1689. — .V.  (7r/.s/r/«.— D'après  les  archives  de  l'Iîôtel-Dieu  il  ai)pcrt 
qu'un  chirurgien  nommé  "N.  CJastrin"  aurait  été  attaché  à  l'hôpital  du- 
rant les  années  1689  à  -1695.  Nous  n'avons  trouvé  ce  nom  ijulle  part  ail- 
leurs et  ce  qui  est  })lus  étrange  c'est  que  le  docteur  Sarrazin  n'en  ]>arle  pas 
dans  son  testament  de  1693, 

M.  Léaudre  Lamontagne  nous  soumet  (pie  ce  Gasirin  pourrait  être  le 
chirurgien  Niccdas  Cadrin  ou  Catrin  (Tanguay,  T,  98).  Mais  entre  1689 
et  1695,  Cadrin  fait  baptiser  trois  enfants  à  Québec  !  Comment  accorder 
cela  ? 

1690. — Jean-Bapfi.ste  Mauhhnt,  si^eur  de  Sninf-Amnnds. — Le  20  mai 
1690,  l'abbé  Dollier  de  Casson  donne  une  concession  au  sieur  Maublant, 
chirurgien  et  à  Etienne  Chanceret,  cloutier.  Deux  jours  après,  le  notaire 
Maugue,  dresse  un  acte  de  société  de  tous  biens  entre  lesdits  concession- 
naires. Ils  possédaient  alors,  conjointement,  une  maison  sise  rue  Saint- 
François-Xavier,  côté  est,  vis-à-vis  la  rue  Saint-Sacrement.  (Terrier  de 
Montréal,  no  136).  L'année  suivante,  21  octobre  1691,  Chanceret  se  désin- 
téresse de  la  société  et  donne  quittance  à  Maublant.  Ce  dernier  eut 
l'honneur  d'être  l'un  des  trois  chirurgiens  à  qui  le  docteur  Sarrazin  voulut 
léguer  ses  livres  de.  chirurgie,  en  1692.  .  Pour  une  raison  qu'on  ignore, 
Maublant  vendit  sa  maison  au  mois  de  décembre  1095  et  l'on  ])erd  ensuite 
sa  trace. 

1691. — Jean  Haby. — Le  21  août  1691,  "Jean  lîaby,  maître-chirur- 
gien, demeurant  à  Montréal,  de  la  compagnie  de  M.  le  marquis  de  Crisafy 
et  de  son  agrément"  lait  dresser,  devant  Maugue,  son  contrat  de  mariage 
avec  Elisabeth  lîiehomme,  veuve  de  Robert  Desmarès,  mais  le  mariage 
n'eut  pas  lieu.       Par  exception,  le  "notaire  n'a  pas  indiqué  Jes  noms  des 


..-  4()  — 

parents  du  futur.  Avec  ces  reutjeigneineuL.s,  iiou?;  auriojis  ])u  savoir  si  ce 
chirurgien  avait  quelque  lien  de  ])aronté  avec  un  Jean  Raby  qui,  six  ans 
après,  se  marie  à  la  Rivière-Ouelle. 

1692-1716. — J.-B.  Le  Riche  dit  Ldsonde .—  -VAxuxwgien  et  sergent  de 
la  compagnie  de  M.  des  Bergères,  il  était  à  Montréal  en  1692,  i)uisqu'il  est 
mentionné  dans  le  testament  du' docteur  Sarra/.in  (voir  ci-après).  Il 
lut  attaché  à  l'Hôtel-Dien  de  î  694  à  1698.  En  l'année  1701,  le  25  août, 
il  épousa  Jeanne-Elisabeth  Desmarets,  puis  alla  s'établir  à  llepentigny. 
Il  finit  sa  carrière  au  mois  de  novembre  J716  et  fut  inhumé  à  Montréal. 

Le  Riche  était  fils  d'un  pharmacien  d'Aix,  en  Provence. 

1692. — Michel  Sarrazin. — Ce  savant  fameux  a  sa  place  dans  l'histoire 
de  Montréal  par  deux  faits  que  nous  avons  déjà  signalés.  Rappelons 
brièvement  sa  carrière  en  puisant  dans  la  l)iographie  que  lui  a  cons^acré  Mgr 
Laflamme  (Mem.  Soc.  roy  1887).  Xé  à  Nuits,  en  Bourgogne  en  1659, 
il  passa  an  (^anada  en,  1685.  Le  12  novembre  1686,  on  le  nommait  chirnr- 
gien-major  de  Québec.  Au  mois  d'août  1692,  étant  à  Montréal,  il  tomba 
gravement  malade  et  dut  s'aliter  à  l'Hôtel-Dieu.  Se  croyant  en  danger 
de  mourir  il  fit  un  testament  dont  nous  avons  donné  le  texte  dans  le  Bulle- 
liii  du  mois  d'août  1930  (p.  317). 

En  1694,  Sarrazin  retourna  en  France  poiîr  compléter  ses  études  et 
rei'aire  sa  santé.  1^  rexint  en  1697,  avec  le  titre  de  médecin  du  roi.  Il 
devient  médecin  en  chef  du  Canada,  le  14  mai  1699  ;  il  est  nommé  corres- 
])ondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  en  1699  ;  membre  du  Con- 
seil supérieur,  en  l'î07.       11  s'éteignit  à  Québec,  le  7  septembre  1734. 

Dans  le  testament  signalé  ci-dessus,  il  léguait  ses  livres  de  chirurgie 
à  ses  confrères  montréalais  :  Thaumur  de  la  Source  ;  Maublant  de  Saint- 
Amand  et  Le  Riche  do  la  Londo  qui  sans  (hnite  lui  i)rocuraient  leurs  soins 
à  l'hôpital.    . 

1699. — René  Gacliet. — -Le  9  mars  1699,  ce  chirurgien  '  raconte  au 
procureur  du  roi,  à  Montréal,  cjue  la  veille,  un  dimanche,  à  6  heures  du 
soir,  il  était  au  devant  de  sa  boutique,  sur  la  place  d'Armes,  près  de  l'Hô- 
tel-Dieu, lorsque  M.  d'Ailleboust  des  Musseaux,  sans  aucune  raison,  "le 
maltraîta  de  coups  de  poings  et  de  pieds,  le  frappa  aussi  d'un  morceau  de 
bois  et  voulut  même  tirer  son  éj)ée  contre  lui".  Ce  pourrait  bien  être  ce 
R.  Q'aschet  originaire  du  Poitiers  qui  se  maria  et  vécut  à  Québec  de  1694 
ù  1696.  Voir  Taiiguay,  I,  254. 

1699. — Jean  Guicliard  dit  La  Sonde.-— VhnwY^Amx  et  soldat  de  la  com- 


...  47  — 

paguie-de  M.  de  l^onviguy,  oiiginam'  du  diocèse  de  Cliavtre.s,  eu  C'ham- 
pagiie,  épouse,  à  Montréal,  eu  IGUl),  Marguerite  Gerbaut.  Il  meurt  en 
1743  et  sa  femme  en  1748.      Xous  ne  sïtvoifs  s'iLaexereé  son  art. 

i:.-Z.  MASSICOTTK 


LE  SIEUR  DE  SAINT-MARTIN 


L  ne  noie  de  M.  Aegidius  Fauteux  nous  permet  d'identifier  le  capi- 
taine de  Saint-Martin  dont  il  a  été  question  dans  le  Ballet  in  des  Recher- 
ches Historiques,  vol.  XXVI,  p.  353. 

.Jean-Jacques  Gorge,  sieur  de  Saint-Martin,  était  né  au  djocèse  de 
Vienne,  en  Dauphiné,  du  mariage  de  Jean-Baptiste  Gorge  de  Saint-Mar- 
tin et  de  Gabrielle  Flaseur. 

Ijc  18  octobre  ITÔl,  M.  de  Saint-Martin  épousait  aux  Trois-Rivières 
Marie-Louise-Gabrielle  I^eGardeur  de  Croisille,  fille  de  Charles  Le  Gardeur 
de  Croisille  et  de  Marie-AiiiiH-donevièvc  Robineau  de  Portneuf. 

On  sait  que  M.  de  Saiiit-.Martiu  morrellement  blessé  à  la  Itataille  di- 
Sainte- Foy  décéda  à  rilôpital-liénéral  de  Québec  le  8  mai  1760.  Madame 
de  Saint-Martin  décéda  neuf  mois  plus  tard,  aux  Trois-Rivières,  le  U) 
février  1761. 

Mgr  Tanguay,  daus  son  Diciionnaire  fjénéaïogiqiie,  mentionne  le  ca- 
pitaine de  Saint-Martin  mais  comme  il  le  fait  connaître  sous  son  nom  de 
Gorge  personne,  jusqu'ici,  n'avait  songé  que  ce  personnage  était  le  héros 
connu  sous  le  nom  de  sieur  de  Saint-^fartin. 

Grâce  à  M.  Fauteux,  nous  toiiiiaissons  enliu  les  noms. et  prénoms  de 
ce  brave  soldat. 


48  — 


JOURNAL  DE  MA  CAMPAGNE  DE 
LOUISBOURG  '" 


Commandant  M.  de  Boishéhert,  Catalogne,  Boucljerville-Cery,  St- 
Simon,  Montarville,  faisant  fonction  d'officier  par  ordre  de  M„  Vaudreuil. 

Cadets  :  MM.  Deplaine,  Damour,  Carqueville,  Couillard,  La  Duren- 
tais. 

Le  huit  mai  (1758),  je  partis  de  Québec  à  dix  heures  du  matin  em- 
barqué kir  la  Goélette,  La  Critique,  du  port  de  50  tonneaux  ayant  avec 
moi  70  hommes  de  mon  détachement,  le  reste  embarqué  sur  le  bateau  le  St 
Joseph,  commandé  par  M.  de  Cery,  convoyant  le  bateau  l'Oiseau  royal, 
chargé  des  effets  du  roi  pour  le  poste  de  la  Rivière  St  Jean. 

J'arrivai  à  Miramichi  le  9  juin  trente-troisième  jour  de  mon  départ 
de  Québec,  après  avoir  essuyé  plusieurs  coups  de  vent,  décapé  deux  fois 
au  nord,  mes  trois  bâtiments  dis])ersés  dont  un,  que  commandait  M.  de 
Céry  fut  obligé  de  relâcher  à  Québec  ne  pouvant  tenir  le  plus  près  et  ga- 
gner le  havre  des  Sept  Iles,  je  fus  réduit,  comme  je  n'en  ava\s  que  pour  80 
jours  de  vivres  à  raison  de  six  onces  de  pain  par  jour  dès  que  je  me  A'is 
contrarié  de  mettre  ma  troupe  à  quatre  onces. 

.l'augmentai  mon  détachement  à  Miramichi  de  70  Acadiens  et  60 
sauvages  après  avoir  tout  disposé  pour  la  défense  du  poste  de  la  rivière 
St-Jean  en  y  envoyant  de  Niverville  y  commander  pendant  mon  absence. 

Je  partis  (le  17  juin)  pour  Gédaick  où  j'avais  prié  M.  de  Villejoint 
d'envoyer  les  plus  petites  voitures  qu'il  ait  à  l'île  St-Jean,  ainsi  que  les  vi- 
vres qui  lui  étaient  parvenus  de  l'ordre  de  M.  Drucour  pour  mon  détache- 
ment ne  voulant  })as  y)asser  à  son  poste  pour  éviter  le  désordre  que  les  sau- 
vages ont  coutume  de  causer  en  tuant  les  animaux  des  habitants,  se  cro- 
yant autorisés  à  le  faire  lorsqu'ils  sont  employés  pour  le  service.  J'ap- 
])ris  à  Gédaick  qu'il  avait  fait  partir  pour  Louisbourg  un  détachement  de 
100  Acadiens  sous  les  ordres  de  M.  son  fîls,  qu'il  n'avait  pu  en  envoyer 
davantage  par  défaut  des  vivres.  / 

J'arrivai  le  26  au  soir  au  passage  Canceau,  je  fus  à  la  découverte  avec 
mon  canot  armé  de  ;iO  hommes,  je  vis  deux  fi-égates  qui  étaient  mouillées 
il  l'île  à  l'Ours  à  l'autre  côté  du  ])assage.       Je  pris  toutes  les  précautions 


(1)  Le  Jovrnal  de  M.  de  Boishébert  que  nous  offrons  ici  aux  lecteurs  du 
Bulletin  a  été  tiré  des  Archives  dOttawa.  Nous  en  devons  la  copie  à  M.  Placide 
Gaudet. 


-49- 

nécessaires  pour  les  éviter  en  marchant  de  nuit  et  j'arrivai  à  St-Pierre  le 
28  juin  à  3  heures  après-midi,  je  fus  obligé  d'y  rester  campé  deux  jours 
n'ayant  point  de  pain  de  prêt  pour  mon  détachement. 

Je  partis  du  port  Toulouse  et  arrivai  le  premier  juillet  à  Miré  où  je 
trouvai  M.  de  Villejoint  avec  un  détachement  de  200  hommes  qui  n'était 
guère  pourvu  de  ce  qui  était  nécessaire  pour  faire  les  incursions  sur  les 
corps  ennemis.  L'on  s'était  flatté  à  Louisbourg  que  l'ennemi  ne  ferait 
jamais  la  pirconvallation  de  la  ville  et  ne  bloquerait  le  fort  de  façon  à 
pouvoir  empêcher  de  nous  donner  les  secours  dont  j'aurais  besoin.  Je  fis 
équiper  le  détachement  du  mieux  qu'il  me  fut  possible,  je  ne  pris  que  300 
hommes,  quittant  100  hommes  n'ayant  |)oint  de  r^ouliers  à  leur  donner  ce 
que  l'on  avait  de  la  peine  à  croire. 

Je  partis  le  6  juillet,  je  donnai  le  détachement  de  150  hommes  à  M. 
de  Villejoint  et  lui  ordonnai  d'aller  prendre  une  maison  qui  était  proche 
le  bois  qui  servait  de  corps  de  garde  :  il  y  fut,  brûla  la  maison  oii  il  ne 
trouva  personne,  il  s'avança  plus  près  des  camps,  tua  une  de  .leurs  senti- 
nelles, je  fus  la  même  nuit  pour  tâcher  d'enlever  une  grande  garde  que  le 
Sr  de  Montarville  que  j'avais  envoyé  la  veille  avait  découverte  et  qui  pre- 
nait son  poste  à  neuf  heures  du  soir  proche  le  chemin  rouillé  pour  facili- 
ter le  transport  qu'il  faisait  la  nuit  quoique  ce  fut  bien  avancé  dans  leur 
camp,  je  fus  dans  cet  endroit  à  2  heures  après  minuit  sans  que  la  garde  y 
vint,  qui  avait  été  sans  doute  changée,  je  me  retirai  étant  trop  avancé  pour 
y  rester  jusqu'au  jour,  ayant  laissé  derrière  moi  sur  la  droite  un  camp  de 
3,000  hommes  et  sur  la  gaurhe  un  de  600  montagnards  où  je  fis  à  8  heu- 
res du  matin  un  prisonnier.  Je  m'en  tirai  sans  avoir  aucune  poursuite, 
l'ennemi  pensant  que  ce  ]X)Uvait  être  (jnelqu'un  de  leurs  troupes,  j'envo- 
yai plusieurs  petits  détachements  qui  eurent  tous  le  succès  que  je  m'at- 
tendais et  me  retirai  au  dépôt  de  Miré  à  l'habitation  de  Laborde. 

Deux  jours  a])rès  je  fis  partir  MM.  de  Villejoint  et  Boucherville, 
chacun  avec  un  détachement  de  50  hommes.  Jls  furent  attaquer  des  ten- 
tes qu'ils  prirent  et  obligèrent  l'ennemi  de  se  retirer  Mrs  de  Boucherville 
et  Montarville  donnèrent  dans  cette  occasion* des  marques  de  leur  bravoure 
ils  furent  obligés  de  se  retirer  plusieurs  détachements  les  environnant,  ils 
])erdirent  dans  cette  affaire  un  soldat  et  un  milicien  et  plusieurs  blessés. 

Je  partis  à'ieur  retour  avec  un  détachement  de  100  hommes  et  je  fus 
à  la  Cormorandière  où  je  fus  découvert  avant  de  pouvoir  donner  :  je  fus 
forcé  de  me  retirer  ayant  après  moi  plusieurs  détachement  considérables  : 
je  m'emparai  d'une  hauteur  d'où  je  fis  et  leur  tirai   plusieurs  de  leurs 


—  50  — 


gens  :  ma  résistance  les  obligea  de  se  retirer,  s'imagiuaiit  que  je  voulais 
les  attirer  dans  quelque  embuscade,  de  retour  à  Miré  Je  détachai  MM.  de 
Villejoint  et  Boucherville,  ils  ne  purent  réussir  autant  qu'ils  auraient 
bien  voulu,  ma  troupe  commençait  déjà  à  être  fatiguée,  la  milice  du  port 
Toulouse  très  peu  disciplinée  et  composée  de  mauvais  sujets  était  toute 
désertée. 

Les  sauvages,  toujours  insconstants,  m'abandonnèrent  tous  :  la  ma- 
ladie commença  à  augmenter  à  un  ])oint  qu'en  huit  jours  de  temps  je  me 
vis  avec  60  malades  attaqués  du  charbon,  il  ne  me  restait  que  140  hommes 
qui  pussent  servir,  sur  lequel  noml)re  il  me  fallait  une  garde  de  10  hom- 
mes,à  l'entrée  de  Miré,  une  autre  de  10  hommes  au  chemin  Raymond  à  la 
traverse  du  lac,  une  vis-à-vis  le  chemin  Rouillé,  les  ennemis  pouvant  s'en 
emparer  ;  il  me  déserta  un  soldat  qui  informa  l'ennemi  de  ma  situation, 
à  qui  j'en  avais  d'abord  imposé  à  mon  arrivée,  car  le  bruit  avait  couru  à 
Louisbourg  que  je  venais  avec  1,200  hommes  :  les  déserteurs  et  les  pri- 
sonniers qu'ils  auraient  pu  faire  les  en  avaient  assurés  ils  avaient  eir  con- 
séquence retranché  les  derrières  de  leur  camp  et  les  éclairait  toutes  les 
nuits  :  mais  sitôt  qu'ils  furent  persuadés  du  contraire  ils  s'avançaient 
dans  le  chemin  de  Rouillé  et  celui  dé  Miré,  campèrent  des  détachements 
de  800  hommes  ce  qui  me  mit  dans  l'impossibilité  de  pouvoir  })énétrer  dans 
leur  camp  à  moins  de  prendre  le  bois  ce  qui  retardait  beaucoup  la  marche 
de  mon  détachement  ;  j'aurais  bien  désiré  que  M.  Drucourt  eut  su  la  si- 
tuation critique  où  j'étais,  ])ouvant  m'accuser  de  lenteur  à  faire  mon  de- 
voir et  suivre  ses  instructions  en  harcelant  l'ennemi.  Cependant  quelque 
difficulté  que  j'eus  à  pouvoir  réussir,  je  ne  cessai  point  d'avoir  de  détache- 
ments peu  considérables  il  est  vrai,  puisqu'il  n'était  que  de  30  hommes, 
MM,  de  la  Boularderie,  St  Simon,  Montarville  eurent  ces  petits  comman- 
dements et  réussirent  toujours  au  delà  de  ce  que  j'avais  pii  espérer. 

Le  26  juillet,  à  8  heures  du  matin,  les  feux  de  la  ville  et  des  camps 
cessèrent  et  suivant  la  capitulation  l'ennemi  entra  le  27,  M.  de  St-Simon 
que  j'avais  détaché  avec  30  hommes  revint  le  28,  je  me  préparai,  je  fis 
partir  les  malades  sans  escorte  et  un  détachement  de  30  hommes,  je  fis 
mettre  le  feu  à  njille  cordes  de  bois  et  au  charbon. 

Je  i)artis  le  29,  à  4  lieures  du  soir  :  iious  vîmes  de  l'autre  côté  de  la 
rivière,  vis-à-vis  le  camp  un  corps  de  troupes  et  arrivai  à  6  heures  au  che- 
min Rouillé  qui  est  vis-à-vis  à  côté  de  la  traverse  (a)  une  avant  garde  de 


(a)    Les  mots  omis   ici   sont  peut-être  les  suivants:     "ici   il  y  avait".     P.  G. 


iiO  Uoriimes  ee  (|ui  me  dt  briser  toutes  les  voitures  qui  auraient  pu  leur 
servir  à  traverser,  il  était  temps  que  je  partisse,  si  j'eus  tardé  me  trouvant 
bloqué  l'ennemi  m'aurait  obligé  à  me  rendre. 

Jje  lendemain  Je  passai  le  chemin  Raimond  qui  es^t  à  quatre  lieues  de 
la  Brador  oii  Je  m'embarquai  dans  les  chaloupes  qui  Yious  conduisirent  au 
I^ort  Toulouse,  nous  eûmes  beaucoup  de  peine  dans  cette  relâclie  à  cause 
de  nos  malades  qu'il  nous  fallait  porter  et  embarquer  dans  des  voitures 
aussi  petites. 

Le  31,  arriva  un  brigantin  anglais  sur  lequel  était  embarqué  M.  Dan- 
geac,  ci-devant  commandant  au  Port  Toulouse,  qui  avait  eu  l'agrément  de 
l'amiral  Boscawen  de  venir  chercher  sa  famille.  J'eus  avec  cet  officier 
quelque  entretien  sur  l'état  présent  de  nos  affaires  ;  je  lui  exposai  celui  où 
j'étais  ce  qui  le  surprit  beaucoup  ayant  toujours  cru  mon  détachement  de 
1,200  hommes  et  il  me  dit  qu'il  n'était  point  le  seul  qui  fut  dans  cette  er- 
reur, ce  qui  m'engagea  d'écrire  à  M.  Drucourt  afin  qu'il  n'ignorât  point 
la  raison  qui  m'avait  empêché  de  harceler  l'ennemi,  autant  comme  j'au- 
rais bien  voulu. 

Je  partis  le  premier  août  potir  la  rivière  Bourgeois  oii  étaient  les 
voitures  qui  nous  avaient  amené  de  Miramichi  ;  j'y  trouvai  la  plus  gran- 
de partie  des  habitants  du  Port  Toulouse  quoiqu'ils  fussent  compris  dans 
la  capitulation.  Je  les  engageai  à  me  suivre  les  assurant  de  la  protection 
de  S.  M.  J'entreprenais  beaucoup,  mais  enfin  je  ne  croyais  pas  mieux 
l'aire  que  de  sauver  des  habitants  qui  n'auraient  pas  manqué  d'être  perdus 
ix)ur  la  France,  les  Anglais  les  regardant  comme  Acadiens  :  J'achetai  des 
vivres  et  des  voitures  et  les  fis  donner  à  ceux  qui  n'en  avaient  point.  Je 
trouvai  dans  ce  môme  endroit  la  goélette  La  Critique,  que  M.  de  Vau- 
dreuil  avait  envoyé  pour  savoir  la  sitiiation  de  I^ouisbourg,  j'ordonnai  au 
capitaine  de  rester  caché  dans  cette  rivière  Jusqu'à  ce  que  les  frégattes  qui 
étaient  à  ma  poursuite  dans  le  passage  fu.ssent  rentrées  et  d'aller  croiser 
dans  les  travers  des  îles  St-Pierre,  les  Anglais  îie  pouvant  s'imaginer  qu'il 
y  eût  de  corsaires  français  le  long  <le  cette  côte,  je  partis  pour  le  passage 
avec  toutes  les  familles  de  St-Pierre,  Je  ])ris  les  précautions  qu'il  fallait 
pour  éviter  les  Anglais  qui  étaient  aux  îles  Juste  au  Corps,  au  Cap  St- 
Louis  et  la  Baie  verte  :  J'arrivai  à  Gédaick  où  Je  débarquai  et  fus  dans  la 
rivière  d^  Pecondiak  avec  100  hommes  et  ordonnai  aux  voitures  chargées 
des  familles  et  malades  de  poursui^*re  la  route  pour  Miramichi,  n'ayant 
plus  aucun  danger  pour  les  corsaires  ;  Je  me  trouvai  engagé  avec  un  dé- 
tachement anglais  que  j'attaquai  quoique  ])lus  considérable  que  le  mien    ; 


...  52  - 


j'y  perdis  15  hommes  les  ennemis  en  perdirent  beaucoup  plus,  la  nuit 
vint,  ils  nous  quittèrent,  nous  croyant  ,])caucoup  plus  forts  par  le  bruit 
que  nous  faisions  ;  j'arrivai  à  Gédaick  et  partis  pour  Miramichi,  j'arrivai 
le  8  août.  J'appris  que  M.  Deville  Degoutin  était  mort  et  10  miliciens.  Je 
trouvai  ce  poste  sans  vivres  ;  un  chacun  ne  vivant  que  de  poisson  qu'il 
pouvait  pêcher. 

he  même  jour  au  soir  arrivèrent  les  courriers  de,  la  Rivière  St-Jean 
chargés  de  lettres  qui  m'étaient  adressées  de- Québec  qui  m'apprirent  la 
victoire  que  venait  de  remporter  M.  le  marquis  de  Montcalm  à  Carillon, 

M.  de  Niverville  que  j'avais  quitté  au  poste  de  la  Rivière  St-Jean  de- 
vant mon  départ  de  Louisbourg,  me  marquait  qu'il  était  prêt  à  partir 
j)our  la  côte  St-Georges  avec  un  détachement  de  français  et  sauvages  ;  je 
fis  aussitôt  partir  les  courriers  et  lui  ordonnai  de  m'attendre  que  j'étais  à 
lui  sous  peu  de  jours.  MM.  les  officiers  parurent  satisfaits  de  pouvoir  avoir 
l'occasion  d'avoir  quehjue  avantage  sur  les  enemis,  ce  que  nous  n'avions 
pas  eu  depuis  notre  départ  de  Québec  ;  j'avais  d'autant  plus  envie  d'y 
aller  que  l'on  n'avait  point  encore  attaqué  la  côte  de  St-Georges  dans  la 
guerre  précédente  et  celle-ci. 

Le  11,  arriva  une  goélette  chargée  de  boeuf  qui  avait  été  prise  par 
la  goélette  La  Critique,  j'augurai  dès  lors  bien  de  ma  campagne  ne  man- 
quant plus  de  vivres  pour  le  faire.  J'ordonnai  de  faire  pattir  sitôt  mon 
départ  les  60  prisonniers  que  j'avais  faits  et  les  différents  détachements. 
(|ue  j'avais  à  Beauséjour  de  préparer  ce  qui  était  nécessaire  pour  les  fa- 
milles de  l'île  St-Jean  qui  se  rangeraient  à  mon  camp,  les  effets  qui  se- 
raient nécessaires  de  perter  à  ceux  qui  resteraient  sur  l'île  St-Jean  sur 
leurs  terres  dans  des  endroits  inconnus  à  l'ennemi. 

Le  là  arriva  une  goélette  de  l'île  St-Jean  qui  m'apprit  que  MM.  de 
Villejoint  attendait  le  paquebot  anglais  qui  venait  le  chercher  :  que  MM. 
de  Villejoint  (fils)  et  Rousseau  partaient  avec  lui,  ce  qui  me  surprit 
beaucoup  ayant  empêché  ces  deux  officiers  qui  avaient  servi  sur  mon  dé- 
tachement de  se  rendre  à  l'enemi  lorsque  nou.s  étions  au  Port  Toulouse 
que  le  paquebot  arriva. 

Comme  le  détachement  que  j'avais  emmené  de  Louisbourg  était  hors 
d'état  de  faire  campagne,  j'en  formai  un  de  30  hommes  et  partis  le  13 
ayant  avec  moi  :  MM.  Boucherville,  St-Simon,  Céry  :  MM.  les  cadets  : 
Deplaine,  Carqueville,  Damours,  Couillard. 

Je  quittai  au  poste  de  Miramichi  M.  de  Catalogne  pour  y  comman- 
der;  MM.  de  la  Boularderie  et  Montarville  furent  obligés  d'y  rester  étalât 


—  53    — 

trop  malades  pour  entreprendre  la  campagne. 

Fait  au  Camj)  de  Miramichi,  le  14  août  1*58. 


Signé      BOISHEBERÏ 


BEAUJEU 


Tanguay  rapporte  que  Louis  Lienurd  de  Beaujeu  naquit  vers  1682, 
fils  de  Philippe,  vivant  écuyer,  grand  éehanson  du  roi,  guidon  des  chevaux- 
légers,  etc. 

Dans  l'Armoriai  du  Canada-Français,  première  série,  d'après  les  ar 
chives  de  cette  famille,  nous  avons  reproduit  ses  armes. 

Un  correspondant  de  France,  avisé  en  matière  héraldique  et  dan* 
l'histoire  des  anciennes  familles  de  France,  nous  mande  ce  qui  suit  • 
"Vous  donnez  les  armes  de  la  famille  féodale  de  Beaujeu  qui  tint  en  fief 
la  province  de  Beaujolais.  Cette  famille  est  éteinte  depuis  longtemps. 
Ce  n'est  donc  pas  cela.  De  plus,  votre  personnage  semble  bien  avoir  pour 
nom  patronymique  Liénard,  et  s'appelle  Daniel  Liénard  de  Beau- 
jeu  (1).  Le  nom  de  Liénard  est  encore  représenté  en  France  par  des 
Liénard,  de  Liénard  et  Liénard  de  St-Délis.  .  .  .'  .Je  crains  donc  que  les 
Beaujeu  canadiens  n'aient  fait  à  un  moment  donné  erreur  sur  les  armoi 
ries  qui  leur  appartiennent  réellement." 

Je  dois  avouer  avoir  rencontré  dans  mes  recherches  ce  fait  de  l'ex- 
tinction, il  y  a  des  siècles,  de  la  famille  de  Beaujeu  du  Beaujolais  ci-haut 
indiquée  par  mon  correspondant,  mais  il  aurait  pu  arriver,  fort  bien,  qu'un 
fils  cadet  ou  autre  ait  fait  souche  à  l'étranger  et  que  cela  ait  échappé  aux 
généalogistes  français.  On  voit  comme  cela  des  généalogies  sans  aucun 
détail  à  la  suite  de  l'un  de  ses  membres. 

Les  Beaujeu  canadiens  sont-ils  de  la  même  famille  que  c-elle  qui  eut 
en  fief  le  Beaujolais  et  qui  portait  exactement  les  mêmes  armes  ?  Et  dans» 
l'affirmative,  quel  serait  le  point  d'union  entre  elles,  précisant  les  person- 
nages ? 

Cette  information,  reçue  avec  gratitude,  nous  permettrait  de  répon- 
dre comme  il  convient  à  notre  correspondant. 

REGIS  ROY 


(1)   Le  héros  de  la  Monongahéla. 


—  54—         ; 

PAPINEAU  ET  LA  CHANSON 


Lu  chanson  que  nous  reproduisons  ici  est  sans  doute  inédite  :  elle  a 
[)Our  auteur  Lazé  Leclaire,  ce  fameux  troubadour  rvstùjue  dont  Pamphile 
Le  May  a  parlé  avec  admiration  dans  l'étude  qu'il  consacra  naguère  aux 
I)oètes  illétrés  de  Lotbinière.  Elle  nous  a  été  chantée  par  M.  Joseph- 
Albert  Eichard,  mécanicien,  âgé  de  70  ans.  Il  en  tenait  le  texte  de  sa 
mère  (née  Beaudiu)  qui  le  recueillit  de  la  bouche  même  de  Leclaire  en 
1839. 

D'après  la  tradition,  l'abbé  Faucher,  curé  de  Lotbinière,  aurait  revisé 
ou  inspiré  certains  couplets  et  on  lui  en  attribue  un,  le  dernier,  x  Quoiqu'il 
en  soit,  Leclaire  chanta  lui-même  ses  vers  au  gouverneur,  du  Canada,  lors 
d'une  visite  que  celui-ci  fit  à  Lotbinière.  Ainsi  qu'il  convient  dans  une 
oeuvre  où  rien  ne  doit  blesser  les  oreilles  o^icielles  l'auteur  n'a  pas  nom- 
mé l'ennemi  de  l'ordre,  le  révolté  conspué,  il  n'est  désigné  que  par  des  pé- 
riphrases gntilles  :  "sujet  menaçant,  fier  et  brigand",  "hardi  suborneur", 
"chef  des  vagabonds"  et  "l'homme  noir",  mais  il  paraît  bien  qu'alors  per- 
sonne ne  se  trompa  sur  l'identité  de  celui  que  visait  le  pamphlétaire; 
])aysan.  ■ 

Ijaissons  lui  la  parole  : 

1 

En  ces  jours  de  frayeur 
A  notre  gouverneur 
Kendons  honneur 
,      Son  Excellence  avoue 
Nous  y  inviter  tous. 
(Jhantons  d'un  doux  accent 
Ses  dons  puissants   ! 

Père  du  Canadien 
Soyez  notre  soutien 
Dans  nos  besoins 
Obtenez-  nous  la  paix 
Par  vos  prudentes  lois. 
Vos  lumières  sur  nous 
Conduisant  tout 


—  aro  — 

3 

Kii  ce  Bas-Canada 
Dissipez  les  combats 
De  quelqu'ingrats. 
Votre  peuple  est  soumis 
A  suivre  vos  avis 
Comme  de  bons  enfants 
Obéissants. 


Révérant  vos  grandeurs 
Nous  aurons  le  bonheur, 
Par  vos  faveurs, 
De  retrouver  Prévost 
Ce  sage  et  grand  Itères 
Qui  pour  le  Canadien  ' 
Fut  le  soutien  ! 


0  bras  d'un  roi  puissant 
Protégez  vos  enfants 

Voici  le  temps 
Où  tout  votre  troupeau 
Appréhende  les  maux 
D'un  sujet  menaçant 

Fier  et  brigand  ! 


.-,  I 


Les  canipagn(es)  les  citéf 
Tout  est  bouleversé 
De  tous  côtés. 
Les  uns  voulant  cela 
D'autres  ne  veulent  pas. 
Causant  mille  combats 
En  tout  état. 


—  56 


Les  révolutions, 
Les  conspirations 
N'ont  rien  de  bon, 
Qu'à  mettre  l'univers 
Au  dernier  désespoir  : 
Les  vols,  les  assassins 
Kt  les  larcins. 

8 

Voyex  chez  les  Français 
Les, maux  à  ce  sujet  ! 
Changeant  la  loi. 
L'innocence  est  quittée. 
Bannie  et  massacrée 
Des  trait  (es)  et  des  brigands 
Furent  triomphants  ! 


Ce  hardi  suborneur 
A  semé  la  terreur 
Dans  tous  les  coeurs. 
Mais  notre  gouverneur. 
Brave  et  rempli  de  coeur, 
Nous  mettra  à  couvert 
De  l'homme  noir  ! 

10 

Ce  chef  des  vagabonds 
Quell(e)  puissance  a-t-il  donc 
Quels  sont  ces  dons  ? 
Tous  ses  dépouillements 
Des  pauvres  habitants 
Où  avec  son  armée 
lia  passé. 


—  57—    . 

11 

Nos  amis,  nos  parents, 
Notre  maître  est  plus  grand 
Et  phis  puissant 
Sur  nous  ses  volontés 
Sans  vouloir  hériter, 
Soyons  lui  bien  soumis, 
C'est  notre  appui. 

12 

Ce  sage  a  repoussé 
La  cohorte  entêtée 
De  nos  cités. 
Tous  ces  suppôts  d'enter 
Sous  ce  vrai  Jupiter 
Par  lui  sont  confondus 
Ne  craignons  plus. 

13 

Un  bon  arbre  a  son  prix, 
Le  mauvais  a  son  fruit. 

C'est  celui-ci. 
L'abomination 

Des  désolations 
Qui  conduit  à  la  mort 
L'âme  et  le  corps. 

14 

Québec,  notre  cité. 
Votre  prospérité 
Est  assurée. 
Si  comme  les  Hébreux 
Leurs  prières,  leurs  voeux 
Etaient  pour  le  ^Tai  Dieu 
Victorieux. 


.      —58  — 

\         .  15 

(Couplet  qu'on  prétend  avoir  été  ajouté  par  le  curé  Faucher,  de  Lot- 
binière  :) 

Le  vieux  Lazé  Leclaire 
Fait  assez  son  affaire 

Avec  ces  vers. 
Il  est  un  vieux  rimeur 

Qui  réjouit  le  coeur.  , 

11  trouve  le  bon  mot 

(^ontre  le  sot. 

XXX 

Papineau,  s'il  n'a  d'autre  mérite,  aura  toujours  eii  celui  d'avoir  excité 
la  verve  des  chansonniers  plus  qu'aucun  autre  Canadien  de  son  éjmque. 

E.-Z.  MASSI(Ï)TTE 


LE  PEINTRE  SEBRON  ETAIT-IL  CANADIEN  ? 


Si  vous  consultez  le  Panthéon  canadien  de  "•Bibaud  Jeune",  vous  pourrez 
lire,  à  la  page  256,  (édition  de  1858),  sur  un  peintre  dont  il  aurait  fallu  s'enor- 
frueillir,    une   longue   notice   qui  commence  comme  suit: 

"SEBRON  (T.),  peintre  canadien  contemporain. — Son  plus  beau  morceau 
"  est  la  famille  royale  d'Angleterre  dans  la  chapelle  de  Windsor,  peinte  pour 
"le  roi  de  Hollande..." 

Puis  après  avoir  copieusement  décrit  le  tableau,  Bibaud  Jeune  ajoute: 

"  Ainsi  deux  artistes  canadiens,  Sebron  et  Falardeau  nous  font  honneur  en 
"  Europe. . ." 

Voulant  me  renseigner  davantage  sur  cette  célébrité  j'ai  feuilleté  plusieurs 
volumes.  Enfin,  Vai^ereau  est  venu  à  mon  secours  et  m'a  fourni — peut-être- 
la  solution. 

Il  a  existé  un  peintre  nommé  Hippolyte  Sebron,  né  à  Candebec,  en  1801,  et 
Qui  vint  en  Amérique  vers  1856-7  où  il  peignit  la  chute  du  Niagara,  le  Broadway, 
la  Nouvelle-Orléans,  le  lac  des  Crocodiles,  en  Louisiane,  etc.  Cet  artiste  mourut 
à  Paris,  le  ))remier  septembre  1879.     N'e-st-ce  pas  l'homme  ? 

Le  Sebron  de  Bibaud  porte  une  initiale  qui  ne  saurait  fournir  le  prénom  du 
Sebron  de  Vapereau,  mais  le  "typo"  a  pu  jouer  un  tour  à  notre  auteur  !  Le  lui 
fait  bien  dire,  dans  le  même  Panthéon,  p.  82,  DoUard  Descormiers,  pour  Dollard 
Desormeaux  ! 

Alors. . . 

E.-Z.    M. 


H 


—  SO- 


LES CONSEILLERS  AU  CONSEIL  SOUVE 

RAIN  PORTAIENT-ILS  LA  ROBE 

ECARLATE  ? 


Sous  l'ancien  régime  les  conseillers  des  Cours  Souveraines  du  royau- 
me avaient  un  costume.  Dans  les  démonstrations  publiques,  ils  por- 
taient Itr  robe  écarlate  ;4orsqu*ils  siégeaient  leur  robe  était  noire. 

Notre  Conseil  Souverain  avait  à  peu  près  toutes  les  attributions  des 
cours  souveraines  de  France.  Nos  conseillers  au  Conseil  Souverain  por- 
taient-ils» lin  costume  spécial  comme  leurs  collègues  des  cours  de  France  ? 

Dans  sa  troisième  lettre,  datée  de  Québec  le  15  mai  1684,  le  baron  de 
La  Hontan,  parlant  du  Conseil  Souverain,  dit: 

"11  est  composé  de  douze  conseillers  de  Capa  y  de  Spada,  qui  jugent 
souverainement  et  sans  appel  toutes  sortes  de  procès.  L'intendant  s'at- 
tribue le  droit  d'y  j)résider,  mais  le  gouverneur-général  prend  la  séance  à 
la  salle  de  justice  dans  un  endroit  où  se  trouvant  tous  les  deux  face  à  face 
et  les  juges  à  leurs  côtés,  il  semble  qu'ils  y  président  également.  Du 
temps  que  Monsieur  de  Frontenac  était  en  Canada,  il  se  moquait  de  la 
prétendue  préséance  des  intendants.  11  traitait  les  membres  de  ce  Parle- 
ment comme  Cromwell  ceu.x  d'Angleterre.  Chacun  y  plaide  sa  cause, 
car  on  ne  voit  ni  procureurs  ni  avocats,  ainsi  les  procès  sont  bientôt  finis, 
sans  qu'il  en  coûte  ni  épiées  aux  parties.  Les  juges  qui  ne  reçoivent  du 
roi  que  quatre  cents  livres  de  |>ension  par  an  sont  disj)ensés  de  porter  la 
robe  et  le  bonnet".  (  1  ) 

Plus  loin,  expliquant  ce  qu'on  entendait  i)ar  l'expression  Capa  ij  de  , 
Spada,  La  Hontan  écrit  : 

"C'est  un  titre  de  Gascogne  (piejes  gens  de  cette  Province  donnèrent 
autrefois  par  ironie  aux  conseillers  du  Conseil  Souverain  de  Canada,  par- 
ie que  les  premiers  membres  de  ce  tribunal  ne  portaient  ni  robe,  ni  épée, 
se  contentant  de  marcher  la  canne  à  la  main  dans  la  ville  de  Québec,  et 
d'aller  au  Palais  en  cet  équipage  bourgeois."  (2) 


(1)  Nouveaux  voyages,  édition  de  1703,  vol.  1er,  p.  18. 

(2)  Nouveaux  voyages^  édition  de  1703,  vol.  1er,  p.  270. 


—  60  — 

Cette  dernière  note  de  La  Hoiitaii  laisse  euteiidre  qu'à  l'époque  oit 
iAÏQ  fut  écrite  les  (conseillers  au  Conseil  Souverain  portaient  un  costume. 

Il  est  certain  qu'en  1685  les  Conseillers  au  Conseil  Souverain  ne  por- 
taient pas  de  costume. 

Le  20  septembre  1085,  en  effet,  l'intendant  de  Meulles  écrivait  au 
ministre  : 

"Puisque  la  justice.  Monseigneur,  est  le  principal  appuy  d'une  co- 
lonie aussy  considérable  que  celle-cy,  il  serait  à  propos  que  le*  officiers 
qui  en  sont  les  ministres,  n'allassent  point  au  Siège,  et  ne  parussent  pas 
même  au  public  qu'en  robes  longues  ;  cet  habit  inspire  au  peuple  du  res- 
pect pour  les  juges  et  les  fait  reconnaître  pour  ce  qu'ils  sont  ;  il  serait  mê- 
me à  propos  qu'il  fut  permis  aux  conseillers  du  Conseil  Souverain  à  siéger 
à  certains  jours  en  robes  longues,  cela  porterait  tous  les  plus  considérables 
du  pays  à  élever  leurs  enfants  à  pouvoir  parvenir  à  cette  dignité  :  mais 
tous  les  conseillers  étant  hors  d'état  de  faire  cette  dépense,  Sa  Majesté 
pourrait  leur  faire  cette  libéralité  qui  serait  pour  toute  la  vie  ;  en  ce  cas, 
vous  auriez  la  bonté.  Monseigneur,  d'ordonner  qu'on  envoyât  neuf  robes 
d'écarlate  dont  le  sieur  de  Villeray,  premier  conseiller,  qui  passe  èii  France, 
aurait  soin.  Pour  les  robes  noires,  chaque  conseiller  ferait  faire  la 
sienne,"  (3) 

Le  roi  ne  goûta  pas  du  tout  la  proj)osition  de  M,  de  Meulles  de  don- 
ner un  costume  aux  conseillers  au  Conseil  Souverain.  Le  31  mai  1686, 
le  ministre  lui  répondait  au  nom  de  Sa  Majesté  : 

"Sa  Majesté  n'a  pas  non  plus  approuvé  la  proposition  que  vous  faites 
de  permettre  aux  officiers  du  Conseil  Souverain  de  paraître  en  public  en 
robe,  cela  n'étant  de  nulle  utilité   !"  (4) 

Les  conseillers  au  Conseil  Souverain  portèrent-ils  plus  tard  un  cosr 
tume  spécial  ?  Nous  croyons  qu'ils  ne  siégèrent  jamais  en  robe. 

L'abbé  Bertrand  de  LaTour,  qui  vint  dans  la  Nouvelle-France  avec 
Mgr  Dosquet,  siégea  au  Conseil  Supérieur  en  qualité  de  conseiller-clerc 
de  1727  à  1731.  L'abbé  de  La  Tour  est,  conséquemment,  un  témoin  qui 
a  vu.  Dans  ses  Mémoires  sur  la  vie  de  Mgr  de  Laval,  il  nous  donne  sur 
le  Conseil  Supérieur  des  renseignements  intéressants  et  que  nous  devons 
croire  véridiques.  .  ^ 


(3)  Archives  du  Canada,  Correspondance  gériéérale. 

(4)  Archives  du  Canada,  Correspondance  générale. 


I 


—  61  — 

Citons-le  : 

"Le  Conseil  Supérieur  ou  le  Parlement  de  Québec  est  aujourd'hui 
composé  de  dix-sept  })ersonnes,  le  gouverneur,  l'évêque,  Tintendant,  douze 
conseillers  dont  un  est  conseiller  clerc,  un  procureur-général  et  un  gref- 
fier. Il  ne  tient  pas  ses  audiences  sur  un  tribunal  comme  les  cours  de 
France  ;  mais  autour  d'une  table  comme  les  Académies.  Le  gouverneur 
est  à  la  tête  ;  l'évêque  à  sa  droite,  et  l'intendant  à  sa  gauche  ;  ils  font 
eux  trois  une  ligne  sur  le  haut  bout  de  la  table.  Le  procureur  général 
donne  ses  conclusions  assis.  Les  procureurs  et  les  parties  se  tiennent  et 
parlent  debout  derrière  les  chaises  des  juges,  et,  ce  qui  est  fort  incommode, 
tout  le  monde  sort  quand  on  vient  aux  opinions  et  rentre  quand  on  appel- 
le une  nouvelle  cause.  Les  conseillers  se  placent  selon  l'ordre  de  leur 
réception,  à  l'exception  du  conseiller  clerc  qui  se  met  toujours  à  côté  de 
l'évêque  après  le  doyen,  et  du  premier  conseiller,  qui  commence  le  rang  à 
gauche  après  l'intendant  ;  ce  premier  conseiller  est  une  espèce  de  prési- 
dent qui  a  une  charge  à  part  et  doubles  gages.  Il  n'y  a  point  d'avocats, 
les  procureurs  ou  les  parties  plaident  leurs  causes  ;  c'est  à  la  maison  de 
^intendant  que  l'on  appelle  le  Palais  que  se  tiennent  les  assemblées  ;  il 
s'en  tient  une  régulièrement  chaque  lundi  et  toutes  les  fois  que  les  affaires 
le  demandent.  La  justice  se  rend  gratuitement  quoique  les  gages  des 
officiers  soient  modiques,  qu'il  n'y  ait  même  que  les  six  premiers  conseil- 
lers laïques,  le  })rocureur-général  et  le  greffier  qui  en  aient.  L'expédi- 
tion des  arrêts  ne  coûte  que  les  droits  du  greffe,  qui  comme  tous  les  autres 
frais  de  justice  sont  très  légers.  Aussi  les  suppôts  du  Palais  sont  en  pe- 
tit nombre  et  ont  communément  quelqu'autre  profession  pour  les  aider  à 
vivre.  On  n'y  connait  point  de  papiec-timbré,  et  il  n'y  a  qu'Hun  très  petit 
contrôle  seulement  pour  constater  la  date  des  actes.  Les  officiers  n'ont 
point  d'habits  particuliers,  ils  siègent  en  épée  avec  leurs  habits  ordinaires" . 

Si  les  conseillers  au  Conseil  Souverain  n'eurent  pas  la  satisfaction 
de  paraître  en  public  avec  la  robe  écarlate  ils  portèrent  du  moins  l'épée. 
On  sait  que  le  port  de  l'épée  sous  l'ancien  régime  était  le  privilège  des 
nobles  et  des  officiers  de  terre  et  de  mer.  Le  ministre  de  Maurepas 
écrivait  à  ce  sujet  à  l'intendant  Hocquart,  le  22  avril  1732  : 

"M.  le  jnarquis  de  Beauharnois  m'a  représenté  qu'on  a 
voulu  obliger  les  officiers  des  troupes  de  quitter  l'épée  h   la  porte  du 


—  62  — 

Conseil  Supérieur  de  Québec,  lorsqu'ils  lont  obligés  d'y  entrer  'pour  y, 
plaider  eux-mêmes  leur  cause.  J'en  ai  rendu  compte  à  Sa  Majesté  et 
elle  m'a  ordonné  de  vous  dire  que  comme  les  officiers  du  Conseil  Supé- 
rieur rendent  actuellement  la  justice  l'épée  au  côté,  elle  veut, que  les  of- 
ficiers et  les  gentilshommes  seulement  puissent  piailler  leur  cause  sans 
être  obligés  de  quitter  leur  épée.  11  est  vrai  que  dans  les  Cours  Supé- 
rieures du  Royaume,  il  est  d'usage  que  lorsqu'un  gentilhomme  ou  un  of- 
ficier plaide  sa  cause,  il  doit  quitter  l'épéè  et  Sa  Majesté  ordonnera  que 
cet  usage  s'observe  aussi  dans  la  colonie  si  dans  la  suite  elle  juge  à  propos 
de  prescrii-e  aux  officiers  du  Conseil  Supérieur  de  rendre  la  justice  en  robe. 
En  attendant,  vous  aurez  soin  de  leur  expli([uer  les  intentions  de  Sa  Ma- 
jesté à  l'exécution  desquelles  vous  tiendrez  la  main."(o). 

Dans  sa  lettre  du  31  mars  1733  à  MM.  de  Beauharnois  et  Hocquart, 
M.  de  Maurepas  disait  encore  sur  le  riiême  sujet  : 

"Sa  Majesté  a  approuvé  que  conformément  à  ses  intentions  le  Con-. 
seil  Supérieur  ait  arresté  par  une  délibération  que  les  officiers  des  troupes 
entretenues  dans  la  colonie  et  les  gentilshommes  ne  seront  point  obligés  de 
quitter  l'épée,  lorsqu'ils  plaideront  eux-mêmes  leurs  "causes,  cependant  sur 
les  représentations  qu'il  a  faites  à  ce  sujet  par  rapport  aux  gentilshommes 
qui  se  trouveront  dans  ce  cas,  Sa  Majesté  veut  qu'il  n'y  ait  que  ceux  dont 
les  titres  de  noblesse  sont  enregistrés  au  Conseil  Supérieur  ou  qui  en  feront 
apparoir  sur  le  cliamj),  qui  puissent  jouir  de  ce  privilège  ;  c'est  ce  que 
vous  aurez  agréable  d'exphquer  aux  off'iciers  du  Conseil  Supérieur"  (6). 

P.  G.  R. 


(5)  Archives  du  Canada,  Correspondance  générale. 

(6)  Archives  du  Canada,  Correspondance  générale. 


PAPINEAU  ET  LA  CHANSON 


Dan.s  une  des  chansons   publiées  dans  le  No  de  janvier  1921,  p.  23,  le  texte 
des  couplets  5  et  6  a  été  mêlé.     11  faudrait  le  rétablir  comme  suit:. 

5 
Mais   c'est   pas   brav',   Pépère 
De  se  sauver  comme  ça  ? 

6 
Dis   rien,   le  p'tit   Dessaulles 
Arrangera  tout  ça. 


—  63  — - 

ARNOULT  DE  LAUBIA 


On  a  écrit  Loul)ia,  Loubias,  Laubias  et  I^aulria.  Nous  croyons  que 
l'épellation  Laubia  est  la  meilleure. 

Arnoult  de  Laubia  })assa  dans  la  Nouvelle-France  en  1665  comme  ca- 
pitaine d'une  des  compagnies  du  régiment  de  Caingnan.  On  le  désigne 
quelquefois  comme  capitaine  au  régiment  de  Broglie.  Ce  qui  veut  dire 
({u'il  servait  dans  ce  régiment  avant  de  venir  ici. 

En  avril  1668,  on  voit  que  M.  de  Laubia  commandait  aux  Trois-Ri- 
vieres. 

11  retourna  en  France  à  l'automne  de  la  même. année  avec  plusieurs 
autres  officiers  clu  régimeut  de  Carignan. 

Le  25  mars  1669,  M.  de  Laubia  consentait  à  revenir  dans  la  Nouvelle- 
France.  11  s'engageait  à  mettre  sa  compagnie  sur  le  pied  de  cinquante 
hommes  et  à  fournir  la  subsistance  de  ses  hommes  jusqu'à  leur  embarque- 
ment moyennant  1000  écus. 

M.  de  Laubia  s'embarqua  junir  le  Canada  au  printemps  de  1670  avec 
sa  compagnie. 

En  1671,  M.  de  Laubia  fit  le  voyage  de  Cataracoui  avec  le  gouver- 
neur de  Courcelles. 

Le  29  octobre  1672,  l'intendant  Talon  concédait  à  M.  de  Laubia  "la 
(piantité  de  deux  lieues  de  front  sur  autant  de  profondeur,  à  prendre  sut 
le  lac  Saint-Pierre,  savoir  :  une  lieue  au-dessus  et  une  au-dessous  'de  la 
rivière  Nicolet,.  icelle  comprise."  M.  de  Laubia  devait  jouir  de  cette  con- 
cession en  fief,  seigneurie  et  justice  (1). 

Il  y  avait  un  an  peut-être  deux  ans  que  M.  de  Laubia  avait  commen- 
cé des  défrichements  en  cet  endroit  lorsqu'il  reçut  son  titre  de  concession 
de  M.  Talon.  11  est  probable  que  celui-ci  lui  avait  d'abord  donné  un 
billet  de  concession  et  que  son  titre  du  29  octobre  1672  n'était  que  la  con- 
firmation officielle  de  ce  billet  ou  de  cette  jiennissiou  antérieur. 


(1)     Pièces  et  documents  relatifs  à  la  tenure  seig iteni riale ,  p.  16. 


—  64  — 

Le  9  mars  1673,  l'intendant  Talon,  alors  en  France,  dans  nn  mémoi- 
re au  ministre,  écrivait  : 

"Le  Sr  de  Laubia,  capitaine  au  régiment  de  Carignan  Salières,  de 
l'une  des  six  compagnies  qui  ont  esté  renvoyées  en  Canada  en  1670,  est 
venu  sur  congé  de  M.  de  Frontenac  pour  recevoir  son  bien,  mais  ayant 
trouvé  son  frère  aisné  languissant  et  tirant  à  sa. fin  se  voit  obligé  à  ne  le 
pas  abandonner  et  demande  permission  de  vendre  sa  terre  de  Canada  à 
une  personne  qui  la  fera  valoir  ainsy  qu'il  ferait  luy-mesme.  Cet  officier 
a  non  seulement  estably  sa  compagnie  sur  la  concession  qui  luy  a  esté  faite, 
mais  il  s'est  formé  une  terre  qui  luy  a  produit  a  la  récolte  dernière  trois 
à  quatre  cents  minots  de  grain  faisant  sept  cents  livres  de  Paris. 

"J'estime  que  cette  permissioji  de  vendre  ne  fera  qu'un  fort  bon  effet, 
persuadaut  en  France  que  le  bien  qu'on  se  fait  en  Canada  n'est  pas  inuti- 
le et  qu'il  donne  son  fruit  partout,  puisqu'on  trouve  des  marchands  qui 
en  payent  le  fond"  (  1  ) . 

La  demande  de  M.  Talon  en  faveur  de  M.  de  Laubia  arrivait  comme 
moutarde  après  diner  ])uisquc  la  vente  de  la  seigneurie  en  question  était 
consommée  depuis  dix  jours.  En  effet,  par  contrat  passé  par  devant  les 
notaires  et  garde-notes  du  Roi  au  Châtelet  de  Paris,  le  27  février  précé- 
dent (1673),  M.  de  Laubia  avait  vendu  son  fief  et  seigeurie  au  sieur  Mi- 
chel Cressé.  Cette  seigneurie  prit  dès  lors  le  nom  de  seigneurie  Cressé. 
Elle, fut  coiinue  plus  tard  sous  le  nom  de  seigneurie  de  Xicolet. 

M.  de  Laubia  ne  revint  pas  dans  la  Nouvelle-France. 

P.  G.  R. 


(1)     Archives  du  Canada.  Correspondance  générale,  vol.  4. 


QUESTION 


Le  16  mai  1840;  Jacques-Alexandre  Tailbades,  avocat  français,  signe 
un  brevet  de  cléricature  avec  l'avocat  Charles  Sab revois  de  Bleury  (Cau- 
chy).  .  ' 

Le  12  février  1841,  le  même  Tailhades  signe  un  autre  brevet  avec  l'a- 
vocat George  Pyke. 

Quelques  mois  après,  le  sieur  Tailhades  prend  le  titre  d'avocat  et  il 
obtient  plusieurs  procurations  l'autorisant  à  administrer  des  biens. 
Quel  était  ce  praticien  et  que  devint-il  ? 

CABRETTF 


f 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES  HISTORIQUES 


VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE  -  MARS  If  21  N»  3 


LA  SEIGNEURIE  DE  BELLECHASSE  OU 

BERTHIER 


Ce  qu'on  appelait  seigneurie  de  Bellechasse  dans  les 
premiers  temps  du  régime  français  c'est  l'étendue  de 
terre  plus  tard  connue  sous  le  nom  de  Berthier-en-bas. 

Bellechasse  fut  une  des  premières  seigneuries  con- 
cédées dans  la  Nouvelle-France.  C'est  le  28  mars  1637 
que  les  Messieurs  de  la  Compagnie  de  la  Nouvelle-France 
concédèrent  cette  seigneurie  au  célèbre  truchement  ou 
interprète  Nicolas  Marsolet.  La  concession  devait  avoir 
un  quart  de  lieue  de  front  le  long  du  Saint-Laurent  sur 
une  lieue  et  demie  de  profondeur,  à  prendre  à  main  gau- 
che, c'est-à-dire  à  l'est  du  ruisseau  de  Bellechasse. 

Marsolet  fut  mis  en  possession  de  sa  seigneurie  le  6 

-octobre  1637  par  M.  cle  Montmagny,  gouverneur  de  la 

Nouvelle-France,  en  présence  des  sieurs  Jean  Bourdon, 

Pierre  Leroux  et  Jean  Nicolet.    Le  procès-verbal  de  cette 

mise  en  possession  a  été  conservé.    Il  dit  : 

'*  Nous,  Charles  Huault  de  Montmagny,  lieutenant 
pour  le  Roy  à  Québecq  et  en  toutte  l'ettendue  du  fleuve 
St-Laurent  dit  la  Nouvelle-France,  en  vertu  d'un  man- 
dement de  Messieurs  de  la  Compagnie  de  la  Nouvelle- 
France  du  vingt-huitième  mars  mil  six  cent  trente  sept 


—  66  — 

de  bornes  et  limittes  d'une  concession  faite  par  Messieurs 
de  la  Compagnie  de  la  Nouvelle-France  au  profit  de  Nicol- 
las  Marsollet,  trucliement  des  Français  auprès  des  sau- 
vages du  lieu  de  la  Nouvelle-France,  d'un  quart  de  lieue 
de  terre  d'estendue  le  long  du  fleuve  St-Laurent,  sur  lieue 
et  demie  de  proffondeur,  nous  nous  sommes  transporté 
proche  du  ruisseau  nommé  le  Ruisseau  de  belle  chasse, 
assisté  du  sieur  Bourdon,  ingénieur  et  arpenteur  du  pais 
de  la  Nouvelle-France,  du  sr.  Jean  Nicollet,  de  Pierre 
Le  Roux,  et  de  Nicolas  Fauvel,  tesmoins  soubsignés,  et  là 
sommes  descendus  à  terre  du  costé  main  gauche  en  mon- 
tant le  dit  ruisseau  de  belle  chasse  et  avons  mis  le  d.  Mar- 
sollet  en  possession  réelle  et  actuelle  d'un  quart  lieue  de 
terre  d'estendue  le  long  du  d.  fleuve  St-Laurent  sur  lieue 
et  demye  de  proffondeur  et  avons  borné  du  costé  du 
sorouest  du  d.  ruisseau  de  belle  chasse  et  du  costé  du  nord- 
est  d'un  érable  au  pied  duquel  nous  nous  sommes  pareil- 
lement transportés  et  là  avons  fait  enfouir  une  pierre 
avecq  des  briques  et  sur  le  d.  arbre  fait . .  .  une  croix  par 
le  d.  sieur  Bourdon  pour  servir  de . . .  en  présence  des  d. 
tesmoings  le  sixième  jour  d'octobre  mil  six  cent  trente 
sept"  (1). 

Marsolet  n'habita  jamais  sa  seigneurie.  Les  intérêts 
qu'il  avait  ailleurs,  fees  ambassades  fréquentes  auprès  des 
différentes  tribus  sauvages  qui  peuplaient  alors  la  Nou- 
velle-France ne  lui  laissaient  pas  assez  de  loisirs  pour 
s'occuper  de  défricher  ou  de  peupler  ce  beau  domaine. 
Aussi  pendant  les  trente-deux  ans  qu'il  le  garda  il  n'y 
fut  pas  fait  une  seule  concession  de  terre.  Si  les  autorités 
de  la  colonie  avaient  voulu  se  prévaloir  de  leurs  droits 
elles  auraient  fort  bien  pu  lui  enlever  sa  seigneurie  (2). 

Le  29  octobre  1672,  l'intendant  Talon  accordait  au 
sieur  Berthier,  capitaine  d'une  compagnie  d'infanterie  au 

(1)  Ce  procès-verbal  est  conservé  aux  Archives  Judiciaires  de  Québec, 
dans  le  greffe  du  notaire  Guitet.       '  " 

(2)  Sur  Nicolas  Marsolet,  premier  seigneur  de  Bellechasse,  on  peut  con- 
sulter une  étude  de  M.  Benjamin  Suite,  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
Royale  du  Canada,  année  1882-1883,  p.  56. 


~  67  — 

régiment  de  Carignan,  *'la  quantité  de  deux  lieues  de  terre 
de  front  sur  pareille  profondeur,  à  prendre  sur  le  fleuve 
St-Laurent  depuis  l'anse  de  Bellechasse  incluse,  tirant 
vers  la 'rivière  du  Sud,  icelle  non  comprise. . .  "  (3). 

•  Comme  la  concession  accordée  à  M.  de  Berthier  empié- 
tait sur  la  seigneurie  donnée  à  Marsolet  le  28  mars  1637, 
celui-ci,  le  15  novembre  1672,  signa  un  acte  de  démission 
en  faveur  de  M.  Berthier  (4). 

M.  de  Berthier  décéda  dans  sa  seigneurie  de  Berthier 
en  décembre  1708  (5).  De  son  mariage  avec  Marie  Le- 
Gardeur  de  Tilly  il  avait  eu  trois  enfants.  Sa  femme  et 
ses  enfants  étaient  morts  avant  lui.  Son  fils,  Alexandre 
de  Berthier,  sieur  de  Villemur,  marié  le  4  octobre  1702 
avec  Françoise  Viennay-Pachot,  était  mort  trois  mois 
après  son  mariage. 

M.  de  Berthier  estimait  beaucoup  sa  bru.  Neuf  mois 
après  la  mort  de  son  fils,  le  13  juillet  1703,  il  lui  faisait 
donation  de  sa  seigneurie  de  Berthier  et  *'de  tous  et  cha- 
cuns  les  biens  tant  mobiliers  qu'immobiliers  qu'il  avait 
et  qu'il  jîourrait  avoir  cy-après  en  toute  l'étendue  du 
Canada,  en  quelques  lieux  qu'ils  se  puissent  trouver  et 
de  quelques  espèces,  qualité,  prix  et  valeur  qu'ils  se  trou- 
veraient". Il  prenait  la  peine  de  déclarer  qu'il  faisait 
cette  donation  à  la  jeune  veuve  ''pour  l'amitié  qu'il  lui 
portait,  en  considération  du  mariage  qu'elle  avait  solem- 
nisé  avec  le  feu  sieur  de  Villemur  son  fils  et  pour  lui  donner 
les  moyens  de  vivre  plus  honorablement  et  commodément 
dans  l'état  de  vie  qu'elle  voudrait  choisir"  (6). 

La  veuve  Berthier  de  Villemur  se  remaria,  le  4  avril 
1712,  à  Nicolas-Biaise  des  Bergères  de  Rigauville,  enseigne 
dans  les  troupes  du  détachement  de  la  marine. 

(3)  Pièces  et  documents  relatifs  à  la  tenure  seigneuriale,  p.  109. 

(4)  Cet  acte,  reçu  par  le  notaire  Duquet,  ne  se  trouve  plus  dans  son 
greffe  conservé  aux  Archives  Judiciaires  de  Québec. 

(5)  Sur  M.  de  Berthier,  deuxième  seigneur  de  Bellechasse  ou  Berthier, 
on  peut  consulter  la  brochure  de  M.  Régis  Roy:  lies  deux  capitaines  de 
Berthier. 

(6)  Acte  de  donation  devant  Chambalon,  notaire  à  Québec,  le  13  juillet 
1703. 


—  68  — 

M.  des  Bergères  de  Rigauville  qui  était  un  bon  mili- 
taire était  aussi  un  administrateur  habile.  Il  attira  dans 
la  seigneurie  de  sa  femme  plusieurs  colons  et  fit  beaucoup 
pour  en  augmenter  les  revenus. 

Le  4  août  1724,  M.  des  Bergères  de  Rigauville  rendait 
devant  l'intendant  Bégon,  au  nom  de  sa  femme,  la  foi  et 
hommage  qu'elle  devait  au  roi  en  vertu  de  sa  conces- 
sion (7). 

Quatre  jours  plus  tard,  le  8  août  1724,  M.  des  Bergères 
"de  Rigauville  remettait  son  aveu  et  dénombrement  au 
même  intendant.  Cette  pièce  nous  apprend  que  le  domaine 
de  la  seigneurie  de  Bellechasse  ou  Berthier  était  de  six 
arpents  et  demi  de  front  sur  soixante  arpents  de  profon- 
deur. Le  manoir  seigneurial  était  une  bâtisse  de  pièces 
sur  pièces  solée  de  pierres,  de  quarante-deux  pieds  de  long 
sur  dix-huit  de  large.  La  maison  du  fermier  ^vait  vingt 
pieds  de  long  sur  dix-huit  de  large.  Puis  venaient  la  bou- 
langerie, de  16  pieds  sur  12;  la  grange,  de  50  pieds  sur 
20;  retable,  de  25  pieds  sud  18;  l'écurie  avec  au-dessus 
un  colombier,  de  12  pieds  sur  10  ;  un  autre  bâtiment  pour 
les  volailles,  de  10  pieds  en  carré;  trente  arpents  du  do- 
maine étaient  en  terre  labourable  et  trois  arpents  en 
prairie. 

Sur  le  bord  du  fleuve  étaient  établis  les  habitants  sui- 
vants: Jean  Pruneau,  Jean  Lacombe,  Pierre  Lacombe, 
Pierre  Biais,  Jean-Baptiste  Biais,  Etienne  Lamy,  les  en- 
fants de  feu  Jean  Guillemet,  Jean  Fradet;  Jean  Proven- 
çal, Claude  Gendron,  Robert  Vermet,  les  enfants  de  René 
Emond,  Nicolas  Bouchard,  François  Buteau,  François 
Lacroix,  Pierre  Mercier,  François  Lacroix,  Jean  Mercier, 
Jean  Boucher,  Pierre  Biais,  Paschal  Mercier,  Jacques 
Beaudoin,  Marc  Beaudoin,  Michel  Chartier,  Pierre  Lavoie, 
les  héritiers  de  Jean  Pruneau,  Pierre  Buteau,  Jean  Biais, 
les  enfants  de  Jean  Guillemette,  la  veuve  Guignard,  Ga- 
briel Bilodeau,  Ignace  Bouchard,  Jacques  Bilodeau,  Jean 
Boutin  fils,  Jean  Boutin  père,  la  veuve  Louis  Beaudoin, 

(7)   Fois  et  hommages,  cahier  2e,  folio  109. 


—  69- 

Antoine  Bilodeau,  Antoine  Biais,  Jean  Nadeau,  Joseph 
Lemieux,  Guillaume  Lemieux,  la  veuve  Bazin. 

Au  second  rang  qu'on  nommait  la  côte  de  Saint-Blaize 
les  habitants -suivants  étaient  établis:  Simon  Fournier, 
Jean-Baptiste  Rousseau,  Adrien  Leclerc,  Martin  Rous- 
seau, Jacques  Talbot,  Michel  Harbour,  Augustin  Malboeuf, 
Alexandre  Mercier,  Pierre  Morin  fils,  Pierre  Morin  père, 
Pierre  Godin,  Noël  Malboeuf,  Jacques  Picard,  la  veuve 
Jose23h  Fortin,  Guillaume  Lemieux  fils,  Pierre  Boulet, 
Jacques  Boulet,  Joseph  Boulet,  Julien  Mercier,  Jean 
Mercier,  Louis  Fortin,  Pierre  Guiniard,  la  veuve  Augustin 
Guiniard,  François  Maurice,  Jean  Boutin  fils,  Jean  Bou- 
tin  père,  Louis  Beaudoin,  Pierre  Beaudoin,  Joseph  Beau- 
doin,  Joseph  Lessard,  Etienne  Morel,  Pierre  Poulin, 
Joseph  Poulin. 

Au  troisième  rang  nommé  la  côte  Sainte-Marie  on 
comptait  Antoine  Morin,  Simon  Fournier,  Michel  Chias- 
son,  Joseph  Mallx)euf,  Daniel  Frejot,  Guillaume  Rouleau, 
Pierre  Godin  fils,  Jacques  Daniau  père,  Jacques  Daniau 
fils,  la  veuve  de  Montéléon,  Pierre  Garant,  Louis  Destrois- 
maisons,  Charles  Chartier,  Pierre  Buteau  fils,  Jean  Bou- 
let, Barthélemi  Groguet,  Jacques  Daniau,  Simon  Talbot, 
Jacques  Talbot,  Joseijh  Talbot,  Timothée  Paré,  Prisque 
Poulin  (8). 

M.  des  Bergères  de  Rigauville  décéda  dans  la  seigneu- 
rie de  Berthier  le  11  juillet  1739.  Sa  veuve  décéda  à 
Québec  dix  ans  plus  tard,  le  9  décembre  1749  (9). 

La  seigneurie  de  Bellechasse  ou  Berthier  passa  alors 
au  fils  aîné  de  Nicolas-Biaise  des  Bergères  de  Rigauville 
et  de  Françoise  Viennay-Pachot. 

Jearî-Baptiste-Marie  des  Bergères  de  Rigauville,  né 
à  Berthier  le  28  octobre  1720,  fut  officier  dans  les  troupes 
du  détachement  de  la  marine.  Aj^rès  la  conquête,  lors  de 
la  révolte  des  sauvages  de  l'Ouest,  M.  de  Rigauville  fut 

(8)  Aveux  et  dénombrements,   cahier   1,   folio  296. 

(9)  Sur  M.  des  Bergères  de  Rigauville,  troisième  seigneur  de  Bellechasse 
ou  Berthier,  consulter  notre  brochure  La  famille  des  Bergères  tle  Rlganville. 


—  70  — 

mis^  à  la  tête  des  volontaires  canadiens-français  avec  le 
grade  de  major. 

Plus  tard,  en  1775,  le  gouverneur  Carleton  récompensa 
M.  de  Rigauville  de  sa  fidélité  à  la  couronne  d'Angleterre 
en  l 'appelant  au  Conseil  législatif. 

Lors  de  l'invasion  américaine  de  1775,  M.  de  Rigau- 
ville reprit  les  armes.  On  le  trouve  parmi  les  défenseurs 
du  fort  Saint-Jean.  Fait  prisonnier  à  Verchères  par  les 
Bastonnais  dans  l'hiver  de  1775,  il  fut  amené  en  captivité 
aux  Etats-Unis  et  mourut  à  Bristol,  Pennsylvanie,  le  30 
octobre  1776. 

L'honorable  M.  de  Rigauville  s'était  marié  deux  fois 
mais  n'avait  eu  qu'un  enfant  mort  au  berceau  (10). 

A  la  mort  de  l'honorable  M.  de  Rigauville,  la  seigneu- 
rie de  Bellechasse  ou  Berthier  passa  à  son  frère  cadet, 
l'abbé  Charles-Régis  des  Bergères  de  Rigauville,  chapelain 
de  l'Hôpital-Général  de  Québec. 

Ce  saint  prêtre  a  justement  été  appelé  le  second  fon- 
dateur de  l'Hôpital-Général  de  Québec.  C'est  lui  qui, 
lors  des  batailles  du  13  septembre  1759  et  du  28  avril  1760, 
donna  les  secours  de  la  religion  aux  nombreux  officiers 
et  soldats  blessés  qui  furent  transportés  dans  cette  maison. 
C'est  aussi  M.  de  Rigauville  qui  bénit  les  fosses  des  deux 
cents  et  quelques  héros  français  et  canadiens  qui  furent 
inhumés  dans  le  petit  cimetière  de  l'Hôpital-Général. 

L'abbé  des  Bergères  de  Rigauville  décéda  à  Québec 
le  24  décembre  1780.  Par  son  testament  reçu  devant  les 
notaii'fes  Berthelot  d'Artigny  et  Jean- Antoine  Panet  le 
24  juin  1780,  il  avait  légué  sa  seigneurie  de  Berthier  à 
l'Hôpital-Général  de  Québec.  Prévoyant  sans  doute  que 
son  testament  serait  attaqué  par  des  parents  éloignés  mé- 
contents de  ne  pas  mettre  la  main  sur  ce  bel  apanage,  il 
expliquait  les  raisons  de  ce  don  à  l'Hôpital-Général: 

lo — La  seigneurie  que  je  possède  n'étant  point  venue 


u 


(10)   Sur  M.  de  Rigauville,   consulter  la  brochure  déjà  citée,  IJa  famille 
des  Bergères  de  Rigauville. 


„.  71  - 

à  ma  mère  par  héritage,  mais  jiar  pur  don  de  la  part  d'un 
étranger  avant  son  mariage  avec  feu  mon  i3ère. .  .,  je  ne 
dois  donc  rien  à  mes  parents  du  côté  de  mon  père.  D 'ail- 
leurs, il  n'y  en  a  qu'un  dans  le  pays,  et  il  a  trois  mille  livres 
de  rente. 

"2o — Mes  vrais  héritiers  selon  la  loi,  du  côté  de  ma 
mère,  ne  sont  pas  régnicoles  pour  moi  ;  ils  sont  en  Europe 
où  ils  ont  toujours  été  ;  ils  sont  issus  d'un  premier  mariage 
du  père  de  ma  mère,  contracté  à  Larochelle,  et  dont  il  /a  eu 
un  fils ... 

'*3o — Les  parents  que  j'ai  en  Canada  sont  à  leur 
aise. .  .  à  l'exception  d'une  cousine  germaine  de  ma  mère 
(Madeleine  de  L'Estringuan  de  Saint-Martin),  fort  âgée, 
dont  j 'ai  soin,  et  d'une  issue  de  germain  (Angélique  Rouer 
de  Villeray),  à  qui  je  procure  depuis  trois  ans  quelques 
secours,  et  qui  a  bon  nombre  de  i)arents  du  côté  de  mon- 
sieur son  père,  plusieurs  riches,  et  d'autres  plus  à  l'aise 
que  moi. 


*'Ces  observations  faites,  ne  puis- je  pas  en  conscience 
profiter  du  privilège  de  la  loi  anglaise  qui  donne  toute 
liberté  en  fait  de  testament  ?  Ne  puis- je  pas  faire  mes 
légataires  universelles  la  conmiunauté  de  l'Hôpital-Géné- 
ral, près  de  Québec,  afin  de  les  aider  à  soutenir  l'oeuvre  à 
laquelle  leur  illustre  fondateur  Mgr  de  Saint- Vallier  les 
a  destinées . .  . 

"Mettant  mon  testament  sous  la  protection  de  la  loi 
anglaise,  je  supplie  le  gouvernement  de  faire  attention: 
lo  Que  la  seigneurie  de  Berthier,  qui  seule  forme  mon  im- 
meuble, n'est  pas  d'un  objet  bien  considérable;  partagée 
entre  tous  mes  parents  du  Canada  seulement,  elle  n'aug- 
menterait pas  leur  fortune  sensiblement;  2o  Que  ce  legs 
accordé  à  cette  pauvre  maison  ne  devrait  j^as  être  regardé 
comme  une  nouvelle  acquisiton,  mais  comme  un  faible 
remplacement  de  .la  belle  seigneurie  de  Saint-Vallier . . . 
le  double  plus  forte  en  concessions,  et,  par  conséquent, 


.._72- 

en  rentes  foncières. . .  laquelle  faisait  et  formait  le  prin- 
cipal objet  de  la  fondation  de  l'Hôpital-Général,  et  qu'il 
a  été  obligé  de  vendre  à  vil  prix  pour  satisfaire  à  des  dettes 
que  la  charité  et  la  bonne  foi  lui  avaient  fait  contracter 
pour  les  malades  français  en  1759  et  1760,  dont  il  ne  lui 
a  été  tenu  compte  par  la  cour  de  France  que  du  quart . . . 

(11) 

Une  parente  de  l'abbé  des  Bergères  de  Rigauville, 
madame  d'Albergati-Vezza,  contesta  à  deux  reprises  son 
testament  devant  les  tribunaux,  mais,  chaque  fois,  le  30 
juillet  1785  puis  le  3  juillet  1786,  ceux-ci  renvoyèrent  son 
action  en  la  condamnant  à  payer  tous  les  frais. 

L'annaliste  de  l'Hôpital-Général  de  Québec  fait  de 
façon  fort  intéressante  l'histoire  de  ces  deux  procès: 

''Enfin,  au  mois  d'avril  1785,  madame  d'Albergati 
fit  savoir  par  lettre  à  notre  révérende  mère  Thérèse  de 
Jésus  qu'elle  croyait  se  devoir  à  elle-même  de  faire  valoir 
ses  prétentions  sur  les  biens  de  feu  messire  de  Rigauville, 
son  parent,  et  que  les  cours  de  justice  en  décideraient. 

"Certes  une  pareille  nouvelle  n'était  rien  moins 
qu'agréable;  mais  il  ne  pouvait  être  quesfion  de  céder 
devant  l'orage;  c'eut  été  sacrifier  les  intérêts  essentiels 
de  la  communauté,  peut-être  même  compromettre  son 
existence.  Quelque  juste  éloignement  qu'eussent  nos 
mères  pour  toute  poursuite  judiciaire,  elles  en  prirent  bra- 
vement leur  parti  cette  fois,  se  confiant  dans  le  secours  de 
Dieu  et  dans  la  justice  de  leur  cause,  et  l'affaire  fut  portée 
devant  les  tribunaux.  Le  docteur  Mabane  se  montra,  dans 
cette  occasion,  comme  toujours,  un  ami  plein  de  zèle.  Il 
sut  inspirer  ses  sentiments  à  M.  Gray,  avocat,  qu'il  choisit 
pour  défendre  les  intérêts  des  religieuses,  et  la  cour  rendit 
sa  sentence  en  leur  faveur  le  30  juillet. 

''Madame  d'Albergati  cependant  ne  se  tint  pas  pour 
vaincue,  et  elle  se  décida  à  intenter  une  nouvelle  action. 
En  annonçant  aux  religieuses  qu'elles  allaient  subir  un 

(11)  Mgr  de  Saint- Vallier  et  rHôpital-Généràl  de  Québec,  p.  441. 


—  73- 

second  procès,  le  docteur  Mabane  s'empressa  de  les  ras- 
surer; c'est  ce  que  fit  également  M.  Gray,  et  tous  deux 
leur  donnèrent  de  précieux  conseils  sur  la  manière  dont 
elles  devaient  agir  dans  une  affaire  de  cette  conséquence. 
Nos  mères,  comme  on  peut  le  penser,  attendaient  de  Dieu 
seul  leur  principal  appui.  Elles  .commencèrent  aussitôt 
une  neuvaine  en  l'honneur  du  Saint  Coeur  de  Marie.  Neuf 
longs  mois  se  passèrent  dans  des  alternatives  de  crainte 
et  d'espérance.  Enfin,  arriva  le  jour  où  le  jugement  devait 
être  rendu;  c'était  le  3  juillet  1786.  Pendant  les  heures 
de  la  matinée,  plus  ardentes  que  jamais  furent  les  suppli- 
cations adressées  au  ciel;  chacune  demandait  surtout  une 
parfaite  résignation  à  la  volonté  de  Dieu,  quelle  que  dût 
être  la  sentence. 

''Soudain,  disent  nos  annales,  nous  aperçûmes  un 
cabriolet  qui  venait  avec  une  célérité  telle  qu'à  chaque 
instant  la  poussière  en  dérobait  la  vue.  Ai)rès  quelques 
minutes  d'attente,  nous  vîmes  arriver  M.  Cugnet,  im  de 
nos  avocats,  nous  annonçant  avec  joie  que  tout  était  en 
notre  faveur . .  .  Un  envoyé  du  docteur  Mabane,  qui  se 
flattait  d'être  le  premier  porteur  de  la  bonne  nouvelle, 
suivit  de  près  MM.  Cugnet  et  Gray,  et  alternativement, 
toute  l'après-midi,  plusieurs  amis  se  succédèrent  pour  nous 
féliciter  de  ;cet  heureux  succès.  Ayant  témoigné  notre 
juste  reconnaissance  à  tant  de  personnes  si  dévouées  à 
notre  cause,  nous  satisfîmes  l'impatience  qui  nous  pressait 
d'aller  rendre  gloire  à  notre  divin  Sauveur,  par  le  chant 
du  Te  Deum.  Puis,  désirant  laisser  un  monument  perpé- 
tuel de  cette  assistance  de  Dieu  sur  notre  maison  et  de  la 
jDrotection  visible  de  la  Reine  du  Ciel,  nous  promîmes, 
avec  l'agrément  des  supérieurs  majeurs,  d'en  célébrer 
chaque  année  le  jour  anniversaire  par  un  salut  à  l'autel 
du  Saint-Coeur  de  Marie." 

Le  8  juillet  1813,  les  Dames  de  l'Hôpital-Général 
baillaient,  cédaient,  quittaient,  transportaient  et  délais- 
saient, à  titre  de  rente  emphithéotique  pour  vingt-neuf 
années,  qui  devaient  finir  en  1842,  à  Claude  Dénéchàud, 


...  74  — 

député  de  la  haute- ville  de  Québec,  et  juge  de  paix  de  Sa 
Majesté,  le  fief  et  seigneurie  de  Bellechasse  ou  Berthier- 
en-bas.  M.  Dénéchaud  s'engageait,  entr 'autres  choses,  à 
reconstruire  le  moulin  banal,  à  fournir  aux  Dames  de 
l'Hôpital-Général,  chaque  année,  quatre-c^nt-cinquante 
minots  de  bon  blé  loyal  et  marchand  et  à  payer  une  rente 
annuelle  de  soixante-deux  livres  dix  chelins,  cours  actuel 
de  la  Province  (12). 

M.  Dénéchaud  passait  alors  pour  un  des  négociants 
les  plus  riches  du  Canada.  Il  remplit  toutes  les  conditions 
de  son  bail  emphithéotique  et  fit  même  plus.  Il  s'établit 
avec  sa  famille  à  Berthier  et  le  manoir  devint  le  rendez- 
vous  de  ses  nombreux  amis.  Mais  les  mauvaises  années 
vinrent  et  lorsque  le  seigneur  Claude  Dénéchaud  décéda 
au  manoir  de  Berthier  le  30  octobre  1836,  la  plus  grande 
partie  de  sa  fortune  était  disparue  et  avec  elle  les  amis  des 

beaux  jours. 

y 

Le  1er  décembre  1836,  Adélaïde  Gauvreau,  veuve  de 
Claude  Dénéchaud,  venait  en  arrangements  avec  les  Dames 
de  l'Hôpital-Général  pour  continuer  le  bail  de  la  seigeurie 
de  Bpllechasse  ou  Bei'thier  aux  mêmes  ,conditions  qu'elles 
avaient  faites  à  son  mari  (13). 

Mais  les  revenus  de  madame  Dénéchaud  n'étaient  pas 
assez  considérables  pour  continuer  le  même  train  de  vie 
qu'avait  mené  son  mari,  et,  le  28  juin  1838,  les  Dames  de 
l'Hôpital-Général  reprenaient  leur  seigneurie  (14).  Cette 
fois,  elles  la  gardèrent  jusqu'à  la  fin  du  régime  seigneurial 
au  Canada. 

P.-G.  E. 


(12)  Bail  devant  Planté,  notaire  à  Québec,  le  8  juillet  1813. 

(13)  Acte   devant   A.-A.   Parant,    notaire   à   Québec,    1er   décembre    1836. 

(14)  Acte  devant  A.-A.  Parant,  notaire  à  Québec,  28  juin  1838. 


—  TÔ- 


LES MEDECINS,  CHIRURGIENS  ET  APO- 
THICAIRES DE  MONTREAL,  DE 
1701  A  1760 


Aux  notes  précédemment  publiées  dans  le  Bulletin,  sur  les  chirurgiens 
de  Montréal  au  dix-septième  siècle,  il  nous  est  possible  d'ajouter  les 
suivantes  qui  renseignent  sur  les  médecins,  chirurgiens  et  apothicaires 
qui  ont  exercé  leur  art  dans  la  région  de  Montréal  depuis  1701  jusqu'à 
1760. 

1701-1742  —  Claude  Le  Boiteux  de  Saint-Olive.  Né  en  1676,  fils 
d'un  apothicaire  du  diocèse  de  Vienne,  en  Dauphiné,  le  sieur  de  Saint- 
Ohve  fut  plutôt  apothicaire  que  chirurgien,  à  Montréal.  Cependant^  on 
lui  donne  les  deux  titres.  Il  épousa,  d'abord,  Marie-Anne  Lenoir,  à 
Lachine,  en  1701,  puis  Madeleine  Naf rechoux,  à  Montréal,  en  1716.  Son 
existence  fut  mouvementée.  Soit  qu'il  fut  âpre  au  gain  ou  sarcastique, 
soit  qu'il  fut  fantasque  ou  grincheux,  il  s'attira  la  haine  de  bien  des 
gens.  Aussi,  a-t-il  traduit  devant  les  tribunaux  des  inculpés  de  toutes 
les  classes  qui  l'avaient  roué  de  coups.  Nous  en  avons  cité  un  cas  entre 
autres  dansle  Bulletin  de  1916,  p.  46,  Ce  curieux  personnage  décéda  en 
juillet  1740.  Il  avait  un  sceau  armorié,  écartelé,  de  belle  apparence, 
mais  qu'il  est  impossible  de  blasonner  parce  que  l'empreinte  que  nous  en 
avons  est  trop  réduite. 

1705  —  ...  Baudau.  Cliirurgien-major,  à  Montréal.  Le  7  septem- 
bre, il  signe,  pour  le  tribunal,  un  rapport  établissant  qu'il  a  visité  le 
nommé  Jean  de  Tard  (ou  du  Tartre)  dit  Laverdure,  soldat  de  M.  de 
Eamezay,  qu'il  a  trouvé  "blessé  d'un  coup  d'épée  qui  prend  de  l'hipocondre 
gauche  et  sort  vers  les  lombes  de  même  côté.  Je  croy  (le  blessé)  en 
danger  de  mort". 

Et  il  affixe  un  sceau  composé  d'un  monogramme  compliqué  swmonté 
d'un  collier  de  perles. 

C'est  en  voulant  porter  secours  à  un  compagnon,  le  soldat  Pierre 
Pallardier  dit  la  Marine,  malmené  à  coups  de  canne  par  les  frères  Rocbert 
de  la  Morandière,  que  du  Tartre  fut  blessé. 

1712  —  Henri  Belisle-Levasseur.     Ce   chirurgien   est   témoin   dans 


—  76  — 

deux  actes  du  notaire  Senet,  le  28  janvier  1729,  et  il  demeure  alors  à  la 
Pointe-aux-Trembles.  Le  dictionnaire  Tanguay  nous  informe  qu'il  était 
fils  d'un  "droguiste"  de  France  et  qu'il  se  maria  trois  fois.  En  premier 
lieu,  à  Québec,  en  1690;  ensuite,  à  Champlain,  en  1705;  enfin,  à  la 
Pointe-aux-Trembles  de  Montréal,  le  25  août  1712  où  il  convole  ave* 
Jeanne  Archambault.  Il  finit  ses  jours  à  cet  eiidroit  au  mois  de  septembre 
1740.  L'acte  de  sépulture  lui  accorde  "environ  cent  ans".  La  veuve 
était  sans  doute  (  !)  beaucoup  plus  jeune  que  le  défunt,  car  elle  se  remaria 
après  neuf  ans  de  viduité  avec  un  nommé  Maurice  Lapron. 

1712  —  Joseph  Benoit.  Né  en  1672  et  originaire  de  Fourière  en 
Gatinois,  il  dut  venir  au  pays  avec  femme  et  enfants.  En  tout  cas,  il 
était  à  Montréal  en  1712  et  y  fit  baptiser  son  fils  Claude  dont  il  est  ques- 
tion ci-après.  Il  prenait  d'ordinaire  le  titre  de  chirurgien-major  et 
parfois  celui  de  "médecin  de  Sa  Majesté". 

Le  sieur  Benoit  figure  sur  la  liste  des  chirurgiens  de  l'Hôtel-Dieu 
entre  les  années  1715  et  1726  seulement,  mais  il  ne  paraît,  avoir  cessé  de 
pratiquer  que  quelques  mois  avant  sa  mort,  survenue  en  novembre  1742. 

Au  mois  de  juillet  1717,  il  eut  un  procès  curieux  avec  cet  avocat, 
Lanouillier  de  Boisclair,  qui  inaugura  le  service  postal  en  ce  pays  et  qui 
fut  grand  voyer  de  la  Nouvelle-France. 

Le  docteur  Benoit,  dont  l'abbé  Faillon  fait  des  éloges  dans  sa  Vie 
de  Mlle  Mance  (II,  202),  avait  sa  résidence  rue  Notre-Dame,  tout  près 
du  château  de  Ramezay. 

Sur  quelques-uns  de  ses  rap])orts  il  apposait  un  sceau  armorié  qu'on 
ne  peut  blasonner  parce  que  l'empreinte  n'en  est  pas  très  nette.  On  n'y 
peut  distinguer  que  ceci  :  un  cygne  nageant  surmonté  d'une  étoile.  Au- 
dessus  est  une  devise  en  demi-cercle  dont  on  n'a  que  les  premières  et 
les  dernières  lettres.     (Documents  judiciaires,  19  juin  1722.) 

1718  —  Pierre  Puibarau,  sieur  de  Maisonneuve.  Il  naquit  à  Bou- 
cherville  en  1684.  Sa  mère  étant  devenue  veuve  épousa,  en  1^88,  le 
chirurgien  Tailhandier  et  l'enfant  du  premier  mariage  adopta  la  profes- 
sion de  son  beau-père.  Puibarau  épousa,  à  Montréal,  en  1712,  Marie- 
Catherine  Lorin.  Il  est  gratifié  du  titre  de  chirurgien,  à  Montréal,  le  10 
décembre  1718.  Sans  doute,  il  exerçait  son  art  depuis  quelque  temps.  A 
partir  de  1725,  il  eut  sa  demeure  sur  la  rue  Saint-Joseph  (aujourd'hui 
Saint-Sulpice),  vis-à-vis  la  rue  de  Bresoles,  et  c'est  là  qu'il  décéda  eu 


I 


..-77  — 

novembre  1757.  Xous  avons  publié  dans  le  Bulletin  un  de  èes  comptes 
datant  des  années  1734  et  1735.  Pas  n'est  besoin  d'ajouter  que,  malgré 
son  nom  territorial,  qu'il  n'a  rien  de  commun  avec  la  famille  Chomedey 
de  Maisonneuve.  Il  avait  un  sceau  (document  du  10  décembre  1718) 
dans  lequel  on  n'aperçoit  qu'une  colombe. 

1724  —  Timothée  Silvain.  Ce  médecin  irlandais,  dont  le  vrai  nom 
Timothy  Sullivan  se  transforma  avec  le  temps  et  le  milieu  en  celui  de 
Timothée  Silvain,  d'allure  plus  française,  aurait  débarqué  sur  nos  rives 
vers  1718.  Il  épousa,  en  1720,  Marie-Renée  Gautier  de  Varennes,  yeuve 
de  Christophe  Dufrost  de  la  Jemmeraye  et  mère  de  la  vénérable  soeur 
Youville.  De  ce  fait,  les  historiens  l'ont  traité  avec  une  déférence  mar- 
quée. Mais  le  bibliothécaire  de  Saint-Sulpice,  M.  Fauteux,  a  cru  le 
moment  venu  de  dire  toute  la  vérité,  dans  une  biographie  copieuse,  bien 
documentée  et  que  l'on  peut  lire  dans  le  Bulletin  de  1917,  pp.  303  et  suiv. 
Il  nous  suffit  donc  de  noter  ici  que  ce  personnage,  fils  d'un  médecin  de 
Cork,  se  clierchant  une  occupation  en  ce  pays,  songea  à  celle  de  son  père 
et  qu'à  l'aide  d'influence  il  décrocha  un  brevet  de  médecin  le  7  mars 
1724.  Par  là,  il  était  autorisé  à  pratiquer  à  Montréal,  "sous  les  ordres 
du  sieur  Sarrazin,  médecin  du  roi,  à  Québec". 

Silvain  fut  un  emporté  "qiii  eut  souvent  maille  à  partir  avec  la  jus- 
tice, mais  à  l'encontre  de  Saint-Olive,  qui  eut  toujours  gain  de  cause 
parce  qu'il  se  faisait  rosser,  Silvain  fut  "maintes  fois  condamné  à  payer 
des  dommages"  parce  qu'il  était  l'agresseur. 

Le  sieur  Silvain  est  porté  sur  la  liste  des  chirurgiens  de  l'Hôtel-Dieu 
durant  les  années  1725  à  1730.    Il  décéda  au  mois  de  juin  1749. 

1727  —  Joseph  Istre.  Originaire  de  l'Auvergne,  le  sieur  Istre  épousa, 
à  Montréal,  le  19  octobre  1727,  Elisabeth,  fille  du  chirurgien  Forestier. 
On  trouve  plusieurs  de  ses  rapports  dans  les  archives,  entre  1731  et  1733. 
Ensuite,  il  quitta  notre  région,  car  lorsqu'il  vend  sa  maison  à  Montréal 
(Blanzy,  19  janvier  1755),  il  demeurait  à  Lachesnaie. 

A  sa  mort,  survenue  au  mois  d'avril  1760,  il  était  rendu  à  Terrebonne. 

1729  —  Jacques  Perreau.  Fils  d'un  chirurgien  du  diocèse  d'Auxerre, 
en  Bourgogne,  il  épousa  Marie-Elisabeth  Navers,  à  Château-Richer, 
en  1724.  Il  était  rendu  à  Lachesnaie,  dès  1726,  et  paraît  y  avoir  demeuré 
jusqu'à  sa  mort,  en  1754.  Au  cours  de  l'année  1729,  il  eut  quelques 
difficultés  au  sujet  de  médicaments  qu'il  avait  achetés  de  son  confrère. 


—  78  — 

l'Irlandais  Sullivan  dit  Silvain.    La  veuve  Perreau  vivait  encore  en  1775 
et  alors  elle  était  sage-femme.     (Tanguay,  VI,  317.) 

1730  —  Simon  Lafond.  Fils  d'un  chirurgien  de  Saint-Martin-les- 
bois,  diocèse  de  Bordeaux,  il  fut,  en  la  Nouvelle-France,  soldat  et  chirur- 
gien. Lafond  épousa  Marie-Anne  Lamothe,  à  Montréal,  le  7  janvier  1738 
D'après  les  archives  de  l'Hôtel-Dieu,  il  aurait  exercé  sa  profession  dans 
cet  hôpital  entre  1730  et  1746.  De  1750  à  1754,  il  est  à  la  Pointe-aux- 
Trembles.  Enfin,  un  acte  du  notaire  de  Courville  nous  apprend  qu'il 
était  rendu  à  Saint-Denis-sur-Eichelieu,  en  1764. 

1733  —  J.-B.  Fernand  Spagnioïini.  Né  à  Rome  en  1704,  ce  chi- 
rurgien italien  dut  venir  au  pays  avec  les  troupes  vers  1732.  L'année 
suivante,  il  contracta  un  premier  mariage  à  Chambly.  En  1737,  il  se 
remarie  à  Bouclierville  ;  enfin,  en  1745,  au  même  endroit,  il  épouse 
Françoise  Boucher  de  Niverville.  Ce  "médecin-chirurgien"  semble  avoir 
pratiqué  sans  interruption  au  sud  de  Montréal.  Il  est  mort  à  Boucher- 
ville,  au  mois  de  février  1764. 

1740  —  Charles-Joseph-Aîexandre-Ferdinand  de  Feltz  qui  vécut  à 
Montréal  de  1740  à  1760,  au  moins,  et  qui,  pendant  les  quinze  dernières 
années,  figura  sur  le  rôle^  des  professionnels  de  l'Hôtel-Dieu,  était  origi- 
naire de  Rabstat,  Autriche.  Le  4  novembre  1741,  il  épouse,  à  Québec, 
Ursule  Aubert  qui  décède,  à  Montréal,  en  1756.  Quelques  mois  après, 
le  16  février  1757,  il  convole,  à  Lachine,  avec  demoiselle  Cécile  Gosselin. 
(Tanguay,  III,  270.) 

Feltz  prenait  le  titre  de  chirit/rgien-major  des  hôpitaux.  Il  demeurait 
rue  Notre-Dame,  côté  nord,  entre  les  rues  Saint-Laurent  et  Saint-Gabriel. 
Sa  profession  ne  lui  fit  pas  négliger  les  affaires  :  il  acquit,  dans  le  faubourg 
Saint-Laurent,  une  terre  qu'il  morcela  et  dont  il  vendit  les  emplacements 
en  1754  et  après. 

1741  —  Olivier  Durocher.  Par  son  contrat  de  mariage  (Simonnet, 
16  septembre,  1741),  on  voit  que  ce  chirurgien,  né  en  1716,  était  fils  d'un 
"marchand  drappier,  privilégié  du  Roy",  de  la  viUe  et  évêché  d'Angers. 
A  la  rédaction  du  document,  deux  de  ses  confrères  sont  présents  :  Claude 
Benoist,  chirurgien-major  de  la  garnison,  et  Pierre  Puibarau,  "maître 
chirurgien  de  l'Hôtel-Dieu".  Quelques  jours  après,  le  25  septembre,  le 
sieur  Durocher  épousait  Thérèse  Juillet.  Il  demeurait  alors  à  la  Pointe- 
Claire. 


—  79  — 

iri  —  Claude  Benoil.  Fils  de  Joseph  Benoit,  médecin,  et  de 
Anne  Berthier,  il  naquit  à  Montréal  en  1712  et  épousa,  au  même  endroit, 
le  15  janvier  1742,  Thérèse  Baby.  Son  père,  qui  aurait  cessé  d'exercer 
en  1741,  paraît  lui  avoir  laissé  sa  charge  de  chirurgien-major.  Il  avait 
acquis  des  propriétés,  dans  sa  ville  natale,  mais  il  vend  le  tout  en  1754 
et  semble  s'éloigner,  du  moins  nous  cessons  de  voir  son  nom. 

1753  —  Charles  Doullon  Desmarets.  Nous  avons  déjà  parlé  de  ce 
notaire-chirurgien  dans  le  Bulletin  de  1920,  p.  157. 

1755  —  Augustin  Viger.  L'étude  du  notaire  Danré  de  Blanzy  nous 
informe  que  ce  chirurgien  vivait  à  Montréal,  rue  Saint-Paul,  au  mois 
de  mai  1755.  Il  était  encore  dans  la  même  )àlle,  au  mois  de  novembre 
1757,  car  alors  il  dépose  une  plainte  contre  son  "domestique  anglais  Farel" 
qui  l'a  volé.  Après  le  départ  du  sieur  Guiton  de  Monrepos  qui  fut  juge, 
à  Montréal  de  1741  à  1760,  le  chirurgien  Viger  fut  chargé  de  l'adminis- 
tration des  biens  de  l'absent.  L'on  voit  dans  l'étude  du  notaire  Panet, 
à  la  date  du  4  août  1763,  un  intéressant  règlement  de  sa  gestion. 

1756  —  Louis-Nicolas  Landrimix.  Originaire  de  la  ville  de  Luçon, 
en  Poitou,  le  sieur  Landriaux  se  maria  au  fort  Saint-Frédéric,  où  il  était 
de  la  garnison,  car  c'est  là  que  le  père  récollet  Didace  Cliché,  missionnaire, 
dresse  son  contrat  de  mariage  avec  Marie-Anne  Prudhomme,  le  7  juin 
1756.  Après  l'abandon  du  fort,  Landriaux  vint  demeurer  à  Montréal  et 
nous  constatons,  par  un  acte  du  notaire  de  Courville,  daté  du  4  août 
1773,  qu'il  était,  à  ce  moment,  "chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  général 
de  Montréal".  Evidemment,  il  doit  s'agir  de  l'hôpital  des  Soeurs  grises, 
non  de  l'Hôtel-Dieu.  Landriaux  était  encore  à  Montréal  en  1777.  Nous 
perdons  ensuite  sa  trace.  Sans  doute,  il  est  l'ancêtre  des  familles  Lan- 
driault  que  l'on  trouve  maintenant  dans  le  comté  de  Prescott  et  dans  la 
ville  d'Ottawa. 

1757  —  Honoré-Maur  Bonnefoy.  Il  exerçait  son  art  à  l'île  Jésus, 
en  1757,  d'après  un  acte  de  Danré  de  Blanzy,  du  14  février.  Mgr  Tan- 
guay,  au  deuxième  volume  de  son  dictionnaire,  note  qu'il  le  trouve  à 
Lachesnaie,  le  5  juin  1766  et  qu'il  était  alors  marié  à  Louise  Poulin. 

1757  —  Philippe- Jean- Jacques  Laboissière  dit  Luandre.  Il  était 
originaire  de  Saint-Corentin,  en  Bretagne.  Il  épouse,  à  Montréal,  le  23 
mai  1757,  Marie-Amable  Viger.  On  dit  qu'il  fut  attaché  à  l'Hôtel-Dieu 
jusqu'en  1763.     Ensuite,  il  alla  probablement  résider  à  la  campagne,  car 


—  80  — 

sa  femme  décède  à  Saint-Henri  de  Mascouche  en  1764  et  lui-même  est 
signalé  à  la  Pointe-aux-Trembles  de  Québec,  en  1767. 

1759  —  Dominique  Mondeïet.  Soldat  et  chirurgien.  Il  épousa  à 
Québec,  en  1759,  une  demoiselle  Hains  et  il  alla  vivre  dans  la  région  de 
Chambly.  En  1764,  il  est  négociant  dans  la  seigneurie  de  Cournoyer. 
(Etude  de  Courville,  17  juin  1764.) 

C'est  l'ancêtre  des  juges  Mondeïet  qui  jouent  un  rôle  dans  l'histoire 
de  Montréal. 

1760  —  J.-B.  Jobert.  Le  4  février  1760,  Jobert,  chirurgien  de  la 
flûte  du  roi  La  Marie,  épouse,  à  Montréal,  Charlotte  Larchevêque.  Il 
était  fils  d'un  chirurgien  dcfja  paroisse  Saint-Martin,  diocèse  de  Langres. 
(Tanguay,  A  travers  les  registres,  p.  176.)  Nous  ignorons  s'il  a  demeuré 
parmi  nous. 

1760  —  Louis  Ceuillier  Lnfourcade.  Natif  de  la  paroisse  de  Eabas- 
tin,  diocèse  de  Tarbes,  province  de  Gascogne,  et  probablement  soldat,  il 
décida  de  rester  au  pays,  après  la  conquête.  Le  26  novembre  1760,  il 
faisait  dresser  son  contrat  de  mariage,  à  Saint-0,urs,  par  André  Laurent, 
capitaine  de  la  paroisse,  "n'y  ayant  pas  de  notaire  disponible".  La  future 
se  nommait  Catherine  Arpain  et  elle  n'avait  que  19  ans.  Quelques  mois 
plus  tard,  le  mariage  étant  célébré,  le  chirurgien  déposait  son  contrat 
chez  le  notaire  de  Courville,  à  l'Assomption.  Il  portait  d'ordinaire  le 
nom  de  Lafourcade. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


ANGOVILLE 


M.  de  Saffray  de  Mézy,  gouverneur  de  1663  à  1665,  était  originaire  de 
Caen.  En  1664,  Ferland  mentionne  le  sieur  d'Angoville,  major  de  la  garnison 
du  fort  St-Louis,  c'est-à-dire  des  gardes  du  gouverneur.  Cet  homme  était 
aussi  de  Caen  et  il  avait  dû  accompagner  au  Canada  son  compatriote.  Ango- 
ville  n'est  qu'un  surnom  à  la  mode  de  l'époque.  Connaît-on  le  nom  véritable 
du  major  ?  Figurerait-il  dans  l'un  des  actes  ou  documents  notariés  ou  autres 
déposés  à  Québec?  Après  le  décès  du  gouverneur,  M.  d'Angoville  serait-il 
retourné  au  pays  natal?  En  1666  et  1667  dans  la  recherche  de  la  noblesse 
pour  la  généralité  de  Caen,  deux  familles  connues  sous  ce  titre  maintiennent 
leur  qualité:  François  de  Clamorgan,  écuyer,  sieur  d'Angoville,  âgé  de  45 
ans,  marié  à  Léonore  Le  Mennicier,  demeurant  à  Angoville,  et  Antoine  Mau- 
voisin,  écuyer,  sieur  d'Angoville,  demeurant  à  Banville,  marié  à  Françoise 
de  Montenay,  en  165  4.     Lequel  des  deux  a  été  major  de  Québec  ? 


81  - 


LES  HABITANTS  DE  LA  VILLE  DE 
QUEBEC  EN  1769-1770 


Les  ramoneurs  de  cheminées  !  quels  intéressants  personnages,  direz- 
vous.  Mais,  oui,  ce  sont  de  très  intéressantes  personnes,  qui  ont,  sans 
s'en  douter,  contribué  à  conserver  des  sources  d'histoire  qui  auraient  été 
perdues  sans  eux.  Ne  vous  récriez  pas,  ami  lecteur.  Je  vais  vous  prouver 
leurs  hauts  faits  d'armes,  surtout  durant  les  premières  années  du  régime 
anglais,  quand  les  recensements  étaient  plutôt  espacés. 

Ainsi,  le  chef  des  ramoneurs  de  la  ville  de  Québec  dressait,  tous  les 
ans,  une  liste  des  habitants  de  la  capitale  indiquant  ceux  qui  avaient  payé 
pour  son  travail,  en  tout  ou  en  partie,  ainsi  que  ceux  qui,  trop  pauvTes, 
n'avaient  pu  le  fairç.  Le  gouvernement  payait  pour  ces  derniers.  Ce 
rapport  est  donc  un  vrai  directory,  ou  un  bottin,  si  vous  préférez  le  mot. 

Le  rapport  suivant  du  ramoneur  des  cheminées  de  la  ville  de  Québec 
pour  1769-1770  nous  donne  les  noms  d'à  peu  près  tous  les  propriétaires 
et  locataires  de  la  vieille  capitale  à  cette  époque  éloignée. 

F.-J.   AUDET 

176M770 

Rues 

Alary,  Charles St-François 

Alary,  Veuve St-François 

Allés,  J.-Bte Champlain 

Allsopp,  George Buade 

Amelot,  Jacques Ste-Famille 

Amiot,  Charles Champlain 

Aniiot,  Veuve St-Pierre 

Amyot,  François Laval 

Amyot,  Jean-Baptiste Sault-au-Matelot 

Arbot,  Capitaine du  Rempart 

Arial,  Jean Côte  de  la  Montagne 

Arrêt,  Servant Champlain 

Aubry,  Louis Côte  de  la  Montagne 


-82 


Audy,  Pierre St-Georges 

Babineau,  Marianne Sault-au-Matelot 

Babineau,  Eené  . Champlain 

Baby, St-Pierre 

Badeau,  Pierre  ...    ; St-François 

Baillargé, Sault-au-Matelot 

Baird,  John Notre-Dame 

Baril  dit  Namur,  Joseph  .....  Champlain  ' 

Basler,  François Champlain 

Beaurivage,  Veuve Notre-Dame 

Bell,  William Côte  de  la  Montagne 

Belleville,  Jean-Baptiste Ste-Famille 

Berger,  Jean Ste-Famille 

Bernard,  André Laval 

Bernard,  Jean Notre-Dame 

Bernier,  Louis Sault-au-Matelot 

Berthelot, Buade 

Bertin,  maître  d'école Buade 

Bertrand,  Nicolas du  Rempart 

Bigné,  Jean Laval 

Birgeas, Côte  de  la  Montagne 

Bistodeau,  Antoine St-Pierre 

Blackmore, du  Rempart 

Blair,  Docteur Ste-Famille 

Blette,  François Champlain 

Blondin,  Jean Sault-au-Matelot 

Blouin,  Gabriel Notre-Dame 

Blowe,  Samuel Champlain 

Boilvin,  Ive Champlain 

Boisseau,  père St-Pierre 

Boisseau,  fils St-Pierre 

Boisvert,  Pierre Sault-au-Matelot 

Bondfield,  Aclem St-Pierre 

Bonhomme,  Pierre Laval 

Boon,  Henry St-Pierre 

Born,  George Sous-le-Fort 

Barneuf,  Pierre Champlain 

Boucher,  Louis Sault-au-Matelot 


...  83  — 

Boucher,  Veuve Sault-au-Matelot 

Boucheaud,  Michel Du  Fort 

Boulogne,  François Notre-Dame 

Bourbeau  dit  Carignan,  Louis  ...  Du  Fort 

Bourbon,  Jacques Ste-Famille 

Bourg,  Joseph du  Rempart 

Bourguignon,  François,  fils  .    .    .  ".  Sault-au-Matelot 

Bourguignon,  Louis Sault-au-Matelot 

Brassard,  Jean-Baptiste Ste-Famille 

Brown  et  Gilmore Buade 

Brown,  Andrew Sault-au-Matelot 

Bryan,  Thomas C'hamplain 

Buchanan,  John C'hamplain 

Caillé,  Capitaine du  Rempart 

Caillé,  Henry St-Georges 

Calendar,  William Côte  de  la  Moi^^agne 

Campbell,  Lauchlin St-Pierre 

Campbell,  William Notre-Dame 

Cameron,  Jacques C'hamplain 

Cameron,  Thomas Champlain  ^ 

Caron,  Alexis Sault-au-Matelot 

Carrier,  Charles Champlain 

Carrier,  Pierre Ste-Famille 

Casgrain,  Jean Champlain 

Castagnet,  Veuve Champlain 

Chabot,  Joseph Sous-le-Fort 

Chamard,  Jean-Baptiste Côte  de  la  Montagne 

Chamberlan,  Pierre .  Sault-au-Matelot 

Chamoisseur,  Jean  Lees Ste-Famille 

Champagne,  François Champlain 

Charlery,  Michel St-Georges 

Charpentier,  Jean Du  Fort 

Chartier,  Veuve Champlain 

Chauveau,  Claude Du  Fort 

Chênevert,  Veuve St-Georges 

Chénier,  Charles Laval 

Chevalier,  René Laval 

Chèveries,  Les  demoiselles Champlain 


-  84  - 

Chinique, St-Pierre 

Chisolm,  John Champlain 

Chiquet,  Ive,  père Champlain 

Chiquet,  Ive,  fils .,  .  Champlain 

Chrestien,  la .  Laval 

Cirot,  Michel Champlain 

Clesse,  François St'François 

Cognac,  Charles Sault-au-Matelot 

Cognac,  Pierre Sault-au-Matelot 

Collet,  Noël St-François 

Conefroy Buade 

Congrégation,  Soeurs  de  la  ...    .  St-Pierre 
Conseil  Exécutif — Chambre  du — au 

CoHège  des  Jésuites Buade 

Corante,  Capitaine du  Rempart 

Corneau,  Veuve  .   . Sault-au-Matelot 

Cornud,  Michel Notre-Dame 

Costé,  Veuve St-Pierre 

Costé,  Pierre Sault-au-Matelot 

Costen,  John Sous-le-Fort 

Couest,  Veuve Champlain 

Coutcleau,  Maurice Laval 

Couvreur,  Jean-Pierre  .......  Champlain 

Cramasie,  Jacques ^.   .   .   .  Notre-Dame 

Crawford Ste-Famille 

Crawford St-Georges 

Crépeau,  Louis Sault-au-Matelot 

Créquy,  Antoine Sault-au-Matelot 

Creste,  Joseph Champlain 

Croix,  N St-François 

Cuenoud,  Charles Sault-au-Matelot 

Culloch,  Michael Côte  de  la  Montagne 

Cureux,  Antoine Sault-au-Matelot 

Curry,  la  femme  du  sergent  ....  Côte  de  la  Montagne 

Dachat,  Gilles StFrançois 

Dallaire,  François Champlain 

Dalglish,  John Sault-au-Matelot 

Daly,  Charles Buade 


—  85  — 

Daly,  Charles I^otre-Dame 

Daly,  Jeremiah St-Pierre 

Damien,  Etienne Champlain 

Damien,  Jacques,  fils Sous-le-Fort 

Damien,  Veuve  Jacques Sous-le-Fort 

Damien,  Joseph Sous-le-Fort 

Decormier,  Guillaume Ste-Famille 

Decroix Ste-Famille 

De  Gaunes,  Veuve Champlain 

Delettre  dit  Beaujour Du  Fort 

Delisle,  Veuve Sault-au-Matelot 

Delisle,  Jean Champlain 

Deluga,  Guillaume  ........  Ste-FamiUe 

Demitte,  Veuve St-Pierre 

Demolier,  Joachim Champlain 

Desaulniers,  Beaubien St-Pierre 

Desbarats,  Joseph Sous-le-Fort 

Descarreaux,  Antoine Cliamplain 

Descarreaux,  François Champlain 

Descarreaux,  Joseph Sous-le-Fort 

Descarreaux,  Joseph St-François 

Descarreaux,  Louis Ste-Famille 

Deslauriers,  André Sault-au-Matelot 

Deslauriers,  Pierre Sault-au-Matelot 

Desroches,  François Sous-le-Fort 

Dimler,  officier St-Georges 

Doiron,  Alexis Sault-au-Matelot 

Donohue,  John Côte  de  la  Montagne 

Dornon,  Veuve Champlain 

Dornon,  Veuve Sault-au-Matelot 

Dorval,  Veuve Sault-au-Matelot 

Dosque,    Bernard-Sylvestre,    prêtre, 

curé  de  la  cathédrale Ste-Famille 

Doucet,  Jean Sous-le-Fort 

Doucet,  Veuve Champlain 

Douville,  Jérémie Sault-au-Matelot 

Douville,  Louis Sault-au-Matelot 


—  86  — 

Drummond,  Colin,  deputy  paymas- 

ter  gênerai Buade,  coll.  des  Jésuites 

Dubarry,  Dr Sault-au-Matelot  .... 

Dubé,  J.-Bte Sault-au-Matelot 

Dubois,  Georges St-François 

Dubord,  J.-Bte,  père Sault-au-Matelot 

Dubord,  J.-Bte,  père Sault-au-Matelot 

Dubord,  Noël Sault-au-Matelot 

Dubuit Buade 

Ducharme,  Veuve  Michel Champlain 

Ducliesnaux,  la  Jacques Ste-Famille 

Dufau St-Pierre 

Duff,  Capitaine Buade 

Dufour,  J.-Bte Notre-Dame 

Dufresne,  Veuve Laval 

Dufresne,  Joseph Sault-au-Matelot 

Dumas,  Alexis Notre-Dame 

Dumas,  Joseph Sault-au-Matelot 

Dumas,  Louis Notre-Dame 

Dumais,  Thomas Laval 

Dumarque,  François Ste-Famille 

Dupont,  Veuve Ste-Famille 

Dupuis,  Pierre,  dit  Catin  St-Michel  Champlain 

Duret,  Charles St-François 

Durouvray,  J.-Bte  . Du  Fort 

Duval Côte  de  la  Montagne 

Duval,  Jacques Champlain 

Duval,  Veuve  Pierre St-Georges 

Duval,  Veuve Champlain 

Edwayd,  Dr Buade 

Emond,  Pierre St-François 

Emond,  Piejre St-Georges 

Falandriette,  Bernard St-Pierre 

Farge,  Jean Ste-Famille 

Farglis,  Pierre St-Pierre 

Fargus,  Pierre Sault-au-Matelt3t 

Farineau Buade 

Fenasse,  Dominique Sault-au-Matelot 


—  87  — 

Ferrière,  François Sault-au-Matelot 

Fidler,  soldat Laval 

Filion  dit  Champagne,  Martin  .  .   .  Ste-Famille 

Filteau,  Joseph Sault-au-Matelot 

Finlay,  Hugh,  D'ty  Postmaster  gen'l 

for  B.N.A Sault-au-Matelot 

Fitzgerald,  avocat Buade 

Fitzimmons Xotre-Dame 

Flanigan,  Jacques Sault-au-Matelot 

Forbes,  William Côte  de  la  Montagne 

Forbes,  William Notre-Dame 

Fornelle,  Veuve Du  Fort 

Fortier,  Vve  Laçasse Sault-au-Matelot 

Fortier,  Michel St-Pierre 

Forton,  J.-Bte Champlain 

Forton,  J.-Bte Sous-le-Fort 

François,  Joseph Champlain 

Fraser,  John Buade 

Fraser,  Simon Du  Fort 

Frémont,  Louis Sous-le-Fort 

Fréros,  Claude Champlain 

Gagné,  Pierre,  père Champlain 

Gagné,  Pierre,  père Sault-au-Matelot 

Gagné,  Pierre,  fils Sault-au-Matelot 

Gagnon,  Vincent Sault-au-Matelot 

Garenne,  Charles Sault-au-Matelot 

Gauvreau,  Etienne Du  Fort 

Génie,  Honoré Buade 

Giffey Sous-le-Fort 

Gigou,  François Côte  de  la  Montagne 

Gigou,  François Du  Fort 

Gigou,  Louis Du  Fort 

Gigou,  Thomas Champlain 

Girard,  J.-Bte  . Buade 

Girard,  Joseph Du  Rempart 

Goupy,  André Sous-le-Fort 

Goupy,  André  - Sault-au-Matelot 

Graham,  William Buade 


—  88  — 

Gravel,  Claude Sault-au-Matelot 

Giffard,  François Champlain 

Grenet,  Jean Champlain 

Guénet,  Charles Champlain 

Guénet,  Veuve .  Sault-au-Matelot 

Guernet,  Louis-Charles Notre-Dame 

Guéreaux,  Jacques Buade 

Guichot Buade 

Guignol  dit  Larose,  Bernard  .    .    .  Buade 

Guillemin Ste-Famille 

Halsted,  John Champlain 

Hamel,  André St-François 

Hay,  Charles St-Pierre 

Hopkins,  John Buade 

Hot,  Claude Champlain  • 

Hot,  Simon Champlain 

Huet,  Joseph ,.   .   .   .  St-Georges 

Isbister du  Eempart 

Jackson,  Robert Champlain 

Jacquet,  Jacques  Compos Champlain 

Jean,  Alexis Sous-le-Fort 

Jély,  Veuve Sault-au-Matelot 

Jenkins,  George Buade 

Jésuites,  les  Pères Buade 

Johnson  &  Purss,  marchands  .   .   .  Sous-le-Fort 

Joly,  Veuve du  Rempart 

Johnson,  quarter  master du  Rempart 

Joseph,  Michel St-François 

Jugon,  LeMaistre  dit StGeorges 

Jugon,  LeMaistre  dit Laval 

Keith,  William Côte  de  la  Montagne 

Kennedy,  Thomas Champlain 

Kimber,  Jean Buade 

King,  John Buade 

(La  suite  dans  la  prochaine  livraison) 


—  89  — 


JOURS  GRAS  — MARDI  GRAS  — MER- 
CREDI  DES  CENDRES 


MOEURS  ET  COUTUMES  D'AUTREFOIS 


Au  lendemain  des  Rois  commençait  le  carnaval  qui  durait  jusqu'ai} 
carême,  c'est-à-dire  jusqu'au  mercredi  des  Cendres.  L'approche  de  ce 
temps  de  pénitence  et  de  jeûne  rigoureux  portait  nos  ancêtres  à  des  exhu- 
bérances,  à  des  ardeurs  de  plaisirs  que  nous  ne  connaissons  plus.  En 
effet,  cette  période  mémorable  autrefois,  passe  souvent  inaperçue,  aujour- 
d'hui. Dans  le  bon  vieux  temps,  aux  derniers  jours  du  carnaval,  le 
dimanche,  le  lundi  et  le  mardi  gras,  les  gens  cherchaient  à  se  gaver  de 
tapage  et  de  gaieté  afin,  sans  doute,  de  pouvoir  aborder  les  jours  de  mor- 
tifications sans  trop  de  regrets. 

Quelle  est  l'origine  de  l'expression  "jours  gras"  ?  On  prétend  qu'elle 
provient  de  ce  ,que,  dans  des  villes  de  l'ancienne  France,  à  la  veille  du 
carême,  certains  bouchers  promenaient  des  animaux  gras  pour  annoncer 
qu'ils  avaient  le  privilège  de  vendre  des  viandes  aux  malades  pendant 
les  jours  d'abstinence.  D'autres  imaginent  que  le  peuple  voulut  plutôt 
rappeler  qu'on  traversait  les  derniers  jours  de  ripaille. 

Il  y  a  incertitude  au  sujet  de  la  durée  des  "jours  gras",  au  début  de 
la  colonie.  Si  l'on  s'en  rapporte  au  Journal  des  Jésuites,  ils  commençaient 
au  moins  huit  jours  avant  le  mercredi  des  Cendres,  puisque  ces  précieuses 
annales  nous  informent  que  le  27  février  1647,  il  y  eut  un  "balet. . . 
le  mercredy  gras".  En  cette  année,  les  Cendres  étaient  le  6  mars.  Dans 
le  même  ouvrage,  on  voit  que  les  trois  derniers  jours  du  carnaval  portaient 
le  nom  de  "carême  prenant"  (1646,  p.  32),  et  des  écrivains  de  l'époque 
donnent  au  mercredi  des  Cendres,  ce4ui  de  "carême  entrant". 

En  Angleterre,  le  mardi  gras  s'appelait  "Shrove  Tuesday",  ce  qui 
signifie  "jour  de  la  confession".  Devons-nous  supposer  que  c'était  la 
pratique  générale  chez  les  Saxons  catholiques  de  faire  l'aveu  de  leurs 
fautes,  en  cette  circonstance  ?  On  disait  aussi  "Pancake  Tuesday"  qui 
se  traduit  par  "mardi  des  crêpes",  car  en  ce  jour  les  gens  s'empressaient 
de  consommer  tout  ce  qui  restait  d'oeufs,  de  graisse  et  fie  beurre  vu  que 
ces  aliments  étaient  prohibés  en  carême. 


...  90  — 

Au  Canada,  les  crêpes  étaient  le  mets  obligatoire  du  mercredi  des 
Cendres.  Eraste  d'Orsonnens  a  déjà  noté  ce  détail  dans  un  petit  roman 
Une  apparition,  paru  en  1860. 

Il  y  a  quarante  ans,  d'après  M.  "Joseph  Rousselle,  originaire  de 
Kâmouraska,  les  crêpes  se  cuisaient  directement  sur  le  dessus  de  ces 
poêles  à  "un  pont"  qui  étaient  aussi  communs  que  ceux  à  "deux  ponts". 

M.  Philéas  Bédard,  cultivateur  de  Saint-Rémi,  raconte  que  dans  la 
région  de  Montréal  on  faisait  les  crêpes  dans  les  poêles  (ustensiles)  et 
que  la  cuisinière  devait  les  "tourner"  sans  l'aide  d'un  instrument;  pour 
cela  "elle  imprimait  à  l'ustensile  un  certain  mouvement  qui  projetait  la 
crêpe  en  l'air  et  la  faisait  retomber  sens  dessus  dessous  dans  la  poêle". 
Ceux  qui  n'observaient  pas  cette  coutume  "attrapaient  la  gale  durant 
l'année". 

XXX 

En  notre  pays,  les  divertissements  des  jours  gras  ont  pris  différents 
aspects,  suivant  les  localités  et  les  époques,  sans  cependant  varier  beaucoup 
dans  les  grandes  lignes,  ainsi'  que  nous  en  jugeons  par  les  documents, 
par  les  récits  que  nous  ont  faits  divers  septuagénaires  et  par  la  jolie 
narration  que  l'on  doit  à  Pamphile  LeMay,  dans  Fêtes  et  Corvées.  Nous 
n'ajoutons  à  cette  page  vécue  de  son  oeuvre  que  des  détails  que  nous 
n'avons  vu  reproduits  nidle  part  ailleurs. 

M.  F.-X.  Prévost  nous  en  fournit  un  qu'il  a  remarqué  dans  la 
paroisse  de  Saint-Scholastique,  il  y  a  un  demi-siècle  et  plus.  Dans  la 
pièce  principale  de  chaque  logis  on  trouvait  alors  sur  un  banc  approprié 
de  gros  seaux  ferrés  toujours  remplis  d'eau  pour  l'usage  domestique. 
Mais  aux  jours  gras,  le  contenu  des  seaux  changeait  :  l'eau  était  remplacée 
par  une  bonne  bière  qui  ne  coûtait  que  10  à  15  sous  le  gallon  et  les  altérés 
n'avaient  qu'à  plonger  leurs  gobelets  dans  la  blonde  liqueur  que  fabriquait 
le  brasseur  à  la  mode  :    l'inoubliable  Molson  ! 

A  Saint-Eustache  et  à  Sainte-Thérèse,  M.  Camille  Desjardins  se 
souvient  que,  vers  1870,  les  jeunes  gens  allaient  danser  au  son  du  violon 
ces  remarquables  gigues  et  "réels"  à  8,  à  4  ou  à  è  qui  exigeaient  de  si 
bons  muscles.  Mais  danses,  violon  et  chants  arrêtaient  à  minuit  le  soir 
du  mardi  gras,  car  il  ne  faisait  pas  bon  de  s'amuser  sur  "carême  entrant". 

Et  le  conteur  Joseph  Rousselle,  de  Kamouraska,  nous  en  donne  la 
raison.  11  la  tenait  de  sa  mère  qui  elle-même  l'avait  recueillie  de  sa 
mère. 


...  91  ... 

Une  fois,  il  paraît  que  dans  une  localité  des  veilleux  avaient  continué 
de  danser  après  minuit.  Tout  à  coup,  un  traîneau  attelé  d'un  cheval 
''noir  et  fringant"  arrêta  devant  la  maison  e^  un  étranger  bien  mis  se 
présenta.  Il  demanda  à  danser.  Cela  ne  se  refuse  pas  aux  survenants, 
et  il  choisit  pour  sa  "compagnie"  la  plus  jolie  fille  de  la  réunion.  L'on 
attaqua  un  menuet.  Bientôt,  la  demoiselle  s'aperçut  que  son  partenaire 
la  piquait  chaque  fois  qu'il/lui  pressait  la  main.  Pourquoi  avait-il  gardé 
ses  gants  !  Elle  conçut  des  soupçons.  L'étranger  aurait-il  des  griffes  ? 
Ne  serait-ce  pas  le  diable  ?  Furtivement,  elle  fit  le  signe  de  la  croix. 
A  l'instant,  l'étranger  échappa  un  blasphème  et  partit  comme  un  coup 
de  vent,  emportant  la  porte  de  la  maison  avec  lui.  Dehors,  plus  rien: 
à  l'endroit  où  l'animal  et  le  véhicule  avaient  séjourné  la  neige  était 
fondue  jusqu'à  la  terre. 

Pas  n'est  besoin  d'ajouter  que  cette  légende,  répétée  partout  avec 
ioTce  détails  locaux,  contribuait  à  maintenir  les  gens  dans  l'observance» 
de  la  règle. 

*  *     * 

Autre  souvenir:  Au  collège  de  Montréal,  entre  1872  et  1878,  nous 
dit  un  ancien  curé,  le  mardi  gras  ne  passait  pas  tout  à  fait  inaperçu.  Le 
repas  du  midi  s'additionnait  de  quelque  recherche  et  de  quelques  frian- 
dises, puis  il  était  suivi  d'une  loterie  de  divers  objets  donnés  par  les 
professeurs  et  les  collégiens.    C'était  une  façon  de  fêter  ! 

*  *     * 

Mais  le  fait  le  plus  intéressant,  peut-être,  nous  est  signalé  par  M. 
L.-H.  Cantin  ([ui  a  vécu  à  Saint-Romuald  de  Lévis  et  à  Hawkesbury, 
Ont.,  avant  de  venir  résider  à  Montréal.  Ce  zélé  collectionneur  a  conservé 
le  texte  d'un  duo  curieux  qui  se  chantait  jadis  dans  sa  famille.  Le  mor- 
ceau rappelle  une  coutume  qui  remonte  au  moyen-â^e.  Deux  chanteurs 
personnifiant  l'un,  le  Carême  et  l'autre  le  Mardi-gras,  vantent  tour  à  tour 
les  bienfaits  du  régime  qu'ils  représentent,  puis  au  dernier  couplet,  le 
Mardi-gras  s'écroule  vaincu,  tandis  que  le  Carême  triomphe.  Ecoutons 
cette  antique  piécette  : 

Carême 

—  Je  t'attends  au  combat, 

Joli  Mardi-gras  ! 

Sur  le  champ  de  bataille, 


—  92  — 

Je  t'attends  au  combat. 

Tu  es  poltron,  tu  n'y  viens  pas. 

Tu  m'as  livré  bataille  ; 

Mais  ta  faible  mitraille 

Sans  force  ni  vigueur 

Ne  pourra  jamais  te  soutenir  le-  coeur. 

Mardi-gras 

—  Carême  arrête  là  ! 
Je  suis  le  Mar^i-gras. 
Je  fais  bonne  chère  ; 
Carême,  arrête  là  ! 

Buvons,  mangeons,  ne  discutons  pas  ; 

Car  tu  es  pâle  et  blême, 

Dans  ta  maigreur  extrême 

Il  te  faudrait  un  bon  repas, 

Car  tu  languis,  tu  cours  au  trépas. 

Carême 

—  Par  la  part  du  démon  ! 
Indigne  glouton. 
Dis-moi  double  ivrogne. 
Par  la  part  du  démon  ! 
Prends  ton  sabre  en  main. 
Nous  combattions. 

Toutes  ces  liqueurs  sont  mauvaises, 
Te  montent  à  la  tête. 
Te  font  perdre  la  raison, 
A  toi  et  à  tes  compagnons. 

Mardi-gras 

—  J'ai  tous  les  vins  dessus  ma  table. 
Des  liqueurs  dedans  ma  cave. 

Qui  nous  donnent  la  vigueur 
Qui  nous  réjouissent  le  coeur. 


-  93  - 

Sois  d'une  humeur  gaillarde  ! 
Perdrix,  pigeons,  poulardes. 
Canards,  gigots,  jambons. 
Cela  est  meilleur  que  tous  tes  poissons. 

Carême 

—  Mais  j'ai  du  vaillant  saumon, 
De  la  "grosse"  étourgeon. 

De  la  morue  permise, 
Du  fameux  carpeau. 
De  la  truite  et  l'anguille  : 
J'ai  des  oeufs  pour  ma  cuisine, 
Des  amandes,  aussi  des  fruits, 
Du  coco  et  du  chocolat. 
Cela  nous  fait  faire 
De  bons  repas. 

Mardi-gras 

—  Tous  mes  veaux  et  mes  moutons. 
Et  aussi  mes  cochons, 

Et  aussi  mes  volailles 

Te  feront  bien  danser 

Un  beau  menuet 

A  ton  grand  regret. 

J'ai  andouille  et  saucisse 

Qui  sont  à  mon  service. 

Quantité  de  brochées 

Qui  ravageront  tes  harengs  salés. 

Carême 

—  J'ai  dans  ma  grande  armoire. 
Quantité  de  fraises 

Et  des  confitures, 

Du  sucre  et  du  raisin. 

Qui  iront  grand  train 

En  mangeant  ton  pain.  v 

J'ai  du  beurre  et  du  fromage. 

Du  lait  et  du  potage 


--94  — 

Qui  te  mettront  au  trépas. 
Maudit  ennemi  !  Tu  es  mort,  Mardi-gras. 

A  Paris,  dans  les  temps  anciens,  c'est  le  mercredi  des  Cendres  que 
l'on  représentait  la  grande^  bataille  du  Mardi-gras  contre  le  Carême. 
Aussitôt  après  jvait  lieu  l'enterrement  burlesque  de  Mardi-gras. 

On  remarquera  que  le  Carême  permettait  à  ses  fidèles  l'usage  du 
beurre  et  des  oeufs,  cela  ne  doit  pas  étoimer,  car  en  Canada,  à  cause  du 
climat  ou  de  la  pauvreté  les  laitages  et  les  oeufs  furent  permis  ou  tolérés 
dès  les  débuts  de  la  colonie. 

A  joutons,  que  ce  duo  a  joui  d'une  grande  vogue.  M.  Joseph  Rous- 
selle  nous  dit  l'avoir  également  entendu  à  Kamouraska  et  dans  les  chan- 
tiers de  la  baie  Géorgienne.  E.-Z.    MASSICOTTE 


LONGITUDK 


A  l'occasion  du  tricentenaire  de  Colbert,  M.  de  la  Roncière,  auteur  d'une 
Histoire  de  la  Marine  française,  a  passé  en  revue  ce  qu'a  fait  le  grand  ministre 
pour  la  création  d'une  marine  en  France.  Les  deux  pages  suivantes  que  nous 
en   détachons  pour  le  Bulletin   seront  peut-être  de  quelque  intérêt: 

.  .  .Trouver  la  longitude  n'était  point  malaisé,  nos  marins  n'avaient  que 
le  choix  entre  les  instruments  depuis  l'astrolabe  médiéval,  le  modeste  bâton 
de  Jacob,  le  quadrant  et  le  quartier,  jusqu'à  l'opulente  hémisphère  marine 
pourvue    d'horizon,    équinoxial,    arc    de    déclinaison    et    demi-cercle    d'altitude. 

Mais  la  longitude  ?  Hélas!  elle  restait  pour  les  astronomes  un  problème, 
pour  les  navigateurs  un  cauchemar.  Améric  Vespuçe  en  perdait  le  sommeil; 
l'astronome  Ruy  Falero  s'abandonnait,  en  désespoir  de  cause,  aux  inspirations 
de  son  démon  familier  qui  se  montra  bon  diable,  puisque  son  traité  servit  à, 
guider  Magellan.  Mais  "Dieu  n'avait  pas  permis  à  l'homme  l'usage  de  la 
longitude",  écrivait  Champlain  après  des  essais  qu'un  "professeur  en  la 
divine  mathématique"  persiflait  sans  pitié:  "Je  voudrais  bien  savoir  quelle 
certitude  peut  avoir  le  sieur  de  Champlain  qu'une  longitude  observée  par 
la  mécométrie  à  la  Nouvelle-France  sera  véritable.  Aura-t-il  point  trouvé 
en  Canada  quelque  Ptolémée  manuscrit  qui  contienne  les  longitudes  d'iceluy 
pays."  (Deunot  de  Bar-le-Duc,  Confiitation  de  l'invention  des  longitudes  et 
de  la  mécométrie  de  l'aimant.     Paris,  1611.)  ..  . 

...La  vraie  solution  du  problème  des  longitudes  —  Gemma  le  Frison 
l'indiquait  en  1584 — c'était  la  pratique  des  montres  marines.  Mais  pour 
garder  l'heure  du  méridien  initial,  quelle  précision  pouvait-on  demander  aux 
sabliers  du  bord  et  à  l'écoulement  de  leur  poudre  d'écaillé  d'oeufs  ou  de 
limailles  d'argent  alors  même  que  les  hommes  de  quart  ne  précipitaient  point 
le  temps,  telle  la  Parque  antique,  en  ''mangeant  le  sable".  L'Anglais  Dudley 
(1646)  proposait  des  clepsj'dres  à  mesures  renouvelées  de  l'antiquité,  mais 
le  Hollandais  Huygens,  mandé  en  France  par  Colbert,  l'emporta  avec  ses 
horloges  à  pendules  (1666)  où  des  cycloïdes  placés  "vers  la  racine  du  petit 
ruban  qui  soutenait  le  pendule"  maintenait  l'égalité  des  oscillations.  De  ces 
montres  à  secondes  et  à  demi-secondes,  sorties  des  ateliers  parisiens  du 
sieur  Thuret,  l'astronome  Richer  fit  l'épreuve  en  1670  et  1672  au  cours  de 
deux  voyages  en  Acadie  et  en  Guyane  sans  résultats  décisifs." 

(Chs  de  la  Roncière:    Un  grand  îninlstre  de  la  marine:    Colbert,  p.  230.) 


96- 


LA  MORT  DE  Mgr  PLESSIS,  EVEQUE  DE 

QUEBEC 


Dans  sa  vie  de  Mgr  Joseph-Octave  Plessis,  M.  Fabbé  Ferland  raconte 
ainsi  la  mort  du  grand  évêque  de  Québec: 

"Le  lendemain,  dimanche,  4  décembre,  il  avait  entendu  la  messe  dans 
une  des  salles  (de  THôpital-Général  de  Québec)  et  y  avait  reçu  la  sainte 
communion  ;  vers  deux  heures  de  l'après-midi,  il  conversait  avec  son 
médecin  et  venait  de  prononcer  avec  éloge  le  nom  de  M.  Lefrançois,  curé 
de  Saint-Augustin,  qui,  à  force  de  vigilance,  avait  réussi  à  bannir  le  luxe 
de  sa  paroisse,  lorsque  la  parole  lui  manqua  subitement.  Il  s'affaissa  sur 
lui-même  ;  le  médecin  donna  l'alarme  ;  on  s'empressa  d'accourir  :  déjà 
il  n'était  plus." 

La  lettre  suivante  du  grand-vicaire  Desjardins  conservée  au  séminaire 
de  Nicolet  nous  donne  des  renseignements  inédits  et  inconnus  sur  les 
derniers  moments  de  l'illustre  Mgr  Plessis: 

"  Québec,  5  décembre  1885. 

"  Pleurons,  mon  cher  ami  Raimbault,  pleurons  avec  l'intéressante 
famille  du  Canada,  pleurons  l'excellent  père  et  patron  de  tant  de  bonnes 
oeuvres,  pleurons  la  perte  immense  que  fait  cette  nouvelle  Eglise  d'Occi- 
dent. 

"  Mais  en  soulageant  notre  coeur  par  nos  larmes,  consolons-nous 
aussi  par  des  réflexions  pleines  d'espérance.  Moins  surpris  qu'attérés 
par  cette  annonce  de  mort,  hélas!  nous  nous  rassurons  à  bon  droit  sur 
les  stes  dispositions  de  notre  ancien  et  éminent  pasteur. 

"  Il  n'est  plus,  il  nous  a  été  enlevé  comme  subitement,  mais  le  très 
digne  prélat  était  mûr  et  tout  préparé  pour  le  ciel. . .  Il  avait  communié 
7  heures  auparavant,  l'extrême-onction  ne  lui  a  pas  manqué,  il  a  reçu 
tous  les  secours  de  l'art,  la  visite  réitérée  de  son  coadjuteur.  C'est  moi, 
sans  m'en  douter,  qui  l'ai  salué  et  entretenu  le  dernier  ! 

"  Le  très  cher  défunt  avait  assisté  et  <,'ommunié  à  la  messe  de  M. 
Portier.     Mgr  Panet  l'a  viêité  après  la  grand'n;iesse  de  la  paroisse;    je 


...  96  — 

m'y  suis  joint  et  j'ai  dîné  avec  Mgr  le  coadjuteur  chez  M.  le  chapelain 
très  hospitalier.  Après  dîner,  le  saint  évêque  nous  sembla  un  peu  mieux 
dans  son  fauteuil.  Il  nous  congédia  de  la  meilleure  grâce  pour  vespres. 
Le  docteur  Fargues  arriva  ensuite  et  trouva  le  poulx  à  l'ordinaire  entre 
70  et  73  pulsations.  Son  malade  sembla  plus  enjoué  et  même  parlant 
plus  librement.  Quand  tout  à  coup  notre  cher  évêque  écrase  dans  son 
fauteuil.  L'hospitalière,  le  domestique,  le  chapelain  aident  au  docteur  à 
le  relever  mais  sans  connaissance.  M.  Ths  Bédard  n'a  eu  que  le  temps 
de  lui  faire  une  onction,  le  digne  grand  évêque  a  passé  à  l'éternité. 

"  Dieu  lui  a  épargné  les  horreurs  de  l'agonie  et  à  nous,  les  angoisses 
d'en  être  les  douloureux  témoins .  . .  C'est  à  l'issue  des  vêpres  que  la 
fatale  annonce  a  été  portée  à  toutes  les  églises  de  la  ville.  Jugez  de  nos 
sentiments,  de  nos  larmes  par  les  vôtres.  Nous  redoublons  de  prières, 
d'admiration  et  de  confiance  pour  l'âme  du  vénérable  défunt  ! 

"  Monseigneur  Panet  a  soutenu  ce  coup  formidable  avec  une  sainte 
résignation,  ainsi  que  M.  Turgeon,  exécuteur  testamentaire.  M.  Demers 
est  chargé  de  l'oraison  funèbre  pour  mardi.  Les  obscèques  auront  lieu  à 
la  cathédrale. 

"  Monsieur  Cadieu,  curé  des  Trois-Eivières,  voudra  bien  excuser  la 
main  tremblante  de  l'écrivain  et  interpréter-  le  trouble  de  son  âme.  Mon- 
seigneur n^aura  peut-être  pas  le  tems  d'informer  ^r  le  grand-vicaire 
Noiseux  ainsi  que  le  clergé  du  district.  M.  Cadieu  voudra  bien  aussi 
suppléer  et  faire  passer  à  Nicolet  la  feuille  cy-jointe  avec  les  meilleurs 
sentiements  de  son  très  h.  et  o.  sr. 
Lundi,  5  décembre  1835."  "L.  J.  DESJÀKDINS 


LE  SUFFRAGE  DES  FEMMES  SOUS  LE  REGIME  FRANÇAIS 


Les  femmes  avaient-elles  droit  de 'suffrage  sous  le  régime  français  ? 

La  question  fera  sans  doute  sourire,  mais  qu'on  ne  se  hâte  pas  de  répon- 
dre. Lisons  plutôt  la  note  suivante  qu'on  relève  dans  le  registre  de  l'état 
civil  de  la  paroisse  de  Boucherville,  il  y  apparaît  que  le  beau  sexe  avait  parfois 
le  privilège  de  voter. 

"  Acte  de  serment  qu'a  fait,  en  ma  présence,  Catherine  Guertin,  sage 
"  femme. 

"  Aujourd'hui,  le  douzième  jour  du  mois  de  février  de  l'année  mil  sept 
"  cens  treize,  Catherine  Guertin,  femme  de  Denis  Verono,  de  cette  paroisse, 
"  âgée  d'environ  46  ans,  a  été  élue  dans  l'assemblée  des  femmes  de  cette 
"paroisse,  à  la  pluralité  des  suffrages  pour  exercer  l'office  de  sage  femme  et 
"  a  fait  serment  entre  mes  mains  conformément  à  l'ordonnance  de  Monsei- 
"  gneur  l'évêque  de  Québec,  en  foi  de  quoi  j'ai  signé,  ce  12  février  1712  — 
"  C.  Dauzat,  ptre." 

E.-Z.    M. 


BULLKTIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE- AVRIL  192I  N«4 

LES  CENSITAIRES  DU  COTEAU  SAINTE- 
GENEVIEVE   (BANLIEUE  DE 
QUEBEC)  DE  1636  A  1800 


■  Ce  que  l'on  a  appelé  le  coteau  Sainte  Geneviève  à 
Québec,  est  cette  partie  de  la  ville  et  de  la  banlieue,  qui  s'é- 
tend de  la  côte  d'Abraham  actuelle,  jusqu'aux  limites  de 
la  paroisse  de  Sainte-Foy,  de  chaque  côté  de  la  rue  Saint- 
Jean  et  du  chemin  de  Sainte-Foy. 

"Le  coteau  Sainte-Geneviève,  dit  l'abbé  Auguste 
"Gosselin  (1)  doit  évidemment  son  nom  à  l'illustre  patrou- 
ille de  Paris,  la  j^ieuse  vierge  de  Nanterre,  qui  sauva  un 
"jour  sa  patrie,  l'ancienne  Lutèce,  de  l'invasion  des  barba- 
"res.  Nos  ancêtres,  pleins  de  foi  et  d'esprit  religieux,  ai- 
" niaient  à  mettre  leur  pays  d'adoption  sous  la  protection 
"des  saints  qu'ils  avaient  api^ris  à  vénérer  dès  leur  enfan- 
"ce.  Plusieurs  étaient  de  Paris  :  Louis  Hébert,  Couillard, 
"de  la  Porte,  Sevestre.  Ils  donnèrent  le  nom  de  Sainte-Ge- 
"neviève  à  cette  longue  et  vaste  colline,  airx  pentes  gra- 
"cieuses,  qui  borde  le  côté  sud  de  la  vallée  de  la  rivière 
"Saint-Charles,  en  dehors  des  murs  de  Québec.  La  vier- 
"ge  de  Nanterre  était  chargée,  pour  ainsi  dire,  de  protéger 

(1)      Jean  Bourdon  et  son  ami  l'abbé  de  Saint-Sauveur,      (Québec.,     Dus- 
sault  et  Proulx,  Imprimeurs)  1904,  p.  59. 


—  98  — 

''les  approches  de  notre  ville  ,contre  les  attaques  des  Iro- 
'  '  qiiois  et  de  tous  les  ennemis  de  la  Nouvelle-France  '  '. 

Les  i^remiers  habitants  de  la  Nouvelle-France  se  diri-^ 
gèrent  tout  naturellement  de  ce  côté  ;  ils  ne  pouvaient 
trouver  un  meilleur  endroit  pour  y  faire  leurs  23remiers 
défrichements.  A  quelques  i)as  de  la  ville  naissante,  dans 
un  site  enchanteur,  sur  des  hauteurs  d'où  l'oeil  embrasse  le 
plus  magnifique  panorama  que  l'on  puisse  imaginer,  ils  al- 
laient se  tailler  de  magnifiques  domaines. 


;>  (1636-1668) 

'  Grrâce  au  registre  des  actes  de  foi  et  hommage  de  1667 
et  de  1668,  nous  pouvons  identifier  chacun  de  ces  premiers 
défricheurs,  établir  le  lieu  et  l'étendue  de  leurs  domaines  ; 
c'est  en  le  compulsant  que  nous  ferons  l'histoire  primitive 
de  la  propriété  foncière  d'une  partie  du  vieux  Québec. 

Le  premier  censitaire  que  nous  trouvons  en  1668,  le 
long  du  chemin  Saint-Jean,  en  prenant  pour  i^oint  de  dé- 
part la  rue  Claire-Fontaine  actuelle,  était  Jean-Baptiste 
Legardeur  de  Repentigny  ;  il  possédait  en  cet  endroit,  avec 
ses  frères  et  ses  soeurs,  cent  arpents  de  terre,  l'étendue  qui 
va  de  la  rue  Claire-Fontaine  à  la  rue  Salaberry,  et  de  la 
cime  du  coteau  Sainte-Geneviève  à  la  Grande-Allée.  Ce 
terrain  avait  été  concédé,  le  29  juillet  1636,  à  son  père 
Pierre  LeGardeur  de  Repentigny,  de  Saint-Sauveur  de 
Thury,  en  Normandie,  débarqué  à  Québec,  avec  son  frère 
Charles  le  Gardeur  de  Tilly,  au  printemps  de  1636. 

Les  héritiers  de  Repentigny  se  contentaient  de  culti- 
ver la  propriété  qu'ils  avaient  reçue  de  leur  père,  sans  l'ha- 
biter (2).  En  1668,  Jean-Baptiste  Legardeur  de  Repen- 
tigny qui  avait  épousé,  le  11  juillet  1656,  Marguerite  Nico- 
let,  fille  de  Jean  Nicolet,  demeurait  avec  sa  mère,  Marie 
Favery,  dans  la  rue  Saint-Louis.  La  propriété  voisine 
qui  s'étendait  de  la  rue  Salaberry  à  l'avenue  Bougain ville 
actuelle,  appartenait  aux  religieuses  Hospitalières  de  Que- 

(2)      Acte  de  foi  et  hommage  du  14  janvier  1668. 


—  99  — 

bec.  C'était  la  terre  de  Sainte-Marie,  qui  avait  été  concé- 
dée à  la  duchesse  d'Aiguillon  par  Monsieur  de  Montmagny, 
trente  ar^^ents,  le  18  mars  1637,  et  trente  arpents,  le  26  jan- 
vier 1640,  sans  autre  obligation  pour  les  religieuses  que  cel- 
le de  produire  de  vingt  en  vingt  ans  un  aveu  et  dénombre- 
ment (3). 

Le  terrain  attenant  à  celui  des  religieuses  de  l'Hôtel- 
Dieu,  était  le  tief  Saint-Josepli.  Ce  fief  qui  couvrait  vme 
superficie  de  soixante  ari)ents,  allait  de  l'avenue  Bourla- 
marque  jusqu'à  environ  deux  arpents  à  l'ouest  de  l'avenue 
des  Erables.  Ce  terrain  qui  était  défriché  en  1668,  avait  été 
concédé  aux  Ursulines  par  Monsieur  de  Montmagny,  le  14 
octobre  1639,  en  "franc  alleu  et  main  morte,  sans  autre 
"redevance  que  des  dévotions  dont  elles  s'acquittent  tous 
"les  ans,  en  faveur  du  roi  et  à  la  charge  d'aveu  et  dénom- 
"brement  de  vingt  en  vingt  ans"  (4). 

Le  voisin  des  religieuses  Ursulines,  était  Noël  Pin- 
guet,  époux  de  Madeleine  Dupont,  soeur  de  Nicolas  Dupont 
sieur  de  Neuville  (5) . 

Noël  Pinguet  était  fils  de  Henri  Pinguet  marchand  à 
Pouvray-au-Perche,  arrondissement  de  Mortagne,  qui  était 
arrivé  à  Québec  dans  l'été  de  1634,  avec  sa  femme  Louise 
Boucher,  et  ses  trois  enfants,  Noël,  Pierre  et  Françoi- 
se (6).  Le  morceau  de  terre  que  Noël  Pinguet  avait  en 
cet  endroit  s'étendait  du  fleuve  Saint-Laurent,  jusqu'à  une 
ligne  située  à  mi-distance  entre  la  Grande- Allée  et  le  che- 
min Saint-Jean,  sur  un  arpent  et  demi  de  front.  Il  avait 
acquis  ce  terrain,  de  Pierre  Normand  dit  Labrière,  (Gref- 
fe de  Filïïon,  19  octobre  1666)  lequel  l'avait  acheté  de  Ro- 
maine Boutet,  épouse  de  feu  Jean  le  Normand  (Greffe  de 
Duquet,  1er  septembre  1666)  à  qui  il  avait  été  concédé  par 
Monsieur  de  Montmagny,  le  14  novembre  1647.  Au  sud 
de  ce  terrain,  en  allant  jusqu'à  la  cime  du  coteau  Sainte- 

(3)  Acte  de  foi  et  hommage  du  4  janvier  1668. 

(4)  Acte  de  foi  et  hàmmage  du  6  décembre  1667. 

(5)  Acte  de  foi  et  hommage  du  14  janvier  1668. 

(6)  Canada,   Perche  et  Normandie,   revue  historique  par  l'abbé     A.     P. 
Gaulier.  3ième  année  p.  50. 


—  100  — 

■  Geneviève,  Noël  Pinguet  avait  une  autre  propriété  de  vingt 
cii^q  arpents  en  superficie,  qu'il  avait  acquise  du  sieur 
Louis  Théandre  Chartier  de  Lotbinière,  (Greffe  de  Au- 
douart,  23  août  1658)  lequel  l'avait  eu  en  échange  "de  la 
moitié  de  la  terre  et  seigneurie  de  l'ile-aux-Oies",  du 
"Sieur  Jean  de  Lauzon,  vivant,  chevalier,  grand  Sénéchal 
de  la  Nouvelle-France"  (7). 

Les  terres  voisines  appartenaient  à  Nicolas  Marsolet, 
sieur  de  Saint- Aignan  ;  elles  allaient  jusqu'à  l'avenue 
Murray  actuelle,  et  de  la  cime  du  coteau  Sainte-Genevièvre 
vers  la  Grande- Allée,  sur  différentes  profondeurs.  C'é- 
taient les  Prairies  à  Marsolet.  Le  tout,  excepté  deux  ar- 
pents et  demi,  achetés  de  René  Maheu,  (Greffe  de  Martial 
Piraube,  20  avril  1640)  lui  avait  été  concédé  par  M. 
de  Montmagny,  en  1642,  laquelle  concession  avait  été  rati- 
fiée par  la  compagnie  des  Cent- Associés,  le  29  mars 
1649  (8). 

Nicolas  Marsolet,  natif  de  Rouen,  était  venu  à  Québec 
avec  Champlain,  en  1608  (9).  Il  était  alors  âgé  de  douze 
ans  ;  il  devint  bientôt  l'un  des  interprètes,  les  plus  renom- 
més du  temps,  et  mena  pendant  plusieurs  années  une  vie 
assez  aventureuse.  Il  épousa,  en  1636,  Marie  le  Barbier, 
et  s 'établit  définitivement  à  Québec.  Il  avait  une  maison 
et  une  grange,  sur  son  terrain  de  la  côte  Sainte-Geneviè- 
vre, mais' il  est  probable  qu'il  n'habitait  pas  en  cet  endroit, 
cai,*,  dans  le  recensement  de  1667,  et  celui  de  1668,  il  est 
compté  parmi  les  résidents  de  la  Haute- Ville. 

Noël  Pinguet,  voisin  de  Marsolet,  du  côté  de  l'est  était 
également  son  voisin  à  l'ouest.  Il  possédait  en  cet  en- 
droit le  terrain  compris  entre  l'avenue  Murray  et  l'avenue 
Lévis.  Ces  terres  lui  avaient  été  concédées  en  deux  por- 
tions ;  vingt  et  un  arpents  au  nord  du  chemin  Saint-Jean 
bornés  par  la  "sapinière  étant  au-dessus  du  coteau"  le  15 
mai  1646,  et  quarante  arj)ents,  au  sud  du  même  chemin, 
jusqu'à  la  Grande- Allée,  le  29  mars  1649. — Ces  derniers 

(7)  Acte  de  foi  et  hommage  du  3  décembre  166  7. 

(8)  Acte  de  foi  et  hommage  du  16  novembre  1667. 

(9)  C.  Abbé  Gaulier,  ouvr.  cité,  3ième  année,  p.  10. 


— 101  — 

quarante  arpents  étaient  ''  '  en  plein  labour  à  la  charrue,  et 
"en  prairie  faite  à  la  main".  Il  y  avait  sur  cette  terre 
"une  maison  consistant  en  deux  chambres,  avec  cave  et 
"grenier,  une  grange  et  un  étable  avec  cours  et  jardin 
"clos"  (10)  Noël  Pinguet  habitait  cette  maison  ave<3  sa 
famille,  et  son  vieux  père,  alors  âgé  de  quatre  vingts  ans. 

Le  voisin  de  Noël  Pinguet  était  Jean  Bourdon.  Ce 
Jean  Bourdon,  à  la  fois,  ingénieur,  arpenteur,  explorateur, 
fut  un  des  hommes  les  plus  remarquables  de  la  Nouvelle- 
France  (11). 

Natif  de  Rouen,  il  arriva  à  Québec  dans  l'été  de  1634, 
et  alla  s'établir  immédiatement  au  coteau  Sainte-Geneviè- 
vre.  Monsieur  de  Montmagny  lui  concéda  en  cet  endroit, 
cinquante  arpents  de  terre,  le  23  mai  1637.  M 
d'Argenson  ajouta  douze  arpents  à  cette  première  conces- 
sion, le  12  septembre  1659.  Ces  deux  morceaux  de  terre 
furent  érigés  en  tief,  sous  le  nom  de  Saint-Jean,  par  la 
compagnie  des  Cent- Associés,  le  19  mars  1661.  Ce  tief 
de  quatre  arpents  de  front,  était  traversé  en  plein  milieu, 
2)ar  la  route  actuelle  du  Belvédère,  et  s'étendait  de  la  cime 
du  coteau  Sainte-Genevièvre  jusqu'au  chemin  de  la  Gran- 
de-Allée. '  '  Toute  laquelle  quantité  de  terre  est  en  nature 
"de  labour,  les  maisons  consistant  en  un  grand  corps  de  lo- 
"gis,  et  un  petit  corps  de  logis  dans  lequel  est  une  chapelle, 
deux  granges  et  trois  greniers  (12).        # 

Toutes  ces  bâtisses  étaient  situées  au  nord  du  chemin 
Saint-Jean,  à  peu  près  en  face  de  la  route  du  Belvédère. 

Jean  Bourdon  âgé  de  65  ans  en  1667,  demeurait  sur  sa 
propriété  avec  son  épouse  Anne  Gasnier,  et  ses  deux  fils 
Jean  François  Bourdon,  sieur  de  Dombourg,  âgé  de  19  ans, 
et  Jacques  Bourdon,  sieur  d'Autray,  âgé  de  13  ans.  Deux 
de  ses  filles,  Anne  et  Geneviève,  étaient  religieuses  ursu- 
lines  ;  une  autre,  Marguerite,  religieuse  hospitalière,  fut 
l'une  des  quatre  fondatrices  de  l'Hopital-Général,  enfin,  la 

(10)  Acte  de  foi  et  hommage,  du  3  décembre  1667. 

(11)  Cf.  abbé  Auguste  Gosselin.  Ouvr.  cité. 

(12)  Acte  de  foi  et  hommage  du  16  décembre  1667. 


—  102  — 

quatrième,  également  religieuse  kosi3italière  était  décédée, 
en  1660. 

Noël  Morin,  charron,  voisin  de  Jean  Bourdon,  dut  ar- 
river à  Québec,  dans  l 'été  de  1636  ;  il  venait  de  Saint-Ger- 
main-du-Loisé,  ville  de  Mortagne-au-Perche  (13).  Le  9 
janvier  1640,  il  épousait  à  Québec  Hélène  Desportes,  veuve 
de  Guillaume  Hébert.  Il  possédait,  sur  le  coteau  Sainte- 
Geneviève,  quarante  arpents  de  terre,  (Nos.  31-32-32a  et 
63  du  cadastre  de  la  banlieue)  qui  lui  avaient  été  concédés, 
par  M.  de  Montmagny,  le  26  avril  1645.  Il  avait 
''fait  construire,  sur  cette  propriété,  trois  corps  de  logis, 
"dont  deux  avaient  une  chambre  à  feu  chacun,  cave  et  gre- 
"nier,  le  troisième  servant  de  boutique  et  grenier  dessus, 
''avec  une  grange,  et  deux  arpents  et  demy  clos  de  pieux 
"servant  de  jardin  et  de  court"  (14).  C'est  en  cet  en- 
droit que  Noël  Morin  éleva  sa  famille. 

A  l'ouest  de  Noël  Morin,  était  Louis  Sedillot,  origi- 
naire de  Montreuil,  en  Picardie,  ses  descendants  prirent  le 
nom  de  Montreuil  et  à  la  longue  ce  surnom  supplanta  leur 
véritable  nom.  Il  était  arrivé  à  Québec,  dans  l'été  de 
1637. 

Sa  terre,  sur  le  coteau  Sainte-Geneviève,  qui  compre- 
nait les  numéros  33,  34,  35,  60,  61  et  62,  du  cadastre  de  la 
banlieue,  lui  avait  été  concédée  le  8  mars  1645,  "laquelle 
"terre,  dit  l'acte  de  foi  et  hommage  du  8  juillet  1668,  est  en 
"valleur  et  nature  de  labour,  y  ayant  sur  icelle  une  maison 
"en  laquelle,  il  fait  sa  résidence,  une  grange  et  une  étable". 

La  terre  voisine  qui  forme  aujourd'hui  les  propriétés 
appartenant  à  l'Asile  du  Bon-Pasteur  et  en  partie  à  M. 
Victor  Chateauvert  (Nos.  36, 37,  54,  55,  56,  57  et  58, 
du  cadastre  de  la  banlieue)  appartenait  alors  (1668)  à 
M.  Charles  Aubert  de  la  Chenaye,  le  négociant  le 
plus  important  de  l'époque.  Cette  terre  avait  été  achetée 
de  M.  d'Ailleboust  de  Musseaux,  neveu  de  monsieur 
d'Ailleboust  de  Coulonge,  gouverneur  du  pays  de  1648  à 

(13)  Cf.  Abbé  Gaulier.  ouvr.  cité.  Illième  année,  p.  64. 

(14)  Acte  de  foi  et  hommage,  du  3  décenabre  1667. 


—  103  — 

1651,  par  Jean  Madry,  chirurgien,  pour  M.  de  La- 
ehenaye,  le  8  août  1659  (Greffe  de  Audouart).  M. 
d'Ailleboust  de  Musseaux,  l'avait  eu  par  achat  de  Robert 
Caron,  le  24  mai  1654  (Greffe  de  Durand).  Elle  avait 
été  concédée  à  Robert  Caron,  le  12  mai  1645,  par  M. 
de  Montmagny  (15). 

En  laissant  le  coteau  Sainte-Geneviève,  Robert  Caron 
alla  s'établir  à  Sainte- Anne  de  Beaupré  ;  nous  n'avons  pu 
retracer  son  lieu  d'origine  en  France  ;  nous  croyons  vrai- 
semblablement, qu'il  venait  de  la  banlieue  de  Dieppe.  Il 
arriva  à  Québec  au  printemps  de  1637.  Le  25  octobre  de 
la  même  année,  il  épousait  à  Québec,  Marie  le  Crevet,  de 
Saint-Léonard,  diocèse  de  Seez„  en  Normandie.  Il  décé- 
da à  l'Hotel-Dieu  de  Québec,  le  8  juillet  1656  "après  avoir 
reçu  heureusement  et  saintement  tous  les  sacrements"  dit 
l 'acte  de  séi3ulture. 

Jean  Baptiste,  l'ainé  de  ses  fils,  s'établit,  au  Chateau- 
Richer;  Robert,  le  second,  resta  sur  le  bien  paternel,  à 
Sainte- Anne  de  Beaui)ré,  le  troisième,  Joseph,  alla  prendre 
une  terre  en  1672,  dans  la  seigneurie  de  l'Islet  Saint- Jean, 
et  le  quatrième,  Pierre,  se  fixa  la  même  année,  dans  la  sei- 
gneurie de  Vincelotte,  au  Cap  Saint-Ignace.  Chacun 
d'eux,  a  laissé  de  nombreux  descendants,  parmi  lesquels 
plusieurs  ont  joué  un  rôle  prépondérant  dans  le  pays. 

Les  trois  frères  Jacques,  Henri  et  Jean  L 'Archevêque 
avaient  une  lisière  de  terrain  d 'un  arpent  et  demi  de  front 
à  l'ouest  du  sieur  Aubert  de  La  Chesnaye.  C'est  juste- 
ment sur  leur  terrain  que  se  trouve  aujourd'hui  la  crèche 
de  Saint-Vincent-de-Paul.  Ils  étaient  fils  de  Claude 
L'Archevêque,  de  Grugny,  près  de  Clèves,  dans  le  pays  de 
Caux,  en  Normandie  (16)  qui  avait  épousé  à  Québec,  le  6 
février  1645,  Marie  Simon.  Jean,  qui  rendait  foi  et  hom- 
mage "le  8  juillet  1668,  déclare  qu'il  ne  peut  "représenter" 
le  titre  de  la  concession  faite  à  son  père,  parce  que  '  '  sa 
"mère  l'avait  emporté  en  France,  où  elle  était  décédée". 

(15)  Acte  de  foi  et  hommage  du  15  décembre  1667. 

(16)  Cf.  Abbé  Gaulier,  ouvr-cité.  Ilième  année,  p.  30. 


— 104  — 

« 

Les  trois  frères  avaient  sur  cette  terre,  ''en  nature  de  la- 
"bour  et  en  prairie  à  neuf  ou  dix  arpents  près,  une  grange 
"et  une  estable,  avec  une  maison  manable  où  ils  faisaient 
"leur  résidence". 

La  propriété  de  leur  voisin  Nicolas  Bonhomme  dit 
Beaupré,  s'étendait  à  un  arpent  à  peu  près  à  l'ouest  de  l'a- 
venue Holland,  l'ancienne  route  Stuart.  Nicolas  Bon- 
homme, venait  de  Fecamps,  pays  de  Caux,  en  Normandie. 
Arrivé  à  Québec,  dans  l'été  de  1637,  il  avait  épousé  le  2 
septembre  1640,  Catherine  Gouget,  originaire  de  Thury- 
Harcourt,  d'où  venaient  les  Legardeur  de  Repentigny. 

Il  avait  obtenu  ce  morceau  de  terre  par  concession  de 
la  compagnie  des  Gent- Associés,  le  29  mars  1649,  '  '  en  suite, 
"dit  l'acte  de  foi  et  hommage  du  23  décembre  1667,  de  la 
"distribution  faite  par  M.  de  Montmagny,  par  dé- 
"claration  du  12  ^rnai  1646.  La  dite  terre  étant  presque 
"toute  défrichée,  et  sur  laquelle  il  a  fait  construire  une 
"maison,  consistant  en  chambre,  cave  et  grenier,  une  gran- 
"ge  et  une  estable".  D'aj^rès  les  recensement  de  1667 
-et  de  1668,  Nicolas  Bonhomme  habitait  en  cet  endroit  avec 
sa  famille. 

La  terre  suivante  appartenait  aux  trois  frères,  Louis, 
JHenri  et  Charles  Delaunay.  Cette  terre  qui  avait  quatre 
vingt  cinq  (85)  arpents  de  superficie  embrassait  toute  l'es- 
pace compris  dans  les  numéros  40,  41,  48a  et  49,  du  cadastre 
de  la  banlieue. 

Elle  avait  été  concédée  en  1645,  à  leur  père  Pierre  De- 
launa}^,  par  M.  de  Montmagny.  Pierre  Delaunay. 
originaire  de  Fresnoy-le-Boesme,  pays  du  Maine,  était  ar- 
rivé à  Québec,  en  1635,  et  avait  été  tué  par  les  Iroquois,  le 
28  novembre  1654.  Leur  mère  Françoise  Pinguet,  fille  de 
Noël,  avait  épousé  en  secondes  noces,  le  8  février  1655,  Vin- 
cent Poirier,  sieur  de  Bellepoire  ;  deux  filles,  Anne  et  Thé- 
rèse étaient  issues  de  ce  second  mariage.  En  1668,  les  en- 
fants de  Pierre  Delaunay,  demeuraient  chez  leur  beau-pè- 
re, qui  avait  une  maison  voisine  du  palais  de  la  Sénéchaus- 
sée, sur  la  rue  Saint-Louis.      La  terre  du  coteau  Sainte 


—  105  — 

Geneviève,  était  affermée  à  Jean  Jouineau.  Les  frères 
Delaunay  y  avaient  une  "maison  consistant  en  deux  cham- 
"bres  à  feu,  de  plein  pied,  cave  et  grenier,  une  grange  de 
"quarante  pieds  de  long,  une  estable  de  vingt-cinq  pieds,  et 
"trente  arpents  en  valeur"  (17). 

Quarante  arpents  à  l'ouest  des  Delaunay,  s 'étendant 
de  la  cime  du  coteau  Sainte  Geneviève  à  environ  cinq  ar- 
pents de  la  Grande- Allée,  avaient  été  réservés  par  M. 
d'Ailleboust  de  Coulonge  pour  lui-même  par  acte  du  19 
janvier  1649  ;  M.  d'Ailleboust  échangea  ces  quaran- 
te arpents,  le  23  mars  1652,  (Greffe  de  Audouart)  avec 
Jean  Gloria,  j^our  quarante  autres  arpents,  situés  au  bout 
du  fief  Saint-François,  vers  le  sud.  Jean  Gloria  exerçait 
la  profession  de  notaire,  et  était  en  même  temps  commis 
général  des  magasins  du  roi.  Natif  de  Saint-Eémi  de 
Dieppe,  il  était  arrivé  à  Québec  en  1640,  et  avait  épousé  à 
Québec,  le  9  janvier  1652,  Marie  Bourdon,  nièce  de  Jean 
Bourdon.  Il  décéda  en  1665.  Dans  l'acte  de  foi  et  hom- 
mage du  18  décembre  1667,  rendu  par  Jean  Bourdon,  com- 
me procureur  de  Marie  Bourdon,  alors  en  France,  il  est 
dit  que  les  quarante  arpents  de  terre,  étaient  en  "nature  de 
"labour,  y  ayant  sur  iceux  une  maison,  une  grange  et  une 
"estable''. 

Les  enfants  de  feu  Jean  Gloria,  demeuraient  chez  Jean 
Bourdon  au  fief  Saint- Jean  (recensement  de  1667)  et  l'an- 
cienne terre  de  leur  père  était  affermée  à  Pasquier  Mery, 
célibataire,  âgé  de  trente  ans. 

La  terre  voisine  de  celle  de  Jean  Gloria  appartenait  à 
Messire  Jean  LeSueur,  le  premier  prêtre  séculier  venu  au 
Canada.  Curé  de  Saint-Sauveur  de  Thury,  en  Norman- 
die, il  avait  quitté  sa  paroisse,  pour  suivre  ses  compatrio- 
tes des  diocèses  de  Seez  et  de  Rouen,  qui  venaient  s'établir 
sur  les  rives  du  Saint-Laurent. 

Il  avait  fait  la  traversée  de  l'océan,  dans  l'été  de  1634, 
sur  le  même  vaisseau  que  Jean  Bourdon,  avec  qui  il  resta 
intimement  lié,  i^endant  le  reste  de  sa  vie  ;  le  nom  de  sa  pa- 

(17)      Acte  de  foi  et  hommage,  du  14  décembre  1667. 


—  106  — 

rdisse  en  France,  est  resté  attaché  à  une  des  plus  belles  pa- 
roisses de  Québec.  Le  morceau  de  terre  qui  lui  avait  été  con- 
cédé i^ar  M.  de  Montmagny,  le  31  octobre  1646,  fait  par- 
tie aujourd'hui  de  la  propriété  des  Soeurs  de  la  Congréga- 
tion (Couvent  de  Notre-Dame-de-Bellevue)  Par  son  tes- 
tament en  date  du  3  mai  1654  (Greffe  de  Durand)  l'abbé  de 
Saint- Sauveur,  légua  ce  terrain  à  son  fidèle  ami  Jean  Bour- 
don, chez  qui  il  demeurait  habituellement,  étant  précepteur 
de  ses  enfants  et  remplissant  en  même  tem^^s,  l'office  d'au- 
mônier, dans  la  chapelle  que  ce  dernier  avait  fait  ériger 
dans  sa  maison,  au  fief  Saint- Jean.  L'abbé  de  Saint- 
Sauveur  décéda  à  l'Hotel-Dieu  de  Québec,  le  29  novembre 
1668,  "ayant  servi  avec  assiduité  et  bon  exemple  plus  de 
"trente  ans"  dit  l'annaliste  de  la  communauté.  "C'est 
"lui,  dit  l'abbé  Auguste  Gosselin,  qui  ouvre  (18)  la  liste 
"de  ce  magnifique  clergé  séculier  qui  depuis  deux  siècles 
"et  demi  régit  avec  tant  de  sagesse  le  peujDle  canadien.  Sa 
"figure  douce  et  sympathique  semble  nous  sourire,  au  por- 
"  tique  de  notre  histoire,  avec  tout  le  charme  que  donnent 
"au  vrai  mérite  la  modestie  et  l'humilité". 

Entre  le  terrain  de  l'abbé  de  Saint-Sauveur  et  la  sei- 
gneurie de  Sillery,  où  se  termine  la  banlieue,  il  y  avait  un 
terrain  de  75  arpents  en  superficie  qui  avait  été  concédé  à 
Jean  Bourdon,  le  10  mars  1646,  et  qui  avait  été  érigé  en 
fief  noble,  le  25  avril  1655,  par  M.  de  Lauzon,  C'é- 
tait le  fief  Saint-François,  qui  com|5renait  en  outre  la  pro- 
priété laissée  en  héritage  par  monsieur  de  Saint- Sauveur, 
à  Jean  Bourdon,  et  "tout  ce  qui  se  rencontrait  en  arrière 
de  la  concession  du  sieur  Gloria,  jusqu'à  la  rivière  Saint- 
Charles"  (19). 

Il  était  dit  dans  l'acte  d'érection  que  c'était  à  la  requê- 
te de  Jean  Bourdon  que  M.  de  Lauzon,  avait  bien 
voulu  ériger  en  fief  noble  les  terres  de  Saint-François, 
parce  que  celui-ci  lui  "avait  remontré  qu'il  s'efforcerait 
"d'y  construire  un  fort  ou  une  redoute  à  ses  frais,  capable 
"de  soutenir  l'effort  que  les  Iroquois  iDourraient  faire,  et 

(18)  Ouvr.  cité  p.  27. 

(19)  Acte  de  foi  et  hommage  du  16  décembre  1667. 


—  107  — 

'^qui  servirait  de  retraite  à  ses  voisins  en  **.cas  qu'ils  fus- 
'  '  sent  attaqués  par  les  ennemis  '  '. 

Aucun  document  de  l'époque  ne  nous  indique  que  Jean 
Bourdon  fit  construire  le  fort  en  question,  mais  il  est  pro- 
bable qu'il  remplit  sa  promesse,  car  il  ne  tarda  pas  à  se  for- 
mer au  fief  Saint-François,  un  petit  village,  où  s'étaient 
réunis  im  certain  nombre  (V  habitant  s  dont  un  aveu  et  dé- 
nombrement du  sieur  François  Bourdon  de  Dombourg, 
nous  a  conservé  les  noms.      (3  no  vendre  1668)  (20). 

Ces  premiers  censitaires  du  fief  Saint-François 
étaient  :  Gervais  Buisson,  originaire  de  Saint-Cosme-le- 
Vert,  dans  le  Maine.  ,  Il  avait  dû  venir  en  la  Nouvelle- 
France,  vers  1650,  avec  sa  femme  Marie  Lebeau,  et  ses  trois 
enfants,  Mathurine,  Gervais  et  Antoine.  Trois  autres  en- 
fants naquirent  au  pays  :  Simon,  Marie  et  Jean  François, 
qui  fut  ordonné  prêtre  en  1683,  et  devint  chanoine  de  la  ca- 
thédrale. 

Jacques  Gaudry  dit  la  Bourbonnière,  originaire  de 
Feings,  évêque  de  Seez,  au  Perche,  avait  du  arriver  à  Qué- 
bec, vers  1650,  avec  son  frère  Nicolas.  En  1668,  il  était 
encore  célibataire,  et  }X)ssédait  un  demi  arpent  de  terre 
dans  le  fief  Saint-François. 

Pierre  Duval,  arrivé  à  Québec,  vers  1655,  avec  sa 
femme  Jeanne  Labarde,  et  ses  enfants.  En  1668,  ces  der- 
niers avaient  tous  quitté  la  maison,  et  Pierre  Duval  demeu- 
rait seul  avec  sa  femme,  âgés  tous  deux  de  66  ans.  Jean 
Jobin  demeurait  également  seul  avec  sa  fenune,  Marie  Gé- 
rard ;  il  était  originaire  de  la  paroisse  de  Saint-Germain 
l'Auxerrois,  à  Paris. 

Antoine  Rouillard  dit  Larivière,  de  Saint-Cosme-le- 
Vert,  pays  du  Maine,  était  décède  au  mois  d 'avril  1666,  Sa 
femme,  Marie  Gérard,  épousa  l'année  suivante,  Mathurin 
Moreau,  domestique  chez  Pierre  Maufay,  en  1666.  Pierre 
Maufay  originaire  comme  Gervais  Buisson  et  Antoine 
Rouillard  de  Saint-Cosme-le-vert,  avait  épousé  à  Québec, 
lé  31  mai  1654,  Marie  Duval,  fille  de  Pierre  et  de  Jeanne 
Labarde.    Jean  Chesnier,  charpentier,  venait  de  Selle-en- 

(20)      Cahier  d'intendance.  Concessions  en  fief.  Vol.  I.  fol.  247  et  suivant. 


—  108  — 

Saintonge  ;  il  avait  éi:)0usé  à  Québec,  le  23  octobre  1651, 
Jacqueline  Sedillot,  fille  de  Louis  et  de  Marie  Grimault. 
Jacqueline  étant  décédée  en  1667,  l'année  suivante  Jean 
Cliesnier  épousa  Marie  Greslau  ;  il  avait  eu  huit  enfants 
de  son  premier  mariage  ;  il  alla  plus  tard  s'établir  avec  sa 
famille  à  la  Pointe-aux-Trembles  de  Québec. 

Tous  ces  colons  le  dernier  excepté,  étaient  en  réalité 
des  habitants  de  Sainte-Foy.  (21)  C'était  ]30ur  se  mettre 
à  l'abri  des  incursioiîs  des  Iroquois  qu'ils  étaient  venus  se 
fixer  temporairement  au  fief  Saint-François,  où  ils  for- 
maient une  population  de  vingt  sept  âmes.  Leurs  terres 
se  trouvaient  le  long  de  la  côte  Saint-Michel,  le  chemin 
actuel  de  Sainte-Foy.  Ce  chemin  n'était  pas  encore  ouvert 
,iusqu'à  la  ville.  Les  résidents  du  fief  Saint-François  se 
rendaient  à  Québec,  i^ar  une  route  appelée  Sainte-Greneviè- 
ve,  qui  allait  rejoindre  le  chemin  actuel  de  Gomin. 

Quant  à  ceux  qui  résidaient  en  deçà  du  fief  Saint- 
François,  ils  traversaient  au  chemin  Saint-Louis,  par  une 
route  que  Jean  Bourdon  avait  fait  ouvrir  en  face  de  sa  ré- 
sidence, et  qui  porta  pendant  longtemps  le  nom  de  son  au- 
teur. Cette  route  se  trouvait  presque  dans  la  ligne  ac- 
tuelle du  Belvédère. 

A  la  requête  des  habitants  de  la  côte  Saint-Michel  et  du 
chemin  Saint-Jean,  le  Conseil  Souverain  ordonna  par  un 
décret  du  20  juin  1667,  d'ouvrir  ce  ,chemin  jusqu'à  la  ville. 
Le  tracé  indiqué  dans  le  décret,  passait,  à  partir  du  ruis- 
seau Saint-François  (ruisseau  Prévost  actuel)  derrière  la 
maison  de  la  veuve  Gloria,  par  devant  la  maison  de  Jean 
Bourdon,  de  là  il  traversait  les  terres  des  religieuses  Hos- 
pitalières près  d'une  fontaine,  (ancienne  fontaine  Man- 
seau)  puis  les  terres  du  sieur  de  Repentigny.  De  là  il 
passait  dans  la  cour  de  la  maison  d'Abraham  Martin,  pour 
rejoindre  la  rue  Sainte- Anne  entre  l'enclos  des  Jésuites  et 
celui  des  Ursulines.  C  'était  à  peu  près  le  tracé  du  chemin 
Sainte-Foy  actuel,  et  celui  de  la  rue  Saint-Jean. 

L'abbé  IVANHOE  CARON 
(La  suite  dans  la  prochaine  livraison) 

(21)      Cf.   Notre-Dame    de   Sainte-Foy,    par  l'abbé   H.   A.    Scott,    1902. — J. 
A.  K.  Laflamnie,  Iiriprimeur,  Québec,  p.  431-458. 


—  109 


INVENTAIRE    DES   BIENS   DE   JULIEN 

TAVERNIER,  ANCETRE  DE 

LA  MERE  GAMELIN 


La  veuve  de  J.  B.  Gameliii,  fondatrice  de  la  commuuauté  des  Soeurs 
de  la  Charité  de  la  Providence,  s'appelait  Marie-Emélie-Eugénie  Taver- 
nier.  Elle  était  petite  fille  du  colon  Julien  Tavernier  dit  Sans  Pitié 
qui  épousa  Marie-Anne  Girouard,  à  Montréal,  en  1T49.  Tavernier  était 
.soldat  de  la  comi)agnie  de  M.  de  la  Corne,  lors  de  son  mariage.  Par  la 
suite,  il  devint  négociant,  mais  ne  cessa  pas  de  guerroyer,  comme  nous  l'ap- 
prend l'inventaire  de  ses  biens  dressé  quelques  mois  après  son  décès,  surve- 
nu dans  les  environs  du  lac  Champlain,  au  mois  de  juillet  1756.  Ce  do- 
cument est  intéressant  h  ])lusieurs  jwints  de  vue,  ainsi  qu'on  en  ])ourra  ju- 
ger. 

L'an  mil  sept  cent  cinquante-six  le  onze  de  novembre  avant  midi  à  la 
re(|uête  de  dame  Marie-anne  Girouard  veuve  de  Julien  Tavernier  dit  Sans- 
pitié  vivant  négociant  demeurante  en  une  maison  sise  au  faubourg  Ste 
Marie  tant  en  son  nom  a  cause  de  la  communauté  de  biens  qui  a  été  en- 
tre ledit  déftnt  son,  mari  et  elle,  que  comme  tutrice  de  Julien  Isidore  âgé 
de  six  ans,  Marie  ainie  âgée  de  quatre  ans  et  Antoine  âgé  de  deux  ans. — 
Le  tout  ou  environ  enfaus  mineurs  dudit  défunt  son  mariet  d'elle,  Sauf 
a  elle  a  accepter,  si  elle  le  juge  a])ropos  par  conseil  ou  renoncer  aladite 
communauté  D'entre-elle  et  le  dit  défunt  ;  et  la  présence  du  Sr.  Gabriel 
dumont  dit  Poitevin  subrogé  tuteur  des  dits  mineurs  lesdits  tutrice  et  ^ju- 
brogé  tuteur  élus  esdites  charges  par  l'acte  de  tutele  fait  par  devant  mon- 
sieur le  lieutenant  Général  de  la  Jurisdiction  Royale  de  Montréal,  reçu  par 
le  Sr.  Danré  de  Blanzy  Greffier  Le  cimpiième  de  novembre  mil  sept  cent 
cinquante  six.  Les  dits  mineurs  habiles  asedire  et  porter  hétitiers  dudit 
défunt  Leur  père.  A  la  conservation  des  biens  et  droits  desdites  ])arties 
csdits  noms  et  de. tous  autres  qu'il  appartiendra  par  les  notaires  lioyaux 
de  la  ville  et  Jurisdiction  Royale  dudit  Montréal  Soussignés  va  être  fait 
bon  et  fidel  inventaire  et  description  de  tous  les  biens  meubles,  ustensils 
de  ménage,  habits  linges,  bardes,  titres,  pai)iers  enseignemens  et  autres 
choses  demeurées  après  Ledéceds  dudit  Julien  tavernier  arrivé  clans  le 
mois  de  juillet  dernier  présente  année  dans  le  lac  champlain  où  il  était 


—  110  — 

en  guerre  pour  le  service  du  lioy  trouvés  eu  la  maison  où  Ladite  veufve 
est  demeurant  audit  faubourg,  montrés  et  eiiiieigiiés  auxdits  notaires  de 
montrer  et  enseigner  tous  I^es  dits  biens,  sans  en  cacher  ny  détourner  au 
cune  chose,  se  soumettant  où  il  se  trouverait  Le  contraire  aux  peines  en 
tel  cas  introduites  qui  luy  ont  été  données  sentendre  par  les  dits  notaires. 
I  ceux  biens  prisés  et  estimés  aleur  juste  valeur  et  lacruë  y  comprise  de 
convention  expresse  entre  Jjesdites  parties  par  les  Srs  Charles  Poirier  Me 
serger  Demeurant  a  la  côte  ste  Marie  et  Jean  Baptiste  Deverrat  dit  Pari- 
sien Me  tapissier  demeurant  audit  faubourg,  arbitres  nommés  par  les  di- 
tes ])arties  qui  ont  prisé  et  estimé  toutes  choses  enleur  conscience,  eu 
égard  aucours  dutems  présent  ainsi  cju'il  suit,  après  qu'ils  ont  prêté  ser- 
ment aux  dits  notaires  qu'ils  ])riseraient  et  estimeraient  toutes  choses  en 
leur  conscience,  P]tont  Lesdites  })arties  et  notaires  signé  à  lexception  du 
dit  sr  poirier  l'un  Desdits  arbitres  qui  adéclaré  ne  scavoir  écrire  ny  signer, 
dece  enquis  a])res  Lecture  faite  suiv.  l'ordce. 

mari  anne  giro^iard       V.  tavernier      Gabriel  dumont      Deverat 
fr.  Simon  net  (avec  ])araplie  )       (I.  hodiesne       Noere  Koyal 

Not.  Eoyal 

Premièrement  Dans  la  cuisine  s'est  trouvé  un  crochet  servant  de  crémail- 
lère prise  et  estimé  ])ar  lesdits  arbitres  alasomme  de  trente  sfls  cy  1.  10s 

Item  Deux  petites  marmites  de  fer  garnies  deleurs  couvercles  estimées 

ensemble  six  Livres  cy .  .  .  . 6. 

Item  une  petite  marmite  garnie  de  son  couvercle  estimée  vingt  sols  cy     1. 

Item  une  ])oele,  une  cuillère  a  pot  et  un  petit  trépied  Le  tout  vieux  estimé 
ensemble  deux  livres  cy 2. 

Item  u]ie  tourtière  de  cuivre  garnie  de  son  couvercle  de  taule  estimée 
huit    livres  cy •  .   .   .   .      8. 

Item  deux  fers  a  flasquer  estimés  ensembles  trois  livres  cy 3. 

Item  une  vieille  passoire  de  cuivre  rouge  et  un  gril  estimés  ensemble 
quatre  livres  dix  sols  cy 4.10 

Item  une  petite  lampe  de  fer  et  deux  flambeaux  de  cuivre  estimés  ensem- 
ble   trois  livres  cy 3. 

Item  une  pesle  afeu  defer  estimées  deux  Livres  cy 2. 

Item  Deux  marmites  de  cuivre  garnies  de  leur  couvercles  et  une  petite 
chaudière  de  cuivre  Jaune  lesd.  marmites  de  cuivre  rouge  ensemble 
vingt  quatre  livres  cy 24. 


—  111  — 

Item  uu  poêlon  de  cuivre  jaune,  un  entonnoir  et  un  couloir  de  ferblanc 
Letout  vieux  estimé  ensemble  trente  sols  cy ' 1.10 

Item  quatre  haches  et  une  pioche  fort  vieilles  estimées  ensemble  Dix  Li- 
vres c  y 10. 

Item  deux  vieux  seaux  ferrés  estimés  ensemble  six  livres  cy 6 

Item  Dans  la  Sale  d'entrée  s'est  trouvé  un  petit  poêle  de  fer  des  trois 
rivières  garni  de  son  trépied  et  dun  tuyau  composé  de  huit  feuilles 
detaule  estimé  ensemble  cent  vingt  livres  y  compris  Lapierre  cy  120. 

Item  une  i)etite  table  debois  depin  eu  j)liant  et  un  marteau  abattre  des 
faulx  estimés  ensemble  trois  livres  cy '■'>. 

Item  quatre  tergettes  pour  rideaux  de  fenêtres  estimées  ensemble  trois 
livres  cy 3. 

Item  dans  la  chambre  s'est  trouvé  un  miroir  de  toilette  estimé  Deux  li- 
vres cy 2. 

Item  sept  gobelets  et  deux  salières  de  verre  L'une  desquelles  est  écornée, 
trois  soucoupes  l'une  desquelles  est  cassée  et  deux  boêtes  de  bois  asa- 
vonnettes  Letout  estimé  ensemble  six  livres  cy 6. 

Item  quatre  rideaux  de  toile  detraite  pour  fpnctrps  estimés  ensemble  avec 
celuy  de  la  porte  vitré  vingt  Livres  cy iO. 

Item  un  chapeau  demi  castor  dudit  défunt  estimé  six  livres G. 

'Item  une  ecuelle  d'étain  garnie  de  son  couvercle  estimée  deux  Livres  cy     2. 

Item  une  table  de  bois  de  pin  a  pieds  de  merisier  tournés  estimée  Dix  huit 

Livres  avec  sontapis  de  flanelle  anglaise  cy 18. 

Ensuivent  Le.s'hardes  et  linges  alusage  dudit  défunt,  asavoir 

Les  hardes  consistantes  en  mi  capot  de  cadis  boutonné  deux  vestes 

et  deux  culottes  Letout  fort  usé  et  de  peu  de  valeur  ont  été  laissées  ducon- 

sentement  dudit  subrogé  tuteur  pour  l'usage  Des  enfans. 

Item  huit  chemises  de  toile  de  beaufort  demi  usées  estimées  ensemble 
vingt  Livres  cy '^0. 

Itemtroischemises  Damonition  et  une  chemise  fine  non  garnie     Le     tout 

vieux  estimées  ensemble  sept  Livres  cy •   •   •        7. 

Item  Les  linges  de  la  dite  communauté  ;  asavoir  quatre  j)aire  de  drap  de 
grosses  toile  usés  estimés  quatre  Livres  La  paire  cy 18. 

Item  trois  paires  de  drap  de  commun  vieux  petits  estimés  trois  Livres 
Lapaire  cy  '.t. 

Item  une  douzaine  deservietles  tleloile  de  beaulurt  et  herbée  estimée 
Dou;ie  Livres  cy 12. 

Item  dix  napes  de  toile  de  beaufort,  herbée  et  grosse  toile  estimées  ensem- 


—  112  — 

blés  quinze  Livres  cy 15. 

Item  dans  un  cabinet  acôté  de  ladite  chambre  s'est  trouvé  un  coffre  debois 
de})in  garni  desa  ferrure  et  clef  estimé  six  livres  cy 6. 

Item  un  lit  composé  d'une  paillasse  deux  lit  de  plume  son  traversin  une 
vieille  couverte  de  laine  bleue  et  une  courte  pointe  Letout  fort  vieux 
estimé  ensemble  trente  cinq  Livres  cy. 35. 

Item  un  vieux  petit  lit  composé  d'une  ])aillasse,  plumes  de  tourtes  en  du 
commun  deux  couvertes  blanches  usées  Letout  estimé  ensemble  douze 
livres  cy 12. 

Item  une  paillasse  de  soldats  estimée  trente  sols  cy 1.10. 

Somme  totale  des  effets  mobiliers  cy 386.0. 

Ensuivant  les  debtes  actives.  Ladite  veufve  a  déclaré  qu'il  est  dû  ala 
dite  communauté  par  Jean  Baptiste  Bonenfant  Journalier  demeurant 
a  St  leonard  Lasomme  de  six  Livres  cy 6. 

Les  Debtes  passives.  Ladite  veufve  a  déclaré  ([u'il  est  dû  par  Ladite 
commujiauté  auSr.  Dufresne  aubergiste  Demeurant  audit  faubourg 
lasomme  de  quinze  livres  cy 15 

Un  contrat  de  vente  par  feu  Me  Jean  Baptiste  Jenvrin  Dufresne  et 
dem.  son  épouse  a  Pierre  hostin  dit  marineau  et  sa  femme  Dun  emplace- 
ment dequatrevingt  dixpieds  'defront  sur  cent  quatre-vingt  pieds  de  pro- 
fondeur sis  au  quartier  de  Ste-Marie  passé  pardevant  feu  Me.  Eaimbault 
Le  dix-se})tieme  d'avril  mil  sept  cens  trente  deux,  au  bas  duquel  est  une 
quittance  parledit  Sr.  Jenvrin  dufresne  des  épingles  endate  du  deux  no- 
vembre mil  sept  cent  trente  deux,  et  plus  bas  est  encore  une  quittance  de 
cent  livres  donnée  par  ledit  Sr  Dufresne  a  Jean  Baptiste  aubertin  en  date 
du  dissepte  avril  mil  sept  cens  trente  six  signé  Jenvrin  dufresne,  Et  plus 
bas  est  encore  une  quittance  de  la  somme  de  deux  cens  Livres  reçue  parled. 
Sr.  dufresne  Dudit  marineau  a  compte  delà  somme  principale  passé  par- 
devant  feu  Me  porlier  notre.  Royal  Le  vingt  sixe.  août  mil  sept  cens  qua- 
rante trois  et  ])lus  bas  est  la  collation  faite  desdits  actes  par  Me  caron 
notaire  Royal  en  lisle  Jésus  endate  du  douzième  janvier  mil  sept  cens 
cinquaiite  un.  Et  plus  bas  est  une  quittance  par  le  Sr.  Lanorest  a  La 
dite  dame  veufve  De  la  somme  de  cens  Livres  en  déduction  de  ce  qui  est 
dû  pour  L'emplacement  de  la  maison  où  elle  demeure  en  date  du  huîte 
juin  mi]  sept  cens  cinquante  trois  signé  Joseph  Dufaux  et  neveu  la  norest. 
inventorié  et  cotté Un 


—  113  — 

Item  un  contrat  de  vente  i)ar  Pierre  austain  dit  marineau^a  antoine. 
Duroseau  d'un  emplacement  de  quarante  cinq  pieds  de  front,  sur  un  ar- 
pent de  profondeur  sis  au  faubourg  St.  Martin  passé  par  devant  me  Si- 
monet  et  son  confrère  nôtres.  Royaux  Le  troisième  janvier  mil  sej)t  cens 
quarante  cinq  inventorié  et  cotté Deux 

Item  Le  contrat  De  mariage  dudit  Défunt  Julien  taveinier  dit  Sans- 
pitié  et  Demoiselle  Marie  aune  Girouard  passé  par  devant  hodiesne  L'un 
des  notaires  soussignés  endate  du  quinzième  may  mil  sept  cens  quarante 
neuf,  inventorié  et  cotté Trois 

Item  un  contrat  de  vente  par  antoine  durouzeau  Et  sa  femme  a  Sr. 
Julien  tavernier  dit  Sanspitié  dun  emplacement  de  quarante  cinq  pieds 
de  front  su*  un  arpent  de  profondeur,  sis  audit  faubourg  St  Martin  passé 
{)ardevant  Me.  Simonet  etson  confrère  nôtres  Royaux  endate  du  vingt 
deuxe.  décembre  mil  sept  cens  (juarante  neuf  aubas  duquel  est  une  quit- 
tance de  la  somme  de  cent  vingt  huit  Livres  quatorze  sois'  par  Durpu- 
seau  et  sa  femme  au  Sr  Girouard  endate  du  premier  de  février  de  lan  mil 
sept  cens  cinquante,  inventorié  et  cotté  cy Quatre 

Item  un  billet  du  Sr.  Lmond  sergent  audit  défunt  delà  sonnue  de 
trente  deux  livres  dix  sols  sous  seing  privé  en  date  du  dix  septe  may  der- 
nier de  la  présente  année  inventorié  et  cotté Cinq 

Item  un  état  dece  que  Le  Sr.  Antoine  Girouard  a  fourni  cy  devant 
aladite  veufve  Sa  fille  en  avancement  de  ses  droits  et  dont  elle  doit  tenir 
compte  ases  frères  et  soetirs,  en  dat«r  du  huite.  novembre  mil  se])t  cens 
cinquante  six  signé  Girouard  duterray  avec  paraphe  inventorié  et  cotté  Six 

Et  a  l'instant  remis  audit  Sr.  Girouard,  ensemble  deux  billets  d'avan- 
cement de  marchandises  faits  aladite  veufve  par  Srs.  antoine  et  henry  Gi- 
rouard ses  frères,  et  parle  dit  Sr  Girouard  père,  Lesdits  deux  billets  mon- 
tans  ensemble  ala  somme  de  trois  mils  livres  endate  des  seize  et  vinsrt 
deuxe,  septembre  dernier  signes  deladite  veufve,  inventoriés  et  cottes  Sept 
et  huit  et  remis  pareillement  audit  Sr  Girouard  diceux  présentant  audit 
présent  inventaire  pour  être  inventoriés. 

Ensuivant  les  inmieubles  de  ladite  communauté  consistent  ainsi  que 
l'a  déclaré  Ladite  veufve  en  un  emj)lacement  sis  audit  faubourg  delà  con- 
tenance de  quarante  cinq  pieds  déterre  de  front  sur  un  arpent  de  profon- 
deur, tenant  d'un  bout  par  devant  au  chemin  du  Roy  qui  règne  lelong 
dudit  faubourg  dautre  bout  aux  representans  feu  Sr.  Jenvrin  dufresne, 


—  114  — 

id'un  côté  auxdits  representans  Sr  Dul'resne,  et  dautre  côté  aux  représen- 
tai! s  feu  Edme  nioreau  sur  Lequel  est  construite  une  maison  de  pierre  et 
maçonnerie  de  trente  pieds  en  quarré  ayant  deux  cheminées  Et  une  cou- 
verture de  bardeau,  planchers  haut  et  bas  cloisons  portes  châssis  et  con- 
trevents garnis  de  leurs  ferures  et  verres  et  un  four  de  pierre,  et  une  éta- 
ble  de  pieux  debout  en  terre  cannelés  entourée  de  bois,  couverte  de  plan- 
ches denviron  quinze  pieds  sur  dix  Le  dit  emplacement  entouré  de  pieux 
debout  Lesdites  clôtures  mitoyennes  avec  ses  voisins,  dont  Ladite  veufve 
adéclaré  tpie  Les  dits  bâtimens  d'iceux  fournis  aux  frais  et  dépens  des 
])ere  et  mère  Delà  dite  veufve.  Et  ont  lesdites  parties  et  notaires  signé 
à  l'exception  dudit  Sr  poirier  qui  adeclare  ne  savoir  écrire  ny  signer  de- 
eeenquis 

I         mari  anne  girouard     V.  tavernier       Gabriel  dumont      tleverat 
.»:  P.  Girouard       G.  hodiesne      not.  Eoyal 

fr.  Simonnet      Noere  Eoyal 

Ce  fait  et  après  qu'il  ne  sest  plus  rien  trouvé  a  inventorier  tout  Le 
contenu  aupres'ent  inventaire  acte  du  consentement  dudit  subrogé  tuteur 
laissé  en  la  possession  deladite  veufve  qui  s'en  est  volontairement  chargée 
pour  Letout  représenter  quand  et  qui  et  ainsi  qu'il  appartiendra  se  reser- 
vant toutesfois,  s'il  revient  quelque  chose  a  sa  connaissance  d'en  faire  la 
déclaration  pour  être  ecri  par  addition  aubas  du  présent  inventaire,  fait 
et  passé  audit  faubourg  maison  susdite  Les  jour  et  an  et  en  présence  que 
dessus.  Et  ont  Les  dites  parties  et  notaires  signé  alexception  dudit  Poi- 
rier L'un  desdits  arbitres  qui  a  déclaré  ne  savoir  écrire  ny  signé  dece 
enquis  après  Lecture  faite  suiv.  L'ordce. 

Mari  Anne  girouard      V  tavernier       Gabriel  dumont      deverat 
fr.  Simonnet      Noere  Eoyal      G.  hodiesne      Not  Eoyal 

Aujourd'huy  pardevant  Les  notaires  à  Montréal  residens  soussignés 
est  comparue  Dame  Marie  anne  Girouard  veufve  dudit  Julien  Tavernier 
dit  Sanspitié  nommée  en  l'inventaire  cy  devant  Laquelle  par  ces  présen- 
tes a  renoncé  ala  communauté  debiens  qui  a  été  entreelle  et  ledit  défunt  sr 
son  époux,  pour  luy  être  plus  onéreuse  que  profitable,  Jurant  et  affirmant 
en  avoir  pris  ny  appréhendée  aucuns  biens  de  la  dite  communauté,  et  ne 
s'être  en  façon  quelconque  immiscée  enicelles,  surles  biens  delaquelle,  et 
autres  biens  dudit  défunt,  s'il  s'en  trouve  Ladite  veufve  et  entend  prendre 
et  avoir  ses  conventions  matrimoniales  et  tout  ce  qui  luy  aete  accordé  par 


—  115  — 

son  contrat  de  mariage  fait  avec  Ledit  défunt,  a  quoi  elle  s'est  tenue  et 
setient  par  ces  présentes,  dont  et  detout  ceque  dessus  la  dite  comparante 
arequis  et  demandé  acte  aux  dits  notaires  qui  luy  ont  octroyé  le  présent 
pour  leur  valoir  et  servir  ce  que  de  raison,  fait  et  passé  audit  montréal  en 
l'étude  d'hodiesne  Lun  desdits  notaires  Lan  mil  sept  cens  cinquante  six 
le  dixe.  jour  de  décembre  avant  midi.  Et  ont.  Ladite  comparante  et  no- 
taires signé  après  lecture  faite  suiv,  Lordcé. 

Mari  anne  girouard  V  tavernie       fr  Simonnet       (i.  hodiesne 
noe  re  Koyal      Not.  lloyal 

E.-Z.  MASSICOTTE 


HONORE-LOUIS  DE  CLERICY 


Capitaine  au  régiment  de  Languedoc.        (25  juillet  1758). 

A  la  fin  de  la  campagne  de  1759,  le  chevalier  de  Lévis  demandait  pour  M. 
de  Cléricy  la  croix  de  Saint-Louis  dans  les  termes  suivants  : 

"A  commencé  à  servir  en  qualité  de  volontaire  aux  grenadiers  dans  le  ré- 
giment d'Aunis  en  1742,  a  été  blessé  en  cette  qualité  en  1746  au  siège  de  Mons 
et  a  été  fait  lieutenant  la  même  année,  blessé  en  1747  à  l'attaque  des  retran- 
chements de  l'Assiette"  (Lettros  du  cheviilier  de  Lévis,  p.  418). 

Au  mois  de  édcembre  1760,  le  chevalier  de  Lévis  demandait  de  nouveau 
la  croix  de  Saint-Louis  pour  M.  de  Cléricy.        Il  écrivait  : 

"Sert  depuii«  1742,  volontaire  aux  grenadiers  dans  Aunis,  officier  en  1746; 
reçu  plusieurs  blessures  depuis  qu'il  sert".  (Lettres  du  chevalier  de  Lévis 
p.  446). 

R. 


MARCHAND  DES  LIGNERIES 


Voici  un  nom  qui  parait  orthographié  de  maintes  façons  dans  nos  livres 
d'histoire.  Tanguay,  tout,  le  premier,  l'emploie  avec  un  article  et  une  parti- 
cule au  singulier.  Il  dit  Constant  LeMarchand  de  Lignery.  La  famille  en 
France  signait  Marcliand  des  Llfïiieries.  C'était  de  la  petite  noblesse  de 
Tours,  de  la  paroisse  de  Charantilly.  MM.  Marchand  étaient  sieuers  des  Li- 
gneries,  de  Lardillière,  d'Ecoman,  etc.  L'anoblissement  datait  de  1510,  ac- 
cordé par  Louis  XII  à  Mathieu  Marchand,  notaire  et  secrétaire  du  roi,  tri- 
saiëul  de  Joseph,  père  de  Constant.  Ce  dernier  a  dû  naître  vers  1664-5,  car 
son  père  ,n'était  plus  à  la  fin  de  1666.  .Joseph  Marchand  était  l'aîné  de  sa 
maison.       Il  avait  épousé  Marguerite  du  Sillas,  d'une  famille  noble  de  Tours. 

REGIS  ROY 


LE  CAPITAINE  CLAUDE  DORVILLIERS 


Un  Claude  Dorvilliers,  capitaine,  était  à  Montréal  en  1689.  Il  n'y  a  pas 
de  doute  que  ce  Claude  Dorvilliers  était  le  fils  de  Rémy  de  Guillouet  Dorvil- 
liers dont  il  a  été  question  dans  le  BiUletin  des  Recherches-  Historiques,  vol. 
XXVII,  p.  33. 

REGIS  ROY 


—  116  — 

L'ORIGINE  DU  NOM  VAILLANCOURT 


Autrefois,  dans  l'île  de  Sénard,  sur  l'Authie,  petit  fleuve  côtier  de 
France,  près  (PAu.\y-le-(.'hâteau,  au  pays  de  Ponthieu,  dans  la  i)artie  bas- 
se de  la  Picardie,  aux  confins  de  la  Normandie,  vivait  une  communauté 
de  pieuses  jeunes  filles.  Xouchés  de  la  vie  édifiante  qu'elles  menaient, 
de  hauts  et  })uissants  seigneurs,  tels  que  Nicolas  de  Villeroye,  'abbé  de 
Saint-Riquier,  Henri  de  Caumont,  Gérard  d'Abbeville  et  Alard  de  Thum, 
les  comblèrent  de  dons  et  de  faveurs.  (luillaume  d'Alençon-Montgom- 
niery,  comte  de  Ponthieu,  leur  confirma  ces  libéralités,  par  lettres  paten- 
tes datées  de  l'an  11ÎJ9.  C'est  à  ce  moment  même  qu'elles  se  soumirent 
à  l'observance  de  la  règle  de  Citeau.x.  Vers  1320  nous  retrouvons  ce^ 
moniales  en  train  d'édifier  une  abbaye,  sur  un  terrain  que  leur  avait  con- 
cédé Guillaume  d'Abbeville  dans  son  fief  de  Thum.  Cet  endroit  portait 
le  nom  de  Willencourt  (Willeneurtis),  car  c'est  là  que  se  tenait  habituel- 
lement la  cour  de  Guillaume  de  Ponthieu  (Willelmicurtis).  "Ad  locum 
dictum  Willencourt  qu/isi  curtis  Wilïelmi  de  Pontivo".  Cependant,  en 
1662,  les  guerres  les  y  obligeant,  ces  religieuses  transportèrent  le  siège  de 
leur  abbaye  à  Abbeville,  la  capitale  du  Ponthieu.  Dans  la  liste  deS"al)- 
besses  nous  voyons  figurer  le  nom  de  Claudia  de -Blotefière,  (1625)  fille 
de  .Jean  de  Blotefière  seigneur  de  Willencourt.  Sa  nièce  Angélique  de 
Blotefière  de  Willencourt  lui  succéda  en  1640.  Ces  faits  nous  sont  ré- 
vélés par  le  tome  X  (pages  1344-5)  de  la  G  allia,  Christiana,  cette  mer- 
veilleuse histoire  des  abbayes  de  France,  reconstituée  en  1751  par  les  Bé- 
nédictins de  Saint-Maur,  par  la  mise  en  oeuvre  des  anciens  cartulaires. 
Sur  la  carte  géographique  au  commencement  du  volume  en  question,  le 
nom  de  l'endroit  (jui  nous  intéresse,  est  écrit  Villencourt.  On  pourra 
facilement  se  rendre  compte  que  les  anciens,  dans  un  cas  semblable,  em- 
})loyaient  indifféremment  le  V  ou  le  W^,  la  prononciation  étant  d'ailleurs 
identique. 

Le  Grand  Dictionnaire  Gêograplnqiœ  et  Critique  de  Bruzen  de  la 
Martinière,  (La  Haye,  Amsterdam,  Eotterdam,  1739)  nous  donne  la 
désignation  suivante  :  "Villencourt  ou  Willancourt  ou  Boulancourt,  ab- 
baye de  France  dans  la  Picardie,  au  pays  de  Ponthieu,  sur  la  rivière  d'Au- 
thie,  près  d'Auzy  ou  d'Auxi-le-Château.  C'est  une  abbaye  de  filles  de 
l'Ordre  de  Citeaux.  Elle  a  été  transférée  dans  la  ville  d'Abbeville". 
\M)sgien,  chanoine  de  Vaucouleurs,  dans  sa  trad.uction     du     dictionnaire 


—  117  — 

anglais  de  géographie  par  Eschard,  (Paris,  1784)  écrit  ;  "Villancourt, 
réunie  à  Espagne,  abbaye  de  Bernardines,  à  Abbeville,  diocèse  d'Amiens, 
vaut  8000  livres".  Nous  portons  plus  loin  nos  recherches  pour  savoir 
quelles  armes  portaient  les  seigneurs  de  Villencourt.  Ulndica  Àrmo- 
nial  de  Louan  Géliot,  augmenté  et  revu  par  Pierre  Palliot,  (Paris,  1660), 
répond  à  notre  enquê^p  :  "De  Blotefière,  de  ce  nom  des  seigneurs  de  Ru- 
metz,  de  Longuet  de  Villancourt,  porte  d'or  à  trois  chevrons  de  sable, 
escartelé  d'argent  à  la  bande  lozangée  de  sable".  (lère  partie,  page 
294).  La  présence  des  pièces  honorables,  telles  que  la  chevron  et  la 
l)ande,  indique  l'ancienneté  de  ce  blason. 

En  1812  Napoléon  I  créa  baron  militaire  un  nommé  Asseliu  qui 
ajouta  à  son  nom  de  Willencourt  ;  mais  cela  n'est  qu'une  addition,  nous 
fait  remarquer  de  Mailhol  dans  son  dictionnaire  héraldique,  (Paris  1896). 

A  dix  ou  quinze  lieues  de  Willencourt,  (\m  est  aujourd'hui  une  petite 
commune  de  France  dans  le  Pas-de-Calais,, fut  l)aptisé  le  3  octobre  1644,  à 
Saint-Nicolas  d'Aliermont  en  Normandie,  Robert  Villancourt,  fils  de  Ro- 
bert Villancourt  et  de  Jacqueline  Papin.  En  1636  et  1638,  ce  nom  est 
orthographié  Villencourt  dans  ce  même  registre.  C'est  ce  Robert-Vil- 
lancourt,  le  seul  du  nom  venu  en  Canada,  qui,  le  30  septembre  1668,  pas- 
sa son  contrat  de  niAriage  avec  Marie  Gabrielle,  fille  de  Jean  Gobeil  et  de 
Jeanne  Guiet,  pardevant  maître  Claude  Auber,  au  Château-Richer,  en  la 
côte  et  seigneurie  de  Beaupré.  Sur  le  registre  des  mariages  de.  cet  en- 
droit, le  nom  est  écrit  Villancourt,  Ije  6  février  1673,  moiiseigneur  de 
Laval  (Greffe  Paul  Vachon),  lui  fait  une  concession  de  terre  à  la  Sain- 
te-Famille de  l'Ile  d'Orléans.  Agé  de  55  ans,  Robert  Vaillancourt  ren- 
dit l'âme  le  8  juin  1699.  11  avait  eu  de  son  mariage  quatorze  enfants, 
sept  garçons  et  sept  filles. 

Dans  un  acte  de  Coron  passé  à  Lacheuaye  le  13  juin  1746,  il  est  ques- 
tion de  Joseph  Veillencour  père  et  fils,  fils  et  petit  fils  de  Robert.  Depuis 
cette  date,  le  nom  est  toujours  écrit  Vaillancourt,  du  moins  pour  la  région 
de  Montréal. 

Villencourt,  Veillancourt,  Vaillancourt.  En  passant  du  premier  au 
second  puis  de  là  au  troisième,  il  est  évident  que  la  transmission  phonéti- 
que est  presqu'ensensible. 

Il  nous  a  été  impossible  pour  le  moment,  d'établir  un  lien,  vraisem- 
blable peut-être,  entre  la  famille  des  de  Blotefière  de  Villencourt  et  celle  de 


—  118  — 

Robert  Villemourt.       D'autres  recherches  nous  ])ermettroiit  d'établir  cet- 
te parenté  s'il  y  a  lieu. 

Il  s'agissait  pour  le  moment  de  démontrer  d'une  manière  positive, 
l'ancienneté  de  l'origine  du  nom  Vaillancourt,  laquelle  remonte  à  sept 
cents  an^,  au  moyen  âge,  du  temps  de  la  troisième  croisade,  pendant  le  rè- 
gne de  Philippe-Auguste  roi  de  France  et  avant  saii^  Louis. 

EMILE  VAILLANCOUET 


MEDECINS  ET  CHIRURGIENS 


^SOUS    LE    REGIME    FRANÇAIS 

Je  trouve,  dans  mes  notes,  deux  extraits  qui  peuvent  intéresser  quelques 
chercheurs  ;  ils  proviennent  tous  deux  de  l'ouvrage  des  abbés  Têtu  et  Gagnon, 
Mandements  des  évêques  de  Québec,  volume  premier. 

Le  premier  de  ces  extraits  a  été  cueilli  dans  l'ordonnance  de  Mgr  le  car- 
dinal de  Grimaldy,  archevêque  d'Aix,  laquelle  ordonnance  fut  reçue  et  auto- 
risée pour  le  diocèse  de  Québec  dans  le  synode  de  Ville-Marie,  le  10  mars  1694. 

"Les  Chirurgiens  et  Barbiers  qui  font  poil  et  la  barbe  les  dimanches  et 
fêtes  de  commandement  ne  doivent  pas  être  absous,  s'ils  ne  promettent  de  ne 
le  plus  faire  sans  permission  et  jamais  pendant  le  Service  Divin  ;  comme  aus- 
si toutes  els  personnes  qui  par  habitude  et  sous  juste  nécessité  travaillent  et 
vaquent  à  des  oeuvres  serviles  les  Dimanches  et  les  Fêtes  commandés  par 
l'Eglise".        (page  324). 

Le  escond  extrait  est  l'article  XXI  des  Statuts  publiés  dans  le  quatrième 
synode  tenu  à  Québec,  le  8  octobre  1700  : 

"Nous  ne  saurions  approuver  que  les  Curés  et  Missionnaires  fassent  les 
fonctions  de  Médecin  et  Chirurgien".       (page  390). 

E.-Z.  MASSICOTTE 


QUESTIONS 


Peut-on  me  donner  l'origine  du  nom  Mingan  ?  On  a  écrit  que  c'était  là 
un  nom  sauvage.  Le  nom  Mingan  n'aurait-il  pas  plutôt  été  emprunté  à  la 
carte  géographique  de  France  ? 

A.  B. 

Celui  qui  voudrait  consulter  le  Dictionnaire  généalogique  de  Mgr  Tanguay 
et  qui  pousserait  ses  investigations  avec  l'attention  nécessaire  dans  ces  sortes 
d'études,  y  trouverait  des  surprises  à  plus  d'une  page.  Voici  un  cas  pris  au 
hasard  qui  ne  manque  pas  d'intérêt  : — 

14  janvier  1675. — Catherine  Vieillot  conçoit  de  son  mari  Jacques  Dubois. 

17  mars  1675. — Jacques  Dubois  est  inhumé  à  Sainte-Famille. 

19  mai  1675. — Catherine  Vieillot  épouse  Pierre  Ganet,  à  Sainte-Famille. 

14  octobre  1675. — Catherine  Vieillot  accouche  de  Jacques  Dubois  un  en- 
fant Posthume. 

Tout  cela  en  une  année  ! .    .    .    . 

GERARD  MALCHELOSSE. 


— 119  — 

LES  HABITANTS  DE  LA  VILLE  DE 
QUEBEC  EN  1769-1770 

(Suite  et  fin) 

Labady,  Jean Sous-le-Fort 

Labady,  Louis St-Georges 

Labady,  Pierre St-Pierre 

Labatte Xotre-Dame 

Labatte  dit  Lafleur St-Pierre 

Laçasse,  Marie -Dallaire Ste-Faniille 

Lacroix,  Veuve Notre-Dame 

Lacroix,  Veuve  Claude St-François 

Lafeuillade,  Charles Sault-au-Matelot 

Laforce,  Hypolite Sault-au-Matelot 

Laforce,  Papin Du  Fort 

Lafrance  et  Gareau St-Georges 

La  Grave,  de Buade 

Laing,  William  ...  ; Du  Fort 

Lajus,  Joseph Champlain 

Lallemand,^  Veuve Xotre-Dame 

Lamarre,  Veuve St-Pierre 

Lamoutagne,  Jacques Champlain 

Lamothe,  Antoine St-Georges 

Lamy St-François 

Lamy,  Thomas Xotre-Dame 

La  Xaudière,  de Xotre-Dame 

Lanoix,  Veuve Buade 

Lappart Champlain 

Larcher,  Jacques Sault-au-Matelot 

Larivière,  Etienne Xotre-Dame 

Larivière,  François Champlain 

Launière Côte  de  la  Montagne 

Lauzon,  Alexandre St-Pierre 

Lavigne,  Veuve St-François 

Leboeuf,  Joseph Champlain 

Leclair,  Pierre Champlain 


—  120  — 

Leeompte,  Dupré,  colonel  J.-Bte  .   .  Sault-au-Matelot 

Leconte,  Angélique Ste-Paniille 

Lecour  et  Poirier St-Pierre 

Lécu3^er,  Siméon Champlain 

Lee,  Thomas Sault-au-Matelot 

Lee,  Thomas  '. St-Pierre 

Lees,  John Notre-Dame 

Lefebvre,  Marguerite Sault-au-Matelot 

Lemieux,  Jacques Du  Fort 

Lemieux,  Joseph Sault-au-Matelot 

Lemire,  Antoine St-François 

Le  Moyne,  Jacques St-Georges 

Lepage,  Michel Notre-Dame 

Le  Pareau,  Pierre Laval 

Léry,  de Ste-Famille 

Lessard,  Jacques  . Ste-Famille' 

Letarte,  Bergitte St-François 

Letare,  Dlle Sous-le-Fort 

Létourneau,  François St-Pierre 

Létourneau,  Jean Sault-au-Matelot 

Létourneau,  Michel Sault-au-Matelot 

Létourneau,  Louis Sault-au-Matelot 

Levasseur,  Jean Sault-au-Matelot 

Levasseur,  Noël •    •    •  Buade 

Lévesque,  François St-Pierre 

Levitre,  Antoine Champlain 

Levitre,  Michel Champlain 

Levy,  Eleazar Sault-au-Matelot 

Levy,  Jacob Notre-Dame 

L'Heureux,  Antoine Du  Fort 

Liard,  Charles Buade 

Liard,  Louis,  père Champlain 

Liberge,  Veuve Sault-au-Matelot 

Lizot,  Louis, Notre-Dame 

Longchamp,  Eustache Sault-au-Matelot 

Longueuil,  Dlle  de Buade 

Lugau Notre-Dame 

Lukin,  Veuve Buade 


—  121  — 

Lusignaii,  Veuve St-François 

Lymburner,  John St-Pierre 

Macaulay,  Zachary Xotre-Dame 

Mailloux,  Amable Buade. 

Mailloux,  Vve  Antoine Sault-au-Matelot 

Mailloux,  Benjamin Sault-au-Matelot 

Mailloux,  Ignace Sault-au-Matelot 

Mailloux,  Pierre Sous-le-Fort 

Mans,  Lieut Laval 

Marauda,  Gabriel du  Rempart 

Marauda,  Gabriel Côte  de  la  Montagne 

Marauda,  Joseph Ste-Famille 

Marauda,  Joseph Champlain 

Marchand,  Etienne f'hamplain 

Marchand,  Joseph Champlain 

Marchand,  Michel Sault-au-Matelot 

Marchand,  Pierre Buade 

Marchet  Veuve  Pierre Laval 

Marcoux,  Pierre Notre-Dame 

Marquis,  Joseph Champlain 

Marrs,  John,  royal  engineer  ....  Buade  , 

Mars,  Charles Champlain 

Matou Champlain 

Mayerd,  John,  marchand Xotre-Dame 

Mecteau,  Michel Champlain 

Mellig,  John St-Pierre 

Melvin,  John Xotre-Dame 

Ménard,  Dlle du  Rempart 

Ménard,  Pierre St-Georges 

Mercer,  John  Dyer,  marchand  .   .   .  Sous-le-Fort 

Messigné,  Gabriel Sous-le-Fort 

Métot,  Joseph Xotre-Dame 

Meurs,  François Champlain 

Millot,  Veuve  François Champlain 

Montauban,  J.-Bte Sault-au-Matelot 

Montgomery Sous-le-Fort 

Montmollin,  Révd  D.-F.  de  ...    .  Sault-au-Matelot 

Moore,  Etienne St-Pierre 


—  122  — 

Moreau,  Jean Ste-Famille 

Moreau,  Louis St-Fraiiçois 

Morié,  Jean-Baptiste Sault-au-Matelot 

Morin,  Claude I^otre-Dame 

Morin,  Henry Sous-le-Fort 

Morin,  Samuel Notre-Dame 

Morin,  Samuel St-Pierre 

Morin,  Thomas C!ôte  de  la  Montagne 

Mounier,  François Sault-au-Matelot 

Mounier,  Henry Sault-au-Matelot 

Mugnol,  Jean-C Sous-le-Fort 

Munro,  John Du  Fort 

McCausland,  Robert du  Rempart 

McFee,  Robert St-Pierre 

McFine Xotre-Dame 

McGaff St-Georges 

McKenzie,  Alexander Sault-au-Matelot 

Napier,  William Sous-le-Fort 

Normandeau,  Augustin Sault-au-Matelot 

Normandeau,  Pierre Buade 

Normandeau,  Pierre  .  , St-Georges 

O'Brien,  Michael  .' St-François 

Oehue,  Pierre Champlain 

Ogier,  Abraham Champlain 

Ogier  &  Renaud St-Pierre 

O'Neil,  Pierre Côte  de  la  Montagne 

Panneton St-Georges 

Paquet,  Veuve  Augustin Champlain 

Paquet,  Joseph Sault-au-Matelot 

Paquet,  Pierre Sault-au-Matelot 

Paquet,  René Sault-au-Matelot 

Parant,  Etienne Ste-Famille 

Parant,  François Champlain 

Parant,  Louis Sault-au-Matelot 

Parant,  Louis,  marchand Sous-le-Fort 

Parant,  Louis,  tonnelier Sous-le-Fort 

Parant,  Louis,  forgeron Champlain 

Parant,  Louis,  la  Jeune Buade 


—  123  — 

Pareau,  Pierre ,  .   .   .   .  du  Eempart 

Parizé,  Veuve Ste-Famille 

Paterson  &  Grant St-Pierre 

Pellerin,  Veuve Sault-au-Matelot 

Pellison,  François Buade 

Pellon,  Joseph .  Sault-au-Matelot 

Pérotin,  Jacques C'hamplain 

Perras St-Pierre 

Perrault,  l'aîné Sault-au-Matelot 

Philipon,  Pierre C'hamplain 

Phillip,  John St-Pierre 

Picard,  Alexandre Ste-Famille 

Picard,  Alexandre Côte  de  la  Montagne 

Pierce,  Charles Sault-au-Matelot 

Pierre,  Jean Sault-au-Matelot 

Pigue,  Jean Sault-au-Matelot 

Pinard,  J St-Georges 

Pinet,  Alexis Buade 

Piiiter Notre-Dame 

Pinter,  John St-Pierre 

Portugais,  Veuve  Dominique  ...  du  Rempart 

Portugais,  Jean-Baptiste Ste-Famille 

Portugais,  Jean-Baptiste St-Pierre 

Portugais,  Jean-Marie,  père  ....  Sault-au-Matelot 

Portugais,  Jean-Marie,  fils  ...    .  Sault-au-Matelot 

Portugais,  Nicolas Sault-au-Matelot 

Portugais,  Nicolas Champlain 

Portugais,  Pierre du  Rempart 

Pottin,  Adrien Champlain 

Prentice,  Miles Buade 

Proust,  François St-Georges 

Proust,  Joseph St-Georges 

Provançal,  Jean,  fils Champlain 

Provançal,  Jean-Laurent Champlain 

Quenet,  Veuve 

Raby,  Augustin- Sault-au-Matelot 

Racette,  Jean Sault-au-Matelot 

Rainville,  Joseph Champlain 


—  124  — 

Kenaud,  Guillaume St-Fraiiçois 

Eenaud,  Jean Sault-au-Matelot 

Robin,  Pierre Champlain 

lîollet,  François Champlain 

Rosa,  François Sault-au-Matelot 

Roy,  François Sous-le-Fort 

Rutherford Sous-le-Fort 

Saillan  .   : Buade 

Saint-Michel,  François Champlain 

Salomon,  Elias Du  Fort 

Samson,  Jacques St-Pierre 

Samson,  Jean Sault-au-Matelot 

Sarre,  Thomas Sault-au-Matelot 

Savard,  Charles St-François 

Schindler,  Joseph Côte  de  la  Montagne 

Schindler,  Joseph Champlain 

Séminaire,  le Ste-Famille 

Serindac,  Gilles Sault-au-Matelot 

Shepperd Notre-Dame 

Simpson,  Alexander Notre-Dame 

Signay,  François,  cap.  de  goélette.  Sault-au-Matelot 

Smith,  François ■.   .  Notre-Dame 

Smith  &  Anderson Notre-Dame 

Soupiran .  Buade 

Staque,  John,  soldat Laval 

Stayne,  John StrGeorges 

Stuart  &  Fraser St-Pierre 

Sylvain,  Joseph Champlain 

Sylvain,  Joseph Du  Fort  ■ 

Sylvestre,  François Sault-au-Matelot 

Sylvestre,  Marianne  ........  St-François 

Tanchot,  Yves .  Sault-au-Matelot 

Tardif,  Jean Champlain 

Taschereau,  Madame Ste-Famille 

Taylor,  Henry Notre-Dame 

Tessier,  Germain St-François 

Therrien,  Barthélémy Champlain 

Thibeau,  Veuve Champlain 


—  125  — 

Titley,  Johu 8ault-au-Matelot 

Tourangeau,  Veuve  François   .    .    .  Champlain 

Tourangeau,  Veuve  Joseph   ....  Champlain 

Tranquille,  Georges St-Georges 

Trudel,  Joseph Sault-au-Matelot 

Turier,  Barthélémy 8te-Famille 

Turpin,  Veuve St-Georges 

Vallée,  Charles,  père Sault-au-Matelot 

Vallée,  Charles,  fils Sault-au-Matelot 

Vallée,  Louis Sault-au-Matelot 

Valleran,  Veuve  Jacques Champlain 

Veillon,  Jean-Baptiste Champlain 

Versailles Laval 

Voyer,  Veuve Ste-Famille 

A'oyer,  Joseph Ste-Famille 

Voyer,  Xoël '.   .    .    .  Champlain 

Waddington du  Rempart 

Walker,  Veuve St-Pierre 

Walker,  Veuve  Notre-Dame 

Warden,  Tsaac,  coroner Sous-le-Fort 

Warrienne,  Madame Champlain 

Werden,  Joseph Notre-Dame 

Welch,  Dr Ste-Famille 

Willeox St-Pierre 

Willis,  John Buade 

Woolsey  tS:  Bryan,  marchands  .    .    .  St-Pierre 


QUESTIONS 


Nous  savons  que  Louis  JoUiet  explora  une  bonne  partie  du  bas-Labra- 
dor. A-t-il  fait  un  rapport  ou  un  récit  de  son  voyage  ?  Cette  pièce  a-t-elle 
été  publiée  ?  ' 

X  X'  X 
M.    de   Pontleroy   fut   un   des   principaux   ingénieurs   employés   par   Mont- 
ealm   dans  la  dernière  campagne   du   Canada.        Que   devint   M.   de   Pontleroy 
après  la  bataille  des  Plaines  d'Abraham   ? 

SOLD 
Je  vois  dans  une  lettre  du  ministre  Berryer  au  niarquis  de  Montcalm  en 
date  du  26  janvier  1759,  qu'il  venait  d'accorder  une  lieutenance  avec  une  gra- 
tification  de   quatre   cents   livres  au   sieur   de  Langy-Montégron.    Qui   était  ce 
Langy-Montégron   ?  Peut -on  l'identifier   ? 

XXX 


—  126  — 

LA  POLITIQUE  EN  CHANSON 


Nous  recevons  de  monsieur  le  chanoine  Emile  Chartier,  le  manuscrit 
vieillot  d'une  chanson  politique  datant  de  1832,  sans  doute.  Le  précieux 
document  a  été  trouvé  parmi  les  papiers  de  M.  Edmond  Paradis  qui  fut 
médecin  à  Coaticook  où  il  décéda,  croyons-nous  vers  1880. 

On  ])eut  supposer  (|ue  le  docteur  en  avait  lui-même  fait  la  trouvaille 
dans  les  papiers  de  son  père  lequel  demeura  longtemps  à  Saint-Denis-sur- 
RicheMeu. 

E]i  tout  cas,  "l'écriture  suffit  à  attester  que  nous^avons  bien  eïître  les 
mains  un  original  de  l'époque". 

Cette  pièce,  dit  notre  correspondant,  "est  d'inspiration  antirévolu- 
tionnaire, c'est  ime  scie  contre  les  patriotes".  Allons  !  qu'elle  soit  "statu 
quotiste"  ou  "bureaucratique",  elle  n'en  est  pas  moins  curieuse,  et  elle  a 
place  dans  la  collection  des  chansons  historiques  que  l'on  étudiera  plus  tard, 
lorsque  le  Bulletin  en  aura  fait  une  moisson  suffisante  : 

SUR  LE  TRIOMPHE  DE  TKACY  ET  DE  DUVERNAY 

(Sur  l'air  de  La  Marseillaise) 

Allons  !  Enfans  de  la  patrie. 

Le  jour  de  gloire  est  arrivé  ; 

D'une  trop  longue  tyrannie 

Le  sceptre  de  fer  est  usé  (  h  is  ) .  ' 

Entendez-vous  tomber  les  chaînes 

Des  deux  braves  concitoyens  ? 

Le  remords  brise  leurs  liens. 

Liberté  !  tu  nous  les  ramènes  ! 
Campagnards,  citadins,  formpz  vos  bataillons  ! 
Partons  !  Marchons  !  Qu'un  peuple  entier  suive  nos  pavillons  ! 

Voyez  quelle  pompe  s'apprête 

Pour  célébrer  un  si  grand  jour  !  * 

L'anarcliie  entière  est  en  fête. 

Au  souvenir  de  leur  retour  (bis). 

On  part,  on  court,  on  a  des  ailes. 


—  127  — 

Malgré  la  rigueur  des  autans. 
Troupeaux  de  vieilles  et  d'enfans 
Encombrent  toutes  nos  ruelles. 
Campagnards,  citadins,  etc. 

Venez  célébrer  leur  mémoire, 
Grands  politiques  journaliers  ! 
Mais,  de  peur  de  noircir  leur  gloire. 
Débarbouillez-vous,  charbonniers  (his)    î 
Cependant,  gardez- vous  de  croire 
Qu'on  dédaigne  vos  noirs  chariots   ! 
Xon   !  Ils  traîneront  nos  héros 
Aussi  bien  qu'un  char  de  gloire. 
Campagnards,  citadins,  etc. 

Vous  ([ue  de  hautes  destinées 
Tiennent  enchaînés  sur  nos  toits, 
En  ramonant  nos  cheminées. 
Dites,  au  moins  cent  et  cent  fois  {bis)  : 
"Vive  notre  démocratie  ! 
"Patriotes  cabaretiers, 
"Vivent  ramoneurs,  charbonniers, 
"Xobles  champions  de  l'anarchie  !" 
Campagnards,  citadins,  etc. 

Mais,  })euple  souverain,  silence  ! 
Voici  venir  tes  défenseurs. 
Fais  tonner  ta  mâle  éloquence,, 
Grêler  tes  coups  de  poing  vainqueurs  (bis)    ! 
Peins  la  liberté,  ses  miracles  ; 
Voilà  ses  martyrs  parmi  nous. 
Qu'ils  ne  pensent  plus  aux  verrous 
Et  soient  sans  cesse  nos  oracles  ! 
Campagnards,  citadins,  etc. 

Enfin  le  drapeau  tricolore 
Vient  se  déployer  à  nos  yeux  ! 
Sur  ce  sol  va-t-il  donc  encore 


—  128  — 

En  héros  transformer  des  gueux  ?  {bis) 
N'en  doutons  point  !  Qu'on  se  rallie 
Sous  ce  drapeau  !  Ce  guet  à  pens, 
Qu'il  réunisse — il  en  est  temps — 
Les  vrais  enfans  de  l'anarchie  ! 
Campagnards,  citadins,  etc. 

Mais,  si  notre  réjouissance 
Signale  leur  heureux  retour, 
Notre  vive  reconnaissance 
Leur  d(r)oit  un  tribut  en  ce  jour  (bis). 
('e  n'est  point  assez  des  culottes 
Dont  nous  couvrîmes  leurs  bas  fonds  : 
Présentons-leur  des  médaillons 
Qui  nous  rappellent  leurs  menottes  ! 
Campagnards,  citadins,  etc. 

Promenez  de  ville  en  village 
Tracey,  Duvernay,  Papineau, 
Morin,  Lafontaine,  Bourdage, 
Létourneau,  Boissonneau,  Mousseau  !, 
(^ue  de  ces  grands  noms  toute  bouche 
Publie  en  baillant  les  hauts  faits  ! 
Qu'en  leur  honneur  tous  nos  mousquets 
Fassent  péter  une  cartouche   ! 
Cam})agnards,  citadins,  etc. 

E.-Z.  MASSTCOTTE 


LES  DISPARUS 


Dans  la  galerie  des  originaux  qui  font  partie  de  l'histoire  pittoresque  de 
Montréal,  il  faut  conserver  une  place  à  Joseph-Hormidas  Malo,  surnomnaé 
"le  poète  métropolitain"  et  qui  chansonna  d'une  muse  égale,  c'est-à-dire  tant 
bien  que  mal,  les  politiciens  et  les  meurtriers,  les  cocottes  et  la  patrie.  Ce 
type  curieux  est  décédé  à  Montréal,  le  25  février  1918,  âgé  de  60  ans. 

X.   Y.  Z. 


BULLETIX 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE  -  MAI  1921  No  5 

LES  CENSITAIRES  DU  COTEAU  SAINTE- 
GENEVIEVE   (BANLIEUE  DE 
QUEBEC)  DE  1636  A  1800 


(Suite) 

II 

(1668-1740) 

Xoiis  venons  de  compulser  la  liste  des  propriétaires 
terriens  du  coteau  Sainte-Genevièvre,  de  l'origine  de  la  co- 
lonie à  venir  à  l'année  1668.  Si  nous  reportons  mainte- 
nant à  l'époque  compris  entre  les  années  1723  et  1740,  pen- 
dant lequel  laps  de  temps  eurent  lieux  les  aveux  et  dénom- 
brements, sous  les  intendants  Begon,  Dupuy  et  Hocquart, 
nous  verrons  que  la  plupart  des  censitaires  primitifs  ont 
disparu,  et  que  leurs  proj^riétés  ont  subi  diverses  muta- 
tions. 

En  reconmiençant  notre  parcours  à  la  rue  Claire-Fon- 
taine, nous  constatons  en  1739,  que  la  grande  étendue  de 
terrain  concédé  à  Pierre  LeGardeur  de  Repentigny,  en 
1636,  appartenait  depuis  longtemps  aux  religieuses  de 
l'Hôtel-Dieu de  Québec  (22). 

(22)     Aveux  et  dénombrements  des  soeurs  Hospitalières  de   Québec  Pa- 
pier terrier.       Vol.  II.  fol.  668  et  suiv. 


—  130  — 

Marie  Favery,  veuve  de  Pierre  LeGardeur  de  Repen- 
tigny,  et  tutrice  de  Ignace  LeGardeur  Duponceau  et  de 
Charles  LeGardeur  de  Villiérs,  avait  vendu  aux  Hospitali- 
ères, le  27  septembre  1672  (greffe  de  Becquet)  toute  cette 
étendue  de  terre  qui  était  maintenant  "partie  en  terres  la- 
bourables et  partie  en  bois  et  fredoches". 

La  terre  voisine  qui  était  celle  de  Sainte-Marie,  appar- 
tenait aussi  aux  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu,  elle  était  "tou- 
te en  terre  labourable,  sans  aucun  bastiment". 

Les  religieuses  Hospitalières  se  trouvaient  donc  à  pos- 
séder en  1739,  toute  l'étendue  de  terrain,  comprise  aujour- 
d'hui entre  les  rues  Claire-Fontaine,  Bougainville,  la 
Grande- Allée,  et  la  cîme  du  coteau  Sainte-Geneviève.  Un 
petit  bois  recouvrait  le  penchant  du  coteau,  à  partir  de  la 
rue  Saint-Cyrille  actuelle,  jusqu'à  la  cime  du  cap.  On  cons- 
tate, d'après  les  divers  plans  de  la  bataille  des  Plaines,  et  de 
celle  de  Sainte-Foy,  que  ce  bois  existait,  encore  en  1759. 

Les  religieuses  Ursulines  possédaient  encore  le  fief 
Saint- Joseph  (23)  sur  lequel  elles  avaient  fait  bâtir  une 
"maison  de  pièces  sur  pièces,  cheminée  de  pierre,  de  vingt 
"pieds  de  long  sur  huit  de  large,"  Il  y  avait  de  plus  sur 
cette  propriété  "une  vieille  grange  de  vingt  pieds  en  quar- 
"ré,  le  tout  (la  maison  et  la  grange)  couvert  en  planches  ; 
"environ  vingt  cinq  arpents  de  terre  labourable,  le  reste  en 
"pacage".  '  Cette  maison  située  au  pied  de  l'avenue  des 
Erables  actuelle,  devait  servir  de  résidence  au  fermier. 

Les  religieuses  Ursulines  avaient  acheté,  de  Noël  Pin- 
guet  et  de  Madeleine  Dupont,  son  épouse,  le  20  avril  1678, 
le  morceau  de  terre  d 'un  arpent  et  demi  de  front,  sur  douze 
de  profondeur,  qui  s'étendait  jusqu'à  une  ligne  située  à  mi- 
distance  entre  la  Grande- Allée  et  le  chemin  Saint-Jean. 
Cependant  les  Pinguet  avaient  gardé  les  vingt-cinq  arpents 
en  superficie  que  Noël  Pinguet  avait  acquis  de  Chartier  de 
Lotbinière,  en  1658,  et  qui  embrassaient  une  étendue  de 
quatre  arpents  de  front  de  chaque  côté  du  chemin  Saint- 

(23)      Cf.   Aveux  et   dénombrements    (28    Mai   1728)    Vol.    II.   fol.    548    et 
suiv. 


I 


— 131  — 

Jean.  Ce  morceau  de  terre  était  alors  partagé  entre  les 
héritiers  Pinguet.  Jacques  Pinguet  de  Vaucourt,  Eliza- 
beth  Depeiras,  veuve  de  Nicolas  Pinguet,  et  Elizabetli 
Pinguet  Detargis,  mariée  à  Louis  Lambert,  en  1723. 

De  plus  les  religieuses  Ursulines  avaient  acquis  de 
Louis  Rouer  de  Villeray,  sieur  d'Artigny,  le  30  avril  1727, 
les  anciennes  prairies  de  M  ar  sol  et,  excepté  toute  fois  la 
partie  située  au  nord  du  chemin  Saint-Jean  ;  le  tout  était 
'  '  en  terre  labourable,  sans  bastiment  '  '. 

M.  d'Artigny  avait  acheté  ce  terrain  le  23  jan- 
vier 1685  de.  Marie  le  Barbier,  veuve  de  Nicolas  Marsolet, 
et  épouse  en  secondes  noces  de  Denis  LeMaître,  (greffe 
de  François  Genaple).  Marie  le  Barbier  lui  avait  cédé  tout 
le  terrain  concédé  à  son  mari  en  1637,  moins  seize  arpents 
touchant  au  chemin  Saint-Louis,  que  ce  dernier  avait  ven- 
du à  Thierry  de  Lestre,  sieur  du  Vallon.  Les  religieuses 
Ursulines  se  trouvaient  donc  à  j^osséder  en  1728,  tout  le  ter- 
rain qui  s'étend  entre  l'aveime  Bougainville  et  l'avenue 
Murray,  moins  les  vingt-cinq  arpents  enclavés  entre  le  fief 
Saint- Joseph  et  l'ancienne  terre  de  Marsolet,  le  long  du 
chemin  Saint-Jean,  et  appartenant  aux  héritiers  Pinguet. 

Cependant  ces  mêmes  héritiers  avaient  vendu,  le  25 
septem]3re  1723  (greffe  de  Rageot),  à  Simon  Chamberland 
et  à  son  épouse  Elizabeth  Rondeau,  la  i)ai'tie  sud  du  ter- 
rain appartenant  autrefois  à  leur  grand-père  Henri,  située 
à  l'ouest  des  prairies  de  Marsolet,  entre  l'avenue  Murray 
et  l'avenue  Lévis.  Ils  avaient  déjà  vendu  en  1705,  à  Je- 
han Laviolette,  maître  tanneur,  la  partie  située  au  nord  du 
chemin  Saint- Jean,  trois  arpents  de  front,  jusqu'à  une  li- 
gne située  à  cinq  arpents  environ  entre  le  bas  du  coteau 
Sainte-Geneviève  et  la  rivière  Saint-Charles.  A  la  re- 
quête de  Pierre  Asselin,  tuteur  des  enfants  mineurs  de  Je- 
han Laviolette,  ce  morceau  de  terre,  fut  mis  aux  enchères 
et  adjugé  le  ler  mars  1712,  à  Charles  Pei-thuis  ''avec  la 
"maison,  tannerie,  moulin  à  tan,  cuir,  peaux  de  moutons, 
"peaux  de  vache-marine,  de  loup-marin,  poésie,  chaudière, 
"marmitte,  four,  étable,  et  autres  ustensiles,  circonstances 


—  132  — 

"et  dépendances"  le  tout  cédé  avec  l'obligation  "de  laisser 
"jouir  le  dames  religieuses  de  l'Hôpital  Général  du  fossé 
"qui  traverse  la  dite  terre,  d'entretenir  le  pont  qui  est  sur 
"le  ruisseau  qui  traverse  le  grand  chemin  Saint-Mi- 
"chel."  (24) 

Tous  ces  détails  sont  à  remarquer  ;  ils  nous  serviront 
bientôt  à  identifier  le  véritable  site  de  la  maison  Borgia  et 
du  moulin  Dumont.  Retenons  pour  le  moment,  que  le  ter- 
rain vendu  à  M.  Perthuis  est  justement  celui  où  se  trouve 
aujourd'hui  le  monument  des  Braves,  et  qu'il  y  avait  déjà 
en  cet  endroit  une  tannerie  et  un  moulin.  Nous  verrons 
plus  tard  comment  il  passa  entre  les  mains  de  M. 
Dumont,  qui  en  était  possesseur  lors  de  la  bataille  de  Sain- 
te-Foy,  en  1760. 

Le  fief  Saint-Jean  avait  aussi  changé  de  propriétaire. 
Jean  Bourdon  était  mort  au  mois  de  janvier  1668,  laissant 
comme  héritiers  ses  deux  fils,  Jean  Bourdon,  sieur  de  Dom- 
bourg,  et  Jacques  Bourdon,  sieur  d'Autray. 

Le  28  août  1678  (greffe  de  Becquet)  le  sieur  de  Dom- 
bourg,  vendait  à  Charles  Bazire,  receveur-général  des 
droits  et  domaines  du  roi,  la  moitié  par  indivis  du  fief 
Saint- Jean,  "consistant  en  maison,   grange,   étable,   cour, 

"jardin,  moulin  à  vent avec  environ  cent  trente  ar- 

"pents  de  terre,  pius  ou  moins,  dont  la  plus  grande  partie 
"est  en  valeur,  tant  en  terrés  labourables,  prairies  que  pa- 
'  '  cages  '  '. 

Bazire  n'était  ici  qu'en  prête-nom  ;  le  véritable  acqué- 
reur du  fief,  était  Charles  Aubert  de  Lachenaye. 

Le  sieur  de  Dombourg,  n'habitait  plus  Québec,  à  cette 
date.  Devenu  capitaine  de  navire,  il  voyageait  entre  Qué- 
bec et  Larochelle  où  demeurait  sa  femme,  Jeanne  Janniè- 


(24)      CahJèr  des  emplacements.        A.   1.  Titre  des  concessions  en  roture, 
fol.  10  V. 


—  133  — 

re,  et  ses  enfants  (25). 

Quant  au  sieur  d'Autray,  il  avait  suivi  M.  de  la 
Salle,  dans  les  ex2:)éditions  que  ce  dernier  avait  entreprises 
dans  l'Ouest.  Il  fut  tué  par  les  Iroquois  au  printemps  de 
1688,  comme  il  revenait  de  Cataracoui  (26). 

Le  sieur  de  Dombourg,  décéda  à  Laroclielle  en  1690. 

D'après  les  registres  de  la  Prévoté,  nous  voyons  que 
Jeanne  Jeannière  vint  à  Québec,  dans  l'été  de  1692,  pour 
régler  les  affaires  de  la  succession  de  son  époux  ;  l'année 
suivante,  elle  épousa  en  secondes  noces  Simon  Pierre  De- 
nys,  sieur  de  Bonaventure,  capitaine  de  frégate  et  lieute- 
nant du  roi,  en  Acadie. 

Jean-François  avait  laissé  plusieurs  enfants  ;  en  1720, 
nous  voyons  dans  les  registres  de  la  Pré  voté,  que  Fran- 
çois Bourdon,  écuyer,  sieur  de  la  Pinaudière,  capitaine  du 
navire  la  "Marie  Josej^h",  reclame  au  nom  et  comme  pro- 
cureur de  dame  Jeanne  Jannière,  veuve  en  secondes  noces 
de  Simon  Pierre  Denys,  sieur  de  Bonaventure,  le  fief  de 
Sainte- Anne,  à  la  pointe  de  Lévis,  donné  aux  Ursulines  en 
1660  par  Jean  Bourdon,  comme  dot  pour  sa  fille  Anne 
Bourdon. 

Aubert  de  la  Chenaye,  avait  déjà  acquis  les  propriétés 
voisines,  à  l'ouest  du  fief  Saint- Jean.  Il  avait  acheté,  le 
28  septembre  1675,  (greffe  de  Becquet)  la  terre  des  héri- 
tiers Sédillot  ;  le  1er  octobre  de  la  même  année  (greffe  de 
Becquet),  il  achetait  celle  de  Noël  Morin  ;  enfin  il  possédait 

(25), "Le  capitaine  Dombourg,  de  la  Rochelle,  qui  commande  le  vaisseau 
"Saint-François  Xavier  de  300  tonneaux,  sur  lequel  j'ai  passé  qui  est  fort 
"honnête  homme  et  fort  expérimenté,  s'est  offert  d'amener  sur  son  bord  300 
"soldats  avec  les  munitions  et  tout  ce  que  vous  jugerez  à  propos.  Il  s'est 
"encore  offert  de  trouver  un  vaisseau  pour  amener  un  pareil  nombre  de  sol- 
"dats  et  de  partir  le  15  mars,  pourvu  qu'il  soit  averti  au  commencement  de 
"février,  bien,  si  vous  envoyez  un  des  vaisseaus  du  roi,  qiHl  l'accompagne 
"dans  toute  la  route  et  particulièrement  dans  la  rivière,  il  s  aura  beaucoup 
"de  sûreté  à  faire  cette  navigation  avec  lui  parce  qu'il  l'a  :faite  trente  fois 
"connaît  fort  bien  la  rivière  Saint-Laurent". 

M.  de  Champigny  au  Ministre,  16  Novembre  1686.  Manuscrit  de  la  N.- 
F.  2ième  Série  Vol.  5  fol.  2932. 

(26)  Jugements  et  délibérations  du  Conseil  Souverain.  Tome  III  p. 
249. — 11  Octobre  1688.  ; 


—  134  — 

depuis  1659,  l'ancienne  terre  de  Robert  Caron,  acquise  de 
M.  d'Ailleboust  de  Musseaux. 

Noël  Morin  alla  s'établir  avec  son  fils  Alphonse  Morin 
dit  Valcourt,  dans  la  seigneurie  de  la  Rivière-du-Sud,  ou 
il  décéda  en  1680.  Son  autre  fils,  Jean-Baptiste  Morm  dit 
Rocliebelle,  s'établit  à  Sainte-Foy  (27). 

Les  frères  Sedillot,  Etienne,  Adrien  et  Jean  étaient  dé- 
jà établis  à  Sainte-Foy,  depuis  quelques  années  (28). 

Aubert  de  Laclienaye  mourut  en  1702,  laissant  des  det- 
tes pour  une  somme  de  408,000  livres  (29) .  Ses  belles  pro- 
priétés sur  le  coteau  Sainte-Geneviève,  furent  vendues  a 
l'enchère  à  la  requête  de  Jean  Gaillard,  curateur  de  la  suc- 
cession et  adjugées  au  docteur  Sarrazin,  le  22  octobre  1709, 
pour  la  sonmie  de  7,000  livres. 

Le  docteur  Michel  Sarrazin,  né  en  1659,  à  Nuits,  en 
Bourgogne,  était  arrivé  dans  la  Nouvelle-France,  vers 
1685  II  épousa  à  Montréal,  le  20  juin  1712,  Marie  Anne 
Ursule  Hazeur.  C'était  un  savant,  et  un  membre  corres- 
pondant de  l'Académie  des  Sciences  de  Paris. 

En  étudiant  de  près  l'acte  d'aveu  et  de  dénombrement 
qu'il  rendit  devant  l'intendant,  le  18  juillet  1726  (30),  on 
s'aperçoit  que  les  limites  assignées  au  fief  Saint- Jean  par 
cet  acte,  ne  correspondent  pas  à  celles  de  la  terre  primitive 
de  Jean  Bourdon. 

Le  fief  Saint-Jean,  tel  que  décrit  par  le  docteur  Sarra- 
zin se  trouvait  borné  au  nord  par  la  terre  de  Lanoraie,  a 
l'est  par  la  terre  de  défunt  Sedillot,  et  à  l'ouest  par  la  terre 
de  Jean  Dedieu.  Ces  limites  sont  justement  celles  de  la 
terre  concédée  autrefois  à  Robert  Caron,  c'est  ce  qu'expli- 
que que  sur  certaines  cartes  récentes,  le  fief  Saint-Jean  est 

(27)  Cf.  A,bbé  H.  A.  Scott,  ouvr.  cité.  p.  442. 

(28)  Cf.  Abbé  H.  A.  Scott,  ouvr.  cité  p.  451-452. 

(29)  Liste  générale  des  intéressez  en  la  Compagnie  de  la  Colonie  du  Ca- 
nada, et  des  actions  qu'ils  y  ont  prises  1708.  Compagnie  générale  1690-1763. 
Série  F.  Vol.  110  p.  531-554. 

(30)  Papier  terrier.       Cahier  C.  2.  fol.  293.  V. 


—  135  — 

indiqué,  comme  étant  sur  la  propriété  primitive  de  Robert 
Caron  (31). 

Dans  l'aveu  et, dénombrement  de  1726,  le  docteur  Sar- 
razin,  dit  qu'il  y  avait  alors  sur  le  fief  Saint- Jean  "une 
"maison  de  colombage  de  quarante  pieds  de  long  ou  envi- 
"ron  sur  dix  huit  pieds  de  large,  deux  granges  de  charpen- 
"te  l'une  de  cinquante  pieds,  et  l'autre  de  40  sur  24  de  lar- 
'■'ge,  une  étable  construite  de  même  de  40  pieds  de  long,  sur 
"20  de  large,  deux  petites  écuries,  de  même  de  12  pieds  en 
"carré,  et  environ  54  arpents  de  terre  tout  .  labourable, 
"qu'en  cour  et  jardin".  Toutes  ces  bâtisses  devaient  se 
trouver  au  pied  de  l'ancienne  route  Thorn  Hill,  sur  le  nu- 
méro 57  du  cadastre  de  la  banlieue. 

Le  docteui'  demeurait  avec  sa  famille  sur  la  rue  Saint- 
Louis,  et  un  fermier,  Gabriel  Flibot,  cultivait  sa  terre. 


(31)  Voir  un  plan  des  fiefe  Coulonge  et  Saint-Michel,  préparé  par  les 
arpenteurs  (Joseph  Bouchette  et  Joseph  Hamel,  en  1834,  et  conservé  dans  les 
Archives  du  Département  des  Terres  et  Forêts,  à  Québec. 

Ce  changement  du  site  primitif  du  fief  Saint-Jean,  est  dûment  indiqué 
dans  un  vieux  plan  conservé  au  Séminaire  de  Québec,  et  dressé  en  1763,  pro- 
bablement par  un  des  prêtres  du  Séminaire,  d'après  le  procès-verbal  d'un 
arpentage  des  terres  du  Séminaire,  par  Ignace  Plamondon,  en  1751.  Dans 
une  note  annexée  à  ce  plan,  on  lit  que  les  sieurs  LeMaître  Lamorille,  Charles 
Vallée  et  Plamondon  avaient  fait  l'arpentage  des  terres  de  Saint-Jean  en 
175  7,  et  que  dans  leur  procès-verbal,  ils  avaient  borné  le  flef  Saint-Jean,  à  la 
Grande-Allée,  se  disant  d'accord  en  cela  avec  Noël  Beaupré,  qui  dans  le  pro- 
cès-verbal de  l'arpentage  des  mêmes  terres  fait  en  1741,  le  bornait  à  la  Gran- 
Allée.  L'auteur  du  plan  en  question,  nie  cette  assertion.'  "Les  arpenteurs 
"ci-dessus,  dit-il,  ont  pris  cette  idée  chez  eux,  et  ce  que  Beaupré  appelle  le 
"flef  Saint-Jean,  c'est  la  terre  de  quatre  arpents,  quatre  perches,  joignant 
"d'un  côté  au  nord-ouest  la  terre  de  Pinguet  et  à  présent  le^  représentants  de 
"Borgia  Levasseur,  et  d'autre  côté  au  sud-ouest,  la  terre  des  représentants 
"Noël  Morin.  Ce  sont  justement  les  limites  de  la  terre  primitive  de  Jean 
Bourdon,  l'ancien  fief  Saint-Jean,  qui  s'étendait  jusqu'à  la  Grande-Allée.  En 
donnant  la  même  borne  au  fief  Saint-Jean,  qu'ils  supposaient  maintenant  com- 
pris dans  les  limites  de  la  terre  appartenant  à  Robert  Caron,  les  arpenteurs 
LeMaître,  Lamorille,  Vallée  et  Plamondon,  se  trouvaient  à  ei^claver  dans  leur 
prétendu  fief  Saint-Jean,  une  partie  de  la  terre  Lanoraie,  et  c'est  pourquoi 
l'auteur  du  plan,  proteste  contre  leur  assertion.  Il  faut  remarquer  en  effet, 
que  toutes  les  terres  concédées  à  l'ouest  de  la  terre  primitive  dt  Jean  Bourdon, 
jusqu'à  la  limite  de  la  paroisse  Sainte-Foy,  étaient  bornées  du  sud,  par  une 
ligne  parallèle  à  la  Grande-Allée,  distante  de  cette  rue  de  cinj^  arpents  et  six 
perches,  laquelle  ligne  faisait  la  séparation  entre  ces  terres  etUa  terre  de  La- 
noraie, appartenant  au  Séminaire  de  Québc.  C'st  cette  ligné  que  l'on  men- 
tionne souvent  dans  les  vieux  actes  de  notaires,  sous  le  ftonv]de  "trait  carré 
des  prêtres". 


—  136 


Les  deux  frères  Jacques  et  Jean  L 'Archevêque  avaient 
quitté  depuis  longtemps  le  coteau  Sainte-Genevieve  ils 
àaient  allés  s'établir  à  Sainte-Foy  (32)  Henri  était  dé- 
cédé en  1687.  Sa  veuve,  Madeleine  Trepagnier  avait 
épousé,  en  secondes  noces,  le  26  août  1688,  Robert  Voyer  ; 
en  vertu  de  son  contrat  de  mariage,  il  était  devenu  proprié- 
taire de  la  moitié  des  terres  de  l'Arcliévêque  ;  il  avait  ache- 
té l'autre  moitié,  de  Jean,  le  24  avril  1688  j;grefee  de  Ra- 
geot) .  Robert  Aboyer,  qui  demeurait  à  la  cote  de  Uiampi- 
Inv  paroisse  de  l'Ancienne  Lorette,  vendit  le  tout,  le  19 
mai  1701  (greffe  de  Chamballon)  à  Jean  Dedieu  mar- 
chand, et  à  Jean  Moucher,  maître-tanneur  en  1703,  Jean 
Moucher  se  désista  volontairement  en  faveur  de  Dedieu,  de 
tous  les  droits  et  prétentions  qu'il  pouvait  avoir  sur  cette 
terre. 

En  1726,  le  sieur  Dedieu  déclarait  qu'il  y  avait  sur  sa 
propriété,  une ''maison  de  pièces  sur  pièces,  de  dix-neu. 
^pieds  de  long  sur  seize  pieds  de  large,  une  grange  cons- 
'4ruite  de  même  de  vingt  cinq  pieds  de  long  sur  dix-huit 
''de  large,  un  bastiment  servant  de  tannerie  aussi  de  pièces 
''sur  pièces  de  vingt-huit  pieds  de  long  sur  vingt  pieds  de 
"lare-e  •  quinze  arpents  de  terre  labourable  et  environ  huit 
"arpents  de  prairie,  le  reste  de  la  dite  terre,  estant  en  bois 
"debout"  (33). 

Ces  bâtisses  devaient  être  situées  à  environ  deux  ar- 
pents à  l'ouest  de  celles  du  docteur  Sarrazin,  sur  le  numéro 
56  du  cadastre  de  la  banlieue. 

Le  docteur  Sarrazin  fit  plus  tard  l'acquisition  de  cette 
propriété  ;  nous  ne  savons  à  quelle  date. 

Nicolas  Bonhomme  était  décédé  en  1683,  laissant  trois, 
fils  •  Guillaume,  Ignace  et  Nicolas,  qui  se  partagèrent  la 
terre  paternelle.  En  1726  la  partie  du  nord-est  apparte- 
nait encore  aux  héritiers  de  Nicolas,  decede  en  1711  ;  la 
partie  du  n^lieu  avait  été  cédée  par  Ignace  à  François  Boi- 

(32")      Cf.  Abbé  H.  A.  Scott,  ouvr.  cité  p.  479.  .       .       ■        r-o 

(33)      Cf.  Aveux  et   dénombrement  du   2   juillet   1726,   Papier  terrier  C2. 

Vol.  1  fol.  282. 


— 137  — 

vin,  dont  nous  n'avons  pu  retrouver  les  titres  d'achat  ;  la 
partie  de  l'ouest  avait  été  vendu  par  François  Bonhonune, 
héritier  de  Guillaume,  à  Jacques  Lavaux,  maître-tanneur, 
le  24  octobre  1717  (greffe  de  Dubreuil). 

Dans  son  aveu  et  dénombrement  de  1726,  Jacques  La- 
vaux, déclare  qu'il  n'a  "aucun  titre  concernant  le  dit  ter- 
"rain,  sur  lequel  il  y  a  une  maison  de  pièces  sur  pièces  de 
"trente  pieds  de  long  sur  vingt  de  large^  avec  une  petite 
"alonge  de  vingt  pieds  ou  environ  qui  sert  d'écurie,  dix  ar- 
"pents  de  terre  labourable,  et  environ  deux  arpents  en 
"prairie  (34). 

L'ancienne  terre  de  Pierre  Delaunay,  avait  subi  plu- 
sieurs mutations  depuis  1668.  Les  trois  frères  Louis, 
Henri  et  Charles  Delaunay  avaient  abandonné  à  Vincent 
Poirier,  sieur  de  Bellepoire,  qui  avait  épousé  leur  mère, 
Françoise  Pinguet,  tous  les  terrains  qu'ils  tenaient  de  leur 
père.  D'un  autre  côté,  Thérèse  Poirier,  leur  soeur  utéri- 
ne, avait  cédé  à  son  mari,  Mathieu  Guay,  sa  part  d'hérita- 
ge. Vincent  Poirier  légua,  par  donation  entre  vifs,  en 
1688,  (greffe  Rageot)  au  même  Mathieu  Guay,  les  terrains 
acquis  des  frères  Delaunay. 

Mathieu  Guay,  épousa  en  secondes  noces,  le  17  avril 
1695,  Marguerite  Balan  (Beland)  laquelle  se  remariait  le 
30  décembre  1722,  à  René  Duchesneau. 

En  1726,  Marguerite  Balan,  veuve  Duchesneau,  faisait 
aveu  et  dénombrement,  tant  pour  "elle,  que  pour  les  en- 
"fants  et  héritiers  de  feu  Mathieu  Guay,  tant  de  son  pre- 
"mier  mariage  avec  Marie  Thérèse  Poirier,  sa  femme  que 
"pour  ceux  qu'elle  a  eu  de  son  mariage  avec  le  dit  Guay". 
Elle  déclarait  qu'il  avait  sur  sa  propriété  "sur  le  bord  du 
"chemin  une  maison  de  pièces  sur  pièces  enduitte  en  de- 
"dans,  de  trente  pieds  de  long  sur  vingt  deux  de  large,  une 
"grange  de  charpente  de  trente  cinq  pieds  de  long  sur  vingt 
"deux  de  large,  trente  arpents  de  terre  labourable,  et  trois 


(34)      Aveu  et  dénombrement  (1726)  Papier  terrier  C2.  fol.  286V 


—  138  — 

"arpents  de  prairie,  le  reste  de  la  terre  étant    en  bois    de- 
bout" (35). 

L'ancienne  propriété  de  Gloria,  appartenait  mainte- 
nant à  Pierre  Rouillard,  époux  de  Marie  Renée  Charland, 
iils  de  Jean,  et  petit-fils  d'Antoine,  un  des  premiers  censi- 
taires du  fief  Saint-François.  Cette  terre  avait  été  ache- 
tée par  Jean  Rouillard,  des  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu, 
(18  avril  1699,  greffe  de  Genaple)  lesquelles  l'avaient  ac- 
quise de  François  Toupin  (11  septembre  1675,  greffe  de 
Becquet),  à  qui  elle  était  advenue,  par  suite  de  son  maria- 
ge (3  juin  1669)  avec  Marie  Bourdon,  veuve  de  Jean  Glo- 
ria. 

Le  fief  Saint-François  avait  été  vendu  le  28  août  1677 
(greffe  de  Becquet),  par  Jean  François  Bourdon,  sieur  de 
Dombourg,  et  peu'  Jacques  Bourdon,  sieur  d'Autray,  à 
Charles  Aubert  de  Lachenaye.  Le  19  novembre  1678 
(greffe  de  Becquet),  le  sieur  de  la  Chenaye,  le  revendait  à 
Gaston  Guay,  et  à  son  épouse,  Jeanne  Prévost,  pour  la  som- 
me de  3,400  livres.  Enfin,  le  3  décembre  1691,  (greffe 
d 'Aubert)  Jeanne  Prévost,  devenue  veuve,  vendait  du  con- 
sentement de  Mathieu,  de  Jean-Baptiste,  de  Charles  Guay, 
et  de  Noël  Levasseur,  son  gendre,  le  fief  Saint-François,  à 
Jean  Baptiste  Prévost  et  à  Marie  Giroux,  son  épouse,  pour 
la  même  somme. 

En  1725,  Jean  Baptiste  Prévost,  demeurait  sur  le  fief 
Saint-François,  où  il  avait  un  domaine  de  deux  arpents  de 
front,  sur  quatorze  de  profondeur,  sur  lequel  il  y  avait  une 
"maison  de  pièces  sur  pièces  de  trente  pieds  de  long,  sur 
"vingt  un  de  large,  une  grange  de  charpente  de  trente  cinq 
"pieds  de  long  sur  vingt  de  large,  une  étable  au  bout  de  la 
"dite  grange,  de  pièces  sur  pièces,  de  douze  pieds  de  long, 
"sur  la  même  largeur,  environ  vingt  cinq  arpents  de  terre 
"labourable,  et  six  arpents  de  prairie". 

Dans  la  censive  du  fief  Saint-François  étaient  les  pro- 
priétaires suivants  :  le  docteur  Sarrazin,  François  Boivin, 

(35)      Aveu  et  dénombrement  du   4  juillet   1726.        Papier  terrier  C2   fol. 
292  V. 


— 139  — 

Pierre  Roiiillard  et  Pierre  Levasseur.  Aucun  de  ces  der- 
niers habitait  en  cet  endroit  ;  tous  les  habitants  que  nous 
avons  vu  en  1668,  établis  autour  du  fort,  étaient  partis  pour 
d 'autres  ,cieux. 

III 

1740-1800 

Les  mutations  de  terrains  qui  surviennent  durant  ce 
laps  de  temps  sur  le  coteau  Sainte-Geneviève,  sont  d'une 
importance  capitale,  au  point  de  vue  de  l'histoire  car  il  est 
nécessaire  de  s'en  rendre  compte  pour  reconnaître  appro- 
ximativement les  différents  sites  où  se  déroula  la  bataille 
des  Plaines  et  celle  de  Sainte-Foy. 

Les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu  et  les  religieuses  Ursu- 
lines  restent  toujours  en  possession  des  terrains  qui  vont  de 
la  rue  Claire-Fontaine  à  l'avenue  Murray.  Tous  ces  ter- 
rains étaient  en  culture,  à  l'exception  d'une  certaine  éten- 
due, entre  la  rue  Claire-Fontaine,  et  la  rue  Salaberry,  qui 
était  encore  en  bois  ;  de  plus,  des  plantations  de  sapins  et 
d'épinettes  bordaient  la  cime  du  coteau,  et  s'étendaient  en 
certains  endroits  jusqu'au  chemin  Saint- Jean  ;  de  la  rue 
Claire-Fontaine  à  l'avenue  Murray,  il  n'y  avait  en  1759, 
que  deux  propriétaires  résidant  le  long  du  chemin  Saint- 
Jean.  Louis  Manseau  et  François-Louis  Borgia  Levas- 
seur. 

Nous  voyons,  en  effet,  que  les  religieuses  de  l'Hôtel- 
Dieu,  avaient  concédé,  le  18  août  1752,  (greffe  de  Saillant) 
à  Jean  Déguise  dit  Flamand,  tanneur,  un  terrain  de  ^ 
d'arpents  de  front  sur  72  pieds  de  profondeur.  Ce  ter- 
rain se  trouvait  justement  à  l'endroit  où  est  la  remise  ac- 
tuelle des  tramways  de  la  ville,  à  l'encoignure  ouest  de  la 
rue  Saint- Jean  et  de  la  rue  Racine.  Déguise  dit  Flamand 
revendit  le  même  terrain,  le  22  janvier  1757,  à  Louis  Man- 
seau, son  beau-frère,  également  maître-tanneur. 

Dans  la  déclaration  de  l'étendue  de  cette  j^ropriété  que 
Manseau  fit  en  présence  du  greffier  du  domaine  du  roi,  le 
28  décembre  1758,  il  est  dit,  qu'il  avait  une  maison  en  cet  en- 


— 140  — 

droit  (36) .  Ce  doit  être  celle,  dont  il  est  fait  mention  dans 
le  journal  du  curé  Réclier  (37),  quand  il  dit  qu'après  s'être 
réfugié  chez  un  nommé  Primeau,  près  de  l'Hôpital-Géné- 
ral, dans  la  nuit  du  12  août  (1759)  des  bombes  vinrent 
tomber  "derrière  la  maison  de  Primeau,  et  même  ])lus  loin, 
et  au-delà  de  Manseau,  au  haut  du  coteau". 

L'autre  résident  du  chemin  Saint- Jean,  était  Fran- 
çois Louis  Borgia-Levasseur  ;  ce  Borgia-Levasseur  est  de- 
venu un  personnage  historique,  parce  que  Wolf  e  en  arri- 
vant sur  les  hauteurs  du  coteau  Sainte-Geneviève,  le  ma- 
tin de  la  bataille  des  Plaines  se  serait  eu^psiré  de  sa  maison 
et  l'aurait  fortifiée.  M.  Philippe  Baby-Casgrain,  a  établi 
la  généalogie  du  personnage  en  question. 

François  de  Borgia  (38)  fils  de.  Pierre  Levasseur,  me- 
nuisier, et  de  Anne  Ménage,  était  né  à  Québec,  le  4  avril 
1707.  On  ne  tarda  pas  à  le  désigner  dans  la  famille  sous  le 
nom  de  Borgia,  et  c'est  sous  ce  surnom  qu'il  est  passé  dans 
l'histoire.  Il  épousa  à  Québec,  le  2  mai  1730,  Hélène  Mo- 
reau.  Le  26  novembre  1742,  (greffe  de  Boucawilt)  il  achetait 
l'ancienne  propriété  de  Henri  Pinguet,  située  à  l'ouest  de 
l'avenue  Murray,  entre  la  terre  des  religieuses  Ursulines 
et  l'ancien  fief  Saint- Jean.  Nous  constatons  par  l'inven- 
taire qu'il  fit  de  ses  propriétés,  le  3  septembre  1744,  (gref- 
fe de  Jacques  Pinguet),  après  la  mort  de  son  épouse,  que 
c'était  bien  la  seule  terre  qu'il  possédait  dans  le  moment 
sur  le  coteau  Sainte-Geneviève.  Il  avait  ensemencé  au 
printemi)s  de  1744,  28  minots  de  blé,  13  minots  d'avoine  et 
deux  minots  d'orge  ;  François  Borgia  se  contentait  de  cul- 
tiver sa  terre,  sans  y  résider,  car  il  dit  dans  l'inventaire 
qu'il  demeurait  dans  sa  maison,  rue  Saint-Louis.  De  plus 
nous  constatons  que  Françoi«  Borgia  ne  demeurait  pas  da- 
vantage en  cet  endroit,  lorsqu'il  exhiba  son  titre  de  pro- 

(36)  Archives  de  la  Nouvelle-France.  Déclarations  des  censitaires  Ca- 
hier Al.  fol.  61  V. 

(37)  Bulletin   des  Recherches  Historiques.    1903,   p.    132. 

(38)  La  maison  de  Borgia.  Premier  poste  de  Wolfe  à  la  bataille  des 
Plaines  d'Abraham.  Où  était-elle  située.  Mémoires  de  la  Société  Royale 
du  Canada.        Deuxième  Série.       Tome  X  Section  I.  1904. 


— 141  — 

priété  au  greffier  du  domaine  du  roi,  le  28  décembre  1758 
(39).  Dans  l'enregistrement  qu'en  lit  le  greffier,  il  est 
simplement  fait  mention  que  Borgia  possédait  une  terre 
sise  en  la  côte  Saint-Jean. 

Mais  voici  que  quelques  années  après  son  second  ma- 
riage avec  Marie  Joseph  Gatien,  nous  trouvons  Borgia 
propriétaire  d'un  terrain,  au  nord  du  chemin  Saint- Jean, 
situé  en  face  de  celui  des  religieuses  Ursulines,  et  faisant 
partie  des  anciennes  prairies  de  Marsolet.  Nous  regrettons 
de  n'avoir  i3u  trouver  l'acte  d'achat  de  ce  terrain,  mais  nous 
avons  comme  preuve  de  notre  avancé,  un  procès-verbal  du 
grand- voyer  Lanouillier  de  Boisclair,  en  date  du  13  juin 
1750.  Le  grand-vqyer  déclare" dans  ce  procès-verbal,  qu'il 
s'est  transporté  à  la  côte  Saint- Jean  pour  régler  une  diffi- 
culté entre  le  sieur  Dumont  et  le  nommé  Borgia-Levasseur, 
au  sujet  du  chemin  (Saint- Jean)  qui  est  rempli  d'eau  et 
impraticable.  Pour  remettre  le  diemin  en  bon  état,  M. 
Lanouillier,  oblige  les  propriétaires  des  terrains 
avoisinants  à  faire  certains  travaux,  entre-autres  : 
les  religieuses  Ursulines  "un  fossé  de  trois  i)ieds 
"de  large  et  de  creux,  au  sud  du  dit  grand  chemin,  pour 
"recevoir  les  eaux  qui  viennent  de  dessus  leurs  dites  terre" 
(les  anciennes  prairies  de  Marsolet)  et  le  nonmié  Borgia, 
de  concert  avec  les  Dames  Ursulines,  une  saignée  dans 
le  chemin,  pour  faire  écouler  l'eau,  "qu'il  conduira  par  le 
moyen  d'un  fossé  de  trois  pieds  de  large  et  de  creux  jus- 
qu'au coteau  Sainte-Geneviève,  parce  que  la  terre  de  Bor- 
gia ne  fait  qu'une  partie  de  celle  des  dites  Dames  Ursuli- 
nes". Cette  dernière  partie  du  procès-verbal  semblerait 
indiquer  que  Borgia  tenait  ce  terrain  des  religieuses  Ursu- 
lines. Dans  tous  les  cas,  ce  terrain  se  trouvait  au  nord  du 
chemin  Saint-Jean,  sur  le  penchant  du  coteau. 

De  plus  nous  avons  un  document  cité  par  M. 
Casgrain  (40)  qui  prouve  que  Borgia  avait  une  maison  sur 
ce  terrain  ;  c'est  un  bail  qu'il  fit  à  Samuel  Sills,  négociant 

(39)  Cf.  Déclarations  des  censitaires  de  Québec.        Cahier  Al.   p.    68. 

(40)  Cf.  ouvr.  cité  p.  47. 


— 142  — 

de  Québec,  le  2  décembre  1763  (greffe  de  Saillant)  par  le- 
quel, il  lui  louait  un  terrain,  situé  du  côté  nord-ouest  du 
chemin  Saint- Jean,  "divisé  en  trois  clos,  à  une  demie-lieue 
"de  la  ville,  sur  le  chemin  Saint- Jean,  ensemble  une  mai- 
"son,  grange  et  étable,  cour,  jardin  et  dépendances,  tenant 
"au  nord-est  aux  Ursulines,  au  sud-ouest  au  nommé  Rou- 
"thier,  au  sud-est  au  chemin  Saint- Jean  et  au  nord-ouest 
"au  coteau  Sainte-Geneviève,  avec  certaines  conditions, 
"entr 'autres  de  réjjarer  la  maison,  la  rendre  logeable,  y 
"mettre  et  fournir  les  châssis". 

Est-ce  là  la  maison  Borgia  de  la  bataille  des  Plaines  ? 
Nous  le  croyons.  La  propriété  dont  il  est  ici  question 
nous  paraît  bien  être  celle  indiquée  sur  le  j^lan  du  "British 
Muséum  (41)  "  par  le  tracé  d'un  petit  enclos  où  l'on  distin- 
gue la  forme  d 'une  bâtisse  quelconque  marquée  de  la  lettre 
A.  Dans  tous  les  cas,  ce  terrain  divisé  en  trois  clos,  c'est 
l'ancienne  propriété  Thompson,  les  numéros  23,  23a  et  24 
du  cadastre  de  la  banlieue,  appartenant  aujourd'hui  aux 
religieuses  de  Saint-Joseph  de  Saint- Vallier.  La  maison 
Borgia  devait  se  trouver  dans  le  coin  sud-est  du  numéro  23, 
le  long  du  chemin  Saint-Jean,  à  environ  cinq  arpents,  à 
l 'ouest  de  l 'avenue  des  Erables. 

François  de  Borgia  avait  acheté  de  Charles  Pinguet 
de  Montigny,  petit-fils  de  Jacques  Pinguet  de  Vaucour,  le 
20  octobre  1762  (greffe  de  Saillant)  un  terrain  consistant 
en  "deux  arpents  de  front  sur  quatre  arpents  de  profon- 
deur situés  à  Saint- Jean,  tenant  d'un  bout  par  devant  au 
"chemin  Saint- Jean,  par  derrière,  aux  dames  Ursulines 
"de  Québec,  et  d'autre  côté,  à  la  veuve  Lambert". 

C'était  le  terrain  voisin,  à  l'est  des  trois  clos  précé- 
demment indiqués  ;  par  ce  dernier  achat,  François  de  Bor- 
gia, se  trouvait  être  en  possession  de  tous  les  terrains  ap- 
partenant aux  Pinguet,  sur  le  coteau  de  Sainte-Geneviè- 
ve.     Le  30  octobre  1766  (greffe  de  J.  A.  Panet)  il  ven- 

(41)  Ce  plan  est  reproduit  dans  l'ouvrage  :  "The  Siège  of  Québec  and 
the  battle  of  the  Plains.  By  A.  Doughty,  in  collaboration  with  G.  Parmelee. 
Québec,  Dussault  et  Proulx,  1901-Vol  II,  p.  257. 


— 143  — 

dait  conjointement  avec  sa  seconde  femme,  et  comme  aux 
droits  de  ses  enfants  Louis,  Marie-Jeanne  et  Hélène  Bor- 
gia  Levasseur,  héritiers  de  leur  mère  Hélène    Moreau,    à 
Jean    Roy,    maître-traiteur    de    Québec,    le    terrain    de 
trois  arpents  de  front,  situé  entre  la  terre  des  Ursulines,  et 
l'ancien  fief  Saint- Jean;  François  Borgia,  garda  cependant 
la  propriété  affermée  à  Samuel  Sills  en  1763.      En    effet, 
nous  le  voyons,  par  un  acte  du  10  septembre  1776,  (greffe 
de  J.  A.  Panet)  partager  entre  ses  enfants,  Philippe    Au- 
gustin Borgia-Levasseur,  sellier,  Marie-Jeanne  Borgia  Le- 
vasseur, épouse  de  Jean-Baptiste  Manseau,    et    Catherine 
Borgia-Levasseur,  âgée  de  dix-huit  ans  ''trois  arpents,  cinq 
'perches,  et  douze  pieds  de  terre  de  front,  sur  la  profon- 
'deur  qu'il  peut  y  avoir  depuis  le  côté  du  nord   du  chemin 
'du  roi,  qui  conduit  à*Sainte-Foy,  jusqu'au  pied  du  coteau 
'Sainte-Geneviève,  prenant  d'un  bout  au  front  de  la  dite 
'terre,  le  long  du  dit  chemin,  et  d'autre  bout  aux  terres  des 
'religieuses  de  l'Hôtel-Dieu  et  de  l'Hôpital-Général,  joi- 
'gnant  d'un  côté  au  restant  de  terre  qui  appartient  au  dit 
'François  Louis  Borgia,  père  (la  terre  achetée  de  Charles 
'Pinguet  de  Montigny  le  20  octobre   1762)  et  du  côté    du 
'sud-ouest,  à  la  terre  de  Michel  Routier".      Il  leur  aban- 
donne aussi  "une  grange  de  bois  couverte  en  bardeaux,  le 
'solage  de  i^ierre,  de  trente  pieds  de  long  sur  vingt  de  lar- 
'ge,  ensemble  la  masure  d'une  maison,  qui  a  été  incendiée 
'le  printemps  dernier  à  cause  de  la  guerre  des    rebelles". 
Nous  croyons  que  cette  maison  est  justement  <*elle  dont  il 
est  fait  mention  dans  le  bail  à  Samuel  Sills,  laquelle  venait 
de  subir  pour  la  seconde  fois,  les  épreuves  de  la  guerre. 

Les  héritiers  Levasseur  ne  tardèrent  pas  à  vendre 
leurs  propriétés  du  coteau  Sainte-Geneviève.  Le  25  fé- 
vrier 1780,  (greft'e  de  Berthelot  d'Artigny)  dix-sept  jours 
après  le  décès  de  leur  j^ère,  ils  cédaient  à  "John  Schanks, 
"lieutenant  de  vaisseau,  quarante-huit  toises  de  front  sur  le 
"chemin  Saint- Jean  jusqu'au  coteau  Sainte-Geneviève", 
et  "l'autre  terre  de  l'autre  côté  du  chemin,  trois  arpents  et 
"demi  de  front  sur  quatre  arpents  de  profondeur,  affermés 


—  144  — 

"à  Timothy  Connolly,  par  feu  François  Louis  Borgia-Le- 
"vasseur,  sous  seing  privé,  le  21  mars  1778".  Ce  John 
Sclianks,  qui  était  un  ingénieur  remarquable,  devint  plus 
tard  amiral  dans  la  marine  anglaise  (42). 

En  1794,  il  avait  définitivement  quitté  le  Canada,  et 
demeurait  à  Dawlish,  dans  le  comté  de  Devon,  en  Angleter- 
re. Le  21  mars  1796,  il  vendait,  par  son  procureur  Thomas 
Grant,  ses  propriétés  du  Coteau  Sainte-Geneviève,  à  l'ho- 
norable William  Grant,  seigneur  de  Saint-Roch,  Charles 
Grey  Stewart,  employé  aux  douanes  de  Québec,  les  acquit 
en  1808,  par  sentence  d'adjudication  du  shérif,  sur  la  suc- 
cession de  l'honorable  William  Grant.  Enfin  ces  proprié- 
tés qui  comprenaient  les  numéros  22  et  95,  du  cadastre  de 
la  banlieue  furent  plus  tard  partagées  entre  l'honorable 
David  Ross  et  M.  Robert  Bruce. 

Le  lot  de  terre  à  l'ouest  (numéro  23  du  cadastre  de  la 
banlieue)  celui  sur  lequel  nous  avons  placé  la  maison  Bor- 
gia  de  1759,  fut  vendu  par  Jean-Baptiste  Manseau,  veuf  de 
Marie- Jeanne  Levasseur,  le  15  janvier  1789  (greffe  de  Des- 
cheneaux)  à  Pierre  Déguise  dit  Flamand,  lequel  le  reven- 
dit, le  13  février  1796  (greffe  de  Planté)  à  l'honorable  Wil- 
liam Grant.  Le  29  mars  1808  le  même  morceau  de  terre 
était  adjugé  par  décret,  à  Louis  Tapin. 

Ce  même  Louis  Tapin,  avait  acquis  le  7  août  1785 
(greffe  de  Berthelot  d'Artigny)  les  deux  lots  à  l'ouest 
(Nos  23a  et  24,  du  cadastre  de  la  banlieue)  de  Philippe  Au- 
gustin Borgia-Levasseur,  et  de  Nicolas  Borgia-Levasseur  ; 
'enfin,  Louis  Tapin,  vendit  le  21  mai  1809,  (greffe  de  Bé- 
langer) à  Thomas  Saul,  boulanger,  les  trois  lots,  qui  for- 
mèrent plus  tard  la  propriété  "Bijou"  de  M.  An- 
drew Thompson  (43). 

Dans  l'acte  de  partage,  passé  en  1776,  entre  François 
Louis  Borgia-Levasseur,  et  ses  enfants,  nous  voyons  que  la 

(42)  Sketches  of  celebrated  Canadians  and  persons  connected  with  Ca- 
nada. .  .  .by  Henry  J.  Morgan.  Québec.  Printed  and  published  by  Hun- 
ter.  Rose  &  Co.,  M.  DCCCLXII.  p.  97-98. 

(43)  Cf.  Archives  de  la  Nouvelle-France.  Papier-Terrier.  Domination 
Anglaise.       Cahier  B.  I.  fol  615  wt  suiv. 


—  145  — 

terre  de  celui-ci  était  bornée  à  l'ouest  par  celle  de  Michel 
Routier,  qui  possédait  deux  arpents  et  demi  de  front  sur  le 
chemin  Saint- Jean  jusqu'à  six  pieds  de  la  cime  du  coteau 
Sainte-Geneviève.  Michel  Routier,  cultivateur  de  Sain- 
te-Foy,  et  son  épouse  Marie  Thérèse  Angélique  Mauffet, 
avait  acheté  cette  propriété,  le  8  septembre  1754,  (greffe  de 
Saillant)  de  Marie- Anne  Denys  de  Saint-Simon,  veuve  de 
Michel  Berthier,  vivant,  chirurgien  du  roi,  à  laquelle  dame 
ce  terrain  api^artenait,  conmie  lui  ayant  été  légué  par  le 
sieur  Collet,  procureur-général  du  Conseil  Supérieur.  Nous 
n'avons  pu  découvrir  comment  M.  Collet  était  deve- 
nu propriétaire  de  ce  morceau  de  terre,  qui  faisait  partie 
des  anciennes  prairies  de  Marsolet. 

Michel  Routhier  vendit  ce  terrain,  le  ler  mars  1785, 
(greffe  de  Planté)  à  dame  Marie  Geneviève  Louvay,  veu- 
ve de  Joseph  Dupont,  tils.  L'évêque  Mountain  demeura 
plusieurs  années  en  cet  endroit  qui  devint  plus  tard  la  pro- 
priété de  M.  Robert  Hamilton  (Hamwood)  achetée  récem- 
ment, i3ar  les  Révérends  Pères  Jésuites  de  M.  E.  A.  Fortin. 
(Numéro  25  du  cadastre  de  la  banlieue). 

En  1790,  nous  voyons  les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu 
et  Ips  religieuses  Ursulines,  louer  i^ar  bail  emjjhythéotique 
pour  99  ans,  tous  leurs  terrains  du  coteau  Sainte-Geneviè- 
ve. Ces  transactions  donnèrent  lieu  à  de  multiples  con- 
trats de  location  qui  furent  tous  passés  par  devant  le  no- 
taire Deschenaux.  Nous  donnerons  les  noms  des  citoyens 
de  l'époque  qui  se  portèrent  acquéreurs  de  ces  terrains, 
ainsi  que  la  situation  respective  de  chacun  des  terrains 
concédés. 

Du  côté  nord  de  la  rue  Saint-Jean,  à  partir  de  la  rue 
Deligny,  des  baux  de  location  furent  accordés  par  les  reli- 
gieuses Hospitalières  aux  citoyens  dont  les  noms  suivent  : 
Pierre  Vincent,  Zacharie  Gagnon,  François  Deligny  (ler 
septembre  1790)  8  perches  et  14  pieds  de  front,  sur  quatre 
arpents  de  profondeur.  Pierre  Vocelle ....  Jean-Bap- 
tiste Paquet,  forgeron  (11  juin  1790)  un  arpent,  et  cinq 
l)ieds  de  front,  jusqu'à  la  cîme  du  coteau.      Ces  trois  ter- 


—  146  — 

rains  embrassaient  l'espace  compris  entre  la  rue  Deligny  et 
la  ruelle  Vauban. 

Nathaniel  Taylor,  commissaire  de  la  Paix,  quatre  ar- 
pents et  seize  pieds  de  front,  en  profondeur  jusqu'à  la  cîme 
du  coteau  (31  mai  1790),  de  la  ruelle  Vauban  à  la  rue  Raci- 
ne. 

Louis  Manseau,  tanneur,  trois  arpents  de  front,  en 
profondeur  jusqu'à  la  cîme  du  coteau  (de  la  rue  Racine  à 
la  rue  Marchand)  (12  juin  1790),  déduction  faite  d'un  lot 
de  sept  perches  et  neuf  pieds  de  front  sur  l 'alignement  du 
chemin  Saint- Jean,  acquis  comme  nous  l'avons  vu  plus 
haut,  de  Jean  Marie  Déguise  dit  Flamand. 

Le  30  novembre  1790  (greffe  de  Deschenaux)  Louis 
Manseau  vendait  à  son  voisin  Nathaniel  Taylor  son  droit 
d'amphytéose,  plus  le  lot  acquis  de  Déguise  dit  Flamand, 
et  '  '  deux  maisons  construites  en  bois  sur  le  susdit  terrain, 
''les  instruments,  cuves  en  cuivre,  et  bois  propres  à  la  tan- 
"nerie,  qui  sont  actuellement  dans  "l'une  des  dites  mai- 
"sons".  Nous  croyons  que  ces  deux  maisons  désignent 
tout  simplement  la  maison  privée  de  Louis  Manseau,  et  cel- 
le qui  était  habitée  dans  le  moment  par  son  fils  Jean-Bap- 
tiste Manseau,  éj^oux  de  Marie-Jeanne  Borgia-Levasseur, 
et  non  ]3as  la  maison  de  Louis  Manseau,  et  celle  de  Fran- 
çois Borgia-Levasseur,  qui,  comme  nous  l'avons  démontré 
précédemment,  était  située  à  un  demi  mille  plus  à  l 'ouest,  de 
toute  la  distance  qu'il  y  a  entre  la  rue  Racine,  et  la  proprié- 
té actuelle  des  Religieuses  de  Saint-Joseph  de  Saint- Val- 
lier  (44) .  De  plus,  les  seuls  liens  de  parenté  qui  existaient 
entre  les  Manseau  et  les  Borgia-Levasseur,  ne  sont  pas  des 
arguments  suffisants  à  notre  avis  pour  conclure  qu'il  y 
avait  en  1759  deux  maisons  en  cet  endroit,  et  que  l'une  de 
ces  maisons  était  celle  de  François  Louis  Borgia-Levasseur, 
comme  le  dit  M.  Philippe  Baby-Casgrain. 

(44)      M.  P.  B.  Casgrain.  ouvr.  cité  p.  59. 

(A  suivre) 

IVANHOE  CARON,  Ptre. 


—  147  — 

LETTRE   DU   MINISTRE   A   M.    DE 

MENNEVAL,   GOUVERNEUR   DE 
L'ACADIE 


A  Versailles,  le  1er  may  1689 
Monsieur, 

"Vous  aurez  sans  doute  apris  la  révolution  arrivée  en  Angleterre  par 
l'invasion  du  prince  d'Orange.  Et  comme  il  y  a  lieu  de  croire  que  les 
colonies  anglaises  de  l'Amérique  suivront  les  mouvemens  des  Royaumes 
et  que  cela  entraînera  infailliblement  une  rupture  avec  la  France,  il  est 
nécessaire  que  vous  vous  mettiez  promptement  en  état  de  n'avoir  rien  à 
craindre  de  leur  ])art  ;  pour  cet  effet  le  Roy  est  résolu  d'envoyer  à  l'Acadie 

la  frégate  V Embuscade,  sous  le  commandement  du  Sr ,  auquel 

Elle  ordonne  d'agir  de  concert  avec  vous  et  de  suivre  voS  avis  et  Elle  a 
fait  un  nouveau  fonds  de  50001.  pour  être  employé  aussi  bien  que  les 
2800  restants  des  Fonds  ci-devant  faits  pour  les  fortiffications  de  l'Aca- 
die au  rétablissement  du  fort  de  Port-Royal  suivant  le  plan  et  le  devis 
du  sieur  Pasquine  que  je  vous  envoie. 

"Comme  ce  travail  est  pressé  dans  la  conjoncture  présente,  il  faut 
que  vous  y  employiez  les  soldats  et  les  habitants  et  qu'enfin  vous  ne  perdiez 
pas  un  moment  pour  le  mettre  en  état  de  défense.  Sa  Majesté  se  remet 
à  vous  du  supplément  (ju'il  faudta  donner  aux  soldats  pendant  qu'ils  tra- 
vailleront et  vous  recommande  seulement  de  ne  leur  donner  que  le  moins 
qu'il  se  pourra. 

"Sa  Majesté  est  persuadée  que  vous  pourrez  ménager  sur  les  78001. 
ci-dessus  quelque  chose  pour  faire  un  fossé  et  une  palissade,  et  il  faut 
aussi  que  vous  y  fassiez  travailler  le  plus  promptement  que  vous  pourrez. 

"Pour  vous  faciliter  ces  travaux  Sa  Majesté  a  donné  ordre  à  M.  Be- 
gon  de  vous  envoyer  cent  pièces  et  cent  boyaux  avec  un  gazonneur  qu'il 
faudra  que  vous  fassiez  incorporer  dans  la  compagnie  qui  est  au  Port- 
Royal  pour  épargner  la  dépense  de  son  entretien. 

"Sa  Majesté  ordonne  au  dit  Sr  Bégon  de  vous  envoyer  cinquante 
fusils  et  50  espées.  Il  faudra  que  vous  renvoyiez  par  le  retour  de  la  Fré- 
gatte  du  Roy  les  armes  qui  sont  hors  de  service  ;  à  l'égard  des  espées  j'é- 
cris au  dit  Sr  Bégon  de  les  prendre  sur  la  solde  des  troupes  et  il  faudra 
que  vous  les  fassiez  payer  par  ceux  a  qui  elles  seront  délivrées. 


—  148  — 

"Sa  Majesté  ayant  esté  informée  qu'on  peut  avec  quelques  présents 
ménager  les  chefs  de  Canibals  et  des  Abenakis  et  les  engager  à  faire  agir 
leurs  nations  contre  les  Anglais.  Si  cela  est  nécessaire,  Elle  a  fait  ache- 
ter des  Justeaucorps,  des  fusils  et  quelque  peu  de  tabac,  de  pipes  et  d'eau- 
de-vie  qu'elle  vous  envoyé  par  la  dite  frégate  et  il  faudra  que  vous  fassiez 
faire  ces  présents  à  propos  pour  en  tirer  l'utilité  qu'on  en  espère. 

"Sa  Majesté  a  résolu  de  diviser  les  90  soldats  qu'elle  entretient  à  l'A- 
cadie  en  deux  compagnies  et  son  intention  est  que  vous  ayiez  particuliè- 
remeiit  le  commandement  de  la  première  et  elle  vous  donne  le  Sr  de  Vil- 
lebon  pour  lieutenant,  à  l'égard  de  la  seconde  elle  sera  commandée  par 

le  Sr enseigne  de  vaisseau  que  Sa  Majesté  fait  passer  en 

l'Acadie  et  qui  aura  le  Sr garde  de  la  marine,  pour  son 

lieutenant. 

Les  Intéressés jc il  la  Compagnie  de  la  pesche  sédentaire  ayant  repré- 
senté à  Sa  Majesté  que  la  farine  étoit  extrêmement  chère  en  l'Acadie  et 
qu'ils  se  chargeraient,  si  elle  l'agréait,  d'en  envoyer  de  France  aux  soldats 
Pi  beaucoup  meilleur  marché.  Elle  leur  a  fait  remettre  une  partie  de  la 
solde  de  ces  soldats  et  il  faudra  à  l'arrivée  du  bâtiment  qui  les  doit  porter 
que  vous  ayiez  soin  de  les  retirer  et  de  les  faire  mettre  en  lieu  oii  elles  se 
puissent  conserver  jusques  à  l'année  prochaine. 

Le  Sr  de  la  Boulaye,  lieutenant  de.Eoy  à  l'Acadie,  a  demandé  à  Sa 
Majesté  la  concession  des  Mines  qui  est,  comme  vous  savez,  un  lieu  à  25 
lieues  du  Port-Eoyal,  mais  avant  de  rien  résoudre  sur  cette  demande  Sa 
Majesté  est  bien  aise  d'avoir  votre  avis  et  que  vous  luy  fassiez  savoir  s'il 
n'y  a  point  d'inconvénient  de  luy  accorder  cette  grâce. 

"Sa  Majesté  a  été  informée  que  les  Anglais  vous  ont  fait  proposer  de 
leur  vendre  des  permissions  de  venir  pêcher  sur  la  côte  de  l'Acadie  ;  sur 
quoi  je  dois  vous  dire  qu'Elle  n'a  pas-  estimé  à  propos  de  leur  accorder 
cette  demande  tant  par  la  considération  de  la  prochaine  rupture  où  nous 
allons  entrer  avec  cette  nation  que  par  ce  qu'il  y  âuroit  un  fort  grand  in- 
convénient a  leur  laisser  prendre  l'habitude  de  venir  pêcher  sur  les  côtes 
de  ce  pays. 

*'Je  vous  envoie  le  duplicata  de  la  déclaration  de  la  guerre  avec  la 
Hollande  et  avec  l'Espagne  dont  vous  aurez  reçu  les  avis  par  les  premiers 
bâtimens  qui  sont  partis"  (1). 


(1)  Archives  du  Canada,  série  B,  \%l.  14,  1688-1693. 


— 149  — 

LE   REGISTRE   DES   PAUVRES   DE 
L'HOTEL-DIEU    DE    MONTREAL 


Dans  le  cahier  des  audiences  du  bailliage  de  Montréal,  année  16Î2, 
mois  de  juillet,  se  trouve  un  feuillet  sur  lequel  le  notaire  Basset  a  copié 
deux  extraits  d'un  registre  que  tenaient  les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu. 
Ce  registre  doit  être  détruit  depuis  longtemps  puisque  l'hôpital  a  été  rasé 
trois  fois  par  l'incendie  ;  il  ne  reste  peut-être  que' ces  extraits  pour  nous 
donner  une  idée  des  renseignements  que  l'on  consignait  dans  le  livre  en 
question  : 

Extrait  du  Registre  des  pauvres  reçus  a  l'hostel  Dieu  St  Joseph  de 
villemarie  en  l'Isle  de  Montréal  en  la  N^ouvelle  france,  datte  du  septie 
oust  g  b,  I  c.  soixante  et  six. 

Jacques  Berio,  âgé  de  vingt  quatre  ans,  de  poitou,  paroisse  StSulpice 
Esvesché  de  poitiers  a  esté  reçu  a  l'hospital  ce  dimanche  vingt  quatre 
oust  g  b,  I  c.  soixante  et  Dix,  est  sorty  Ce  dimanche  vingt  sixie,  avril  g  b 
I  c.  soixante  unze — Jacques  -Berias  aagé  de  vingt  six  ans  ou  environ  de 
Poitou  parroisse  St  Sulpice  Evesché  de  poitiers  a  esté  reçu  a  l'hospital  le 
vingtre  octobre  g  b,   le.  soixante  et  unze  ;  est  décédé  le  sixie.  décembre. 

Je  soubsigné  Greffier  et  tabellion  du  Bailliage  de  L'Isle  de  Montréal, 
en  la  nouvelle  france,  Certiffîe  a  tous  qu'il  appertiendra,  que  j'ay  fidèle- 
ment tiré  sur  le  Registre  des  pauvres  Reçus  a  l'hospital  dud.  Montréal, 
l'extrait  cy  dessus,  et  Iceluy  bien  et  dûment  Collationné  pour  servir  tant 
aux  Religieuses  dud.  hospital  qu'à  Mad  elle  Mance  administratrice  du  bien 
des  pauvres  d'Iceluy  ainsy  que  de  Raison  ce  huitie  juillet  g  b,  I  c.  soixan- 
te et  Douze. 

BASSET,    greffier 

Ajoutons  qu'au  registre  de  l'état  civil,  dans  l'acte  de  décès  du  même 
individu,  date  du  7  décembre  1671,  on  lit  :  "Jacques  Brias  dit  le  Soldat, 
âgé  de  28  ans". 

Evidemment,  Basset  a  mal  lu  la  première  mention,  et  il  a  écrit  Bério 
pour  Beria. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


—  ISO- 
LE   CHEVALIER    DE     CHAMPIGNY 


Dans  le  Bulletin  des  Recherches  Historiques  de  décembre  1920,  page 
375,  il  est  dit  que  le  chevalier  de  Champigny,  frère  cadet  de  l'intendant, 
était  enseigne  au  Canada  en  1696,  lieutenant  en  1698  et  capitaine  en  pied 
en  1700. 

Eî^t-il  bien  certain  que  ce  chevalier  était  le  frère  cadet  de  notre  in- 
tendant ? 

Voici  les  détails  que  fournit  LaChesnaye-Desbois,  sur  cette  famille  : 

(1)  JEAN,  (l'intendant)  l'aîné  des  fils. 

(2)  GUY,  chevalier  de  Malte,  tué  au  siège  de  Nimègue  en  1672. 

(3)  GUILLAUME,  docteur  en  théologie  de  la  Faculté  de  Paris  ; 
archidiacre  de  Kouen;  grand-vicaire  de  Pontoise,  puis  évêque  de 
Valence.  Mort,  député  à  l'assemblée  du  clergé,  lé  4  juillet 
1705. 

(4)  HENlîI,  abbé  d'Auberive  ;  conseiller  du  roi  en  tous  ses  Con- 
seils ;  ])révôt  de  Saint-Pierre  de  Lille,  en  Flandre,  et  commis- 
saire de  Sa  Majesté  pour  le  renouvellement  du  Magistrat  de  la. 
même  ville.      Mort  le  11  février  1731. 

(5)  ANTOINE,  chef  d'escadre  ;  commandeur  de  l'Ordre  de  Saint 
Louis  ;  lieutenant-général  des  armées  navales  ;  mort,  âgé  de 
70  ans;  le  23  octobre  1720. 

(6)  autre  ANTOINE,  conseiller  du  roi  en  ses  Conseils  ;  doyen  de 
l'église  de  Chartres  puis  trésorier  de  la  Sainte  Chapelle  de  Pa- 
ris en  1699.      Mort  âgé  environ  de  86  ans,  le  8  avril  1739. 

Guy  était  mort  depuis  1672  ;  Guillaume  était  évêque  de  Valence  dès 
1687  ;  Henri  était  abbé  d'Auberive  ;  Antoine,  chef  d'escadre  aux  débuts 
de  1700  ;  le  deuxième  Antoine,  doyen  de  l'église  de  Chartres  avant  1698. 

Peut-on  trouver  parmi  eux  un  chevalier  de  Champigny  qui,  au  Ca- 
nada, était  enseigne  en  1696,  lieutenant  en  1698  et  deux  ans  après,  capi- 
taine en  pied  ? 

Il  me  semble  que  non. 

L'intendant  du  Canada  eut  quatre  fils,  rapportés  par  LeChesnaye  ; 
dont  : 


—  151  — 

(1)  JEAN-ALPHONSE,  né  1676,  prêtre,  ehauoine  et  chantre  de 
la  Sainte  Chapelle  de  Paris.      Mort  le  15  novembre  1723. 

(2)  JACQUES-CHARLES,  (le  continuateur  de  la  lignée)  ensei- 
gncy  puis  lieutenant  de  vaisseau  en  décembre  1708  •  ;  comman- 
deur de  l'Ordre  de  Saint- Louis  ;  capitaine  de  frégate  le  25  no- 
vembre 1713  ;  capitaine  de  vaisseau  en  mars  1727.  Mort  le 
25  mai  1754. 

(3)  GUILLAUME,  (aucun  détail). 

(4)  JEAX-PAUL,  entra  dans  le  régiment  des  Gardes-Françaises 
en  170*J  ;  successivement  enseigne,  sous-lieutenant  en  1712,  ca- 
pitaine, etc. 

Mgr  Tanguay    (Dict.  1-60)   donne  comme  enfants  de  l'inten- 
dant  : 

(1)  MCULAS-JUSEPH,  b 

(2)  MAKIK-AXXE,  1)  8  oct.  \C,>H\  à  Qu»'!h^.'  :  ^  17  oct  IHST.  Qué- 
bec. 

(3)  JEAN-PAUL,  b  25)  septembre  1689  à  Montréal. 

L'intendant  est  arrivé  à  Québec  en  septembre  1686  avec  sa  fenmie. 
Le  8  octobre  suivant,  ils  fout  baptiser  Marie-Anne.  Nicolas-Joseph  pla- 
cé avant  cette  fille,  par  Mgr  Tanguay,  serait  donc  inscrit  par  erreur,  et  ce 
ne  saurait  être  lui  ni  Jean-Paul  né  en  1689,  qui  fut  capitaine  en  1700. 

Le  27  avril  1697,  le  ministre  mandait  à  M.  de  Champigny,  inten- 
dant, que  le  roi  donnerait  i)lus  tard  de  l'avancement  à  sps  fiJ.<i.  (Rappt 
Arch.  Can.  1899,  p.  315). 

Quels  étaient  les  fils  de  l'intendant  eu  passe  d'avancement  eii  1697  ? 
Il  faut  les  prendre  parmi  les  trois  premiers,  nés  avant  1680. 

Le  1er  mai  1698,  le  ministre  annonce  une  commission  de  capitaine 
pour  le  chevalier  de  Champigny  à  la  place  du  sieur  de  Lespinay.  (Même 
rapport,  p.  319).  Le  5  mai  1700,  enfin,  le  ministre  apprend  à  l'inten- 
dant qu'il  a  accordé  une  compagnie  à  son  fils.      (Idem,  p.  335). 

Si  Jean-Alphonse  a  toujours  été  homme  d'église,  le  chevalier  çje 
Champigny,  fils  de  l'intendant  et  capitaine  en  1700  serait  donc  Jacques- 
Charles  ou  Guillaume  ? 

EEGIS  ROY 


—  152  — 

LA   PREMIERE   RUE   SAINT-CHARLES 
A   MONTREAL 


Les  premières  rues  de  la  haute  ville  de  Montréal  furent  bornées  en 
1672  (sous  la  direction  de  l'abbé  Dollier  de  Casson)"  par  le  .greffier- 
notaire-arpenteur  Bénigne  Basset  qui  nous  en  a  laissé  un  procès  verbal 
encore  inédit. 

L'abbé  Faillon  analyse  ce  document  dans  son  Histoire  de  la  colonie, 
III,  375,  puis  il  nous  fait  part  de  ses  conjectures  sur  l'origine  des  noms 
qui  furent  donnés  à  chaque  nouvelle  rue.  Il  semble  avoir  raison  dans 
chaque  cas,  sauf  un  sur  lequel  nous  croyons  qu'il  fait  erreur. 

"La  rue  Saint-Charles,  dit-il,  parallèle  à  celle  de  Saint-Gabriel  et 
aboutissant  à  la  rue  Saint- Jacques .  .  .  .  il  la  nomma  de  Saint-Charles, 
patron  de  M.  Le  Moyne  de  Longueuil,  qui  avait  rendu  tant  de  services  au 
pays". 

Pourquoi  cette  rue  ne  serait-elle  pa^  plutôt  baptisée  ainsi  en  l'honneur 
du  patron  du  Juge  de  Montréal,  Charles  d'Ailleboust,  dont  elle  longeait 
ou  traversait  la  concession  ? 

Charles  Le  Moyne  n'avait  aucune  propriété  dans  l'est  de  Ville-Marie, 
à  cette  époque  et  il  n'était  certainement  pas  plus  en  évidence,  dans  la  so- 
ciété montréalaise  que  d'Ailleboust  des  Musseaux,  ecuyer,  lieutenajit  civil 
et  criminel  du  bailliage,  le  magistrat  du  choix  des  seigneurs. 

Ensuite,  Charles  Le  Moyne  de  Longueuil,  avait  déjà  reçu  sa  part  de 
la  reconnaissance  publique  puisque  tout  le  monde  disait  de  la  langue  de 
terre  qui  s'avance  dans  le  fleuve,  au  sud  de  Montréal,  que  c'était  la  Pointe 
Saint-CharlèS.  Là,  personne  ne  pouvait  contester  l'origine  de  l'appella- 
tion car  M.  Le  Moj^ne  possédait  cette  pointe  en  tout  ou  en  partie. 

Xous  ne  sommes  pas  le  premier  à  réclamer  en  faveur  de  M.  d'Aille- 
boust. Une  remarque  du  genre  de  la  nôtre  a  déjà  été  faite  dans  un  des 
écrits  de  l'historien  Gerald  Hart  qui,  après  avoir  étudié  le  terrier  de 
Montréal,  avait,  lui  aussi,  aperçu  la  relation  qui  doit  exister  entre  le  nom 
de  la  rue  et  celui  du  propriétaire  du  fond. 

Conjecture  pour  conjecture  nous  avons  la  faiblesse  de  croire  celle-ci 
préférable  à  l'autre.  , 

E.-Z.  MASSICOTTE 


— 153  — 

LE  PAIN  BENIT  A  NOTRE-DAME  DE 
MONTREAL 


En  1912,  l'abbé  Charles  Trudelle  publiait,  dans  le  Bulletin  des  re- 
cherches historiques,  un  article  très  intéressant  sur  le  pain  bénit.  En 
relatant  les  beautés  de  cette  cérémonie,  M.  Trudelle  commémorait  les  sou- 
venirs de  cette  partie  de  notre  ancienne  liturgie,  et  terminait  en  faisant 
connaître  les  abus,  causes  de  sa  disparition. 

Je  n'y  reviendrai  pas. 

Je  n'entreprendrai  pas  de  faire  l'historique  complet  du  pain  bénit 
à  Montréal  ;  ce  qui  serait  assez  long  et  pourtant  très-intéressant.  Je  me 
bornerai  à  noter  ce  que  j'ai  recueilli  dans  les  archives  de  la  fabrique.  Je 
sais  que  M.  Massicotte  donnera,  un  jour  ou  l'autre,  un  résumé  des  docu- 
ments conservés  au  palais  de  justice,  lesquels  documents  sont  des  procès 
et  disputes  touchant  cette  matière. 

A  Montréal,  la  cérémonie  du  pain  bénit  semble  originer  avec  le  com- 
mencement de  la  colonie. 

Les  premiers  marguilliers,  c-à-d  ceux  du  l?me  siècle,  et  qui  tenaient 
eux-mêmes  leurs  comptes,  mentfonnaient  les  recettes  de  chaque  dimanche, 
sous  le  titre  de  quête,  par  les  mots  "quête  du  pain  bénit". 

Le  tour  de  rôle  était  assigné  par  l'ordre  des  résidences,  pour  la  ville, 
et  par  l'ordre  des  terres,  pour  la  campagne. 

Les  premières  difficultés  entre  curé  et  paroissiens,  à  propos  de  quête 
ou  de  pain  bénit,  remontent  de  longue  date.  La  première  qui  mérite 
d'être  signalée  est  de  l'an  1695,  entre  M.  Dollier  de  Cassou,  supérieur  et 
curé,  et  Jean  Arnaud,  marguillier.  Ce  dernier,  dans  le  but  d'augmenter 
les  recettes  de  l'église,  voulait  que  les  dames  rendissent  le  pain  bénit  et 
fissent  la  quête,  comme  on  le  voyait  dans  l'ancienne  France. 

M.  Dollier  ne  l'entendait  pas  ainsi.  "Trop  souvent,  dit-il,  les  quê- 
tes se  font  par  des  personnes  choisies  en  beauté  et  attraits,  se  faisant  con- 
duire par  des  écuyers,  se  parant  ce  jour  là  d'une  façon  extraordinaire,  don- 
nant des  assignations  aux  jeunes  messieurs,  disant  :  un  tel  jour  je  serai 
quêteuse  à  la  paroisse,  ne  manquez  pas  d'y  venir,  et  d'y  faire  honneur  h 
ma  quête  ;  même  des  personnes  connues  pour  scandaleuses  sont  commises 
pourifcielles  quêtes  à  la  vergogne  de  l'église.  Craignant  toutes  ces  cho- 
ses, et  en  ayant  déjà  vi  ici  de  petits  échantillons,  on  a  doucement  exclu  les 


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femmes  et  les  filles  de  la  quête  paroissiale,  sachant  que  cela  faisait  faire 
bien  plus  de  péchés  mortels,  que  cela  n'y  amassait  d'argent". 

Arnaud,  qui  avait  déjà  l'intention  de  monter  au  payfe  des  Outaouais 
])our  faire  la  traite,  persista  obstinément  dans  ses  opinions,  et  laissa  élire 
un  autre  marguillier  qui  le  remplaça. 

A  l'omission,  du  })ain  l)énit  corres})oiidait  l'omission  de  la  quête.  De 
1710  à  1750,  on  lit  à  maintes  reprises  dans  divers  comptes-rendus  que 
"personne  n'ayant  rendu  le  pain  bénit,  la  quête  a  été  omise",  et  l'item  de 
cette  recette  est  demeuré  en  blanc  ou  marqué  par  un  zéro; 

Aux  jours  de  fête  solennelle,  les  personnes  de  la  plus  haute  marque 
étaient  invitées  à  rendre  le  ])ain  bénit.  On  peut  supposer,  avec  Jean  Ar- 
naud, que  la  personne,  tout  en  étant  honorée,  rapportait  une  quête  plus 
abondante.  C'est  d'ailleurs  la  coutume  observée  jusque  de  nos  jours  : 
inviter  les  personnes  de  marque  à  faire  la  quête  aux  dimanches  ou  fêtes 
les  ])lus  solennels. 

M.  Dollier  mourut  en  1701.  11  faut  croire  que  son  successeur,  M. 
Vachon  de  Belmont,  ne  fut  aussi  rigide  à  l'égard  des  dames.  D'ailleurs, 
notre  mère  la  sainte  église,  tout  en  ne  transigeant  jamais  sur  son  dogme, 
sut  toujours  faire  quelques  concessions,  vu  le  délabrement  des  moeurs,  sur 
les  moyens  d'observer  les  règles  de  la  morale,  tout  en  en  gardant  les  prin- 
cipes. Après  M.  Dollier,  les  dames  furent  invitées,  et  même  contraintes 
de  rendre  le  pain  bénit. 

Le  23  mars  1703,  jour  de  Pâques,  madame  de  Vaudreuil  rendit  le 
pain  bénit,  et  fit  la  quête  qui  rapporta  73  Ibs.  10  sols.  La  plupart  des 
(|uêtes  des  autres  dimanches  de  l'année,  vers  cette  époque,  ne  rapportaient 
qu'une  livre  et  quelques  sols. 

Le  jour  de  Pâques  1705,  qui  tombait  le  12  avril.  Madame  Claude  de 
Kamesay  fut  invitée  à  rendre  le  pain  bénit,  et  la  quête  rapporta  53  Ibs, 

A  la  messe  de  minuit  de  Noël  1716,  compte  rendu  de  Pierre  Lestage, 
madame  de  Longueuil  rendant  le  pain  bénit,  fit  la  quête  et  remit  en  mon- 
naie de  carte  la  somme  de  83  Ibs,  avec  en  plus  un  demi-écu  de  50  sols  de 
France,  valant  en  monnaie  de  carte  12  Ibs,  10  sols, 

A  la  messe  du  jour  de  la  même  date,  riiademoiselle  Decoiiagne  s'ac- 
quitta des  mêmes  honneur  et  charge,  et  remit  37  Ibs  6  sols,  produit  de  la 
quête.  Vers  cette  époque,  1715  à  1720,  les  quêtes  de  chaque  dimanche 
rapportaient  environ  deux  livres. 

Le  27  avril  1716,  le  roi  édita  une  ordonnance,  concernant  les  hon- 
neurs rendus  aux  séculiers  dans  les  églises  paroissiales  de  Montréal   :  "le 


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pain  bénit  sera  d'abord  présenté  au'  gouverneur,  au  lieutenant  de  roi,  et 
aux  autres  officiers  de  la  juridiction  ;  ensuite  au  marguillier  en  charge, 
et  indifféremment  à  ceux  qui  se  trouveront  dans  l'église". 

Le  27  décembre  1735,  à  l'élection  de  François  Soumande-Delorme, 
il  est  délibéré  "qu'il  sera  donné  aux  anciens  marguilliers,  lorsqu'ils  se 
trouveront  dans  l'église  paroissiale,  un  morceau  de  pain  béni,  pareil  aux 
marguilliers  du  banc  ;  avec  cette  réserve  que  Ife  morceau  de  pain^  béni  sera 
présenté  dans  le  corbillon,  et  dans  le  rang  qu'ils  se  trouveront." 

L'exécution  de  cette  délibération  ne  gemble  pas  avoir  été  goûtée  de 
tous,  mais  plutôt  avoir  été  une  cause  d'ennuis,  puisque  l'évêque  Dubreil 
de  Pontbriand,  dans  sa  visite  pastorale  à  Montréal,  le  10  juillet  1742,  or- 
donna que  "la  délibération  du  27  décembre  1735  devra  demeurer  sans 
exécution." 

Cyprien  Porlier  remplissant  les  fonctions  de  gretïier  royal  de  la  jur 
ridiction  royale  de  Montréal  depuis  l'an  1732,  occupait  dans  l'église,  de- 
puis cette  date,  le  banc  réservé  aux  officiers  de  justice,  et  y  avait  joui  des 
lionneurs  dûs  à  sa  charge. 

En  1740,  les  marguilliers  de  Notre-Dame,  sans  aucune  délibération, 
s'avisèrent  de  luiôter  le  droit  du  morceau  de  pain  bénit,  qu'il  devait  avoir 
avec  les  marguilliers  du  banc,  quand  lui-même  occupait  le  sien.  C'était 
aller  à  l'encontre  de  l'arrêt  royal  de  171(i.  Porlier  s'en  plaignit  à  l'in- 
tendant Hocquart. 

Ce  dernier  fit  droit  à  la  réclamation  du  j)laignant,  et  éoiit,  le  27  juin 
1740,  une  ordonnance  qui  portait  qu'en  exécution  du  règlement  de  sa  Ma- 
jesté, Claude-Cyprien  Porlier,  greffier  de  la  juridiction  royale  de  Mon- 
tréal, jouira  des  honneurs  attribués  à  sa  charge,  et  en  conséquence,  que  le 
pain  bénit  lui  sera  distribué  dans  l'ordre  prescrit  pour  les  officiers  de  la 
juridiction,  quand  même  il  se  trouverait  seul  dans  le  banc  attribué  aux  dits 
officiers. 

En  1742,  madame  Marie  Pécaudy  de  Contrecoeur,  veuve  de  Jean- 
Louis  de  Chapt,  sieur  de  Lacorne,  était  invitée  à  rendre  le  pain  bénit. 

Elle  refusa. 

Le  marguillier,  Jacques  Charly,  intenta  une  poursuite  devant  le  tri- 
bunal civil  de  Montréal  contre  madame  de  Lacorne,  et  le  tribunal  donna 
gain  de  cause  à  cette  dernière  le  14  septembre  1742, 

Le  marguillier,  ne  se  tenant  pas  pour  battu,  soumit  le  cas  au  conseil 
de  fabrique,  à  son  assemblée  le  21  septembre  suivant,  et  le  conseil  décida 
en  ces  termes  :  "A  esté  Délibéré  qu'il  sera  fait  appel  D'une  sentence  Ben- 


—  156  — 

due  En  ce  siège  au  Profit  de  Made.  de  La  Corne  a  lencoiitre  de  la  fa- 
brique de  cette  parroisse  au  sujet  Du  pain  Bénit,  En  Datte  du  quatorzi? 
de  ce  mois  aux  fin  D'avoir  vu  arresté  qui  Réglera  le  fait  Dont  II  sagit  pour 
Eviter  toutes  les  Difficultés  pour  pourroit  arriver  par  la  suite  En  pareil 
Cas.  Donnant  pouvoir  et  authorité  au  Sr.  Jacques  Charly  marguillier 
en  charge  de  faire  led.  appel  et  faire  les  poursuites  nécessaires  pour  par- 
venir and  arrest  Et  Règlement.  Mesme  de  substituer  le  procureur  en 
son  lieu  et  place,  et  ont  signé, 
Deat  prêtre,  J.  Gadois-mogé^  foucher  J.  charly  L.  Prudhomme 
R.  Decoiiagne       Ignace  gamelin       A.  Lecavelier       Adhemar 

La  fabrique  en  appela  au  Conseil  Souverain,  qui  rendit  l'arrêt  suivant 
le  17  décembre  1742  :  Arrêt  du  conseil  supérieur  de  Québec,  qui  condam- 
ne Mdme  La  Corne  a  donner  le  pain  bénit,,  avec  offrande  et  quêteux  de  sa 
condition.  Entre  M.  Antoine  Deat  curé,  Jacques  Charly,  Louis  Cavelier 
et  Pierre  Courreau-Lacoste  marguilliers,  Pierre  Poirier  stipulant  pour  eux 
et  Dame  Marie  Pecaudy,  veuve  de  Jean-Louis  De  Chapt,  sr.  de  Lacorne,  le 
Sr.  Nouette  comparant  pour  elle. 

"Ordonne  que  Madame  Lacorne  sera  tenue  de  présenter  ou  faire  pré- 
senter et  rendre  le  pain  bénit  avec  cierge  et  offrande  et  faire  la  quête  ou 
la  faire  faire  par  une  personne  de  sa  famille  ou  de  sa  condition  en  l'église 
paroissiale  de  Montréal  ;  et  ce  le  premier  jour  de  Dimanche  qui  lui  sera 
marqué  par  les  appelans.  .  ,  .  sinon  et  a  faute  de  ce  faire  en  vertu  du 
présent  arrêt  et  sans  qu'il  en  soit  besoin  d'autre."  De  plus,  le  Conseil 
permit  aux  appellans  de  retirer  de  l'intimée  la  somme  de  12  Ibs,  si  elle  re- 
fuse de  s'exécuter,  et  la  condamne  à  12  Ibs.  d'amende  avec  dépens,  met  à 
néant  les  deux  significations  du  Sr.  Nouette,  et  comme  celui-ci  a  témoigné 
de  l'irrévérence  dans  ses  termes,  l'intimée  est  condamnée  de  plus  à  24  Ibs. 
d'amende  applicables  aux  pauvres  de  l'hôpital. 

Le  procès,  comme  tous  ceux  de  ce  genre,  avait  soulevé  les  esprits  et 
causé  beaucoup  de  trouble  et  d'ennui  aux  autorités  et  aux  fidèles.  Ma- 
dame de  Lacorne  eut-elle  l'intention  d'en  appeler  au  haut  tribunal  du 
royaume  ?  Monseigneur  Dosquet,  alors  évêque  de  Québec,  un  des  plus  af- 
fectés de  ces  ennuis,  semble  insinuer  la  chose  dans  une  lettre  confiden- 
tielle qu'il  écrivait  à  M.  Déat,  le  13  mars  1743,  et  dont  voici  la  teneur  : 

"Je  vous  conseille,  monsieur,  d'écrire  à  mons.  le  procureur-général 
pour  lui  demander  s'il  est  libre  aux  particuliers  de  se  dispenser  de  donner 
le  pain  bénit,  moyennant  12  Ibs  ;  pour  moi,  je  pense  que  ce  serait  un 
avantage  pour  la  fabrique,  et  que  les  marguilliers  pourraient  s'assembler 


—  157  — 

à  ce  sujet  et  convenir  entre  eux  qu'ils  feraient  la  quête  ou  la  feraient  faire. 
Je  vous  dirai,  entre  vous  et  moi,  que  si  cette  affaire  eut  été  ])ortée  à  l'of- 
ticialité  comme  elle  pouvait  l'être,  nous  aurions  jugé  conformément  à  ce 
qui  se  pratique  à  l'officialité  de  Paris,  et  il  n'y  a  que  six  francs  d'ordonné. 
S'il  y  avait  un  nouveau  procès  sur  pareille  matière,  je  pense  que  le  Conseil 
ferait  alors  un  règlement  général,  et  qu'on  ordonnerait  peut-être  pas  de 
payer  12  livres  ;  ainsi  ^mou  avis  est  qu'on  ne  fasse  point  de  procès  eu  pa- 
reille circonstance  et  qu'on  accepte  les  offres  qu'on  fera. 

"Je  suis  charmé  que  Madame  Lacorue  commence  un  peu  à  revenir,  je 
suis  persuadé  que  vous  ferez  de  votre  côté  plus  que  vous  ne  do^vez  afin  de 
tout  calmer  ;  je  crois  bien  que  Mrs.  ses  enfants  ne  penseront  point  à  ap- 
peler en  France  pour  une  affaire  de  si  peu  de  conséquence  ;  je  n'ai  point 
reçu  les  fameux  écrits  de  l'avocaf,  je  désirerais  comme  vous  une  tranqui- 
lité  parfaite  dans  Montréal  :  ])eut-être  que  le  temps  de  Pâques  sera  favo- 
rable pour  cela". 

Je  n'ai  pu  trouver  dans  les  archives  de  Xotre-Dame  si  madame  de 
Lacorne  s'est  conformée  au  jugement  du  conseil  souverain.  Elle  dut  s'y 
soumettre  au  moins  moralement.  C'est  ce  que  la  fabrique  Notre-Dame 
voulait  en  principe,  puisque  le  marguillier  paya  les  honoraires  du  procès 
devant  le  Conseil  Souverain,  soit  79  Ibs.  18  sols. 

L'amende,  imposée  pour  refus  de  rendre  le  pain  bénit,  était  plus  éle- 
\{'e  à  Montréal  qu'ailleurs.  La  somme  de  12  Ibs.  est  mentionnée  dans  le 
cas  de  madame  de  Lacorne.  Vingt  ans  plus  tard,  en  1761,  un  nommé 
Ripaille  était  Condamné  à  (5  Ibs.  seulement  pour  ce  même  refus. 

L'ordonnance  du  9  juillet  1721,  stipulait  que  les  habitants  de  Sorel 
et  des  environs  devront  rendre  le  pain  bénit,  sous  peine  d'une  amende  de 
trois  livres.  En  1723,  un  nommé  Vaillancourt,  de  S.  Antoine  de  Tilly, 
un  nommé  Lamarche  dit  Poitevin  et  la  veuve  Fleurant,  de  la  paroisse  de 
Bécancour,  et  Jacques  Turcot,  de  S.  Famille  Isle  d'Orléans,  étaient  con- 
damnés à  cette  même  amende  de  3  Ibs,  pour  tel  refus.      (Arch.  de  Québec). 

En  avril  1750,  Pierre  Courreau  Lacoste  était  invité  à  rendre  le  pain 
bénit.  Il  s'y  refusa.  Les  marguilliers,  en  leur  assemblée  du  19  avril, 
passèrent  la  résolution  suivante  : 

"Il  est  délibéré  que  le  Sr.  Lacoste  donnera  le  pain  bénit  de  paroisse 
dimanche  prochain  ;  et  au  cas  de  refus,  le  Sr  Joseph  Gamelin  marguillier 
en  charge  est  autorisé  à  poursuivre  ledit  Sr.  Lacoste  en  lui  faisant  signi- 
fier assignation  à  cet  effet". 

Il  n'appert  pas  que  Lacoste  se  laissât  poursuivre,  mais  qu'il  dût  s'exé- 


—  158  — 

cuter.  La  quête  du  dimanche  suivant,  le  26  avril,  rapporta  11  Ibs.  4  sols, 
soit  environ  le  double  des  autres  dimanches. 

Quelles  étaient  les  personnes  tenues  de  rendre  le  pain  bénit  ?  Il  pa- 
rait ne  jamais  avoir  eu  de  règlement  sur  la  question. 

L'évêque  de  Pontbriand,  écrivant  au  marguillier  de  Notre-Dame,  le 
18  mai  1750,  suggérait  une  ligne  de  conduite  à  suivre,  mais  s'abstenait 
d'en  faire  un  règlement  d'ordonnance. 

"Il  n^y  a  eu  aucun  règlement,  monsieur,  sur  l'obligation  que  peuvent 
estre  mrs.  les  officiers  de  présenter  un  pain  béni.  Je  crois  même  que  ce 
règlement  souffriroit  de  grandes  difficultés,  pour  concilier  differens  i)rin- 
cipes.      Je  vous  en  indique  quelqu'uns. 

lo. — Il  est  certain  que  les  officiers  en  garnison  ne  doivent  point  de 
pain  béni  quoiqu'ils  soient  avec  leur  fa*nille,  or  on  prétend  que  cela  est, 
ou  va  estre. 

2o. — On  présume  que  les  officiers  attachés  à  la  place  doivent  le  {)ain 
béni  :  il  peut  y  avoir  -quelques  difficultés. 

3o. — Il  est  certain  que  cette  charge  paroit  estre  plus  attachée  à  la 
maison  qu'à  la  })ersonne  ;  que  communément  c'est  le  locataire  qui  s'en 
acquitte. 

Il  me  paroit  (iu\)u  est  un  peu  trop  difficile  sur  les  quêteuses,  ces  sortes 
de  procès  nuisent  plus  à  l'église  qu'ils  ne  sont  utiles.  La  jurisprudence, 
la  coutume  ne  sont  pas  universelles,  en  général  je  n'aime  point  nos  quê- 
teuses conduites  par  un  cavalier.  Je  voudrois  de  tout  mon  coeur  les 
abolir. 

Si  mrs.  les  marguilliers  voulaient  eux-mêmes  faire  la  quête,  cela  se- 
roit  bientôt  terminé,  à  leur  défaut,  qui  empêcherolt  un  prêtre  de  la  faire, 
moitié  pour  les  hôpitaux  moitié  pour  l'église,  ne  })ourrait-on  pas  exiger 
un  ciergfe  de  celui  qui  donneroit  le  pain  béni,  voyés,  je  vous  prie,  monsieur, 
s'il  y  auroit  moyen  d'entrer  dans  mes  vues.  Je  suis  avec  un  parfait  at- 
tachement, monsieur,  votre  très  humble  et  très-obéissant  serviteur.  X.  h. 
m.  évêque  de  Québec". 

I^e  6  janvier  1799,  les  minutes  du  conseil  de  fabrique,  Mr  Roux  étant 
pour  lors  supérieur,  donnent  la  résolution  suivante  : 

"Ayant  été  représenté  qu'il  serait  convenable  d'offrir  un  pain  bénit, 
le  jour  de  la  fête  qui  doit  se  célébrer  le  dix  du  présent  mois,  pour  remercier 
Dieu  de  la  victoire  remportée  sur  la  flotte  française  par  l'amiral  Nelson  : 
que  cette  fête  étant  extraordinaire,  aucun  paroissien  ne  peut-être  requis 
d'offrir  le  pain  ;  et  qu'il  conviendrait  qu'il  fût  offert  aux  dépens  de  la  fa- 


— 159  — 

brique.  A  ces  causes,  il  a  été  résolu  que  le  Marguillier  en  charge  est  auto- 
risé à  faire  faire  un  pain  bénit  convenable  à  la  fête  et  l'offrir  aux  dépens 
de  la  fabrique,  et  d'en  charger  les  déboursés  au  compte  des  dépenses  ex- 
traordinaires. Que  la  quête  provenant  de  ce  jour,  sera  remise  à  Me  le 
Curé  pour  être  distribuée  aux  pauvres,  que  le  pain  sera  présenté  par  M. 
Louis  Guy.  Et  ont  signé.  Lesaulniers  ptre,  curé,  Roux  sup.  et  grand 
vie,  Neveusevestre,  Ls  Guy,  P.  Fortier,  J.  B.  Dezery,  Denis  Viger,  Louis 
Chaboillez". 

Cette  grande  fête  qui  eut  lieu  le  10  janvier  1799,  fut  un  jeudi  ;  et 
c'était  pour  commémorer  la  victoire  éclatante  de  Xelson  sur  la  flotte  fran- 
çaise, commandée  i)ar  Brueys,  le  2  août  1798,  dans  la  rade  d'Aboukir,  en 
Egypte.  Le  pain  bénit,  à  l'occasion  de  la  fête,  avait  coûté  à  la  fal)rique, 
en  offrandes,  musiciens,  pavillons,  etc.,  239  Ibs.  16  sols. 

Cette  réjouissance,  à  l'occasion  d'une  victoire  anglaise  sur  la  France, 
avait  au  mois  ceci  de  significatif  :  Quand  Lord  Dorchester  arriva  au  pays 
eu  1793,  pour  y  être  gouverneur  un  troisième  terme,  il  était  porteur  d'im- 
portantes instructions  favorables  aux  Canadiens,  entre  autres,  la  perpé- 
tuation "des  séminaires  et  des  communautés  religieuses  selon  les  règles  de 
leur  institution".  Le  lex  septefnbre  1794,  étaient  arrivés  onze  sulpiciens 
français  traqués,  par  la  révolution,  et  dont  M.  Roux  était  du  nombre.  Il 
n'en  était  venu  aucun  de  France,  après  M.  Lesaulniers,  arrivé  en  1793. 

J'ai  cherché  par  la  suite  de  retracer  une  fête  similaire  à  l'occasion  de 
la  bataille  navale  de  Trafalgar,  le  21  oct.  1805.  C'était  le  même  amiral 
Nelson,  enseveli  dans  son  triomphe,  contre  l'amiral  Villeneuve,  fait  pri- 
sonnier. Trafalgar,  en  Europe,  fut  la  répétition  d'Aboukir  ;  mais  à  No- 
tre-Dame de  Montréal,  il  n'y  a  aucune  mention  de  la  dernière  bataille. 

La  sup}>ression  des  Jésuites,  et  le  rétablissement  de  l'Institution 
Royale,  en  l'an  1800,  y  sont  peut-être  pour  quelque  chose. 

Dans  les  archives  de  l'année  1824,  j'ai  trouvé  la  lettre  suivante,  non 
signée  et  non  datée  de  l'écriture  de  Joseph  Bédard,  avocat  consultant  de 
la  fabrique  : 

"Messieurs  les  Avocats  Catholiques  de  Montréal  sont  })riés  de  îvas- 
sembler  dans  l^ur  chambre,  dans  le  Palais  de  Justice  à  Montréal,  demain 
le  31  du  courant,  à  une  heure  a]irès-midi,  pour  prendre  les  arrangements 
nécessaires,  relativement  au  Pain  béni  que  le  Barreau  Catholique  se  pro- 
pose de  présenter  à  la  Messe  solennelle,  qui  sera  chantée  le  jour  que  la 
1ère  pierre  de  la  Nouvelle  Eglise  Paroissiale  de  Montréal,  sera  posée." 


—  160  — 

La  première  pierre  fut  posée,  à  l'angle  sud-est  de  l'église,  le  31  août 
1824. 

La  dernière  mention  du  pain  bénit  dans  les  archives  date  de  1847  ; 
et  dans  la  délibération  de  la  grande  assemblée  des  marguilliers,  le  14  mars 
1847,  le  secrétaire  a  écrit  : 

"On  lit  une  lettre  de  l'avocat  de  la  fabrique  suggérant  que  le  mar- 
guillier  en  charge  soit  spécialement  autorisé  à  poursuivre,  dans  le  cas  de 
refus  d'offrir  le  pain  Bénit,  surtout  particulièrement  le  nommé  Dagenais, 
et  est  Eésolu  que  le  marguillier  en  charge  soit  spécialement  autorisé  com- 
me susdit". 

Les  mots  "surtout  spécialement  le  nommé  Dagenais"  ont  été  biffés 

Dagenais  ne  fut  pas  poursuivi,  le  texte  de  la  lettre  fait  entendre  qu'il 
n'était  pas  le  premier  qui  refusât  depuis  un  certain  temps.  L'avocat  de 
la  fabrique  Joseph  Bourret,  de  l'étude  Pelletier  et  Bourret  ne  mentionne 
nullement  la  cause  de  Dagenais,  dans  ses  mémoires  bien  détaillés  de  frais 

et  honoraires  contre  la  fabrique. 

• 
L'évêque  Bourget,  tout  pénétré  de  la  liturgie  romaine,  désirait,  déjà 
depuis  plusieurs  années,  l'abolition  de  cette  cérémonie  toute  française   ; 
et  les  archives  de  l'archevêché  sont* muettes  sur  le  sujet. 

Une  bouche  autorisée  de  l'archevêché  m'a  affirmé  que  le  pain  bénit, 
vers  1850,  était  pratiquement  aboli  dans  la  plupart  des  paroisses  du  dio- 
cèse et  du  district  de  Montréal,  quand  il  était  encore  rendu,  non  habituel- 
lement mais  à  certaines  fêtes  solennelles,  dans  l'Eglise  Notre-Dame. 

Enfin,  j'ai  consulté  quelques  vieillards,  anciens  paroissiens  de  Notre- 
Dame.  D'aussi  loin  que  leurs  souvenirs  d'enfance  ont  pu  se  reporter,  il 
faut  conclure  que  le  pain  bénit  fut  pratiquement  aboli  vers  1850,  (quoi- 
qu'il fût  donné  depuis  en  maintes  circonstances)  et  que  depuis  cette  date, 
cette  cérémonie  est  tombée  dans  le  domaine  de  l'histoire. 

Tout  change  ici-bas.      Les  choses,  comme  les  hommes  passent. 

Les  choses  de  la  religion  peuvent  varier  ;  la  religion  reste. 

0.  LAPALICE 


BULLETIX 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE- JUIN  1921  No   6 

LES  CENSITAIRES  DU  COTEAU  SAINTE- 
GENEVIEVE   (BANLIEUE  DE 
QUEBEC)  DE  1636  A  1800 


(Suite  et  fin) 

L'honorable  William  Grant,  seigneur  de  Saint-Roch, 
demeurant  rue  des  Pauvres,  "quatre  arpents,  huit  perches 
et  douze  pieds",  en  profondeur  jusqu'au  coteau  Sainte- 
Geneviève,  (31  mai  1790),  joignant  d'un  côté  au  nord-est 
au  nommé  Manseau,  et  d'autre  côté  au  sud-ouest  à  la  ligne 
de  séparation  entre  les  Dames  religieuses  de  l'Hôtel- 
Dieu  et  les  Dames  Ursulines.  C'est  le  terrain  compris  en- 
tre la  rue  Marchand  et  l'asile  Finlay. 

Le  terrain,  à  l'ouest,  cinq  arpents,  une  perche  et  seize 
pieds  de  front,  en  profondeur  jusqu'à  la  cîme  du  coteau 
qui  formait  la  partie  nord,  de  l'ancien  fief  Saint- Joseph 
avait  été  cédé  au  même  William  Grant,  par  les  religieuses 
L^rsulines,  le  31  mai  1790.  Ce  terrain  était  voisin  à  l'ouest 
de  celui  de  John  Schank,  que  William  Grant,  acheta  en 
1792.  Dans  le  bail  passé  avec  les  religieuses  Ursulines, 
il  est  fait  "réserve  d'un  chemin  de  vingt  pieds  le  long  du 
"terrain  du  sieur  Schank,  à  partir  du  niveau  du  chemin 
"Saint- Jean  jusqu'à  la  cîme  du  coteau  Sainte-Geneviève, 
"avec  la  côte  qui  descend  au  bas  du  coteau".      Ce  morceau 


,  -.  162  --- 

de  terre  embrassait  tout  l'espace  compris  entre  l'asile  Fin- 
lay,  et  l'ancienne  i^ropriété  de  l'honorable  D.  A.  Ross.  Le 
terrain  dont  il  est  fait  mention  se  trouverait  aujourd'hui 
vis-à-vis  l'église  Notre-Dame  du  Chemin  ;  il  conduisait 
à  la  côte  Sauvageau,  aussi  nommé  probablement  à  cause  de 
Michel  Sauvageau,  propriétaire  du  terrain,  situé  au-des- 
sous du  coteau. 

Avec  toutes  ces  acquisitions  de  terrains,  William 
Grant  était  l'un  des  grands  propriétaires  fonciers  de  l'épo-, 
que.  Arrivé  à  Québec  quelques  années  après  la  cession 
du  pays  (1768),  William  Grant,  avait  épousé  en  1770,  la 
veuve  de  Charles  Jacques  Lemoine,  troisième  baron  de 
Longueuil.  Nommé  membre  du  Conseil  législatif  en  1778, 
il  était  déjà  depuis  un  an,  député  receveur-général  ;  il  fut 
relevé  de  cette  dernière  charge,  en  1784,  par  suite  de  cer- 
taines irrégularités  que  l'on  découvrit  dans  les  comptes 
23ublics  ;  à  sa  mort,  en  1803,  ses  biens  furent  saisis  et  ven- 
dus à  l'enchère  en  1808.  C'est  à  tort  qu'il  s'était  appro- 
prié le  titre  de  seigneur  de  Saint-Roch,  car  dans  l'acte  de 
foi  et  hommage  qu'il  rendit  en  1780,  pour  le  fief  de  Saint- 
Roch,  il  est  dit  que  ce  prétendu  fief  n'avait  jamais  existé, 
et  qu'aucun  des  possesseurs  précédents  n'avait  été  gratifié 
du  titre  de  seigneur. 

Cette  partie  nord  du  fief  Saint- Joseph  fut  adjugée  en 
1808,  à  Jean  Guillet  dit  ToTirangeau,  aux  héritiers  duquel 
elle  appartient  encore  aujourd'hui.  C'est  le  quartier  nou- 
veau appelé  quartier  des  révérends  Pères  Franciscains. 
Les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu  avaient  également  concédé 
par  bail  emphythéotique  leurs  terrains  au  sud  de  la  rue 
Saint-Jean. 

A  j)artir  de  la  rue  Claire-Fontaine,  nous  trouvons  les 
propriétaires  dont  les  noms  suivent  : 

David  Lynd,  greffier  de  la  cour  des  Plaidoyers  Com- 
muns, (22  juin  1790),  sept  arpents,  six  perches  et  six  pieds, 
sur  (Quatre  arpents  de  profondeur  ;  il  est  dit  dans  le  bail  de 
location  que  quinze  pieds  sont  réservés  entre  le  terrain  des 
Dames  Ursulines  et  celui  des  dames  Hospitalières  pour 
l'ouverture  d'un  chemin,  qui  allait  devenir  la  rue  Claire- 


—  163  — 

Fontaine  actuelle.  C'est  sur  ce  terrain  qu'est  bâti  l'hô- 
pital Jeffrey  Haie. 

Timothy  O'Connor,  (23  juin  1790)  deux  arpents  de 
front. 

L'honorable  François  Baby,  membre  du  Conseil  lé- 
gislatif, demeurant  dans  la  rue  Sous-le-Fort,  (31  mai  1790) 
deux  arpents  de  front. 

L'honorable  Charles  François  Tarieu,  sieur  de  La 
Naudière,  membre  du  Conseil  législatif,  demeurant  dans 
la  rue  des  Pauvres  (31  mai  1790)  deux  arpents  de  front. 
Ces  trois  terrains,  avaient  une  profondeur  de  quatre  ar- 
pents, et  couvraient  tout  l'espace  compris  entre  l'avenue 
Salaberry  et  l'avenue  Bourlamaque.  L'ancien  village  de 
Montplaisant  était  bâti  en  partie  sur  le  terrain  de  M. 
Baby,  et  en  partie  sur  celui  de  M.  de  Lanaudière. 

Les  religieuses  Hospitalières  avaient  également  loué 
tous  les  terrains  au  sud  des  précédents,  le  long  du  chemin 
de  la  Grande- Allée.  A  M.  Jacob  Dunf  ord,  commissaire  de 
l'Arsenal,  (2  juin  1790)  un  arpent  et  demi,  à  i3artir  de  la 
rue  Claire-Fontaine. 

A.  Godfrey  King,  négociant,  (31  mai  1790)  un  arpent. 

A  John  Munro,  négociant,  (31  mai  1790)  deux  arpents. 
C'est  sur  ce  terrain  que  se  trouvait  l'ancien  cimetière  de  la 
ville. 

A  James  Davidson,  chirurgien,  (31  mai  1790),  un  ar- 
pent. 

A  Alexandre  Wilson,  négociant,  (31  mai  1790),  un  ar- 
pent. 

A  Jacques-François  Cugnet,  avocat,  (31  mai  1790), 
trois  arpents  et  treize  pieds. 

Le  terrain  de  M.  Cugnet,  le  long  du  chemin  de 
la  Grande-Allée,  et  celui  de  M.  de  La  Naudière,  le 
long  du  chenlin  Saint- Jean,  étaient  bornés  à  l'ouest  par  le 
tief  Saint-Joseph.  Les  religieuses  Ursulines  avaient  éga- 
lement loué  par  bail  amphithéotique  toutes  les  propriétés 
qu'elles  avaient  à  l'ouest  du  fief  Saint- Joseph.  A  Nathaniel 
Taylor,  (31  mai  1790),  trois  arpents  six  perches  et  dix 
huit  pieds  le  long  du  chemin  de  la  Grande- Allée,  sur  diffé- 


—  164  — 

rentes  profondeurs,  jusqu'à  la  propriété  de  M.  Schank; 
c'est  l'étendue  de  terre  comprise  entre  l'avenue  Park  et 
l'avenue  Moncton,  les  numéros  92-93  et  94  du  cadastre  de 
la  banlieue. 

A  John  Coft'in,  lieutenant  de  police  et  maître  des  eaux 
et  forêts  (31  mai  1790),  deux  arpents  et  onze  pieds  de  front, 
sur  les  différentes  profondeurs  qui  se  trouvent  entre  le 
chemin  de  la  Grande- Allée  et  celui  de  Saint- Jean.  Ce 
terrain  est  traversé  en  plein  milieu  par  l'ancienne  avenue 
Brown. 

A  Joseph  Anctil,  avocat,  demeurant  rue  du  Parloir 
(31  mai  1790),  deux  arpents  et  neuf  pieds  de  front  sur  le 
chemin  de  la  Grande- Allée,  le> numéro  81  du  cadastre  de  la 
banlieue. 

Enfin  à  Joseph  Kimbert,  négociant,  demeurant  sur  la 
rue  de  la  Fabrique  (31  mai  1790)  deux  arpents  et  neuf 
pieds  sur  le  chemin  Saint-Jean,  1^^  numéro  80,  du  cadastre 
de  la  banlieue. 

Dans  les  baux  de  location  consentis  à  MM.  Kimbert  et 
Anctil,  il  est  dit  que  leurs  terrains  sont  bornés  à  l 'ouest  par 
la  route  connue  sous  le  nom  de  route  Bourdon.  Cette  rou- 
te faisait  justement  la  limite  entre  le  terrain  des  religieu- 
ses Ursulines,  et  celui  de  Melchior  Poncet  qui  venait  d'a- 
cheter de  Jean  Roy,  l'ancienne  propriété  de  Henri  Pin- 
guet  ;  elle  avait  été  tracée  dès  1731,  par  le  grand-voyer 
Lanouillier  de  Boisclair,  pour  remplacer  l'ancienne  route 
Bourdon,  qui  se  trouvait  à  un  arjjent  plus  à  l'ouest  dans  la 
ligne  du  Belvédère  actuel,  deveiiue  "impraticable  à  cause 
des  mollières  qui  s'y  rencontrent".  Cette  nouvelle  route 
cependant  n'avait  pas  été  ouverte  dans  le  temps,  et  ce  n'est 
seulement  qu'en  1790,  que  le  sous-voyer  du  district  de  Qué- 
bec, Jean  Renaud  donna  l'ordre  de  l'ouvrir.  Elle  est  tra- 
cée sur  le  plan  de  l'arpenteur  Ignace  Plamondon  pré23aré 
en  juin  1790,  i>our  délimiter  les  différentes  jjropriétés  des 
dames  Ursulines  dans  la  banlieue  ;  cette  nouvelle  route 
Bourdon  est  maintenant  remplacée  par  l'avenue  Murray, 
qui  tombe  sur  le  chemin  de  la  Grande- Allée,  vis-à-vis  l'an- 
cienne propriété  Marchmont. 


% 


—  165  — 

Melchior  Poncet  ne  resta  pas  longtemps  en  possession 
de  la  terre  des  Pinguet  ;  le  13  octobre  1792,  cette  propriété 
était  adjugée  à  James  Fislier,  par  décret  sur  John  Parker, 
qui  venait  de  l'acheter  de  Melchior  Poncet.  James  Fisher, 
la  revendit  le  13  novembre  de  la  même  année  (greffe  de 
Voyer)  à  Henri  Reinschinder,  aubergiste,  demeurant  sur 
la  rue  Sainte-Famille,  lequel  la  céda  le  12  avril  1799  à 
Charles  Stewart,  député  contrôleur  de  la  douane  à  Québec. 
Cet  emplacement  traversé  aujourd'hui  en  plein  milieu  par 
l'avenue  des  Braves,  se  trouvait  compris  entre  l'avenue 
Murray  et  l'avenue  Lévis. 

En  face,  au  nord  du  chemin  Saint-Jean,  est  le  terrain 
devenu  historique  par  le  combat  acharné  qui  s'y  livra  en 
1760,  entre  les  soldats  de  Lévis  et  ceux  de  Murray. 

Nous  avons  vu  que  ce  terrain,  qui  faisait  d'abord  par- 
tie de  la  i:)ropriété  de  Henri  Pinguet,  avait  été  adjugé  par 
sentence  de  la  Prévôté  de  Québec,  le  1er  mars  1712,  à 
Charles  Perthuis,  membre  du  Conseil  Souverain.  Celui- 
ci  le  revendit  le  25  octobre  1734  (greffe  de  Pinguet)  aux 
Pères  Jésuites,  qui  achetaient  "cette  terre  et  habitation 
"avec  les  bâtiments  dessus  construits  pour  servir  de  mai- 
"son  de  campagne  et  de  recréation  aux  pensionnaires  nou- 
"vellement  établis  en  leur  collège  de  la  ville  de  Québec". 
Les  Pères  Jésuites  le  revendirent  le  25  octobre  1741  (gref- 
fe de  Pinguet),  à  Jean-Baptiste  Dumont,  négociant.  Il  est 
dit  dans  l'acte  de  vente  que  ce  terrain,  mesurait  trois  ar- 
pents de  front  sur  le  chemin  Saint-Jean,  et  s'étendait  en 
profondeur  jusqu'à  cinq  arpents  de  la  petite  rivière  Saint- 
Charles,  qu'il  était  borné  au  nord-est  par  les  représentants 
de  M.  d'Artigny  (la  veuve  Berthier),  au  sud-ouest 
par  les  représentants  de  monsieur  de  Sarrazin  (Jean  Hyp- 
polite  Gaultier  de  Varennes).  Les  Pères  Jésuites  cé- 
daient en  même  temps,  à  Jean-Baptiste  Dumont,  une  "mai 
"son  y  attenante,  moulin  à  tan  en  l'état  que  la  terre  est  ac- 
tuellement" sujet  à  la  charge  d'entretenir  le  chemin  et  le 
pont  vis-à-vis  sur  le  ruisseau.  Il  n'y  a  pas  de  doute  pos- 
sible, c'est  la  maison  et  le  moulin  de  Dumont,  de  la  bataille 


-  166  — 

de  Sainte-Foy  ;  la  maison  fut  presque  complètement  dé- 
truite pendant  le  combat. 

Nous  voyons  par  un  acte  de  Jean-Claude  Panet,  en 
date  du  17  août  1765,  que  Jean-Baptiste  Dumont,  louait  à 
Jean  Roy,  la  maison  nouvelle  qu'il  faisait  construire  sur  ce 
terrain,  et  qu'il  permettait  à  ce  dernier  de  "se  servir  seu- 
"lement  de  tous  les  bois,  planches  et  madriers  provenant 
"de  la  démolition  de  la  vieille  maison,  qui  sont  sur  les 
"lieux". 

Nous   trouvons   dans  la    Gazette   de   Québec   diver- 
ses annonces  (15  avril  1779,  5  octobre,  2  et  16    novembre 
1780)  par  lesquelles  Dimiont  offre  à  vendre  ou  à  louer  sa 
propriété,  "avec  un  beau  jardin  et  toutes  les  maisons  des- 
'sus  construites,  consistant  en  un  moulin  à  vent  en  pierre, 
'qui  tourne  à  tout  vent,  propre  à  moudre  l'écorce  pour  une 
'tannerie,  le  site  étant  très  favorable  pour  cela,  et  l'eau 
'qui  n'y  manque  jamais  dans  les  plus  sèches  saisons  est  la 
'meilleure  de  la  province  pour  préparer  le  cuir,  y  ayant 
'toujours  eu  là  une  tannerie,  une  grange  pour  les    pro- 
'duits  de  la  ferme,  qui  donne  à  présent  quatre  à  cinq  mille 
'bottes  de  foin  et  peut  en  rendre  beaucoup  plus". 

Il  n'est  pas  fait  mention  dans  ces  annonces,  de  la  mai- 
son de  1765,  qui  avait  dû  être  détruite  dans  l'hiver  de  1775- 
76,  par  les  soldats  d 'Arnold. 

Le  10  novembre  1781,  l'honorable  Henry  Caldwell 
(greffe  J.-A.  Panet)  achetait  la  propriété  de  Jean-Bap- 
tiste Dumont,  avec  toutes  ses  dépendances.  Caldwell,  re- 
vendit le  tout,  le  27  février  1799,  (greffe  de  Félix  Têtu)  à 
Jean  Guillet  dit  Tourangeau,  marchand  de  Québec.  Dans 
la  déclaration  qu'il  fit  au  greffier  du  domaine  du  roi,  le 
28  septembre  1811,  (45)  Guillet  dit  Tourangeau  dit  que  sa 
propriété  est  bornée  du  côté  du  nord-est,  à  la  veuve  Du- 
pont, du  côté  du  sud-ouest,  à  John  Caldwell,  et  qu'elle  s'é- 
tend au  chemin  Saint-Jean,  sur  trois  arpents  de  front,  jus- 
qu'à cinq  arpents  de  la  petite  rivière  Saint-Charles.  C'est 
toujours  l'ancienne  propriété  Dumont,  les  numéros  26  et 

(45)     Archives  de  la  Nouvelle-France.      Papier  terrier  Domination   An- 
glaise. B  I  fol.  568. 


...  167  — 

27,  du  cadastre  de  la  banlieue  ;  le  monument  des  Braves, 
élevé  en  1863,  se  trouve  justement  sur  l'emplacement  de 
l'ancien  moulin  Dumont. 

Dans  une  étude  sur  ce  moulin,  M.  Philippe  Baby 
Casgrain  (46)  identifie  une  partie  de  la  propriété 
Dumont,  avec  le  terrain  loué  en  1763,  par  François  Louis 
Borgia-Levasseur,  à  Samuel  Sills  ;  il  nous  semble  avoir 
suffisamment  démontré  que  Borgia  avait  son  terrain  à  en- 
viron neuf  arpents  plus  à  l'est.  D'ailleurs,  la  suite  des 
transactions  concernant  la  propriété  Dumont  indique 
clairement  que  Borgia  n'eut  jamais  de  terrain  en  cet  en- 
droit. 

La  propriété  voisine  à  l'ouest,  était  la  terre  de  Saint- 
Jean.  A  sa  mort,  arrivée  en  1734,  le  docteur  Michel  Sar- 
razin  laissait  son  épouse,  Marie  Ursule  Hazeur,  héritière 
de  ses  biens.  Celle-ci  restait  avec  deux  fils  ;  Joseph  Mi- 
chel, Claude  Michel,  et  une  fille  Louise  Charlotte.  Joseph 
Michel  étant  décédé  à  Paris,  en  1739,  (47)  la  propriété  de 
Saint- Jean  re.^a  indivise -entre  Claude-Michel  et  Louise 
Charlotte  à  la  mort  de  Madame  Sarrazin,  en  1743.  Louise- 
Charlotte  épousa,  le  5  février  1746,  Jean-Hyp23olite  Gau- 
tier de  Varennes,  officier  dans  les  troupes  de  la  Marine. 
Ils  demeurèrent  pendant  quelque  temps  sur  le  coteau 
Sainte-Gene-sdève.  En  1752,  ils  allèrent  habiter  Mont- 
réal. 

Le  17  mai  1757,  (greffe  de  Du  Laurent)  Simon  San- 
guinet,  vendait  par  procuration  de  Monsieur  de  Varennes 
et  de  son  épouse  tous  "les  droits,  prétentions,  raisons  et  ac- 
"tions  quelconques  résidences.  .  .  .que  ceux-ci  avaient 
"droit  de  prétendre,  sur  deux  terres»sizes  et  situées  en  lieux 
"et  coste  Saint- Jean  et  Saint-François,  près  de  cette  ville 
"de  Québec"  à  Jacques  Cartier  L'Angevin,  marchand  de 
Québec  (48). 

Il  est  dit  dans  l'acte  que  la  totalité  de  la  dite  terre  de 

(46)     Bulletin  des  Recherches  Historiques,  Vol.  XI,  1905,  p.  70. 

(47)  Le  chapitre  de  la  Cathédrale  de  Québec,  et  ses  délégués  en  France. 
Bulletin  des  Recherches  Historiques.       1910  p.  267-269. 

(48)  Ce  Jacques  Cartier,   un  des  grands  propriétaires  de  l'époque,   était 
le  grand-père  de  Georges-Etienne  Cartier. 


—  168  — 

Saint-Jean  consistait  en  quatorze  ar^^ents  et  demi,  et  qua- 
tre perches  de  front,  divisée  en  plusieurs  parties  contigues 
les  unes  aux  autres,  savoir  :  La  première  x^ortion,  de  qua- 
tre arpents  et  quatre  perches,  autrefois  appelée' 4a  terre 
de  Bourdon"  (le  fief  Saint- Jean  primitif)  ;  la  deuxième 
portion,  consistant  en  trois  arpents  de  front  sur  quarante 
de  profondeur  autrefois  appelée  l'habitation  de  Morin  de 
Rochebelle  ;  "la  troisième  portion  est,  dit-on,  la  terre  du 
"défunt  Sedillot,  consistant  en  trois  arpents  de  front,  en 
"profondeur  depuis  les  terres  de  Lanoraie,  jusqu'à  la  ri- 
"vière  Saint-Charles". 

La  quatrième  portion,  sont  icelles  dites  terres  de 
Saint-Jean  consistant  en  trois  arpents  de  front,  sur  la  mê- 
me profondeur  (l'ancienne  terre  de  Robert  Caron). 

La  cinquième  portion  consistant  en  un  arpent  et  demi 
de  front  appartenant  autrefois  à  défunt  Henri  L 'Archevê- 
que. 

On  ajoute  que  dans  la  totalité  de  la  dite«terre  de  Saint- 
Jean,  "était  comj)ris  en  enclavé  le  fief  vulgairement  nom- 
"mé  Saint- Jean,  consistant  en  soixante  arpents  de  terre  en 
"superficie,  suivant  l'acte  de  foi  et  hommage  du  5  juillet 
"1726". 

Le  tout  était  vendu  pour  la  sonmie  de  onze  mille  livres. 
"Et  pour  épingle  en  la  présente  vente,  le  dit  acquéreur 
"promettait  et  s'obligeait  de  donner  une  barrique  de  vin 
"rouge,  bon  et  marchand,  aux  dits  sieur  et  dame  de  Varen- 
"nés,  auxquels  il  s'obligeait  d'envoyer  et  de  faire  rendre,  la 
"dite  barrique  de  vin  à  Montréal,  à  ses  risques,  frais  et  dé- 
"  penses". 

Claude  Michel  Sarrazin,  après  de  brillante  études  à 
Paris,  était  devenu  ingénieur  volontaire  dans  les  troupes 
françaises  ;  il  ne  devait  pas  revenir  en  Canada.  En  1757, 
par  sentence  de  la  Prévôté  de  Québec,  en  date  du  trois  mai, 
il  fut  décrété  que  les  ari^enteurs  LaMorille  et  Vallée,  j^ro- 
céderaient  au  partage  des  terres  de  Saint- Jean  et  de  Saint- 
François,  entre  Claude-Michel  Sarrazin,  demeurant  en 
France,  représenté  jDar  son  procureur  Ignace  Perthuis, 
conseiller  du  roi,  et  Jacques  Cartier    L'Angevin,   comme 


...  169  — 

ayant  acquis  les  droits  de  Joseph  Hyppolite  Gaultier  de 
Varennes.      Ce  partage  fut  fait  le  treize  août  1757,  en  pré- 
sence des  sieurs  Perthuis,  Cartier  L 'Angevin,  et  du  notaire 
Barolet,  qui  en  dressa  l'acte  sur  le  champ.      Cet  acte  est 
intéressant  et  mérite  d'être  cité.      La  terre  de  Saint- Jean 
qui  contenait  597  arpents  en  superficie,  distraction  faite  de 
60  arpents  en  superficie,  compris  dans  le  fief  Saint-Jean, 
fut  divise  en  deux  lots  ayant  chacun  sept    ari3ents,    neuf 
l^erches,  onze  pieds  et  six  pouces  de  front  sur  le  chemin 
Saint-Jean,  et  renfennant  cha<.nni  318    arpents,    appelés, 
l'un  le  lot  du  sud-ouest,  et  l'autre  le  lot  du  nord-est.      Afin 
de  ne  i)as  le  démembrer,  le  fief  Saint-Jean  fut    considéré 
connue  entièrement  enclavé  dans  le  second  lot.      "Et    les 
'parties  contractantes,  dit  l'acte,  voulant  jouir  par  divi- 
'sis  des  dits  biens  de  fond  dont  le  dit  partage  est  ordonné 
'par  les  sentences  cy-dessus  dattes,  il  a  été  en  leur  présence 
'procédé  au  partage  de  la  sus-dite  terre  de  Saint- Jean,  et 
'pour  y  parvenir  fait  deux  billets  de  papier,  égaux  et  jlis- 
'te  pour  être  jeté  au  sort,  dans  l'un  desquels  est  écrit  pre- 
'mier  lot  au  Nord-Est  et  dans  l'autre  second  lot  au  Sud- 
' Ouest,  les  ayant  roulés  l'un  comme  l'autre  et  cachettes  les 
'dites  parties  ont  appelés  un  jeune  garçon  nonmié  Nico- 
'las  à  elles  inconnu  et  jîassant  dans  la  rue,  dans  le  cha- 
'peau  duquel  les  dites  parties  ayant  mis  les  dits  deux  bil- 
'lets,  le  dit  Nicolas  après  les  avoir  longtemps  brouillés  et 
'remués  dans  son  chapeau  du  consentement  des  dites  par- 
'ties  et  en  leur  présence  en  a  tiré  un  qu'il  a  remis  au  Sieur 
'Perthuis  stipulant  pour  l'absence  du  dit  Sieur  Sarrazin 
'et  l'autre  l'a  présenté  au  Sieur  Quartier  connue    ayant 
'acquis  les  droits  cédés  du  dit  Sieur  de  Varenne  et  cîe  la 
'dite  Dame  Sarrazin  son  éi30use  par  l'ouverture  desquels 
'dits  billets  il  s'est  trouvé  que  le  premier  lot  au  Nord-est 
'est  échu  au  dit  Quartier,  le  second  lot  au  Sud-Ouest  au  dit 
'Sieur  Sarrazin. 

Le  8  mai  1758,  le  notaire  Saillant,  fondé  de  procura- 
tion de  Claude  Michel  Sarrazin,  .et  de  son  épouse  Catherine 
de  Monceau,  vendait  au  sieur  Charles  Turpiil,  négociant, 
et  à  son  épouse,  dame  Bailly  de  Messein,  le  fief  Saint-Jean 


...  170  — 

et  la  partie  sud-ouest  de  la  terre  de  Saint- Jean,  "le  dit  fief 
"et  terre  de  Saint- Jean,  bornée  d'un  bout  au  sud-ouest  à 
"monsieur  de  la  Fontaine,  conseiller  au  Conseil  Supérieur, 
"et  au  nord-est  au  sieur  Jacques-Cartier,  sur  la  profon- 
"deur  que  les  différentes  parties  de  terre,  ont  depuis  les 
"terres  de  Lanoraie  ou  des  Prêtres,  jusqu'à  la  rivière 
'  '  Saint-Cliarles ....  le  tout  vendu  pour  la  somme  de  9000 
"livres,  savoir,  celle  de  mille  livres  pour  le  fief  Saint- Jean, 
"et  huit  mille  livres  pour  la  terre  de  Saint- Jean. 

Cette  descrijDtion  de  bornes  du  fief  Saint- Jean,  indique 
bien  clairement,  ainsi  que  nous  l'avons  démontré  ailleurs, 
que  le  fief  Saint- Jean  avait  été  déplacé  ;  il  était  alors  en- 
clavé dans  l 'ancienne  propriété  de  Robert  Caron. 

Au  lendemain  de  la  conquête,  les  vainqueurs  persua- 
dés que  le  Canada  ne  retournerait  pas  à  la  France,  achetè- 
rent à  bon  marché  de  belles  seigneuries  et  d'immenses  do- 
maines. Le  temps  d'ailleurs  était  propice  aux  spécula- 
tions foncières  et  plusieurs  en  i3rbfitèrent.  Le  gouver- 
neur Murray  n'échappa  pas  à  l'engouement  général. 

Le  8  juillet  1762  (greffe  de  Jean  Panet)  "Marie- 
"  Joseph  Bailly  de  Messein,  épouse  et  procuratrice  généra- 
"le  du  sieur  Turpin,  son  mari,  négociant,  de  présent  en 
"l'ancienne  France",  vendait  à  notre  premier  gouverneur 
anglais,  le  fief  Saint-Jean,  et  la  partie  de  la  terre  Saint- 
Jean  achetés  de  Claude-Michel  Sarrazin,  pour  la  somme 
de  cinq  cent  livres  sterling. 

Murray  ne  se  contenta  pas  de  si  peu  ;  le  13  novembre 
1762,  (greffe  de  J.-C.  Panet),  il  achetait  des  prêtres  du  Sé- 
minaire de  Québec,  la  terre  de  Lanoraie,  au  nord  du  chemin 
Saint-Louis,  la  xorairie  à  Duquet,  et  la  terre  de  Saint-De- 
nis, en  face,  au  sud  du  même  chemin.  Puis  il  acquit  par 
différents  achats,  le  reste  de  l'ancienne  terre  de  Saint- 
Jean  ;  de  Jean  Glarneau,  de  Pierre  Sédillot  dit  Montreuil, 
(13  juin  1763,  greffe  de  J.-A.  Panet)  de  Jean-Marie 
Léonard  dit  Mondor  (28  septembre  1765,  greffe  de  J.-A. 
Panet)  qui  eux-mêmes  avaient  acheté  de  Jacques  Cartier 
L'Angevin.  Avec  toutes  ses  acquisitions,  le  général  se 
trouvait  le  plus  grand  propriétaire  foncier  de  la  banlieue 


...  171  — 

de  Québec.  Ses  terrains  s'étendaient  du  fleuve  .Saint- 
Laurent  à  la  rivière  Saint-Charles,  et  de  l'avenue  Lévis  à 
deux  arpents  à  l'ouest  de  l'ancienne  route  Tliorn-Hill. 
L'ancienne  terre  de  Saint- Jean  prit  dès  lors  le  nom  de 
terre  Sans  Bruit. 

A  son  départ  en  1766,  Murray  confia  l'administration 
de  ses  biens-fonds,  à  un  de  ses  neveux,  Richard  Murray, 
qui  avait  épousé  une  demoiselle  Turpin.  En  1774,  alors 
qu'il  était  lieutenant-gouverneur  de  l'ile  Minorque,  il 
louait  le  tout  pour  99  ans  à  Henry  Caldwell.  Enfin,  le  28 
février  1801,  (greffe  de  Félix  Têtu)  le  lieutenant  Mat- 
thews  achetait  pour  Henry  Caldwell  toutes  les  ])ropriétés 
du  général  Murray. 

Caldwell  ne  trouva  pas  profit  sans  doute  à  exploiter 
la  grande  ferme  de  aSV/>/.s'  Bruit.  D'année  en  année, 
nous  lisons  dans  la  Gazette  de  Québec,  des  annonces, 
par  lesquelles  il  met  en  vente  ses  propriétés  de  la  banlieue. 
Nous  citons  l'annonce  du  4  janvier  1787,  qui  ne  manque  ])as 
d'intérêt. 

"A  louer  du  premier  mai  prochain  pour  aucun  nombre 
"d'années  dont  on  potlrra  convenir  : 

"Les  terres  de  Sans-Bruit,  consistant  en  environ 
"huit  cents  acres,  dont  quatre  cents  sont  labourables,  en 
"pacage  ou  en  prairie. 

'  '  On  la  louera  tout  ensemble  oti  en  petites  fermes, 
"comme  on  voudra.  Il  y  a  sur  les  lieux  une  maison  de 
"ferme,  une  laiterie  et  des  granges  suffisantes,  des  écuries, 
"étables,  et  un  très  bon  jardin  bien  enclos.  Vingt  bon- 
"nes  vaches  appartenant  à  la  ferme,  le  plupart  de  race  an- 
"  glaise,  seront  vendues  en  même  temps.  Les  dites  terres 
"sont  situées  à  trois  milles  de  Québec,  bien  closes  et  con- 
" tiennent  plusieurs  endroits  agréables  pour  bâtir  des  mai- 
"sons. 

"A  vendre  aussi  ou  à  louer,  comme  il  est  dit  ci-dessus, 
"une  métairie  de  valeur,  très  plaisanmient  située  sur  la 
"petite  rivière  Saint-Charles,  en\dron  deux  milles  et  demi 
"de  Québec,  connue  sous  le.nom  de  ferme  Cadet,  contenant 
'  '  environ  douze'  arpents  de  front  sur  20  ou  trehte  arpents 


.     _  172  — 

"de  profondeur.  Elle  sera  divisée  en  petites  fermes  à 
''l'option  des  tenanciers  ou  acheteurs.  Il  y  a  dessus  une 
"maison  de  ferme,  des  étables,  et  de  bonnes  granges,  capa- 
"bles  de  contenir  18,000  bottes  de  foin.  Une  grande  par- 
"tie  de  la  dite  métairie  est  en  prairie,  dont  la  majeure  par- 
"tie  produit  du  franc  foin. 

"A  vendre  ou  à  louer  aussi  connue  ci-dessus. 

"La  métairie  ensuite  de  Sans-Bruit, -sur  le  chemin  de 
"Ste-Foi,  à  enviroïi  un  mille  et  demi  de  Québec,  contenant 
"environ  80  arpents  en  superficie.  La  situation  en  est 
"très  belle  pour  une  maison  de  canij^agne. .  Il  y  a  déjà  un 
"verger,  complanté  de  bons  arbres  fruitiers.  Pour  plus 
"ample  détail  on  peut  s'adresser  à  Henry  Caldwell,  écu- 
"yer  à  Belmont. 

Henry  Caldwell,  décéda  le  28  mai  1810.  Par  son  tes- 
tament, il  léguait  la  propriété  de  Sans-Bruit  à  sa  petite 
tille  Anne,  tout  en  donnant  à  son  fils  John,  le  pouvoir  d'en 
disposer  en  faveur  de  celle-ci  (49) . 

Hemy  Caldwell  en  avait  déjà  vendu  certaines  parties; 
en  1802  et  1803,  nous  trouvons  établis  sur  les  fermes  dépen- 
dantes de  Sans-Bruit,  les  propriétaires  suivants  : 
Jose])li  Gingras,  Augustin  Gringras,  Ignace  Voyer,  Fran- 
çois Barbeau,  François  Tessier,  Pierre  Chalou.  John  Cald- 
well, continua  de  même  ;  en  1827,  lors  de  la  saisie  de  ses 
biens",  il  ne  lui  restait  en  propre  que  quatre-vingts  arpents 
sur  la  ferme  de  Sans-Bruit.  Nous  n'avons  pu  décou- 
vrir ce  qu'il  était  advenu  du  fief  Saint- Jean,  à  la  suite  de 
ces  différentes  mutations.  \ 

La  propriété  voisine  à  l'ouest  des  terres  de  Saint- 
Jean,  appartenait  en  1759,  à  Jacques  Lafontaine  de  Bel- 
coiirt,  membre  du  Conseil  Supérieur.  Le  sieur  'de  Lafon- 
taine avait  acquis  cette  propriété  par  deux  transactions,  un 
arpent  et  demi  de  front  sur  quarante  -de  profondeur,  de 
Boucault,  lieutenant  civil  et  criminel  de  l'Amirauté  le  15 
février  1745,  (greffe  de  Pinguet)  qui  l'avait  lui-même 
acheté  des  héritiers  de  François  Boivin,  douze  perches  de 

(49)      Histoire  cle  la  Seigneurie  de  Lauzon   par  J.  Edmond   Roy.   Vol  III 
1900  p.  432.        ^ 


...  173  -  - 

front,  du  coteau  Sainte-Genevièvre  à  la  Grande- Allée,  de 
Jean  Lavaux  et  de  Jean-Marie  Liberge,  le  13  mars  1745 
(greffe  de  Pinguet).  Liberge  avait  hérité,  par  son  ma- 
riage avec  Louise  Thérèse  Boivin,  de  ce  morceau  de  ter- 
rain.     C'était  l'ancienne  terre  de  Nicolas  Bonliomme. 

Après  la  mort  du  sieur  de  La  fontaine,  cette  propriété 
fut  vendue  à  l'enchère  et  adjugée  i)ar  un  décret  de  la  cour 
des  Plaidoyers  Connnuns,  le  3  avril  1766,  au  lieutenant 
Malcohn  Fraser,  qui  la  vendit  le  22  octobre  1767  (greffe  de 
J.  0.  Panet)  à  Samuel  Holland,  arpenteur-général  de  la 
province  du  Bas-Canada.  On  mentionne  dans  l'acte  de 
vente  qu'il  y  avait  sur  cette  propriété  une  '* maison  à  ime 
''étage  et  une  aile  ou  allonge  de  pierre,  une  grange,  une 
"étable,  une  écurie,  un  hangard,  coiu*  et  jardin." 

C'est  dans  cette  maison  que  le  général  Arnold  avait 
établi  ses  quartiers  durant  l'hiver  de  1775-76,  et  c'est  pro- 
bablement dans  cette  maison  que  l 'ingénieur  Holland  mou- 
rut en  1801.  Conmie  il  le  demandait  dans  son  testament, 
Holland  fut  enseveli  sur  sa  propriété,  au  ])ied  d'un  pin  qui 
fut  renversé  par  un  ouragan  le  15  novembre  1871  (50). 

Ce  terrain  historique  appartient  maintenant  à  Mon- 
sieur Victor  Chateauvert,  qui  vient  d'en  céder  une  partie 
aux  révérends  Pères  du  Saint-Sacrement. 

Nous  avons  vu  qu'en  1726,  l'ancienne  propriété  des 
frères  Delaunay,  appartenait  à  Marguerite  Balan,  veuve 
en  première  noces  de  Mathieu  Guay.  A  son  décès,  elle 
laissa  aux  enfants  que  son  mari  avait  eu  de  son  premier 
mariage  avec  Thérèse  Poirier,  et  aux  siens  propres,  cette 
propriété. 

En  1759,  nous  trouvons  trois  propriétaires  sur  ce  ter- 
rain, Jean  Marie  Liberge,  à  l'est,  Pierre  Doyon,  ave^c  ses 
frères  et  ses  soeurs,  au  centre,  et  Pierre  Boivin  à  l'ouest. 
Jean  Marie  Liberge,  avait  un  arpent  de  front  sur  quinze 
de  profondeur.  Le  24  février  1783,  (greffe  de  C.-A.  Pa- 
net) son  fils,  Louis  Liberge,  vendait  ce  terrain  à  André 
Mauf  et  ;  il  passa  successivement  entre  les  mains  de  Joseph 

(50)     Picturesque  Québec.  By  J.  M.  LeMoine.       Montréal,  Dawson  Bro- 
thers publishers,  1882  p.  416. 


...  174  — 

Bellot  dit  Larose,  d'Etienne  Griault  dit  Larivière,  et  en 
1801,  il  appartenait  à  Nathaniel  Taylor  (51). 

Les  frères  Doyon  avaient  deux  arpents  et  demi  de 
front,  dont  ils  avaient  hérité  de  leur  mère,  Elizabeth  Ray- 
mond Castonguay,  veuve  de  Pierre  Doyon.  Ils  avaient 
vendu  successivement  en  1765  et  en  1766,  ce  terrain  à  Noël 
Bellot  dit  Larose  (greffe  de  J.-C.  Panet)  qui  avait  reven- 
du le  tout,  le  11  novembre  1780,  (greffe  de  Barthelot  d'Ar- 
tigny)  à  Thomas  Ainslie,  contrôleur  des  douanes  de  Sa 
Majesté.  C'est  ce  Thomas  Ainslie,  qui  a  écrit  un  journal 
du  blocus  de  Québec  en  1775-76,  lequel  journal  a  été  pu- 
blié dans  la  sepiième  série  de^  mémoires  de  la  société  Lit- 
téraire et  Historique  de  Qi^ébec.  Biaise  Le  Marié  avait 
acquis  directement  de  Marguerite  Balan,  le  8  juillet  1748 
(greife  de  Jacques  Pinguet)  un  arpent  et  cinq  perches  de 
front.  Il  vendit  ce  terrain,  le  16  avril  1754  (greffe  de  J. 
C.  Panet)  à  Joseph  Cadet,  le  munitionnaire  et  l'associé  de 
Bigot,  lequel  le  céda  à  Pierre  "Boivin,  le  28  octobre  de  la 
même  année  (greffe  de  J.-C.  Panet).  Marie- Anne  Boi- 
vin  héritière  de  Pierre  le  vendit  à  Joseph  Bellot  dit  La- 
rose (greffe  de  Descheneaux,  lequel  le  revendit  à  Natha- 
niel  Taylor.  Tous  ces  terrains  appartiennent  maintenant 
à  la  Montcalm  Land. 

Jean  Rouillard,  que  nous  avons  vu  sur  la  terre  de  Glo- 
ria en  1744,  avait  laissé,  à  sa  mort,  cette  propriété,  à  son 
^Is  Pierre.  Celui-ci,  n'ayant  pas  d'enfant,  avait  adopté 
comme  héritier  Louis  Marchand,  qui  par  acte  du  31  août, 
(greffe  de  J.-C.  Panet)*  avait  cédé  ce  terrain  à  Hyacinthe 
Delorme,  lequel  le  revendait  le  lendemain  (greffe  de  Sail- 
lant) au  sieur  Lecompte  Dupré.  Une  partie  de  ce  même 
terrain  avait  été  acheté  par  le  sieur  Dupré,  le  1er  mai  1770, 
(greffe  de  J.-C.  Panet)  de  Geneviève  Castonguay,  épouse 
de  feu  Henri  Dubourg  dit  Picard. 

Il  existe  un  plan  figuratif  du  mesurement  de  ce  ter- 
rain fait  par  Ignace  Plamondon,  le  26  mai  1790.  D 'après 
ce  plan,  ce  terrain  avait  trois  arpents  de  front,  et  s'étendait 

(51)      Archives  de  la     Nouvelle-France.        Papier     terrier.        Domination 
Anglaise.  B  I.  fol.  12. 


...  175  — 

depuis  les  terres  de  Coulonge  jusqu'à  la  rivière  Saint- 
Charles.  Une  partie  se  trouvait  dans  la  censive  du  fief 
Saint-François. 

Le  sieur  Lecompte  Dupré  avait  joué  un  rôle  important 
dans  la  guerre  de  1775-76.  C  'est  lui  qui  connnandait  la 
milice  canadienne  durant  les  péripéties  du  siège  de  Qué- 
bec. En  1778,  Carleton  le  nomma  connnandant  militaire 
du  district  de  Québec,  charge  qu'il  occupa  pendant  plus  de 
vingt  ans. 

Le  Ifef  Saint-François  avait  aussi  changé  de  proprié- 
taire. Jean-Baptiste  Prévost  avait  laissé  comme  héri- 
tière sa  fille,  Marie  Françoise  Prévost,  qui  épousa  Jean- 
Baptiste  Petitclerc. 

Le  6  avril  1767  (greffe  de  J.-C.  Panet)  Petitclerc  et 
son  épouse  cédaient  "leurs  droits  et  prétentions"  sur  ce 
fief,  à  Michel  Hamel  dit  Joyeux.  Dans  l'acte  de  foy  çt 
honunage  qu'il  rendit,  devant  le  gouverneur  Haldimand, 
le  2  août  1781,  Michel  Hamel,  dit  qu'il  ne  pouvait  exliiber 
ses  titres  de  propriété  les  ayant  perdus  dans  un  incendie. 

On  voit  par  le  cadastre  de  1859,  (2  décembre)  que  le 
fief  Saint-François,  était  alors  aux  mains  des  héritiers 
Parant,  qui  possédaient  également  le  fief  Saint-Ursule, 
voisin  à  l'ouest.  Les  terrains  de  la  Québec  City  Bealty, 
de  la  Terrace  Dandurand  et  des  Dames  de  la  Congrégation 
(couvent  de  Bellevue)  sont  aujourd'hui  comioris  dans  les 
anciennes  limites  de  ce  fief. 

La  portion  de  terre  appartenant  au  docteur  Sarrazin 
dans  la  censive  du  fief  Saint-François  avait  été  divisée  en 
deux  lots  et  partagée  entre  Jacques  Cartier  L'Ange\in  et 
Claude  Michel  Sarrazin,  en  même  temps  que  le  fief  Saint- 
Jean  (13  août  1757,  greffe  de  Barolet). 

Jacques  Cartier  L'Angevin  qui  avait  eu  le  lot  du  nord- 
est,  l'avait  revendu  le  10  seijtembre  de  la  même  année,  à 
Joseph  Brassard  Descheneaux. 

En  1783,  rari3enteur  MaCarty,  était  propriétaire  de 
tout  le  terrain  appartenant  autrefois  au  docteur  Sarrazin 
et  situé  au-dessus  du  coteau  Sainte-Geneviève. 

Nous  terminons  ici  notre  travail,  nous    voulions,    en 


...  176  — 

cominençant,  établir  au  moyen  des  actes  des  anciens  no- 
taires, des  actes  de  foi  et  lionunage  et  des  aveux  et  dénom- 
brements, le  site  des  fiefs  Saint-Jean  et  Saint-François,  et 
l'endroit  probable  où  se  sont  livrés  les  combats  les  plus 
sanglants  de  la  bataille  des  Plaines,  et  de  celle  de  Sainte- 
Foy.      Nous  croyons  avoir  rempli  notre  tâche. 

Nous  ne  voulons  i3as  dire  que  nous  avons  établi  d'une 
manière  définitive  le  site  de  la  maison  de  Borgia-Levas- 
seur,  tout  de  même  nous  croyons  que  notre  opinioja  a  sa  va- 
leur et  qu'elle  mérite  d'être  prise  en  considération  par  les 
chercheurs  ;  en  effet,  du  moment,  que  l'on  aura  fixé  d'une 
manière  certaine,  l'endroit  où  se  trouvait  cette  maison  his- 
torique, il  sera  facile  d'indiquer  l'endroit  où  les  armées  de 
Wolfe  et  de  Montcalm,  se  rangèrent  en  bataille,  et  engagè- 
rent l'action  définitive. 

FIN 
IVANHOE   CARON,   ptre 


LE  JOURNALISTE  LATTE 


I>. .  .  C^)  Laite,  —  Français  d'origine,  le  sieur  Latte  aurait  été  insti- 
tuteur, à  Montréal,  et  attaché  à  la  rédaction  de  V Avenir.  Voilà,  ce  que  nous 
apprend  la  Pléiade  rouge  telle  que  reproduite  dans  les  Guêpes  canadiennes 
de  M.  Laperrière,  vol.  I,  p.  40. 

Par  ailleurs,  on  lit,  à  la  page  334  de  l'ouvrage  de  M.  Globensky  sur  la 
Rébellion  de  18o7-38,  la  note  suivante  : 

"M.  Latte,  français  de  passage  au  Canada,  qui  avait  une  certaine  célé- 
brité comme  homme  de  lettres,  fut  durant  plusieurs  mois  l'hôte  bien  ac- 
cueilli d'Emery  Ferré  (arpenteur,  beau-frère  de  l'abbé  Faquin).  Il  en 
])rofita  ])our  s'appliquer  à  écrire  plusieurs  lettres  et  ouvrages  sur  la  politi- 
que du  pays." 

Enfin,  M.  Latte  est  du  nombre  de  ceux  qui  votent  contre  l'interdiction 
des  discussions  politiques  dans  les  salles  de  l'Institut  canadien,  le  13  juin 
1851  (Berthelot,  le  Bon  vieux  temps,  3e  série,  p.  96). 

Quelque  lecteur  en  sait-il  plus  long  sur  le  compte  de  cet  écrivain  ? 


—  177  — 

LES  JUGES  DE  MONTREAL  SOUS  LE 
REGIME  FRANÇAIS  — 1648-1760 

De  la  fondation  de  Montréal  à  la  fin  du  régime  français,  douze 
juges  ont  présidé  les  tribunaux  de  cette  ville,  si  l'on  ne  tient  pas  compte 
t>es  officiers  subalternes  qui  ont  remplacé  des  juges  titulaires,  pas  plus 
que  des  juges  de  police  élus  par  suffrage  populaire  et  dont  nous  avons 
déjà  parlé  dans  le  Bulletin  de  1920,  p.  180. 

Trois  tribunaux  différents  ont  existé  durant  la  même  période. 

Le  premier  fut  un  bailliage  ou  justice  seigneuriale  dont  la  juridic- 
tion ne  s'étendit  pendant  longtemps  qu'à  l'île  de  Montréal.  On  fut  près 
de  le  faire  disparaître  en  1663,  car  le  Conseil  souverain  de  la  Nouvelle- 
France  qui  \'enait  d'être  créé  pour  administrer  le  pays  considéra  tout  de 
suite  que  Montréal,  par  sa  situation  géographique,  devait  être  pourvu 
d'un  tribunal  auquel  pourraient  avoir  recours  les  habitants  établis  à 
l'ouest  des  Trois-Rivières.  Mais  la  tentative  était  prématurée,  l'urgence 
ne  se  faisait  pas  encore  sentir  et  les  seigneurs  de  Montréal  s'opposèrent 
])uissamment  à  l'abandon  de  leur  privilège,  si  bien  que  le  Conseil  souverain 
revint  sur  sa  décision  en  1666. 

Trente  ans  après,  diverses  causes  ravivèrent  le  projet.  Le  peuple- 
ment des  seigneuries  autour  de  Montréal  fit  sentir  davantage  la  nécessité 
d'un  changement  et,  en  1693,  un  compromis  fut  effectué  avec  les  seigneurs; 
on'  laissa  à  ceux-ci  la  possession  du  greffe  avec  la  nomination  du  greffier, 
mais  le  juge  dut  tenir  sa  nomination  du  roi,  enfin,  le  tribunal  fut  mis  sous 
la  dépendance  de  l'intendant,  sans  cependant  devenir  une  prévôtée,  comme 
à  Québec. 

Les  juges,  à  cette  époque,  avaient  des  pouvoirs  et  des  devoirs  assez 
étendus.  Xon  seulement,  ils  entendaient  les  causes  civiles  et  criminelles,- 
il  leur  fallait,  en  plus,  veiller  au  maintien  de  l'ordre,  à  l'entretien  des 
chemins,  à  la  réglementation  des  boulangeries,  des  boucheries,  des  cabarets 
et  des  marchés;  ils  fixaient  les  prix  des  aliments  et  des  denrées,  bref,  ils 
remplissaient  ici  les  charges  confiées  à  trois  personnes  en  France,  c'est- 
à-dire  à  un  lieutenant  général,  à  un  lieutenant  civil  et  à  un  lieutenant 
criminel. 

•îf     *     * 

1648-1663  —  Paul  de  Cliomedey,  sieur  de  Maisonneuve.  Né  en 
février  1612,  à  Neuville-sur-Vaunes,  département  de  l'Aube,  il  n'avait 


—  17H  — 

donc  (jue  30  ans  lorsqu'il  vint  fonder  Montréal,  au  mois  de  mai  1642. 
Se  conformant  aux  instructions  qu'il  avait  reçues  de  France,  il  institua 
une  justice  seigneuriale  avec  greffe  et  tabellionnage.  Pour  éviter  des 
frais  administratifs,  on  peut  le  supposer,  il  s'accorda  la  présidence  du 
nouveau  tribunal.  Au  mois  de  septembre  1663,  dès  que  le  Conseil  sou- 
verain de  Québec  chercha  à  implanter  une  sénéchaussée  royale  à  Montréal, 
M.  de  Maisonneu-ve  céda  son  poste  à  Charles  d'Ailleboust  qui  d'ailleurs 
avait  déjà  le  titre  de  juge,  comme  nous  verrons  ci-aprè^ 

M.  de  Maisonneuve  retourna  en  France  en  1665  et  il  mourut  à  Paris 
le  9  septembre  1676. 

1663-1667  —  José  pli-Charles  d'Aillehoust  des  Musseaux.  Né  en 
1624,  il  vint  au  Canada  en  1648.  Son  oncle,  Louis  d'Ailleboust  de  Cou- 
longe,  pour  lors  gouverneur  de  la  Nouvelle-France,  lui  donna  le  comman- 
dement d'un  camp  volant  à  Montréal.  Par  après  il  resta  attaché  à  la 
garnison  de  cette  ville  en  qualité  de  lieutenant.  Si  l'on  s'en  rapporte 
aux  pièces  citées  au  cours  d'un  procès  consigné  dans  les  Jugements  et 
délibérations  du  Conseil  souverain,  vol.  II,  page  158,  M.  d'Ailleboust 
des  Musseaux  aurait  été  nommé  juge  de  Montréal,  par  M.  l'abbé  de 
Queylus  vers  1660.  Cependant,  nous  n'apercevons  pas  qu'il  ait  siégé 
avant  1663.  Sa  nomination  ne  fut  confirmée  officiellement  que  le  27 
septembre  1666,  ajirès  l'abolition  de  la  sénéchaussée  royale.  La  nouvelle 
commission  était  signée  par  l'abbé  Souart  représentant  les  seigneurs  de 
Fîle  et  ce  fut  Zacharie  Dupuis,  gouverneur  intérimaire  de  Montréal,  qui 
assermenta  le  titulaire,  le  27  janvier  1667.  Jusqu'à  cette  daté,  M. 
d'Ailleboust  n'était  que  "lieutenant  de  la  garnison  et  juge  de  la  juridic- 
tion des  seigneurs".  A  partir  de  1667,  il  s'intitule  "juge  civil  et  criminel 
de  la  terre  et  seigneurie  de  Montréal",  puis  en  1668,  le  voilà  devenu 
"bailli,  juge  civil  et  criminel". 

M.  d'Ailleboust  qui  futo-évoqué  en  1677,  pour  une  cause  qu'on  ignore, 
en  appela  sans  succès  au  Conseil  souverain.  Il  décéda  le  19  novembre 
1700,  à  Montréal. 

Ce  fonctionnaire  qui  avait  épousé  Catherine  le  Gardeur  de  Repen- 
tigny,  en  1652,  est  l'ancêtre  de  la  famille  d'Ailleboust  du  Canada  sur 
laquelle  M.  Aegidius  Fauteux  a  publié  une  copieuse  étude  généalogique 
et  historique. 

1663-1666  —  Ijouis  Artus  de  Sailly.  Nous  résumons  ici  la  notice 
que  nous  lui  avons  déjà  consacrée  dans  le  Bulletin  des  recherches  histori- 
ques de  1915,  p.  206. 


—  179  — 

Après  avoir  essayé  du  négoce  à  la  Martinique  en  1657,  M.  de  Sailly 
vint  à  Montréal  avec  sa  femme,  Anne-Françoise  Bourduceau.  Protégé 
par  le  curé  Gabriel  Souart,  il  acquit  quelques  biens  immeubles.  Lors 
de  l'établissement  de  la  sénéchaussée  royale,  le  28  septembre  1663,  il  fut 
nonmié  juge  par  le  Conseil  souverain.  M.  de  Sailly  siégea  jusqu'à  la 
mi-septembre  1666,  puis  se  trouva  en  ''disponibilité",  car  son  tribunal 
fut  aboli  par  l'intendant  Talon.  Néanmoins,  dans  les  actes  où  il  figura, 
M.  de  Sailly  conserva  son  titre  jusqu'à  son  décès  survenu  en  1668.  Sa 
veuve  quitta  ensuite  le  pays  avec  ses  enfants. 

1673-168!)  — J^'r/zî  Gervuise.  Le  26  septembre  1673,  le  juge  d'Aille- 
boust  déclare  qu'il  est  forcé  de  se  rendre  souvent  à  Québec,  par  affaires, 
et  qu'il  est  nécessaire  de  nommer  un  lieutenant  particulier  en  son  bail- 
liage, parce  qu'il  n'y  a  personne  pour  rendre  la  justice  en  l'absence  du 
juge.    Pour  cette  raison  il  commissionne  le  sieur  Gervaise  de  le  remplacer. 

Ce  colon  était  venu.au  pays  avec  la  fameuse  recrue  de  1653;  l'année 
suivante,  il  avait  épousé  Anne  Archambault  qui,  auparavant,  avait  été 
mariée  à  Michel  Chauvin,  un  bigame  que  les  autorités  chassèrent  de 
Montréal  dès  que  sa  faute  fut  mise  à  jour. 

Le  sieur  Gervaise  se  consacra  au  négoce  tout  en  occupant  auprès 
du  tribunal  le  poste  de  procureur  fiscal  bien  qu'il  n'eut  que  le  titre  de 
substitut.  Après  1673,  il  siégea  à  maintes  reprises  jusqu'en  1689.  Il 
mourut  à  Montréal  et  on  l'inhuma  le  12  mars  1690. 

Mgr  Tanguay  note  dans  le  premier  volume  de  son  Dictionnaire  que 
Gervaise  est  un  des  ancêtres  de  Mgr  Plessis  et  de  sir' Georges-Etienne 
Cartier. 

1677-1690  —  Jeun-Baptiste  Migeon  de  Branssat.  Fils  de  Jean  Mi- 
geon,  marchand,  et  de  Marie  Desbordes,  il  naquit  à  Moulins,  capitale 
de  l'ancienne  province  du  Bourbonnais,  en  1636  d'après  M.  Eegis  Eoy 
et  non  en  1639  ainsi  que  le  dit  Mgr  Tanguay.  Le  sieur  Migeon  semble 
être  venu  à  Montréal  à  l'automne  de  1664  ou  au  printemps  de  1665, 
puisque  déjà,  au  mois  de  juillet,  il  épousait  Catherine  Gauchet  de  Belle- 
rive,  parente  de  l'abbé  Souart,  Hour  à  tour  curé  de  la  paroisse  de  Ville- 
Marie  et  supérieur  du  Séminaire  de  Montréal.  L'année  suivante,  le  sieur 
Migeon  est  "commis  de  la  compagnie  des  Indes  Occidentales",  enfin,  deux 
Sns  plus  tard,  le  voilà  devenu  procureur  fiscal,  charge  équivalente  à  celle 
de  procureiir  du  roi  dans  les  tribunaux  royaux.  Etait-il  avocat  avant  de 
venir  au  pays  ou  bien  obtint-il  ce  titre  par  influence,  pendant  qu'il  séjour- 
nait ici  ?    Toujours  est-il.  que  vers  l'an  1675  il  se  qualifie,  dans  certains 


—  180  — 

actes,  de  "licencié  en  loi  et  avocat  en  parlement",  et  que  par  la  suite  il 
n'oublie  plus  de  s'en  parer. 

Xommé  jugfe  du  bailliage  de  Montréal,  par  le  supérieur  du  Séminaire 
le  26  août  1677,  il  réussit,  le  mois  suivant,  à  faire  confirmer  sa  nomina- 
tion par  le  Conseil  souverain,  malgré  l'opposition  qu'y  présenta  l'ex-titu- 
îaire  M.  d'Ailleboust.  Le  30  septembre,  ^J.-B.  Migeon  de  Branssat  entrait 
en  fonctions  et  établissait  une  coutume  qui  fut  presque  toujours  suivie; 
elle  consistait  à  prononcer  une  allocution  à  la  première  audience  que 
présidait  le  nouveau  fonctionnaire  et  à  déposer  toutes  les  pièces  relatives 
à  sa  nomination  (1). 

Après  avoir  siégé  pendant  treize  ans  M.  Migeon  de  Branssat  s'aperçoit 
qVil  n'est  pas  à  sa  place  et  au  mois  d'août  1690,  prétextant  que  la  "multi- 
plicité de  ses  affaires  l'empêche  de  se  pouvoir  donner  à  son  emploi"  il 
prie  l'abbé  Dollier  de  Casson  de  lui  trouver  un  remplaçant.  Et  les  sei- 
gneurs font  choix  de  M.  Fleury  Deschambault.  Mais  M.  Migeon  n'en 
avait  pas  fini  avec  le  tribunal." 

Par  un  édit  du  15  mars  1693,  le  roi  prit  possession  de  la  justice  de 
Montréal,  les  seigneurs  ne  conservant  que  la  propriété  du  greffe,  le  droit 
de  désigner  les  greffiers  à  l'approbation  des  juges  et  le  privilège  de  sug- 
gérer le  nom  du  premie^  juge  de  la  nouvelle  justice  royale. 

Dans  cet  édit,  le  roi,  de  l'avis  des  seigneurs,  confiait  le  poste  de  juge 
à  M.  de  Branssat,  mais  quand  le  document  parvint  en  la  Nouvelle-France, 
le  titulaire  avait ,  trépassé  en  sa  demeure,  au  coin  des  rues  Saint-Pierre 
et  Saint-Sacrement.     Il  fut  iphumé  le  21  août  1693  (2). 

C'est  pour  rappeler  le  souvenir  de  ce  colon  et  de  sa  famille  que  l'on 
a  donné  le  nom  de  Migeon  au  ruisseau  qui,  dans  la  paroisse  de  la  Longue- 
Pointe,  traverse  le  fief  Branssat  et  celui  de  Lagauchetière  à  la  rue  qui 
traverse  un  petit  fief  qui  appartint  à  un  Migeon  de  la  Gauchetière.  Le 
nom  territorial,  en  ce  dernier  cas,  dérivant  du  nom  de  la  femme  de  M. 
de  Branssat,  dame  Gauchet. 

Ajoutons  qu'une  fille  du  juge  Migeon,  Louise-Thérèse,  épousa,  en 
premières  noces,  un  Juchereau  de  Saint-Denis-  qui  fut  juge  lui  aussi  et, 
en  secondes  noces,  Louis  Liénard  de  Beaujeu,  père  de  Daniel-Hyacinthe- 
Marie  de  Beaujeu  qui,  jusqu'à  ces  derniers  temps,  était  considéré  comm5 


(1)  Un  jour  ou  l'autre  nous  soumettrons  au  lecteur  les  discours  des  juges 
montréalais. 

(2)  Dans  nos  articles  précédents  sur  M.  de  Branssat  (B.  R.  H.,  1915,  pp.  232 
et  303)  cette  date  n'est  pas  reproduite  correctement. 


-  181  — 

le  héros  de  la  Mouoiigahéla  au  détriment  du  général  Jean-Daniel  Dumas, 
prétend  l'archiviste"  F.- J.  Audet  dans  un  volume  récemment  paru. 

1690-1693  et  1701-1715  —  Jacques- Alexis  de  Fleury  Deschanihault. 
'Né  en  1642,  à  Saint- Jean  de  Montaigu,  dans  le  Poitou,  il  épousa,  à 
Québec,  le  19  novembre  1671,  Marguerite  de  Chavigny,  veuve  de  Thomas 
Douaire  de  Bondy,  puis  le  9  Juillet  1708,  il  convolait  à  Sainte-Anne  de  la 
Pérade  avec  Marguerite-Penée  Denis  de  la  Ponde,  veuve  de  Tliomas  de 
Lanaudiêre. 

Xommé,  au  mois  d'août  1690,  par  l'abbé  DolKer  de  Casson,  à  la 
présidence  du  bailliage  de  Montréal,  il  vit  sa  nomination  confirmée  quel- 
que temps  après  par  l'intendant  Bochart  de-  Champigny.  En  prenant 
possession  de  sa  charge,  le  21  novembre  1690,  il  prononça  l'allocution 
d'usage  et  produisit  tous  les  documents  relatifs  à  sa  nomination. 

Lors  de  l'abolition  de  la  justice  seigneuriale,  en  1693,  il  devint  pro- 
cureur du  roi  auprès  du  nouveau  tribunal  royal,  puis  le  5  juin  1701,  il 
recevait  commission  pour  faire  fonction  de  lieutenant  général  civil  et 
criminel  en  l'absence  du  juge  Juchereau  dont  il  est  question  dans  la 
notice  suivante.  Mais  il  ne  fut  titulaire  de  la  présidence  de  ce  tribunal 
qu'au  mois  de  mai  1706. 

Ce  fonctionnaire  siégea  presque  sans  interruption  du  8  mai  1702  au 
22  mars  1715  et  il  mourut  le  30  mars  1715. 

1693-1701  —  Charles  Juchereau  de  Saint-Denis.  Xé  à  Beauport, 
au  mois  de  décembre  1655,  il  épouse  à  Montréal,  le  21  avril  1692,  Denise- 
Thérèse  Migeon  de  Branssat,  fille  du  juge  de  ce  nom.  Xommé,  par  arrêt 
du  Conseil  Supérieur  en  date  du  5  octobre  1693,  au  poste  de  juge  de 
Montréal,  il  prit  son  siège  le  17  novembre  suivant,  sans  prononcer  d'allocu- 
tion, mais  en  déposant  les  documents  relatifs  à  sa  nomination.  Il  fut  con- 
firmé dans  sa  charge  le  15  avril  1694.  On  constate  qu'il  reste  en  fonctions 
jusqu'au  8  mai  1702.  C'est  après  cette  date  qu'il  dut  partir  pour  K' 
Mississipi  oii  il  rêvait  d'établir  des  tanneries  et  autres  industries.  Il  ne 
revint  pas  de  ce  voyage  et  "mourut  à  Ouabache  dans  l'automne  de  1703", 
suivant  ce  que  nous  en  dit  M.  P.-G.  Roy  dans  sa  généalogie  de  la  "Famille 
Juchereau  Duchesnay". 

1701-1715  —  Jacques  -  Alexis  de  Fleunj  Deschanihault.  Voir  ci- 
dessus. 

1715-1727  —  François-Marie  Bouat.  Né  à  Montréal,  en  1676,  il 
était  fils  d'Abraham  Bouat,  le  principal  hôtelier  de  la  ville  en  son  temps. 
François-Marie   Bouat   é])ousa  en   premières  noces,  à   Québec,  le   7  juin 


...  182  — 

ITOO,  Madeleine  Lambert-Dumont  et  en  deuxièmes  noces,  à  Montréal,  le 
8  août  1T23,  Agathe  le  Gardeur  de  llepentigny. 

Bonat  fils  commença  sa  carrière  comme  lieutenant  de  la  maréchaussée, 
à  Montréal,  puis  devint  lieutenant  particulier.  Après  le  décès  de  M. 
Descliambault  il  s'absente  souvent;  plusieurs  petits  faits  nous  laissent 
apercevoir  qu'il  voudrait  succéder  au  défunt.  Il  réussit;  le  roi  signa 
sa  nomination  à  Paris,  le  27  avril  1716,  et  elle  fut  enregistrée  à  Québec 
le  12  octobre  1716. 

Le  juge  Bouat  fut  enterré  à  Montréal  le  18  mai  1726. 

1727-1740  —  Pierre  Baimhauït.  Arrivé  à  Montréal  vers  1695  avec 
sa  femme  Jeanne-Françoise  de  Simblin  qu'il  avait  épousée  à  Paris  en 
1691,  Pierre  'Raimbault  fut  d'abord  niarchand  ébéniste,  mais  le  meuble 
n'allait  guère  à  cette  époque  et  en  1697  il  quitta  le  négoce  pour  le  notariat. 
Toutefois,  il  ne  reçut  sa  commission  de  notaire  qu'en  1699.  A  partir  de 
1702,  le  voilà  qui  occupe  souvent  le  poste  de  procureur  du  roi,  en  l'absence 
du  titulaire,  puis,  en  1706,  il  en  reçoit  la  commission.  Enfin,  le  29  avril 
1727,  il  s'élève  encore  d'un  degré  et  devient  juge.  Le  sieur  Raimbault 
conserva  sa  charge  jusqu'à  sa  mort,  au  mois  d'octobre  1740,  mais  dans 
les  deux  dernières  années  de  sa  vie  des  infirmités  l'obligèrent  souvent  de 
s'éloigner  du  tribunal. 

Devenu  veuf  en  1705,  il  avait  convolé  en  1707  avec  Louise  ISTafre- 
choux,  fille  d'un  riche  marchand. 

Raimbault  a  possédé  une  des  bonnes  bibliothèques  particulières  de 
Montréal  et  ce  devait  être  un  éruçlit.  C'était  aussi  un  homme  d'affaires, 
car  il  acquit  plusieurs  immeubles  à  Montréal  et  il  sut  se  faire  octroyer 
une  couple  de  seigneuries  dans  la  région  du  lac  Champlain  (3). 

1740-1753  —  Jean-François  Malhiot,  qui  fut  lieutenant  particulier, 
c'est-à-dire  juge  suppléant,  était  né  à  Montréal  le  4  novembre  1692  du 
mariage  de  Jean  Malhiot  et  de  Madeleine  Marchand.  Son  père  s'adonnait 
au  commerce  et  il  embrassa  lui  aussi  cette  carrière.  Mais  à  l'âge  de  48 
ans  il  opta  pour  la  robe.  Le  19  février  1740,  le  sieur  Malhiot  reçut  sa 
commission  de  lieutenant  particulier  en  la  juridiction  de  Montréal  "atten- 
du le  grand  âge  et  les  infirmités  de  M.  Raimbault,  le  lieutenant  général". 

Le  juge  Malhiot  décéda  à  Montréal  le  29  janvier  1756,  âgé  de  64  ans. 

1740-1741 — Jacques  de  la  Fontaine  de  Beïcour.  Fils  de  Jean  de 
la  Fontaine,  officier  du  roi  à  Versailles,  il  arriva  en  la  Nouvelle-France 


(3)   Voir  le  Bulletin  de  1915,  p.  78,  et  1916,  p.  242. 


—  183  — 

en  1726  avec  le  marquis  de  Beauharnois  dont  il  était  le  secrétaire.  Le 
24  octobre  1728,  il  épousait,  à  Québec,  Charlotte  Bissot  de  Vincennes. 
M.  de  la  Fontaine  se  livra  au  commerce  des  pelleteries  avec  son  beau-père. 
Nommé  au  Conseil  souverain  en  1735,  il  se  vit  délégué  à  Montréal  pour 
remplir  temporairement  la  charge  de  juge  laissée  vacante  par  la  mort  du 
'sieur  Raimbault.  Il  monta  sur  le  banc  au  mois  de  novembre  1740  et  en 
descendit  au  mois  d'octobre  1741,  lors  de  l'arrivée  du  titulaire  M.  de 
Monrepos. 

Jacques  de  la  Fontaine  retourna  alors  à  Québec  et  y  demeura  jusqu'à 
sa  mort,  au  mois  de  juin  1765. 

M.  P.-G.  Roy  lui  a  consacré  une  biographie  étendue  dans  son  ouvrage 
le  "Sieur  de  Vincennes  et  sa  famille". 

1741-1760  —  Jacques-Joseph  Guiton  de  Monrepos,  co-seigneur  de 
Cazenave,  du  prieuré  de  Moiiheurs  et  autres  lieux,  était  fils  d'un  avocat 
au  parlement  de  Bordeaux.  Il  obtint  sa  commission  de  juge  en  France, 
le  premier  février  1741,  mais  ne  put  venir  prendre  la  présidence  du  tri- 
bunal qu'au  mois  de  novembre  1741.  Il  resta  en  fonctions  jusqu'à  la 
capitulation  de  Montréal.    Son  tribunal  étant  aboli  il  quitta  le  pays. 

M.  de  Monrepos  était  marié  à  une  demoiselle  Thérèse  Bordes  qui 
ne  le  suivit  pas  dans  le  Nouveau  Monde.  Les  chroniques  d'outre-mer 
rapportent  que  cette  dame  tenait  une  conduite  si  scandaleuse  en  1743  que 
le  i:oi  ordonna  son  internement  au  couvent  de  la  Madeleine.  Par  ailleurs 
des  Mémoires  cancaniers  de  l'époque  rapportent  que  M.  de  Monrepos  était 
ici,  à  la  fois  galant  et  cupide  et  qu'il  n'était  pas  scrupuleux  sur  la  justice. 

Ces  propos  venimeux  ne  s'accordent  guère  avec  la  Correspondance 
générale  en  date  du  18  août  1758  où  l'on  dit  que  M.  de  Monrepos  était 
"un  juge  éclairé  et  s'acquittant  bien  de  la  police  de  "la  ville".  Nous  en 
parlerons  d'ailleurs  plus  au  long  prochainement. 

E.-Z.   MASSICOTTE 


BARTHEl  EMT  MARTIN 


Martin  (Barthélcmi). — Il  était  originaire  de  Marseille,  paroisse  de  Saint- 
Ferréol. 

A  son  mariage  à  Québec,   le  31  août  1752,   on  le  dit  marchand. 

Dans  une  pièce  judiciaire  datée  du  13  octobre  1754,  Barthélemi  Martin 
se  donne  comme  âgé  de  41  ans  et  s'intitule  contrôleur  de  la  Compagnie  des 
Indes  en  la  colonie  de  la  Nouvelle-France. 

Martin  était  encore  à  Québec  en   175  7. 


—  184  — 

NAVIRES  CANADIENS 


De  1T41  i\  1T57,  le  roi  a  fait  construire  au  Canada  plusieurs  navires 
pour  sa  marine.  La  correspondance  officielle  de  l'époque  entre  les  per- 
sonnages intéressés:  le  ministre  en  France,  et  le  gouverneur,  l'intendant 
et  l'ingénieur  du  roi  au  Canada,  nous  révèle  maints  curieux  détails.  Ces 
documents,  dont  copie  existe  aux  Archives  fédérales,  peuvent  facilement 
être  examinés,  mais  si  l'on  désire  connaître  le  sort  ultime  de  ces  nefs 
lancées  à  Québec  cela  ne  se  peut  déterminer  que  d'une  autre  façon,  de 
longue  haleine,  c'est-à-dire  par  un  cours  de  lectures  d'histoires  de  la  ma- 
rine euro})éenne.  Les  quelques  notes  que  nous  apportons  ont  été  ainsi 
cueillies:  elles  ne  sont  pas  très  amples,  mais  c'est  une  base  ou  un  point 
de  départ,  tout  humble  qu'il  soit.  D'autres  amis  de  notre  Histoire,  plus 
savants,  y  ajouteront. 

En  IT'il  donc,  le  chantier  maritime  du  roi  à  Québec  mettait  à  l'eau 
une  flûte  de  500  tonneaux.  Ce  premier  navire  porta  le  nom  de  la  colonie. 
Le  Canada  ])our  son  premier  voyage  devait  prendre  un  cliargement  de 
planches,  de  fer  et  d'huile.  Charles-René  LeGardeur  de  Beauvais  fut  son 
commandant. 

Le  Canada,  comme  presque  tous  les  autres  vaisseaux  canadiens,  passa 
sous  le  pavillon  anglais. 

En  1780,  il  reçut  deux  autres  canons  de  18  pour  son  second  pont,  et 
portait  alors  76  canons. 

E]i  1794,  en  août,  deux  autres  caronnades  de  68  furent  ajoutées. 
Le  23  octobre  de  cette  année,  le  contre-amiral  Niely,  commandant  une 
escadre  de  6  vaisseauv,  3  frégates,  1  corvette,  partit  de  Brest  pour  croiser 
à  l'entrée  de  la  Manche.  Le  6  novembre,  à  3  heures  du  matin,  il  rencontra 
à  l'ouest  d'Ouessant  les  vaisseaux  Ahxander  (contre-amiral  Bhgh)  et  le 
Canada  (capitaine  Powell-Hamilton)  qui  retournaient  en  Angleterre. 
Bligli  fut  battu,  mais  h  Canada,  chassé  par  3  vaisseaux  français,  réussit 
à  s'échapper. 

Le  21  mars  1798,  la  Charente  (capitaine  Bruillac)  mit  à  la  voile  de 
l'île  d'Aix  pour  se  rendre  à  Cayenne;  le  Canada  (74  canons)  croisait  dans 
ces  parages  et  l'attaqua;  dans  l'ardeur  jlu  combat  le  navire  qui  portait 
notre  nom  s'échoua  dans  le  chenal  de  Graves,  près  la  Gironde;  et  l'amiral 
Warren  eut  grand'peine  à  le  renflouer. 

Le  21  octobre,  la  même  année,  le  Canada  faisait  ])al'tie  de  l'escadre 


•      —  185  — 

de  sir  John  Borlace  Warren,  qui  battit  l'escadre  de  l'amiral  Bompart  sur 
les  côtes  de  l'Irlande. 

Enfin,  en  1799,  le  capitaine,  l'honorable  Michael  de  Courcy — un  An- 
glais au  nom  franaçis — commandait  le  Canada. 

*  *     * 

En  septembre  1742,  une  nouvelle  flûte  fut  mise  en  chantier:  le  Pari- 
bou.  En  même  temps,  M.  LeVasseur,  l'ingénieur,  préparait  le  plan  d'une 
frégate  de  26  canons.  Le  Caribou  fut  prêt  en  juin  1744.  Son  équipage, 
comme  dans  le  cas  précédent,  vint  de  France.  Le  22  juillet,  ce  vaisseau 
(commandant  Du  Bois)  jiartait  pour  Louisbourg  et  n'y  arrivait  que  le 
S  octobre.    Le  12  il  reçoit  des  réparations  nécessaires. 

Le  12  octobre  1746,  le  Caribou  (14  canons),  désemparé  de  l'escadre 
du  duc  d'Anville,  rentre  à  Brest  (commandant:   M.  de  Marquayssac).    Le 

1er  janvier  1748,  ce  navire  se  trouve  à  Brest. 

*  *     * 

En  1744  on  entreprend  la  construction  d'une  frégate  de  22  canons: 
le  Castor.  Ce  bâtiment  est  prêt  pour  le  service  l'année  suivante.  Son 
équipage  arrive  de  France  sur  l' Heureuse-Mark.  Le  sieur  Du  Bois  est 
nommé  commandant.  Le  Castor  est  d'abord  destiné  à  garder  les  côtes 
de  l'Ile  lioyale,  passant  aux  mains  du  sieur  Morpain. 

1747,  commandant,  M.  du  Vignan,  part  des  Mines,  Acadie,  pour 
retourner  en  France. 

Le  30  octobre  1747,  le  Castor,  Dessonville,  commandant,  fait  partie 
de  l'escadre  de  M.  de  l'Etenduère  et  livre  combat  à  une  frégate  anglaise 
de  30  canons;  il  eut  l'honneur  de  la  lutte,  mais  le  5  novembre  suivant, 
après  un  combat  de  8  heures,  il  succombe  à  un  navire  anglais  de  54  canons. 

Ce  navire  serait  revenu  sous  le  drapeau  français  ?  En  1750  je  vois 
une  mention  marquant  qu'il  était  de  l'escadre  de  M.  de  l'Etenduère  atta- 
quée par  le  vice-amiral  Hawke. 

En  1794,  le  Castor,  dont  l'armement  est  augmenté  à  32  canons,  bat 
pavillon  d'Albion  sous  le  commandement  du  capitaine  Trowbridge,  ren- 
contre l'escadre  du  contre-amiral  Niely  et  se  rend.  Peu  après,  cependant 
(29  mai  1794),  la  frégate  Carisfort  le  reprend. 

En  1796,  on  trouve  le  Castor  aux  Antilles. 

*  *     * 

Le  St-Laurent  est  mis  à  l'eau  en  1748.  Au  cours  de  ses  navigations 
il  revient  à  Québec  en  1757. 

*  *     * 


...  186  - 

En  lançant  l'Orignal  en  1750,  un  malheur  arrive.    Ce  navire  s'échoue 
et  se  crève. 

*     *     * 

L'Algonquin,  construit  en   1752  et  armé  de   73  canons,  paraît  en 
France  l'année  suivante. 


En  1756  le  Sauvage  et  l'Outarde  portent  les  dépêches  du  gouverneur. 
En  novembre  1756,  le  Sauvage  (capit.,  M.  de  St- Victor)  est  capturé  par 
les  Anglais  et  conduit  en  Irlande. 


Frs-Régis  Pinguet,  capitaine  de  la  flûte  du  roi  l'Outarde,  mourut  à 
Québec  le  15  septembre  1758. 

En  1755,  le  13  novembre,  ce  vaisseau  fait  voile  de  Louisbourg  vers 
la  France.  En  novembre  1756  fait  partie  de  l'escadre  sortie  de  Brest  en 
destination  des  côtes  de  la  Guinée.  L'Outarde  encette  occasion  prend  part 
à  un  combat. 

*     *     * 

IJ Ahénakise  a  pour  commandant  en  1756  le  sieur  Gervais.  En  1758, 
c'est  M.  de  Macarthy. 

Le  Québec,  en  1779,  est  en  la  possession  des  Anglais  (capitaine 
Farmer).  Lutte  pendant  cinq  heures,  le  6  octobre,  dans  la  Manche, 
contre  la  Surveillante. 

On  a  rapporté  qu'en  cette  occasion  la  frégate  Québec  fut  détruite, 
mais  il  n'en  est  pas  ainsi,  puisque  le  contre-amiral  John  MacBride  la 
commandait  en  1793. 

En  1794,  le  Québec  va  aux  Antilles  (capt.  Lord  Garciès).  Comman- 
dant, en  1795,  capt.  Carpenter.  Le  capitaine  John  Cook  est  à  bord,  dans 
ces  parages,  en  1797. 

EEGIS  ROY 


—  187  - 

LE  PEINTRE  MALEPART  DE  BEAU- 
COURS 


Quel  est  le  premier  peintre  canadien-français  qui  a  étudié  en  Europe  ? 

Dans  son  Panthéon  canadien  (édit.  1858,  p.  68),  Bibaud  jeune  répond 
(ju'il  se  nommait  Beaucours,  qu'il  avait  remporté  un  prix  là -bas,  et  que 
le  commandeur  Viger  conservait  son  portrait  dans  sa  collection.  Yoilà 
tout  ce  qu'il  nous  en  dit. 

Pourrait-on  faire  plus  de  lumière  sur  cet  artiste  et  lui  donner  une 

meilleure  place  dans  l'histoire  des  arts  au  Canada  ?     Nous  n'avons  que 

peu  de  chose  sur  lui,  cependant  nous  sommes  prêt  à  remettre  ce  peu  au 

Bulletin  pour  le  cas  où  cela  susciterait  l'éclosion  de  renseignements  autres 

et  plus  complets. 

*     *     * 

Exactement,  le  peintre  en  question  s'appelait  François  Malepart  de 
Beaucours,  et  il  naquit  à  Laprairie,  ainsi  que  nous  le  voyons  consigné 
dans  le  registre  de  cette  paroisse  : 

"Laprairie  —  L'an  mil  sept  cens  quarante,  le  viugi-ciminn-me  jour 
"de  février,  je  soussigné  prêtre  ai  baptisé  François,  né  led.  jour,  fils  de 
"  Paul  Beaucourt,  sergent  des  troupes  et  Marguerite  Haguenier,  sa  femme. 
"  Le  i)arain  François  Haguenier  a  déclaré  ne  savoir  signer  et  la  maraine 
"  Charlotte  Longuetain  a  signé. — Charlotte  Lontin,  Jacques  Desligneris, 
"ptre."  ^  ^ 

Son  père,  Paul  Malepart  de  Beaucours,  originaire  de  Paris,  s'était 
marié  à  Montréal  le  25  juin  1737.  Après  avoir  vécu  à  Montréal  et  à -La- 
prairie jusqu'en  1745,  le  sergent  quitta  l'armée  et  paraît  aller  exercer 
le  métier  de  peintre  à  Québec  où  il  décède  en  juillet  1756. 

A  quelle  époque  François  Male]>art  de  Beaucours  traversa-t-il  en 
Europe  ?  Nbus  l'iguQrons.  Ce  que  nous  savons  c'est  qu'il  se  marie  à 
Bordeaux  en  1773.  Nous  avons  l'extrait  de  son  mariage  grâce  à  M. 
Emile  Vaillancourt  qui  l'a  obtenu  par  l'intermédiaire  du  conseil  d'An- 
gleterre à  Bordeaux.     Cette  pièce  inédite  mérite  d'être  conservée  : 

Le  même  jour  (12  juillet  1773),  après  la  publication  d'un  ban  dans 
cette  église  sans  opposition  au  futur  mariage  entre  sieur  François  Male- 
part, peintre,  natif  de  Québec  en  Canada,  habitant  de  cette  paroisse,  fils 
majeur  et  légitime  de  feux  sieur  Paul  Malepart  et  de  demoiselle  Marie 
Marguerite   Agrenier,  d'une   part,  et   de  demoiselles  Benoite   Camagne, 


—  188  — 

nati^'e  de  cette  ville,  paroisse  Saint-Michel,  habitante  de  celle-cy,  fille 
mineure  et  légitime  de  sieur  Joseph  Camagne,  peintre  de  cette  ville,  et 
de  demoiselle  Marie  Nones,  d'autre  part;  vu  la  dispanse  du  second  et 
troisième  ban,  ensemble  la  permission  de  célébrer  leurs  fiançailles  immé- 
diatement avant  leur  mariage,  en  date  du  six  du  courant,  signé  Debar, 
vicaire  général,  et,  plus  bas  Delondres,  secrétaire,  je,  soussigné,  curé  de 
Saint  Seurin,  sacriste  et  chanoine  du  chapitre  de  la  même  église,  ai  célé- 
bré leurs  fiançailles  et  immédiatement  après  leur  ai  imparti  la  bénédiction 
nuptiale  en  présence  de  Mr  Me  Joseph  Narbonne,  vicaire  de  la  paroisse, 
de  sieur  Joseph  Gaétan  Camagne,  père  de  l'épouse,  de  sieur  Candide 
Frédéric  Antoine  Degrassy,  et  de  sieur  Jean  Laclotte  qui  ont  signé  avec 
moi. 

(Signé  au  registre)  Marlepart  de  Beaucour,  époux;  Camagne, 
épouse;  J.  Gajétan-Camagne;  Degrassi  fils;  Degrassy  père;  j.  Laclotte; 
Nones  ;  Camagne  ;  Narbonne,  vicaire  ;  Camagne,  fils  ;  Lagardère,  sacris- 
te, chaiioine  et  curé. 

Pour  copie  conforme  à  l'original,  conservé  aux  archives  municipales 
de  Bordeaux,  Série  GG,  paroisse  Saint  Seurin,  registre  No  751,  acte  Ko 
47,  délivré  en  l'Hôtel-de-ville  de  Bordeaux  le  trente-et-un  mars  mil  neuf 
cent  vingt-et-un. 

L'adjoint  au  Maire,  Délégué  pour  l'instruction  publique  et  les  ar- 
chives. 

DESIGALA 

*  *    * 

Que  devint,  ensuite,  le  peintre  de  Beaucours  ?...  Trente-sept  ans 
après  son  mariage  en  France,  nous  trouvons  sa  veuve  à  Montréal.  Sous 
le  nom  de  Benoite  Gaétan,  elle  épouse,  le  5  juillet  1810,  le  sieur  Gabriel 
Franchère, 

Dame  Franchère  parvint  à  un  âge  avancé.  Elle  mourut  à  Montréal, 
le  13  janvier  1844,  âgée  de  88  ans.  Dans  son  acte  de  sépulture  on  la  dési- 
gne comme  suit:    "Benoite  Camagne  Gaétan,  veuve  de  G.  Franchère." 

*  *     * 

Notons  pour  terminer  que  Mgr  Tanguay,  dans  son  Dictionnaire,  a 
consacré  deux  notices  au  colon  Malepart-Beaucours  :  une  sous  le  nom  de 
Malepart  se  trouve  au  vol.  V,  p.  478;  l'autre,  sous  le  nom  de  Beaucour, 
est  ^u  vol.  II,  p.  109.  Dans  cette  dernière  l'épouse  Malepart  porte  le 
nom  de  Grenier  au  lieu  de  Haguenier. 

E.-Z.    MASSICOTTE 


■-  189 


DOMINIQUE  DE  LA  MOTTE,  SIEUR  DE 

LUCIERE 


Plusieurs  La  Motte,  aux  noms  territoriaux  semblables,  parai'ssent 

avoir  habité  la  Xouvelle-Fraiice,  au  ITe  siècle,  et  pour  aider  ceux  qui 

voudraient,  à  la  suite  de  M.  Suite,  chercher  à  les  "identifier",  nous  offrons 

les  notes  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  l'un  d'eux,  dans  les  archives  de 

Montréal. 

*     *     * 

La  veille  de  Xoël  1680,  Dominique  de  la  Motte,  sieur  de  Lucière  (1), 
âgé  de  44  ans,  fils  de  Jean  de  la  Motte  et  de  Clémence  de  Badon,  épousait, 
à  Montréal,  Alixe  de  la  Feuillée,  âgée  de  40  ans,  veuve  de  Louis  des 
Granges,  sieur  de  Mauprée. 

Les  deux  mariés  devaient  être  à  Ville-Mari«-  ut-i.ai>  |>iii,  vm  nun^ 
n'avons  pas  constaté  leur  présence  auparavant.  Qu'étaient  venus  faire 
au  pays  ces  dignes  personnages,  assurément  trop  nobles  pour  travailler 
et  par  ailleurs  trop  pauvres  pour  vivre  sans  besogner  ?  Achevaient-ils  eu 
Amérique  un  roman  commencé  en  Europe  ?  S'étaient-ils  rencontrés  ici 
])ar  hasard  après  y  avoir  été  attirés  par  quelque  chimérique  vision  de, 
J'ortune  ou  de  vie  facile  ? 

Tout  d'abord,  on  voit  qu'ils  ont  certains  moyens  et  qu'ils  s'installent 
assez  confortablement,  mais  après  une  dizaine  d'années  de  séjour,  le 
quibus  manque,  la  gêne  et  la  maladie  s'introduisent  dans  leur  logis  et  ils 
décèdent  à  peu  de  semaines  d'intervalle,  l'un  de  l'autre,  dans  une  lamen- 
table misère,  selon  toute  apparence. 

X'y  a-t-il  pas  là  un  mystère  dont  la  solution  tentera  les  nouvellistes  ? 

l']n  tout  cas,  résumons  ce  que  les  vieux  manuscrits  nous  apprennent. 

ir      *      * 

Trois  mois  après  son  mariage,  M.  de  la  Motte  achète,  pour  60  écus, 
(lu  notaire  Maugue,  un  terrain,  rue  Notre-Dame  (5  mars  1681)  et  aussitôt 
il  fait  "traîner"  sur  ce  terrain,  par  L'rbain  Tessier,  une  maison  et  une 
grange  qu'il  a  acquises  d'un  nommé  Saint-Georges  (11  mars  1681). 
Pendant  que  ces  travaux  s'exécutent,  M.  de  la  Motte  habite  une  maison 
(le  pièces  sur  pièces,  rue  Saint- Joseph   (aujourd'hui  Saint-Sulpice). 

Notre  gentilhomme  sent  })eut-être  le  besoin  d'avoir  des  revenus  et 


(1)  Tanguay  ajoute  de  Saint-Paid,  mais  ce  n'est  pas  dans  l'acte  de  mariage 
ni  dans  les  autres  pièces  à  nous  connues. 


—  190  — 

c'est  pour  cela  qu'il  demande  et  obtient  (26  juillet  1683)  du  gouverneur 
de  la  Barre  et  de  l'intendant  de  Meulles,  la  concession  de  la  seigneurie 
donnée  en  1673  à  M.  de  Lussaudière,  puis  confisquée  en  1683,  parce  qu'elle 
n'était  pas  encore  habitée.  Evidemment,  M,  de  la  Motte  n'a  pas  non 
plus  l'idée  d'avoir  feu  et  lieu  sur  sa  concession,  dare-dare,  puisqu'il  s'oc- 
cupe d'agrandir  sa  résidence  urbaine.  Il  achète,  en  1684,  un  terrain  rue 
Saint-Jacques  qui  touche  à  sa  propriété  faisant  front  sur  la  rue  Notre- 
Dame  (Basset,  6  avril  1684),  ensuite  il  confie  à  Pierre  Libaut  dit  la 
llo7.ee  la  tâche  de  creuser  un  puits,  pour  la  somme  considérable  de  450 
livres  (doc.  jud.,  7  et  16  nov.  1684). 

Sept  ans  s'écoulent  sans  que  les  vieux  papiers  nous  révèlent  quoi 
que  ce  soit  sur  M.  de  la  Motte.  Cependant,  on  sait  qu'il  n'a  pas  trouvé 
le  Pactole.  En  1691,  il  fait  faire  une  allonge  à  sa  maison  et  il  en  loue 
une  partie  à  Alphonse  de  Tonty. 

En  1692,  la  pénurie  s'accentue  et  il  est  forcé  d'emprunter  une  bonne 
somme  de  M.  Cuillerier.  Deux  ans  après,  il  loue,  pour  200  francs  par 
an,  la  moitié  de  son  immeuble  à  Thérèse  Guyon,  femme  de  M.  de  la  Motte 
Cadillac  (|ui  dans  le  moment  est  absent  quelque  part  dans  l'ouest.  (Bas- 
set, 25  sept.  1694)   (2). 

Mais  la  gêne  continue  d'enserrer  le  ménage  de  la  Motte  et  pardevant 
Basset,  le  18  avril  1697,  les  deux  époux  sont  obligés  de  confesser  qu'ils, 
doivent  au  Séminaire  "la  somme  de  1092'  livres,  10  sous,  8  deniers,  pour 
nourriture,  vivres  et  autres  besoins  à  eux  fournis,  à  cause  de  leur  grand 
besoin  et  nécessité  depuis  quelques  années  et  particulièrement  pendant 
la  dernière  et  la  présente. , .  Ladite  dame  de  la  Motte  étant  malade  au 
lit  depuis  cinq  mois,^'  -- 

Le  malheureux  gentilhomme  fait  jouer  toutes  lès  influences  pour 
sortir  de  la  misère  et  le  22  octobre  1699'il  est  nommé  capitaine  comman- 
dant des  gardes  des  fermes  du  roi  qui  résideront  à  Montréal.  Des  émo- 
luments de  famine,  400  livres  par  an  ($80),  sont  attachés  au  grade  (3). 

Hélas  !  ce  secours  arrive  trop  tard.  Le  sort  a  eu  raison  du  ménage 
de  la  Motte.  Le  sieur  Dominique  est  inhumé  le  18  septembre  1700  et 
sa  femme  le  suit  de  près,  car  le  24  novembre  elle  est  à  son  tour  conduite 
au  champ  des  mo»ts. 


(2)  Coïncidence  rare:  un  vrai  de  la  Motte  louant  à  un  pseudo  de  la  Motte  ! 
Et  c'est  à  cause  de  cette  location  qu'on  a  placé,  coin  Notre-Dame  et  St-Laurent, 
une  plaque  rappelant  que  le  fondateur  du  Détroit  avait  demeuré  là. 

(3)  Voir  B.  des  r.  h.  1920,  p.  127. 


...  191  -. 

La  succession  de  ces  nécessiteux  dut  se  régler  devant  les  tribunaux 

et  les  créanciers  finirent  par  se  partager  leurs  dépouilles. 

*     *     * 

Relevons  un  document  qui  se  trouva  dans  les  papiers  des  défunts  et 
qui  pourra  peut-être  intéresser  les  généalogistes  et  les  héraldistes.  Portant 
la  date  du  22  décembre  168,  ce  document  est  un  exploit  d'huissier,  en 
France,  dans  lequel  il  est  question  d'un  Claude  de  la  Motte,  seigneur  de 
Verny,  conseiller  du  roi,  garde  général  des  magasins  de  la  marine  de 
France.  Ce  fonctionnaire  représente  un  "Dominicq  de  la  Motte,  seigneur 
de  Glangland,  son  frère,  demeurant  ordinairement  à  Paris,  rue  des  Es- 
coufEres,  paroisse  de  Saint-Gervais",  et  aussi  François  de  la  Motte,  baron 
d'Auny,  un  autre  frère . . . 

Pourquoi  cette  pièce  fut-elle  envoyée  au  sieur  Dominique  de  la 
Motte  de  Lucière  ?  Celui-ci  était-il  fils  ou  parent  de  Dominique  de  la 
Motte  de  Glangland  ? 

E.-Z.    MASSICOTTE 


DEUX  .FOIS   MARIES   LE   MEME  JOUR 


Mariés  deux  fois,  le  même  jour,  voilà  qui  ne  doit  pas  être  banal  ! 
Tout  le  monde  n'a  pas  semblable  avantage,  du  moins  en  ce  pays.  En 
voici  un  cas,  sur  lequel  notre  attention  a  été  attirée,  l'autre  jour,  par  M. 
Montarville  Boucher  de  la  Bruère.  Ce  chercheur  qui  prépare  une  généa- 
logie de  sa  famille  était  à  copier  l'acte  de  mariage  Georges  de  Boucherville, 
l'auteur  du  roman  Une  de  perdue.  ..  .  lorsqu'une  phrase  de  l'acte  l' éton- 
na. Il  y  était  question  d'un  précédent  mariage  qui  avait  eu  lieu  dans  une 
église  anglicaine.  Recherche  faite,  le  second  acte  de  mariage  fut  trouvé 
dans  le  registre  de  la  First  Congregational  Cliurcli. 

A  titre  de  curiosité  voici  ces  deux  actes  dans  l'ordre  chronologique. 

FIRSH  COXGREGATIONAL  CHURCH-MONTREAL 
15  OF  FEBRUARY  1847 

Pierre  George  Prévost  Boucher  de  Boucherville  of  Aylmer,  HuU  ba- 


—  192  — 

elielor,  Advocate,  and"  Marie  Louise  Elizabethe     Gregory     of     Montréal 
Spinster,  a  minor,  were  married  at  three  oclock  P.  M,  on  this  the  fif- 
teenth  day  of  February  One  thousand  Eight  hundred  and  fortjj  seven. 
A.  Boucherville,      Louise  Gregory,      Silas  Gregory  Father      J,  B.  Houle 

HENRY  WILKES,  Min. 

REGISTRE  DE  NOTRE-DAME  DE  MONTREAL 

Le  quinze  février  mil  huit  cent  quarante  sept,  la  dispense  de  trois 
bans  ayant  été  obtenue  de  sa  grandeur  l'Evêque  (Je  Martyropolis  et  admi- 
nistrateur de  ce  Diocèse,  Jp  prêtre  soussigné,  autorisé  à  cet  effet,  ayant 
pris  le  mutuel  consentement  par  ])arole  de  présent  de  pierre  George  pré- 
vost  Boucher  de  Boucherville,  ecuyer,  avocat,  domicilié  dans  le  Townshipe 
d'Aylmer,  fils  majeur  de  l'honorable  pierre  Boucher  de  Boucherville  mem- 
bre du  conseil  Législatif  de  cette  province  et  de  dame  Amélia  de  Bleury 
de  la  ])aroisse  de  Boucherville  d'une  part  et  de  demoiselle  marie  Louise 
Elizabeth  Gregory  fille  mineure  de  Silas  Gregory  écuyer  médecin  et  de 
dame  Julie  Aussem  de  cette  paroisse  d'autre  part  ;  ayant  déjà  été  mariés 
dans  une  Eglise  Anglicaine,  les  ai  mariés  suivant  les  lois  et  coutume  ob- 
servées en. la  Sainte  Eglise  en  présence  de  Silas  Gregory,  écuyer  médecin 
père  de  l'épouse  lequel  nous  a  donné  son  consentement  au  dit  mariage 
soussigné  avec  les  époux  de  sieur  Arsène  chapleau  lequel  a  déclaré  ne  Ra- 
voir signer. 

Louise  Gregory       G.  Boucherville       Silas  Gregory 

C.  FAY  Ptre 

En  présence  de  ces  deux  actes  peut-on  s'empêcher  de  remarquer  com- 
bien l'absence  de  renseignements  sur  les  parents  des  époux  enlève  de  la 
valeur  historique  ou  du  moins  généalogique  au  premier  acte  ? 

E.-Z.  MASSICOTTE 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE  — JUILLET  1«1  No  7 

L'ANEANTISSEMENT  D'UNE  INDUSTRIE 

CANADIENNE  SOUS  LE  REGIME 

FRANÇAIS 


A  l'intention  de  ceux  qui  se  proposent  d^écrire  l'his- 
toire du  commerce  et  de  l'industrie  en  la  Nouvelle-France 
nous  rassemblons  ici  ces  notes  et  ces  documents  t][ui  con- 
cernent la  chai^ellerie.  On  y  verra  que  la  mère  patrie,  à 
tort  ou  à  raison,  procéda  parfois  envers  l'industrie  cana- 
dienne d'une  façon  qui  peut  surprendre  quelques  lecteurs. 

* 

Un  mot  tout  d'abord,  sur  les  chapeliers  qui  ont  de- 
meuré à  Montréal  et  dont  nous  avons  pu  nous  procurer  les 
noms  jusqu'à  présent. 

Le  premier,  en  date,  se  nommait  Honoré  Langlois  dit 
Lachapelle.  Natif  de  Paris,  il  fut  envoyé  à  Montréal  en 
1651,  comme  soldat  de  la  garnison.  Par  la  suite  il  s'a- 
donna au  métier  de  chapelier.  En  1661,  il  épousa  Marie 
Pontonnier  et  devint  chef  d'une  famille  qui  doit  avoir  des 
représentants  parmi  nous. 

Jean  Davoust,  né  à  Cleimont  en  Anjou,  arriva  avec  la 
recrue  de  1653.  Il  se  noya  "le  28  août  1657,  au  saut 
Saint-Louis,  lorsqu'il  revenait  de  conduire  en  canot,  le 
Père  du  Perron,  jésuite  missionnaire". 


—  194  — 

Jacques  Beauchamp,  venu  avec  sa  f  eiimie,  Marie  Dar- 
denne,  en  1659,  s'établit  à  la  Pointè-aux-Trembles.  Au 
recensement  de  1666,  il  est  porté  comme  chapelier,  plus 
tard,  à  celui  de  1681,  on  le  dit  charpentier.  Beauchamp 
mourut  err  1693. 

Etienne  Forestier  qui  épousa  Marguerite  Lauson  en 
1672,  figure  au  recensement  de  1681  en  qualité  de  chape- 
lier ;  cependant,  en  1694,  nous  sommes  certain  qu'il  était 
maître  boulanger.  Avait-il  lui  aussi  changé  d'occupa- 
tion ? 

Jean  Quenet,  originaire  de  Rouen,  épousa  à  Montréal, 
en  1675,  Etiennette  Heurtebise.  Dans  les  actes  notariés, 
on  voit  qu'il  fut  marchand  chapelier,  puis  inspecteur  du 
castor.      Il  mourut  en  1718. 

Guillaume  la  Serre  dit  la  Forme,  marié  à  Angélique 
Boisseau  exerça  son  métier,  à  Montréal,  de  1704  à  1719, 
date  de  son  décès. 

David  Pauperet,  marchand  chapelier  de  Québec, 
était  à  Montréal,  en  1715.  Nous  ne  pouvons  dire  s'il  fit 
long  séjour  parmi  nous. 

Jean-Baptiste  Chaut" our,  chapelier  de  Paris,  épousa,  à 
Montréal  en  1723,  la  veuve  de  Guillaume  la  Serre  et  il  tint 
un  établissement  rue  Notre-Dame. 

Joseph  Huppé  dit  la  Groy,  né  à  Beauport,  en  1696  et 
marié  à  Charlesbourg,  en  1728,  vint  demeurer  à  Mon- 
tréal à  la  fin  de  l'année  1731  et  s'occupa  activement  de  la 
fabrication  des  chapeaux  dans  un  des  faubourgs  de  la  ville. 

* 

Ceci  connu,  recourons  aux  documents. 
Le  premier  est  une  ordonnance  du  gouverneur  et  de 
l'intendant  qui  défend  d'exporter  des  chapeaux  faits    au 
pays. 

1745, 13  septembre. 

'  Charles,  marquis  de  Beauharnois 

Gilles  Hocquart 

Sa  Majesté  ayant  été  informée  qu'il  se  fabriquait  en 


—  195  — 

ce  pays  des  chapeaux  de  castor  à  demy  foulés  et  que  quel- 
ques chapelliers  établis  en  cette  colonie  étoient  dans  le  des- 
sein de  les  faire  passer  en  France  pour  les  y  perfectionner, 
fondés  sur  ce  que  le  privilège  de  la  compagnie  des  Indes  ne 
parle  que  de  castor  et  non  de  chapeaux  à  demy  foulés,  en 
quoy  ils  s'abusent  parceqiie  s'il  étoit  permis  aud.  chapel- 
liers d'introduire  en  France  des  chapeaux  demy  foulés  ce 
seroit  anéantir  le  privilège  de  la  compagnie  des  Indes  et 
d'ailleurs,  il  en  résuit eroit  un  préjudice  considérable  :  la 
fabrique  des  chapeaux  en  France  s'anéantiroit  dans  sa 
suite  et  les  règlements  pour  les  manufactures  deviendront 
illusoires.  En  conséquence  Sa  Majesté  Nous  auroit  en- 
voyé ses  ordres  pour  empêcher  la  sortie  de  toutes  les  pièces 
de  chapeaux  soit  demy  foulés  ou  autres. 

Nous,  en  exécution  des  ordres  de  Sa  Majesté  faisons 
très  expresses  inhibitions  et  deffences  aux  chapelliers  éta- 
blis en  cette  colonie  et  à  toutes  autres  personnes  de  quel- 
que qualité  qu'elles  soient  de  faire  sortir  de  ce  pays  ny  en- 
voyer en  France,  et  partout  ailleurs  aucuns  chapeaux,  sous 
les  mêmes  peines  prononcées  contre  ceux  qui  transportent 
du  castor  en  France. 

Mandons  aux  subdéléguées  de  monsieur  l 'Intendant,  à 
tous  Juges  Royaux  et  des  Seigneurs  et  à  tous  autres  qu'il 
appartiendra  de  tenir  la  main  chacun  en  droit  soy  à  l'exé- 
cution de  la  présente  ordonnance  qui  sera  registrée  aux 
greffes  des  jurisdictions  de  Québec,  Trois-Rivières  et 
Montréal,  Lu,  publiée  et  affichée  èsd.  villes,  à  ce  que* per- 
sonne n'en  prétende  cause  d'ignoran<îe. 

Fait  et  donné  à  Québec,  la  13  7bre  1735. 

Beauharnois  Hocquart 
• 

Le  deuxième  document  renchérit  sur  le  premier.  Les 
industriels  français  comme  aussi  les  actionnaires  de  la 
compagnie  des  Indes  non  contents  de  leur  premier  succès, 
ont  voulu  obtenir  plus  de  la  faveur  royale  et  ils  ont  réussi. 

Cettef  ois  donc  c  'est  la  prohibition  de  la  fabrication  du 
chapeau  en  la  Nouvelle-France  qui  est  ordonné  par  Sa  Ma- 
jesté. 


—  196  — 

1736,  6  septembre. 

Charles,  marquis  de  Beauharnois 

Gilles  Hocquart 

Sur  le  compte  que  nous  avons  rendu  à  Sa  Majesté  des 
dépenses  que  nous  fismes  l 'année  dernière  en  exécution  de 
ses  ordres  aux  Chapeliers  Etablis  en  cette  Colonie  et  à  tous 
autres  personnes  de  quelque  qualité  et  condition  qu 'Elles 
fussent  de  faire  sortir  de  ce  Pays  et  d'envoyer  En  france  ou 
partout  ailleurs  aucune  Espèce  de  Chapeaux,  Sa  Majesté 
auroit  jugé  à  propos,  pour  le  maintien  des  Manufactures 
du  Royaume  et  pour  le  bien  du  Commerce  en  général,  de 
nous  Envoyer  de  nouveaux  ordres  non  seulement  pour 
empêcher  cette  sortie,  mais  encore  pour  deffendre  toutes 
fabrications  de  Chapeaux  de  quelt[ue  espèce  que  ce  soit,  et 
de  faire  détruire,  en  conséquence,  les  Etablis  à  fouler  qui 
se  trouvent  en  ce  Pays.  Nous,  en  exécution  des  ordres  de 
Sa  Majesté,  faisons  très  Expresses  inhibitions  et  dépenses 
à  toutes  personnes  de  fabriquer  aucune  Espèce  de  Cha- 
peaux dans  cette  Colonie  sous  les  mêmes  peines  prononcées 
contre  Ceux  qui  font  le  commerce  étranger.  Ordonnons  aux 
Juges,  chargez  de  la  police  dans  les  trois  villes  de  Québec, 
Montréal  et  Trois-Rivières,  de  tenir  la  main  à  l'exécution 
de  la  présente  ordonnance  et  de  faire  détruire  les  Etablis,  à 
fouler  qui  s'y  trouveront  dont  ils  dresseront  des  procez- 
verbaux  dans  lesquels  sera  fait  Estimation  du  prix  des  d. 
Etablis  pour  les  d.  procez-verbaux  à  nous  envoyez,  estre 
sur  iceux  ordonné  par  nous  ce  qu'il  apartiendra  Et  sera  la 
l^résente  lue,  publiée  et  affichée  dans  les  Trois  villes  et  par- 
tout ailleurs  ou  besoin  sera,  et  enregistrée  aux  Greffes  des 
Juridictions  Royales,  à  ce  que  personne  n'en  prétende 
cause  d'ignorance.  Mandons  ac,  fait  à  Québec  le  six 
septembre  1736.      Signé  Beauharnois  et  hocquart. 

Beauliarnois,      Hocquart 

Et  pour  se  conformer  aux  ordres  de  Louis  XV,  ou  plu- 
tôt de  ses  conseillers,  le  juge  de  Montréal,  Pierre    Raim- 


—  197  — 

bault,  accompagné  de  son  greffier  Claude  Porlier  et  de 
l'huissier  audiencier  J.-B.  Decoste,  rend  visite  aux  deux 
seuls  chapeliers  de  Montréal,  en  1736.  Chez  le  premier, 
le  magistrat  apj^rend  qu'il  se  prépare  à  fabriquer  des  cha- 
peaux et  qu'il  est  à  aménager  une  chapellerie  d'une  certai- 
ne importance  : 

1736,  24e  septembre  : 

'*  Procès-verbal  de  visite  par  M.  le  Lieutenant  général 
ch^z  les  chapeliers  de  cette  ville  pour  faire  inventaire  des 
ustenciles  et  outils  concernant  leur  métier  et  iceux  trans- 
portés au  Magasin  du  roy. 

L'an  mil  sept  cent  trente  six,  le  vingt-quatre  septem- 
bre, dix  heures  du  matin,  Nous  Pierre  Raimbault,  conseil- 
ler du  roi.  Lieutenant  général,  civil  et  criminel  de  police, 
commerce  et  navigation  à  Montréal,  Nous  étant  transporté 
en  la  maison  et  demeure  de  Jean-Baptiste  Chauf oux  ancien 
chapelier  en  cette  ville,  demeurant  en  sa  maison  seize  rue 
Notre-Dame,  avec  M.  le  Greffier  et  assisté  de  Mtre  DeCos- 
te  pour  procéder  en  exécution  de  l'ordonnance  de  Mes- 
sieurs les  Gouverneur  général  et  Intendant  de  ce  pays,  en 
date  du  six  de  ce  mois,  publiée  et  affichée  es  lieux  et  en- 
droits accoutumé  de  cette  ville,  avons  fait  visite  en  lad. 
maison  ou  n'ayant  trouvé  aucun  établis  à  fouler  des  cha- 
peaux l'avons  interpellé  de  présentement  nous  dire  ou 
sont  ceux  dont  il  se  sert  pour  fabriquer  des  chapeaux,  à 
laquelle  interpellation  il  nous  a  fait  réponse  qu'il  n'en  a 
aucun  depuis  qu'il  est  de  retour  de  France,  en  l'année  mil 
sept  cent  trente  quatre,  et  que  sans  la  défense  publiée  led. 
jour,  il  se  disposoit  à  en  faire  ayant  achepté  les  bois  à  cet 
effet,  qu'ils  nous  ont  fait  voir  dans  leurs  cour  au  nombre  de 
trente  cinq  madriés  de  bois  de  pin,  dont  nous  avons  dressé 
le  présent  acte,  Et  enjoint  audit  Chauffoux  de  se  confor- 
mer et  obéir  à  ladite  ordonnance.  Et  a  signé  avec  Nous  et 
notre  Greffier. 
Jean-Baptiste  Chauf our,  P.  Raimbault,  Decoste,  C.  Porlier 

Chez  le  second  on  trouve  une  manufacture  en  pleine 
opération.      Tout  est  saisi  et  détruit  : 

Et  le  dit  jour,  deux  heures  de  relevée.  Nous,  lient,  gé- 
néral susdit,  Nous  étant  transporté  hors  de  cette  ville,  en 


...  198  — 

la  maison  où  est  logé  Joseph  Hupé  dit  la.Groy,  Me  Chape- 
lier ou  ayant  trouvé  deux  établis  à  fouler  des  chapeaux, 
Nous  avons  mandé  par  led.  de  Coste,  Jean-B.  Chauffour, 
ancien  chapelier  en  cette  ville  et  Pierre  Bourgea  dit  Pro- 
vençal, chaudronier,  et  Laurent  Desnoyer  Marcheteau,  me- 
nuisier i3our  faire  l'estimation  desd.  établis,  chaudière  et 
ustanciles  que  led  La  Groy  a  représenté  comme  les  ayant 
achepté  et  a  luy  nécessaire  pour  fabriquer  des  chapeaux, 
à  quoy ,  il  s 'est  occupé  de  bonne  f  oy  depuis  cinq  ans  ;  Et 
lesd.  Chauffour,  Bourgea  et  Marcheteau,  étant  à  l'instant 
comparus  après  leur  avoir  fait  faire  serment,  en  présence 
dud.  La  Groy  de  faire  les  estimations  en  leur  âme  et  cons- 
cience,, et  avoir  par  eux  visité  lesdites  établies  et  ce  qui  dé- 
pend pour  la  fabrique  des  chapeaux  ! 

Ont  dit,  qu'ils  estiment  lesd.  deux  établies  à  dix-huit 
livres  ;  cinquante-quatre  formes,  à  dix  sols  pièces  ;  deux 
arsons  (1),  à  cinquante  sols  pièces  et  les  cordes  à  boyaux 
pour  lesd.  arsons  au  nombre  de  quinze  à  vingt  sols  piesse  ; 
un  rouleau  de  fer,  à  quarente  sols  ;  un  couteau,  à  éjar- 
rer  (2)  à  trois  livres  ;  une  pièce  et  un  avaloire  de  cuivre,  à 
quinze  livres  les  deux  ;  deux  couteaux  à  razer  le  castor,  à 
cinquante  sols  la  piesse  ;  une  coche  (3)  de  bois  de  Campè- 
che,  à  vingt  sols  ;  deux  bassins  à  bastir  les  chapeaux,  à  qua- 
tre livres  pour  le  bois,  non  compris  les  taules  pesant  ensem- 
ble dix-sept  livres  ;  une  chaudière  à  fouler  que  nous  avons 
fait  démolir  du  fourneau  où  elle  étoit,  estimée  à  quinze  li- 
vres y  compris  la  démolition  dud.  fourneau  ;  et  la  chaudiè- 
re à  teindre  les  chapeaux  tenant  quatre  bariques  ou  envi- 
ron, à  la  somme  de  trois  cent  livres  y  compris  le  fourneau 
à  démolir  quy  l'a  été  à  l'instant,  devant  nous  ;  une  poisle  à 
tirer  les  écorces  de  la  tainture,  à  cinq  livres  ;  ce  fait  ledit 
La  Groy  nous  a  représenté  du  castor  razé  que  ledit  Chauf- 

(1)  Arçon.  Instrument  fait  en  archet  de  violon  qui  est  long  de  5  à  6  pieds 
et  dont  on  se  sert  pour  arçonner  la  laine  dans  les  chapelleries. 

(2)  Ejarrer.  Débarrasser  de  la  jarre  les  peaux  de  castor.  Jarre,  poil  court 
et  dur  mêlé  à  l'autre. 

(3)  Coche.  Se  dit  chez  les  chapeliers  d'un  morceau  le  bois  dur  qui  leur  sert 
à  tirer  et  faire  agir  la  corde  de  l'instrument  appelé  arçon.  On  en  faisait  en  bois 
de  campêche. 


I 


—  199  — 

four  a  estimé  être  tiré  de  douze  livres  de  castor  en  cuir  et 
valoir  dix  sols  la  livre  pour  l'avoir  éjarré  et  razé  ;  ensem- 
ble six  douzaines  de  coiffes  à  chapeaux  et  six  douzaines  de 
boutons  destinés  pour  fabriquer  des  chapeaux  quy  luy  ont 
compté  trois  livres,  douze  sols  la  douzaine  y  compris  les 
boutons,  comme  aussy  une  enseigne  intitulée  ''Au  chapeau 
royal"  quy  luy.a  coûté  treize  livres.  "  Et  nous  a  exposé  que 
comptant  de  pouvoir  continuer  à  fabriquer  des  chapeaux 
comme  il  avoit  fait  cy-devant,  et  faire  en  même  temps  des 
teintures  il  auroit  fait  faire  une  presse  à  cet  effet,  laquelle 
il  nous  a  r'eprésenté  et  dit  luy  avoir  coûté  soixante  et  dix  li- 
vres ainsy  qu'il  nous  a  apparu  j)ar  un  écrit  de  Joseph  Trut- 
teau  et  dudit  Trutteau  signé,  que  nous  avons  paraphé  à 
telle  fin  que  de  raison.  Nous  a  aussy  représenté  qu'il 
avoit  achepté  une  barique  et  demie  de  lie  de  vin  que  nous 
avons  vu  dans  son  grenier  et  l'avoir  payé  au  sieur  Sabre- 
vois,  quatre-vingt-dix  livres  la  barique  ;  et  trente  livrés  et 
demie  de  bois  de  campêche-pour  les  teintures  des  chai^eaux, 
à  vingt  sols  la  livre  et  que  ne  pouvant  se  servir  ni  employer 
tout  ce  que  dessus  i3ar  la  défense  portée  par  lad.  ordonnan- 
ce, publiée  le  jour  d'Hier  et  se  trouvant  ainsi  obligé  de 
tout  abandonner  il  demande  que  le  tout  ce  que  dessus  estimé 
et  déclaré  luy  soit  payé  et  ce  suivant  à  qui  il  sera  ordonné. 
Et  a  signé  avec  ledit  Chauffour  ;  lesd.  Desnoyers  et  Pro- 
vençal ont  déclaré  ne  le  savoir,  de  ce  interpellé. 

Joseph  Hupe, .  J.  B.  Chaufour,  Decoste 
Dont  et  de  tout  ce  que  dessus  nous  avons  dressé  le  pré- 
sent procès-verbal  et  fait  démolir  lesd.  établies,  chaudières 
et  bassins  et  fait  transporter  le  tout  au  magasin  du  Roy  en 
cette  ville  à  l'exception  dud.  bois  de  Cam^jêche,  castor  razé, 
lie  de  vin  et  susd.  presse,  coiffes  et  boutons  que  nous  avons 
laissé  au  pouvoir  dudit  La  Groy  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  or- 
donné et  sera  incessamment  donné  copie  des  présentes  au- 
dit La  Groy  faits  le  dit  jour  et  an. 

Et  sur  la  représentation  desdits  estimateurs  leur  avons 
taxé  à  chacuns  trente  sols. 

P.  Raimbault,      C.  Porlier 


—  200  — 

Jay  receu  le  contenu  au  présent  procez- verbal  que  je 
promets  représenter  lorsqu'il  en  sera  ordonné. 

Rocbert 

Telle  fut  la  triste  fin  d'une  industrie  qui  aurait  pu 
prendre  des  développements  considérables  puisque  le  feu- 
tre de  poils  de  castor  jouissait  alors  d'une  grande  vogue  et 
qu'il  pouvait  se  travailler  ici  sous  d'excellentes  conditions. 

Mais  il  n'entrait  pas  dans  les  vues  des  ministres  euro- 
péens de  donner  aux  colons  canadiens  l'occasion  de  se  dé- 
tacher des  travaux  agricoles  et  de  l'industrie  domestique  ; 
peut-être  aussi  leur  répugnait-il  de  nuire  aux  favoris  qui 
bénéficiaient  du  monopole  que  possédait  sur  le  castor  la 
compagnie  des  Indes  ? 

K-Z.  MASSICOTTE 


La  Noue  (Zacharie  Kobutel  de) — Né  à  Montréal  le  4  juin  1665,  du 
mariage  de  Claude  Robutel  de  La  Noue,  seigneur  de  l'île  Saint-Paul,  et  de' 
Suzanne  de  Gabrielle.  Enseigne  en  1691,  il  fut  fait  lieutenant  reformé 
l'année  suivante  ])uis  lieutenant  en   ])ied  le  5  mai    1710.     Capitaine   le 

29  mai  1725,  M.  de  La  Noue  décéda  à  la  Baie-des-Puants,  le  28  mars  1731. 
En  1686,  il  s'était  rendu  à  la  baie  d'Hudson  avec  le  chevalier  de  Troyes. 
C'est  lui  qui  fut  envoyé  par  le  gouverneur  de  Vaudreuil  pour  fonder-  un 
poste  de  traite  à  la  rivière  Kaménistigoya  (près  de  Fort-William),  en 
1717.  Il  y  resta  jusqu'en  1721.  Il  fut  ensuite  commandant  du  poste 
de  la  Baie-des-Puants  (Green  Bay)  sur  le  lac  Michigan,  jusqu'à  sa  mort. 


Duchesny  (François) — Dans  la  liste  des  officiers  choisis  par  le  roi  le 
17  mars  1687  pour  servir  en  Canada  on  voit  le  nom  de  l'enseigne  Duchesny. 

Ceci  ne  veut  pas  dire  que  Duchesny  passa  dans  la  Nouvelle-France  eu 
1687.      Il  était  ici  depuis  1686,  peut-être  même  1685. 

Dans  l'hiver  de  1686,  l'enseigne  Duchesny  fit  partie  de  la  célèbre  ex- 
pédition de  M.  de  Troyes  à  la  baie  d'Hudson.  Les  trente  soldats  qui  ac- 
compagnèrent M.  de  Troyes  étaient  commandés  par'  MM.  de  Catalogne  et 
Duchesny.         ' 

M.  Duchesny  décéda  aux  Trois-Kivières  le  15  mars  1691. 


201 


DEUX  PLANS  (PARTIELS)  DE  QUEBEC, 
DATES  DE  1758 


L'année  1758  est  pour  nous  tous,  Canadiens-Français,  et  surtout  pour 
les  gens  de  Québec,  particulièrement  intéressante.  C'est  la  fin  du  régime 
français,  un  "tournant  de  l'histoire",  selon  l'expression  à  la  mode,  la  veille 
du  "grand  dérangement",  comme  disaient  nos  pères.  Les  Québécois  de 
vieille  souche,  ceux-là  surtout  dont  les  ancêtres  habitaient  dans  la  censive 
de  Notre-Dame,  seraient  peut-être  curieux  de  savoir  où,  au  juste,  logeaient 
à  cette  époque  leurs  aïeux.  Les  deux  plans  ci-joints  procureront  sans  doute 
ce  plaisir  à  quelques-uns.  Nous  les  avons  nommés  "plans  partiels",  parce 
que,  en  effet,  ils  ne  donnent  que  ce  qu'ils  annoncent  ou  promettent,  et 
pour  cette  fois  au  moins,  l'étiquette  n'est  pas  menteuse.  Ils  ne  forment 
donc  pas,  mênie  à  eux  deux,  un  recensement  complet  de  la  ville,  mais 
tels  qu'ils  sont,  nous  les  avons  jugés  dignes  d'être  connus  du  public.  — 
A  propos,  avons-Yious  un  public  liseur  —  liseur  du  Bulletin  f  une  revue 
qui  mériterait  cependant  si  bien  1,'attention,  et  plus  que  cela,  la  sympathie 
vive,  très  vive,  du  grand  nombre. 

PLAN  I 
Le  dessin  mesure  35  pouces  par  26.  Titre  (textuel)  : 
"Plan  du  terrain  de  la  censive  de  la  fabrique  de  léglise  paroissial 
Notre  Dame  de  Québec  et  de  celui  de  la  censive  de  Mrs  les  Ecclésiastiques 
du  Séminaire  des  Missions  étrangères  établi  en  cette  ditte  ville.  Dressé 
en  vertu  de  l'ordre  de  Monseigneur  Bigot  Intendant  en  ce  payis  et  de 
Monsieur  Daine  Directeur  du  Domaine  du  Roy,  Par  le  quel  dt  plan  il 
est  a  remarqué  que  ce  qui  -^st  collorez  en  vert  relève  de  la  censive  de  la 
ditte  fabrique.  Et  ce  qui  est  en  jaune  relevé  de  la  censive  de  Messieurs 
les  Ecclésiastiques  du  dit  Séminaire,  les  dittes  censives  séparées  par  des 
lignes,  Et  points  marqués  par  des  lettres  alphabétiques  davec  la  censive 
du  Domaine  du  Roy,  par  moy  arpenteur  royal  sousigné  du  quel  jay  dressée 
mon  procest  verbale 

"  (Signé)  LEMAITRE  LAMORILLE" 

Une  reproduction  directe  de  ce  plan  par  la  photographie,  en  vue  de 
la  gravure,  n'eût  pas  donné  de  résultat  satisfaisant.  Les  lignes  et  toutes 
les  écritures  ont  beaucoup  pâli,  quelquefois  même  presque  disparu,  et 


—  202  — 

toutes  ces  écritures  déjà  très  fines  seraient  devenues  imperceptibles,  au 
moins  certainement  illisibles  par  l'extrême  réduction  que  commandait  le 
format  du  Bulletin.  Un  petit-cousin  dessinateur,  John-Hearn  Eoy,  alors 
(1913)  au  ministère  de  la  Colonisation  (maintenant  lieutenant-colonel, 
"croix  militaire  avec  deux  barres",  un  héros  du  22e  et  actuellement  en 
France  comme  surintendant  régional  des  cimetières  militaires),  résolut 
bien  vite  le  problème,  et  de  façon  fort  ingénieuse.  Ce  fut  de  calquer  le 
plan  ligne  pour  ligne;  de  le  diviser  par  casiers  marqués  des  lettres  de 
l'alphabet  à  la  suite,  et  de  remplacer  les  noms  ou  les  mots  écrits  par  des 
chiffres,  c'est-à-dire  des  chiffres  de  renvoi  à  une  nomenclature  dressée 
à  part  et  que  nous  donnons  ci-après.  Plusieurs  de  ces  noms  sont  difficiles 
à  déchiffrer  et  nous  ne  pouvons  pas  garantir  partout  leur  parfaite  exac- 
titude. De  même  leur  épellation  est  quelquefois  fautive  et  nous  avons 
cru  bon  alors  de  la  corriger. 

Ce  qui  est  entre  parenthèses  est  ajouté  par  nous  pour  information 
*  plus  ample. 

Casier  A:  1.  Grouard. — 2.  Veuve  Saint-Germain. — 3.  De  Voisy. — 4. 
Chemin  des  Eemparts. — 5.  Basse-cour  (du  séminaire). — 6.  Rien. — 7.  Pa- 
villon.— 8.  Eien. — 9.  Héritiers- Morand. — 10.  Veuve  Chênevert. — 11.  Par- 
tie du  casier  B,  terrain  du  Roi. — 12.  Ruette  (d'Auteuil). — 13.  Veuve 
Philibert. — 14.  Rue  de  Buade. — 15.  Le  Fort. 

Casier  B:  1.  Suite  du  Fort. — 2-3.  Avec  11  du  casier  A,  terrain  du 
Roi. — 4.  Suite  de  A  13. — 5.  Beaune. — 6.  Rue  du  Fort. — 7.  Rue  de  Buade. 
—8,  M.  de  Longueuil.— 9.  M.  La  Fontaine.— 10.  M.  Cotton.— 11.  Mlle 
de  Grandville. — 12.  Héritiers  Roussel. — 13.  Rue  du  Trésor. — 14.  Partie 
''des  Pères  Récollets. — 15.  Rue  Sainte-Anne. — 16.  Berthelot  et  Berlinguet. 
— 17.  Duflos. — 18.  Picard. — 19.  M.  de  La  Martinière. 

Casier  C:  Partie  des  Récollets, — 2.  Vacant. — 4.  Rue  des  Jardins. — 
5.  M.  de  La  Martinière.— 6.  M.  Dumont. — 7.  Mme  de  Gaspé. — 8.  Veuve 
Gautier. — 9.  Martel. — 10,  rue  des  Jardins. — 11-13.  Pères  Jésuites. — 12, 
Eglise  des  Jésuites. 

Casier  D:   1.  Suite  de  la  rue  Sainte- Anne. 

Casier  E:  1.  Chemin  des  Remparts. — 2.  Partie  de  la  basse-cour  A  5. 
— 3.  Chemin  des  Remparts. — 4.  Rien  d'écrit;  sans  doute  l'Evêché, — 5. 
Terrain  de  l'Evêché. — 6.  M.  Barolet  (Claude — ,  notaire  royal,  dont  la  fille, 
Marie-Louise,  épousa  en  1747  Jean-Claude  Panet,  aussi  notaire  royal  et 
procureur) . 


—  203  ~ 

Casier  F:  1.  Mme  de  Boishébert. — 2.  Rien. — 3.  M.  de  La  Naudière. 
^4.  M.  Marin. — 5.  Jardin  du  presbytère. — 6. — Presbytère. — 7.  Cimetière 
Sainte-Famille. —  8.  Sacristie. —  9.  Notre-Dame. —  10-11.  Clochers. —  12. 
Cimetière  Sainte-Anne. 

Casier  G  :  Place  de  l'église. — 2.  Partie  des  Pères  Jésuites. — 3.  Jardin 
du  frère...  (illisible,  peut-être  Patry  ?). — i.  Rue  Sainte-Famille. — 5. 
M.  de  Repentigny,  représentant  M.  Duplessis. — 6.  M.  Duplessis. — 7.  M. 
Rottot. — 8.  La  Grois.  (Est-ce  Charles-Henri  d'Aloigny,  marquis  de  La 
Grois,  marié  en  1703  à  Geneviève  Macard  ?). — 10.  Soulard. — 11.  Valin. 

Casier  H:  1.  Partie  des  Pères  Jésuites;  ligne  transversale,  clôture 
(de  pierre  en  1652).  Au-dessous  de  cette  ligne  est  écrit:  Censive  de 
l'église  paroissiale  de  Québec  dont  il  a  été  concédé  10  perches  aux  Pères 
Jésuites  le  10  juin  1661. — 2.  Valin. — 3.  Riverin  (probablement  Jean- 
Joseph,  marchand). — 4.  Soupiraut  (probablement  Charles-Simon,  chi- 
rurgien).—  5.  Imbert  (probablement  Jacques,  notaire  royal).  —  6.  De 
Vienne  (probablement  François-Joseph,  écrivain  du  roi). — 7.  Maurice. — 
8.  Héritiers  Normand. — 9.  Cotton  (Barthélémy.  Nous  avons  en  son  hon- 
neuur  la  "Côte  à  Cotton"). — 10.  Héritiers  Gastonguay. — 11.  Veuve  Feloise 
{sic:   est-ce  pour  de  Cannes  de  Falaise  ?). — 12.  Veuve  Lavaux.    ^ 

Casier  I:  1.  Cartier  dit  Langevin. — 2.  Beausoleil. — 3.  Gilbert. — 4. 
Partie  des  Jésuites. — 5.  Jardin  de  l'Hôpital. — 6.  Rien  d'écrit. 

Casier  J  (Basse-Ville)  :  1.  Rien  d'écrit. — 2.  Duperré. — 3.  De  l'Isle. — 
4.  Rouillard.— 5.  Portier.— 6.  Dufresne.— 7.  Gilbert.— 8.  Chaloult.— 9. 
Héritiers  Charpentier. — 10.  Héritiers  Brun  (Lebrun  ?). — 11.  Héritiers 
LeClerc. — 12  et  13.  Rien  d'écrit. — 14.  Boisseau  (peut-être  Nicolas,  écri- 
vain du  Roi,  secrétaire  en  chef  du  Conseil,  greffier  de  la  Prévôté  de  Qué- 
bec).— 15.  Héritiers  Lecours. — 16.  Panet,  notaire  (Jean-Claude,  alors 
procureur  du  Roi,  plus  tard  avocat,  juge  de  la  Cour  des  Plaidoyers  et 
l'auteur  d'une  Relation  du  siège  de  1759,  piété  très  importante  parce 
qu'elle  est  d'un  témoin  oculaire  canadien-français.  Citons  ce  qui  regarde 
ses  deux  maisons  :  "Le  22  juillet  à  neuf  heures  (du  soir),  ils  (les  Anglais) 
tirèrent,  par  quart  d'heure,  dix  à  douze  bombçs,  dont  partie  remplie  d'ar- 
tifice. Ils  mirent  le  feu  à  la  Paroisse  (l'église  paroissiale)  et  chez  M. 
Rottot.  La  Paroisse,  ainsi  que  les  maisons  depuis  M.  Duplessis  jusque 
chez  M.  Imbert,  et  toutes  les  maisons  de  derrière,  dont  la  mienne  (rue 
Saint- Joseph)  qu'occupait  Franche  ville,  est  du  nombre,  ont  été  consumées 
par  les  flammes  (p.  18). — Maison  de  la  Basse-Ville  :    Le  4  août,. les  An- 


—  204  — 

glais  jetèrent  des  pots-à-feu  sur  la  Basse- Ville,  dont  trois  tombèrent,  un 
sur  ma  maison,  un  sur  une  des  maisons  de  la  place  du  marché,  et  un 
dans  la  rue  Champlain.    Le  feu  prit  à  la  fois  dans  trois  endroits"  (p.  23). 

17.  Héritiers  Mailloux. — 18.  Partie  des  jardins  du  Séminaire  (Haute- 
Ville). 

Casier  K:  1,  avec  partie  de  J.  Ecrit  en  travers:  Enclos  du  Sémi^ 
naire  ;  leur  jardin  et  basse-cour.  Plus  bas  :  Approuvé  par  nous,  Intendant 
de  la  Nouvelle-France  au  désir  de  notre  ordonnance  de  ce  jour,  23e  janvier 
1759. — Pour  copie  (signé)  Bigot.  .  . 

Casier  L:  1.  Rien  d'écrit. — 2.  Héritiers  Brassard. — 3.  Pontois  (?) 
Comtois  (  ?). — 4.  Drolet. — 5.  Lajus  (François,  chirurgien,  marié  en  1747, 
à  Marguerite  de  Pierrecotte  de  Bailleul). — 6.  Bachelier-Pellissier. — 6A. 
La  Poterie  (peut-être  Louis-Nicolas  Gaudin-LaPoterie).  —  6B.  Panet 
(voir  ci-dessus,  casier  J,  No  16). — 6C.  iBédard, — 7.  Illisible  (Michelon?). 
8. — Michel  Voyer. — 9,  Jean  Langlois. — 10.  Pierre  Voyer. — 11.  Héritiers 
Perthuis. — 12  et  13.  Joseph  Delorme. — 14.  Vésina. — 15.  Latouche. — 16. 
Etienne  Fréchette. — 17.  Denon  (?). — 18.  Héritiers  François  Lemaître 
dit  Jugon. —  19.  Antoine  Paquet. —  20.  Héritiers  Jean  Brassard. —  21. 
Drolet. — 22.  Gauvin  (?)  très  effacé. — 23.  Morie  (peut-être  LaMorille), — 
24.  Vahn.— 25.  Clesse.— 26.  Gaurel  (??).— 27.  Joseph  Payment  (?)  très 
effacé. — 28.  Héritiers  Pierre  Fornard  (??). — 29.  Veuve  Payment. — 30. 
Pierre  Norraandin. — 31.  M. 'de  Léry  (Joseph-Gaspard,  fils  du  célèbre  Gas- 
pard Chaussegros  de  Léry,  ingénieur  du  Roi,  architecte  de  la  cathédrale 
— non,  évidemment,  de  celle  que  nous  avons  aujourd'hui), — 32,  Séminaire 
(propriété  du). — 33.  Héritiers  Dauvier. — 34.  Partie  du  jardin  du  Sémi- 
naire.— 35.  Villiard. — 36.  Joseph  Bériot. — 37.  Héritiers  Richard. 

Casier  M:  1.  Antoine  Paquet. — 2,  Jacques  Paquet. — -3.  Veuve  Chê- 
nevert, — 4.  Barthélémy  Jourdain  (?). — 5.  Filiau. — 6.  Flamand  dit  Dé- 
guise.;— 7.  Montary  (?)  Montveuil  (?). — 8.  Veuve  Larouche. — 9.  Legris 
(  ?)  Lépine  ? — 10,  Jean  Roy. — 11.  Laroche. — 12.  Gauvin. — 13.  Germain 
Langlois. —  14.  Magnan, —  15.  Laroche, —  16,  Héritiers  Rhéaume, —  17, 
Paquet. — 18.  François  Blet  (Biais), — 19.  Représentant  Jean  Giron  (?) 
Giroux  (  ?). — 20.  A  séparer  par  le  milieu:  à  gauche,  Dequoi;  à  droite, 
Benedeau  (?). — 21.  Sanguinet  (serait-ce  Simon,  notaire  royal?). — 22. 
Laparre. — 23.- Delrenne  (?)  Debienne  (?)  Delzenne  (?).  On!  connaît 
Catherine  Delzenne,  marié  en  1799  à  Pierre  de  LaTerrièré'— 24.  Lapai- 


...  2or>  — 

me, — 25.  Morand. — 26.  Môme  que  23. — 27.  Héritiers  Badeau. — 28.  Labath 
(Louis-Nicolas  Labath  de  Sivrac  ?). — 29.  Jacques  Badeau. — 30.  LaRi- 
vière.— 31.  Rien  d'écrit.— 32.  Trinque  (?).— 33.  Jean  Giroux.— 34. 
Mathieu  Parent. — 35.  Chevaher. — 36.  Saint- Aignan. — 37.  Henri  Parent. 
—38.  Collet.— 39.  Représentant  Guenet. — iO.  Rien  d'écrit.— 41.  Partie 
du  jardin  de  l'Hôtel-Dieu. 

Casier  N:    1.  Maison  de  l'Hôtel-Dieu. 

Casier  0  (Basse-Ville)  :  Héritier  Filion. — 2.  M.  Estèbe,  à  présent  M. 
Cadet  (pourrait  bien'  être  le  fameux  Cadet,  boucher  et  mnnitionnaire 
général  du  Roi,  sous  l'intendant  Bigot). — 3.  M.  Imbert  (voir  casier  H, 
No  5). — 4.  M.  LeVasseur. — 5.  Héritiers  Carpentier. — 6.  Dorval. — 7.  Hé- 
ritiers Mailloux. — 8.  Héritiers  Vallée. — 9.  Héritiers  Riverin. — 10.  Rien 
d'écrit. —  11.  Héritiers  Mailloux. —  12.  Héritiers  Caron. —  13.  Héritiers 
Guillemot. — 14,  Crépeau  et  Létourneau. — 15.  Mailloux. — 16,  Rien. — 17. 
Louis  Mailloux. — 18.  Jardin  du  Séminaire  (partie). — 19.  Hangar  d'ar- 
tillerie. 

Casier  P:  ].  Michel-Charles  Léry  (?). — 2.  Vallée  et  Ménard, — 3. 
Basile  Proulx. — 4.  François  Trudel. — 5.  Michel  Charlery. — 6.  Ménagerie 
de  Mrs  du  Séminaire. — 8  et  9.  Héritiers  Proulx. — 10.  Duval. — 11.  Nadeau. 
— 12.  Lemoine. — 13  et  14.  Héritiers  Bussière. — 15,  Rien, — 16.  Louis 
Labadie, — 17.  Dominique  Dassilva. — 18.  Louis  Navarre. — 19.  François 
Arbour.— 20.   Denis.— 21.   Trudel,— 22.   Lederc— 23.   Chalifour.— 24. 

Marchet. 

« 

Casier  Q:  1.  Fiset. — 2.  Illisible  (Bonneau  ?). — 3.  Fiset. — 4.  Partie 
de  L  18.— 5.  Partie  de  L  19.-6,  Héritiers  Petit,— 7.  Veuve  de  LaRonde. 
— 8,  Héritiers  Jugon, — 9,  Touchet, — 10,  Héritiers  Belleville, — 11.  Repré- 
sentant M,  Hazeur, — 12.  Représentant  M.  Amariton, — 13,  Héritiers  Le- 
Comte. — 14.  Dassilva. — 15.  Soulard. — 16,  Navarre, — 17,  Routier. — 18. 
Héritiers  Marchessault. — 19.  Héritiers  Marchand. — 20.  Héritiers  Fran- 
çois LeMaître  dit  Jugon. — 21.  Brassard. — 22.  Charles  Tinon-Desrochea. 
— 23,  Joseph  Delorme  dit  DesCarreaux, — 24,  Héritiers  Martin  Langlois. 
— 25,  Héritiers  Lajus. — 26,  Rien, — 27.  Louis  Vallière  dit  LaGarenne. — 
28,  Barthélémy  Journeau. — 29,  Héritiers  Joseph  Hains, 

Casier  R:  1,  M.  Descheneaux, — 2,  Cimetière, — 3,  Jardin  de  l'Hôtel- 
Dieu, 


—  206  — 

Casier  S:   1.  L'Hôtel-Dieu.        ' 

Casier  T  (Basse- Ville)  :  1.  Rien  d'écrit. — 2.  Marcoux. — 3.  Lemelin. 
— 4.  Cognac. — 5.  Héritiers  Pierre  Marcoux. — 6.  Gagnon. — 7.  Létourneau, 
— 8.  Nicolas  et  Jean-Marie  Portugais. 

Casier  U  (Basse- Ville)  :  1.  Partie  de  Labadie. — 2.  Dominique  Das- 
gilva. — 3.  Nicolas  Dassilva. — 4.  Héritiers  Lecours. — 5.  Jean  Dassilva. — 
6.  Joseph  Delisle. — 7.  Héritiers  Ménard. — 8.  Chemin  des  Remparts. — 9. 
Partie  de  T  8. — 10.  Héritiers  de  Pierre  Mailloux. — 11.  Héritiers  Dumay 
(Demers). — 12.  Romain  Dolbec. — 13.  Héritiers  Pétrimoult. 

Casier  V:  1..  Routier. — 2.  Héritiers  Marchand. — 3.  Chemin  des 
Remparts. — 4.  Louis  Dunière. — Héritiers  Riverin. — 6.  Cadet. — 7.  Créquy. 

Casier  Y  :  1  et  2.  Chemin  des  Remparts. — 3.  Suite  de  V  7. — 4.  La- 
rouche,  à  présent  Laviolette. — 5.  Gagnon  ou  Cadet. — 6.  La  Morille,  à  pré- 
sent Delisle. — 7.  Terrain  à  La  Morille. — 8.  Terrain  réservé  pour  un  havre 
(partie). 

PLAN  2 

Le  dessin  mesure  20  par  15  pouces.    En  haut,  à  longues  lignes  : 

Plan  de  la  censive  de  Féglise  paroissiale  Notre-Dame  de  Québec  scitué 
sur  le  Cap  au  diamant  dressé  par  ordre  de  Monsieur  Daine  Directeur  du 
Domaine  du  Roy  en  ce  pays. . .  Copie  conforme  approuvée  par  mon  dit 
Seigneur  Bigot  le  23  janvier  1759. 

Dans  un  cartouche  à  gauche,  en  haut:  Etat  des  emplacements  con- 
cédés par  la  fabrique  de  l'Eglise  Paroissiale  Notre-Dame  de  Québec,  et 
les  noms  de  ceux  qui  les  possèdent  suivant  le  numéro  cy-après  jusques  à 
ce  jour  18  juillet  1758. — Etienne  Hianveu  pinxit  (simples  filets  jaune  et 
rose  bordant  les  lignes). 

A  gauche,  au-dessous  de  "jardin  du  Fort"  :  Approuvé  par  nous, 
Intendant  de  la  Nouvelle-France,  au  désir  de  notre  ordonnance  de  ce  jour 
vingt-trois  janvier  1759.     (Signé)  Bigot. 

Au  bas  du  plan  :  Collationné  sur  -  une  copie  de  plan  approuvée  et 
signée  de  Monsieur  Bigot,  cy-devant  Intendant  en  ce  pays,  par  le  soussigné, 
greffier  de  la  Cour  des  Plaidoyers  communs  de  la  ville  et  district  de 
Québec,  ce  8e  jour  de  décembre  1783.     (Signé)  P.-L.  Panet,  greffier. 


---  207  — 

1.  Pierre  Le Vasseur, —  2.  Henri  Lataille. —  3.  Henri  Gatien. —  4. 
Charles  Le  Vasseur. — 5.  Jnineau-Carpentier. — 6.  Veuve  Morand. — 7.  Louis 
Turcot  (marié  à  Charlotte  Charland). — 8.  Borgia  Le  Vasseur. — 9.  Pierre 
Catien. — 10.  Pierre  Allaire,  à  présent  Grageon. — 11.  Joseph  Galerneau. 
— 12.  Poitras. — 13.  Thomas  Carret. — 14.  Louis  Parent,  à  présent  Lapoin- 
te. — 15.  Philippe  Galerneau,  à  présent  François  Audet,  fils  de  Lapointe. 
— 16.  M.  Péan,  officier. — 17.  Gastonguay. — 18.  Veuve  Bonnet  et  Etienne 
Chamberland. —  19.  Galerneau. —  20.  Lemaître  La  Morille,  l'aîné. —  21. 
Pierre  Petitot  dit  Desmarais. — 22.  Maurice-Jean  Bellanger. — 23.  Du- 
chesneau  et  Joseph  Mailhiot. — 24.  Joseph  Mermet,  aujourd'hui  (1766) 
Florent  Dubeau. — 25.  Jean  Chabot. — 26.  Claude  Paré. — 27.  Simon  Bar- 
beau. Il  a  abandonné;  aujourd'hui  (1766)  Louis  Charland  (père  de 
Charles-Marie,  qui  s'illustra  au  siège  de  1775). — 28.  François  Barbeau, 
menuisier.  N'a  jamais  occupé,  ni  en  titre.  (Terrain)  peut  être  vendu  à 
d'autres. — 29.  Julien  Guignard. — 30.  Les  héritiers  de  M.  de  Louvigny. — 
31.  François  Girard,  forgeron. — 32.  Charles  Soupirant,  fils,  chirurgien;  à, 
présent  Joseph  Sylvain. — 33.  Louis  Mailhiot,  charretier. — 34.  Vincent 
Pilet. — 35.  Jacques  Perrault. — 36.  Charles  Beaulieu. — 37.  Jean-François 
Lapointe. 

Lettre  D:   les  anciennes  fortifications. 

A  qui  voudrait  faire  un  recensement  complet  du  Québec  de  1758, 
nous  indiquerions,  parmi  d'autres  sources  de  renseignements,  la  liste  des 
locataires  de  bancs  à  la  cathédrale,  pour  cette  année-là. 

Fr.    P.-V.    CHARLAND,  O.P. 


Almain  (Pierre- Victor)  Originaire  de  Rocliefort,  diocèse  de  Laro- 
chelle.  Il  fut  d'abord  employé  dans  les  bureaux  de  la  marine  à  Québec. 
Le  14  septembre  1751,  l'intendant  Bigot  lui  donnait  une  commission  de 
subdélégué  dans  les  postes  du  Roi  situés  sur  les  frontières  du  Canada  voi- 
sines de  l'Acadie.  Le  même  jour,  il  lui  remettait  un  long  mémoire  d'ins- 
tructions. Almain  s'embarqua  quelques  jours  plus  tard  dans  le  brigan- 
tin  VAimahle  Catherine  pour  aller  prendre  son  poste.  M.  Bigot  ne  fut 
pas  satisfait  de  la  gestion  de  son  subdélégué  et  il  le  releva  en  1754. 


208 


LE  CHOMAGE  DE  LA  FETE  DE  S.  LOUIS, 
ROI  DE  FRANCE,  AU  CANADA 


On  a  demandé  en  1912  (XVIII,  1,  p.  31)  si  la  fête  de  saint  Louis, 
d'obligation  en  France,  avait  aussi  été  chômée  sous  le  régime  français  au 
Canada.  Deux  mois  plus  tard,  on  a  répondu  (XVIII,  III,  94)  que  la 
fête  était  d'obligation  en  1733,  vu  qu'en  cette  année  on  avait  remis  une 
enchère  au  mercredi,  "à  cause  de  la  fête  de  saint  Louis  qui  se  trouve  le 
mardy".  C'est  le  seul  document  qui  a  été  produit.  Malheureusement, 
s'il  montre  que  la  fête  était  chômée  vers  la  fin  du  régime  français,  il  n'in- 
dique pas  à  quelle  époque  on  a  commencé  à  la  chômer  ni  quand  on  cessa 
de  la  chômer,  ce  qu'on  désirait  savoir. 

Il  est  une  collection  très  précieuse  pour  l'histoire  civile  ou  religieuse 
du  Canada  due  à  la  collaboration  intelligente  des  seigneurs  Têtu  et  Gagnon 
qu'il  faut  consulter  en  premier  lieu  pour  traiter' une  question  de  ce  genre. 

Déjà  je  l'ai  mise  à  contribution  pour  répondre  à  une  question  analo- 
gue sur  la  fête  de  saint  Jean-Baptiste  au  Canada  (octobre  dernier,  XXVI, 
X,  311). 

Après  avoir  parcouru  toute  la  collection  si  utile  de  ce  cher  Bulletin 
des  recherches  historiques  et  m'être  assuré  que  personne  n'avait  donné 
d'autre  réponse  à  cette  question,  je  me  permets,  en  puisant  dans  les  Man- 
dements, lettres  pastorales  et  circulaires  des  évêques  de  Québec,  de  com- 
pléter la  réponse  donnée  en  1912. 

lo  La  fête  de  saint  Louis  de  France,  quoique  chômée  dans  les  diocèses 
de  France  d'où  venait  le  premier  clergé  du  Canada,  n'a  pas  touf  d'abord 
été  chômée  pour  des  raisons  particulières  et  temporaires.  Le  1er  novembre 
1684,  Mgr  de  Laval  écrit  au  clergé  que  "les  raisons  que  nous  pouvions 
avoir  de  différer  pour  un  temps  la  célébration  de  la  fête  (de  S.  Louis  men- 
tionnée plus  haut)  en  qualité  de  fête  solennelle  et  de  commandement 
par  tout  le  pays,  ont  à  présent  cessé  par  l'établissement  de  notre  chapi- 
tre.. .  avons  ordonné  et  ordonnons  par  ces  présentes  que  la  fête  de  saint 
Louis...  sera  dorénavant  observée  et  chômée  dans  tout  le  pays  de  la 
Nouvelle-France,  et  censée  fête  de  commandement..."   (1). 

2o  Dix  ans  plus  tard,  Mgr  de  Saint-Vallier  dressa  la  liste  des  fêtes 
chômées  (c'est  la  plus  ancienne  qui  nous  soit  parvenue).     Elle  indique 

(1)  Mandements. . .  de  Québec,  vol.  I,  p.  141. 


—  209  — 

trois  fêtes  chômées  dans  le  mois  d'août:  saint  Laurent  avec  vigile  et 
jeûne;  l'Assomption  de  la  sainte  Vierge  avec  vigile  et  jeûne;  saint  Bar- 
thélemi,  apôtre;  saint  Louis,  titulaire  de  la  cathédrale  (c'était  le  second 
titulaire,  l'Immaculée  Conception  étant  le  titulaire  principal).  C'était 
en  1694  (2). 

3o  Ce  même  évêque  réduisit  en  1716  les  fêtes  des  mois  de  juin, 
juillet  et  août,  "à  l'égard  de  ceux  qui  vont  à  la  mer  pour  pêcher,  et  non 
pour  ceux  qui  restent  à  terre  pour  sécher  le  poisson",  à  l'exception  toute- 
fois des  fêtes  de  la  Pentecôte,  du  saint  Sacrement,  de  saint  Jean-Baptiste 
et  de  l'Assomption  de  la  sainte  Vierge  (15  août).  La  fête  de  saint  Louis, 
encore  d'obligation  pour  tous  ceux  qui  la  célébraient  sur  terre,  cessait  de 
l'être  pour  ceux  qui  ce  jour-là  se  trouvaient  sur  mer  occupés  à  faire  la 
pêche  (3). 

4o  Ce  chômage  dura  jusqu'en  1745.  En  1744,  Mgr  de  Pontbriand 
se  rendit  compte  pendant  la  visite  pastorale  qu'un  trop  gyand  nombre 
étaient  obligés  de  vaquer  même  aux  jours  de  fêtes  aux  travaux  ordinaires 
et  que  les  permissions  particulières  qu'accordait  le  clergé  de  travailler 
étaient  encore  insuffisantes.  On  demandait  "la  suppression  de  quelques 
jours  de  fêtes  dont  le  nombre,  en  effet,  est  dans  cette  colonie  plus  grand 
que  dans  plusieurs  diocèses  de  France".  Aussi  l'évêque  se  décida-t-il  à 
fixer  quelques  fêtes  au  dimanche.  La  fête  de  saint  Louis  fut  du  nombre. 
A  partir  de  1745,  elle  ne  fut  plus  chômée  le  25  août,  mais  l'office,  la  messe 
et  la  solennité  eurent  exclusivement  lie»^  le  dimanche.  On  choisit  celui 
qui  se  rencontre  après  le  22  août,  c'est-a-dire  du  23  au  29  août  inclusive- 
ment (4).  Il  est  vrai  qu'à  cause  de  la  complica^'on  qu'offraient  les  rubri- 
ques qui  supposaient  les  fêtes  en  leur  jour  prof  e  et  le  fait  de  les  célébrer 
le  dimanche,  l'évêque  dût  ramener  l'office  au  jour  de  la  fête;  mais 
ces  fêtes  demeurèrent  quand  même  de  dévotion  et  l'on  continua  «  en  faire 
la  solennité  le  dimanche  comme  depuis  1745.  Le  3e  tableau  des  fêtes 
chômées,  fait  en  1791,  indique,  comme  le  2e  (de  1744),  la  solennité  de 
saint  Louis  au  dimanche  entre  le  23  et  le  29  août. 

Il  est  donc  acquis  qu'au  Canada  la  fête  de  saint  Louis  ne  fût  pas 
d'abord  chômée  comme  en  France;  qu'elle  ne  le  fût  que  depuis  l'année 
1684;  qu'elle  cessa  d'être  chômée  en  1745  et  ne  le  fût  plys,  si  ce  n'est 
par  exception  dans  les  paroisses  qui  avaient  ce  saint  pour  titulaire  de 
leur  église,  vu  que  les  titulaires  furent  touj'ours  chômés,  en  droit,  et  à 

(2)  Idem,  p.  335. 

(3)  Idem,  p.  488. 


—  210  — 

peu  d'exception  près,  jusqu'en  1810.  Le  chômage  de  la  fête  de  saint 
Louis  cessa  donc  quelques  années  avant  la  Cession.  Il  avait  duré  exacte- 
ment 60  ans.    Cette  obligation  ne  fut  pas  rétablie  depuîs  la  Cession. 

Abbé  J.  S. 


(4)  Idem,  II.  41. 


LETTRE  DU  MINISTRE  A  L'INTENDANT 

HOCQUART 


A  Marly  le  6  May  1741. 

M.  de  Beaucours  m'a  représenté  M.  qu'il  arrive  souvent  dans  le  cours 
de  l'année  que  faute  de  payment  de  ses  app's  il  est  obligé  pour  se  procurer 
les  marchandises  et  denrées  qui  luy  sont  nécessaires,  d'emprunter  des 
marchands,  ce  qui  ne  laisse  pas  de  le  déranger.  Il  convient  que  vous  luy 
fassiés  exactement  payer  ce  qui  luy  revient  chaque  année  de  ses  app's  ou 
que  lorsqu'il  tirera  des  lettres  de  change  sur  Québec,  Elles  soient  aquitées 
lorsqu'Elles  n'excéderont  point  les  fonds  qui  se  trouveront  luy  être  dûs. 

J'ay  accordé  au  Sr  de  Lotbiniere  le  passage  gratis  de  son  fils  sur  le 
v'au  du  Eoy  ainsy  vous  pourrés  luy  remettre  la  soumission  qu'il  avoit 
faite  de  payer  150  Ibs  pour  ce  passage.  Vous  en  userés  de  même  pour 
l'autre  Ecclésiastique  qui  etoit  passé  aussi  sur  ce  même  Vaisseau. 

J'ay  bien  voulu  procurer  au  S.  Demeloize  le  delay  de  3  ans  qu'il  m'a 
demandé  pour  le  remboursement  a  la  caisse  de  2000  Ibs  qui  luy  avoient 
été  avancées  pour  son  entreprise  de  fabrication  de  Thuiles;  mais  vous 
aurés  soin  de  veiller  a  ce  que  ce  remboursement  sort  fait  exactement  après 
l'Expiration  de  ce  delay. 

Vous  trouvères  cy  joint  une  lettre  qui  ma  été  écrite  par  le  S.  Boucault 
dans  laquelle  vous  verres  qu'il  se  plaint  de  ce  qu'on  luy  a  coupé  des  bois 
sur  sa  concession,  pour  la  construction  de  la  flûte  du  Koy.  Je  vous  prie 
de  me  marquer  votre  avis  a  ce  sujet,  en  me  renvoyant  sa  lettre. 

J'ay  procuré  au  Sr.  Michel  de  la  Eouvilliere  une  graôn  ordre  de  500 
Ibs  et  l'emp%  en  sera  fait  dans  l'Etat  du  Eoy  a  commencer  de  cette 
année.    Vous  aurés  agréable  de  la  luy  faire  payer. 
Je  suis  M.  en  a  vous  (1) 

(1)  Archives  du  Canada,  série  B.,  vol.  72,  pp.  208-9. 


211  — 


LES  PREMIERS  MESSAGERS  DE  LA 
NOUVELLE-FRANCE 


La  plupart  des  grandes  histoires  du  Canada  nous  informent  que  les 
postes  et  messageries  furent  créées,  en  ce  pays,  au  mois  de  janvier  1721, 
voilà  deux  siècles,  mais  ce  qu'elles  n'avouent  pas  c'est  que  cette  création  ne 
fut  faite  que  sur  le  papier. 

Sans  doute,  il  est  exact  que  le  gouverneur  de  Vaudreuil  et  l'inten- 
dant Begon,  au  mois  de  janvier  1721,  signèrent  une  ordonnance  accor- 
dant à  Jean-François-Eustache  Lanouillier  de  Boisclerc  le  privilège  ex- 
clusif, pendant  vingt  ans,  de  tenir  les  postes  pour  lettres  et  courriers .  .  . 
ainsi  que  les  messageries  et  autres  voitures  publiques,  entre  Montréal  et 
Québec,  seulement  le  projet  resta  à  l'état  de  projet. 

M.  Pierre-Georges  Roy,  dans  ses  Petites  choses  de  notre  histoire, 
première  série,  page  121,  nous  en  donne  la  raison  :  le  texte  du  document 
remis  à  M.  Lanouillier  ne  valait  que  s'il  était  confirmé  par  le  roi,  or  l'ap- 
probation royale  ne  fut  accordée  que  plusieurs  mois  après  et  avec  cette 
double  restriction  :  que  le  monopole  ne  durerait  pas  plus  de  dix  années 
lesquelles  ne  commenceraient  à  compter  que  du  "jour  de  l'enregistrement 
du  brevet".      Et  M.  Lanouillier  ne  s'exécuta  jamais. 

*   * 

A  l'époque  où  M.  Lanouillier  réclamait  le  susdit  monopole,  la  Nou- 
velle-France avait-elle  un  service  postal  quelconque  ?  Sans  aucun  doute 
comme  on  peut  le  constater  par  les  renseignements  que  nous  avons  re- 
cueillis. 

Le  plus  ancien  courrier  qui  nous  soit  connu  est  Pierre  Dasilva  dit  le 
Portugais  et  on  trouve  son*nom  dans  les  archives  de  Montréal  dès  1693. 
A  la  date  du  10  juillet  de  cette  année  on  lit  dans  un  document  judiciaire, 
l'item  suivant  : 

"Payé  au  Portugais,  pour  le  port  d'un  paquet  de  lettres  de  Montréal 
à  Québec Une  livre". 

Vingt  sols  "un  paquet  de  lettres"  ce  n'était  pas  exorbitant.  Pour 
gagner  sa  vie,  ce  courrier  devait  avoir  plusieurs  cordes  à  son  arc.  Le  port 
des  lettres  ne  pouvant  être  qu'un  moyen  d'augmenter  un  revenu  provenant 
d'autres  sources,  nous  supposerons  que  Dasilva  voyageait  en  canot  ou  en 


—  212  — 

barque  et  que  cela  lui  permettait  de  voiturer  assez  de  passagers  et  de  colis 
j)our,  du  tout,  former  une  somme  suffisante  à  son  entretien  et  celle  d'une 
famille  nombreuse. 

Ce  Portugais  canaclianisé  était  un  brave  homme  et  on  s'aperçut,  un 
jour,  qu'il  rendait  des  services.  Voilà  pourquoi,  le  23  décembre  1705, 
l'intendant  Kaudot  lui  fit  cadeau  d'une  commission  de  messager  et  on  en 
possède  le  texte  intégral  : 

Etant  nécessaire  pour  le  service  du  roy  et  le  bien  public  d'établir  en 
cette  Colonie  un  Messager  pour  porter  les  ordres  en  tous  les  lieux  de  ce 
pais  ou  besoin  sera,  et-  étant  informé  de  la  diligence  et  fidélité  de  Pierre 
Dasilva  dit  Le  Portugais. 

Nous,  sous  le  bon  plaisir  de  Sa  Majesté,  avons  commis  et  etably  led. 
Portugais,  messager  ordinaire,  pour  porter  les  lettres  du  M.  le  Gouver- 
neur général  et  les  Nôtres  pour  le  service  du  roy  dans  toute  l'étendue  de 
cette  colonie,  luy  permettant  de  se  charger  de  celles  des  particuliers  pour 
les  rendre  à  leui*  adresse,  et  en  raporter  les  réponses  et  luy  avons  taxé  pour 
le  port  de  chaque  lettre  de  Québec  à  Villemarie,  dix  sols  et  autant  pour  le 
retour.  De  Québec  aux  Trois-Rivières,  cinq  sols,  et  au  reste,  à  proportion, 
selon  les  lieues  oii  il  les  rendra,  moyennt  quoy  luy  enjoignons  d'en  faire 
promptement  son  devoir  en  les  rendant  toutes  fidèlement  à  leur  adresse, 
faisons  deffense  à  toutes  personne  de  quelque  qualité  et  condition  qu'elles' 
soient  dely  troubler  sons  telles  peines  qu'il  appartiendra,  Enjoignons  à 
tous  les  officiers  de  Sa  Majesté  de  luy  prêter  main  forte  et  assistance,  et 
en  cas  de  maladie  ou  empêchement  quelconque  dud.  Portugais,  d'envoyer 
un  autre  homme  à  sa  place  pour  porter  à  leurs  adresses  les  lettres  dont  il 
seroit  chargé,  et  en  rapporter  réponses,  si  aucunes  luy  sont  présentées,  en 
foy  de  quoy  nous  avons  signé  ces  présentes,  à  ycelles  fait  apposer  le  cachet 
de  nos  armes  et  contresigner  par  l'un  de  nos  secrétaires,  en  Notre  hôtel,  à 
Québec,  le  23  Décembre  1705,  Signé  Raudot. 

(Roy,  Inv.  des  Ord.  des  intendants,  I,  p.  8  et  archives  provinciales.) 

Dasilva  demeurait  à  Québec  et  il  mourut  dans  cette  ville,  au  mois 
d'août  1717. 

Un  Jean  Moran,  très  probablement  son  gendre,  qui  avait  épousé. 
Elisabeth  Dasilva  en  1705,  prit  aussitôt  la  place  de  son  beau-père  et  sut 
également  plaire  au  public,  puisque,  lui  aussi  mérita  d'obtenir  la  recon- 
naissance officielle  de  son  emploi.  Elle  lui  fut  donnée  en  1727,  par  l'in- 
tendant Dupuy,  en  ces  termes  :  . 


—  213  — 

Commission  de  Messager  du  Roy  de  Québec  à  Montréal  pour  Jean 
Moran. 

Claude  Thomas  Dupuy,   .   .   , 

Etant  nécessaire  pour  le  bien  du  service  et  l'utilité  publique  qu'il  y 
ait  un  Messager  sur  la  probité  et  diligence  duquel  on  puisse  se  reposer 
pour  la  commission  d'affaires  de  cette  ville  à  Montréal  et  étant  pleinement 
informé  de  la  fidélité  et  diligence  avec  laquelle  Jean  Moran  s'en  est  ac- 
quitté depuis  dix  ans. 

Nous,  sous  le  bon  plaisir  de  Sa  Majesté  avons  commis  et  établi,  com- 
mettons et  établissons  le  dit  Moran  Messager  du  Roy  aux  proffits  et  exemp- 
tions à  luy  attribuez  par  les  commissions  qui  luy  ont  été  cy-devant  accor- 
dées par  nos  prédécesseurs  à  la  charge  de  nous  remettre  la  présente  com- 
mission toutes  fois,  et  quantes  nous  l'en  requererons.  Mandons  et  fait  et 
donné  en  Notre  Hôtel  à  Québec  le  vingt  neuf  janvier  mil  sept  cent  vingt 
sept. 

(iVrchives  nationales,  Ord.  des  Int.  IX,  S^ie  m.  21  p.  109.) 

Sait-on  quelque  chose  des  commissions  qui  avaient  été  accordées  à 
-lean  Morand  avant  1727,  au  dire  de  l'intendant  Dupuy  ? 

Ce  messager  conserva-t-îï  son  emploi  jusqu'à  sa  mort  survenue  en 
1754  ? 

L'ouverture  du  chemin  royal,  entre  Montréal  et  Québec,  en  1734,  eut- 
elle  pour  effet  de  lui  enlever  sa  clientèle  ? 

Quelques  chercheurs  sauront  répondre  à  ces  questions,  car  il  doit  y 
avoir,  au  greffe  de  Québec,  des  documents  qui  porteront  la  lumière  sur  ces 
points. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


La  Justone  (Emmanuel  de  Cléricy  de) — Lieutenant  au  régime  de 
Languedoc.       (25  juillet  1758). 

A  la  bataille  de  Sainte-Foy,  M.  de  la  Justone  fut  très  grièvement 
blessé  et  on  fut  obligé  de  lui  amputer  le  pied. 

En  décembre  1760,  le  chevalier  de  Lévis  signalait  les  mérites  de  ^I.'di^ 
la  Justone  au  ministre  par  la  note  suivante  : 

''Blessé  très  dangereusement  au  siège  et  hors  d'état  de  continuer  à 
servir,  ayant  eu  la  jambe  coupée  ;  ce  jeune  homme  ne  saurait  subsister 
sans  les  bienfaits  du  Roi."      {Lettres  du  chevalier  de  Lévis,  p.  432). 

Le  10  février  1761,  le  roi  accordait  une  pension  de  300  livres  et  une 
place  aux  Invalides  au  lieutenant  de  Cléricy  de  la  Justone. 


—  214  — 

M.  DE  CHASTE 


A  la  mort  de  Chauvin,  Aimar  de  Chaste  organisa  une  compagnie 
pour  le  commerce  du  Canada,  et  il  employa  Samuel  de  Champlain  au  titre 
de  lieutenant.  M.  de  Chaste  ne  devait  pas  figurer  longtemps  dans  cette 
entreprise  puisqu'il  mourut  en  mai  1603. 

Il  appartenait  à  la  célèbre  maison  des  Clermont  dont  les  rameaux 
ont  porté  différents  noms:   Montoison,  Tonnerre,  Néelle,  Chaste,  etc. 

Sibaud  (II)  vivait  vers  la  fin  du  onzième  siècle.  Son  fils  Jeoffrey 
ou  Geoffroy  (III)  a  été  l'auteur  de  la  branche  des  seigneurs  de  Clermont- 
Chaste.  C'est  à  Sibaud  (II),  seigneur  de  Clermont,  que  l'on  attribue  la 
concession  des  clefs  pontificales  par  le  pape  Calixte  II,  pour  l'avoir  conduit 
à  Rome,  au  commencement  du  mois  de  juin  1120,  afin  de  le  rétablir  sur 
le  siège  de  S.  Pierre,  après  en  avoir  chassé  l'anti-pape  Grégoire  VIII. 
Calixte  II,  voulant  témoigner  aux  Clermont  sa  reconnaissance  d'un  ser- 
vice si  important,  leur  accorda,  dit-on,  le  privilège  de  porter  pour  armes  : 
deux  clefs  d'argent  posées  en  sautoir  sur  un  champ  de  gueules,  et  pour 
cimier  le  tiare  papale,  avec  cette  devise:  Si  omnes  te  negaverint,  ego  le 
nunquam  negaho.  On  prétend  que  cette  famille  portait  auparavant  des 
armes  parlantes  qui  étaient:  un  mont  surmonté  d'un  soleil.  Les  autres 
branches  ont  conservé  les  clefs  d'argent. 

François  de  Clermont-Chaste  (XIV)  a  épousé  en  1544  Paule  de 
Joyeuse,  Des  mémoires  domestiques  et  les  nobiliaires  du  Dauphiné  de 
Guy  Allard  et  de  Chevrier  disent  que  François  obtint  du  roi  Henri  II 
d'ajouter  au-dessus  des  clefs  de  ses  armes,  une  fleur  de  lys  d'or  sur  champ 
d'azur,  en  récompense  de  ce  qu'il  s'était  signalé  à  la  tête  de  la  noblesse 
du  Dauphiné  qu'il  commandait  en/1553,  lorsque  le  duc  de  Guise  défendit 
Metz  contre  l'empereur  Charles-Quint. 

François  eut  quatre  fils.  Aimar  a  été  le  troisième  ou  quatrième  ;  on 
n'est  pas  fixé  là-dessus.  Ce  fils  reçut  un  legs  de  quatre  mille  livres  pour 
lui  permettre  de  se  marier,  mais  il  préféra  être  chevalier  de  St-Jean  de 
Jérusalem,  et  fut  reçu  au  grand  prieuré  d'Auvergne  le  25  juin,  1566. 
Ce  fait  est  rapporté  dans  les  testaments  de  sa  mère  et  de  son  frère  aîné 
Guillaume.  Il  fut  Commandeur  de  Limoges,  dans  cet  Ordre,  puis  de 
L'Ormeteau  et  de  St-Paul-les-Romans,  en  Dauphiné,  son  pays  natal.  Il 
est  qualifié  maréchal  de  l'Ordre  en  1602,  dans  le  testament  de  son  frère 
Jean. 


—  215  — 

En  qualité  de  viee-amiral  des  mers  du  Ponant  il  fut  envoyé  en  1582 
au  Portugal  avec  1200  hommes  pour  remplacer  le  seigneur  de  Strozzi, 
tué  le  26  juillet  de  cette  année.  Il  commanda  les  troupes  de  France  au 
service  de  Don  Antoine,  roi  titulaire  de  Portugal,  contre  Philippe  III 
d'Espagne. 

En  1589  on  lui  confia  le  gouvernement  de  Dieppe,  et  le  roi  Henri  IV 
étant  passé  en  Normandie,  il  lui  remit  cette  ville.  Les  Mémoires  de  Sully 
portent  qu^en  cela  il  se  montra  vrai  Français  et  l'un  des  plus  hommes 
de  bien  du  royaume.  En  1593  il  prêta  au  roi  96,000  livres.  Ares  cela 
rien  d'étonnant  que  celui-ci  lui  donna  le  gouvernement  du  pays  de  Caux. 

M.  de  Chaste  a  de  plus  été  abbé  de  Fécamp  et  grand-maître  de  St- 
Lazare  lors  du  rétablissement  de  cet  Ordre  en  1582. 

En  1602  il  fut  ambassadeur  extraordinaire  du  roi  de  France  en 
Angleterre. 

Les  chevaliers  de  St-Jean  de  Jérusalem  professaient  le  célibat,  mais 
Aimar  de  Chaste  se  permit  de  faillir  à  cette  règle  quelques  fois,  puisque 
les  généalogistes  rapportent  qu'il  eut  cinq  enfants  naturels:  trois  fils 
et  deux  filles. 

REGIS   ROY 


LISTE  DES  OFFICIERS  CHOISIS  PAR  LE 

ROI  POUR  SERVIR  EN  CANADA 

EN  1687 


DU   17   MARS    1687 


CAPITAINES 

Du  Plessis,  Monicq,  de  St-Ours,  du  Creuzel,  Subercaze,  chevalier 
de  St-Jean,  chevalier  de  Merville,  de  Préaux  Grays,  Brouillant,  Langloi- 
serie,  Bouiller  de  la  Chassagne,  Le  Verrier,  de  Mine,  Vergons,  Luzignan. 

LIEUTENANTS 

Payen  de  Noyan,  Persillon  l'aîné,  LeMoine  de  Longueuil,  Lintelle 


—  216  — 

Caumartin,  Persillon  le  jeune,  du  Claux,  chevalier  de  la  Guerre,  Domergue 
de  Mezart,  chevalier  de  Ladignac,  de  Laure,  de  Plagnol,  de  Ferrière, 
Tonty,  de  la  Maisonfort,  Falaize,  chevalier  de  Fiasse. 

ENSEIGNES 

Morel  de  la  Forest,  Heunot,  du  Chesny,  Charles  Petit  de  Liviliers, 
chevalier  de  Servon,  du  Bourg-Chemin,  de  Porteau  du  Bocage,  Dauchan, 
de  Vaisse,  de  Lisseline,  Tregnier,  de  Forsan,  de  l'Espinay,  Gemerais, 

du  Frost. 

CAPITAINES  EEFORMES 

Basson,  de  la  Mothe,  Linctot,  des  Maresty,  Larsac  la  Palisse,  du 
Mesny-Berard. 

LIEUTENANTS   REFORMES 

Lignerie,  Marc-Antoine  de  Cotentré,  Louis  Le  Seneschal  d'Auberville, 
Le  Varlet,  de  Beyne,  La  Guilloiserie,  Livernan,  de  Brissac,  du  Hardry, 
chevalier  de  Songé,  Murât  de  la  Brosse,  de  Quatrebarbes,  de  Montigny, 
de  St-Michel,  de  la  Gimondrie. 

LISTE  DES  GARDES  DE  LA  MARINE  DU  DEPARTEMENT  DE 
BREST  CHOISIS  PAR  LE  ROI  POUR  SERVIR  DANS  LES 
TROUPES  QUE  SA  MAJESTE  ENVOYE  EN  CANA- 
DA—DU 18e  MARS  1867 

Marc-Antoine  de  Cotentré,  Murât  de  la  Brosse,  Louis  Le  Senechal 
d'Auberville,  Le  Varlet,  de  Beyne,  du  Hardry,  Quatrebarbes,  La  Guilloi- 
serie, chevalier  de  Songé,  lieutenants  reformés  ;  Charles  Petit  de  Livil 
liers,  enseigne. 

Fait  à  Versailles  le  x  b  ye  mars  1687.  Signé  Louis,  et  plus  bas 
Colbert  (1). 


(1)  Archives  du  Canada. 


—  217  — 
EURY  DE  LA  PERRELLE 


Messieurs  Eury,  Ecrs,  de  la  Perrelle,  etc.,  ont  été  officiers  au  Cap 
Breton  et  au  Canada.  Ils  sont  d'une  ancienne  noblesse  normande,  men- 
iionnée  en  1463  dans  la  recherche  de  Montfault,  et  établie  en  la  paroisse 
de  Culey-le-Patry,  élection  de  Viré,  généralité  de  Caen. 

Jean-François,  né  vers  1690,  fils  de  François  Eury,  ecr.,  sieur  de  La 
Perrelle,  débarqua  au  Cap  Breton  en  1713,  comme  enseigne  avec  des  trou- 
])es  qu'il  accompagnait.  L'année  suivante  il  fut  promu  lieutenant,  titre 
qu'il  avait  quand  il  épousa  Charlotte  Aubert  de  la  Chesnaye,  en  1718,  à 
Louisbpurg.  En  1720  il  parait  comme  interprète  de  langue  anglaise.  Il 
est  fait  capitaine  en  1730  et  deux  ans  après  il  va  commander  à  l'île  St- 
Jean.  L'état  de  sa  santé  le  força  de  retourner  à  Louisbourg  au  bout  d'un 
an.  En  1736  il  reçoit  une  promotion,  celle  d'aide-raajor  en  même  temps 
([u'on  lui  accorde  la  croix  de  St-Louis. 

Il  passe  au  rang  de  major  de  Louisbourg  en  1741.  Il  prend  sa  re- 
traite en  1747,  avec  pension  de  1,000  livres.  La  comtesse  de  Blanzacle 
jirotégeait. 

M.  P.-G.  Roy  dans  "La  famille  Aubert  de  la  Chesnaye"  rapporte  que 
Jean-François  Eury  de  la  Perrelle  eut  quatre  fils  et  une  fille.  Cette  der- 
nière est  également  mentionnée  par  Mgr  Tanguay  dans  son  "Dictionnaire 
dénéalogique". 

Le  premier  des  fils  fut  François,  né  vers  1720.  Fait  enseigne-en-se- 
eond  en  1736,  il  reçut  une  gratification  de  900  livres  en  1741  en  considé- 
ration des  soins  qu'il  donna  aux  détails  des  fortifications.  Il  fut  promu 
enseigne-en-pied  en  1742,  à  Louisbourg  en  1746. 

Le  deuxième  enfant,  un  fils,  dont  nous  n'avons  pas  le  nom,  mais  qui 
a  dû  naître  vers  1721,  chercha  un  emploi  de  commis  au  civil  en  1746.  Il 
fut  refusé  ;  sa  conduite  sous  certain  point  laissant  à  désirer. 

Le  troisième  enfant,  est  la  fille  Catherine,  née  en  1722,  à  Louisbourg 
et  mariée  en  1743  à  Pierre-Joseph  Céloron,  à  Montréal.  Elle  finit  ses 
jours  à  Montréal  l'an  1797. 

Le  troisième  fils,  nom  ignoré,  naquit  en  1723.  Il  était  enseigne-en- 
second  en  1747  ;  sous-aide  major  à  Rochefort  et  à  l'île  de  Rhé  avant  1747. 
11  est  lieutenant  en  1750,  capitaine  à  Rochefort  en  1763,  alors  qu'il  comp- 
te quarante  ans.      Il  épouse  la  veuve  du  sieur  Duffi  en  1764. 

Le  ^ernier  fils  :  Cliarles,  né  vers  1724  mourut  à  Montréal  en  1749. 
étant  oflEiicier. 

REGIS  ROY 


218 -■ 


Habitants  de  la  ville  de  Québec,  1770=1771 


/ 


RUE  CHAMPLAIN 


Castagiiet,  Mrs  Vve  ;  Guenet,  Chs  ; 
Hot,  Simon;  Hot,  Claude;  Amiot, 
Chs;  Chatignon,  Philip;  Arrêt,  Ser- 
vant; Descareaux,  Ante;  Daller,  Fs; 
Davergnier,  pre.  ;   Couest,  Vincent  ; 
Ducharme,  Ve  Michel  ;  Devaux,  pre  ; 
Griffar,  Fs.   ;  Valleran,     Ve.     Jac- 
ques ;  Mars,  Chs.  ;  Descareaux,  Fs. 
fils  ;  St-Michel,  Fs.  ;  Provençal,  Jn. 
Laurent  ;  Boilvin,  Ive     ;    Touran- 
geau, Fs.   ;  Chilsolm,     in.   ;     Mar- 
chand, Eté.   ;  Lamontagne,  Jques  ; 
Ginga,  Ths.  ;  Babineau,  Eené  ;  Ca- 
merell,  Igce  ;  Tourangeau,  Ve  Jh  ; 
Dornon,  Ve.  Jn.  Bte.  ;  Perotin,  Jac- 
ques ;  Couest,  Ve.  Chs.  ;  Tardy,  Jn. 
Chiquet,  Ive.  Père   ;  Chiquet,     Ice 
fils  ;  Eobin,  pre.  ;  Gagné,  pre.  Père 
McGalpin,  Noël;  Johnston  &  Purss 
Cameron,  Ths.;  Veillon,  Ve.   Bte. 
Marquy,  Jh.  Cana  ;  Marchand,  Jh. 
Chevery,  Demlle  ;  François,    Jh. 
Doucet,  Ve.  ;  Silvin,  Jh.  ;  Caouette, 

RUE  DU  FORT 


Gilles  ;  Allez,  Jn.    Bte.   ;    Lanoix, 
Ve.  ;  Blowe,  Samuel  ;  Me.  Intoss 
Voyer,  jSToel   ;  Parant,     Francs. 
Provancal,  Jn.  fils  ;  Ein^ille,  Jh. 
Carié,  Chs.   ;  Mecto,  Ml.   ;    Bucha- 
nan,  Jn.  ;  Delisle,  Jn.  ;  Thibeau,  Ve  ; 
Rollet,  Fs.  ;  L'Ecuyer,  Simon  ;  Bar- 
ril  dt.  Namur,  Jh.  ;  Philipon,  pre.   : 
Ogier,    Abraham  ;    Lajus,     Fs.   ; 
Campos,     Jacques  ;     Paquet,     Ve 
Augn.  ;  Cambell,  Wm.  ;     Chartier 
Ve.  ;  LeClair,  pre.  ;  Casgrain,  Jn 
Portugais,  Nicolas   ;  Bryan,  Ths. 
Pierre,  Jn.  ;  Levitre,  Ml.   ;  Forton 
Jn.  ;    Meures,  Fs.  ;    Cottin,  Adrien 
Jacson  ;  C  reste,    Joseph  ;  Canadé, 
Thomas  ;  Bellet,  Fs.  ;     Couillard 
Halsted,  Jn.  .;'  Borneuf,  Fs.  ;  Liard 
Ls.   ;  Ochue,  pre.   ;     Malherbe     dt 
Champagne,  Fs.   ;  Larivière,  Eté. 
Normandeau,  pre.  ;    Bertrant,    La 
Ve. 


Darac,  Mrs.  Ve.  ;  Desroches,  Fs. 
Durouvré,  Jn.  Bte.  ;  Chovau,  Clau 
de  ;  Fraser,  Simon  ;  Bouchaud.  Mi 
chel   ;  Laing,  Wm.   ;  Werden,  Jh. 
Merchants   ;  Mercer,     John  Dyer 
Salomon,  Ellias  ;  McDonell,  René 
Rutherford,  James  ;  Duhamel  ;  Mo- 
rin,    Claude;     BeauJ.our,    Delettre; 
Fornel,  Ve'.  ;  Gigon,  Louis  ;  Bour- 


beau  Carignau,  Louis  ;  Gigon,  Fran- 
çois ;  Lheureux,  Antoine  ^  Munro, 
James  ;  Marcoux,  Ve.  Pierre  ;  Ri- 
verin,  Charles  ;  Charpentier  ;  Pa- 
rant, Louis,  tonellier  ;  Parant, 
Louis,  marchand;  Croteau,  Char- 
les ;Johnston  &  Purss  ;  Fitzsimon. 
Ve.   ;  Crat'ton. 


219  --- 


RUE  DU  CUL-DE-SAC 


Morin,  Henry  ;  Jean,  Alexis  ; 
Doucet,  Jean  ;  LeClair,  Pierre  ; 
Debarratz,  Joseph  ;  Eutherfort,  Ja- 
mes ;  Chabot,  Joseph  ;Fremont, 
Louis  ;  Costen,  Jean  ;  Descareau, 
Joseph  ;  Kay,  François  ;  Messigué, 
Gabriel    ;  Parant,  forgeron    ;     Da- 

RUE  ST-PIERRE 


mien,  Eté.  ;  Campbell,  Duncan  ; 
Menot,  Jonas  C.  ;  Born,  George  ; 
Goupy,  André  ;  Damien,  Ve.  Jac- 
ques ;  Labay,  Jean  ;  Damien,  Jac- 
ques ;  Millot,  François  ;  Aumet, 
Pierre. 


Ainslie  ;  Ilarison  ;  Ogier  &  Re- 
naud. &V^ompe.  ;  Hay,  Charles  ;. 
Lanson,  Alexandre  ;  Launière, 
Etienne  ;  Chinique  ;  Me  Fie,  Ro- 
bert ;  Fargues,  Pierre  ;  Campbell, 
Duncan  ;  Portier,  Michel  ;  Dufau, 
Pierre;  Farandriet,  Bernard;  La- 
marre, Ve.  ;  Costé,  ,Ve.  Pierre  ;  De- 
mitte,  Ye.  ;  McNab,  William  ; 
Soewrs  de  la  Congrégation;  Letour- 
neau,      François;      Boon,      Henry; 


Dufour,  Jean  Baptiste  ;  LaCroix, 
Ve.  ;  Munro,  George  ;  Fitsimon, 
Ve  ;  Daley,  Charles  ;  Leamy,  Tho- 
mas ;  Jean,  Alexis  ;  McCaulay,  Za- 
charie  ;  Le  Page,  Michel  ;  Metot, 
Joseph  ;  Liés,  Jean  ;  Sheperd  ; 
Cornue,  Michel  ;  Mayers,  Jean  ; 
Levy,  Jacob  ;  Baft  dt.  Lafleur,  Pier- 
re ;  Napier,  Pierre  ;  Marin,  Sa- 
muel    ;    Wilscoks     ;  Walker,  Ve.  ; 


Bondfield  ;  Woolsey  &  Bryan  ;  Pa- 
terson  &  Grant  ;  De^unier  Beau- 
bien  ;  Philip,  Jean  ;  Finlay  à  la 
Porte  ;  Bistaudeau,  Antoine  ;  Pin- 
tair,  Jean  ;  Bayard,  N.  S.  ;  Portu- 
gais, Jean  Baptiste  ;  LeCour  &  Poi- 
rié  ;  Perras,  Jacques  ;  Welles,  Jean  ; 
Liés,  Jean  ;  Boisseau,  fils  ;  Laba- 
die,  Pierre  ;  Boisseau,  Père  ; 
Stuart  &  Fraser  ;  Levesque,  Fran- 
çois ;  Lymburner,  Jean. 

RUE  NOTRE-DAME 

Simpson,  Alexandre    ;  Mago,  Bou- 
logne    ;     Fraser,     Simon   ;    Lizot, 
Louis  ;  Baird,  Jean  ;  Dumas,  L. 
Marcoux,  Pierre   ;  Munro,  James 
Morin,  Claude  ;  Anderson  &  Smith 
Blouin,  Gl.  ;  Smith,  François  ;  Lal- 
lemand,  Ve.  ;  Taylor,  Henry  ;  Lar- 
cher,  Jacques   ;  La  jeune.     Parent   ; 
Melvin,  Jean  ;  Cramasie,  Jacques  ; 
l)umas,  Alexandre. 


RUE  DU  SAULT  AU  MATELOT 


Perrault,  Jacques  ;  Smith,  Fran- 
çois ;  Trudel,  Joseph  ;  Bailliargé  ; 
Montmollin,    Didace     ,-•      Garenne, 


Charles  ;  Dupré,  Le  Cte 
Joseph  ;  Cureux,  Antoine 


Filteau, 
Laforce, 


Hipolite  ;  Lié,  Thomas  ;    Pelleriu, 


—  220 


Ve  ;  Raby,  Augustin  ;  Beaujour, 
Delettre  ;  McCanzie,  Ve.  Alexan- 
dre ;  Parant,  Antoine  ;  Delaurié, 
Pierre  ;  Samson,  Jacques  ;  Coue- 
noud,  Charles  ;  Boeuf,  François  ; 
Normandeau,  Augustin  ;  Pinay, 
François  ;  Easset,  Jean  ;  Crequy, 
Antoine  ;  Parré,  ('harles  ;  Dorval, 
Ve.  :  L'Etourneau,  Michel  ;  Lap- 
part  ;  Pellon,  Joseph  ;  Mai  Houx, 
Benjamin  ;  Caron,  Alexis  ;  Michau, 
Christoph;  Pierre,  Jean,  tonnelier; 
Cres])eau,  Louis  ;  Flanmguen,  Mi- 
chel ;  Blowe,  Samuel  ;  Gosselin  ; 
Pique,  Jean  ;  Damien,  Joseph  ;  Re- 
naud,,  Jean  ;  Douville,  Louis  ;  Le- 
febvre,  Marguerite;  Paquet,  René; 
Paquet,  Louis,  fils  ;  Parent,  Louis 
Jeune  ;  Dubé,  Jean  Baptiste  ;  Le- 
vasseur,  Jean  ;  Boisvert,  Pierre  ; 
Cognac,  Pierre  ;  Cognac,  Charles  ; 
Cognac  Ve.  Pierre  ;  Montauban, 
Jean  Baptiste  ;  Roza,  François 
Barty   ;     Dumas,     Joseph  ;    Titlie, 

RUE  LAMONTAGNE 


Jean  ;  Gagnon,  Vincent  ;  Artois, 
Ve  ;  Sérindac,  Gilles  ;  Vallée, 
Louis  ;  L'Etourneau,  Louis  ; 
Chamberlan,  Pierre  ;  Paquet,  Pier- 
re ;  Gravelle,  Claude  ;  Costé,  Pier- 
re ;  Tranquille,  Louis  ;  Amiot, 
Jean  Baptiste  ;  Marie  Jean.  Père  ; 
Marie,  Jean  fils  ;  Point,  Guillaume; 
Lafeuillade,  Charles  ;  Bourguignon, 
François  fils  ;  Samson,  Jean  ;  Tan- 
cheau,  Ive  ;  Vallée,  Charles.  '  fils  ; 
Mailloux,  Ve.  Antoine  ;  Ellf  is,  Ste.  ; 
Paquet,  Joseph  ;  Finasse,  Domini- 
que ;  Bernier,  Louis  ;  Dumas,  Jean 
Baptiste  ;  Laçasse,  Ve  Fortier  ; 
Bourguignon,  Louis  ;  Morié,  Jean 
Baptiste  ;  Dubord,  Jean  Baptiste 
fils  ;  Dubord,  Noël  ;  Doiron,  Alexis; 
Chamberland,  Claude  ;  Filteau,  Ve 
François  ;  Croteau,  Charles  ;  Bou- 
cher, Ve.  ;  Corneau,  Ve.  ;  Crespeau, 
Lonchamp,  Hustache  ;  Brown,  Ja- 
mes  ;  Dalgli'sk,  Jean.  / 


Dubord,  Michel  ;  Robinson,  Jean  ; 
Picard,  Alexandre  ;  Huet,  Joseph 
fils  ;  Kaillé,  Henry  ;  Rousseau  ; 
Bell,  William  ;  Coulins,  François  ; 
McCùlloch,  Robert    ;  Oneille,  Pier- 


re ;  Marauda,  Gabriel  ;  Kilth,  Wil- 
liam ;  (îhamard,  Jean  Baptiste  ; 
Forbes,  William  ;  Schindler,  Joseph  ; 
Lariviere,  François   ;  Arial,  Jean. 


RUE  BUATTE (BUADE) 


Allsopp,  M.  George  ;  Welles,  John  ; 
Les  Imprimeurs  ;  Lanaudiere  ;  Gi- 
rard, Jean  Baptiste  ;  Duff,  Caprt.  ; 
Edward,  Damase  ;  Fraser,  Jean 
Marrs-Ingenieure  ;  FitzGerald,  avo- 


cat,; Pellison,  F,;  Dubarry,  Dce. ; 
Printies,  Mills  ;  Soupiran  ;  Gui- 
gnoi\,  Bernard  ;  Normandeau,  Pier- 
re :  Pillon,  Joseph  ;  Charlan, 
Louis  fils  ;'Cox,  Eduard     ;    Liard, 


—  221  -- 


Charles  ;  Levasseur,  Ve.  Xoel  ;  Gi- 
iiié,  Honoré  ;  Mailloux,  Amable  : 
' -ucyranx,  Jac([ues  ;  Graham,  Wil- 
liam ;  Crebassa,  Henry,  Berthelot, 
Charles  ;  Guehan  ;  Longueuil,  Dlle  ; 
Marchand,  Pierre  ;  Saillan   ;  Comf- 

RUE  STE-FAMILLE 


roy  ;  Jinkins,  George  ;  Les  Pères 
Jesuitte  ;  Quinbert,  Jean,  La  Cham- 
bre du  Conseil  ;  Pinet,  Alexis  ; 
Bertin,  Joseph  ;  Drumond  au  Je- 
suitte  ;  Deliette,  Fontaine. 


Le  Séminaire   ;  Dosque,    curé 
SPenard,  Pierre  ;  Picard,    Alexan 
dre,  boucher  ;  Fillion,     Mathurin 
Brassard,  Jean    Baptiste  ;  Delery 
Craffort,  lieutenant,  Voyer,  Joseph 
Dutarte,  Gertrude  ;  Mailly,  Joseph 
Carié,  Pierre  :  Farge,  Jean  ;  Decor- 
mier,  Guillaume   ;  Mailly,  Charles; 
Stark,  Capitaine   ;  Berge,    Jean     ; 
Jurié,  Barthy.    ;  Dupont,  Ve..  ;  A- 


melot,  Jacques  ;  Janveux,  Mathieu; 
Beaulieu,  Antoine  ;  Belleville,  Jean- 
Baptiste  ;  Deluga,  Guillaume  ;  Les- 
sard, Guillaume  ;  LeConte,  Angéli- 
que ;  Parant,  Etienne  ;  Hupp,  Doc- 
tor  ■;  Bourbon,  Jacques  ;  Portugais, 
Jean-Baptiste  ;  Guillimin  ;  Desca- 
reau,  Louis  ;  Ducheneau,  Jacques  ; 
Moreau,  Jean  ;  Blair,  D.  ;  Duval, 
François. 


RUE  DU  RAMPART 

Shaws,  officier  ;     Marauda,     Ga-  (.'apitaine;  Isbister;  Girard,  Joseph  : 

briel   ;  Bourg,  Joseph   ;     Portugais,  W'addington,  Charles  ;  Blackmoore; 

Pierre    :  Menard,  Dominique   ;  Me-  Portugais,  Ve    Dominique  ;     Char- 

nard  Ve.   ;  Gunn,  officier   ;     Arbot,  lan,  Jean  Baptiste. 

RUE  ST-GEORGE 


(xarau,  Jean   ;  Charlery,  Michel 
Dumontier,  Louis   ;  Vallé,  Charles 
Audie,  Pierre    ;     Menard,  Pierre 
Hague,  Jean   ;  McDonell,  Jacques 
K'^lly,  Henry  ;  Huet,    Joseph  fils 


.Proust,  François  ;  Duval,  Ve.  ;  Pa- 
neton, Pierre  ;  Emond,  Pierre  ;  Le- 
moihe,  Jacques  ;  Craffort,  lieute- 
nant ;  Murray,  P.  ;  Turpin,  Ve  ; 
Lamotte  ;  Woolf. 


RUE  LAVALLE  (LAVAL) 


Chevalier,  Hené  ;  Marchet,  Ve.  Pier- 
re ;  Lama'rtinet  ;  Lemire,  Augus- 
tin ;  Chone,  Caible  ;  Amiot,  Fran- 
çois ;  Coutelleau,  Morice  ;  Jugon, 
Lemettre  ;  Gilbret,  Joseph  ;  San- 
soucy,  Joseph     Damien    ;     Degray, 


François  ;  l^evareau,  Pierre  ;  Ar- 
bourg,'Ve.  ;  Coffé,  soldat  ge.  Regt.  ; 
Bernard,  André  ;  Tranquille,  Geor- 
ge ;  Bonhomme,  Pierre  ;  Dufresné, 
Ve. 


222 


RUE  ST-FRANCOIS 


Jugon,  Jean  Lemettre  ;  Lemire, 
Antoine  ;  Lusignac,  Ve'.  ;  Moreau, 
Louis  ;  Descareau,  Joseph  ;  Bour- 
bon, Jacques  ;  Badeau,  Pierre  ;  Al- 
lary,  Baptiste  ;  Allary,  Ve.  ;  Da- 
chat,  Gilles  ;  Lampy,  Joseph  ;  Du- 


ret,  Charles  ;  Kenaud,  Guillaume  ; 
Letarte,  Bergitte  ;  Clesse,  François; 
Collet,  Noël  ;  Quenet,  Ve.  ;  Dubois, 
George  ;  Lavigne,  Ve.  Joseph  Mi- 
chel ;  Platte,  Limes  ;  Hamel,  An- 
dré ;  DeCîfoix  ;  Savard,  Charles. 


RUE  ST-FLAVIEN 


Beriau,    Ve.  ;  Nicolas,    Etienne  ; 


Bergeac,  Joseph   ;     Brissard,     Jac-   Louis   :  Tesier,  Germain   ;  Levitre, 


ques  ;  L'Espérance,  Bazil  ;  LaCom- 
be,  Pierre  ;  Green,  officier  ;  Roy, 
Jean  Baptiste  ;  Briscot,  William  ; 
Coste,  André  ;  Chrestien,  Jean-Bap- 
tiste  ;  Delisle,     Fontaine    ;  Tellier, 


Nicollas  ;  Lallemand,  Ve.  ;  Freros, 


Joseph  ;  Parsonn,  Jonas.  52  Regt  ; 
Thomi)son,  officier;  Balfour,  James, 
canonier  ;  Juineau,  Barty  ;  Hains; 
Barty.  ;  Basset,  Major  ;  Caillé,  10e 
Regt.  officier   ;  Philips,  Capne. 


RUE  NOUVELLE 


Venture,  Capne.  ;  Parant,  Michel  ; 
LaPalm,  Ve.  ;  Carpentier,  Louis  ; 
Bergeas,  Joseph   ;     Diorcival,  Mar- 


tin ;  OBryne,  Michel  ;  LeCouvreur, 
Jean  Pierre. 


RUE  COUILLARD 


Franchere,  Ve.  ;  Laroche,  Michel  ; 
Pratte,  Pierre  ;  Waham  ;  Maylly, 
Charles  ;  Larouche,  Ve.  ;  Paquet, 
Jean  Baptiste  ;  Wilmoth,  Thomas  ; 
Fitlair,  Hanary  ;  Shevas  ;  Tringle, 
Ve.  ;  Smith,  Ve.  ;  Puce,  Jacques 
Joseph  ;  Marin  Den  10e.  Regt.  ; 
Lux,  Marie  ;  Morijeau,  Ve.  ;  San- 
gret,  Ve.  ;  Dalinet,  Antoine  ;  Bry- 
mer,  Ellias  ;  Donell,  Girns,  artille- 
rie ;  Francise,    Robert  ;  Chevalier, 


Louis  ;  Farineau,  Paul  Joseph  ; 
Brutfield  ;  Smith,  Robert  ;  St 
Agnant,  Etienne  Glené  ;  Sinn,  Pa- 
trix  ;  Guillot,  Joseph  ;  Nab.  George, 
soldat  ;  Durazoir,  Pierre  Rouan  ; 
Parant,  Henry  ;  Benêt,  Ns.  ;  Woust, 
George  ;  Gautier,  Charles  ;  Bonet, 
Pierre  ;  Reed,  Samuel  ;  Génie,  fille; 
Vingt  Sept,  Richard  ;  Robinson, 
Jean  ;  Muzicien,  Sims. 


—  223  - 


RUE  ST-JOSEPH 


Hupp,  Doctor  ;  Thwith,  officier  ;, 
Delzenne,  Joseph  ;  Giraux  dt.  Pot- 
vin,  Louis  ;  Sanguinet  ;  Benereau, 
Louis  ;  Duga,  Michel  ;  Trant,  Pier- 
re ;  Clarks,  Jan  ;  Paquet,  Ve.  ;  Be- 
dard,  Augustin  ;  Francheville  ;  Ni- 
*colas,  Etienne  ;  Rigodiau,  Antoine  ; 


Pelletier,  Ve.  ;  Amiot,  Jean  ;  Go- 
vin,  Pierre  ;  Guillot,  Joseph  ;  La- 
casse,  Ve.  ;  Delagrave,  Louis  ; 
Martinet,  Antoine  ;  Frazer,  Daniel; 
Desterme  dt.  Comtois  ;  Ferure,  E- 
tienne*;  Voyer,  Michel  ;  Bruneau, 
Pierre. 


RUE  DE  LA  FABRIQUE 


Smith,  Jean  ;  Normand,  Jean  ; 
Duflo,  Joseph  ;  Bourdage,  R  ;  Pa- 
yan,  Pierre  ;  Guillimin  ;  Germain, 
Louis  père  ;  FitzGerald,  Capne.  ; 
Voyer,  Charles  ;  Deboucherville  ; 
Bellefleur,  Louis  Gâtés  ;  Soulard, 
Pascal  ;  Turgeon,  Louis  ;  Costé, 
Joseph     ;    Youssinte     :    Germain, 


Louis,  fils  ;  Jeffery  ;  Gray,  R.  ;  Gas- 
té,  Jean  Baptiste  ;  Cox,  Eduard  ; 
Due,  Ve.  ;  Ainguine,  officier  ;  Wa- 
tass,  Capne.  ;  Munro,  George  ;  Sin- 
clair, James  ;  McNeill,  Daniel  ; 
Hanna,  James  ;  Petry,  Frideric  ; 
Noël,  Josepli  ;  Duraont,  Jean  Bap- 
tiste. 


RUE  ST-JEAN 


Vidah,  Antoine  ;  Reed,  Samuel 
Rousseau,  Henry   ;  Dorion,    Noël 
McRandle,  R.  ;     Parsann,  Capne. 
Lemire,  Augustin  ;  William,  Capne 
Denechau  ;  Deplaine,  Ve.  ;  Poulin, 
Pierre  ;  Chavigny  ;  D'Inford,  Abra- 
ham ;  Wright  ;  Lynd-greffier  ;  Pre- 
mont.  Aman  ;    Dolovoye,     Capne   ; 
Thompson,  Doctor;  Amilton,  Lient; 
Mailloux,  Amable  ;  Sims,  Muzicien  ; 
Langlais,  Noël  ;    Mon j  on,    Louis  ; 
Langevin,  Ve.     Cartier  ;  Rousseau, 
Louis  père  ;  Duval,  François  ;  Simp- 
son, Joseph  ;  Lafraince,    Janveux 
Mollone,  Bernard  ;  Daly,  Thimoté 
William,  Jinkins  ;  Daley,     Denis 
Chinte,  Samuel  ;  Farguson;  Colner, 


Gims  ;  Lamson   ;  Lafleche,  Thimo- 
té    ;    Winter,    Mathieu     ;    Duval, 
Joseph  ;  Swetland,    Henry  ;  Gatié, 
Etienne   ;  Brissard,     Jacques  ;  De- 
lias  dt.  St.  Jean,    Jean  ;    Laroche, 
Etienne   ;  Ghislaine,  Jean   ;  Garen- 
ne, Thqmpson,  Jean   ;  Black,  Ve. 
D'Insdell       ;     flamant,     Jacques 
Stuart,  Robert  ;  Jourdain,  Michel 
Delap,  officier  ;  Vilson,  Jean  ;  For- 
tune,   Thomas  ;    Abraham,  Ns.   : 
Brassard,  Jean  ;  Romain,  François; 
Kelly,  William  ;  Duglisk,  Mariane  ; 
Grant,  Robert  ;  Costé,  Pierre  ;  Gil- 
léspie,  Robert  ;  Witmoore,    Jacob  ; 
King,^  John  8  Regt.  ;  Jurié,  Barthy  ; 
Dupont,  Joseph  ;  Mcintoss  ;    Wes- 


-  224 


Wesler,  Joseph  ;  lleed,  Thomas  ; 
Vingt  Sept,  Eichard  ;  Puce,  Jac- 
ques Joseph  ;  Wood,  John  8  Eegt.  ; 
Godin,  Marie  Magdelaine  ;  Dunbar, 
Lieut.  ;  Chevalier,  Etienne  ;  Thoret, 
Jean  Baptiste  ;  Belangé,  Ve.  ;  Go- 
bé, Jean  ;  Smith,  Abraham  ;  Win- 
ter,  John  ;  Woods,  André  ;  Roger, 
James  ;  Blaye,  André  ;  Masse^  An- 
toine ;  Burk,  Thomas  ;  Watson,  Ar- 


chibell  ;  Hindal,  Jean  Nelson  ;  Hil- 
le,  Joseph  ;  Têtard,  Jean  Marie  ; 
Dumarque,  FraV^çois  ;  Poncet, 
Joseph   ;  McClanzie,     Colin   ;  Bou- 


cher, 
çoise 
John 
Vital 
Porte. 


Thomas  ;  Duchesnay,  Fran- 
.  Selter,  Alexander  ;  Gill, 
;  Lorty,  Charles  ;  LeConte, 
;  Corps  Garde  dt.  LaGrande 


RUE  STE-GENEVIEVE 


Gobé,  Jean  ;  McClode,  Alexan- 
dre ;  McClive  &  Mcintoss  ;  McCli- 
ve  ;  Mcintoss  ;  Flamant,  Ve.  Fran- 
çoise ;  Hamel,  Joseph  ;  Parkins, 
John   ;  Migneron,  Joseph   ;  Godier, 


Thomas   ;  Feluet,  François   ;  Arke- 
son  ;  Valleron,  Clément  ;  Clark,  Ja- 
mes ;  Lavictoire,  François  ;  McClo- 
net,  N.  T.  52  Regt.  ;  Barns,    Pte  ; 
Bingharm,  James  ;  Winter,  Joseph. 


RUE  DES  CASERNES 

Robin  ;  McDonell,  Ve.  ;    Chaus-  Wegler,  Gaspar  ;  McClinon  ;  Hisse, 


sat,  Arnoux  ;  Moras  Etienne  ; 
Smith,  colonel  ;  Mitivié,  Jean  Bap- 
tiste ;  Murray,  Major  ;  Jourdain, 
Augustin  ;  Coxenne,  Daniel  ;  Me 
Galpin,  Noël    ;  McDonell,  James    ; 


Jean  ;  Rowe,  Lux  ;  Page,  Jean  ; 
Brunet,  Jean  Baptiste  ;  Brunet,  Ve  ; 
Dorion,  Noël  ;  La  Albert  ;  Flamant, 
Michel  ;  Morçau,  Pierre  ;  Moras  dt. 
Laforme,  Pierre. 


RUE  STE-ANNE 


Les  Cazernes  Prisons  ;  Beleau, 
Noël  ;  Lafontaine,  Dlle  ;  Hamel, 
Antoine  ;  Bezeau,  Pierre  ;  Costé, 
Paul  ;  Laterreur,  Ve.  ;Deluga, 
(Guillaume  ;  Arnaux,  Dominique  ; 
Jernac  dt.  St-Germain,  Jques  ;  La- 
Croix,  Ve,  ;  Moreau,  Charles  ;  Mo- 
reau,  Ve.   ;  Migneau,  François  ;  Se- 


guin, Ve.  ;  Delian  dt.  St-Jean, 
eTean  ;  Hamilton,  Lieut.  10e.  Hegt.  ; 
Hipps,  George  ;  Dunn,  Henry  ;  Ha- 
milton, Capne.  ;  Valiere,  François  ; 
Parant,  le  jeune  ;  Crafton  ;  Maban, 
colonel  ;  Kneller  ;  Les  Pères  Reco- 
lets. 

F.-J.  AUDET 


(La  suite  dans  la  prochaine  livraison) 


BULLKTIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVII  BEAUCEVILLE- AOUT  1021  No  8 

LES  PREMIERS  BIENFAITEURS  DE  L'HO- 
PITAL-GENER  AL  DE  QUEBEC 


Les  premiers  bienfaiteurs  de  l'Hôpital-Général  de 
Québec  après  bien  entendu,  Mgr  de  Saint-Vallier,  le  saint 
fondateur  de  cette  maison,  furent  Pierre  Mortrel  et  sa 
femme,  née  Adrienne  de  Lastre. 

Ces  noms  ne  vous  disent  pas  grand 'chose,  n'est-ce  pas? 

Ne  prenez  pas  la  peine  de  chercher  le  nom  de  Pierre 
Mortrel  dans  le  Dictionnaire  généalogique  des  familles' ca- 
nadiennes  de  Mgr  Tanguay.  Vos  recherches  seraient  vai- 
nes. Le  Dicfionaire  généalogique  ne  fait,  en  effet,  aucune 
mention  de  Pierre  Mortrel  non  plus  que  de  Adrienne  de 
Lastre,  sa  femme.  Pourtant  ces  deux  personnages  ont 
réellement  existé.  Ils  ont  même  vécu  de  nombreuses  an- 
nées au  Canada. 

Conmient  un  chercheur  avisé  et  heureux  comme  Mgr 
Tanguay  a-t-il  pu  oublier  ce  ménage  ?  Nous  ne  voyons 
qu'une  explication  à  cette  omission.  Pierre  Mortrel  et  sa 
femme,  pendant  toute  leur  existence,  n'eurent  que  deux 
ambitions  :  bien  servir  Dieu  et  être  oubliés  ou  ignorés  du 
monde. 


—  S26  — 

Qui  sait  si  la  Providence  ne  voulut  pas  respecter  leur 
l^ieux  désir  même  après  leur  mort  ? 

En  tout  cas,  Pierre  Mortrel,  et  Adrienne  de  Lastre, 
étaient  originaires  de  Rouen  et  passèrent  dans  la  Nouvelle- 
France  avec  un  convoi  de  colons  aux  environs  de  1666. 

Pierre  Mortrel  s'établit  à  Charlesbourg  sur  une  con- 
cession qu'il  défricha  lui-même.  Le  travail  ardu  et  la  fru- 
galité des  époux  Mortrel  leur  permirent  d'amasser  avec  les 
années  non  pas  une  fortune  mais  un  pécule  avec  lequel  ils 
achetèrent  une  autre  terre  au  village  Saint-Joseph  de  la 
même  paroisse  de  Charlesbourg. 

La  Providence  n'avait  pas  donne  d'enfants  aux  époux 
Mortrel.  Lorsque  Mgr  de  Saint- Vallier  établit  son  Hô- 
pital-Général ils  entendirent  parler  du  dénuement  et  de  la 
pauvreté  des  religieuses  chargées  de  la  nouvelle  fondation. 
Ils  formèrent  alors  le  désir  de  donner  tout  ce  qu'ils  possé- 
daient à  l'Hôpital-Général. 

Les  annales  de  l'Hôpital-Général  parlent  de  ce  don 
dans  les  termes  suivants  : 

**  Au  mois  de  mars  1696  les  religieuses  furent  agréable- 
ment surprises  de  voir  arriver  Pierre  Mortrel  et  Adrienne 
Lastre  sa  femme,  habitants  de  Charlesbourg,  gens  dési- 
reux de  faire  quelque  chose  pour  leur  salut.  Ils  témoi- 
gnèrent avoir  dessein  de  donner  en  pur  don  à  la  commu- 
nauté tout  ce  qu'ils  possédaient,  savoir,  deux  terres  situées 
l'une  à  Charlesbourg,  l'autre  à  Saint- Joseph,  village  du 
même  lieu,  avec  tous  leurs  bâtiments,  et  généralement  tous 
leurs  biens,  meubles  et  immeubles.  Le  contrat  fut  passé 
le  21  juillet,  et  les  donnateurs  déclarèrent  avoir  été  portés 
à  faire  cette  aumône  pour  reconnaître  en  quelque  façon  les 
témoignages  de  bienveillance  et  d'affection  que  les  dames 


I 


—  227  — 

religieuses  leur  avaient  donnés  et  ijour  les  engager  à  se 
souvenir  d'eux  en  leurs  dévotes  et  saintes  prières  ;  à  la 
charge  aussi  de  faire,  selon  leur  discrétion  et  volonté,  prier 
Dieu  pour  le  repos  de  leurs  âmes,  après  leur  décès.  '  ' 

Pierre  Mortrel  et  sa  femme  s'étaient  réservé  l'usu- 
fruit de  leurs  biens.  Ils  continuèrent  à  exploiter  leurs 
terres  pendant  quelques  années  mais  on. peut  dire  qu'ils  ne 
travaillaient  qu'au  j)rofit  de  l'Hôpital-Général  car  ils  ap- 
portaient au  monastère,  chaque  année,  force  denrées  d'ar- 
gent assez  importantes  pour  aider  les  religieuses  à  payer 
leurs  dettes. 

Lorsque  Pierre  Mortrel  se  vit  malade  pour  mourir,  il 
se  fit  transporter  à  l'Hôpital-Général.  Il  endura  avec 
une  patience  et  une  résignation  vraiment  chrétienne  de 
cruelles  douleurs  causées  par  l'hydropisie. 

Mortrel  mourut  dans  le  cours  de  l'année  1711  et  les 
religieuses  de  l'Hôpital-Général,  reconnaissantes,  le  firent 
inhumer  dans  leur  église  et  lui  accordèrent  les  mêmes  suf- 
frages qu'elles  donnaient  aux  membres  de  leur  commu- 
nauté. 

A  la  mort  de  son  mari,  Adrienne  de  Lastre  demanda 
comme  faveur  à  se  retirer  à  l'Hôpital-Général,  Elle  pro- 
mettait de  servir  la  communauté  en  qualité  de  soeur  tou- 
rière.  Cette  demande  fut  accordée  avec  plaisir  par  les 
religieuses.  La  pieuse  veuve  se  livra  alors  sans  réserve 
aux  exercices  de  la  i^énitence.  Sur  son  corps,  exténué  par 
l 'âge  et  le  dur  travail  des  champs,  elle  portait  une  ceinture 
de  fer  qu'elle  ne  quittait  jamais. 

Dans  l'été  de  1713,  la  veuve  Mortrel,  revenant  de  Que- 


—  328  — 

bec,  extrêmement  fatiguée,  monta  dans  une  charrette.  Par 
une  fausse  manoeuvre  du  conducteur  de  la  voiture,  elle 
tomba  et  une  des  roues  lui  passa  sur  la  tête.  Elle  aurait 
dû  mourir  sur  le  coup.  Elle  attribua  sa  conservation  à  la 
protection  spéciale  de  la  Sainte  Vierge  à  qui  elle  avait  une 
tendre  dévotion.  La  blessure  qu'elle  avait  reçue  à  la  tête 
se  guérit  après  quelques  jours,  mais  les  douleurs  ne  cessè- 
rent point,  et  la  fièvre  étant  survenue,  on  proposa  à  la  ma- 
lade de  recevoir  les  saints  sacrements.  Elle  ne  voulut  pas 
cependant  recevoir  le  Viatique  dans  son  lit,  et  se  rendit  à 
l'église.  Elle  ressentit  un  mieux  sensible  toute  cette  jour- 
née. Le  lendemain,  fête  de  l'Assomption,  on  se  rendit  à 
sa  chambre  de  grand  matin.  La  veuve  Mortrel  était  à  ge- 
noux, appuyée  à  la  muraille,  le  chapelet  à  la  main.  La  re- 
ligieuse s'approcha  et  constata  qu'elle  était  morte. 

Les  religieuses  de  l'Hôpital-Général  rendirent  à  la 
veuve  Mortrel  les  mêmes  honneurs  qu'elles  avaient  accor- 
dés à  son  mari.  Elle  fut  inliumée  dans  l'église,  à  côté  de 
lui,  et  eut  les  mêmes  suffrages. 

Dans  le  monde,  les  bienfaits  sont  bien  vite  oubliés.  Il 
n'en  est  pas  de  même  dans  le  cloître. 

La  donation  consentie  par  Pierre  Mortrel  n'avait  pas 
une  valeur  considérable.  Tout  de  même,  après  deux  siè- 
cles, les  noms  de  Pierre  Mortrel  et  de  sa  femme,  Adrienne 
de  Lastre,  ne  sont  pas  oubliés  au  vieux  monastère.  Dans 
la  liste  des  bienfaiteurs  de  la  maison,  ils  viennent  immédia- 
tement après  celui  de  Mgr  de  Saint- Vallier,  qui  lui  donna 
l'existence. 

P.  G.  E. 


I 


229 


ALLOCUTIONS  JUDICIAIRES,  A  MONT- 
REAL, AU  XVIIe  SIECLE 


Nous  avons  déjà  dit,  dans  le  Bulletin,  (])  que  M.  Migeon  de  Branssat,' 
en  prenant  son  siège  de  juge,  en  1677,  avait  prononcé  une  allocution  de  circons- 
tance qu'il  a  pris  soin  de  faire  consigner  dans  le  registre  des  audiences.  On 
aimera  peut-être  avoir  cet  échantillon  de  Véloquence  d'un  de  nos  premiers  magis- 
trats et  c'est  pourquoi  j'ai  recueilli  le  mot  à  mot  de  son  petit  discours  que  je 
reproduis  ici,  avec  de  légères  modifications  orthographiques.  On  ap>ercevra, 
sans  peine,  que  M.  Migeon,  pour  être  né  dans  le  grand  siècle,  pouvait  démontrer 
à  Boileau  que  ce  que  l'on  conçoit  bien  ne  s'énonce  pas  toujours  clairement  et 
encore  qu'on  peut  être  avocat  et  ne  pas  posséder  l'abondance  verbale: 

"Messieurs,  l'honneur  que  m'ont  fait  Messieurs  les  Seigneurs  de  cette  isle 
d'avoir  fait  choix  de  ma  personne  pour  remplir  la  charge  de  baillif,  juge  civil 
et  criminel  en  la  dite  isle,  ayant  été  approuvé  par  Messieurs  du  Conseil  suivant 
l'arrest  que  je  vous  exhibe  qui  justifie  la  prestation  de  serment  que  j'ai  fait  entre 
ses  mains,  m'a  invité  de  vous  prier  de  vous  trouver  en  ce  lieu  destiné  pour  y 
rendre  la  justice  afîin  que  vous  eussiez  inspection  et  veue  autant  des  provisions 
comme  dudit  arrest  et  que  dans  la  suitte  des  temps  nous  concourussions  conjoin- 
tement et  respectivement  à  nos  charges,  à  ly  administrer  avec  équité,  vous. 
Monsieur  le  procureur  fiscal  à  faire  que  par  vos  soings  et  vigilences  que  je  sois 
informé  des  désordres  qui  sy  pourront  commettre  pour  y  ajouter  unanimement 
le  remède  et  le  règlement;  et  vous.  Monsieur  Basset,  greffier,  que  vos  reg 
Cistres?)  soient  dans  l'ordre  que  les  ordonnances  vous  le  prescrivent,  et  vous, 
huissiers  et  sergens,  à  faire  vos  actes  et  exploits  suivant  les  ordonnances  pour 
que  tous,  dans  l'union  et  charité.  Nous  nous  acquittions  du  deub  de  nos 
charges  pour  la  gloire  de  Dieu,  l'honneur  et  avantage  de  Messieurs  les  Seigneurs, 
l'acquit  de  nos  consciances  et  au  soulagement  des  peuples,  à  quoy  je  vous 
exhorte  de  toutes  mes  forces. 

Ce  fait  leu  et  prononcé  ledit  jour  et  en  que  dessus  à  dix  heures  du  matin. 

MIGEON  DE  BRANSSAT 

(Registre  des  audiences  du  bailliage,  jeudi,  SOseptembre,  1677 — Au' 
dienccfdu  matin.) 

En  suite,  on  trouve  le  visa  du  procureur  fiscal,  Huhout  des  Longchamps, 
puis  copie  des  lettres  de  provisions  accordées  par  l'abbé  François  Lefebvre, 
supérieure  du  Séminaire  de  Montréal  ainsi  que  de  l'arrêt  du  Conseil  supérieure 
de  Québec  concernant  la  nomination. 


(1)  B.  des  r.  h.,  1915,  pp,  232  et  303. 


—  230  — 

La  deuxième  allocution  "judiciaire"  qui  nous  est  parvenue  a  pour  auteur 
Jacques-Alexis  de  Fleury  d'Eschambault,  "licentié  en  droit,  advocat  en  parle- 
ment". 

Ce  digne  "bailli"  qui  n'a  pas,  lui  non  plus,  réussi  à  créer  un  chef  d'oeuvre, 
nous  paraît  néanmoins  s'être  inspiré  du  texte  de  son  prédécesseur.  Sans  doute, 
son  discours  est  mieux  ordonné  et  un  peu  plus  nourri,  mais  on  sent  qu'il  est  bâclé. 
Lisons-le  tout  de  même: 

"J'aurais  eu.  Messieurs,  plusieurs  belles  choses  à  vous  dire  et  à  un  chacun 
en  particulier,  touchant  les  fonctions  de  sa  charge. 

Mais  l'obligation  où  nous  sommes  d'expédier  les  affaires  qui  se  trouvent 
aujourd'hui  à  cette  audience  me  fait  différer  pour  une  autre  occasion.  Je  me 
contenterai  donc  de  ce  que  je  ne  me  puis  pas  disp>enser,  qui  est.  Messieurs  : 

Que  vous  saurez,  s'il  vous  plait,  que  Nos  Seigneurs  de  cette  île,  m'ayant 
fait  l'honneur  de  m'élire  pour  leur  homme  de  foi,  m'ont  pour  cet  effet  pourvu 
des  provisions  nécessaires  pour  remplir  ladite  charge  et  pour  y  exercer  toutes  les 
fonctions  de  leur  bailli,  juge  civil  et  criminel  de  l'île  de  Montréal  et  lieux  en 
dépendant. 

Ce  que  le  Conseil  souverain  de  ce  pays  a  pareillement  approuvé  par  arrêt 
qu'il  en  a  donné,  en  foi  de  mon  admission  à  la  charge  et  du  serment  que  je  lui 
en  ai  prêté. 

Ce  que  vous  agréerez,  s'il  vous  plait,  de  voir  et  que  lecture  à  haute  voix 
en  soit  faite,  pour  être  insinué  et  transcrit  au  long  dans  les  registres  comme  le 
chef  de  votre  honnête  assemblée,  le  père  du  public,  le  protecteur  des  opprimés 
et  le  juge  intègre,  tant  des  bons  que  des  méchants. 

Les  jurisconsultes  n'ont  d'autre  définition  du  terme  de  la  justice  que  celui 
de  rendre  à  un  chacun  ce  qui  lui  appartient,  aussi  semble-t-il  que  le  tout  est  em- 
prunté de  l'oracle  même,  qui  est  Dieu,  quand  il  répondit  aux  Juifs,  à  leurs  se- 
monces sur  la  monnaie  :  Il  faut  reddere  Caesari  quod  est  Caesaris  et  Dei  De», 
rendez  à  César  ce  qui  est  à  César  et  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu,  preuves  plus  que 
suffisantes  à  un  juge  pour  y  conformer  les  fonctions  de  sa  charge. 

Pour  moi.  Messieurs,  c'est  le  prototype  que  je  me  propose  et  le  miroir  où 
je  prétends  confronter  toutes  mes  décisions. 

A  cet  effet,  je  m'adresse  à  monsieur  Pottier,  notre  très  digne  et  bien  aimé 
procureur  d'office,  et  que  je  regarde  comme  les  dtux  yeux  du  corps  de  notre 
compagnie,  pour  le  prier,  voire  si  j'ose  dire,  ordonner,  de  ne  point  relâcher  de 
ses  louables  soins  et  vigilances  à  pouvoir  découvrir  généralement  tous  les  désordres 
qui  pourraient  se  trouver  dans  l'étendue  de  notre  ressort  pour  m'en  donner  avis, 
afin  que  unanimement  nous  y  apportions  tous  les  ordres  et  la  tranquillité  que  nous 
y  adjugerons  nécessaires. 

Je  ne  puis  aussi.  Messieurs,  oublier  le  bel  ordre  que  m'a  déjà  fait  connaî- 
tre M.  Adhémar  Saint-Martin,  notre  secrétaire,  qui  est  pareillement  digne  de 
louanges  et  de  gloire,  pour  l'utile  méthode  dont  il  se  sert  dans  l'arrangement  qu'il 
tient  des  registres  pour  la  satisfaction  de  tout  le  public,  et  je  le  regarde,  dans 
notre  compagnie,  comme  le  coeur  pur  et  incorruptible  de  notre  corps. 


—  231  — 

Je  passe  de  là  à  vous  autres,  huissiers  et  sergents,  qui  en  êtes  les  bras,  et 
que  j'exhorte,  voire  aussi,  vous  ordonne  de  bien  libeller  vos  exploits  et  les  régler 
et  conformer  sur  le  pied  des  ordonnances,  faites  et  à  faire,  sous  les  peines  y 
portées. 

Ce  qu'étant  ainsi  réglé,  je  puisse  avoir  Heu  de  vous  maintenir  et  protéger 
comme  je  suis  obligé  et  qu'étant  juridiques  et  joints  au  corps,  nous  fassions  toutes 
nos  fonctions  pour  la  plus  grande  gloire  de  Dieu  et  honneur  de  Nos  Seigneurs, 
comme  aussi  pour  l'acquit  de  nos  consciences. 

DESCHAMBAULT 
(Registre  des  audiences  du  bailliage,  du  29e  jour  de  novembre   1 690, 
deux  heures  de  relevée.) 

Pour  ajouter  à  la  solennité  ou  plutôt  à  l'éclat  de  V intronisation,  le  procu- 
reur fiscal,  J.-B.  Pottier,  tint  également  à  adresser  la  parole. 

Il  ne  prononçt  qu'une  phrase,  mais  elle  est  d'une  belle  longueur.  Vous 
allez  vous  en  rendre  compte,  car  le  greffier  du  tribunal,  le  sieur  Antoine  Adhé- 
mar  de  Saint-Martin  n'a  pas  manqué  d'en  prendre  copie: 

Messieurs  les  Seigneurs  de  cette  île  m'ayant  mis  en  main,  ce  jourd'huy,  les 
provisions  que  je  tiens  p)Our  les  faire  enregistrer  sur  le  plumitif  de  ce  bailliage, 
j'ai  cru.  Messieurs,  que  mon  devoir  m'obligeoit  à  vous  faire  cognoistre  les 
obligations  que  nous  leur  avons  de  nous  avoir  donné  un  magistrat  doué  de  toutes 
les  qualités  requises  pour  remplir  une  telle  charge,  qui  demande,  de  tous  tant 
que  nous  sommes  d'officiers  en  cette  juridiction,  une  fidèle  correspondance, 
afin  que  cet  éclairé  magistrat,  que  vous  connaîtrez  sous  le  nom  de  Deschambault, 
cy  près,  et  dont  mesd.  sieurs  les  Seigneurs  nous  honorent  pour  notre  bailly, 
puisse  rendre  à  tous  ceux  qui  seront  obligés  de  venir  devant  lui,  soit  pour  deman- 
der ou  défendre,  une  bonne  et  brève  justice,  tant  pour  le  civil  que  pour  le 
criminel;  Comme  de  vous,  M.  Adhémar  Saint-Martin,  en  écrivant  fidèlement 
les  sentences,  décrets  et  ordonnances,  ainsi  que  vous  avez  toujours  fait  depuis 
que  vous  avez  eu  l'honneur  d'être  greffier  de  ce  lieu;  et  de  vous,  messieurs  les 
Sergents,  tant  en  faisant  exactement,  et  avec  le  plus  de  diligence  que  vous  pourrez, 
toutes  les  affaires  que  vous  aurez  des  particuliers,  qu'en  libellant  bien  tous  les 
actes  que  vous  serez  obligés  de  faire,  en  prenant  justement  les  salaires  qui  vous 
seront  dûs,  suivant  et  conformémant  aux  ordonnances  qui  vous  ont  été  exhibées  ; 
Comme  aussi,  de  mon  côté,  pour  ce  qui  concerne  l'obligation  de  la  charge  dont 
je  suis  honoré,  en  prenant  les  intérêts  de  Dieu,  des  femmes  veuves  et  pauvres 
orphelins,  qu'en  empêchant  les  désordres  et  friponneries  qui  se  pourraient  com- 
mettre, si  aucunes  se  faisaient,  qu'en  faisant  exécuter  les  ordonnances  pour  le 
fait  de  la  police,  et  généralement  toutes  les  autres  auxquelles  je  serai  obligé, 
enfin,  en  donnant  mes  conclusions  sur  quelque  affaire  que  ce  pourra  être,  requérir 
justement  sur  le  fait  de  la  chose.  Ce  sera  par  ce  moyen  que  l'on  verra  en 
toute  l'étendue  de  cette  juridiction  régner  une  police  digne  d'attirer  sur  elle  les 
bénédictions  du  Ciel,  ensemble  pour  vous  et  pour  moi.  Messieurs,  la  protection 
de  Monsieur  Deschambault,  de  qui,  je  l'espère  autant  qu'il  pourra. 


—  232  — 

En  voicy  assez  dit  pour  vous  faire  connaître  les  devoirs  que  vous  lui 
devez  en  la  dite  qualité  de  bailly,  comme  je  n'empêche  qu'il  ne  soit  reçu  et 
installé  en  ladite  charge,  suivant  sesdits  pouvoirs,  pour  quoi,  je  requiers,  qu'elles 
soient  lues  et  registrées  en  ce  greffe,  afin  que  tous  les  justiciables  de  cette  juridic- 
tion aient  à  lui  obéir  en  ladite  qualité  de  bailli. 

J.  B.  POTTIER 

(Registre  des  audiences,  29  novembre  1  690.^ 

Vient,  ensuite,  au  même  registre,  la  transcription:  (a)  des  lettres  de 
provision,  autrement  dit  de  la  nomination  de  M.  Deschambault  par  l'abbé  DoUier 
de  Casson;  (b)  de  l'ordonnance  de  l'intendant  Bochart  de  Champigny  ratifiant 
la  nomination  ci-dessus;  (c)  de  l'arrêt  du  Conseil  souverain  acceptant  ladite 
nomination  et  autorisant  le  titulaire  à  exercer  ses  fonctions. 

Nous  sommes  en  1  693  et  la  scène  change. 

La  justice  seigneuriale  a  cessé  d'exister;  on  la  transforme  en  une  "jurisdic- 
tioh  royale"  et  c'est  le  gendre  de  feu  M.  de  Branssat  qui  a  décriché  le  gros 
morceau. 

Charles  Juchereau  de  Saint-Denis  ne  voulut  pas  commettre  sa  réputation 
d'orateur  lorsqu'il  monta  sur  le  banc  pour  remplacer  M.  Deschambault  que 
l'on  forçait  de  descendre  un  degré  et  d'accepter  la  charge  de  procureur  du  roi. 

Le  nouveau  juge  s'en  tira  de  la  façon  suivante  : 

L'an  mil  six  cent  quatre-vingt-treize  et  le  mardy  dix-septiesme  jour  de 
novembre.  Nous  Charles  Juchereau,  escuyer.  Juge  royal,  civil  et  criminel  au 
siège  royal  de  Montréal,  nommé  par  arrest  de  Nos  Seigneurs  du  Conseil  souve- 
rain, du  cinquiesme  du  mois  d'octobre  dernier.  Désirant  procéder  à  la  prise  de 
possession  de  lad.  Juridiction,  après  en  avoir  conféré  avec  monsieur  de  Callières, 
gouverneur  de  cette  île  et  autres  lieux,  et  avec  monsieur  Dollier,  supérieur 
des  ecclésiastiques  de  du  Séminaire  de  cette  ville  et  procureur  de  Messire  Louis 
Tronson,  supérieur  du  Séminaire  de  Saint-Sulpice,  seigneurs  et  propriétaires 
de  lad.  île,  NOUS  aurions  fait  avertir  Me  Jacques-Alexis  de  Fleury,  écuyer, 
sieur  d'Eschambault,  commis  par  arrest  de  Nos  Seigneurs  du  Conseil  souverain, 
du  dix-neuviesme  octobre  dernier,  en  conséquence  des  provisions  qu'il  a  obtenues 
de  Sa  Majesté,  de  procureur  du  Roi,  en  attendant  un  temps  propre  pour  procé- 
der à  l'entérinement  des  Lettres  desd.  provisions  à  luy  accordées  par  Sa  Majesté 

ET  Me  Antoine  Adhémar  Saint-Martin  pourveu  du  greffe  d'icelle,  Accom- 
pagné desquels  nous  nous  sommes  transportés  au  lieu  qui  a  servi  jusques  à 
présent  pour  les  audiences,  où  ayant  pris  séance,  NOUS  AVONS  ordonné 
et  ordonnons  que  l'édit  de  Sa  Majesté  portant  l'érection  de  lad.  Justice  royale 


—  233  — 

en  cette  île,  et  l'arrest  de  Nos  Seigneurs  du  Conseil  souverain  du  5e  octobre 
dernier  et  portant  vérification  d'icelui,  ensemble  l'arrest  dud  5e  dud.  mois 
portant  notre  commission  et  delui  de  notre  prestation  de  serment  du  12e  ensui- 
vant, seront  registres  au  premières  feuilles  du  registre  qui  doit  nous  servir  pour 
lad,  juridiction  royale  de  Montréal,  auquel  enregistrement  a  esté  procédé  en 
notre  présence  et  de  celle  dud.  sieur  Deschambault  procureur  du  roi,  par  ledit 
Adhémar  pourveu  de  ladite  commission  de  greffier  ainsi  qu'il  ensuit .  .  . 
(Registre  des  audiences  de  la  justice  ro})ale,  1  7  novembre  1 693.^ 

La  prise  de  possession  du  tribunal  par  le  juge  royal  mit  fin  à  la  coutume 
établie  en  1  677. 

Plus  jamais,  dans  la  suite,  les  gens  de  la  haute  robe  montréalaise  ne 
daignèrent  nous  laisser  le  témoignage  écrit  de  leur  art  de  parler. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


QUESTIONS 


.^i 


Connait-on  le  nom  du  Père  Récollet  qui  accompagna  Louis  Jolliet  dans 
son  voyage  d'exploration  à  la  côte  du  Labrador? 

XXX 
Je  vois  que  le  secrétaire  de  notre  second  intendant  Robert  était  un  M.  de 
Mousseau.      On  sait  que  M.    Robert  mourut  en   mer  en  venant  prendre  son 
poste.      M.  de  Mousseau  retourna-t-il  en  France  tout  de  suite  ou  s'il  s'est  établi 
ici? 

R.  O. 

Le  13  août  1  776,  le  gouverneur  Carleton  établissait  deux  cours  de  juridic- 
tiion  civile,  l'une  à  Québec  et  l'autre  à  Montréal,  pour  recevoir  un  état  général 
des  comptes  de  ceux  qui  avaient  souffert  des  dommages  dans  leurs  biens  par 
l'invasion  des  Américains,  l'année  précédente.  Les  procédures  de  ces  cours 
ont-elles  été  conservées?  Où  peut-on  les  consulter? 

T.  D. 

Dans  la  "liste  des  serviteurs  et  servantes  de  Dieu  que  je  croy  estre  dans 
le  ciel  et  qui  ont  été  zélés  pour  l'église  du  Canada",  dressée  par  la  Mère  Juche- 
reau  de  Saint-Ignace,  plusieurs  noms  sont  peu  connus.  Ainsi  qu'étaient  MM. 
Guirotte,  Certein,  Dechambost,  Casset,  Monin,  Madame  Eliot,  etc,  etc? 

A.  B.    • 


—  234  — 

SAINT  JOSEPH 


Premier  Patron  du  Canada 


La  dévotion  à  saint  Joseph  a  grandi  en  même  temps  que  l'Eglise  ca- 
tholique s'implantait  dans  la  Nouvelle-France.  Elle  y  fut  apportée  par 
les  missionnaires  et  les  religieuses  qui  la  répandirent  parmi  les  sauvages 
et  surtout  parmi  les  colons  français  à  qui,  du  reste,  elle  n'était  pas  étran- 
gère. 

Monsieur  l'abbé  Ferland,  s'appuyant  sur  l'ouvrage  du  Frère  Le 
Clercq,  intitulé  :  "L'établissement  de  la  foi  dans  le  Nouveau-Monde", 
raconte  comme  suit  les  premières  manifestations  publiques  de  la  dévotion 
envers  saint  Joseph. 

"L'année  1624  fut  marquée,  à  Québec,  par  une  solennité  religieuse 
à  laquelle  assistèrent  tous  les  Français  et  plusieurs  Sauvages.  Elle  fut 
célébrée  en  exécution  d'un  voeu  fait  à  l'honneur  de  saint  Joseph  qui,  dans 
cette  occasion,  fut  choisi  comme  Patron  de  la  Nouvelle-France.  Depuis 
ce  temps,  la  dévotion  à  saint  Joseph  s'est  toujours  conservée  vive  et  effica- 
ce parmi  les  Canadiens,  ainsi  que  l'attestent  les  nombreuses  églises  pla- 
cées sous  sa  protection 'et  les  confréries  établies  en  son  honneur.  (1) 

Nos  ancêtres  devançaient  donc  le  grand  mouvement  religieux  qui 
allait  incliner  la  France  du  XVIIe  siècle  et  à  sa  suite  tous  les  peuples 
chrétiens  vers  saint  Joseph  ;  et,  lorsque  le  12  mars  1661,  Louis  XIV 
mettra  sa  personne  et  son  royaume  sous  le  patronage  de  saint  Joseph,  il 
y  aura  37  ans  que  la  Nouvelle-France  se  sera  mise  d'elle-même  sous  sa 
puissante  protection. 

L'abbé  Faillon,'  commentant  le  choix  de  saint  Joseph,  comme  patron 
de  la  nouvelle-France,  dit  ce  qui  suit  :  "Eji  prenant  possession  de  ce  pays, 
les  nouveaux  associés  s'étaient  réjouis,  dans  la  pensée  qu'il  pourraient  le 
consacrer  tout  entier  à  Dieu  ;  et  sachant  que  les  Récollets  le  lui  avaient 
déjà  dédié,  sous  le  patronage  de  saint  Joseph,  ils  envoyèrent  une  image  en 
relief  de  ce  saint  patron,  qui  fut  placée  sur  l'autel  de  Notre-Dame-de-Re- 
couvrance.  Mais,  comme  l'adoption  de  saint  Joseph  comme  premier 
patron  du  Canada  n'avait  ])u  être  faite  avec  toutes  les  conditions  voulues, 
alors,  que  les  Calvinistes  dominaient  le  pays,  on  résolut  de  la  renouveler 


(1)   Ferland.     Histoire  du  Canada.     Vol.  I,  page  212. 


—  235  — 

avec  les  solennités  exigées  par  le  droit  ecclésiastique.  Il  fut  donc  arrêté 
que  les  magistrats  et  le  peuple,  de  concert  avec  les  ecclésiastiques,  qui 
étaient  alors  les  Jésuites,  la  ratifieraient  de  la  manière  la  plus  solennelle, 
afin  qu'il  n'y  manquât  rien  de  tout  ce  qu'on  pourrait  désirer".  Le  Sou- 
verain Pontife  sanctionna  ce  choix,  en  accordaiit  l'indulgence  plénière  le 
jour  de  la  fête  de  ce  saint  Patron. 

"La  fête  du  glorieux  saint  Joseph,  père,  patron  et  protecteur  de  la 
Nouvelle-France,  est  une  des  grandes  solennités  de  ce  pays  ;  la  veille  de  ce 
jour,  qui  nous  est  si  cher,  on  arbora  le  drapeau  et  on  fit  jouer  le  canon. 
Monsieur  le  Gouverneur  fit  faire  des  feux  de  réjouissance,  aussi  pleins 
d'artifices. que  j'en  ai  guère  vus  en  France.  D'un  côté,  on  avait  dressé 
un  pan,  sur  Iquel  paraissait  le  nom  de  saint  Joseph  en  lumières  ;  au-dessus 
de  ce  nom  sacré  brillaient  quantité  de  chandelles  à  feu,  d'où  partirent 
dix-huit  ou  vingt  petits  serpenteaux  qui  firent  merveille.  Le  jour  de  la 
fête,  notre  église  fut  remplie  de  monde  et  de  dévotion,  quasi  comme  en  un 
jour  de  Pâques,  chacun  bénissant  Dieu  de  nous  avoir  donné  pour  protec- 
teur l'Ange-Gardien,  pour  ainsi  dire,  de  Jésus-Christ,  son  fils.  C'est,  à 
mon  avis,  par  sa  faveur  et  ses  mérites  que  les  habitants  de  la  Nouvelle- 
France  demeurant  sur  les  rives  du  grand  fleuve  Saint-Laurent  ont  résolu 
de  recevoir  toutes  les  bonnes  coutumes  de  l'Ancienne  et  de  refuser  l'entrée 
aux  mauvaises." 

Les  "Relations  des  Jésuites"  nous  racontent  aussi  comment,  pen- 
dant plusieurs  années,  on  commémora,  par  des  exercices  religieux  et  des 
feux  d'artifices,  la  solennité  de  saint  Joseph,  dont  l'éclat  arrachait  aux 
Sauvages  ce  cri  d'admiration  :  "Saint  Joseph  doit  être  chez  les  Français, 
un  grand  personnage,  puisque,  pour  lui,  ils  changent  la  nuit  en  jour". 

A  l'origine  du  pays,  la  fête  de  saint  Joseph  eut  donc  le  double  carac- 
tère d'une  fête  patronale  et  nationale.  Ce  n'est  que  quelques  années  plus 
tard,  que  saint  Jean-Baptiste  fut  choisi  come  patron  des  Canadiens-fran- 
çais, et  la  fête  de  saint  Joseph  garda  seulement  son  caractère  populaire 
et  religieux. 

On  le  voit,  au  berceau  même  du  peuple  canadien-français,  la  Provi- 
dence éclate  autour  de  lui,  en  lui  donnant  des  protecteurs  comme  saint 
Joseph  et  saint  Jean-Baptiste.  Et,  pour  confirmer  le  choix  du  saint 
Patriarche  Joseph  comme  Protecteur  et  Patron  de  la  Nouvelle-France, 
signalons  les  visions  que  la  Mère  Marie  de  l'Incarnation  eut,  quelque  temps 
avant  son  départ  i)our  le  Canada. 


—  236  — 

Le  récit  tout  entier  de  cette  manifestation  divine  se  lit  dans  les  "Ee- 
latious  des  Jésuites",  et  dans  r"Histoire  des  Ursulines  de  Québec."  (2) 

"Vers  la  fin  de  l'année  1633,  la  vénérable  Religieuse  eut  une  vision  ; 
elle  vit  une  Dame  qui  la  conduisait  bien  loin  dans  un  pays  inconnu  et 
sauvage.  En  y  arrivant,  elle  vit  à  l'entrée,  un  homme  vêtu  de  blanc,  de 
la  forme  que  l'on  dépeint  ordinairement  les  Apôtres,  qui,  la  regardant,  bé- 
nignement,  sa  compagne,  et  elle,  leur  fit  signe  de  la  main,  quoiqu'il  ne 
parlât.  Son  signe  leur  servit  d'adresse  pour  aller  à  une  petite  église 
située  sur  la  côte.  Là,  la  future  fondatrice  des  Ursulines  de  Québec,  vit 
la  sainte  Vierge,  et  son  divin  Enfant-Jésus.  Celui-ci  lui  dit  :  "C'est  le 
Canada  que  je  t'ai  montré  ;  il  faut  que  tu  y  ailles  faire  une  moisson  à  Jésus 
et  à  Marie". 

Depuis  lors,  la  sainte  lleligieuse  n'eut  plus  de  doute  que  c'était  saint 
Joseph  gardien  de  ce  nouveau  pays  qui  l'avait  conduite  dans  cette  chapelle. 
Elle  demanda  à  Dieu  avec  instances  de  ne  point  séparer  le  grand  saint 
Joseph  d'avec  Jésus  et  Marie.  Et  l'établissement  du  monastère  des 
l'rsulines  fit  bien  voir,  plus  tard,  que  le  Saint-Esprit  était  bien  l'inspira- 
teur,des  ardentes  supplications  de  l'humble  religieuse  et  que  saint  Joseph 
devait  avoir  une  grande  part  dans  cette  fondation.  Aussi,  les  Ursulines 
]ie  manquèrent  pas  de  dédier  leur  inonastère  au  saint  protecteur  du  Cana- 
da quand  elle  fondèrent  leur  couvent  de  Québec. 

Un  autre  trait  qui  montre  d'une  manière  visible,  la  protection  de 
saint  Joseph  sur  l'établissement  de  la  Nouvelle-France  est  le  suivant  ;  il 
se  rapporte  aussi  à  la  fondation  du  Couvent  des  Ursulines  de  Québec  dont 
Madame  de  la  Peltrie  fut  la  fondatrice,  en  1639,  avec  la  vénérable  Marie 
de  l'Incarnation,  qui  en  fut  la  première  supérieure.  Xous  empruntons  le 
récit  suivant  à  l'Ami  du  Clergé.  (3) 

"Madame  de  la  Peltrie,  dame  française,  d'une  vertu  éminente,  at- 
teinte d'une  maladie  grave,  était  abandonnée  de  ses  médecins  qui  désespé- 
raient de  son  état  et  elle  n'attendait  plus  que  la  mort,  lorsqu'ayant  eu  re- 
cours à  la  protection  de  saint  Josph,  elle  lui  promit  si,  par  sa  toute-puis- 
sante médiation,  elle  recouvrait  la  santé,  de  fonder  à  ses  frais,  au  Canada, 
une  maison  d'éducation  chrétienne.  A  peine  eut-elle  fait  ce  voeu,  qu'elle 
revint  en  parfaite  santé.  Le  médecin  l'ayant  trouvée  en  cet  état,  tout 
étonné,  lui  dit  :  "Que  sont  devenues  ces  douleurs  si  aiguës  ?"  Monsieur, 
lui  répondit-elle,  elles  sont  parties  pour  le  Canada". 


(2)  Histoire  des   Ursulines  de   Québec.     Vol.   I,   page 

(3)  L'Ami  du  Clergé  paroissial,  1912,  page  670. 


—  237  — 

La  toute-puissance  de  saint  Joseph  se  manifesta  d'une  manière  encore 
bien  visible  quand  les  premières  religieuses  françaises  passèrent  au  Canada. 
En  effet,  en  l'année  1639,  les  Hospitalières  de  Québec,  s'embarquèrent  à  la 
Eochelle.  Elles  étaient  accompagnées  des  })remières  Ursulines  de  Qué- 
bec et  de  Madame  de  la  Peltrie.  Ces  courageuses  femmes  s'en  venaient 
le  coeur  Joyeux,  vers  le  Canada,  pour  s'y  dépenser  généreusement  pour  la 
plus  grande  gloire  de  Dieu. 

Au  moment  de  toucher  au  terme  de  leur  voyage,  probablement  sur 
les  côtes  de  Terreneuve,  les  religieuses  faillirent  périr  ;  elles  durent  la  vie 
à  l'intervention  de  saint  Joseph.  Voici  comment  l'annaliste  de  l'Hôtel- 
Dieu  raconte  le  fait  : 

"La  fête  de  la  Sainte-Trinité  fut  remarquable  par  un  accident  qui 
manqua  nous  arriver  ;  nous  avions  un  très  bon  vent  arrière  et  nous  nous 
réjouissions  dans  l'espérance  qu'un  si  beau  temps  abrégerait  la  longueur 
de  notre  traversée,  lorsque,  tout  à  coup,  après  la  messe,  il  s'éleva  un  grand 
bruit  et  l'on  cria  que  l'on  était  perdu  ;  l'effroi  avait  déjà  saisi  tous  les  pas- 
sagers ;  les  uns  criaient  miséricorde,  les  autres  couraient  chercher  l'abso- 
lution, et  le  Père  était  assez  occupé  à  exhorter  tout  le  monde  à  la  confiance 
en  Dieu  ;  le  danger  paraissait  évident  ;  c'était  une  glace  d'une  grosseur 
énorme  et  d'une  prodigieuse  hauteur  contre  laquelle  notre  navire  allait  se 
briser,  si  la  divine  Providence  ne  nous  eut  secourus  miraculeusement  ;  cha- 
cun se  portait  à  prier  selon  sa  dévotion  ;  la  nôtre  nous  fit  avoir  recours  au 
grand  saint  Joseph  à  qui  nous  fîmes  un  voeu  ;  aussitôt,  quoique  toutes  les 
voiles  fussent  tendues  et  gonflées  par  le  vent,  et  que  le  pilote  commandait 
une  manoeuvre  contraire  à  celle  qu'il  fallait  faire,  le  vaisseau  fit  un  détour 
si  subtil,  que  la  glace  qui  était  fort  proche  devant  nous  se  trouva  derrière, 
ce  qui  changea  la  crainte  en  actions  de  grâces  et  nous  échappâmes  ainsi 
au  péril."  (4) 

Sur  ce  même  navire  se  trouvaient  les  Pères  Chaumonot,  Vimont  et 
Poncet,  jésuites,  qui  avaient  obtenu  la  permission  d'aller  consacrer  leur 
vie  à  la  conversion  des  Sauvages.  Voici  comment  le  Père  Martin,  qui  a 
annoté  l'autobiographie  du  Père  Chaumonot,  raconte  le  même  trait  qui  est 
tout  à  l'honneur  de  saint  Joseph  : 

"La  traversée  fut  longue  et  périlleuse  ;  elle  dura  trois  mois.  En  ar- 
rivant près  de  l'Amérique,  la  mer  était  couverte  de  brouillards  épais,  le 
vaisseau-amiral  courut  un  grand  danger.      Il  allait  se  jeter  sur  un  énorme 


(4)  Histoire  de  l'Hôtel-Dieu.     Edition  de  1671,  page  10. 


—  238  — 

glaçon  ;  le  pilote  l'aperçut  et  s'écria,  effrayé  :  "Miséricorde,  nous  sommes 
perdus  !  "  Le  Père  Vimont  fit,  en  même  temps,  un  voeu  à  saint  Joseph 
et  à  la  sainte  Vierge  pour  éloigner  le  péril.  Au  même  instant,  le  vent 
changea  tout  à  cou))  et  le  vaisseau  fut  sauvé." 

Dans  son  intéressante  l)rochure  sur  saint  Joseph,  le  R.  P.  Lecompte, 
S.J.,  cite  le  fait  suivant  : 

"Le  16  mars  1649,  le  bourg  de  Saint-Ignace  et  le  bourg  Saint-Louis 
tombaient  successivement  aux  mains  des  Iroquois.  Ce  jours-là  même 
le  P.  de  Brébeuf  rendait  sa  grande  âme  à  Dieu  dans  d'indicibles  tourments. 
Le  lendemain,  le  P.  Lalemant  expirait  à  son  tour,  après  de  plus  longues 
souffrances.  Restait  le  Fort  Sainte-Marie,  dernier  rempart  des  Français 
et  des  Hurons.  11  allait  subir,  le  18  mars,  l'assaut  des  Iroquois  victo- 
rieux. 

"Nous  redoublons  de  dévotion,  écrit  le  P.  Ragueneau,  notre  secours, 
ne  ])ouvant  venir  du  Ciel.  Nous  voyant  à  la  veille  de  la  fête  du  glorieux 
saint  Joseph,  Patron  de  ce  pays,  nous  nous  sentîmes  obligés  d'avoir  recours 
à  un  protecteur  si  puissant.  Nous  fîmes  voeu  de  dire  tous  les  mois,  cha- 
cun une  Messe  en  son  honneur,  l'espace  d'un  an  entier,  pour  ceux  qui 
étaient  Prêtres  ;  et  tous  tant  qu'il  y  avait  de  monde  ici,  y  joignirent  des 
voeux  et  diverses  pénitences. 

"Tout  le  jour  se  passa  dans  un  profond  silence  de  part  et  d'autre,  le 
pays  étant  dans  l'effroi  et  dans  l'attente  de  quelques  nouveau  malheur. 

"Le  dix-neuvième  jour  du  mois  de  mars,  étant  la  fête  du  grand  saint 
Joseph,  une  épouvante  subite  se  répandit  dans  le  camp  ennemi,  les  uns  se 
retirant  avec  désordre,  les  autres  ne  songeant  qu'à  la  fuite.  Leurs  Capi- 
taines furent  contraints  d'obéir  à  la  terreur  qui  les  avait  saisis  ;  ils  préci- 
pitent leur  retraite  ;  et  le  pays  est  sauvé  !  (5) 

Et  que  d'autres  traits  nous  pourrions  rapporter  qui  témoignent  hau- 
tement de  la  dévotion  des  premiers  colons  français  et  de  l'amour  de  saint 
Joseph  pour  le  Canada  :  La  fondation  des  religieuses  hospitalières  de 
Saint-Joseph  (Hôtel-Dieu  de  Montréal),  par  Mademoiselle  Jeanne  Mance, 
en  1642,  a  été  l'objet  de  faveurs  célestes  dues  à  ce  saint  patriarche.  Aussi, 
cette  bienfaisante  institution  fut  mise  sous  son  puissant  patronage. 

Rappelons  que  ce  fut  le  19  mars  1660,  jour  de  la  fête  de  saint  Joseph, 
que  M.  Henri  de  Bernières,  premier  prêtre  ordonné  en  Canada  par  Mgr 
de  Laval,  dit  sa  première  messe  dans  l'église  de  Saint-Joseph  des  Ursuli- 
nes  de  Québec. 


(5)   Saint -Josejjh,  Premier  Patron  du  Canada,  par  le  R.  P.  Lecompte,  page  10, 


—  239  — 

Eu  1663,  Monseigneur  Je  Laval  fonda  le  Séminaire  de  Québec  et  il 
se  hâta  de  le  dédier  à  la  Sainte-Famille.  Plus  tard  par  lettres  patentes 
du  14  mars,  1664,  Monseigneur  de  Laval  établit  à  Québec  la  confrérie  de 
la  Sainte-Famille,  que  le.  Pape  Alexandre  VII  érigea  cononiquement  en 
1665.  Cette  pieuse  association  fondée  par  le  Père  Chaumonot,  S.  J.,  aidé 
de  madame  d'Ailleboust,  s'est  répandue  dans  toutes  les  paroisses  ;  elle 
compte  aujourd'hui  des  milliers  de  membres. 

Pour  signaler  d'un  manière  plus  éclatante  encore  la  puissance  de 
saint  Joseph,  notons  encore  le  trait  suivant  qui  montre  combien  était 
grande  la  dévotion  des  premiers  missionnaires  du  Canada  envers  le  saint 
Protecteur  du  pays. 

Quand  le  Père  Chaumonot,  Jésuite,  fit  bâtir  la  première  chapelle  des 
sauvages  à  l'Ancienne-Lorette,  en  1673,  par  reconnaissance  à  la  T.  S.  Vier- 
ge, il  s'adressa  aux  prsonnes  qu'il  savaient  dévotes  à  cette  sainte  Mère.  Il 
écrivît  une  lettre  à  la  Mère  de  la  Nativité,  alors  supérieure  de  l'Hôtel-Dieu 
de  Québec,  dans  laquelle  il  lui  demandait  une  aumône  pour  sa  chapelle  de 
Lorette.  Dans  cette  lettre,  inédite,  et  qu'on  peut  voir  aux  Archives  de 
l'Hôtel-Dieu,  le  zélé  missionnaire  supphe  cette  religieuse  de  faire  une 
neuvaine  en  Phouneur  de  saint  Joseph,  pour  qii'il  réussise  à  trouver  les 
fonds  nécessaires  à  sa  pieuse  construction.  Xous  trouvons  la  réponse  à 
cette  demande  dans  l'histoire  de  cette  communauté,  édition  de  1671,  volu- 
me très  rare  aujourd'hui.      L'annaliste  rapporte  le  fait  comme  suit  : 

"La  Mère  de  la  Nativité  promit  au  Père  Chaumonot  25  écus  qu'elle 
avait  dans  une  cassette,  c'était  là  tout  son  argent  ;  et  comme  il  était  alors 
fort  rare,  chacun  savait  bien  son  compte  ;  elle  alla  donc  le  lendemain  ouvrir 
sa  cassette  pour  envoyer  son  offrande,  mais  au  lieu  de  25  écus,  elle  en 
trouva  50  ;  sa  surprise  fut  agréable,  et  elle  ne  douta  point  que  cette  aug- 
mentation ne  fut  miraculeuse  ;  aussi,  elle  écrivit  au  Père  Chaumonot 
qu'elle  ne  lui  avait  promis  que  25  écus,  parce  que  certainement,  elle  n'en 
avait  pas  davantage,  mais  puisque  la  sainte  Vierge  et  son  saint  Epoux  les 
avaient  multipliés  au  double,  elle  en  profiterait,  et' qu'elle  lui  envoyait  la 
somme  entière  qu'elle  avait  trouvée."  (6) 

La  dévotion  du  Père  Chaumonot  envers  saint  Joseph  était  grande  et  il 
obtenait  de  ce  saînî  Protecteur  toutes  les  grâces  qu'il  lui  demandait.  Le 
R.  P.  Martin,  S.  J.,  qui  a  écrit  la  vie  de  ce  missionnaire,  rapporte  le  trait 
suivant   :       "L'on  n'a  pas  regardé  comme  une  moindre  merveille  ce  qui 

(6)  Histoire  de  l'Hôtel-Dieu  de  Québec,  édition  de  1671,  page  2à6. 


—  240  — 

suit  :  Au  commencement  de  l'année  1676,  le  Père  Chaumonot,  ayant  avec 
lui  deux  de  nos  Pères,  qu'il  jugeait  capables  de  faire  sa  mission,  se  laissa 
aller  au  désir  que  son  amour  pour  Dieu  lui  inspirait  depuis  longtemps,  de 
quitter  la  terre  pour  le  ciel.  Emporté  des  mouvements  de  cette  ardeur, 
il  commença  le  9ème  jour  de  janvier  une  neuvaine  en  l'honneur  de  saint 
Joseph,  pour  obtenir,  par  sa  médiation,  une  prompte  et  bonne  mort.  Mais 
un  des  deux  Pères  lui  ayant  entendu  parler  de  cette  dévotion,  en  donne 
avis  à  son  supérieur  commun  qui  était  le  recteur  du  Collège  de  Québec, 
afin  qu'il  vît  lui-même  s'il  fallait  laisser  partir  de  ce  monde  le  Père  Chau- 
monot. Ce  sage  supérieur,  écrivit  aussitôt  à  celui-ci  qu'au  lieu  de  la  neu- 
vaine commencée  pour  avancer  sa  mort,  il  en  fît  une  autre  au  même  saint 
Joseph  pour  demander  au  moins  dix  ans  de  plus  !  Le  Père  obéit  à  cet 
ordre  et  jamais  il  ne  se  porta  mieux  que  durant  ces  dix  années,  quoique  sa 
santé  depuis  trois  ou  quatre  ans  fût  beaucoup  altérée  par  de  grandes  mala- 
dies. Comme  nous  étions  persuadés  que  saint  Joseph  l'aurait  exaucé 
nous  ne  craignions  rien  pour  lui  durant  tout  ce  temps  là,  et  lorsqu'à  Qué- 
bec l'on  eut  appris  sa  chute,  du  haut  du  grenier  en  bas,  l'on  dit  aussitôt  : 
"Il  ne  se  sera  par  fait  grand  mal,  saint  Joseph  le  doit  encore  conserver 
quelques  années  !  (7)" 

Le  récit  de  cette  chute  se  trouve  à  la  page  précédente  du  même  volu- 
me ;  le  voici  :  "Etant  monté,  dans  le  grenier  pour  en  apporter  lui-même 
du  blé-d'Inde  qu'un  sauvage  lui  demandait,  par  aumône,  il  tomba  du  haut 
en  bas  dans  le  degré  avec  sa  charge  sans  se  faire  mal,  quoiqu'il  eut  tombé 
la  tête  la  première  et  que  ses  pieds  se  fussent  engagés  entre  les  échelons 
faits  de  bouts  de  planches.  Tous  ceux  qui  le  virent  ainsi  renversé,  jugè- 
rent que  c'était  un  miracle  qu'il  ne  se  fût  rompu  les  jambes  ou  cassé  la 
tête." 

La  dévotion  des  Canadiens  envers  saint  Joseph,  nous  venons  de  le 
voir,  remonte  à  l'origine  même  de  Québec  et  de  Ville-Marie.  C'est  là, 
au  coeur.de  la  i:ace,  qu'elle  a  été  entretenue  comme  un  feu  sacré  par  les 
fils  de  Saint-François,  de  Saint-Ignace,  et  de  M.  Olivier;  par  les  Ursulines, 
les  Hospitalières,  les  filles  de  Marguerite-Bourgeois  ;  par  les  Laval,  les 
Saint- Vallier,  et  leurs  successeurs,  etc. 

En  1693,  Mgr  de  St- Vallier  établit  une  confrérie  en  l'honneur     de 


(7)   Vie  du  Père  Chaumonot,  par  le  Père  Carayon,  S.J.,  annotée  par  le  R.  P. 
Martin,  de  la  même  Compagnie,  pages  97  et  98. 


—  241  — 

saint  Joseph  et  il  exliorta  les  prêtres  à  inspirer  et  à  augmenter  autant  qu'il 
sera  en  eux  l'amour  et  la  dévotion  envers  ce  grand  Saint. 

Le  19  mars  1664,  saint  Joseph  fût  établi  "Préfet  perpétuel" ,  de  la 
Congrégation  de  Notre-Dame  de  Québec.  Celle-ci  avait  été  fondée  le  14 
février  de  la  même  année  par  le  Père  Poucet,  Jésuite,  alors  curé  d'offi- 
ce (8),  C'est  pour  cette  raison  que,  chaque  année,  le  jour  de  sa  fête,  on 
renouvelle  ce  souvenir  par  une  consécration  solennelle  en  son  honneur  (9). 

La  Congrégation  de  la  Sainte- Vierge  à  Ville-Marie  (Montréal)  ra- 
tifia cet  heureux  choix  au  mois  de  mars  1694. 

La  dévotion  à  saint  Joseph  est  très  répandue  dans  toutes  les  provin- 
ces ecclésiastiques  du  Canada  et  il  n'y  a  pas  une  seule  église  qui  n'ait  son 
autel  dédié  à  saint  Joseph.  Un  grand  nombre  de  communauté  religieu- 
ses, de  collèges,  de  couvents  et  d'écoles  ont  été  mis  sous  le  patronage  de 
ce  grand  Saint.  Une  centaine  de  paroisses  sont  sous  le  patronage  de  ce 
puissant  protecteur.  Dans  la  province  de  Québec,  seulement,  nous  rele- 
vons les  noms  de  trente-deux  paroisses  dédiées  au  Patron  de  l'Eglise  ca- 
tholique. 

Avant  de  terminer  ce  modeste  travail  sur  la  dévotion  à  S.  Joseph,  au 
Canada,  nous  aimons  à  signaler  un  oratoire  dédié  à  S.  Joseph  et  que  la 
piété  des  fidèles  a  élevé  en  ces  dernières  années  au  pied  de  la  montagne  de 
Montréal,  dans  la  paroisse  de  N.  D.  des  Neiges,  grâce  au  zèle  des  EE.  PP. 
de  Ste-Croix.  Des  milliers  de  pèlerins  ont  déjà  visité  cette  chapelle  qui 
sera  bientôt  remplacée  par  un  vaste  temple  digne  du  patron  de  l'Eglise 
universelle  et  du  Canada  ;  ce  sera  un  lieu  de  pèlerinage  où  Fhumble  époux 
de  la  Vierge  Marie  fera  éclater  sa  toute-puissance  auprès  de  Jésus  et  de 
Marie. 

D'une  manière  moins  éclatante,  mais  non  moins  consolante,  la  bonté 
de  saint  Joseph  s'est  manifesté  en  ces  dernières  années  à  la  chapelle  de 
Saint-Joseph,  sur  le  Chemin  Ste-Foy,  à  Québec.  Cette  chapelle  qui  est 
celle  du  Noviciat  des  Soeurs  de  Saint-Joseph  a  déjà  reçu  un  grand  nombre 
dé  pèlerinages  des  différentes  parties  de  la  ville  et  d'ailleurs.  Les  pèle- 
rins s'y  rendent  chaque  année  de  plus  en  plus  nombreux.  Elle  est  main- 
tenant, pour  le  Canada,  le  centre  de  propagande  de  la  Pieuse  Union  de 
saint  Joseph,  patron  de  la  Bonne  Mort,  recommandée  par  Benoît  XV, 
dans  sa  lettre,  du  35  juillet  1930. 


(8)  Voir  :  "Journal  des  .Jésuites",  à  la  date  du  14  février  1664. 

(9)  "Souvenir  du  200ème  anniversaire  de  la  fondation  de  la  congrégation  de 
Notre-Dame-de-Québec",  page  21. 


—  242  — 

titre  "le  Culte  Perpétuel  de  saint  Joseph"  ;  son  siège  est  à  Otterburne. 
Joseph  :  c'est  celle  du  Patronage  Laval,  inaugurée  solennellement  en 
1910,  dans  la  paroisse  de  Saint-Sauveur.  Une  troisième  chapelle  sera 
bientôt  construite  sur  la  rue  Fleurie,  par  les  Soeurs  du  T.  S.  Sacrement  de 
Chicoutimi  ;  cette  chapelle  portera  le  nom  de  "Cénacle  de  Saint- Joseph". 
Ce  nouveau  temple,  destiné  à  l'adoration  quotidienne  du  T.  S.  Sacrement 
aura  pour  patron  saint  Joseph,  premier  adorateur  du  Verbe  divin  avec  la 
sainte  Vierge  Marie. 

Signalons  encore  aux  amis  de  saint  Joseph  une  pieuse  association  qui 
a  été  fondée  au  Manitoba,  en  l'honneur  du  saint  Patriarche  ;  elle  a  pour 
titre  "le  Culte  Perpétuel  de  saint  Joseph"  et  son  siège  est  à  Otterburne. 
Cette  association,  fondée,  il  y  a  deux  ans  avec  l'approbation  de  Mgr  l'Ar- 
chevêque de  Saint-Bonîface  compte  déjà  plusieurs  milliers  de  membres, 
et  elle  témoigne  hautement  de  la  dévotion  populaire  envers  le  premier  Pa- 
tron du  Canada. 

Nous  pouvons  donc  conclure  de  ces  faits  officiels  auxquels  nous  pour- 
rions ajouter  tant  d'actes  de  piété  individuelle,  que  le  culte  de  saint  Joseph 
fut  de  tout  temps,  selon  l'exi)ression  de  l'abbé  Paillon,  "une  dévotion  pro- 
•pre  des  Canadiens." 

Il  est  certain  aussi  que  la  pensée  de  Dieu,  en  ces  années  de  défaillance 
morale  et  religieuse,  est  de  répandre  à  flots  ses  grâces  dans  tous  les  coeurs 
par  la  médiation  du  saint  Patriarche,  et  que  si  saint  Joseph  est  prêt  à 
assister  temporellement  ceux  qui  le  prient,  il  Iveut  surtout  le  renouveau  des 
âmes  par  l'imitation  des  vertus  qui  lui  étaient  si  chères  :  l'humilité,  la 
douceur,  la  pureté,  la  justice  et  la  charité,  mais  surtout  l'obéissance  au 
souverain  Maître  et  à  ses  représentants  sur  la  terre. 

HORMISDAS  MAGNAN 


QUESTION 

Le  Paris-Canada  du  3  octobre  1891  parlait  d'un  roman  de  M.  Lionel 
Radiguet  qui  venait  de  paraître  sous  ce  titre  original  Flirts.  Dans  ce  livre,  pa- 
rait-il, il  était  question  de  Montréal,  Québec,  du  Nord-Ouest,  etc.  M.  Radi- 
guet avait,  dit  le  Paris-Canada,  trouvé  les  toilettes  des  femmes  du  Nord-Ouest 
trop  claires.  Que  dirait-il  aujourd'hui?  Où  a  paru  ce  roman?  Qui  était-ce  M. 
Radiguet? 

G.  O.  B. 


•343  — 


M.  DE  VAUDREUIL  ET  "LE  MARIAGE  DE 

FIGARO" 


La  comédie  de  Beaumarchais  Le  mariage  de  Figaro  était  écrite  déjà  depuis 
quelques  années  lorsqu'elle  arriva  à  la  scène.  Louis  XVI,  qui  avait  pris  la 
peine  de  se  faire  lire  cette  pièce  risquée  et  qui  en  comprenait  toute  la  portée 
s'était  opposé  longtemps  à  la  laisser  jouer.  On  prétend  même  qu'après  en  avoir 
pris  connaissance  il  aurait  dit:  "Si  l'on  jouait  cette  pièce,  il  faudrait  démolir  la 
Bastille." 

Mais  le  comte  de  Vaudreuil  faisait  alors  la  pluie  et  le  beau  temps  à  la 
cour  du  faible  Louis  XVI.  Vaudreuil  était  le  grand  ami  de  la  duchesse  de 
Polignac  et  celle-ci  avait  un  empire  presque  absolu  sur  la  reine  Marie-Antoinette. 

En  juin  1  7S3,  Louis  XVI  se  laissa  gagner  et  permit  que  le  Mariage  de 
Figaro  fût  joué  au  théâtre  des  Menus,  dans  une  fête  donnée  à  un  de  ses  frères. 
Mais,  au  dernier  moment,  le  roi  se  ressaisit  et  la  pièce  ne  fut  pas  jouée. 

Le  comte  de  Vaudreuil  se  reprit  trois  mois  plus  tard. 

Il  avait  invité  le  comte  d'Artois  à  la  chasse  à  Gennevilliers.  Madame 
de  Polignac  et  sa  suite  s'y  rendirent.  L'occasion  était  belle  pour  clore  une  fête 
par  une  comédie  dont  la  censure  ne  voulait  pas.  Il  obtint  enfin  l'agrément  du 
roi,  et,  à  la  fin  de -septembre  1  783,  le  Mariage  de  Figaro  avait  les  honneurs  de 
la  représentation  sur  le  petit  théâtre  de  Gennevilliers. 

L'auteur,  Beaumarchais,  assistait  au  triomphe  de  sa  pièce.  On  raconte 
que  pendant  la  soirée  il  enfonça  avec  sa  canne  les  carreaux  d'une  fenêtre  pour 
donner  de  l'air  aux  spectateurs,  ce  qui  fait  dire  à  M.  Léonce  Pingaud  que  ce 
soir-là  il  cassa  doublement  les  vitres. 

"Dès  lors,  dit  encore  M.  Pingaud,  Beaumarchais  avait  gagné  la  partie.  Les 
hôtes  de  Gennevilliers  eurent  beau  déclarer  sur  tous  les  tons  la  pièce  immorale 
et  indigne  du  répertoire  :  le  public  entendait  partager  le  privilège  dont  ils  avaient 
joui  une  soirée,  et  M.  de  Vaudreuil  eut  bientôt  à  se  vanter  ou  à  se  repentir  d'avoir 
ouvert  au  redoutable  chef-d'oeuvre  de  Beaumarchais  les  portes  de  la  Comédie 
Française.  Cinq  ans  après,  selon  la  prédiction  du  roi,  la  Bastille  tombait,  et  le 
courtisan  qui  lui  avait  involontairement  porté  le  premier  coup  partait,  frappé 
aussi  le  premier  de  tous  par  sa  chute,  pour  l'exil."  (  1  ) 


(1)  "Correspondance  intime  du  comte  de  Vaudreuil  et  du  comte  d'Artois", 
p.  XXII. 


—  244  — 

On  a  dit  que  le  comte  de  Vaudreuil  qui,  sous  Louis  XVI,  eut  si  grande 
influence  et  qui  par  ses  légèretés  et  ses  imprudences  hâta  certainement  la 
Révolution,  était  Canadien  et  fils  de  notre  premier  gouverneur  de  Vaudreuil, 

Ceci  n'est  pas  exact. 

Le  comte  Joseph-Hyacinthe-François  de  Paule  de  Vaudreuil  était. le  fils 
unique  du  comte  de  Joseph- Hyacinthe  de  Vaudreuil,  gouverneur  de  Saint- 
Domingue,  et,  conséquemment,  le  petit-fils  de  notre  premier  gouverneur  de 
Vaudreuil.      Il  était  né  à  Saint-Domingue  le  2  mars  1  740. 

Le  comte  de  Vaudreuil  fut  un  des  favoris  de  la  cour  de  Louis  XVI. 
Montgaillard,  dans  son  Histoire  de  France,  affirme  qu'en  huit  années  il  toucha, 
par  suite  de  gratifications  annuelles  ou  d'ordonnances  de  comptant,  la  somme  de 
2,885,000  livres,  indépendamment  des  appointements  qui  lui  étaient  donnés 
comme  grand  fauconnier. 

Le  comte  de  Vaudreuil  décéda  à  Paris  le  17  janvier  1817.  Le  poète 
Brifaut  lui  consacra  une  élégie  dont  le  dernier  vers  résume  toute  st  vie  de  courti- 
san: 

"Vaudreuil  se  fit  aimer;  ce  fut  là  sa  science." 

Le  comte  de  Vaudreuil  était  le  grand-père  de  cette  comtesse  de  Clermont- 
Tonnerre  qui  a  traduit  en  français  partie  des  oeuvres  de  Parkman  et  a  fait 
beaucoup  pour  faire  connaître  le  Canada  en  France. 

La  comtesse  de  Clermont-Tonnerre  est  décédée  au  château  de  Brugny, 
en  France,  le  1  7  septembre  1 900. 

P.  G.  R. 


QUESTIONS 


Autrefois  on  donnait  le  surnom  de  Jacques  Bonhomme  aux  Français. 
Pourquoi? 

AUG. 

Qui  peut  me  dire  où  est  né  Ronald  McDonald  qui  fut  d'abord  instituteur 
puis  rédacteur  de  la  Gazette  de  Québec  et  du  Canadien?  McDonald  décéda  à 
Québec,  le  15  octobre  1854.  Il  avait  épousé  Louise  Levallée  qui  périt  dans 
l'incendie  du  théâtre  Saint-Louis  à  Québec  en  1846.  Si  je  pouvais  retracer 
l'acte  de  mariage  de  Ronald  McDonald  je  trouverais  peut-être  d'où  il  était 
originaire.  Il  partait  un  nom  écossais  mais  il  était  plutôt  considéré  comme 
Canadien-Français. 

XXX 


—  245  — 

SUPERSTITIONS  POPULAIRES 


LA  PIERRE  DE  GEAI 


II  est  mort,  à  Sainte-Geneviève-de-Bastican,  vers  1918,  un  sympathique 
et  pauvre  hère,  Narcisse  Normandin,  qui  avait  conservé  plus  que  tout  autre  la 
somme  de  croyances  et  de  sup)erstitions  qui  permettaient  à  nos  pères  de  peupler 
l'espace  d'êtres  fantastiques,  d'animer  la  matière,  de  métamorphoser  les  plantes 
et  les  bêtes,  d'entretenir  surtout  des  espoirs  prodigieux. 

Une  des  grandes  préoccupations  de  Narcisse  Normandin,  fut  la  trouvaille 
des  trésors  enfouis  et  la  conquête  de  cette  étonnante  pierre  de  geai,  de  beaucoup 
plus  précieuse  que  le  diamant,  au  témoignage  de  quelques-uns  de  nos  informa- 
teurs: MM.  Napoléon  et  Albert  Saint-Arnaud,  deux  notables  cultivateurs, 
Wilfrid  Boisvert,  maquignon  fameux  et  Onésime  Pronovost,  marchand  à  com- 
mission, tous  domiciliés  dans  le  coquet  village  de  Sainte-Geneviève  sur  la 
Bastican. 

Le  geai,  paraît-il,  est  un  oiseau  de  la  taille  d'une  grive  ou  d'un  martin- 
pêcheur.  Il  a  une  huppe  sur  la  tête,  sa  faîle  est  bleue  et,  à  l'approche  du  mau- 
vais temps,  il  lance  un  cri  particulier  bien  connu:  pluie,  pluie.  Cet  oiseau, 
suivant  la  tradition,  aurait  un  talent  sans  pareil,  pour  cacher  son  nid  qu'il  est 
difficile  de  localiser.  Et  la  raison  d'un  tel  soin,  c'est  que  dans  les  nids  de  geais, 
il  y  a  une  pierre  qui  procure  à  celui  qui  s'en  empare,  le  pouvoir  de  satisfaire  tous 
ses  désirs,  de  réaliser  tous  ses  rêves. 

Alors  qu'il  était  écolier,  M.  Onésime  Pronovost  en  jouant  dans  la  forêt 
de  la  Rivière-à-la-lime  (partie  ouest  de  la  paroisse)  remarqua  un  nid  de  geai, 
dans  un  énorme  pin.  Il  en  répandit  la  nouvelle  et  le  bon  vieux  Narcisse  partit 
du  village  où  il  vivotait  pour  conquérir,  enfin,  le  talisman  qui  mettrait  fin  à  sa 
pauvreté.  A  l'aide  d'une  échelle,  il  s'éleva  jusqu'au  nique ....  mais  la  pierre 
n'y  était  pas. 

Ne  croyez  pas  que  la  mésaventure  déconcerta  le  bonhomme.  Sa  foi  dans 
la  tradition  ne  fut  jamais  ébranlée  et  il  trouva  aussitôt  l'application  de  son 
insuccès  :  le  geai  s'était  douté  de  quelque  chose  et  il  avait  porté  la  pierre  ailleurs. 
Voilà  tout. 

XXX 


—  246  — 
LA  MOUCHE 

(Autre  fois) ,  dans  les  chantiers  de  bois  de  chauffage,  un  bûcheron  abattait 
environ  trois  cordes  de  bois  de  3  à  4  pieds  de  longueur,  au  cours  d'une  journée 
de  travail.  Quelques  privilégiés,  cependant,  parvenaient  à  bûcher  5,  6  ou  7 
cordes  et,  chose  étonnante,  ces  individus  accomplissaient  leurs  prouesses  sans 
trop  d'efforts.  On  remarquait  également,  qu'ils  n'aiguisaient  pas  leurs  haches 
et  qu'ils  les  cachaient  p>our  empêcher  qu'on  les  examinât. 

Afin  de  nous  renseigner  à  ce  sujet,  nous  avons  interrogé  quelques  anciens 
de  Sainte-Geneviève-de-Bastican,  notamment  MM.  Elzéar  Nobert,  né  en  1842, 
Napoléon  Saint-Arnaud,  né  en  1844,  Wilfrid  Boisvert,  né  en  1845  et  F.  X. 
Rivard,  né  en  1  850.  Ces  aimables  vieillards  nous  ont  fourni  une  explication 
copieuse  que  nous  allons  résumer. 

Le  bûcheron  qui  voulait  augmenter  son  salaire  ou  simplement  prouver 
sa  supériorité  faisait  un  pacte  avec  le  diable.  Alors  le  "méchant"  procurait 
à  son  adepte  une  mouche  particulière  (  1  )  qu'il  fallait  loger  dans  la  poignée  d'un 
manche  de  hache. 

L'opération  n'était  pas  difficile  :  avec  une  vrille  on  p>erçait  un  trou  dans 
le  bout  du  manche,  on  introduisait  l'insecte  dans  la  cavité,  puis  on  bouchait  l'ou- 
verture avec  une  cheville  de  bois. 

Comme  il  n'était  guère  possible  d'empêcher  les  gens  de  reconnaître  les 
haches  ainsi  "améliorées",  leurs  possesseurs  essayaient  de  les  mettre  à  l'abri  des 
regards  indiscrets. 

Inutile  d'ajouter  qu'avec  de  telles  haches  on  pouvait  abattre  la  quantité 
de  cordes  qu'on  voulait  et  si  les  disciples  du  "méchant"  se  limitaient  à  ne 
produire  que  le  double  ou  la  triple  de  plus  que  leurs  camarades  c'est  qu'ils 
cherchaient  à  ne  pas  trop  éveiller  la  jalousie  de  la  "campe."  Ils  n'y  parvenaient 
pas  toujours,  car  assez  souvent  les  bûcherons  non  favorisés  se  liguaient  ensemble 
et  exigeaient  du  "foreman"  le  départ  de  celui  qui  avait  la  mouche. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


(1)  M.  Rivard  croit  se  rappeler  que  la  mouche  devait  être  attrapée  à 
l'église  durant  une  cérémonie  religieuse,  repeiîdant,  il  ne  peut  préciser 
davantage. 


247 


HABITANTS  DE  LA  VILLE  DE  QUEBEC, 

1770-1771 


(Suite  et  fin) 

RUE  ST-LOUIS 


Le  Château  St-Louis  ;  Nalson  ; 
Alexis  Dauphiné  &  Dupras  ;  Alan- 
ne,  Jean  ;  Croehetiers  ;  Vallé,  Ve.  ; 
Williamson  ;  Me  Lone,  Jean  :  Hol- 
land,  officier  ;  Duchênay  ;  Carbon- 
neau  ;  L'Honorable  Hay,  Grand 
Juge  ;  Johnson,  oft'icier  ;  Desro- 
ches ;  Yollan,  Ve.  ;  Montgomerie, 
D.  ;  Duggan,  Jeremie  ;  Levasseur, 
Delors  ;  Eacine,  Jacques  ;  LaBran- 
che,  Jean-Baptiste  ;  Young,  Doctor; 
Devis,  Nicolas  ;  Couturié,  Antoine; 
Milair  ;  Corneau,  Michel  ;  Rowe, 
Jacob  ;  Cramahée,  Mr.  ;  Delorme, 
Jacques  ;  Baroles,  Ve.  ;  Dunbar, 
Ve.  ;  Bazin,  Ve.  ;  Drummond,  Col- 
lins;  Cureux,  Michel;  Panet,  Jean- 
Claude  ;  Pierre  Chupin  dit  Lajoye  ; 
Cor  de  Garde  de  la  Grande  Porte  ; 
Bois,     Etienne  ;  Contant,     Louis   ; 


çois  ;  Castongay,  Ve.  ;  Drolet,  Phi- 
lip ;  Petit  Clair,  Louis  ;  Desca- 
reaux,  Louis  ;  St-Germain,  Jacques; 
Masse,  Louis  ;  Philipon,  Pierre  ; 
Bedoin,  François  ;  Comtois,  Antoi- 
ne ;  Château,  André  ;  Lafontaine, 
Alexandre  ;  Limoge,  Jacques  ;  La- 
roze  ;  Chon  dt.  Cambré,  Jn,  fs.  ; 
Barbeau,  Simon  ;  Lamontagne, 
Charles  ;  Gobert,  Jean  ;  Luineau, 
Joseph  ;  Jailliard,  Philip  ;  Lionais, 
Jacques  ;  Youcinte  ;  Ponsan,  Ro- 
main ;  Gollin,  Jean-Baptiste  ; 
Poussard,  Jacques  ;  Voizel,  Jean  ; 
Picard,  Dubourg  ;  Thompson,  Jac- 
ques ;  LaBreche,  Pierre  ;  Hugue, 
Finlay  ;  Kins,  Major  ;  Murray,  Ma- 
jor ;  Maban,  Mr.  ;  Delgarner  & 
Bard  ;  Smith,  Lient.  ;  Aubert  & 
Dalbergati, 


Moissan,  Joseph   ;  Robitail,     Fran- 

RUE  DES  CARRIERES 

Loubier,  Joseph   ;  Crafton   ;  Al-[gnac,  François  ;  Crochetiere,  Char- 


cok,  Capne.  ;  Voillier,  Jean-Pierre; 
Botté,  Capne.  ;  Cugnet  ;  Pillon, 
Joseph  ;  Provançal  ;  Ord,  Jean  ; 
Levasseur,  Ve.  ;  Metot,  Ve.  ;  Be- 
lair  Dussault,  Joseph  ;  Linteau, 
Jacques  ;  Gagné,  François  ;  Lées, 
Jacques  ;  Versailles  ;  Barler   ;  Ber- 


les  ;  Johnson  ;  Leblond,  Charles  ; 
Levasseur,  Magdelaine  ;  Pampallon, 
Jacques  ;  Larivière,  Joseph  ;  Du- 
chemin  ;  Dccharnais,  Jacques  ;Pro- 
vean,  Pierre  ;  Chamberlan,  Jean  ; 
Tanguay  Sansoucy,  Guillaume  : 
Arnoux,  Antoine   ;  Gely,  Ve.    ;  Sil- 


248  — 


vin,  Joseph  ;  Deroin,  Joseph  ;  Mi- 
joye  ;  Laville,  Pierre  ;  Moreau, 
Jean  ;  Caron,  Joseph  ;  LaCouture, 
Philip  ;  Jacson,  Antoine  ;  Daller, 
Louis  ;  Charlan,  Louis  ;  Lafleur, 
Antoine  Simon  ;  Maillot,  Joseph  ; 
Demeulle,  Jean-Bte  ;  Dubeau, 
Fleurent  ;  Chamberl'an,  Prisque  ; 
Goullet,  Pierre  ;  Caret,  Thomas  ; 
Dupuy,  Pierre  ;  Delaine,  Jean- 
Pierre  ;  Tanerelle,  George  ;  Petit 
Clair,     Jean  ;  Malloin,     François   ; 

RUE  DES  JARDINS 


Drageon  ;  Bouvier,  Michel  ;  Du- 
vergé,  Charles  ;  Traveed,  Ve.  :  Jac- 
ques ;  Verret  Ve.  ;  Migneron  ;  Hé- 
bert, Jean  Baptiste  ;  Turcot,  Louis  ; 
Levasseur,  Pierre  ;  Verboncoeur, 
Jean  ;  Deroin,  Roze  ;  Guignard,  Ju- 
lien ;  Garnier  Parisien,  Eté.  ;  La- 
fleur  Sevigny,  Ve.  ;  Craffort,  Lieut.  ; 
Valière,  Charles  ;  Galarneau,  Phi- 
lip ;  Beleau,  Laroze  ;  Bonhomme, 
Pierre   ;  Arcan,  Ve.   ;  La  Poudrier. 


Kelly,  William;  Gautier,  Ve.  ;  Cu- 
gnet,  Ve.  ;  LeLievre,  Roger  ; 
Bourdage,  Raimond  ;  Watine,  Tho- 
mas 52  Regt.  ;  Beaucourt,  Pinguet  ; 
Olry  ;  LaLime,  Jean-Baptiste  ;  Ga- 
gnez, Manon   ;  Lambert,     Charles   ; 

RUE  DES  PAUVRES 


Murray,  R.  ;  Badelard  ;  Potts,  Ja- 
mes. (Juge  de  Famirauté,  parti  en 
N"ov.  1768  et  Greffier  du  Conseil)  ; 
Monier,  Joseph  ;  Rowe,  Jacob  ; 
Les  Ursulines. 


Me.  Adam,  George  ;  Ghislaine, 
Jean  ;  Duval,  Joseph  ;  Duval, 
François  ;  Cotton,  Barthélémy  ; 
Black,  Ve  ;  Pettigrew  ;  Winter, 
John  ;  King,  Godefroy  ;  Stan  af- 
fort  10  Regt.  ;  Deschenaux  ;  Mi- 
gnot,  François  ;  L'Hôpital  du  52 
Regt.  ;  Winter,  Empry  ;  Jeffery,  Sa- 
muel ;  Bonneville,  Jean  ;  Bardy, 
Martial  ;  Wutmand,  Capne.  ;  Clark, 
John  ;  Moran,  François  ;  Smith, 
Lieut.   ;     D'Infort,     Abraham  ;  0' 


Smith,    Lanch 
Petit  Grove,  soldat 
MeNal)e,  William    ; 


Neill,  Henry  ;  Anderson,  François; 
James  ;  Fraser,  Simon  &  Hugue  ; 
Chandler  ;  Les  religieuses  de  L'Ho- 
tel-Dieu  ;  Richardson,  John  ;  Mills, 
Pierre  ;  King,  George  ;  Delap,  of- 
ficier ;  Lanoix,  Ve.  ;  Ross,  John  ; 
Huart,  William  ;  Brideau,  Fran- 
çois ;  Martin,  Charles  ;  Gray,  An- 
dré ;  Briton,  Ve.  James  ;  Rowel,  Ri- 
Olry  ;  LaLime,  Jean  Baptiste  ;  Ga- 
niel  ;  Grant,  Robert  ;  Simpson, 
Joseph  ;  Saul,  Jean. 

RUE  ST-NICOLAS 

Cloff,  Giras  ;  <!.;  Ii  ;  Welden  ;  LaChaume,  Pierre; 
;  Woods,  Ellay;  /MÎinston,  Thomas  ;  Calander,  Wil- 
Cameron,  Mur-    i";.;;)   ;  (iiiell.    Benjamin,    soldat     ; 


—  249  — 


Browii,  Robert,  soldat  ;  Gow,  Guil- 
laume ;  FitzPatrix,  10e.  Regt.  ; 
Mody,  William  ;  Mc.Donell,  Egnis; 
LaChambre,  Raimond  ;  Liés,  Mrs. 
John  ;  Lofford  ;  Richard  Corbin, 
fils  Louis  ;    Beneteau,    François     ; 


Smitli,  Alexandre  ;  Larclie,  Denis  ; 
Mc.Cord,  John  ;  Heyser,  Jolm  ; 
Corbin,  Richard,  père  ;  Levitre,  Ve. 
Joseph  ;  Dou^'ille,  Jeremy  ;  Pa- 
rant, Joseph  ;  David,  Eduard,  Son; 
Garenne,  Michel. 


RUE  DE  LA  CANOTERIE 


Dubois,  Pierre  ;  Creguy,  Ve. 
Emfry,  Pierre  ;  Laviolet,  Augustin 
Dussault,  Joseph  ;  Delisle,  La  Ve. 
Girouard,  François,  Père  ;  Girouard 
fils  ;  Delisle,  François  ;  Pascal,  Ve. 
Dechamp,  Philip  ;  Langevin,  Ger- 
main ;  Charlery,    François  ;    Ver- 


reau,  Joseph  ;  Vallois,  François  ; 
Cloutier,  Joseph  ;  Toupin,  René  ; 
Dumas,  Joseph  ;  Monier,  François  ; 
Pivin,  Pierre  ;  Toupin,  Hustache  ; 
Portugais,  Jean-Baptiste  ;  Schreder, 
Samuel  ;  Doucet,  Ve.  Pierre  ; 
Woods,  James. 


RUE  ST-CHARLES 


Doucet,    Joseph;    Hausmand      , 
Jean  ;  Daller,  Louis  ;  Giroux,  Char- 
les ;  -Davidson,  Eduard  ;  Pettigrew 
Woods,  Joseph  ;  Lionais,    Louis 
Lefebvre,  Charles;  Ouellette,  Louis 
Bryard,     Jean-Baptiste    ;  McCrave 
Nal.  soldat  ;     Maintfield,     soldat 
McDanell,  John  ;  Corbin,    Louis 
CoUard,  John  ;  Laind,  William.  52 
Regt.  ;  Woods,  John,  8e.     Regt.     ; 
Mc.Fion,  10e.  Regt.   ;  Youse,  John. 
Srgt.  52  Regt.  ;    Michel,    Robert  ; 
Boins,  Thomas,    sergent  52  Regt.  ; 
Gilles,  Doubles,  sergent  52    Regt.  ; 
Calesmit,  John,  sergent  52  Regt.    ; 

RUE  ST-VALLIER 


Gilmin,  John  ;  Dufresne,  Etienne  ; 
Brousseau,  Joseph  ;  Babin,  Joseph; 
Elbreet,  John  ;  Ellay,  Denis,  8e. 
Regt.  ;  Macaille,  Pierre  ;  Cox,  John  ; 
Barns,  George  ;  Macanzie,  William  ; 
Carson  ;  Tabis,  James  ;  Fardin,  Sa- 
muel ;  McClanene,  Henry  ;  Clet,  Gi- 
mes  ;  Moore,  John  &  Loucet  ; 
Brymner,  Daniel  ;  Kaillé,  James. 
52e.  Regt.  ;  Pillet,  Robert  ;  Gibbs, 
52e.  Regt.  ;  Lamotte,  Jacques  ; 
Forbus,  William  ;  Legris,  Joseph  ; 
Cordouil  ;  Antoine  &  Stil  10e. 
Regt. 


Daley,  Thimoté  ;  Richardson  ; 
Farguson  ;  McGulpin,  Jean  ;  Ca- 
mell,  Jean  ;  Liés,  Jean  ;  McClan- 
sie  ;  Clerson,  Sergt.  ;  McCulchine, 
Robert  &  L'Inktrie  ;    Canadé,    Sa- 


muel;  Maintfield  ;  Tarel;  Farlaind; 
Donmide  ;  Chruchins  ;  McCaille, 
Youx  ;  McCanzie,  Goustave  ;  Les 
Cazernes  du  Palais  ;  Thompson, 
Capne.  ;  Gascon,  Richard  ;  McDo- 


—  350 


nell,  Sergt.  ;  McDanell,  John  ;  Bell, 
John  ;  Davidson,  Thomas  ;  Agdenn, 
Guillaume  53  Regt.  ;  Dugga,  Mi- 
chel ;  DeGrange  ;  Marchand,  Mi- 
chel ;  Grant,  William  ;  Lamonta- 
gne,  Joseph  ;  McClive,  May.  10e. 
Eegt.  ;  François,  Ignace  ;  Civraque  ; 
Damien,  Thomas  ;  Parant,  Joseph; 
Marchand,  Louis  ;  Parant,  Pierre  ; 
Gagnon,  Joseph  ;  Murray  ;  Diniot- 
te,  William.  8e.  Regt.  ;  Maurin, 
Jean  ;  Sasseville,  François  ;  Chan- 
donais,  André  ;  Gagné,  Jean  Bap- 
tiste ;  Duperé,  Joseph  ;  Corbin, 
François  ;  Roy,  François  ;  Naverd, 
Jean-Baptiste  ;  Chaplain,  Pierre  ; 
Belhumeur,  Ve.  ;  Costé,  Gabriel  ; 
Beaulieu,  Jean-Baptiste  ;  Bonnevil- 
le,  Joseph  ;  Paquet,  Pierre  ;  Beau- 
lieu,  Jacques  ;  Coupeau,  François  ; 


Simpson,  Joseph  ;  Govreau,  Mag- 
delaine  ;  Nadeau,  Jean-Baptiste  ; 
Brousseau  ;  Chalifour,  Pierre  ;  Mi- 
net, Jacques  ;  Roy,  Pierre  ;  Nico- 
las, Curé  ;  Fraser,  Hugue  ;  Paquet, 
Claude  ;  Tourangeau,  Jean  ;  Cha- 
lifour, Paul  ;  Julien,  Ve.  Charles  ; 
Jacquet  ;  Darveau,  François  ;  De- 
camp,  André  ;  Verret,  Charles  ; 
Levesque,  Jacques  ;  Duminy,  Pris- 
que  ;  Duminy,  Pierre  ;  Bis  Degarré, 
Ve.  Pierre  ;  Cornelier,  Pierre  ;  Ba- 
ron ;  Mal,  Louis  ;  Barbeau,  Joseph; 
Deligny,  François,  fils  ;  Veniere,  Ni- 
colas ;  Reaume,  Charles  ;  Cardinet, 
Jean-Bte.  ;  Dumargue,  François  ; 
Primeau,  Joachim  ;  Deligny,  Guil- 
laume, père  ;  Vincent,  Pierre  ;  Co- 
chon, Paul  ;  Davignon,  Pierre. 


RUE  STE-CATHERINE 


Tourangeau,  Pierre  ;  Andy,  Si- 
mon ;  Bourget,  Claude  ;  Beaulieu 
dt.  Martin,  Jean  ;  St-Jean  dt.  Ruel; 
Chamberlan,  Joseph  ;  Dussault, 
Joseph  ;  Mailloux,  Joseph  ;  Teturd, 
Jean   ;  Richard   ;  Moran,  François; 


Larivée,  Morice  ;  L'Epine  Le  Gris, 
Ve.  André  ;  Jobin,  Jean  Baptiste  ; 
Ve.  André  ;  Jobin,  Jean-Baptiste  ; 
Chevalier,  Pierre  ;  Paquet,  Jean  ; 
Pascal,  Jacques  ;  Dussault,  la  Ve. 
Jean-Bte. 


RUE  STE-MARGUERITE 


Stuart,  William  ;  Vidal,  Antoine  ; 
Maçon,  Jean  ;  Bourget,  Ve  ;  Degra- 
vié  ;  Derozier,  François  ;  Oclair, 
Charles  ;  Kerson,  Jean  ;  Leboeuf, 
Jean-Baptiste  ;  Leboeuf,  Si'mon  ; 
Gagné,  François  ;  Touchet,  Joseph  ; 
Goullet,  François  ;  Loubier,  Joseph  ; 
Minet,  Dlle   ;  Jupont,     Jean   ;  Le- 


Comte,  Louis  ;  Nongard,  André  ; 
Arnoix,  Joseph  ;  Smith,  George  ; 
Lozé,  Paul  ;  Jalin,  Etienne  ;  Rouil- 
lard,  Charles  ;  Richoux,  Antoine 
fils  ;  Bord,  Demarais,  Biais  ;  Ri- 
choux,  Antoine,  père  ;  Bouvet, 
Joseph. 


—  251 


RUE  STE-MAGDELAINE 


St-Jeaiï  Euel  ;  Terrien,  Jean  ; 
Renaud,  Joseph  ;  Solavoye,  Thimes  ; 
Crùchek  ;  Breton,  Pierre  ;  Pampal- 
lon,  Michel,  fils  ;  Braslé,  Jean  ;  Mc- 
Cravé  ;  LeRoux  Cardinal,  Jean- 
Baptiste  ;  Morel,  Louis  ;  Silvestre, 
Marianne  ;  Proteau,  Jean  Baptiste; 


Parré,  Joseph  ;  Personn,  Jean  ; 
Korns,  Thomas,  53e.  Regt.  ;  May, 
Nicolas,  10e.  Regt.  ;  Johns,  Joseph 
10e.  Regt.  ;  Dion,  Nicolas  ;  Pegue, 
Richard  ;  Dam,  William  ;  Ander- 
son,  François, 


RUE  ST-JOSEPH 


Durand,  Pierre  ;  Duga,  Joseph  : 
Beliveau,  Jean  ;  Duga,  Jacques 
Beliveau,  Joseph  ;  Goulle,  Joseph  : 
Sasseville,  François  ;  Ratté,  Ignace: 
Badeau,  Fabien  ;  Landry,  Jean  : 
Barbeau,  Ve  ;  Badeau,  Jacques  : 
Renaud,  Charles  ;  Vallet,  Martial  : 
Pouliot,  Ignace  ;  Godeboux,  Pierre: 
Cordonnier,  Jean;  Tremblay,  Louis: 
Trudel,  Paul  ;  Fardin,     Samuel  ; 


Pampallon,  Michel,  fils  ;  Pampal- 
lon,  Michel,  père  ;  Delail,  Jean  ; 
Lebon  dt.  Marchand,  Ve.  ;  Trudel, 
Charles  ;  McClure,  André  ;  JaUn, 
Charles  ;  Johns,  William.  10e.  Regt; 
Lafond  dt.  Chavignon,  Antoine  ; 
Caillau,  Jean  ;  Cardinal,  Pierre  ; 
Cardinal,  Thomas  ;  Labreque,  Pier- 
re ;  Lavigueur,  Pierre  ;  Bourbeau, 
Joseph  ;  Melançon,  Jean. 


RUE  BARTHELEMY 


Pruneau,  René;  Lirette,  Joseph; 
Bélanger,  François^  charon  ;  Nuzer, 
Ve.  ;  Marchand,  Jean-Baptiste  ; 
Rouillard,  François  ;  Choret  ;  Al- 
brin,  Jean  ;  Badeau,  Barthélémy  ; 
Cazeau,  Jean  ;  Lozel,  Charles  ;  Al- 
lard,    François  ;    Terrien,    Jean  ; 


Uravelle,  Charles  ;  Reaume,  Char- 
les ;  Vaillancourt  ;  Godeboux,  Jean  : 
McClure,  Jean,  Père  ;  Friehet,  Jac- 
ques ;  Asken,  William  ;  Champagne, 
Charles  ;  Demollier,  Augustin  ; 
Diéz,  Bernard  ;  Brindamour  ; 
Croizel,  Pierre. 


RUE  ST-ROCH 


Br^au,  Theodor   ;  Youtte,     Tho- 
mas, 10e.  Regt.  ;  Adam,    Thomas  ; 


Laberge,  Ve.  ;     Pettigrew-officier    ; 
Goull,     François     ;  Liés,  Pierre   ; 


Saderlon  ;     Walle,    William,     10e,  Mellis,  Jean   ;  Paquet,     François   ; 


Regt  ;  Martin,  William  ;  Archeball; 
McCravé,     Cornelieuse,     53  Regt   ; 


Maliçon,  Phihbert. 


253 


FAUBOURG  ST-JEAN 


Laiiglais,  Jean  ;  Flaman,  Pierre; 
Falardeau,  Louis  ;  Langlais,  Jean, 
fils  ;  Carié,  Eleonard  ;  Elliot,  Ale- 
xis Julien  ;  Vizina,  François  ;  Fla- 
nian,  Ve.  ;  Noreau,  Jean-Baptiste  ; 
Chatellereau,  Michel  ;  Couture, 
Etienne  ;  Eatté,  Pierre  ;  Dubois, 
Joseph  ;  Girard,  Jean  ;  Bezeaû, 
Joseph  ;  Raffoux,  Joseph  ;  Romain, 
Louis;  Martin,  Louis;  Cholet,  Pier- 
re ;  Rousset,  François  ;  Bertiaume, 
Ve,  ;  Perche,  François  ;  Villemred  ; 
Bernard,  Charles  ;  Trudel,  Ignace; 
Moissan,  Ignace  ;  Lessard,  Prisque; 
Trudel,  Charles;  Mondou,  Jean-Ma- 
rie ;  Bedard,  Pierre  ;  Levasseur, 
Louis  ;  Benêt,  Joseph  ;  Giroux, 
Etienne  ;  Maillet,  Jean  ;  Guentt, 
Pierre  ;  Boisvin,  Joseph  ;  Leboeuf, 
Pierre  ;  Joubert  ;  Delmas  ;  Reopel, 
Joseph  ;  Govin,  Antoine  ;  Phizel, 
Michel  ;  Arnoix,  Charles  ;  Thibeau, 
Augustin  ;  Falardeau,  Charles  ;  Pié- 
mond,  Ve.  ;  Croteau,  Jean  ;  Emond, 
Gervais  ;  LaCouture,  Guilin  Cachi; 


Marcoux,  Louis  ;  Liés,  Jean  ;Mo- 
reau,  Jean  ;  Duplaisie,  Pierre  ; 
Thomelet,  Ve.  ;  Montreuil,  Pierre  ; 
Mondou,  Jean-Baptiste  ;  Lavictoire 
dt.  Larivière  ;  Contois,  La  Ve.  ;  Be- 
zeau,  Jean  ;  Giroux,  Louis  ;  Daler, 
Louis  ;  Laroche  Laliberté,  Etienne; 
Langlais,  Antoine  ;  Langlais,  An- 
toine fils  ;  Couture,  François  ; 
Dorval,  Jean-Baptiste  ;  Vizina, 
Pierre  ;  Deriron. 

Fournier,  Emerie  ;  Vocelle, 
François  ;  Drolet,  Pierre  ;  Contan- 
cineau,  Ignace  ;  Guedon,  Charles  ; 
Vizina,  Ve.  Jacques  ;  Vizina,  Char- 
les ;  Allger,  Mr.  ;  Flaman,  Jean- 
Marie  ;  Cardinal,  Guillaume  ;  Car- 
dinal, Charles. 

Sans  erreur,  Québec  le  3e  janvier 
1772. 

MICHAU, 
Assistant. 
Sworn  to  before  the  Committee,  the 
10  January  1772.. 

GEO.  ALLSOPP  L.  C.  C. 


QUESTIONS 

Marcel,  secrétaire  de  Montcalm  était-il  militaire?  Qu'est-il  devenu  après 
la  mort  du  général? 

A.  P.  G. 

Un  des  Juchereau,  qui  furent  seigneurs  de  Beauport,  portait  le  nom  de 
Joseph  Juchereau,  sieur  de  Vaulezar.  Pourriez-vous  me  donner  l'origijie  de 
ce  titre? 

JOSG. 

Quelle  est  l'origine  du  sobriquet  de  John  Bull  donné  aux  Anglais  nés  dans 
les  îles  britanniques?  AUG. 


—  253  — 

Un  cas  probablement  unique 


LE  FAMEUX  PROCES  MALO-SABOURIX 


Rien,  paraît-il,  n'iutrigua  plus  les  montréalais  d'il  y  a  soixante  ans, 
que  le  fameux  débat  qui  mit  aux  prises,  devant  les  tribunaux,  le  docteur 
Sabourin  et  l'huissier  Malo. 

Sur  cette  affaire,  d(5nt  il  n'y  a  guère  d'exemple,  nous  avons  le  texte 
d'une  chanson  que  l'on  vendait  alors  par  les  rues  et  qui  est  devenue  introu- 
vable aujourd'hui.  Xous  en  devons  le  seul  exemplaire  connu  à  M.  I.-A. 
Richard,  un  mécanicien  septuagénaire  qui  a  bien  voulu  nous  le  laisser 
reproduire. 

Mais  auparavant,  il  est  nécessaire  de  mettre  le  lecteur  au  courant  des 
faits  qui  inspirèrent  le  poète.  Ces  détails  nous  sont  fournis  par  deux  vieil- 
lards qui  ont  connu  les  personnages  dont  il  sera  question. 

» 
*       * 

Un  nommé  Pierre-Lucien  Malo,  d'abord  huissier  à  Saint-Charles  sur 
le  Richelieu,  puis  à  Montréal,  s'était  amassé  unpetit  capital  à  force  d'éco- 
nomie. Pour  faire  fructifier  son  amas,  il  le  prêtait  sur  billets,  à  gros  in- 
térêt, prétend  la  rumeur  toujours  plutôt  maligne  que  bénigne. 

Parmi  sa  clientèle,  l'économe  huissier  comptait  le  docteur  Sabourin 
qui  vécut  à  Longueuil  entre  1854  et  1859,  date  à  laquelle  il  vint  exercer  sa 
profession  à  Montréal. 

Après  plusieurs  transactions  successives,  entre  l'un  et  l'autre,  les  em- 
prunts du  médecin  avaient  été  "consolidés"  en  un  seul  billet  d'un  chiffre 
assez  conséquent  ;  c'est  ce  qui  détermina  l'aventure,  si  les  prétentions  du 
plaignant  en  l'affaire  sont  exactes. 

Par  un  après-midi,  le  docteur  se  présenta  au  bureau  de  l'huissier 
Malo,  rue  Saint-Gabriel  et  demanda,  sur  un  prétexte  quelconque,  à  voir 
le  billet  qui  représentait  la  somme  totale  de  sa  dette.  Sans  méfiance,  le 
prêteur  remit  le  'précieux  papier  à  l'emprunteur,  mais  celui-ci  l'avait  à 
peine  en  mains  qu'il  le  roula  en  boulette  et  ...  .  l'avala  ! 

Impossible  de  peindre  la  stupeur  ou  plutôt  l'émoi  du  créancier.  Il 
se  mit  à  crier  comme  un  particulier  qu'on  égorge.  La  foule  s'attroupa, 
et  la  police  s'amena. 

L'huissier  voulait  forcer  le  docteur  à  prendre  un  vomitif,  celui-ci  re- 
fusait énergiquement,  disant  qu'il  n'avait  nul  besoin  de  médecine  et  que  le 
sieur  Malo  était  victime  d'une  lubie  quelconque. 


—  254—  ■         - 

Bref,  l'affaire  fut  portée  devant  les  tribunaux  et  elle  eut  assez  de  re- 
tentissement pour  donner  naissance  au  morceau  que  voici  ; 

RE-MALO 

Ou  la  digestion  définitive  de  $5,600. 

COMPLAINTE  LAMENTABLE 

SUE  L'AIR  GAI   :  BONJOUR  MAITRE  CORBEAU.— PAR  UN 
HOMME  GRAVE 

Et  libéra  nos  a  MALO  1  Bis  repetita  placent. 

Vous  tous  qui  connaissez  l'histoire  de  Malo, 
Je  vais  à  ce  sujet  vous  conter  du  nouveau. 
Ce  matin,  par  hazard,  j'entrais  au  tribunal 
Et  je  vis  un  spectacle,  hélas  !  qui  me  fit  mal, 

Sur  l'air  du  Tra,  la  la  la. 
Sur  l'air  du  Tra,  la  la  la. 
Sur  l'air  du  Tra  deri  dera,  la  la  la  ! 

Le  Docteur  Sabourin  (puisqu'on  l'a  bien  nommé) 
Etait  à  l'audience  avec  le  sus  nommé  ; 
Celui-ci  l'accusait  d'avoir  un  certain  jour, 
Fait  envers  sa  fortune  un  diabolique  tour. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

Comme  bien  vous  savez,  messieurs,  il  prétendait 
Que  l'Orgre  de  Longueuil  par  trop  bien  avalait  : 
Et  que  pour  le  nourrir,  il  faudrait  —  doux  Jésus  !  — 
Avoir  cent  fois  autant  de  piastres  que  Crésus  !  ! 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

Encor  prétendait-il  qu'il  en  viendrait  à  bout, 
Qu'il  ne  laiserait  rien  et  qu'il  croquerait  tout. 
Trente  trois  mille  francs  !  disait-il  tout  en  pleurs. 

Avalés  d'un  seul  coup  ! C'est  le  roi  des  malheurs  ! 

Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

Le  Docteur  })rotesta  de  sa  sobriété. 
Dit  qu'il  mangeait  des  pois  et  qu'il  buvait  du  thé 
Et  que  sa  digestion,  par  un  bout  de  papier 
Pouvait  toujours  finir  mais  jamais  commencer. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 


—  255  — 

Les  témoins  entendus  chacun  déclara  net 
N'avoir  pas  mis  sa  griffe  à  ce  fameux  billet. 
— Si  c'étaient  de  faux  noms  ?  —  Mais .  .  .  .  ni  vu  ni  connu. 
Plus  de  corps  du  délit,  —  plus  de  faux  reconnu. 
Sur  Fair  du  Tra,  etc. 

Alors  les  avocats  :  Patati,  patata, 
Patata,  pa^ti,  patati,  patata. 
Chacun  fit  un  discours  où  comme  bien  souvent 
Nul  ne  comprit  grand'chose  et  qu'on  trouva  flambant. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

De  Pathos  en  pathos  le  juge  exténué, 
Bendit  son  jugement,  ayant  éternué  : 
Il  dit  qu'en  conscience  et  selon  l'équité, 
Malo  pairait  les  frais  et  serait  débouté  !  ,  .  .  . 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

L'infortuné  Malo  pour  r'avoir  son  billet 
Etalait  tout  son  luxe  et  s'était  fait  coquet  ; 
n  portait  en  ce  jour' un  paletot  tout  neuf 
Qui  n'avait  que  trois  ans  couvert  le  dos  d'un  veuf. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

Un  chapeau,  retapé  coiffait  son  triste  chef 
Courbé  par  cet  arrêt  le  frappant  de  rechef. 
Le  malheureux  au  ciel,. levait  à  tout  moment 
Ses  mains  que  recouvraient'  des  gants  d'enterrement. 
Sur  l'air  du  Traj  etc. 

On  dit  que  ce  malheur  fait  sa  conversion, 
Qu'il  renonce  à  ce  monde,  à  sa  perversion  ; 
Qu'il  va  se  faire  moine  et  dans  quelque  couvent 
Enterrer  sa  personne  avec  sa  pauvre  argent. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

Mais  d'autre  part  on  dit  qu'il  change  de  quartier. 
Qu'il  renonce  à  jamais  au  métier  d'usurier. 
Pour  dévorer  mon  bien,  (qu'on  dit  qu'il  dit)  ma  foi  ! 
J'en  profiterai  mieux  s'il  est  mangé  par  moi. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 


—  356  — 

Il  va  prendre  un  hôtel,  donner  concert  et  bal, 
Parier  sur  le  Turf,  nourrir  un  beau  cheval  ; 
Inviter  ses  clients,  leur  donner  à  souper. 
Et  l'Auteur  de  ces  vers  ira  pour  découper. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

MOEALE  : 

Mais  non,  c'est  un  ])li  pris,  Malo  sera  Malo, 
Tout  ce  qu'on  chantera,  pour  lui  tombe  dans  l'eau. 
Après  son  dernier  souffle,  au  bord  de  l'Achéron, 

Il  ira  marchander  son  passage  à  Caron  ! 

Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

(''est  un  pli  pris  aussi  que  chez  un  usurier 
Quand  on  emprunte  peu,  beaucoup  il  faut  payer  : 
Et  qu'ainsi  l'Intérêt,  mangeant  le  Capital 
De  honte  en  déshonneur  conduit  à  l'hôpital. 
Sur  l'air  du  Tra,  etc. 

F.  V. — Tout  exemplaire  non  revêtu  du  cachet  ci-joint  sera  réputé 
contrefait  et  25  piastres  de  récompense  seront  données  à  celui  qui  indi- 
quera, sûrement,  l'imprimerie  d'ovi  il  sort. 

Dépôts  :  A  Montréal  au  bureau  du  Pays  et  chez  M.  Séraphin  Cavalier, 
rue  Bonsecours  No.  11. 

A  St-Hyacinthe,  au  bureau  du  Courrier. 

Libérale  remise  aux  libraires  et  aux  journaux. 

* 

Il  ne  nous  est  pas  possible  de  dire  que  cette  chanson  contient  la  vérité 
dans  toute  son  exactitude,  toutefois  on  nous  assure  qu'elle  circula  et  qu'elle 
eut  de  la  vogue. 

Que  devinrent  ensuite  les  acteurs  de  ce  mélodrame  ? 

Le  sieur  Malo  conçut  un  tel  chagrin  de  la  perte  de  son  procès  qu'il 
vécut,  plus  pauvrement  que  jamais.  La  plupart  de  ceux  qui  l'ont  connu 
affirment  qu'il  restait  riche,  néanmoins  il  paraissait  vivre  de  charités.  Son 
aspect  était  misérable  :  il  s'enveloppait  dans  une  longue  redingote  défraî- 
chie, serrée  à  la  taille  au  moyen  d'une  corde  et  pour  couvre  chef,  il  portait 
un  antique  chapeau  de  soie,  aux  poils  rendus  rébarbatifs,  par  leur  longue 
exposition  aux  intempéries. 

On  croit  qu'il  trépassa  vers  1873,  cependant  nous  avons  vainement 
cherché  trace  de  son  décès  dans  les  registres  de  Montréal. 

Quant  au  docteur  Sabourin,  il  quitta  le  Canada  avec  sa  famille  pour 
aller  habiter  la  Louisiane  et  il  serait  mort,  il  v  a  longtemps  près  de  la 
Nouvelle-Orléans.  È.-Z.  MASSICOTTE 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVII         BEAUCEVILLE-  SEPTEMBRE  1921  No  9 

LES   CONSEILLERS   AU    CONSEIL    SU- 
PERIEUR ET   LA   NOBLESSE 


Les  conseillers  au  Conseil  Supérieur  de  la  Nouvelle- 
France  obtenaient-ils  la  noblesse  en  recevant  leur  office  ? 

Dans  l'édit  de  création  du  Conseil  Souverain  du  mois 
d'avril  1663  il  est  dit  :  '* pour  jouir  des  dites  char- 
ges par  ceux  qui  en  seront  pourvus,  aux  honneurs,  pou- 
voirs, autorités,  prééminences,  i3rivilèges  et  libertés  aux 
dites  charges  appartenant " 

Ceci  ne  veut-il  pas  dire  que  les  conseillers  au  Conseil 
Souverain  devaient  jouir  des  mêmes  honneurs,  pouvoirs, 
autorités,  prééminences,  etc.,  etc.,  que  le  Roi  avait  accordés 
aux  conseillers  des  cours  souveraines  du  royaume  ? 

Dans  ce  cas,  voyons  si  les  membres  des  cours  souverai- 
nes de  France  recevaient  la  noblesse  par  le  fait  de  leur  no- 
mination. 

Lange,  dans  son  ouvrage  La  nouvelle  pratique  civile, 
criminelle  et  hénéficiale  ou  Le  nouveau  praticien  français 
réformé  suivant  les  nouvelles  ordonnances  (p.  143),  pose 
la  question  :  Quels  sont  les  offices  qui  annoblissent,  et  ré- 
l)ond  ainsi  : 


~-25«—  "^ 

"  Ce  sont  les  offices  de  la  Couronne  et  les  autres 
grandes  charges  de  l'Etat,  comme  celle  de  chancelier,  de 
garde  des  sceaux,  de  conseiller  d'état  servant  actuellement, 
de  secrétaire  d'état,  toutes  les  premières  dignités  militai- 
res, de  l'a  justice  et  de  la  maison  du  roi,  qui  étaient 'ancien- 
nement affectées  à  la  plus  haute  noblesse." 

Lange  ajoute  :  les  offices  de  conseillers  dans  les  cours 
souveraines  n'annoblissent-ils  pas  aussi,  et  il  répond  enco- 
re :  . 

"Oui  ;  ils  annoblissent  ceux  qui  les  possèdent  ;  mais 
ils  n 'annoblissent  pas  leur  postérité,  si  la  possession  de  ces 
offices  n'a  été  continuée  de  père  en  fils  ;  en  sorte  que  pour 
être  pleinement  noble  par  cette  voye,  il  faut  qu'un  homme 
puisse  justifier  que  son  père  et  son  ayeul  ont  possédé  ces 
offices  jusqu'à  leur  décès.  (A  présent  ils  annoblissent  leur 
postérité  s'ils  meurent  titulaires,  ou  s'ils  ont  obtenu  des 
tettres  de  veterance)." 

L  ^intendant  Bigot,  dans  sa  lettre  au  ministre  du  12  oc- 
tobre 1753,  parle  au  long  de  cette  question  de  noblesse  pour 
les  conseillers  au  Conseil  Supérieur.  Citons  ici  sa  lettre 
qui  resta,  malheureusement,  sans  réponse  : 

"Le  peu  d'attention  que  les  pères  de  familles  ont  dans 
cette  Colonie  de  faire  étudier  leurs  enfans  pour  les  mettre 
en  estât  d'occuper  des  places  de  conseiller  au  Conseil  su- 
périeur m'engage  à  vous  prier  de  me  faire  l'honneur  de 
m 'informer  si  ce  Conseil  jouit  des  mêmes  privilèges  et 
honneurs  que  les  Parlemens  des  provinces  du  Royaume. 
Le  privilège  de  la  noblesse  qu'on  dit  s'acquérir  par  les 
charges  de  Présidens  et  de  Conseillers  dans  ces  Parlemens, 
est  celui  qui  fiateroit  le  plus  le  Canadien,  j'ignore  si  réelle- 
ment il  s'y  acquiert  et  je  ne  sçay  sur  cette  matière  que  ce 
que  les  comentateurs  raportent. 

"Bacquet,  page  907  du  Droit  d' anoblissement,  dit  que 
les  présidens  conseillers,  avocats  et  procureur  général  en 
la  Cour  du  parlement  de  Paris  et  autres  officiers  qui  sont 
du  corps  d'icelle,  sont  nobles  par  le  moyen  de  leurs  charges 


—  259  — 

(édits  du  mois  de  juillet  1664,  et  novbre  1690),  pourvu 
qu'ils  eussent  20  années  de  service,  ou  qu'ils  décédassent 
revêtus  de  leurs  office  ;  leurs  veuves  et  leurs  enfants,  après 
leur  mort,  seront  réputés  nobles. 

**  Je  n'ai  trouvé  ni  édit  ni  déclaration  au  sujet  des  au- 
tres parlemens,  mais  le  même  commentateur  ajoute  qu'il 
en  est  de  même  des  autres  cours  du  parlement  du  Royaume, 
ensemble  mrs  du  grand  conseil  encor  que  les  autres  cours 
de  parlement  ne  soient  égalés  en  authorité  et  dignité  à  la 
cour  du  Parlement  de  Paris. 

*'M.  Couchot,  avocat  au  parlement,  pense  et  dit  qu'il 
est  d'usage  que  les  charges  de  conseiller  des  autres  cours 
souveraines  donnent  seulement  une  noblesse  personnelle  à 
ceux  qui  en  sont  pourvus  et  non  à  leurs  enf  ans,  à  moins  que 
le  père  et  l'ayeul  n'ayent  esté  consécutivement  officiers  et 
n'ayent  exercé  20  ans  durant  pour  jouir  du  privilège  de 
vétérance,  ou  n'en  soient  mort  pourvus. 

"M.  Le  Bret,  en  son  traitté  de  la  Souveraineté,  livre  2, 
chapitre  10,  dit  que  les  offices  de  conseillers,  autres  que 
ceux  du  Parlement  de  Paris,  n'anoblissent  la  postérité 
qu'autant  que  la  possession  de  ces  offices  a  esté  continuée 
de  père  en  fils  en  sorte  que  pour  estre  pleinement  nobles  par 
cette  voye,  il  faut  qu'un  homme  puisse  justifier  que  son 
père  et  son  ayeul  ont  possédé  ces  offices  jusqu'à  leur  decez. 

*'Je  vous  prie  donc,  Monseigneur,  de  vouloir  bien 
m 'expliquer  si  les  conseillers  du  Conseil  supérieur  de  Qué- 
bec doivent  se  prévaloir  de  noblesse,  comme  les  autres  cours 
du  Royaume  et  si  leurs  enf  ans  peuvent  de  même  acquérir 
ce  droit,  lorsque  leurs  pères  et  ayeuls  auront  consécutive- 
ment possédés  et  exercés  ces  places  pendant  20  ans  (après 
avoir  obtenu  des  lettres  de  vétérance)  ou  qu'ils  seront 
morts  en  estant  pourvus. 

"Je  suis  persuadé  que  s'ils  avoient  ces  privilèges  les 
meilleures  familles  du  Pays  et  les  plus  aisées  destineroient 
partie  de  leurs  enf  ans  à  la  judicature  et  elles  les  feroient 


—  260  — 

élever  dans  l'étude;  la  noblesse  qu'elles  seroient  sûres  de 
leur  procurer  les  engageroient  à  leur  faire  suivre  ce  parti. 

"Le  Canada  augmente,  par  conséquent  le  nombre  de 
procès  et  de  matières  plus  contentieuses  et  difficiles  à  dé- 
cider, et  il  sera  important  par  la  suitte  que  le  Conseil  soit 
composé  de  juges  instruits  des  loix,  ce  qui  ne  pourra  estre 
qu'autant  que  les  sujets  auront  étudiés  dès  l'enfance. 

"J'ai  l'honneur  d 'estre  avec  un  profond  respect,  Mon- 
seigneur, votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur."  (1) 

Il  est  un  fait  certain  c'est  que  peu  après  la  conquête 
une  déclaration  du  roi  accorda  aux  officiers  des  Conseils 
Supérieurs  du  Canada  et  de  l'île  Royale  les  mêmes  privilè- 
ges dont  jouissaient  les  officiers  honoraires  des  cours  sou- 
veraines en  France. 

Il  n'y  a  donc  pas  de  doute  que  les  quelques  conseillers 
au  Conseil  Supérieur  qui  vivaient  encore  en  1763  et  qui 
remplissaient  les  conditions  voulues  furent  admis  dans  la 
noblesse. 

P.-G.  E. 


(1)   Archives  du  Canada,  Correspondance  générale,  série  F.,  vol.  99,  p.  59. 


QUESTIONS 


On  sait  que  la  réédition  en  trois  gros  volumes  des  Relations  des  Jé- 
suites fut  payée  par  l'Assemblée  législative  du  Canada.  A  ce  propos, 
Mgr  Lindsay  écrit  quelque  part  qu'un  vieux  député  presbytérien  de  l'As- 
semblée législative,  membre  du  comité  de  la  Bibliothèque,  voulut  s'opposer 
à  cette  publication  parce  qu'on  ne  voulait  pas  retrancher  les  faits  miracu- 
leux consignés  dans  les  Relations  des  Jésuites.  Comme  ce  député  doit 
être  mort  depuis  longtemps,  pourrait-on  me  donner  son  nom  ?  Je  serais 
curieux  de  connaître  cet  esprit  étroit. 

A.  B.C. 

Le  curé  Eécher  écrit  dans  son  Journal,  à  la  date  du  1er  février  1758  : 
"A  Québec,  un  soldat  est  mort  des  blessures  qu'il  a  reçues  en  passant  sous 
les  verges;   la  même  chose  vient  d'arriver  à  deux  autres  de  Montréal." 

En  quoi  consistait  la  punition  ou  le  supplice  de  passer  sous  les  verges  ? 

A.  0. 


261 


LES   ACTES   DE    MARIAGE    DU   FORT 
SAINT-FREDERIC 


On  sait  que  tout  un  groupe  de  colons  vécut  dans  les  environs  du  fort 
Saint-Frédéric,  à  la  tête  du  lac  Champlain  (Crown-Point  ou  Pointe-à-la- 
Chevelure)  et  qu'en  cet  endroit  des  missionnaires  tinrent  des  registres  de 
l'état  civil  entre  1732  et  1759. 

Lorsque  le  fort  fut  abandonné  en  cette  dernière  année,  parties  des 
archives  du  fort,  notamment  les  registres  de  l'état  civil  et  les  contrats 
dressés  par  les  missionnaires  (faute  de  notaires)  furent  déposés  à  Mon- 
tréal 

Depuis,  les  actes  "pro  notariés"  sont  restés  en  place  ;  mais  les  re- 
gistres ont  été  transportés  ailleurs  et,  un  jour,  le  Dr  N.-E.  Dionne  les 
trouva  en  la  possession  de  M.  Faucher  de  Saint-Maurice  ;  par  quel  ha- 
sard, nous  l'ignorons. 

Toujours  est-il,  qu'il  y  a  déjà  longtemps,  le  défunt  bibliothécaire  de 
Québec,  a  fait  de  ces  registres,  une  copie  qui  existe  encore  à  Ottawa  (  1  ) . 

Cette  copie  lorsqu'on  la  compare  avec  les  contrats  de  mariages  dres- 
sés par  les  missionnaires  qui  rédigaient  également  les  actes  de  l'état  civil, 
ne  nous  paraît  pas  toujours  exacte.  Des  noms  de  famille  et  de  lieux  sont 
évidemment  mal  transcrits,  toutefois,  fait  de  mieux,  cette  pièce  peut  ren- 
dre des  services.  Voilà  pourquoi  nous  en  avons  fait  extraire  une  liste 
des  mariages  que  Tanguay  n'a  pas  dans  son  Dictionnaire. 

Notre  éminent  généalogiste  a  parfois,  au  cours  de  ses  travaux,  relevé 
les  mentions  de  quelques  familles  qui  furent  unies  à  Saint-Frédéric  ;  mais 
il  a  dû  se  contenter  de  mettre  en  tête  de  la  notice  qu'il  leur  consacrait,  une 
date  approximative.  A  l'aide  de  la  liste  ci-dessous,  à  laquelle,  nous  ajou- 
tons diverses  notes,  il  sera  possible  aux  chercheurs,  de  compléter  des  lacunes 
et  de  rétablir  les  véritables  dates. 

* 


(1)  Ces  renseignements  nous  sont  fournis  par  M.  Francis- J.  Audet,  d'Ot- 
tawa. C'est  également  à  lui  ainsi  qu'à  M.  Léandre  Lamontagne  que  nous 
devons  la  liste  qui  fait  l'objet  du  présent  article. 


—  262  "^ 

.  ;  2.3  octobre  1741 

François  Varlet  dit  La  Vertu,  soldat  de  la  cie  de  M.  de  Cournoyer, 
fils  de  Philippe  et  de  Madeleine  Lessard,  de  Saint-Martin  de  Vertus,  en 
Champagne,  évesché  de  Chalons,  et 

Marie-Josette  Durbois,  fille  de  François  de  Salles  et  de  Madeleine 
Bonhomme,  de  Sainte-Foy,  près  Québec. 

NOTE. — Tanguay,  vol.  VII,  p.  428  a  recueilli  quelques  actes  sur  cet- 
te famille. 

14  novembre  1741 

Antoine  Brailly,  fils  de  François  et  de  Jeanne  Caudroz,  de  Saint- 
Pierre,  évesché  d'Amiens  en  Picardie  et 

Marguerite  Bourdet,  fille  de  Nicolas  et  de  Marianne  Beausoleil  de  la 
Longue-Pointe,  évesché  de  Québec. 

NOTE. — Tanguay,  vol.  II,  p.  460,  qui  n'avait  pas  vu  l'acte  de  maria- 
ge nomme  le  colon  Breilly  et  son  épouse  Bardet.  Au  mariage  de  leur 
fille  Marguerite,  les  noms  changent  encore.  Voir,  ci -après,  à  la  date  du 
24  novembre  1758. 

14  novembre  1741 

François  Moquier  dit  La  Fonderie,  caporal  de  la  cie  de  M.  Chavoy  de 
Noyan,  fils  de  François  et  de  Anne  Placé,  de  la  paroisse  de  Brain  sur  Al- 
lones,  évesché  d'Angers,  et 

Marie  Dumesnil,  fille  de  Pierre  et  de  Marguerite  Duchesnay,.  de  Qué- 
bec. 

NOTE. — Tanguay,  vol.  VI,  60,  nomme  l'époux  Moitier. 

22  janvier  1742 

Charles  Lahadie,  fils  de  Pierre  et  de  Marie  Robat,  de  la  paroisse  de 
Sainte-Julie  en  Poitou,  soldat  de  la  cie  de  M,  de  Noyan  et 

Josette  Dumesnil,  fille  de  Pierre  et  de  Marguerite  Duchesnay,  de  Qué- 
bec, 

31  mai  1742 

Pierre  Claude  dit  'Eveillé,  fils  de  Jean  Claude  et  de  Marie  Courtine, 
de  la  paroisse  de  Vinon,  évesché  de  Bourges,  et 

Thérèse  Contant,  fille  de  Jacques  Contant  et  de  Louise  Eichard,  de  la 
paroisse  de  Montréal. 

NOTE. — Tanguay,  vol.  III,  p.  122,  mentionne  l'épouse  de  (Claude 


-  263  — 

dit)  Léveillé  et  c'est  tout.      Comparer  avec  Fextrait  du  21  mai  1752,  ci- 
après. 

Le  même  auteur,  vol.  III,  p.  181,  nomme  les  parents  de  la  mariée 
Jacques  Coûtant  et  Louise  Piehard. 

5  juin  1742 

Jean-Baptiste  La  Foye  dit  Laframboise,  soldat  de  la  cie  de  M.  de  La- 
perrière,  fils  de  Jean  et  de  Suzanne  Michaud,  de  la  paroisse  de  Saint- 
Martin,  évesché  d'Amiens  et 

Charlotte  Purhoir,  fille  de  François  Purboir  et  de  Marie  Magdeleine 
Bonhomme,  de  la  paroisse  de  Sainte-Foy,  proche  Québec. 

NOTE. — Par  Tanguay,  V,  411,  nous  voyons  que  le  père  de  la  mariée 
portait  les  nom  et  surnom  de  Jean-François  Liénard  dit  Durbois.  Un 
autre  Liénard  était  surnommé  Burbois  et  Boisjoly. 

11  février  1743 

Joseph  Blanchard,  habitant  du  fort  Saint-Frédéric,  et  qui  a  déjà  été 
marié  deux  fois,  l'une  en  France  l'autre  aux  Trois-Kivières,  fils  de  Jean 
Blanchard  et  de  Toinette  Burbo  de  la  paroisse  de  Genouillet,  (Genouillat 
et  Genouillac),  dans  l'Angoumois  et 

Marie-Jeanne  Salomè,  fille  de  Claude  et  de  Marianne  Beaumont  de  la 
paroisse  de  Saint-Laurent  I.  0. 

NOTE. — Il  s'agit  peut-être  de  ce  Blanchard,  dont  la  femme  Thérèse 
Reau  ou  Raoult  fut  inhumé  aux  Trois-Eivières,  le  premier  août  1741. 
(Voir  Tanguay,  II,  306). 

18  août  1749 

Jean  Rousseau  dit  Ladouceur,  soldat  de  la  cie  de  M.  de  Saint-Pierre, 
natif  de  Notre-Dame  de  Verzé  de  Rennes  en  Bretagne,  fils  de  Jean  et  de 
Jeanne  Tabar,  et 

Marie  Ouimette,  native  de  Sault-au-Eecollet,  fille  de  Pierre  et  de 
Marguerite  Pomenville. 

NOTE. — Dans  le  contrat  de  mariage  dressé  par  le  frère  récollet  Hip- 
polyte  Collet,  on  lit  que  le  lieu  d'origine  de  l'époux  est  Notre-Dame  de  Vi- 
tré et  que  la  mère  se  nomme  Jeanne  Tabot. 

Sur  la  famille  Pierre  Ouimet,  voir  Tanguay,  VI,  183. 

7  avril  1750 
Charles  Cadet  de  la  Base,  sergent  des  troupes  de  la  cie  de  Sabrevois, 


...  264  — 

natif  de  Paris,  paroisse  de  Saint-Eustache,  fils  de  Claude  Cadet  et  de  Ma- 
rie Néré  Duval  bourgeois  de  Paris,  et 

Marie  Durand,  fille  de  Jean  et  d'Isabelle  Regremy,  habitant  de  l'Isle 
de  Rhé,  paroisse  Saint-Etienne,  diocèse  de  La  Rochelle. 

NOTE. — Ce  serait  Renée  Duval,  d'après  M.  Lamontagne. 

31  août  1750 

Pierre  Vasseur,  soldat  de  la  cie  Sabrevois,  forgeron  dans  cette  garni- 
son, natif  de  Leronne  en  Picardie,  paroisse  de  Notre-Dame,  fils  de  Louis 
et  de  défunte  Marie-Anne  Deschamps,  et 

Louise  Dwrhois,  fille  de  Jean-François  Durbois  et  d'Agnès  Corriveau 
de  la  ville  de  Québec. 

NOTE. — Dans  le  contrat  de  mariage  signé  par  le  frère  Collet,  le  31 
août  1750,  le  futur  est  nommé  Pierre  Vasseur  dit  Saint-Pierre,  fils  de 
Louis  Vasseur,  maître  brasseur.  La  future  est  fille  de  Jean-François 
Durbois  et  d'Agnès  Corneau.  Elle  est  soeur  consanguine  de  Charlotte 
qui  épouse  Jean-Baptiste  La  Foye.  Voir  ci-dessus,  5  juin  1742,  et  Tan- 
guay,  V,  411  au  nom  J.-F.  Liénard. 

1er  février  1751 

Jean  Durand,  natif  de  l'sle  de  Rhé,  paroisse  de  Sainte-Catherine  de 
la  Flotte,  fils  de  Jean  Durand  et  de  Marie  Rubord,  et 

Françoise  Minguy,  native  de  Québec,  fille  des  défunts  Jean  Mainguy 
et  de  Marie-Josephe  Valade. 

NOTE. — Le  contrat  de  mariage  fut  dressé  le  31  janvier  par  le  frère 
récollet  Hippolyte  Collet. 

21  juin  1751 

Jean-Baptiste  Joyau,  natif  de  la  paroisse  Saint-Martin,  soldat  de  la 
cie  de  Lavaltrie,  fils  de  Jean-Baptiste  et  de  défunte  Marguerite  Corriveau, 
et 

Josette  Ranjard,  native  de  la  paroisse  de  Notre-Dame  de  Montréal, 
fille  de  Pierre  et  de  Françoise  Le  Vasseur,  de  Montréal. 

NOTE. — L'épouse  doit  être  fille  de  Pierre  Raza  (ou  Ranzeard)  Voir 
Tanguay,  VI,  p.  523. 

20  septembre  1751 

Henry-Joseph  Robert  dit  Namur,  soldat  en  garnison  pour  ce  fort, 
natif  de  Namur,  paroisse  de  Notre-Dame,  fils  de  feu  Michel  Robert,  maître 
couvreur  en  ardoise,  et  de  Mademoiselle  Bierlain,  son  épouse,  et 


—  265  — 

Marie-Marguerite  Laliherté,  fille  de  feu  Louis  Laliberté  et  de  Mar- 
guerite Perrier  de  Notre-Dame  de  Montréal. 

NOTE. — Taiiguay,  VI,  599.  Dans  cette  mention,  la  femme  porte 
son  vrai  nom  de  famille  qui  est  Mouilleron.  Laliberté  n'est  qu'un  sur- 
nom.     Voir  aussi  Tanguay,  VI,  p.  125. 

5  octobre  1751 

Louis  Larivée,  natif  de  Saint-François,  fils  de  feu  Simon  Larivée  et 
de  Marie  Guérard  et 

Marguerite  Dany,  veuve  de  Charles  Raimond  cy-devaut  habitant  de 
Montréal. 

NOTE. — Tanguay,  V,  177,  mentionne  un  Louis  Larrivé,  né  eu  1706, 
qui  décède  en  1788  à  l'Hôpital-Général  de  Montréal  ;  mais  il  ne  dit  pas 
si  le  défunt  était  célibataire  ou  veuf.  Deux  des  filles  de  l'épousée  se  ma- 
rient par  la  suite,  le  12  mai  1755  et  le  29  janvier  1758,  audit  fort  ;  voir 
ci-après. 

25  octobre  1751 

Ignace  Bosset,  natif  du  Cap  Saint-Ignace,  fils  de  feu  Louis  Bosset  et 
de  défunte  Marie-Angélique  Bouchard  et 

Marie-Anne  Saint-Michel,  native  de  Notre-Dame  de  Montréal,  fille  de 
feu  André  Saint-Michel  et  de  Françoise  Vallade. 

NOTE. — Tanguay,  II,  361,  mentionne  un  Ignace  Bossé,  fils  de  Louis, 
qui  était  marié  en  1740  à  Marguerite  Gagné.  Ce  doit  être  le  même. 
Leur  contrat  de  mariage  avait  été  rédigé  le  17  octobre  par  le  frère  récollet 
Hippolyte  Collet  et  il  est  aux  archives  de  Montréal. 

27  mai  1752 

Pierre  Claude  dit  L'Eveillé,  natif  de  la  paroisse  de  Vinon,  diocèse  de 
Bourges  en  Berry,  veuf  de  Marie-Thérèse  Laframboise  et  fils  de  Pierre 
Claude  et  de  Marie  Carcine  et 

Françoise  LeBlanc,  fille  de  défunt  Julien  Le  Blanc  et  d'Anne  Vanier, 
habitant  de  Charlesbourg  et  veuve  de  défunt  Jean  Glinelle,  à  présent 
exerçant  les  fonctions  de  sage  fenmie. . 

NOTE. — Voir  ci-dessus  à  la  date  du  31  mai  1742.  Il  s'agit,  évi- 
demment du  même  colon  ;  mais  quelle  déformation  dans  les  noms  ? 

Au  contrat  de  mariage  qui  fut  fait  le  27  mai  1752,  par  le  frère  re- 
Collet.  Il  fut  déposé  dans  l'étude  de  Danré  de  Blanzy,  le  20  juin  1752, 
de  Marie-Thérèse  Lafranchise,  sobriquet  de  la  famille  Contant.  La- 
framboise, dans  l'acte  ci-dessus,  est  donc  une  erreur  du  copiste. 


—  266  — 

29  mai  1753 

Pierre  LamarcUe  dit  Sans  peur,  fils  de  feu  Pierre  Lamarche  et  de 
feue  Marguerite  Valade,  de  Montréal,  et 

Geneviève  Palin,  fille  de  Louis  et  de  Geneviève  Lapluche,  de  Lon- 
gueuil. 

NOTE. — Le  contrat  de  mariage  fut  dressé  le  29  mai,  par  le  frère 
Collet.  Il  fut  déposé  dans  l'étude  de  Danré  de  Blanzy,  le  20  juin  1752 
par  Joseph  Paillant  dit  Saint-Onge,  navigateur.  Voir  aussi  Tanguay,  V 
106  et  VI,  p.  198.  Geneviève  Palin,  épousa  en  secondes  noces,  en  1756, 
J.  P.  Astier. 

3  juillet  1752 

Michel  Boileau,  natif  de  Chambly,  interprète  pour  le  Eoi,  dans  ce 
poste,  fils  de  feu  Pierre  Boileau  et  de  Marguerite  Ménard  de  Chambly,  et 

Marie-Catherine  La  Villette,  native  de  Québec,  fille  de  Jean-Fran- 
çois et  de  Catherine  Brousseau,  habitants  des  côtes  voisines  de  ce  fort. 

NOTE. — Le  contrat  de  mariage  Boileau-Lavillette  fut  dressé  le  12 
juillet  par  le  frère  Collet.      (Arch.  de  M.) 

Tanguay,  II,  326,  donne  par  erreur,  à  l'épouse,  le  nom  de  La  Violette, 
mais  il  la  nomme  correctement  au  vol.  V,  p.  209.  Voir  ci-après,  à  la  date 
du  19  septembre  1756. 

20  novembre  1752 

André  Michel  dit  Saint-Michel,  habitant  de  ce  lieu,  natif  de  Montréal 
et  fils  de  feu  André  Michel  et  de  Marie  Françoise  Valade  et 

Marie-Josette  Brouch,  fille  de  Marie- Anne  Brouch,  femme  de  Claude 
Blanchy. 

NOTE. — Avant  la  cérémonie  du  mariage,  l'aumônier  du  fort  rédigea 
un  contrat,  dans  lequel,  on  dit  que  la  future  est  fille  naturelle  de  Marie- 
Anne  Brouch  (ou  Bourg)  alors  épouse  de  Claude  Blanchy  dit  Saint- 
Quentin  et  Blanchard.  Auparavant  celle-ci  avait  été  mariée  à  Joseph- 
François  Morel.  Enfin,  en  troisièmes  noces,  elle  épousa  Edmond  Pucelle 
à  Montréal  en  1757.       (Voir  Tanguay.  II,  311,  419  et  VI,  96). 

12  mai  1755 

Nicolas  Cordeaux,  soldat  de  la  cie  de  Cabanac,  natif  de  Froideaux  (ou 
Froidos),  diocèse  de  Verdum,  fils  de  Sébastien  et  de  Madeleine  Vincent, 
présent  en  ce  poste,  et 


—  267  — 

Françoise  Opris,  fille  de  François  Opris  dit  Laramée  et  d'Agnès  Meny 
de  cette  paroisse. 

NOTE. — Ce  Cordeau  était  veuf,  ayant  épousé  à  Chambly  en  1750 
Marie-Josephe  Boyer,  qui  décède  en  1751.  Voir  Tanguay,  III,  128.  Sur 
la  mariée,  voir  Tanguay,  II,  86. 

13  mai  1755 

Jacques  Lampe,  soldat  de  la  cie  de  Lusignan,  natif  de  Pyrus 
(Peyrusse),  diocèse  de  Saint-Flour,  en  Auvergne,  fils  de  François  et 
de  défunte  Anne  Passepont  de  cette  paroisse,  et 

Marie  Raymond,  fille  de  défunt  Charles  Eaymond  et  de  Marguerite 
Danis,  de  cette  paroisse. 

NOTE. — Le  père  de  la  mariée,  "voyageur",  était  décédé  au  mois  de 
septembre  1746,  à  Montréal,  (Tanguay  VI,  518)  et  la  mère  avait  convolé 
au  fort  Saint-Frédéric.  Voir  ci-dessus,  à  la  date  du  5  octobre  1751. 

Le  contrat  de  mariage  rédigé  par  l'aumônier  du  fort,  révérend  Didace 
CHche,  est  conservé  aux  archives  de  Montréal. 

♦  27  mai  1756 

Michel  Mathé  dit  Saint-Michel,  soldat  de  la  cie  de  Lusignan,  fils 
d'Edine  Mathé  et  de  Marie-Trénaute,  de  la  paroisse  de  Saint-Louis,  Ile 
Notre-Dame,  diocèse  de  Paris,  et 

Marie-Françoise  Thibault,  fille  de  François  et  de  Véronique  Cérat, 
de  la  Rivière-des-Prairies,  en  l'Ile  de  Montréal! 

NOTE. — Le  contrat  de  mariage,  date  du  27  mai  et  il  est  signé  par  le 
frère  Didace  CUche. 

Tanguay,  VII,  296  ne  donne  pas  la  date  du  baptême  de  Marie-Fran- 
çoise Thibault. 

8  juin  1756 

Louis  Landriaux,  de  la  cie  de  Lusignan,  fils  de  feu  Louis  Landriaux 
et  de  Marie-Louise  Bourond,  natif  de  la  ville  de  Luçon  en  Poitou,  et 

Marie-Anne  Prud'homme,  fille  de  feu  Jean-Baptiste  et  de  Marie- 
Anne  Tessier,  de  cette  paroisse. 

NOTE, — Le  contrat  de  mariage  date  du  7  juin  ;  il  est  signé  par  le 
frère  Didace  Cliché.  Le  sieur  Landriaux  était  alors  chirurgien  du  fort. 
Plus  tard  il  ira  demeurer  à  Montréal,  et  deviendra  "chirurgien  en  chef  de 
l'Hôpital-Général".  (Voir  B.  E.  H.,  1921,  p.  79).  Sur  l'épousée,  voir 
Tanguay,  VI,  467,  et  aussi  ci-après,  22  janvier  1758. 


—  268  — 

19  septembre  1756 

Jean-Philippe  Garnot  dit  Brindamour,  sergent  de  la  cie  de  Lavaltrie, 
fils  de  Jean- Jacques  Garnot  et  de  Marie- Jacqueline  Bourguillot,  de  la  pa- 
roisse Saint-Paul,  à  Paris,  et 

Marie-Madeleine  La  Villette,  fille  de  Jean-François  et  de  Catherine 
Bray seaux,  de  cette  paroisse. 

NOl^. — Même  date,  contrat  de  mariage  par  le  frère  récollet  Didace 
Cliché.  ÎLa  mère  de  la  mariée  y  est  appelée  Brusseaux.  (Voir  ci-des- 
sus, à  la  date  du  3  juillet  1752). 

15  octobre  1757 

Jean-Baptiste  Lecoq,  caporal  de  la  cie  de  Lusignan  et  fils  de  défunt 
Jean-Baptiste  et  de  Marguerite  Dumesnil,  de  la  paroisse  de  Saint-Laurent, 
ville  de  Rouen,  et 

Jeanne  Houattée  dite  Saint-Godard,  fille  de  Pierre  et  d'Angélique 
Geoffroy,  habitans  présentement  de  la  paroisse  de  la  Noray. 

NOTE. — Le  nom  du  père  a  été  omis  dans  l'acte  de  mariage  ;  mais 
il  existe  au  contrat,  fait  la  veille,  par  le  frère  Didace^liche. 

La  mariée  avait  19  ans,  étant  née  en  1738.  Voir  Tanguay,  IV,  515, 
aussi  VI,  173. 

f  16  janvier  1758 

Joseph  Dominique  dit  Daragon,  soldat  de  la  cie  de  Lusignan,  fils  de 
François  Dominique  et  d'Espérance  Martine,  de  la  paroisse  de  Saint-Mi- 
chel à  Villafélix,  archevêché  de  Saragosse,  et 

Marie-Louise  Joyal,  veuve  d'Antoine  Villiaume,  fille  d'Antoine  et  de 
Thérèse  Ligniard,  de  la  paroisse  de  Saint-Antoine  de  la  Rivière  du  Loup, 
évêché  de  Québec. 

NOTE. — C'est  la  veille  du  mariage  que  le  frère  Didace  Cliché  rédi- 
gea le  contrat  de  mariage.  (Archives  de  Montréal).  Dans  Tanguay, 
V,  28,  le  père  de  la  mariée  est  appelé  Joyelle  et  la  mère  Guignard.  Marie- 
Louise  Joyal  avait  épousé  Villiaume  à  la  Rivière-du-Loup,  le  10  février 
1755,  nous  apprend  M.  Léandre  Lamontagne. 

22  janvier  1758 

Yves-Jacques  Ferrière,  sieur  de  Busse,  garde-magasin  pour  le  Roi  en 
ce  fort  Saint-Frédéric,  fils  de  maître  Toussaint-René  Ferrière,  Sieur  de 
Busse  et  de  Dame  Jeanne-Thérèse  Ouimet,  de  la  ville  et  paroisse  de  Brest, 
diocèse  de  Saint-Paul  de  Léon,  en  Bretagne,  et 


—  269  — 

Marguerite  Prud'homme,  fille  de  défunt  Jean-Baptiste  Prud'homme 
et  de  Marie-Anne  Tessier. 

NOTE. — ^Le  contrat  de  mariage,  qui  date  du  !31  janvier  et  qui  est  ré- 
digé par  le  frère  Didace  Cliché  porte  très  lisiblement  Yves-Jacques,  non 
pas  Jean-Jacques,  comme  on  le  voit  dans  certain  manuscrit. 

Il  émigra,  lors  de  la  cession,  mais  revint  ensuite  au  pays  ou  il  a  encore 
des  descendants.  Voir  Massicotte  et  Roy,  Armoriai  du  Canada  français. 
vol.  I,  p.  14. 

L'épousée  était  soeur  de  Dame  Landriaux.  Voir  ci-dessus,  au  8  juin 
1758. 

29  janvier  1758 

Pierre  Berland,  "soldat  canonier",  fils  de  défunt  Pierre  Berland  et  de 
défunte  Catherine  Meseray,  de  la  paroisse  de  Sainte-Etienne  de  Sillé  Le 
Guillaume,  diocèse  du  Mans,  et 

Marie-Louise  Raymond,  fille  de  défunt  Charles  Raymond  et  de  Mar- 
guerite Danis,  de  la  paroisse  de  Montréal. 

NOTE. — Sa  soeur  et  la  mère  de  l'épousée  avaient  déjà  été  mariées 
au  même  fort.  Voir  aux  dates,  12  mai  1755  et  5  octobre  1751.  Le  con- 
trat de  mariage  fut  dressé  la  veille  de  la  cérémonie,  par  le  frère  Didace 
Cliché. 

6  février  1758 

Raymond  Lacomhe  dit  Saint- Raymond,  soldat  de  la  cie  de  Lusignan, 
fils  de  défunt  Antoine  Lacombe  et  de  défunte  Perret  Charles,  de  la  parois- 
se de  Grusel  (Grézels)  diocèse  de  Cabors  en  Quercy,  et 

Jeanne  Lavergne,  fille  de  défunt  Jean  Lavergne  et  de  défunte  Jeanne 
Perrier,  de  la  paroisse  de  Laprairie  de  la  Madeleine. 

NOTE. — C'est  le  4  février,  deux  jours  avant  le  mariage,  que  ces  fu- 
turs époux  firent  rédiger  leur  contrat  par  l'aumonier,  frère  Didace  Cliché. 

Tanguay,  vol.  V,  p.  207,  nomme  la  mère  de  l'épousée  Jeanne  Rivière. 

24  novembre  1758 

Amédée  Basile,  fils  de  Jean-Baptiste- Amédé  Basile  et  d'Eléonore 
Boutaline,  de  la  paroisse  de  Sainte-Marie,  diocèse  de  Turin,  et 

Marguerite  Breilly,  fille  d'Antoine  et  de  Marguerite  Bourolet,  native 
de  la  paroisse  de  Saint-Louis,  évêché  de  Québec. 

NOTE. — Le  contrat  de  mariage  fut  dressé  au  fort,  le  23  novembre, 
par  l'aumônier  qui  signe  "fr  antoine  deperet,  ptre  Recollet".      Dans  cette 


—  270  — 

pièce,  le  futur  époux  est  désigné  ainsi  :  "Amédé  Bazile  gourget  dit  la 
Eoze,  soldat  de  la  cie  de  M.  de  Contrecoeur".  Cependant  à  l'intitulé  et 
dans  diverses  autres  parties  du  contrat,  Bazile  apparaît  seul  comme  nom 
patronymique. 

Pour  la  future,  nous  lisons  :  Marguerite  Brélier,  fille  d'Antoine  Bre- 
lier  et  de  Marguerite  Bordette. 

Tanguay,  II,  460  a  très  peu  de  renseignements  sur  les  parents  de  la 
mariée,  car,  il  n'a  pas  vu  leur  acte  de  mariage.  Voir  ci-dessus,  à  la  date 
du  14  novembre  1741. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


D'ANCOURT 


Le  Bulletin  des  Recherches,  1912,  p.  173,  donne  Un  Personnage  Mys- 
térieux, de  moi.  C'est  d'Ancourt  ou  d'Aucourt,  selon  les  gens  de  la  Baie- 
du-Febvre. 

Cet  homme,  réfugié  à  la  Baie  en  1815  était,  dit-on,  Caulaincourt.  Ab- 
surdité !  Je  pense  qu'il  venait  de  Saint-Domingue. 

Dans  Paris  Révolutionnaire  de  G.  Lenôtre,  publié  en  1896,  on  voit, 
pages  379,  385,  que,  vers  1786,  Fouquier-Tinville  épousa,  en  secondes  no- 
ces, en  France,  mademoiselle  Henriette-Jeanne  Gérard  d'Aucourt,  fille 
d'un  colon  de  Saint-Domingue.  Fouquier  devint  accusateur  public  en 
1793  et  périt  sur  l'échafaud  en  1794.  Sa  veuve  décéda  très  pauvre,  à 
Paris,  le  27  novembre  1827. 

Puisque,  en  1786,  cette  fille  était  en  France  la  famille  d'Aucourt  pou- 
vait bien  être  restée  à  Saint-Domingue. 

L'homme  de  la  Baie-du-Febvre  paraît  être  né  vers  1760  ou  1765. 

Henriette-Jeanne  Gérard  devait  être  née  vers  1760  ou  1765. 

Etaient-ils  parents  ? 

B.  SULTE 


—  271  -- 

LES    OFFICIERS    DES    TROUPES    DU 
CANADA   EN   1701 


Estât  envoyé  par  M.  de  Callières  des  officiers  d'infanterie  apostillez 
de  leurs  qualitez  et  services. 

-   Mémoire  contenant  les  noms  des  officiers  des  troupes  qui  sont  en  Ca- 
nada, leurs  âages,  lieux  de  leurs  naissances  et  le  temps  de  leurs  services. 

CAPITAINES 

Le  Sr.  de  Eamezay  Capitaine  et  Commandant  les  troupes.   - 
Le  Sr.  de  St.  Ours,  natif  de  Grenoble  en  Dauphinay,  aagé  de  58  ans, 
a  esté  fait  Enseigne  à  14  ans  et  Capitaine  à  20  ans  dans  le  régiment  de 
Carignan  qui  vint  en  Canada  en  1664  et  eut  une  commission  de  Capitaine 
au  dit  pays  en  1687  où  il  est  marié. 

Le  Sr.  Duplessis  Fabert,  natif  de  Paris  aagé  de  54  ans,  a  esté  Ensei- 
gne dans  le  régiment  de  Navarre  en  1664,  Lieutenant  dans  Darbouville 
le  30e.  8bre  1665,  Capitaine  reformé  en  Candie  dans  le  régiment  de  St. 
Vallier  en  1669,  Capitaine  en  pied  dans  le  mesme  régiment  en  1671  et 
Capitaine  en  pied  en  Canada  en  1687  oiî  il  est  marié. 

Le  Sr.  de  la  Chasseigne,  natif  de  Paray  dans  le  Comté  de  Cliarolois, 
aagé  de  46  ans,  a  esté  fait  Enseigne  dans  le  régiment  de  Navarre  en  1673, 
Lieutenant  dans  le  mesme  régiment  en  1675,  Capitaine  dans  le  régiment  de 
Condé  le  17e.  aoust  1677  et  Capitaine  en  Canada  en  1687  où  il  est  marié. 
Il  est  bon  officier. 

Le  Sr.  Dumuis,  natif  de  Beauvais  en  Flsle  de  France,  aagé  de  48  ans, 
a  esté  fait  Lieutenant  en  1674,  Capitaine  en  1678  et  Capitaine  en  Canada 
en  1685  où  il  est  marié. 

Le  Sr.  Dumesny  de  Noré,  natif  de  Caen,  âagé  de  40  ans,  a  esté  fait 
garde  de  la  marine  en  1677,  Enseigne  de  vaisseau  en  1684,  Capitaine  en 
Canada  la  mesme  année,  Lieutenant  de  vaisseau  en  1692,  est  marié  en 
Canada. 

Le  Sr.  Subercase,  natif  de  Bear,  âagé  de  38  ans,  est  venu  Capitaine 
en  Canada  en  1687,  fait  Major  des  troupes  en  1693  et  Enseigne  de  vais- 
seau en  1695.      Bon  officier. 


—  272  — 

I  Le  Sr.  Besbeçgeres,  natif  d'Orléans,  âagé  de  46  ans,  a  servy  pendant 
sept  ans  dans  la  seconde  compagnie  des  Mousquetaires  du  Eoy,  envoyé 
Capitaine  en  Canada  en:  1685,  où  il  estoit  marié  et  est  veuf  depuis  })res 
de  deux  ans. 

Le  Sr.  Lorrimier,  natif  de  Paris,  aa;gé  de  46  ans,  fait  sous  Lieute- 
nant dans  le  régiment  de  la  Reine  le  20  mars  1673,  Lieutenant  dans  le 
mesme  régiment  le  15e.  septembre  1676,  Lieutenant  de  la  pre  Compa- 
gnie des  grenadiers  dans  le  mesme  régiment  le  2e.  septembre  1671),  Capi- 
taine en  Canada  le  10e.  7bre  1685,  où  il  est  marié. 

Le  Sr.  Le  Verrier,  natif  de  Paris,  aagé  de  42  ans  a  servi  dans  la  pre- 
mière compagnie  des  Mousquetaires  du  Roy  2  ans,  Cornette  de  cavallerie 
dans  le  régiment  de  Varennès  en  1675,  Lieutenant  reformé  et  en  pied  dans 
le  régiment  de  la  Yallette  l'espace  de  2  ans.  Reformé  en  1686,  Capitaine 
en  Canada  en  1687,  où  il  sert  actuellement  et  Enseigne  de  vaisseau  en  1695. 

Le  Sr.  de  la  Groye  est  au  fort  Frontenac.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  Longueuil,  natif  de  Canada,  aagé  de  45  ans,  a  esté  fait, 
Lieutenant  dans  le  régiment  de  St.  Laurens  en  1680,  Lieutenant  en  Ca- 
nada en  1687  Capitaine  reformé  le  douzième  janvier  1691  et  Capitaine  en 
pied  le  29e  février  de  la  mesme  année,  marié  et  établi  au  dit  pays.  Bon 
officier. 

Le  Sr.  Duluth,  natif  de  St.  Germain  la  Vallée  en  Foret,  aagé  de  62 
ans;  en  l'année  1665  est  entré  dans  les  gens  d'armes  du  Roy  où  il  est  resté 
jusqu'en  1675,  a  esté  fait  Capitaine  reformé  en  Canada  le  2e.  janvier 
1691  et  Capitaine  en  pied  audit  pais  le  25e.  mars  1696.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  St.  Martin  Viabon,  natif  de  St.  Benoist  le  Fleury  sur  la 
Loire,  aagé  de  45  ans,  a  esté  fait  Lieutenant  reformé  dans  le  régiment  de 
la  marine  en  1673  et  Lieutenant  en  pied  dans  la  mesme  année,  il  a  esté 
fait  garde  de  la  marine  en  1684  et  est  venu  la  mesme  année  Lieutenant 
en  Canada,  Capitaine  reformé  en  1690;  Enseigne  de  vaisseau  en  1695  et 
Capitaine  en  pied  en  1697,  où  il  est  marié. 

Le  Sr.  de  Maricourt,  aagé  de  36  ans,  natif  de  Canada,  où  il  a  servy  en 
qualité  d'officier  subalterne  depuis  l'année  1686  jusqu'en  1691  qu'il  a 
esté  fait  Capitaine  et  Enseigne  de  vaisseau  en  1694,  marié  et  etably. 

Le  Sr.  Le  Vasseur  de  Nerré,  natif  de  Paris,  aagé  de  37  ans,  a  esté 
fait  Capitaine  en  pied  dans  le  régiment  d'Anjou  en  1691,  fait  Capitaine 
reformé  et  garde  de  la  marine  avec  ordre  de  venir  en  Canada  en  qualité 
d'Ingénieur  en  1693,  et  fait  Capitaine  en  pied  audit  pays  de  Canada  en 


—  273  — 

1694  où  il  sert  actuellement  et  où  il  a  sa  famille.      Il  est  bon  officier  et 
bon  ingénieur. 

Le  Sr.  Petit  de  L'Evilliers,  natif  du  dioceze  de  Soissons,  aagé  de  40 
ans,  a  esté  fait  garde  de  la  marine  en  1683,  est  venu  Enseigne  des  troupes 
en  Canada  en  1687,  fait  Lieutenant  reformé  eu  1690,  Capitaine  reformé 
en  1693  et  Capitaine  en  pied  la  mesme  année.  Enseigne  de  vaisseau  en 
1695,  marié  en  Canada. 

Le  Sr.  de  la  Mothe  Cadillac  au  Détroit,  Bon  officier  ayant  de  la  ca- 
pacité. 

Le  Sr.  de  Cabanac,  natif  de  Carcassonne,  aagé  de  45  ans,  a  servy 
Lieutenant  reformé  dans  le  régiment  du  Roy,  et  Lieutenant  dans  le  régi- 
ment de  Picardie,  est  venu  Lieutenant  et  garde  de  la  marine  en  Canada  en 
1685,  fait  Capitaine  reformé  en  1694,  Enseigne  de  vaisseau  en  1695  et 
Capitaine  en  pied  en  1696,  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  Desourdis,  natif  de  Carcassonne,  aagé  de  35  ans,  est  venu 
Lieutenant  en  Canada  en  1685,  fait  Capitaine  reformé  en  1693,  Enseigne 
de  vaisseau  en  1695  et  Capitaine  en  pied  audit  pais  de  Canada  en  1697 
où  il  est  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  Linctot  (  1  ) . 

Le  Sr.  de  Tonty,  au  Détroit.      Bon  officier  et  capable. 

Le  Sr.  de  Soulange,  natif  de  Canada,  aagé  de  25  ans,  a  esté  fait  En- 
seigne en  1683,  Lieutenant  en  1693,  Enseigne  de  vaisseau  en  1695  et  Ca- 
pitaine en  1700. 

Le  Sr.  Chevalier  de  Champigny  (3). 

Le  Sr.  De  laporte  Louvigny,  natif  de  Paris,  aagé  de  39  ans,  a  esté 
Lieutenant  dans  le  régiment  de  Navarre  en  1677,  Lieutenant  en  Canada 
en  1684,  Capitaine  reformé  en  1686,  Capitaine  en  pied  en  1691  et  Ensei- 
gne de  vaisseau  en  1695,  marié  en  Canada  (3). 

Le  Sr.  de  Beaucourt  bois  Berthelot,  natif  de  l'evesché  de  Cornouailles, 
aagé  de  36  ans,  a  esté  fait  garde  de  la  marine  en  1684,  Lieutenant  en  Ca- 
nada en  1688,  Capitaine  reformé  en  1691,  Enseigne  de  vaisseau  en  1692,  a 
fait  les  fonctions  d'Ingénieur  en  1693  et  fait  Capitaine  en  pied  en  1701. 
Bon  officier. 

Le  Sr.  de  la  Forest,  natif  de  Paris,  aagé  de  46  ans,  a  esté  fait  Capi- 
taine en  pied  pour  servir  dans  l'Amérique  en  1684,  Capitaine  reformé 


(1)  En  marge:     "N'a  pas  encore  envoyé  l'état  de  ses  services." 

(2)  En  marge:     "Passé  en  France." 

(3)  En  marge:     "Fait  major  des  Trois-Rivières,  20  avril  1700." 


.--274—- 

dans  les  troupes  en  Canada  en  1691,  garde  de  la  marine  en  1694  et  Capi- 
taine en  pied  dans  les  troupes  de  Canada  en  1701.  Bon  officier  et  ca- 
pable. 

Le  Sr.  de  Blenville  (4). 

CAPITAINE  EEFOEME 

Le  Sr.  de  Eepentigny,  natif  de  Canada,  aagé  de  70  ans,  fait  Capitaine 
reformé  en  1689  dans  les  troupes  que  Sa  Majesté  y  entretient  et  où  il  sert 
actuellement,  marié  et  estably.  Il  est  homme  de  bonne  conduitte  et  ca- 
pable. 

LIEUTENANTS 

Le  Sr.  De  Martelly,  natif  de  Toulon,  a  esté  fait  Lieutenant  reformé 
en  Canada  en  1695  et  Lieutenant  en  pied  audit  pais  en  1700. 

Le  Sr.  Le  Gardeur  de  Beauvais,  natif  de  Québec  en  Canada,  aagé  de 
41  ans,  a  esté  fait  Lieutenant  reformé  en  1688,  Lieutenant  en  pied  en 
1690  et  garde  de  la  marine  en  1694,  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  Desglis,  natif  de  Paris,  aagé  de  35  ans,  a  esté  fait  Enseigne  de 
la  Colonelle  du  régiment  de  Dauphinay  en  1688,  Lieutenant  dans  les 
troupes  de  Canada  en  1691  et  Lieutenant  en  pied  en  1696. 

Le  Sr.  Le  Gardeur,  natif  de  Canada,  aagé  de  49  ans,  a  esté  fait  En- 
seigne en  1688,  Lieutenant  reformé  en  1690  et  Lieutenant  en  pied  en  1692, 
marié  et  etably.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  Mantet,  natif  de  Canada,  aagé  de  38  ans,  a  esté  fait  Ensei- 
gne en  1687,  Lieutenant  reformé  en  1688  et  Lieutenant  en  pied  en  1689, 
marié  et  etably. 

Le  Bv.  de  Eepentigny  fils,  natif  de  Canada,  aagé  de  44  ans,  a  servy 
2  ans  en  qualité  d'Enseigne,  2  ans  en  qualité  de  Lieutenant  reformé  et  sert 
depuis  10  ans  en  qualité  de  Lieutenant  en  pied,  marié  et  etably.  Bon 
officier. 

Le  Sr.  de  Sabrevoye,  natif  de  Beauce,  aagé  de  36  ans,  a  sèrvy  Lieu- 
tenant reformé  dans  le  régiment  de  l'Affaire  en  1682,  est  venu  Lieuter 
nant  reformé  en  Canada  en  1685  et  Lieutenant  en  jjied  en  1688,  servant 
actuellement  en  la  dite  qualité,  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  De  St.  Pierre  Eepentigny,  natif  de  Canada,  aagé  de  40  ans,  a 
esté  fait  Lieutenant  en  1689,  servant  actuellement  en  ladite  qualité,  marié 
et  etably. 


(4)   En  marge:     "On  né  les  a  pas  encore  envoyés." 


—  275  — 

Le  Sr.  de  la  Jemeraye,  natif  de  Bretagne,  aagé  de  38  ans,  fait  garde 
de  la  marine  en  1683,  passé  en  Canada  en  qualité  d'Enseigne  en  1687, 
Lieutenant  reformé  en  1690,  Lieutenant  en  pied  en  1691  et  Enseigne  de 
vaisseau  en  1695.      Bon  officier. 

Le  Sr.  D'Argénteuil,  natif  de  Canada,  aagé  de  42  ans,  a  esté  fait 
Lieutenant  reformé  en  1690  et  Lieutenant  en  pied  en  1694,  marié. 

Le  Sr.  Dervilliers,  natif  de  Paris,  aagé  de  26  ans,  a  esté  fait  Enseigne 
en  Canada  en  1696  et  Lieutenant  en  pied  en  1700. 

Le  Sr.  de  Mongenault  (5). 

Le  Sr.  de  Eanay,  natif  de  Poitou,  aagé  de  41  ans,  a  esté  fait  garde  de 
la  marine  en  1685,  est  venu  Lieutenant  reformé  en  Canada  en  1687  et  fait 
Lieutenant  en  pied  en  1692,  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  Dubuisson,  natif  de  Paris,  aagé  de  35  ans,  a  servy  en  Canada 
en  qualité  de  Cadet  pendant  10  ans,  fait  Enseigne  reformé  en  1696  et 
Lieutenant  en  pied  en  1698,  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  De  Ligneris,  natif  de  Thourennes,  aagé  de  38  ans,  a  esté  fait 
Lieutenant  dans  le  régiment  D'Auvergne  en  1675,  fait  garde  de  la  marine 
en  1683,  venu  Lieutenant  reformé  en  Canada  en  1687  et  fait  Lieutenant 
en  pied  audit  pais  en  1690  marié  et  etably.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  Vildené,  natif  de  Paris,  aagé  de  35  ans,  a  servy  en  Canada 
en  qualité  de  Cadet  pendant  3  ans,  fait  Enseigne  reformé  en  1687,  fait 
prisonnier  par  les  Iroquois  en  1689,  Lieutenant  reformé  à  son  retour  en 
1692,  et  Lieutenant  en  ])ied  en  1696,  marié. 

Le  Sr.  de  la  Pipardière  (  6  ) . 

Le  Sr.  Montigny,  natif  de  Canada,  aagé  de  37  ans,  fait  Enseigne  re- 
formé en  1690,  Enseigne  en  pied  en  1692,  Lieutenant  à  l'Acadie  en  1693, 
garde  de  la  marine  la  mesme  année  et  en  1687  est  revenu  en  Canada  pour 
y  servir  en  qualité  de  Lieutenant  où  il  sert  actuellement,  marié.  Bon. offi- 
cier. 

Le  Sr.  de  Persillon,  natif  de  Bear,  aagé  de  38  ans,  a  esté  fait  garde 
de  la  marine  en  1684  et  venu  Lieutenant  en  Canada  en  1687  où  il  sert  ac- 
tuellement en  la  dite  qualité. 

Le  Sr.  de  Courtemanche,  natif  de  Canada,  aagé  de  37  ans,  a  esté  fait 
Enseigne  en  1690,  Lieutenant  reformé  en  1691  et  Lieutenant  en  pied  en 
1692,  Marié.      Bon  officier,  brave  homme  et  de  bonne  conduitte. 


(5)  En  marge:     "Est  en  France." 

(6)  En  marge:      "On  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses  services." 


—  276  — 

Le  Sr.  de  Planiolle,  natif  de  Montpellier,  aagé  de  45  ans,  a  esté  Lieu- 
tenant dans  le  régiment  d'Anjou  en  1678  et  venu  Lieutenant  en  Canada 
en  1687,  où  il  sert  actuellement  en  la  dite  qualité,  marié,  a  un  brevet  de 
la  marine  en  1694. 

Le  Sr.  Clerin,  natif  d'Aix  en  Provence,  aagé  de  41  ans,  a  esté  sous 
Lieutenant  dans  le  régiment  de  Vendosme  en  1672,  a  servy  mareschal  des 
logis  dans  les  dragons  de  la  Eeine  en  1680,  Cornette  dans  le  mesme  régi- 
ment en  1682,  a  eu  une  commission  d'Enseigne  reformé  en  Canada  en 
1685,  Enseigne  en  pied  au  dit  pais  en  1687,  Lieutenant  reformé  en  1691 
et  Lieutenant  en  pied  en  1695,  faisant  les  fonctions  d'ayde  Major  de  la 
ville  de  Montréal  depuis  12  ans,  oii  il  est  marié.  Bon  officier  et  s'acquit- 
tant  bien  de  son  deT-oir. 

Le  Sr.  de  Beccancourt,  natif  de  Canada  (7). 

Le  Sr.  de  la  Monnerie,  natif  de  Poitou,  aagé  de  44  ans,  a  esté  sous 
Lieutenant  dans  le  régiment  de  Nouailles  en  1675,  Lieutenant  dans  le 
mesme  régiment  en  1677,  venu  en  Canada  en  1685  oii  il  a  esté  fait  sous 
Lieutenant  et  Lieutenant  en  pied  en  1691.  A  un  brevet  de  garde  de  la 
marine  en  1694,  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  Granville,  natif  de  Paris,  aagé  de  55  ans,  a  esté  Enseigne 
et  Lieutenant  dans  le  régiment  de  Poitou  pendant  6  ans,  est  venu  en  Ca- 
nada Lieutenant  dans  le  régiment  de  Carignan  en  1665  et  fait  Lieute- 
nant dans  les  troupes  que  Sa  Majesté  y  entretient  présentement  en  1686, 
marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  Perigny,  natif  de  Canada,  aagé  de  40  ans,  a  esté  fait  Lieu- 
tenant reformé  en  1690  et  Lieutenant  en  pied  en  1696,  marié  et  etably. 

Le  Sr.  de  Beaubassin,  natif  de  Canada,  aagé  de  35  ans,  a  esté  fait 
garde  de  la  marine  le  2e.  avril  1687,  Enseigne  en  1691,  Lieutenant  reformé 
en  1693  et  Lieutenant  en  1696, 

Le  Sr.  de  la  Corne  (8). 

LIEUTENANTS  REFORMES 

Le  Sr.  de  Rouville,  natif  de  Canada  (9). 

Le  Sr.  de  Saint  Tours  fils,  natif  de  Canada,  aagé  de  32  ans,  sert  de- 
puis 10  ans  en  qualité  d'Enseigne  et  de  Lieutenant  reformé. 

Le  Sr.  Frérot,  natif  de  Canada,  aagé  de  26  ans,  a  servy    longtemps 


(7)  En  marge:  "Est  en  France." 

(8)  En  marge:  "Est  en  France." 

(9)  En  marge:  "On  n'a  pas  reçeu  l'état  de  ses  services,  mais  il  est  bon 
officier." 


—  277  — 

Cadet  dans  les  troupes  de  ce  pais  et  fait  Lieutenant  reformé  en  1696.  Bon 
officier. 

Le  Sr.  de  la  Frenière,  natif  de  Canada  (10). 

Le  Sr.  de  Mondion,  natif  de  l'archevêché  de  Tours,  aagé  de  36  ans,  a 
servy  dans  les  Cadets  de  Brisac  en  1682,  a  esté  fait  garde  de  la  marine  en 
1684  et  passé  en  Canada  en  qualité  d'Enseigne  en  1688  et  Lieutenant 
reformé  en  1694,  servant  actuellement  en  ladite  qualité  et  ayant  fait  les 
fonctions  d'ayde  Major  pendant  six  ans.      Bon  officier. 

Le  Sr.  Duguay,  natif  de  Canada,  il  est  détaché  au  Détroit.  Bon  of- 
ficier. 

Le  Sr.  de  Catalogne,  natif  de  Bear,  aagé  de  38  ans,  est  passé  en  Ca- 
nada en  qualité  de  Cadet  en  1683,  fait  Enseigne  en  1687  et  Lieutenant 
reformé  en  1691,  marié.      Bon  officier. 

Le  Sr.  de  la  Perade,  natif  de  Canada,  aagé  de  25  ans,  a  servy  depuis 
l'année  1687  en  qualité  de  Cadet  jusqu'en  1689  qu'il  fut  fait  Enseigne  et 
Lieutenant  reformé  en  1694.      Bon  officier. 

Le  Sr,  de  Saint  Michel,  natif  de  Caen,  aagé  de  39  ans,  a  servy  pen- 
dant 5  ans  dans  les  dragons  en  qualité  de  mareschal  des  logis  et  5  autres 
années  sous  Lieutenant  dans  le  régiment  de  Piedmont  et  passé  en  Canada 
en  qualité  de  Cadet  en  1687,  fait  Enseigne  reformé  eu  1688,  Enseigne  en 
pied  en  1693  et  Lieutenant  reformé  en  1694. 

Le  Sr.  de  Vivier,  natif  de  Normandie,  aagé  de  36  ans,  a  servy  dans 
les  Cadets  de  Brisac  en  1683  fait  sous  Lieutenant  dans  le  régiment  de 
Languedoc  en  1684,  passé  en  Canada  en  1687  où  il  fut  fait  Enseigne  re- 
formé et  Lieutenant  reformé  en  1694,  marié.     Bon  officier. 

Le  Sr.  de  Chacornade,  natif  de  Picardie,  aagé  de  29  ans,  est  entré 
dans  les  Cadets  de  Longony  en  1690,  en  est  sorty  en  1692  pour  sous  Lieu- 
tenant dans  le  régiment  d'Agenois,  Lieutenant  dans  le  régiment  Royal 
vaisseau  en  1693  et  est  venu  Lieutenant  reformé  en  Canada  en  1694.  Bon 
offcier. 

Le  Sr.  de  la  Noust,  natif  de  Canada  (11). 

Le  Sr.  de  Langy,  natif  de  Poitou,  aagé  de  31  ans,  est  entré  dans  les 
Cadets  à  Besançon  en  1682,  passé  en  Canada  en  1687  oii  il  a  porté  le  mous- 
quet jusqu'en  1691  qu'il  a  esté  fait  Enseigne  en  j)ied  et  Lieutenant  reformé 
en  1696. 

Le  Sr.  Artel  Hertel  paire,  natif  de  Canada. 


(10)  En  marge:      "On  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses  services." 

(11)  En   marge:      "On   n'a   pas   encore   l'état   de   ses  services,   mais  bon 
officier." 


...  278  — 

ENSEIGNES    EN    PIED 

Le  Sr.  Cher  de  Vaudreuil,  natif  de  Canada,  aagé  de  11  ans,  a  esté  fait 
Enseigne  en  pied  en  1694. 

Le  Sr.  Cher  de  Saint  Tours,  (Saint-Ours),  natif  de  Canada,  aagé  de 
25  ans,  a  esté  fait  Enseigne  en  pied  en  1693. 

Le  Sr.  de  la  Durantais  fils,  aagé  de  27  ans,  a  servy  en  qualité  de  Cadet 
depuis  1687  jusqu'en  1690  qu'il  fut  fait  Enseigne  reformé  et  Enseigne  en 
pied  en  1692. 

Le  Sr.  de  Cournoyers,  natif  de  Canada. 

Le  Sr.  Amariton,  natif  d'Orléans  (12). 

Le  Sr.  de  la  Perrière,  natif  de  Canada  (13). 

Le  Sr.  Berthier,  natif  de  Canada,  aagé  de  26  ans,  a  esté  garde  de  la 
marine  en  1686,  Enseigne  reformé  en  1689  et  Enseigne  en  pied  en  1691. 
Bon  officier. 

Le  Sr.  Herbin,  natif  de  Versailles,  aagé  de  24  ans,  passé  en  Canada 
en  qualité  d'Enseigne  dans  les  troupes  en  1688. 

Le  Sr.  Delaur,  natif  de  Bear,  aagé  de  20  ans,  fait  Enseigne  en  pied 
en  Canada  en  1700. 

Le  Sr.  Desbergères  fils,  natif  d'Estamples,  aagé  de  22  ans,  passé  en 
Canada  en  1685  où  il  a  servy  en  qualité  de  Cadet  Jusqu'en  1696  qu'il  a 
esté  fait  Enseigne  en  pied. 

Le  Sr.  de  Selles  (14). 

Le  Sr.  de  Boucher  ville,  natif  de  Canada,  aagé  de  48  ans,  a  esté  fait 
Enseigne  refoAié  en  1688  et  Enseigne  en  pied  en  1691,  marié. 

Le  Sr.  de  Villiers,  natif  de  Nantes,  aagé  de  19  ans,  est  passé  en  Canada 
en  1696  en  qualité  de  Cadet  et  fait  Enseigne  en  pied  en  1700. 

Le  Sr  de  la  Plante. 

Le  Sr.  de  la  Salle,  natif  de  Paris,  aagé  de  27  ans,  est  passé  en  Canada 
en  qualité  d'Enseigne  en  1696  (15). 

Le  Sr.  de  la  Gauchetiere,  natif  de  Canada,  aagé  de  28  ans  as  esté  fait 
garde  de  la  marine  en  1692  et  Enseigne  en  pied  en  1693. 

Le  Sr.  de  L'Argenterie  (16). 

Le  Sr.  Duplessis  fils,  natif  de  Canada,  aagé  de  12  ans,  a  esté  fait  En- 
seigne en  pied  en  1700. 


(12)  En  note:     "Est  en  France." 

(13)  En  note:    "On  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses  services  mais  bon  officier." 

(14)  En  marge:     "On  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses  services." 

(15)  En  marge:     "1er  may  1701,  fait  enseigne  de  Costebelle  à  Plaisance." 

(16)  En  note:     "On  n'a  pas  envoyé  l'état  de  ses  services." 


.-  279  — 

Le  Sr.  de  Ramezay  fils,  natif  de  Canada,  aagé  de  10  ans,  a  esté  fait 
Enseigne  en  pied  en  1700. 

Le  Sr.  Chartrain. 

Le  Sr.  de  Belleval,  natif  de  Paris,  aagé  de  38  ans,  a  sevTy  en  Canada 
en  qualité  de  Cadet  pendant  12  ans  et  a  esté  fait  Enseigne  en  1700. 

Le  Sr.  Fournier  du  Figuier,  natif  de  Canada,  aagé  de  24  ans,  a  esté 
sous  Lieutenant  dans  le  régiment  de  Guienne  en  1693  et  est  venu  en  Ca- 
nada en  1694  en  qualité  d'Enseigne  où  il  sert  actuellement.  Bon  offi- 
cier. 

Le  Sr.  de  Batilly,  natif  de  Canada,  aagé  de  28  ans,  a  servy  en  qualité 
de  Cadet  depuis  l'année  1688  jusqu'en  1690  qu'il  a  esté  fait  Enseigne  en 
pied,  servant  actuellement  en  la  dite  qualité.      15  8bre  1701  (17). 


(17)  Archives  du  Canada,  Ottawa. 


BIOGRAPHIES    CANADIENNES 


IMichesne  (Adrien). — Le  chirurgien  Adrien  Duchesne  vint  probablement 
en  Canada  en  1625,  en  même  temps  que  les  Jésuites  dont  il  fut  toujours 
l'ami.  Il  fut  employé  comme  chirurgien  de  l'habitation  de  Québec.  Pendant 
l'occupation  anglaise  du  Canada  de  1629  à  1633,  Duchesne  resta  ici.  En 
1631,  il  fut  parrain  d'un  enfant  de  Guillaume  Couillard  qui,  faute  de  prêtre, 
fut  baptisé  par  un  ministre  protestant!  Duchesne  était  l'oncle  de  Charles 
LeMoyne,  le  père  des  célèbres  frères  LeMoyne,  et  c'est  lui  qui  le  fit  passer 
dans  la  Nouvelle-France  en  1641.  Une  partie  de  ce  qui  forme  aujourd'hui 
les  Plaines  d'Abraham  fut  concédée  à  Adrien  Duchesne  par  la  Compagnie 
des  Cent  Associés  le  9  juillet  1637.  On  ignore  la  date  de  la  mort  du  chirur- 
gien Duchesne.  Vide  Dr  Ahearn,  Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  la  médecine 
au  Canada. 

Beauregard  (Leauniout  de) . — Voilà  un  nom  qu'on  croirait  tiré  du  Grand 
Armoriai  de  France  et  cependant  il  appartient  à  un  simple  roturier  de  Qué- 
bec. Dans  un  acte  de  Genaple  du  3  juin  1696,  Pierre  Leaumont  de  Beauregard 
se  qualifie  bourgeois  et  déclare  qu'il  ne  sait  écrire  ni  signer. 

Il  avait  épousé,  à  Québec,  le  26  novembre  1676,  Jeanne-Elisabeth  Lemire, 
fllle  de  Jean  Lemire  qui  avait  été  élu  syndic  de  Québec  le  28  mars  1667. 
Tanguay   (I,   378)   le  nomme  Pierre  Gaumont. 

Leaumont  de  Beauregard  se  trouvait  le  beau-frère  de  Gédéon  de  Cata- 
logne. 

Beaudoln  (L'abbé  Jean). — Né  à  Nantes  vers  1662,  il  fut  quelque  temps 
mousquetaire  dans  les  gardes  du  roi.  Prêtre  en  1685,  il  fit  les  missions  du 
Vivarais.  Il  entra  ensuite  dans  la  Compagnie  de  Saint-Sulpice,  et  passa  en 
Canada  en  1688.  Il  fut  envoyé  à  la  mission  de  Beaubassin,  en  Acadie.  En 
1696-1697,  l'abbé  Beaudoin  accompagna  d'Iberville  dans  son  expédition  contre 
Terre-Neuve.  Il  écrivit  de  ce  voyage  une  relation  qui  a  été  publiée  en  1900. 
L'abbé  Beaudoin  décéda  dans  sa  mission  d€f  Beaubassin  en  1698.  Vide  l'abbé 
Auguste  Gosselin,  Les  Normands  au  Canada,  Journal  d'une  expédition  de 
d'Iberville,  p.  25. 

Maillet  (Charles). — Originaire  de  Marseilles,  Charles  Maillet  fut  mar- 
chand à,  Québec  puis  receveur  du  Domaine  de  Sa  Majesté  en  la  Nouvelle- 
France  du  1er  mars  1758  à  la  fin  du  régime  français.  Après  la  chute  de 
Québec,  il  se  retira  aux  Trois-Rivières,  puis  repassa  en  France.  Il  avait 
épousé  ^Judith  LeNeuf  de  la  Vallière  et  en  avait  eu  une  nonibreuse  famille. 


—  280  — 

LE  GOUVERNEUR  PERROT    ET    LE 
SUPPLICE   DE   LA   CALE-SECHE 


François-Marie  Perrot  qui  fut  gouverneur  de  Montréal  puis  de  l'A- 
eadie,  avait  la  passion  de  l'argent. 

La  Hontan  dit  à  son  sujet  : 

"M.  Perrot,  gouverneur  de  la  place  (Montréal),  n'a  que  trois  mille 
livres  d'appointements  ;  mais  comme  il  fait  un  grand  négoce  de  pelleterie 
avec  les  Sauvages,  il  a,  dit-on,  amassé  cinquante  mille  écus  en  fort  peu  de 
temps,"  (1) 

M.  l'abbé  Paillon  nous  donne  sur  le  gouverneur  Perrot  des  renseigne- 
ments qui  sont  loin  d'être  édifiants  : 

"Il  avait  un  magasin  ouvert  à  Montréal,  où  on  le  voyait  lui-même  rem- 
plir des  barriques  d'eau-de-vie,  et  vendre  toutes  sortes  de  marchandises 
aux  Sauvages,  les  forçant  même  quelquefois  de  ne  vendre  qu'à  lui  seul 
leurs  pelleteries.  Enfin,  il  trafiquait  d'une  manière  si  indigne  de  son 
caractère,  qu'un  jour  il  vendit  à  un  Sauvage  son  chapeau,  son  habit,  son 
baudrier,  son  épée,  jusqu'à  ses  rubans,  ses  bas  et  ses  souliers  ;  et  qu'au 
lieu  de  rougir  de  ce  commerce  honteux,  il  s'applaudissait  ensuite  d'avoir 
gagné  3  pistoles  à  ce  marché,  tandis  que  le  Sauvage  paraissait  dans  la 
place  publique,  vêtu  en  gouverneur."  (2). 

En  1684,  grâce  à  la  protection  de  l'ancien  intendant  Talon,  qui  était 
son  oncle,  Perrot  obtenait  le  gouvernement  de  l'Acadie. 

Sa  conduite  en  Acadie  fut  pire  encore  qu'à  Montréal.  Il  alla  jusqu'à 
conmiercer  clandestinement  avec  les  Anglais.  Le  roi  mit  fin  à  sa  car- 
rière le  5  avril  1687,  en  nommant  M.  de  Menneval  gouverneur  de  l'Acadie. 

Perrot  continua  à  résider  à  Port-Eoyal  où  il  se  livra  sans  contrainte  à 
sa  passion  pour  le  commerce. 

M.  de  Frontenac  nous  apprend  la  triste  fin  de  Perrot  dans  une  lettre 
au  ministre  datée  de  Québec  le  30  octobre  1691  : 


(1)  Voyages  dans  L/' Amérique  Septentrionale,  tome  premier,  p.  28. 

(2)  Vie  de  Mlle  I>,eBer,  p.  306. 


—  281  - 

"Vous  avez  appris  la  misérable  destinée  du  Sr  Perrot  qui  après  avoir 
été  traité  d'une  manière  inouïe  et  extraordinaire  par  les  forbans  qui  l'a- 
vaient pris,  a  enfin  perdu  la  vie  à  la  Martinique,  après  avoir  été  dépouillé 
de  beaucoup  d'effets  qu'il  avait  dans  son  vaisseau  et  d'autres  qui  étaient 
restés  à  Port-Royal,  lorsque  les  Anglais  s'en  emparèrent  l'année  dernière." 

Le  baron  de  La  Hontan,  dans  une  de  ses  lettres,  nous  apprend  que  les 
Anglais  firent  subir  le  supplice  de  la  cale-sèche  à  M.  Perrot. 

La  Hontan  écrit  : 

"Ce  gouverneur  (de  Menneval)  avait  relevé  M.  Perrot,  qui  fut  cassé 
honteusement  pour  avoir  fait  sa  principale  occupation  de  s'enrichir,  qui 
étant  repassé  ensuite  en  France  revint  avec  plusieurs  vaisseaux  chargés  de 
marchandises,  pour  faire  en  ce  pays  la  profession  d'un  négociant  particu- 
lier. Celui-ci  dans  le  temps  de  son  gouvernement,  laissa  prendre  aux 
Anglais  plusieurs  postes  avantageux  sans  se  donner  aucun  mouvement  ; 
il  se  contentait  d'aller  dans  des  barques  de  rivière  en  rivière  pour  trafi- 
quer avec  les  Sauvages,  et  après  sa  cassation,  non  content  de  faire  son 
commerce  sur  les  côtes  de  l'Acadie,  il  voulut  aller  sur  celles  des  Anglais, 
mais  il  lui  en  coûta  cher,  car  quelques  corsaires  l'ayant  surpris,  enlevèrent 
ses  barques  et  lui  donnèrent  ensuite  la  cale-sèche,  dont  il  mourut  sur  le 
champ."  (3) 

En  quoi  consistait  le  supplice  de  la  cale-sèche  dont  parle  ici  le  baron 
de  La  Hontan  ? 

La  cale  est  un  terme  de  marine  par  lequel  on  désigne  le  lieu  le  plus 
bas  du  vaisseau,  la  partie  qui  entre  dans  l'eau  sous  le  franc  tillac,  et  qui  est 
dans  un  bâtiment  de  mer  ce  qu'est  la  cave  dans  un  bâtiment  de  terre. 

La  cale  est  aussi  l'action  par  laquelle  on  plonge  quelqu'un  dans  l'eau. 

Le  Dictionnaire  de  Trévoux  nous  fait  connaître  les  différents  suppli- 
ces de  la  cale  chez  les  peuples  anciens. 

La  cale  fut  autrefois  un  passe-temps  dont  usaient  les  Goths  par  for- 
me d'exercice,  comme  le  dit  Olaiis  Magnus. 

Chez  les  Celtes  et  les  Français  la  cale  était  plutôt  un  supplice.  Au 
rapport  de  Tacite,  il  en  était  de  même  chez  les  Allemands.  Ceux-ci  la 
pratiquaient  surtout  contre  les  infâmes  et  les  fainéants. 


(3)   Nouveaux  voyages,  édition  de  1703,  p.  17. 


-  282  — 

En  France,  le  supplice  de  la  cale  fut  longtemps  eu  usage.  A  Mar- 
seille et  à  Bordeaux,  les  hommes  et  les  femmes  de  mauvaise  vie  étaient 
condamnés  à  la  cale  ou  à  être  baignés.  On  les  enfermait  nus  ou  en  che- 
mise dans  une  cage  de  fer  amarrée  à  la  vergue  ou  au  palan  d'une  chaloupe, 
et  on  les  calait  plusieurs  fois  dans  la  rivière.  On  en  faisait  autant  à 
Toulouse  aux  blasphémateurs.  A  Marseille,  la  cale  était  plutôt  un  châ- 
timent pour  les  gens  de  mer.  On  les  attachait  à  une  corde  et  on  les  je- 
tait dans  la  mer  du  haut  de  la  vergue  du  grand  mat.  Plus  la  faute  était 
forte  plus  les  cales  ou  plongées  se  répétaient.  Quelquefois  on  attachait 
un  boulet  de  canon  aux  pieds  des  coupables,  ce  qui  rendait  la  chute  plus 
rapide  et  le  supplice  plus  rude. 

Voici  maintenant  en  quoi  consistait  le  supplice  de  la  cale  sèche.  On 
suspendait  le  patient  à  une  corde  raccourcie  qui  ne  descendait  qu*à  cinq  ou 
six  pieds  de  la  surface  de  la  mer  ou  de  la  terre.  C*était  une  espèce  d'es- 
trapade. Ce  châtiment  était  le  plus  souvent  public,  c'est-à-dire  qu'on 
tirait  un  coup  de  canon  pour  inviter  les  marins  de  l'escadre  ou  de  la  flotte 
à  être  spectateurs  du  châtiment. 

Chez  les  Hollandais  on  avait  une  autre  sorte  de  supplice  qu'on  appe- 
lait la  grande  cale  ou  la  cale  par  dessous  la  quille.  On  attachait  le  cou- 
pable à  une  corde  par  le  milieu  du  corps,  puis  on  le  jetait  à  la  mer.  Des 
matelots  placés  du  côté  opposé  à  la  chute  tiraient  alors  promptement  la 
corde  qui  était  passée  par  dessous  la  quille.  Le  coupable  attaché  â  cette 
même  corde  passait  ainsi  sous  le  vaisseau.  La  grande  cale  ^ait  un  sup- 
plice rude  et  dangereux. 

P.-G.   E. 


QUESTIONS 


Sous  l'ancien  régime,  une  femme  noble  qui  épousait  un  roturier  per- 
dait-elle le  privilège  de  noblesse  ? 

NOBLE 

Autrefois,  jusque  vers  1870,  je  crois,  les  Français  de  Québec,  presque 
tous  partisans  de  l'Empire,  célébraient  la  Saint-Napoléon  par  une  messe 
solennelle  célébrée  dans  une  dçs  églises  de  Québec  et  par  un  banquet  qui, 
le  soir,  réunissait  tous  les  Français  et  leurs  amis.  Y  a-t-il  eu  réellement 
un  saint  Napoléon  ? 

FRC. 


...  2S3  — 


LES   CIMETIERES   CATHOLIQUES   DE 
MONTREAL  "' 


Le  premier  cimetière  de  Montréal  fut  établi  à  la  Pointe  à  Callières. 

C'est  là  que  devait  s'élever  un  fort,  sous  la  surveillance  de  M.  de  Mai- 
sonneuve,  pour  "servir  de  digue  aux  Iroquois,  arrêter  leur  furie  et  impé- 
tuosité se  dégoûtant  de  passer  plus  outre,  lorsqu'ils  se  voyaient  si  rigou- 
reusement reçus  dans  les  attaques  qu'ils  y  faisaient"  (Dollier  de  Casson, 
Histoire  du  Montréal). 

La  Pointe  à  Callières  était  formée  d'un  côté  par  le  fleuve  Saint- 
Laurent,  de  l'autre  par  une  petite  rivière  appelée  depuis  rivière  Saint- 
Pierre.  Son  nom  s'est  étendu  à  toute  la  plage  voisine.  D'après  les 
cartes  de  l'époque,  la  forêt  venait  y  aboutir,  puisque  M.  de  Maisonneuve 
dut  en  abattre  les  arbres  pour  l'accomplissement  de  la  sainte  promesse 
qu'il  avait  faite  d'aller  installer  une  croix  sur  le  Mont  Royal.  Cet  enga- 
gement avait  été  contracté  par  l'illustre  Maisonneuve  en  face  du  danger 
d'inondation  de  son  premier  fort,  et  ce  fut  le  6  janvier  1643  qu'il  gravit 
le  flanc  de  la  montagne,  chargé  lui-même  de  la  croix  promise.  Cette 
croix  devint  un  lieu  de  })èlerinage  pour  les  premiers  colons  de  Ville-Marie. 

La  Pointe  à  Callières  est  aujourd'hui  occupée  par  l'édifice  de  la  doua- 
ne. Une  plaque  en  marbre  a  été  fixée  sur  l'édifice  pour  perpétuer  les 
beaux  souvenirs  qui  s'y  rattachent. 

C'est  sur  la  Pointe  à  Callières  que  fut  célébrée  pour  la  i)remière  fois 
à  Montréal  le  saint  sacrifice  de  la  messe. 

Depuis  ce  jour  béni  de  la  première  messe,  la  Pointe  à  Callières  fut 
témoin  des  scènes  les  plus  douloureuses.  Ce  fort  naissant  qui  aljritait 
dans  des  constructions  bien  insuffisantes  les  Jésuites,  missionnaires  hé- 
TOÏques,  affrontant  tous  les  dangers,  et  M.  de  Maisonneuve  et  ses  soldats, 
entendit  les  plus  navrants  sanglots  et  recueillit  les  larmes  versées  sur  de 
nombreuses  tombes. 

"Le  cimetière  où  ces  tombes  furent  creusées  se  trouvait,  écrit  M. 
Paillon  {Histoire  de  la  colonie  française^  tome  I,  p.  12),  à  côté  du  fossé 
du  fort,  au  confluent  de  la  grande  et  de  la  petite  rivière,  et  qu'on  eut  le 
soin  d'entourer  de  pieux".      Les  premiers  corps  déposés  dans  ce  cimetière 


(1)   Ces  notes  sont  empruntées  à  une  brochure  intitulée  E^tudes  sur  le 
culte  des  morts  chez  les  anciens  et  les  peuples  modernes  et  les  cimetières  ca- 
tholiques de  Montréal  depuis  la  fondation  de  Montréal,  par  Siméon  Mondou. 


—  284  — 

furent'  ceux  de  malheureux  Français  surpris  et  tués  par  des  Sauvages,  au 
commencement  de  juin  1643,  ,  Ces  trois  Français  se  nommaient  Guillau- 
me Boissier,  de  Limoges,  Bernard  Berté  et  Pierre  Laforest  dit  l'Auver- 
gnat. Ils  furent  tous  trois  inhumés  dans  le  petit  cimetière  du  Fort,  le 
9  juin  1643,  comme  l'atteste  le  registre  mortuaire  de  Notre-Dame. 

Il  n'y  avait  que  vingt-deux  jours  que  M.  de  Maisonneuve  avait  com- 
mencé ses  travaux  d'installation  quand  cette  sanglante  immolation  fut 
accomplie. 

Le  registre  mortuaire  continue  l'énumération  des  victimes  des  Iro- 
quois  ;  à  la  date  du  30  mars  1644,  c'est  le  tour  de  Guillaume  Lebeau  et  de 
Jean  Matemasse,  menuisier,  de  Bourges.  En  1645,  1646,  1647,  ce  sont 
les  corps  de  quelques  Sauvages  et  de  deux  enfants  blancs,  qui  sont  inhumés 
au  cimetière  près  du  Fort.  Au  mois  d'août  1648,  on  y  enterre  la  cin- 
quième victime  des  Irôquois.  C'est  le  corps  de  Mathurin  Bonenfant, 
originaire  d'Igé,  au  Perche. 

A  cette  époque,  Ville-Marie  vivait  dans  des  transes  journalières,  au 
point  qu'il  n'y  avait  aucune  sécurité  à  s'éloigner  du  Fort  ou  à  naviguer 
sur  le  fleuve.  M.  Dollier,  dans  son  Histoire  du  Montréal,  déclare  que, 
dans  ce  temps,  on  n'était  plus  en  assurance  dès  qu'on  avait  franchi  le  seuil 
de  sa  porte.  Cependant  les  colons  de  Ville-Marie,  loin  de  perdre  courage, 
outrés  de  douleur  de  la  perte  des  leurs,  pressaient  M.  de  Maisonneuve  de 
les  conduire  sur  le  champ  de  bataille.  Le  sage  gouverneur  répondait  : 
"Prenez  patience,  quand  Dieu  nous  aura  donné  du  monde,  nous  risquerons 
des  coups."  En  attendant,  les  dogues,  ayant  à  leur  tête  la  fameuse 
chienne  "Pilotte"  dénonçaient  par  leurs  aboiements  les  cruels  Irôquois. 

Dans  le  fameux  engagement  où  Maisonneuve  s'illustra  en  exterminant 
un  chef  sauvage  avec  tant  de  courage  et  d'habileté,  trois  Montréalais  trou- 
vèrent la  mort  :  Guillaume  Lebeau,  Jean  Maltemale  et  Pierre  Bigot.  Ils 
furent  tous  trois  inhumés  dans  le  cimetière  du  Fort  ;  ce  qui  porta  à  huit 
le  nombre  des  victimes  de  la  férocité  iroquoise. 

Mais  ce  petit  cimetière  ne  pouvait  plus  offrir  d'utilité  pratique  à 
raison  de  la  crue  des  eaux  du  fleuve  ;  c'est  ce  qu'indique  l'acte  de  sépulture 
du  15  janvier  1654.  François  d'Haidin,  morho  ohvit,  est  mort  de  mala- 
die, (terme  dont  le  Père  Pijart  se  servit  pour  distinguer  ceux  qui  mou- 
raient paisiblement  de  ceux  qui  étaient  massacrés  par  les  Sauvages), 
omnibus  sacramentis  munitu>s,  muni  de  tous  les  sacrements,  et  in  terra  de 
novo  henedictu,  in  horte,  propter  inundationem  aquarum  supra  caemete- 
rium,  sepuïtus  a  me.   .   .  Claude  Pijart.      Il  fut  enterré  dans  le  terrain 


—  285  — 

nouvellement  béni,  dans  le  jardin,  à  raison  de  l'inondation  des  eaux  au 
cimetière.  Et  dans  l'acte  de  sépulture  de  François  Lochet  la  chose  est 
encore  plus  clairement  établie  par  les  paroles  suivantes  :  in  novo  hospitalis 
domus  coemeterio  sepultus,  enterré  dans  le  nouveau  cimetière  de  la  maison 
hospitalière.  C'est  ce  qui  fait  dire  à  M.  l'abbé  P.  Rousseau  {M.  de  Mai- 
sonneuve,  pp.  XXIX-209),  le  cimetière  de  la  Pointe  à  Callières  était  im- 
praticable aux  époques  des  grandes  eaux,  les  sépultures  devaient  alors  se 
l'aire  ailleurs.  .  .  . 

M.  de  Maisonneuve  céda  son  terrain,  près  de  l'Hôtel-Dieu.  Ce 
nouveau  champ  des  morts  prit  le  nom  de  "Xouveau  cimetière  de  l'hôpital". 

11  eut  deux  annexes,  celui. des  pauvres  et  celui  des  sauvages,  le  long  des 
fortifications.  Ces  lieux  de  sépulture  sont  désignés  dans  les  registres  par 
les  mots  "près  de  l'église",  tandis  que  l'ancien  cimetière  est  dit  :  "loin  de 
l'église".      Ce  qui  indiquerait  qu'il  ne  fut  pas  de  suite  abandonné. 

Ce  deuxième  cimetière  reçut  les  dépouilles  de  plusieurs  martyrs  et  de 
nombreux  héros.       Citons  parmi  les  principaux  :  Ives  Bâtard,  inhumé  le 

12  octobre  1654,  transpercé  la  veille  par  une  balle  de  plomb  tirée  par  les 
Iroquois  ;  le  Père  Carreau,  inhumé  le  2  septembre  1656,  tué  l'avant-veille 
par  les  Iroquois  ;  Xicolas  Du  Val,  inhumé  le  20  avril  1660,  tué  la  veille 
par  les  Iroquois  ;  l'abbé  Jacques  Le  Maître,  inhumé  le  20  août  1660,  tué 
la  veille  par  les  Iroquois  ;  Lambert  Closse,  Simon  Le  Roy,  Jean  Le  Comp- 
te et  Louis  Brisson,  inhumés  le  7  février  1662,  tous  quatre  tués  la  veille 
par  les  Iroquois,  etc.,  etc. 

Ce  second  cimetière  de  Montréal  appelé  cimetière  de  l'Hôpital  à 
cause  de  son  voisinage  de  l'Hôtel-Dieu,  couvrait  la  hauteur  occupée  au- 
jourd'hui par  la  Place  d'Armes  et  même  par  l'égUse  Notre-Dame,  puisque, 
eu  creusant  les  fondations  de  cette  église,  on  a  trouvé  beaucoup  d'osse- 
ments. 

Dans  ce  cimetière  on  avait  construit,  à  l'endroit  où  on  voit  aujour- 
d'hui la  banque  de  Montréal,  une  chapelle  pour  déposer  les  corps  qui  n'en- 
traient pas  à  l'église.  Et  bien  que  le  cimetière  de  l'hôpital  eût  cessé  d'être 
en  usage  en  1799,  la  chapelle  en  question  ne  fut  détruite  qu'en  1816. 

En  1748,  le  cimetière  de  l'Hôpital  était  devenu  insuffisant  ;  la  place 
manquait  pour  "enterrer  les  pauvres  de  la  paroisse". 

M.  Louis  Normant,  supérieur  de  Saint-Sulpice  et  curé  de  la  ville,  M. 
Antoine  Déat,  vicaire  de  la  paroisse,  les  anciens  et  nouveaux  marguilliers 
se  réunirent  le  29  juillet  1748,  et  décidèrent  de  faire  l'acquisition,  pour 
servir  de  cimetière  des  pauvres,  d'un  emplacement  appartenant  à  M.  Ro- 


—  286  — 

bert,  situé  à  Montréal,  près  de  la  poudrière,  contenant  environ  un  quart 
d'arpents  en  superficie. 

Le  27  février  1749,  Rolland-Michel  Barin,  marquis  de  la  Galissonière, 
chevalier  de  l'ordre  militaire  de  Saint-Louis,  capitaine  des  vaisseaux  du 
roi,  commandant-général  pour  Sa  Majesté  en  toute  la  Nouvelle-France, 
terres  et  pays  de  la  Louisiane,  et  François  Bigot,  conseiller  du  roi  en  ses 
conseils,  intendant  de  justice,  police,  finance  et  marine,  permettaient  au 
curé  et  marguilliers  de  Montréal  de  faire  l'acquisition  du  terrain  en 
question. 

L'autorisation  donnée,  on  se  mit  vite  à  l'oeuvre  et  le  cimetière  de  la 
Poudrière  fut  rapidement  établi.  Aussi,  voyons-nous  qu'en  1751,  dans 
une  assemblée  du  curé  et  des  marguilliers  anciens  et  nouveaux,  il  est  ré- 
solu qu'il  sera  fait  une  clôture  de  murailles  à  ce  cimetière  et  qu'on  y  cons- 
truira un  charnier  afin  d'y  déposer  les  morts  pendant  l'hiver. 

En  1799,  les  cimetières  de  l'Hôpital  et  de  la  Poudrière  cessent  de 
servir  aux  inhumations.  Ils  sont  abandonnés  pour  un  nouveau  lieu  de 
sépulture,  situé  au  faubourg  Saint-Antoine. 

Voici  l'origine  de  ce  quatrième  cimetière  catholique  de  Montréal. 
Vers  cette  époque,  les  grands  jurés  ayant  reconnu  que  les  cimetières  trop 
rapprochés  des  habitations  étaient  une  cause  d'insalubrité  et  un  danger 
pour  la  santé  publique,  adressèrent  un  rapport  au  procureur-général 
Sewell,  pour  lui  signaler  le  danger  résultant  de  ces  cimetières  et  pour  lui 
en  demander  la  translation. 

Le  procureur-général  Sewell  s'em])ressa  de  soumettre  au  curé  et  aux 
marguilliers  de  Montréal  le  rapport  des  grands  jurés.  Une  assemblée  des 
anciens  et  nouveaux  marguilliers  de  Montréal  eut  lieu  immédiatement  et 
il  fut  décidé  de  faire  droit  aux  représentations  des  grands  jurés. 

On  acheta  un  terrain,  pour  transporter  les  cimetières,  au  coteau 
Saint-Louis,  dans  le  faubourg  Saint-Antoine.  Ce  terrain  appartenait  à 
M.  Pierre  Guy  et  mesurait  quatre  arpents  en  superficie.  Il  fut  payé  à 
raison  de  1,500  livres,  20  coppes  l'arpent.  Il  occupait  l'emplacement  oii 
se  trouve  aujourd'hui  une  partie  de  la  place  Dominion.  Ce  cimetière  fut 
agrandi  un  peu  plus  tard  de  la  partie  o\\  se  trouve  aujourd'hui  la  nouvelle 
cathédrale  Saint-Jacques. 

Dans  ce  cimetière,  les  habitants  de  Montréal  et  des  côtes  voisines  fu- 
rent inhumés  jusqu'en  1854. 

Le  cimetière  Saint- Antoine  (quatrième  cimetière  de  Montréal)  étant 
devenu  trop  étroit  pour  les  besoins  de  la  population  croissante  de  la  ville 


—  287  — 

et  de  la  banlieue,  la  Fabrique  de  Montréal  décidait,  le  17  juillet  1853,  de 
choisir  un  terrain  propice  pour  étabKr  un  nouveau  cimetière. 

Le  31  juillet  1853,  les  marguilliers  décidaient  d^acheter  un  terrain, 
sur  le  chemin  de  la  Côte  des  Neiges,  de  cinq  arpents  de  front  sur  vingt- 
trois  de  profondeur,  faisant  en  tout  une  superficie  de  cent  quinze  arpents, 
appartenant  au  docteur  Pierre  Beaubien,  au  prix  de  trois  mille  livres 
cours  actuel. 

Cette  question  resta  cependant  pendante  une  dizaine  de  mois. 

Enfin,  en  mars  1854,  on  achetait  le  terrain  du  docteur  Beaubien  et  on 
se  mit  tout  de  suite  à  l'oeuvre  pour  faire  les  travaux  les  plus  nécessaires. 
Le  cimetière  fut  om'ert  au  public  en  1855. 

Le  nom  de  Notre-Dame  des  Neiges  n'a  pas  été  donné  au  cimetière 
catholique  actuel  de  Montréal  sans  une  intention  bien  spéciale.  Vers  la 
fin  de  décembre  1642,  les  travaux  du  fort  de  la  Pointe  à  Callières  étaient 
terminés  quand  les  eaux  du  fleuve  montèrent  tellement  qu'elles  mena- 
çaient de  tout  détruire.  M.  de  Maisonneuve  planta  une  croix  sur  la  rive, 
à  l'entrée  du  fort,  s'engageant  à  la  transporter  sur  la  montagne  si  le  mal- 
heur était  détourné.  L'attente  fut  bien  pénible.  Dieu  même  parais- 
sait sourd  à  la  voix  de  son  fidèle  serviteur  quand  les  eaux  se  décidèrent 
enfin  à  se  retirer.  Le  j^our  de  l'Epiphanie  (1643),  M.  de  Maisonneuve 
s'acheminait  vers  la  montagne  portant  lui-même  la  croix  sur  ses  épaules. 
La  sainte  messe  fut  célébrée  à  cette  occasion  par  le  Père  Du  Perron,  Jé- 
suite, et  la  Mère  Bourgeois  rapporte  que,  depuis  ce  temps,  cet  endroit  de- 
vint un  lieu  de  pèlerinages. 

M.  de  Maisonneuve,  pour  répondre  aux  pieux  sentiments  de  ses  co- 
lons, conçut  le  projet  d'y  bâtir  une  chapelle  en  l'honneur  de  la  sainte 
Vierge.      Il  publia  une  ordonnance  à  cet  effet  le  19  novembre  1661. 

Il  n'y  a  pas  de  doute  "quç  le  patronage  de  Notre-Dame  des  Neiges  fut 
donné  à  cette  chapelle  à  la  suggestion  de  la  Mère  Bourgeois,  car  elle  avait 
une  dévotion  toute  particulière  à  Marie  invoquée  sous  ce  titre.  Ayant 
adopté  une  petite  iroquoise,  elle  lui  fit  donner  le  nom  de  Marie  des  Neiges. 
Cette  enfant  étant  morte,  elle  en  adopta  successivement  deux  autres  aux- 
quelles elle  donna  le  même  nom.  En  1670,  lors  de  son  voyage  en  France, 
elle  fit  un  pèlerinage  à  Notre-Dame  des  Neiges,  sanctuaire  célèbre  dédié 
à  la  Sainte  Vierge,  éloigné  de  plusieurs  lieues  du  Havre  de  Grâces. 

Une  réduction  de  Sauvages  s'établit  bientôt  près  de  la  chapelle -de 
Notre-Dame  des  Neiges.  Les  Sauvages  descendant  par  la  rivière  des 
Prairies,  pour  se  rendre  à  la  chapelle,  suivaient  un  sentier  qui  prit  le  nom 


—  288  — 

de  chemin  de  la  Côte  des  Neiges.  Comme  on  le  voit,  on  a  fait  revivre 
un  glorieux  souvenir  en  donnant  le  nom  de  Côte  des  Neiges  au  cimetière 
catholique  actuel  de  Montréal. 

En  1865,  la  Fabrique  de  Notre-Dame  achetait  de  M.  Tait  une  pro- 
priété un  peu  })lus  grande  que  celle  achetée  du  docteur  Beaubien  en  1854, 
et,  en  1907,  elle  agrandissait  encore  le  cimetière  en  achetant  les  propriétés 
McKenna,  S.  Desmarchais,  Vve  Pierre  Desmarchais,  Vve  Daniel  Quinn, 
succession  Aubry,  et,  en  1908,  la  propriété  Monarque.  Ces  diverses  ac- 
quisitions assurent  au  cimetière  de  Notre-Dame  des  Neiges  un  terrain  de 
quatre  cents  arpents  en  superficie. 

Le  cimetière  catholique  de  Montréal  bien  que  relativement  récent, 
est  un  des  plus  beaux  de  l'Amérique.  Il  occupe  le  plus  beau  site  de  tous 
les  cimetières  du  nouveau  monde,  et  il  est  incontestablement  la  première 
nécropole  catholique  du  Canada. 


QUESTIONS 

On  dénomme  aujourd'hui  houille  blanche  la  force  motrice  fournie 
par  les  sources  naturelles  et  les  chutes  d'eau.  On  a  probablement  choisi 
cette  appellation  parce  que  la  houille  blanche  se  substitue  à  la  houille  noire, 
c'est-à-dire  au  charbon,  un  peu  partout  dans  le*  industries  qui  fonction- 
nent à  l'aide  de  la  vapeur  ou  de  l'électricité.  Qui  a  choisi  cette  heureuse 
appellation  de  houille  blanche  ?  L'expression  est-elle  canadienne,  fran- 
çaise, anglaise  ou  américaine? 

R.   0.   P. 

Dans  l'étude  de  feu  M.  James  Douglas,  The  status  of  women  in  New- 
England  and  New-France,  je  lis  à  propos  de  la  Nouvelle-France  (page  3)  : 

"While,  of  course,  the  church  was  averse  to  illegitimate  relations  of 
the  sexes,  the  authority,  both  ecclesiastical  and  civil,  in  the  early  days  of 
French  civilization,  encouraged  by  advice,  the  marriage  of  Frenchmen 
with  Indian  squaws." 

Est-ce  bien  le  cas?  J'avais  toujours  cru  que  les  autorités  religieuses 
de  la  colonie,  au  contraire,  s'opposaient  de  toutes  leurs  forces  aux  mariages 
entre  Français  ou  Canadiens-Français  et  Sauvagesses. 

A.  B.  C. 


BULLETIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

VOL.  XXVII  BEAUCEVILIE- OCTOBRE  1921  No  10 

NOTES  SUR  LA  CULTURE  ET  L'USAGE 
DU  TABAC  DANS  LA  NOUVELLE- 
FRANCE 


Au  Canada,  l'histoire  du  tabac  date  de  loin  ;  elle  re- 
monte à  Jacques  Cartier  et  c'est  à  Montréal,  en  1535,  que 
le  célèbre  explorateur  tit  connaissance  avec  la  i^lante  des- 
tinée à  conquérir  une  vogue  étonnante. 

L'anecdote  a  sa  place  ici  et  nous  la  cueillons  dans  le 
principal  ouvrage  de  l'abbé  Faillon  qui,  lui-même,  résumait 
le  récit  du  découvreur. 

LA  PREMIERE  PIPEE  DE  CARTIER 

Parmi  les  coutiunes  des  Sauvages,  celle  qui  frappa  le 
plus  Jacques  Cartier,  par  sa  nouveauté  et  sa  singularité, 
fut  l'usage  de  la  pipe  à  fumer  entièrement  inconnue  alors 
en  France. 

Voici,  dans  son  style  naïf,  la  description  qu'il  en  fait 
lui-même  :  "Les  sauvages  ont  une  herbe  dont  ils  font  grand 
amas,  durant  l'été,  pour  l'hiver  laquelle  ils  estiment  fort 
et  en  usent,  les  hommes  seulement,  en  la  façon  qui  suit  : , 
Ils  la  font  sécher  au  soleil,  et  la  portent  à  leur  col,  renfer- 
mée en  une  petite  peau  de  bête,  au  lieu  de  sac,  avec  un  cor- 
net de  pierre  ou  de  bois.  Puis  à  toute  heure,  ils  font  poudre 
de  la  dite  herl)e  et  la  mettent  à  un  bout  du  cornet,  puis  ils 


-..  290  — 

mettent  un  charbon  de  feu  dessus  et  par  l'autre  bout,  ils 
soufflent  tant  qu'ils  s'emplissent  le  corps  de  fumée,  telle- 
ment qu'elle  leur  sort  par  la  bouche  et  les  nasilles,  comme 
par  un  tuyau  de  cheminée.  Ils  disent  que  cela  les  tient 
sains  et  chaudement  et  ne  vont  jamais  sans  les  dites  choses. 
Nous  avons  expérimenté  la  dite  fumée  et  après  l'avoir  mise 
dans  notre  bouche,  il  semblait  y  avoir  de  la  poudre  de  poi- 
vre tant  elle  était  chaude"  (1). 

Il  est  évident  que  Cartier  n'a  pas  apprécié  sa  première 
pipée,  mais  s'il  avait  séjourné  au  pays,  qui  sait  s'il  ne  se- 
rait pas  devenu  un  adepte  du  calumet,  tant  d'autres-  par  la 
suite  ont  succombé  au  charme  de  l'herbe. 

LES  PREMIEES  PIONNIERS  FUMAIENT-ILS  ?     " 

Il  nous  paraît  que  les  Français  qui  vinrent  coloniser 
le  Canada,  au  17e  siècle,  n'étaient  guère  adonnés  à  l'usage 
du  tabac,  mais  bientôt  le  besoin  de  distraction,  le  climat,  le 
contact  avec  les  Sauvages,  l'exemple  surtout  leur  firent 
acquérir  l'habitude  de  fumer.  La  plus  ancienne  mention  . 
de  tabac  qui  soit  dans  les  archives  de  Montréal  date  de 
1652.  Elle  se  rencontre  dans  l'inventaire  d'Antoine 
Rouault  ou  Roos,  un  flamand  qui,  à  Ville-Marie,  exerçait 
l'occupation  de  vacher.  Après  que  cet  humble  domesti- 
que eut  été  assassiné  par  les  Iroquois  (26  mai  1652)  le  ta- 
bellion Gastineau  Duplessis  dresse  un  état  des  biens  du 
malheureux  et  il  note  qu'il  possédait  7^  Ibs  de  petun  (sic). 

Dix  ans  plus  tard,  dans  l'inventaire  du  fameux  Lam- 
bert Closse,  flamand  lui  aussi,  on  trouve  également  du  pe- 
tun en  pain  de  2  Ibs  (Basset  8  fév.  1662). 

Ces  deux  colons  fumaient-ils  ?  Ou  n'avaient-ils  du  pe- 
tun que  pour  trafiquer  avec  les  Sauvages?  Cela  est  fort 
possible,  car  les  indigènes  du  nord  ne  cultivaient  pas  le  ta- 
bac quoiqu'ils  en  fissent  grand  usage. 

LA  VOGUE  COMMENCE 

On  aperçoit  que  le  tabac  était  entré  dans  les  coutumes 


(1)     Faillon,  Hist.  de  la  col.  franc,  vol.  I,  p.  20. 


—  291  — 

populaires  en  1672,  puisque  le  4  mai  de  cette  année,  Col- 
bert  écrivait  :  *'Sa  Majesté  ne  veut  pas  que  l'on  sème  de 
tabac,  d'autant  que  cela  n'apporterait  aucun  avantage  au 
pays  qui  a  beaucoup  plus  besoin  de  tout  ce  qui  peut  porter 
les  habitants  au  commerce  et  à  la  navigation,  aux  pêches 
sédentaires  et  aux  manufactures  et  que  la  culture  de  cette 
herbe  serait  préférable  aux  îles  d'Amérique". 

Mais  quelle  puissance  était  capable  d'empêcher  l'usa- 
ge de  se  propager  parmi  des  colons  qui  pouvaient  obtenir 
des  pelleteries  des  Sauvages  en  leur  fournissant  du  tabac  ? 
Aussi  constate-t-on  que  les  administrateurs  sont  bientôt 
forcés  de  légiférer  à  ce  sujet.  Dans  la  première  codifica- 
tion des  règlements  de  police,  qui  date  du  11  mai  1676,  l'ar- 
ticle 10  défend  de  prendre  du  tabac'  dans  les  rues. 

En  1679,  au  cours  d'un  procès  pour  vol  de  vin,  dans  la 
maison  de  M.  de  Hautmesnil,  on  rapporte  qu'un  des  deux 
serviteurs  accusés  s'était  rendu  malade  à  fumer.  Le  ta- 
bac et  le  vin  avaient  fait  connaissance. 

CULTURE  DU  TABAC 

A  l'époque  où  Colbert  cherchait  à  détourner  les  Cana- 
diens de  la  culture  du  tabac  (1672),  le  peuple  était  pour- 
tant loin  d'en  planter  ]30ur  la  peine.  Nous  ne  trouvons 
pas  mention  de  "tabac  du  pays",  à  Montréal,  avant  le  17 
juillet  1678  et  c'est  dans  l'inventaire  du  nommé  Fillas- 
treau. 

Par  la  suite,  l'expression  "tabac  du  pays"  ne  se  ren- 
contre que  de  ci,  de  là,  ce  qui  laisserait  présumer 
que  les  colons  en  récoltaient  peu.  Pourquoi  ?  Parce  qu'ils 
l'importaient  de  France  et  Surtout  parce  qu'ils  l'obtenaient 
facilement  des  Sauvages  établis  au  sud  des  grands  lacs  ou 
encore  des  colonies  anglaises  d'Amérique,  ce  qui  choquait 
le  roi. 

C  'est  à  partir  de  1735  que  la  France  cherche  à  intéres- 
ser le  Canada  à  la  culture  du  tabac.  En  cette  année  le 
sieur  Cugnet,  directeur  du  domaine  du  roi  en  la  Nouvelle- 
France,  reçut  l'ordre  d'envoyer  des  échantillons  des  diffé- 
rentes sortes  de  tabac  récolté  dans  la  colonie  et  il  en  expé- 


—  292  — 

dia  600  livres.  Après  examen  et  essai  on  le  jugea  impro- 
pre à  la  consommation  en  France,  mais  on  remarqua  en 
même  temps  qu'avec  "plus  d'attention  on  pouvait  aisément 
le  perfectionner"  et  on  demande  au  sieur  Cugnet  de  nou- 
veaux échantillons  cueillis  principalement  à  l'île  d'Orléans, 
à  l'île  du  Pas  et  dans  les  environs  de  Montréal,  parce  que  la 
qualité  du  tabac  planté  en  ces  localités  a  paru  supérieure. 
(Corr.  Génér.  Arch.  Canad.) 

En  même  temps  on  envoya  des  instructions  sur  la  fa- 
çon de  préparer  le  tabac  pour  l'exportation  et  les  fermiers 
généraux  de  France  se  déclaraient  prêts  à  acheter  tout  le 
tabac  à  un  prix  fixe  assez  peu  élevé  cependant.  Nous  en 
parlons  plus  loin. 

De  son  côté  pour  stimuler  la  production  et  l'améliora- 
tion du  tabac,  l'intendant  Hocquart  aide  des  particu- 
liers à  faire  des  plantations  à  Chambly,  à  Beauport  et 
Québec  ;  sous  sa  direction  on  récolte  30  000  pieds  d'un  ta- 
bac qui  a  30  pouces  de  long  sur  20  pouces  de  large  et  il  se 
jjropose  de  faire  des  essais  encore  plus  considérables 
l'année  suivante. 

QUELQUES  OBSTACLES 

Comme  le  clergé  s 'opposait  plus  ou  moins  ouvertement 
à  la  culture  du  tabac  parce  que  cela  diminuait  ses  revenus, 
on  songea  à  lui  i)ermettre  de  prendre  la  dîme  sur  le  tabac 
aussi  bien  que  sur  les  grains  et  l'obstacle  se  trouva  levé. 
Cependant,  les  plantations  ne  se  firent  pas  sur  une  grande 
échelle  parce  que  le  prix  payé  par  les  importateurs  de 
France  n'était  pas  jugé  assez  rémunérateur,  en  plus,  parce 
que  des  vers  s'attaquaient  aux  racines  des  jeunes  plants  et 
causaient  souvent  des  dommages  irréparables  (2). 

TOUT  LE  MONDE  FUME 

Toutefois,  si  la  culture  du  tabac  pour  l'exportation  ne 
faisait/pas  beaucoup  de  progrès,  il  est  certain  que  la  plu- 
part des  habitants  en  plantaient  pour  leur  propre    usage. 

(2)     Encore  aujourd'hui,  les  planteurs  doivent  avoir  recours  à  certains  pro- 
cédés/pour empêcher  les  vers  d'attaquer  les  racines  du  tabac. 


...   293  — 

Par  exemiDle,  nous  voyons  dans  l'étude  du  notaire  Coron, 
25  février  1747,  que  François  Baudouin  et  sa  f ennne  don- 
nent leurs  biens  à  leur  fils  Pierre,  mais  qu'ils  se  "réser- 
vent un  coin  de  terre  dans  le  jardin  pour  faire  du  tabac". 

Xous  avons  en  plus  le  témoignage  du  savant  Suédois, 
Pierre  Kalm,  qui  note,  au  cours  de  son  voyage  au  Canada, 
en  1749  :  "Chaque  fermier  jjlante  près  de  sa  maison  une 
quantité  de  tabac  plus  ou  moins  considérable,  suivant  que 
sa  famille  est  plus  ou  moins  nombreuse.  Il  faut  bien  que 
les  paysans  s'adonnent  à  la  culture  du  tabac  ;  il  est  d'un 
usage  universel  paï'mi  les  gens  du  peuple.  On  voit  des  ga- 
mins de  10  à  12  ans  courir  les  rues,  la  pipe  à  la  bouche,  imi- 
tant l'exemple  de  leurs  aînés.  Des  personnes  au-dessus  du 
vulgaire  ne  dédaignent  pas  de  fumer  une  pipe  par-ci  par- 
là  ;  dans  les  parties  les  plus  septentrionales  du  Canada  on 
fmne  généralement  le  i)etun  sans  mélange.  Mais  dans  le 
sud  et  aux  environs  de  Montréal  on  y  mêle  l'écorce  inté- 
rieure du  cornouiller  sanguin  pour  le  rendre  plus  faible. 
La'tabatière  est  aussi  fort  à  la  mode.  Presque  tout  le  ta- 
bac qui  se  consomme  ici,  est  j)roduit  dans  le  pays  et  cer- 
tains amateurs  le  préfèrent  au  tabac  de  Virginie  ;  mais 
ceux  qui  se  prétendent  des  connaisseurs  émettent  une  opi- 
nion tout  à  fait  contraire. 

Chose  curieuse  !  Tandis  que  beaucoup  de  nations  imi- 
tent les  coutumes  françaises-  je  remarque,  qu'ici,  ce  sont  des 
Français  qui,  à  maints  égards,  suivent  les  coutumes  des  In- 
diens. Ils  fument  dans  des  pipes  indiennes,  un  tabac  pré- 
paré à  l'indienne,  se  chaussent  à  l'indienne,  et  portent  jar- 
retières et  ceintures  comme  les  Indiens".  (3) 

.      LES  TABACS  ETRANGERS 

Plaçons  à  côté  des  notes  du  savant  Suédois,  un  extrait 
de  l'ouvrage  du  canonnier  Bonnefons  qui  vécut  au  Canada 
durant  la  dernière  décade  du  régime  français. 

"Le  tabac  vient  fort  bien  aux  environs  de  l'Ohio,  sur- 
tout dans  la  Virginie,  la  Caroline  et  le  Maryland  où  le  ter- 

(3)     Kalm.  12  sept.  1749,  page  193. 


—  294  — 

rain  lui  est  favorable  et  rend  sa  qualité  supérieure,  aussi 
est-ce  dans  ces  endroits  qu'il  a  le  plus  propagé  et  qu'il  est 
le  plus  en  réputation  au  Canada.  Les  Illinois .  .  .  .  et  les 
Natchès  cultivent  aussi  de  très  bons  tabacs  qui  ne  cèdent 
pas  en  force  et  qualité  à  celui  de  Virginie  où  il  est  jaunâtre. 
Celui  des  Illinois  et  des  Natchès  est  très  noir,  gras  et  d'un 
fort  bon  odorat  "  (  4  ) . 

On  pourrait  encore  citer  pour  prouver  la  généralisa- 
tion de  l'usage  du  tabac,  le  témoignage  de  Franquet  qui,  en 
1752  (page  50)  note  que  "l'on  donne  aux  canotiers  qui  le 
transportent,  une  collation  ainsi  que  du  tabac  !" 

Le  major  Malartic  consigne  également  dans  son  jour- 
nal, "en  1755,  que  le  15  juillet  on  distribua  entre  autres 
choses  aux  soldats  qui  partaient  avec  Dieskau  "une  livre 
de  tabac". 

Le  ,12  avril  1756,  Pierre  Gaboury  dit  Saint-Pierre, 
forgeron  s'engage  à  partir  pour  l'ouest  avec  Pierre  Gau- 
tier de  la  Verendrye  et  le  notaire  Danré  de  Blanzy  men- 
tionna qu'il  est  promis  à  l'engagé  :  12  livres  de  tabac  à  fu- 
mer. 

.  PETUN  ET  TABAC 

Petun  et  tabac  étaient-ils  synonymes  pour  nos  ancê- 
tres ?  Une  remarque  faite  par  le  canonnier  Bonnef ons  à  la 
page  226  de  son  intéressant  ouvrage  semblerait  avancer  le 
contraire.  "On  appelle  "petun",  dit-il,  un  mélange  de 
tabac  et  de  feuilles  rouges  odoriférantes,  recueillies  par  les 
Sauvagesses".  ... 

D 'autre  part,  Kalm  note  en  1749,  (page  161)  que 
"tout  le  monde,  en  la  Nouyelle-France  appelle  de  son  nom 
sauvage  :  Sagackomi,  l'arbousier  busserole  6u  raisin 
d'ours"  et  il  ajoute  :  "que  les  Français,  les  Anglais  et  les 
Hollandais  ont  l'habitude  d'en  mêler  les  feuilles  avec  leur 
tabac  '  '.  Il  avait  dit  auparavant  que  les  montréalistes 
mêlaient  au  petun  "l'écorce  intérieure  du  cornouillier  san- 
guin". 

*(4)     Bonnefons,  Voy.  au  Can.,  p.  155. 


—  295  — 

LES  IMPOTS 

Très  tôt  (1670),  la  mère  patrie  imposa  un  droit  d'en- 
trée de  5  sous  sur  le  tabac  et  cet  impôt  subsista  longtemps. 
En  1719,  la  compagnie  des  Indes  le  percevait  encore,  mais 
en  1748,  il  semble  avoir  été  réduit  à  1  sol,  six  deniers  par 
livre. 

LES  PRIX 

Comme  on  peut  se  l'imaginer,  le  prix  de  cette  plante  a 
varié  beaucoup  avec  les  années.  M.  Gérard  Malchelosse 
assure  qu'il  a  vu  dans  un  inventaire  de  1668,  à  Champlain, 
qu'un  habitant  de  ce  lieu  avait  40  livres  de  tabac  canadien 
prisé  à  50  sols  la  livre.  En  1683  (25  juillet)  et  en  1687 
(1er  février)  le  prix  était  passé  à  60  sous  la  livre.  Quel- 
ques années  après.  Basset  (22  d.écembre  1693)  estime  une 
livre  de  "méchant  tabac  du  pays"  à  5  sols.  En  1736-  Ou- 
gnet,  le  directeur  du  domaine  du  roi,  à  Québec,  offrait  4 
sols  la  livre  aux  colons.  En  1758,  Bonnefons  achète  4000 
livres  de  tabac  pour  3000  francs,  ce  qui,  nous  informe-t-il, 
n'était  que  moitié  prix.  L'herbe  à  Nicot  valait  donc  30 
sols  la  livre.  Il  s'agissait  de  tabac  récolté  dans  le  centre 
de  l 'Amérique. 

L'APPRET  AGE 

Le  petun  de  Lambert  Closse,  en  1662,  était  en  pain  de- 
2  livres  ;  pressé  sans  doute.  Le  7  juillet  1678  un  docu- 
ment contient  la  mention  d'un  *'rolle  de  tabak  de  76  livres 
pour  aller  dans  les  bois".  Un  autre  docmnent  de  1683 
nous  fournit  les  expressions  '*une  brasse  et  demie  de 
tabac",  puis  "roUe  et  rouleaux".  En  1738,  il  est  question 
de  "tabac  filé"  et  aussi  que  les  Français  de  France  deman- 
dent du  tabac  en  "manoques",  mais  que  les  Canadiens  pré- 
fèrent le  mettre  en  "rôle".  I^es  gens  du  pays  préten- 
daient que  le  tabac  apprêté  de  cette  façon  se  conservait 
mieux  et  qu'il  se  transportait  plus  aisément. 

PIPES 

"J'avais  appris  à  fmner  au  Canada,  usage  usité    chez 


—  296—^ 

tous  les  habitants  ;  je  conservais  une  pipe  avec  son  étui 
faite  en  très  bon  bois  et  en  forme  de  pistolet".  (Bonne- 
f  ons,  page  204) .  Cet  auteur  écrivait  ceci  en  1760.  La  pi- 
pe dont  il  parle  était-elle  de  fabrication  étrangère  ou  cana- 
dienne ?  A  en  croire  le  savant  Kalm,  plusieurs  faisaient 
usage  de  pipes  en  pierre  ou  calumets,  qu'ils  se  procuraient 
des  sauvages,  mais  il  y  avait  dans  les  villes  de  la  Nouvelle- 
France  plusieurs  ouvriers  habiles  qui  pouvaient  tourner 
de  jolies  pipes. 

BLAGUES 

En  1535,  Jacques  Cartier  avait  observé  que  les  abori- 
gènes portaient  leur  tabac  dans  un  petit  sac  de  peau  de  bête 
qu'ils  suspendaient  à  leur  cou.  Cet  usage  se  conserva 
longtemps  parmi  les  blancs.  Plus  tard,  on  vit  les  Cana- 
diens se  faire  des  blagues  avec  les  vessies  de  divers  ani- 
maux et  avec  la  peau  de  loup-marin  préparée  en  four- 
rure. Ces  dernières  blagues  avaient  la  forme  d'un  porte- 
feuille et  on  les  fermait  au  moyen  d'un  cordonnet  auquel 
était  fixé  un  cure-pipe  en  os.  Enfin,  plusieurs  fumeurs 
avaient  de  la  prédilection  pour  des  boîtes  en  métal  ayant 
l'apparence  d'une  tabatière. 

TABAC  A  PEISER  ET  TABATIERE 

Prisait-on  1  Certes,  et  le  sieur  Kalm  le  remarque  :  "la 
tabatière  aussi  est  fort  à  la  mode  '  '  (page  193 ) .  D 'ailleurs 
au  dix-huitième  siècle,  le  tabac  à  priser  était  l'objet  d'un 
engouement  qui  s'étendait  aux  colonies. 

En  1758,  je.  relève  la  mention  "une  livre  de  tabac 
râpé"  et  dans  l'inventaire  de  l'officier  d'infanterie  P.  F. 
de  Sarrobert  (8  janvier  1756),  celje-ci  :  Deux  tabatières  de 
carton  dont  une  à  femme  valant  ensemble  20  sols  '  '. 

Montcalm  devait  être  un  priseur,  car  il  prend  la  peine 
de  si:>écifier  dans  une  de  ses  lettres  que  le  tabac  à  priser  se 
vend  24  francs  la  livre,  dans  les  dernières  années  du  régime 
français  (5). 

(5)     Montcalm  en  Canada,  page  311. 


-  297 


Nous  n'avons  pas  ici  à  faire  l'éloge  du  tabac,  ni  à  van- 
ter l'agrément  qu'éprouvent  les  fumeurs  "en  faisant  envo- 
ler dans  l'air  les  volutes  bleuâtres  de  leur  bonne  pipe  de  ta- 
bac canadien";  contentons-nous  de  signaler  que  la  presse» 
canadienne  a  commenté  avec  satisfaction-  récemment  un 
rapport  du  ministère  de  l'agriculture  dans  lequel  on  lisait 
que  dans  le  Dominion,  c'est  Québec  qui  produisait  le  plus 
de  tabac  et  le  meilleur. 

Au  cours  de  l'anné  1920,  notre  province  en  a  récolté 
26,400,000  livres.  Ce  rapport  nous  apprend,  en  outne,  que 
certaines  espèces  entrent  maintenant  dans  la  fabrication 
des  cigares  et  des  cigarettes;  enfin,  qu'il  y  a  là  une  source 
considérable  de  revenus  pour  les  planteurs  canadiens, 
particulièrement  pour  les  nôtres. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


QUESTIONS 


Dans  un  travail  lu  par  Andrew  Stuart  devant  la  Société  Littéraire 
et  Historique  de  Québec  vers  1829,  il  est  question  de  chefs  sauvages  du 
Mississipi  qui  vinrent  visiter  sir  George  Prévost  à  Québec  peu  avant  la 
guerre  de  1812.  Ces  chefs  sauvages  avaient,  paraît-il,  amené  avec  eux 
une  soeur  du  fameux  chef  Tecumseh,  immortalisé  par  Parkman.  Où 
trouverais-je  des  renseignements  sur  le  séjour  de  ces  Indiens  à  Québec? 

QUEBEC 

Sous  le  régime  français,  nous  avions  au  Canada  une  espèce  de  cons- 
cription. Il  est  certain  qu'en  temps  de  guerre  les  jeunes  gens  aptes  au 
service  étaient  obligés  de  s'enrôler  comme  miliciens.  Il  me  semble  avoir 
vu  quelque  part  que  les  miliciens  ainsi  levés  pour  le  SQ^vice  de  guerre 
pouvaient  se  faire  remplacer  par  d'autres  jeunes  gens  non  obligés  de  servir 
à  condition  toutefois  qu'ils  les  indemnisent.  Peut-on  me  donner  des  pré- 
cisions à  ce  sujet? 

CUEAM 


™  298  — 


LETTRES  INEDITES  DU  GOUVERNEUR 
D'ARGENSON 


DOUBLE  DES  ADVIS  QUE  J'AY  ENVOYE  A  MRS  DU 
CONSEIL  (1658) 

Selon  l'ordre  que  j'ay  reçu  de  S.  M.  par  l'arrêt  du  conseil  du  7  mars 
1657  de  représenter  les  avantages  ou  les  inconveniens  qui  pourroyent  arri- 
ver dans  l'exécution  du  dict  arrest  et  voyant  que  par  l'exposition  qu'on  en 
a  faite  on  a  eu  en  pensée  de  rétablir  la  traite  qui  est  entièrement  avilie  et 
de  rendre  la  communauté  capable  de  soustenir  les  grandes  charges  à  quoy 
elle  est  obligée  et  de  sortir  des  debtes  dans  lesquelles  elle  s'engage  tous 
les  jours,  pour  à  quoy  réussir  on  aurait  ordonné  que  toutes  les  marchan- 
dises fussent  mises  par  les  marchands  dans  les  magasins  pour  après  en 
estre  dépa^ty  la  moitié  aux  habitans  pour  estre  traitée  à  l'ordinaire  en 
payant  le  quart  au  magasin  et  l'autre  moitié  estre  réservée  dans  les  maga- 
sins pour  estre  traitée  au  profit  du  magasin,  voyant  grande  difficulté  pour 
cette  distribution  de  marchandises  aux  habitans  qui  avec  cela  ne  manque- 
roient  pas  d'avilir  aussy  la  traite  donnant  toujours  à  l'envi  les  uns  des  au- 
tres aux  sauvages  à  l'appétit  d'un  petit  guain  et  sur  l'autre  article  ne 
doutant  point  que  la  communauté  ne  trouvast  l'avantage  qu'elle  cherche 
pour  payer  les  charges  et  acquitter  ses  debtes  en  faisant  la  moitié  de  la 
traite  à  son  proffit  et  ayant  le  quart  de  l'autre  moitié  ma  pensée  est  d'o- 
bliger tous  les  marchands  à  mettre  leurs  marchandises  dans  les  magasins 
pour  estre  traitées  sans  en  sortir,  moitié  au  proffit  djs  la  communauté  et 
l'autre  moitié  au  proffit  des  habitans  en  payant  le  quart  sans  être  obligée 
d'en  faire  la  distribution,  faisant  deffenses  à  tous  habitans  de  traiter  en 
particulier  et  parce  qu'il  n'est  pas  juste  que  les  habitans  soyent  tous  traités 
esgalement,  on  feroit  des  classes  conformément  aux  arrests  cy  devant 
rendus,  dans  lesquelles  on  regleroit  les  prétentions  des  habitans,  les  mar- 
chands mêmes  n'auroyent  aucun  sujet  de  plaintes  leurs  marchandises  ne 
se  distribuant  que  pour  du  castor  qui  feroit  leur  payemens  au  mesme  temps 
de  la  traite  ou  celles  qui  ne  seroient  pas  traitées  demeureroyent  en  nature 
dans  les  magasins  pour  être  traitées. 

J'adjoute  ceci  pour  plus  de  lumières  ; 

Et  parce  que  les  marchands  vous  feroient  difficulté  de  remettre  leurs 
marchandises  dans  le  magasin  alléguant  qu'ils  n'en  recevront  le  payement 


—  299  — 

que  bien  tard  on  pourra  obliger  les  habitans  de  satisfaire  aux  marchands 
pour  la  part  dont  un  chacun  aura  pouvoir  d'entrer  dans  la  traite. 

Si  les  marchands  font  difficulté  pour  les  marchandises  qui  se  traite- 
ront au  profîit  de  la  communauté  et  qu'ils  allèguent  qu'ils  n'en  auront 
point  d'assurance.  On  leur  pourra  respondre  qu'ils  auront  préférance 
après  les  charges  et  je  ne  pense  pas  que  ces  difficultés  naissent  si  on  fait 
un  traité  particulier  g,vec  une  compagnie  de  marchands  qui  trafique- 
roient  en  ce  pays  exclusivement  à  tous  autres,  mais  qui  seroient  obligés  de 
me  demander  la  ratification  du  traité  qu'ils  auroient  fait  afin  que  je 
peusse  cognoistre  s'ils  seront  avantageux  ou  désavantageux  au  pays. 

Il  faut  ajouster  que  les  habitans  s'adonneroient  d'avantage  à  l'esta- 
blissement  du  pays  et  à  la  culture  des  terres  n'estant  pas  divertis  par  la 
traite  qu'ils  font  en  particulier  et  recevant  le  profîit  qui  auroit  esté  traité 
par  eux  au  magasin  pour  subvenir  aux  frais  qu'ils  sont  obligés  de  faire  et 
parceque  la  distribution  des  habitans  dans  les  classes  peut  avoir  ses  diffi- 
cultés chacun  s'estimant  plus  qu'il  n'est  on  pourroit  scavoir  de  combien 
chacun  y  veut  entrer  et  s'ils  excedoyent  les  régler. 

DOUBLE  DE  LA  LETTRE  ENVOYEE  PAR  LE  VAISSEAU  DU 
SR.  GAIGNEUR  DU  5  SEPT.  1658 

Monsieur,  ^ 

Vous  m'avez  fait  l'honneur  de  me  témoigner  si  souvent  que  vous 
souetier,  (sic)  d'aprendre  les  choses  qui  se  passoient  dans  nostre  nouveau 
pais  que  je  n'ay  garde  de  manquer  à  vous  en  faire  le  récit  à  vous  en  ren- 
dre compte  des  choses  qui  se  sont  passées  depuis  mon  arrivée  première- 
ment le  pays  est  en  guerre  et  desjà  j'ay  faict  quelques  courses  pour  em- 
pescher  les  Iroquois  de  s'aprocher  si  près,  mais  les  bois  que  nous  avons  tout 
auprès  de  Québec  leur  donnent  tant  de  retraites  qu'il  nous  est  impossible 
de  les  joindre  sur  un  advis  qui  nous  vint  des  ennemis  j'allay  jusques  aux 
trois-rivières  a  dessein  d'aller  jusques  a  Montréal  toais  trouvant  toujours 
les  vents  contraires  et  pressé  de  la  récolte  auquel  temps  il  fault  estre  plus 
sur  ses  gardes  pour  la  favoriser  je  fus  obligé  de  retourner,  après  vous  avoir 
parlé  de  la  guerre  suit  un  autre  fléau  aussy  dangereux  que  celuy  là  qm  est 
la  pauyreté  et  sans  lequel  nous  ne  craindrions  guère  la  guerre  car  si  nous 
avions  de  quoy  entretenir  quelques  hommes  je^  ferois  couper  touts  les  bois 
les  plus  proches  et  qui  empe^chent  la  communication  ide  plusieurs  habita- 
tions cette  pauvreté  procède  en  partie  de  l'avilissement  de  la  traicte  que 


—  soû- 
les habitants  ont  reduict  à  un  tel  point  qu'à  peine  recoivent-ils  des  sauva- 
ges le  prix  de  leurs  marchandises  et  c'est  un  désordre  auquel  il  faut 
absolument  remédier  en  obligeant  de  faire  la  traicte  en  commun  et  fai- 
sant défense  à  touts  les  particuliers  de  traicter.  Il  serait  aussy  à  propos 
de  préférer  une  compagnie  de  marchands  et  exclure  tout  nos  petits  mar- 
chandeaux  de  venir  en  ce  pais  parce  que  ceux  n'ayant  aucun  fonds  devant 
eux  ils  acheptent  chèrement  leurs  marchandises  et  nous  les  vendent  de 
mesme  de  plus  estant  de  retour  en  France.  Ils  sont  pressés  de  leurs 
créanciers  de  vendre  leurs  effects  et  vendent  leurs  castors  à  vil  pris  pour 
ne  pouvoir  atteindre  le  temps  de  la  vente.  C'est  à  vous,  Monsieur,  qui 
avés  une  cognoissance  parfaite  de  toutes  ces  choses  de  décider. 

J'ay  esté  un  peu  surpris  après  avoir  entendu  les  petites  contrariétés 
qui  s'estoient  passées  entre  les  R.  R.  P.  P.  Jesuittes  et  Mr.  l'abbé  de  Que- 
lus  de  trouver  l'Eglise  entièrement  paisible  et  les  Eglises  bien  remplies  de 
peuple  chacun  accomplissant  son  ministère  avec  beaucoup  de  douceur  et 
déférence  de  part  et  d'autre  jusques  à  quelques  jours  avant  le  despart  de 
Mr.  l'abbé  pour  Montréal  ou  il  crut  devoir  s'opposer  au  mandat  de  Mr  de 
Rouen  mais  comme  j'avois  peur  que  la  chose  n'eut  quelque  suittes  fâ- 
cheuses je  le  priay  d'obéir  au  mandat  ce  qu'il  a  fait.  Après  vous  avoir 
entretenu  de  tout  le  pais  il  fault  que  je  vous  entretienne  des  choses  qui 
me  regardent  et  que  je  vous  dise  que  je  prévoy  une  grande  difficulté  de 
pouvoir  subsister  en  ce  pais  et  que  je  ne  m'étonne  nullement  de  là  grande 
économie  qu'on  a  attribué  à  Mr.  de  Lauzon  puisque  sans  que  je  sois  chargé 
d'une  grande  famille  comme  il  estoit  il  m'est  impossible  d'aller  bien  loing 
avec  mes  appointemens.  Feu  Mr  de  Montmagny  a  esté  le  seul  qui  aye 
pu  réussir  parceque  outre  l'entretien  de  sa  maison  et  les  gages  de  ses  do- 
mestiques il  touchoit  mil  écus  tous  les  ans  et  présentement  je  ne  reçoy 
que  deux  mil  escus  pour  toute  ma  dépense  les  deux  autres  mil  escus  estant 
pour  la  garnison  et  vous  prandrez  le  peyne  de  considérer  que  je  cours  les 
risques  de  la  mer,  de  l'aller  et  du  retour.  Il  est  vray  que  Mrs  de  la  Com- 
pagnie m'ont  faict  cognoistre  que  je  pouvais  obliger  la  communauté  de  me 
faire  toucher  mes  apointemens  en  France  au  pris  que  les  castors  si  vendent, 
mais  pour  cela  il  fauldroit  que  je  prisse  tout  le  fonds  du  magasin  pour  moy 
seul  puisqu'il  n'y  a  pas  un  seul  marchand  qui  me  veuille  faire  toucher  de 
l'argent  en  France  a  trente  pour  cent  en  le  payant  ici  en  castors. 

Par  la  vous  jugerez  que  mes  appointemens  sont  diminués  d'un  tiers. 
Je  ne  scay  si  se  sont  les  grandes  dépenses  que  j'ay  faict  ces  deux  années 
passées  qui  me  donnent  l'appréhension  des  suivantes,  mais  je  vous  prie  de 


...  301  — 

considérer  qu'il  est  bien  fâcheux  à  une  personne  qui  vient  ici  sans  aucun 
motif  de  gain  de  se  voir  endebter  insensiblement  comme  je  le  suis  déjà  à 
Mrs  de  la  grande  Compagnie  de  deux  mil  écus.  Je  vous  demande  pardon 
dé  vous  tenir  un  discours  si  fort  importun  mais  vous  avez  la  bonté  d'écouter 
si  souvent  les  pleintes  des  personnes  qui  n'ont  point  l'honneur  d'estre  co- 
gnues  de  vous  que  je  m'imagine  que  vous  ne  rejèterés  pas  les  miennes  et 
que  vous  y  aporterés  les  remèdes  puisqu'elles  viennent  d'une  personne  qui 
est  avec  tout  le  respect  possible, 

Monsieur, 
Vostre  très  humble  et  très  Obéissant  Serviteur 

P.  DE  VOYER  D'ARGENSON. 

Monsieur  de  Morangé.      Au  dos 
Monsieur, 

Monsieur  de  Morangé  Coner  du  Roy  ordinaire  en  ses  Conseils  d'Estat 
et  directeur  de  ses  finances. 

DOUBLE  DE  LA  LETTRE  ECRISTE  PAR  LE  VAISSEAU  DU 
SR.  GAIGNEUR  du  5  rbre  1658 
Messieurs, 

Je  vous  avois  mandé  la  diligence  que  j'avois  résolu  de  faire  pour 
arriver  plus  promptement  à  Quebecq  et  porter  si  je  pouvois  les  remèdes 
nécessaires  à  quantité  de  misères  qui  s'y  rencontrent,  mon  voyage  jusques 
à  l'ile  percée  à  esté  de  35  jours  mais  la  guerre  des  Iroquois  avoit  empesché 
Mr.  Dailleboust  de  permettre  à  aucuns  bâtimens  de  descendre  à  l'ile  percée 
de  jpeur  d'affoiblir  le  pays  et  je  trouve  qu'il  avoit  prudemment  agi,  nous 
n'avons  pas  trop  de  toutes  nos  forces  cela  a  esté  cause  que  je  n'ay  trouvé 
aucune  commodité  de  monter  a  Quebecq  pendant  tout  un  mois  de  séjour 
que  j'ay  fait  à  la  dite  Isle  enfin  le  navire  du  sieur  Le  Gaigneur  arriva 
lequel  m'a  conduit  en  dix-sept  jours  icy  j'ay  trouvé  la  guerre  ouverte  et 
dès  le  lendemain  je  fus  obligé  àe  suivre  les  ennemis  qui  avoient  tué  une 
femme  Algonquine  et  blessé  deux  autres.  Us  emmenoient  deux  jeunes 
filles,  mais  nous  les  suivîmes  si  vivement  qu'ils  furent  obligés  de  les  aban- 
donner.     Il  nous  arrive  souvent  de  semblables  alarmes. 

Avant  de  vous  entretenir  de  l'estat  particulier  du  pais  il  faut  que  je 
vous  dise  deux  grands  inconvéniens  qui  regarde  le  généj'al  auxquels  il  fault 
absolument  remédier  ;  le  premier  regarde  les  traictes  que  les  habitans  ont 
avilie  a  un  tel  point  que  les  sauvages  ne  leur  donnoit  souvent  que  la  valeur 
des  marchandises  aux  pris  de  France  et  quelque  fois  même  encore  moins 


—  302  — 

et  la  vérité  de  cette  dernière  proposition  se  prouve  par  l'emprunt  que  les 
habitans  font  des  marchandises  aux  marchands  de  France  dont  ils 
deviennent  insolvables  aux  mesmes  marchands  pour  avoir  traicté  à  vil 
pris  le  deuxiesme  inconvénient  est  que  les  marchands  sont  absolument 
résolus  de  ne  revenir  plus  en  ce  pais  à  cause  du  rabais  des  castors  en 
France  et  sur  ces  deux  chefs  je  vous  diray  les  remèdes  qu'on  y  peut  appor- 
ter me  proposant  seulement  de  dire  mes  pensées  et  vous  laisser  résoudre, 
à  l'égard  du  premier  je  pense  qu'il  est  absolument  nécessaire  que  la  traicte 
se  fasse  en  commun  sans  qu'il  soit  permis  à  aucun  habitant  de  traiter  en 
particulier  et  afin  que  pas  un  ne  se  plaignent  après  en  avoir  parlé  aux  plus 
cognoissans  du  pais  leur  pensée  à  été  que  l'on  en  usât  comme  on  a  faict  à 
la  traicte  de  Tadoussac  qui  est  de  scavoir  pour  combien  chaseun  y  veult 
entrer  et  s'il  arrive  qu'ils  exedent  la  somme  à  quoy  se  peult  monter  la 
traicte  les  retrancher  selon  les  besoins  de  leur  famille. 

Pour  le  second  qui  regarde  les  marchands,  je  ne  voy  d'expédient  que 
de  lier  une  compagnie  de  marchands  qui  pourront  seuls  venir  en  ce  pays 
premièrement  pour  bannir  tout  ces  petits  marchands  qui  n'ayant  aucun 
sou  devant  eux,  sont  obliges  d'acheter  chèrement  à  la  Eochelle  et  autres 
lieux  pour  le  crédit  qu'on  leur  faict  de  plus  afin  que  les  castors  estant  tous 
dans  une  main  forte  ils  ne  soient  pas  si  fort  subjects  aux  rabais  comme  ils 
sont  parmy  tous  les  petits  marchands  lesquels  pressés  de  leurs  effects  ne 
peuvent  attendre  que  la  vente  en  soit  faite  à  loisir.  « 

Depuis  que  je  suis  icy  j'ay  estably  le  conseil  porté  par  l'arrest  de 
1657,  mais  je  ne  pense  pas  que  nous  puissions  arrester  Monsieur  D'aille- 
boust  pour  directeur  premièrement  parce  que  son  dessein  est  de  s'attacher 
entièrement  à  Montréal,  secondement  parce  qu'il  sait  bien  que  l'arrest  ne 
pouvant  avoir  son  effet,  il  n'a  pas  tout  l'employ  qu'il  avoit  projeté,  de  plus 
les  fonds  de  notre  magasin  estant  foibles  au  point  qu'ils  sont  il  désespère 
de  pouvoir  obtenir  quelques  appointemens , raisonnables. 

Monsieur  D'ailleboust  a  trouvé  moyen  de  rendre  nul  l'arrest  que 
j'avois  obtenu  pour  toucher  mes  appointemens  mais  d'une  façon  à  quoy 
vous  ne  pensez  pas  c'est  qu'ayant  ouvert  ce  discours  il  m'a  d'abord  dict  que 
j'en  userois  comme  je  voudrois  et  sur  cela  je  luy  dis  que  puisqu'il  agissoit 
de  la  sorte  je  n'en  voulois  rien  prendre  de  tout  le  temps  qu'il  avoit  servy  à 
charge  qu'il  feroit  les  dépenses  de  la  garnison  jusques  à  la  fin  de  l'année 
par  là  voT^S  voyez  que  mon  arrest  des  appointemens  est  entièrement  inutile 
dont  je  loue  Dieu  quoy  qu'il  ne  m'en  reste  aucun  proffit  de  vous  envoyer  un 


—  303  — 

extraict  des  concessions  cpie  j'ay  accordé  vous  n'aurez  qu'a  les  ratifier  par 
un  acte  que  vous  prendrez  la  peine  de  m'envoyer  et  que  je  feray  insérer  au 
greffe. 

Pour  l'exécution  de  l'arrest  il  n'est  pas  à  propos  d'y  penser  parce- 
qu'il  faut  premièrement  rétablir  la  traicte  en  obligeant  tous  les  habitans 
de  traicter  ensemble  et  taxer  à  quel  prix  ils  doivent  traicter  et  parceque 
nous  voyons  grande  diminution  sur  les  prix  des  castors  et  je  pense  que 
nous  serons  obligés  aussy  rabaisser  le  prix  si  le  magasin  ne  se  remplit 
davantage  je  pense  qu'il  nous  sera  impossible  de  vous  envoyer  votre 
millier.  J'espère  toutefois  jusques  à  la  fin  parcequ'il  est  probable  que 
plusieurs  habitans  en  ont  et  qu'ils  n'ont  pas  pu  acquitter  à  cause  de  la 
guerre.  Monsieur  de  la  Poterie  que  j'ai  continue  dans  le  commandement 
des  trois-Rivières  n'ayant  permis  qu'a  fort  peu  d'habitans  de  descendre  à 
Québec  de  peur  d'afoiblir  trop  la  place. 

Nous  avons  fourny  quelque  petite  somme  à  Monsr.  Denis  afin  de 
poursuivre  vos  affaires.  Il  m'a  tesmoigné  plusieurs  fois  qu'il  auroit  bien 
voulu  s'en  descharger  mais  je  pense  qu'il  desireroit  davantage  que  vous 
luy  donnassier  le  moyen  de  les  bien  (mot  passé  dans  le  texte)  et  que  sa 
peyne  fut  recompensé.  Je  luy  ay  conseillé  plusieurs  fois  de  n'en  entre- 
prendre pas  tant  et  d'en  finir  d'avantage,  sy  par  quelque  voie  que  ce  soit 
vous  pouviez  nous  procurer  quelques  hommes  entretenus  ce  nous  seroit  un 
grand  avantage,  car  il  est  impossible  que  nos  fonds  du  magasin  \f  puissent 
et  si  vous  exécutés  ^ette  proposition  faite  en  sorte  de  nous  envoyer  des 
travailleurs  et  non  pas  des  soldats  parce  que  les  habitans  de  ce  pays  de- 
viennent bientost  soldats  mais  les  soldats  ne  viennent  jamais  travailleurs 
et  dans  les  temps  que  les  ennemis  nous  donneront  du  repos  je  les  emploi- 
rois  à  la  coupe  des  bois  qui  decouvriroient  nos  environs  et  rendroient  nos 
habitations  plus  capable  de  se  secourir. 

La  mission  d'Onontai  est  revenue.  Elle  estoit  ici  avant  mon  arrivée 
je  trouve  que  c'est  un  effect  de  la  providence  admirable,  car  nous  aurions 
eu  grande  peyne  à  la  soutenir. 

La  mort  de  Monsieur  Sevestre  a  obligé  Monsieur  D'ailleboust  d'en 
arrester  les  comptes  j'ai  ordonné  qu'on  en  mit  la  copie  entre  les  mains  de 
Monsieur  Denis  pour  vous  l'envoyer.  Il  avait  là  charge  de  Lieutenant 
particulier  laquelle  après  sa  mort  Monsieur  D'ailleboust  à  fait  exercer  par 
le  sieur  de  Villeray  soubs  nostre  bon  plaisir.  Je  le  trouve  très  capable  et 
personne  à  s'en  acquitter  avec  honneur  et  je  ne  fais  nul  doubte  que  rece- 
vant cette  gratification  de  vostre  compagnie  il  n'en  aye  une  parfaite  reco- 


—  304  — 

gnoissance.  C'est  a  luy  que  Mr.  Denis  avoit  fait  opposition  pour  sa  mai- 
son, mais  je  Fay  trouvée  si  fort  avancée  qu'il  auroit  été  au  moins  néces- 
saire de  le  dédommager,  outre  que  (mot  passé  dans  le  texte)  n'est  point 
du  côté  de  la  rade  et  qu'ainsy  on  peut  dire  qu'elle  est  plustost  contre  la 
bienséance  que  contre  la  nécessité.  Il  n'en  est  pas  de  même  d'un  autre 
qui  regardoit  la  rade  des  vaisseaux  et  que  j'ai  ordonnée  qui  fut  levée 
parcequ'elle  empesche  la  batterie. 

Le  sieur  de  Bécancour  n'a  pu  s'empescher  de  témoigner  sa  chaleur 
ordinaire  sur  la  conservation  du  bastiment  du  Sr.  de  Villeray  sur  ce  qu'il 
disoit  en  avoir  concession  mais  il  a  esté  bien  estonné  lorsque  je  luy  ay  dit 
que  ce  ne  pouvoit  estre  qu'une  surprise  puisque  si  il  est  vray  que  le  bas- 
timent de  Villeray  nuise  à  la  forteresse  du  magasin,  celle  qu'il  y  bastiroit 
à  la  place  causeroit  le  mesme  empeschement  et  que  par  là  il  découvroit 
seulement  l'intérêt  qui  le  faisoit  agir  et  nullement  la  pensée  de  la  justice 
et  de  maintenir  les  droicts  de  votre  compagnie.  Il  en  use  de  mesme  pour 
les  terres  de  la  Grange  il  voit  que  l'intention  de  vostre  compagnie  est  de 
retirer  les  concessions  que  Monsieur  de  Lauzon  en  a  données.  Touts  se 
portent  ou  à  les  quitter  ou  s'en  accommoder  le  seul  Mr.  Becancourt  prend 
une  concession  de  vostre  compagnie  de  dix  harpens  (sic)  joignant  la  cour 
de  la  Grange  et  des  plus  à  main.  Cela  renverse  tellement  tout  Fordre  que 
je  souetterois  apporter,  qu'on  ne  peut  s'imaginer  d'avantage.  Je  vous 
avois  exposé  que  la  diminution  des  castors  me  donneroié  beaucoup  de  peyhe 
pour  mes  appointemens  le  conseil  d'icy  qui  a  jugé  fort  raisonnable  que  je 
les  touchasse  en  France  sans  diminution  désireroit  avoir  un  arrest  du 
conseil  et  pour  les  authoriseret  pour  que  ceux  qui  touchent  quelque  chose' 
sur  la  communauté  ne  prétendissent  pas  le  mesme  avantage.  Je  vous  prie 
de  le  faire  donner  ;  toutes  les  concessions  que  je  donne  de  vostre  part  sont 
avec  la  clause  d'y  bastir  dans  l'an  et  jour  à  faulte  de  quoy  concession  nulle 
ce  qui  m'a  obligé  de  Dire  à  Monsieur  Denis  vostre  procureur  qu'il  accom- 
modât aussy  quelqu'un  sur  l'arpent  que  vous  luy  avez  donné  auprès  la 
fontaine  de  Champlain  par  ce  que  ces  exceptions  sont  de  si  mauvais  exem- 
ple que  toutes  pensent  être  reçues  à  demander  les  mêmes  grâces  quoiqu'ils 
ne  rendent  pas  touts  les  mesmes  services.  Ce  n'est  pas  qu'il  ne  faille 
considérer  la  charge  de  sa  famille  qui  est  grande  mais  dans  un  temps  de 
guerre  comme  celuy  cy  la  commodité  de  reserrer  2  ou  3  familles  présente- 
ment l'emporte  sur  ces  pensées  éloignées.  J'envoye  à  Monsr.  de  Lamoi- 
gnon  les  pensées  qui  me  sont  venues  sur  l'arrest  donné  en  1657  selon  qu'il 


—  305  — 

m'estoit  ordonné,  je  n'ay  rien  à  vous  dire  d'avantage  jusques  au  départ  du 
second  vaisseau. 

Je  suis  très  véritablement, 
Messieurs 
Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

P.  DE  VOYER  D'ARGENSON. 

DOUBLE  PE  LA  LETTRE  ENVOYEE  PAR  LE  PREMIER 
VAISSEAU  DU  5  7bre  1658 

Vous  voulez  que  je  vous  mande  tout  ce  que  je  scay  de  nostre  Canada 
depuis  que  j'y  suis  arrivé,  je  couperai  le  plus  qu'il  me  sera  possible  pour 
ne  pas  vous  ennuyer,  mais  aussi  je  ne  vous  celeray  point  les  choses  qui  im- 
portent à  un  pays  qui  a  grand  besoin  de  vostre  protection  et  à  laquelle  je 
ne  doubte  point  que  vous  ne  vouliez  continuer  par  l'interest  de  la  religion 
laquelle  périroit  indubitablement  si  les  François  qui  sont  icy  estoient 
obligés  de  quitter  un  pays  pauvre  et  persécuté  de  la  guerre  des  Iroquois. 
Ces  deux  qualités  ont  assez  de  rapport  le  pays  devenant  tous  les  jours  plus 
pauvre  à  cause  de  la  guerre  qui  seroit  fort  à  mépriser  si  nous  étions  bien 
riches. 

Il  faut  que  je  commence  par  Testât  ecclésiastique  que  j'ay  trouvé  en 
paix  à  mon  arrivée.  L'Eglise  des  P.  P.  Jésuites  fort  fréquentées  et  la 
paroisse  bien  remplie  et  bien  servie  les  choses  aurpient  pu  continuer  ce 
mesme  trein  par  le  respect  réciproque  que  l'on  rendoit  des  deux  costés 
mais  les  R.  R.  P.  P.  Jesuittes  ont  creu  qu'ils  debvoient  faire  valoir  le 
mandat  de  Mrs  de  Rouen.  Mr.  l'abbé  de  Quélus  s'y  estoit  opposé  sur  ce 
qu'il  disoit  que  leurs  lettres  n'estoient  pas  en  bonne  forme  mais  comme  ce 
n'estoit  pas  à  moy'  d'entrer  dans  la  cognoissance  du  fonds  et  qu'il  m'appa- 
roissoit  un  mandat,  j'ay  porté  Monsieur  de  Quelus  à  se  retirer  à  Montréal, 
ce  qu'il  a  faict  et  tout  s'est  passé  avec  douceur.  Je  souhetterais  que  nous 
eussions  autant  de  treuve  avec  les  Iroquois  qui  nous  obligent  souvent  à  les 
suivre  et  cela  me  donneroit  peut  d'inquiétude  si  nous  avions  dans  le  maga- 
sin de  quoy  fournir  à  la  despense,  voulés  vous  que  je  vous  dise  en  un  mot 
ce  qui  nous  seroit  absolument  nécessaire  pour  bien  establir  le  pais  et 
l'empescher  de  craindre  les  ennemis  ;  il  nous  faudroit  cent  hommes  de 
travail  passés  et  entretenus,  c'est  le  plus  grand  secours  qu'on  put  donner 
en  ce  pais  et  le  vray  moyen  d'appuyer  l'évangile  par  ce  que  en  ce  pais  touts 
les  travailleurs  en  peu  de  temps  deviennent  soldats,  mais  les  soldats  ne 
viennent  pas  travailleurs,  tellement  que  lorsqu'il  n'y  auroit  rien  à  faire 


—  306  — 

pour  la  guerre  je  les  emploirais  à  couper  les  déserts  et  rendre  nostre  pais 
hors  d'embuscade,  mais  cette  proposition  est  bien  difficile  à  exécuter  du 
moins  je  suis  obligé  d'en  donner  les  veues  et  faire  cognoistre  que  c'est  la 
grande  charité  qu'on  peut  peust  faire  pour  le  pais  sans  laquelle  il  est  im- 
possible d'avancer  le  christianisme,  j'écris  amplement  à  Mr  de  la  Compa- 
gnie sur  ce  sujet  de  la  traite  et  des  marchands  dont  il  faudroit  se  servir 
pour  le  trafic  du  pays.  Ils  vous  en  rendront  compte  lorsque  vous  dési- 
rerez l'entendre  et  je  ne  le  répète  point  icy  de  peur  de  vous  ennuyer  et 
mesme  je  finis  de  vous  parler  de  nos  misères  pour  vous  témoigner  la  joye 
que  j'ay  d'apprendre  l'assurance  qu'on  vous  a  donné  de  vostre  charge  de 
président  elle  ne  peult  estre  plus  grande  que  lorsque  vous  le  serez  en  effet 
car  je  seray  assuré  à  mon  tour  qu'on  ne  vous  l'otera  pas  et  que  vous  pourés 
jouir  du  repos  raisonnable  que  vous  vous  êtes  si  souvent  figuré  au  milieu 
de  vostre  travail. — J'avois  espéré  en  venant  en  ce  pays  goûter  un  peu  de 
ce  repos,  mais  je  m'en  voy  doublement  éloigner  au  dehors  par  les  ennemis 
et  les  petites  divisions  qui  naissent  tous  les  jours  parmy  nos  habitans  et  au 
dedans  par  la  difficulté  que  je  trouve  à  subsister.  Vous  ne  pouvez  vous 
imaginer  la  chereté  des  vivres  outre  la  difficulté  qu'il  y  a  d'en  avoir — peut 
estre  vous  souviendrez  vous  que  j'avois  proposé  à  la  compagnie  en  vostre 
présence  que  les  castors  diminuant  de  prix  je  les  priois  d'escrire  en  ce  pays 
qu'on  me  fit  toucher  l'argent  de  mes  apointemens  au  prix  que  le  Eoy  l'or- 
donoit  à  quoy  le  conseil  d'icy  à  bien  consenty  mais  il  souetoit  en  avoir  un 
ordre  du  conseil  du  Roy  pour  moy  seul  afin  que  ceux  qui  touchent  quelque 
argent  de  la  communauté  ne  prétendisse  pas  la  mesme  chose,  ce  qui  m'o- 
blige de  vous  prier  d'avoir  la  bonté  de  faire  ordonner  par  le  conseil  que 
mes  appointemens  et  le  fret  seront  payés  en  France  sans  courir  la  risque 
ny  souffiir  la  diminution  des  Castors.  • 

La  traite  a  été  avilie  a  un  tel  point  que  les  habitans  sont  touts  dans 
une  très  grande  pauvreté  ils  sont  tous  insolvables  aux  marchands  qui  leur 
ont  preste  et  c'est  une  chose  à  quoy  il  faut  travailler  uniquement  que  de 
la  rétablir  et  de  les  obliger  à  traiter  en  commun  afin  que  les  particuliers 
ne  puissent  continuer  ce  désordre  comme  ils  l'ont  commencé.  Il  faut 
aussy  éloigner  de  ce  pays  une  quantité  de  petits  marchands  à  qui  on  vent 
chèrement  dans  les  lieux  d'où  ils  partent  parce  qu'ils  prennent  tout  à 
crédit  et  sont  obligés  de  débiter  en  ce  pays  à  proportion  et  de  plus  lors- 
qu'ils sont  retournés  en  France  pressés  de  vendre  leurs  effets  par  les 
créanciers  sont  obligés  de  donner  leur  castor  à  vil  prix  pour  ne  pouvoir 
attendre  le  temps  de  la  vente  des  castors  Pour  cela  il  est  absolument  né- 


—  307  — 

cessaire  de  lier  une  compagnie  de  marchands  laquelle  nous  pourroit  faire 
quelque  avantage  au  magasin  et  mesme  s'obligeront  de  passer  et  les  hom- 
mes et  les  tonneai^x  de  marchandises  à  un  prix  plus  raisonnable  que  n'en 
usent  les  marchands  à  présent  je  vous  demande  pardon  de  vous  escrire  ces 
choses,  mais  parce  que' vous  aymes  le  pais  je  pense  que  vous  voulez  que  je 
vous  dise  ma  pensée. 

Je  vous  envoyé  mes  faibles  advis  que  je  doibts  donner  au  conseil  sur 
l'arrest  donné  en  1657  vous  commanderez  qu'on  y  mette  l'inscription  qui 
qui  y  sera  nécessaire  j'ay  si  peu  coutume  de  donner  advis  à  des  gens  sages 
que  je  ne  scais  comme  il  fault  comencer  mais  je  scay  bien  comme  il  fault 
finir  en  parlant  à  une  personne  de  vostre  mérite  que  j'honore  parfaitement 
c'est  par  une  protestation  tout  entière  que  je  vous  faicts  de  mes  très  hum- 
bles obéissances. 

P.  DE  VOYER  D'ARGENSON 

NOTE — Cette  lettre  n'a  pas  d'adresse  mais  au  bas  je  vois  ces  4  iiii- 
titales  M.  D.  L.  M.  cela  me  porte  à  penser  qu'elle  a  été  écrite  à  Mr.  Delà 
Marguerie. 

DOUBLE  DE  LA  LETTRE  ESCRITE  PAR  LE  VAISSEAU  DU  SR. 
GAIGNEUR  DU  5  sept.  1658 

Monsieur, 

Tant  de  personnes  vous  écriront  ce  qui  s'est  passé  entre  les  R.  P.  P. 
Jésuites  et  Monsieur  l'abbé  de  Quelus  que  je  me  retiendré  sur  les  choses 
les  plus  essentielles  et  que  je  crois  que  vous  serez  bien  aize  d'aprendre  de 
moy.  Je  trouvé  l'Eglise  en  grande  union  en  arrivant  à  Quebecq  quoique 
quelque  temps  auparavant  il  y  avoit  eu  procès  pour  la  maison  des  P.  P. 
Jésuittes  et  lequel  avoit  esté  bientost  terminé,  les  marquilliers  plustost  que 
Mr.  l'abbé  ayant  emeu  une  querelle  qu'ils  n'avoient  pu  soubtenir  depuis 
ce  temps  après  mon  arrivée  le  Père  supérieur  me  dit  qu'il  avoit  un  mandat 
de  Mr.  de  Rouen  qui  renvoioit  Mr.  l'abbé  à  Montréal.  Je  lui  dis  que  le 
P.  Lalemant  m'en  avoit  escrit  mais  qu'afin  que  toutes  choses  se  passassent 
plus  doucement  je  pensois  à  propos  d'attendre  le  vaisseau  chargé  en  partie 
pour  Montréal  et  qui  portoit  les  lettres  à  Mr.  l'abbé,  ce  qu'il  me  promit  le 
vaisseau  de  Tadourneau  ne  fut  pas  plustost  arrivé  que  le  perre  sup.  me 
dict  qu'il  estoit  temps  que  je  luy  fis  response  que  j'en  parlerois  à  Mr.  l'abbé 
lequel  me  témoigna  qu'il  ne  debvoit  pas  abandonner  facilement  sur  cette 


—  308  — 

response  je  dis  au  P.  sup.  qu'il  vit  les  voyes  qu'il  debvoit  tenir  qui  fut  de 
signifier  ses  lettres  à  Mr.  l'abbé  auxquelles  le  dit  Sr.  Abbé  s'opposa  et  fit 
response,  mais  parce  que  je  voyais  que  ces  commancemens  pouvoient  ame- 
ner des  suittes  fâcheuse  je  priay  Mr.  l'abbé  de  cesser  ses  poursuittes  puis- 
qu'il me  paroissoit  un  mandat  que  vostre  compagnie  avoit  agrée  ce  qu'il 
a  fort  embrassé  et  revenant  d'une  petite  course  ou  je  pensois  trouver  les 
ennemis,  je  le  rencontray  qui  montoit  la  rivière  pour  Montréal  j'ay  eu 
beaucoup  de  déplaisir  de  ne  le  pouvoir  accompagner  mes  nos  ennemis  et 
nos  récoltes  en  sont  la  cause,  11  vous  pourra  témoigner  que  je  n'ay  point 
eu  d'affection  pour  Quebecq  plus  que  pour  Montréal  et  que  les  hommes  et 
les  vivres  qui  leur  ont  esté  nécessaires  et  dont  Mr.  d'Ailleboust  m'a  dict 
avoir  besoin,  je  luy  ai  donné  puisque  nous  sommes  sur  le  chapitre  de  Mr. 
d'Ailleboust,  il  fault  que  je  vous  dise  ce  qui  s'est  passé  entre  nous.  Pre- 
mièrement en  mon  absence  il  n'a  jamais  pris  la  qualité  de  mon  lieutenant. 
11  s'estoit  emparé  de  la  pluspart  de  mes  meubles  et  agissoit  comme  une 
personne  qui  ne  m'attendoit  plus  et  mesme  avoit  touché  touts  mes  ap- 
pointemens.  Vous  ne  vous  imaginez  pas  après  cette  exposition  de  qu'elle 
manière  j'ay  agi  :  j'ai  faict  peu  d'estime  qu'il  ne  voulut  pas  agir  en  qualité 
de  mon  lieutenant,  je  luy  ay  laissé  mes  apointemens  de  tout  le  temps  qu'il 
a  servi  l'obligeant  seulement  d'entretenir  la  garnison  jusques  à  la  fin  de 
l'année  et  reprenant  mes  meubles  que  j'ay  trouvé  en  nature,  je  l'ay  prié 
de  me  dire  en  quoy  je  pourois  le  servir  en  ce  pays,  je  l'avois  mesme  estably 
directeur  dans  le  conseil  et  sans  la  pauvreté  du  magasin  nous  luy  aurions 
donné  quelque  apointement  ainsy  je  pense  qu'il  n'aura  pas  subject  de  se 
plaindre  de  moy.  Il  a  désiré  s'en  aller  à  Montréal,  j'en  suis  fort  satis- 
faict  : 

Il  faut  à  présent  que  je  vous  parle  des  choses  qui  me  regardent  et  que 
je  vous  disse  que  je  ne  m'étonne  nullement  si  aucuns  des  gouverneurs  qui 
ont  suivi  Monsieur  de  Montmagny  n'ont  pas  receu  toute  l'aprobation 
qu'ils  pouvoient  espérer  par  la  difficulté  qu'ils  ont  trouvé  à  y  subsister. 
Les  despences  sont  horribles  et  les  risques  de  la  mer  fort  considérables 
outre  les  avaris  des  marchandises,  je  ne  vous  diray  rien  de  ces  choses  plus 
en  particulier  de  peur  de  vous  ennuyer,  mais  seulement  je  vous  diray  qu'il 
est  absolument  nécessaire  que  j'aye  dessoubs  moy  quelque  personne  à  qui 
je  laisse  le  commandement  lorsque  je  suis  obligé  de  quitter  quebecq,  pour 
tacher  de  joindre  les  Ennemiscomme  cela  arrivera  fort  souvent  si  la  guer- 
re continue  et  mesme  l'envoyer  lorsqu'il  ni  a  nouvelles  que  de  petites 
troupes  un  apointement  de  1000  livres  suffira  pour  cela,  lequel  je  divi- 


—  309  — 

seray  en  deux  ;  je  l'aurois  bien  pu  faire  mais  nostre  magasin  est  si  fort 
endebté  que  voyant  nostre  misère,  j'ayme  mieux  atendre  un  arrest  du 
conseil,  j'é  destiné  un  de  ses  deux  pour  commander  en  mon  absence 
]\ronsieur  de  Musseaux  et  l'autre  ce  seroit  pour  demeurer  dans  le  fort,  je 
vous  dis  cecy  sans  ancore  luy  en  avoir  rien  communiqué  afin  que  si  ses 
affaires  changent  de  face  qu'il  n'en  aye  point  le  mal  de  coeur. 

Vous  vous  souvenez  bien  que  j'avois  parlé  que  je  debvois  toucher  mes 
apointemens  en  France  à  cause  de  la  diminution  des  castors  à  quoy  le 
conseil  de  Quebecq  a  fort  consenty  n'estant  pas  juste  que  je  ne  touchasse 
pas  ce  que  le  Roy  ordonne,  mais  il  souhoiteroit  que  le  conseil  du  Roy  l'a- 
tribuat  à  mby  seul  afin  que  ceux  qui  touchent  quelques  apointemens  de  la 
communauté  ne  demandassent  point  la  mesme  chose  ■  ainsi  Monsieur  je 
vous  suplie  de  le  faire  ordoner. 

C'est  Monsieur,  Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

P.  DE  VOYER  D'ARGENSON. 

Au  dos  de  la  lettre  à  Monsieur  : 

Monsieur  le  Baron  de  Fancanprès  des  Carmes  au  faubourg  St- 
Germain. 

(La  fin  dans  la  prochaine  livraison) 


KEPO»^l< 


La  houille  Manche  (Vol.  XxVlI,  p.  288). — Qui  a  lancé  l'expression  "houille 
blanche"?     Je  crois  pouvoir  répondre  à  cette  question. 

Cette  expression  a  été  employée  tout  d'abord  à  l'exposition  de  1889  à  Paris, 
par  M.  Berges,  l'un  des  directeurs  d'une  papeterie  de  Grenoble,  en  Savoie.  On 
lui  a  cependant  contesté  la  paternité  de  cette  heureuse  métaphore  désignant  la 
force  motrice  qui  peut  être  engendrée  par  l'eau  tombante  des  torrents  et  des  ri- 
vières, en  pays  de  montagnes. 

Je  profite  de  l'occasion  pour  vous  dire  que  l'on  appelle  "houille  verte"  l'éner- 
gie développable  par  les  cours  d'eau  de  plaine.  D'après  Georges  Bourray,  direc- 
teur de  la  Tech7iigne  Moderne,  l'auteur  de  cette  expression  est  M.  Bresson  et  elle 
remonte  à  une  quinzaine  d'années. 

Depuis  le  même  temps  on  désigne  par  l'expression  "houille  bleue"  l'énergie 
qui  peut  être  engendrée  par  les  moulins  à  marée. 

EMILE  MILLER 


—  310  — 

LES  ARMOIRIES  DE  LA  COMPAGNIE 
DES  INDES 


La  plupart  de  nos  histoires  du  Canada  et  de  nos  petits  dictionnaires 
historiques  ne  nous  renseignent  pas  suffisamment  sur  les  deux  compagnies 
des  Indes  qui,  à  quarante  ans  d'intervalle,  au  17ème  et  au  18ème  siècle, 
monopolisèrent  le  commerce  du  Canada,  en  tout  ou  en  partie.  Souvent 
même  on  ne  donne  pas  à  ces  compagnies  leurs  noms  exacts. 

La  première  se  nommait  compagnie  des  Indes  occidentales.  Consti- 
tuée par  l'édit  du  28  mai  1664,  elle  contrôlait  le  commerce  sur  le  littoral 
africain  dans  les  Inde» occidentales  et  dans  l'Amérique  du  Nord.  On  la 
supprima  en  1674.       (E.  &  0.  R.,  I,  40  et  74). 

Au  mois  d'août  1717,  des  lettres  patentes  royales  donnaient  naissance 
à  la  compagnie  d'Occident  à  qui  on  accordait  les  privilèges  de  commerce 
détenus  auparavant  par  le  sieur  Crozat  pour  la  Louisiane,  et  par  les  sieurs 
Aubert,  Neret  et  Gayot  pour  le  Canada.       (E.  &  0.  R.,  I,  377). 

Deux  ans  plus  tard  le  fameux  Law  obtenait  la  formation  d'une  com- 
pagnie qui  fusionnait  :  (a)  la  compagnie  d'Occident,  (b)  la  compagnie 
des  Indes  orientales  (c)  la  compagnie  de  Chine.  Ce  puissant  merger 
prit  le  nom  de  compagnie  des  Indes,  sans  plus  de  mots.  C'est  cette  der- 
nière qui  exerça  ses  privilèges  en  la  Nouvelle-France  jusqu'à  la  conquête, 
car  la  liquidation  du  système  Law  en  1721-23  n'affecta  pas  l'existence  de  la 
compagnie  en  ce  qui  nous  concerne,  du  moins. 

Arrivons  maintenant  au  sujet  de  notre  article. 

Dans  les  lettres  établissant  la  compagnie  d'Occident  se  lisait  le  pas- 
sage suivant  :  "Pourra  la  dite  compagnie  prendre  pour  ses  armes  un 
écusson  de  sinople  à  la  pointe  ornée  d'argent  sur  laquelle  sera  couché  un 
fieuve  au  naturel,  appuyé  sur  une  corne  d'abondance  d'or  ;  au  chef  d'azur 
semé  de  fleurs  de  lis  d'or,  soutenu  d'une  face  en  demie  aussi  d'or  ;  ayant 
deux  sauvages  pour  support  et  une  couronne  trefflée  ;  lesquelles  armes  nous 
lui  accordons  pour  s'en  servir  dans  les  sceaux  et  cachets  et  que  nous  lui 
permettons  de  faire  mettre  et  apposer  à  ses  édifices,  vaisseaux,  canons  et 
partout  ailleurs  où  elle  jugera  à  propos."  (E.  &  0.  R.,  I,  p.  377,  art.  LIV 
des  lettres,  pat.  d'août  1717). 


I 


—  311  — 

En  absorbant  la  compagnie  d'Occident,  la  nouvelle  compagnie  des 
Indes  fit  siennes  les  armoiries  de  la  défunte  et  les  apposa,  suivant  son  droit, 
notamment  en  1741  lorsqu'elle  fit  ce  curieux  et  intéressant  recensement 
des  marchandises  d'origine  étrangère  qui  se  trouvaient  dans  les  logements 
de  Montréal.  En  cette  circonstance  toutes  les  marchandises  venues  en 
contrebande  et  possédées  par  des  particuliers,  reçurent  l'empreinte  du 
sceau  de  la  compagnie  et  chacun  fut  avisé  de  ne  plus  avoir  de  tissus  pro- 
hibés sous  peine  d'amende  et  de  confiscation. 

De  ce  sceau  aux  armes  jolies  et  parlantes,  les  Arcjiives  de  Montréal 
possèdent  une  empreinte  sur  cire  rouge  et  fort  bien  conservée  qui  est  fixée 
sur  un  document  du  1er  mars  1728. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


REPONSE 


Femme  noble  mariée  à  un  roturier  (Vol.  XXVII,  p.  282.) — Sous 
l'ancien  régime  français,  une  fem^e  noble  qui  épousait  un  roturier  per- 
dait-elle le  privilège  de  noblesse  ? 

Lange  dans  sa  Nouvelle  pratique  civile,  criminelle  et  hénéficiale  ou 
Le  nouveau  praticien  frança,is  réformé  suivant  les  nouvelles  ordonnances, 
répond  ainsi  à  cette  question  : 

,  "Oui  :  tout  ainsi  qu'une  femme  roturière  épousant  un  homme  noble 
devient  noble  ;  de  même  une  femme  noble  épousant  un  roturier,  devient 
roturière,  et  suit  la  condition  de  son  mari  ;  mais  si  après  le  décès  de  son 
mari  elle  déclare  en  Justice,  qu'elle  entend  dorénavant  vivre  noblement, 
elle  recouvre  sa  qualité  et  son  privilège  de  noblesse,  pourvu  que  derechef 
elle  ne  se  remarie  point  à  un  homme  roturier.  (Néanmoins  par  arrêt  de 
la  Cour  des  Aydes  du  17  janvier  1676,  au  rapport  de  M.  Goureau  de  la 
Prouftiere,  la  veuve  de  maître  Jacques  du  Boulay,  prévôt  de  Mondidier, 
a  été  condamnée  de  payer  la  taille  pour  trois  années,  depuis  sa  viduité, 
jusqu'à  l'obtention  de  ses  lettres  de  réhabilitation.  Mais  nous  observons 
que  celle  qui  a  épousé  un  homme  qui  a  vécu  noblement,  comme  un  officier 
de  judicature,  ou  de  maison  royale,  un  avocat  ou  un  médecin,  doit  jouir 
des  privilèges  de  noblesse  sans  aucunes  lettres  de  réhabilitation.)  (Et  la 
jurisprudence  de  la  Cour  des  Aydes  est  à  présent  qu'un  femme  noble,  veuve 
d'un  roturier  qui  ne  faisait  point  de  profession  dérogeante  à  noblesse,  n'a 
pas  besoin  de  lettres  de  réhabilitation)". 


—  312  — 

LETTRE  DE  M.  DE  SALABERRY  PERE 

à  son  fils  pour  le  féliciter  d'avoir  gagné 
la  bataille  de  Châteauguay  (1er  dé- 
cembre 1812) 


A  Beauport,  1er  Décembre  1812 

Mon  très  cher  fils, 

Je  viens  de  voir  les  Ordres  Généraux,  il  ne  se  peut  rien  de  plus  flat- 
teur, pour  toi,  et  conséquemment  pour  moi.  Reçois,  mon  enfant,  les  fé- 
licitations de  ton  père  après  celle  de  ton  Général.  Je  suis  pénétré  d'une  in- 
dicible satisfaction.  Elle  est  bien  partagée  par  ta  mère  et  toute  la  famille. 
On  te  rend  une  justice  qui  t'est  bien  due  :  malgré  cela  j'éprouve  un  sen- 
timent de  reconnaissance  pour  Sir  George,  de  te  l'avoir  rendue  d'une  ma- 
nière aussi  honorable.  Tu  as  eu  bien  du  tourment,  bien  des  peines  :  eh 
bien  t'en  voilà  payé.  Tu  reçois  le  prix  le  plus  précieux  pour  le  bon  mili- 
taire et  l'homme  d'honneur.  L'un  et  l'autre  se  trouvent  éminemment  en 
toi,  et  jamais  personne  ne  le  fut  d'avantage.  Le  bonheur  que  tu  mérites 
eu  ses  deux  qualités  et  aussi  comme  un  si  bon  fils,  t'accompagnera  toujours 
si  mes  voeux  sont  exaucés.  Je  te  souhaite  toutes  les  bénédictions  que 
l'Etre-Suprème  puisse  répandre  sur  les  humains.  Je  t'assure,  mon  en- 
fant, qu'un  des  plus  heureux  instants  de  ma  vie  a  été  celui  oii  j'ai  vu  l'Or- 
dre-Général qui  te  désigne  si  honorablement.  En  effet  que  peut-on  avoir 
dans  la  vie  de  plus  agréable  que  de  voir  un  fils  qu'on  aime  et  qu'on  estime, 
signalé  à  l'estime  publique,  et  recevoir  le  tribut  d'honne'ur  à  la  tète  des 
troupes  par  le  Général-en-Chef.  Je  félicite  notre  chère  aimable  Marie- 
Anne  sur  ces  circonstances  si  flatteuses  pour  son  mari  et  conséquemment 
bien  précieuses  pour  elle.  Assure  là  de  notre  tendre  attachement,  de 
toute  la  famille  qui  se  joint  aussi  à  tous  les  sentiments  que  je  viens  de 
t'exprimer.  Tu  penses  aisément  que  tout  cela  vient  du  coeur.  Ainsi  en 
est-il  du  parfait  attachement  de  ton  bon  père  et  ami. 

L.  DE  SALABERRY  (1) 


(1)     Cette  lettre  est  aujourd'hui  en  la  possession  de  l'hon.  juge  Archer,  de 
Montréal. 


313 


MANDEMENT  DU  LIEUTENANT-GENE- 
RAL  DE  LTSLE  DE  FRANCE 


POUR  LE  TE  DEUM  ET  LES    Ri^JOUISSANCES    A    CELEBREE 
'     EN  FRANCE  A  L'OCCASION  DE  LA  VICTOIRE     DU    MAR- 
QUIS DE  MONTCALM  A     CARILLON,    PRES    DU    LAC 
CHAMPLAIN    ET    DE    L'AVANTAGE    REMPORTE 
SUR  LES  ANGLOIS  AU  PORT  DE  ST-MALO    LE 
11  SEPTEMBRE  1758  (1)". 


"Messieurs,  les  avantages  remportés  par  les  troupes  du  RDy  au  nombre 
de  quatre  mille  (hommes)  sous  les  ordres  de  Monsieur  le  Marquis  de  Mont- 
calra,  proche  le  lac  Champelain  oiî  ils  ont  été  attaqués  par  vingt  deux 
mille  Anglois,  le  nombre  de  disproportion  n'a  contribué  qu'à  combler  les 
François  de  gloire,  qui  ont  taillé  en  pièces  leur  ennemis,  leur  ont  tué  plus 
de  six  mille  hommes  ;  les  Anglois  non  contents  de  troubler  les  possessions 
d'outre  mer  du  Roy  ont  fait  des  efforts  prodigieux  pour  équiper  de  nom- 
breuses flottes  pour  venir  infester  .les  costes  ;  comptant  trouver  celle  de 
Saint-Malo  peu  garnye  de  troupes,  ils  y  sont  descendus,  mais  l'activité  de 
Monsieur  le  Duc  d'Aiguillon  à  donner  ses  ordr^,  la  vigilance  des  Troupes 
à  les  exécuter,  l'ardeur  de  la  noblesse  bretonne  a  montrer  son  zèle  ont  rendu 
leur  tentative  inutile  ';  malgré  la  fatigue  causée  par  les  marches  forcées,  ils 
ont  été  les  attaquer  le  unze  du  mois  dernier  ;  comme  ils  alloient  se  rembar- 
quer, le  nombre  des  François  fut  remplacé  par  une  valeur  invincible  ;  les 
Anglois  soutinrent  une  heure  et  demy  le  chocq,  leur  feu  ainsy  que  celuy  de 
leur  flotte  fut  violent,  mais  ils  furent  forcés  de  fuir  ;  trois  ou  quatre  mille 
sont  restés  sur  la  place  ou  noyez'  ;  l'artillerie  ayant  coulé  trois  de  leur 
vaisseaux  à  fonds  chargés  de  soldats  il  a  été  fait  plus  de  huit  cents  prison- 
niers parmy  lesquels  plusieurs  officiers  de  la  première  distinction  ;  le  roy 
pénétré  de  la  plus  vive  reconnoissance,  à  vue  des  marques  les  plus  signalez 
des  faveurs  de  la  Providence,  veut  luy  rendre  grâce  et  écrit  à  Messieurs  les 


(1)  Cette  pièce  curieuse  a  été  tirée  des  Archives  de  Seine-et-Oise  qui  l'a- 
vaient reçue  du  greffe  de  la  ville  de  Poisy.  Elle  a  été  publiée  dans  l'Histoire 
chronologique  de  la  Nouvelle-France  du  Père  LeTac  éditée  par  M.  Eugène  Ré- 
veilland. 


—  314  — 

Eveques  da;is  l'étendue  du  gouvernement  de  l'Isle  de  France  dont  je  suis 
lieutenant  gênerai  de  faire  chanter  le  Te  Deum  ;  nous  vous  mandons  d'y 
assister  en  cérémonie  et  de  donner  les  ordres  nécessaires  aux  habitans  et 
bourgeois  de  la  ville  de  Poissy  pour  faire  tirer  le  canon  et  allumer  le  feu  de 
joye  dans  la  place  ordinaire  avec  les  marques  de  rejouissance  publique  et 
accoutumée  en  pareille  occasion. 

"Je  suis,  Messieurs,  votre  affectionné  serviteur. 

(Signé)  "le  marquis  de  GIRONDE  (3). 

"Par  Monseigneur,  MIGNEAUX"  (3). 


(2)  Victor-Marie,  marquis  de  Gironde,  né  le  28  mai  1725,  était  alors  lieu- 
tenant-général pour  le  roi  au  gouvernement  de  l'Isle-de-France,  dont  il  avait 
été  pourvu,  sur  la  démission  de  son  père,  au  mois  de  juillet  1757. 

(3)  Pièce  tirée  des  archives  de  Seine-et-Oise,  France. 


A  PROPOS  DE  PIERRE  MORTREL  <' 


Voici  quelques  notes  sur  Pierre  Mortrel  que  M.  P.-G.  Roy  a  fait  con- 
naître aux  lecteurs  du  Bulletin  en  août  dernier  ;  elles  sont  empruntées  à 
feu  Philéas  Gagnon  à  la  mémoire  duquel  nous  en  donnons  tout  le  crédit. 

Mortrel  dut  arriver  au  pays  au  plus  tard  à  l'été  de  1665,  car  le  8  sept 
de  cette  année  il  achetait  de  Jean  Picher  une  terre  en  l'île  et  seigneurie 
de  Liret. — Le  contrat  fut  passé  par  Auber.  Ce  fut  le  même  notaire  qui 
fit  le  contrat  de  mariage  de  Mortrel  avec  Adrienne  DeLastre,  le  31  octobre 
1665  : 

Pierre  Mortrel,  y  lit-on,  fils  de  Guillaume  et  de  Marie  Hérisson,  pa- 
roisse de  St.  Sieur  ?  de  Rouen,  (n'est-ce  pas  plutôt  S.  Sever  ?),  épouse 
Adrienne  Delastre,  fille  de  Nicolas  et  de  Crette  Havry  de  la  paroisse 
d'Esterboeuf  en  Picardie,  évêché  d'Amiens. 

AM.  GOSSELIN,  Ptre. 


(1)     Voir  Bulletin  des  Recherches  Historiques,  vol.  XXVII,  p.  225. 


« 


315  — 


LE  SIEUR  DE  LA  HOUSSAYE  FUT-IL  LE 
DOYEN  DES  ETUDIANTS  EN  MEDE- 
CINE SOUS  LE  REGIME  FRANÇAIS? 


A  quel  heureux  mortel  peut-on  décerner  le  titre  de  doyen  des  étu- 
diants en  médecine,  avant  la  conquête  ? 

Nous  mettons  sur  les  rangs,  le  sieur  de  la  Houssaye  qui,  en  1756, 
avoue  37  étés  et,  par  la  même  occasion,  déclare  qu'il  étudie  l'art  de  guérir. 

L'âge  respectable  de  notre  candidat  nous  laisse  croire  qu'on  ne  lui 
opposera  aucun  candidat  sérieux  et,  puisqu'il  a  de  grandes  chances  d'occu- 
per le  premier  rang,  nous  essayons  de  lui  arranger  une  petite  notice. 


Par  devant  Pierre  Lalaime,  notaire  de  Laprairie,  à  l'automne  de  1756, 
comparaît  pour  son  contrat  de  mariage,  un  colon  gratifié  d'une  kyrielle  de 
noms  et  de  titres  difficiles  à  démêler,  parce  que  le  notaire  écrit  en  cette 
circonstance  beaucoup  plus  mal  que  d'habitude  ;  sa  plume  crache  ;  la 
feuille  s'émaille  de  taches  et  le  papier  est  si  mince  que  l'écriture  du  verso 
se  confond  avec  celle  du  recto. 

Pour  comble,  le  tabellion  estropie  et  "fricotte"  de  lamentable  façon 
les  noms  patronymiques  et  territoriaux  de  son  client  ainsi  que  ceux  de  seB 
père  et  mère. 

Comment  expliquer  le  trouble  du  notaire  ?  Faut-il  le  mettre  sur  le 
compte  de  l'éblouissemeut  que  lui  cause  la  présence  du  gentilhomme  ? 
Ou  bien,  la  bonne  fortune  qui  échoit  au  fringant  escholier  de  37  ans,  à  la 
veille  d'épouser  une  sage  beauté  de  15  ans,  éveille-t-elle  son  admiration  ? 
Ou  plutôt,  sans  médire  de  Pierre  Lalanne,  dont  la  réputation  est  excellen- 
te, n'a  -t-il  pu,  en  une  circonstance  exceptionnelle,  céder  à  de  pressantes 
sollicitations  et  ingurgiter  quelques  rasades  d'une  liqueur  émotionnante  ? 

N'insistons  pas  et  extrayons  le  mieux  possible,  du  document  notarié, 
le  passage  qui  désigne  le  professionnel  que  nous  mettons  en  lumière  : 


•    —  316  — 

"2  novembre  1756.  .  .  .Jean-Charles-François  de  Chabau  de  la 
"Houssaiey,  chevallier,  seigneur  de  Euniat  (1)  Ettruale  (2)  et  autres 
lieux,  gouv.  vicomte  de  Maricourt,  baron  de  Neuvillette,  âgé  de  37  ans, 
"étudiant  en  médecine,  fils  de  François  de  la  Houssay  (3),  chevallier  et 
"seigneur .  .  .  .  et  de  dame  Marie-Louise- Angélique  de  la  Houssay,  de  l'é- 
"vêché  d'Amiens,  en  Picardie .... 

Quant  à  la  future,  appelée  Marie-Hypolite  Boyer,  âgée,  à  peine,  de 
15  ans,  elle  est  de  famille  roturière  et  semble  n'avoir  que  sa  fraîche  jeunesse 
pour  tout  bien  et  tout  titre. 

On  avait  donc  jugé  que  les  uns  valaient  les  autres.  , 

Cependant,  les  conventions  matrimoniales  arrêtées,  rien  ne  va  plus  ; 
le  mariage  n'a  pas  lieu  et  l'étudiant  quitte  Laprairie. 

*  *       * 

Grâce  à  Mgr  Tanguay  on  retrace  bientôt  notre  personnage.  Le  voilà 
rendu  au-dessous  de  Québec  et  il  réussit  enfin  à  pénétrer  dans  le  conjungo. 
Cette  fois,  il  attaque  une  pimpante  veuve  de  24  ans  qui  a  déjà  eu  deux 
maris. 

Eeproduisons  les  renseignements  du  Dictionnaire  généalogique  : 

1759  (9  février)  St-Michel  (de  Bellechasse). — de  la  Houssaye,  Jean- 
Charles-François,  fils  de  François- Antoine  (sieur  Davault)  et  de  Louise- 
Angélique  de  Chabot  de  Notre-Dame  de  Méricourt,  diocèse  d'Amiens,  en 
Picardie. 

Gautron  dite  la  Rochelle,  Marie-Elisabeth,  née  en  1735,  veuve  en  2e 
noces  de  Michel-François  Magnac  (1757)  et  en  le  noces  de  Pierre-Fran- 
çois Eousselot  (1755). 

Ce  fait  accompli,  le  noble  colon  prit  racine  dans  la  région  oii  il  avait 
trouvé  femme,  car  Mgr  Tanguay  note  que  M.  de  la  Houssaye  "sieur  d'E- 
treval"  était  encore  à  Berthier  (en  bas),  le  2  septembre  1767. 

*  *       * 

Et  pour  n'oublier  personne  ajoutons  un  mot  sur  le  sort  de  la  fillette 
Boyer.  Au  mois  d'octobre  1760,  ayant  atteint  ses  18  ans,  elle  épousa  Ga- 
briel-Amable  Guérin. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


(1)  Ce  doit  être  ce  nom  qui,  à  l'intitulé  devient  "Kermel". 

(2)  Tanguay,  que  nous  citons  plus  loin,  a  relevé  "Etre val"  à  Berthier. 

(3)  On  peut  lire  Houssaiey,  Houssay,  Houssoy,  et  Houssoir. 


—  317  — 

« 

LES   ANCETRES   DE   SIR    EVARISTE 

LEBLANC 


L'ex-lieutenant  gouverneur  de  la  province  de  Québec  était-il  d'origine 
acadienne  ?  A  cette  question  que  l'on  vient  de  nous  poser,  nous  avons  ré- 
pondu :  non,  car  nous  croyons,  avec  l'aide  du  Dictionnaire  de  Mgr  Tan- 
guay  et  des  archives  de  Montréal,  pouvoir  établir  la  généalogie  de  cette 
famille  comme  suit  : 

1. — LEBLANC  (Jacques),  né  en  1636,  fils  d'Antoine  Leblanc  et  de 
Marguerite  Boucher,  de  Saint-Pierre  du  Pont  l'Evêque  (1)  fut  inhumé  à 
Charlesbourg,  le  15  avril  1710  ;  il  avait  épousé  à  Montréal,  le  6  juin  1666, 
Anne-Suzanne  Rousselin,  née  en  1644,  fille  de  Philibert  Rousselin  et  d'Hé- 
lène Martin,  de  Saint-Jacques  à  Mouate.  D'après  Tanguay,  elle  aurait 
été  enterrée  à  Charlesbourg,  le  19  avril,  1710,  quatre  jours  après  les  funé- 
railles  de  son  mari. 

II. — LEBLANC  (Julien),  bap.  à  Montréal  le  21  mars  1667,  inhumé 
à  Montréal  le  20  février  1756,  épousa  à  Charlesbourg,  le  9  février  1690, 
Anne  Vannier,  née  en  1673,  fille  de  Guillaume  Vannier  et  de  Madeleine 
Bailly,  dont  la  sépulture  eut  lieu  à  Montréal  le  7  février,  1750. 

III. — LEBLANC  (Pierre-Louis),  bap.  à  Charlesbourg  le  2  mars 
1707  ;  sép.  à  Montréal  le  10  juillet  1749  ;  marié  à  Saint-Laurent  de  Mon- 
tréal le  27  juillet  1734,  à  Elisabeth  le  Meilleur,  née  en  1714,  fille  de  Jean 
Meilleur  et  d'Elisabeth  Verret. 

IV. — LEBLANC  (Jean  dit  Jean-Baptiste),  bap.  au  Sault-au-Récol- 
let,  le  12  octobre  1742  ;  marié  au  même  endroit  le  25  janvier  1768,  à  Ma- 
rie-Victoire Labelle,  fille  de  Jeaû  Labelle  et  de  Marie-Marguerite  Dazé. 


(1)      Actuellement  11  existe  deux  localités  portant     ce  nom     en     France. 
I^'une  est  dans  le  département  de  Calvados,  l'autre  dans  celui  de  l'Oise. 


—  318  — 

V. — LEBLANC  (Joseph),  né  à  Saint-Martin,  île  Jésus,  le  8  juillet 
1785,  marié  au  même  endroit,  le  9  février  1807,  à  Marie-Louise  Bergeron, 
fille  d'Antoine  Bergeron  et  de  Marie  Marcotte. 

L'acte  de  mariage  n'indique  pas  les  noms  des  père  et  mère  de  l'époux, 
mais  on  les  relèv^  dans  le  contrat  de  mariage  dressé  par  Constantin,  le  7 
février  1807. 

VI. — LEBLANC  (Joseph),  bap.  à  Saint-Martin,  I.  J.,  le  11  avril 
1808  ;  marié  en  premières  noces  à  Saint-Martin  I.  J.,  le  12  février  1828, 
à  Marie-Claire  Gravel,  fille  de  Joseph  Gravel  et  de  Marie-Louise  Prévost  ; 
sép.  à  Saint-Martin  I.  J.,  le  premier  octobre  1845  ;  et,  en  secondes  noces, 
à  Sainte-Thérèse  de  Blainville,  le  17  juillet  1849,  à  Adèle  Bélanger,  fille 
d'André  Bélanger  et  de  Pélagie  Hardy. 

VII. — LEBLANC  (Pierre-Laurent-Damase-Evariste).  bap.  à  Saint- 
Martin,  I.  J.,  le  10  août  1853  ;  marié  à  Saint-Jacques  de  Montréal,  le  12 
janvier  1886  à  M.  Joséphine-Hermine  Beaudry,  fille  de  Théodore  Beaudry 
et  de  M.  Cathe^rine  Vallée.  Admis  au  barreau  en  1879.  Député  de 
Laval  de  1882  à  1908.  Président  de  l'assemblée  législative,  à  plusieurs 
reprises.  Lieutenant-gouverneur  de  la  province  du  9  février  1915  au  18 
octobre  1918,  date  de  son  décès.      Il  avait  été  créé  chevalier  le  3  juin  1916. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


QUESTION 


En  1882,  M.  Le  Tavouilly,  propriétaire  de  l'ancienne  maison  seigneuriale 
de  Jacques  Cartier,  connue  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Portes-Cartier  et  si- 
tuée proche  de  St-Malo,  en  France,  a  donné  à  M.  J.-A.  Chicoyne,  avocat,  de 
Sherbrooke,  un  petit  vitrail  provenant  de  cette  maison.  Ce  vitrail-souvenir  se 
trouve  actuellement  au  séminaire  de  Sherbrooke. 

Plus  tard,  Mme  de  Ferron,  fllle  de  M.  Le  Tavouilly,  a  donné  à  son  tour  un 
deuxième  vitrail  de  la  même  provenance  à  M.  le  général  de  Charette  pour  être 
transmis  aux  Canadiens.  M.  le  général  H.  de  Ferron,  le  propriétaire  actuel 
de  Portes-Cartier,  désirerait  savoir  où  ce  dernier  vitrail  a  été  placé. 

P. -A.  BEGIN,  Ptre. 


—  319  — 

REPONSE 


Ronald  MacDonald  (vol.  XX Vil,  p.  344). — Où  est  né  Eouald  MacDo- 
nald  qui  fut  d'abord  instituteur,  puis  rédacteur  de  la  Gazette  de  Québec 
et  du  Canadien  ? 

Ronald  MacDonald  entré  au  Petit  Séminaire  de  Québec  en  octobre 
1812,  est  inscrit  comme  venant  de  l'île  Saint-Jean,  (Ile  du  Prince- 
Edouard).  Dans  son  ouvrage  intitulé  :  "The  Early  History  of  the  Ca- 
tholic  Church  in  Prince  Edward  Island",  le  Rév.  John  C.  MacMillan  pré- 
cis^ en  écrivant,  *p.  189  :    "Ronald  MacDonald  of  Priest  Pond,  King's  Co." 

D'après  nos  listes,  Ronald  MacDonald  aurait  eu  15  ans  lors  de  son 
entrée  au  Séminaire.      Il  serait  donc  né  en  ou  vers  1797. 

MacDonald  avait  un  talent  extrêmement  facile.  Entré  en  dernière 
classe  ou  8e  en  oct.  1812,  ne  sachant  pas  un  mot  de  français,  il  fit  des  pro- 
grès si  rapides  qu'on  le  jugea  capable  de  passer  en  oe  l'année  suivante  où  il 
arriva  bon  premier.  De  la  5e  à  la  seconde  il  ne  fit  qu'un  pas  et  garda  la 
tête  de  sa  classe.  Il  en  fut  de  même  en  rhétorique  qu'il  termina  à  l'été  de 
1816.  Après  une  seule  année  de  philosophie,  il  entra  au  grand  séminaire 
à  l'automne  de  1817.  Il  n'y  demeura  pas  longtemps,  une  année,  je  crois, 
deux  au  plus. 

En  1822,  il  est  étudiant  en  droit  et  traducteur  français.  Il  demeure 
alors  rue  St-Jean,  numéro  15,  tout  près  de  Thomas  Levallée,  épicier,  no 
45,  son  futur  beau-père  peut-être.  On  dit  que  Ronald  MacDonald  fut 
d'abord  instituteur. 

On  trouve  un  MacDonald  enseignant  à  l'Ecole  Anglo- Catholique  de 
Saiut-Roch,  en  1822.  De  1824  à  1830  au  moins,  Kirouaque  et  MacDonald 
tiennent  une  école  rue  Ste-Ursule.  S'agit-il,  dans  ces  deux  cas,  de  notre 
Ronald  MacDonald  ?  Notre  correspondant  le  sait  mieux  que  nous  proba- 
blement. 

AMEDEE  GOSSELIN  Ptre. 


—  320  — 

PIERRE  MORTREL  <'' 


A  ])ro])os  du  })remier  bienfaiteur  de  l'Hôpital-Général  de  Québec, 
dans  la  dernière  livraison  du  Bulletin,  P.-G.  R.  nous  prévenait  ainsi: 
"Ne  prenez  })a8  la  ])eine  de  chercher  le  nom  de  Pierre  Mortrel  dans  le 
Dictionnaire .  .  .  de  Mgr  Tanguay.  Vos  recherches  seraient  vaines.  Le 
Dictionnaire  généalogique  ne  fait,  en  effet,  aucune  mention  de  Pierre 
Mortrel,  non  plus  que  de  Adrienne  de  Lastre,  sa  femme."  P. -G.  R.  a  la 
réputation  méritée  de  n'avancer  pour  ainsi  dire  rien  dont  il  ne  soit  per- 
sonnellement sûr  et  c'est  pourquoi,  j'en  suis  convaincu,  bien  peu  de 
personnes,  après  la  lecture  de  l'avis  précité,  auront  été  tentées  de  chercher 
après  lui  ce  qu'il  n'avait  pas  trouvé.  J'aurais  suivi  de  même,  comme  à 
mon  habitud,  mais  Je  me  suis  rappelé  que  l'auteur  de  Mgr  Vallier 
el  de  l'Hôpital- Gêné  rai  avait  d'abord  constaté  lui-même  (p.  214>  la 
même  lacune  dans  Tanguay  et  je  me  suis  demandé  si  P. -G.  R.,  dérogeant 
])our  une  fois  à  ses  habitudes  de  vérification  personnelle,  ne  s'était  pas 
contenté  d'accej)ter  l'affirmation  de  l'annaliste  de  l'Hôpital.  C'est  ce  qui 
me  paraît  bien  être  arrivé  en  effet,  car  il  n'est  pas  exact  de  dire  que  Mgr 
Tanguay  a  aublié  dans  son  Dictionnaire  le  ménage  Mortrel-De  Lastre. 
Si  Mgr  Tanguay  est  coupable,  il  ne  l'est  qu'à  demi;  tout  son  tort  consiste 
à  avoir  un  peu  estropié  le  nom  de  Mortrel  et  à  l'avoir,  par  suite,  placé 
au  mauvais  endroit,  dans  l'ordre  alphabétique. 

Si  l'on  réfère  à  la  page  414  du  vol.  I  du  Dictionnaire,  l'on  y  trouve 
mention  de  Pierre  Martelle,  de  Rouen,  marié  à  Adrienne  de  l'Astre, 
d'Elboeuf,  évêché  d'Amiens,  en  Picardie.  Bien  plus,  Mgr  Tanguay  y 
relève  la  date  de  leur  mariage,  le  16  novembre  1665,  à  Château  Richer. 

L'auteur  du  Dictionnaire  généalogique  désappointe  si  souvent  les 
cbercheurs  que  nous  sommes  souvent  portés  à  oublier  les  immenses  services 
qu'il  nous  rend,  pour  ne  penser  qu'à  ses  imperfections  et  à  ses  erreurs. 
Je  suis  heureux,  pour  ma  part,  d'avoir  contribué  à  décharger  ses  épaules 
d'une  faute  au  moins  qu'il  n'aura  pas  commise. 

AEGIDIUS    FAUTEUX 


(1)   Voir  Bulletin   des   Recherches  Historiques,  vol.   XXVII,   p.   225. 


BULLKTIN 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

rOL.  XXVII  BEÀUCEVILLE- NOVEMBRE  I9ZI  Ns  II 

LES  RESIDENCES  SUCCESSIVES  DE 
Mgr  DE  LAVAL  A  QUEBEC 


Le  15  juin  1659,  vers  les  six  heures  du  soir,  le  navire 
qui  avait  transporté  Mgr  de  Laval  dans  la  Nouvelle- 
France  jetait  l'ancre  devant  Québec.  L'évêc^ue  de  Pétrée 
était  accompagné  d'un  Jésuite,  le  Père  Jérôme  Lalemant, 
de  trois  prêtres,  MM.  Jean  Torcapel,  Philippe  Pèlerin  et 
Charles  de  Lauzon-Charny,  fils  de  l'ancien  gouverneur 
du  Canada,  et  d'un  simple  tonsuré,  M.  Henri  de  Bernières, 
qui  devait  devenir  le  premier  curé  en  titre  de  Québec. 

Mgr  de  Laval  ne  débarqua  que  le  lendemain. 

Le  Journal  des  Jésuites  note  très  sobrement  la  récep- 
tion faite  à  Mgr  de  Laval  :  '*Nous  reçûmes  en  procession 
M.  l'évêque  sur  le  bord  de  la  rivière  et  en  l'église  de  Qué- 
bec." M.  l'abbé  Auguste  Gosselin,  à  l'aide  de  la  Relation 
de  1659,  nous  donne  un  peu  plus  de  détails  sur  la  journée 
du  16  juin  1659  :  "A  peine,  dit-il,  Mgr  de  Laval  eut-il  mis 
pied  à  terre,  que  le  canon  du  fort  se  fit  entendre;  et  le 
prélat,  revêtu  de  ses  habits  pontificaux,  la  mître  en  tête 
et  la  crosse  à  la  main,  fit  descendre  du  ciel  sur  cette  foule 
agenouillée  dans  la  poussière,  la  première  bénédiction 
épiscopale  dont  ces  lieux  furent  témoins.  Il  reçut  ensuite 
les  hommages  du  gouverneur,  du  supérieur  des  Jésuites 
et  de  tous  les  principaux  personnages  présents;   puis  la 


.      ^,^-::;^  322- --,..,. 

procession  se  mit  en  marche  vers  l'église  paroissiale,  le 
prélat  s 'avançant  majestueusement,  accompagné  du  gou- 
verneur et  du  supérieur  des  Jésuites,  et  continuant  de 
bénir  les  fidèles  qui  accouraient,  sur  son  passage  pour  le 
voir".?-  ''Il  paraissait,. dit  le  P.  Lalemant,  comme  un  ange 
du  Paradis,  et  avec  tant  de  majesté,  que  nos  Canadiens 
ne  pouvaient  détacher  leurs  yeux  de  sa  personne." 

Comme  il  n'y  avait  pas  encore  de  presbytère  ni  de 
maison  épiscopale  à  Québec,  Mgr  de  Laval  fut  d'abord 
l'hôte  des  Pères  Jésuites.  Il  resta  quelques  semaines 
avec  eux. 

Mgr  de  Laval  se  transporta  ensuite  chez  les  Hospi- 
talières de  l'Hôtel-Dieu.  ''Chez  les  Hospitalières,  dit  M. 
de  LaTour,  il  se  logea  dans  un  appartement  dépendant  de 
l'hôpital.  Il  y  demeura  près  de  trois  mois.  Il  y  fut  traité 
autant  que  la  pauvreté  de  la  maison  le  permettait,  avec 
beaucoup  de  jDropreté  et  de  zèle,  quoique  très  simplement. 
Mais  cette  simplicité  ne  lui  suffisait  pas;  il  se  plaignait 
toujours  qu'on  en  faisait  trop,  montrait  du  dégoût  pour 
ce  qui  était  bien  apprêté,  et  affectait  au  contraire  une 
sorte  d'avidité  pour  ce  qu'il  y  avait  de  moins  bon." 

Au  mois  de  novembre  1659,  Mgr  de  Laval  et  ses  prê- 
tres prirent  leur  logement  dans  le  pensionnat  sauvage 
des  Ursulines  qui  portait  alors  le  nom  de  Séminaire.  Dans 
une  de  ses  admirables  lettres,  la  vénérable  Mère  de  l'Incar- 
nation dit,  parlant  de  Mgr  de  Laval  :  "Nous  lui  avons  prêté 
notre  séminaire  qui  est  à  un  des  coins  de  notre  clôture  et 
tout  proche  de  la  paroisse.  Il  y  aura  la  commodité  et 
l'agrément  d'un  beau  jardin,  et  afin  que  lui  et  nous  soyons 
logés  selon  les  saints  canons,  il  a  fait  faire  une  clôture 
de  séparation.  Nous  en  serons  incommodés  parce  qu'il 
nous  faut  loger  nos  séminaristes  dans  nos  appartements  : 
mais  le  sujet  le  mérite,  et  nous  porterons  avec  plaisir 
cette  incommodité  jusqu'à  ce  que  la  maison  épiscopale 
soit  bâtie." 

Dans  un  rapport  envoyé  au  Saint-Siège  en  1660,  Mgr 


—  323  — 

de  Laval  dit  au  sujet  de  la  petite  maison  louée  des  Ursu- 
lines:  "Nous  la  trouvons  assez  riche  parce  qu'elle  suffit 
à  notre  pauvreté.  Nous  avons  avec  nous  trois  prêtres, 
qui  sont  nos  commensaux,  deux  serviteurs,  et  c'est  tout."- 

A  la  fin  de  1661,  Mgr  de  Laval  quitta  les  Ursulines 
l)our  aller  passer  l'hiver  avec  les  Pères  Jésuites. 

Au  printemps  de  1662,  Mgr  de  Laval,  ayant  acheté 
une  vieille  maison  bâtie  à  peu  près  sur  le  site  du  presby- 
tère actuel  de  la  haute-villè,  il  s'y  logea  avec  ses  prêtres. 

Le  12  août  1662,  Mgr  de  Laval  s'embarquait  pour  la 
France.  Pendant  son  absence,  M.  l'abbé  de  Bernières, 
curé  de  Québec,  fit  détruire  la  vieille  maison  que  l'évêque 
venait  de  laisser  et  la  remplaça  par  un  édifice  qui  coûta 
huit  mille  cinq  cents  livres. 

A  son  retour  à  Québec,  le  7  septembre  1663,  Mgr  de 
Laval  prit  possession  de  la  maison  construite  par  M.  de 
Bernières.  Il  lui  dotina  le  nom  de  séminaire.  Dans  un 
rapport  fait  au  Saint-Siège  en  1664,  l'évêque  écrit:  "J'ai 
établi  mon  domicile  dans  mon  séminaire;  il  y  a  là  avec 
moi  huit  prêtres,  que  j 'envoie,  suivant  les  besoins  et  à  ma 
discrétion,  dans  les  différentes  missions  de  mon  vicariat, 
ou  que  j'occupe  sans  relâche  à  d'autres  fonctions  ecclé' 
siastiques.  '  ' 

Le  15  novembre  1701,  vers  une  heure  et  quart  de 
l'après-midi,  le  feu  se  déclarait  dans  le  séminaire  de  Mgr 
de  Laval.  Tout  l'édifice  fut  détruit.  L'évêque,  retenu 
à  sa  chambre  par  la  maladie,  fut  sauvé  difficilement  et 
transjDorté  chez  les  Pères  Jésuites.  Il  y  resta  jusqu'à  la 
Saint-François-Xavier. 

Mgr  de  Saint-Vallier  avait  acheté  quelques  années 
auparavant  la  maison  du  sieur  Provost  (dans  le  parc 
Montmorency-Laval  actuel)  pour  la  transformer  en  évê- 
ché.  Les  travaux  de  construction  et  de  réparation 
n'étaient  pas  terminés.  Mgr  de  Laval  se  fit  aménager 
quelques  chambres  dans  cette  maison  et  y  resta  uûe  couple 
d'années. 


—  324  — 

Il  retourna  ensuite  au  séminaire  de  Québec  où  on  lui 
donna  une  salle  appelée  l'infirmerie. 

Le  1er  octobre  1705,  le  feu  chassait  encore  une  fois 
Mgr  de  Laval  de  son  logement.  Les  étages  supérieurs  du 
séminaire  furent  détruits.  Pour  la  troisième  fois,  Mgr 
de  Laval  reçut  Phospitalité  des  Pères  Jésuites.  Il  y  de- 
meura deux  mois. 

Dans  l'intervalle,  on  s'était  hâté  de  préparer  un  ap- 
partement à  Mgr  de  Laval  dans  la  partie  du  séminaire 
que  les  flammes  avaient  épargnée.  Cette  aile  du  sémi- 
naire portait  alors  le  nom  de  porterie.  C'est  la  chapelle 
intérieure  actuelle.  C  'est  dans  cette  pièce  que  décéda  Mgr 
de  Laval  le  6  mai  1708. 

Récapitulons:  de  1659  à  1708,  Mgr  de  Laval  avait 
habité:  lo  chez  les  Jésuites;  2o  à  l'Hôtel-Dieu;  3o  chez 
les  Ursulines;  4o  chez  les  Jésuites;  5o  petite  maison  de 
la  rue  Buade  ;  6o  séminaire  de  la  rue  Buade  ;  7o  chez  les 
Jésuites  ;  8o  maison  de  la  côte  La  Montagne  ;  9o  au  sémi- 
naire de  Québec;  lOo  chez  les  Jésuites;  llo  au  séminaire 
de  Québec. 

Ajoutons  que  les  renseignements  qui  précèdent  nous 
(mt  coûté  peu  de  recherches.  Nous  les  avons  empruntés 
à  la  Vie  de  Mgr  de  Laval  de  l'abbé  Auguste  Cosselin  et  à 
V Histoire  du  palais  épiscopal  de  Québec  de  Mgr  Henri 
Têtu. 

P.-G.  R. 


QUESTION 


Dans  son  Histoire  du  palais  épiscopal  de  Québec  (p.  37),  Mgr  Têtu 
écrit  qu'en  1705  MM.  de  Beauharnois  et  Eaudot  allèrent  occuper  la  mai- 
son qui  appartenait  à  Mgr  de  Saint- Vallier,  alors  en  Europe,  "chassés  eux- 
mêmes  par  l'incendie  du  palais  de  l'entendant."  Il  doit  y  avoir  eu  dis- 
traction de  Mgr  Têtu  ici  car  ce  n'est  pas  en  1705  que  fut  détruit  le  palais 
de  l'intendant  mais  en  1713  puis  en  1726  ? 

X.  X.  X. 


...  325  — 

LES  CHIRURGIENS  ET  MEDECINS  DE 
LA  REGION  DE  MONTREAL 


Aui  notice!-;  déjà  publiées  dans  cette  revue  sur  les  chirurgiens  et 
les  médecins  de  la  région  de  Montréal  sous  le  régime  français,  il  nous  est 
possible  d'ajouter  des  renseignements  et  des  noms  nouveaux. 

1660  —  FnmçoÙH  Caron.  —  Le  3  février  1660,  il  s'engage  au  sieur 
Etienne  Bouchard  en  qualité  de  "serviteur  chirurgien".  M.  0.  Lapalice 
a  relevé,  dans  les  archives  de  Notre-Dame,  la  note  suivante  "En  1661, 
le  même  Caron,  chirurgien,  réclame  de  la  Fabrique  la  somme  de  10  livres 
})0ur  une  année  de  ses  services."  Ijc  sieur  Caron  semble  avoir  quitté 
Ville-Marie  en  1662. 

1688-1680  —  Jean  Rouxcel  de  la  Rousselière.  —  Son  nom  est  men- 
tionné dans  nos  archives  en  1688,  pour  la  première  fois.  Au  mois  de 
juillet  1669  il  partait  avec  Cavalier  de  la  Salle  et  une  vingtaine  d'hom- 
mes pour  la  région  des  grands  lacs. . .  Il  revint  au  pays  et  fut  témoin 
dans  le  procès  de  l'abbé  Fénélon,  en  1674.  Rouxcel  suivit  de  nouveau 
de  la  Salle  dans  ses  expéditions,  puis  l'abandonna  en  1680.  Suite,  Le 
fort  Frontenac.) 

1730-1744  —  Joseph  Lalanne.  —  Ce  chirurgien,  né  en  1704,  était 
fils  de  Pierre  Lalanne,  chirurgien,  et  de  Marie  Lartigue,  de  Montessau, 
diocèse  d'Auch,  en  Gascogne.  Il  épousa  à  Laprairie,  le  23  janvier  1730, 
Charlotte  Pinsonneau,  puis,  le  20  octobre  1738,  il  convola  avec  Suzanne- 
Françoise  Rougier.     (Tanguay,  V,  99.) 

1738  —  Etienne- Julien  Rousseau.  —  Fils  d'un  notaire  royal  et  pro- 
cureur fiscal  en  la  ville  et  diocèse  de  Luçon,  en  Poitou.  Le  20  juillet 
1738,  le  notaire  F.  LePailleur  dresse  son  contrat  de  mariage  et  le  futur 
époux  y  déclare  qu'il  est  "ayde  chirurgien  à  Montréal".  La  future, 
Agathe-Charlotte,  était  âgée  de  21  ans  et  fille  de  feu  J.-B.  Mauriceau, 
"vivant  interprète  pour  le  roi  de  langues  étrangères",  et  de  Suzanne  Petit 
de  Boismorel.  Furent  présents  et  signent  au  contrat:  Joseph  Benoit, 
"médecin  du  roi",  et  Claude  Benoit,  "chirurgien  pour  le  roi".  La  céré- 
monie du  mariage  eut  lieu  le  lendemain. 


—  326;  — 

.  1751-1Î54 — ^  Jean  Bour dais.— Fih  de  Julien  BouTd^^s,, et  de  Eené« 
Gruillois,  de  Saint-Vincent,  diocèse  du  Mans.  I)ans  son  contrat  de  ma- 
riage par  devant  Mommesqué,  le  16  janvier  1751,  il  prend  la  qualité  de 
chirurgien.  Le  18,  il  épouse,  à  Sorel,  Catherine  Vacher  dite  Lacerte, 
veuve  de  Pierre  Tessier.  Sa  présence  est  encore  constatée  au  même 
endroit  en  1754. 

1753-1756  —  Nicolas  MoranL  — Son  père,  Nicolas  Morant,  char^ 
pentier  du  roi,  était  maître  de  la  pension  la  plus  réputée  de  Montréal  à 
cette  époque.  Au  contrat  de  mariage  du  fils  Morant,  le  15  octobre  1752, 
par  devant  le  notaire  Foucher  sont  présents  :  Ferdinand  Feltz,  chirurgien 
major  pour  lé  roi  de  la  ville  de  Montréal,  Madeleine  Gruyon-Després, 
épouse  de  M.  Damours  de  Clignan court,  Paul  Jourdain  La  Brosse,  "ins- 
culteur  de  la  ville",  Pierre  Puybàrau,  chirurgien,  Joseph  Boucher  de  la 
Brbquerie,  Charles  de  Saibrevois,  capitaine.  Clément  de  Bleury,  "La 
Gritte  Bleury",  Noyelle  de  Fleurimont,  Agathe  Hertel  Sermonville  et 
autres.  La  future  était  fille  du  notaire  royal  Antoine  Loiseau  dit  Cha- 
lons,  de  Boucherville,  et  le  mariage  eut  lieu  à  cet  endroit  le  17  octobre. 
Le  chirurgien  Morant  fut  témoin  au  contrat  de  mariage  de  J.tM.  EouUet 
du  Chatellier,  au  mois  de  septembre  1756,  puis  nous  perdons  sa  trace. 
Mgr  Tanguay  le  nomme  Moreau,  au  volume  VI,  p.  92,  de  son  Diction- 
naire. 

1756-1767  —  J ean-Charles-François  de  la  Houssaye.  —  Etant  âgé  de 
trente-sept  ans  et  se  disant  "étudiant  en  médecine",  ce  noble  personnage 
fait  dresser  son  contrat  de  mariage  à  Laprairie  le  2  norembre  1756. 
Mais  l'union  qu'il  projetait  ri*eut  pas  lieu  et  le  gentilhomme  quitta  les 
environs  de  Montréal.  Trois  ans  plus  tard,  on  le  retrouve  à  Saint-Michel- 
de-Bellechasse,  où  il  épouse,  le  9  février  1759,  Marie-Elisabeth  Gautron 
dite  LaRochelle,  déjà  deux  fois  veuve,  à  l'âge  de  vingt-quatre  ans.  Le 
sieuT  de  la  Houssaye  vivait  encore  dans  la  région  du  bas  du  fleuve  en 
1767. 

1756 —  ....  Barbiez.  —  A  un  acte  du  notaire  Danré  de  Blanzy  du 
21  juillet  1756,  est  annexé  un  consentement  de  Pierre  Joinville,  second 
capitaine  de  la  seigneurie  de  l'Ile  du  Pas.  Cette  pièce  avait  été  rédigée 
à  Berthier  le  26  février  1756  en  présence  du  "chirurgien  Barbiez".  Il  signe 
Barbiez. 

1757-1777  —  Guillaume  Labatte,  chirurgien  et  sergent  au  régiment 
de  Béarn,  venait  de  la  Chapelle,  évêché  de  Lectoure,  Gascogne.     Le  8 


—  227  — 

j[^yiéyr  i757,il:Jfiaît;  (ïresser  son  contrat  de  mariage  par  le^èltaire  Loiseau, 
puis,  le  10  janv-ier,  il  épouse,  à  Boucherville,  Archange  Lamoureux,  qui 
décède  en  1776.  Le  12  mai  1777,  il  convole,  à  Terrebonne,  avec  Anne- 
Antoinette,  fille  du  notaire  Gruillet  de  Ghaumont.  Le  chirurgien  Labatte 
a  Tésidé  successivement  à  Longueuil  et  à  Terrebonne. 

1758  — Jean  Ducondu.  —  îs'atif  de  Barbaste,  évêché  d'Agen  (dépar- 
tement de  Lot-et-Garenne),  il  épousa  Marie- Josephe  Bourdon,  à  Lavaltrie, 
le  7  janvier  1758.  Deux  Jours  plus  tôt,  le  notaire  Monmerqué  avait  dressé 
son  contrat  de  mariage.  Ce  Ducondu  est  le  premier  du  nom  en  ce  pays 
à  rencontre  de  ce  que  laisse  entendre  Mgr  Tanguay,  au  vol.  III,  p.  498, 
de  son  Dictionnaire, 

1760-1779  — Jean-Baptiste  Jobert.  — Le  4:  février  1760,  Jean-Bap- 
tiste Jobert,  chirurgien  de  la  flûte  du  roi  La  Marie,  épouse,  à  Montréal, 
Charlotte  Larchevêque.  Il  était  fils  d'un  chirurgien  de  la  paroisse  Saint- 
Martin,  diocèse  de  Langres.  Jobert  portait  encore  son  titre  de  chirurgien, 
lorsqu'au  mois  de  janvier  1779  il  maria  sa  fille  à  Joseph  Frobisher,  l'un 
des  fameux  traiteurs  de  pelleterie  de  la  fin  du  dix-huitième   siècle. 

E.-Z.    MASSICOTTE 


QUESTIONS 


L'rie  pièce  manuscrite  que  j'ai  en  ce  moment  sous  les  yeux  parle  du 
naufrage  du  navire  V Alexandre,  de  Bordeaux,  sur  les  côtes  de  l'île  d'An- 
ticosti  vers  1747  ou  peu  après.  Est-il  question  de  ce  naufrage  dans  nos 
histoires  du  Canada  ?  Sait-on  si  les  passagers  et  l'équipage  de  VAÎexandre 
furent  sauvés  ? 

A.é. 

Lors  de  la  célébration  du  35e  anniversaire  de  la  fondation  de  l'Institut 
Canadien-Français  d'Ottawa,  eu  1879,  M.  Douglas  Brymner,  très  sympa^ 
thique  à  notre  race,  disait  :  "L^n  écrivain  américain,  le  Eevd.  M.  Abbott, 
nous  assure  positivement  qu'il  u'existe  parmi  les  Canadiens-Français  ab- 
solument rien  qui  mérite  le  nom  de  littérature.  La  présence  ici  de  tant  dé 
bénédictins  canadiens  qui  ont  écrit,  et  je  puis  dire  admirai)  le  ment  écrit 
tant  de  choses,  montre  dans  quelle  erreur  ce.  monsieur  vert  quelques  autres 
sont  tombés".  ,.,:,,.    ,,j,- 

Qui  était  ce  M.  Abbott  ?  Où  a-t-il  publié  cette  appréciation  ;^.|>eu 
flatteuse  pour  nos  littérateurs  ?  J'aimerais  bieh  a  lire  son  texte  même. 


—  328  — 


LETTRES  INEDITES  DU  GOUVERNEUR 
D'ARGENSON 


DOUBLE   DE   LA  LETTKE   ECRISTE    PAR   LE   VAISSEAU   DU 

GATGNEUR  PARTI  LE  6  SEPTBRE.      J'Y  AY  AUGMENTE 

DEPUIS  LE  MOT  A  LA  MARGE  AJOUTE. 


.  (Suite  et  fin) 

Kebec  5  septembre  1658 

Je  vous  ay  escrit  de  l'Jsle  Percée  que  ma  traversée  n*avoist  esté  que 
de  trente  cinq  jours  mais  comme  il  n*y  avoit  aucune  commodité  de  passer 
à  quebecq  faulte  de  bastimens  pour  un  voyage  comme  celui  là  qui  est  de 
six  vingt  lieux  dans  une  rivière  mil  fois  plus  dangereuse  que  celle  des 
Goblins  dans  ses  desborderaens,  j'ay  atendu  un  mois  entier  un  vaisseau 
qui  est  vaisseau  du  sieur  Gaigneur  apelé  Prince  Guillaume  dans  lequel 
j'ay  encore  esté  dix  sept  jours  à  venir  à  Québecq  qui  fut  le  dix  juillet.  La 
surprise  fust  grande  dans  les  esprits  qui  ne  m'attendoient  point  et  je  ne 
leur  en  donay  aucune  nouvelle  que  cinq  heures  avant  mon  arrivée  si  bien 
que  rg.  s  m  xmpmd  eh.  n.  S  (  1  )  n'eust  pas  tout  le  temps  qu'il  eust  bien  soue- 
té.  Le  R.  P.  supérieur  des  missions  se  trouva  avec  plusieurs  de  sa  Cie  à  mu 
dessente  du  vaisseau  et  Mr.  l'abbé  de  Quelus  avec  quelques  ecclésiastiques 
me  fit  aussi  cet  honneur.  Je  vis  avec  tant  d'intelligence  avec  17  qu'il  ne 
se  peult  davantage.  J'espère  vous  en  dire  un  petit  mot  en  quelque 
endroict  de  ma  gazette  et  pour  n'interompre  pas  mon  discours,  je  vous 
diray  que  le  lendemain  de  mon  arrivée  nous  eusmes  les  Iroquois  sur  les 
bras  qui  tuèrent  une  femme  algonquine.  Aussitôt  je  fis  prendre  les 
armes  à  tous  les  habitans  et  m'en  allé  les  chercher  quelques  uns  de  nos 
sauvages  qui  ont  le  pied  plus  vite  que  les  autres  et  avec  deux  de  nos 
françois  les  suivirent  si  vivement  qu'ils  abandonnèrent  deux  jeunes  filles 
algonquines  qu'ils  emmenoient.  Et  voilà  tout  le  succès  de  cette  journée 
à  deux  jours  de  la  un  de  nos  françois  tira  sur  un  Iroquois  fort  proche 
de  l'enclos  des  Mres  hospitalières  (?)  mais  comme  il  estoit  nuit  nous 
remismes  au  lendemain  et  à  la  pointe  du  Jour,  je  partis  avec  ce  qu'il  y 
a  d'habitans  capables  de  pareille  course  qui  estoient  au  nombre  de  cent 


(1)  D'Ailleboust,  sans  doute. 


—   329  — 

soixante  et  après  six  heures  de  marche  nous  ne  rencontrasmes  que  quelque 
piste  et  il  nous  fut  impossible  d'en  joindre  aucun,  mais  quoy  qu'il  soit 
fort  difficile  de  les  engager  au  combat  néantmoins  je  me  resous  de  mar-, 
cher  en  bon  ordre  à  toutes  les  nouvelles  assurées  que  j'auray  des  ennemis 
afin  de  les  éloigner  au  moins  de  nos  habitations  si  nous  ne  les  pouvons 
chasser  entièrement.     Voilà  ce  qui  m'est  arrivé  dans  le  commencement, 
je  vous  écris  à  diverses  reprises  selon  les  jours,  le  28    Ju    les    ER.    PP. 
Jesuittes  m'invitèrent  à  disner,  ils  avoient  aussy  invité  Monsieur  l'abbé 
de  Quélus  et  après  vespres  ils  firent  une  petite  action  par  leurs  Ecoliers 
qui  temoignoit  beaucoup  de  joye  de  mon  arrivée  le  premier  aoust,  les 
sauvages  me  vinrent  saluer  et  m'apporter  leurs  présens  un  pour  me  témoi- 
gner la  joye  de  mon  arrivée  et  l'autre  pour  me  faire  cognoistre  l'espérance 
qu'ils  avoient  conçue  que  je  les  delivrerois  de  leurs  maux,  et  que  je  ne 
les  abandonnerois  pas.     Je  leur  dis  une  responce  conforme  à  leurs  senti- 
mens  et  le  lendemain  je  leur  fis  festin  aie  mie  spese  lequel  consistoit  en 
sept  chaudières  de   communauté   pleines  de  bled   d'Inde,   de  poids,  de 
prunes,  desturgeons  d'anguilles  et  de  graisses,  ce  qu'ils  dévoroient  après 
avoir  chanté  a  leur  mode,  côme  j'ai  résolu  de  vous  mander  selon  les 
temps  que  les  choses  se  sont  passées,  il  faut  que  vous  scachiez  que  j'avois 
remis  l'affaire  des  E.  P.  Jesuittes  et  monsieur  l'abbé  de  Quelus  à  l'arrivée 
du  vaisseau  chargé  en  partie  pour  Montréal  apelé  Tadourneau  (  ?)  afin 
que   Monsieur  de   Quélus  fut  pleinement  informé  des  intentions  de   sa 
compagnie  et  qu'il  se  portât  plus  facilement  à  céder  la  jurisdiction  à 
laquelle  les  P.  Jesuittes  sont  destinés  et  côme  je  ne  faisois  nulle  doubte 
que  toutes  choses  ne  se  passassent  avec  beaucoup  de  civilité  de  part  et 
d'autre.    11  s'est  néantmoins  élevé  quelque  petit  nuage  que  N.  S.  a  dissipé 
bientost,  voicy  comme  la  chose  s'est  passée  voyant    que    Monsieur    l'abbé 
de  Quelus  a\'oit  eu  le  temps  de  lire  ses  lettres,  je  luy  dis  qu'il  estoit  aussy 
temps  de  se  (lis])oser  aux  ordres  de  Mr.  de  Eoûen  sur  quoy  il  me  fist 
response  qu'il  trouvoit  que  les  PP.  ne  pouvoient  avec  conscience  user  de 
ces  pouvoirs  pour  a\oir  beaucoup  de  défaults.     Ainsy  voyant  sa  pensée, 
je  dis  au  E.  P.  supérieur  qu'il  ])ensât  à  agir  pour  se  mettre  en  possession. 
La  première  qu'il  fit  fut  de  vouloir  insinuer  furtivement  à  mon  greffe  et 
sans  m'en  demander  ])ermission  le  mandat  de  Mr.  de  Eouen,  lequel  ayant 
signifié  a  Mr.  de  Quelus,  le  dit  sieur  de  Quelus  y  fit  quelque  réponse  après 
laquelle  le  E.  P.  supérieure  me  vint  trouver  et  me  dict  qu'il  avoit  insinué 
le  mandat  au  greffe,  je  luy  dis  que  je  n'en  avois  aucune  cognoissance  et 


—  330  --- 

qu'on  debvoit  m'en  avoir  parler  et  puis  voyant  son  esprit  irrité  contre  la 
réponse  de  Mr.  de  Quelus  et  qu'il  disoit  qu'il  déclameroit  contre  autre- 
ment, je  luy  fis  deffense  et  à  luy  et  a  touts  les  siens  d'en  toucher  aucune 
chose  publiquement  ce  que  je  déclare  au  dit  sieur  abbé  de  Quélus  et  que 
celuy  qui  y  contreviendroit,  je  ne  manquerois  pas  de  l'envoyer  en  France 
justifié  son  j)rocédé  et  parceque  je  voyais  que  la  suitte  de  ce  commence- 
ment ne  pouvoit  estre  que  très  dangereuse  voyant  qu'il  m'apparoissoit  un 
mandement  et  que  ce  n'estoit  pas  à  moy  de  juger  s'il  avoit  des  desfaults 
j'ay  porté  Mr.  l'abbé  de  Quélus  à  se  retirer  sans  faire  aucune  poursuitte 
davantage  ce  qu'il  a  faict  et  s'en  est  allé  à  Montréal,  cela  a  un  peu  alarmé 
nostre  pais  d'autant  que  ce  qu'il  y  avoit  de  prestres  ont  quitté  à  la  reserve 
d'un  viel  habitant  plus  capable  d'estre  gouverné  que  de  gouverner  des 
consciences  et  un  autre  qui  n'est  nullement  dedification  dans  le  pays, 
quoy  que  je  ne  scache  pas  de  mal  de  luy  tout  à  faict,  tellement  que  la 
ghenne  des  consciences  qu'ils  se  sont  imaginés  leur  donne  quelque  inquié- 
tude, je  ne  ])uis  pas  bien  sur  ce  point  vous  dire  ce  qu'on  pourroit  faire  (2) 
leurs  fonctions  et  missions  indépendamment  les  uns  des  autres,  si  ce 
n'est  qu'il  vienne  un  Evesque  auquel  cas  je  croy  qu'il  est  facile  d'ajuster 
toutes  les  choses,  puisque  nous  voyons  qu'il  est  désiré  de  touts,  mais  il 
ne  faut  pas  s'imaginer  qu'un  Evesque  puisse  subsister  de  peu  de  chose, 
je  scay  par  mon  expérience  qu'il  m'est  comme  impossible  de  subsister 
pour  ce  qui  est  de  la  seureté  d'un  Evesque  je  la  tiens  assés  raisonnable. 
Je  vous  écris  les  choses  qui  se  présentent  en  passant.  Il  faut  encore  que 
vous  apreniez  l'Etat  dans  lequel  j'ay  trouvé  l'Eglise  de  Canada  à  mon 
arrivé.  J'ay  veu  l'union  entre  les  R.  PP.  J.  et  Monsr.  l'abbé  de  Quélus. 
J'ay  trouvée  la  paroisse  fort  bien  servie  et  remplie  de  beaucoup  de  peuple 
et  j'ay  veu  aussy  les  confessionnaux  des  PP.  fort  fréquentés,  voila  comme 
les  choses  ont  esté  jusques  au  départ  de  Mr.  de  Quélus,  et  pour  achever 
cet  article  il  fault  que  je  vous  dise  que  si  nous  avons  besoin  de  prestres, 
il  est  aussi  nécessaire  que  leur  vertu  ne  soit  pas  commune  après  l'état 
spirituel  dont  je  vous  ay  parlé  suit  l'estat  temporel  que  les  procès  et  la 
pauvreté  et  l'inclination  à  la  bonne  chère  ruine  entièrement  pour  le 
premier  de  ces  désordres  je  pense  en  venir  à  bout,  si  ce  n'est  dans  les 
rencontres  où  il  faut  absolument  payer,  car  nos  habitans  n'ont  point 
encore  trouvé  le  secret  de  faire  de  l'or,  quand  ils  doibvent  ;  pour  le  second 
ils  pourroient  peut  estre  le  diminuer  s'ils  vouloient  retrancher  leur  dépense 


(2)  Quelque  chose  passé  dans  le  texte. 


—  331  — 

precipalement  dans  leur  boissons  qui  est  le  3e  désordre  que  je  blasme 
souvent  en  général  dans  la  conversation.  Voilà  succinctement  et  de  peur 
de  vous  ennuyer  l'estat  général  car  je  me  réserve  en  parlant  plus  en 
particulier  vous  dire  sa  force  et  les  pensées  qui  me  viennent  pour  les 
fortifier  et  le  rendre  moins  accessible  aux  ennemis. 

Je  vous  ay  dict  au  commencement  que  personne  ne  m'attendoit  en 
ce  pais  et  moins  r  g  sm  xmpm  chz  8(3)  qu'aucun.  Il  avoit  pris  possession 
de  la  meilleure  partie  de  mes  meubles  et  provisions  et  s'estoit  estably  comme 
une  personne  qui  n'en  debvoit  point  sortir.  Il  n'a  jamais  faict  aucun 
acte  comme  mon  lieutenant  et  néantmoins  j'ay  dissimulé  toutes  ces  choses, 
je  me  suis  contenté  de  luy  faire  rendre  les  meubles  qu'il  avoit  en  nature 
à  l'égard  de  mes  apointemens  voyant  qu'il  n'avoit  pas  pu  tenir  cette  place, 
sans  despense  je  luy  ay  abandonné  pour  le  temps  qu'il  a  servi  l'obligeant 
seulement  d'entretenir  la  garnison  toute  l'année  et  afin  qu'il  restât  icy 
en  quelque  considération  je  l'avois  estably  directeur  du  conseil,  mais  par 
ce  que  nos  fonds  ne  permettent  pas  de  luy  attribuer  des  apointemens  et 
qu'en  vérité  les  fonctions  d'un  directeur  n'en  mérite  guerre  je  pense  que 
cela  la  faict  résoudre  de  se  retirer  à  Montréal  pourveu  que  ce  soit  à  la 
gloire  de  nostre  maistre,^  il  ne  m'importe. 

Sur  les  advis  que  je  receus  des  Trois  Rivières  que  deux  Iroquois 
estoient  venus  parler  et  que  le  sieur  de  La  Poterie  n'en  avoit  retenu  aucun 
ne  doubtant  nullement  que  ce  ne  fut  quelques  avant  coureurs  de  l'armée 
qui  estoient  venus  observer  la  garde  et  la  contenance  des  habitans  de  ce 
poste,  je  m'y  en  allé  en  diligence  avec  plus  de  cent  françois  et  cent  sau- 
vages et  voyant  après  la  découverte  faicte  qu'il  ne  paroissoit  rien  après 
avoir  donné  les  ordres  à  Mr.  De  la  Poterie  qtie  j'ay  continué  gouverneur 
de  ce  lieu,  je  passé  jusques  à  douze  lieues  dans  les  Isles  où  ils  ont  coutume 
de  faire  leur  chasse  et  l'assemblée  de  leur  armée  et  après  avoir  séjourné 
quelques  jours  à  l'ancienne  place  du  fort  de  Richelieu,  le  vent  ne  me 
permettant  pas  de  remonter  la  rivière  pour  aller  à  Montréal  je  fus  obligé 
de  m'en  revenir  pressé  de  la  maturité  de  nos  moissons  à  cause  de  plusieurs 
hommes  de  travail  que  j'avois  avec  moy. 

Je  n'ay  plus  à  vous  entretenir  que  de  deux  choses,  la  première  est 
de  l'avilissement  de  la  traicte  causée  par  les  habitans  et  de  vous  prier 
d'exiter  Mrs  de  la  Grande  Cie  d'y  remédier.    La  seconde  à  quoy  je  vous 


(3)  D'Ailleboust. 


—  332  — 

prie  aussy  de  vous  appliquer  est  de  parler  aussy  à  ces  Mrs  de  la  grande 
compagnie,  d'engager  une  compagnie  de  marchands  de  faire  seuls  le 
trafic,  j'écris  amplement  à  ces  Mrs  sur  les  deux  articles,  ils  pouront  vous 
le  communiquer  si  vous  le  désirés. 

J'oubliais  de  vous  dire  que  les  PP.  Missionnaires  se  sont  retirés 
d'Onontae.  de  blâmer  ou  d'approuver  leur  retraicte  ce  n'est  pas  à  moy. 
Eux  seuls  en  peuvent  être  les  juges  ce  qu'il  y  a  de  fâcheux  c'est  de  se 
retirer  d'un  pais  sans  ordre  et  sans  aucun  fruict  de  la  grande  despense 
qu'on  y  a  faict,  pour  moy  je  vous  avoue  que  c'est  un  effect  de  la  providence 
tout  visible  à  mon  égard  qui  n'aurois  pas  pu  les  soubtenir  dans  la  grande 
])auvreté  où  nous  sommes  réduits  et  qui  n'aurois  aussy  pu  me  résoudre 
de  laisser  périr  des  personnes  exposées  pour  N.  S. 

Ajouté  à  la  1ère  lettre. 

Outre  la  peine  qui  se  rencontre  icy  pour  les  moindres  affaires  la  dif- 
ficulté d'y  pouvoir  subsister  est  si  grande  que  je  ne  pense  pas  que  mes 
apointements  aprochent  de  la  dépense  que  j'y  ay  faicts  avec  toute  l'occo- 
iiomie  raisonnable  que  je  garde  ce  qui  m'embarasse  davantage  c'est  la  di- 
minution des  castors  dont  les  marchands  ne  veulent  point  donner  d'argent 
en  France  à  vingt  pour  cent  si  Mrs  de  la  Cîompie  peuvent  remédier  à  ces 
choses  ils  m'obligeront  et  de  donner  ordre  qu'ils  nous  viennent  des  vais- 
seaux ce  qu'ils  doivent  assurer  de  bonne  heure  -si  on  ne  prend  plus  de 
soing  du  pays  je  puis  dire  avec  vérité  qu'il  est  dans  un  pitoyable  estât,  je 
vous  prie  de  leurs  en  dire  deux  mots  selon  vostre  prudence  parceque  leurs 
assemblées  sont  composées  de  tant  de  personnes  qu'il  est  impossible  que 
les  resolutions  se  prennent  viste  et  néantmoins  il  est  important  que  les 
vaisseaux  soient  assurés  de  bonne  heure.  J 'envoyé  un  mémoire  à  Mr  Bry 
des  choses  que  je  souete  de  France.  Je  le  retranche  le  plus  qu'il  m'est 
possible  me  reservant  de  prendre  des  marchands  les  choses  qui  me  man- 
quçnt.  Je  mande  à  Mr  de  Fancan  que  si  la  guerre  continue  il  m'est 
impossible  de  me  passer  d'un  lieutenant  pour  laisser  à  Kebec  en  mon  ab- 
sence et  mesme  pour  envoyer  dans  de  petites  courses,  prenés  la  peine  de 
scavoir  de  luy  ce  qu'il  juge  pouvoir  faire  il  faut  que  le  consel  l'ordonne. 

Sur  la  nouvelle  que  je  vous  avois  mandé  que  nous  avions  des  pri- 
sonniers Iroquois  anuronons  de  considération  la  resolution  a  esté  prise  de 
renvoyer  deux  non  pas  des  plus  considérables  mais  aussy  capables  de 
s'acquitter  de  la  commission  qu'on  leur  donne  auprès  de  leurs  nations  Ils 
portent  quatre  présens  qui  sont  autant  de  différentes  parolles.       La  pre- 


--  333  — 

mière  les  assure  de  la  vie  des  anciens  prisonniers  la  seconde  une  pleinte  de 
ce  qu'ils  sont  venus  eu  guerre,  au  lieu  d'amener  nos  prisonniers  et  la  4è 
pour  leur  témoigner  que  la  retraicte  d'Onontae  s'est  faicte  sans  animosité. 

Les  articles  que  je  vous  écris  sont  peu  suivis,  mais  il  fault  nécessaire- 
ment les  écrire  en  divers  temps  à  cause  de  plusieurs  affaires  qui  m'inte- 
rompent  et  voicy  une  chose  qui  est  extrêmement  nécessaire  de  faire  pour 
donner  cours  aux  affaires  c'est  que  si  vous  le  jugés  à  propos  vous  fere^ 
proposer  par  quelqu'un  de  la  compagnie  comrtie  Mr  frotta  ou  de  Fancan, 
de  reigler  les  affaires  de  la  traicte  de  bonne  heure  et  vous  me  permettez  de 
réitérer  aussy  le  départ  des  vaisseaux  par  ce  que  nous  avons  nouvelle  que 
certins  sauvages  appelés  outaSacs  doivent  venir  l'année  prochaine  si  les 
affaires  n'estaient  réglées  avant  ce  temps  on  veroit  encore  confusion  et 
avilissement  de  la  traicte  et  nostre  magasin  peu  remply,  ce  qui  nous  em- 
pescheroit  de  leur  donner  le  millier  de  castor  par  la  mesme  impossibilité, 
dans  laquelle  nous  sommes  cette  année. 

N.  S.  nous  a  donné  encore  deux  avantages  sur  nos  ennemis.  Le 
premier  a  esté  à  Montréal  de  16  Iroquois  onontaeronons  qui  s'estoient  mis 
proche  en  embuscades.  Ils  furent  découverts  et  après  quelques  coups  de 
fusil  on  leur  dict  qu'il  y  avoit  de  leurs  gens  en  effect  depuis  un  an  x)n  en 
tenoit  un  prisonnier  avec  sa  femme,  ils  furent  assez  crédules  pour  appro- 
cher et  on  prit  quelques  uns  et  deux  furent  tués  deux  jours  après  arrivè- 
rent des  ambassadeurs  de  cette  mesme  nation  qui  ramenoient  deux  fran- 
çois.  on  leur  rendit  l'ancien  prisonnier  et  sa  famé  et  une  petite  fille  née  en 
prison. 

Le  second  avantage  est  aux  trois  rivières  d'une  autre  nation  appelée 
Onoyotcheronons  on  avoit  permis  à  quelques  françois  d'aller  en  chasse 
avec  ordre  de  découvrir  ce  qui  firent  et  aperçurent  la  piste  de  plusieurs 
sauvages  et  ensuitte  les  sauvages  mesmes  on  leur  cria  ce  qu'ils  venoient 
faire  et  dirent  qu'ils  venoient  en  guerre.  On  les  invita  de  quitter  cet 
esprit  et  de  s'en  venir  aux  trois  rivières  ils  ne  vouloient  jamais  à  moins 
que  d'otages  ce  qui  s'exécuta,  mais  comme  c'estoit  ceux  qui  avaient  tué  au 
printemps  trois  des  nostres  à  Montréal  et  puis  3  aultres  au  3  Eivières,  Mr. 
de  la  Poterie  que  j'ay  estably  pour  commander  en  ce  poste  donna  ordre 
qu'en  ramenant  les  otages  on  s'en  saisit  eux  de  leur  costé  avoient  selon  les 
apparences  le  mesme  dessein.  Ainsy  comme  ils  estoient  préparés  on  en 
voulut  saisir  ce  qui  réussit,  mais  on  essuya  beaucoup  de  feu  un  seul  des 
nostres  fut  blessé  et  3  des  leurs  tués  et  cinq  prisonniers  dont  deux  blessés  : 


...  334  — 

on  en  a  renvoyé  un  pour  assurer  leur  nation  de  la  vie  de  ces  cinq  s'ils 
pensent  à  la  paix  dont  nous  atendons  les  réponses  aussy  bien  que  des  pre- 
miers renvoyés. 

Dufresne  qui  me  servoit  de  maistre  d'hostel  et  de  chirurgien  est  tom- 
bé fort  malade  d'un  crachement  de  sang  auquel  cet  air  est  entièrement 
contraire,  il  s'en  retourne  en  France.  Je  suis  fâché  de  son  mal,  mais  il 
s'est  peu  appliqué  au  soing  de  ma  maison  non  plus  que  son  ami  qu'il  m'a 
adonné  pour  la  chambre.  Je  vous  envoyé  une  lettre  toute  ouverte  que 
j'écris  à  son  père  apotiquaire  à  Paris  fort  homme  de  bien.  Prenez  la 
peine  après  l'avoir  leue  de  la  fermer  et  de  l'envoyer  quérir  pour  luy  don- 
ner et  après  avoir  recogneu  quel  sentiment  il  a  du  procédé  de*  son  fils  lui 
inspirer  de  lui  écrire  sévèrement,  car  je  pense  que  c'est  le  seul  remède 
qu'il  fault  aporter  me  suppliant  d'en  user  ainsy.  Le  sieur  Perier  père 
de  celui  qui  est  avec  moy  demeure  en  la  rue  montmartre  au  bausme  divin. 

Côme  je  ne  scais  pas  quel  Biays  prendront  les  affaires  des  costés  de 
Mrs.  de  la  Compagnie  je  vous  prie  de  me  mander  tout  ce  que  vous  en 
aprendrés,  je  voudrois  leur  pouvoir  fortement  inspirer  les  cognoissance  que 
j'ay  de  ce  pays  et  combien  il  est  nécessaire  de  le  secourir.  Faites-moi  la 
grâce  aussy  de  me  mander  les  sentiments  des  R.  PP.  Jesuittes  je  ne  vous 
tiendray  pas  d'avantage.  Je  suis  avec  toute  l'ouverture  de  coeur  possi- 
ble en  suavité  et  bénédiction  ne  ries  pas  en  achevant  de  lire  car  je  suis 
sérieusement  à  vous, 

P.  DEVOYER  D'ARGBNSON 

Toutes  les  lettres  incluses  en  vostre  petit  pacquet  ne  sont  que  le  double 
de  celles  que  j'ay  envoie  par  le  premier  vaisseau  que  vous  garderez  s'il 
vous  plaist  en  cas  que  les  autres  ayent  été  rendues  sinon  après  les  avoir 
leue  vous  les  ferés  cacheter  pour  les  rendre  à  leur  adresse,  les  aultres  fer- 
mées vous  les  ferés  rendre  s'il  vous  plaist. 

Après  le  paragraphe  qui  commence  par  ces  mots  j'oubliais  de  vous 
dire  que  les  Pères  missionnaires  et  finit  par  ceuxci  "personnes  exposées 
pour  notre  Seigneur.  Je  trouve  dans  une  lettre  qui  reproduit  celleci 
jusques  là  la  page  suivante. 

"Cette  guerre  que  nous  avons  étoné  tant  de  personnes  que  touts  les 
travaillants  lesquels  après  avoir  achevé  le  temps  auquel  ils  estoient  obligés 
à  leur  maistre  estoient  ravis  de  demeurer  au  pays  pour  faire  quelque  ar- 
gent comme  ils  sont  extrêmement  recherchés  à  présent  me  demandent  touts 
leur  congé  et  comme  se  sont  touts  jeunes  gens  cela  affoiblit  beaucoup  le 


—  336  — 

pays.  Si  nous  ne  les  pouvons  retenir  comme  il  n,'y  a  pas  apparence  ce 
qui  m'oblige  d'écrire  que  la  plus  grande  charité  qu'on  puisse  faire  en  ce 
pays  pour  le  soutenir  et  avec  luy  la  religion  que  nous  avons  seuls  parceque 
les  aultres  soit  anglais  soit  olandais  outre  leur  hérésie  ne  se  mettent  pas 
seulement  en  debvoir  d'en  faire  baptiser  aucun  des  sauvages.  ("est  d'en- 
tretenir quelques  hommes  que  nous  puissions  tantost  employer  à  la  guerre 
et  tantost  au  travail  selon  que  les  ennemis  nous  donnerons  du  repos. 

Je  pense  qu'il  est  temps  que  je  vous  parle  des  choses  qui  me  regar- 
dent j'avois  bien  préveu  en  partant  de  France  que  la  diminution  des  cas- 
tors me  donneroit  bien  de  la  peine  touchant  mes  apointemens  c'est  pour- 
quoy  j'avois  parlé  à  Mrs  de  la  Compagnie  de  faire  en  sorte  que  je  les  pusse 
toucher  en  argent  en  France  le  conseil  d'icy  juge  cela  fort  raisonnable  mais 
il  ne  se  trouve  point  de  marchand  qui  le  veuille  entreprendre  de  ceux  qui 
ont  le  pouvoir  de  le  faire  et  pour  les  aultres  il  n'y  a  pas  seureté  cepen-' 
dant  il  fault  que  j'envoye  en  France  deux  mil  écus  en  castor  parceque 
autrement  je  ne  pourrois  rien  espérer  de  France  l'année  prochaine  et 
d'autant  que  je  ne  scay  pas  quelle  diminution  il  y  aura  dans  la  vente  à 
Paris.  Je  prie  Mr  Bry  de  m'en  tenir  compte  et  de  m'en  envoyer  le  prix 
signe  afin  que  s'il  y  a  diminution  que  la  communauté  me  le  supplée. 

J'avois  parlé  au  P.  supérieur  d'une  pesche  qui  a  esté  accordée  aux 
Gouverneurs  et  dont  il  jouit  à  présent,  m'ayant  communiqué  ses  papiers 
là  dessus,  il  m'a  premièrement  faict  voir  la  concession  de  la  terre  par  \m 
nommé  de  Gan  à  qui  elle  estoit  transporté  accepté  et  ratifié  par  Mrs  de  la 
Compie  sans  qu'il  soit  faict  partout  aucune  mention  de  pesche  sur  quoy 
ils  apportent  une  concession  de  pesche  postérieure  à  la  mienne  par  Mess, 
de  la  Compagnie  et  révocation  de  la  mienne.  Je  tiens  leur  droict  fort 
mauvais  car  si  une  revocation  peult  estre  bonne  sans  cause  on  pourroit 
révoquer  le  don  du  pays  à  Mrs  de  la  compagnie,  Mrs  de  la  compagnie 
pourroient  révoquer  toutes  les  concessions  des  particuliers.  Je  n'ay 
point  voulu  traiter  cet  article  à  Mrs.  de  la  Compagnie.  Mais  seulement 
dans  2  lettres  particulières  l'une  au  P.  Lalement  et  l'autre  à  Monsieur 
chefault,  ce  que  je  vous  mande  afin  que  si  vous  jugez  que  cette  affaire  ne 
doive  pas  se  pousser  vous  l'étouffiez.  Je  vous  envoyé  le  double  des  avis 
que  je  présente  au  conseil  personne  n'en  a  icy  aucune  cognoissance  et  je 
ne  l'envoyé  en  France  qu'a  Monsieur  De  Lamoignon  afin  que  s'ils  sont  ju- 
gés raisonnables  ils  ne  soient  point  empeschés  par  les  intérêts  des  parti- 
culiers.      Hier  il  nous  arriva  une  chaloupe  des  3  Rivières  qui  amenoit  t 


—  836  — 

Iroquois  qui  estoient  venus  scavoir  des  nouvelles  et  insensiblement  se 
trouvèrent  engagés  si  bien  que  Mr  de  la  Poterie  me  les  envoyé.  Il  y  en  a 
un  fort  considérable  mais  nous  eûmes  grande  peine  à  les  débarquer  à 
cause  de  nos  sauvages  qui  les  vouloieut  tuer.  Il  fallut  mettre  tout  le  mon- 
de sous  les  armes  et  N.  S.  nous  demesla  de  ce  pas  aussy  fâcheux  qu'il  s'en 
puisse  voir,  car  j'avois  a  faire  a  des  bestes  animées,  je  ne  débiteray  cette 
nouvelle  qu'à  vous  seul,  vous  en  ferez  part  s'il  vous  plaist.  nous  n'avons 
point  encore  résolu  ce  que  nous  en  ferons  sinon  que  je  prétends  en  envoyer 
deux  dans  leur  pays  pour  tacher  de  retirer  deux  François  qu'ils  ont  pris. 
Je  finis  enfin  ma  lettre  et  vous  baise  très  humblement  les  mains. 

P.  DE  VOYER  D'ARGENSON 

Double  de  la  lettre  envoyée  par  le  vaisseau  du  Sr.  Gaigneur  en  date 
du  cinq  sept.  1658. 

Mon  Révérend  perre. 

Vous  m'avez  engagé  de  vous  dire  ce  qui  se  passeroit  en  ce  pays  et  par 
ce  que  de  celles  qui  vous  touchent  davantage  c'est  la  paix  de  l'église,  c'est 
aussy  celle  là  qui  ouvrira  mon  discours  que  je  souetterois  volontiers  pou- 
voire  faire  teste  à  teste  pour  ny  obmettre  rien  et  entendre  vos  responses. 
J'arrivay  à  Québecq  le  6  juillet  et  je  trouvé  toute  vostre  compagnie  en 
grande  union  avec  Monsieur  l'abbé  de  Quélus  quoique  quelque  temps 
auparavant  le  dict  Sr  abbé  eut  quelque  procès  sur  le  subject  de  vostre  mai- 
son contre  le  P.  supérieur  ce  qui  avoit  esté  faict  à  la  sussitation  des  Mar- 
guilliers  et  qu'après  ils  n'a  voient  pu  soubtenir.  Je  ne  scay  cela  que  par 
rapport  ce  que  je  vous  puis  dire  c'est  qu'il  n'a  paru  rien  que  de  très  res- 
pectueux de  part  et  d'autre  jusques  à  la  signification  du  mandat  du  quel 
peu  de  temps  après  mon  arrivée  le  P.  supérieure  me  parla  et  me  dict  qu'il 
ne  pouToit  avoir  aucune  valeur,  qu'il  ne  fut  insinué  au  greffe  je  iuy  dife 
que  je  le  priois  de  ne  rien  inuver  jusques  à  l'arrivée  du  vaisseau  appelé 
Tadourneau  qui  portoit  les  lettres  et  les  marchandises  de  Monsieur  l'abbé 
et  qu'aprenant  par  là  l'esprit  de  la  Compagnie  de  Montréal  le  porteroit  à 
s'y  retirer,  il  n'auroit  pas  de  peyne  de  s'y  résoudre  le  P.  supérieur  ap- 
prouvant cette  pensée  la  exécuté  le  vaisseau  de  Tadourneau  arrivé  et 
Monsieur  l'abbé  ayant  toutes  les  cognoissances  par  les  lettres  je  voulus 
])résentir  qu'elles  estoient  les  pensées  et  voyant  qu'il  faisoit  quelque  dif- 
ficulté sur  ce  qu'il  n'estimoit  pas  vos  lettres  en  bonne  forme  qui  vous 
avoient  esté  données  par  Mr.  de  Rouen  j'allay  trouver  le  P.  supérieur  au- 
quel je  dis  qu'il  vit  la  manière  dont  il  debvoit  agir  et  que  je  ne  voyais  pas 


—  337  — 

toute  la  facilité  que  je  m'estois  imaginé.  La  première  démarche  fut  de 
\enir  à  5  heures  du  matin  insinuer  le  mandat  de  Mr.  de  Rouen  à  mon 
greffe  sans  m'en  communiquer  quoique  ce  soit  et  après  le  fit  signifier  à  Mr. 
l'abbé  et  auquel  Monsieur  l'abbé  fit  quelque  responce  en  forme  d'opposi- 
tion le  P.  sup.  prit  la  peyne  de  me  venir  voir  et  me  dire  qu'il  avoit  fait 
insinuer  le  mandat  au  gref,  je  luy  dis  je  ne  le  pense  pas  parceque  aucun 
ne  m'en  a  rien  comuniqué  et  je  pense  que  c'est  la  première  démarche 
qu'on  doibt  faire  cela  le  surprit  un  peu  voyant  qu'il  manquoit  à  la  sincé- 
rité avec  laquelle  nous  avions  coutume  d'agir  et  après  cela  passa  à  la  signi- 
fication qu'il  avoit  faict  faire,  voyant  la  response  de  Mr.  l'abbé  de  peur  que 
ce  commencement  des  suittes  fâcheuses  je  fis  en  sorte  de  -porter  Mr.  l'abbé 
il  s»  retirer  à  Montréal  luy  disant  que  puisque  je  voyais  le  mandat  de  Mr. 
de  Rouen  qu'il  debvoit  y  obéir,  ce  qu'il  a  exécuté  les  chapeleins  des  deux 
Religions  ont  aussy  quitté,  mais  pour  s'en  aller  en  France  tellement  qu'il 
n'y  a  plus  que  vos  P.  P.  qui  fassent  toutes  les  fonctions.  Sur  la  préten- 
tion que  les  gouverneurs  ont  toujours  eu  de  la  pesche  à  la  pointe  de  Puis- 
seau  qui  leur  avoit  esté  accordé,  je  creu  que  le  meilleur  procéré  estoit  de 
demander  au  P.  sup.  ce  qu'il  pouvoit  alléguer  contre  cette  concession,  Il 
me  dict  qu'il  me  vouloit  montrer  ses  papiers  dont  le  premier  estoit  la  con- 
cession qui  vous  avoit  esté  faicte  de  la  terre  de  Sillery  par  un  nomé  de  Gan 
transport  accepté  et  ratifié  par  Messieurs  de  la  compagnie  du  contrat  qui 
avoit  esté  donné  aux  Gouverneurs  et  mesme  une  nouvelle  concession  du 
Roy  sur  cela  je  luy  fis  response  que  je  ne  pensois  pas  que  la  révocation  put 
avoir  de  lieu  et  que  si  cela  estoit  on  pourroit  déposséder  tout  le  monde  et 
aucun  ne  se  tiendrait  en  seureté  d'une  révocation. 

Il  y  a  une  autre  chose  qui  est  la  retraicte  d'Onontaé  sur  ce  chapitre. 
11  faut  croire  ceux  qui  en  sont  revenus,  ce  que  j'y  trouve  de  fâcheux  est 
d'avoir  abandonné  sans  ordre  et  sans  fruict  de  la  despence  qu'on  y  a  faict 
je  trouve  cependant  qu'il  y  a  grand  subject  de  remercier  Dieu  qui  les  a 
conservés  et  ramenés  touts  en  santé.  Je  ne  puis  encore  vous  dire  comme 
je  me  trouve  en  ce  pays  sinon  que  mes  despenses  sont  extrêmes  et  que  la 
diminution  de  nos  castors  en  France  nous  faict  beaucoup  de  peyne.  Adieu 
vous  m'avez  faict  l'honneur  de  me  promettre  que  vous  vous  souviendriez 
de  moy  dans  vos  adorables  sacrifices. 

Je  vous  en  conjure — c'est  Mon  Révérend  Père, 

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 
P:  DE  VOYER  D'ARGENSON 


—  S38  — 

Au  Révérend 

Le  Révérend  Père  Lalement  de  la  Compagnie  de  Jésus  au  Novi- 
ciat du  faubourg  St-Germain  à  Paris. 

14  OU  24  OCTOBRE  1658 

J'ai  peu  de  choses  a  ad  jouter  aux  lettres  que  je  vous  ay  escrist  par  les 
deux  aultres  navires.  Voicy  toutes  fois  quelque  chose  qui  m'est  venue  en 
pensée  qui  regarde  la  gloire  de  N.  S.  Je  prends  occasion  de  la  faire  réus- 
sir par  une  lettre  que  j'écris  à  Madame  de  Choisy  qui  m'a  prié  de  luy 
mander  les  nouvelles  de  ce  pays,  je  vous  envoyé  la  lettre  toute  ouverte 
laquelle  après  avoir  leu  vous  prendrejî  la  peine  de  la  faire  fermer  et  lui 
rendre  si  vous  ne  voulez  pas  vous  fatiguer  à  la  lire  toute  entière  comn^pn- 
ces  aux  6  dernières  lignes  de  la  troisième  page  vous  aurez  une  cognoissance 
parfaite  de  ma  pensée  ce  qui  m'a  obligé  à  cela  c'est  que  les  personnes  tel 
qui  sont  à  Montréal  n'ont  point  cognoissance  de  la  langue  des  Sauvages  et 
par  conséquent  quelque  zèle  qu'ils  puissent  avoir  ils  sont  tout  à  fait  inca- 
pables des  missions  qui  s'y  peuvent  faire.  Le  P.  Lejeune  en  conférera 
avec  vous.  Il  est  expédient  que  je  ne  paroisse  pas  la  dedans  que  le  moins 
qu'il  se  pourra  c'est  ce  qui  m'a  fait  prendre  la  voye  de  Me  de  Choisy  et  vous 
envoyer  la  lettre  pour  résoudre  ce  que  vous  jugerez  la  dessus.  Je  vois  de 
ce  costé  icy  tout  le  monde  bien  intentionné  à  recevoir  un  evesque  pour  moy 
je  le  crois  très  avantageux  pour  le  pays.  J'atends  la  dessus  et  sur  toutes 
les  choses  de  ce  pays  un  ordre  de  la  Providence  particulier  vous  scavez 
qu'il  y  a  plusieurs  nouvelles  que  je  seray  bien  aize  d'aprendre  je  vous  prie 
à  l'instant  qu'elles  vous  viendront  dans  l'esprit  de  les  coucher  sur  une 
feuille  de  papier  sans  suitte  et  me  les  envoyer  au  départ  des  vaisseaux 
j'oubliais  de  vous  prier  de  faire  cognoistre  dans  les  rencontres  qu'il  m'est 
bien  nécessaire  d'augmenter  le  nombre  de  mes  soldats  à  cause  des  diffé- 
rentes gardes  d'Iroquois  que  je  suis  obligé  de  faire  et  qu'il  est  nécessaire 
de  laisser  plus  de  monde  dans  le  fort  quand  il  me  vient  des  nouvelles  des 
ennemis  ou  il  fault  aller  a  cause  des  prisonniers  qui  sont  dedans. 

J'aurois  à  vous  prier  de  me  mander  ce  que  vous  ap rendrez  de  la  durée 
de  mon  gouvernement  qu'elles  seront  vos  pensées  car  pour  moy  je  suis 
dans  la  pensée  d'y  demeurer  autant  de  temps  seulement  que  l'on  m'y  ju- 
gera nécessaire.  J'envoye  pour  toute  rareté  deux  pied  à  mes  Soeurs 
D'argenson  et  D'arvigny.  Le  sieur  de  St.  André  s'est  chargé  de  les 
rendre,  j'ay  trop  eu  d'affaires  pour  chercher  aultre  chose  et  ceux  là  ont 
bien  fait  de  me  venir  chercher. 


--  339  — 

Il  faut  que  je  vous  disse  une  chose  qui  vous  divertira  c'est  un  juge- 
ment que  j'ay  rendu  contre  un  marchand  de  la  Rochelle  apelé  Peron  il  a 
esté  assés  insolent  que  de  nous  envoyer  en  ce  pays  une  fille  débauchée  ac- 
tuellement grosse  et  qu'il  scavoit  estre  en  cet  estât.  Je  l'ay  condamné  à 
la  ramener  à  La  Rochelle  à  touts  les  dépends  qu'il  en  pouvoit  avoir  fait 
et  ceux  qu'avoit  fait  celuy  à  qui  il  l'avoit  donnée  en  service  en  150  1.  d'a- 
mende dont  le  tiers  je  le  fais  donner  à  l'hospital  de  Kebec.  cela  remettra 
nostre  pays  en  réputation  que  l'on  confond  avec  les  Iles  Saint  Christophe 
et  empeschera  les  marchands  de  charger  de  ce  bétail  je  n'ay  rien  de  plus 
agréable  à  vous  aprendre.  Je  vous  prie  de  me  laisser  adjouter  seulement 
que  je  suis  vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

P.  DE  VOYER  D'ARGENSON 

Je  salue  très  liumblement  touts  mes  amis  et  ma  soeur  et  mes  frères 
particulièrement. 

A  Kebec  ce  24  ou  14  octobre  1658. 


QUESTIONS 


Quels  étaient  les  prénoms  de  M.  Bernier,  conmiissaire  des  guerres 
dans  l'armée  de  Montcalm  et  dont  M.  Dussieux  fait  tant  de  cas  dans  son 
livre  sur  les  dernières  années  de  la  domination  française  au  Canada  ? 

MONT. 

Vers  1725  ou  1726,  un  nommé  Claude  Chetiveau  de  Roussel  agissait 
comme  pratici-en  à  Québec.  Il  fut  aussi  huissier  au  Conseil  Supérieur  à 
peu  près  vers  le  même  temps.  On  perd  ses  traces  peu  après.  Chetiveau 
de  Roussel  est-il  mort  au  Canada  ?  A-t-il  laissé  des  descendants  ? 

R.  0.  G. 

Mes  notes  me  disent  que  le  12  avril  1785  le  gouverneur  Haldimand 
signait  une  ordonnance  obligeant  les  curés,  à  partir  du  1er  janvier  1786,  à 
tenir  chaque  année  un  cahier  séparé  pour  l'enregistrement  des  baptêmes, 
mariages  et  sépultures.  Jusque  là  dans  nos  différentes  paroisses  on  se 
servait  de  cahiers  dans  lesquels  on  entrait  les  baptêmes,  mariages  et  sépul- 
tures de  plusieurs  années.  Cette  ordonnance  de  Haldimand  du  12  avril 
1785  a-t-elle  publiée  ?  Où  pourrais-je  la  consulter  ? 

CUR. 


—  340  — 

NICOLAS  LANGLUME 


A  la  date  du  24  décembre  1685,  le  registre  de  î^otre-Dame  de  Québec 
mentionne  la  sépulture  de  Nicolas  Langlumé,  originaire  de  la  ville  d'Or- 
léans. 

Qui  était  ce  Nicolas  Langlumé  ? 

Dans  un  acte  du  notaire  Genaple  du  2  octobre  1685,  nous  voyons 
qu'en  janvier  1685  François  Poisset  de  la  Couche,  marchand  à  Québec, 
avait  demandé  à  l'intendant  de  Meulles  d'accorder  à  son  gendre,  Jean  de 
Faye,  un  congé  de  traite  afin  de  lui  aider  à  payer  ses  dettes.  M.  de 
Meulles  consentit  à  accorder  trois  congés  au  sieur  de  Faye  mais  à  condi- 
tion qu'il  donnerait  sept  cents  livres  à  chacun  de  ses  deux  secrétaires,  les 
sieurs  Peuvret  et  Langlumé.  Il  voulait  ainsi  les  récompenser  "parce  que 
n'ayant  aucuns  gages  de  la  Cour  ils  servaient  le  pays  avec  affection  et 
promptitude  n'ayant  jamais  pris  d'argent  pout  toutes  les  expéditions 
qu'ils  faisaient  tous  les  jours." 

Dans  sa  lettre  du  -4  novembre  1683,  l'intendant  de  Meulles  disait  au 
ministre  : 

"J'envoie  un  de  mes  secrétaires  en  France  pour  vous  en  représenter 
la  nécessité  (la  construction  d'un  palais  d'intendance),  et  en  cas  que  le 
Koy  y  consente,  pour  retenir  des  ouvriers  et  faire  apporter  ici  tout  ce  qui 
peut  considérablement  épargner." 

Ce  secrétaire  envoyé  en  France  par  M,  de  Meulles  était  Nicolas  Lan- 
glumé. 

Langlumé  revint  au  pays  au  printemps  de  1685.  Il  ne  put  jouir 
longtemps  de  ses  sept  cents  livres  puisque,  comme  on  vient  de  le  voir,  il 
mourut  en  décembre  de  la  même  année. 

Le  sieur  de  Faye  ne  profita  guère  plus  que  Langlumé  des  trois  congés 
qu'il  avait  obtenus.  Il  se  noya  dans  le  Saint-Laurent  moins  d'un  an 
plus  tard,  le  19  août  1686. 

P.  G.  K. 


—  341  — 

LES  ANCIENS  CIMETIERES  DE  MONT- 
REAL — 1648  A  1800 


L'historique  paru  dans  le  Bulletin  du  mois  de  septembre  1921,  pp. 
283-288,  sur  les  cimetières  catholiques  de  Montréal  provient  d'un  inté- 
ressant petit  volume  paru  il  y  a  plus  de  trente  ans  et  qui  a  eu  une  couple 
de  fois  les  honneurs  de  la  réimpression.  L'ouvrage  a  tant  de  qualités 
que  l'on  peut  bien,  sans  nuire  à  sa  vogue,  faire  quelque  réserve  sur  l'ex- 
actitude de  ses  informations  relativement  à  la  période  d'avant  1800,  car 
plusieurs  des  assertions  du  compilateur  ont  besoin  d'être  contrôlées.  Et 
dans  ce  but,  on  nous  permettra  de  placer  en  regard  de  l'historique  susdit, 
les  quelques  notes  que  nous  avons  pu  recueillir  jusqu'à  présent. 


Après  avoir  subi  les  assauts  des  Iroquois  qui,  entre  1042  et  1665,  mas- 
sacrèrent plusieurs  de  ses  valeureux  pionniers,  Montréal,  devenu  poste  im- 
portant, compta  toujours,  à  côté  de  sa  population  stable,  une  population 
flottante  plus  ou  moins  nombreuse  de  gens  d'épée  et  de  robe,  de  marchands 
forains  et  de  traiteurs,  d'aventuriers  et  de  soldats.  Dans  ce  monde 
spécial,  les  querelles,  les  épidémies  et  l'intempérance  firent  de  fréquentes 
victimes.  Enfin,  par  sa  situation  avancée  dans  l'intérieur  du  continent, 
et  surtout  par  le  fait  qu'elle  était  dotée  d'un  hôpital  et  d'un  hospice,  notre 
ville  reçut  les  indigents,  les  infirmes,  les  malades  et  les  blessés  de  régions 
assez  éloignées.  Pour  ces  causes,  la  mortalité  de  la  future  métropole 
canadienne  a  été  élevée  et  parfois  disproportionnée  au  chiffre  des  habi- 
tants. 

Or,  au  dix-septième  et  au  dix-huitième  siècle,  Montréal  était  enserrée 
dans  des  bornes  si  étroites  que  trouver  l'espace  nécessaire  pour  y  déposer 
les  êtres  passés  de  vie  à  trépas  fut  un  problème  qui  préocupa  les  autorités 
à.  diverses  reprises.  On  le  résolut  en  créant  de  petits  cimetières  en  diffé- 
rents points  de  la  ville  et  aussi  en  permettant  les  inhumations  dans  les 
églises  et  les  chapelles. 


Etabhr  une  hste  complète  de  ces  cimetières  et  en  indiquer  l'emplace- 
ment exact  serait  une  tâche  facile  si  les  documents  étaient  tous  connus 


—  342  — 

mais  pour  des  raisons  que  nous  ne  pouvons  démêler  ici,  nosu  sommes  en- 
core dans  Fobscurité  sur  bien  des  faits.  Néanmoins,  en  nous  aidant  des 
notes  que  nous  avons  relevées  dans  les  archives  judiciaires  et  dans  le 
Terrier  de  Montréal  (1),  ainsi  que  de  celles  qu'on  a  recueillies  par-ei  par- 
là,  dans  les  archives  paroissiales  il  est  possible  de  jeter  quelque  lumière  sur 
le  sujet. 

LE  PREMIER  CIMETIERE 

notre  plus  ancien  cimetière  est  bien  connu  :  De  1642  à  1654,  "il  était 
situé  à  côté  du  fort"  sur  la  langue  de  terre  où  naquit  Montréal,  entre  la 
rivière  Saint-Pierre  et  le  iieuve,  c'est-à-dire,  au  sud  de  la  place  Royale  ; 
mais  ce  terrain  étant  quelque  fois  inondé  })ar  les  grandes  crues  du  Saint- 
Laurent,  il  fut  décidé  en  1654  de  l'établir  un  peu  plus  loin,  "sur  la 
hauteur". 

DEUXIEME  CIMETIERE 

C'est  M.  de  Maisonneuve,  qui,  en- 1654,  "donna  aux  habitants  de 
Montréal  un  terrain  ])our  servir  à  un  nouveau  cimetière".  La  première 
inhumation  y  fut  faite  le  10  janvier  1654,  in  terra  de  nova  henedicta. 
Cinq  jours  plus  tard,  nouvelle  sépulture.  Cette  fois,  l'officiant  ajoute  à 
l'acte  cette  mention  :  "dans  la  terre  bénite  du  jardin  de  l'hôpital"  et  le 
11  décembre,  on  lit  :  "dans  le  cimetière  de  l'hôpital".  Donc  le  champ 
des  morts  était  tout  près  de  l'Hôtel-Dieu,  (probablement  entre  les  rues  de 
Bresoles  et  Le  Royer)  et  à  quelques  pas  de  l'église  paroissiale  qu'on  éri- 
gea en  1656  à  l'intersection  des  rues  Saint-Sulpice  et  Saint-Paul  (2). 

Le  cimetière  de  l'Hôtel-Dieu,  dit  expressément  Jacques  Viger,  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  historique  de  Montréal,  (9e  liv.  p.  XLI  fut  ou- 
vert pendant  vingt-quatre  ans.  Sans  aucun  doute,  il  a  cru  qu'il  avait 
servi  jusqu'à  l'ouverture  au  culte  de  la  nouvelle  église  paroissiale  dont  il 
est  question  ci-après,  mais  notre  estimé  archéologue  ne  fait-il  pas  erreur  ? 

LE  TROISIEME  CIMETIERE 

Nous  sommes  persuadés  que  le  troisième  cimetière  dont  aucun  histo- 
rien n'a  encore  fait  mention  se  trouvait  dans  la  commune. 


(1)  Mémoires  de  la  Société  Historique  de  Montréal,  onzième  livraison,  1917. 

(2)  Il  est  impossible  d'apercevoir  pourquoi  l'abbé  Faillon  a  placé  ce  cimetière 
sur  la  place  d'Armes  actuelle,  dans  un  endroit  où  l'Hôtel-Dieu  n'a  jamais  eu  de 
jardin.  Lia  place  d'Armes  de  la  haute-ville  fut  ouverte  et  nommée  longtemps 
après  celle  de  la  basse-ville.  Basset  en  bornant  la  rue  Notre-Dame,  en  1672, 
n'en  fait  même  pas  mention. 


—  343--- 

Celui  "du  jardin  de  l'Hôtel-Dieu"  devint  insuffisant  plus  tôt  que  ne 
le  suppose  M.  Viger  et  il  fallut  en  établir  un  autre. 

Avant  1673,  les  Seigneurs  abandonnèrent  à  la  Fabrique  une  partie 
de  la  commune,  à  ^extrémité  ouest  de  la  rue  Saint- Paul  (c'est-à-dire  à  la 
rue  Saînt-Eloi)  et  l'emplacement  fut  transformé  en  cimetière.  (T.  de  M., 
No.  103  A). 

Mais  le  voisinage  de  la  commune  présentait  des  inconvénients,  car  le 
3  novembre  1674,  les  marguilliers  prennent  la  résolution  de  faire  entou- 
rer le  cimetière  d'une  clôture  "afin  d'empêcher  les  animaux  d'y 
entrer".  (3) 

En  1677  (15  juin),  un  acte  de  Basset  nous  renseigne  davantage  : 
Claude  Raimbault  vend  <\  Simon  Mars,  un  emplacement  sis  sur  la  rue 
Saint-Paul,  tenant  d'un  bout  au  cimetière  et  d'un  côté  à  la  rue  du  cimetiè- 
re (devenue  aujourd'hui  la  rue  Saint-Nicolas)  et  qui  conduisait  de  la  grè- 
ve jusqu'au  champ  des  morts. 

Ce  cimetière  abandonné  en  1682  (4)  et  vendu  à  Charles  de  Couague 
pour  955  francs,  le  31  juillet  1683,  "afin  d'aider  au  parachèvement  de 
l'église",  (5)  occupait  donc  l'espace  compris  aujourd'hui  entre  les  rues 
Saint-Eloi,  Saint-Sacrement,  Saint-Pierre  et  Saint-Paul. 

LE  QUATRIEME  CIMETIERE 

Ce  dut  être  celui  qui  attenait  à  la  nouvelle  éghse  paroissiale  laquelle 
fut  li\Tée  au  culte  en  1678.  Cette  église  longeait  la  place  d'Armes  ac- 
tuelle et  le  cimetière  se  trouvait  à'  l'encoignure  sud  des  rues  Notre-Dame 
et  Saint-Sulpice.  Il  paraît  dater  de  1680  (6).  Evidemment  on  l'aug- 
menta plusieurs  fois,  car  nous  lisons  dans  le  registre  de  l'état  civil  la 
mention  que  voici  :  "Le  mardi,  27  novembre  1691,  a  été  enterré  le  premier 
de  tous,  dans  le  nouveau  cimetière,  joignant  l'église,  Charles  Forestier". 

En  1693  (15  avril,  étude  d'Adhémar),  l'abbé  Dollier  de  Casson  con- 
cède à  la  Fabrique,  la  place  de  l'église  paroissiale,  la  chapelle  des  morts  et 
le  cimetière  qui,  d'après  le  plan  annexé  au  contrat,  est  sis  à  l'endroit  que 
nous  indiquons  ci-dessus. 


(3)  Annuaire  de  Tille-Marie,  I  361,  délibération  du  3  novembre  1674. 

(4)  Maugue,  27  février  1682. 

(5)  Document  judiciaire,  31  juillet  1683  et  Maugue,  15  août  1683. 

(6)  Le  24  septembre  1680,  sépulture  "au  cimetière  de  l'église".  Registre  de 
Notre-Dame.      Voir  aussi  Terrier  de  Montréal,  No  158. 


—  344-^ 

Sept  ans  i)lus  tard  (Janvier  1700),  les  marguilliers  font  charroyer  des 
pieux  pour  entourer  le  "cimetière  neuf".       S'agit-il  de  l'addition  de  1691  ? 

C'est  encore  ce  même  cimetière  que  l'on  agrandit  le  27  avril  1733, 
par  l'achat  d'un  terrain  de  45  pieds  de  front,  rue  Saint- Joseph  (Saint- 
Sulpice).    .  L'année  suivante  on  l'entoure  d'une  muraille. 

AUTKES  CIMETIERES 

Après  1700  et  jusqu'en  1799,  il  n'est  guère  possible  de  fournir  la  date 
d'ouverture  des  nouveaux  cimetières.  Tout  au  plus  pouvons-nous  indi- 
quer l'emplacement  de  la  plupart  d'entre  eux.  En  1716  et  1717,  il  est 
question  dans  les  registres,  d'un  cimetière  "hors  la  ville"  puis  en  1718,  on 
parle  d'un  "cimetière  des  pauvres". 

Cette  même  année  et  plus  tard,  nous  constatons  qu'il  y  a  un  cimetière 
"proche  l'Hôpital  général  des  Frères  Charon"  (établissement  qui  passa 
ensuite  aux  Soeurs  Grises).  C^e  pourrait  être  celui-là  qu'on  désignait 
comme  "étant  hors  la  ville". 

D'autre  part  en  scrutant  le  Terrier  de  Montréal  on  aperçoit  qu'en 
1730  la  Fabrique  obtient  le  terrain  du  sieur  Gamelin  Maugras,  rue 
Saint- Jacques  entre  les  rues  Saint- Jean  et  Saint-François-Xavier.  (T.  de 
M.,  No.  106  D  2). 

Le  15  février  1734,  on  décide  d'acheter  pour  le  cimetière  des  pau- 
vres l'emplacement  du  sieur  Le  Cavelier,  près  de  la  Poudrière  (102  P.) 
rue  Saint'-Jacques.       (A.  V.-M.  I.  361  et  T.  de  M.,  No.  102  P.) 

Le  2  octobre  1735,  le  gouverneur  de  Montréal,  le  sieur  Boisberthelot 
de  Beaucours  écrit  à  l'intendant  : 

"Le  cimetière  des  pauvres  se  trouvant  dans  le  fossé  de  la  nouvelle 
fortification,  et  dans  le  glacis  où  on  continuoit  d'enterrer,  J'envoyay  Mon- 
sieur le  Major  dire  à  Monsieur  le  Supérieur  du  Séminaire  de  ne  plus  en- 
terrer dans  ce  lieu.  Monsieur  le  curé  vint  me  trouver  pour  demander 
de  ne  point  changer  ce  cimetière  ;  je  le  renvoyay  à  Monsieur  le  Général, 
qui  luy  répondit  que  cela  ne  se  pouvoit  acorder".  (Corr.  génér.  Archi- 
ves d'Ottawa). 

Cette  note  nous  informe  donc  qu'on  enterrait  non  seulement  à  l'in- 
térieur de  l'enceinte  de  la  ville,  mais  encore  dans  le  terrain  qui  bordait 
extérieurement  les  remparts.  La  pente  du  glacis  devait  s'étendre  jusqu'à 
la  rivière  Saint-Martin  (aujourd'hui  rue  Craig). 


—  345- 

Le  Terrier  nous  apprend  encore  que  vers  1745  ou  1750,  la  Fabrique 
a  acquis  un  terrain  de  Paul  Marin  de  la  Malgue,  rue  Saint-Jacques,  **JTi8- 
qu'aux  fortifications".       (No.  124  A  2). 

Le  21  juillet  1748,  autre  addition  au  cimetière  des  pauvres  par  Tac- 
quisition  de  l'emplacement  d'Etienne  Rocbert  de  la  Morandière,  angle  sud 
des  rues  Saint-Pierre  et  Saint-Jacques  (site  du  "Mechanic's  Hall),  à 
côté  du  "magasin  des  poudres  du  roi",  autrement  dit  la  Poudrière.  (A. 
V.  M.  I.,  361  et  T.  de  M.,  No.  102  P.) 

On  fit  là  des  inhumations  jusqu'à  la  fin  du  18e  siècle.  Une  des  der- 
nières fut  celle  de  "la  veuve  de  Joseph  Carpillet  dit  Fleur  d'Orange,  jar- 
dinier", le  8  novembre  1799. 

Après  1782,  la  Fabrique,  achète  partie  des  emplacements  au  sud  de 
la  place  d'Armes  et  paraît  y  établir  la  maison  du  bedeau.  En  1785,  on 
érigea  à  côté,  "une  chapelle  pour  les  pauvres  et  les  enfants  de  la  banlieue". 

"Ce  27  avril  1796,  il  est  décidé  de  ne  plus  enterrer  dans  le  cimetière 
adjacent  à  l'église,  mais  "dans  le  cimetière  près  de  la  maison  du  bedeau" 
(site  de  la  banque  de  Montréal,  probablement).       (A.  V.-M.  I,  362). 

Le  5  mars  1803,  il  est  résolu  "qu'il  ne  sera  fait  à  l'avenir  aucune  in- 
humation dans  l'église  ni  dans  les  cimetières  qui  sont  dans  l'enceinte  des 
murs.      Personne  n'y  a  été  inhumé  depuis  1799."      (A.  V.-M.,  I,  380). 

De  ces  renseignements,  il  résulte  qu'entre  la  place  d'Armes  et  la  rue 
Saint-Pierre  une  grande  partie  de  la  rue  Saint-Jacques  actuelle  avec  les 
emplacements  qui  sont  au  nord  de  la  dite  rue  furent  convertis  en  lieux  de 
sépulture. 

En  181 6j  le  cimetière  "près  de  la  maison  du  bedeau"  fut  exproprié 
par  les  commissaires  chargés  de  démolir  les  fortifications,  puis  en  1821,  on 
fit  l'exhumation  des  corps  des  "deux  cimetières,  l'un  près  André  Baron 
(angle  Saint-Jean),  l'autre  près  l'ancienne  Poudrière".  (angle  Saint- 
Pierre). 

E.-Z.  MASSIOOTTE 


QUESTION 


Nos  manuels  d'histoire  nous  disent  que  Jacques  Cartier,  le  découvreur 
du  Canada,  décéda  à  Saint-Malo  le  1er  septembre  1557,  à  l'âge  de  67  ans. 
Est-il  bien  certain  que  Cartier  décéda  à  Saint-Malo  ?  A-t-il  été  inhumé  à 
Saint-Malo  ?  Son  acte  de  sépulture  a-t-il  été  publié  quelque  part  ? 

MAROS. 


...  346  — 

LES  DESCENDANTS  DE  LANOULLIER 
DE  BOISCLERC 


Dans  le  Bulletin  des  Recherches  Historiques^  vol.  XII,  pp.  3  et  seq.,  on' 
trouvera  des  renseignements  biographiques  assez  complets  sur  Jean-Eus- 
tache  Lanoullier  de  Boisclerc,  qui  fut  grand  voyer  de  la  Nouvelle-France 
de  1731  à  1750,  et  ses  frères  Nicolas  Lanoullier  et  Paul-Antoine-Pran- 
çois  Lanoullier  des  Granges. 

Lanoullier  de  Boisclerc  a-t-il  laissé  des  descendants  au  Canada  ? 

Il  avait  épousé,  à  Québec,  le  21  décembre  1719,  Marie-Marguerite 
Duroy,  veuve  de  Claude  Chasle.  De  ce  mariage  naquirent  quinze  en- 
fants :  .        .  ,f.  .    .  .. 

lo     Jean-Eustache-Nicolas  né  à  Québec  le  12  septembre  1720. 

2o  Pierre  né  à  Québec  le  5  juillet  1721  et  décédé  au  même  endroit 
le  10  mai  1733.  :    - 

3o     Marie-Marguerite  née  à  Québec  le  20  mai  1722. 

4o     Louis- Antoine  né  à  Québec  le  28  mai  1723. 

5o ,  François  né  à  Québec  le  3  juin  1724,  et  décédé  à  Charlesbourg  le 
10  juin  1724.  -::     -: 

6o  Françoise-Barbe  née  à  Québec  le  17  mars  1726,  et  décédée  à 
Charlesbourg  le  20  mai  1726. 

7o  Thomas  né  à  Québec  le  8  mars  1727,  et  décédé  au  même  endroit 
le  28  avril  1733. 

'■     .80     Jacques-Etienne  né  à  Québec  le  21  juillet  1728,  et  décédé  au  mê- 
me eûdroit  le  7  octobre  1750ï 

9o  Marie- Anne  née  à  Québec  le  5  octobre  1729,  et  décédée  au -même 
endroit  le  11  mai  1733. 

lOo  Louise  née  à  Québec  le  23  mai  1731,  et  décédée  religieuse  à 
l'Hôtel-Dieu  de  Montréal  le  30  septembre  1812. 

llo     Charlotte  née  à  Québec ■  le  J 7  septembre  1732. 

12o  Nicolas-Charles-Laurent  né  à  Québec  le  9  août  1733,  et  décédé 
au  même  endroit  le  17  septembre  1738. 

,:,  13o     LQuise-Madeleine  .née,;,!;  Québec  ^^  ^  ^9^^  ^'^^^%jP^  d,écédée  au 
même  endroit  le  22  novembteil7?38.  •!;  ;  .    !^i',  •■  '  . 

14o  Gilles  né  à  Québec  le  20  novembre  1734,  et  décédé  au  même  en- 
droit le  17  septembre  1738. 


...  347--- 

15o  Jeanne-Elisabeth  née  à  Québec  le  7  ^ôût  p.'^âG,  et  décêdée  à 
FHôpital-Général  d^  Montréal  le  18  mars  1773.  .    ^  ., 

Un  acte  de  notoriété  reçu  par  le  notaire  Du  Laurent;  le  23  octobre 
1754  nous  apprend  que  les  deux  fils  de  M.  LanoulLier  de  Boisclerc,  Jean- 
Eustache-Nicolas  (né  le  12  septembre  1720)  et  Louis- Antoine  (né  le  28 
mai  1723)  "étaient  absents  du  pays  depuis  douze  années  sans  avoir  pu 
avoir  de  leurs  nouvelles  ni  même  savoir  le  lieu  où  ils  peuvent  être." 

A  cet  acte.de  notoriété  du  23  octobre  1754  comparaissent  :  Guillaume 
Estèbe,  Joseph  Nouchet  et  Henry  Hiché,  tous  trois  conseillers  au  Conseil 
Supérieur  ;  Guillaume  Guillimin,  lieutenant -général  de  l'Amirauté  de 
Québec  ;  Ignace  Perthuis,  procureur  du  Koi  à  la  Prévôté  et  Amirauté  de 
Québec  ;  Jean  Taché,  syndic  des  négociants  de  Québec  ;,et  Charles  Ber- 
thelot,  négociant  et  bourgeois. 

Il  est  donc  certain  que  Jean-Eustache  LanoulUer  de  Boisclerc  n'a 
pas  laissé  de  descendants  au  Canada.  Il  se  peut  que  se^.  deux  fils  aient 
fondé  en  France  des  familles  qui  se  sont  perpétuées. 

P.  G.  E. 


QUESTIONS 


M.  Ernest  Gaguon,  dans  son  livre  Le  fort  et  le  château  Saint-Loitis, 
publie  le  contrat  de  mariage  de  Simon  Lefebvre,  sieur  Angers,  et  de  Marie- 
Charlotte  de  Poitiers,  passé  au  château  Saint- Louis  de  Québec  le  10  jan- 
vier 1667  en  présence  de  M.  de  Tracy,  du  gouverneur  de  Courcelles,  de 
l'intendant  Talon,  et  d'une  dizaine  d'autres  personnages.  je  note  parmi 
ceux-ci  Octave  Jappellias,  écuyer,  sieur  du  Èesain.  Tanguay  ne  donné 
pas  ce  nom,  mais  j'y  rencontre  celui  de  Octave  Zapaglia,  sieur  de  Ressàn. 
Le  premier  nom  cité  ici  ne  serait-il  pas  une  erreur  de  lecture  ? 

i  AUG. 

A  la  bataille  de  Sainte-Foy,  le  28  avril  1760,  M.  de  Corbière,  lieute- 
nant dans  les  troupes  du  détachement  de  la  marine,  fut  mortellement 
blessé.  Il  décéda  à  l'Hôpital-Général  de  Québec  le  2  mai  suivant.  Nous 
avons  peu  de  renseignements  sur  M.  de  Corbière.  Etait-il  Canadien  on 
Français  ?  Il  me  semble  avoir  lu  quelque  part  qu'il  était  Français  mais 
servait  dans  les  troupes  de  la  colonie. 

QUO 


—  348  — 

L'APPARITION  DE  LA  MOUCHE  A 
PATATES  AU  CANADA 


La  chrysomèle  à  dix  lignes,  vulgairement  appelée  mauche  à  patatefi, 
appartient  à  l'ordre  des  coléoptères,  à  la  classe  des  tétramères,  à  la  famille 
des  cycliques,  à  la  tribu  des  chrysomélines. 

Le  naturaliste  américain  Thomas  Say  semble  être  le  premier  savant 
qui  ait  observé  la  mouche  à  patates  lors  d'une  exploration  des  région»  de 
l'ouest  des  Etats-Unis  et  des  Montagnes  Rocheuses  qu'il  fit  en  1833  en 
compagnie  du  colonel  Long.  Say  donna  à  l'insecte  le  nom  impropre  de 
doryphora  en  y  ajoutant  la  désignation  de  decemlineata. 

La  mouche  à  patates  vivait  alors  sur  les  versants  des  Montagnes  Ro- 
cheuses du  Colorado  et  dans  les  prairies  environnantes.  Elle  se  nouris- 
sait  de  plantes  sauvages,  surtout  de  la  patate  à  bec,  solanum  rostratum. 

De  1823  à  1855,  la  mouche  à  patates  ne  semble  avoir  attiré  l'attention 
que  des  entomologistes  en  recherches  d'insectes  nouveaux  ou  rares  pour 
leurs  catalogues. 

En  1859,  on  commença  à  se  plaindre  des  ravages  que  la  mouche  à  pa- 
tates commettait  dans  les  champs  de  patates  du  Nebraska.  En  1874,  la 
mouche  à  patates  avait  atteint  les  rivages  de  l'Océan  Atlantique.  Il  ré- 
sulte de  ceci  que  les  innombrables  légions  de  mouches  à  patates  ont  tra- 
versé tout  le  continent  américain,  des  Montagnes  Rocheuses  à  la  mer,  en- 
viron 1,700  milles  anglais  en  ligne  droite,  en  moins  de  vingt  ans,  établis- 
sant, chaque  année,  des  colonies  permanentes  sur  chaque  point  de  l'espace 
parcouru.  La  moyenne  annuelle  de  la  distance  franchie  pendant  toute 
la  période  de  cette  migration  fut  de  près  de  quatre-vingt-dix  milles. 

"M.  Riley,  dans  son  ouvrage  Potato  Pests,  analyse  ainsi  l'histoire  de  la 
marche  de  ce  fléau  à  travers  les  états  de  la  République  américaine.  En 
1859,  la  mouche  à  patates  avait  déjà  envahi  une  grande  partie  de  l'état  d(; 
Nebraska.  En  1861,  elle  entrait  dans  l'Iowa.  En  1865,  elle  pénétrait 
dans  l'état  de  l'Illinois.  Le  fléau  se  répandit  ensuite  dans  l'Indiana, 
l'Ohio,  en  1870,  De  cette  dernière  année  à  1874,  il  contaminait  la  Pen- 
feylvanie,  la  partie  nord  de  l'état  de  New- York  et  enfin  atteignait  l'Atlan- 
tique. La  ligne  sensiblement  renfermée  entre  les  40e  et  les  43e  de  lati- 
tude a  été  le  théâtre  de  la  marche  la  plus  rapide  des  légions  de  mouches  à 
patates,  de  1855  à  1874,  à  partir  des  Montagnes  Rocheuses  jusqu'à  l'Océan. 


---  349  -- 

Dans  le  même  temps,  toutefois,  les  ailes  gauche  et  droite  de  l'armée  enva- 
hissante ont  occupé,  au  nord  de  la  ligne  indiquée,  les  états  du  Wyoming 
du  Dakota,  du  Minnesota,  du  Wisconsin,  du  Michigan,  de  New- York,  du 
Connecticut,  du  Rhode-Island,  du  Massachusetts,  du  Vermont,  du  New- 
Hampshire,  et  du  Maine,  et  au  sud  de  la  même  ligne,  les  états  du  Colora- 
do, de  Kansas,  du  Missouri,  de  Plllinois,  du  Kentucky,  de  l'Ohio,  des  Vir- 
ginies,  etc.,  etc. 

(^*est  en  1870  que  la  mouche  à  patates  a  pénétré  dans  la  province 
d'Ontario.  Sept  ans  plus  tard,  en  1877,  elle  était  rendue  dans  le  coeur  de 
la  province  de  Québec,  ayant  parcouru,  en  moyenne,  environ  quatre-vingt 
milles  par  année,  en  ligne  droite.  Aujourd'hui,  il  n'y  a  pas  un  coin  du 
Canada  où  la  mouche  à  patates  n'a  pas  pénétré.  (J.-C.  Taché,  La  mou- 
che on  la  chrysomèle  des  patates). 


FOUQUET  ET  LE  CANADA 


Eouquet,  le  surintendant  des  finances  de  Louis  XIV  avait  des  visées 
probablement  en  accord  avec  sa  fière  et  ambitieuse  devise.  Nous  n'en 
connaîtrons  jamais  l'étendue.  Avait-il  des  vues  sur  notre  pays  ?  En 
août  1660,  la  Compagnie  de  la  Nouvelle-France  protesta  contre  la  préten- 
tion, de  M.  de  Feuquières  d'étendre  l'autorité  de  sa  charge  de  vice-roi  de 
l'Amérique  sur  la  Nouvelle  France  ;  (Affaires  Etrangères,  Amérique, 
2-,  p.  193).  Le  bénéficiaire,  Isaac  de  Pas,  marquis  de  Feuquières  recon 
■naissait,  le  15  septembre  1660,  dans  une  contre-lettre  tenue  secrète  que  :  ♦ 
"la  charge  de  vice-roi  d'Amérique  appartenait  au  sieur  Fouquet  qui  l'avait 
payée  trente  mille  écus. 

Le  catalogue  Americana  de  M.  Dufossé,  de  Paris,  rapporte  la  pièce 
suivante  :  "Consentement  à  la  donation  faite  aux  dames  Hospitalières  de 
Québec  de  la  terre  de  Beaupré,  achetée  par  François  Fouquet,  père  du  fa- 
meux Fouquet,  le  célèbre  et  infortuné  surintendant  des  finances  de  Louis 
XIV.  Pièce  signée  le  20  février  1663  par  Louis  Fouquet,  évêque  et  comte 
d'Agde,  frère  du  surintendant,  par  madame  Fouquet  (Marie  de  Maupéou) 
mère  du  dit  surintendant,  et  par  Gilbert  Fouquet." 

Ce  serait  donc  un  peu  moins  de  deux  ans  après  l'arrestation  de  Fou- 
quet. Tout  était  bien  fini  pour  l'ex-ministre,  et  sa  famille  abandonna 
cette  propriété  du  Canada  qui  ne  lui  était  plus  d^ucun  avantage. 

KEGIS  ROY 


—  350  — 

REPONSES 


-  Femme  noble,  mari  roturier  (Vol.  XXVII,  pp.  282,  311) . — Sous  l'an- 
cien régime,  une  femme  noble  qui  épousait  un  roturier  perdait-elle  le  pri- 
vilège de  sa  noblesse  ? 

"La  femme  qui  a  un  fief  anoblissant  et  de  grande  dignité,  dit  de  la 
Eoque,  et  qui  épouse  un  inférieur,  ne  perd  })as  la  noblesse  que  la  posses- 
sion d'un  tel  fief  peut  lui  donner,  car  le  mari  est  anobli  par  l'investiture 
et  la  possession  qu'il  en  a." 

"Si  la  femme,  dit  de  son  côté  Abraham  Fabert,  commentant  l'article 
11  de  la  Coutume  de  Lorraine,  est  reine,  princesse  souveraine,  marquise, 
duchesse,  comtesse,  ou  possédant  autre  fief  de  dignité  qui  est  noblesse 
annexée,  que  nous  disons  noblesse  réelle,  et  qu'elle  épouse  un  roturier,  il 
sera  par  la  possession  de  ce  fief  de  dignité,  anobli,  et  cessera  sa  première 
condition." 

"Quand  la  femme  possède  un  marquisat,  un  comté,  une  baronnie  ou 
quelque  autre  seigneurie,  son  mari  a  le  droit  de  se  dire  et  de  se  qualifier 
marquis,  comte,  baron,  seigneur  d'un  tel  lieu."  (Pothier,  Traité  de  la 
puissance  maritale.) 

Suivant  une  vieille  coutume  de  Naples,  dit  François  de  St-Pierre, 
cité  par  Christin,  (Jurisprudencia  heroica)  le  mari  d'une  comtesse  prend 
place  parmi  les  comtes. 

Il  a  existé  de  tout  temps  une  différence  radicale  entre  la  femme  sim- 
plement noble  et  la  femme  investie  d'un  fief  titré  ou  d'un  titre  nu  de  di-" 
gnité.  Dans  ce  dernier  cas  le  mari  d'une  duchesse,  marquise,  comtesse 
pour  recevoir  communication  de  la  dignité  et  du  titre  de  sa  femme  n'a  pas 
besoin  d'être  noble  par  lui-même.  Il  se  trouve  anobli'  par  son  mariage 
qui  le  met  en  possession  légitime  du  fief  ou  du  titre  de  sa  femme. 

Si  la  femme  ne  jouit  pas  du  droit  particulier  de  transmission  de 
noblesse,  et  si  son  mari  est  roturier  elle  perd  sa  noblesse  par  le  fait  de  son 
mariage. 

EEGIS  EOY 


Ronald  MacDonald  {Yol.  XXYIÏ, -p^.  244,  319).— Ce  que  Mgr 
Amédée  Gosselin  en  dit  (Bulletin  des  R.  H.  de  octobre  1921)  est  la 
réponse  à  des  questions  que  Je  me  suis  maintes  fois  posées.  Ce  M.  Mac- 
Donald  compte,  en  elïet,  parmi  les  anciens  instituteurs  de  Saint-Laurent 


—  551  ™ 

dé  l'île  d'Orléans.       On  me  permettra  donc  de  reproduire  ici  l'alinéa  que 
je  lui  consacre  dans  mes  Figures  d'hier  et  d'aujourd'hui  : 

"J'ai  souvent  entendu  mentionner  le  nom  de  ce  quatrième  titulaire 
que  mon  père,  en  particulier,  estimait  fort  érudit.  S'il  était  ainsi,  pour- 
quoi avait-il  accepté  la  direction  d'une  école  rurale,  à  cette  époque  de  sa- 
laires de  famine  ?  Parce  que  les  circonstances  l'y  avaient  forcé  en  atten- 
dant une  meilleure  position.  Saint-Laurent,  oii  il  a  laissé  un  excellent 
souvenir,  eût  été  heureux  de  le  retenir  plus  longtemps,  mais  il  démissionna 
pour  accepter  la  position  de  rédacteur  du  Canadien. 

Je  ne  puis  préciser  davantage  l'époque  de  son  passage  dans  ma 
paroisse  natale,,  qui  a  eu  pour  professeurs  quatre  anciens  élèves  du  sémi- 
naire de  Québec  :  MM.  MacDonald,  Toussaint,  Couture  et  Lapierre. 

Le  niveau  auquel  monte  notre  école  sous  le  règne  de  ces  professeurs, 
est  une  nouvelle  preuve  que  la  culture  classique  prépare  merveilleusement 
à  toutes  les  carrières. 

CHAÎ^OmE  GOSSELIN 


Le  nom  de  Mingan  (XXVII,  p.  118). — A.-B.  voudrait  connaître 
l'origine  du  nom  Mingan.  Il  a  lu  que  c'était  un  nom  sauvage,  mais  un 
doute  le  porte  à  demander  si  ce  nom  n'aurait  pas  plutôt  été  emprunté  à  la 
carte  géographique  de  France.  Nous  avons  consulté  la  Grande  encyclo- 
pédie de  France  et  le  mot  Mingan  ne  se  rapporte  qu'à  l'endroit  connu  au 
Canada.  Mingan  est  un  nom  algonquin,  tribu  des  montagnais,  et  signifié  : 
Le  loup.      Il  parait  dans  l'acte  de  concession  de  la  seigneurie  en  1661. 

EEGIS  EOY 


LES  DISPARUS 


Henri-Gaston  Testard  de  Montigny  naquit  à  Saint- Jérôme  le  27  mai 
1870  et  décéda  à  Montréal  le  3  octobre  1914. 

Ent  librairie,  il  n'a  publié  qu'un  seul  livre,  l'Etoffe  du  pays, 
Montréal,  Deom  Frères,  1901,  mais  il  a  éparpillé  toute  une  série  d'articles 
dans  V Avenir  du  Nord,  la  Revue  Canadienne,  leMonde  Illustré,  La  Presse, 
lePasse-Temps,  le  Pionnier,  les  Débats,  le  Nationaliste  etc.  Ecrivain  très 
littéraire  et  fort  averti,  on  pourrait  tirer  de  son  oeuvre  un  joli  volume  de 
pages  choisies. 

^  X.  Y.  Z. 


—  352  — 

LE  FILS  DE  LEMOYNE  DE  STE-HELENE 


Dans  la  Presse  du  23  juillet  dernier,  K.  G.  P.  (Petites  Choses  de  no- 
tre histoire)  nous  fournit  d'intéressants  renseignements  sur  le  fils  de 
Lemoyne  de  Ste-Hélène.  Après  nous  avoir  dit  comme  il  mécontenta  son 
oncle  de  Bienville,  durant  son  séjour  à  la  Louisiane,  il  ajoute  que  de  Ste- 
Hélène  fils  dut  mourir  en  Louisiane  ou  passer  en  France  puisque  l'on 
n'entend  plus  parler  de  lui  après  1713.  En  consultant  Laffilard,  E.  G.  P. 
aurait  pu  voir  que  Ste-Hélène,  garde-marine  à  Rochefort  en  1706,  puis 
muni  d'une  expectative  d'enseigne  à  la  Louisiane  en  1715,  fut  tué  à  la 
guerre  des  Sauvages  en  1716.  Ces  faits  sont  confirmés  par  Bénard  de  la 
Harpe,  dans  son  Journal  historique  de  V établissement  des  Français  à  la 
Louisiane,  qui  nous  apprend  d'abord  l'arrivée  à  l'Ile  Dauphine  en  septem- 
bre 1711  du  navire  la  Renommée  portant  à  son  bord  M.  de  Ste-Hélène, 
garde-marine,  qui  venait  pour  servir  d'aide  de  camp  à  son  oncle. 

Voici  comment  Bénard  de  la  Harpe  raconte  la  mort  de  Ste-Hélène 
(|ui  serait  arrivée,  non  en  1716,  comme  le  dit  Laffilard,  mais  vers  juillet 
1715.  N'ayant  pas  le  texte  original  français  sous  la  main,  nous  tradui- 
sons de  la  version  anglaise  publiée  par  B.  F.  French,  dans  le  vol.  ITI  des 
Historical  Collections  of  Louisiana  (p.  44)    : 

"Dans  le  mois  de  juillet  1715,  une  pirogue,  conduite  par  des  Aliba- 
mons,  arriva  au  fort  (Mobile)  avec  un  Canadien  et  un  Anglais  ;  ils  rap- 
])ortèrent  que  plusieurs  des  tribus  sauvages  de  la  Caroline  étaient  tombées 
sur  les  Anglais  dans  leurs  villages  et  les  avaient  massacrés,  y  compris  ceux 
de  Pôrt-Royal.  Cette  révolte  a  coûté  aux  Anglais  environ  800  pertes  de 
vie.  M.  de  Ste-Hélène  se  tenait  à  ce  moment  dans  la  cabane  de  l'un  des 
Chicachas  avec  plusieurs  Anglais.  Comme  un  des  chefs  allait  lui  dire  de 
se  mettre  à  l'écart  et  de  ne  rien  craindre,  deux  jeunes  sauvages^ qui  s'é- 
taient glissés  dans  la  cabane,  le  virent  et,  le  prenant  pour  un  anglais,  le 
tuèrent  à  bout  portant.      Il  fut  vivement  regretté  de  toute  la  colonie". 

Cette  dernière  phrase  nous  laisse  espérer  que,  depuis  1713,  le  jeune 
de  Ste-Hélène  avait  eu  le  temps  de  s'amender. 

AEGIDIUS  FAUT  EUX 


BUI^LKTIN' 


DES 


RECHERCHES   HISTORIQUES 

V0L..XXV1I  BEAUCEVILLE- DECEMBRE  1»2I  No  12 

LE  PALAIS  OCCUPE  PAR  M.  DE  TRACY 
A  QUEBEC  EN  1665-1666 


Dès  1663,  il  y  avait  à  Québec  une  maison  connue  sous 
le  nom  de  Palais.  Quel  était  ce  Palais  ?  Où  était-il  situé  '^ 
Voilà  deux  questions  que  feu  l'honorable  M.  P.-J.-O.  Clian- 
veau  posait  à  nos  chercheurs  en  1885.  .  Personne,  il  uoun 
semble,  n'a  encore  répondu  à  ces  questions. 

Nous  croyons  être  en  mesure  de  dire  ce  qu'était  le 
Palais  et  d'indiquer  le  site  de  cet  édifice. 

Et  d'abord  relevons  l'existence  du  P(^//rt /.s. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  Conseil  Souverain 
tenue  le  14  noveml^re  1663,  dit  : 

"En  conséquence  de  l'aifiche  faite  dimanche  dernier 
portant  qu'offres  au  rabais  seraient  ce  jourd'huy  reçues 
pour  les  réparations  et  augmentations  à  faire  tant  au  fort 
St-Louis,  à  la  maison  à  i)résent  dite  le  Palais,  qu'au  ])ri- 
gantin,  et  a})rès  que  Jean  Lemire,  maître  charpentier,  et 
Jean  Monfort,  maître  maçon,  se  sont  présentés  et  qu'ils  ont 
représenté  leurs  ])rocès- verbaux  de  A'isite  du  passé,  le  Con- 
seil a  ordonné  et  ordonne  que  de  nouveau  ils  feront  visite 
des  dites  choses  vendredi  prochain,  du  matin,  et  qu'ils  en 
dresseront  leur  prcx^ès-verbal  en  présence  des  sieurs  de  la 
Ferté  et  Damours.  commissaires  députés  pour  ce  voir  faire, 
pour  sur  leur  rapport  être  ordonné  ce  que  de  raison." 


...  354  — 

Le  28  novembre  1663,  le  Conseil  Souverain  reçoit  de 
nouvelles  offres  pour  les  réparations  au  château  Saint- 
Louis  et  au  Palais. 

Le  5  décembre  1663,  troisièmes  offres  au  rabais  pour 
les  réparations  au  château  Saint-Louis  et  au  Palais. 

Enfin,  le  12  décembre  1663,  ainsi  que  le  voulait  la  loi, 
le  Conseil  Souverain  s'assemble  de  nouveau  pour  ])rocéder 
«ette  fois  à  l'adjudication  des  travaux.  Les  charjjen- 
tiers  Antoine  Rouillard  et  Jean  Chénier  ayant  fait  les  of- 
fres les  plus  avantageuses  obtiennent  le  contrat  de  nienui- 
«erie  pour  une  sonune  de  2930  livres.  Quant  aux  travaux 
4e  maçonnerie,  le  Conseil  Souverain,  peu  satisfait  des  of- 
fres faites,  les  remet  à  plus  tard. 

Une  délibération  du  Conseil  Souverain  en  date  du  25 
.]uin  1665  nous  ex])lique  le  pourquoi  des  réparations  qu'on 
fit  subir  au  château  Saint-Louis  et  au  Palais  en  1663,  1664 
et  1665  : 

**Le  Ccmseil  attendu  que  le  Palais  est  réservé  et  qu'on 
y  travaille  incessaimnent  pour  y  loger  Monseigneur  de 
Tracy  a  ordonné  qu'affiches  seront  mises  pour  faire  sa- 
Toir  à  tous  que  le  Conseil  se  tiendra  aux  jours  ordinaires 
dans  la  maison  de  Lavigne,  huissier,  où  il  se  tenait  ci-de- 
Tant.  '  ' 

C'est  donc  le  Palais  qui  servit  de  résidence  à  M.  de 
Tracy  pendant  les  quelques  mois  qu'il  passa  à  Québec,  de 
1665  à  1666. 

Demandons-nous  maintenant  quel  était  ce  Palais  et  où 
il  était  situé  ? 

Le  Palais  faisait-il  partie  des  dépendances  du  château 
Sahit-Ijouis  ou  tout  au  moins  était-il  situé  dans  l'enceinte 
an  fort  ? 

Non. 

C'est  en  1620  que  Chaïnplain  fit  commencer  la  cons- 
tru(;tion  du  fort  Saint-Louis.  Cette  habitation,  toute  en 
bois,  fut  rasée  en  1626  et  remplacée  la  même  année  par  un 
fort  plus  spacieux  ''avec  fascines,  terres,  gazons  et  bois." 
C'est  dans  ce  deuxième  château  Saint-Louis  que  mourut 
Champlain  le  25  décembre  1635.      Dès  son  arrivée  dans  la 


—  355  — 

Nouvelle-France,  M.  de  Montmagny  fit  reconstruire  en 
pierre  le  tort  Saint-Louis  édifié  par  Champlain.  En  1647, 
M.  de  Montmagnv  jetait  les  fondements  du  "corj)s  de 
logis  ^'  qui  jusqu  à  1694  devait  porter  le  nom  de  château 
Saint-Louis.  Il  est  certain  qu'en  1665,  lors  de  Parrivée 
de  M.  de  Tracy  à  Québec,  il  n'y  avait  qu'un  seul  bâtiment 
de  quelque  inii3ortance  dans  l'enceinte  du  fort  de  Québec. 
C'était  le  fort  même  qu'on  désignait  aussi  sous  le  nom  de 
château  Saint-Louis. 

Il  faut  donc  chercher  ailleurs. 

Dans  la  carte  de  Jean  Bourdon  intitulée  Plan  du  haut 
et  du  bas  de  Québec  comme  il  est  en  Van  1660,  on  voit  indi- 
qué, au  pied  du  Mont-Carmel,  un  peu  en  bas  de  la  partie 
nord-est  du  Jardin  du  Fort  actuel,  un  bâtiment  d'assez 
yastes  dimensions  que  la  légende  au  bas  de  la  carte  désigne 
comme  suit  :  Sénéchaussée. . 

La  Sénéchaussée  avait  été  établie  à  Québec  par  le  gou- 
verneur de  Lauzon  peu  après  son  arrivée  à  l'automne  de 
1651.  Le  gouveiTieur  nomma  son  fils  aîné,  Jean  de  Lau- 
zon, grand-sénéchal  de  la  Nouvelle-France. 

M.  l'abbé  Ferland  écrit  : 

**Les  salles  et  les  bureaux  de  la  sénéchaussée  étaient 
placés  dans  une  maison,  située  en  partie  sur  l'emplacement 
qu'occui)e  aujourd'hui  le  palais  de  justice  à  Québec.  Lors- 
que plus  tard,  le  palais  dé  l'intendant  eut  été  bâti  sur  les 
bords  de  la  rivière  Saint-Charles,  les  bâtiments  de  la  séné- 
chaussée furent  abandonnés  ;  et,  en  1681,  l'emplacement 
avec  les  ruines  fut  donné  par  le  roi  aux  Récollets,  qui  fini- 
rent par  y  transporter  leur  couvent Le  grand-séné- 
chal occupa,  pendant  quelque  temps,  une  partie  du  bâti- 
ment connu  sous  le  nom  de  sénéchaussée.  S 'étant  retiré, 
après  le  départ  de  son  père,  à  sa  terre  de  Beaumarchais,  il 
autorisa  M.  Louis-Théandre  Chartier,  alors  lieutenant- 
général  civil  et  criminel,  à  occuper  les  mêmes  apparte- 
ments." (1) 

M.  l'abbé  Ferland  n'est  pas  tout  à  fait  exact  ici.  Le 
bâtiment  qu'occupa  le    grand-sénéchal    de    la    Nouvelle- 

(1)  CoMr$  d'histoire  du  Canada,  vol.  1er,  p.  402. 


—  35(i  — 

France  n'était  pas  la  Sénéchaussée  bâtie  sur  le» site  actuel 
(lu  palais  de  justice  mais  une  autre  Sénéchaussée  qui  s'é- 
levait de  l'autre  côté  de  la  rue  Saint-Louis,  à  peu  près  où 
on  vient  de  bâtir  la  nouvelle  aile  du  château  Frontenac. 
M.  l'abbé  Ferland  a  donc  confondu  le  second  bâtiment  de 
la  Sénéchaussée  avec  le  premier. 

En  effet,  la  Sénéchaussée  occupa  successivement  deux 
immeubles.      Et  voici  nos  preuves. 

Le  28  mai  1681,  le  roi  de  France  accordait  aux  Récol- 
lets une  place,  située  en  la  haute-ville  de  Québec,  sur  la- 
quelle était  ci-devant  bâtie  la  maison  de  la  Sénccliaussée. 
C'est  le  site  actuel  du  j^alais  de  justice  de  Québec.  Comme 
les  Récollets  commencèrent  presque  aussitôt  la  construc- 
tion de  leur  couvent,  il  est  donc  certain  que  la  maison  de  la 
Sénéchaussée  ^( la  deuxième)  était  disparue. 

La  maison  qui  servit  à  la  Sénéchaussée  établie  en  1651 
et  qui  fut  aussi  occupée  par  le  grand-sénéchal  ne  disparut 
qu'en  1711  comme  nous  le  constatons  par  l'ordonnance 
suivante  de  l'intendant  Raudot  du  14  mai  1711  : 

'  '  Sur  ce  qui  nous  a  esté  représenté  par  le  sieur  de 
Beaucours  capne.  et  faisant  les  fonctions  d'ingénieur  en  ce 
païs  qu'il  y  a  une  maison  appellée  la  Sénéchaussée  cy-de- 
vant  appartenant  au  sr  de  Becancourt  et  dont  il  a  reçu  le 
remboursement,  laquelle  se  trouvant  dans  la  ]jlace  du  châ- 
teau St-Louis,  il  serait  nécessaire  de  la  démolir  ce  qu'on  n'a 
pas  fait  jusques  à  présent,  parce  que  les  intendants  nos 
prédécesseurs  et  nous-même,  voulant  épargner  l 'argent  du 
Roy,  ont  toujours  cru  trouver  quelqu'un  qui  prendrait  les 
démolitions  en  payement  des  travaux  qu'il  faudrait  faire 
pour  la  mettre  à  bas,  ce  qui  n'est  pas  arrivé  jusques  à  pré- 
sent, et  connue  Me.  Maillon,  entrepreneur  des  fortifications 
de  cette  ville,  ayant  besoin  présentement  de  partie  des  dé- 
molitions de  cette  maison  pour  servir  ijour  quelques  ouvra- 
ges qu'il  a  entrepris  il  offre  de  démolir  la  cf.  maison  sans 
rien  demander  autre  chose  pour  la  dépense  qu'il  fera  pour 
y  parvenir  que  les  matériaux  qu'il  en  tirera,  offrant  encore 
de  porter  et  de  prendre  ce  qui  ne  luy  sera  pas  nécessaire 
dans  les  endroits  de  la  d.  i^lace,  ou  en  d'autres  qui  lui  se- 


— .)')  i 


ront  marqués,  il  a  crû  être  obligé  de  nous  donner  avis  des 
propositions  qui  luy  ont  été  faites  i^ar  le  d.  Maillon  et  de 
requérir  la  démolition  de  la  d.  maison  aux  conditions  cy- 
dessus  proposées,  croyant  la  d.  démolition  nécessaire  pour 
l'agrandissement  de  la  place  du  Fort  St-Louis,  et  les  pro- 
positions cy-dessus  énoncées  avantageuses  au  Roy,  à  quoy 
avant  éiïard. 


fe« 


*'Nous  permettons  à  Me.  Maillon  de  démolir  la  d.  mai- 
son cy-devant  appelée  la  Sénéchaussée  à  la  charge  qu'il 
rendra  la  place  où  est  construite  la  d.  maison  nette  et  sans 
qu'il  j)uisse  j) rétendre  autre  chose  pour  les  travaux  qu'il 
fera  que  les  démolitions  d'ycelle  lesquelles  il  pourra  trans- 
porter pour  ce  qui  luy  sera  utile  dans  tel  endroit  qu'il  juge- 
ra à  propos  et  le  surplus  qu'il  le  fera  porter  dans  les  en- 
droits qui  lui  seront  marqués  par  le  d.  s.  de  Beaucours!" 

Pour  nous,  le  Palais  que  le  Conseil  Souverain  tit  amé- 
nager ]}o\\v  recevoir  M.  de  Tracy  en  1665  était  tout  simple- 
ment la  première  Sénéchaussée  de  Québec  située  da^is  la 
place  du  château  Saint-Louis  et  que  l'intendant  Raudot, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  fit  détiuire  en  1711. 

Nous  appuyons  notre  théorie  sur  deux  i)ièces  pro- 
bantes : 

Le  6  octobre  1700,  MM.  de  Callières  et  Bochart  Cham- 
pigny  envoyaient  au  ministre  un  plan  de  la  haute-ville  de 
Québec.  Précisément  à  l'endroit  où  quarante  ans  plus 
tôt,  dans  son  Plan  du  haut  et  du  bas  de  Québec,  Jean  Bour- 
don plaçait  la  Sénéchaussée,  MM.  de  Callières  et  Bochart 
Champigny  indiquaient  un  bâtiment  de  mêmes  dimensions 
avec  la  légende  :  "Maison  du  Roi  qui  servait  autrefois  de 
l^rison,  dont  le  fond  appartient  aux  héritiers  de  M.  de  Bé- 
cancour.  "  De  plus,  un  jugement  du  Conseil  Souverain  du 
23  avril  1668  dit  :  * 

"Yen  le  procès  extraordinairement  encommencé  par- 
devant  le  lieutenant  civil  et  criminel  de  cette  ville  à  la  re- 
quête du  procureur  fiscal  de  la  Compagnie  des  Indes  Occi- 
dentales, seigneurs  de  ce  paiys,  demandeurs  contre  Jacques 


...  358  — 

Bigeoii,  prisonnier  ez  prisons  de  la  conciergerie  du  palais 
de  la  juridiction  ordinaire  de  cette  dite  ville  (de  Qué- 
bec)   

Le  palais  de  la  juridiction  ordinaire  mentionné  iei  est 
sans  aucun  doute  possible  le  Palais  occupé  par  M.  de  Tracy 
en  1665  et  1666. 

P.  G.  R. 


DOMINIQUE    LEFEBVRE,    SIEUR   DU 
GUESCLIN,  ENSEIGNE  AU  REGI- 
MENT DE  CARIGNAN 


Depuis  une  trentaine  (J'amiées  on  a  retracé  bon  nombre  d'officiers  du 
régiment  de  ( -arignan.  En  voici  un  qui  n'a  pas  fait  grand  tapage  mais  qui 
n'en  appartenait  pas  moins  au  célèbre  régiment.  Il  se  nommait  Dominique 
Lefebvre,  sieur  du  Guesclin,  et  avait  le  grade  d'enseigne.  Il  est  probable 
qu'il  retourna  en  France  à  l'automne  de  1667  ou  l'année  suivante. 

("est  un  acte  du  notaire  Gilles  Rageot,  de  Québec,  du  36  août  1667, 
quî  nous  permet  de  sortir  ce  beau  nom  de  la  poussière  de  l'oubli. 

I/acte  dit  : 

"Pardevant  le  d.  Xore,  fut  présent  en  sa  personne  Domijiique  Lefeb- 
vre escuyer  sieur  du  Guesclin,  enseigne  d'une  compagnie  au  régiment  de 
Carignan-Salières,  lequel  vollontai rement  et  du  consejitement  de  Monsei- 
gneur de  Tracy  s'est  demis  et  démet  par  ces  présentes  de  la  ditte  charge 
d'enseigne  et  de  son  drapeau  envers  Antoine  de  laf renée  escuyer  sieur  de 
Brucy  à  ce  présent  et  acceptant  pour  luy  la  ditte  charge  d'enseigne  et 
drapeau,  et  ce  moyennant  le  prix  et  somme  de  cinq  cens  livres  monnaye  de 
France  et  y  ayant  cours  que  le  sieur  du  Guesclin  a  reconnu  et  confessé  avoir 
eu  et  reçu  par  l\)rdre  et  des  deniers  du  d.  seigneur  de  Tracy  dont  il  s'est 
tenu  pour  comptant,  satisfait  et  bien  payé  et  en  a  quitté  et  quitte  le  d. 
sieur  de  Brussy  et  toutes  autres  promettant,  etc  obligeant  etc  renonçant 
etc.  Fait  et  passé  au  d.  Québec  en  l'hôtel  de  m.  d.  seigneiir  le  vingt- 
sixième  jpur  d'août  mil  six  cent  soixante  sept  près  midy. " 

P.  G.  R. 


—  359 


FRANÇOIS  LA  BERNARDE,  SIEUR  DE 

LAPRAIRIE,  PREMIER  INSTITUTEUR 

LAIOUE  DE  MONTREAL 


Sur  le  gratte-ciel  qui  s'élève  maintenant  au  coin  sud-e.st  dess  rues 
Notre-Dame  et  Saint-Sulpice,  on  remarque  une  plaque  de  marbre  |)or- 
talit  l'inscription  suivante  : 

"Hère  Monsieur  de  Laprairie  Opened  the  Ist  Private  Sch«K)l  in  Mon- 
tréal, 1683." 

Bien  des  gens  se  demandent  quel  était  ce  Monsieur  de  Tjaprairie 
mais  leur  question  n'obtient  pas  toujours  de  réponse  parce  que  les  iaits  et 
gestes  d'un  obscur  instituteur  n'ont  pas  encore  intéressé  nos  historiens. 

11  faut  donc  jeter  quelque  lumière — oh  !  bien  peu — sur  ce  ]»ersonhage 
des  {)remiers  temps  de  Ville-Marie. 

François  La  Jiernarde,  sieur  de  Laprairie,  de  "son  nom  au  long  et 
exact,  était  m\  huissier  royal  qui  pratiqua  comme  tel  à  Sorel,  en  iHîtî  et 
1677.       (Adhémar,  38  sept.  1676  et  11)  juil.  1677). 

En  cette  dernière  année  il  quitte  Sorel  jM)ur  se  rendre  à  Charaplain 
et  semble  y  faire  un  assez  long  séjour. 

Le  1er  mai  1683,  on  le  rencontre  à  Montréal,  'où  il  loue  de  Jeanne 
Godart,  veilve  de  Pierre  Pigeon,  luie  maison  sise  au  coin  des  rues  Notre- 
Dame  et  Saint-Sulpice,  dans  le  but  d'y  ouvrir  une  école. 

Ce  bail,  tant  pour  son  objet  que  pour  certaines  de  si's  clauses,  de- 
vrait intéresser  nos  lecteurs  et  nous  en  extrayons  les  clauses  principales  : 

"Une  maison  de  bois  de  pièce  sur  pièce,  consistant  en  une  chambre  ^ 
feu,  deux  cabinets,  cave  et  grenier,  tenant  j)ar  devant  à  là  rue  Saint- 
Joseph,  par  derrière,  au  jardin  et  enclos  de  Pierre  Chantreau,  bedeau  : 
d'un  bout  à  une  petite  maison  où  la  dite  veuve  se  retire  ({uand  elle  vient  en 
ville.  .  .  .à  la  charge  par  ledit  preneur  d'entretenir  la  maison,  d'arborer, 
aux  jours  de  fêtes  du  S.  Sacrement,  le  devant  de  ladite  maison  de  ra- 
meaux à  l'usage  de  ce  lieu  et  de  payer  à  la  dame  Pigeon  la  stmime  de  55 
livres  en  deux  paiements  égaux " 

Pendant  combien  de  tem[>s,  M.  de  La  Beniarde  demeura-t-il  à 
Montréal,  et  reçut-il  l'encouragement  qu'il  escomptait  ?  Pas  plus  qu'un 
an  ou  deux,  car  en  1685  un  document  sous  seing  privé  nous  fait  voir  que 
le  curé  Séguenot,  de  la  l'ointe-aux-Trembles,  acquitte  pour  Lu  Bernardo 


—  300  — 

un  billet  que  celui-ci  avait  signé  le  \'l  juillet  1683  en  faveur  de  M,  de  La 
Mothe.  •  • 

Le  19  de  juillet  1688,  il  dresse  avec  le.  consentement  du  curé  de 
Fendroit,  l'abbé  Séguenut,  le  contrat  de  mariage  d'Antoine  Galipeau  et  de 
Marie  Cantin, 

Peu  après,  le  20  octobre  1688,  le  notaire  Adhémar  va  rédiger  un  acte 
à  la  Pointe-aux-Trembles  et  l'un  des  témoins  n'est  autre  que  "François 
La  Bernarde,  maistre  d'escolle".  Jl  exerçait  donc  alors,  sa  profession, 
au  bout  de  l'île.  Enfin,  au  bas  d'une  j)ièce  judiciaire  du  13  avril  1687, 
on  lit  : 

"Collationné  par  François  La  Bernarde,  notaire  (!)  de  la  Pointe- 
"aux-Trembles,  ce  31  décembre  1688". 

llinsuite,  nous  ])erdons  sa  trace. 

M.  La  l^ernarde  de  Laprairie  est  sans  doute  le  premier  instituteur 
laïque  de  Montréal,  et,  comme  tel,  il  a  droit  à  une  mention  dans  l'histoire 
de  notre  ville,  toutefois,  on  aurait  tort  de  croire  qu'il  est  le  premier  qui  se 
Sftit  spécialement  oc(ai]>c  de  l'instruction  des  garçons  en  cette  localité. 

Suivant  M.  Jacques  Viger,  cet  honneur  reviendrait  à  Monsieur  l'abbé 
Souaxt,  premier  curé  de  Yille-Marie  qui,  dès  1661,  se  dévoua  à  l'enseigne- 
ment et  s'occupa  de  cette  oeuvre,  directement  ou  indirectement,  j)endant 
plus  de  vingt-cinq  ans  ainsi  que  nous  le  ferons  voir  dans  nos  notes  sur  un 
autre  document  inédit:  concernant  les  écoles  de  Montréal. 

E.-Z.  MASSICOTTE 


PIERRE  DE  SAINTE-MARIE     . 


M.  de  Sainte-Marie  fut  envoyé  comme  officier  des  troupes  à  l'île 
Royale  dès  les  premières  années  du  dix-huitième  siècle.  Il  y  mourut  ca- 
pitaine en  1729  ou  1730. 

Son  fils  aîné  fut  fait  enseigne  à  l'île  Eoyale  le  6  mai  1730.  Lieute- 
nant le  1er  avril  1739,  il  fut  nommé  capitaine  d'une  compagnie  de  cauon- 
niers  bombardiers  le  1er  mai  1743. 

Pierre  de  Sainte-Marie,  fils  cadet  du  capitaine  de  Sainte-Marie,  ob- 
tint également  une  expectative  d'enseigne  à  l'île  Royale  le  10  mai  1728. 
Enseigne  en  sec(md  le  25  mars  1730,  il  fut  fait  enseigne  en  pied  le  25  juil- 
let 1732,  et  lieutenant  en  1737. 

Le  1er  avril  1737,  il  se  retirait  du  service  avec  une  pension  de  600 
livres.  Malade,  il  entra  à  l'Hôpital-Général  de  Québec  où  il  décéda  le  6 
juin  1754. 


—  :361  — 

LA  PAROISSE  DU  CANADA 


«KM ARQUE  PRELIMINAIRE 


Quand  ou  parle  de  paroisse  au  Canada,  il  ne  peut  être  question  que 
du  Canada  français,  c'est-à-dire  de  la  province  de  Québec,  et  c'est  d'elle 
seulement  que  je  parle  ici.  Outre  que  la  province  de  Québec  est  la  seule 
où  s'applique  le  droit  civil  français,  la  tradition  n'a  pas  pu  ou,  du  moins, 
n'a  pas  été  de  fait  conservée  dans  les  autres  paroisses  quant  à  l'organisa- 
tion du  culte  et  surtout  quant  au  système  paroissial. 

rONDATlCTK  DES  PAROISSES  A  L'ORIGINE,  1608-1658 

L'origine  des  paroisses  ne  se  perd  pas  dans  la  nuit  des  temps,  mais 
elle  se  confond  avec  l'origine  de  la  Nouvelle-France.  En  1608,  Cham- 
plain  fonde  Québec.  En  1615,  il  obtient  trois  pères  Réeollets  pour  inau- 
gurer la  Mission  du  Canada.  En  1625,  les  Récollets  appellent  les  Jésuites 
à  lexir  aide  6t  trois  pères  de  la  Cie  de  Jésus  viennent  se  joindre  à  eux.  Eu 
1629,  après  la  prise  de  Québec  par  Kertk,  tous  les  missionnaires  retour- 
nent en  France,  et  en  1632,  après  le  traité  de  St-Germaiu-en-Laye,  les. 
Jésuites  furent  seuls  chargés  des  missions  de  la  Nouvelle-France,  jusqu'en 
1659,  année  de  l'arrivée  de  Mgr  de  Laval,  vicaire-apostolique,  sacré  évêque- 
de  Pétrée  en  1658. 

Evidemment,  de  1615  à  1658,  ce  fut  une  période  de  simple  missiom 
pendant  laquelle  on  iie  pensa  guère  à  l'organisation  temporelle  de  l'EgUse 
du  Canada.  Cependant,  il  se  forma  ça  et  là  des  établissements  canadiens, 
germes  de  futures  paroisses  :  outre  Montréal,  Québec,  Trois-Rivières  et 
Tadoussac,  les  documents  de  l'éj)ociue  mentionnent  les  nouLS  de  plusieurs 
endroits  visités  par  les  missionnaires,  et  quelques-unes  de  ces  petites  co- 
lonies avaient  régulièrement  leurs  offices  paroissiaux.  Il  n'y  avait 
encore,  à  l'arrivée  de  Mgr  de  Laval,  que  trois  paroisses  Un  peu  organisées, 
Québec,  Montréal,  Beaupré  tVie  de  Mgr  de  Laval,  par  le  même  auteurV 

1658-1688 

En  arrivant,  Mgr  de  Laval  se  mit  à  l'oeuvre  de  l'organisation  de  son 
vicariat  apostolique  et  un  de  ses  premiers  actes  d'administration  fut  la 
création  d'une  officialité,  après  quoi  il  pourvut  aux  besoins  ;  spirituels  de 
s(m  troui)eau  :  aux  Jésuites  qui,  depuis  près  de  trente  ans,  évangélisaient 


...  362  — 

les  sauvages  dont,  seuLs,  ils  comprenaient  et  ]X)uvaieut  parler  la  langue, 
fut  «îévolue  la  (-liarge  de  continuer  leur  ministère  chez  les  indigènes  Jus- 
qu'aux endroits  les  plus  reculés  ;  la  colonie  de  Montréal  était  desservie 
par  les  Messieurs  de  Saint-Sulpice  ;  celle  de  Québec  par  d'autres  j)rêtres 
séculiers. 

En  1(5(53,  Mgr  de  Laval  fonde  son  séminaire  qui,  tel  que  conçu  dans 
son  esprit,  n'était  pas  seulement  un  collège  classique  ou  une  maison  de 
formation  et^clési astique,  mais  devait  être  comme  l'ôme  de  l'Eglise  de  la 
Nouvelle-France.  Les  prêtres  séculiers  feraient  partie  du  séminaire  lui- 
même.  Ijes  cures  toutes  amovibles  lui  sont  unies.  Le  séminaire  en 
leçoit  toutes  les  dîmes,  mais  il  est  obligé  de  pourvoir  à  la  subsistance  du 
curé.  Tous  les  biens  sont  en  commun,  et  cliacun  devait  pratiquer  le  ])lus 
l)arfait  es]>rit  de  désap])ropriation  et  considérer  le  séminaire  comme  sa 
anftison  où  il  jwurrait  venir  de  temps  en  .  temps  se  retremper  dans  les 
exercices  de  la  vie  spirituelle,  et  serait  toujours  assuré  d'y  trouver,  en 
maladie  et  A  la  7nort_,  un  lieu  de  refuge,  de  paix  et  de  consolation. 

[  ;  DE  1688  à  1831 

'  Tel  était  le  système  de  cure  existant  lorsque  Monseigneur  de  Saint- 
Vallier  remplaça  Monseigneur  de  Laval  comme  évêque  de  Québec.  Ce 
système  ne  pouvait  avoir,  même  dans  l'esprit  de  Monseigneur  de  Laval,  un 
caractère  définitif.  Il  était  le  système  des  gros  décimatewrs,  contre 
lequel  il  y  avait  en  France  un  mouvement  très  prononcé.  Monseigneur 
de  Saint- Vallier  qui  n'avait  pu  s'empêclier  d'admirer  la  charité  qui  unis- 
sait tous  les  membres  du  clergé  et  la  vertu  à  laquelle  le  séminaire  donnait 
partout  l'élan,  s'était  d'abord  proposé  de  ne  rien  changer.  Mais  sa  situa- 
tion n'était  pas  la  même  que  celle  de  son  prédécesseur  qui  avait  fondé  le 
séminaire  et  y  exerçait  une  influence  incontestée  par  l'ascendant  de  ses 
vertus  et  le  souveiur  impérissable  de  ses  services.  Peut-être  craignait-il 
que  laisser  l'administration  de  toutes  les  cures  au  séminaire  ne  lui  fût  une 
entrave  A  la  libre  administration  de  son  diocèse  ;  quoi  qu'il  en  soit,  il  re- 
vint sur  sa  détermination  et  brisa  le  système  des  cures  unies  au  séminaire 
pour  réduire  cette  institution  à  n'être  qu'une  maison  de  formation  ecclé- 
siastique. 

La  seule  règle  pour  l'érection  des  paroisses  paraît  avoir  été  le  droit 
canon.  De  la  fondation  de  la  colonie  à  la  cession  du  pays  à  l'Angleterre, 
l'évêque  seul  y  avait  pourvu  sans  l'intervention  du  pouvoir  civil,  et  les 
choiêes  en  restèrent  ainsi  depuis  la  cession  jusqu'en  1831. 


—  36:i  — 

DE  1831  A  N08  JOURS 

Eu  cette  année  1831,  on  adopta  une  loi  pourvoyant  à  l'érection  civile 
(les  paroisses.  C'est  encore  cette  loi  qui  régit  la  matière  avec  des  modi- 
fications apportées  dans  le  cours  des  temps.  Encore  aujourd'hui  comme 
autrefois,  comme  toujours,  c'est  l'autorité  ecclésiastique  qui,  à  son  gré, 
avec  une  entière  liberté  d'action,  suivant  les  règles  du  droit  canon  et  de  la 
discipline  établie  dans  chaque  diocèse,  érige,  subdivise,  démembre,  annexe 
les  paroisses.  C'est  l'érection  canonique  qui  fait  de  la  paroisse  une  cor- 
})oration  pouvant  posséder  des  biens,  poursuivre^  être  poursuivie,  c'est-à- 
dire  ester  en  justice,  en  un  mot  jouir  de  la  pleine  vie  civile. 

L'érection  civile  ne  donne  à  la  paroisse  canonique  que  les  effets  civils, 
c'est-à-dire  le  droit  de  se  constituer  en  municipalité  pour  lins  électorales, 
scolaires,  judiciain's  et  autres.-  L'autorité  ecclésiastique  n'a  aucun  inté- 
rêt à  faire  ériger  civilement  la  })aroisse  qu'elle  a  elle-même  érigée  canoni- 
(juement.  Les  paroissiens  seuls  sont  intéressés  à  obtenir  cette  érection 
civile  pour  se  constituer  en  municipalité  civile.  De  même  qu'une  paroisse 
simplement  canonique  ne  ])eut  former  une  municipalité  sans  l'interven- 
tion de  l'Etat,  de  même  ime  jjaroisse  que  l'Etat  érigerait,  sans  qu'elle  soit 
paroisse  canonique,  ne  serait  pas  une  cure. 

PROCEDrRES  DE  L'KRECTIOX  CANONIQUE  ET  CIVILE— RE- 
QI'ETE  SOLLICITANT    L'ERECTION    CANONIQUE 

Sur  requête  à  l'Ordinaire  d'une  majorité  des  francs-tenanciers  du 
territoire  dont  on  demande  l'érection  en  paroisse,  l'autorité  ecclésiastique 
députe  un  délégué  pour  vérifier  les  allégations  de  la  requête  et  dresser  un 
})rocès-verbal  de  corn  modo  el  incommoda. 

Un  avis  de  dix  jours  doit  être  donné  aux  intéressés  du  jour  et  du  lieu 
où  le  délégué  se  transportera.  L'avis  est  publié  et  affiché,  deux  diman- 
ches consécutifs,  à  l'issue  du  servic-e  divin  du  matin,  à  la  porte  de  l'église 
ou  cliapelle  de  chaque  paroisse  ou  mission  intéressée,  et  aussi  à  la  porte  de 
l'église  ou  chapelle  de  la  paroisse  ou  mission  où  les  intéressés  sont  desser- 
vis ;  et  à  défaut  d'église  ou  chapelle,  dans  le  lieu  le  plus  public  de  la  ré- 
sidence des  intéressés. 

C'est  alors  qu'intervient  le  décret  d'érection  canonique. 

AVIS  i^UE  L'ERECTION  CIVILE  SERA  DEMANDEE 

Le  décret  canonique  est  publié  deux  dimanches  consécutifs  au  prône 
des  églises  ou  chapelles  des  paroisses  ou  missions  intéressées,  avec  im  avis 


---364--- 

que,  sous  trente  jours,  de  la  dernière  publication  du  décret,  dix  ou  la  ma- 
jorité des  francs-tenanciers  mentionnés  en  la  requête  sur  laquelle  a  été 
rendu  le  décret  canonique  s'adresseront  aux  commissaires  pour  en  obtenir 
la  reconnaissance  civile. 

CONCESSION  DE  L'EEECTION  CIA' ILE 

Passé  ce  délai  de  trente  jours,  le  secrétaire  des  commissaires  trans- 
met au  lieutenant-gouverneur  le  décret  canonique  avec  un  certificat  at- 
testant qu'aucune  opposition  n'a  été  déposée  à  son  bureau,  ou  que,  ayant 
"été  déposée,  elle  a  été  rejetée. 

PEOCLAMATION  DE  L'ERECTION  CIVILE 

C'est  alors  que  peut  être  émanée  la  proclamation  sous  le  grand  sceau 
érigeant  la  paroisse  pour  les  fins  civiles. 

Cej)endant,  en  vertu  d'une  loi  passée  pour  faciliter  la  confection  du 
cadastre,  cette  proclamation  n'est  pas  émise  s'il  n'est  produit  un  diagram- 
me et  une  description  technique  de  la  paroisse  à  ériger  civilement,  dressés 
par  un  arj)enteur  et  approuvés  par  le  ministre  des  Terres  de  la  Couronne. 

DATE  DE  LA  LOI  EN  VIGUEUR 

La  loi  }K)urv()yant  à  l'érection  civile  des  paroisses  date  de  1831. 

POUVOIR  ABSOLU  DE  L'EVEQUE 

Depuis  la  fondation  de  la  Colonie  jusqu'en  1831,  c'est  l'évêque  seul, 
qui,  dans  la  plénitude  de  sa  liberté  d'action,  suivant  les  règles  du  droit 
canon  et  la  discipline  du  diocèse,  érige,  subdivise,  démembre,  annexe  les 
paroisses.  Aucune  loi  civile  ne  restreint  ses  pouvoirs,  la  confirmation 
par  le  pouvoir  civil  n'est  pas  même  requise. 

EDIT  DE  1749  RESTE  LETTRE  MORTE 

Un  édit  (avril  1695)  déclarait  que  "Ijes  archevêques  et  évoques  pour- 
ront, avec  les  solennités  et  procédures  accoutumées,  ériger  des  cures  dans 
les  lieux  où  ils  l'estimeront  nécessaire."  L'édit  de  1749  ordonna  qu'il  ne 
serait  fait  "aucune  chapelle  ou  autres  titres  de  bénéfices  dans  l'étendue  du 
royaume  sans  lettres  patentes",  mais  cet  édit  n'a  jamais  été  enregistré  au 
Conseil  Souverain,  et  n'a  jamais  été  en  vigueur  dans  la  Nouvelle-France. 

EFFETS  DE  L'ERECTION    CANONIQUE 

L'érection  canonique  fait  de  la  paroisse  une  corporation  pouvant  pos- 


—  3G5  — 

séder  des  biens,  poursuivre,  être  ])Oursuivie,  e'est-à-dire  ester  en  justice, 
en  un  mot,  jouir  de  la  jileine  vie  civile. 

SOUS  LE  EEGIME  SEIGNEURIAL 

Le  régime  seigneurial  qui  a  pris  fin  en  1854,  n'a  jamais  eu  rien  à  voir 
avec  l'érection  des  paroisses,  et  son  abolition  n'a  pu  rien  changer.  Un 
édit,  il  est  vrai,  fut  promulgué  en  1679,  à  la  faveur  duquel  les  seigneurs 
suscitèrent  des  difficultés  et  créèrent  des  embarras  à  l'évêque  surtout  quant 
à  la  construction  des  édifices  religieux.  Cet  édit  accordait  le  droit  de 
patronage  à  "celui  qui  aumônera  le  fonds  sur  lequel  l'église  paroissiale 
sera  construite,  et  fera  de  plus  tous  les  frais  du  bâtiment",  et  donnait  au 
seigneur  le  droit  de  préférence  à  tout  autre,  à  conditions  égales.  Mais  le 
cas  fut  péremptoirement  réglé  par  un  arrêt  du  Conseil  d'Etat,  le  27  mai 
1699,  qui  permit  h  l'évêque  de  bâtir  lui-même  des  églises  en  pierre,  là  où 
il  le  jugerait  convenable  pour  la  commodité  des  habitants,  auquel  cas  le 
droit  de  patronage  lui  appartiendrait. 

PEUT-OX  DIRE  QUE  LA  PAROISSK  A  FAIT  LE  CANADA 

FRANÇAIS 

Oui,  on  peut  dire  que  la  paroisse  a  fait  le  Canada  français.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  qu'elle  l'a  conservé.  Ce  fut  la  sauvegarde,  le  rempart  de 
notre  foi,  de  notre  langue,  de  nos  lois,  de  nos  institutions. 

Quand  arriva  la  nouvelle  du  traité  de  1763,  la  plupart  des  familles 
aisées,  les  fonctionnaires,  les  marchands,  les  hommes  de  loi  s'empressèrent 
de  quitter  un  pays  qui  ne  leur  offrait  plus  qu'une  perspective  de  persécu- 
tions, de  sujétions,  d'infériorité  perpétuelle.  .  .  .Mais  il  restait  encore 
une  soixantaine  de  mille  Canadiens  français  et  catholiques  :  le  clergé  eu 
masse  résolut  de  partager  leur  sort  et  de  remplir  à  leur  égard  jusqu'à  la 
fin  les  devoirs  d'un  ministère  tout  de  charité  et  de  consolations. 

Le  pays,  surtout  dans  le  gouvernement  de  Québec,  n'était  plus  qu'un 
amas  de  ruines  et  de  cendres.  L'envahisseur  avait  semé  l'incendie  sur 
les  deux  rives  du  Saint-Laurent.  La  capitale,  deux  fois  assiégée,  avait 
été  bombardée  et  presque  anéantie.  Les  habitants  ruinés  et  décimés,  ne 
songèrent  plus  qu'à  se  réfugier  sut  leurs  terres  pour  réparer  leurs  pertes  ; 
et,  s'isolant  de  leurs  nouveaux  maîtres,  ils  se  livrèrent  exclusivement  à 
l'agriculture. 

Pendant  trois  ans,  le  pays  fut  soumis  au  régime  militaire,  en  viola- 
tion des  capitulations.      Ne  connaissant  pas  la  langue  du  conquérant,  les 


—  366  — 

Canadiens  ignorèrent  les  juges  éperonnés  qui  remplaçaient  les  tribunaux 
civils  et,  sans  se  plaindre,  ils  réglèrent  leurs  différends  eux-mêmes,  ou  les 
firent  régler  j)ar  le  curé  ou  les  notables  du  lieu,  surtout  par  le  curé  dont 
L'influence  s'augmenta  par  là-même. 

C'est  alors  que  la  paroisse  canadienne  n'est  plus  seulement  un  corps 
canonique  ou  politique,  mais  une  âme.  Elle  est  devenue  une  famille, 
c'est  la  famille  amplifiée.  Le  père  de  famille,  c'est  le  curé.  Il  est  l'ami 
et  le  conseiller  de  ses  fidèles,  l'arbitre  de  ses  difïérends,  il  se  fait  le  méde- 
(•i;n  de  leur  corj)s  comme  de  leur  âme. 

Il  assume  les  fonctions  les  plus  diverses,  colonisateur,  missionnaire 
agricole,  voire  même  maître  d'école  quand  il  ne  se  trouve  personne  pour 
instruire  les  enfants:  Dans  l'administration  des  biens  de  la  fabrique, 
dont  le  marguillkr  im  charge  se  décharge  Nolontiers  sur  lui,  il  acquiert 
l'expérience  qui  en  fait  un  homme  d'affaires. 

La  vie  commune  avec  ses  vicaires,  la  seule  pratiquée  au  (^anaila,  an- 
glais comme  français,  non  seulement  l'engage  à  donner  le  bon  exemple  et 
entretient  en  lui  le  sens  de  la  sociabilité,  mais  assure  aux  jeunes  prêtres 
une  meilleure  formation  ecclésiastique,  complète  et  affermit  celle  qu'ils  ont 
reçue  au  (irand  Séminaire  ;  l'un  peut-être  de  ses  effets  les  plus  bienfai- 
sants, c'est  la  transmission  des  traditions  et  l'apport  de  paroisse  en  paroisse 
des  usages,  coutumes  et  réformes  qui  ont  fait  leurs  preuves  ici  et  là. 

Le  curé  et  ses  vicaires  s'appliquent  à  discerner  et  à  cultiver  les  voca- 
tions. Quand  Ils  ont  cojistaté  chez  un  enfant  des  aptitudes  à  la  forma- 
tion classique,  ils  lui  enseignent  les  éléments  du  latin  et  leur  procurent  les 
moyens  de  compléter  leurs  études  dans  lin  collège  ou  séminaire.  C'est  le 
clergé,  le  plus  souvent  un  sim])le  caré  de  campagne,  qui  a  fondé  toutes  nos 
institutions  d'enseignement  secondaire. 

COMMENT  EST  ETABLIE  LA  PIIOPKIETE  PAROISSIALE 

La  propriété  paroissiale,  c'est  l'église,  la  sacristie,  le  presbytère,  le  ci- 
metière et  la  salle  publique. 

Qu'est-ce  que  cette  salle  publique  ?  Yoici  tout  le  monde  va  à  la  messe 
le  dimanche,  excepté  ceux  qui  sont  retenus  à  la  maison  pour  la  garde  des 
enfants  en  bas  âge.  11  n'y  a  pas  de  mauvais  temps,  pas  de  tempêtes,  pas 
de  mauvais  chemins,  pas  de  froids  qui  tiennent,  on  y  accourt  de  12  à  15 
kilomètres.  L'Office  paroissial  ou  dominical,  avec  le  prône  du  curé,  c'est 
l'événement  de  la  semaine. 


...  :^67  — 

Oii  en  parle  sur  le  })erroii  de  l'église,  à  la  sortie  de  la  messe,  oa  en 
reparlera  à  la  maison,  toute  la  semaine,  jusqu'au  dimanche  suivant.  Avant 
la  messe,  des  parents  et  des  amis  qui  ne  se  sont  pas  vus  de  la  semaine  se 
rencontrent  sur  la  place  ;  des  salutations  s'échangent  et  les  conversations 
s'engagent  jusqu'à  ce  qu'on  leur  donne  le  signal  du  commencement  de  la 
messe. 

Or,  en  hiver,  ces  entretiens  ne  sont  guère  jwssible  sur  la  place  ou  sur 
le  perron  de  l'église.  On  a  donc  construit  ce  qu'on  appelle  une  salle 
publique,  c'est-à-dire  une  salle  ou  des  salles  d'attente  d(mt  on  se  sert  aussi 
pour  les  réunions  du  Conseil  municipal,  des  commissaires  d'école  et  par- 
fois même  pour  les  meetings  politiques. 

Quand  il  s'agit  de  construire  ou  réparer  l'un  de  ces  édiiices  religieux, 
la  majorité  des  francs-tenanciers  demande  à  l'Ordinaire  du  diocèse  l'auto- 
risation requise,  et  l'évêque  après  avoir  procédé  comme  {M>iir  l'érection 
d'une  paroisse,  émet  un  décret  en  réservant  l'a})probati()n  des  plans  et 
devis. 

Quand  l'autorité  ecclésiastique  a  donné  son  décret,  la  majorité  des 
francs-tenanciers  intéressés  s'adressent  à  dea  commissaires  nommés  à 
■cette  fin  par  l'Etat  dans  chaque  diocèse  pour  en  obtenir  l'autorisation 
d'élire  des  syndics,  chargés  de  mettre  le  décret  à  exécution.  Les  syndics 
élus  après  les  formalités  et  publications  d'avis  requises  par  la  loi  deman- 
dent aux  mêmes  commissaires  la  confirmation  de  leur  élection. 

En  ratifiant  leur  élection,  les  commissaires  autorisent  les  syndics  à 
cotiser  les  propriétaires  de  terres  et  autres  immeubles  de  la  })aroisse  au 
prorata  de  leur  valeur  respective,  et  à  en  j)rélever  le  montant.  l'et  acte 
de  répartition  doit  être  publié  et  présenté  aux  commissaires,  après  avis  aux 
intéressés,  pour  approbation.  Une  fois  approuvée  par  les  commissaires, 
cette  cotisation  porte  hypothèque  privilégiée  sur  chaque  ininieul)le.  Les 
syndics  forment  une  corporation  dont  la  seule  fonction  est  de  mettre  à 
exécution  le  décret  canonique,  de  payer  les  frais  de- constructions,  de  cotiser 
pour  cette  fin  et  de  prélever  la  cotisation  imp(jsée. 

L'OEGAXISME  PAHOISSIAL 

11  comprend  trois  éléments  :  1.— l-ne  municipalité  civile,  érigée 
légalement,  autonome,  dotée  de  pouvoirs  presque  absolus,  indépendante 
dans  la  sphère  de  ses  attributions,  gouvernée  par  un  Conseil  de  sept  mem- 
bres élus  par  les  contribuables,  et  dont  le  budget  est  ab"  mente  jiar  un  im- 
pôt foncier.       S'il  y  a  conflit  eiitre  les  parties  intéressées,  elles  peuvent  en 


...  }^m  — 

appeler  au  Conseil  de  comté,  composé  de.s  maires  de  cliaque  paroisse,  ou 
bi^n  aux  tribunaux  civils. 

2. — Une  municipalité  scolaire  :  érigée  légalement,  autojiome,  possé- 
dant presque  tous  les  pouvoirs  désirables,  indépendante  dans  sa  sphère 
d'action,  gousernée  par  une  Commission  scolaire  élue  par  les  intéressés,' 
dont  le  budget  est  constitué  par  un  impôt  foncier  auquel  le  gouvernement 
ajoute  une  légère  subvention  et,  ne  dédaignant  pas  de  consulter  le  curé  qui, 
d'ailleurs,  est  libre  de  visiter  ses  écoles  paroissiales  quand  il  lui  plaît. 

Si  quelqu'un  se  croit  lésé  il  lui  est  loisible  d'en  appeler  au  Surinten- 
dant qui,  grâce  Pi  Dieu,  n'est  ])as  un  ministre  de  l'Instruction  })ublique,  ou, 
s'il  le  préfère,  au  Conseil  de  l'Instruction  publique,  composé  de  l'épiscopat 
provincial  et  d'un  nombre  de  laïques  égal  à  celui  des  évêques. 

3. — Une  Fabrique  pour  la  gestion  des  biens  ecclésiastiques  parois- 
siaux :  légalement  instituée,  autonome  et  indépendante  comme  les  muni-' 
cipalités  civiles  et  scolaires,  munie  de  pouvoirs  limités  seulement  par  ceux 
de  l'Ordinaire,  qui  jouit  du  droit  de  veto  sur  ses  actes  administratifs,  gou- 
vernée ])ar  un  (Jonseil  de  marguilliers  élus  })ar  les  paroissiens,  présidé  de 
droit  par  le  curé,  dont  le  budget,  alimenté  par  le  casuel,  le  loyer  des  bancs, 
le  revenu  du  cimetière,  les  quêtes  ordinaires  et  extraordinaires,  sert  à 
défrayer  les  dépenses  du  culte,  des  réparations,  etc.,  et  même  des  construc- 
tions des  édifices  religieux.  Dans  (!e  dernier  cas  on  a  recours  aux 
souscriptions  volontaires  ou  à  une  répartition  légale,  payable  en  dix,  vingt, 
trente,  quarante  ans. 

Ces  fabriques  de  nos  paroisses  canadiennes  sont  des  filiales  de  celles 
qui  existaient  en  France  avant  la  Révolution,  et  sont  substantiellement 
restées  les  mêmes.  En  d'autres  termes,  elles  sont  de  bonnes  "machines 
françaises." 

BUDGET  DU  CUEE 

Dîme,  c'est-à-dire  le  26e  minot  des  grains  récoltés,  ou  l'équivalent  en 
argent. 

Casuel  des  messes,  mariages,  services  et  sépultures. 

Capitation  des  emplacitaires. 

Supplément  imposé  par  l'évêque  si  la  dîme  est  insuffisante. 

Parfois,  usufruit  d'une  terre  appartenant  à  la  Fabrique. 

Dans  les  villes,  les  paroissiens  ne  paient  ni  dîme  ni  capitation.  Le 
curé  et  les  vicaires  sont  payés  par  la  Fabrique,  et  de  plus  le  curé  touche  sa 
part  de  casuel. 


...  369  — 

Les  paroissiens  tiennent  à  ce  que  leur  curé  ait  les  revenus  nécessaires 
pour  faire  honneur  à  sa  position,  et  seraient  humiliés  s^il  en  était  autre- 
ment. Ils  répondent  généreusement  à  ses  appels  en  faveur  des  oeuvres 
paroissiales  et  n'iiésitent  pas  à  construire  des  églises  de  150  à  200,000 
piastres. 

JUEISPBUDEXCE  CANADIENNE 

Ses  deux  sources  principales  sont  :  le  droit  criminel  anglais  et  le 
droit  civil  français.  Notre  Code  civil  n'est  littéralement  que  le  Code 
Napoléon  amendé  et  canonisé. 

LIBERTE  DE  TESTER 

Elle  est  absolue,  chacun  i)eut  disposer  de  ses  biens  à  sa  guise.  Ainsi 
un  père  de  famille  peut  même  déshériter  tous  ses  enfants.  En  pratique, 
on  use  sagement  de  cette  liberté.  Un  père  de  famille  choisit  son  héritier 
de  prédilection,  lui  donne  la  part  du  bien  })our  qu'il  puisse  honorablement 
continuer  les  traditions  de  la  famille,  subvient  à  l'éducation  et  à  l'avenir 
de  ses  autres  enfants,  et  leur  lègue  une  somme  variant  suivant  les  cir- 
constances. 

C'est  grâce  à  cette  liberté  testamentaire  que  le  "Comité  des  anciennes 
familles",  à  l'occasion  du  troisième  centenaire  de  la  fondation  de  Québec, 
en  1908,  a  distribué  plus  de  250  médailles  aux  Canadiens  français  dont  la 
terre  n'avait  pas  changé  de  nom  depuis  deux  cents  ans. 

L'ESPRIT  PAROISSIAL 

11  est  en  somme  admirable  et  aussi  intense  qu'autrefois.  Les  Cana- 
diens français  sont  orgueilleux  de  leur  paroisse  sous  tous  les  rapports, 
ambitionnent  la  première  place  pour  cette  petite  patrie,  s'enorgueillissent 
surtout  du  nombre  de  prêtres  et  de  religieuses  qu'elles  comptent,  s'inté- 
ressent à  tout  ce  qui  est  de  nature  à  promouvoir  son  progrès  et  sa  prospé- 
rité. 

Bien  qu'en  bons  Normands  ils  aiment  plaider  et  se  chicaner,  si  un 
mallieur  frappe  l'un  deux,  ils  lui  tendent  immédiatement  la  main,  lui 
aident  à  reconstruire  sa  maison  ou  sa  grange  incendiée,  se  distribuent  les 
orphelins  de  père  et  de  mère,  et  soutiennent  leurs  pauvres.  La  masse  des 
paroissiens  ne  fait  généralement  qu'un  avec  son  curé,  le  seconde,  le  consulte, 
apprécie  sa  présence  au  milieu  d'eux,  son  dévouement.       Plébéien  comme 


...  370  — 

eux,,  il  se  mêle  à  eux,  rien  de  ce  qui  les  intéresse  ne  lui  est  étranger,  et  sa 
porte  leur  est  ouverte  à  toute  heure,  sans  faire  antichambre,  comme  celle 
du  bureau  du  cardinal  archevêque  de  Québec  à  son  clergé. 

MENTALITE  KELIGIEUSE 

Elle  est  foncièrement  croyante  et  pratiquante.  Ce  serait  presque 
parfait,  si  l'instruction  religieuse  des  intellectuels  était  plus  doctrinale  et 
plus  complète. 

Le  nombre  de  ceux  qui  ne  pratiquent  point  est  proportiellement  insi- 
gnifiant. Dans  les  paroisses  rurales  tout  le  monde  fait  ses  Pâques*  sauf 
quelques  retardataires,  plus  nombreux  dans  les  villes. 

La  communion  fréquente  est  partout  en  honneur  et  la  Communion 
réparatrice  mensuelle  réunit  dans  toutes  les  éghses  des  centaines  de  j)er- 
sonnes. 

L'observance  du  dimanehe  n'est  pas  aussi  parfaite  qu'autrefois,  mais 
elle  est  très  bonne. 

Ijcs  anticléricaux,  sectaires,  libres-j)enseurs  prétendus,  radicaux 
proprement  dits,  sont  ])resque  aussi  rares  que  les  corbeaux  blancs.  S'il  y 
en  a  qui  s'affichent  comme  tels,  c'est  plutôt  par  fanfaronnade,  ignorance 
ou  insuffisance  de  matière  cérébrale.  Le  respect  humain  du  Canadien 
Français  placé  dans  un  milieu  ambiant  et  pratiquant,  est  le  contraire  du 
respect  humain  français. 

Il  y  a  cependant,  dans  les  grandes  .villes,  quelques  douzaines  de 
Canadiens  français  égarés  dans  la  maçonnerie  anglaise,  par  intérêt  per- 
sonnel presque  toujours. 

PROBITE 

Il  n'y  a  guère  plus  de  30  à  40  ans,  les  j)rêts  de  la  main  à  la  main 
étaient  assez  fréquents  chez  le  peuple,  et  les  rentes  étaient  payées  ad  libi- 
tum. Ils  sont  j)lus  rares  aujourd'hui  et  l'argent  a  une  valeur  plus  grande 
car  la  situation  économique  a  changé: 

En  général,  le  C'anadien  français  est  encore  très  probe,  mais  il  est 
fcïïr  (jue  la  probité  commerciale,  industrielle,  et  professionnelle  a  baissé. 

L'INFILTRATION  DES  IDEES  MODERNES 

^  Sans  doute  ce  péril  existe,  mais  le  clergé,  secondé  par  trois  quotidiens 
catholiques,  indépendants  des  partis  politiques,  a  l'oeil  ouvert,  et  il  espère. 


—  371  — 

moyennant  la  grâce  de  Dieu,  sauvegarder  la  i>aroisse  et  la  famille,  comme 
jusqu'à  présent,  il  les  a  sauvegardées  contre  le  protestantisme  avec  lequel 
elles  sont  en  contact  dans  les  villes.  En  tout  cas,  la  paroisse  et  la  famille 
ne  sont  pas  entamées  à  l'heure  actuelle. 

CHANT  LITLTKGIQI  E 

L'assistance  ne  chante  pas  à  l'unissoi^  dans  nos  églises,  mais  le  chant 
liturgique  est  exécuté  le  dimanche  et  sur  semaine  })ar  des  laïques  (jui 
tiennent  à  cet  honneur. 

CLEIWE  SECULIER  ET  «EGULIEK 

Sur  tous  les  terrains  il  y  a  entente  cordiale. 

NOS  CANTIQUES  ET  CHANSONS 

Ils  sont  les  cantiques  et  les  chansons  de  la  mère-patrie,  les  gosiers 
seuls  diffèrent.  Le  répertoire  des  cantiques  et  des  chansons  canadiennes 
est  encore  très  limité.  "Ca  viendra  quand  ?"  "Quand  petit  poisson  sera 
devenu  grand." 

D'ailleurs,  on  ne  peut  faire  mieux. 

L'ESPRIT  PAROISSIAL 

Il  est  indiscutable  que  l'intimité  du  clergé  avec  le  peuple  favorise 
singulièrement  l'esprit  j)aroissial.  Entre  les  deux  éléments  il  n'y  a 
qu'une  distance  invisible  à  l'oeil  nu. 

CABARETS 

Il  est  authentique  (jue  beaucoup  de  centres  industriels  .sont  indemnes 
de  la  plaie  des  cabarets.  Québec  dont  la  {Kipulation  est  de  1*^0,000  âmes 
vienl  de  passer  trois  ans  sous  le  régime  de  la  prohibition,  qui  ne  tolère 
aucun  cabaret.      Lévis  qui  compte  10,000  âmes  est  sous  le  même  régime. 

PRISONS 

IjCs  prisons  des  districts  ruraux  sont  généralement  vides  ou  ne  comp- 
tent que  quelques  pensionnaires. 

CLASSE  OUVRIERE 

Non  seulement  la  classe  ouvrière  des  centres  industriels,  à  la  ville 
comme  à  la  campagne,  peut  facilement  élever  une  famille  nombreuse,  mais 
vivre  comme  une  bourgeoise,  quand  il  y  a  économie.  .'..',..., 


—  372  — 

Assimiler  la  classe  ouvrière  canadienne  à  la  classe  ouvrière  européen- 
ne serait  une  grave  erreur. 

FAMILLES.  OUVRIERES  RICHES  D'ENFANTS 

Sans  doute,  elles  ne  le  sont  pas,  sauf  exceptions,  au  même  degré  que 
celles  de  la  campagne.  La  mortalité  infantile  eu  est  la  cause  principale. 
Elle  est  naturellement  plus  considérable  à  la  ville  qu'à  la  campagne  pour 
les  raisons  que  les  conditions  hygiéniques  y  sont  plus  défavorables,  que  les 
enfants  en  général  n'y  poussent  pas  autant  au  grand  air  et  en  plein  soleil. 
Cependant  la  nichée  d'enfants  est  encore  le  plus  ordinairement,  sinoii 
Punique  ca])ital  des  familles  ouvrières  de  nos  villes  et  des  centres  indus- 
triels. Preuve  :  la  liste  suivante  que  nous  communique  le  curé  de  Saint- 
Malo,  dont  les  paroissiens  sont  en  grande  j)artiè  des  ménages  ouvriers. 


1.— Wilfrid    Cantin 
2. — Philéas  Cantin 
3. — Josepli  Cantin 
4. — Fortunat  Bilodeau 
5. — Joseph  Villeneuve 
fi. —  Hector  Lapointe 


10 

enfan 

ts 

11 

12 

11 

16 

19 

T. — William  Doddridge  13  enfants 
8.— F.  X.  Demers  15        " 

9. — Napoléon  Nadeau      14        " 
10.— F.  X.  Pageau  12 

11.— Edmond  Dion  11        " 

12.— Georges  Vidal  11 


Si  cette  paroisse  ne  comptait  que  cette  douzaine  de  familles  riches 
d'enfants,  cette  liste  ne  serait  même  pas  un  commencement  de  preuve, 
mais  la  litanie  de  ces  familles  capitalistes  serait  longue  si  elle  était  com- 
jdète.  Il  en  est  ainsi  non  seulement  à  Saint-Malo  mais  dans  tous  les 
faubourgs  ouvriers  de  Québec,  tels  que  St-Sauveur,  Sacré-Coeur  de  Jésus, 
Jacques-Cartier,  Saint-Roch,  -St-Frs  d'Assise,  Stadacona,  Limoilou,  St- 
Jean-Baptiste  et  Saint-Coeur  de  Marie. 

En  résumé,  le  Canada  français  est  en  miniature  un  fac-similé  assez 
fidèle  de  la  France  du  XVIIe  siècle,  sous  certains  rapports  du  moins,  et  il 
ambitionne — volventileus  annis — de  jouer  en  Amérique  le  rôle  de  la  Fille 
aînée  de  l'Eglise  en  Europe.      Plaise  à  Dieu  qu'il  en  soit  ainsi  !  (1) 

CHANOINE  GOSSELIN 


(1)  Ces  pages  sur  la  paroisse  canadienne-franqaise  donnent  les  réponses  au 
questionnaire  de  S.  G.  Mgr  Langénieux,  êvêque  de  Dijon. 


—  373  — 

JEAN-MAURICE-PHILIPPE  DE  PERNON 
DE  LAFOUILLE 


Dans  les  lettres  de  rémission  accordées  par  le  roi  de  France  à  Philippe 
Gaultier  de  Comporté,  le  16  juin  1680,  il  est  dit  qu'en  1664  le  dit  Gaultier 
de  Comporté  était  soldat  dans  la  compagnie  de  son  oncle,  le  capitaine  La- 
Fouille,  qui  tenait  garnison  à  LaMotte-Saint-Héray,  près  de  Parthenay, 
en  Poîfcou. 

On  voit  bien  dans  les  mômes  lettres  de  rémission  que  la  compagnie  de 
LaFouîTle  était  à  la  veille  de  s'embarquer  pour  la  Nouvelle-France,  mais 
jusqu'ici  on  a  trouvé  aucune  trace  du  sieur  LaFouille  dans  notre  pays. 

Deux  actes  du  notaire  Gilles  Kageot,  l'un  du  3  juillet  1667  et  l'autre 
du  6  septembre  1667,  nous  permettent  d'affirmer  que  le  capitaine  La- 
Fouille  passa  ici  avec  le  régiment  de  Carignan.  Dans  l'un  de  ces  actes, 
Hageot  donne  au  long  les  noms  et  prénoms  de  LaFouille  :  Jean-Maurice- 
Philippe  de  Pernon,  écuyer,  sieur  de  LaFouille,  capitaine  dans  le  régiment 
de  Carignan. 

P.  G.  R. 


QUESTIONS 


J'ai  sous  les  yeux  une  lettre  d'un  père  à  son  fils  écrite  vers  1745  ou 
1750.  Le  père  conseille  fortement  à  son  garçon  de  ne  pas  se  faire  piquer 
comme  les  Sauvages. 

FjU  quoi  consistait  cette  opération  f  Je  suppose  que  le  mot  p'uiuer  est 
une  expression  canadienne  employée  à  la  place  de  tatouer. 

CURIEUX 

Mgr  Tanguay,  dans  son  Dictionnaire  généalogique,  dit  souvent  de  tel 
ou  tel  individu  qu'il  était  cadet  à  l'aiguillette.  Qu'était  un  cadet  à  l'ai- 
guillette sous  le  régime  français  ? 

MILES 


—  374  — 

REPONSE 


M.  de  Langy-Montégron  (Vol.  XXV 11,  p.  12Ô). — Le  nom  de  famille 
est  Levrault,  ainsi  qu'il  est  ortliograpliié  au  Poitou.  Le  chef  de  la  bran- 
che canadienne,  Léon-Joseph,  né  eji  1G70,  entra  dans  les  Cadets  à  Besançon 
en  1683  (1),  passa  en  Canada  en  1687  où  il  a  porté  le  mousquet  jusqu'en 
1601  quand  il  obtint  le  grade  d'Enseigne  en  pied  (2),  et  passa  lieutenant 
reformé  vn  1696.  Anne  Aigron  était  la  mère  de  T^éon,  et  le  surnom  de 
Montégron,  on  le  voit  aurait  été  eom]M>8é  ])ar  le  fils,  tout  comme  fit  Daniel 
de  Lagauclietière  qui  s'af)pelait  Migeon  et  dont  la  mère  portait  le  nom  de 
Gauchet.  Léon  Levrault  de  Ijangy,  écuier,  sieur  de  Maisonneuve,  était 
de  famille  noble.  En  T61)(),  les  armes  de  cette  famille  s(mt  enregistrées  à 
Châtellerault  près  Poitiers  par  Cosnie  Levrault,  écuier,  sieur  de  Maison- 
neuve.  Xous  en  avons  fourni  un  dessin  dans  le  deuxième  volume  de 
l'Armoriai  du  Canada  Français,  Dans  la  collection  de  manuscrits  du 
clîevalicr  d*  Lévis,  on  rencontre  mentionnés  souvent  les  ncans  de  messieurs 
de  Langy.  Dans  un  tableau  des  officiers  de  la  colonie  figurent  M.  de 
Langy  <lc  Montégron  et  M.  Levreau-Langy. 

Si  Mgr  Tanguay  ne  se  trompe,  .Jean-llaptiste  Levrault  marié  à  Marie- 
Madeleine  Daillebout,  serait  le  lieutenant  de  Montégron,  Les  notes  mises 
en  renvoi  à  la  page  406  du  volume  o  de  son  Dictionnaire  correspondent  à 
ce  que  l'on  relève  dans  les  manuscrits  de  Lévis  :  "Officier  distingué  en 
1758,  Officier  canadien  actif,  vigilant,  toujours  prêt  à  marcher  et  à  se 
signaler,  11  était  avec  Bourlamaque  à  Carillon  en  1759  :  Il  fut  envoyé 
pour  observer  l'armée  anglaise  et  pénétra  jusqu'à  une  lieue  d'Orange  où 
elle  était  campée  etc,"  Tanguay  est  si  souvent  en  défaut  que  je  ne  puis 
assurer  que  Jean-Baptiste  est  bien  le  lieutenant  de  Langy-Montégron,  mais 
je  le  crois.  A  cette  époque  tourmentée  de  la  colonie,  il  y  eut  plusieurs 
Levrault  de  Lang}^,  officiers.  Il  y  avait  Jacques-Joseph  né  en  1708  ;  le 
chevalier  Alexis  de  Langy,  né  en  1712  ;  Antoine- Joseph,  né  1720,  cadet  à 
l'aiguillette  en  1745  (?),  François-Thomas  né  en  1719  :  Antoine-Joseph 
serait  peut-être  celui  connu  sous  le  nom  de  Langy-Fontenelle, 

Jacques- Joseph  avait  épousé  Marie- Anne  Chorel  d'Orvilliers,  En 
1778  ses  enfants  vendent  leurs  droits  sur  le  fief  d'Orvilliers  à  Pierre-Fran- 
çois (*h<>rel  d'Orvilliers.       (Rapp.  Archives,  Ottawa,  1884,  p.  19). 

REGIS  ROY 


(1)  Officiers  des  troupes  en  Canada  en  1701,  B.  B.  H.,  vol.  27,  j).  277. 

(2)  Li'abbé  Daniel  a  Langis  de  Montégron.  enseigne  en   1691.       Ce  qui  a'ac- 
conîe  avec  la  liste  de  17«1. 


—  375  — 

TABLE  DES  MATIERES 


Ahéiiakise,  I^e  navire  T, 186 

Abbott,  Révérend  M.,.  . 327 

Acte  des  chemins,    L', ;} 

Adet,  Pierre- Auguste, " 3 

Adhémar  de  Saint-Martin,  Ije  sieur, 231,  343 

Ailleboust,  M.  d', 328,  331 

Ailleboust,  Louis  d', 105 

Ailleboust  des  Musseaux,  Joseph-(.'harles  d',. 178 

^1 /ea;anrfre.  Le  navire  r, 327 

Algonquin,  \i/èTX!tx\\reV,.  .   .  ^ 186 

Allocutions  judiciaires  à  Montréal,  Les, 229 

Almaiu,  Pierre- Victor, 207 

Ancourt,  Le  mystérieux  d', 270 

Angoville,  M.  d', 80 

Argenson,  Lettres  inédites  du  gouverneur  d', 298,  328 

Barbiez,    Le    sieur, 326 

Barrois,  Antoine, 44 

Basset, 343 

Baudau,  Le  chirurgien, 75 

Beauchamp,  Jacques, 194 

Beaucour,  Le  peintre  Malepart  de, 187 

Beaucours,  M.  Boisberthelot  de, 344 

Beaudoin,  L'abbé  Jean, 379 

Beauhamois,  M.  de, 324 

Beaujeu,  La  famille  de, 53 

Beauregard,  Pierre  Leaumont  de, 27î) 

Bellechasse  ou  Berthier,  La  seigneurie  de, 65 

Belisle-LevaSseur,  Henri, 75 

Benoit,  Claude, 79,  325 

Benoit,  Joseph, 79,  325 

Bernier,  commissaire  des  guerres, 339 

Bernières,  L'abbé  Henri  de, 321 

Berthelot,  Charles, 347 

Berthier,    M.    de, 66 


—  376  — 

Bienfaiteurs  de  rHôpital-Général  de  Québec,  Les  premiers 225 

Black,    John, 3 

Blanzy,    Dauré  de, 326 

Bleury,  Clément  de, 326 

Boishébert,    à    Louisbourg,  M.  de, 48 

Bonhomme,  dit  Beaupré,  Nicolas, 104 

Bonnefoy,  Honoré-Maur, 79 

Bouat,  François-Marie, 181 

Boucher,  de  la  Broquerie, 326 

Boucherville,  Georges  de, .  191 

Bourdais,    Jean, 326 

Bourdon,  Jean, 101/  106,  107 

Bourdon,  Marie- Josephte, ,  .   . 327 

Bouvet,  de  la  Chambre,  Jean, ' 44 

Brymner,  Douglas, 327 

Buisson,  Gervais, . 107 

Cale-sèche,  Le  supplice  de  la, 280 

Canada,  Le  navire  le, 184 

C«n6oî/,  La  flûte  le, 185 

Carillon,  Mandement  à  propos  de, 313 

Caron,  François, 325 

Caron,    Bobert, 103 

Carpillet  dit  Fleur  d'Orange,  Joseph 345 

Cartier,  Où  est  mort  Jacques, 345 

Cartier,  A  propos  de  J  acques, 318 

Casson,  M.  DoUier  de, 343 

Castor,  La  frégate  le, ., 185 

Chambre  de  Commerce  de  Québec,  La 26 

Champigny,  Le  chevalier  de, 150 

Chansons  historiques,  Nos, ,  .  30 

Chapellerie  au  Canada,  La, 193 

Chasle,  Claude,. 346 

Chaste,  Aymar  de, 214 

Chandillon,  Antoine, 44 

Chaufour,  Jean-Baptiste, 194 

Chaumont,  Guillet  de, 327 

Chefïault,  Le  sieur, 335 


—  377  — 

Chetiveau  de  Roussel,  Claude .'.....  339 

Chirurgiens  et  médecins  de  Montréal 41,     75,  118,  325 

Cimetières  catholiques  de  Montréal,  Les 283,  341 

Ckrke,  Sir  Alured.  . 3 

Cléricy,  Honoré-Louis  de 115 

Compagnie  des  Indes,  Les  armoiries  de  la, 310 

Conscription  sous  le  régime  français,  La,. 297 

Conseil  Souverain  et  la  robe  écarlate.  Le, 59 

Conseil  Souverain  et  la  noblesse.  Le, 257 

Corbière,    M.    de, 348 

Coteau  Sainte-Geneviève,  Les  censitaires  du,.   ...   ; 97 

Couagne,  Charles  de, 343 

Craig,    Sir    James, 11 

Damours  de  Clignancourt, « 33(î 

Dasilva  dit  le  Portugais,    Pierre, * 211 

DaAoust,    Jean, 193 

Delaunay,  Les  frères, 104 

Dénéchaudj  Claude, 73 

Descliambault,  Jacques-Alexis  de  Fleury, 181,  230 

Desmarets,  Charles  Doullon, 79 

Disparus,    Les, 128 

Dorvilliers,  Les  deux  capitaines, 33,  115 

Dubois,  Le  chirurgien, 41 

Duchesue,    Adrien, 279 

Duchesny,  François, 200 

Ducondu,  Jacques, .   327 

Dufresne,  Le  chirurgien, 334 

Du  Laurent,  Le  notaire, "  347 

Dumont,  Jean-Baptiste, 165 

Durocher,  Olivier, 78 

Duroy,  Marie-Marguerite, 346 

Dussieux,    M., 339 

Duval,    Pierre, 107 

Duvernay,  Une  chanson  sur, 126 

Estèl)e,  Guillaume, 347 


—  378  — 

Failloij,  L'abl)é, • 343 

Fàye,    Jean    de, 340 

Feltz,  FerdiniuKi, 386 

Feltz,  Charles-,) os- Alex,  de, 78 

Femme  noble  mariée  à  un  roturier, 288,  311 

Femmes  sous  le  régime  français.  Le  suif  rage  des, 5)6 

Fénelon,  L'abbé  de, 325 

Ferrières  de  Busse,  Yves- Jacques  de, 268 

Fleurimont,  Noyelle  de, 326 

Forestier,  Charles, TM3 

Forestier,  Etienne, 194 

Forestier,    Antoine, 24,  42 

Fouquet  et  le  Canada, 341) 

Fréchette,  Le  nonimé,.   .   .  . , 4 

Frobisher,  Joseph, 327 

(artt<;het,    liené, 46 

(iaigneur,  Le  sieur, , 328 

(jraillard,    Jean, 41 

Gamelin    dit    Lafontaine,  Michel, ' .   .   .  42 

Oamelin    Maugras,    Le    sieur, 344 

Gan,      M.      de, 335 

Gastrin,      M., 45 

Gaudry,  dit  la  Bourbonnière,  Jacques, 107 

Genaple, 340 

Gervaise,    Jean, 179 

Gloria,      Jean, 105 

Gore,    Francis,. 12 

Gosselin,  L'abbé  Auguste, 321 

Guichard    dit    LaSonde,  Jean, 46 

Guillimin,    Guillaume,. 347 

Guillois,  Renée, 326 

Gnyou -Després,  Madeleine, 326 

Haldimand,  Le  gouverneur, * 339 

Halton,  William, 13 

Hiché,      Henry, 347 

Hocquart,    Lettre  du  ministre  à,.   .   .   .   / 210 


—  379  — 

Hôpital-Général  de  Québec,  Les  premiers  bienfaiteurs  de  1', ^25 

Hôtel-Dieu  de  Montréal,  Deux  chirurgiens  de  F, '^4 

Hôtel-Dieu  de  Montréal,  l^e  registre  des  pauvres  de  1', 14î) 

Houille    blanche,    La, 288,  309 

Houssaye,  Jean-(Uiarles-François  de  la, 315,  325 

Huppé    dit    IjA  Gniix,  .Joseph, 194 

Industrie    sous  le  régime  français,  L', li)3 

Istre,    Joseph, 77 

Jallot,      Jean, 43 

.7 obert,  Jean-Baptiste, ! 80,  327 

Joinville,    Pierre, 32<i 

Jolliet  et  le  Labrador,  lx>uis, 125 

Jours  gras  autrefois.  Les, 8î) 

Juchereau  de  Saint-Denis,  Charles, 181 

Juges  de  Montréal  sous  le  régime  français,  Jjes, 177 

Kent,    Le  duc  de, 5,       fi 

La  Batte,  Guillaume, 320 

Lâboissière,  dit  Luandre,  P.^J.-J,, 79 

La  Brosse,  Paul  Jourdain, 320 

Lacerte,  Catherine  Vacher  dit, 32<> 

Lafond,    Simon,. 78 

Laf ontaine  de  Beleour,  Jacques  de, 1 82 

Lafourcade,  Ijouis-Cemillier, 80 

1-»^        La  Justonne,  Emmanuel  de  Cléricy  de, 213 

Lalanne,  Joseph,. 325 

Lallemant,  E.  P.  Jérôme,.  .  .- 321,  335,  338 

Lamothe  de  Lucière,  Dominique  de, 180 

Lamoureux,  Archange,. 320 

Landriaux,  Louis-Nicolas, 70 

Langlois,  dit  Lachapelle,  Honoré, 193 

Langlumé,  Xicolas, 340 

Langy-Montegron,    Le  sieur  de, 125 

La    Noue,  Zacharie  Robutel  de, 200 

TSmouillier  de  Boisclerc,  Les  descendants  de, 34G 

La  Perrelle,  J^s  Eury  de, 217 

La  Planche,  Jean, 43 


—  380  — 

Lart-lievêque,  ('harlotte, 327 

Jjarchevêque,  Les  frères, 103 

LaToolielle,  Marie-Elisabeth  Gaulois  dit, 326 

Lartigue,  Marie,. 32A 

La8alle,  Cavelier  de, 325 

LaSerre  dit  LaForme,  Guillaume, 194 

LaTour,  L'abbé  de, .   . 322 

Latte,  Le  jourualifjte, ; 176 

Laubia,  Arnault  de, ."....  63 

Lauzou-Gliariiv,  C^harles  de, 321 

Laval,  Les  résidences  de  Mgr  de,.   .  . 321 

IjeBlanc,  Les  ancêtres  de  Sir  Evariste, 317 

Le  ('avelier.  Le  sieur, 344 

Lefebvre,  sieur  du  (iuesclin,  Dominique,. 358 

Le  Gardeur  de  Repentigny,  J.-B., 98 

Le  Movue  de  Sainte-Hélène,  Le  fils  de, 352 

Lepailleur,    E., 325 

LeKiche  dit  Lasonde,  J.-B 46 

LeSueiir,  Messire  Jean, 105 

Levasseur-Borgia,  Frs.-Louis, .  139 

Lîgneries,  Marchand  des, 115 

Loiseau  dit  Cbalons,  Antoine, 326,  327 

Longrtude, 94 

Louisbourg,  Une  campagne  à 48 

MacDonald,    Eonald,.   ., 244,  319 

Mailbiot,  Jean-François, 182 

Maillet,  Charles, .   .   . 279 

Maisonneuve,    M.  de, 17v,  342 

Malo,  Joseph-Hormisdas, 128 

Malo,  Pierre-Lucien, 253 

Manseau,  Louis, 139 

Marcel,  secrétaire  de  Montcalm,. 252 

Mardi  gras  autrefois, 89 

Mariages  de  Français  et  de  Sauvagesses, ..'.....  288 

Mariages  au  fort  Saint-Frédéric,  Les, .  261 

Mariage  d'une  femme  noble  et  d'un  roturier, 282,  311 

Mariés  le  même  jour.  Deux  fois, 191 


—  381  — 

3/arj>,  La  flûte  du  roi  ]a, o'i? 

Marin,      Gilles, 44 

Marin  de  la  Malgue,  Paul, 34.") 

Mars,    Siméon, " .    34;> 

Marsolet,  Nicolas, 65,  100,  131 

Martin,  Barthélemi, 183 

Martinet,    de  Fonblanche,  Jean, -^4 

Maublant    de  Saint- Amand,  J.-B., 4") 

Mauriceau,    Jean-Baptiste, :VZ-) 

McLane,    David, 4 

Médecins  et  chirurgiens  de  Montréal, 41,     75,  118,  325 

Meneval,  Lettre  du  ministre  à  M.  de, .147 

Mercredi  des  cendres  autrefois.  Le, 8.!' 

Messageries  dans  la  Xouvelle-France,  Les, 'ill 

Meulles,    M.    de, 340 

Michel    de  Saint-Michel,  Jean, 44 

Migeon  de  Branssat,  Jean-Baptiste, ITil,  'i'i^) 

Milues,  Kobert-Shore, 1 

Mingan,  Le  nom  de, 351 

Mondelet,    Dominique, 80 

Monmerqué, 320,  327 

Mon  repos,  J  acques- Joseph  Guiton  de, 183 

Montréal,  Les  cimetières  catholiques  de, 28"5 

Montréal,  La  rue  Saint-Charles  à, 152 

Moran,      Jean, 212 

Morant,  Nicolas, 32() 

Morin,      Xoël, 102 

Mortrel,    Pierre, 225,  314,  320 

Mouche,      La, 24() 

Mouche  à  patates,  au  Canada,  La, 347 

Mousseau,  M.  de,.   .... 233 

Navires  canadiens, 184 

Noblesse  et  le  Conseil  Souverain,  La,. 257 

Nouchet,  Joseph, 347 

Officiers  envoyés  au  Canada  en  1687,  Les, 215 

Officiers  dés  troupes  au  Canada  en  1701,  Ijcs, 271 


—  382  — 

Origines,      Nos, 85 

Orignal,  Le  imvire  V, 180 

Outarde,  \ je  nnxireV, 18t>    • 

Pain  béni  t  à  Notre-Dame  de  Montréal,  Le 153 

Papineau  et  la  chanson, 22,     54,  62 

l*au|)eret,  David, 194 

Pèlerin,  L'abbé  Philippe, >, 321 

Perreau,  .Jacques, 77 

Perrot  et  la  (•ale-sèche,  he  gouverneur. 280 

Perthius,    Ignace, 347 

Petit    de  Boismorel,    Suzanne, 325 

Pierre  de  geai,    La, 245 

Pinguet,  Noël, 99,  100 

Piiisonneau,    Charlotte, 325 

Plessis,  La  mort  de  Mgr, . 95 

J*oi88et  de  la  Couche,  François, 340 

Politique  en  clnuison,  La, 126 

Pontheroy,  aj)rcs  son  départ  du  Canada,. 125 

Poterie,    M.    de  la, 331 

Pothier,  .lean-Baptiste, 231 

Prescott,  Le  gouverneur, 4  • 

Prince-Giiillaume,  Le  vaisseau  le, 328 

Procès  Malo-Sabourin,  Le, 253 

Provost,  Pranyois, 323 

Provost  et  le  régiment  de  Carignan,  François, ' 20 

Puibareau  de  Maisonneuve,  Pierre, 76 

Puybarau,    Pierre, 76,  326 

Québec,  ]je  navire  le, 186 

Québec,  Deux  plans    de, 201 

Québec  en  1769-1770,  Habitants  de, 81,  119 

Québec  en  1770-1771,  Habitants  de,. 218,  247 

Quenet,      .leaji 194 

Qneylus,  1/abbé  de, 328 

Ea))y,  Jean, 45 

Kadiguet,  iJonel, 242 

Paimbault,  Pierre, 182 


—  sas  — 

R^iiiibault,  Claude,. 343 

Rapin  dit  la  Mazette,  André, 41 

Kaiidot,  M., 3â4 

lîigauville,  M.  des  Bergères  de, 70 

Rigauville,  M.  des  Bergères  de, 68 

Rocbert  de  la  Morandière,  M 345 

Rougier,  Françoise, 385 

Rouillard  dit  Larivière,  Antoine, • 107 

RoiiUetdu  Chatellier,  J.-M., 336 

Rousseau,  Etienne-Julien,. 3:25 

Rouxcel  de  la  Rousselière,  Jean, '  .   .   .    .    .  335 

Sabourin,  Le  dtx-teur, 353 

Sabrevois,  C'barles  de, 326 

Sailly,  Louis  Artiis  de, 178 

.Saint-Frédéric,  I^es  registres  du  fort, 361 

Saint- JosQj)b,  j>atron  du  Canada, 234 

Saint -Laurent,    Le    navire    le, 185 

Saint-Louis  au  Canada,  La  fête  de, 208 

Saint-Martin,  Jean-Jacques  Gorge  de 47 

Saint-Michel,  Nicolas  Daussv  de lO- 

Saint-Napoléon,  I^a 282 

Saint-Olive,  Claude  I^  Boiteux  de, 75 

Saint-Vallier,  Mgr  de 322 

Salaberry,  à  son  fils,  Ijettre  de  M.  de, 312 

Samus,  Nicolas, 44 

Sarrazin,  Michel, 46,  134,  135 

Smi,vage,Jjer\?i\\xe    le ; 186 

San,  Thomas 347 

Sauvages  à  Québec  en  1812,  Chefs, 297 

Sebron,  Le  peintre, 58 

Sedillot,  Louis, 102 

Sermon  ville,    Agathe  FTertel  de 326 

Sewell,  L'hon.  Jonathan 5 

Sirasé  dit  Saint-Michel,  Michel 42 

Silvain,  Thimothée 77 

Sorel,    Le    fils  de  M.  de 28 

Spagniolini,  J.-B.-Fernand 78 


—  384  — 

Suite,  Benjamin ' 325 

Superstitions  populaires,  Les 345 

Surnom  Jacques  Bonhomme,  Le 344 

Tabac,  La  culture  et  l'usage  du 389 

Taché,  Jean ' 347 

Taché,  J.-C 348 

Tadounieau,  Le  navire  le'. 336 

Tailhades,  Jacques- Alexandre 64 

Tailhandier  dit  la  Beaume,  Marin 44 

Tavernier,  Inventaire  des  biens  de  Julien 109 

Tanguay,  Mgr 335,  326,  327 

Tessier,  Pierre 326 

Têtu,  Mgr  Henri 324 

Thaumur,  de  la  Source,  Dominique 45 

Torcapel,  L'abbé  Jean .».   . 321 

Tracy,  Une  chanson  sur 136 

Vaillancourt,  L'origine  du  nom 116 

Yaudreuil  et  le  i¥ar f"«^e  rfc  i'^i^ttro^  Le  comte  de 348 

Vaulezar,  Le  sieur  de 352 

Verges,  Le  supplice  des 360 

Viger,  Jacques 342 

Young,  L'hon.  .lohn 4 


Ci»À'  >!» 


F 

5000 

B8 

V. 26-27 


Le  Bulletin  des  recherches 
historiques 


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