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BULLETIN D'ARCHEOLOGIE, D'HISTOIRE, DE
BIOGRAPHIE, DE BIBLIOGRAPHIE, DE
NUMISMATIQUE, ETC., ETC,
publié par
Pierrk-Georoks Roy
VOLUME VINGT-SIXIEME
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LEVIS
1920 ilVp^
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAUCEVILLE-JANVIER 1920 No 1
JEAN-BAPTISTE COUILLARD DE
LESPINAY
Il naquit à Québec le 2 mai 1657, du mariage de Louis
Couillard, sieur de Lespinay, et de Geneviève Desprès.
Il était le petit-fils de Guillaume CouiUard.
M. de Lespinay fut nonmié de bonne heure capitaine
des gardes de la Ferme. Il se livra aussi à la navigation
puisque nous le voyons à diverses reprises qualifié de *' ca-
pitaine de navire".
Le 15 mars 1691, le gouverneur de Frontenac donnait
à M. de Lespinay une conunission de capitaine de port
pour Québec.
Cette commission mérite d'être connue :
'* Louis de Buade Comte de Frontenac Gouverneur et
Lieutenant Général jDour le Roy en toute la France sep-
tentrionnalle.
*'Sur les advis qui nous avoient esté donnez des lan-
née gbje. soixante, et dix neuf qu'au préjudice des deff en-
ces que nous avons faites de rien jetter dans le port et ha-
vre de cette ville qui pust l'encombrer et faire tort aux
bastiments qui sy retirent, on ne laissoit pas dy contreve-
nir, nous jugeâmes a propos attendu que le lieu est fort re-
serré et qu'il ny en a point d'autre plus commode aux en-
virons de cette ville ou les bastiments puissent demeurer
a lancre en seureté, de commettre le Sr Maheu pour faire
les fonctions de Capitaine Maistre de port, et tenir la main
a ce que personne ny pust jetter aucunes pierres ny autres
choses capables d'endommager les bastiments, ce que le Sr
Maheu auroit empesché jusqu'à son decez arrivé en 1683,
mais comme depuis ce temps on auroit négligé dy commet-
tre une autre personne en sa place, on nous auroit fait
depuis nostre retour en ce pais diverses plaintes qu'au
préjudice de nos mesmes deffences on continues encore a
jetter dans le d. port et havre plusieurs choses encombran-
tes, qui font un tort considérable aux bastiments qui y
abordent ; que souvent Ion y voile les amares, cordages, et
aparaux des bastiments et chaloupes, et qu'on y fait plu-
sieurs autres desordres qui peuvent préjudicier a la seureté
des d. bâtiments qui sont obligez de sy retirer ; ce qui pou-
voit mesme dans la suitte rendre le port inutile, a quoy
estant nécessaire de pourvoir, nous avons commis et esta-
bly, et par les présentes commettons et establissons par
provision, et sous le bon plaisir de Sa Majesté et de Mon-
seigneur Ladmiral le Sr de Lespinay Capitaine Maistre
de port pour en cette qualité avoir inspection et tenir la
main a ce que personne ne jette plus a ladvenir aucunes
pierres ny autres choses encombrantes dans le port et ha-
vre de cette ville qui puisse le combler, resserrer, ou endom-
mager les bastiments qui sy retirent sous les peines au cas
appartenant, et faire par le d. sieur de Lespinay touttes
les fonctions qui sont attribuées aux capitaines et Mais-
tres des ports et havres des villes de f rance suivant les or-
donnances et reiglements de la Marine, et ceux que l 'Estât
du pais et la disposition du lieu donnera subjet dy adjou-
... 5 —
ter, MANDONS au Sr Lotbinière Lieutenant General de
Québec et juge de ladmirauté de recevoir le d. sr de Les-
jjinay en la d. qualité et de luy faire prester semient au cas
requis, en tesmoing de quoy nous avons signé ces présentes
a y celles fait apposer le sceau de nos armes et contresigné
par l'un de nos secrétaires a Québec ce quinziesme mars
gbje quatre vingts onze signé front enac et plus bas par
Monseigneur de Monseignat et scellés." (1)
Dans un mémoire adressé à M. de Pontchartrain en
1701, M. LeRoy de la Potherie écrit :
*'Un capitaine de port serait fort nécessaire. '*I1 y
a un nommé M. de l'Espinay qui, du vivant de M. de Fron-
tenac, était pourvu d'une ]3ro vision de capitaine et de maî-
tre de i)ort pour le bien des vaisseaux marchands. Pour
peu d'appointements comme de cent écus que Sa Majesté
voulut lui accorder, je ne connais guère d'homme qui aient
plus de probité et plus de savoir que lui pour ces sortes de
détail. Il est beau-père de M. de Vincelot qui a eu l'hon-
neur de vous apporter en 1699 la nouvelle de la mort de M.
de Frontenac".
Le 3 novembre 1702, MM. de Callières et de Beauhar-
nois écrivaient au ministre :
Le sieur de Lespinay qui se dit capitaine de port n'a
eu qu'une commission de Me le comte de Frontenac que S.
M. n'a jamais voulu approuver ni étant pas nécessaire pré-
sentement, pour un petit port comme celui de Québec, où
il n'y a que quelques barques, de conunettre un capitaine
de port. De plus le d. sieur de Léi3inay n'a pas de qualité
ni par sa naissance ni par ses services pour obtenir un tel
emploi. Il est honnête honune et bon à faire l'emploi
(1) Archives publiques du Canada. Correspondance générale, vol. 11, fo-
lio 196.
— 6— .
qu'il a de capitaine des gardes de la Ferme dont il fait
depuis longtemps les fonctions." (2)
Le 2 janvier 1703, Charles Bécard de Grandville, pro-
cureur de la Prévôté de Québec, décédait. MM. de Cal-
lières et de Beauharnois proposèrent au ministre de le
remplacer par M. Couillard de Lespinay.
Le 27 avril 1703, l'intendant de Beauharnois écrivait
au ministre :
A l'égard du sieur de l'Epine (Lespinay) que nous vous
proposions pour procureur du Roi, quoique ce soit celui
pour lequel on vous avait demandé. Monseigneur, la com-
mission de capitaine de port à Québec, ce qui ne parait pas
trop convenir, M. de Callières m'assure que c'est un fort
honnête homme. Je les connaîtrai mieux tous dans cet
été et l'automne prochain nous aurons l'honneur de vous
proposer les meilleurs sujets du pays pour les charges va-
cantes, c'est de quoi nous sommes convenus ensemble." (3)
Le 15 novembre 1703, MM. de Vaudreuil et Beauhar-
nois écrivaient encore au ministre :
"Nous vous avons. Monseigneur, proposé pour rem-
plir la charge de procureur du Roi de la prévôté le sieur
de l'Epine (Lespinay) parent du défunt, parce que nous
n'avons osé vous parler d'un sujet contre lequel nous avons
oui dire que l'on vous avait fortement écrit, c'est le sieur
de Vincelot, beau-fils du dit sieur de l'Epine (Lespinay),
si, cependant, vous nous faites l'honneur d'ajouter quelque
foi à ce que nous pouvons vous dire de lui, nous aurons
celui de vous assurer que le dit sieur de Vincelot est celui
de ce pays que nous connaissons le plus capable de bien
remplir cet emploi. Il est agissant, a de l'esprit et dans
(2) Archives publiques du Canada. Correspondance générale, vol. 20.
(3) Archives publiques du Canada. Correspondance générale, vol. 21.
l'espérance d'avoir une place au Conseil comme il en avait
été flatté par M. de Champigny, il s'est appliqué à l'étude
de l'ordonnance et de la coutume de Paris qu'il sait
bien." (4)
Ni M. de Lespinay ni M. Amyot de Vincelot ne furent
nommés. C'est un Français de France, M. Thierry, qui
eut la charge. Il reçut ses lettres de provisions en 1704.
La maladie ayant empêché M. Thierry de passer dans
la Nouvelle-France, le 10 octobre 1705, l'intendant Rau-
dot donnait la commission suivante à M. Couillard de Les-
pinay :
''Jacques Baudot, etc.
"Sa Majesté ayant cy devant pourveu de la charge
de Procureur du Roy de la Prevosté et amirauté de Qué-
bec la personne du sr Thierry que la maladie qui luy est
survenue en France avant le départ des vaisseaux de ce
pays a empesché de i^asser cette année, qu'il est cependant
nécessaire de ijourvoir. d'une personne capable d'en faire
les fonctions en son absence ; sur le louable raport qui nous
a été fait de la personne de Jean-Baptiste Couillard de
Lespinay, bourgeois de cette ville, et de ses sens, suffisance,
capacité, loyauté, prud'hommis, experiance et affection au
service de Sa Majesté ; à ces causes avons commis et com-
mettons le d. sr de Lepinay pour faire et exercer en l'ab-
sence du d. sr Thierry les fonctions de Procureur du Roy
de la d. Prevosté et amirauté de Québec, pour de la pré-
sente commission jouir jusqu'au d. temps et tout ainsy que
pourait faire le d. sr. Thierry s'il était icy présent aux hon-
neurs, authoritéz, prérogatives et exemptions dont on a
accoutumé de jouir les Procureurs du Roy de la prevosté
et amirauté. Mandons aux officiers des d. jurisdictions
(4) Archives publiques du Canada. Correspondance générale, vol. 21.
qu'après avoir receu le serment du d. sr de Lepinay au tel
cas requis ils le mettent et instituent en pocession de la pre
sente commission, ensemble des honneurs, authoritez, pré-
rogatives, exemptions, gages, fruits, profits, revenus et
emolumens au d. office de Procureur du Roy appartenans,
le fassent, souffrent et laissent jouir et user pleinement et
paisiblement et le fassent obéir et entendre de ceux et ain-
sy qu'il appartiendra concernant le d. office. En témoin
de quoy nous avons signé ces présentes de notre main, à
y-celles fait apposer le sceau de nos armes et fait contre-
signer par l'un de nos secrétaires. En notre hôtel, à Qué-
bec, le dix octobre 1705.
RAUDOT" (5)
M. Thierry ne se souciant pas, une fois rétabli, de ve-
nir prendre sa charge, le 9 juin 1708, le Roi accordait à M.
Couillard de Lespinay les provisions de l'office de son pro-
cureur en la Prévôté de Québec. (6)
Huit années plus tard le 27 avril 1716, M. de Lespinay
remplaçait M. Dupuy de Lislois comme lieutenant parti-
culier de la même Prévôté de Québec. (7)
Le 20 novembre 1717, le comte de Toulouse, grand-
amiral de France, donnait à M. de Lespinay une commis-
sion de lieutenant-général de l'Amirauté de Québec. (8)
Cette commission fut confirmée par le roi le 18 jan-
vier 1718. (9)
M. de Lespinay exerça cette charge concurremment
avec celle de procureur de la Prévôté.
(5) Ordonnances des intendants, cahier 1, p. 4.
(6) Ces provisions sont enregistrées au cahier III des Insinuations du
Conseil Supérieur de Québec.
(7) Provisions au cahier IV des Insinuations du Conseil Supérieur de
Québec.
(8) Commission publiée au vol. III, p. 95, des EDITS ET ORDONNANCES.
(9) Confirmation au vol. III, p. 95, des EDITS ET ORDONNANCES.
— 9 --
M. Jean-Baptiste Couillard de Lespinay décéda à
Québec le 8 mars 1735, à l'âge de 78 ans.
Il avait épousé, à Québec, le 23 octobre 1680, Geneviè-
ve de Cbavigny, veuve de Charles Amiot, et fille de Eléo-
nore de Grandmaison dont il est si souvent question dans
notre histoire. Elle était décédée onze ans avant lui (21
avril 1724), sans lui laisser d'enfants. (10)
M. l'abbé Couillard-Desprès, dans son HISTOIRE
DES SEIGNEURS DE LA RIVIERE-DU-SUD, dit de
M. de Lespinay :
"Jean-Baptiste Couillard de Lespinay fut l'un des
plus célèbres descendants du premier colon canadien ; les
fonctions qu'il fut appelé à remplir montrent en quelle es-
time il était tenu par les gouverneurs et les intendants.
*'Les communautés le comptèrent parmi leurs amis
les plus dévoués. En 1707, il consentit à ratifier la vente
faite en 1666, par son aïeule, Marie-Guillemette Hébert, à
Mgr de Laval, du terrain du séminaire de Québec. Il dé-
clare dans cet acte qu'en "ce qui peut le concerner, il agrée,
approuve et ratifie de sa part le dit contrat de vente en tout
son contenu, consent et veut qu'il sorte son plein et entier
effet, se départissant même entièrement de toutes préten-
tions et droits sur les choses vendues, par le dit contrat, si
aucun il avait ou pouvait avoir de quelque matière que ce
soit."
"M. Couillard de Lespinay donna aux Dames Ursu-
lines des preuves non équivoques de l'admiration qu'il
leur portait pour l'oeuvre si noble qu'elles poursuivaient
avec zèle depuis la fondation de la colonie.
(10) Elle avait eu deux -enfants de son premier mariage, un fils et une fille.
Celle-ci fut religieuse ursuline. Joseph Amiot de Vincelotte est bien connu dans
notre histoire.
... 10 —
''M. de Lespinay, disent les ANNALES, en 1721, of-
fre à notre communauté une terre en bois debout, située
sur la rivière Saint-Charles, vers Lorette, ayant deux ar-
pents de front sur quarante de profondeur, ne demandant
pour toute redevance que des prières à perpétuité pour lui
et pour sa femme. En acceptant ce don, nous nous obli-
geâmes à lui faire dire chaque année une messe, et à lui of-
frir trois communions générales aux grandes fêtes.
''Cette terre, nommée le Gros Pin, fut cultivée avec
soin pendant plusieurs années ; ayant été dévastée au
temps des guerres, elle fut vendue avec peu de profits mais
îe souvenir du donateur n'est pas moins impérissable par-
mi nous, et il se transmet à la postérité par la messe annuel-
le de mars."
P. a. R.
ERNEST GIRARD, ARTISTE
Né aux Trois-Rivières, le 14 mai 1873, du mariage d'Octave Girard, fabricant,
et de Louise Dufresne, le sujet de cette notice, Ernest Girard, commença à
bonne heure, l'étude de la gravure et du dessin à Montréal. De cette ville, il
se rendit à Toronto puis à Buffalo. Vers 1895 on le trouve à Paris où il se
perfectionne dans son art. Ce jeune homme faisait déjà preuve d'un talent
sérieux lorsque la mort termina sa carrière dans l'ancienne mère patrie, le 18
septembre 1897. Le Monde illustré, de Montréal a publié, en janvier, avril et
mai 1897 quelques-uns de ses dessins et l'on peut juger par eux que notre pays
se serait avec raison enorgueillit de cet artiste.
E.-Z. M.
— 11 -
UN DOCUMENT INEDIT DU BARON
DE LAHONTAN
Le fameux baron de Lahontan, auteur d'un voyage en
Amérique fort prisé par les uns autant que fort décrié par
les autres, a laissé à Montréal, im document qui intéresse-
ra probablement.
C'est une donation à cause de mort, signée par le no-
taire Maugue et placée dans ses minutes. Cependant le
texte de la pièce n'est pas de l'écriture de Maugue, l'on
serait plutôt porté à croire que c'est Laliontan qui a tenu
la plume si l 'orthographe et la phraséologie n'étaient pas
aussi bizarres. Mais, après tout, Lahontan n'avait alors
que dix-huit ans et il pouvait bien, avec la grammaire,
prendre des libertés que des personnages plus âgés et plus
considérables se pennettaient volontiers.
Au surplus, on sera peut-être également surpris de
rencontrer dans cet acte certaines dispositions qui
mais n'anticipons pas.
Rappelons que Lahontan est arrivé à Québec en no-
vembre 1683, qu'il vint à Montréal en juin 1684, qu'il en
partit pour le fort Frontenac et revint à Montréal en no-
vembre de la même année.
C'est donc au retour de son premier voyage dans l'in-
térieur de la contrée qu'il juge que dans notre ''pays de
fatigue" l'existence est en danger et qu'il vaut mieux
prendre ses précautions.
"Par devant Claude Maugue greffier et tabel-
lion de l'Isle de montréal et notaire royal en la
nouvelle France et témoins soubsignés fut présent
en personne Messire Armand darce escuier Sei-
gneur et baron de Lahontan et Seigneur derleix en cha-
losse lequel a reconnu et confessé avoir fait donation à
cause de mort a honorable femme f rançoise décantes yeuf-
ve de deffunt Messire Isaac de Lom, darce, escuier, baron
de Lahontan et Seigneur Dorteix, conseiller honorère au
parlement de pau en béarn et réformateur du domaine des
—12---
eaux et forets de la province de béarn pères et mères dudit
donateur tous les biens qui peuvent lui competer et aparte-
nir de la succession d udit sieur fut son père et autres suc-
cessions donations qu'autrement, à la charge toutefois
qu'incontinen que la mort du dit donateur sera connue.
La dite Dame sa mère fournira et livrera aud cy après
només les Sommes y déclarées pour les causes et raison,
bonveille ( ?) amitiés et obligations qu'il leur a et en cas
de, mort seulemen, comme dit est, à prendre sur les biens
qui pourront lui apartenir de la succession du dit feu
sieur son père premièrent le dit donateur veut et entent
qu'il soit donné à l'église paroisiale de cette ville de ville-
marie au dit Montréal la somme de trois cent soixante et
sine livres monoyé de canada plus deux cens livres à lopi-
tal dudit montreal le tout pour faire prier dieu pour le re-
pos de son âme après son décès ; plus cent livres argent de
france a charles belongest et à sa femme, plus cent quatre
vint dix livres à. pierre mallet et à sa femme, pour bons ser-
vices qu'il a reçeu de lui dans ce païs ; plus cent escus, mo-
noyé de france pour les réparations de la chapelle size au
château de Lahontan maison dudit donateur ; plus cent
escus pour les réparations de l'église de nostre dame de
habet, église paroisiale dudit lieu ; plus dix pistoles mo-
noyé de france, à françoise (un blanc), fille de pierre (un
blanc), fiUeole du dit donateur maitaiier demeurant à une
maitarie nommée La Salle, apartenante et dépendante
dudit donateur. En regart du dereste ( ?) de dédits biens
qui pourroient apartenir audit sieur donateur, il les laisse
et remet à la disposition de ladite dame sa mère pour en
faire ainsi qu'elle advisera. La présente donation faite
seulement en cas de mort veu que ledit donateur est dans
un païs de fatigue et il peut rencontrer journellement
dans des accidens tant de l'eau, feu, guerre et autres cho-
ses qui sont assés fréquentes et qui est seulement un sim-
ple disposition testamentaire laquelle en cas du cédant il
veut et entend qu'elle porte son plein et entier effet suivant
sa teneur, car ainsi est sa volonté et intention. Fait audit
Montréal, estude du notaire, après midi. Le vint sine de
™ 13 —
novembre 1684, présence de sieur Simon guilori et de
francois Lauri teymoins, demeurant et soubsignés avec le
Sieur donateur et notaire.
DARCE (s. c.)
Mx\UGUE (s. c.)
Simon Guillory, armurier que les lecteurs du Bulletin
connaissent déjà, et François Lory, sergent huissier du
bailliage, les témoins, n'ont pas signé le précieux document.
Si l'on compare deux des noms de lieux mentionnés
dans le texte ci-dessus avec ceux du remarquable ouvrage
de J. Edmond Roy sur le baron de Lahontan on verra que
Derleix et Borteix, ici, est Esleich dans Roy et que habet
est Abet.
E. Z. MASSICOTTE
BOULDUC
Louis Boulduc qui passa au Canada vers 1664, et que nous voyons en
1676, qualifié procureur du roi et bourgeois de Québec, était fils de Pierre,
maître apotliicaire, domicilié en la rue St- Jacques, paroisse de St-Benoit,
à Paris.
Simon Boulduc continua sur les traces de Pierre ; il naquit en 1647,
et fut apothicaire de la reine d'Espagne et de la duchesse d'Orléans ; juge
consul de Paris et pensionnaire de l'Académie des Sciences. Il mourut
en 1729. Quand vint en 1696, l'édit sur l'enregistrement des armoiries,
Simon s'y conforma et inscrivit ses armes dans la généralité de Paris.
Son fils, Gilles-François, écuyer, né en 1673, embrassa la même car-
rière. Il devint premier apothicaire du roi Louis XV et de la reine Ma-
rie Leczinska. En 1699, il fut nommé associé de l'Académie royale des
Sciences. Il fut également professeur démonstrateur en chimie au jar-
din royal des Plantes. Juge-consul de Paris, et, échevin en 1726. Il
mourut à Versailles en 1742. Ses armes dans l'Armoriai de la ville de
Paris, de Beaumont, diffèrent légèrement de celles de son père. L'éche-
vinat l'avait anobH et lui permettait le port audessus de ses armes d'une
couronne de comte.
Ce doit être Simon ou Gilles-François, qui composa en 1721 avec un
M. La Serre, une poudre : Alkermes ou Aurifique de Glaubec, spécifique
pour les fièvres, l'hydropisie, les vertiges, l'apoplexie, la dysenterie, la gra-
velle, la petite vérole, etc., etc. REGIS ROY
... 14...
LA FAMILLE GAULTIER DE VARENNES
1ère génération: René Gaultier de Varennes
2ème génération: Jacques-René Gaultier de Varennes
JACQUES-RENE GAULTIER DE VARENNES
Voici l'acte de baptême de René Gaultier de Varen-
nes, tel qu'on le lit dans le registre des Trois-Rivières :
^'L'an de grâce 1677, le 28 octobre, je F. Gabriel de la
Ribourde, ai suppléé aux cérémonies qui avaient été ob-
mises au baptesme d'un fils (on lit en marge, baptême de
Jacques René Gaultier de Varennes) de Monsieur René
Gaultier, seigneur de Varenne, et de Mademoiselle Marie
Boucher, ses père et mère. Monsieur Pierre Boucher et
Mademoiselle Marguerite Seigneuret, procureurs de Mon-
seigneur Jacques Duchesneau, Intendant pour Sa Majesté
en ce pays de la Nouvelle-France, et de Mademoiselle Ba-
zire, parrein et marrcine. ' '
"Cet enfant de Monsieur de Varenne a été deubment
ondoyé par le R. P. Martial Limozin, le 2ième jour d'octo-
bre 1677".
Jacques-René embrassa très jeune la carrière militai-
re ; le 15 novembre 1703 (1), MM. de Vaudreuil et de
Beauharnois sollicitaient pour lui une place d'enseigne :
''Le Sieur de Varennes, écrivaient-ils au roi, est de nais-
sance, et fils d'un gouverneur des Trois-Rivières. Il sert
depuis longtemps, et toujours avec distinction. Quand
les Anglais vinrent à Québec en 1690, il avait alors seize à
dix-sept ans (2) et voyant les troupes défiler pour passer
la petite rivière, qui est entre Québec et Beauport, où les
Anglais devaient faire leur descente, il se jetta à la nage,
son épée entre les dents, alla aux ennemis à la tête des
troupes, et fit merveille. ' '
(1) Archives du Canada. Correspondance générale, 1703, C. II, Vol. 21.
(2) Il n'avait en réalité que treize ans.
-- 15 —
La promotion sollicitée, lui fut accordée, car c'est en
cette qualité d'enseigne qu'il prit jjart dans l'hiver de 1708,
à l'expédition connnandée par les sieurs de Rouville et Des-
chaillons, et dirigée contre le bourg de Haverhill, dans la
Nouvelle- Angleterre (3). En 1710, il était nommé lieu-
tenant dans les troupes de la marine (4). Le 7 août 1712,
il épousait, à Montréal, Marie- Jeanne Lemoyne.
Au contrat de mariage, passé le jour précédent par-
devant le notaire Rainbault, assistaient les plus hauts per-
sonnages, résidant alors à Ville-Marie. On y voyait de la
part du futur époux : sa mère, Marie Boucher, dame de
Varennes, le vieux Pierre Boucher, seigneur de Boucher-
ville et sa digne épouse, Jeanne Cr évier, le Sr Petit de Le-
Villiers, et Magdelaine Gaultier de Varennes, son épouse,
le Sr. de Sabrevois, Dame Marie Renée de Varennes, veu-
ve de la Jemmeraye, sa soeur, Demoiselle Marguerite Gau-
tier de Varennes, Ignace Gamelin, Maître Taillandier, No-
taire-royal, le Sr. de Puybaraux, — de la part de la future
épouse, Messire Charles 'Lemoyne, chevalier de l'Ordre de
Saint-Louis, baron de Longueil, et lieutenant du roy au
gouvernement de Montréal, oncle paternel et tuteur de la
dite demoiselle Lemoyne, et Dame Elizabeth Souart, son
épouse, Jean Bouillet, Sr. de la Chassagne, chevalier de
l'ordre militaire de Saint-Louis major de Montréal, et de-
moiselle Marie Lemo3me, son épouse, Jacques LeBer Sr.
de Senneville, cousin, le Sr. de Lignery, capitaine d'une
compagnie du détachement de la marine, et dame Anne
Robutel de la Noue, son épouse, Philippe Robutel, Sr de la
Noue, seigneur de Chateauguay, son cousin, Nicolas Le-
moyne, Sr. D'Assigny, Louis Sicard de Beaujeu, et Dame
Thérèse Migeon, son épouse. Délies Suzanne, Angélique
de la Noue, Joseph de la Noue, Demoiselle Catherine Ju-
chereau, Jean Soumande.
Voici l'acte de mariage de René Gaultier de Varennes
(3) Liste des officiers, qui ont été dans le parti commandé par MM. d'Es-
chaillons et Rouville— Archives du Canada. Correspondance générale, 1708, C.
II, Vol, 28.
(4) Archives du Canada, Rég., des dépêches, 10 mai 1710. Série B. Vol. 32.
— 16 —
et de Jeanne Lemoyne de Sainte-Hélène, tel qu'il est con-
signé dans le registre officiel de Notre-Dame de Montréal.
Le septième jour d'août de l'an mil sept cent douze,
après la publication d'un ban et reçu le certificat de Mon-
sieur Ango Demezeretz, par lequel il appert que le procès
entre M. de Varennes avec Madelle Robineau est terminé,
et qu'il n'y a plus rien qui empêche le dit Sieur de Varen-
nes de se marier à qui lui semblera. (5)
Je soussigné Prêtre A^icaire de la paroisse de Ville-
Marie après avoir obtenu la dispense de deux bans de Mre.
François Vaclion de Belmont Grand-vicaire de Monsei-
gneur l'Evêque de Québec, et après avoir pris le mutuel
consentement de René Gautier Ecuyer Seigneur de Va-
rennes Lieutenant dans les troupes de la marine âgé de
trente et cinq ans, fils de deffunt René Gautier, vivant
Ecuyer Seigneur de Varennes, Gouverneur des Trois-Ri-
vières, et autres lieux dépandans dudit Gouvernement, et
de Dame Marie Bouclier son Epouse, ses père et mère
d'une part ; et de Demoiselle Jeanne Lemoyne de Sainte-
Hélène âgée de vingt quatre ans, fille de delïunt Jacques
Lemoyne, vivant. Ecuyer Sieur de Sainte-Hélène, Lieute-
nant dans les troupes du détachement de la marine, et de
deffunte Dame Jeanne Dufrenoy son épouse, ses père et
mère, de cette paroisse, d'autre part : Les ay mariés et
leur ay donné la bénédiction nuptiale en présence de Mes-
sire Charles Lemoyne, baron de Longueil, Chevalier de
l'Ordre militaire de St-Louis et lieutenant de Roy dans
cette place, oncle de ladite épouse, de Jean Douillet Ecuyer
Sieur de la Chassagne, aussi chevalier de l'Ordre de St-
Louis, major de cette place et oncle de ladite épouse, de Da-
me Marie Boucher, mère dudit époux, de Charles Petit
(5) René Gautier de Varennes s'était engagé par un acte passé devant
Maître Marien Taillandier, notaire-royal, résidant à Boucherville, en date au 24
novembre 1709, à épouser demoiselle Marguerite Renée Robineau de Bécancourt,
fille de Pierre Robineau de Bécancourt, baron de Portneuf. Plus tard il voulut
se libérer de cet engagement, ce qui donna lieu à un long procès. Par sentence
du Conseil Supérieur (27 juillet 1712) il fut dégagé de sa promesse, et condamné
à payer trois mille livres à la demoiselle de Bécancourt.
Jugements et délibérations du Conseil Supérieur de Québec, Vôl. VI, pp.
451-455.
... 17 —
Ecuyer Sieur de Livilier, Capitaine d'une compagnie du-
dit détachement, beau-frère de Tépoux, de Charles Phili-
bert Ecuyer officier dans lesdites troupes, de Jacques Le-
Ber, Ecuyer, Sieur de Seneville, Lieutenant dans les dites
troupes, de Simon Dupuy, Ecuyer, enseigne dans lesdites
troupes et de plusieurs autres parens et amis desdites par-
ties. Lesquels ont signé avec lesdites parties.
Petit Delivilier, Magdelaine Gautier, Marie-
René Gautier, Elisabeth- Souart, Senneville,
Dadoncour, René Gautier de Varennes, Ma-
rie Jane de Ste-Hélène, Marie Boucher, veu-
ve de Varenne, Longueil, M. Marguerite
Gaultier, Lachassaigne, Marie- Anne Lemoy-
ne, Philbert Dupuy, Charlotte Livilliers,
Paul Joseph Longueil, Priât, Vicaire.
M. de Varennes demeurait à Montréal où sa position
d'officier dans les troupes de la Marine le retenait. — En
1723, il rendait f oy et hommage, devant l 'intendant Begon,
pour la belle seigneurie de Varennes, dont il se trouvait le
principal possesseur.
La seigneurie était bien habitée si nous en jugeons par
l'aveu et dénombrement que René Gaultier de Varennes,
produisit dans la même année.
En 1736, M. de Varennes était promu au rang de ca-
pitaine des troupes et chargé du conmiandement d'une
compagnie (6). Dans une liste (7) des officiers militai-
res de la colonie faite en 1739, avec des apostilles rappe-
lant leurs états de service, on lit ce qui suit : Varennes
(de) ''Fort capable, de conduite irréprochable".
LTne malheureuse affaire devait briser à jamais sa
carrière militaire.
En 1743, M. Silvain, à qui Madame de la Jemmeraye
s'était unie en secondes noces, eut de fâcheux démêlés avec
le sieur de Monrepos, juge de Montréal, qui obtint même
un décret de prise de corps contre lui. Le capitaine de
(6) Archives du Canada, reg. des dep. 26 Avril 1736 Série B. Vol. 64.
(7) Voir "Aperçu sur quelques contemporains, par l'abbé Daniel P. SS. p. 59.
... 18 -
garde à quion s'adressa, selon l'usage, pour l'exécution de
ce décret, était ce jour-là M. de Varennes, beau-frère de M.
Silvain ; il refusa d'agir ; et comme la garde ne devait être
relevée que le lendemain, M, Silvain eut la facilité de s'en-
fuir, et même de faire enlever tous les meubles de sa mai-
son. M. de Varennes fît plus encore : il souleva tous les
officiers de la garnison contre M. de la Valtrie, qui étant
de garde le lendemain, voulut prêter main-forte (8). Le
roi informé de ce qui était arrivé, cassa M. de Varennes et
donna sa compagnie à un autre. De plus, il interdit pour
trois mois les sieurs Duplessis, Faber et Rocbert de la
Morandière, pour la conduite ir régulière qu'ils avaient
tenue en cette occasion. (9)
La disgrâce de M. de Varennes causa une grande
émotion par tout le pays.
MM. de Beauliarnois et M. de Hocquant, s'employè-
rent de leur mieux pour le réhabiliter auprès du roi. (10)
De son côté Monseigneur de Pontbriand, dans une
lettre adressée au président du Conseil de Marine disait :
''Je ne puis m 'empêcher, monsieur, de vous avouer que
j 'ay ressenti très vivement la disgrâce de M. de Varennes.
J'appris qu'il était malade dans la prison ; je pensai qu'il
était du ministère de charité que j 'exerce, de représenter
son état à M. le général, j 'en obtins l'élargissement, je m'en
repens ; peut-être qu'une plus longue prison vous eut don-
né occasion de luy pardonner. Si cela était, je vous sup-
plie. Monsieur, de consoler cet affligé qu'tin service trop
officieux de ma part aurait rendu malheureux." (11)
Le roi et le ministre se contentèrent de répondre à
(8) Archives du Canada. — Le président du Conseil de Marine à M. de Beau-
harnois, 24 mars 1744. Série B. Vol. 78.
(9) Archives du Canada. Coll. Moreau de St-Mery, 1741-1749. Vol. II, p. 173.
(10) Archives du Canada. Correspondance générale, 10 octobre 1744, série
F. 81 bis. 1744. p. 421.
(11) Archives du Canada. Correspondance générale, 30 octobre 1744. Sé-
rie F. 81 bis.
™ 19 —
toutes les suppliques, que la faute de M. de Varennes avait
été trop grave, pour être susceptible de grâce. (12)
M. de Varennes décéda à Montréal ; voici l'acte de sa
sépulture :
Le vingt huit juillet, mil sept cent cinquante sept, a
été inliumé dans la chapelle de Sainte- Anne, de cette égli-
se, le corps de M. Jacques René Gaultier, écuyer, seigneur
de Varennes, ancien capitaine d'infanterie, décédé le jour
précédent, vers trois heures et demy, après-niidy, âgé d'en-
viron quatre vingt et un ans. Ont été présens Mrs. Fau-
con et Poulin, prêtres.
Faucon, ptre ; Poulin, ptre ; Deat, vie.
Madame de Varennes, décéda quelques jours plus
tard, le 6 août 1757. Elle était âgée de 69 ans.
Du mariage de Jacques René Gaultier de Varennes et
de Jeanne Lemoyne de Sainte-Hélène, étaient nés les en-
fants dont les noms suivent.
I
Marie Charlotte ^Gaultier de Varennes. Née à Mon-
tréal, le 24 juin 1713. Décédée au même endroit, le 20 mai
1715.
II
J ean-Marie Gaultier de Varennes. Né à Montréal,
le 28 juillet 1714. Décédé et inliumé à Longueil, le 22
avril 1715.
III
Elisabeth Charlotte Gaultier de Varennes. Née à
Montréal le 18 novembre 1715. Mariée à Montréal, le 9
août 1734, à François Marie Soumande, fils de Jean Sou-
mande et de Anne Chapoux.
(12) Archives du Canada-registre des Dep. Le président du Conseil de
marine à M. de Beauharnois, 28 avril 1745. Série B. Vol. 81.
Le même à M. l'Kvêque de Québec, 12 mai 1745. Série B. Vol. 81.
Le même à M. de la Jonquière, a mai 1749. Série B. Vol. 89.
M. Aegidius Fauteux, a publié dans le "Bulletin des Recherches Historiques"
(1917) une étude sur M. Silvain, où il raconte au long cet épisode.
--20---
François Marie Soumande était le neveu de la Mère
Saint- Augustin (Louise Soumande) i)remière supérieure
de l'Hôpital-Général de Québec, et du chanoine Louis Sou-
mande. Il était cousin du chanoine Pierre Hazeur de l'Or-
me qui fut délégué du chapitre de Québec, en France.
Un de ses frères, Jean Paschal Soumande, marié à
Ursule LeVerrier fut assasiné en pleine rue de Paris, en
1740.
Le chanoine Hazeur de l'Orme, écrivant à son frère
Thierry Hazeur, chanoine à Québec, en date du 20 mai
1740, raconte en détail cette malheureuse affaire ; en ter-
minant, il ajoute, parlant de François Marie, ces quelques
mots : "Son frère de l'Orme aurait mieux fait de passer
(en France) que lui, il est plus entendu et a plus de con-
duite. (13)
Dans une autre lettre (11 mai 1741) il dit : "Souman-
de De l'Orme est un garçon sage et entendu qui fera les"
affaires infiniment mieux que celui qui est mort ne les au-
rait faites". (14)
TV
Jean Hypolite Gaultier de Varennes. Le continua-
teur de la ligne.
V
René Gaultier- de Varennes. Né à Montréal, le 27
avril 1720.
René embrassa la carrière militaire. Il passa en
Louisiane en 1739, pour servir comme cadet sous les or-
dres de M. de Bien ville (16). De là il revint en Acadie,
où il fut nommé enseigne en second, en 1750, et enseigne
en pied, en 1754 (16) . A l'ouverture de la guerre de Sept
Ans, il fut rappelé à Québec (17). Promu au grade de
(13) Le chapitre de la Cathédrale de Québec et ses délégués en France.
Bulletin des Recherches Historiques, 1910, p. 290.
(14) Loi. cit. 1910. p. 299.
(15) Rapport concernant les Archives Canadiennes pour l'année 1905. Vol.
I. pp. 455-456.
(16) Rapport sur les Archives Canadiennes par Douglas Brymner, 1886. p.
CXXVIII.
(17) Rapport concernant les Archives Canadiennes pour Vanne 1905. Vol.
I. p. 506.
— 21 —
lieutenant en 1757, il combattit valeureusement à la batail-
le de Saint-Foy, le 28 avril 1760. Ayant eu les deux cuis-
ses fracassées par un boulet, il mourut deux heures après
(18). Il signait Varennes de Ste-Hélène.
VI
Marie- Anne- Jeanne Gaultier de Varennes. Née à
Montréal le 14 août 1723.
Mariée à Montréal, le 5 juin 1742, à François Marie
Bouat, fils de François Marie Bouat, lieutenant-général
de Montréal, et de Madeleine Lambert Dumont.
VII
Elisabeth Hypolite Gaultier de Varennes. Née à
Montréal, le 22 août 1725. Nous ignorons ce qu'elle est
devenue.
VIII
Jeanne Charlotte Amahle Gaultier de Varennes. Née
à Montréal, le 13 juillet 1730.
Décédée au même endroit, le 27 novembre 1737.
IVANHOE CARON, ptre
(18) Rapport sur les Archives Canadiennes par Douglas Brymner. 1886. p.
CXXXIX.
Collection Lévis-Lettres et pièces militaires, p. 309.
QUESTION
Quel est ce M. de L'Isle qui mourut commandant du
fort Bourbon, à la baie d'Hudson, dans l'hiver de 1709 ?
XXX
— 22
COMMENT LUDGER DUVERNAY
ACQUIT LA "MINERVE"
EN 1827
Tout le monde a entendu j^arler de la Minerve, de son fondateur et
de son imprimeur, mais tout n'a pas été dit à leur sujet.
Il reste à connaître bien des petits faits, intéressants pour plusieurs,
par exemple : Quelle était la valeur d'un journal de langue française de
l'importance de la Minerve en 1827 ? Combien d'abonnés ce journal
comptait-il ? Quel salaire exigeait un rédacteur alors ? Si ces questions
piquent votre curiosité lisez le document ci-dessous et vous serez édifié.
18 JANVIER 1827 — VENTE DU TITRE DE LA
''MINERVE" PAR Sr A.-N. MORIN A
Sr L. DUVERNAY
Pardevant les notaires publics de la province du Bas-Canada rési-
dants en la ville de Montréal soussignés.
Est comparu le sieur Augustin Norbert Morin étudiant en droit, de-
meurant en la Cité de Montréal, lequel a reconnu et confessé avoir vendu,
cédé et abandonné de ce jour à toujours, à Maître Ludger Duvernay im-
primeur résidant en la ville des Trois-Eivières, à ce présent et acceptant
pour lui ses hoirs et ayant cause, la propriété du titre d'un journal qui a
été imprimé et publiée en la ville de Montréal sous le titre de La Minerve,
sans aucune garantie d'aucune souscription ou abonnement de qui que ce
soit, pour en jouir et disposer par ledt acceptant comme bon lui semblera.
S'est d'ailleurs engagé ledt sieur Augustin Norbert Morin envers
ledt. Mtre Ludger Duvernay à être le rédacteur et l'éditeur du journal
susdt La Minerve pendant le temps et espace de six mois, à compter du
premier février prochain au plus tard, et promet donner à ce papier nou-
vel toute l'attention en son pouvoir pour le rendre Eecommandable.
La vente du titre du journal susdit faite pour et moyennant le prix
et somme de sept livres dix chelins courant que ledt sr Morin reconnoit
avoir reçue avant ces présentes dudt sr Duvernay ; et l'engagement dudt
Sr Morin comme Editeur et Rédacteur pour celle de quinze livres courant.
— 23 --
pendant et pour six mois, comme dit est, (qu'il y ait trois cents souscrip-
teurs ou moins à la Minerve) ; et pour sept livres dix chelins courant en
addition, par chaque centaine de souscripteurs qu'il y aura outre les trois
cents sus-mentionnés ; et de suite pour la proportion additionnelle de cet-
te somme de sept livres dix chelins par chaque vingt-cinq souscripteurs
en outre des cent cy dessus, pour le temps des six mois susdts, laquelle
somme de quinze livres, et toute autre en addition suivant le nombre des
souscripteurs, comme susdt sera payable par ledt sieur Duvernay à l'or-
dre dudt Sr Morin par chaque trois mois, à compter du jour que se pu-
bhera le premier numéro de ladte Minerve, à peine, etc.
Il est entendu et convenu que le Sr Duvernay supportera à lui seul tous
les frais de l'impression et publication du Journal La Minerve pendant les
six mois que le Sr Morin eu sera l'Editeur et le Rédacteur, et que le Sr
Duvernay fournira les journaux des pays étrangers en nombre suffisant,
et procurera l'accès journalier à la Bibhothèque de Montréal audt Sr Mo-
rin à ses propres dépens, sans que celui-cy soit tenu d'y contribuer en au-
cune manière.
Pour l'exécution des présentes les parties ont élu leur domicile en
leur demeure respective, auquel lieu, etc.
Fait à Montréal, en l'étude l'aii mil huit cent vingt sept le dix-huit
de janvier, et ont les parties signé avec notaires, lecture faite.
A. N. Morin, Lr Duvernay, R. O'Keefle, N. P. J. M. Mondelet.
^%
Ludger Duvernay qui arrivait des Trois-Rivières n'avait probable-
ment pas une imprimerie assez considérable pour éditer La Minerve, il lui
fallait donc trouver un atelier. Voilà pourquoi, M. Duvernay entre
aussitôt en pourparlers avec le négociant Dominique Bernard, proprié-
taire d'un atelier et d'un journal, mais assez embarrassé de l'un et de l'au-
tre !
En effet, le 19 septembre 1826, M. John Jones avait loué du sieur
Bernard, son imprimerie et son journal, le Canadian Spectator, mais trois
mois ne s'étaient pas écoulé que Jones était disparu sans laisser d'adresse
à son locateur. On dut nommer un curateur à l'absent, c'est Eusèbe Hy-
acinthe Frécliette qui fut choisi et ce dernier rétrocéda les biens du fu-*
gitif au propriétaire.
Cela fait, M. Bernard loue pour cinq ans, à Ludger Duvernay 'les
caractères et les meubles qui composent l'imprimerie . . . .situé sur la
— 24 --
rue Saint-Jean-Baptiste, à charge par le preneur, d'imprimer leCanadian
Spectator, de se conformer aux directions du rédacteur Jocelyn W aller
et de lui payer annuellement 150 livres de salaire, en versements trimes-
triels.
« Le bailleur promet que son journal aura, au moins 250 abonnés.
Le preneur aura la liberté d'imprimer un autre journal que le Spec-
tator "pourvu qu'il soit rédigé et conduit dans et sur les mêmes princi-
pes que celui-là ! "
Ces trois contrats, la vente, la rétrocession et le bail sont de même
date et portent des numéros successifs.
E. Z. MASSICOTTE
UN LIVRE DE M. MASSICOTTE
M. E.-Z. Massicotte vient de publier un Répertoire des arrêts^ édits, man-
dements, ordonnances et règlements conservés dans les archives du palais de
justice de Montréal.
Il n'y a peut-être pas de pays qui possèdent des archives plus complètes
que la province de Québec. Et les palais de justice de Montréal et de Québec
contiennent à eux seuls plus d'archives de toutes sortes que tous nos autres
dépôts d'archives réunis.
Le grand ennui pour les historiens et les chercheurs est de trouver ce qu'ils
cherchent. La plupart de nos dépôts d'archives n'ont pas de catalogues ni de
répertoires ou inventaires.
Le Répertoire de M. Massicotte nous fait connaître des centaines d'édits, de
mandements, d'ordonnances, de règlements, etc, etc, dispersés dans des greffes
de notaires, des dossiers de cours, etc, etc. Il n'y a que ceux qui ont dépensé
des mois et des semaines à chercher dans nos dépôts d'archives qui peuvent ap-
précier à sa juste valeur le nouvel ouvrage de M. Massicotte. Cet érudit col-
laborateur du Bulletin vient de se donner un nouveau titre à la reconnaissance
des amis de notre histoire.
-. 25 — _ .
MEMOIRE
sur la partie occidentale du Canada, depuis
Michillimakinac jusqu'au fleuve du
Mississipi
Mémoire sur la partie occidentale du Canada depuis Michilimakinac
jusqu'au fleuve du Mississipi, tant par la Baie des Puans, Rivière des Re-
nards, et Ouisconcinq que par Chicagou et Rivière des Illinois, avec un
détail des contrées, rivières et nations qui se trouvent sur les routes, dans
le Mississipi et le Missouri, la qualité du terrain, l'espèce de chasse dans
chacun de ces pays : en un mot tout ce qui peut contribuer à une connais-
sance générale et exacte de ces différentes contrées accompagné de quel-
ques vues sur la recherche d'une mer à l'ouest de ce continent, le tout,
puisé dans les notes qu'en ont donné ceux qui après avoir parcouru ces
différents pays ont été reconnus pour les plus intelligents, et qui ont por-
té plus de penchant au vrai et moins de passion pour le merveilleux, dé-
faut presque général dans tout ce qui s'appelle voyageurs de quelque gen-
re qu'ils soient. (1)
ROUTE DE MICHILIMAKINAC AU HAUT DU MISSISSIPI
PAR LA BAIE, etc.
Après avoir laissé Michillimakinac pour se rendre à la Baie on tra-
verse au nord du lac Michigau et faisant route sur cette côte la première
rivière qu'on 'trouve est celle de Mine à Coquin, à dix-neuf lieues de Mi-
chillimakinac, petite et dont la source est à deux lieues au nord dans des
marais ; tous ces terrains sont bas et ne produisent que des pins et sapins.
Avant cette rivière et à peu près à sept lieues dans le lac Michigan, com-
mencent les isles au Castor dont la suite occupe près de quarante lieues
toujours parallement à la côte du nord du lac ; toutes ces isles sont d'un
terrain élevé et très bon, couvertes de très beaux bois de hante futaye dont
le plus ordinaire est le chêne, le franc frêne et l'érable, sans mélange de
taiUis, en sorte qu'on y peut voir fort loin devant soi.
, A dix lieues de la Rivière de Mine à Coquin est un havre parfait qui
(1) L'original du Mémoire que nous donnons ici était en la possession de
feu M. Ed. GlacKemeyer, notaire de Québec. Nous ignorons ce qu'il est devenu.
Ce Mémoire dont l'auteur est inconnu semble avoir été écrit en 1763 ou peu après.
— 26 —
met à l'abri de tout vent p la pêche J est très abondante et il s'y prend
quantité de poissons blancs et de fort gros. (2)
A cinq lieues de ce havre est la rivière de l'Amitié (ainsi nommée
parce que c'était en cette rivière que les coureurs de bois sans congé ve-
naient chercher leur pardon (3). Cette rivière est fort peu considérable
et prend sa source dans un petit lac bordé de fol avoine à trois lieues de
son embouchure.
On compte cinq lieues de cette rivière à la Pointe aux Ecores, qui
avance près d'une lieue dans le lac, et sept lieues de cette pointe à se ren-
dre au détour (ainsi nommé parce que c'est à ce point que commence la
Baie des Puans et que pour la parcourir ])as son côté septentrionnal on
doit détourner sur la droite) nous allons pour le présent suivre la route
ordinaire, c'est-à-dire la traverser d'île en île pour joindre son côté du sud
que nous suivrons jusqu'au Fort de la Baie et reviendront ensuite au Dé-
tour pour la parcourir ])ar son côté du nord. La côte du lac jusque là est
d'un terrain aride et ])our la |)lupart pays impraticable.
Du détour on se rend ])ar quatre traverses d'île en île jusqu'à celle
des Poux qui en est à huit heues. L'île des Poux peut avoir une lieue et
demie de circuit et est d'un terrain assez élevé et bon. Cette île est ha-
bitée par quelques familles de Folles Avoines et Sauteurs qui y cultivent
du blé d'Inde ; (4) la pêche y est abondante et le poisson le plus ordinaire
y est la truite et le j)oisson blanc qui y est fort gros.
De cette île on se rend par une dernière traverse de deux lieues au
Petit Détroit, pointe occidentale de l'entrée de la baie ; par conséquent
sa largeur en cette partie est de dix lieues.
Du Petit Détroit (confluent des eaux de la Baie et du lac Michigan)
on compte sept lieues jusqu'à la Grosse-Ile ; la largeur de la Baie par le
travers de cette île est de six à sept lieues.
La distance de cette île à l'entrée de la Baie de l'Eturgeon est de sept
lieues ; on peut du fond de cette baie profonde de trois lieues se rendre au
lac Michigan par un portage d'un peu moins de demie lieue.
De l'entrée de la baie de l'Eturgeon au Cap du Vermillon, trois lieues.
(2) Ce poisson est d'un très bon goût, et il a de particulier que sans autre
assaisonnement que son bouillon et un peu de sel on le mange avec plaisir.
(3) Si, dans le temps de leur course, ils eu.ssent été saisis, leur peine était
les galères, mais à leur considération la cour accordait tous les sept à huit ans
une amnistie générale à laquelle participaient tous ceux qui se présentaient.
(4) Appelle communément en Europe blé d'Espagne ou de Turquie, qui pa-
rait être naturel à l'Amérique.
- 27 —
et le pays rempli de rochers est pour la plupart impraticable, ainsi que
celui qui est presque Jusqu'au fond de la Baie des Puants.
Du Vermillon au Fort, qui est à l'extrémité de la Baie, et oii elle
reçoit la rivière des lienards, on compte quinze lieues, d'un pays presque
pareil à celui détaillé ci-dessus ; c'est par la rivière des Renards qu'on
communique en haut du Mississipi ; mais avant de la détailler il convient
de décrire la côte septentrionalle de la Baie des Puants.
COTE SEPTENTRIONALLE DE LA BAIE DES PUANTS
Du détour pour côtoyer la côte du nord de la Baie, on prend, comme
je l'ai dit ci-dessus, sur la droite et après avoir fait deux lieues on trouve
la Baie des Noé, qui a trois lieues de profondeur vers l'est-nord-est, et cinq
lieues de largeur à son entrée.
On compte sept lieues de la pointe occidentale de cette baie à la riviè-
re de l'Eturgeon ; cette rivière n'est point navigable et se perd dans des
marais à sept à huit lieues de son embouchure.
Il y a de cette rivière à celle des Folles Avoines dix lieues ; à une de-
mie lieue de son embouchure est, dans cette rivière, un village de Folles
Avoines qui peut fournir cent trente hommes eii état de porter les armes ;
ils sont assez tranquilles ; ils sont alliés de presque toutes les nations ; ils
ne se nourrissent que d'éturgeons qu'ils ont en grande quantité dans leur
rivière, et ne cultivent aucun terrain ; leur commerce consiste en peaux de
cerfs, orignals, ours, castors, martes, pécans et loutres, et quoiqu'ils aient
aussi du chevreuil ils ne font aucun usage de ces peaux, étant trop pares-
seux pour se donner la pêne de les passer ; les terres de cette rivière sont
basses et remplies de savanes (5) ; elle prend sa source dans quelques pe-
tits lacs et marais qui ne sont pas fort éloignés.
On ne compte que trois lieues de cette rivière à celle de Pichetigan
qui, quoiqu'elle n'ait de largeur que deux arpents à son embouchure porte
cependant canot vers le nordest l'espace de cinquante lieues ; elle prend
(5) C est un terrain déboisé qui ne produit pour l'ordinaire que des bluets
gueules noires ou autres fruits arbustes de cette espèce ; il y a grande apparen-
ce qu'elles viennent ordinairement de petits lacs sant égoût, sur lesquels il s'est
formé une mousse qui par la succession des terres fait une croûte de l'épaisseur
d'un pied et plus ; lorsque vous les passez vous sentez cette croûte plier sous
vous et vous risqueriez de passer au travers si vous restiez trop constamment
au mêême lieu ; il m'est arrivé cent fois de la percer avec des perches fort lon-
gues que j'enfonçais ensuite en entier sans la moindre résistance, et en la reti-
rant il en jaillissait à l'instant une eau boueuse qui m'inondait et m'obligeait à
m'éloigner au plus vite du trou que j'avais fait.
... 28 ---
sa source dans un lac qu'on nomme Folle- Avoine, parce qu'on y voit beau-
coup de ce grain. (6)
Cette rivière contient beau(;oup d'éturgeons et ses rivages sont de bon-
ne hauteur et d'un terrain propre à produire du froment et toute autre
espèce de grain — premier terrain de cette nature depuis Michilimakinac —
tout le reste étant impraticable et pour ainsi dire propre à rien.
A sept lieues de cette rivière est celle du Canton qui vient des petits
lacs qui sont à une vingtaine de lieues de son embouchure ; elle n'est point
navigable par sa grande rapidité et son deffaut d'eau.
Il y a de cette rivière à celle de Gaspade trois lieues : elle est aussi
très rapide, point navigable et a ses sources assez près ; la pêche d'étur-
geon y est assez abondante. .
On compte de cette rivière cinq lieues à gagner la pointe du Grand
Souamigon qui saillit d'une lieue dans la baie et de celle-ci à une seconde
qu'on appelle Petit Souamigon, deux lieues de traverse.
Du Petit Souamigon au fort de la Baie (à l'entrée de la rivière des
Eenards, comme il a été déjà dit) on compte deux lieues : le terrain, de-
puis la rivière de Picbetigan, est bon et couvert de beaux bois de haute
futaie dont le plus commun est le chêne, l'rable, le hêtre et autres bois
durs ; la chasse y est aussi très abondante, et la même que ce qui a été dit,
savoir ours, chevreuil, orignal, cerfs, martes et pécands, et dans les pays
aquatiques castors et loutres. *
EIVIEEE AUX REXAEDS
Cette rivière à l'entrée de laquelle est le fort de la Baie peut avoir
quatre arpents (7) de largeur, et est pendant six lieues d'un cours fort
égal et point rapide elle est bordée de prairies et ensuite d'un terrain plus
élevé couvert de bois de haute futaie, clairs, et de la plus grande beauté,
où la chasse de chevreuil, ours, orignal, cerf et autres bêtes fauves est des
plus abondantes ; le terrain y est admirable et capable de produire de ma-
gnifique froment et autres grains de toutes espèce.
(6) Folle-avoine est une espèce de ris dont le grain ressemble beaucoup à
celui de l'avoine ; il est fort commun dans tous les pays mouillés de l'Amérique
il vient dans l'eau dont il surpasse la surface de trois et quatre pieds. Cette
nourriture est fort saine et très utile aux Sauvages qui sont à portée d'en faire
provision - la récolte en est facile lorsqu'il est mûr. On va en canot dans les
marais ou rivières où il vient et la seule crémonie était de saisir les têtes d'épis
et de les secouer ou battre avec le manche de l'aviron dans le canot.
(7) L'arpent en Canada est de trente toises de longueur ou de dix perches
de trois toises chacune ; il faut quatre vingt quatre arpents à la ligne de ce pays
ou 25 20 toises par conséquent 240.
— 29 —
A six lieues de son embouchure est un premier portage qui peut avoir
un quart de lieue de longueur, et au-dessus la rivière continue l'espace
de quatre lieues d'un fort courant.
A quatre lieues du premier portage est un deuxième portage qu'on
appelle le Grand Colini qui est une chute au moins de dix pieds de hau-
teur perpendiculaire, et au-dessus la rivière, l'espace de trois lieues est
sans secours sensible jusqu'à un petit rapide.
Après avoir passé le rapide on entre dans le lac des Puants, qui a de
longueur environ sept lieues sur deux lieues de largeur ; le terrain y est
admirable et couvert des plus beaux chênes qu'il soit possible de voir et
de suite. A l'entrée de ce lac est un village de Puants qui peut fournir
cent quarante hommes en état de porter les armes ; ils ne vivent qu'au
blé d'Inde qui y vient en abondance.
Cette nation est alliée de presque toutes les nations voisines, qui sont
les Sakis, Eenards, Fol les- Avoines, Sioux, Poutéouatamis, etc, et sont en
guerre depuis bien des années avec les Missouris qu'ils suivent avec tant
d'ardeur que, quoiqu'ils soient dans un pays de chasse admirable, ils ne
s'en occupent que pour vivre, et point du tout pour satisfaire au commer-
ce de pelleterie ; ils ont paru de tout temps fort attachés au Français qui,
pour les raisons qu'on vient de détailler, n'en peut tirer d'autre avantage.
A la sortie de ce lac, on reprend la rivière des Eenards qu'on suit sans
difficulté jusqu'au lac Lapaquoy, long de quatre lieues, large de un peu
plus de demi-lieue et si rempli de folles-avoines qu'on a peine à trouver le
passage ; ce lac est à vingt-cinq lieues de celui des Puants ; il est bordé
des plus belles terres qu'il soit possible de voir ; les bois (8) y sont clairs,
droits et les plus beaux qu'on puisse désirer, remplis de bêtes fauves.
On compte trois lieues de ce lac à gagner celui du Boeuf (ainsi nom-
mé par la quantité de boeufs sauvages qu'on y tue), il peut avoir cinq
lieues de longueur sur une demie lieue de largeur.
Il y a de l'extrémité de ce lac à la Fourche sept lieues ; cette rivière
vient du nord où elle prend sa source à six lieues dans les terres. .
De la Fourche au Portage du Ouisconcinq (fin de la rivière des Ee-
nards et hauteur des terres entre les eaux du lleuve de St-Laurent et
celles du Mississipi) on- compte cinq lieues ; jusque là depuis l'em-
bouchure de la rivière des Eenards, les plus belles terres et les plus beaux
bois qu'il soit possible d'imaginer ; massez bonne chasse presque partout.
(8) Chenière continue dans toute la rivière des Renards.
— 30 —
Le portage du Ouisconsinq peut avoir demie lieue de longueur et après
ravoir passé du Ouisconsiug qui venant de l'est où sont ces sources est
navigable près de soixante lieues de ce côté ; elle peut avoir au portage
une petite demie lieue de largeur et continue jusqu'au fleuve du Missis-
sipi à être d'une navigation très commode ayant plusieurs îles d'un bon
terrain.
EIVIEEE DU OUISCONCINQ, DEPUIS LE PORTAGE JUSQU'AU
MISSISSIPI.
La rivière du Ouisconcinq, comme nous venons de le dire, est navi-
gable à l'est du portage près de soixante lieues vers ses sources. Elle est
bordée de ce côté d'uu terrain très fertile couvert de beaux bois et chasse
en tout genre très abondante ; le terrain qui la borde depuis le portage
jusqu'au Mississipi n'est point aussi favorable ; ce sont communément
des prairies de un quart de lieue et plus de largeur, mais qui se "terminent à
des montagnes sans bois et pour l'ordinaire rochers.
Le climat y est fort doux et plus on approche du Mississipi, plus
l'air y est tempéré ; depuis Michillimakinac jusqu'à le portage l'hiver y
est à peup rès comme dans les habitations du Canada, et jusqu'à Niagara.
On compte de ce portage, descendant la rivière, douze lieues jusqu'au
village, des Sakis, qui peut fournir cent cinquante hommes portant les
armes. De petites îles, de distance à autre, sans nom particulier. Cette
nation est très laborieuse, fait du blé d'Inde en quantité, chasse au che-
vreuil et à la biche et ne fournit guère d'autres peaux ; ils sont presque
toujours en guerre contre les Missouris et quelque chose que l'on fasse on
ne peut arrêter les partis qu'ils y envoient continuellement. D'ailleurs
leur commerce est sur et ils paraissent fort attachés au Français.
Il y a de ce village à la rivière Manitou ou Oualagon quinze lieues ;
cette rivière n'est pas considérable et prend source à quinze lieues ou en-
viron vers le nordest.
On trouve à dix lieues de cette rivière celle des Kicapous, plus con-
sidérable, même terre que ci-dessus et îles assez fréquentes et à huit lieues
de cette dernière le fleuve du Mississipi. Ce fleuve peut avoir une demie
lieue de largeur près de l'embouchure du Ouisconeing, très rapide, rempli
d'îles petites et moyennes, bordé de part et d'autre de prairies qui, à une
demie lieue et plus, s'appuient à des montagnes non boisées qui par dis-
tance viennent elles-même s'appuyer au fleuve ; la chasse au boeuf, ours,
chats et castor y est assez avantageuse ; les prairies sont d'une terre très
fertile.
~ 31 —
Avant de parcourir le fleuve, il est à propos de détailler la route
qu'on tient de Michillimakinac au sud du lac Michigan pour s'y rendre
par Chicagou et la rivière des Illinois qui se verse dans ce fleuve.
ROUTE DE MICHILIMAKINAC AU MISSISSIPI "
PAR CHICAGOU
Mchilimakinac (comme j'aurais dû le dire d'abord) est le rendez-
vous général de tous ceux qui se rendent dans les postes du nord des pays
d'en haut ou qui en reviennent. Il est à la partie la plus occidentale du
lac HuTon, et où ce lac se joint à celui du Michigan, on a construit un fort
de gros pieux qui se touchent immédiatement, hauts de douze à quinze
pieds hors de terre. Cette enceinte est de forme quadrilatère de qua-
rante à cinquante toises de côtés, flanquée ou à peu près, qui renferme une
chapelle servant d'église au fort, avec quarante et quelques bâtiments en
bois, qui servent de logements et de magasins ; il peut y avoir douze à
quinze familles françaises dont quelques unes de sang mêlé établies à ce
poste, ce qui fait un nombre fixe de dix-huit à vingt combattants,- mais
comme il est le dépôt général de tous ceux du nord, on y voit assez cons-
tamment tout l'été cent et quelques Français en état de combattre. Le
terrain aux environs n'est qu'un sable aride qui ne produit rien, et on
n'y vit que de poisson, blé d'Inde et viandes sèches, peu de fraîches, que
les Sauvages de la Grosse-Ile de Michillimakinac et d'ailleurs apportent.
En laissant le poste et suivant la côte du sud du lac Michigan, on
trouve à huit ou neuf lieues dans le lac, le nouveau village d'Outaouais et
Sauteurs de Michihmakinac établis à l'Arbre Croche où ils cultivent du
blé d'Inde en grande quantité qu'ils apportent au fort, et qu'ils vendent
à ceux chargés des provisions des postes du nord. C'est à ce nouvel éta-
blissement que les terres commencent à êêtre bonnes et elles sont d'autant
meilleures que vous poussez plus avant dans le lac Michigan.
On compte de l'Arbre Croche, à gagner la Petite Traverse, deux
lieues et plus ; cette traverse, qui est de quatre lieues d'une pointe à l'au-
tre, est la largeur d'une baie qui entre dans les terres de près de six lieues.
Il n'y a de cette baie à la rivière Malamon que une lieue ; cette riviè-
re, large seulement de deux arpents, quoique rapide, porte cependant
canot jusqu'à cent lieues de son embouchure, oii elle prend sa source dans
un lac de deux lieues de longueur sur une lieue de largeur ; les terres de
cette rivière ainsi que de tout le Michigaji jusqu'à Cliicagou sont très
™ 32 —
fertiles, et la plupart couvertes de chênes admirables. La chasse en tout
genre est aussi très avantageuse.
De cette rivière à la Grande Baie deux lieues. Cette baie peut avoir
quatre lieues de largeur et entre au sud-est de onze lieues dans les terres.
Laissant cette baie et après avoir fait huit lieues on trouve une mon-
tagne de sable haute de trois cents pieds au moins qu'on nomme POurs
qui dort, sur laquelle on ne voit pas un arbre.
De cette montagne à la rivière du Bédelie six lieues. Cette rivière
est navigable jusqu'à trente lieues, où elle prend sa source dans un lac de
grandeur médiocre. Toutes les profondeurs de terres fournissent une
chasse abondante en tout genre et de chenières presque continuelles et
les plus belles qu'il soit possible de voir.
De cette rivière à celle de Saint-Nicolas, dix lieues ; cette rivière
n'est pas considérable et ne porte canot que huit à dix lieues.
On trouve à dix lieues de cette dernière, la rivière Blanche, qui, à son
embouchure, est fort étroite mais à peine avez-vous fait cinquante pas
que vous entrez dans un lac long de trois lieues sur deux lieues de largeur
au-dessus duquel cette rivière porte encore canot plus de trente lieues
vers le sud.
On compte de cette rivière à celle de Maskigou trois lieues ; elle est
considérable et est navigable au sud Jusqu'à quarante lieues de son em-
bouchure ; même bois et chasse que partout ailleurs.
Il y a de cette dernière à celle de Ouichitanon trois lieues ; elle est
peu considérable et ne porte canot que jusqu'à six lieues.
A quinze lieues de celle-ci est celle de Kikanamaso plus considérable
et qui est navigable vers le sud l'espace de quarante lieues.
(La fin dans la prochaine livraison)
LE PREMIER NOTAIRE DE LA
NOUVELLE-FRANCE
Quel a été le premier notaire de la Nouvelle- France ?
Si l'on s'en rapporte à l'Histoire du notariat de feu J. E. Roy, il serait dif-
ficile de se prononcer sur ce point, car les divers greffiers de Champlain et de
Montmagny ont exercé les fonctions de notaire, par tolérance, et ils ont laissé
des actes.
Par ailleurs, il est certain que c'est Laurent Bermen qui le premier, prend
la qualité de notaire royal dans un acte du 11 août 1647.
X. Y. Z.
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAUCEVILLE-=FEVRIER 1920 No 2
La famille Rouer de Villeray
Louis Rouer de Villeray
La famille Rouer de Villeray était originaire d'Italie,
et appartenait à la maison de La Rovère, l'une des plus
illustres et des plus anciennes de l'Europe, qui a donné
deux papes à l'Eglise, des princes souverains à l'Italie,
une infinité de cardinaux et d'évêques, des doges à la Ré-
publique de Gênes et des chevaliers des ordres les plus dis-
tingués de l'Europe. (1)
Divisé en plusieurs branches, établie en Piémont d'où
elle sortait, à Gênes, à Venise, dans le Comtat-Venaissin,
cette famille a passé aussi en France sous plusieurs noms :
Rouvère, La Rouyer, Rouer. Quant à ce qui concerne
ce dernier nom, il y avait dans le Languedoc des Rouer de
Fourquevaux, venus de Lombardie, dont l'un, Raymond
de Rouer, chevalier de l'Ordre du Roi, gouverneur de Nar-
bonne, envoyé en ambassade vers le roi d'Espagne, com-
manda, vers 1562, comme capitoul, les armées du Roi con-
tre des religionnaires, dans le Haut-Languedoc. (2)
Louis Rouer de Villeray, le premier de ce nom qui vint
s'établir dans la Nouvelle-France, était né sur la parois-
ci) Dictionnaire de la noblesse ; Voyage à la Louisiane et sur le continent
de l'Amérique septentrionale, fait dans les aminées 1794 à 1798 par B. D.
(2) P. Margry, Les Rouer de Villeray, p. 5.
- 34 —
se de Notre-Dame-en-Grève, ville d'Amboise, évêché de
Tours, en 1629, du mariage de Jacques Rouer de Villeray,
valet de chambre de la Reine, et de Marie Perthuis.
Louis Rouer, qui arriva en Canada vers 1650, à l'âge
de vingt-un ou vingt-deux ans, y vint très pauvre, dit M.
Margry. Mais il s 'était sans doute résolu à cet exil pour
conquérir au loin ce que le sort lui avait refusé dans sa pa-
trie et peut-être donné à des aînés. Ainsi faisaient les
cadets de Normandie prenant pour devise ces mots :
' ' Cbercbe qui n 'a. "
L'avocat Peronne Du Mesnil, qu'on ne peut guère
croire car ses avancés sont des attaques furieuses et non
prouvées contre les principaux habitants de la colonie, dit
dans un de ses Mémoires au ministre Colbert, que M. de
Yilleray était arrivé dans la Nouvelle-France en 1651
comme valet du gouverneur de Lauzon qui "le prit en pri-
son de la Rochelle où il estait détenu faute de payement
de la somme de 71 1. comme appert par le papier de la
geoUe du 10 juillet 1651". (3)
Le gouverneur de Frontenac, dans une de ses lettres,
dit que M. de Villeray s'engagea comme soldat dans la gar-
nison de Québec, en arrivant ici. M. J.-Edmond Roy sem-
ble croire que M. de Villeray agit plutôt comme secrétaire
du gouverneur de Lauzon. Il a pu être en même temps
soldat et secrétaire du gouverneur.
A part l'affirmation de M. de Frontenac, nous n'avons
pas de preuve que M. de Villeray a été soldat dans la gar-
nison de Québec. Mais il est certain qu'il fut secrétaire
du gouverneur de Lauzon. Une concession de terrain à
Québec en date du 15 mai 1656, accordée par le gouverneur
de Lauzon à Charles Sevestre, lieutenant particulier civil
et criminel en la juridiction de Québec, est signée "Lau-
son" et plus bas "par Monseigneur, Rouer" (4). Ce
Rouer ne peut être autre que notre M. Rouer de Villeray.
(3) Bulletin des Recherches Historiques, vol. XXI, p. 197.
(4) Pièces judiciaires, nota,riales, etc., etc., conservées aux Archives Judi-
ciaires de Québec, première liasse, no. 33.
— 35 —
En septembre 1656, le gouverneur de Lauzon s'embar-
quait pour la France et laissait l'administration de la
la colonie à son fils, M. de Lauzon-Charny. M. de Villeray
continua à agir connue secrétaire du gouverneur sous M.
de Lauzon-Charny. -Le 3 septembre 1657, ce dernier ac-
corde une concession à Nicolas Juchereau de Saint-Denys
sur l'île d'Orléans. Cette concession est signée par M.
de Lauzon-Charny, et plus bas on lit : "Par Monsieur le
gouverneur" "Rouer". (5) Dans le contrat de mariage
de M. Rouer de Villeray reçu un peu plus tard, le 9
février 1658, par le notaire Peuvret de Mesnu, il est égale-
ment qualifié de secrétaire du gouverneur. Il ne peut donc
y avoir de doute sur ce point.
Dans une colonie naissante les hommes instruits ne
sont pas nombreux. Les autorités confient au même in-
dividu plusieurs charges à la fois. M. de Villeray, tout
en servant de secrétaire à M. de Lauzon, exerça comme no-
taire à Québec. Ses lettres de nomination n'ont pas été
conservées, mais il est certain qu'il exerça cette charge de
1654 à 1657.
Pareillement, nous voyons par la commission de M.
Martin de Saint- Aignan comme juge-prévôt de la seigneu-
rie de Beaupré du 7 novembre 1663, que M. de Villeray
avait exercé cette charge : "Supplie Charles Aubert la
Chesnaye, intéressé pour la i^lus considérable partie dans
la seigneurie de Beaupré et isle d 'Orléans, lisons-nous dans
cette commission, disant que la dite terre et seigneurie est
demeurée depuis un assez long tems sans juge, par la ca-
ducité du sieur Olivier Le Tardif, et la démission du sieur
Rouer de Villeray de sa commission de juge-prévôt en la
dite terre (6)
A quelle date M. de Villeray fut-il nonnné juge pré-
vôt de la seigneurie de Beaupré ? Combien de temps gar-
da-t-il cette charge ? Il nous est ùnpossible de répondre à
ces deux questions, mais rien n'empêchait M. de Villeray
d'être en même temps secrétaire du gouverneur, notaire
(5) Acte de foy et hommage de Juchereau de Saint-Denys.
(6) Edits et Ordonnances, vol. III, p. 86.
— 36! —
à Québec et juge prévôt sur la côte de Beaupré. Cette
dernière charge était plutôt une sinécure car les habitants
n'étaient pas encore bien nombreux à cette époque dans la
seigneurie de Beaupré.
Dès son arrivée à Québec en octobre 1651, le gouver-
neur de Lauzon plaçait l'administration de la justice sur
un pied plus régulier. Un grand-sénéchal fut mis à la
tête de la justice ordinaire. Un lieutenant-général civil
et criminel et un lieutenant particulier, assistés d'un pro-
cureur fiscal, furent chargés de rendre la justice sous l'au-
torité de ce grand-sénéchal. (7)
Le premier grand-sénéchal de la Nouvelle-France fut
Jean de Lauzon, fils du gouverneur. Cette charge de
grand-sénéchal, au dire de M. de La Tour, était plutôt un
titre d'honneur. (8) Nicolas Le Vieux d'Haute ville et
Louis- Théandre Chartier de Lotbinière occupèrent suc-
cessivement la charge de lieutenant-général de la séné-
chaussée de Québec. Charles Sevestre exerçait dès 1656
la charge de lieutenant particulier de la sénéchaussée.
Charles Sevestre étant décédé à Québec le 9 décembre
1657, M. d'Ailleboust, qui avait succédé au gouverneur de
Lauzon, nomma M. de Villeray lieutenant particulier de
la sénéchaussée.
M. Sevestre occupait aussi la charge de commis du
magasin des Cent- Associés à Québec. M. de Villeray lui
succéda pareillement dans cet emploi.
M. Sevestre avait tenu ses écritures d'une façon telle
qu'après sa mort on eut beaucoup de difficultés à les com-
prendre. M., de Villeray, son successeur, qui avait épousé
sa fille deux mois après sa mort, fut tenu responsable de ses
erreurs ou de sa mauvaise gestion.
Le 5 septembre 1658, le gouverneur d'Argenson écri-
vait à M. de Morangé, conseiller ordinaire du Roi en ses
Conseils et directeur de ses finances :
"La mort de M. Sevestre a obligé Monsieur d'Aille-
(7) Ferland, Cours d'histoire du Canada, vol. 1er, p. 402.
(8) Mémoires sur la vie de Mgr de Laval.
— 37 ™
boust d'en arrêter les comptes. J'ai ordonné qu'on en
mit la copie entre les mains de Monsieur Denis pour vous
l'envoyer. Il (M. Sevestre) avait la charge de lieutenant
particulier laquelle après sa mort Monsieur d'Ailleboust
a fait exercer par le sieur de Villeray sous votre bon plai-
sir. Je le trouve très capable et personne à s'en acquitter
avec honneur et je ne fais nul doute que recevant cette gra-
tification de votre compagnie il n'en aie une parfaite re-
connaissance. C 'est à lui que M. Denis avait fait opposi-
tion pour sa maison, mais je l'ai trouvée si fort avancée
qu'il aurait été néanmoins nécessaire de le dédommager,
outre qu'elle n'est point du côté de la rade et qu'ainsi on
peut dire qu'elle est plutôt contre la bienséance que contre
la nécessité. Il n'en est pas de même d'une autre qui re-
gardait la rade des vaisseaux et que j 'ai ordonnée qui fut
levée parce qu'elle empêche la batterie.
'*Le sieur de Bécancour n'a pu s'empêcher de témoi-
gner sa chaleur ordinaire sur la conservation du bâtiment
du Sr de Villeray sur ce qu'il disait en avoir concession
mais il a été bien étonné lorsque je lui ai dit que ce ne pou-
vait être qu'une surprise puisque si il est vrai que le bâti-
ment de ViUeray nuise à la forteresse du magasin, celle
qu'il y bâtirait à la place causerait le même empêchement
et que par là il découvrait seulement l'intérêt qui le faisait
agir et nullement la pensée de la justice et de maintenir
les droits de votre compagnie". (9)
M. d'Argenson, on le voit, avait ime haute opinion de
l'honnêteté et des capacités de M. de Villeray. Mais celui-
ci avait des ennemis et ils réussirent à indisposer le gou-
verneur contre lui. La plupart des lettres de M. d'Ar-
genson au ministre n'ont pas été conservées mais c'est cer-
tainement sur ses plaintes que M. de Villeray fut obligé
de traverser les mers pour aller s'expliquer auprès des
autorités.
Dans un arrêté du Roi signé à Paris le 13 mai 1659,
au sujet de la traite des pelleteries, nous lisons :
(9) Archives du Canada, Correspondance générale, vol. 1er.
— 38 —
" .et d'autant que Sa d. Majesté
a été informée que le nornmé Rouer de Villeray a été par
voies et moyens illicites élu et nommé pour être du con-
seil de la dite traite que d'ailleurs il est accusé de plusieurs
crimes dont il doit se justifier auparavant que d'exercer
aucune charge publique et qu'il doit représenter tous les
comptés que défunt Sevestre son beau-père a rendus de
la recette et dépense des droits du dit magasin avec les re-
gistres qu'il en a tenus et les autres pièces justificatives
des d. comptes. Sa dite Majesté ordonne que pour y sa-
tisfaire et pour se purger des d. crimes le d. Rouer viendra
en France par le retour des vaisseaux qui iront cette an-
née au dit pays et cependant qu'il sera procédé au plus tôt
à l'élection et nomination d'une autre personne pour as-
sister au dit Conseil de la traite au lieu et place du d. Rouer
par les habitants du dit pays qui seront assemblés à cette
fin par l'ordre du sieur d'Argenson". (10)
Le 21 octobre 1659, le gouverneur d'Argenson écri-
vait au ministre :
''Il y a un habitant d'ici appelé Villeray qui s'en va
en France se justifier de quelque accusation que font Mrs
de la Cie contre lui. Il a quelques qualités assez bonnes
mais on ne peut avoir confiance en lui parce qu'il a été à
trop de Messieurs : M. de Lauzon, M. de Charny et M.
d 'Ailleboust, si bien qu'il voltige tantôt d'un côté et tantôt
d'un autre". (11)
M. de Villeray partit à bord du vaisseau du capitaine
Poulet qui prit la mer le 26 octobre 1659. Le Père Bar-
thélémy Vimont, l'abbé de Queylus, M. de Bécancour,
M. Chartier de Lotbinière et la plupart des marchands de
Québec et de Montréal s'embarquèrent en même temps
que M. de Villeray. (12)
M. de Villeray revint au pays au printemps de 1660.
Les explications de M. de Villeray avaient été trou-
vées si satisfaisantes qu'on- lui remit sa charge dès son
(10) Archives Provinciales de Québec, 1ère série, cahier 1er.
(11) Archives Provinciales de Québec, 1ère série, cahier 1er.
(12) Journal des Jésuites.
... zu ...
retour au pays. Le gouverneur d'Argenson, indigne-
ment trompé sur son compte, lui rendit aussi toute son
estime.
Le 4 novembre 1660, M. d'Argenson écrivait au minis-
tre :
''On nous a donné bien des comptes à revoir cette an-
née. Pour moi, ma pensée était de décharger le commis
du magasin du compte rendu en 1657 de même que nous
avions fait des autres, mais on a jugé dans le Conseil d'ici
plus à propos de renvoyer ce compte sans l'arrêter, mais
seulement avec quelques remarques. Cela ne laissera pas
d'embarrasser le commis du magasin ou du moins ses hé-
ritiers desquels est le sieur de Villeray, lieutenant-parti-
culier de ce Québec, qui est un des meilleurs habitants de ce
pays et un fort honnête honmie. Il avait passé en Fran-
ce l 'année passée et va encore y faire un tour. Il lui serait
fâcheux d'être recherché après avoir payé par l'ordre de
ceux qui avaient le pouvoir et vous voyez bien qu'il serait
impossible à un commis de refuser un commandement du
gouverneur particulier quand il y fait donner quelque ap-
probation du Conseil. Ce n'est pas que j'en aie jamais
voulu user de la sorte. J'ai toujours laissé une entière
liberté au Conseil de disposer et de donner les ordres au
commis de payer mais seulement pour vous montrer la
justice qu'il y a de décharger le commis, ce que je vous prie
d'insinuer à ceux qui pourraient vous en parler". (13)
M. de Villeray s'embarqua pour la France, à Québec,
le 5 novembre 1660, sur le vaisseau de Pointel. (14) Il re-
vint dans la Nouvelle-France au cours de l'été de 1661.
A l'automne de 1662, nouveau voyage en France. M.
de Villeray s'embarqua le 20 septembre 1662, sur le vais-
seau du sieur La Mothe, avec mademoiselle Mance, M. La
Garenne, etc. (15)
D'après l'édit de création du Conseil Souverain de la
Nouvelle-France du mois d'avril 1663, le nouvelle institu-
(13) Archives Provinciales de Québec, 1ère série, cahier 1er.
(14) Journal des Jésuites.
(15) Journal des Jésuites.
— 40---
lion devait se composer du gouverneur de Mézy, de Mgr
de Laval et de cinq autres personnes qu'ils devaient choi-
sir conjointement et de concert.
Ces cinq personnes furent choisies le 18 septembre
1663. Le premier nom sur lequel s'arrêtèrent M. de Mé-
zy et Mgr de Laval fut celui de M. de Villeray. Il fut
choisi comme premier conseiller.
Dès la deuxième séance du Conseil Souverain, M. de
Villeray fut chargé d'une mission délicate et peut-être
dangereuse.
En 1660, les directeurs de la Compagnie des Cent-
Associés avaient envoyé à Québec l'avocat Peronne Du
Mesnil en qualité de contrôleur général, d'intendant et de
juge souverain. Pendant son séjour de près de quatre
années ici, Peronne Du Mesnil se conduisit comme un vé-
ritable inquisiteur, accusant tous les hommes en place d'ê-
tre des voleurs.
En septembre 1663, Peronne DuMesnil apprenant que
le Conseil Souverain, nouvellement organisé, avait l'in-
tention de demander aux commis et receveurs des deniers
de la Communauté de rendre leurs comptes pour les deux
dernières années, fit forcer l'étude de M. Audouart, gref-
fier de l'ancien Conseil, et enlever certains registres et piè-
ces justificatives dont on avait besoin pour cette reddition
de comptes.
Le 20 septembre 1663, le Conseil Souverain chargeait
MM. de Villeray et Bourdon d'enlever ces registres et pa-
piers à Peronne DuMesnil, puis de les sceller et mettre
sous bonne garde. Il devait aussi forcer Peronne Du
Mesnil à quitter la maison qu'il habitait et qui apparte-
nait à la colonie.
Une escorte de soldats fut donnée à MM. de Villeray
et Bourdon et ils s'acquittèrent de leur mission avec une
fermeté qui ne plût pas au sieur Peronne DuMesnil qui
faisait le rodomont dans le pays dtpuis quarante mois.
De là les accusations aussi mensongères que ridicu-
les portées par cet avocat bavard contre M. de ViUeray
— 41 —
après son retour en France. (16)
Deux partis se formèrent bientôt dans le Conseil Sou-
verain : celui de l'évèque, qui, obéissant à l'édit du roi,
avait établi son séminaire et la dime, et s'opposait avec
i'ermeté à la vente des boissons enivrantes aux sauvages ;
et le parti du gouverneur, qui, se figurant que Mgr de La-
val voulait emj^iéter sur ses attributions, essayait de se
venger en favorisant la traite de l'eau-de-vie et en lui
créant des embarras pour la dime.
M. de Villeray n 'hésita pas à se déclarer en faveur de
la dîme et contre la traite de l 'eau-de-vie, c'est-à-dire pour
son évêque contre le gouverneur de Mézy.
De là, la fureur de ce dernier contre M. de Villeray et
MM. d'Auteuil et Bourdon, procureur-général, qui avaient
agi connue lui.
Le 13 février 1663, pendant que Mgr de Laval était
au château, dans la salle ordinaire des séances du Conseil
Souverain, M. d'Angoville, secrétaire de M. de Mézy, vint
de la i3art de son maître lui donner lecture de l'avis de
destitution de MM. de Villeray, d'Auteuil et Bourdon.
"Il ne les avait nommés, disait-il, qu'à la suggestion
de l'évèque de Pétrée, dont ils étaient les créatures. Ils
avaient voulu se rendre maîtres du Conseil, contre les in-
térêts du roi et du public, dans le but de favoriser des par-
ticuliers. Ils avaient formé et fomenté des cabales, con-
trairement à leur devoir et au sennent de fidélité qu'ils
avaient prêté au roi. On avait profité, ajoutait-il, de sa
bonne foi et de son ignoi'ance du pays pour le faire con-
sentir à leur nomination. Il priait maintenant le prélat
de se joindre à lui pour faire une assemblée du peuple, à
l'effet de choisir d'autres officiers."
Mgr de Laval se contenta de faire remarquer que cette
déclaration n'avait aucime valeur, puisqu'il ne lui avait
pas donné son concours, ainsi que le voulait l'édit de cré-
ation du Conseil Souverain.
(16) Le Mémoire de Péronne DuMesnil a été publié dans le Bulletin des
Recherches Historiques, vol. XXI, pp. 166 et seq.
— 42--
"M. de Mézy, dit M. l'abbé Gosselin, alliait une foi
profonde à de grands travers d'esprit. On lui fit entendre
que ses actes arbitraires forceraient le clergé à lui interdi-
re les sacrements de l'Eglise ; de ce moment, sa conscien-
ce ne fut pas en repos. ' '
Enfin, à la séance du Conseil Souverain, le 16 avril
1663, M. de Mézy rendit ses bonnes grâces à MM. de Vil-
leray et Bourdon et il déclara comme nul et non avenu tout
ce qu'il avait dit et écrit contre eux. La disgrâce de M.
de Villeray avait duré deux mois. (17)
Cependant la colère de M. de Mézy contre M. de Ville-
ray et les autres membres du Conseil Souverain qui par-
tageaient ses opinions n'était calmée qu'en apparence.
Elle n'attendait qu'une occasion favorable pour éclater de
nouveau.
M. Charron avait été élu syndic des habitants en as-
semblée publique régulièrement convoquée par ordre du
Conseil Souverain. M. Charron résigna bientôt. Une as-
semblée convoquée pour lui élire un successeur fut sans
résultat. Une troisième assemblée, convoquée par le gou-
verneur seul et par conséquent irrégulière, nomma M. Le-
mire.
Certains conseillers, parmi lesquels MM. de Villeray
et d'Auteuil, ayant protesté contre cette élection, M. de
Mézy ne put se contenir et il suspendit de leurs fonctions
MM. de Villeray, d'Auteuil, de la Ferté et le procureur
général Bourdon.
C'est au moment où M. de Mézy était le plus monté
contre M. de Villeray que ce dernier traversa en France
probablement pour ses affaires et peut-être aussi pour met-
tre le ministre au courant de ce qui se passait ici. Il s'em-
barqua le 30 août 1664 sur le vaisseau du sieur Le Gan-
gneur. (18)
Vingt jours après le départ de M. de Villeray pour la
(17) Sur cet épisode on peut consulter M. l'abbé Gosselin, Vie de Mgr
de Laval, tome I, pp. 437 et seq. Tout l'événement est raconté de main de maî-
tre.
(18) Journal des JésvAtes.
— 43 —
France, le 19 septembre 1664, M. de Mézy se présentait au
Conseil Souverain et déclarait que le roi lui avait donné le
pouvoir et à Mgr de Laval de changer les conseillers au
bout de l'an, qu'il en avait jjarlé plusieurs fois à l'évêque
mais qu'ils n'avaient pu s'entendre. Il donnait donc avis
aux sieurs de la Ferté, d'Auteuil et Bourdon, procureur
général, qu'ils n'étaient plus officiers du Conseil. Il an-
nonçait également que M. de Villeray, en route pour la
France, ne faisait plus ijartie, non plus, du Conseil Sou-
verain.
Le 24 du même mois, M. de Mézy, de sa seule autorité,
nommait les successeurs des conseillers destitués. *
"En tout cela, dit Garneau, le gouverneur violait l'é-
dit royal, car, s'il ne pouvait nonmier les conseillers sans le
consentement de l'évêque, il ne pouvait non plus se passer
de ce consentement pour les destituer ou les suspen-
dre". (19)
En France, M. de Villeray ne perdit pas son temps.
Il vit le ministre et le fit voir par ses amis.
Il écrivit même un mémoire que nos historiens ne sem-
blent pas avoir connu et où il donne les raisons de la haine
du gouverneur de Mézy contre lui.
**La source du désordre, écrivait-il en cette occasion,
procède de deux choses : l'une de ce que l'édit du roi tou-
chant l'érection du Conseil Souverain à Québec diminue
la grande autorité des gouverneurs, et l'autre l'avarice
de M. de Mézy, qui lui a fait rechercher par force et par
artifice une augmentation de 5,000 livres au delà des pré-
cédents gouverneurs. Jugez où cela va, en égard au pays
et à sa pauvreté. J'ai fait tout le possible pour empê-
cher cette augmentation et que les intentions de Sa Majes-
té fussent suivies, et plus j 'y ai fait mon devoir, plus il a
eu occasion de m'en savoir mauvais gré, et pour cela il a
mis tout en usage pour me perdre". (20)
M. de Villeray revint dans la Nouvelle-France pen-
(19) Histoire du Canada, tome 1er p. 201.
(20) Bibliothèque Nationale, fonds Colbert, collection verte.
... 44|--
dant l'été de 1665. Il fit probablement la traversée sur le
Saint-Sébastien qui amenait ici l'intendant Talon. Ce
vaisseau parti de Larochelle le 24 mai 1665, jeta l'ancre
devant Québec le 12 septembre suivant. La traversée
avait duré 117 jours ! M. de Villeray apprit en arrivant
en même temps que sa destitution la mort de celui qui en
avait été la cause. M. de Mézy était en effet décédé à
Québec le 5 mai 1665.
Coïncidence curieuse ! Dans le mémoire d'instruc-
tions remis à M. Talon avant son départ, le roi semblait
insinuer que les Jésuites menaient tout le pays, y compris
le gouverneur et l'évêque. Le roi disait à M. Talon de
s'informer là-dessus. "Pour y parvenir
il faudra qu'il voit le procureur général et le sieur Ville-
ray, qui sont les deux principaux du Conseil Souverain
établi à Québec, que l'on dit être entièrement dévoués aux
dits Jésuites, desquels il tirera ce qu'ils en peuvent savoir
sans néanmoins se découvrir de ses intentions. ' '
Pendant ces cent-dix-sept jours de traversée M. Ta-
lon eut amplement le temps de questionner M. de Villeray
sur les choses du pays. Celui-ci, qui habitait la Nouvelle-
France depuis quatorze ans et qui avait été mêlé à tous les
événem^ts importants, lui donna, nous pouvons le croire,
des renseignements qui mirent M. Talon absolument au
fait de la situation du pays.
M. de Tracy arrivé dans le pays le 30 juin 1665 se
chargea de réparer l'injustice conmiise au détriment de M.
de Villeray par l'irascible M. de Mézy. Le 6 décembre
1666, il faisait de nouvelles nominations au Conseil Sou-
verain et M. de Villeray recevait la charge de premier
conseiller.
Le 10 novembre 1668, le Conseil Souverain de la Nou-
velle-France rendait son célèbre arrêt permettant à "tous
les Français habitants de la Nouvelle-France de vendre et
débiter toutes sortes de boissons aux sauvages qui en vou-
dront acheter d'eux et traiter." Mgr de Laval et M. Le
Gardeur de Tilly seuls refusèrent de signer cet arrêt. M.
— 45 —
de Villeray, comme les autres membres du Conseil Sou-
verain, y api30sa sa signature.
C'était la première fois que M. de Villeray différait
d'opinion avec Mgr de Laval sur le funeste commerce de
l'eau-de-vie. Il dût regretter cette erreur.
C'est l'intendant Talon qui avait décidé le Conseil
Souverain à adopter cet arrêt.
"Certes, a écrit M. Cliapais, Talon ne se rendait pas
compte du fléau qu'il déchaînait. Il croyait, sans doute,
servir encore le bien public en provoquant cette décision.
Cependant quelles que pussent être ses intentions, il com-
mettait un acte dont l'historien impartial ne saui^ait l'ex-
cuser. Il y a dans sa vie bien des pages glorieuses. Mais
on voudrait pouvoir déchirer celle qu'il écrivit le 10 novem-
bre 1668". (21)
La même remarque s'applique à M. de Villeray. On
voudrait pouvoir déchirer la triste page qu'il écrivit le 10
novembre 1668.
M. de Villeray avait été d'autant plus mal inspiré en
suivant M. Talon sur cette question de l'eau-de-vie qu'en
cette même année 1668 il avait été élu marguillier de l'é-
glise paroissiale de Québec qui était en même temps la ca-
thédrale de Mgr de Laval. L'évêque de Québec, toute-
fois, ne lui garda pas rancune pour ce faux pas dans sa
carrière jusque là sans reproche.
Le 14 janvier 1669, le gouverneur de Courcelle conti-
nuait M. de Villeray dans sa charge de conseiller au Con-
seil Souverain.
Nous lisons dans le procès- verbal de l'assemblée du
Conseil Souverain tenue ce jour-là :
"En l'assemblée convoquée au château Saint-Louis
de Québec par M. Daniel de Remy, chevalier, seigneur de
Courcelle, gouverneur et lieutenant-généraj pour le roi en
la Nouvelle-France, où il présidait assiste de Messieurs
Claude de Bouteroue. conseiller de Sa Majesté en ses con-
seils, intendant de la justice, police et finances de ce pays,
(21) Jean Talon, p. 245.
— 46-
et de Mgr François de Laval, évêque de Petrée, nommé
par le E-oi premier évêque de ce pays lorsqu'il aura plu à
notre Saint Père le Pape d 'y en établir un, conseiller per-
pétuel au Conseil Souverain établi à Québec, par l'édit du
mois d'avril 1663; les sieurs de Villeray, de Gorribon, et
Tilly, Damour's, de la Tesserie, de Moucliy et Peuvret ayant
été mandés, il leur a été déclaré qu'il a été fait choix de
leurs personnes pour remplir les charges du dit Conseil,
savoir les dits sieurs de Villeray, Gorribon, de Tilly, Da-
mours et de la Tesserie pour être continués dans l'exer-
cice des charges de conseillers, le dit sieur de Mouchy pour
être établi en la charge de substitut du procureur général,
et le dit sieur Peuvret pour être continué secrétaire et
greffier". (22)
Le gouverneur de Courcelle n'était pas un ami de Mgr
de Laval. Le 13 janvier 1670, il réorganisait le Conseil
Souverain. M. de Villeray, que le gouverneur jugeait trop
favorable à Mgr de Ijaval et à son clergé, fut remplacé com-
me conseiller par M. Dupont.
M. Patoulet, secrétaire de l'intendant Talon, écrivait
au ministre, le 25 janvier 1672, au sujet de l'exclusion de
M. de Villeray :
''M. de Courcelle en 1670 estima devoir congédier le
conseil formé par M. de Tracy, lui et M. Talon, pour en ex-
clure le sieur de Villeray, sou]3çonné par lui d'avoir de trop
fortes liaisons avec M. l 'évêque de Pétrée et les PP. Jé-
suites. Et comme il n'a peut-être pas fait réflexion que
le roi ne lui a pas confié ce pouvoir-là, et que des habitants
du pays ont dit que lorsque M. de Courcelle en sera parti
ils protesteront de nullité contre les arrêts que le nouveau
conseil qu'il a établi a rendus, je crois qu'il serait bon pour
remédier à beaucoup de chicanes, qui pourraient naître de
là, d'autoriser par un arrêt du Conseil de Sa Majesté le
procédé de moirdit sieur de Courcelle, et cependant faire
rentrer le dit sieur de Villeray, seul honmie capable de ju-
dicature. M. l 'évêque de Pétrée et les PP. Jésuites se
(22) Jugements et délibérations du Conseil Souverain de la Nouvelle-Fran-
ce, \cA. 1er, p. 539.
— 47 ™
conformant en toutes choses aux instructions du roi, il ne
peut plus être suspect". (23)
Il tombait dans le lot de M. de Villeray de devenir la
bête noire des gouverneurs de la Nouvelle-France. Tour
à tour MM. de Mézy, d'Argenson et de Courcelle avaient eu
des griefs contre lui. Mais le gouverneur de Frontenac
devait être tout le temps de son administration un violent
et presque toujours injuste adversaire de M. de Villeray.
Le 2 novembre 1672 M. de Frontenac écrivait au minis-
tre Colbert :
"Ile ne me reste plus Monseigneur, pour faire ime
aussi longue, et peut-être aussi une aussi ennuyeuse let-
tre, qu'à vous dire que Mrs. Paget et quantité d'autres
principaux habitants de LaRochelle, qui sont créanciers de
la communauté du Canada me présentèrent en passant ime
requête par laquelle ils me demandaient que j 'eusse à les
faire payer de ce qui leur était dû par les habitants de ce
pays, prétendant qu'on y avait touché de grandes som-
mes sur les dix pour cent qu'on y lève, sans qu'ils eussent
été payés de quoi que ce soit. Comme je n'étais pas en lieu
de leur pouvoir rien répondre, je les remis quand je serais
arrivé, et en ayant parlé depuis à M. Talon, il m'a dit qu'il
ajusterait cela quand il serait en France.
''Cependant les habitants m'ont fait ici les mêmes
plaintes, disant que le droit se levait toujours sans qu'ils
se vissent acquittés de la moindre somme ; qu'un nommé
Villeray avait été depuis quelques années établi par M. Ta-
lon pour le recevoir, et qu'il n'y en avait pas un d'eux qui
ne connut fortune d'être arrêté prisonnier, lorsqu'ils al-
laient à LaRochelle. Les marchands et le syndic des ha-
bitants me vinrent même trouver il y a quelques jours
pour se plaindre que le dit Villeray voulait exiger un droit
de cinq pour cent sur toutes les marchandises sèches qui
avait été aboli il y a deux ans sans néanmoins qu'il y eut eu
pour le rétablir aucune ordonnance publiée : qu'on leur
(23) Archives du Canaxïa, Correspondance générale, vol. 3.
--48-
avait demandé la déclaration de leur facture de cette an-
née et même exigé le droit d'un capitaine d'un vaisseau
qui est parti depuis huit ou dix jours pour les Iles, ce qui ne
donnait pas un grand courage de continuer ce commerce.
Ce sera à vous à régler, s'il vous plait, toutes ces choses-là
avec M. Talon qui, je crois, vous en rendra bon compte.
Ils viennent de m 'apporter leurs requêtes que je vous en-
voie sur les cottes G. L.
"L'on m'a donné avis que ce Villerày avait envie de
vous demander la charge de procureur-général du Con-
seil Souverain ; mais il passe ici pour un esprit fort brouil-
lon et qui cherche à mettre la désunion partout quoique
d'ailleurs il ait de l'entendement et du savoir. C'est ce
qui a obligé il y a un an, de l'ôter du Conseil où il faisait
la charge de conseiller. Il y a encore une autre raison
plus forte, c'est qu'il est entièrement dévoué aux Pères
Jésuites, et Von dit même ici comynunément qu'il est du
nombre de ceux qui sans en porter l'habit ne laissent pas
d'en avoir fait les voeux. (24) C'est pourquoi j 'ai cru qu'il
était de mon devoir de vous en avertir, afin que vous vis-
siez, en cas que l'on vous en parlât, si après avoir (eu) au-
tant de peine à ôter aux Pères Jésuites la connaissance et
la direction des affaires de ce pays il serait à propos de
leur ouvrir une porte pour y entrer indirectement." (25)
Le 13 novembre 1673, M. de Frontenac revenait à la
charge auprès du ministre Colbert :
"M. Paget et les autres qui m'avaient, comme je vous
le marquai l'année passée, parlé des dettes que leur doit le
pays, m'ont encore celle-ci envoyé une nouvelle requête
pour être satisfaits ; mais je leur mande qu'ils n'ont qu'à
s'adresser à vous et que vous réglerez cela ou avec M. Ta-
lon ou avec celui dont le Roi fera choix, pour lui donner
l 'intendance de ce pays.
"Cependant comme un nommé Villerày duquel je me
donnai l'honneur de vous jjarler dans mes dernières dépê-
(24) Tous les mots en italiques sont en chiffres.
(25) Archives du Canada. Correspondance générale, cahier 3.
... 49 —
ches et dont je vous dépeignais le caractère, était commis
pour la levée du dix pour cent et que pendant cet hiver il
m'a donné en deux ou trois rencontres des marques de son
humeur brouillonne, intriguante et propre à mettre la di-
vision et le trouble partout, je crus en partant pour le vo-
yage du lac Ontario, et prévoyant qu'il arriverait quelques
vaisseaux avant mon retour, devoir remettre cette com-
mission entre les mains d'une personne plus affectionnée
pour le service et qui fut moins dépendante des Jésuites,
dont il est un des ijrincipaux arc-boutants et duquel ils se
servent dans toutes leurs machines. C'est pourquoi j'ai
commis le sieur Peiras qui a été autrefois secrétaire de M.
de Courcelles et qui est un homme très capable, en bonne
réjjutation et entre les mains de qui les deniers seront plus
assurés qu'ils n'auraient été dans celles de l'autre. Et com-
me il avait déjà fait la recette de deux vaisseaux devant
que j'eusse reçu vos premiers ordres qui ne sont arrivés
ici que le troisième septembre par navire du capitaine
Poulet, et que je voyais que les gens de M. Talon à qui le
dit Villeray avait à répondre, s'en retournaient en France,
j 'ai cru que vous ne trouveriez pas mauvais que je ne chan-
geasse rien de ce que j 'avais fait, avant que de savoir vos
intentions, vous assurant que le sr de Peiras rendra un bon
et fidèle compte à l'intendant qui viendra en ce pays de
tout ce qui aura passé jjar ses mains.
"Si j'ai manqué en cela ça été en croyant bien faire et
non pas manquer d'obéissance à vos ordres que je servirai
toujours aveuglement." (26)
Le ministre Colbert, qui connaissait de longue date
l'antipathie de M. de Frontenac pour M. de Villeray, lui
répondait le 17 mai 1674 :
''A l'égard du sieur de Villeray, Sa Majesté a toujours
reconnu que c 'estait celuy de tous les habitans de Canada
qui estait le plus acconmiodé, et qui s'appliquait le plus au
coumierce, et mesme qui avait déjà des vaisseaux en mer
qui avaient donné commencement au commerce avec les
(26) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 4.
— 50 —
Isles de l'Amérique ; et comme Sa Majesté vous a toujours
fait connaistre qu'il n'y avait rien de plus important, et
de plus nécessaires que ces sortes d'establissemens, aussy
ceux qui s'y portent debvraient asseurement avoir le plus
de part en vostre confidence, et en vos bonnes grâces, affin
que par le favorable traitement qu'ils recevraient de vous,
ils fussent convier à augmenter ce commerce, et que leur
exemple excitât les autres à s'y porter; c'est asseurement
l'ordre et la règle que vous debvez tenir, et quoy que vous
trouviez quelques deffauts en ces sortes de gens, il faut les
dissimuler, et les souffrir, parce que le bien qu'ils peuvent
faire, excède le mal, et puisque la compagnie avait donné
au d. Villeray la commission de recevoir les droits de dix
pour cent, vous ne pouviez pas et ne debviez pas donner
cette receepte à un autre sous prétexte que le dit Villeray
est attaché aux Jésuites.
''Sa Majesté veut de plus que le commis de la compa-
gnie paye les 36.000 1. des charges extraordinaires du pais
suivant l 'estât de la compagnie sans que vous l'obligiez à
payer davantage.
"Sa Majesté veut que vous teniez soigneusement la
main à ce que les habitans se pourvoyent des armes, pou-
dres, plomb et autres munitions qui leur seront nécessai-
res pour leur défense.
"Que le recensement de tous les habitants se fasse
tous les ans avec grand soin, en sorte qu'il n'en soit obmis
aucun.
"Que vous portiez tous les garçons et filles au mariage,
aussy tost qu'ils viennent en âge.
"Que vous restablissiez le sieur de Villeray dans sa
charge de premier Conseiller au Conseil Souverain, en cas
qu'il ne l'ayt point encore esté." (27)
M. de Villeray ne devait pas être longtemps en de-
hors du Conseil Souverain. Au printemps de 1674, la
Compagnie des Indes Occidentales "bien informée
(27) Archives du Canada. Ordres du Roi, série B. vol. 6.
... 51 —
que ce serait faire justice à M. de Villeray et en même
temps procurer un bien à la Nouvelle-France de le réta-
blir (fens la charge de premier conseiller au Conseil Sou-
verain qu'il possédait ci-devant", le nommait au roi, ainsi
qu'elle en avait le i3rivilège pas ses lettres patentes, pour
continuer d'en exercer la fonction.
Le 18 mai 1674, le ministre Colbert informait M. de
Frontenac de la nomination de M. de Villeray mais il ou-
bliait de joindre à sa lettre les provisions de Sa Majesté.
M. de Villeray fut tout de même installé dans son an-
cienne charge de premier conseiller le 8 octobre 1674. Il
est dit dans le procès- verbal de réception : *'Le Conseil
pour donner à Sa Majesté des marques de sa parfaite obéis-
sance et de la promptitude avec laquelle il se porte à exécu-
ter ses ordres sur la moindre connaissance qu'il peut avoir
de ses volontés, a ordonné et ordonne que nonobstant le
défaut de la présentation des provisions du dit sieur de
Villeray il sera reçu en une des charges de conseil-
ler au dit Conseil sans lui donner de rang pour le présent
"(28)
Le gouverneur de Frontenac était présent à la séance
en question et c'est lui qui dictait ces belles phrases. . . .
pour la galerie.
Quelques semaines plus tard, le 14 novembre 1674, il
écrivait à M. Colbert et tout en informant le ministre de
ses procédés de bon prince à l'égard de M. de Villeray il
lui servait un plat de sa façon :
"Vous me marquez que Sa Majesté pourvoit encore
deux conseillers au Conseil Souverain pour composer le
nombre de sept. Cependant M. de Bellinzani ne m'a en-
voyé que les provisions du Sr de Lotbinière et celles du Sr
Dauteuil pour procureur-général, duquel vous ne me fai-
siez aucune mention. On les a reçus l'un et l'autre, mais
l'oubli des provisions du sieur de Villeray que vous m'or-
donnez par les derniers articles de votre dépêche, de ré-
tablir en la première place de conseiller, a causé quelque
(28) Jugements et Délibérations du Conseil Souverain, vol. 1er, p. 861.
— 52 —
difficulté au Conseil pour le remettre dans ce rang, parce
qu'il ne représentait point ses provisions et quoique j'aye
fait toutes (sortes) d'instances, comme vous pourre» voir
par le procès- verbal et l'arrêt que le Conseil a donné
(cotte A) que je vous envoyé, je n'ai pu obtenir qu'il fut re-
çu à la première place, mais seulement en celle de conseiller
sans lui donner de rang et ce par provision en attendant
qu'il représente ses provisions et que la volonté du Roi ou
la vôtre, leur fut plus clairement connue.
P. G. R.
(La suite dans la prochaine livraison)
PAUVRE PETIT !
Vous ne connaissez pas la lamentable histoire de ce petit montréalais qui,
au dix-septième siècle, paya de sa vie une fugue d'écolier !
L'événement est consigné dans un procès verbal des archives judiciaires de
Montréal (7 février 1686) et j'en extrais les brèves notes qui vont renseigner le
lecteur.
Le lundi, 4 février 1686, à deux heures de relevée, Pierre Chesne, âgé de six
ans et dix mois, fils aine de Pierre Chesne, tailleur d'habits, quittait la demeure
paternelle pour l'école. Mais pour une raison qu'on ignore, au lieu de se rendre
où il devait, l'enfant prit le chemin du coteau Saint-Louis, audessus de la cha-
pelle Notre-Dame de Bon-Secours.
La bise mordait et l'enfant n'avait aux pieds que des sabots, n'importe, il
allait devant lui, libre, et ne semblait pas embarrassé. Le meunier du coteau
en l'apercevant lui demanda ce qu'il faisait, il répondit qu'il se rendait à Lon-
gueuil, chez son oncle Jean Petit ! Puis il poursuivit sa route jusqu'au ruisseau
Migeon, où il rencontra la femme du sergent Cabozié qui, elle aussi le question-
na. De nouveau, le jeune chemineau déclara qu'il allait à Longueuil, et per-
sonne ne songea à empêcher ce bambin, chaussé de sabots, de s'avanturer sur
le fleuve par une température boréale, à cinq heures de l'après-midi !
Ne voyant point revenir leur enfant, les parents partirent le quérir dans la
ville. On s'adressa aux amis, aux connaissances, on s'informa à tous les carre-
fours, sans résultat !
Deux jours durant, on agrandit le champ des recherches et on suivit les tra-
ces de l'enfant, sur la glace, dans diverses directions. Finalement, on le trouva
non loin du manoir de Longueuil: "il était étendu sur le dos. . . le pied droit
"nud, le bras droit sur son estomac et le bras gauche eslevé, la main d'icelluy
"plyée roidde par le froid et la gellée qu'il a fait depuis son départ et qui l'ont
fait mourir" !
Le sort pénible de ce malheureux écolier dut faire le sujet de bien des com-
mentaires dans Ville-Marie et les environs. Combien de mères, avec raison, si-
gnalèrent, à leurs enfants qui refusaient d'écouter, la fin tragique du Petit Ches-
ne.
E. Z. MASSICOTTE
— 53 —
i;ancetre de sir wilfrid laurier
L'ancêtre de Sir Wilfrid Laurier se nommait Cottineau, il portait,
en plus, le surnom de Champlaurier, mais ce surnom, par la suite, se
transforma en celui de Laurier qui est devenu un nom patronymique assez
répandu et surtout fort connu.
Personne n'ignore cela, car la généalogie de notre grand homme d'é-
tat a été faite par M. P.-G. Roy, mais ce que l'on sait moins c'est que le
fondateur de la famille Laurier se rendit chez le notaire avant de se pré-
senter à l'église et que Bénigne Basset dressa alors un contrat de mariage
qui est resté dans les archives de Montréal. Cette pièce pouvant offrir
de l'intérêt nous en mettons le texte à la disposition du lecteur :
24 AOUST, 1676
CONTRACT DE MARIAGP^ ENTRE FRANÇOIS COTTINEAU
DIT CHAMPLAURIE ET MAGDELAINE MILLOTS
Par devant Bénigne Basset, nottaire Royal de L'Isle de Montréal en
la Nouvelle-France et Tesmoings Soubzignez furent présens, François
Cottineau (1) dit Champlaurié habitant de la Seigneurie de la Chesnaye,
de présent en cette Ville de Montréal, fils de deffunt Jean Cottineau, vi-
vant vigneron, demeurant au bourg de St. Clou, Prez la Roche Foucaut,
diocèse D'Angoulesme, et de Jeanne Dupuis Ses père et mère, en Son Nom
d'une part. Et Magdelaine Millots, fille de Jacques Millots, habitant dud
Montréal, et de Jeanne Hébert, Ses père et mère, Aussy en Son Nom
d'Autre, Lesquelles partyes, en la présence et du Consentement de leurs
parens et amis, pour ce Assemblez d'Une part et D'Autre, Scavoir, de la
part dud François Cottineau, Séraphin Marganne, Escuyer, Sr de la Val-
trye, Lieutenant au régiment de Carignan, Pierre Perthuy dit la Lime
h'ant dud Montréal, et Bernard Mercier dit La Fontaine, habitant de la
dte Seigneurie de la Chenaye : Et de la part, de la ditte Magdelaine Mil-
lots, Lesd Jacques Millots et Jeanne Hébert, Ses père et mère, Robert le
Cavelier dit Deslauriers, et Adrianne du Vivier, ses grands père et mère.
Le Sieur Anthoine Forestier (2), Son oncle, à Cause de Marie Mag'ne
(1) Dans son acte de mariage, il se prénomme François- Jacques. (Tang.,
I. p. 142.)
(2) Chirurgien de Montréal.
— 54 —
Cavelier, Sa femme et tante Utérine, de ladte Mag'ne Millots, Ignace
Hébert Son oncle, Jean Baptiste Le Cavelier, Son oncle du Costé Mater-
nel ; Philippes de Carion (3), Escuyer, Sieur du Fresnoye, Lieutenant
d^Une Compagnie d'Infanterie au Régiment de L'Estrade, Paul Maurel,
Escuyer, Enseigne and. Régiment (4), Le Sr Abraham Bouat (5), Ni-
colas Hubert Mre. Tailleur d'habits, Pierre Caillé Sr de la Rochelle,
Aussy Mre. Tailleur D'habits, sieur Gilles Lauson Mre. chaudronnier,
Urbain Geté, habitant (6), Jacques Hubert, Aussy h'ant, Guillaume
Gourany (7), Anthoine Brunel tous demeurant Aud Montréal ; Reconnu-
rent et confessèrent Avoir fait et Accordé les traitté et promesse de Ma-
riage, qui Ensuivent, C'est A scavoir, Led François Cottineau avoir pro-
mis prendre la dte Mag'ne Millots, à Sa femme et Espouse, comme aussy
ladte Mag'ne Millots, Avoir promis prendre, led François Cottineau à
Son Mary et T{]spoiix, et le mariage faire et Sollenniser en face de Ste.
Eglise Catholique apostolique et Romaine le plus tost que faire se pourra,
et qu'il Sera Ad visé etdellibéré Entre eux Leursd Parents et amis, Si Dieu
et notre mère Ste P]glise sy consentent et Accordent pour estre Uns et
Communs en tous biens Meubles acquêts et Conquests Immeubles, suivant
la Coustume de Paris.
Ne seront tenus des debtes et hypothèques, l'Un de l'autre faites et
Créés avant la solennité de leur Mariage, A venir sy aucune y a Seront
payées et Acquittées par celuy qui les Aura faites et crées et Sur son bien.
En faveur duquel Mariage, les père et mère de la future Espouse ont pro-
mis bailler et fournir Aux futurs Espoux, et en advancement de leurs
hoyries Le landemain de leurs Espousailles jusqu'à la somme de Soi-
xante et quinze livres, en Une Vache Laitière, et Autres Bestiaux qui se-
ront pour lors estimez. Entre les partys pour demeurer Icelle Somme de
Soixante et quinze livres, Confuse en ladte Communauté. Sera Douée la
future Espouse de la Somme de deux Cens livres Tournois de Douaire
préfix et pour et Une fois payer, ou du Douaire Coustumier suivant ladte.
Coustume à son choix. Et le Cas Arrivant la Mort du futur Espoux Sans
(3) Il a laissé son nom à un endroit près du Long-Sault, qui s'appelle au-
jourd'hui Carillon.
(4) Inhumé à Montréal en 1679. (Tang., I, 442).
(5) Fameux cabaretier de Montréal, père du juge F.-M. Bouat.
(6) Ancêtre de Sir L.-A. Jette.
(7) Gournay dit Latour, tailleur. (Tanguay, I, 279).
... 55 —
Enfant Vivant dud futur Mariage/ led futur Espoux a fait don à cause
de Mort, à la future Espouse et Aux siens de tous et chacun les biens de
leur ditte Communauté, à quelque Valleur que le tout Se puisse Monter
pour en Jouir par elle et les siens Comme de Son propre et loyal acquest,
Et Aussy, Sy la dte. future espouse Venoit à décéder, avant led futur es-
poux, Sans Enfant Vivant d'Eux deux, Led futur Espoux, Jouyra pen-
dant Sa Vie Seulement des biens de la ditte Communauté, pour la Moitié
D'Icelle retourner Aux héritiers de la dte. future Espouse, Comme plus
habiles à Succéder, et pour faire Insinuer. Car ainsy etc. promettans etc.
obligeans chacun en droict Soy etc. Eenoncans etc. fait et passé Aud Mon-
tréal en la Maison dud Sieur forestier. L'an Mil six Cens soixante et
seize, Le Vingt quatrié. Jour d'Aoust, avant midy en présence
des Sieurs Jean Gervaise et Jean Bousquet Tesmoings y demeurans et
Soubzignez Avec Led Sieur de la Valletrie, Perthuy, Millots, Le Cavelier,
forestier, Ignace Hébert, Les Sieurs de Carion, Maurel, Hubert, CaiUé,
Lauson, Led Sr Bouat, Lesd futurs Espoux, Leurs Autres parens et amis
pour Ne scavoir de faire Enquis Suivant L'ordce.
Lavaltrie, Pr Perthuis, A. Bouat, Grilles Lauson,
Millots, A. Forestier, Le CaveUer, M. le CaveHer,
Maurel, Ignace Heber, Carion, Nicolas' Hubert,
Pierre Caillé, Jaque Hubert, Jehan Grervaise, Bas-
set.
xx'x
Bien que le contrat date du 24 août 1676, le mariage n'eut lieu que
cinq mois plus tard, le 7 janvier 1677.
E. Z. MASSICOTTE
QUESTION
Oii était né ce pauvre Justin McCarthy dont M. de Gaspé parle avec
tant de mélancolie dans ses Mémoires ? Je sais qu'il était fils de Jere-
mjah McCarthy, arpenteur.
XXX
™ 56 —
MEMOIRE
sur la partie occidentale du Canada, depuis
Michillimakinac jusqu'au fleuve du
Mississipi
(Suite et fin)
A onze lieues de cette dernière on trouve la rivière de Saint-Joseph
belle, grande et très navigable : à vingt cinq lieues de son embouchure
est le fort de Saint-Joseph et au})rès un village de Pouteoiiatamis qui peut
fournir un nombre de deux cents et quelques combattants ; ces sauvages
sont très braves et se font craindre de toutes les nations ; ils n'ont cepen-
dant; pour l'ordinaire, de guerre qu'avec les Chicachas où ils envoient
continuellement des partis et ])araissent fort attachés au Français ; ils
sèment et récoltent à leur village beaucoup de blé d'Inde ; la chasse au
chevreuil, au chat, et à l'ours y est très avantageuse. La rivière de Saint-
Joseph est encore navigable plus de vingt lieues au-dessus de ce village.
On peut^ par un portage, de cette rivière joindre les sources du Théakiki
qui sont des marais assez étendus et par cette rivière se rendre au Missis-
sipi jusqu'à la fourche le Théakiki se joint à la rivière des Illinois. La
route par terre du fort Saint- Joseph à celui du Détroit (sur la communi-
cation du lac Huron au lac Erié) est estimé par les voyageurs de quatre
vingt lieues, mais on ne doit guère la compter au delà de soixante, les
routes au travers des bois étant toujours estimées beaucoup au delà de ce
qu'elles sont réell ement. Assez près des sources de la rivière Saint-
Joseph sont celles de la rivière de Saint-Jérôme ou du Ouabache qui se
joint à la Belle-Rivière ou Ohio et ensemble versent leurs eaux dans le
Mississipi, à trente lieues et plus du point ou les deux rivières se réunis-
sent, qu'on appelle la Source. Le fort de Saint-Joseph est, ainsi que pres-
que tous ceux des pays d'en haut, de pieux ronds, et peut contenir pour le
présent dix à douze familles françaises, ce qui avec les engagés de ce poste,
fait pour l'ordinaire un nombre de 18 à 30 Français en état de porter les
armes.
De l'embouchure de la rivière de Saint-Joseph, à Chicagou (qui est
l'extrémité du lac Michigan) on compte trente lieues, terrain également
fertile et forêts admirables presque tout chênes. Il s'y voit aussi quel-
— 57 -
ques familles françaises. On franchit par un portage de demie lieue ou
environ, la hauteur des terres de Chicagou aux sources de la rivière des
Illinois qui communique avec les Mississipi. Ses sources sont une suite
de petits lacs et marais bordés de prairies fort étendues où dans les années
sèches Peau manque assez communément, ce qui rend la navigation en ces
temps presque impraticables jusqu'à douze à quinze lieues de Chicagou.
KIVIERE DES ILLINOIS
On compte du portage de Chicagou quinze lieues à gagner la Four-
ché (qui est le point où le Théakiki se joint à la rivière des Illinois),
jusque là, comme il a été dit, la rivière des Illinois est peu navigable dans
les années sèches, par son deiïaut d'eau et sa rapidité qui pour lors occa-
sionnent des décharges et portages (9) très fréquents ; au-dessous de la
Fourche on la trouve beaucoup plus praticable en tout temps. Elle con-
serve cependant toujours de la rapidité qui, dans quelques parties, rend sa
navigation assez pénible .; d'ailleurs ces terres y sont belles, quantité de
prairies et presque partout chasse abondante surtout à l'ours, au chevreuil
et au chat.
De la Fourche aux Péoria soixante lieues ; le village est composé de
trois cents et quelques combattants de nation illinoise, très laborieux et
grands chasseurs de boeufs sauvages seulement, ce qui fait qu'on ne tire
d'eux, aucune pelleterie. Ces sauvages ne sont en guerre avec personne
et sont regardés de toutes les nations comme de vrais poltrons et craignent
plus le Français qu'ils ne l'aiment.
Il y a du village des Péoria au Mississipi quatre vingt lieues, toujours
même terres et prairies que ci-dessus, beaucoup de boeufs sauvages par-
tout. L'air est très tempéré dans tout le cours de la rivière des Illinois
et d'autant plus qu'on approche davantage du Mississipi, en sorte qu'à ce
fleuve on s'apperçoit à peine de l'iiiver. Les chaleurs, en été, y sont ex-
cessives et occasionnent assez communément des fièvres intermittentes
qu'on nomme en ce pays fièvres tremblantes, parce que l'accès commence
par un froid qui oblige à affubler d'un monceau de couvertures celui qui
en est attaqué ; il s'échauffe peu à peu et finit par ime sueur forte qui lui
rend la santé pour deux jours ; le troisième, le même accès reprend de
la même façon et se passe de même.
ROUTE DEPUIS L'EMBOUCHURE DE LA RIVIERE DES ILLI-
NOIS VERS LES SOURCES DU MISSISSIPI
La course du Mississipi est très rapide partout ; le fleuve est bordé
(9) On appelle portages tous les passages où l'on est obligé de porter et la
charge et le canot, soit qu'on y soit forcé par quelques chutes, rapides considé-
rables ou deffaut d'eau absolu, soit qu'on veuille passer d'une rivière à une au-
tre qui n'ont aucune communication et décharge. Ceux où l'on peut passer le
canot avec une partie delà charge seulement ou même à vide.
— 58 —
de prairies qui à un quart de lieue au plus à une demie lieue, s'appuient
à des montagnes pierreuses et non boisées lesquelles, comme il a été déjà
dit, viennent elles-mêmes s'appuyer de distance à autre au fleuve. Il y a
assez grande eau partout et plusieurs îles dont quelques unes d'une terre
fertile et très bien boisées. (10)
La même chasse qu'il a été dit à l'embouchure du Ouisconcing. On
compte de l'embouchure de la rivière des Illinois à celle de la rivière des
Moines (11) soixante lieues. Cette rivière a ses sources vers le sud-ouest
et porte canot de ce côté près de quatre vingt lieues ; ces terres sont belles ;
beaucoup de prairies et la chasse au boeuf sauvage y est abondante.
De la rivière des Moines à l'embouchure de la rivière à la Roche, soi-
xante lieues, même terrain et chasse que ci-dessus ; cette riyière prend sa
source vers l'est, et quoique très plate et assez rapide, elle est navigable de
ce côté près de cent cinquante lieues, elle est bordée de belles prairies et la
chasse au chevreuil dans tout son cours y est très abondante.
De l'embouchure de la rivière à la Roche à celle du Ouisconsing, soi-
xante lieues, même terrain et chasse que ci-dessus. La rivière du Ouis-
consing ayant été détaillée (p.p.) Je ne m'y arrêterai point et continuerai
j à suivre le Mississipi vers ses sources ; il est seulement à remarquer que
comme ce fleuve vient du nord on a très peu près le climat à l'embouchure
du Ouisconsing est déjà très différent de ce qu'il est auprès de la rivière
des Illinois et que plus on suit son cours vers ses sources plus l'air y de-
vient froid, en sorte qu'au portage Saint- Antoine et au-dessus l'hiver y est
très long et le froid extrême, ce que nous verrons ci-après; la chasse au-
près du Ouisconsing et au dessus est très avantageuse pour le boeuf, le
castor, le chat et l'ours, qui y sont en assez grande quantité.
On compte du Ouisconsing à la rivière à la Crosse environ vingt
Keues, cette rivière, qui vient de l'est, porte canot de ce côté près de cin-
quante lieues ; on y trouve beaucoup de castors, pécands, loutres et mar-
tes ; Elle traverse une prairie qu'on appelle prairie aux ailes, qui borde
le fleuve l'espace d'une lieue et s'étend en profondeur jusqu'à deux lieues,
s'appuyant à de hautes montagnes déboisées.
Il n'y a de l'embouchure de la rivière à la Crosse que deux lieues pour
se rendre à celle de la rivière Noire qui vient du sud-est et est navigable
l'espace de trente lieues ; les terres et chasse de cette rivière sont les mê-
mes que dans la précédente.
On compte de cette rivière jusqu'à la Montagne Trempée cinq lieues ;
cette montagne est une île déboisée qui a plus de soixante pieds de hau-
teur, d'un terrain fort ingrat.
(10) Le bois le plus commun est le chêne, le noyer de France et beaucoup
d'autres bois différents de celui qu'on voit en Canada.
(11) Les voyageurs donnent ce nom aux chats sauvagres tout ainsi que
celui de plus aux castors.
I
— 59— .
De cette île au lac Pépin, vingt-cinq lieues, mêmes prairies et même
suite de montagnes ; ce lac peut avoir trois quarts de lieues de largeur
sur une loùgueur de sept lieues, bordé de prairies qui, à une demie lieue
s'appuie à la chaine de montagnes.
Du lac Pépin à la rivière Sainte-Croix douze lieues ; cette rivière est
navigable Pespace de cent vingt lieues vers le nord -est, où sont ses sources ;
elle est assez rapide et très plate en beaucoup d'endroits. On peut par
son moyen se rendre au lac Supérieur en faisant près de sa source un por-
tage de demie lieue, pour tomber dans celles de la petite rivière Noésa-
cointe qui, à vingt cinq lieues de ce portage, se vide dans le lac Supérieur.
Ces deux rivières courent à peu près sud-ouest et nord-est, et sont bor-
dées d'un terrain égal et fertile couvert de très beaux bois où la bête fauve
de toute espèce, est très commune.
A douze lieues de l'embouchure de la rivière de Sainte-Croix, conti-
nuant toujours à monter le Mississipi, on trouve l'embouchure de la rivière
Saint-Pierre, large de quatre arpents à son entrée, très profonde, et qui
est navigable, sans rapides, jusqu'à cent cinquante lieues vers le sud-ouest ;
la terre y est bonne et fort aplanie, la chasse du boeuf très abondante. On
trouve dans le haut de cette rivière un village de Sioux qui peut produire
un nombre de quinze cents combattants ; ces sauvages n'ont point de ré-
sidence fixe, ils sont presque toujours en marche et ne vivent que de boeuf
qu'ils chassent avec la flèche ; les femmes s'y vêtissent de peaux de boeuf ;
les hommes y sont constamment nus, n'ayant pas même l'attention de se
couvrir la pure nudité. Comme leur pays n'est qu'une suite de prairies im-
menses, ils dressent leurs camps chaque soir, pour ainsi dire, se mettant
.à couvert sous des tentes faites de peaux de boeuf, à qui ils donnent la
forme de cônes tronqués d'une quantité suffisante pour laisser passer li-
brement la fumée. Cette nation fait la gurre à toutes les nations voisi-
nes. Il y a outre ce village quantité d'autres de même nation tous très
nombreux dont les Européens n'ont de connaissance que par le récit de
ceux-ci; les prairies qu'ils habitent sont si immenses et si uniformes que
ceux qui les traversent ne trouvent pas même de bois pour f-aire cuire leur
manger ; ils se servent pour cet effet de fiente de boeufs sauvages qui y
fourmillent.
De l'embouchure de la rivière Saint-Pierre au portage Saint-Antoine
trois lieues ; ce portage occasionnée par une moyenne chute et suite de
rapides est le premier qu'on trouve dans le fleuve du Mississipi qui, de
son embouchure à ce portage, a au moins six cents lieues, toujours d'un
cours très rapide mais navigable partout, même pour des pirogues et ba-
teaux plats du port de trente tonneaux et plus ; c'est à cette chute que
cesse la double chaîne de montagnes que j'ai dit accompagner le fleuve
presque dans tout son cours. Au-dessus de ce portage qui est environ
d'un quart de lieue et où on prétend qu'il y a des mines de cuivre assez
abondantes, est une suite de prairies qui se succèdent presque sans inter-
ruption ; la chasse y est parfaite et on y fait en abondance des pellete-
ries de toute espèce.
.— 60 —
On trouve, à trois lieues de ce portage, un village de Sioux qu'on
nomme gens des Laos ; ils se servent de canots et font usage d'armes à feu
qu'ils tirent du Français avec qui ils traitent ; leur pays est rempli d'un
nombre infini de petits lacs et pour cette raison est appelle Les Mille
Lacs ; ils ne sèment aucun grain et ne vivent que de chasses, de pêches
et de folle-avoine, qu'ils trouvent en grande quantité le long de tous ces
lacs. Ils sont presque toujours en guerre avec les Cris (12) et les Assini-
bouels, peuple qu'on trouve sur la route suivie pour découvrir à l'ouest,
partant du lac Supérieur.
On compte du village des Gens des Lacs à la rivière à la Corneille,
trente lieues. Cette rivière est bordée de bois l'espace de trois lieues,
et au-dessus, ce sont des prairies de suite ; elle est navigable vers le sud-
ouest l'espace de cinquante lieues dans des prairies immenses et de la
meilleure terre qu'il soit possible de voir ; l'hiver y dure près de sept
mois, d'un froid extraordinaire avec beaucoup de neige.
Je ne détaillerai pas plus loin le cours du Mississipi qui, de la riviè-
re à la Corneille (la dernière connue par les Européens) est encore navi-
gable vers le nord-ouest près de trois cents lieues (si on en croit les Sau-
vages) toujours bordé de terre de même qualité, mêmes prairies et chas-
se à peu près la même.
VUES SUR UNE DECOUVERTE A L'OUEST AU MOYEN DU
MISSISSIPI
On peut observer partout ce qui a été dit que le Mississipi des sour-
ces duquel on n'a encore qu'une idée confuse peut servir pour découvrir
à l'ouest beaucoup plus utilement que la route par le lac Supérieur, par
la quantité de grandes rivières encore inconnues que reçoit ce fleuve dans
sa partie supérieure qui viennent pour la plupart de l'ouest et du nord-
ouest ; d'ailleurs si l'on fait attention qu'on peut par le moyen de deux
faibles portages se rendre ,du haut de ce fleuve au pays des Cristinaux par
où on a tenté jusqu'à ce jour de découvrir une mer à l'Ouest ; on se con-
vaincra qu'en suivant le fleuve on doit épargner près de cent lieues de
marche et plus de quatre-vingt portages.
Ainsi mon sentiment serait que pour cette recherche il faudrait, par-
tant de Montréal, se rendre à la Baie des Puants ; de là, par la rivière
des Renards et le Ouisconsing au Mississipi qu'on monterait tant qu'il se
rait navigable, tenant note de toutes les grandes rivières qu'on laisserait
derrière soi, pour y revenir au besoin ; je ne doute point qu'en parcourant
ce fleuve et les différentes rivières qu'il reçoit vers ses sources, on ne par-
(12) Cris au lieu de Cristinaux ; les voyageurs ont l'habitude de ne nom-
mer plusieurs nations que par la première syllabe de leur véritable nom. Ainsi
ils disent Pou au lieu de Pouteouatami ,Sak au lieu de Sakis ; Otiis au lieu de
Ouiatanon ; Chi au lieu de Chicachas ; Kas au lieu de Kaskakia ; Pé au lieu de
péoria, etc.
... 61 ™
vint par les connaissances que pourraient fournir les différentes nations
sur la route, à trouver enfin quelque rivière qui se rende à cette mer, si elle
existe; mais, pour y réussir il ne faut pas moins qu'im homme instruit,
très intelligent et déjà dans Thabitude de ces voyages, ayant une connais-
sance parfaite de l'homme en général, et une suffisante des sauvages pour
en tirer le parti le plus convenable ; mais surtout un sujet assez attentif
pour ne pas négliger la plus petite chose ; il n*est point de minuties pour
des entreprises de cette espèce ; les choses qui souvent sont regardées de
tous comme bagatelles et ne tendant à rien sont souvent celles d'où dé-
pend la réussite. Ce n'est donc que par une tension d'esprit continuelle
sur tous les objets qui peuvent se présenter, par un jugement sain et une
combinaison juste qu'on peut parvenir au but qu'on doit se proposer dans
toutes les marches ; mais, comme je l'ai déjà dit, il faut être instruit,
surtout assez d'astronomie pour savoir en tout temps oti l'on est, sans
quoi on marche à l'aveugle, croyant, après avoir contourné toutes les si-
nuosités d'une ou plusieurs rivières, avoir fait sept à huit cent lieues en
route directe tandis qu'elle n'est peut-être pas de trois cent lieues, et c'est
là je crois le cas où nous nous trouvons pour tout ce qui a été fait jus-
qu'ici à ce sujet, au moins n'est-on pas certain du contraire par le défaut
d'acquit de la part de ceux employés à ces découvertes qui, d'ailleurs, se
sont plus occupés de leur commerce que de l'objet pour lequel ils étaient
employés.
Eoute dans le Mississipi, depuis la rivière des Illinois jusqu'aux
premiers établissements français (dits des Illinois), de là remontant le
fleuve jusqu'au Missouri, dont nous suivrons ce qui est connu de son
cours.
ROUTE DANS LE MISSISSIPI
Le Mississipi auprès et au-dessous de la rivière des Illinois est com-
me nous avons dit qu'il était au-dessus, c'est-à-dire grande eau, d'un
cours rapide et d'ime largeur d'un quart de lieue à une demie-heue, avec
des îles assez fréquentées dont la majeure partie bien boisées, bordé de
part et d'autre par des prairies larges de un quart de lieue et plus, ter-
minées de chaque côté par une chaîne de montagnes qui, de distance à
autre viennent s'appuyer au fleuve ; la chasse y est aussi de même espèce
et toujours assez abondante.
De l'embouchure de la rivière des Illinois, suivant le cours du fleuve,
douze lieues jusqu'à la rivière du Missouri, qui vient du nord ouest et
dont les sources sont vraisemblablement dans un grand éloignement
puisque les Sauvages les plus reculés que nous connaissions n'en ont au-
cune idée, et se sauvent sur les questions qu'on leur fait à ce sujet en
disant qu'elle n'a point de bout ; (13) nous détaillerons dans un mo-
ment ce que nous connaissons du cours de cette rivière.
— 62 —
On compte douze lieues du Missouri aux premiers établissements
français (connus sous le nom général d'Etablissements des Illinois). Je
n'entrerai pour le présent dans aucun détail à ce sujet ; je me contente
d'indiquer le lieu, me réservant de le détailler dans un autre temps, et
lorsque je parcourerai le fleuve jusqu'à son emboucluire. Je vais donc
reprendre le Missouri, qui est à douze lieues au nord de ce premier éta-
blissement.
ROUTÉ DANS LE MISSOURI
La rivière du Missouri, comme nous l'avons dit ci-dessus, est très
longue et il est à présumer qu'on ignore encore partie de son cours puis-
que les sauvages qui en parlent, pour qui trois et quatre cents lieues ne
sont rien, non seulement en ignorent les sources, mais même ne se sont
point apperçu d'une diminution d'eau sensible, quelque loin qu'ils aient
poussé, montant cette rivière. Elle peut avoir un tiers de lieue de largeur
moyenne ; elle est profonde et son cours rapide que ses eaux, blanchies
par les éboulis continuels qui s'y font, rencontrant le Mississipi le tra-
verse à moitié sans se confondre evec celles de ce fleuve qui sont assez
claires ; les terres qui bordent le Missouri sont les plus belles qu'il soit
possible d'imaginer, et si fertiles pour toutes sortes de productions qu'on
ne peut s'en former une idée qu'en voyant ce qu'elles produisent.
On compte de l'embouchure de cette rivière soixante lieues jusqu'au
village des Missouris, qui peut fournir cent cinquante combattants ;ils
cultivent beaucoup de blé d'Inde et de tabac dont ils recueillent une
grande quantité, et ils élèvent beaucoup de chevaux dont ils font usage
pour courir le boeuf sauvage ;ils ne portent la guerre chez aucune na-
tion mais sont en but à presque toutes celles des pays d'en haut qui les
harcèlent par des partis continuels.
A quarante lieues de ce village est la rivière d'Eslands, qui vient du
sud, et à l'embouchure de laquelle les Français ont construit un port ;
(14) à trente lieues de ce port et dans cette rivière est un village de Cau-
sées dont le nombre est de quatre cents ou à peu près en état de porter les
armes ; les terres de cette rivière sont comme celles du Missouri.
De l'embouchure de la rivière d'Eslands six lieues jusqu'au village
des Autata oiî on voit environ cent cinquante combattants, et à quinze
arpents au-dessus un second village de cinquante hommes portant armes.
Tous ces sauvages vivent au blé d'Inde et au boeuf sauvage qui y est très
commun.
(13) C'est au réel l'expression dont ils se servent.
(14) On doit, sans qu'il soit besoin de le dire, juger que tous les forts cités
dans le pays ne sont qu'une suite de pieux ronds posés l'un auprès de l'autre,
se touchant immédiatement, de 12 à 15 pieds d'élévation hors de terre, qui sert
d'enceinte à quelques baraques- en bois dont partie sert de logement, l'autre de
magasin.
— 63 —
Au sud de ces villages, sur la rive opposée du Missouri, et la rivière
des Panis dans laquelle on trouve à trente lieues de son embouchure trois
villages de Panis qui ensemble peuvent faire nombre de trois cents com-
battants.
Du village des Autata (sur le Missouri) à gagner celui des Maha on
compte soixante lieues. Ce village peut contenir six cents combattants
qui vivent et chassent conîme les précédents, ce qui fait que les Français,
qui ne vivent qu'aux pelleteries précieuses, y vont rarement.
De ce village à ceux des Eikaras (qui sont les derniers de cette riviè-
re connus par les Européens) on compte près de deux cents lieues. Ces
villages sont au nombre de quarante, à la voix Fun de l'autre, et qui au
rapport de ceux qui y ont été, peuvent contenir chacun quatre à cinq cents
hommes. Je finis en cet endroit, passé outre, et c'est sur le rapport de
ces sauvages qu'on doit juger que les sources de cette rivière sont encore
fort éloignées.
EEFLEXIONS SUE LE MISSOURI POUR LA RECHERCHE
D'UNE MER A L'OUEST
Le sentiment assez unanime de presque tous ceux qui ont parcouru
ces pays est que poussant le plus avant qu'il est possible, par le Missouri,
on doit parvenir à avoir quelques connaissances d'une mer à l'ouest si
elle existe ; il ne faut cependant point se dissimuler toutes les difficul-
tés qui doivent accompagner cette recherche par la quantité de nations
qu'on doit rencontrer sur la route, qui semblent d'autant plus nombreu-
se que vous poussez plus avant dans ces contrées. Si vous êtes exposé
à vous voir arrêté au moindre de leurs caprices, soyez plus nombreux et
assez pour n'avoir rien à craindre de leur inconstance, vous leur devenez
suspect, vous éprouvez mille difficultés de leur part pour la subsistance,
que vous ne pouvez pour lors obtenir que de vive force et si vous emplo-
yez cette voie c'est vous mettre dans l'impossibilité de pousser plus loin,
même de rétrograder, la nation offensée pouvant s'allier à l'instant tou-
tes les nations au-dessus et au-dessous d'elle et, par conséquent, vous
faire autant d'ennemis, et pour toujours, qu'il y a • d'individus sur votre
route. D'ailleurs, comme il a été exposé ci-dessus, le commerce connu
de ce pays ne présente point encore un espoir de gain assez considérable
pour que des particuliers osassent s'exposer, sans plus de sûreté, aux frais
immenses qu'exigerait cette opération en grand.
Au surplus qu'on ne se promette pas de moindres difficultés en faisant
cette recherche par le haut du Mississipi car même avant d'être à ses
sources, vous vous trouvez déjà dans le pays immense des Sioux, nation
très nombreuse peu sociable et dont on ne connait que la moindre partie;
tant il est vrai, comme je l'ai insinué ci-devant, que pour se promettre
-64 —
quelque réussite, il ne faut pas moins pour diriger le tout qu'un homme
d'une intelligence peu commune, d'une prudence consommée et orné des
connaissances en tout genre relatives à cette partie, d'un esprit assez
fertile pour trouver chez lui toutes les ressources qui peuvent lui devenir
nécessaires, qui, pour peu qu'on approfondisse l'objet, doivent être mul-
tipliées à l'infini ; à quoi il faut ajouter la. conduite même des siens
qui quelque bien choisis qu'ils soient, ne le sont jamais assez pour con-
courir tous avec le même zèle au bien de l'entreprise ; s'il survient quelque
dérangement quel remède y apporter dans un pays si éloigné, où chacun
se croit maître et ose tout impunément, ayant la liberté de se soustraire
pour toujours à la punition qu'il mérite, pouvant s'échapper immédiate-
ment après avoir satisfait à sa passion particulière.
FIN
LES DISPARUS
J. B. MONIER
Né à Nantes, France, en 1847. Fit la campagne d'Italie avec les
zouaves pontificaux, sous le général de Charette, s'enrôla dans les francs-
tireurs durant la guerre de 1870-71, puis vint au Canada en 1872. Après
avoir été secrétaire de l'hon. L. Beaubien, il collabore à VEtendard puis
fonde le Prix Courant. Ensuite, il passe au Monde, à la Presse et au
Canada. Il était attaché à la rédaction de ce dernier quotidien depuis
1903, lorsque la mort le surprit au travail le 7 décembre 1918. Feu M.
Monier était un érudit modeste et un poète agréable.
ANATOLE PARTHENAIS
Sculpteur canadien de grand talent, né en septembre 1839. Après
avoir été trois fois couronné par l'Ecole impériale des beaux arts de Paris,
se sentant frappé d'un mal incurable il revint au pays et s'éteignit à Jo-
liette, le 37 décembre 1864.
X.
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVÏ BEAUCEVILLE^MARS 1920 No 3
La famille Rouer de Villeray
Louis Rouer de Villeray
(SUITE)
"J'aurais néanmoins fort souhaité que le Conseil ne
se fut pas arrêté à cette formalité dans Tappréliension que
j 'ai que vous ne me soupçonniez de ne pas avoir agi en cela
comme je devrais et que ce ne soit un effet d'un reste de
chagrin que j 'aurais contre lui, puisque je vous assure que
si je vous ai écrit ci-devant sur son sujet, dans les termes
que j'ai fait, ce n'a été que par les connaissances que j'ai
eues du caractère de son esprit ; car, du reste, il n'y a hom-
me en Canada dont je dusse être plus satisfait, puisqu'il
n'y en a point qui ait eu tant de somnissions apparentes
pour moi, ni qui ait pris plus de soin de rechercher mon
amitié; mais j'ai toujours eu en vue de suivre exactement
ce que vous m'aviez prescrit en partant, sur le sujet de Mr
Vévêque de Pétrée et des Pères Jésuites, (29) j'ai cru ne
les devoir pas autoriser par leurs émissaires dont celui-ci
est le principal et le plus dangereux, comme vous pourrez
aisément le vérifier par des x)ersonnes désintéressées qui
vous instruiront de tout ce qu'il a fait, non seulement du
temps de Mr de Courcelles, mais encore de celui de plu-
(29) Tous les mots soulignés en chiffres.
— 66 ™
sieurs autres gouverneurs qui l'avaient précédé. Pour
moi, il ne m'avait jamais donné aucun sujet de plainte
quand je vous en ai fait le portrait, mais je ne craindrai
point de vous dire d'abord qu'il est venu en ce pays, il a
pris parti dans la garnison, et a été soldat dans le fort, que
la fortune qu'il y a fait ensuite est si médiocre que, s'il n'a-
vait été, les dernières années, facteur et commissionnaire
d'un marchand de LaRochelle dont les affaires sont assez
embrouillées, il n'y aurait jamais pu subsister ; qu'il ne
s'est jamais appliqué au commerce de la mer, publiant ici
hautement que le temps et l'étude qu'il a donnés depuis dix
ans aux choses du droit et de la jurisprudence, où je ne le
crois pas encore fort habile, lui ont fait abandonner tou-
tes sortes de trafics ; que, bien loin d'avoir des vaisseaux
sur la mer, il n'a jamais eu une chaloupe sur cette rivière,
comme en ont de simples habitants de Québec, et même qu'il
n'a pas présentement un canot de bois pour traverser la
rivière et qu'à l'égard du commerce avec les îles de l'Amé-
rique, jamais il n'y a pensé ni travaillé. Mais il n'est pas
étrange qu'on ait espéré pouvoir vous déguiser les choses
sur des faits qu'on a cru qui ne se pourraient pas éclaircir
de si loin, puisque, dans ceux dont on devrait présumer
que je pourrais vous envoyer aisément la preuve, on n'a
pas laissé de le faire.
"La copie que vous recevrez cotée B. de la commission
que Mr Talon lui a donnée en son nom pour lever le dix
pour cent, vous fera connaître que ce n'est point MM. de
la Compagnie qui la lui avaient donnée et que je n'ai point
eu dessein de choquer leurs droits en la donnant, comme
j'avais fait, à un autre, puisque si leur nom eut paru, je
n'aurais eu garde d'y rien changer ; mais voyant tous les
gens de Mr Talon s'en retourner en France, et ne croyant
pas, comme je vous l'ai déjà marqué, les deniers en trop
grande sûreté dans les mains d'une personne peu accomo-
dée, je crus les devoir remettre dans celles d'un homme de
bien et fidèle comme celui que j 'avais choisi.
"Cependant, Monseigneur, aussitôt que j'ai reçu vo-
— 67 —
tre dépêche j 'ai remis la commission à Mr de Villeray
qui a fait, cette année, la recette du dix pour cent, par où
vous reconnaîtrez ma prompte obéissance, et que je n'ai
aucune peine à tout ce que vous ordonnerez.
''Comme il n'est pas content de l'arrêt qu'on a donné
sur sa réception, il m'a demandé de lui permettre de passer
en France où il ne manquera pas de vous alléguer l'injus-
tice que Mr de Courcelles lui a faites de l'ôter du Conseil
de son autorité et sans le consentement de Mr l'évêque,
mais c'est à Mr de Courcelles à vous rendre compte des rai
sons qu'il a eues pour cela et que j'ignore. Tout ce qui
est de ma connaissance, est que le registre du Conseil, dont
je vous envoyé copie cotté C, porte que les cinq conseil-
lers qui le composent, ont été établis du consentement mu-
tuel de Mr de Courcelles et de Mr l'évêque; que l'acte de
rétablissement du Conseil qui se fait tous les ans, aux pre-
miers jours de l'année, est signé de Mr de Courcelle et de
Mr de Bouteroue lors intendant et qu'il est spécialement
marqué qu'il n'est point signé de Mr l'évêque parce qu'il
était malade ; que les gouverneurs précédents ont plusieurs
fois changé de conseillers suivant les termes de l'Edit de
création qui porte qu'ils seront tous les ans changés ou con-
tinués ; qu'il y a cinq ans que le Conseil subsiste dans le
même état où il est, à la réserve de deux conseillers que j 'y
ai mis depuis que je suis gouverneur, par le retour en
France d'un de ceux qui l'était et la mort d'un autre, que
le sieur de Tilly y a toujours eu la première place, qui est
un vieux gentilliomme de 60 ans et le seul peut-être de cette
qualité qui se soit venu habiter en ce pays, dans les com-
mencements de la colonie, qu'il y a apporté beaucoup de
bien dont il a perdu une grande i^artie dans la guerre des
Iroquois qui le pillèrent, qu'il se trouve présentement
chargé de quinze enfants tous vivants, qu'il est apparenté
de toutes les personnes les i^lus considérables du pays et
que, dans le temps qu'il i)ourrait espérer quelques grati-
fications il est à la veille de recevoir une grande mortifica-
tion, se voyant obligé de descendre d'un degré et peut-être
... 68 ---
de sortir tout-à-fait du Conseil si vous n'avez la bonté de
lui faire octroyer des provisions d'une des charges de con-
seiller, comme il m'a prié de vous le demander". (30)
Le 7 janvier 1675, le gouverneur de Frontenac renou-
velait le Conseil Souverain. Après un discours pompeux
où il déclarait qu'il avait tro^) bonne opinion des Conseil-
lers pour s'imaginer qu'il y en eut aucun qui eut été capa-
ble de manquer à son devoir, à son serment, à sa conscien-
ce, à son prince et à lui-même, il nommait de nouveau MM.
Le Gardeur de Tilly, Damours, Dupont, de Peiras et de
Vitré. MM. de Villerav et de Lotbinière, tenant leur char-
ge du roi, n'eurent pas besoin d'être nommés de nouveau.
La chose était fort heureuse pour M. de Villeray. Avec
les sentiments qu'entretenait le gouverneur à son égard il
est bien probable qu'il aurait été mis de côté.
En cette même année 1675, le Conseil Souverain fut
presque entièrement transformé. Il fut assimilé aux
compagnies supérieures du royaume. Les conseillers fi-
xés au nombre de sept recevaient les mêmes privilèges,
prérogatives, exemptions et autorités que les conseillers
des cours souveraines de France. Au lieu d'être choisis
chaque année par le gouverneur et l'évêque, les conseillers
devaient à l'avenir être nommés à vie et par mandement
direct du roi.
Anomalie assez curieuse, l'édit de réorganisation du
Conseil Souverain est daté du 5 juin 1675 et les nomina-
tions des sept nouveaux conseillers avaient été faites par le
roi cinq semaines plus tôt, le 26 avril 1675.
M. de Villeray fut maintenu dans sa charge de pre-
mier conseiller.
Le 16 novembre 1675, M. de Villeray achetait de René
Robineau, seigneur de Bécancour, grand-voyer de la Nou-
velle-France, le petit fief de Bécancour sur la Grande- Al-
lée, à Québec.
Ce fief d'un arpent de front sur dix de profondeur
était borné par devant à la Grande- Allée, par derrière au
(30) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 4.
- 69 —
fleuve Saint-Laurent, d'un côté aux représentants de feue
Marie-Marguerite Le Gardeur, femme de feu Paul Gode-
froy, et de l'autre à un emplacement que M. de Villeray
avait acquis des héritiers de feu Jean de Lauzon, grand
sénéchal de la Nouvelle-France. M, Robineau avait eu
la concession de ce fief de la Compagnie de la Nouvelle-
France, le 26 février 1657.
M. de Villeray paya son acquisition six cents livres
comptant. (31)
Par son édit du 5 juin 1675, qui confinnait et réglait
l'établissement du Conseil Souverain, le roi avait aussi
ordonné que l'intendant connue président du Conseil de-
vait demander les avis, recueillir les voix, prononcer les
arrêts. En un mot, l'intendant devait avoir les mêmes
fonctions que les premiers présidents des cours en France.
Les deux premières places du Conseil devaient cependant
appartenir au gouverneur et à l'évêque.
Le greffier du Conseil Souverain, d'après les ordres
de l'intendant Duchesneau, dans les procès- verbaux des
séances du Conseil, intitulait M. de Frontenac "chef du
conseil".
Au mois de janvier 1679, le gouverneur donna ordre
au greffier du Conseil Souverain, M. Peuvret, de changer
la formule employée jusqu'alors et de lui donner désor-
mais le titre de chef et président du Conseil.
M. Duchesneau s'opposa très énergiquement à ce
changement.
Le 20 mars 1679, sur la proposition du procureur-gé-
néral d'Auteuil, le Conseil Souverain délégua deux se ses
membres, MM. de Villeray et de la Martinière, auprès de
M. de Frontenac et de M. Duchesneau afin de les engager à
laisser de côté leurs prétentions respectives jusqu'à ce que
le roi eut décidé la question.
L'intendant Duchesneau consentit bien volontiers à
cet arrangement, mais le gouverneur ne voulut entendre
aucun accommodement.
(31) Acte de vente devant Romain Becquet, notaire à Québec, le 16 no-
vembre 1675.
... 70 -
Après de nombî'eux et longs pourparlers qui ne servi-
l'ent qu'à monter davantage les esprits, le 27 mars 1679,
M. de Frontenac se rendait au Conseil Souverain et décla-
ra qu'il eut à le traiter désormais en la même manière et à
lui donner les mêmes qualités qu'il plaisait à Sa Majesté
de lui donner. Et il ordonna formellement au greffier
Peuvret de le qualifier à l'avenir de chef et président du
Conseil, soit sur son plumitif, soit sur le grand registre,
dans toutes les intitulations qu'il y ferait des assemblées
où il assisterait.
Du 27 mars au 3 juillet 1679, les séances se passèrent
en discussion oiseuse, le gouverneur et l'intendant persis-
tant l'un et l'autre dans leurs prétentions.
La séance du 3 juillet 1679 fut très orageuse. M. Du-
chesneau consentit à se retirer du Conseil mais il défendit
au greffier de donner au gouverneur l'intitulation qu'il
exigeait. Le gouverneur et l'intendant se contèrent leur
fait devant tous les conseillers.
Ce fut le lendemain de cette séance orageuse que M. de
Frontenac exila de Québec les conseillers de Villeray et de
Tilly et le procureur-général d'Auteuil. M. de Villeray
eut ordre de se retirer à l'île d'Orléans, dans la maison de
M. Berthelot, M. de Tilly devait se rendre èhez son beau-
père, M. Jucliereau de Saint-Denis, à Beauport, et M.
d'Auteuil devait se retirer dans sa maison de Monceaux, à
Beauport, en attendant de s'embarquer tous trois pour al-
ler rendre compte de leur conduite au roi.
Le 5 juillet 1679, le Conseil Souverain se réunit à
Monceaux chez le procureur-général d'Auteuil; deux con-
seillers, MM. Damours et de la Martinière, furent députés
aui)rès >du gouverneur pour lui demander de révoquer ses
ordres au sujet de MM. de Villeray, de Tilly et d'Auteuil.
M. de Frontenac ne voulut rien entendre.
Les choses traînèrent ainsi jusqu'au milieu d'octobre.
Le 16 octobre 1679, le Conseil adopta une résolution priant
le gouverneur et l'intendant de consentir à ce que ni l'un
ni l'autre ne seraient nommés dans l'en tête des procès-
.-. 71 —
verbaux du Conseil, mais que le greffier écrirait seulement :
''le Conseil assemblée". Le gouverneur et l'intendant
consentirent à cet ex2)édient. Le gouverneur rappela
même" MM. de Villeray, de Tilly et d'Aut€uil à Québec. Le
Conseil se mit résolument à l'oeuvre pour disposer des af-
faires qui s'étaient accumulées pendant cette longue que-
relle.
Le 10 novembre 1679, l'intendant Duchesneau entre-
tenait longuement le ministre des prétentions de M. de
Frontenac au sujet des intitulations^rpms il ajoutait:
"Depuis que le Conseil a eu la liberté de s'assembler,
on a toujours travaillé à l'expédition des affaires qui ne se
sont pas trouvées en grand nombre, par besoin que j'ai
pris d'accommoder autant qu'il m'a été possible, la plus
grande partie des procès et de prévenir les différents qui
pouvaient arriver ; à quoi je puis dire, Monseigneur, que
j 'ai réussi à la satisfaction de tout le monde et que j 'ai rete-
nu les esprits dans le devoir qui avaient assez de disposi-
tions de s'aigrir.
"L'union dans laquelle Mr le gouverneur a vu tous
les officiers du Conseil pour ne point consentir qu'on don-
nât aucune atteinte à la déclaration du Roi, l'a mis dans
d'étranges emportemens contre eux; jusqu'à les traiter de
séditeux et de rebelles, et il s'est efforcé de faire passer
cette bonne intelligence pour une cabale, et c'est l'adresse
dont il s'est toujours servi pour tâcher de décrier tout ce
qu'on a fait pour le bien du pays et rendre suspects les
plus honnêtes gens.
"Le sieur de Villeray, qui va par ordre de Mr le gou-
verneur, rendre compte de sa conduite à Sa Majesté, vous
informera. Monseigneur, de toutes choses. Je suis obligé
par la force de la vérité de vous dire, comme vous le recon-
naitrez, qu'il est homme capable. Il est d'ailleurs d'une
probité connue, et fait honneur à la colonie par sa nais-
sance noble et par ses autres bonnes qualités, quoiqu'il ne
subsiste que par son grand ménage." (32)
(32) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 5.
— 72 -
M. de Villeray, qui était un lutteur peu ordinaire et
qui était d'ailleurs accoutumé à la disgrâce des gouver-
neurs, s'embarqua pour la France à la fin de novembre
1679. (33)
Là-bas, ses protecteurs ordinaires firent valoir sa
cause auprès du ministre qui lui était déjà favorable et
qui était passablement fatigué des ennuis que lui causait
M. de Frontenac.
M. de Villeray revint dans la Nouvelle-France au
mois d'octobre 1680. Il était jjorteur d'un ordre de Louis
XIV à M. de Frontenac de le rétablir dans ses fonctions
de conseiller. Il apportait aussi une lettre du roi fort
sévère pour M. de Frontenac.
''Tous les corps et presque tous les particuliers, écri-
vait le roi, se plaignent avec des circonstances si claires,
que je ne puis douter de beaucoup de mauvais traitements,
qui sont entièrement contraires à la modération que vous
devez avoir. Vous avez voulu que dans les registres du
Conseil Souverain, vous fussiez qualifié de chef et prési-
dent de ce Conseil, ce qui est entièrement contraire à mon
édit concernant cet établissement, en date du 5 juin 1675;
et je suis d'autant plus surpris de cette prétention, que je
suis assuré qu'il n'y a que vous dans mon royaume qui
étant honoré du titre de gouverneur et lieutenant-général
dans un pays, eut désiré d'être qualifié chef et président
d'un Conseil pareil à celui du Canada. Je désire donc que
vous abandonniez cette prétention mal fondée, et que vous
vous contentiez du titre de gouverneur et mon lieutenant-
général. . . . Au surplus, l'abus que vous avez fait de
l'autorité que je vous ai commise, en exilant deux conseil-
lers et le procureur-général i^our une cause aussi légère
que celle-là ne me plait guère, et n'était l'assurance précise
que vos amis m'ont donnée que vous agiriez avec plus de
modération à l'avenir, j'aurais pris la résolution de vous
faire revenir. "
Le voyage forcé que M. de Villeray venait de faire en
(33) Entre le 21 et le 29. »
— 73 —
France avait été pour lui une occasion de dépenses consi-
dérables. L'intendant Duchesneau, témoin journalier des
colères et des injustices de M. de Frontenac pour M. de Vil-
leray, essaya de lui obtenir une gratification. Le 13 no-
vembre 1680, il écrivait au ministre :
*'J'ai fait connaître au Conseil Souverain les inten-
tions de Sa Majesté sur l'expédition des procès et pour em-
pêcher que la chicane ne s'y introduisit afin que les procé-
dures de justice ne divertissent point les habitants de leur
travail et de leur commerce ; je vois les officiers très dis-
posés à les remplir.
*' Je dois vous dire en cet endroit, Monseigneur, que le
sieur de Villeray, j^remier conseiller, qui a l'honneur d'être
connu de vous, et qui est sans contredit le plus habile et le
plus capable de rendre service au Roi dans ce pays, mérite
d'être distingué par quelques gratifications de Sa Majesté.
Il a extrêmement souiïert de son envoi en France, et com-
me il est fort honnête homme et de naissance, il subsiste
honorablement du provenu de sa terre qu'il fait valoir
avec une grande économie. Il a été obligé de l'abandon-
ner longtemps. Il a perdu cette année ime partie de ses
provisions par le naufrage du navire Saint-Joseph. Ce
qui fait qu'il a très grand besoin des bienfaits du
Roi." (34)
M. de Frontenac était fidèle à ses amis. Qu'ils eus-
sent tort ou raison, il les défendait avec une égale ardeur.
Pareillement, lorsqu'il voulait obtenir des faveurs, il ne
cessait d'importmier le ministre que quand il avait obtenu
ce qu'il demandait.
M. de Frontenac était aussi jidèle à ses ennemis en ce
sens qu'il ne les lâchait que quand ils ],es avaient démoli.
La lettre de blâme reçue du roi et apportée par M. de Vil-
leray lui-même dût être assez difficile à digérer pour lui.
Aussi il ne tarda guère à créer une nouvelle querelle à M.
de Villeray.
"Par l'article 25 de l'Edit de 1600, écrit Ignotus, il
(34) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 5.
— 74 —
était défendu de prendre le titre d'écuyer à quiconque
n'était j)oint issu d'un aieul et d'un père ayant porté les
armes, ou servi le public en des charges honorables suscep-
tibles de conférer un commencement de noblesse à sa pos-
térité. Une déclaration du mois de janvier 1624 alla beau-
coup plus loin. Elle interdit le titre d'écuyer et l'usage
d'armoiries timbrées à tous ceux qui n'étaient point de ra-
ce noble, et cela sous peine de deux mille livres d'amende.
On voit par le Journal des Audiences que, le 13 août 1633,
sur les conclusions du procureur-général, il fut défendu à
ceux qui n'étaient pas gentilshommes de prendre la qua-
lité d'écuyer et de timbrer leurs armes, sous une pénalité
de quinze cents livres." (35)
L'édit de 1600 fournit l'occasion désirée par l'iras-
cible gouverneur pour recommencer la guerre à M. de Vil-
leray.
Au mois de mars 1681, le Conseil Souverain était oc-
cupé au procès de Louis Bolduc, procureur du roi à la pré-
vôté de Québec, accusé de malversations. M. de Villeray
avait été chargé de procéder aux informations dans cette
affaire.
Bolduc était un des protégés du gouverneur. Plusieurs
fois déjà, il l'avait défendu auprès du ministre. Cette
poursuite, on le comprend, donnait de l'humeur à M. de
Frontenac.
Le 10 mars 1681, devant le Conseil Souverain, le gou-
verneur fit une énergique remontrance à M. de Villeray.
Les Jugements et délibérations du Conseil Souverain nous
ont conservé la teneur de cette remontrance :
"Monsieur le gouverneur a dit que puisque la Cour
était occupée à rechercher les abus que les officiers peu-
vent commettre dans l 'administrations de leurs charges,
il était surpris que le procureur-général qui témoigne tant
de chaleur pour en être éclairci en de certaines rencontres,
demeure dans le silence dans d'autres et les dissimule quoi-
qu'il ne les puisse ignorer, que pour lui gouverneur il n'en
(35) La Presse, janvier 1903.
... 75 — .
peut pas faire de même i)arce qu'il manquerait à son de-
voir et que sa condescendance autoriserait la continuation
des abus et servirait comme d'une espèce de titre à ceux
qui les voudraient continuer, qu'ainsi il ne peut pas s'em-
pêcher d'avertir la Compagnie de deux manquements no-
tables qu'a fait le sieur de Villeray dans un exploit qui est
tombé entre ses mains et qui est semblable à beaucoup d'au-
tres à ce qu'il a appris donnés en conséquence de ses ordon-
nances sur le même sujet, le premier en ce que le dit ex-
ploit n'est point libellé et qu'il n'y est point dit contre qui
le témoin doit être entendu quoique les formules de l'or-
donnance du Roi le porte expressément, et le second en ce
que la qualité d'écuyer qui est donné au dit sieur de Ville-
ray sans qu'il ait produit sur cela aucuns titres qui puis-
sent faire voir qu'elle lui appartient, qu'il exhorte la Com-
pagnie à donner ordre à ces abus afin que dorénavant les
exploits soient libellés en la manière que l'ordonnance le
désire, et que les témoins que l'on voudra entendre ne puis-'
sent être surpris, et que le dit sieur de Villeray ne puisse
l^rendre des qualités qu'il n'ait prouvé lui appartenir, et
se conformer mieux à l'arrêt du Conseil d'Etat du Roi
donné le 29 mai dernier et registre dans la Compagnie le
24 octobre aussi dernier, par lequel le Roi défend aux Con-
seillers de prendre d'autres qualités que celles qu'il leur
donne dans les lettres de provisions de leurs charges." (36)
Sept jours plus tard, le 17 mars, M. de Villeray sou-
mettait au Conseil Souverain sa réponse à la remontrance
de M. de Frontenac. Elle est trop longue pour être citée
ici. Mais le premier conseiller répondait point pour point
à la remontrance du gouverneur.
Au sujet de l'exploit d'assignation, M. de Villeray dé-
clarait que le manquement, s'il y en avait un, était le fait)
de l'huissier et non le sien.
Quant au titre d'écuyer, M. de Villeray affirmait qu'il
ne l'avait jamais pris dans aucun des actes et registres du
(36) Juyements et Délibérations du Conseil Souverain, \'o\. II p. 478.
... 76 ---
Conseil, et que s'il s'en était servi ailleurs c'était dans le
but de le confirmer à ses enfants en vertu de son droit.
"D'ailleurs, ajoutait-il, il n'est pas venu en pensée au
dit sieur de Villeray de produire ses titres tant parce qu'il
ne lui a pas été connu qu'il fut d'aucune nécessité ni ayant
eu aucune déclaration du Koi pour la recherche de la no-
blesse, ni personne préposée à cet effet qui ait paru en ce
pays ; que si quelques particuliers sous prétexte de la
crainte de perdre les titres qu'ils ont, et de la difficulté de
les recouvrer, ou autrement, ont eu la précaution d'en de-
mander l'enregistrement au Conseil et qu'on ait bien voulu
leur accorder cette grâce purement et simplement ; il n'a
pas cru que cela le dût obliger de faire enregistrer les siens.
Par ces réponses et raisons le dit sieur de Villeray justi-
fiant suffisamment qu'il n'y a eu aucun abus commis de sa
part, ni contravention au dit arrêt du Conseil d'Etat ; il a
lieu d'espérer que Monsieur le Gouverneur qui a ainsi paru
être prévenu contre lui, voulant bien laisser le Conseil dans
la liberté entière d'opiner, il sera donné acte au dit sieur
de Villeray de ses dites réponses, et ordonner qu'elles se-
ront enregistrées pour servir et valoir ce que de raison, et
afin de faire connaître qu'il est en droit de prendre la dite
qualité d'écuyer dans ses affaires particulières pour les
raisons susdites, il a joint à la présente réponse, sans que
cela puisse tirer à conséquence, un inventaire des titres
justificatifs de sa dite qualité, fait à Québec le quatorze
mars 1681. ' '
Le Conseil, après avoir entendu le procureur-général,
déclara qu'il serait sursis à l'examen de la noblesse du sieur
de Villeray jusqu'à ce qu'on eut connu les volontés de Sa
Majesté sur la recherche des usurpateurs de noblesse au
Canada.
La discussion, au Conseil, se prolongea encore pendant
plusieurs séances au détriment des affaires du pays. M. de
Frontenac, malgré les preuves de noblesse apportées par
M. de Villeray, lui défendit de s'intituler écuyer, et, celui-
... 77 —
ci, pour tenniner cette chicane, s'en abstint. (37)
Frontenac, avec son flair ordinaire, jugeant que le roi
le blâmerait d'avoir soulevé une si longue querelle et d'a-
voir fait perdre le temps du Conseil pour une si petite af-
faire, crut que le meilleur moyen de se tirer du mauvais
pas oii l'avait conduit son orgueil et sa haine contre de Vil-
leray serait de l'attaquer sur une autre point. Dans sa
lettre du 2 novembre 1681 au marquis de Seignelay, après
s'être plaint amèrement du Conseil Souverain, il écrivait:
"Si les sieurs de la Martinière et de Monceaux s'é-
taient contentés d'envoyer à la Cour leurs plaintes en par-
ticulier sur les prétendus mauvais traitements reçus de
moi, et de prier M. Duchesneau de les appuyer, il y aurait
moins à redire j)uisqu'il doit être libre à chaque particulier
de se plaindre des violences qu'il croit qu'on lui fait et d'a-
vertir Sa Majesté vu qu'il se persuaderait être contre son
service mais de l'avoir voulu faire juridiquement, comme
ils l'ont fait, c'est informer ouvertement contre un gouver-
neur, et de vouloir le soumettre à leur juridiction. Ce que
je n'estime pas. Monsieur, que vous approuverez.
(37) Sur toute cette chicane à propos du titre' d'écuyer on peut consulter
les Jugements et Délibérations du Conseil, vol. II, pp. 477 et seq. et une étude de
ignotus dans la Presse de janvier 1902.
P. G. R.
(La suite dans la prochaine livraison)
— 78 —
LA FAMILLE GAULTIER DE VARENNES
lière génération : René Gaultier de Varennes.
2ième génération: Jacques-Bené Gaultier de Varennes.
Sième génération: J ean-HyppoUte Gaultier de Varennes.
JEÀN-HYPPOLITE GAULTIER DE VARENNES
Jean-Hyppolite, le continuateur de la lignée des de
Varennes, naquit à Montréal, le 7 septembre 1717. Il fut
baptisé le même jour et eut pour parrain Joseph-Hyppo-
lite de Senneville, et pour marraine, Charlotte de Lévil-
liers.
Entré très jeune dans les troupes de la marine, Jean-
Hyppolite fut nommé enseigne en second, en 1744, et ensei-
gne en pied en 1746 (1).
Le cinq février 1746, il épousait Louiêe-Charlotte
Sarrazin; le mariage fut célébré dans l'église paroissiale
de Sainte-Foy, en présence de Pierre de la Verendrye,
lieutenant d'une compagnie du détachement de la marine,
de Gaspard Adhémar de Lantagnac, chevalier de Saint-
Louis, d'Ignace Aubert, sieur de Gaspé.
Louise Charlotte Sarrazin, née à Québec, en 1727,
était fille du célèbre docteur Michel Sarrazin, médecin
ordinaire du roi à Québec, membre correspondant de l'Aca-
démie des Sciences de Paris, membre du Conseil Supérieur
de la Nouvelle-France, lequel décéda à Québec le 8 sej)-
tembre 1734.
Elle était nièce, par sa mère, des chanoines Joseph
Thierry Hazeur et Pierre Hazeur de l'Orme. Ce dernier
fut envoyé en France, en 1722, comme délégué du Chapitre
de Québec.
Charlotte avait deux frères plus âgés qu'elle, Joseph-
Michel, né en 1714, et Claude-Michel, né en 1722.
Le premier, Joseph-Michel, passa à Paris, dans l'au-
(1) RapiH>rt siir les Archives canadiennes, par Douglas Brymner, 1886.
Note E, p. CXXVII.
— 79 -
tomne de 1731. Son oncle, le chanoine de l'Orme, s'inté-
ressa vivement à lui,* et dans sa correspondance avec son
frère le chanoine Thierry Hazeur, il parle souvent de son
cher neveu. Au risque de paraître un peu long, nous cite-
rons les détails intéressants qu'il donne sur l'arrivée de
ce jeune homme à Paris, et sur les études qu'il y poursui-
vait, dans une lettre en date du 24 février 1732 (2).
**Je vous ai mandé, disait-il, par les premiers vais-
seaux, l'heureuse arrivée de Sarrazin à Paris et ce qu'on
a fait pour lui depuis qu'il est. . . J'ai été charmé de le
voir. En revenant du Berry, je demandai à l'auberge où
on loge les carosses à Orléans, s'il n'y avait pas un jeune
homme de telle ou telle figure avec un Jésuite. On me dit
que oui, mais qu'ils étaient partis pour Paris le jour même
que j'arrivai à Orléans. J'en fus très fâché. . . j'écrivis
une lettre à un de mes amis à Paris pour le prier de retenir
cet enfant chez lui, mais il ne put le trouver. Le père
Bushler l'amena au Séminaire des Missions Etrangères,
croyant m'y trouver. M. Montigny eut la bonté de le rete-
nir et de le coucher dans une chambre, une nuit seulement ;
car M. Hersant à qui j'avais écrit, sachant qu'il y était,
alla le chercher et l'amena chez lui; et deux jours après,
j'arrivai à Paris où je l'embrassai tendrement. Je le fis
habiller et le menai avec moi et mon Hazeur à Versailles.
Je le présentai à M. de Maurepas qui me parut fort aise
de le voir et lui promit de lui rendre service. MM. Raudot
et Forcade furent aussi charmés de voir le jeune enfant
et lui promirent de travailler pour lui. En effet, ils s'y
sont employés efficacement, puisqu'avec les recommanda-
tions de MM. les gouverneur et intendant, qui ne lui ont
pas nui, M. de Maurepas a eu la bonté de lui accorder 450
francs de pension, grâce que l'on regarde ici comme très
considérable, surtout dans le temps où nous sommes, et
où l'on n'accorde de faveur à qui que ce soit surtout quand
il s'agit d'argent. H aura ces 450 francs tant qu'il sera
(2) Le Chapitre de la Cathédrale de Québec et ses délégués en France. —
Bulletin des Recherches Historiques, 1910, p. 201, 204.
— 80-
à Paris pour y faire ses études. . . Je n'ai pas voulu par-
ler à Sarrazin de tout ce que vous M. «Sarrazin et ma soeur
m'aviez écrit sur le dessein qu'il aurait de se faire jésuite.
Je l'ai laissé agir de lui-même. Je lui représentai seule-
ment qu'il fallait seconder les bonnes intentions que pa-
raissait avoir le ministre pour lui, aussi bien que tous les
amis de son cher père: MM. Raudot, Forcade, l'abbé Bi-
gnon, M. de Réaumur et les autres à qui je l'ai ])résenté,
qui tous l'ont trouvé joli et x^lein d'esprit. Il me dit qu'il
ferait tout ce que je voudrais. Je lui donnai à entendre
que la pension était pour faire ses études en médecine,
qu'il fallait qu'il s'y donnât tout entier. Il commence par
son cours d'anatomie sous M. de Verdier qui, aj^rès M. de
Vincelon, passe pour le plus habile que nous ayons dans
Paris. Ce M. Verdier est charmé de mon neveu dans lequel
il trouve une disposition étonnante. C 'est lui-même qui me
l'a dit, il y a quelques jours, il le propose pour exemple à
tous les écoliers. Il faut compter que cet enfant fera plus
de progrès dans trois mois que les autres en six. Dans les
("ommencements, il a eu un peu de peine à s'accoutumer à
voir les cadavres, encore plus à les toucher. Aujourd'hui
il y est fait entièrement et ne sent jjIus aucun dégoût . . .
Il va exactement toi.is les jours à l'école d'anatomie. . . Il
a acheté de temps en temps des têtes de mouton j^our les
disséquer. Je l'ai vu faire devant moi, il s'y prend très
bien. . . Il lui en coûtera 200 frs. pour faire son cours
d'anatomie; après cela il fera son cours de médecine, de
botanique et son droit, car je veux absolument qu'il soit
bon jurisconsulte et le faire passer avocat. Il apprend
actuellement à danser. Il commence à le faire très joli-
ment ; toute sa peine est de mettre les pieds en dehors. Les
pères et mères devraient veiller sur leurs enfants quand ils
sont jeunes; car l'on a beaucoup) de peine à rompre ces
mauvaises habitudes quand on est grand. Je voulais lui
faire apprendre à faire des armes; il craint dit-il dé
s 'éborgner. Il ne faut j^as tout apprendre à la fois ... Le
père Bushler, jésuite, a eu des soins extraordinaires de lui
depuis son départ du Canada. Il l'aime comme ses yeux
... 81 —
et a pour lui des attentions extraordinaires. Il le vient voir
de temps en temps sans lui i^arler d'être jésuite, à quoi je
ne crois pas que Sarrazin pense beaucoup ... Je lui fais
recommencer sa pliilosopliie, sans cependant le détourner
de son anatomie, afin qu'il puisse passer maître ès-arts à
Paris ; car pour le bonnet de docteur, il pourra le prendre
à Rheims. A l'égard de son droit, il le pourra faire après
sa philosophie ; il ne faut pas grand temps pour cela. Je
veux faire en sorte qu'il se rende absolument capable de
remplir les charges de son i3ère."
Malheureusement, Joseph-Michel, qui donnait de si
belles espérances, mourut presque subitement de la petite
vérole, au mois de septembre 1739 (3).
Le chanoine de l'Orme ne se laissa pas décourager par
ce contretemps. Il fit venir auprès de lui son second neveu,
Claude Michel. Le 2 mai 1742, il annonçait que ce jeune
homme était arrivé à Paris, et qu'il étudiait le génie et
l'artillerie. Le bon clianoine parle fréquemment de ce
neveu dans sa correspondance (4). Incidemment, dans
une lettre du 14 mai 1743, il dit un mot de sa nièce Louise-
Charlotte, ''j'ai appris avec plaisir, dit-il, que ma chère
nièce, votre fille, est très aimable, qu'elle avait beaucoup
d'esprit, et qu'elle savait au delà de ce que son âge de-
mande" (5).
Après la mort de Madame Sarrazin, arrivée le 4 avril
1743, il recommande cette nièce au chanoine Hazeur; ce-
lui-ci avait été nommé tuteur des deux enfants du docteur
Sarrazin, et était devenu en cette qualité administrateur
de leur belle propriété sur le chemin Ste-Foy.
Cette propriété, qui embrassait toute l'étendue com-
prise aujourd'hui entre l'avenue du Belvédère et l'ancien-
ne propriété Holland appartenant aujourd'hui à M. Vic-
tor Chateauvert, la Grande- Allée et la rivière Saint-Char-
les, avait une superficie de 597 arpents ; c'était la terre
Saint-Jean. Le fief Saint-Jean, enclavé dans cette portion
de terre, contenait soixante arpents.
(3) Loc. cit. pp. 267-269.
(4) L.OC. cit. pp. 359-361.
(5) Loc. cit. p. 355.
... 82 —
Le docteur Sarrazin avait obtenu la terre et le fief
Saint- Jean, en 1709, par sentence publique d'adjudication,
contre les héritiers du sieur Aubert de la Cliesnaye.
A la mort de Madame Sarrazin cette propriété resta
indivise entre ses deux enfants. Après son mariage, Loui-
se-Charlotte vînt résider avec son époux sur la terre Saint-
Jean; le chanoine Thierry habitait avec eux; mais il n'y
j'esta pas longtemps, n'ayant pu s'entendre avec le sieur
de Varennes, qui lui intenta, en 1747, un procès pour l'obli-
ger à rendre compte de sa tutelle. En 1752, les époux de
Varennes s 'en allèrent habiter Montréal ; Jean-Hyppolite
était alors enseigne à pied dans les troupes de la marine.
Le 17 mai 1757, il cédait à Jacques Cartier Langevin,
marchand à Québec, tous les droits, prétentions, que lui et
son épouse avaient sur les terres de Saint-Jean et Saint-
François, jjour la somme de 11,000 livres.
Claude Michel Sarrazin, après de brillantes études,
était devenu ingénieur volontaire dans les troupes fran-
çaises ; il avait épousé à Paris, le 18 octobre 1751, Catheri-
ne-Marie de Monceaux, fille de Jean-Christophe-Marie de
Monceaux et de Marie-Madeleine Juchereau Duchesnay.
Un de leurs descendants, Louis-Pierre Girauld d'Avrain-
ville, né en 1856, a été avocat à la Cour d'Appel de Paris.
Après bien des recherches, il est parvenu à établir le lien de
parenté qui existe entre la famille Girault d'Avrain ville,
de France, et la famille Gaultier de Varennes, de Québec.
Le 7 août 1907, il adressait au docteur Joseph Gaultier de
Varennes, de Québec, l'intéressante lettre qui suit :
"Monsieur le docteur,
" J 'ai bien reçu à Paris le 18 mars votre intéressante
lettre du 7 mars, et je ne veux pas tarder davantage à vous
remercier de votre extrême obligeance à me répondre sur
votre famille Gauthier de Varennes.
'' Comme vous le verrez, monsieur, par les notes gé-
néalogiques ci- jointes, et grâce à vos propres recherches,
nous descendons bien d'un auteur commun, le docteur
Michel Sarrazin, savant canadien mort à Québec en 1734,
— 83 ---
dont un fils fut mon arrière-grand-père paternel, et une
fille épousa Jean Gauthier de Yarennes, votre bisaïeul
paternel.
" Nos deux familles sont donc bien authentiquement
deux rameaux issus d'un même tronc, dont l'un (le vôtre)
est resté au Canada, et dont l'autre (le mien) est revenu
en France, après la cession de 1763.
" J'ai quelque orgueil à être issu d'une souche aussi
vivace que votre famille franco-canadienne et d'une race
qui a donné, au milieu de tant d'épreuves matérielles et
politiques, un si bel exemple d'attachement et de fidélité
de race à sa vieille mère-patrie, la Vieille France; j'ai
aussi quelque joie personnelle à avoir été l'artisan de ce
rattachement indiscutable de deux rameaux d'une même
famille qui s'ignoraient depuis plus de 140 années. Grâce
à des notes de famille assez nombreuses, je connaissais ce
lien étroit qui unissait ma famille à la Nouvelle-France,
je savais l'alliance, mais c'était tout; avec persévérance
j'ai travaillé ces notes, et je suis arrivé à reconstituer une
parenté de cousin-germain avec l'honorable famille Ju-
chereau Duchesnay, à Beauport en 1729 ; mais où trouver
après 150 ans ?
' ' Grâce à mon aimable confrère canadien, M. Lemoy-
ne de Martigny, conseiller à Paris du Canada, j'ai eu
l'adresse de mon cousin M. Edouard Duchesnay, de Qué-
bec; depuis 1899 je suis en correspondance suivie avec
celui-ci.
" Mon cousin de Québec, sur ma demande et mes indi-
cations de parenté x^robable, m'a donné votre adresse;
vous avez eu l'extrême obligeance de me répondre et c'est
donc grâce à vous que je peux vous fixer le croquis généa-
logique ci-dessous dont vous trouverez le détail assez com-
plet dans une note séparée.
Auteur commun des deux familles.
DOCTEUR MICHEL SARRAZIN, de Québec.
Né en 1659, mort à Québec en 1734.
Plusieurs enfants, dont 1 fils et 1 fille.
... 84 —
Claude Michel Sarrazin de l'Etang,
né à Québec le 28 septembre 1722.
Seifjneur de St. .Jean, St. François,
Officier Ingénieur volontaire en
France, y demeure après la Cession
du Canada de 1763, marié à Paris
le 18 oct. 1751, à Catherine Marie
de Manceaux, morts tous deux à Pa-
ris vers 1805.
Ils ont eu une fille.
I
Un flls
Claude Michel Sarrazin
(1722-1809).
Ep. Marie de Monceaux.
De l'Etang
Une fllle
Catherine Sarrazin de l'Etang.
Née en 1766, morte en 1847.
Ep. en 1799 Edme Girauld d'Avrain-
ville.
I
Un fils
Achille Girauld d'Avrainville (1807-
1887).
Un fils
Louis Girauld d'Avrainville.
Né en 1816. Avocat à la Cour.
Charlotte Louise Angélique Sarrazin,
née à Québec en 1727. Mariée à
Sainte-Foye le 5 février 1746, à
Jean Joseph Hippolyte Gauthier
seigneur de Varennes Sieur de la
Vérandrie, officier, enseigne en pied
du détachement de la Marine.
Né à le 17. . . .
Mort à. . le , . 17 . . . .
Ils ont eu un fils.
. Une fille
Charlotte Louise Angélique Sarrazin.
Née à Québec en 1727.
Ep. à Ste-Foy le 5 février 1746, Jean
Gauthier de Varennes.
I
Un fils
Etienne Gauthier de Varennes.
Marié, en 1791, à Anne Paquet.
I
Un fils
Etienne Gauthier de Varennes.
Un fils
I
Un fils
Joseph Gauthier de Varennes.
Docteur à Québec.
" Vous voyez donc, monsieur, que la filiation accou-
plée dans les deux familles Gauthier de Varennes et
Girauld d'Avrainville est ininterrompue depuis 1730
jusqu'en 1907.
" Vous remarquerez, tant dans le croquis ci-dessus
que dans la note détaillée ci-jointe (6), qu'il y a quelques
(6) Auteur commun. — Michel Sarrazin né à Nuits en Bourgogne, le 5
septembre 1659, a dû arriver en Nouvelle-France vers 1685, médecin ordi-
naire du roi à Québec, en 1697, membre correspondant de l'Académie des
Sciences de Paris, membre du Conseil Supérieur du Canada, 28 nov. 1707,
épousa à Montréal, le 20 juin 1712, Marie-Anne-Ursule Hazeur, fille de Fran-
çois Hazeur, marchand et conseiller du Conseil Supr. Seigneur de la Malbaie,
et de Antoinette Soumande; il mourut à Québec le 8 sep. 1734. Ils ont eu
7 enfants (3 décédés en bas âge), 4 filles et 3 garçons.
— 85
Catherine Marie Agathe Hélène Sar-
razln de l'Etang.
Née à Troyes le 17 février 1766 (mor-
te en 1745), mariée le 10 floréal An
VII (30 avril 1799) à Paris, à Bd-
me Louis Girauld d'Avrainville.
I
Un fils
Achille Girauld d'Avrainville.
Né à Paris le 21 décembre 1807.
Avoué de 1er instance à Paris de 1838
à 73, marié le 16 août 1841 à C. Go-
dard. Mort à Lyon le 3 octobre
1887.
I
Louis Girauld d'Avrainville.
Né à Paris le 15 juin 1856.
Avocat à la Cour à Paris.
Fait à Paris le 5 avril 1907.
I
Etienne Gauthier de Varennes.
Né à le 17
Marié .à le 1er février 1791
à Anne Paquet.
Mort à le 17 ... .
I
Etienne Gauthier de Varennes.
Né à le 1791
Marié à le 18 ... .
à
Mort à le 18. . . .
I
I
Joseph Gauthier de Varennes.
Né à le 18
Docteur en Médecine à, Québec.
lacunes de dates pour votre famille Gauthier de Varennes ;
je vous serai bien obligé, monsieur, après avoir copié ma
note, si vous le voulez bien, me la retourner après avoir
rempli les blancs que vous trouverez.
"Je me fais un agréable x^laisir de vous adresser à part,
par même courrier recommandé, un tableau généalogique
de ma famille Girauld d'Avrainville que je suis heureux
de vous offrir.
** En terminant ma longue lettre, permettez-moi, cher
monsieur, de vous offrir pour vous et toute votre famille
(je pourais dire toute notre famille de là-bas) mes plus
respectueux souvenirs et remerciements.
"L. GIRAULD D'AATIAINVILLE,
*' Avocat de la Cour."
Comme on le voit par ce document, Claude-Michel ne
revint pas en Canada. En 1757, il chargeait Ignace Per-
thuis, conseiller du roi à Québec, de faire faire le partage
entre la partie des terres de Saint-Jean et de Saint-Fran-
çois, qui devait lui revenir, et celle qui avait été cédée par
Jean-Hyppolite Gaultier de Varennes au sieur Cartier
Langevin. Ce partage fut fait le 13 août 1757, en présence
des sieurs Perthuis, Cartier-Langevin et le notaire Baro-
let, qui en dressa l'acte sur-le-champ. Jacques Cartier
... 86 —
Langevin eut la partie nord-est de la propriété, et Claude-
Michel la partie sud-ouest. Le 8 mai 1758, il vendait cette
partie de terrain (318 arpents en superficie) et le fief
Saint-Jean, qui y était enclavé, au sieur Charles Turpin,
marchand coiffeur, pour la somme de 9,000 livres. Jean-
Hyppolite Gaultier de Varennes, promu au rang de lieute-
nant en 1756 (7), combattit vaillamment à la bataille de
Sainte-Foy.
Après la cession du pays à l 'Angleterre, il alla demeu-
rer à Varennes; nous voyons par un contrat devant Du-
vernay, qu'il acheta le 11 mars 1761 un terrain et une
maison près de l'église paroissiale; le manoir seigneurial
de la famille avait été brûlé en 1760 par les troupes de
Murray. Dans l'automne de 1761, Jean-Hyppolite s'em-
.barqua sur V Auguste j^our passer en France, et périt dans
le naufrage de ce navire (8).
Sa veuve continua d'habiter Varennes. Dans le rôle
de la noblesse canadienne, de 1767, elle est mentionnée
comme résidant encore dans cet endroit, avec quatre en-
fants, trois frères et une soeur (9). Elle dut revenir rési-
der à Québec, vers 1770.
A la requête de Jean-Baptiste Bouat et de Jean Bou-
cher de la Broquerie, la portion (2/6) de la seigneurie de
Varennes, qui lui restait fut saisie et vendue par le shérif
de Montréal, le 18 novembre 1776; elle fut adjugée à
(7) Rapport sur les Archives canadiennes, par Douglas Brymner, 1886.
Note E, p. CLXXVII.
(8) Rapport sur les Archives canadiennes, par Douglas Brymner, 1886.
Note E, p. CLXXX.
Le document suivant nous a été fourni par M. Aegédius Fauteux, biblio-
thécaire de Saint-Sulpice à Montréal.
Le 28 décembre 1768.
ACTE de notoriété pour Monsieur Varennes. Sont comparus Luc Decha-
pe Chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, et Pierre Dépensier
infirmier de l'Hôtel-Dieu, demeurant en cette ville, lesquels ont dit et déclaré
pour acte de notoriété qu'ils ont une parfaite connaissance que Joseph Hippo-
lyte Gautier, écuyer sieur de Varennes, vivant lieutenant des troupes du déta-
chement de la marine en Canada, a péri dans le naufrage de L'Auguste, en
passant de cette colonie en france sur les Côtes de Louisbourg, le vingt cinq
Novembre, Mil sept cent soixante et un. — Lacorne, St Luc, Hervieux, Pierre
Dépancier, Guy Sanguinet, Pierre Panet. (Cahier Paillon, vol. OO-SS., vol. 10,
p. 110.)
(9) Rapport sur les Archives canadiennes, par Douglas Brymner, 1888.
Note C, p. 34.
-87 —
Christophe Sangiiinet, de Montréal, pour la somme de
30,000 livres. La veuve de Jean-Hyppolite se retira alors
chez ses fils à l 'Ancienne-Lorette, et elle décéda en cette
paroisse, en 1793. Voici l'acte de sa sépulture:
" Le dix-huit juillet, mil sept cent quatre vingt treize,
par nous prêtre, chapelain à l'Hôpital-Général, a été in-
humé dans l'église de cette paroisse, le corps de Délie
Charlotte Sarrazin, veuve de sieur Joseph Hyppolite Gol-
thier de Vareine, écuyer, capitaine d'une compagnie du
détachement de la Marine, décédée le seize du présent, su-
bitement. Etaient présents, Messire Descheneaux, curé
de cette paroisse, Ignace Plamondon, Charles Déry, Ignace
Déry. — Descheneaux. ' '
Du mariage de Jean-Hyppolite Gaultier et de Louise-
Charlotte Sarrazin naquirent les enfants dont les noms
suivent :
lo — Pierre-René Gaultier de Varennes, baptisé à No-
tre-Dame de Québec, le 18 juillet 1747. Cet enfant, qui
avait pour parrain Pierre Gautier de la Verendrye, le
Découvreur, fut inhumé à Ste-Foy, le 21 septembre de la
même année.
2o — Marie-Michelle Gaultier de Varennes, baptisée à
Notre-Dame de Québec, le 28 octobre 1748. Nous croyons
qu'elle décéda en bas âge, nous n'avons pu trouver son acte
de sépulture.
3o — Marie-Charlotte Gaultier de Varennes, baptisée
à Notre-Dame de Québec, le 8 mars 1750 et inhmnée à Qué-
bec, le 3 février 1751.
4o — Louise-Charlotte Gaultier de Varennes, baptisée
à Notre-Dame de Montréal, le 25 mars 1753. Décédée en
bas âge.
5o — J oseph-Etienne-Hy ppolite Gaultier de Varennes,
baptisé à Notre-Dame de Montréal, le 31 août 1755.
Le continuateur de la lignée (branche aînée).
6o — Louis Gaultier de Varennes, baptisé à Notre-
Dame de Montréal, le 27 octobre 1756.
Le continuateur de la lignée (branche cadette).
7o — Marie-Charlotte Gaultier de Varennes, baptisée
— 88--
à Notre-Dame de Montréal, le 4 décembre 1758 ; inlmmée
au même endroit, le 9 avril 1759.
8o — Marie-Charlotte Gaultier de Varennes, baptisée
à Varennes, le 24 avril 1761. ' Elle entra comme élève au
couvent des Ursulines de Québec, à l'automne de 1772;
elle ne devait plus en sortir. "Au mois de janvier, (1778)
dit le récit des Ursulines (10), prenait l'habit sous le nom
de Ste-Catherine, Mlle Charlotte de Varennes, âgée de 17
ans, fille de Jean-Hyppolite de Varennes, Ecr., seigneur de
Varennes et lieutenant d'infanterie, et de Mme Charlotte
Sarrazin.
''Mgr Briand venait encore en aide à cette ancienne et
noble famille, que les malheurs des temps avaient ruinée,
et paya presque en entier la dot de la jeune demoiselle. On
trouve dans un écrit du temps: "C'est un sujet très ac-
compli, d'un caractère rare et d'une vocation à toute
épreuve. Nous en souhaiterions plusieurs de sa trempe."
Au reste, elle est la première de ces "quatre Délies bien
nées, bien élevées", dont parlait une correspondance déjà
citée."
Voici en quels termes touchants, le récit des Ursuli-
nes (11) nous raconte sa carrière et sa mort.
"Beauté, honneurs, plaisirs, tout passe ; rien de solide
que d'aimer Dieu et le servir !"
"Oh! qu'elles avaient bien compris l'immuable vérité
de ces paroles, ces deux touchantes amies, infiniment plus
estimables par leurs qualités intérieures que par les avan-
tages d'un beau nom et d'une beauté passagère.
"Nées toutes deux la même année à Montréal, et ve-
nues au pensionnat vers la même époque, Mlles de Varen-
nes et de Landriève marchèrent au ciel par la même route
et y arrivèrent presque en même temps. Leur carrière fut
courte, mais elle fut féconde en mérites. Après quelques
années seulement de travaux, elles entendirent la douce
voix qui les avait appelées à son service, retentir de nou-
(10) Ijcs Ursulines de Quél>ec, depuis leiu* établissement jusqu'à nos
joui's, tome III, p. 195. '
(11) Loc. cit. pp. 381-382,
-89 —
veau à leur oreille : ^'L 'hiver est passé, les pluies ont cessé,
levez-vous, mes bien-aimées et venez. ' ' Et ces épouses con-
fiantes quittaient la terre pour se joindre au cortège du
Roi des vierges.
Nous avons vu, en 1778, avec quelle ferveur Mlle Char-
lotte de Varennes franchissait les portes du cloître, et
avec quelle bonheur aussi on accueillait au monastère cette
fiancée du Seigneur, à qui le ciel semblait n'avoir rien
refusé, et que l'on voyait échapper aux caresses d'un mon-
de perfide. Cette petite nièce de la Mère Genev. Boucher
de St-Pierre avait trouvé en son âme une heureuse semence
de piété, héritage le plus précieux de l'ancien et vénéré
seigneur de Boucherville à ses enfants; sa vocation reli-
gieuse datait de l'époque de sa première communion et elle
fut fidèle à ses saints engagements comme l'atteste le récit.
''Son talent pour instruire et former les enfants nous
était extrêmement précieux, et elle l'employait avec ardeur
à l'égard de nos élèves de nos classes externes, tandis que
son naturel doux et poli, son humeur enjouée, étant des
plus sociables et des plus habiles à récréer innocemment
les autres, la rendaient chères à toutes. C'était une âme
ouverte qui allait droit à Dieu et l'aimait de tout son coeur,
se portant avec une grande tendresse de dévotion à honorer
le S.-C. de Jésus et la très-sainte Vierge.
"Sr Charlotte de Varennes de Ste-Catherine étant
très délicate, la communauté ne pouvait naturellement se
flatter de la conserver aussi longtemps que sa vénérée
grande-tante, la Mère Saint-Pierre. "Atteinte dans sa 32e
année d'une jDthisie accompagnée d'une transpiration ex-
cessive, elle fut en moins de six mois réduite à l'extrémité ;
nos efforts pour arrêter les progrès du mal furent inutiles.
Le 6 juin 1792, après 14 années seulement de vie religieuse,
cette aimable et pieuse soeur, qui avait fait de bon coeur
à Dieu le sacrifice de la vie, mérita d'habiter avec lui pour
jamais dans les tabernacles éternels."
IVANHOE CARON, ptre
... 90 -
La complainte des 40 noyés
Enfin, j'ai pu obtenir au eomi)let (je le crois, du moins), cette fa-
meuse complainte des 40 noyés dont je parlais dans mon article paru
l'année dernière (pp. 314 et 343) et qu'un lecteur du Bulletin réclamait
dès 1898 (p. 64).
Voici le texte de ce chant populaire tel que je peux le rétablir avec
l'aide de deux anciens.
L'un d'eux, M. F.-X. Sénécal, âgé de 70 ans et qui demeure aujour-
d'hui dans la paroisse Saint-Christophe, île Jésus, est né à Laprairie, dans
le rang de la Bataille. Il apprit la complainte de son grand-père, Fran-
çois Sénécal, vers 1858. Plus tard, il la transcrivit sur un papier et
c'est son manuscrit qu'il m'a remis. A M. Sénécal, je dois les couplets
1 à 10, 12 et 14 à 21.
L'autre, M. Josej)h-Albert Kichard, mécanicien de Montréal, aussi
âgé de 70 ans, est né à Sainte-Martine, comté de Châteauguay. Son père,
Louis Richard, né au Cap Saint-Ignace en 1807, demeurait à Saint-Hya-
cinthe, lorsque la catastrophe se produisit en 1819 et c'est là qu'il apprit
la complainte que son fils a recueillie. M. J. A. Richard n'a pas pu se
rappeler autant de couplets que M. Sénécal, mais sa version en contient
quatre qu'aucun autre chanteur n'avait retenus. Ce sont ceux qui por-
tent les numéros: 11, 13, 14 et 22.
Ecoutez Chrétiens,
La triste complainte
Que tous coeurs humains
Soient saisis de crainte,
Car c'est un arrêt porté,
Que par la Divinité !
2
Par un vendredi.
Selon qu'on raisonne.
Il s'est englouti
Quarant'-cTeux personnes
Dans le fleuve Saint-Laurent
Qui sera leur monument.
3
Près de l'île au Héron,
Place remarquable,
Pour ceux qui voiront
Ce lieu déplorable,
C'est un sujet d'oraison
Pour ceux qui y passeront. (1)
4
Par un très grand vent
Au pied de ces chutes
Le sort inconstant
Et les eaux disputent,
Renversent ainsi le bateau
Livrent tout ce monde à l'eau.
(1) Variante fournie par Madame Larichelière, née Hermine Audet :
Près de l'île au Héron
Place redoutable
Ceux qui y passeront
Souvenir remarquable,
Là un navire a chaviré, ^
Presque tous se sont noyés.
91 —
Ce pauvre Brosseau
Tout rempli d'hardiesse
A bravé les eaux
Avec grand (e) détresse,
A péri, dans un moment.
Quarante et un de ses gens.
6
(2)
Trois se sont sauvés,
Deux homm(es), une femme,
Qu'ont été trouvés
Près de rendre l'âme
Sur la sole du bateau
Au gré des vents et des flots. (3)
Ces pauvres patients.
Quoique avec douleur,
Sur cet instrument
Ont dérivé six heures.
Entre la mort et la vie
Qui les menacent de péril.
8
Mais par un effet
De la Providence,
Des hommes bien faits
Leur donn(ent) assistance,
A terre les ont rendus
Quoi qu'ils se croyaient perdus.
9
Retournons vers ceux
Qui sont les victimes
De ce gouffre affreux
Quoique légitime ! !
Ceux-là font verser des pleurs
En racontant leurs malheurs.
10
J'entends ces enfants
Dont les pèr(es) et mères
Sont dans le courant
De cette rivière,
Pouss(ent) des cris et des sanglots.
Réfléchissant sur leurs maux !
11
L'époux s'écriait :
Oh ! ma chère épouse.
Quel malheur affreux
Xous y sommes tous ! !
C'est aujourd'hui notre fin
L'orphelin est sans soutien.
12
Pendant quelques jours
Au bord du rivage,
Les larm(es) coul(ent) toujours.
Dues à ce naufrage.
La nuit, avec sa frayeur,
Ne peut arrêter les pleurs.
13
Varenne(s) et Verchères
Ont eu la douleur
De voir sur leurs grèves,
Même à Contrecoeur,
Plusieurs de ces pauvres corps.
Depuis longtemps étaient morts.
14
Je n'oublierai pas
Aussi Boueherville,
Ainsi que Longueuil
Près de notre ville.
Que Dieu bénisse, à jamais,
Ces paroisses pour leurs bienfaits.
(2) Quarante et un, plus Brosseau, font quarante deux, comme il est dit au
deuxième couplet.
(3) Tous les vieillards que j'ai interrogés et qui ont conservé quelques bri-
bes de la complainte se rappelent ce couplet !
— 92
15
Cet événcmcMit
Fjst digne de larmes
Pour tous les parents
De ces pauvres âmes
Et pour ceux qui chanteront
Ces vers en rétiexion !
Cessons de pleurer,
Offrons nos prières.
D'un coeur disposé
Vers le Dieu de gloire ;
Qu'il abrège les tourments
Que souffrent ces pénitents.
17
Ce grand accident
Doit être un -exemple
11 doit en tout temps
Finir la carrière
De ceux qui vont sur les eaux !
Où plusieurs font leur tombeaux !
18
Chrétiens, qui voyez
Ce tableau de peines :
Les pauvres noyés
Que les eaux entraînent.
Ils demandent les secours
De vos prier (es) en ce jour.
19
Mettez-vous, un peu,
Amis, à leur place !
Nous appreiulrons d'eux
A garder la grâce
Afin d'être toujours prêt
Si Dieu prononce l'arrêt.
20
Qui que nous soyons.
Sur terre ou sur l'onde.
Sans cesse prions.
Pour un si grand monde.
Qui voyage sur ces eaux
Où plusieurs font leurs tombeaux.
21
Vous, chers voyageurs,
Que la destinée
(Expose aux malheurs).
Quantité d'années,
(jîardez donc, absolument.
L'usage des Sacrements.
22
Qu'en a composé
La triste complainte.
C'est François Dupont
Et Louis Lafontaine
Pour se souvenir longtemps
De ce terrible accident !
XXX
De qui sont ces couplets ? De François Dupont et de Louis Lafontai-
ne ? J'en doute.
Depuis trente ans que je m'occupe de folklore j'ai souvent constaté que
des chanteurs de régions différentes s'attribuaient la paternité d'un même
morceau parce qu'ils y avaient introduit quelques mots ou quelques traits
locaux. Cela flattait leur vanité. La déclaration finale peut donc être
reçue avec suspicion.
D'autant plus que si on examine les vers de près on aperçoit à. cer-
tains indices qu'ils ont dû être composés par un lettré, dont le texte ori-
ginal a été déformé en passant de bouche en bouche, ce qui arrive toujours.
Alors, suivant l'opinion de l'historien de Laprairie, le docteur T.
Brisson avec qui j'en ai causé, la première version de cette pièce a pu avoir
— 93 —
pour auteur l'abbé Boucher-Belleville qui fut curé de Laprairie entre
1793 et 1839, car cet ecclésiastique avait la plume facile et il a signé plu-
sieurs cantiques en vogue au commencement du siècle dernier.
Par ailleurs, M, J. A. Richard m'a confié une assertion qui mérite
d'être considérée. Son père prétendait que la complainte était l'oeu\Te
des sieurs Dupont et Lafontaine, mais que leur texte avait été revisé par
un curé de Laprairie !
E. Z. MASSICOTTE
Les actes de foi et hommage conservés à Montréal
Par-ci par-là, on t^ou^'e, dans les documents notariés conservés dans
les archives du palais de justice de «Montréal, des actes de foi et homma-
ge, aveu et dénombrement qui peuvent présenter quelque intérêt, à ceux
qui s'occupent de l'histoire de nos seigneuries.
Nous avons donc pris notes de ces actes, à mesure qu'ils se sont of-
ferts à nous et nous en avons dressé la liste suivante.
1667, 26 janvier. — Foi et hommage par damoiselle Jeanne Mance,
administratrice de l'hôpital (Hôtel-Dieu) aux Seigneurs de l'île de Mon-
tréal, à cause des terres du dit Hôtel-Dieu. (Etude Basset)
1667, 1er février. — Foi et hommage par damoiselle Isabelle (Elisa-
beth) Moyen, veuve de Lambert Closse, vivant major de Montréal, aux
Seigneurs de Montréal, à cause des terres concédées à son défunt mari.
{Etude Basset)
1676, 16 septembre. — Foi et hommage, par Jacques Le Ber, mar-
chand co-seigneur pour deux-tiers de l'île saint-Paul, près Montréal.
{Etude Basset)
1676, 17 septembre. — Foi et hommage par. Jacques Le Moyne, ci-de-
vant commissaire des Magasins du roi, seigneur du fief Notre-Dame (ou
Ste-Marie) à cause de son domaine consistant en demi-lieue de front sur
le Saint-Laurent sur une lieue et demie de profondeur. {Etude Basset)
1676, 17 septembre. — Foi et hommage, par Michel Messier, sieur de
Saint-Michel, à cause de son fief appelé "le cap de la Trinité." {Etu-
de Basset)
1676, 9 octobre. — Foi et hommage, par Claude Robutel de St-André
à cause de son fief consistant en un tiers de l'île Saint-Paul, près Mon-
tréal. {Etude Basset)
^94 —
1G77, 36 août. — Foi et hommage par Joseph Godefroy, écuyer, sieur
de Vieuxpont à cause de son fief sur le bord du fleuve Saint-Laurent au-
dessus des Trois-Rivières. {Etude Basset)
1677, 37 août. — Foi et hommage, par Charles Le Moyne, écuyer, à
cause de son fief et seigneurie de Longueuil. (Etude Basset)
1677, 37 août. — Foi et hommage par Charles LeMoyne, écuyer, à
cause de son fief et seigneurie de Chateauguay. {Etude Basset)
1677, 31 août. — Foi et hommage par Laurent Bory sieur de Grand-
maison, à cause de son fief et seigneurie de la Geulaudière sur le côté sud
du fleuve Saint-Laurent. {Etude Basset)
1677, 15 septembre. — Foi et hommage par M. J. B. Le Gardeur, sieur
de Repentigny, faisant pour J. B. Le Gardeur, sieur de Courtemanche,
à cause de sa seigneurie de Courtemanche, bornée en front par la rivière
des Prairies. {Etude Basset)
1677, 15 septembre. — Foi et liommage par J. B. Le Gardeur, écuyer,
sieur de Repentigny, à cause de son fief sis sur le côté nord du fleuve
Saint-Laurent. {Etude Basset)
1693, 18 Juin. — Foi et hommage, par Prudent Bougret Dufort re-
présentant son fils et autres à l'intendant Bochart, à cause de la moitié
d'un fief appelé Flsle du Pas, l'Isle aux Vaches etc. {Etude Adkémar)
1695, 15 août. — Foi et hommage par Charles LeMoyne de Longueuil,
capitaine, à cause de son fief de Longueuil, et les îles Rondes et de Sainte-
Hélène. {Etude Basset)
1699, 9 juillet. — Foi et hommage, par Dominique de la Motte, écu-
yer, sieur de Lucière, à cause de son fief de Lucière. {Etude Basset)
1706, 8 juin. — Foi et hommage, par Antoine Pécaudy, sieur de
Contrecoeur dont il a hérité de son père Antoine Pécaudy de Contre-
coeur. {Etude Raimbault)
1706, 33 juin. — Foi et hommage par Jean-Baptiste LeMoyne de
Martigny pour sa seigneurie du Cap de la Trinité à l'intendant Jacques
Raudot, à Montréal. {Etude Adhémar)
1706, 37 juin. — Foi et hommage par René Fézeret, sieur de Saint-
Charles, pour son fief sis sur la rivière Ouamasl<a, tenant d'un côté à la
concession du sieur de Bourchemin. {Etude Raimbault)
1706, 1er juillet. — Foi et hommage par Jacques Alexis de Fleury
Deschambault à cause de son fief de Chauvigny tenant d'un côté à la sei-
gneurie de Portneuf. {Etude Raimbault)
1707, 3 octobre. — Foi et hommage de Daniel Migeon, sieur de La-
gauchetière, tant pour lui que pour dame Tliérèse Migeon, sa soeur, épou-
— 95 —
se de Louis Liéiiard de Beaujeu, écuyer, à Messieurs les Seigneurs de
Montréal à cause du fief Lagauchetière, près de la ville, et du fief Brans-
sat au premier ruisseau, {Etude Adhéniar)
1738, 24 juillet. — Foi et hommage par René Gaultier de Varennes,
écuyer, capitaine, à cause des arrières fiefs de Carion et de Morel sis à la
rivière des Prairies. {Etude Lepallieur fils)
1743, 22 juin. — Foi et hommage par Pierre- Antoine de la Corne,
sieur de la Colombière, officier, à Charles LeMoyne, baron de Longueuil,
chevalier, major de Montréal, demeurant rue St- Vincent, à cause du fief
sis sur le bord de la rivière Chambly ou Richelieu qu'il tient de feu le
baron de Longueuil, gouverneur de Montréal. {Etude de J. B. Adhé-
mar)
1747, 5 mai. — Foi et hommage par Charles Le Pallieur de Voisy à
Dame Françoise Cuillerier, veuve de Joseph Trottier des Ruisseaux, vi-
vant seigneur et propriétaire de la seigneurie de l'île Perrot. {Etude de
J. B. Adhémar)
1751, 8 juillet. — Foi et hommage par Jean LeBer, écuyer, sieur de
Senneville, enseigne d'infanterie, comme tuteur de demoiselle Marie-Anne
LeBer de Senneville, à messire Louis Normant, supérieur de Saint-Sul-
pice, à cause du fief de Senneville. {Etude de L.-C. Danré de Blanzy)
{Mentionné dans le répertoire de P. Panet, mais non trouvé.)
1761, 9 mars. — Foi et hommage du Sieur Baron à Mr le général.
En suite. — Aveu et dénombrement. {Etude Racicot)
1764, 3 août. — Foi et hommage par Gabriel Christie, lieutenant co-
lonel et Moses Hazeu, à Son Excellence Ralph Burton, gouverneur de
Montréal, à cause de deux seigneuries sises le long de la rivière Chambly
et acquises de Clément Sabrevois de Bleury et de son épouse Dame Ca-
therine Guichard. {Etude Panet)
1769, 16 août. — Foi et honunage par Jacques Nouvion et Madeleine
Favereau veuve de J. B. Normandin, à René Boucher de la Bruère, sieur
de Montarville à cause de la terre et seigneurie de Petit bois relevant en
plein fief, du dit sieur de la Bruère. {Etude Racicot)
1770, 2 juillet. — Foi et hommage par François Boucher, écuyer,
sieur de la Périère à René-Amable Boucher de Boucherville, à cause de
l'arrière fief relevant du dit sieur de Boucherville.
En suite. — Aveu et dénombrement. {Elude Racicot)
1771, 7 mai. — Foi et hommage par Joseph Boucher, sieur de la Bruè-
re, à René-Amable Boucher, sieur de Boucherville à cause de deux lopins
de terre, relevant en arrière fief du sieur Boucher de Boucherville.
En suite.— A\eu et dénombrement. {Etude Racicot)
- 96 —
1779^ 36 août. — Foi et hommage par Jacques Viger, bourgeois de
Montréal, à Eené-Amable Boucher de Boucherville, à cause de la "terre et
seigneurie du fief Saint-Jean", dépendant de la seigneurie de Boucher-
ville. {Etude Racicot)
1779, 39 septembre. — Foi et hommage, par Charles Boucher, sieur
de Grosbois, à Eené-Amable Boucher, sieur de Boucherville à cause de la
terre et seigneurie qu'il possède dans l'île Saint-Joseph et relevant de M.
de Boucherville le signeur primitif. (Etude Racicot)
1780, 7 novembre. — Foi et hommage, par Pierre Huet dit ,Dulude en
sa qualité de tuteur des enfants de feu Pierre Favreau et Pierre Favreau,
fils, à Eené-Amable Boucher sieur de Boucherville à cause de, d'un arrière
fief relevant du dit sieur Seigneur.
En suite. — Aveu et dénombrement. {Etude Racicot)
1780, 10 novembre. — Foi et hommage par Joseph Boucher, sieur de
la Broquerie au nom de Pierre Eené Boucher, sieur de Mogras, son fils
mineur, à Eené-Amable Boucher, sieur de Boucherville, à cause d'un ar-
rière fief relevant de la seigneurie de Boucherville.
En suite. — Aveu et dénombrement. {Etude Racicot)
1780, 33 décembre. — Foi et hommage par Dame Marie- Anne Bailleul
veuve de Joseph Boucher, sieur de Noix, à Eené-Amable Boucher de Bou-
cherville, à cause de l'arrière fief qu'elle tient de son père, lequel l'avait
acquis de Paul Eaimbault de Saint-Blain.
1781, 3 janvier. — Foi et hommage par Jacques Eacicot, fils à Fran-
çois Boucher, sieur de Piedmont, à cause de l'arrière fief nommé commu-
nément le Petit bois.
En suite. — Aveu et dénombrement. {Etude Racicot)
En suite. — Aveu et dénombrement. {Etude Racicot)
1781, 13 "janvier. — Foi et hommage par Joseph LeMoine Despins,
procureur -de Jacques Lemoine Despins, à Eené Amable Boucher de Bou-
cherville, à cause d'un arrière fief, sis dans l'île Saint-Joseph. {Etude
Racicot)
1784, 9 novembre. — Foi et hommage jiar Clément Sabrevois de Bleu-
ry à Eené-Amable Boucher, sieur de Boucherville, à cause de son arrière
fief sis dans l'île Saint-Joseph.
Ensuite. — Aveu et dénombrement. {Etude Racicot)
1786, 1er juin. — Foi et hommage par Philibert Coilly dit Novion, à
François Boucher, sieur de Piedmont, à cause d'une portion d'arrière fief
qu'il possède dans le fief Petit Bois. {Etude Racicot)
Il E.-Z. MASSICOTTE
^1 .
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEÀUCEVILLE==AVRIL 1920 No 4
La famille Rouer de Villeray
Louis Rouer de Villeray
(Suite)
*' C'est pourquoi je vous supplie très humblement d'a-
voir la bonté de m'en faire avoir raison, tant au regard des
deux premiers, que du sieur de Villeray qui a toujours été
regardé par ceux qui m'ont précédé dans ce gouvernement
comme le premier mobile et le principal instrument de tou-
tes les divisions qu'on y a fait naître, je ne le dis (pas),
par aucun ressentiment contre lui, mais pour vous infor-
mer seulement de la vérité qu'il est aisé de justifier, tant
par des arrêts du Conseil Souverain de Québec, où plu-
sieurs gouverneurs ont été obligés à différentes reprises de
lui ôter la charge de conseiller, que par un arrêt du Conseil
d'Etat de Sa Majesté au rapport de M. de Brienne par le-
quel il était déclaré incapable de posséder aucune charge
en Canada. Mais l'appui qu'il a jusqu'à présent trouvé
par le moyen de certaines gens qui ont grand intérêt de le
protéger l'a non seulement garanti de toutes ces punitions
mais en lui procurant des avantages et des gratifications
à l'exclusion des persomies qui étaient ici le plus zélées
pour le service du Roi lui ont encore augmenté son inso-
, — 98 —
lence avec l'envie de continuer ses mêmes intrigues et me-
nées, et donné un méchant exemple à ceux qui auraient pu
appréhender le péril qu'il devait y avoir à l'imiter." (38)
, Dans ce même automne de 1681, M. de Villeray, qui
avait d'importantes affaires à régler en France, demanda
à M. de Frontenac la permission de s'embarquer sur un des
vaisseaux qui partaient de Québec vers le 10 ou le 11 décem-
bre.
M. de Frontenac, qui se doutait que le principal objet
du voyage de M. de Villeray en France était de porter
jjlainte contre lui au ministre et qui avait déjà fait l'expé-
rience que les séjours du premier conseiller en France
étaient désastreux pour lui, refusa d'accorder le congé
demandé.
M. de Villeray qui n'était pas facile à désarçonner eut
recours au Conseil Souverain. Le 8 novembre, il le requé-
rait de députer deux de ses membres auprès du gouverneur
pour le faire revenir sur son refus. MM. Dupont de Neu-
ville et de Peiras, qui avaient la confiance du gouverneur,
acseptèrent la tâche. Mais leur éloquence fut dépensée en
pure perte, M. de Frontenac refusa jjéremptoirement de
laisser partir M. de Villeray. (39)
Le 13 novembre 1681, avec son astuce ordinaire, le
gouverneur donnait au ministre les raisons qui l'avaient
engagées à empêcher M. de Villeray de passer en France.
"Je n'avais point voulu. Monsieur, vous marquer dans
la première lettre que je me suis donné l'honneur de vous
écrire, il y a onze mois, que le procureur-général s'est avisé
d'intenter un procès criminel contre le procureur du roi
de la Prévôté de cette ville, parce qu'il n'est pas agréable
à M. Duchesneau lequel l'a fait par le moyen de ceux de
(38) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. .5.
(39) Dans son Mémoire sur les moeurs, coustumes et religion des Sauv<i-
ges de l'Amérique Septentrionale (p. 131), Nicolas Perrot écrit qu'en 1681 M. de
Villeray fut chargé par M. de Frontenac de publier, dans le pays des Outaouais,
l'amnistie accordée aux coureurs de bois et qu'il fut en même temps établi com-
mandant dans ces lieux. Il fait certainement erreur. D'abord M. de Villeray
n'étant pas militaire n'aurait pas été nommé commandant aux Outaouais, puis,
M. de Frontenac, à tort ou à raison, avait trop de griefs contre M. de Villeray
pour le charger d'une semblable mission.
— 99 —
sa cabale, interdire de sa charge, sur la simple dénoncia-
tion d'un homme de Bayonne qui négocie ici et qu'on a fait
évader et passer en France depuis deux mois, contre la dé-
fense que je lui en avais faite, parce qu'il eut ou qu'il ne
pouvait prouver les choses qu'il avait avancées contre lui.
Cependant le procureur-général n'ayant pas eu les preu-
ves qu'il en espérait, a demandé qu'il fut informé de sa vie
et de ses moeurs depuis 17 ans qu'il est en ce pays, quoi
qu'il y en ait six qu'il a été reçu en la dite charge de pro-
cureur du Roi, sans aucune plainte ni opposition, et il a
fait entendre soixante et dix témoins, sans avoir trouvé,
à ce qu'on dit, aucune matière d'asseoir une condamnation
contre lui, ce qui est cause qu'après toutes les chicanes pos-
sibles qui ont été faites pour allonger l'instruction de cette
affaire, et nous restant un grand nombre de requêtes pré-
sentées par le procureur du Roi pour la faire juger leur
dernière refuite a été de me faire demander par le rappor-
teur qui est le Sr de Villeray, congé de passer en France
d'oii il n'y a qu'im an qu'il est revenu, ce qui m'a obligé à
ne lui point accorder, afin que cet officier put avoir plus
tôt justice, laquelle il était, monsieur, résolu de vous aller
demander sur l'expression qu'il prétend qu'on lui a faites,
si son procès avait été jugé avant le départ des vaisseaux
et qu'il eut pu en avoir toutes les pièces pour vous les por-
ter." (40)
Dans une lettre de l'intendant Duchesneau au minis-
tre de Seignelay datée du même jour (13 novembre 1681),
nous entendons un autre son. M. Duchesneau fait la nomen-
clature de tous les abus de pouvoir commis par M. de Fron-
tenac. Il insiste beaucoup sur l'injustice commise par le
gouverneur envers M. de Villeray en lui défendant de se
qualifier d'écuyer, titre qui lui avait été reconnu par le
Conseil d'Etat du Roi dans la dernière recherche de la no-
blesse. (41)
En 1682, le roi enlevait le gouvernement de la Nou-
(40) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 5.
(41) OCallaghan. Documents relative to the history of the state of New-
York, vol. IX, p. 156.
— 100 -
velle-France à M. de Frontenac. Les deux querelles ridicu-
les faites à M. de Villeray en 1681 ne furent pas les causes
immédiates de son rappel. Mais ces deux incidents joints
à des douzaines d'autres firent certainement comprendre
au roi que la position de M. de Frontenac n'était plus te-
nable.
M. de Villeray dût éprouver un singulier soulagement
de se voir enfin débarrassé de son implacable ennemi. Pen-
dant près de dix ans M. de Frontenac ne lui avait laissé
aucun répit.
Une preuve que M. de Villeray n'était pas l'homme
que M. de Frontenac dépeignait au ministre c'est que ses
successeurs immédiats MM. de la Barre et de Denonville,
lui accordèrent toute leur confiance et n'eurent pas à s'en
repentir. Leurs lettres au ministre en font foi.
Le 27 avril 1684, le gouverneur de la Barre et l'inten-
dant de Meulles, sur la demande de M. de Villeray, accor-
daient à ses fils, Augustin Rouer de la Cardonnière et
Louis Rouer d'Artigny, une étendue de deux lieues de ter-
re, ''prés et bois, de front sur le fleuve Saint-Laurent, sur
deux lieues de profondeur dans les terres, à prendre de-
puis une rivière qui est vis-à-vis l'isle Verte ; du côté du
sud de la dite isle, icelle dite rivière comprise, jusqu'à deux
lieues en descendant le dit fleuve, ensemble les bastures,
isles et islots qui se rencontrent vis-à-vis les dites deux
lieues, jusqu'à la dite isle Verte, icelle même comprise. . "
Cette concession était faite aux sieurs de la Cardon-
nière et d'Artigny, à toujours, en toute propriété, en titre
de fief et seigneurie, haute, moyenne et basse justice. (42)
C'est la seigneurie de L'isle- Verte qui est devenue*
l 'importante paroisse de L 'Isle- Verte.
A l'automne de 1685, M. de Villeray passait encore en
France. (43) Depuis son arrivée dans le pays il en était
à son sixième ou septième voyage en France. La traver-
(42) Pièces et documents relatifs à la teniire seigneuriale, p. 18.
(43) Lettre de M. Duchesneau au ministre, 28 septembre 1685.
— 101 —
sée entre Québec et les ports français duraient alors soi-
xante-dix et même quelquefois quatre-vingt-dix jours. Il
fallait une dose de patience i)eu ordinaire pour faire le
voyage si souvent dans d'aussi tristes conditions.
Le 13 novembre 1685, M. de Denonville faisait l'éloge
de M. de Villeray au ministre. Il lui écrivait :
*'Le Sr de Villeray premier Conseiller du Conseil
Souverain m'a prié de prendre la liberté de vous escrire
à son sujet, il vous demande une grâce pour son fils aine
qu'il voudrait attacher auprès de luy et luy donner occa-
sion d 'estudier et se rendre capable de luy succéder.
''Je luy dois Monseigneur le témoignage de l'estime
miiverselle qu'il s'est acquise d'homme intègre et de juge
incorruptible ; il s'est toujours conduit dans un grand
desinterressement : quand il paraistra Monseigneur que
vous le distinguez je vous asseure que ce sera un moyen
I^our animer les autres à suivre son exemple.
"Il a une affaire en France qui luy est de conséquen-
ce cepend. je l'ay retenu n'ayant personne plus capable de
me donner connaissance des affaires du Conseil Souverain
dans lesquelles il s'est toujours comjiorté en homme de bien,
et qui ne se gouverne n'y par crédit n'y par faveur, mais
toujours dans l'estroite justice et dans les règles du bien
publicq. Je suis témoin de quelques endroits ou il s'est
conduit avec fermeté et sagesse. Notre Conseil Souve-
rain vous rend compte Monseigneur de l'arrest qu'il a ren-
du a l'égard de l'affaire de Rageot ou il l'a demis de sa
charge de greffier en attendant vos ordres. J'ay eu l'hon-
neur de vous en escrire par le Retour des Navires du Roy.
J'adjouteray seulement Monseigneur que je sçay seure-
ment que l'on n'a cherché qu'a vexer ce pauvre malheu-
reux chargé d'une grosse famille, c'est un homme de bien
si il y en a un seul en ce pays, il est reconnu tel dans tout
le pays. On l'a osté Monseigneur pour mettre en sa place
un homme qui méritera qu'on l'oste de son employ de
Geôlier si il continue de vivre comme il a fait par le passé.
— 102 —
C'est le plus insolent et arrogant homme qui soit dans le
pays, il a grande part a une insolence que son fils a fait
devant l'église en publicq, mettant l'Ej^ée à la main dont il
a frappé de plusieurs coups, le Sr. Chalons, cy-devant
agent des anciens fermiers. Il est en f uitte, il y a un décret
de prise de corps contre luy, son Père se vante de l'avoir
élevé en bretteur. C'est un de nos libertins et fainéants
qu'il ne faudra pas épargner non plus que son père qui dit
hautement que son fils a très bien fait." (44)
M. Gilles de Boyvinet, agent-général de la Compa-
gnie du Canada, s 'étant noyé dans la rade de Québec en
revenant de France le 22 juillet 1686, l'intendant Bochart
Champigny, après avoir pris l'avis du gouverneur de De-
nonville, donna une commission à M. de Villeray comme
inspecteur ou contrôleur de cette compagnie.
M. Bochart Champigny écrivait au ministre le 16 no-
vembre 1686 : "Le sieur de Boyvinet, qui revenait de
France pour être agent de messieurs les intéressés, s 'étant
noyé à son arrivée en ce pays, M. de Meulles donna une
commission au sieur de la Héronnière qui était agent depuis
un an pour continuer cet emploi. Ayant été révoqué par la
procuration que ces messieurs avaient donnée au sieur
Boj^inet, j'ai conmiis pour inspecteur le sieur Villeray,
premier conseiller du Conseil Souverain de Québec, hom-
me de probité, de l'avis de M. de marquis de Denonville.
Ils ont travaillé ensemble jusqu'au 27 octobre dernier, que
le dit sieur la Héronnière s'avisa de refuser l'entrée du bu-
reau au dit sieur Villeray, ce qui lui donna lieu de me pré-
senter requête, sur laquelle après les avoir entendus tous
deux, et le sieur Blondel, contrôleur du bureau, et sur l'in-
telligence qui étaient entre les dits sieurs la Héronnière et
Blondel, après m 'avoir le dit sieur Blondel dit auparavant
que le dit sieur la Héronnière faisait beaucoup de fripon-
neries, j 'ordonnai que l'ordonnance de M. de Meulles serait
exécutée et que toutes les lettres de change que le dit sieur
la Héronnière tirerait sur la France seraient certifiées par
(44) Archives du Canada. Correspondance générale, série C", vol. 7.
- 103 —
le dit sieur Villeray, afin d'éviter toutes les friponneries
qu'ils pourraient faire ensemble contraires au bien et à
l 'avantage de messieurs les intéressés qui ont grand intérêt
d'avoir ici un agent honnête honune." (45)
Le 30 octobre 1686, M. de Villeray sollicitait l'agré-
ment du Conseil Souverain pour passer en France.
"Sur ce qui a été dit par M. Louis de Villeray, pre-
mier conseiller de ce conseil, est-il dit au procès-verbal de
cette séance, que dès l'année passée le besoin de ses affai-
res l'appelant en France, il n'avait pas cru devoir deman-
der la permission d'y aller à cause que Monsieur de Meul-
les, ci-devant intendant, était absent pour son voyage de
l'Acadie et que Monsieur le gouverneur lui fit connaître
qu'il était à propos qu'il restât, mais que conmae les avis
qu'il a d'abondant reçus cette année lui font connaître
qu'il n'était pas possible de s'en dispenser cette année sans
en souffrir un très grand préjudice il en aurait conféré
avec M. le Gouverneur et M. l 'intendant qui avait donné les
mains à ce qu'il fit ce voyage, il requiert la Compagnie de
vouloir aussi le faire et lui en donner la permission." (46)
Le Conseil se rendit volontiers à la demande de M. de
Villeray et il s'embarqua dans les premiers jours de no-
vembre.
* M. de Villeray revint de France dans l'été de 1687, jus-
te pour constater que sa maison avait été incendiée pen-
dant son absence. La perte était considérable pour lui car
il n'était pas riche.
Le 9 septembre 1687, MM. de Denon ville et Bochart
Champigny écrivaient au ministre :
"Nous devons vous dire que le pauvre M. Villeray,
premier conseiller, à son retour de France, a trouvé sa mai-
son brûlée. C'est un fort honnête homme qui travaille ici
depuis longtemps et qui a bien besoin pour se remettre
que vous ayez la bonté de lui continuer la gratification
(45) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 8.
(46) Jugements et Délibérations du Conseil Roiiveratn.
— 104 —
que vous lui avez donnée cette année." (47)
La mauvaise fortune poursuivait M. de Villeray.
C'était la seconde fois qu'il voyait l'incendie détruire sa
maison. En 1682, dans le grand incendie de la basse-ville
de Québec, il avait également perdu sa maison et tout ce
qu'elle contenait. Il est vrai qu'à cette époque Québec
n'avait guère les moyens de se défendre contre le feu. Tou-
tes les maisons étaient construites en bois et on avait au-
cune protection contre l'incendie.
En 1688, M. de Villeray remontrait au gouverneur de
Denonville et à l'intendant Bochart Cliampigny que la
concession qui avait été accordée à ses fils, MM. de la Car-
donnière et d ' Artigny en 1684, pouvait difficilement se par-
tager et il leur demandait d'accorder au sieur d 'Artigny
seul cette concession et d 'en accorder une autre au sieur de
la Cardonnière. Le 24 avril 1688, MM. de Denonville et Bo-
chart Cliampigny se rendaient à la demande de M. de Vil-
leray et ils accordaient au sieur de la Cardonnière une
nouvelle concession : ''deux lieues de front sur le fleuve
Saint-Laurent à prendre joignant et attenant à la conces-
sion du Bic appartenant au sieur de Vitré, conseiller au
dit conseil, en descendant le dit fleuve, et deux lieues de
profondeur, ensemble la rivière dite de Rimouski et autres
rivières et luisseaux, si aucuns se trouvent dans la dite
estendue, avec l'isle Saint-Barnabe, et les bastures, isles
et islets qui se pourront rencontrer vis-à-vis les dites deux
lieues jusqu'à la dite isle Saint-Barnabe, avec droit de fief,
seigneurie et justice, haute moyenne et basse. . . . "(48)
La concession accordée à M. Rouer de la Cardonnière
le 24 avril 1688, après avoir eu bien des vicissitudes et avoir
changé plusieurs fois de propriétaires, est devenue l 'impor-
tante ville de Rimouski.
Le 5 avril 1689, M. de Villeray réussissait à faire aug-
menter la concession qui avait été accordée à son fils d 'Ar-
tigny en 1684 et en 1688. Ce jour-là, MM. de Denonville et
(47) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 9.
(4S) Pièces et documents relatifs à In tenure seigneuriale, p. 20.
— 105 —
Bochart Champigny concédaient à M. de Villeray pour le
sieur d'Artigny, son fils, et à M. de la Chesnaye, ' 'l'est en-
due de terre qui se peut rencontrer entre leurs dites con-
cessions, avec deux lieues de profondeur, de laquelle éten-
due ils jouiront chacun moitié par moitié, sçavoir : le dit
sieur d'Artigny, de celle qui joint la petite rivière Verte,
et les islets et les bastures qui se peuvent rencontrer vis-à-
vis, comme le dit sieur de la Chesnaye de l'autre moitié qui
le joint à cause de sa dite concession, et pareillement les
islets et battures qui se peuvent rencontrer vis-à-vis la
dite moitié, lesquelles portions seront et demeureront doré-
navant jointes, unies et incorporées à leurs dites conces-
sions " (49)
En novembre 1689, M. de Frontenac revenait prendre
le gouvernement de la Nouvelle-France.
M. de Villeray ne dût pas le voir arriver sans une cer-
taine appréhension. Pendant sa première administra-
tion, M. de Frontenac ne lui avait été guère favorable. En
serait-il de même sous le nouveau régime ?
Mais, évidemment, M. de Frontenac n'avait pas été
renvoyé dans la Nouvelle-France sans recevoir de sérieux
avertissements du roi ou du ministre. On se rappelait euA
core à la cour la façon brutale dont il avait traité le Conseil
Souverain et ses principaux officiers, MM. de Villeray,
d'Auteuil, etc., etc.
Le comte de Frontenac était un habile politique. Il
changea comjjlètement de tactique. Pendant son premier
séjour dans le pays il manquait bien peu de séances du
Conseil Souverain. Plus de trois mois s'étaient écoulés
depuis son arrivée, et M. de Frontenac n'avait pas encore
fait son apparition au Conseil. Cependant, l'intendant
Bochart Champigny et le procureur-général d'Auteuil
l'avaient invité plusieurs fois à s'y rendre.
Cette façon d'agir du gouverneur intriguait les con-
seillers qui pour la plupart siégeaient depuis plusieurs an-
nées et savaient avec quel intérêt ir suivait autrefois les
(49) Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale, p. 22.
„.. 106 —
travaux du Conseil.
Le procureur-général d'Auteuil, fils de l'ancien pro-
cureur-général que Frontenac avait si maltraité autrefois,
prit sur lui de se rendre au château Saint-Louis afin de sa-
voir son intention. M. de Frontenac répondit sèchement
que le Conseil savait ce qu'il avait à faire ; que pour lui,
il s'y rendrait, quand le service du roi l'y appelerait.
Cette réponse embarrassa les Conseillers. Le 20 fé-
vrier 1690, il fut décidé par le Conseil que MM. de Ville-
ray, premier conseiller, Damours, Dui3ont et de Peiras
se rendraient auprès de M. de Frontenac pour l'inviter à
prendre sa place au Conseil.
Le 27 janvier 1690, la députation se présentait au châ-
teau Saint-Louis. M. de Villeray, à titre de doyen, fit ce
petit discours au gouverneur :
**Nous venons de la part du Conseil pour vous inviter
d'y venir prendre votre place. Ce qui a empêché de le fai-
re plus tôt, c'est la difficulté où la Compagnie s'est trou-
vée sur l'ordre qu'elle devait tenir à votre réception parce
que jusqu'à présent nous n'avons rien de réglé pour la ma-
nière que l'on doit garder à celle de Messieurs les gouver-
neurs non plus qu 'à celles de Messieurs les évêques et Mes-
sieurs les intendants. Et comme la Compagnie eût été bien
aise, âui^aravant de savoir votre sentiment sur ce qui vous
concerne afin de s'y conformer de tout son possible, elle en
avait chargé Monsieur le procureur-général dans la pen-
sée. Monsieur, que vous pourriez vous en ouvrir à lui. Et
néanmoins il a rapporté à la compagnie que vous en ayant
parlé, vous ne lui aviez fait autre réponse, sinon que le
Conseil savait ce qu'il avait à faire et que vous y viendriez
quand le service du Roi vous y appellerait, si i3ien que la
Compagnie en nous chargeant de vous prier de vouloir
bien lui marquer le jour qu'il vous plaira de venir prendre
votre place nous a encore recommandé de vous demander
les vues que vous pourriez avoir sur la manière dont vous
estimez y devoir être reçu, dans l 'assurance que nous vous
... 107 —
donnons qu'elle est dans le sentiment de vous rendre avec
plaisir tout ce qu'elle vous doit." (50)
M. de Frontenac répondit assez rudement à M. de Vil-
leray que c'était au Conseil Souverain de lui faire savoir
de quelle manière il voulait le recevoir et qu'il verrait en-
suite ce qu'il aurait à faire.
Les pourparlers entre M. de Frontenac et M. de Vil-
leray agissant pour le Conseil Souverain se poursuivirent
encore plusieurs jours. En fin diplomate qu'il était, M.
de Frontenac se gardait bien de faire savoir aux Conseil-
lers le cérémonial qu'il exigeait X30ur son entrée au Con-
seil. De cette façon, il comptait, sans doute, qu'on lui of-
frirait plus que moins. Il serait trop long de rapporter
ici les entrevues entre le gouverneur et le premier conseil-
ler de Villeray.
Après cinq ou six rencontres entre M. de Frontenac et
M. de Villeray, celui-ci, au nom des conseillers, suggéra
que chaque fois que le gouverneur se rendrait au Conseil
deux conseillers iraient le recevoir dans la salle des par-
ties. S'il n'était pas satisfait de cette offre, le Conseil
s'engageait à s'en rapporter à ce qu'il jugerait à propos
"en telle façon que le dit sieur comte de Frontenac serait
content."
Cette fois, le vieux diplomate se déclara satisfait. Il
voulut bien informer les Conseillers qu'il se rendrait au
Conseil après Pâques.
Il semble que pendant sa seconde administration M.
de Frontenac n'ait eu aucun sujet de jjlainte contre M. de
Villeray. Du moins, ses lettres ne font aucune mention
de M. de Villeray. On a même le droit de supposer que les
préventions du gouverneur étaient disparues puisque nous
le voyons, le 3 août 1690, tenir sur les fonts baptismaux un
petit-fils de M. de Villeray.
Le 4 novembre 1693, l'intendant Bocliart Champigny
prenait la peine d'informer le ministre qu'il était très sa-
tisfait de M. de Villeray :
(55) Les Ursulines de Québec, tome, II, p. 13.
— 108 ---
"La bonne conduite et l'application des Srs de Ville-
ray et Benac, agent et contrôleur de la ferme, me donnent
lieu de vous en rendre tous les bons témoignages qu'il est
possible de vous assurer que Mrs les fermiers généraux
peuvent se reposer et prendre une entière confiance sur
leurs soins et fidélité." (51)
M. de Lamothe-Cadillac, dans un long mémoire de ré-
criminations daté du 28 septembre 1694 et où il attaquait
tous ceux qu'il n'aimait pas, disait de M. de Villeray :
"N'est-ce pas encore une chose honteuse de voir M. de
Villeray, le premier conseiller, tenir la boucherie dans sa
maison et faire débiter de la viande par son valet, et mada-
me sa femme en recevoir l'argent ?
"Prenez la peine de vous en informer, et vous ne trou-
verez personne qui ne rende ce témoignage.
"De quel avis peuvent donc être ces messieurs, sur
l'article de la viande principalement, puisqu'ils sont eux-
mêmes bouchers ? Y a-t-il apparence qu'ils décident con-
tre leurs propres intérêts (52)
M. de Lamothe-Cadillac en voulant nuire à M. de Vil-
leray auprès du ministre rendait hommage à son honnê-
teté et à son désintéressement. Quand tant d'autres au-
tour de lui s'enrichissaient en quelques années, M. de Vil-
leray qui avait rempli ' plusieurs charges où il aurait pu
s'amasser un pécule était pauvre et était obligé de faire
du commerce pour subsister, ses appointements de premier
conseiller ne lui donnant pas suffisamment pour faire vi-
vre sa famille.
Encore en 1694, M. Bochart Champigny se plaisait à
louer les bons services de M. de Villeray.
Le 24 octobre 1694, il écrivait au ministre :
"Je continuerai à vous rendre de bons témoignages de
la conduite de Mr de Villei'ay et de M. Benac, agent et con-
(51) Archives lu Canada. Correspondance générale, vol. 12.
(52) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 13.
... 109 —
trôleur des fei'mes en ce pays, dont l'application, la fidélité
et l'exactitude m'engagent à vous dire qu'on ne saurait
choisir deux meilleurs officiers ni plus honnêtes gens pour
remplir ces emplois. " (53)
Le 20 octobre 1699, l'intendant Bochart Champigny
donnait au ministre des renseignements sur l'organisation
religieuse et judiciaire de la ♦Nouvelle-France.
"La justice, écrivait-il, se rend dans une parfaite équi-
té et avec autant de désintéressement, principalement au
Conseil de Québec où la partialité et la prévention n'ont
point d'entrée.
"Monsieur le gouverneur y occupe la première place,
M. l'évêque la deuxième et son grand- vicaire en son absen-
ce qui est un sujet de moiiitication pour l'intendant à ce
qui me semble. Il ne devrait pas être préféré y faisant les
fonctions de premier président et prononçant les arrêts.
Il y a sept conseillers dont le plus ancien qui y est le sieur
de Villeray mérite une considération particulière aussi
bien que le sieur d'Auteuil procureur-général." (54)
"Dans l'hiver de 1700-1701, raconte l'annaliste du mo-
nastère des Ursulines, il y eut à Québec des maladies popu-
laires qui firent d'étranges ravages. Le mal s'annonçait
l^ar un mauvais rlimne, auquel se joignait une fièvre arden-
te accompagnée de fortes douleurs de côté, et il emportait
les personnes en peu de jours. La contagion, qui avait com-
mencé sur la fin de novembre, se répandit bientôt dans tou-
te la ville, et il n 'y eut pas de maison qui ne fut changée en
hôpital. Toutes les communautés furent attaquées en mê-
me temps, et à peine en restait-il quelques ims debout pour
soigner et assister les autres." (55)
La maladie sé\ât avec une violence extrême. M. de
Villeray, qui était âgé de 71 ans, fut une des premières
victimes de ce fléau d'un nouveau genre. Il succomba le 6
(53) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 12.
(54) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 17.
(50) Jugements et délibérations du Conseil Souvera.n.
— 110"-
décembre 1700, et fut inhumé le lendemain dans la cathé-
drale.
Ceux qui, mettant leur conscience au-dessus de leur
intérêt et de leur tranquillité, ne craignent pas de faire
leur devoir, s'attirent d'ordinaire bien des ennuis et des
tracas de ceux dont ils barrent le chemin et empêchent les
menées. Il en fut ainsi de M. de Villeray. Toute sa vie il
fut en butte au mauvais vouloir de ceux qui profitaient de
leurs charges pour assouvir leur ambition et faire leur for-
tune. Mais à sa mort le sentiment fut unanime pour ren-
dre justice à sa mémoire.
Dans un mémoire envoyé au ministre au sujet de celui
qui devait le remplacer comme premier conseille!* au Con-
seil Souverain, on trouve une note qui permet à la fois de
savoir ce qu'était la charge de premier conseiller et ce
qu'on pensait de M. de Villeray.
"Le sieur de Villeray, est-il dit dans ce mémoire, l'a
exercée depuis la déclaration du roi de l'année 1675 avec
beaucoup d'équité et d'honneur. Personne avant lui ne
l'avait possédée, ce qui donne aujourd'hui lieu de douter,
sous le bon plaisir de Sa Majesté, si cette i)lace est unique
et distincte des six autres, ou si l'ancien des six conseillers
y doit monter de droit pas succession.
"Le sieur de Villeray s'est toujours regardé dans sa
place comme primus inter pares. Ca toujours été et c'est
encore l'esprit dans lequel M. le gouverneur et M. l'inten-
dant et tous les membres du Conseil, regardent cette pre-
mière place : changer cet ordre, ce serait les désoler tous. ' '
Plus loin, dans la même pièce, il est dit que la mémoi-
re de M. de Villeray était respectée dans tout le pays. (57)
(57) Archives de la Marine, Personnel civil, Canada.
— ir
C'est toujours uii'^
leur devoir malgré t
leur mort l'équilib' .^u jus-
tice.
M. de Ville: .^ civaii épousé, à Québec, le 19 février
1658, Catherine Sevestre, fille de feu Charles Sevestre et
de Marie Pichon.
Elle décéda à Québec le 24 janvier 1670, et fut inhumée
dans l'église paroissiale.
En secondes noces, à Québec, le 26 novembre 1675, M.
de Villeray épousa Marie- Anne Du Saussay de Bemont,
fille de Jacques Du Saussay de Bemont et de Anne Carlier,
de Saint-Nicolas de Paris.
Madame de Villeray s'en retourna en France quelques
aimées après la mort de son mari. (58)
M. de Villeray n'eut pas d'enfant de son second ma-
riage. Trois fils étaient nés de sa première union :
AUGUSTIN ROUER DE LA CARDONNIERE ET DE
VILLERAY
Le continuateur de la lignée.
II
LOUIS ROUER D'ARTIGNY
Né à Québec, le 9 février 1667.
Le 27 avril 1684, MM. de la Barre et de Meulles, sur la
demande de M. de Villeray, accordaient à ses fils, Augus-
tin Rouer de la Cardonnière et Louis Rouer d'Artigny,
une étendue de deux lieues de terre. ' ' prés et bois, de front
sur le fleuve Saint-Laurent, sur deux lieues de profondeur
(58) Sur le point de s'embarquer pour la Franco, le 4 octobre 1701, Marie-
Anne UuSaussay faisait donation de tous ses biens en cas de mort à son cousin
issu de germains, Benjamin Dervilliers de la Boissière, lieutenant en pied d'une
compagnie des troupes du détachement de la marine (Greffe de Chambalon).
— 112 —
dans les terres, à prendre depuis une rivière qui est vis-à-
vis risle- Verte, du côté du sud de la dite isle icelle dite ri-
vière comprise, jusqu'à deux lieues en descendant le dit
fleuve, ensemble les bastures, isles et islets qui se rencon-
trent vis-à-vis les dites deux lieues, jusqu'à la dite Isle
Verte, icelle môme comprise "(59)
Cette concession était faite à MM. de la Cardonnière
(it d'Artigny à toujours en toute propriété, en titre de fief
drseigneurie, haute moyenne et basse justice.
'10
En 1688, M. de Villeray remontrait au gouverneur de
Denonville et à l'intendant Bochart Champigny que la con-
ié^fesion qui avait été accordée à ses fils, le 27 avril 1684,
pouvait difficilement se partager et il leur demandait d 'ac-
céder au sieur d'Artigny seul cette concession et d'en ac-
corder une autre au sieur de la Cardonnière. Le 24 avril
1688, MM. de Denonville et Bochart Champigny se ren-
daient à la demande de M. de Villeray. M. d'Artigny restait
^^1 propriétaire de la seigneurie de L 'Isle-Verte et M. de
la Cardonnière reçut une autre concession.
Le 5 avril 1689, M. Rouer d'Artigny recevait une im-
portante augmentation à la seigneurie que son père avait
obtenue pour lui en 1684. Entre cette dernière concession
et celle de M. Aubert de la Chesnaye ( ),
il restait une certaine étendue de terre non concédée. Le 5
avril 1689, MM. de Denonville et Bochart Champigny con-
[^MMent toute cette étendue à MM. Aubert de la Chesnaye
ë¥^©fouer d'Artigny. L'acte de concession disait : "Nous,
îî^^ft égard à la dite remontrance, avons, en vertu du pou-
yoîîj à nous donné par Sa Majesté, donné, accordé et con-
(^^(3e,^Monnons, accordons et concédons par ces présentes
a,vi/j#t sieur de Villeray, pour le dit sieur d'Artigny, et au
dït'^sieur de la Chesnaye, l'estendue de terre qui se peut
.{noii.
(59) Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale, p. 18.
— 113 —
rencontrer entre leurs dites concessions, avec deux lieues
de profondeur, de laquelle étendue ils jouiront chacun moi-
tié par moitié, sçavoir : le dit sieur d'Artigny, de celle qui
joilit la petite rivière Verte, et les islets et les battures qui
se peuvent rencontrer vis-à-vis " (60)
Cette augmentation fut confirmée par le roi le 24 mai
1689. (61)
M. Rouer d'Artigny ne s'occupa pas beaucoup du beau
domaine qui lui avait été accordé, et, douze ans plus tard,
le 1er mai 1701, il échangeait sa seigneurie de L'Isle- Verte
avec Pierre De Niort de La Noraye fils. Celui-ci lui don-
nait en retour une sonune de 240 livres de rente annuelle
à constitution rachetable par la somme de 4800 livres. (62)
A la mort de son frère, M. Rouer de Villeray, en 1711,
M. Rouer d 'Artigny essaya de se faire nonuner à sa place
au Conseil Supérieur. Mais Jean-François Hazeur avait
plus d'influence que lui et il fut nonuné.
Hazeur faisait depuis deux ans les fonctions de lieute-
nant particulier de la prévôté de Québec à la place de M.
Dupuy qui agissait lui-même comme lieutenant-général
en l'absence de M! Riverin.
Le ministre, pour consoler M. Rouer d'Artigny de sa
déconvenue, lui offrit la charge intérimaire de lieutenant
particulier. (63)
Le 18 juin 1712 le roi signait un ordre à M. Rouer
d'Artigny ijour faire les fonctions de lieutenant particu-
lier de la prévôté de Québec à la place de M. Hazeur. (64)
M. Rouer d'Artigny fut reçu en sa charge par le Con-
seil Supérieur le 8 novembre 1712. Se servant du texte
même de l'ordre du roi, le Conseil Supérieur faisait enre-
gistrer à son procès-verbal que le sieur Rouer d'Artigny
(60) Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale, p. 22.
(61) Insinuations du Conseil Souverain, cahier 2.
(62) Acte devant Chambalon, notaire à Québec, le 1er mai 1701.
(63) Richard, p. 442.
(64) Ordre d? Sa Majesté en faveur de M. Rouer d Artigny dans Insinua-
tions du Conseil Souverain, cahier 3.
... n4 —
ferait les fonctions de lieutenant particulier pendant que
le sieur Dupuy y continuerait celles de lieutenant géné-
ral. (65)
M. Rouer d'Aitigny remplit les fonctions de lieute-
nant-particulier de la prévôté de Québec jusqu'au 12 octo-
bre 1716, date de l'entrée en fonctions de M. Couillard de
Lespinay nommé à cette charge par provisions du roi le 27
avril précédent.
M. Rouer d'Artigny ne resta pas longtemps sans char-
ge. En 1716, M. de la Durantaye, conseiller au Conseil Su-
l)érieur, décédait. MM. de Vaudreuil et Bégon suggérèrent
au ministre de le remplacer par M. Rouer d'Artigny. "Il
est homme de probité et capable de remplir cette place",
écrivaient-ils au ministre. (66)
Le ministre reconunanda la nomination de M. Rouer
d 'Artigny. Ses lettres de provisions furent signées par le
roi le 3 avril 1717. (67)
Il fut installé en cette charge le 16 août 1718.
Dans un rapport fait au ministre le 26 octobre 1722,
l'intendant Bégon disait de M. Rouer d'Artigny :
"M. d'Artigny, âgé de 60 ans, conseiller pourvu le 3
avril 1717, reçu le 16 août 1718; les fonctions de lieutenant
particulier de la Prévôté qu 'il a fait pendant plusieurs an-
nées l'ont mis au fait des affaires de la judicature et il est
droit et appliqué". (68)
M. Rouer de Villeray père avait été presque toute sa
vie en butte à l'animadversion du gouverneur de la Nou-
velle-France. Son fils, M. Rouer d'Artigny, fut dans le
même cas.
En 1728, lors des difficultés qui s'élevèrent entre le
gouverneur de Beauharnois, l'intendant Dupuy, le chapitre
de l'église cathédrale, etc., etc., au sujet des funérailles de
(65) Jugements du Conseil Supérieur, vol. V, p. 528.
(66) Ahchives du Canada. Correspondance générale,, vol
(67) L#ettres de provisions dans Insinuations du Conseil Supérieur, cahier 5.
(68) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 120.
— 115 —
Mgr de Saint- Vallier, M. Rouer d'Artigny, qui avait nialen
contreusenient adopté le i)arti de l'irascible intendant Du-
puy s'attira la disgrâce du gouverneur de Beauliarnois.
Celui-ci, le 13 mai 1728, exila M. Rouer d'Artigny à Beau-
mont et lui ordonna d'y demeurer jusqu'à nouvel ordre
sous peine de désobéissance.
Le 1er octobre 1728, M. de Beauliarnois expliquait à
sa façon toute l 'affaire au ministre :
"J'ay l'honneur de vous envoyer une ordoimance de
Mr Dupuy à laquelle j 'ay répondu en marge. Vous y
verés, Monseigneur, le mensonge y régner de touttes les fa-
çons, mais la vérité toutte nue se trouve dans ma réponse.
"Les deux conseillers qui ont donné occasion à cette
ordonnance sont les Srs Gaillard et Dartigny, deux hom-
mes attachés à M. Dupuy au point de leur faire signer et
dire tout ce qu'il voulait. Conune il y en avait encore deux
ou trois autres i)our ainsy dire dans le même cas et que la
justice ne se rendait qu'autant que la passion les condui-
sait, il estait public et chacun se plaignait de ne point plai-
der contre ces parties que s'estait contre M. Dupuy.
"Cela me fit prendre le party. Monseigneur, d'en en-
voyer un à Beauport qui n'est qu'à une lieue de Québec
et l'autre à Beaiunont qui n'en est qu'à deux, par un ordre
que je leur envoyez de Montréal et auquel ils ont désobéi,
M. Dupuy les ayant réfugiés chez luy.
"Depuis son rappel le Sr Dartigny s'est fort exposé,
il a esté pour prendre scéance au Conseil. M. le Procureur
général m'a dit qu'il avait eu l'honneur de vous en ren-
dre compte. Les propositions qui luy ont esté faittes d'y
implorer ma clémence ne se sont pas accordées avec les sen-
timents que luy ont inspirés les personnes avec qui il de-
meure. Comme c 'est lever le masque avec trop de hardies-
se, je laisse partir M. Dupuy. Je vous advoue, Monsei-
gneur, que ces deux Messieurs là (entrautres le Sr Darti-
gny) mérittent d'estre i:)unis d'autant qu'ils estaient con-
venus chez moy (dans le tems que je les envoyez prier d'y
... 1 IG —
venir pour leur parler à l'occasion de l'ordre que j'avais
porté au Conseil), que je les commandais en particulier
X)ar conséquent ils devaient encore moins désobéir dans
cette dernière affaire." (69)
Quatre jours plus tard, le 4 octobre 1728, M. Rouer
d'Artigny se présentait au Conseil pour y prendre séance.
Le greffier notait ainsi la démarche de M. Rouer
d'Artigny dans son procès-verbal de la séance du Conseil
Supérieur :
' ' Du lundi, 4 octobre 1728.
"Le Conseil assemblé ou estaient Monsieur Delino,
premier conseiller, Mrs Macart, Sarrazin, St Simon, Guil-
lemin, Crespin, conseillers, et Verrier procureur général
du Roy.
"Mr Delino a présidé.
"Sur ce que le Sr Dartigny coner en ce conseil s'y
est présenté ce jourd'huy pour y prendre scéance sans
qu'yl ait apparu au d. Conseil que le sr Dartigny ait eu de
Mr le Gouverneur Général quelque ordie jjortant revoca-
tion de celuy qu'yl avait donné le treize may dernier au d.
s. Dartigny de partir aussitôt le d. ordre receu pour se
rendre à Beaumont ou yl demeurerait jusqu'à nouvel or-
dre sous jjeine de désobéissance. Ouy le Procureur géné-
ral du Roy le Conseil sous le bon plaisir de Sa Majesté at-
tendant qu'yl luy ait plu de statuer sur ce sujet a ar resté
que le d. s. Dartigny s'abstiendra de prendre scéance au
conseil en la d. qualité de conseiller jusqu'à ce qu'yl ait
raporté un ordre-de mon d. cr. le Gouverneur Général, por-
tant révocation du premier." (70)
M. Rouer d'Artigny fut donc obligé de s'abstenir de
paraître au Conseil Supérieur jusqu'à ce qu'il eut plû au
ministre de rendre sa décision.
Le 12 avril 1729, le ministre blâmait fortement le gou-
verneur de Beauliarnois d'avoir expulsé MM. Rouer d'Ar-
tigny et Gaillard du Conseil Supérieur. Le ministre lui
(69) Archives du Canada. Correspondance générale, série C", vol, 50.
(70) Jugements et Délibérations dit Conseil ^iipérienr. '
— 117-^
écrivait qu'il s'était arrogé un droit que le roi n'avait con-
fié à personne. D'ailleurs, ajoutait-il, la raison que vous
donnez que ces conseillers suivaient aveuglement les avis
de M, Dupuy n 'a aucune valeur. Puis, il lui ordonnait de
rappeler MM. Rouer d'Artigny et Gaillard à Québec. La
conclusion de la lettre du ministre illustre les moeurs du
temps. "Pour sauvegarder l'autorité que vous avez com-
promise il ne sera rien dit à MM. Rouer d'Artigny de la
désapprobation du roi ; au contraire, M. Hocquart a ordre
de leur faire une mercuriale de la part du roi connue s'ils
étaient coupables. "
M. Hocquart fit ce que Sa Majesté lui avait ordonné.
Le 3 octobre 1729, if faisait part au Conseil Supérieur des
ordres du Roi. Le procès-verbal de cette séance le note
ainsi :
''Sur ce qui a esté dit par Monsieur Hocquart commis-
saire général faisant les fonctions d'yntendant en ce pays
que l'intention de Sa Majesté est que les srs Gaillard et
Dartigny conseillers reprennent leurs places au Conseil
corome auparavant l'arrest du quatre octobre mil sept cent
vingt-huit ouy le Procureur Général du Roy le Conseil a
ordonné et ordonne que les d. sr Gaillard et Dartigny re-
prendront leurs places au Conseil comme auparavant le d.
arrest du d. jour quatre octobre." (71)
M. Rouer d'Artigny rej)rit son siège au Conseil Supé-
rieur le 10 octobre 1729. Il en avait donc été exclu dix-
sept mois !
M. Rouer d'Artigny décéda à Québec le 5 juillet 1744,
et fut inhumé le lendemain dans l'église cathédrale.
Il ne s'était pas marié.
III
CHARLES ROUER DE VILLERAY
Né à Québec le 2 mai 1669.
Décédé au même endroit le 23 septembre 1672.
(71) Jugements et Délibérations du Conseil Supérieur.
P. G. R.
(A suivre)
— 118
LE PRETENDU TESTAMENT DE L'ABBE
JORIAN
On sait que la question de l'inamovibilité des curés fut, en la Nou-
velle-France, une cause de démêlées , entre les évoques et les possesseurs
de cures fixes, au dix-huitième siècle. Le Bulletin a déjà signalé le procè§
qui eut lieu en 1730, entre Mgr Dosquet et l'abbé Voyer, curé de Sainte-
Anne de la Pérade, au sujet de la "remise de ses titres" (1901, p. 366).
Ajoutons, à cette affaire, celle de l'abbé Jorian qui me paraît ignorée.
* # *
L'abbé André Jorian était né à Québec, le 19 mars 1691, et avait été
ordonné le 6 avril 1715.
Après avoir été curé de Champlain (1782-28), il reçut la cure de
Laprairicj en 1728, mais son évêque voulut le déplacer en 1731 et voici
comment la chose se fit, d'après l'abbé Jorian qui en a consigné le récit
dans un document qu'il appelle son testament et qu'il dépose, en une en-
veloppe, chez le notaire J.-B. Adhémar.
* * *
(Acte de dépôt, sur l'enveloppe)
" Testament olographe de M. Jorian déposé en mon étude ,1e 14e
"août 1731.
" Aujourd'huy, quatorzième "avril avant midy, mil sept cens trente
" un, est comparu pardevant nous notaire royal, en la juridiction royalle
" de Montréal, Messire André Jorian, curé de la paroisse de Laprairie de_
" la Magdeleine lequel a déposé en notre étude le présent paquet, contenant
" son testament olographe cacheté de trois empreinte en cire rouge du
" cachet dont se sert ledit sr Jorian, dont il nous a requis acte que nous
" luy avons octroyé pour luy valloir et servir ce que de raison. Fait et
" passé audit Montréal les jour et an susdits, en présence des sieurs Etien-
" ne Rivard, Saint-Dizier et Joseph Guillory témoins qui ont signé avec
" ledit sieur Jorian et notaire, après lecture faite, suivant l'ordonnance.
"JORIAN, ptre
"ST DISIER
"JOSEPH GUILLORY
" ADHEMAR. "
* * *
-- 119 —
(A l'intérieur de l'enveloppe)
" Xous André Joriaii, curé de la paroisse ae la Nativité de la Prairie
" de la Madelaine. Monseigneur de Samos, coadjuteur à l'évêché de Qué-
"bec nous ayant mandé par Sa Lettre missive de luy venir parler au
" Séminaire des Messrs. de Saint-Sulpioe établient en la ville du Mont-
" réal oîi il étoit alors, à quoy nous avons obéi à l'instant, et serions venu
" parler à mondit Seigneur de Samos pour savoir de luy ce qu'il souhait-
" toit de nous ; dans la conversation, il nous demanda les titres, provisions
" et installation en la dite cure de laquelle nous aurions été pourvu par le
" Chapitre de la cathédrale de Québec, jiendant la vacance du siège épis-
" copal ; a cette demande, sans nous écarter du respect dû à Sa Grandeur,
" nous luy aurions dit que nous ne pouvions nous démettre d'un titre dont
" nous avions été pourvu, et que nous faisions actuellement les fonctions
" curiales, sans aucune plainte contre nous ; Sur quoy. Sa Grandeur nous
" répliqua que nous n'avions qu'à garder nos provisions, mais qu'il nous
" susciteroit tant de peines et de chagrins qu'il nous contraindroit d'aban-
" donner cette paroisse et de Luy en remettre nos titres, et que son inten-
" tion étoit absolument que nous eussions à aller desservir la cure de
" Contrecoeur, que telle étoit Sa volonté. Nous, ayant voulu savoir quels
" pourroient être les sujets de plainte qu'il y avoit contre nous, et ayant
" demandé par nous mêmes et par d'autres personnes d'être entendu pour
" notre justification afin de nous disculper des accusations que peut-être
" des Esprits mécontents auroient, mal à propos, porté contre nous. Sa
" Grandeur auroit refusé de nous donner aucune audiance pendant huit
" jours que nous avons resté dans le Séminaire, et nous auroit fait savoir
" pour toute réponse qu'il ne vouloit entendre aucune justification à ce
" sujet, parce qu'il vouloit être obéi sans réplique. Nous, en conséquence
" de telles violences et menaces prévoyant ne pouvoir en obtenir de justice,
" nous nous sommes trouvé contraint et forcé de remettre à Sa Grandeur,
" malgré nous, nos provisions de ladite cure et d'en faire une démission
" pure et simple, telle qu'on l'exigeoit de nous, et de condescendre à ses
" volontés. Ce qui nous oblige à déclarer par le présent testament olo-
" graphe tout de notre main et signé de nous que nous protestons contre
" la démission que nous avons faite et la remise de nos titres, comme faite
" par force et violence, et protestons par ces présentes de nous pourvoir
" ])ar devant juges compétans pour faire déclarer ladite démission nulle
" et faite contre les droits canoniijues et pour éviter les chagrins que
— 12(1 —
'■' pouroît nous causer mondit Seigneur de Samos et dont il nous a menacé,
" nous nous trouvons obligé de faire la })résente protestation contre mondit
" Seigneur de Samos et de la déposer dans les grefs pour pouvoir nous en
" servir en tems et lieu et rentrer en possession d'un bénéfice que mondit
" Seigneur de Samos n'a pu dç force et de violence nous ôter sans observer
" en pareil cas les formalités requises et nécessaires par les loix divines
" et humaines. Fait à Montréal, ce quatorzième avril 1731.
" JORIAN, ptre. "
* * *
Il nous plaît de croire que l'abbé Jorian revint à de meilleurs senti-
ments ! Bientôt après, on le voit faisant les fonctions curiales à Contre-
coeur (sans calembour?), puis à Saint-Pierre du Sud, à Saint-Thomas
de Montmagny, et finalement à Berthier, où il remet son âme à Dieu le 24
décembre 1748,
11 ne donna jamais suite à son projet de procès et, sans doute, il
oublia son prétendu testament qui, au fond, n'était que la protestation
d'un bénéficiaire évincé.
E.-Z. MASSICOTTE
JACQUES PERRAULT
Né à Québec le 2 juin 1718, du mariage de François Perrault, négociant, et
de Suzanne Page Carcy.
Il continua le commerce de son père et l'augmenta considérablement. Ses
affaires se faisaient surtout avec la France et les lies d'Amérique. Il possé-
dait plusieurs navires qui transportaient de Québec en France et aux colonies
françaises les produits des postes de pêche et de traite qu'il exploitait sur la rive
nord du golfe Saint- Laurent.
Pendant le siège de Québec, Jacques Perrault se transporta aux Trois-Ri-
vières avec sa famille.
La conquête du pays ayant causé la ruine comjjlète de son commei*ce, Jac-
ques Perrault songea à aller s'établir en France. Un de ses frères, Michel
Perrault, établi à Larochelle, lui conseillait fortement d'aller le rejoindre.
Le voyage en France, avec sa jeune famille présentait cependant de nom-
breuses difficultés, et Jacques Perrault, finalement, se décida à rester au Canada.
Comme le commerce avec la France n'était plus possible, Perrault reprit
son négoce avec des marchands anglais de Londres.
Le succès couronna son énergie et sa persévérance, et, en peu d'années, il
refit la fortune que la guerre lui avait fait perdre.
Jacques Perrault décéda à Québec le 18 mars 1775. Il laissait douze enfants
dont plusieurs parvinrent à de belles situations.
— 121 --
AVANT LA BATAILLE DE
CHATEAUGUAY
D'après le document dont nous donnons copie, ci-dessous, celui qui
devait s'immortaliser, à Chateauguay, au mois d'octobre 1813, se trou-
vait au mois de février ])récéflent, en garnison à Saint-Philippe de La-
prairie.
A un certain moment, il dut, sans doute, avoir besoin de réquisition-
ner les voitures de l'endroit et comme le nommé Isabelle n'obtempérait
})as, le bouillant colonel de Salaberry usa de la grande force musculaire
dont il était doué pour faire obéir le récalcitrant, mais ce dernier porta
plainte :
COUR DU BANC DU ROI
District de
Montréal
Le 14:6 jour d'Août 1813 Thoma.5 Isabelle, cultivateur de St-Philippe,
Demandr
vs
Charles De Salaberry, Ecuier, Lient, Col. audit lieu de St-Philippe
Défend r
Le Demandr poursuit le Défendr pour la somme de onze livres ....
de dommages, savoir £. 10 pour avoir ledit Defendr, le neuf de Février
dernier (le Demandeur passant paisiblement avec sa voiture sur le che-
min qui conduit à l'Eglise St-Philippe) arrêté la voiture du Demandr et
là et alors avoir battu ledit Demandr à coups de pieds et de poing et ce
sans provocation et avoir aussi, là et alors, fait battre le Demandeur par
un de ses Miliciens ou Sergeant ; et £. 1, de dommage pour s'être emparé
par force de ladte voiture et cheval dudit Demandeur et avoir permis et
souffert que phisiéurs des Miliciens, sous les ordres et commandement du
défendr. se soient promenés avec ladte voiture en en aient fait usage jus-
qu'au lendemain"
f
— 122---
Signification de l'action fut faite au lieutenant colonel par l'huissier
John Montgomery, le 7 septembre 1813, à six heures du matin, à Saint-
Philipj)e.
^ 5|« *
Nous n'avons pas mis la main sur le registre dans lequel ce procès a
été consigné. Seulement, il appert par les annotations au dos du docu-
•ment que le défendeur plaida no?i coupable et que la cause ne fut entendue
qu'au mois de novembre 1813, alors que le guerrier devenu fameux ne fut
condamné qu'à un louis et un chelin de dommages, plus les dépens.
E. Z. MASSICOTTP]
QUESTIONS
Je vois dans unî'étud' hzstorique publiée dans l'Opinion Puhliq::e du 4 sep-
tembre 1873 que Adrien Huault, fils du gouverneur de Montmagny, vendait, en
3 660, la seigneurie de la Rivière-du-Sud à Louis Théandre Chartler de Lotbinière.
Nos historiens ne disent-ils pas tous que le gouverneur de Montmagny,
haut gradé de l'Ordre de Malte, ne s'était pas marié ?
CURIEUX
Le 16 avril 1807, la Chambre d'Assemblée adoptait une loi qui accordait à
Jean-Baptiste Bédard le droit et privilège exclusif d'ériger des ponts dans la
province. Pareillement, dans \a.Gazette de Québec du 7 mai 1807, on donne les
modèles nos. 1 et 2 des ponts de Jean-Baptiste Bédard.
Quel est ce Bédard dont il est ici question ? Qui me renseignera sur les
ponts construits par Jean-Baptiste Bédard ?
P X. B.
— 123 —
LE JUGEMENT DE DIEU
Les documents qui attestent que nos ancêtres s'en rapportaient, par-
fois, au "jugement de Dieu" pour décider de la culpabilité d'un accusé ne
sont pas eonmiuns, à Montréal. En voici un, qui me paraît à la fois
rare et curieux :
COUR DU BANC DU ROI
District de
Montréal
Le 23 jour de janvier 1797 Charles Gendron faisant pour sa fille mi-
neure, Marie Gendron, âgée de dix-huit ans.
Demdr.
va
J. Bte Parizien
Defendr.
Le Demaudr. poursuit le Défendr. pour la somme de onze livre, deux
c'helins, deux deniers de dommages pour avoir accusé ladite Marie Gen-
dron d'avoir volé un éventail et de l'avoir en présence de plusieurs per-
sonnes mis comme il l'entendait à 1' Epreuve, en la faisant souffler dans
un canon de fusil qui étoit chargé, amorcé et bandé, disant que si elle
étoit coupable qu'elle serait tuée, et que si elle étoit innocente le fusil ne
partiroit pas. Et ce vers la St-Michel de l'année 1795. Et qu'il soit
tenu de lui faire ample Réparation d'honneur, laquelle dite somme, quoi-
qu'il lui ait souvent demandée, lui reste due, pourquoi le Demandeur re-
quiert jugement.
Saveuse de Beaujeu,
protonotaire de la cour du banc du roi.
Au dos est un ordre de comparaître en la chambre d'audience le 24
janvier 1797, signé par le juge P. L. Panet, puis un procès-verbal de si-
gnification au défendeur, J. B. Parisien, île Perrot, signé par l'huissier
Marston.
— 124 —
Le "jugement de la clivinité" ayant été favorable à la demoiselle Gen-
dron, elle avait raison de réelamer des dommages et "ample réparation
d'honneur" ; c'est évident !
E. Z. MASSICOTTE
M. DE ST-VINCENT
BARON DE MARCY
Pierre de St-Vinoent, baron de Marcy, né en Champagne vers 1660,
est venu au Canada entre 1690 et 1695. Tl avait épousé (en France, très
})rol)ablement), demoiselle Marie-Antoinette Dugard. M. de St- Vincent
était capitaine dans les troupes de la colonie en 1706, et il reçut la croix
de St-Louis en 1730, en récomjiense de ses services.
Son (ils Henri-Albert fut enseigne en second en 1729; enseigne en
pied, 1733, puis lieutenant en 1747, et capitaine en 1756.
Charles-Albert, fils de Henri-Albert, fut baptisé à Québec en 1733,
et je crois que c'est lui qui obtint une expectative de lieutenant en 1756.
H en exerça les fonctions dans les dernières campagnes de cette époque
mouvementée et angoissante oii le Canada changea de maître. En 1767,
il parait à LaRochelle avec le titre de lieutenant.
Son père, Henri-Albert, figure aussi dans les combats et les batailles
de 1755-60.
Tanguay a rapporté que cette famille était originaire de la Champa-
gne. Elle était plutôt du pays de Biscaye. Bernard de St- Vincent s'é-
tablit en Lorraine en 1512, et fut grand fauconnier de Lorraine, sous le
duc Charles TU, son fils Claude eut la même charge augmentée du district
du Bar, Claude eut deux fils : Jacques et Philibert. La famille se déploya et
forma trois branches; la deuxième porta le nom de Marcy et fit ses preu-
ves de noblesse devant l'intendant de la province Champenoise en 1666 à
Marcy, élection de Vitry.
Maximilien, fils de Philibert, eut d'un premier mariage Philibert II
qui épousa Elisabeth de Péri gnon. Ce sont les auteurs du rameau cana-
dien.
Pour autres détails sur cette famille, nous renvoyons au dictionnaire
généalogique de Mgr Tanguay, vol. T, j). 193, et vol. III, p. 406.
REGIS Ûok
125 —
PIERRE-JACQUES DRUILLON, SEI-
GNEUR DE MACE
Nous recevons de M. Claude de Bonnault, domicilié près de Vierzon,
France, une copieuse notice sur son parent, Pierre-Jacques Druillon,
seigneur de Macé, un officier de valeur de la dernière période du régime
français. Cette notice précieuse intéressera les lecteurs du Bxdletin.
Pierre- Jacques Druillon, écuyer, seigneur de Macé, naquit à Blois.
le 9 septembre 1725. Il ap})artenait à une fanwlle vouée depuis deux siècles
à la magistrature. Son père était lieutenant général au bailliage de
Blois, comme l'avait été le père de ce dernier et son aieul.
A titre de fils aine, cette charge lui était destinée, mais le jeune
Druillon ne témoigna guère de goût pour ?étude du droit et lorsqu'à 24
ans, sa famille l'eût laissé libre de suivre sa vocation, il décida d'entrer
au service. Il s'adressa à son parent, le comte de la Galissonnière (cou-
sin issu de germain de sou père), qui le fit nommer officier dans les trou-
pes des colonies.
De 1750 à 1751, il sert en qualité d'enseigne à Louisbourg où il rem-
plit les fonctions de sous-aide major. Passé au Canada en 1751, il est
affecté au poste de Niagara avec l'emi)loi de major. Après avoir ^irigé
la construction des forts de la Presqu'île et de la Rivière-aux-Boeufs, ainsi
que du fort Duquesne (pour ce dernier travail il était subordonné au che-
valier Le Mercier), il fut détaché avec Jumonville et entrainé dans le
guet-apens qui coûta la vie à ce dernier (1754). Druillon en fut quitte
pour un coup de baïonnette au ventre et être "mis totallement nud".
Fait prisonnier et conduit dans les cachots de Williamsburg, il se
vit ensuite renvoyé en Angleterre, d'où il réussit à gagner la France en
compagnie de MM. de Richarville et du Sablé (1755). Promu alors
enseigne en pied, il est dirigé sur le Canada, l'année suivante. En 1757,
il fait la campagne d'hiver, commandant une compagnie du détachement
de M. de Kigaud et se trouve au siège du fort George. Il s'embarque
pour la France en septembre de la même année.
— 1 26 —
Au printemps de 1758, il revient en Canada avec 200 hommes de
troupes réglées. L'année 1759 lui vaut le grade de lieutenant. De nou-
veau employé comme ingénieur, il est chargé des premiers travaux de
l'Isle-aux-Noix ; puis met ensuite en état de défense Laprairie et Châ-
teauguay. Au cours de la campagne de 1760, on le voit à la tête d'une
compagnie du premier bataillon de la marine avec laquelle il prend part
à la bataille de Sainte-Foy. Détaché à l'île Sainte-Hélène, il y reste
jusqu'à la capitulation de Montréal.
Kapatrié avec la garnison et les fonctionnaires de la colonie, il jouit,
pendant plusieurs années, du traitement accordé par le roi aux officiers
du Canada. A ce titre, il touchait encore en 1774 un traitement de 300
livres. Mais il semble avoij obtenu de bonne heure l'autorisation de se
fixer à Blois. C'est là qu'il se marie, en 1769, avec Marie-Anne Petit
de Thoizy. J'ignore à quelle époque il s'est retiré du service.
M. Druillon "le Canadien" — c'est sous ce surnom que le désigne dans
ses mémoires le comte Dufort de Cheverny — est décédé à Blois, le 26 juin
1780.
Sa descendance mâle s'est éteinte en 1845, mais la postérité, issue de
lui, en ligne féminine, demeure passablement nombreuse.
A ces renseignements, M. de Bonnault a bien voulu joindre l'em-
preinte d'un cachet aux armes de la famille Druillon. Ce cachet ap-
partient, aujourd'hui, à M. le comte de Place, à Bourges, qui, lui aussi
desceid de l'oft'icier Druillon.
Les armes se blasonnent ainsi : d'azur, à une fasce d'argent chargée
de deux roses de gueules accompagnées en chef d'une étoile d'argent et,
en pointe, d'un croissant du même.
E.-Z. M.
— 127 -
CLAUDE DE BEAULIEU
Capitaine général des gardes des fermes du
roi en Canada !
Que sait-on sur ce M. de Beaulieu qui fut capitaine des gardes des
fermes du roi en Canada, en 1699 ?
Mgr Tanguay (Dic-généa., I, 54) a trouvé dans les registres pa-
roissiaux de Montréal qu'il se prénommait Claude.
A notre tour nous produisons deux documents qui donnent quelques
détails sur ses fonctions en notre pays.
D'autres, sans doute, arriveront à faire mieux ! En tous cas, pour le
moment, voici nos pièces :
1er DOCUMENT
"Monsieur de Beaulieu Cap. Général commandant tous les gardes
"des fermes du Roy. en Canada ayant eu ordre de résider cy après au
"Montréal depuis le départ des Vaisseaux pour la France jusqu'à leur
"retour en Canada, et ensuitte de revenir à Québec pour y faire ses fonc-
"tions pendant le séjour des Vaisseaux suivant l'instruction que nous
"luy avons remis. 11 est nécessaire d'établir au Montréal une personne
"de méritte, capable et entendue pour y faire la fonction dud. sieur de
"Beaulieu, pendant son séjour à Québec, et comme Mr. de Lamotte de
"Lucière a touttes les qualitez requises Et qu'il est recommandé par
"Monsieur le Chevalier de Callières, gouverneur général de la Nouvelle
"France Nous Lavons nommé et etably pour Capitaine commandant
"des gardes qui résideront à Montréal et dans l'étendue du Gouverne-
"ment, en l'absence dud. sieur de Beaulieu pendant le temps des années
■ ..- 128— .
"du bail de Mr. Louis Guigues pour y faire les mêmes fonctions et jouir
"des mêmes prérogatives que celles dud. sieur de Beaulieu, et ce aux ap-
"pointemens de quatre cens livres par an, monoye de Canada, qui seront
"payez par Mr. de Villeray sur la quittance dud. sieur de La motte, à
"commencer dès l'année prochaine 1700 et continuer tant qu'il plaira à
"Mrs, les Fermiers Généraux, Enjoignons aux gardes de la Ferme d'obéir
"aud. sieur de la motte comme aud. sieur de beaulieu A peine de révoca-
"tion. Prions M. De beaulieu de faire reconnoistre léd. sieur de la motte
"en lad. qualité et de luy donner une Instruction en conformité de celle
"que nous luy avons remise : fait à Québec le septième Octobre 1699.
d'Aubenton de Villebois '
2ème -DOCUMENT
"A monsieur
"Monsieur De la motte Lucière command. les gardes de la ferme en
"l'absence de M. De Beaulieu cap. général.
"A Montréal.
(Au verso)
"A Québec, le 22 octobre 1699
"Comme la Compagnie a chargé M. Desforges de l'Inspection gé-
"néralle de la ferme du Canada, Je vous prie. Monsieur, de le reconnoître
"en cette qualité, et d'avoir pour luy tous les égards que cet Employ
"exige, conforment, a l'Instruction que nous luy avons remise
de Villebon
XXX
On remarquera que le premier document est signé d'Aubenton de
Villebois et le seconde Villebon. Pourtant ce doit être le même fonc-
tionnaire qui signe les deux pièces ! Villebon est-il un autre de ses noms
territoriaux, ou bien n'est-ce qu'une apparente déformation de Villebois ?
Nous abandonnons le problème pour le moment.
Sur le sieur de La Motte Lucière, dont il est question plus haut, nous
avons des notes abondantes que nous verserons dans le Bulletin.
E. Z. MASSICDTTE
n^
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAUCEVILLE-MAI 1920 No 5
La famille Rouer de Yilleray
AUGUSTIN ROUER DE LA CARDONNIERE ET DE
VILLERAY
(Suite)
1ère génération: Louis Rouer de Villeray.
2e génération : Augustin Rouer de la Cardonnière
et de Villeray.
AUGUSTIN ROUER DE LA CARDONNIERE ET DE
VILLERAY
Né à Québec le 13 juin 1664.
On a commis bien des erreurs sur ce personnage.
Elles s'expliquent par le fait qu'il porta le nom de Rouer
de la Cardonnière jusqu'à la mort de son père, le 6 décem-
bre 1700, et qu'à partir de cette date, en qualité d'aîné de
la famille, il prit le nom de Rouer de Villeray.
Le 27 avril 1684, le gouverneur de la Barre et l'inten-
dant de Meulles accordaient aux frères Augustin Rouer
de la Cardonnière et Louis Rouer d'Artigny une étendue
de deux lieues de terre '*prés et bois, de front sur le fleuve
Saint-Laurent, sur deux lieues de profondeur dans les
terres, à prendre depuis une rivière qui est vis-à-vis l'Isle
Verte, du côté du sud de la dite isle, icelle dite rivière com-
prise, jusqu'à deux lieues en descendant le dit fleuve,
ensemble les bastures, isles et islots qui se rencontrent vis-
à"vis les dites deux lieues, jusqu'à la dite Isle Verte,
icelle même comprise. . . " (72).
Cette concession était faite aux sieurs Rouer de la
Cardonnière et Rouer d'Artigny, à toujours, en tput^ pip-
priété, en titre de fief et seigneurie, haute, moyenne et
basse justice.
C 'est la seigneurie qui est devenue l 'importante
paroisse de L'isle-Verte. ^'^*
En 1685, l'intendant de Meulles, qui avait toujours été
l'ami de M. de Villeray père, essaya de faire nommer son
fils à la charge de lieutenant particulier de la prévôté de
Québec. Le 6 octobre 1685, il adressait un mémoire au
ministre pour lui faire voir la nécessité d'un lieutenant
particulier de la Prévôté de Québec et faire connaître les
droits de son protégé à cette charge:
" La Compagnie, écrivait-il, à laquelle en 1628 le Roi
avait concédé la propriété de la Nouvelle-France avait
laissé au gouverneur-général le soin d'y rendre la justice.
En 1651 (?), le gouverneur de Lauzon, voyant que les
habitants commençaient à se multiplier, établit pour chef
de la justice ordinaire un grand sénéchal pour toute la
Nouvelle-France avec un lieutenant-général civil et cri-
minel au siège de Québec et un lieutenant particulier aussi
civil et criminel pour y rendre la justice en première ins-
tance dont l'appel ressortissait pardevant le gouverneur
général, lequel avait pouvoir de Sa Majesté de ju^er sou-
verainement et en dernier ressort. ' . 'JJ
" Cela a continué de cette sorte jusqu'en l6éS, année
pendant laquelle la Compagnie remit la propriété au Roi.
■ " Et cette même année 1663 Sa Majesté ayant par son
édit établi le Conseil Souverain du dit pays avec pouvoir
entr 'autres choses de commettre à Québec, aux Trois-
— — )' iiHLi-iaiHr^
(72) Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale, p. 18.
— 181 —
Rivières et autres lieux et en la manière qu'il le jugerait
nécessaire des personnes pour juger en première instance.
" Le dit Conseil en établit aux Trois-Rivières et à
Montréal, mais il ne jugea pas en devoir établir à Québec
estimant pour lors qu'il y aurait du mieux à cet égard de
juger les différends des parties en dernier ressort sans
passer par aucim autre degré de juridiction. .
*' Néanmoins la Comijagnie d'Occident à laquelle l$\
Roi concéda en 1664 la même propriété du dit pays qu'avait
l'ancienne compagnie voyant que les habitants se midti-
pliaient et que plusieurs avaient de la difficulté de souffrir
que leurs différends fussent ainsi jugés d'abord en dernier
ressort établit à Québec en 1666 sous son autorité un seul
juge, savoir un lieutenant général civil et criminel pour
juger en jjremière instance.
"Et Sa Majesté après avoir repris en 1674 la pro-
priété du dit pays y établit et institua par son édit de
1677 le siège de la prévôté de Québec et rétablit en même,,
temps le lieutenant-général seidement avec un procureur."^
pour Sa Majesté et un greffier.
j ' ' Mais connue du depuis les habitants se sont aug-
mentés notablement et s'augmentent de jour à autre par
les soins particidiers que Sa Majesté prend du dit pays
et qu'il est déjà arrivé en plusieurs occasions que le public
et les particuliers ont souffert et pourraient dorénavant
souffrir plus considérablement faute d'un juge pour faire
les visites ordinaires de police, juger en première instance
et tenir le siège de la prévôté, le lieutenant-général en
étant absent, soit pour affaires iDubliques, ou particulières, ,
par maladie, causes de récusations, prise à partie ou autre- ,
ment, outre que lorsque messieurs les intendants sont_
obligés de prendre avec eux le nombre d'assesseurs néces- '
saires pour juger des matières criminelles dont ils estiment
devoir connaître, ils ont de la difficulté de trouver sur les
lieux nombre compétent de praticiens.
" De manière qu'il ne pourrait pas se fait, monseî'l.
gneur, que vous ne procurassiez un grand avantage au
public et aux particuliers habitants de ce pays si vous
... 132 —
aviez agréable d'inspirer au Roi de vouloir rétablir le dit
office de lieutenant particulier ainsi que Sa Majesté a fait
celui de lieutenant-général au dit siège de la prévôté et
faire la grâce au sieur de Villeray, premier conseiller du
dit Conseil Souverain, dernier pourvu du dit office de
lieutenant particulier lequel il exerçait actuellement lors
de la création du dit Conseil, d'en pourvoir Atigustin
Rouer de Villeray, son fils aîné, en attribuant au dit office
des gages raisonnables à proportion de ceux du dit lieu-
tenant général et le dit sieur de Villeray et toute sa famille
seront d'autant plus obligés de continuer leurs voeux et
leurs prières pour votre prospérité et santé.
'* Nous Jacques de Meulles, chevalier, seigneur de la
Source, grand bailli d'Orléans, et intendant de la justice,
police* et finances du dit pays de la Nouvelle-France, cer-
tifions qu'il serait avantageux au public, aux habitants de
Québec et étrangers qui y trafiquent qu'il plut à Monsei-
gneur le marquis de Seignelay inspirer au roi de vouloir
rétablir le dit office de lieutenant particulier au siège de
la dite prévôté et même d'en disposer en faveur du fils aîné
du dit sieur de Villeray, premier conseiller au dit Conseil
Souverain, lequel en ce faisant serait plus invité de con-
tinuer son application à rendre son dit fils capable d'es-
pérer pouvoir obtenir de Sa Majesté la survivance de
l 'office de premier conseiller, que le dit sieur de Villeray a
exercé et exerce avec honneur et intégrité depuis la créa-
tion du dit conseil qui fut en la dite année mil six cent
soixante et trois, en foi de quoi nous avons signé le présent
certificat à icelui fait apposer le cachet de nos armes et
contresigner par un de nos secrétaires à Québec ce sixième
octobre mil six cent quatre vingt cinq." — de Meulles (73).
Le long plaidoyer de l'intendant de Meulles en faveur
de la nomination d'un lieutenant particulier de la Prévôté
à Québec laissa le ministre insensible. Il devait s'écouler
près de dix ans avant la nomination d'un lieutenant par-
• ticulier de la Prévôté dans la capitale.
(78) Archives du Canada, Correspondance générale.
- 133 —
Comme nous l'avons vu plus haut, la seigneurie de
L'Isle- Verte avait été accordée en commun à MM. Rouer
de la Cardonnière et Rouer de Villeray. Une seigneurie
possédée ainsi en commun avait certains désavantages.
La terre ne manquait pas dans la Nouvelle-France, et M.
Rouer de Villeray père se décida à faire accorder une
autre seigneurie à son fils aîné. En 1688, il obtenait du
gouverneur de Denon ville et de l'intendant Bochart
Champigny que son fils Louis Rouer d'Artigny garderait
seul la seigneurie de L'Isle- Verte et que Augustin Rouer
de la Cardonnière recevrait une autre concession.
Le 24 avril 1688, Augustin Rouer de la Cardonnière
recevait l'étendue de deux lieues de terre de front sur le
fleuve Saint-Laurent, du coté du sud, à prendre joignant
et attenant la concession du Bic qui appartenait au sieur
de Vitré en descendant le fleuve, et deux lieues de profon-
deur dans les terres, ensemble la rivière dite de Rimouski
et autres rivières et ruisseaux si aucuns se trouvent dans
la dite étendue, avec l'île de Saint-Barnabe, et les battures,
isles et islets qui se ]:)ourront rencontrer entre les dites
terres et la dite isle. . . " (74).
Cette concession fut confirmée par le roi le 24 mai
1689 (75).
M. Rouer de la Cardonnière garda sa seigneurie de
Rimouski un peu plus de six ans. Le 10 juillet 1694, il la
cédait à Germain Lepage en échange d'une terre que ce
dernier possédait à Saint-François de l'île d'Orléans du
chef de sa femme, Marie-Madeleine Gagnon (76).
Le 16 juin 1703, le roi décidait de porter à douze le
nombre des conseillers au Conseil Supérieur. M. Rouer
de Villeray fut choisi avec MM. de la Colombière, Morel
de la Durantaye et Aubert de la Chesnaye comme conseil-
lers d 'augmentation.
Les lettres de provisions de M. Rouer de Villeray
furent signées par le roi le même jour, 16 juin 1703 (77).
(74) Insinuations du Conseil Supérieur, cahier 2.
(75) Insinuations du Conseil Supérieur, cahier 2.
(76) Acte d'échange devant Chambalon, notaire à Québec, le 10 juillet 1694.
(77) Insinuations du Conseil Supérieur, cahier 2.
— 134 —
Il fut installé le 29 octobre 1703 (78).
M. Rouer de Villeray habita successivement Québec,
Rimouski, l'île d'Orléans et Sainte-Foy.
C'est pendant qu'il habitait Sainte-Foy qu'il eut
avec les marguilliers de cette paroisse un curieux différend
au sujet de la place qu'il devait occuper dans l'église
paroissiale.
Le litige fut décidé par l'intendant Raudot le 27 fé-
vrier 1707.
L'ordonnance rendue par M. Raudot a été conservée.
On y voit quelle importance nos ancêtres attachaient à ces
■questions de préséance qui nous semblent des vétilles
'aujourd'hui:
'* Le sieur de Villeray coner au Conseil Supérieur
de cette ville ayant fait venir pardevant nous les Marguil-
liers de Notre-Dame de Foy pour estre condamnés à luy
fournir une place dans leur Eglise, convenable à sa dignité
tant pour luy que ]iour sa famille laquelle fait son séjour
actuel sur une habitation étant dans la d. paroisse qu'il
a acquise depuis peu et les d. Marguilliers nous ayant répon
du qu 'il n 'y avait aucune place dans leur Eglise à donner,
nous y aurions fait transporter Me Delajoûe, lequel nous
a raporté le plan de la de. Eglise, par lequel ayant veu
qu'en avançant le banc des P. Jésuites seigneurs de la de.
Paroisse, on pourrait ensuite trouver ime place pour
f 'mettre un banc pour le d. Sieur de Villeray en sorte qu'il
se trouverait trois bancs entre celuy des seigneurs et
l'oeuvre sans que cela puisse apporter aucune incommo-
•>dité à la de. Eglise le d. sieur de Villeray nous ayant de-
-mandé que les d. marguilliers soient condamnez à luy
-^Fournir un banc dans le d. endroit aux offres qu'il fait de
payer le d. banc suivant ce que paye celuy proche duquel
,ii sera, à quoi ayant égard veu le plan à nous apporté par
le d. Me de la Joue nous condamnons les d. Marguilliers
à fournir au d. sr de Villeray un banc ai)rès celuy des d.
Pères Jésuittes seigneurs de la d. paroisse en reculant le
(78) Jugements du Conseil Supérieur, vol. II.
... 135 —
'd. banc en sorte qu'il y ait trois bancs entre yceluy et
Toeuvre de la d. Eglise, en cas de refus des d. marguilliers
permis au d: sieur de Villeray d'en faire faire im de pa-
reille grandeur et largeur que les deux qui y sont à présent
et le placer dans l'endroit marqué par notre ordonnance,
et luy sera tenu compte de ce qui sera par luy déboursé en
déduction du prix qu'il payera annuellement pour le d.
banc le plus que nous avons fixé au prix du banc le plus
jj roche. Mandons, etc. Fait et donné à Quél)ec en notre liotel
le 27e jour de février 1707.— Raudot (79).
M. Rouer de Villerav décéda au printemps de 1711
(80).
M. Rouer de Villeray avait épousé, à Québec, le 1er
septembre 1689, Marie-Louise Le Gardeur de Tilly, fille
de Charles Le Gardeùr de Tilly et de Geneviève Juchereau
de Maur.
Elle décéda après 1722 puisqu'en cette année elle
donnait son consentement au mariage de son fils avec
Marie-Madeleine Foulon dit Dumont.
< / -.: Enfants : « M I ' I
LOUIS ROUER DE VILLERAY
Né à Québec le 3 août 1690.
Le 10 février 1693, son parrain, le gouverneur de
Frontenac, lui faisait un joli cadeau en lui concédant le
lac Métis, aussi connu sous le nom de lac Kesquabequiac.
"Nous, disaient MM. de Frontenac et Bochart Cham-
pigny, en vertu du pouvoir à nous conjointement donné
par Sa Majesté, avons au dit Louis Rouer, ses successeurs
ou ayans cause, donné, accordé et concédé, donnons, accor-
dons et concédons par ces présentes, en pleine propriété
à perpétuité le dit lac appelé Mitis, avec une lieue de terre
(79) Ordonnances des Intendants, cahier 1er, folio 90.
(80) On ne 'trouve l'acte de sépulture de M. Rouer de Villeray ni à Québec,
ni à Sainte-Foy ni à. Saint-T^aurent. Le 23 février 1711, M. de Villeray assis-
tait à une séance du Conseil Supérieur. Le 1er juillet 1711, sa veuve, Marie-
Louise Le Gardeur de Tilly, demandait élection de tutelle à sej^ mineurs. M.
Rouer de Villeray est donc mort entre le 23 février et le 1er juillet 1711.
— 136 —
de profondeur tout autour d'iceluy, à titre de fief et
justice, haute, moyenne et basse, aux droits de chasse,
pesche et traitte dans la dite étendue. . . " (81).
Cette concession était faite à titre de fief et justice,
haute, moyenne et basse, avec droit de chasse, pêche et
traite, etc, etc.
M. Rouer de Villeray père n'étant pas en état de
remplir les conditions de la concession accordée à son fils
mineur, se fit autoriser par une assemblée de famille, le
27 avril 1701, à vendre ou échanger le lac Métis ou Kesqua-
bequiac. Il faut croire qu'il ne trouva pas d'acheteur
. puisque la seigneurie du lac Métis ne fut vendue que long-
temps après la mort de Louis Rouer de Villeray par sa
mère, héritière de ses biens (82).
Le jeune Rouer de Villeray qui avait embrassé la
carrière de la marine, se perdit en 1712 **sur la prise faite
par M. Dumont du vaisseau la Brise avec lequel il était
en course".
II
ANGELIQUE-HYACINTHE ROUER DE VILLERAY
Née à Québec le 14 juillet 1692.
Mariée à Sainte-Foy, le 20 mai 1717, à Charles- Joseph
Damours de Louvières, enseigne reformé.
Celui-ci décéda à Sainte-Foy le 19 avril 1728 (83).
En secondes noces, à Saint-Nicolas, le 7 juin 1736,
Angélique-Hyacinthe Rouer de Villeray devint l'épouse de
Denis Rousseau, marchand.
Elle décéda à Saint-Nicolas le 25 novembre 1749.
III
JACQUES-AUGUSTIN ROUER DE VILLERAY
Né en 1694 (84).
(81) Pièces et documents relatifs à le tenure seigneuriale, p. 405. ,
(82) Acte de vente de la seigneurie de Métis par Madame Rouer de Ville-
ray à Nicolas Lianoullier, à Québec, le 18 mai 1725.
(83) Pour leurs enfants voir notre Famille Juthe/^'-tw Duchesnay, p. 74.
(84) Mgr Tanguay le fait naître en 1698. Un acte de tutelle du 3 juillet
1711, lui donne dix-sept ans et son acte de mariage le dit majeur de vingt-huit
ans. Il n'y a donc pas à se tromper. Il est né en 1694.
... 137 ---
Décédé à Québec le 21 décembre 1762.
Il avait épousé à Québec, le 14 juillet 1722, Marie-
Madeleine, fille de Nicolas Foulon dit Dumont et de Barbe
de Boyère.
Elle décéda à Québec le 26 décembre 1767.
Enfants :
I.— MARIE-MADELEINE ROUER DE VILLERAY
Née à Québec le 1er mai 1723.
Mariée à Saint-Nicolas, le 7 août 1758, à Michel Fré-
chette, fils de Jean-Baptiste Fréchette et de Marie Rous-
seau.
En secondes noces, à Saint-Nicolas, le 26 août 1776,
elle devint la femme de Alexandre Couture, veuf de Ca-
therine Frontigny et fils de feu Augustin Couture et de
Elisabeth Turgeon (85).
Elle décéda à Saint-Nicolas le 26 décembre 1787.
II.— AUGUSTIN ROUER DE VILLERAY
Né à Québec le 12 janvier 1725.
Décédé à l'Hôtel-Dieu de Québec le 17 juUlet 1787.
Il avait épousé, en 1755, Marie-Anne LeBorgne-
Belisle.
Elle décéda au Cap-Santé le 13 mars 1807, à Page
d'environ 92 ans.
De ce mariage naquirent :
lo — Marie-Joseph Rouer de Villeray né en 1756. Dé-
cédé à Québec le 26 août 1757.
2o — Alexandre Rouer de Villeray.
3o-— Madeleine Rouer de Villeray née en 1759. Ma-
riée à Saint-Nicolas, le 26 août 1788, à Louis- Jérémie
Douville, fils de feu Joseph DouviUe et de Marie-Ursule
Brulotte (86). Décédée à THôtel-Dieu de Québec le 27
mars 1840 (à 81 ans).
4o — Marie- Joseph Rouer de ViUeray né à L 'Islet le 3
septembre 1760. Décédé à Kamouraska le 15 mars 1774.
(85) Contrat de mariage devant M. d'Artigny, notaire à Québec, le 19 août
1776.
(86) Contrat de mariage devant Alexandre Dumas, notaire à Québec, le 18
août 1788.
... 138 —
5o — Anastasie Rouer de Villeray née au Cap Saint-
Ignace le 31 mars 1762. Mariée à Saint-Mcolas, le 21
juillet 1788, à Jean-Baptiste Vermet, fils de Jean-Baptiste
Vermet et de feue Marie Lessard (87).
6o — -Hypolite Rouer de Villeray né à Kamouraska le
22 octobre 1763. Navigateur. Marié à Québec le 11 jan-
vier 1803, à Françoise Thibodeau, fille de Urbain Thibo-
deau et de Marie-Anastasie DeBlois, de la paroisse du
Cap-Santé (88).
7o — Marie- Anne Rouer de Villeray née en 1773. Ma-
riée à Saint-Nicolas, le 23 août 1784, à Ignace Halle, veuf
de Suzanne Cloutier. Décédée à Saint-Henri de Lauzon
le 7 juillet 1813 (à 50 ans).
III.— LOUIS-CHARLES ROUER DE VILLERAY
Né à Québec le 18 septembre 1726.
Il épousa, à Québec, le 11 février 1749, Thérèse La-
guerne de Morville, fille de feu Claude-Dorothée Laguerne
de Morville, lieutenant des troupes et sous-ingénieur, et
de Marie-Thérèse La joue.
En secondes noces, il épousa Marie-Thérèse Le Noir.
M. Rouer de Villeray décéda à l'Hôpital-Général de
Québec le 17 septembre 1797.
De son premier mariage il avait eu:.
lo — Marie-Louise Rouer de Villeray née à Québec le
22 novembre 1749. Décédée au même endroit le 2 janvier
1750.
2o — Louis-René Rouer de Villeray né à Québec le 9
janvier 1751. Décédé à Varennes le 3 décembre 1833. Il
avait épousé à Varennes, le 12 août 1782, Marie-Margue-
rite Catien. Elle décéda à Varennes le 10 août 1847, à
l'âge de 80 ans et 5 mois. Enfants:
A. — Judith- Apolline Rouer de Villeray née à Varen-
(87) Contrat de mariage devant M. Panet, notaire à Québec, le 14 juillet
1788
(88) Contrat de mariage devant François- Xavier Larue, notaire à la Poin-
te-aux-Trembles, le 10 janvier 1803. L<e 19 août 1818, Hypolite Rouer de Ville-
ray et Françoise Thibodeau faisaient baptiser un enfant au Cap-Santé. Il reçut
au baptême le prénom de Urbain. Nous ignorons si cet enfant a fait souche.
... 139 ---
nés le 10 septembre 1784. Décédée au même endroit le 5
mars 1875, à l'âge de 90 ans, 6 mois et 5 jours.
B. — Michel Rouer de Villeray né à Varennes le 22
juin 1786, Décédé au même endroit le 15 septembre 1786.
C. — Amable Rouer de Villeray né à Varennes le 3
octobre 1787. Il partit pour la Louisiane vers 1827. Sa
famille n'en eut plus de nouvelles.
D. — Marie-Adélaïde Rouer de Villeray née à Varen-
nes le 19 décembre 1789. Décédée au même endroit le 5
mars 1883, à l 'âge de 93 ans et 4 mois.
E. — Thérèse-Dorothée Rouer de Villeray née à Va-
rennes le 16 février 1792. Décédée au même endroit le 31
mai 1795.
F. — Sophie Rouer de Villeray née à Varennes le 22
septembre 1793. Décédée au même endroit le 27 mai 1795.
G. — Louis-Edouard Rouer de Villeray né à Varennes
le 19 juillet 1796. Il décéda chez les Soeurs Grises à Mont-
réal vers 1880. Il avait épousé, à Québec, le 7 novembre
1826, Marie- Anne Sylvestre, tille de JeanBaptiste Sylves-
tre et de Marie Dion. Il laissa deux filles. L'une mariée
à Montréal mourut aux Etats-Unis. On ne sait ce qu'il
advint de l'autre.
H. — Rosalie Rouer de Villeray née à Varennes le 22
juin 1798. Décédée au môme endroit le 1er août 1798. :
I. — Jules-Léon Rouer de Villeray né à Varennes le
10 février 1800. Il fit d'abord partie d'une communauté
de Frères puis tint un petit commerce à Montréal. Décédé
célibataire quelque part au Nouveau-Brunswick.
J. — Marie-Dorothée Rouer de Villeray née à Varen-
nes le 7 octobre 1803. Décédée à l'Hospice de la Jemme-
raie à Varennes le 13 janvier 1892.
K. — Marie-Elmire Rouer de Villeray née à Varennes
le 23 janvier 1806. Décédée au même endroit le 21 avril
3806.
3o — Anonyme né et décédé à Québec le 26 décembre
1751.
4o — Madeleine- Augustin Rouer de Villeray né à Que-
— 140 —
bec le 28 novembre 1753. Décédé à la Pointe-Lévy le 17
juillet 1754.
IV.— ANNE-CATHERINE-JOSEPH ROUER DE
VILLERAY
Née à Québec le 26 octobre 1727.
V.— ANGELIQUE-MICHELLE ROUER DE
VILLERAY
Née à Québec le 17 mars 1729.
Décédée au même endroit le 14 septembre 1729.
VI.— AUGUSTIN-MICHEL ROUER DE VILLERAY
Né à Québec le 13 mai 1730.
Décédé au même endroit le 3 juin 1730.
* VIL— JEANNE-ANGELIQUE ROUER DE
VILLERAY
Née à Québec- le 30 décembre 1731.
VIII.— ALEXIS ROUER DE VILLERAY
Né à Québec le 18 janvier 1734.
Cadet dans les troupes du détachement de la marine.
Noyé accidentellement à Québec le 8 juillet 1761.
IX.— GENEVIEVE ROUER DE VILLERAY
Née à Québec le 22 juin 1735.
Mariée à Québec, en mai 1761, à Daniel Pascaud, natif
de Londres, veuf de Suzanne Gasquet, et fils de Daniel
Pascaud et de Elisabeth Collins, de Larochelle (89).
X.— JOSEPH ROUER DE LA CARDONNIERE
Né à Québec le 11 novembre 1736.
Il fut fait enseigne dans les troupes du détachement
de la marine le 1er mars 1757.
A la conquête, il s'embarqua pour la France où il
continua de servir.
En 1764, M. Rouer de la Cardonnière passait à Cayen-
ne en qualité de sous-lieutenant. Il y fut fait lieutenant
en 1769.
(89) Contrat de mariage devant Le Maître Lamorille, notaire à Québec, le
27 mal 1761. Lie contrat de mariage donne 21 ans à la future. Elle se ra-
jeunissait de cinq ans.
... 141 —
Neuf années plus tard, en 1778, embarqué sur le Su-
perbe, il prenait part à une campagne contre les corsaires
anglais.
En 1781, il escortait avec quarante-cinq hommes sur
une canonnière un brick chargé de poudre pour Surinam.
En 1782, M. Rouer de la Cardonnière faisait la cam-
pagne contre Demerary. Sa belle conduite dans cette
conquête le fit choisir comme commandant à Essequibo.
La même année, il était fait capitaine.
En mars 1784, il passait à la Martinique où il était
incorporé dans le régiment de cette colonie.
En 1790, sa santé détruite l'obligeait à demander sa
retraite après trente-huit ans de service.
Sa belle carrière militaire lui avait valu la croix de
Saint-Louis.
XL— MARIE-DENISE ROUER DE VILLERAY
Né à Québec le 8 mars 1740.
Probablement décédée en bas âge.
IV
GENEVIEVE-FRANÇOISE ROUER DE VILLERAY
Née en 1696 (90).
Mariée à Québec, le 16 novembre 1722, à Louis-Joseph
Lambert, fils de feu Gabriel Lambert et de Marie-Renée
Roussel.
M. Lambert décéda à Saint-Joseph de la Pointe-de-
Lévy le 21 janvier 1760.
Madame Lambert décéda trois mois plus tard, à
Saint-Nicolas, le 16 avril 1760.
C'est la très modeste succession laissée par Louis-
Joseph Lambert et sa veuve qui a fait éclore cette monu-
mentale fumisterie qu'on a appelée la succession Lambert.
Encore aujourd'hui, les bureaux d'avocats reçoivent de
temps en temps la visite de descendants de Louis-Joseph
Lambert qui se prétendent héritiers de ses seigneuries et
richesses. Louis- Joseph Lambert n'a jamais eu de sei-
(90) -Un acte de tutelle du 3 juillet 1711 lui donne quinze ans.
-- 142 —
gneuries. Et quand il épousa Geneviève-Françoise Rouer
de Villeray il y avait déjà plusieurs années que les Villeray
s'étaient dépossédés de leurs seigneuries. Mais essayez
donc de raisonner avec des chercheurs d'héritages !
V
BENJAMIN ROUER DE VILLERAY
Né en 1701.
Le continuateur de la lignée.
VI
HECTOR ROUER DE VILLERAY D'ARTIGNY
Né à Saint-Laurent de l'île d'Orléans le 25 décembre
1702.
Il entra de bonne heure dans les troupes du détache-
ment de la marine, puisque en 1737 il était fait enseigne
en pied.
En 1751, M. de Villeray d'Artigny était enseigne en
pied de la compagnie de Lorimier en garnison à Montréal.
Nous ne trouvons nulle trace de M. de Villeray d'Ar-
tigny après 1756. Il est probable qu'il passa en France
à la cession du pays.
M. Rouer de Villeray d'Artigny avait épousé à Mont-
réal, le 13 août 1731, Marie Neveu, fille de Jean-Baptiste
Neveu, marchand et bourgeois, et de Françoise-Elisabeth
Legros.
Enfants :
L— MATHIEU-HECTOR ROUER DE VILLERAY
D'ARTIGNY
Né à Montréal le 23 mars 1734.
Décédé à la Longue-Pointe le 22 septembre 1734.
IL— JEAN-MAURICE ROUER DE VILLERAY
D'ARTIGNY
Né à Montréal le 9 août 1735.
Décédé au même endroit le 8 mars 1736.
III.— MARIE-GERTRUDE ROUER DE VILLERAY
D'x\RTIGNY
Née à Montréal le 27 avril 1737.
— 143 —
Décédée au même endroit le 7 juillet 1737.
IV.— MARIE-HYPOLITE ROUER DE VILLERAY
D'ARTIGNY
Née à Montréal le 28 juin 1741.
Mariée à Montréal, le 1er mars 1756, à Charles-Fran-
çois de Marillac, chevalier, capitaine au régiment de Lan-
doc, fils de messire Jean-Baptiste- Ange de Marillac,
commandant du même régiment, chevalier de Saint-Louis,
et de défunte dame Marie-Marthe de Malique, de la pa-
roisse de Saint-Eustache, ville et diocèse de Paris.
Le chevalier de Marillac fut mortellement blessé à la
bataille des Plaines d'Abraham le 13 septembre 1759 et
décéda, quelques jours plus tard, à l'Hôpital-Général de
Québec.
V.— MARIE-ELISABETH ROUER DE VILLERAY
D'ARTIGNY
Née à Montréal le 15 novembre 1742.
Décédée au même endroit le 17 novembre 1742.
VL— LOUIS-HECTOR ROUER DE VILLERAY
D'ARTIGNY
Né à Montréal le 28 janvier 1745.
VII
LOUIS ROUER DE VILLERAY
Né à la Sainte-Famille de l'île d'Orléans le 1er juin
1705.
Décédé au même endroit le 9 décembre 1705.
VIII
MARIE-CATHERINE (91) ROUER DE VILLERAY
Née à la Sainte-Famille de l'île d'Orléans le 1er juin
1705.
Elle vivait encore en juillet 1711.
IX
PIERRE-IGNACE ROUER DE VILLERAY
Né en 1707 (92).
Il vivait encore en 1711.
(91) Un acte de tutelle du 3 juillet 1711 lui donne leg prénoms Madeleine-
Catherine.
(92) Un acte de tutelle du 3 juillet 1711 lui donne quatre ans.
— 144 —
X
MARIE-CATHERINE ROUER DE VILLERAY (93)
Née à Sainte-Foy le 22 août 1709.
Mariée à Québec, le 10 novembre 1726, à Michel
Drouard, fils de Robert Drouard et de Madeleine Page.
M. Drouard succomba à la j^etite vérole à Québec le
10 mars 1733.
En secondes noces, à Québec, le 14 mai 1735, Marie-
Catlierine Rouer de Villeray devint la femme de Michel
d'Irumberry de Salaberry, de Saint- Vincent de Ciboure,
diocèse de Bayonne, fils de Martin d'Irumberry de Sala-
berry et de Marie de Michelance.
Elle décéda subitement à Québec le 26 août 1740 (94).
1ère génération: Louis Rouer de Villeray.
2ème génération : Augustin Rouer de la Cardonnière
et de Villeray.
3ème génération: Benjamin Rouer de Villeray.
' BENJAMIN ROUER DE VILLERAY
Né en 1701 (95).^
Dès qu'il fut en âge de servir son père obtint pour lui
une enseigne dans les troupes du détachement de la marine.
Le 1er avril 1733, il était fait enseigne en second.
En 1739, le 1er avrils il était promu enseigne en pied.
Sous le réghne français au Canada, malgré les dan-
gers que couraient journellement les officiers et les actions
d'éclat qu'ils accomplissaient, les promotions ne venaient
pas vite. Le ministre était si loin ! En 1748, M. de Ville-
ray était encore enseigne en pied et en garnison à Mont-
réal.
(93) En écrivant l'acte de naissance de Marie-Catherine Rouer de Villeray,
le curé de Sainte-Foy a eu une distraction et a écrit : fille de Augustin Rouer
de Villeray et de Marie-Louise Polet, au lieu de Marie-Louise Le Gardeur de
Tilly. Cette singulière distraction a mis Mgr Tanguay dans l'erreur. Il fait
marier (Dictionnaire généalogique) , Augustin Rouer de Villeray à Marie-Louise
tandis que sa femme vivait encore.
(94) Elle laissait une fille qui fut religieuge ursuline à Québec. La mère'
Sainte-Catherine décéda le 2 décembre 1823, à l'âge de 85 ans.
(95) Un acte de tutelle du 3 juillet 1711 lui donne quinze ans. mais à son
mariage, à Montréal, le 16 août 1735, il se déclare âgé de trente-cinq ans. Il
était donc né en 1701.
... 145 ---
C'est à la fin de 1748 ou dans les premiers mois de
l'année 1749 que M. de Villeray fut envoyé servir à Louis-
bourg.
Dans un arrêté fait à Louisbourg le 11 octobre 1749
par MM. de la Gàlissonnière et Desherbiers, et intitulé
"Projet de promotion pour la garnison de Louisbourg",
nous trouvons que parmi les lieutenants qu'ils proposent
est Benjamin de Villeray, enseigne en pied en Canada.
Plus loin, nous lisons : * ' J 'ai aussi placé le sieur Benjamin
de Villeray, très ancien enseigne en pied dans les troupes
du Canada, et bon officier comme méritant avoir une com-
pagnie à la première promotion après celle-ci."
En 1750, les nominations faites par le roi au comman-
dement des seize compagnies vacantes sur les vingt-quatre
qu'il y avait à l'île Royale permirent à M. de Villeray
d'obtenir une promotion qu'il attendait depuis plusieurs
années. Il fut fait lieutenant.
L'année suivante, en 1751, il obtenait le commande-
ment d'une compagnie.
En 1753, M. de Villeray était nommé commandant du
fort Gasi^areau au i)oste de la Baie Verte. Gaspareau
était plutôt im poste de ravitaillement pour le fort de
Beauséjour. Le commandant du fort Gaspareau était
sous les ordres du commandant du fort de Beauséjour.
En 1755, une expédition anglaise composée de troupes
levées dans le Massachusetts sous le commandement du
colonel Monckton débarquait à Chignectou. Elle marcha
aussitôt contre le fort de Beauséjour défendu par une
garnison d'une centaine de soldats et de trois cents Aca-
diens. Le commandant du fort de Beauséjour était le
sieur de Vergor, qui devait jouer un si triste rôle quatre
ans plus tard à Québec. Les Anglais ouvrirent la tranchée
le^ 12 juin, et, le 16, Vergor capitulait après une faible
résistance. La petite garnison obtint les honneurs de la
guerre et Monckton s'engagea à ne pas inquiéter les Aca-
diens qui avaient combattu avec elle.
P. G. R.
(La fin dans la prochaine livraison)
... 146 —
LE JEU DES ECHECS AU CANADA
i U
Jouaitron aux échecs en la Nouvelle-France ?
, fj Je n'ai pas encore vu de texte qui renseigne sur ce point. Pour le
moment, la plus ancienne mention du jeu qui me soit connue date du
dix-huitième siècle. Elle existe dans l'étude consacrée à l'imprimeur
Fleury IJklesplet par le numismate R.-W. McLàchlan. (Ottawa, 1916).
Au nombre des documents que M. McLachlan a recueillis pour son
ouvrage dans la collection Haldimand (archives fédérales), et qu'il repro-
duit en appendice, on remarque une chanson sur les échecs signée Anony-
me et dont l'auteur était le R. P. Bernard Well, jésuite belge, venu au
Canada en 1756. Ce religieux résida à Montréal entre 1777 et 1791,
date de sa mort, , et il aurait, au témoignage de l'éditeur, publié divers
articles dan? la jQazette de Mesplet, sous le .pseudonyme de Anonyme.
L'autorité surveillait Mesplet, en '1779.^ jOn prétendait qu'il laissait
paraître dans spn.périodique des, articles subversifs. Rendu nerveux par
les plaintes nombreuses que l'on portait contre lui, Mesplet crut faire un
bon coup en envoyant au gouverneur Haldimand le manuscrit d'une
chanson que le P. Well lui avait remis. , , v l .
1 Evidemment, limprimeur avait ou voulait faire croire qu il avait
,anerçu des allusions épouvantables dans le manuscrit en question.
^Mespleîb àyait-il tort, avait-il raison? 'Le lecteur en jugera. La
chanson est intéressante et mérite d'être lue, elle démontre que les échecs
étaient connus des Canadiens en 1779, cela suffit pour donner à cette poésie
,^n clrqit ^'entrée dans l'histoire du jeu des échecs au Canada.
■ * -îf *
EN PARLANT DU JEU DES ECHECS
CHANSON
.^[^^ SuriJe.jjeuque j'ai dans les mains,
..j Le sort n'étend pas ses caprices;
Ce sort qui, parmi les humains.
Couronne si souvent les vices.
< ; C/ombien d'hommes aux premiers rangs
. ^,, ,,jQue le seul hasard a fait grands.
... 147 --
2 ■
Les Rois ont des fous pour soldats,
Qui les servent dans chaque armée;
Messieurs ne vous en plaignez pas,
Puisque dans plus d'une assemblée,
Les hommes seraient bien heureux
De n'en pouvoir compter que deux.
Les fous sont placés près du Roi,
Un tel roi pout-il être sage?
Des courtisans quand je les vois.
Je reconnais ici l'image.
Jamais s'il s'agit d'un bon choix,
De deux sots n'écoutez pas la voix.
Le chevalier change souvent
De couleur et de contenance:
Dans son bizarre changement.
Reconnaissons notre inconstance:
A tous moments, sans le scavoir,
Nous passons tous du blanc au noir.
Le Roi fait un ])as chaque fois.
Jamais il n'en fait davantage.
Pour notre bonheur tous les Rois
Devraient suivre un pareil usage.
Quand on gouverne les Etats,
On doit s'avancer pas à pas.
... 148 —
6
Vous avez pris un de mes pions,
Et moi je vais prendre un des vôtres.
Tout ce qu'aux autres nous faisons,
Nous devons l'attendre des autres:
Quand pièce à quelqu'un l'on fera.
Pièce pour pièce il nous jouera.
Je ne scais pour quelle raison
Le Roi n'est pas avec la Reine,
Tandis qu'il garde la maison
Madame court la prétentaine ...
ECHEC ET MAT !. . . il doit souffrir;
Pourquoi laissez sexe courrir ?
* * *
Pour sûr, les lecteurs de la Gazette littéraire auraient mieux goûté
ces vers que la prose du sieur Valentin Jautard. Mais là n'est pas la
question. Passons plutôt au dix-neuvième siècle pour ajouter deux notes !
La première est extraite du Bulletin de 1902, p. 151. On y voit que
It fameux peintre Louis Dulongpré venu demeurer à Montréal après 1784
et qui mourut à St-Hyacinthe en 1843, était un fervent adepte du jeu
des échecs. Son adversaire favori n'était autre que le notaire Joseph
Papineau, père du tribun, et c'est entre 1787 et 1837 que ces dignes ama-
teurs oubliaient leurs travaux sur l'échiquier.
Nous puisons notre dernière anecdote dans les Souvenirs d'un demi-
siècle de J.-G. Barthe.
" Lorsque l'honorable J.-R. Vallières quitta Trois-Rivières pour venir
siéger à Montréal (1842), il n'était déjà plus que l'ombre de lui-même.
Le savant magistrat était devenu tellement affecté de faiblesse et de maux
de jambes que pendant un temps il fallut le porter sur le banc judiciaire
parce qu'elles lui refusaient le service, ce qui fut l'occasion pour son ami
Heney de lui faire un compliment fort flatteur. Ils faisaient presque
tous les jours leur partie d'échecs vers la même heure. M. Heney était
venu un peu plus tôt cette dernière fois et M. Vallières semblait se faire
quelque peu désirer. Mme Vallières était allée le presser un peu et lui
— 140 —
passer une robe de chambre en le grondant de sa paresse. Il entra dans
ce déshabillé au petit salon où se faisait d'ordinaire leur partie et 8*excusa
de son mieux auprès de son vieil ami, en imputant toute la faute à ses
jambes qui avaient prescjue refusé de le porter ce matin-là, ce qui l'avait
retenu au lit.
Mon cher, repartit ce dernier, vous êtes comme la statue de Nabucho-
donosor qui avait les pieds d'argile et la tête d'or.
Ce fut peut-être, dit-on, la seule fois que M. Vallières resta à court,
mais il ne put reconnaître que par un sourire combien il était flatté du
tour heureux que M. Ileuey avait donné en excuse de sa paresse appa-
rente."
E.-Z. MASSICOTTE
LE PEINTRE DULONGPRE
Trois fois déjà, il a été question du peintre Dulongpré dans le Bulle-
tin (vol. VIII, pp. 119 et 150 : vol. XXIII, p. 191) mais il reste encore
des renseignements à glaner sur ce personnage qui occupera une place
dans l'histoire de la peinture au Canada.
Tout d'abord, notons que c'est le 5 de février 1787 que Louis Du-
longpré se marie, à Notre-Dame de Montréal. Dans l'acte de mariage,
l'officiant, l'abbé Dézery, relate que l'époux est fils de feu Louis Dulong-
pré, négociant, et de Marie-Jeanne Duguay ; qu'il a 28 ans (ce qui le fe-
rait naître en 1759) et qu'il est originaire de la paroisse de Saint-Marcel,
diocèse de Paris. Ceci ne concorde pas avec la notice parue dans le Bul-
letin de 1902, p. 119, où l'on écrit que Dulongpré naquit dans la paroisse
de Saint-Denis de Paris en 1754. Il n'aurait donc eu que 84 ans, au lieu
de 89 ans, à son décès survenu en 1843.
L'épouse s'appelait Marguerite Campaux et n'avait que dix-huit ans.
Les anciens racontent qu'elle était si jolie que son mari reproduisit ses
traits dans plusieurs de ses tableaux religieux. Aussi, disait-on plaisam-
ment de madame Dulongpré qu'elle avait son portrait dans toutes les
églises.
La maison du peintre, à TVIontréal, s'élevait sur le côté est de la rue
Saint- André (autrefois Campeau), entre l'avenue Viger et la rue Lagau-'
chetière. Cette maison attirait l'attention parce qu'elle différait des au-
tres en ce que le rez-de-chaussé qui servait d'atelier* avait une hauteur
peu ordinaire. On comprend que les tableaux religieux que l'on comman-
dait au sieur Dulongpré avaient souvent de grandes dimensions et qu'il
lui fallait un atelier très spacieux.
E. Z. M.
— 150 —
LES DU PLESSIS
HHU'Xf.'â
"Dans les premiers temps de la colonie, on voit figurer au cours dos
événements, parfois, une mention d'un du Plessis-Bochart, ailleurs, d'un
du Plessis-Kerbodot, ou encore Guillemot-du-Plessis, et même rien que
du Plessis. Veut-on parler d'une ou de plusieurs personnes avec tous
ces noms diversifiés ?
Nous avons lu aussi que ce sieur du Plessis était parent des du
Plessis-Richelieu, famille du fameux cardinal, mais on n'indique pas à
quel degré.
Toutes ces choses ne laissaient pas que de nous intriguer et afin d'en
avoir le coeur satisfait là-dessus, nous préparions une série de questions
pour le Bulletin de Reclierches Historiques lorsque le volume V des Mé-
langes Historiques de 'M. Suite nous arriva. Dans les premières pages
nous y trouvâmes un article intitulé : Les deux Duplessis, qui semble être
une réponse à ce que nous désirions savoir. On nous y apprend que ces
noms précités s'appliquent à deux officiers, mais ce qu'on en donne de
leur origine en France, ou de leur parenté, n'est pas exact. L'article de
M. Suite et nos notes permettent d'établir l'identité de ces deux person-
nages qui figurent dans l'Histoire du Canada, de 1633 à 1653.
Le sieur du Plessis qui accompagna M. de Caen en 1633, c'est du
Plessis-Bochart. Ce mot n'est qu'un surnom. Le nom de famille, le réel,
après tout, et qu'il importe de connaître, c'est: CHARLES, sieur du
Plessis-Bochart !
Pour trouver le lien de parenté entre lui et les du Plessis-Richelieu,
nous avons examiné soigneusement la généalogie de ces derniers. La
seigneurie du Plessis, sise au Poitou, était tenue à foi et hommage de
l'évêque de Poitiers, à cause de la baronnie et châtellenie d'Angle, dont
elle est éloignée de trois lieues.
François de la Porte (né à Parthenay, Poitou) s'est marié deux fois.
Il épousa d'abord, en 1548, Claude Bochart, fille d'Antoine Bochart,
seigneur de Farinvilliers. Cette union dura environ dix ans. Il n'eut
qu'une fille de ce mariage : Suzanne qui devint la femme de François
(III) du Plessis. Ce sont les père et mère du célèbre cardinal de Riche-
lieu. Voici la liste de leurs enfants. On n'y verra pas de du Plessis-
Bochart, pas plus qu'il n'y a des du Plessis dans la famille des Bochart.
I. Henri du Plessis, tué en duel en 1619, par le marquis de Thémi-
nes. Femme : Marguerite Guyot de Charmeaux. Pas d'enfants.
... J5l —
II. Alphonse-Louis du Plessis, nçramé à l'évêché de Luçonj arche-
vêque d'Aix et de Lyon ; ^anMialî et grand-àumônier ^e France'^ etc./ s : I.
à Lyon, 1653.
III. Armand-Jean du Plessis; cardinal-duc de Richelieu. ; 1/
IV. Françoi.se du Plessis, m : lo à Jean de Bcauvau, seigneur de
Pimpeau; 2o à René de Vignerot, seigneur de Pont-Courlay.
V. Nicole du Plessis, femme d'Urbain de Maillé, marquis de Brezé.
Cela finit la branche de Richelieu. i(.j> m hcxtiir )ol>
Dans la généalogie des Bochart (Dictionnaire de LaChesnaye-Des-
bois) nous constatons que la seconde femme de François de la Porte
(1559) était la fille de la cousine germaine de Suzanne. Elle avait nom
Madeleine CHARLES, fille de Nicolas CHARLES, seigneur du Plessis-
Picquet et de Jeanne Bochart. cette dernière fille de Jean (II) Bochart
de Champigny, ancêtre de V intendant du Canada.. C'est le petit-fils de
Nicolas, qui accole au nom de la seigneurie de du-Plessis celui de sa
grand'mère, et qui passe au Canada.
La parenté de du Plessis-Bochart Avec le célèbre cardinal est du
côté des deux grand'mères, qui étaient cousines. Le nom de du Plessis
a été porté par les deux familles avec cette différence que pour les Riche-
lieu c'est leur nom en propre, et pour les du Plessis-Bochart, c'est un
surnom. Après cela, le renvoi à la page 28 du numéro V des Mélanges
Historiques, doit être revisé, car on y lit: — "Notons que, de 1686 à 1702,
" nous avons eu au paya un intendant du nom de Jean Bochart, qui n'a
" rien à voir avec du Plessis-Bochart."
Que l'on nous jjermette en même temps une autre rectification au
bas de la page 11 des Mélanges. Les du Plessis-Richelieu et les de la
Porte étaient du Poitou, mais non les Bochart qui tirent leur origine du
Vezelai, en Bourgogne.
* * *
Maintenant, passons à l'autre du Plessis, appelé Kerbodot et (xUIL-
LEMOT. Ici, le nom de la famille est GUILLEMOT. C'est une maison
de Bretagne. Les GUILLEMOT possédèrent dix-sept seigneuries ou fiefs,
et selon la mode du temps ils se distinguaient entre eux par le port d'un
nom de terre ajouté au norii familial. Ils sont d'ancienne extraction, dans
l'évêché de Saint-Brieuc, et leur noblesse remonte à 1376.
Les GUILLEMOT, sieurs du Plessis, possédaient évidemment quel-
que petit fief du nom de Kerbodot, puisqu'il a été uni au nom de du
Plessis, mais il ne .parait pas dans la liste des seigneuries leur appartenant.
Je n'ai pas non plus rencontré ce nom dans aucun armoriai breton.
REGIS ROY
■- 152
LA CHANSON DES FRERES DU CANADA
M. Fauteux, de la bibliothèque Saint-Sulpice de Montréal, m'a signalé
une chanson dédiée à la société des Frères du Canada dont J'ai dit quelques
mots dans le Bulletin de 1917, p. 319. Les vers de cette chanson sont
pauvres et mal ajustés, l'auteur n'a pas daté sa pièce et ne l'a pas signée ;
n'importe, c'est un document historique qui pourra être utilisé et J'en ai
pris copie.
-I ^inr^itm-^',. cfh KEFRAIN :
.jr'T .,,i.,,.v, -v .
Vivons, aimons, chérissons la Concorde,
Chantons l'amour qui nous a réunis.
Dans nos plaisirs, évitons la discorde
-Ai i«l- Soyons toujours d'un seul et même avis.
Vivons, aimons, chérissons la Concorde
Chantons l'amour qui nous a réunis.
Par des égards, que chacun se prévienne,
Soyons polis, complaisans sans fadeur.
S'il se glissait entre nous quelque haine,
De la chasser, engageons notre honneur.
(Refrain)
2
Que la vertu Jamais de nous s'écarte
Enchaînons-la dans un Juste milieu.
Nourissons-nous d'une Joie délicate
Qu'aucun excès n'avilisse nos jeux.
(Refrain)
Point de pédant, maudissons cette race,
Redoutons-la, autant que le poison.
Elle décide toujours avec audace,
Et bien souvent, sans rime ni raison.
roîl «lOi'IVl
(Refrain)
153 —
Dans nos plaisirs qu'aucune inquiétude
Ne porte obstacle à nos amusements.
Ayons pour nous cette aimable habitude
De n*afficher que le consentement.
(Refrain)
Par des bienfaits, signalons notre gloire,
Soyons vertueux, à la mort, à la vie !
Que tous nos noms, au temple de mémoire,
A l'univers puissent porter envie.
(Refrain)
6
Que nos promesses ne soient point de chimère
Appliquons-nous tous à les maintenir.
Que notre amour soit ardent et sincère
N'en oublions jamais le souvenir.
(Refrain)
Sur les débris du plus grand des naufrages,
Dans le néant, dit-on, tout tombera.
Consolons-nous en attendant l'orage
Et dans le temps se sauve qui pourra.
(Refrain)
Le couplet final, sinon les autres, pourrait bien donner raison à ceux
qui soutiennent que quelques Frères du Canada n'étaient pas d'une ortho-
doxie exagérée.
E.-Z. MASSICOTTE
— :lSi -T-
LA PLANTATION DU MAI DANS LE
BON VIEUX TEMPS ,,
)iil).
C'était une coutume Jolie et fort aneienne que celle de la plantation
du mai, dans nos campagnes, mais ni son âge ni son agrément ne l'ont
empêché de tomber dans l'oubli. Tout lasse et tout passe ici-bas: l'évo-
lution poursuit son oeuvre. Il reste aux cherclieurs de compiler dans des
publications spéciales les documents qui aideront, un jour ou l'autre, à
ressusciter par l'écriture ou par l'j^^iage les choses disparues.
L'occasion s'en présentant, rappelons que pour nos pères le premier
jour du mois de mai marquait ai^tre; clio^e que la date du déménagement
ou de la fête des socialistes, des communistes, des anarchistes et autres
istes.
A l'approche de ce Jour, nos pères songeaient plutôt au mai majes-
tueux qu'ils allaient élever devant l'église, devant le presbytère, devant le
manoir seignçurial ou devant la demeure du capitaine de milice de la
paroisse.
D'avance aussi ^ ils. escomptaient les Joies et les douceurs que leur
procurerait la cérémonie de la plantation, car cellç-ci se terminait par un
fricot ou des libations qui mettaient tout le monde en gaieté.
Le Bulletin a déjà publié (1905, p. 158) un extrait des mémoires
de Nicolas-Gaspard Boisseau qui renseigne bien sur les diverses phases
de la cérémonie du mai; ajoutons à" ce morceau substantiel quelques notes
qui aideront à faire voir la plantation du mai sous divers aspects.
Le mai fut-il planté dans toutes les paroisses ou dans toutes les sei-
gneuries, sans exception? Evidemment non.
Un passage de VHistoire de la colonie (II, 224), de l'abbé Faillon,
pourrait nous laisser croire que les sauvages rendirent cet honneur à M.
de MaisonneUve,''aii moin^'iètti '1654 on 1655, cependant le ffclit n'est pas
certain. ■ '' ' ; '^^ . ; . - j ^i:^'i-'> , ; ,.■•,, •■.:(!
Aucun document nous indique que des plantations de mai eurent
lieu en face de la résidence des seigneurs de Montréal. La coutume paraît
donc nle*pàs-*a\'oir ét^ observée en notre ville.
— 155 —
Par contré, elle le fut à Vareimes et le R. P. Louife Lalande nous en
informe dans son excellente Histoire de Bouchervilïe.
Elle dut l'être également à Verchères, car dans ses contrats de con-
cessions, dame Marie Perrot, veuve de François Jarret de Verchères, fai-
sait insérer la clause suivante: "De plus, le preneur (c'est-à-dire le con-
cessionnaire) sera tenu d'ayder tous les ans à perpétuité, à planter un may
au premier Jour de may, audevant la porte de la maison seigneurialle dudit
Verchères comme les habitants de lad. seigneurie sont obligés de faire à
peyne d'un escu d'amende. . ."
Cette seigneuresse, on le voit, avait trouvé un moyen efficace de main-
tenir chez les censitaires un zèle qui ne fut pas toujours et partout digne
des plus grands éloges.
A preuve, la protestation indignée que le seigneur de Berthier fait
consigner par son notaire le premier mai 1793 :
"L'an mil sept cent quatre vingt treize, le premier jour de Mai, à
la requête de l'honorable .Inincs (îuthbert Ecuier, seigneur de Berthier
et autres lieux; Je nïîtairc de la pro\'ince résident audit Berthier dans
le comté de Warwick soussigné, et témoins ci-après nommés, étant présent
ce jourd'hui anniversaire pour ])lanter le Mai conformément aux obli-
gations des tenanciers dudit Seigneur; et le tour de pilanter ledit May
au Manoir seigneurial étant au Capitaine Joseph Roch, de la côte du
ât. Esprit pour le faire planter ce jourd'hui suivant la coutume usitée
en cette province et autorisé ])ar les anciennes loix et confirmée en dernier
par Acte de parlement de la Grande Bretagne; et ledit Capitaine Joseph
Roch ayant entrepris de se soustraire à cette coutume, en manquant ce
jourd'hui au devoir qu'il est tenu de remplir et par ce moyen traçant le
chemin aux habitans dont le ])rocédé pouroit devenir dangereux par la
suite; J'ai en conséquence à la requête susdite notifié ouvertement en
plein champ en présence de toute l'assemblée d'habitans pour assister à
la cérémonie du May, que ledit Seigneur James Cuthbert Ecuier protes-
tait et proteste solennellement contre ledit Josph Roch, Capitaine des
Milices en la Côte du St. Esprit, et contre ses adhérans pour sa négligence
de paroitre, refus de rendre sur les lieux et faire planter le May ce jour-
d'hui ainsi qu'il était obligé, par convention entre cinq Capitaines de
ladite Seigneurie au mépris de toutes loix et coutumes usitée en cette
province à cet égard, et pour tous fraix dommages et torts qui pourra en
résulter, et pour tout ce qui peut et doit se protester en pareil cas.
... 156 ---
"Ce fait et protesté au Manoir Seigneurial près de la place du May
et encore en la présence des Srs Daniel Loson et Alexandre Fraser, té-
moins à ce requis et ont signé avec nous, lecture faite.
"Daniel Loson- — Alex, Fraser — F. Joran N.P."
La grève contre la plantation du mai !
Voilà bien ce que nous apprend cet acte.
C'est le seul cas que nous avons remarqué dans nos archives. Il ne
doit pas être unique., l'exemple a pu être suivi, mais peut-on dire que le
capitaine Joseph lloeh, du Saint-Esprit, a porté le premier coup mortel à
la gracieuse coutume dont nous venons de vous entretenir ?
,. , E.-Z. MASSIGOTTE
Uni
JOCELYN WALLER
Quelqu'un a demandé dans le Bulletin de mars 1918 p. 78, des renseignements
sur Jocelyn Waller. Personne n'ayant répondu, j'offre le peu que je possède.
Ce journaliste estimé des Canadiens français est mort à Montréal le 2 dé-'
cembre 1828, âgé de 55 ans et il fut inhumé le 4 du même mois, suivant son acte
de sépulture inscrit dans le registre de la Christ Church. A l'époque de son dé-
cès, M. Waller était rédacteur du C'anadian Spectator qu'il avait fondé.
On relèvera un autre détail sur ce journaliste dans le contrat de location de
l'imprimerie du Spectator par Dominique Bernard à Ludger Duvernay, le 18
janvier 1827. J'ai donné la substance de ce bail dans le Bulletin de janvier 1920,
pp. 23 et 24. M. Waller laissa un profond souvenir et des regrets sincères. On
en a cette preuve qu'au premier banquet de la Société Saint- Jean -Baptiste, à
Montréal, le 24 juin 1834, les patriotes portèrent, à la mémoire du défunt un
1 toast qui fut bu en silence, disent les journaux du temps.
-lihtf Son fils, le docteur Waller, raconte M. Barthe, dans ses Souvenirs d'un demi
siècle (y>. 386"), après avoir "erré sur le pavé, fut nommé traducteur de la Cham-
bre d'assemblée."
^,. E.-Z. M.
— 157 —
L'ENGAGEMENT D'UN CHIRURGIEN
POUR L'OUEST AU DIX-HUI-
TIEME SIECLE
Le hasard nous fait trouver un contrat d'engagement que pourra
utiliser l'historien de la médecine en la Xouvelle-France, car ce document
donne une idée des conventions arrêtées, autrefois, entre les traiteurs et
les hommes de l'art.
* * *
Le Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay ne mentionne pas
Charles Doullon Desmarest, chirurgien, mais nous avons sur lui quelques
renseignements que nous ajouterons ci-après.
Quant à M. de la Corne, ce doit être Louis de Chapt, écuyer, sieur de
la Corne» né à Montréal en 1696 qui épousa Elisabeth de Ramezay et
mourut dans sa seigneurie de Terrebonne, en 1762.
23 JUIN 1753
Fut présent Sr. Charles Doullon Desmarets chirurgien demeurant
à la Pointe Claire en cette Isle, étant ce jour en cette ville lequel s'est
obligé et s'oblige envers Mre Louis De Chapt chevalier de la Corne Capi-
taine d'infanterie chevalier de lordre militaire de St Louis ce présent
et acceptant pour a sa première requisiton se transporter avec lui jusqu'au
poste de la mer de Ouest (1) hyverner aud. lieu pendant trois hyvers et
descendre en l'année mil sept cens cinquante-six par les convois ordinaires
et pendant tout ledt. tems exercer aud. poste et sesd. dépendances sa pro-
fession de chirurgien; soigner; et traiter panser et médicamenter tant
les engagés dud. Sr de la Corne que les sauvages, pourquoy led. Sr La
Corne promet de lui fournir les remèdes et médicaments qu'il a pour
joindre à ceux que led. Sr. Doullon Desmarets fournit, lequel d. Sr
Desmarets promet en outre de tenir en ordre autant que faire se pourra
(1) Ces mots sont difficiles à déchiffrer. Ils signifient peut-être le lac
Supérieur, car on sait que M. de la Corne avait alors des intérêts dans les
postes du lac de la Pluie et du lac des Bois., non loin du lac Supérieur.
— 158 —
tour le» éqiilpiies,{:^|]|i|)i|*ës, factur<|s .:e| autres" EçiSte généralement quel-
conques dud. Si. jLa Corne et de faire tout ce qui (iepejidra de lui pour
le bien et avantage dùd. Sieur, auquel il sera tenu d'obéir hi a faire tout
ce qui lui sera commandé de limite et honnête ^et tout ce qu'un bon et
fidel commis peut faire lequel d. Sr Doullon mond. sieur La Corne
promet et s'oblige de iiourir loger et chauffer tant en montant qu'en
descendant, et étant aud. poste à son pot ordinaire, et de lui payer a son
retour en cette ville pour tout ses appointements gages et sallaires aud.
voyage la somme de douze cent quatre vingt dix livres en monnaye ayant
cours en ce pays, étant convenu entre lesd. parties que tous les castors
et pelleteries qu'il retirera des i)ansements, soins et médicaments qu'il
aurait faits seront partagés par Egalle moitié, laquelle moitié, afférente
au Sr, Doullon, il laissera aud. S. La Corne (jui lui en tiendra compte sur
le pied que vaudront les pelleteries à Michilimakinak, car ainsy etc pro-
mettant etc. obligeant etc, fait et passé à Montréal, étude de Danré, l'un
des notaires soussignés l'an mil sept cents cinquante trois Içs 4e^^vème
jour de juin après-midi, et ont les parties signé, lecture faite.;,,? .Mnnt» n!
(Signé) Le Chev. De La Corne
" Doulon Desmarest
" Bouron
" Danré De Blanzy
(Au verso)
Et le quatorze juin de relevée, mil sept cens cinquante trois, pardt.
Les No'res Royaux susd. Et soussignés sont comparus led. Mre. Louis
de Chap, chevalier de la Corne et Sr. Charles Doullon Desmarets nommés
et qualifiés en Lacté des autres parts Lesquelles se sont volontairement
désisté et par ces préseijtes se désistent de l'acte de conventions de autres
parts, consentants respectivement, qu'iceluy demeure nul, comme non
fait ni avenu sans aucun dépens, domages et intérêts de part et d'autre
Et a led. Sr de la Corne remis aud. Doulon l'expéd'on dud acte, promet,
etc fait et passé aud. Montréal, les jours et an, susd. Et ont signé Lecture ,
faite.
Doullon Desmarets
(Aucune autre signature).
* * *
Charles Doullon Desmarets avait plus d'une corde à son arc! Le 20
--159---
février 1753, une foramippinn dr Botairp lui avait été acrordj^ et son étude
était installée à la Poiivli-C'laire uîi taiu- doute il t!.-ierçait;''9es deux pro-
fessions.
Le 2 Juin 1753, il est à Montréal pour s'engager à M. de la Corne;
lô Jtendeniaija, il retourne dans sa paroisse et rédige des actes.
.Que se passe-t-il -alors ? Sans doute, il songe à la vie dans les postes
lointains, il en C3,use et il se ravise, puisque le 14 juin notre chirurgien-
tabellion revient à Montréal pour résilier son contrat.
• i- • - - ■ . î ,-
^ Ensuit^ le sieur Desmàrest continue d'instrumenter à la Pointe-
d^e. Puis, après le 22 avril 1754, on perd sa trace.
'' Est -il, cette fois, parti ])out l'ouest? Ce serait bien possible.
E.-Z. MASSICOTTE
A PROPOS DE LUTINS
_,j^|a,p;a«(e,7^, ,anQée 1899, du Bulletin, M. Sylva Clapin nous donne une défi-
tion du lutin et il termine ainsi : "Pour, éloigner le lutin des écuries, il fallait
tracer une grande croix sur les portes et c'est ce qui se fait encore aujourd'hui,
parmi les Acadiens et les riverains du bas Saint-Laurent."
'Dans la région de Montréal comme dans celle des Trois-Rivières on emplo-
yait un autre moyen.
M- Napoléon Saint-Armand,- septuagénaire de Sainte-Geneviève de Batiscan,
me l'a enseigné, au mois d'août 1919 :
"Pour se débarrasser du lutin, dit-il, les anciens plaçaient un demi-minot de
cendre derrière la porte de l'écurie. Quand le lutin entrait il renversait le sceau !
Il lui fallait alors ramasser la cendre grain à grain, jusqu'au dernier, car il de-
vait éviter de laisser trace de son passage. La besogné était longue, il n'avait
plus le temps de s'occuper des chevaux, aussi ne reVenalt-il pas, ou rarement,
dans un endroit où on l'avait attrapé de la sorte." Dans la région de Montréal,
nos pères remplaçaient la cendre par de la graine de mil et l'effet était le même.
E.-Z. M.
— 160 —
M. de BEÂUSSIER de L1SIE
Louis- Joseph de Beaussier de l'Isle, chevalier de St-Louis et chef
d'Escadre des armées navales, qui naquit à Toulon, l'an 1700, s'est trouve
un peu mêlé à l'histoire des derniers jours de Louisbourg. Aimant la
mer, il entra dans la marine de très bonne heure. En 1722, il fut nom-
mé enseigne, promu lieutenant en 1729, et reçut le grade de capitaine
en 1749. Le roi lui accorda la croix de St-Louis l'année suivante.
En 1755, il faisait partie de l'escadre de Dubois de la Mothe pour
ravitailler le Canada. Au début du printemps de 1756, M. de Beaussier
dirige trois vaisseaux et trois frégates, partant de Brest, et ayant à bord,
Montcalm, ses officiers, et les régiments de la Sarre et de Royal-Roussil-
lon. Il échappa aux Anglais qui croisaient à l'entrée du golfe et près
de l'île du Cap Breton, et jeta l'ancre devant Québec au commencement
de mai. En retournant, il dépose à Louisbourg l'argent qu'il avait à y
remettre, puis il appareille et entre en chasse contre l'Anglais. Son
navire, le HEROS devance les deux autres vaisseaux qui l'accompagnent,
et, il livre seul le combat à deux forts bâtiments ennemis. Le veilt tombe
et les deux consorts français ne peuvent lui venir en aide. M. de Beaus-
sier lutte avec ardeur et l'ennemi trouvant un adversaire trop vaillant
abandonne la partie et se sauve. Rentré à Louisbourg, le brave capi-
taine compta ses pertes : 48 tués et 48 blessés. Lui-même, il reçut une
blessure à la jambe. Il sortit du port le 13 août et arriva au Port-Louis
le 6 septembre avec huit prises et quatre cents prisonniers.
En récompense de ses services le roi le gratifia d'une pension de
mille livres.
En 1757, il croisa d'abord dans la Manche avec une escadre, puis
fut envoyé avec quatre vaisseaux et une frégate au secours de Louisbourg.
Après une traversée de quatorze jours il entrevoit les côtes de l'île Royale,
passe à travers l'escadre anglaise qui lui barrait la route et pénétra dans
le port. La chute de cette place entraîna la perte de son escadre, brûlée
pendant le siège.
Après cela, il eut le commandement des Iles-sous-le-Vent, et de St-
Domingue.
Il épousa, en 1757, Melle Louise Jouenne de Losriesre.
Le rang de chef d'escadre qui lui fut conféré en 1764, lui vint un
an avant sa mort, en France.
MM. de Beaussier de l'Isle blasonnaient : D'azur, à trois coquilles
d'or.
REGIS ROY
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAUCEVILLE-JUIN 1920 No 6
La famille Rouer de Villeray
AUGUSTIN ROUER DE LA CARDONNIERE ET DE
VILLERAY
(SUITE ET FIN)
Le lendemain de la capitulation du fort Beauséjour,
le colonel Monckton envoyait la lettre suivante à M. de
Villeray, commandant du fort Gaspareau:
"Je vous envoie une copie de la capitulation que j 'ai
accordée à Monsieur de Vergor et à sa garnison. Je vous
accorderay une pareille capitulation pour vous et pour
votre garnison sy vous voulez consentir à me rendre votre
fort.
^ ' Mais si au contraire vous ne vous soumettez pas aux
conditions que je vous offre, vous ne devez pas vous atten-
dre à aucune grâce de ma part, non plus que votre gar-
nison.
" Si vous acceptez les conditions que je vous offre
en les signant et en me les envoyant par un officier, je vous
en ferai l'échange."
Le fort Gaspareau n'était à proprement parler qu'une
grande enceinte avec des pieux debout. De plus, M. de
Villeray n'avait sous ses ordres qu'une vingtaine de sol-
dats. Il ne pouvait compter sur les pauvres Acadiens que
les Anglais menaçaient de considérer comme des traîtres
>/iri-i62-4M>i
s^ils prenaient les armes contre eux. Il accepta donc la
capitulation que lui offrait Monckton.
Mais il se liâta peut-être trop de rendre son fort. Pour
l'honneur des armes françaises, il aurait dû attendre au
moins que les assiégeants fussent à portée de fusil de son
fort.
Le 8 juillet 1755, le chevalier de Drucour terminait
une lettre au ministre en écrivant: ^^V
'' . . .Je n'ay rien résumé à la louange du Sr Villeray.
J'ai jugé parce que j'ai vu du personnel et parce qu'on
m'en a dit que c'est un bon hoimne qui avait perdu la tête.
Je plains sa famille, il a des garçons qui, m'a-t-on dit,
donnent de l'espérance pour l'avenir, ce qui me détermi-
nerait à vous demander, Monseigneur, une retraite pour
luy telle que vous la jugerez convenable et la nomination
de sa compagnie au Sr de Saint- Aigne. "
M. de Villeray, qui avait eu vent de la lettre du che-
valier de Drucour au ministre, se résolut à se justifier. Le
20 septembre 1755, il lui écrivait de Louisbourg:
" Mon devoir exigeant que je vous rende compte d'un
poste que j 'ai commandé pendant deux ans, partie sous les
ordres de Monsieur de la Martinière et partie sous celles
de Monsieur de Vergor, tous deux capitaines en Canada,
permettez que je m'en acquitte, ce que je vais faire avec
la sincérité dont un honnête homme ne doit jamais se sé-
parer.
" Je suis fâché de joindre à ce détail le malheureux
événement de la prise du dit fort par les Anglais.
" Le fort de Gaspareau n'était autre chose qu'un
espace de vingt-cinq toises sur toute face, entouré de pi-
quets et d'une blagousse (block-house) à chaque coin dont
le peu de solidité n'aurait pas permis d'y établir des bat-
teries, le tout étant plus près de tomber que de pouvoir
être utile.
'* Jugé, Monseigneur, si un tel fort défendu par vingt
hommes seulement n'était pas plus capable de procurer
à son commandant du désagrément que de l'honneur. Ce-
— 163 --
pendant dans cette x^tîrplexité j'eusse tenté une défense
si les lâches Acadiens eussent exécuté mes ordres plutôt
que de servir les Anglais comme ils ont fait dès leur débar-
quement au fort Lawrence.
'' Les dépêches de Monsieur de Vergor vous informent
de' ce qui s'est passé à Beauséjour et moy je n'ay à vous
informer que de ce qui s'est x^assé au Gaspareau et voici
le tout.
•'' ** Les Anglais ayant x)aru dans la Baye française le
2! de juin, Monsieur de Vergor me dépêcha un ordre pour
luy envoyer à Beauséjour tous les habitants de Gaspareau,
de la Baye Verte et autres lieux dépendant de mon com-
mandement. Ce qu'ayant exécuté, je restais avec vingt
soldats. Il ne me survint aucun événement jusqu'à la prise
de Beauséjour que celui de revoir les habitants revenir
chez eux sans vouloir x)lus exécuter les ordres de M. de
Vergor et les miennes. M. de Vergor se rendit le 16 y
ayant été forcé non seulement i^ar les raisons d'un fort
délabré ]>ar la bombe, mais encore par une troisième rébel-
lion des habitants.
" " Le lendemain, 17 du mois, je reçus une ambassade
du commandant anglais qui non seulement demandait que
je lui remis mon fort, mais encore me menaçait de disgrâce
forte si je ne me rendais aux mêmes conditions de M. de
Vergor, ce que vous verrez, Monseigneur, par les termes
de sa lettre ici jointe ainsi que celle de la capitulation.
** Toutefois, les rodomontades n'eussent eu ici aucun
effet, si j'eusse pu ramener les habitants à leur devoir et
les obliger de reconnaître la bonté dont vous les avez acca-
blés. Après une mûre délibération avec deux officiers tant
du dehors que de ma garnison, nous avons cru devoir me^
nager l'intérêt de la France en acceptant une capitulatidii^
qui n'est nullement contre l'honneur et que d'ailleurs je
ne devais pas espérer un miracle de la fortune, n'étant pas
en état de soutenir la première décharge d'artillerie puis-
que je n'étais j^as même à l'abri du fusil.
'* Je vous proteste, Monseigneur, que je serai toujours
sensible à cette disgrâce quoique ce soit le sort de la guerre
... 164 —
et que je sache par expérience que vous distinguez le véri-
table officier " (96).
Mais les explications de M. de Villeray arrivèrent trop
tard en France. Le ministre avait ordonné à M. de Vau-
dreuil, le 20 février 1756, de réunir à Québec un conseil de
guerre afin de décider si la conduite de MM. de Vergor et
de Villeray avait été ce qu'elle devait être en rendant les
forts de Beauséjour et Gaspareau.
Le conseil de guerre se réunit à Québec au mois de
septembre 1757. MM. de Vergor et de Villeray furent
acquittés des accusations portées contre eux.
Dans les Mémoires du sieur de G. sur les affaires du
Canada depuis 1749 jusqu'à 1760, nous trouvons des détails
piquants sur le conseil de guerre qui acquitta MM. de
Vergor et de Villeray.
'' La Cour, dit ce caustique anonyme, n'avait pas été
contente du peu de défense qu'on avait fait au fort de
Beauséjour; les dépenses qu'elle avait faites à son occa-
sion lui avaient fait penser qu'il ne pouvait y avoir que
de la faute du commandant: dès l'année suivante, elle
avait donné ordre à M. de Vaudreuil d'instruire le procès
du S. de Vergor et celui du S. de Villeray, qui commandait
à Gasparaux, parce que dans les comptes qu'on lui rendait,
la moindre enceinte de pieux était un fort ce qu'elle pré-
sumait aussi par les dépenses qu'on y faisait; mais ce
général, gagné par l'intendant, avait évité d'obéir; enfin,
la Cour le lui enjoignit si fortement que cette année il y
fut obligé; il avait envoyé ordre au S. de Villeray, qui
était de la garnison de Louisbourg, de se rendre à Québec ;
ce que cet officier fit. Le 20 septembre 1757, les sieurs de
Vergor et de Villeray reçurent ordre de rester aux arrêts,
chacun dans leur logis; comme tout était concerté avec
l'intendant, le général choisit pour instruire ce procès un
officier affidé et dont les connaissances étaient bornées.
" On commença par M. de Vergor, qu'on interrogea,
mais qui n'ayant pas l'ombre de bon sens, disait souvent
ce qui pouvait lui être contraire; ensuite on admit des
(96) Rapport concernant les Archives Canadiennes pour Vannée 1904, p. 9.
... 165 ~-
témoins; on rejeta ceux qui parlèrent un peu trop juste,
et dans ce grand nombre qu'on ouït, on n'admit que les
réponses de ceux qui furent favorables à cet officier; on
gagna quelques Acadiens et d'autres qui, craignant la
puissance de l'intendant, de qui ils dépendaient, firent des
mémoires, et déposèrent comme on leur prescrivait; en-
suite on en vint jusqu'à donner à Vergor une personne qui
ajustait ses réponses.
" Ensuite on interrogea le S. de Villeray; c'était un
officier d'une très bonne famille et de la valeur duquel on
ne devait point douter, il présenta des mémoires vifs, et
sur sa situation lors du siège de Beauséjour et sur ce que
le S. de Vergor aurait dû faire pour la défense de son
fort; que, pour lui, étant sous ses ordres. . . Ces mémoi-
res qui attaquaient la réputation de Vergor ne furent point
goûtés ; on fit représenter à de Villeray que sa justification
dépendait de celle de l'autre, et qu'on pouvait le chicaner;
il n'avait point de protection; on lui i^résenta im autre
mémoire, en lui disant que c'était celui-là qu'il fallait
communiquer à ses juges ; il fut obligé d'obéir et de regar-
der comme une grâce ce qu'il devait avoir de droit.
*' Enfin, le conseil de guerre s'assembla au château
à Québec : il était composé de MM. de Vaudreuil et Bigot,
présidents; M. de Trivier, commandant du bataillon de
la Reine; de Montreuil, faisant fonction de major-général
des troupes de terre ; de M. le chevalier de Longueil, lieu-
tenant de Roi, commandant de la place; de Noyelle, major
des Trois-Rivières ; d'Aiguebelle, St-Vineul (97) et Du-
mas, capitaines.
'* Ces officiers furent renvoyés absous; le premier
rejeta le peu de défense qu'il fit sur ce que les Acadiens
ne le secondèrent pas et firent une espèce de rébellion: il
y avait bien des choses à lui objecter entre autres qu'il
n'en avait fait aucun usage, et, par conséquent, il devait
ignorer ce qu'ils auraient fait^ et que, puisqu'ils ne lui
servaient de rien, il ne devait pas les conserver, et rejeter
sur ce qu'ils voulaient sortir la reddition de son fort.
(97) Plutôt Saint-Vincent.
... 166 ---
" Au fond, on pouvait appeler ce siège le siège de ve-
lours ; on dormait tranquillement la nuit ; les ennemis ne
veillaient pas même le matin ; ils tiraient quelques bombes,
une petite prévenait toujours la grosse et on aurait dit
que M. Monckton badinait ; on ne tira ])as un seul coup de
canon, et, de notre part, sans M. Jacau Fiedmont, on aurait
tout réservé la poudre pour l'ennemi ainsi que les vivres,
qu'on économisait plus qu'on avait fait avant le siège, ce
qui fit dire à quelques-uns qu'il fallait que Vergor les eut
vendus à l'ennemi: le commandant resta toujours très
tranquille dans S(m fort. On ne faisait aucune sortie, on
ne faisait ])as même coucher des détachements en dehors
des pallissades, en un mot, jamais place ne fut si mal dé-
fendue; il en emporta beaucoup d'argent; ses domesti-
ques même s'enrichirent du pillage. Comme à son retour
à Québec, chacun le blâmait, il vantait la défense qu'il
avait faite, au x>rix du S. de Villeray qu'il dépeignait
comme un homme sans coeur et qui s'était rendu à la pre-
mière sommation; cet officier apprit à son arrivée ces
discours injurieux; il composa un mémoire de tout ce qui
s'était passé à Beauséjour, de la qualité de ce fort, de ce
qu'il était capable et enfin un parallèle avec le fort de
Gasparaux dont il fait ainsi la description:
" Le fort de Gasparaux n'est proprement qu'un en-
trepôt destiné à recevoir les effets qui arrivent par la baie
Verte, et les faire transporter à Beauséjour, dont il est
éloigné de cinq lieues et demie; il est situé sur la baie
Verte et au bord d'un petit ruisseau nommé Gasparaux,
nom d'un jDoisson qu'on y prend qui ressemble assez au
hareng; il est de pieux debout, fort mauvais, flanqué de
quatre blagouses (block houses) de bois moitié pourri,
sans glacis ni fossé, éloigné de quatre toises seulement
d'un grand bois, et des deux côtés enfermé par de grosses
souches et des f redoches, qui pouvaient aisément favoriser
l'approche de l'ennemi; il avait seulement vingt hommes
de garnison pour défendre vingt-cinq toises de terrain par
chaque face. ' '
" Il finit par dire qu'on ne peut pas présumer que
— 167 —
dans sa situation il eût pu espérer une capitulation plus
lionorable que celle de Beauséjour, et qu'il est surpris de
la conduite du S. de Vergor à son égard, d'autant plus que
si, avec vingt hommes et dans un mauvais réduit, il eut
prescrit des conditions à l'ennemi, il en aurait tiré une
gloire dont le S. de Vergor serait la victime, et ajoute, en
parlant de Beauséjour, ''la peur fit plus d'ouvrage que
la bombe ; et ne fit place qu 'à la discorde et à la confusion ;
quel moyen que dans ce chaos on se souvint de moi, en
m 'envoyant du secours, et qu'on me mit dans le cas de faire
décider si, faute de bravoure, j'ai rendu le fort".
"M. l'intendant, qui était parvenu à son but, se char-
gea de faire passer en France ce procès, avec les sentences,
et les lettres que M. de Vaudreuil écrivit à la Cour en con-
séquence " (98).
Le gouverneur de Vaudreuil, après l'acquittement de
M. de Villeray par le conseil de guerre, lui donna ordre
d'aller prendre le commandement de sa compagnie à l'île
Royale.
M. de Villeray arriva juste à temps pour prendre part
à la défense de Louisbourg. On connaît le sort de cette
malheureuse ville. En 1758, M. de Drucour était obligé de
capituler après un défense héroïque et im siège qui avait
duré plusieurs semaines.
La capitulation portait que tous les officiers seraient
transportés en Angleterre sur des vaisseaux anglais. M.
de Villeray fut donc conduit en Angleterre d'où il passa
en France. Sa femme et ses enfants l'y rejoignirent peu
après.
M. de Villeray décéda à Rochefort le 30 novembre
1760. Le roi venait justement de lui accorder la croix de
Saint-Louis que lui avaient mérité ses longues années de
bons et loyaux services.
Il avait éx)Ousé, à Montréal, le 16 août 1735, Marie-
Joseph Pepin-Laforce, fille de Pierre Pepin-Laforce,
(98) On conserve aux Archives Judiciaires de Québec une partie du dossier
du procès de MM. Vergor et de Villeray. Elle a été publiée dang le Rapport
sur les Archives du Canada pour 1906.
— 168 —
garde-magasin du roi à Niagara, et de Miehelle Leber.
La mort de son mari plongea madame Roiier de Vil-
leray dans la misère. Eloignée de ses parents qui avaient
de la fortune, elle dût avoir recours à la cliarité publique
pour faire subsister ses enfants.
Dans une liste officielle de 1763 relative aux veuves
d^officiers qui résidaient à Eochefort, nous lisons:
'' Mme de Villeray, veuve d'un capitaine, sans res-
sources, 47 ans, dettes 400 livres, a été secourue des chari-
tés publiques qu'on lui a retranchées." nicvov
Elle décéda en France.
Du mariage de Benjamin Rouer de Villeray et de
Marie- Joseph Pepin-Laforce étaient nés:
I
HECTOR-HYACINTHE ROUER DE VILLERAY
Né à Montréal le 3 octobre 1738.
Décédé au même endroit le 31 janvier 1739.
II
' RENE-BENJAMIN ROUER DE VILLERAY
Né à Montréal le 4 mai 1740.
Le continuateur de la lignée.
III
MARIE-JOSEPH- AMABLE ROUER DE VILLERAY
; ' Née à Montréal le 20 octobre 1744.
Elle vivait encore en 1763 et résidait avec sa mère à
Rochefort.
IV
MARGUERITE ROUER DE VILLERAY
Née à Montréal le 23 décembre 1745.
Décédée au même endroit le 5 avril 1748.
V
ANTOINE ROUER DE VILLERAY
Né à Montréal le 7 décembre 1749.
Décédé au même endroit le 9 janvier 1750.
• — 169 —
VI
. . .ROUER DE VILLERAY
Né au fort Gaspareau en 1753.
i)éc6dé en bas âge.
VII
CHEVALIER ROUER DE VILLERAY
Né au fort Gaspareau en 1754.
Décédé en bas âge.
VIII
LOUIS ROUER DE VILLERAY
Né à Louisbourg le 25 octobre 1756.
Décédé avant 1763.
IX
JOSETTE ROUER DE VILLERAY
Née en France, probablement à Rochefort, en 1760.
Elle vivait encore en 1763 et était à Rochefort avec sa
mère.
1ère génération : Louis Rouer de Villeray.
2ème génération : Augustin Rouer de la Cardonnière
!.n
et de Villeray.
3ème génération: Benjamin Rouer de Villeray.
4ème génération: René-Benjamin Rouer de Villeray.
RENE-BENJAMIN ROUER DE VILLERAY
Né à Montréal le 4 mai 1740.
Il commença à servir à l'île Royale, en qualité de
cadet gentilhomme, le 1er septembre 1750.
Il fut nommé enseigne en second le 1er avril 1754.
En 1755, lors de l'attaque des forts de Beauséjour et
Gaspareau par le colonel Monckton, il servait à Gaspareau
sous les ordres de son père.
Dans la liste des officiers des troupes de l'île Royale
du 1er octobre 1757, on trouve un enseigne en second du
nom de Villeray. C'est René-Benjamin Rouer de Ville-
ray.
... 170— •
En 1763, René-Benjamin Rouer de Villeray était à
Rochefort avec le grade d'enseigne en pied. Dans une
note officielle on le dit âgé de 25 ans. IL en avait 23. Ses
appointements étaient de 40 livres par mois. Ses dettes
se montaient à 200 livres. La note ajoute: "On le dit
bon sujet. Il a madame sa mère qui a été secourue pen-
dant un temps des charités publiques qu'on lui a retran-
chées par la suite."
Le 1er mai 1764, M. Rouer de Villeray était nommé
aide-major dans les troupes nationales de Cayenne. Un
mal de poitrine le força de revenir presque aussitôt en
France.
Le 9 septembre 1766, il était reçu dans les gardes du
corps du roi, compagnie de Villeray.
Décoré de la croix de Saint-Louis le 1er octobre 1776,
il fut, deux ans plus tard, fait brigadier, puis, le 13 mars
1785, promu maréchal des logis.
Le 1er avril 1788, il passait major de cavalerie et, le
6 avril 1789, devenait lieutenant-colonel.
** Là devait s'arrêter sa carrière, nous dit M. Margry,
car la royauté tombait et il ne voulait servir qu'elle. Il
fut un de ceux qui tentèrent en conséquence de la soutenir.
Mais si sa foi dans ses principes demeura stérile comme
celle de tant d'autres, si elle ajouta même aux malheurs
des temps, elle contribua aussi à l'honorer par l'exemple
d'une fidélité noble. M. de Villeray se rendit au château
dans les deux journées du 24 et du 28 février 1791."
M. Rouer de Villeray émigra en septembre 1791 et fit
à son corps la campagne de 1792, après laquelle il se retira
aux Etats-Unis, sur les bords de l'Hudson.
En 1800, M. Rouer de Villeray retourna en France
et y obtint sa pension de retraite. Il vécut alors loin des
affaires.
Au retour des Bourbons en France, M. Rouer de Vil-
leray reprit le service. Le 1er juin 1714, il se réunissait
à son corps. Mais l'âge, qui l'empêchait presque de mon-
ter à cheval, le força de prendre sa retraite au bout de
... 171 —
quinze jours. Louis XVIII lui accorda sa retraite comme
colonel de cavalerie.
Lors des événements de mars 1815, M. Rouer de Vil-
leray, qui avait plus de coeur que de force, offrit de nou-
veau ses services à son roi.
M. Rouer de Villerav décéda moins d'un an plus tard,
le 12 février 1816.
Il avait épousé Marie- Joseph d'Agobert. Nous
n'avons pas de renseignements sur la famille de cette noble
femme. Elle signait "marquise de Villeray". Il est pos-
sible que Louis XVIII, sur les dernières années de son
règne, pour récompenser M. Rouer de Villeray de sa fidé-
lité et de ses services, l'ait créé marquis. Une chose est
certaine, c'est que madame de Villeraj n'aurait pas pris
le titre de marquise si elle n'avait pas eu le droit de le
porter.
La marquise de Villeray était une femme émineni-
ment distinguée. En 1793, pendant l'exil de son mari aux
Etats-Unis, elle avait été deux fois amenée devant des
tribunaux révolutionnaires, au Havre et à Rouen. Chaque
fois elle avait forcé la bienveillance en même temps que
l'estime de ses juges par ses réponses et les témoignages
de sa conduite. A la même époque, elle eut à surmonter
d'autres difficultés d'un caractère peut-être plus doulou-
reux. Son père et sa «nère, dans la crainte de la voir
perdre ses biens et peut-être la vie, employèrent tous les
moyens qu'ils purent trouver, jusqu'à la priver de ses
revenus, pour l'obliger à divorcer. Cette bonne chrétienne
refusa avec la plus grande énergie de se prêter à ce moyen
que sa religion réprouvait.
Née en France et n'ayant jamais vécu au Canada, la
marquise de Villeray s'intéressa toujours à notre pays.
Elle était en correspondance avec plusieurs parents cana-
diens de son mari (99). Les rares Canadiens qui passaient
(99) M. Montarville Boucher de la Bruère a publié ses lettres à son pa-
rent, l'honorable de Salaberry, père du héros de Châteauguay, dans le Bulletin
des Recherches Historiques, vol. XXI, p. 3 et seq.
... 172 -
alors en France reçurent l'hospitalité la plus cordiale et
la plus franche de la marquise de Villeray.
C'est elle qui, en avril 1820, lors du voyage de Mgr
Plessis en France, lui ménagea une entrevue avec Louis
XVIII. Mgr Plessis raconte ainsi cette entrevue dans
son Journal d\in voyage en Europe:
" Par le moyen de M. l'éveque de Chartres, premier
aumônier de Monsieur et du comte de Bouille, l'un de ses
aides de camp, l'éveque de Québec s'était procuré l'avan-
tage d'être introduit à ce prince estimable, considéré
comme l'ancre de miséricorde de la famille Bourbon et
de la religion catholique en France. Il désirait aussi être
présenté à Madame la duchesse d'Angoulême, pour hono-
rer en elle le seulmais estimable rejeton de l'infortuné
Louis XVI. Le vicomte de Montmorency, premier gen-
tilhomme de cette princesse, lui avait promis de lui rendre
ce service, mais le négligea, peut-être parce qu'il croyait
que le séjour du i:)rélat à Paris devait se i^rolonger encore
de quelques semaines. Quant à voir le roi, il n'y songeait
nullement, lorsqu'il api)rit que madame la marquise de
Villerai avait négocié cette entrevue avec M. le duc de
la Chastre, premier gentilhomme de Sa Majesté. La
chose était si avancée, lorsqu'il le sut, qu'il n'était pas
honnêtement possible de reculer. Il fut réglé que ce serait
le dimanche, 30 avril, entre le déjeuner du roi et sa messe,
que la présentation serait faite, c 'est-à-dire à onze heures.
L'éveque s'y rendit ponctuellement. Introduit par un
suisse dans ce que l'on appelle la salle du trône, il y fit
antichambre jusqu'à ce qu'un des officiers du roi vint lui
dire que Sa Majesté était prête à le recevoir. C'était une
audience privée. Le roi lui parla avec bonté, lui fit des
questions sur l'état de la religion en Canada, se recom-
manda à ses prières, et le chargea de dire à ses diocésains
que leur ancien père ne les avait pas oubliés, mais qu'il
fallait respecter les traités. Sa Majesté, indisposée d'un
Teste de goutte, était assise dans un fauteuil, et devait
assister à la messe dans ses appartements où l'on préparait
un autel à cet effet, lorsque l'éveque sortit d'avec elle,
^.^-
... 178 —
satisfait de l'accueil obligeant qu'il en avait reçu " (100).
Du mariage de René-Benjamin Rouer de Villeray et
de Marie- Joseph d'Agobert étaient nés deux enfants:
I
' RENE-JACQUES-LOUIS-MARIE ROUER DE
VILLERAY
Né à Paris le 5 octobre 1782.
Il entra dans la cai'rière de la marine où plusieurs de
ses parents s'étaient distingués, mais qu'aucun de son nom,
du moins en France, n'avait encore suivie.
Le jeune Rouer de Villeray fut embarqué pour la
première fois comme aspirant de deuxième classe, l'an
VIIL
Il prit d'abord part aux campagnes de la Méditerra-
née et de Saint-Domingue sous l'amiral Gantlieaume, à
la campagne de la Martinique, au combat du Finistère, où
il commandait i^ar suite de la maladie d'un ofticier.
En l'an II, étant embarqué sur la frégate la Cornélie
à Alexandrie, il accompagna au Caire, en qualité d'inter-
prète d'anglais, le colonel Sébastiani, envo3^é extraordi-
naire des consuls. Il fut envoyé par lui, dans une
circonstance périlleuse, avec des dépêches pour la frégate
et il mérita les éloges du futur maréchal.
En l'an XIII, enseigne provisoire, il était à Trafalgar
sur le vaisseau V Indomptable, capitaine Hubert. Le
navire, dans cette fameuse affaire où il avait perdu beau-
coup de monde et éprouvé des avaries considérables, fut
jeté à la côte entre le port Sainte-Marie et Rota. Pendant
la nuit du 25 au 26 octobre 1805, il lit naufrage. Mille
hommes et tous les officiers au nombre de douze périrent.
M. Rouer de Villeray seul fut sauvé. Le consul général
de France en Andalousie écrivait à cette occasion: M.
de Villeray a seul échappé à cet affreux naufrage; aussi
commença-t-il, malgré ses souffrances personnelles, à faire
emporter les moins blessés des deux cent quarante hom-
(100) Mgr Henri Têtu, Journal d'un voyage en Europe par Mgr Joseph-
Octave Plessis, p. 416.
... 174 -. . •
mes, tant marins. que soldats, jetés comme lui à la côte et
provenant d'abord de l'équipage de V Indomptable, puis
d 'une partie de celui du Bucentaure, qui réunis formaient
un total de douze cents hommes. M. Rouer de Villeray,
s 'oubliant lui-même pour soigner ses compagnons d'irt
fortune, a prouvé en cette circonstance combien il sait
allier les devoirs de l'humanité à la fermeté d'un officier."
Cet éloge était d'autant plus mérité que M. Rouer de
Villeray n'avait alors que vingt-trois ans.
Embarqué sur le Héros comme enseigne, puis sur
V Argonauto-V emudor , capitaines Begon et Billiet, du 1er
août 1806 au 14 juin 1808, il se trouva devant Cadix, au
combat et au bombardement dans les journées des 9 et 10
juin. M. Billiet, dans son rapport, parle avec avantage
de sa belle conduite en cette occasion.
Quatre jours après cette affaire, M. de Villeray était
fait prisonnier de guerre et transféré de Cadix aux îles
Baléares. Il se trouvait à Palma le 22 mars 1810, lors du
massacre des prisonniers par la populace. Le gouverne-
ment réussit à sauver une partie de ces malheureux en les
jetant sur l'île de Cabrera. M. de Villeray, sur la recom-
mandation d'un seigneur espagnol, resta prisonnier sur
les bâtiments de guerre anglais jusqu'au 13 avril 1811,
époque à laquelle, par ordre de l'amiral sir Charles Cotton,
il fut débarqué à Campo en Calabre. Une fois en liberté,
il voulut regagner aux dépens des ennemis le temps qu'ils
lui avaient fait perdre. Embarqué sur la Ville de May en-
ce, en qualité de lieutenant de vaisseau et sous-adjudant
de la flottille, du 27 août 1811 au 23 mars 1812, il se signala
dans trois affaires devant Boulogne.
La décoration de la Légion d'honneur fut alors de-
mandée pour lui par le contre-amiral Baste, qui avait eu
l'occasion de l'apprécier. Les connaissances que M. Rouer
der Villeray avait déployées dans les différentes missions
qui lui avaient été confiées, la bravoure et le sang-froid
montrés par lui dans les journées des 3, 20 et 21 septembre
3811 engagèrent même le contre-amiral Baste de se l'atta-
cher comme aide-de-camp, et celui-ci le suivit à la grande
... 175 —
armée, dans la fatale cam23agne de 1812, du 24 mars de
cette année au 8 mars de la suivante. Il fut chargé en
chef dans cette campagne des transports par eau à Koe-
nigsberg, Tilsitt, Wehluh et Kowno, et reçut des témoi-
gnages flatteurs de la satisfaction d'officiers de distinction
sous lesquels il servit. La croix fut demandée deux fois
encore pour lui, mais c'était pendant la malheureuse re-
traite et l'empereur Napoléon n'avait pas le temps de
s'occuper de ceux qui se sacrifiaient pour lui. A son retour
en France, il prit juste le repos nécessaire pour se remettre
de ses fatigues. Le 19 mai 1813, il s'embarquait sur le
Duguesclin, qui faisait partie de l'escadre du comte Mis-
siessy. Le 19 novembre 1813, il était détaché avec 187
hommes pour commander l'artillerie à Gorcum. Le 20
février 1814, il fut fait prisonnier par les Prussiens et ne
rentra en France qu'au mois de juin suivant.
A la Restauration, M. de Villeray continua à servir.
Il se battait plutôt pour le pays que pour le régime qui le
gouvernait. Le 18 août 1819, il recevait enfin la croix de
la Légion d'honneur qu'il méritait depuis longtemps.
Dans le même été de 1814^ M. de Villeray partait sur
la frégate îa Duchesse d'Angoulême, qu'il commanda du
5 septembre 1814 au 19 septembre 1815, sous le comte de
Villemague. C'est lui qui eut la mission de confiance de
conduire sur son vaisseau l'ambassadeur de France au
Brésil. Ce voyage lui valut le grade de capitaine de fré-
gate.
Enfin, le 1er mars 1817, M. de Villeray obtenait le
brick V Ecureuil, avec une importante mission au Sénégal.
Ce que c'est que nos souhaits, remarque M. Margry. Il
aspirait à commander pour se signaler et le premier com-
mandement qu'il obtint le mena à la mort. Rouer de Vil-
leray, regardé par ses camarades et de ses chefs comme
un des officiers propres à honorer un jour la marine,
mourut des fièvres dans ce voyage, trois semaines après
son arrivée au Sénégal.
M. Rouer de Villeray ne s'était pas marié. Avec lui
— 176-
disparut en France le dernier représentant mâle de cette
famille distinguée (101).
II
MARIE-JACQUELINE-JOSEPHINE ROUER DE
VILLERAY
Née à Paris en 1784.
Elle fut clianoinesse honoraire . du chapitre royal de
Sainte- Anne. 'ii.^'
Comme sa mère, elle s'intéressa toujours à è'ès' parents
éloignés du Canada et entretint avec eux un commerce
très suivie de lettres qui ne se discontinua qu'avec sa mort.
p.-e. R.
(101) Nous avons emprunté tous nos renseignements sur René-Benjamin
Rouer de Villeray et son fils, Jacques-Louis-Marie Rouer de Villeray, à l'étude
de M. Pierre Margny, Les J'ourr de Villeray.
MARIAGES, EN 1667, D'OFFICIERS DU REGIMENT
DE CARIGNAN
Talon mandait au ministre, le 27 octobre 16G7, qu'il y avait deux capitaines du
régiment de Carignan, mariés dans le pays, et un lieutenant, avec la fille du
goûveneur de Trois-Rivières ; qu'un autre lieutenant et quatre enseignes se
préparaient aussi à. contracter mariage. '
M. Chapais interprêtant cette lettre de Talon nomme les deux capitaines et
dit que c'étaient Antoine Pécaudy, sieur de Contrecoeur qui avait épousé Barbe
îJenis, le 17 septembre 1667, et Pierre de St-Ours, marié à Marie Mullois.
Le contrat de mariage de ce dernier couple a été rédigé par le notaire La
Rue, le 8 janvier 1G68. Suivant la coutume, leur union a dû être célébrée peu de
jours après. Pensait-il bien à Pierre de St-Ours, monsieur l'intendant en tra-
çant sa lettre à Colbert ? ne serait-ce pas à Sidrac Dugué de Boisbriant, marié
à Marie Moyen, le 7 novembre 1667, et dont les accordailles, assurément, de-
vaient être connues le 27 octobre, plutôt qu'à M. de St-Ours dont le mariage
n'était peut-être ]ias encore arrêté à ce moment lil, pas même ébauclxé ?
REGIS ROT
LA FRANCE ET LES CANADIENS-FRANÇAIS EN 1837
M. I^éveillaud, dans son Histoire du Canada, p. 354, prétend que la France
s'intéressa à l'insurrection de 1837 ; que M. de Pontoy, ambassadeur de France
aux Etats-Unis, et M. de Soligny, attaché d'ambas.sade, vinrent au Canada pour
se renseigner sur les causes du soulèvement, ses chances de succès, et que ces,
messieurs assistèrent même à une assemblée politique qui eut lieu à Laprairie,
le IF septembre 1837.
Qu'y a-t-il de vrai dans cette assertion et que résulte-t-il de la vérité des
représentants de la France ?
JU. 'JDV CABRETTE
— 177 —
LEBLANC DE MARCONNAY
M. Benjamin Suite, dans le Bulletin de 1912, p. 353, nous a parlé du
sieur Hyacinthe Leblanc de Marconnay, journaliste français qui vécut en
Canada entre 1834 et 1845.
Notre doyen, au cours de ses notes, émet l'assertion que cet écrivain
devait être protestant et patriote et il invite les chercheurs à fournir des
notes qui le feront connaître davantage.
Nous en avons recueilli quelques-unes qui n'aideront pas à la béati-
fication du sieur de Marconnay, car elles tendent à prouver qu'il fut un
bureaucrate doublé d'un franc-maçon, au moins durant une période de sa
vie.
* * *
D'abord, les opinions politiques.
Durant son passage à la Minerve, le sieur Leblanc a pu servir la cause
de Papineau, mais ensuite?... Il ne faut pas compulser longtemps le
Populaire, fondé par Léon Gosselin et rédigé par Leblanc de Marconnay,
pour apercevoir que ni l'un ni l'autre ne frayaient avec les Patriotes.
Au mois de septembre 1837, mécontents de l'attitude de cette petite feuille,
les Fils de la liberté vont manifester devant le bureau du journal, rue
Saint-Nicolas Tolentin (aujourd'hui. Saint- Timothée) et ne se retirent
qu'après avoir brisé l'enseigne du Populaire (1).
Leblanc de Marconnay, par ailleurs, ne ménage par les épithètes
malsonnantes quand il lui faut écrire sur "l'infernale association" qui est
sa bête noire. Il fait mieux : il ridiculise les Canadiennes qui, à l'instar
des Canadiens patriotes, ont décidé de se vêtir en tissus de fabrication
domestique.
Ce manque * d'égard fut vivement ressenti par Louis-Hyppolyte
LaFontaine dont] la femme portait un costume en petite étoffe du pays.
Ayant rencontré,! au palais de justice, l'avocat Gosselin, propriétaire du
journal, le futur fliomiae d'Etat l'apostropha et des taloches suivirent la
prise de bec. Voit-on ill grave et sage LaFontaine administrant des coups
de poings ? Mei|tion, ^ la scène se trouve dans le Populaire du 10 no-
vembre 1837. . , ..
■ ■ * •X' *
Passons à un autre fait. On sait que, pendant son séjour en France,
(1) Jje Populaire, 11 septembre 1837.
— 178 —
Louis-Joseph Papineau publia une Histoire de l'insurrection du Canada
et que parut ensuite, à Montréal, une Réfutation de l'écrit de M. Papineau
signée par M. Sabrevois de Bleury. Or, le consciencieux Philéas Gagnon,
qui ne lançait rien à la légère, note dans son Essai de bibliographie, vol.
I, No 3957, que cette "réponse violente" était en réalité de la plume du
sieur de Marconnay.
Dira-t-on encore qu'il fut patriote et papineautiste ?
* * *
Abordons le second point, celui de l'accointance de M. de Marconnay
avec la franc-maçonnerie.
11 n'y a qu'à ouvrir l'ouvrage de J.-H. Graham : Outlines of the
History of Freemasonry in the Province of Québec, p. 182 et 183, pour y
trouver le passage qui lève tout doute :
" The foUowing remarkable correspondence and action took place
during this year (1851), between La loge clémente Amitié, of Paris,
France, and Albion Lodge, No 17, E. R. Québec. The translation as
made at the time is given.
"Union beneficence, Lodge of Clément Friendship,
Orient of Paris.
Feb. 31, 1851.
" The Respected Albion Lodge, No 17,
Québec.
"Worshipful Master and Brethren:
" You hâve one of the most ancien Temples of Freemasonry, since
its érection dates from 1721; and it is the admiration which we feel for
its constant labors that induces us to solicit and alliance with you, such
as we hâve already with a great number of British Lodges abroad, and
particularly with the Provincial Grand Lodgfe of Nova Seotia.
" The Clément Friendship Lodge desires to restore to masonry its
essential character of cosmopolitanism, because it believes that masons
enjoy the benefits of family while travelling in a ïoreign land.
" We hope, therefore, that you will accède totour ^ishes, and hence
forth our Craft as their children may be proud of sùch an Union.
" To prove to you our sympathies, we are ready to grant the title of
Honorary Members in our Lodge to your respectful W : Master and to
— 179 —
your W : Secretary.
" Brother Leblanc de Marconnay, our Secretary General, who ad-
dresses this letter, bas long resided in your country, and bas bad tbe
bappiness to assist in the duties of some of tbe Montréal Lodges, wbere
hé was editor of the Minerve, the Populaire and the Ami du Peuple, and
it will be bis duty to keep up the bonds of friendsbip. You may write
to him in English.
" This letter will be delivered to you by M. Auguste Winnick, who
travels for Brother Bouffard, a member of our Lodge and a much esteemed
merchant.
"In tlie bo]>e of receiving an early and favorable answer, we beg
of you to accept our sincère wishes for your prosperity.
" By order of the Lodge,
" LEBLANC DE MARCONNAY,
" Secrétaire général.
" Mons. Leblanc de Marconnay
Homme de Lettres
29, rue Chariot, à Paris."
Enfin, peut-on invoquer que le manque de ressources a pu forcer le
sieur Leblanc à courtiser des causes qu'il n'aimait pas? Cela n'est guère
possible. Son état de fortune semblait florissant, puisque le 30 novembre
1839 il achetait de Marguerite Roy, veuve du notaire Jean-Marie Cadieu,
une créance de "1400 livres courantes". Il paya cette jolie somme au
moyen de traites sur Paris "qui furent dûment acquittées" (1).
"Quatorze cents livres courantes", c'est sept mille dollars, et sept
mille dollars en 1839 valaient vingt mille dollars de 1920. Un journaliste
qui peut faire de semblables transactions est capable de choisir ses opi-
nions.
E.-Z. MASSICOTTE
(1) Voir les actes du 30 décembre 1839 et du 19 novembre 1840, étude
du notaire Guillaume Cauchy, archives de Montréal.
t^lrffe
— ISO-
LES TRIBUNAUX DE POLICE DE
MONTREAL
De 1648 à 1663, ce fut Paul de Cliomede, sieur de Maisonneuvii,
fondateur et gouverneur de Montréal, qui rendit la justice, haute, moyenne
et basse. , .
L'année 1663 modifia cet état de choses. L« Conseil Souverain, qui
venait d'être créé, résolut d'établir en notre ville une sénéchaussée royale.
En ce faisant, le Conseil oùtr'epassait ses pouvoirs et les Seigneurs de
l'île décndèrent, avec raison, de combattre cet empiétement.
Néanmoins, M. de Maisonneuve abandonna le tribunal seigneurial
à Charles d'Ailleboust, et presqu'aussitôt, il tenta une innovation hardie,
restée unique dans nos annales, si je ne m'a1)use. En effet, au mois de
mars 1664, notre gouverneur imagine d'instaurer un tribunal de police
dont les juges auraient eu à peu près les attributions des juges de paix
d'aujourd'hui. Mais ce qui surjirendra davantage, c'est que ces juges,
au nombre de cinq, furent élus par les habitants de l'île de Montréal.
Le protfès-verbal de cette élection extraordinaire est conservé dans les
archives du Palais de justice de Montréal.
Quels étaient ces prédécesseurs de nos magistrats? Sûrement leurs
noms méritent d'être connus et les voici :
Jacques Le Moyne, ancêtre des Le Moyne de Martigny et frère de
Charles Le Moyne de Longueuil;
' ' Gabriel Sel, sieur du Clos, ancêtre dès familles Decelles; ; •
Jacques Picot dit Labrie; '«
Jean Leduc et Louis Prud'homme dont les descendants sont lègi©n.
Ces cinq "personnes notables, dit le document, auront le pourplr de
juger et de régler toutes matières concernant la police nécessaire? |iour
le bien de cette habitation". » 'H
Est-il besoin d'ajouter que les administrateurs de la Nouvelle-P||nce,
se conformant aux désirs des gouvernants de l'ancienne France, n'apurou-
vaient pas ces manifestations de la volonté populaire et que les fon^|ion-
uaires élus par les habitants, syndics, échevins ou juges, ne purent ti^ver
grâce devant les autorités civiles. ' M
Le temps du suffrage souverain n'était pas encore venu et lés fonc-
tionnaires de 1664 n'ont pas dû fonctionner ! ;. li
* * * '
— 181 —
Cent ans plus tard, exactement, sous le régime anglais, surgissent
les juges de paix. Puis, avec l'accroissement de la population et la néces-
sité d'un tribunal correctionnel permanent, ces justiciers, choisis parmi
les citoyens de toute profession et de toute classe, cèdent le pas presque
partout aux magistrats choisi parmi les membres du barreau.
En France, les juges de paix ne datent que de 1790, mais en Angle-
terre, leur institution remonte, pour le moins, au 15e siècle, et c'est d'une
ancienne loi passée sous Henri V, qui régna de 1413 à 1422, que nous
vient l'expression "Sessions de la paix".
Cette loi décrétait que des "sessions trimestrielles de la paix" seraient
tenues dans la semaine qui suit chaque fête: de saint Michel (29 sep-
tembre), de l'Epiphanie (6 janvier), de Pâques (mobile) et de la trans-
lation de saint Thomas de Cantorbéry (7 juillet).
En dehors de ces dates, les sessions étaient spéciales ou générales.
* * *
Si l'on s'en rapporte aux archives fédérales du Canada, les premières
commissions de juge de paix, pour le district de Montréal, furent émises
le 12 décembre 1764, et elles ne désignaient que les sieurs John Grant
et Samuel Mather, mais d'autres commissions doivent être perdues, car
le 27 décembre 1764, une première session trimeJ^trielle de la paix eut
lieu à Montréal et six juges étaient présents !
Ensuite, quelque fait se produisit, puisque le 11 janvier 1765 le
gouverneur Murray nomme 27 juges de paix pour notre district, et ceux
que nous avons mentionnés plus haut se trouvent inclus. Cette dernière
pièce, qui prend la forme d'un édit royal, est copiée au début de notre plus
ancien registre des sessions.
Nommons les privilégiés que cet édit favorise :
Hector-Théophile Cramahé, John Collins, Jean Dumas Saint-Martin,
Thomas Dunn, John Fraser, Hugh Finlay, James Goldfrap, Conrad
Gugy, John Grant, Samuel Gridley, Samuel Holland, Moses Hazen, T.-A.
Irving, John Jordan, Francis Noble Knife, Thomas Lambe, John Li-
vingstou, Samuel Mather, ^rancis Mackay, Samuel Mackay, Louis Metral,
François Mounier, Wafter Murray, Adam Mabane, Benjamin Price, John
Rowe, Thomas Walker.
Aucun Canadien-français ne figure dans cette fournée. Les seuls
individus parlant notre langue désignés par l'autorité pour rendre la
justice étaient les sieurs Cramahé, Dumas, Gugy, Métrai et Mounier;
tous étaient protestants suisses ou français.
— 182 —
De ceux-ci, Dumas Saint-Martin fut le seul, à Montréal, qui prêta
les serments d'office, d'allégeance et de test. C'est ce dernier serment,
on le sait, qui avait empêché Murray d'appeler des Canadiens catholiques
au tribunal et qui l'avait obligé de choisir ses juges dans une population
protestante fort restreinte et qu~'il ne prisait pas beaucoup, si l'on s'en
rapporte à ses mémoires.
A partir de 1769, un autre huguenot siège au tribunal: c'est le fa-
meux Pierre du Calvet. L'année suivante (1770) John Martheille entend
quelques procès, mais on ne sait rien sur sa nationalité.
Il faut attendre 1779 et la réorganisation du tribunal de Montréal
pour voir monter les nôtres sur le banc. Alors, vu que le serment du test
avait été aboli, on compta plusieurs Canadiens français, notamment:
Hertel de Rouville, Joseph de Longueuil, Neveu-Sevestre, Pierre Mézière,
Pierre Fortier, Pierre Guy, Saint-Georges Dupré et Jacques Le Moyne.
Sur la période qui s'étend ensuite jusqu'à la rébellion de 1837-88
les renseignements sont plutôt vagues. Cependant, il est connu que
Thomas McCord, Jean-Marie Mondelet, Samuel Gale et David Ross
prirent le titre de magistrats de police ou agirent comme tels.
Entre 1838 et 1866, d'après F. J. Audet, des Archives fédérales, notre
district eut les magistrats suivants :
Gugy, Bartholomew-C.-A., 22 novembre, 1838.
Coleman, Thomas, 2 janvier, 1839.
Kinnear, David, 31 janvier, 1839.
Buxton, Judge Samuel, 15 avril, 1839.
Eainsford, Thomas, 22 avril, 1839.
Bowen, Edward-Henry (Montréal et Trois-Rivières), 14 mai 1839.
McCord, William-King, 18 mai 1839.
Coffin, William-Foster, 26 juin, 1839.
Wetherall, Charles, 22 juillet, 1839. "
Duchesnay, Elzéar-J., 22 juillet, 1839.
Leclerc, Pierre-Edouard, 1 juillet, 1840.
Clarke, Edwards- Adams (Montréal et Trois-Rivières), 19 décembre
1840.
Driscoll, Henry, 21 avril 1841.
Coffin, Augustus, 17 août, 1842.
Clark, Eleazar, 28 mars, 1865.
Ermatinger, William, 28 mars 1865.
— 183
Bréhaut, William-Henry (Montréal et Trois-Eivières), 13 janvier
1866.
Depuis la Confédération, les magistrats de police et les juges des
sessions ont été, d'après les archives de Montréal:
William-Henri Bréhaut, 1866.
M. J.-C. Coursol, 1869.
M.-C. Desnoyers, 1876.
C.-A. Dugas, 1878.
L.-W. Sicotte, 1892.
E.-U..Lafontaine, 1895.
F.-X. Choquet, 1898.
; Husmer Lanctôt, 1901.
Camille Piché, 1906.
Adolphe Bazin, 1908.
J.-F. Saint-Cyr, 1909.
S.-P. Leet, 1915.
Victor Cusson, 1917.
J.-L. bécarie, 1919.
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTIONS
Dans un procès qui se déroulait à la Prévôté de Québec en 1730, je vois que
le nommé Arnoul Balthazar Pollet, notaire et huissier de la seigneurie de Sainte
Anne (de la Pérade), était venu dans la Nouvelle-France "par lettre de petit ca-
chet". Que vei^t dire cette dornière expression ?
NOTATBE
M. Massicotte, (B. R. H. 1919, pp. 150, 175), a réglé la question du DeLisIe
qui fut délégué en Angleterre en 1783. Il se prénommait Jean, non pas Jean-Guil-
laume comme son fils. Il reste à connaître le prénom exact d'un autre de ces
délégués. Le Bulletin de 1906 pp. 326 l'appelle Jean-Baptiste-Amable tandis que
M. Suite, dans ses Mélanges Historiques, I, p. 113, dit que c'est Toussaint-Antoine!
Qui a raison ?
FANCINE
Vers 1879, parut, à Montréal, un roman intitulé le Secrétaire d'ambassade et
signé par Charles Lepine. Peu de temps après, un correspondant signala dans
l'Opinion publique (No. du 4 décembre, p. 580) que l'ouvrage ci-dessus indiqué
n'était que la reproduction du roman d'Amédée Achard. Les rêveurs de Paris.
Si je me rappelle bien, il circula, dans le temps que Charles Lepine et le pré-
tendu vicomte Edouard de Narbonne-Lara n'était qu'une seule et même personne.
Avait-on raison ?
X. Y. Z.
— 184 —
LES SECRETAIRES DU ROI AU CANADA
La charge de secrétaire du roi était convoitée, car elle anoblissait
après vingt ans de possession. Cet office était purement honorifique; il
n'y avait rien à faire que pour le premier des quatre secrétaires du cabinet
du roi qui tenait la plume. Celui-là écrivait au nom de son auguste
maître, contrefaisait à merveille son écriture, et plus d'un noble en France
a dans son cartulaire tel document qu'il croit être de main royale, tandis
qu'il était du . secrétaire Eose. Les trois autres secrétaires du cabinet
avaient leurs entrées chez le roi. Le grand collège des secrétaires du roi
compta jusqu'à six cents membres, et, comme cette charge s'acquérait
moyennant finance, on voit quel Joli denier s'encaissait dans le trésor
royal. C'était une façon comme une autre de battre monnaie et le souve-
rain ou son ministre firent valoir ainsi plus d'un tour qu'ils avaient en
sac. Ils tiraient profit de la vanité humaine. Cependant, au bout de
vingt ans, pour avoir droit à la noblesse, il fallait obtenir des lettres d'en-
registrement, sinon tout était perdu. Aurait-il été dans ce cas; notre seul
canadien secrétaire du roi ? Mgr Tanguay {Dict. Généa. VII, 356) indi-
que que Antoine-Pierre Trottier, sieur Desauniers, a eu cette charge.
Est-ce bien certain ? Je n'ai rien trouvé ailleurs à l'appui de ce fait. Oii
Mgr Tanguay a-t-il puisé ce renseignement ?
François Daine, conseiller, lieutenant-général civil et criminel à
Québec, a été reçu secrétaire du roi en 1728.
M. Joseph Perthuis, conseiller à Québec, a acheté une charge de secré-
taire en 1774 moyennant 40,000 livres.
François Bigot en obtint une en 1754. Il était de la noblesse alors
du chef paternel. S'il acheta la charge de secrétaire du roi c'était proba-
blement en vue de s'en défaire plus tard avec profit. Ce qui serait bien
en ligne avec son caractère. Pour être reçu dans toute charge royale il
y avait des formalités à remplir, et production de certificats de naissance,
religion, etc.
Bigot a produit: V
I
Extrait des registres des baptêmes de l'église métropolitaine et pri-
matiale de Bordeaux.
— 185 —
I " Du mercredi) 31 janvier 1703, a été baptisé François, fils légitime de
Messire Louis-Amable Bigot, conseiller au Parlement et de dame Mar-
guerite Lombard, son épouse, paroisse St-Mexent; parrain, Mons. Fran-
çois Lombard, son oncle, chanoine de St-Emilion; marraine, dame^
Geneviève Bigol, épouse de Mons. de Richon, écuyer, tante; naquit hier
30 dudit mois à deux heures du matin."
II
Le certificat de catholicité est de M. Récher, curé de Québec, lequel
atteste que M. Bigot, intendant de la Nouvelle-France, fait profession de
la religion catholique; il est daté de Québec le 6 juin 1754. Cette pièce
est certifiée par le lieutenant-général civil et criminel de Québec, M. Daine,
qui a signé et apposé un cachet à ses armes.
III
M. Joseph de la Borde, capitaine de vaisseaux du roi, chevalier de
St-Louis, demeurant ordinairement à Toulon, mais de passage à Paris,
dit connaître François Bigot depuis plus de vingt ans. Il a signé : La Bot
de.
IV
Gabriel de Berny, conseiller du roi, maître ordinaire en sa chambre
des Comptes à Paris, dit connaître le sr Bigot depuis plus de quarante
ans. Il sait que le sr Bigot est fils du doyen des conseillers du Parlement
de Bordeaux, et qu'il est allié du marquis de Puisieux, ministre d'etât (1).
* * *
Au cas où cela puisse intéresser mes lecteurs, je leur ajoute ceci :
Relevé dans VEtat civil des familles bordelaises avant la Révolution:
Mariages.. (Pierre Meller, Bordeaux, 1909.)
"Paroisse Ste-Eulalie, mariage, 29 avril 1698, de Mire Louis-Amable
de Bigot, conseiller au Parlement, fils de Louis, receveur des parties
casuelles, et de J. Massé, avec Marie Lombard, fille de Joseph, secrétaire
du roi, et de Marguerite Lafitte."
^'' REGIS ROY
(1) Brulart de Puisieux. f^
— 186 —
LE DOCTEUR LAJUS ETAIT-IL D'ORIGI-
.;;;;^':;;:;, ne canadienne ?
'Mil
Dans la septième série de ses Maple Leaves publiée en 1906, Sir
James-M. LeMoine, faisant la revue des personnages importants qui habi-
taient autrefois la rue Sainte-Famille, à Québec, écrit :
,,, .(."'The street and hill leading down from the parochial Church
(whose iitle was Cathedraî of the' I mmaculaie Conception of the Blessed
Virgin Mary) to the outlet, where Hope Gâte was built in 1786, was
called Ste-Famille street, from rite vicinity to the Cathedraî. On the
east side, half way up the hill still exists the old homestead of the de
Léry, in 1854, oceupied by sir E.-P. Taché, since, sold to the Québec
Seminary (1). On the opposite side a little higher up, also survives the
old house of M. Jean Langevin, father of the bishop of Eimouski, sir H.-
Ij, Langevin and others. Hère, in the closing days of French Domination,
lived the first Acadian, who hrought to Québec the news of the dispersion
of his compatriots, so eloquenily sung hy Longfelloiv: Dr Lajus, of
French extraction, icho settled at Québec, and married a sister of Bishop
Hubert . . ."
Dans le Journal (inédit) de James Thompson conservé dans les ar-
chiye^ (Jq la Queb.ec . Jjiterary and Historical Society, nous lisons égale-
ipep^ : t.,'t» «iitfii iïiiïT \y. r;n
"Un Dr Lajus, de l'armée, accompagné d'un guide indien, laissa
Louisbourg immédiatement après la prise de cette ville par les Anglais,
en juin 1758, et parcourut le territoire qui s'étend entre cette dernière
place et Québec. Il apporta ici les premières nouvelles de la chute de
Louisbourg. Il s'installa à Québec et fut notre médecin de famille."
Sir James-M. LeMoine se trompait en donnant le célèbre docteur
Lajus comme d'origine aeadienne. Lajus était né à Québec le 28 août
1731, du mariage de Jourdain Lajus, chirurgien, originaire de la ville de
Nay, en Béarn, et de Louise-Elisabeth' Moreau. Le père de Lajus était
un chirurgien de talent et d'expérience et c'est lui qui montra son art à
son fils.
(1) Cette maison a ètd détruite en 1919 pour fjaire place au nouveau
bâtiment du séminaire de Québec. ' ' '^ ' '
— 187 —
/ i JFrîiçiis ILsifué s'établit à .Québec icomme son pèr^J^'-^^ bié^^t
une clientèle considérable. ." , -, , « i
Ce qui a trompé sir James-M. LeMoine au sujet du docteur Lajus
c'est qu'en janvier 1745 il était choisi par l'intendant Hocquart en qualité
de chirurgien-major pour aller à la suite du détachement commandé par
M. Marin, destiné pour la campagne d'Acadie. Lajus resta en Acadie
jusqu'à la fin de la campagne. Il est fort possible que c'est lui qui apporta
à Québec, comme l'écrit M. Thompson, la nouvelle de îa chute de Louis-
bourg.
Le docteur Lajus fut marguillier de Notre-Dame de Québec en 1768.
Il fut aussi un des membres du premier bureau d'examinateurs en méde-
cine à Québec, en 1789.
Le docteur Lajus décéda à Québec le 7 octobre 1799. Deux de ses
fils furent prêtres et sa fille devint la femme du patriote Pierre-Stanislas
Bédard.
QUESTIONS
La plupart des questions que je pose ici aux intermédiaires du Bulletin
létlr ont déjà été posées sous une forme ou sous une autre. Aucune, je
crois, n'a reçu de réponse définitive. Je pose de nouveau ces questions,
espérant que si on ne peut répondre à toutes on me donnera au moins la
solution de quelques-unes. Ces réponses, si je ne me fais illusion, intéresse-
ront autant que moi la plupart des lecteurs du Bulletin.
lo. — A-t-on fait de la poterie sous le régime français au Canada ? Où,
quand et par qui a été établi la première poterie au Canada. ?
2o. — Par qui et à quel endroit a été ouvert le preinier moulin à scier
naû par la vapeur dans la province de Québec ? » >
3o. — Quel est le citoyen intelligent qui a établi loi' premières beurreries
et fromageries privées ou coopératives dans notre pays ?
4o. — Les moulins de pulpe de Chicoutimi sont-ils les premiers du genre
établis au Canada ? Si non, où et quand a été ouvert te premier moulin de
pulpe dans tout le pays ?
5o. — Nous avons aujourd'hui des douzaines de manufactures d'allumettes
de bois dispersées dans tout le pays ? Quel a été le promoteur de cette indus-
trie si utile ?
6o. — Il est certain qu'on a fabriqué des cloches au Canada sous le régi-
me français. Nous avons eu ici des fondeurs si nous n'avons pas eu de
manufactures. Quels étaient ces fondeurs ? Où exercaient-ils leur indus-
trie ?
7o. — On faisait aussi au Canada autrefois de l'étoffe domestique. Où
et quand a été établi le premier moulin moderne d'étoffes canadiennes ?
MANUF.
^ 188 —
LE HEROS DE CHATEAUGUAY ET LA
CHANSON
Nous devons à M. J.-A. Kiehard, âgé de 70 ans, mécanicien de Mont-
réal, le texte d'une chanson composée par quelques malins troupiers, du
régiment de M. de Salaberry, en 1812-13.
Philippe Aubert de Gaspé, au sujet de cette production populaire, a
écrit dans ses Mémoires un passage que l'on aimera à relire:
"Les Voltigeurs craignaient leur commandant comme le feu; le
couplet de chanson suivant à son adresse, assez drôle dans sa naïveté toute
canadienne, en fait foi :
C'est notre major
Qu'a le diable au corps j
Qui nous don'ra la mort:
Y'a pas de loup ni tigre
Qui soit si rustique.
Sous la rondeur du ciel
Ya pas son pareil.
"Mais si les Voltigeurs canadiens craignaient leur commandant, ils
en étaient en même temps fiers et l'aimaient; ceux que j'ai connus, après
la guerre de 1812, tenaient tous le même langage :
" — C'est bien vrai que le colonel de Salaberry nous menait sous le
fouet, mais c'était un homme juste : pas plus de passe-droit pour le soldat
que pour l'officier, chacun buvait à la même tasse. . .
"Je regrette de ne pouvoir donner toute la chanson de nos gais Vol-
tigeurs, dans laquelle plusieurs des officiers et sous-officiers attrapaient
soit un compliment ou un coup de griffe. Je n'ai su que le premier cou-
plet et le dernier que voici :
Qu'en a fait la chanson.
C'est trois jolis garçons
Qui sont dans les prisons:
Qui n'ont ni pain ni viande;
Rien à leur demande;
Et pas même un sou
, , , Pour boire un s. . . coup.
— 189 —
"Il est à supposer que le colonel tenait les réfraetaires de son régiment
à un régime très sévère, ce qui ne leur faisait rien perdre de leur gaîté,
mais aiguisait au contraire leur verve poétique " ( 1 ) .
* * *
La version de M. Richard contient sept couplets. Si Pon s'en rap-
porte aux souvenirs de M. de Gaspé, le morceau avait plus de couplets
encore que notre informateur n'en a appris. N'importe, c'est tout de
même une heureuse addition. Comme toujours, dans les chansons trans-
mises oralement, les versions varient d'individu à individu. Mais on
remarquera que les variantes du dernier couplet sont assez plausibles dans
les deux cas pour empêcher de se prononcer sur la priorité de l'une sur
l'autre.
1
Qu'il est triste, en ce jour,
De quitter l'amour
Pour suivre le tambour.
Je me fonds en larmes.
D'avoir pris les armes.
Le jour comme la nuit
Je me meurs d'ennui.
Le matin de retour,
On entend le tambour
Battre le point du jour.
Avec leurs baguettes
Battent la retraite.
Neuf heures sont sonnées,
La garde il faut monter.
(1) Gaspé, Mémoires, p. 485, et Roy, La famille d'Irumberry de Sala-
berry, p. 92.
— 190 —
Il faut se préparer
Pour être examinés
Devant nos officiers
Dessur la coiffure
• Dessur les chaussures.
; , Si cela n'est pas bien
En prison nous irons.
I4id iiiiii'i^ »i> 'j^huii.jN^ous avons un Major
Qui a le diable au corps.
Il nous caus'ra la mort.
Il n'y a ni loup ni tigre
Qui soit si rustique
Sous la rondeur du ciel
Il n'a pas son pareil.
Nous avons un sergent
C'est un fort bon enfant.
Quand il a de l'argent
Y va à la cantine
Y boire chopine
Y passe bien son temps
Il est toujours content.
Messieurs les caporaux
Ne parlez pas si haut
Le major est en haut
— 191 —
Il j/ }i}ia*f nmvKrmy)// H-î-inarioi
Qu'en a fait la chanson
C'est un joli garçon
Dedans ce bataillon.
En jouant aux cartes
Faisant le diable à quatre
Disant j'ai pas un sou '
Pour prendre un pauvre coup.
* * *
M. Richard n'a pu se rappeler tous les vers du sixième couplet. C'est
vers 1864 qu'il entendit chanter ce morceau par son oncle Jérémie Lau-
rence qui était un milicien de 1812-13.
E.-Z. MASSICOTTE
LES DISPARUS
EDMOND-MARIE TEMPLE
Edmond-Marie Temple est né à Rennes, France, en 1853 et parait s'être
rendu au Canada en 1880. Successivement, il s'adonna au journalisme, à l'en-
seignement du dessin et au théâtre. Il projeta de fonder une bibliothèque
technique, puis fut promoteur des écoles du soir à Montréal et il eut la di-
rection de celles-ci pendant quelque temps. Mort le 20 mars 1895, à Sainte-
Louise de rislet et inhumé à Montréal, deux jours après.
CABRETTE
WILLIAM -AUGUSTUS LEGGO
^ / ^^. • i • • ' ■ i^i'ïU ;
Né à Québec, le 25 janvier 1830, W. A. Leggo apprit le métier de graveur
dans l'atelier de son père puis, à 17 ans, il alla se perfectionner à Boston.
A son retour au pays il s'adonna à la photogravure dont on commençait à
s'occuper et il fit l'essai du procédé dans le Canadian illustrated netvs, de
Montréal. Il consacra une partie de sa vie à mûrir diverses inventions dont
l'une était un aéroplane ! On lui doit en autres choses une jolie édition des
gravures coloriées de Bourne. M. Leggo est mort à Lachute, le 21 juilet
1915.
CABRETTE
QUESTION
Est-ce dans le Courrier des Etats-Unis de 1845 que M. Régis de Trobriand
publia un roman sur les événements de 1837-38 ? En plus la chansonnette Le
temps des hirondelles parue dans l'Album de la Minerve de 1850 p. 265, est-elle
du même auteur?
A. B. C.
— 192 —
JOSEPH-FRANÇOIS-XAVIER PERRAULT
Né à Montréal le 10 février 1784, il était le fils de Joseph-François
Perrault, qui devint plus tard protonotaire du district de Québec, et de
Ursule McCarthy.
M. Perrault exerça pendant près de quarante ans les fonctions de
greffier de la paix à Québec. D'abord nommé conjointement avec William
Green le 1er avril 1815, il eut ensuite pour conjoints Alexander-S. Scott,
de 1833 à 1842, puis Pierre-Antoine Doucet, de 1846 à 1853.
Il s'était fait recevoir avocat (5 avril 1817) mais il n'exerça jamais
sa profession.
Pendant la guerre de 1812-13, M. Perrault, qui en sa qualité d'offi-
cier public aurait pu rester tranquillement chez lui, s'empressa d'offrir
ses services. Capitaine dans le Régiment des Voltigeurs Canadiens, il
prit part à la bataille de Châteauguay, Il s'intéressa toujours à la milice
et à sa mort il était encore colonel du régiment d'artillerie de la milice
de Québec.
'"'M. Perrault décéda à Québec le 27 décembre 1853.
A PROPOS DE LANGUE
En 1840 et 1864, alors que le juge Lewis-Thomas Drummond né en Ir-
lande, et le juge Francis-Godshall Johnson, originaire d'Angleterre, faisaient
partie du barreau de Montréal, il arriva dans un fameux procès pour meur-
tre, que M. Drummond fut chargé de la défense pendant que M. Johnson
représentait la Couronne.
L'accusé et les témoins étant canadiens-français les deux avocats pro-
cédèrent en français, ce qui leur fut facile, car l'un et l'autre maniaient la
langue de Molière avec grande aisance. M. Drummond se glorifiait d'être
un ancien élève du collège de Nicolet et M. Johnson avait fait ses études en
France.
CABRETTE
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAUCEVILLE- JUILLET 1920 No 7
Uo mémoire de M. de Bourlamaque
sur le Canada
Le mémoire que nous offrons ici aux lecteurs du Bul-
letin des Becherclies Historiques est de M. de Bourlama-
que, qui fut un des princi])aux lieutenants du marquis de
Montcalm dans la guerre de 1755 à 1760.
Nous donnons ce mémoire d'après une copie conser-
vée aux Archives Provinciales de Québec.
La lettre suivante de M. de Bourlamaque, datée de
Paris le 1er août 1762 et adressée au ministre de la ma-
rine, exi^lique l'objet du mémoire.
M. de Bourlamaque écrivait au ministre:
"Je prends la lilDcrté de vous adresser un mémoire
sur le Canada. Vous pourrez voir les objets qui y sont
traités dans une récapitulation qui est à la fin du dit mé-
moire. C'est le fruit de mon inaction depuis mon retour
de Malte et des connaissances que j 'ai prises dans cette co-
lonie, pendant cinq ans que j 'y ai été employé. Il est vrai
que les circonstances actuelles ne paraissent pas permet-
tre que ce mémoire soit d'aucune utilité. Mais outre que
le public ne peut pénétrer les vues de ceux qui gouvernent,
ces circonstances peuvent changer et j 'ai cru à tout hazard
vous devoir compte de mon travail et de mes idées.
... 194 —
** Au pis aller, ce mémoire vous fera connaître le désir
que j'ai d'être utile et mon zèle pour tout ce qui a rapport
au service du roi."
MEMOIRE SUR LE CANADA
Si l'on jugeait de cette colonie, j^ar les dépenses qu'elle
a occasionnées i)endant la guerre, et par les profits qui
en sont reveims depuis qu'elle est établie, sa j)ossession
paraîtrait désavantageuse à la France.
Mais en recherchant les causes de ces dépenses et les
sources de ces i)rofits, il sera aisé de se convaincre que les
fautes de l'administration ont produit. les uns et tari les
autres.
L'on ne prétend pas au reste entrer dans le détail de
ces fautes et encore moins jeter des soupçons sur la con-
duite de ceux qui en ont été chargés; mais l'on peut
avancer sans témérité que, depuis le commencement du
siècle, le Canada a été gouverné sur de faux principes,
quant à son accroissement et à son commerce, soit que ceux
qui en avaient l'administration aient manqué de lumières,
d'union et de ce ton de vérité si nécessaire pour instruire
des Ministres sur des objets éloignés, soit que la cour ait
donné trop peu d'attention aux ressources et aux intérêts
du pays.
La partie militaire n'a pas été traitée avec plus de
succès; nulle disposition pendant la paix, nulle frontière
établie solidement, ni même reconnue, nul projet raison-
nable pour se deffendre ou pour attaquer, quelques trou-
pes, mais sans ferme instruction ni discipline, point de
magasins et pour toute ressource une confiance aveugle
qui, jointe à la basse appréhension de déplaire, promettait
des succès au lieu de peindre les besoins.
Il est arrivé de là que la guerre ne pouvait être sou-
tenue qu'autant de temps que les ennemis seraient faibles
ou mal conduits. Car quoique les efforts des troupes et la
— 195 —
fidélité des habitans aient reculé la perte de la colonie jus-
qu'au moment de la plus affreuse disette, on peut assurer
néanmoins que la seconde campagne eut été le terme de
la défense, si l 'ennemi, qui était infiniment plus nombreux,
avait eu au commencement de la guerre des chefs un peu
entendus.
Je ne parle pas ici de l'intérêt particulier et de l'avi-
dité, vices honteux que l'on ne peut pas supposer aux gens
en place, mais qui ne laissent pas de nuire au bien public
en infectant les subalternes, lorsque les chefs manquent
de lumières ou de fermeté.
Des hommes presque égaux et une autorité égale entre
le Gouverneur et l'Intendant pourraient bien avoir été
quelquefois une source d'abus. Si ces deux hommes sont
également capables, ils seront ennemis parce qu'il est
dans l'humanité de ne vouloir partager avec personne la
gloire et la faveur, et chacun d'eux cherchera peut-être à
dégrader les vues de son collègue, ou directement, ou par
des moyens cachés.
Si l'un d'eux est supérieur en talens, le plus faible
cherchera également à lui nuire parce que la vanité et la
jalousie sont plus ordinaires encore aux génies médiocres
qu 'aux autres, ou bien il deviendra sa créature et son écho.
Il faudrait donc mettre sa confiance en un seul, ou la
partager entre trois.
Lorsque les Français commencèrent à s'établir en
Canada, les naturels du pays leur firent une guerre cruelle
et opiniâtre ; de là les colons s 'accoutumèrent à une grande
considération pour les sauvages.
Elle a subsisté depuis malgré leur faiblesse et l'aug-
mentation des forces de la colonie. On a cru jusqu'au
dernier moment et on a tâché de persuader à la cour que
leur alliance était presque suffisante pour repousser les
Anglais.
Les dépenses ont été prodiguées pour leur plaire, ou
clu moins cette confiance a servi de prétexte à des dépen"
ses excessives.
— 196 —
L'expérience doit avoir détrompé sur les secours
qu'on en peut attendre. Les sauvages sont bons pour la
petite guerre, et lorsqu'ils seront de bonne volonté, un gé-
néral en tirera grand parti pour avoir des nouvelles et
faire des prisonniers, mais voilà tout. Les meilleurs sont
tout au plus des hussards, d'ailleurs ils ne savent bien à
leur manière que lorsque l'on a une sui)ériorité décidée.
Ils coûtent beaucoup, aiïament une armée, im])ortunent
et occupent trop les chefs et quoique méprisés du soldat,
sont capables de le décourager à tout propos.
Je crois donc qu'il est essentiel de conserver l'alliance
des sauvages autant pour l'intérêt de notre commerce que
pour faire nombre à la guerre, mais il ne faut ni les crain-
dre ni com})ter trop sur leurs secours ; en les traitant avec
justice et fermeté, ils en seront bien meilleurs. La com-
plaisance les rend insolents, très coûteux et moins utiles.
On ne parlera pas ici des avantages qui résulteront de
la possession ^qui a besoin de matelots exercés pour le com-
merce, ni de l'utilité qu'en retireront nos manufactures
auxquelles le luxe des colonies assure le dédit des mar-
chandises surannées; on ne s'attachera qu'à donner une
idée des productions utiles que le Royaume j^eut tirer de
ce pays.
La terre du Canada produit avec abondance les blés
de toute espèce pour peu quelle soit cultivée ; elle est néces-
saire pour ses habitens.
On en pourroit exporter de quoi nourrir nos Iles de
l'Amérique et mêmes les provinces maritimes du Royau-
me qui en manquent quelquefois. Le chanvre y vient très
bien.
Les bestiaux y sont abondants et fourniront, quand on
voudra, des cuirs, des salaisons et des laines fort supérieu-
res à celles de France et presque égales à celles d'Angle-
terre. Cette dernière partie surtout mérite une grande
considération. On pêche la morue à l'entrée du fleuve
St-Laurent et sur les côtes occidentales du Golfe. On
trouve en Canada des bois de constructions qui passeront
... 197 —
pour, très bons quand ils seront bien choisis si l'intérêt
particulier ne vient pas à bout de les défricher, en tout
cas la marine marchande y fera l'emplette de ses navires,
comme celles des Anglais dans la Nouvelle Angleterre.
Le commerce du merrain n'y sera pas plus difficile
])our nous que pour nos voisins. Le goudron et les gom-
mes y sont abondans; on y trouve des mines de fer qui
ne demandent qu'à être bien régies et même du plomb dans
les parties voisines du fleuve Mississipi.
La plupart des objets ci-dessus ont été de peu de con-
sidération jusqu'à cette heure, parce qu'il n'a jamais été
pris aucune mesure solide pour augmenter la culture des
terres et bestiaux, source de richesse inépuisable pour ce
pays.
Les mines de fer et la construction des vaisseaux n'ont
pas été d'une grande utilité, le prix extraordinaire de la
main-d'oeuvre en a fait évanouir les profits.
On ne s'est pas aperçu sans doute qu'il avait pour
cause la négligence du gouvernement. Car il n'en est pas
d'ime colonie qui produit les matières de subsistances,
comme de nos Iles de l'Amérique.
La main-d'oeuvre peut bien y être un peu plus chère
qu'en Europe, mais elle a été en Canada, lorsqu'on entre-
tiendra dans le crédit des espèces et lorsqu'on veillera sur
les matières premières. On y a vu quelquefois le mono-
pole envahir le commerce intérieur des premières produc-
tions et amener la disette sur une terre abondante, mais
qui comme toutes les autres, éprouve des années de sté-
rilité.
Le commerce des i)elleteries qui a paru seul fixer
l'attention sera sans doute ])lus considérable, 'lorsque les
postes où sç fait la traite des sauvages ne seront plus entre
les mains de quelques j^articuliers qui mettant un prix
arbitraire aux marchandises qu'ils fournissent et à celles
qu'ils reçoivent, découragent le chasseur et lui font naî-
tre l'envie de porter sa chasse à l'étranger.
Le privilège accordé à la Compagnie des Indes pour
... 198 —
la portée du castor, a du être nuisible, car tout privilège de
cette espèce est un monopole permis et la permission ne
lève pas les abus.
La fureur d'étendre sa puissance au loin a toujours
épuisé les forces du Canada. On a négligé l'intérieur d'un
pays riclie en toutes sortes de productions et dénué de
cultivateurs, pour aller planter de nouveaux établisse-
ments, sans utilité et sans communication; les dépenses
en ont été immenses; ils ont arrêté la culture des terres,
ils ont détruit annuellement la plus robuste jeunesse et
n'ont été utiles qu'à un petit nombre de particuliers, qui
y ont trouvé aux dépens du roi la source de leur fortune.
A cette occasion, on ne peut s'empêcher de dire que
telles limites que nous ])rescrivent les Anglais dans cette
partie du monde, tant qu'il restera à la France les deux
bords du fleuve St-Laurent et des rivières affluentes, de-
puis son embouchure jusqu'au lac Ontario et la faculté
de traiter avec les nations sauvages par les lacs et par la
grande rivière, même sans aucune propriété sur ces lacs,
nous n'aurons ])erdu que des chimères et la source des
vraies richesses ne nous sera x)oint ôtée.
Je ne disconviens ])as au reste qu'il ne fut plus avan-
tageux aux Français d'avoir seuls des établissements sur
les lacs et d'exclure les Anglais de tout commerce dans
cette partie; mais cet avantage ne serait relatif qu'aux
pelleteries et ce que nous feraient ])erdre à cet égard, des
limites plus rapprochées serait bien ])eu de choses, en
comparaison de ce qui nous resterait dans l'intérieur du
pays. Ceux qui prétendent que, pour peu que nos limites
fussent resserrées par un traité de joaix, il serait plus
avantageux de céder la colonie entière, connaissent bien
peu les avantages qu'en pourrait tirer une bonne admi-
nistration et raisonnent sans doute, d'après quelques Ca-
nadiens qui, ayant passé leur vie dans la traite avec les
sauvages, ne connaissent d'autre intérêt et y rapportent
toutes leurs vues.
Il serait inutile de démontrer que la possession du
— 199 —
Canada peut être avantageuse à la France, si l'impossibi-
lité de le défendre faisait envisager la perte de nos espé-
rances au premier moment d'une rupture, mais heureuse-
ment la nature a donné à ce pays des moyens de défense :
il II 'est question que de s'occuper pendant la paix à les
mettre en oeuvre.
Le Canada ne peut être attaqué que par le lac Onta-
rio, par le lac Champlain et par le fleuve St-Laurent.
Je suppose les Anglais maîtres de la mer, mais je
suppose en même temps que le gouverneur a eu soin de
faire des magasins de vivres assez abondants pour nourrir
les troupes pendant une campagne, s'il survient dans le
cours de la guerre une année de stérilité. Je suppose
encore qu'il lui a été envoyé des armes, des munitions,
avant que la voie des transi)orts soit interceptée. Ainsi
c'est à lui à former son plan de défense, indépendamment
des secours d'Europe.
Il est nécessaire qu'il ait ce plan devant les yeux dès
le premier instant que la France rentrera en possession
du Canada et qu'il ne perde pas un seul jour, sans travail-
ler à son exécution.
Du côté du lac Ontario, l'on n'aura pas grand chose à
craindre si l'on veut se reposer jusqu'aux rapides de Ca-
taracoui.
Cette frontière sera impénétrable, pour peu qu'on
profite des positions heureuses qu'on trouve dans ces
rapides. Quelques forts bien placés et des troupes fort
inférieures aux attaques suffiront j)our la défense.
Il est vrai qu'en 1760 le major^général Amlierst, qui
commandait en chef les troupes anglaises, choisit cette
frontière pour attaquer le Canada avec l'armée princi-
pale.
Il connaissait l'impossibilité où nous étions d'y en-
voyer des troupes et la résolution dans laquelle étaient
les sauvages domiciliés de la colonie, d'abandonner notre
alliance; d'ailleurs il redoutait ou feignait de redouter le
poste de l'Ile aux Noix qu'il avait respecté l'année pré-
— 200-^
cédente, et voulait prouver que s'il n'avait pas fait la con-
quête du Canada en 1759, la faute devait en être imputée
au brigadier Gage qu'il avait chargé de pénétrer par ces
rapides. Quoiqu'il en soit, ce choix d'attaque fait peu
d'honneur à ses connaissances militaires, la défection des
sauvages et du corps de milice, chargé de la défense des
rapides, sauva son armée d'une destruction totale.
Du côté du lac Champlain, l'île aux Noix fournit un
excellent poste. Elle est située au milieu de la rivière St-
Jean et si l'on y construit des remparts et des casemates,
on peut assurer qu'elle sera impossible.
Il est vrai qu'elle ne défend que le cours de la rivière
et qu 'on peut cheminer des deux côtés hors de la portée de
son canon; mais le pays est la plupart du temps inondé
et praticable seulement dans les grandes sécheresses. Il
restera alors la ressource de chicaner l'ennemi dans les
bois par un camp volant, qui tirera ses subsistances par la
rivière St-Jean ou par le fleuve St-Laurent, au lieu que
l'ennemi sera obligé de faire ses transports par charrois
dans un pays coupé de marais et de ruisseaux, et une place
sur ses derrières.
Un corps très inférieur aura donc un grand avantage
pour faire qu'il soit venu des forces capables de le com-
batre, ou des pluies qui inondent le pays.
Il est nécessaire en outre d'avoir un fort en arrière
de l'Ile aux Noix sur la même rivière, et des petits bâti-
ments armés en guerre, qui auraient leur retraite sur l'île
aux Noix, assureront sa communication avec le bas de la
rivière et empêcheront l'ennemi de jetter des bateaux au-
dessous de l'Ile aux Noix, après en avoir fait le portage
devant cette île. On peut même assurer que si l'on était
en état d'avoir une marine supérieure sur le lac Cham-
plain, il serait bien difficile à l'ennemi de faire aucune
entreprise en deçà de ce lac.
Je suppose, maintenant, que les ennemis, malgré ces
difficultés, soient assez forts et assez heureux pour se
rendre maistres du pays qui est entre le lac Champlain et
— 201-
le fleuve St-Laurent : le pis aller sera d'évacuer toutes les
habitations qui sont dans cette partie et de faire passer les
habitans et les bestiaux sur la rive gauche du fleuve.
-Ces habitations seront désolées, la rivière Chambly
souiïrira quelques courses de troupes légères mais tant que
l'île aux Noix se soutiendra, l'enneiîîi n'ayant point de
bateaux pour traverser le fleuve on sera bien sûr de lui
voir repasser le lac Champlain à la fin de la campagne;
car quand même il aurait assez de pionniers pour faire un
chemin solide jusqu'au bord du fleuve et assez de chevaux
pour y transporter des bateaux et du canon, il suffirait de
deux ou trois bâtiments armés en guerre sur le fleuve St-
Laurent, pour lui en rendre le passage absolument impos-
sible.
Dans ce projet pour la défense de la colonie du côté
des lacs, j'ai rapproché ses frontières bien en deçà de ce
qu'elles étaient avant cette guerre et je ne suppose aucun
établissement solide à Niagara ni à Frontenac, non plus
qu'à St-Frédéric, parce que je ne pense pas qu'on puisse
avoir, pendant la paix, le temps ni les moyens de donner
à ces établisseinens la solidité nécessaire.
D'ailleurs ce sont les habitations de la colonie qu'il
faut défendre. Elles ne s'étendent pas au delà des rapides
Je Cataracoui et se terminent à cinq lieues au-dessous de
l'île. Augmenter les forces, est un axiome d'autant plus
vrai, que dans le cas dont il s'agit il ne fera rien perdre
et il serait à désirer qu'on l'eut pratiqué dans la guerre
que vient de soutenir le Canada.
Cependant on pourra faire des forts à Niagara, à
Frontenac et à St-Frédéric, lorsque les objets plus essen-
tiels seront remplis.
Du côté de la mer, le fleuve St-Laurent n'offre aucune
défense jusqu'à Québec. L'on a dit souvent qu'il y avait
des îles ou des caps propres à barrer le cours du fleuve;
on s'est trompé, nulle forteresse au-dessous de cette ville
ne pourra empêcher les vaisseaux ennemis de le remonter.
Et même à Québec et la Pointe Lévis, quoique le fleuve
.- 202 —
n'ait à cet endroit que 600 toises de large, il faudrait pour
y arrêter des vaisseaux avoir des batteries des deux côtés
du fleuve, ce qui est impossible, parce qu'on ne jieut cons-
truire vis-à-vis Québec aucune forteresse qui ne fut exces-
sivement commandée. Elle ne retarderait l'ennemi que
le peu de temps dont il aurait besoin pour s'en rendre
maître.
Ainsi l'on sera toujours réduit aux batteries de Qué-
bec et telles formidables qu'elles puissent être, elles n'ar-
rêteront pas des vaisseaux qui auront le secours du vent
et de la marée.
Ces inconvénients ne doivent pas empêcher de regar-
der Québec comme le point de défense essentiel du Canada.
On peut y construire une forteresse en état de soutenir
un long siège et l'abandonner à ses proi)res forces, lorsque
l'ennemi aura forcé le débarquement et acquis une supé-
riorité décidée, alors il s'arrêtera à en faire le siège, ou
il cherchera à pénétrer dans le i)ays s'il entreprend le
siège, supposons qu'il ait le tems de le terminer avant le
départ des vaisseaux et qu'on ne puisse assembler assez de
forces pour lui faire lever, il sera bien hardi s'il se hasar-
de à laisser ]:)endant l'hiver une garnison dans Québec.
Les troupes françaises cantonnées autour de la ville ne
permettront pas à cette garnison de s'éloigner du chemin
couvert sans combattre.
Comment i)ourra-t-elle se pourvoir de la quantité im-
mense de bois nécessaire pour passer la mauvaise saison?
Où prendra-t-elle des bestiaux pour les malades qui ne
peuvent être nourris avec la viande salée ?
Ce projet de se cantonner autour de Québec fut donné
en 1759 et aurait forcé les Anglais de rendre la place au
milieu de l'hiver.
Mais le Gouverneur et l'Intendant, auxquels il fut
proposé, assurèrent que la colonie était dans l'impossibilité
de fournir les vivres nécessaires pour nourrir les troupes
dans ces cantonnemens.
Si l'ennemi, au lieu de faire le siège de Québec, s'en
... 203 —
contente d'en masquer la garnison avec une partie de son
armée, et entreprend de pénétrer dans l'intérieur du pays,
alors les troupes battues se retireront à dix lieues au-dessus
de Québec, derrière la rivière de Jacques-Cartier.
C'est une barrière impénétrable et qui couvre par
terre toute la rive gauche du fleuve. La rive droite qui
est moins importante est coupée à peu près à la même
distance par des rivières et des positions aisées à soutenir,
et les troupes postées sur ces deux rives pourront soutenir
et communiquer en traversant le fleuve.
Mais ce n'est point assez d'être postés sur les deux
côtés du fleuve, il est d'une telle largeur que l'ennemi le
remonterait aisément, sans que les batteries de terre puis-
sent s'y opposer. Il est nécessaire de se pourvoir avant
la guerre de quelques frégates à fond plat, c'est-à-dire ne
tirant que 8 ou 9 pieds d'eau, armées chacune de 18 ou 20
canons de 24.
Elles combattront avec avantage contre celles de l'en-
nemi, car il n'osera conii^romettre ses vaisseaux de ligne
dans une rivière où le manque d'eau les exposerait à
échouer à chaque instant.
Si néanmoins la connaissance du pays lui avait fait
naître l'idée de faire construire de pareils vaisseaux qui
fussent supérieurs en nombre, il resterait encore pour les
arrêter le passage de Richelieu à 14 milles au-dessus de
Québec.
Les vaisseaux ne peuvent remonter cette partie du
fleuve qu'un à un et avec le secours d'un vent forcé.
Quatre frégates mouillées au haut du passage dé-
truiraient aisément cent vaisseaux, l'un après l'autre.
Les troupes en se fortifiant à hauteur du passage
seront en état de faire durer la campagne jusqu'à la mau-
vaise saison et Québec subsistant, elle se terminera tou-
jours par le départ de l'ennemi.
Il faut observer que j'ai mis les choses au pir, que
j'abandonne le Canada à ses propres forces et qu'il ne
reçoit aucun secours de France. Car s'il y était envoyé
— 204 —
une escadre avant l'arrivée des ennemis, il leur serait mo-
ralement impossible de remonter le fleuve au-dessus de
Québec, même après avoir battu cette escadre parce que
ses débris réunis avec la marine du pays et placés dans
les endroits propres, suffisent |)our rendre la navigation du
fleuve impraticable.
Je n 'ai point parlé non plus des chicanes sans nombre
qu'on peut employer à la défense comme brûlots, radeaux
et artifices, chaînes et chaloupes canonnières.
J'ai sui)])osé que les troupes destinées à empêcher le
débarquement ont été battues et qu'elles sont demeurées
fort inférieures à l'ennemi.
Il n'est xjas néanmoins vraisemblable qu'il x)uisse
transporter un nombre de troupes assez considérable pour
rendre la défense très disproportionnée.
Ceci est d'autant plus vrai, que les trois corps de
troupes qui défendent le Canada, s'il est attaqué en même
temps par ses trois frontières, ont l'avantage de pouvoir
se réunir lorsqu'on le jugera à ])ropos, pour combattre
celle des armées ennemies dont la jjosition sera la plus
inquiétante, et de retourner ensuite, chacun dans leur par-
tie; au lieu que l'ennemi ne peut établir aucun commu-
nication, ni même aucun concert précis entre les différans
corps qu'il fera agir.
Je crois donc pouvoir conclure sans témérité qu'en
fortifiant Québec d'une manière respectable, ce qui est
très possible, le X)is aller sera après des mauvais succès,
de voir détruire le quart des habitations de la colonie.
Mais le départ de l'ennemi en laissera toujours la
propriété au Roy et comme le bois y est très commun cette
perte sera bientôt réparée. Il faut même supposer que
les ennemis aient l'inhumanité et la commodité de brûler
toutes les habitations qu'ils auront parcourues. A l'égard
des grains et des bestiaux on les fera remonter dans les
parties où l'ennemi ne pourra i:)énétrer.
On serait même à l 'abri de craindre la destruction
dont nous venons de parler, si l'on i:)ouvait construire
— 205 —
avant la guerre un assez grand nombre de frégates à fond
plat et de chaloupes canonnières, pour être supérieur en
marine devant Québec.
Je ferai remarquer, à cette occasion, ce qui se passa
dans la campagne de 1759. Elle s'ouvrit de notre côté,
sans aucuns préparatifs pour Québec. Cette ville n'était
point en état de soutenir un siège. On n'avait pris
d'avance aucune pré<'aution pour barrer le fleuve.
Quelques frégates marchandes armées en guerre et
commandées par des officiers contraires faisaient toute
notre marine. Ses brûlots furent mal exécutés et en trop
petit nombre, le cours du fleuve sous Québec ne fut point
disputé.
L'armée qui défendait le débarquement n'était pas de
plus de 3,000 hommes de troupes : les milices qui y étaient
.jointes étaient cxcessivenient diminuées i)ar la désertion.
Les Anglais, après avoir été repoussés au débarquement,
sur]U'ireiit au-dessus de Québec une côte très aisée à dé-
fendre et s 'étant formés avec une grande promptitude,
battirent notre petite armée le 13 septembre, elle se retira
derrière la rivière de Jacques-Cartier, sans vivres, sans
munitions, sans artillerie et sans tentes. Le lieutenant
de Roy de Québec ouvrit ses portes aux Anglais sans avoir
été attaqué.
Tous ces avantages ne leur donnèrent pas assez de
confiance pour oser remonter j^lus haut que Québec, quoi-
qu'il y eut encore six semaines de campagne.
Ils se bornèrent à établir une garnison dans cette
place pendant l'hiver. Si Québec eut été en état de sou-
tenir un siège de trois mois, quel fruit les Anglais auraient-
ils tiré de leur débarquement et de la victoire du treize
septembre.
Après avoir parlé de l'utilité dont peut être le Canada
au Royaume et de la ])ossibilité de le mettre en état de se
défendre par lui-même, je vais hasarder mes idées sur
la manière dont il devrait être gouverné et sur les dépenses
qu'il occasionnerait pendant la paix.
— 206 ---
Il est nécessaire que le Gouverneur de cette colonie
soit homme de guerre pour qu'il puisse la disposer à la
soutenir; homme d'Etat pour y faire fleurir la culture
des terres, le commerce et l'industrie des habitans, d'un
caractère ferme, actif, travaillant par lui-même et voyant
tout, jaloux du bien public, ennemi des fripons et irrépro-
chable sur l'intérêt. Il est à propos que la Cour lui fixe
une somme pour les dépenses militaires, marines et forti-
fications, dont la disposition soit remise à ses lumières.
Il n'est pas moins essentiel que l'Intendant soit hon-
nête homme, économe, éclairé, instruit dans toutes les par-
ties du gouvernement, i3olice, justice, finances, culture,
population, commerce, industrie, détails de marine, etc,
vigilant sur les intérêts du Roi et du pays, sévère sur
l'article des friponneries et soumis à l'autorité du Gou-
verneur Général dans tous les cas où le Conseil ci-après
ne serait pas assemblé.
Le chef de la religion doit être un évêque qili joigne
aux talens d 'un pasteur la connaissance des parties les plus
essentielles de l'administration civile et politique et assez
éclairé pour que la religion, dans ses mains, ne soit pas
un obstacle au bien de la colonie.
La cour peut donner toute autorité au Gouverneur
Général, quand il sera tel qu'on vient de le dire, mais com-
me il faut assurer la liberté des citoyens et pourvoir aux
vexations injustes, ainsi qu'aux entreprises qu'une con-
fiance trop étendue pourrait l'engager à faire de son
propre mouvement : il sera établi un Conseil d 'Etat, com-
posé du Gouverneur Général, de l 'Evêque et de l'Inten-
dant. Ce conseil s'assemblera toutes les fois qu'un des
trois le requerra.
Les affaires y seront décidées à la pluralité des voix.
Les décisions seront enregistrées; copie des registres sera
remise à chacun de ceux qui le composent pour les envoyer
à la cour, les trois Membres du Conseil devant répondre
chacun de leurs opinions.
Il y aura un secrétaire du Conseil d'Etat dont la fonc-
20
i —
tion sera de rapporter les affaires qu'on y devra traiter,
de tenir les registres et faire les écritures et copies qui y
auront rapport.
Tout citoyen de la colonie qui aura lieu de se plaindre
du Gouverneur Général pourra s'adresser à l'Evêque ou
à l'Intendant, qui, sur la connaissance qu'ils prendront du
grief, seront en droit, si le cas leur i)araît en valoir la
peine, de faire tenir le Conseil d'Etat.
Ils pourront l'un et l'autre le faire assembler, lors-
qu'ils s'apercevront que \t> Gouverneur Général, hors le
cas de dépenses militaires, fera des innovations qui leur
paraîtront contiaires au bien public ou aux intérêts du
Roi,' ou lorsqu'ils auront eux-mêmes quelque nouveauté
utile à proposer.
Le Gouverneur Général assemblera aussi le Conseil
d'Etat lorsqu'il se croira obligé de faire des innovations
essentielles avant d'en avoir reçu l'agrément de la cour
et se conformera à sa décision. A l'égard de la partie
militaire, il n'en rendra compte qu'à la cour dont les ins-
tructions lui serviront de règle.
La justice sera rendue comme à l'ordinaire pour le
Conseil Supérieur. Il sera établie à Québec une Chambre
de Commerce dont les délibérations et les arrêts seront su-
jets à la revision du Conseil d'Etat ; ce qui n'empêchera
pas que la Chambre de Commerce ne rende compte directe-
ment à la cour de ce qu'elle aura décidé ou des propositions
qu'elle aura faites au Conseil d'Etat.
On la composera des négocians les plus éclairés et il
sera accordé, sur le rapport du Gouverneur Général, quel-
que récompense honorifique aux membres de cette Cham-
bre qui auront proposé les moyens les plus utiles pour
augmenter le commerce du pays, relativement au bien du
Royaume.
La Chambre de Commerce tiendra la main à empêcher
les monopoles et éclairera sur cet article le gouvernement.
Le Conseil d'Etat sera juge souverain dans cette partie.
Le Conseil d'Etat sera en droit d'établir une taxe
— 208 —
pour les denrées et marchandises, tant étrangères que du
cru du pays, si l'on s'aperçoit qu'elles soient portées à un
prix trop considérable.
On ne se servira dans la colonie d'aucune autre mon-
naie que celle de papier imprimé et dans la même forme
qu'elle se faisait ci-devant, avec cette différence que les
ordonnances seront marquées d'une empreinte et signées,
non seulement de l'Intendant, mais aussi du Gouverneur
Général et d'un commissaire ou contrôleur nommé à cet
effet.
Les ordonnances seront portées comme ci-devant au
trésor chaque année avant le départ des vaisseaux pour
être retirées par le Trésorier et remplacées à ceux qui les
rapporteront par des lettres de change à un ou à plusieurs
termes.
Il sera dressé un procès verbal des ordonnances con-
verties en lettres de change lequel sera signé de l'Inten-
dant, du contrôleur, du Trésorier et visé par le Gouverneur
Général. Ce procès verbal sera envoyé à la cour.
On brûlera les ordonnances qu'on aura retirées et l'on
conservera la note de leurs numéros, pour être remplacées
sous le même titre, à mesure qu'on en aura besoin.
Toutes les dépenses fixes seront réglées par des Etats
de la cour.
Les extraordinaires ou imprévues ne pourront être
approuvées si elles ne sont revêtues de l'autorité du Con-
seil d'Etat, à moins qu'elles ne regardent les sauvages ou
la partie militaire.
Quoique les dépenses militaires soient remises entiè-
l'ement à la prudence du Gouverneur Général, l'Intendant
et sous lui les principaux officiers de plume seront autori-
sés et, dans l'obligation d'en prendre une, connaissance
exacte et détaillé, non qu'il puisse s'opposer aux projets
qui auront la guerre pour objet et qui peuvent être de
son report, mais pour éclaircir le Gouverneur sur les pré-
varications dont il ne se serait pas aperçu et la cour sur
celles qu'il ne voudrait pas apercevoir.
— 209 —
On empêchera les orfèvres de fondre les espèces d'or
et d'argent, et à cet effet, ils seront obligés de rendre comp-
te des matières qu'ils emploient, des ouvrages qu'ils livre-
ront.
(La fin dans la prochaine livraison)
QUESTIONS
Dans son testament reçu à Québec par le notaire Chambalon le 25
mai 1703, le gouverneur de Callières recommande particulièrement à son
frère le niar(|uis de Callières, qu'il institue son héritier et légataire, de
prendre soin de Monsieur le chevalier de Courcy, "ne lui ayant connu que
de bonnes inclinations".
Quel est ce chevalier de Courcy ? A-t-il servi ici ?
NOT.
— ^ Dans un document daté du 25 mai 1703, je vois la signature très
belle de Joseph Hanibal, habitant de Québec. Quel est ce M. Hanibal?
Que faisait-il à Québec?
XXX.
— Quel fut le premier Canadien-Français, c'est-à-dire quel fut le
premier enfant né dans la Xouvelle-France d'un père et d'une mère
français ?
A. B. C.
— On voit dans l'Histoire des Ursulines (vol. III, p. 6) qu'on trouva,
en 1854, dans le grenier d'une maison de la basse-ville de Québec des
paniers remplies de lettres du trop célèbre Estèbe. Ces lettres ont-elles
été conservées? Où sont-elles?
CUEIEUX.
... 210 —
LES FRANCS-FRERES
SOCIETE POLITIQUE SECRETE DE MONTREAL
Je dois à un octogénaire, ancien officier de Justice, les renseignements
qui suivent sur les Francs-Frères, société politique secrète d'il y a soixante
ans.
En autant que je me rappelle, dit-il, la société des Francs-Frères fut
fondée en 1856 et la plupart des sociétaires appartenaient ou avaient
appartenu à l'Institut canadien.
J'avais dix-sept ans lorsque je devins membre. Les réunions se te-
naient, rà cette époque, au deuxième étage^ d'une maison sise au coin nord-
ouest des rues Sainte-Catherine et Sang^inet. "
Apparemment, c'était une société de protection et de secours mutuels
pour les libéraux; elle avait un rituel semblable à celui de toutes les
sociétés secrètes, mais le fait qu'elle fut dénoncée par le clergé laisse sup-
poser qu'elle avait un autre but que j'ignore.
Un soir, ajoute-t-il, des citoyens de la paroisse Saint- Jacques firent
irruption dans notre salle et nous forcèrent de déguerpir. Ce fut le
coup de mort des Francs-Frères.
Après cette affaire, les sociétaires s'assemblèrent tantôt chez l'avocat
Desjardins (Magloire), rue Saint- Vincent, tantôt ailleurs, mais le prestige
de l'institution était évanoui à toujours.
Quelques-uns des membres les plus en vue étaient les avocats J.
Doutre, M. Desjardins et Richer, puis M. J.-E. Lafond, le comédien A.-V.
Brazeau et son frère Guillaume. Tous sont décédés.
» * *
Le 18 avril 1881, un correspondant confiait à la Minerve une longue
lettre qui avait pour but "d'édifier les rédacteurs du journal sur la croi-
sade entreprise contre certains francs-maçons". De ce morceau où l'on
ne peut démêler la part de la calomnie et de la médisance, j'extrais quel-
ques passages' qui me semblent concerner nos Francs-Frères.
^f ^ #
*'L'Institut-Canadien de Montréal, créé en 1844, et nourri, dès son
— 21 l'-
origine, de l'esprit de Voltaire, était déjà, en 1853, pour ne pas dire
avant, dirigé en grande partie par l'influence des sociétés secrètes. La
preuve en est, qu'en 1853-1854, une seule loge, désignée sous le nom de
loge des Franc-Frères et soumise à la 'grande loge des Odd-Fellows de
Montréal, contenait environ deux cents membres du susdit Institut-
Canadien. Il est à remarquer en passant que ses deux cents membres
comprenaient les sommités libérales-rouges de l'Institut-Canadien : car, à
cette époque, les conservateurs n'étaient ]ias admis, en pratique, à la loge
des Francs-Frères.
"Les réceptions dans la loge des Francs-Frères se faisaient comme
cliez les francs-maçons. On bandait les yeux du nouveau candidat pour
lui faire subir les premières épreuves, puis on le conduisait par une corde
au cou dans une cbambre tendue de noir, où se trouvait un cercueil vide
recouvert d'un drap 'mortuaire avec une tête de mort pour complément.
Là, en face d'une table où se trouvait une espèce de bible, et, en présence
de plusieurs Francs-Frères, armés de poignards, après avoir enlevé le
bandeau qui lui couvrait les yeux, on faisait jurer au novice Franc-Frère,
et cela sous menace de mort, entr'autres les points suivants: lo de garder
le secret absolu sur tout ce qu'il connaissait de la fraternité des Francs-
Frères; 2o d'obéir aveuglement au grand maître de la loge et aux ordres
des loges supérieures ; 3o d'être toujours .démocrate, libéral eïi politique,
et de combattre de toutes ses forces toute autre forme de gouvernement,
spécialement la monarcbie ; -lo enfin de propager autant qu'il serait en son
pouvoir les doctrines des Francs-Frères."
Mon informateur, je l'ai déjà dit, ne sait rien de l'affiliation des
Francs-Frères aux Odd-FeUows, Il a cependant ouï dire que Magloire
Desjardins faisait partie de cette dernière association.
M. Desjardins, sur la fin de sa vie, n'était plus catholique. Il mourut
âgé de 43 ans, le 26 décembre 1864 et fut enterré dans le cimetière pro-
testant. L'acte de son décès est inscrit dans le registre de l'église pres-
bytérienne franco-canadienne de 1865 sous la signature du pasteur Duclos.
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTION
La Chambre de Commerce de Québec a célébré en 1908 le centenaire
de sa fondation. Cette Chambre de Commerce est-elle la plus vieille ins-
titution du genre au Canada ? Quelles sont les Chambres de Comnxerce
canadiennes fondées avant celle de Québec ?
COMM.
— 212 —
LE CHANOINE JEAN-BAPTISTE
GOSSELIN
"Gosselin Jean-Baptiste, ordonné à Québec le 26 octobre 1734, mou-
rut en 1759."
Cette trop laconique note de Tanguay est même inexacte. Le millé-
sime 1749 doit être substitué'à celui de 1759. Il semble donc écrit que
pas une date de cet auteur n'est sûrement impeccable. En matière généa-
logique surtout, causer et rire sont imprudences presque toujours fatales.
Heureusement, il est d'autres mines de renseignement que le Répertoire
du clergé canadien.
M. Gosselin, je l'ai souligné plus baut, était originaire du diocèse
d'Amiens. Il vint en Canada au }>rintemps de 1739, en compagnie de
Mgr Dosquet et des abbés et de St-Poncy.
Le jeune abbé, qui n'était même pas dans les ordres, était une recrue
destinée au Séminaire de Québec par le Séminaire des Missions étran-
gères de Paris. On sait l'amitié qui a toujours existé entre ces deux
Maisons. Les Messieurs du Séminaire de Paris, présumant que le fils
avait hérité du talent financier de son père, espéraient qu'il serait à la
procure un précieux collaborateur en attendant qu'il en devint le titulaire.
Mais l'expérience ne tarda ])as à démontrer que le fils du financier avait
plus de vocation et d'aptitudes pour le spirituel que pour le temporel, ce
qui n'est pas précisément un déficit, du moins pour un lévite.
On l'installa donc à la procure alors sous la direction d'un M. Hamel.
Mais il fut bientôt évident qu'il n'était pas l'homme providentiel annoncé
et attendu. Pendant son triennat il ne révolutionna pas le système fiscal
de ses prédécesseurs. Il semble même les avoir copiés, bien qu'il eût pu
faire table rase et inaugurer une ère nouvelle puisqu'il devint le titulaire
de la procure. L^ne preuve, c'est que les archives renferment des "Actes"
qu'il a signés en quahté de procureur et qui le mentionnent comme tel.
Il n'appert donc pas (|u'il ait éclipsé ses aînés, comme l'espéraient
les Messieurs du Séminaire de Paris. A priori, la conclusion s'impose.
Mais le fait qui semble l'amoindrir est, rigoureusement du moins, suscep-
tible d'une autre interprétation. Jeune, inexpérimenté, sans le noviciat
piréalable, et transplanté dans un milieu étranger, temporiser a peut-être
été sa politique. Si peu de manoeuvres maladroites suffisent à embourber
— 213 —
n'importe quel char financier ! S'il a ainsi raisonné, j'opine à croire qu'il
eût été un procureur assez avisé, avec plus de goût pour les affaires, bien
entendu.
Après un premier séjour à Québec, le jeune clerc — désireux sans
doute de revoir son pays — repassa temporairement en France, dans l'été
de 1732, en compagnie, cette fois encore, de Mgr Bosquet, et de l'abbé
Boulanger, l'un de ses collal)orateurs à la procure.
Arrivé à Paris, il se rendit au Séminaire des Missions étrangères, et
le 17 mai 1733, M. de Montigny, l'un des directeurs, écrivait au Séminaire
de Québec: "Nous avons eu ici pendant quelque temps M. Gosselin; il
a perdu son père et ses affaires de fainille l'ont appelé à son pays. Nous
avons cru qu'il était à propos de lui donner un an pour s'appliquer à
l'étude et se disposer à recevoir les ordres sacrés et la prêtrise. Comme
Je séminaire de Laon, dont MM. de St-Nicolas, du Chardronnet ont la
direction, est assez proche de son pays, nous lui avons conseillé d'aller y
passer un an et nous y payerons sa pension."
L'intérêt évident que le Séminaire de Paris })ortait au fils m'inchne
à croire que le père lui avait rendu des services financiers. Sinon, ses
sympathies n'en sont que plus dignes d'éloges. En tout cas, il a été pour
le jeune abbé un protecteur et un directeur avisé.
Quelques jours plus tard, le 20 mai, M. de Montigny écrivait à M.
de St-Ferrcol, supérieur du Séminaire de Québec :
"M. Gosselin a du zèle pour le soutien de votre séminaire, mais quoi-
qu'il ait quelque expérience du temporel du Canada, il ne paraît guère
propre pour tenir les livres et les comptes. Je n'ai point voulu redire à
ces Messieurs du Séminaire de Québec, à moins qu'on ne le fit directeur;
personne n'aurait été de cet avis. Je ne sais ce que vous et vos Messieurs
en pensez".
Cette note suggestive prouve évidemment que M. de Montigny était
le confident de M. Gosselin, un peu osé, il me semble, en sollicitant son
agrégation bien qu'il ne fût pas encore prêtre. Ainsi vont les choses en
matière d'agrégation: les uns la réclament trop tôt, et les autres trop
tardivement.
Les Messieurs du Séminaire de Québec, on le conçoit, éludèrent la ré-
ponse à cette question; mais le 16, octobre 1733, dans une lettre au Sémi-
naire de Paris, ils sollicitèrent le retour de leur ancien procureur:
"Nous espérons que M. Gosselin aura persévéré dans l'attachement
qu'il nous a promis, et que vous aurez la bonté de nous le renvoyer. Sa
^ 214 —
présence nous aurait été très utile cette année ; néanmoins, comme nous
aimons son bien, nous avons supporté son absence avec la soumission que
nous devons à vos sentiments et à ceux du coadjuteur qui a jugé à propos
de lui faire faire une année de séminaire en France; nous espérons que
nous n'en aurons dans la suite que plus de consolation et de services."
Abstraction faite du point de vue pratique, ce témoignage est presque
l'équivalent d'une agrégation.
Au printemps de 1734, les Messieurs du Séminaire de Paris, sachant
que leur protégé était disposé à retourner au Canada, écrivirent au Sémi-
naire de Québec:
"Nous vous renvoyons M. Gosselin, mais comme il se dispose à la
prêtrise et qu'il faut qu'il étudie, il ne pourra pas encore sitôt êtr^ utile
pour les affaires temporelles. Il aurait souhaité que nous l'eussions
agrégé à votre séminaire de Québec, non pour être directeur, mais pour
être de votre corps. Nous avons différé cette affaire à laquelle l'Evoque
n'aurait pas voulu donner les mains."
Mgr Dosquet, nommé évoque de Québec, entrait dans sa ville le 16
avril 1734, et, avec lui, vraisemblablement, l'abbé Gosselin. Trois se-
maines après, le 8 septembre, Mgr Dosquet l'ordonnait sous-diacre;
diacre le 12 du même mois, et prêtre le 18.
Que se passa-t-il au lendemain de son ordination? Je l'ignore. Mais
l'abbé dont le Séminaire de Québec avait sollicité le retour lui échappa.
Il partit presque aussitôt pour aller missionner — à Lanoraie pro-
bablement—qu'il quitta en 1736 pour repasser en France une seconde
fois. Soit nostalgie ou inconstance, soit un mélange de l'un et de l'autre,
il ne devait cesser de pérégriner que dans le royaume des cieux .
Les Messieurs du Séminaire, au lieu de le reconduire au bateau,
écrivirent au Séminaire de Paris: "M. Gosselin, après avoir poursuivi
avec chaleur les titres de sa mission et les avoir obtenus, a pris le parti
de repasser en France. Les titres qu'il a pris lui ôtent tout droit de ne
Jamais rien prétendre du Séminaire ae Québec, ni à celui de Paris. Il
compte pourtant retourner chez vous comme pensionnaire. Vous pouvez
le recevoir en cette qualité, mais qu'il n'ait toujours envie de revenir au
Canada, que ce ne soit pas à nos dépens, ni pour le Séminaire."
La teneur de ce passeport laisse suffisamment deviner ce qui s'était
passé au lendemain de l'ordination, et pourquoi l'on se boudait. Le
privilège de l'agrégation était la cause de tout le mal. Il était pour le
Jeune prêtre la condition sine qua non de son entrée au Séminaire qui, de
— 215 —
son côté, persistait à le lui refuser. L'évêque n'avait pas juridiction dans
cette question cVhabeas corpus improprement dit, et le mariage fut man-
qué. Chaque partie était donc dans son droit, bien que toutes deux
n'eussent pas également raison. En tout cas, dans mon estimation, ces
conflits bien humains n'ont rien qui doivent étonner.
En apparence du moins, les Messieurs du Séminaire de Paris n'atta-
chèrent guère d'importance à l'incident auquel ils firent allusion dans
les termes suivants, dans une lettre en date du 18 mai 1T3T: "M. Gos-
selin est resté dans son pays et y fait les fonctions de vicaire."
En 1738, il reprit son bâton de pèlerin, comme il appert par une
lettre des directeurs du Séminaire de Paris, en date du 15 mai :
"M. Gosselin a pris son parti de lui-même pour retourner au Canada;
ce n'est point nous qui le renvoyons. 11 aurait souhaité que nous l'eussions
fait, mais nous n'avons j)as cru devoir surcharger votre séminaire. 11 est
de bonne volonté et il aime votre oeuvre, mais il est bien vif et ne se
laisserait- peut-être pas facilement conduire. D'ailleurs, il vous serait
entièrement inutile pour la conduite de vos jeunes gens. Nous ne vous
conseillons donc pas de l'agréger facilement quoique nous n'ayons nul
sujet de plainte contre lui. Nous lui avons môme fait amitié lorsqu'il est
revenu de son pays, nous l'avons reçu au Séminaire le peu de temps qu'il
e^t resté à Paris et nous lui avons donné 50 livres par gratification que
nous ne mettons pas sur vos comptes."
Cette lettre démontre que la sympathie de ces Messieurs pour leur
protégé ne se démentait pas. En présence d'un cas identique les médecins
actuels concluraient probablement à la neurasthénie.
Pendant son court séjour à Québec, M. Gosselin semble avoir été
l'auxiliaire de la cure de Québec et s'occupa de botanique. On lit, en effet
dans Ferland (1), qu'en 1739 l'intendant Hocquart faisait passer à
Rochefort "un petit ballot contenant un herbier, formé par le sieur
Gosselin, prêtre et chanoine".
Chanoine titulaire de Québec, il devait l'être un jour, mais il ne
l'était pas à cette époque.
Dans l'automne de 1738, il fut chargé de la desserte des missions
de la rivière Chambly. Le 10 mai 1741, Daine déclare qu'il a fait "cession
de sa seigneurie au sieur Gosselin, curé de la rivière Chambly, il y a envi-
ron deux ans".
(1) Vol. II, p. 450.
— 216 —
Cette seigneurie était dans la baie de Missiskuoy, au lac Cham-
plain (2).
M. Gosselin desservit ces missions trois ans environ: Yamaska 1738-
40; Saint-Denis et Saint-Charles, 1740-41.
Après la mort de Mgr de l'Auberivière, le Chapitre de Québec nomma
M. Gosselin curé inamovible d'Yamaska, ainsi que cinq autres curés. Il
venait à peine 'de recevoir ses lettres qu'il sollicita sa translation à un
autre poste, alléguant insul'iisance du revenu.
Le Chapitre, par délibération en date du 18 septembre 1740, consentit
à lui donner les titres et provisions d'une^ nouvelle cure sur la rivière
Chambly, dont l'érection était réservée au bon plaisir du futur évêque,
et le chargeait en même temps de desservir, par voie de mission, le rang
de la seigneurie de Contrecoeur qui longe la rivière Chambly, ainsi que
la seigneurie de Saint-Denis.
Puis, le Chaj)itre décida en même temps l'érection de la seigneurie
de Lafrcsnière et Contrecoeur en paroisse, avec saint Louis pour titulaire
et M. Gosselin })our curé.
Malheureusement, cette ])ro('édure du Chapitre, paraît-il, était ultra
vires. Aussi, Mgr de Pontbriand, après prise de possession du siège de
Québec, exigea purement et simplement la démission des inamovibles.
C'était son droit incontestable ; mais il pouvait également bien suppléer
à l'absence de juridiction en ratifiant les nominations faites de bonne foi
par le Cîhapitre. Cette revalidation n'eût probablement j)as mis en péril
l'Eglise du Canada. En tout cas, M. Gosselin s'xécuta princièrement, et,
le 7 septembre 1741, il signait sa déijiission rédigée comme suit:
"L'An, 1741, je, J.-B. Gosselin, curé de Saint-Michel d'Yamaska,
ai remis purement et simplement la dite paroisse d'Yamaska entre les
mains de Monseigneur pour en disposer comme il le jugera à propos,
renonçant dès à présent à tout droit sur la dite cure, m'en tenant dès à
présent à mon canonicat (3). 7 sept. 1741. Signé: Gosselin."
A l'époque où il démissionnait comme curé d'Yamaska, M. Gosselin
était bien et dûment chanoine titulaire du Chapitre de Québec. Les pro-
visions qu'il tenait du roi étaient datées du 18 mai 1741. L'installation
du successeur du chanoine Le Riche avait eu lieu le 31 aoiit 1741. Cette
nomination dût être agréable à l'intendant Hocquart qui en fut le parrain
(2) Edits et Ord., vol. II, p. 56.
(3) Archives de l'Archevêché.
— 217 —
comme nous allons le voir.
Se trouvant à Québec lors de l'arrivée de Mgr de l'Auberivière, M.
Gosselin se prodigua à tel point pour les malades du vaisseau arrivé le
7 août, que l'intendant Hocquart crut devoir le signaler à la cour dans les
termes suivants:
"Le sieur Gosselin ne sera pas en état cette année d'envoyer beaucoup
de plantes; de})uis l'arrivée des vaisseaux du roi, il s'est employé entiè-
rement à consoler les malades de l'équipage du vaisseau détenus dans
les hôpitaux et à leur administrer les sacrements. Il l'a fait avec une
générosité d'autant plus louable qu'il était presque le seul des ecclésias-
tiques séculiers qui se soit livré à cette oeuvre de charité sans ménage-
ment. . . Il mérite, Monseigneur, pour cette raison, vos bontés."
" Comme il y a deux canonicats qui vaquent en régale, je prends la
liberté de vous en demander un pour lui ; il s'en est rendu digne. Ce
bénéfice lui donnera de quoi vivre et lui permettra de travailler dans le
temps de ses vacances à la recherche des plantes pour le Jardin du
Roi" (4).
M. Gosselin, comme il en avait prévenu Mgr de Pontbriand, revint
donc à Québec dans l'automne de 1741. Il collaborait au ministère de la
paroisse Xotre-Dame de Québec et, de plus, le Chapitre le chargea de dire
la messe quotidienne au Palais de l'Intendant cà raison de 100 livres par
an, du 1er novembre au 14 octobre 1742, sans cependant le dispenser de
l'assistance à l'office.
Tout de même, il sut arranger son affaire pour prendre ses vacances,
comme il appert par le journal du P. Maurice, S.J., pour l'année 1742:
"Dans le premier voyage de la goélette, M. Gosselin, prêtre et cha-
noine de la cathédrale de Quél)ec, s'embarqua avec il. Cugnet pour voir
si dans les terres du Domaine il ne trouverait pas quelques plantes par-
ticulières. Il a eu le bonheur, dit-on, d'en rencontrer quelques-unes, qui
ont été estimées et reçues au Jardin du Roi, en France" (5).
La passion des voyages n'est en rien contraire à la foi et aux bonnes
moeurs. Si quelqu'un en doute, il n'a (|u'à consulter le chanoine Huard.
Après un nouveau séjour de quatre ans, il n'est donc pas étonnant que le
chanoine Gosselin rêvât une petite promenade en France. Sa santé,
pensait-il, réclamait l'air du pays natal. Personne n'en douterait ! C'est
(4) Cahier Ferland C. Histoire du Séminaire.
(5) Notice sur les Missions du Saguenay, p. 32.
Parti sur la fin de l'automne de 1748, M. Gosselin se rendit au
Séminaire de Paris où il passa l'hiver. En effet, le 1er avril 1749, on
écrivait: "M, Gosselin est à peu près dans le même état; il est toujours
avec nous."
Il se rendit ensuite dans son pays où il mourut à la fin de septembre
1749. Xous en avons la preuve dans une lettre du 15 janvier 1750, écrite
par M. de Canne-Falaise, au Chapitre de Québec: "J'ai acquitté, dit-il,
les messes pour le repos de l'âme de feu M. de Lotbinière et M. Gosselin
décédé en son pays à la fin de septembre."
La correspondance que j'ai citée, les faits et gestes que j'ai mention-
nés démontrent, il me semble, que ce chanoine Gosselin était un impulsif
que seuls les Messieurs du Séminaire de Paris ont parfaitement compris.
Mgr DAVID GOSSELIN (1)
selln.
(7) Extrait de son récent ouvrage en trois volumes: La famille Gos-
La baronnie du CapTourmente
"En 1724, écrivait M. Benjamin Suite, dans la Revue Canadienne de
1885 (page 299), alors que la famille de Caën avait en mains le commerce
de pelleteries du Saint-Laurent et avant que l'on eut. entrepris de mettre une
seule charrue flans le sol d Québec ou des environs, le roi accorda à Guillau-
me de Caën, à titre de fief noble, le cap Tourmente, l'île d'Orléans, et autres
îles du voisinage. Une petite ferme pour les bestiaux, au pied du Cap Tour-
mente, fut l'entreprise noble de Caën, qui perdit ses terres et son titre en
1627 à la formation de la Compagnie des Cent-Associés".
Tous nos historiens ont, en effet, mentionné cette baronnie du Cap-Tour-
mente créée en faveur de Guillaume de Caën, le 3 janvier 1724, mais une
baronnie ne se fonde comme on établit une terre d'habitant dans les forêts
canadiennes. Guillaume de Caën a dû recevoir des lettres-patentes pour sa
baronnie. Ces lettres ont-elles été publiées quelque part ? Où ? Si elles n'ont
pas été publiées elles doivent se trouver en original quelque part. Qui m'in-
diquera où je les trouverai ?
A. B C.
précisément sur ce point qu'il se faisait illusion.
Le 1-i septembre 1742, il était en instance auprès du Chapitre, sans
l'autorisation duquel un chanoine titulaire ne peut s'absenter. Bien plus,
il lui fallait présenter le certificat d'un médecin attestant qu'un congé
lui était nécessaire. La demande d'un simple billet de confession eut
mieux fait son affaire. M. Gosselin resta donc à Québec, continuant de
dire la messe au Palais, de confesser les religieuses, de faire du ministère
à la cathédrale et de remplir ses fonctions de chanoine (6).
Au lieu du congé qu'il sollicitait en 1742, le Chapitre lui confia la
charge de trésorier, par arrêté du 16 avril 1743. Il est probable qu'il
goûta médiocrement cette marque de confiance, car il réussissait à faire
agréer sa démission de procureur du Chapitre, le 15 octobre 1744.
Cependant il ruminait toujours de repasser en France, et le Chapitre
continuait de faire la sourde oreille, voulant sans doute lui donner le
temps de préparer sa malle. Enfin, le 7 octobre 1748, muni d'un certi-
ficat de son médecin, le chanoine Gosselin sollicita un congé de deux ans
que le Chapitre lui accorda volontiers. Il se montra même bon prince
puisque l'autorisation stipulait ce qui suit: "Pendant le dit temps, il
jouira du revenu de sa prébende tant pour le gros que pour la rétribution
mensuelle, à l'exception des deux mois de vacances pendant lesquels il ne
touchera la rétribution mensuelle que sur le même pied que ceux qui sont
à Québec et s'absentent pendant le dit temps."
Deux jours plus tard, Mgr de PontHriand écrivait au ministre des
Colonies : "Malgré le petit nombre de chanoines, je n'ai pu refuser au
sieur Gosselin la permission de passer en France, à cause de la faiblesse
de sa vue. S'il pouvait obtenir une pension il quitterait volontiers son
canonicat. Je crains (ju'il ne se fixe en France et que, sous prétexte d'in-
firmité, il ne conserve son canonicat."
En style clair etjiet: Je veux bien qu'il passe en France et même
qu'il reste, pourvu que la mense épiscopale n'y contribue en rien". Evi-
demment, les adieux de l'évêque et de son chanoine ne durent pas être
aussi déchirants que ceux de saint Paul et des anciens d'Ephèse. Cette
légère croix qu'il redoutait trop, Mgr Pontbriand ne devait pas la porter.
Dieu lui en préparait une plus épiscopale et insoupçonnée à cette heure-là,
sous le poids de laquelle il succomba en 1760, après être monté au cal-
vaire.
(6) Registres du Chapitre.
— 220 —
LE ROMAN D'UN PRATICIEN
JACQUES XOUETTE
Le Bulletin s'est occupé de ce personnage en 1915, mais depuis nous
avons constaté qu'il eut une aventure à Montréal qui vaut la peine d'être
consignée.
* * ^
Jacques Xouette dut venir en la Nouvelle-France avant 1741, puis-
qu'au mois d'octobre 1742, Mgr de Pontbriand écrivait au ministre
Pontchartrain que le nommé Nouette dit la Souffleterie, faisant les fonc-
tions de procureur ou de praticien et qui demeurait à Québec depuis
quelques années, n'était pas un sujet désirable.
A cette époque, il vivait avec une femme dont le mari était absent
et "qui avait fait parler d'elle".
Pour cette raison et pour d'autres encore, les autorités religieuses
cherchaient à le chasser du Canada.
Par prudence ou par affaire, Jacques Xouette transporta ses pénates
à Montréal et c'est ici qu'on le trouve mêlé à une scène curieuse dans
laquelle il ne joue pas le plus mauvais rôle.
Nous puisons les détails qui vont suivre dans les archives judiciaires
de Montréal, 7 mars au 22 avril 1743.
Le Jeudi soir, 7 mars 1743, Madeleine Guyon-Després, épouse de
Louis-Mathieu Damours de Clignancourt, soupa avec la femme de Fran-
çois Foucher, procureur du roi, à Montréal, lequel résidait en son hôtel,
rue Saint-Paul.
Vers onze heures. Madame de Clignancourt se retira et M. Foucher
sortit avec elle pour la reconduire Jusqu'à la maison de Nicolas Morant,
charpentier, chez qui elle logeait. En route, ils furent rejoints par le
sieur Xouette qui avait soupe en ville et qui avait chambre, lui aussi, à la
pension Morant. Tous trois entrèrent dans la chambre de madame de
Clignancourt.
A peine était-on installé que Charles Ruette d'Auteuil, sieur de Mon-
ceaux, entra. Jacques Xouette lui souhaita le bonsoir, mais M, d'Auteuil
lui répondit qu'il ne recevait pas le salut de B. de J. (sic) comme lui;
qu'il était un fripon et un insolent.
— 221 —
A quoi, ledit Nouette répliqua qu'il ne méritait pas ces épithètes,
car il était un honnête homme.
M. d'Auteuil rétorqua que Nouette était un F. (sic) coquin, qu'il
avait dit: "qu'il ferait vendre ses neigres", etc.. enfin il lui servit un
plat d'invectives qu'il termina par un soufflet.
"En ce même moment le dit Nouette mit l'épée à la main pour parer
un coup de canne que M. d'Auteuil lui destinait."
M. Foucher "voulut s'o])poser à cette vaillance conjointement avec
madame de Clignaucourt". Sur ce bruit, le maître de la maison, M. Mo-
rant, et un pensionnire, J.-B. Boucher de Xiverville, se jetèrent sur le
sieur d'Auteuil et le sortirent.
M. Morant reprocha à M. d'Auteuil- de venir chez lui insulter ses
pensionnaires. A cela le gentilhomme répondit qu'il était venu voir sa
cousine ! ! ! . . .
Madame de Clignaucourt répondit: "Je ne sais quelle est cette
attention de venir me rendre visite à cette heure, lui qui ne m'en a jamais
fait aucune."
* * *
Dès qu'il fut dehors, M. d'Auteuil se rendit chez le juge Guiton de
Monrepos et logea une plainte, en pleine nuit, contre Jacques Xouette.
Il l'accusait de l'avoir insulté et de l'avoir menacé de l'épée. M. d'Auteuil,
fans doute, voulait prendre "les devants" car il n'ignorait pas à quel plai-
deur retors il avait affaire.
Les témoins furent assignés et le 9 mars, à 5 heures de relevée, l'in-
terrogatoire commença devant M. de Monrepos. Pas n'est besoin de dire
que les témoignages ne furent pas favorables à M. d'Auteuil, car mani-
festement, il était l'agresseur.
Le lendemain, Jacques Xouette, à son tour, présente une requête fort
bien motivé, par laquelle il demande la permission de déposer une plainte
contre le sieur d'Auteuil.' D'accusé, il veut devenir accusateur et il a
en sa faveur le poids de la preuve. Mais la récrimination était rarement
reçue, aussi écrit-il un véritable plaidoyer pour soutenir ses prétentions.
Il invoque les opinions des jurisconsultes éminents: Julius Clarus (Guilio
Cloro), Papon, Imbert, Gail, et il accumule les citations de façon telle
qu'il eut gain de cause.
A ce moment, l'horizon s'assombrit.
Le juge Guiton de Monrepos s'aperçoit, tout-à-coup, qu'il ne peut
siéger. Il se récuse et remet le procès au lieutenant particulier du tribu-
nal, Jean-François Mailhot, sorte de juge suppléant.
Le procureur du roi, François Foucher, ne peut pro.céder étant témoin
et J.-B. Adhémar, le greffier, est nommé substitut du procureur du roi.
Mais il se récuse parce qu'il est parent avec madame de Clignancourt.
Nicolas-Augustin (juillet de Chaumont est désigné pour remplacer
Adhémar, mais tout aussitôt lui aussi se récuse, sous le prétexte qu'il a eu
des difficultés avec le sieur d'Aute»il.
Alors on s'adresse au notaire François Simonnet qui refuse la charge,
parce cju'il considère que les raisons données par ses devanciers ne sont
pas valables !
Finalement on procède quand même et le juge Mailhot trouve moyen
de sortir de l'impasse. 11 pèse le pour et le contre, examine à gauche et
à droite et renvoie les parties dos à dos ! ! !
Dans l'anciejine-Franco, M. de Pontchartrain s'occupait du sieur
Xouette. Le 8 mai 1743, il avait adressé à l'intendant Hocquart la plainte
de l'évêque de Québec. Il donnait, sans doute, par la même occasion,
l'ordre de renvoyer Nouette du pays, car l'intendant fait monter notre
praticien dans un navire à destination de la Kochelle, le 3 novembre 1743.
Ce même intendant a tracé du sieur Nouette un portrait ni flatté ni
flatteur: "Il n'y a point de chicanes dont il ne soit capable dans l'exercice
de sa profession ... ; infidèle dans les dépôts, solliciteur de mauvais pro-
cès, indiscret dans ses discours et ses écrits ; de mauvaises moeurs avec de
l'esprit, voilà le précis de son caractère."
Nouette portait un nom territorial qui varie suivant les documents.
Dans la lettre de Mgr de Pontbriand, on lit : de la Souffleterie, dans celle
de M. de Pontchartrain, c'est la Bérisseterie, à Montréal, on écrit la Bou-
flerie. Cela est sans importance, Nouette n'était pas noble, puisqu'il ne
prend jamais le titre d'écuyer.
E.-Z. MASSICOTTE
^ ""' -?■
L'HONORABLE TOUSSAINT POTHIER
Ce personnage a joué un tel rôle dans le monde de la finance et de
la politique d'autrefois que des notes biographiques sur lui doivent avoir
leur place dans le Bulletin. Nous les extrayons du Dktionnaire généa-
logique de Mgr Tanguay, d'une notice publiée par l'abbé Bois dans
l'Opinion pibïique de 1873 (10 juillet), de ï Histoire des Canadiens-
Français de M. Suite et des archives du palais de justice de Montréal.
* * *
Sa généalogie s'établit facilement à l'aide du Dictionnaire de Mgr
Tanguay.
I. — Etienne Pothier dit Laverdure épouse Michelle de la Haye, à
Québec, le 9 septembre 1670.
II. — Toussaint Pothier épouse Marguerite Thunay, à Montréal, le
premier décembre 1703.
III. — Toussaint Pothier épouse Geneviève Hervieux, à Montréal,
le 3 mai 1734.
IV. — Louis-Tou.ssaint Pothier épouse, à Montréal, Louise Courault,
le 28 avril 1769.
De ce mariage naît, à Montréal, le 16 mai 1771, Jean-Baptiste Tous-
saint Pothier, le sujet de cette notice.
Celui-ci commença de bonne heure à s'occuper du commerce des
fourrures dans lequel son père avait acquis une jolie fortune, car Louis-
Toussaint avait été un des fondateurs de la fameuse Compagnie du Xord-
Ouest avec les Kocheblave, les Frobisher, les Cotté, les McTavish.
Devenu riche à son tour et propriétaire «les seigneuries de Lanaudière,
de Carufel et autres, le futur honorable songea à se construire un manoir
le long de la rivière Maskinongé et dès 1811, il commença, là-bas, des
travaux considérables.
En 1812, il organisait un corps de voyageurs canadiens pour la
défense des lacs et, après cela, on le trouve commissaire pour la construc-
tion du canal de Lachine, 1825 ; membre du Conseil législatif, de 1824 à
1838; membre du Conseil exécutif, de 1838 à 1839; membre du Conseil
s})écial, de 1838 à 1841; arbitre pour le partage du revenu des douanes
entre le Bas et le Haut Canada (3, George III) et commissaire pour
l'exploration des terres entre l'Outaouais et le Saguenay.
Ses nombreuses occupations ne l'empêchaient pas de s'intéresser aux
— 224 —
études scientifiques et il fut l'un des fondateurs et des bienfaiteurs de la
Société d'histoire naturelle de Montréal qui existe encore.
Le 10 Janvier 1820, il avait épousé, à Montréal, Anne-Françoise
Bruyères, fille mineure de feu Ralph- Flenry Bruyères, ancien lieutenant-
colonel des Ingénieurs royaux, et de Jeanne Dunbar.
L'honorable Toussaint Pothier décéda à Montréal, le 23 octobre 1845.
Après la mort de l'iionorable Rocli de Saint-Ours, qui était shérif de
Montréal (V. B. R. IL, V,)V.), p. 235), l'honorable Pothier fut appelé à
recueillir la succession du défunt conjointement avec Andrew Stuart
(21 septembre 1839), mais il se produisit quelque fait, encore ignoré, qui
empêcha les nouveaux titulaires de prendre leur poste, car cinq jours plus
tard, le 26 septembre, deux autres shérifs conjoints, tous deux Anglais,
cette fois, étaient désignés pour les remplacer.
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTIONS
M. Adjutor Rivarrl, membre de la Sociôtc Royale, vient de recevoir un
prix de l'Académie Française pour son délicieux volume Chez nous. Je sais
que M. Louis Fréchette a également été couronné pjir l'Académie Française
pour un volume de poésies. D'autres auteurs canadiens ont-ils reçu des dis-
tinctions aussi flatteuses de l'Académie Française ?
LIVRE
— On annonce pour le mois d'août la visite de la reine de Roumanie au
Canada. La plupart des souverains d'Angleterre, depuis la Conquête, ont
fait des séjours au Canada mais avant de monter sur le trône. Le Canada
a-t-il eu comme hôtes des souverains en exercice ? Je serais fort curieux
qu'un lecteur du Bulletin éluciderait ce petit point d'histoire afin de mettre
fin à une discussion qui dure déjà depuis plusieurs semaines.
XXX
— Je sais que l'abbé Richard, curé (Je Détroit, a été pendant plusieurs
années membre du Congrès des Etats-Unis. Le fait a déjà été mentionné
dans le Bulletin, je crois. Mais l'abbé Richard était un Français de France.
Avons-nous en des Canadiens-Français membres du Congrès des Etats-Unis ?
L'honorable M. Pothier n'a-t-il pas été membre du Congrès avant d'être
gouverneur d'un des états de l'Union Annéricaine ?
AMERIC
— Vous obligerez beaucoup un mutualiste en l'informant si nous avons
emprunté la forme de nos sociétés de secours mutuel à la France, à l'Angle-
terre ou aux Etats-Unis. Où ont été établies les premières sociétés de se-
cours mutuel dans la province de Québec ? La Société des Artisans Cana-
diens-Français, l'Alliance Nationale, les différentes Unions Saint-Joseph
sont des sociétés de fondation relativement récente. Il y a dû y en avoir
d'autres avant cela.
MUTUEL
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAUCEVILLE-4lillT I920AODT No 18
Un mémoire de M. de Boarlamaque
sur le Canada
(SUITE ET FIN)
. Comme on doit chercher à donner à l 'argent de papier
le cours le plus avantageux, il serait ])eut être de l'intérêt
du Roy de retirer du Canada l'or et l'argent moimoyé que
les Anglais pourront y laisser et à cet effet, dès qu'il y au-
rait dans le public assez de papier moiniaie d'or et d'argent
contre les lettres de change payable au premier terme avec
un profit médiocre.
On empêcherait par cette opération que les espèces
d 'or et d 'argent ne diminuent la valeur des ordonnances
et ne passent chez l'étranger par la voie de contrebande.
Le Gouverneur-Général fera faire, la première année,
un recensement des habitans de la colonie dans les villes
et à la campagne un état des arpens de terre en valeur, de
leur produit année conmmne, de la quantité de chevaux
et de bestiaux qui s'y trouveront et sur la connaissance
qu'il prendra de la situation des pays à cet égard, il fera,
de concert avec le conseil d'Etat, des rcglemens pour aug-
menter la culture, la population et les }3estiaux. Il sera
même autorisé à faire aux dejDens du Roi des avances aux
plus misérables.
— 226 —
Les troupes pouvant, à peu de chose près, remplir en
temps de paix tous les besoins du service, les habitans res-
teront sur leur terres x)our les cultiver, mais ceux qui se
présenteront de bonne volonté, pour être employés aux tra-
vaux du Roi ou aux voyages, seront admis et favorisés par
le Gouvernement.
Comme les habitans de la campagne ne seront plus dé-
tournés de leurs travaux, ils pourront s'occuper entière-
ment de la culture des terres et de l'augmentation des bes-
tiaux, mais le canadien étant naturellement paresseux et
ne travaillant précisément que jjour se fournir le nécessai-
re, il serait à propos de le forcer à un travail raisonnable,
par quelque impôt qui l'oblige à tirer de sa terre ce qu'on
doit naturellement en attendre. Cet impôt doit être en
denrées et la meilleure manière de le lever serait de faire
nourrir chez les habitans une partie des soldats que le Roi
y entretiendr.a. Ce projet sera expliqué ci'après.
La boisson naturelle du pays étant la bière de sapinet-
te, la mêlasse qui est nécessaire à sa composition ne paiera
que peu ou point de droits d'entrée.
Les vins et eaux de vie paieront sept ou huit pour cent.
Les marchandises de première nécessité seront taxées
à cinq ou six pour cent et celles de luxe à proportion de leur
inutilité, paieront un droit d'entrée plus fort.
On établira des droits sur les cabarets de ville et des
faubourgs.
On lèvera exactement le droit de contrôle sur tous les
actes et le droit de lods et ventes.
Il sera établi des magasins de sel dans les villes et
principaux forts.
Les vaisseaux du Roy l'apporteront - de France et il
sera vendu à son profit à un jDrix très modique pour encou-
rager les habitans à faire des salaisons dont le commerce se-
rait avantageux au pays.
Les vaisseaux du Roi apporteront aussi de la poudre à
tirer, elle sera vendu aux habitans le même prix qu'en
France.
L'on fera passer en Canada des régissans entendus
_227 —
pour exploiter les mines de fer qui sont auprès des trois
Rivières, Elles fo.urniront le fer, les bombes et boulets né-
cessaires pour l'artillerie, et ce qui par la suite ne sera i>as
consommé pour le service du Roy, sera vendu aux parti-
culiers.
L'on ne permettra point aux officiers de troupes, aux
connnissaires, ni à aucun de ceux qui servent le Roy, de
faire le commerce, de telle nature qu'il puisse être directe-
ment ni indirectement, par eux mêmes ou par leurs femmes
enfans ou domestiques.
Ils ne pourront non ])lus entrer dans (lucune entrepri-
se, fournir des chevaux et voitures pour le service, des bâ-
timens de transport sur mer, ou sur les lacs et sur le fleuve,
se charger d'aucune exploitation, fourniture de marchan-
dises, denrées de telle nature qu'elle puisse être.
Il sera nécessaire que l'on tienne la main exactement
à cet article qui est d'une grande conséquence. Les offi-
ciers et autres au service du Roi, pourront seulement faire
valoir des terres, prendre des concessions et en vendre les
fruits de toute nature.
Il serait à propos que l'on attirât au Canada des famil-
les étrangères sans avoir égard à la religion. On augmente"
rait par là cette Colonie sans faire tort au Royaume et le
l)etit nombre de protestans que cette tolérance y introdui-
rait, ne serait jamais assez considérable pour donner at-
teinte à la religion des anciens habitans, il y a même a pa-
rier que la plupart de ces familles embrasseraient bientôt la
religion dominante. On pourrait d'ailleurs les obliger à fai-
1 e baptiser leurs enfans.
Ces familles seraient transportées en Canada sur les
A'^aisseaux du Roi. Il leur serait concédé des terres en ar-
rivant et le Gouverneur sera autorisé à leurs faire des
avances en bestiaux, outils, grains et subsistances, lesquel-
les avances ils remplaceront dans un temps fixé.
Toutes* concessions faites ci-devant aux particuliers
et qui n'ont pas été mises en valeur seront retirés au bout
de trois ans, si les dits particuliers n'y ont point établi d 'ha-
bitans, et le Roi sera le maitre de les donner à d'autres.
— 228 —
Les postes où se fait la traite avec les sauvages ne se-
ront plus donnés à des particuliers.
Le commerce y sera libre à tout le monde et l'on n'exi-
gera aucun droit de ceux qui y enverront des canots.
Les commandans des Postes seront relevés au plus
tard tous les deux ans ; ils ne pourront y faire aucune es-
pèce de trafic, en marchandises ni en pelleteries de retour.
Ils recevront seulement les présens que les sauvages
pourront leur faire, bien entendu que le Roi ne sera pas
obligé de les compenser par d'autres et que les particuliers
que doimeront les sauvages ai)partiendront au Roi.
Les garnisons des forts seront relevées tous les ans, et
l'on y enverra en même temps, les vivres nécessaires pour
l'année et les niarchandises destinées aux sauvages. Un
écrivain ou commis sera chargé de les conduire et en répon-
dre.
Les canots que porteront ces vivres et marchandises
seront armés par les soldats de la nouvelle garnison, et si le
nombre n'en est pas suffisant, on en détachera qui revien'
dront avec ces canots. Lorsque la navigation sera difficile,
comme elle l'est pour tous les i)Ostes éloignés, on commen-
dra des miliciens pour guider les soldats et les instruire.
Le Gouverneur Général prendra les mesures les plus
justes pour que le Roy ne soit pas obligé d'acheter dans
les postes les effets nécessaires pour faire des présens aux
Sauvages. Il réglera ces présens, et comme cet article a
été la source d'abus trè^ coûteux, il aura soin d'être ins-
truit par des gens affidés, du nombre des Sauvages qui
visiteront les postes et sera autorisé à faire des gratifica-
tions aux commandans qui se seront bien conduits et à pu-
nir avec la plus grande rigueur, ceux qui auront manqué de
fidélité.
Il réglera aussi le prix des marchandises dans les x>os-
tes et aura soin que les commandans y empêchent le mono-
pole.
Il fixera les lieux où devra se faire la traite avec les
sauvages et réduira le nombre des postes autant qu'il lui
sera possible surtout de ceux qui sont éloignés. Il suffit
— 229 —
d 'empêcher les sauvages de traiter avec les Anglais et pour
cet effet on doit avoir pour principe de leur procurer les
meilleurs marchandises et au meilleur marché possible.
Si on pouvait avoir à cet égard, quelque avantage sur
les Anglais, on les attirerait aisément avec leurs paquets
dans des lieux peu éloignés de la colonie.
L 'on aura soin d 'empêcher que les Canadiens ou Fran-
çais libertins ne soient reçus parmi les sauvages, parce que,
dès qu'ils y sont adoptés, ils sont perdus pour l'Etat.
Le Koy ayant licencié ce qui restait de soldats des
troupes du Canada après la prise de ce pays, il n'est pas
l^ossible de rétablir ces troupes elles seraient composées de
nouvelles levées et par conséquent incapables de faire la
guerre. Il parait indispensable de faire passer dans cette
Colonie des régimens d'infanterie qui y tiendront garnison
pendant trois ou quatre ans. Et conune les officiers de ces
régimens seraient privés de venir de tems en tems dans
leurs familles où ils trouvent des ressources, il serait juste
que le Roi les dédommageât par un traitement plus avan-
tageux ; on en parlera ci-après.
^ Les finances gagneraient à cet arrangement. Le Roi
ne serait pas obligé de garder sur 23ied un plus grand
nombre de troupes pendant la paix et épargnerait par con-
séquent la dépense de celles qu'il entretient en Canada.
Il est vrai qu'au moment de la guerre, il faudrait re-
parer ce vide par des augmentations. Mais cet inconve*.
nient serait moindre que de confier la défense d 'une colonie
à des soldats qui n'auraient jamais fait la guerre.
Il faut en Canada un petit corps d'artillerie composé
de canoniers, bombardiers, artificiers et ouvriers. Ce coi^ps
ne peut être moindre que deux cents hommes pendant la
paix et sera augmenté à la guerre.-
On sera obligé d'y avoir un Ingénieur en chef et 4 In-
génieurs ordinaires. Le nombre pourra en être moindre,
quand il n'y aura plus de fortifications à construire. Il
est à propos de former en Canada une troupe de volontai-
res, chef seurs, commandée par les officiers canadiens qui
entendent les langues sauvages. Cette troupe destinée à la
— 230 —
petite guerre, servirait en tems de paix à rassembler les li-
bertins qui se donnent d'ordinaire aux sauvages et serait
employée aux besoins du service relatifs à sa destination.
Il suffirait qu'elle fut de 150 liommes pendant la paix ;
en temps de guerre on pourrait la porter aisément à trois
ou quatre cens hommes, les gens du pays étant très pro-
pres à ce genre de service.
Il serait en outre nécessaire d'y entretenir un corps
de matelots qui servirait pendant la paix aux transports
sur le fleuve et sur les Lacs, et pendant la guerre, armerait
les bâtiments destinés à défendre l'entrée de la Colonie.
Il pourrait n'être en tems de paix que de 150 ou 200
hommes ; qui ayant acquis la coimaissance de la navigation
du pays, seraient des chefs d'équipage pendant la guerre.
La dépense de leur entretien seraif compensée avantageu-
sement par les transports continuels et nécessaires dont ils
épargneraient les frais au Roi.
Les Milices du Canada sont très bonnes. Il y a dans
ce pays là beaucoup plus d'hommes naturellement coura-
geux que dans les autres. Lorsqu'on les accoutumera à
l'obéissance, on en tirera un grand parti à la guerre.
Le Canadien est ennemi de la gêne et inconstant, mais
très docile lorsqu'il tiouve fermeté et justice dans ses
chefs. Il aime la petite guerre de préférence et y est très
propre. Cependant il ne sera pas diificile de le faire com-
battre en ordre, sous l'appui des troupes réglées lorsqu'on
le prendra par l'amour de la gloire qui est naturel aux ha-
bitans du Canada.
L'on pourra en ten^s de guerre mettre sous les armes
8,000 bons miliciens ; mais il faut que les levées soient fai-
tes avec choix et rigoureusement. Il n'y a sortes de ruses
et d'intrigues que les bons hommes n'emploient pour faire
marcher les mauvais à leur place.
Dans les tems critiques on pourra pousser la levée jus-
qu'à 11 ou 12,000 hommes ; et si pendant la paix, l'on prend
quelque soin de la population on peut espérer qu'au bout
de vingt ans, les milices seront d'un tiers plus nombreuses.
Sur le pied où le Boi entretient d'ordinaire les batail-
... 231 —
Ions en tems de paix, il serait nécessaire qu'il y eut tou-
jours en Canada, douze bataillons de vieilles troupes, ce qui
ferait environ 6,000 hommes, et ce serait trop peu si la
colonie était attaquée avant qu'elle eut reçu des secours de
France.
L'on doit supposer néanmoins, qu'avant que la voie
soit fermée aux transports, on aura le tems d'y faire pas*
ser de nouveaux bataillons, ou au moins l'augmentation or-
dinaire qui est de 160 hommes par bataillons, on aurait
alors 8,000 hommes d'infanterie, ce qui joint aux milices,
suffirait pour conserver le pays lorsqu'on resserrera la dé-
fensive. Comme il a été proposé, bien entendu que la cour
y enverra de plus grandes forces s'il est possible et tâchera
de réparer les pei'tes annuelles par des petits convois ha-
sardés et qui ne seront presque jamais interceptés, si on
les fait partir à la fin de février.
Il serait à désirer que dans le nombre des 12 bataillons,
il y en eut toujours deux ou trois de troupes allemandes.
On i)ermettrait aux soldats de ces deux bataillons de
se marier dans le pays, après trois années de service, ce
serait le moyen d'aiigmenter la population sans nuire à
celle du royamne. D'ailleurs, ces bataillons seraient un
appât i>pur les coureurs et vagabonds des colonies Anglai-
ses où il y a beaucoup d'Allemands.
Si les capitulations de nos régiments Allemands, ou la
difficulté des recrues emi^êchaient d'en faire passer en Ca-
nada, on pourrait permettre aux bataillons français qui de-
vraient y i)asser, d'engager dans chaque compagnie un
certain nombre d'allemands qu'ils laisseraient dans le pays.
Peut-être que l'Etat où se trouvera le Canada quand
il reviendra sous la domination du Roi, ne permettra pas
d'y faire i:)ayer d'abord les douze bataillons, ils pourraient
gêner pour le logement et pour la subsistance des officiers.
En ce cas on se contenterait d'en envoyer huit ou dix pour
la première et la seconde année ; pendant lesquelles on
s'arrangerait d'en etivoyer huit ou dix pour la première et
la seconde année, pendant lesquelles on s'arrangerait pour
recevoir les autres.
— 232 —
Il serait à propos de donner à chaque capitaine 400 1.
de gratification par an et 250 à chaque lieutenant, à pro-
portion aux officiers supérieurs.
Le soldat devant être nourri par le Roy ou par l 'habi-
tant ou retiendra sur sa paie 3s 6d par jour, il lui restera
200 L
Le Roi retiendra aussi la masse et fournira l'habille-
ment.
La ration du soldat ne i^eut être moindre en Canada
que de 28 onces de pain, 6 onces de pois et 8 onces de vian-
de salée ou 12 onces de viande f raidie. L'air du pays exige
plus d'alimens que celui de France. Cette ration coûtera
au plus 8 s.
Les marchandises et denrées étrangères étant plus
chères en Canada qu'en France, il serait à propos que le
Roy accordât aux officiers le transport gratis sur ses vais-
seaux, jusqu'à la quantité de 25 tonneaux par bataillon.
La même faveur sera faite comme par le passé au Gouver"
neur Général et à l'Intendant, on pourra l'éte^idre aux
Etats majors des lacs, commissaires : ce qui ferait environ
450 tonneaux, lesquels raportés sur les vaisseaux que le
Roy fera passer tous les ans en Canada seraient un objet
peu considérable.
Il sera i)ermis aux troupes de laisser on France un offi-
cier par Régiment, pour être chargé de la correspondance
et faire les emplettes et chargements ])our les officiers dans
les ports du Régiment.
L 'liabillement du soldat sera comme en France, on y
joindra seulement une couverture et un gilet tous les deux
ans, une paire de guêtres d 'étoffes une paire de mitaine et
six paires de souliers de boeuf tanné tous les ans.
Il ne sera plus donné d'équipemens aux soldats qui
iront à la guerre non plus qu'aux officiers et domestiques.
On ne donnera aux miliciens qui serviront, qu'une paire de
soulliers tannés par mois, une paire dg mitasse et un bra-
guet pour la campagne, un gilet et une paire de mitaines
à ceux qui serviront l'hiver. La dépense des équipements
a toujours été très considérable et inutile. Un soldat n'a
— 233 —
pas besoin de deux habillemens. Les domestiques doivent
être entretenus par leur maîtres. A l'égard des miliciens
il faut les obliger à porter de quoi se vêtir pendant la cam-
pagne ; le peuple du Canada est assez aisé pour se passer
de ce traitement, sauf à aider les plus misérables à titre de
gratifications.
Lorsque les troujDCS seront détachées dans des forts
éloignées ou campées sur des frontières inhabitées et lors-
qu'elles seront en marche, l'officier recevra une ration de
vivres pour lui semblable à celle du soldat et une pour son
domestique, bien entendu qu'elle ne sera donnée qu'aux
effectifs, partout ailleurs il se nourrira au moyen de sa
solde.
Les officiers d'artillerie n'auront plus de droit de
voyage ni de poudre.
L'on ne donnera plus aux gens qui voyagent des certi-
ficats pour être payés de leurs dépenses, sous prétexte du
service ; ceux qui voyageront réellement pour des cas ex-
traordinaires, par ordre du Gouverneur-général seront in
demnisés de leurs frais par des gratifications et oii sera
très circonspect là dessus.
Les Gouverneurs de Montréal et des Trois-Rivières
inutiles en tems de paix et pouvant être en temi3S de guerre
avantageusement remplacés par les officiers supérieurs des
bataillons, l'on fera bien de supprimer ces gouvernemens.
Il y aura seulement, dans chacune des trois villes, un
Lieutenant de Roi du Gouvernement, un Major et un aide
major.
Les emi^lois de Major et d'aick major de ces places se-
ront donnés à des officiers actifs et intelligens, parce qu'ils
seront chargés du détail des milices sous l'autorité des
Lieuten^ans de Roi et du Gouverneur Général.
Le Gouverneur général sera Inspecteur des troupes y
il n'y aura plus de Major Général, inspecteur commandant
des troupes, emploi abusif qui coûte, embarasse et ne sert
à rien.
Les recrues seront fournies par le Roi et transportées
... 234 —
sur ses vaisseaux d'après les états que le Gouverneur-Gé-
néral enverra à la tin de l 'automne.
Chaque lieutenant de Roi fera tenir par le Major un
rôle exact des miliciens de son gouvernement, depuis l'âge
de 18 ans jusqu'à 50, on y distinguera les gens mariés et
l 'on fera trois classes, des bons, des médiocres et des mau"
vais.
Les Lieutenant de Roy feront deux fois par an, la re-
vue des miliciens, au commencement et à la fin de l 'été. Le
Gouverneur-Général sera présent à une de ces revues. On
les obligera à avoir chacun un bon fusil, une corne à poudre
et un sac à plomb.
Il sera nécessaire que le Roy fasse passer en Canada
400 maîtres et compagnons ouvriers de tous genres, surtout
pour les forges et constructions de marines lesquels seront
nourris aux dépens du Roi pendant les premières années,
et ne serviront qu'aux travaux du service.
Il faudra aussi y faire passer des outils de toute espè-
ce en suffisante quantité et une provision de fer x>our la
première année en attendans que les forges puissent en
fournir.
Il est de la plus grande importance de faire construire
des hangars pour les effets d'artillerie, l'air du Canada
étant très destructif.
Comme le bois est commun, cette dépense sera peu con-
sidérable.
L 'on ne peut espérer de trouver au Canada la premiè-
re année, les vivres nécessaires pour la subsistance des trou-
pes ; on sera obligé d'envoyer en France 15 ou 20 mille
quarts de farine et quatre ou 5 mille quarts de lard, ce qui
augmentera pas la dépense.
Nous allons maintenant entrer dans le détail des dépen-
ses que le Canada occasionnera au Roi pendant chaque an-
née de paix y compris ce qui sera à faire pour le mettre en
état de défense.
On verra par le tableau ci après quels appointemens
l'on estime être donnés au Gouverneur Général, à l'Inten-
dant, aux Etats majors et aux officiers de plume et de jus-
— 235 —
tice. Ils doivent paraître suffisans à tout homme désinter-
ressé qui a une connaissance parfaite de ce pays.
200,000 1. que nous proposons pour les presens a faire
aux Sauvages seront plus que suffisans entre les mains
d 'un Gouverneur éclairé et occupé des intérêts du Roy.
150,000 1. pour les dépenses extraordinaires fourni-
ront aux frais imprévus et aux gratifications i^our les su'
jets qui se distingueront, ainsi qu'aux avances à faire pen-
dant les premières années de la paix aux nouveaux habi-
tans. Le Gouverneur sera obligé de rendre un compte
exact de ces deux articles, d'en donner une connaissance
entière à l'Intendant, qui ne pourra néamnoins refuser
d'acquitter à cet égard les ordonnances du Gouverneur-
Général.
200,000 1. pour les frais de régie et écrivains doivent
être assez, si l'Intendant est économe et entendu, d'autant
que la ration que nous avons estimée à 8s coûtera moins,
lorsqu'on fera les em])lettes à propos et que les moutures
et salaisons et engrais seront bien régis. L'Intendant sera
obligé de rendre compte de ces manutentions, ainsi que de
tous les autres détails de finances, au Gouverneur Général.
Les recrues ne coûteront rien au Roi parce qu'il trou-
vera sur le non comj^let et sur les paies de gratifications,
un bénéfice en solde et subsistance qui suffira pour cet ob-
Les communautés, hôpitaux et missions ont des fonds
en Canada. S'ils ne suffisent pas pour l'entretien des re-
ligieux et religieuses, pour le traitement des soldats mala-
des en abandonnant le prix de la ration, et pour l'entretien
des missionnaires de la Colonie, quelques pensions sur les
bénéfices y pourvoient sans être à la charge du Roi.
Reste a entrer dans le détail des dépenses à faire pour
les fortifications, artillerie, bâtimens royaux, forges et
constructions de marine.
Comme les matériaux à employer pour ces différens
objets se trouvent dans le pays, l'on ne peut mieux estimer
ces dépenses qu'en calculant la main d'oeuvre.
L'on ne peut travailler en Canada, que depuis le 15
... 236 —
Mai jusqu'au 15 Octobre. Le froid est excessif dans les
autres mois de l'année.
On fera camper les troupes pendant ces cinq mois
dans les lieux que l'on voudra fortifier et pendant l'hiver
on les logera chez les habitans à la réserve des garnisons
pour les villes et forts que l 'on doit estimer au plus à 1500
hommes.
Des cinq mois de travail il en faut ôter les dimanches
et fêtes princii)ales, reste 130 jours.
Les douze bataillons camx:)és pourront fournir 2,500
travailleurs qui seront payés à 12 par jour de travail.
On pourra tirer des villes et de la campagne environ
1200 travailleurs de bonne volonté qui seront et auront 10
par jour.
Tous ces articles sont calculés sur le tableau ci-après.
Les soldats campés seront nourris aux dépens du Roy,
pendant les cinq mois d'été. Les 1500 hommes de garni-
son le seront aussi pendant les mois d'hiver. Mais le sur-
plus sera nourri chez l'habitant où il sera logé et aux dé-
pens du dit habitant, lequel avec un travail médiocre, pour"
ra tirer de sa terre, de quoi nourrir son hôte, d'autant que
ceux qui ne logeront point contriburont à la subsistance
pour leur part suivant des rôles qui seront arrêtés a cet
effet dans chaque Paroisse et cette manière d'impôt sera >
la seule que le Canadien paiera au Roi. ' '
On achètera pour le comjjte du Roi ou on louera un
nombre de chevaux suffisant pour aider aux travaux de
fortifications et de l'artillerie. Il en faudra environ 300
qu'on n'aura pas de jjeine de trouver dans un pays où il y
en a beaucoup trop. On a estimé cette dépense et les au-
tres frais extraordinaires des travaux à 120,000 1.
Le Roi retenant sur la paie du soldat 3 6 par jour, on
a déduit avec raison du total des dépenses 415,187 1. puis-
que cette somme entrera dans l'extraordinaire des guerres,
ou sera employée dans la recette du Trésorier de la Colo-
nie. Ainsi la dépense annuelle ne sera que de 2,005,115 1.
Si l'on calcule ce que le Roy doit tirer des droits d'en-
trée pour toutes les boissons et marchandises sèches, des
— 237 —
droits de cabaret dans les villes, du contrôle des lods et ven-
tes, de la vente du sel et de la poudre et de la concession des
terres, cette sonrnie passera 500,000 1. et augmentera toutes
les années pour le Canada d'environ 4,500,000 1. lesquels
ne commenceront à être payés que la seconde année au ter-
me des lettres de change ; il y aura même une partie de cet-
te somme qui restera la première année dans le pays en
monnaie de papier.
Il est aisé de voir i^ar le tableau que plus de la moitié
de cette somme sera employée aux fortifications et autres
travaux du Roy et par conséquent ne sera plus nécessaire
lorsqu'ils seront finis.
Si des vues supérieures déterminaient le Roy à af-
franchir ses sujets du Canada de toute espèce d'impôt pen-
dant quelques années il faudrait alors payer aux habitans
la subsistance des soldats qui seraient logés chez eux et on
ne pourrait la payer moins de 5. par jour, ce qui ferait 258,-
000 1. à ajouter à la somme ci-dessus.
A l'égard de la durée des travaux, il parait impossi"
ble de la déterminer présentement, cependant on doit se
promettre qu'en cinq ou six années au plus, les trois fron-
tières seront en état de défense si l'on veille à ce que les
4000 hommes destinés à ces travaux, soient bien employés.
L'on ne prétend pas dans le tableau des dépenses n'en
avoir omis aucune, mais ce qui peut avoir échappé serait
peu considérable.
On n'a point compris dans ce calcul les munitions de
guerre, pièces et effets d'artillerie dont il est nécessaire
que le Canada soit pourvu, non plus que les outils de toute
espèce et cordages pour la Marine, qu'il faut y envoyer
jusqu'à ce qu'il soit en état de les fournir, l'article de l'ar-
tillerie serait très considérable, si le Roi était obligé d'en
faire l'achat dans une même année. Mais on peut dès le
premier moment de la paix commencer cet approvisionne-
ment, en dégarnissant les places, les plus à portée de la
mer que l'on pourvoira ensuite à loisir.
La dépense quoique forte en elle-même sera peu à
charge de cette manière.
— 238 —
Si l'on juge à propos on donnera l'état de cet appro-
visionnement.
Nous ne parlons pas ici des profits que les finances du
Roi et l 'Etat tireront indirectement du Canada par la voie
ofu connnerce.
Mais il est à présumer, que si cette colonie est bien
gouvernée, elle indemnisera amplement des 1,500,000 1.
qu'elle aura coûtées pendant les premières années de la
paix.
Plusieurs des choses proposées dans ce Mémoire, peu-
vent être sujettes à des objections, surtout de la part de
ceux qui connaissent peu le Canada, ou de ceux qui y ont
des intérêts particuliers. On aurait pu y répondre d'avan-
ce mais on aurait fait un volume.
Ce mémoire, qui n'est que trop long n'a pour but que
de fixer les idées sur la dépense qu'occasionnerait le Canada
et sur les moyens de le lîien gouverner.
On n'a rien avancé qui ne soit établi sur des raisons
solides, ou sur l 'expérience.
DEPENSE DU CANADA PENDANT LES 1ères AN-
NEES DE LA PAIX
Gratifications aux officiers des Bataillons et de
l'artillerie, aux ingénieurs et constructeurs 190.000.
Gratifications aux commandans des postes éloi-
gnés , 25.000.
Couvertures, Gilets aux soldats et canoniers . . 85.000.
Appointemens du Gouverneur Général 50.000.
de L'Intendant 50.000.
" du Secrétaire du Conseil .... 3.000.
de 3 Lieutenans de Roi à 5,000 1.
^chaque 15.000.
de 3 Majors à 3,000 1. chaque . . 9.000.
de 3 aide major à 1,200 1. chaque 3.600.
du Capt de port de Québec . . . 2.000.
des Connnissaires, contrôleurs et
principaux garde Magasins 35.000.
— 239
99
»>
des officiers de justice pour le
conseil et autres jurisdictions . . 40.000.
des Interprêtes pour les Sauva-
ges et leur subsistances . . . 15.000.
Bois et lumières pour les corps de garde 10.000.
Entretien et subsistance de 150 chasseurs com-
mandés par 12 officiers 48.000.
Idem pour 150 matelots commandés par 18 offi"
ciers corsaires ou mariniers . 45.000.
Subsistances pendant l 'année à 200 canonniers à 8
par jour 29.000.
Entretien et subsistance de 400 maîtres ouvriers
ou compagnons 58.000.
Paie de 400 maîtres ou compagnons à 30 c l'un
dans l'autre pendant 130 jours 18.000.
Subsistance de 1200 travailleurs du pays pendant
150 jours 12.000.
Subsistance pendant l'année à 1500 soldats des
Bataillons 219.000
Idem des autres 4,500 soldats pendant 150 jours
de campement 288.000.
Paie des 1200 travailleurs du pays à 10s. pendant
150 jours 78.000.
Paie de 2500 soldats travailleurs à 1.25 pendant
130 jours 9.360.
Supplément pour la paie de 200 maîtres ou com-
pagnons ouvriers qui peuvent être employés
toute l'année ., 54.000.
Supplément pour la paie nourriture de 400 tra-
vailleurs au pays qui peuvent travailler aux
forges et aux bois de construction toute l'an-
née 69.000.
Dépense de chevaux et frais extraordinaires pour
les fortifications et l'artillerie 120.000.
Frais de régie et de transport et paie des écri-
vains et commis 200.000.
— 240 --
Dépenses des Sauvages 200.000.
Dépenses extraordinaires 150.000.
2.420.960.
A déduire pour la retenue de 3c. 6d faite sur la
paie de 6.500 soldats et canoniers, 415.187.
Reste pour la dépense totale de chaque année . . 2.005.778.
Sur quoi est encore à déduire ce que le Roi
tirera annuellement du Canada en droits
d'entrée et autres que nous avons estimé à . . 500.000.
MARGUILI.KR KX FRANC-MAC ON,
Dans ses Petites Choses de notre histoire (2e série), M. Pierre-Georges
Roy rappelle le cas peu banal d'un franc-niaçon en même temps marguillier
de la fabrique de Montréal vers 1771, et il ajoute que, lorsque le fait fut ré-
vélé, le scandale fut d'autant plus grand que le marguillier en question, Pier-
re Gamelin, était le père d'un sulpicien du Collège de Montréal.
Je regrette d'enlever à l'aventure un peu de son piquant, mais ce dernier,
détail est inexact. Pierre , Gamelin Maugras, qui fut le père du sulpicien
Pierre-Mathieu Gamelin Maugras, né en 1740 et mort en 1771, avait la meil-
leure des raisons pour n'être pas en 1771 e«i niême temps marguillier et franc-
megon, puisqu'il n'était plus de ce monde depuis 14 ans déjà, étant décédé à
Montréal le 3 juitet 1757.
Quel est donc, en ce cas, le marguillier franc-maQon ? Je n'en vois pas
d'autre que le neveu du précédent, et le cousin germain du sulpicien, Pierre-
Joseph Ganivelin, fils de Joseph et d'Angélique Giasson. Quoiqu'il n'eut que
35 ans en 1771, il était déj^ un des négociants les plus importants de Mon-
tréal et il n'est pas étonnant qu'il ait été choisi marguillier malgré son ftge
relativement peu avancé.
M. Pierre-Georges Roy explique l'accointance de Pierre Gamelin avec la
franc-maçonnerie par son constant voisinage avec la société anglaise. Il est
remarquable en effet que presque toutes les filles de Pierre Gamelin, nées de
son mariage avec Louise-Archange Delorimier, se soient mariées avec des
protestants anglais et devant le ministre anglican, Marguerite avec Henry
Loedel, Marie-Louise avec John Conn'olly et Catherine avec le 4ieutenant
William Pritchard.
On remarquera d'ailleurs que, dans sa lettre à Pierre Gairlelin, Mgr Briand
ne fait aucunement allusion au fait qu'il a un fils prêtre. C'eut été pourtant
un argument de première force à faire valoir pour toucher le coeur du cou-
pable. L'évêque ne s'en est pas servi pour la bonne raison que j'ai dite plus
plus haut.
- C'est à l'abbé Gosselin que M. Pierre-Georges Roy avoue avoir emprunté
cette histoire d'un franc-maçon père de sulpicien. L'excellent auteur de
l'Eglise du Canada a certes rendu de précieux services, mais il écrivait vite
quelquefois et il a besoin d'être contrôlé. C'est ainsi que sur la foi de ce qu'il
avait écrit, j'ai pris moi-même le secrétaire de M. de Beauharnois pour un
d'Aillebout des Musseaux, alors qu'il s'agissait de Jean-Christophe-Marie,
sieiÉ" de Monceaux. Depuis que le bon abbé m'a joué ce tour, je m'en défie.
AEG. FAUTBUX
... 241 --
L'INVASION AMERICAINE CHANTEE
Une chanson sur l'invasion américaine, voilà une rareté. Aucun
folkloriste de mes amis n'a entendu parler d*une telle pièce.
La version que je possède m'a été fournie par M. Joseph-Albert Ri-
chard, mécanicien, à Montréal, né en 1850. Il la tient de son père, Louis
Richard, entrepreneur menuisier, né au Cap Saint-Ignace et qui, après
avoir demeuré en divers endroit de la province a fini ses jours dans la
métropole.
Le chanteur ignore où et quand son père apprit ce chant, mais il
sait qu'il est très ancien. Xe daterait-il pas de 1776-77 ? On peut le
supposer. J'imagine aussi qu'il a dû avoir plus de cinq couplets. La
transmission orale l'a écourté vraisemblablement, car cela se produit pres-
que toujours.
La lecture de la version Richard aura peut-être le bon effet de ré-
veiller des souvenirs et de faire surgir des variantes qui compléteront le
morceau.
Ecoutons le barde populaire :
En Canada est arrivé
Une chose à remarquer.
Les Canadiens vivaient tranquilles
Les Bastonnais ont décidé
De les soumettre à leur contrée.
Partant de la vill(e) de Baston
Ont pris le fort de Carillcii.
Et tout (es) les autr(es) place (s) ensuite
Et tout (es) les provisions
Mortiers, boulets, bomb(es) et canons.
Le fort Saint-Jean, en vérité
A pour sur le mieux résisté,
Et malgré toute leur vaillance.
Les Bastonnais l'ayant bloqué
Il a fallu capituler.
— 242 —
Montgomery, leur général,
En arrivant à Montréal,
Sur le champ fait sommer la ville
Qu'ell(e) doit se , soumettre au congre (sic)
Il a fallu capituler.
Montgomery après cela
Poursuit Carleton à grands pas.
A entré par la Basse-ville '
Pour prendre Québec par assaut.
C'est là qu'il trouve son tombeau !
Si je ne m'abuse, cette pièce intéressante a échappé à feu F. A. H.
Larue qui publia une bi«n jolie étude sur nos chansons historiques du
Canada dans le Foyer Canadien de 1865. ■
E. Z. MASSICOTTE
REPONSE
Beaussler de l'Isle (Vol. XXVI, p. 160). — Voici ce que je trouve au sujet
de cet officier dans Mazas . Histoire de l'ordre de Saint-Louis, (II, 157).
"Beaussier de l'Isle — Originaire de Toulon, fils du feu capitaine de port
de Toulon- — Enseigne de port en 1732, lieutenant de port en 1739, capitaine
de port en 1749. (Liste générale des officiers de marine, 1749). Chef d'es-
cadre en 1764 — a fait quatre campagnes avant d'être nommé enseigne ; était
au bombardement de Tripoli en 1728, a été fait prisonnier à Louisbourg en
1758— Mort le 4 juin 17 65 (Registre des mouvements, tome 1er, p. 156)"
On peut voir que les dates d'avancement données par Mazas et celles don-
nées par M. Régis Roy ne concordent pas. L'erreur typographique est-elle
dans Mazâs ou dans le Bulletin •?
AEG. F.
Le Secrétaire d'ambassade (Vol. XXVI, p. 183). — Il est à peu près cer-
tain, quoique ce ne soit pas absolument prouvé, que le faux vicomte de Nar-
bonne-Lara est bien le même qui a publié^ sous le pseudonyme de Charles
Lépine, le roman intitulé : "Le Secrétaire d'ambassade". Mais ce qui est
incontestable, c'est que cette publication est un plagiat éhonté d'une nouvel-
le d'Amédée Achard : "Fabien de Serny", qui forme) la deuxième partie des
"Rêveurs de Paris". Presque d'un bout à l'autre, le même texte est repro-
duit ^ans aucun changement et les noms mêmes des personnages ont été
conservés. Notre exemplaire est daté de 1879 et porte la mention : seconde
édition. Est-ce que ce livre aurait eu deux éditions la même année, ou bien
est-ce une autre fumisterie de l'auteur ?
AEG. F.
— 243 —
UNE LETTRE AU NEGOCIANT POISSET
EN 1763
A titre de curiosité, pourquoi ne pas conserver copie d*une lettre
qu'adresse en 1763, un sieur Xiger de Paris, à son parent ou "son frère",
le négociant Poisset qui résidait dans la région de Montréal.
On y lira une référence à l'intendant Bigot, alors domicilié à la Bastil-
le et dont le procès n'est pas encore terminé et, surtout, une étonnante re-
marque, à savoir que l'on était d'avis en France, que les Canadiens "ne se-
raient point mal sous le gouvernement anglais" :
*
* *
"Depuis la mort de Mgr le due de Bourgogne, ma femme. Monsieur
mon cher frère, ne s'est point bien porté, et depuis plus d'un an elle est
toujours malade ce qui' l'empêche de pouvoir vous écrire. Nous comptons,
cependant que la belle saison où nous entrons luy rendra la santé et elle
semble prendre quelques forces depuis quelques jours. Nous perdons
beaucoup par la mort dé cet auguste prince aussy avons-nous pris la dé-
termination de nous retirer dans mon pays sitôt que mon affaire sera dé-
cidée et que ma femme pourra soutenir le voyage.
"Mr Darpentigny qui veut bien se charger de vous faire parvenir la
présente vous dira la tournure que ma femme a voit donné pour pouvoir
obtenir le paiement de vos effets. Mgr le Dauphin luy avoit promis de
luy faire donner dessus un acompte de 15,000 livres, mais l'affaire de
Mr Bigot a tout arresté. Ce Mr est toujours à la Bastille et l'on dit que
son procès sera bientôt jugé. Il y a eu un arrêt du conseil qui a enjoint
à tous les porteurs des effets du Canada d'en faire la déclaration à Mr. de
Larochette, cy-devant comnais des trésoriers généraux de la marine en
Canada. J'ay fait cette déclaration pour vos effets et pour être toujours
sur pieds j'ay dit dans cette déclaration que ma femme avoit des intérêts
de famille à reigler avec son beaufrère Mr Poisset à qui appartenait les
effets. Mr d'Arpentigny vous expliquera le pourquoy.
"Nous agirons toujours pour vos intérêts, comme pour les nôtres
propres et sitôt qu'il y aura quelque chose de décidé concernant la gé-
-[244-
néralité de ces effets nous verrons ce qu'il conviendra de faire pour le
mieux. Et suivant le cas nous verrons à tirer le parti le plus avantageux.
Si nous partons pour mon pays avant l'entière consommation de cette af-
faire je laisserai vos effets à Paris à un de mes parens pour agir pour
vous en notre nom et,la chose sei'a en bonnes mains.
"L'on nous assure que vous ne serez point mal sous le gouvernement
anglois. Nous en serions bien charmés. Pour nous depuis quelques tems
nous sommes dans les amertumes avec cependant grande espérance d'en
sortir bientôt. Toute ma famille vous présente ses sincères respects et
bien des compliments à leurs chers cousins et cousines. Le régiment de
mon fils aîné vat être réformé, nous sommes occupés à le placer dans
quelques autres corps.
Agréez, je vous prie les tendres et sincères compliments de ma femme
qui embrasse de tout son coeur ses chers neveux et chers nièces.
J'ay l'honneur d'être avec tout l'attachement possible.,
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
NIGER
"Versailles, ce 28 avril 1763.
"Si vous daignez m'honorer de vos nouvelles je vous prie d'addresser
vos lettres à Chatillon de Michaille en Bugey, route de Lyon à Genève.
Marquez nous aussy s'il vous plait par quelle voye nous pourrons vous
écrire".
y"
* *
Cette lettre fut remise, le 20 mars 1766, par une demoiselle Poisset.
fille du négociant, on peut le supposer, au notaire Charles-François Caron
qui pratiqua dans l'île Jésus, entre 1734 et 1767. Le notaire négligea
d'inscrire cette pièce dans son répertoire et de lui donner un numéro, en
sorte qu'elle s'est trouvé dans les papiers divers de ce tabellion lorsque son
étude prit le chemin des archives de Montréal.
Mademoiselle Poisset devait attacher de l'importance à la conserva-
tion de cette lettre rappelant ses droits à une réclamation qui peut-être ne
fut jamais réglée.
--^-^-- E. Z. MASSICOTTE
— 245 —
LE GENERAL MOREAU ET LA GUERRE
DE 1812
Victor Moreau a été un des plus grands généraux de la Révolution.
Sa retraite <lu Rhin en 1796 et sa victoire de Hohenlinden en 1800 suf-
firaient à illustrer son nom quand même n'aurait-il que ces deux faits
militaires à son actif, mais il en eut des douzaines d'autres.
En 1804, Moreau fut arrêté })ar ordre de Naj)oléon. Il était accusé
d'avoir eu des relations avec Pichegru et peut-être avec Cadoudal.
Le 1er juin 1804, Moreau était condamné à deux ans de prison. Au
sortir de l'audience où il venait de recevoir sa condamnation, Moreau
écrivait à sa femme :
"On vient, ma chère amie, de me condamner à deux ans de prison.
C'est le comble de l'horreur et de l'infamie. Si je suis un conspirateur,
je dois périr. Certes, il ne peut pas y avoir des circonstances atténuantes,
comme le jugement le porte. C'est, évidemment, un jugement dicté pour
justifier le rapport du Grand Juge. L'indignation m'empêche de t'en dire
davantage. Je ne veux aucune grâce".
L'empereur hii fit dire <|ue s'il se désistait de son jwuvoir, remise lui
serait faite de sa peine, à condition qu'il partirait ])our l'Amérique.
Moreau accepte, et le 25 juin 1804, le jour même de l'exécution de
son prétendu complice Cadoudal, il était conduit à la frontière d'Espagne.
C'est le 4 juillet 1805 seulement que Moreau s'embarqua sur leNew-
York, qui faisait voile pour Philadelphie, avec sa femme et sa fille, âgée
de quelques mois.
Le général Moreau s'établit à Morisville, état de Pensylvanie. Il
devait y vivre jusqu'en 1813.
Malgré les efforts que faisait Moreau pour vivre retiré, il ne put pen-
dant son séjour aux Etats-Unis éviter la curiosité et l'enthousiasme de la
foule. Chaque fois qu'il voyageait, des centaines de curieux se réunissaient
devant l'hôtel où il descendait et ils ne consentaient à se retirer qu'après
l'avoir vu. La foule américaine est friande d'hommes célèbres. Les deux
présidents qui, pendant le séjour de Moreau en Amérique, se succédèrent
à la tête de l'état, Jefferson et Madison, eurent beaucoup d'égards pour le
proscrit. Ils l'invitèrent souvent à les rencontrer et lui rendirent même
ses visites.
/
V
— 246 —
Lorsque les Etats-Unis préparaient leur invasion manquée du Cana-
da en 1813, il fut beaucoup question de confier le commandemejit de l'ar-
mée d'invasion au général français. Les bruits en furent assez persis-
tants et assez publics pour se répandre même ani Canada. Nous en avons
la preuve dans un mémoire préparé vers 1811 par M. Joseph Bouchette,
arpenteur-général du Canada, oîi il est fait allusion au général Moreau.
Dans ce mémoire, M. Bouchette attirait l'attention du sous-secrétai-
re des colonies sur le projet en préparation aux Etats-Unis d'envoyer, s'il
^' avait guerre entre l'Angleterre et les Etats-Unis, le général Moreau à la
tête de six mille hommes pour faire la conquête du Canada. '
M, Bouchette disait que personne mieux que Moreau n'était capable
de conduire une pareille expédition, mais il ajoutait :
"Je suis d'avis qu'il n'aurait qu'une bien faible chance de réussir et
qu'il faudrait aux Américains une armée beaucoup plus considérable. Je
craindrais davantage, si l'on parlait de quinze ou vingt mille gommes ré-
partis comme il suit, savoir : six ou sept mille liommes sous le général
Moreau dirigés sur Montréal, un pareil nombre remontant la rivière Ken-
nébec pour descendre la rivière de la Chaudière et venir se camper devant
Québec et élever des batteries en face de la ville à la Pbinte-Lévy, tandis
que trois ou quatre mille descendraient la rivière Saint-François avec l'in-
tention de se réunir à l'armée de Moreau aux Trois-Eivières s'il réussis-
sait à prendre Montréal" (1).
On a dit que le général Moreau refusa de prendre le commandement
de l'armée américaine. Ceci est une inexactitude : ce commandement ne
lui fut jamais offert. Du moins, c'est ce qu'affirme M. Ernest Daudet,
dans son livre L'exil et la mort du général Moreau. Et M, Daudet était
bien informé puisqu'il a eu entre les mains tous les papiers et les lettres
du grand soldat.
On aimera peut-être à connaître le sort de Moreau après son départ
des Etats-Unis.
Pendant ses huit années de séjour à Morisville, le général Moreau
avait^reçu plusieurs communications des souverains alliés qui réclamaient
ses services pour les aider à détrôner Napoléon. Moreau, malgré ses griefs
contre Napoléon qui avait été si injuste pour lui, avait toujours hésité h
})asser en Europe. 11 désirait ardemment la chute de celui qu'il appelait
le tyran mais il ne voulait pas commander une armée contre la France.
(1) Rapport sur les Archives du Canada pour 1892, p. LVI.
— 247-~
Enfin, en 1813, Tempereur de Russie, Alexandre, lui envoya un émis-
saire qui eut raison de ses scrupules. Il s'embarqua le 25 juin 1813 sur
ï'Hannibal.
Moreau rencontra l'empereur de Russie à Prague le IT août 1813.
Le souverain russe et le général français s'entendirent très bien. C'est
même Moreau qui revisa et corrigea les plans des généraux alliés pour la
campagne dans laquelle ils venaient d'entrer contre Napoléon.
Dix jours plus tard, le 27 août 1813, à la bataille de Dresde, Moreau
eut les deux jambes fracassés pendant qu'il visitait le front de l'armée
Tus8« en compagnie de l'empereur Alexandre.
Moreau mourut cinq jours plus tard, le 2 septembre 1813.
Moreau avait fini sa carrière jusque là si glorieuse en combattant con-
tre sa patrie. L'histoire, tout en le blâmant de cette erreur, n'a pas été
trop dure pour lui. Napoléon avait été si injuste à son égard qu'elle in-
voque presque des circonstances atténuantes en sa faveur,
s P. G. R.
KKPONSE
Iicttrcs de cachet. (XXVI, p. 183). — La "lettre du petit cachet" dont on
'parle en 1730. à propos du notaire Pollet, de la seigneurie de Sainte-Anne
n'est rien autre chose que ce qu'on appelait plus généralement la lettre de
cachet.
D'après Funck-Brentano (Les Lettres de cachet à Paris, p. XI), les let-
tres de cachet sont désignées dans les textes des XVe et XVIe siècles indiffé-
remment par les expressions "lettres du roi", "dettres closes" , lettres du pe-
tit signet", lettres du petit cachet".
L'expression "lettres du petit cachet" se rencontre encore fréquemment
sous le règne de Louis XIV, mais, à dater du gouvernement de Louis XV, l'ex-
pression "lettres de cachet" devient d'un usage général. La prévôtét de
Québec, en employant "lettres du petit cachet" en 1730, se servait donc déjà
d'un «archaïsme.
A ce propos, il est peut-être intéressant de rappeler comment Malesherbes
définit les lettres de cachet :
"Les lettres par lesquelles le Roi fait connaître sa volonté sont de deux
espèces. Les unes sont faites pour devenir des lois du royaume, et elles en
acquièrent le caractère par l'enregistrement ; il faut que tout le monde les
connaisse puisque tout le monde doit y obéir ; c'çst ce qu'on appelle lettres
patentes. Mais les lettres par lesquelles le Roi notifie ses volontés à des
particuliers et même à des corps, celles qui ne contiennent d'ordres que pour
ceux à qui elles sont adressées et qui ne sont pas faites pour devenir des lois,
sont fermées et cachetées et on les nomme lettres closes et, plus communé-
ment, lettres de cachet. Elles ne diiïèrent des lettres missives, par lesquelles
chaque particulier donne ses ordres à ceux qui lui sont subordonnés, qu'en ce
que la signature du Roi n'est pas réellement de sa main ; elle est présumée
être conforme à sa volonté et cela est certifié par la signature du secrétaire
d'Etat."
AEG. F.
... 248 —
EDMOND DE SUEVE, SEIGNEUR EN PAR-
TIE DE SAINTE-ANNE DE LA PERADE
De quelle partie de la France venait Edmond de Suève ? Pour l'his-
toire des premiers habitants de la Nouvelle-France les contrats de mariage
sont des sources d'informations extrêmement précieuses. Les notaires de
l'ancien régime ne manquaient jamais d'enregistrer les noms des père et
mère des futurs conjoints et d'indiquer les paroisses qu'ils habitaient dans
la vieille France. M. de Suève, n'ayant pas jugé à propos de se marier,
a donc privé les historiens du précieux document qui leur aurait dit de
quelle partie de la France il était originaire.
Edme ou Edmond de 8uève était lieutenant dans le régiment de
Carignan et il passa ici avec cette troupe d'élite dans l'été de 1665.
Après le licenciement du régiment de Carignan, il décida de rester
au pays.
Le 39 octobre 1672, l'intendant Talon concédait conjointement à
MM. de Suève, lieutenant au régiment de Carignan, et de Lanaudière,
enseigne au même régiment, "l'étendue de terre qui se trouvera 'sur le
fleuve Saint-Laurent au lieu dit des Grondines, depuis celles appartenantes
aux Religieuses de l'Hôpital jusqu'à la rivière Sainte- Anne, icelle com-
prise, sur une lieue de profondeur, avec la quantité de terre qu'ils ont
acquise du sieur Amelin..."
C'est le fief et seigneurie de Sainte-Anne de la Pérade.
M. de Suève au lieu de coloniser le beau domaine que venait de lui
accorder M. Talon s'occupa à satisfaire son goût pour la chasse. L'avoir
qu'il avait à son arrivée dans la Nouvelle-France s'épuisa bientôt et il se
trouva vis-à-vis de rien.
Le- 13 novembre 1680, l'intendant Duchesneau écrivait au ministre:
"Les officiers des troupes' continuent d'employer ce qu'il plaît au
Roi et à vous, Monseigneur, de leur accorder à payer leurs dettes. J'ai
oublié l'année dernière de vous demander une semblable gral^ificntion
pour le sieur de Moras, lieutenant, qui est un gentilhomme chargé de huit
enfants dans une grande pauvreté. Il y en a encore d'autres pour lesquels
je n'ai pas osé vous parler parce que ce sont des gens qui équipent pour
eux des coureurs de bois, excepté le sieur de Suève, vieux garçon de 60
â49:-
ans, qui a été lieutenant, qui avait toujours passé pour avoir du bien et
qui est tombé cette année dans une grande misère " ( 1 ) .
Le recensement de 1681 nous apprend que M. de Suève résidait dans
sa seigneurie de Sainte-Anne. Il lui donne cinquante ans. Il s'occupait
évidemment plus de chasse que de défrichement car le même recensement
le dit propriétaire de trois fusils et oublie de mentionner ses arpents de
terre en valeur.
Le 8 août 1691, M. de Suève donnait à la fabrique de la paraisse
de Sainte-Anne de la Pérade "deux habitations de deux arpents de front
sur quarante arpents de profondeur, tenant l'une à l'autre, prenant par
devant à la rivière Sainte-Anne, par côté par dessus à Charles Vallée et
d'autre côté par dessous à Philippe Etienne".
L'une des deux terres était donnée pour le service du curé et de ses
successeurs, l'autre devait servir pour élever la future église de la paroisse.
Cette donation était faite quitte de toutes sortes de rentes pour l'ave-
nir et à perpétuité (2).
M. de Suève décéda à Sainte-Anne de la Pérade le 1er mars 1707,
et fut inhumé dans l'église paroissiale (3).
Par son testament fait le 16 juin 1695, M. de Suève avait légué à
Edmond Chorel la part et moitié de la seigneurie de Sainte-Anne qui lui
avait été concédée le 29 octobre 1672. Il lui donnait en outre: lo une
terre de cinq arpents de front sur le bord de la rivière Sainte-Anne, sur
quarante arpents de profondeur, joignant d'un côté à Daniel LeMerle et
d'autre à Jean Picard ; 2o une autre terre de quatre arpents de front,
dans l'île Saint-Ignace, traversant la dite île, joignant d'un côté madame
veuve de Lanaudière, mitoyenne de la dite seigneurie avec le sieur Don-
tigny, et d'autre part à Jean Picard ; 3o une autre terre de quatre arpents
de front, située entre les terres de madame veuve de Lanaudière et du
sieur Desruisseaux ; 4o une autre terre de deux arpents de front située
entre les terres du sieur Desruisseaux et du sieur Saint-Romain.
Le donateur obligeait Edmond Chorel à rendre la foi et hommage,
et à payer les dettes qu'il pourrait avoir au jour de son décès. Il se réser-
vait en outre l'usufruit et jouissance de sa moitié de seigneurie et de ses
(1) Archives du Canada, Correspondance générale.
(2) Acte devant Michel Roy, notaire à Sainte-Anne, le 8 août 1691.
(3) Dans son étude Le régiment de Curignan, M. Benjamin Suite a con-
fondu Edme de Suève, seigneur en partie de Sainte-Anne, avec Lesueur, le
fameux explorateur et traiteur. Il n'y eut aucune relation quelconque entre
ces deux personnages.
— 250 —
terres. Il exigeait aussi deux cents messes basses pour le repos de son
âme dans l'an de son décès.
M. de Suève prenait la peine de déclarer dans son testament qu'il
faisait don de ses biens à Edmond Chorel pour le récompenser des bons
et réels secours et amitiés qu'il lui avait rendus, et avec l'espoir qu'il les
continuerait à l'avenir (1).
P.-G. R.
(1) Testament devant Cusson, notaire au Cap de la Madeleine, le 1(
juin 1695.
QUESTIONS
M. Faucher de Saint-Maurice, dans son ouvrage choses et autres, p. 208,
usère la note suivante : "Charles Ltclerc mourut de paralysie le 9 septembre
1870, âgé de 45 ans, à Saint-Paul de Chester Le clère était vif, enjoué
et maniait une fine plume. Il a éparpillé un peu partout nombre de jolies
nouvelles parmi lesquelles je cite de mémoire : IVerniite de la caverne aux
féos, Le lac ina.skljiongé, La fille de l'usurier, La chute de Nia^ra, Un pre-
mier coup de scalpel. La nuit du 31 décembre. Le capot d'orignal, Vn jour de
l'aïi, Coeur brisé, La fille d'Isaac, Mon village, La berline bleue etc. ainsi
qu'un roman Amour et vengeance.
Où et quand cet écrivain est-il né et dans quels journaux a-t-il publié
ses oeuvres ?
Enfin, la nouvelle Le lac Maskinongé reproduite dans l'Album des famil-
les de 180, p. 323 sous la signature de C. A. H. L. est-elle de lui ?
M. A. S.
— 251 —
UNE CHANSON SUR LA PLANTATION
DU MAI
A-t-il existé des chansons spéciales en rapport avec la plantation du
mai ?
Voilà une question que les folkloristes se sont souventes fois posé de-
puis des années. Or comme tout vient à point à qui éait attendre, la ré-
ponse m'arrive enfin.
Ces jours derniers, un citoyen de Saint-Rémi, comté de Xapierville
avec qui j*en causais m*a aussitôt procuré ce que je désirais.
Mon informateur qui est M, Ephrem Terreault a appris de sa mère,
à Saint-Remi, vers 1870, la jolie chansonnette dont voici le texte :
I
Le premier jour de mai — ^^T^abouré !
Il m'a pris fantaisie
D'aller planter un mai — Labouré !
A la porte de ma mie
Las
Sur ces terres labourées
Ah ! ah !
Sur ces terres labourées.
2
D'aller planter un mai — Labouré !
A la porte de ma mie
Quand le mai fut planté — Labouré !
Dans la maison j'entrai-e.
Las !
Sur ces terres, etc.
3
Je m'assieds sur un banc— Labourant !
Faisant comme les autres.
4
Croyant flatter ma mie — Labourie !
J'en ai flatté une autre.
— 262 —
5
Elle me dit : Galant — Labourant !
Allez flatter la vôtre.
6
Je ne suis pas galant — Labourant !
Je suis eomm(e) tous les autres.
Je porte l'habit bleu — Laboureux
Passementé de jaune. ...
Monsieur Terreault n'en sait pas plus long.
Depuis que j'ai recueilli les couplets ci-dessus, une autre personne
m'a dit les avoir entendus aux Trois-Rivières, vers 1885. Ils étaient
chantés par une dame Godin, née Arcélie Matte, qui les tenait de sa mère
domiciliée à Sainte-Anne-de-la-Pérade, ce qui prouve que cette chanson
fut assez répandue aux temps jadis.
Lecteurs qui connaîtraient des variantes de ces couplets ou d'autres
chansons sur le mai devraient les communiquer au soussigné (département
des archives, palais de justice, Montréal) qui recevra avec reconnaissan(;e
tous les renseignements qu'on voudra lui transmettre,
E. Z. MASSICOTTE
Le nom de la Beauee
Le nom de Nouvelle-Beauce, dit-on, a été donné à cette partie de la
province de Québec qui s'étend le long de la rivière Chaudière, vers la fron-
tière américaine, en souvenir de ce petit coin de la France, célèbre par la
fertilité de ses terres et qui portait le nom de Beauee.
Je ne veux pas douter que le nom de notre Beauee canadienne a été
emprunté à celui de la Beauee française. Mais pourquoi ?
Les sites de notre Beauee ressemblent-ils à ceux de la Beauee fran-
çaise ? Les premiers seigneurs de la Beauee étaient-ils originaires de la
Beauee de France ? Choisirent-ils leurs premiers colons dans cette belle
partie de la vieille France ?
Qui me donnera la vraie origine du nom de Nouvelle-Beauce ou Beauee ?
BEAUCE
— 253 —
UN DIVORCE DEVANT NOTAIRE
Récemment, en consultant les actes du notaire Jean- Jacques Jorant
qui pratiqua dans les environs de Montréal entre 1*85 et 1815, mon at-
tention fut attirée par cet intitulé peut-être unique dans les archives de
Montréal : Divorce entré sieur Michel Hotier et darne Marie-Agathe Gras-
set, son épouse.
Je me suis hâté de lire pour constater qu*il s'agissait d'une sépara-
tion de corps et de biens faite dans des conditions quelque peu différentes
de l'ordinaire.
Dans notre droit, la séparation ne saurait être fondée sur le con-
sentement mutuel des époux et elle doit être décrétée par le tribunal. Or
ici, les deux époux, accompagnés chacun de son père, plus de deux té-
, moins et d'un juge de paix de Sa Majesté conviennent qu'ils ne peuvent
vivre ensemble, etc. Lisez plutôt :
No 67—27 octobre 1787
Divorce entre Sieur Michel Ilotier et Dame Marie Agathe Grasset,
son épouse.
Pardevaut le Notaire de la jirovince, résident en la paroisse St- An-
toine sur la rivière Richelieu, fut présent Michel Hotier habitant rési-
dent à Beloéuil, et dame Marie Agathe Grasset, son épouse de lui due-
ment autorisée à l'effet qui en suit et aussi en la présence des sieurs Ja-
ques Hotier et Marc Grasset leur père et beau père, lesquels dit Michel
Hotier et dame Marie Grasset, mari et femme ne pouvant s'accorder
entr*eux ni vivre paisiblement dans leur ménage ont pris et prennent par
ces présentes la résolution de- se séparer l'un d'avec l'autre et ce en vue
de vivre et mener une conduite plus salutaire à leur âme ; en conséquence
de quoi lesdits séparés, sont convenus respectivement l'un avec l'autre,
que ledit Michel Hotier aura seulement la vue sur ses enfans issus de son
mariage avec ladite Marie Agathe Grasset, sa femme, et qu'elle dite Agathe
Grasset jouira des fruits de la terre et autres biens qui étaient en commu-
nauté entr'eux suivant leur contrat de mariage, pour maintenir et élever
chrétiennement lesdits enfans. Ce fut ainsi fait et accordé en présence
des susnommés, et aussi de Pierre Guérout Ecuier, un des Juges de paix
de Sa Majesté résident à St-Denis, lesquelles dites parties ainsi séparées
ont déclaré ne savoir signer de même que lesdits Pères et beaux pères, ont
fait respectivement leur marque ordinaire après lecture faite, et a mon
^ 264 —
dit Sieur le 'Juge de paix signé aviec ïe Notaire. A St. Denis, le vingt
&ept octobre mfl sept cent quatre-vingt-sept.
Michel X Hotier, Marie Agathe X Grasset
Jaques X Hotier, Mare X Grasset
P. Guerout J. P. Joseph Allard témoin, Dormicour
J. JOEAN X. P.
^ Pourquoi cet apparat ? Pourquoi ce terme divorce, jamais employé
par les Canadiens-frangais catholifj[ues ?
Toute cette scène ne serait-elle pas l'oeuvre de Pierre Guerout ? Ce-
lui-ci était un français ou un suisse né en Allemagne en 1753 et venu
en notre pays avec les troupes mercenaires d'Angleterre en 1780. Son
engagement fini il s'établit à Saint-Antoine sur Kichelieu, puis à Saint-
Denis. (1) Bientôt ce fut un marchand considérable, jouissant de la
faveur populaire, puisqu'il fut député et dont les opinions ou les sugges-
tions devaient avoir beaucoup de poids. Etant européen il avait une
mentalité autre que la nôtre .... Enfin, qui sait ?
E. Z. MASS^COTTE
(1) B. R. H., 1907, p. 3.
RErONSK
L,c chevalier de Courcy. (Vol. XXVI, p ) — Le sieur chevalier dé
Courcy que M. de Callicres, gouverneur de .la Nouvelle-France, recommande
à son frè.rc le marquis de Callières, son légataire universelle, ne peut être
autre que Charles Potier, chevalier de Courcy, enseigne des vaisseau.x du
Roi, que l'on voit épouser, en 1717, Madeleine-Catherine Ruette d'Auteuil,
veuve de JF'rançois De Selles de Marbrelle, et fille du procureur-général d'Au-
teuil.
Ce chevalier de Courcy fut, parait-il, le bisaeiiil de M. Henry de Courcy,
l'écrivain de mérite qui a publié Lies servantes de Dieu en Canada. Voyez
La Famille Juchereau Duchesi»ay, p. 97.
P. G R.
Adrien Hiiault. (Vol. XXVI, p ) — Adrien Huault n'était pas le
flls du gouverneur de Montmagny. Charles Huault né vers 15 83 et gouver-
neur du Canada eut trois frères et deux soeurs. Les voici dans leur ordre
de classement : Louis-Claude, mort jeune ; Adrien mort en 1648, sans allian-
ce ; Charles-Claire et Charlotte. Louis, continuant la lignée, né en 1585
et mort en 1647 eut sept enfants. Adrien (qui suit) ; Louis, prêtre ; Jac-
ques ; Catherine ; Charlotte ; Boince et .Jeanne. Adrien (né en 1619 : s.
1699) est celui qui vendit en 1660 la seigneurie de la Rivière du Sud, à Louis-
Théandre Chartier de Lotbinière, et l'auteur de l'article publié dans l'Opinion
Publique du 4 septembre 1873, se trompait dans le degré de parenté attribué.
Au lieu de fils, Adrien était le neveu du gouverneur de Montmagny.
REGIS ROY
— 255 —
LE DUC D'ANVILLE
Louisbourg, considéré comme la clef du Canada, était tombé aux
mains des Anglais. La nouvelle de cette perte avaît eu un retentissement
pénible au Canada, et, afin de venger l'honneur national, M. de Maure-
pas, ministre d'Etat, sur les avis du gouverneur Beauharnois et de l'in-
tendant Hocquart, fit préparer un armement considérable pour reprendre
la forteresse de l'île Royale: onze vaisseaux et trente transports, dit
Ferland (vol. II, 478); onze vaisspaux de ligne, cinq frégates et trente-
cinq transport, corrige le Rév. P. LeJeune, O.M.I. (Tableaux synop. de
l'Hist. du Canada, 3e fascicule, 'p. 150), furent confiés au duc d'Anville.
Non pas à Nicolas de la Rochefoucault, comme l'annonce ce dernier
auteur, mais bien Jean-Baptiste-Louis-Frédéric de Roye de la Rochefou-
cault (rameau de Roye et de Roucy), duc d'Anville par brevet de 1733,
marquis de Roucy, né le 17 août 1709, reçu en survivance de la charge de
lieutenant-général des galères en 1720, lieutenant-général des armées na-
vales en 1745 et qui est mort sur le Northumherïand le 27 septembre,
1746. {Hùt. Généa. et Chrono. des pairs de France. Le P. Anselme,
V, 402.)
Le seul des LaRochefoucault qui a porté le nom de Nicolas mentionné
par le P. LeJeune, O.M.I., n'a pas été duc d'Anville. C'était Alexandre-
Nicolas de la Rocliefoucault (rameau de Surgères), marquis de Surgères,
lieutenant-général des armées en 1748 et mort le 29 avril 17G0. C'est
probablement ce titre de lieutenant-général qui a induit le P. LeJeune
Il erreur.
Le Bulletin des Rech. Hist., 1914, p. 90, nous rapporte la visite que
fit M. Faucher de St-Maurice à la baie de Chibouctou. . . "C'est là", dit
M. Faucher, "que pendant quelques années a reposé dans la mort le duo
d'Anville, de la famille de Montmorency".
Cet écrivain s'est trompé. Il a pris Damville pour d'Anville.
Damville était une baronnie érigée en duché-pairie en faveur de
Henri de Montmorency qui mourut en 1632. Le duché de Damville fut
ressuscité en faveur de son neveu François-Christophe de Lévis-Ventadour.
Le titre passa ensuite à Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse,
qui le vendit en 1719 à Mde de Parabère — et la pairie s'éteignit là. Il
n'y avait donc pas de duc Damville en 1746.
REGIS ROY
— 258 —
LE THEATRE A MONTREAL EN 1816
Pour faire suite aux diverses notes que j'ai publiées dans le Bulletin
en 1917, 1918 et 1919 j'ajoute l'annonce suivante que je viens de remar-
quer dans le Spectateur canadien du 18 novembre 1816 :
Les Amateurs Canadiens de cette ville se proposent de donner au Pu-
blic dans le cours de cet liyver, quelques Représentations dramatiques à
l'hôtel de Tesseyman où ils ont approprié la Salle d'assemblée à cet effet.
Ils débuteront mercredi, le vingt-sept du courant par
L'AVOCAT PATELIN,
Comédie en trois Actes
. ^ par Brueys et Palaprat
^ — Suivie de —
-'"^. L'ENRAGE
Comédie en un acte
^; —Et de—
r /' CRISPIN MEDECIN
"'* Comédie en trois actes
par Mr. de Hauteroche
Les Portes s'ouvriront à 6 heures, et la toile se lèvera à 7 heures pré-
cises. Les dames et messieurs qui désirent s'assurer des places sont priés
d'envoyer le 26 ou 27 courant au Théâtre depuis 9 heures du matin jus-
qu'à 3 heures du soir.
Comme les Amateurs désirent que les Dames et messieurs qui hono-
reront le Théâtre de leur présence, ne soient point gênés, ils ont limité le
nombre des billets à^250.
On publiera cette semaine des affiches plus détaillées.
Le sieur Tesseyman ne figure pas dans le directory de Doige, édite
trois ans plus tard (1819). Il faudrait donc chercher ailleurs pour sa-
voir où était l'hôtellerie assez spacieuse pour héberger des spectacles.
E. Z. MASSICOTTE
ts'1
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
— — — -i—^^^^^— ^— ■^^^— ^^^^^■■^^^■^^^■^^^— ^
VOL. XXVI BEAUCEVILLE-SEPTEIWBRH 1929 No »
LES FAMILLES DE NOS GOUVERNEURS
FRANÇAIS
Quels sont les gouverneurs français qui ont amené leur
famille au pays *?
Deux ans après la fondation de Québec, le 30 décembre
1610, Champlain avait épousé à Paris Hélène Boullé, fille
de Nicolas Boullé, secrétaire de la Chambre du roi. Elle
était calviniste comme toute sa famille. C 'est M. de Monts,
calviniste lui-même, qui ^vait poussé Champlain à con-
tracter ce mariage disproportionné d'âge. Le fondateur
de Québec avait alors quarante ans sonnés et Hélène Boul-
lé n'avait j^as encore atteint sa douzième année. Comme
la jeune femme n'était pas encore nubile, en vertu des con-
ventions matrimoniales, les époux ne devaient vivre en-
semble qu'au bout de deux ans.
Ce ne fut que dix ans après son mariage, en 1620, que
Champlain amena sa femme à Québec. Dans l'intervalle,
madame de Champlain s'était converti au catholicisme.
Elle resta dans la Nouvelle-France jusqu'en 1624. Il n'y
avait alors à Québec que quatre ou cinq j^ersonnes du sexe
et on comprend qu'un jeune femme qui avait été élevée à
Paris devait s'ennuyer à mourir dans une petite bourga-
de comme était alors la future capitale de la Nouvelle-
France.
— 258 —
Madame de Champlain consacrait à peu près tout son
temps à l'étude de la langue algonquine. Elle s'occupait
aussi de catéchiser les petits sauvages.
Dans ses courses à travers la forêt qui entourait l 'ha-
bitation de Québec, madame de Champlain portait ordinai-
rement à sa ceinture un petit miroir à toilette, ainsi que le
voulait la mode du temps. Les Sauvages prenaient plaisir
à regarder leur figure basanée se réfléchir dans la glace ma-
gique et ils disaient naïvement : "Une femme aussi jolie,
qui guérit nos maladies, et qui nous aime jusqu'à 'porter
notre image près de son coeur, doit être plus qu'une cré-
ature humaine. ' ' Elle devint presque un dieu aux yeux re-
connaissants des pauvres Sauvages et ils étaient portés à
lui vouer un espèce de culte.
L'ennui, la peur des Iroquois, les privations durent
engager madame de Champlain à retourner en France.
Dix ans après la mort de son mari, le 7 novembre 1645,
madame de Champlain entra dans un monastère d'Ursu-
lines à Paris, d'abord comme bienfaitrice puis comme no-
vice sous le nom de soeur Hélène de Saint- Augustin. En
1648, elle fondait le monastère des Ursulines de Meaux.
Elle mourut en odeur de sainteté dans ce couvent le 20 dé-
cembre 1654, à l'âge de cinquante six ans (1) . ,
C'est dans la nuit du 15 juin 1636 que le vaisseau qui
portait Charles Huault de Montmagny, successeur de
Champlain au gouvernement de la Nouvelle-France, entra
en rade de Québec. Le nouveau gouverneur avait amené
avec lui son lieutenant, Antoine-Louis de Bréhaut de l 'Isle,
son secrétaire, Martial Piraube, et trois officiers militaires
MM. de Saint-Jean, de Malepart et de Maupertuis.
' ' Quel étonnement à ces peuples, dit naïvement le Père
Le Jeune, dans la Relation de 1636, de voir cette leste no'
blesse, tant d'écarlates, tant de personnes bien faites !"
M. de Montmagny montra dès sa descente du vaisseau
quel homme il était. En s 'engageant dans la côte La Mon-
tagne, il aperçut la grande croix de bois du petit cimetière
de Québec alors situé dans le flanc de la montagne. "Voici,
(1) N.-E. Dionne, Samuel Champlain, tome deuxième, p. 395.
— 259 -
dit-il, la première croix que je. rencontre sur le pays, ado-
rons le crucifié en son image". Il se jeta aussitôt à genoux
dans le sentier abrupt. Sa suite et tous les citoyens de
Québec qui étaient venus le saluer en firent autant.
Le gouverneur de Montmagny était chevalier de l'or-
dre de Malte. Il n'était donc pas marié puisque les digni-
taires de l'ordre de Malte s'engageaient par voeu au céli-
bat.
M. de Montmagny qui vécut ici de 1636 à 1648 sut ga-
gner l'estime et l'affection de tous. Les Jésuites en font
les plus grands éloges dans leurs Relations.
Louis d ' Ailleboust de Coulonge, qui devait être le troi-
sième gouverneur de la NouvelleFrance, était passé ici en
1643, avec sa femme Marie-Barbe de Boulogne, et sa belle-
soeur, Philippe-Gertiude de Boulogne. Il se proposait de
collaborer à l 'oeuvre de Montréal.
En 1647, M. d 'Ailleboust de Coulonge passait en Fran-
ce, chargé par les habitants du Canada de demander au
roi certaines modifications à son arrêt du 27 mars 1747.
Pendant qu'il était en France, le 2 mars 1648, il fut nommé,
sur la recommandation de la Compagnie des Cent- Asso-
ciés, pour succéder à M. de Montmagny au gouvernement
de la Nouvelle-France.
M. d 'Ailleboust de Coulonge fut de retour à Québec
le 20 août 1648, et prit inmiédiatement i^ossession de son
gouvernement qu'il garda jusqu'en octobre 1651.
De 1651 à 1658, M. d 'Ailleboust de Coulonge résida à
Québec sur sa terre de Coulonge. Il mourut à Montréal,
le 31 mai 1660.
Marie-Barbe de Boulogne, veuve de M. d 'Ailleboust de
Coulonge, vécut quelque temps à Montréal puis, en 1663,
entra au noviciat des L^rsulines de Québec. Elle en sortit
bientôt. En 1670, elle se donna à l 'Hôtel-Dieu de Québec où
elle décéda le 7 juin 1685.
Nous lisons dans VHisfoire de J'Hôtel-Dieu de Qué-
hec de la mère Juchereau de Saint-Ignace :
''Barbe de Boulogne était une âme prévenue de la grâ"
ce dès le berceau ; elle ne se maria que par le conseil de son
— 260 —
confesseur, et à condition que M. d ' Ailleboust, qu'elle épou-
sa, lui laisserait garder inviolablement le voeu de virginité
qu'elle avait fait dès son enfance. Ce confesseur était un
Jésuite, grand serviteur de Dieu, qui apparemment n'agis-
sait pas en cela sans l'avoir consulté. Il dit à M. d 'Aille-
boust en lui montrant sa future épouse : ''Voici une Vierge
que Dieu vous confie pour en être le gardien ; si vous ou-
bliez la promesse que vous lui faites, et que vous ayez la
hardiesse de donner quelque atteinte à sa pureté. Dieu
vous châtira terriblement". Ces paroles menaçantes con-
firmèrent M. d 'Ailleboust dans la résolution où il était de
vivre en continence.
*' Cependant après quelques années, il fit de grandes
peines à son épouse, au sujet de son voeu qu'il voulait rom-
pre ; mais sa patience, son courage la firent triompher.
Son époux rentra dans les sentiments de fidélité dont il
voulait s'écarter ; de sorte que, après cette attaque, qui fut
longue, il la laissa paisible, et mourut fort chrétiennement
en Canada, où il avait été gouverneur."
Quoiqu'il en soit du voeu de virginité, il est établi que
Louis d 'Ailleboust et Marie-Barbe de Boulogne n'eurent
pas d'enfants (2).
On dit que la veuve du gouverneur d 'Ailleboust de
Coulonge refusa les propositions de mariage du gouver-
neur de Courcelles et de l'intendant Talon.
Le 14 octobre 1651, M. Jean de Lauzon débarquait à
Québec avec deux de ses fils, Jean de Lauzon et Louis
de Lauzon de la Cetière. Un autre fils de M. de Lauzon,
Charles de Lauzon de Charny, vint le rejoindre à Québec
le 1er juillet 1652. Lors de son arrivée dans la Nouvelle-
France le gouverneur de Lauzon était veuf déjà depuis
quelques années. Sa femme, Marie Gaudard, a laissé son
nom au fief de Gaudarville.
Les trois fils de M. de Lauzon se marièrent dans la
Nouvelle-France, Charles de Lauzon de Charny devenu
veuf, passa en France, se fit recevoir prêtre et revint dans
(2) Aegidius Fauteux, La famille d' Ailleboust, p. 23
— 261 —
la Nouvelle-France avec Mgr de Laval. Jean de Lauzon
fut tué par les Iroquois le 22 juin 1661.
Le gouverneur de Lauzon était repassé en France dans
Tété de 1656.
Dans son célèbre Mémoire, M. Aubert de la Chesnaye
raconte que M. de Lauzon s'était rendu impopulaire au-
près des colons de Québec qui lui reprochaient de ne pas fai-
re les dépenses nécessaires pour soutenir sa dignité. M.
Faillon, de son côté, accuse M. de Lauzon d 'avoir favorisé
ses fils et leurs parents au détriment de bien des personnes
méritantes. Il est bien difficile de démêler la vérité sur
l'administration de M. de Lauzon car sa correspondance
avec les ministres, qui aurait jeté tant de lumière sur tous
ces faits, a été perdue.
Pierre de Voyer, vicomte d'Argenson, nommé gou-
verneur de la Nouvelle-France le 26 janvier 1657, arriva à
Québec le 11 juillet 1658. Jeune encore, il avait à peine
trente ans, sa grande sagesse et ses moeurs sévères l'avaient
fait remarquer du président Lamoignon qui le reconunan-
da au roi pour remplacer M. de Lauzon.
M. d 'Argenson n 'était pas marié.
Le gouverneur d 'Argenson repartit pour la France le
19 septembre 1661.
Le baron Pierre Du Bois d'Avaugour, successeur de
M.d 'Argenson, était, lui aussi, célibataire. Arrivé ici le 31
août 1661, il repartit pour la France à l'automne de 1663.
Le vieux loup de mer Nicolas Gargot s'exprime en ter-
mes excellents sur M. d'Avaugour, qui était brave, franc
et loyal mais d'une opiniâtreté telle que son séjour dans la.
Nouvelle-France fut peu agréable pour lui et tous ceux qui
le rencontrèrent.
"L'année suivante, qui fut 1663, dit Gargot, on obligea
encore Gargot de faire le même voyage, et avec les mêmes
vaisseaux et semblables voitures. Aussi le succès en fut
fort approuvant du précédent. Il passa dans son vaisseau
l'évêque de Petrée et le sieur de Mézy, homme de peu de
conduite. Ce dernier y allait être gouverneur en la place
du sage et vertueux M. Dubois d'Avaugour, que quelqu'un
— 262 —
a nommé avec justice le Du Terrail du temps. Ce brave
gentilhomme, quoiqu'il eût lieu de se plaindre contre plu-
sieurs personnes du Canada, néanmoins étant de retour en
France, se contenta de rendre raison au Roi de son adminis-
tration, sans blâmer personne ; ayant obtenvi congé de Sa
Majesté il fut en Allemagne trouver M. l'électeur de Ma-
yence son bon ami, qui le mena dans l'armée qui allait en
Hongrie. Là il fut choisi pour défendre le fort de Serin où
il est mort glorieusement en combattant contre les infidè-
les." (3)
Le chevalier Charles- Augustin de Mézy, successeur de
M. d'Avaugour au gouvernement de la NouvelleFrance,
-arriva à Québec le 16 septembre 1663.
Son administration fut loin d'être heureuse.
M. de Mézy décéda au château SaintLouis le 7 mai
1665.
Cotmne ses deux prédécesseurs immédiats, M. de Mésy
n'était pas marié.
Daniel de Rémy de Courcelles arriva à Québec au mois
de septembre 1665 en même temps que l 'intendant Talon.
M. de Courcelles n'avait pas été marié ou il était veuf
puisque, pendant son séjour dans la colonie, la veuve du
gouverneur d ' Ailleboust refusa ses propositions de ma-
riage.
Louis de Buade, comte dePalluau et de Frontenac, fut
gouverneur de la Nouvelle-France à deux reprises, dé 1672
à 1682, puis de 1689 à sa mort (1698) .
Frontenac avait épousé le 28 octobre 1648 Anne de la
Grange, fille d'un maître des requêtes. De ce mariage na-
quit un fils. François-Louis de Frontenac, qui fut tué à la
tête de son régiment pendant qu'il était au service de l'é-
vêque de Munster, allié de la France.
Madame de Frontenac ne vint jamais au Canada.
Quand la nouvelle de la mort du comte de Frontenac
parvint en France, Saint-Simon mentionna le fait en di-
sant que c'était un homme d'esprit fort du monde et par-
cs) Mémoires de la vie et des aventures de Xieolas Gargot, capitaine
entretenu par Sa Alajesté dans la marine.
— 263 —
i aitement ruiné. * ' Sa f eninie avait été belle et galante ex-
trêmement du grand monde et du plus reclierché. Elle et
son amie mademoiselle d'Outrelaise étaient des personnes
dont il fallait avoir l'approbation ; on les appelait les di-
vines. Un si aimable homme et une fennne si merveil-
leuse ne vivaient pas aisément ensemble, aussi le mari
n'eut pas de i)eine à se résoudre d'aller vivre et mourir à
Québec, plutôt que de mourir de faim ici, en mortel auprès
d 'une divine.
Madame de Frontenac mourut en 1707, neuf ans après
son niari. Saint-Simon note la moii: de la grande dame en
ces termes :
"Mourut aussi madame de Frontenac dans un bel ap-
partement que le feu duc de Lude qui était fort galant lui
avait donné à l'Arsenal étant grand maître de l'Artillerie.
Elle avait été belle et ne l'avait pas ignoré. Elle et mada-
me d'Outrelaise donnaient le ton à la ville et à la cour ; el-
les exigeaient l'encens comme décors ; et ce fut toute leur
vie à qui leur en prodiguerait. Madame de Frontenac
était fort vieille et voyait encore chez elle force bonne com-
pagnie" (4).
Antoine Lefebvre, seigneur de la Barre, gouverneur
de la Nouvelle-France de 1682 à 1684, avait épousé le 20
septembre 1645 Marie Mandat, fille de Galiot Mandat, sieur
d'Aigrefoin, maître des comptes, et de Marguerite LeRe-
bours.
M. de la Barre amena à Québec sa femme et ses en-
fants. S'il faut en croire l'intendant de Meulles, le gou-
verneur faisait les choses à la bonne franquette. Il as-
semblait le Conseil Souverain dans son antichambre. Ce
docte corps était obligé de délibérer parmi les allées et
venues des domestiques, au milieu du bruit des gardes réu-
nis dans une salle voisine. ' ' Le gouverneur tient l 'audien-
ce, écrivait M. de Meulles au ministre en 1684, tout l'hiver
au coin de son feu, où sa femme, ses enfants et ses domes-
tiques sont continuellement" (5).
(4) T.-P. Bédard, La comtesse de Frontenac, p. 63.
(5) Archives du Canada, Correspondance générale. Vol.
— 264 —
M. de la Barre fut rappelé par le roi à cause de sa
campagne désastreuse contre les Iroquois et il s'embarqua
pour la France à l'automne de 1684. Il mourut à Paris
en 1688, et sa femme le suivit dans la tombe l'année sui-
vante.
Le gouverneur de la Barre laissa un fils qui dissipa une
fortune de plus de 40,000 livres de rente. .
C'est le 1er août 1685 que Jacques René de Brisay,
marquis de Denonville, débarqua à Québec pour prendre
possession de son gouvernement. Le Conseil Souverain,
réuni le 3 août pour l 'enregistrement de ses provisions, dé-
puta deux ses membres, MM. Villeray et Vitré, pour aller
saluer madame la générale, "et lui témoigner la joie de la
Compagnie, de ce qu'elle eût bien voulu s'exposer aux dan-
gers de la mer et donner au pays la satisfaction de posséder
une personne de sa conduite et de sa vertu" (6).
Mgr de Saint- Vallier rarement prodigue d'éloges ne
peut taire son admiration pour la vie que menait madame
de Denonville dans la Nouvelle-France :
"Elle est, écrivait-il, à la tête de toutes les bonnes oeu-
vres, toujours la première aux messes de paroisse, aux pro'
cessions, aux saluts, et à toutes les dévotions publiques,
tantôt dans une église, tantôt dans une autre : elle a mis les
actions de piété à la mode dans Québec, parmi les person-
nes de son sexe, qui se font honneur de la suivre partout,
même dans les hôj)itaux où elle sert les malades de ses pro-
pres mains, et dans les mains des pauvres honteux, qu'elle
assiste selon leurs divers besoins en santé et en maladie ;
elle les instruit, elle les console, elle panse leurs plaies, elle
leur prépare des remèdes, elle fait leurs lits ; et tout cela
d'une manière si aisée et si naturelle, qu'on xoit bien qu'el-
le y est accoutumée, et qu'elle découvre par la pénétration
de sa foi la personne de Jésus-Christ dans celle des miséra-
bles ; elle passe une partie de sa vie dans les monastères
des filles, où on a cru devoir lui accorder une libre entrée,
pour sa propre consolation et pour celle des religieuses qu'-
(6) Jugements du Conseil Souverain, vol, II, p. 1013.
— 265 --
elle édifie beaucoup par sa conversatioîi et par sa conduite ;
le restedu temps se liasse dans sa maison à élever sa famille
et à travailler de ses mains, apprenant encore plus par son
exemple que par ses paroles à toutes les personnes qui vien-
nent lui rendre leurs devoirs, qu'une femme chrétienne,
de quelque rang qu'elle puisse être, ne doit jamais demeu-
rer inutile, et que dès qu 'elle ne fait rien, elle est en état de
faire beaucoup de mal." (7)
Le marquis et la marquise de Denonville avaient ame-
né ici leur petite tille, Marie-Catherine. Ils la mirent au
pensionnat des Ursulines de Québec.
Mademoiselle de Denonville conserva dans le monde la
tendre piété dont elle aA^ait fait i)reuve au pensionnat des
Ursulines. De retour en France, elle entra chez les Carmé-
lites de Chartres, où elle se rendit fort remarquable par la
sainteté de sa vie.
Dans un mémoire anonyme daté de Québec, le 30 oc-
tobre 1688 et intitulé ^'Relation des événements de la guer"
re et disposition des aiïaires du Canada" on lit :
'* Quant aux autres nouvelles particulières je ne les
déduiray point icy, parce qu 'elles me mèneraient trop loin,
et qu'il y aurait des choses trop fortes pour de certaines
personnes si je m'anuisais à rapporter tout tidèlement.
'*J'y adjouteray seulement un article sur lequel vous
trouverez peut-être estrange que je ne dise rien, sçavoir si
M. le gouverneur fait quelque conmierce. Je vous diray
que non, mais que Madame la gouvernante qui est d'hu-
meur à ne pas négliger l'occasion du profit, a fait, jusqu'à
la fin de l'hyver dernier, tenir dans le château de Québec
une chambre, pour ne pas dire une boutique, pleine de mai'-
chandises, et trouvé moyen après cela de faire une loterie
pour se défaire du rebut qui lui estait resté, et qui lui a
plus produit que sa bonne marchandise.
Pour ce qui est des intrigues de M. son mari, bien des
gens dirent qu'il profite de l'occasion, mais je n'en dis rien,
n'avançant que les choses dont j'ai une parfaite connais-
(7) Etat présent de l'église et de la colonie française dans la Nouvelle-
France, p. 82.
— 266 —
sançe. Ainsy, je ne dis cecy que sur le bruit commun ;
mais pour le reste qui est ci-devant, je proteste de n'estre
prévenu d 'aucune passion, et que le seul intérêt du pays et
la pure vérité des choses me font satisfaire votre curiosité".
^:^ Il ne faut pas attacher trop d'importance aux dires de
eet anonyme. Sa haine contre le marquis de Denonville
perce à toutes les pages de son mémoire. Il est le seul
d'ailleurs à attaquer la marquise de Denonville.' Les té-
moignages de Mgr de Saint- Vallier et des annalistes des
communautés religieuses de Québec doivent compter plus,
nous semble-t-il, que celui de ce pamphlétaire anonyme.
La marquise de Denonville née Catherine Courtin,
décéda en son château de Denonville, le 18 mai 1710, à l'â-
ge de 64 ans. Le marquis de Denonville la suivit dans la
tombe le 24 septembre de la même année, à l 'âge de 72 ans;
Lorsque Louis-Hector de Callières fut nommé gouver-
neur de la Nouvelle'France, le 20 avril 1699, il y avait déjà
quinze ans qu'il servait ici en qualité de gouverneur de
Montréal. M. de Callières décéda au château Saint-Louis,
le 26 mai 1703, moins de trois ans après son installation
conmie gouverneur.
Par son testament reçu par le notaire Chambalpu la
veille de sa mort, on voit que M. de Callières n'était pas
marié. Il demandait à être inhumé dans l'église des Ré-
collets, mais ajoutait que "son coeiir devait être séparé de
son corps et mis dans une boîte de plomb ou d'argent i^our
ensuite être déposé es mains des Révérends Pères Recol-
lets pour être par eux gardé' jusqu'à ce que Monsieur le
marquis de Callières, frère du dit seigneur testateur, leur
eut donné son avis sur son intention à cet égard".
Le marquis Philippe Rigaud de Vaudreuil, successeur
de M. de Callières, fut gouverneur de la Nouvelle-France
de 1703 à 1725.. Il décéda au château Saint-Louis le 10
octobre 1725,
Le gouverneur de Vaudreuil avait épousé une cana-
dienne, Louise-Elisabeth de Joybert, née" à Gemseck, sur la
rivière Saint-Jean, le 18 août 1673. Elle avait reçu son ins-
truction au couvent des Ursulines de Québec.
— 267 --
On sait que la marquise de Vaudreuil fut appelée en
1708 à la cour de France comme sous-gouvernante des en-
fants de France Le navire qui devait la conduire en
France parti de Québec à l'automne de 1709 fut pris par
les Anglais, mais le conmiandant du vaisseau ennemi fit
débarquer madame de Vaudreuil au Havre.
"La marquise de Vaudreuil, dit M. Ernest Gagnon, se
rendit inunédiatement à Versailles, et fut accueillie avec
bonté par madame de Ma intenon, qui la j^résenta au roi. On
lui confia aussitôt l'éducation du jeune duc d'Alençon, et
le duc de SaintSimon, qui n'était guère porté à "flatter les
gens, dit dans ses Mémoires, qu'elle était bien au-dessus de
son emploi. . . .Elle s'acquitta de sa tâche avec tant d'in-
telligence et de tact que le jeune prince, son élève étant
mort, on la retint à la cour 2)]usieurs années encore pour y
élever les autres enfants du duc de Berry" (8)
La marquise de Vaudreuil, qui restait à la cour j^our
aider ses fils qui avaient besoin de la protection du roi, se
décida en 1724 à repasser dans la Nouvelle-France. Le
marquis de Vaudreuil décéda quelques mois après son re-
tour. )e 10 octobre 1725.
Connue quatre de ses fils faisaient leur service en
France et qu'ime de ses filles y était marié, la marquise de
Vaudreuil repassa en France à l'automne de 1725 avec ses
deux filles non mariées. Elle décéda à Paris en janvier
1740.
Charles de Beauharnois, chevalier de la Boische, qui
fut le quatorzième gouverneur de la Nouvelle-France, re-
çut le titre de marquis dans ses provisions de gouverneur
qui furent signées par le roi le 11 janvier 1726. Il avait
épousé, le 6 août 1716, Renée Pays, veuve en secondes no-
ces de Pierre Hardouineau, seigneur de Laudianière.
C'est le 30 août 1726 que le marquis de Beauharnois
débarqua à Québec.
M. de Beauharnois fut gouverneur de la Nouvelle-
France de 1726 à 1747, soit vingt-un ans.
(8) lie fort et le château Salnt-Louls, p. 119. - •
.-.•268 —
*^Sage, courageux et habile,- dit M. l'abbé Ferland, ce
gouverneur avait épousé une dame veuve déjà avancée- en
âge, dont il n'avait pas eu d'enfants" (9).
Ces lignes laissent entendre que la marquise de Beau-
harnois suivit son mari dans la NouvelleFrance. Nous
croyons qu'elle était morte avant la nomination de M. de
Beauharnois au gouvernement de la Nouvelle-France. Le
19 août 1725, le procès-verbal du Conseil Supérieur porte :
^' Sur ce que le procureur-général du Roy a représenté que
M. le marquis de Beauharnois pourvu par Sa Majesté de
la charge de gouverneur et lieutenant-général en ce pays,
et M. Dupu}^ commis et député, intendant, étant attendus
de jour à autre, il convient de faire à chacun d'eux une dé-
putation pour les comj)limenter de la part du Conseil sur
telle heureuse arrivée en cette ville. . . "Si la marquise de
Beauharnois avait accompagné son mari ici, le Conseil
Supérieur n'aurait j)as manqué de lui offrir ses homma-
ges comme il l 'avait fait pour toutes les autres nobles dames
qui passèient au Canada avec leurs maris nommés au gou-
vernement du pays. De plus, au mois d'octobre 1730, de
grandes fêtes eurent lieu à Québec à l'occasion de la nais-
sance du Dauphin. La relation officielle très -détaillée de
ces fêtes ne dit pas un mot de la marquise de Beauharnois.
Nous sommes donc en droit de croire que le gouverneur de
•Beauharnois était déjà veuf lors de son arrivée à Québec
en août 1726.
Le marquis de Beauharnois décéda à Paris le 12 juin
1749, douze ans après son retour en France. Il était le
grand-oncle d'Alexandre de Beauharnois ou de Beauhar-
nais qui fut le premier mari de Joséphine Tascher de la
Pagerie, qui devint impératrice des Français et que Napo-
léon 1er répudia pour épouser Marie-Louise d'Autriche.
Nommé au gouvernement de la NouvelleFrance le 15
mars 1746, le marquis Jacques-Pierre de Taffanel de la
Jonquière, s'était embarqué ie 22 juin 1746 sur le Northum-
berland, qui faisait partie de la fllotte de M. d'Anville. On
sait le triste sort de cette escadre que M. de la Jonquière
(9) Cours d'histoire du Canada.
— 269— c
fut obligé de ramener en France sans avoir accompli sa
mission. Le nouveau gouverneur se rembarqua l'année
suivante pour venir prendre son poste. Mais cette fois il
tomba aux mains des Anglais qui le gardèrent prisonnier
en Angleterre.
Le 10 juin 1747, Roland-Michel Barrin, comte de la
Galissonnière, était nommé pour remplacer temporaire-
ment M. de la Jonquière au gouvernement de la Nouvelle-
France. Le comte de la Galissonnière arriva à Québec le 19
septembre 1747, Si M. de la Galissonnière était marié sa
J fenmie ne le suivit pas dans la Nouvelle-France.
' Le savant suédois Peter Kalm, qui visita la Nouvelle-
France pendant l'administration de M. de la Galissonniè-
re, a tracé le poi-trait suivant de ce gouverneur :
"Le marquis de la Galissonnière, âgé d'environ cin-
quante ans, est un lionmie de petite stature, à la taille un
peu déformée, et d'un extérieur agréable ; son savoir est
vraiment étonnant et s'étend à toutes les branches de la
science, surtout à l'histoire naturelle, dans laquelle il est
si bien versé que, lorsqu'il commença à discourir sur cette
matière, je crus entendre un autre Linné. M 'entretenant
avec lui de l'utilité de l'histoire naturelle, de la meilleure
méthode à suivre pour l'apprendre et l'employer ensuite
à améliorer l'état d'un pays, je fus étonné de le voir tirer
ses raisons de la politique, aussi bien que de la philosophie,
cles mathématiques et d'autres sciences. Je confesse que
mes conversations avec ce gentilhomme m'ont été très ins-
tructives et que j'en ai toujours tiré beaucoup de notions
utiles "(10).
Le comte de la Galissonnière quitta Québec le 24 sep-
tembre 1749, regretté de tous. On a dit qu'il était bossu.
Au témoignage de Kalm, il n'était pas bossu mais avait
simplement la taille un peu déformée A tout événement,
si le comte de la Galissonnière était bossu, il n'était certai'
(10) Mémoires de la Société Historique de Montréal. Kalm donne le
titre de marquis à M. de la Galissonnière, mais dans ses lettres de nomination
du 10 juin 1747, le roi s'exprime ainsi : "Nous avons choisi le sieur comte
de la Galissonnière " Peut-être M. de la Galissonnière fut-il créé marquis
après son départ de la Nouvelle-France.
— 270 —
nement pas manchot. Dans sa rencontre du 20 mai 1756,
avec l'amiral anglais Byng, il lui fit voir trente-six chan-
delles. L'escadre commandée par M. de la Galissonniè-
le était composée de douze vaisseaux et de cinq frégates.
L 'escadre anglaise était forte de treize vaisseaux et de cinq
frégates. L 'amiral Byng paya sa défaite de sa tête. Une
cour martiale le condamna -à mort et il fut fusillé à bord de
son propre vaisseau. Le marquis de la Galissonnière
mourut à Nemours le 26 octobre 1756, cinq mois après son
éclatante victoire. On dit qu'il fut sur2)ris par la mort
au moment où il se rendait à Fontainebleau pour recevoir
le bâton de maréchal de France des mains de Louis XV.
En 1749, le marquis de la Jonquière passa enfin au
Canada pour prendre le gouvernement de la colonie que le
roi lui avait donné' le 15 mars 1746. Il débarqua à Qué-
bec, le 15 août.
Kalm assista à la réception solennelle qui fut faite au
gouverneur de la Jonquière et il nous en donne le récit sui-
vant :
"Vei^s huit heures, les principaux habitants de la vil-
le se sont assemblés dans la maison de M. de Vaudreuil, qui
vient d'être nommé gouverneur des Trois-Rivières et dont
le père a été gouverneur-général du Canada. Sa maison
est dans la basse-ville. M. le marquis de la Galissonnière,
gouverneur-général jusqu'à ce jour, et qui partira pour la
France à la première occasion, y vint pareillement, accom-
pagné de tous les officiers publics. Je fus invité à assis"
ter à la cérémonie. A huit heures et demie, le nouveau
gouverneur-général est descendu de son vaisseau dans une
chaloupe couverte d'un tapis rouge, et au même moment
les canons, du haut des remparts, donnèrent le signal de
mettre en branle toutes les cloches de la ville. Les per-
sonnes de distinction descendirent au rivage pour rendre
hommage au gouverneur, qui, à son débarquement de la
chaloupe, fut reçu par le marquis de la Galissonnière.
Après qu'ils se furent salués l'un l'autre, le connnandant
de la ville présenta au nouveau gouverneur-général, dans
le langage le plus éloquent, une adresse à laquelle il répon-
— 271 —
dit fort laconiquement et qui fut suivie d'une salve géné-
ral des canons des ramparts. Toute la rue jusqu'à la ca'
tliédrale était bordée d'hommes sous les armes apparte-
nant pour la plupart à la classe bourgeoise. Le gouver-
neur-général se dirigea vers la cathédrale passant entre
cette double haie. Il portait un habillement rouge, tout
galonné d'or. Ses gens, en livrée verte, le précédaient le fu-
sil sur l'épaule. A son arrivée à la cathédrale, il fut reç-u
par l'évêque du Canada revêtu de ses habits pontificaux,
la tête couverte d'une large mître dorée, une haute crosse
d'argent massif à la main et entouré de son clergé. Après
une courte adresse de l'évêque au gouverneur-général, un
prêtre, accompagné de deux autres ecclésiastiques, l'un à
sa droite et l'autre à sa gauche^ qui tenaient en mains des
cierges allumés, suivant, apportant un crucifix d'argent fixé
au bout d 'un long bâton et le lui donna à baisef".
"Ensuite le cortège se dirigea vers le choeur, en pas-
sant par la grande allée, dans l'ordre suivant : l'évêque
suivi de son clergé, les gens du gouverneur marchant tête
couverte et le fusil sur l'épaule, puis le gouverneur lui'
même avec sa suite et la foule. A l'entrée du choeur, le
gouverneur-général et le général de la GaliSsonnière s'ar-
rêtèrent devant une stalle couverte d'un tapis rouge et y
restèrent pendant tout le temps de la messe, qui fut célé-
brée par l'évêque lui-même. De l'église il se rendit au palais
(le château St-Louis) où les ijersonnages de marque vin-
rent lui rendre leurs hommages. Les religieux des dif-
férents ordres, avec leurs supérieurs respectifs vinrent
aussi lui témoigner leur joie de son arrivée.
"De toute cette foule qui s'était portée au devant du
gouverneur, aucun ne resta pour le dîner, à l'exception de
ceux qui avaient été invités d'avance, et j'eus l'honneur
d'être de ce nombre. Le repas dura fort longtemps et fut
aussi somptueux que l'occasion le demandait".
Le marquis de la Jonquière décéda à Québec le 17 mars
1752.
Il avait épousé, le 3 juin 1721, Marie- Angélique de la
Valette. De ce mariage naquit ime fille, Jacquette, qui
— 272 —
devint, le 5 avril 1746, l'épouse de Jacques Roger, marquis
de Noé, capitaine de cavalerie. Deux mois après son ar-
rivée à Québec, le 9 octobre 1749, M. de la Jonquière avait
demandé au ministre un passage pour sa femme, sa fille et
son gendre qu'il voulait faire venir au Canada. Mais ceux-
ci ne purent se décider à passer dans la Nouvelle-France
malgré les prières instantes que leur faisait le marquis de
la Jonquière, dans chacune de ses lettres, de venir le rejoin-
dre à Québec. La marquise de la Jonquière, qui était
pourtant la femme d'un marin, avait peur de la mer, et la
marquise de Noé, sa fille, préférait rester en France.
Le successeur de M. de la Jonquière au gouvernement
de la Nouvelle- France fut également un marin, Ange Du'
Quesne de Menne ville. Il fut nommé le 1er janvier 1752
et arriva à Québec dans les premiers jours d'août.
Le marquis DuQuesne de Menneville était le fils d'un
chef d'escadre mort commandant du port de Toulon et de
la même famille que le grand Du Quesne, l 'un des plus cé-
lèbres marins du dix-septième siècle.
Le gouverneur DuQuesne de Menneville s'était marié
mais n 'eut pas d 'enfant. S 'il amena sa femme à Québec,
elle ne lit pas grand bruit car nous^ne la voyons mention-
née nulle part. Quant à M. Du Quesne de Menneville lui-
même, il ne fut pas populaire à Québec. Susceptible à l'ex-
trême, plutôt renfermé, il n'avait pas d'amis et ne chercha*
pas à s'en créer. L'auteur des Mémoires sur les affaires
du Canada depuis 1749 jusqu'à 1760 dit de M. Du Quesne :
"Le marquis DuQuesne était d'une famille que la va-
leur avait élevée aux plus hauts emplois de la marine ; il
était d'une taille au-dessus de la médiocre, bien fait, et avait
de l'esprit ; il était fier et hautain, et ne souffrait pas qu'on
.manquât impunément à ses ordres : sa fierté néanmoins
cédait au sexe dont il se fit aimer ; mais on s 'est point aper-
çu que l'amour lui eût fait faire des fautes considérables :
coimne il avait peu de bien, il chercha à s'en procurer ; mais
ce ne fut jamais par des voies criantes ; son mérite ne fut
connu, et on ne le regretta que lorsque son successeur eût
... 273 —
fait assez de fautes pour faire dire que si le marquis Du
Quesne eut commandé on eut réussi ' '.
Après son départ de la Nouvelle-France, en 1755, le
marquis DuQuesne de Menneville reprit son service dans
la marine. Créé chef d'escadre, il commandait en avril
1759, le Foudroijant et soutint contre trois vaisseaux an-
glais un combat qui dura sept heures. Il fut à la fin con-
traint de se rendre.
Commandeur de Saint-Louis en janvier 1763, le mar*
quis DuQuesne de Menneville se retira du service le 8 avril
1776, avec le titre de lieutenant-général. Il mourut deux
ans plus tard, le 17 septembre 1778 à Antony, Seine. Le
14 décembre 1774, il avait fait son testament devant maî-
tre Boulard, notaire à Paris, et avait institué pour son hé-
ritière et légataire universelle sa soeur Ursule DuQuesne,
veuve de Guillaume d'Isard, ce qui indique bien que s'il
s'était marié il ne laissa pas d'enfants.
Le dernier gouverneur de la Nouvelle-France sous le
régime français fut le marquis Pierre de Vaudreuil de Ca-
vagnal, quatrième fils de notre p>'emier gouverneur de
Vaudreuil. Il était né le 22 novembre 1698 au château
Saint-Louis de Québec qu'il devait occuper cinquante-sept
ans plus tard comme gouverneur de la Nouvelle-France.
Lors de sa nomination au gouvernement de tout le pays,
le marquis de Vaudreuil était depuis treize ans gouver-
neur de la Louisiane. Et avant de se rendre en Louisia-
ne pour occujier ce haut poste, M. de Vaudreuil avait épou-
sé Mlle Fleury de la Gorgendière, veuve de François Le
Verrier de Rousson, capitaine dans les troupes du détache-
ment de la marine.
Le marquis de Vaudreuil fut le premier Canadien ap"
pelé à gouverner la colonie avec le titre de gouverneur.
C'est au milieu de la joie générale qu'il débarqua à Québec
le 23 juin 1755.
Le marquis de Vaudreuil gouverna la Nouvelle-Fran-
ce jusqu'à la conquête du pays par les Anglais. Le mar-
quis de Montcalm qui n'aimait pas le gouverneur de Vau-
dreuil ni sa femme leur décoche de temps en temps des
— 274 —
traits acérés dans son Journal ou ses lettres. Quoiqu'en
dise Montcalm, le marquis et la marquise de Vaudreuil
étaient populaires à Québec et dans toute la colonie. Mont-
calm accuse le gouverneur de Vaudreuil de protéger sur-
tout les parents de sa femme. La protection du marquis de
Vaudreuil s'étendait à tous les Canadiens. Ses prédéces-
seurs ne voyaient que par les yeux des officiers venus avec
eux de la vieille France. Le gouverneur de Vaudreuil né
au pays, Canadien de coeur et d'âme, protégeait ses compa-
triotes. Pouvons-nous l'en blâmer '?
Après la conquête, le marquis de Vaudreuil passa en
France avec sa femme et son beau-fils, M. Le Verrier, major
de Québec. Il décéda à Paris le 4 août 1778.
P. G. R.
RÉPONSKS
Adhémar. (XXVI, p. 183). — En réponse à Fanclne, je puis l'assurer que
le prénom exact d'Adhémar, le co-délégué de Jean Delisle en 1783, est bien
Jean-Baptiste-Amable et non pas Toussaint-Antoine. La collection Baby,
appartenant à l'Université de Montréal et déposée à la Bibliothèque Saint-
Sulpice, possède plusieurs lettres de lui, datées d'Angleterre, pendant sa mis-
sion, et il n'y a. aucun doute sur son identification. D'ailleurs, son frère,
Toussaint-Antoine Adhémar de Saint-Martin, demeurait depuis plusieurs an-
nées à Détroit, à cette époque. C'est Jean-Baptiste Adhémar qui fut le vé-
ritable délégué des Canadiens en 1783 ; alors que Delisle ne passa que quel-
ques mois et W. D. Powell que quelques semaines en Angleterre, Adhémar
y séjourna plus de deux ans et, à son retour, au commencement de 1786, il
fut encore retardé de plusieurs mois par un quasi-naufrage qui l'avait rejeté
sur les côtes du Portugal.
AEG F.
La plantation du mai. (XXVI, p. 154). — ^Aux autorités qu'il cite sur la
plantation du mai dans les seigneuries, M. Massicotte nous permettra peut-
être d'ajouter Philippe Aubert de Gaspé qui, i^ans ses "Anciens Canadiens"
consacre tout un chapitre, le 8ème, à la Fête du Mai. Il faut donc croir»
qu« la coutume florissait aussi à. Saint-Jean-Port-Joll.
AEG F.
- 275 —
LETTRE DE L'INTENDANT DUCHES-
NEAU AU MARQUIS DE SEIGNELAY,
FILS DE COLBERT (13 novembre
1681)
Monseigneur,
J'ai reçu avec tout le respect dont je suis capable les ordres du Roi
et la lettre qu'il vous a plû me faire l'honneur de m'éerire le 2 may der-
nier. La Xouvelle-Franee a grand sujet de bien espérer pour son repos et
sa félicité, puisque. Monseigneur, s'est voulu décharger sur vous des soins
pleins de tendresse qu'il en a toujours pris et que vous avez le pouvoir et
l'inclination de le secourir.
Je me dois aussi estimer bienheureux de vous pouvoir marquer ma
fidélité et mon obéissance à vos commandements et de vous renouveler
les assurances très respectueuses de mes très humbles services que vous
eûtes la* bonté d'agréer la première fois que j*eu8 le bonheur de vous les
offrir comme créature de votre illustre maison.
Je tâcherai. Monseigneur, de répondre exactement à tout ce que le
Roi et vous m'ordonnez et de vous informer ensuite de l'état de ce pays
et de ce qui s'y est passé après le départ des vaisseaux de l'année dernière.
Je le ferai assurément avec toute la fidélité que je vous dois et dans la
pure vérité sans que les choses qui sont arrivées me donnent d'autre mou-
vement que celui de faire mon devoir et de m'acquitter des obligations
dont. le service de Sa Majesté et le bien du pays chargent ma conscience.
Vous reconnaitrez. Monseigneur, par le recensement des Sauvage?
que j'ai fait cette année que leur nombre est augmenté de deux cent sept
personnes. J'ose vous dire qu'entre tous les moyens qui m'on^ été pres-
crits pour attirer les Sauvages parmi nous et les accoutumer à nos ma-
nières celui dont on peut attendre le plus de succès sans craindre les iïi-
convéniens qui se trouvent dans tous les autres est celui d'établir au mi-
lieu de nous des villages de ces peuples.
Il parait même que c'est le meilleur puisque dans la mission de la
Montagne de Montréal gouvernée par Messieurs du Séminaire de Saint
Sulpice qui y sont établis et dans celle du Sault de la Prairie de la Ma-
deleine qui en est proche, dans celles de Sillery et de Lorette qui sont aux
environs de Québec toutes trois dirigées par les Pères Jésuites on élevé
— 276 —
les jeunes enfans à la Française excepté pour leurs vivres et leurs habits
qu'il est nécessaire de leur faire retenir afin qu'ils ne soient pas délicats
et qu'ils se trouvent plus dispos et moins embarrassés pour la chasse qui
l'ait leur richesse et la nôtre.
On a commencé à montrer dans toutes ces missions à lire et à écrire
aux jeunes garçons ; dans celle de la Montagne de Montréal, les filles de la
Congrégation s'appliquent à l'instruction des jeunes filles et les font- tra-
vailler en couture ? les Ursulines de Québec font la même chose à l'égard
de celles qu'on leur donne, qu'elles les reçoivent indifféremment de tou-
tes les missions tant établies parmi nous que dans les pays des Sauvages
sous la direction des Pères Jésuites.
Sur cela. Monseigneur, vous me permettrez, s'il vous plait, de vous
dire deux choses : la première qu'on ne peut trop favoriser ces missions
et donner créance parmi les sauvages à Messieurs de Saint-Sulpice et aux
Pères Jésuites d'autant que non seulement elles mettent le pays en sûreté
et y apportent des pelleteries, mais elles glorifient extrêmement Dieu et
le Roi comme fils aine de l'Eglise pour le grand nombre de bons chré-
tiens qui s'y forment.
La Seconde que peut-être Sa Majesté pourrait augmenter notable-
ment ce grand bien si elle me donnait ordre de faire de sa part quelques
petits présens aux Sauvages des Villages établis parmi nous pour en at-
tirer un plus grand nombre et si elle destinait un petit fonds pour pour-
voir les Filles Sauvages qui sortent des Ursulines après avoir été instrui-
te, afin de les marier et d'en faire des familles chrétiennes.
Je ne manquerai pas, Monseigneur, d'exhorter les habitans à élever
des Sauvages et je ne me rebuterai point d'en donner l'exemple, quoique
trois m'avaient déjà quitté après avoir bien fait de la dépense pour eux
par ce que je les voulais assujettir à apprendre quelque chose ; les Pères
Jésuites ont été plus heureux que moi et en, ont des nations les plus éloi-
gnées, comme des Illinois et des Loups qui savent lire et écrire, parler
français et jouer des instruments.
Vous verrez, Monseigneur, par la lettre que j'ai écrite aux propriétai-
res des terres en justice et en fief tant pour eux que pour leurs habitans,
qu'après avoir conféré avec Monsieur L'Evêque comme vous m'ordonnez
de lé faire pour tout ce qui regarde le spirituel de ce pays et pour suivre
les intentions du Roi et les vostres qu'on a réduit aux dimes- seules la
subsistance d'un curé auquel on a donné l'étendue qu'on a cru nécessaire
pour cela et même on a soumis cette étendue au jugement des propriétai-
— 277 —
res et habitans afia que s'ils croyaient qu'elle fut trop grande on la di-
minuât et aussi que si elle ne l'était pas assez on l'augmentât.
Cependant, Monseigneur, les propriétaires des fiefs et des Seigneu-
ries et les habitans ont représenté que l'étendue étant augmentée les peu-
ples se trouveraient plus abandonnés parce que dans celles qu'on avait déjà
marquées à chacun curé les habitans qui les composaient n'entendaient la
messe pour l'ordinaire qu'un dimanche en un mois ou en six semaines
que mêmes les dîmes n'augmenteraient pas par une plus grande étendue
par ce que les habitans étant assistés plus rarement ne déclareraient ne
devoir de dîme qu'à proportion de l'assistance qu'on ftur donnerait et
qu'étant impossible de les affermer par la diffculté de les recueillir sans
de grands frais à cause de la situation des lieux il faudrait s'en rapporter
à leur bonne foi.
Les curés, d'autre côté, ont remontré qu'ils sont déjà surchargés de
travail étant obligés de marcher incessament, tantôt en raquettes sur les
neiges pendant l'hiver et tantôt en canot pendant l'été, où ils rament
tout le jour, et que si on leur augmentait leur étendue qui était déjà trop
grande, ils ne se trouveraient pas capables de fournir à une aussi grande
fatigue.
Cependant, Monseigneur, toutes ces difficultés ne m'ont pas empêché
de faire connaître les intentions de Sa Majesté et la vôtre, et Monsieur
l'Eveque a renvoyé les prêtres dans les lieux qu'ils avaient accoutumé
d'assister et leur a ordonné de se contenter des vivres les plus simples et
du seul nécessaire pour leur entretien, quelques-uns des propriétaires des
fiefs et des Seigneuries ont offert de les nourrir chez eux et ils doivent
pourvoir à leur entretien, comme cela se fait volontairement et indépen-
damment des dîmes on ne peut assurer qu'il continueront.
Vous me permettrez, Monseigneur, de vous représenter qu'on ne peut
prendre de règle certaine sur ce qui se fait en France puisque assurément
la dépense est bien différente en ce pays, si je ne craignais point' de vous
être importun, je vous ferais un détail qui vous persuaderait de cette vé-
rité. Je me contenterai seulement de vous marquer que le vin qui ne
coûte en France X 11 la barique, se vent cinquante, soixante et soixante-
dix livres, le reste des liqueurs à proportion, les habits y coûtent le dou-
ble dont les Ecclésiastiques usent beaucoup à cause de leurs fréquents
voyages et la longueur de l'hiver, les souliers se vandent cent sols et six-
livres, un valet qui ne gagne que dix, douze et quinze écus de gages en a
ici cinquante et enfin le bois de chauffage qui n'entre presque point en
— 278 —
Frafice dans la dépense d*un curé vaut dans les habitudes au moins trois
livres et dans Québec cent sous ou six francs la corde et on en consomme
extrêmement à cause de la rigueur et de la longueur de Phiver néanmoins,
Monseigneur, le Roi et vous serez obéis et je ferai toutes choses pour ré-
duire aux dîmes seules la subsistances des curés comme il m'est commandé.
Comme je ne dois point vous tromper, Monseigneur, je dois vous dire
oju'il y n'y a point de personnes en ce pays, qui puisse doter une tlglise
de m 11 mais même qui la puisse faire bâtir solidement à ses dépens, tout
les gens sont ici remplis d'une grande vanité et il n'y en a pas un qui ne
prétende à être patron et chacun veut un curé dans sa terre et tout ces
gens là, un seul excepté, sont fort endettés et dans la dernière pauvreté,
et ce seul là est encore plus pauvre parce qu'il est dans une sordide avarice.
Il n'y a dans tout le pays que le nombre de sept églises paroissiales
sans compter celle de Québec dont les murailles soient de pierre qui sont
dans les Seigneuries de Monseigneur l'Evêque, et des Messieurs de St-
Sulpice et dans deux seigneuries particulières lesquelles ont été bâties
de partie des fonds que Sa Majesté a appliqués pour ce sujet des fortes
contributions de ces Messieurs et des charités des particuliers, les autres
sont des pfèces de bois et des planches qui ont été construites aux dépens
des propriétaires des fiefs et des habitans que Monseigneur l'Evêque re-
fuse de consacrer par ce qu'il dit qu'il est de son devoir et de son obliga-
tion de ne donner la consécration qu'à des bâtimens solides et de durée.
Ainsi, Monseigneur, ^^i les dîmes suffisent pour la subsistance des
curés, il ne sera pas 6e besoin que les patrons y contribuent, ce qu'ils ne
sont pas en état de faire, })uis qu'excepté les personnes que je viens de
vous nommer, il n'y a pas un particulier dans ce pays qui ait le pouvoir
de se mettre en devoir de faire bâtir des Eglises de quelque manière que
ce soit, ils diront assez qu'ils le feront, mais il n'est pas en leur puissance
de l'exécution et il y eu a quelqu'uns qui m'ont dit qu'ils feraient bâtir
le chacun de bonnes pièces de bois et qu'ils obligeraient les habitans de
faire construire la nef de la même' façon et qu'ils espéraient que sur cela
on leur accorderait le patronage, il semble que par l'Edit du Roi ils doi-
vent bâtir l'Eglise entièrement et ce serait encore une difficulté si un bâ-
timent de bois devrait suffire à moins que le Patron ne s'obligeât de l'en-
tretenir, vous aurez la bonté. Monseigneur, de me faire savoir votre volonté
sur ces deux chefs.
J'ai reçu TEtat des gratifications qu'il a plu à Sa Majesté d'accor-
der aux Communautés, aux Eglises et aux particuliers de ce pays, je con-
— 279 —
tinue de vous assurer, Monseigneur, qu'on en fait un bon usage et tel que
je l'ai mandé les années précédentes ; j'ai seulement touché 3000 livres
pour les mariages de cette année je rends compte de ceux que j'ai emplo-
yés l'année dernière et de 150,0 livres pour l'Eglise de Montréal.
Coureurs de bois. Sur toute l'affaire des Coureurs de bois et sur là
protection que j'ai écrit les années dernières que Monsieur de Frontenac
leur donnait en même tems de l'Intérêt qu'il avait avec eux, je n'ai pu
me dispenser de le faire puisque ce que j'ai mandé sur ce sujet n'a pas
été avancé avec inconsidération et que j'en ai envoyé les pièces justifica-
tives et que ce qu'a fait encore cette année. Monsieur le Gouverneur, et
que je vous expliquerai dans la suite vous convaincra que l'affaire des
coureurs de bois était la sienne.
Je vous assure, Monseigneur, que j'ai fait punir tout autant de dé-
sobéissants aux ordres du Roi que j'en ai pu faire prendre qui sont seize
en nombre. Le prévôt a aussi fait son devoir quelque chose qu'on ait
mandé au contraire, mais que pouvais-je faire sans secours et sans force
et que pouvait faire le prévôt qui avait ordre de Monseigneur le Gouver-
neur de lui donner avis toutes les fois qu'il irait en course en conséquence
de mes ordonnances, ainsi il était toujours prévenu et travaillait beaucoup
sans succès.
Je crois ne m'être guère trompé dans le nombre des Coureurs de bois
et assurément. Monseigneur, celui qui a rapporté qu'ils ne sont pas cinq
ou six mois de l'année absents de leurs familles et qu'il n'est rien de plus
aisé que d'en être informé et de les prendre à leur retour n'y a pas fait
reflexion, puisque les coureurs de bois sont au moins deux ans et quelque
fois trois et plus dans leurs voyages et qu'il est très difficile de les prendre.
Et afin, Monseigneur, que vous en soyez persuadé permettez moi de
vous dire qu'il y a deux sortes de Coureurs de bois, les premiers vont a la
source du Castor dans les nations sauvages des Assiniconets, Xadous-
sieux, Miamis, Illinois et autres et ceux-là ne peuvent faire les voyages
qu'en deux ou trois ans.
Les seconds qui ne sont pas en si grand nombre vont seulement au
devant des Sauvages et des Français qui descendaient jusques au Long
Sault la petite nation et quelques fois jusques à Michilimakinak afin de
profiter seuls de leurs pelleteries pour lesquelles ils leur portent des mar-
chandises et le plus souvent rien que de L'eau de vie, contre la défense
du Roi, dont ils les enivrent et les ruinent, ceux là peuvent faire leurs
voyages à peu près dans les tems qui vous a été marqué et même dans un
— 280 —
beaucoup plus court, il n'est pas facile de prendre les uns et les autres si
on n'est pas appuyé de personnes sans intérêt et pour peu qu'ils soient
favorisés, ils reçoivent des avis aisément et les bois et les rivières leur
donnent une grande facilité de se soustraire à la justice, c'est ce qui est
arrivé depuis quatre ans.
Tout ce que je viens de vous dire, Monseigneur, m'a donné la pensée
de vous informer exactement de toutes les nations desquelles nous tirons
les pelleteries, de leurs intérêts et d'attirer tout ce commerce, mais com-
me cette matière est trop étendue pour être traitée dans une lettre j'en
dresserai un mémoire particulier pour vous être présenté et par occasion
j'y parlerai de L'Acadie qu'on néglige, des avantages qu'on en peut tirer
et du pays qu'habitent les Anglais et je joindrai à ce mémoire la carte
divisée en quatre parties de tous les lieux dont je parlerai que' je vous
supplie. Monseigneur, d'agréer comme un ])résent qui vous marquera ma
très humble servitude.
Dieu veuille que les ordres que le Roi et vous, Monseigneur, donnez à
Monsieur le Gouverneur pour employer ses gardes et les soldats des gar-
nisons, afin de retenir les coureurs de bois soient mieux exécutés que ceux
qui étaient descendus sur les nouvelles de l'amnistie ne remontassent de
ce chef, dans les habitations éloignées des sauvages avant qu'elle fut pu-
bliée, comme ils ont fait en très grand nombre et on croit que présente-
ment il y a plus de soixante canots partis.
Tous les moyens dont Sa Majesté et vous. Monseigneur, vous servez
pour remettre ces libertins dans leur devoir et les ordres qui ont été en-
voyés sur ce sujet sont non seulement les meilleurs, mais même ils sont
pleins de bonté et d'indulgence pour ces misérables, si on ne se donnait
pas la liberté de les expliquer, de les étendre, et de ne les suivre qu'autant
qu'ils s'accommodent à l'intérêt particulier de ceux qui les expliquent,
c'est ce que vous reconnaitrèz, Monseigneur, quand je vous en dirai comp-
te de l'enregistrement et de l'exécution des lettres d'amnistie et de l'Edit
pour la punition de ceux qui contreviendront aux ordres du Roi.
Ce que je viens d'écrire au sujet du nombre et de la longue absence
des coureurs de bois, justifie assez. Monseigneur, ce que j'avais mandé que
ce pays se peuplait et que les terres demeuraient incultes une absence de
deux ans de cinq personnes au sentiment de ceux qu'en manquent le moins,
qui sont les plus propres au travail de la terre n'en peut augmenter la
culture et les plaintes que j'ai reçues des propriétaires des seigneuries qui
— 281 —
ne profitent pas avec les coureurs de bois de ce qu'ils ne peuvent trouver
d'hommes pour leurs travaux le confirment encore.
Quand à ce que j'ai dit aussi touchant le commerce qui se fait de no»
pelleteries avec les Anglais par les Français mêmes, et que les Anglais
les achètent plus cher presque de la moitié que nous ne faisons et qu'ils
donnent leurs marchandises à meilleur marché vous n'en serez que trop
convaincu, si vous voulez vous donner la peine. Monseigneur, de faire
examiner les pièces qui les justifient et qui découvriront ceux qui favo-
risent ce commerce et elles vous feront aussi voir que si l'entrée des cas-
tors n'a point diminué dans le Royaume depuis cinq ou six ans elle aurait
augmenté, si ce commerce avait été empêché, cette lettre Monseigneur,
serait trop longue si je ne me réservais de vous faire le détail par des
mémoires particuliers de ce que je vous dis en gros.
Comme Monsieur le comte de Frontenac a déclaré qu'il ne donne-
rait point de permission que l'année prochaine pour aller faire le com-
merce avec les Sauvages dans leurs habitations et que l'intention du Roi
et la votre sont que je les vise, je vous supplie, Monseigneur, de vouloir
bien m'indiquer si Sa Majesté et vous n'entendez pas que ceux qui ont
été obéissants aux ordres du Roi soient préférés aux autres pour les pre-
mières permissions.
Pour ce qui regarde, Monseigneur, ce que j'avais mandé touchant la
conduite du Sieur Perrot, Gouverneur du Montréal, dont Sa Majesté me
mande que je n'ai envoyé aucunes pièces justificatives, vous connaitrez.
Monseigneur, par celles que je vous envoie cette année que je n'avais rien
écrit que de véritable.
J'ai toujours fait Monseigneur, tout ce qui a dépendu de moi pour
le service du Roi et le bien de la Colonie tant à tenir la main qu'il ne fut
tait aucune violence aux sujets naturels de Sa Majesté qu'aux Sauvages
qui sont sous sa domination afin de rendre ce pays heureux par l'union
des uns et l'abondance causée par le grand nombre des autres que j'ai
taché d'y attirer,., mais l'autorité dont Sa Majesté veut que je me serve
pour cela en faisant le devoir de ma charge aussi bien que celle des au-
tres officiers de Justice nous est ôté puisque Monsieur le Gouverneur rie
permet qu'autant qu'il lui plaît l'exécution de ce que nous ordonnons et
c'est un des chefs que je mè réserve de vous expliquer par un mémoire
séparé.
Les ordres que Sa Majesté et vous Monseigneur, donnez aux Gou-
verneurs de n'exiger point de présents des Sauvages sont très avantageux
— 282 —
à la Colonie. Il n'y a pas eu de grandes plaintes cette année sur ce sujet
non plus que sur les désordres qui arrivent depuis quelques années dans
la traite de Montréal parce qu'on a empêché quatre vingt dix canots Ou-
tawas extrêmement chargés de pelleteries de descendre sur des appréhen-
sions de peste que leur ont donné des libertins connus contre lesquels Mon-
sieur le Gouverneur n'a pas voulu qu'on ait informé.
Si les coureurs de bois qui n'osaient descendre depuis trois ou quatre
ans n'étaient venus et n'avaient apporté du Castor en très grande quan-
tité on n'aurait pas pu en fournir aux fermiers ce qu'ils ne doivent faire
passer en France, mais ce qui est de déplorable, c'est que presque toute la
pelleterie est tombée entre trois ou quatre mains et que le commerce est
ruiné, c'est ce que j'espère vous faire voir clairement par un mémoire par-
ticulier.
J'ai rendu une ordonnance conformément à ce que le Eoi et vous.
Monseigneur, m'ordonnez, touchant le méchant Castor sec qui doit être
pris pour tout son }>oids, mais il est arrivé une difficulté sur une méprise
(.[ui a été faite à ce qu'il me semble dans la lettre du Roi par ces termes.
11 faut sans difficulté le faire exécuter et obliger les fermiers à prendre le
Castor pour tout son poids en déduisant vingt sous dû ])rix de 4 et 10
sous que se vend ordinairement le Castor demi gras.
Comn:^e j'ai un respect profond pour tout ce qui est écrit dans la lettre
du Roi et que j'ai n'ose pas me donner la liberté de l'expliquer et que
oependanti j'ai bien vu que l'intention de Sa Majesté n'était que de ne pas
confondre le méchant Castor sec qui ne se vend que dix sous et qu'il
n'était point question de Castor demi gras qui ne se vend pas m. x
connue il est porté par la dite lettre mais pas x sous. J'ai ordonné que
le dit Castor sec serait pris pour tout son poids à x. s. à la charge néan-
moins que les habitans et marchands qui porteraient du Castor demi gras
au bureau de la Ferme de Sa Majesté se soumettrait de rapporter ce
qu'ils auraient reçu pour chacune livre en plus avant qu'il ne semblait
être porté par les ordres de Sa Majesté contenus dans la dite lettre ainsi
que le prétendait l'agent des fermiers, s'il était ainsi ordonné par Sa
Majesté.
Cependant, Monseigneur, permettez moi de vous dire qu'il ne serait
pas juste qu'on leur accordât rien sur cette prétention par ce que les pi<o-
fits que faisaient les dits fermiers sur les habitants en ne prenant leur
Castor sec qu« pour une livre et demie quoiqu'il en pesât souvent deux ne
montait pas an qu'à cinq ou six livres tout au plus et si on diminuait de
— 283 —
20 sous le castor demi gras outre l'embarras que causerait cette diminu-
tion et les différends continuels qui naîtraient sur le Castor gras et demi-
gras au préjudice de mon avis du 20bre 16T6 contenant que le méchant
Castor se serait diminué de 20 sous par livre sur 4.10 sous auquel prix
tout le Castor se vendait alors indistinctement et qu'il serait pris pour
tout son poids que le bon Castor sec et vieux demeurerait aux dits 4 francs
dix sous et que le dit Castor gras et demi gras sans distinction pour obvier
aux différends qui pouvaient arriver serait augmenté jusques à 0. . X
sous lequel avis a été confirmé par Arrêt du Conseil d'Etat du Roi du 16
Mai 167< il causerait encore plus de soixante mille livres de pertes aux
habitans.
Il y a un an que j'ai reçu les ordres du Roi pour n'obliger plus les
fermiers d'acheter les cendres et je l'ai pas fait depuis. Je vous assure,
Monseigneur, que je m'applique de tout mon pouvoir pour porter les ha-
bitans à faire de la potasse et je vous promets de rechef que je m'effor-
cerai encore davantage à leur persuader et que j'aiderai moi-même ceux
qui la voudront entreprendre selon mon peu de moyens.
Sur le reproche que Sa Majesté et vous, Monseigneur, me faites au
regard du conmierce de ce pays avec les Iles d'Amérique, je vous dirai
avec vérité n'y était point allé tant de vaisseaux de ce pays que depuis
que j'y suis, il y en a eu des choses fâcheuses, je vous supplie avec tout le
respect dont je suis capable de me faire la grâce de croire que je ne le
ferais pas s'il s'agissait de moins que de la perte d'un pays qui a tant
coûté au Roi et de tirer de l'oppression un grand nombre de familles
presque réduites au désespoir et qui sont dans le dessein de se retirer en
France.
J'ai toujours protesté à Monseigneur votre père que je n'ai jamais été
capable de lui déguiser aucune chose, que je lui ai toujours dit la vérité
sans artifice et que j'ai plutôt diminué qu'augmenté les rapports que je-
lui ai faits, j'ai déjà pris plusieurs fois la liberté dans cette lettre de vous
assurer de la même sincérité. .
Je le fais encore. Monseigneur, puisque l'animosité dont on me blâ-
me n'a point ^u part à ce que j'ai écrit au sujet de Mr. le comte de Fron-
tenac quoique j'eusse pu avoir quelque émotion par la prison qu'il a
lait subir à mon fils écolier âgé de seize ans à dix sept pendant un mois
sans avoir eu le liberté de prendre l'air dans la Cour du Fort où il était
détenu, ce qui a paru si rude et si injuste que tout le pays en a été dans le
dernieç étgnnemeot et par celle qu'il a. fait aussi souffrir à mon dômes.-
... 284 j—
tique qu'il a fait enlever des prisons de cette ville où je l'avais fait met-
tre sur les plaintes qu'il en avait faites avec bien peu de fondements et
qu'il a fait resserver dans une chambre basse du fort sans avoir eu la con-
solation de parler à personne.
La rigueur avec laquelle Mr. le Gouverneur les traitait l'un et l'au-
tre était pour les obliger mon fils de se dédire de ce qu'il s'était plaint à
moi qu'il l'avait frappé et maltraité dans son cabinet en lui allant faire
civilité et lui demander justice et pour contraindre mon domestique qui
avait servi mon fils de dire que mon fils n'avait pas dit la vérité et qu'il
s'était plaint à tort.
Peut-être, Monseigneur, que les injures, les reproches et les violen-
ces que Mr. le Gouverneur me fait tous les jours au conseil dans lequel il
m'a traité de téméraire et d'insolent la prison dont il me menace souvent,
les ll)elle8 diffamatoires qu'il autorise contre moi et les insolences in-
concevables que le Sieur Boisseau commet à mon égard par écrit et de vive
voix tant à Québec que dans tous les autres lieux du pays dans lesquels il
a toujours suivi Monsieur le Gouverneur, que le soustrait à la Justice,
auraient pu altérer la modération que j'ai toujours conservée mais tout
cela ne m'a pas touché, je l'ai regardé avec indifférence et je n'ai pas lais-
sé que d'agir de concert pour les affaires du Tîoi et d'aller chez lui à l'or-
dinaire et je continuerai à le faire quoique réjcemment il m'ait fort mal-
traité dans son cabinet à l'occasion du Sieur de La Vallière auquel il a
donné le commandement de L'Acadie parceque je refusais de lui faire
payer une somme assez considérable et me défendais sur les ordres précis
que j'ai du Roi et de Monseigneur votre père de ne rien ordonner en plus
avant qu'il n'est porté par l'Etat de Sa Majesté, à moins qu'il ne me l'or-
donnât absolument.
Après tout ce que je vous . viens de représenter. Monseigneur, me
trouvant dans une si fâcheuse conjoncture j'ai pris le dessein de vous dé-
couvrir avec toute la sincérité possible l'état déplorable dans lequel se
trouve ce pays, les intrigues qu'on fait jouer pour y maintenir le désordre '
et les artifices dont pn se sert pour empêcher que les plaintes n'aillent
jusques à vous.
L'autorité dont Mr. le Gouverneur est revêtu lui est un moyen faci-
le pour y réussir parce qu'il ne se fait rien ni dans la justice lii dans le
commerce que ce qu'il veut et qu'il ne favorise dans l'une et dans l'autre
que ceux dont les affaires ont du rapport à ses entreprises, ou ceux qui
s'interressent avec lui, la force qu'il a en main appuie ses intérêts et il ne
.„285 —
l'emploie que pour intimider les peuples et les empêcher de se plaindre
ou pour donner des couleurs à ses violences en exigeant des particuliers
de fausses déclarations dont il puisse se servir pour affaiblir ce qu'on
pourrait dire contre lui et pour tourner à son avantage tout ce qu'il fait.
Et parce que le détail des choses de la conséquence de celles qu,e je
viens de vous dire, Monseigneur, ne peut se renfermer dans une lettre,
j'ai cru afin de ne pas vous être importun le devoir faire par des mémoires
particuliers justifiés par de bonnes pièces.
Le premier vous fera voir que les ordres du Roi ne sont point exécutés,
que la justice est opprimée que les officiers y sont persécutés et que les
coupables demeurent impunis.
Le second vous marquera les désordres causés par les coureurs de bois
ce qui a entretenu la désobéissance aux ordres du Roi, ce qui l'entretient
encore et qu'il est vrai qu'il y a un commerce public avec les Anglais aux-
quels on porte nos pelleteries au préjudice de la ferme du Roi, qui les
achètent bien plus cher que nous et qu'ils vendent leurs marchandises à
meilleur marché.
Le troisième vous convaincra Monseigneur, de tout ce que j'ai mandé
l'année dernière au sujet du Sieur Perrot, Gr., de Montréal, vous y verrez
la continuation de sa mauvaise conduite, aussi bien que celle du Sr. de
la Salle, Gr du Fort de Frontenac, et de celle du Sieur Dulut, chef des
coureurs de bois, et vous y découvrirez des associations particulières fort
préjudiciables au pays.
Le quatrième vous persuadera que quoiqu'on puisse faire en Canada
et dans l'Acadie un commerce avantageux que cependant il se détruit.
Vous connaitrez par le cinquième la conduite extravagante et impie
du Sr. Boisseau, de laquelle je ne vous informe. Monseigneur, que parce
qu'il fait état de revenir ici l'année prochaine et que son retour serait
préjudiciable du pays.
Enfin, le sixième vous fera voir l'Etat de la Ferme du Roi par son
établissement par ce qui s'est fait ensuite et parce qui se passe aujourd'hui.
Mon Secrétaire que je vous envoie a entre les mains ces mémoires et
toutes les pièces sur lesquelles je les appuie et il a encore celles qui con-
cerne la prison de mon fils et de mon domestique que je ne lui ai pas re-
mises pour vous les présenter, Monseigneur, afin d'en obtenir la satisfac-
tion, au contraire je vous supplie avec toutes les instances possibles de n'y
faire aucune réflexion, c'est seulement pour me justifier de ce que Mr le
Grouverneur a dit tout haut depuis quelques jours qu'il se plaindrait à
— 286 —
votis qu'en cette occasion j'avais voulu exciter une rébellion contre lui.
J'espère, Monseigneur, que vous connaitrez que ma conduite a été con
forme aux comandements que j'avais reçu l'année dernière de Sa Majesté
et de Monseigneur Votre père. J'ai tout souffert, j'ai remontré, et enfin
j'en donne avis au Tîoi et à vous Monseigneur, je me tiendrai toute cette
année dans la même réserve que j'ai gardée. Je renvoie mes deux en-
fans pour ne pas les exposer davantage à de nouvelles insultes, je m^appli-
querai uniquement à faire mon devoir autant qu'on m'en donnera la li-
berté et je souffrirai tout patiemment conformément à ce qui m'est or-
donné avec la résolution de vous informer comme je dois de tout ce qui
s'est passé.
Ce sont les sentiments. Monseigneur, dans lesquels je suis et j'espè-
re que vous serez Siitisfait de ma conduite. Je finis. Monseigneur, en
vous demandant avec un empressement plein de respect pour vous et de
tendresse pour ce pauvre pays qu'il vous plaise en avoir compassion vous
assurant que je sacrifierais ma vie volontiers pour son repos et pour vous
témoigner qu'on ne peut-être avec plus de fidélités, plus d'obéissance et
plus de soumission que je suis,
Monseigneur,
Votre très humble, très obéissant et très fidèle serviteur,
DUCHESNEAU (1)
(1) Archives provinciales de Québec.
LES " DEPOUILLES " DU PERE JESUITE
CAZOT
5^st-il vrai que, en avril 1800, lorsque le gouvernement, après la
mort du Père Cazot, s'empara des biens-mobiliers du ci-devant ordre des
Jésuites, il donna ordre de remettre à la cathédrale de Québec tous les
vases sacrés, ornements d'église, peintures, etc, etc, qui se trouvaient dans
l'ancienne chapelle du collège des Jésuites de Québec?
C'est le 16 avril 1800 que M, Sheppard, shérif du district de Québec,
saisit les biens-mobiliers du défunt Père Cazot. Le shérif Sheppard en
dressa un inventaire très détaillé qu'il attacha à l'original même du bref
de prise de possession des propriétés et seigneuries que les Jésuites pos-
sédaient dans le pays. Authentiqué par le shérif Sheppard et scellé du
grand sceau de la Province cet inventaire fut déposé dans les archives
de la Cour du Banc du Roi.
... 287 —
Cet inventaire a été publié dans la Revue Canadienne de 1889 (tome
deuxième de la troisième série, p. 271) par feu M. J.-Edmond Roy.
L'inventaire dressé par le shérif Sheppard mentionne tout ce qui
se trouvait dans l'ancien collège des Jésuites à Québec : ornements sacrés,
argenterie, linge, livres, cahiers divers sur les seigneuries possédées par
les Jésuites, lettres, comptes, meubles, ustensiles de cuisine, argent,
etc, etc.
L'inventaire des biens-mobiliers des PP.- Jésuites saisis le 16 avril
1800, par le shérif Sheppard, donne la liste des effets remis à Mgr J.-O.
Plessis, coadjuteur de l'évêque de Québec et curé de sa cathédrale.
Elle se lit comme suit:
1 ostensoir ou Soleil d'argent. ,
3 calices d'argent.
2 ciboires d'argent.
3 paires de burettes d'argent.
2 plats pour burettes, d'argent.
6 chandeliers et croix d'argent.
2 chandeliers portatifs d'argent.
1 bénitier d'argent.
1 croix processionale d'argent.
2 brods ou girandoles d'argent. ^
' 4 pots à fleurs avec les fleurs, d'argent.
1 encensoir et navette, d'argent.
1 lampe d'argent.
1 piscine d'argent.
1 statue de la sainte Vierge, d'argent.
1 statue de la saint Ignace, d'argent.
1 statue de saint François-Xavier, d'argent.
14 cuillères potagères.
24 cuillères de table.
4 grandes fourchettes.
24 fourchettes de table.
12 cuillères à café.
2 écuelles avec leurs couverts, d'argent.
2 gobelets d'argent.
8 chandeliers et croix argentés.
6 petits chandeliers argentés.
6 pots à fleur argentés.
4 statues argentées.
2 reliquaires d'argent. -
6 chandeliers de cuiyre.
- 288 —
8 chandeliers (dont 1 caseé) de cuirre.
2 Christs de cuivre.
4 petits chandeliers portatifs de cuivre.
26 devants d'autel.
16 chasubles garnies.
3 chapes.
2 dalmatiques.
1 étole et 3 vieilles étoles.
1 drap mortuaire.
24 aubes.
29 surplis.
15 liappes d'autel.
14 nappes de communion.
9 douzaines de nappes de purification.
17 corporaux.
12 pâlies.
123 amicts.
20 linges à lavab».
15 cordons.
8 essuie-mains.
1 paquet de linge sale.
1 paquet de linge sale. *
1 paquet de linge sale.
1 paquet de linge sale.
1 carreau rouge.
5 vieux tapis.
6 petits tableaux.
1 statue de cire.
12 bouquets.
4 missels.
2 pupitres.
1 livre de chant.
1 table en marbre.
1 lustre en cuivre.
Quelques vieux fauteuils, chaises, etc.
1 pendule.
1 Christ d'ivoire.
3 couronnes de fleure.
3 reliquaires de bois doré.
4 garnitures de canons d'autels.
lîi,
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAIJCEVIUE- OCTOBRE 1920 No 10 .
A-t-on calomnié M. de la Jonquière ?
Fixons d'abord un petit i)oint d'iiistoire au sujet du
gouverneur de la Jonquière.
On ne s'accorde pas sur la date de la mort de ce haut
] )ersonnage.
■ "Les cliirurgiens, nous dit l'auteur anonyme d'un
mémoire sur le Canada, employèient tout leur art pour
lui i)rolonger la vie ; enfin il mourut le 17 mai 1752, à six
heures et demie du soir, âgé de soixante-et-sept ans" (1).
Parkman veut que le gouverneur de la Jonquière soit
mort le 6 mars 1752 : "He died on the sixtJrof Mardi.
1752, not on the seventeenth of May, as stated in the Mr
nioirc.s sur Je Canada, 1749-1760" (2).
D'après l'intendant Bigot c'est le 19 mars 1752, que le
marquis de la Jonquière rendit son âme à Dieu (3).
M. de la Jonquière fut iidiumé dans l'église des Ré-
collets de Québec. On avait mis sur sa tombe une inscri])-
tion rappelant ses titres, son âge et la date de sa mort.
Nous avons sous les yeux deux copies de cette inscription,
l'une extraite de VHistory of Canada de Smith, l'autre de
Le chef d'escadre marquis de la Jonquière. L'une dit : "Dé-
cédé à Québec, le 17 niay 1752, à six heures et demie du soir,
, (
(1) Mémoire» sur le Canada, depuis 1749 jusqu'à 1760, p. 60.
(2) Montcalni and Wolfc. vol. II. p. 206.
(.S) Kai)i>oi'l sur les Archives du Canada pour 1887, p. CLX.
— 290 —
t'igé de G7 ans", l'autre : ''Décédé à Québec, le 17 mars 1752,
à six heures et demie du soir, âgé de soixante-sept ans". La-
quelle croire f
La vérité est que M. de la Jonquière mourut le 17
mars, suivant le texte formel de l 'acte de sépulture :
"Le vingt de mars, mil sept cens cinquante-deux a été
inhumé dans l'église des RR. PP. Récollets conformément
à ses dernières volontés, haut et puissant seigneur Pierre-
Jacques, marquis de la Jonquière, chef d'escadre des ar-
mées navales de Sa Majesté, commandeur de l'Ordre Ro-
yal et Militaire de St-Louis, gouverneur et lieutenant'gé-
néral pour le Roy en toute la Nouvelle-France, que nous
soussigné, curé, de Québec, et, chanoine honoraire de la
cathédrale, avons conduit en la dite église des RR. P. Ré-
collets avec les cérémonies ordinaires ; il était décédé le
dix-sept du dit mois, muni des sacrements de l'Eglise, âgé
(le soixante-sept ans".
Cet acte de sépulture est signé par M. J.-F. Récher,
curé de Québec.
Un auteui' anonyme, qui avait une plume bien effilée
et qui prenait plaisir à ramasser tous les potins de la rue
désagréables aux gens en place, dit que dans sa dernière
maladie, les domestiques de M. de la Jonquière ayant al-
lumé des bougies près de son lit, il les fit ôter, x:>ar avarice,
et remplacer par des chandelles de suif, en disant qu'elles
coûtaient moins, cher, et éclaireraient aussi bien.
Le marquis de Montcalm lance une accusation autre-
ment plus grave contre la mémoire du gouverneur de la
Jonquière. Dans son Journal, à la date du 14 mai 1758,
il écrit :
"L'abbé de la Vallinière, prêtre de Saint-Sulpice, a
prêché à la paroisse (de Montréal), avec plus de vérité
que d'éloquence, contre le crime de voler le Roi et sur l'o-
bligation de la restitution. Cette opinion que de voler le
Roi est licite, est dans la tête de tous les Canadiens depuis
que MM- de la Jonquière et Bigot sont en place, et en don
lient l 'exemple pour eux et leurs créatures. M. de la Jon-
quière, au lit de mort, en fit une espèce d'amende honora-
— 291 —
ble devant l'évêque qui lui portait le saiut-sacrement, et
révêque monta le lendemain en chaire pour en faire part
au public" (4).
Le marquis de Montcalm parle ici par oui-dire. Le
gouverneur de la Jonquière était mort depuis quatre ans,
quand M. de Montcalm arriva à Québec, le 12 mai 1756.
Aucun des mémoires du temps ne parle de cette prétendue
amende honorable d.e M. de la Jonquière à son lit de mort.
Le marquis de Montcalm devait tenir ce potin outrageant
pour la mémoire de M. de la Jonquière de quelque mécon-
tent mis à sa place par le gouverneur défunt.
Le gouverneur de la Jonquière était-il aussi avare
que l'insinue auteur des M empire s sur le Canada ?
Nous croyons que cet anonyme a. tout simplement ca-
lomnié M. de la Jonquière, comme il a fait de bien d'au-
tres personnages canadiens.
La marquise de la Jonquière ne suivit pas son mari
au Canada. Quelques-unes des lettres que lui écrivit M.
de la Jonquière pendant son gouvernement au Canada ont
été conservées. Elles nous montrent que M. de la Jon-
quière dépensait ici tout son traitement et une bonne par-
tie de ses revenus personnels.
L'équipement du marquis de la Jonquière pour venir
au Canada lui coûta exactement 67,532 livres. En outre,
en arrivant à Québec, il acheta pour 14,000 francs d'ar-
genterie de M. de la Galissonnière.
M. de la Jonquière avait amené ici à ses frais un ca-
pitaine et douze gardes, un secrétaire, douze domestiques,
des chevaux, des carrosses, etc., etc. Le voyageur Kalm,
présent à l'entrée solennelle de M. de la Jonquière dans la
ville de Québec, fut frappé de la nmnihcence de l'uniforme
rouge tout galonné d'or du gouverneur. La bonne te-
nue et les riches livrées vertes de ses gardes qui le précé"
daieiit, le fusil sur l'épaule, firent aussi son admiration.
Tout ceci n'indique pas précisément la mesquinerie et en-
core moins l'avarice. Car, enfin^ il ne faut pas oublier
(4) Joiiriia] du marquis de Montcabn, p. 349.
™ 292 ™
que tous ces gens étaient habillés, nourris, payés i)ar le
gouverneur lui-même. Le roi de France ne donnait pas
un liai'd à son représentant pour ses frais de re])résenta-
tions.
Nous n'avons d'ailleurs qu'à citer quelques fragments
des lettres de M. de la Jonquière à sa femme pour montrer
qu'il fit les honneurs de sa i)osition avec autant de munih-
cence que ses ])rédécesseurs. Il est bien vrai qu'il' se plaint
que tout cela hii coûte cher, mais n'est-ce pas là la meil-
leure preuve qu'il n'avait ])as la foi'tune que lui ])réte ses
détracteurs 1
Le 19 août 1749, le marquis de la Jonquicic écrit à sa
femme :
" ..J'ai pris ])ossession de mon gouvernement
le 15 de ce mois au milieu de l'acclamation générale des
grands et (\v>^ petits.v Les harangues du clergé et^de tous
les corps ont fait beaucou]) souffrir ma modestie ])ar les
belles et magiiifi(iues choses qu'ils mjont dites, n'aimant
])as tant d'encens. Les festins n'ont pas discontinué de-
])uis que je suis ici, surtout chez Monseigneur l'évêque
qui est l'iiounne de France le plus poli et le plus aimable.
J'ai commencé hier à donner à manger à tous les notables
de la ville et à leurs fenmies, je leur fais grande chère ; j 'a-
vais trois tables de quarante ]jersonnes. J 'ai aujourd'hui
trente-six couverts pour Messieurs du Conseil Supérieur,
leurs femmes et tous les capitaines d'infanterie ; j'aurai
encore une pareille fournée cette semaine pour que tout le
monde y paisse, ensuite je n'aurai qu'une table de dix-huit
couverts tous les jours, soir et matin "
On avouera que pour un avare, le marquis de la Jon-
quière recevait largement au château Saint-Louis. Dix-
huit couverts, soir et matin !
Le marquis de la Jonquière, qui n'était pas un Crésus,
aurait voulu au moins payer ses dépenses avec ce que le
Roi lui donnait. Il était loin d'y atriver.
Le 9 octobre 1749, il écrit à sa femme :
"Je vous assure que si les denrées du pays continuent
™ 293 —
à être aussi chères, je ne saurais vivre avec ce que le Roi
me donne à moins que je ne me retranche beaucoup ..."
En février 1750, il revient là-dessus :
"J'ai donné à diner et à souper les iquatre derniers
jours (du carnaval) à une vingtaine de personnes, je fis
danser jusqu'à deux heures après minuit. Il m'en coûte
])lus que ce que le Roi me donne, raison qui m'engagera à
demander plus tôt d'être relevé."
Le 3 octobre 1750, le marquis de hi Jonquière écrit
encore à sa femme :
"Il Semble que tous les malheurs nous suivent, vous
n'avez ])as de récolte et moi je dépense phis que le Roi ne
me donne. Il m'^n a coûté la première année 38,000
francs, tant i)our la table, écurie, gages de domestiques et
l'entretien de mes équipages. Je ne coimais i)lus ce pays
tout étant en feu, hors les marchandises qui viennent de
France. Le i)rix des denrées n'a ])as dimimié depuis la
])aix."
Que d 'a.ssertions mensongères et calonniiatrices on a
faites sur M. de la Jonquière ! I/un de ses détracteurs
écrit : "If avait gagné des sommes inmienses dans ses vo-
yages et il avait plusieurs millions. ' ' On ne cache pas des
millions connue on fait disparaître un mouchoir de soie.
Il est établi que la tille du marquis de la Jonquière, la
marquise de Noé, qui fut sa légataire universelle, reçut un
héritage bien ordinaire. Ceci ne détruit-il pas la légende
des millions amassés par le défunt gouverneur ?
D'autres ont affirmé que M. de la Jonquière avait
sollicité le gouveraement du Canada pour y faire sa for-
tune.
M. de la Jonquière fut loin de solliciter la charge de
gouverneur de la Nouvelle-France, M. de Maurepas, minis-
tre de la marine, dût insister beaucoup pour lui faire ac-
cepter. Et si M. de la Jonquière avait fait au Canada
ies profits fabuleux dont on parle, aurait-il insisté dans
chacune de ses lettres au ministre pour être relevé de son
commandement ?
Mais le document qui nous donne la preuve la plus
... 294 —
concluante que M. de la Jonquière n'était pas avare ni mê-
me mesquin est, croyons-nous, le propre testament du gou-
verneur. Un avare, même à l 'article de la mort, ne se dé'
pouille pas tout d'un coup du vieil homme pour faire des
largesses à droite et à gauche sans considération de sang
et de parenté. A part celui de Champlain, nous avons eu
la bonne fortune d'étudier en détail les testaments de tous
les gouverneurs français morts au Canada. Aucun d'eux
n'a fait des legs et des dons plus généreux que le gouver-
neur de la Jonquière.
Qu'on en juge par la simple énumération de ses legs.
Et d'abord, il traite roj^alement ses gens. Il veut que le
capitaine de ses gardes, M. de Bonne, et son épouse soient
nourris à ses dépens, comme à sa propre table, pendant
]jlusieurs mois après sa mort. Il ordonne la même chose
pour son secrétaire, M. de Saint- Sauveur, j^endant trois
mois après sa mort. Son maître d'hôtel, le sieur Cape-
lan, et sa femme reçoivent une rente viagère de quatre
cent cinquante livres. Ils devront être payés de leurs
gages jusqu'à leur retour en France. En outre, une fois
rendus là-bas, s'ils le veulent, ils seront logés gratuitement
dans une de ses maisons jusqu'à leur mort. Son cuisi-
nier, Armingo, et son palefrenier devront être nourris et
])ayés de leurs gages pendant trois mois. Les domesti-
ques qui l'ont veillé pendant sa maladie reçoivent, chacun,
vingt-quatre livres, outre leurs gages et salaires.
Voyons maintenant les générosités de M. de la Jon-
quière à Québec et en France;
Il lègue cent cinquante livres à la paroisse de Québec ;
cent livres aux pauvres de Québec ; cent livres à l'Hôpital-
Grénéral de Québec ; cent livres à l'Hôtel-Dieu de Québec ;
cent livres aux IJrsulines de Québec, et cent cinquante li-
vres aux pauvres de chacune des paroisses de ses seigneu"
ries situées en France. Enfin, il ordonne à ses exécuteurs
testamentaires de faire dire 566 messes pour le repos de
son âme par les chanoines du chapitre de Québec, les prê-
tres du Séminaire et les Pères Récollets.
Est-ce là le testament d'un avare I
— 295 —
Nous le répétons : le gouverneur de la Jonquière a été
calomnié.
Dans une de ses dernières lettres au ministre de la
marine, le gouverneur de la Jonquière, avec sa franchise
et son honnêteté de marin, s'est peint mieux que n'aurait
pu lé faire le biographe le mieux averti :
'Me suis pénétré, écrivait-il, de la plus vive reconnais-
sance à la justice que vous rendez à mes sentiments, j 'ose
dire qu'elle m'est due et que le zèle que je n'ai point cessé
d'avoir depuis mon âge le plus tendre pour le service du
Roi sont des sûrs garants de ma conduite ; je ne vous dis-
simulerai pas que la moindre suspicion que vous eussiez
sur moi, trancherait le fil de mes jours ; l'obéissance aux
ordres de Sa Majesté m'a conduit dans ce gouvernement,
je ne m'y occupe que de son sei*vice, l'intérêt est incompa-
tible et à mes sentiments et à la dignité de la place que je
remplis ; j'ai atteint l'âge de soixante-six ans et je n'ai
pas une seule goutte de sang dans mes veines qui ne pétille
pour le service de mon Roi, j'ai toujours eu la gloire d'y
être employé et j'aurai celle d'y mourir, mais je ne puis
me dispenser. Monseigneur, de vous supplier très instam-
ment de vouloir bien rendre compte au roi de ma lettre et
d'obtenir mon rappel de Sa Majesté le i^lus tôt qu'il se
pourra, mes services lui étant acquis en France comme
partout ailleurs " ( 5 ) .
Les phrases du vieux marin sont rudes comme devait
être toute sa personne, mais, dites, ne sent-on pas vibrer
le coeur de l'honnête homme à travers ces mots hachés ?
P. G. R.
CS) Le chef d'escadre marquis de la .Tonquière. p. 221.
QUESTION
— L*acteur Villeray, décédé à Montréal il y a quelques mois, appar-
tenait-il à la famille lîouer de Villeray dont le Bulletin vient de publier
l'histoire généalogique ?
A. B. 0.
296 —
Les Rouer de Villeray
Je trouve dans mes notes sur la famille de Villeray quelques ren-
seignements qui pourraient s'ajouter à la généalogie récemment publiée
|)ar M. Pierre-Georges Eoy. Ces renseignements sont très minces, et
l'on doit s'y attendre car, où M. Roy a passé, il ne reste guère à glaner
(•n matière historique ; mais je les donne tels qu'ils sont, et assez sou-
vent pour de simples conjectures.
Dans l'état des familles des officiers de l'Jle Royale à Rochefort en
17G3, état conservé aux Archives de la Marine à Paris, je rencontre la
note suivante sur la famille de feu Benjamin île Villeray, l'ancien com-
mandant du fort Gaspareau.
Mme de Villeray,. veuve d'un cajjitaine, sans ressources 47 ans
" Mlle de Villeray, sa fille 19 ans
Josette de Villeray, sa fille . 21^2 '^^^^
Chev. de Villeray, son fils 9 ans
Ce tal)leau comprend tout ce qui restait de la famille de Benjamin
de Villeray, à l'exception de René-Benjamin qui était déjà dans le service
et dont il n'y avait pas à tenir compte.
I^e chevalier de Villeray, âgé de 9 ans en 1763, est certainement
(('lui que ]\r. Roy mentionne comme né au fort Gaspareau en 1754 et dé-
cédé en bas âge. Ne faut-il pas présumer plutcOt qu'il est })arvenu à l'âge
d'honmie ?
Quant à René-Benjamin lui-même, il me paraît intéressant de noter
que son acte de baptême, en date du 4 mai 1740, dans le registre de No-
tre-Dame de Montréal, a été corrigé par une ordonnance du juge Panet
(lu 23 août 119.S. Dans l'acte le nom du ])ère avait été écrit "X'ilvct" et il
s'agissait de restituer le vrai nom : "Rouer de V'illeray".
Le nom de Villeray, di.<ait l'avis des parents, était un nom de U'Itc
])ris ])ar !;i famille, et au bas de la pétition apparaissaient les noms sui-
^■ants : Louis de Salaberry, cousin, Charles Lusignan, cousin, Joseph
Perinault, cousin, Pierre Paul Neveu Sevestre, cousin, René-Amable B.
de Boucherville, Maurice Blondeau et Pierre Foretier.
L'ordonance du juge Panet fait mention d'une ordonn_ance du Châ-
... 297 -
tcjlet de Paris du 13 mai 178b, qui ordoimait de mettre le nom de Rouer
avant celui de Villeray, dans l'acte de célébration de mariage du requé-
rant, René-Benjamin de Villeray, avec Marie-Jacqueline-Joséphine d'A-
gobert, du 19 novembre 1781, étant au registre de la paroisse de St-Mer-
ry de Paris.
Ajoutons que le dit René-Benjamin de Villeray, dans la pétition de
l<98, est représenté "actuelement émigré français à Albany, état de New-
York."
Mme Veuve Benjamin de Villeray et l'une de ses filles au moins vi-
vaient encore eu France en 1773, car en cette année une pension est ac-
cordée à la mère et à la soeur de M. de Villeray, garde du corps. {Rap-
port des Archives, 1905). ♦
Si nous passons maintenant à Hector Rouer de Villeray d'Artigny.
4e fils d'Augustin Rouer de la (Jardonnière, je suis en mesure d'affirmer
((u'il n'est pas passé en France à la cession du pays, et pour cause. Dans
une des listes publiées par l'abbé Daniel, il figure^armi les officiers morts
en Canada depuis le départ des troupes, et en effet nous voyons au regis-
tre de Notre-Dame de Montréal qu'il a été inhumé dans cette ville le 9
janvier 1761, à l'âge de 58 ans.
C'est sans doute lui qui, ayant été lieutenant et conunandant à La-
chine, fut imjdiqué sous le nom de d'Artigny dans l'affaire Bigot et con-
damné comme contumace par le jugement de 1763 quoique mort depuis
deux ans.
Aux enfants d'Hector Rouer d'Artigny déjà nommés, il faut ajouter
le suivant, son premier né : Marie-Catherine, baptisée à Montréal le 26
mars 1733 et inhumée au même endroit, le 16 mars 1733.
L'un au moins des fils d'Hector dArtigny a dû parvenir à l'âge d'Iiom-
nie, et c'est le plus jeune, Louis, né en 17-15, que nous rencontrons à Mon-
tréal, le 6 octobre 1748, parrain d\n enfant de sa soeur, Mme de Maril-
lac. Et il y a tout Jiou de croire que c'est lui (|ui, dans u]ie des listes
de l'abbé Daniel, figure comme cadet à Rochefort en 1763 sous le nom
de Villeray d'Artigny. )
Dans ces mêmes listes, publiées par l'abbé Daniel, nous rencontrons
plusieurs Villeray qu'il n'est pas facile de distinguer les uns des autres.
/ lo. — Parmi les enseignes notés en Canada en 1761 : Villeray de la
Cardonnière. Je suppose que c'est Alexis, né en 1754, fils de Louis-
Charles Rouer de Villeray. . Parmi les officiers morts en Canada, après
le départ des troupes, on trouve en offet : Villeray de la Cardonnière,
... 298 —
noyé le 8 juillet 1761. 11 ne peut s'agir de Joseph Rouer de la Cardon-
nière son frère, parce qu'il était alors un des officiers de l'Ile Royale.
2o. — Parmi les enseignes restés au Canada : Jean de Villeray. Ce
nom n'apparait pas dans la généalogie préparée par M. Roy et reste par
conséquent un problème.
3o. — Parmi les officiers de l'Ile Royale servant à Rochel'ort en 17G3 :
le chevalier de Villeray, lieutenant. Il s'agit sans aucun doute de René-
Benjamin de Villeray qui était enseigne en pied à Louisbourg en 1757
et qui a dû être t'ait lieutenant plus tard.
4o. — Parmi les mêmes officiers ,: Villeray de la Cardonnière, ensei-
gne.
Je suppose qu'il s'agit de Josepli Rouer de la Cardonnière, né en
1736 et que M. Roy dit avoir été fait enseigne en 1757. Mais je me de-
maiide s'il n'y ^ pas .encore un autre de Villeray que ne mentionne ni l'ab-
bé Daniel, ni M. Roy.
Dans l'état des ott'iciers de l'Ile Royale que publie M. McLennan,
dans son grand ouvrage sur Louisbourg, d'après les Archives de la Ma-
rine, nous rencontrons trois de Villeray, dont deux sont certainement,
selon leurs états de service, Benjamin de Villeray et son fils le chevalier
René-Benjamin, mais dont le troisième qui devrait être -los. IJouer de la
(Cardonnière, ne paraît cependant pas l'être. Voici sa note :
de Villeray v Enseigne en second. Ile Royale, 1754
Enseigne en pied. Ile Royale, 1757
Mort à Rochefort, le 3 sept. 1759
Ce ne peut-être Jos. Rouer de la Cardonnière, s'il est vrai qu'il mou-
rut Uprès 1790.
Et pourquoi ne serait-ce pas un fils resté inconnu de Benjamin de
Villeray ? Il est en effet remarquable qu'on ne connaît pas d'enfant né à
ce dernier avant 1738, alors qu'il était marié depuis 1735. Ce serait
l'aîné de René Benjamin que l'on distingue probablement pour cette rai-
son comme chevalier de Villeray dans l'état mentionné plus haut. 11
resterait à expliquer l'absence de Jos. Rouer de la Cordonnière sur la
liste publiée par M. McLennan, mais d'autres oft'iciers manquent aussi.
A la rigueur, ce Villeray mort à Rochefort en 1759 pourrait être
l'ierre-Ignace Rouer de Villeray que M. Roy dit vivre encore eu 1711 et
que je retrouve moi-même parrain à Québec en 1736, sous le nom de Vil-
leray de la Cardonnière, mais, né en 1707, il est peu probable qu'il n'ait
été qu'enseigne en 1757.
— 299 —
Il ue me reste plus qu'une observation à faire au sujet de Marie-
Anne LeBorgue-Belleisle, femme dAuguste Eouer de Villeray. D'après
le registre du Cap Santé, elle serait décédée à 92 ans en 1807. C'est
donc qu'elle serait née en 1715 et aurait été, à son mariage en 1755, de
dix ans plus âgée que son mari. Mais le plus singulier, c'est qu'elle au-
rait eu 58 ans lorsque naquit son dernier enfant, en 1773. Marie- Anne
LeBorgne doit être, non pas la fille d'Alexandre LeBorgne et d'Anastasie
de St-Castin, mais sa petite-fille, issue du mariage d'Alexandre LeBorgne
et de Marie Leblanc, et alors elle serait née après 1731. Ce ne serait pas
le premier cas d'une septuagénaire transformée en nonagénaire par nos
registres.
AEGIDIUS FAUTEUX
UN CAS CURIEUX
Dans les documents qui sont conservés au palais de Justice de Montréal
il y a des faits qui pourraient probablement intéresser ceux qui s'occupent de
l'histoire de la médecine au Canada, sous le régime français, tel par exemple,
ce cas d'allaitement tardif.
Un marchand de Montréal, Pierre Roze, souffrant d'une maladie conta-
gieuse et incapable sans doute, de consommer les aliments ordinaires engagea
une sauvagesse pour l'allaiter ! Cette précieuse nourrice lui fut trouvée par
Paul Le Moyne de Maricour. Le malade n'en mourut pas moins quelques
semaines plus tard et la Sauvagesse réclama son salaire du sieur Antoine
Pascaud, marchand, exécuteur testamentaire du défunt. Pour s'éviter des
embarras, Pascaud décida de ne payer que sur un ordre du tribunal. De là
un procès dont voici le résumé :
"A monsieur le lieutenant général civil et criminel de la prévôté de
Montréal.
Suplie humblement, Marie Chambli et vous remontre qu'elle auroit aletté
le sr Pierre Roze environ un mois et demi, pour raison de quoy, ledit Roze
luy avoit promis, en présence de monsieur de Maricour et de François Roze
de l'habiller à la françoise de pied en cap. Et coinnae ledit Roze est décédé
depuis trois à quatre jours sans avoir satisfait à sa promesse. Elle a recours
à vous pour y estre pourveu.
Ce considéré, monsieur, il vous plaize avoir égard aux paines et risques
dan.s laquelle ladite supliante est exposée à contracter la maladie dudit dé-
funt lioze, tt en conséquence de la promesse dudit Roze, Et après avoir en-
tendu le dit sieur de Maricour et le dit François Roze son frère, à tels jours
et heure qu'il vous plaira, ordonner au sieur Pascaud, l'exécuteur de son tes-
tament de me fournir les choses qui me seront nécessaires pour m'habiller
suivant ma condition de pied en cap, conformément à la dite promesse, Et
vous ferez justice.
ARDOUIN
faisant pour la suppliante
Suite à la page 310
— 3(Kj —
Nouvelles notes sur la foi et hommage
Aux notes que iiou^ a\on!5 publiées à deux reprises sur la loi et hom-
mage, il nous est encore possible d'ajouter, car les archives Judiciaires
sont d'une richesse telle qu'il semble impossible d'en tirer tout ce qu'elles
l'enferment de renseignements, en- une fois ou môme en plusieurs.
Notre addition, consiste d'abord en une douzaine d'intitulés d'actes
de foi et hommage ce ((ui complétera (pour l'instant) la liste précédem-
ment publiée dans le numéro de mars du Bulleiin.
n'33, 20 février. — Foi et hommage par Nicolas-Gaspard Boucault,
conseiller du roi, procureur de la prévôté et amirauté de Québec, à Mme
veuve baronne de Longueuil, vu l'absence de son fils e*Ȉ cause d'un fief
relevant de la seig^ieurie de Beloeil.
(l^'jtude (le Raimbault 11 Is)
1732, IS mars. — Foi et hommage par Joseph-Hypohte Le Ber, sieur
de Senneville, k Messieurs les Seigneurs de Montréal, à cause de s(.»u Jicf
"au bout d'en haut de l'Ile de Montréal."
(Etude de Le Pallieur, père) .
1743, 4 mars. — Foi vt hommage ])ar Mathurin Favreau à M. <le
liouclierville, à cause d'un arrière fief (ju'il a acquis de Marie-Anne Mar-
ganne de la N'altci-ic, veuve de M. de (li'osltois et (]ni relèxc du (.lit soi-
gneur.
( Ftude de A. Loiseau )
1743, 1(5 mars.^ — Foi et liommage par KeJié l)0U(;lier, sieur de Mont-
briin et Josepli lioutelace (et Outelas) à M. de Boucherville, à cause
d'un arrière lief acquis pas eux de Jean Boucher de Montbru]i et rcle-
\Miit du dit seigneur de Boucherville.
(Etude de A. Loiseau)
1743, 1() mars. — Foi et liommage par François Boucher sieur de la
Perrière à .M. de Boucherville, à cause d'un arrière fief dont il a hérité ^
t
df
de son père Kené Boucher dv la l'crrière et qui relève dudit seigneur de
Boucherville.
(Etude de A. Loiseau)
- 301 - ^ \
1T43, 16 avril. — Foi et honifiiage par Jacques Le Moiue Despins ii
M. de Boucherville, à cause de la part et portion d'arrière fief qu'il a
hérité de feu son père René Lemoine, sieur Despins.
(Etude de A. Loiseau)
— - 1757, 19 mars. — Foi et hommage par Joseph Paradis, tant [)uur lui
(^iie pour François Daine conseiller du roi, René Boucher de la Bruère et
( lément Boucher de la Périère, au sieur Claude Pécaudy de Contrecoeur,
s cause d'un arrière fief acquis de Jean Péan, sieur de Livaudière et qui
relève de la seigneurie de Contrecoeur. •
(£tude Panet)
1761, 9 mars. — Foi et hommage du sieur Baron à Mr le Général Gage.
(Cette pièce mentionnée au répertoire de Panet ne se trouve plus dans son
étude).
1761, 32 juin. — Foi et hommage par Mlle Marie-Anne-Noele Denis
de Vitré, tant [)our elle que pour Mathieu-Théodose Denis de Vitré, son
frère, à MM. de Saint-Sulpice, à cause du fief Closse dont une moitié lui
;i été donnée par Louise Bizard, veuve de Charles Renault Dubuisson et
l'autre moitié appartient à son frère et à elle par héritage.
(Etude Panet)
1761, 3 août. — Foi et hommage par Louis- Jacques-Charles Renault
Dubuisson, Marie-Louise Guyon Després, épouse de Charles Gédéon de
Catalogne et Dlle Marie-Anne Gabriel Dubuisson à Marie-Anne-Noele
Denis de Vitré, à cause d'un fief relevant de la dite seigneurie.
(Etude Panet)
1763, 28 septembre. — Foi et hommage par Jean Martheille, négo-
ciant de Québec, représenté par M. Dumas de Saint-Martin, de Montréal,
au gouverneur Gage, à cause du fief et seigneiirie de la Grande-Isle, dans
le lac Champlain, acquis de François Daine.
(Etude Panet) y
1763, 1er octobre.— Foi et hommage par René Cartier fils, au gou-
verneur Gage à cause de. son fief sis au bout des seigneuries du Sault-
Saint-Louis, Chateauguay, Villechauve et Laprairie, acquis du sieur Le
Ber de Seiraeville.
(Etude Panet)
1764, 27 mars. — Foi et hommage du sieur Christie et du sieur Jean
C'ampbell. (Cette pièce mentionnée au répertoire de Panet ne se trou-
ve plus dans son étude).
Xons crovons devoir faire suivre cette liste du texte même de l'acte
... 302 —
de foi et hommage du sieur Boucault; procureur du roi à Québec et dont
il est ci-dessus question, parce que cette pièce nous rend compte des for-
malités observées- lorsque le Seigneur était absent au moment où le vas-
sal venait pour l'assurer de sa soumission et de son respect ainsi que de
sa fidélité à remplir toutes ses obligations.
20 février 1732.
Foy et hommage par Mr. Boucault à Mr. de Longueuil
Aujourd'huy, en la compagnie et assisté du notaire royal de la juri-
diction royalle de Montréal y résident, soussigné et témoins cy bas nom-
més, Mr. Nicolas Gaspard Boucault Cons. du roy et son procureur aux
sièges de la Prévosté et Amirauté de Québec, s'est transporté au château
de la baronie de Longueuil, et à la principale porte et entrée dud. château,
ou étant, ayant frappé à lad. porte seroit à l'instant survenue Dame Mar-
guerite Le Gardeur, veuve de feu Mon§. le baron de Longueuil, à laquelle
mondit Sr. Boucault ayant demandé si Mons. le baron de Longueuil avoit
quelques personnes chargées de recevoir les foy et hommages de ses vas-
seaux notamment ceux relevant de son fief de Beloeil scitué sur le bord
de la rivière de Richelieu au (mot rayé) de Chambly, la dite dame luy
auroit dit que mondit Sr. le baron de Longueuil est absent et en l'ancien-
ne France, qu'il ny a aucun établissement sis sur le domaine du fief de
Beloeil, qu'elle n'est point chargée d'aucune de ses affaires, ny dudit fief
de Beloeil, que cependant elle douera avis à mondit Sr. Baron de Lon-
gueuil du sujet du transport de mondit Sr. Boucault, Veu laquelle ré-
ponse mondit Sr. Boucault auroit encore frappé par trois divers fois à
lad. porte et principale entrée dudit château et a appelé à haute et intel-
ligible voix monsieur le baron de Longueuil et dit : Mons. le baron de
Longueuil je vous fais et porte la foy et hommage que je suis tenu de vous
faire et porter à cause de mon fief de six arpens de terre de front sur
cinquante arpens de profondeur scitué sur le bord de la rivière de Cham-
bly à prendre audessous du domaine de votre terre et seigneurie de Be-
loeil, appartenances et dépendances de mondit fief,- relevant à titre d'ar-
rière fief foy et hommage de votre dite terre et seigneurie de Beloeil, le-
quel fief de six arpens m'appartient au moyen de la concession que m'en
a fait feu Mons. le baron de Longueuil par contrat passé devant Me
Louet N're royal à Québec, le quinzième avril mil sept cent vingt-trois,
duquel expédition a été délivrée à mondit feu sieur le baron de Longueuil,
vous requérant me recevoir à lad. foy et hommage, à la charge de vous
— 303 -
bailler mon aveu et dénombrement suivant la Coutume de Paris suivie
en ce pays.
Dont et ce que dessus, ledit Boucault a requis acte audit notaire à
luy octroyé le présent pour luy servir et valoir ce que de raison.
Fait comme dit est, à la principale porte et entrée dudit château
de Longueuil, l'an mil sept cent trente-deux le vingtième jour de février,
en présence et assisté des nommés André de la Mare dit St. André, ha-
bitant dud. Longueuil et Pierre Bourdon aussy habitant dudit lieu qui
ont déclaré ne sçavoir signer de ce interpellé suivant l'ordce. Et a lad,
dame Longueuil douairière signé avec mondit Sieur Boucault après lec-
ture faite ; et laissé copie à lad. Dame Longueuil.
de Longuel (sic) Boucault
Haimbault fils, N're royal ,
E.-Z MASSICOTTE
QUESTIONS
Jacques Saint-Gemme vint de France s'établir à Montréal vers 1653.
Mgr Tanguay, dans son Dictionnaire généalogique, nous donne bien la
liste des enfants de Jacques Saint-Gemme, mais il ne mentionne pas la
descendance de chacun det^-ses fils. Cette famille Saint-Gemme existe-t-
elle encore au pays ?
W. C.
— M. Massicotte a mentionné, je crois, dans le Bulletin des Recher-
ches Historiques, certaines loteries tenues so^s le régime français au Ca-
nada. IjCS loteries étaient-elles permises d'après l'ancienne loi françai-
se ? Y avait-il une réglementation quelconque au sujet des loteries ? Tout
renseignement sur les loteries obligerait
UN CURIEUX
— Quel fut le premier concessionnaire de l'île Jésus ? Quels ont été
les npms successifs de l'île Jésus ?
I. 0.
804 —
NOS ORIGINES
Dans cet article il n'est pas question des ménages venus de France
ni des hommes isolés qui se sont mariés en Canada, mais seulement des
filles mariées ici et que je ne puis rattacher à aucune famille ou parenté
connues parmi nous. Cependant il n'y a pas de doute que la bonne moi-
tié de ces filles avaient déjà des parents ou connaissances parmi nos ha-
bitants, car les noms des personnes et des localités sont très souvent les
mêmes. En réalité, toute la population des premiers temps se recru-
tait de cette manière.
i^ous plaçons l'arrivée de chacune de ces filles à la date du mariage
en Canada. Il ne s'en présente pas avant 1638, et, de ce moment jus-
qu'à 1656, le chiffre en est mince, mais aussi, entre ces deux dates, nous
ne comptons que de 200 à 500 personnes établies à demeure ■ ; alors tout
s'accorde. '* Plus tard, nous verrons des tableaux augmentant et qui se-
ront expliqués par les circonstances de notre histoire. i
a 1638. — Perinne Sodin, Anjou, mariée à François Drouet.
1639. — Marie Panis, Normandie, mariée à Guillaume Bigot. Isa-
beau Panis, Normandie, mariée à Jean Sory. Marie d'Abancourt, Pi-
cardie, mariée à Jean Jolliet.
1640. — Catherine Gayet, Normandie, mariée à Nicolas Bonhomme.
16^2. — Vincente Ducarieux, Normandie, mariée à Pierre Gagnon.
Barbe Hubou, Normandie, mariée à Jean Mnlouer.
1645. — Marie Simon, Poitou, mariée à Claude Larchevêque.
1646. — Madeleine, Anne, Barbe Aymard, trois soeurs, Poitou, ma-
riées à Zacharie Cloutier, Guillaume Couture, Olivier LeTardif.
1647. — Françoise Morin, Rochelle, mariée à Antoine Pelletier. Jean-
ne Jallaut, Poitou, mariée à Marin Terrier, Marie Pelletier, Saintonge,
mariée à Jean Petau. ^Françoise Boudeau, Normandie, mariée à Ma-
thurin Gagnon. Marguerite Bérard, ville de Chartres, mariée à Pierre
Lemieux.
1648. — Esther de Lambourg, Beauce, mariée à Guillaume Gautier.
Suzanne Bugeaux, Saintonge, mariée à Guillaume Grimard. Marguerite
Chariot, St-Jean des Grès (Paris ?) mariée à Louis Loisel. Marguerite
/
... 305 —
Bigon, ville de Paris, mariée à Guillaurae Banse. Marie Houdes. Nor-
mandie, mariée à Jean Houdan.
1649. — Perinne Baudry, Poitou, mariée à Pierre Michelet. Su-
zanne Barlot, Poitou, mariée à Jean Noël. Marié Regnault, Rochelle,
mariée à Pierre Plusson.
1650. — Marguerite Guillebourday, Poitou, mariée à Jean BaiUar-
geon. Marie Métayer, Poitou, mariée à Mathurin Baillargeon. Marie
Piton, Poitou, mariée à Léonard Leblanc. Jacquette ou Jacqueline Vi-
vier, de lieu inconnu, appelée aussi Tiray, mariée à Jean Le Normand.
Jacqu£tte Ri vérin, Poitou, mariée à Jean Normand dit Leguay. Edouarde
.louineau, de lieu inconnu, mariée à Gervais LeNormand.
1651. — Marguerite Benard, Beauce, mariée ^' Claude Bouchard. Ma-
deleine Roussin, Perche, mariée à Michel Huppé. Antoinette de Lier-
court, Normandie, mariée à Biaise Juillet, Jeanne Lersy, Anjou, ma-
riée à Jean Millouer. Marguerite Breton, Paris, mariée à Nicolas Pa-
tenotre.
1652. — Jacqueline Desbordes, Paris, mariée à Glaiide Charland. Jean-
ne Mignon, Rochelle, mariée à Jean Guay. Marie Soulinie, de lieu in-
connu, mariée à Jean Leduc. Madeleine Dupont, Picardie, mariée à
Noël Pinguet.
1653. — Marie Girard, Normandie, mariée à Antoine Rouillard, Fran-
çoise Jobin, Normandie, mariée à Pierre Dandonneau. Françoise Le-
liène, Lorraine, mariée à Gabriel Gosselin. Françoise Lehoux, de lieu
inconnu, mariée à Robert Paré. Jeanne Bitouset, Paris, mariée à Louis
Guimont. Anne Ledet, Rochelle, mariée à Jean Neveu. Marie Gachet,
Brie, mariée à Pierre Nolin. Marie Grondin, Paris, mariée à Jacques Pi-
(•ault, Jacquette Tourault, Angoumois, mariée à Jacques Prenirau.
1654. — Jeanne Roussilière, Sainton"ge, mariée à Pierre Gaudin. Ma-
rie Lorgueil, Normandie, mariée à Toussaint Hunault. Jeanne Merriii.
Poitou, mariée à Eloi Jarry. Marie Renault, Orléanais, mariée à Ma-
thurin Langevin. Madeleine Duval, de lieu inconnu, mariée à Pierre
.louineau. Judith Rigaud, Saintonge, mariée à François Lemaitre.
Marie Renardin de la Blanehetière, de lieu inconnu, mariée à Nicolas Le
Vieux de Hauteville. Marthe Pijison, Anjou, mariée à Jean Milot.
Michelle Leflot, de lieu inconnu, mariée à Jacques Perrot. Jacquette
Touraude, Angoumois, mariée à Maurice Arrivé. Jeanne Soldé, Anj0u,
mariée à Jacques Beaunais. Jeanne Lerouge, Champagne, mariée à
— 306 —
Louis Carreau. Marguerite Gosselin, Perche, mariée à Jean Crête. An-
ne Lesong, Lorraine, mariée à Jean-François Desmarais. Jeanne Bedîe,
Anjou, mariée à Jean Dumets. Catherine Boutet, de lieu inconnu, ma-
riée à Charles Philippeaux. Catherine Lorion, Rochelle, mariée à Pierre
Villain.
1655. — Françoise Bernard, Mans, mariée à Marin Janot. Suzanne
Jaroussel, Rochelle, mariée à Simon Lereau. Jeanne de Chanverlan-
ge, Berri, mariée à Pierre Levasseur. , Louise de Mousseau, Paris, ma-
riée à Pierre Pellerin. Madeleine François, Lorraine, mariée à Guil-
laume Tibaut. Nicole Roland, Paris, mariée à François Blondeau. Ca-
therine Collin, Paris, mariée à Claude Guyon. Marthe Hubert, Cham-
pagne, mariée à Nicolas Gendron.
1656. — Marie Chateign}'^, Rochelle, mariée à Pierre Lefebvre. Anne
Lelaboureur, Normandie, mariée à Jean Normand. Antoinette Grenier,
Paris, mariée S^Jaeques Bernier. Marie Foubert, Normandie, mariée
i'i Jean Cusson. Marie Depéré, Gascogne, mariée à Thierry Delestre.
Marie Jamarre, Belgique, mariée à Pierre Duval. Marie Richard, Ro-
chelle, mariée à François Fafard. Jacqueline Bullois, Mans, mariée à
Denis Derome. Marie Laurence, de lieu inconnu, mariée à Eustache
Lambert. t
La vile et le diocèse de la Rochelle sont mis ensemble, de même pour
Paris et ses environs.
1638.— Anjou 1.— 1639— Normandie 3. Picardie 1.— 1640— Nor-
mandie 1.-1642— Normandie 2.— 1645— Poitou 1.— 1646— Poitou 3.—
1647 — Normandie 1. Poitou 1. Beauce 1. Rochelle 1. Saintonge 1. — 1648
— Paris 2. Normandie 1. Beauce 1. Saintonge 1. — 1649 — Poitou 2. Ro-
chelle 1. — 1650 — Poitou 4. Inconnu 2. — 1651 — Beauce 1. Perche 1. Nor-
mandie 1. Anjou 1. Paris 1. — 1652 — Paris 1. Rochelle 1. Picardie 1. In-
connu 1. — 1653 — Normandie 2. Paris 2. Brie 1. Rochelle 1. Angoumois 1.
Lorraine 1. Inconnu 1. — 1654 — Inconnu 4. Anjou 3. Saintonge 2. Nor-
mandie 1. Poitou 1. Orléonais 1. Perche 1. Angoumois 1. Rochelle 1. Lor-
raine 1. — 1655 — Paris 3. Champagne 1. Lorraine 1. Berri 1. Rochelle 1.
Mans 1. — 1656 — ^Rochelle 2. Normandie 2. Paris 1. Belgique 1. Gascogne
1. Mans 1. Inconnu 1.
Soit : en 18 ans, de 18 provinces, 80 filles, dont la bonne moitié ve-
nait de quatre provinces : Normandie 13, Poitou 12, Paris 10, Rochelle 9,
et à cette dernière ajoutons Saintonge 5, ce qui nous donne 49 sur 80,
BENJAMIN SULTE
— 307 —
JOCELY'N WALLER
Est-ce trop de revenir une troisième fois sur Jocelyn Waller dans le
Bulletin des Recherches Historiques ? Il me semble que non. Ce re-
marquable journaliste a été un des plus dévoués amis de la cause cana-
dienne-française, et cependant Ton nous a reproché notre ingratitude à
son endroit. C'est ainsi que H. J. Morgan, dans une phrase de sa Bi-
bliotheca Canadensis, oîi perce l'oreille du tory, affirme que le parti au-
quel il se lia, ne trouva pas mieux pour lui prouver sa gratitude que de
le laisser mourir de faim littéralement. Il n*est pas douteux que Mor-
gan exagère. Waller a été en butte à toutes sortes de malheurs, mais
ses amis canadiens ne le pouvaient pas empêcher.
Après la mort de Waller, il se fit un mouvement chez les nôtres pour
élever un monument quelconque à sa mémoire. C'est le jeune Auguste-
Norbert Morin qui en avait pris la direction, et dans le catalogue de la
correspondance Neilson qui vient de paraître, ces jours derniers, dans le
Rapport des Archives du Canada pour 1918, nous trouvons plusieurs let-
tres de lui à cette occasion. Nous ne savons ce qu'il advint exactement
de cette entreprise ni quelle forme prit cet hommage projeté à la mémoi-
re de la victime de Dalhousie. Il ne nous en reste qu'une circulaire im-
primée dont je viens de retrouver un rare exemplaire. Cette circulaire
a très probablement pour auteur Auguste-Norbert Morin. Elle est si
rare qu'on la peut presque dire inédite. J'ai pensé qu'elle ne serait pas
sans intérêt pour les lecteurs du Bulletin et je la reproduis en entier :
NOTES SUR M. WALLER
"JOCELYN WALLER, écuyer, frère de Sir ROBERT WALLER,
baronet, et allié aux premières familles d'Irlande et dAngleterre, est venu
en Canada en 1820, avec la commission de Greffier de la Couronne pour
la province. Il entra aussitôt en charge ; mais sa commission lui avait
été donnée en Angleterre, et M. le président Monk avait déjà donné la
même commission à une autre personne dans la colonie. Finalement,
cette dernière commission fut confirmée. M. Waller se retira à la Cam-
pagne. Il avait un revenu de £200 sterling, provenant des biens de sa
famille en Irlande, et avec ses habitudes, il vivait tranquille et indépen-
dant.
... 308 —
"Deux ans après, l'ancienne gazette de Montréal changea de proprié-
tairesi Ils faisaient proiession d'indépendance et- de libéralité. Ils
s'adressèrent à M. Waller pour en prendre la coïiduite. Il accepta et en
commença bientôt la rédaction. Tenant, par sa naissance, à des familles
distinguées, libéra) dans son éducation et ses sentiments, il conduisit son
journal sur les professions de son prospectus. Cela ne plut pas à plu-
sieurs de ceux qui {)rotégeaient ce journal à Montréal. Les propriétaires
'lui firent des remontrances : M. Waller répondit qu'il ne le conduirait
que d'après ses sentiments et il revint à Québec.
"Survint alors le fameux Bill de l'Union. Toutes les presses qui
imprimaient en langue anglaise étaient assej-vies au parti de l'union, qui
était aussi le parti du gouvernement. Le public fut indigné de ce bill,
mais il avait reçu l'approbation pres(]ue entière de Sir JAMES MAC!-
KINTOSH, et autres amis e la justice et du pa\'s en Angleterre. Ils
avaient seulement objecté à sa passation, parce que le pays n'en avait eu
aucune connaissance. Il fallait se faire entenre par ceux du pays qui
ne parlaient que la langue anglaise, et que l'on excitait contre la masse
(le ses habitants ; il fallait se faire entendre dans les autres colonies, dans
le Haut-Canada, et par ceux en Angleterre qui pouvaient contribuer à
faire manquer le coup fatal qu'on voulait porter à la masse de la })opula-
rion canadienne. On se décida à faire imprimer à Montréal un journal
en langue anglaise, qui ferait connaître les sentiments des habitants du
pays, qui relevewMt les faussetés qu'on imprimait journellement contre
eux, et qui répondrait aux arguments du parti adverse. L'indépendance
qu'avait montrée M. Waller dans la rédaction de la gazette de Montréal
lit jeter les yeux sur lui. Il laissa sa retraite dans Québec, et se jeta dans
l'arène, en faveur de ses principes, en faveur de la justice, et en faveur
du pays ; contre ses amis personnels, contre ceux qui disposaient de tou-
tes les faveurs, de tous les avantages. L'on peut se faire une idée de l'i-
nimitié qu'il se suscitait, de la haine du parti de l'union qui croyait avoir
le pays pour proie certaine. Selon la tactique de ce parti, on vomit con-
tre lui des injures, on noircit son caractère, on inventa mille calomnies.
1 1 ne s'écarta pas cependant dans la lutte du langage d'un homme bien éle-
\é ; ne s'attacha jamais aux personnes, ni aux actes de la vie privée ; ne
s'adressa ni aux passions ni aux préjugés, mais dévoila la fausseté des
M\ancés de ses adversaires en tout ce qui regardait les affaires publiques,
signala les abus, indiqua les remèdes, et terrassa ])ar ses arguments. Ceux
du parti contraire nej^ouvaient s'empêcher d'avouer la supériorité de ses
— 309 —
talents. Eu fin, cho^e inconnue jusc^u'alors, il fit un parti nombreux en
laveur du pays parmi eeux qui ne parlaient que la langue anglaise. Se-s
écrits furent lus, admirés et republiés dans le Haut-Canada,., dans le<
colonies voisines, dans les Etats-Unis et en Angleterre.
"La voie l'ut aussi ouverte aux requêtes du pav^ adressées au roi et
j'u parlement en Angleterre ; Waller triomphait de ses adversaires, et le
pays allait partager ce triomphe. C'est alors qu'on lâcha contre lui M.
le procureur du roi, qui multiplia les indictements, sf répand^H en in-
jures, et renouvelait les accusations d'abord rejetés. Jl trouve enfin un
grand jury, sommé comme on les sommait alors, parmi une cer-
taine classe seulement, qui trouva bill contr Waller. Le,s arrestations,
( autionnements et procès de Waller, faisjiient la grande occu])ation de
tous les termes criminels à Montréal. On en fit même exprès. Ses en-
nemis et les ennemis du pays se félicitaient publiquement de le voir em-
prisonné, pilorié, et parmi ceux-là était, peut-être, un bon nombre de ceux
qui devaient composer Iq jury spécial par le«iuel M. le j)rocureur voulait, n
toute outrance, le faire juger.
"Le triomphe donné à la cause du pays par le rap})ort chi (••tniiié ilu
Canada, n'était pas utt- triomphe jwur M. Waller, toujours M. le procu-
reur du roi s'acharnait contre lui. Un jury spécial renvoyé, il insistait
sur un autre. Le pays triomphait ; mais^tout était dans l'incertitude
pour M. Waller ; il pouvait mourir en prison ; il pouvait être exposé à
ce que, au loin, dans son pays natal, au milieu de sa fainille, cela serait
regardé comme un déshonneur. 11 succomba à la maladie, au milieu de
tant de fatigues, tant d'hostilités, tant d'inquiétudes. Jl mourut au ser-
vice du pays et ne broncha pas jusqu'à la mort. 11 mourut au moment
<»ù les libertés du pays étaient conservées, en partie par ses efforts, au mo-
ment où il avait droit de partager sa tranquilité et jouir de sa reconnais-
sance. 11 mourut au moment où par la mort de son frère aînéj'^l deve-
nait Sir Jocelyn, baronet, avec un revenu annuel de six ou sept mille
louis sterling. Son fils aîné, maintenant Sir Edward Waller, a succédé
aux honneurs et aux biens de sa famille. Elle ne demande rien. Il ne
reste au |)ays que de témoigner sa reconnaissance pour les services de M.
Waller, et d'hqnorer ses restes par un monument qui attestera l'estime de
ses concitoyens, et qui fera disparaître encore un autre de ces reproches
([u'on se plait injustement à répandre contre le pays, afin de l'affaiblir et
de l'écraser.
— 310 —
Québec, 29 août 1831.'*
Jocelyn Waller était le fils de Sir Robert Waller, du comté de Tip-
perary, en Irlande, crée baronet en 1780, Il eut lui-même une nom-
breuse famille, cinq fils et 3 filles. C'est l'un de ses fils, sir Edmund,
qui succéda à son oncle en 1830 et devint 4e baronet. Un autre fils
s'établit à Brooklyn, N. Y. et y eut une nombreuse postérité. Quant au
troisième fils, le Dr. Samuel Waller, dont parle G. I. Barthe, il mourut
à Montréal en 1878. On trouvera dans Burke's Baronetage de 1881
tout le détail sur l'ascendance et la descendance de Jocelyn Waller.
AEGIDIUS FAUTEUX "^
Suite de la page 299
Soient assignés ledit sieur Pascaud et le dit sieur de Maricourt et ledit
Rose à comparaître par devant nous en nostre hostel, mardy prochain, heure
d'audience.
Mandons, etc. Fait à Villemarie, le 17e jour de fêv.1702.
JUCHEREAU DE ST DENIS
Trois jours après, le 20 février, on procédait à l'inventaire des biens de
feu Pierre Roze.
Le 21 février, à l'audience, Marie Chambli "habillée en sauvagesse et ne
parlant que l'iroquois" donna son témoignage par l'intermédiaire de Fran-
çoise Goupil, veuve du sieur Gouraud La Coste qui avait été nommée inter-
prète d'office.
Le sieur LeMoyne de Maricour, 37 ans et François Roze, 18 ans, corrobo-
rèrent les assertions de la plaignante en sorte que le sieur Pascaud reçut or-
dre de payer la dette.
Le 22 février, Françoise Goupil accompagnée de l'iroquoise comparut
devant le tribunal et déclara que celle-ci avait reçu des habits pour une som-
me de 70 livres, 19 sols et qu'elle était satisfaite.
Si l'on tient compte de la valeur de l'argent à cette époque la "fille des
bois" devait avoir choisi un costume assez coquet.
E.-Z. MASSICOTTE
L'ANCIENNE PRISON DE MONTREAL
"Le vingt trois février, mil huit cent quarante, le saint Sacrifice de la
Messe a été offert pour la première fois, dans la prison neuve de cette ville,
située au couvent Ste-Marie. Une partie des effets nécessaires a été fournie
par le séminaire ; le reste a été acquis par le produit d'une souscription vo-
lontaire, mise en opération par Edmond Barron, Ecuier, Sheriff du District
de Montréal, et l'un des marguilliers de l'Oeuvre et Fabrique de Notre-Dame
de Montréal. Le premier Prêtre, envoyé pour la Messe et l'exhortation, a
été Monsieur Jacques Arraud, Prêtre du Séminaire, et aumônier de la Prison.
Tous les prisonniers Catholiques étaient présens : les hommes d'un côté et les
V)ersonnes du sexe de l'autre. Le tout s'est passé avec édification et continué
avec la décence convenable. Les détenus en recueillent des fruits de con-
solation et de grâce,
JOS QUIBLIER »Supr
— 311 -
La Fête de saint Jean-Baptiste
Depuis quelle année n'est -elle plus chômée ?
La fête de S. Jean-Baptiste était chômée dans FEglise universelle à
l'époque de la découverte du Canada et de la fondation de Québec.
Cependant la génération actuelle n'a jamais eu connaissance du pre-
mier chômage de cette fête. A quelle époque a-t-on cessé de l'observer
comme fête d'obligation ?
C'est dans la collection des Mandemenls. . . .des évêques de Québec
qu'on peut trouver la réponse à cette question. Au début de la colonie,
les fêtes chômées de droit commun, étaient, outre les dimanches, de plu.^
de trente, auxquelles s'ajoutaient quelques fêtes chômées par dévotion
(S. Madeleine, S. Martin), parce qu'on les chômait en France.
Toutefois la misère des temps obligea les évêques de Québec, à diver-
i*es époques, à réduire soit temporairement pour les travaux des semences,
soit à perpétuité, à cause de la pauvreté générale, ou d'autres raisons, le
nombre des fêtes d'obligation. Ces prescriptions portèrent, on le com-
prend, sur des fêtes moins importantes, de sorte qu'on a toujours observé
au pays les fêtes qui sont encore chômées.
La fête de S. Jean-Baptiste fut du nombre des fêtes supprimées.
La première liste des fêtes chômées qui fut donnée au clergé, en ce
pays, est celle de Mgr de Saint- VaUier (2e év. de Québec), en 1694, et
elle mentionne expressément celle de S. Jean-Baptiste (1).
Ce même évêque réduisit en 1716 les fêtes des mois de juin, juillet et
aoiit, **à l'égard de ceux qui vont à la mer pour pécher, et non pas pour
«eux qui restent à terre pour sécher le poisson", mais il conserva par ex-
ception le chômage de la fête de S. Jean-Baptiste, aussi bien que de la
Pentecôte, de la Fête-Dieu et de l'Assomption (2).
Cet état de chose dura jusqu'en 1744.
Mgr Dubreil de Pontbriand (6e év, de Québec), afin de diminuer les
jours de fêtes d'obligation et de permettre en même temps aux fidèles de
célébrer ces mêmes fêtes, comme précédemment, employa un moyen terme :
Il retrancha l'office et la messe de quelques jours de fête, entr'autres de
(1) Mandements des érêques de Québec, t. I. p. 835.
(2) Idem, p. 489.
— 312 —
celles du '^4 juin., et les transl'éi'a au (Jimanche, pour S. Jean-Baptiste en
particulier, au dimanche qui se trouve entre le 21 et le 28 juin. De la
.sorte la fête n'était ))]us chômée le 24 (3), mais était célébrée comme d'ha-
hitude, [)ar l'office et les messes, le dimanche, à la place de l'office du di-
manche, ou de la fêtp-*Kcur rente. Cette pratique dura plus de vingt ans.
Mais comme cette '*t ranslalioii des têtes remises au dimanche. . . .
a occajsionné beaucoup de contusion dans l'arrangement de l'office divin",
son succei^seur, Mgr Briand (7e év. de Québec), a ramené, en 1744, ces
offices à leur jour propre, et a ])rescrit qu'on en ferait la solennité le di-
manche ; à partir, de 1768 (4), la fête de S. Jean-Baptiste se fit donc de
nouveau le 24 de juin, comme avant 1745, mais elle ne fut plus chômée.
Les changements de 1791, 1793 (5) et autres n'aft'ectèrent pas cette
fête qui demeura fête de dévotion jusqu'en 1911.
Kn 1!)11, le l'a[)e, voulant diminuer les l'êtes d'obligation, (S. Jean-
i>a[jtiste était toujours chômé dans l'église universelle), adopta, pour quel-
ques fêtes, particulièrement celle de S. Jean Baptiste, la pratique de Mgr
Dubreil de Pontbriand et fixa l'ort'ice même au dimanche qui précède la
fête des 88. A. Pierre et Paul, c'est-à-dire celui qui tombe entre le 21 et
le 28 juin ((i). Toutefois cet état de chose ne put durer. Dans la 2e
jéforme du bréviaire (1913, obligatoire en 191.')), la fête de S. .haii Bap-
tiste fut restituée à son jour, })arce qu'on voulait éviter» la fixation des
fêtes de saints à des dimanches (7).
Pour résumer, si l'on considère \r jour mênic du 24 juin, on doit dire
qu'il l'ut le siège de la fête de S. Jean-Baptiste, depuis l'origine du Ca-
nada jusqu'en 1744, puis de 1768 à 1912, enfin depuis 1915 ; si l'on con-
sidère le chômage, que cette fête fut chômée en Canada depuis l'origine
jusqu'en 1744 alors qu'elle deviivt jusqu'à présent fête de dévotion, excepté
(>n 1912-3-4 ; enfin, si l'on considère le jour de la l't^e, ce fut le dimanche
entre le 21 et le 28 juin, de 1744 à 1768, puis de 1912 à 1914 et le 24
juin le restt> du temps.
ABBE J. S.
(3) Idem, t. II, p. 42. ♦ • •
(4) Idem, t. II, p. 297.
(5) Idenî, t. II, p. 437 et 459.
(C) Revues de l'année, particulièrement Ami du Clergé, t. XXXIII
(1911) p. 696 et 783. f
(7) Ami, ibid. p. 979.
813
MIGEON DE BRANSAT
M. Migeon de lîraiisat est probablement veiiii au Caïunla en même
temps que le régiment de C'arignan. Il y eut tout uii changement dan-
la direction des affaires dans la colonie à cette époque — mouvement assez
considérable pour oceu])er certains esprits aventureux de f>ance, et c'est
ce qui expliquerait alors, le passage ici de notre personnage. L'abbé Fail-
1 on s'est méj>riis sur le nom de Migeon. ^D'après lui, il serait arrivé un
M. J.-B. Migeon avant KUU. 11 mêle Tleux noms et confond J.-B I.e
Mignon, qui, singulièrement, occupa à Montréal le poste de .procureur-
fiscal des seigneurs, place que devait remplir bientôt après, notre J.-B Mi-
geon de Bransat. • Ceci est clairemejit démontré par M. PI -Z Massicotte,
au numéro 8 du XXIe volume du Bulletin des Recherches Historiques.
L'abbé Faillon termine la reproduction de l'ordonnance de M. de Mai-
sonneuve, du 15 février lfi64, au sujet de l'élection de cinq juges à Ville-
marie, par leur prestation de serment devant M. Daillebout des Musseaux,
juge civil et criminel de la terre seigneuriale, et devant, (dit-il), Jean-
lîaptiste Migeon, procureur-fiscal des seigneurs et avocat au Parlement de
Paris, né à Moulins, en Bourbonnais, et neveu de ^I. Souart qui l'avait dé-
terminé ainsi que plusieurs autres de ses parents et de ses amis à ])asser
tlans la Xouvele-France, par zèle pour la religion.
L'auteur de "Vfli.vfoire de In colonie frnnçnise eii Camida.", par ces
remaniues nous invite à croire à une j)arenté entre M. l'abbé Souart et
Migeon de Bransat avAnt même le passage de celui-ci au Canada. 11
jious est difficile de comprendre cela, ayant sous regard la généalogie des
Migeon.
Tanguay (1-131) nous apprend que Catherine Gauchet qui épousa
Jean-BaptisVe Migeon de Bransat était la cousine de M. Souart. Plus
loin, (1-451) il varie et rap})orte qu'elle était la nièce de M. l'abbé. Ci'
point-ci de j)afenté s'accorde mieux avec Faillon et nous paraîtrait plus
conforme à la vérité.
La famille Migeon appartenait à la bourgeoisie commerçante de Mou-
lins ; ses membres n'ont figuré sous aucun rôle important dans l'histoire
de cette ville. Ce nom est encore ^)orté en Bourbonnais, mais par des
... 314 —
gens (le modeste condition. Il y a, notamment à Yzeure, un Migeon,
maréchal-ferrant, qui est conseiller municipal de cette commune.
Mgr Tanguay place la naissance de J.-B. Migeon de Bransat en 1639,
le nomme Jean-Bapiiste, et, le dit fils de Marguerite des Bordes. Voilà
trois inexa,ctitudes, dont on ne saurait cependant le blâmer. 11 a donné
simplement ce qu'il a trouvé. Notre personnage a été baptisé le 26 no-
vembre, 1636 à St-Pierre-des-Menestraux, succursale de St-Pierre-d'Y-
zeine, ù Moulins, et nommé Jean, sans plus. Son père, Jean Migeon,
était marchand boîtier à Moulins, et sa mère s'appelait Marie Desbordes.
Les parrain et marraine furent : Jean Migeon, l'aîné, (oncle), marchand
à Moulins, e* damoiselle Jeanne de Bonefoy, feme de noble Charles Barbe,
trésorier de France au bureau des finances de la généralité de Moulins.
D'après quelle inspiration ou inclination Jean Migeon s'est-il décidé
d'accoler un second nom à celui de sa famille ? Etait-ce pour se donner
])lus d'imiK)rtancG et faire croire qu'il était de qualité ? Ou, suivait-il un
courant à la mode ? Cette dernière supposition est la plus probable. Car,
M. Jean Migeon, procureur-fiscal des MM. de St-Sulpice de Montréal,
n'avait aucun droit au nom de Bransat. C'est le nom d'une commune
«ise près de St-Pourçain, département de l'Allier. Il n'y est point né
et d'après les archives de sa famille ou les recherches que l'on a pu ac-
complir, il n'y avait aucun bien, de plus, il est reconnu qu'en 1658 et les
années suivantes, les Lomet, de Moulins, se qualifiaient encore sieurs de
Bra7isat ainsi que le constate l'extrait suivant d'un contrat de mariage
existant dans les archives de M. Xavier de Bodinat : "Par devant An-
"thoine Phelipard, notaire, tabellion royal, garde-notte héréditaire au
"pa'is et duché de Bourbonnois, à Moulins, soubsigné, ont été personnel-
élément établis : Me Jean Fouchier, sieur des Prots Saint Syphorien et
"à son autorité damoiselle Marie Fauvre, sa femme, et sous leur auctorité
"Me Gilbert Fouphier, leur fils, advocat en Parlement, paroissiens d'Y-
"zeure, dune part ; noble Toussaint Lomet, sieur de Bransat, conseiller
"du Roy, etc., etc.
Le 14 juillet, 1665, Jean- (Baptiste) Migeon, marchand, est parrain à
Villemarie. lie 25 novembre suivant son mariage a lieu au mêm'e en-
droit, avec Catherine Gauchet de Belleville, fille de Claude; et de Suzanne
Dufeu, de St-Sulpice, Paris. Elle avait refusé un riche établissement -
en France et vint au Canada avec l'intention de se faire religieuse. Elle
changea d'idée. Souvent femme varie. .... Ce fut peu après l'arri-
vée du, régiment de Carignan. Ca été l'un des mariages marquants de
... 315 —
l'année dans la petite ville de Marie, si l'on en juge par les noms des té-
moins :
M. Henri de Chastelard de Salière, colonel du régiment ;
M. de Flotte, sieur de la Fredière, capitaine et major du régiment et
neveu du colonel ;
M. Annibal-Alexis de Flotte, frère ou cousin de la Fredière ;
M, Roger de Bonneau, capitaine au régiment ;
M. François Feraud, lieutenant et aide-major ;
M. l'abbé Michel Barthélémy ; ?
M. l'abbé Gilles Perrot, prêtre de St Sulpice ;
M. Balthazar Desportes, probablement officier du régiment
M. Gilbert Dupéron ; probablement officier du régiment.
M. Jean-Vincent Philippe, sieur de Hautmenil, neveu de l'abbé
.Souart.
M. Migeon de Bransat s'étant établi à Montréal y écoula le reste de
ses jours. Il s'acquitta des devoirs de sa charge avec conscience et sans
crainte. Il était d'un caractère précis et juste, possédant des idées assez
libérales qu'il tempérait avec un certain ordre ; pas belliqueux, mais ré-
taliant à une attaque sur sa personne par une convocation immédiate en
justice.
La famille Migeon en France retrace son origine depuis :
Honorable homme Toussaint Migeon, né vers 1565, bourgeois de
Gharroux, qui épousa vers 1595, Péronnelle Guiot. Toussaint n'était
plus en 1633. Ses enfants furent :
(1) Vénérable et discrète personne Messire François Migeon, doc-
teur en théologie, prêtre, curé de St-Jean de Gharroux de 1631 à 1680 ;
religieux de l'Ordre de St-Jean de Jérusalem ; s : 1680 âgé de 83 ans ;
(2) Honorable personne Jean Migeon, l'aîné, naquit vers 1603 ;
bourgeois de Gharroux, demeurant à Moulins, paroisse St-Pierre d'Yzeure.
Marié en 1633 à Catherine Jacquemet, veuve de Pierre Barde (1).
(3) Jean Migeon, le jeune, né vers 1604, marchand à Moulins,
éiK)usa en 1634, Marie Desbordes, fille de noble Christophe Desbordes,
porte-manteau de Henri IV, dont ;
(a) Jean, baptisé à St-Pierre, Moulins, le 26 novembre, 1636 ;
(1) Sa fille Claude, épousa Claude Vigier, dont un fils qui porta le nom
de sieur des Méchins. Nous signalons ce nom à titre de curiosité. A-t-il
quelque rapport avec l'endroit désigné ainsi au Canada ?
— 316 —
(h) Marie, née 1637, mariée en 1(560 à Maître Jean Couppery, mar-
cliand de Moulins ;
. ((•) Louise, l) : eu 1639 à Moulins.
Jean-Baptiste Mvgeon avait des armes (]ui n'ont j)oint été enregis-
trées dans aucun armoriai de France, que nous sachions. Nous les re-
[iroduiroiis plus tard, à la suite de iios recherclies armoriales, tome III.
REGIS ROY
LES DISPARUS
CHARLES SABATIKR
Sur le musicien qui composa la musique du Drapeau de Carillon, si i^o-
l)ulaire en ce pays, on lit ce qui suit dans le Joiii-nal de l'instruction publique.
du 18 septemre 1862 :
"Cliarles Waugh, connu sous le nom de Charles Sabatier, comiîositeur
et pianiste distingué vient de mourir à Montréal, le 22 août 1862. Né en
Allemagne, il avait été élevé en France où il s'était fait une certaine réputa-
tion. Des excès et une circonstance naturelle l'ont empêché d'atteindre au
premier rang et l'ont poussé à voyager de pays en pays. Il vint au Canada
il y a une dizaine d'années et tandis que son génie et son éducation musicale
auraient pu lui assurer d'excellentes, sinon de brillantes positions, son intem-
pérance l'avait réduit à la misère. On a de lui plusieurs compositions, en
outre la cantate en rhonneur_du prince de Galles (1860). Des amis chari-
tables et dévoués ont essayé, à plusieurs reprises, de le remettre dans la bon-
ne voie, et ils espéraient presque avoir réussi, car Sabatier était à l'Hôtel-
Dieu plutôt en réclusion réparatrice qu'à titre d'invalide. Malheureusement,
une fatale occasion se présenta pour lui de manquer à ses bonnes résolutions ;
il s'éch.appa de sa retraite, on le ramena dans un état pénible à, voir et il
mourut d'apoplexie peu d'heures après son retour. Exemple terrible d'une
hello carrière brisée par une passion l^rutale et t.\'rannique !"
CABRETTE
ADOLPH VOGT
Né à Liebenstein, Sxe Meiningen, Allemagne, le 29 novembre 1842. Ses
parents l'amenèrent en Amérique en 1S46 et il requt ses premières leçons de
de.ssin à Philadelphie. En 1861, il alla poursuivre ses études en Allemagne
et en Suisse, puis, en 1865, il venait s'établir à Montréal en 1867. Cet artiste
dont on dit beaucoup de bien ti laissé plusieurs tableaux de scènes canadien-
nes et il a fourni au Canadian Illustrated News la plupart de ses illustrations
sur l'invasion Fénienne.' .VI. Vogt mourut à New-York, le 22 février 1871.
CABRETTE
— 317
Un testament du docteur Sarrazin
L'un des pliKS lamoux médecins du roi, sous le régime iraucais fut
ee Michel Sarrazin dont les historiens et les dictionnaires mentionnent
le nom et auquel Mgr Laliamme a consacré dans les Mémoires de la Société
royale du Canada de 1887, une étude qu'il faut lire.
Aucun des hiogra}»hes du sieur Sarrazin ne fait cepeudant allusion
au document que nous venons de copier dans l'étude du notaire Antoine
Adhémar et qui nous paraît inédit. Comme cette pièce fimrnit des ren-
seignements que les annali.stes ])euvent utiliser, nous la reproduisons en
entier, mais non sans avoir rétahli les mots abrégés (Adhémar fait usage
de quantité d'a))réviation) ni sans avoir modifié quelque peu l'orthogra-
})he lorsqu'elle était trop personnelle :
Pardevant Anthoine Adhémar, notaire royal et tabellion de l'isle de
Montréal en la Nouvelle France résidant à Villemarie en la dite isle et
tesmoins enfin nommés fut présent en sa personne sieur Michel Sarrazin
chirurgien major des troupes du détachement de la marine gysant au lit
malade dans une des salles de' l'hospital Saint- Joseph de cette dite ville
qui servoit cydevant'd'Esglise sur la rue Saint-Paul, mais sain d'esprit et
d'entendement, comme il est apj)aru audit notaire et tesmoins en fin nom-
més^ Lequel coirsidérant l'incertitude de toutes choses et principalement
de l'heure de la mort et craignant d'en estre preveneu ne voulant ])as
moi;rir san^Jais.'^er un testament et sans avoir réglé et dispo.se de ses biens.
.Vprès av(îTr pensé au salut de son âme. Pour ces causes, il a fait, dicté et
nommé audit notaire soussigné, jjrésence des dits tesmoins cy-après nom-
més, son testament et ordonnance de dernière volonté.
Au Jiom du Père, du Fils et du saint Esprit, ain.<y qu'il ensuit :
Premièrement, comme un vray (,'hréstien et Catholique a recommandé et
recommande son âme quand elle partira de son corps à Dieu le Créateur,
Père, Fils et saint Esprit, suppliant Sa divine bonté par les mérites de la
]>assion de Nostre Seigneur Jésus Christ et par l'intercession de la Glo-
rieuse Vierge Marie, de Saint Michel, son patron et de tous les Saints et
Saintes de Paradis le mettre et placer au Royaume des Cieux au nombre
des bien heureux.
Veut et entend le dit sieur Testateur «pie .<es dettes soient payées et
— o
18-
torts par luy faits sy aucuns se trouvent réparés par le sieur Exécuteur
du présent testannent cy-après nommé.
Item fait son testament de Cinq sols pour estre aumosnés en la ma-
nière accoutumée.
Item désire et ordonne que son corps soit inhumé et enterré au ci-
juetière de la paroisse de cette ville et que ses honneurs funèbres, prières
et services soient faits en l'église paroissiale de cette dite ville ainsy que
ledit Sieur Exécuteur de son présent testament le jugera à propos.
Item donne et lègue aux pauvres dudit hospital St-Joseph de cette
dite ville afin qu'ils se souviennent de luy en leurs prières la somme de
six cents livres, argent de ce pays pour une fois payer.
Item donne et lègue aux Sieurs La Source, St Amands et La Sonde
chirurgiens demeurant en cette dite ville, tous les livres de chirurgie
qu'il a et luy appartiendront à l'heure de son décès, lesquels ils partage-
ront esgallement entre eux.
Item donne et lègue à Magdeleyne Bonnefoy sa mère veuve de sieur
Claude Sarrazin demeurant à Gilly, en Bourgogne, en l'ancienne France,
l'usufruit et jouissance, pendant sa vie seulement, de tous les biens pro-
pres que le dit sieur Testateur a et luy appartiendront en ladite ancienne
France au jour de son décès.
Déclarant ledit sieur testateur qu'il luy est deub par monsieur le
Trésorier de la marine pour restes tant de sa gratification et de ses ap-
pointements, environ la somme de mil livres, argent de France ;
Comme déclare ledit sieur Testateur qu'il a envoyé en France l'an-
née dernière, des effets pour lesquels il a mandé de luy envoyer des bar-
des et autres choses suivant ses mémoires qu'ils luy devront la présente
année ou suivantes et dont ledit I]xécuteur testamentaire a une parfaite
eonnaisçance. '
Et à l'esgard de tous les autres biens meubles, acquêts et conquets
immeubles que le dit sieur testateur a et luy appartiendront au jour de son
décès en ce dit pays de la Nouvelle France avec sesdits appointements et
gratifications et ce quy luy doit venir de France la présente année oju
suivante, en conséquence des effets quil y a voit envoyé l'année dernière
ainsy qu'il l'a dit et déclaré cy-dessus, ledit testateur veut que ledit Exé-
cuteur de son présent testament les distribue et emploie selon l'ordre et la
prière qu'il luy en a fait.
Et pour exécuter et accomplir ledit présent testament Iceluy aug-
menter plutôt que diminuer ledit sieur testateur a nommé Messire Es-
V
-- o
19-
tienne Guyotte prêtre et curé de l'Eglise paroissiale de cette dite ville de
Villemarie son bon ami, le prie d'en prendre la peine Icelhuy augmenter
j)lutot que diminuer ezmaius duquel il s'est dessaisi de tous sesdits biens
scis et scitnés en ce pays de la Nouvelle France et ceux quy luy doivent
venir de France la présente année ou suivantes jusques à la valeur et ac-
complissement du présent testament, voulant qu'il en soit saisi suivant
la coutume, révoquant tous autres testaments et codicilles qu'il pourroit
avoir fait avant celui-ci auquel seul il s'arreste comme estant sa dernière
volonté.
Ce fut ainsi fait dicté et nommé par ledit sieur Sarrazin testateur
audit notaire présence desdits tesmoins en fin nommés et par ledit notaire
on présence des dits témoins audit sieur testateur leu et releu iceluy pré-
sent testament qu'il a dit bien entendre et veut qu'il soit exécuté selon sa
iorme et teneur en la dite salle dudit hospital quy servoit cy-devant d'es-
glise seize sur la rue Saint Paul où il est au lit malade, l'an mil six cent
quatre vingt douze, le treiziesme jour d'Aoust après midy, en présence
des sieurs Pierre Cavellier marchand et George Pruneau praticien, tes-
moins demeurant audit Villemarie soussignés avec led sieur testateur et
notaire suivant l'ordonnance.
SAKUAZIN, G. PRUNEAT, P. L'AVELLIEK, ADHEMAK,
no're
La générosité du testateur envers ses confrères uoiib semble particu-
lièrement intéressante : ce doit même être le seul professionnel ayant eu
l'excellente idée d'aider ses confrères en cette façon et ce legs constitue
un de ces traits à noter dans la vie d'un homme.
Les trois confrères que le testateur gratifie l'assistaient sans doute,
dans sa maladie et devaient être attachés à l'Hôtcl-Dieu. Ils étaient
bien connus et c'est pourquoi le notaire ne les désigne que par leurs so-
briquets, alors qu'il aurait dû écrire, au long : Dominique Thaumur dit
la Source, Jean-Baptiste Maublant dit Saint-Amant et Jean-Baptiste Le
Riche dit la Sonde.
I^e chirurgien Sarrazin, grâce à sa constitution, sinon àr ses confrères
de Montréal, triompha de la maladie. Quelques mois plus tard, il tra-
versait l'Atlantique pour aller parfaire ses études à Paris.
Il devait revenir à Montréal. Une première fois, il avait cru nous
abandonner sa dépouille mortelle, la seconde fois, il n'y laissa que son
"célibat", assez mûr du reste, car le savant médecin, comptait cinquante-
820
ti'ois |)riiitonii)s l()i-s(|U(> !o 20 juin 171î2, il é{)()USH à Ville-Marie, Mario-
Aiiiic-rrsule llazciii-. ;~i itciiic âgée de '^higt ans.
Dernier (lo'lail curieux et ((ue l'on tivmve dans A travers les reyisire.s
(le Mgr Tanguay : "Imi juin 170"3, Michel Sarra;^ était le seul médecin
(lu l'oi, (lii!is l;i X<)U\cllc-l''r;inc(' c-t ses appointements étaient de (iOO li\-res
]iar an, sans aucune i'i''ti'il)ut ion (ic la pari de ses ])atients".
K.-Z. MAS-Sl COTTE
UN ANCIEN SECRETAIRE DU CHEVALIER
DE LEVIS
MgT Tiinguay. à )n page 490 du volume VI de son DictioMîmiiv fAéncalo-
}ii(|uo, mentionne Pierre Raby, sergent au régiment de Cîuienne, fils de Claude
Itaby et de Jeanne Bompart, de la Salle, diocèse d'Ambrun, en Dauphin*.
Pierre Raby épousa, à la Pointe-aux+Trembles de Montréal, le 22 novem-
bre 1756., Gabrielle-Françoise Br'ouillet, puis, en secondes noces, à Terrebon-
ne, le 4 février 17C5, Marguerite Lepage. ,
Ce Pierre Raby doit être l'ancêtre des Raby de la région de Montréal.
Dans un document datant de 17(53 Pierre Raby est mentionné comme
"ancien secrétaire de M. de chevalier de Lévis".
Voilà un titre dont ses descendants peuvent être fiers.
P. G.Jl.
BERNÏERES DE LOUVIGNY
Le grand vicaire de l'évêque de Quéliec était de Normandie. Sa famille
avait été anoblie eji 1587. En 16GC, Guy Chamillart donne ce tableau gé-
néalogiciue on faisant sa rochorrhc de la, noblesse dans la g^éralité de Caen :
l'II.RlîF.
l'Icrio .loaii
"arloiiu'nt ili- Nor-
iiu'urant à St-.Ican
Mari<'> à .\l:p!(l!.'iiH' l.c Hrcidii eu 1 !'>-•;
RollamI lie I '.cMiiiii (S sr vie l.oUN'i.mi.v Consci i !ei' :
mandie, né 1529 de la ville de Caen.
Jean, Ecr, sr de Gavrus Trésorier de M mic -À Caen
de Caen né 1633. • - ■
Henri, Ptre grand vicaire de Mgr de Petrée à Québec, né 1635.
Jean-Baptiste Ecr sr de Vaubesnard, paroisse St-"Jean de Caen, né ](>o9
Michel, Ecr, sr de Venoix, iiaroisse de St-Jean de Caen né 1641.
S'il y eut des filles, elles ne sont pas nommées.
REGIS FiOY
y^
BULLKTIiN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEàUCEVILLE-= NOVEMBRE 1920 No 11
Ce que le gouverneur de Callières pensait de nos
officiers militaires en 1701
En 1701, la colonie de la Nouvelle-Frante avait pour
la défendre contre les attaques des sauvages et des Anglais
vingt-huit compagnies de ti'oupes composées de soldats
surtout recrutés en France. Bien peu de ces soldats étaient
originaires du pays. Ces vingt-liuit compagnies avaient
pour officiers vingt-huit capitaines, vingt-huit lieutenants
et vingt-trois enseignes en pied. On comptait en outre
parmi ces officiers un capitaine reformé et quatorze lieu-
tenants reformés. La plupart des officiers étaient des
Français de la vieille France. Une quinzaine peut-être
sur les quatre-vingt-quatorze officiers des troupes étaient
des enfants du pays et encore étaient-ils tous fils d'officiers
venus de là-bas. On voit que notre part dans les faveurs
militaires était plutôt maigre. Il nous manquait un ap-
point qui alors conmie aujourd'hui était l'argument le plus
])uissant auprès des gouvernants, l'influence.
La littérature militaire pour être concise n'en est pas
moins extrêmement intéressante et fort importante pour
l 'histoire ; nous allons essayer de le prouver j)ar une sim-
]de pièce qui, dans le fond, n'était qu'un rapport ordinaire
d'un chef militaire à son supérieur.
— 322 —
Le 15 octobre 1701, le gouverneur de Callières en-
voyait au ministre un état des officiers des troupes servant
au Canada a|)ostillé de leurs qualités et services. M. de
Callières ne consacre pas plus de quatre ou cinq lignes à
chaque officier, cependant son état nous donne leur pedi-
gree mieux que ne pourrait le faire le meilleur de nos his-
toriographes même après des années de recherches. C'est
que M.. de Callières parlait d'après les renseignements que
lui avaient fournis les officiers eux-mêmes. Nous donnons
ici les apostilles de M. de Callières. Il va sans dire que les
prénoms des différents officiers ont été ajoutés par nous.
Sous le régime français, on avait la très mauvaise habitude
de ne désigner les individus que sous leurs noms de. famille
ou de terre. De là, les difficultés de nos historiens pour
identifier avec sûreté des personnages qui ont joué des
drôles assez importants.
CAPITAINES
Claude de Ramezay: "Le sieur de Ramezay, capi-
taine et commandant les troupes."
Pierre de Saint-Ours: "Le sieur de St-Ours, natif
de Grenoble en Dauphinay, âgé de 58 ans, a esté fait en-
seigne à 14 ans et capitaine à 20 ans dans le régiment de
Carignan qui vint en Canada en 1664 et eut une commission
de capitaine au dit pays en 1687 où il est marié."
François Lefebvre Duplessis Fabert: "Le sieur Du-
plessis Fabert, natif de Paris, âgé de 54 ans, a esté enseigne
dans le régiment de Navarre en 1664, lieutenant dans Dar-
bouville le 30 octobre 1665, cai^itaine reformé en Candie
dans le régiment de Saint- Vallier en 1669, capitaine en
l)ied dans le mesme régiment en 1671 et capitaine en pied
en Canada en 1687 où il est marié. ' '
Jean Bouillet de la Chassaigne: "Le sieur de la
Cliasseigne, natif de Paray, dans le comté de Charolais,
âgé de 46 ans, a esté fait enseigne dans le régiment de Na-
varre en 1673, lieutenant dans le même régiment en 1675,
capitaine dans le régin^ent de Condé le 17 août 1677 et
— 323 —
capitaine en Canada en 1687 où il est marié. Il est bon
officier. "
Nicolas Daneau de Muy: "Le sieur Dumiiis, natif
de Beauvais en l.'isle de France, âgé de 48 ans, a esté fait
lieutenant en 1674, capitaine en 1678 et capitaine en Ca-
nada en 1685 où il est marié."
Jacques LePicard Dumesny de Noré: '*Le sieur Du-
mesny de Noré, natif de Caën, âgé de 40 ans, a esté fait
garde de la marine en 1677, enseigne de vaisseau en 1684,
ca]:)itaine en Canada la même année, lieutenant de vais-
seau en 1692, est marié en Canada."
Daniel Auger de Subercase: "Le sieur Subercase,
natif de Bear, âgé de 38 a;is, est venu capitaine en Canada
en 1687, fait major des troupes en 1693, et enseigne de
vaisseau en 1695. Bon officier."
Raymond-Biaise des Bergères: "Le sieur des Ber-
gères, natif d'Orléans, âgé de 46 ans, a servy pendant sept
ans dans la seconde compagnie des Mousquetaires du Roy,
envoyé capitaine en Canada en 1685, où il estait marié et
est veuf depuis près de deux ans. ' '
Guillaume de Lorimier: "Le sieur Lorrimier, natif
de Paris, âgé de 46 ans, fait sous-lieutenant dans le régi-
ment de la Reine, le 20 mars 1673, lieutenant dans le même
régiment le 15 septembre 1676, lieutenant de la 1ère com-
pagnie des grenadiers dans le même régiment le 2 sep-
tembre 1679, capitaine en Canada le 10 septembre 1685,
où il est marié."
François Le Verrier de Rousson: "Le sieur Le Ver-
rier, natif de Paris, âgé de 42 ans, a servi dans la première
compagnie des Mousquetaires du Roy deux ans, cornette
de cavalerie dans le régiment de Varennes en 1675, lieute-
nant reformé et en pied dans le régiment de la Valette
l'espace de deux ans. Reformé en 1686, capitaine en Ca-
nada en 1687 où il sert actuellement et enseigne de vaisseau
en 1695."
Charles-Henry, marquis d'Aloigny de la Groix: "Le
sieur de la Grove est au fort Frontenac. Bon officier."
— 324 —
Charles LeMoyiie, baron de Longueuil : "Le. sieur de
Longueuil, natif de Canada, âgé de 45 ans, a esté fait lieu-
tenant dans le régiment de Saint-Laurent en 1680, lieute-
nant en Canada en 1687, capitaine reformé le 12 janvier
1691 et capitaine en pied le 29 février de la mesme année,
marié et établi au dit pays. Bon officier."
Daniel de Greysolon Duluth: "Le sieur Duluth, na-
tif de Saint-Germain la Vallée en Forêt, âgé de 62 ans;
en l 'année 1665 est entré dans les Gens d 'armes du Roy où
il est resté jusqu'en 1675, a esté fait capitaine reformé en
Canada le 2 janvier 1691 et capitaine en pied au dit païs
le 25 mars 1696. Bon officier."
Joseph-Alexandre de l'Êstringuan de Saint-Martin:
"Le sieur de St-Martin Viabon, natif de Saint-Benoist-
le Fleury sur la Loire, âgé de 45 ans, a esté fait lieutenant
reformé dans le régiment de la marine en 1673 et lieutenant
en pied dans la même année, il a esté fait garde de la mari-
ne en 1684, et est venu la mesme année lieutenant en Cana-
da, capitaine refomié en 1690, enseigne de vaisseau en
1695, et capitaine en pied en 1697, où il est marié. ' '
Paul LeMoyne de Maricourt: "Le sieur de Mari-
court, âgé de 36 ans, natif de Canada, où il a servy en
qualité d'officier subalterne depuis l'année 1686 jusqu'en
1691 qu'il a esté fait capitaine et enseigne de vaisseau en
1694, marié et étably."
Jacques LeVasseur de Néré: "Le sieur LeVasseur
de Nerré, natif de Paris, âgé de 37 ans, a esté fait capi-
taine en pied dans le régiment d'Anjou, en 1691, fait
capitaine reformé et garde de la marine avec ordre de ve-
nir en Canada en qualité d'ingénieur en, 1693, et fait capi-
taine en pied au dit pays de Canada en 1694 où il sert ac-
tuellement et où il a sa famille. Il est bon officier et bon
ingénieur. ' '
Charles P.etit de l'Evilliers: "Le sieur Petit de
l'Eyilliers, natif du diocèse de Soissons, âgé de 40 ans, a
esté fait garde de la marine en 1683, est venu enseigne des
troupes en Canada en 1687, fait lieutenant reformé en
1
— 825 —
3690, capitaine reformé en 1693 et capitaine en pied la
mesme année, enseigne de vaisseau en 1695, marié en Ca-
nada. "
Antoine de LaMotte Cadillac: ''Le sieur de la Motte
Cadillac au Détroit. Bon officier ayant de la capacité."
• Joseph Desjordy Moreau de Cabanac: "Le sieur de
Cabanac, natif de Carcassonne, âgé de 45 ans, a servy
lieutenant reformé dans le régiment du Roy, et lieutenant
dans le régiment de Picardie, est venu lieutenant et garde
de la marine en Canada, en 1685, fait capitaine reformé
en 1694, enseigne de vaisseau en 1695 et capitaine en pied
en 1696. Marié. Bon officier." ' ^
François Desjordy Moreau de Cabanac: "Le sieur
Des j ourdis, natif de Carcassonne, âgé de 35 ans, est venu
lieutenant en Canada en 1685, fait capitaine reformé en
1693, enseigne de vaisseau en 1695, et capitaine en pied
au dit païs de Canada en 1697 où il est marié. Bon offi-
cier."
Michel Godefroy de Linctot: "Le sieur de Linctot
n'a i3as encore envoyé l'état de ses services."
Alphonse de Tonty, baron de Paludy: "Le sieur de
Tonty, au Détroit. Bon officier et capable."
Pierre- Jacques de Joybert de Soulanges: "Le sieur
de Soulanges, natif de Canada, âgé de 25 ans, a esté fait
enseigne en 1683, lieutenant en 1693, enseigne de vaisseau
en 1695, et capitaine en 1700."
Chevalier de Champigny: "Le sieur chevalier de
Champigny passé en France."
Louis de la Porte de Louvigny : "Le sieur De Lapor-
te Louvigny, natif de Paris, âgé de 39 ans, a psté lieutenant
dans le régiment de Navarre, en 1677, lieutenant en Ca-
nada en 1684, capitaine reformé en 1686, capitaine en pied
en 1691, et enseigne de vaisseau en 1695, fait major des
Trois-Rivières le 20 avril 1700, marié en Canada."
Jean-Maurice- Josué Boisberthelot de Beaucours: "Le
sieur de Beavicourt bois Berthelot, natif de l'evesché de
Cornouailles, âgé de 36 ans, a esté fait garde de la marine
en 1684, lieutenant en Canada en 1688, capitaine reformé
— 826 —
en 1691, enseigne de vaisseau en 1692, a fait les fonctions
d'ingénieur en 1693 et fat capitaine en pied en 1701. Bon
officier."
François de La Forest : ''Le sieur de la Forest, natif
de Paris, âgé de 46 ans, a esté fait capitaine en pied pour
servir dans l'Amérique en 1684, capitaine reformé dans
les troupes en Canada en 1691, garde de la marine en 1694
et capitaine en pied dans les troupes de Canada en 1701.
Bon officier et capable."
Jean-Ba])tiste Céloron de Blainville: "Le sieur de
Blenville; on ne les a pas encore envoyés."
.^ CAPITAINE REFORME
Jean-Baptiste Le Gardeur de Repentignj^ : "Le sieur
de Repentigny, natif de Canada, âgé de 70 ans, fait capi-
taine reformé en 1689 dans les troupes que Sa Majesté y
entretient et où il sert actuellement, marié et estably. Il
est homme de bonne conduitte et capable. ' '
LIEUTENANTS
De Martelly : "Le sieur de Martelly, natif de Toulon,
a esté fait lieutenant reformé en Canada en 1695 et lieu-
tenant en pied au dit pays en 1700."
René Le Gardeur de Beauvais: "Le sieur Le Gar-
deur de Beauvais, natif de Québec, en Canada, âgé de 41
ans ,a été fait lieutenant reformé en 1688, lieutenant en
pied en 1690 et garde de la marine en 1694, marié. Bon
officier."
François Mariauchau d'Esgly: "Le sieur Desglis,
natif de Paris; âgé dé 35 ans, a esté fait enseigne de la
colonelle du régiment de Daupliinay en 1688, lieutenant
dans les troupes de Canada en 1691 et lieutenant en pied
en 1696."
Pierre-Noël Le Gardeur de Tilly: "Le sieur Le
Gardeur, natif de Canada, âgé de 49 ans, a esté fait ensei-
gne en 1688, lieutenant reformé en 1690 et lieutenant en
pied en 1692, marié et étably. Bon officier."
... 327 —
Nicolas d 'Ailleboust de Menteht: "Le sieur de Men-
tet, natif de Canada, âgé de 38 ans, a esté fait enseigne en
1687, lieutenant reformé en 1688, et lieutenant en pied en
1689, marié et étably."
Pierre Le Gardeur de Repentigny: "Le sieur de
Repentigny fils, natif de Canada, âgé de 44 ans, a servy
deux ans en qualité d'enseigne, deux ans en qualité de
lieutenant reformé et sert depuis dix ans en qualité de
lieutenant en pied, marié et étably. Bon officier."
Jacques-Charles de Sabrevois: "Le sieur de Sabre-
voye, natif de Beauce, âgé de 36 ans, a servy lieutenant
reformé dans le régiment de l'affaire ( ?) en 1682, est venu
lieutenant reformé en Canada en 1685 et lieutenant en
l)ied en 1688, servant actuellement >en la dite qualité, ma-
rié. Bon officier."
Jean-Paul Le Gardeur de Repentigny de Saint-
Pierre: "Le sieur de Saint-Pierre Repentigny, natif de
Canada, âgé de 40 ans, a esté fait lieutenant en 1689 servant
actuellement en la ditte qualité, marié et étably."
Christophe Dufros de la Jemerais: "Le sieur de la
Jemeraye, natif de Bretagne, âgé de 38 ans, fait garde de
la marine en 1683, passé en Canada en qualité d'enseigne
en 1687, lieutenant reformé en 1690, lieutenant en pied
en 1691, et enseigne de vaisseau en 1695. Bon officier."
Pierre d 'Ailleboust d' Argent euil: "Le sieur d'Ar-
genteuil, natif de Canada, âgé de 42 ans, a esté fait lieu-
tenant reformé en 1690 et lieutenant en pied en 1694, ma-
rié."
Dervilliers de la Boissière: "Le sieur Dervilliers,
natif de Paris, âgé de 26 ans, a esté fait enseigne en Cana-
na en 1696, et lieutenant en j)ied en 1700."
Mongenault: "Le sieur de Mongenault est en Fran-
ce."
François Le Guantier de Rané: "Le sieur de Ranay,
natif de Poitou, âgé de 41 ans, a esté fait garde de la ma-
rine en 1685, est venu lieutenant reformé en 1687 et fait
lieutenant en pied en 1692, marié. Bon officier."
- 328 —
Jacques-Charles Renaud Du Buisson: "Le sieur
Dubuisson, natif de Paris, âgé de 35 ans, a servy en Ca-
nada en qualité de cadet i)endant 10 ans, fait enseigne
l'eformé en 1696 et lieutenant en pied en 1698. Bon offi-
cier."
Constant LeMarcliand de Lignery: "Le sieur de
Ligneris, natif de Tourennes, âgé de 38 ans, a esté fait
lieutenant dans le régiment d'Auvergne en 1675, fait garde
de la marine en 1683, venu lieutenant reformé en Canada
en 1687 et fait lieutenant au dit païs en 1690, marié et
étably. Bon officier. ' '
Etienne de Vildonné: "Le sieur de Vildené, natif
de Paris, âgé de 35 ans, a servy en Canada en qualité de
cadet pendant 3 ans, fait enseigne reformé en 1687, fait
prisonnier par les Iroquois en 1689, lieutenant reformé
à son retour en 1692, et lieutenant en pied en 1696, marié."
Josei)li- Antoine de Frenel de la Pipardière: "Le
sieur de la Pipardière; on n'a pas envoyé l'état de ses
services. ' '
Jacques Testard de Montigny: "Le sieur Montigny,
natif de Canada, âgé de 37 ans, fait enseigne reformé en
1690, enseigne en pied en 1692, lieutenant à l'Acadie en
1693, garde de la marine la mesme année et en 1687 est
revenu en Canada pour y servir en qualité de lieutenant
où il sert actuellement, marié. Bon officier."
Bertrand de Persillon : "Le sieur de Persillon, natif
de Béar, âgé de 38 ans, a esté fait garde de la marine en
1-684 et venu lieutenant en Canada en 1687 où il sert actuel-
lement en la ditte qualité."
Augustin Le Gardeur de Courtemanclie : "Le sieur
de Courtemanche, natif de Canada, âgé de 37 ans, a esté
fait enseigne en 1690, lieutenant reformé en 1691 et lieu-
tenant en pied en 1692, marié. Bon officier, brave homme
et de bonne conduite."
Antoine de Planiblle: "Le sieur de Planiolle, natif
de Montpellier, âgé de 45 ans, a esté lieutenant dans le
régiment d'Anjou en 1678 et venu lieutenant en Canada
I
. ._. 329 —
en 1687, où il sert actuellement en la ditte qualité, marié,
a un brevet de la marine en 1694."
Denis D'Estienne de Clerin: "Le sieur Clerin, natif
d'Aix, en Provence, âgé de 41 ans, a esté sous-lieutenant
dans le régiment de Vendosme en 1672, a servy mareschal
des logis dans les dragons de la Reine en 1680, cornette
dans le même régiment en 1682, a eu une commission d'en-
seigne reformé en Canada en 1685, enseigne en pied au dit
l)aïs en 1687, lieutenant reformé en 1691, et lieutenant en
pied en 1695, faisant les fonctions d'ayde-major de la
ville de Montréal depuis 12 ans, où il est marié. Bon offi-
cier et s 'acquittant bien de son devoir."
Pierre Robineau de Bécancour: "Le sieur de Bécan-
court, natif de Canada, est en France."
. M. de la Monnerie: "Le sieur de la Monnerie, natif
de Poitou, âgé d^ 44 ans, a esté sous-lieutenant dans le
régiment de Nouailles en 1675, lieutenant dans le même
régiment en 1677, venu en Canada en 1685 où il a esté fait
sous-lieutenant et lieutenant en pied en 1691. A un brevet
de garde de la marine en 1694, marié. Bon officier."
Pierre Bécard de Grandville : Le sieur de Grandville;
natif de Paris, âgé de 55 ans, a esté enseigne et lieutenant
dans le régiment de Poitou pendant 6 ans, est venu en
Canada lieutenant dans le régiment de Carignan en 1665
et fait lieutenant dans les troupes que Sa Majesté y entre-
tient présentement, en 1686, marié. Bon officier."
Paul d'Ailleboust de Périgny : "Le sieur de Périgny,
natif de Canada, âgé de 40 ans, a esté fait lieutenant re-
formé en 1690 et lieutenant en pied en 1696, marié et éta-
bly."
Alexandre LeNeuf de Beaubassin: "Le sieur de
Beaubassin, natif de Canada, âgé de 35 ans, a esté fait
garde de la marine le 2 avril 1687, enseigne en 1691, lieu-
tenant reformé en 1693 et lieutenant en 1696."
J ean-Louis de La Corne : "Le sieur de La Corne est
en France."
- 330
LIEUTENANTS REFORMES
Jean-Baptiste Hertel de Rouville: "Le sieur de
Rouville, natif de Canada: on n'a pas reçu l'état de ses
services, mais il est bon officier."
Jean-Baijtiste de Saint-Ours: "Le sieur de Saint-
Tours fils, natif de Canada, âgé de 32 ans, sert depuis 10
ans en qualité d'enseigne et de lieutenant reformé."
René Frérot: "Le sieur Frérot, natif de Canada,
âgé de 26 ans, a servy longtemps cadet dans les troupes de
ce pais et fait lieutenant reformé en 1696. Bon officier."
Zacharie-François Hertel de La Frenière : "Le sieur
de La Fi'enière, natif de Canada : on n'a pas envoyé l'état
de ses services."
François Le Mondion de Mongaron de la Canterie:
"Le sieur de Mondion,' 'ùatif de l'archevêché de Tours, âgé
de 36 ans, a servy dans les Cadets de Brisai en 1682, a
esté fait garde de la marine en 1684, et passé en Canada
en qualité d'enseigne en 1688 et lieutenant reformé en
1694, servant actuellement en la dite qualité et ayant fait
les fonctions d 'ayde-ma j or pendant six ans. Bon officier. ' '
Jacques du Gué : "Le sieur Duguay, natif de Canada,
il est détaché au Détroit. Bon officier. ' '
Grédéon de Catalogne: "Le sieur de Catalogne, natif
de Béar, âgé de 38 ans, est passé en Canada en qualité
de cadet en 1683, fait enseigne en 1687 et lieutenant re-
formé en 1691, marié. Bon officier."
Pierre-Thomas Tarieu de la Pérade: "Le sieur de
la Pérade, natif de Canada, âgé de 25 ans, a servy depuis
l'année 1687 en qualité de cadet jusqu'en 1689 qu'il fut
fait enseigne et lieutenant reformé en 1694. Bon officier. ' '
Philippe Le Saunier de Saint-Michel: "Le sieur de
Saint-Michel, natif de Caen, âgé de 39 ans, a servy pendant
5 ans, dans les dragons en qualité de maréchal des logis
et 5 autres années sous-lieutenant dans le régiment de
Piedmont et passé en Canada en qualité de cadet en 1687,
fait enseigne reformé en 1688, enseigne en pied en 1693
et lieutenant reformé en 1694."
— 331 —
Jules Le Foiirnier Du Vivier: "Le sieur de Vivier,
natif de Normandie, âgé de 36 ans, a servy dans les Cadets
de Brisac en 1682, fait sous-lieutenant dans le régiment
de Languedoc en 1684, passé en Canada en 1687 où il fut
fait enseigne reformé et lieutenant en 1694, marié. Bon
officier. ' '
M. de Chacornade: "Le sieur de Chacornade, natif
de Picardie, âgé de 29 ans, est entré dans les cadets de
Louvigny en 1690, en est sorty en 1692 pour sous-lieutenant
dans le régiment d'Agenois, lieutenant dans le régiment
Royal-vaisseaux en 1693 et est venu lieutenant reformé
en Canada en 1694. Bon officier."
Zacharie Robutel de La Noue : "Le sieur de La Noust,
natif de Canada: on n'a pas encore Pétat de ses services,
mais bon officier. "
Léon de Langy: "Le sieur de Langy, natif de Poi-
tou, âgé de 31 ans, est entré dans les cadets à Besançon en
1682, passé en Canada en 1687 où il a porté le mousquet
jusqu'en 1691 qu'il a esté fait enseigne en pied et lieute-
nant reformé en 1696."
François Hertel: "Le sieur Hertel, paire, natif de
. Canada."
ENSEIGNES EN PIED
Louis-Philippe de Rigaud de Vaudreuil: "Le sieur
chevalier de Vaudreuil, natif de Canada, âgé de 11 ans, a
esté fait enseigne en pied en 1694."
Pierre de Saint-Ours: "Le sieur chevalier de Saint-
Tours, natif de Canada, âgé de 25 ans, a esté fait enseigne
en pied en 1693."
Louis- Joseph Morel de la Durantaye: "Le sieur de
la Durantais fils, âgé de 27 ans, a servy en qualité de cadet
depuis 1687 jusqu'en 1690 qu'il fut fait enseigne reformé
et enseigne en pied en 1692."
Jacques Hertel de Cournoyer: "Le sieur de Cour-
noyers, natif de Canada."
François Amariton : "Le sieiir Amariton, natif d'Or-
. léans, est en France."
— 332 —
René Boucher de la Périère: ''Le sieur de 'la. Per-
rière, natif de Canada: on n'a pas envoyé l'état de ses
services, mais bon officier."
Alexandre Bertliier de Vilmur: "Le sieur Berthier,
natif de Canada, âgé de 26 ans, a esté garde de la marine
en 1686, enseigne reformé en 1689, et enseigne en "pied en
1691. Bon officier."
Frédéric-Louis Herbin: "Le sieur Herbin, natif de
Versailles, âgé de 24 ans, passé en Canada en qualité d'en-
seigne dans les troupes en 1688."
Jean Delaur de Balancin: "Le sieur Delaur, natif
de Bear, âgé de 20 ans, fait enseigne en pied en Canada
en 1700."
Nicolas des Bergères de Rigauville: "Le sieur des
Bergères fils, natif d'Etampes, âgé de 22 ans, passé en
Canada en 1685, où il a servy en qualité de cadet jusqu'en
1696 qu^il a esté fait enseigne en pied."
François de Selles de Marbrelle : "Le sieur de Selles :
on n'a pas envoyé l'état de ses services."
Pierre Boucher de Boucherville : "Le sieur de Bou-
cherville, natif de Canada, âgé de 48 ans, a esté fait ensei-
gne reformé en 1688 et enseigne en pied en 1691, marié."
Bobé de Villiers: "Le sieur de Villiers, natif de
Nantes, âgé de 19 ans, est passé en Canada en 1696 en
qualité de cadet et fait enseigne en pied en 1700."
Le sieur de la Plante.
Quentin de La Salle : "Le sieur de La Salle, natif de
Paris, âgé de 27 ans, est passé en Canada en qualité d'en-
seigne en 1696, 1er niay 1701, fait enseigne de Costebelle
à Plaisance."
Daniel Migeon de la Gauchetière: "Le sieur de la
(lauchetière, natif de Canada, âgé de 28 ans, a esté fait
garde de la marine en 1692 et enseigne en pied en 1693.'-
Etienne de Miré de l'Argenterie: "Le sieur de l'Ar-
genterie: on n'a pas envoyé l'état de ses services."
M. Duplessis: "Le sieur Duplessis fils, natif de Ca-
nada, âgé de 12 ans, a esté fait enseigne en pied en 1700,"
— 338 —
Claude de Ramezay : "Le sieur de Ramezay fils, natif
de Canada, âgé de 10 ans, a esté fait enseigne en pied en
1700."
Noël Chartrain. '
Pierre Fournier de BeUeval: *'Le sieur de Belleval,
natif de Paris, âgé de 38 ans, a serw en Canada en qualité
de eadet pendant 12 ans, et a esté fait enseigne en 1700/'
René-Louis Fournier du Figuier: "Le sieur Four-
nier du Figuier, natif de Canada, âgé de 24 ans, a esté
sous-lieutenant dans le régiment de Guienne en 1693 et est
venu en Canada en 1694 en qualité d'enseigne où il sert
actueUement. Bon officier."
François-Marie Margane de Batilly: "Le sieur de
Batilly, natif de Canada, âgé de 28 ans, a servy en qualité
de cadet depuis Tannée 1688 jusqu'en 1690 qu'il a esté fait
enseigne en pied, servant actuellement en la dite qualité."
P.-G. R.
JEAN-FRANCOIS iMAILHIOT
Né à Montréal le 4 novembre 1692, du mariage de J.ean Mailhiot, mar-
chand, et de Madeleine Marchand.
Il fut d'abord marchand.
Le 19 février 1740, l'intendant Hocquart donnait à Mailhiot une com-
mission pour agir comme lieutenant-particulier en la juridiction de Montréal,
attendu la maladie, le grand âge et les infirmités de M. Raimbault, lieute-
nant-général.
M. Mailhiot décéda à Montréal le 29 janvier 1756.
On voit dans la lettre postulatoire de l'abbé Mathieu Falcoz, vice-pro-
moteur du diocèse de Québec, au vicaire-général de l'évêque de Québec, com-
missaire établi pour informer des faits miraculeux attribués à Mgr de Lau-
berivière. que M. Mailhiot fut guéri miraculeusement, par l'attouchement d'une
relique du saint évêque.
^ "M. Mailhiot. dit l'abbé Falcoz, était tombé dangereusement malade,
dans le mois d'avril 1742, d'un crachement de sang abondant et continu
pendant douze jours consécutifs, avait ressenti des douleurs si vives dans
toutes les parties de son corps et se serait senti tellement épuisé que, sans
sommeil, sans force, sans mouvement, presque sans respiration, on n'espérait
plus rien de sa vie, et on attendait à chaque moment qu'il rendît les derniers
soupirs. Une personne pieuse et pleine de confiance aux mérites de Mgr de
Lauberivière, et de foi en tout ce qui avait servi à son usage, lui attacha, vis-
à-vis là poitrine, une petite partie de ses habits. Dans le moment même, le
crachement de sang cessa, les douleurs se dissipèrent, la respiration se fit
librement, le sommeil revint et il fut parfaitement guéri."
334
FONDEURS DE CLOCHES AU CANADA
Dans le Bulletin de juillet 1920, un correspondant demande des
renseignements au sujet des fondeurs de cloches au Canada. Nous lui
livrons bien volontiers les quelques notes que nous avons recueillies A ce
sujet.
L'abbé de la Tour écrivait dans ses Mémoires sur la Vie de Mgr de
Laval, p: 172: "Sur la fin de l'année 1664, M. l'évêque fit la bénédiction
des trois premières cloches du Canada qui jusque là n'avait eu que quel-
ques elophettes: ces cloches furent fondues dans le pays." (1)
-Après avoir cité ces derniers mots, l'abbé Auguste Gosselin ajoutait:
"Ce qui, il faut bien l'avouer, semble bien difficile à croire." (2)
Eh! bien, l'historien la ^Tour n'a pas fait erreur et les trois cloches
dont on fit la bénédiction solennelle à la fin de l'année 1664, avaient été
fondues au Canada, A Québec même. On en a la preuve très claire dans
le compte que rend de son administration, Damours, marguillier en charge
pour l'exercice allant du 19 novembre 1663 A ])areil jour 1664. Ce comp-
te, arrêté le 7 juin 1665, ])orte les signatures do : Damours, H. de Ber-
nières, Charles Aubert, lluette d'Auteuil, Huboust des Longchamps, Ju-
chereau de la Ferté, Madrv, de Lettre (3).
Au chapitre des dépenses, on trouve plusieurs item concernant les
futures cloches: achats de mitraille (4), de cuivre, d'étain, etc, le tout
recueilli un peu partout: à Québec, dans les environs et jusqu'à l'île
d'Orléans. André Julien, cliaudronnier, en fournit à lui seul un bon lot.
On ramassa ainsi, pour la somme de 240 francs environ, entre cinq et six
ceiits livres de matériaux.
La fabrique ])aye ensuite A Charles Philippeau, serrurier, treize
livres pour "la ferrure des moules des cloches", et 256 Ibs, pour "les
battante des dites cloches".
(1) En 1646, M. de Montmagny donna à la paroisse une cloche de 100
livres placée dans le clocher, l'année précédente, et appartenant à la Com-
pagnie.
Robert Hache fit don en 1650 d'une cloche de 1.000 livres; elle arriva
en 1651. Jolie clochette ! (Cf. Catalogue des Bienfaiteurs de N.-D. de Re-
couvrance, arch. du Sém. de Québec).
(2) Henri de Dernières. Ipd. in-12, p. 146.
(3) Archives du Séminaire de Québec.
(4) C'est tout simplement de la ferraille.
— 335 —
N'est-ce pas que ces livres de comptes soiit impayables? Mais il y a
mieux encore: "Douiu' au Sr Hamonuet, oOlbs.lO. sur ce (|ue la paroisse
lui doit pour la fonde (sic) des cloches." Et l'on trouve de ces entrées
jusqu'en 1665, montant à la somme de 2081bs.8s. (o).
Il n'y a donc pas de doute possible, on fondait des cloches au Canada
dès 1664. Le fondeur se nommait Jean Hamonnet ou Amounet (6).
Dans un contrat du 29 octobre 1664, (Duquet), il est qualifié de
maître-fondeur et Becquet écrit le 4 mars 1666: "maître-fondeur au dit
pays". Le recensement de 1666 l'inscrit sous le nom de Jean Amounet,
maître-fondeur, 38 ans; celui de 1667 porte: Jean Hammonnet, 45 ans.
Il avait bien vieilli dans les derniers douze mois !
Xous ne ])ouvons dire si Hamonnet eut l'occasion de fondre ici d'au-
tres cloches que celles de la cure de Québec. Combien de tempe demeure-
t-il au pays? Nous l'ignorons. Tanguay ne le mentionne même pas non
plus que son frère Pierre, âgé de 1? ans, inscrit au recensement de 1667.
Le 3 octobre 1712, à Beauport, Pierre La Tour, "maîti'e-f ondeur . . .
demeurant depuis quelque temps au dit Beauport" 17), convolait en
troisième noces avec Catherine Chevalier (8).
Peu après, j^eut-être au commencement de 1713, il entreprenait la
fonte de quatre cloches destinées respectivement aux églises ou cliapelles
de Boucherville, de Bonsecours, de Montréal, de la mission de Saint-
François et de Saint-Nicolas. "Le compte des quatre cloches que le
Sieur La Tour a fondu" (sic,) est sous lios yeux (9).
On avait envoyé de Boucherville trois cloches cassées: l'une pesant
]98 livres, la seconde 196 et la plus petite, 83. De ces 477 livres de métal,
La Tour tira une cloche du poids de 425^/^ livres. Elle coûta 248 Ibs. 10
sols dont 212 Ibs 10 pour la façon et le reste pour les fournitures.
Bonsecours avec une cloche cassée de 75 livres ne pouvait prétendre
avoir un bourdon. La Tour lui en fondit une de 97 livres grâce à vingt-
deux livres de métal prises sur ce qui était resté de celle de Boucherville.
(5) Pour les comptes de 1665. Arch. de N.-D. de Québec.
(6) Il signait Amonnet dans Fillion le 8 nov.. 1664; hamounet dans
ÏJuQuet, le 29 oct., 1664, et hamonnet, d'une belle écriture, dans Becquet, le
4 mars 1666; nous avons vu nous-même ces signatures au greffe.
(7) Notes sur les Archives de N.-D. de Beauport, Langevin.
(8) Tanguay, Dict. gén.. vol. V, p. 185. — D'après le contrat de mariage
passé devant Chambalon le 23 sept. 1712, La Tour était fils de Louis, huissier
au siège présidial de Saintes, et de Marthe Michel, veuf, en 1ères noces, de
Renée Dubois et, en secondes, de Jacquette L^vas.seur.
(9) Archives du Sém. de Québec.
— 836 —
Il fit la même chose pour la vieille cloche de 110 livres que lui avait en-
voyée le P. LeBruii, missionnaire de St-Franeois, il y ajouta les trente
livres restant de celles de Boucherville et fit ainsi une cloche de 140
livres qui coûta 196 Ibs. Nous n'avons pas de détails pour la cloche de
Saint-Nicolas; nous savons seulement que- le curé, M. Picart, devait
payer. Ces cloches furent fondues à Beau port comme il appert par un
des item du compte.
Trois ans plus tard, en 1716, La Tour est à Québec et demeure rue
8ault-au-Matelot (10). Le 11 mai, par contrat passé devant Chambalon,
il entreprit de fondre une cloche de 1,800 livres pour la paroisse de Qué-
bec (11). Mais en voilà assez pour celui-ci ; passons plutôt à un troisième
et ce sera le dernier.
M. Pécher, curé de Québec, écrivait dans son Journal le 27 octobre
1757 (13) : "On fond à Beauport la petite cloche de la paroisse qui doit
j)eser 1,500 livres; le métal ayant manqué, les anses de la cloche sont
restées imparfaites n'ayant ])as plus de cinq à six pouces au-dessus de la
cloche." Mauvaise affaire! Mais le 15 novembre le bon curé note que
"le fondeur de cloches a suppléé, à Beauport, par ime nouvelle fonte, les
anses de la 3e cloche de Québec en perçant le cerveau de cette cloche et
y faisant couler du métal pour Joindre en dedans du cerveau les dites anses
les unes aux autres."
L'auteur nous apprend enfin que la bénédiction solennelle de cette
cloche eut lieu le 88 novembre. M. Bigot, représenté par Daine, en étant
le parrain et Mademoiselle Daine, la marraine.
Il ne manquait plus que le nom du fondeur. Nous sommes allé le
demander aux livres de comptes de la paroisse. Au chapitre des dépenses,
année 1757, après avoir noté des achats de mitraille Jusqu'à la somme de
320 livres, nous sommes arrivé à l'item suivant:
"Payé A Etienne Simonneau fondeur pour façon de la 3e cloche pe-
sante 1758 livres et pour la gratification accordée par la fabi'ique suivant
quittance : 803 Ibs 4 sols."
Avec ce qui {)récède, il est assez démontré que, sous le régime fran-
çais, on fondait des cloches au Canada.
AMEDEE GOSSELIN, ptre
(10) Beaudet, Recensement de Québec, 1716.
(11) Greffe de Chambalon.
(12) Archives du Sém. de Québec.
337 —
NOTES HISTORIQUES SUR LANORAIE (D
Lanoraie occupe sur le Saint-Laurent une étendue d'environ trois
lieues sur deux de profondeur. Le relief présente, une suite de bandes
longitudinales parallèles au fleuve : la zone agricole d'une largeur moyenne
de quinze à vingt arpents est comjwsée de marne, d'argile et de terre
noire; la pinière, sorte de terrasse sablonneuse couronnée de forêts de
conifères et de bouleaux, de maigres pâturages et de quelques champs de
seigle; en contre-bas, la "savanne", dépression lacustre au sol spongieux
recouvert de bois de sapin et d'épi nette, et au fond de laquelle coulent en
sens contraire, après avoir presque mêlé leurs sources, les petites rivières
Saint-Joseph et Saint-Jean. Celle-ci présente ce curieux phénomène de
remonter l'espace de trois lieues en amont du fleuve où elle se jette à
Lavaltrie après avoir contourné la pinière. Le sol va en s'élevant gra-
duellement à la Petite-Pinière et surtout à Saint-Henri qui contient quel-
ques bonnes fermes et de riches "sucreries". Au dehi de Saint-Henri,
autre dépression occupée par la forêt à laquelle font suite des marécages
dangereux, riches seulement en bluets et en atocas. A l'est de la paroisse,
à Dautray, la topographie est sensiblement la même, mais la pente géné-
rale est plutôt dirigée vers le fleuve. La rivière Saint-Joseph draine les
eaux du Petit-P'ois, région agricole très fertile, et, à son embouchure, aux
limites de la paroisse, actionne les roues du vieux moulin seigneurial.
De nombreux ruisseaux naissent au pied de la pinière et, coulant au fond
de tranchées parfois très larges, divisent toute la zone avoisinant le fleuve
en longs rectangles à l'extrémité inférieure desquels s'élèvent les maisons
et leurs dépendances tout près du "chemin du roi". Au centre de la pa-
roisse, gros village de 780 âmes (1909), avec son pensionnat, son école
modèle de garçons, son moulin à scie et à farine, ses épiceries, ses ^Hbou-
cheries", sa forge, etc. . . L'industrie — chaussures et vernis — n'a guère
réussi à s'acclimater. La plus grande partie du village trouve dans la
navigation une honnête subsistance sinon toujours l'aisance. La paroisse
a joui autrefois d'une grande prospérité; aujourd'hui elle est plutôt sta-
tionnaire, étant tro]) e.xclusivement composée des deux seules classes de
(1) Extrait d'une intéressante brochure de M. l'abbé Desrosiers, Le Sacré-
Coeiu* de Lanoraie.
- 338 —
cultivîitcurs et de navigateurs. Elle fut l'une des plus lentes à se peupler,
quoiqu'elle comprenne deux des plus anciennes seigneuries de la Nouvelle-
France, Dautray et La Noraye.
En effet, la concession de Dautray à Jean Bourdon, ingénieur royal,
d^te du 1er décembre 1637, deux ans après la mort de Champlain. D'une
étendue de deux lieues de profondeur sur une demi-lieue le long du fleuve,
elle fut doublée à peine dix ans plus tard. Est-ce une preuve que le sei-
gneur concessionnaire l'habitait ? Peut-être, si l'on considère les avan-
tages de ce fertile endroit protégé par la garnison du fort Richelieu et
situé dans le voisinage de l'île Saint-Ignace qui était alors un grand
marché de pelleteries. Il est probable que Jean Bourbon céda ses droits
au sieur Dautray, puisqu'en 1673 le nom de ce dernier est cité dans l'acte
de concession du fief voisin d'Orvilliers ou d'Antaya. M. Dautray habita
j)robableraent sa seigneurie et y fit construire une chapelle desservie par
le curé de Saurel. En 1681, Dautray comptait vingt-deux âmes. Le
recensement de 1685 en fait aussi mention. En 1688, M. de la Noraye,
du régiment de Carignan, les sieurs Lessart et autres obtiennent le terri-
toire situé entre Dautray et Lavaltrie, et comprenant deux lieues de pro-
fondeur. Ce n'était que la confirmation d'un titre acquis depuis longtemps.
L'acte de concession dit en effet que le fief de la Noraye a été concédé il
y a plus de trente ans au sieur Sevestre qui mourut quatre ans après,
léguant sa seigneurie à plusieurs cohéritiers "qui ne purent en venir au
partage. . . de sorte que les dits lieux sont restés inhabités."
L'année suivante, les Iroquois, maîtres des deux rives du Saint-
Laurent entre Montréal et les Trois-Rivières, massacraient tout sur leur
passage. A Dautray, tous les colons périrent ainsi que le seigneur. Cette
belle campagne resta longtemps déserte. M. de Catalogne, qui a recueilli
les traditions du grand massacre, dit en 1709: "A Berthier, il y a peu
d'habitants; à La Noraye et à Antaya encore moins; à Dautré, depuis le
massacre général, il n'y en a plus. A Lavaltrie, la plus grande partie des
terres sont redevenues en taillis."
M. de la Noraye se désintéressa sans doute d'une propriété si exposée
aux incursions des Iroquois, et cela, d'autant plus volontiers qu'il avait
obtenu un autre fief sur la rivière Sainte-Anne. Quoi qu'il en soit, les
deux seigneuries de La Noraye et de Dautray passent en 1724 aux mains
du sieur J.-B. Neveu, colonel des miliciens de Montréal, lequel s'emprfesse
d'exploiter son vaste domaine qu'il .vint habiter. ï^n 1738 on signale
un fourneau à goudron à Dautray. M. Neveu défriche des terres, cons-
— 339 —
truit (à Laiioraie) une église et un presbytère, deux moulins, Fuii à seie,
l'autre à farine, plusieurs autres bâtiments, maisons et granges, encourage
même par des avances considérables l'établissment de ses tenanciers. Il
fait tant et si bien qu'il obtient du roi, le 4 juillet 1739, la prolongation
de sa double seigneurie et sur la même largeur, jusqu'à la rivière l'As-
somption. L'augmentation qui atteignait les Laurentides au nord, triplait
j)resque l'étendue du domaine primitif. Sept ans auparavant (1732),
Messire J.-Aug. Mercier, le premier curé en titre de Lanoraie, ouvrait le
premier registre de la paroisse. i
Citons quelques-unes des familles primitives: Bourbon, Bonin, Ber-
geron, Codère, Dalcourt, Desrosiers, Goulot, Laliberté, Marion, Robillard,
etc.. La population s'était rapidement accrue; elle atteignait déjà
315 âmes en 1739 et dix ans plus tard Lanoraie pouvait équiper 44 mili-
ciens et Dautray 31. Grâpe à la générosité de Messire Gaillard, alors
curé de Berthier, qui fournit les matériaux, et du seigneur Neveu qui
donna le terrain, Messire Dunière fît édifier, bien en vue sur la côte,
la deuxième église de Lanoraie (1744). Elle était construite en pierres
de taille et mesurait quatre vingts ])ieds par quarante. Pour consolider
l'oeuvre religieuse déjà commencée, M. Xeveu fît don à la fabrique d'une
terre de trois arpents sur quarante (1753). Trois ans plus tard la pa-
roisse recevait pour la première fois la visite de l'évêque de Québec qu'elle
ne devait revoir que treize ans après.
C'est que la cession du Canada à l'Angleterre, en 1763, rendait sin-
gulièrement difficile l'administration religieuse du pays. Le clergé
li'augmentait pas en proportion de la population catholique à desservir;
la noblesse canadienne disparaissait rapidement. Le vieux seigneur de
Dautray, J.-B. Neveu, et son fils Pierre étaient décédés: ils furent inhu-
més à Lanoraie. La seigneurie passa à François Neveu qui, en 1771, la
vendit au seigneur de Berthier, James Cuthbert. Elle fut léguée par ce
dernier à son troisième fils Ross, qui la laissa à ses nombreux héritiers
qui la possèdent encore.
Au point de vue religieux, Lanoraie subit le sort de beaucoup de pa-
roisses d'alors: de 1785 à 1837, elle fut réunie à Lavaltrie et mêrtie à
Saint-Paul pour les besoins du culte. 11 se fît cependant dans la paroisse
des améliorations appréciables. L'église eut sa première cloche (1773),
son clocher, une sacristie en pierre, deux grancls tableaux représentant,
l'un,' la Nativité de la sainte Vierge, et l'autre, celle de saint Jean-Bap-
... 340 —
tiste. François Ducharme, marguillier sortant, fut le premier à remplir
pendant un an la charge de constable à la porte de l'église (vers 1800).
Les visités épiscopales étaient rares: on n'en constate que trois en
soixante ans, en 1768j 1T88 et 1803. Lanoraie demande en vain un curé
résident. Elle peut avec Dautray et indépendamment de Lavaltrie pour-
voir à la subsistance d'un pasteur, puisque les deux concessions réunies
donnent en dîmes, année commune, au moins 269 minots de blé, 2G0
d'avoine et 60 de pois.
Toutes les terres de la grand'côte sont concédées; le Petit-Bois- de
Dautray est défriché depuis longtemps. Le relai des chevaux de poste
se fait chez Ijafontaine (auj. Lasalle) où se trouve l'auberge, à deux lieues
et seize arpents de Berthier et à trois lieues et seize arpents de Lavaltriè> '
ce qui laisse croire qu-'il n'y avait pas d'arrêt régulier à Lanoraie. Pour-
tant le village prenait tous les jours une importance nouvelle. De plus
on plus, s'imposait la nécessité d'ouvrir des comiïiunications avec le nord
de la paroisse, riche en boig de pins, d'érables, de merisiers et même en
terre arable. Déjà les plus liardis et les plus entreprenants des bûcherons
avaient . remarqué la bonne qualité du sol; ils résolurent de l'exploiter.
Vers 1835, Pierre Bergeron s'enfonça hardiment dans la forêt et, décidé
de s'y tailler un domaine, il commença le défrichement du rang de Saint-
Henri. Peu après il s'y établissait avec sa famille: il devenait ainsi le
})ionnier du nord de la paroisse. D'autres colons suivirent. D'abondantes
moissons de seigne et même de blé occupèrent bientôt les nombreuses clai-
rières taillées dans la forêt. Ross Cuthbert encouragea ce mouvement de
colonisation et, pour en assurer la continuité, il obtient de la fabrique, et
en échange de soixante-seize arpents de forêt, l'autorisation d'ouvrir sur
la terre de la cure un chemin public pour mettre Saint-Henri en commu-
nication avec la grand'côte. La population augmentait rapidement : 1,318
âmes en 1840, et 1,797 dans 256 maisons six ans plus tard. . La fabrique
concédait des emplacements, et Messire Quintal achetait les. premières
orgues. C'est à cette époque aussi (1850) que les premiers trains chargés
de bois et de produits agricoles arrivèrent du nord. Au prix d'efforts
persévérants, M. Joliette avait réussi à percer la forêt qui séparait l'In-
dustrie (aujourd'hui Joliette) du fleuve, par un petit chemin de fer encore
bien rudimentaire mais qui ouvrait au commerce et à l'industrie une
immense région agricole et forestière. Lanoraie devenait de ce chef un
centre actif d'échanges entre Montréal surtout et toutes les paroisses du
nord. La physionomie du village se transforme rapidement. Tout un
— 341 —
monde de travailleurs s'y établit et l'aisance sourit à plusieurs. L'agri-
culture s'améliore et conquiert de nouveaux champs, les forêts sont exploi-
tées, les routes se multiplient et le commerce s'étend.
Par bonheur il se trouva alors à la tête de la paroisse un prêtre
émiuent, capable de se réjouir de cette prospérité inouïe et d'en tirer 'tout
le profit possible. Ce prêtre fût Messire Alfred Loranger. Né à Yama-
chiche en 1836, nommé curé de Lanoraie en 1859, il mourut en 1884,
après avoir mérité par ses vertus, son grand zèle, ses oeuvres nombreuses,
le titre de second fondateur de Lanoraie. Il pensa à tout excepté à lui-
môme; lui resta et mourut dans le mauvais presbytère bâti en 1838 par
Messire Brais. Dès 1863, la belle église actuelle (180 pieds par 53),
construite cette fois loin de la côte, était consacrée au culte. Deux ans
plus tard M. Loranger y ajoutait une vaste sacristie (40 pieds par 30),
aussi en pierre, et faisait l'acquisition d'un carillon de quatre cloches.
L'année suivante, il fit enceindre le nouveau cimetière, entourant l'église,
d'un mur d'une longueur totale de près de 1,000 pieds et faisait bénir une
élégante chapelle mortuaire également en pierre.
M. Loranger était aussi pieux qu'actif. Il établit plusieurs confré-
ries, répandit la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, et ne cessa de recom-
mander la communion fréijuente et l'exercice du chemin de la croix.
Apôtre de la tempérance, il n'eut de repos qu'après avoir fait fermer les
buvettes. Son oeuvre d'éducation est aussi très remarquable. Avec le
produit des contributions généreuses de la fabrique et de ses paroissiens,
il fît élever la même année (1874) une école modèle pour garçons qu'il
confia aux Clercs de Saint- Viateur, et un vaste couvent à la fois hospice
pour vieillards, orphelinat, pensionnat et école primaire pour filles, sous
la direction des Soeurs de la Providence. Il compléta son oeuvre scolaire
en fondant une bibliothèque paroissiale de plus de trois cents volumes. Sa
charité était inépuisable : il mourut pauvre, d'une maladie contractée dans
l'exercice de son ministère auprès d'un malade étranger à sa paroisse.
Aussi sa mémoire est-elle encore en grande vénération à Lanoraie.
Depuis 1885, la paroisse, au point de vue du mouvement des affaires,
n'a cessé de rétrograder. La construction du Pacifique Canadien absorba
dans son vaste réseau le petit chemin de fer de Lanoraie et mit ainsi les
paroisses du nord en relations plus directes et plus commodes avec les
grandes villes. Lanoraie ne fît plus que décliner. Sa population tomba
brusquement de 2,300 âmes on 1878 à 1,715, en 1891. . . .
L'abbé ADELARD DESROSIERS
- 342 —
NOS ANCIENNES COURS D'APPEL
Depuis la fondation de la colonie de Canada ou de la Nouvelle-France,
jusqu'à l'établissement du Conseil Souverain, en 1663, il n'y a réellement
que le Gouverneur, le plus souvent seul, qui ait exercé la prérogative d'en-
tendre les appels. Toute la justice était administrée par ce dernier, en
compagnie de son secrétaire, qui servait en même temps de greffier,
notaire-tabellion, garde-notes, huissier, etc.
Le (jrouverneur était revêtu des pouvoirs exécutif, législatif et judi-
ciaire les plus amples. Il jugeait souverainement et en dernier ressort.
Par la Commission que reçoit Champlain en 1612, du Comte de
Soissons, Lieutenant-Général et Vice-Roy de la Nouvelle-France, il est
permis au dit Sieur de Champlain, "commettre, établir et constituer tels
capitaines et lieutenants que besoin sera; et pareillement commettre des
officiers pour la distribution de- la justice et entretien de la police, règle-
ment et ordonnance".
En effet, on voit qu'en 1621 (Leclercq — Establissement de la Foy,
tome I, }). 186), dans la requête présentée au Roi de la part clés habitants
de Québec, par le Père Georges LeBaillif, Louis Hébert se donne le titre
de Procureur du Roi; Gilbert Courseron, celui de Lieutenant du Prévôt,
et le nommé Nicolas s'intitule Greffier de la juridiction de Québec,
(''étaient là les premiers officiers de justice établis en notre pays et le
commencement de l'organisation judiciaire au Canada.
Dans une autre commission que reçoit Champlain du Duc de Ven-
tadeur, en 1635, on y trouve encore les mêmes recommandations concer-
nant la justice.
Dans la prolongation de la commission de Montmagny par le Roi,
le 6 juin 1645, on lit ce qui suit: "Comme aussi par forme de prévision,
et jusqu'à ce qu'il y ait des juges souverains établis sur les lieux pour
l'administration de la justice, nous donnons pouvoir au Gouverneur et
aux Lieutenants qui seront par vous établis, de juger souverainement et
en dernier ressort, avec les chef et officiers de la Nouvelle-France qui se
trouveront près de vous, tant les soldats qu'autres habitants des dits lieux."
Il n'y a ])as de doute (jue, jusque vers 1621, il n'y avait pas d'autre tribunal
(le justice que celui du Gouverneur. Cham])]rtin aurait donc exercé la
— 343-.-
prérogative de juger en Appel jusqu'à cette date et très probablement
jusqu'à sa mort.
De 1621 jusqu'à l'établissement de la Sénéchaussée, vers 1651, il
paraît y avoir eu un tribunal quelconque composé de Conseillers, qui
administraient la justice inférieure: le Gouverneur agissant comme prin-
cipal justicier dans les causes de quelque importance.
En l'année 1646 on voit des procédures se faire par devant M. le
Gouverneur, assisté de M. Deschatelets (Noël Juchereau), "licencié en
loi", pour excès commises contre Jacques Regnault, alors au service des
Mères de l'Hôpital, qu'on avait manqué de tuer, pendant une ribotte, le
mardi-gras, 1646. En 1648, MM. Dechavigny et Giffard sont membres
du conseil établi par Sa Majesté en ce jjays. François Menouël, chirurgien,
était aussi l'un des membres de ce conseil en 1651.
M. de Lauzon, qui arrive à Québec le 14 octobre 1651, avait été
chargé de placer l'administration de la justice sur un pied plus régulier.
La compagnie de la Nouvelle-France avait décidé que la justice ordinaire
aurait pour chef un grand Sénéchal; qu'on nommerait un Lieutenant-
Général civil et criminel et pareillement un Lieutenant particulier, pour
y rendre la justice en première instance; les Appels ressortissant devant
le gouverneur qui avait pouvoir de Sa Majesté de juger souverainement
et en dernier ressort (1). La charge de Grand-Sénéchal fut accordée à
Jean do Lauzon, fils du nouveau gouverneur. Cette charge du Crand-
Sénéebal n'était qu'un titre d'honneur comme elle l'est aiijourd'lmi dans
les provinces de *France (3). La justice était administrée au nom du
Sénéchal par les officiers de la Sénéchaussée, qui était un Lieutenant
Général civil et criminel, un Lieutenant particulier et un Procureur
Fiscal.
Bien peu de documents légaux nous sont restés sur cette période qui
précède immédiatement le Conseil Souverain. Toutefois, l'on sait que
Nicolas Levieux, sieur d'Hauteville, et Louis Théandre Chartier, sieur
de Lotbinière, occupèrent la charge de Lieutenant Général en la dite
Sénéchaussée; le premier en 1654 et le second en 1658. Charles Sevestre
on 1656 et Louis Jîouer de Villeray en 1660 y occupent celle de Lieutenant
particulier. Les Appels de ce tribunal étaient portés devant le Gouver-
neur, comme le j)rouvent quelques jugements rendus par M. de Lauzon
père.
(1) Ferland, I, p. 40.
(2) Latour, Mémoire sur la vie de Mgr rte L.aval.
— 344 —
Jusqu^à ce moment (1G63) il n'y avait point eu, à proprement parler,
de véritable tribunal d'Appel dans la Nouvelle-France. Les gouverneurs
jugeaient les affaires le plus équitablement possible sans s'occuper outre
mesure des lois écrites, convaincus qu'ils étaient de leur souveraineté ;
on ne s'avisait ])as d'appeler de leurs sentences.
CONSEIL SOUVERAIN
(1663)
Enfin, par l'édit de création du Conseil Souverain en avril 1663,
un tribunal d'Appel se trouvait régulièrement organisé, pour entendre en
dernier ressort toutes les affaires, quelque minimes qu'elles fussent, civi-
les et criminelles, "donnons et attribuons le pouvoir de connaître de tou-
tes causes civiles et criminelles pour juger souverainement et en dernier
ressort selon les lois et ordonnances de notre royaume".
Le Conseil est présidé par le gouverneur, ayant à sa droite l'Evêque
et l'Intendant, à sa gauche, avec en outre cinq autres membres choisis
conjointement par le Gouverneur et l'Evêque, les séances ayant lieu une
fois par semaine. Le Conseil prend connaissance aussi bien des causes
criminelles que civiles, provenant des juridictions inférieures du pays.
Le 25 janvier 1673, une ordonnance de Frontenac décide que les
Appels des Seigneurs haut jiisticiers se feront devant le Lieutenant
Général dans chaque juridiction, et non au. Conseil Souverain, comme
ces Seigneurs prétendent que leurs titres de concession leur donnent droit.
Les cinq premiers conseillers choisis par le Gouverneur et l'Evêque
furent Louis Rouer sieur de Villeray; Jean Juchereau sieur de la Ferté;
Denis- Joseph Ruette d'Auteuil sieur de Monceau; Charles Legardeur
sieur de T'illy et Mathieu d'Amours sieur Deschaufour. Le conseil siège
autour d'une table, les parties plaidant dans le dos des conseillers.
Les lois observées sont celles du royaume de France, et autant que
possible, suivant la forme et manière qui se pratiquent dans le ressort du
Parlement de Paris.
Dans ce C^onseil Souverain ou Supérieur, tribunal d'appel par excel-
lence, grandement amélioré si on le compare à ceux qui le précédèrent,
le Gouverneur y exerce encore une influence,*, peut-être trop considérable
])()ur le bien de la justice^ Ne yit-on })as, en effet, qulques-inis de ces
....345 —
gouverneurs suspendre de leurs fonctions des conseillers récalcitrants qui
étaient remplacés par des gens plus dociles (3).
D'après ce f|ue nous avons m des papiers du Conseil Souverain, il
n'y eut qu'un bien petit nombre de ses jugements qui furent portés au
Conseil d'Etat en France.
Presque tous ceux qui ont écrit sur cette période du régime français
vantent les lois françaises de ce temps et la manière équitable qui en
règle l'exécution. Ce qui nous a le plus surpris pendant cette période
judiciaire, c'est l'empire que semble avoir FEtat sur l'EgUse, empire
subi sans trop de plaintes.
REGIME ANGLAIS
Pendant la périotle indécise qui suit immédiatement la prise du
Canada, de 1760 à 1T64, on a loyalement laissé subsister les lois françaises
et on a essayé, autant que possible, d'y administrer la justice comme sous
le régime français, comme le prescrivait d'ailleurs l'article quarante-deux
de la Capitulation de Montréal, qui disait que les Français et Canadiens
continueraint d'être gouvernés suivant la Coutume de Paris: mais que
Amherst n'avait pas voulu sanctionner en répondant: "They beeome
subjects of the King."
La Province est divisée en trois districts judiciaires, Québec,. Mont-
réal et Trois-Rivières.
Le deux novembre 1760, James Murray établit à Québec une "Cour
et Conseil Supérieur", qu'il appelle aussi "Conseil Militaire" et "Conseil
de guerre" et dont sont nommés membres, les personnes suivantes, tous
officiers de l'armée anglaise :
Le major Augustin Prévost.
Les Capitaines Hector-Théophilus Cramahé, James Barbult, Ricbar<1
Baillie, Hugh Cameron, Edmond Malone, John Brown.
Dans l'ordonnance de Murray, du 31 octobre 1760, établissant des
Règles de pratique sur la manière de procéder dans les audiences du
Gouverneur en son Hôtel, ou au Conseil de guerre, l'article sept prescrit
que "les jugements qui seront rendus en notre Hôtel à l'audience seront
(3) C'est ce qui arriva en 1663, quand M. de Mézy voulut faire sanc-
tionner par le Conseil la nomination d'un Syndic des habitants. Il suspendit
trois des cinq conseillers et les remplaça par d'autres de son choix. Il me
semble avoir vu quelque part que Frontenac en usa de même quelques années
plus tard.
— 346 —
exécutés saj)s a])pel". On doit donc attribuer "au gouverneur en son
Hôtel" les pouvoirs djc juger en dernier ressort.
C'était l'une des premières lois que recevaient nos ancêtres du district
(le Québec de leurs vainqueurs.
Les délibérations, plaidoyers et registres de la dite ("our ou (Jonseil
militaire sont en français.
Jean-Etienne Cugnet et Belcourt Delafontaine, Procureurs généraux,
dirigeaient toute la procédure et sont, de fait, les juges.
Le greffier est le notaire Jean-Claude Panet, qui a le soin de la
rédaction des registres de la Cour et qui y franchise jusqu'aux noms des
juges : James deviejit Jacques, John devient Jean, etc. Et, pourtant,
tous les juges sont des militaires anglais.
Les jugements des Appels dans le district de Québec n'ont pas été
conservés, que nous sachions; l'on ne possède que les registres de la Cour
militaire qui ne juge pas en dernier ressort. Heureusement que les juge-
ments des Appels du district de Montréal pour la même période nous
sont restés et se trouvent au Secrétariat Provincial. On y rencontre une
ordnonnance de Thomas Gage, gouverneur de Montréal, en date du ^31
octobre 1760, dans laquelle on lit entre autres choses:
"Que par le ])lacart du 23 septembre, les officiers de la milice dans
chaque paroisse sont munis d'autorité de terminer les différends qui
pourraient survenir parmi les habitants de leurs paroisses, mais que les
])arties intéressées pourraient rappeler de leurs jugements par devant
l'officier commandant les troupes du Roi dans le district ou cantonnement
où les parties résident, et que non contentés de cette seconde décision
les parties auraient droit d'en rappeler devant nous."
"Xous faisons scavoir en conséquence que tous Appels faits par
devant nous doivent être rédigés par écrit et remis entre les mains de
notre secrétaire et le jour que nous destinerons à les écouter et déterminer
sera publié et affiché auqul jour les parties intéressées avec leurs témoins
seront ouis."
Ceux qui exercent la charge de juges en ])remière instance dans la
chambre des milices de Montréal, de 1760 à 1764, sont René Decouagne,
Mézières, Neveu Sevestre, les deux frères Hervieux, Fonblanche, Bondy,
Rhéaume, L. Prud'homme, Lecomte, Dupré, Cheneville, Ignace Gamelin,
Hery et Dufy Desaulnier.
Presque tous sont des marchands: ce qui semblerait donner raison
à Raynal (Hist. philos.) qui a écrit que c'étaient des officiers des troupes
... 347 ---
qui jugeaient les causes à Québec et aux Trois-Riyières, tandis qu'à
Montréai ces fonctions augustes et délicates auraient été confiées à des
citoyens (4).
Jls siégeaient en la chambre du greffe et exerçaient la charge de
juge gratuitement (17 oet. 1761).
Le- greffier Panet y reçoit pour émoluments 30 sols par sentence,
comme il recevait sous le régime français.
Les membres du Conseil militaire du Gouverneur, qui exercent quel-
(juefois conjointement avec lui la prérogative de juger en Appel pendant
la même période, sont les suivants :
En 1761 : Haldimand, colonel du 4e Bataillon du Royal Américain,
M. Ord, Colonel commandant de l'artillerie, M. Reid, Major, Gabriel
Christie, Major et Maréchal de Logis de l'armée.
1762, 22 mars: Guillaume Browning, Major du 4:6e régiment, Hé-
bert Munster, Major du 4e bataillon du Royal Américain.
1763, 21 novembre: Thos Falconer, Capitaine du 44e Régiment,
Président de la Cour d'Appel, Capt. Lient. Evans, du 28e régiment,
Ijieut. Denis Carleton, Lient. John Shepherd, Lient. Alexander Dow.
1764, 20 janvier : Capt. Charles Tassell, (,'om. du 28e régiment,
Capt. Lient. William Johnstone, Artillerie Royale, Capt. Lient. Boyle
Reach, du 27e régiment.
1764, 20 mars: Capt. Dunbar, du 44e régiment. Lient. Olivier
Shorne.
Des 394 appels qui ont eu lieu dans le district de Montréal, du 6
décembre 1760 jusqu'au 10 août 1764, c'est-à-dire pendant tout le règne
militaires, trois causes seulement ont été entendues par le Gouverneur et
son Conseil, toutes les autres l'ont été par le Gouverneur seul.
Dans une cause des Dames de la Congrégation de Montréal contre
Etienne Blot, voiturier de Montréal, la Chambre des milices rend jugement
contre le défendeur, le 2 décembre 1760. Le défendeur Blot ayant appelé
de cette décision devant le Gouverneur Gage, celui-ci, quatre jours plus
tard seulement, rend son jugement comme suit :
"Ayant examiné les représentations d'Etienne Blot contre les Dames
de la Congrégation, avec le bail et la sentence enjoints, donnée par MM.
(4) Dans la pétition des Canadiens Catholiques à. Sa Majesté, du mois
de décembre 1773 (Documents relating to the constitutional history of Ca-
nada by Short and Doughty, Ottawa 1907, p. 354) on confirme cette assertion,
qu'à Montréal la justice aurait été rendue par les citoyens pendant le règne
militaire.
- 348 --
les Capitaines de milice, nous jugeons cette sentence être juste et équi-
table et faisons savoir qu'elle est homologuée par nous, rendue par nous
le 6 décembre 1760. Thomas Gage; par son excellence, (r. Mathurin."
Le Gouverneur Gage y signe les registres comme gouverneur de
Montréal, du 6 décembre 1760 jusqu'au 21 octobre 1763. Ealph Burton
le signe la première fois comme son successeur le 31 octobre 1763, lorsqu'il
venait d'exercer la même charge aux Trois-Kivières.
Dans les causes concernant le commerce, la Cour de milice nomme
des hommes d'affaires comme arbitres, qui règlent ces choses comme sous
ie gouvernement français.
Si je ne me trompe pas, ces Appels devant le Gouverneur étaient
complètement gratuits : voilà ce qui pourrait bien expliquer le grand
nombre d'Appels qui eurent heu sous le régime militaire. Ne serait-ce
])as là aussi un ])eu l'origine de cette propension du Canadien pour l'Appel,
que l'on a souvent attribuée à son origine normande ?
Les quelques notes du district de Montréal, rapportées ci-dessus,
doivent servir à compléter les renseignements qui nous manquent sur le
district de Québec: étant convaincu qu'on a dû exercer la justice unifor-
mément dans les différents districts.
Ce qui a été dit de Québec et de Montréal s'applique également au
district des Trois-Kivières, où le même système judiciaire avait été établi.
Les écrivains qui ont écrit sur cette période de notre histoire ont
tous eu l'air de croire que la justice y aurait été plus ou moins mal admi-
nistrée ; pour ma part, après avoir parcouru les registres de ces Cours
militaires, qui sont conservés aux Archives judiciaires du district de Qué-
bec et au Secrétaire Provincial, je suis resté sous l'impression, que les
nouveaux sujets du Eoi d'Angleterre, n'ont pas dû trouver, sur ce point,
grand changement dans l'administration de la justice, car on y avait con-
servé à peu près tous les détails de la procédure française, qui l'avait im-
médiatement précédée. Tout y était français, moins les juges qui pa-
raissent s'être assez bien accommodés de la Coutume de Paris sans avoir
eu la prétention de vouloir y mêler d'aucujie manière les lois de l'Angle-
terre.
Par une ordonnance du Gouverneur Murray, le 20 septembre 1764 ;
amendée et exphquée le 12 novembre suivant il est décrété que, tous les
ordres, jugements ou décrets du Conseil militaire de Québec, comme de
toutes les autres Cours de Justice dans le dit gouvernement, depuis la
^date de la capitulation de Montréal, (8 septembre 1760) jusqu'à l'établis-
— 349 ™ ^
semeiit du gouvernement civil en cette province (10 août 1764) demeu-
rent approuvés, ratifiés et confirmés et auront leurs plein effet et vigueur
excepté dans les cas ou la valeur en litige a excédé la somme de 300 louis
sterling, ou il sera libre aux parties d'en appeler aoi Gouverneur
et Conseil de Sa Majesté en cette province, pourvu que l'Appel soit déposé
au greffe du Conseil, dans les deux mois. Si le décret est confirmé par le
Gouverneur et son Conseil, il sera permis d'en appeler au Eoi en son ^'on-
seil Privé, pourvu que le montant en litige dépasse 500 louis. Cette or-
donnance est le dernier document concernant le Régime militaire.
1764
A la fin de l'année 1763, ou au commencement de 1764, nous arri-
vait comme une bombe, une Proclamation Royale du Roi d'Angleterre, en
date du 7 octobre 1763, par laquelle au mépris des capitulations il était
annoncé, entre autres choses que nous serions à l'avenir gouvernés, "as
near as may be, agréable to the laws of England".
Par la commission de Murray comme "Captain gênerai and Gover-
nor in Chief of Ûie Province of Québec", portant la date du 31 novem-
bre 1763^ pouvoir lui est donné à lui et son Conseil, en attendant qu'une
chambre élective soit instituée, de faire des lois, statuts et ordonnances
pour le bon gouvernement de la Province ; mais ces lois, "are not to be
répugnant, but as near as may be, agréable to the laws ans statutes of
this our Kingdom of Great-Britain".
Par cette même commission, il est exigé des serments atroces contre
la transsubstantiation (o), la puissance du Pape, de tous ceux qui rece-
vront un emploi quelconque de Sa Majesté, rendant ainsi tout catholique
inhabile à recevoir aucun emploi public.
Le 19 septembre 1764 Murray lance son ordonnance établissant des
Cours de justice.
Cette fois le pays est divisé en deux districts seulement, Québec et
Montréal, divisés du côté nord par la rivière St-Maurice et du côté sud
])ar celle appelée Godefroy.
Cette ordonnance établit une Cour du Banc du Roi ou "Suprême
Court" ; une cour des Plaidoyers communs et des testaments (Court of
(5> "I,. . . do déclare trat I do believe that there is not any transubstan-
liation in the Sacrement of the I^ord's Supper, or in the éléments of bread
and wine, at or after the consécration thereof by any person whatsoéver."
(A collection of several commissions, London, 1777, page 106). C'était là ce
fameux serment que les catholiques auraient été obligés de prêter pour accep-
ter une position publique quelconque à ce moment-là.
... 350 — ^
(^'omînoii Pleas aiul Probate) ainsi qu'une Cour de Vice-Amirauté et une
cour d'Appel ; (Court of Error or Appeals), composée du gouverneur et
de son Conseil. Ce conseil se composait lors de sa fondation des person-
nes suivantes :
Le juge en chef Gregory, Paul Aemilius Irving, Hector Théophilus
Cramahé, Adam Mabane, Walter Murra}-, Samuel llolland, Thomas Dunn,
François Mounier.
C'est ce Conseil, quelquefois nommé Cour de Chancellerie, présidée
})ar le Gouverneur, qui entend en dernier ressort, les Appels des cours
inférieures dont le litige dépasse le montant de 300 louis,
Ce Conseil cumule les pouvoirs de juge et de .législateur en même
temps.
Avec l'arrivée du gouverneur Carleton, en 1766, le Conseil se com-
pose de douze membres, jusqu'au bill de Québec.
Le premier registre de cette cour d'Appel qui a été conservé à Québec,
commence lé deux novembre 1773, et son en-tête se lit comme suit : "In
the Court of Appeals before the Governor and Council for the Province
of Québec".
Le premier registre de cette cour d'Appel qui a été conservé à Qué-
hec, commence le deux novembre 1773, et son en-tête se lit comme suit :
"In the Court of Appeals before the Governor and Council for the Pro-
vince of Québec".
Le 2 août 1774, cette cour siège au Château St- Louis : le 10 elle siège
au Collège des Jésuites, après convocation publiée par le Greffier
Shepherd dans la "Gazette de Québec", pour expédier les affaires qui se-
ront prêtes à paraître devant la Cour où sont présents :
Le Lieutenant-Gouverneur Cramahé, Président, ainsi que les sieurs
juges : Hugh Finlay, Collin Drummond, James Cuthbert, François Le-
vesque, John Collins, John Cardan.
Le deux novembre 1774, cette Cour siège encore au Collège des Jé-
suites.
Le 25 janvier 1775, la cour siège "in the Council Chamber", et est
présidée par 4e Gouverneur ; les autres juges présents sont : le Lient.- '
Gouverneur Cramahé et les sieurs Collin Drummond, Edward Harrison,
John Collins et John Cardan.
(La fin dans la prochaine livraison)
PHILEAS GAGNON
— 351 -4
RECENSEMENT DES ECOLES DE MONTREAL
EN 1828
(D'après notes recueillies diiiis les archives du séminaire de St-Sulplce)
Ecoles de la paroisse N. D. M. Bernard et M. Vézina 92
FAUBOURG ST-LAURENT
Ecole anglaise mixte, M. McBride, 10
Ecole française, filles, Mlle Liefebvre, 80
Ecole française, garçons, M. Deslauriers, 40
FAUBOURG QUEBEC
Ecole française, filles, Mlle Desmarais, 60
Ecole anglaise, garçons, M. Lyne, 25
Ecole anglaise, filles, Mlle Donnellan, 6
Ecole anglaise, garçons, Mlle Waters, 12-
BONSECOURS
Ecole française et anglaise pour garçons et filles, Mlles Burroughs et Silver 50
COUVENT S. MARIE
Ecole, garçons et filles, Mlle de Lépine 20
AUX RECOLLETS
Ecole anglaise, garçons, M. Clarke 30
Ecole anglaise, filles, Mlle Flanigan, 50
Ecole anglaise, garçons, M. Casey, 40
SOEURS GRISES
Ecole et pensionnat pour orphelines irlandaises, les soeurs 40
FAUBOURG S. ANTOINE
Ecole anglaise, Mlle Lebrun 40
Ecole française, Mlle Marier . 70
TANNERIE DES ROLLAND
Ecole paroissiale, garçons et filles, Mlle Rolland, 30
Ecole anglaise, garçons et filles, M. Moriarty 25
FAUBOURG S. JOSEPH
Ecole française, filles, Mme Turcot 50
COTE-DES-NEIGES
Ecole française, garçons et filles, Mme Dequoy, 32
CONGR. N. DAME (rue Notre-Dame)
Ecole et pensionnat, les soeurs - 300
PETIT SEMINAIRE
Pensionnaires
Ecole française et anglaise
Enfants total
POPULATION DE MONTREAL ET FAUXBOURGS EN 1806
Ville 485 maisons,
Faubourg S Laurent 514 maisons.
Faubourg S. Antoine
Faubourg Récollets 588 maisons,
Faubourg Québec
170
84
11
1416
1806
3223
âmes
2780
"
694
••
1172
"
1567
"
1587 maisons, 9436
En 1818 : Total des maisons à Montréal et ses fauboursg était de 2180
A Québec et ses faubourgs était de 2008
E.-L.
— 352 —
LE CHEVALIER DE LACORNE
A propos de l'engagement du chirurgien Doullon Desmarets à Louis de
Chapt., chevalier de Lacorne, en 175 3, M. E. Z. Massicotte, dans le Bulletin
de mai, émet l'opinion que le Lacorne en question n'est autre que Louis de
Chapt, sieur de Lacorne, né à Montréal en 1696 et qui épousa Elizabeth de
Ramezay. Je crois qu'il fait erreur; Il s'agit dans l'espèce du chevalier de
Lacorne. Or, il n'y eut qu'un seul des fils de Jean-Louis de Lacorne, premier
du nom en Canada, qui ait porté le nom de chevalier, et ce fut, noii l'époux
d'Elizabeth de Ramezay, qu'on désignait Lacorne l'aîné, mais son frère Louis-
François, celui qui, après avoir été baptisé à Montréal, le 21 juin 1704, quoi-
uqe né onze mois auparavant, le 6 juillet 1703, épousa à Montréal, le 21 jan-
vier 1728, Marie-Anne Hubert-Lacroix, veuve de Charles de Couagne, qui fut
fait capitaine le 24 avril 1744, chevalier de Saint-Louis le 23 mai 1749, et
périt dans le naufrage de l'Auguste en 1761, sans laisser de postérité.
M. Faillon, dans ses notes manuscrites, fait précisément mention d'un
acte du 8 juin 1753 dans lequel le chevalier de Lacorne est qualifié "comman-
dant pour le roi des postes de l'ouest". C'est ce qui explique son engagement
du chirurgien Desmarets pour un poste de l'ouest le 2 juin de la même année.
Je fais cette correction, non pour le vrai plaisir de prendre en faute M.
Massicotte, quoique ce soit une aubaine assez rare, mais dans le dessein de
rendre un peu de justice à ce pauvre chevalier de Lacorne qui, après avoir
eu la malchance d'une si triste mort, se voit encore presque constamment
frustré de la gloire à laquelle il a droit. C'est le plus souvent au profit de son
cadet Lacorne St-Luc qu'on le dépouille, et pourtant j'ose dire que, dans
toute la guerre de sept ans, son rôle a été plus glorieux que celui de St-Luc
et d'aucun autre de ses frères. J'en appelle au témoignage du chevalier de
Lévis (Lettres, p. 457). Après avoir pris une part très brillante à la campa-
gne de M. de Ramezay en Acadie en 1746, il ne se signala pas moins dans la
campagne de 1759. Or, très souvent ses exploits sont portés au crédit de
Lacorne St-Luc. C'est ainsi que M. W. D. Lighthall, dans son étude sur
Lacorne St-Luc, et M. F. H. Severance, dans son bel ouvrage :An.old Fron-
tier of France, substituent de St-Luc au chevalier de La Corne pour tout ce
qui regarde la campagne d'Oswego en 1759.
Mais il y a mieux encore. En 1913, M. ArthurS. Bennett a publié à
Toronto une plaquette intitulée : Chevalier de La Corne and thé'Carrot River
Valley of Saskatchewan. Ai-je besoin de dire encore une fois que pour l'au-
teur, M. Bennett, le chevalier de la Corne n'est autre que Lacorne St-Luc ?
Je ne lui en veux pas, parce qu'il ne savait pas mieux, mais j'en veux au
Bulletin des Recherches Historiques d'avoir écrit ce qui suit (vol. 20, p. 11),
en rendant compte de ce même travail :
"En 1753, le chevalier de LaCorne, celui-là même qui, en 1761, devait
raconter le naufrage de l'Auguste, explorait la vallée de la rivière Carrot,
dans la Saskatchewan, et au printemps de 1754 ensemençait quelques ar-
pents de terre en cet endroit ."
Je crois même me rappeler que M. A. S. Bennett proposait d'élever un
monument quelconque à Lacorne St-Luc, le premier agriculteur de l'ouest.
Celui qui explora la vallée de la rivière Carrot ,en 1754 est le même qui
engagea en i753 le chirurgien Doullon Desmarets, mais encore une fois il n'y
en a que pour St-Luc. Sic vos non vobis.
Je n'ai aucunement le désir de déprécier Lacorne St-Luç.pour relever son
frère trop oublié, mais il faut bien dire que ce fidèle commensal de Lord
Dorchester doit la majeure partie de sa réputation d'abord au naufrage de
l'Auguste, dont il a eu le bonheur de se tirer à peu près seul, et ensuite au
roman de M. de Gaspé Les Anciens Canadiens, où il est idéalisé à plaisir.
AEGIDIUS FAUTEUX
^S'^
hui.i.i:tin
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVI BEAUCEVILLE- DECEMBRE If 21 N» 12
Les deux capitaines de Saint^Martin
Nous avons eu deux eapitaities de Saint-Martin dans
les troupes du détachement de la marine servant au
Canada sous le régime français.
Ije premier, Joseph- Alexandre de l'Estringuan de
Saint-Martin, était né vers 1660 à Saint-Benoît-le-Fleury
sur la Loire, du mariage de Nicolas de l'Estringuan,
écuyer, sieur de Saint-Martin, et de dame Anne Jffcquier.
Ijes i)iè('es officielles du temps désignent M. de Saint-
Martin quelquefois sous le nom de Saint-Martin Viabon,
d'autres fois sous le nom de sieur de l'Estringuan et le
l)lus souvent sous le nom de sieur de Saint-Martin.
Jjaffilard nous donne les dates des promotions de M.
de Saint-Martin comme suit:
(larde-marine à Rochefort, le 1er mars 1684; lieute-
nant reformé en Canada, en juillet 1684; lieutenant en
]iied, le 1er mars 1688 ; capitaine reformé en 1691 ; con-
firmé, le 1er mars 1693; enseigne de vaisseau, le 5 mai
. --854 —
1695 ; capitaine dans les troupes du détachement de la
marine, le 12 mai 1697.
En 1717, 'M. de Saint-Martin demandait la charge de
commandant des troupes Agaçante par la mort du marquis
d 'Aloigny. Il faisait valoir qu'il était le plus ancien capi-
taine des troupes du détachement de la marine, qu'il avait
fa,it la campagne d'Alger et qu'il avait été fait garde-
marine en 1684.
Le gouverneur de Vaudreuil se prononça contre lui.
Il déclara qu'il n'avait pas les capacités voulues pour
exercer un commandement ni pour tenir un emploi dans
l'état-major.
En octobre 1722, le gouverneur de Yaudreuil, dans
son rapport au ministre sur les officiers des troupes du
détachement de la marine, disait de M. de Saint-Martin:
''Le sieur de Saint-Martin, âgé de 65 ans. Il n'a au-
cune mauvaise qualité (sic) ; il a une bonne conduite, et
est plus propre à servir dans une place qu'à marcher en
campagne. ' '
En cette même année 1722, M. de Saint-Martin rece-
vait la croix de Saint rLouis.
Le capitaine de Saint-Martin dût mourir peu après
puisqueLaffillard nous apprend que son successeur prit
le commandement de sa compagnie le 15 mars 1723.
M. de Saint-Martin avait épousé à Montréal, le 1er
septembre 1694, Madeleine-Louise Juchereau de Saint-
Denys, fille du seigneur de Beauport.
Ils eurent une fille, Marie- Anne- Josette de l'Estrin-
guan de Saint-Martin, qui se maria à la gaumine; dans
l'église de Beauport, le 7 janvier 1711, avec Louis de Mon-
téléon, offi(îier dans les troupes du détachement de la ma-
rine. Ce mariage occasionna deux longs procès, l'un
' ij
355 —
devant l'oflicialitc de Québec et l'autre devant les autorités
civiles. Jjes choses finirent par s'arranger, cependant, et
le mariage de Montéléon-Saint-Martin fut refait devant
l'autorité compétente. La chronique scandaleuse du pays
s'était toutefois délectée de toute cette affaire pendant
plusieurs mois.
Nous n'avons aucun renseignement sur l'autre capi-
taine de Saint-Martin avant 1750. Ce trop peu verbeux
officier n'a pas même daigné nous laisser ses prénoms.
En 1750, MM. Dumas et D'E^nia ayant été pronms
capitaines, leurs lieutenances furent données à MM. de
LaRoche-Vernay et de Saint-Martin. C 'est là la première
mention de M. de Saint-Martin dans nos archives. Y avait-
il longtemps qu'il serv^ait? D'où venait-il? Mystère...
En 1756, M. de Saint-Martin servait dans les environs
de Carillon sous les ordres de M. de Lévis. Celui-ci, dans
ses lettres au gouverneur de Vaudreuil, au marquis de
Montcalm et aux auti-es chefs de l'armée, semble porter
beaucoup de considération à M. de Saint-Martin.
L'année suivante, à la promotion du 1er mai 1757, M.
de Saint-Martin recevait le commandement d'une com-
l)agnie.
M. de Saint-Martin, en cette même année 1757, fit
partie de l'expédition de M. de Rigaud de Vaudreuil con-
tre le fort George. Il commandait la première division de
l'armée et rendit de grands services à son chef.
Dans les combats qui précédèrent immédiatement la
bataille des Plaines d'Abraham, M. de Saint-Martin eut
des commandement très importants. On avait confiance
dans la bravoure, la capacité et la prudence de ce brave
soldat.
A la fin de l 'été de 1759, M. de Saint-Martin eut avis
— 356 —
que le roi, sur la recommandation du marquis de Mont-
calm, venait de le créer chevalier de Saint-Louis.
On sait que le fatal matin du 13 septembre 1759 l'ar-
mée de Wolfe put se déployer sur les Plaines d 'Abraham
grâce à la faiblesse du poste du Foulon commandé par le
trop fameux Tergor. Le poste français en cet endroit
aurait dû compter au moins cent hommes. Il en avait tout
au plus une trentaine, Vergor ayant permis aux autres
miliciens de Lorette d 'aller travailler à leurs récoltes. Or,
Vergor avait relevé à ce poste le capitaine de Saint-
Martin. A quoi tient le succès d'une bataille'? Si M. de
Saint-Martin avait eu encore le commandement du poste
du Foulon le 13 septembre 1759, il est certain qu'il n'au-
rait pas permis un tel manquement à la discipline. Il
n'aurait pas, non plus, été surpris dans son lit comme le
fut l'inepte Vergor. Enfin, on a le droit de supposer qu'il
aurait culbuté l'avant-garde de l'armée de Wolfe en bas
de la falaise et Québec aurait été sauvé.
Dans l'hiver de 1759-1760, le capitaine de Saint-
Martin fut mis à la tête d'un important détachement dont
la tâche était de tenir en alerte les troupes anglaises qui
hivernaient à la Pointe-de-Lévis.
Dans le Journal des campagnes du chevalier deLévis,
on trouve des précisions assez intéressantes sur les allées
et venues de M. de Saint-Martin pendant ce rude hiver:
''Au commencement de février, y lit-on, la rivière
ayant pris vis-à-vis de Québec, les ennemis marchèrent en
force sur le sieur de Saint-Martin, qui fusilla i^endant
quelque temps, mais, cédant au nombre, se x'etira au tra-
vers des bois et passa la rivière du Saut de la Chaudière,
ayant j^erdu une quinzaine d'hommes et un officier qui
avait été pris. Le sieur Dumas, qui commandait sur cette
— 857 —
frontière, fit marcher du monde vers cette partie pour la
soutenir, mais après l'avoir renforcée, il laissa le sieur dé
Saint-Martin sur les bords de cette rivière pour la défen-
dre. Les ennemis ayant envoyé, peu de jours après, un
détachement d'environ cinquante hommes pour le recon-
naître, il en eut avis, passa la rivière, s'embusqua et les
attaqua; il en tua beaucoup, fit quelques prisonniers et
dispersa le reste.
"L'ex23édition qui devait se faire pour tirer des vivres
d'au-dessous de Québec ne put pas avoir lieu à cause de la
grande gelée et que les moulins n'allaient pas. Les enne-
mis se retirèrent, après avoir été suivis par le détachement
de M. de Saint-Martin, et laissèrent un poste à l'église de
la jjaroisse de la Pointe-de-Lévis. On crut qu'il était pos-
sible de les chasser de ce poste; on voulut retenter de
nouveau. M. de Bourlamaque devait se porter sur cette
frontière. On fit marcher du monde du gouvernement
des Trois-Rivières. Il devait faciliter cette expédition par
des mouvements qu'il devait faire aux environs de la
place. Mais M. Dumas, dès que le monde fut rassemblé,
forma un détachement plus fort au sieur Saint-Martin et
l'envoya se poster à la portée de la ville pour leur ôter la
communication avec le poste qu'ils avaient à l'église de la
Pointe-de-Lévis. Les ennemis firent une sortie considé-
lable; son détachement regagna le bois et la dite rivière.
Il eut quelques traîneurs pris. M. de Bourlamaque arriva
dans ce temps, et repartit peu de jours après pour Mont-
réal, voyant l'impossibilité qu'il y avait de rien entrepren-
dre sur les postes des ennemis. Après cette expédition,
les ennemis brûlèrent une trentaine de maisons à la
Pointe-de-Lévis et cinq ou six à Sainte-Foi" (1).
(1) Journaî des campagnes du chevalier de Lévls, p. 239.
— 858 ---
M. de Saint-Martin fut blessé mortellement à la ba-
taille de Sainte-Foy le 28 avril 1760, et décéda à l'Hôpital-
Général de Québec le 8 mai suivant.
L'acte de sépulture de M. de Saint-Martin conservé
à l'Hô])ital-Général de Québec dit:
"L'an mil sept cent soixante, le neuf mai, a été inhu-
mé dans le cimetière de cet hôpital le corps de Mr de
Saint-Martin, ca])itaine des troupes de la colonie, servant
en qualité de capitaine des grenadiers au siège de Québec
où il a reçu un coup de feu dont il est décédé hier muni
des sacrements de l'église; en foy de quoy j'ay signé —
Higauville, ptre, cliane."
M. de Saint-Martin était-il Canadien ou Français?
Dans sa lettre du 10 novembre 1759 à M. Berryer, le
chevalier de Lévis écrivait :
"Le sieur de Saint-Martin, capitaine, qui sert depuis
longtemps, soit en France ou dans la colonie, avec le plus
grand zèle et application, a été employé continuellement
comme un ofticier de distinction; je vous ])rie de lui faire
accorder la croix de Saint-Louis" (2)
Pour nous, cette note du chevalier de Lévis établit
hors de tout doute que M. de Saint-Martin était Français.
Très ])eu de Canadiens servirent en France sous le
régime français et leurs noms nous sont connus.
Qui nous donnera les ])rénoms du brave capitaine de
Saint-Martin?
P.-G. R.
(2) Jjcttres du chevalier de Tjéria. i>.
— 359 -
Les chansons du jour de Tan au Canada français ^
Parmi les quinze cents chansons que j'ai moissonnées depuis ,1883,
dans la région de Montréal, dans celle des Trois-Rivières et dans le comté
de Prescott, Ont., il s'en trouve toute une catégorie qui concerne les fêtes
et les anniversaires.
Et entre ces fêtes, pas n'est besoin de vous dire que le jour de l'an
n'est pas oublié! Loin de là, car c'est peut-être les chansons du jour de
l'an qui comptent |)armi nos productions populaires les plus caractéristi-
ques. En voici quelques exemples.
La première est le récit typique de la visite d'une jeune fille à ses
])arents, le premier jour de l'année. Bien que le sujet soit traité d'une
façon quelque peu allègre, il ne s'y rencontre pas moins plusieurs détails
de moeurs. D'autre i)art, la prédominence du même son dans les couplets
et le retour régulier de l'adverbe assurément produisent un effet curieux.
p]lle m'a été chantée par M. L.-H. Cantin, actuellement de Montréal
et autrefois de Hawkesbury, Ont. J'en ai aussi obtenu une variante de
]\L Ephrem Terreault de Saint-Rémi, comté de Napierville.
De son côté, M. C.-M. Barbeau, le distingué folkloriste d'Ottawa, en
a recueilli, à Mille-Vaches, comté de Saguenay, une version ])lus abrégée
(jUe celle-ci, ce qui démontre que cette chanson est connue aux deux extré-
mités de la ])rovince de Québec,
Savez-vous ce qu'une fille
Doit faire à tous' les jours de l'an 'f
lîille doit aller voir son père.
Aussi sa mèr(e) pareillement, .
Assurément !
Oui, je l'aurai dans la mémoir(e) longtemps.
Elle doit aller voir son père.
Aussi sa mèr(e) pareillement.
Eh! bonjour donc, ma bon (ne) mère,
Mon cher papa est-il absent ?
Assurément ! - .
Oui, je l'aurai dans la mémoir(e) longtemps.
— 860 -
Mil! bonjour (loue, ma hou (ne) môro,
Mon cher })a])a est-il absent?
Sa mère lui a fait réponse :
11 est allé aux bâtiments,
Assurément !
Oui, je l'aurai dans la ménioir(e) longtemps.
Sa mère lui a fait réponse;:
11 est allé aux bâtiments.
Allez donc que lui faire signe,
Qu'il revienne prom])tement,
Assurément !
Oui, jo l'aurai dans la mémoir(e) longtemj)s.
Allez donc que lui faire signe,
Qu'il revienne promptement.
La bonn(e) femme sort su'l'perron
('ogn(e) sur un plat d'fer ])lanc,
Assurément !
Oui, Je l'aurai dans la mémoir(e) longtemps.
La bonn(e) femme sort su'l'perron,
Cogn(e) sur un plat d'fer blanc.
Ils ont ai)erçu le bonhomme,
Qui s'en venait en trottinant,
Assurément !
Oui, je l'aurai dans la mémoir(e) longtemps.
Ils ont aperçu le bonhomme,
- Qui s'en venait en trottinant.
A genoux, ell(e) se jette à terre,
A genoux bien dévotement,
Assurément !
Oui, je l'aurai dans la mémoir(e) longtemps.
A genoux ell(e) se jette à terre,
A genoux bien dévotement.
L'bonhomm(e) du bout de sa mitaine.
Fait des magi(es) sur tous les sens.
Assurément !
Oui, je l'aurai dans la mémoir(e) longtemps.
36
L'boiihomni(e) du bout de sa mitaiue,
Fait des magi(es) sur tous les sens.
Je te souhait (e) bien des richesses,
Un mari avant le printemps,
Assurément !
Oui, je l'aurai dans Va mémoir(e) longtemps.
Je te souhait (e) bien des richesses,
Un mari avant le printemps,
Des bénédictions sans cesse,
Jusques au prochain jour de Tan,
Assurément !
Oui, je l'aurai dans la mémoir(e) longtemps.
De la deuxième, nous avons deux versions ; l'une vient de M. Vincent
Ferrier de Repentigny, autrefois de Saint-Timothée; comté de Beauhar-
nois, et l'autre de M. Ferdinand Lacombe. Cette pièce nous indique que
si nos pères n'étaient })as des prohibition ni stes, ils avaient du moins
l'intention de ne pas faire d'abus!
Voici d'abord la version de Repentigny :
C'est aujourd'hui le premier jour de l'an.
Fêtons-le donc agréablement.
C'est à cette table que tout chacun s'engage
A fêter ce jour, avec contentement
Afin que tout le reste de l'année s'en ressent (sic).
II
Commençons l'année du mieux que nous pourrons.
Faisons disparaîtr(e) tout ce qui n'est pas bon.
Aimons-nous en frèr(es), d'une amitié sincère.
Ah ! quel contentement, pour des parents.
D'avoir des enfants qui s'amus(ent) si tendrement!
III
Oh! ma chère bouteill(e), que tu m'as fait plaisir,
D'avoir fait la ronde et puis d'en revenir.
362
Tu as fait ton devoir, tu n'as pas coûté cher,
T'as bien fait la ronde, t'as pas beaucoup baissé,
Et si ça continu(e) ça va très bien aller.
IV
Si les fill(es) en ont composé la chanson.
Ce n'est pas la caus(e) qu'ils n'avaient pas raison !
Les garçons sont menteurs, ils aiment trop à boire,
J'vous Jur(e) qu'en vérité, y'auraient pas tant d'vieux garçons.
S'ils aimaient les fi[ll(es), comme ils aim(ent) la boisson.
Dans la version Lacombe, le couplet IV ci-dessus n'existe pas; il est
rem])lacé par les deux couplets suivants :
Vous savez tous que j'aim(e) pas la boisson!
C'est que j'haïs pas de prendre un p'tit cou]),
A moitié de mon verr(e), ne me couch(e) pas à terre.
Prenons-en tous, mais ménageons-nous tous.
Qu'à la fin d'ia veillée il n'y ait personn(e) de saoul {sic).
Mes chers })arents, que je suis donc content,
De m'y voir ici, avec vous autres présent.
Vous qui m'êtes si cher, que mon coeur révère,
Puissiez-vous (vous) conserver avec nous dans ce monde.
Puissiez- vous (vous) conserver encor(e) plusieurs années.
La troisième nous a été fournie par M. L,-Ii. Cantin, qui l'a apprise
vers 1895, à Saint-Eomuald de Lévis. Elle se chante sur l'air: "Dans
cette étable".
Dans l(e) temps des fêtes,
Tout le monde est si gai
Que la toilette
N'est pas trop ménagée.
On va chez son voisin.
On se donne la main.
Et puis, on se la souhaite.
Et quand le verre est plein,
On fait trinquette.
- 36o —
II
Les pèr(es) et mères
Attend (eut) leurs enfants,
Dans leurs chaumières,
Le coeur tout palpitant.
Et sans cérémonies,
L(e) bonliomm(e) sort son whiskey,
Et la bonn(e) femm(e) les verres.
On s'embrasse et on rit
Comm(e) des compères !
III
Dans la grand (e) chambre,
Tout est bien préparé
En circonstance.
Pour tout(e) la parenté!
Les pâtés, les rôtis.
Les volailles farcies,
Sans compter la côt(e)lette,
Le flacon de whiskey . . .
C'est pas trop bête !
* * *
Terminons par une chansonnette que vous avez dû entendre "assu-
rément". J'en dois le texte à M. Etienne Poitras (pii l'apprit à Québec,
il y a plus de vingt ans.
Au jour de l'an (bis)
Tout' les vieill' filles
Font la grimace.
Au jour de l'an (bis)
Les vieux garçons en font autant !
E.-Z. MASSICOTTE
--- 364
NOS ANCIENNES COURS D'APPEL
(Suite et fin)
1774
Le 23 juin 1774 fut saiictioinié en Angleterre le fameux Acte de
Québec, sous le titre de An Act for making more effectuai provision for
llie government of tlie Province of Québec, in North America, qui réta-
blissait dans le pays les lois civiles françaises, et rappelait ces fameux
serments si injurieux pour les catholiques et leur religion.
Ce bill venait en force le premier mai 1775.
Autant il donne de contentement aux Canadiens-Français, autant
il chagrine les Anglais, établis dans le pays, qui n'en avaient été prévenus
en aucune façon.
Par ce bill, toutes les lois civiles alors en existence sont révoquées,
aussi bien celles établies par la Proclamation Royale de 1763, que celles
faites par le gouverneur et son Conseil depuis cette date, pour être rem-
placées par the laits and cusions of Canada. . .
Toutes les commissions de conseilleurs, juges et autres officiers du
gouvernemeiit se trouvent infirmées, révoquées et annulées' au 10 mai
1775.
Il est loisible à Sa Majesté d'établir un Conseil dont le nombre des
conseillers ne devra pas dépasser vingt-trois ni être de moins de dix-sept
dont une majorité pourra f9,ire des ordonnances pour la police, le bonheur
et le bon gouvernement de la Province. Les premiers membres du
nouveau Conseil Législatif furent assermentés le dix-sept août 1775
au Château St-Louis mais ne siégèrent régulièrement que pendant l'hiver
de 1777, quand fut rendue l'ordonnance des nouvelles judicatures.
L'invasion du pays par les troupes du Congrès avait retardé l'éclosion
du nouveau régime.
Les membres du Conseil créé par l'Acte de Québec sont les sui-
vants (1) :
H. -T. Cramahé, lieutenant-gouverneur, Wm Hey, juge en chef, les
lions. Ilugh Pinlay, Thomas Dunn, James Cuthbert, Colin Drummond,
(1) Gazette de Québec, 24 août 1775.
— 305 ~
Francis Leves<|ue, l'Alward Harrisoii, John Collins, Adam Mabane, Pe-
caiidy de Contrecoeur, Kocli de St-Ours D'Echaillons, Charles-François de
Lanaudière, George Pow-nall, (Jcorge Allsopp, St-Luc de la Corne, Josepli-
Gaspard Chaussegros De Léry, Alexander Johnston, Conrad Gugy,
Picotté de Bellestre, Desbergères de Kigauville, John Fraser.
C'était la première fois depuis la conquête que des catholiques pou-
vaient siéger comme juges. •''*'
Un salaire de 100 louis est attaché a cette position de Conseiller
Législatif; le Conseil siège à huis-clos.
Le serment des conseillers les oblige à garder le secret de leurs
délibérations.
Par commission sous le grand sceau de la province, signé du gouver-
neur Carleton, en date du premier août 1776, }e gouverneur, le lieutenant-
gouverneur, le juge en chef et les membres de ce Conseil sont constitués
comme tribunal d'Appel, et sont autorisés à entendre toutes causes civiles
des Cours inférieures oîi le montant en litige dépassera dix louis.
Dans les causes où le montant en dispute dépassera 500 louis, il sera
permis d'en appeler au Conseil Privé en Angleterre.
Par cette commission la Cour est autorisée à reviser et examiner les
})rocédures des Cours dont il est fait appel, et à entendre et considérer
"tous nouveaux témoignages" qui peuvent être présentés par l'une ou
Pautre des parties.
• Cette disposition permettant d'entendre de nouveaux témoignages
avait été tirée du droit français et ne fut pas maintenue par l'acte de
Judicature^'de 1794.
Maseres, dans son Plan of a convenient meihod of adniinistering
justice in fhe Province of Québec (A collection of several Commissions)
j)résenté à Lord llillsborough en 17'(0, suggérait l'Appel des Cours Infé-
rieures au gouverneur et à son Conseil.
L'un des résultats de l'Appel, y dit-il, serait de conserver de l'uni-
formité dans les lois par toute la province, qui autrement ])Ourraient
différer dans chaque juridiction.
Il suggérait aussi que, pour la même raison, les décisions des Cours
Inférieures ne fussent pas acceptées comme autorités pour régler des
disputes subséquentes, car on ne devrait s'appuyer que sur les décisions
de la Cour d'Appel ou de celles du Conseil Privé.
Il suggère encore que, j)our (pie le gouverneur et son Conseil ne soient
- 3(56
pas privés des lumières de j)ers()iiiies versées dans les lois, d'adjoindre au
gouverneur et ('oiis(m'] les juges des différents districts judiciaires et
])eut-ôtre aussi les procureurs du Roi, qui donneraient leurs avis sur les
appels, et pour cet effet, il propose de les faire venir à Québec, pendant un
mois, vers le temps du jour de l'an.
Il soumet aussi que ces appels seraient seulement comme ils le sont
en Angleterre, pour corriger les erreurs en loi commises dans les Cours
Inférieures, et non pour considérer de nouveau les faits de la cause, à
inoins que ces faits eussent été appréciés jnir un seul juge, sans le secours
d'un juré.
Les parties pourront, si elles le jugent à [)ropos, faire écrire les témoi-
gnages par le greffier et y faire signer les témoins, j)uis adjoindre le tout
au dossier pour être remis à la Cour, qui alors pourrait prendre connais-
sance aussi bien des faits qtie de la loi ; mais qu'il ne lui serait pas ])ermis
"d'entendre de nouveaux témoignages".
Comme on peut le voir, l'avis de Maseres, sur le fait de nouveaux
témoignages ne fut i)as accepté lorsque fut constituée cette nouvelle Cour
d'Appel.
Toutefois ilaseres jiaraît avoir réussi subséquemment à faire par-
tager ses idées sur ce sujet aux autorités en Angleterre, car des instruc-
tions royales reyues par Haldimand, en date du 16 juillet 17T9, {ConsU-
iiitional documentai, by Sbort and Dougbty, page 478) intimaient à ce
dernier de faire passer {)ar le Conseil une ordonnance i)our expliquer et
amender celle de 1Î7?, qui aurait décrété que la Cour d'Appel devra se
borner à examiner seulement les erreurs en loi qui auraient pu être com-
mises, ainsi que la ])reuve transmise ])ar la Cour dont il y aura ap|)el, sans
qu'il soit permis d'entendre de nouvelles dispositions ni de réexaminer
de nouveau les témoins déjà entendus.
^ Quelques jours plus tard, contrairement à ses liabitudes de docilité
ordinaire, le Conseil se permet de discuter ces instructions royales et
d'exprimer clairement à l'Angleterre les objections qu'il avait de s'y
conformer, dans l'état où se trouvait la })rovince.
En consé(]uence, l'exécution de cette ordonnance fut remise jusqu'à
ce ([ue le roi se ])rononçàt de nouveau sur cette question.
JjC Conseil qui, en même temps (pi'il pouvait juger en A])pel, avait
aussi des pouvoirs législatifs et exécutifs, établis le 25 février 1777, des
Cours civiles de judicature pour la province de Québec. Même division
de la province ([ue j)récédemment, en deux districts, Québec et Montréal,
... 367 --
avec une Cour de Plaidoyers Commuus dans chacun de ces districts,
siégeaient une journée par semaine, pour la décision des affaires dont la
valeur en litige ne dépasse pas 10 louis et une autre journée pour celles
de 10 louis et au-dessus.
Cette Cour est aussi autorisée à siéger comme Cour de "Probate"
pour la vérification des testaments et pour entendre toutes les causes con-
cernant "les propriétés et les droits de citoyens", suivant les règles pres-
crites par l'article X du Bill de Québec.
L'article IV de cette ordonnance décrète "que le gouverneur et son
Conseil sont par ces présentes érigés et constitués (ils l'étaient déjà par
la commission mentionnée plus haut du 1er août 1776) en Cour Supé-
rieure de juridiction cinle (dont en l'absence du gouverneur le juge en
chef sera président) pour entendre et juger tous appels des Cours Infé-
rieures de juridiction civile dans la province dont la valeur en litige excé-
dera la somme de dix livres sterling ou de causes concernant la perception
ou demande de quelque droit dû à Sa Majesté, ou de quelqu'honoraires
d'office, rentes annuelles ou autres telles semblables affaires, ou choses
dont les droits seront fixés à l'avenir, quoique la somme soit au-dessous
de dix livres sterling".
"Cinq des membres du dit Conseil (excepté les juges qui auront rendu
la sentence dont on fait appel) avec le gouverneur, le lieutenant-gouver-
neur et le jugé en chef composeront une Cour à cet effet, qui siégera tous
les premiers lundis de chaque mois pendant toute l'année et qui continuera
à sjéger chaque mois aussi longtemps que les affaires le requèreront.
"Et la dite Cour d'Appel aura pouvoir de reviser et examiner toutes
les procédures des Cours Inférieures et de corriger toutes erreurs tant de
droit que de fait et de rendre tels jugements que les Cours Inférieures
auraient dû prononcer, et d'accorder et décréter dans tels jugements telles
exécutions que prescrit la loi".
"Les jugements de la dite Cour d'Appel seront définitifs dans tous
procès dont la valeur en litige n'excédera point la somme de cinq cents
livres sterling; mais dans ceux qui excéderont cette somme, il pourra en
être interjeté appel à Sa Majesté en son Conseil Privé, en donnant pre-
mièrement par l'appelant suffisantes cautions qu'il poursuivra effective-
ment le dit appel, qu'il répondra du montant de la condamnation et qu'il
[•aiera aussi tous les frais et dommages qui seront accordés par Sa Majesté
en son Conseil Privé, dans le cas où le jugement de la dite Cour d'Appel
serait confirmé."
— 368 —
Ju<,f<'ineiit sus])en(lu jus(^u'à la décision déliiiitivc de l'iipi)el.
Tons procès restant pendant dans aucune des Cours d'zVppel étal)lies
ci-(le\anl en cette province, seront })ortcs incessaniment h la Cour d'Appel
établie par ces présentes, pour y obtenir jugement et exécution.
Ordoniiance le 1 mars 177 7, (pii établit une seule (îour de juridiction
(•riminelle en la ])ruvince. Cette Cour sera nommée Cour du Banc du
lioi, qui décidera suivant les lois d'Angleterre et les ordonnances du
gouverneur et Conseil.
Jl y a beaucoup de plaintes contre toutes les CV)urs de justice de
ces temj)S et contre la Cour d'Apj)el particulièrement: ces plaintes vien-
]ient surtout des anciens sujets de Sa Majesté d'Angleterre.
Le 14 février 1780, ]\I. Grant, conseiller, ayant fait une motion devant
le Conseil, pour savoir si un membre de ce corps, en tant que membre
d'un corps législatif, ne j)eut pas i)rendre co])ie des documents mis devant
le Conseil })ar Son Excellence le gouverneur ou autres ])ersonnages afin
de pouvoir l'étudier on son parti(ailier et se former une opinion des affaires
(ju'il est appelé à juger. Cette motion est rejetée par le (Conseil.
Le 4 juillet 1785, dans un appel de William et Robert Grant contre
Alex. Gray, M. Delery iHilidrew not understanding the englisk pïeadings.
Le 24 août 1786, la Cour d'Appel ordonne qu'à l'avenir, dans toutes
Is causes où les procédures sont en anglais seulement, les parties ou leurs
conseils feront faire un résumé des différents plaidoyers ainsi que des
])rocédures et jugements des C*ours Inférieures, faisant connaître les rai-
sons d'ap])el, etc, etc, pour le tout être traduit en français et mis à la
disposition des juges 'canadiens français qui font partie de la Cour d'Appel.
Le 0 janvier 1787, les marcbands de Québec s'adressant au Conseil
Législatif s^expriment comme suit, article XI :
"Les défauts de jiratiques dans les Cours Inférieures se sont aussi
introduits dans la Cour d'Appel, qui pendant ces buit dernières années
s'est trouvée à agir a\ec désavantage n'ayant j)as un seul de ses membres
(|ui fut strictement un homme de loi pour renseigner les autres membres
de ce Conseil sur les questions de loi."
La même année (1787) -Hugb Finlay, l'un des memlires même du
Conseil, rendant témoignage à l'enquête faite sur l'administration de la
justice en cette ])rovince, dit que dans plusieurs causes commerciales qu'il
cite, la Cour d'Ap])el dans certains cas s'a])puie sur les lois français et dans
d'autres sur celles d'Angleterre.
... 369 —
Il (lit aussi que cette Cour d'Appel n'a jamais adopté de principes
généraux de loi comme base de ses décisions, mais il est convaincu que
les membres français décident suivant leur entendement et au meilleur de
leur connaissance. Les membres canadiens-français, en général, se basent
sur les lois françaises pour toutes les affaires, étant convaincus que c'est là
ce que l'Acte de Québec décrète ; les anglais, eux, Sont d'opinion que dans
une cause commerciale dont les ])arties sont aiiglaises cette cause doit être
jugée comme elle le serait en Angleterre.
X'est-il pas curieux que les jugements des Cours Inférieures, prési-
dées ])ar des hommes de loi généralement compétents, qui ont été élevés
dans cette ])rofession, soient revisés et très souvent renversés par une Cour
d'Appel qui fut toujours composée en grande majorité de gens, probable-
ment honorables, mais qui n'avaient aucune compétence dans les lois.
Avant 1788, il u\ avait ]»as de Règles de pratique dans aucune de
nos Cours de justice (Registre 2 avril 1800). p]n effet, ce ne fut que le
29 de janvier 1788 que la Cour d'Appel adopta des règlements sur la
])ratique par lesquels entre autres choses on y règle qu'il y aura péremption
d'instance après un an de suspension des' procédures ; que la robe et le
rabat seront requis pour les avocats j)laidant devant cette Cour, etc.
Avant cette date les avocats étaient toutefois tenus de ne pas se
])résenter à la Cour d'Appel autrement qu'en habit, veste et pantalon
noirs ; je trouve ce qui suit sur ce sujet dans les registres de la Société
du Barreau établie à Québec en 1779. Le 5 juillet 1784, M. Thomas,
a\ocat, est condamné à 5 schellins d'amende par résolution du corps des
avocats, réunis en assemblée, pour être allé au Conseil samedi, le 19 juin
précédent, oii il avait plaidé en veste blanche. Lé même jour Jean-A.
I^lnet est aussi condamné au môme montant jwur avoir plaidé au Conseil
en habit gris.
D'après le même registre de cette "Société du Barreau" (que je
])ossède dans ma bibliothèque), à la date du 29 novembre 1784, il y est
dit qu'il y avait quinze avocats commissionnés qui pratiquaient à Québec.
Ces derniers étaient alors reçus sous le bon plaisir du gouvernement.
Les statistiques judiciaires de ce temps sont si rares que je m'empresse
de publier les renseignements qui suivent, ]iariis dans la (Idzpffc ih Qurhec
du 5 janvier 1792 :
— 870 —
Des règles de pratique (2) ])oiir la Cour d'Appel ainsi ([ue pour la
Cour du Baue du Roi sont adoptées et mises en force le 19 janvier 1809.
Par x'cs nouvelles règles de pratique, il est ordonné que les avocats
ne doivent paraître à la Cour qu'habillés de noir, avec toge, etc, (Robes
and Bands), comme il est d'usage à Westminster Hall, Angleterre, avec
les cheveux en queue (Hair in hags).
Les protonotaires, le shérif et le crieur sont aussi obligés de porter
les costumes que })ortent les mêmes officiers en Angleterre, avec en sus,
pour le shérif, son bâton d'office et son sabre (Wand of office (md sivord).
I^e bureau du shérif, ainsi que celui du protonotaire, doivent être
omerts de '8' à '6' lieures, jiendant le temps que la Cour siège ; ([uand la
Cour ne siège j)as ces bureaux sont fermés de midi à '2' heures.
De vives protestations s'élevèrent dans la Chambre d'Assemblée au
sujet de ces règles de pratique, qui aboutirent à une enquête faite en
1814, par un comité de cette Chaml)re, qui concluait à l'impeachment des
juges Jonathan Sewell et James Monk, pour s'être arrogé par ces règles
de ])ratique des droits législatifs que la Chambre seule pouvait exercer.
Je ne veux pas entrer dans tous les détails de cet événement judi-
ciaire; disons seulement que des trente-six griefs ou résolutions du comité
auquel avait été référée la question, la Chambre en vota trente-quatre
unanimement; une voix seulement ayant été enregistrée contre les deux
j)remières résolutions du comité.
JjCS chefs d'accusation contre le juge-en-chef Sewell sont particuliè-
rement violents et y auraient gagné à l'être moins. Ce rapport de la
Chambre fut mis entre les mains du gouverneur Prévost pour être trans-
mis à )Son Altesse Royale le Prince Régent, avec prière du gouverneur de
suspendre les dits juges dans l'intérim. Le gouverneur s'engage à trans-
mettre le tout en Angleterre, mais ne croit pas devoir suspendre les dits
juges à la requête de la Chambre seulement, le Conseil Législatif n'ayant
])as été consulté là -dessus.
Les plaintes de la Chambre ayant été soumises au Conseil Privé,
celui-ci décida c{ue les dits juges, ni les Cours qu'ils président, n'avaient
outrepassé leur autorité en faisant de telles règles de pratique ; inutile
(2) Rules and orders of practice in the Provincial Court of Appeals, Lower
Canada, Québec: Printed by P.-E. Desbarats, Law Printer to the King's Most
Excellent Majesty, 1809, 12 pages grand in- 4.
Orders and rides of practice in the Court of King's Bench^ for the District
of Québec, Loiocr Canada, Québec: M.DCCC.IX. 397 pages in- 16.
... 371 —
(le dire que les deux juges-en-chef se défendirent habilement devant le
Conseil Privé ; je possède dans ma bibliothèque le mémoire de défense du
juge Sewell, qui est un modèle du genre.
Les deux juges firent circuler une petite brochure (3), contenant la
réponse du Prince Régent leur donnant gain de cause contre l'Assemblée.
En 1815 la Chambre d'Assemblée ayant fait une nouvelle enquête
"sur la constitution existante des Cours de justice criminelle et civile
dans la province", un projet de loi (4) fut lu une première fois en Cham-
bre, qui avait pour but d'amender de nouveau l'Acte de Judicature de
la 34e année du règne de Sa Majesté George III. Par ce projet de loi,
on érigit une Cour Supérieure de Juridiction ou Cour Provinciale
d'Appel, laquelle Cour aurait été composée du juge-en-chef et de quatre
juges associés du Banc du Hoi, dont trois feront quorum ; le plus ancien
juge y présidant.
Cette Cour devait siéger pendant trois termes ou sessions par année,
du 1er au 9 des mois de mars, juillet et décembre ; les mêmes juges siègent
aussi comme Cour de juridiction criminelle ou Cour Provinciale du Banc
du Roi, pour les matières criminelles.
Il était aussi statué par l'article VIII de ce projet de loi, qu'aucun
juge de la Cour du Banc du Roi pour les matières cinks ne pourrait être
nommé à moins qu'il n'ait été un avocat duement admis à pratiquer et
qu'il n'ait pratiqué de bonne foi au barreau, pendant cinq ans.
Ce projet de loi, qui n'eut pas de suite pour le moment, ne devait
en grande partie devenir en force que sous l'Union en 1843.
Le 16 novembre 1818, le juge-en-chef Sewell écrit au gouverneur-
général, se ])laignant de l'absence presque continuelle de certains juges
de la Cour d'Appel, ce qui fait que les affaires de cette Cour sont retardées,
faute de quorum. On paraît surtout s'absenter quand paraissent les causes
du district de Québec. Les juges dont on se plaint ici sont les juges
ilonk, Baby, Cuthbert et Perceval.
( 3 ) Message de Son Excellence l'Administrateur en chef à la Chambre
d'Assemblée, vendredi, 2 février 1816. Québec: Imprimé à la Nouvelle-Impri-
merie, No 21. rue Buade, 1816, 17 pages in- 8. Textes anglais et français en
legard.
(4) Imprimé sous le titi-e suivant: Extraits des procédés de la Chambre
d'Assemblée dans la prc7nière session du huitième Parlement Provincial du Bas-
Canada, sur la constitution coHistante des Cours de justice criminelle et civile
dans la dite Province. Québec, imprimé à la Nouvelle- Imprimerie, No 21, rue
Buade, 1815, 6 7 pages in- 12. Textes anglais et français en regai'd.
... 372 ---
Des iruiiblcs étant .surveiius dans le pays, la constitution l'ut suspen-
due Je 10 lévrier 1838 et la proclamation s'en fit à Québec, le âî) mars
.suivaid. Vn Conseil spécial de \ingt-deu.\ menihn's fut institué pour la
direction des affaires du pays.
Dans cet acte qui est intitulé: An Act to mal-e temporary provùion
fur ihc governement of Lower Canada (1 et 2 Victoria, chap. 9), il est
stipulé j)ar l'article YT, que rien de ce qui est contenu dans cet acte ne
sera considéré comme affectant ou invalidant aucune loi, statut ou ordon-
]iance, maintenant en l'orce, en la dite province du Bas-Canada, ou aucune
partie d'ioelle, excepté dans le cas où ceux-ci seraient en complète contra-
diction avec le dit acte de suspension.
Lu Cour Provinciale d'Appel reste composée comme auparavant du
gouverneur, du lieutenant-gouverneur, ou de l'administrateur de la pro-
vince et des membres du Conseil exécutif, qui sont les suivants: les hono-
rables Wm Smith, (!.-Fs Delery et W.-A. Cochran (ayant rang et préséance
suivant la date de leurs commissions), ainsi que les honorables John
Stewart, Dominique Mondelet, Hughs Heney, George Pemberton, Louis
Panet, William Shephred, D. Daly, E.-G. Kouth, Geo. Moffat, Peter
McGill, Toussaint Pothier et Pierre De Rocheblave, puis le Juge-en-chef
de la Cour du Banc du Roi à Montréal, dont cinq formeront un quorum.
Pendant les })remières séances de cette nouvelle Cour d'Appel, durant
la suspension de la constitution, ce fut le juge-en-chef Sewell qui présida
la Cour ; l'année suivante c'était James Stuart, son plus formidable ad-
versaire et ennemi, qui le remplaçait sur le même siège.
Ceux qui aimeraient à connaître l'opinion de Lord Durham sur ce
])lus haut tribunal de justice de notre province, feraient bien de lire son
rapport sur les affaires du Canada, en 1839, où il fait une histoire de cette
Cour d'Appel qui n'est pas très flatteuse pour le tribunal, et qui pourtant,
]U)us croyons, se rapproche pas mal de la vérité.
11 y fait surtout un portrait saisissant du Conseil Exécutif dont
les membres sont les juges d'Appel. Durham prétend avoir réorganisé
cette Cour à son arrivée ici et avoir ranimé la confiance dans ses décisions.
Dans son projet d'LTnion, Durham suggère une Cour Suprême d'Ap-
pel pour toutes les colonies de l'Amérique du Nord, au lieu de laisser
subsister un tribunal d'Ap])el dans chacune des provinces. Cette sug-
gestion de Lord Durham devait à ])eu près se réaliser par l'établissement
d'une Cour Suprême pour la Puissance, en 1875.
... 373 —
Tous les éléments politiques du pays paraissent s'accorder pour cri-
tiquer la composition de ce tribunal d'A])pel, dont les juges sont des
membres du Comité Exécutif. On en avait fait le sujet d'une des quatre-
vingt-douze Eésolutions, en 1834 (5).
1841
Union Législative des provinces du Bas et du Haut-Canada, con-
sommée le 23 juillet 1840, par un acte intitulé: An Act to reunite ihe
provinces of Upper and Lower Canada and for the government of Canada
(3 et 4 Victoria, chap. 35); le pays portant maintenant le nom officiel
de Province du Canada.
L'union judiciaire des deux }>rovinces n'eut pas lieu toutefois, quoi-
qu'elles fussent réunies en une .seule, j)ar cet acte, car le Haut et le Bas-
Canada demeurèrent séparés en deux parties bien distinctes quant aux
institutions légales, et le Parlement de l'Union légifère le plus souvent
séparément pour chacune de ces deux ci -devant provinces.
La partie P]st du Canada (Québec) conserve ses anciennes lois civiles
françaises telles qu'elles existaient avant l'Union.
Les articles quarante-six et quarante-sept de l'acte de l'Union statue
que toutes les lois, statuts et ordonnances en force dans les deux provinces
au moment de l'L^nion et non rappelées par le dit acte, resteront en force
dans les dites deux provinces respectivement comme si l'Union n'avait
])as eu lieu.
Par le statut de 1843 (6 Vict., chap. 16-20) la Cour d'Appel se com-
pose de tous les juges de la Cour du Banc de la Reine, dont quatre forment
un quormn ; les termes ayant lieu du 1er au 10 novembre inclusivement,
des mois de mars, juillet et novembre chaque année. La Cour siège alter-
nativement à Québec et à Montréal.
La première séance de cette Cour sous la nouvelle loi eut lieu à
Québec. Ce transport de la prérogative de juger en Appel, du Conseil
Exécutif aux juges de la Cour du Banc de la Reine, pour lequel on com-
battait depuis si lon^emps, a été peut-être le plus grand pas fait pour
augmenter la confiance dans les décisions de ce tribunal, jusques-là com-
posé de créatures dociles, que le gouverneur faisait mouvoir à sa guise et
qui dépendaient complètement de son Ijoii vouloir, pour la conservation
(5) Voir le 84ième, art. 1er.
— 374 —
(le leur position. C'était, enfin le triomphe des idées de la ('hambre d'As-
semblée de 1815.
Par le statut 12 Victoria, chap. 37 et 38, les termes de la Cour d'Ap-
])el et Erreurs sont changés comme suit : à Montréal, du 1er au 12 mars
et du 1er au 13 octobre; à Québec, du 7 au 18 janvier et du 1er au 12
juillet.
Par la 17ième section du statut 20 Victoria, chap. 44, les causes en
Ap])el des districts d'Ottawa, Montréal, Terrebonne, Joliette, Richelieu,
St-François, Bedford, St-Hyacinthe, Iberville et Beauharnois sont enten-
dues et déterminées à Montréal seulement et les writs "en tels cas sont
retournables là; et les causes des districts des Trois-Rivières, Québec,
(Saguenay, Gasi)é, Kamouraska, Montmagny, Beauce et Arthabaska sont
entendues et déterminées en la cité de Québec seulement, où les writs sont
retournables. Les termes de la Cour sont encore changés cette fois et
sont comme suit: Montréal, les 1er de mars, juin, septembre et décembre;
Québec, le 12 des mêmes mois, chaque année.
1867
L'article 129 de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord stipule
(jue, dans tous les cas non prévus par le dit acte, toutes les lois en force
au C'anada, dans la Nouvelle-Ecosse et au Nouveau-Brunswick au temps
de la Confédération de ces provinces, continueront d'être en force dans
les dites })rovinces comme si la Confédération n'avait pas eu lieu; sujet
toutefois aux changements qu'y pourraient faire les Communes ou les
Législatures de ces différentes provinces suivant l'autorité conférée par
cet acte aux dites Législatures.
1875
Par le statut du Canada de l'année 1875 (38 Vict., chap. 11) une
Cour Suprême ou Cour générale d'Appel pour tout le Canada est établie,
laissant exister les Cours d'Appel des provinces, avec privilèges de faire
reviser les jugements de ces dernières par le Conseil Privé comme aupa-
ravant, sans être obligé de passer par la Cour Suprême.
Cette Cour Suprême se compose d'un juge-en-chef et de cinq juges
jjuinés, dont deux au moins doivent être choisis parmi les membres du
... l^ct ...
barreau de la province de Québec, afin que cette Cour puisse toujours
avoir l'assistance de personnes particulièrement renseignées sur les lois
des Canadiens-Français de la province de Québec. Il y a appel des Cours
Provinciales à ce tribunal pour les causes civiles et criminelles.
Pour les causes de Québec, l'appel ne peut venir que de la Cour du
Banc du Koi ou de la Cour Supérieure siégeant en Kévision quand il n'y
a pas d'appel à la Cour d'Appel.
Il y a appel des jugements de la Cour d'Appel à la Cour Suprême
du Canada, en matières criminelles; mais seulement quand les juges de
la Cour d'Appel ne sont pas unanimes dans leur jugement. Il n'y a pas
d'appel de plein droit d'un jugement d'aucune Cour Criminelle du Cana-
da au Conseil Privé en Angleterre. Il peut toutefois y avoir appel de
grâce — comme dans l'affaire Gaynor et Greene — si le Conseil Privé
juge à propos de s'y prêter, et cela malgré la section 1025 du Code Cri-
minel (55-56 V., c. 39, sec. 75).
Le Conseil Privé n'admet des appels de la Cour Suprême du Canada
que dans des cas graves d'intérêt public ou de points de loi importants.
Il n'y a pas d'appel de plein droit, excepté pour des causes de l'Amirauté.
Avec l'établissement de la Cour Suprême, nos Cours Provinciales
d'Appel perdirent leur titre de principal et plus haut tribunal judiciaire
de ce pays.
PHILEAS GAGNON
I E CHEVALIER DE GHAMPIGNY
Le chevalier de Champigny était le Irère cadet de notre intendant, M. Bo-
chart Champigny.
Garde de la marine en 1695, le chevalier de Champigny obtint, l'année sui-
vante, une enseigne dans les troupes du détachement de la marine servant dans
la Nouvelle-France.
En 1698, il était promu lieutenant, et, le 20 avril 1700, fait capitaine en pied.
Le 18 octobre 1700, MM. de Calliêres et Bochart Champigny écrivaient au
ministre :
"Les sieurs Linctot, Tonty, Boulanges et chevalier de Champigny remer-
cient très humblement Sa Majesté de la grâce qu'elle leur vient de faire en leur
accordant à chacun une compagnie "
Le 18 mai 1700, le chevalier de Champigny obtenait un congé de neuf mois.
Il s'embarqua pour la France à l'automne de la même année.
M. de Champigny ne revint pas dans la Nouvelle- France. Le 1er mars
1702, il obtenait du roi la permission de se retirer de son service, et, le 1er avril
suivant, M. Le Gardeur de Courtemanche recevait le commandant de sa compa-
gnie.
376 —
JOACHIM CHALONS
Joacliim Châlons vint dans la Nouvelle-France en qua-
lité d'agent des intéressés en la société en commandite for-
mée par M. Oudiette qui avait obtenu du roi de France la
ferme des droits sur les castors, les orignaux, les vins, les
eaux-de-vie et le tabac.
Le 28 septembre 1685, l'intendant de Meulles écrivait
au ministre :
"Les précédents fermiers ont eu icy deux conmiis l'un
noimné Chalons et l'autre Riverin qui estaient i3arvenus à
un si hault point de gloire et de fierté qu'ils se sont donné
la liberté de controller toutes les actions de ceux qui ont
l 'authorité du Roy en mains ; j 'ay sçeu plusieurs fois
qu'ils parlaient avec la dernière insolence de Monsieur de
la Barre, et qu'enfin cela pourrait diminuer et rendre mé-
prisable l'autorité que Sa Majesté luy avait -confiée, ce qui
aurait i^u dégénérer en sédition et révolte, et après leur
en avoir donné avis par deux ou trois fois avec toute l'hon-
nesteté imaginable et particulièrement au nommé Chalons,
et lui avoir fait connaistre que cela est fort dangereux et
qu'il devait se contenter d'avoir mandé son sentiment à
Paris, je luy fis niesme connaistre qu'il devait profiter de
mon exemple et du respect que j 'avais jjour Monsieur de la
Barre pour que je n'eusse pas lieu d'en estre satisfait, tout
ce que je luy dis luy prouva si peu de choses qu'il continua
de plus en plus à parler avec autant de liberté que je me
trouvay obligé de luy dire que je le ferais mettre prison-
nier si j'apprenais qu'il en parlast davantage. Il n'en fit
I3as moins pour cela, et au lieu qu'il ne i)arlait que contre
Monsieur de la Barre, il commença sous main à se déchaî-
ner contre moy ; Luy et le d. Riverin étaient appuyés i^ar
Monsieur de Montortier qui n'ayant rien à faire ici pas-
sait son tenqjs avec eux à gloser et conunenter toutes nos
... 377 --
actions, et appuyer secrètement toutes les cabales de ces
deux messieurs. S'il est vray, Monseigneur, que nous
nous sommes trouvés embarrassés Monsieur de la Barre
et moy sur ce que nous devions faire, parceque les faisant
mettre en prison, c 'estait leur donner lieu de crier et de
faire entendre à leurs maistres que leur emprisonnement
aurait causé un grand préjudice à leurs droits ; ils prévo-
yaient si bien cette raison qu'ils s'en tenaient tout tiers et
vivaient presque comme indépendants, ces deux conmiis
m'ont parlé depuis ce temps avec ime hardiesse et une in-
solence que je devais faire punir à l'heure mesme.
"Je prendray la liberté de vous dire encore. Monsei-
gneur, que deux personnes de probité me sont venus trou-
ver pour me dire que le d. Châlons s'abandonnait si fort à
sa i^assion qu'il gardait aucunes mesures et qu'en toute
occasion il jjarlait de moy avec la dernière insolence ; si
j'avais fait mon devoir je l'aurais fait mettre en prison.
Mais, Monseigneur, comme cette affaire regarde ma per-
sonne et que ces sortes d'actions pourraient peut-être vous
faire concevoir que je suis violent et que je me servirais
de l'auctorité que le Roy m'a confiée pour me venger j'ay
cru que le meilleur était de vous en donner connaissance
et de vous en demander justice pour servir d'exemi)le à ces
sortes de commis, et leur apprendre d'estre toujours dans
leur devoir et ne se i)oint glorifier et tirer tro}) d'avantage
du crédit de leurs maistres ; on aura des nouvelles de ces
deux commis chez Monsieur de Vitry La Ville, cy-devant
fermier de ce i:>ais " ( 1 ) .
(1) 2o série, vol. 4, folio 2277.
— fî7S -
QUESTIONS
— On sait que l'irascible M. de Mézy, gouverneur de la Nouvelle-France,
et plusieurs autres personnages de marque demandèrent à être enterrés dans
le cimetière des pauvres de l'Hôtel-Dieu de Québec. Ce cimetière existe-t-il
encore ? Bien des lecteurs du Bulletin liraient avec plaisir, j'en suis certain,
un historique de ce cimetière plus connu sous le régime français que de nos
Jours ?
QUEBEC
— Au pied d'un acte de Guillaume Audouard, à la date du 25 juillet 1651,
je vois la signature de J. Renoiiard de Bellair. I^'écriture est très belle et
le nom est suivi d'un paraphe très étudié. Le corps de l'acte donne le pré-
nom de Jacques à M. Renoiiard de Bellair qui n'agit en la circonstance que
comme témoin. Tanguay ne dit pas un mot de ce personnage. A-t-il fait
souche au pays '.' Qui me renseignera sur lui ?
R. O. B.
— Sous le régime français la plupart des formules de serment portaient
"lequel après serment par luy fait de dire vérité et qu'il nous a dit n'être parent,
allié, serviteur ni domestique "
Quelle différence faisait-on sous le régime français entre le serviteur et le
domestique ? Aujourd hui, il semble que les fonctions du serviteur sont à peu
près les mêmes que celles du Domestique.
AGO
Dans une note du Père Jésuite François de Crespieul au sujet de la mis-
sion de Tadoussac, je lis :
"Il serait bon aussi d'achever le Dictionnaire du Père LeJeune en langue
montagnèze (montagnaise), d'autant qu'il n'y en a aucun en ce pays".
Le Dictionnaire du Père LeJeune a-t-il été publié ? S'il est encore inédit,
où le manuscrit en' est-il conservé ?
LINGT
— Dans un acte notarié de 1760 ou 1761 il est question d'un endroit nom-
mé "Les Sources" dans le gouvernement de Montréal. Où se trouvait cette
paroisse ou seigneurie ?
A. B.
— Dans sa lettre au ministre du 24 septembre 168 5, où il lui raconte qu'il
vient diétablir une monnaie nouvelle à l'aide de cartes à jouer, l'intendant de
Meulles écrit : "J'ây rendu une ordonnance par laquelle j'ay obligé tous les
habitants de recevoir cette monnaie en m'obligeant en mon nom de rem-
bourser les d. billets, personne ne les a refusé et cela a fait un si bon effet
que par ce moyen les troupes ont vécu à l'ordinair".
Cette ordonnance de l'intendant de Meulles a-t-elle été ])ubliée ? Où ?
X Y Z
— 379 —
TABLE DES MATIERES
Actes de foi et honmiage conservés à Montréal, Inventaire
des. 93,300
Adhémar. Jean-Baptiste- Amable 274
Allaitement tardif 299
Allumettes au Canada, La première manufacture d' 187
Amariton, François 331
Amyot de Vincelotte 6
Argenteuil, Pierre d'Ailleboust d'. 327
Anville, Le duc d' . 255
Argenterie, Etienne de Miré de r 332
Auteurs canadiens-français couronnés par l'Académie
française 224
Batilly, François- Marie Margane de 333
Beaubassin, Alexandre Le Neuf de 329
Beauce, Le nom de la 252
Beaulieu, capitaine-général des Gardes, Claude de. . 127
Beaussier de risle, M. de M60, 242
Bédard, Les i^onts de Jean-Baptiste . ^ 122
Belleval, Pierre Fournier de 333
Bergères, Ra}anont-Blaise des ?.. 323, 332
Bermen, Le notaire Laurent 32
Bernière de Louvigny, La famille 320
Berthier de Vilnmr, Alexandre 332
Beurrer ie au Canada, La première 187
Blainville, Jean-Baptiste Céloron de 326
Bolduc, procureur de la Prévoté, Louis 13
Boucher de la Perière, R-ené 332
Boucher de Boucherville, Pierre 332
p^ Bourlamaque et son mémoire sur le Canada. . . 193, 225
Callières et nos oificiers militaires en 1701, M. de. . 321
Canadien-Français. Le premier 209
Canadiens-Français membres du Congrès des Etats-
Unis. . . . ^ 224
..-380--
Cap-Tourmente, La baronnie du 219
Y^Carigiiaii, Mariages d'officiers du régiment de 176
i/vCazot, Les dépouilles du Père Jésuite ......... 286
Chacornade, M. de . . . .' 331
Châlons, Joacliim 376
Chambre de Commerce du Canada, La première. . . 211
Cliampigny, Chevalier de 325, 375
Chanson des Frères du Canada 152
Chassaigne, Jean Bouillet de la 322
Châteauguay, Avant la bataille de. 121
Chesne, Pierre . 52
Clerin, Denis D'Estienne de 329
Cloches au Canada, Les premières 187, 334
Complainte des 40 noyés 90
Contrat d'engagement d'un chirurgien pour l'Ouest au
dix-huitième siècle 157
Couillard de Lespinay, Louis 3
Courcy, Le chevalier de 209, 254
Coureurs de bois 279
Cournoyer, Jacques Hertel de . . 33 1
Cours d'appel, Nos anciennes 342, 364
Coui*temanche, Augustin Le Gardeur de 328
D'Auteuil de Monceaux, Charles 220
De Muy, Nicolas Daneau de 323
Desjardy Moreau de Cabanac, François . .^ 325
Desmarets, Le chirurgien Charles Doullon • . 157
Dime dans la Nouvelle-France, La 277 .
Divorce devant notaire. Un 253
Druillon de Macé, Pierre-Jacques 125
Du Buisson, Jacques-Charles Renaud 328
Duchesneau au ministre de Seignelay, Lettre de l'inten-
dant. '.275
Du Gué, Jacques • . 330
Duïongpré, Le j)eintre ^ . 149
Dulutli, Daniel de Greysolon ". 324
Dumesny de Noré, Jacques Le Picard . 323
Du Plessis, Les 15Ç; 332
Duplessis-Fabert, Fançois Lef ebvre '. 322
y
... 381 ,-
Durantaye, M. de la 331
Duvernay et la i¥i»É'/-rr, Liidger 22
Echecs au Canada, Le jeu d'. . 146
Ecoles de Montréal en 1828 351
Esgly, François Mariauchau d'. . T 326
Estèbe, Les lettres du fameux 209
Etoffe canadienne 187
Familles de ilos gouverneurs français, Les 257
Foi et hommage conservés à Montréal, Les actes de 93, 300
Fondeurs de cloches au Canada 187, 333
France et la rébellion de 1837, La 176
Francs-Frères, Les 210
Frères du Canada, Les 152
Fromagerie au Canada, La première 187
Gamelin, marguillier franc-maçon, Pierre- Joseph. . . 240
Grauchetière, Daniel Migeon de la 332
Girard, artiste, Ernest 10
Gosselin, Le chanoine Jean-Baptiste 212
Grandville, Pierre Bécard de 329
Groix, Charles-Henry, marquis d'Aloignv ^le la. . . . 323
Hanibal, Joseph ' . 209
Herbin, Frédéric-Louis 332
Héros de Châteauguay et la chanson, Le 188
Hertel, François 331
Huault, Adrien ^ 122, 254
Invasion américaine chantée, L ' 241
Jemerais, Christophe Dufros de la . . 327
Jésus, La première concession de l 'île 303
Jonquière, A-t-on calonmié M. de la 289
Jorian, Le prétendu testament de Pabbé 118
Jugement de Dieu, Le 123
La Corne, Jean-Louis de 329
La Corne, Le chevalier de 351
La Forest, François de 326
La Hontan, Un document inédit sur le baron de. . . . 11
Lajus était-il d'origine canadienne. Le docteur. . . . 186
Lamothe-Cadillac, Antoine de 325
Langy, Léon de 331
— 882 -
Langue, A propos de 192
Lanoraie, Notes historiques sur 337
La Noue, Zacharie Robutel de 331
LaSalle, Quentin de 332
Laurier, L 'ancêtre de sir Wilfrid . 53
Leblanc de Marconnay, Le sieur 177
Leclerc, Charles 250
Le Gardeur de Beauvais, René 326
Le Gardeur de Tilly 326
Leggo, William- Augustus 191
LeMoyne de Maricourt, Paul 324
Lettres de cachet 183, 247
Levasseur de Neré, Jacques 324
Le Verrier de Rousson, François 323
Lignery, Marchand de 328
Linctot, Michel Godefroy de 325
L'ïsle, commandant du fort Bourbon, M. de 21
Longueuil, Charles LeMoyne, baron de 324
Lorimier, Guillaume de 323
Loteries sous le régime français, Les 303
Louvigny, Louis de la Porte de 325
Lutins, A propos de 159
Mai, La plantation du 154, '251
Marguillier et franc-maçon 240
Martelly, Le sieur de 326
Massicotte, Un livre de M. E.-Z 2^
McCarthy, Où est né Justin . 55
Mémoire de M. de Bourlamaque sur le Canada . • 193, 225
Mémoire sur la partie occidentale du Canada ... 25, 56
Mentecht, Nicolas d'Ailleboust de "... 327
Migeon de Branssat 313
Mondion, de Mongaron de la Ganterie, Frs 330
Monier J.-B 64
Monnerie, M. de la 329
Montigny, Jacques Testard de 328
Moreau et la guerre de 1812, Le général ^45
Moulin à scier sous le régime français 187
Narbonne-Lara et Charles Lepine 183, 242
— 383 -
Notaire de la Nouvelle-Frauce, Le premier 32
Nouette de la Soulïletei ie, Jacques 220
Officiers militaires du Canada en 1701 321
Origines, Nos 304
Parthenais Anatole 64.
Pérade, Pierre-Thomas de la 330
Périgny, Paul d'Ailleboust de 329
Perreault, Jacques 120
Perreault, Joseph-François-Xavier 192
Persillon, M. de 328
Petit de L'Evilier, Charles 324
Pipardière, J.-A. de Frenel de la 328
Poisset, Une lettre du négociant 243
Poterie sous le régime français, La 187
Pothier, L 'honorable Toussaint 223
Prison de Montréal, L'ancienne. 310
Pulperie au Canada, La première 187
Raby, Pierre .» . . 320
Ramezay, Claude de 322, 333
Repentigny ' 326, 327
Roman d'un praticien, Le - 220
Rouville, Jean-Baptiste Hertel de 330
Roze, Pierre 299
Sabatier, Charles 316
Saint-Gemmes, les descendants de Jacques 303
Saint-Jean-Baptiste, La fête de 311
Saint-Martin, Jos- Alex de l'Estringuan de . . . . 324, 353
Saint-Martin, Le capitaine de : 353
Saint-Michel, Philippe Le Saunier de 330
Saint-Ours, Pierre de 322, 330, 331
Saint- Vincent, baron de Marcy, M. de 124
Salaberry, Charles de 121
Sarrazin, JJn testament du doc^teur 317
Secrétaire d'amhassade, lue roman le 242
Secrétaire du chevalier de Lévis, Un ancien 320
Secrétaires du roi au Canada, Les 18-4
Selles de Marbrelle, François de 332
Sociétés de secours mutuel. Nos ' 224
— 384 — •
Soulanges, Pierre- Jacques de Joybert de 325
Souverains, hôtes du Canada 224
Subercase, Daniel Auger de 328
Suève, seigneur en partie de Sainte- Anne, M. de. . . 249
Temple, Edmond-Marie , 191
Théâtre à Montréal en 1816, Le 256
Thierry, procureur du roi 7
Tribunaux de police à Montréal autrefois. 180
Trobriand et son roman sur 1837-38, Régis de 191
Varennes, La famille Gaultier de 14, 78
Vaudreuil, MM. de Rigaud de 331
Villedonné, Etienne de 328
Villerav, La famille Rouer de 33, 65, 97, 129, 161, 295, 296
Villiers, Bobé de 332
Vivier, Jules Le Fournier du 331
Vogt, Adolphe 316
Waller, Jocelyn 156, 307
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OHIHK
BULLETIN D'ARCHEOLOGIE, D'HISTOIRE, DE
BIOGRAPHIE, DE BIBLIOGRAPHIE, DE
NUMISMATIQUE, ETC, ETC,
PUBLIE PAR
Pif:rrk-Gi:org;es-Roy
VOLUME VINGT-SEPTIEME ^1
I.EVIS
1»SI
I
BUI^LKTirV
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE- JANVIER 1121 N»l
JOHN BLACK
John Black est probablement un inconnu pour la
plupart de nos lecteurs. C'est pourtant un personnage
qui eut son heure de célébrité. Venu d'Ecosse vers
1787, il s'était établi à Québec comme constructeur de na-
vires. En 1792, sir Alured Clarke, alors lieutenant-gou-
verneur de la province, le nomma surintendant des chan-
tiers du gouvernement à Kingston. Etant de passage à
Québec, dans l'été de 1794, il fut saisi une nuit (24 août)
par la force militaire et conduit à la prison locale, où il
resta enfermé jusqu'au 25 mars 1795. L'année suivante,
le 24 juin 1796, il était élu représentant du comté de Qué-
bec, au i)arlement provincial. Pour un homme qui sortait
de prison, l'honneur était grand, et Black jouissait certai-
nement à cette époque d'une popularité peu ordinaire dans
la vieille cité. Un événement inattendu allait le mettre en
vue encore davantage, c'était d'ailleurs ce que Black
recherchait, et il allait être servi à souhait. Des troubles
avait éclaté dans la province à propos de l"'Acte des che-
mins". On ne parlait que de conspirations contre le gou-
vernement. Des aventuriers français répandus dans les
campagnes prêchaient la révolte; on disait» même que les
Américains du Vermont méditaient une attaque sur le
Canada. L 'ambassadeur de la réjjublique française auprès
du gouvernement américain, Pierre-Auguste Adet, semble
_.. 4 -
avoir été le principal instigateur de toutes ces menées. En
tout cas, David McClane l'avait certainement rencontré,
et c'est d'après ses instigations qu'il se rendit à Québec
l)our aviser avec Black sur les meilleurs moyens à prendre
pour s'emparer de la ville. On sait ce qui arriva. McClane
avait un complice, un nommé Frécliette, qui se présenta
chez Black, le 10 mai 1797, et l'avertit qu'un inconnu, caché
dans un petit bois le long du chemin Saint-Louis, désirait
lui parler. Black se rendit à l'endroit désigné, et fit con-
naissance avec l'inconnu qui n'était autre que McClane.
Celui-ci lui dévoila tous ses plans, et Black courut avertir
l'honorable John Young, un des membres du Conseil exé-
cutif. La nuit suivante McClane, qui s'était rendu à la
résidence de Black, fut arrêté et conduit à la prison. Con-
damné à mort comme traître et espion, il fut pendu le 21
juillet 1797. Black avait été le principal agent de l'arres-
tation de McClane, son nom fut porté aux nues par les mem-
bres du gouvernement. Black ne tarda pas à demander
une récompense. Le gouverneur Prescott lui donna une
lettre de recommandation pour le secrétaire du départe-
ment de la Guerre et des Colonies, le duc de Portland, et le
chargea de se rendre en Angleterre pour réclamer lui-
même ce qu'il désirait. Black s'embarqua pour Londres
au printemps de 1798. Le bateau qui le portait fut pris
l)ar les Français à l 'entrée de la Manche, et Black fut em-
mené comme prisonnier de guerre à Bordeaux. Il réussit
cependant à s'échapper, traversa les Pyrénées et gagna
Lisbonne, au Portugal, d'où il s'embarqua pour l'Angle-
terre. Il débarqua à Londres, au mois de septembre, et eut
de suite plusieurs entrevues avec John King, le sous-secré-
taire du département de la Guerre et des Colonies. Au
mois de novembre, il obtenait une recommandation du duc
de Kent, et enfin la promesse qu'une récompense
substantielle lui serait accordée. De retour à Québec, dans
l'été de 1799, 1^ lieutenant-gouverneur Robert Shore Mil-
nes lui accorda (30 décembre 1799), d'après l'ordre qu'il
en avait reçu du duc de Portland, tout le canton de Dorset,
dans le comté de Beauce, lequel canton contenait, à part
les réserves du Clergé et de la Couronne, cinquante-trois
mille acres de terre. Black voulut avoir davantage; il
lui fallait, disait-il, une compensation pour les dommages
qu'il avait subis dans son commerce et sa réputation, lors
de son emprisonnement en 1794. C 'était plutôt une appro-
bation publique de sa conduite qu'il désirait se faire don-
ner. î]n effet, depuis l'affaire McClane, le peuple ne
voulait plus voir en lui qu'un traître. Aussi, convaincu
que c'en était fini de sa popularité, il annonçait à ses élec-
teurs, dans la Gazette de Québec, le 18 juin 1800, qu'il ne
solliciterait plus leur mandat, et qu'il s'effaçait en faveur
du procureur général, l'honorable Jonathan Sewell.
''C'est, disait Black, un monsieur qui s'est rendu
]*emarquable par ses talents et son intégrité, et qui a déjà
bien des droits à vos suffrages ; c 'est pour lui maintenant •
que je sollicite cet appui que vous m'avez donné avec tant
de générosité.
"Vous aurez alors, messieurs, un représentant pour
votre comté particulier, bien plus capable de vous servir
que moi ; et, en même temps, j 'ose espérer que la province
ne sera point privée de mes services; tant faibles sont-ils,
ils seront toujours employés à l'avantage de mes conci-
toyens et au bien-être du pays. Dans quelque situation que
je x)uisse me trouver, je vous devrai particulièrement ma
reconnaisance la plus vive, et lorsque je pourrai vous ser-
vir convenablement, soyez persuadés que j 'y serai toujours
porté par inclination."
Tout cela n'était que de la flatterie. Black savait bien
qu'il avait perdu toute influence. Il était, de plus, réduit
à la misère noire. Au mois de juin 1802, sa maison et un
morceau de terrain qu'il possédait dans le quartier du
Palais, à Québec, étaient vendus à l'enchère; l'année sui-
vante, au mois de mars, c'était le tour de deux vaisseaux
qui venaient de sortir de son chantier de construction.
Black était d'une ténacité peu ordinaire ; il ne se laissa
pas abattre par les revers qui l'accablaient, et continua à
demander d'ime main les faveurs du gouvernement, pen-
... 6 —
dant que de l 'autre il mendiait son pain dans les rues de
la ville.
En 180(i, il traverse en Angleterre, et va de nouveau
frapper à la porte du duc de Kent. Il lui présente cette
fois un mémoire sur le gouvernement du Canada (1) où
il expose ses idées sur les changements qu'il jugeait néces-
saires de faire dans le mode d'administration de la colonie.
Il y avait, à son avis, trop de députés canadiens dans la
Chambre d'assemblée, les anglais ne pouvaient y exercer
aucune influence. En outre l'organisation militaire était
défectueuse ; les forces régulières étaient sous le comman-
dement d'un officier de langue anglaise, tandis que la mi-
lice était commandée par un officier de langue française.
J3ans le cas d'une invasion \mr des troupes parlant la
langue française, "il est facile, dit-il, de prévoir les consé-
quences d'un tel état d-e choses, mais pénible d'en saisir
toute l'horreur".
"Et n'est-il pas à craindre, ajoute-t-il, qu'il ne sur-
vienne un malentendu entre le commandant des forces du
roi et le commandant de la milice pour des motifs sembla-
bles à ceux qui engendrèrent, 'au mois de septembre 1759,
la dispute entre les officiers français, jaloux de la renom-
mée du général Montcalm, et qui contribuèrent à un si haut
degré à la subjugation finale de la province."
Pour remédier à ces défectuosités, voici ce qu'il pro-
posait: "En premier lieu, disait-il,^ il faudrait unir les
provinces de Haut-Canada et de Bas-Canada, si cela peut
se faire sans difficulté, sinon ériger huit nouveaux comtés
sur les trois millions d'acres de terre concédés récemment
et chaque comté élirait deux représentants. En outre, la
durée d'un parlement devrait être fixée à sept ans au lieu
de quatre, et chaque candidat, pour être éligible, devrait
jouir d'un revenu de cent cinquante livres par année au
moins provenant de propriété immobilière, ou retirer un
salaire permanent égal à ce montant. Je désire faire ob-
server à Votre Altesse Royale à ce sujet, que le pays ne
(1) Arch. Canad., Q. 106, p. 561. Doughty et McArthur. Doc. const. 1791-
1S18, pp. 327-328.
saurait prospérer avec la constitution actuelle qui ouvre
la voie au grand nombre d'incendiaires de la pire catégorie
tandis que les conditions d'éligibilité qui viennent d'être
proposées auraient jjour effet de mettre de l'avant les
hommes sensés et éclairés du pays.
"L'union des provinces, continue Black, ou l'érection
de huit nouveaux comtés aurait pour résultat de rappro-
cher considérablement les Anglais des Français quant au
nombre. Et comme l'on doit s'y attendre, dans tous les
pays le chef d'un parti combattra le gouvernement de Sa
Majesté par tous lés moyen^ jusqu'à ce qu'il soit appelé
au j3ouvoir ou ait obtenu quelque chose conforme à ses
vues. Votre Altesse Royale se rendra compte que, en fixant
à sept ans la durée d'un parlement, on déplorera moins
souvent la nécessité de se précautionner contre les déma-
gogues accapareurs. L'union des deux provinces ou
l'érection des nouveaux comtés ajoutera huit membres au
Conseil législatif. ' '
Evidemment, Black était de l'école des Sewell études
Ryland^ c'étaient tout simplement leurs idées qu'il émet-
tait ici.
Ce mémoire était accompagné d'une pétition au géné-
ral Wetherall, où Black exposait les actions d'éclat qu'il
avait accomi^lies au service de son roi et de son pays; il
convient de s'y arrêter un peu pour voir comment Black
savait se donner de l'importance.
En 1794, il avait arrêté deux chefs qui avaient poussé
à la révolte huit cents hommes, à propos de l'acte des che-
mins. Black fait ici une erreur, l'"Acte des chemins" ne
fut adopté en Chambre que deux ans a^jrès, en 1796. Il
voulait probablement mentionner l'acte de milice.
En 1794 encore, à la suite d'une déposition faite de-
vant un magistrat français, par deux inconnus, il est
envoyé en prison, au moment où il avait 158 hommes à son
emploi. En 1796, il est élu représentant du comté de
Québec, au parlement provincial.
En 1797, il arrête un général français (McClane) et
son aide-de-camp (P^réchette) qui sont condamnés à mort
.... 8 -t
sous l'accusation de trahison. En 1787 encore, M. Aclet,
rambassadeur de France, et Don Urico, rambassadeur
d'Espagne aux Etats-Unis, soudoyent cinq espions pour
l'assassiner; il les fait arrêter, puis déporter.
En 1798, le général Prescott et les membres du Conseil
l'envoyent en Angleterre demander une récompense.
Il rencontre le duc de Kent, qui a l'obligeance de le
recommander au roi. Le sous-secrétaire d'Etat, M. John
King, répond en date du 26 décembre;.1797 que c'est l'in-
tention du gouvernement de Sa Majesté de lui accorder
immédiatement ce qu'il demande, et sans doute on aurait
fait droit à sa pétition, si un changement dans le gouver-
nement du Canada n'était intervenu à cette époque ; c'était
justement au moment où Prescott avait été remplacé par
sir Robert Shore Milnes. Il conclut sa pétition en rappe-
lant au général Wetherall la nature des faveurs qu'il avait
sollicitées en 1799, et qu'il sollicite de nouveau.
Il désire qu'on lui accorde des lettres patentes confir-
mant ses titres à la possession des îles Ronde et de Grâce,
en face de Sorel, et de la Grande Ile, située entre Kingston
et l'île Carleton, dans la partie inférieure du lac Ontario,
qui lui ont été concédées en 1799.
Il désire en outre qu'on lui accorde la position de sur-
intendant des chantiers de construction navale de Sa
Majesté dans le Haut et le Bas-Canada ; s'il était en même
temps nommé mesureur de bois, il en résulterait pour le
gouvernement une économie de £5,000 par année. Enfin il
espère qu'après avoir attendu l'espace de douze ans et
cinq mois, avoir traversé l'océan trois fois, on usera de
diligence pour l'aider à sortir de la triste position où il se
trouve maintenant, étant réduits, lui et sa famille, à la plus
cruelle misère.
En terminant il demandait au général Wetherall de
ne pas faire connaître en public l'état de gêne où il se
trouvait. Il ajoutait que si on faisait droit à sa pétition
il espérait pouvoir obtenir les secours pécuniaires dont il
avait grand besoin, qu'il n'osait aller demander à ceux qui
l'avaient connu autrefois, par<*e que probablement on se
— 9 —
contenterait de lui répondre par un haussement d'épaule
ou par un regard de malicieuse compassion.
Cette pétition était datée du 19 de janvier 1807. Le 6
de février, le duc de Kent la renvoyait à sir George Shee,
secrétaire du département de la Guerre et des Colonies,
avec une lettre où il disait tout son estime pour John Black,
et regardait la gêne où se trouvait celui-ci comme une honte
pour le gouvernement ; c'était un devoir de reconnaissance
que de lui accorder la position qu'il sollicitait (2).
Sir George Shee ne se laissa pas trop émouvoir par la
lettre du duc de Kent. Robert Shore Milnes, l'ancien-
lieutenant-gouverneur, venait de retourner en Angleterre ;
Shee lui demanda ce qu'il en était au juste des prétentions
de Black ; le 16 mars 1807, Milnes lui répondait confiden-
tiellement ; il était bien surpris, disait-il, de constater que
Black n'avait p^s fait connaître à Son Altesse, le duc de
Kent, la nature de la récompense qu'il avait déjà reçue.
De l'avis du Conseil de l'Exécutif, il (Milnes) avait con-
cédé à Black par lettres patentes le canton de Dorset, en
tout 53,000 acres de terre. "J'ai raison de croire, ajoutait-
il, que Black a vendu ces terrains pour une sonrnie consi-
dérable; c'est vrai qu'il a été mallieureux en affaires, j'ai
toujours compris qu'il était satisfait de sa rémunération,
si cependant le besoin pressant où il trouve et si la recom-
mandation du duc de Kent peut lui faire obtenir quelque
chose de plus, je n'ai qu'une chose à ajouter: c'est que ses
services dans l'affaire McClane ont été de la première
imi3ortance. ' '
En terminant, Milnes faisait remarquer à Shee que
les îles dont Black demandait la concession dépendaient
de la seigneurie de Sorel, qui avait été achetée par le gou-
vernement anglais pour des fins militaires, il n'y avait pas
de chantiers pour la construction des navires de Sa Majesté
dans la province du Bas-Canada, et par conséquent il
n'existait pas de position de surintendant (3).
La réponse de Milnes n'était certainement pas de
(2) Arch. Canad., Q. 106, pp. 45-49.
(3) Arch. Canad., Q. 106, pp. 335-36-37.
— 10 —
nature à aA^ancer les affaires de Blaek ; un autre événement
allait être cause de nouveaux délais; le 25 mars 1808, le
ministère Grenville était remplacé par le ministère Port-
land. Ceci entraînait un remaniement général dans le
cabinet anglais. Le vicomte Castlereagli devenait secré-
taire du département de la Guerre et des Colonies, et
Edward Cooke prenait la place de sir George Shee, au
sous-secrétariat. Black allait recommencer les négocia-
tions avec ces deux nouveaux chefs; le 21 janvier 1808, il
écrit à Cooke qu'on a faussement représenté à l'ancien
secrétaire d'Etat qu'il avait reçu une immense étendue de
terre au Canada; il n'a eu, dit-il, qu'une concession de
1,200 acres avec d'autres associés dans le canton de Dorset.
Si on est en mesure de lui prouver qu'il a reçu davantage
et qu'il a clierclié à tromper le duc de Kent, il est prêt à
prendre avec sa famille le chemin de Botany Bay pour
aller y finir ses jours en exil.
Il demande, dans la même lettre, que les forges de
Saint-Maurice lui soient aifermées pour vingt ans au prix
de £1,000 par année (4).
Le 24 février, le 2 avril, 14 avril, 31 mai et 31 juillet,
nouvelles lettres à Cooke; dans la dernière il demande
une pension et exprime le désir que son nom soit inscrit
sur la liste civile du Canada. Enfin, ce même jour du 31
juillet, il obtenait de Castlereagh la recommandation sui-
vante pour remettre au gouverneur Craig :
''John Black, dont la conduite dans une circonstance
critique est très bien connue par toute la province de Qué-
bec, a été recommandé par l'Exécutif de cette province, et
par un mémoire des citoyens du pays, comme étant digne
d'une faveur spéciale de Sa Majesté. Depuis, on a- pro-
posé de lui accorder le bail des forges de Saint-Maurice,
qui a été donné à MM. Munro et Bell, si on peut le repren-
dre sans inconvénient ; on pourrait encore lui accorder la
position de surintendant des chantiers de construction
navale de Sa Majesté avec un salaire approprié, ou bien
(4) Arch. Canad., Q. 108, pp. 97-89.
... Il ...
lui octroyer une concession de terre qui lui assurerait un
moyen de vivre.
"Je laisse à votre discrétion l'examen de ces diffé-
rents projets, mais vu les circonstances où se trouve M.
Black, j 'ai à vous signifier que c 'est la volonté du roi que
vous lui domiiez une position qui devra lui procurer des
moyens de subsistance et qui sera en même temps une ré-
comj^ense de ses services, de manière à réi^ondre à la haute
opinion qu'ont de lui et le Conseil et les habitants de la
province de Québec."
, Muni de cette chaleureuse épître, Black s'embarqua
pour retourner à Québec, mais voici encore un contre-
temps. Il avait pris passage sur une frégate de Sa Majesté
la Bonne Citoyenne, portant 18 canons. ^ C'était justement
au pire temjis du blocus continental. Anglais et Français
se pourchassent sur terre et sur mer.
A mi-traversée, la Bonne Citoyenne rencontra une
frégate française, la Furieuse, de 44 canons, et montée par
195 hommes. Un vif combat s'engagea, la victoire resta à
la Bonne Citoyenne; la Furieuse fut capturée et conduite
à Halifax. Black, blessé pendant le combat, dut passer
l'hiver à Halifax, et n'arriva à Québec qu'à la fin d'août
3809 (5).
Il transmit de suite à Craig la lettre que lui avait
donnée lord Castlereagh. Craig ne fut pas lent à répondre.
' ' Mon devoir, écriVait-il à lord Castlereagh le 12 septembre
1809 (6), est d'obéir aux ordres de Sa Majesté, mais je ne
puis m 'empêcher de vous faire remarquer qu'on vous a
tromi3é en vous dépeignant la situation de ce personnage
(Black). Tous ici sont d'avis qu'il a reçu la récompense
qu'il méritait, et quoique je ne puisse rien dire des témoi-
gnages en sa faveur qu'il a pu faire valoir en Angleterre,
i'étonnement et la surprise qu'on manifeste ici en voyant
l'influence dont il jouit me portent à croire qu'il a employé
ces témoignages ])our une toute autre fin que celle pour
laquelle ils lui ont été donnés. Quant à ce qui regarde
(5) Gazette de Québec, 31 août 180&.
(6) Arch. Canad. Q. 110, p. 24.
— 12 —
l'octroi d'un nouveau morceau de terre à Black, je dois
déclarer que ce monsieur a déjà reçu un canton entier, pour
récompense de ses services. J'ai appris qu'il avait vendu
ce canton; je ne crois pas que personne ait jamais reçu
une étendue aussi considérable de terre. Si votre Seigneu-
rie désire que l'on fasse preuve d'une pliis grande libéra-
lité en faveur de Black, je lui demanderai de déterminer
elle-même la quantité qui devra lui être donnée; ce sera
certainement le meilleur moyen de se conformer aux ins-
tructions de Sa Majesté. Car, quelque soit le degré de
mérite sous lequel on puisse envisager la conduite de Black
dans une circonstance particulière, je n'hésite pas à décla-
rer à Votre Seigneurie, que ce n'est pas un personnage
^ue je voudrais recommander jDour une position qui exige
de l'honnêteté.'^
Ce fut tout; Craig avait tranché la question avec sa
raideur habituelle, et Black ne pouvait espérer qu'il chan-
gerait d'opinion sur son compte. Notre Black reprit de
suite le chemin de l'Angleterre. En arrivant à Londres,
il se présenta de nouveau chez le duc de Kent; il avait
besoin de sa protection pour arriver auprès du comte de
Liverpool qui venait de remplacer lord Castlereagh au
secrétariat du département de la Guerre et des Colonies.
Liverpool le reçut avec bonté et le 10 novembre 1810, il
lui remettait une dépêche (7) i30ur Son Excellence Fran-
cis Gore, lieutenant-gouverneur du HautrCanada. Li-
verpool expliquait à Gore que Black, n'ayant pu obtenir
des gouverneurs du Bas-Canada la récompense qu'il solli-
citait depuis si longtemps, demandait maintenant qu'on
lui accordât une concession de terre dans le Haut-Canada.
C 'était son désir que 3,000 acres de terre lui fussent donnés
aux conditions les plus avantageuses.
Black voulait- revenir de suite au Canada, mais n'ayant
jms le sou pour payer son passage, il dut passer l'été de
1811 en Angleterre; enfin, au mois d'août 1812, il débar-
quait à Québec.
Francis Gore venait de partir pour l'Angleterre; la
(7) Arch. Canad. Q. 153, p. 25.
— 18 —
«
guerre entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis était
déclarée depuis le mois de juin; toujours est-il que Black
ne put i)résenter la lettre de Liverpool à Gore qu'au mois
de septembre 1815. Il s'était rendu à York (Toronto)
pour la lui remettre personnellement. Le 15 février 1816,
Gore lui faisait répondre par son secrétaire, William
Halton, qu'il ne ])ouvait mettre devant les membres du
Conseil la lettre du comte de Liverpool, écrite depuis si
longtemps, et qu'il n'agirait que sur l'ordre du nouveau
secrétaire d'Etat, le comte de Bathurst. "Mais, lui répon-
dit Black, les ordres donnés par une administration ne
peuvent-ils pas être exécutés i)ar l'administration qui la
remplace ? Votre Excellence sait bien que ses amis et ses
ennemis ont toujours été les miens; et même dans une
circonstance extraordinaire, je n'hésite pas à le déclarer,
si je n'avais rempli mon devoir envers le roi et le pays,
peut-être qu'à ce moment l'Amérique anglaise ne sérail
plus un apanage de la couronne anglaise." Malgré toutes
ces belles déclarations de loj^auté Black ne put rien obtenir
Force lui fut donc de reprendre le chemin de l'Angleterre
Il était à New- York au mois d'août 1817 et de là il adres-
sait à lord Bathurst un mémoire doimant une description
de la grande yille américaine, à cette époque (8).
"Monseigneur, disait-il, je ne croyais pos que je serais
réduit un jour à vous écrire de cet endroit. Cette ville
est bien protégée ])ar des rivières, défendue par un grand
nombre de tours, de châteaux et de redoutes. Sa popula-
tion est très unie, et son orgueil a accru en proportion de
ce que le drapeau anglais a été déshonoré par sir Georges
Prévost. Cette j^opulation est excessivement hostile à
l 'Angleterre. Mais pour abattre les Américains, et rendre
leurs aspirations conformes au rang qu'ils doivent occuper
parmi les nations de la terre, il en coûtera probablement
à ma patrie des cent mille hommes, des millions d'or, les
sueurs douloureuses des vieux fronts anglais. Ce bébé
impudent jusqu'à l'excès, dont la fortune a grandi plus
vite que le jugement, s 'efforce, maintenant de faire servir
(8) Arch. Canad., Q. 147, p. 60.
- 14 —
les inventions humaines à la réalisation de ses idée^' politi-
ques. C 'est î pourquoi les Américains ont décidé de cons-
truire des vaisseaux de guerre de dimension plus considé-
rable que ceux de l'Angleterre, et ils ont maintenant sur
chantier un navire de 196 pieds sur 55 de large, qui portera
112 canons; Votre Seigneurie se rendra compte que nous
n'avons rien de semblable en Angleterre."
Black disait à lord Bathurst qu'il irait le voir quel-
ques jours après la réception de la présente lettre, et qu'il
lui donnerait d'autres détails sur les efforts que les Amé-
ricains déployaient pour se préparer à rencontrer le
gouvernement de Sa Majesté. Il ajoutait que les ordres
donnés par lord Liverpool et i)ar Sa Seigneurie pour lui
accorder une récompense n'avaient pas été remplis; si
l'appel qu'il fait dans le moment ne réussit pas, il en
appellera cette fois au parlement ; si là, encore, on refuse
de lui faire justice, il écrira l'histoire de sa vie et la col-
])ortera. Comme le vieil Homère il ira de porte en porte,
en demandant l'aumône et en racontant ses malheurs. Il
est bien déterminé à passer le reste de sa vie en Angleterre,
où dans quelque possession européenne de Sa Majsté, pour
exciter la génération qui se lève à défendre ses droits et
ses libertés, bien décidé à se réjouir ou à pleurer, selon ce
qu'il plaira à Sa Seigneurie de statuer sur son sort.
Le 13 mai 1818 (9), il écrit à Henry Goulburn, sous-
secrétaire du département de la Guerre et des Colonies,
et accuse réception de sa dernière lettre au nom de lord
Bathurst, dont il fait un éloge dithyrambique. J'aurais
bien continué à vous rendre visite, dit-il à Goulburn, mais
en voyant tant de scélérats et tant de i)arvenus solliciter
les faveurs de Sa Majesté, j'ai pensé que vous pouviez
])eut-être vous imaginer que j 'étais un de leurs semblables,
mais, Dieu merci, je sais souffrir en silence.
"Vous me demandez quels sont les moyens dont je
dispose pour faire valoir un lot de terre; voici: j'ai un
neveu qpi i)eut m 'avancer une somme de £7,000 livres
sterling chaque année, et ainsi je me trouve en moyen de
(9) Arch. Canad., Q. 150, p. 518. -
— 15 -
l)0usser la culture sur une plus grande échelle que n'im-
])orte qui. Je prie donc le noble lord Bathurst de m 'accor-
der un noni])re déterminé d'acres de terre, à même les
terrains vacants de la Couronne, dans les cantons du Bas-
Canada. S'il vous plaît de ne pas être trop chiche, et de
me donner une gratification convenable. " Il annonce qu'il
a l'intention de conduire avec lui, en Canada, un ministre
du culte; il pourrait bâtir une église en douze mois, en
])lein milieu des forêts, et établir ainsi en peu de temps une
belle colonie. Enfin, il a appris que le duc de Richmond
devait bientôt partir pour Québec ; il pourrait être attaché
à sa suite et rendre ainsi de grands services i3ar les con-
naissances qu'il a des deux Canadas, où il a demeuré trente
ans. Le fart de sa nomination à une semblable position
serait de nature à fermer la 'bouche à tous les jaloux qui
se réjouissent du malheur des autres, e,t dont les succès
laissent croire qu'eux seuls ont raison. Quelques jours
plus tard (10), Goulburn, ayant fait savoir à Black que sa
présence n'était plus requise à Londres, qu'on lui enver-
rait en Canada les i^apiers qu'il désirait, celui-ci lui répon-
dait qu'il se trouvait dans une cruelle anxiété. Tous les
navires marchands en destination de Québec avaient quitté
l'Angleterre, et il venait d'apprendre qu'aucun vaisseau
de Sa Majesté ne toucherait à ce port durant l'été.
Le 10 juin (11), il annonçait qu'il s'était embarqué
sur le navire Friendship, en partance pour Québec. Mais
on avait découvert que ce navire étant sur lest ne pouvait
prendre deè passagers sans payer des droits de douane.
Le prix du passage se trouvant par là même beaucoup
plus élevé, il n'avait pas eu assez d'argent pour le payer
et on l'avait reconduit à terre sans plus de cérémonie.
"Circonstance, dit-il, qui me joermet de m 'adresser à vous
de nouveau. Je vous prie donc d'avoir la bonté de m 'en-
lever la perspective que j 'ai devant moi de passer le reste
de ma vie les menottes aux mains, sous la dépendance de
ceux que je devrais gouverner . . . Dans toutes les corres-
(10) Arch. Canad., 26 mai 1818, Q. 150. p. 523.
(11) Arch. Canad., Q. 150, p. 542.
... 1 B —
l)ondances expédiées à Son 'Excellence sir Francis Gore,
aux lords Melville, et CastlereaglV, j'ai déclaré que j'étais
venu trouver les détenteurs du Pouvoir pour obtenir le
redressement de torts sans exemple dans l'histoire, et si
maintenant je dois retourner sans un ordre positif du
noble lord Batliurst, si mon sort est laissé à la discrétion
d'un dé ces satellites qui se grossissent plus que la planète,
cela vraiment me laisse une espérance peu encourageante."
Le 16 juin (12), il demande à lord Bathurst, par l'en-
tremise de Goulburn, de vouloir lui avancer vingt livres
pour paj^er son passage ; il est sans le sou et aucun capi-
taine de navire ne veut le x)rendre à son bord.
Le noble lord Bathurst ne daigna pas même lui répon-
dre. Black usa alors d'un expédient pour attirer l'atten-
tion du secrétaire d 'Etat. Il lui fit parvenir par Goulburn
une copie du mémoire qu'il avait autrefois présenté au duc
de Kent sur le gouvernement du Canada. Dans sa lettre
à Goulburn (13) il ajoutait certaines considérations qui
ne manquent pas d'intérêt. ''Vous voudrez bien faire
remarquer à Sa Seigneurie, lui disait-il, que jamais dans
aucune des possessions de Sa Majesté des sujets ont mon-
tré autant de zèle pour défendre leur pays que ceux des
deux Canadas. Et même dans la dernière guerre, lorsque
toutes les bayonnettes étaient braquées sur la poitrine de
la vieille Angleterre, c'était une satisfaction de voir les
marchands se jalouser Içs uns les autres pour hausser le
prix de leurs fermes deux, trois, quatre et cinq fois au delà
de la valeur primitive de celles-ci ; c 'est donc absurde pour
eux de prétendre qu'ils ont combattu pour l'Angleterre,
c'est plutôt pour défendre leurs plus chers intérêts"...
C'est en lisant l'adresse tronquée envoyée par les citoyens
du Haut-Canada au prince régent que cette considération
lui était venue à l'esprit, disait-il. Gourlay qui, dans le
moment, déclamait contre l'administration anglaise dans
le Haut-Canada, avait été l'inspirateur de l'adresse en
question. Black trouvait qu'elle contenait du bon, mais
(12) Black à Goulburn. Arch. Canad., Q. 150, p. 547.
(13) Ach. Canad., Q. 150, pp. 552-558.
...17-.
aussi 1111 grand nombre de demandes absurdes.
Dans un post-scriptum, il s'étend au long sur la ques-
tion des réserves du Clergé et de la Couronne, législation
qu'il faudrait abolir, dit-il, car elle est un formidable
obstacle au développement des deux Canadas ; on pourrait
donner ces réserves aux gens honnêtes qui ont le moins
déclamé contre le gouvernement. Si l'on veut fournir un
moyen de subsistance au clergé, que l'on s'empare des
biens des Jésuites, ou bien que l'on réserve im bloc de
30,000 acres de terre le long de la rivière Restigouche, de
50,000 dans le district de Québec, de 30,000 dans celui des
Trois-Rivières et de 50,000 dans celui de Montréal; ces
étendues de terre resteront inoccupées pendant de longues
années, mais le développement des deux provinces n'en
marchera que mieux. Il ajoutait que cette proposition
allait beaucoup moins loin que les mesures prises autrefois
])ar le gouvernement français pour l'Eglise catholique.
Le 25 août, il écrivait de Chelsea à Goulburn (14) que
sa position devenait de plus en plus difficile ; on le consi-
dérait comme un homme ruiné, et aucun capitaine de
navire ne voulait liri accorder un billet de passage. Sa
décision était donc prise, il resterait en Angleterre jusqu'au
printemps suivant, se confiant à la charité d'un vieil ami
qui l'avait autrefois protégé à Québec et qui dans le mo-
ment lui donnait sa nourriture de chaque jour.
Dans un post-scriptum, il ajoutait: "Mes déboires
ont conunencé le 19 août 1794, lorsque je fus emprisonné
illégalement. Le prétexte supposé de cet emprisonnement
était que ma popularité parmi deux ou trois cenl^ ouvriers
que j 'employais constituait un crime. J'ai demandé depuis
ce temps de prendre des procédures contre moi, on m'a
toujours refusé cette faveur. De même on a fait valoir
plus que de raison aux ministres de Sa Majesté le don
que j 'ai reçu. Voici les faits. C'est en commun avec qua-
rante-trois associés que l'on m'a fait la concession d'un
canton. Nous avons eu, mes associés et moi, chacun 1,200
acres; ceux-ci me choisirent pour leur chef, et j'eus à
(14) Arch. Canad., Q. 150, p. 562.
... 18 —
payer les fiais (rarpentage et les honoraires. Lorsque les
lettres patentes furent émises, l'honorable John Young
lue demanda de racheter aux meilleures conditions possi-
bles les parts de mes associés, et de lui céder le tout pour
le rembourser d'une dette que j'avais contractée envers
lui. Il me donna trois guinées par jour pour transiger
l'affaire. Je réussis et je lui donnai le canton entier. C 'est
là la pure vérité. Comme les ministres de Sa Majesté ne
semblent pas disposés à me rétablir dans l'état d'honnêteté
où je vivais avant mes malheurs, je préfère maintenant un
emploi permanent dans les possessions européennes de Sa
Majesté plutôt que de retourner en Canada, vivre dans la
misère et je refuse de me fier plus longtemps à l'espérance
lointaine que nous serons un jour, moi et ma famille, gra-
tifiés d 'un octroi de terre. "
Ce qu'il y a de plus triste, dit-il, c'est que les méchants
attribuent les malheurs qui m'accablent depuis 24 ans, à
la vengeance divine qui me poursuit, paraît-il, i30ur avoir
]'empli, en une circonstance extraordinaire, mon devoir
envers mon roi et ma patrie.
Au mois de février 1819 (15), Black rééditait encore
à lord Bathurst les mêmes histoires, et le priait de lui
accorder un emploi soit dans le Nouveau-Brunswick, soit
dans son pays de naissance. Vu son âge avancé, il préfé-
rait cela à toute autre chose.
La dernière lettre que nous avons de lui est datée du
mois de mars 1819, et adressée à Goulburn (16). Black
sollicite une pension pour aller vivre en Ecosse. ' * Courbé
sous le poids de l'âge et des infortunes, dit-il, je me sens
incapable de lutter davantage et je ne désire autre chose
qu'une petite allocation pour terminer en paix le peu de
temps qui me reste à passer sur cette terre."
Il dut mourir en Ecosse; nous n'avons rien trouvé
cependant qui puisse apporter quelques éclaircissements
sur ce point. Black avait une famille, des enfants; il
parle souvent de ses fils, dans sa correspondance. Rien
(15) Arch. Canad., 8 février 1819, Q. 153, p. 21.
(16) Arch. Canad., 1819, Q. 153, p. 43.
- 19 —
n'indique cei)endant qu'aucun d'eux ne soit revenu en
Canada.
D'après un correspondant du Bulletin des Reclierches
historiques (novembre 1908), un Canadien du nom de
Henry Black serait mort à (xodburg, en Ecosse, le 10 dé-
cembre 1844. C'est ijrobablement un des fils de ce pauvre
John. /
IVANHOE CARON, ptre
NICOLAS DAUSSY DE SAINT-MICHEL
En 1687, Nicolas Daussy de Saint-Michel passait dans la Nouvelle-
France en qualité de lieutenant reformé dans les troupes du détachement'
de la marine.
Il ne devait ])as y faire un long séjour.
En 1691, le sieur de Saint-Michel était fait lieutenant en pied.
Quelques jours à peine après avoir reçu sa promotion, Saint-Michel
était arrêté à la demande du supérieur du séminaire de Saint-Sulpice de
Montréal. Il était accusé de sodomie.
Saint-Michel subit d'abord son procès devant les officiers du bailliage
de Montréal. Le 10 septembre 1691, le Conseil Souverain commettait
un de ses membres pour recommencer le procès de Saint-Michel et de ses
co-accusés les soldats Jean Forgeron dit Larose et Jean Filio dit Dubois.
Le 13 novembre 1691, le Conseil Souverain déclarait Saint-Michel
atteint et convaincu du crime dont il était accusé, et le bannissait de la
colonie à perpétuité. Il lui était enjoint de garder son ban à peine de la
vie. Le Conseil ordonnait, de plus, que "la minute et grosse de l'instruc-
tion faite par le bailli de Montréal, ensemble l'instruction faite de nouveau
par le conseiller commissaire (de Peiras) seraient cousues dans un sac et
scellées du sceau du f'onseil sans qu'il pût être ouvert que par arrêt exprès
rendu".
Le nommé Saint-Michel fut réexpédié en France au printemps de
1693.
-20
François Provost appartenait-il au régiment
de Carignan ?
Le 28 mai 1699, François Provost qui avait été major et lieutenant
de Roi à Québec, était nommé gouverneur des Trois-Rivières, en rempla-
cement de M. de Ramezay appelé au commandement des troupes de la
Nouvelle-France.
D'après M. LeRoy de la Potherie, M. Provost fut très populaire aux
Trois-Rivières. En 1703, il écrivait au ministre :
"On vous a donné. Monseigneur, mille bénédictions, quand vous avez
donné à M. Provost le gouvernement des Trois-Rivières. C'est un hom-
me généreux, il est aimé de toute la ville. Il ne cherche que les moments
de faire plaisir à un chacun. Il ne se mêle point dans le commerce des
pelleteries des bourgeois qui auraient volontiers chanté le Te Deum, en
actions de grâce, quand vous leur avez ôté M. de Ramezay. Les peuples
des colonies demandent à être menés par la douceur. Il les chagrinait
cependant dans leur traite de pelleteries avec les Sauvages, enlevant aux
marchands avec une autorité fatiguante, tout ce qu'il pouvait trouver
de meilleur. Le's Sauvages qui veulent avoir la liberté de commercer à
leurs fantaisies ne s'accommodaient guère de toutes ces manières" (1).
Malheureusement Trois-Rivières ne jouit pas longtemps du paternel
gouvernement de Provost. Il mourut à Québec le 1er juin 170S.
De tous nos anciens historiens la mère Juchereau de Saint-Ignace
est la seule à dire que M. Provost était arrivé dans la Nouvelle-France en
qualité d'officier dansée régiment de Carignan.
Parlant du siège de Québec par Phips en 1690, elle écrit :
(1) Archives du Canada, Correspondance générale, vol. 18.
— 21 —
"Des Sauvages de l'Acadie vinrent, dans le mois d'août, dire à M.
Provost, ancien officier du régiment de Carignan et lieutenant de roi à
Québec, et qui commandait en l'absence de M. le comte de Frontenac, que
le Port-Royal était pris par les x\nglais et qu'ils devaient venir ici" (2).
M. Benjamin Suite qui a fait une enquête approfondie afin de retra-
cer les officiers du régiment de Carignan et qui a consigné le résultat
de ses recherches dans les Mémoires de la Société Royale du Canada, an-
née 1900, ne compte pas François Provost parmi les officiers du célèbre
régiment. Le témoignage isolé de la mère Juchereau de Saint-Ignace
ne lui a sans doute pas paru une preuve assez convaincainte.
Pourtant, M. Provost a bel et bien été officier au régiment de Cari-
gnan. Et nous en avons, outre l'affirmation de la mère Juchereau de
Saint-Ignace, un témoignage qu'on ne peut récuser.
Le 22 juillet 166(), le notaire Romain Becquet, de Québec, dressait
l'inventaire des biens meubles de deux officiers du régiment de Carignan
qui, quelques semaines auparavant, avaient été tués par les Iroquois. M.
Provost était présent, il signe même à l'acte et le notaire le désigne com-
me suit : "François Provost, Escuyer, lieutenant de la compagnie de
Monsieur le chevalier de Grandfontaine, capitaine au régiment de Cari-
gnan, faisant la charge de major à Quebecq."
Comme on le voit, la mère Juchereau de Saint-Ignace était bien en
droit de qualifier M. Provost d'ancien officier au régiment de Carignan.
Un chercheur avisé qui prendrait la peine de lire avec attention les
actes des notaires de Québec et de Montréal pour la période de 1665 à 1680
ou 1685 ferait sortir de la poussière de l^oubli bien d'autres officiers du
régiment de Carignan. Nous ne connaissons peut-être pas la moitié des
officiers de ce corps d'élite.
P. Ct. R.
(2) Histoire de l'Hotel-DIeu de Québec, p. 317.
■-- 22
PAPINEAU ET LA CHANSON
C*est en, 1918 que nous avons commencé à livrer au Bîilletin les
chansons sur Papineau que nous avions alors recueillies. Des trouvailles
faites depuis nous permettent d'allonger la série, mais curieux hasard, nos
additions sont anti-papineautistes ! Dans le présent numéro nous passons
deux de ces pièces. La première nous a été chantée par M. Henri Girard,
actuellement de Montréal. 11 l'a apprise de sa grand'mère, vers 1890.
Elle la tenait d'un nommé Tétrault, surnommé Garskoua, de Saint-Atha-
nase d'Iberville. Le chanteur n'a j)u nous fournir que deux couplets et
demi.
Papineau s'est bien vanté
Qu'il voulait faire la guerre.
Avec ses fusils de bois
Contre l'Angleterre.
Ah ! ah ! ah ! mais, cependant
Nous en rirons bien longtemps.
2
Monsieur Bardy
C'est un homme qu'a de l'esprit
Il s'en va de village en compagne
llamassant les fill(es) et les femmes.
Ah ! ah ! ah ! etc.
Papineau nous a dit
D'être bien sages
Nous aurons la liberté
Nous dev(«is la seconde i\ M. A. Fauteux, de la bibliothèque Saint-
Sulpice. Cette clianson a été publiée en feuilles et il y en a deux édi-
tions, différentes quant à la toilette, seulement. Dans l'une, le texte est
— 23 —
surmonté d'une gravure explicative représentant un Canadien montant
un cheval qui galoppe. A gauche du dessin, on voit un poteau indica-
teur sur lequel est une enseigne portant l'inscription : Etats-Unis ; c'est
Papineau qui s'enfuit ! L'autre édition n'a pas de gravure, mais l'impres-
sion est meilleure et le texte est encadré d'un filet.,
PEPER' N'VA PAS-T-EN GUERRE
Air : Malbrough s'en va-t-en guerre
1
Pépèr' n'va pas t'en guerre,
t Sur les pieds, sur les mains, sur la tête,
Pépèr' «n'va pas t'en guerre
On n'sait quand il viendra (ter)
Il a pris l'escampette
Pour gagner les Etats ,
3
Ou vas-tu donc, Pépère
Où vas-tu de c'train là ?
4
Je cherche une cachette x
Pour jusqu'après l'combat
5
Mais c'est pas brav', Pépère
Arrangera tout ca
6
De se sauver comm' ça !
Dis rien, le p'tit DessauUes
7
La St-Denis se passe
Pépèr' ne revient pas
8
Mais le petit DessauUes
Arrangera tout ça.
E.-Z MASSICOTTE
— 24
L'ENGAGEMENT DE DEUX CHIRUR-
GIENS POUR L'HOTEL-DIEU DE
MONTREAL
Le plus aucieii contrat fait par les lîeligieuses hospitalières de FHô-
tel-Dieu de Montréal avec des chirurgiens qui devaient "panser et médica-
menter" les malades de l'institution est })eut-être celui dont nous don-
nons ci-après la copie textuelle.
On en trouve la minute dans l'étude du notaire Claude Mangue qui,
fut en plus greffier du tribunal des Seigneurs entre les années 1677 et 1684.
Vingt aoust 1681 — Pardevant Le nore de Lisle de Montréal en la nou-
velle france et tesmoins Soubsignez furent présents Révérende mère Renée
LeJumeau Supérieure des Dames religieuses hospitalières de ce lieu Soeur
Marie Morin dépositaire de l'hospital D'une part et Les Sieurs Jean Mar-
tinet de Fonblanche, et Antoine Forestier m'res chirurgiens demeurans
en cette ville Lesquels ont fait entr'eux les conventions Suivantes, Sçavoir
que lesd. chirurgiens promettent et s'obligent de bien et Deiiement Servir
L'hospital de Villemarie, penser et médicamenter tous les malades qui s'y
trouveront, et par quartier de trois eu trois mois et se renderont assidus à
venir visitter les dits malades environ sur les sept heures du matin par
chacun jour et autresheures Lorsqu'il sera nécessaire, Et ce pour et mo-
yennant la somme de soixante quinze livres chacun, et par chacun an, A
commancer le temps de Leur service des le premier juillet dernier. Et sans
que lesd, chirurgiens puissent prétendre aucune autre cHose desd. malades
ny du garson qui servira led. hospital soit pour le razer ou autrement, et
ne fourniront que de leurs soins et travail. Les remèdes seront fournis par
led. hospital et outre lesd. chirurgiens promettent et s'obligent de visitter
led. hospital L'un pour L'absence de L'autre lorsqu'il en seront requis,
Car, ainsy etc promettant etc, obligeant etc, Renonçant etc.
Fait et passé aud. hospital de L'agrément de Messire Gabriel Souart
ancien prestre du Semre de St Sulpice de Paris, Résident en_ celiiy de
Montréal, Leur Supérieur, présence de Sr Louis Marin Boucher Boisbuis-
son et de pierre maguet tesmoins y demeurans qui ont avec lesd. dames
religieuses, chirurgiens et nore sigilé moud. Sieur Souart le vingt août
1681.
(i. Souart Soeur Renée le .Jumeau Soeur Marie Morin A.
— 25 —
Forestier J. Martinet Maguet Mangue Xore.
Le: sieur Martinet de Fonblanclie (que quelques historiens surnom-
jueut Tourblanche, par erreur) et le sieur Forestier sont deux des chirur-
giens les plus en vue de Montréal au dix-septième siècle et leurs noms ap-
paraissent souvent dans les documents de l'époque.
E.-Z. MASSTCOTTE
NOS ORIGINES
PERSONNES VENUES DE FRANCE ET AYANT FORME DES
FAMILLES CANADIENNES
Hommes
Femmes
Garçons
Filles
1640
99
40
40
52
1640 montre
1650
1]2
76
62
118
ce qui était
1660
445
140
119
307
venu depuis
1670
1411
258
175
70
1608
1680
1915
324
212
1135
1690
2413
'358
238
1178
Garçons venus
1700
2935
383
244
1203
avec père et mère
1710
3211
395
250
1229
1720
3524
405
251
1244
Femmes venues
1730
3989
416
253
1257
avec leurs maris
1740
4463
431
263
1275
1750
5036
451
269
1294
Hommes mariés
on non. Ces derniers
mariés en
Canada.
Filles
venues avec leurs fa-
milles au seule
Hommea
5036
Femmes
451
Garçons
269
Filles
1244
7,005
Toute la population canadienne-française est sortie de ces 7,050 per-
sonnes. Après 1750 le nombre des nouvelles souches est faible : je ne le
compte pas — c'est impossible.
B. SULTE .
— 26 —
REPONSE
La Chambre de Coinmerce de Québec (XXVI, p. 211). — Quelques
notes historiques sur cette institution dont le centenaire de la fondation
a été célébré par un grand banquet au Château-Frontenac, samedi, le 20
février 1909.
-« A ce banquet présidé par le major Hethrington, président de la
Chambre pour l'année 1909, Fon faisait en quelques mots l'histoire de la
fondation de cette institution. Le Président disait avec raison que c'é-
tait la première association de ce genre qui ait existé dans le pays pour
célébrer son centième anniversaire.
La fondation de la Chambre de Commerce de Québec remonte au
mardi, 21 février 1809. Il y avait ce jour-là une réunion des princi-
})aux hommes d'affaires de Québec à l'hôtel Union nouvellement érigé,
pour prendre en considération une communication reçue par MM. Irvine,
McNaught & Cie, de l'Association des marchands d'Halifax connue sous
le nom de Committee of Trade of Halifax, fondée vers 1804. Cette réu-
nion de marchands de Québec se constitua immédiatement en association
sous le nom de Committee of Trade of Québec et fit l'élection de ses
officiers.
Dans cette communication des marchands d'Halifax, on suggérait aux
hommes d'affaires de Québec et de Montréal de se former en association,
})Our de concert avec eux présenter des requêtes au gouvernement de la
Grande-Bretagne, afin que celui-ci favorisât davantage les colonies an-
glaises de l'Amérique et les aidât dans leur projet d'essayer à supplanter
les Américains dans leur commerce avec les Antilles et surtout pour re-
présenter à la mère patrie le dommage fait au commerce canadien par la
suspension des actes de navigation. Il était aussi question pour les pro-
vinces canadiennes de s'entendre pour la nomination d'un même agent
en Angleterre qui aurait été Nathaniel Atcheson, l'auteur de American
Encroachment qui venait de paraître à Londres.
La réunion de Québec choisit pour étudier ces propositions et prépa-
rer une réponse un certain nombre de ses membres. Furent nommés à
cet effet : Jamas Irvine, président, John Black wood, John Painter, John
Mure, John Jones, John Patterson et David Munroe. Voilà les noms
de ceux que l'on peut appeler les fondateurs de la Chambre de Commerce
de Québec.
^ --- 27 —
Le "Comité de Commerce de Québec" fut constitué en corporation
oji 1841 et incorporé sous le nom de "Cliaml)re de Commerce de Québec".
D*après ce qui j)récède il est évident qu'il existait à Halifax une as-
sociation, dont la fondation est antérieure à celle de Québec de cinq ou six
ans. Il faut remarquer cependant que le Commitfee of Trade of Halifax
a suspendu ses réunions pendant quelque temps. Québec est la première
institution du genre sur le continent américain qui n'ait pas eu de sus-
pension dans ses assemblées et ait pu célébrer son centenaire.
Voici la liste des présidents de l'institution depuis sa fondation en
1809, jusqu'à nos jours.
COMITE DE COMMERCE DE 1809 A 1841 :
James Irvine 1809
John Stewart ' 1832
W. Finlay ~ 1825
Geo. Pemberton - 1838
Hon. Wm. Walker 1841
CHAMBRE DE COMMERCE, DE 1842 à 1920 : .
William Walker, avril 1842.
James Dean, avril 1848.
Wm. Walker, avril 1849.
James Dean, avril 1850.
James Gillespie, avril 1853.
Henry T. Xoad, avril 1854.
James-B. Forsyth, avril 185G,
James Gillespie, avril 1857.
James Dean, avril 1860.
James Gillespie, avril 1861.
James-G. Ross, avril 1862.
A. Joseph, avril 1863.
Henry Fry, avril 1866.
D.-E. Price, avril 1868.
A. Josejih, avril 1872.
R.-H. Dobell, avril 1873.
Weston Hunt, avril 1876.
Joseph Shehyn, avril 1878.
Owen Murphy, avril 1880,
Henry Webster, avril 1882.
... 28 ™
Honorable Joseph Shehyii, avril 1883.
T. Ledroit, avril 1887.
Ilonorable 11. Tiirner, déeeinhre 1889.
Victor Châteauvert, décembre 1892.
Thos Brodie, décembre 1893 (1).
E.-B. Garneau, mai 1894.
Honorable R.-R. Dobell, décembre 1895.
H. -Edmond Dupré, décembre 1897.
M. Joseph, décembre 1898.
George Tanguay, janvier 1901.
Sir William Priée, janvier 1903.
P.-J. Bazin, juin 1904.
William Power, janvier 1905.
Geo. E. Amyot, janvier 1906.
T.-S. Hethrington, janvier 1908.
G.-A. Vandry, janvier 1910.
Wm. A. Marsh, janvier 1912.
Joseph Picard, janvier 1914.
J.-G. Scott, janvier 1916.
O.-B. Bédard, janvier 1918.
J.-T. Ross, janvier 1919.
I
4
O.-A. COTE
(1) Décédé 23 mai 1894.
LE FILS DE M. DE SAUREL
Dans la Famille Juchereau (p. 58), on voit qu'en novembre 1683, le
gouverneur de la Barre avait envoyé ses dépêches à la Gour par le fils de
M. de Saurel, ancien capitaine au régiment de Carignan et fondateur de
la ville de Sorel. M. de la Barre, y lisons-nous encore, priait en même
temps le ministre de nommer le jeune de Saurel enseigne de la marine.
L'auteur de La famille Duchesnay avait emprunté ce renseignement i
d'un résumé d'une lettre de M. de la Barre au ministre, en date du 4 no- )
vembre 1683, publié dans le Rapport sur les Archives Canadiennes pour
1885 (p. XLII) :
"Envoie des dépêches par le fils de M. de Saurel, décédé au mois de
-- 29 —
novembre et recommande que le premier soit nommé enseigne de la ma-
rine''.
Depuis, nous avons eu la curiosité de lire le texte même de la lettre
de M. de la Barre au ministre du 4 novembre 1683.
Or voici exactement ce qu'écrivait M. de la Barre :
"Le sieur Sorel que je vous avais nommé pour mériter ce gouverne-
ment (de Montréal, à la place de Perrot), est mort au mois de novembre
dernier ; je croy que vous feriez bien la grâce à sa veuve de luy conserver
sa gratification de 1683, si l'état n'était pas encore fait, et ce serait une
chose bien avantageuse au service s'il vous agréait de mettre le Sr LeMoy-
ne à la place du dit Sorel ; il a rendu de grands services en ce pays, mais
celui qu'il vient de rendre ce mois de juillet est si considérable qu'il est
à propos pour l'encourager à l'avenir -où il vous peut encore mieux servir
si vous luy accordiez cette gratification ; il est capitaine de la ville de
Montréal et a plus fait la guerre contre les Iroquois qu'aucun officier qiii
soit en Canada. Je vous envoyé son fils pour porter mes despêches, qui
est un jeune homme qui entend fort bien la mer, scait cette rivière admi-
rablement, qui a mené et ramené déjà plusieurs navires en France, pour
vous supplier d'en faire un enseigne de marine ; il pourra fort bien servir,
et il est avantageux que vous ayez dans ce corps des gens qui connaissent
parfaitement le pays, outre que son père s'en ressentant infiniment votre
redevable, sera d'autant plus obligé de bien servir le Roi dans toutes les
occasions qui s'en présentent journellement au sujet des Iroquois. Je vous
• supplie d'avoir la bonté de luy accorder ou luy refuser promptement, afiji
qu'il puisse revenir à LaRochelle sans perte de temps". (1)
Ce n'est donc pas le fils de M. de Saurel qui, à l'automne de 1683,
porta les dépêches de M. de la Barre à la cour mais le fils de M. LeMoyne.
M. de Saurel n'eut pas d'enfant.
Il n'est jamais trop tard pour réparer une erreur. Dans* l'espèce,
notre faute était jusqu'à un certain point excusable puisque nous avions
comme autorité une pièce officielle portant tous les caractères de l'au-
thenticité.
P. G. R
(1) Archives de la province de Québec, Manuscrits relatifs à l'histoire de
la Nouvelle-France, 1ère série, vol. 2.
30
NOS CHANSONS HISTORIQUES
LA PEKTE DU CANADA
Voici deux chansous populaires qui, malgré leur âge respectable,
pourraient bien être inédites. Il y a donc raison de leur donner asile
dans une publication où les amateurs de demain pourront les retrouver.
Ces deux pièces remontent à la cession du Canada et toutes deux
m'ont été chantées par M. Joseph-Albert Richard, mécanicien, né à Mon-
tréal en 1850 et qui m'a procuré quelques-uns des chants historiques
que j'ai déjà confiés ^u Bulletin. Soit dit en passant, M. Richard affec-
tionne particulièrement les productions populaires qui traitent de notre
histoire et il s'est fait un devoir d'api)rendre toutes celles qu'il a pu enten-
dre.
La première qui semble avoir un soldat pour auteur fut apprise par
M. Richard père, au Cap Saint-Ignace, au début du dix-neuvième siècle;
il la transmit ensuite à son fils, notre informateur, vers 1860, à Montréal.
Elle n'a que quatre couplets :
1
Quand Georges trois, prit l'Canada
La sainte Vierge est au combat,
A la trahison de Valgor, (Vergor)
Elle était entre les deux camps.
Pour défendre nos régiments.
• . 2
Courage mes frères Canadiens
Prenons notre sort en chrétiens ''
Et soutenons notre couronne
Braves soldats et miliciens.
Soutenons-la jusqu'à la fin.
3
Invoquons les Anges et les Saints,
Qu'ils nous tend(ent) aujourd'hui la main.
Et implorons la Vierge sainte
Qu'Elle daigne par sa bonté,
Xous conserver la liberté.
... 31 --
4
Qu'en a composé la chausoii,
C'est un soldat du bataillon
Qu'est prêt à se livrer lui-même.
Pour la défense de ses droits,
Vive le Roi ! vive la paix !
La seconde serait sans doute fort intéressante si le chanteur n'avait
pas oublié une partie des quatre derniers couplets.
Comme la précédente, notre informateur l'a reçue de son père. Celui-
ci la tenait d'un original que tout Montréal a connu autrefois et dont
nous dirons quelques mots ci-après :
1
Sire Louis, quinze du nom.
Prêtez, s'il vous plait, l'attention.
Des Canadiens écoutez les malheurs.
Sont aujourd'hui dans de si grand's alarmes
Par les Anglais dépouillée de leurs armes
Ils sont réduits à de si grands malheurs
Par la faute du marquis de Vaudreuil.
2
Cher Canadien parle hardiment
Sans faire aucun déguisement.
Explique-moi la vérité du faite (sic)
Comment les Anglais ont-ils pris Québec ?
Comment Français, Canadiens et Sauvages
^ Ont-ils manqué d'hardiesse et de- courage ?
3
Ne pouviez-vous pas avec tous mes Français
Tailler en pièce l'armée des Anglais ?
L'Anglais poursuivant son chemin,
Le quatorze du mois de juin
A l'île, là ils ont débarqué
A la barbe de tous nos officiers.
4
Trois gros vaisseaux
Nous ont donné l'alarte
Et les bateaux
— 32 —
Qui étaient en découverte
Ils s'en vont chargé d'artillerie
Pour débarquer au Sault Montmorency
Lorsque Vergor a tombé dans l'écart
Lorsque les Anglais vous ont attaqué
N'étiez vous pas bien fortifiés
Vous pouviez bien dedans cette assurance
Certainement observer le silence.
Sans exposer tous ces braves guerriers
A perdre la vie avec tant d'officiers.
Adieu, mes très chers Canadiens
Je vous vois perdre tous vos biens
Après avoir vaillamment combattu
L'original ou le détraqué qui enseigna ce chant à M. Richard père
s'appelait Bénoni Boutin, mais tout le monde trouvait plus drôle de dire
Bénoni Boudin. C'était un simple, originaire, prétend-on, de Saint-Jac-
ques-le-mineur. Après avoir "voyagé", c'est-à-dire servi de nautonnier
"sur les bateaux du roi" entre Montréal et Cataracoui, il finit par demeu-
rer tout le temps dans la métropole. Il travaillait quand il pouvait ; le
plus souvent, il quêtait. Sur ses dernières années les taquineries et les in-
solences de la foule l'affolèrent, le rendirent bien misérable. Quand on
le traitait bien, il causait sensément et pouvait chanter un bon nombre de
chansons intéressantes qu'il tenait de sa mère. Bénoni Boutin- mourut
il Montréal au mois de mai 1876 et il se retirait alors chez M. Richard père.
E.-Z. MASSICOTTE
BUL.I^^7nN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE- FEVRIER 1921 N» 2
LES DEUX CAPITAINES DORVILLIERS
Voici un nom qui a été la cause ou plutôt l'occasion de
bien des erreurs. Nous avons eu dans la Nouvelle-France :
François Chorel dit Dorvilliers, sieur de Saint-Ro-
main, originaire de Saint-Nise, évêché de Lyon, qui s'éta-
blit aux Trois- Rivières, puis à Champlain, s'occupa de
commerce, de traite et de culture. Il décéda à Cliamplain
le 6 janvier 1709. De son mariage avec Anne Aubuclion
il eut i^lusieurs enfants dont trois furent religieuses et les
autres s'établirent fort convenablement grâce à la jolie
fortune laissée par leur père.
François Chorel Dorvilliers, fils du jjrécédent, fit aus-
si du commerce. Le 16 juin 1695, Edmond de Suève, an-
cien officier au régiment de Carignan et seigneur en par-
tie de Sainte- Anne (de la Pérade), le faisait son légataire
universel. Les biens de M. de Suève consistaient dans sa
part de la seigneurie de Sainte- Anne, une terre de cinq ar-
pents sur quarante de profondeur, une autre terre de qua-
tre arpents de front située dans l'île Saint-Ignace, une
troisième terre de quatre arpents de front, et enfin une
quatrième terre de deux arpents de front, toutes situées
dansJa seigneurie de Sainte- Anne. François Chorel Dor-
villiers est surtout connu i^ar ses démêlés judiciaires avec
M. Tarieu de la Pérade et sa belliqueuse épouse Madeleine
de Verchères.
— 34 '-
liémy de Guillouet Dorvilliers qui fut capitaine des
gardes du gouverneur de la Barre, capitaine d'une coniija-
gnie franche de la marine, x^^i^? enfin, commandant au
fort Frontenac (Cataracoui).
....de Guillouet Dorvilliers, fils du précédent, qui
servit ici comme lieutenant puis comme capitaine et ren-
dit de précieux services au gouverneur de Frontenac lôrs
du siège de Québec en 1690.
Benjamin Dervilliers (et non Dorvilliers) de la Bois-
sière, originaire de Paris, fils de Jean Dervilliers, écuyer
de la maréchale et duchesse de Villeroi, qui arriva dans la
Nouvelle-France connue enseigne dans les troupes du dé-
tachement de la marine en 1696, épousa Claire Godefroy
de Linctot, des Trois-Rivières, fut promu lieutenant en
1700, capitaine en 1715 et mourut un peu avant 1737.
Charles Petit de Levilliers, originaire de Marigny,
diocèse de Soissons, qui passa dans la Nouvelle-France
connue enseigne dans les troupes du détachement de la
marine en 1687, éi)ousa, lui aussi, une canadienne, et décé-
da à Montréal le 2 juillet 1714.
Ces six personnages, ont vécu à peu près à la même
é]3oque et quatre étaient officiers dans les troupes. La si-
militude des noms aidant, il n'est pas étonnant qu'on les
ait confondus et qu 'il en soit résulté maintes eri^eurs.
Pour aujourd'hui, nous nous contentons de démêler
les carrières des deux capitaines Dorvilliers père et fils.
Rémy de Guillouet Dorvilliers commença sa carrière
militaire comme enseigne de la compagnie colonelle du ré-
giment de Conty en 1651. Six ans plus tard, en 1657, il
était promu capitaine dans le jnême régiment.
D'après Laffilard, M. Dorvilliers serait passé dans la
Nouvelle-France en 1661. Nous croyons plutôt qu'il ar-
riva ici comme capitaine des gardes du gouverneur de la
Barre en 1682.
On voit par un des premiers mémoires de M. de la Bar-
re à M. de Seignelay que dès l'automne de 1682 il se propo-
sait d 'envover M. Dorvilliers avec un certain nombre de
— 35 —
soldats pour renforcer la petite garnison du fort Pronte-
nac.
En 1683, M. de la Barre demandait la majorité de
Québec pour son protégé, M. Dorvilliers.
Les plaintes continuelles que le ministre de Seignelay
recevait contre M. Perrot, gouverneur de Montréal, l'ayant
décidé à le remplacer, le gouverneur de la Barre lui propo-
sa comme son successeur le cai)itaine de Cliambly ou M.
Provost, major de Québec.
Dans sa lettre du 4 novembre 1683 à M. de Seignelay,
M. de la Barre disait de M. Dorvilliers : ^
"En cas, Monseigneur, que vous choisissiez le major
de Québec pour gouverneur de Montréal, je vous supplie
de demander au Roi la majorité (de Québec) pour le Sr
Dorvilliers, gentilhonmie de Bourbonnais, qui a trente ans
d'ancienneté de capitaine d'infanterie, qui commandait
sous moi le bataillon de Poitou dans les îles de l'Amérique
et qui est présent ici près de moi. M. le comte de St-Gé-
ran vous certifiera qui il est et son mérite" (1).
Le 5 juin 1684, sur le point de partir pour son expédi-
tion contre les Iroquois, M. de la Barre écrivait à M*, de
Seignelay :
"Connue ce dont je manque le plus pour l'entreprise
que je dois commencer est de ]3ons officiers de guerre capa-
bles de mener nos habitants au feu, je vous supplie que le
sieur Dorvilliers, capitaine de mes gardes^ ayant 20 ans de
service et capitaine d'infanterie, ne me reste i3as inutile et
que vous ayiez pour agréable d'envoyer pour lui un brevet
de maréchal ou sergent de bataille qui me puisse autoriser
à lui donner le connnandement dont il est capable . . ."(2)
Lorsque M. de la Barre se mit en marche pour le pays
des Iroquois, il divisa ses forces en trois corps : M. DuGué
reçut le <îommandement de l'avant-garde, M. de la Barre
(1) Archives de la province de Québec, Manuscrits relatifs à l'histoire de
la Nouvelle-France, 2ème série, cahier 4.
(2) Archives de la province de Québec. Manuscrits relatifs à l'histoire de
la Nouvelle-France, 2ème série, cahier 4.
- 36 — .
lui-même se mit à la tête du centre, et M. DorVilliers prit le
commandement de l'arrière-garde.
On connaît le résultat de cette expédition. M. Dor-
villiers, toutefois, n'y fit pas trop mauvaise tigure. Dans
la lettre du Père Bechefer à Cabart de Villermont où il ra-
conte ce voyage, il dit de M. Dorvilliers :
'^M. Dorvilliers qui est un vieux officier d'uije grande
capacité et d'un mérite fort distingué" (3).
A l'automne de 1684, M. de la Barre se décida à envo-
yer M. Dorvilliers en France afin d 'informer la Cour de
ce qui se passait ici.
Dans son mémoire au roi du 13 novembre 1684, en ré-
])onse à la dépêche de Sa Majesté du 10 avril précédent, M.
de la Barre écrivait :
"Comme j 'envoyé exprès à V. M. le. sieur D 'Orvilliers,
mon capitaine des Gardes, pour lui rendre compte de ee qui
^'est j)assé à notre prétendue expédition de guerre et de la
qualité du pays des Sonnontouans qu'il avait été exprès
reconnaître dès le petit printemps et l'informer aussy de la
conduite du colonel Dongan, gouverneur de la Nouvelle-
York, à notre égard et de la différence qu'il y a entre ses
paroles et sa conduite à l'égard des Iroquois et surtout des
►Sonnontouans auxquels il a envoyé otfrir 400 chevaux et
autant de fantassins de secours au même temps qu'il a fait
planter le:s armes du duc d 'York dans leurs bourgs, et que
dans le moment il a despêché le sieur Arnault, son envoyé
aux Onontagués, Onéiouts et Oiogoins pour leur faire dé-
fense expresse d'entrer en aucun traité ny conférence avec
moy, sans ses ordres précis connue sujets du duc d'York
dépendans de luy et de son gouvernement" (4).
M. Dorvilliers revint dans la Nouvelle-France au prin-
temps de 1685. Pendant son séjour en France, le 5 mars
1685, il avait reçu un ordre du roi jjour conmiander la com-
pagnie de M. du Rivau Huet.
En cette même année 1685, M. Dorvilliers accompagna
(3) The Jesuit Relations and nllied documents, vol. L.XIII, p. 270.
(4) Archives de la province de Québec, Manuscrits relatifs à l'histoire de
la Nouvelle-France, 1ère série, cahier 2.
... 37 —
le gouverneur de Deuouville dans sou voyage au fort Fron-
tenac. M. La Forest, qui commandait en cet endroit pour
4e compte de Cavelier de LaSalle, ayant obtenu la permis-
sion de se rendre aux Illinois, M. Dorvilliers reçut son
commandement. Le poste de Frontenac était alors d'une
grande importance.
Le 13 novembre 1685, le gouverneur de Denonville
écrivait au ministre : •
/'J'aurais besoin d'un grand volume pour vous r^idre
compte exact du pays, et vous donner une connaissance
parfaite de toutes choses. J 'abrégerai ma lettre, monsei-
gneur, tout autant que je pourrai pour vous être moins à
charge, et que vous puissiez i)rendre la peine de la lire tout
au long.
"Je conunencerai, Monseigneur, j^ar vous rendre
compte du voyage que j'ai fait à Cataroksy (Cataraqui)
où j 'ai mis le sieur Dorvilliers pour y commander. M. de
la Barre y avait mis vingt-cinq hommes sans officiers, M.
de La Forest, honune fort sage et de bon esprit y étant de
la part de M. de LaSalle mais comçie il m'a prié de luy
permettre d'aller aux Illinois aux affaires de M. de LaSal-
le, je me suis résolu d'y mettre M. Dorvilliers avec sa coni-
pagnie, la sûreté de ce poste me paraissant d'une grande
sûreté ' '.
Plus loin, dans la même lettre, le marquis de Denonvil-
le écrivait encore :
"Si vous approuvez les vues que je puis avoir à l'égard
du fort de Cataroksy, et que le Roy veuille bien y entrete-
nir un commandant, j 'espère que vous voudrez bien avoir
la bonté de procurer au sieur Dorvilliers quelque gratifica-
tion tous les ans pour l'engager à y bien faire son devoir;
il a son fils auprès de lui qui est assez joli garçon" (5).
Le 10 novembre 1686, le gouverneur de Denonville
écrivait au ministre :
' ' Quoique le sieur Dorvilliers ne soit commandant
(à Cataracoui) qu'en l'absence de M. de la Salle, cepen-
(5) Archives de la province de Québec, manuscrits relatifs à l'histoire de la
Nouvelle-France, 2ème série, cahier 4.
... 38 —
dant si Monseigneur voulait bien lui pi'ocurer quelque gra-
tification pour le réjouir du séjour mélancolique qu'il y
fait, cela l'encouragerait à continuer de bien faire son de-
voir. Je vous assure qu'il y prend bien du soin et qu'il
s'applique très fort.
"Dorvilliers souhaiterait fort que vous voulussiez bien
donner sa compagnie à son tils, qui est auprès de lui, joli
garçon et servant bien ; volontiers il continuerait ici ses
services tandis que son fils y resterait, j 'ai tout lieu, Mon-
seigneur, de me louer de ses soins et de son application.
"Si vous agréez que le sieur Dorvilliers remette sa
compagnie à son fils vous l'engagerez en ce pays pour tout
le temps que la guerre durera; il est bon officier, je suis
très content de tout ce qu'il a fait à Cataracouy" (6).
Au printemps de 1687, lorsque l'intendant Bochart
Çhampigny monta au fort Frontenac avec la ])ermission et
])robablement même sur les ordres du gouverneur De-
nonville, pour y accomplir son acte de tricherie à l'égard
d^s Iroquois, M. Dorvilliers était encore en commandement
en cet endroit. Il dût aider l'intendant à faire tomber les
Iroquois dans le piège et à les faire prisonniers afin de les
envoyer servir sur les galères en France. Cette besogne,
nous n'en avons aucun doute, dût lui répugner mais l'offi-
cier comme le soldat doit obéir à ses chefs et exécuter quel-
quefois des ordres que sa loyauté et son honneur ne peu-
vent approuver.
Dans l'exi^édition de M. de Denonville contre les Tson-
nontouans, quelques semaines plus tard, M. Dorvilliers re-
çut un commandement important. On voit dans les rela-
tions du temps que les quatre connnandants des troupes ré-
gulières furent MM. Dorvilliers, Saint-Cirq, de Troyes et
Valrennes, "capitaines d'infanterie et bons officiers".
Après l'expédition, M. Dorvilliers reprit son comman-
dement au fort Frontena.c.
Le 6 novembre 1687, le gouverneur de Denonville écri-
vait au ministre :
(6) Archives de la province de Québec, Man\iscritH relatifs à 1 histoire de la
Nouvelle- Fra,nce, 2ème série, cahier 5.
... 39 —
' ' Monseigneur se souviendra, s 'il lui plait, que le sieur
Dorvilliers qui commande à Cataracouy n'ayant plus de
'compagnie y sert à ses dépens, et nous n'avons aucun sujet
dans tous les officiers qui le vaille" (7).
A l'automne de 1688, M. Dorvilliers repassait en
Firance.
Le 13 janvier 1689, le roi lui donnait le commandement
d 'une compagnie à Cayenne. Il recevait en même temps
le titre de lieutenant de roi. \
Créé chevalier de Saint-Louis le 28 juillet 1705, M.
Dorvilliers était nommé huit mois plus tard, le 9 mars 1706,
gout<^rneur de Cayenne. Il mourut dans ce commande-
ment le 18 août 1713.
Un mot maintenant de M. Guillouet Dorvilliers tils.
Nous ignorons ses prénoms.
C'est en 1685 qu'il était venu .rejoindre son père dans
la Nouvelle-France.
Le 1er mars 1687, comme nous l'avons vu plus haut, il
recevait le commandement de la com})agnie de son père.
Lors du siège de Québec par Phipps en 1690, M. Dor-
villiers fut un des braves officiers qui aidèrent le gouver-
neur de Frontenac à repousser l 'envahisseur.
On voit dans le Mémoire de Gédéon de Catalogne que
MM. Dorvilliers et de Subercase furent mis à la tête de
cent hommes pour empêcher les Anglais de faire une des-
cente sur l'île d'Orléans. Ceci se passait après la bataille
des grèves de Beauj^ort où M. Dorvilliers avait fait brave--
ment son devoir à la tête de sa compagnie" (8).
A la fin de 1691, un parti d'Iroquois avait fait vingt-
deux sauvages amis des Français prisonniers dans les en-
virons de Chambly. Les Sauvages du Sault Saint-Louis,
avertis, se mirent à la poursuite des Iroquois, les rejoigni-
rent sur le lac Champlain et réussirent îi délivrer les pri-
sonniers.
(7) Archives de la province de Québec, ilanuscrits relatifs à l'histoire de
la Nouvelle-France, 2ème série, cahier 5.
(8) Collection de manuscrits, vol. I, p. 526.
- 40 —
Fiers de leur succès, les vainqueurs s'empressèrent de
venir en infoi'mer le gouverneur de Frontenac. Celui-ci,
sur leur demande, assembla cent-vingt Français et deux-
cent-cinquante Sauvages pour aller attaquer les Iroquois.
Il mit ce détachement sous le commandement de M. Dor -
villiers et lui donna M. Boisberthelot de Beaucours conime
second. Les autres officiers du parti étaient MM. de
Sourdy, Sénéchal d'Auberville, de La Brosse, Forsan et de
Beaubassin.
Le détachement partit de Montréal au mois de février
1692. Mais M. Dorvilliers eut une malchance. Trois
jours après le départ de Montréal, ])endant qu'on préparait
le repas de la troupe, il eut la jambe tellement échaudée par
une chaudière d'eau bouillante, qu'il dût remettre le com-
mandement à M. de Beaucours et revenir sur ses pas (9).
En 1694, M. Dorvilliers se décidait à repasser en Fran-
ce afin d'entrer dans la marine.
Lieutenant de vaisseau la même année, il fut promu, le
25 novembre 1712, capitaine de frégate.
Le 22 mai 1715, M. Dorvilliers remplaçait son père
comme gouverneur de Cayenne.
Il mourut à bord du F^aon en i^assant en France le 13
décembre 1728.
P. G. R.
(9) Charlevoix, Histoire f/énéralè rfc /" NoitvcUc-France. vol. II, p. 112.
— 41.—
LES CHIRURGIENS DE MONTREAL
AU XVIIe SIECLE
Sur les ejiirurgins de Montréal au dix-septième siègle, nous avons
déjà publié, dans le Bulletin du mois d'août 1914 (p. 352), les notes que
nous avions alors recueillies. La poursuite de nos fouilles, nous met en
mesure d'ajouter de nouveaux noms et de nouveaux renseignepients qui
complètent (pouif le moment), l'article paru il y a sept ans.
1658-1663. — .-. .'Dubois. — Le 7 mars 1660, au mariage de Jacques
Millots avec Jeanne Hébert est présent le chirurgien Dubois. Plus tard,
lorsque le tabellion de Ville-Marie dresse l'inventaire des biens de feu
Léger Aguenier, 9 janvier 1664, un item mais apprend que le décédé de-
vait "8 livres à la succession de défunt sieur Dubois, chirurgien". Celui
ci est donc mort entre 1660 et 1664 et comme son nom n'est pas au regis-
tre de Notre-Dame, Dubois pourrait bien avoir été tué par les Iroquois.
Par ailleurs, dans un acte de Basset du 15 septembre 1658, un D\iboi
appose sa signature à côté de celle de Dollard des Ormeaux.
1661. — Jean Gaillard. — Nous avons déjà démontré que Gaillard était
i' Montréal de 1661 à 1667 et (|u'on perd sa trace ensuite. Mais voilà que
treize ans plus tard, dans un acte de Mangue, (2 décembre 1680) il est
question d'un "Louis Gaillard, chirurgien, depuis longtemps parti àvt pays
et tenu pour mort ou péry". Ce disparu avait laissé une maison à Ville-
Marie et on venait de la "vendre juridiquement à Charles Le Moyne". A
ce moment, un sieur André Trajot, cousin de l'absent et son seul héritier
connu, se présente pour recueillir sa succession. Il a l'assentiment du
supérieur du Séminaire de Montréal qui est aussi le représentant des sei-
gneurs de l'île. Trajot eut gain de cause et reçut le prix de la maison
357 livres et deux sous. Jean Gaillard et Louis Gaillard ne sont-ils pas
un seul et même individu ? Il portait deux prénoms, ou bien le notaire ou
l'héritier a fait erreur.
1665-1694. — André Rapin dit la Muzeite. — Il eêt présent à un maria-
ge le 8 mars 1666. Né en 1640, dans le diocèse de Luçon, en Poitou, il
épouse Clémence Jarry, à Montréal, le 25 novembre 1669. Il fut attaché
à l'Hôtel-Dieu, de 1679 à 1686. Durant son service, il demeurait au coin
sud-ouest des rues Saint-Jacques et Saint-Pierre. Par la suite, il alla de-
meurer à Lachine, où il fut iidiumé en décembre 1694.
.... 42 -^-.
\{UJ\).—Anloiii(' Fore-slirr: — il est iiieiitioiniG dans uu acte sous soinij
])nvé du 6 avril 1669 et, l'amiée suivante, il, épouse Madeleine Le Cavelier.
Forestier fit du service è* F FIôtel-Dieti dès 1661, ainsi que Martinet
de Fonblanche, conîme nous l'avons déjà dit. Entre autres détails non-
veauXy sur son compte, mentionnons ceux-ci. Forestier fit établir par le
tribunal, le 24 avril 1711, que les officiers des troupes n'avaient droit d'ê-
tre traités gratuitement que pendant leur séjour à l'hôpital. Hors de là,
ils devaient les payer des honoraires, comme les autres patients.
Ce chirurgien, a fait usage de trois sceaux différents. Le premier
qu'il appose en 1673, est indéchiffrable ; le second, (1694) représente un
coeur percé d'une flèche et surmonté des lettres H. B. ; enfin le troisième
(1703) consiste en une empreinte de la lettre F adextrée en chef d'une
étoile.
1670. — Michel Gamelm dit Lafontaiue. — 11 épouse Marguerite Cre-
vier aux Trois-Rivières, non })as en 1663, comme le dit Tanguay, mais
vers le 16 novembre 1661 (1). '
D'après les archives de l'Hôtel-Dieu, il aurait été attaché à cette ins-
titution entre 1670 et 1674.
Gamelin mourut avaut 1683, car eu cette aimée, sa veuve convole une
troisième fois.
1677.— Michel de Sir»sé dit Saint-Michel— Le 30 août 1677, "Mi-
chel de Siressé, sr de Saint-Michel" qui signe "Michel de Sirssé", chirur-
gien demeurant à Montréal, achète de Jean Raynaud dit Planchard, une
terre de 40 arpents, sise à la côte Saint-Jean, pour le prix considérable de
1125 livres. En plus, l'acheteur s'engage à payer 30 livres pour les "épin-
gles" de la dame Raynaud et à "trois années de service de chirurgie pour
Ja barbe et la seignée seulement dudit vendeur, sa fenune et enfans. . . .
en leur maison, à la Pointe-aux-Trembles". Dans un document Judiciai-
re de la même année, ce personnage est désigné dans* ces ternies : "Michel
de Sircay, chirurgien et valet de chambre de Mgr le gouverneur Perrot".
Voilà tout ce que nous avons trouvé.
M. L. Lamontagne est d'avis que la carrière de ce chirurgien ne finit
par là. Mgr Tanguay, prétend-il s'en est occupé en quatre endroits de
son dictionnaire et chaque fois sous un uoni différent.
(1) Date du contrat de mariage dressé par S. Ameau. M. Léandre Lamon-
tagne nous signale que Marguerite Crevier avait épousé, auparavant, Jacques
Fournier, mais que ce mariage fut annulé. Fournier se maria de nouveau en
1663. Voir Tanguay, I, 239 et 250, puis TV, 8.5 et 16,5. Erronément à cette page
elle est dite veuve de Jacques Fournier.
- 4.S -
Au vol. J, p. 188, le maître généalogiste meniioniie François de Sircé _
dit Saint-Michel et a la page Ô'A, François Saint-Michel. Au vol. III, p.
83, ontrouve François Circé, puis au vol. VII, p. 227, François Saint-Mi-
chel et Cyr dit Saint-Michel.
Peu de colons ont eu autant d'honneur.
Ce François Sireé ou Circé dit Saint-Michel qui se marie à Quéhec en
1680, avec M. Medeleine Berthelot est-il bien le Michel Sirssé, sr de Saint-
Michel de Montréal ?
En tout cas, si c'est le même, on ne jieut nier que ce fut un nomade.
11 n'y a qu'à relever les act^s de baptême de ses quinze enfants pour aper-
cevoir qu'il ne moisissait pas en place : il y en a dans les registres de
Québec, dans ceux de la Pointe-aux-Trembles de Québec, de Batiscan, de
Bécancour, de Sorel et de l'île du Pas. Par la suite, cette famille se dis-
perse dans la région de Montréal et les descendants adoptent le nom de
Circé.
1677. — Jean La Flanche. — Jean (de) la Planche, iils d'un chirur-
gien de la Flèche, en Anjou, é]>ouse aux Trois-Rivières, le 6 octobre 1675,
la veuve Judith Kigaud. Trois mois plus tôt, il avait fait dresser son
contrat de mariage à la Bîvière Manereuil. Ce contrat fut déposé dans
le greffe d'Adhémar, l'année suivante.
Le 21 février 1677, Basset nous apprend que le chirurgien I^a Plan-
che est rendu à Montréal. Son séjour, en cette ville fut accompagné de
graves ennuis. Judith Kigaud, originaire de St-Jean d'Augely ^ avait
épousé en 16M, François Le Maistre dont elle eut 8 enfants. Au mois
de janvier 1667 elle avait convolé aVec Jean Terrien qui lui donna trois
enfants. En 1675, elle se maria en troisième noces avec le chirurgien La
Planche. Ces unions successives ne l'avaient pas assagie, car en 1679, elle
est arrêtée sous l'accusation d'avoir déserté le foyer conjugal et de vivre
maritalement avec un nommé Pierre Cavelier au scandale de la popula-
tion' montréalaise.
1680-90. — Jean Jallot. — Né en 1648, il épousa^ vejs 1661, Marie-
Antoinette Chouard des Groseillers, fille du célèbre explorateur, compa-
gnon de lîadisson. Jallot vécut à Champlain, seigneurie de Batiscan, de
1678 à 1680. En cette dernièrfe année, il est rendu à la Pointe-aux-Trem-
bles de Montréal, où il possède une maison : en 1688, on le rencontre à de
Repentigny.
Jallot a fait partie de cette petite trou|>e de colons qui, au mois de juil-
let 1690, tenta d'arrêter Ips Iroquois qui semaient la terreur au ])as de l'île.
-- 44 -
Il se fit tuer avec une douzaîiie d'autres. Leur action héroïque semble
avoir détourné l'ennemi. -
1680. — Gilles Marin. — Dans un acte de Mangue, 9 janvier 1680, on
voit qf" "GTille Marin, chirurgien" est {)résent et qu'il signe. Il est alors
domicilié h la Pointe-Aux-Trembles.
16<^^.-^'1 n^ome Barrois. — Fils d'uji chirurgien du diocèse de Bourges
en Berry, il'épousa, à Montréal, le 13 janvier 1673, Anne Le Ber, nièce de
Jacques Le Ber de Senneville et cousine, de la fameuse recluse Jeanne Le
Ber. Dix ans après (16 novembre 1683), lorsqu'il, vend sa terre à La-
prairie, le notaire Maugue donne à Barrois, la ([ualité de maître chirur-
gien.
16S3. — Jean Bouvet de la Cliainbi'e. — Né en 1641, il épousa à Québec,
en 1673, Madeleine Bidquin dont il eut une fille. Le notaire Maugue, le
8 août 1683, rédige un acte par lequel François Bordet de Chambly, fe-
connait devoir 30 livres au sieur Bouvet de la Chambre, deveim maître
chirurgien à Saint-Ours, "pour médicaments, oeuvres de chirurgie et ali-
mens fournis".
1686. — Nicolas Sainus. — Né en 1656, clans le diocèse d'Amiens, lé
cliirurgien Samus épouse, Marie-Anne Gautier, à Boucherville, le 35 fé-
vrier 1686. Moins de deux ans après, on l'enterrait au même endroit
(13 janvier 1688). A cette date, Samus avait déjà vu mourir sa femme
( t sa fille unique. Toute cette famille s'éteignit en quelques mois.
1687. — Jean Michel, sieur de Saint-Michel. — Etant chirurgien-major
'du fort Saint-Louis, il épousa, à Lachine, Jeanne, fille du sergent Michel
André, le 11 février 1687. Comme il n'y avait pas de notaire, il ne 'fit
rédiger son contrat de mariage que le 18 avril suivant à Montréal. (Mau-
gue). Michel était originaire du diocèse d'Agen.
IQSS.^Marien Tailhandier dit la Beaume, — Fils d'Antoine Tailhan-
dier, procureur de la justice de Masaye, en Auvergne, il épouse à Boucher-
ville, le 8 janvier 1688, Madeleine Baudry, veuve de Jean de Puibarau.
Lors de son mariage, il était soldat et chirurgien de la compagnie de M.
Daneau de Muy. A ses occupations, il ajouta, eii 1699, la charge de no-
taire de Bouciherville restée vacante par la mort de Michel Moreau. Mieux
que cela, le 35 juillet, 1699, il devenait juge du tribunal seigneurial de
sa localité. Ces fonctions diverses ne l'empêchèrent pas d'exercer son
"art de chirurgie", ainsi qu'eji témoigne des documents, de 1691 et de 1735
IQSS.— Antoine Cha,udillon. — Après un séjour à Sorel (1674-1684)
Chaudillon vint demeurer à la Pointe-aux-Trembles où on note sa présen-
— 45 —
ce eu 1688. Il |>araît avoir pris part an ooinl)at de la rivière des Prairies,
en 1690 et y avoir été blessé.
1689. — Dominique Tkaumur de ht Source. — Né en 1(\63, il épouse à
Montréal, le 25 août 1689, Jeanne Prudhomme. En 1693, il acquiert
un omplacement rue St-Fraugois-Xavier, côté est. Les archives de T Hô-
tel-Dieu ne le mettent au nombre fies chirurgiens de l'institution qu'entre
1699 et 1705. Néanmoins, le docteur Sarrazin le porte sur son testa-
ment en^692.
Thaumur de la Source est mort en mai lîll. Son fils, Antoine-
René, né en 1692, fut ordonné prêtre en 1717 et sa lille, Louise-Thérèse,
née en 1706, fut la deuxième soeur qui se Joignit à dame Youville pour
l'aider dans son oeuvre.
1689. — .V. (7r/.s/r/«.— D'après les archives de l'Iîôtel-Dieu il ai)pcrt
qu'un chirurgien nommé "N. CJastrin" aurait été attaché à l'hôpital du-
rant les années 1689 à -1695. Nous n'avons trouvé ce nom ijulle part ail-
leurs et ce qui est })lus étrange c'est que le docteur Sarrazin n'en ]>arle pas
dans son testament de 1693,
M. Léaudre Lamontagne nous soumet (pie ce Gasirin pourrait être le
chirurgien Niccdas Cadrin ou Catrin (Tanguay, T, 98). Mais entre 1689
et 1695, Cadrin fait baptiser trois enfants à Québec ! Comment accorder
cela ?
1690. — Jean-Bapfi.ste Mauhhnt, si^eur de Sninf-Amnnds. — Le 20 mai
1690, l'abbé Dollier de Casson donne une concession au sieur Maublant,
chirurgien et à Etienne Chanceret, cloutier. Deux jours après, le notaire
Maugue, dresse un acte de société de tous biens entre lesdits concession-
naires. Ils possédaient alors, conjointement, une maison sise rue Saint-
François-Xavier, côté est, vis-à-vis la rue Saint-Sacrement. (Terrier de
Montréal, no 136). L'année suivante, 21 octobre 1691, Chanceret se désin-
téresse de la société et donne quittance à Maublant. Ce dernier eut
l'honneur d'être l'un des trois chirurgiens à qui le docteur Sarrazin voulut
léguer ses livres de. chirurgie, en 1692. . Pour une raison qu'on ignore,
Maublant vendit sa maison au mois de décembre 1095 et l'on ])erd ensuite
sa trace.
1691. — Jean Haby. — Le 21 août 1691, "Jean lîaby, maître-chirur-
gien, demeurant à Montréal, de la compagnie de M. le marquis de Crisafy
et de son agrément" lait dresser, devant Maugue, son contrat de mariage
avec Elisabeth lîiehomme, veuve de Robert Desmarès, mais le mariage
n'eut pas lieu. Par exception, le "notaire n'a pas indiqué Jes noms des
..- 4() —
parents du futur. Avec ces reutjeigneineuL.s, iiou?; auriojis ])u savoir si ce
chirurgien avait quelque lien de ])aronté avec un Jean Raby qui, six ans
après, se marie à la Rivière-Ouelle.
1692-1716. — J.-B. Le Riche dit Ldsonde .— -VAxuxwgien et sergent de
la compagnie de M. des Bergères, il était à Montréal en 1692, i)uisqu'il est
mentionné dans le testament du' docteur Sarra/.in (voir ci-après). Il
lut attaché à l'Hôtel-Dien de î 694 à 1698. En l'année 1701, le 25 août,
il épousa Jeanne-Elisabeth Desmarets, puis alla s'établir à llepentigny.
Il finit sa carrière au mois de novembre J716 et fut inhumé à Montréal.
Le Riche était fils d'un pharmacien d'Aix, en Provence.
1692. — Michel Sarrazin. — Ce savant fameux a sa place dans l'histoire
de Montréal par deux faits que nous avons déjà signalés. Rappelons
brièvement sa carrière en puisant dans la l)iographie que lui a cons^acré Mgr
Laflamme (Mem. Soc. roy 1887). Xé à Nuits, en Bourgogne en 1659,
il passa an (^anada en, 1685. Le 12 novembre 1686, on le nommait chirnr-
gien-major de Québec. Au mois d'août 1692, étant à Montréal, il tomba
gravement malade et dut s'aliter à l'Hôtel-Dieu. Se croyant en danger
de mourir il fit un testament dont nous avons donné le texte dans le Bulle-
liii du mois d'août 1930 (p. 317).
En 1694, Sarrazin retourna en France poiîr compléter ses études et
rei'aire sa santé. 1^ rexint en 1697, avec le titre de médecin du roi. Il
devient médecin en chef du Canada, le 14 mai 1699 ; il est nommé corres-
])ondant de l'Académie des sciences de Paris, en 1699 ; membre du Con-
seil supérieur, en l'î07. 11 s'éteignit à Québec, le 7 septembre 1734.
Dans le testament signalé ci-dessus, il léguait ses livres de chirurgie
à ses confrères montréalais : Thaumur de la Source ; Maublant de Saint-
Amand et Le Riche do la Londo qui sans (hnite lui i)rocuraient leurs soins
à l'hôpital. .
1699. — René Gacliet. — -Le 9 mars 1699, ce chirurgien ' raconte au
procureur du roi, à Montréal, cjue la veille, un dimanche, à 6 heures du
soir, il était au devant de sa boutique, sur la place d'Armes, près de l'Hô-
tel-Dieu, lorsque M. d'Ailleboust des Musseaux, sans aucune raison, "le
maltraîta de coups de poings et de pieds, le frappa aussi d'un morceau de
bois et voulut même tirer son éj)ée contre lui". Ce pourrait bien être ce
R. Q'aschet originaire du Poitiers qui se maria et vécut à Québec de 1694
ù 1696. Voir Taiiguay, I, 254.
1699. — Jean Guicliard dit La Sonde.-— VhnwY^Amx et soldat de la com-
... 47 —
paguie-de M. de l^onviguy, oiiginam' du diocèse de Cliavtre.s, eu C'ham-
pagiie, épouse, à Montréal, eu IGUl), Marguerite Gerbaut. Il meurt en
1743 et sa femme en 1748. Xous ne sïtvoifs s'iLaexereé son art.
i:.-Z. MASSICOTTK
LE SIEUR DE SAINT-MARTIN
L ne noie de M. Aegidius Fauteux nous permet d'identifier le capi-
taine de Saint-Martin dont il a été question dans le Ballet in des Recher-
ches Historiques, vol. XXVI, p. 353.
.Jean-Jacques Gorge, sieur de Saint-Martin, était né au djocèse de
Vienne, en Dauphiné, du mariage de Jean-Baptiste Gorge de Saint-Mar-
tin et de Gabrielle Flaseur.
Ijc 18 octobre ITÔl, M. de Saint-Martin épousait aux Trois-Rivières
Marie-Louise-Gabrielle I^eGardeur de Croisille, fille de Charles Le Gardeur
de Croisille et de Marie-AiiiiH-donevièvc Robineau de Portneuf.
On sait que M. de Saiiit-.Martiu morrellement blessé à la Itataille di-
Sainte- Foy décéda à rilôpital-liénéral de Québec le 8 mai 1760. Madame
de Saint-Martin décéda neuf mois plus tard, aux Trois-Rivières, le U)
février 1761.
Mgr Tanguay, daus son Diciionnaire fjénéaïogiqiie, mentionne le ca-
pitaine de Saint-Martin mais comme il le fait connaître sous son nom de
Gorge personne, jusqu'ici, n'avait songé que ce personnage était le héros
connu sous le nom de sieur de Saint-^fartin.
Grâce à M. Fauteux, nous toiiiiaissons enliu les noms. et prénoms de
ce brave soldat.
48 —
JOURNAL DE MA CAMPAGNE DE
LOUISBOURG '"
Commandant M. de Boishéhert, Catalogne, Boucljerville-Cery, St-
Simon, Montarville, faisant fonction d'officier par ordre de M„ Vaudreuil.
Cadets : MM. Deplaine, Damour, Carqueville, Couillard, La Duren-
tais.
Le huit mai (1758), je partis de Québec à dix heures du matin em-
barqué kir la Goélette, La Critique, du port de 50 tonneaux ayant avec
moi 70 hommes de mon détachement, le reste embarqué sur le bateau le St
Joseph, commandé par M. de Cery, convoyant le bateau l'Oiseau royal,
chargé des effets du roi pour le poste de la Rivière St Jean.
J'arrivai à Miramichi le 9 juin trente-troisième jour de mon départ
de Québec, après avoir essuyé plusieurs coups de vent, décapé deux fois
au nord, mes trois bâtiments dis])ersés dont un, que commandait M. de
Céry fut obligé de relâcher à Québec ne pouvant tenir le plus près et ga-
gner le havre des Sept Iles, je fus réduit, comme je n'en ava\s que pour 80
jours de vivres à raison de six onces de pain par jour dès que je me A'is
contrarié de mettre ma troupe à quatre onces.
.l'augmentai mon détachement à Miramichi de 70 Acadiens et 60
sauvages après avoir tout disposé pour la défense du poste de la rivière
St-Jean en y envoyant de Niverville y commander pendant mon absence.
Je partis (le 17 juin) pour Gédaick où j'avais prié M. de Villejoint
d'envoyer les plus petites voitures qu'il ait à l'île St-Jean, ainsi que les vi-
vres qui lui étaient parvenus de l'ordre de M. Drucour pour mon détache-
ment ne voulant })as y)asser à son poste pour éviter le désordre que les sau-
vages ont coutume de causer en tuant les animaux des habitants, se cro-
yant autorisés à le faire lorsqu'ils sont employés pour le service. J'ap-
])ris à Gédaick qu'il avait fait partir pour Louisbourg un détachement de
100 Acadiens sous les ordres de M. son fîls, qu'il n'avait pu en envoyer
davantage par défaut des vivres. /
J'arrivai le 26 au soir au passage Canceau, je fus à la découverte avec
mon canot armé de ;iO hommes, je vis deux fi-égates qui étaient mouillées
il l'île à l'Ours à l'autre côté du ])assage. Je pris toutes les précautions
(1) Le Jovrnal de M. de Boishébert que nous offrons ici aux lecteurs du
Bulletin a été tiré des Archives dOttawa. Nous en devons la copie à M. Placide
Gaudet.
-49-
nécessaires pour les éviter en marchant de nuit et j'arrivai à St-Pierre le
28 juin à 3 heures après-midi, je fus obligé d'y rester campé deux jours
n'ayant point de pain de prêt pour mon détachement.
Je partis du port Toulouse et arrivai le premier juillet à Miré où je
trouvai M. de Villejoint avec un détachement de 200 hommes qui n'était
guère pourvu de ce qui était nécessaire pour faire les incursions sur les
corps ennemis. L'on s'était flatté à Louisbourg que l'ennemi ne ferait
jamais la pirconvallation de la ville et ne bloquerait le fort de façon à
pouvoir empêcher de nous donner les secours dont j'aurais besoin. Je fis
équiper le détachement du mieux qu'il me fut possible, je ne pris que 300
hommes, quittant 100 hommes n'ayant |)oint de r^ouliers à leur donner ce
que l'on avait de la peine à croire.
Je partis le 6 juillet, je donnai le détachement de 150 hommes à M.
de Villejoint et lui ordonnai d'aller prendre une maison qui était proche
le bois qui servait de corps de garde : il y fut, brûla la maison oii il ne
trouva personne, il s'avança plus près des camps, tua une de .leurs senti-
nelles, je fus la même nuit pour tâcher d'enlever une grande garde que le
Sr de Montarville que j'avais envoyé la veille avait découverte et qui pre-
nait son poste à neuf heures du soir proche le chemin rouillé pour facili-
ter le transport qu'il faisait la nuit quoique ce fut bien avancé dans leur
camp, je fus dans cet endroit à 2 heures après minuit sans que la garde y
vint, qui avait été sans doute changée, je me retirai étant trop avancé pour
y rester jusqu'au jour, ayant laissé derrière moi sur la droite un camp de
3,000 hommes et sur la gaurhe un de 600 montagnards où je fis à 8 heu-
res du matin un prisonnier. Je m'en tirai sans avoir aucune poursuite,
l'ennemi pensant que ce ]X)Uvait être (jnelqu'un de leurs troupes, j'envo-
yai plusieurs petits détachements qui eurent tous le succès que je m'at-
tendais et me retirai au dépôt de Miré à l'habitation de Laborde.
Deux jours a])rès je fis partir MM. de Villejoint et Boucherville,
chacun avec un détachement de 50 hommes. Jls furent attaquer des ten-
tes qu'ils prirent et obligèrent l'ennemi de se retirer Mrs de Boucherville
et Montarville donnèrent dans cette occasion* des marques de leur bravoure
ils furent obligés de se retirer plusieurs détachements les environnant, ils
])erdirent dans cette affaire un soldat et un milicien et plusieurs blessés.
Je partis à'ieur retour avec un détachement de 100 hommes et je fus
à la Cormorandière où je fus découvert avant de pouvoir donner : je fus
forcé de me retirer ayant après moi plusieurs détachement considérables :
je m'emparai d'une hauteur d'où je fis et leur tirai plusieurs de leurs
— 50 —
gens : ma résistance les obligea de se retirer, s'imagiuaiit que je voulais
les attirer dans quelque embuscade, de retour à Miré Je détachai MM. de
Villejoint et Boucherville, ils ne purent réussir autant qu'ils auraient
bien voulu, ma troupe commençait déjà à être fatiguée, la milice du port
Toulouse très peu disciplinée et composée de mauvais sujets était toute
désertée.
Les sauvages, toujours insconstants, m'abandonnèrent tous : la ma-
ladie commença à augmenter à un ])oint qu'en huit jours de temps je me
vis avec 60 malades attaqués du charbon, il ne me restait que 140 hommes
qui pussent servir, sur lequel noml)re il me fallait une garde de 10 hom-
mes,à l'entrée de Miré, une autre de 10 hommes au chemin Raymond à la
traverse du lac, une vis-à-vis le chemin Rouillé, les ennemis pouvant s'en
emparer ; il me déserta un soldat qui informa l'ennemi de ma situation,
à qui j'en avais d'abord imposé à mon arrivée, car le bruit avait couru à
Louisbourg que je venais avec 1,200 hommes : les déserteurs et les pri-
sonniers qu'ils auraient pu faire les en avaient assurés ils avaient eir con-
séquence retranché les derrières de leur camp et les éclairait toutes les
nuits : mais sitôt qu'ils furent persuadés du contraire ils s'avançaient
dans le chemin de Rouillé et celui dé Miré, campèrent des détachements
de 800 hommes ce qui me mit dans l'impossibilité de pouvoir })énétrer dans
leur camp à moins de prendre le bois ce qui retardait beaucoup la marche
de mon détachement ; j'aurais bien désiré que M. Drucourt eut su la si-
tuation critique où j'étais, ])ouvant m'accuser de lenteur à faire mon de-
voir et suivre ses instructions en harcelant l'ennemi. Cependant quelque
difficulté que j'eus à pouvoir réussir, je ne cessai point d'avoir de détache-
ments peu considérables il est vrai, puisqu'il n'était que de 30 hommes,
MM, de la Boularderie, St Simon, Montarville eurent ces petits comman-
dements et réussirent toujours au delà de ce que j'avais pii espérer.
Le 26 juillet, à 8 heures du matin, les feux de la ville et des camps
cessèrent et suivant la capitulation l'ennemi entra le 27, M. de St-Simon
que j'avais détaché avec 30 hommes revint le 28, je me préparai, je fis
partir les malades sans escorte et un détachement de 30 hommes, je fis
mettre le feu à njille cordes de bois et au charbon.
Je i)artis le 29, à 4 lieures du soir : iious vîmes de l'autre côté de la
rivière, vis-à-vis le camp un corps de troupes et arrivai à 6 heures au che-
min Rouillé qui est vis-à-vis à côté de la traverse (a) une avant garde de
(a) Les mots omis ici sont peut-être les suivants: "ici il y avait". P. G.
iiO Uoriimes ee (|ui me dt briser toutes les voitures qui auraient pu leur
servir à traverser, il était temps que je partisse, si j'eus tardé me trouvant
bloqué l'ennemi m'aurait obligé à me rendre.
Jje lendemain Je passai le chemin Raimond qui es^t à quatre lieues de
la Brador oii Je m'embarquai dans les chaloupes qui Yious conduisirent au
I^ort Toulouse, nous eûmes beaucoup de peine dans cette relâclie à cause
de nos malades qu'il nous fallait porter et embarquer dans des voitures
aussi petites.
Le 31, arriva un brigantin anglais sur lequel était embarqué M. Dan-
geac, ci-devant commandant au Port Toulouse, qui avait eu l'agrément de
l'amiral Boscawen de venir chercher sa famille. J'eus avec cet officier
quelque entretien sur l'état présent de nos affaires ; je lui exposai celui où
j'étais ce qui le surprit beaucoup ayant toujours cru mon détachement de
1,200 hommes et il me dit qu'il n'était point le seul qui fut dans cette er-
reur, ce qui m'engagea d'écrire à M. Drucourt afin qu'il n'ignorât point
la raison qui m'avait empêché de harceler l'ennemi, autant comme j'au-
rais bien voulu.
Je partis le premier août potir la rivière Bourgeois oii étaient les
voitures qui nous avaient amené de Miramichi ; j'y trouvai la plus gran-
de partie des habitants du Port Toulouse quoiqu'ils fussent compris dans
la capitulation. Je les engageai à me suivre les assurant de la protection
de S. M. J'entreprenais beaucoup, mais enfin je ne croyais pas mieux
l'aire que de sauver des habitants qui n'auraient pas manqué d'être perdus
ix)ur la France, les Anglais les regardant comme Acadiens : J'achetai des
vivres et des voitures et les fis donner à ceux qui n'en avaient point. Je
trouvai dans ce môme endroit la goélette La Critique, que M. de Vau-
dreuil avait envoyé pour savoir la sitiiation de I^ouisbourg, j'ordonnai au
capitaine de rester caché dans cette rivière Jusqu'à ce que les frégattes qui
étaient à ma poursuite dans le passage fu.ssent rentrées et d'aller croiser
dans les travers des îles St-Pierre, les Anglais îie pouvant s'imaginer qu'il
y eût de corsaires français le long <le cette côte, je partis pour le passage
avec toutes les familles de St-Pierre, Je ])ris les précautions qu'il fallait
pour éviter les Anglais qui étaient aux îles Juste au Corps, au Cap St-
Louis et la Baie verte : J'arrivai à Gédaick où Je débarquai et fus dans la
rivière d^ Pecondiak avec 100 hommes et ordonnai aux voitures chargées
des familles et malades de poursui^*re la route pour Miramichi, n'ayant
plus aucun danger pour les corsaires ; Je me trouvai engagé avec un dé-
tachement anglais que j'attaquai quoique ])lus considérable que le mien ;
... 52 -
j'y perdis 15 hommes les ennemis en perdirent beaucoup plus, la nuit
vint, ils nous quittèrent, nous croyant ,])caucoup plus forts par le bruit
que nous faisions ; j'arrivai à Gédaick et partis pour Miramichi, j'arrivai
le 8 août. J'appris que M. Deville Degoutin était mort et 10 miliciens. Je
trouvai ce poste sans vivres ; un chacun ne vivant que de poisson qu'il
pouvait pêcher.
he même jour au soir arrivèrent les courriers de, la Rivière St-Jean
chargés de lettres qui m'étaient adressées de- Québec qui m'apprirent la
victoire que venait de remporter M. le marquis de Montcalm à Carillon,
M. de Niverville que j'avais quitté au poste de la Rivière St-Jean de-
vant mon départ de Louisbourg, me marquait qu'il était prêt à partir
j)our la côte St-Georges avec un détachement de français et sauvages ; je
fis aussitôt partir les courriers et lui ordonnai de m'attendre que j'étais à
lui sous peu de jours. MM. les officiers parurent satisfaits de pouvoir avoir
l'occasion d'avoir quehjue avantage sur les enemis, ce que nous n'avions
pas eu depuis notre départ de Québec ; j'avais d'autant plus envie d'y
aller que l'on n'avait point encore attaqué la côte de St-Georges dans la
guerre précédente et celle-ci.
Le 11, arriva une goélette chargée de boeuf qui avait été prise par
la goélette La Critique, j'augurai dès lors bien de ma campagne ne man-
quant plus de vivres pour le faire. J'ordonnai de faire pattir sitôt mon
départ les 60 prisonniers que j'avais faits et les différents détachements.
(|ue j'avais à Beauséjour de préparer ce qui était nécessaire pour les fa-
milles de l'île St-Jean qui se rangeraient à mon camp, les effets qui se-
raient nécessaires de perter à ceux qui resteraient sur l'île St-Jean sur
leurs terres dans des endroits inconnus à l'ennemi.
Le là arriva une goélette de l'île St-Jean qui m'apprit que MM. de
Villejoint attendait le paquebot anglais qui venait le chercher : que MM.
de Villejoint (fils) et Rousseau partaient avec lui, ce qui me surprit
beaucoup ayant empêché ces deux officiers qui avaient servi sur mon dé-
tachement de se rendre à l'enemi lorsque nou.s étions au Port Toulouse
que le paquebot arriva.
Comme le détachement que j'avais emmené de Louisbourg était hors
d'état de faire campagne, j'en formai un de 30 hommes et partis le 13
ayant avec moi : MM. Boucherville, St-Simon, Céry : MM. les cadets :
Deplaine, Carqueville, Damours, Couillard.
Je quittai au poste de Miramichi M. de Catalogne pour y comman-
der; MM. de la Boularderie et Montarville furent obligés d'y rester étalât
— 53 —
trop malades pour entreprendre la campagne.
Fait au Camj) de Miramichi, le 14 août 1*58.
Signé BOISHEBERÏ
BEAUJEU
Tanguay rapporte que Louis Lienurd de Beaujeu naquit vers 1682,
fils de Philippe, vivant écuyer, grand éehanson du roi, guidon des chevaux-
légers, etc.
Dans l'Armoriai du Canada-Français, première série, d'après les ar
chives de cette famille, nous avons reproduit ses armes.
Un correspondant de France, avisé en matière héraldique et dan*
l'histoire des anciennes familles de France, nous mande ce qui suit •
"Vous donnez les armes de la famille féodale de Beaujeu qui tint en fief
la province de Beaujolais. Cette famille est éteinte depuis longtemps.
Ce n'est donc pas cela. De plus, votre personnage semble bien avoir pour
nom patronymique Liénard, et s'appelle Daniel Liénard de Beau-
jeu (1). Le nom de Liénard est encore représenté en France par des
Liénard, de Liénard et Liénard de St-Délis. . . .' .Je crains donc que les
Beaujeu canadiens n'aient fait à un moment donné erreur sur les armoi
ries qui leur appartiennent réellement."
Je dois avouer avoir rencontré dans mes recherches ce fait de l'ex-
tinction, il y a des siècles, de la famille de Beaujeu du Beaujolais ci-haut
indiquée par mon correspondant, mais il aurait pu arriver, fort bien, qu'un
fils cadet ou autre ait fait souche à l'étranger et que cela ait échappé aux
généalogistes français. On voit comme cela des généalogies sans aucun
détail à la suite de l'un de ses membres.
Les Beaujeu canadiens sont-ils de la même famille que c-elle qui eut
en fief le Beaujolais et qui portait exactement les mêmes armes ? Et dans»
l'affirmative, quel serait le point d'union entre elles, précisant les person-
nages ?
Cette information, reçue avec gratitude, nous permettrait de répon-
dre comme il convient à notre correspondant.
REGIS ROY
(1) Le héros de la Monongahéla.
— 54— ;
PAPINEAU ET LA CHANSON
Lu chanson que nous reproduisons ici est sans doute inédite : elle a
[)Our auteur Lazé Leclaire, ce fameux troubadour rvstùjue dont Pamphile
Le May a parlé avec admiration dans l'étude qu'il consacra naguère aux
I)oètes illétrés de Lotbinière. Elle nous a été chantée par M. Joseph-
Albert Eichard, mécanicien, âgé de 70 ans. Il en tenait le texte de sa
mère (née Beaudiu) qui le recueillit de la bouche même de Leclaire en
1839.
D'après la tradition, l'abbé Faucher, curé de Lotbinière, aurait revisé
ou inspiré certains couplets et on lui en attribue un, le dernier, x Quoiqu'il
en soit, Leclaire chanta lui-même ses vers au gouverneur, du Canada, lors
d'une visite que celui-ci fit à Lotbinière. Ainsi qu'il convient dans une
oeuvre où rien ne doit blesser les oreilles o^icielles l'auteur n'a pas nom-
mé l'ennemi de l'ordre, le révolté conspué, il n'est désigné que par des pé-
riphrases gntilles : "sujet menaçant, fier et brigand", "hardi suborneur",
"chef des vagabonds" et "l'homme noir", mais il paraît bien qu'alors per-
sonne ne se trompa sur l'identité de celui que visait le pamphlétaire;
])aysan. ■
Ijaissons lui la parole :
1
En ces jours de frayeur
A notre gouverneur
Kendons honneur
, Son Excellence avoue
Nous y inviter tous.
(Jhantons d'un doux accent
Ses dons puissants !
Père du Canadien
Soyez notre soutien
Dans nos besoins
Obtenez- nous la paix
Par vos prudentes lois.
Vos lumières sur nous
Conduisant tout
— aro —
3
Kii ce Bas-Canada
Dissipez les combats
De quelqu'ingrats.
Votre peuple est soumis
A suivre vos avis
Comme de bons enfants
Obéissants.
Révérant vos grandeurs
Nous aurons le bonheur,
Par vos faveurs,
De retrouver Prévost
Ce sage et grand Itères
Qui pour le Canadien '
Fut le soutien !
0 bras d'un roi puissant
Protégez vos enfants
Voici le temps
Où tout votre troupeau
Appréhende les maux
D'un sujet menaçant
Fier et brigand !
.-, I
Les canipagn(es) les citéf
Tout est bouleversé
De tous côtés.
Les uns voulant cela
D'autres ne veulent pas.
Causant mille combats
En tout état.
— 56
Les révolutions,
Les conspirations
N'ont rien de bon,
Qu'à mettre l'univers
Au dernier désespoir :
Les vols, les assassins
Kt les larcins.
8
Voyex chez les Français
Les, maux à ce sujet !
Changeant la loi.
L'innocence est quittée.
Bannie et massacrée
Des trait (es) et des brigands
Furent triomphants !
Ce hardi suborneur
A semé la terreur
Dans tous les coeurs.
Mais notre gouverneur.
Brave et rempli de coeur,
Nous mettra à couvert
De l'homme noir !
10
Ce chef des vagabonds
Quell(e) puissance a-t-il donc
Quels sont ces dons ?
Tous ses dépouillements
Des pauvres habitants
Où avec son armée
lia passé.
— 57— .
11
Nos amis, nos parents,
Notre maître est plus grand
Et phis puissant
Sur nous ses volontés
Sans vouloir hériter,
Soyons lui bien soumis,
C'est notre appui.
12
Ce sage a repoussé
La cohorte entêtée
De nos cités.
Tous ces suppôts d'enter
Sous ce vrai Jupiter
Par lui sont confondus
Ne craignons plus.
13
Un bon arbre a son prix,
Le mauvais a son fruit.
C'est celui-ci.
L'abomination
Des désolations
Qui conduit à la mort
L'âme et le corps.
14
Québec, notre cité.
Votre prospérité
Est assurée.
Si comme les Hébreux
Leurs prières, leurs voeux
Etaient pour le ^Tai Dieu
Victorieux.
. —58 —
\ . 15
(Couplet qu'on prétend avoir été ajouté par le curé Faucher, de Lot-
binière :)
Le vieux Lazé Leclaire
Fait assez son affaire
Avec ces vers.
Il est un vieux rimeur
Qui réjouit le coeur. ,
11 trouve le bon mot
(^ontre le sot.
XXX
Papineau, s'il n'a d'autre mérite, aura toujours eii celui d'avoir excité
la verve des chansonniers plus qu'aucun autre Canadien de son éjmque.
E.-Z. MASSI(Ï)TTE
LE PEINTRE SEBRON ETAIT-IL CANADIEN ?
Si vous consultez le Panthéon canadien de "•Bibaud Jeune", vous pourrez
lire, à la page 256, (édition de 1858), sur un peintre dont il aurait fallu s'enor-
frueillir, une longue notice qui commence comme suit:
"SEBRON (T.), peintre canadien contemporain. — Son plus beau morceau
" est la famille royale d'Angleterre dans la chapelle de Windsor, peinte pour
"le roi de Hollande..."
Puis après avoir copieusement décrit le tableau, Bibaud Jeune ajoute:
" Ainsi deux artistes canadiens, Sebron et Falardeau nous font honneur en
" Europe. . ."
Voulant me renseigner davantage sur cette célébrité j'ai feuilleté plusieurs
volumes. Enfin, Vai^ereau est venu à mon secours et m'a fourni — peut-être-
la solution.
Il a existé un peintre nommé Hippolyte Sebron, né à Candebec, en 1801, et
Qui vint en Amérique vers 1856-7 où il peignit la chute du Niagara, le Broadway,
la Nouvelle-Orléans, le lac des Crocodiles, en Louisiane, etc. Cet artiste mourut
à Paris, le ))remier septembre 1879. N'e-st-ce pas l'homme ?
Le Sebron de Bibaud porte une initiale qui ne saurait fournir le prénom du
Sebron de Vapereau, mais le "typo" a pu jouer un tour à notre auteur ! Le lui
fait bien dire, dans le même Panthéon, p. 82, DoUard Descormiers, pour Dollard
Desormeaux !
Alors. . .
E.-Z. M.
H
— SO-
LES CONSEILLERS AU CONSEIL SOUVE
RAIN PORTAIENT-ILS LA ROBE
ECARLATE ?
Sous l'ancien régime les conseillers des Cours Souveraines du royau-
me avaient un costume. Dans les démonstrations publiques, ils por-
taient Itr robe écarlate ;4orsqu*ils siégeaient leur robe était noire.
Notre Conseil Souverain avait à peu près toutes les attributions des
cours souveraines de France. Nos conseillers au Conseil Souverain por-
taient-ils» lin costume spécial comme leurs collègues des cours de France ?
Dans sa troisième lettre, datée de Québec le 15 mai 1684, le baron de
La Hontan, parlant du Conseil Souverain, dit:
"11 est composé de douze conseillers de Capa y de Spada, qui jugent
souverainement et sans appel toutes sortes de procès. L'intendant s'at-
tribue le droit d'y j)résider, mais le gouverneur-général prend la séance à
la salle de justice dans un endroit où se trouvant tous les deux face à face
et les juges à leurs côtés, il semble qu'ils y président également. Du
temps que Monsieur de Frontenac était en Canada, il se moquait de la
prétendue préséance des intendants. 11 traitait les membres de ce Parle-
ment comme Cromwell ceu.x d'Angleterre. Chacun y plaide sa cause,
car on ne voit ni procureurs ni avocats, ainsi les procès sont bientôt finis,
sans qu'il en coûte ni épiées aux parties. Les juges qui ne reçoivent du
roi que quatre cents livres de |>ension par an sont disj)ensés de porter la
robe et le bonnet". ( 1 )
Plus loin, expliquant ce qu'on entendait i)ar l'expression Capa ij de ,
Spada, La Hontan écrit :
"C'est un titre de Gascogne (piejes gens de cette Province donnèrent
autrefois par ironie aux conseillers du Conseil Souverain de Canada, par-
ie que les premiers membres de ce tribunal ne portaient ni robe, ni épée,
se contentant de marcher la canne à la main dans la ville de Québec, et
d'aller au Palais en cet équipage bourgeois." (2)
(1) Nouveaux voyages, édition de 1703, vol. 1er, p. 18.
(2) Nouveaux voyages^ édition de 1703, vol. 1er, p. 270.
— 60 —
Cette dernière note de La Hoiitaii laisse euteiidre qu'à l'époque oit
iAÏQ fut écrite les (conseillers au Conseil Souverain portaient un costume.
Il est certain qu'en 1685 les Conseillers au Conseil Souverain ne por-
taient pas de costume.
Le 20 septembre 1085, en effet, l'intendant de Meulles écrivait au
ministre :
"Puisque la justice. Monseigneur, est le principal appuy d'une co-
lonie aussy considérable que celle-cy, il serait à propos que le* officiers
qui en sont les ministres, n'allassent point au Siège, et ne parussent pas
même au public qu'en robes longues ; cet habit inspire au peuple du res-
pect pour les juges et les fait reconnaître pour ce qu'ils sont ; il serait mê-
me à propos qu'il fut permis aux conseillers du Conseil Souverain à siéger
à certains jours en robes longues, cela porterait tous les plus considérables
du pays à élever leurs enfants à pouvoir parvenir à cette dignité : mais
tous les conseillers étant hors d'état de faire cette dépense, Sa Majesté
pourrait leur faire cette libéralité qui serait pour toute la vie ; en ce cas,
vous auriez la bonté. Monseigneur, d'ordonner qu'on envoyât neuf robes
d'écarlate dont le sieur de Villeray, premier conseiller, qui passe èii France,
aurait soin. Pour les robes noires, chaque conseiller ferait faire la
sienne," (3)
Le roi ne goûta pas du tout la proj)osition de M, de Meulles de don-
ner un costume aux conseillers au Conseil Souverain. Le 31 mai 1686,
le ministre lui répondait au nom de Sa Majesté :
"Sa Majesté n'a pas non plus approuvé la proposition que vous faites
de permettre aux officiers du Conseil Souverain de paraître en public en
robe, cela n'étant de nulle utilité !" (4)
Les conseillers au Conseil Souverain portèrent-ils plus tard un cosr
tume spécial ? Nous croyons qu'ils ne siégèrent jamais en robe.
L'abbé Bertrand de LaTour, qui vint dans la Nouvelle-France avec
Mgr Dosquet, siégea au Conseil Supérieur en qualité de conseiller-clerc
de 1727 à 1731. L'abbé de La Tour est, conséquemment, un témoin qui
a vu. Dans ses Mémoires sur la vie de Mgr de Laval, il nous donne sur
le Conseil Supérieur des renseignements intéressants et que nous devons
croire véridiques. . ^
(3) Archives du Canada, Correspondance gériéérale.
(4) Archives du Canada, Correspondance générale.
I
— 61 —
Citons-le :
"Le Conseil Supérieur ou le Parlement de Québec est aujourd'hui
composé de dix-sept })ersonnes, le gouverneur, l'évêque, Tintendant, douze
conseillers dont un est conseiller clerc, un procureur-général et un gref-
fier. Il ne tient pas ses audiences sur un tribunal comme les cours de
France ; mais autour d'une table comme les Académies. Le gouverneur
est à la tête ; l'évêque à sa droite, et l'intendant à sa gauche ; ils font
eux trois une ligne sur le haut bout de la table. Le procureur général
donne ses conclusions assis. Les procureurs et les parties se tiennent et
parlent debout derrière les chaises des juges, et, ce qui est fort incommode,
tout le monde sort quand on vient aux opinions et rentre quand on appel-
le une nouvelle cause. Les conseillers se placent selon l'ordre de leur
réception, à l'exception du conseiller clerc qui se met toujours à côté de
l'évêque après le doyen, et du premier conseiller, qui commence le rang à
gauche après l'intendant ; ce premier conseiller est une espèce de prési-
dent qui a une charge à part et doubles gages. Il n'y a point d'avocats,
les procureurs ou les parties plaident leurs causes ; c'est à la maison de
^intendant que l'on appelle le Palais que se tiennent les assemblées ; il
s'en tient une régulièrement chaque lundi et toutes les fois que les affaires
le demandent. La justice se rend gratuitement quoique les gages des
officiers soient modiques, qu'il n'y ait même que les six premiers conseil-
lers laïques, le })rocureur-général et le greffier qui en aient. L'expédi-
tion des arrêts ne coûte que les droits du greffe, qui comme tous les autres
frais de justice sont très légers. Aussi les suppôts du Palais sont en pe-
tit nombre et ont communément quelqu'autre profession pour les aider à
vivre. On n'y connait point de papiec-timbré, et il n'y a qu'Hun très petit
contrôle seulement pour constater la date des actes. Les officiers n'ont
point d'habits particuliers, ils siègent en épée avec leurs habits ordinaires" .
Si les conseillers au Conseil Souverain n'eurent pas la satisfaction
de paraître en public avec la robe écarlate ils portèrent du moins l'épée.
On sait que le port de l'épée sous l'ancien régime était le privilège des
nobles et des officiers de terre et de mer. Le ministre de Maurepas
écrivait à ce sujet à l'intendant Hocquart, le 22 avril 1732 :
"M. le jnarquis de Beauharnois m'a représenté qu'on a
voulu obliger les officiers des troupes de quitter l'épée h la porte du
— 62 —
Conseil Supérieur de Québec, lorsqu'ils lont obligés d'y entrer 'pour y,
plaider eux-mêmes leur cause. J'en ai rendu compte à Sa Majesté et
elle m'a ordonné de vous dire que comme les officiers du Conseil Supé-
rieur rendent actuellement la justice l'épée au côté, elle veut, que les of-
ficiers et les gentilshommes seulement puissent piailler leur cause sans
être obligés de quitter leur épée. 11 est vrai que dans les Cours Supé-
rieures du Royaume, il est d'usage que lorsqu'un gentilhomme ou un of-
ficier plaide sa cause, il doit quitter l'épéè et Sa Majesté ordonnera que
cet usage s'observe aussi dans la colonie si dans la suite elle juge à propos
de prescrii-e aux officiers du Conseil Supérieur de rendre la justice en robe.
En attendant, vous aurez soin de leur expli([uer les intentions de Sa Ma-
jesté à l'exécution desquelles vous tiendrez la main."(o).
Dans sa lettre du 31 mars 1733 à MM. de Beauharnois et Hocquart,
M. de Maurepas disait encore sur le riiême sujet :
"Sa Majesté a approuvé que conformément à ses intentions le Con-.
seil Supérieur ait arresté par une délibération que les officiers des troupes
entretenues dans la colonie et les gentilshommes ne seront point obligés de
quitter l'épée, lorsqu'ils plaideront eux-mêmes leurs "causes, cependant sur
les représentations qu'il a faites à ce sujet par rapport aux gentilshommes
qui se trouveront dans ce cas, Sa Majesté veut qu'il n'y ait que ceux dont
les titres de noblesse sont enregistrés au Conseil Supérieur ou qui en feront
apparoir sur le cliamj), qui puissent jouir de ce privilège ; c'est ce que
vous aurez agréable d'exphquer aux off'iciers du Conseil Supérieur" (6).
P. G. R.
(5) Archives du Canada, Correspondance générale.
(6) Archives du Canada, Correspondance générale.
PAPINEAU ET LA CHANSON
Dan.s une des chansons publiées dans le No de janvier 1921, p. 23, le texte
des couplets 5 et 6 a été mêlé. 11 faudrait le rétablir comme suit:.
5
Mais c'est pas brav', Pépère
De se sauver comme ça ?
6
Dis rien, le p'tit Dessaulles
Arrangera tout ça.
— 63 — -
ARNOULT DE LAUBIA
On a écrit Loul)ia, Loubias, Laubias et I^aulria. Nous croyons que
l'épellation Laubia est la meilleure.
Arnoult de Laubia })assa dans la Nouvelle-France en 1665 comme ca-
pitaine d'une des compagnies du régiment de Caingnan. On le désigne
quelquefois comme capitaine au régiment de Broglie. Ce qui veut dire
({u'il servait dans ce régiment avant de venir ici.
En avril 1668, on voit que M. de Laubia commandait aux Trois-Ri-
vieres.
11 retourna en France à l'automne de la même. année avec plusieurs
autres officiers clu régimeut de Carignan.
Le 25 mars 1669, M. de Laubia consentait à revenir dans la Nouvelle-
France. 11 s'engageait à mettre sa compagnie sur le pied de cinquante
hommes et à fournir la subsistance de ses hommes jusqu'à leur embarque-
ment moyennant 1000 écus.
M. de Laubia s'embarqua junir le Canada au printemps de 1670 avec
sa compagnie.
En 1671, M. de Laubia fit le voyage de Cataracoui avec le gouver-
neur de Courcelles.
Le 29 octobre 1672, l'intendant Talon concédait à M. de Laubia "la
(piantité de deux lieues de front sur autant de profondeur, à prendre sut
le lac Saint-Pierre, savoir : une lieue au-dessus et une au-dessous 'de la
rivière Nicolet,. icelle comprise." M. de Laubia devait jouir de cette con-
cession en fief, seigneurie et justice (1).
Il y avait un an peut-être deux ans que M. de Laubia avait commen-
cé des défrichements en cet endroit lorsqu'il reçut son titre de concession
de M. Talon. 11 est probable que celui-ci lui avait d'abord donné un
billet de concession et que son titre du 29 octobre 1672 n'était que la con-
firmation officielle de ce billet ou de cette jiennissiou antérieur.
(1) Pièces et documents relatifs à la tenure seig iteni riale , p. 16.
— 64 —
Le 9 mars 1673, l'intendant Talon, alors en France, dans nn mémoi-
re au ministre, écrivait :
"Le Sr de Laubia, capitaine au régiment de Carignan Salières, de
l'une des six compagnies qui ont esté renvoyées en Canada en 1670, est
venu sur congé de M. de Frontenac pour recevoir son bien, mais ayant
trouvé son frère aisné languissant et tirant à sa. fin se voit obligé à ne le
pas abandonner et demande permission de vendre sa terre de Canada à
une personne qui la fera valoir ainsy qu'il ferait luy-mesme. Cet officier
a non seulement estably sa compagnie sur la concession qui luy a esté faite,
mais il s'est formé une terre qui luy a produit a la récolte dernière trois
à quatre cents minots de grain faisant sept cents livres de Paris.
"J'estime que cette permissioji de vendre ne fera qu'un fort bon effet,
persuadaut en France que le bien qu'on se fait en Canada n'est pas inuti-
le et qu'il donne son fruit partout, puisqu'on trouve des marchands qui
en payent le fond" ( 1 ) .
La demande de M. Talon en faveur de M. de Laubia arrivait comme
moutarde après diner ])uisquc la vente de la seigneurie en question était
consommée depuis dix jours. En effet, par contrat passé par devant les
notaires et garde-notes du Roi au Châtelet de Paris, le 27 février précé-
dent (1673), M. de Laubia avait vendu son fief et seigeurie au sieur Mi-
chel Cressé. Cette seigneurie prit dès lors le nom de seigneurie Cressé.
Elle, fut coiinue plus tard sous le nom de seigneurie de Xicolet.
M. de Laubia ne revint pas dans la Nouvelle-France.
P. G. R.
(1) Archives du Canada. Correspondance générale, vol. 4.
QUESTION
Le 16 mai 1840; Jacques-Alexandre Tailbades, avocat français, signe
un brevet de cléricature avec l'avocat Charles Sab revois de Bleury (Cau-
chy). . '
Le 12 février 1841, le même Tailhades signe un autre brevet avec l'a-
vocat George Pyke.
Quelques mois après, le sieur Tailhades prend le titre d'avocat et il
obtient plusieurs procurations l'autorisant à administrer des biens.
Quel était ce praticien et que devint-il ?
CABRETTF
f
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE - MARS If 21 N» 3
LA SEIGNEURIE DE BELLECHASSE OU
BERTHIER
Ce qu'on appelait seigneurie de Bellechasse dans les
premiers temps du régime français c'est l'étendue de
terre plus tard connue sous le nom de Berthier-en-bas.
Bellechasse fut une des premières seigneuries con-
cédées dans la Nouvelle-France. C'est le 28 mars 1637
que les Messieurs de la Compagnie de la Nouvelle-France
concédèrent cette seigneurie au célèbre truchement ou
interprète Nicolas Marsolet. La concession devait avoir
un quart de lieue de front le long du Saint-Laurent sur
une lieue et demie de profondeur, à prendre à main gau-
che, c'est-à-dire à l'est du ruisseau de Bellechasse.
Marsolet fut mis en possession de sa seigneurie le 6
-octobre 1637 par M. cle Montmagny, gouverneur de la
Nouvelle-France, en présence des sieurs Jean Bourdon,
Pierre Leroux et Jean Nicolet. Le procès-verbal de cette
mise en possession a été conservé. Il dit :
'* Nous, Charles Huault de Montmagny, lieutenant
pour le Roy à Québecq et en toutte l'ettendue du fleuve
St-Laurent dit la Nouvelle-France, en vertu d'un man-
dement de Messieurs de la Compagnie de la Nouvelle-
France du vingt-huitième mars mil six cent trente sept
— 66 —
de bornes et limittes d'une concession faite par Messieurs
de la Compagnie de la Nouvelle-France au profit de Nicol-
las Marsollet, trucliement des Français auprès des sau-
vages du lieu de la Nouvelle-France, d'un quart de lieue
de terre d'estendue le long du fleuve St-Laurent, sur lieue
et demie de proffondeur, nous nous sommes transporté
proche du ruisseau nommé le Ruisseau de belle chasse,
assisté du sieur Bourdon, ingénieur et arpenteur du pais
de la Nouvelle-France, du sr. Jean Nicollet, de Pierre
Le Roux, et de Nicolas Fauvel, tesmoins soubsignés, et là
sommes descendus à terre du costé main gauche en mon-
tant le dit ruisseau de belle chasse et avons mis le d. Mar-
sollet en possession réelle et actuelle d'un quart lieue de
terre d'estendue le long du d. fleuve St-Laurent sur lieue
et demye de proffondeur et avons borné du costé du
sorouest du d. ruisseau de belle chasse et du costé du nord-
est d'un érable au pied duquel nous nous sommes pareil-
lement transportés et là avons fait enfouir une pierre
avecq des briques et sur le d. arbre fait . . . une croix par
le d. sieur Bourdon pour servir de . . . en présence des d.
tesmoings le sixième jour d'octobre mil six cent trente
sept" (1).
Marsolet n'habita jamais sa seigneurie. Les intérêts
qu'il avait ailleurs, fees ambassades fréquentes auprès des
différentes tribus sauvages qui peuplaient alors la Nou-
velle-France ne lui laissaient pas assez de loisirs pour
s'occuper de défricher ou de peupler ce beau domaine.
Aussi pendant les trente-deux ans qu'il le garda il n'y
fut pas fait une seule concession de terre. Si les autorités
de la colonie avaient voulu se prévaloir de leurs droits
elles auraient fort bien pu lui enlever sa seigneurie (2).
Le 29 octobre 1672, l'intendant Talon accordait au
sieur Berthier, capitaine d'une compagnie d'infanterie au
(1) Ce procès-verbal est conservé aux Archives Judiciaires de Québec,
dans le greffe du notaire Guitet. ' "
(2) Sur Nicolas Marsolet, premier seigneur de Bellechasse, on peut con-
sulter une étude de M. Benjamin Suite, dans les Mémoires de la Société
Royale du Canada, année 1882-1883, p. 56.
~ 67 —
régiment de Carignan, *'la quantité de deux lieues de terre
de front sur pareille profondeur, à prendre sur le fleuve
St-Laurent depuis l'anse de Bellechasse incluse, tirant
vers la 'rivière du Sud, icelle non comprise. . . " (3).
• Comme la concession accordée à M. de Berthier empié-
tait sur la seigneurie donnée à Marsolet le 28 mars 1637,
celui-ci, le 15 novembre 1672, signa un acte de démission
en faveur de M. Berthier (4).
M. de Berthier décéda dans sa seigneurie de Berthier
en décembre 1708 (5). De son mariage avec Marie Le-
Gardeur de Tilly il avait eu trois enfants. Sa femme et
ses enfants étaient morts avant lui. Son fils, Alexandre
de Berthier, sieur de Villemur, marié le 4 octobre 1702
avec Françoise Viennay-Pachot, était mort trois mois
après son mariage.
M. de Berthier estimait beaucoup sa bru. Neuf mois
après la mort de son fils, le 13 juillet 1703, il lui faisait
donation de sa seigneurie de Berthier et *'de tous et cha-
cuns les biens tant mobiliers qu'immobiliers qu'il avait
et qu'il jîourrait avoir cy-après en toute l'étendue du
Canada, en quelques lieux qu'ils se puissent trouver et
de quelques espèces, qualité, prix et valeur qu'ils se trou-
veraient". Il prenait la peine de déclarer qu'il faisait
cette donation à la jeune veuve ''pour l'amitié qu'il lui
portait, en considération du mariage qu'elle avait solem-
nisé avec le feu sieur de Villemur son fils et pour lui donner
les moyens de vivre plus honorablement et commodément
dans l'état de vie qu'elle voudrait choisir" (6).
La veuve Berthier de Villemur se remaria, le 4 avril
1712, à Nicolas-Biaise des Bergères de Rigauville, enseigne
dans les troupes du détachement de la marine.
(3) Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale, p. 109.
(4) Cet acte, reçu par le notaire Duquet, ne se trouve plus dans son
greffe conservé aux Archives Judiciaires de Québec.
(5) Sur M. de Berthier, deuxième seigneur de Bellechasse ou Berthier,
on peut consulter la brochure de M. Régis Roy: lies deux capitaines de
Berthier.
(6) Acte de donation devant Chambalon, notaire à Québec, le 13 juillet
1703.
— 68 —
M. des Bergères de Rigauville qui était un bon mili-
taire était aussi un administrateur habile. Il attira dans
la seigneurie de sa femme plusieurs colons et fit beaucoup
pour en augmenter les revenus.
Le 4 août 1724, M. des Bergères de Rigauville rendait
devant l'intendant Bégon, au nom de sa femme, la foi et
hommage qu'elle devait au roi en vertu de sa conces-
sion (7).
Quatre jours plus tard, le 8 août 1724, M. des Bergères
"de Rigauville remettait son aveu et dénombrement au
même intendant. Cette pièce nous apprend que le domaine
de la seigneurie de Bellechasse ou Berthier était de six
arpents et demi de front sur soixante arpents de profon-
deur. Le manoir seigneurial était une bâtisse de pièces
sur pièces solée de pierres, de quarante-deux pieds de long
sur dix-huit de large. La maison du fermier ^vait vingt
pieds de long sur dix-huit de large. Puis venaient la bou-
langerie, de 16 pieds sur 12; la grange, de 50 pieds sur
20; retable, de 25 pieds sud 18; l'écurie avec au-dessus
un colombier, de 12 pieds sur 10 ; un autre bâtiment pour
les volailles, de 10 pieds en carré; trente arpents du do-
maine étaient en terre labourable et trois arpents en
prairie.
Sur le bord du fleuve étaient établis les habitants sui-
vants: Jean Pruneau, Jean Lacombe, Pierre Lacombe,
Pierre Biais, Jean-Baptiste Biais, Etienne Lamy, les en-
fants de feu Jean Guillemet, Jean Fradet; Jean Proven-
çal, Claude Gendron, Robert Vermet, les enfants de René
Emond, Nicolas Bouchard, François Buteau, François
Lacroix, Pierre Mercier, François Lacroix, Jean Mercier,
Jean Boucher, Pierre Biais, Paschal Mercier, Jacques
Beaudoin, Marc Beaudoin, Michel Chartier, Pierre Lavoie,
les héritiers de Jean Pruneau, Pierre Buteau, Jean Biais,
les enfants de Jean Guillemette, la veuve Guignard, Ga-
briel Bilodeau, Ignace Bouchard, Jacques Bilodeau, Jean
Boutin fils, Jean Boutin père, la veuve Louis Beaudoin,
(7) Fois et hommages, cahier 2e, folio 109.
— 69-
Antoine Bilodeau, Antoine Biais, Jean Nadeau, Joseph
Lemieux, Guillaume Lemieux, la veuve Bazin.
Au second rang qu'on nommait la côte de Saint-Blaize
les habitants -suivants étaient établis: Simon Fournier,
Jean-Baptiste Rousseau, Adrien Leclerc, Martin Rous-
seau, Jacques Talbot, Michel Harbour, Augustin Malboeuf,
Alexandre Mercier, Pierre Morin fils, Pierre Morin père,
Pierre Godin, Noël Malboeuf, Jacques Picard, la veuve
Jose23h Fortin, Guillaume Lemieux fils, Pierre Boulet,
Jacques Boulet, Joseph Boulet, Julien Mercier, Jean
Mercier, Louis Fortin, Pierre Guiniard, la veuve Augustin
Guiniard, François Maurice, Jean Boutin fils, Jean Bou-
tin père, Louis Beaudoin, Pierre Beaudoin, Joseph Beau-
doin, Joseph Lessard, Etienne Morel, Pierre Poulin,
Joseph Poulin.
Au troisième rang nommé la côte Sainte-Marie on
comptait Antoine Morin, Simon Fournier, Michel Chias-
son, Joseph Mallx)euf, Daniel Frejot, Guillaume Rouleau,
Pierre Godin fils, Jacques Daniau père, Jacques Daniau
fils, la veuve de Montéléon, Pierre Garant, Louis Destrois-
maisons, Charles Chartier, Pierre Buteau fils, Jean Bou-
let, Barthélemi Groguet, Jacques Daniau, Simon Talbot,
Jacques Talbot, Joseijh Talbot, Timothée Paré, Prisque
Poulin (8).
M. des Bergères de Rigauville décéda dans la seigneu-
rie de Berthier le 11 juillet 1739. Sa veuve décéda à
Québec dix ans plus tard, le 9 décembre 1749 (9).
La seigneurie de Bellechasse ou Berthier passa alors
au fils aîné de Nicolas-Biaise des Bergères de Rigauville
et de Françoise Viennay-Pachot.
Jearî-Baptiste-Marie des Bergères de Rigauville, né
à Berthier le 28 octobre 1720, fut officier dans les troupes
du détachement de la marine. Aj^rès la conquête, lors de
la révolte des sauvages de l'Ouest, M. de Rigauville fut
(8) Aveux et dénombrements, cahier 1, folio 296.
(9) Sur M. des Bergères de Rigauville, troisième seigneur de Bellechasse
ou Berthier, consulter notre brochure La famille des Bergères tle Rlganville.
— 70 —
mis^ à la tête des volontaires canadiens-français avec le
grade de major.
Plus tard, en 1775, le gouverneur Carleton récompensa
M. de Rigauville de sa fidélité à la couronne d'Angleterre
en l 'appelant au Conseil législatif.
Lors de l'invasion américaine de 1775, M. de Rigau-
ville reprit les armes. On le trouve parmi les défenseurs
du fort Saint-Jean. Fait prisonnier à Verchères par les
Bastonnais dans l'hiver de 1775, il fut amené en captivité
aux Etats-Unis et mourut à Bristol, Pennsylvanie, le 30
octobre 1776.
L'honorable M. de Rigauville s'était marié deux fois
mais n'avait eu qu'un enfant mort au berceau (10).
A la mort de l'honorable M. de Rigauville, la seigneu-
rie de Bellechasse ou Berthier passa à son frère cadet,
l'abbé Charles-Régis des Bergères de Rigauville, chapelain
de l'Hôpital-Général de Québec.
Ce saint prêtre a justement été appelé le second fon-
dateur de l'Hôpital-Général de Québec. C'est lui qui,
lors des batailles du 13 septembre 1759 et du 28 avril 1760,
donna les secours de la religion aux nombreux officiers
et soldats blessés qui furent transportés dans cette maison.
C'est aussi M. de Rigauville qui bénit les fosses des deux
cents et quelques héros français et canadiens qui furent
inhumés dans le petit cimetière de l'Hôpital-Général.
L'abbé des Bergères de Rigauville décéda à Québec
le 24 décembre 1780. Par son testament reçu devant les
notaii'fes Berthelot d'Artigny et Jean- Antoine Panet le
24 juin 1780, il avait légué sa seigneurie de Berthier à
l'Hôpital-Général de Québec. Prévoyant sans doute que
son testament serait attaqué par des parents éloignés mé-
contents de ne pas mettre la main sur ce bel apanage, il
expliquait les raisons de ce don à l'Hôpital-Général:
lo — La seigneurie que je possède n'étant point venue
u
(10) Sur M. de Rigauville, consulter la brochure déjà citée, IJa famille
des Bergères de Rigauville.
„. 71 -
à ma mère par héritage, mais jiar pur don de la part d'un
étranger avant son mariage avec feu mon i3ère. . ., je ne
dois donc rien à mes parents du côté de mon père. D 'ail-
leurs, il n'y en a qu'un dans le pays, et il a trois mille livres
de rente.
"2o — Mes vrais héritiers selon la loi, du côté de ma
mère, ne sont pas régnicoles pour moi ; ils sont en Europe
où ils ont toujours été ; ils sont issus d'un premier mariage
du père de ma mère, contracté à Larochelle, et dont il /a eu
un fils ...
'*3o — Les parents que j'ai en Canada sont à leur
aise. . . à l'exception d'une cousine germaine de ma mère
(Madeleine de L'Estringuan de Saint-Martin), fort âgée,
dont j 'ai soin, et d'une issue de germain (Angélique Rouer
de Villeray), à qui je procure depuis trois ans quelques
secours, et qui a bon nombre de i)arents du côté de mon-
sieur son père, plusieurs riches, et d'autres plus à l'aise
que moi.
*'Ces observations faites, ne puis- je pas en conscience
profiter du privilège de la loi anglaise qui donne toute
liberté en fait de testament ? Ne puis- je pas faire mes
légataires universelles la conmiunauté de l'Hôpital-Géné-
ral, près de Québec, afin de les aider à soutenir l'oeuvre à
laquelle leur illustre fondateur Mgr de Saint- Vallier les
a destinées . . .
"Mettant mon testament sous la protection de la loi
anglaise, je supplie le gouvernement de faire attention:
lo Que la seigneurie de Berthier, qui seule forme mon im-
meuble, n'est pas d'un objet bien considérable; partagée
entre tous mes parents du Canada seulement, elle n'aug-
menterait pas leur fortune sensiblement; 2o Que ce legs
accordé à cette pauvre maison ne devrait j^as être regardé
comme une nouvelle acquisiton, mais comme un faible
remplacement de .la belle seigneurie de Saint-Vallier . . .
le double plus forte en concessions, et, par conséquent,
.._72-
en rentes foncières. . . laquelle faisait et formait le prin-
cipal objet de la fondation de l'Hôpital-Général, et qu'il
a été obligé de vendre à vil prix pour satisfaire à des dettes
que la charité et la bonne foi lui avaient fait contracter
pour les malades français en 1759 et 1760, dont il ne lui
a été tenu compte par la cour de France que du quart . . .
(11)
Une parente de l'abbé des Bergères de Rigauville,
madame d'Albergati-Vezza, contesta à deux reprises son
testament devant les tribunaux, mais, chaque fois, le 30
juillet 1785 puis le 3 juillet 1786, ceux-ci renvoyèrent son
action en la condamnant à payer tous les frais.
L'annaliste de l'Hôpital-Général de Québec fait de
façon fort intéressante l'histoire de ces deux procès:
''Enfin, au mois d'avril 1785, madame d'Albergati
fit savoir par lettre à notre révérende mère Thérèse de
Jésus qu'elle croyait se devoir à elle-même de faire valoir
ses prétentions sur les biens de feu messire de Rigauville,
son parent, et que les cours de justice en décideraient.
"Certes une pareille nouvelle n'était rien moins
qu'agréable; mais il ne pouvait être quesfion de céder
devant l'orage; c'eut été sacrifier les intérêts essentiels
de la communauté, peut-être même compromettre son
existence. Quelque juste éloignement qu'eussent nos
mères pour toute poursuite judiciaire, elles en prirent bra-
vement leur parti cette fois, se confiant dans le secours de
Dieu et dans la justice de leur cause, et l'affaire fut portée
devant les tribunaux. Le docteur Mabane se montra, dans
cette occasion, comme toujours, un ami plein de zèle. Il
sut inspirer ses sentiments à M. Gray, avocat, qu'il choisit
pour défendre les intérêts des religieuses, et la cour rendit
sa sentence en leur faveur le 30 juillet.
''Madame d'Albergati cependant ne se tint pas pour
vaincue, et elle se décida à intenter une nouvelle action.
En annonçant aux religieuses qu'elles allaient subir un
(11) Mgr de Saint- Vallier et rHôpital-Généràl de Québec, p. 441.
— 73-
second procès, le docteur Mabane s'empressa de les ras-
surer; c'est ce que fit également M. Gray, et tous deux
leur donnèrent de précieux conseils sur la manière dont
elles devaient agir dans une affaire de cette conséquence.
Nos mères, comme on peut le penser, attendaient de Dieu
seul leur principal appui. Elles .commencèrent aussitôt
une neuvaine en l'honneur du Saint Coeur de Marie. Neuf
longs mois se passèrent dans des alternatives de crainte
et d'espérance. Enfin, arriva le jour où le jugement devait
être rendu; c'était le 3 juillet 1786. Pendant les heures
de la matinée, plus ardentes que jamais furent les suppli-
cations adressées au ciel; chacune demandait surtout une
parfaite résignation à la volonté de Dieu, quelle que dût
être la sentence.
''Soudain, disent nos annales, nous aperçûmes un
cabriolet qui venait avec une célérité telle qu'à chaque
instant la poussière en dérobait la vue. Ai)rès quelques
minutes d'attente, nous vîmes arriver M. Cugnet, im de
nos avocats, nous annonçant avec joie que tout était en
notre faveur . . . Un envoyé du docteur Mabane, qui se
flattait d'être le premier porteur de la bonne nouvelle,
suivit de près MM. Cugnet et Gray, et alternativement,
toute l'après-midi, plusieurs amis se succédèrent pour nous
féliciter de ;cet heureux succès. Ayant témoigné notre
juste reconnaissance à tant de personnes si dévouées à
notre cause, nous satisfîmes l'impatience qui nous pressait
d'aller rendre gloire à notre divin Sauveur, par le chant
du Te Deum. Puis, désirant laisser un monument perpé-
tuel de cette assistance de Dieu sur notre maison et de la
jDrotection visible de la Reine du Ciel, nous promîmes,
avec l'agrément des supérieurs majeurs, d'en célébrer
chaque année le jour anniversaire par un salut à l'autel
du Saint-Coeur de Marie."
Le 8 juillet 1813, les Dames de l'Hôpital-Général
baillaient, cédaient, quittaient, transportaient et délais-
saient, à titre de rente emphithéotique pour vingt-neuf
années, qui devaient finir en 1842, à Claude Dénéchàud,
... 74 —
député de la haute- ville de Québec, et juge de paix de Sa
Majesté, le fief et seigneurie de Bellechasse ou Berthier-
en-bas. M. Dénéchaud s'engageait, entr 'autres choses, à
reconstruire le moulin banal, à fournir aux Dames de
l'Hôpital-Général, chaque année, quatre-c^nt-cinquante
minots de bon blé loyal et marchand et à payer une rente
annuelle de soixante-deux livres dix chelins, cours actuel
de la Province (12).
M. Dénéchaud passait alors pour un des négociants
les plus riches du Canada. Il remplit toutes les conditions
de son bail emphithéotique et fit même plus. Il s'établit
avec sa famille à Berthier et le manoir devint le rendez-
vous de ses nombreux amis. Mais les mauvaises années
vinrent et lorsque le seigneur Claude Dénéchaud décéda
au manoir de Berthier le 30 octobre 1836, la plus grande
partie de sa fortune était disparue et avec elle les amis des
beaux jours.
y
Le 1er décembre 1836, Adélaïde Gauvreau, veuve de
Claude Dénéchaud, venait en arrangements avec les Dames
de l'Hôpital-Général pour continuer le bail de la seigeurie
de Bpllechasse ou Bei'thier aux mêmes ,conditions qu'elles
avaient faites à son mari (13).
Mais les revenus de madame Dénéchaud n'étaient pas
assez considérables pour continuer le même train de vie
qu'avait mené son mari, et, le 28 juin 1838, les Dames de
l'Hôpital-Général reprenaient leur seigneurie (14). Cette
fois, elles la gardèrent jusqu'à la fin du régime seigneurial
au Canada.
P.-G. E.
(12) Bail devant Planté, notaire à Québec, le 8 juillet 1813.
(13) Acte devant A.-A. Parant, notaire à Québec, 1er décembre 1836.
(14) Acte devant A.-A. Parant, notaire à Québec, 28 juin 1838.
— TÔ-
LES MEDECINS, CHIRURGIENS ET APO-
THICAIRES DE MONTREAL, DE
1701 A 1760
Aux notes précédemment publiées dans le Bulletin, sur les chirurgiens
de Montréal au dix-septième siècle, il nous est possible d'ajouter les
suivantes qui renseignent sur les médecins, chirurgiens et apothicaires
qui ont exercé leur art dans la région de Montréal depuis 1701 jusqu'à
1760.
1701-1742 — Claude Le Boiteux de Saint-Olive. Né en 1676, fils
d'un apothicaire du diocèse de Vienne, en Dauphiné, le sieur de Saint-
Ohve fut plutôt apothicaire que chirurgien, à Montréal. Cependant^ on
lui donne les deux titres. Il épousa, d'abord, Marie-Anne Lenoir, à
Lachine, en 1701, puis Madeleine Naf rechoux, à Montréal, en 1716. Son
existence fut mouvementée. Soit qu'il fut âpre au gain ou sarcastique,
soit qu'il fut fantasque ou grincheux, il s'attira la haine de bien des
gens. Aussi, a-t-il traduit devant les tribunaux des inculpés de toutes
les classes qui l'avaient roué de coups. Nous en avons cité un cas entre
autres dansle Bulletin de 1916, p. 46, Ce curieux personnage décéda en
juillet 1740. Il avait un sceau armorié, écartelé, de belle apparence,
mais qu'il est impossible de blasonner parce que l'empreinte que nous en
avons est trop réduite.
1705 — ... Baudau. Cliirurgien-major, à Montréal. Le 7 septem-
bre, il signe, pour le tribunal, un rapport établissant qu'il a visité le
nommé Jean de Tard (ou du Tartre) dit Laverdure, soldat de M. de
Eamezay, qu'il a trouvé "blessé d'un coup d'épée qui prend de l'hipocondre
gauche et sort vers les lombes de même côté. Je croy (le blessé) en
danger de mort".
Et il affixe un sceau composé d'un monogramme compliqué swmonté
d'un collier de perles.
C'est en voulant porter secours à un compagnon, le soldat Pierre
Pallardier dit la Marine, malmené à coups de canne par les frères Rocbert
de la Morandière, que du Tartre fut blessé.
1712 — Henri Belisle-Levasseur. Ce chirurgien est témoin dans
— 76 —
deux actes du notaire Senet, le 28 janvier 1729, et il demeure alors à la
Pointe-aux-Trembles. Le dictionnaire Tanguay nous informe qu'il était
fils d'un "droguiste" de France et qu'il se maria trois fois. En premier
lieu, à Québec, en 1690; ensuite, à Champlain, en 1705; enfin, à la
Pointe-aux-Trembles de Montréal, le 25 août 1712 où il convole ave*
Jeanne Archambault. Il finit ses jours à cet eiidroit au mois de septembre
1740. L'acte de sépulture lui accorde "environ cent ans". La veuve
était sans doute ( !) beaucoup plus jeune que le défunt, car elle se remaria
après neuf ans de viduité avec un nommé Maurice Lapron.
1712 — Joseph Benoit. Né en 1672 et originaire de Fourière en
Gatinois, il dut venir au pays avec femme et enfants. En tout cas, il
était à Montréal en 1712 et y fit baptiser son fils Claude dont il est ques-
tion ci-après. Il prenait d'ordinaire le titre de chirurgien-major et
parfois celui de "médecin de Sa Majesté".
Le sieur Benoit figure sur la liste des chirurgiens de l'Hôtel-Dieu
entre les années 1715 et 1726 seulement, mais il ne paraît, avoir cessé de
pratiquer que quelques mois avant sa mort, survenue en novembre 1742.
Au mois de juillet 1717, il eut un procès curieux avec cet avocat,
Lanouillier de Boisclair, qui inaugura le service postal en ce pays et qui
fut grand voyer de la Nouvelle-France.
Le docteur Benoit, dont l'abbé Faillon fait des éloges dans sa Vie
de Mlle Mance (II, 202), avait sa résidence rue Notre-Dame, tout près
du château de Ramezay.
Sur quelques-uns de ses rap])orts il apposait un sceau armorié qu'on
ne peut blasonner parce que l'empreinte n'en est pas très nette. On n'y
peut distinguer que ceci : un cygne nageant surmonté d'une étoile. Au-
dessus est une devise en demi-cercle dont on n'a que les premières et
les dernières lettres. (Documents judiciaires, 19 juin 1722.)
1718 — Pierre Puibarau, sieur de Maisonneuve. Il naquit à Bou-
cherville en 1684. Sa mère étant devenue veuve épousa, en 1^88, le
chirurgien Tailhandier et l'enfant du premier mariage adopta la profes-
sion de son beau-père. Puibarau épousa, à Montréal, en 1712, Marie-
Catherine Lorin. Il est gratifié du titre de chirurgien, à Montréal, le 10
décembre 1718. Sans doute, il exerçait son art depuis quelque temps. A
partir de 1725, il eut sa demeure sur la rue Saint-Joseph (aujourd'hui
Saint-Sulpice), vis-à-vis la rue de Bresoles, et c'est là qu'il décéda eu
I
..-77 —
novembre 1757. Xous avons publié dans le Bulletin un de èes comptes
datant des années 1734 et 1735. Pas n'est besoin d'ajouter que, malgré
son nom territorial, qu'il n'a rien de commun avec la famille Chomedey
de Maisonneuve. Il avait un sceau (document du 10 décembre 1718)
dans lequel on n'aperçoit qu'une colombe.
1724 — Timothée Silvain. Ce médecin irlandais, dont le vrai nom
Timothy Sullivan se transforma avec le temps et le milieu en celui de
Timothée Silvain, d'allure plus française, aurait débarqué sur nos rives
vers 1718. Il épousa, en 1720, Marie-Renée Gautier de Varennes, yeuve
de Christophe Dufrost de la Jemmeraye et mère de la vénérable soeur
Youville. De ce fait, les historiens l'ont traité avec une déférence mar-
quée. Mais le bibliothécaire de Saint-Sulpice, M. Fauteux, a cru le
moment venu de dire toute la vérité, dans une biographie copieuse, bien
documentée et que l'on peut lire dans le Bulletin de 1917, pp. 303 et suiv.
Il nous suffit donc de noter ici que ce personnage, fils d'un médecin de
Cork, se clierchant une occupation en ce pays, songea à celle de son père
et qu'à l'aide d'influence il décrocha un brevet de médecin le 7 mars
1724. Par là, il était autorisé à pratiquer à Montréal, "sous les ordres
du sieur Sarrazin, médecin du roi, à Québec".
Silvain fut un emporté "qiii eut souvent maille à partir avec la jus-
tice, mais à l'encontre de Saint-Olive, qui eut toujours gain de cause
parce qu'il se faisait rosser, Silvain fut "maintes fois condamné à payer
des dommages" parce qu'il était l'agresseur.
Le sieur Silvain est porté sur la liste des chirurgiens de l'Hôtel-Dieu
durant les années 1725 à 1730. Il décéda au mois de juin 1749.
1727 — Joseph Istre. Originaire de l'Auvergne, le sieur Istre épousa,
à Montréal, le 19 octobre 1727, Elisabeth, fille du chirurgien Forestier.
On trouve plusieurs de ses rapports dans les archives, entre 1731 et 1733.
Ensuite, il quitta notre région, car lorsqu'il vend sa maison à Montréal
(Blanzy, 19 janvier 1755), il demeurait à Lachesnaie.
A sa mort, survenue au mois d'avril 1760, il était rendu à Terrebonne.
1729 — Jacques Perreau. Fils d'un chirurgien du diocèse d'Auxerre,
en Bourgogne, il épousa Marie-Elisabeth Navers, à Château-Richer,
en 1724. Il était rendu à Lachesnaie, dès 1726, et paraît y avoir demeuré
jusqu'à sa mort, en 1754. Au cours de l'année 1729, il eut quelques
difficultés au sujet de médicaments qu'il avait achetés de son confrère.
— 78 —
l'Irlandais Sullivan dit Silvain. La veuve Perreau vivait encore en 1775
et alors elle était sage-femme. (Tanguay, VI, 317.)
1730 — Simon Lafond. Fils d'un chirurgien de Saint-Martin-les-
bois, diocèse de Bordeaux, il fut, en la Nouvelle-France, soldat et chirur-
gien. Lafond épousa Marie-Anne Lamothe, à Montréal, le 7 janvier 1738
D'après les archives de l'Hôtel-Dieu, il aurait exercé sa profession dans
cet hôpital entre 1730 et 1746. De 1750 à 1754, il est à la Pointe-aux-
Trembles. Enfin, un acte du notaire de Courville nous apprend qu'il
était rendu à Saint-Denis-sur-Eichelieu, en 1764.
1733 — J.-B. Fernand Spagnioïini. Né à Rome en 1704, ce chi-
rurgien italien dut venir au pays avec les troupes vers 1732. L'année
suivante, il contracta un premier mariage à Chambly. En 1737, il se
remarie à Bouclierville ; enfin, en 1745, au même endroit, il épouse
Françoise Boucher de Niverville. Ce "médecin-chirurgien" semble avoir
pratiqué sans interruption au sud de Montréal. Il est mort à Boucher-
ville, au mois de février 1764.
1740 — Charles-Joseph-Aîexandre-Ferdinand de Feltz qui vécut à
Montréal de 1740 à 1760, au moins, et qui, pendant les quinze dernières
années, figura sur le rôle^ des professionnels de l'Hôtel-Dieu, était origi-
naire de Rabstat, Autriche. Le 4 novembre 1741, il épouse, à Québec,
Ursule Aubert qui décède, à Montréal, en 1756. Quelques mois après,
le 16 février 1757, il convole, à Lachine, avec demoiselle Cécile Gosselin.
(Tanguay, III, 270.)
Feltz prenait le titre de chirit/rgien-major des hôpitaux. Il demeurait
rue Notre-Dame, côté nord, entre les rues Saint-Laurent et Saint-Gabriel.
Sa profession ne lui fit pas négliger les affaires : il acquit, dans le faubourg
Saint-Laurent, une terre qu'il morcela et dont il vendit les emplacements
en 1754 et après.
1741 — Olivier Durocher. Par son contrat de mariage (Simonnet,
16 septembre, 1741), on voit que ce chirurgien, né en 1716, était fils d'un
"marchand drappier, privilégié du Roy", de la viUe et évêché d'Angers.
A la rédaction du document, deux de ses confrères sont présents : Claude
Benoist, chirurgien-major de la garnison, et Pierre Puibarau, "maître
chirurgien de l'Hôtel-Dieu". Quelques jours après, le 25 septembre, le
sieur Durocher épousait Thérèse Juillet. Il demeurait alors à la Pointe-
Claire.
— 79 —
iri — Claude Benoil. Fils de Joseph Benoit, médecin, et de
Anne Berthier, il naquit à Montréal en 1712 et épousa, au même endroit,
le 15 janvier 1742, Thérèse Baby. Son père, qui aurait cessé d'exercer
en 1741, paraît lui avoir laissé sa charge de chirurgien-major. Il avait
acquis des propriétés, dans sa ville natale, mais il vend le tout en 1754
et semble s'éloigner, du moins nous cessons de voir son nom.
1753 — Charles Doullon Desmarets. Nous avons déjà parlé de ce
notaire-chirurgien dans le Bulletin de 1920, p. 157.
1755 — Augustin Viger. L'étude du notaire Danré de Blanzy nous
informe que ce chirurgien vivait à Montréal, rue Saint-Paul, au mois
de mai 1755. Il était encore dans la même )àlle, au mois de novembre
1757, car alors il dépose une plainte contre son "domestique anglais Farel"
qui l'a volé. Après le départ du sieur Guiton de Monrepos qui fut juge,
à Montréal de 1741 à 1760, le chirurgien Viger fut chargé de l'adminis-
tration des biens de l'absent. L'on voit dans l'étude du notaire Panet,
à la date du 4 août 1763, un intéressant règlement de sa gestion.
1756 — Louis-Nicolas Landrimix. Originaire de la ville de Luçon,
en Poitou, le sieur Landriaux se maria au fort Saint-Frédéric, où il était
de la garnison, car c'est là que le père récollet Didace Cliché, missionnaire,
dresse son contrat de mariage avec Marie-Anne Prudhomme, le 7 juin
1756. Après l'abandon du fort, Landriaux vint demeurer à Montréal et
nous constatons, par un acte du notaire de Courville, daté du 4 août
1773, qu'il était, à ce moment, "chirurgien en chef de l'hôpital général
de Montréal". Evidemment, il doit s'agir de l'hôpital des Soeurs grises,
non de l'Hôtel-Dieu. Landriaux était encore à Montréal en 1777. Nous
perdons ensuite sa trace. Sans doute, il est l'ancêtre des familles Lan-
driault que l'on trouve maintenant dans le comté de Prescott et dans la
ville d'Ottawa.
1757 — Honoré-Maur Bonnefoy. Il exerçait son art à l'île Jésus,
en 1757, d'après un acte de Danré de Blanzy, du 14 février. Mgr Tan-
guay, au deuxième volume de son dictionnaire, note qu'il le trouve à
Lachesnaie, le 5 juin 1766 et qu'il était alors marié à Louise Poulin.
1757 — Philippe- Jean- Jacques Laboissière dit Luandre. Il était
originaire de Saint-Corentin, en Bretagne. Il épouse, à Montréal, le 23
mai 1757, Marie-Amable Viger. On dit qu'il fut attaché à l'Hôtel-Dieu
jusqu'en 1763. Ensuite, il alla probablement résider à la campagne, car
— 80 —
sa femme décède à Saint-Henri de Mascouche en 1764 et lui-même est
signalé à la Pointe-aux-Trembles de Québec, en 1767.
1759 — Dominique Mondeïet. Soldat et chirurgien. Il épousa à
Québec, en 1759, une demoiselle Hains et il alla vivre dans la région de
Chambly. En 1764, il est négociant dans la seigneurie de Cournoyer.
(Etude de Courville, 17 juin 1764.)
C'est l'ancêtre des juges Mondeïet qui jouent un rôle dans l'histoire
de Montréal.
1760 — J.-B. Jobert. Le 4 février 1760, Jobert, chirurgien de la
flûte du roi La Marie, épouse, à Montréal, Charlotte Larchevêque. Il
était fils d'un chirurgien dcfja paroisse Saint-Martin, diocèse de Langres.
(Tanguay, A travers les registres, p. 176.) Nous ignorons s'il a demeuré
parmi nous.
1760 — Louis Ceuillier Lnfourcade. Natif de la paroisse de Eabas-
tin, diocèse de Tarbes, province de Gascogne, et probablement soldat, il
décida de rester au pays, après la conquête. Le 26 novembre 1760, il
faisait dresser son contrat de mariage, à Saint-0,urs, par André Laurent,
capitaine de la paroisse, "n'y ayant pas de notaire disponible". La future
se nommait Catherine Arpain et elle n'avait que 19 ans. Quelques mois
plus tard, le mariage étant célébré, le chirurgien déposait son contrat
chez le notaire de Courville, à l'Assomption. Il portait d'ordinaire le
nom de Lafourcade.
E.-Z. MASSICOTTE
ANGOVILLE
M. de Saffray de Mézy, gouverneur de 1663 à 1665, était originaire de
Caen. En 1664, Ferland mentionne le sieur d'Angoville, major de la garnison
du fort St-Louis, c'est-à-dire des gardes du gouverneur. Cet homme était
aussi de Caen et il avait dû accompagner au Canada son compatriote. Ango-
ville n'est qu'un surnom à la mode de l'époque. Connaît-on le nom véritable
du major ? Figurerait-il dans l'un des actes ou documents notariés ou autres
déposés à Québec? Après le décès du gouverneur, M. d'Angoville serait-il
retourné au pays natal? En 1666 et 1667 dans la recherche de la noblesse
pour la généralité de Caen, deux familles connues sous ce titre maintiennent
leur qualité: François de Clamorgan, écuyer, sieur d'Angoville, âgé de 45
ans, marié à Léonore Le Mennicier, demeurant à Angoville, et Antoine Mau-
voisin, écuyer, sieur d'Angoville, demeurant à Banville, marié à Françoise
de Montenay, en 165 4. Lequel des deux a été major de Québec ?
81 -
LES HABITANTS DE LA VILLE DE
QUEBEC EN 1769-1770
Les ramoneurs de cheminées ! quels intéressants personnages, direz-
vous. Mais, oui, ce sont de très intéressantes personnes, qui ont, sans
s'en douter, contribué à conserver des sources d'histoire qui auraient été
perdues sans eux. Ne vous récriez pas, ami lecteur. Je vais vous prouver
leurs hauts faits d'armes, surtout durant les premières années du régime
anglais, quand les recensements étaient plutôt espacés.
Ainsi, le chef des ramoneurs de la ville de Québec dressait, tous les
ans, une liste des habitants de la capitale indiquant ceux qui avaient payé
pour son travail, en tout ou en partie, ainsi que ceux qui, trop pauvTes,
n'avaient pu le fairç. Le gouvernement payait pour ces derniers. Ce
rapport est donc un vrai directory, ou un bottin, si vous préférez le mot.
Le rapport suivant du ramoneur des cheminées de la ville de Québec
pour 1769-1770 nous donne les noms d'à peu près tous les propriétaires
et locataires de la vieille capitale à cette époque éloignée.
F.-J. AUDET
176M770
Rues
Alary, Charles St-François
Alary, Veuve St-François
Allés, J.-Bte Champlain
Allsopp, George Buade
Amelot, Jacques Ste-Famille
Amiot, Charles Champlain
Aniiot, Veuve St-Pierre
Amyot, François Laval
Amyot, Jean-Baptiste Sault-au-Matelot
Arbot, Capitaine du Rempart
Arial, Jean Côte de la Montagne
Arrêt, Servant Champlain
Aubry, Louis Côte de la Montagne
-82
Audy, Pierre St-Georges
Babineau, Marianne Sault-au-Matelot
Babineau, Eené . Champlain
Baby, St-Pierre
Badeau, Pierre ... ; St-François
Baillargé, Sault-au-Matelot
Baird, John Notre-Dame
Baril dit Namur, Joseph ..... Champlain '
Basler, François Champlain
Beaurivage, Veuve Notre-Dame
Bell, William Côte de la Montagne
Belleville, Jean-Baptiste Ste-Famille
Berger, Jean Ste-Famille
Bernard, André Laval
Bernard, Jean Notre-Dame
Bernier, Louis Sault-au-Matelot
Berthelot, Buade
Bertin, maître d'école Buade
Bertrand, Nicolas du Rempart
Bigné, Jean Laval
Birgeas, Côte de la Montagne
Bistodeau, Antoine St-Pierre
Blackmore, du Rempart
Blair, Docteur Ste-Famille
Blette, François Champlain
Blondin, Jean Sault-au-Matelot
Blouin, Gabriel Notre-Dame
Blowe, Samuel Champlain
Boilvin, Ive Champlain
Boisseau, père St-Pierre
Boisseau, fils St-Pierre
Boisvert, Pierre Sault-au-Matelot
Bondfield, Aclem St-Pierre
Bonhomme, Pierre Laval
Boon, Henry St-Pierre
Born, George Sous-le-Fort
Barneuf, Pierre Champlain
Boucher, Louis Sault-au-Matelot
... 83 —
Boucher, Veuve Sault-au-Matelot
Boucheaud, Michel Du Fort
Boulogne, François Notre-Dame
Bourbeau dit Carignan, Louis ... Du Fort
Bourbon, Jacques Ste-Famille
Bourg, Joseph du Rempart
Bourguignon, François, fils . . . ". Sault-au-Matelot
Bourguignon, Louis Sault-au-Matelot
Brassard, Jean-Baptiste Ste-Famille
Brown et Gilmore Buade
Brown, Andrew Sault-au-Matelot
Bryan, Thomas C'hamplain
Buchanan, John C'hamplain
Caillé, Capitaine du Rempart
Caillé, Henry St-Georges
Calendar, William Côte de la Moi^^agne
Campbell, Lauchlin St-Pierre
Campbell, William Notre-Dame
Cameron, Jacques C'hamplain
Cameron, Thomas Champlain ^
Caron, Alexis Sault-au-Matelot
Carrier, Charles Champlain
Carrier, Pierre Ste-Famille
Casgrain, Jean Champlain
Castagnet, Veuve Champlain
Chabot, Joseph Sous-le-Fort
Chamard, Jean-Baptiste Côte de la Montagne
Chamberlan, Pierre . Sault-au-Matelot
Chamoisseur, Jean Lees Ste-Famille
Champagne, François Champlain
Charlery, Michel St-Georges
Charpentier, Jean Du Fort
Chartier, Veuve Champlain
Chauveau, Claude Du Fort
Chênevert, Veuve St-Georges
Chénier, Charles Laval
Chevalier, René Laval
Chèveries, Les demoiselles Champlain
- 84 -
Chinique, St-Pierre
Chisolm, John Champlain
Chiquet, Ive, père Champlain
Chiquet, Ive, fils ., . Champlain
Chrestien, la . Laval
Cirot, Michel Champlain
Clesse, François St'François
Cognac, Charles Sault-au-Matelot
Cognac, Pierre Sault-au-Matelot
Collet, Noël St-François
Conefroy Buade
Congrégation, Soeurs de la ... . St-Pierre
Conseil Exécutif — Chambre du — au
CoHège des Jésuites Buade
Corante, Capitaine du Rempart
Corneau, Veuve . . Sault-au-Matelot
Cornud, Michel Notre-Dame
Costé, Veuve St-Pierre
Costé, Pierre Sault-au-Matelot
Costen, John Sous-le-Fort
Couest, Veuve Champlain
Coutcleau, Maurice Laval
Couvreur, Jean-Pierre ....... Champlain
Cramasie, Jacques ^. . . . Notre-Dame
Crawford Ste-Famille
Crawford St-Georges
Crépeau, Louis Sault-au-Matelot
Créquy, Antoine Sault-au-Matelot
Creste, Joseph Champlain
Croix, N St-François
Cuenoud, Charles Sault-au-Matelot
Culloch, Michael Côte de la Montagne
Cureux, Antoine Sault-au-Matelot
Curry, la femme du sergent .... Côte de la Montagne
Dachat, Gilles StFrançois
Dallaire, François Champlain
Dalglish, John Sault-au-Matelot
Daly, Charles Buade
— 85 —
Daly, Charles I^otre-Dame
Daly, Jeremiah St-Pierre
Damien, Etienne Champlain
Damien, Jacques, fils Sous-le-Fort
Damien, Veuve Jacques Sous-le-Fort
Damien, Joseph Sous-le-Fort
Decormier, Guillaume Ste-Famille
Decroix Ste-Famille
De Gaunes, Veuve Champlain
Delettre dit Beaujour Du Fort
Delisle, Veuve Sault-au-Matelot
Delisle, Jean Champlain
Deluga, Guillaume ........ Ste-FamiUe
Demitte, Veuve St-Pierre
Demolier, Joachim Champlain
Desaulniers, Beaubien St-Pierre
Desbarats, Joseph Sous-le-Fort
Descarreaux, Antoine Cliamplain
Descarreaux, François Champlain
Descarreaux, Joseph Sous-le-Fort
Descarreaux, Joseph St-François
Descarreaux, Louis Ste-Famille
Deslauriers, André Sault-au-Matelot
Deslauriers, Pierre Sault-au-Matelot
Desroches, François Sous-le-Fort
Dimler, officier St-Georges
Doiron, Alexis Sault-au-Matelot
Donohue, John Côte de la Montagne
Dornon, Veuve Champlain
Dornon, Veuve Sault-au-Matelot
Dorval, Veuve Sault-au-Matelot
Dosque, Bernard-Sylvestre, prêtre,
curé de la cathédrale Ste-Famille
Doucet, Jean Sous-le-Fort
Doucet, Veuve Champlain
Douville, Jérémie Sault-au-Matelot
Douville, Louis Sault-au-Matelot
— 86 —
Drummond, Colin, deputy paymas-
ter gênerai Buade, coll. des Jésuites
Dubarry, Dr Sault-au-Matelot ....
Dubé, J.-Bte Sault-au-Matelot
Dubois, Georges St-François
Dubord, J.-Bte, père Sault-au-Matelot
Dubord, J.-Bte, père Sault-au-Matelot
Dubord, Noël Sault-au-Matelot
Dubuit Buade
Ducharme, Veuve Michel Champlain
Ducliesnaux, la Jacques Ste-Famille
Dufau St-Pierre
Duff, Capitaine Buade
Dufour, J.-Bte Notre-Dame
Dufresne, Veuve Laval
Dufresne, Joseph Sault-au-Matelot
Dumas, Alexis Notre-Dame
Dumas, Joseph Sault-au-Matelot
Dumas, Louis Notre-Dame
Dumais, Thomas Laval
Dumarque, François Ste-Famille
Dupont, Veuve Ste-Famille
Dupuis, Pierre, dit Catin St-Michel Champlain
Duret, Charles St-François
Durouvray, J.-Bte . Du Fort
Duval Côte de la Montagne
Duval, Jacques Champlain
Duval, Veuve Pierre St-Georges
Duval, Veuve Champlain
Edwayd, Dr Buade
Emond, Pierre St-François
Emond, Piejre St-Georges
Falandriette, Bernard St-Pierre
Farge, Jean Ste-Famille
Farglis, Pierre St-Pierre
Fargus, Pierre Sault-au-Matelt3t
Farineau Buade
Fenasse, Dominique Sault-au-Matelot
— 87 —
Ferrière, François Sault-au-Matelot
Fidler, soldat Laval
Filion dit Champagne, Martin . . . Ste-Famille
Filteau, Joseph Sault-au-Matelot
Finlay, Hugh, D'ty Postmaster gen'l
for B.N.A Sault-au-Matelot
Fitzgerald, avocat Buade
Fitzimmons Xotre-Dame
Flanigan, Jacques Sault-au-Matelot
Forbes, William Côte de la Montagne
Forbes, William Notre-Dame
Fornelle, Veuve Du Fort
Fortier, Vve Laçasse Sault-au-Matelot
Fortier, Michel St-Pierre
Forton, J.-Bte Champlain
Forton, J.-Bte Sous-le-Fort
François, Joseph Champlain
Fraser, John Buade
Fraser, Simon Du Fort
Frémont, Louis Sous-le-Fort
Fréros, Claude Champlain
Gagné, Pierre, père Champlain
Gagné, Pierre, père Sault-au-Matelot
Gagné, Pierre, fils Sault-au-Matelot
Gagnon, Vincent Sault-au-Matelot
Garenne, Charles Sault-au-Matelot
Gauvreau, Etienne Du Fort
Génie, Honoré Buade
Giffey Sous-le-Fort
Gigou, François Côte de la Montagne
Gigou, François Du Fort
Gigou, Louis Du Fort
Gigou, Thomas Champlain
Girard, J.-Bte . Buade
Girard, Joseph Du Rempart
Goupy, André Sous-le-Fort
Goupy, André - Sault-au-Matelot
Graham, William Buade
— 88 —
Gravel, Claude Sault-au-Matelot
Giffard, François Champlain
Grenet, Jean Champlain
Guénet, Charles Champlain
Guénet, Veuve . Sault-au-Matelot
Guernet, Louis-Charles Notre-Dame
Guéreaux, Jacques Buade
Guichot Buade
Guignol dit Larose, Bernard . . . Buade
Guillemin Ste-Famille
Halsted, John Champlain
Hamel, André St-François
Hay, Charles St-Pierre
Hopkins, John Buade
Hot, Claude Champlain •
Hot, Simon Champlain
Huet, Joseph ,. . . . St-Georges
Isbister du Eempart
Jackson, Robert Champlain
Jacquet, Jacques Compos Champlain
Jean, Alexis Sous-le-Fort
Jély, Veuve Sault-au-Matelot
Jenkins, George Buade
Jésuites, les Pères Buade
Johnson & Purss, marchands . . . Sous-le-Fort
Joly, Veuve du Rempart
Johnson, quarter master du Rempart
Joseph, Michel St-François
Jugon, LeMaistre dit StGeorges
Jugon, LeMaistre dit Laval
Keith, William Côte de la Montagne
Kennedy, Thomas Champlain
Kimber, Jean Buade
King, John Buade
(La suite dans la prochaine livraison)
— 89 —
JOURS GRAS — MARDI GRAS — MER-
CREDI DES CENDRES
MOEURS ET COUTUMES D'AUTREFOIS
Au lendemain des Rois commençait le carnaval qui durait jusqu'ai}
carême, c'est-à-dire jusqu'au mercredi des Cendres. L'approche de ce
temps de pénitence et de jeûne rigoureux portait nos ancêtres à des exhu-
bérances, à des ardeurs de plaisirs que nous ne connaissons plus. En
effet, cette période mémorable autrefois, passe souvent inaperçue, aujour-
d'hui. Dans le bon vieux temps, aux derniers jours du carnaval, le
dimanche, le lundi et le mardi gras, les gens cherchaient à se gaver de
tapage et de gaieté afin, sans doute, de pouvoir aborder les jours de mor-
tifications sans trop de regrets.
Quelle est l'origine de l'expression "jours gras" ? On prétend qu'elle
provient de ce ,que, dans des villes de l'ancienne France, à la veille du
carême, certains bouchers promenaient des animaux gras pour annoncer
qu'ils avaient le privilège de vendre des viandes aux malades pendant
les jours d'abstinence. D'autres imaginent que le peuple voulut plutôt
rappeler qu'on traversait les derniers jours de ripaille.
Il y a incertitude au sujet de la durée des "jours gras", au début de
la colonie. Si l'on s'en rapporte au Journal des Jésuites, ils commençaient
au moins huit jours avant le mercredi des Cendres, puisque ces précieuses
annales nous informent que le 27 février 1647, il y eut un "balet. . .
le mercredy gras". En cette année, les Cendres étaient le 6 mars. Dans
le même ouvrage, on voit que les trois derniers jours du carnaval portaient
le nom de "carême prenant" (1646, p. 32), et des écrivains de l'époque
donnent au mercredi des Cendres, ce4ui de "carême entrant".
En Angleterre, le mardi gras s'appelait "Shrove Tuesday", ce qui
signifie "jour de la confession". Devons-nous supposer que c'était la
pratique générale chez les Saxons catholiques de faire l'aveu de leurs
fautes, en cette circonstance ? On disait aussi "Pancake Tuesday" qui
se traduit par "mardi des crêpes", car en ce jour les gens s'empressaient
de consommer tout ce qui restait d'oeufs, de graisse et fie beurre vu que
ces aliments étaient prohibés en carême.
... 90 —
Au Canada, les crêpes étaient le mets obligatoire du mercredi des
Cendres. Eraste d'Orsonnens a déjà noté ce détail dans un petit roman
Une apparition, paru en 1860.
Il y a quarante ans, d'après M. "Joseph Rousselle, originaire de
Kâmouraska, les crêpes se cuisaient directement sur le dessus de ces
poêles à "un pont" qui étaient aussi communs que ceux à "deux ponts".
M. Philéas Bédard, cultivateur de Saint-Rémi, raconte que dans la
région de Montréal on faisait les crêpes dans les poêles (ustensiles) et
que la cuisinière devait les "tourner" sans l'aide d'un instrument; pour
cela "elle imprimait à l'ustensile un certain mouvement qui projetait la
crêpe en l'air et la faisait retomber sens dessus dessous dans la poêle".
Ceux qui n'observaient pas cette coutume "attrapaient la gale durant
l'année".
XXX
En notre pays, les divertissements des jours gras ont pris différents
aspects, suivant les localités et les époques, sans cependant varier beaucoup
dans les grandes lignes, ainsi' que nous en jugeons par les documents,
par les récits que nous ont faits divers septuagénaires et par la jolie
narration que l'on doit à Pamphile LeMay, dans Fêtes et Corvées. Nous
n'ajoutons à cette page vécue de son oeuvre que des détails que nous
n'avons vu reproduits nidle part ailleurs.
M. F.-X. Prévost nous en fournit un qu'il a remarqué dans la
paroisse de Saint-Scholastique, il y a un demi-siècle et plus. Dans la
pièce principale de chaque logis on trouvait alors sur un banc approprié
de gros seaux ferrés toujours remplis d'eau pour l'usage domestique.
Mais aux jours gras, le contenu des seaux changeait : l'eau était remplacée
par une bonne bière qui ne coûtait que 10 à 15 sous le gallon et les altérés
n'avaient qu'à plonger leurs gobelets dans la blonde liqueur que fabriquait
le brasseur à la mode : l'inoubliable Molson !
A Saint-Eustache et à Sainte-Thérèse, M. Camille Desjardins se
souvient que, vers 1870, les jeunes gens allaient danser au son du violon
ces remarquables gigues et "réels" à 8, à 4 ou à è qui exigeaient de si
bons muscles. Mais danses, violon et chants arrêtaient à minuit le soir
du mardi gras, car il ne faisait pas bon de s'amuser sur "carême entrant".
Et le conteur Joseph Rousselle, de Kamouraska, nous en donne la
raison. 11 la tenait de sa mère qui elle-même l'avait recueillie de sa
mère.
... 91 ...
Une fois, il paraît que dans une localité des veilleux avaient continué
de danser après minuit. Tout à coup, un traîneau attelé d'un cheval
''noir et fringant" arrêta devant la maison e^ un étranger bien mis se
présenta. Il demanda à danser. Cela ne se refuse pas aux survenants,
et il choisit pour sa "compagnie" la plus jolie fille de la réunion. L'on
attaqua un menuet. Bientôt, la demoiselle s'aperçut que son partenaire
la piquait chaque fois qu'il/lui pressait la main. Pourquoi avait-il gardé
ses gants ! Elle conçut des soupçons. L'étranger aurait-il des griffes ?
Ne serait-ce pas le diable ? Furtivement, elle fit le signe de la croix.
A l'instant, l'étranger échappa un blasphème et partit comme un coup
de vent, emportant la porte de la maison avec lui. Dehors, plus rien:
à l'endroit où l'animal et le véhicule avaient séjourné la neige était
fondue jusqu'à la terre.
Pas n'est besoin d'ajouter que cette légende, répétée partout avec
ioTce détails locaux, contribuait à maintenir les gens dans l'observance»
de la règle.
* * *
Autre souvenir: Au collège de Montréal, entre 1872 et 1878, nous
dit un ancien curé, le mardi gras ne passait pas tout à fait inaperçu. Le
repas du midi s'additionnait de quelque recherche et de quelques frian-
dises, puis il était suivi d'une loterie de divers objets donnés par les
professeurs et les collégiens. C'était une façon de fêter !
* * *
Mais le fait le plus intéressant, peut-être, nous est signalé par M.
L.-H. Cantin ([ui a vécu à Saint-Romuald de Lévis et à Hawkesbury,
Ont., avant de venir résider à Montréal. Ce zélé collectionneur a conservé
le texte d'un duo curieux qui se chantait jadis dans sa famille. Le mor-
ceau rappelle une coutume qui remonte au moyen-â^e. Deux chanteurs
personnifiant l'un, le Carême et l'autre le Mardi-gras, vantent tour à tour
les bienfaits du régime qu'ils représentent, puis au dernier couplet, le
Mardi-gras s'écroule vaincu, tandis que le Carême triomphe. Ecoutons
cette antique piécette :
Carême
— Je t'attends au combat,
Joli Mardi-gras !
Sur le champ de bataille,
— 92 —
Je t'attends au combat.
Tu es poltron, tu n'y viens pas.
Tu m'as livré bataille ;
Mais ta faible mitraille
Sans force ni vigueur
Ne pourra jamais te soutenir le- coeur.
Mardi-gras
— Carême arrête là !
Je suis le Mar^i-gras.
Je fais bonne chère ;
Carême, arrête là !
Buvons, mangeons, ne discutons pas ;
Car tu es pâle et blême,
Dans ta maigreur extrême
Il te faudrait un bon repas,
Car tu languis, tu cours au trépas.
Carême
— Par la part du démon !
Indigne glouton.
Dis-moi double ivrogne.
Par la part du démon !
Prends ton sabre en main.
Nous combattions.
Toutes ces liqueurs sont mauvaises,
Te montent à la tête.
Te font perdre la raison,
A toi et à tes compagnons.
Mardi-gras
— J'ai tous les vins dessus ma table.
Des liqueurs dedans ma cave.
Qui nous donnent la vigueur
Qui nous réjouissent le coeur.
- 93 -
Sois d'une humeur gaillarde !
Perdrix, pigeons, poulardes.
Canards, gigots, jambons.
Cela est meilleur que tous tes poissons.
Carême
— Mais j'ai du vaillant saumon,
De la "grosse" étourgeon.
De la morue permise,
Du fameux carpeau.
De la truite et l'anguille :
J'ai des oeufs pour ma cuisine,
Des amandes, aussi des fruits,
Du coco et du chocolat.
Cela nous fait faire
De bons repas.
Mardi-gras
— Tous mes veaux et mes moutons.
Et aussi mes cochons,
Et aussi mes volailles
Te feront bien danser
Un beau menuet
A ton grand regret.
J'ai andouille et saucisse
Qui sont à mon service.
Quantité de brochées
Qui ravageront tes harengs salés.
Carême
— J'ai dans ma grande armoire.
Quantité de fraises
Et des confitures,
Du sucre et du raisin.
Qui iront grand train
En mangeant ton pain. v
J'ai du beurre et du fromage.
Du lait et du potage
--94 —
Qui te mettront au trépas.
Maudit ennemi ! Tu es mort, Mardi-gras.
A Paris, dans les temps anciens, c'est le mercredi des Cendres que
l'on représentait la grande^ bataille du Mardi-gras contre le Carême.
Aussitôt après jvait lieu l'enterrement burlesque de Mardi-gras.
On remarquera que le Carême permettait à ses fidèles l'usage du
beurre et des oeufs, cela ne doit pas étoimer, car en Canada, à cause du
climat ou de la pauvreté les laitages et les oeufs furent permis ou tolérés
dès les débuts de la colonie.
A joutons, que ce duo a joui d'une grande vogue. M. Joseph Rous-
selle nous dit l'avoir également entendu à Kamouraska et dans les chan-
tiers de la baie Géorgienne. E.-Z. MASSICOTTE
LONGITUDK
A l'occasion du tricentenaire de Colbert, M. de la Roncière, auteur d'une
Histoire de la Marine française, a passé en revue ce qu'a fait le grand ministre
pour la création d'une marine en France. Les deux pages suivantes que nous
en détachons pour le Bulletin seront peut-être de quelque intérêt:
. . .Trouver la longitude n'était point malaisé, nos marins n'avaient que
le choix entre les instruments depuis l'astrolabe médiéval, le modeste bâton
de Jacob, le quadrant et le quartier, jusqu'à l'opulente hémisphère marine
pourvue d'horizon, équinoxial, arc de déclinaison et demi-cercle d'altitude.
Mais la longitude ? Hélas! elle restait pour les astronomes un problème,
pour les navigateurs un cauchemar. Améric Vespuçe en perdait le sommeil;
l'astronome Ruy Falero s'abandonnait, en désespoir de cause, aux inspirations
de son démon familier qui se montra bon diable, puisque son traité servit à,
guider Magellan. Mais "Dieu n'avait pas permis à l'homme l'usage de la
longitude", écrivait Champlain après des essais qu'un "professeur en la
divine mathématique" persiflait sans pitié: "Je voudrais bien savoir quelle
certitude peut avoir le sieur de Champlain qu'une longitude observée par
la mécométrie à la Nouvelle-France sera véritable. Aura-t-il point trouvé
en Canada quelque Ptolémée manuscrit qui contienne les longitudes d'iceluy
pays." (Deunot de Bar-le-Duc, Confiitation de l'invention des longitudes et
de la mécométrie de l'aimant. Paris, 1611.) .. .
...La vraie solution du problème des longitudes — Gemma le Frison
l'indiquait en 1584 — c'était la pratique des montres marines. Mais pour
garder l'heure du méridien initial, quelle précision pouvait-on demander aux
sabliers du bord et à l'écoulement de leur poudre d'écaillé d'oeufs ou de
limailles d'argent alors même que les hommes de quart ne précipitaient point
le temps, telle la Parque antique, en ''mangeant le sable". L'Anglais Dudley
(1646) proposait des clepsj'dres à mesures renouvelées de l'antiquité, mais
le Hollandais Huygens, mandé en France par Colbert, l'emporta avec ses
horloges à pendules (1666) où des cycloïdes placés "vers la racine du petit
ruban qui soutenait le pendule" maintenait l'égalité des oscillations. De ces
montres à secondes et à demi-secondes, sorties des ateliers parisiens du
sieur Thuret, l'astronome Richer fit l'épreuve en 1670 et 1672 au cours de
deux voyages en Acadie et en Guyane sans résultats décisifs."
(Chs de la Roncière: Un grand îninlstre de la marine: Colbert, p. 230.)
96-
LA MORT DE Mgr PLESSIS, EVEQUE DE
QUEBEC
Dans sa vie de Mgr Joseph-Octave Plessis, M. Fabbé Ferland raconte
ainsi la mort du grand évêque de Québec:
"Le lendemain, dimanche, 4 décembre, il avait entendu la messe dans
une des salles (de THôpital-Général de Québec) et y avait reçu la sainte
communion ; vers deux heures de l'après-midi, il conversait avec son
médecin et venait de prononcer avec éloge le nom de M. Lefrançois, curé
de Saint-Augustin, qui, à force de vigilance, avait réussi à bannir le luxe
de sa paroisse, lorsque la parole lui manqua subitement. Il s'affaissa sur
lui-même ; le médecin donna l'alarme ; on s'empressa d'accourir : déjà
il n'était plus."
La lettre suivante du grand-vicaire Desjardins conservée au séminaire
de Nicolet nous donne des renseignements inédits et inconnus sur les
derniers moments de l'illustre Mgr Plessis:
" Québec, 5 décembre 1885.
" Pleurons, mon cher ami Raimbault, pleurons avec l'intéressante
famille du Canada, pleurons l'excellent père et patron de tant de bonnes
oeuvres, pleurons la perte immense que fait cette nouvelle Eglise d'Occi-
dent.
" Mais en soulageant notre coeur par nos larmes, consolons-nous
aussi par des réflexions pleines d'espérance. Moins surpris qu'attérés
par cette annonce de mort, hélas! nous nous rassurons à bon droit sur
les stes dispositions de notre ancien et éminent pasteur.
" Il n'est plus, il nous a été enlevé comme subitement, mais le très
digne prélat était mûr et tout préparé pour le ciel. . . Il avait communié
7 heures auparavant, l'extrême-onction ne lui a pas manqué, il a reçu
tous les secours de l'art, la visite réitérée de son coadjuteur. C'est moi,
sans m'en douter, qui l'ai salué et entretenu le dernier !
" Le très cher défunt avait assisté et <,'ommunié à la messe de M.
Portier. Mgr Panet l'a viêité après la grand'n;iesse de la paroisse; je
... 96 —
m'y suis joint et j'ai dîné avec Mgr le coadjuteur chez M. le chapelain
très hospitalier. Après dîner, le saint évêque nous sembla un peu mieux
dans son fauteuil. Il nous congédia de la meilleure grâce pour vespres.
Le docteur Fargues arriva ensuite et trouva le poulx à l'ordinaire entre
70 et 73 pulsations. Son malade sembla plus enjoué et même parlant
plus librement. Quand tout à coup notre cher évêque écrase dans son
fauteuil. L'hospitalière, le domestique, le chapelain aident au docteur à
le relever mais sans connaissance. M. Ths Bédard n'a eu que le temps
de lui faire une onction, le digne grand évêque a passé à l'éternité.
" Dieu lui a épargné les horreurs de l'agonie et à nous, les angoisses
d'en être les douloureux témoins . . . C'est à l'issue des vêpres que la
fatale annonce a été portée à toutes les églises de la ville. Jugez de nos
sentiments, de nos larmes par les vôtres. Nous redoublons de prières,
d'admiration et de confiance pour l'âme du vénérable défunt !
" Monseigneur Panet a soutenu ce coup formidable avec une sainte
résignation, ainsi que M. Turgeon, exécuteur testamentaire. M. Demers
est chargé de l'oraison funèbre pour mardi. Les obscèques auront lieu à
la cathédrale.
" Monsieur Cadieu, curé des Trois-Eivières, voudra bien excuser la
main tremblante de l'écrivain et interpréter- le trouble de son âme. Mon-
seigneur n^aura peut-être pas le tems d'informer ^r le grand-vicaire
Noiseux ainsi que le clergé du district. M. Cadieu voudra bien aussi
suppléer et faire passer à Nicolet la feuille cy-jointe avec les meilleurs
sentiements de son très h. et o. sr.
Lundi, 5 décembre 1835." "L. J. DESJÀKDINS
LE SUFFRAGE DES FEMMES SOUS LE REGIME FRANÇAIS
Les femmes avaient-elles droit de 'suffrage sous le régime français ?
La question fera sans doute sourire, mais qu'on ne se hâte pas de répon-
dre. Lisons plutôt la note suivante qu'on relève dans le registre de l'état
civil de la paroisse de Boucherville, il y apparaît que le beau sexe avait parfois
le privilège de voter.
" Acte de serment qu'a fait, en ma présence, Catherine Guertin, sage
" femme.
" Aujourd'hui, le douzième jour du mois de février de l'année mil sept
" cens treize, Catherine Guertin, femme de Denis Verono, de cette paroisse,
" âgée d'environ 46 ans, a été élue dans l'assemblée des femmes de cette
"paroisse, à la pluralité des suffrages pour exercer l'office de sage femme et
" a fait serment entre mes mains conformément à l'ordonnance de Monsei-
" gneur l'évêque de Québec, en foi de quoi j'ai signé, ce 12 février 1712 —
" C. Dauzat, ptre."
E.-Z. M.
BULLKTIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE- AVRIL 192I N«4
LES CENSITAIRES DU COTEAU SAINTE-
GENEVIEVE (BANLIEUE DE
QUEBEC) DE 1636 A 1800
■ Ce que l'on a appelé le coteau Sainte Geneviève à
Québec, est cette partie de la ville et de la banlieue, qui s'é-
tend de la côte d'Abraham actuelle, jusqu'aux limites de
la paroisse de Sainte-Foy, de chaque côté de la rue Saint-
Jean et du chemin de Sainte-Foy.
"Le coteau Sainte-Geneviève, dit l'abbé Auguste
"Gosselin (1) doit évidemment son nom à l'illustre patrou-
ille de Paris, la j^ieuse vierge de Nanterre, qui sauva un
"jour sa patrie, l'ancienne Lutèce, de l'invasion des barba-
"res. Nos ancêtres, pleins de foi et d'esprit religieux, ai-
" niaient à mettre leur pays d'adoption sous la protection
"des saints qu'ils avaient api^ris à vénérer dès leur enfan-
"ce. Plusieurs étaient de Paris : Louis Hébert, Couillard,
"de la Porte, Sevestre. Ils donnèrent le nom de Sainte-Ge-
"neviève à cette longue et vaste colline, airx pentes gra-
"cieuses, qui borde le côté sud de la vallée de la rivière
"Saint-Charles, en dehors des murs de Québec. La vier-
"ge de Nanterre était chargée, pour ainsi dire, de protéger
(1) Jean Bourdon et son ami l'abbé de Saint-Sauveur, (Québec., Dus-
sault et Proulx, Imprimeurs) 1904, p. 59.
— 98 —
''les approches de notre ville ,contre les attaques des Iro-
' ' qiiois et de tous les ennemis de la Nouvelle-France ' '.
Les i^remiers habitants de la Nouvelle-France se diri-^
gèrent tout naturellement de ce côté ; ils ne pouvaient
trouver un meilleur endroit pour y faire leurs 23remiers
défrichements. A quelques i)as de la ville naissante, dans
un site enchanteur, sur des hauteurs d'où l'oeil embrasse le
plus magnifique panorama que l'on puisse imaginer, ils al-
laient se tailler de magnifiques domaines.
;> (1636-1668)
' Grrâce au registre des actes de foi et hommage de 1667
et de 1668, nous pouvons identifier chacun de ces premiers
défricheurs, établir le lieu et l'étendue de leurs domaines ;
c'est en le compulsant que nous ferons l'histoire primitive
de la propriété foncière d'une partie du vieux Québec.
Le premier censitaire que nous trouvons en 1668, le
long du chemin Saint-Jean, en prenant pour i^oint de dé-
part la rue Claire-Fontaine actuelle, était Jean-Baptiste
Legardeur de Repentigny ; il possédait en cet endroit, avec
ses frères et ses soeurs, cent arpents de terre, l'étendue qui
va de la rue Claire-Fontaine à la rue Salaberry, et de la
cime du coteau Sainte-Geneviève à la Grande-Allée. Ce
terrain avait été concédé, le 29 juillet 1636, à son père
Pierre LeGardeur de Repentigny, de Saint-Sauveur de
Thury, en Normandie, débarqué à Québec, avec son frère
Charles le Gardeur de Tilly, au printemps de 1636.
Les héritiers de Repentigny se contentaient de culti-
ver la propriété qu'ils avaient reçue de leur père, sans l'ha-
biter (2). En 1668, Jean-Baptiste Legardeur de Repen-
tigny qui avait épousé, le 11 juillet 1656, Marguerite Nico-
let, fille de Jean Nicolet, demeurait avec sa mère, Marie
Favery, dans la rue Saint-Louis. La propriété voisine
qui s'étendait de la rue Salaberry à l'avenue Bougain ville
actuelle, appartenait aux religieuses Hospitalières de Que-
(2) Acte de foi et hommage du 14 janvier 1668.
— 99 —
bec. C'était la terre de Sainte-Marie, qui avait été concé-
dée à la duchesse d'Aiguillon par Monsieur de Montmagny,
trente ar^^ents, le 18 mars 1637, et trente arpents, le 26 jan-
vier 1640, sans autre obligation pour les religieuses que cel-
le de produire de vingt en vingt ans un aveu et dénombre-
ment (3).
Le terrain attenant à celui des religieuses de l'Hôtel-
Dieu, était le tief Saint-Josepli. Ce fief qui couvrait vme
superficie de soixante ari)ents, allait de l'avenue Bourla-
marque jusqu'à environ deux arpents à l'ouest de l'avenue
des Erables. Ce terrain qui était défriché en 1668, avait été
concédé aux Ursulines par Monsieur de Montmagny, le 14
octobre 1639, en "franc alleu et main morte, sans autre
"redevance que des dévotions dont elles s'acquittent tous
"les ans, en faveur du roi et à la charge d'aveu et dénom-
"brement de vingt en vingt ans" (4).
Le voisin des religieuses Ursulines, était Noël Pin-
guet, époux de Madeleine Dupont, soeur de Nicolas Dupont
sieur de Neuville (5) .
Noël Pinguet était fils de Henri Pinguet marchand à
Pouvray-au-Perche, arrondissement de Mortagne, qui était
arrivé à Québec dans l'été de 1634, avec sa femme Louise
Boucher, et ses trois enfants, Noël, Pierre et Françoi-
se (6). Le morceau de terre que Noël Pinguet avait en
cet endroit s'étendait du fleuve Saint-Laurent, jusqu'à une
ligne située à mi-distance entre la Grande- Allée et le che-
min Saint-Jean, sur un arpent et demi de front. Il avait
acquis ce terrain, de Pierre Normand dit Labrière, (Gref-
fe de Filïïon, 19 octobre 1666) lequel l'avait acheté de Ro-
maine Boutet, épouse de feu Jean le Normand (Greffe de
Duquet, 1er septembre 1666) à qui il avait été concédé par
Monsieur de Montmagny, le 14 novembre 1647. Au sud
de ce terrain, en allant jusqu'à la cime du coteau Sainte-
(3) Acte de foi et hommage du 4 janvier 1668.
(4) Acte de foi et hàmmage du 6 décembre 1667.
(5) Acte de foi et hommage du 14 janvier 1668.
(6) Canada, Perche et Normandie, revue historique par l'abbé A. P.
Gaulier. 3ième année p. 50.
— 100 —
■ Geneviève, Noël Pinguet avait une autre propriété de vingt
cii^q arpents en superficie, qu'il avait acquise du sieur
Louis Théandre Chartier de Lotbinière, (Greffe de Au-
douart, 23 août 1658) lequel l'avait eu en échange "de la
moitié de la terre et seigneurie de l'ile-aux-Oies", du
"Sieur Jean de Lauzon, vivant, chevalier, grand Sénéchal
de la Nouvelle-France" (7).
Les terres voisines appartenaient à Nicolas Marsolet,
sieur de Saint- Aignan ; elles allaient jusqu'à l'avenue
Murray actuelle, et de la cime du coteau Sainte-Genevièvre
vers la Grande- Allée, sur différentes profondeurs. C'é-
taient les Prairies à Marsolet. Le tout, excepté deux ar-
pents et demi, achetés de René Maheu, (Greffe de Martial
Piraube, 20 avril 1640) lui avait été concédé par M.
de Montmagny, en 1642, laquelle concession avait été rati-
fiée par la compagnie des Cent- Associés, le 29 mars
1649 (8).
Nicolas Marsolet, natif de Rouen, était venu à Québec
avec Champlain, en 1608 (9). Il était alors âgé de douze
ans ; il devint bientôt l'un des interprètes, les plus renom-
més du temps, et mena pendant plusieurs années une vie
assez aventureuse. Il épousa, en 1636, Marie le Barbier,
et s 'établit définitivement à Québec. Il avait une maison
et une grange, sur son terrain de la côte Sainte-Geneviè-
vre, mais' il est probable qu'il n'habitait pas en cet endroit,
cai,*, dans le recensement de 1667, et celui de 1668, il est
compté parmi les résidents de la Haute- Ville.
Noël Pinguet, voisin de Marsolet, du côté de l'est était
également son voisin à l'ouest. Il possédait en cet en-
droit le terrain compris entre l'avenue Murray et l'avenue
Lévis. Ces terres lui avaient été concédées en deux por-
tions ; vingt et un arpents au nord du chemin Saint-Jean
bornés par la "sapinière étant au-dessus du coteau" le 15
mai 1646, et quarante arj)ents, au sud du même chemin,
jusqu'à la Grande- Allée, le 29 mars 1649. — Ces derniers
(7) Acte de foi et hommage du 3 décembre 166 7.
(8) Acte de foi et hommage du 16 novembre 1667.
(9) C. Abbé Gaulier, ouvr. cité, 3ième année, p. 10.
— 101 —
quarante arpents étaient '' ' en plein labour à la charrue, et
"en prairie faite à la main". Il y avait sur cette terre
"une maison consistant en deux chambres, avec cave et
"grenier, une grange et un étable avec cours et jardin
"clos" (10) Noël Pinguet habitait cette maison ave<3 sa
famille, et son vieux père, alors âgé de quatre vingts ans.
Le voisin de Noël Pinguet était Jean Bourdon. Ce
Jean Bourdon, à la fois, ingénieur, arpenteur, explorateur,
fut un des hommes les plus remarquables de la Nouvelle-
France (11).
Natif de Rouen, il arriva à Québec dans l'été de 1634,
et alla s'établir immédiatement au coteau Sainte-Geneviè-
vre. Monsieur de Montmagny lui concéda en cet endroit,
cinquante arpents de terre, le 23 mai 1637. M
d'Argenson ajouta douze arpents à cette première conces-
sion, le 12 septembre 1659. Ces deux morceaux de terre
furent érigés en tief, sous le nom de Saint-Jean, par la
compagnie des Cent- Associés, le 19 mars 1661. Ce tief
de quatre arpents de front, était traversé en plein milieu,
2)ar la route actuelle du Belvédère, et s'étendait de la cime
du coteau Sainte-Genevièvre jusqu'au chemin de la Gran-
de-Allée. ' ' Toute laquelle quantité de terre est en nature
"de labour, les maisons consistant en un grand corps de lo-
"gis, et un petit corps de logis dans lequel est une chapelle,
deux granges et trois greniers (12). #
Toutes ces bâtisses étaient situées au nord du chemin
Saint-Jean, à peu près en face de la route du Belvédère.
Jean Bourdon âgé de 65 ans en 1667, demeurait sur sa
propriété avec son épouse Anne Gasnier, et ses deux fils
Jean François Bourdon, sieur de Dombourg, âgé de 19 ans,
et Jacques Bourdon, sieur d'Autray, âgé de 13 ans. Deux
de ses filles, Anne et Geneviève, étaient religieuses ursu-
lines ; une autre, Marguerite, religieuse hospitalière, fut
l'une des quatre fondatrices de l'Hopital-Général, enfin, la
(10) Acte de foi et hommage, du 3 décembre 1667.
(11) Cf. abbé Auguste Gosselin. Ouvr. cité.
(12) Acte de foi et hommage du 16 décembre 1667.
— 102 —
quatrième, également religieuse kosi3italière était décédée,
en 1660.
Noël Morin, charron, voisin de Jean Bourdon, dut ar-
river à Québec, dans l 'été de 1636 ; il venait de Saint-Ger-
main-du-Loisé, ville de Mortagne-au-Perche (13). Le 9
janvier 1640, il épousait à Québec Hélène Desportes, veuve
de Guillaume Hébert. Il possédait, sur le coteau Sainte-
Geneviève, quarante arpents de terre, (Nos. 31-32-32a et
63 du cadastre de la banlieue) qui lui avaient été concédés,
par M. de Montmagny, le 26 avril 1645. Il avait
''fait construire, sur cette propriété, trois corps de logis,
"dont deux avaient une chambre à feu chacun, cave et gre-
"nier, le troisième servant de boutique et grenier dessus,
''avec une grange, et deux arpents et demy clos de pieux
"servant de jardin et de court" (14). C'est en cet en-
droit que Noël Morin éleva sa famille.
A l'ouest de Noël Morin, était Louis Sedillot, origi-
naire de Montreuil, en Picardie, ses descendants prirent le
nom de Montreuil et à la longue ce surnom supplanta leur
véritable nom. Il était arrivé à Québec, dans l'été de
1637.
Sa terre, sur le coteau Sainte-Geneviève, qui compre-
nait les numéros 33, 34, 35, 60, 61 et 62, du cadastre de la
banlieue, lui avait été concédée le 8 mars 1645, "laquelle
"terre, dit l'acte de foi et hommage du 8 juillet 1668, est en
"valleur et nature de labour, y ayant sur icelle une maison
"en laquelle, il fait sa résidence, une grange et une étable".
La terre voisine qui forme aujourd'hui les propriétés
appartenant à l'Asile du Bon-Pasteur et en partie à M.
Victor Chateauvert (Nos. 36, 37, 54, 55, 56, 57 et 58,
du cadastre de la banlieue) appartenait alors (1668) à
M. Charles Aubert de la Chenaye, le négociant le
plus important de l'époque. Cette terre avait été achetée
de M. d'Ailleboust de Musseaux, neveu de monsieur
d'Ailleboust de Coulonge, gouverneur du pays de 1648 à
(13) Cf. Abbé Gaulier. ouvr. cité. Illième année, p. 64.
(14) Acte de foi et hommage, du 3 décenabre 1667.
— 103 —
1651, par Jean Madry, chirurgien, pour M. de La-
ehenaye, le 8 août 1659 (Greffe de Audouart). M.
d'Ailleboust de Musseaux, l'avait eu par achat de Robert
Caron, le 24 mai 1654 (Greffe de Durand). Elle avait
été concédée à Robert Caron, le 12 mai 1645, par M.
de Montmagny (15).
En laissant le coteau Sainte-Geneviève, Robert Caron
alla s'établir à Sainte- Anne de Beaupré ; nous n'avons pu
retracer son lieu d'origine en France ; nous croyons vrai-
semblablement, qu'il venait de la banlieue de Dieppe. Il
arriva à Québec au printemps de 1637. Le 25 octobre de
la même année, il épousait à Québec, Marie le Crevet, de
Saint-Léonard, diocèse de Seez„ en Normandie. Il décé-
da à l'Hotel-Dieu de Québec, le 8 juillet 1656 "après avoir
reçu heureusement et saintement tous les sacrements" dit
l 'acte de séi3ulture.
Jean Baptiste, l'ainé de ses fils, s'établit, au Chateau-
Richer; Robert, le second, resta sur le bien paternel, à
Sainte- Anne de Beaui)ré, le troisième, Joseph, alla prendre
une terre en 1672, dans la seigneurie de l'Islet Saint- Jean,
et le quatrième, Pierre, se fixa la même année, dans la sei-
gneurie de Vincelotte, au Cap Saint-Ignace. Chacun
d'eux, a laissé de nombreux descendants, parmi lesquels
plusieurs ont joué un rôle prépondérant dans le pays.
Les trois frères Jacques, Henri et Jean L 'Archevêque
avaient une lisière de terrain d 'un arpent et demi de front
à l'ouest du sieur Aubert de La Chesnaye. C'est juste-
ment sur leur terrain que se trouve aujourd'hui la crèche
de Saint-Vincent-de-Paul. Ils étaient fils de Claude
L'Archevêque, de Grugny, près de Clèves, dans le pays de
Caux, en Normandie (16) qui avait épousé à Québec, le 6
février 1645, Marie Simon. Jean, qui rendait foi et hom-
mage "le 8 juillet 1668, déclare qu'il ne peut "représenter"
le titre de la concession faite à son père, parce que ' ' sa
"mère l'avait emporté en France, où elle était décédée".
(15) Acte de foi et hommage du 15 décembre 1667.
(16) Cf. Abbé Gaulier, ouvr-cité. Ilième année, p. 30.
— 104 —
«
Les trois frères avaient sur cette terre, ''en nature de la-
"bour et en prairie à neuf ou dix arpents près, une grange
"et une estable, avec une maison manable où ils faisaient
"leur résidence".
La propriété de leur voisin Nicolas Bonhomme dit
Beaupré, s'étendait à un arpent à peu près à l'ouest de l'a-
venue Holland, l'ancienne route Stuart. Nicolas Bon-
homme, venait de Fecamps, pays de Caux, en Normandie.
Arrivé à Québec, dans l'été de 1637, il avait épousé le 2
septembre 1640, Catherine Gouget, originaire de Thury-
Harcourt, d'où venaient les Legardeur de Repentigny.
Il avait obtenu ce morceau de terre par concession de
la compagnie des Gent- Associés, le 29 mars 1649, ' ' en suite,
"dit l'acte de foi et hommage du 23 décembre 1667, de la
"distribution faite par M. de Montmagny, par dé-
"claration du 12 ^rnai 1646. La dite terre étant presque
"toute défrichée, et sur laquelle il a fait construire une
"maison, consistant en chambre, cave et grenier, une gran-
"ge et une estable". D'aj^rès les recensement de 1667
-et de 1668, Nicolas Bonhomme habitait en cet endroit avec
sa famille.
La terre suivante appartenait aux trois frères, Louis,
JHenri et Charles Delaunay. Cette terre qui avait quatre
vingt cinq (85) arpents de superficie embrassait toute l'es-
pace compris dans les numéros 40, 41, 48a et 49, du cadastre
de la banlieue.
Elle avait été concédée en 1645, à leur père Pierre De-
launa}^, par M. de Montmagny. Pierre Delaunay.
originaire de Fresnoy-le-Boesme, pays du Maine, était ar-
rivé à Québec, en 1635, et avait été tué par les Iroquois, le
28 novembre 1654. Leur mère Françoise Pinguet, fille de
Noël, avait épousé en secondes noces, le 8 février 1655, Vin-
cent Poirier, sieur de Bellepoire ; deux filles, Anne et Thé-
rèse étaient issues de ce second mariage. En 1668, les en-
fants de Pierre Delaunay, demeuraient chez leur beau-pè-
re, qui avait une maison voisine du palais de la Sénéchaus-
sée, sur la rue Saint-Louis. La terre du coteau Sainte
— 105 —
Geneviève, était affermée à Jean Jouineau. Les frères
Delaunay y avaient une "maison consistant en deux cham-
"bres à feu, de plein pied, cave et grenier, une grange de
"quarante pieds de long, une estable de vingt-cinq pieds, et
"trente arpents en valeur" (17).
Quarante arpents à l'ouest des Delaunay, s 'étendant
de la cime du coteau Sainte Geneviève à environ cinq ar-
pents de la Grande- Allée, avaient été réservés par M.
d'Ailleboust de Coulonge pour lui-même par acte du 19
janvier 1649 ; M. d'Ailleboust échangea ces quaran-
te arpents, le 23 mars 1652, (Greffe de Audouart) avec
Jean Gloria, j^our quarante autres arpents, situés au bout
du fief Saint-François, vers le sud. Jean Gloria exerçait
la profession de notaire, et était en même temps commis
général des magasins du roi. Natif de Saint-Eémi de
Dieppe, il était arrivé à Québec en 1640, et avait épousé à
Québec, le 9 janvier 1652, Marie Bourdon, nièce de Jean
Bourdon. Il décéda en 1665. Dans l'acte de foi et hom-
mage du 18 décembre 1667, rendu par Jean Bourdon, com-
me procureur de Marie Bourdon, alors en France, il est
dit que les quarante arpents de terre, étaient en "nature de
"labour, y ayant sur iceux une maison, une grange et une
"estable''.
Les enfants de feu Jean Gloria, demeuraient chez Jean
Bourdon au fief Saint- Jean (recensement de 1667) et l'an-
cienne terre de leur père était affermée à Pasquier Mery,
célibataire, âgé de trente ans.
La terre voisine de celle de Jean Gloria appartenait à
Messire Jean LeSueur, le premier prêtre séculier venu au
Canada. Curé de Saint-Sauveur de Thury, en Norman-
die, il avait quitté sa paroisse, pour suivre ses compatrio-
tes des diocèses de Seez et de Rouen, qui venaient s'établir
sur les rives du Saint-Laurent.
Il avait fait la traversée de l'océan, dans l'été de 1634,
sur le même vaisseau que Jean Bourdon, avec qui il resta
intimement lié, i^endant le reste de sa vie ; le nom de sa pa-
(17) Acte de foi et hommage, du 14 décembre 1667.
— 106 —
rdisse en France, est resté attaché à une des plus belles pa-
roisses de Québec. Le morceau de terre qui lui avait été con-
cédé i^ar M. de Montmagny, le 31 octobre 1646, fait par-
tie aujourd'hui de la propriété des Soeurs de la Congréga-
tion (Couvent de Notre-Dame-de-Bellevue) Par son tes-
tament en date du 3 mai 1654 (Greffe de Durand) l'abbé de
Saint- Sauveur, légua ce terrain à son fidèle ami Jean Bour-
don, chez qui il demeurait habituellement, étant précepteur
de ses enfants et remplissant en même tem^^s, l'office d'au-
mônier, dans la chapelle que ce dernier avait fait ériger
dans sa maison, au fief Saint- Jean. L'abbé de Saint-
Sauveur décéda à l'Hotel-Dieu de Québec, le 29 novembre
1668, "ayant servi avec assiduité et bon exemple plus de
"trente ans" dit l'annaliste de la communauté. "C'est
"lui, dit l'abbé Auguste Gosselin, qui ouvre (18) la liste
"de ce magnifique clergé séculier qui depuis deux siècles
"et demi régit avec tant de sagesse le peujDle canadien. Sa
"figure douce et sympathique semble nous sourire, au por-
" tique de notre histoire, avec tout le charme que donnent
"au vrai mérite la modestie et l'humilité".
Entre le terrain de l'abbé de Saint-Sauveur et la sei-
gneurie de Sillery, où se termine la banlieue, il y avait un
terrain de 75 arpents en superficie qui avait été concédé à
Jean Bourdon, le 10 mars 1646, et qui avait été érigé en
fief noble, le 25 avril 1655, par M. de Lauzon, C'é-
tait le fief Saint-François, qui com|5renait en outre la pro-
priété laissée en héritage par monsieur de Saint- Sauveur,
à Jean Bourdon, et "tout ce qui se rencontrait en arrière
de la concession du sieur Gloria, jusqu'à la rivière Saint-
Charles" (19).
Il était dit dans l'acte d'érection que c'était à la requê-
te de Jean Bourdon que M. de Lauzon, avait bien
voulu ériger en fief noble les terres de Saint-François,
parce que celui-ci lui "avait remontré qu'il s'efforcerait
"d'y construire un fort ou une redoute à ses frais, capable
"de soutenir l'effort que les Iroquois iDourraient faire, et
(18) Ouvr. cité p. 27.
(19) Acte de foi et hommage du 16 décembre 1667.
— 107 —
'^qui servirait de retraite à ses voisins en **.cas qu'ils fus-
' ' sent attaqués par les ennemis ' '.
Aucun document de l'époque ne nous indique que Jean
Bourdon fit construire le fort en question, mais il est pro-
bable qu'il remplit sa promesse, car il ne tarda pas à se for-
mer au fief Saint-François, un petit village, où s'étaient
réunis im certain nombre (V habitant s dont un aveu et dé-
nombrement du sieur François Bourdon de Dombourg,
nous a conservé les noms. (3 no vendre 1668) (20).
Ces premiers censitaires du fief Saint-François
étaient : Gervais Buisson, originaire de Saint-Cosme-le-
Vert, dans le Maine. , Il avait dû venir en la Nouvelle-
France, vers 1650, avec sa femme Marie Lebeau, et ses trois
enfants, Mathurine, Gervais et Antoine. Trois autres en-
fants naquirent au pays : Simon, Marie et Jean François,
qui fut ordonné prêtre en 1683, et devint chanoine de la ca-
thédrale.
Jacques Gaudry dit la Bourbonnière, originaire de
Feings, évêque de Seez, au Perche, avait du arriver à Qué-
bec, vers 1650, avec son frère Nicolas. En 1668, il était
encore célibataire, et }X)ssédait un demi arpent de terre
dans le fief Saint-François.
Pierre Duval, arrivé à Québec, vers 1655, avec sa
femme Jeanne Labarde, et ses enfants. En 1668, ces der-
niers avaient tous quitté la maison, et Pierre Duval demeu-
rait seul avec sa femme, âgés tous deux de 66 ans. Jean
Jobin demeurait également seul avec sa fenune, Marie Gé-
rard ; il était originaire de la paroisse de Saint-Germain
l'Auxerrois, à Paris.
Antoine Rouillard dit Larivière, de Saint-Cosme-le-
Vert, pays du Maine, était décède au mois d 'avril 1666, Sa
femme, Marie Gérard, épousa l'année suivante, Mathurin
Moreau, domestique chez Pierre Maufay, en 1666. Pierre
Maufay originaire comme Gervais Buisson et Antoine
Rouillard de Saint-Cosme-le-vert, avait épousé à Québec,
lé 31 mai 1654, Marie Duval, fille de Pierre et de Jeanne
Labarde. Jean Chesnier, charpentier, venait de Selle-en-
(20) Cahier d'intendance. Concessions en fief. Vol. I. fol. 247 et suivant.
— 108 —
Saintonge ; il avait éi:)0usé à Québec, le 23 octobre 1651,
Jacqueline Sedillot, fille de Louis et de Marie Grimault.
Jacqueline étant décédée en 1667, l'année suivante Jean
Cliesnier épousa Marie Greslau ; il avait eu huit enfants
de son premier mariage ; il alla plus tard s'établir avec sa
famille à la Pointe-aux-Trembles de Québec.
Tous ces colons le dernier excepté, étaient en réalité
des habitants de Sainte-Foy. (21) C'était ]30ur se mettre
à l'abri des incursioiîs des Iroquois qu'ils étaient venus se
fixer temporairement au fief Saint-François, où ils for-
maient une population de vingt sept âmes. Leurs terres
se trouvaient le long de la côte Saint-Michel, le chemin
actuel de Sainte-Foy. Ce chemin n'était pas encore ouvert
,iusqu'à la ville. Les résidents du fief Saint-François se
rendaient à Québec, i^ar une route appelée Sainte-Greneviè-
ve, qui allait rejoindre le chemin actuel de Gomin.
Quant à ceux qui résidaient en deçà du fief Saint-
François, ils traversaient au chemin Saint-Louis, par une
route que Jean Bourdon avait fait ouvrir en face de sa ré-
sidence, et qui porta pendant longtemps le nom de son au-
teur. Cette route se trouvait presque dans la ligne ac-
tuelle du Belvédère.
A la requête des habitants de la côte Saint-Michel et du
chemin Saint-Jean, le Conseil Souverain ordonna par un
décret du 20 juin 1667, d'ouvrir ce ,chemin jusqu'à la ville.
Le tracé indiqué dans le décret, passait, à partir du ruis-
seau Saint-François (ruisseau Prévost actuel) derrière la
maison de la veuve Gloria, par devant la maison de Jean
Bourdon, de là il traversait les terres des religieuses Hos-
pitalières près d'une fontaine, (ancienne fontaine Man-
seau) puis les terres du sieur de Repentigny. De là il
passait dans la cour de la maison d'Abraham Martin, pour
rejoindre la rue Sainte- Anne entre l'enclos des Jésuites et
celui des Ursulines. C 'était à peu près le tracé du chemin
Sainte-Foy actuel, et celui de la rue Saint-Jean.
L'abbé IVANHOE CARON
(La suite dans la prochaine livraison)
(21) Cf. Notre-Dame de Sainte-Foy, par l'abbé H. A. Scott, 1902. — J.
A. K. Laflamnie, Iiriprimeur, Québec, p. 431-458.
— 109
INVENTAIRE DES BIENS DE JULIEN
TAVERNIER, ANCETRE DE
LA MERE GAMELIN
La veuve de J. B. Gameliii, fondatrice de la commuuauté des Soeurs
de la Charité de la Providence, s'appelait Marie-Emélie-Eugénie Taver-
nier. Elle était petite fille du colon Julien Tavernier dit Sans Pitié
qui épousa Marie-Anne Girouard, à Montréal, en 1T49. Tavernier était
.soldat de la comi)agnie de M. de la Corne, lors de son mariage. Par la
suite, il devint négociant, mais ne cessa pas de guerroyer, comme nous l'ap-
prend l'inventaire de ses biens dressé quelques mois après son décès, surve-
nu dans les environs du lac Champlain, au mois de juillet 1756. Ce do-
cument est intéressant h ])lusieurs jwints de vue, ainsi qu'on en ])ourra ju-
ger.
L'an mil sept cent cinquante-six le onze de novembre avant midi à la
re(|uête de dame Marie-anne Girouard veuve de Julien Tavernier dit Sans-
pitié vivant négociant demeurante en une maison sise au faubourg Ste
Marie tant en son nom a cause de la communauté de biens qui a été en-
tre ledit déftnt son, mari et elle, que comme tutrice de Julien Isidore âgé
de six ans, Marie ainie âgée de quatre ans et Antoine âgé de deux ans. —
Le tout ou environ enfaus mineurs dudit défunt son mariet d'elle, Sauf
a elle a accepter, si elle le juge a])ropos par conseil ou renoncer aladite
communauté D'entre-elle et le dit défunt ; et la présence du Sr. Gabriel
dumont dit Poitevin subrogé tuteur des dits mineurs lesdits tutrice et ^ju-
brogé tuteur élus esdites charges par l'acte de tutele fait par devant mon-
sieur le lieutenant Général de la Jurisdiction Royale de Montréal, reçu par
le Sr. Danré de Blanzy Greffier Le cimpiième de novembre mil sept cent
cinquante six. Les dits mineurs habiles asedire et porter hétitiers dudit
défunt Leur père. A la conservation des biens et droits desdites ])arties
csdits noms et de. tous autres qu'il appartiendra par les notaires lioyaux
de la ville et Jurisdiction Royale dudit Montréal Soussignés va être fait
bon et fidel inventaire et description de tous les biens meubles, ustensils
de ménage, habits linges, bardes, titres, pai)iers enseignemens et autres
choses demeurées après Ledéceds dudit Julien tavernier arrivé clans le
mois de juillet dernier présente année dans le lac champlain où il était
— 110 —
en guerre pour le service du lioy trouvés eu la maison où Ladite veufve
est demeurant audit faubourg, montrés et eiiiieigiiés auxdits notaires de
montrer et enseigner tous I^es dits biens, sans en cacher ny détourner au
cune chose, se soumettant où il se trouverait Le contraire aux peines en
tel cas introduites qui luy ont été données sentendre par les dits notaires.
I ceux biens prisés et estimés aleur juste valeur et lacruë y comprise de
convention expresse entre Jjesdites parties par les Srs Charles Poirier Me
serger Demeurant a la côte ste Marie et Jean Baptiste Deverrat dit Pari-
sien Me tapissier demeurant audit faubourg, arbitres nommés par les di-
tes ])arties qui ont prisé et estimé toutes choses enleur conscience, eu
égard aucours dutems présent ainsi cju'il suit, après qu'ils ont prêté ser-
ment aux dits notaires qu'ils ])riseraient et estimeraient toutes choses en
leur conscience, P]tont Lesdites })arties et notaires signé à lexception du
dit sr poirier l'un Desdits arbitres qui adéclaré ne scavoir écrire ny signer,
dece enquis a])res Lecture faite suiv. l'ordce.
mari anne giro^iard V. tavernier Gabriel dumont Deverat
fr. Simon net (avec ])araplie ) (I. hodiesne Noere Koyal
Not. Eoyal
Premièrement Dans la cuisine s'est trouvé un crochet servant de crémail-
lère prise et estimé ])ar lesdits arbitres alasomme de trente sfls cy 1. 10s
Item Deux petites marmites de fer garnies deleurs couvercles estimées
ensemble six Livres cy . . . . 6.
Item une petite marmite garnie de son couvercle estimée vingt sols cy 1.
Item une ])oele, une cuillère a pot et un petit trépied Le tout vieux estimé
ensemble deux livres cy 2.
Item u]ie tourtière de cuivre garnie de son couvercle de taule estimée
huit livres cy • . . . . 8.
Item deux fers a flasquer estimés ensembles trois livres cy 3.
Item une vieille passoire de cuivre rouge et un gril estimés ensemble
quatre livres dix sols cy 4.10
Item une petite lampe de fer et deux flambeaux de cuivre estimés ensem-
ble trois livres cy 3.
Item une pesle afeu defer estimées deux Livres cy 2.
Item Deux marmites de cuivre garnies de leur couvercles et une petite
chaudière de cuivre Jaune lesd. marmites de cuivre rouge ensemble
vingt quatre livres cy 24.
— 111 —
Item uu poêlon de cuivre jaune, un entonnoir et un couloir de ferblanc
Letout vieux estimé ensemble trente sols cy ' 1.10
Item quatre haches et une pioche fort vieilles estimées ensemble Dix Li-
vres c y 10.
Item deux vieux seaux ferrés estimés ensemble six livres cy 6
Item Dans la Sale d'entrée s'est trouvé un petit poêle de fer des trois
rivières garni de son trépied et dun tuyau composé de huit feuilles
detaule estimé ensemble cent vingt livres y compris Lapierre cy 120.
Item une i)etite table debois depin eu j)liant et un marteau abattre des
faulx estimés ensemble trois livres cy '■'>.
Item quatre tergettes pour rideaux de fenêtres estimées ensemble trois
livres cy 3.
Item dans la chambre s'est trouvé un miroir de toilette estimé Deux li-
vres cy 2.
Item sept gobelets et deux salières de verre L'une desquelles est écornée,
trois soucoupes l'une desquelles est cassée et deux boêtes de bois asa-
vonnettes Letout estimé ensemble six livres cy 6.
Item quatre rideaux de toile detraite pour fpnctrps estimés ensemble avec
celuy de la porte vitré vingt Livres cy iO.
Item un chapeau demi castor dudit défunt estimé six livres G.
'Item une ecuelle d'étain garnie de son couvercle estimée deux Livres cy 2.
Item une table de bois de pin a pieds de merisier tournés estimée Dix huit
Livres avec sontapis de flanelle anglaise cy 18.
Ensuivent Le.s'hardes et linges alusage dudit défunt, asavoir
Les hardes consistantes en mi capot de cadis boutonné deux vestes
et deux culottes Letout fort usé et de peu de valeur ont été laissées ducon-
sentement dudit subrogé tuteur pour l'usage Des enfans.
Item huit chemises de toile de beaufort demi usées estimées ensemble
vingt Livres cy '^0.
Itemtroischemises Damonition et une chemise fine non garnie Le tout
vieux estimées ensemble sept Livres cy • • • 7.
Item Les linges de la dite communauté ; asavoir quatre j)aire de drap de
grosses toile usés estimés quatre Livres La paire cy 18.
Item trois paires de drap de commun vieux petits estimés trois Livres
Lapaire cy '.t.
Item une douzaine deservietles tleloile de beaulurt et herbée estimée
Dou;ie Livres cy 12.
Item dix napes de toile de beaufort, herbée et grosse toile estimées ensem-
— 112 —
blés quinze Livres cy 15.
Item dans un cabinet acôté de ladite chambre s'est trouvé un coffre debois
de})in garni desa ferrure et clef estimé six livres cy 6.
Item un lit composé d'une paillasse deux lit de plume son traversin une
vieille couverte de laine bleue et une courte pointe Letout fort vieux
estimé ensemble trente cinq Livres cy. 35.
Item un vieux petit lit composé d'une ])aillasse, plumes de tourtes en du
commun deux couvertes blanches usées Letout estimé ensemble douze
livres cy 12.
Item une paillasse de soldats estimée trente sols cy 1.10.
Somme totale des effets mobiliers cy 386.0.
Ensuivant les debtes actives. Ladite veufve a déclaré qu'il est dû ala
dite communauté par Jean Baptiste Bonenfant Journalier demeurant
a St leonard Lasomme de six Livres cy 6.
Les Debtes passives. Ladite veufve a déclaré ([u'il est dû par Ladite
commujiauté auSr. Dufresne aubergiste Demeurant audit faubourg
lasomme de quinze livres cy 15
Un contrat de vente par feu Me Jean Baptiste Jenvrin Dufresne et
dem. son épouse a Pierre hostin dit marineau et sa femme Dun emplace-
ment dequatrevingt dixpieds 'defront sur cent quatre-vingt pieds de pro-
fondeur sis au quartier de Ste-Marie passé pardevant feu Me. Eaimbault
Le dix-se})tieme d'avril mil sept cens trente deux, au bas duquel est une
quittance parledit Sr. Jenvrin dufresne des épingles endate du deux no-
vembre mil sept cent trente deux, et plus bas est encore une quittance de
cent livres donnée par ledit Sr Dufresne a Jean Baptiste aubertin en date
du dissepte avril mil sept cens trente six signé Jenvrin dufresne, Et plus
bas est encore une quittance de la somme de deux cens Livres reçue parled.
Sr. dufresne Dudit marineau a compte delà somme principale passé par-
devant feu Me porlier notre. Royal Le vingt sixe. août mil sept cens qua-
rante trois et ])lus bas est la collation faite desdits actes par Me caron
notaire Royal en lisle Jésus endate du douzième janvier mil sept cens
cinquaiite un. Et plus bas est une quittance par le Sr. Lanorest a La
dite dame veufve De la somme de cens Livres en déduction de ce qui est
dû pour L'emplacement de la maison où elle demeure en date du huîte
juin mi] sept cens cinquante trois signé Joseph Dufaux et neveu la norest.
inventorié et cotté Un
— 113 —
Item un contrat de vente i)ar Pierre austain dit marineau^a antoine.
Duroseau d'un emplacement de quarante cinq pieds de front, sur un ar-
pent de profondeur sis au faubourg St. Martin passé par devant me Si-
monet et son confrère nôtres. Royaux Le troisième janvier mil sej)t cens
quarante cinq inventorié et cotté Deux
Item Le contrat De mariage dudit Défunt Julien taveinier dit Sans-
pitié et Demoiselle Marie aune Girouard passé par devant hodiesne L'un
des notaires soussignés endate du quinzième may mil sept cens quarante
neuf, inventorié et cotté Trois
Item un contrat de vente par antoine durouzeau Et sa femme a Sr.
Julien tavernier dit Sanspitié dun emplacement de quarante cinq pieds
de front su* un arpent de profondeur, sis audit faubourg St Martin passé
{)ardevant Me. Simonet etson confrère nôtres Royaux endate du vingt
deuxe. décembre mil sept cens (juarante neuf aubas duquel est une quit-
tance de la somme de cent vingt huit Livres quatorze sois' par Durpu-
seau et sa femme au Sr Girouard endate du premier de février de lan mil
sept cens cinquante, inventorié et cotté cy Quatre
Item un billet du Sr. Lmond sergent audit défunt delà sonnue de
trente deux livres dix sols sous seing privé en date du dix septe may der-
nier de la présente année inventorié et cotté Cinq
Item un état dece que Le Sr. Antoine Girouard a fourni cy devant
aladite veufve Sa fille en avancement de ses droits et dont elle doit tenir
compte ases frères et soetirs, en dat«r du huite. novembre mil se])t cens
cinquante six signé Girouard duterray avec paraphe inventorié et cotté Six
Et a l'instant remis audit Sr. Girouard, ensemble deux billets d'avan-
cement de marchandises faits aladite veufve par Srs. antoine et henry Gi-
rouard ses frères, et parle dit Sr Girouard père, Lesdits deux billets mon-
tans ensemble ala somme de trois mils livres endate des seize et vinsrt
deuxe, septembre dernier signes deladite veufve, inventoriés et cottes Sept
et huit et remis pareillement audit Sr Girouard diceux présentant audit
présent inventaire pour être inventoriés.
Ensuivant les inmieubles de ladite communauté consistent ainsi que
l'a déclaré Ladite veufve en un emj)lacement sis audit faubourg delà con-
tenance de quarante cinq pieds déterre de front sur un arpent de profon-
deur, tenant d'un bout par devant au chemin du Roy qui règne lelong
dudit faubourg dautre bout aux representans feu Sr. Jenvrin dufresne,
— 114 —
id'un côté auxdits representans Sr Dul'resne, et dautre côté aux représen-
tai! s feu Edme nioreau sur Lequel est construite une maison de pierre et
maçonnerie de trente pieds en quarré ayant deux cheminées Et une cou-
verture de bardeau, planchers haut et bas cloisons portes châssis et con-
trevents garnis de leurs ferures et verres et un four de pierre, et une éta-
ble de pieux debout en terre cannelés entourée de bois, couverte de plan-
ches denviron quinze pieds sur dix Le dit emplacement entouré de pieux
debout Lesdites clôtures mitoyennes avec ses voisins, dont Ladite veufve
adéclaré tpie Les dits bâtimens d'iceux fournis aux frais et dépens des
])ere et mère Delà dite veufve. Et ont lesdites parties et notaires signé
à l'exception dudit Sr poirier qui adeclare ne savoir écrire ny signer de-
eeenquis
I mari anne girouard V. tavernier Gabriel dumont tleverat
.»: P. Girouard G. hodiesne not. Eoyal
fr. Simonnet Noere Eoyal
Ce fait et après qu'il ne sest plus rien trouvé a inventorier tout Le
contenu aupres'ent inventaire acte du consentement dudit subrogé tuteur
laissé en la possession deladite veufve qui s'en est volontairement chargée
pour Letout représenter quand et qui et ainsi qu'il appartiendra se reser-
vant toutesfois, s'il revient quelque chose a sa connaissance d'en faire la
déclaration pour être ecri par addition aubas du présent inventaire, fait
et passé audit faubourg maison susdite Les jour et an et en présence que
dessus. Et ont Les dites parties et notaires signé alexception dudit Poi-
rier L'un desdits arbitres qui a déclaré ne savoir écrire ny signé dece
enquis après Lecture faite suiv. L'ordce.
Mari Anne girouard V tavernier Gabriel dumont deverat
fr. Simonnet Noere Eoyal G. hodiesne Not Eoyal
Aujourd'huy pardevant Les notaires à Montréal residens soussignés
est comparue Dame Marie anne Girouard veufve dudit Julien Tavernier
dit Sanspitié nommée en l'inventaire cy devant Laquelle par ces présen-
tes a renoncé ala communauté debiens qui a été entreelle et ledit défunt sr
son époux, pour luy être plus onéreuse que profitable, Jurant et affirmant
en avoir pris ny appréhendée aucuns biens de la dite communauté, et ne
s'être en façon quelconque immiscée enicelles, surles biens delaquelle, et
autres biens dudit défunt, s'il s'en trouve Ladite veufve et entend prendre
et avoir ses conventions matrimoniales et tout ce qui luy aete accordé par
— 115 —
son contrat de mariage fait avec Ledit défunt, a quoi elle s'est tenue et
setient par ces présentes, dont et detout ceque dessus la dite comparante
arequis et demandé acte aux dits notaires qui luy ont octroyé le présent
pour leur valoir et servir ce que de raison, fait et passé audit montréal en
l'étude d'hodiesne Lun desdits notaires Lan mil sept cens cinquante six
le dixe. jour de décembre avant midi. Et ont. Ladite comparante et no-
taires signé après lecture faite suiv, Lordcé.
Mari anne girouard V tavernie fr Simonnet (i. hodiesne
noe re Koyal Not. lloyal
E.-Z. MASSICOTTE
HONORE-LOUIS DE CLERICY
Capitaine au régiment de Languedoc. (25 juillet 1758).
A la fin de la campagne de 1759, le chevalier de Lévis demandait pour M.
de Cléricy la croix de Saint-Louis dans les termes suivants :
"A commencé à servir en qualité de volontaire aux grenadiers dans le ré-
giment d'Aunis en 1742, a été blessé en cette qualité en 1746 au siège de Mons
et a été fait lieutenant la même année, blessé en 1747 à l'attaque des retran-
chements de l'Assiette" (Lettros du cheviilier de Lévis, p. 418).
Au mois de édcembre 1760, le chevalier de Lévis demandait de nouveau
la croix de Saint-Louis pour M. de Cléricy. Il écrivait :
"Sert depuii« 1742, volontaire aux grenadiers dans Aunis, officier en 1746;
reçu plusieurs blessures depuis qu'il sert". (Lettres du chevalier de Lévis
p. 446).
R.
MARCHAND DES LIGNERIES
Voici un nom qui parait orthographié de maintes façons dans nos livres
d'histoire. Tanguay, tout, le premier, l'emploie avec un article et une parti-
cule au singulier. Il dit Constant LeMarchand de Lignery. La famille en
France signait Marcliand des Llfïiieries. C'était de la petite noblesse de
Tours, de la paroisse de Charantilly. MM. Marchand étaient sieuers des Li-
gneries, de Lardillière, d'Ecoman, etc. L'anoblissement datait de 1510, ac-
cordé par Louis XII à Mathieu Marchand, notaire et secrétaire du roi, tri-
saiëul de Joseph, père de Constant. Ce dernier a dû naître vers 1664-5, car
son père ,n'était plus à la fin de 1666. .Joseph Marchand était l'aîné de sa
maison. Il avait épousé Marguerite du Sillas, d'une famille noble de Tours.
REGIS ROY
LE CAPITAINE CLAUDE DORVILLIERS
Un Claude Dorvilliers, capitaine, était à Montréal en 1689. Il n'y a pas
de doute que ce Claude Dorvilliers était le fils de Rémy de Guillouet Dorvil-
liers dont il a été question dans le BiUletin des Recherches- Historiques, vol.
XXVII, p. 33.
REGIS ROY
— 116 —
L'ORIGINE DU NOM VAILLANCOURT
Autrefois, dans l'île de Sénard, sur l'Authie, petit fleuve côtier de
France, près (PAu.\y-le-(.'hâteau, au pays de Ponthieu, dans la i)artie bas-
se de la Picardie, aux confins de la Normandie, vivait une communauté
de pieuses jeunes filles. Xouchés de la vie édifiante qu'elles menaient,
de hauts et })uissants seigneurs, tels que Nicolas de Villeroye, 'abbé de
Saint-Riquier, Henri de Caumont, Gérard d'Abbeville et Alard de Thum,
les comblèrent de dons et de faveurs. (luillaume d'Alençon-Montgom-
niery, comte de Ponthieu, leur confirma ces libéralités, par lettres paten-
tes datées de l'an 11ÎJ9. C'est à ce moment même qu'elles se soumirent
à l'observance de la règle de Citeau.x. Vers 1320 nous retrouvons ce^
moniales en train d'édifier une abbaye, sur un terrain que leur avait con-
cédé Guillaume d'Abbeville dans son fief de Thum. Cet endroit portait
le nom de Willencourt (Willeneurtis), car c'est là que se tenait habituel-
lement la cour de Guillaume de Ponthieu (Willelmicurtis). "Ad locum
dictum Willencourt qu/isi curtis Wilïelmi de Pontivo". Cependant, en
1662, les guerres les y obligeant, ces religieuses transportèrent le siège de
leur abbaye à Abbeville, la capitale du Ponthieu. Dans la liste deS"al)-
besses nous voyons figurer le nom de Claudia de -Blotefière, (1625) fille
de .Jean de Blotefière seigneur de Willencourt. Sa nièce Angélique de
Blotefière de Willencourt lui succéda en 1640. Ces faits nous sont ré-
vélés par le tome X (pages 1344-5) de la G allia, Christiana, cette mer-
veilleuse histoire des abbayes de France, reconstituée en 1751 par les Bé-
nédictins de Saint-Maur, par la mise en oeuvre des anciens cartulaires.
Sur la carte géographique au commencement du volume en question, le
nom de l'endroit (jui nous intéresse, est écrit Villencourt. On pourra
facilement se rendre compte que les anciens, dans un cas semblable, em-
})loyaient indifféremment le V ou le W^, la prononciation étant d'ailleurs
identique.
Le Grand Dictionnaire Gêograplnqiœ et Critique de Bruzen de la
Martinière, (La Haye, Amsterdam, Eotterdam, 1739) nous donne la
désignation suivante : "Villencourt ou Willancourt ou Boulancourt, ab-
baye de France dans la Picardie, au pays de Ponthieu, sur la rivière d'Au-
thie, près d'Auzy ou d'Auxi-le-Château. C'est une abbaye de filles de
l'Ordre de Citeaux. Elle a été transférée dans la ville d'Abbeville".
\M)sgien, chanoine de Vaucouleurs, dans sa trad.uction du dictionnaire
— 117 —
anglais de géographie par Eschard, (Paris, 1784) écrit ; "Villancourt,
réunie à Espagne, abbaye de Bernardines, à Abbeville, diocèse d'Amiens,
vaut 8000 livres". Nous portons plus loin nos recherches pour savoir
quelles armes portaient les seigneurs de Villencourt. Ulndica Àrmo-
nial de Louan Géliot, augmenté et revu par Pierre Palliot, (Paris, 1660),
répond à notre enquê^p : "De Blotefière, de ce nom des seigneurs de Ru-
metz, de Longuet de Villancourt, porte d'or à trois chevrons de sable,
escartelé d'argent à la bande lozangée de sable". (lère partie, page
294). La présence des pièces honorables, telles que la chevron et la
l)ande, indique l'ancienneté de ce blason.
En 1812 Napoléon I créa baron militaire un nommé Asseliu qui
ajouta à son nom de Willencourt ; mais cela n'est qu'une addition, nous
fait remarquer de Mailhol dans son dictionnaire héraldique, (Paris 1896).
A dix ou quinze lieues de Willencourt, (\m est aujourd'hui une petite
commune de France dans le Pas-de-Calais,, fut l)aptisé le 3 octobre 1644, à
Saint-Nicolas d'Aliermont en Normandie, Robert Villancourt, fils de Ro-
bert Villancourt et de Jacqueline Papin. En 1636 et 1638, ce nom est
orthographié Villencourt dans ce même registre. C'est ce Robert-Vil-
lancourt, le seul du nom venu en Canada, qui, le 30 septembre 1668, pas-
sa son contrat de niAriage avec Marie Gabrielle, fille de Jean Gobeil et de
Jeanne Guiet, pardevant maître Claude Auber, au Château-Richer, en la
côte et seigneurie de Beaupré. Sur le registre des mariages de. cet en-
droit, le nom est écrit Villancourt, Ije 6 février 1673, moiiseigneur de
Laval (Greffe Paul Vachon), lui fait une concession de terre à la Sain-
te-Famille de l'Ile d'Orléans. Agé de 55 ans, Robert Vaillancourt ren-
dit l'âme le 8 juin 1699. 11 avait eu de son mariage quatorze enfants,
sept garçons et sept filles.
Dans un acte de Coron passé à Lacheuaye le 13 juin 1746, il est ques-
tion de Joseph Veillencour père et fils, fils et petit fils de Robert. Depuis
cette date, le nom est toujours écrit Vaillancourt, du moins pour la région
de Montréal.
Villencourt, Veillancourt, Vaillancourt. En passant du premier au
second puis de là au troisième, il est évident que la transmission phonéti-
que est presqu'ensensible.
Il nous a été impossible pour le moment, d'établir un lien, vraisem-
blable peut-être, entre la famille des de Blotefière de Villencourt et celle de
— 118 —
Robert Villemourt. D'autres recherches nous ])ermettroiit d'établir cet-
te parenté s'il y a lieu.
Il s'agissait pour le moment de démontrer d'une manière positive,
l'ancienneté de l'origine du nom Vaillancourt, laquelle remonte à sept
cents an^, au moyen âge, du temps de la troisième croisade, pendant le rè-
gne de Philippe-Auguste roi de France et avant saii^ Louis.
EMILE VAILLANCOUET
MEDECINS ET CHIRURGIENS
^SOUS LE REGIME FRANÇAIS
Je trouve, dans mes notes, deux extraits qui peuvent intéresser quelques
chercheurs ; ils proviennent tous deux de l'ouvrage des abbés Têtu et Gagnon,
Mandements des évêques de Québec, volume premier.
Le premier de ces extraits a été cueilli dans l'ordonnance de Mgr le car-
dinal de Grimaldy, archevêque d'Aix, laquelle ordonnance fut reçue et auto-
risée pour le diocèse de Québec dans le synode de Ville-Marie, le 10 mars 1694.
"Les Chirurgiens et Barbiers qui font poil et la barbe les dimanches et
fêtes de commandement ne doivent pas être absous, s'ils ne promettent de ne
le plus faire sans permission et jamais pendant le Service Divin ; comme aus-
si toutes els personnes qui par habitude et sous juste nécessité travaillent et
vaquent à des oeuvres serviles les Dimanches et les Fêtes commandés par
l'Eglise". (page 324).
Le escond extrait est l'article XXI des Statuts publiés dans le quatrième
synode tenu à Québec, le 8 octobre 1700 :
"Nous ne saurions approuver que les Curés et Missionnaires fassent les
fonctions de Médecin et Chirurgien". (page 390).
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTIONS
Peut-on me donner l'origine du nom Mingan ? On a écrit que c'était là
un nom sauvage. Le nom Mingan n'aurait-il pas plutôt été emprunté à la
carte géographique de France ?
A. B.
Celui qui voudrait consulter le Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay
et qui pousserait ses investigations avec l'attention nécessaire dans ces sortes
d'études, y trouverait des surprises à plus d'une page. Voici un cas pris au
hasard qui ne manque pas d'intérêt : —
14 janvier 1675. — Catherine Vieillot conçoit de son mari Jacques Dubois.
17 mars 1675. — Jacques Dubois est inhumé à Sainte-Famille.
19 mai 1675. — Catherine Vieillot épouse Pierre Ganet, à Sainte-Famille.
14 octobre 1675. — Catherine Vieillot accouche de Jacques Dubois un en-
fant Posthume.
Tout cela en une année ! . . . .
GERARD MALCHELOSSE.
— 119 —
LES HABITANTS DE LA VILLE DE
QUEBEC EN 1769-1770
(Suite et fin)
Labady, Jean Sous-le-Fort
Labady, Louis St-Georges
Labady, Pierre St-Pierre
Labatte Xotre-Dame
Labatte dit Lafleur St-Pierre
Laçasse, Marie -Dallaire Ste-Faniille
Lacroix, Veuve Notre-Dame
Lacroix, Veuve Claude St-François
Lafeuillade, Charles Sault-au-Matelot
Laforce, Hypolite Sault-au-Matelot
Laforce, Papin Du Fort
Lafrance et Gareau St-Georges
La Grave, de Buade
Laing, William ... ; Du Fort
Lajus, Joseph Champlain
Lallemand,^ Veuve Xotre-Dame
Lamarre, Veuve St-Pierre
Lamoutagne, Jacques Champlain
Lamothe, Antoine St-Georges
Lamy St-François
Lamy, Thomas Xotre-Dame
La Xaudière, de Xotre-Dame
Lanoix, Veuve Buade
Lappart Champlain
Larcher, Jacques Sault-au-Matelot
Larivière, Etienne Xotre-Dame
Larivière, François Champlain
Launière Côte de la Montagne
Lauzon, Alexandre St-Pierre
Lavigne, Veuve St-François
Leboeuf, Joseph Champlain
Leclair, Pierre Champlain
— 120 —
Leeompte, Dupré, colonel J.-Bte . . Sault-au-Matelot
Leconte, Angélique Ste-Paniille
Lecour et Poirier St-Pierre
Lécu3^er, Siméon Champlain
Lee, Thomas Sault-au-Matelot
Lee, Thomas '. St-Pierre
Lees, John Notre-Dame
Lefebvre, Marguerite Sault-au-Matelot
Lemieux, Jacques Du Fort
Lemieux, Joseph Sault-au-Matelot
Lemire, Antoine St-François
Le Moyne, Jacques St-Georges
Lepage, Michel Notre-Dame
Le Pareau, Pierre Laval
Léry, de Ste-Famille
Lessard, Jacques . Ste-Famille'
Letarte, Bergitte St-François
Letare, Dlle Sous-le-Fort
Létourneau, François St-Pierre
Létourneau, Jean Sault-au-Matelot
Létourneau, Michel Sault-au-Matelot
Létourneau, Louis Sault-au-Matelot
Levasseur, Jean Sault-au-Matelot
Levasseur, Noël • • • Buade
Lévesque, François St-Pierre
Levitre, Antoine Champlain
Levitre, Michel Champlain
Levy, Eleazar Sault-au-Matelot
Levy, Jacob Notre-Dame
L'Heureux, Antoine Du Fort
Liard, Charles Buade
Liard, Louis, père Champlain
Liberge, Veuve Sault-au-Matelot
Lizot, Louis, Notre-Dame
Longchamp, Eustache Sault-au-Matelot
Longueuil, Dlle de Buade
Lugau Notre-Dame
Lukin, Veuve Buade
— 121 —
Lusignaii, Veuve St-François
Lymburner, John St-Pierre
Macaulay, Zachary Xotre-Dame
Mailloux, Amable Buade.
Mailloux, Vve Antoine Sault-au-Matelot
Mailloux, Benjamin Sault-au-Matelot
Mailloux, Ignace Sault-au-Matelot
Mailloux, Pierre Sous-le-Fort
Mans, Lieut Laval
Marauda, Gabriel du Rempart
Marauda, Gabriel Côte de la Montagne
Marauda, Joseph Ste-Famille
Marauda, Joseph Champlain
Marchand, Etienne f'hamplain
Marchand, Joseph Champlain
Marchand, Michel Sault-au-Matelot
Marchand, Pierre Buade
Marchet Veuve Pierre Laval
Marcoux, Pierre Notre-Dame
Marquis, Joseph Champlain
Marrs, John, royal engineer .... Buade ,
Mars, Charles Champlain
Matou Champlain
Mayerd, John, marchand Xotre-Dame
Mecteau, Michel Champlain
Mellig, John St-Pierre
Melvin, John Xotre-Dame
Ménard, Dlle du Rempart
Ménard, Pierre St-Georges
Mercer, John Dyer, marchand . . . Sous-le-Fort
Messigné, Gabriel Sous-le-Fort
Métot, Joseph Xotre-Dame
Meurs, François Champlain
Millot, Veuve François Champlain
Montauban, J.-Bte Sault-au-Matelot
Montgomery Sous-le-Fort
Montmollin, Révd D.-F. de ... . Sault-au-Matelot
Moore, Etienne St-Pierre
— 122 —
Moreau, Jean Ste-Famille
Moreau, Louis St-Fraiiçois
Morié, Jean-Baptiste Sault-au-Matelot
Morin, Claude I^otre-Dame
Morin, Henry Sous-le-Fort
Morin, Samuel Notre-Dame
Morin, Samuel St-Pierre
Morin, Thomas C!ôte de la Montagne
Mounier, François Sault-au-Matelot
Mounier, Henry Sault-au-Matelot
Mugnol, Jean-C Sous-le-Fort
Munro, John Du Fort
McCausland, Robert du Rempart
McFee, Robert St-Pierre
McFine Xotre-Dame
McGaff St-Georges
McKenzie, Alexander Sault-au-Matelot
Napier, William Sous-le-Fort
Normandeau, Augustin Sault-au-Matelot
Normandeau, Pierre Buade
Normandeau, Pierre . , St-Georges
O'Brien, Michael .' St-François
Oehue, Pierre Champlain
Ogier, Abraham Champlain
Ogier & Renaud St-Pierre
O'Neil, Pierre Côte de la Montagne
Panneton St-Georges
Paquet, Veuve Augustin Champlain
Paquet, Joseph Sault-au-Matelot
Paquet, Pierre Sault-au-Matelot
Paquet, René Sault-au-Matelot
Parant, Etienne Ste-Famille
Parant, François Champlain
Parant, Louis Sault-au-Matelot
Parant, Louis, marchand Sous-le-Fort
Parant, Louis, tonnelier Sous-le-Fort
Parant, Louis, forgeron Champlain
Parant, Louis, la Jeune Buade
— 123 —
Pareau, Pierre , . . . . du Eempart
Parizé, Veuve Ste-Famille
Paterson & Grant St-Pierre
Pellerin, Veuve Sault-au-Matelot
Pellison, François Buade
Pellon, Joseph . Sault-au-Matelot
Pérotin, Jacques C'hamplain
Perras St-Pierre
Perrault, l'aîné Sault-au-Matelot
Philipon, Pierre C'hamplain
Phillip, John St-Pierre
Picard, Alexandre Ste-Famille
Picard, Alexandre Côte de la Montagne
Pierce, Charles Sault-au-Matelot
Pierre, Jean Sault-au-Matelot
Pigue, Jean Sault-au-Matelot
Pinard, J St-Georges
Pinet, Alexis Buade
Piiiter Notre-Dame
Pinter, John St-Pierre
Portugais, Veuve Dominique ... du Rempart
Portugais, Jean-Baptiste Ste-Famille
Portugais, Jean-Baptiste St-Pierre
Portugais, Jean-Marie, père .... Sault-au-Matelot
Portugais, Jean-Marie, fils ... . Sault-au-Matelot
Portugais, Nicolas Sault-au-Matelot
Portugais, Nicolas Champlain
Portugais, Pierre du Rempart
Pottin, Adrien Champlain
Prentice, Miles Buade
Proust, François St-Georges
Proust, Joseph St-Georges
Provançal, Jean, fils Champlain
Provançal, Jean-Laurent Champlain
Quenet, Veuve
Raby, Augustin- Sault-au-Matelot
Racette, Jean Sault-au-Matelot
Rainville, Joseph Champlain
— 124 —
Kenaud, Guillaume St-Fraiiçois
Eenaud, Jean Sault-au-Matelot
Robin, Pierre Champlain
lîollet, François Champlain
Rosa, François Sault-au-Matelot
Roy, François Sous-le-Fort
Rutherford Sous-le-Fort
Saillan . : Buade
Saint-Michel, François Champlain
Salomon, Elias Du Fort
Samson, Jacques St-Pierre
Samson, Jean Sault-au-Matelot
Sarre, Thomas Sault-au-Matelot
Savard, Charles St-François
Schindler, Joseph Côte de la Montagne
Schindler, Joseph Champlain
Séminaire, le Ste-Famille
Serindac, Gilles Sault-au-Matelot
Shepperd Notre-Dame
Simpson, Alexander Notre-Dame
Signay, François, cap. de goélette. Sault-au-Matelot
Smith, François ■. . Notre-Dame
Smith & Anderson Notre-Dame
Soupiran . Buade
Staque, John, soldat Laval
Stayne, John StrGeorges
Stuart & Fraser St-Pierre
Sylvain, Joseph Champlain
Sylvain, Joseph Du Fort ■
Sylvestre, François Sault-au-Matelot
Sylvestre, Marianne ........ St-François
Tanchot, Yves . Sault-au-Matelot
Tardif, Jean Champlain
Taschereau, Madame Ste-Famille
Taylor, Henry Notre-Dame
Tessier, Germain St-François
Therrien, Barthélémy Champlain
Thibeau, Veuve Champlain
— 125 —
Titley, Johu 8ault-au-Matelot
Tourangeau, Veuve François . . . Champlain
Tourangeau, Veuve Joseph .... Champlain
Tranquille, Georges St-Georges
Trudel, Joseph Sault-au-Matelot
Turier, Barthélémy 8te-Famille
Turpin, Veuve St-Georges
Vallée, Charles, père Sault-au-Matelot
Vallée, Charles, fils Sault-au-Matelot
Vallée, Louis Sault-au-Matelot
Valleran, Veuve Jacques Champlain
Veillon, Jean-Baptiste Champlain
Versailles Laval
Voyer, Veuve Ste-Famille
A'oyer, Joseph Ste-Famille
Voyer, Xoël '. . . . Champlain
Waddington du Rempart
Walker, Veuve St-Pierre
Walker, Veuve Notre-Dame
Warden, Tsaac, coroner Sous-le-Fort
Warrienne, Madame Champlain
Werden, Joseph Notre-Dame
Welch, Dr Ste-Famille
Willeox St-Pierre
Willis, John Buade
Woolsey tS: Bryan, marchands . . . St-Pierre
QUESTIONS
Nous savons que Louis JoUiet explora une bonne partie du bas-Labra-
dor. A-t-il fait un rapport ou un récit de son voyage ? Cette pièce a-t-elle
été publiée ? '
X X' X
M. de Pontleroy fut un des principaux ingénieurs employés par Mont-
ealm dans la dernière campagne du Canada. Que devint M. de Pontleroy
après la bataille des Plaines d'Abraham ?
SOLD
Je vois dans une lettre du ministre Berryer au niarquis de Montcalm en
date du 26 janvier 1759, qu'il venait d'accorder une lieutenance avec une gra-
tification de quatre cents livres au sieur de Langy-Montégron. Qui était ce
Langy-Montégron ? Peut -on l'identifier ?
XXX
— 126 —
LA POLITIQUE EN CHANSON
Nous recevons de monsieur le chanoine Emile Chartier, le manuscrit
vieillot d'une chanson politique datant de 1832, sans doute. Le précieux
document a été trouvé parmi les papiers de M. Edmond Paradis qui fut
médecin à Coaticook où il décéda, croyons-nous vers 1880.
On ])eut supposer (|ue le docteur en avait lui-même fait la trouvaille
dans les papiers de son père lequel demeura longtemps à Saint-Denis-sur-
RicheMeu.
E]i tout cas, "l'écriture suffit à attester que nous^avons bien eïître les
mains un original de l'époque".
Cette pièce, dit notre correspondant, "est d'inspiration antirévolu-
tionnaire, c'est ime scie contre les patriotes". Allons ! qu'elle soit "statu
quotiste" ou "bureaucratique", elle n'en est pas moins curieuse, et elle a
place dans la collection des chansons historiques que l'on étudiera plus tard,
lorsque le Bulletin en aura fait une moisson suffisante :
SUR LE TRIOMPHE DE TKACY ET DE DUVERNAY
(Sur l'air de La Marseillaise)
Allons ! Enfans de la patrie.
Le jour de gloire est arrivé ;
D'une trop longue tyrannie
Le sceptre de fer est usé ( h is ) . '
Entendez-vous tomber les chaînes
Des deux braves concitoyens ?
Le remords brise leurs liens.
Liberté ! tu nous les ramènes !
Campagnards, citadins, formpz vos bataillons !
Partons ! Marchons ! Qu'un peuple entier suive nos pavillons !
Voyez quelle pompe s'apprête
Pour célébrer un si grand jour ! *
L'anarcliie entière est en fête.
Au souvenir de leur retour (bis).
On part, on court, on a des ailes.
— 127 —
Malgré la rigueur des autans.
Troupeaux de vieilles et d'enfans
Encombrent toutes nos ruelles.
Campagnards, citadins, etc.
Venez célébrer leur mémoire,
Grands politiques journaliers !
Mais, de peur de noircir leur gloire.
Débarbouillez-vous, charbonniers (his) î
Cependant, gardez- vous de croire
Qu'on dédaigne vos noirs chariots !
Xon ! Ils traîneront nos héros
Aussi bien qu'un char de gloire.
Campagnards, citadins, etc.
Vous ([ue de hautes destinées
Tiennent enchaînés sur nos toits,
En ramonant nos cheminées.
Dites, au moins cent et cent fois {bis) :
"Vive notre démocratie !
"Patriotes cabaretiers,
"Vivent ramoneurs, charbonniers,
"Xobles champions de l'anarchie !"
Campagnards, citadins, etc.
Mais, })euple souverain, silence !
Voici venir tes défenseurs.
Fais tonner ta mâle éloquence,,
Grêler tes coups de poing vainqueurs (bis) !
Peins la liberté, ses miracles ;
Voilà ses martyrs parmi nous.
Qu'ils ne pensent plus aux verrous
Et soient sans cesse nos oracles !
Campagnards, citadins, etc.
Enfin le drapeau tricolore
Vient se déployer à nos yeux !
Sur ce sol va-t-il donc encore
— 128 —
En héros transformer des gueux ? {bis)
N'en doutons point ! Qu'on se rallie
Sous ce drapeau ! Ce guet à pens,
Qu'il réunisse — il en est temps —
Les vrais enfans de l'anarchie !
Campagnards, citadins, etc.
Mais, si notre réjouissance
Signale leur heureux retour,
Notre vive reconnaissance
Leur d(r)oit un tribut en ce jour (bis).
('e n'est point assez des culottes
Dont nous couvrîmes leurs bas fonds :
Présentons-leur des médaillons
Qui nous rappellent leurs menottes !
Campagnards, citadins, etc.
Promenez de ville en village
Tracey, Duvernay, Papineau,
Morin, Lafontaine, Bourdage,
Létourneau, Boissonneau, Mousseau !,
(^ue de ces grands noms toute bouche
Publie en baillant les hauts faits !
Qu'en leur honneur tous nos mousquets
Fassent péter une cartouche !
Cam})agnards, citadins, etc.
E.-Z. MASSTCOTTE
LES DISPARUS
Dans la galerie des originaux qui font partie de l'histoire pittoresque de
Montréal, il faut conserver une place à Joseph-Hormidas Malo, surnomnaé
"le poète métropolitain" et qui chansonna d'une muse égale, c'est-à-dire tant
bien que mal, les politiciens et les meurtriers, les cocottes et la patrie. Ce
type curieux est décédé à Montréal, le 25 février 1918, âgé de 60 ans.
X. Y. Z.
BULLETIX
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE - MAI 1921 No 5
LES CENSITAIRES DU COTEAU SAINTE-
GENEVIEVE (BANLIEUE DE
QUEBEC) DE 1636 A 1800
(Suite)
II
(1668-1740)
Xoiis venons de compulser la liste des propriétaires
terriens du coteau Sainte-Genevièvre, de l'origine de la co-
lonie à venir à l'année 1668. Si nous reportons mainte-
nant à l'époque compris entre les années 1723 et 1740, pen-
dant lequel laps de temps eurent lieux les aveux et dénom-
brements, sous les intendants Begon, Dupuy et Hocquart,
nous verrons que la plupart des censitaires primitifs ont
disparu, et que leurs proj^riétés ont subi diverses muta-
tions.
En reconmiençant notre parcours à la rue Claire-Fon-
taine, nous constatons en 1739, que la grande étendue de
terrain concédé à Pierre LeGardeur de Repentigny, en
1636, appartenait depuis longtemps aux religieuses de
l'Hôtel-Dieu de Québec (22).
(22) Aveux et dénombrements des soeurs Hospitalières de Québec Pa-
pier terrier. Vol. II. fol. 668 et suiv.
— 130 —
Marie Favery, veuve de Pierre LeGardeur de Repen-
tigny, et tutrice de Ignace LeGardeur Duponceau et de
Charles LeGardeur de Villiérs, avait vendu aux Hospitali-
ères, le 27 septembre 1672 (greffe de Becquet) toute cette
étendue de terre qui était maintenant "partie en terres la-
bourables et partie en bois et fredoches".
La terre voisine qui était celle de Sainte-Marie, appar-
tenait aussi aux religieuses de l'Hôtel-Dieu, elle était "tou-
te en terre labourable, sans aucun bastiment".
Les religieuses Hospitalières se trouvaient donc à pos-
séder en 1739, toute l'étendue de terrain, comprise aujour-
d'hui entre les rues Claire-Fontaine, Bougainville, la
Grande- Allée, et la cîme du coteau Sainte-Geneviève. Un
petit bois recouvrait le penchant du coteau, à partir de la
rue Saint-Cyrille actuelle, jusqu'à la cime du cap. On cons-
tate, d'après les divers plans de la bataille des Plaines, et de
celle de Sainte-Foy, que ce bois existait, encore en 1759.
Les religieuses Ursulines possédaient encore le fief
Saint- Joseph (23) sur lequel elles avaient fait bâtir une
"maison de pièces sur pièces, cheminée de pierre, de vingt
"pieds de long sur huit de large," Il y avait de plus sur
cette propriété "une vieille grange de vingt pieds en quar-
"ré, le tout (la maison et la grange) couvert en planches ;
"environ vingt cinq arpents de terre labourable, le reste en
"pacage". ' Cette maison située au pied de l'avenue des
Erables actuelle, devait servir de résidence au fermier.
Les religieuses Ursulines avaient acheté, de Noël Pin-
guet et de Madeleine Dupont, son épouse, le 20 avril 1678,
le morceau de terre d 'un arpent et demi de front, sur douze
de profondeur, qui s'étendait jusqu'à une ligne située à mi-
distance entre la Grande- Allée et le chemin Saint-Jean.
Cependant les Pinguet avaient gardé les vingt-cinq arpents
en superficie que Noël Pinguet avait acquis de Chartier de
Lotbinière, en 1658, et qui embrassaient une étendue de
quatre arpents de front de chaque côté du chemin Saint-
(23) Cf. Aveux et dénombrements (28 Mai 1728) Vol. II. fol. 548 et
suiv.
I
— 131 —
Jean. Ce morceau de terre était alors partagé entre les
héritiers Pinguet. Jacques Pinguet de Vaucourt, Eliza-
beth Depeiras, veuve de Nicolas Pinguet, et Elizabetli
Pinguet Detargis, mariée à Louis Lambert, en 1723.
De plus les religieuses Ursulines avaient acquis de
Louis Rouer de Villeray, sieur d'Artigny, le 30 avril 1727,
les anciennes prairies de M ar sol et, excepté toute fois la
partie située au nord du chemin Saint-Jean ; le tout était
' ' en terre labourable, sans bastiment ' '.
M. d'Artigny avait acheté ce terrain le 23 jan-
vier 1685 de. Marie le Barbier, veuve de Nicolas Marsolet,
et épouse en secondes noces de Denis LeMaître, (greffe
de François Genaple). Marie le Barbier lui avait cédé tout
le terrain concédé à son mari en 1637, moins seize arpents
touchant au chemin Saint-Louis, que ce dernier avait ven-
du à Thierry de Lestre, sieur du Vallon. Les religieuses
Ursulines se trouvaient donc à j^osséder en 1728, tout le ter-
rain qui s'étend entre l'aveime Bougainville et l'avenue
Murray, moins les vingt-cinq arpents enclavés entre le fief
Saint- Joseph et l'ancienne terre de Marsolet, le long du
chemin Saint-Jean, et appartenant aux héritiers Pinguet.
Cependant ces mêmes héritiers avaient vendu, le 25
septem]3re 1723 (greffe de Rageot), à Simon Chamberland
et à son épouse Elizabeth Rondeau, la i)ai'tie sud du ter-
rain appartenant autrefois à leur grand-père Henri, située
à l'ouest des prairies de Marsolet, entre l'avenue Murray
et l'avenue Lévis. Ils avaient déjà vendu en 1705, à Je-
han Laviolette, maître tanneur, la partie située au nord du
chemin Saint- Jean, trois arpents de front, jusqu'à une li-
gne située à cinq arpents environ entre le bas du coteau
Sainte-Geneviève et la rivière Saint-Charles. A la re-
quête de Pierre Asselin, tuteur des enfants mineurs de Je-
han Laviolette, ce morceau de terre, fut mis aux enchères
et adjugé le ler mars 1712, à Charles Pei-thuis ''avec la
"maison, tannerie, moulin à tan, cuir, peaux de moutons,
"peaux de vache-marine, de loup-marin, poésie, chaudière,
"marmitte, four, étable, et autres ustensiles, circonstances
— 132 —
"et dépendances" le tout cédé avec l'obligation "de laisser
"jouir le dames religieuses de l'Hôpital Général du fossé
"qui traverse la dite terre, d'entretenir le pont qui est sur
"le ruisseau qui traverse le grand chemin Saint-Mi-
"chel." (24)
Tous ces détails sont à remarquer ; ils nous serviront
bientôt à identifier le véritable site de la maison Borgia et
du moulin Dumont. Retenons pour le moment, que le ter-
rain vendu à M. Perthuis est justement celui où se trouve
aujourd'hui le monument des Braves, et qu'il y avait déjà
en cet endroit une tannerie et un moulin. Nous verrons
plus tard comment il passa entre les mains de M.
Dumont, qui en était possesseur lors de la bataille de Sain-
te-Foy, en 1760.
Le fief Saint-Jean avait aussi changé de propriétaire.
Jean Bourdon était mort au mois de janvier 1668, laissant
comme héritiers ses deux fils, Jean Bourdon, sieur de Dom-
bourg, et Jacques Bourdon, sieur d'Autray.
Le 28 août 1678 (greffe de Becquet) le sieur de Dom-
bourg, vendait à Charles Bazire, receveur-général des
droits et domaines du roi, la moitié par indivis du fief
Saint- Jean, "consistant en maison, grange, étable, cour,
"jardin, moulin à vent avec environ cent trente ar-
"pents de terre, pius ou moins, dont la plus grande partie
"est en valeur, tant en terrés labourables, prairies que pa-
' ' cages ' '.
Bazire n'était ici qu'en prête-nom ; le véritable acqué-
reur du fief, était Charles Aubert de Lachenaye.
Le sieur de Dombourg, n'habitait plus Québec, à cette
date. Devenu capitaine de navire, il voyageait entre Qué-
bec et Larochelle où demeurait sa femme, Jeanne Janniè-
(24) CahJèr des emplacements. A. 1. Titre des concessions en roture,
fol. 10 V.
— 133 —
re, et ses enfants (25).
Quant au sieur d'Autray, il avait suivi M. de la
Salle, dans les ex2:)éditions que ce dernier avait entreprises
dans l'Ouest. Il fut tué par les Iroquois au printemps de
1688, comme il revenait de Cataracoui (26).
Le sieur de Dombourg, décéda à Laroclielle en 1690.
D'après les registres de la Prévoté, nous voyons que
Jeanne Jeannière vint à Québec, dans l'été de 1692, pour
régler les affaires de la succession de son époux ; l'année
suivante, elle épousa en secondes noces Simon Pierre De-
nys, sieur de Bonaventure, capitaine de frégate et lieute-
nant du roi, en Acadie.
Jean-François avait laissé plusieurs enfants ; en 1720,
nous voyons dans les registres de la Pré voté, que Fran-
çois Bourdon, écuyer, sieur de la Pinaudière, capitaine du
navire la "Marie Josej^h", reclame au nom et comme pro-
cureur de dame Jeanne Jannière, veuve en secondes noces
de Simon Pierre Denys, sieur de Bonaventure, le fief de
Sainte- Anne, à la pointe de Lévis, donné aux Ursulines en
1660 par Jean Bourdon, comme dot pour sa fille Anne
Bourdon.
Aubert de la Chenaye, avait déjà acquis les propriétés
voisines, à l'ouest du fief Saint- Jean. Il avait acheté, le
28 septembre 1675, (greffe de Becquet) la terre des héri-
tiers Sédillot ; le 1er octobre de la même année (greffe de
Becquet), il achetait celle de Noël Morin ; enfin il possédait
(25), "Le capitaine Dombourg, de la Rochelle, qui commande le vaisseau
"Saint-François Xavier de 300 tonneaux, sur lequel j'ai passé qui est fort
"honnête homme et fort expérimenté, s'est offert d'amener sur son bord 300
"soldats avec les munitions et tout ce que vous jugerez à propos. Il s'est
"encore offert de trouver un vaisseau pour amener un pareil nombre de sol-
"dats et de partir le 15 mars, pourvu qu'il soit averti au commencement de
"février, bien, si vous envoyez un des vaisseaus du roi, qiHl l'accompagne
"dans toute la route et particulièrement dans la rivière, il s aura beaucoup
"de sûreté à faire cette navigation avec lui parce qu'il l'a :faite trente fois
"connaît fort bien la rivière Saint-Laurent".
M. de Champigny au Ministre, 16 Novembre 1686. Manuscrit de la N.-
F. 2ième Série Vol. 5 fol. 2932.
(26) Jugements et délibérations du Conseil Souverain. Tome III p.
249. — 11 Octobre 1688. ;
— 134 —
depuis 1659, l'ancienne terre de Robert Caron, acquise de
M. d'Ailleboust de Musseaux.
Noël Morin alla s'établir avec son fils Alphonse Morin
dit Valcourt, dans la seigneurie de la Rivière-du-Sud, ou
il décéda en 1680. Son autre fils, Jean-Baptiste Morm dit
Rocliebelle, s'établit à Sainte-Foy (27).
Les frères Sedillot, Etienne, Adrien et Jean étaient dé-
jà établis à Sainte-Foy, depuis quelques années (28).
Aubert de Laclienaye mourut en 1702, laissant des det-
tes pour une somme de 408,000 livres (29) . Ses belles pro-
priétés sur le coteau Sainte-Geneviève, furent vendues a
l'enchère à la requête de Jean Gaillard, curateur de la suc-
cession et adjugées au docteur Sarrazin, le 22 octobre 1709,
pour la sonmie de 7,000 livres.
Le docteur Michel Sarrazin, né en 1659, à Nuits, en
Bourgogne, était arrivé dans la Nouvelle-France, vers
1685 II épousa à Montréal, le 20 juin 1712, Marie Anne
Ursule Hazeur. C'était un savant, et un membre corres-
pondant de l'Académie des Sciences de Paris.
En étudiant de près l'acte d'aveu et de dénombrement
qu'il rendit devant l'intendant, le 18 juillet 1726 (30), on
s'aperçoit que les limites assignées au fief Saint- Jean par
cet acte, ne correspondent pas à celles de la terre primitive
de Jean Bourdon.
Le fief Saint-Jean, tel que décrit par le docteur Sarra-
zin se trouvait borné au nord par la terre de Lanoraie, a
l'est par la terre de défunt Sedillot, et à l'ouest par la terre
de Jean Dedieu. Ces limites sont justement celles de la
terre concédée autrefois à Robert Caron, c'est ce qu'expli-
que que sur certaines cartes récentes, le fief Saint-Jean est
(27) Cf. A,bbé H. A. Scott, ouvr. cité. p. 442.
(28) Cf. Abbé H. A. Scott, ouvr. cité p. 451-452.
(29) Liste générale des intéressez en la Compagnie de la Colonie du Ca-
nada, et des actions qu'ils y ont prises 1708. Compagnie générale 1690-1763.
Série F. Vol. 110 p. 531-554.
(30) Papier terrier. Cahier C. 2. fol. 293. V.
— 135 —
indiqué, comme étant sur la propriété primitive de Robert
Caron (31).
Dans l'aveu et, dénombrement de 1726, le docteur Sar-
razin, dit qu'il y avait alors sur le fief Saint- Jean "une
"maison de colombage de quarante pieds de long ou envi-
"ron sur dix huit pieds de large, deux granges de charpen-
"te l'une de cinquante pieds, et l'autre de 40 sur 24 de lar-
'■'ge, une étable construite de même de 40 pieds de long, sur
"20 de large, deux petites écuries, de même de 12 pieds en
"carré, et environ 54 arpents de terre tout . labourable,
"qu'en cour et jardin". Toutes ces bâtisses devaient se
trouver au pied de l'ancienne route Thorn Hill, sur le nu-
méro 57 du cadastre de la banlieue.
Le docteui' demeurait avec sa famille sur la rue Saint-
Louis, et un fermier, Gabriel Flibot, cultivait sa terre.
(31) Voir un plan des fiefe Coulonge et Saint-Michel, préparé par les
arpenteurs (Joseph Bouchette et Joseph Hamel, en 1834, et conservé dans les
Archives du Département des Terres et Forêts, à Québec.
Ce changement du site primitif du fief Saint-Jean, est dûment indiqué
dans un vieux plan conservé au Séminaire de Québec, et dressé en 1763, pro-
bablement par un des prêtres du Séminaire, d'après le procès-verbal d'un
arpentage des terres du Séminaire, par Ignace Plamondon, en 1751. Dans
une note annexée à ce plan, on lit que les sieurs LeMaître Lamorille, Charles
Vallée et Plamondon avaient fait l'arpentage des terres de Saint-Jean en
175 7, et que dans leur procès-verbal, ils avaient borné le flef Saint-Jean, à la
Grande-Allée, se disant d'accord en cela avec Noël Beaupré, qui dans le pro-
cès-verbal de l'arpentage des mêmes terres fait en 1741, le bornait à la Gran-
Allée. L'auteur du plan en question, nie cette assertion.' "Les arpenteurs
"ci-dessus, dit-il, ont pris cette idée chez eux, et ce que Beaupré appelle le
"flef Saint-Jean, c'est la terre de quatre arpents, quatre perches, joignant
"d'un côté au nord-ouest la terre de Pinguet et à présent le^ représentants de
"Borgia Levasseur, et d'autre côté au sud-ouest, la terre des représentants
"Noël Morin. Ce sont justement les limites de la terre primitive de Jean
Bourdon, l'ancien fief Saint-Jean, qui s'étendait jusqu'à la Grande-Allée. En
donnant la même borne au fief Saint-Jean, qu'ils supposaient maintenant com-
pris dans les limites de la terre appartenant à Robert Caron, les arpenteurs
LeMaître, Lamorille, Vallée et Plamondon, se trouvaient à ei^claver dans leur
prétendu fief Saint-Jean, une partie de la terre Lanoraie, et c'est pourquoi
l'auteur du plan, proteste contre leur assertion. Il faut remarquer en effet,
que toutes les terres concédées à l'ouest de la terre primitive dt Jean Bourdon,
jusqu'à la limite de la paroisse Sainte-Foy, étaient bornées du sud, par une
ligne parallèle à la Grande-Allée, distante de cette rue de cinj^ arpents et six
perches, laquelle ligne faisait la séparation entre ces terres etUa terre de La-
noraie, appartenant au Séminaire de Québc. C'st cette ligné que l'on men-
tionne souvent dans les vieux actes de notaires, sous le ftonv]de "trait carré
des prêtres".
— 136
Les deux frères Jacques et Jean L 'Archevêque avaient
quitté depuis longtemps le coteau Sainte-Genevieve ils
àaient allés s'établir à Sainte-Foy (32) Henri était dé-
cédé en 1687. Sa veuve, Madeleine Trepagnier avait
épousé, en secondes noces, le 26 août 1688, Robert Voyer ;
en vertu de son contrat de mariage, il était devenu proprié-
taire de la moitié des terres de l'Arcliévêque ; il avait ache-
té l'autre moitié, de Jean, le 24 avril 1688 j;grefee de Ra-
geot) . Robert Aboyer, qui demeurait à la cote de Uiampi-
Inv paroisse de l'Ancienne Lorette, vendit le tout, le 19
mai 1701 (greffe de Chamballon) à Jean Dedieu mar-
chand, et à Jean Moucher, maître-tanneur en 1703, Jean
Moucher se désista volontairement en faveur de Dedieu, de
tous les droits et prétentions qu'il pouvait avoir sur cette
terre.
En 1726, le sieur Dedieu déclarait qu'il y avait sur sa
propriété, une ''maison de pièces sur pièces, de dix-neu.
^pieds de long sur seize pieds de large, une grange cons-
'4ruite de même de vingt cinq pieds de long sur dix-huit
''de large, un bastiment servant de tannerie aussi de pièces
''sur pièces de vingt-huit pieds de long sur vingt pieds de
"lare-e • quinze arpents de terre labourable et environ huit
"arpents de prairie, le reste de la dite terre, estant en bois
"debout" (33).
Ces bâtisses devaient être situées à environ deux ar-
pents à l'ouest de celles du docteur Sarrazin, sur le numéro
56 du cadastre de la banlieue.
Le docteur Sarrazin fit plus tard l'acquisition de cette
propriété ; nous ne savons à quelle date.
Nicolas Bonhomme était décédé en 1683, laissant trois,
fils • Guillaume, Ignace et Nicolas, qui se partagèrent la
terre paternelle. En 1726 la partie du nord-est apparte-
nait encore aux héritiers de Nicolas, decede en 1711 ; la
partie du n^lieu avait été cédée par Ignace à François Boi-
(32") Cf. Abbé H. A. Scott, ouvr. cité p. 479. . . ■ r-o
(33) Cf. Aveux et dénombrement du 2 juillet 1726, Papier terrier C2.
Vol. 1 fol. 282.
— 137 —
vin, dont nous n'avons pu retrouver les titres d'achat ; la
partie de l'ouest avait été vendu par François Bonhonune,
héritier de Guillaume, à Jacques Lavaux, maître-tanneur,
le 24 octobre 1717 (greffe de Dubreuil).
Dans son aveu et dénombrement de 1726, Jacques La-
vaux, déclare qu'il n'a "aucun titre concernant le dit ter-
"rain, sur lequel il y a une maison de pièces sur pièces de
"trente pieds de long sur vingt de large^ avec une petite
"alonge de vingt pieds ou environ qui sert d'écurie, dix ar-
"pents de terre labourable, et environ deux arpents en
"prairie (34).
L'ancienne terre de Pierre Delaunay, avait subi plu-
sieurs mutations depuis 1668. Les trois frères Louis,
Henri et Charles Delaunay avaient abandonné à Vincent
Poirier, sieur de Bellepoire, qui avait épousé leur mère,
Françoise Pinguet, tous les terrains qu'ils tenaient de leur
père. D'un autre côté, Thérèse Poirier, leur soeur utéri-
ne, avait cédé à son mari, Mathieu Guay, sa part d'hérita-
ge. Vincent Poirier légua, par donation entre vifs, en
1688, (greffe Rageot) au même Mathieu Guay, les terrains
acquis des frères Delaunay.
Mathieu Guay, épousa en secondes noces, le 17 avril
1695, Marguerite Balan (Beland) laquelle se remariait le
30 décembre 1722, à René Duchesneau.
En 1726, Marguerite Balan, veuve Duchesneau, faisait
aveu et dénombrement, tant pour "elle, que pour les en-
"fants et héritiers de feu Mathieu Guay, tant de son pre-
"mier mariage avec Marie Thérèse Poirier, sa femme que
"pour ceux qu'elle a eu de son mariage avec le dit Guay".
Elle déclarait qu'il avait sur sa propriété "sur le bord du
"chemin une maison de pièces sur pièces enduitte en de-
"dans, de trente pieds de long sur vingt deux de large, une
"grange de charpente de trente cinq pieds de long sur vingt
"deux de large, trente arpents de terre labourable, et trois
(34) Aveu et dénombrement (1726) Papier terrier C2. fol. 286V
— 138 —
"arpents de prairie, le reste de la terre étant en bois de-
bout" (35).
L'ancienne propriété de Gloria, appartenait mainte-
nant à Pierre Rouillard, époux de Marie Renée Charland,
iils de Jean, et petit-fils d'Antoine, un des premiers censi-
taires du fief Saint-François. Cette terre avait été ache-
tée par Jean Rouillard, des religieuses de l'Hôtel-Dieu,
(18 avril 1699, greffe de Genaple) lesquelles l'avaient ac-
quise de François Toupin (11 septembre 1675, greffe de
Becquet), à qui elle était advenue, par suite de son maria-
ge (3 juin 1669) avec Marie Bourdon, veuve de Jean Glo-
ria.
Le fief Saint-François avait été vendu le 28 août 1677
(greffe de Becquet), par Jean François Bourdon, sieur de
Dombourg, et peu' Jacques Bourdon, sieur d'Autray, à
Charles Aubert de Lachenaye. Le 19 novembre 1678
(greffe de Becquet), le sieur de la Chenaye, le revendait à
Gaston Guay, et à son épouse, Jeanne Prévost, pour la som-
me de 3,400 livres. Enfin, le 3 décembre 1691, (greffe
d 'Aubert) Jeanne Prévost, devenue veuve, vendait du con-
sentement de Mathieu, de Jean-Baptiste, de Charles Guay,
et de Noël Levasseur, son gendre, le fief Saint-François, à
Jean Baptiste Prévost et à Marie Giroux, son épouse, pour
la même somme.
En 1725, Jean Baptiste Prévost, demeurait sur le fief
Saint-François, où il avait un domaine de deux arpents de
front, sur quatorze de profondeur, sur lequel il y avait une
"maison de pièces sur pièces de trente pieds de long, sur
"vingt un de large, une grange de charpente de trente cinq
"pieds de long sur vingt de large, une étable au bout de la
"dite grange, de pièces sur pièces, de douze pieds de long,
"sur la même largeur, environ vingt cinq arpents de terre
"labourable, et six arpents de prairie".
Dans la censive du fief Saint-François étaient les pro-
priétaires suivants : le docteur Sarrazin, François Boivin,
(35) Aveu et dénombrement du 4 juillet 1726. Papier terrier C2 fol.
292 V.
— 139 —
Pierre Roiiillard et Pierre Levasseur. Aucun de ces der-
niers habitait en cet endroit ; tous les habitants que nous
avons vu en 1668, établis autour du fort, étaient partis pour
d 'autres ,cieux.
III
1740-1800
Les mutations de terrains qui surviennent durant ce
laps de temps sur le coteau Sainte-Geneviève, sont d'une
importance capitale, au point de vue de l'histoire car il est
nécessaire de s'en rendre compte pour reconnaître appro-
ximativement les différents sites où se déroula la bataille
des Plaines et celle de Sainte-Foy.
Les religieuses de l'Hôtel-Dieu et les religieuses Ursu-
lines restent toujours en possession des terrains qui vont de
la rue Claire-Fontaine à l'avenue Murray. Tous ces ter-
rains étaient en culture, à l'exception d'une certaine éten-
due, entre la rue Claire-Fontaine, et la rue Salaberry, qui
était encore en bois ; de plus, des plantations de sapins et
d'épinettes bordaient la cime du coteau, et s'étendaient en
certains endroits jusqu'au chemin Saint- Jean ; de la rue
Claire-Fontaine à l'avenue Murray, il n'y avait en 1759,
que deux propriétaires résidant le long du chemin Saint-
Jean. Louis Manseau et François-Louis Borgia Levas-
seur.
Nous voyons, en effet, que les religieuses de l'Hôtel-
Dieu, avaient concédé, le 18 août 1752, (greffe de Saillant)
à Jean Déguise dit Flamand, tanneur, un terrain de ^
d'arpents de front sur 72 pieds de profondeur. Ce ter-
rain se trouvait justement à l'endroit où est la remise ac-
tuelle des tramways de la ville, à l'encoignure ouest de la
rue Saint- Jean et de la rue Racine. Déguise dit Flamand
revendit le même terrain, le 22 janvier 1757, à Louis Man-
seau, son beau-frère, également maître-tanneur.
Dans la déclaration de l'étendue de cette j^ropriété que
Manseau fit en présence du greffier du domaine du roi, le
28 décembre 1758, il est dit, qu'il avait une maison en cet en-
— 140 —
droit (36) . Ce doit être celle, dont il est fait mention dans
le journal du curé Réclier (37), quand il dit qu'après s'être
réfugié chez un nommé Primeau, près de l'Hôpital-Géné-
ral, dans la nuit du 12 août (1759) des bombes vinrent
tomber "derrière la maison de Primeau, et même ])lus loin,
et au-delà de Manseau, au haut du coteau".
L'autre résident du chemin Saint- Jean, était Fran-
çois Louis Borgia-Levasseur ; ce Borgia-Levasseur est de-
venu un personnage historique, parce que Wolf e en arri-
vant sur les hauteurs du coteau Sainte-Geneviève, le ma-
tin de la bataille des Plaines se serait eu^psiré de sa maison
et l'aurait fortifiée. M. Philippe Baby-Casgrain, a établi
la généalogie du personnage en question.
François de Borgia (38) fils de. Pierre Levasseur, me-
nuisier, et de Anne Ménage, était né à Québec, le 4 avril
1707. On ne tarda pas à le désigner dans la famille sous le
nom de Borgia, et c'est sous ce surnom qu'il est passé dans
l'histoire. Il épousa à Québec, le 2 mai 1730, Hélène Mo-
reau. Le 26 novembre 1742, (greffe de Boucawilt) il achetait
l'ancienne propriété de Henri Pinguet, située à l'ouest de
l'avenue Murray, entre la terre des religieuses Ursulines
et l'ancien fief Saint- Jean. Nous constatons par l'inven-
taire qu'il fit de ses propriétés, le 3 septembre 1744, (gref-
fe de Jacques Pinguet), après la mort de son épouse, que
c'était bien la seule terre qu'il possédait dans le moment
sur le coteau Sainte-Geneviève. Il avait ensemencé au
printemi)s de 1744, 28 minots de blé, 13 minots d'avoine et
deux minots d'orge ; François Borgia se contentait de cul-
tiver sa terre, sans y résider, car il dit dans l'inventaire
qu'il demeurait dans sa maison, rue Saint-Louis. De plus
nous constatons que Françoi« Borgia ne demeurait pas da-
vantage en cet endroit, lorsqu'il exhiba son titre de pro-
(36) Archives de la Nouvelle-France. Déclarations des censitaires Ca-
hier Al. fol. 61 V.
(37) Bulletin des Recherches Historiques. 1903, p. 132.
(38) La maison de Borgia. Premier poste de Wolfe à la bataille des
Plaines d'Abraham. Où était-elle située. Mémoires de la Société Royale
du Canada. Deuxième Série. Tome X Section I. 1904.
— 141 —
priété au greffier du domaine du roi, le 28 décembre 1758
(39). Dans l'enregistrement qu'en lit le greffier, il est
simplement fait mention que Borgia possédait une terre
sise en la côte Saint-Jean.
Mais voici que quelques années après son second ma-
riage avec Marie Joseph Gatien, nous trouvons Borgia
propriétaire d'un terrain, au nord du chemin Saint- Jean,
situé en face de celui des religieuses Ursulines, et faisant
partie des anciennes prairies de Marsolet. Nous regrettons
de n'avoir i3u trouver l'acte d'achat de ce terrain, mais nous
avons comme preuve de notre avancé, un procès-verbal du
grand- voyer Lanouillier de Boisclair, en date du 13 juin
1750. Le grand-vqyer déclare" dans ce procès-verbal, qu'il
s'est transporté à la côte Saint- Jean pour régler une diffi-
culté entre le sieur Dumont et le nommé Borgia-Levasseur,
au sujet du chemin (Saint- Jean) qui est rempli d'eau et
impraticable. Pour remettre le diemin en bon état, M.
Lanouillier, oblige les propriétaires des terrains
avoisinants à faire certains travaux, entre-autres :
les religieuses Ursulines "un fossé de trois i)ieds
"de large et de creux, au sud du dit grand chemin, pour
"recevoir les eaux qui viennent de dessus leurs dites terre"
(les anciennes prairies de Marsolet) et le nonmié Borgia,
de concert avec les Dames Ursulines, une saignée dans
le chemin, pour faire écouler l'eau, "qu'il conduira par le
moyen d'un fossé de trois pieds de large et de creux jus-
qu'au coteau Sainte-Geneviève, parce que la terre de Bor-
gia ne fait qu'une partie de celle des dites Dames Ursuli-
nes". Cette dernière partie du procès-verbal semblerait
indiquer que Borgia tenait ce terrain des religieuses Ursu-
lines. Dans tous les cas, ce terrain se trouvait au nord du
chemin Saint-Jean, sur le penchant du coteau.
De plus nous avons un document cité par M.
Casgrain (40) qui prouve que Borgia avait une maison sur
ce terrain ; c'est un bail qu'il fit à Samuel Sills, négociant
(39) Cf. Déclarations des censitaires de Québec. Cahier Al. p. 68.
(40) Cf. ouvr. cité p. 47.
— 142 —
de Québec, le 2 décembre 1763 (greffe de Saillant) par le-
quel, il lui louait un terrain, situé du côté nord-ouest du
chemin Saint- Jean, "divisé en trois clos, à une demie-lieue
"de la ville, sur le chemin Saint- Jean, ensemble une mai-
"son, grange et étable, cour, jardin et dépendances, tenant
"au nord-est aux Ursulines, au sud-ouest au nommé Rou-
"thier, au sud-est au chemin Saint- Jean et au nord-ouest
"au coteau Sainte-Geneviève, avec certaines conditions,
"entr 'autres de réjjarer la maison, la rendre logeable, y
"mettre et fournir les châssis".
Est-ce là la maison Borgia de la bataille des Plaines ?
Nous le croyons. La propriété dont il est ici question
nous paraît bien être celle indiquée sur le j^lan du "British
Muséum (41) " par le tracé d'un petit enclos où l'on distin-
gue la forme d 'une bâtisse quelconque marquée de la lettre
A. Dans tous les cas, ce terrain divisé en trois clos, c'est
l'ancienne propriété Thompson, les numéros 23, 23a et 24
du cadastre de la banlieue, appartenant aujourd'hui aux
religieuses de Saint-Joseph de Saint- Vallier. La maison
Borgia devait se trouver dans le coin sud-est du numéro 23,
le long du chemin Saint-Jean, à environ cinq arpents, à
l 'ouest de l 'avenue des Erables.
François de Borgia avait acheté de Charles Pinguet
de Montigny, petit-fils de Jacques Pinguet de Vaucour, le
20 octobre 1762 (greffe de Saillant) un terrain consistant
en "deux arpents de front sur quatre arpents de profon-
deur situés à Saint- Jean, tenant d'un bout par devant au
"chemin Saint- Jean, par derrière, aux dames Ursulines
"de Québec, et d'autre côté, à la veuve Lambert".
C'était le terrain voisin, à l'est des trois clos précé-
demment indiqués ; par ce dernier achat, François de Bor-
gia, se trouvait être en possession de tous les terrains ap-
partenant aux Pinguet, sur le coteau de Sainte-Geneviè-
ve. Le 30 octobre 1766 (greffe de J. A. Panet) il ven-
(41) Ce plan est reproduit dans l'ouvrage : "The Siège of Québec and
the battle of the Plains. By A. Doughty, in collaboration with G. Parmelee.
Québec, Dussault et Proulx, 1901-Vol II, p. 257.
— 143 —
dait conjointement avec sa seconde femme, et comme aux
droits de ses enfants Louis, Marie-Jeanne et Hélène Bor-
gia Levasseur, héritiers de leur mère Hélène Moreau, à
Jean Roy, maître-traiteur de Québec, le terrain de
trois arpents de front, situé entre la terre des Ursulines, et
l'ancien fief Saint- Jean; François Borgia, garda cependant
la propriété affermée à Samuel Sills en 1763. En effet,
nous le voyons, par un acte du 10 septembre 1776, (greffe
de J. A. Panet) partager entre ses enfants, Philippe Au-
gustin Borgia-Levasseur, sellier, Marie-Jeanne Borgia Le-
vasseur, épouse de Jean-Baptiste Manseau, et Catherine
Borgia-Levasseur, âgée de dix-huit ans ''trois arpents, cinq
'perches, et douze pieds de terre de front, sur la profon-
'deur qu'il peut y avoir depuis le côté du nord du chemin
'du roi, qui conduit à*Sainte-Foy, jusqu'au pied du coteau
'Sainte-Geneviève, prenant d'un bout au front de la dite
'terre, le long du dit chemin, et d'autre bout aux terres des
'religieuses de l'Hôtel-Dieu et de l'Hôpital-Général, joi-
'gnant d'un côté au restant de terre qui appartient au dit
'François Louis Borgia, père (la terre achetée de Charles
'Pinguet de Montigny le 20 octobre 1762) et du côté du
'sud-ouest, à la terre de Michel Routier". Il leur aban-
donne aussi "une grange de bois couverte en bardeaux, le
'solage de i^ierre, de trente pieds de long sur vingt de lar-
'ge, ensemble la masure d'une maison, qui a été incendiée
'le printemps dernier à cause de la guerre des rebelles".
Nous croyons que cette maison est justement <*elle dont il
est fait mention dans le bail à Samuel Sills, laquelle venait
de subir pour la seconde fois, les épreuves de la guerre.
Les héritiers Levasseur ne tardèrent pas à vendre
leurs propriétés du coteau Sainte-Geneviève. Le 25 fé-
vrier 1780, (greft'e de Berthelot d'Artigny) dix-sept jours
après le décès de leur j^ère, ils cédaient à "John Schanks,
"lieutenant de vaisseau, quarante-huit toises de front sur le
"chemin Saint- Jean jusqu'au coteau Sainte-Geneviève",
et "l'autre terre de l'autre côté du chemin, trois arpents et
"demi de front sur quatre arpents de profondeur, affermés
— 144 —
"à Timothy Connolly, par feu François Louis Borgia-Le-
"vasseur, sous seing privé, le 21 mars 1778". Ce John
Sclianks, qui était un ingénieur remarquable, devint plus
tard amiral dans la marine anglaise (42).
En 1794, il avait définitivement quitté le Canada, et
demeurait à Dawlish, dans le comté de Devon, en Angleter-
re. Le 21 mars 1796, il vendait, par son procureur Thomas
Grant, ses propriétés du Coteau Sainte-Geneviève, à l'ho-
norable William Grant, seigneur de Saint-Roch, Charles
Grey Stewart, employé aux douanes de Québec, les acquit
en 1808, par sentence d'adjudication du shérif, sur la suc-
cession de l'honorable William Grant. Enfin ces proprié-
tés qui comprenaient les numéros 22 et 95, du cadastre de
la banlieue furent plus tard partagées entre l'honorable
David Ross et M. Robert Bruce.
Le lot de terre à l'ouest (numéro 23 du cadastre de la
banlieue) celui sur lequel nous avons placé la maison Bor-
gia de 1759, fut vendu par Jean-Baptiste Manseau, veuf de
Marie- Jeanne Levasseur, le 15 janvier 1789 (greffe de Des-
cheneaux) à Pierre Déguise dit Flamand, lequel le reven-
dit, le 13 février 1796 (greffe de Planté) à l'honorable Wil-
liam Grant. Le 29 mars 1808 le même morceau de terre
était adjugé par décret, à Louis Tapin.
Ce même Louis Tapin, avait acquis le 7 août 1785
(greffe de Berthelot d'Artigny) les deux lots à l'ouest
(Nos 23a et 24, du cadastre de la banlieue) de Philippe Au-
gustin Borgia-Levasseur, et de Nicolas Borgia-Levasseur ;
'enfin, Louis Tapin, vendit le 21 mai 1809, (greffe de Bé-
langer) à Thomas Saul, boulanger, les trois lots, qui for-
mèrent plus tard la propriété "Bijou" de M. An-
drew Thompson (43).
Dans l'acte de partage, passé en 1776, entre François
Louis Borgia-Levasseur, et ses enfants, nous voyons que la
(42) Sketches of celebrated Canadians and persons connected with Ca-
nada. . . .by Henry J. Morgan. Québec. Printed and published by Hun-
ter. Rose & Co., M. DCCCLXII. p. 97-98.
(43) Cf. Archives de la Nouvelle-France. Papier-Terrier. Domination
Anglaise. Cahier B. I. fol 615 wt suiv.
— 145 —
terre de celui-ci était bornée à l'ouest par celle de Michel
Routier, qui possédait deux arpents et demi de front sur le
chemin Saint- Jean jusqu'à six pieds de la cime du coteau
Sainte-Geneviève. Michel Routier, cultivateur de Sain-
te-Foy, et son épouse Marie Thérèse Angélique Mauffet,
avait acheté cette propriété, le 8 septembre 1754, (greffe de
Saillant) de Marie- Anne Denys de Saint-Simon, veuve de
Michel Berthier, vivant, chirurgien du roi, à laquelle dame
ce terrain api^artenait, conmie lui ayant été légué par le
sieur Collet, procureur-général du Conseil Supérieur. Nous
n'avons pu découvrir comment M. Collet était deve-
nu propriétaire de ce morceau de terre, qui faisait partie
des anciennes prairies de Marsolet.
Michel Routhier vendit ce terrain, le ler mars 1785,
(greffe de Planté) à dame Marie Geneviève Louvay, veu-
ve de Joseph Dupont, tils. L'évêque Mountain demeura
plusieurs années en cet endroit qui devint plus tard la pro-
priété de M. Robert Hamilton (Hamwood) achetée récem-
ment, i3ar les Révérends Pères Jésuites de M. E. A. Fortin.
(Numéro 25 du cadastre de la banlieue).
En 1790, nous voyons les religieuses de l'Hôtel-Dieu
et Ips religieuses Ursulines, louer i^ar bail emjjhythéotique
pour 99 ans, tous leurs terrains du coteau Sainte-Geneviè-
ve. Ces transactions donnèrent lieu à de multiples con-
trats de location qui furent tous passés par devant le no-
taire Deschenaux. Nous donnerons les noms des citoyens
de l'époque qui se portèrent acquéreurs de ces terrains,
ainsi que la situation respective de chacun des terrains
concédés.
Du côté nord de la rue Saint-Jean, à partir de la rue
Deligny, des baux de location furent accordés par les reli-
gieuses Hospitalières aux citoyens dont les noms suivent :
Pierre Vincent, Zacharie Gagnon, François Deligny (ler
septembre 1790) 8 perches et 14 pieds de front, sur quatre
arpents de profondeur. Pierre Vocelle .... Jean-Bap-
tiste Paquet, forgeron (11 juin 1790) un arpent, et cinq
l)ieds de front, jusqu'à la cîme du coteau. Ces trois ter-
— 146 —
rains embrassaient l'espace compris entre la rue Deligny et
la ruelle Vauban.
Nathaniel Taylor, commissaire de la Paix, quatre ar-
pents et seize pieds de front, en profondeur jusqu'à la cîme
du coteau (31 mai 1790), de la ruelle Vauban à la rue Raci-
ne.
Louis Manseau, tanneur, trois arpents de front, en
profondeur jusqu'à la cîme du coteau (de la rue Racine à
la rue Marchand) (12 juin 1790), déduction faite d'un lot
de sept perches et neuf pieds de front sur l 'alignement du
chemin Saint- Jean, acquis comme nous l'avons vu plus
haut, de Jean Marie Déguise dit Flamand.
Le 30 novembre 1790 (greffe de Deschenaux) Louis
Manseau vendait à son voisin Nathaniel Taylor son droit
d'amphytéose, plus le lot acquis de Déguise dit Flamand,
et ' ' deux maisons construites en bois sur le susdit terrain,
''les instruments, cuves en cuivre, et bois propres à la tan-
"nerie, qui sont actuellement dans "l'une des dites mai-
"sons". Nous croyons que ces deux maisons désignent
tout simplement la maison privée de Louis Manseau, et cel-
le qui était habitée dans le moment par son fils Jean-Bap-
tiste Manseau, éj^oux de Marie-Jeanne Borgia-Levasseur,
et non ]3as la maison de Louis Manseau, et celle de Fran-
çois Borgia-Levasseur, qui, comme nous l'avons démontré
précédemment, était située à un demi mille plus à l 'ouest, de
toute la distance qu'il y a entre la rue Racine, et la proprié-
té actuelle des Religieuses de Saint-Joseph de Saint- Val-
lier (44) . De plus, les seuls liens de parenté qui existaient
entre les Manseau et les Borgia-Levasseur, ne sont pas des
arguments suffisants à notre avis pour conclure qu'il y
avait en 1759 deux maisons en cet endroit, et que l'une de
ces maisons était celle de François Louis Borgia-Levasseur,
comme le dit M. Philippe Baby-Casgrain.
(44) M. P. B. Casgrain. ouvr. cité p. 59.
(A suivre)
IVANHOE CARON, Ptre.
— 147 —
LETTRE DU MINISTRE A M. DE
MENNEVAL, GOUVERNEUR DE
L'ACADIE
A Versailles, le 1er may 1689
Monsieur,
"Vous aurez sans doute apris la révolution arrivée en Angleterre par
l'invasion du prince d'Orange. Et comme il y a lieu de croire que les
colonies anglaises de l'Amérique suivront les mouvemens des Royaumes
et que cela entraînera infailliblement une rupture avec la France, il est
nécessaire que vous vous mettiez promptement en état de n'avoir rien à
craindre de leur ])art ; pour cet effet le Roy est résolu d'envoyer à l'Acadie
la frégate V Embuscade, sous le commandement du Sr , auquel
Elle ordonne d'agir de concert avec vous et de suivre voS avis et Elle a
fait un nouveau fonds de 50001. pour être employé aussi bien que les
2800 restants des Fonds ci-devant faits pour les fortiffications de l'Aca-
die au rétablissement du fort de Port-Royal suivant le plan et le devis
du sieur Pasquine que je vous envoie.
"Comme ce travail est pressé dans la conjoncture présente, il faut
que vous y employiez les soldats et les habitants et qu'enfin vous ne perdiez
pas un moment pour le mettre en état de défense. Sa Majesté se remet
à vous du supplément (ju'il faudta donner aux soldats pendant qu'ils tra-
vailleront et vous recommande seulement de ne leur donner que le moins
qu'il se pourra.
"Sa Majesté est persuadée que vous pourrez ménager sur les 78001.
ci-dessus quelque chose pour faire un fossé et une palissade, et il faut
aussi que vous y fassiez travailler le plus promptement que vous pourrez.
"Pour vous faciliter ces travaux Sa Majesté a donné ordre à M. Be-
gon de vous envoyer cent pièces et cent boyaux avec un gazonneur qu'il
faudra que vous fassiez incorporer dans la compagnie qui est au Port-
Royal pour épargner la dépense de son entretien.
"Sa Majesté ordonne au dit Sr Bégon de vous envoyer cinquante
fusils et 50 espées. Il faudra que vous renvoyiez par le retour de la Fré-
gatte du Roy les armes qui sont hors de service ; à l'égard des espées j'é-
cris au dit Sr Bégon de les prendre sur la solde des troupes et il faudra
que vous les fassiez payer par ceux a qui elles seront délivrées.
— 148 —
"Sa Majesté ayant esté informée qu'on peut avec quelques présents
ménager les chefs de Canibals et des Abenakis et les engager à faire agir
leurs nations contre les Anglais. Si cela est nécessaire, Elle a fait ache-
ter des Justeaucorps, des fusils et quelque peu de tabac, de pipes et d'eau-
de-vie qu'elle vous envoyé par la dite frégate et il faudra que vous fassiez
faire ces présents à propos pour en tirer l'utilité qu'on en espère.
"Sa Majesté a résolu de diviser les 90 soldats qu'elle entretient à l'A-
cadie en deux compagnies et son intention est que vous ayiez particuliè-
remeiit le commandement de la première et elle vous donne le Sr de Vil-
lebon pour lieutenant, à l'égard de la seconde elle sera commandée par
le Sr enseigne de vaisseau que Sa Majesté fait passer en
l'Acadie et qui aura le Sr garde de la marine, pour son
lieutenant.
Les Intéressés jc il la Compagnie de la pesche sédentaire ayant repré-
senté à Sa Majesté que la farine étoit extrêmement chère en l'Acadie et
qu'ils se chargeraient, si elle l'agréait, d'en envoyer de France aux soldats
Pi beaucoup meilleur marché. Elle leur a fait remettre une partie de la
solde de ces soldats et il faudra à l'arrivée du bâtiment qui les doit porter
que vous ayiez soin de les retirer et de les faire mettre en lieu oii elles se
puissent conserver jusques à l'année prochaine.
Le Sr de la Boulaye, lieutenant de.Eoy à l'Acadie, a demandé à Sa
Majesté la concession des Mines qui est, comme vous savez, un lieu à 25
lieues du Port-Eoyal, mais avant de rien résoudre sur cette demande Sa
Majesté est bien aise d'avoir votre avis et que vous luy fassiez savoir s'il
n'y a point d'inconvénient de luy accorder cette grâce.
"Sa Majesté a été informée que les Anglais vous ont fait proposer de
leur vendre des permissions de venir pêcher sur la côte de l'Acadie ; sur
quoi je dois vous dire qu'Elle n'a pas- estimé à propos de leur accorder
cette demande tant par la considération de la prochaine rupture où nous
allons entrer avec cette nation que par ce qu'il y âuroit un fort grand in-
convénient a leur laisser prendre l'habitude de venir pêcher sur les côtes
de ce pays.
*'Je vous envoie le duplicata de la déclaration de la guerre avec la
Hollande et avec l'Espagne dont vous aurez reçu les avis par les premiers
bâtimens qui sont partis" (1).
(1) Archives du Canada, série B, \%l. 14, 1688-1693.
— 149 —
LE REGISTRE DES PAUVRES DE
L'HOTEL-DIEU DE MONTREAL
Dans le cahier des audiences du bailliage de Montréal, année 16Î2,
mois de juillet, se trouve un feuillet sur lequel le notaire Basset a copié
deux extraits d'un registre que tenaient les religieuses de l'Hôtel-Dieu.
Ce registre doit être détruit depuis longtemps puisque l'hôpital a été rasé
trois fois par l'incendie ; il ne reste peut-être que' ces extraits pour nous
donner une idée des renseignements que l'on consignait dans le livre en
question :
Extrait du Registre des pauvres reçus a l'hostel Dieu St Joseph de
villemarie en l'Isle de Montréal en la N^ouvelle france, datte du septie
oust g b, I c. soixante et six.
Jacques Berio, âgé de vingt quatre ans, de poitou, paroisse StSulpice
Esvesché de poitiers a esté reçu a l'hospital ce dimanche vingt quatre
oust g b, I c. soixante et Dix, est sorty Ce dimanche vingt sixie, avril g b
I c. soixante unze — Jacques -Berias aagé de vingt six ans ou environ de
Poitou parroisse St Sulpice Evesché de poitiers a esté reçu a l'hospital le
vingtre octobre g b, le. soixante et unze ; est décédé le sixie. décembre.
Je soubsigné Greffier et tabellion du Bailliage de L'Isle de Montréal,
en la nouvelle france, Certiffîe a tous qu'il appertiendra, que j'ay fidèle-
ment tiré sur le Registre des pauvres Reçus a l'hospital dud. Montréal,
l'extrait cy dessus, et Iceluy bien et dûment Collationné pour servir tant
aux Religieuses dud. hospital qu'à Mad elle Mance administratrice du bien
des pauvres d'Iceluy ainsy que de Raison ce huitie juillet g b, I c. soixan-
te et Douze.
BASSET, greffier
Ajoutons qu'au registre de l'état civil, dans l'acte de décès du même
individu, date du 7 décembre 1671, on lit : "Jacques Brias dit le Soldat,
âgé de 28 ans".
Evidemment, Basset a mal lu la première mention, et il a écrit Bério
pour Beria.
E.-Z. MASSICOTTE
— ISO-
LE CHEVALIER DE CHAMPIGNY
Dans le Bulletin des Recherches Historiques de décembre 1920, page
375, il est dit que le chevalier de Champigny, frère cadet de l'intendant,
était enseigne au Canada en 1696, lieutenant en 1698 et capitaine en pied
en 1700.
Eî^t-il bien certain que ce chevalier était le frère cadet de notre in-
tendant ?
Voici les détails que fournit LaChesnaye-Desbois, sur cette famille :
(1) JEAN, (l'intendant) l'aîné des fils.
(2) GUY, chevalier de Malte, tué au siège de Nimègue en 1672.
(3) GUILLAUME, docteur en théologie de la Faculté de Paris ;
archidiacre de Kouen; grand-vicaire de Pontoise, puis évêque de
Valence. Mort, député à l'assemblée du clergé, lé 4 juillet
1705.
(4) HENlîI, abbé d'Auberive ; conseiller du roi en tous ses Con-
seils ; ])révôt de Saint-Pierre de Lille, en Flandre, et commis-
saire de Sa Majesté pour le renouvellement du Magistrat de la.
même ville. Mort le 11 février 1731.
(5) ANTOINE, chef d'escadre ; commandeur de l'Ordre de Saint
Louis ; lieutenant-général des armées navales ; mort, âgé de
70 ans; le 23 octobre 1720.
(6) autre ANTOINE, conseiller du roi en ses Conseils ; doyen de
l'église de Chartres puis trésorier de la Sainte Chapelle de Pa-
ris en 1699. Mort âgé environ de 86 ans, le 8 avril 1739.
Guy était mort depuis 1672 ; Guillaume était évêque de Valence dès
1687 ; Henri était abbé d'Auberive ; Antoine, chef d'escadre aux débuts
de 1700 ; le deuxième Antoine, doyen de l'église de Chartres avant 1698.
Peut-on trouver parmi eux un chevalier de Champigny qui, au Ca-
nada, était enseigne en 1696, lieutenant en 1698 et deux ans après, capi-
taine en pied ?
Il me semble que non.
L'intendant du Canada eut quatre fils, rapportés par LeChesnaye ;
dont :
— 151 —
(1) JEAN-ALPHONSE, né 1676, prêtre, ehauoine et chantre de
la Sainte Chapelle de Paris. Mort le 15 novembre 1723.
(2) JACQUES-CHARLES, (le continuateur de la lignée) ensei-
gncy puis lieutenant de vaisseau en décembre 1708 • ; comman-
deur de l'Ordre de Saint- Louis ; capitaine de frégate le 25 no-
vembre 1713 ; capitaine de vaisseau en mars 1727. Mort le
25 mai 1754.
(3) GUILLAUME, (aucun détail).
(4) JEAX-PAUL, entra dans le régiment des Gardes-Françaises
en 170*J ; successivement enseigne, sous-lieutenant en 1712, ca-
pitaine, etc.
Mgr Tanguay (Dict. 1-60) donne comme enfants de l'inten-
dant :
(1) MCULAS-JUSEPH, b
(2) MAKIK-AXXE, 1) 8 oct. \C,>H\ à Qu»'!h^.' : ^ 17 oct IHST. Qué-
bec.
(3) JEAN-PAUL, b 25) septembre 1689 à Montréal.
L'intendant est arrivé à Québec en septembre 1686 avec sa fenmie.
Le 8 octobre suivant, ils fout baptiser Marie-Anne. Nicolas-Joseph pla-
cé avant cette fille, par Mgr Tanguay, serait donc inscrit par erreur, et ce
ne saurait être lui ni Jean-Paul né en 1689, qui fut capitaine en 1700.
Le 27 avril 1697, le ministre mandait à M. de Champigny, inten-
dant, que le roi donnerait i)lus tard de l'avancement à sps fiJ.<i. (Rappt
Arch. Can. 1899, p. 315).
Quels étaient les fils de l'intendant eu passe d'avancement eii 1697 ?
Il faut les prendre parmi les trois premiers, nés avant 1680.
Le 1er mai 1698, le ministre annonce une commission de capitaine
pour le chevalier de Champigny à la place du sieur de Lespinay. (Même
rapport, p. 319). Le 5 mai 1700, enfin, le ministre apprend à l'inten-
dant qu'il a accordé une compagnie à son fils. (Idem, p. 335).
Si Jean-Alphonse a toujours été homme d'église, le chevalier çje
Champigny, fils de l'intendant et capitaine en 1700 serait donc Jacques-
Charles ou Guillaume ?
EEGIS ROY
— 152 —
LA PREMIERE RUE SAINT-CHARLES
A MONTREAL
Les premières rues de la haute ville de Montréal furent bornées en
1672 (sous la direction de l'abbé Dollier de Casson)" par le .greffier-
notaire-arpenteur Bénigne Basset qui nous en a laissé un procès verbal
encore inédit.
L'abbé Faillon analyse ce document dans son Histoire de la colonie,
III, 375, puis il nous fait part de ses conjectures sur l'origine des noms
qui furent donnés à chaque nouvelle rue. Il semble avoir raison dans
chaque cas, sauf un sur lequel nous croyons qu'il fait erreur.
"La rue Saint-Charles, dit-il, parallèle à celle de Saint-Gabriel et
aboutissant à la rue Saint- Jacques . . . . il la nomma de Saint-Charles,
patron de M. Le Moyne de Longueuil, qui avait rendu tant de services au
pays".
Pourquoi cette rue ne serait-elle pa^ plutôt baptisée ainsi en l'honneur
du patron du Juge de Montréal, Charles d'Ailleboust, dont elle longeait
ou traversait la concession ?
Charles Le Moyne n'avait aucune propriété dans l'est de Ville-Marie,
à cette époque et il n'était certainement pas plus en évidence, dans la so-
ciété montréalaise que d'Ailleboust des Musseaux, ecuyer, lieutenajit civil
et criminel du bailliage, le magistrat du choix des seigneurs.
Ensuite, Charles Le Moyne de Longueuil, avait déjà reçu sa part de
la reconnaissance publique puisque tout le monde disait de la langue de
terre qui s'avance dans le fleuve, au sud de Montréal, que c'était la Pointe
Saint-CharlèS. Là, personne ne pouvait contester l'origine de l'appella-
tion car M. Le Moj^ne possédait cette pointe en tout ou en partie.
Xous ne sommes pas le premier à réclamer en faveur de M. d'Aille-
boust. Une remarque du genre de la nôtre a déjà été faite dans un des
écrits de l'historien Gerald Hart qui, après avoir étudié le terrier de
Montréal, avait, lui aussi, aperçu la relation qui doit exister entre le nom
de la rue et celui du propriétaire du fond.
Conjecture pour conjecture nous avons la faiblesse de croire celle-ci
préférable à l'autre. ,
E.-Z. MASSICOTTE
— 153 —
LE PAIN BENIT A NOTRE-DAME DE
MONTREAL
En 1912, l'abbé Charles Trudelle publiait, dans le Bulletin des re-
cherches historiques, un article très intéressant sur le pain bénit. En
relatant les beautés de cette cérémonie, M. Trudelle commémorait les sou-
venirs de cette partie de notre ancienne liturgie, et terminait en faisant
connaître les abus, causes de sa disparition.
Je n'y reviendrai pas.
Je n'entreprendrai pas de faire l'historique complet du pain bénit
à Montréal ; ce qui serait assez long et pourtant très-intéressant. Je me
bornerai à noter ce que j'ai recueilli dans les archives de la fabrique. Je
sais que M. Massicotte donnera, un jour ou l'autre, un résumé des docu-
ments conservés au palais de justice, lesquels documents sont des procès
et disputes touchant cette matière.
A Montréal, la cérémonie du pain bénit semble originer avec le com-
mencement de la colonie.
Les premiers marguilliers, c-à-d ceux du l?me siècle, et qui tenaient
eux-mêmes leurs comptes, mentfonnaient les recettes de chaque dimanche,
sous le titre de quête, par les mots "quête du pain bénit".
Le tour de rôle était assigné par l'ordre des résidences, pour la ville,
et par l'ordre des terres, pour la campagne.
Les premières difficultés entre curé et paroissiens, à propos de quête
ou de pain bénit, remontent de longue date. La première qui mérite
d'être signalée est de l'an 1695, entre M. Dollier de Cassou, supérieur et
curé, et Jean Arnaud, marguillier. Ce dernier, dans le but d'augmenter
les recettes de l'église, voulait que les dames rendissent le pain bénit et
fissent la quête, comme on le voyait dans l'ancienne France.
M. Dollier ne l'entendait pas ainsi. "Trop souvent, dit-il, les quê-
tes se font par des personnes choisies en beauté et attraits, se faisant con-
duire par des écuyers, se parant ce jour là d'une façon extraordinaire, don-
nant des assignations aux jeunes messieurs, disant : un tel jour je serai
quêteuse à la paroisse, ne manquez pas d'y venir, et d'y faire honneur h
ma quête ; même des personnes connues pour scandaleuses sont commises
pourifcielles quêtes à la vergogne de l'église. Craignant toutes ces cho-
ses, et en ayant déjà vi ici de petits échantillons, on a doucement exclu les
— 154 —
femmes et les filles de la quête paroissiale, sachant que cela faisait faire
bien plus de péchés mortels, que cela n'y amassait d'argent".
Arnaud, qui avait déjà l'intention de monter au payfe des Outaouais
])our faire la traite, persista obstinément dans ses opinions, et laissa élire
un autre marguillier qui le remplaça.
A l'omission, du })ain l)énit corres})oiidait l'omission de la quête. De
1710 à 1750, on lit à maintes reprises dans divers comptes-rendus que
"personne n'ayant rendu le pain bénit, la quête a été omise", et l'item de
cette recette est demeuré en blanc ou marqué par un zéro;
Aux jours de fête solennelle, les personnes de la plus haute marque
étaient invitées à rendre le ])ain bénit. On peut supposer, avec Jean Ar-
naud, que la personne, tout en étant honorée, rapportait une quête plus
abondante. C'est d'ailleurs la coutume observée jusque de nos jours :
inviter les personnes de marque à faire la quête aux dimanches ou fêtes
les ])lus solennels.
M. Dollier mourut en 1701. 11 faut croire que son successeur, M.
Vachon de Belmont, ne fut aussi rigide à l'égard des dames. D'ailleurs,
notre mère la sainte église, tout en ne transigeant jamais sur son dogme,
sut toujours faire quelques concessions, vu le délabrement des moeurs, sur
les moyens d'observer les règles de la morale, tout en en gardant les prin-
cipes. Après M. Dollier, les dames furent invitées, et même contraintes
de rendre le pain bénit.
Le 23 mars 1703, jour de Pâques, madame de Vaudreuil rendit le
pain bénit, et fit la quête qui rapporta 73 Ibs. 10 sols. La plupart des
(|uêtes des autres dimanches de l'année, vers cette époque, ne rapportaient
qu'une livre et quelques sols.
Le jour de Pâques 1705, qui tombait le 12 avril. Madame Claude de
Kamesay fut invitée à rendre le pain bénit, et la quête rapporta 53 Ibs,
A la messe de minuit de Noël 1716, compte rendu de Pierre Lestage,
madame de Longueuil rendant le pain bénit, fit la quête et remit en mon-
naie de carte la somme de 83 Ibs, avec en plus un demi-écu de 50 sols de
France, valant en monnaie de carte 12 Ibs, 10 sols,
A la messe du jour de la même date, riiademoiselle Decoiiagne s'ac-
quitta des mêmes honneur et charge, et remit 37 Ibs 6 sols, produit de la
quête. Vers cette époque, 1715 à 1720, les quêtes de chaque dimanche
rapportaient environ deux livres.
Le 27 avril 1716, le roi édita une ordonnance, concernant les hon-
neurs rendus aux séculiers dans les églises paroissiales de Montréal : "le
— 155 —
pain bénit sera d'abord présenté au' gouverneur, au lieutenant de roi, et
aux autres officiers de la juridiction ; ensuite au marguillier en charge,
et indifféremment à ceux qui se trouveront dans l'église".
Le 27 décembre 1735, à l'élection de François Soumande-Delorme,
il est délibéré "qu'il sera donné aux anciens marguilliers, lorsqu'ils se
trouveront dans l'église paroissiale, un morceau de pain béni, pareil aux
marguilliers du banc ; avec cette réserve que Ife morceau de pain^ béni sera
présenté dans le corbillon, et dans le rang qu'ils se trouveront."
L'exécution de cette délibération ne gemble pas avoir été goûtée de
tous, mais plutôt avoir été une cause d'ennuis, puisque l'évêque Dubreil
de Pontbriand, dans sa visite pastorale à Montréal, le 10 juillet 1742, or-
donna que "la délibération du 27 décembre 1735 devra demeurer sans
exécution."
Cyprien Porlier remplissant les fonctions de gretïier royal de la jur
ridiction royale de Montréal depuis l'an 1732, occupait dans l'église, de-
puis cette date, le banc réservé aux officiers de justice, et y avait joui des
lionneurs dûs à sa charge.
En 1740, les marguilliers de Notre-Dame, sans aucune délibération,
s'avisèrent de luiôter le droit du morceau de pain bénit, qu'il devait avoir
avec les marguilliers du banc, quand lui-même occupait le sien. C'était
aller à l'encontre de l'arrêt royal de 171(i. Porlier s'en plaignit à l'in-
tendant Hocquart.
Ce dernier fit droit à la réclamation du j)laignant, et éoiit, le 27 juin
1740, une ordonnance qui portait qu'en exécution du règlement de sa Ma-
jesté, Claude-Cyprien Porlier, greffier de la juridiction royale de Mon-
tréal, jouira des honneurs attribués à sa charge, et en conséquence, que le
pain bénit lui sera distribué dans l'ordre prescrit pour les officiers de la
juridiction, quand même il se trouverait seul dans le banc attribué aux dits
officiers.
En 1742, madame Marie Pécaudy de Contrecoeur, veuve de Jean-
Louis de Chapt, sieur de Lacorne, était invitée à rendre le pain bénit.
Elle refusa.
Le marguillier, Jacques Charly, intenta une poursuite devant le tri-
bunal civil de Montréal contre madame de Lacorne, et le tribunal donna
gain de cause à cette dernière le 14 septembre 1742,
Le marguillier, ne se tenant pas pour battu, soumit le cas au conseil
de fabrique, à son assemblée le 21 septembre suivant, et le conseil décida
en ces termes : "A esté Délibéré qu'il sera fait appel D'une sentence Ben-
— 156 —
due En ce siège au Profit de Made. de La Corne a lencoiitre de la fa-
brique de cette parroisse au sujet Du pain Bénit, En Datte du quatorzi?
de ce mois aux fin D'avoir vu arresté qui Réglera le fait Dont II sagit pour
Eviter toutes les Difficultés pour pourroit arriver par la suite En pareil
Cas. Donnant pouvoir et authorité au Sr. Jacques Charly marguillier
en charge de faire led. appel et faire les poursuites nécessaires pour par-
venir and arrest Et Règlement. Mesme de substituer le procureur en
son lieu et place, et ont signé,
Deat prêtre, J. Gadois-mogé^ foucher J. charly L. Prudhomme
R. Decoiiagne Ignace gamelin A. Lecavelier Adhemar
La fabrique en appela au Conseil Souverain, qui rendit l'arrêt suivant
le 17 décembre 1742 : Arrêt du conseil supérieur de Québec, qui condam-
ne Mdme La Corne a donner le pain bénit,, avec offrande et quêteux de sa
condition. Entre M. Antoine Deat curé, Jacques Charly, Louis Cavelier
et Pierre Courreau-Lacoste marguilliers, Pierre Poirier stipulant pour eux
et Dame Marie Pecaudy, veuve de Jean-Louis De Chapt, sr. de Lacorne, le
Sr. Nouette comparant pour elle.
"Ordonne que Madame Lacorne sera tenue de présenter ou faire pré-
senter et rendre le pain bénit avec cierge et offrande et faire la quête ou
la faire faire par une personne de sa famille ou de sa condition en l'église
paroissiale de Montréal ; et ce le premier jour de Dimanche qui lui sera
marqué par les appelans. . , . sinon et a faute de ce faire en vertu du
présent arrêt et sans qu'il en soit besoin d'autre." De plus, le Conseil
permit aux appellans de retirer de l'intimée la somme de 12 Ibs, si elle re-
fuse de s'exécuter, et la condamne à 12 Ibs. d'amende avec dépens, met à
néant les deux significations du Sr. Nouette, et comme celui-ci a témoigné
de l'irrévérence dans ses termes, l'intimée est condamnée de plus à 24 Ibs.
d'amende applicables aux pauvres de l'hôpital.
Le procès, comme tous ceux de ce genre, avait soulevé les esprits et
causé beaucoup de trouble et d'ennui aux autorités et aux fidèles. Ma-
dame de Lacorne eut-elle l'intention d'en appeler au haut tribunal du
royaume ? Monseigneur Dosquet, alors évêque de Québec, un des plus af-
fectés de ces ennuis, semble insinuer la chose dans une lettre confiden-
tielle qu'il écrivait à M. Déat, le 13 mars 1743, et dont voici la teneur :
"Je vous conseille, monsieur, d'écrire à mons. le procureur-général
pour lui demander s'il est libre aux particuliers de se dispenser de donner
le pain bénit, moyennant 12 Ibs ; pour moi, je pense que ce serait un
avantage pour la fabrique, et que les marguilliers pourraient s'assembler
— 157 —
à ce sujet et convenir entre eux qu'ils feraient la quête ou la feraient faire.
Je vous dirai, entre vous et moi, que si cette affaire eut été ])ortée à l'of-
ticialité comme elle pouvait l'être, nous aurions jugé conformément à ce
qui se pratique à l'officialité de Paris, et il n'y a que six francs d'ordonné.
S'il y avait un nouveau procès sur pareille matière, je pense que le Conseil
ferait alors un règlement général, et qu'on ordonnerait peut-être pas de
payer 12 livres ; ainsi ^mou avis est qu'on ne fasse point de procès eu pa-
reille circonstance et qu'on accepte les offres qu'on fera.
"Je suis charmé que Madame Lacorue commence un peu à revenir, je
suis persuadé que vous ferez de votre côté plus que vous ne do^vez afin de
tout calmer ; je crois bien que Mrs. ses enfants ne penseront point à ap-
peler en France pour une affaire de si peu de conséquence ; je n'ai point
reçu les fameux écrits de l'avocaf, je désirerais comme vous une tranqui-
lité parfaite dans Montréal : ])eut-être que le temps de Pâques sera favo-
rable pour cela".
Je n'ai pu trouver dans les archives de Xotre-Dame si madame de
Lacorne s'est conformée au jugement du conseil souverain. Elle dut s'y
soumettre au moins moralement. C'est ce que la fabrique Notre-Dame
voulait en principe, puisque le marguillier paya les honoraires du procès
devant le Conseil Souverain, soit 79 Ibs. 18 sols.
L'amende, imposée pour refus de rendre le pain bénit, était plus éle-
\{'e à Montréal qu'ailleurs. La somme de 12 Ibs. est mentionnée dans le
cas de madame de Lacorne. Vingt ans plus tard, en 1761, un nommé
Ripaille était Condamné à (5 Ibs. seulement pour ce même refus.
L'ordonnance du 9 juillet 1721, stipulait que les habitants de Sorel
et des environs devront rendre le pain bénit, sous peine d'une amende de
trois livres. En 1723, un nommé Vaillancourt, de S. Antoine de Tilly,
un nommé Lamarche dit Poitevin et la veuve Fleurant, de la paroisse de
Bécancour, et Jacques Turcot, de S. Famille Isle d'Orléans, étaient con-
damnés à cette même amende de 3 Ibs, pour tel refus. (Arch. de Québec).
En avril 1750, Pierre Courreau Lacoste était invité à rendre le pain
bénit. Il s'y refusa. Les marguilliers, en leur assemblée du 19 avril,
passèrent la résolution suivante :
"Il est délibéré que le Sr. Lacoste donnera le pain bénit de paroisse
dimanche prochain ; et au cas de refus, le Sr Joseph Gamelin marguillier
en charge est autorisé à poursuivre ledit Sr. Lacoste en lui faisant signi-
fier assignation à cet effet".
Il n'appert pas que Lacoste se laissât poursuivre, mais qu'il dût s'exé-
— 158 —
cuter. La quête du dimanche suivant, le 26 avril, rapporta 11 Ibs. 4 sols,
soit environ le double des autres dimanches.
Quelles étaient les personnes tenues de rendre le pain bénit ? Il pa-
rait ne jamais avoir eu de règlement sur la question.
L'évêque de Pontbriand, écrivant au marguillier de Notre-Dame, le
18 mai 1750, suggérait une ligne de conduite à suivre, mais s'abstenait
d'en faire un règlement d'ordonnance.
"Il n^y a eu aucun règlement, monsieur, sur l'obligation que peuvent
estre mrs. les officiers de présenter un pain béni. Je crois même que ce
règlement souffriroit de grandes difficultés, pour concilier differens i)rin-
cipes. Je vous en indique quelqu'uns.
lo. — Il est certain que les officiers en garnison ne doivent point de
pain béni quoiqu'ils soient avec leur fa*nille, or on prétend que cela est,
ou va estre.
2o. — On présume que les officiers attachés à la place doivent le {)ain
béni : il peut y avoir -quelques difficultés.
3o. — Il est certain que cette charge paroit estre plus attachée à la
maison qu'à la })ersonne ; que communément c'est le locataire qui s'en
acquitte.
Il me paroit (iu\)u est un peu trop difficile sur les quêteuses, ces sortes
de procès nuisent plus à l'église qu'ils ne sont utiles. La jurisprudence,
la coutume ne sont pas universelles, en général je n'aime point nos quê-
teuses conduites par un cavalier. Je voudrois de tout mon coeur les
abolir.
Si mrs. les marguilliers voulaient eux-mêmes faire la quête, cela se-
roit bientôt terminé, à leur défaut, qui empêcherolt un prêtre de la faire,
moitié pour les hôpitaux moitié pour l'église, ne })ourrait-on pas exiger
un ciergfe de celui qui donneroit le pain béni, voyés, je vous prie, monsieur,
s'il y auroit moyen d'entrer dans mes vues. Je suis avec un parfait at-
tachement, monsieur, votre très humble et très-obéissant serviteur. X. h.
m. évêque de Québec".
I^e 6 janvier 1799, les minutes du conseil de fabrique, Mr Roux étant
pour lors supérieur, donnent la résolution suivante :
"Ayant été représenté qu'il serait convenable d'offrir un pain bénit,
le jour de la fête qui doit se célébrer le dix du présent mois, pour remercier
Dieu de la victoire remportée sur la flotte française par l'amiral Nelson :
que cette fête étant extraordinaire, aucun paroissien ne peut-être requis
d'offrir le pain ; et qu'il conviendrait qu'il fût offert aux dépens de la fa-
— 159 —
brique. A ces causes, il a été résolu que le Marguillier en charge est auto-
risé à faire faire un pain bénit convenable à la fête et l'offrir aux dépens
de la fabrique, et d'en charger les déboursés au compte des dépenses ex-
traordinaires. Que la quête provenant de ce jour, sera remise à Me le
Curé pour être distribuée aux pauvres, que le pain sera présenté par M.
Louis Guy. Et ont signé. Lesaulniers ptre, curé, Roux sup. et grand
vie, Neveusevestre, Ls Guy, P. Fortier, J. B. Dezery, Denis Viger, Louis
Chaboillez".
Cette grande fête qui eut lieu le 10 janvier 1799, fut un jeudi ; et
c'était pour commémorer la victoire éclatante de Xelson sur la flotte fran-
çaise, commandée i)ar Brueys, le 2 août 1798, dans la rade d'Aboukir, en
Egypte. Le pain bénit, à l'occasion de la fête, avait coûté à la fal)rique,
en offrandes, musiciens, pavillons, etc., 239 Ibs. 16 sols.
Cette réjouissance, à l'occasion d'une victoire anglaise sur la France,
avait au mois ceci de significatif : Quand Lord Dorchester arriva au pays
eu 1793, pour y être gouverneur un troisième terme, il était porteur d'im-
portantes instructions favorables aux Canadiens, entre autres, la perpé-
tuation "des séminaires et des communautés religieuses selon les règles de
leur institution". Le lex septefnbre 1794, étaient arrivés onze sulpiciens
français traqués, par la révolution, et dont M. Roux était du nombre. Il
n'en était venu aucun de France, après M. Lesaulniers, arrivé en 1793.
J'ai cherché par la suite de retracer une fête similaire à l'occasion de
la bataille navale de Trafalgar, le 21 oct. 1805. C'était le même amiral
Nelson, enseveli dans son triomphe, contre l'amiral Villeneuve, fait pri-
sonnier. Trafalgar, en Europe, fut la répétition d'Aboukir ; mais à No-
tre-Dame de Montréal, il n'y a aucune mention de la dernière bataille.
La sup}>ression des Jésuites, et le rétablissement de l'Institution
Royale, en l'an 1800, y sont peut-être pour quelque chose.
Dans les archives de l'année 1824, j'ai trouvé la lettre suivante, non
signée et non datée de l'écriture de Joseph Bédard, avocat consultant de
la fabrique :
"Messieurs les Avocats Catholiques de Montréal sont })riés de îvas-
sembler dans l^ur chambre, dans le Palais de Justice à Montréal, demain
le 31 du courant, à une heure a]irès-midi, pour prendre les arrangements
nécessaires, relativement au Pain béni que le Barreau Catholique se pro-
pose de présenter à la Messe solennelle, qui sera chantée le jour que la
1ère pierre de la Nouvelle Eglise Paroissiale de Montréal, sera posée."
— 160 —
La première pierre fut posée, à l'angle sud-est de l'église, le 31 août
1824.
La dernière mention du pain bénit dans les archives date de 1847 ;
et dans la délibération de la grande assemblée des marguilliers, le 14 mars
1847, le secrétaire a écrit :
"On lit une lettre de l'avocat de la fabrique suggérant que le mar-
guillier en charge soit spécialement autorisé à poursuivre, dans le cas de
refus d'offrir le pain Bénit, surtout particulièrement le nommé Dagenais,
et est Eésolu que le marguillier en charge soit spécialement autorisé com-
me susdit".
Les mots "surtout spécialement le nommé Dagenais" ont été biffés
Dagenais ne fut pas poursuivi, le texte de la lettre fait entendre qu'il
n'était pas le premier qui refusât depuis un certain temps. L'avocat de
la fabrique Joseph Bourret, de l'étude Pelletier et Bourret ne mentionne
nullement la cause de Dagenais, dans ses mémoires bien détaillés de frais
et honoraires contre la fabrique.
•
L'évêque Bourget, tout pénétré de la liturgie romaine, désirait, déjà
depuis plusieurs années, l'abolition de cette cérémonie toute française ;
et les archives de l'archevêché sont* muettes sur le sujet.
Une bouche autorisée de l'archevêché m'a affirmé que le pain bénit,
vers 1850, était pratiquement aboli dans la plupart des paroisses du dio-
cèse et du district de Montréal, quand il était encore rendu, non habituel-
lement mais à certaines fêtes solennelles, dans l'Eglise Notre-Dame.
Enfin, j'ai consulté quelques vieillards, anciens paroissiens de Notre-
Dame. D'aussi loin que leurs souvenirs d'enfance ont pu se reporter, il
faut conclure que le pain bénit fut pratiquement aboli vers 1850, (quoi-
qu'il fût donné depuis en maintes circonstances) et que depuis cette date,
cette cérémonie est tombée dans le domaine de l'histoire.
Tout change ici-bas. Les choses, comme les hommes passent.
Les choses de la religion peuvent varier ; la religion reste.
0. LAPALICE
BULLETIX
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE- JUIN 1921 No 6
LES CENSITAIRES DU COTEAU SAINTE-
GENEVIEVE (BANLIEUE DE
QUEBEC) DE 1636 A 1800
(Suite et fin)
L'honorable William Grant, seigneur de Saint-Roch,
demeurant rue des Pauvres, "quatre arpents, huit perches
et douze pieds", en profondeur jusqu'au coteau Sainte-
Geneviève, (31 mai 1790), joignant d'un côté au nord-est
au nommé Manseau, et d'autre côté au sud-ouest à la ligne
de séparation entre les Dames religieuses de l'Hôtel-
Dieu et les Dames Ursulines. C'est le terrain compris en-
tre la rue Marchand et l'asile Finlay.
Le terrain, à l'ouest, cinq arpents, une perche et seize
pieds de front, en profondeur jusqu'à la cîme du coteau
qui formait la partie nord, de l'ancien fief Saint- Joseph
avait été cédé au même William Grant, par les religieuses
L^rsulines, le 31 mai 1790. Ce terrain était voisin à l'ouest
de celui de John Schank, que William Grant, acheta en
1792. Dans le bail passé avec les religieuses Ursulines,
il est fait "réserve d'un chemin de vingt pieds le long du
"terrain du sieur Schank, à partir du niveau du chemin
"Saint- Jean jusqu'à la cîme du coteau Sainte-Geneviève,
"avec la côte qui descend au bas du coteau". Ce morceau
, -. 162 ---
de terre embrassait tout l'espace compris entre l'asile Fin-
lay, et l'ancienne i^ropriété de l'honorable D. A. Ross. Le
terrain dont il est fait mention se trouverait aujourd'hui
vis-à-vis l'église Notre-Dame du Chemin ; il conduisait
à la côte Sauvageau, aussi nommé probablement à cause de
Michel Sauvageau, propriétaire du terrain, situé au-des-
sous du coteau.
Avec toutes ces acquisitions de terrains, William
Grant était l'un des grands propriétaires fonciers de l'épo-,
que. Arrivé à Québec quelques années après la cession
du pays (1768), William Grant, avait épousé en 1770, la
veuve de Charles Jacques Lemoine, troisième baron de
Longueuil. Nommé membre du Conseil législatif en 1778,
il était déjà depuis un an, député receveur-général ; il fut
relevé de cette dernière charge, en 1784, par suite de cer-
taines irrégularités que l'on découvrit dans les comptes
23ublics ; à sa mort, en 1803, ses biens furent saisis et ven-
dus à l'enchère en 1808. C'est à tort qu'il s'était appro-
prié le titre de seigneur de Saint-Roch, car dans l'acte de
foi et hommage qu'il rendit en 1780, pour le fief de Saint-
Roch, il est dit que ce prétendu fief n'avait jamais existé,
et qu'aucun des possesseurs précédents n'avait été gratifié
du titre de seigneur.
Cette partie nord du fief Saint- Joseph fut adjugée en
1808, à Jean Guillet dit ToTirangeau, aux héritiers duquel
elle appartient encore aujourd'hui. C'est le quartier nou-
veau appelé quartier des révérends Pères Franciscains.
Les religieuses de l'Hôtel-Dieu avaient également concédé
par bail emphythéotique leurs terrains au sud de la rue
Saint-Jean.
A j)artir de la rue Claire-Fontaine, nous trouvons les
propriétaires dont les noms suivent :
David Lynd, greffier de la cour des Plaidoyers Com-
muns, (22 juin 1790), sept arpents, six perches et six pieds,
sur (Quatre arpents de profondeur ; il est dit dans le bail de
location que quinze pieds sont réservés entre le terrain des
Dames Ursulines et celui des dames Hospitalières pour
l'ouverture d'un chemin, qui allait devenir la rue Claire-
— 163 —
Fontaine actuelle. C'est sur ce terrain qu'est bâti l'hô-
pital Jeffrey Haie.
Timothy O'Connor, (23 juin 1790) deux arpents de
front.
L'honorable François Baby, membre du Conseil lé-
gislatif, demeurant dans la rue Sous-le-Fort, (31 mai 1790)
deux arpents de front.
L'honorable Charles François Tarieu, sieur de La
Naudière, membre du Conseil législatif, demeurant dans
la rue des Pauvres (31 mai 1790) deux arpents de front.
Ces trois terrains, avaient une profondeur de quatre ar-
pents, et couvraient tout l'espace compris entre l'avenue
Salaberry et l'avenue Bourlamaque. L'ancien village de
Montplaisant était bâti en partie sur le terrain de M.
Baby, et en partie sur celui de M. de Lanaudière.
Les religieuses Hospitalières avaient également loué
tous les terrains au sud des précédents, le long du chemin
de la Grande- Allée. A M. Jacob Dunf ord, commissaire de
l'Arsenal, (2 juin 1790) un arpent et demi, à i3artir de la
rue Claire-Fontaine.
A. Godfrey King, négociant, (31 mai 1790) un arpent.
A John Munro, négociant, (31 mai 1790) deux arpents.
C'est sur ce terrain que se trouvait l'ancien cimetière de la
ville.
A James Davidson, chirurgien, (31 mai 1790), un ar-
pent.
A Alexandre Wilson, négociant, (31 mai 1790), un ar-
pent.
A Jacques-François Cugnet, avocat, (31 mai 1790),
trois arpents et treize pieds.
Le terrain de M. Cugnet, le long du chemin de
la Grande-Allée, et celui de M. de La Naudière, le
long du chenlin Saint- Jean, étaient bornés à l'ouest par le
tief Saint-Joseph. Les religieuses Ursulines avaient éga-
lement loué par bail amphithéotique toutes les propriétés
qu'elles avaient à l'ouest du fief Saint- Joseph. A Nathaniel
Taylor, (31 mai 1790), trois arpents six perches et dix
huit pieds le long du chemin de la Grande- Allée, sur diffé-
— 164 —
rentes profondeurs, jusqu'à la propriété de M. Schank;
c'est l'étendue de terre comprise entre l'avenue Park et
l'avenue Moncton, les numéros 92-93 et 94 du cadastre de
la banlieue.
A John Coft'in, lieutenant de police et maître des eaux
et forêts (31 mai 1790), deux arpents et onze pieds de front,
sur les différentes profondeurs qui se trouvent entre le
chemin de la Grande- Allée et celui de Saint- Jean. Ce
terrain est traversé en plein milieu par l'ancienne avenue
Brown.
A Joseph Anctil, avocat, demeurant rue du Parloir
(31 mai 1790), deux arpents et neuf pieds de front sur le
chemin de la Grande- Allée, le> numéro 81 du cadastre de la
banlieue.
Enfin à Joseph Kimbert, négociant, demeurant sur la
rue de la Fabrique (31 mai 1790) deux arpents et neuf
pieds sur le chemin Saint-Jean, 1^^ numéro 80, du cadastre
de la banlieue.
Dans les baux de location consentis à MM. Kimbert et
Anctil, il est dit que leurs terrains sont bornés à l 'ouest par
la route connue sous le nom de route Bourdon. Cette rou-
te faisait justement la limite entre le terrain des religieu-
ses Ursulines, et celui de Melchior Poncet qui venait d'a-
cheter de Jean Roy, l'ancienne propriété de Henri Pin-
guet ; elle avait été tracée dès 1731, par le grand-voyer
Lanouillier de Boisclair, pour remplacer l'ancienne route
Bourdon, qui se trouvait à un arjjent plus à l'ouest dans la
ligne du Belvédère actuel, deveiiue "impraticable à cause
des mollières qui s'y rencontrent". Cette nouvelle route
cependant n'avait pas été ouverte dans le temps, et ce n'est
seulement qu'en 1790, que le sous-voyer du district de Qué-
bec, Jean Renaud donna l'ordre de l'ouvrir. Elle est tra-
cée sur le plan de l'arpenteur Ignace Plamondon pré23aré
en juin 1790, i>our délimiter les différentes jjropriétés des
dames Ursulines dans la banlieue ; cette nouvelle route
Bourdon est maintenant remplacée par l'avenue Murray,
qui tombe sur le chemin de la Grande- Allée, vis-à-vis l'an-
cienne propriété Marchmont.
%
— 165 —
Melchior Poncet ne resta pas longtemps en possession
de la terre des Pinguet ; le 13 octobre 1792, cette propriété
était adjugée à James Fislier, par décret sur John Parker,
qui venait de l'acheter de Melchior Poncet. James Fisher,
la revendit le 13 novembre de la même année (greffe de
Voyer) à Henri Reinschinder, aubergiste, demeurant sur
la rue Sainte-Famille, lequel la céda le 12 avril 1799 à
Charles Stewart, député contrôleur de la douane à Québec.
Cet emplacement traversé aujourd'hui en plein milieu par
l'avenue des Braves, se trouvait compris entre l'avenue
Murray et l'avenue Lévis.
En face, au nord du chemin Saint-Jean, est le terrain
devenu historique par le combat acharné qui s'y livra en
1760, entre les soldats de Lévis et ceux de Murray.
Nous avons vu que ce terrain, qui faisait d'abord par-
tie de la i:)ropriété de Henri Pinguet, avait été adjugé par
sentence de la Prévôté de Québec, le 1er mars 1712, à
Charles Perthuis, membre du Conseil Souverain. Celui-
ci le revendit le 25 octobre 1734 (greffe de Pinguet) aux
Pères Jésuites, qui achetaient "cette terre et habitation
"avec les bâtiments dessus construits pour servir de mai-
"son de campagne et de recréation aux pensionnaires nou-
"vellement établis en leur collège de la ville de Québec".
Les Pères Jésuites le revendirent le 25 octobre 1741 (gref-
fe de Pinguet), à Jean-Baptiste Dumont, négociant. Il est
dit dans l'acte de vente que ce terrain, mesurait trois ar-
pents de front sur le chemin Saint-Jean, et s'étendait en
profondeur jusqu'à cinq arpents de la petite rivière Saint-
Charles, qu'il était borné au nord-est par les représentants
de M. d'Artigny (la veuve Berthier), au sud-ouest
par les représentants de monsieur de Sarrazin (Jean Hyp-
polite Gaultier de Varennes). Les Pères Jésuites cé-
daient en même temps, à Jean-Baptiste Dumont, une "mai
"son y attenante, moulin à tan en l'état que la terre est ac-
tuellement" sujet à la charge d'entretenir le chemin et le
pont vis-à-vis sur le ruisseau. Il n'y a pas de doute pos-
sible, c'est la maison et le moulin de Dumont, de la bataille
- 166 —
de Sainte-Foy ; la maison fut presque complètement dé-
truite pendant le combat.
Nous voyons par un acte de Jean-Claude Panet, en
date du 17 août 1765, que Jean-Baptiste Dumont, louait à
Jean Roy, la maison nouvelle qu'il faisait construire sur ce
terrain, et qu'il permettait à ce dernier de "se servir seu-
"lement de tous les bois, planches et madriers provenant
"de la démolition de la vieille maison, qui sont sur les
"lieux".
Nous trouvons dans la Gazette de Québec diver-
ses annonces (15 avril 1779, 5 octobre, 2 et 16 novembre
1780) par lesquelles Dimiont offre à vendre ou à louer sa
propriété, "avec un beau jardin et toutes les maisons des-
'sus construites, consistant en un moulin à vent en pierre,
'qui tourne à tout vent, propre à moudre l'écorce pour une
'tannerie, le site étant très favorable pour cela, et l'eau
'qui n'y manque jamais dans les plus sèches saisons est la
'meilleure de la province pour préparer le cuir, y ayant
'toujours eu là une tannerie, une grange pour les pro-
'duits de la ferme, qui donne à présent quatre à cinq mille
'bottes de foin et peut en rendre beaucoup plus".
Il n'est pas fait mention dans ces annonces, de la mai-
son de 1765, qui avait dû être détruite dans l'hiver de 1775-
76, par les soldats d 'Arnold.
Le 10 novembre 1781, l'honorable Henry Caldwell
(greffe J.-A. Panet) achetait la propriété de Jean-Bap-
tiste Dumont, avec toutes ses dépendances. Caldwell, re-
vendit le tout, le 27 février 1799, (greffe de Félix Têtu) à
Jean Guillet dit Tourangeau, marchand de Québec. Dans
la déclaration qu'il fit au greffier du domaine du roi, le
28 septembre 1811, (45) Guillet dit Tourangeau dit que sa
propriété est bornée du côté du nord-est, à la veuve Du-
pont, du côté du sud-ouest, à John Caldwell, et qu'elle s'é-
tend au chemin Saint-Jean, sur trois arpents de front, jus-
qu'à cinq arpents de la petite rivière Saint-Charles. C'est
toujours l'ancienne propriété Dumont, les numéros 26 et
(45) Archives de la Nouvelle-France. Papier terrier Domination An-
glaise. B I fol. 568.
... 167 —
27, du cadastre de la banlieue ; le monument des Braves,
élevé en 1863, se trouve justement sur l'emplacement de
l'ancien moulin Dumont.
Dans une étude sur ce moulin, M. Philippe Baby
Casgrain (46) identifie une partie de la propriété
Dumont, avec le terrain loué en 1763, par François Louis
Borgia-Levasseur, à Samuel Sills ; il nous semble avoir
suffisamment démontré que Borgia avait son terrain à en-
viron neuf arpents plus à l'est. D'ailleurs, la suite des
transactions concernant la propriété Dumont indique
clairement que Borgia n'eut jamais de terrain en cet en-
droit.
La propriété voisine à l'ouest, était la terre de Saint-
Jean. A sa mort, arrivée en 1734, le docteur Michel Sar-
razin laissait son épouse, Marie Ursule Hazeur, héritière
de ses biens. Celle-ci restait avec deux fils ; Joseph Mi-
chel, Claude Michel, et une fille Louise Charlotte. Joseph
Michel étant décédé à Paris, en 1739, (47) la propriété de
Saint- Jean re.^a indivise -entre Claude-Michel et Louise
Charlotte à la mort de Madame Sarrazin, en 1743. Louise-
Charlotte épousa, le 5 février 1746, Jean-Hyp23olite Gau-
tier de Varennes, officier dans les troupes de la Marine.
Ils demeurèrent pendant quelque temps sur le coteau
Sainte-Gene-sdève. En 1752, ils allèrent habiter Mont-
réal.
Le 17 mai 1757, (greffe de Du Laurent) Simon San-
guinet, vendait par procuration de Monsieur de Varennes
et de son épouse tous "les droits, prétentions, raisons et ac-
"tions quelconques résidences. . . .que ceux-ci avaient
"droit de prétendre, sur deux terres»sizes et situées en lieux
"et coste Saint- Jean et Saint-François, près de cette ville
"de Québec" à Jacques Cartier L'Angevin, marchand de
Québec (48).
Il est dit dans l'acte que la totalité de la dite terre de
(46) Bulletin des Recherches Historiques, Vol. XI, 1905, p. 70.
(47) Le chapitre de la Cathédrale de Québec, et ses délégués en France.
Bulletin des Recherches Historiques. 1910 p. 267-269.
(48) Ce Jacques Cartier, un des grands propriétaires de l'époque, était
le grand-père de Georges-Etienne Cartier.
— 168 —
Saint-Jean consistait en quatorze ar^^ents et demi, et qua-
tre perches de front, divisée en plusieurs parties contigues
les unes aux autres, savoir : La première x^ortion, de qua-
tre arpents et quatre perches, autrefois appelée' 4a terre
de Bourdon" (le fief Saint- Jean primitif) ; la deuxième
portion, consistant en trois arpents de front sur quarante
de profondeur autrefois appelée l'habitation de Morin de
Rochebelle ; "la troisième portion est, dit-on, la terre du
"défunt Sedillot, consistant en trois arpents de front, en
"profondeur depuis les terres de Lanoraie, jusqu'à la ri-
"vière Saint-Charles".
La quatrième portion, sont icelles dites terres de
Saint-Jean consistant en trois arpents de front, sur la mê-
me profondeur (l'ancienne terre de Robert Caron).
La cinquième portion consistant en un arpent et demi
de front appartenant autrefois à défunt Henri L 'Archevê-
que.
On ajoute que dans la totalité de la dite«terre de Saint-
Jean, "était comj)ris en enclavé le fief vulgairement nom-
"mé Saint- Jean, consistant en soixante arpents de terre en
"superficie, suivant l'acte de foi et hommage du 5 juillet
"1726".
Le tout était vendu pour la sonmie de onze mille livres.
"Et pour épingle en la présente vente, le dit acquéreur
"promettait et s'obligeait de donner une barrique de vin
"rouge, bon et marchand, aux dits sieur et dame de Varen-
"nés, auxquels il s'obligeait d'envoyer et de faire rendre, la
"dite barrique de vin à Montréal, à ses risques, frais et dé-
" penses".
Claude Michel Sarrazin, après de brillante études à
Paris, était devenu ingénieur volontaire dans les troupes
françaises ; il ne devait pas revenir en Canada. En 1757,
par sentence de la Prévôté de Québec, en date du trois mai,
il fut décrété que les ari^enteurs LaMorille et Vallée, j^ro-
céderaient au partage des terres de Saint- Jean et de Saint-
François, entre Claude-Michel Sarrazin, demeurant en
France, représenté jDar son procureur Ignace Perthuis,
conseiller du roi, et Jacques Cartier L'Angevin, comme
... 169 —
ayant acquis les droits de Joseph Hyppolite Gaultier de
Varennes. Ce partage fut fait le treize août 1757, en pré-
sence des sieurs Perthuis, Cartier L 'Angevin, et du notaire
Barolet, qui en dressa l'acte sur le champ. Cet acte est
intéressant et mérite d'être cité. La terre de Saint- Jean
qui contenait 597 arpents en superficie, distraction faite de
60 arpents en superficie, compris dans le fief Saint-Jean,
fut divise en deux lots ayant chacun sept ari3ents, neuf
l^erches, onze pieds et six pouces de front sur le chemin
Saint-Jean, et renfennant cha<.nni 318 arpents, appelés,
l'un le lot du sud-ouest, et l'autre le lot du nord-est. Afin
de ne i)as le démembrer, le fief Saint-Jean fut considéré
connue entièrement enclavé dans le second lot. "Et les
'parties contractantes, dit l'acte, voulant jouir par divi-
'sis des dits biens de fond dont le dit partage est ordonné
'par les sentences cy-dessus dattes, il a été en leur présence
'procédé au partage de la sus-dite terre de Saint- Jean, et
'pour y parvenir fait deux billets de papier, égaux et jlis-
'te pour être jeté au sort, dans l'un desquels est écrit pre-
'mier lot au Nord-Est et dans l'autre second lot au Sud-
' Ouest, les ayant roulés l'un comme l'autre et cachettes les
'dites parties ont appelés un jeune garçon nonmié Nico-
'las à elles inconnu et jîassant dans la rue, dans le cha-
'peau duquel les dites parties ayant mis les dits deux bil-
'lets, le dit Nicolas après les avoir longtemps brouillés et
'remués dans son chapeau du consentement des dites par-
'ties et en leur présence en a tiré un qu'il a remis au Sieur
'Perthuis stipulant pour l'absence du dit Sieur Sarrazin
'et l'autre l'a présenté au Sieur Quartier connue ayant
'acquis les droits cédés du dit Sieur de Varenne et cîe la
'dite Dame Sarrazin son éi30use par l'ouverture desquels
'dits billets il s'est trouvé que le premier lot au Nord-est
'est échu au dit Quartier, le second lot au Sud-Ouest au dit
'Sieur Sarrazin.
Le 8 mai 1758, le notaire Saillant, fondé de procura-
tion de Claude Michel Sarrazin, .et de son épouse Catherine
de Monceau, vendait au sieur Charles Turpiil, négociant,
et à son épouse, dame Bailly de Messein, le fief Saint-Jean
... 170 —
et la partie sud-ouest de la terre de Saint- Jean, "le dit fief
"et terre de Saint- Jean, bornée d'un bout au sud-ouest à
"monsieur de la Fontaine, conseiller au Conseil Supérieur,
"et au nord-est au sieur Jacques-Cartier, sur la profon-
"deur que les différentes parties de terre, ont depuis les
"terres de Lanoraie ou des Prêtres, jusqu'à la rivière
' ' Saint-Cliarles .... le tout vendu pour la somme de 9000
"livres, savoir, celle de mille livres pour le fief Saint- Jean,
"et huit mille livres pour la terre de Saint- Jean.
Cette descrijDtion de bornes du fief Saint- Jean, indique
bien clairement, ainsi que nous l'avons démontré ailleurs,
que le fief Saint- Jean avait été déplacé ; il était alors en-
clavé dans l 'ancienne propriété de Robert Caron.
Au lendemain de la conquête, les vainqueurs persua-
dés que le Canada ne retournerait pas à la France, achetè-
rent à bon marché de belles seigneuries et d'immenses do-
maines. Le temps d'ailleurs était propice aux spécula-
tions foncières et plusieurs en i3rbfitèrent. Le gouver-
neur Murray n'échappa pas à l'engouement général.
Le 8 juillet 1762 (greffe de Jean Panet) "Marie-
" Joseph Bailly de Messein, épouse et procuratrice généra-
"le du sieur Turpin, son mari, négociant, de présent en
"l'ancienne France", vendait à notre premier gouverneur
anglais, le fief Saint-Jean, et la partie de la terre Saint-
Jean achetés de Claude-Michel Sarrazin, pour la somme
de cinq cent livres sterling.
Murray ne se contenta pas de si peu ; le 13 novembre
1762, (greffe de J.-C. Panet), il achetait des prêtres du Sé-
minaire de Québec, la terre de Lanoraie, au nord du chemin
Saint-Louis, la xorairie à Duquet, et la terre de Saint-De-
nis, en face, au sud du même chemin. Puis il acquit par
différents achats, le reste de l'ancienne terre de Saint-
Jean ; de Jean Glarneau, de Pierre Sédillot dit Montreuil,
(13 juin 1763, greffe de J.-A. Panet) de Jean-Marie
Léonard dit Mondor (28 septembre 1765, greffe de J.-A.
Panet) qui eux-mêmes avaient acheté de Jacques Cartier
L'Angevin. Avec toutes ses acquisitions, le général se
trouvait le plus grand propriétaire foncier de la banlieue
... 171 —
de Québec. Ses terrains s'étendaient du fleuve .Saint-
Laurent à la rivière Saint-Charles, et de l'avenue Lévis à
deux arpents à l'ouest de l'ancienne route Tliorn-Hill.
L'ancienne terre de Saint- Jean prit dès lors le nom de
terre Sans Bruit.
A son départ en 1766, Murray confia l'administration
de ses biens-fonds, à un de ses neveux, Richard Murray,
qui avait épousé une demoiselle Turpin. En 1774, alors
qu'il était lieutenant-gouverneur de l'ile Minorque, il
louait le tout pour 99 ans à Henry Caldwell. Enfin, le 28
février 1801, (greffe de Félix Têtu) le lieutenant Mat-
thews achetait pour Henry Caldwell toutes les ])ropriétés
du général Murray.
Caldwell ne trouva pas profit sans doute à exploiter
la grande ferme de aSV/>/.s' Bruit. D'année en année,
nous lisons dans la Gazette de Québec, des annonces,
par lesquelles il met en vente ses propriétés de la banlieue.
Nous citons l'annonce du 4 janvier 1787, qui ne manque ])as
d'intérêt.
"A louer du premier mai prochain pour aucun nombre
"d'années dont on potlrra convenir :
"Les terres de Sans-Bruit, consistant en environ
"huit cents acres, dont quatre cents sont labourables, en
"pacage ou en prairie.
' ' On la louera tout ensemble oti en petites fermes,
"comme on voudra. Il y a sur les lieux une maison de
"ferme, une laiterie et des granges suffisantes, des écuries,
"étables, et un très bon jardin bien enclos. Vingt bon-
"nes vaches appartenant à la ferme, le plupart de race an-
" glaise, seront vendues en même temps. Les dites terres
"sont situées à trois milles de Québec, bien closes et con-
" tiennent plusieurs endroits agréables pour bâtir des mai-
"sons.
"A vendre aussi ou à louer, comme il est dit ci-dessus,
"une métairie de valeur, très plaisanmient située sur la
"petite rivière Saint-Charles, en\dron deux milles et demi
"de Québec, connue sous le.nom de ferme Cadet, contenant
' ' environ douze' arpents de front sur 20 ou trehte arpents
. _ 172 —
"de profondeur. Elle sera divisée en petites fermes à
''l'option des tenanciers ou acheteurs. Il y a dessus une
"maison de ferme, des étables, et de bonnes granges, capa-
"bles de contenir 18,000 bottes de foin. Une grande par-
"tie de la dite métairie est en prairie, dont la majeure par-
"tie produit du franc foin.
"A vendre ou à louer aussi connue ci-dessus.
"La métairie ensuite de Sans-Bruit, -sur le chemin de
"Ste-Foi, à enviroïi un mille et demi de Québec, contenant
"environ 80 arpents en superficie. La situation en est
"très belle pour une maison de canij^agne. . Il y a déjà un
"verger, complanté de bons arbres fruitiers. Pour plus
"ample détail on peut s'adresser à Henry Caldwell, écu-
"yer à Belmont.
Henry Caldwell, décéda le 28 mai 1810. Par son tes-
tament, il léguait la propriété de Sans-Bruit à sa petite
tille Anne, tout en donnant à son fils John, le pouvoir d'en
disposer en faveur de celle-ci (49) .
Hemy Caldwell en avait déjà vendu certaines parties;
en 1802 et 1803, nous trouvons établis sur les fermes dépen-
dantes de Sans-Bruit, les propriétaires suivants :
Jose])li Gingras, Augustin Gringras, Ignace Voyer, Fran-
çois Barbeau, François Tessier, Pierre Chalou. John Cald-
well, continua de même ; en 1827, lors de la saisie de ses
biens", il ne lui restait en propre que quatre-vingts arpents
sur la ferme de Sans-Bruit. Nous n'avons pu décou-
vrir ce qu'il était advenu du fief Saint- Jean, à la suite de
ces différentes mutations. \
La propriété voisine à l'ouest des terres de Saint-
Jean, appartenait en 1759, à Jacques Lafontaine de Bel-
coiirt, membre du Conseil Supérieur. Le sieur 'de Lafon-
taine avait acquis cette propriété par deux transactions, un
arpent et demi de front sur quarante -de profondeur, de
Boucault, lieutenant civil et criminel de l'Amirauté le 15
février 1745, (greffe de Pinguet) qui l'avait lui-même
acheté des héritiers de François Boivin, douze perches de
(49) Histoire cle la Seigneurie de Lauzon par J. Edmond Roy. Vol III
1900 p. 432. ^
... 173 - -
front, du coteau Sainte-Genevièvre à la Grande- Allée, de
Jean Lavaux et de Jean-Marie Liberge, le 13 mars 1745
(greffe de Pinguet). Liberge avait hérité, par son ma-
riage avec Louise Thérèse Boivin, de ce morceau de ter-
rain. C'était l'ancienne terre de Nicolas Bonliomme.
Après la mort du sieur de La fontaine, cette propriété
fut vendue à l'enchère et adjugée i)ar un décret de la cour
des Plaidoyers Connnuns, le 3 avril 1766, au lieutenant
Malcohn Fraser, qui la vendit le 22 octobre 1767 (greffe de
J. 0. Panet) à Samuel Holland, arpenteur-général de la
province du Bas-Canada. On mentionne dans l'acte de
vente qu'il y avait sur cette propriété une '* maison à ime
''étage et une aile ou allonge de pierre, une grange, une
"étable, une écurie, un hangard, coiu* et jardin."
C'est dans cette maison que le général Arnold avait
établi ses quartiers durant l'hiver de 1775-76, et c'est pro-
bablement dans cette maison que l 'ingénieur Holland mou-
rut en 1801. Conmie il le demandait dans son testament,
Holland fut enseveli sur sa propriété, au ])ied d'un pin qui
fut renversé par un ouragan le 15 novembre 1871 (50).
Ce terrain historique appartient maintenant à Mon-
sieur Victor Chateauvert, qui vient d'en céder une partie
aux révérends Pères du Saint-Sacrement.
Nous avons vu qu'en 1726, l'ancienne propriété des
frères Delaunay, appartenait à Marguerite Balan, veuve
en première noces de Mathieu Guay. A son décès, elle
laissa aux enfants que son mari avait eu de son premier
mariage avec Thérèse Poirier, et aux siens propres, cette
propriété.
En 1759, nous trouvons trois propriétaires sur ce ter-
rain, Jean Marie Liberge, à l'est, Pierre Doyon, ave^c ses
frères et ses soeurs, au centre, et Pierre Boivin à l'ouest.
Jean Marie Liberge, avait un arpent de front sur quinze
de profondeur. Le 24 février 1783, (greffe de C.-A. Pa-
net) son fils, Louis Liberge, vendait ce terrain à André
Mauf et ; il passa successivement entre les mains de Joseph
(50) Picturesque Québec. By J. M. LeMoine. Montréal, Dawson Bro-
thers publishers, 1882 p. 416.
... 174 —
Bellot dit Larose, d'Etienne Griault dit Larivière, et en
1801, il appartenait à Nathaniel Taylor (51).
Les frères Doyon avaient deux arpents et demi de
front, dont ils avaient hérité de leur mère, Elizabeth Ray-
mond Castonguay, veuve de Pierre Doyon. Ils avaient
vendu successivement en 1765 et en 1766, ce terrain à Noël
Bellot dit Larose (greffe de J.-C. Panet) qui avait reven-
du le tout, le 11 novembre 1780, (greffe de Barthelot d'Ar-
tigny) à Thomas Ainslie, contrôleur des douanes de Sa
Majesté. C'est ce Thomas Ainslie, qui a écrit un journal
du blocus de Québec en 1775-76, lequel journal a été pu-
blié dans la sepiième série de^ mémoires de la société Lit-
téraire et Historique de Qi^ébec. Biaise Le Marié avait
acquis directement de Marguerite Balan, le 8 juillet 1748
(greife de Jacques Pinguet) un arpent et cinq perches de
front. Il vendit ce terrain, le 16 avril 1754 (greffe de J.
C. Panet) à Joseph Cadet, le munitionnaire et l'associé de
Bigot, lequel le céda à Pierre "Boivin, le 28 octobre de la
même année (greffe de J.-C. Panet). Marie- Anne Boi-
vin héritière de Pierre le vendit à Joseph Bellot dit La-
rose (greffe de Descheneaux, lequel le revendit à Natha-
niel Taylor. Tous ces terrains appartiennent maintenant
à la Montcalm Land.
Jean Rouillard, que nous avons vu sur la terre de Glo-
ria en 1744, avait laissé, à sa mort, cette propriété, à son
^Is Pierre. Celui-ci, n'ayant pas d'enfant, avait adopté
comme héritier Louis Marchand, qui par acte du 31 août,
(greffe de J.-C. Panet)* avait cédé ce terrain à Hyacinthe
Delorme, lequel le revendait le lendemain (greffe de Sail-
lant) au sieur Lecompte Dupré. Une partie de ce même
terrain avait été acheté par le sieur Dupré, le 1er mai 1770,
(greffe de J.-C. Panet) de Geneviève Castonguay, épouse
de feu Henri Dubourg dit Picard.
Il existe un plan figuratif du mesurement de ce ter-
rain fait par Ignace Plamondon, le 26 mai 1790. D 'après
ce plan, ce terrain avait trois arpents de front, et s'étendait
(51) Archives de la Nouvelle-France. Papier terrier. Domination
Anglaise. B I. fol. 12.
... 175 —
depuis les terres de Coulonge jusqu'à la rivière Saint-
Charles. Une partie se trouvait dans la censive du fief
Saint-François.
Le sieur Lecompte Dupré avait joué un rôle important
dans la guerre de 1775-76. C 'est lui qui connnandait la
milice canadienne durant les péripéties du siège de Qué-
bec. En 1778, Carleton le nomma connnandant militaire
du district de Québec, charge qu'il occupa pendant plus de
vingt ans.
Le Ifef Saint-François avait aussi changé de proprié-
taire. Jean-Baptiste Prévost avait laissé comme héri-
tière sa fille, Marie Françoise Prévost, qui épousa Jean-
Baptiste Petitclerc.
Le 6 avril 1767 (greffe de J.-C. Panet) Petitclerc et
son épouse cédaient "leurs droits et prétentions" sur ce
fief, à Michel Hamel dit Joyeux. Dans l'acte de foy çt
honunage qu'il rendit, devant le gouverneur Haldimand,
le 2 août 1781, Michel Hamel, dit qu'il ne pouvait exliiber
ses titres de propriété les ayant perdus dans un incendie.
On voit par le cadastre de 1859, (2 décembre) que le
fief Saint-François, était alors aux mains des héritiers
Parant, qui possédaient également le fief Saint-Ursule,
voisin à l'ouest. Les terrains de la Québec City Bealty,
de la Terrace Dandurand et des Dames de la Congrégation
(couvent de Bellevue) sont aujourd'hui comioris dans les
anciennes limites de ce fief.
La portion de terre appartenant au docteur Sarrazin
dans la censive du fief Saint-François avait été divisée en
deux lots et partagée entre Jacques Cartier L'Ange\in et
Claude Michel Sarrazin, en même temps que le fief Saint-
Jean (13 août 1757, greffe de Barolet).
Jacques Cartier L'Angevin qui avait eu le lot du nord-
est, l'avait revendu le 10 seijtembre de la même année, à
Joseph Brassard Descheneaux.
En 1783, rari3enteur MaCarty, était propriétaire de
tout le terrain appartenant autrefois au docteur Sarrazin
et situé au-dessus du coteau Sainte-Geneviève.
Nous terminons ici notre travail, nous voulions, en
... 176 —
cominençant, établir au moyen des actes des anciens no-
taires, des actes de foi et lionunage et des aveux et dénom-
brements, le site des fiefs Saint-Jean et Saint-François, et
l'endroit probable où se sont livrés les combats les plus
sanglants de la bataille des Plaines, et de celle de Sainte-
Foy. Nous croyons avoir rempli notre tâche.
Nous ne voulons i3as dire que nous avons établi d'une
manière définitive le site de la maison de Borgia-Levas-
seur, tout de même nous croyons que notre opinioja a sa va-
leur et qu'elle mérite d'être prise en considération par les
chercheurs ; en effet, du moment, que l'on aura fixé d'une
manière certaine, l'endroit où se trouvait cette maison his-
torique, il sera facile d'indiquer l'endroit où les armées de
Wolfe et de Montcalm, se rangèrent en bataille, et engagè-
rent l'action définitive.
FIN
IVANHOE CARON, ptre
LE JOURNALISTE LATTE
I>. . . C^) Laite, — Français d'origine, le sieur Latte aurait été insti-
tuteur, à Montréal, et attaché à la rédaction de V Avenir. Voilà, ce que nous
apprend la Pléiade rouge telle que reproduite dans les Guêpes canadiennes
de M. Laperrière, vol. I, p. 40.
Par ailleurs, on lit, à la page 334 de l'ouvrage de M. Globensky sur la
Rébellion de 18o7-38, la note suivante :
"M. Latte, français de passage au Canada, qui avait une certaine célé-
brité comme homme de lettres, fut durant plusieurs mois l'hôte bien ac-
cueilli d'Emery Ferré (arpenteur, beau-frère de l'abbé Faquin). Il en
])rofita ])our s'appliquer à écrire plusieurs lettres et ouvrages sur la politi-
que du pays."
Enfin, M. Latte est du nombre de ceux qui votent contre l'interdiction
des discussions politiques dans les salles de l'Institut canadien, le 13 juin
1851 (Berthelot, le Bon vieux temps, 3e série, p. 96).
Quelque lecteur en sait-il plus long sur le compte de cet écrivain ?
— 177 —
LES JUGES DE MONTREAL SOUS LE
REGIME FRANÇAIS — 1648-1760
De la fondation de Montréal à la fin du régime français, douze
juges ont présidé les tribunaux de cette ville, si l'on ne tient pas compte
t>es officiers subalternes qui ont remplacé des juges titulaires, pas plus
que des juges de police élus par suffrage populaire et dont nous avons
déjà parlé dans le Bulletin de 1920, p. 180.
Trois tribunaux différents ont existé durant la même période.
Le premier fut un bailliage ou justice seigneuriale dont la juridic-
tion ne s'étendit pendant longtemps qu'à l'île de Montréal. On fut près
de le faire disparaître en 1663, car le Conseil souverain de la Nouvelle-
France qui \'enait d'être créé pour administrer le pays considéra tout de
suite que Montréal, par sa situation géographique, devait être pourvu
d'un tribunal auquel pourraient avoir recours les habitants établis à
l'ouest des Trois-Rivières. Mais la tentative était prématurée, l'urgence
ne se faisait pas encore sentir et les seigneurs de Montréal s'opposèrent
])uissamment à l'abandon de leur privilège, si bien que le Conseil souverain
revint sur sa décision en 1666.
Trente ans après, diverses causes ravivèrent le projet. Le peuple-
ment des seigneuries autour de Montréal fit sentir davantage la nécessité
d'un changement et, en 1693, un compromis fut effectué avec les seigneurs;
on' laissa à ceux-ci la possession du greffe avec la nomination du greffier,
mais le juge dut tenir sa nomination du roi, enfin, le tribunal fut mis sous
la dépendance de l'intendant, sans cependant devenir une prévôtée, comme
à Québec.
Les juges, à cette époque, avaient des pouvoirs et des devoirs assez
étendus. Xon seulement, ils entendaient les causes civiles et criminelles,-
il leur fallait, en plus, veiller au maintien de l'ordre, à l'entretien des
chemins, à la réglementation des boulangeries, des boucheries, des cabarets
et des marchés; ils fixaient les prix des aliments et des denrées, bref, ils
remplissaient ici les charges confiées à trois personnes en France, c'est-
à-dire à un lieutenant général, à un lieutenant civil et à un lieutenant
criminel.
•îf * *
1648-1663 — Paul de Cliomedey, sieur de Maisonneuve. Né en
février 1612, à Neuville-sur-Vaunes, département de l'Aube, il n'avait
— 17H —
donc (jue 30 ans lorsqu'il vint fonder Montréal, au mois de mai 1642.
Se conformant aux instructions qu'il avait reçues de France, il institua
une justice seigneuriale avec greffe et tabellionnage. Pour éviter des
frais administratifs, on peut le supposer, il s'accorda la présidence du
nouveau tribunal. Au mois de septembre 1663, dès que le Conseil sou-
verain de Québec chercha à implanter une sénéchaussée royale à Montréal,
M. de Maisonneu-ve céda son poste à Charles d'Ailleboust qui d'ailleurs
avait déjà le titre de juge, comme nous verrons ci-aprè^
M. de Maisonneuve retourna en France en 1665 et il mourut à Paris
le 9 septembre 1676.
1663-1667 — José pli-Charles d'Aillehoust des Musseaux. Né en
1624, il vint au Canada en 1648. Son oncle, Louis d'Ailleboust de Cou-
longe, pour lors gouverneur de la Nouvelle-France, lui donna le comman-
dement d'un camp volant à Montréal. Par après il resta attaché à la
garnison de cette ville en qualité de lieutenant. Si l'on s'en rapporte
aux pièces citées au cours d'un procès consigné dans les Jugements et
délibérations du Conseil souverain, vol. II, page 158, M. d'Ailleboust
des Musseaux aurait été nommé juge de Montréal, par M. l'abbé de
Queylus vers 1660. Cependant, nous n'apercevons pas qu'il ait siégé
avant 1663. Sa nomination ne fut confirmée officiellement que le 27
septembre 1666, ajirès l'abolition de la sénéchaussée royale. La nouvelle
commission était signée par l'abbé Souart représentant les seigneurs de
Fîle et ce fut Zacharie Dupuis, gouverneur intérimaire de Montréal, qui
assermenta le titulaire, le 27 janvier 1667. Jusqu'à cette daté, M.
d'Ailleboust n'était que "lieutenant de la garnison et juge de la juridic-
tion des seigneurs". A partir de 1667, il s'intitule "juge civil et criminel
de la terre et seigneurie de Montréal", puis en 1668, le voilà devenu
"bailli, juge civil et criminel".
M. d'Ailleboust qui futo-évoqué en 1677, pour une cause qu'on ignore,
en appela sans succès au Conseil souverain. Il décéda le 19 novembre
1700, à Montréal.
Ce fonctionnaire qui avait épousé Catherine le Gardeur de Repen-
tigny, en 1652, est l'ancêtre de la famille d'Ailleboust du Canada sur
laquelle M. Aegidius Fauteux a publié une copieuse étude généalogique
et historique.
1663-1666 — Ijouis Artus de Sailly. Nous résumons ici la notice
que nous lui avons déjà consacrée dans le Bulletin des recherches histori-
ques de 1915, p. 206.
— 179 —
Après avoir essayé du négoce à la Martinique en 1657, M. de Sailly
vint à Montréal avec sa femme, Anne-Françoise Bourduceau. Protégé
par le curé Gabriel Souart, il acquit quelques biens immeubles. Lors
de l'établissement de la sénéchaussée royale, le 28 septembre 1663, il fut
nonmié juge par le Conseil souverain. M. de Sailly siégea jusqu'à la
mi-septembre 1666, puis se trouva en ''disponibilité", car son tribunal
fut aboli par l'intendant Talon. Néanmoins, dans les actes où il figura,
M. de Sailly conserva son titre jusqu'à son décès survenu en 1668. Sa
veuve quitta ensuite le pays avec ses enfants.
1673-168!) — J^'r/zî Gervuise. Le 26 septembre 1673, le juge d'Aille-
boust déclare qu'il est forcé de se rendre souvent à Québec, par affaires,
et qu'il est nécessaire de nommer un lieutenant particulier en son bail-
liage, parce qu'il n'y a personne pour rendre la justice en l'absence du
juge. Pour cette raison il commissionne le sieur Gervaise de le remplacer.
Ce colon était venu.au pays avec la fameuse recrue de 1653; l'année
suivante, il avait épousé Anne Archambault qui, auparavant, avait été
mariée à Michel Chauvin, un bigame que les autorités chassèrent de
Montréal dès que sa faute fut mise à jour.
Le sieur Gervaise se consacra au négoce tout en occupant auprès
du tribunal le poste de procureur fiscal bien qu'il n'eut que le titre de
substitut. Après 1673, il siégea à maintes reprises jusqu'en 1689. Il
mourut à Montréal et on l'inhuma le 12 mars 1690.
Mgr Tanguay note dans le premier volume de son Dictionnaire que
Gervaise est un des ancêtres de Mgr Plessis et de sir' Georges-Etienne
Cartier.
1677-1690 — Jeun-Baptiste Migeon de Branssat. Fils de Jean Mi-
geon, marchand, et de Marie Desbordes, il naquit à Moulins, capitale
de l'ancienne province du Bourbonnais, en 1636 d'après M. Eegis Eoy
et non en 1639 ainsi que le dit Mgr Tanguay. Le sieur Migeon semble
être venu à Montréal à l'automne de 1664 ou au printemps de 1665,
puisque déjà, au mois de juillet, il épousait Catherine Gauchet de Belle-
rive, parente de l'abbé Souart, Hour à tour curé de la paroisse de Ville-
Marie et supérieur du Séminaire de Montréal. L'année suivante, le sieur
Migeon est "commis de la compagnie des Indes Occidentales", enfin, deux
Sns plus tard, le voilà devenu procureur fiscal, charge équivalente à celle
de procureiir du roi dans les tribunaux royaux. Etait-il avocat avant de
venir au pays ou bien obtint-il ce titre par influence, pendant qu'il séjour-
nait ici ? Toujours est-il. que vers l'an 1675 il se qualifie, dans certains
— 180 —
actes, de "licencié en loi et avocat en parlement", et que par la suite il
n'oublie plus de s'en parer.
Xommé jugfe du bailliage de Montréal, par le supérieur du Séminaire
le 26 août 1677, il réussit, le mois suivant, à faire confirmer sa nomina-
tion par le Conseil souverain, malgré l'opposition qu'y présenta l'ex-titu-
îaire M. d'Ailleboust. Le 30 septembre, ^J.-B. Migeon de Branssat entrait
en fonctions et établissait une coutume qui fut presque toujours suivie;
elle consistait à prononcer une allocution à la première audience que
présidait le nouveau fonctionnaire et à déposer toutes les pièces relatives
à sa nomination (1).
Après avoir siégé pendant treize ans M. Migeon de Branssat s'aperçoit
qVil n'est pas à sa place et au mois d'août 1690, prétextant que la "multi-
plicité de ses affaires l'empêche de se pouvoir donner à son emploi" il
prie l'abbé Dollier de Casson de lui trouver un remplaçant. Et les sei-
gneurs font choix de M. Fleury Deschambault. Mais M. Migeon n'en
avait pas fini avec le tribunal."
Par un édit du 15 mars 1693, le roi prit possession de la justice de
Montréal, les seigneurs ne conservant que la propriété du greffe, le droit
de désigner les greffiers à l'approbation des juges et le privilège de sug-
gérer le nom du premie^ juge de la nouvelle justice royale.
Dans cet édit, le roi, de l'avis des seigneurs, confiait le poste de juge
à M. de Branssat, mais quand le document parvint en la Nouvelle-France,
le titulaire avait , trépassé en sa demeure, au coin des rues Saint-Pierre
et Saint-Sacrement. Il fut iphumé le 21 août 1693 (2).
C'est pour rappeler le souvenir de ce colon et de sa famille que l'on
a donné le nom de Migeon au ruisseau qui, dans la paroisse de la Longue-
Pointe, traverse le fief Branssat et celui de Lagauchetière à la rue qui
traverse un petit fief qui appartint à un Migeon de la Gauchetière. Le
nom territorial, en ce dernier cas, dérivant du nom de la femme de M.
de Branssat, dame Gauchet.
Ajoutons qu'une fille du juge Migeon, Louise-Thérèse, épousa, en
premières noces, un Juchereau de Saint-Denis- qui fut juge lui aussi et,
en secondes noces, Louis Liénard de Beaujeu, père de Daniel-Hyacinthe-
Marie de Beaujeu qui, jusqu'à ces derniers temps, était considéré comm5
(1) Un jour ou l'autre nous soumettrons au lecteur les discours des juges
montréalais.
(2) Dans nos articles précédents sur M. de Branssat (B. R. H., 1915, pp. 232
et 303) cette date n'est pas reproduite correctement.
- 181 —
le héros de la Mouoiigahéla au détriment du général Jean-Daniel Dumas,
prétend l'archiviste" F.- J. Audet dans un volume récemment paru.
1690-1693 et 1701-1715 — Jacques- Alexis de Fleury Deschanihault.
'Né en 1642, à Saint- Jean de Montaigu, dans le Poitou, il épousa, à
Québec, le 19 novembre 1671, Marguerite de Chavigny, veuve de Thomas
Douaire de Bondy, puis le 9 Juillet 1708, il convolait à Sainte-Anne de la
Pérade avec Marguerite-Penée Denis de la Ponde, veuve de Tliomas de
Lanaudiêre.
Xommé, au mois d'août 1690, par l'abbé DolKer de Casson, à la
présidence du bailliage de Montréal, il vit sa nomination confirmée quel-
que temps après par l'intendant Bochart de- Champigny. En prenant
possession de sa charge, le 21 novembre 1690, il prononça l'allocution
d'usage et produisit tous les documents relatifs à sa nomination.
Lors de l'abolition de la justice seigneuriale, en 1693, il devint pro-
cureur du roi auprès du nouveau tribunal royal, puis le 5 juin 1701, il
recevait commission pour faire fonction de lieutenant général civil et
criminel en l'absence du juge Juchereau dont il est question dans la
notice suivante. Mais il ne fut titulaire de la présidence de ce tribunal
qu'au mois de mai 1706.
Ce fonctionnaire siégea presque sans interruption du 8 mai 1702 au
22 mars 1715 et il mourut le 30 mars 1715.
1693-1701 — Charles Juchereau de Saint-Denis. Xé à Beauport,
au mois de décembre 1655, il épouse à Montréal, le 21 avril 1692, Denise-
Thérèse Migeon de Branssat, fille du juge de ce nom. Xommé, par arrêt
du Conseil Supérieur en date du 5 octobre 1693, au poste de juge de
Montréal, il prit son siège le 17 novembre suivant, sans prononcer d'allocu-
tion, mais en déposant les documents relatifs à sa nomination. Il fut con-
firmé dans sa charge le 15 avril 1694. On constate qu'il reste en fonctions
jusqu'au 8 mai 1702. C'est après cette date qu'il dut partir pour K'
Mississipi oii il rêvait d'établir des tanneries et autres industries. Il ne
revint pas de ce voyage et "mourut à Ouabache dans l'automne de 1703",
suivant ce que nous en dit M. P.-G. Roy dans sa généalogie de la "Famille
Juchereau Duchesnay".
1701-1715 — Jacques - Alexis de Fleunj Deschanihault. Voir ci-
dessus.
1715-1727 — François-Marie Bouat. Né à Montréal, en 1676, il
était fils d'Abraham Bouat, le principal hôtelier de la ville en son temps.
François-Marie Bouat é])ousa en premières noces, à Québec, le 7 juin
... 182 —
ITOO, Madeleine Lambert-Dumont et en deuxièmes noces, à Montréal, le
8 août 1T23, Agathe le Gardeur de llepentigny.
Bonat fils commença sa carrière comme lieutenant de la maréchaussée,
à Montréal, puis devint lieutenant particulier. Après le décès de M.
Descliambault il s'absente souvent; plusieurs petits faits nous laissent
apercevoir qu'il voudrait succéder au défunt. Il réussit; le roi signa
sa nomination à Paris, le 27 avril 1716, et elle fut enregistrée à Québec
le 12 octobre 1716.
Le juge Bouat fut enterré à Montréal le 18 mai 1726.
1727-1740 — Pierre Baimhauït. Arrivé à Montréal vers 1695 avec
sa femme Jeanne-Françoise de Simblin qu'il avait épousée à Paris en
1691, Pierre 'Raimbault fut d'abord niarchand ébéniste, mais le meuble
n'allait guère à cette époque et en 1697 il quitta le négoce pour le notariat.
Toutefois, il ne reçut sa commission de notaire qu'en 1699. A partir de
1702, le voilà qui occupe souvent le poste de procureur du roi, en l'absence
du titulaire, puis, en 1706, il en reçoit la commission. Enfin, le 29 avril
1727, il s'élève encore d'un degré et devient juge. Le sieur Raimbault
conserva sa charge jusqu'à sa mort, au mois d'octobre 1740, mais dans
les deux dernières années de sa vie des infirmités l'obligèrent souvent de
s'éloigner du tribunal.
Devenu veuf en 1705, il avait convolé en 1707 avec Louise ISTafre-
choux, fille d'un riche marchand.
Raimbault a possédé une des bonnes bibliothèques particulières de
Montréal et ce devait être un éruçlit. C'était aussi un homme d'affaires,
car il acquit plusieurs immeubles à Montréal et il sut se faire octroyer
une couple de seigneuries dans la région du lac Champlain (3).
1740-1753 — Jean-François Malhiot, qui fut lieutenant particulier,
c'est-à-dire juge suppléant, était né à Montréal le 4 novembre 1692 du
mariage de Jean Malhiot et de Madeleine Marchand. Son père s'adonnait
au commerce et il embrassa lui aussi cette carrière. Mais à l'âge de 48
ans il opta pour la robe. Le 19 février 1740, le sieur Malhiot reçut sa
commission de lieutenant particulier en la juridiction de Montréal "atten-
du le grand âge et les infirmités de M. Raimbault, le lieutenant général".
Le juge Malhiot décéda à Montréal le 29 janvier 1756, âgé de 64 ans.
1740-1741 — Jacques de la Fontaine de Beïcour. Fils de Jean de
la Fontaine, officier du roi à Versailles, il arriva en la Nouvelle-France
(3) Voir le Bulletin de 1915, p. 78, et 1916, p. 242.
— 183 —
en 1726 avec le marquis de Beauharnois dont il était le secrétaire. Le
24 octobre 1728, il épousait, à Québec, Charlotte Bissot de Vincennes.
M. de la Fontaine se livra au commerce des pelleteries avec son beau-père.
Nommé au Conseil souverain en 1735, il se vit délégué à Montréal pour
remplir temporairement la charge de juge laissée vacante par la mort du
'sieur Raimbault. Il monta sur le banc au mois de novembre 1740 et en
descendit au mois d'octobre 1741, lors de l'arrivée du titulaire M. de
Monrepos.
Jacques de la Fontaine retourna alors à Québec et y demeura jusqu'à
sa mort, au mois de juin 1765.
M. P.-G. Roy lui a consacré une biographie étendue dans son ouvrage
le "Sieur de Vincennes et sa famille".
1741-1760 — Jacques-Joseph Guiton de Monrepos, co-seigneur de
Cazenave, du prieuré de Moiiheurs et autres lieux, était fils d'un avocat
au parlement de Bordeaux. Il obtint sa commission de juge en France,
le premier février 1741, mais ne put venir prendre la présidence du tri-
bunal qu'au mois de novembre 1741. Il resta en fonctions jusqu'à la
capitulation de Montréal. Son tribunal étant aboli il quitta le pays.
M. de Monrepos était marié à une demoiselle Thérèse Bordes qui
ne le suivit pas dans le Nouveau Monde. Les chroniques d'outre-mer
rapportent que cette dame tenait une conduite si scandaleuse en 1743 que
le i:oi ordonna son internement au couvent de la Madeleine. Par ailleurs
des Mémoires cancaniers de l'époque rapportent que M. de Monrepos était
ici, à la fois galant et cupide et qu'il n'était pas scrupuleux sur la justice.
Ces propos venimeux ne s'accordent guère avec la Correspondance
générale en date du 18 août 1758 où l'on dit que M. de Monrepos était
"un juge éclairé et s'acquittant bien de la police de "la ville". Nous en
parlerons d'ailleurs plus au long prochainement.
E.-Z. MASSICOTTE
BARTHEl EMT MARTIN
Martin (Barthélcmi). — Il était originaire de Marseille, paroisse de Saint-
Ferréol.
A son mariage à Québec, le 31 août 1752, on le dit marchand.
Dans une pièce judiciaire datée du 13 octobre 1754, Barthélemi Martin
se donne comme âgé de 41 ans et s'intitule contrôleur de la Compagnie des
Indes en la colonie de la Nouvelle-France.
Martin était encore à Québec en 175 7.
— 184 —
NAVIRES CANADIENS
De 1T41 i\ 1T57, le roi a fait construire au Canada plusieurs navires
pour sa marine. La correspondance officielle de l'époque entre les per-
sonnages intéressés: le ministre en France, et le gouverneur, l'intendant
et l'ingénieur du roi au Canada, nous révèle maints curieux détails. Ces
documents, dont copie existe aux Archives fédérales, peuvent facilement
être examinés, mais si l'on désire connaître le sort ultime de ces nefs
lancées à Québec cela ne se peut déterminer que d'une autre façon, de
longue haleine, c'est-à-dire par un cours de lectures d'histoires de la ma-
rine euro})éenne. Les quelques notes que nous apportons ont été ainsi
cueillies: elles ne sont pas très amples, mais c'est une base ou un point
de départ, tout humble qu'il soit. D'autres amis de notre Histoire, plus
savants, y ajouteront.
En IT'il donc, le chantier maritime du roi à Québec mettait à l'eau
une flûte de 500 tonneaux. Ce premier navire porta le nom de la colonie.
Le Canada ])our son premier voyage devait prendre un cliargement de
planches, de fer et d'huile. Charles-René LeGardeur de Beauvais fut son
commandant.
Le Canada, comme presque tous les autres vaisseaux canadiens, passa
sous le pavillon anglais.
En 1780, il reçut deux autres canons de 18 pour son second pont, et
portait alors 76 canons.
E]i 1794, en août, deux autres caronnades de 68 furent ajoutées.
Le 23 octobre de cette année, le contre-amiral Niely, commandant une
escadre de 6 vaisseauv, 3 frégates, 1 corvette, partit de Brest pour croiser
à l'entrée de la Manche. Le 6 novembre, à 3 heures du matin, il rencontra
à l'ouest d'Ouessant les vaisseaux Ahxander (contre-amiral Bhgh) et le
Canada (capitaine Powell-Hamilton) qui retournaient en Angleterre.
Bligli fut battu, mais h Canada, chassé par 3 vaisseaux français, réussit
à s'échapper.
Le 21 mars 1798, la Charente (capitaine Bruillac) mit à la voile de
l'île d'Aix pour se rendre à Cayenne; le Canada (74 canons) croisait dans
ces parages et l'attaqua; dans l'ardeur jlu combat le navire qui portait
notre nom s'échoua dans le chenal de Graves, près la Gironde; et l'amiral
Warren eut grand'peine à le renflouer.
Le 21 octobre, la même année, le Canada faisait ])al'tie de l'escadre
• — 185 —
de sir John Borlace Warren, qui battit l'escadre de l'amiral Bompart sur
les côtes de l'Irlande.
Enfin, en 1799, le capitaine, l'honorable Michael de Courcy — un An-
glais au nom franaçis — commandait le Canada.
* * *
En septembre 1742, une nouvelle flûte fut mise en chantier: le Pari-
bou. En même temps, M. LeVasseur, l'ingénieur, préparait le plan d'une
frégate de 26 canons. Le Caribou fut prêt en juin 1744. Son équipage,
comme dans le cas précédent, vint de France. Le 22 juillet, ce vaisseau
(commandant Du Bois) jiartait pour Louisbourg et n'y arrivait que le
S octobre. Le 12 il reçoit des réparations nécessaires.
Le 12 octobre 1746, le Caribou (14 canons), désemparé de l'escadre
du duc d'Anville, rentre à Brest (commandant: M. de Marquayssac). Le
1er janvier 1748, ce navire se trouve à Brest.
* * *
En 1744 on entreprend la construction d'une frégate de 22 canons:
le Castor. Ce bâtiment est prêt pour le service l'année suivante. Son
équipage arrive de France sur l' Heureuse-Mark. Le sieur Du Bois est
nommé commandant. Le Castor est d'abord destiné à garder les côtes
de l'Ile lioyale, passant aux mains du sieur Morpain.
1747, commandant, M. du Vignan, part des Mines, Acadie, pour
retourner en France.
Le 30 octobre 1747, le Castor, Dessonville, commandant, fait partie
de l'escadre de M. de l'Etenduère et livre combat à une frégate anglaise
de 30 canons; il eut l'honneur de la lutte, mais le 5 novembre suivant,
après un combat de 8 heures, il succombe à un navire anglais de 54 canons.
Ce navire serait revenu sous le drapeau français ? En 1750 je vois
une mention marquant qu'il était de l'escadre de M. de l'Etenduère atta-
quée par le vice-amiral Hawke.
En 1794, le Castor, dont l'armement est augmenté à 32 canons, bat
pavillon d'Albion sous le commandement du capitaine Trowbridge, ren-
contre l'escadre du contre-amiral Niely et se rend. Peu après, cependant
(29 mai 1794), la frégate Carisfort le reprend.
En 1796, on trouve le Castor aux Antilles.
* * *
Le St-Laurent est mis à l'eau en 1748. Au cours de ses navigations
il revient à Québec en 1757.
* * *
... 186 -
En lançant l'Orignal en 1750, un malheur arrive. Ce navire s'échoue
et se crève.
* * *
L'Algonquin, construit en 1752 et armé de 73 canons, paraît en
France l'année suivante.
En 1756 le Sauvage et l'Outarde portent les dépêches du gouverneur.
En novembre 1756, le Sauvage (capit., M. de St- Victor) est capturé par
les Anglais et conduit en Irlande.
Frs-Régis Pinguet, capitaine de la flûte du roi l'Outarde, mourut à
Québec le 15 septembre 1758.
En 1755, le 13 novembre, ce vaisseau fait voile de Louisbourg vers
la France. En novembre 1756 fait partie de l'escadre sortie de Brest en
destination des côtes de la Guinée. L'Outarde encette occasion prend part
à un combat.
* * *
IJ Ahénakise a pour commandant en 1756 le sieur Gervais. En 1758,
c'est M. de Macarthy.
Le Québec, en 1779, est en la possession des Anglais (capitaine
Farmer). Lutte pendant cinq heures, le 6 octobre, dans la Manche,
contre la Surveillante.
On a rapporté qu'en cette occasion la frégate Québec fut détruite,
mais il n'en est pas ainsi, puisque le contre-amiral John MacBride la
commandait en 1793.
En 1794, le Québec va aux Antilles (capt. Lord Garciès). Comman-
dant, en 1795, capt. Carpenter. Le capitaine John Cook est à bord, dans
ces parages, en 1797.
EEGIS ROY
— 187 -
LE PEINTRE MALEPART DE BEAU-
COURS
Quel est le premier peintre canadien-français qui a étudié en Europe ?
Dans son Panthéon canadien (édit. 1858, p. 68), Bibaud jeune répond
(ju'il se nommait Beaucours, qu'il avait remporté un prix là -bas, et que
le commandeur Viger conservait son portrait dans sa collection. Yoilà
tout ce qu'il nous en dit.
Pourrait-on faire plus de lumière sur cet artiste et lui donner une
meilleure place dans l'histoire des arts au Canada ? Nous n'avons que
peu de chose sur lui, cependant nous sommes prêt à remettre ce peu au
Bulletin pour le cas où cela susciterait l'éclosion de renseignements autres
et plus complets.
* * *
Exactement, le peintre en question s'appelait François Malepart de
Beaucours, et il naquit à Laprairie, ainsi que nous le voyons consigné
dans le registre de cette paroisse :
"Laprairie — L'an mil sept cens quarante, le viugi-ciminn-me jour
"de février, je soussigné prêtre ai baptisé François, né led. jour, fils de
" Paul Beaucourt, sergent des troupes et Marguerite Haguenier, sa femme.
" Le i)arain François Haguenier a déclaré ne savoir signer et la maraine
" Charlotte Longuetain a signé. — Charlotte Lontin, Jacques Desligneris,
"ptre." ^ ^
Son père, Paul Malepart de Beaucours, originaire de Paris, s'était
marié à Montréal le 25 juin 1737. Après avoir vécu à Montréal et à -La-
prairie jusqu'en 1745, le sergent quitta l'armée et paraît aller exercer
le métier de peintre à Québec où il décède en juillet 1756.
A quelle époque François Male]>art de Beaucours traversa-t-il en
Europe ? Nbus l'iguQrons. Ce que nous savons c'est qu'il se marie à
Bordeaux en 1773. Nous avons l'extrait de son mariage grâce à M.
Emile Vaillancourt qui l'a obtenu par l'intermédiaire du conseil d'An-
gleterre à Bordeaux. Cette pièce inédite mérite d'être conservée :
Le même jour (12 juillet 1773), après la publication d'un ban dans
cette église sans opposition au futur mariage entre sieur François Male-
part, peintre, natif de Québec en Canada, habitant de cette paroisse, fils
majeur et légitime de feux sieur Paul Malepart et de demoiselle Marie
Marguerite Agrenier, d'une part, et de demoiselles Benoite Camagne,
— 188 —
nati^'e de cette ville, paroisse Saint-Michel, habitante de celle-cy, fille
mineure et légitime de sieur Joseph Camagne, peintre de cette ville, et
de demoiselle Marie Nones, d'autre part; vu la dispanse du second et
troisième ban, ensemble la permission de célébrer leurs fiançailles immé-
diatement avant leur mariage, en date du six du courant, signé Debar,
vicaire général, et, plus bas Delondres, secrétaire, je, soussigné, curé de
Saint Seurin, sacriste et chanoine du chapitre de la même église, ai célé-
bré leurs fiançailles et immédiatement après leur ai imparti la bénédiction
nuptiale en présence de Mr Me Joseph Narbonne, vicaire de la paroisse,
de sieur Joseph Gaétan Camagne, père de l'épouse, de sieur Candide
Frédéric Antoine Degrassy, et de sieur Jean Laclotte qui ont signé avec
moi.
(Signé au registre) Marlepart de Beaucour, époux; Camagne,
épouse; J. Gajétan-Camagne; Degrassi fils; Degrassy père; j. Laclotte;
Nones ; Camagne ; Narbonne, vicaire ; Camagne, fils ; Lagardère, sacris-
te, chaiioine et curé.
Pour copie conforme à l'original, conservé aux archives municipales
de Bordeaux, Série GG, paroisse Saint Seurin, registre No 751, acte Ko
47, délivré en l'Hôtel-de-ville de Bordeaux le trente-et-un mars mil neuf
cent vingt-et-un.
L'adjoint au Maire, Délégué pour l'instruction publique et les ar-
chives.
DESIGALA
* * *
Que devint, ensuite, le peintre de Beaucours ?... Trente-sept ans
après son mariage en France, nous trouvons sa veuve à Montréal. Sous
le nom de Benoite Gaétan, elle épouse, le 5 juillet 1810, le sieur Gabriel
Franchère,
Dame Franchère parvint à un âge avancé. Elle mourut à Montréal,
le 13 janvier 1844, âgée de 88 ans. Dans son acte de sépulture on la dési-
gne comme suit: "Benoite Camagne Gaétan, veuve de G. Franchère."
* * *
Notons pour terminer que Mgr Tanguay, dans son Dictionnaire, a
consacré deux notices au colon Malepart-Beaucours : une sous le nom de
Malepart se trouve au vol. V, p. 478; l'autre, sous le nom de Beaucour,
est ^u vol. II, p. 109. Dans cette dernière l'épouse Malepart porte le
nom de Grenier au lieu de Haguenier.
E.-Z. MASSICOTTE
■- 189
DOMINIQUE DE LA MOTTE, SIEUR DE
LUCIERE
Plusieurs La Motte, aux noms territoriaux semblables, parai'ssent
avoir habité la Xouvelle-Fraiice, au ITe siècle, et pour aider ceux qui
voudraient, à la suite de M. Suite, chercher à les "identifier", nous offrons
les notes que nous avons pu recueillir sur l'un d'eux, dans les archives de
Montréal.
* * *
La veille de Xoël 1680, Dominique de la Motte, sieur de Lucière (1),
âgé de 44 ans, fils de Jean de la Motte et de Clémence de Badon, épousait,
à Montréal, Alixe de la Feuillée, âgée de 40 ans, veuve de Louis des
Granges, sieur de Mauprée.
Les deux mariés devaient être à Ville-Mari«- ut-i.ai> |>iii, vm nun^
n'avons pas constaté leur présence auparavant. Qu'étaient venus faire
au pays ces dignes personnages, assurément trop nobles pour travailler
et par ailleurs trop pauvres pour vivre sans besogner ? Achevaient-ils eu
Amérique un roman commencé en Europe ? S'étaient-ils rencontrés ici
])ar hasard après y avoir été attirés par quelque chimérique vision de,
J'ortune ou de vie facile ?
Tout d'abord, on voit qu'ils ont certains moyens et qu'ils s'installent
assez confortablement, mais après une dizaine d'années de séjour, le
quibus manque, la gêne et la maladie s'introduisent dans leur logis et ils
décèdent à peu de semaines d'intervalle, l'un de l'autre, dans une lamen-
table misère, selon toute apparence.
X'y a-t-il pas là un mystère dont la solution tentera les nouvellistes ?
l']n tout cas, résumons ce que les vieux manuscrits nous apprennent.
ir * *
Trois mois après son mariage, M. de la Motte achète, pour 60 écus,
(lu notaire Maugue, un terrain, rue Notre-Dame (5 mars 1681) et aussitôt
il fait "traîner" sur ce terrain, par L'rbain Tessier, une maison et une
grange qu'il a acquises d'un nommé Saint-Georges (11 mars 1681).
Pendant que ces travaux s'exécutent, M. de la Motte habite une maison
(le pièces sur pièces, rue Saint- Joseph (aujourd'hui Saint-Sulpice).
Notre gentilhomme sent })eut-être le besoin d'avoir des revenus et
(1) Tanguay ajoute de Saint-Paid, mais ce n'est pas dans l'acte de mariage
ni dans les autres pièces à nous connues.
— 190 —
c'est pour cela qu'il demande et obtient (26 juillet 1683) du gouverneur
de la Barre et de l'intendant de Meulles, la concession de la seigneurie
donnée en 1673 à M. de Lussaudière, puis confisquée en 1683, parce qu'elle
n'était pas encore habitée. Evidemment, M, de la Motte n'a pas non
plus l'idée d'avoir feu et lieu sur sa concession, dare-dare, puisqu'il s'oc-
cupe d'agrandir sa résidence urbaine. Il achète, en 1684, un terrain rue
Saint-Jacques qui touche à sa propriété faisant front sur la rue Notre-
Dame (Basset, 6 avril 1684), ensuite il confie à Pierre Libaut dit la
llo7.ee la tâche de creuser un puits, pour la somme considérable de 450
livres (doc. jud., 7 et 16 nov. 1684).
Sept ans s'écoulent sans que les vieux papiers nous révèlent quoi
que ce soit sur M. de la Motte. Cependant, on sait qu'il n'a pas trouvé
le Pactole. En 1691, il fait faire une allonge à sa maison et il en loue
une partie à Alphonse de Tonty.
En 1692, la pénurie s'accentue et il est forcé d'emprunter une bonne
somme de M. Cuillerier. Deux ans après, il loue, pour 200 francs par
an, la moitié de son immeuble à Thérèse Guyon, femme de M. de la Motte
Cadillac (|ui dans le moment est absent quelque part dans l'ouest. (Bas-
set, 25 sept. 1694) (2).
Mais la gêne continue d'enserrer le ménage de la Motte et pardevant
Basset, le 18 avril 1697, les deux époux sont obligés de confesser qu'ils,
doivent au Séminaire "la somme de 1092' livres, 10 sous, 8 deniers, pour
nourriture, vivres et autres besoins à eux fournis, à cause de leur grand
besoin et nécessité depuis quelques années et particulièrement pendant
la dernière et la présente. , . Ladite dame de la Motte étant malade au
lit depuis cinq mois,^' --
Le malheureux gentilhomme fait jouer toutes lès influences pour
sortir de la misère et le 22 octobre 1699'il est nommé capitaine comman-
dant des gardes des fermes du roi qui résideront à Montréal. Des émo-
luments de famine, 400 livres par an ($80), sont attachés au grade (3).
Hélas ! ce secours arrive trop tard. Le sort a eu raison du ménage
de la Motte. Le sieur Dominique est inhumé le 18 septembre 1700 et
sa femme le suit de près, car le 24 novembre elle est à son tour conduite
au champ des mo»ts.
(2) Coïncidence rare: un vrai de la Motte louant à un pseudo de la Motte !
Et c'est à cause de cette location qu'on a placé, coin Notre-Dame et St-Laurent,
une plaque rappelant que le fondateur du Détroit avait demeuré là.
(3) Voir B. des r. h. 1920, p. 127.
... 191 -.
La succession de ces nécessiteux dut se régler devant les tribunaux
et les créanciers finirent par se partager leurs dépouilles.
* * *
Relevons un document qui se trouva dans les papiers des défunts et
qui pourra peut-être intéresser les généalogistes et les héraldistes. Portant
la date du 22 décembre 168, ce document est un exploit d'huissier, en
France, dans lequel il est question d'un Claude de la Motte, seigneur de
Verny, conseiller du roi, garde général des magasins de la marine de
France. Ce fonctionnaire représente un "Dominicq de la Motte, seigneur
de Glangland, son frère, demeurant ordinairement à Paris, rue des Es-
coufEres, paroisse de Saint-Gervais", et aussi François de la Motte, baron
d'Auny, un autre frère . . .
Pourquoi cette pièce fut-elle envoyée au sieur Dominique de la
Motte de Lucière ? Celui-ci était-il fils ou parent de Dominique de la
Motte de Glangland ?
E.-Z. MASSICOTTE
DEUX .FOIS MARIES LE MEME JOUR
Mariés deux fois, le même jour, voilà qui ne doit pas être banal !
Tout le monde n'a pas semblable avantage, du moins en ce pays. En
voici un cas, sur lequel notre attention a été attirée, l'autre jour, par M.
Montarville Boucher de la Bruère. Ce chercheur qui prépare une généa-
logie de sa famille était à copier l'acte de mariage Georges de Boucherville,
l'auteur du roman Une de perdue. .. . lorsqu'une phrase de l'acte l' éton-
na. Il y était question d'un précédent mariage qui avait eu lieu dans une
église anglicaine. Recherche faite, le second acte de mariage fut trouvé
dans le registre de la First Congregational Cliurcli.
A titre de curiosité voici ces deux actes dans l'ordre chronologique.
FIRSH COXGREGATIONAL CHURCH-MONTREAL
15 OF FEBRUARY 1847
Pierre George Prévost Boucher de Boucherville of Aylmer, HuU ba-
— 192 —
elielor, Advocate, and" Marie Louise Elizabethe Gregory of Montréal
Spinster, a minor, were married at three oclock P. M, on this the fif-
teenth day of February One thousand Eight hundred and fortjj seven.
A. Boucherville, Louise Gregory, Silas Gregory Father J, B. Houle
HENRY WILKES, Min.
REGISTRE DE NOTRE-DAME DE MONTREAL
Le quinze février mil huit cent quarante sept, la dispense de trois
bans ayant été obtenue de sa grandeur l'Evêque (Je Martyropolis et admi-
nistrateur de ce Diocèse, Jp prêtre soussigné, autorisé à cet effet, ayant
pris le mutuel consentement par ])arole de présent de pierre George pré-
vost Boucher de Boucherville, ecuyer, avocat, domicilié dans le Townshipe
d'Aylmer, fils majeur de l'honorable pierre Boucher de Boucherville mem-
bre du conseil Législatif de cette province et de dame Amélia de Bleury
de la ])aroisse de Boucherville d'une part et de demoiselle marie Louise
Elizabeth Gregory fille mineure de Silas Gregory écuyer médecin et de
dame Julie Aussem de cette paroisse d'autre part ; ayant déjà été mariés
dans une Eglise Anglicaine, les ai mariés suivant les lois et coutume ob-
servées en. la Sainte Eglise en présence de Silas Gregory, écuyer médecin
père de l'épouse lequel nous a donné son consentement au dit mariage
soussigné avec les époux de sieur Arsène chapleau lequel a déclaré ne Ra-
voir signer.
Louise Gregory G. Boucherville Silas Gregory
C. FAY Ptre
En présence de ces deux actes peut-on s'empêcher de remarquer com-
bien l'absence de renseignements sur les parents des époux enlève de la
valeur historique ou du moins généalogique au premier acte ?
E.-Z. MASSICOTTE
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE — JUILLET 1«1 No 7
L'ANEANTISSEMENT D'UNE INDUSTRIE
CANADIENNE SOUS LE REGIME
FRANÇAIS
A l'intention de ceux qui se proposent d^écrire l'his-
toire du commerce et de l'industrie en la Nouvelle-France
nous rassemblons ici ces notes et ces documents t][ui con-
cernent la chai^ellerie. On y verra que la mère patrie, à
tort ou à raison, procéda parfois envers l'industrie cana-
dienne d'une façon qui peut surprendre quelques lecteurs.
*
Un mot tout d'abord, sur les chapeliers qui ont de-
meuré à Montréal et dont nous avons pu nous procurer les
noms jusqu'à présent.
Le premier, en date, se nommait Honoré Langlois dit
Lachapelle. Natif de Paris, il fut envoyé à Montréal en
1651, comme soldat de la garnison. Par la suite il s'a-
donna au métier de chapelier. En 1661, il épousa Marie
Pontonnier et devint chef d'une famille qui doit avoir des
représentants parmi nous.
Jean Davoust, né à Cleimont en Anjou, arriva avec la
recrue de 1653. Il se noya "le 28 août 1657, au saut
Saint-Louis, lorsqu'il revenait de conduire en canot, le
Père du Perron, jésuite missionnaire".
— 194 —
Jacques Beauchamp, venu avec sa f eiimie, Marie Dar-
denne, en 1659, s'établit à la Pointè-aux-Trembles. Au
recensement de 1666, il est porté comme chapelier, plus
tard, à celui de 1681, on le dit charpentier. Beauchamp
mourut err 1693.
Etienne Forestier qui épousa Marguerite Lauson en
1672, figure au recensement de 1681 en qualité de chape-
lier ; cependant, en 1694, nous sommes certain qu'il était
maître boulanger. Avait-il lui aussi changé d'occupa-
tion ?
Jean Quenet, originaire de Rouen, épousa à Montréal,
en 1675, Etiennette Heurtebise. Dans les actes notariés,
on voit qu'il fut marchand chapelier, puis inspecteur du
castor. Il mourut en 1718.
Guillaume la Serre dit la Forme, marié à Angélique
Boisseau exerça son métier, à Montréal, de 1704 à 1719,
date de son décès.
David Pauperet, marchand chapelier de Québec,
était à Montréal, en 1715. Nous ne pouvons dire s'il fit
long séjour parmi nous.
Jean-Baptiste Chaut" our, chapelier de Paris, épousa, à
Montréal en 1723, la veuve de Guillaume la Serre et il tint
un établissement rue Notre-Dame.
Joseph Huppé dit la Groy, né à Beauport, en 1696 et
marié à Charlesbourg, en 1728, vint demeurer à Mon-
tréal à la fin de l'année 1731 et s'occupa activement de la
fabrication des chapeaux dans un des faubourgs de la ville.
*
Ceci connu, recourons aux documents.
Le premier est une ordonnance du gouverneur et de
l'intendant qui défend d'exporter des chapeaux faits au
pays.
1745, 13 septembre.
' Charles, marquis de Beauharnois
Gilles Hocquart
Sa Majesté ayant été informée qu'il se fabriquait en
— 195 —
ce pays des chapeaux de castor à demy foulés et que quel-
ques chapelliers établis en cette colonie étoient dans le des-
sein de les faire passer en France pour les y perfectionner,
fondés sur ce que le privilège de la compagnie des Indes ne
parle que de castor et non de chapeaux à demy foulés, en
quoy ils s'abusent parceqiie s'il étoit permis aud. chapel-
liers d'introduire en France des chapeaux demy foulés ce
seroit anéantir le privilège de la compagnie des Indes et
d'ailleurs, il en résuit eroit un préjudice considérable : la
fabrique des chapeaux en France s'anéantiroit dans sa
suite et les règlements pour les manufactures deviendront
illusoires. En conséquence Sa Majesté Nous auroit en-
voyé ses ordres pour empêcher la sortie de toutes les pièces
de chapeaux soit demy foulés ou autres.
Nous, en exécution des ordres de Sa Majesté faisons
très expresses inhibitions et deffences aux chapelliers éta-
blis en cette colonie et à toutes autres personnes de quel-
que qualité qu'elles soient de faire sortir de ce pays ny en-
voyer en France, et partout ailleurs aucuns chapeaux, sous
les mêmes peines prononcées contre ceux qui transportent
du castor en France.
Mandons aux subdéléguées de monsieur l 'Intendant, à
tous Juges Royaux et des Seigneurs et à tous autres qu'il
appartiendra de tenir la main chacun en droit soy à l'exé-
cution de la présente ordonnance qui sera registrée aux
greffes des jurisdictions de Québec, Trois-Rivières et
Montréal, Lu, publiée et affichée èsd. villes, à ce que* per-
sonne n'en prétende cause d'ignoran<îe.
Fait et donné à Québec, la 13 7bre 1735.
Beauharnois Hocquart
•
Le deuxième document renchérit sur le premier. Les
industriels français comme aussi les actionnaires de la
compagnie des Indes non contents de leur premier succès,
ont voulu obtenir plus de la faveur royale et ils ont réussi.
Cettef ois donc c 'est la prohibition de la fabrication du
chapeau en la Nouvelle-France qui est ordonné par Sa Ma-
jesté.
— 196 —
1736, 6 septembre.
Charles, marquis de Beauharnois
Gilles Hocquart
Sur le compte que nous avons rendu à Sa Majesté des
dépenses que nous fismes l 'année dernière en exécution de
ses ordres aux Chapeliers Etablis en cette Colonie et à tous
autres personnes de quelque qualité et condition qu 'Elles
fussent de faire sortir de ce Pays et d'envoyer En france ou
partout ailleurs aucune Espèce de Chapeaux, Sa Majesté
auroit jugé à propos, pour le maintien des Manufactures
du Royaume et pour le bien du Commerce en général, de
nous Envoyer de nouveaux ordres non seulement pour
empêcher cette sortie, mais encore pour deffendre toutes
fabrications de Chapeaux de quelt[ue espèce que ce soit, et
de faire détruire, en conséquence, les Etablis à fouler qui
se trouvent en ce Pays. Nous, en exécution des ordres de
Sa Majesté, faisons très Expresses inhibitions et dépenses
à toutes personnes de fabriquer aucune Espèce de Cha-
peaux dans cette Colonie sous les mêmes peines prononcées
contre Ceux qui font le commerce étranger. Ordonnons aux
Juges, chargez de la police dans les trois villes de Québec,
Montréal et Trois-Rivières, de tenir la main à l'exécution
de la présente ordonnance et de faire détruire les Etablis, à
fouler qui s'y trouveront dont ils dresseront des procez-
verbaux dans lesquels sera fait Estimation du prix des d.
Etablis pour les d. procez-verbaux à nous envoyez, estre
sur iceux ordonné par nous ce qu'il apartiendra Et sera la
l^résente lue, publiée et affichée dans les Trois villes et par-
tout ailleurs ou besoin sera, et enregistrée aux Greffes des
Juridictions Royales, à ce que personne n'en prétende
cause d'ignorance. Mandons ac, fait à Québec le six
septembre 1736. Signé Beauharnois et hocquart.
Beauliarnois, Hocquart
Et pour se conformer aux ordres de Louis XV, ou plu-
tôt de ses conseillers, le juge de Montréal, Pierre Raim-
— 197 —
bault, accompagné de son greffier Claude Porlier et de
l'huissier audiencier J.-B. Decoste, rend visite aux deux
seuls chapeliers de Montréal, en 1736. Chez le premier,
le magistrat apj^rend qu'il se prépare à fabriquer des cha-
peaux et qu'il est à aménager une chapellerie d'une certai-
ne importance :
1736, 24e septembre :
'* Procès-verbal de visite par M. le Lieutenant général
ch^z les chapeliers de cette ville pour faire inventaire des
ustenciles et outils concernant leur métier et iceux trans-
portés au Magasin du roy.
L'an mil sept cent trente six, le vingt-quatre septem-
bre, dix heures du matin, Nous Pierre Raimbault, conseil-
ler du roi. Lieutenant général, civil et criminel de police,
commerce et navigation à Montréal, Nous étant transporté
en la maison et demeure de Jean-Baptiste Chauf oux ancien
chapelier en cette ville, demeurant en sa maison seize rue
Notre-Dame, avec M. le Greffier et assisté de Mtre DeCos-
te pour procéder en exécution de l'ordonnance de Mes-
sieurs les Gouverneur général et Intendant de ce pays, en
date du six de ce mois, publiée et affichée es lieux et en-
droits accoutumé de cette ville, avons fait visite en lad.
maison ou n'ayant trouvé aucun établis à fouler des cha-
peaux l'avons interpellé de présentement nous dire ou
sont ceux dont il se sert pour fabriquer des chapeaux, à
laquelle interpellation il nous a fait réponse qu'il n'en a
aucun depuis qu'il est de retour de France, en l'année mil
sept cent trente quatre, et que sans la défense publiée led.
jour, il se disposoit à en faire ayant achepté les bois à cet
effet, qu'ils nous ont fait voir dans leurs cour au nombre de
trente cinq madriés de bois de pin, dont nous avons dressé
le présent acte, Et enjoint audit Chauffoux de se confor-
mer et obéir à ladite ordonnance. Et a signé avec Nous et
notre Greffier.
Jean-Baptiste Chauf our, P. Raimbault, Decoste, C. Porlier
Chez le second on trouve une manufacture en pleine
opération. Tout est saisi et détruit :
Et le dit jour, deux heures de relevée. Nous, lient, gé-
néral susdit, Nous étant transporté hors de cette ville, en
... 198 —
la maison où est logé Joseph Hupé dit la.Groy, Me Chape-
lier ou ayant trouvé deux établis à fouler des chapeaux,
Nous avons mandé par led. de Coste, Jean-B. Chauffour,
ancien chapelier en cette ville et Pierre Bourgea dit Pro-
vençal, chaudronier, et Laurent Desnoyer Marcheteau, me-
nuisier i3our faire l'estimation desd. établis, chaudière et
ustanciles que led La Groy a représenté comme les ayant
achepté et a luy nécessaire pour fabriquer des chapeaux,
à quoy , il s 'est occupé de bonne f oy depuis cinq ans ; Et
lesd. Chauffour, Bourgea et Marcheteau, étant à l'instant
comparus après leur avoir fait faire serment, en présence
dud. La Groy de faire les estimations en leur âme et cons-
cience,, et avoir par eux visité lesdites établies et ce qui dé-
pend pour la fabrique des chapeaux !
Ont dit, qu'ils estiment lesd. deux établies à dix-huit
livres ; cinquante-quatre formes, à dix sols pièces ; deux
arsons (1), à cinquante sols pièces et les cordes à boyaux
pour lesd. arsons au nombre de quinze à vingt sols piesse ;
un rouleau de fer, à quarente sols ; un couteau, à éjar-
rer (2) à trois livres ; une pièce et un avaloire de cuivre, à
quinze livres les deux ; deux couteaux à razer le castor, à
cinquante sols la piesse ; une coche (3) de bois de Campè-
che, à vingt sols ; deux bassins à bastir les chapeaux, à qua-
tre livres pour le bois, non compris les taules pesant ensem-
ble dix-sept livres ; une chaudière à fouler que nous avons
fait démolir du fourneau où elle étoit, estimée à quinze li-
vres y compris la démolition dud. fourneau ; et la chaudiè-
re à teindre les chapeaux tenant quatre bariques ou envi-
ron, à la somme de trois cent livres y compris le fourneau
à démolir quy l'a été à l'instant, devant nous ; une poisle à
tirer les écorces de la tainture, à cinq livres ; ce fait ledit
La Groy nous a représenté du castor razé que ledit Chauf-
(1) Arçon. Instrument fait en archet de violon qui est long de 5 à 6 pieds
et dont on se sert pour arçonner la laine dans les chapelleries.
(2) Ejarrer. Débarrasser de la jarre les peaux de castor. Jarre, poil court
et dur mêlé à l'autre.
(3) Coche. Se dit chez les chapeliers d'un morceau le bois dur qui leur sert
à tirer et faire agir la corde de l'instrument appelé arçon. On en faisait en bois
de campêche.
I
— 199 —
four a estimé être tiré de douze livres de castor en cuir et
valoir dix sols la livre pour l'avoir éjarré et razé ; ensem-
ble six douzaines de coiffes à chapeaux et six douzaines de
boutons destinés pour fabriquer des chapeaux quy luy ont
compté trois livres, douze sols la douzaine y compris les
boutons, comme aussy une enseigne intitulée ''Au chapeau
royal" quy luy.a coûté treize livres. " Et nous a exposé que
comptant de pouvoir continuer à fabriquer des chapeaux
comme il avoit fait cy-devant, et faire en même temps des
teintures il auroit fait faire une presse à cet effet, laquelle
il nous a r'eprésenté et dit luy avoir coûté soixante et dix li-
vres ainsy qu'il nous a apparu j)ar un écrit de Joseph Trut-
teau et dudit Trutteau signé, que nous avons paraphé à
telle fin que de raison. Nous a aussy représenté qu'il
avoit achepté une barique et demie de lie de vin que nous
avons vu dans son grenier et l'avoir payé au sieur Sabre-
vois, quatre-vingt-dix livres la barique ; et trente livrés et
demie de bois de campêche-pour les teintures des chai^eaux,
à vingt sols la livre et que ne pouvant se servir ni employer
tout ce que dessus i3ar la défense portée par lad. ordonnan-
ce, publiée le jour d'Hier et se trouvant ainsi obligé de
tout abandonner il demande que le tout ce que dessus estimé
et déclaré luy soit payé et ce suivant à qui il sera ordonné.
Et a signé avec ledit Chauffour ; lesd. Desnoyers et Pro-
vençal ont déclaré ne le savoir, de ce interpellé.
Joseph Hupe, . J. B. Chaufour, Decoste
Dont et de tout ce que dessus nous avons dressé le pré-
sent procès-verbal et fait démolir lesd. établies, chaudières
et bassins et fait transporter le tout au magasin du Roy en
cette ville à l'exception dud. bois de Cam^jêche, castor razé,
lie de vin et susd. presse, coiffes et boutons que nous avons
laissé au pouvoir dudit La Groy jusqu'à ce qu'il ait été or-
donné et sera incessamment donné copie des présentes au-
dit La Groy faits le dit jour et an.
Et sur la représentation desdits estimateurs leur avons
taxé à chacuns trente sols.
P. Raimbault, C. Porlier
— 200 —
Jay receu le contenu au présent procez- verbal que je
promets représenter lorsqu'il en sera ordonné.
Rocbert
Telle fut la triste fin d'une industrie qui aurait pu
prendre des développements considérables puisque le feu-
tre de poils de castor jouissait alors d'une grande vogue et
qu'il pouvait se travailler ici sous d'excellentes conditions.
Mais il n'entrait pas dans les vues des ministres euro-
péens de donner aux colons canadiens l'occasion de se dé-
tacher des travaux agricoles et de l'industrie domestique ;
peut-être aussi leur répugnait-il de nuire aux favoris qui
bénéficiaient du monopole que possédait sur le castor la
compagnie des Indes ?
K-Z. MASSICOTTE
La Noue (Zacharie Kobutel de) — Né à Montréal le 4 juin 1665, du
mariage de Claude Robutel de La Noue, seigneur de l'île Saint-Paul, et de'
Suzanne de Gabrielle. Enseigne en 1691, il fut fait lieutenant reformé
l'année suivante ])uis lieutenant en ])ied le 5 mai 1710. Capitaine le
29 mai 1725, M. de La Noue décéda à la Baie-des-Puants, le 28 mars 1731.
En 1686, il s'était rendu à la baie d'Hudson avec le chevalier de Troyes.
C'est lui qui fut envoyé par le gouverneur de Vaudreuil pour fonder- un
poste de traite à la rivière Kaménistigoya (près de Fort-William), en
1717. Il y resta jusqu'en 1721. Il fut ensuite commandant du poste
de la Baie-des-Puants (Green Bay) sur le lac Michigan, jusqu'à sa mort.
Duchesny (François) — Dans la liste des officiers choisis par le roi le
17 mars 1687 pour servir en Canada on voit le nom de l'enseigne Duchesny.
Ceci ne veut pas dire que Duchesny passa dans la Nouvelle-France eu
1687. Il était ici depuis 1686, peut-être même 1685.
Dans l'hiver de 1686, l'enseigne Duchesny fit partie de la célèbre ex-
pédition de M. de Troyes à la baie d'Hudson. Les trente soldats qui ac-
compagnèrent M. de Troyes étaient commandés par' MM. de Catalogne et
Duchesny. '
M. Duchesny décéda aux Trois-Kivières le 15 mars 1691.
201
DEUX PLANS (PARTIELS) DE QUEBEC,
DATES DE 1758
L'année 1758 est pour nous tous, Canadiens-Français, et surtout pour
les gens de Québec, particulièrement intéressante. C'est la fin du régime
français, un "tournant de l'histoire", selon l'expression à la mode, la veille
du "grand dérangement", comme disaient nos pères. Les Québécois de
vieille souche, ceux-là surtout dont les ancêtres habitaient dans la censive
de Notre-Dame, seraient peut-être curieux de savoir où, au juste, logeaient
à cette époque leurs aïeux. Les deux plans ci-joints procureront sans doute
ce plaisir à quelques-uns. Nous les avons nommés "plans partiels", parce
que, en effet, ils ne donnent que ce qu'ils annoncent ou promettent, et
pour cette fois au moins, l'étiquette n'est pas menteuse. Ils ne forment
donc pas, mênie à eux deux, un recensement complet de la ville, mais
tels qu'ils sont, nous les avons jugés dignes d'être connus du public. —
A propos, avons-Yious un public liseur — liseur du Bulletin f une revue
qui mériterait cependant si bien 1,'attention, et plus que cela, la sympathie
vive, très vive, du grand nombre.
PLAN I
Le dessin mesure 35 pouces par 26. Titre (textuel) :
"Plan du terrain de la censive de la fabrique de léglise paroissial
Notre Dame de Québec et de celui de la censive de Mrs les Ecclésiastiques
du Séminaire des Missions étrangères établi en cette ditte ville. Dressé
en vertu de l'ordre de Monseigneur Bigot Intendant en ce payis et de
Monsieur Daine Directeur du Domaine du Roy, Par le quel dt plan il
est a remarqué que ce qui -^st collorez en vert relève de la censive de la
ditte fabrique. Et ce qui est en jaune relevé de la censive de Messieurs
les Ecclésiastiques du dit Séminaire, les dittes censives séparées par des
lignes, Et points marqués par des lettres alphabétiques davec la censive
du Domaine du Roy, par moy arpenteur royal sousigné du quel jay dressée
mon procest verbale
" (Signé) LEMAITRE LAMORILLE"
Une reproduction directe de ce plan par la photographie, en vue de
la gravure, n'eût pas donné de résultat satisfaisant. Les lignes et toutes
les écritures ont beaucoup pâli, quelquefois même presque disparu, et
— 202 —
toutes ces écritures déjà très fines seraient devenues imperceptibles, au
moins certainement illisibles par l'extrême réduction que commandait le
format du Bulletin. Un petit-cousin dessinateur, John-Hearn Eoy, alors
(1913) au ministère de la Colonisation (maintenant lieutenant-colonel,
"croix militaire avec deux barres", un héros du 22e et actuellement en
France comme surintendant régional des cimetières militaires), résolut
bien vite le problème, et de façon fort ingénieuse. Ce fut de calquer le
plan ligne pour ligne; de le diviser par casiers marqués des lettres de
l'alphabet à la suite, et de remplacer les noms ou les mots écrits par des
chiffres, c'est-à-dire des chiffres de renvoi à une nomenclature dressée
à part et que nous donnons ci-après. Plusieurs de ces noms sont difficiles
à déchiffrer et nous ne pouvons pas garantir partout leur parfaite exac-
titude. De même leur épellation est quelquefois fautive et nous avons
cru bon alors de la corriger.
Ce qui est entre parenthèses est ajouté par nous pour information
* plus ample.
Casier A: 1. Grouard. — 2. Veuve Saint-Germain. — 3. De Voisy. — 4.
Chemin des Eemparts. — 5. Basse-cour (du séminaire). — 6. Rien. — 7. Pa-
villon.— 8. Eien. — 9. Héritiers- Morand. — 10. Veuve Chênevert. — 11. Par-
tie du casier B, terrain du Roi. — 12. Ruette (d'Auteuil). — 13. Veuve
Philibert. — 14. Rue de Buade. — 15. Le Fort.
Casier B: 1. Suite du Fort. — 2-3. Avec 11 du casier A, terrain du
Roi. — 4. Suite de A 13. — 5. Beaune. — 6. Rue du Fort. — 7. Rue de Buade.
—8, M. de Longueuil.— 9. M. La Fontaine.— 10. M. Cotton.— 11. Mlle
de Grandville. — 12. Héritiers Roussel. — 13. Rue du Trésor. — 14. Partie
''des Pères Récollets. — 15. Rue Sainte-Anne. — 16. Berthelot et Berlinguet.
— 17. Duflos. — 18. Picard. — 19. M. de La Martinière.
Casier C: Partie des Récollets, — 2. Vacant. — 4. Rue des Jardins. —
5. M. de La Martinière.— 6. M. Dumont. — 7. Mme de Gaspé. — 8. Veuve
Gautier. — 9. Martel. — 10, rue des Jardins. — 11-13. Pères Jésuites. — 12,
Eglise des Jésuites.
Casier D: 1. Suite de la rue Sainte- Anne.
Casier E: 1. Chemin des Remparts. — 2. Partie de la basse-cour A 5.
— 3. Chemin des Remparts. — 4. Rien d'écrit; sans doute l'Evêché, — 5.
Terrain de l'Evêché. — 6. M. Barolet (Claude — , notaire royal, dont la fille,
Marie-Louise, épousa en 1747 Jean-Claude Panet, aussi notaire royal et
procureur) .
— 203 ~
Casier F: 1. Mme de Boishébert. — 2. Rien. — 3. M. de La Naudière.
^4. M. Marin. — 5. Jardin du presbytère. — 6. — Presbytère. — 7. Cimetière
Sainte-Famille. — 8. Sacristie. — 9. Notre-Dame. — 10-11. Clochers. — 12.
Cimetière Sainte-Anne.
Casier G : Place de l'église. — 2. Partie des Pères Jésuites. — 3. Jardin
du frère... (illisible, peut-être Patry ?). — i. Rue Sainte-Famille. — 5.
M. de Repentigny, représentant M. Duplessis. — 6. M. Duplessis. — 7. M.
Rottot. — 8. La Grois. (Est-ce Charles-Henri d'Aloigny, marquis de La
Grois, marié en 1703 à Geneviève Macard ?). — 10. Soulard. — 11. Valin.
Casier H: 1. Partie des Pères Jésuites; ligne transversale, clôture
(de pierre en 1652). Au-dessous de cette ligne est écrit: Censive de
l'église paroissiale de Québec dont il a été concédé 10 perches aux Pères
Jésuites le 10 juin 1661. — 2. Valin. — 3. Riverin (probablement Jean-
Joseph, marchand). — 4. Soupiraut (probablement Charles-Simon, chi-
rurgien).— 5. Imbert (probablement Jacques, notaire royal). — 6. De
Vienne (probablement François-Joseph, écrivain du roi). — 7. Maurice. —
8. Héritiers Normand. — 9. Cotton (Barthélémy. Nous avons en son hon-
neuur la "Côte à Cotton"). — 10. Héritiers Gastonguay. — 11. Veuve Feloise
{sic: est-ce pour de Cannes de Falaise ?). — 12. Veuve Lavaux. ^
Casier I: 1. Cartier dit Langevin. — 2. Beausoleil. — 3. Gilbert. — 4.
Partie des Jésuites. — 5. Jardin de l'Hôpital. — 6. Rien d'écrit.
Casier J (Basse-Ville) : 1. Rien d'écrit. — 2. Duperré. — 3. De l'Isle. —
4. Rouillard.— 5. Portier.— 6. Dufresne.— 7. Gilbert.— 8. Chaloult.— 9.
Héritiers Charpentier. — 10. Héritiers Brun (Lebrun ?). — 11. Héritiers
LeClerc. — 12 et 13. Rien d'écrit. — 14. Boisseau (peut-être Nicolas, écri-
vain du Roi, secrétaire en chef du Conseil, greffier de la Prévôté de Qué-
bec).— 15. Héritiers Lecours. — 16. Panet, notaire (Jean-Claude, alors
procureur du Roi, plus tard avocat, juge de la Cour des Plaidoyers et
l'auteur d'une Relation du siège de 1759, piété très importante parce
qu'elle est d'un témoin oculaire canadien-français. Citons ce qui regarde
ses deux maisons : "Le 22 juillet à neuf heures (du soir), ils (les Anglais)
tirèrent, par quart d'heure, dix à douze bombçs, dont partie remplie d'ar-
tifice. Ils mirent le feu à la Paroisse (l'église paroissiale) et chez M.
Rottot. La Paroisse, ainsi que les maisons depuis M. Duplessis jusque
chez M. Imbert, et toutes les maisons de derrière, dont la mienne (rue
Saint- Joseph) qu'occupait Franche ville, est du nombre, ont été consumées
par les flammes (p. 18). — Maison de la Basse-Ville : Le 4 août,. les An-
— 204 —
glais jetèrent des pots-à-feu sur la Basse- Ville, dont trois tombèrent, un
sur ma maison, un sur une des maisons de la place du marché, et un
dans la rue Champlain. Le feu prit à la fois dans trois endroits" (p. 23).
17. Héritiers Mailloux. — 18. Partie des jardins du Séminaire (Haute-
Ville).
Casier K: 1, avec partie de J. Ecrit en travers: Enclos du Sémi^
naire ; leur jardin et basse-cour. Plus bas : Approuvé par nous, Intendant
de la Nouvelle-France au désir de notre ordonnance de ce jour, 23e janvier
1759. — Pour copie (signé) Bigot. . .
Casier L: 1. Rien d'écrit. — 2. Héritiers Brassard. — 3. Pontois (?)
Comtois ( ?). — 4. Drolet. — 5. Lajus (François, chirurgien, marié en 1747,
à Marguerite de Pierrecotte de Bailleul). — 6. Bachelier-Pellissier. — 6A.
La Poterie (peut-être Louis-Nicolas Gaudin-LaPoterie). — 6B. Panet
(voir ci-dessus, casier J, No 16). — 6C. iBédard, — 7. Illisible (Michelon?).
8. — Michel Voyer. — 9, Jean Langlois. — 10. Pierre Voyer. — 11. Héritiers
Perthuis. — 12 et 13. Joseph Delorme. — 14. Vésina. — 15. Latouche. — 16.
Etienne Fréchette. — 17. Denon (?). — 18. Héritiers François Lemaître
dit Jugon. — 19. Antoine Paquet. — 20. Héritiers Jean Brassard. — 21.
Drolet. — 22. Gauvin (?) très effacé. — 23. Morie (peut-être LaMorille), —
24. Vahn.— 25. Clesse.— 26. Gaurel (??).— 27. Joseph Payment (?) très
effacé. — 28. Héritiers Pierre Fornard (??). — 29. Veuve Payment. — 30.
Pierre Norraandin. — 31. M. 'de Léry (Joseph-Gaspard, fils du célèbre Gas-
pard Chaussegros de Léry, ingénieur du Roi, architecte de la cathédrale
— non, évidemment, de celle que nous avons aujourd'hui), — 32, Séminaire
(propriété du). — 33. Héritiers Dauvier. — 34. Partie du jardin du Sémi-
naire.— 35. Villiard. — 36. Joseph Bériot. — 37. Héritiers Richard.
Casier M: 1. Antoine Paquet. — 2, Jacques Paquet. — -3. Veuve Chê-
nevert, — 4. Barthélémy Jourdain (?). — 5. Filiau. — 6. Flamand dit Dé-
guise.;— 7. Montary (?) Montveuil (?). — 8. Veuve Larouche. — 9. Legris
( ?) Lépine ? — 10, Jean Roy. — 11. Laroche. — 12. Gauvin. — 13. Germain
Langlois. — 14. Magnan, — 15. Laroche, — 16, Héritiers Rhéaume, — 17,
Paquet. — 18. François Blet (Biais), — 19. Représentant Jean Giron (?)
Giroux ( ?). — 20. A séparer par le milieu: à gauche, Dequoi; à droite,
Benedeau (?). — 21. Sanguinet (serait-ce Simon, notaire royal?). — 22.
Laparre. — 23.- Delrenne (?) Debienne (?) Delzenne (?). On! connaît
Catherine Delzenne, marié en 1799 à Pierre de LaTerrièré'— 24. Lapai-
... 2or> —
me, — 25. Morand. — 26. Môme que 23. — 27. Héritiers Badeau. — 28. Labath
(Louis-Nicolas Labath de Sivrac ?). — 29. Jacques Badeau. — 30. LaRi-
vière.— 31. Rien d'écrit.— 32. Trinque (?).— 33. Jean Giroux.— 34.
Mathieu Parent. — 35. Chevaher. — 36. Saint- Aignan. — 37. Henri Parent.
—38. Collet.— 39. Représentant Guenet. — iO. Rien d'écrit.— 41. Partie
du jardin de l'Hôtel-Dieu.
Casier N: 1. Maison de l'Hôtel-Dieu.
Casier 0 (Basse-Ville) : Héritier Filion. — 2. M. Estèbe, à présent M.
Cadet (pourrait bien' être le fameux Cadet, boucher et mnnitionnaire
général du Roi, sous l'intendant Bigot). — 3. M. Imbert (voir casier H,
No 5). — 4. M. LeVasseur. — 5. Héritiers Carpentier. — 6. Dorval. — 7. Hé-
ritiers Mailloux. — 8. Héritiers Vallée. — 9. Héritiers Riverin. — 10. Rien
d'écrit. — 11. Héritiers Mailloux. — 12. Héritiers Caron. — 13. Héritiers
Guillemot. — 14, Crépeau et Létourneau. — 15. Mailloux. — 16, Rien. — 17.
Louis Mailloux. — 18. Jardin du Séminaire (partie). — 19. Hangar d'ar-
tillerie.
Casier P: ]. Michel-Charles Léry (?). — 2. Vallée et Ménard, — 3.
Basile Proulx. — 4. François Trudel. — 5. Michel Charlery. — 6. Ménagerie
de Mrs du Séminaire. — 8 et 9. Héritiers Proulx. — 10. Duval. — 11. Nadeau.
— 12. Lemoine. — 13 et 14. Héritiers Bussière. — 15, Rien, — 16. Louis
Labadie, — 17. Dominique Dassilva. — 18. Louis Navarre. — 19. François
Arbour.— 20. Denis.— 21. Trudel,— 22. Lederc— 23. Chalifour.— 24.
Marchet.
«
Casier Q: 1. Fiset. — 2. Illisible (Bonneau ?). — 3. Fiset. — 4. Partie
de L 18.— 5. Partie de L 19.-6, Héritiers Petit,— 7. Veuve de LaRonde.
— 8, Héritiers Jugon, — 9, Touchet, — 10, Héritiers Belleville, — 11. Repré-
sentant M, Hazeur, — 12. Représentant M. Amariton, — 13, Héritiers Le-
Comte. — 14. Dassilva. — 15. Soulard. — 16, Navarre, — 17, Routier. — 18.
Héritiers Marchessault. — 19. Héritiers Marchand. — 20. Héritiers Fran-
çois LeMaître dit Jugon. — 21. Brassard. — 22. Charles Tinon-Desrochea.
— 23, Joseph Delorme dit DesCarreaux, — 24, Héritiers Martin Langlois.
— 25, Héritiers Lajus. — 26, Rien, — 27. Louis Vallière dit LaGarenne. —
28, Barthélémy Journeau. — 29, Héritiers Joseph Hains,
Casier R: 1, M. Descheneaux, — 2, Cimetière, — 3, Jardin de l'Hôtel-
Dieu,
— 206 —
Casier S: 1. L'Hôtel-Dieu. '
Casier T (Basse- Ville) : 1. Rien d'écrit. — 2. Marcoux. — 3. Lemelin.
— 4. Cognac. — 5. Héritiers Pierre Marcoux. — 6. Gagnon. — 7. Létourneau,
— 8. Nicolas et Jean-Marie Portugais.
Casier U (Basse- Ville) : 1. Partie de Labadie. — 2. Dominique Das-
gilva. — 3. Nicolas Dassilva. — 4. Héritiers Lecours. — 5. Jean Dassilva. —
6. Joseph Delisle. — 7. Héritiers Ménard. — 8. Chemin des Remparts. — 9.
Partie de T 8. — 10. Héritiers de Pierre Mailloux. — 11. Héritiers Dumay
(Demers). — 12. Romain Dolbec. — 13. Héritiers Pétrimoult.
Casier V: 1.. Routier. — 2. Héritiers Marchand. — 3. Chemin des
Remparts. — 4. Louis Dunière. — Héritiers Riverin. — 6. Cadet. — 7. Créquy.
Casier Y : 1 et 2. Chemin des Remparts. — 3. Suite de V 7. — 4. La-
rouche, à présent Laviolette. — 5. Gagnon ou Cadet. — 6. La Morille, à pré-
sent Delisle. — 7. Terrain à La Morille. — 8. Terrain réservé pour un havre
(partie).
PLAN 2
Le dessin mesure 20 par 15 pouces. En haut, à longues lignes :
Plan de la censive de Féglise paroissiale Notre-Dame de Québec scitué
sur le Cap au diamant dressé par ordre de Monsieur Daine Directeur du
Domaine du Roy en ce pays. . . Copie conforme approuvée par mon dit
Seigneur Bigot le 23 janvier 1759.
Dans un cartouche à gauche, en haut: Etat des emplacements con-
cédés par la fabrique de l'Eglise Paroissiale Notre-Dame de Québec, et
les noms de ceux qui les possèdent suivant le numéro cy-après jusques à
ce jour 18 juillet 1758. — Etienne Hianveu pinxit (simples filets jaune et
rose bordant les lignes).
A gauche, au-dessous de "jardin du Fort" : Approuvé par nous,
Intendant de la Nouvelle-France, au désir de notre ordonnance de ce jour
vingt-trois janvier 1759. (Signé) Bigot.
Au bas du plan : Collationné sur - une copie de plan approuvée et
signée de Monsieur Bigot, cy-devant Intendant en ce pays, par le soussigné,
greffier de la Cour des Plaidoyers communs de la ville et district de
Québec, ce 8e jour de décembre 1783. (Signé) P.-L. Panet, greffier.
--- 207 —
1. Pierre Le Vasseur, — 2. Henri Lataille. — 3. Henri Gatien. — 4.
Charles Le Vasseur. — 5. Jnineau-Carpentier. — 6. Veuve Morand. — 7. Louis
Turcot (marié à Charlotte Charland). — 8. Borgia Le Vasseur. — 9. Pierre
Catien. — 10. Pierre Allaire, à présent Grageon. — 11. Joseph Galerneau.
— 12. Poitras. — 13. Thomas Carret. — 14. Louis Parent, à présent Lapoin-
te. — 15. Philippe Galerneau, à présent François Audet, fils de Lapointe.
— 16. M. Péan, officier. — 17. Gastonguay. — 18. Veuve Bonnet et Etienne
Chamberland. — 19. Galerneau. — 20. Lemaître La Morille, l'aîné. — 21.
Pierre Petitot dit Desmarais. — 22. Maurice-Jean Bellanger. — 23. Du-
chesneau et Joseph Mailhiot. — 24. Joseph Mermet, aujourd'hui (1766)
Florent Dubeau. — 25. Jean Chabot. — 26. Claude Paré. — 27. Simon Bar-
beau. Il a abandonné; aujourd'hui (1766) Louis Charland (père de
Charles-Marie, qui s'illustra au siège de 1775). — 28. François Barbeau,
menuisier. N'a jamais occupé, ni en titre. (Terrain) peut être vendu à
d'autres. — 29. Julien Guignard. — 30. Les héritiers de M. de Louvigny. —
31. François Girard, forgeron. — 32. Charles Soupirant, fils, chirurgien; à,
présent Joseph Sylvain. — 33. Louis Mailhiot, charretier. — 34. Vincent
Pilet. — 35. Jacques Perrault. — 36. Charles Beaulieu. — 37. Jean-François
Lapointe.
Lettre D: les anciennes fortifications.
A qui voudrait faire un recensement complet du Québec de 1758,
nous indiquerions, parmi d'autres sources de renseignements, la liste des
locataires de bancs à la cathédrale, pour cette année-là.
Fr. P.-V. CHARLAND, O.P.
Almain (Pierre- Victor) Originaire de Rocliefort, diocèse de Laro-
chelle. Il fut d'abord employé dans les bureaux de la marine à Québec.
Le 14 septembre 1751, l'intendant Bigot lui donnait une commission de
subdélégué dans les postes du Roi situés sur les frontières du Canada voi-
sines de l'Acadie. Le même jour, il lui remettait un long mémoire d'ins-
tructions. Almain s'embarqua quelques jours plus tard dans le brigan-
tin VAimahle Catherine pour aller prendre son poste. M. Bigot ne fut
pas satisfait de la gestion de son subdélégué et il le releva en 1754.
208
LE CHOMAGE DE LA FETE DE S. LOUIS,
ROI DE FRANCE, AU CANADA
On a demandé en 1912 (XVIII, 1, p. 31) si la fête de saint Louis,
d'obligation en France, avait aussi été chômée sous le régime français au
Canada. Deux mois plus tard, on a répondu (XVIII, III, 94) que la
fête était d'obligation en 1733, vu qu'en cette année on avait remis une
enchère au mercredi, "à cause de la fête de saint Louis qui se trouve le
mardy". C'est le seul document qui a été produit. Malheureusement,
s'il montre que la fête était chômée vers la fin du régime français, il n'in-
dique pas à quelle époque on a commencé à la chômer ni quand on cessa
de la chômer, ce qu'on désirait savoir.
Il est une collection très précieuse pour l'histoire civile ou religieuse
du Canada due à la collaboration intelligente des seigneurs Têtu et Gagnon
qu'il faut consulter en premier lieu pour traiter' une question de ce genre.
Déjà je l'ai mise à contribution pour répondre à une question analo-
gue sur la fête de saint Jean-Baptiste au Canada (octobre dernier, XXVI,
X, 311).
Après avoir parcouru toute la collection si utile de ce cher Bulletin
des recherches historiques et m'être assuré que personne n'avait donné
d'autre réponse à cette question, je me permets, en puisant dans les Man-
dements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, de com-
pléter la réponse donnée en 1912.
lo La fête de saint Louis de France, quoique chômée dans les diocèses
de France d'où venait le premier clergé du Canada, n'a pas touf d'abord
été chômée pour des raisons particulières et temporaires. Le 1er novembre
1684, Mgr de Laval écrit au clergé que "les raisons que nous pouvions
avoir de différer pour un temps la célébration de la fête (de S. Louis men-
tionnée plus haut) en qualité de fête solennelle et de commandement
par tout le pays, ont à présent cessé par l'établissement de notre chapi-
tre.. . avons ordonné et ordonnons par ces présentes que la fête de saint
Louis... sera dorénavant observée et chômée dans tout le pays de la
Nouvelle-France, et censée fête de commandement..." (1).
2o Dix ans plus tard, Mgr de Saint-Vallier dressa la liste des fêtes
chômées (c'est la plus ancienne qui nous soit parvenue). Elle indique
(1) Mandements. . . de Québec, vol. I, p. 141.
— 209 —
trois fêtes chômées dans le mois d'août: saint Laurent avec vigile et
jeûne; l'Assomption de la sainte Vierge avec vigile et jeûne; saint Bar-
thélemi, apôtre; saint Louis, titulaire de la cathédrale (c'était le second
titulaire, l'Immaculée Conception étant le titulaire principal). C'était
en 1694 (2).
3o Ce même évêque réduisit en 1716 les fêtes des mois de juin,
juillet et août, "à l'égard de ceux qui vont à la mer pour pêcher, et non
pour ceux qui restent à terre pour sécher le poisson", à l'exception toute-
fois des fêtes de la Pentecôte, du saint Sacrement, de saint Jean-Baptiste
et de l'Assomption de la sainte Vierge (15 août). La fête de saint Louis,
encore d'obligation pour tous ceux qui la célébraient sur terre, cessait de
l'être pour ceux qui ce jour-là se trouvaient sur mer occupés à faire la
pêche (3).
4o Ce chômage dura jusqu'en 1745. En 1744, Mgr de Pontbriand
se rendit compte pendant la visite pastorale qu'un trop gyand nombre
étaient obligés de vaquer même aux jours de fêtes aux travaux ordinaires
et que les permissions particulières qu'accordait le clergé de travailler
étaient encore insuffisantes. On demandait "la suppression de quelques
jours de fêtes dont le nombre, en effet, est dans cette colonie plus grand
que dans plusieurs diocèses de France". Aussi l'évêque se décida-t-il à
fixer quelques fêtes au dimanche. La fête de saint Louis fut du nombre.
A partir de 1745, elle ne fut plus chômée le 25 août, mais l'office, la messe
et la solennité eurent exclusivement lie»^ le dimanche. On choisit celui
qui se rencontre après le 22 août, c'est-a-dire du 23 au 29 août inclusive-
ment (4). Il est vrai qu'à cause de la complica^'on qu'offraient les rubri-
ques qui supposaient les fêtes en leur jour prof e et le fait de les célébrer
le dimanche, l'évêque dût ramener l'office au jour de la fête; mais
ces fêtes demeurèrent quand même de dévotion et l'on continua « en faire
la solennité le dimanche comme depuis 1745. Le 3e tableau des fêtes
chômées, fait en 1791, indique, comme le 2e (de 1744), la solennité de
saint Louis au dimanche entre le 23 et le 29 août.
Il est donc acquis qu'au Canada la fête de saint Louis ne fût pas
d'abord chômée comme en France; qu'elle ne le fût que depuis l'année
1684; qu'elle cessa d'être chômée en 1745 et ne le fût plys, si ce n'est
par exception dans les paroisses qui avaient ce saint pour titulaire de
leur église, vu que les titulaires furent touj'ours chômés, en droit, et à
(2) Idem, p. 335.
(3) Idem, p. 488.
— 210 —
peu d'exception près, jusqu'en 1810. Le chômage de la fête de saint
Louis cessa donc quelques années avant la Cession. Il avait duré exacte-
ment 60 ans. Cette obligation ne fut pas rétablie depuîs la Cession.
Abbé J. S.
(4) Idem, II. 41.
LETTRE DU MINISTRE A L'INTENDANT
HOCQUART
A Marly le 6 May 1741.
M. de Beaucours m'a représenté M. qu'il arrive souvent dans le cours
de l'année que faute de payment de ses app's il est obligé pour se procurer
les marchandises et denrées qui luy sont nécessaires, d'emprunter des
marchands, ce qui ne laisse pas de le déranger. Il convient que vous luy
fassiés exactement payer ce qui luy revient chaque année de ses app's ou
que lorsqu'il tirera des lettres de change sur Québec, Elles soient aquitées
lorsqu'Elles n'excéderont point les fonds qui se trouveront luy être dûs.
J'ay accordé au Sr de Lotbiniere le passage gratis de son fils sur le
v'au du Eoy ainsy vous pourrés luy remettre la soumission qu'il avoit
faite de payer 150 Ibs pour ce passage. Vous en userés de même pour
l'autre Ecclésiastique qui etoit passé aussi sur ce même Vaisseau.
J'ay bien voulu procurer au S. Demeloize le delay de 3 ans qu'il m'a
demandé pour le remboursement a la caisse de 2000 Ibs qui luy avoient
été avancées pour son entreprise de fabrication de Thuiles; mais vous
aurés soin de veiller a ce que ce remboursement sort fait exactement après
l'Expiration de ce delay.
Vous trouvères cy joint une lettre qui ma été écrite par le S. Boucault
dans laquelle vous verres qu'il se plaint de ce qu'on luy a coupé des bois
sur sa concession, pour la construction de la flûte du Koy. Je vous prie
de me marquer votre avis a ce sujet, en me renvoyant sa lettre.
J'ay procuré au Sr. Michel de la Eouvilliere une graôn ordre de 500
Ibs et l'emp% en sera fait dans l'Etat du Eoy a commencer de cette
année. Vous aurés agréable de la luy faire payer.
Je suis M. en a vous (1)
(1) Archives du Canada, série B., vol. 72, pp. 208-9.
211 —
LES PREMIERS MESSAGERS DE LA
NOUVELLE-FRANCE
La plupart des grandes histoires du Canada nous informent que les
postes et messageries furent créées, en ce pays, au mois de janvier 1721,
voilà deux siècles, mais ce qu'elles n'avouent pas c'est que cette création ne
fut faite que sur le papier.
Sans doute, il est exact que le gouverneur de Vaudreuil et l'inten-
dant Begon, au mois de janvier 1721, signèrent une ordonnance accor-
dant à Jean-François-Eustache Lanouillier de Boisclerc le privilège ex-
clusif, pendant vingt ans, de tenir les postes pour lettres et courriers . . .
ainsi que les messageries et autres voitures publiques, entre Montréal et
Québec, seulement le projet resta à l'état de projet.
M. Pierre-Georges Roy, dans ses Petites choses de notre histoire,
première série, page 121, nous en donne la raison : le texte du document
remis à M. Lanouillier ne valait que s'il était confirmé par le roi, or l'ap-
probation royale ne fut accordée que plusieurs mois après et avec cette
double restriction : que le monopole ne durerait pas plus de dix années
lesquelles ne commenceraient à compter que du "jour de l'enregistrement
du brevet". Et M. Lanouillier ne s'exécuta jamais.
* *
A l'époque où M. Lanouillier réclamait le susdit monopole, la Nou-
velle-France avait-elle un service postal quelconque ? Sans aucun doute
comme on peut le constater par les renseignements que nous avons re-
cueillis.
Le plus ancien courrier qui nous soit connu est Pierre Dasilva dit le
Portugais et on trouve son*nom dans les archives de Montréal dès 1693.
A la date du 10 juillet de cette année on lit dans un document judiciaire,
l'item suivant :
"Payé au Portugais, pour le port d'un paquet de lettres de Montréal
à Québec Une livre".
Vingt sols "un paquet de lettres" ce n'était pas exorbitant. Pour
gagner sa vie, ce courrier devait avoir plusieurs cordes à son arc. Le port
des lettres ne pouvant être qu'un moyen d'augmenter un revenu provenant
d'autres sources, nous supposerons que Dasilva voyageait en canot ou en
— 212 —
barque et que cela lui permettait de voiturer assez de passagers et de colis
j)our, du tout, former une somme suffisante à son entretien et celle d'une
famille nombreuse.
Ce Portugais canaclianisé était un brave homme et on s'aperçut, un
jour, qu'il rendait des services. Voilà pourquoi, le 23 décembre 1705,
l'intendant Kaudot lui fit cadeau d'une commission de messager et on en
possède le texte intégral :
Etant nécessaire pour le service du roy et le bien public d'établir en
cette Colonie un Messager pour porter les ordres en tous les lieux de ce
pais ou besoin sera, et- étant informé de la diligence et fidélité de Pierre
Dasilva dit Le Portugais.
Nous, sous le bon plaisir de Sa Majesté, avons commis et etably led.
Portugais, messager ordinaire, pour porter les lettres du M. le Gouver-
neur général et les Nôtres pour le service du roy dans toute l'étendue de
cette colonie, luy permettant de se charger de celles des particuliers pour
les rendre à leui* adresse, et en raporter les réponses et luy avons taxé pour
le port de chaque lettre de Québec à Villemarie, dix sols et autant pour le
retour. De Québec aux Trois-Rivières, cinq sols, et au reste, à proportion,
selon les lieues oii il les rendra, moyennt quoy luy enjoignons d'en faire
promptement son devoir en les rendant toutes fidèlement à leur adresse,
faisons deffense à toutes personne de quelque qualité et condition qu'elles'
soient dely troubler sons telles peines qu'il appartiendra, Enjoignons à
tous les officiers de Sa Majesté de luy prêter main forte et assistance, et
en cas de maladie ou empêchement quelconque dud. Portugais, d'envoyer
un autre homme à sa place pour porter à leurs adresses les lettres dont il
seroit chargé, et en rapporter réponses, si aucunes luy sont présentées, en
foy de quoy nous avons signé ces présentes, à ycelles fait apposer le cachet
de nos armes et contresigner par l'un de nos secrétaires, en Notre hôtel, à
Québec, le 23 Décembre 1705, Signé Raudot.
(Roy, Inv. des Ord. des intendants, I, p. 8 et archives provinciales.)
Dasilva demeurait à Québec et il mourut dans cette ville, au mois
d'août 1717.
Un Jean Moran, très probablement son gendre, qui avait épousé.
Elisabeth Dasilva en 1705, prit aussitôt la place de son beau-père et sut
également plaire au public, puisque, lui aussi mérita d'obtenir la recon-
naissance officielle de son emploi. Elle lui fut donnée en 1727, par l'in-
tendant Dupuy, en ces termes : .
— 213 —
Commission de Messager du Roy de Québec à Montréal pour Jean
Moran.
Claude Thomas Dupuy, . . ,
Etant nécessaire pour le bien du service et l'utilité publique qu'il y
ait un Messager sur la probité et diligence duquel on puisse se reposer
pour la commission d'affaires de cette ville à Montréal et étant pleinement
informé de la fidélité et diligence avec laquelle Jean Moran s'en est ac-
quitté depuis dix ans.
Nous, sous le bon plaisir de Sa Majesté avons commis et établi, com-
mettons et établissons le dit Moran Messager du Roy aux proffits et exemp-
tions à luy attribuez par les commissions qui luy ont été cy-devant accor-
dées par nos prédécesseurs à la charge de nous remettre la présente com-
mission toutes fois, et quantes nous l'en requererons. Mandons et fait et
donné en Notre Hôtel à Québec le vingt neuf janvier mil sept cent vingt
sept.
(iVrchives nationales, Ord. des Int. IX, S^ie m. 21 p. 109.)
Sait-on quelque chose des commissions qui avaient été accordées à
-lean Morand avant 1727, au dire de l'intendant Dupuy ?
Ce messager conserva-t-îï son emploi jusqu'à sa mort survenue en
1754 ?
L'ouverture du chemin royal, entre Montréal et Québec, en 1734, eut-
elle pour effet de lui enlever sa clientèle ?
Quelques chercheurs sauront répondre à ces questions, car il doit y
avoir, au greffe de Québec, des documents qui porteront la lumière sur ces
points.
E.-Z. MASSICOTTE
La Justone (Emmanuel de Cléricy de) — Lieutenant au régime de
Languedoc. (25 juillet 1758).
A la bataille de Sainte-Foy, M. de la Justone fut très grièvement
blessé et on fut obligé de lui amputer le pied.
En décembre 1760, le chevalier de Lévis signalait les mérites de ^I.'di^
la Justone au ministre par la note suivante :
''Blessé très dangereusement au siège et hors d'état de continuer à
servir, ayant eu la jambe coupée ; ce jeune homme ne saurait subsister
sans les bienfaits du Roi." {Lettres du chevalier de Lévis, p. 432).
Le 10 février 1761, le roi accordait une pension de 300 livres et une
place aux Invalides au lieutenant de Cléricy de la Justone.
— 214 —
M. DE CHASTE
A la mort de Chauvin, Aimar de Chaste organisa une compagnie
pour le commerce du Canada, et il employa Samuel de Champlain au titre
de lieutenant. M. de Chaste ne devait pas figurer longtemps dans cette
entreprise puisqu'il mourut en mai 1603.
Il appartenait à la célèbre maison des Clermont dont les rameaux
ont porté différents noms: Montoison, Tonnerre, Néelle, Chaste, etc.
Sibaud (II) vivait vers la fin du onzième siècle. Son fils Jeoffrey
ou Geoffroy (III) a été l'auteur de la branche des seigneurs de Clermont-
Chaste. C'est à Sibaud (II), seigneur de Clermont, que l'on attribue la
concession des clefs pontificales par le pape Calixte II, pour l'avoir conduit
à Rome, au commencement du mois de juin 1120, afin de le rétablir sur
le siège de S. Pierre, après en avoir chassé l'anti-pape Grégoire VIII.
Calixte II, voulant témoigner aux Clermont sa reconnaissance d'un ser-
vice si important, leur accorda, dit-on, le privilège de porter pour armes :
deux clefs d'argent posées en sautoir sur un champ de gueules, et pour
cimier le tiare papale, avec cette devise: Si omnes te negaverint, ego le
nunquam negaho. On prétend que cette famille portait auparavant des
armes parlantes qui étaient: un mont surmonté d'un soleil. Les autres
branches ont conservé les clefs d'argent.
François de Clermont-Chaste (XIV) a épousé en 1544 Paule de
Joyeuse, Des mémoires domestiques et les nobiliaires du Dauphiné de
Guy Allard et de Chevrier disent que François obtint du roi Henri II
d'ajouter au-dessus des clefs de ses armes, une fleur de lys d'or sur champ
d'azur, en récompense de ce qu'il s'était signalé à la tête de la noblesse
du Dauphiné qu'il commandait en/1553, lorsque le duc de Guise défendit
Metz contre l'empereur Charles-Quint.
François eut quatre fils. Aimar a été le troisième ou quatrième ; on
n'est pas fixé là-dessus. Ce fils reçut un legs de quatre mille livres pour
lui permettre de se marier, mais il préféra être chevalier de St-Jean de
Jérusalem, et fut reçu au grand prieuré d'Auvergne le 25 juin, 1566.
Ce fait est rapporté dans les testaments de sa mère et de son frère aîné
Guillaume. Il fut Commandeur de Limoges, dans cet Ordre, puis de
L'Ormeteau et de St-Paul-les-Romans, en Dauphiné, son pays natal. Il
est qualifié maréchal de l'Ordre en 1602, dans le testament de son frère
Jean.
— 215 —
En qualité de viee-amiral des mers du Ponant il fut envoyé en 1582
au Portugal avec 1200 hommes pour remplacer le seigneur de Strozzi,
tué le 26 juillet de cette année. Il commanda les troupes de France au
service de Don Antoine, roi titulaire de Portugal, contre Philippe III
d'Espagne.
En 1589 on lui confia le gouvernement de Dieppe, et le roi Henri IV
étant passé en Normandie, il lui remit cette ville. Les Mémoires de Sully
portent qu^en cela il se montra vrai Français et l'un des plus hommes
de bien du royaume. En 1593 il prêta au roi 96,000 livres. Ares cela
rien d'étonnant que celui-ci lui donna le gouvernement du pays de Caux.
M. de Chaste a de plus été abbé de Fécamp et grand-maître de St-
Lazare lors du rétablissement de cet Ordre en 1582.
En 1602 il fut ambassadeur extraordinaire du roi de France en
Angleterre.
Les chevaliers de St-Jean de Jérusalem professaient le célibat, mais
Aimar de Chaste se permit de faillir à cette règle quelques fois, puisque
les généalogistes rapportent qu'il eut cinq enfants naturels: trois fils
et deux filles.
REGIS ROY
LISTE DES OFFICIERS CHOISIS PAR LE
ROI POUR SERVIR EN CANADA
EN 1687
DU 17 MARS 1687
CAPITAINES
Du Plessis, Monicq, de St-Ours, du Creuzel, Subercaze, chevalier
de St-Jean, chevalier de Merville, de Préaux Grays, Brouillant, Langloi-
serie, Bouiller de la Chassagne, Le Verrier, de Mine, Vergons, Luzignan.
LIEUTENANTS
Payen de Noyan, Persillon l'aîné, LeMoine de Longueuil, Lintelle
— 216 —
Caumartin, Persillon le jeune, du Claux, chevalier de la Guerre, Domergue
de Mezart, chevalier de Ladignac, de Laure, de Plagnol, de Ferrière,
Tonty, de la Maisonfort, Falaize, chevalier de Fiasse.
ENSEIGNES
Morel de la Forest, Heunot, du Chesny, Charles Petit de Liviliers,
chevalier de Servon, du Bourg-Chemin, de Porteau du Bocage, Dauchan,
de Vaisse, de Lisseline, Tregnier, de Forsan, de l'Espinay, Gemerais,
du Frost.
CAPITAINES EEFORMES
Basson, de la Mothe, Linctot, des Maresty, Larsac la Palisse, du
Mesny-Berard.
LIEUTENANTS REFORMES
Lignerie, Marc-Antoine de Cotentré, Louis Le Seneschal d'Auberville,
Le Varlet, de Beyne, La Guilloiserie, Livernan, de Brissac, du Hardry,
chevalier de Songé, Murât de la Brosse, de Quatrebarbes, de Montigny,
de St-Michel, de la Gimondrie.
LISTE DES GARDES DE LA MARINE DU DEPARTEMENT DE
BREST CHOISIS PAR LE ROI POUR SERVIR DANS LES
TROUPES QUE SA MAJESTE ENVOYE EN CANA-
DA—DU 18e MARS 1867
Marc-Antoine de Cotentré, Murât de la Brosse, Louis Le Senechal
d'Auberville, Le Varlet, de Beyne, du Hardry, Quatrebarbes, La Guilloi-
serie, chevalier de Songé, lieutenants reformés ; Charles Petit de Livil
liers, enseigne.
Fait à Versailles le x b ye mars 1687. Signé Louis, et plus bas
Colbert (1).
(1) Archives du Canada.
— 217 —
EURY DE LA PERRELLE
Messieurs Eury, Ecrs, de la Perrelle, etc., ont été officiers au Cap
Breton et au Canada. Ils sont d'une ancienne noblesse normande, men-
iionnée en 1463 dans la recherche de Montfault, et établie en la paroisse
de Culey-le-Patry, élection de Viré, généralité de Caen.
Jean-François, né vers 1690, fils de François Eury, ecr., sieur de La
Perrelle, débarqua au Cap Breton en 1713, comme enseigne avec des trou-
])es qu'il accompagnait. L'année suivante il fut promu lieutenant, titre
qu'il avait quand il épousa Charlotte Aubert de la Chesnaye, en 1718, à
Louisbpurg. En 1720 il parait comme interprète de langue anglaise. Il
est fait capitaine en 1730 et deux ans après il va commander à l'île St-
Jean. L'état de sa santé le força de retourner à Louisbourg au bout d'un
an. En 1736 il reçoit une promotion, celle d'aide-raajor en même temps
([u'on lui accorde la croix de St-Louis.
Il passe au rang de major de Louisbourg en 1741. Il prend sa re-
traite en 1747, avec pension de 1,000 livres. La comtesse de Blanzacle
jirotégeait.
M. P.-G. Roy dans "La famille Aubert de la Chesnaye" rapporte que
Jean-François Eury de la Perrelle eut quatre fils et une fille. Cette der-
nière est également mentionnée par Mgr Tanguay dans son "Dictionnaire
dénéalogique".
Le premier des fils fut François, né vers 1720. Fait enseigne-en-se-
eond en 1736, il reçut une gratification de 900 livres en 1741 en considé-
ration des soins qu'il donna aux détails des fortifications. Il fut promu
enseigne-en-pied en 1742, à Louisbourg en 1746.
Le deuxième enfant, un fils, dont nous n'avons pas le nom, mais qui
a dû naître vers 1721, chercha un emploi de commis au civil en 1746. Il
fut refusé ; sa conduite sous certain point laissant à désirer.
Le troisième enfant, est la fille Catherine, née en 1722, à Louisbourg
et mariée en 1743 à Pierre-Joseph Céloron, à Montréal. Elle finit ses
jours à Montréal l'an 1797.
Le troisième fils, nom ignoré, naquit en 1723. Il était enseigne-en-
second en 1747 ; sous-aide major à Rochefort et à l'île de Rhé avant 1747.
11 est lieutenant en 1750, capitaine à Rochefort en 1763, alors qu'il comp-
te quarante ans. Il épouse la veuve du sieur Duffi en 1764.
Le ^ernier fils : Cliarles, né vers 1724 mourut à Montréal en 1749.
étant oflEiicier.
REGIS ROY
218 -■
Habitants de la ville de Québec, 1770=1771
/
RUE CHAMPLAIN
Castagiiet, Mrs Vve ; Guenet, Chs ;
Hot, Simon; Hot, Claude; Amiot,
Chs; Chatignon, Philip; Arrêt, Ser-
vant; Descareaux, Ante; Daller, Fs;
Davergnier, pre. ; Couest, Vincent ;
Ducharme, Ve Michel ; Devaux, pre ;
Griffar, Fs. ; Valleran, Ve. Jac-
ques ; Mars, Chs. ; Descareaux, Fs.
fils ; St-Michel, Fs. ; Provençal, Jn.
Laurent ; Boilvin, Ive ; Touran-
geau, Fs. ; Chilsolm, in. ; Mar-
chand, Eté. ; Lamontagne, Jques ;
Ginga, Ths. ; Babineau, Eené ; Ca-
merell, Igce ; Tourangeau, Ve Jh ;
Dornon, Ve. Jn. Bte. ; Perotin, Jac-
ques ; Couest, Ve. Chs. ; Tardy, Jn.
Chiquet, Ive. Père ; Chiquet, Ice
fils ; Eobin, pre. ; Gagné, pre. Père
McGalpin, Noël; Johnston & Purss
Cameron, Ths.; Veillon, Ve. Bte.
Marquy, Jh. Cana ; Marchand, Jh.
Chevery, Demlle ; François, Jh.
Doucet, Ve. ; Silvin, Jh. ; Caouette,
RUE DU FORT
Gilles ; Allez, Jn. Bte. ; Lanoix,
Ve. ; Blowe, Samuel ; Me. Intoss
Voyer, jSToel ; Parant, Francs.
Provancal, Jn. fils ; Ein^ille, Jh.
Carié, Chs. ; Mecto, Ml. ; Bucha-
nan, Jn. ; Delisle, Jn. ; Thibeau, Ve ;
Rollet, Fs. ; L'Ecuyer, Simon ; Bar-
ril dt. Namur, Jh. ; Philipon, pre. :
Ogier, Abraham ; Lajus, Fs. ;
Campos, Jacques ; Paquet, Ve
Augn. ; Cambell, Wm. ; Chartier
Ve. ; LeClair, pre. ; Casgrain, Jn
Portugais, Nicolas ; Bryan, Ths.
Pierre, Jn. ; Levitre, Ml. ; Forton
Jn. ; Meures, Fs. ; Cottin, Adrien
Jacson ; C reste, Joseph ; Canadé,
Thomas ; Bellet, Fs. ; Couillard
Halsted, Jn. .;' Borneuf, Fs. ; Liard
Ls. ; Ochue, pre. ; Malherbe dt
Champagne, Fs. ; Larivière, Eté.
Normandeau, pre. ; Bertrant, La
Ve.
Darac, Mrs. Ve. ; Desroches, Fs.
Durouvré, Jn. Bte. ; Chovau, Clau
de ; Fraser, Simon ; Bouchaud. Mi
chel ; Laing, Wm. ; Werden, Jh.
Merchants ; Mercer, John Dyer
Salomon, Ellias ; McDonell, René
Rutherford, James ; Duhamel ; Mo-
rin, Claude; BeauJ.our, Delettre;
Fornel, Ve'. ; Gigon, Louis ; Bour-
beau Carignau, Louis ; Gigon, Fran-
çois ; Lheureux, Antoine ^ Munro,
James ; Marcoux, Ve. Pierre ; Ri-
verin, Charles ; Charpentier ; Pa-
rant, Louis, tonellier ; Parant,
Louis, marchand; Croteau, Char-
les ;Johnston & Purss ; Fitzsimon.
Ve. ; Crat'ton.
219 ---
RUE DU CUL-DE-SAC
Morin, Henry ; Jean, Alexis ;
Doucet, Jean ; LeClair, Pierre ;
Debarratz, Joseph ; Eutherfort, Ja-
mes ; Chabot, Joseph ;Fremont,
Louis ; Costen, Jean ; Descareau,
Joseph ; Kay, François ; Messigué,
Gabriel ; Parant, forgeron ; Da-
RUE ST-PIERRE
mien, Eté. ; Campbell, Duncan ;
Menot, Jonas C. ; Born, George ;
Goupy, André ; Damien, Ve. Jac-
ques ; Labay, Jean ; Damien, Jac-
ques ; Millot, François ; Aumet,
Pierre.
Ainslie ; Ilarison ; Ogier & Re-
naud. &V^ompe. ; Hay, Charles ;.
Lanson, Alexandre ; Launière,
Etienne ; Chinique ; Me Fie, Ro-
bert ; Fargues, Pierre ; Campbell,
Duncan ; Portier, Michel ; Dufau,
Pierre; Farandriet, Bernard; La-
marre, Ve. ; Costé, ,Ve. Pierre ; De-
mitte, Ye. ; McNab, William ;
Soewrs de la Congrégation; Letour-
neau, François; Boon, Henry;
Dufour, Jean Baptiste ; LaCroix,
Ve. ; Munro, George ; Fitsimon,
Ve ; Daley, Charles ; Leamy, Tho-
mas ; Jean, Alexis ; McCaulay, Za-
charie ; Le Page, Michel ; Metot,
Joseph ; Liés, Jean ; Sheperd ;
Cornue, Michel ; Mayers, Jean ;
Levy, Jacob ; Baft dt. Lafleur, Pier-
re ; Napier, Pierre ; Marin, Sa-
muel ; Wilscoks ; Walker, Ve. ;
Bondfield ; Woolsey & Bryan ; Pa-
terson & Grant ; De^unier Beau-
bien ; Philip, Jean ; Finlay à la
Porte ; Bistaudeau, Antoine ; Pin-
tair, Jean ; Bayard, N. S. ; Portu-
gais, Jean Baptiste ; LeCour & Poi-
rié ; Perras, Jacques ; Welles, Jean ;
Liés, Jean ; Boisseau, fils ; Laba-
die, Pierre ; Boisseau, Père ;
Stuart & Fraser ; Levesque, Fran-
çois ; Lymburner, Jean.
RUE NOTRE-DAME
Simpson, Alexandre ; Mago, Bou-
logne ; Fraser, Simon ; Lizot,
Louis ; Baird, Jean ; Dumas, L.
Marcoux, Pierre ; Munro, James
Morin, Claude ; Anderson & Smith
Blouin, Gl. ; Smith, François ; Lal-
lemand, Ve. ; Taylor, Henry ; Lar-
cher, Jacques ; La jeune. Parent ;
Melvin, Jean ; Cramasie, Jacques ;
l)umas, Alexandre.
RUE DU SAULT AU MATELOT
Perrault, Jacques ; Smith, Fran-
çois ; Trudel, Joseph ; Bailliargé ;
Montmollin, Didace ,-• Garenne,
Charles ; Dupré, Le Cte
Joseph ; Cureux, Antoine
Filteau,
Laforce,
Hipolite ; Lié, Thomas ; Pelleriu,
— 220
Ve ; Raby, Augustin ; Beaujour,
Delettre ; McCanzie, Ve. Alexan-
dre ; Parant, Antoine ; Delaurié,
Pierre ; Samson, Jacques ; Coue-
noud, Charles ; Boeuf, François ;
Normandeau, Augustin ; Pinay,
François ; Easset, Jean ; Crequy,
Antoine ; Parré, ('harles ; Dorval,
Ve. : L'Etourneau, Michel ; Lap-
part ; Pellon, Joseph ; Mai Houx,
Benjamin ; Caron, Alexis ; Michau,
Christoph; Pierre, Jean, tonnelier;
Cres])eau, Louis ; Flanmguen, Mi-
chel ; Blowe, Samuel ; Gosselin ;
Pique, Jean ; Damien, Joseph ; Re-
naud,, Jean ; Douville, Louis ; Le-
febvre, Marguerite; Paquet, René;
Paquet, Louis, fils ; Parent, Louis
Jeune ; Dubé, Jean Baptiste ; Le-
vasseur, Jean ; Boisvert, Pierre ;
Cognac, Pierre ; Cognac, Charles ;
Cognac Ve. Pierre ; Montauban,
Jean Baptiste ; Roza, François
Barty ; Dumas, Joseph ; Titlie,
RUE LAMONTAGNE
Jean ; Gagnon, Vincent ; Artois,
Ve ; Sérindac, Gilles ; Vallée,
Louis ; L'Etourneau, Louis ;
Chamberlan, Pierre ; Paquet, Pier-
re ; Gravelle, Claude ; Costé, Pier-
re ; Tranquille, Louis ; Amiot,
Jean Baptiste ; Marie Jean. Père ;
Marie, Jean fils ; Point, Guillaume;
Lafeuillade, Charles ; Bourguignon,
François fils ; Samson, Jean ; Tan-
cheau, Ive ; Vallée, Charles. ' fils ;
Mailloux, Ve. Antoine ; Ellf is, Ste. ;
Paquet, Joseph ; Finasse, Domini-
que ; Bernier, Louis ; Dumas, Jean
Baptiste ; Laçasse, Ve Fortier ;
Bourguignon, Louis ; Morié, Jean
Baptiste ; Dubord, Jean Baptiste
fils ; Dubord, Noël ; Doiron, Alexis;
Chamberland, Claude ; Filteau, Ve
François ; Croteau, Charles ; Bou-
cher, Ve. ; Corneau, Ve. ; Crespeau,
Lonchamp, Hustache ; Brown, Ja-
mes ; Dalgli'sk, Jean. /
Dubord, Michel ; Robinson, Jean ;
Picard, Alexandre ; Huet, Joseph
fils ; Kaillé, Henry ; Rousseau ;
Bell, William ; Coulins, François ;
McCùlloch, Robert ; Oneille, Pier-
re ; Marauda, Gabriel ; Kilth, Wil-
liam ; (îhamard, Jean Baptiste ;
Forbes, William ; Schindler, Joseph ;
Lariviere, François ; Arial, Jean.
RUE BUATTE (BUADE)
Allsopp, M. George ; Welles, John ;
Les Imprimeurs ; Lanaudiere ; Gi-
rard, Jean Baptiste ; Duff, Caprt. ;
Edward, Damase ; Fraser, Jean
Marrs-Ingenieure ; FitzGerald, avo-
cat,; Pellison, F,; Dubarry, Dce. ;
Printies, Mills ; Soupiran ; Gui-
gnoi\, Bernard ; Normandeau, Pier-
re : Pillon, Joseph ; Charlan,
Louis fils ;'Cox, Eduard ; Liard,
— 221 --
Charles ; Levasseur, Ve. Xoel ; Gi-
iiié, Honoré ; Mailloux, Amable :
' -ucyranx, Jac([ues ; Graham, Wil-
liam ; Crebassa, Henry, Berthelot,
Charles ; Guehan ; Longueuil, Dlle ;
Marchand, Pierre ; Saillan ; Comf-
RUE STE-FAMILLE
roy ; Jinkins, George ; Les Pères
Jesuitte ; Quinbert, Jean, La Cham-
bre du Conseil ; Pinet, Alexis ;
Bertin, Joseph ; Drumond au Je-
suitte ; Deliette, Fontaine.
Le Séminaire ; Dosque, curé
SPenard, Pierre ; Picard, Alexan
dre, boucher ; Fillion, Mathurin
Brassard, Jean Baptiste ; Delery
Craffort, lieutenant, Voyer, Joseph
Dutarte, Gertrude ; Mailly, Joseph
Carié, Pierre : Farge, Jean ; Decor-
mier, Guillaume ; Mailly, Charles;
Stark, Capitaine ; Berge, Jean ;
Jurié, Barthy. ; Dupont, Ve.. ; A-
melot, Jacques ; Janveux, Mathieu;
Beaulieu, Antoine ; Belleville, Jean-
Baptiste ; Deluga, Guillaume ; Les-
sard, Guillaume ; LeConte, Angéli-
que ; Parant, Etienne ; Hupp, Doc-
tor ■; Bourbon, Jacques ; Portugais,
Jean-Baptiste ; Guillimin ; Desca-
reau, Louis ; Ducheneau, Jacques ;
Moreau, Jean ; Blair, D. ; Duval,
François.
RUE DU RAMPART
Shaws, officier ; Marauda, Ga- (.'apitaine; Isbister; Girard, Joseph :
briel ; Bourg, Joseph ; Portugais, W'addington, Charles ; Blackmoore;
Pierre : Menard, Dominique ; Me- Portugais, Ve Dominique ; Char-
nard Ve. ; Gunn, officier ; Arbot, lan, Jean Baptiste.
RUE ST-GEORGE
(xarau, Jean ; Charlery, Michel
Dumontier, Louis ; Vallé, Charles
Audie, Pierre ; Menard, Pierre
Hague, Jean ; McDonell, Jacques
K'^lly, Henry ; Huet, Joseph fils
.Proust, François ; Duval, Ve. ; Pa-
neton, Pierre ; Emond, Pierre ; Le-
moihe, Jacques ; Craffort, lieute-
nant ; Murray, P. ; Turpin, Ve ;
Lamotte ; Woolf.
RUE LAVALLE (LAVAL)
Chevalier, Hené ; Marchet, Ve. Pier-
re ; Lama'rtinet ; Lemire, Augus-
tin ; Chone, Caible ; Amiot, Fran-
çois ; Coutelleau, Morice ; Jugon,
Lemettre ; Gilbret, Joseph ; San-
soucy, Joseph Damien ; Degray,
François ; l^evareau, Pierre ; Ar-
bourg,'Ve. ; Coffé, soldat ge. Regt. ;
Bernard, André ; Tranquille, Geor-
ge ; Bonhomme, Pierre ; Dufresné,
Ve.
222
RUE ST-FRANCOIS
Jugon, Jean Lemettre ; Lemire,
Antoine ; Lusignac, Ve'. ; Moreau,
Louis ; Descareau, Joseph ; Bour-
bon, Jacques ; Badeau, Pierre ; Al-
lary, Baptiste ; Allary, Ve. ; Da-
chat, Gilles ; Lampy, Joseph ; Du-
ret, Charles ; Kenaud, Guillaume ;
Letarte, Bergitte ; Clesse, François;
Collet, Noël ; Quenet, Ve. ; Dubois,
George ; Lavigne, Ve. Joseph Mi-
chel ; Platte, Limes ; Hamel, An-
dré ; DeCîfoix ; Savard, Charles.
RUE ST-FLAVIEN
Beriau, Ve. ; Nicolas, Etienne ;
Bergeac, Joseph ; Brissard, Jac- Louis : Tesier, Germain ; Levitre,
ques ; L'Espérance, Bazil ; LaCom-
be, Pierre ; Green, officier ; Roy,
Jean Baptiste ; Briscot, William ;
Coste, André ; Chrestien, Jean-Bap-
tiste ; Delisle, Fontaine ; Tellier,
Nicollas ; Lallemand, Ve. ; Freros,
Joseph ; Parsonn, Jonas. 52 Regt ;
Thomi)son, officier; Balfour, James,
canonier ; Juineau, Barty ; Hains;
Barty. ; Basset, Major ; Caillé, 10e
Regt. officier ; Philips, Capne.
RUE NOUVELLE
Venture, Capne. ; Parant, Michel ;
LaPalm, Ve. ; Carpentier, Louis ;
Bergeas, Joseph ; Diorcival, Mar-
tin ; OBryne, Michel ; LeCouvreur,
Jean Pierre.
RUE COUILLARD
Franchere, Ve. ; Laroche, Michel ;
Pratte, Pierre ; Waham ; Maylly,
Charles ; Larouche, Ve. ; Paquet,
Jean Baptiste ; Wilmoth, Thomas ;
Fitlair, Hanary ; Shevas ; Tringle,
Ve. ; Smith, Ve. ; Puce, Jacques
Joseph ; Marin Den 10e. Regt. ;
Lux, Marie ; Morijeau, Ve. ; San-
gret, Ve. ; Dalinet, Antoine ; Bry-
mer, Ellias ; Donell, Girns, artille-
rie ; Francise, Robert ; Chevalier,
Louis ; Farineau, Paul Joseph ;
Brutfield ; Smith, Robert ; St
Agnant, Etienne Glené ; Sinn, Pa-
trix ; Guillot, Joseph ; Nab. George,
soldat ; Durazoir, Pierre Rouan ;
Parant, Henry ; Benêt, Ns. ; Woust,
George ; Gautier, Charles ; Bonet,
Pierre ; Reed, Samuel ; Génie, fille;
Vingt Sept, Richard ; Robinson,
Jean ; Muzicien, Sims.
— 223 -
RUE ST-JOSEPH
Hupp, Doctor ; Thwith, officier ;,
Delzenne, Joseph ; Giraux dt. Pot-
vin, Louis ; Sanguinet ; Benereau,
Louis ; Duga, Michel ; Trant, Pier-
re ; Clarks, Jan ; Paquet, Ve. ; Be-
dard, Augustin ; Francheville ; Ni-
*colas, Etienne ; Rigodiau, Antoine ;
Pelletier, Ve. ; Amiot, Jean ; Go-
vin, Pierre ; Guillot, Joseph ; La-
casse, Ve. ; Delagrave, Louis ;
Martinet, Antoine ; Frazer, Daniel;
Desterme dt. Comtois ; Ferure, E-
tienne*; Voyer, Michel ; Bruneau,
Pierre.
RUE DE LA FABRIQUE
Smith, Jean ; Normand, Jean ;
Duflo, Joseph ; Bourdage, R ; Pa-
yan, Pierre ; Guillimin ; Germain,
Louis père ; FitzGerald, Capne. ;
Voyer, Charles ; Deboucherville ;
Bellefleur, Louis Gâtés ; Soulard,
Pascal ; Turgeon, Louis ; Costé,
Joseph ; Youssinte : Germain,
Louis, fils ; Jeffery ; Gray, R. ; Gas-
té, Jean Baptiste ; Cox, Eduard ;
Due, Ve. ; Ainguine, officier ; Wa-
tass, Capne. ; Munro, George ; Sin-
clair, James ; McNeill, Daniel ;
Hanna, James ; Petry, Frideric ;
Noël, Josepli ; Duraont, Jean Bap-
tiste.
RUE ST-JEAN
Vidah, Antoine ; Reed, Samuel
Rousseau, Henry ; Dorion, Noël
McRandle, R. ; Parsann, Capne.
Lemire, Augustin ; William, Capne
Denechau ; Deplaine, Ve. ; Poulin,
Pierre ; Chavigny ; D'Inford, Abra-
ham ; Wright ; Lynd-greffier ; Pre-
mont. Aman ; Dolovoye, Capne ;
Thompson, Doctor; Amilton, Lient;
Mailloux, Amable ; Sims, Muzicien ;
Langlais, Noël ; Mon j on, Louis ;
Langevin, Ve. Cartier ; Rousseau,
Louis père ; Duval, François ; Simp-
son, Joseph ; Lafraince, Janveux
Mollone, Bernard ; Daly, Thimoté
William, Jinkins ; Daley, Denis
Chinte, Samuel ; Farguson; Colner,
Gims ; Lamson ; Lafleche, Thimo-
té ; Winter, Mathieu ; Duval,
Joseph ; Swetland, Henry ; Gatié,
Etienne ; Brissard, Jacques ; De-
lias dt. St. Jean, Jean ; Laroche,
Etienne ; Ghislaine, Jean ; Garen-
ne, Thqmpson, Jean ; Black, Ve.
D'Insdell ; flamant, Jacques
Stuart, Robert ; Jourdain, Michel
Delap, officier ; Vilson, Jean ; For-
tune, Thomas ; Abraham, Ns. :
Brassard, Jean ; Romain, François;
Kelly, William ; Duglisk, Mariane ;
Grant, Robert ; Costé, Pierre ; Gil-
léspie, Robert ; Witmoore, Jacob ;
King,^ John 8 Regt. ; Jurié, Barthy ;
Dupont, Joseph ; Mcintoss ; Wes-
- 224
Wesler, Joseph ; lleed, Thomas ;
Vingt Sept, Eichard ; Puce, Jac-
ques Joseph ; Wood, John 8 Eegt. ;
Godin, Marie Magdelaine ; Dunbar,
Lieut. ; Chevalier, Etienne ; Thoret,
Jean Baptiste ; Belangé, Ve. ; Go-
bé, Jean ; Smith, Abraham ; Win-
ter, John ; Woods, André ; Roger,
James ; Blaye, André ; Masse^ An-
toine ; Burk, Thomas ; Watson, Ar-
chibell ; Hindal, Jean Nelson ; Hil-
le, Joseph ; Têtard, Jean Marie ;
Dumarque, FraV^çois ; Poncet,
Joseph ; McClanzie, Colin ; Bou-
cher,
çoise
John
Vital
Porte.
Thomas ; Duchesnay, Fran-
. Selter, Alexander ; Gill,
; Lorty, Charles ; LeConte,
; Corps Garde dt. LaGrande
RUE STE-GENEVIEVE
Gobé, Jean ; McClode, Alexan-
dre ; McClive & Mcintoss ; McCli-
ve ; Mcintoss ; Flamant, Ve. Fran-
çoise ; Hamel, Joseph ; Parkins,
John ; Migneron, Joseph ; Godier,
Thomas ; Feluet, François ; Arke-
son ; Valleron, Clément ; Clark, Ja-
mes ; Lavictoire, François ; McClo-
net, N. T. 52 Regt. ; Barns, Pte ;
Bingharm, James ; Winter, Joseph.
RUE DES CASERNES
Robin ; McDonell, Ve. ; Chaus- Wegler, Gaspar ; McClinon ; Hisse,
sat, Arnoux ; Moras Etienne ;
Smith, colonel ; Mitivié, Jean Bap-
tiste ; Murray, Major ; Jourdain,
Augustin ; Coxenne, Daniel ; Me
Galpin, Noël ; McDonell, James ;
Jean ; Rowe, Lux ; Page, Jean ;
Brunet, Jean Baptiste ; Brunet, Ve ;
Dorion, Noël ; La Albert ; Flamant,
Michel ; Morçau, Pierre ; Moras dt.
Laforme, Pierre.
RUE STE-ANNE
Les Cazernes Prisons ; Beleau,
Noël ; Lafontaine, Dlle ; Hamel,
Antoine ; Bezeau, Pierre ; Costé,
Paul ; Laterreur, Ve. ;Deluga,
(Guillaume ; Arnaux, Dominique ;
Jernac dt. St-Germain, Jques ; La-
Croix, Ve, ; Moreau, Charles ; Mo-
reau, Ve. ; Migneau, François ; Se-
guin, Ve. ; Delian dt. St-Jean,
eTean ; Hamilton, Lieut. 10e. Hegt. ;
Hipps, George ; Dunn, Henry ; Ha-
milton, Capne. ; Valiere, François ;
Parant, le jeune ; Crafton ; Maban,
colonel ; Kneller ; Les Pères Reco-
lets.
F.-J. AUDET
(La suite dans la prochaine livraison)
BULLKTIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE- AOUT 1021 No 8
LES PREMIERS BIENFAITEURS DE L'HO-
PITAL-GENER AL DE QUEBEC
Les premiers bienfaiteurs de l'Hôpital-Général de
Québec après bien entendu, Mgr de Saint-Vallier, le saint
fondateur de cette maison, furent Pierre Mortrel et sa
femme, née Adrienne de Lastre.
Ces noms ne vous disent pas grand 'chose, n'est-ce pas?
Ne prenez pas la peine de chercher le nom de Pierre
Mortrel dans le Dictionnaire généalogique des familles' ca-
nadiennes de Mgr Tanguay. Vos recherches seraient vai-
nes. Le Dicfionaire généalogique ne fait, en effet, aucune
mention de Pierre Mortrel non plus que de Adrienne de
Lastre, sa femme. Pourtant ces deux personnages ont
réellement existé. Ils ont même vécu de nombreuses an-
nées au Canada.
Conmient un chercheur avisé et heureux comme Mgr
Tanguay a-t-il pu oublier ce ménage ? Nous ne voyons
qu'une explication à cette omission. Pierre Mortrel et sa
femme, pendant toute leur existence, n'eurent que deux
ambitions : bien servir Dieu et être oubliés ou ignorés du
monde.
— S26 —
Qui sait si la Providence ne voulut pas respecter leur
l^ieux désir même après leur mort ?
En tout cas, Pierre Mortrel, et Adrienne de Lastre,
étaient originaires de Rouen et passèrent dans la Nouvelle-
France avec un convoi de colons aux environs de 1666.
Pierre Mortrel s'établit à Charlesbourg sur une con-
cession qu'il défricha lui-même. Le travail ardu et la fru-
galité des époux Mortrel leur permirent d'amasser avec les
années non pas une fortune mais un pécule avec lequel ils
achetèrent une autre terre au village Saint-Joseph de la
même paroisse de Charlesbourg.
La Providence n'avait pas donne d'enfants aux époux
Mortrel. Lorsque Mgr de Saint- Vallier établit son Hô-
pital-Général ils entendirent parler du dénuement et de la
pauvreté des religieuses chargées de la nouvelle fondation.
Ils formèrent alors le désir de donner tout ce qu'ils possé-
daient à l'Hôpital-Général.
Les annales de l'Hôpital-Général parlent de ce don
dans les termes suivants :
** Au mois de mars 1696 les religieuses furent agréable-
ment surprises de voir arriver Pierre Mortrel et Adrienne
Lastre sa femme, habitants de Charlesbourg, gens dési-
reux de faire quelque chose pour leur salut. Ils témoi-
gnèrent avoir dessein de donner en pur don à la commu-
nauté tout ce qu'ils possédaient, savoir, deux terres situées
l'une à Charlesbourg, l'autre à Saint- Joseph, village du
même lieu, avec tous leurs bâtiments, et généralement tous
leurs biens, meubles et immeubles. Le contrat fut passé
le 21 juillet, et les donnateurs déclarèrent avoir été portés
à faire cette aumône pour reconnaître en quelque façon les
témoignages de bienveillance et d'affection que les dames
I
— 227 —
religieuses leur avaient donnés et ijour les engager à se
souvenir d'eux en leurs dévotes et saintes prières ; à la
charge aussi de faire, selon leur discrétion et volonté, prier
Dieu pour le repos de leurs âmes, après leur décès. ' '
Pierre Mortrel et sa femme s'étaient réservé l'usu-
fruit de leurs biens. Ils continuèrent à exploiter leurs
terres pendant quelques années mais on. peut dire qu'ils ne
travaillaient qu'au j)rofit de l'Hôpital-Général car ils ap-
portaient au monastère, chaque année, force denrées d'ar-
gent assez importantes pour aider les religieuses à payer
leurs dettes.
Lorsque Pierre Mortrel se vit malade pour mourir, il
se fit transporter à l'Hôpital-Général. Il endura avec
une patience et une résignation vraiment chrétienne de
cruelles douleurs causées par l'hydropisie.
Mortrel mourut dans le cours de l'année 1711 et les
religieuses de l'Hôpital-Général, reconnaissantes, le firent
inhumer dans leur église et lui accordèrent les mêmes suf-
frages qu'elles donnaient aux membres de leur commu-
nauté.
A la mort de son mari, Adrienne de Lastre demanda
comme faveur à se retirer à l'Hôpital-Général, Elle pro-
mettait de servir la communauté en qualité de soeur tou-
rière. Cette demande fut accordée avec plaisir par les
religieuses. La pieuse veuve se livra alors sans réserve
aux exercices de la i^énitence. Sur son corps, exténué par
l 'âge et le dur travail des champs, elle portait une ceinture
de fer qu'elle ne quittait jamais.
Dans l'été de 1713, la veuve Mortrel, revenant de Que-
— 328 —
bec, extrêmement fatiguée, monta dans une charrette. Par
une fausse manoeuvre du conducteur de la voiture, elle
tomba et une des roues lui passa sur la tête. Elle aurait
dû mourir sur le coup. Elle attribua sa conservation à la
protection spéciale de la Sainte Vierge à qui elle avait une
tendre dévotion. La blessure qu'elle avait reçue à la tête
se guérit après quelques jours, mais les douleurs ne cessè-
rent point, et la fièvre étant survenue, on proposa à la ma-
lade de recevoir les saints sacrements. Elle ne voulut pas
cependant recevoir le Viatique dans son lit, et se rendit à
l'église. Elle ressentit un mieux sensible toute cette jour-
née. Le lendemain, fête de l'Assomption, on se rendit à
sa chambre de grand matin. La veuve Mortrel était à ge-
noux, appuyée à la muraille, le chapelet à la main. La re-
ligieuse s'approcha et constata qu'elle était morte.
Les religieuses de l'Hôpital-Général rendirent à la
veuve Mortrel les mêmes honneurs qu'elles avaient accor-
dés à son mari. Elle fut inliumée dans l'église, à côté de
lui, et eut les mêmes suffrages.
Dans le monde, les bienfaits sont bien vite oubliés. Il
n'en est pas de même dans le cloître.
La donation consentie par Pierre Mortrel n'avait pas
une valeur considérable. Tout de même, après deux siè-
cles, les noms de Pierre Mortrel et de sa femme, Adrienne
de Lastre, ne sont pas oubliés au vieux monastère. Dans
la liste des bienfaiteurs de la maison, ils viennent immédia-
tement après celui de Mgr de Saint- Vallier, qui lui donna
l'existence.
P. G. E.
I
229
ALLOCUTIONS JUDICIAIRES, A MONT-
REAL, AU XVIIe SIECLE
Nous avons déjà dit, dans le Bulletin, (]) que M. Migeon de Branssat,'
en prenant son siège de juge, en 1677, avait prononcé une allocution de circons-
tance qu'il a pris soin de faire consigner dans le registre des audiences. On
aimera peut-être avoir cet échantillon de Véloquence d'un de nos premiers magis-
trats et c'est pourquoi j'ai recueilli le mot à mot de son petit discours que je
reproduis ici, avec de légères modifications orthographiques. On ap>ercevra,
sans peine, que M. Migeon, pour être né dans le grand siècle, pouvait démontrer
à Boileau que ce que l'on conçoit bien ne s'énonce pas toujours clairement et
encore qu'on peut être avocat et ne pas posséder l'abondance verbale:
"Messieurs, l'honneur que m'ont fait Messieurs les Seigneurs de cette isle
d'avoir fait choix de ma personne pour remplir la charge de baillif, juge civil
et criminel en la dite isle, ayant été approuvé par Messieurs du Conseil suivant
l'arrest que je vous exhibe qui justifie la prestation de serment que j'ai fait entre
ses mains, m'a invité de vous prier de vous trouver en ce lieu destiné pour y
rendre la justice afîin que vous eussiez inspection et veue autant des provisions
comme dudit arrest et que dans la suitte des temps nous concourussions conjoin-
tement et respectivement à nos charges, à ly administrer avec équité, vous.
Monsieur le procureur fiscal à faire que par vos soings et vigilences que je sois
informé des désordres qui sy pourront commettre pour y ajouter unanimement
le remède et le règlement; et vous. Monsieur Basset, greffier, que vos reg
Cistres?) soient dans l'ordre que les ordonnances vous le prescrivent, et vous,
huissiers et sergens, à faire vos actes et exploits suivant les ordonnances pour
que tous, dans l'union et charité. Nous nous acquittions du deub de nos
charges pour la gloire de Dieu, l'honneur et avantage de Messieurs les Seigneurs,
l'acquit de nos consciances et au soulagement des peuples, à quoy je vous
exhorte de toutes mes forces.
Ce fait leu et prononcé ledit jour et en que dessus à dix heures du matin.
MIGEON DE BRANSSAT
(Registre des audiences du bailliage, jeudi, SOseptembre, 1677 — Au'
dienccfdu matin.)
En suite, on trouve le visa du procureur fiscal, Huhout des Longchamps,
puis copie des lettres de provisions accordées par l'abbé François Lefebvre,
supérieure du Séminaire de Montréal ainsi que de l'arrêt du Conseil supérieure
de Québec concernant la nomination.
(1) B. des r. h., 1915, pp, 232 et 303.
— 230 —
La deuxième allocution "judiciaire" qui nous est parvenue a pour auteur
Jacques-Alexis de Fleury d'Eschambault, "licentié en droit, advocat en parle-
ment".
Ce digne "bailli" qui n'a pas, lui non plus, réussi à créer un chef d'oeuvre,
nous paraît néanmoins s'être inspiré du texte de son prédécesseur. Sans doute,
son discours est mieux ordonné et un peu plus nourri, mais on sent qu'il est bâclé.
Lisons-le tout de même:
"J'aurais eu. Messieurs, plusieurs belles choses à vous dire et à un chacun
en particulier, touchant les fonctions de sa charge.
Mais l'obligation où nous sommes d'expédier les affaires qui se trouvent
aujourd'hui à cette audience me fait différer pour une autre occasion. Je me
contenterai donc de ce que je ne me puis pas disp>enser, qui est. Messieurs :
Que vous saurez, s'il vous plait, que Nos Seigneurs de cette île, m'ayant
fait l'honneur de m'élire pour leur homme de foi, m'ont pour cet effet pourvu
des provisions nécessaires pour remplir ladite charge et pour y exercer toutes les
fonctions de leur bailli, juge civil et criminel de l'île de Montréal et lieux en
dépendant.
Ce que le Conseil souverain de ce pays a pareillement approuvé par arrêt
qu'il en a donné, en foi de mon admission à la charge et du serment que je lui
en ai prêté.
Ce que vous agréerez, s'il vous plait, de voir et que lecture à haute voix
en soit faite, pour être insinué et transcrit au long dans les registres comme le
chef de votre honnête assemblée, le père du public, le protecteur des opprimés
et le juge intègre, tant des bons que des méchants.
Les jurisconsultes n'ont d'autre définition du terme de la justice que celui
de rendre à un chacun ce qui lui appartient, aussi semble-t-il que le tout est em-
prunté de l'oracle même, qui est Dieu, quand il répondit aux Juifs, à leurs se-
monces sur la monnaie : Il faut reddere Caesari quod est Caesaris et Dei De»,
rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, preuves plus que
suffisantes à un juge pour y conformer les fonctions de sa charge.
Pour moi. Messieurs, c'est le prototype que je me propose et le miroir où
je prétends confronter toutes mes décisions.
A cet effet, je m'adresse à monsieur Pottier, notre très digne et bien aimé
procureur d'office, et que je regarde comme les dtux yeux du corps de notre
compagnie, pour le prier, voire si j'ose dire, ordonner, de ne point relâcher de
ses louables soins et vigilances à pouvoir découvrir généralement tous les désordres
qui pourraient se trouver dans l'étendue de notre ressort pour m'en donner avis,
afin que unanimement nous y apportions tous les ordres et la tranquillité que nous
y adjugerons nécessaires.
Je ne puis aussi. Messieurs, oublier le bel ordre que m'a déjà fait connaî-
tre M. Adhémar Saint-Martin, notre secrétaire, qui est pareillement digne de
louanges et de gloire, pour l'utile méthode dont il se sert dans l'arrangement qu'il
tient des registres pour la satisfaction de tout le public, et je le regarde, dans
notre compagnie, comme le coeur pur et incorruptible de notre corps.
— 231 —
Je passe de là à vous autres, huissiers et sergents, qui en êtes les bras, et
que j'exhorte, voire aussi, vous ordonne de bien libeller vos exploits et les régler
et conformer sur le pied des ordonnances, faites et à faire, sous les peines y
portées.
Ce qu'étant ainsi réglé, je puisse avoir Heu de vous maintenir et protéger
comme je suis obligé et qu'étant juridiques et joints au corps, nous fassions toutes
nos fonctions pour la plus grande gloire de Dieu et honneur de Nos Seigneurs,
comme aussi pour l'acquit de nos consciences.
DESCHAMBAULT
(Registre des audiences du bailliage, du 29e jour de novembre 1 690,
deux heures de relevée.)
Pour ajouter à la solennité ou plutôt à l'éclat de V intronisation, le procu-
reur fiscal, J.-B. Pottier, tint également à adresser la parole.
Il ne prononçt qu'une phrase, mais elle est d'une belle longueur. Vous
allez vous en rendre compte, car le greffier du tribunal, le sieur Antoine Adhé-
mar de Saint-Martin n'a pas manqué d'en prendre copie:
Messieurs les Seigneurs de cette île m'ayant mis en main, ce jourd'huy, les
provisions que je tiens p)Our les faire enregistrer sur le plumitif de ce bailliage,
j'ai cru. Messieurs, que mon devoir m'obligeoit à vous faire cognoistre les
obligations que nous leur avons de nous avoir donné un magistrat doué de toutes
les qualités requises pour remplir une telle charge, qui demande, de tous tant
que nous sommes d'officiers en cette juridiction, une fidèle correspondance,
afin que cet éclairé magistrat, que vous connaîtrez sous le nom de Deschambault,
cy près, et dont mesd. sieurs les Seigneurs nous honorent pour notre bailly,
puisse rendre à tous ceux qui seront obligés de venir devant lui, soit pour deman-
der ou défendre, une bonne et brève justice, tant pour le civil que pour le
criminel; Comme de vous, M. Adhémar Saint-Martin, en écrivant fidèlement
les sentences, décrets et ordonnances, ainsi que vous avez toujours fait depuis
que vous avez eu l'honneur d'être greffier de ce lieu; et de vous, messieurs les
Sergents, tant en faisant exactement, et avec le plus de diligence que vous pourrez,
toutes les affaires que vous aurez des particuliers, qu'en libellant bien tous les
actes que vous serez obligés de faire, en prenant justement les salaires qui vous
seront dûs, suivant et conformémant aux ordonnances qui vous ont été exhibées ;
Comme aussi, de mon côté, pour ce qui concerne l'obligation de la charge dont
je suis honoré, en prenant les intérêts de Dieu, des femmes veuves et pauvres
orphelins, qu'en empêchant les désordres et friponneries qui se pourraient com-
mettre, si aucunes se faisaient, qu'en faisant exécuter les ordonnances pour le
fait de la police, et généralement toutes les autres auxquelles je serai obligé,
enfin, en donnant mes conclusions sur quelque affaire que ce pourra être, requérir
justement sur le fait de la chose. Ce sera par ce moyen que l'on verra en
toute l'étendue de cette juridiction régner une police digne d'attirer sur elle les
bénédictions du Ciel, ensemble pour vous et pour moi. Messieurs, la protection
de Monsieur Deschambault, de qui, je l'espère autant qu'il pourra.
— 232 —
En voicy assez dit pour vous faire connaître les devoirs que vous lui
devez en la dite qualité de bailly, comme je n'empêche qu'il ne soit reçu et
installé en ladite charge, suivant sesdits pouvoirs, pour quoi, je requiers, qu'elles
soient lues et registrées en ce greffe, afin que tous les justiciables de cette juridic-
tion aient à lui obéir en ladite qualité de bailli.
J. B. POTTIER
(Registre des audiences, 29 novembre 1 690.^
Vient, ensuite, au même registre, la transcription: (a) des lettres de
provision, autrement dit de la nomination de M. Deschambault par l'abbé DoUier
de Casson; (b) de l'ordonnance de l'intendant Bochart de Champigny ratifiant
la nomination ci-dessus; (c) de l'arrêt du Conseil souverain acceptant ladite
nomination et autorisant le titulaire à exercer ses fonctions.
Nous sommes en 1 693 et la scène change.
La justice seigneuriale a cessé d'exister; on la transforme en une "jurisdic-
tioh royale" et c'est le gendre de feu M. de Branssat qui a décriché le gros
morceau.
Charles Juchereau de Saint-Denis ne voulut pas commettre sa réputation
d'orateur lorsqu'il monta sur le banc pour remplacer M. Deschambault que
l'on forçait de descendre un degré et d'accepter la charge de procureur du roi.
Le nouveau juge s'en tira de la façon suivante :
L'an mil six cent quatre-vingt-treize et le mardy dix-septiesme jour de
novembre. Nous Charles Juchereau, escuyer. Juge royal, civil et criminel au
siège royal de Montréal, nommé par arrest de Nos Seigneurs du Conseil souve-
rain, du cinquiesme du mois d'octobre dernier. Désirant procéder à la prise de
possession de lad. Juridiction, après en avoir conféré avec monsieur de Callières,
gouverneur de cette île et autres lieux, et avec monsieur Dollier, supérieur
des ecclésiastiques de du Séminaire de cette ville et procureur de Messire Louis
Tronson, supérieur du Séminaire de Saint-Sulpice, seigneurs et propriétaires
de lad. île, NOUS aurions fait avertir Me Jacques-Alexis de Fleury, écuyer,
sieur d'Eschambault, commis par arrest de Nos Seigneurs du Conseil souverain,
du dix-neuviesme octobre dernier, en conséquence des provisions qu'il a obtenues
de Sa Majesté, de procureur du Roi, en attendant un temps propre pour procé-
der à l'entérinement des Lettres desd. provisions à luy accordées par Sa Majesté
ET Me Antoine Adhémar Saint-Martin pourveu du greffe d'icelle, Accom-
pagné desquels nous nous sommes transportés au lieu qui a servi jusques à
présent pour les audiences, où ayant pris séance, NOUS AVONS ordonné
et ordonnons que l'édit de Sa Majesté portant l'érection de lad. Justice royale
— 233 —
en cette île, et l'arrest de Nos Seigneurs du Conseil souverain du 5e octobre
dernier et portant vérification d'icelui, ensemble l'arrest dud 5e dud. mois
portant notre commission et delui de notre prestation de serment du 12e ensui-
vant, seront registres au premières feuilles du registre qui doit nous servir pour
lad, juridiction royale de Montréal, auquel enregistrement a esté procédé en
notre présence et de celle dud. sieur Deschambault procureur du roi, par ledit
Adhémar pourveu de ladite commission de greffier ainsi qu'il ensuit . . .
(Registre des audiences de la justice ro})ale, 1 7 novembre 1 693.^
La prise de possession du tribunal par le juge royal mit fin à la coutume
établie en 1 677.
Plus jamais, dans la suite, les gens de la haute robe montréalaise ne
daignèrent nous laisser le témoignage écrit de leur art de parler.
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTIONS
.^i
Connait-on le nom du Père Récollet qui accompagna Louis Jolliet dans
son voyage d'exploration à la côte du Labrador?
XXX
Je vois que le secrétaire de notre second intendant Robert était un M. de
Mousseau. On sait que M. Robert mourut en mer en venant prendre son
poste. M. de Mousseau retourna-t-il en France tout de suite ou s'il s'est établi
ici?
R. O.
Le 13 août 1 776, le gouverneur Carleton établissait deux cours de juridic-
tiion civile, l'une à Québec et l'autre à Montréal, pour recevoir un état général
des comptes de ceux qui avaient souffert des dommages dans leurs biens par
l'invasion des Américains, l'année précédente. Les procédures de ces cours
ont-elles été conservées? Où peut-on les consulter?
T. D.
Dans la "liste des serviteurs et servantes de Dieu que je croy estre dans
le ciel et qui ont été zélés pour l'église du Canada", dressée par la Mère Juche-
reau de Saint-Ignace, plusieurs noms sont peu connus. Ainsi qu'étaient MM.
Guirotte, Certein, Dechambost, Casset, Monin, Madame Eliot, etc, etc?
A. B. •
— 234 —
SAINT JOSEPH
Premier Patron du Canada
La dévotion à saint Joseph a grandi en même temps que l'Eglise ca-
tholique s'implantait dans la Nouvelle-France. Elle y fut apportée par
les missionnaires et les religieuses qui la répandirent parmi les sauvages
et surtout parmi les colons français à qui, du reste, elle n'était pas étran-
gère.
Monsieur l'abbé Ferland, s'appuyant sur l'ouvrage du Frère Le
Clercq, intitulé : "L'établissement de la foi dans le Nouveau-Monde",
raconte comme suit les premières manifestations publiques de la dévotion
envers saint Joseph.
"L'année 1624 fut marquée, à Québec, par une solennité religieuse
à laquelle assistèrent tous les Français et plusieurs Sauvages. Elle fut
célébrée en exécution d'un voeu fait à l'honneur de saint Joseph qui, dans
cette occasion, fut choisi comme Patron de la Nouvelle-France. Depuis
ce temps, la dévotion à saint Joseph s'est toujours conservée vive et effica-
ce parmi les Canadiens, ainsi que l'attestent les nombreuses églises pla-
cées sous sa protection 'et les confréries établies en son honneur. (1)
Nos ancêtres devançaient donc le grand mouvement religieux qui
allait incliner la France du XVIIe siècle et à sa suite tous les peuples
chrétiens vers saint Joseph ; et, lorsque le 12 mars 1661, Louis XIV
mettra sa personne et son royaume sous le patronage de saint Joseph, il
y aura 37 ans que la Nouvelle-France se sera mise d'elle-même sous sa
puissante protection.
L'abbé Faillon,' commentant le choix de saint Joseph, comme patron
de la nouvelle-France, dit ce qui suit : "Eji prenant possession de ce pays,
les nouveaux associés s'étaient réjouis, dans la pensée qu'il pourraient le
consacrer tout entier à Dieu ; et sachant que les Récollets le lui avaient
déjà dédié, sous le patronage de saint Joseph, ils envoyèrent une image en
relief de ce saint patron, qui fut placée sur l'autel de Notre-Dame-de-Re-
couvrance. Mais, comme l'adoption de saint Joseph comme premier
patron du Canada n'avait ])u être faite avec toutes les conditions voulues,
alors, que les Calvinistes dominaient le pays, on résolut de la renouveler
(1) Ferland. Histoire du Canada. Vol. I, page 212.
— 235 —
avec les solennités exigées par le droit ecclésiastique. Il fut donc arrêté
que les magistrats et le peuple, de concert avec les ecclésiastiques, qui
étaient alors les Jésuites, la ratifieraient de la manière la plus solennelle,
afin qu'il n'y manquât rien de tout ce qu'on pourrait désirer". Le Sou-
verain Pontife sanctionna ce choix, en accordaiit l'indulgence plénière le
jour de la fête de ce saint Patron.
"La fête du glorieux saint Joseph, père, patron et protecteur de la
Nouvelle-France, est une des grandes solennités de ce pays ; la veille de ce
jour, qui nous est si cher, on arbora le drapeau et on fit jouer le canon.
Monsieur le Gouverneur fit faire des feux de réjouissance, aussi pleins
d'artifices. que j'en ai guère vus en France. D'un côté, on avait dressé
un pan, sur Iquel paraissait le nom de saint Joseph en lumières ; au-dessus
de ce nom sacré brillaient quantité de chandelles à feu, d'où partirent
dix-huit ou vingt petits serpenteaux qui firent merveille. Le jour de la
fête, notre église fut remplie de monde et de dévotion, quasi comme en un
jour de Pâques, chacun bénissant Dieu de nous avoir donné pour protec-
teur l'Ange-Gardien, pour ainsi dire, de Jésus-Christ, son fils. C'est, à
mon avis, par sa faveur et ses mérites que les habitants de la Nouvelle-
France demeurant sur les rives du grand fleuve Saint-Laurent ont résolu
de recevoir toutes les bonnes coutumes de l'Ancienne et de refuser l'entrée
aux mauvaises."
Les "Relations des Jésuites" nous racontent aussi comment, pen-
dant plusieurs années, on commémora, par des exercices religieux et des
feux d'artifices, la solennité de saint Joseph, dont l'éclat arrachait aux
Sauvages ce cri d'admiration : "Saint Joseph doit être chez les Français,
un grand personnage, puisque, pour lui, ils changent la nuit en jour".
A l'origine du pays, la fête de saint Joseph eut donc le double carac-
tère d'une fête patronale et nationale. Ce n'est que quelques années plus
tard, que saint Jean-Baptiste fut choisi come patron des Canadiens-fran-
çais, et la fête de saint Joseph garda seulement son caractère populaire
et religieux.
On le voit, au berceau même du peuple canadien-français, la Provi-
dence éclate autour de lui, en lui donnant des protecteurs comme saint
Joseph et saint Jean-Baptiste. Et, pour confirmer le choix du saint
Patriarche Joseph comme Protecteur et Patron de la Nouvelle-France,
signalons les visions que la Mère Marie de l'Incarnation eut, quelque temps
avant son départ i)our le Canada.
— 236 —
Le récit tout entier de cette manifestation divine se lit dans les "Ee-
latious des Jésuites", et dans r"Histoire des Ursulines de Québec." (2)
"Vers la fin de l'année 1633, la vénérable Religieuse eut une vision ;
elle vit une Dame qui la conduisait bien loin dans un pays inconnu et
sauvage. En y arrivant, elle vit à l'entrée, un homme vêtu de blanc, de
la forme que l'on dépeint ordinairement les Apôtres, qui, la regardant, bé-
nignement, sa compagne, et elle, leur fit signe de la main, quoiqu'il ne
parlât. Son signe leur servit d'adresse pour aller à une petite église
située sur la côte. Là, la future fondatrice des Ursulines de Québec, vit
la sainte Vierge, et son divin Enfant-Jésus. Celui-ci lui dit : "C'est le
Canada que je t'ai montré ; il faut que tu y ailles faire une moisson à Jésus
et à Marie".
Depuis lors, la sainte lleligieuse n'eut plus de doute que c'était saint
Joseph gardien de ce nouveau pays qui l'avait conduite dans cette chapelle.
Elle demanda à Dieu avec instances de ne point séparer le grand saint
Joseph d'avec Jésus et Marie. Et l'établissement du monastère des
l'rsulines fit bien voir, plus tard, que le Saint-Esprit était bien l'inspira-
teur,des ardentes supplications de l'humble religieuse et que saint Joseph
devait avoir une grande part dans cette fondation. Aussi, les Ursulines
]ie manquèrent pas de dédier leur inonastère au saint protecteur du Cana-
da quand elle fondèrent leur couvent de Québec.
Un autre trait qui montre d'une manière visible, la protection de
saint Joseph sur l'établissement de la Nouvelle-France est le suivant ; il
se rapporte aussi à la fondation du Couvent des Ursulines de Québec dont
Madame de la Peltrie fut la fondatrice, en 1639, avec la vénérable Marie
de l'Incarnation, qui en fut la première supérieure. Xous empruntons le
récit suivant à l'Ami du Clergé. (3)
"Madame de la Peltrie, dame française, d'une vertu éminente, at-
teinte d'une maladie grave, était abandonnée de ses médecins qui désespé-
raient de son état et elle n'attendait plus que la mort, lorsqu'ayant eu re-
cours à la protection de saint Josph, elle lui promit si, par sa toute-puis-
sante médiation, elle recouvrait la santé, de fonder à ses frais, au Canada,
une maison d'éducation chrétienne. A peine eut-elle fait ce voeu, qu'elle
revint en parfaite santé. Le médecin l'ayant trouvée en cet état, tout
étonné, lui dit : "Que sont devenues ces douleurs si aiguës ?" Monsieur,
lui répondit-elle, elles sont parties pour le Canada".
(2) Histoire des Ursulines de Québec. Vol. I, page
(3) L'Ami du Clergé paroissial, 1912, page 670.
— 237 —
La toute-puissance de saint Joseph se manifesta d'une manière encore
bien visible quand les premières religieuses françaises passèrent au Canada.
En effet, en l'année 1639, les Hospitalières de Québec, s'embarquèrent à la
Eochelle. Elles étaient accompagnées des })remières Ursulines de Qué-
bec et de Madame de la Peltrie. Ces courageuses femmes s'en venaient
le coeur Joyeux, vers le Canada, pour s'y dépenser généreusement pour la
plus grande gloire de Dieu.
Au moment de toucher au terme de leur voyage, probablement sur
les côtes de Terreneuve, les religieuses faillirent périr ; elles durent la vie
à l'intervention de saint Joseph. Voici comment l'annaliste de l'Hôtel-
Dieu raconte le fait :
"La fête de la Sainte-Trinité fut remarquable par un accident qui
manqua nous arriver ; nous avions un très bon vent arrière et nous nous
réjouissions dans l'espérance qu'un si beau temps abrégerait la longueur
de notre traversée, lorsque, tout à coup, après la messe, il s'éleva un grand
bruit et l'on cria que l'on était perdu ; l'effroi avait déjà saisi tous les pas-
sagers ; les uns criaient miséricorde, les autres couraient chercher l'abso-
lution, et le Père était assez occupé à exhorter tout le monde à la confiance
en Dieu ; le danger paraissait évident ; c'était une glace d'une grosseur
énorme et d'une prodigieuse hauteur contre laquelle notre navire allait se
briser, si la divine Providence ne nous eut secourus miraculeusement ; cha-
cun se portait à prier selon sa dévotion ; la nôtre nous fit avoir recours au
grand saint Joseph à qui nous fîmes un voeu ; aussitôt, quoique toutes les
voiles fussent tendues et gonflées par le vent, et que le pilote commandait
une manoeuvre contraire à celle qu'il fallait faire, le vaisseau fit un détour
si subtil, que la glace qui était fort proche devant nous se trouva derrière,
ce qui changea la crainte en actions de grâces et nous échappâmes ainsi
au péril." (4)
Sur ce même navire se trouvaient les Pères Chaumonot, Vimont et
Poncet, jésuites, qui avaient obtenu la permission d'aller consacrer leur
vie à la conversion des Sauvages. Voici comment le Père Martin, qui a
annoté l'autobiographie du Père Chaumonot, raconte le même trait qui est
tout à l'honneur de saint Joseph :
"La traversée fut longue et périlleuse ; elle dura trois mois. En ar-
rivant près de l'Amérique, la mer était couverte de brouillards épais, le
vaisseau-amiral courut un grand danger. Il allait se jeter sur un énorme
(4) Histoire de l'Hôtel-Dieu. Edition de 1671, page 10.
— 238 —
glaçon ; le pilote l'aperçut et s'écria, effrayé : "Miséricorde, nous sommes
perdus ! " Le Père Vimont fit, en même temps, un voeu à saint Joseph
et à la sainte Vierge pour éloigner le péril. Au même instant, le vent
changea tout à cou)) et le vaisseau fut sauvé."
Dans son intéressante l)rochure sur saint Joseph, le R. P. Lecompte,
S.J., cite le fait suivant :
"Le 16 mars 1649, le bourg de Saint-Ignace et le bourg Saint-Louis
tombaient successivement aux mains des Iroquois. Ce jours-là même
le P. de Brébeuf rendait sa grande âme à Dieu dans d'indicibles tourments.
Le lendemain, le P. Lalemant expirait à son tour, après de plus longues
souffrances. Restait le Fort Sainte-Marie, dernier rempart des Français
et des Hurons. 11 allait subir, le 18 mars, l'assaut des Iroquois victo-
rieux.
"Nous redoublons de dévotion, écrit le P. Ragueneau, notre secours,
ne ])ouvant venir du Ciel. Nous voyant à la veille de la fête du glorieux
saint Joseph, Patron de ce pays, nous nous sentîmes obligés d'avoir recours
à un protecteur si puissant. Nous fîmes voeu de dire tous les mois, cha-
cun une Messe en son honneur, l'espace d'un an entier, pour ceux qui
étaient Prêtres ; et tous tant qu'il y avait de monde ici, y joignirent des
voeux et diverses pénitences.
"Tout le jour se passa dans un profond silence de part et d'autre, le
pays étant dans l'effroi et dans l'attente de quelques nouveau malheur.
"Le dix-neuvième jour du mois de mars, étant la fête du grand saint
Joseph, une épouvante subite se répandit dans le camp ennemi, les uns se
retirant avec désordre, les autres ne songeant qu'à la fuite. Leurs Capi-
taines furent contraints d'obéir à la terreur qui les avait saisis ; ils préci-
pitent leur retraite ; et le pays est sauvé ! (5)
Et que d'autres traits nous pourrions rapporter qui témoignent hau-
tement de la dévotion des premiers colons français et de l'amour de saint
Joseph pour le Canada : La fondation des religieuses hospitalières de
Saint-Joseph (Hôtel-Dieu de Montréal), par Mademoiselle Jeanne Mance,
en 1642, a été l'objet de faveurs célestes dues à ce saint patriarche. Aussi,
cette bienfaisante institution fut mise sous son puissant patronage.
Rappelons que ce fut le 19 mars 1660, jour de la fête de saint Joseph,
que M. Henri de Bernières, premier prêtre ordonné en Canada par Mgr
de Laval, dit sa première messe dans l'église de Saint-Joseph des Ursuli-
nes de Québec.
(5) Saint -Josejjh, Premier Patron du Canada, par le R. P. Lecompte, page 10,
— 239 —
Eu 1663, Monseigneur Je Laval fonda le Séminaire de Québec et il
se hâta de le dédier à la Sainte-Famille. Plus tard par lettres patentes
du 14 mars, 1664, Monseigneur de Laval établit à Québec la confrérie de
la Sainte-Famille, que le. Pape Alexandre VII érigea cononiquement en
1665. Cette pieuse association fondée par le Père Chaumonot, S. J., aidé
de madame d'Ailleboust, s'est répandue dans toutes les paroisses ; elle
compte aujourd'hui des milliers de membres.
Pour signaler d'un manière plus éclatante encore la puissance de
saint Joseph, notons encore le trait suivant qui montre combien était
grande la dévotion des premiers missionnaires du Canada envers le saint
Protecteur du pays.
Quand le Père Chaumonot, Jésuite, fit bâtir la première chapelle des
sauvages à l'Ancienne-Lorette, en 1673, par reconnaissance à la T. S. Vier-
ge, il s'adressa aux prsonnes qu'il savaient dévotes à cette sainte Mère. Il
écrivît une lettre à la Mère de la Nativité, alors supérieure de l'Hôtel-Dieu
de Québec, dans laquelle il lui demandait une aumône pour sa chapelle de
Lorette. Dans cette lettre, inédite, et qu'on peut voir aux Archives de
l'Hôtel-Dieu, le zélé missionnaire supphe cette religieuse de faire une
neuvaine en Phouneur de saint Joseph, pour qii'il réussise à trouver les
fonds nécessaires à sa pieuse construction. Xous trouvons la réponse à
cette demande dans l'histoire de cette communauté, édition de 1671, volu-
me très rare aujourd'hui. L'annaliste rapporte le fait comme suit :
"La Mère de la Nativité promit au Père Chaumonot 25 écus qu'elle
avait dans une cassette, c'était là tout son argent ; et comme il était alors
fort rare, chacun savait bien son compte ; elle alla donc le lendemain ouvrir
sa cassette pour envoyer son offrande, mais au lieu de 25 écus, elle en
trouva 50 ; sa surprise fut agréable, et elle ne douta point que cette aug-
mentation ne fut miraculeuse ; aussi, elle écrivit au Père Chaumonot
qu'elle ne lui avait promis que 25 écus, parce que certainement, elle n'en
avait pas davantage, mais puisque la sainte Vierge et son saint Epoux les
avaient multipliés au double, elle en profiterait, et' qu'elle lui envoyait la
somme entière qu'elle avait trouvée." (6)
La dévotion du Père Chaumonot envers saint Joseph était grande et il
obtenait de ce saînî Protecteur toutes les grâces qu'il lui demandait. Le
R. P. Martin, S. J., qui a écrit la vie de ce missionnaire, rapporte le trait
suivant : "L'on n'a pas regardé comme une moindre merveille ce qui
(6) Histoire de l'Hôtel-Dieu de Québec, édition de 1671, page 2à6.
— 240 —
suit : Au commencement de l'année 1676, le Père Chaumonot, ayant avec
lui deux de nos Pères, qu'il jugeait capables de faire sa mission, se laissa
aller au désir que son amour pour Dieu lui inspirait depuis longtemps, de
quitter la terre pour le ciel. Emporté des mouvements de cette ardeur,
il commença le 9ème jour de janvier une neuvaine en l'honneur de saint
Joseph, pour obtenir, par sa médiation, une prompte et bonne mort. Mais
un des deux Pères lui ayant entendu parler de cette dévotion, en donne
avis à son supérieur commun qui était le recteur du Collège de Québec,
afin qu'il vît lui-même s'il fallait laisser partir de ce monde le Père Chau-
monot. Ce sage supérieur, écrivit aussitôt à celui-ci qu'au lieu de la neu-
vaine commencée pour avancer sa mort, il en fît une autre au même saint
Joseph pour demander au moins dix ans de plus ! Le Père obéit à cet
ordre et jamais il ne se porta mieux que durant ces dix années, quoique sa
santé depuis trois ou quatre ans fût beaucoup altérée par de grandes mala-
dies. Comme nous étions persuadés que saint Joseph l'aurait exaucé
nous ne craignions rien pour lui durant tout ce temps là, et lorsqu'à Qué-
bec l'on eut appris sa chute, du haut du grenier en bas, l'on dit aussitôt :
"Il ne se sera par fait grand mal, saint Joseph le doit encore conserver
quelques années ! (7)"
Le récit de cette chute se trouve à la page précédente du même volu-
me ; le voici : "Etant monté, dans le grenier pour en apporter lui-même
du blé-d'Inde qu'un sauvage lui demandait, par aumône, il tomba du haut
en bas dans le degré avec sa charge sans se faire mal, quoiqu'il eut tombé
la tête la première et que ses pieds se fussent engagés entre les échelons
faits de bouts de planches. Tous ceux qui le virent ainsi renversé, jugè-
rent que c'était un miracle qu'il ne se fût rompu les jambes ou cassé la
tête."
La dévotion des Canadiens envers saint Joseph, nous venons de le
voir, remonte à l'origine même de Québec et de Ville-Marie. C'est là,
au coeur.de la i:ace, qu'elle a été entretenue comme un feu sacré par les
fils de Saint-François, de Saint-Ignace, et de M. Olivier; par les Ursulines,
les Hospitalières, les filles de Marguerite-Bourgeois ; par les Laval, les
Saint- Vallier, et leurs successeurs, etc.
En 1693, Mgr de St- Vallier établit une confrérie en l'honneur de
(7) Vie du Père Chaumonot, par le Père Carayon, S.J., annotée par le R. P.
Martin, de la même Compagnie, pages 97 et 98.
— 241 —
saint Joseph et il exliorta les prêtres à inspirer et à augmenter autant qu'il
sera en eux l'amour et la dévotion envers ce grand Saint.
Le 19 mars 1664, saint Joseph fût établi "Préfet perpétuel" , de la
Congrégation de Notre-Dame de Québec. Celle-ci avait été fondée le 14
février de la même année par le Père Poucet, Jésuite, alors curé d'offi-
ce (8), C'est pour cette raison que, chaque année, le jour de sa fête, on
renouvelle ce souvenir par une consécration solennelle en son honneur (9).
La Congrégation de la Sainte- Vierge à Ville-Marie (Montréal) ra-
tifia cet heureux choix au mois de mars 1694.
La dévotion à saint Joseph est très répandue dans toutes les provin-
ces ecclésiastiques du Canada et il n'y a pas une seule église qui n'ait son
autel dédié à saint Joseph. Un grand nombre de communauté religieu-
ses, de collèges, de couvents et d'écoles ont été mis sous le patronage de
ce grand Saint. Une centaine de paroisses sont sous le patronage de ce
puissant protecteur. Dans la province de Québec, seulement, nous rele-
vons les noms de trente-deux paroisses dédiées au Patron de l'Eglise ca-
tholique.
Avant de terminer ce modeste travail sur la dévotion à S. Joseph, au
Canada, nous aimons à signaler un oratoire dédié à S. Joseph et que la
piété des fidèles a élevé en ces dernières années au pied de la montagne de
Montréal, dans la paroisse de N. D. des Neiges, grâce au zèle des EE. PP.
de Ste-Croix. Des milliers de pèlerins ont déjà visité cette chapelle qui
sera bientôt remplacée par un vaste temple digne du patron de l'Eglise
universelle et du Canada ; ce sera un lieu de pèlerinage où Fhumble époux
de la Vierge Marie fera éclater sa toute-puissance auprès de Jésus et de
Marie.
D'une manière moins éclatante, mais non moins consolante, la bonté
de saint Joseph s'est manifesté en ces dernières années à la chapelle de
Saint-Joseph, sur le Chemin Ste-Foy, à Québec. Cette chapelle qui est
celle du Noviciat des Soeurs de Saint-Joseph a déjà reçu un grand nombre
dé pèlerinages des différentes parties de la ville et d'ailleurs. Les pèle-
rins s'y rendent chaque année de plus en plus nombreux. Elle est main-
tenant, pour le Canada, le centre de propagande de la Pieuse Union de
saint Joseph, patron de la Bonne Mort, recommandée par Benoît XV,
dans sa lettre, du 35 juillet 1930.
(8) Voir : "Journal des .Jésuites", à la date du 14 février 1664.
(9) "Souvenir du 200ème anniversaire de la fondation de la congrégation de
Notre-Dame-de-Québec", page 21.
— 242 —
titre "le Culte Perpétuel de saint Joseph" ; son siège est à Otterburne.
Joseph : c'est celle du Patronage Laval, inaugurée solennellement en
1910, dans la paroisse de Saint-Sauveur. Une troisième chapelle sera
bientôt construite sur la rue Fleurie, par les Soeurs du T. S. Sacrement de
Chicoutimi ; cette chapelle portera le nom de "Cénacle de Saint- Joseph".
Ce nouveau temple, destiné à l'adoration quotidienne du T. S. Sacrement
aura pour patron saint Joseph, premier adorateur du Verbe divin avec la
sainte Vierge Marie.
Signalons encore aux amis de saint Joseph une pieuse association qui
a été fondée au Manitoba, en l'honneur du saint Patriarche ; elle a pour
titre "le Culte Perpétuel de saint Joseph" et son siège est à Otterburne.
Cette association, fondée, il y a deux ans avec l'approbation de Mgr l'Ar-
chevêque de Saint-Bonîface compte déjà plusieurs milliers de membres,
et elle témoigne hautement de la dévotion populaire envers le premier Pa-
tron du Canada.
Nous pouvons donc conclure de ces faits officiels auxquels nous pour-
rions ajouter tant d'actes de piété individuelle, que le culte de saint Joseph
fut de tout temps, selon l'exi)ression de l'abbé Paillon, "une dévotion pro-
•pre des Canadiens."
Il est certain aussi que la pensée de Dieu, en ces années de défaillance
morale et religieuse, est de répandre à flots ses grâces dans tous les coeurs
par la médiation du saint Patriarche, et que si saint Joseph est prêt à
assister temporellement ceux qui le prient, il Iveut surtout le renouveau des
âmes par l'imitation des vertus qui lui étaient si chères : l'humilité, la
douceur, la pureté, la justice et la charité, mais surtout l'obéissance au
souverain Maître et à ses représentants sur la terre.
HORMISDAS MAGNAN
QUESTION
Le Paris-Canada du 3 octobre 1891 parlait d'un roman de M. Lionel
Radiguet qui venait de paraître sous ce titre original Flirts. Dans ce livre, pa-
rait-il, il était question de Montréal, Québec, du Nord-Ouest, etc. M. Radi-
guet avait, dit le Paris-Canada, trouvé les toilettes des femmes du Nord-Ouest
trop claires. Que dirait-il aujourd'hui? Où a paru ce roman? Qui était-ce M.
Radiguet?
G. O. B.
•343 —
M. DE VAUDREUIL ET "LE MARIAGE DE
FIGARO"
La comédie de Beaumarchais Le mariage de Figaro était écrite déjà depuis
quelques années lorsqu'elle arriva à la scène. Louis XVI, qui avait pris la
peine de se faire lire cette pièce risquée et qui en comprenait toute la portée
s'était opposé longtemps à la laisser jouer. On prétend même qu'après en avoir
pris connaissance il aurait dit: "Si l'on jouait cette pièce, il faudrait démolir la
Bastille."
Mais le comte de Vaudreuil faisait alors la pluie et le beau temps à la
cour du faible Louis XVI. Vaudreuil était le grand ami de la duchesse de
Polignac et celle-ci avait un empire presque absolu sur la reine Marie-Antoinette.
En juin 1 7S3, Louis XVI se laissa gagner et permit que le Mariage de
Figaro fût joué au théâtre des Menus, dans une fête donnée à un de ses frères.
Mais, au dernier moment, le roi se ressaisit et la pièce ne fut pas jouée.
Le comte de Vaudreuil se reprit trois mois plus tard.
Il avait invité le comte d'Artois à la chasse à Gennevilliers. Madame
de Polignac et sa suite s'y rendirent. L'occasion était belle pour clore une fête
par une comédie dont la censure ne voulait pas. Il obtint enfin l'agrément du
roi, et, à la fin de -septembre 1 783, le Mariage de Figaro avait les honneurs de
la représentation sur le petit théâtre de Gennevilliers.
L'auteur, Beaumarchais, assistait au triomphe de sa pièce. On raconte
que pendant la soirée il enfonça avec sa canne les carreaux d'une fenêtre pour
donner de l'air aux spectateurs, ce qui fait dire à M. Léonce Pingaud que ce
soir-là il cassa doublement les vitres.
"Dès lors, dit encore M. Pingaud, Beaumarchais avait gagné la partie. Les
hôtes de Gennevilliers eurent beau déclarer sur tous les tons la pièce immorale
et indigne du répertoire : le public entendait partager le privilège dont ils avaient
joui une soirée, et M. de Vaudreuil eut bientôt à se vanter ou à se repentir d'avoir
ouvert au redoutable chef-d'oeuvre de Beaumarchais les portes de la Comédie
Française. Cinq ans après, selon la prédiction du roi, la Bastille tombait, et le
courtisan qui lui avait involontairement porté le premier coup partait, frappé
aussi le premier de tous par sa chute, pour l'exil." ( 1 )
(1) "Correspondance intime du comte de Vaudreuil et du comte d'Artois",
p. XXII.
— 244 —
On a dit que le comte de Vaudreuil qui, sous Louis XVI, eut si grande
influence et qui par ses légèretés et ses imprudences hâta certainement la
Révolution, était Canadien et fils de notre premier gouverneur de Vaudreuil,
Ceci n'est pas exact.
Le comte Joseph-Hyacinthe-François de Paule de Vaudreuil était. le fils
unique du comte de Joseph- Hyacinthe de Vaudreuil, gouverneur de Saint-
Domingue, et, conséquemment, le petit-fils de notre premier gouverneur de
Vaudreuil. Il était né à Saint-Domingue le 2 mars 1 740.
Le comte de Vaudreuil fut un des favoris de la cour de Louis XVI.
Montgaillard, dans son Histoire de France, affirme qu'en huit années il toucha,
par suite de gratifications annuelles ou d'ordonnances de comptant, la somme de
2,885,000 livres, indépendamment des appointements qui lui étaient donnés
comme grand fauconnier.
Le comte de Vaudreuil décéda à Paris le 17 janvier 1817. Le poète
Brifaut lui consacra une élégie dont le dernier vers résume toute st vie de courti-
san:
"Vaudreuil se fit aimer; ce fut là sa science."
Le comte de Vaudreuil était le grand-père de cette comtesse de Clermont-
Tonnerre qui a traduit en français partie des oeuvres de Parkman et a fait
beaucoup pour faire connaître le Canada en France.
La comtesse de Clermont-Tonnerre est décédée au château de Brugny,
en France, le 1 7 septembre 1 900.
P. G. R.
QUESTIONS
Autrefois on donnait le surnom de Jacques Bonhomme aux Français.
Pourquoi?
AUG.
Qui peut me dire où est né Ronald McDonald qui fut d'abord instituteur
puis rédacteur de la Gazette de Québec et du Canadien? McDonald décéda à
Québec, le 15 octobre 1854. Il avait épousé Louise Levallée qui périt dans
l'incendie du théâtre Saint-Louis à Québec en 1846. Si je pouvais retracer
l'acte de mariage de Ronald McDonald je trouverais peut-être d'où il était
originaire. Il partait un nom écossais mais il était plutôt considéré comme
Canadien-Français.
XXX
— 245 —
SUPERSTITIONS POPULAIRES
LA PIERRE DE GEAI
II est mort, à Sainte-Geneviève-de-Bastican, vers 1918, un sympathique
et pauvre hère, Narcisse Normandin, qui avait conservé plus que tout autre la
somme de croyances et de sup)erstitions qui permettaient à nos pères de peupler
l'espace d'êtres fantastiques, d'animer la matière, de métamorphoser les plantes
et les bêtes, d'entretenir surtout des espoirs prodigieux.
Une des grandes préoccupations de Narcisse Normandin, fut la trouvaille
des trésors enfouis et la conquête de cette étonnante pierre de geai, de beaucoup
plus précieuse que le diamant, au témoignage de quelques-uns de nos informa-
teurs: MM. Napoléon et Albert Saint-Arnaud, deux notables cultivateurs,
Wilfrid Boisvert, maquignon fameux et Onésime Pronovost, marchand à com-
mission, tous domiciliés dans le coquet village de Sainte-Geneviève sur la
Bastican.
Le geai, paraît-il, est un oiseau de la taille d'une grive ou d'un martin-
pêcheur. Il a une huppe sur la tête, sa faîle est bleue et, à l'approche du mau-
vais temps, il lance un cri particulier bien connu: pluie, pluie. Cet oiseau,
suivant la tradition, aurait un talent sans pareil, pour cacher son nid qu'il est
difficile de localiser. Et la raison d'un tel soin, c'est que dans les nids de geais,
il y a une pierre qui procure à celui qui s'en empare, le pouvoir de satisfaire tous
ses désirs, de réaliser tous ses rêves.
Alors qu'il était écolier, M. Onésime Pronovost en jouant dans la forêt
de la Rivière-à-la-lime (partie ouest de la paroisse) remarqua un nid de geai,
dans un énorme pin. Il en répandit la nouvelle et le bon vieux Narcisse partit
du village où il vivotait pour conquérir, enfin, le talisman qui mettrait fin à sa
pauvreté. A l'aide d'une échelle, il s'éleva jusqu'au nique .... mais la pierre
n'y était pas.
Ne croyez pas que la mésaventure déconcerta le bonhomme. Sa foi dans
la tradition ne fut jamais ébranlée et il trouva aussitôt l'application de son
insuccès : le geai s'était douté de quelque chose et il avait porté la pierre ailleurs.
Voilà tout.
XXX
— 246 —
LA MOUCHE
(Autre fois) , dans les chantiers de bois de chauffage, un bûcheron abattait
environ trois cordes de bois de 3 à 4 pieds de longueur, au cours d'une journée
de travail. Quelques privilégiés, cependant, parvenaient à bûcher 5, 6 ou 7
cordes et, chose étonnante, ces individus accomplissaient leurs prouesses sans
trop d'efforts. On remarquait également, qu'ils n'aiguisaient pas leurs haches
et qu'ils les cachaient p>our empêcher qu'on les examinât.
Afin de nous renseigner à ce sujet, nous avons interrogé quelques anciens
de Sainte-Geneviève-de-Bastican, notamment MM. Elzéar Nobert, né en 1842,
Napoléon Saint-Arnaud, né en 1844, Wilfrid Boisvert, né en 1845 et F. X.
Rivard, né en 1 850. Ces aimables vieillards nous ont fourni une explication
copieuse que nous allons résumer.
Le bûcheron qui voulait augmenter son salaire ou simplement prouver
sa supériorité faisait un pacte avec le diable. Alors le "méchant" procurait
à son adepte une mouche particulière ( 1 ) qu'il fallait loger dans la poignée d'un
manche de hache.
L'opération n'était pas difficile : avec une vrille on p>erçait un trou dans
le bout du manche, on introduisait l'insecte dans la cavité, puis on bouchait l'ou-
verture avec une cheville de bois.
Comme il n'était guère possible d'empêcher les gens de reconnaître les
haches ainsi "améliorées", leurs possesseurs essayaient de les mettre à l'abri des
regards indiscrets.
Inutile d'ajouter qu'avec de telles haches on pouvait abattre la quantité
de cordes qu'on voulait et si les disciples du "méchant" se limitaient à ne
produire que le double ou la triple de plus que leurs camarades c'est qu'ils
cherchaient à ne pas trop éveiller la jalousie de la "campe." Ils n'y parvenaient
pas toujours, car assez souvent les bûcherons non favorisés se liguaient ensemble
et exigeaient du "foreman" le départ de celui qui avait la mouche.
E.-Z. MASSICOTTE
(1) M. Rivard croit se rappeler que la mouche devait être attrapée à
l'église durant une cérémonie religieuse, repeiîdant, il ne peut préciser
davantage.
247
HABITANTS DE LA VILLE DE QUEBEC,
1770-1771
(Suite et fin)
RUE ST-LOUIS
Le Château St-Louis ; Nalson ;
Alexis Dauphiné & Dupras ; Alan-
ne, Jean ; Croehetiers ; Vallé, Ve. ;
Williamson ; Me Lone, Jean : Hol-
land, officier ; Duchênay ; Carbon-
neau ; L'Honorable Hay, Grand
Juge ; Johnson, oft'icier ; Desro-
ches ; Yollan, Ve. ; Montgomerie,
D. ; Duggan, Jeremie ; Levasseur,
Delors ; Eacine, Jacques ; LaBran-
che, Jean-Baptiste ; Young, Doctor;
Devis, Nicolas ; Couturié, Antoine;
Milair ; Corneau, Michel ; Rowe,
Jacob ; Cramahée, Mr. ; Delorme,
Jacques ; Baroles, Ve. ; Dunbar,
Ve. ; Bazin, Ve. ; Drummond, Col-
lins; Cureux, Michel; Panet, Jean-
Claude ; Pierre Chupin dit Lajoye ;
Cor de Garde de la Grande Porte ;
Bois, Etienne ; Contant, Louis ;
çois ; Castongay, Ve. ; Drolet, Phi-
lip ; Petit Clair, Louis ; Desca-
reaux, Louis ; St-Germain, Jacques;
Masse, Louis ; Philipon, Pierre ;
Bedoin, François ; Comtois, Antoi-
ne ; Château, André ; Lafontaine,
Alexandre ; Limoge, Jacques ; La-
roze ; Chon dt. Cambré, Jn, fs. ;
Barbeau, Simon ; Lamontagne,
Charles ; Gobert, Jean ; Luineau,
Joseph ; Jailliard, Philip ; Lionais,
Jacques ; Youcinte ; Ponsan, Ro-
main ; Gollin, Jean-Baptiste ;
Poussard, Jacques ; Voizel, Jean ;
Picard, Dubourg ; Thompson, Jac-
ques ; LaBreche, Pierre ; Hugue,
Finlay ; Kins, Major ; Murray, Ma-
jor ; Maban, Mr. ; Delgarner &
Bard ; Smith, Lient. ; Aubert &
Dalbergati,
Moissan, Joseph ; Robitail, Fran-
RUE DES CARRIERES
Loubier, Joseph ; Crafton ; Al-[gnac, François ; Crochetiere, Char-
cok, Capne. ; Voillier, Jean-Pierre;
Botté, Capne. ; Cugnet ; Pillon,
Joseph ; Provançal ; Ord, Jean ;
Levasseur, Ve. ; Metot, Ve. ; Be-
lair Dussault, Joseph ; Linteau,
Jacques ; Gagné, François ; Lées,
Jacques ; Versailles ; Barler ; Ber-
les ; Johnson ; Leblond, Charles ;
Levasseur, Magdelaine ; Pampallon,
Jacques ; Larivière, Joseph ; Du-
chemin ; Dccharnais, Jacques ;Pro-
vean, Pierre ; Chamberlan, Jean ;
Tanguay Sansoucy, Guillaume :
Arnoux, Antoine ; Gely, Ve. ; Sil-
248 —
vin, Joseph ; Deroin, Joseph ; Mi-
joye ; Laville, Pierre ; Moreau,
Jean ; Caron, Joseph ; LaCouture,
Philip ; Jacson, Antoine ; Daller,
Louis ; Charlan, Louis ; Lafleur,
Antoine Simon ; Maillot, Joseph ;
Demeulle, Jean-Bte ; Dubeau,
Fleurent ; Chamberl'an, Prisque ;
Goullet, Pierre ; Caret, Thomas ;
Dupuy, Pierre ; Delaine, Jean-
Pierre ; Tanerelle, George ; Petit
Clair, Jean ; Malloin, François ;
RUE DES JARDINS
Drageon ; Bouvier, Michel ; Du-
vergé, Charles ; Traveed, Ve. : Jac-
ques ; Verret Ve. ; Migneron ; Hé-
bert, Jean Baptiste ; Turcot, Louis ;
Levasseur, Pierre ; Verboncoeur,
Jean ; Deroin, Roze ; Guignard, Ju-
lien ; Garnier Parisien, Eté. ; La-
fleur Sevigny, Ve. ; Craffort, Lieut. ;
Valière, Charles ; Galarneau, Phi-
lip ; Beleau, Laroze ; Bonhomme,
Pierre ; Arcan, Ve. ; La Poudrier.
Kelly, William; Gautier, Ve. ; Cu-
gnet, Ve. ; LeLievre, Roger ;
Bourdage, Raimond ; Watine, Tho-
mas 52 Regt. ; Beaucourt, Pinguet ;
Olry ; LaLime, Jean-Baptiste ; Ga-
gnez, Manon ; Lambert, Charles ;
RUE DES PAUVRES
Murray, R. ; Badelard ; Potts, Ja-
mes. (Juge de Famirauté, parti en
N"ov. 1768 et Greffier du Conseil) ;
Monier, Joseph ; Rowe, Jacob ;
Les Ursulines.
Me. Adam, George ; Ghislaine,
Jean ; Duval, Joseph ; Duval,
François ; Cotton, Barthélémy ;
Black, Ve ; Pettigrew ; Winter,
John ; King, Godefroy ; Stan af-
fort 10 Regt. ; Deschenaux ; Mi-
gnot, François ; L'Hôpital du 52
Regt. ; Winter, Empry ; Jeffery, Sa-
muel ; Bonneville, Jean ; Bardy,
Martial ; Wutmand, Capne. ; Clark,
John ; Moran, François ; Smith,
Lieut. ; D'Infort, Abraham ; 0'
Smith, Lanch
Petit Grove, soldat
MeNal)e, William ;
Neill, Henry ; Anderson, François;
James ; Fraser, Simon & Hugue ;
Chandler ; Les religieuses de L'Ho-
tel-Dieu ; Richardson, John ; Mills,
Pierre ; King, George ; Delap, of-
ficier ; Lanoix, Ve. ; Ross, John ;
Huart, William ; Brideau, Fran-
çois ; Martin, Charles ; Gray, An-
dré ; Briton, Ve. James ; Rowel, Ri-
Olry ; LaLime, Jean Baptiste ; Ga-
niel ; Grant, Robert ; Simpson,
Joseph ; Saul, Jean.
RUE ST-NICOLAS
Cloff, Giras ; <!.; Ii ; Welden ; LaChaume, Pierre;
; Woods, Ellay; /MÎinston, Thomas ; Calander, Wil-
Cameron, Mur- i";.;;) ; (iiiell. Benjamin, soldat ;
— 249 —
Browii, Robert, soldat ; Gow, Guil-
laume ; FitzPatrix, 10e. Regt. ;
Mody, William ; Mc.Donell, Egnis;
LaChambre, Raimond ; Liés, Mrs.
John ; Lofford ; Richard Corbin,
fils Louis ; Beneteau, François ;
Smitli, Alexandre ; Larclie, Denis ;
Mc.Cord, John ; Heyser, Jolm ;
Corbin, Richard, père ; Levitre, Ve.
Joseph ; Dou^'ille, Jeremy ; Pa-
rant, Joseph ; David, Eduard, Son;
Garenne, Michel.
RUE DE LA CANOTERIE
Dubois, Pierre ; Creguy, Ve.
Emfry, Pierre ; Laviolet, Augustin
Dussault, Joseph ; Delisle, La Ve.
Girouard, François, Père ; Girouard
fils ; Delisle, François ; Pascal, Ve.
Dechamp, Philip ; Langevin, Ger-
main ; Charlery, François ; Ver-
reau, Joseph ; Vallois, François ;
Cloutier, Joseph ; Toupin, René ;
Dumas, Joseph ; Monier, François ;
Pivin, Pierre ; Toupin, Hustache ;
Portugais, Jean-Baptiste ; Schreder,
Samuel ; Doucet, Ve. Pierre ;
Woods, James.
RUE ST-CHARLES
Doucet, Joseph; Hausmand ,
Jean ; Daller, Louis ; Giroux, Char-
les ; -Davidson, Eduard ; Pettigrew
Woods, Joseph ; Lionais, Louis
Lefebvre, Charles; Ouellette, Louis
Bryard, Jean-Baptiste ; McCrave
Nal. soldat ; Maintfield, soldat
McDanell, John ; Corbin, Louis
CoUard, John ; Laind, William. 52
Regt. ; Woods, John, 8e. Regt. ;
Mc.Fion, 10e. Regt. ; Youse, John.
Srgt. 52 Regt. ; Michel, Robert ;
Boins, Thomas, sergent 52 Regt. ;
Gilles, Doubles, sergent 52 Regt. ;
Calesmit, John, sergent 52 Regt. ;
RUE ST-VALLIER
Gilmin, John ; Dufresne, Etienne ;
Brousseau, Joseph ; Babin, Joseph;
Elbreet, John ; Ellay, Denis, 8e.
Regt. ; Macaille, Pierre ; Cox, John ;
Barns, George ; Macanzie, William ;
Carson ; Tabis, James ; Fardin, Sa-
muel ; McClanene, Henry ; Clet, Gi-
mes ; Moore, John & Loucet ;
Brymner, Daniel ; Kaillé, James.
52e. Regt. ; Pillet, Robert ; Gibbs,
52e. Regt. ; Lamotte, Jacques ;
Forbus, William ; Legris, Joseph ;
Cordouil ; Antoine & Stil 10e.
Regt.
Daley, Thimoté ; Richardson ;
Farguson ; McGulpin, Jean ; Ca-
mell, Jean ; Liés, Jean ; McClan-
sie ; Clerson, Sergt. ; McCulchine,
Robert & L'Inktrie ; Canadé, Sa-
muel; Maintfield ; Tarel; Farlaind;
Donmide ; Chruchins ; McCaille,
Youx ; McCanzie, Goustave ; Les
Cazernes du Palais ; Thompson,
Capne. ; Gascon, Richard ; McDo-
— 350
nell, Sergt. ; McDanell, John ; Bell,
John ; Davidson, Thomas ; Agdenn,
Guillaume 53 Regt. ; Dugga, Mi-
chel ; DeGrange ; Marchand, Mi-
chel ; Grant, William ; Lamonta-
gne, Joseph ; McClive, May. 10e.
Eegt. ; François, Ignace ; Civraque ;
Damien, Thomas ; Parant, Joseph;
Marchand, Louis ; Parant, Pierre ;
Gagnon, Joseph ; Murray ; Diniot-
te, William. 8e. Regt. ; Maurin,
Jean ; Sasseville, François ; Chan-
donais, André ; Gagné, Jean Bap-
tiste ; Duperé, Joseph ; Corbin,
François ; Roy, François ; Naverd,
Jean-Baptiste ; Chaplain, Pierre ;
Belhumeur, Ve. ; Costé, Gabriel ;
Beaulieu, Jean-Baptiste ; Bonnevil-
le, Joseph ; Paquet, Pierre ; Beau-
lieu, Jacques ; Coupeau, François ;
Simpson, Joseph ; Govreau, Mag-
delaine ; Nadeau, Jean-Baptiste ;
Brousseau ; Chalifour, Pierre ; Mi-
net, Jacques ; Roy, Pierre ; Nico-
las, Curé ; Fraser, Hugue ; Paquet,
Claude ; Tourangeau, Jean ; Cha-
lifour, Paul ; Julien, Ve. Charles ;
Jacquet ; Darveau, François ; De-
camp, André ; Verret, Charles ;
Levesque, Jacques ; Duminy, Pris-
que ; Duminy, Pierre ; Bis Degarré,
Ve. Pierre ; Cornelier, Pierre ; Ba-
ron ; Mal, Louis ; Barbeau, Joseph;
Deligny, François, fils ; Veniere, Ni-
colas ; Reaume, Charles ; Cardinet,
Jean-Bte. ; Dumargue, François ;
Primeau, Joachim ; Deligny, Guil-
laume, père ; Vincent, Pierre ; Co-
chon, Paul ; Davignon, Pierre.
RUE STE-CATHERINE
Tourangeau, Pierre ; Andy, Si-
mon ; Bourget, Claude ; Beaulieu
dt. Martin, Jean ; St-Jean dt. Ruel;
Chamberlan, Joseph ; Dussault,
Joseph ; Mailloux, Joseph ; Teturd,
Jean ; Richard ; Moran, François;
Larivée, Morice ; L'Epine Le Gris,
Ve. André ; Jobin, Jean Baptiste ;
Ve. André ; Jobin, Jean-Baptiste ;
Chevalier, Pierre ; Paquet, Jean ;
Pascal, Jacques ; Dussault, la Ve.
Jean-Bte.
RUE STE-MARGUERITE
Stuart, William ; Vidal, Antoine ;
Maçon, Jean ; Bourget, Ve ; Degra-
vié ; Derozier, François ; Oclair,
Charles ; Kerson, Jean ; Leboeuf,
Jean-Baptiste ; Leboeuf, Si'mon ;
Gagné, François ; Touchet, Joseph ;
Goullet, François ; Loubier, Joseph ;
Minet, Dlle ; Jupont, Jean ; Le-
Comte, Louis ; Nongard, André ;
Arnoix, Joseph ; Smith, George ;
Lozé, Paul ; Jalin, Etienne ; Rouil-
lard, Charles ; Richoux, Antoine
fils ; Bord, Demarais, Biais ; Ri-
choux, Antoine, père ; Bouvet,
Joseph.
— 251
RUE STE-MAGDELAINE
St-Jeaiï Euel ; Terrien, Jean ;
Renaud, Joseph ; Solavoye, Thimes ;
Crùchek ; Breton, Pierre ; Pampal-
lon, Michel, fils ; Braslé, Jean ; Mc-
Cravé ; LeRoux Cardinal, Jean-
Baptiste ; Morel, Louis ; Silvestre,
Marianne ; Proteau, Jean Baptiste;
Parré, Joseph ; Personn, Jean ;
Korns, Thomas, 53e. Regt. ; May,
Nicolas, 10e. Regt. ; Johns, Joseph
10e. Regt. ; Dion, Nicolas ; Pegue,
Richard ; Dam, William ; Ander-
son, François,
RUE ST-JOSEPH
Durand, Pierre ; Duga, Joseph :
Beliveau, Jean ; Duga, Jacques
Beliveau, Joseph ; Goulle, Joseph :
Sasseville, François ; Ratté, Ignace:
Badeau, Fabien ; Landry, Jean :
Barbeau, Ve ; Badeau, Jacques :
Renaud, Charles ; Vallet, Martial :
Pouliot, Ignace ; Godeboux, Pierre:
Cordonnier, Jean; Tremblay, Louis:
Trudel, Paul ; Fardin, Samuel ;
Pampallon, Michel, fils ; Pampal-
lon, Michel, père ; Delail, Jean ;
Lebon dt. Marchand, Ve. ; Trudel,
Charles ; McClure, André ; JaUn,
Charles ; Johns, William. 10e. Regt;
Lafond dt. Chavignon, Antoine ;
Caillau, Jean ; Cardinal, Pierre ;
Cardinal, Thomas ; Labreque, Pier-
re ; Lavigueur, Pierre ; Bourbeau,
Joseph ; Melançon, Jean.
RUE BARTHELEMY
Pruneau, René; Lirette, Joseph;
Bélanger, François^ charon ; Nuzer,
Ve. ; Marchand, Jean-Baptiste ;
Rouillard, François ; Choret ; Al-
brin, Jean ; Badeau, Barthélémy ;
Cazeau, Jean ; Lozel, Charles ; Al-
lard, François ; Terrien, Jean ;
Uravelle, Charles ; Reaume, Char-
les ; Vaillancourt ; Godeboux, Jean :
McClure, Jean, Père ; Friehet, Jac-
ques ; Asken, William ; Champagne,
Charles ; Demollier, Augustin ;
Diéz, Bernard ; Brindamour ;
Croizel, Pierre.
RUE ST-ROCH
Br^au, Theodor ; Youtte, Tho-
mas, 10e. Regt. ; Adam, Thomas ;
Laberge, Ve. ; Pettigrew-officier ;
Goull, François ; Liés, Pierre ;
Saderlon ; Walle, William, 10e, Mellis, Jean ; Paquet, François ;
Regt ; Martin, William ; Archeball;
McCravé, Cornelieuse, 53 Regt ;
Maliçon, Phihbert.
253
FAUBOURG ST-JEAN
Laiiglais, Jean ; Flaman, Pierre;
Falardeau, Louis ; Langlais, Jean,
fils ; Carié, Eleonard ; Elliot, Ale-
xis Julien ; Vizina, François ; Fla-
nian, Ve. ; Noreau, Jean-Baptiste ;
Chatellereau, Michel ; Couture,
Etienne ; Eatté, Pierre ; Dubois,
Joseph ; Girard, Jean ; Bezeaû,
Joseph ; Raffoux, Joseph ; Romain,
Louis; Martin, Louis; Cholet, Pier-
re ; Rousset, François ; Bertiaume,
Ve, ; Perche, François ; Villemred ;
Bernard, Charles ; Trudel, Ignace;
Moissan, Ignace ; Lessard, Prisque;
Trudel, Charles; Mondou, Jean-Ma-
rie ; Bedard, Pierre ; Levasseur,
Louis ; Benêt, Joseph ; Giroux,
Etienne ; Maillet, Jean ; Guentt,
Pierre ; Boisvin, Joseph ; Leboeuf,
Pierre ; Joubert ; Delmas ; Reopel,
Joseph ; Govin, Antoine ; Phizel,
Michel ; Arnoix, Charles ; Thibeau,
Augustin ; Falardeau, Charles ; Pié-
mond, Ve. ; Croteau, Jean ; Emond,
Gervais ; LaCouture, Guilin Cachi;
Marcoux, Louis ; Liés, Jean ;Mo-
reau, Jean ; Duplaisie, Pierre ;
Thomelet, Ve. ; Montreuil, Pierre ;
Mondou, Jean-Baptiste ; Lavictoire
dt. Larivière ; Contois, La Ve. ; Be-
zeau, Jean ; Giroux, Louis ; Daler,
Louis ; Laroche Laliberté, Etienne;
Langlais, Antoine ; Langlais, An-
toine fils ; Couture, François ;
Dorval, Jean-Baptiste ; Vizina,
Pierre ; Deriron.
Fournier, Emerie ; Vocelle,
François ; Drolet, Pierre ; Contan-
cineau, Ignace ; Guedon, Charles ;
Vizina, Ve. Jacques ; Vizina, Char-
les ; Allger, Mr. ; Flaman, Jean-
Marie ; Cardinal, Guillaume ; Car-
dinal, Charles.
Sans erreur, Québec le 3e janvier
1772.
MICHAU,
Assistant.
Sworn to before the Committee, the
10 January 1772..
GEO. ALLSOPP L. C. C.
QUESTIONS
Marcel, secrétaire de Montcalm était-il militaire? Qu'est-il devenu après
la mort du général?
A. P. G.
Un des Juchereau, qui furent seigneurs de Beauport, portait le nom de
Joseph Juchereau, sieur de Vaulezar. Pourriez-vous me donner l'origijie de
ce titre?
JOSG.
Quelle est l'origine du sobriquet de John Bull donné aux Anglais nés dans
les îles britanniques? AUG.
— 253 —
Un cas probablement unique
LE FAMEUX PROCES MALO-SABOURIX
Rien, paraît-il, n'iutrigua plus les montréalais d'il y a soixante ans,
que le fameux débat qui mit aux prises, devant les tribunaux, le docteur
Sabourin et l'huissier Malo.
Sur cette affaire, d(5nt il n'y a guère d'exemple, nous avons le texte
d'une chanson que l'on vendait alors par les rues et qui est devenue introu-
vable aujourd'hui. Xous en devons le seul exemplaire connu à M. I.-A.
Richard, un mécanicien septuagénaire qui a bien voulu nous le laisser
reproduire.
Mais auparavant, il est nécessaire de mettre le lecteur au courant des
faits qui inspirèrent le poète. Ces détails nous sont fournis par deux vieil-
lards qui ont connu les personnages dont il sera question.
»
* *
Un nommé Pierre-Lucien Malo, d'abord huissier à Saint-Charles sur
le Richelieu, puis à Montréal, s'était amassé unpetit capital à force d'éco-
nomie. Pour faire fructifier son amas, il le prêtait sur billets, à gros in-
térêt, prétend la rumeur toujours plutôt maligne que bénigne.
Parmi sa clientèle, l'économe huissier comptait le docteur Sabourin
qui vécut à Longueuil entre 1854 et 1859, date à laquelle il vint exercer sa
profession à Montréal.
Après plusieurs transactions successives, entre l'un et l'autre, les em-
prunts du médecin avaient été "consolidés" en un seul billet d'un chiffre
assez conséquent ; c'est ce qui détermina l'aventure, si les prétentions du
plaignant en l'affaire sont exactes.
Par un après-midi, le docteur se présenta au bureau de l'huissier
Malo, rue Saint-Gabriel et demanda, sur un prétexte quelconque, à voir
le billet qui représentait la somme totale de sa dette. Sans méfiance, le
prêteur remit le 'précieux papier à l'emprunteur, mais celui-ci l'avait à
peine en mains qu'il le roula en boulette et ... . l'avala !
Impossible de peindre la stupeur ou plutôt l'émoi du créancier. Il
se mit à crier comme un particulier qu'on égorge. La foule s'attroupa,
et la police s'amena.
L'huissier voulait forcer le docteur à prendre un vomitif, celui-ci re-
fusait énergiquement, disant qu'il n'avait nul besoin de médecine et que le
sieur Malo était victime d'une lubie quelconque.
— 254— ■ -
Bref, l'affaire fut portée devant les tribunaux et elle eut assez de re-
tentissement pour donner naissance au morceau que voici ;
RE-MALO
Ou la digestion définitive de $5,600.
COMPLAINTE LAMENTABLE
SUE L'AIR GAI : BONJOUR MAITRE CORBEAU.— PAR UN
HOMME GRAVE
Et libéra nos a MALO 1 Bis repetita placent.
Vous tous qui connaissez l'histoire de Malo,
Je vais à ce sujet vous conter du nouveau.
Ce matin, par hazard, j'entrais au tribunal
Et je vis un spectacle, hélas ! qui me fit mal,
Sur l'air du Tra, la la la.
Sur l'air du Tra, la la la.
Sur l'air du Tra deri dera, la la la !
Le Docteur Sabourin (puisqu'on l'a bien nommé)
Etait à l'audience avec le sus nommé ;
Celui-ci l'accusait d'avoir un certain jour,
Fait envers sa fortune un diabolique tour.
Sur l'air du Tra, etc.
Comme bien vous savez, messieurs, il prétendait
Que l'Orgre de Longueuil par trop bien avalait :
Et que pour le nourrir, il faudrait — doux Jésus ! —
Avoir cent fois autant de piastres que Crésus ! !
Sur l'air du Tra, etc.
Encor prétendait-il qu'il en viendrait à bout,
Qu'il ne laiserait rien et qu'il croquerait tout.
Trente trois mille francs ! disait-il tout en pleurs.
Avalés d'un seul coup ! C'est le roi des malheurs !
Sur l'air du Tra, etc.
Le Docteur })rotesta de sa sobriété.
Dit qu'il mangeait des pois et qu'il buvait du thé
Et que sa digestion, par un bout de papier
Pouvait toujours finir mais jamais commencer.
Sur l'air du Tra, etc.
— 255 —
Les témoins entendus chacun déclara net
N'avoir pas mis sa griffe à ce fameux billet.
— Si c'étaient de faux noms ? — Mais . . . . ni vu ni connu.
Plus de corps du délit, — plus de faux reconnu.
Sur Fair du Tra, etc.
Alors les avocats : Patati, patata,
Patata, pa^ti, patati, patata.
Chacun fit un discours où comme bien souvent
Nul ne comprit grand'chose et qu'on trouva flambant.
Sur l'air du Tra, etc.
De Pathos en pathos le juge exténué,
Bendit son jugement, ayant éternué :
Il dit qu'en conscience et selon l'équité,
Malo pairait les frais et serait débouté ! , . . .
Sur l'air du Tra, etc.
L'infortuné Malo pour r'avoir son billet
Etalait tout son luxe et s'était fait coquet ;
n portait en ce jour' un paletot tout neuf
Qui n'avait que trois ans couvert le dos d'un veuf.
Sur l'air du Tra, etc.
Un chapeau, retapé coiffait son triste chef
Courbé par cet arrêt le frappant de rechef.
Le malheureux au ciel,. levait à tout moment
Ses mains que recouvraient' des gants d'enterrement.
Sur l'air du Traj etc.
On dit que ce malheur fait sa conversion,
Qu'il renonce à ce monde, à sa perversion ;
Qu'il va se faire moine et dans quelque couvent
Enterrer sa personne avec sa pauvre argent.
Sur l'air du Tra, etc.
Mais d'autre part on dit qu'il change de quartier.
Qu'il renonce à jamais au métier d'usurier.
Pour dévorer mon bien, (qu'on dit qu'il dit) ma foi !
J'en profiterai mieux s'il est mangé par moi.
Sur l'air du Tra, etc.
— 356 —
Il va prendre un hôtel, donner concert et bal,
Parier sur le Turf, nourrir un beau cheval ;
Inviter ses clients, leur donner à souper.
Et l'Auteur de ces vers ira pour découper.
Sur l'air du Tra, etc.
MOEALE :
Mais non, c'est un ])li pris, Malo sera Malo,
Tout ce qu'on chantera, pour lui tombe dans l'eau.
Après son dernier souffle, au bord de l'Achéron,
Il ira marchander son passage à Caron !
Sur l'air du Tra, etc.
(''est un pli pris aussi que chez un usurier
Quand on emprunte peu, beaucoup il faut payer :
Et qu'ainsi l'Intérêt, mangeant le Capital
De honte en déshonneur conduit à l'hôpital.
Sur l'air du Tra, etc.
F. V. — Tout exemplaire non revêtu du cachet ci-joint sera réputé
contrefait et 25 piastres de récompense seront données à celui qui indi-
quera, sûrement, l'imprimerie d'ovi il sort.
Dépôts : A Montréal au bureau du Pays et chez M. Séraphin Cavalier,
rue Bonsecours No. 11.
A St-Hyacinthe, au bureau du Courrier.
Libérale remise aux libraires et aux journaux.
*
Il ne nous est pas possible de dire que cette chanson contient la vérité
dans toute son exactitude, toutefois on nous assure qu'elle circula et qu'elle
eut de la vogue.
Que devinrent ensuite les acteurs de ce mélodrame ?
Le sieur Malo conçut un tel chagrin de la perte de son procès qu'il
vécut, plus pauvrement que jamais. La plupart de ceux qui l'ont connu
affirment qu'il restait riche, néanmoins il paraissait vivre de charités. Son
aspect était misérable : il s'enveloppait dans une longue redingote défraî-
chie, serrée à la taille au moyen d'une corde et pour couvre chef, il portait
un antique chapeau de soie, aux poils rendus rébarbatifs, par leur longue
exposition aux intempéries.
On croit qu'il trépassa vers 1873, cependant nous avons vainement
cherché trace de son décès dans les registres de Montréal.
Quant au docteur Sabourin, il quitta le Canada avec sa famille pour
aller habiter la Louisiane et il serait mort, il v a longtemps près de la
Nouvelle-Orléans. È.-Z. MASSICOTTE
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILLE- SEPTEMBRE 1921 No 9
LES CONSEILLERS AU CONSEIL SU-
PERIEUR ET LA NOBLESSE
Les conseillers au Conseil Supérieur de la Nouvelle-
France obtenaient-ils la noblesse en recevant leur office ?
Dans l'édit de création du Conseil Souverain du mois
d'avril 1663 il est dit : '* pour jouir des dites char-
ges par ceux qui en seront pourvus, aux honneurs, pou-
voirs, autorités, prééminences, i3rivilèges et libertés aux
dites charges appartenant "
Ceci ne veut-il pas dire que les conseillers au Conseil
Souverain devaient jouir des mêmes honneurs, pouvoirs,
autorités, prééminences, etc., etc., que le Roi avait accordés
aux conseillers des cours souveraines du royaume ?
Dans ce cas, voyons si les membres des cours souverai-
nes de France recevaient la noblesse par le fait de leur no-
mination.
Lange, dans son ouvrage La nouvelle pratique civile,
criminelle et hénéficiale ou Le nouveau praticien français
réformé suivant les nouvelles ordonnances (p. 143), pose
la question : Quels sont les offices qui annoblissent, et ré-
l)ond ainsi :
~-25«— "^
" Ce sont les offices de la Couronne et les autres
grandes charges de l'Etat, comme celle de chancelier, de
garde des sceaux, de conseiller d'état servant actuellement,
de secrétaire d'état, toutes les premières dignités militai-
res, de l'a justice et de la maison du roi, qui étaient 'ancien-
nement affectées à la plus haute noblesse."
Lange ajoute : les offices de conseillers dans les cours
souveraines n'annoblissent-ils pas aussi, et il répond enco-
re : .
"Oui ; ils annoblissent ceux qui les possèdent ; mais
ils n 'annoblissent pas leur postérité, si la possession de ces
offices n'a été continuée de père en fils ; en sorte que pour
être pleinement noble par cette voye, il faut qu'un homme
puisse justifier que son père et son ayeul ont possédé ces
offices jusqu'à leur décès. (A présent ils annoblissent leur
postérité s'ils meurent titulaires, ou s'ils ont obtenu des
tettres de veterance)."
L ^intendant Bigot, dans sa lettre au ministre du 12 oc-
tobre 1753, parle au long de cette question de noblesse pour
les conseillers au Conseil Supérieur. Citons ici sa lettre
qui resta, malheureusement, sans réponse :
"Le peu d'attention que les pères de familles ont dans
cette Colonie de faire étudier leurs enfans pour les mettre
en estât d'occuper des places de conseiller au Conseil su-
périeur m'engage à vous prier de me faire l'honneur de
m 'informer si ce Conseil jouit des mêmes privilèges et
honneurs que les Parlemens des provinces du Royaume.
Le privilège de la noblesse qu'on dit s'acquérir par les
charges de Présidens et de Conseillers dans ces Parlemens,
est celui qui fiateroit le plus le Canadien, j'ignore si réelle-
ment il s'y acquiert et je ne sçay sur cette matière que ce
que les comentateurs raportent.
"Bacquet, page 907 du Droit d' anoblissement, dit que
les présidens conseillers, avocats et procureur général en
la Cour du parlement de Paris et autres officiers qui sont
du corps d'icelle, sont nobles par le moyen de leurs charges
— 259 —
(édits du mois de juillet 1664, et novbre 1690), pourvu
qu'ils eussent 20 années de service, ou qu'ils décédassent
revêtus de leurs office ; leurs veuves et leurs enfants, après
leur mort, seront réputés nobles.
** Je n'ai trouvé ni édit ni déclaration au sujet des au-
tres parlemens, mais le même commentateur ajoute qu'il
en est de même des autres cours du parlement du Royaume,
ensemble mrs du grand conseil encor que les autres cours
de parlement ne soient égalés en authorité et dignité à la
cour du Parlement de Paris.
*'M. Couchot, avocat au parlement, pense et dit qu'il
est d'usage que les charges de conseiller des autres cours
souveraines donnent seulement une noblesse personnelle à
ceux qui en sont pourvus et non à leurs enf ans, à moins que
le père et l'ayeul n'ayent esté consécutivement officiers et
n'ayent exercé 20 ans durant pour jouir du privilège de
vétérance, ou n'en soient mort pourvus.
"M. Le Bret, en son traitté de la Souveraineté, livre 2,
chapitre 10, dit que les offices de conseillers, autres que
ceux du Parlement de Paris, n'anoblissent la postérité
qu'autant que la possession de ces offices a esté continuée
de père en fils en sorte que pour estre pleinement nobles par
cette voye, il faut qu'un homme puisse justifier que son
père et son ayeul ont possédé ces offices jusqu'à leur decez.
*'Je vous prie donc, Monseigneur, de vouloir bien
m 'expliquer si les conseillers du Conseil supérieur de Qué-
bec doivent se prévaloir de noblesse, comme les autres cours
du Royaume et si leurs enf ans peuvent de même acquérir
ce droit, lorsque leurs pères et ayeuls auront consécutive-
ment possédés et exercés ces places pendant 20 ans (après
avoir obtenu des lettres de vétérance) ou qu'ils seront
morts en estant pourvus.
"Je suis persuadé que s'ils avoient ces privilèges les
meilleures familles du Pays et les plus aisées destineroient
partie de leurs enf ans à la judicature et elles les feroient
— 260 —
élever dans l'étude; la noblesse qu'elles seroient sûres de
leur procurer les engageroient à leur faire suivre ce parti.
"Le Canada augmente, par conséquent le nombre de
procès et de matières plus contentieuses et difficiles à dé-
cider, et il sera important par la suitte que le Conseil soit
composé de juges instruits des loix, ce qui ne pourra estre
qu'autant que les sujets auront étudiés dès l'enfance.
"J'ai l'honneur d 'estre avec un profond respect, Mon-
seigneur, votre très humble et très obéissant serviteur." (1)
Il est un fait certain c'est que peu après la conquête
une déclaration du roi accorda aux officiers des Conseils
Supérieurs du Canada et de l'île Royale les mêmes privilè-
ges dont jouissaient les officiers honoraires des cours sou-
veraines en France.
Il n'y a donc pas de doute que les quelques conseillers
au Conseil Supérieur qui vivaient encore en 1763 et qui
remplissaient les conditions voulues furent admis dans la
noblesse.
P.-G. E.
(1) Archives du Canada, Correspondance générale, série F., vol. 99, p. 59.
QUESTIONS
On sait que la réédition en trois gros volumes des Relations des Jé-
suites fut payée par l'Assemblée législative du Canada. A ce propos,
Mgr Lindsay écrit quelque part qu'un vieux député presbytérien de l'As-
semblée législative, membre du comité de la Bibliothèque, voulut s'opposer
à cette publication parce qu'on ne voulait pas retrancher les faits miracu-
leux consignés dans les Relations des Jésuites. Comme ce député doit
être mort depuis longtemps, pourrait-on me donner son nom ? Je serais
curieux de connaître cet esprit étroit.
A. B.C.
Le curé Eécher écrit dans son Journal, à la date du 1er février 1758 :
"A Québec, un soldat est mort des blessures qu'il a reçues en passant sous
les verges; la même chose vient d'arriver à deux autres de Montréal."
En quoi consistait la punition ou le supplice de passer sous les verges ?
A. 0.
261
LES ACTES DE MARIAGE DU FORT
SAINT-FREDERIC
On sait que tout un groupe de colons vécut dans les environs du fort
Saint-Frédéric, à la tête du lac Champlain (Crown-Point ou Pointe-à-la-
Chevelure) et qu'en cet endroit des missionnaires tinrent des registres de
l'état civil entre 1732 et 1759.
Lorsque le fort fut abandonné en cette dernière année, parties des
archives du fort, notamment les registres de l'état civil et les contrats
dressés par les missionnaires (faute de notaires) furent déposés à Mon-
tréal
Depuis, les actes "pro notariés" sont restés en place ; mais les re-
gistres ont été transportés ailleurs et, un jour, le Dr N.-E. Dionne les
trouva en la possession de M. Faucher de Saint-Maurice ; par quel ha-
sard, nous l'ignorons.
Toujours est-il, qu'il y a déjà longtemps, le défunt bibliothécaire de
Québec, a fait de ces registres, une copie qui existe encore à Ottawa ( 1 ) .
Cette copie lorsqu'on la compare avec les contrats de mariages dres-
sés par les missionnaires qui rédigaient également les actes de l'état civil,
ne nous paraît pas toujours exacte. Des noms de famille et de lieux sont
évidemment mal transcrits, toutefois, fait de mieux, cette pièce peut ren-
dre des services. Voilà pourquoi nous en avons fait extraire une liste
des mariages que Tanguay n'a pas dans son Dictionnaire.
Notre éminent généalogiste a parfois, au cours de ses travaux, relevé
les mentions de quelques familles qui furent unies à Saint-Frédéric ; mais
il a dû se contenter de mettre en tête de la notice qu'il leur consacrait, une
date approximative. A l'aide de la liste ci-dessous, à laquelle, nous ajou-
tons diverses notes, il sera possible aux chercheurs, de compléter des lacunes
et de rétablir les véritables dates.
*
(1) Ces renseignements nous sont fournis par M. Francis- J. Audet, d'Ot-
tawa. C'est également à lui ainsi qu'à M. Léandre Lamontagne que nous
devons la liste qui fait l'objet du présent article.
— 262 "^
. ; 2.3 octobre 1741
François Varlet dit La Vertu, soldat de la cie de M. de Cournoyer,
fils de Philippe et de Madeleine Lessard, de Saint-Martin de Vertus, en
Champagne, évesché de Chalons, et
Marie-Josette Durbois, fille de François de Salles et de Madeleine
Bonhomme, de Sainte-Foy, près Québec.
NOTE. — Tanguay, vol. VII, p. 428 a recueilli quelques actes sur cet-
te famille.
14 novembre 1741
Antoine Brailly, fils de François et de Jeanne Caudroz, de Saint-
Pierre, évesché d'Amiens en Picardie et
Marguerite Bourdet, fille de Nicolas et de Marianne Beausoleil de la
Longue-Pointe, évesché de Québec.
NOTE. — Tanguay, vol. II, p. 460, qui n'avait pas vu l'acte de maria-
ge nomme le colon Breilly et son épouse Bardet. Au mariage de leur
fille Marguerite, les noms changent encore. Voir, ci -après, à la date du
24 novembre 1758.
14 novembre 1741
François Moquier dit La Fonderie, caporal de la cie de M. Chavoy de
Noyan, fils de François et de Anne Placé, de la paroisse de Brain sur Al-
lones, évesché d'Angers, et
Marie Dumesnil, fille de Pierre et de Marguerite Duchesnay,. de Qué-
bec.
NOTE. — Tanguay, vol. VI, 60, nomme l'époux Moitier.
22 janvier 1742
Charles Lahadie, fils de Pierre et de Marie Robat, de la paroisse de
Sainte-Julie en Poitou, soldat de la cie de M, de Noyan et
Josette Dumesnil, fille de Pierre et de Marguerite Duchesnay, de Qué-
bec,
31 mai 1742
Pierre Claude dit 'Eveillé, fils de Jean Claude et de Marie Courtine,
de la paroisse de Vinon, évesché de Bourges, et
Thérèse Contant, fille de Jacques Contant et de Louise Eichard, de la
paroisse de Montréal.
NOTE. — Tanguay, vol. III, p. 122, mentionne l'épouse de (Claude
- 263 —
dit) Léveillé et c'est tout. Comparer avec Fextrait du 21 mai 1752, ci-
après.
Le même auteur, vol. III, p. 181, nomme les parents de la mariée
Jacques Coûtant et Louise Piehard.
5 juin 1742
Jean-Baptiste La Foye dit Laframboise, soldat de la cie de M. de La-
perrière, fils de Jean et de Suzanne Michaud, de la paroisse de Saint-
Martin, évesché d'Amiens et
Charlotte Purhoir, fille de François Purboir et de Marie Magdeleine
Bonhomme, de la paroisse de Sainte-Foy, proche Québec.
NOTE. — Par Tanguay, V, 411, nous voyons que le père de la mariée
portait les nom et surnom de Jean-François Liénard dit Durbois. Un
autre Liénard était surnommé Burbois et Boisjoly.
11 février 1743
Joseph Blanchard, habitant du fort Saint-Frédéric, et qui a déjà été
marié deux fois, l'une en France l'autre aux Trois-Kivières, fils de Jean
Blanchard et de Toinette Burbo de la paroisse de Genouillet, (Genouillat
et Genouillac), dans l'Angoumois et
Marie-Jeanne Salomè, fille de Claude et de Marianne Beaumont de la
paroisse de Saint-Laurent I. 0.
NOTE. — Il s'agit peut-être de ce Blanchard, dont la femme Thérèse
Reau ou Raoult fut inhumé aux Trois-Eivières, le premier août 1741.
(Voir Tanguay, II, 306).
18 août 1749
Jean Rousseau dit Ladouceur, soldat de la cie de M. de Saint-Pierre,
natif de Notre-Dame de Verzé de Rennes en Bretagne, fils de Jean et de
Jeanne Tabar, et
Marie Ouimette, native de Sault-au-Eecollet, fille de Pierre et de
Marguerite Pomenville.
NOTE. — Dans le contrat de mariage dressé par le frère récollet Hip-
polyte Collet, on lit que le lieu d'origine de l'époux est Notre-Dame de Vi-
tré et que la mère se nomme Jeanne Tabot.
Sur la famille Pierre Ouimet, voir Tanguay, VI, 183.
7 avril 1750
Charles Cadet de la Base, sergent des troupes de la cie de Sabrevois,
... 264 —
natif de Paris, paroisse de Saint-Eustache, fils de Claude Cadet et de Ma-
rie Néré Duval bourgeois de Paris, et
Marie Durand, fille de Jean et d'Isabelle Regremy, habitant de l'Isle
de Rhé, paroisse Saint-Etienne, diocèse de La Rochelle.
NOTE. — Ce serait Renée Duval, d'après M. Lamontagne.
31 août 1750
Pierre Vasseur, soldat de la cie Sabrevois, forgeron dans cette garni-
son, natif de Leronne en Picardie, paroisse de Notre-Dame, fils de Louis
et de défunte Marie-Anne Deschamps, et
Louise Dwrhois, fille de Jean-François Durbois et d'Agnès Corriveau
de la ville de Québec.
NOTE. — Dans le contrat de mariage signé par le frère Collet, le 31
août 1750, le futur est nommé Pierre Vasseur dit Saint-Pierre, fils de
Louis Vasseur, maître brasseur. La future est fille de Jean-François
Durbois et d'Agnès Corneau. Elle est soeur consanguine de Charlotte
qui épouse Jean-Baptiste La Foye. Voir ci-dessus, 5 juin 1742, et Tan-
guay, V, 411 au nom J.-F. Liénard.
1er février 1751
Jean Durand, natif de l'sle de Rhé, paroisse de Sainte-Catherine de
la Flotte, fils de Jean Durand et de Marie Rubord, et
Françoise Minguy, native de Québec, fille des défunts Jean Mainguy
et de Marie-Josephe Valade.
NOTE. — Le contrat de mariage fut dressé le 31 janvier par le frère
récollet Hippolyte Collet.
21 juin 1751
Jean-Baptiste Joyau, natif de la paroisse Saint-Martin, soldat de la
cie de Lavaltrie, fils de Jean-Baptiste et de défunte Marguerite Corriveau,
et
Josette Ranjard, native de la paroisse de Notre-Dame de Montréal,
fille de Pierre et de Françoise Le Vasseur, de Montréal.
NOTE. — L'épouse doit être fille de Pierre Raza (ou Ranzeard) Voir
Tanguay, VI, p. 523.
20 septembre 1751
Henry-Joseph Robert dit Namur, soldat en garnison pour ce fort,
natif de Namur, paroisse de Notre-Dame, fils de feu Michel Robert, maître
couvreur en ardoise, et de Mademoiselle Bierlain, son épouse, et
— 265 —
Marie-Marguerite Laliherté, fille de feu Louis Laliberté et de Mar-
guerite Perrier de Notre-Dame de Montréal.
NOTE. — Taiiguay, VI, 599. Dans cette mention, la femme porte
son vrai nom de famille qui est Mouilleron. Laliberté n'est qu'un sur-
nom. Voir aussi Tanguay, VI, p. 125.
5 octobre 1751
Louis Larivée, natif de Saint-François, fils de feu Simon Larivée et
de Marie Guérard et
Marguerite Dany, veuve de Charles Raimond cy-devaut habitant de
Montréal.
NOTE. — Tanguay, V, 177, mentionne un Louis Larrivé, né eu 1706,
qui décède en 1788 à l'Hôpital-Général de Montréal ; mais il ne dit pas
si le défunt était célibataire ou veuf. Deux des filles de l'épousée se ma-
rient par la suite, le 12 mai 1755 et le 29 janvier 1758, audit fort ; voir
ci-après.
25 octobre 1751
Ignace Bosset, natif du Cap Saint-Ignace, fils de feu Louis Bosset et
de défunte Marie-Angélique Bouchard et
Marie-Anne Saint-Michel, native de Notre-Dame de Montréal, fille de
feu André Saint-Michel et de Françoise Vallade.
NOTE. — Tanguay, II, 361, mentionne un Ignace Bossé, fils de Louis,
qui était marié en 1740 à Marguerite Gagné. Ce doit être le même.
Leur contrat de mariage avait été rédigé le 17 octobre par le frère récollet
Hippolyte Collet et il est aux archives de Montréal.
27 mai 1752
Pierre Claude dit L'Eveillé, natif de la paroisse de Vinon, diocèse de
Bourges en Berry, veuf de Marie-Thérèse Laframboise et fils de Pierre
Claude et de Marie Carcine et
Françoise LeBlanc, fille de défunt Julien Le Blanc et d'Anne Vanier,
habitant de Charlesbourg et veuve de défunt Jean Glinelle, à présent
exerçant les fonctions de sage fenmie. .
NOTE. — Voir ci-dessus à la date du 31 mai 1742. Il s'agit, évi-
demment du même colon ; mais quelle déformation dans les noms ?
Au contrat de mariage qui fut fait le 27 mai 1752, par le frère re-
Collet. Il fut déposé dans l'étude de Danré de Blanzy, le 20 juin 1752,
de Marie-Thérèse Lafranchise, sobriquet de la famille Contant. La-
framboise, dans l'acte ci-dessus, est donc une erreur du copiste.
— 266 —
29 mai 1753
Pierre LamarcUe dit Sans peur, fils de feu Pierre Lamarche et de
feue Marguerite Valade, de Montréal, et
Geneviève Palin, fille de Louis et de Geneviève Lapluche, de Lon-
gueuil.
NOTE. — Le contrat de mariage fut dressé le 29 mai, par le frère
Collet. Il fut déposé dans l'étude de Danré de Blanzy, le 20 juin 1752
par Joseph Paillant dit Saint-Onge, navigateur. Voir aussi Tanguay, V
106 et VI, p. 198. Geneviève Palin, épousa en secondes noces, en 1756,
J. P. Astier.
3 juillet 1752
Michel Boileau, natif de Chambly, interprète pour le Eoi, dans ce
poste, fils de feu Pierre Boileau et de Marguerite Ménard de Chambly, et
Marie-Catherine La Villette, native de Québec, fille de Jean-Fran-
çois et de Catherine Brousseau, habitants des côtes voisines de ce fort.
NOTE. — Le contrat de mariage Boileau-Lavillette fut dressé le 12
juillet par le frère Collet. (Arch. de M.)
Tanguay, II, 326, donne par erreur, à l'épouse, le nom de La Violette,
mais il la nomme correctement au vol. V, p. 209. Voir ci-après, à la date
du 19 septembre 1756.
20 novembre 1752
André Michel dit Saint-Michel, habitant de ce lieu, natif de Montréal
et fils de feu André Michel et de Marie Françoise Valade et
Marie-Josette Brouch, fille de Marie- Anne Brouch, femme de Claude
Blanchy.
NOTE. — Avant la cérémonie du mariage, l'aumônier du fort rédigea
un contrat, dans lequel, on dit que la future est fille naturelle de Marie-
Anne Brouch (ou Bourg) alors épouse de Claude Blanchy dit Saint-
Quentin et Blanchard. Auparavant celle-ci avait été mariée à Joseph-
François Morel. Enfin, en troisièmes noces, elle épousa Edmond Pucelle
à Montréal en 1757. (Voir Tanguay. II, 311, 419 et VI, 96).
12 mai 1755
Nicolas Cordeaux, soldat de la cie de Cabanac, natif de Froideaux (ou
Froidos), diocèse de Verdum, fils de Sébastien et de Madeleine Vincent,
présent en ce poste, et
— 267 —
Françoise Opris, fille de François Opris dit Laramée et d'Agnès Meny
de cette paroisse.
NOTE. — Ce Cordeau était veuf, ayant épousé à Chambly en 1750
Marie-Josephe Boyer, qui décède en 1751. Voir Tanguay, III, 128. Sur
la mariée, voir Tanguay, II, 86.
13 mai 1755
Jacques Lampe, soldat de la cie de Lusignan, natif de Pyrus
(Peyrusse), diocèse de Saint-Flour, en Auvergne, fils de François et
de défunte Anne Passepont de cette paroisse, et
Marie Raymond, fille de défunt Charles Eaymond et de Marguerite
Danis, de cette paroisse.
NOTE. — Le père de la mariée, "voyageur", était décédé au mois de
septembre 1746, à Montréal, (Tanguay VI, 518) et la mère avait convolé
au fort Saint-Frédéric. Voir ci-dessus, à la date du 5 octobre 1751.
Le contrat de mariage rédigé par l'aumônier du fort, révérend Didace
CHche, est conservé aux archives de Montréal.
♦ 27 mai 1756
Michel Mathé dit Saint-Michel, soldat de la cie de Lusignan, fils
d'Edine Mathé et de Marie-Trénaute, de la paroisse de Saint-Louis, Ile
Notre-Dame, diocèse de Paris, et
Marie-Françoise Thibault, fille de François et de Véronique Cérat,
de la Rivière-des-Prairies, en l'Ile de Montréal!
NOTE. — Le contrat de mariage, date du 27 mai et il est signé par le
frère Didace CUche.
Tanguay, VII, 296 ne donne pas la date du baptême de Marie-Fran-
çoise Thibault.
8 juin 1756
Louis Landriaux, de la cie de Lusignan, fils de feu Louis Landriaux
et de Marie-Louise Bourond, natif de la ville de Luçon en Poitou, et
Marie-Anne Prud'homme, fille de feu Jean-Baptiste et de Marie-
Anne Tessier, de cette paroisse.
NOTE, — Le contrat de mariage date du 7 juin ; il est signé par le
frère Didace Cliché. Le sieur Landriaux était alors chirurgien du fort.
Plus tard il ira demeurer à Montréal, et deviendra "chirurgien en chef de
l'Hôpital-Général". (Voir B. E. H., 1921, p. 79). Sur l'épousée, voir
Tanguay, VI, 467, et aussi ci-après, 22 janvier 1758.
— 268 —
19 septembre 1756
Jean-Philippe Garnot dit Brindamour, sergent de la cie de Lavaltrie,
fils de Jean- Jacques Garnot et de Marie- Jacqueline Bourguillot, de la pa-
roisse Saint-Paul, à Paris, et
Marie-Madeleine La Villette, fille de Jean-François et de Catherine
Bray seaux, de cette paroisse.
NOl^. — Même date, contrat de mariage par le frère récollet Didace
Cliché. ÎLa mère de la mariée y est appelée Brusseaux. (Voir ci-des-
sus, à la date du 3 juillet 1752).
15 octobre 1757
Jean-Baptiste Lecoq, caporal de la cie de Lusignan et fils de défunt
Jean-Baptiste et de Marguerite Dumesnil, de la paroisse de Saint-Laurent,
ville de Rouen, et
Jeanne Houattée dite Saint-Godard, fille de Pierre et d'Angélique
Geoffroy, habitans présentement de la paroisse de la Noray.
NOTE. — Le nom du père a été omis dans l'acte de mariage ; mais
il existe au contrat, fait la veille, par le frère Didace^liche.
La mariée avait 19 ans, étant née en 1738. Voir Tanguay, IV, 515,
aussi VI, 173.
f 16 janvier 1758
Joseph Dominique dit Daragon, soldat de la cie de Lusignan, fils de
François Dominique et d'Espérance Martine, de la paroisse de Saint-Mi-
chel à Villafélix, archevêché de Saragosse, et
Marie-Louise Joyal, veuve d'Antoine Villiaume, fille d'Antoine et de
Thérèse Ligniard, de la paroisse de Saint-Antoine de la Rivière du Loup,
évêché de Québec.
NOTE. — C'est la veille du mariage que le frère Didace Cliché rédi-
gea le contrat de mariage. (Archives de Montréal). Dans Tanguay,
V, 28, le père de la mariée est appelé Joyelle et la mère Guignard. Marie-
Louise Joyal avait épousé Villiaume à la Rivière-du-Loup, le 10 février
1755, nous apprend M. Léandre Lamontagne.
22 janvier 1758
Yves-Jacques Ferrière, sieur de Busse, garde-magasin pour le Roi en
ce fort Saint-Frédéric, fils de maître Toussaint-René Ferrière, Sieur de
Busse et de Dame Jeanne-Thérèse Ouimet, de la ville et paroisse de Brest,
diocèse de Saint-Paul de Léon, en Bretagne, et
— 269 —
Marguerite Prud'homme, fille de défunt Jean-Baptiste Prud'homme
et de Marie-Anne Tessier.
NOTE. — ^Le contrat de mariage, qui date du !31 janvier et qui est ré-
digé par le frère Didace Cliché porte très lisiblement Yves-Jacques, non
pas Jean-Jacques, comme on le voit dans certain manuscrit.
Il émigra, lors de la cession, mais revint ensuite au pays ou il a encore
des descendants. Voir Massicotte et Roy, Armoriai du Canada français.
vol. I, p. 14.
L'épousée était soeur de Dame Landriaux. Voir ci-dessus, au 8 juin
1758.
29 janvier 1758
Pierre Berland, "soldat canonier", fils de défunt Pierre Berland et de
défunte Catherine Meseray, de la paroisse de Sainte-Etienne de Sillé Le
Guillaume, diocèse du Mans, et
Marie-Louise Raymond, fille de défunt Charles Raymond et de Mar-
guerite Danis, de la paroisse de Montréal.
NOTE. — Sa soeur et la mère de l'épousée avaient déjà été mariées
au même fort. Voir aux dates, 12 mai 1755 et 5 octobre 1751. Le con-
trat de mariage fut dressé la veille de la cérémonie, par le frère Didace
Cliché.
6 février 1758
Raymond Lacomhe dit Saint- Raymond, soldat de la cie de Lusignan,
fils de défunt Antoine Lacombe et de défunte Perret Charles, de la parois-
se de Grusel (Grézels) diocèse de Cabors en Quercy, et
Jeanne Lavergne, fille de défunt Jean Lavergne et de défunte Jeanne
Perrier, de la paroisse de Laprairie de la Madeleine.
NOTE. — C'est le 4 février, deux jours avant le mariage, que ces fu-
turs époux firent rédiger leur contrat par l'aumonier, frère Didace Cliché.
Tanguay, vol. V, p. 207, nomme la mère de l'épousée Jeanne Rivière.
24 novembre 1758
Amédée Basile, fils de Jean-Baptiste- Amédé Basile et d'Eléonore
Boutaline, de la paroisse de Sainte-Marie, diocèse de Turin, et
Marguerite Breilly, fille d'Antoine et de Marguerite Bourolet, native
de la paroisse de Saint-Louis, évêché de Québec.
NOTE. — Le contrat de mariage fut dressé au fort, le 23 novembre,
par l'aumônier qui signe "fr antoine deperet, ptre Recollet". Dans cette
— 270 —
pièce, le futur époux est désigné ainsi : "Amédé Bazile gourget dit la
Eoze, soldat de la cie de M. de Contrecoeur". Cependant à l'intitulé et
dans diverses autres parties du contrat, Bazile apparaît seul comme nom
patronymique.
Pour la future, nous lisons : Marguerite Brélier, fille d'Antoine Bre-
lier et de Marguerite Bordette.
Tanguay, II, 460 a très peu de renseignements sur les parents de la
mariée, car, il n'a pas vu leur acte de mariage. Voir ci-dessus, à la date
du 14 novembre 1741.
E.-Z. MASSICOTTE
D'ANCOURT
Le Bulletin des Recherches, 1912, p. 173, donne Un Personnage Mys-
térieux, de moi. C'est d'Ancourt ou d'Aucourt, selon les gens de la Baie-
du-Febvre.
Cet homme, réfugié à la Baie en 1815 était, dit-on, Caulaincourt. Ab-
surdité ! Je pense qu'il venait de Saint-Domingue.
Dans Paris Révolutionnaire de G. Lenôtre, publié en 1896, on voit,
pages 379, 385, que, vers 1786, Fouquier-Tinville épousa, en secondes no-
ces, en France, mademoiselle Henriette-Jeanne Gérard d'Aucourt, fille
d'un colon de Saint-Domingue. Fouquier devint accusateur public en
1793 et périt sur l'échafaud en 1794. Sa veuve décéda très pauvre, à
Paris, le 27 novembre 1827.
Puisque, en 1786, cette fille était en France la famille d'Aucourt pou-
vait bien être restée à Saint-Domingue.
L'homme de la Baie-du-Febvre paraît être né vers 1760 ou 1765.
Henriette-Jeanne Gérard devait être née vers 1760 ou 1765.
Etaient-ils parents ?
B. SULTE
— 271 --
LES OFFICIERS DES TROUPES DU
CANADA EN 1701
Estât envoyé par M. de Callières des officiers d'infanterie apostillez
de leurs qualitez et services.
- Mémoire contenant les noms des officiers des troupes qui sont en Ca-
nada, leurs âages, lieux de leurs naissances et le temps de leurs services.
CAPITAINES
Le Sr. de Eamezay Capitaine et Commandant les troupes. -
Le Sr. de St. Ours, natif de Grenoble en Dauphinay, aagé de 58 ans,
a esté fait Enseigne à 14 ans et Capitaine à 20 ans dans le régiment de
Carignan qui vint en Canada en 1664 et eut une commission de Capitaine
au dit pays en 1687 où il est marié.
Le Sr. Duplessis Fabert, natif de Paris aagé de 54 ans, a esté Ensei-
gne dans le régiment de Navarre en 1664, Lieutenant dans Darbouville
le 30e. 8bre 1665, Capitaine reformé en Candie dans le régiment de St.
Vallier en 1669, Capitaine en pied dans le mesme régiment en 1671 et
Capitaine en pied en Canada en 1687 oiî il est marié.
Le Sr. de la Chasseigne, natif de Paray dans le Comté de Cliarolois,
aagé de 46 ans, a esté fait Enseigne dans le régiment de Navarre en 1673,
Lieutenant dans le mesme régiment en 1675, Capitaine dans le régiment de
Condé le 17e. aoust 1677 et Capitaine en Canada en 1687 où il est marié.
Il est bon officier.
Le Sr. Dumuis, natif de Beauvais en Flsle de France, aagé de 48 ans,
a esté fait Lieutenant en 1674, Capitaine en 1678 et Capitaine en Canada
en 1685 où il est marié.
Le Sr. Dumesny de Noré, natif de Caen, âagé de 40 ans, a esté fait
garde de la marine en 1677, Enseigne de vaisseau en 1684, Capitaine en
Canada la mesme année, Lieutenant de vaisseau en 1692, est marié en
Canada.
Le Sr. Subercase, natif de Bear, âagé de 38 ans, est venu Capitaine
en Canada en 1687, fait Major des troupes en 1693 et Enseigne de vais-
seau en 1695. Bon officier.
— 272 —
I Le Sr. Besbeçgeres, natif d'Orléans, âagé de 46 ans, a servy pendant
sept ans dans la seconde compagnie des Mousquetaires du Eoy, envoyé
Capitaine en Canada en: 1685, où il estoit marié et est veuf depuis })res
de deux ans.
Le Sr. Lorrimier, natif de Paris, aa;gé de 46 ans, fait sous Lieute-
nant dans le régiment de la Reine le 20 mars 1673, Lieutenant dans le
mesme régiment le 15e. septembre 1676, Lieutenant de la pre Compa-
gnie des grenadiers dans le mesme régiment le 2e. septembre 1671), Capi-
taine en Canada le 10e. 7bre 1685, où il est marié.
Le Sr. Le Verrier, natif de Paris, aagé de 42 ans a servi dans la pre-
mière compagnie des Mousquetaires du Roy 2 ans, Cornette de cavallerie
dans le régiment de Varennès en 1675, Lieutenant reformé et en pied dans
le régiment de la Yallette l'espace de 2 ans. Reformé en 1686, Capitaine
en Canada en 1687, où il sert actuellement et Enseigne de vaisseau en 1695.
Le Sr. de la Groye est au fort Frontenac. Bon officier.
Le Sr. de Longueuil, natif de Canada, aagé de 45 ans, a esté fait,
Lieutenant dans le régiment de St. Laurens en 1680, Lieutenant en Ca-
nada en 1687 Capitaine reformé le douzième janvier 1691 et Capitaine en
pied le 29e février de la mesme année, marié et établi au dit pays. Bon
officier.
Le Sr. Duluth, natif de St. Germain la Vallée en Foret, aagé de 62
ans; en l'année 1665 est entré dans les gens d'armes du Roy où il est resté
jusqu'en 1675, a esté fait Capitaine reformé en Canada le 2e. janvier
1691 et Capitaine en pied audit pais le 25e. mars 1696. Bon officier.
Le Sr. de St. Martin Viabon, natif de St. Benoist le Fleury sur la
Loire, aagé de 45 ans, a esté fait Lieutenant reformé dans le régiment de
la marine en 1673 et Lieutenant en pied dans la mesme année, il a esté
fait garde de la marine en 1684 et est venu la mesme année Lieutenant
en Canada, Capitaine reformé en 1690; Enseigne de vaisseau en 1695 et
Capitaine en pied en 1697, où il est marié.
Le Sr. de Maricourt, aagé de 36 ans, natif de Canada, où il a servy en
qualité d'officier subalterne depuis l'année 1686 jusqu'en 1691 qu'il a
esté fait Capitaine et Enseigne de vaisseau en 1694, marié et etably.
Le Sr. Le Vasseur de Nerré, natif de Paris, aagé de 37 ans, a esté
fait Capitaine en pied dans le régiment d'Anjou en 1691, fait Capitaine
reformé et garde de la marine avec ordre de venir en Canada en qualité
d'Ingénieur en 1693, et fait Capitaine en pied audit pays de Canada en
— 273 —
1694 où il sert actuellement et où il a sa famille. Il est bon officier et
bon ingénieur.
Le Sr. Petit de L'Evilliers, natif du dioceze de Soissons, aagé de 40
ans, a esté fait garde de la marine en 1683, est venu Enseigne des troupes
en Canada en 1687, fait Lieutenant reformé eu 1690, Capitaine reformé
en 1693 et Capitaine en pied la mesme année. Enseigne de vaisseau en
1695, marié en Canada.
Le Sr. de la Mothe Cadillac au Détroit, Bon officier ayant de la ca-
pacité.
Le Sr. de Cabanac, natif de Carcassonne, aagé de 45 ans, a servy
Lieutenant reformé dans le régiment du Roy, et Lieutenant dans le régi-
ment de Picardie, est venu Lieutenant et garde de la marine en Canada en
1685, fait Capitaine reformé en 1694, Enseigne de vaisseau en 1695 et
Capitaine en pied en 1696, marié. Bon officier.
Le Sr. Desourdis, natif de Carcassonne, aagé de 35 ans, est venu
Lieutenant en Canada en 1685, fait Capitaine reformé en 1693, Enseigne
de vaisseau en 1695 et Capitaine en pied audit pais de Canada en 1697
où il est marié. Bon officier.
Le Sr. de Linctot ( 1 ) .
Le Sr. de Tonty, au Détroit. Bon officier et capable.
Le Sr. de Soulange, natif de Canada, aagé de 25 ans, a esté fait En-
seigne en 1683, Lieutenant en 1693, Enseigne de vaisseau en 1695 et Ca-
pitaine en 1700.
Le Sr. Chevalier de Champigny (3).
Le Sr. De laporte Louvigny, natif de Paris, aagé de 39 ans, a esté
Lieutenant dans le régiment de Navarre en 1677, Lieutenant en Canada
en 1684, Capitaine reformé en 1686, Capitaine en pied en 1691 et Ensei-
gne de vaisseau en 1695, marié en Canada (3).
Le Sr. de Beaucourt bois Berthelot, natif de l'evesché de Cornouailles,
aagé de 36 ans, a esté fait garde de la marine en 1684, Lieutenant en Ca-
nada en 1688, Capitaine reformé en 1691, Enseigne de vaisseau en 1692, a
fait les fonctions d'Ingénieur en 1693 et fait Capitaine en pied en 1701.
Bon officier.
Le Sr. de la Forest, natif de Paris, aagé de 46 ans, a esté fait Capi-
taine en pied pour servir dans l'Amérique en 1684, Capitaine reformé
(1) En marge: "N'a pas encore envoyé l'état de ses services."
(2) En marge: "Passé en France."
(3) En marge: "Fait major des Trois-Rivières, 20 avril 1700."
.--274—-
dans les troupes en Canada en 1691, garde de la marine en 1694 et Capi-
taine en pied dans les troupes de Canada en 1701. Bon officier et ca-
pable.
Le Sr. de Blenville (4).
CAPITAINE EEFOEME
Le Sr. de Eepentigny, natif de Canada, aagé de 70 ans, fait Capitaine
reformé en 1689 dans les troupes que Sa Majesté y entretient et où il sert
actuellement, marié et estably. Il est homme de bonne conduitte et ca-
pable.
LIEUTENANTS
Le Sr. De Martelly, natif de Toulon, a esté fait Lieutenant reformé
en Canada en 1695 et Lieutenant en pied audit pais en 1700.
Le Sr. Le Gardeur de Beauvais, natif de Québec en Canada, aagé de
41 ans, a esté fait Lieutenant reformé en 1688, Lieutenant en pied en
1690 et garde de la marine en 1694, marié. Bon officier.
Le Sr. Desglis, natif de Paris, aagé de 35 ans, a esté fait Enseigne de
la Colonelle du régiment de Dauphinay en 1688, Lieutenant dans les
troupes de Canada en 1691 et Lieutenant en pied en 1696.
Le Sr. Le Gardeur, natif de Canada, aagé de 49 ans, a esté fait En-
seigne en 1688, Lieutenant reformé en 1690 et Lieutenant en pied en 1692,
marié et etably. Bon officier.
Le Sr. de Mantet, natif de Canada, aagé de 38 ans, a esté fait Ensei-
gne en 1687, Lieutenant reformé en 1688 et Lieutenant en pied en 1689,
marié et etably.
Le Bv. de Eepentigny fils, natif de Canada, aagé de 44 ans, a servy
2 ans en qualité d'Enseigne, 2 ans en qualité de Lieutenant reformé et sert
depuis 10 ans en qualité de Lieutenant en pied, marié et etably. Bon
officier.
Le Sr. de Sabrevoye, natif de Beauce, aagé de 36 ans, a sèrvy Lieu-
tenant reformé dans le régiment de l'Affaire en 1682, est venu Lieuter
nant reformé en Canada en 1685 et Lieutenant en jjied en 1688, servant
actuellement en la dite qualité, marié. Bon officier.
Le Sr. De St. Pierre Eepentigny, natif de Canada, aagé de 40 ans, a
esté fait Lieutenant en 1689, servant actuellement en ladite qualité, marié
et etably.
(4) En marge: "On né les a pas encore envoyés."
— 275 —
Le Sr. de la Jemeraye, natif de Bretagne, aagé de 38 ans, fait garde
de la marine en 1683, passé en Canada en qualité d'Enseigne en 1687,
Lieutenant reformé en 1690, Lieutenant en pied en 1691 et Enseigne de
vaisseau en 1695. Bon officier.
Le Sr. D'Argénteuil, natif de Canada, aagé de 42 ans, a esté fait
Lieutenant reformé en 1690 et Lieutenant en pied en 1694, marié.
Le Sr. Dervilliers, natif de Paris, aagé de 26 ans, a esté fait Enseigne
en Canada en 1696 et Lieutenant en pied en 1700.
Le Sr. de Mongenault (5).
Le Sr. de Eanay, natif de Poitou, aagé de 41 ans, a esté fait garde de
la marine en 1685, est venu Lieutenant reformé en Canada en 1687 et fait
Lieutenant en pied en 1692, marié. Bon officier.
Le Sr. Dubuisson, natif de Paris, aagé de 35 ans, a servy en Canada
en qualité de Cadet pendant 10 ans, fait Enseigne reformé en 1696 et
Lieutenant en pied en 1698, marié. Bon officier.
Le Sr. De Ligneris, natif de Thourennes, aagé de 38 ans, a esté fait
Lieutenant dans le régiment D'Auvergne en 1675, fait garde de la marine
en 1683, venu Lieutenant reformé en Canada en 1687 et fait Lieutenant
en pied audit pais en 1690 marié et etably. Bon officier.
Le Sr. de Vildené, natif de Paris, aagé de 35 ans, a servy en Canada
en qualité de Cadet pendant 3 ans, fait Enseigne reformé en 1687, fait
prisonnier par les Iroquois en 1689, Lieutenant reformé à son retour en
1692, et Lieutenant en ])ied en 1696, marié.
Le Sr. de la Pipardière ( 6 ) .
Le Sr. Montigny, natif de Canada, aagé de 37 ans, fait Enseigne re-
formé en 1690, Enseigne en pied en 1692, Lieutenant à l'Acadie en 1693,
garde de la marine la mesme année et en 1687 est revenu en Canada pour
y servir en qualité de Lieutenant où il sert actuellement, marié. Bon. offi-
cier.
Le Sr. de Persillon, natif de Bear, aagé de 38 ans, a esté fait garde
de la marine en 1684 et venu Lieutenant en Canada en 1687 où il sert ac-
tuellement en la dite qualité.
Le Sr. de Courtemanche, natif de Canada, aagé de 37 ans, a esté fait
Enseigne en 1690, Lieutenant reformé en 1691 et Lieutenant en pied en
1692, Marié. Bon officier, brave homme et de bonne conduitte.
(5) En marge: "Est en France."
(6) En marge: "On n'a pas envoyé l'état de ses services."
— 276 —
Le Sr. de Planiolle, natif de Montpellier, aagé de 45 ans, a esté Lieu-
tenant dans le régiment d'Anjou en 1678 et venu Lieutenant en Canada
en 1687, où il sert actuellement en la dite qualité, marié, a un brevet de
la marine en 1694.
Le Sr. Clerin, natif d'Aix en Provence, aagé de 41 ans, a esté sous
Lieutenant dans le régiment de Vendosme en 1672, a servy mareschal des
logis dans les dragons de la Eeine en 1680, Cornette dans le mesme régi-
ment en 1682, a eu une commission d'Enseigne reformé en Canada en
1685, Enseigne en pied au dit pais en 1687, Lieutenant reformé en 1691
et Lieutenant en pied en 1695, faisant les fonctions d'ayde Major de la
ville de Montréal depuis 12 ans, oii il est marié. Bon officier et s'acquit-
tant bien de son deT-oir.
Le Sr. de Beccancourt, natif de Canada (7).
Le Sr. de la Monnerie, natif de Poitou, aagé de 44 ans, a esté sous
Lieutenant dans le régiment de Nouailles en 1675, Lieutenant dans le
mesme régiment en 1677, venu en Canada en 1685 oii il a esté fait sous
Lieutenant et Lieutenant en pied en 1691. A un brevet de garde de la
marine en 1694, marié. Bon officier.
Le Sr. de Granville, natif de Paris, aagé de 55 ans, a esté Enseigne
et Lieutenant dans le régiment de Poitou pendant 6 ans, est venu en Ca-
nada Lieutenant dans le régiment de Carignan en 1665 et fait Lieute-
nant dans les troupes que Sa Majesté y entretient présentement en 1686,
marié. Bon officier.
Le Sr. de Perigny, natif de Canada, aagé de 40 ans, a esté fait Lieu-
tenant reformé en 1690 et Lieutenant en pied en 1696, marié et etably.
Le Sr. de Beaubassin, natif de Canada, aagé de 35 ans, a esté fait
garde de la marine le 2e. avril 1687, Enseigne en 1691, Lieutenant reformé
en 1693 et Lieutenant en 1696,
Le Sr. de la Corne (8).
LIEUTENANTS REFORMES
Le Sr. de Rouville, natif de Canada (9).
Le Sr. de Saint Tours fils, natif de Canada, aagé de 32 ans, sert de-
puis 10 ans en qualité d'Enseigne et de Lieutenant reformé.
Le Sr. Frérot, natif de Canada, aagé de 26 ans, a servy longtemps
(7) En marge: "Est en France."
(8) En marge: "Est en France."
(9) En marge: "On n'a pas reçeu l'état de ses services, mais il est bon
officier."
— 277 —
Cadet dans les troupes de ce pais et fait Lieutenant reformé en 1696. Bon
officier.
Le Sr. de la Frenière, natif de Canada (10).
Le Sr. de Mondion, natif de l'archevêché de Tours, aagé de 36 ans, a
servy dans les Cadets de Brisac en 1682, a esté fait garde de la marine en
1684 et passé en Canada en qualité d'Enseigne en 1688 et Lieutenant
reformé en 1694, servant actuellement en ladite qualité et ayant fait les
fonctions d'ayde Major pendant six ans. Bon officier.
Le Sr. Duguay, natif de Canada, il est détaché au Détroit. Bon of-
ficier.
Le Sr. de Catalogne, natif de Bear, aagé de 38 ans, est passé en Ca-
nada en qualité de Cadet en 1683, fait Enseigne en 1687 et Lieutenant
reformé en 1691, marié. Bon officier.
Le Sr. de la Perade, natif de Canada, aagé de 25 ans, a servy depuis
l'année 1687 en qualité de Cadet jusqu'en 1689 qu'il fut fait Enseigne et
Lieutenant reformé en 1694. Bon officier.
Le Sr, de Saint Michel, natif de Caen, aagé de 39 ans, a servy pen-
dant 5 ans dans les dragons en qualité de mareschal des logis et 5 autres
années sous Lieutenant dans le régiment de Piedmont et passé en Canada
en qualité de Cadet en 1687, fait Enseigne reformé eu 1688, Enseigne en
pied en 1693 et Lieutenant reformé en 1694.
Le Sr. de Vivier, natif de Normandie, aagé de 36 ans, a servy dans
les Cadets de Brisac en 1683 fait sous Lieutenant dans le régiment de
Languedoc en 1684, passé en Canada en 1687 où il fut fait Enseigne re-
formé et Lieutenant reformé en 1694, marié. Bon officier.
Le Sr. de Chacornade, natif de Picardie, aagé de 29 ans, est entré
dans les Cadets de Longony en 1690, en est sorty en 1692 pour sous Lieu-
tenant dans le régiment d'Agenois, Lieutenant dans le régiment Royal
vaisseau en 1693 et est venu Lieutenant reformé en Canada en 1694. Bon
offcier.
Le Sr. de la Noust, natif de Canada (11).
Le Sr. de Langy, natif de Poitou, aagé de 31 ans, est entré dans les
Cadets à Besançon en 1682, passé en Canada en 1687 oii il a porté le mous-
quet jusqu'en 1691 qu'il a esté fait Enseigne en j)ied et Lieutenant reformé
en 1696.
Le Sr. Artel Hertel paire, natif de Canada.
(10) En marge: "On n'a pas envoyé l'état de ses services."
(11) En marge: "On n'a pas encore l'état de ses services, mais bon
officier."
... 278 —
ENSEIGNES EN PIED
Le Sr. Cher de Vaudreuil, natif de Canada, aagé de 11 ans, a esté fait
Enseigne en pied en 1694.
Le Sr. Cher de Saint Tours, (Saint-Ours), natif de Canada, aagé de
25 ans, a esté fait Enseigne en pied en 1693.
Le Sr. de la Durantais fils, aagé de 27 ans, a servy en qualité de Cadet
depuis 1687 jusqu'en 1690 qu'il fut fait Enseigne reformé et Enseigne en
pied en 1692.
Le Sr. de Cournoyers, natif de Canada.
Le Sr. Amariton, natif d'Orléans (12).
Le Sr. de la Perrière, natif de Canada (13).
Le Sr. Berthier, natif de Canada, aagé de 26 ans, a esté garde de la
marine en 1686, Enseigne reformé en 1689 et Enseigne en pied en 1691.
Bon officier.
Le Sr. Herbin, natif de Versailles, aagé de 24 ans, passé en Canada
en qualité d'Enseigne dans les troupes en 1688.
Le Sr. Delaur, natif de Bear, aagé de 20 ans, fait Enseigne en pied
en Canada en 1700.
Le Sr. Desbergères fils, natif d'Estamples, aagé de 22 ans, passé en
Canada en 1685 où il a servy en qualité de Cadet Jusqu'en 1696 qu'il a
esté fait Enseigne en pied.
Le Sr. de Selles (14).
Le Sr. de Boucher ville, natif de Canada, aagé de 48 ans, a esté fait
Enseigne refoAié en 1688 et Enseigne en pied en 1691, marié.
Le Sr. de Villiers, natif de Nantes, aagé de 19 ans, est passé en Canada
en 1696 en qualité de Cadet et fait Enseigne en pied en 1700.
Le Sr de la Plante.
Le Sr. de la Salle, natif de Paris, aagé de 27 ans, est passé en Canada
en qualité d'Enseigne en 1696 (15).
Le Sr. de la Gauchetiere, natif de Canada, aagé de 28 ans as esté fait
garde de la marine en 1692 et Enseigne en pied en 1693.
Le Sr. de L'Argenterie (16).
Le Sr. Duplessis fils, natif de Canada, aagé de 12 ans, a esté fait En-
seigne en pied en 1700.
(12) En note: "Est en France."
(13) En note: "On n'a pas envoyé l'état de ses services mais bon officier."
(14) En marge: "On n'a pas envoyé l'état de ses services."
(15) En marge: "1er may 1701, fait enseigne de Costebelle à Plaisance."
(16) En note: "On n'a pas envoyé l'état de ses services."
.- 279 —
Le Sr. de Ramezay fils, natif de Canada, aagé de 10 ans, a esté fait
Enseigne en pied en 1700.
Le Sr. Chartrain.
Le Sr. de Belleval, natif de Paris, aagé de 38 ans, a sevTy en Canada
en qualité de Cadet pendant 12 ans et a esté fait Enseigne en 1700.
Le Sr. Fournier du Figuier, natif de Canada, aagé de 24 ans, a esté
sous Lieutenant dans le régiment de Guienne en 1693 et est venu en Ca-
nada en 1694 en qualité d'Enseigne où il sert actuellement. Bon offi-
cier.
Le Sr. de Batilly, natif de Canada, aagé de 28 ans, a servy en qualité
de Cadet depuis l'année 1688 jusqu'en 1690 qu'il a esté fait Enseigne en
pied, servant actuellement en la dite qualité. 15 8bre 1701 (17).
(17) Archives du Canada, Ottawa.
BIOGRAPHIES CANADIENNES
IMichesne (Adrien). — Le chirurgien Adrien Duchesne vint probablement
en Canada en 1625, en même temps que les Jésuites dont il fut toujours
l'ami. Il fut employé comme chirurgien de l'habitation de Québec. Pendant
l'occupation anglaise du Canada de 1629 à 1633, Duchesne resta ici. En
1631, il fut parrain d'un enfant de Guillaume Couillard qui, faute de prêtre,
fut baptisé par un ministre protestant! Duchesne était l'oncle de Charles
LeMoyne, le père des célèbres frères LeMoyne, et c'est lui qui le fit passer
dans la Nouvelle-France en 1641. Une partie de ce qui forme aujourd'hui
les Plaines d'Abraham fut concédée à Adrien Duchesne par la Compagnie
des Cent Associés le 9 juillet 1637. On ignore la date de la mort du chirur-
gien Duchesne. Vide Dr Ahearn, Notes pour servir à l'histoire de la médecine
au Canada.
Beauregard (Leauniout de) . — Voilà un nom qu'on croirait tiré du Grand
Armoriai de France et cependant il appartient à un simple roturier de Qué-
bec. Dans un acte de Genaple du 3 juin 1696, Pierre Leaumont de Beauregard
se qualifie bourgeois et déclare qu'il ne sait écrire ni signer.
Il avait épousé, à Québec, le 26 novembre 1676, Jeanne-Elisabeth Lemire,
fllle de Jean Lemire qui avait été élu syndic de Québec le 28 mars 1667.
Tanguay (I, 378) le nomme Pierre Gaumont.
Leaumont de Beauregard se trouvait le beau-frère de Gédéon de Cata-
logne.
Beaudoln (L'abbé Jean). — Né à Nantes vers 1662, il fut quelque temps
mousquetaire dans les gardes du roi. Prêtre en 1685, il fit les missions du
Vivarais. Il entra ensuite dans la Compagnie de Saint-Sulpice, et passa en
Canada en 1688. Il fut envoyé à la mission de Beaubassin, en Acadie. En
1696-1697, l'abbé Beaudoin accompagna d'Iberville dans son expédition contre
Terre-Neuve. Il écrivit de ce voyage une relation qui a été publiée en 1900.
L'abbé Beaudoin décéda dans sa mission d€f Beaubassin en 1698. Vide l'abbé
Auguste Gosselin, Les Normands au Canada, Journal d'une expédition de
d'Iberville, p. 25.
Maillet (Charles). — Originaire de Marseilles, Charles Maillet fut mar-
chand à, Québec puis receveur du Domaine de Sa Majesté en la Nouvelle-
France du 1er mars 1758 à la fin du régime français. Après la chute de
Québec, il se retira aux Trois-Rivières, puis repassa en France. Il avait
épousé ^Judith LeNeuf de la Vallière et en avait eu une nonibreuse famille.
— 280 —
LE GOUVERNEUR PERROT ET LE
SUPPLICE DE LA CALE-SECHE
François-Marie Perrot qui fut gouverneur de Montréal puis de l'A-
eadie, avait la passion de l'argent.
La Hontan dit à son sujet :
"M. Perrot, gouverneur de la place (Montréal), n'a que trois mille
livres d'appointements ; mais comme il fait un grand négoce de pelleterie
avec les Sauvages, il a, dit-on, amassé cinquante mille écus en fort peu de
temps," (1)
M. l'abbé Paillon nous donne sur le gouverneur Perrot des renseigne-
ments qui sont loin d'être édifiants :
"Il avait un magasin ouvert à Montréal, où on le voyait lui-même rem-
plir des barriques d'eau-de-vie, et vendre toutes sortes de marchandises
aux Sauvages, les forçant même quelquefois de ne vendre qu'à lui seul
leurs pelleteries. Enfin, il trafiquait d'une manière si indigne de son
caractère, qu'un jour il vendit à un Sauvage son chapeau, son habit, son
baudrier, son épée, jusqu'à ses rubans, ses bas et ses souliers ; et qu'au
lieu de rougir de ce commerce honteux, il s'applaudissait ensuite d'avoir
gagné 3 pistoles à ce marché, tandis que le Sauvage paraissait dans la
place publique, vêtu en gouverneur." (2).
En 1684, grâce à la protection de l'ancien intendant Talon, qui était
son oncle, Perrot obtenait le gouvernement de l'Acadie.
Sa conduite en Acadie fut pire encore qu'à Montréal. Il alla jusqu'à
conmiercer clandestinement avec les Anglais. Le roi mit fin à sa car-
rière le 5 avril 1687, en nommant M. de Menneval gouverneur de l'Acadie.
Perrot continua à résider à Port-Eoyal où il se livra sans contrainte à
sa passion pour le commerce.
M. de Frontenac nous apprend la triste fin de Perrot dans une lettre
au ministre datée de Québec le 30 octobre 1691 :
(1) Voyages dans L/' Amérique Septentrionale, tome premier, p. 28.
(2) Vie de Mlle I>,eBer, p. 306.
— 281 -
"Vous avez appris la misérable destinée du Sr Perrot qui après avoir
été traité d'une manière inouïe et extraordinaire par les forbans qui l'a-
vaient pris, a enfin perdu la vie à la Martinique, après avoir été dépouillé
de beaucoup d'effets qu'il avait dans son vaisseau et d'autres qui étaient
restés à Port-Royal, lorsque les Anglais s'en emparèrent l'année dernière."
Le baron de La Hontan, dans une de ses lettres, nous apprend que les
Anglais firent subir le supplice de la cale-sèche à M. Perrot.
La Hontan écrit :
"Ce gouverneur (de Menneval) avait relevé M. Perrot, qui fut cassé
honteusement pour avoir fait sa principale occupation de s'enrichir, qui
étant repassé ensuite en France revint avec plusieurs vaisseaux chargés de
marchandises, pour faire en ce pays la profession d'un négociant particu-
lier. Celui-ci dans le temps de son gouvernement, laissa prendre aux
Anglais plusieurs postes avantageux sans se donner aucun mouvement ;
il se contentait d'aller dans des barques de rivière en rivière pour trafi-
quer avec les Sauvages, et après sa cassation, non content de faire son
commerce sur les côtes de l'Acadie, il voulut aller sur celles des Anglais,
mais il lui en coûta cher, car quelques corsaires l'ayant surpris, enlevèrent
ses barques et lui donnèrent ensuite la cale-sèche, dont il mourut sur le
champ." (3)
En quoi consistait le supplice de la cale-sèche dont parle ici le baron
de La Hontan ?
La cale est un terme de marine par lequel on désigne le lieu le plus
bas du vaisseau, la partie qui entre dans l'eau sous le franc tillac, et qui est
dans un bâtiment de mer ce qu'est la cave dans un bâtiment de terre.
La cale est aussi l'action par laquelle on plonge quelqu'un dans l'eau.
Le Dictionnaire de Trévoux nous fait connaître les différents suppli-
ces de la cale chez les peuples anciens.
La cale fut autrefois un passe-temps dont usaient les Goths par for-
me d'exercice, comme le dit Olaiis Magnus.
Chez les Celtes et les Français la cale était plutôt un supplice. Au
rapport de Tacite, il en était de même chez les Allemands. Ceux-ci la
pratiquaient surtout contre les infâmes et les fainéants.
(3) Nouveaux voyages, édition de 1703, p. 17.
- 282 —
En France, le supplice de la cale fut longtemps eu usage. A Mar-
seille et à Bordeaux, les hommes et les femmes de mauvaise vie étaient
condamnés à la cale ou à être baignés. On les enfermait nus ou en che-
mise dans une cage de fer amarrée à la vergue ou au palan d'une chaloupe,
et on les calait plusieurs fois dans la rivière. On en faisait autant à
Toulouse aux blasphémateurs. A Marseille, la cale était plutôt un châ-
timent pour les gens de mer. On les attachait à une corde et on les je-
tait dans la mer du haut de la vergue du grand mat. Plus la faute était
forte plus les cales ou plongées se répétaient. Quelquefois on attachait
un boulet de canon aux pieds des coupables, ce qui rendait la chute plus
rapide et le supplice plus rude.
Voici maintenant en quoi consistait le supplice de la cale sèche. On
suspendait le patient à une corde raccourcie qui ne descendait qu*à cinq ou
six pieds de la surface de la mer ou de la terre. C*était une espèce d'es-
trapade. Ce châtiment était le plus souvent public, c'est-à-dire qu'on
tirait un coup de canon pour inviter les marins de l'escadre ou de la flotte
à être spectateurs du châtiment.
Chez les Hollandais on avait une autre sorte de supplice qu'on appe-
lait la grande cale ou la cale par dessous la quille. On attachait le cou-
pable à une corde par le milieu du corps, puis on le jetait à la mer. Des
matelots placés du côté opposé à la chute tiraient alors promptement la
corde qui était passée par dessous la quille. Le coupable attaché â cette
même corde passait ainsi sous le vaisseau. La grande cale ^ait un sup-
plice rude et dangereux.
P.-G. E.
QUESTIONS
Sous l'ancien régime, une femme noble qui épousait un roturier per-
dait-elle le privilège de noblesse ?
NOBLE
Autrefois, jusque vers 1870, je crois, les Français de Québec, presque
tous partisans de l'Empire, célébraient la Saint-Napoléon par une messe
solennelle célébrée dans une dçs églises de Québec et par un banquet qui,
le soir, réunissait tous les Français et leurs amis. Y a-t-il eu réellement
un saint Napoléon ?
FRC.
... 2S3 —
LES CIMETIERES CATHOLIQUES DE
MONTREAL "'
Le premier cimetière de Montréal fut établi à la Pointe à Callières.
C'est là que devait s'élever un fort, sous la surveillance de M. de Mai-
sonneuve, pour "servir de digue aux Iroquois, arrêter leur furie et impé-
tuosité se dégoûtant de passer plus outre, lorsqu'ils se voyaient si rigou-
reusement reçus dans les attaques qu'ils y faisaient" (Dollier de Casson,
Histoire du Montréal).
La Pointe à Callières était formée d'un côté par le fleuve Saint-
Laurent, de l'autre par une petite rivière appelée depuis rivière Saint-
Pierre. Son nom s'est étendu à toute la plage voisine. D'après les
cartes de l'époque, la forêt venait y aboutir, puisque M. de Maisonneuve
dut en abattre les arbres pour l'accomplissement de la sainte promesse
qu'il avait faite d'aller installer une croix sur le Mont Royal. Cet enga-
gement avait été contracté par l'illustre Maisonneuve en face du danger
d'inondation de son premier fort, et ce fut le 6 janvier 1643 qu'il gravit
le flanc de la montagne, chargé lui-même de la croix promise. Cette
croix devint un lieu de })èlerinage pour les premiers colons de Ville-Marie.
La Pointe à Callières est aujourd'hui occupée par l'édifice de la doua-
ne. Une plaque en marbre a été fixée sur l'édifice pour perpétuer les
beaux souvenirs qui s'y rattachent.
C'est sur la Pointe à Callières que fut célébrée pour la i)remière fois
à Montréal le saint sacrifice de la messe.
Depuis ce jour béni de la première messe, la Pointe à Callières fut
témoin des scènes les plus douloureuses. Ce fort naissant qui aljritait
dans des constructions bien insuffisantes les Jésuites, missionnaires hé-
TOÏques, affrontant tous les dangers, et M. de Maisonneuve et ses soldats,
entendit les plus navrants sanglots et recueillit les larmes versées sur de
nombreuses tombes.
"Le cimetière où ces tombes furent creusées se trouvait, écrit M.
Paillon {Histoire de la colonie française^ tome I, p. 12), à côté du fossé
du fort, au confluent de la grande et de la petite rivière, et qu'on eut le
soin d'entourer de pieux". Les premiers corps déposés dans ce cimetière
(1) Ces notes sont empruntées à une brochure intitulée E^tudes sur le
culte des morts chez les anciens et les peuples modernes et les cimetières ca-
tholiques de Montréal depuis la fondation de Montréal, par Siméon Mondou.
— 284 —
furent' ceux de malheureux Français surpris et tués par des Sauvages, au
commencement de juin 1643, , Ces trois Français se nommaient Guillau-
me Boissier, de Limoges, Bernard Berté et Pierre Laforest dit l'Auver-
gnat. Ils furent tous trois inhumés dans le petit cimetière du Fort, le
9 juin 1643, comme l'atteste le registre mortuaire de Notre-Dame.
Il n'y avait que vingt-deux jours que M. de Maisonneuve avait com-
mencé ses travaux d'installation quand cette sanglante immolation fut
accomplie.
Le registre mortuaire continue l'énumération des victimes des Iro-
quois ; à la date du 30 mars 1644, c'est le tour de Guillaume Lebeau et de
Jean Matemasse, menuisier, de Bourges. En 1645, 1646, 1647, ce sont
les corps de quelques Sauvages et de deux enfants blancs, qui sont inhumés
au cimetière près du Fort. Au mois d'août 1648, on y enterre la cin-
quième victime des Irôquois. C'est le corps de Mathurin Bonenfant,
originaire d'Igé, au Perche.
A cette époque, Ville-Marie vivait dans des transes journalières, au
point qu'il n'y avait aucune sécurité à s'éloigner du Fort ou à naviguer
sur le fleuve. M. Dollier, dans son Histoire du Montréal, déclare que,
dans ce temps, on n'était plus en assurance dès qu'on avait franchi le seuil
de sa porte. Cependant les colons de Ville-Marie, loin de perdre courage,
outrés de douleur de la perte des leurs, pressaient M. de Maisonneuve de
les conduire sur le champ de bataille. Le sage gouverneur répondait :
"Prenez patience, quand Dieu nous aura donné du monde, nous risquerons
des coups." En attendant, les dogues, ayant à leur tête la fameuse
chienne "Pilotte" dénonçaient par leurs aboiements les cruels Irôquois.
Dans le fameux engagement où Maisonneuve s'illustra en exterminant
un chef sauvage avec tant de courage et d'habileté, trois Montréalais trou-
vèrent la mort : Guillaume Lebeau, Jean Maltemale et Pierre Bigot. Ils
furent tous trois inhumés dans le cimetière du Fort ; ce qui porta à huit
le nombre des victimes de la férocité iroquoise.
Mais ce petit cimetière ne pouvait plus offrir d'utilité pratique à
raison de la crue des eaux du fleuve ; c'est ce qu'indique l'acte de sépulture
du 15 janvier 1654. François d'Haidin, morho ohvit, est mort de mala-
die, (terme dont le Père Pijart se servit pour distinguer ceux qui mou-
raient paisiblement de ceux qui étaient massacrés par les Sauvages),
omnibus sacramentis munitu>s, muni de tous les sacrements, et in terra de
novo henedictu, in horte, propter inundationem aquarum supra caemete-
rium, sepuïtus a me. . . Claude Pijart. Il fut enterré dans le terrain
— 285 —
nouvellement béni, dans le jardin, à raison de l'inondation des eaux au
cimetière. Et dans l'acte de sépulture de François Lochet la chose est
encore plus clairement établie par les paroles suivantes : in novo hospitalis
domus coemeterio sepultus, enterré dans le nouveau cimetière de la maison
hospitalière. C'est ce qui fait dire à M. l'abbé P. Rousseau {M. de Mai-
sonneuve, pp. XXIX-209), le cimetière de la Pointe à Callières était im-
praticable aux époques des grandes eaux, les sépultures devaient alors se
l'aire ailleurs. . . .
M. de Maisonneuve céda son terrain, près de l'Hôtel-Dieu. Ce
nouveau champ des morts prit le nom de "Xouveau cimetière de l'hôpital".
11 eut deux annexes, celui. des pauvres et celui des sauvages, le long des
fortifications. Ces lieux de sépulture sont désignés dans les registres par
les mots "près de l'église", tandis que l'ancien cimetière est dit : "loin de
l'église". Ce qui indiquerait qu'il ne fut pas de suite abandonné.
Ce deuxième cimetière reçut les dépouilles de plusieurs martyrs et de
nombreux héros. Citons parmi les principaux : Ives Bâtard, inhumé le
12 octobre 1654, transpercé la veille par une balle de plomb tirée par les
Iroquois ; le Père Carreau, inhumé le 2 septembre 1656, tué l'avant-veille
par les Iroquois ; Xicolas Du Val, inhumé le 20 avril 1660, tué la veille
par les Iroquois ; l'abbé Jacques Le Maître, inhumé le 20 août 1660, tué
la veille par les Iroquois ; Lambert Closse, Simon Le Roy, Jean Le Comp-
te et Louis Brisson, inhumés le 7 février 1662, tous quatre tués la veille
par les Iroquois, etc., etc.
Ce second cimetière de Montréal appelé cimetière de l'Hôpital à
cause de son voisinage de l'Hôtel-Dieu, couvrait la hauteur occupée au-
jourd'hui par la Place d'Armes et même par l'égUse Notre-Dame, puisque,
eu creusant les fondations de cette église, on a trouvé beaucoup d'osse-
ments.
Dans ce cimetière on avait construit, à l'endroit où on voit aujour-
d'hui la banque de Montréal, une chapelle pour déposer les corps qui n'en-
traient pas à l'église. Et bien que le cimetière de l'hôpital eût cessé d'être
en usage en 1799, la chapelle en question ne fut détruite qu'en 1816.
En 1748, le cimetière de l'Hôpital était devenu insuffisant ; la place
manquait pour "enterrer les pauvres de la paroisse".
M. Louis Normant, supérieur de Saint-Sulpice et curé de la ville, M.
Antoine Déat, vicaire de la paroisse, les anciens et nouveaux marguilliers
se réunirent le 29 juillet 1748, et décidèrent de faire l'acquisition, pour
servir de cimetière des pauvres, d'un emplacement appartenant à M. Ro-
— 286 —
bert, situé à Montréal, près de la poudrière, contenant environ un quart
d'arpents en superficie.
Le 27 février 1749, Rolland-Michel Barin, marquis de la Galissonière,
chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, capitaine des vaisseaux du
roi, commandant-général pour Sa Majesté en toute la Nouvelle-France,
terres et pays de la Louisiane, et François Bigot, conseiller du roi en ses
conseils, intendant de justice, police, finance et marine, permettaient au
curé et marguilliers de Montréal de faire l'acquisition du terrain en
question.
L'autorisation donnée, on se mit vite à l'oeuvre et le cimetière de la
Poudrière fut rapidement établi. Aussi, voyons-nous qu'en 1751, dans
une assemblée du curé et des marguilliers anciens et nouveaux, il est ré-
solu qu'il sera fait une clôture de murailles à ce cimetière et qu'on y cons-
truira un charnier afin d'y déposer les morts pendant l'hiver.
En 1799, les cimetières de l'Hôpital et de la Poudrière cessent de
servir aux inhumations. Ils sont abandonnés pour un nouveau lieu de
sépulture, situé au faubourg Saint-Antoine.
Voici l'origine de ce quatrième cimetière catholique de Montréal.
Vers cette époque, les grands jurés ayant reconnu que les cimetières trop
rapprochés des habitations étaient une cause d'insalubrité et un danger
pour la santé publique, adressèrent un rapport au procureur-général
Sewell, pour lui signaler le danger résultant de ces cimetières et pour lui
en demander la translation.
Le procureur-général Sewell s'em])ressa de soumettre au curé et aux
marguilliers de Montréal le rapport des grands jurés. Une assemblée des
anciens et nouveaux marguilliers de Montréal eut lieu immédiatement et
il fut décidé de faire droit aux représentations des grands jurés.
On acheta un terrain, pour transporter les cimetières, au coteau
Saint-Louis, dans le faubourg Saint-Antoine. Ce terrain appartenait à
M. Pierre Guy et mesurait quatre arpents en superficie. Il fut payé à
raison de 1,500 livres, 20 coppes l'arpent. Il occupait l'emplacement oii
se trouve aujourd'hui une partie de la place Dominion. Ce cimetière fut
agrandi un peu plus tard de la partie o\\ se trouve aujourd'hui la nouvelle
cathédrale Saint-Jacques.
Dans ce cimetière, les habitants de Montréal et des côtes voisines fu-
rent inhumés jusqu'en 1854.
Le cimetière Saint- Antoine (quatrième cimetière de Montréal) étant
devenu trop étroit pour les besoins de la population croissante de la ville
— 287 —
et de la banlieue, la Fabrique de Montréal décidait, le 17 juillet 1853, de
choisir un terrain propice pour étabKr un nouveau cimetière.
Le 31 juillet 1853, les marguilliers décidaient d^acheter un terrain,
sur le chemin de la Côte des Neiges, de cinq arpents de front sur vingt-
trois de profondeur, faisant en tout une superficie de cent quinze arpents,
appartenant au docteur Pierre Beaubien, au prix de trois mille livres
cours actuel.
Cette question resta cependant pendante une dizaine de mois.
Enfin, en mars 1854, on achetait le terrain du docteur Beaubien et on
se mit tout de suite à l'oeuvre pour faire les travaux les plus nécessaires.
Le cimetière fut om'ert au public en 1855.
Le nom de Notre-Dame des Neiges n'a pas été donné au cimetière
catholique actuel de Montréal sans une intention bien spéciale. Vers la
fin de décembre 1642, les travaux du fort de la Pointe à Callières étaient
terminés quand les eaux du fleuve montèrent tellement qu'elles mena-
çaient de tout détruire. M. de Maisonneuve planta une croix sur la rive,
à l'entrée du fort, s'engageant à la transporter sur la montagne si le mal-
heur était détourné. L'attente fut bien pénible. Dieu même parais-
sait sourd à la voix de son fidèle serviteur quand les eaux se décidèrent
enfin à se retirer. Le j^our de l'Epiphanie (1643), M. de Maisonneuve
s'acheminait vers la montagne portant lui-même la croix sur ses épaules.
La sainte messe fut célébrée à cette occasion par le Père Du Perron, Jé-
suite, et la Mère Bourgeois rapporte que, depuis ce temps, cet endroit de-
vint un lieu de pèlerinages.
M. de Maisonneuve, pour répondre aux pieux sentiments de ses co-
lons, conçut le projet d'y bâtir une chapelle en l'honneur de la sainte
Vierge. Il publia une ordonnance à cet effet le 19 novembre 1661.
Il n'y a pas de doute "quç le patronage de Notre-Dame des Neiges fut
donné à cette chapelle à la suggestion de la Mère Bourgeois, car elle avait
une dévotion toute particulière à Marie invoquée sous ce titre. Ayant
adopté une petite iroquoise, elle lui fit donner le nom de Marie des Neiges.
Cette enfant étant morte, elle en adopta successivement deux autres aux-
quelles elle donna le même nom. En 1670, lors de son voyage en France,
elle fit un pèlerinage à Notre-Dame des Neiges, sanctuaire célèbre dédié
à la Sainte Vierge, éloigné de plusieurs lieues du Havre de Grâces.
Une réduction de Sauvages s'établit bientôt près de la chapelle -de
Notre-Dame des Neiges. Les Sauvages descendant par la rivière des
Prairies, pour se rendre à la chapelle, suivaient un sentier qui prit le nom
— 288 —
de chemin de la Côte des Neiges. Comme on le voit, on a fait revivre
un glorieux souvenir en donnant le nom de Côte des Neiges au cimetière
catholique actuel de Montréal.
En 1865, la Fabrique de Notre-Dame achetait de M. Tait une pro-
priété un peu })lus grande que celle achetée du docteur Beaubien en 1854,
et, en 1907, elle agrandissait encore le cimetière en achetant les propriétés
McKenna, S. Desmarchais, Vve Pierre Desmarchais, Vve Daniel Quinn,
succession Aubry, et, en 1908, la propriété Monarque. Ces diverses ac-
quisitions assurent au cimetière de Notre-Dame des Neiges un terrain de
quatre cents arpents en superficie.
Le cimetière catholique de Montréal bien que relativement récent,
est un des plus beaux de l'Amérique. Il occupe le plus beau site de tous
les cimetières du nouveau monde, et il est incontestablement la première
nécropole catholique du Canada.
QUESTIONS
On dénomme aujourd'hui houille blanche la force motrice fournie
par les sources naturelles et les chutes d'eau. On a probablement choisi
cette appellation parce que la houille blanche se substitue à la houille noire,
c'est-à-dire au charbon, un peu partout dans le* industries qui fonction-
nent à l'aide de la vapeur ou de l'électricité. Qui a choisi cette heureuse
appellation de houille blanche ? L'expression est-elle canadienne, fran-
çaise, anglaise ou américaine?
R. 0. P.
Dans l'étude de feu M. James Douglas, The status of women in New-
England and New-France, je lis à propos de la Nouvelle-France (page 3) :
"While, of course, the church was averse to illegitimate relations of
the sexes, the authority, both ecclesiastical and civil, in the early days of
French civilization, encouraged by advice, the marriage of Frenchmen
with Indian squaws."
Est-ce bien le cas? J'avais toujours cru que les autorités religieuses
de la colonie, au contraire, s'opposaient de toutes leurs forces aux mariages
entre Français ou Canadiens-Français et Sauvagesses.
A. B. C.
BULLETIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
VOL. XXVII BEAUCEVILIE- OCTOBRE 1921 No 10
NOTES SUR LA CULTURE ET L'USAGE
DU TABAC DANS LA NOUVELLE-
FRANCE
Au Canada, l'histoire du tabac date de loin ; elle re-
monte à Jacques Cartier et c'est à Montréal, en 1535, que
le célèbre explorateur tit connaissance avec la i^lante des-
tinée à conquérir une vogue étonnante.
L'anecdote a sa place ici et nous la cueillons dans le
principal ouvrage de l'abbé Faillon qui, lui-même, résumait
le récit du découvreur.
LA PREMIERE PIPEE DE CARTIER
Parmi les coutiunes des Sauvages, celle qui frappa le
plus Jacques Cartier, par sa nouveauté et sa singularité,
fut l'usage de la pipe à fumer entièrement inconnue alors
en France.
Voici, dans son style naïf, la description qu'il en fait
lui-même : "Les sauvages ont une herbe dont ils font grand
amas, durant l'été, pour l'hiver laquelle ils estiment fort
et en usent, les hommes seulement, en la façon qui suit : ,
Ils la font sécher au soleil, et la portent à leur col, renfer-
mée en une petite peau de bête, au lieu de sac, avec un cor-
net de pierre ou de bois. Puis à toute heure, ils font poudre
de la dite herl)e et la mettent à un bout du cornet, puis ils
-.. 290 —
mettent un charbon de feu dessus et par l'autre bout, ils
soufflent tant qu'ils s'emplissent le corps de fumée, telle-
ment qu'elle leur sort par la bouche et les nasilles, comme
par un tuyau de cheminée. Ils disent que cela les tient
sains et chaudement et ne vont jamais sans les dites choses.
Nous avons expérimenté la dite fumée et après l'avoir mise
dans notre bouche, il semblait y avoir de la poudre de poi-
vre tant elle était chaude" (1).
Il est évident que Cartier n'a pas apprécié sa première
pipée, mais s'il avait séjourné au pays, qui sait s'il ne se-
rait pas devenu un adepte du calumet, tant d'autres- par la
suite ont succombé au charme de l'herbe.
LES PREMIEES PIONNIERS FUMAIENT-ILS ? "
Il nous paraît que les Français qui vinrent coloniser
le Canada, au 17e siècle, n'étaient guère adonnés à l'usage
du tabac, mais bientôt le besoin de distraction, le climat, le
contact avec les Sauvages, l'exemple surtout leur firent
acquérir l'habitude de fumer. La plus ancienne mention .
de tabac qui soit dans les archives de Montréal date de
1652. Elle se rencontre dans l'inventaire d'Antoine
Rouault ou Roos, un flamand qui, à Ville-Marie, exerçait
l'occupation de vacher. Après que cet humble domesti-
que eut été assassiné par les Iroquois (26 mai 1652) le ta-
bellion Gastineau Duplessis dresse un état des biens du
malheureux et il note qu'il possédait 7^ Ibs de petun (sic).
Dix ans plus tard, dans l'inventaire du fameux Lam-
bert Closse, flamand lui aussi, on trouve également du pe-
tun en pain de 2 Ibs (Basset 8 fév. 1662).
Ces deux colons fumaient-ils ? Ou n'avaient-ils du pe-
tun que pour trafiquer avec les Sauvages? Cela est fort
possible, car les indigènes du nord ne cultivaient pas le ta-
bac quoiqu'ils en fissent grand usage.
LA VOGUE COMMENCE
On aperçoit que le tabac était entré dans les coutumes
(1) Faillon, Hist. de la col. franc, vol. I, p. 20.
— 291 —
populaires en 1672, puisque le 4 mai de cette année, Col-
bert écrivait : *'Sa Majesté ne veut pas que l'on sème de
tabac, d'autant que cela n'apporterait aucun avantage au
pays qui a beaucoup plus besoin de tout ce qui peut porter
les habitants au commerce et à la navigation, aux pêches
sédentaires et aux manufactures et que la culture de cette
herbe serait préférable aux îles d'Amérique".
Mais quelle puissance était capable d'empêcher l'usa-
ge de se propager parmi des colons qui pouvaient obtenir
des pelleteries des Sauvages en leur fournissant du tabac ?
Aussi constate-t-on que les administrateurs sont bientôt
forcés de légiférer à ce sujet. Dans la première codifica-
tion des règlements de police, qui date du 11 mai 1676, l'ar-
ticle 10 défend de prendre du tabac' dans les rues.
En 1679, au cours d'un procès pour vol de vin, dans la
maison de M. de Hautmesnil, on rapporte qu'un des deux
serviteurs accusés s'était rendu malade à fumer. Le ta-
bac et le vin avaient fait connaissance.
CULTURE DU TABAC
A l'époque où Colbert cherchait à détourner les Cana-
diens de la culture du tabac (1672), le peuple était pour-
tant loin d'en planter ]30ur la peine. Nous ne trouvons
pas mention de "tabac du pays", à Montréal, avant le 17
juillet 1678 et c'est dans l'inventaire du nommé Fillas-
treau.
Par la suite, l'expression "tabac du pays" ne se ren-
contre que de ci, de là, ce qui laisserait présumer
que les colons en récoltaient peu. Pourquoi ? Parce qu'ils
l'importaient de France et Surtout parce qu'ils l'obtenaient
facilement des Sauvages établis au sud des grands lacs ou
encore des colonies anglaises d'Amérique, ce qui choquait
le roi.
C 'est à partir de 1735 que la France cherche à intéres-
ser le Canada à la culture du tabac. En cette année le
sieur Cugnet, directeur du domaine du roi en la Nouvelle-
France, reçut l'ordre d'envoyer des échantillons des diffé-
rentes sortes de tabac récolté dans la colonie et il en expé-
— 292 —
dia 600 livres. Après examen et essai on le jugea impro-
pre à la consommation en France, mais on remarqua en
même temps qu'avec "plus d'attention on pouvait aisément
le perfectionner" et on demande au sieur Cugnet de nou-
veaux échantillons cueillis principalement à l'île d'Orléans,
à l'île du Pas et dans les environs de Montréal, parce que la
qualité du tabac planté en ces localités a paru supérieure.
(Corr. Génér. Arch. Canad.)
En même temps on envoya des instructions sur la fa-
çon de préparer le tabac pour l'exportation et les fermiers
généraux de France se déclaraient prêts à acheter tout le
tabac à un prix fixe assez peu élevé cependant. Nous en
parlons plus loin.
De son côté pour stimuler la production et l'améliora-
tion du tabac, l'intendant Hocquart aide des particu-
liers à faire des plantations à Chambly, à Beauport et
Québec ; sous sa direction on récolte 30 000 pieds d'un ta-
bac qui a 30 pouces de long sur 20 pouces de large et il se
jjropose de faire des essais encore plus considérables
l'année suivante.
QUELQUES OBSTACLES
Comme le clergé s 'opposait plus ou moins ouvertement
à la culture du tabac parce que cela diminuait ses revenus,
on songea à lui i)ermettre de prendre la dîme sur le tabac
aussi bien que sur les grains et l'obstacle se trouva levé.
Cependant, les plantations ne se firent pas sur une grande
échelle parce que le prix payé par les importateurs de
France n'était pas jugé assez rémunérateur, en plus, parce
que des vers s'attaquaient aux racines des jeunes plants et
causaient souvent des dommages irréparables (2).
TOUT LE MONDE FUME
Toutefois, si la culture du tabac pour l'exportation ne
faisait/pas beaucoup de progrès, il est certain que la plu-
part des habitants en plantaient pour leur propre usage.
(2) Encore aujourd'hui, les planteurs doivent avoir recours à certains pro-
cédés/pour empêcher les vers d'attaquer les racines du tabac.
... 293 —
Par exemiDle, nous voyons dans l'étude du notaire Coron,
25 février 1747, que François Baudouin et sa f ennne don-
nent leurs biens à leur fils Pierre, mais qu'ils se "réser-
vent un coin de terre dans le jardin pour faire du tabac".
Xous avons en plus le témoignage du savant Suédois,
Pierre Kalm, qui note, au cours de son voyage au Canada,
en 1749 : "Chaque fermier jjlante près de sa maison une
quantité de tabac plus ou moins considérable, suivant que
sa famille est plus ou moins nombreuse. Il faut bien que
les paysans s'adonnent à la culture du tabac ; il est d'un
usage universel paï'mi les gens du peuple. On voit des ga-
mins de 10 à 12 ans courir les rues, la pipe à la bouche, imi-
tant l'exemple de leurs aînés. Des personnes au-dessus du
vulgaire ne dédaignent pas de fumer une pipe par-ci par-
là ; dans les parties les plus septentrionales du Canada on
fmne généralement le i)etun sans mélange. Mais dans le
sud et aux environs de Montréal on y mêle l'écorce inté-
rieure du cornouiller sanguin pour le rendre plus faible.
La'tabatière est aussi fort à la mode. Presque tout le ta-
bac qui se consomme ici, est j)roduit dans le pays et cer-
tains amateurs le préfèrent au tabac de Virginie ; mais
ceux qui se prétendent des connaisseurs émettent une opi-
nion tout à fait contraire.
Chose curieuse ! Tandis que beaucoup de nations imi-
tent les coutumes françaises- je remarque, qu'ici, ce sont des
Français qui, à maints égards, suivent les coutumes des In-
diens. Ils fument dans des pipes indiennes, un tabac pré-
paré à l'indienne, se chaussent à l'indienne, et portent jar-
retières et ceintures comme les Indiens". (3)
. LES TABACS ETRANGERS
Plaçons à côté des notes du savant Suédois, un extrait
de l'ouvrage du canonnier Bonnefons qui vécut au Canada
durant la dernière décade du régime français.
"Le tabac vient fort bien aux environs de l'Ohio, sur-
tout dans la Virginie, la Caroline et le Maryland où le ter-
(3) Kalm. 12 sept. 1749, page 193.
— 294 —
rain lui est favorable et rend sa qualité supérieure, aussi
est-ce dans ces endroits qu'il a le plus propagé et qu'il est
le plus en réputation au Canada. Les Illinois . . . . et les
Natchès cultivent aussi de très bons tabacs qui ne cèdent
pas en force et qualité à celui de Virginie où il est jaunâtre.
Celui des Illinois et des Natchès est très noir, gras et d'un
fort bon odorat " ( 4 ) .
On pourrait encore citer pour prouver la généralisa-
tion de l'usage du tabac, le témoignage de Franquet qui, en
1752 (page 50) note que "l'on donne aux canotiers qui le
transportent, une collation ainsi que du tabac !"
Le major Malartic consigne également dans son jour-
nal, "en 1755, que le 15 juillet on distribua entre autres
choses aux soldats qui partaient avec Dieskau "une livre
de tabac".
Le ,12 avril 1756, Pierre Gaboury dit Saint-Pierre,
forgeron s'engage à partir pour l'ouest avec Pierre Gau-
tier de la Verendrye et le notaire Danré de Blanzy men-
tionna qu'il est promis à l'engagé : 12 livres de tabac à fu-
mer.
. PETUN ET TABAC
Petun et tabac étaient-ils synonymes pour nos ancê-
tres ? Une remarque faite par le canonnier Bonnef ons à la
page 226 de son intéressant ouvrage semblerait avancer le
contraire. "On appelle "petun", dit-il, un mélange de
tabac et de feuilles rouges odoriférantes, recueillies par les
Sauvagesses". ...
D 'autre part, Kalm note en 1749, (page 161) que
"tout le monde, en la Nouyelle-France appelle de son nom
sauvage : Sagackomi, l'arbousier busserole 6u raisin
d'ours" et il ajoute : "que les Français, les Anglais et les
Hollandais ont l'habitude d'en mêler les feuilles avec leur
tabac ' '. Il avait dit auparavant que les montréalistes
mêlaient au petun "l'écorce intérieure du cornouillier san-
guin".
*(4) Bonnefons, Voy. au Can., p. 155.
— 295 —
LES IMPOTS
Très tôt (1670), la mère patrie imposa un droit d'en-
trée de 5 sous sur le tabac et cet impôt subsista longtemps.
En 1719, la compagnie des Indes le percevait encore, mais
en 1748, il semble avoir été réduit à 1 sol, six deniers par
livre.
LES PRIX
Comme on peut se l'imaginer, le prix de cette plante a
varié beaucoup avec les années. M. Gérard Malchelosse
assure qu'il a vu dans un inventaire de 1668, à Champlain,
qu'un habitant de ce lieu avait 40 livres de tabac canadien
prisé à 50 sols la livre. En 1683 (25 juillet) et en 1687
(1er février) le prix était passé à 60 sous la livre. Quel-
ques années après. Basset (22 d.écembre 1693) estime une
livre de "méchant tabac du pays" à 5 sols. En 1736- Ou-
gnet, le directeur du domaine du roi, à Québec, offrait 4
sols la livre aux colons. En 1758, Bonnefons achète 4000
livres de tabac pour 3000 francs, ce qui, nous informe-t-il,
n'était que moitié prix. L'herbe à Nicot valait donc 30
sols la livre. Il s'agissait de tabac récolté dans le centre
de l 'Amérique.
L'APPRET AGE
Le petun de Lambert Closse, en 1662, était en pain de-
2 livres ; pressé sans doute. Le 7 juillet 1678 un docu-
ment contient la mention d'un *'rolle de tabak de 76 livres
pour aller dans les bois". Un autre docmnent de 1683
nous fournit les expressions '*une brasse et demie de
tabac", puis "roUe et rouleaux". En 1738, il est question
de "tabac filé" et aussi que les Français de France deman-
dent du tabac en "manoques", mais que les Canadiens pré-
fèrent le mettre en "rôle". I^es gens du pays préten-
daient que le tabac apprêté de cette façon se conservait
mieux et qu'il se transportait plus aisément.
PIPES
"J'avais appris à fmner au Canada, usage usité chez
— 296—^
tous les habitants ; je conservais une pipe avec son étui
faite en très bon bois et en forme de pistolet". (Bonne-
f ons, page 204) . Cet auteur écrivait ceci en 1760. La pi-
pe dont il parle était-elle de fabrication étrangère ou cana-
dienne ? A en croire le savant Kalm, plusieurs faisaient
usage de pipes en pierre ou calumets, qu'ils se procuraient
des sauvages, mais il y avait dans les villes de la Nouvelle-
France plusieurs ouvriers habiles qui pouvaient tourner
de jolies pipes.
BLAGUES
En 1535, Jacques Cartier avait observé que les abori-
gènes portaient leur tabac dans un petit sac de peau de bête
qu'ils suspendaient à leur cou. Cet usage se conserva
longtemps parmi les blancs. Plus tard, on vit les Cana-
diens se faire des blagues avec les vessies de divers ani-
maux et avec la peau de loup-marin préparée en four-
rure. Ces dernières blagues avaient la forme d'un porte-
feuille et on les fermait au moyen d'un cordonnet auquel
était fixé un cure-pipe en os. Enfin, plusieurs fumeurs
avaient de la prédilection pour des boîtes en métal ayant
l'apparence d'une tabatière.
TABAC A PEISER ET TABATIERE
Prisait-on 1 Certes, et le sieur Kalm le remarque : "la
tabatière aussi est fort à la mode ' ' (page 193 ) . D 'ailleurs
au dix-huitième siècle, le tabac à priser était l'objet d'un
engouement qui s'étendait aux colonies.
En 1758, je. relève la mention "une livre de tabac
râpé" et dans l'inventaire de l'officier d'infanterie P. F.
de Sarrobert (8 janvier 1756), celje-ci : Deux tabatières de
carton dont une à femme valant ensemble 20 sols ' '.
Montcalm devait être un priseur, car il prend la peine
de si:>écifier dans une de ses lettres que le tabac à priser se
vend 24 francs la livre, dans les dernières années du régime
français (5).
(5) Montcalm en Canada, page 311.
- 297
Nous n'avons pas ici à faire l'éloge du tabac, ni à van-
ter l'agrément qu'éprouvent les fumeurs "en faisant envo-
ler dans l'air les volutes bleuâtres de leur bonne pipe de ta-
bac canadien"; contentons-nous de signaler que la presse»
canadienne a commenté avec satisfaction- récemment un
rapport du ministère de l'agriculture dans lequel on lisait
que dans le Dominion, c'est Québec qui produisait le plus
de tabac et le meilleur.
Au cours de l'anné 1920, notre province en a récolté
26,400,000 livres. Ce rapport nous apprend, en outne, que
certaines espèces entrent maintenant dans la fabrication
des cigares et des cigarettes; enfin, qu'il y a là une source
considérable de revenus pour les planteurs canadiens,
particulièrement pour les nôtres.
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTIONS
Dans un travail lu par Andrew Stuart devant la Société Littéraire
et Historique de Québec vers 1829, il est question de chefs sauvages du
Mississipi qui vinrent visiter sir George Prévost à Québec peu avant la
guerre de 1812. Ces chefs sauvages avaient, paraît-il, amené avec eux
une soeur du fameux chef Tecumseh, immortalisé par Parkman. Où
trouverais-je des renseignements sur le séjour de ces Indiens à Québec?
QUEBEC
Sous le régime français, nous avions au Canada une espèce de cons-
cription. Il est certain qu'en temps de guerre les jeunes gens aptes au
service étaient obligés de s'enrôler comme miliciens. Il me semble avoir
vu quelque part que les miliciens ainsi levés pour le SQ^vice de guerre
pouvaient se faire remplacer par d'autres jeunes gens non obligés de servir
à condition toutefois qu'ils les indemnisent. Peut-on me donner des pré-
cisions à ce sujet?
CUEAM
™ 298 —
LETTRES INEDITES DU GOUVERNEUR
D'ARGENSON
DOUBLE DES ADVIS QUE J'AY ENVOYE A MRS DU
CONSEIL (1658)
Selon l'ordre que j'ay reçu de S. M. par l'arrêt du conseil du 7 mars
1657 de représenter les avantages ou les inconveniens qui pourroyent arri-
ver dans l'exécution du dict arrest et voyant que par l'exposition qu'on en
a faite on a eu en pensée de rétablir la traite qui est entièrement avilie et
de rendre la communauté capable de soustenir les grandes charges à quoy
elle est obligée et de sortir des debtes dans lesquelles elle s'engage tous
les jours, pour à quoy réussir on aurait ordonné que toutes les marchan-
dises fussent mises par les marchands dans les magasins pour après en
estre dépa^ty la moitié aux habitans pour estre traitée à l'ordinaire en
payant le quart au magasin et l'autre moitié estre réservée dans les maga-
sins pour estre traitée au profit du magasin, voyant grande difficulté pour
cette distribution de marchandises aux habitans qui avec cela ne manque-
roient pas d'avilir aussy la traite donnant toujours à l'envi les uns des au-
tres aux sauvages à l'appétit d'un petit guain et sur l'autre article ne
doutant point que la communauté ne trouvast l'avantage qu'elle cherche
pour payer les charges et acquitter ses debtes en faisant la moitié de la
traite à son proffit et ayant le quart de l'autre moitié ma pensée est d'o-
bliger tous les marchands à mettre leurs marchandises dans les magasins
pour estre traitées sans en sortir, moitié au proffit djs la communauté et
l'autre moitié au proffit des habitans en payant le quart sans être obligée
d'en faire la distribution, faisant deffenses à tous habitans de traiter en
particulier et parce qu'il n'est pas juste que les habitans soyent tous traités
esgalement, on feroit des classes conformément aux arrests cy devant
rendus, dans lesquelles on regleroit les prétentions des habitans, les mar-
chands mêmes n'auroyent aucun sujet de plaintes leurs marchandises ne
se distribuant que pour du castor qui feroit leur payemens au mesme temps
de la traite ou celles qui ne seroient pas traitées demeureroyent en nature
dans les magasins pour être traitées.
J'adjoute ceci pour plus de lumières ;
Et parce que les marchands vous feroient difficulté de remettre leurs
marchandises dans le magasin alléguant qu'ils n'en recevront le payement
— 299 —
que bien tard on pourra obliger les habitans de satisfaire aux marchands
pour la part dont un chacun aura pouvoir d'entrer dans la traite.
Si les marchands font difficulté pour les marchandises qui se traite-
ront au profîit de la communauté et qu'ils allèguent qu'ils n'en auront
point d'assurance. On leur pourra respondre qu'ils auront préférance
après les charges et je ne pense pas que ces difficultés naissent si on fait
un traité particulier g,vec une compagnie de marchands qui trafique-
roient en ce pays exclusivement à tous autres, mais qui seroient obligés de
me demander la ratification du traité qu'ils auroient fait afin que je
peusse cognoistre s'ils seront avantageux ou désavantageux au pays.
Il faut ajouster que les habitans s'adonneroient d'avantage à l'esta-
blissement du pays et à la culture des terres n'estant pas divertis par la
traite qu'ils font en particulier et recevant le profîit qui auroit esté traité
par eux au magasin pour subvenir aux frais qu'ils sont obligés de faire et
parceque la distribution des habitans dans les classes peut avoir ses diffi-
cultés chacun s'estimant plus qu'il n'est on pourroit scavoir de combien
chacun y veut entrer et s'ils excedoyent les régler.
DOUBLE DE LA LETTRE ENVOYEE PAR LE VAISSEAU DU
SR. GAIGNEUR DU 5 SEPT. 1658
Monsieur, ^
Vous m'avez fait l'honneur de me témoigner si souvent que vous
souetier, (sic) d'aprendre les choses qui se passoient dans nostre nouveau
pais que je n'ay garde de manquer à vous en faire le récit à vous en ren-
dre compte des choses qui se sont passées depuis mon arrivée première-
ment le pays est en guerre et desjà j'ay faict quelques courses pour em-
pescher les Iroquois de s'aprocher si près, mais les bois que nous avons tout
auprès de Québec leur donnent tant de retraites qu'il nous est impossible
de les joindre sur un advis qui nous vint des ennemis j'allay jusques aux
trois-rivières a dessein d'aller jusques a Montréal toais trouvant toujours
les vents contraires et pressé de la récolte auquel temps il fault estre plus
sur ses gardes pour la favoriser je fus obligé de retourner, après vous avoir
parlé de la guerre suit un autre fléau aussy dangereux que celuy là qm est
la pauyreté et sans lequel nous ne craindrions guère la guerre car si nous
avions de quoy entretenir quelques hommes je^ ferois couper touts les bois
les plus proches et qui empe^chent la communication ide plusieurs habita-
tions cette pauvreté procède en partie de l'avilissement de la traicte que
— soû-
les habitants ont reduict à un tel point qu'à peine recoivent-ils des sauva-
ges le prix de leurs marchandises et c'est un désordre auquel il faut
absolument remédier en obligeant de faire la traicte en commun et fai-
sant défense à touts les particuliers de traicter. Il serait aussy à propos
de préférer une compagnie de marchands et exclure tout nos petits mar-
chandeaux de venir en ce pais parce que ceux n'ayant aucun fonds devant
eux ils acheptent chèrement leurs marchandises et nous les vendent de
mesme de plus estant de retour en France. Ils sont pressés de leurs
créanciers de vendre leurs effects et vendent leurs castors à vil pris pour
ne pouvoir atteindre le temps de la vente. C'est à vous, Monsieur, qui
avés une cognoissance parfaite de toutes ces choses de décider.
J'ay esté un peu surpris après avoir entendu les petites contrariétés
qui s'estoient passées entre les R. R. P. P. Jesuittes et Mr. l'abbé de Que-
lus de trouver l'Eglise entièrement paisible et les Eglises bien remplies de
peuple chacun accomplissant son ministère avec beaucoup de douceur et
déférence de part et d'autre jusques à quelques jours avant le despart de
Mr. l'abbé pour Montréal ou il crut devoir s'opposer au mandat de Mr de
Rouen mais comme j'avois peur que la chose n'eut quelque suittes fâ-
cheuses je le priay d'obéir au mandat ce qu'il a fait. Après vous avoir
entretenu de tout le pais il fault que je vous entretienne des choses qui
me regardent et que je vous dise que je prévoy une grande difficulté de
pouvoir subsister en ce pais et que je ne m'étonne nullement de là grande
économie qu'on a attribué à Mr. de Lauzon puisque sans que je sois chargé
d'une grande famille comme il estoit il m'est impossible d'aller bien loing
avec mes appointemens. Feu Mr de Montmagny a esté le seul qui aye
pu réussir parceque outre l'entretien de sa maison et les gages de ses do-
mestiques il touchoit mil écus tous les ans et présentement je ne reçoy
que deux mil escus pour toute ma dépense les deux autres mil escus estant
pour la garnison et vous prandrez le peyne de considérer que je cours les
risques de la mer, de l'aller et du retour. Il est vray que Mrs de la Com-
pagnie m'ont faict cognoistre que je pouvais obliger la communauté de me
faire toucher mes apointemens en France au pris que les castors si vendent,
mais pour cela il fauldroit que je prisse tout le fonds du magasin pour moy
seul puisqu'il n'y a pas un seul marchand qui me veuille faire toucher de
l'argent en France a trente pour cent en le payant ici en castors.
Par la vous jugerez que mes appointemens sont diminués d'un tiers.
Je ne scay si se sont les grandes dépenses que j'ay faict ces deux années
passées qui me donnent l'appréhension des suivantes, mais je vous prie de
... 301 —
considérer qu'il est bien fâcheux à une personne qui vient ici sans aucun
motif de gain de se voir endebter insensiblement comme je le suis déjà à
Mrs de la grande Compagnie de deux mil écus. Je vous demande pardon
dé vous tenir un discours si fort importun mais vous avez la bonté d'écouter
si souvent les pleintes des personnes qui n'ont point l'honneur d'estre co-
gnues de vous que je m'imagine que vous ne rejèterés pas les miennes et
que vous y aporterés les remèdes puisqu'elles viennent d'une personne qui
est avec tout le respect possible,
Monsieur,
Vostre très humble et très Obéissant Serviteur
P. DE VOYER D'ARGENSON.
Monsieur de Morangé. Au dos
Monsieur,
Monsieur de Morangé Coner du Roy ordinaire en ses Conseils d'Estat
et directeur de ses finances.
DOUBLE DE LA LETTRE ECRISTE PAR LE VAISSEAU DU
SR. GAIGNEUR du 5 rbre 1658
Messieurs,
Je vous avois mandé la diligence que j'avois résolu de faire pour
arriver plus promptement à Quebecq et porter si je pouvois les remèdes
nécessaires à quantité de misères qui s'y rencontrent, mon voyage jusques
à l'ile percée à esté de 35 jours mais la guerre des Iroquois avoit empesché
Mr. Dailleboust de permettre à aucuns bâtimens de descendre à l'ile percée
de jpeur d'affoiblir le pays et je trouve qu'il avoit prudemment agi, nous
n'avons pas trop de toutes nos forces cela a esté cause que je n'ay trouvé
aucune commodité de monter a Quebecq pendant tout un mois de séjour
que j'ay fait à la dite Isle enfin le navire du sieur Le Gaigneur arriva
lequel m'a conduit en dix-sept jours icy j'ay trouvé la guerre ouverte et
dès le lendemain je fus obligé àe suivre les ennemis qui avoient tué une
femme Algonquine et blessé deux autres. Us emmenoient deux jeunes
filles, mais nous les suivîmes si vivement qu'ils furent obligés de les aban-
donner. Il nous arrive souvent de semblables alarmes.
Avant de vous entretenir de l'estat particulier du pais il faut que je
vous dise deux grands inconvéniens qui regarde le généj'al auxquels il fault
absolument remédier ; le premier regarde les traictes que les habitans ont
avilie a un tel point que les sauvages ne leur donnoit souvent que la valeur
des marchandises aux pris de France et quelque fois même encore moins
— 302 —
et la vérité de cette dernière proposition se prouve par l'emprunt que les
habitans font des marchandises aux marchands de France dont ils
deviennent insolvables aux mesmes marchands pour avoir traicté à vil
pris le deuxiesme inconvénient est que les marchands sont absolument
résolus de ne revenir plus en ce pais à cause du rabais des castors en
France et sur ces deux chefs je vous diray les remèdes qu'on y peut appor-
ter me proposant seulement de dire mes pensées et vous laisser résoudre,
à l'égard du premier je pense qu'il est absolument nécessaire que la traicte
se fasse en commun sans qu'il soit permis à aucun habitant de traiter en
particulier et afin que pas un ne se plaignent après en avoir parlé aux plus
cognoissans du pais leur pensée à été que l'on en usât comme on a faict à
la traicte de Tadoussac qui est de scavoir pour combien chaseun y veult
entrer et s'il arrive qu'ils exedent la somme à quoy se peult monter la
traicte les retrancher selon les besoins de leur famille.
Pour le second qui regarde les marchands, je ne voy d'expédient que
de lier une compagnie de marchands qui pourront seuls venir en ce pays
premièrement pour bannir tout ces petits marchands qui n'ayant aucun
sou devant eux, sont obliges d'acheter chèrement à la Eochelle et autres
lieux pour le crédit qu'on leur faict de plus afin que les castors estant tous
dans une main forte ils ne soient pas si fort subjects aux rabais comme ils
sont parmy tous les petits marchands lesquels pressés de leurs effects ne
peuvent attendre que la vente en soit faite à loisir. «
Depuis que je suis icy j'ay estably le conseil porté par l'arrest de
1657, mais je ne pense pas que nous puissions arrester Monsieur D'aille-
boust pour directeur premièrement parce que son dessein est de s'attacher
entièrement à Montréal, secondement parce qu'il sait bien que l'arrest ne
pouvant avoir son effet, il n'a pas tout l'employ qu'il avoit projeté, de plus
les fonds de notre magasin estant foibles au point qu'ils sont il désespère
de pouvoir obtenir quelques appointemens , raisonnables.
Monsieur D'ailleboust a trouvé moyen de rendre nul l'arrest que
j'avois obtenu pour toucher mes appointemens mais d'une façon à quoy
vous ne pensez pas c'est qu'ayant ouvert ce discours il m'a d'abord dict que
j'en userois comme je voudrois et sur cela je luy dis que puisqu'il agissoit
de la sorte je n'en voulois rien prendre de tout le temps qu'il avoit servy à
charge qu'il feroit les dépenses de la garnison jusques à la fin de l'année
par là voT^S voyez que mon arrest des appointemens est entièrement inutile
dont je loue Dieu quoy qu'il ne m'en reste aucun proffit de vous envoyer un
— 303 —
extraict des concessions cpie j'ay accordé vous n'aurez qu'a les ratifier par
un acte que vous prendrez la peine de m'envoyer et que je feray insérer au
greffe.
Pour l'exécution de l'arrest il n'est pas à propos d'y penser parce-
qu'il faut premièrement rétablir la traicte en obligeant tous les habitans
de traicter ensemble et taxer à quel prix ils doivent traicter et parceque
nous voyons grande diminution sur les prix des castors et je pense que
nous serons obligés aussy rabaisser le prix si le magasin ne se remplit
davantage je pense qu'il nous sera impossible de vous envoyer votre
millier. J'espère toutefois jusques à la fin parcequ'il est probable que
plusieurs habitans en ont et qu'ils n'ont pas pu acquitter à cause de la
guerre. Monsieur de la Poterie que j'ai continue dans le commandement
des trois-Rivières n'ayant permis qu'a fort peu d'habitans de descendre à
Québec de peur d'afoiblir trop la place.
Nous avons fourny quelque petite somme à Monsr. Denis afin de
poursuivre vos affaires. Il m'a tesmoigné plusieurs fois qu'il auroit bien
voulu s'en descharger mais je pense qu'il desireroit davantage que vous
luy donnassier le moyen de les bien (mot passé dans le texte) et que sa
peyne fut recompensé. Je luy ay conseillé plusieurs fois de n'en entre-
prendre pas tant et d'en finir d'avantage, sy par quelque voie que ce soit
vous pouviez nous procurer quelques hommes entretenus ce nous seroit un
grand avantage, car il est impossible que nos fonds du magasin \f puissent
et si vous exécutés ^ette proposition faite en sorte de nous envoyer des
travailleurs et non pas des soldats parce que les habitans de ce pays de-
viennent bientost soldats mais les soldats ne viennent jamais travailleurs
et dans les temps que les ennemis nous donneront du repos je les emploi-
rois à la coupe des bois qui decouvriroient nos environs et rendroient nos
habitations plus capable de se secourir.
La mission d'Onontai est revenue. Elle estoit ici avant mon arrivée
je trouve que c'est un effect de la providence admirable, car nous aurions
eu grande peyne à la soutenir.
La mort de Monsieur Sevestre a obligé Monsieur D'ailleboust d'en
arrester les comptes j'ai ordonné qu'on en mit la copie entre les mains de
Monsieur Denis pour vous l'envoyer. Il avait là charge de Lieutenant
particulier laquelle après sa mort Monsieur D'ailleboust à fait exercer par
le sieur de Villeray soubs nostre bon plaisir. Je le trouve très capable et
personne à s'en acquitter avec honneur et je ne fais nul doubte que rece-
vant cette gratification de vostre compagnie il n'en aye une parfaite reco-
— 304 —
gnoissance. C'est a luy que Mr. Denis avoit fait opposition pour sa mai-
son, mais je Fay trouvée si fort avancée qu'il auroit été au moins néces-
saire de le dédommager, outre que (mot passé dans le texte) n'est point
du côté de la rade et qu'ainsy on peut dire qu'elle est plustost contre la
bienséance que contre la nécessité. Il n'en est pas de même d'un autre
qui regardoit la rade des vaisseaux et que j'ai ordonnée qui fut levée
parcequ'elle empesche la batterie.
Le sieur de Bécancour n'a pu s'empescher de témoigner sa chaleur
ordinaire sur la conservation du bastiment du Sr. de Villeray sur ce qu'il
disoit en avoir concession mais il a esté bien estonné lorsque je luy ay dit
que ce ne pouvoit estre qu'une surprise puisque si il est vray que le bas-
timent de Villeray nuise à la forteresse du magasin, celle qu'il y bastiroit
à la place causeroit le mesme empeschement et que par là il découvroit
seulement l'intérêt qui le faisoit agir et nullement la pensée de la justice
et de maintenir les droicts de votre compagnie. Il en use de mesme pour
les terres de la Grange il voit que l'intention de vostre compagnie est de
retirer les concessions que Monsieur de Lauzon en a données. Touts se
portent ou à les quitter ou s'en accommoder le seul Mr. Becancourt prend
une concession de vostre compagnie de dix harpens (sic) joignant la cour
de la Grange et des plus à main. Cela renverse tellement tout Fordre que
je souetterois apporter, qu'on ne peut s'imaginer d'avantage. Je vous
avois exposé que la diminution des castors me donneroié beaucoup de peyhe
pour mes appointemens le conseil d'icy qui a jugé fort raisonnable que je
les touchasse en France sans diminution désireroit avoir un arrest du
conseil et pour les authoriseret pour que ceux qui touchent quelque chose'
sur la communauté ne prétendissent pas le mesme avantage. Je vous prie
de le faire donner ; toutes les concessions que je donne de vostre part sont
avec la clause d'y bastir dans l'an et jour à faulte de quoy concession nulle
ce qui m'a obligé de Dire à Monsieur Denis vostre procureur qu'il accom-
modât aussy quelqu'un sur l'arpent que vous luy avez donné auprès la
fontaine de Champlain par ce que ces exceptions sont de si mauvais exem-
ple que toutes pensent être reçues à demander les mêmes grâces quoiqu'ils
ne rendent pas touts les mesmes services. Ce n'est pas qu'il ne faille
considérer la charge de sa famille qui est grande mais dans un temps de
guerre comme celuy cy la commodité de reserrer 2 ou 3 familles présente-
ment l'emporte sur ces pensées éloignées. J'envoye à Monsr. de Lamoi-
gnon les pensées qui me sont venues sur l'arrest donné en 1657 selon qu'il
— 305 —
m'estoit ordonné, je n'ay rien à vous dire d'avantage jusques au départ du
second vaisseau.
Je suis très véritablement,
Messieurs
Vostre très humble et très obéissant serviteur
P. DE VOYER D'ARGENSON.
DOUBLE PE LA LETTRE ENVOYEE PAR LE PREMIER
VAISSEAU DU 5 7bre 1658
Vous voulez que je vous mande tout ce que je scay de nostre Canada
depuis que j'y suis arrivé, je couperai le plus qu'il me sera possible pour
ne pas vous ennuyer, mais aussi je ne vous celeray point les choses qui im-
portent à un pays qui a grand besoin de vostre protection et à laquelle je
ne doubte point que vous ne vouliez continuer par l'interest de la religion
laquelle périroit indubitablement si les François qui sont icy estoient
obligés de quitter un pays pauvre et persécuté de la guerre des Iroquois.
Ces deux qualités ont assez de rapport le pays devenant tous les jours plus
pauvre à cause de la guerre qui seroit fort à mépriser si nous étions bien
riches.
Il faut que je commence par Testât ecclésiastique que j'ay trouvé en
paix à mon arrivée. L'Eglise des P. P. Jésuites fort fréquentées et la
paroisse bien remplie et bien servie les choses aurpient pu continuer ce
mesme trein par le respect réciproque que l'on rendoit des deux costés
mais les R. R. P. P. Jesuittes ont creu qu'ils debvoient faire valoir le
mandat de Mrs de Rouen. Mr. l'abbé de Quélus s'y estoit opposé sur ce
qu'il disoit que leurs lettres n'estoient pas en bonne forme mais comme ce
n'estoit pas à moy' d'entrer dans la cognoissance du fonds et qu'il m'appa-
roissoit un mandat, j'ay porté Monsieur de Quelus à se retirer à Montréal,
ce qu'il a faict et tout s'est passé avec douceur. Je souhetterais que nous
eussions autant de treuve avec les Iroquois qui nous obligent souvent à les
suivre et cela me donneroit peut d'inquiétude si nous avions dans le maga-
sin de quoy fournir à la despense, voulés vous que je vous dise en un mot
ce qui nous seroit absolument nécessaire pour bien establir le pais et
l'empescher de craindre les ennemis ; il nous faudroit cent hommes de
travail passés et entretenus, c'est le plus grand secours qu'on put donner
en ce pais et le vray moyen d'appuyer l'évangile par ce que en ce pais touts
les travailleurs en peu de temps deviennent soldats, mais les soldats ne
viennent pas travailleurs, tellement que lorsqu'il n'y auroit rien à faire
— 306 —
pour la guerre je les emploirais à couper les déserts et rendre nostre pais
hors d'embuscade, mais cette proposition est bien difficile à exécuter du
moins je suis obligé d'en donner les veues et faire cognoistre que c'est la
grande charité qu'on peut peust faire pour le pais sans laquelle il est im-
possible d'avancer le christianisme, j'écris amplement à Mr de la Compa-
gnie sur ce sujet de la traite et des marchands dont il faudroit se servir
pour le trafic du pays. Ils vous en rendront compte lorsque vous dési-
rerez l'entendre et je ne le répète point icy de peur de vous ennuyer et
mesme je finis de vous parler de nos misères pour vous témoigner la joye
que j'ay d'apprendre l'assurance qu'on vous a donné de vostre charge de
président elle ne peult estre plus grande que lorsque vous le serez en effet
car je seray assuré à mon tour qu'on ne vous l'otera pas et que vous pourés
jouir du repos raisonnable que vous vous êtes si souvent figuré au milieu
de vostre travail. — J'avois espéré en venant en ce pays goûter un peu de
ce repos, mais je m'en voy doublement éloigner au dehors par les ennemis
et les petites divisions qui naissent tous les jours parmy nos habitans et au
dedans par la difficulté que je trouve à subsister. Vous ne pouvez vous
imaginer la chereté des vivres outre la difficulté qu'il y a d'en avoir — peut
estre vous souviendrez vous que j'avois proposé à la compagnie en vostre
présence que les castors diminuant de prix je les priois d'escrire en ce pays
qu'on me fit toucher l'argent de mes apointemens au prix que le Eoy l'or-
donoit à quoy le conseil d'icy à bien consenty mais il souetoit en avoir un
ordre du conseil du Roy pour moy seul afin que ceux qui touchent quelque
argent de la communauté ne prétendisse pas la mesme chose, ce qui m'o-
blige de vous prier d'avoir la bonté de faire ordonner par le conseil que
mes appointemens et le fret seront payés en France sans courir la risque
ny souffiir la diminution des Castors. •
La traite a été avilie a un tel point que les habitans sont touts dans
une très grande pauvreté ils sont tous insolvables aux marchands qui leur
ont preste et c'est une chose à quoy il faut travailler uniquement que de
la rétablir et de les obliger à traiter en commun afin que les particuliers
ne puissent continuer ce désordre comme ils l'ont commencé. Il faut
aussy éloigner de ce pays une quantité de petits marchands à qui on vent
chèrement dans les lieux d'où ils partent parce qu'ils prennent tout à
crédit et sont obligés de débiter en ce pays à proportion et de plus lors-
qu'ils sont retournés en France pressés de vendre leurs effets par les
créanciers sont obligés de donner leur castor à vil prix pour ne pouvoir
attendre le temps de la vente des castors Pour cela il est absolument né-
— 307 —
cessaire de lier une compagnie de marchands laquelle nous pourroit faire
quelque avantage au magasin et mesme s'obligeront de passer et les hom-
mes et les tonneai^x de marchandises à un prix plus raisonnable que n'en
usent les marchands à présent je vous demande pardon de vous escrire ces
choses, mais parce que' vous aymes le pais je pense que vous voulez que je
vous dise ma pensée.
Je vous envoyé mes faibles advis que je doibts donner au conseil sur
l'arrest donné en 1657 vous commanderez qu'on y mette l'inscription qui
qui y sera nécessaire j'ay si peu coutume de donner advis à des gens sages
que je ne scais comme il fault comencer mais je scay bien comme il fault
finir en parlant à une personne de vostre mérite que j'honore parfaitement
c'est par une protestation tout entière que je vous faicts de mes très hum-
bles obéissances.
P. DE VOYER D'ARGENSON
NOTE — Cette lettre n'a pas d'adresse mais au bas je vois ces 4 iiii-
titales M. D. L. M. cela me porte à penser qu'elle a été écrite à Mr. Delà
Marguerie.
DOUBLE DE LA LETTRE ESCRITE PAR LE VAISSEAU DU SR.
GAIGNEUR DU 5 sept. 1658
Monsieur,
Tant de personnes vous écriront ce qui s'est passé entre les R. P. P.
Jésuites et Monsieur l'abbé de Quelus que je me retiendré sur les choses
les plus essentielles et que je crois que vous serez bien aize d'aprendre de
moy. Je trouvé l'Eglise en grande union en arrivant à Quebecq quoique
quelque temps auparavant il y avoit eu procès pour la maison des P. P.
Jésuittes et lequel avoit esté bientost terminé, les marquilliers plustost que
Mr. l'abbé ayant emeu une querelle qu'ils n'avoient pu soubtenir depuis
ce temps après mon arrivée le Père supérieur me dit qu'il avoit un mandat
de Mr. de Rouen qui renvoioit Mr. l'abbé à Montréal. Je lui dis que le
P. Lalemant m'en avoit escrit mais qu'afin que toutes choses se passassent
plus doucement je pensois à propos d'attendre le vaisseau chargé en partie
pour Montréal et qui portoit les lettres à Mr. l'abbé, ce qu'il me promit le
vaisseau de Tadourneau ne fut pas plustost arrivé que le perre sup. me
dict qu'il estoit temps que je luy fis response que j'en parlerois à Mr. l'abbé
lequel me témoigna qu'il ne debvoit pas abandonner facilement sur cette
— 308 —
response je dis au P. sup. qu'il vit les voyes qu'il debvoit tenir qui fut de
signifier ses lettres à Mr. l'abbé auxquelles le dit Sr. Abbé s'opposa et fit
response, mais parce que je voyais que ces commancemens pouvoient ame-
ner des suittes fâcheuse je priay Mr. l'abbé de cesser ses poursuittes puis-
qu'il me paroissoit un mandat que vostre compagnie avoit agrée ce qu'il
a fort embrassé et revenant d'une petite course ou je pensois trouver les
ennemis, je le rencontray qui montoit la rivière pour Montréal j'ay eu
beaucoup de déplaisir de ne le pouvoir accompagner mes nos ennemis et
nos récoltes en sont la cause, 11 vous pourra témoigner que je n'ay point
eu d'affection pour Quebecq plus que pour Montréal et que les hommes et
les vivres qui leur ont esté nécessaires et dont Mr. d'Ailleboust m'a dict
avoir besoin, je luy ai donné puisque nous sommes sur le chapitre de Mr.
d'Ailleboust, il fault que je vous dise ce qui s'est passé entre nous. Pre-
mièrement en mon absence il n'a jamais pris la qualité de mon lieutenant.
11 s'estoit emparé de la pluspart de mes meubles et agissoit comme une
personne qui ne m'attendoit plus et mesme avoit touché touts mes ap-
pointemens. Vous ne vous imaginez pas après cette exposition de qu'elle
manière j'ay agi : j'ai faict peu d'estime qu'il ne voulut pas agir en qualité
de mon lieutenant, je luy ay laissé mes apointemens de tout le temps qu'il
a servi l'obligeant seulement d'entretenir la garnison jusques à la fin de
l'année et reprenant mes meubles que j'ay trouvé en nature, je l'ay prié
de me dire en quoy je pourois le servir en ce pays, je l'avois mesme estably
directeur dans le conseil et sans la pauvreté du magasin nous luy aurions
donné quelque apointement ainsy je pense qu'il n'aura pas subject de se
plaindre de moy. Il a désiré s'en aller à Montréal, j'en suis fort satis-
faict :
Il faut à présent que je vous parle des choses qui me regardent et que
je vous disse que je ne m'étonne nullement si aucuns des gouverneurs qui
ont suivi Monsieur de Montmagny n'ont pas receu toute l'aprobation
qu'ils pouvoient espérer par la difficulté qu'ils ont trouvé à y subsister.
Les despences sont horribles et les risques de la mer fort considérables
outre les avaris des marchandises, je ne vous diray rien de ces choses plus
en particulier de peur de vous ennuyer, mais seulement je vous diray qu'il
est absolument nécessaire que j'aye dessoubs moy quelque personne à qui
je laisse le commandement lorsque je suis obligé de quitter quebecq, pour
tacher de joindre les Ennemiscomme cela arrivera fort souvent si la guer-
re continue et mesme l'envoyer lorsqu'il ni a nouvelles que de petites
troupes un apointement de 1000 livres suffira pour cela, lequel je divi-
— 309 —
seray en deux ; je l'aurois bien pu faire mais nostre magasin est si fort
endebté que voyant nostre misère, j'ayme mieux atendre un arrest du
conseil, j'é destiné un de ses deux pour commander en mon absence
]\ronsieur de Musseaux et l'autre ce seroit pour demeurer dans le fort, je
vous dis cecy sans ancore luy en avoir rien communiqué afin que si ses
affaires changent de face qu'il n'en aye point le mal de coeur.
Vous vous souvenez bien que j'avois parlé que je debvois toucher mes
apointemens en France à cause de la diminution des castors à quoy le
conseil de Quebecq a fort consenty n'estant pas juste que je ne touchasse
pas ce que le Roy ordonne, mais il souhoiteroit que le conseil du Roy l'a-
tribuat à mby seul afin que ceux qui touchent quelques apointemens de la
communauté ne demandassent point la mesme chose ■ ainsi Monsieur je
vous suplie de le faire ordoner.
C'est Monsieur, Vostre très humble et très obéissant serviteur
P. DE VOYER D'ARGENSON.
Au dos de la lettre à Monsieur :
Monsieur le Baron de Fancanprès des Carmes au faubourg St-
Germain.
(La fin dans la prochaine livraison)
KEPO»^l<
La houille Manche (Vol. XxVlI, p. 288). — Qui a lancé l'expression "houille
blanche"? Je crois pouvoir répondre à cette question.
Cette expression a été employée tout d'abord à l'exposition de 1889 à Paris,
par M. Berges, l'un des directeurs d'une papeterie de Grenoble, en Savoie. On
lui a cependant contesté la paternité de cette heureuse métaphore désignant la
force motrice qui peut être engendrée par l'eau tombante des torrents et des ri-
vières, en pays de montagnes.
Je profite de l'occasion pour vous dire que l'on appelle "houille verte" l'éner-
gie développable par les cours d'eau de plaine. D'après Georges Bourray, direc-
teur de la Tech7iigne Moderne, l'auteur de cette expression est M. Bresson et elle
remonte à une quinzaine d'années.
Depuis le même temps on désigne par l'expression "houille bleue" l'énergie
qui peut être engendrée par les moulins à marée.
EMILE MILLER
— 310 —
LES ARMOIRIES DE LA COMPAGNIE
DES INDES
La plupart de nos histoires du Canada et de nos petits dictionnaires
historiques ne nous renseignent pas suffisamment sur les deux compagnies
des Indes qui, à quarante ans d'intervalle, au 17ème et au 18ème siècle,
monopolisèrent le commerce du Canada, en tout ou en partie. Souvent
même on ne donne pas à ces compagnies leurs noms exacts.
La première se nommait compagnie des Indes occidentales. Consti-
tuée par l'édit du 28 mai 1664, elle contrôlait le commerce sur le littoral
africain dans les Inde» occidentales et dans l'Amérique du Nord. On la
supprima en 1674. (E. & 0. R., I, 40 et 74).
Au mois d'août 1717, des lettres patentes royales donnaient naissance
à la compagnie d'Occident à qui on accordait les privilèges de commerce
détenus auparavant par le sieur Crozat pour la Louisiane, et par les sieurs
Aubert, Neret et Gayot pour le Canada. (E. & 0. R., I, 377).
Deux ans plus tard le fameux Law obtenait la formation d'une com-
pagnie qui fusionnait : (a) la compagnie d'Occident, (b) la compagnie
des Indes orientales (c) la compagnie de Chine. Ce puissant merger
prit le nom de compagnie des Indes, sans plus de mots. C'est cette der-
nière qui exerça ses privilèges en la Nouvelle-France jusqu'à la conquête,
car la liquidation du système Law en 1721-23 n'affecta pas l'existence de la
compagnie en ce qui nous concerne, du moins.
Arrivons maintenant au sujet de notre article.
Dans les lettres établissant la compagnie d'Occident se lisait le pas-
sage suivant : "Pourra la dite compagnie prendre pour ses armes un
écusson de sinople à la pointe ornée d'argent sur laquelle sera couché un
fieuve au naturel, appuyé sur une corne d'abondance d'or ; au chef d'azur
semé de fleurs de lis d'or, soutenu d'une face en demie aussi d'or ; ayant
deux sauvages pour support et une couronne trefflée ; lesquelles armes nous
lui accordons pour s'en servir dans les sceaux et cachets et que nous lui
permettons de faire mettre et apposer à ses édifices, vaisseaux, canons et
partout ailleurs où elle jugera à propos." (E. & 0. R., I, p. 377, art. LIV
des lettres, pat. d'août 1717).
I
— 311 —
En absorbant la compagnie d'Occident, la nouvelle compagnie des
Indes fit siennes les armoiries de la défunte et les apposa, suivant son droit,
notamment en 1741 lorsqu'elle fit ce curieux et intéressant recensement
des marchandises d'origine étrangère qui se trouvaient dans les logements
de Montréal. En cette circonstance toutes les marchandises venues en
contrebande et possédées par des particuliers, reçurent l'empreinte du
sceau de la compagnie et chacun fut avisé de ne plus avoir de tissus pro-
hibés sous peine d'amende et de confiscation.
De ce sceau aux armes jolies et parlantes, les Arcjiives de Montréal
possèdent une empreinte sur cire rouge et fort bien conservée qui est fixée
sur un document du 1er mars 1728.
E.-Z. MASSICOTTE
REPONSE
Femme noble mariée à un roturier (Vol. XXVII, p. 282.) — Sous
l'ancien régime français, une fem^e noble qui épousait un roturier per-
dait-elle le privilège de noblesse ?
Lange dans sa Nouvelle pratique civile, criminelle et hénéficiale ou
Le nouveau praticien frança,is réformé suivant les nouvelles ordonnances,
répond ainsi à cette question :
, "Oui : tout ainsi qu'une femme roturière épousant un homme noble
devient noble ; de même une femme noble épousant un roturier, devient
roturière, et suit la condition de son mari ; mais si après le décès de son
mari elle déclare en Justice, qu'elle entend dorénavant vivre noblement,
elle recouvre sa qualité et son privilège de noblesse, pourvu que derechef
elle ne se remarie point à un homme roturier. (Néanmoins par arrêt de
la Cour des Aydes du 17 janvier 1676, au rapport de M. Goureau de la
Prouftiere, la veuve de maître Jacques du Boulay, prévôt de Mondidier,
a été condamnée de payer la taille pour trois années, depuis sa viduité,
jusqu'à l'obtention de ses lettres de réhabilitation. Mais nous observons
que celle qui a épousé un homme qui a vécu noblement, comme un officier
de judicature, ou de maison royale, un avocat ou un médecin, doit jouir
des privilèges de noblesse sans aucunes lettres de réhabilitation.) (Et la
jurisprudence de la Cour des Aydes est à présent qu'un femme noble, veuve
d'un roturier qui ne faisait point de profession dérogeante à noblesse, n'a
pas besoin de lettres de réhabilitation)".
— 312 —
LETTRE DE M. DE SALABERRY PERE
à son fils pour le féliciter d'avoir gagné
la bataille de Châteauguay (1er dé-
cembre 1812)
A Beauport, 1er Décembre 1812
Mon très cher fils,
Je viens de voir les Ordres Généraux, il ne se peut rien de plus flat-
teur, pour toi, et conséquemment pour moi. Reçois, mon enfant, les fé-
licitations de ton père après celle de ton Général. Je suis pénétré d'une in-
dicible satisfaction. Elle est bien partagée par ta mère et toute la famille.
On te rend une justice qui t'est bien due : malgré cela j'éprouve un sen-
timent de reconnaissance pour Sir George, de te l'avoir rendue d'une ma-
nière aussi honorable. Tu as eu bien du tourment, bien des peines : eh
bien t'en voilà payé. Tu reçois le prix le plus précieux pour le bon mili-
taire et l'homme d'honneur. L'un et l'autre se trouvent éminemment en
toi, et jamais personne ne le fut d'avantage. Le bonheur que tu mérites
eu ses deux qualités et aussi comme un si bon fils, t'accompagnera toujours
si mes voeux sont exaucés. Je te souhaite toutes les bénédictions que
l'Etre-Suprème puisse répandre sur les humains. Je t'assure, mon en-
fant, qu'un des plus heureux instants de ma vie a été celui oii j'ai vu l'Or-
dre-Général qui te désigne si honorablement. En effet que peut-on avoir
dans la vie de plus agréable que de voir un fils qu'on aime et qu'on estime,
signalé à l'estime publique, et recevoir le tribut d'honne'ur à la tète des
troupes par le Général-en-Chef. Je félicite notre chère aimable Marie-
Anne sur ces circonstances si flatteuses pour son mari et conséquemment
bien précieuses pour elle. Assure là de notre tendre attachement, de
toute la famille qui se joint aussi à tous les sentiments que je viens de
t'exprimer. Tu penses aisément que tout cela vient du coeur. Ainsi en
est-il du parfait attachement de ton bon père et ami.
L. DE SALABERRY (1)
(1) Cette lettre est aujourd'hui en la possession de l'hon. juge Archer, de
Montréal.
313
MANDEMENT DU LIEUTENANT-GENE-
RAL DE LTSLE DE FRANCE
POUR LE TE DEUM ET LES Ri^JOUISSANCES A CELEBREE
' EN FRANCE A L'OCCASION DE LA VICTOIRE DU MAR-
QUIS DE MONTCALM A CARILLON, PRES DU LAC
CHAMPLAIN ET DE L'AVANTAGE REMPORTE
SUR LES ANGLOIS AU PORT DE ST-MALO LE
11 SEPTEMBRE 1758 (1)".
"Messieurs, les avantages remportés par les troupes du RDy au nombre
de quatre mille (hommes) sous les ordres de Monsieur le Marquis de Mont-
calra, proche le lac Champelain oiî ils ont été attaqués par vingt deux
mille Anglois, le nombre de disproportion n'a contribué qu'à combler les
François de gloire, qui ont taillé en pièces leur ennemis, leur ont tué plus
de six mille hommes ; les Anglois non contents de troubler les possessions
d'outre mer du Roy ont fait des efforts prodigieux pour équiper de nom-
breuses flottes pour venir infester .les costes ; comptant trouver celle de
Saint-Malo peu garnye de troupes, ils y sont descendus, mais l'activité de
Monsieur le Duc d'Aiguillon à donner ses ordr^, la vigilance des Troupes
à les exécuter, l'ardeur de la noblesse bretonne a montrer son zèle ont rendu
leur tentative inutile '; malgré la fatigue causée par les marches forcées, ils
ont été les attaquer le unze du mois dernier ; comme ils alloient se rembar-
quer, le nombre des François fut remplacé par une valeur invincible ; les
Anglois soutinrent une heure et demy le chocq, leur feu ainsy que celuy de
leur flotte fut violent, mais ils furent forcés de fuir ; trois ou quatre mille
sont restés sur la place ou noyez' ; l'artillerie ayant coulé trois de leur
vaisseaux à fonds chargés de soldats il a été fait plus de huit cents prison-
niers parmy lesquels plusieurs officiers de la première distinction ; le roy
pénétré de la plus vive reconnoissance, à vue des marques les plus signalez
des faveurs de la Providence, veut luy rendre grâce et écrit à Messieurs les
(1) Cette pièce curieuse a été tirée des Archives de Seine-et-Oise qui l'a-
vaient reçue du greffe de la ville de Poisy. Elle a été publiée dans l'Histoire
chronologique de la Nouvelle-France du Père LeTac éditée par M. Eugène Ré-
veilland.
— 314 —
Eveques da;is l'étendue du gouvernement de l'Isle de France dont je suis
lieutenant gênerai de faire chanter le Te Deum ; nous vous mandons d'y
assister en cérémonie et de donner les ordres nécessaires aux habitans et
bourgeois de la ville de Poissy pour faire tirer le canon et allumer le feu de
joye dans la place ordinaire avec les marques de rejouissance publique et
accoutumée en pareille occasion.
"Je suis, Messieurs, votre affectionné serviteur.
(Signé) "le marquis de GIRONDE (3).
"Par Monseigneur, MIGNEAUX" (3).
(2) Victor-Marie, marquis de Gironde, né le 28 mai 1725, était alors lieu-
tenant-général pour le roi au gouvernement de l'Isle-de-France, dont il avait
été pourvu, sur la démission de son père, au mois de juillet 1757.
(3) Pièce tirée des archives de Seine-et-Oise, France.
A PROPOS DE PIERRE MORTREL <'
Voici quelques notes sur Pierre Mortrel que M. P.-G. Roy a fait con-
naître aux lecteurs du Bulletin en août dernier ; elles sont empruntées à
feu Philéas Gagnon à la mémoire duquel nous en donnons tout le crédit.
Mortrel dut arriver au pays au plus tard à l'été de 1665, car le 8 sept
de cette année il achetait de Jean Picher une terre en l'île et seigneurie
de Liret. — Le contrat fut passé par Auber. Ce fut le même notaire qui
fit le contrat de mariage de Mortrel avec Adrienne DeLastre, le 31 octobre
1665 :
Pierre Mortrel, y lit-on, fils de Guillaume et de Marie Hérisson, pa-
roisse de St. Sieur ? de Rouen, (n'est-ce pas plutôt S. Sever ?), épouse
Adrienne Delastre, fille de Nicolas et de Crette Havry de la paroisse
d'Esterboeuf en Picardie, évêché d'Amiens.
AM. GOSSELIN, Ptre.
(1) Voir Bulletin des Recherches Historiques, vol. XXVII, p. 225.
«
315 —
LE SIEUR DE LA HOUSSAYE FUT-IL LE
DOYEN DES ETUDIANTS EN MEDE-
CINE SOUS LE REGIME FRANÇAIS?
A quel heureux mortel peut-on décerner le titre de doyen des étu-
diants en médecine, avant la conquête ?
Nous mettons sur les rangs, le sieur de la Houssaye qui, en 1756,
avoue 37 étés et, par la même occasion, déclare qu'il étudie l'art de guérir.
L'âge respectable de notre candidat nous laisse croire qu'on ne lui
opposera aucun candidat sérieux et, puisqu'il a de grandes chances d'occu-
per le premier rang, nous essayons de lui arranger une petite notice.
Par devant Pierre Lalaime, notaire de Laprairie, à l'automne de 1756,
comparaît pour son contrat de mariage, un colon gratifié d'une kyrielle de
noms et de titres difficiles à démêler, parce que le notaire écrit en cette
circonstance beaucoup plus mal que d'habitude ; sa plume crache ; la
feuille s'émaille de taches et le papier est si mince que l'écriture du verso
se confond avec celle du recto.
Pour comble, le tabellion estropie et "fricotte" de lamentable façon
les noms patronymiques et territoriaux de son client ainsi que ceux de seB
père et mère.
Comment expliquer le trouble du notaire ? Faut-il le mettre sur le
compte de l'éblouissemeut que lui cause la présence du gentilhomme ?
Ou bien, la bonne fortune qui échoit au fringant escholier de 37 ans, à la
veille d'épouser une sage beauté de 15 ans, éveille-t-elle son admiration ?
Ou plutôt, sans médire de Pierre Lalanne, dont la réputation est excellen-
te, n'a -t-il pu, en une circonstance exceptionnelle, céder à de pressantes
sollicitations et ingurgiter quelques rasades d'une liqueur émotionnante ?
N'insistons pas et extrayons le mieux possible, du document notarié,
le passage qui désigne le professionnel que nous mettons en lumière :
• — 316 —
"2 novembre 1756. . . .Jean-Charles-François de Chabau de la
"Houssaiey, chevallier, seigneur de Euniat (1) Ettruale (2) et autres
lieux, gouv. vicomte de Maricourt, baron de Neuvillette, âgé de 37 ans,
"étudiant en médecine, fils de François de la Houssay (3), chevallier et
"seigneur . . . . et de dame Marie-Louise- Angélique de la Houssay, de l'é-
"vêché d'Amiens, en Picardie ....
Quant à la future, appelée Marie-Hypolite Boyer, âgée, à peine, de
15 ans, elle est de famille roturière et semble n'avoir que sa fraîche jeunesse
pour tout bien et tout titre.
On avait donc jugé que les uns valaient les autres. ,
Cependant, les conventions matrimoniales arrêtées, rien ne va plus ;
le mariage n'a pas lieu et l'étudiant quitte Laprairie.
* * *
Grâce à Mgr Tanguay on retrace bientôt notre personnage. Le voilà
rendu au-dessous de Québec et il réussit enfin à pénétrer dans le conjungo.
Cette fois, il attaque une pimpante veuve de 24 ans qui a déjà eu deux
maris.
Eeproduisons les renseignements du Dictionnaire généalogique :
1759 (9 février) St-Michel (de Bellechasse). — de la Houssaye, Jean-
Charles-François, fils de François- Antoine (sieur Davault) et de Louise-
Angélique de Chabot de Notre-Dame de Méricourt, diocèse d'Amiens, en
Picardie.
Gautron dite la Rochelle, Marie-Elisabeth, née en 1735, veuve en 2e
noces de Michel-François Magnac (1757) et en le noces de Pierre-Fran-
çois Eousselot (1755).
Ce fait accompli, le noble colon prit racine dans la région oii il avait
trouvé femme, car Mgr Tanguay note que M. de la Houssaye "sieur d'E-
treval" était encore à Berthier (en bas), le 2 septembre 1767.
* * *
Et pour n'oublier personne ajoutons un mot sur le sort de la fillette
Boyer. Au mois d'octobre 1760, ayant atteint ses 18 ans, elle épousa Ga-
briel-Amable Guérin.
E.-Z. MASSICOTTE
(1) Ce doit être ce nom qui, à l'intitulé devient "Kermel".
(2) Tanguay, que nous citons plus loin, a relevé "Etre val" à Berthier.
(3) On peut lire Houssaiey, Houssay, Houssoy, et Houssoir.
— 317 —
«
LES ANCETRES DE SIR EVARISTE
LEBLANC
L'ex-lieutenant gouverneur de la province de Québec était-il d'origine
acadienne ? A cette question que l'on vient de nous poser, nous avons ré-
pondu : non, car nous croyons, avec l'aide du Dictionnaire de Mgr Tan-
guay et des archives de Montréal, pouvoir établir la généalogie de cette
famille comme suit :
1. — LEBLANC (Jacques), né en 1636, fils d'Antoine Leblanc et de
Marguerite Boucher, de Saint-Pierre du Pont l'Evêque (1) fut inhumé à
Charlesbourg, le 15 avril 1710 ; il avait épousé à Montréal, le 6 juin 1666,
Anne-Suzanne Rousselin, née en 1644, fille de Philibert Rousselin et d'Hé-
lène Martin, de Saint-Jacques à Mouate. D'après Tanguay, elle aurait
été enterrée à Charlesbourg, le 19 avril, 1710, quatre jours après les funé-
railles de son mari.
II. — LEBLANC (Julien), bap. à Montréal le 21 mars 1667, inhumé
à Montréal le 20 février 1756, épousa à Charlesbourg, le 9 février 1690,
Anne Vannier, née en 1673, fille de Guillaume Vannier et de Madeleine
Bailly, dont la sépulture eut lieu à Montréal le 7 février, 1750.
III. — LEBLANC (Pierre-Louis), bap. à Charlesbourg le 2 mars
1707 ; sép. à Montréal le 10 juillet 1749 ; marié à Saint-Laurent de Mon-
tréal le 27 juillet 1734, à Elisabeth le Meilleur, née en 1714, fille de Jean
Meilleur et d'Elisabeth Verret.
IV. — LEBLANC (Jean dit Jean-Baptiste), bap. au Sault-au-Récol-
let, le 12 octobre 1742 ; marié au même endroit le 25 janvier 1768, à Ma-
rie-Victoire Labelle, fille de Jeaû Labelle et de Marie-Marguerite Dazé.
(1) Actuellement 11 existe deux localités portant ce nom en France.
I^'une est dans le département de Calvados, l'autre dans celui de l'Oise.
— 318 —
V. — LEBLANC (Joseph), né à Saint-Martin, île Jésus, le 8 juillet
1785, marié au même endroit, le 9 février 1807, à Marie-Louise Bergeron,
fille d'Antoine Bergeron et de Marie Marcotte.
L'acte de mariage n'indique pas les noms des père et mère de l'époux,
mais on les relèv^ dans le contrat de mariage dressé par Constantin, le 7
février 1807.
VI. — LEBLANC (Joseph), bap. à Saint-Martin, I. J., le 11 avril
1808 ; marié en premières noces à Saint-Martin I. J., le 12 février 1828,
à Marie-Claire Gravel, fille de Joseph Gravel et de Marie-Louise Prévost ;
sép. à Saint-Martin I. J., le premier octobre 1845 ; et, en secondes noces,
à Sainte-Thérèse de Blainville, le 17 juillet 1849, à Adèle Bélanger, fille
d'André Bélanger et de Pélagie Hardy.
VII. — LEBLANC (Pierre-Laurent-Damase-Evariste). bap. à Saint-
Martin, I. J., le 10 août 1853 ; marié à Saint-Jacques de Montréal, le 12
janvier 1886 à M. Joséphine-Hermine Beaudry, fille de Théodore Beaudry
et de M. Cathe^rine Vallée. Admis au barreau en 1879. Député de
Laval de 1882 à 1908. Président de l'assemblée législative, à plusieurs
reprises. Lieutenant-gouverneur de la province du 9 février 1915 au 18
octobre 1918, date de son décès. Il avait été créé chevalier le 3 juin 1916.
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTION
En 1882, M. Le Tavouilly, propriétaire de l'ancienne maison seigneuriale
de Jacques Cartier, connue aujourd'hui sous le nom de Portes-Cartier et si-
tuée proche de St-Malo, en France, a donné à M. J.-A. Chicoyne, avocat, de
Sherbrooke, un petit vitrail provenant de cette maison. Ce vitrail-souvenir se
trouve actuellement au séminaire de Sherbrooke.
Plus tard, Mme de Ferron, fllle de M. Le Tavouilly, a donné à son tour un
deuxième vitrail de la même provenance à M. le général de Charette pour être
transmis aux Canadiens. M. le général H. de Ferron, le propriétaire actuel
de Portes-Cartier, désirerait savoir où ce dernier vitrail a été placé.
P. -A. BEGIN, Ptre.
— 319 —
REPONSE
Ronald MacDonald (vol. XX Vil, p. 344). — Où est né Eouald MacDo-
nald qui fut d'abord instituteur, puis rédacteur de la Gazette de Québec
et du Canadien ?
Ronald MacDonald entré au Petit Séminaire de Québec en octobre
1812, est inscrit comme venant de l'île Saint-Jean, (Ile du Prince-
Edouard). Dans son ouvrage intitulé : "The Early History of the Ca-
tholic Church in Prince Edward Island", le Rév. John C. MacMillan pré-
cis^ en écrivant, *p. 189 : "Ronald MacDonald of Priest Pond, King's Co."
D'après nos listes, Ronald MacDonald aurait eu 15 ans lors de son
entrée au Séminaire. Il serait donc né en ou vers 1797.
MacDonald avait un talent extrêmement facile. Entré en dernière
classe ou 8e en oct. 1812, ne sachant pas un mot de français, il fit des pro-
grès si rapides qu'on le jugea capable de passer en oe l'année suivante où il
arriva bon premier. De la 5e à la seconde il ne fit qu'un pas et garda la
tête de sa classe. Il en fut de même en rhétorique qu'il termina à l'été de
1816. Après une seule année de philosophie, il entra au grand séminaire
à l'automne de 1817. Il n'y demeura pas longtemps, une année, je crois,
deux au plus.
En 1822, il est étudiant en droit et traducteur français. Il demeure
alors rue St-Jean, numéro 15, tout près de Thomas Levallée, épicier, no
45, son futur beau-père peut-être. On dit que Ronald MacDonald fut
d'abord instituteur.
On trouve un MacDonald enseignant à l'Ecole Anglo- Catholique de
Saiut-Roch, en 1822. De 1824 à 1830 au moins, Kirouaque et MacDonald
tiennent une école rue Ste-Ursule. S'agit-il, dans ces deux cas, de notre
Ronald MacDonald ? Notre correspondant le sait mieux que nous proba-
blement.
AMEDEE GOSSELIN Ptre.
— 320 —
PIERRE MORTREL <''
A ])ro])os du })remier bienfaiteur de l'Hôpital-Général de Québec,
dans la dernière livraison du Bulletin, P.-G. R. nous prévenait ainsi:
"Ne prenez })a8 la ])eine de chercher le nom de Pierre Mortrel dans le
Dictionnaire . . . de Mgr Tanguay. Vos recherches seraient vaines. Le
Dictionnaire généalogique ne fait, en effet, aucune mention de Pierre
Mortrel, non plus que de Adrienne de Lastre, sa femme." P. -G. R. a la
réputation méritée de n'avancer pour ainsi dire rien dont il ne soit per-
sonnellement sûr et c'est pourquoi, j'en suis convaincu, bien peu de
personnes, après la lecture de l'avis précité, auront été tentées de chercher
après lui ce qu'il n'avait pas trouvé. J'aurais suivi de même, comme à
mon habitud, mais Je me suis rappelé que l'auteur de Mgr Vallier
el de l'Hôpital- Gêné rai avait d'abord constaté lui-même (p. 214> la
même lacune dans Tanguay et je me suis demandé si P. -G. R., dérogeant
])our une fois à ses habitudes de vérification personnelle, ne s'était pas
contenté d'accej)ter l'affirmation de l'annaliste de l'Hôpital. C'est ce qui
me paraît bien être arrivé en effet, car il n'est pas exact de dire que Mgr
Tanguay a aublié dans son Dictionnaire le ménage Mortrel-De Lastre.
Si Mgr Tanguay est coupable, il ne l'est qu'à demi; tout son tort consiste
à avoir un peu estropié le nom de Mortrel et à l'avoir, par suite, placé
au mauvais endroit, dans l'ordre alphabétique.
Si l'on réfère à la page 414 du vol. I du Dictionnaire, l'on y trouve
mention de Pierre Martelle, de Rouen, marié à Adrienne de l'Astre,
d'Elboeuf, évêché d'Amiens, en Picardie. Bien plus, Mgr Tanguay y
relève la date de leur mariage, le 16 novembre 1665, à Château Richer.
L'auteur du Dictionnaire généalogique désappointe si souvent les
cbercheurs que nous sommes souvent portés à oublier les immenses services
qu'il nous rend, pour ne penser qu'à ses imperfections et à ses erreurs.
Je suis heureux, pour ma part, d'avoir contribué à décharger ses épaules
d'une faute au moins qu'il n'aura pas commise.
AEGIDIUS FAUTEUX
(1) Voir Bulletin des Recherches Historiques, vol. XXVII, p. 225.
BULLKTIN
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
rOL. XXVII BEÀUCEVILLE- NOVEMBRE I9ZI Ns II
LES RESIDENCES SUCCESSIVES DE
Mgr DE LAVAL A QUEBEC
Le 15 juin 1659, vers les six heures du soir, le navire
qui avait transporté Mgr de Laval dans la Nouvelle-
France jetait l'ancre devant Québec. L'évêc^ue de Pétrée
était accompagné d'un Jésuite, le Père Jérôme Lalemant,
de trois prêtres, MM. Jean Torcapel, Philippe Pèlerin et
Charles de Lauzon-Charny, fils de l'ancien gouverneur
du Canada, et d'un simple tonsuré, M. Henri de Bernières,
qui devait devenir le premier curé en titre de Québec.
Mgr de Laval ne débarqua que le lendemain.
Le Journal des Jésuites note très sobrement la récep-
tion faite à Mgr de Laval : '*Nous reçûmes en procession
M. l'évêque sur le bord de la rivière et en l'église de Qué-
bec." M. l'abbé Auguste Gosselin, à l'aide de la Relation
de 1659, nous donne un peu plus de détails sur la journée
du 16 juin 1659 : "A peine, dit-il, Mgr de Laval eut-il mis
pied à terre, que le canon du fort se fit entendre; et le
prélat, revêtu de ses habits pontificaux, la mître en tête
et la crosse à la main, fit descendre du ciel sur cette foule
agenouillée dans la poussière, la première bénédiction
épiscopale dont ces lieux furent témoins. Il reçut ensuite
les hommages du gouverneur, du supérieur des Jésuites
et de tous les principaux personnages présents; puis la
. ^,^-::;^ 322- --,..,.
procession se mit en marche vers l'église paroissiale, le
prélat s 'avançant majestueusement, accompagné du gou-
verneur et du supérieur des Jésuites, et continuant de
bénir les fidèles qui accouraient, sur son passage pour le
voir".?- ''Il paraissait,. dit le P. Lalemant, comme un ange
du Paradis, et avec tant de majesté, que nos Canadiens
ne pouvaient détacher leurs yeux de sa personne."
Comme il n'y avait pas encore de presbytère ni de
maison épiscopale à Québec, Mgr de Laval fut d'abord
l'hôte des Pères Jésuites. Il resta quelques semaines
avec eux.
Mgr de Laval se transporta ensuite chez les Hospi-
talières de l'Hôtel-Dieu. ''Chez les Hospitalières, dit M.
de LaTour, il se logea dans un appartement dépendant de
l'hôpital. Il y demeura près de trois mois. Il y fut traité
autant que la pauvreté de la maison le permettait, avec
beaucoup de jDropreté et de zèle, quoique très simplement.
Mais cette simplicité ne lui suffisait pas; il se plaignait
toujours qu'on en faisait trop, montrait du dégoût pour
ce qui était bien apprêté, et affectait au contraire une
sorte d'avidité pour ce qu'il y avait de moins bon."
Au mois de novembre 1659, Mgr de Laval et ses prê-
tres prirent leur logement dans le pensionnat sauvage
des Ursulines qui portait alors le nom de Séminaire. Dans
une de ses admirables lettres, la vénérable Mère de l'Incar-
nation dit, parlant de Mgr de Laval : "Nous lui avons prêté
notre séminaire qui est à un des coins de notre clôture et
tout proche de la paroisse. Il y aura la commodité et
l'agrément d'un beau jardin, et afin que lui et nous soyons
logés selon les saints canons, il a fait faire une clôture
de séparation. Nous en serons incommodés parce qu'il
nous faut loger nos séminaristes dans nos appartements :
mais le sujet le mérite, et nous porterons avec plaisir
cette incommodité jusqu'à ce que la maison épiscopale
soit bâtie."
Dans un rapport envoyé au Saint-Siège en 1660, Mgr
— 323 —
de Laval dit au sujet de la petite maison louée des Ursu-
lines: "Nous la trouvons assez riche parce qu'elle suffit
à notre pauvreté. Nous avons avec nous trois prêtres,
qui sont nos commensaux, deux serviteurs, et c'est tout."-
A la fin de 1661, Mgr de Laval quitta les Ursulines
l)our aller passer l'hiver avec les Pères Jésuites.
Au printemps de 1662, Mgr de Laval, ayant acheté
une vieille maison bâtie à peu près sur le site du presby-
tère actuel de la haute-villè, il s'y logea avec ses prêtres.
Le 12 août 1662, Mgr de Laval s'embarquait pour la
France. Pendant son absence, M. l'abbé de Bernières,
curé de Québec, fit détruire la vieille maison que l'évêque
venait de laisser et la remplaça par un édifice qui coûta
huit mille cinq cents livres.
A son retour à Québec, le 7 septembre 1663, Mgr de
Laval prit possession de la maison construite par M. de
Bernières. Il lui dotina le nom de séminaire. Dans un
rapport fait au Saint-Siège en 1664, l'évêque écrit: "J'ai
établi mon domicile dans mon séminaire; il y a là avec
moi huit prêtres, que j 'envoie, suivant les besoins et à ma
discrétion, dans les différentes missions de mon vicariat,
ou que j'occupe sans relâche à d'autres fonctions ecclé'
siastiques. ' '
Le 15 novembre 1701, vers une heure et quart de
l'après-midi, le feu se déclarait dans le séminaire de Mgr
de Laval. Tout l'édifice fut détruit. L'évêque, retenu
à sa chambre par la maladie, fut sauvé difficilement et
transjDorté chez les Pères Jésuites. Il y resta jusqu'à la
Saint-François-Xavier.
Mgr de Saint-Vallier avait acheté quelques années
auparavant la maison du sieur Provost (dans le parc
Montmorency-Laval actuel) pour la transformer en évê-
ché. Les travaux de construction et de réparation
n'étaient pas terminés. Mgr de Laval se fit aménager
quelques chambres dans cette maison et y resta uûe couple
d'années.
— 324 —
Il retourna ensuite au séminaire de Québec où on lui
donna une salle appelée l'infirmerie.
Le 1er octobre 1705, le feu chassait encore une fois
Mgr de Laval de son logement. Les étages supérieurs du
séminaire furent détruits. Pour la troisième fois, Mgr
de Laval reçut Phospitalité des Pères Jésuites. Il y de-
meura deux mois.
Dans l'intervalle, on s'était hâté de préparer un ap-
partement à Mgr de Laval dans la partie du séminaire
que les flammes avaient épargnée. Cette aile du sémi-
naire portait alors le nom de porterie. C'est la chapelle
intérieure actuelle. C 'est dans cette pièce que décéda Mgr
de Laval le 6 mai 1708.
Récapitulons: de 1659 à 1708, Mgr de Laval avait
habité: lo chez les Jésuites; 2o à l'Hôtel-Dieu; 3o chez
les Ursulines; 4o chez les Jésuites; 5o petite maison de
la rue Buade ; 6o séminaire de la rue Buade ; 7o chez les
Jésuites ; 8o maison de la côte La Montagne ; 9o au sémi-
naire de Québec; lOo chez les Jésuites; llo au séminaire
de Québec.
Ajoutons que les renseignements qui précèdent nous
(mt coûté peu de recherches. Nous les avons empruntés
à la Vie de Mgr de Laval de l'abbé Auguste Cosselin et à
V Histoire du palais épiscopal de Québec de Mgr Henri
Têtu.
P.-G. R.
QUESTION
Dans son Histoire du palais épiscopal de Québec (p. 37), Mgr Têtu
écrit qu'en 1705 MM. de Beauharnois et Eaudot allèrent occuper la mai-
son qui appartenait à Mgr de Saint- Vallier, alors en Europe, "chassés eux-
mêmes par l'incendie du palais de l'entendant." Il doit y avoir eu dis-
traction de Mgr Têtu ici car ce n'est pas en 1705 que fut détruit le palais
de l'intendant mais en 1713 puis en 1726 ?
X. X. X.
... 325 —
LES CHIRURGIENS ET MEDECINS DE
LA REGION DE MONTREAL
Aui notice!-; déjà publiées dans cette revue sur les chirurgiens et
les médecins de la région de Montréal sous le régime français, il nous est
possible d'ajouter des renseignements et des noms nouveaux.
1660 — FnmçoÙH Caron. — Le 3 février 1660, il s'engage au sieur
Etienne Bouchard en qualité de "serviteur chirurgien". M. 0. Lapalice
a relevé, dans les archives de Notre-Dame, la note suivante "En 1661,
le même Caron, chirurgien, réclame de la Fabrique la somme de 10 livres
})0ur une année de ses services." Ijc sieur Caron semble avoir quitté
Ville-Marie en 1662.
1688-1680 — Jean Rouxcel de la Rousselière. — Son nom est men-
tionné dans nos archives en 1688, pour la première fois. Au mois de
juillet 1669 il partait avec Cavalier de la Salle et une vingtaine d'hom-
mes pour la région des grands lacs. . . Il revint au pays et fut témoin
dans le procès de l'abbé Fénélon, en 1674. Rouxcel suivit de nouveau
de la Salle dans ses expéditions, puis l'abandonna en 1680. Suite, Le
fort Frontenac.)
1730-1744 — Joseph Lalanne. — Ce chirurgien, né en 1704, était
fils de Pierre Lalanne, chirurgien, et de Marie Lartigue, de Montessau,
diocèse d'Auch, en Gascogne. Il épousa à Laprairie, le 23 janvier 1730,
Charlotte Pinsonneau, puis, le 20 octobre 1738, il convola avec Suzanne-
Françoise Rougier. (Tanguay, V, 99.)
1738 — Etienne- Julien Rousseau. — Fils d'un notaire royal et pro-
cureur fiscal en la ville et diocèse de Luçon, en Poitou. Le 20 juillet
1738, le notaire F. LePailleur dresse son contrat de mariage et le futur
époux y déclare qu'il est "ayde chirurgien à Montréal". La future,
Agathe-Charlotte, était âgée de 21 ans et fille de feu J.-B. Mauriceau,
"vivant interprète pour le roi de langues étrangères", et de Suzanne Petit
de Boismorel. Furent présents et signent au contrat: Joseph Benoit,
"médecin du roi", et Claude Benoit, "chirurgien pour le roi". La céré-
monie du mariage eut lieu le lendemain.
— 326; —
. 1751-1Î54 — ^ Jean Bour dais.— Fih de Julien BouTd^^s,, et de Eené«
Gruillois, de Saint-Vincent, diocèse du Mans. I)ans son contrat de ma-
riage par devant Mommesqué, le 16 janvier 1751, il prend la qualité de
chirurgien. Le 18, il épouse, à Sorel, Catherine Vacher dite Lacerte,
veuve de Pierre Tessier. Sa présence est encore constatée au même
endroit en 1754.
1753-1756 — Nicolas MoranL — Son père, Nicolas Morant, char^
pentier du roi, était maître de la pension la plus réputée de Montréal à
cette époque. Au contrat de mariage du fils Morant, le 15 octobre 1752,
par devant le notaire Foucher sont présents : Ferdinand Feltz, chirurgien
major pour lé roi de la ville de Montréal, Madeleine Gruyon-Després,
épouse de M. Damours de Clignan court, Paul Jourdain La Brosse, "ins-
culteur de la ville", Pierre Puybàrau, chirurgien, Joseph Boucher de la
Brbquerie, Charles de Saibrevois, capitaine. Clément de Bleury, "La
Gritte Bleury", Noyelle de Fleurimont, Agathe Hertel Sermonville et
autres. La future était fille du notaire royal Antoine Loiseau dit Cha-
lons, de Boucherville, et le mariage eut lieu à cet endroit le 17 octobre.
Le chirurgien Morant fut témoin au contrat de mariage de J.tM. EouUet
du Chatellier, au mois de septembre 1756, puis nous perdons sa trace.
Mgr Tanguay le nomme Moreau, au volume VI, p. 92, de son Diction-
naire.
1756-1767 — J ean-Charles-François de la Houssaye. — Etant âgé de
trente-sept ans et se disant "étudiant en médecine", ce noble personnage
fait dresser son contrat de mariage à Laprairie le 2 norembre 1756.
Mais l'union qu'il projetait ri*eut pas lieu et le gentilhomme quitta les
environs de Montréal. Trois ans plus tard, on le retrouve à Saint-Michel-
de-Bellechasse, où il épouse, le 9 février 1759, Marie-Elisabeth Gautron
dite LaRochelle, déjà deux fois veuve, à l'âge de vingt-quatre ans. Le
sieuT de la Houssaye vivait encore dans la région du bas du fleuve en
1767.
1756 — .... Barbiez. — A un acte du notaire Danré de Blanzy du
21 juillet 1756, est annexé un consentement de Pierre Joinville, second
capitaine de la seigneurie de l'Ile du Pas. Cette pièce avait été rédigée
à Berthier le 26 février 1756 en présence du "chirurgien Barbiez". Il signe
Barbiez.
1757-1777 — Guillaume Labatte, chirurgien et sergent au régiment
de Béarn, venait de la Chapelle, évêché de Lectoure, Gascogne. Le 8
— 227 —
j[^yiéyr i757,il:Jfiaît; (ïresser son contrat de mariage par le^èltaire Loiseau,
puis, le 10 janv-ier, il épouse, à Boucherville, Archange Lamoureux, qui
décède en 1776. Le 12 mai 1777, il convole, à Terrebonne, avec Anne-
Antoinette, fille du notaire Gruillet de Ghaumont. Le chirurgien Labatte
a Tésidé successivement à Longueuil et à Terrebonne.
1758 — Jean Ducondu. — îs'atif de Barbaste, évêché d'Agen (dépar-
tement de Lot-et-Garenne), il épousa Marie- Josephe Bourdon, à Lavaltrie,
le 7 janvier 1758. Deux Jours plus tôt, le notaire Monmerqué avait dressé
son contrat de mariage. Ce Ducondu est le premier du nom en ce pays
à rencontre de ce que laisse entendre Mgr Tanguay, au vol. III, p. 498,
de son Dictionnaire,
1760-1779 — Jean-Baptiste Jobert. — Le 4: février 1760, Jean-Bap-
tiste Jobert, chirurgien de la flûte du roi La Marie, épouse, à Montréal,
Charlotte Larchevêque. Il était fils d'un chirurgien de la paroisse Saint-
Martin, diocèse de Langres. Jobert portait encore son titre de chirurgien,
lorsqu'au mois de janvier 1779 il maria sa fille à Joseph Frobisher, l'un
des fameux traiteurs de pelleterie de la fin du dix-huitième siècle.
E.-Z. MASSICOTTE
QUESTIONS
L'rie pièce manuscrite que j'ai en ce moment sous les yeux parle du
naufrage du navire V Alexandre, de Bordeaux, sur les côtes de l'île d'An-
ticosti vers 1747 ou peu après. Est-il question de ce naufrage dans nos
histoires du Canada ? Sait-on si les passagers et l'équipage de VAÎexandre
furent sauvés ?
A.é.
Lors de la célébration du 35e anniversaire de la fondation de l'Institut
Canadien-Français d'Ottawa, eu 1879, M. Douglas Brymner, très sympa^
thique à notre race, disait : "L^n écrivain américain, le Eevd. M. Abbott,
nous assure positivement qu'il u'existe parmi les Canadiens-Français ab-
solument rien qui mérite le nom de littérature. La présence ici de tant dé
bénédictins canadiens qui ont écrit, et je puis dire admirai) le ment écrit
tant de choses, montre dans quelle erreur ce. monsieur vert quelques autres
sont tombés". ,.,:,,. ,,j,-
Qui était ce M. Abbott ? Où a-t-il publié cette appréciation ;^.|>eu
flatteuse pour nos littérateurs ? J'aimerais bieh a lire son texte même.
— 328 —
LETTRES INEDITES DU GOUVERNEUR
D'ARGENSON
DOUBLE DE LA LETTKE ECRISTE PAR LE VAISSEAU DU
GATGNEUR PARTI LE 6 SEPTBRE. J'Y AY AUGMENTE
DEPUIS LE MOT A LA MARGE AJOUTE.
. (Suite et fin)
Kebec 5 septembre 1658
Je vous ay escrit de l'Jsle Percée que ma traversée n*avoist esté que
de trente cinq jours mais comme il n*y avoit aucune commodité de passer
à quebecq faulte de bastimens pour un voyage comme celui là qui est de
six vingt lieux dans une rivière mil fois plus dangereuse que celle des
Goblins dans ses desborderaens, j'ay atendu un mois entier un vaisseau
qui est vaisseau du sieur Gaigneur apelé Prince Guillaume dans lequel
j'ay encore esté dix sept jours à venir à Québecq qui fut le dix juillet. La
surprise fust grande dans les esprits qui ne m'attendoient point et je ne
leur en donay aucune nouvelle que cinq heures avant mon arrivée si bien
que rg. s m xmpmd eh. n. S ( 1 ) n'eust pas tout le temps qu'il eust bien soue-
té. Le R. P. supérieur des missions se trouva avec plusieurs de sa Cie à mu
dessente du vaisseau et Mr. l'abbé de Quelus avec quelques ecclésiastiques
me fit aussi cet honneur. Je vis avec tant d'intelligence avec 17 qu'il ne
se peult davantage. J'espère vous en dire un petit mot en quelque
endroict de ma gazette et pour n'interompre pas mon discours, je vous
diray que le lendemain de mon arrivée nous eusmes les Iroquois sur les
bras qui tuèrent une femme algonquine. Aussitôt je fis prendre les
armes à tous les habitans et m'en allé les chercher quelques uns de nos
sauvages qui ont le pied plus vite que les autres et avec deux de nos
françois les suivirent si vivement qu'ils abandonnèrent deux jeunes filles
algonquines qu'ils emmenoient. Et voilà tout le succès de cette journée
à deux jours de la un de nos françois tira sur un Iroquois fort proche
de l'enclos des Mres hospitalières (?) mais comme il estoit nuit nous
remismes au lendemain et à la pointe du Jour, je partis avec ce qu'il y
a d'habitans capables de pareille course qui estoient au nombre de cent
(1) D'Ailleboust, sans doute.
— 329 —
soixante et après six heures de marche nous ne rencontrasmes que quelque
piste et il nous fut impossible d'en joindre aucun, mais quoy qu'il soit
fort difficile de les engager au combat néantmoins je me resous de mar-,
cher en bon ordre à toutes les nouvelles assurées que j'auray des ennemis
afin de les éloigner au moins de nos habitations si nous ne les pouvons
chasser entièrement. Voilà ce qui m'est arrivé dans le commencement,
je vous écris à diverses reprises selon les jours, le 28 Ju les ER. PP.
Jesuittes m'invitèrent à disner, ils avoient aussy invité Monsieur l'abbé
de Quélus et après vespres ils firent une petite action par leurs Ecoliers
qui temoignoit beaucoup de joye de mon arrivée le premier aoust, les
sauvages me vinrent saluer et m'apporter leurs présens un pour me témoi-
gner la joye de mon arrivée et l'autre pour me faire cognoistre l'espérance
qu'ils avoient conçue que je les delivrerois de leurs maux, et que je ne
les abandonnerois pas. Je leur dis une responce conforme à leurs senti-
mens et le lendemain je leur fis festin aie mie spese lequel consistoit en
sept chaudières de communauté pleines de bled d'Inde, de poids, de
prunes, desturgeons d'anguilles et de graisses, ce qu'ils dévoroient après
avoir chanté a leur mode, côme j'ai résolu de vous mander selon les
temps que les choses se sont passées, il faut que vous scachiez que j'avois
remis l'affaire des E. P. Jesuittes et monsieur l'abbé de Quelus à l'arrivée
du vaisseau chargé en partie pour Montréal apelé Tadourneau ( ?) afin
que Monsieur de Quélus fut pleinement informé des intentions de sa
compagnie et qu'il se portât plus facilement à céder la jurisdiction à
laquelle les P. Jesuittes sont destinés et côme je ne faisois nulle doubte
que toutes choses ne se passassent avec beaucoup de civilité de part et
d'autre. 11 s'est néantmoins élevé quelque petit nuage que N. S. a dissipé
bientost, voicy comme la chose s'est passée voyant que Monsieur l'abbé
de Quelus a\'oit eu le temps de lire ses lettres, je luy dis qu'il estoit aussy
temps de se (lis])oser aux ordres de Mr. de Eoûen sur quoy il me fist
response qu'il trouvoit que les PP. ne pouvoient avec conscience user de
ces pouvoirs pour a\oir beaucoup de défaults. Ainsy voyant sa pensée,
je dis au E. P. supérieur qu'il ])ensât à agir pour se mettre en possession.
La première qu'il fit fut de vouloir insinuer furtivement à mon greffe et
sans m'en demander ])ermission le mandat de Mr. de Eouen, lequel ayant
signifié a Mr. de Quelus, le dit sieur de Quelus y fit quelque réponse après
laquelle le E. P. supérieure me vint trouver et me dict qu'il avoit insinué
le mandat au greffe, je luy dis que je n'en avois aucune cognoissance et
— 330 ---
qu'on debvoit m'en avoir parler et puis voyant son esprit irrité contre la
réponse de Mr. de Quelus et qu'il disoit qu'il déclameroit contre autre-
ment, je luy fis deffense et à luy et a touts les siens d'en toucher aucune
chose publiquement ce que je déclare au dit sieur abbé de Quélus et que
celuy qui y contreviendroit, je ne manquerois pas de l'envoyer en France
justifié son j)rocédé et parceque je voyais que la suitte de ce commence-
ment ne pouvoit estre que très dangereuse voyant qu'il m'apparoissoit un
mandement et que ce n'estoit pas à moy de juger s'il avoit des desfaults
j'ay porté Mr. l'abbé de Quélus à se retirer sans faire aucune poursuitte
davantage ce qu'il a faict et s'en est allé à Montréal, cela a un peu alarmé
nostre pais d'autant que ce qu'il y avoit de prestres ont quitté à la reserve
d'un viel habitant plus capable d'estre gouverné que de gouverner des
consciences et un autre qui n'est nullement dedification dans le pays,
quoy que je ne scache pas de mal de luy tout à faict, tellement que la
ghenne des consciences qu'ils se sont imaginés leur donne quelque inquié-
tude, je ne ])uis pas bien sur ce point vous dire ce qu'on pourroit faire (2)
leurs fonctions et missions indépendamment les uns des autres, si ce
n'est qu'il vienne un Evesque auquel cas je croy qu'il est facile d'ajuster
toutes les choses, puisque nous voyons qu'il est désiré de touts, mais il
ne faut pas s'imaginer qu'un Evesque puisse subsister de peu de chose,
je scay par mon expérience qu'il m'est comme impossible de subsister
pour ce qui est de la seureté d'un Evesque je la tiens assés raisonnable.
Je vous écris les choses qui se présentent en passant. Il faut encore que
vous apreniez l'Etat dans lequel j'ay trouvé l'Eglise de Canada à mon
arrivé. J'ay veu l'union entre les R. PP. J. et Monsr. l'abbé de Quélus.
J'ay trouvée la paroisse fort bien servie et remplie de beaucoup de peuple
et j'ay veu aussy les confessionnaux des PP. fort fréquentés, voila comme
les choses ont esté jusques au départ de Mr. de Quélus, et pour achever
cet article il fault que je vous dise que si nous avons besoin de prestres,
il est aussi nécessaire que leur vertu ne soit pas commune après l'état
spirituel dont je vous ay parlé suit l'estat temporel que les procès et la
pauvreté et l'inclination à la bonne chère ruine entièrement pour le
premier de ces désordres je pense en venir à bout, si ce n'est dans les
rencontres où il faut absolument payer, car nos habitans n'ont point
encore trouvé le secret de faire de l'or, quand ils doibvent ; pour le second
ils pourroient peut estre le diminuer s'ils vouloient retrancher leur dépense
(2) Quelque chose passé dans le texte.
— 331 —
precipalement dans leur boissons qui est le 3e désordre que je blasme
souvent en général dans la conversation. Voilà succinctement et de peur
de vous ennuyer l'estat général car je me réserve en parlant plus en
particulier vous dire sa force et les pensées qui me viennent pour les
fortifier et le rendre moins accessible aux ennemis.
Je vous ay dict au commencement que personne ne m'attendoit en
ce pais et moins r g sm xmpm chz 8(3) qu'aucun. Il avoit pris possession
de la meilleure partie de mes meubles et provisions et s'estoit estably comme
une personne qui n'en debvoit point sortir. Il n'a jamais faict aucun
acte comme mon lieutenant et néantmoins j'ay dissimulé toutes ces choses,
je me suis contenté de luy faire rendre les meubles qu'il avoit en nature
à l'égard de mes apointemens voyant qu'il n'avoit pas pu tenir cette place,
sans despense je luy ay abandonné pour le temps qu'il a servi l'obligeant
seulement d'entretenir la garnison toute l'année et afin qu'il restât icy
en quelque considération je l'avois estably directeur du conseil, mais par
ce que nos fonds ne permettent pas de luy attribuer des apointemens et
qu'en vérité les fonctions d'un directeur n'en mérite guerre je pense que
cela la faict résoudre de se retirer à Montréal pourveu que ce soit à la
gloire de nostre maistre,^ il ne m'importe.
Sur les advis que je receus des Trois Rivières que deux Iroquois
estoient venus parler et que le sieur de La Poterie n'en avoit retenu aucun
ne doubtant nullement que ce ne fut quelques avant coureurs de l'armée
qui estoient venus observer la garde et la contenance des habitans de ce
poste, je m'y en allé en diligence avec plus de cent françois et cent sau-
vages et voyant après la découverte faicte qu'il ne paroissoit rien après
avoir donné les ordres à Mr. De la Poterie qtie j'ay continué gouverneur
de ce lieu, je passé jusques à douze lieues dans les Isles où ils ont coutume
de faire leur chasse et l'assemblée de leur armée et après avoir séjourné
quelques jours à l'ancienne place du fort de Richelieu, le vent ne me
permettant pas de remonter la rivière pour aller à Montréal je fus obligé
de m'en revenir pressé de la maturité de nos moissons à cause de plusieurs
hommes de travail que j'avois avec moy.
Je n'ay plus à vous entretenir que de deux choses, la première est
de l'avilissement de la traicte causée par les habitans et de vous prier
d'exiter Mrs de la Grande Cie d'y remédier. La seconde à quoy je vous
(3) D'Ailleboust.
— 332 —
prie aussy de vous appliquer est de parler aussy à ces Mrs de la grande
compagnie, d'engager une compagnie de marchands de faire seuls le
trafic, j'écris amplement à ces Mrs sur les deux articles, ils pouront vous
le communiquer si vous le désirés.
J'oubliais de vous dire que les PP. Missionnaires se sont retirés
d'Onontae. de blâmer ou d'approuver leur retraicte ce n'est pas à moy.
Eux seuls en peuvent être les juges ce qu'il y a de fâcheux c'est de se
retirer d'un pais sans ordre et sans aucun fruict de la grande despense
qu'on y a faict, pour moy je vous avoue que c'est un effect de la providence
tout visible à mon égard qui n'aurois pas pu les soubtenir dans la grande
])auvreté où nous sommes réduits et qui n'aurois aussy pu me résoudre
de laisser périr des personnes exposées pour N. S.
Ajouté à la 1ère lettre.
Outre la peine qui se rencontre icy pour les moindres affaires la dif-
ficulté d'y pouvoir subsister est si grande que je ne pense pas que mes
apointements aprochent de la dépense que j'y ay faicts avec toute l'occo-
iiomie raisonnable que je garde ce qui m'embarasse davantage c'est la di-
minution des castors dont les marchands ne veulent point donner d'argent
en France à vingt pour cent si Mrs de la Cîompie peuvent remédier à ces
choses ils m'obligeront et de donner ordre qu'ils nous viennent des vais-
seaux ce qu'ils doivent assurer de bonne heure -si on ne prend plus de
soing du pays je puis dire avec vérité qu'il est dans un pitoyable estât, je
vous prie de leurs en dire deux mots selon vostre prudence parceque leurs
assemblées sont composées de tant de personnes qu'il est impossible que
les resolutions se prennent viste et néantmoins il est important que les
vaisseaux soient assurés de bonne heure. J 'envoyé un mémoire à Mr Bry
des choses que je souete de France. Je le retranche le plus qu'il m'est
possible me reservant de prendre des marchands les choses qui me man-
quçnt. Je mande à Mr de Fancan que si la guerre continue il m'est
impossible de me passer d'un lieutenant pour laisser à Kebec en mon ab-
sence et mesme pour envoyer dans de petites courses, prenés la peine de
scavoir de luy ce qu'il juge pouvoir faire il faut que le consel l'ordonne.
Sur la nouvelle que je vous avois mandé que nous avions des pri-
sonniers Iroquois anuronons de considération la resolution a esté prise de
renvoyer deux non pas des plus considérables mais aussy capables de
s'acquitter de la commission qu'on leur donne auprès de leurs nations Ils
portent quatre présens qui sont autant de différentes parolles. La pre-
-- 333 —
mière les assure de la vie des anciens prisonniers la seconde une pleinte de
ce qu'ils sont venus eu guerre, au lieu d'amener nos prisonniers et la 4è
pour leur témoigner que la retraicte d'Onontae s'est faicte sans animosité.
Les articles que je vous écris sont peu suivis, mais il fault nécessaire-
ment les écrire en divers temps à cause de plusieurs affaires qui m'inte-
rompent et voicy une chose qui est extrêmement nécessaire de faire pour
donner cours aux affaires c'est que si vous le jugés à propos vous fere^
proposer par quelqu'un de la compagnie comrtie Mr frotta ou de Fancan,
de reigler les affaires de la traicte de bonne heure et vous me permettez de
réitérer aussy le départ des vaisseaux par ce que nous avons nouvelle que
certins sauvages appelés outaSacs doivent venir l'année prochaine si les
affaires n'estaient réglées avant ce temps on veroit encore confusion et
avilissement de la traicte et nostre magasin peu remply, ce qui nous em-
pescheroit de leur donner le millier de castor par la mesme impossibilité,
dans laquelle nous sommes cette année.
N. S. nous a donné encore deux avantages sur nos ennemis. Le
premier a esté à Montréal de 16 Iroquois onontaeronons qui s'estoient mis
proche en embuscades. Ils furent découverts et après quelques coups de
fusil on leur dict qu'il y avoit de leurs gens en effect depuis un an x)n en
tenoit un prisonnier avec sa femme, ils furent assez crédules pour appro-
cher et on prit quelques uns et deux furent tués deux jours après arrivè-
rent des ambassadeurs de cette mesme nation qui ramenoient deux fran-
çois. on leur rendit l'ancien prisonnier et sa famé et une petite fille née en
prison.
Le second avantage est aux trois rivières d'une autre nation appelée
Onoyotcheronons on avoit permis à quelques françois d'aller en chasse
avec ordre de découvrir ce qui firent et aperçurent la piste de plusieurs
sauvages et ensuitte les sauvages mesmes on leur cria ce qu'ils venoient
faire et dirent qu'ils venoient en guerre. On les invita de quitter cet
esprit et de s'en venir aux trois rivières ils ne vouloient jamais à moins
que d'otages ce qui s'exécuta, mais comme c'estoit ceux qui avaient tué au
printemps trois des nostres à Montréal et puis 3 aultres au 3 Eivières, Mr.
de la Poterie que j'ay estably pour commander en ce poste donna ordre
qu'en ramenant les otages on s'en saisit eux de leur costé avoient selon les
apparences le mesme dessein. Ainsy comme ils estoient préparés on en
voulut saisir ce qui réussit, mais on essuya beaucoup de feu un seul des
nostres fut blessé et 3 des leurs tués et cinq prisonniers dont deux blessés :
... 334 —
on en a renvoyé un pour assurer leur nation de la vie de ces cinq s'ils
pensent à la paix dont nous atendons les réponses aussy bien que des pre-
miers renvoyés.
Dufresne qui me servoit de maistre d'hostel et de chirurgien est tom-
bé fort malade d'un crachement de sang auquel cet air est entièrement
contraire, il s'en retourne en France. Je suis fâché de son mal, mais il
s'est peu appliqué au soing de ma maison non plus que son ami qu'il m'a
adonné pour la chambre. Je vous envoyé une lettre toute ouverte que
j'écris à son père apotiquaire à Paris fort homme de bien. Prenez la
peine après l'avoir leue de la fermer et de l'envoyer quérir pour luy don-
ner et après avoir recogneu quel sentiment il a du procédé de* son fils lui
inspirer de lui écrire sévèrement, car je pense que c'est le seul remède
qu'il fault aporter me suppliant d'en user ainsy. Le sieur Perier père
de celui qui est avec moy demeure en la rue montmartre au bausme divin.
Côme je ne scais pas quel Biays prendront les affaires des costés de
Mrs. de la Compagnie je vous prie de me mander tout ce que vous en
aprendrés, je voudrois leur pouvoir fortement inspirer les cognoissance que
j'ay de ce pays et combien il est nécessaire de le secourir. Faites-moi la
grâce aussy de me mander les sentiments des R. PP. Jesuittes je ne vous
tiendray pas d'avantage. Je suis avec toute l'ouverture de coeur possi-
ble en suavité et bénédiction ne ries pas en achevant de lire car je suis
sérieusement à vous,
P. DEVOYER D'ARGBNSON
Toutes les lettres incluses en vostre petit pacquet ne sont que le double
de celles que j'ay envoie par le premier vaisseau que vous garderez s'il
vous plaist en cas que les autres ayent été rendues sinon après les avoir
leue vous les ferés cacheter pour les rendre à leur adresse, les aultres fer-
mées vous les ferés rendre s'il vous plaist.
Après le paragraphe qui commence par ces mots j'oubliais de vous
dire que les Pères missionnaires et finit par ceuxci "personnes exposées
pour notre Seigneur. Je trouve dans une lettre qui reproduit celleci
jusques là la page suivante.
"Cette guerre que nous avons étoné tant de personnes que touts les
travaillants lesquels après avoir achevé le temps auquel ils estoient obligés
à leur maistre estoient ravis de demeurer au pays pour faire quelque ar-
gent comme ils sont extrêmement recherchés à présent me demandent touts
leur congé et comme se sont touts jeunes gens cela affoiblit beaucoup le
— 336 —
pays. Si nous ne les pouvons retenir comme il n,'y a pas apparence ce
qui m'oblige d'écrire que la plus grande charité qu'on puisse faire en ce
pays pour le soutenir et avec luy la religion que nous avons seuls parceque
les aultres soit anglais soit olandais outre leur hérésie ne se mettent pas
seulement en debvoir d'en faire baptiser aucun des sauvages. ("est d'en-
tretenir quelques hommes que nous puissions tantost employer à la guerre
et tantost au travail selon que les ennemis nous donnerons du repos.
Je pense qu'il est temps que je vous parle des choses qui me regar-
dent j'avois bien préveu en partant de France que la diminution des cas-
tors me donneroit bien de la peine touchant mes apointemens c'est pour-
quoy j'avois parlé à Mrs de la Compagnie de faire en sorte que je les pusse
toucher en argent en France le conseil d'icy juge cela fort raisonnable mais
il ne se trouve point de marchand qui le veuille entreprendre de ceux qui
ont le pouvoir de le faire et pour les aultres il n'y a pas seureté cepen-'
dant il fault que j'envoye en France deux mil écus en castor parceque
autrement je ne pourrois rien espérer de France l'année prochaine et
d'autant que je ne scay pas quelle diminution il y aura dans la vente à
Paris. Je prie Mr Bry de m'en tenir compte et de m'en envoyer le prix
signe afin que s'il y a diminution que la communauté me le supplée.
J'avois parlé au P. supérieur d'une pesche qui a esté accordée aux
Gouverneurs et dont il jouit à présent, m'ayant communiqué ses papiers
là dessus, il m'a premièrement faict voir la concession de la terre par \m
nommé de Gan à qui elle estoit transporté accepté et ratifié par Mrs de la
Compie sans qu'il soit faict partout aucune mention de pesche sur quoy
ils apportent une concession de pesche postérieure à la mienne par Mess,
de la Compagnie et révocation de la mienne. Je tiens leur droict fort
mauvais car si une revocation peult estre bonne sans cause on pourroit
révoquer le don du pays à Mrs de la compagnie, Mrs de la compagnie
pourroient révoquer toutes les concessions des particuliers. Je n'ay
point voulu traiter cet article à Mrs. de la Compagnie. Mais seulement
dans 2 lettres particulières l'une au P. Lalement et l'autre à Monsieur
chefault, ce que je vous mande afin que si vous jugez que cette affaire ne
doive pas se pousser vous l'étouffiez. Je vous envoyé le double des avis
que je présente au conseil personne n'en a icy aucune cognoissance et je
ne l'envoyé en France qu'a Monsieur De Lamoignon afin que s'ils sont ju-
gés raisonnables ils ne soient point empeschés par les intérêts des parti-
culiers. Hier il nous arriva une chaloupe des 3 Rivières qui amenoit t
— 836 —
Iroquois qui estoient venus scavoir des nouvelles et insensiblement se
trouvèrent engagés si bien que Mr de la Poterie me les envoyé. Il y en a
un fort considérable mais nous eûmes grande peine à les débarquer à
cause de nos sauvages qui les vouloieut tuer. Il fallut mettre tout le mon-
de sous les armes et N. S. nous demesla de ce pas aussy fâcheux qu'il s'en
puisse voir, car j'avois a faire a des bestes animées, je ne débiteray cette
nouvelle qu'à vous seul, vous en ferez part s'il vous plaist. nous n'avons
point encore résolu ce que nous en ferons sinon que je prétends en envoyer
deux dans leur pays pour tacher de retirer deux François qu'ils ont pris.
Je finis enfin ma lettre et vous baise très humblement les mains.
P. DE VOYER D'ARGENSON
Double de la lettre envoyée par le vaisseau du Sr. Gaigneur en date
du cinq sept. 1658.
Mon Révérend perre.
Vous m'avez engagé de vous dire ce qui se passeroit en ce pays et par
ce que de celles qui vous touchent davantage c'est la paix de l'église, c'est
aussy celle là qui ouvrira mon discours que je souetterois volontiers pou-
voire faire teste à teste pour ny obmettre rien et entendre vos responses.
J'arrivay à Québecq le 6 juillet et je trouvé toute vostre compagnie en
grande union avec Monsieur l'abbé de Quélus quoique quelque temps
auparavant le dict Sr abbé eut quelque procès sur le subject de vostre mai-
son contre le P. supérieur ce qui avoit esté faict à la sussitation des Mar-
guilliers et qu'après ils n'a voient pu soubtenir. Je ne scay cela que par
rapport ce que je vous puis dire c'est qu'il n'a paru rien que de très res-
pectueux de part et d'autre jusques à la signification du mandat du quel
peu de temps après mon arrivée le P. supérieure me parla et me dict qu'il
ne pouToit avoir aucune valeur, qu'il ne fut insinué au greffe je iuy dife
que je le priois de ne rien inuver jusques à l'arrivée du vaisseau appelé
Tadourneau qui portoit les lettres et les marchandises de Monsieur l'abbé
et qu'aprenant par là l'esprit de la Compagnie de Montréal le porteroit à
s'y retirer, il n'auroit pas de peyne de s'y résoudre le P. supérieur ap-
prouvant cette pensée la exécuté le vaisseau de Tadourneau arrivé et
Monsieur l'abbé ayant toutes les cognoissances par les lettres je voulus
])résentir qu'elles estoient les pensées et voyant qu'il faisoit quelque dif-
ficulté sur ce qu'il n'estimoit pas vos lettres en bonne forme qui vous
avoient esté données par Mr. de Rouen j'allay trouver le P. supérieur au-
quel je dis qu'il vit la manière dont il debvoit agir et que je ne voyais pas
— 337 —
toute la facilité que je m'estois imaginé. La première démarche fut de
\enir à 5 heures du matin insinuer le mandat de Mr. de Rouen à mon
greffe sans m'en communiquer quoique ce soit et après le fit signifier à Mr.
l'abbé et auquel Monsieur l'abbé fit quelque responce en forme d'opposi-
tion le P. sup. prit la peyne de me venir voir et me dire qu'il avoit fait
insinuer le mandat au gref, je luy dis je ne le pense pas parceque aucun
ne m'en a rien comuniqué et je pense que c'est la première démarche
qu'on doibt faire cela le surprit un peu voyant qu'il manquoit à la sincé-
rité avec laquelle nous avions coutume d'agir et après cela passa à la signi-
fication qu'il avoit faict faire, voyant la response de Mr. l'abbé de peur que
ce commencement des suittes fâcheuses je fis en sorte de -porter Mr. l'abbé
il s» retirer à Montréal luy disant que puisque je voyais le mandat de Mr.
de Rouen qu'il debvoit y obéir, ce qu'il a exécuté les chapeleins des deux
Religions ont aussy quitté, mais pour s'en aller en France tellement qu'il
n'y a plus que vos P. P. qui fassent toutes les fonctions. Sur la préten-
tion que les gouverneurs ont toujours eu de la pesche à la pointe de Puis-
seau qui leur avoit esté accordé, je creu que le meilleur procéré estoit de
demander au P. sup. ce qu'il pouvoit alléguer contre cette concession, Il
me dict qu'il me vouloit montrer ses papiers dont le premier estoit la con-
cession qui vous avoit esté faicte de la terre de Sillery par un nomé de Gan
transport accepté et ratifié par Messieurs de la compagnie du contrat qui
avoit esté donné aux Gouverneurs et mesme une nouvelle concession du
Roy sur cela je luy fis response que je ne pensois pas que la révocation put
avoir de lieu et que si cela estoit on pourroit déposséder tout le monde et
aucun ne se tiendrait en seureté d'une révocation.
Il y a une autre chose qui est la retraicte d'Onontaé sur ce chapitre.
11 faut croire ceux qui en sont revenus, ce que j'y trouve de fâcheux est
d'avoir abandonné sans ordre et sans fruict de la despence qu'on y a faict
je trouve cependant qu'il y a grand subject de remercier Dieu qui les a
conservés et ramenés touts en santé. Je ne puis encore vous dire comme
je me trouve en ce pays sinon que mes despenses sont extrêmes et que la
diminution de nos castors en France nous faict beaucoup de peyne. Adieu
vous m'avez faict l'honneur de me promettre que vous vous souviendriez
de moy dans vos adorables sacrifices.
Je vous en conjure — c'est Mon Révérend Père,
Vostre très humble et très obéissant serviteur.
P: DE VOYER D'ARGENSON
— S38 —
Au Révérend
Le Révérend Père Lalement de la Compagnie de Jésus au Novi-
ciat du faubourg St-Germain à Paris.
14 OU 24 OCTOBRE 1658
J'ai peu de choses a ad jouter aux lettres que je vous ay escrist par les
deux aultres navires. Voicy toutes fois quelque chose qui m'est venue en
pensée qui regarde la gloire de N. S. Je prends occasion de la faire réus-
sir par une lettre que j'écris à Madame de Choisy qui m'a prié de luy
mander les nouvelles de ce pays, je vous envoyé la lettre toute ouverte
laquelle après avoir leu vous prendrejî la peine de la faire fermer et lui
rendre si vous ne voulez pas vous fatiguer à la lire toute entière comn^pn-
ces aux 6 dernières lignes de la troisième page vous aurez une cognoissance
parfaite de ma pensée ce qui m'a obligé à cela c'est que les personnes tel
qui sont à Montréal n'ont point cognoissance de la langue des Sauvages et
par conséquent quelque zèle qu'ils puissent avoir ils sont tout à fait inca-
pables des missions qui s'y peuvent faire. Le P. Lejeune en conférera
avec vous. Il est expédient que je ne paroisse pas la dedans que le moins
qu'il se pourra c'est ce qui m'a fait prendre la voye de Me de Choisy et vous
envoyer la lettre pour résoudre ce que vous jugerez la dessus. Je vois de
ce costé icy tout le monde bien intentionné à recevoir un evesque pour moy
je le crois très avantageux pour le pays. J'atends la dessus et sur toutes
les choses de ce pays un ordre de la Providence particulier vous scavez
qu'il y a plusieurs nouvelles que je seray bien aize d'aprendre je vous prie
à l'instant qu'elles vous viendront dans l'esprit de les coucher sur une
feuille de papier sans suitte et me les envoyer au départ des vaisseaux
j'oubliais de vous prier de faire cognoistre dans les rencontres qu'il m'est
bien nécessaire d'augmenter le nombre de mes soldats à cause des diffé-
rentes gardes d'Iroquois que je suis obligé de faire et qu'il est nécessaire
de laisser plus de monde dans le fort quand il me vient des nouvelles des
ennemis ou il fault aller a cause des prisonniers qui sont dedans.
J'aurois à vous prier de me mander ce que vous ap rendrez de la durée
de mon gouvernement qu'elles seront vos pensées car pour moy je suis
dans la pensée d'y demeurer autant de temps seulement que l'on m'y ju-
gera nécessaire. J'envoye pour toute rareté deux pied à mes Soeurs
D'argenson et D'arvigny. Le sieur de St. André s'est chargé de les
rendre, j'ay trop eu d'affaires pour chercher aultre chose et ceux là ont
bien fait de me venir chercher.
-- 339 —
Il faut que je vous disse une chose qui vous divertira c'est un juge-
ment que j'ay rendu contre un marchand de la Rochelle apelé Peron il a
esté assés insolent que de nous envoyer en ce pays une fille débauchée ac-
tuellement grosse et qu'il scavoit estre en cet estât. Je l'ay condamné à
la ramener à La Rochelle à touts les dépends qu'il en pouvoit avoir fait
et ceux qu'avoit fait celuy à qui il l'avoit donnée en service en 150 1. d'a-
mende dont le tiers je le fais donner à l'hospital de Kebec. cela remettra
nostre pays en réputation que l'on confond avec les Iles Saint Christophe
et empeschera les marchands de charger de ce bétail je n'ay rien de plus
agréable à vous aprendre. Je vous prie de me laisser adjouter seulement
que je suis vostre très humble et très obéissant serviteur.
P. DE VOYER D'ARGENSON
Je salue très liumblement touts mes amis et ma soeur et mes frères
particulièrement.
A Kebec ce 24 ou 14 octobre 1658.
QUESTIONS
Quels étaient les prénoms de M. Bernier, conmiissaire des guerres
dans l'armée de Montcalm et dont M. Dussieux fait tant de cas dans son
livre sur les dernières années de la domination française au Canada ?
MONT.
Vers 1725 ou 1726, un nommé Claude Chetiveau de Roussel agissait
comme pratici-en à Québec. Il fut aussi huissier au Conseil Supérieur à
peu près vers le même temps. On perd ses traces peu après. Chetiveau
de Roussel est-il mort au Canada ? A-t-il laissé des descendants ?
R. 0. G.
Mes notes me disent que le 12 avril 1785 le gouverneur Haldimand
signait une ordonnance obligeant les curés, à partir du 1er janvier 1786, à
tenir chaque année un cahier séparé pour l'enregistrement des baptêmes,
mariages et sépultures. Jusque là dans nos différentes paroisses on se
servait de cahiers dans lesquels on entrait les baptêmes, mariages et sépul-
tures de plusieurs années. Cette ordonnance de Haldimand du 12 avril
1785 a-t-elle publiée ? Où pourrais-je la consulter ?
CUR.
— 340 —
NICOLAS LANGLUME
A la date du 24 décembre 1685, le registre de î^otre-Dame de Québec
mentionne la sépulture de Nicolas Langlumé, originaire de la ville d'Or-
léans.
Qui était ce Nicolas Langlumé ?
Dans un acte du notaire Genaple du 2 octobre 1685, nous voyons
qu'en janvier 1685 François Poisset de la Couche, marchand à Québec,
avait demandé à l'intendant de Meulles d'accorder à son gendre, Jean de
Faye, un congé de traite afin de lui aider à payer ses dettes. M. de
Meulles consentit à accorder trois congés au sieur de Faye mais à condi-
tion qu'il donnerait sept cents livres à chacun de ses deux secrétaires, les
sieurs Peuvret et Langlumé. Il voulait ainsi les récompenser "parce que
n'ayant aucuns gages de la Cour ils servaient le pays avec affection et
promptitude n'ayant jamais pris d'argent pout toutes les expéditions
qu'ils faisaient tous les jours."
Dans sa lettre du -4 novembre 1683, l'intendant de Meulles disait au
ministre :
"J'envoie un de mes secrétaires en France pour vous en représenter
la nécessité (la construction d'un palais d'intendance), et en cas que le
Koy y consente, pour retenir des ouvriers et faire apporter ici tout ce qui
peut considérablement épargner."
Ce secrétaire envoyé en France par M, de Meulles était Nicolas Lan-
glumé.
Langlumé revint au pays au printemps de 1685. Il ne put jouir
longtemps de ses sept cents livres puisque, comme on vient de le voir, il
mourut en décembre de la même année.
Le sieur de Faye ne profita guère plus que Langlumé des trois congés
qu'il avait obtenus. Il se noya dans le Saint-Laurent moins d'un an
plus tard, le 19 août 1686.
P. G. K.
— 341 —
LES ANCIENS CIMETIERES DE MONT-
REAL — 1648 A 1800
L'historique paru dans le Bulletin du mois de septembre 1921, pp.
283-288, sur les cimetières catholiques de Montréal provient d'un inté-
ressant petit volume paru il y a plus de trente ans et qui a eu une couple
de fois les honneurs de la réimpression. L'ouvrage a tant de qualités
que l'on peut bien, sans nuire à sa vogue, faire quelque réserve sur l'ex-
actitude de ses informations relativement à la période d'avant 1800, car
plusieurs des assertions du compilateur ont besoin d'être contrôlées. Et
dans ce but, on nous permettra de placer en regard de l'historique susdit,
les quelques notes que nous avons pu recueillir jusqu'à présent.
Après avoir subi les assauts des Iroquois qui, entre 1042 et 1665, mas-
sacrèrent plusieurs de ses valeureux pionniers, Montréal, devenu poste im-
portant, compta toujours, à côté de sa population stable, une population
flottante plus ou moins nombreuse de gens d'épée et de robe, de marchands
forains et de traiteurs, d'aventuriers et de soldats. Dans ce monde
spécial, les querelles, les épidémies et l'intempérance firent de fréquentes
victimes. Enfin, par sa situation avancée dans l'intérieur du continent,
et surtout par le fait qu'elle était dotée d'un hôpital et d'un hospice, notre
ville reçut les indigents, les infirmes, les malades et les blessés de régions
assez éloignées. Pour ces causes, la mortalité de la future métropole
canadienne a été élevée et parfois disproportionnée au chiffre des habi-
tants.
Or, au dix-septième et au dix-huitième siècle, Montréal était enserrée
dans des bornes si étroites que trouver l'espace nécessaire pour y déposer
les êtres passés de vie à trépas fut un problème qui préocupa les autorités
à. diverses reprises. On le résolut en créant de petits cimetières en diffé-
rents points de la ville et aussi en permettant les inhumations dans les
églises et les chapelles.
Etabhr une hste complète de ces cimetières et en indiquer l'emplace-
ment exact serait une tâche facile si les documents étaient tous connus
— 342 —
mais pour des raisons que nous ne pouvons démêler ici, nosu sommes en-
core dans Fobscurité sur bien des faits. Néanmoins, en nous aidant des
notes que nous avons relevées dans les archives judiciaires et dans le
Terrier de Montréal (1), ainsi que de celles qu'on a recueillies par-ei par-
là, dans les archives paroissiales il est possible de jeter quelque lumière sur
le sujet.
LE PREMIER CIMETIERE
notre plus ancien cimetière est bien connu : De 1642 à 1654, "il était
situé à côté du fort" sur la langue de terre où naquit Montréal, entre la
rivière Saint-Pierre et le iieuve, c'est-à-dire, au sud de la place Royale ;
mais ce terrain étant quelque fois inondé })ar les grandes crues du Saint-
Laurent, il fut décidé en 1654 de l'établir un peu plus loin, "sur la
hauteur".
DEUXIEME CIMETIERE
C'est M. de Maisonneuve, qui, en- 1654, "donna aux habitants de
Montréal un terrain ])our servir à un nouveau cimetière". La première
inhumation y fut faite le 10 janvier 1654, in terra de nova henedicta.
Cinq jours plus tard, nouvelle sépulture. Cette fois, l'officiant ajoute à
l'acte cette mention : "dans la terre bénite du jardin de l'hôpital" et le
11 décembre, on lit : "dans le cimetière de l'hôpital". Donc le champ
des morts était tout près de l'Hôtel-Dieu, (probablement entre les rues de
Bresoles et Le Royer) et à quelques pas de l'église paroissiale qu'on éri-
gea en 1656 à l'intersection des rues Saint-Sulpice et Saint-Paul (2).
Le cimetière de l'Hôtel-Dieu, dit expressément Jacques Viger, dans
les Mémoires de la Société historique de Montréal, (9e liv. p. XLI fut ou-
vert pendant vingt-quatre ans. Sans aucun doute, il a cru qu'il avait
servi jusqu'à l'ouverture au culte de la nouvelle église paroissiale dont il
est question ci-après, mais notre estimé archéologue ne fait-il pas erreur ?
LE TROISIEME CIMETIERE
Nous sommes persuadés que le troisième cimetière dont aucun histo-
rien n'a encore fait mention se trouvait dans la commune.
(1) Mémoires de la Société Historique de Montréal, onzième livraison, 1917.
(2) Il est impossible d'apercevoir pourquoi l'abbé Faillon a placé ce cimetière
sur la place d'Armes actuelle, dans un endroit où l'Hôtel-Dieu n'a jamais eu de
jardin. Lia place d'Armes de la haute-ville fut ouverte et nommée longtemps
après celle de la basse-ville. Basset en bornant la rue Notre-Dame, en 1672,
n'en fait même pas mention.
— 343---
Celui "du jardin de l'Hôtel-Dieu" devint insuffisant plus tôt que ne
le suppose M. Viger et il fallut en établir un autre.
Avant 1673, les Seigneurs abandonnèrent à la Fabrique une partie
de la commune, à ^extrémité ouest de la rue Saint- Paul (c'est-à-dire à la
rue Saînt-Eloi) et l'emplacement fut transformé en cimetière. (T. de M.,
No. 103 A).
Mais le voisinage de la commune présentait des inconvénients, car le
3 novembre 1674, les marguilliers prennent la résolution de faire entou-
rer le cimetière d'une clôture "afin d'empêcher les animaux d'y
entrer". (3)
En 1677 (15 juin), un acte de Basset nous renseigne davantage :
Claude Raimbault vend <\ Simon Mars, un emplacement sis sur la rue
Saint-Paul, tenant d'un bout au cimetière et d'un côté à la rue du cimetiè-
re (devenue aujourd'hui la rue Saint-Nicolas) et qui conduisait de la grè-
ve jusqu'au champ des morts.
Ce cimetière abandonné en 1682 (4) et vendu à Charles de Couague
pour 955 francs, le 31 juillet 1683, "afin d'aider au parachèvement de
l'église", (5) occupait donc l'espace compris aujourd'hui entre les rues
Saint-Eloi, Saint-Sacrement, Saint-Pierre et Saint-Paul.
LE QUATRIEME CIMETIERE
Ce dut être celui qui attenait à la nouvelle éghse paroissiale laquelle
fut li\Tée au culte en 1678. Cette église longeait la place d'Armes ac-
tuelle et le cimetière se trouvait à' l'encoignure sud des rues Notre-Dame
et Saint-Sulpice. Il paraît dater de 1680 (6). Evidemment on l'aug-
menta plusieurs fois, car nous lisons dans le registre de l'état civil la
mention que voici : "Le mardi, 27 novembre 1691, a été enterré le premier
de tous, dans le nouveau cimetière, joignant l'église, Charles Forestier".
En 1693 (15 avril, étude d'Adhémar), l'abbé Dollier de Casson con-
cède à la Fabrique, la place de l'église paroissiale, la chapelle des morts et
le cimetière qui, d'après le plan annexé au contrat, est sis à l'endroit que
nous indiquons ci-dessus.
(3) Annuaire de Tille-Marie, I 361, délibération du 3 novembre 1674.
(4) Maugue, 27 février 1682.
(5) Document judiciaire, 31 juillet 1683 et Maugue, 15 août 1683.
(6) Le 24 septembre 1680, sépulture "au cimetière de l'église". Registre de
Notre-Dame. Voir aussi Terrier de Montréal, No 158.
— 344-^
Sept ans i)lus tard (Janvier 1700), les marguilliers font charroyer des
pieux pour entourer le "cimetière neuf". S'agit-il de l'addition de 1691 ?
C'est encore ce même cimetière que l'on agrandit le 27 avril 1733,
par l'achat d'un terrain de 45 pieds de front, rue Saint- Joseph (Saint-
Sulpice). . L'année suivante on l'entoure d'une muraille.
AUTKES CIMETIERES
Après 1700 et jusqu'en 1799, il n'est guère possible de fournir la date
d'ouverture des nouveaux cimetières. Tout au plus pouvons-nous indi-
quer l'emplacement de la plupart d'entre eux. En 1716 et 1717, il est
question dans les registres, d'un cimetière "hors la ville" puis en 1718, on
parle d'un "cimetière des pauvres".
Cette même année et plus tard, nous constatons qu'il y a un cimetière
"proche l'Hôpital général des Frères Charon" (établissement qui passa
ensuite aux Soeurs Grises). C^e pourrait être celui-là qu'on désignait
comme "étant hors la ville".
D'autre part en scrutant le Terrier de Montréal on aperçoit qu'en
1730 la Fabrique obtient le terrain du sieur Gamelin Maugras, rue
Saint- Jacques entre les rues Saint- Jean et Saint-François-Xavier. (T. de
M., No. 106 D 2).
Le 15 février 1734, on décide d'acheter pour le cimetière des pau-
vres l'emplacement du sieur Le Cavelier, près de la Poudrière (102 P.)
rue Saint'-Jacques. (A. V.-M. I. 361 et T. de M., No. 102 P.)
Le 2 octobre 1735, le gouverneur de Montréal, le sieur Boisberthelot
de Beaucours écrit à l'intendant :
"Le cimetière des pauvres se trouvant dans le fossé de la nouvelle
fortification, et dans le glacis où on continuoit d'enterrer, J'envoyay Mon-
sieur le Major dire à Monsieur le Supérieur du Séminaire de ne plus en-
terrer dans ce lieu. Monsieur le curé vint me trouver pour demander
de ne point changer ce cimetière ; je le renvoyay à Monsieur le Général,
qui luy répondit que cela ne se pouvoit acorder". (Corr. génér. Archi-
ves d'Ottawa).
Cette note nous informe donc qu'on enterrait non seulement à l'in-
térieur de l'enceinte de la ville, mais encore dans le terrain qui bordait
extérieurement les remparts. La pente du glacis devait s'étendre jusqu'à
la rivière Saint-Martin (aujourd'hui rue Craig).
— 345-
Le Terrier nous apprend encore que vers 1745 ou 1750, la Fabrique
a acquis un terrain de Paul Marin de la Malgue, rue Saint-Jacques, **JTi8-
qu'aux fortifications". (No. 124 A 2).
Le 21 juillet 1748, autre addition au cimetière des pauvres par Tac-
quisition de l'emplacement d'Etienne Rocbert de la Morandière, angle sud
des rues Saint-Pierre et Saint-Jacques (site du "Mechanic's Hall), à
côté du "magasin des poudres du roi", autrement dit la Poudrière. (A.
V. M. I., 361 et T. de M., No. 102 P.)
On fit là des inhumations jusqu'à la fin du 18e siècle. Une des der-
nières fut celle de "la veuve de Joseph Carpillet dit Fleur d'Orange, jar-
dinier", le 8 novembre 1799.
Après 1782, la Fabrique, achète partie des emplacements au sud de
la place d'Armes et paraît y établir la maison du bedeau. En 1785, on
érigea à côté, "une chapelle pour les pauvres et les enfants de la banlieue".
"Ce 27 avril 1796, il est décidé de ne plus enterrer dans le cimetière
adjacent à l'église, mais "dans le cimetière près de la maison du bedeau"
(site de la banque de Montréal, probablement). (A. V.-M. I, 362).
Le 5 mars 1803, il est résolu "qu'il ne sera fait à l'avenir aucune in-
humation dans l'église ni dans les cimetières qui sont dans l'enceinte des
murs. Personne n'y a été inhumé depuis 1799." (A. V.-M., I, 380).
De ces renseignements, il résulte qu'entre la place d'Armes et la rue
Saint-Pierre une grande partie de la rue Saint-Jacques actuelle avec les
emplacements qui sont au nord de la dite rue furent convertis en lieux de
sépulture.
En 181 6j le cimetière "près de la maison du bedeau" fut exproprié
par les commissaires chargés de démolir les fortifications, puis en 1821, on
fit l'exhumation des corps des "deux cimetières, l'un près André Baron
(angle Saint-Jean), l'autre près l'ancienne Poudrière". (angle Saint-
Pierre).
E.-Z. MASSIOOTTE
QUESTION
Nos manuels d'histoire nous disent que Jacques Cartier, le découvreur
du Canada, décéda à Saint-Malo le 1er septembre 1557, à l'âge de 67 ans.
Est-il bien certain que Cartier décéda à Saint-Malo ? A-t-il été inhumé à
Saint-Malo ? Son acte de sépulture a-t-il été publié quelque part ?
MAROS.
... 346 —
LES DESCENDANTS DE LANOULLIER
DE BOISCLERC
Dans le Bulletin des Recherches Historiques^ vol. XII, pp. 3 et seq., on'
trouvera des renseignements biographiques assez complets sur Jean-Eus-
tache Lanoullier de Boisclerc, qui fut grand voyer de la Nouvelle-France
de 1731 à 1750, et ses frères Nicolas Lanoullier et Paul-Antoine-Pran-
çois Lanoullier des Granges.
Lanoullier de Boisclerc a-t-il laissé des descendants au Canada ?
Il avait épousé, à Québec, le 21 décembre 1719, Marie-Marguerite
Duroy, veuve de Claude Chasle. De ce mariage naquirent quinze en-
fants : . . ,f. . . ..
lo Jean-Eustache-Nicolas né à Québec le 12 septembre 1720.
2o Pierre né à Québec le 5 juillet 1721 et décédé au même endroit
le 10 mai 1733. : -
3o Marie-Marguerite née à Québec le 20 mai 1722.
4o Louis- Antoine né à Québec le 28 mai 1723.
5o , François né à Québec le 3 juin 1724, et décédé à Charlesbourg le
10 juin 1724. -:: -:
6o Françoise-Barbe née à Québec le 17 mars 1726, et décédée à
Charlesbourg le 20 mai 1726.
7o Thomas né à Québec le 8 mars 1727, et décédé au même endroit
le 28 avril 1733.
'■ .80 Jacques-Etienne né à Québec le 21 juillet 1728, et décédé au mê-
me eûdroit le 7 octobre 1750ï
9o Marie- Anne née à Québec le 5 octobre 1729, et décédée au -même
endroit le 11 mai 1733.
lOo Louise née à Québec le 23 mai 1731, et décédée religieuse à
l'Hôtel-Dieu de Montréal le 30 septembre 1812.
llo Charlotte née à Québec ■ le J 7 septembre 1732.
12o Nicolas-Charles-Laurent né à Québec le 9 août 1733, et décédé
au même endroit le 17 septembre 1738.
,:, 13o LQuise-Madeleine .née,;,!; Québec ^^ ^ ^9^^ ^'^^^%jP^ d,écédée au
même endroit le 22 novembteil7?38. •!; ; . !^i', •■ ' .
14o Gilles né à Québec le 20 novembre 1734, et décédé au même en-
droit le 17 septembre 1738.
... 347---
15o Jeanne-Elisabeth née à Québec le 7 ^ôût p.'^âG, et décêdée à
FHôpital-Général d^ Montréal le 18 mars 1773. . ^ .,
Un acte de notoriété reçu par le notaire Du Laurent; le 23 octobre
1754 nous apprend que les deux fils de M. LanoulLier de Boisclerc, Jean-
Eustache-Nicolas (né le 12 septembre 1720) et Louis- Antoine (né le 28
mai 1723) "étaient absents du pays depuis douze années sans avoir pu
avoir de leurs nouvelles ni même savoir le lieu où ils peuvent être."
A cet acte.de notoriété du 23 octobre 1754 comparaissent : Guillaume
Estèbe, Joseph Nouchet et Henry Hiché, tous trois conseillers au Conseil
Supérieur ; Guillaume Guillimin, lieutenant -général de l'Amirauté de
Québec ; Ignace Perthuis, procureur du Koi à la Prévôté et Amirauté de
Québec ; Jean Taché, syndic des négociants de Québec ;,et Charles Ber-
thelot, négociant et bourgeois.
Il est donc certain que Jean-Eustache LanoulUer de Boisclerc n'a
pas laissé de descendants au Canada. Il se peut que se^. deux fils aient
fondé en France des familles qui se sont perpétuées.
P. G. E.
QUESTIONS
M. Ernest Gaguon, dans son livre Le fort et le château Saint-Loitis,
publie le contrat de mariage de Simon Lefebvre, sieur Angers, et de Marie-
Charlotte de Poitiers, passé au château Saint- Louis de Québec le 10 jan-
vier 1667 en présence de M. de Tracy, du gouverneur de Courcelles, de
l'intendant Talon, et d'une dizaine d'autres personnages. je note parmi
ceux-ci Octave Jappellias, écuyer, sieur du Èesain. Tanguay ne donné
pas ce nom, mais j'y rencontre celui de Octave Zapaglia, sieur de Ressàn.
Le premier nom cité ici ne serait-il pas une erreur de lecture ?
i AUG.
A la bataille de Sainte-Foy, le 28 avril 1760, M. de Corbière, lieute-
nant dans les troupes du détachement de la marine, fut mortellement
blessé. Il décéda à l'Hôpital-Général de Québec le 2 mai suivant. Nous
avons peu de renseignements sur M. de Corbière. Etait-il Canadien on
Français ? Il me semble avoir lu quelque part qu'il était Français mais
servait dans les troupes de la colonie.
QUO
— 348 —
L'APPARITION DE LA MOUCHE A
PATATES AU CANADA
La chrysomèle à dix lignes, vulgairement appelée mauche à patatefi,
appartient à l'ordre des coléoptères, à la classe des tétramères, à la famille
des cycliques, à la tribu des chrysomélines.
Le naturaliste américain Thomas Say semble être le premier savant
qui ait observé la mouche à patates lors d'une exploration des région» de
l'ouest des Etats-Unis et des Montagnes Rocheuses qu'il fit en 1833 en
compagnie du colonel Long. Say donna à l'insecte le nom impropre de
doryphora en y ajoutant la désignation de decemlineata.
La mouche à patates vivait alors sur les versants des Montagnes Ro-
cheuses du Colorado et dans les prairies environnantes. Elle se nouris-
sait de plantes sauvages, surtout de la patate à bec, solanum rostratum.
De 1823 à 1855, la mouche à patates ne semble avoir attiré l'attention
que des entomologistes en recherches d'insectes nouveaux ou rares pour
leurs catalogues.
En 1859, on commença à se plaindre des ravages que la mouche à pa-
tates commettait dans les champs de patates du Nebraska. En 1874, la
mouche à patates avait atteint les rivages de l'Océan Atlantique. Il ré-
sulte de ceci que les innombrables légions de mouches à patates ont tra-
versé tout le continent américain, des Montagnes Rocheuses à la mer, en-
viron 1,700 milles anglais en ligne droite, en moins de vingt ans, établis-
sant, chaque année, des colonies permanentes sur chaque point de l'espace
parcouru. La moyenne annuelle de la distance franchie pendant toute
la période de cette migration fut de près de quatre-vingt-dix milles.
"M. Riley, dans son ouvrage Potato Pests, analyse ainsi l'histoire de la
marche de ce fléau à travers les états de la République américaine. En
1859, la mouche à patates avait déjà envahi une grande partie de l'état d(;
Nebraska. En 1861, elle entrait dans l'Iowa. En 1865, elle pénétrait
dans l'état de l'Illinois. Le fléau se répandit ensuite dans l'Indiana,
l'Ohio, en 1870, De cette dernière année à 1874, il contaminait la Pen-
feylvanie, la partie nord de l'état de New- York et enfin atteignait l'Atlan-
tique. La ligne sensiblement renfermée entre les 40e et les 43e de lati-
tude a été le théâtre de la marche la plus rapide des légions de mouches à
patates, de 1855 à 1874, à partir des Montagnes Rocheuses jusqu'à l'Océan.
--- 349 --
Dans le même temps, toutefois, les ailes gauche et droite de l'armée enva-
hissante ont occupé, au nord de la ligne indiquée, les états du Wyoming
du Dakota, du Minnesota, du Wisconsin, du Michigan, de New- York, du
Connecticut, du Rhode-Island, du Massachusetts, du Vermont, du New-
Hampshire, et du Maine, et au sud de la même ligne, les états du Colora-
do, de Kansas, du Missouri, de Plllinois, du Kentucky, de l'Ohio, des Vir-
ginies, etc., etc.
(^*est en 1870 que la mouche à patates a pénétré dans la province
d'Ontario. Sept ans plus tard, en 1877, elle était rendue dans le coeur de
la province de Québec, ayant parcouru, en moyenne, environ quatre-vingt
milles par année, en ligne droite. Aujourd'hui, il n'y a pas un coin du
Canada où la mouche à patates n'a pas pénétré. (J.-C. Taché, La mou-
che on la chrysomèle des patates).
FOUQUET ET LE CANADA
Eouquet, le surintendant des finances de Louis XIV avait des visées
probablement en accord avec sa fière et ambitieuse devise. Nous n'en
connaîtrons jamais l'étendue. Avait-il des vues sur notre pays ? En
août 1660, la Compagnie de la Nouvelle-France protesta contre la préten-
tion, de M. de Feuquières d'étendre l'autorité de sa charge de vice-roi de
l'Amérique sur la Nouvelle France ; (Affaires Etrangères, Amérique,
2-, p. 193). Le bénéficiaire, Isaac de Pas, marquis de Feuquières recon
■naissait, le 15 septembre 1660, dans une contre-lettre tenue secrète que : ♦
"la charge de vice-roi d'Amérique appartenait au sieur Fouquet qui l'avait
payée trente mille écus.
Le catalogue Americana de M. Dufossé, de Paris, rapporte la pièce
suivante : "Consentement à la donation faite aux dames Hospitalières de
Québec de la terre de Beaupré, achetée par François Fouquet, père du fa-
meux Fouquet, le célèbre et infortuné surintendant des finances de Louis
XIV. Pièce signée le 20 février 1663 par Louis Fouquet, évêque et comte
d'Agde, frère du surintendant, par madame Fouquet (Marie de Maupéou)
mère du dit surintendant, et par Gilbert Fouquet."
Ce serait donc un peu moins de deux ans après l'arrestation de Fou-
quet. Tout était bien fini pour l'ex-ministre, et sa famille abandonna
cette propriété du Canada qui ne lui était plus d^ucun avantage.
KEGIS ROY
— 350 —
REPONSES
- Femme noble, mari roturier (Vol. XXVII, pp. 282, 311) . — Sous l'an-
cien régime, une femme noble qui épousait un roturier perdait-elle le pri-
vilège de sa noblesse ?
"La femme qui a un fief anoblissant et de grande dignité, dit de la
Eoque, et qui épouse un inférieur, ne perd })as la noblesse que la posses-
sion d'un tel fief peut lui donner, car le mari est anobli par l'investiture
et la possession qu'il en a."
"Si la femme, dit de son côté Abraham Fabert, commentant l'article
11 de la Coutume de Lorraine, est reine, princesse souveraine, marquise,
duchesse, comtesse, ou possédant autre fief de dignité qui est noblesse
annexée, que nous disons noblesse réelle, et qu'elle épouse un roturier, il
sera par la possession de ce fief de dignité, anobli, et cessera sa première
condition."
"Quand la femme possède un marquisat, un comté, une baronnie ou
quelque autre seigneurie, son mari a le droit de se dire et de se qualifier
marquis, comte, baron, seigneur d'un tel lieu." (Pothier, Traité de la
puissance maritale.)
Suivant une vieille coutume de Naples, dit François de St-Pierre,
cité par Christin, (Jurisprudencia heroica) le mari d'une comtesse prend
place parmi les comtes.
Il a existé de tout temps une différence radicale entre la femme sim-
plement noble et la femme investie d'un fief titré ou d'un titre nu de di-"
gnité. Dans ce dernier cas le mari d'une duchesse, marquise, comtesse
pour recevoir communication de la dignité et du titre de sa femme n'a pas
besoin d'être noble par lui-même. Il se trouve anobli' par son mariage
qui le met en possession légitime du fief ou du titre de sa femme.
Si la femme ne jouit pas du droit particulier de transmission de
noblesse, et si son mari est roturier elle perd sa noblesse par le fait de son
mariage.
EEGIS EOY
Ronald MacDonald {Yol. XXYIÏ, -p^. 244, 319).— Ce que Mgr
Amédée Gosselin en dit (Bulletin des R. H. de octobre 1921) est la
réponse à des questions que Je me suis maintes fois posées. Ce M. Mac-
Donald compte, en elïet, parmi les anciens instituteurs de Saint-Laurent
— 551 ™
dé l'île d'Orléans. On me permettra donc de reproduire ici l'alinéa que
je lui consacre dans mes Figures d'hier et d'aujourd'hui :
"J'ai souvent entendu mentionner le nom de ce quatrième titulaire
que mon père, en particulier, estimait fort érudit. S'il était ainsi, pour-
quoi avait-il accepté la direction d'une école rurale, à cette époque de sa-
laires de famine ? Parce que les circonstances l'y avaient forcé en atten-
dant une meilleure position. Saint-Laurent, oii il a laissé un excellent
souvenir, eût été heureux de le retenir plus longtemps, mais il démissionna
pour accepter la position de rédacteur du Canadien.
Je ne puis préciser davantage l'époque de son passage dans ma
paroisse natale,, qui a eu pour professeurs quatre anciens élèves du sémi-
naire de Québec : MM. MacDonald, Toussaint, Couture et Lapierre.
Le niveau auquel monte notre école sous le règne de ces professeurs,
est une nouvelle preuve que la culture classique prépare merveilleusement
à toutes les carrières.
CHAÎ^OmE GOSSELIN
Le nom de Mingan (XXVII, p. 118). — A.-B. voudrait connaître
l'origine du nom Mingan. Il a lu que c'était un nom sauvage, mais un
doute le porte à demander si ce nom n'aurait pas plutôt été emprunté à la
carte géographique de France. Nous avons consulté la Grande encyclo-
pédie de France et le mot Mingan ne se rapporte qu'à l'endroit connu au
Canada. Mingan est un nom algonquin, tribu des montagnais, et signifié :
Le loup. Il parait dans l'acte de concession de la seigneurie en 1661.
EEGIS EOY
LES DISPARUS
Henri-Gaston Testard de Montigny naquit à Saint- Jérôme le 27 mai
1870 et décéda à Montréal le 3 octobre 1914.
Ent librairie, il n'a publié qu'un seul livre, l'Etoffe du pays,
Montréal, Deom Frères, 1901, mais il a éparpillé toute une série d'articles
dans V Avenir du Nord, la Revue Canadienne, leMonde Illustré, La Presse,
lePasse-Temps, le Pionnier, les Débats, le Nationaliste etc. Ecrivain très
littéraire et fort averti, on pourrait tirer de son oeuvre un joli volume de
pages choisies.
^ X. Y. Z.
— 352 —
LE FILS DE LEMOYNE DE STE-HELENE
Dans la Presse du 23 juillet dernier, K. G. P. (Petites Choses de no-
tre histoire) nous fournit d'intéressants renseignements sur le fils de
Lemoyne de Ste-Hélène. Après nous avoir dit comme il mécontenta son
oncle de Bienville, durant son séjour à la Louisiane, il ajoute que de Ste-
Hélène fils dut mourir en Louisiane ou passer en France puisque l'on
n'entend plus parler de lui après 1713. En consultant Laffilard, E. G. P.
aurait pu voir que Ste-Hélène, garde-marine à Rochefort en 1706, puis
muni d'une expectative d'enseigne à la Louisiane en 1715, fut tué à la
guerre des Sauvages en 1716. Ces faits sont confirmés par Bénard de la
Harpe, dans son Journal historique de V établissement des Français à la
Louisiane, qui nous apprend d'abord l'arrivée à l'Ile Dauphine en septem-
bre 1711 du navire la Renommée portant à son bord M. de Ste-Hélène,
garde-marine, qui venait pour servir d'aide de camp à son oncle.
Voici comment Bénard de la Harpe raconte la mort de Ste-Hélène
(|ui serait arrivée, non en 1716, comme le dit Laffilard, mais vers juillet
1715. N'ayant pas le texte original français sous la main, nous tradui-
sons de la version anglaise publiée par B. F. French, dans le vol. ITI des
Historical Collections of Louisiana (p. 44) :
"Dans le mois de juillet 1715, une pirogue, conduite par des Aliba-
mons, arriva au fort (Mobile) avec un Canadien et un Anglais ; ils rap-
])ortèrent que plusieurs des tribus sauvages de la Caroline étaient tombées
sur les Anglais dans leurs villages et les avaient massacrés, y compris ceux
de Pôrt-Royal. Cette révolte a coûté aux Anglais environ 800 pertes de
vie. M. de Ste-Hélène se tenait à ce moment dans la cabane de l'un des
Chicachas avec plusieurs Anglais. Comme un des chefs allait lui dire de
se mettre à l'écart et de ne rien craindre, deux jeunes sauvages^ qui s'é-
taient glissés dans la cabane, le virent et, le prenant pour un anglais, le
tuèrent à bout portant. Il fut vivement regretté de toute la colonie".
Cette dernière phrase nous laisse espérer que, depuis 1713, le jeune
de Ste-Hélène avait eu le temps de s'amender.
AEGIDIUS FAUT EUX
BUI^LKTIN'
DES
RECHERCHES HISTORIQUES
V0L..XXV1I BEAUCEVILLE- DECEMBRE 1»2I No 12
LE PALAIS OCCUPE PAR M. DE TRACY
A QUEBEC EN 1665-1666
Dès 1663, il y avait à Québec une maison connue sous
le nom de Palais. Quel était ce Palais ? Où était-il situé '^
Voilà deux questions que feu l'honorable M. P.-J.-O. Clian-
veau posait à nos chercheurs en 1885. . Personne, il uoun
semble, n'a encore répondu à ces questions.
Nous croyons être en mesure de dire ce qu'était le
Palais et d'indiquer le site de cet édifice.
Et d'abord relevons l'existence du P(^//rt /.s.
Le procès-verbal de la séance du Conseil Souverain
tenue le 14 noveml^re 1663, dit :
"En conséquence de l'aifiche faite dimanche dernier
portant qu'offres au rabais seraient ce jourd'huy reçues
pour les réparations et augmentations à faire tant au fort
St-Louis, à la maison à i)résent dite le Palais, qu'au ])ri-
gantin, et a})rès que Jean Lemire, maître charpentier, et
Jean Monfort, maître maçon, se sont présentés et qu'ils ont
représenté leurs ])rocès- verbaux de A'isite du passé, le Con-
seil a ordonné et ordonne que de nouveau ils feront visite
des dites choses vendredi prochain, du matin, et qu'ils en
dresseront leur prcx^ès-verbal en présence des sieurs de la
Ferté et Damours. commissaires députés pour ce voir faire,
pour sur leur rapport être ordonné ce que de raison."
... 354 —
Le 28 novembre 1663, le Conseil Souverain reçoit de
nouvelles offres pour les réparations au château Saint-
Louis et au Palais.
Le 5 décembre 1663, troisièmes offres au rabais pour
les réparations au château Saint-Louis et au Palais.
Enfin, le 12 décembre 1663, ainsi que le voulait la loi,
le Conseil Souverain s'assemble de nouveau pour ])rocéder
«ette fois à l'adjudication des travaux. Les charjjen-
tiers Antoine Rouillard et Jean Chénier ayant fait les of-
fres les plus avantageuses obtiennent le contrat de nienui-
«erie pour une sonune de 2930 livres. Quant aux travaux
4e maçonnerie, le Conseil Souverain, peu satisfait des of-
fres faites, les remet à plus tard.
Une délibération du Conseil Souverain en date du 25
.]uin 1665 nous ex])lique le pourquoi des réparations qu'on
fit subir au château Saint-Louis et au Palais en 1663, 1664
et 1665 :
**Le Ccmseil attendu que le Palais est réservé et qu'on
y travaille incessaimnent pour y loger Monseigneur de
Tracy a ordonné qu'affiches seront mises pour faire sa-
Toir à tous que le Conseil se tiendra aux jours ordinaires
dans la maison de Lavigne, huissier, où il se tenait ci-de-
Tant. ' '
C'est donc le Palais qui servit de résidence à M. de
Tracy pendant les quelques mois qu'il passa à Québec, de
1665 à 1666.
Demandons-nous maintenant quel était ce Palais et où
il était situé ?
Le Palais faisait-il partie des dépendances du château
Sahit-Ijouis ou tout au moins était-il situé dans l'enceinte
an fort ?
Non.
C'est en 1620 que Chaïnplain fit commencer la cons-
tru(;tion du fort Saint-Louis. Cette habitation, toute en
bois, fut rasée en 1626 et remplacée la même année par un
fort plus spacieux ''avec fascines, terres, gazons et bois."
C'est dans ce deuxième château Saint-Louis que mourut
Champlain le 25 décembre 1635. Dès son arrivée dans la
— 355 —
Nouvelle-France, M. de Montmagny fit reconstruire en
pierre le tort Saint-Louis édifié par Champlain. En 1647,
M. de Montmagnv jetait les fondements du "corj)s de
logis ^' qui jusqu à 1694 devait porter le nom de château
Saint-Louis. Il est certain qu'en 1665, lors de Parrivée
de M. de Tracy à Québec, il n'y avait qu'un seul bâtiment
de quelque inii3ortance dans l'enceinte du fort de Québec.
C'était le fort même qu'on désignait aussi sous le nom de
château Saint-Louis.
Il faut donc chercher ailleurs.
Dans la carte de Jean Bourdon intitulée Plan du haut
et du bas de Québec comme il est en Van 1660, on voit indi-
qué, au pied du Mont-Carmel, un peu en bas de la partie
nord-est du Jardin du Fort actuel, un bâtiment d'assez
yastes dimensions que la légende au bas de la carte désigne
comme suit : Sénéchaussée. .
La Sénéchaussée avait été établie à Québec par le gou-
verneur de Lauzon peu après son arrivée à l'automne de
1651. Le gouveiTieur nomma son fils aîné, Jean de Lau-
zon, grand-sénéchal de la Nouvelle-France.
M. l'abbé Ferland écrit :
**Les salles et les bureaux de la sénéchaussée étaient
placés dans une maison, située en partie sur l'emplacement
qu'occui)e aujourd'hui le palais de justice à Québec. Lors-
que plus tard, le palais dé l'intendant eut été bâti sur les
bords de la rivière Saint-Charles, les bâtiments de la séné-
chaussée furent abandonnés ; et, en 1681, l'emplacement
avec les ruines fut donné par le roi aux Récollets, qui fini-
rent par y transporter leur couvent Le grand-séné-
chal occupa, pendant quelque temps, une partie du bâti-
ment connu sous le nom de sénéchaussée. S 'étant retiré,
après le départ de son père, à sa terre de Beaumarchais, il
autorisa M. Louis-Théandre Chartier, alors lieutenant-
général civil et criminel, à occuper les mêmes apparte-
ments." (1)
M. l'abbé Ferland n'est pas tout à fait exact ici. Le
bâtiment qu'occupa le grand-sénéchal de la Nouvelle-
(1) CoMr$ d'histoire du Canada, vol. 1er, p. 402.
— 35(i —
France n'était pas la Sénéchaussée bâtie sur le» site actuel
(lu palais de justice mais une autre Sénéchaussée qui s'é-
levait de l'autre côté de la rue Saint-Louis, à peu près où
on vient de bâtir la nouvelle aile du château Frontenac.
M. l'abbé Ferland a donc confondu le second bâtiment de
la Sénéchaussée avec le premier.
En effet, la Sénéchaussée occupa successivement deux
immeubles. Et voici nos preuves.
Le 28 mai 1681, le roi de France accordait aux Récol-
lets une place, située en la haute-ville de Québec, sur la-
quelle était ci-devant bâtie la maison de la Sénccliaussée.
C'est le site actuel du j^alais de justice de Québec. Comme
les Récollets commencèrent presque aussitôt la construc-
tion de leur couvent, il est donc certain que la maison de la
Sénéchaussée ^( la deuxième) était disparue.
La maison qui servit à la Sénéchaussée établie en 1651
et qui fut aussi occupée par le grand-sénéchal ne disparut
qu'en 1711 comme nous le constatons par l'ordonnance
suivante de l'intendant Raudot du 14 mai 1711 :
' ' Sur ce qui nous a esté représenté par le sieur de
Beaucours capne. et faisant les fonctions d'ingénieur en ce
païs qu'il y a une maison appellée la Sénéchaussée cy-de-
vant appartenant au sr de Becancourt et dont il a reçu le
remboursement, laquelle se trouvant dans la ]jlace du châ-
teau St-Louis, il serait nécessaire de la démolir ce qu'on n'a
pas fait jusques à présent, parce que les intendants nos
prédécesseurs et nous-même, voulant épargner l 'argent du
Roy, ont toujours cru trouver quelqu'un qui prendrait les
démolitions en payement des travaux qu'il faudrait faire
pour la mettre à bas, ce qui n'est pas arrivé jusques à pré-
sent, et connue Me. Maillon, entrepreneur des fortifications
de cette ville, ayant besoin présentement de partie des dé-
molitions de cette maison pour servir ijour quelques ouvra-
ges qu'il a entrepris il offre de démolir la cf. maison sans
rien demander autre chose pour la dépense qu'il fera pour
y parvenir que les matériaux qu'il en tirera, offrant encore
de porter et de prendre ce qui ne luy sera pas nécessaire
dans les endroits de la d. i^lace, ou en d'autres qui lui se-
— .)') i
ront marqués, il a crû être obligé de nous donner avis des
propositions qui luy ont été faites i^ar le d. Maillon et de
requérir la démolition de la d. maison aux conditions cy-
dessus proposées, croyant la d. démolition nécessaire pour
l'agrandissement de la place du Fort St-Louis, et les pro-
positions cy-dessus énoncées avantageuses au Roy, à quoy
avant éiïard.
fe«
*'Nous permettons à Me. Maillon de démolir la d. mai-
son cy-devant appelée la Sénéchaussée à la charge qu'il
rendra la place où est construite la d. maison nette et sans
qu'il j)uisse j) rétendre autre chose pour les travaux qu'il
fera que les démolitions d'ycelle lesquelles il pourra trans-
porter pour ce qui luy sera utile dans tel endroit qu'il juge-
ra à propos et le surplus qu'il le fera porter dans les en-
droits qui lui seront marqués par le d. s. de Beaucours!"
Pour nous, le Palais que le Conseil Souverain tit amé-
nager ]}o\\v recevoir M. de Tracy en 1665 était tout simple-
ment la première Sénéchaussée de Québec située da^is la
place du château Saint-Louis et que l'intendant Raudot,
comme nous venons de le voir, fit détiuire en 1711.
Nous appuyons notre théorie sur deux i)ièces pro-
bantes :
Le 6 octobre 1700, MM. de Callières et Bochart Cham-
pigny envoyaient au ministre un plan de la haute-ville de
Québec. Précisément à l'endroit où quarante ans plus
tôt, dans son Plan du haut et du bas de Québec, Jean Bour-
don plaçait la Sénéchaussée, MM. de Callières et Bochart
Champigny indiquaient un bâtiment de mêmes dimensions
avec la légende : "Maison du Roi qui servait autrefois de
l^rison, dont le fond appartient aux héritiers de M. de Bé-
cancour. " De plus, un jugement du Conseil Souverain du
23 avril 1668 dit : *
"Yen le procès extraordinairement encommencé par-
devant le lieutenant civil et criminel de cette ville à la re-
quête du procureur fiscal de la Compagnie des Indes Occi-
dentales, seigneurs de ce paiys, demandeurs contre Jacques
... 358 —
Bigeoii, prisonnier ez prisons de la conciergerie du palais
de la juridiction ordinaire de cette dite ville (de Qué-
bec)
Le palais de la juridiction ordinaire mentionné iei est
sans aucun doute possible le Palais occupé par M. de Tracy
en 1665 et 1666.
P. G. R.
DOMINIQUE LEFEBVRE, SIEUR DU
GUESCLIN, ENSEIGNE AU REGI-
MENT DE CARIGNAN
Depuis une trentaine (J'amiées on a retracé bon nombre d'officiers du
régiment de ( -arignan. En voici un qui n'a pas fait grand tapage mais qui
n'en appartenait pas moins au célèbre régiment. Il se nommait Dominique
Lefebvre, sieur du Guesclin, et avait le grade d'enseigne. Il est probable
qu'il retourna en France à l'automne de 1667 ou l'année suivante.
("est un acte du notaire Gilles Rageot, de Québec, du 36 août 1667,
quî nous permet de sortir ce beau nom de la poussière de l'oubli.
I/acte dit :
"Pardevant le d. Xore, fut présent en sa personne Domijiique Lefeb-
vre escuyer sieur du Guesclin, enseigne d'une compagnie au régiment de
Carignan-Salières, lequel vollontai rement et du consejitement de Monsei-
gneur de Tracy s'est demis et démet par ces présentes de la ditte charge
d'enseigne et de son drapeau envers Antoine de laf renée escuyer sieur de
Brucy à ce présent et acceptant pour luy la ditte charge d'enseigne et
drapeau, et ce moyennant le prix et somme de cinq cens livres monnaye de
France et y ayant cours que le sieur du Guesclin a reconnu et confessé avoir
eu et reçu par l\)rdre et des deniers du d. seigneur de Tracy dont il s'est
tenu pour comptant, satisfait et bien payé et en a quitté et quitte le d.
sieur de Brussy et toutes autres promettant, etc obligeant etc renonçant
etc. Fait et passé au d. Québec en l'hôtel de m. d. seigneiir le vingt-
sixième jpur d'août mil six cent soixante sept près midy. "
P. G. R.
— 359
FRANÇOIS LA BERNARDE, SIEUR DE
LAPRAIRIE, PREMIER INSTITUTEUR
LAIOUE DE MONTREAL
Sur le gratte-ciel qui s'élève maintenant au coin sud-e.st dess rues
Notre-Dame et Saint-Sulpice, on remarque une plaque de marbre |)or-
talit l'inscription suivante :
"Hère Monsieur de Laprairie Opened the Ist Private Sch«K)l in Mon-
tréal, 1683."
Bien des gens se demandent quel était ce Monsieur de Tjaprairie
mais leur question n'obtient pas toujours de réponse parce que les iaits et
gestes d'un obscur instituteur n'ont pas encore intéressé nos historiens.
11 faut donc jeter quelque lumière — oh ! bien peu — sur ce ]»ersonhage
des {)remiers temps de Ville-Marie.
François La Jiernarde, sieur de Laprairie, de "son nom au long et
exact, était m\ huissier royal qui pratiqua comme tel à Sorel, en iHîtî et
1677. (Adhémar, 38 sept. 1676 et 11) juil. 1677).
En cette dernière année il quitte Sorel jM)ur se rendre à Charaplain
et semble y faire un assez long séjour.
Le 1er mai 1683, on le rencontre à Montréal, 'où il loue de Jeanne
Godart, veilve de Pierre Pigeon, luie maison sise au coin des rues Notre-
Dame et Saint-Sulpice, dans le but d'y ouvrir une école.
Ce bail, tant pour son objet que pour certaines de si's clauses, de-
vrait intéresser nos lecteurs et nous en extrayons les clauses principales :
"Une maison de bois de pièce sur pièce, consistant en une chambre ^
feu, deux cabinets, cave et grenier, tenant j)ar devant à là rue Saint-
Joseph, par derrière, au jardin et enclos de Pierre Chantreau, bedeau :
d'un bout à une petite maison où la dite veuve se retire ({uand elle vient en
ville. . . .à la charge par ledit preneur d'entretenir la maison, d'arborer,
aux jours de fêtes du S. Sacrement, le devant de ladite maison de ra-
meaux à l'usage de ce lieu et de payer à la dame Pigeon la stmime de 55
livres en deux paiements égaux "
Pendant combien de tem[>s, M. de La Beniarde demeura-t-il à
Montréal, et reçut-il l'encouragement qu'il escomptait ? Pas plus qu'un
an ou deux, car en 1685 un document sous seing privé nous fait voir que
le curé Séguenot, de la l'ointe-aux-Trembles, acquitte pour Lu Bernardo
— 300 —
un billet que celui-ci avait signé le \'l juillet 1683 en faveur de M, de La
Mothe. • •
Le 19 de juillet 1688, il dresse avec le. consentement du curé de
Fendroit, l'abbé Séguenut, le contrat de mariage d'Antoine Galipeau et de
Marie Cantin,
Peu après, le 20 octobre 1688, le notaire Adhémar va rédiger un acte
à la Pointe-aux-Trembles et l'un des témoins n'est autre que "François
La Bernarde, maistre d'escolle". Jl exerçait donc alors, sa profession,
au bout de l'île. Enfin, au bas d'une j)ièce judiciaire du 13 avril 1687,
on lit :
"Collationné par François La Bernarde, notaire (!) de la Pointe-
"aux-Trembles, ce 31 décembre 1688".
llinsuite, nous ])erdons sa trace.
M. La l^ernarde de Laprairie est sans doute le premier instituteur
laïque de Montréal, et, comme tel, il a droit à une mention dans l'histoire
de notre ville, toutefois, on aurait tort de croire qu'il est le premier qui se
Sftit spécialement oc(ai]>c de l'instruction des garçons en cette localité.
Suivant M. Jacques Viger, cet honneur reviendrait à Monsieur l'abbé
Souaxt, premier curé de Yille-Marie qui, dès 1661, se dévoua à l'enseigne-
ment et s'occupa de cette oeuvre, directement ou indirectement, j)endant
plus de vingt-cinq ans ainsi que nous le ferons voir dans nos notes sur un
autre document inédit: concernant les écoles de Montréal.
E.-Z. MASSICOTTE
PIERRE DE SAINTE-MARIE .
M. de Sainte-Marie fut envoyé comme officier des troupes à l'île
Royale dès les premières années du dix-huitième siècle. Il y mourut ca-
pitaine en 1729 ou 1730.
Son fils aîné fut fait enseigne à l'île Eoyale le 6 mai 1730. Lieute-
nant le 1er avril 1739, il fut nommé capitaine d'une compagnie de cauon-
niers bombardiers le 1er mai 1743.
Pierre de Sainte-Marie, fils cadet du capitaine de Sainte-Marie, ob-
tint également une expectative d'enseigne à l'île Royale le 10 mai 1728.
Enseigne en sec(md le 25 mars 1730, il fut fait enseigne en pied le 25 juil-
let 1732, et lieutenant en 1737.
Le 1er avril 1737, il se retirait du service avec une pension de 600
livres. Malade, il entra à l'Hôpital-Général de Québec où il décéda le 6
juin 1754.
— :361 —
LA PAROISSE DU CANADA
«KM ARQUE PRELIMINAIRE
Quand ou parle de paroisse au Canada, il ne peut être question que
du Canada français, c'est-à-dire de la province de Québec, et c'est d'elle
seulement que je parle ici. Outre que la province de Québec est la seule
où s'applique le droit civil français, la tradition n'a pas pu ou, du moins,
n'a pas été de fait conservée dans les autres paroisses quant à l'organisa-
tion du culte et surtout quant au système paroissial.
rONDATlCTK DES PAROISSES A L'ORIGINE, 1608-1658
L'origine des paroisses ne se perd pas dans la nuit des temps, mais
elle se confond avec l'origine de la Nouvelle-France. En 1608, Cham-
plain fonde Québec. En 1615, il obtient trois pères Réeollets pour inau-
gurer la Mission du Canada. En 1625, les Récollets appellent les Jésuites
à lexir aide 6t trois pères de la Cie de Jésus viennent se joindre à eux. Eu
1629, après la prise de Québec par Kertk, tous les missionnaires retour-
nent en France, et en 1632, après le traité de St-Germaiu-en-Laye, les.
Jésuites furent seuls chargés des missions de la Nouvelle-France, jusqu'en
1659, année de l'arrivée de Mgr de Laval, vicaire-apostolique, sacré évêque-
de Pétrée en 1658.
Evidemment, de 1615 à 1658, ce fut une période de simple missiom
pendant laquelle on iie pensa guère à l'organisation temporelle de l'EgUse
du Canada. Cependant, il se forma ça et là des établissements canadiens,
germes de futures paroisses : outre Montréal, Québec, Trois-Rivières et
Tadoussac, les documents de l'éj)ociue mentionnent les nouLS de plusieurs
endroits visités par les missionnaires, et quelques-unes de ces petites co-
lonies avaient régulièrement leurs offices paroissiaux. Il n'y avait
encore, à l'arrivée de Mgr de Laval, que trois paroisses Un peu organisées,
Québec, Montréal, Beaupré tVie de Mgr de Laval, par le même auteurV
1658-1688
En arrivant, Mgr de Laval se mit à l'oeuvre de l'organisation de son
vicariat apostolique et un de ses premiers actes d'administration fut la
création d'une officialité, après quoi il pourvut aux besoins ; spirituels de
s(m troui)eau : aux Jésuites qui, depuis près de trente ans, évangélisaient
... 362 —
les sauvages dont, seuLs, ils comprenaient et ]X)uvaieut parler la langue,
fut «îévolue la (-liarge de continuer leur ministère chez les indigènes Jus-
qu'aux endroits les plus reculés ; la colonie de Montréal était desservie
par les Messieurs de Saint-Sulpice ; celle de Québec par d'autres j)rêtres
séculiers.
En 1(5(53, Mgr de Laval fonde son séminaire qui, tel que conçu dans
son esprit, n'était pas seulement un collège classique ou une maison de
formation et^clési astique, mais devait être comme l'ôme de l'Eglise de la
Nouvelle-France. Les prêtres séculiers feraient partie du séminaire lui-
même. Ijes cures toutes amovibles lui sont unies. Le séminaire en
leçoit toutes les dîmes, mais il est obligé de pourvoir à la subsistance du
curé. Tous les biens sont en commun, et cliacun devait pratiquer le ])lus
l)arfait es]>rit de désap])ropriation et considérer le séminaire comme sa
anftison où il jwurrait venir de temps en . temps se retremper dans les
exercices de la vie spirituelle, et serait toujours assuré d'y trouver, en
maladie et A la 7nort_, un lieu de refuge, de paix et de consolation.
[ ; DE 1688 à 1831
' Tel était le système de cure existant lorsque Monseigneur de Saint-
Vallier remplaça Monseigneur de Laval comme évêque de Québec. Ce
système ne pouvait avoir, même dans l'esprit de Monseigneur de Laval, un
caractère définitif. Il était le système des gros décimatewrs, contre
lequel il y avait en France un mouvement très prononcé. Monseigneur
de Saint- Vallier qui n'avait pu s'empêclier d'admirer la charité qui unis-
sait tous les membres du clergé et la vertu à laquelle le séminaire donnait
partout l'élan, s'était d'abord proposé de ne rien changer. Mais sa situa-
tion n'était pas la même que celle de son prédécesseur qui avait fondé le
séminaire et y exerçait une influence incontestée par l'ascendant de ses
vertus et le souveiur impérissable de ses services. Peut-être craignait-il
que laisser l'administration de toutes les cures au séminaire ne lui fût une
entrave A la libre administration de son diocèse ; quoi qu'il en soit, il re-
vint sur sa détermination et brisa le système des cures unies au séminaire
pour réduire cette institution à n'être qu'une maison de formation ecclé-
siastique.
La seule règle pour l'érection des paroisses paraît avoir été le droit
canon. De la fondation de la colonie à la cession du pays à l'Angleterre,
l'évêque seul y avait pourvu sans l'intervention du pouvoir civil, et les
choiêes en restèrent ainsi depuis la cession jusqu'en 1831.
— 36:i —
DE 1831 A N08 JOURS
Eu cette année 1831, on adopta une loi pourvoyant à l'érection civile
(les paroisses. C'est encore cette loi qui régit la matière avec des modi-
fications apportées dans le cours des temps. Encore aujourd'hui comme
autrefois, comme toujours, c'est l'autorité ecclésiastique qui, à son gré,
avec une entière liberté d'action, suivant les règles du droit canon et de la
discipline établie dans chaque diocèse, érige, subdivise, démembre, annexe
les paroisses. C'est l'érection canonique qui fait de la paroisse une cor-
})oration pouvant posséder des biens, poursuivre^ être poursuivie, c'est-à-
dire ester en justice, en un mot jouir de la pleine vie civile.
L'érection civile ne donne à la paroisse canonique que les effets civils,
c'est-à-dire le droit de se constituer en municipalité pour lins électorales,
scolaires, judiciain's et autres.- L'autorité ecclésiastique n'a aucun inté-
rêt à faire ériger civilement la })aroisse qu'elle a elle-même érigée canoni-
(juement. Les paroissiens seuls sont intéressés à obtenir cette érection
civile pour se constituer en municipalité civile. De même qu'une paroisse
simplement canonique ne ])eut former une municipalité sans l'interven-
tion de l'Etat, de même ime jjaroisse que l'Etat érigerait, sans qu'elle soit
paroisse canonique, ne serait pas une cure.
PROCEDrRES DE L'KRECTIOX CANONIQUE ET CIVILE— RE-
QI'ETE SOLLICITANT L'ERECTION CANONIQUE
Sur requête à l'Ordinaire d'une majorité des francs-tenanciers du
territoire dont on demande l'érection en paroisse, l'autorité ecclésiastique
députe un délégué pour vérifier les allégations de la requête et dresser un
})rocès-verbal de corn modo el incommoda.
Un avis de dix jours doit être donné aux intéressés du jour et du lieu
où le délégué se transportera. L'avis est publié et affiché, deux diman-
ches consécutifs, à l'issue du servic-e divin du matin, à la porte de l'église
ou cliapelle de chaque paroisse ou mission intéressée, et aussi à la porte de
l'église ou chapelle de la paroisse ou mission où les intéressés sont desser-
vis ; et à défaut d'église ou chapelle, dans le lieu le plus public de la ré-
sidence des intéressés.
C'est alors qu'intervient le décret d'érection canonique.
AVIS i^UE L'ERECTION CIVILE SERA DEMANDEE
Le décret canonique est publié deux dimanches consécutifs au prône
des églises ou chapelles des paroisses ou missions intéressées, avec im avis
---364---
que, sous trente jours, de la dernière publication du décret, dix ou la ma-
jorité des francs-tenanciers mentionnés en la requête sur laquelle a été
rendu le décret canonique s'adresseront aux commissaires pour en obtenir
la reconnaissance civile.
CONCESSION DE L'EEECTION CIA' ILE
Passé ce délai de trente jours, le secrétaire des commissaires trans-
met au lieutenant-gouverneur le décret canonique avec un certificat at-
testant qu'aucune opposition n'a été déposée à son bureau, ou que, ayant
"été déposée, elle a été rejetée.
PEOCLAMATION DE L'ERECTION CIVILE
C'est alors que peut être émanée la proclamation sous le grand sceau
érigeant la paroisse pour les fins civiles.
Cej)endant, en vertu d'une loi passée pour faciliter la confection du
cadastre, cette proclamation n'est pas émise s'il n'est produit un diagram-
me et une description technique de la paroisse à ériger civilement, dressés
par un arj)enteur et approuvés par le ministre des Terres de la Couronne.
DATE DE LA LOI EN VIGUEUR
La loi }K)urv()yant à l'érection civile des paroisses date de 1831.
POUVOIR ABSOLU DE L'EVEQUE
Depuis la fondation de la Colonie jusqu'en 1831, c'est l'évêque seul,
qui, dans la plénitude de sa liberté d'action, suivant les règles du droit
canon et la discipline du diocèse, érige, subdivise, démembre, annexe les
paroisses. Aucune loi civile ne restreint ses pouvoirs, la confirmation
par le pouvoir civil n'est pas même requise.
EDIT DE 1749 RESTE LETTRE MORTE
Un édit (avril 1695) déclarait que "Ijes archevêques et évoques pour-
ront, avec les solennités et procédures accoutumées, ériger des cures dans
les lieux où ils l'estimeront nécessaire." L'édit de 1749 ordonna qu'il ne
serait fait "aucune chapelle ou autres titres de bénéfices dans l'étendue du
royaume sans lettres patentes", mais cet édit n'a jamais été enregistré au
Conseil Souverain, et n'a jamais été en vigueur dans la Nouvelle-France.
EFFETS DE L'ERECTION CANONIQUE
L'érection canonique fait de la paroisse une corporation pouvant pos-
— 3G5 —
séder des biens, poursuivre, être ])Oursuivie, e'est-à-dire ester en justice,
en un mot, jouir de la jileine vie civile.
SOUS LE EEGIME SEIGNEURIAL
Le régime seigneurial qui a pris fin en 1854, n'a jamais eu rien à voir
avec l'érection des paroisses, et son abolition n'a pu rien changer. Un
édit, il est vrai, fut promulgué en 1679, à la faveur duquel les seigneurs
suscitèrent des difficultés et créèrent des embarras à l'évêque surtout quant
à la construction des édifices religieux. Cet édit accordait le droit de
patronage à "celui qui aumônera le fonds sur lequel l'église paroissiale
sera construite, et fera de plus tous les frais du bâtiment", et donnait au
seigneur le droit de préférence à tout autre, à conditions égales. Mais le
cas fut péremptoirement réglé par un arrêt du Conseil d'Etat, le 27 mai
1699, qui permit h l'évêque de bâtir lui-même des églises en pierre, là où
il le jugerait convenable pour la commodité des habitants, auquel cas le
droit de patronage lui appartiendrait.
PEUT-OX DIRE QUE LA PAROISSK A FAIT LE CANADA
FRANÇAIS
Oui, on peut dire que la paroisse a fait le Canada français. Ce qui
est certain, c'est qu'elle l'a conservé. Ce fut la sauvegarde, le rempart de
notre foi, de notre langue, de nos lois, de nos institutions.
Quand arriva la nouvelle du traité de 1763, la plupart des familles
aisées, les fonctionnaires, les marchands, les hommes de loi s'empressèrent
de quitter un pays qui ne leur offrait plus qu'une perspective de persécu-
tions, de sujétions, d'infériorité perpétuelle. . . .Mais il restait encore
une soixantaine de mille Canadiens français et catholiques : le clergé eu
masse résolut de partager leur sort et de remplir à leur égard jusqu'à la
fin les devoirs d'un ministère tout de charité et de consolations.
Le pays, surtout dans le gouvernement de Québec, n'était plus qu'un
amas de ruines et de cendres. L'envahisseur avait semé l'incendie sur
les deux rives du Saint-Laurent. La capitale, deux fois assiégée, avait
été bombardée et presque anéantie. Les habitants ruinés et décimés, ne
songèrent plus qu'à se réfugier sut leurs terres pour réparer leurs pertes ;
et, s'isolant de leurs nouveaux maîtres, ils se livrèrent exclusivement à
l'agriculture.
Pendant trois ans, le pays fut soumis au régime militaire, en viola-
tion des capitulations. Ne connaissant pas la langue du conquérant, les
— 366 —
Canadiens ignorèrent les juges éperonnés qui remplaçaient les tribunaux
civils et, sans se plaindre, ils réglèrent leurs différends eux-mêmes, ou les
firent régler j)ar le curé ou les notables du lieu, surtout par le curé dont
L'influence s'augmenta par là-même.
C'est alors que la paroisse canadienne n'est plus seulement un corps
canonique ou politique, mais une âme. Elle est devenue une famille,
c'est la famille amplifiée. Le père de famille, c'est le curé. Il est l'ami
et le conseiller de ses fidèles, l'arbitre de ses difïérends, il se fait le méde-
(•i;n de leur corj)s comme de leur âme.
Il assume les fonctions les plus diverses, colonisateur, missionnaire
agricole, voire même maître d'école quand il ne se trouve personne pour
instruire les enfants: Dans l'administration des biens de la fabrique,
dont le marguillkr im charge se décharge Nolontiers sur lui, il acquiert
l'expérience qui en fait un homme d'affaires.
La vie commune avec ses vicaires, la seule pratiquée au (^anaila, an-
glais comme français, non seulement l'engage à donner le bon exemple et
entretient en lui le sens de la sociabilité, mais assure aux jeunes prêtres
une meilleure formation ecclésiastique, complète et affermit celle qu'ils ont
reçue au (irand Séminaire ; l'un peut-être de ses effets les plus bienfai-
sants, c'est la transmission des traditions et l'apport de paroisse en paroisse
des usages, coutumes et réformes qui ont fait leurs preuves ici et là.
Le curé et ses vicaires s'appliquent à discerner et à cultiver les voca-
tions. Quand Ils ont cojistaté chez un enfant des aptitudes à la forma-
tion classique, ils lui enseignent les éléments du latin et leur procurent les
moyens de compléter leurs études dans lin collège ou séminaire. C'est le
clergé, le plus souvent un sim])le caré de campagne, qui a fondé toutes nos
institutions d'enseignement secondaire.
COMMENT EST ETABLIE LA PIIOPKIETE PAROISSIALE
La propriété paroissiale, c'est l'église, la sacristie, le presbytère, le ci-
metière et la salle publique.
Qu'est-ce que cette salle publique ? Yoici tout le monde va à la messe
le dimanche, excepté ceux qui sont retenus à la maison pour la garde des
enfants en bas âge. 11 n'y a pas de mauvais temps, pas de tempêtes, pas
de mauvais chemins, pas de froids qui tiennent, on y accourt de 12 à 15
kilomètres. L'Office paroissial ou dominical, avec le prône du curé, c'est
l'événement de la semaine.
... :^67 —
Oii en parle sur le })erroii de l'église, à la sortie de la messe, oa en
reparlera à la maison, toute la semaine, jusqu'au dimanche suivant. Avant
la messe, des parents et des amis qui ne se sont pas vus de la semaine se
rencontrent sur la place ; des salutations s'échangent et les conversations
s'engagent jusqu'à ce qu'on leur donne le signal du commencement de la
messe.
Or, en hiver, ces entretiens ne sont guère jwssible sur la place ou sur
le perron de l'église. On a donc construit ce qu'on appelle une salle
publique, c'est-à-dire une salle ou des salles d'attente d(mt on se sert aussi
pour les réunions du Conseil municipal, des commissaires d'école et par-
fois même pour les meetings politiques.
Quand il s'agit de construire ou réparer l'un de ces édiiices religieux,
la majorité des francs-tenanciers demande à l'Ordinaire du diocèse l'auto-
risation requise, et l'évêque après avoir procédé comme {M>iir l'érection
d'une paroisse, émet un décret en réservant l'a})probati()n des plans et
devis.
Quand l'autorité ecclésiastique a donné son décret, la majorité des
francs-tenanciers intéressés s'adressent à dea commissaires nommés à
■cette fin par l'Etat dans chaque diocèse pour en obtenir l'autorisation
d'élire des syndics, chargés de mettre le décret à exécution. Les syndics
élus après les formalités et publications d'avis requises par la loi deman-
dent aux mêmes commissaires la confirmation de leur élection.
En ratifiant leur élection, les commissaires autorisent les syndics à
cotiser les propriétaires de terres et autres immeubles de la })aroisse au
prorata de leur valeur respective, et à en j)rélever le montant. l'et acte
de répartition doit être publié et présenté aux commissaires, après avis aux
intéressés, pour approbation. Une fois approuvée par les commissaires,
cette cotisation porte hypothèque privilégiée sur chaque ininieul)le. Les
syndics forment une corporation dont la seule fonction est de mettre à
exécution le décret canonique, de payer les frais de- constructions, de cotiser
pour cette fin et de prélever la cotisation imp(jsée.
L'OEGAXISME PAHOISSIAL
11 comprend trois éléments : 1.— l-ne municipalité civile, érigée
légalement, autonome, dotée de pouvoirs presque absolus, indépendante
dans la sphère de ses attributions, gouvernée par un Conseil de sept mem-
bres élus par les contribuables, et dont le budget est ab" mente jiar un im-
pôt foncier. S'il y a conflit eiitre les parties intéressées, elles peuvent en
... }^m —
appeler au Conseil de comté, composé de.s maires de cliaque paroisse, ou
bi^n aux tribunaux civils.
2. — Une municipalité scolaire : érigée légalement, autojiome, possé-
dant presque tous les pouvoirs désirables, indépendante dans sa sphère
d'action, gousernée par une Commission scolaire élue par les intéressés,'
dont le budget est constitué par un impôt foncier auquel le gouvernement
ajoute une légère subvention et, ne dédaignant pas de consulter le curé qui,
d'ailleurs, est libre de visiter ses écoles paroissiales quand il lui plaît.
Si quelqu'un se croit lésé il lui est loisible d'en appeler au Surinten-
dant qui, grâce Pi Dieu, n'est ])as un ministre de l'Instruction })ublique, ou,
s'il le préfère, au Conseil de l'Instruction publique, composé de l'épiscopat
provincial et d'un nombre de laïques égal à celui des évêques.
3. — Une Fabrique pour la gestion des biens ecclésiastiques parois-
siaux : légalement instituée, autonome et indépendante comme les muni-'
cipalités civiles et scolaires, munie de pouvoirs limités seulement par ceux
de l'Ordinaire, qui jouit du droit de veto sur ses actes administratifs, gou-
vernée ])ar un (Jonseil de marguilliers élus })ar les paroissiens, présidé de
droit par le curé, dont le budget, alimenté par le casuel, le loyer des bancs,
le revenu du cimetière, les quêtes ordinaires et extraordinaires, sert à
défrayer les dépenses du culte, des réparations, etc., et même des construc-
tions des édifices religieux. Dans (!e dernier cas on a recours aux
souscriptions volontaires ou à une répartition légale, payable en dix, vingt,
trente, quarante ans.
Ces fabriques de nos paroisses canadiennes sont des filiales de celles
qui existaient en France avant la Révolution, et sont substantiellement
restées les mêmes. En d'autres termes, elles sont de bonnes "machines
françaises."
BUDGET DU CUEE
Dîme, c'est-à-dire le 26e minot des grains récoltés, ou l'équivalent en
argent.
Casuel des messes, mariages, services et sépultures.
Capitation des emplacitaires.
Supplément imposé par l'évêque si la dîme est insuffisante.
Parfois, usufruit d'une terre appartenant à la Fabrique.
Dans les villes, les paroissiens ne paient ni dîme ni capitation. Le
curé et les vicaires sont payés par la Fabrique, et de plus le curé touche sa
part de casuel.
... 369 —
Les paroissiens tiennent à ce que leur curé ait les revenus nécessaires
pour faire honneur à sa position, et seraient humiliés s^il en était autre-
ment. Ils répondent généreusement à ses appels en faveur des oeuvres
paroissiales et n'iiésitent pas à construire des églises de 150 à 200,000
piastres.
JUEISPBUDEXCE CANADIENNE
Ses deux sources principales sont : le droit criminel anglais et le
droit civil français. Notre Code civil n'est littéralement que le Code
Napoléon amendé et canonisé.
LIBERTE DE TESTER
Elle est absolue, chacun i)eut disposer de ses biens à sa guise. Ainsi
un père de famille peut même déshériter tous ses enfants. En pratique,
on use sagement de cette liberté. Un père de famille choisit son héritier
de prédilection, lui donne la part du bien })our qu'il puisse honorablement
continuer les traditions de la famille, subvient à l'éducation et à l'avenir
de ses autres enfants, et leur lègue une somme variant suivant les cir-
constances.
C'est grâce à cette liberté testamentaire que le "Comité des anciennes
familles", à l'occasion du troisième centenaire de la fondation de Québec,
en 1908, a distribué plus de 250 médailles aux Canadiens français dont la
terre n'avait pas changé de nom depuis deux cents ans.
L'ESPRIT PAROISSIAL
11 est en somme admirable et aussi intense qu'autrefois. Les Cana-
diens français sont orgueilleux de leur paroisse sous tous les rapports,
ambitionnent la première place pour cette petite patrie, s'enorgueillissent
surtout du nombre de prêtres et de religieuses qu'elles comptent, s'inté-
ressent à tout ce qui est de nature à promouvoir son progrès et sa prospé-
rité.
Bien qu'en bons Normands ils aiment plaider et se chicaner, si un
mallieur frappe l'un deux, ils lui tendent immédiatement la main, lui
aident à reconstruire sa maison ou sa grange incendiée, se distribuent les
orphelins de père et de mère, et soutiennent leurs pauvres. La masse des
paroissiens ne fait généralement qu'un avec son curé, le seconde, le consulte,
apprécie sa présence au milieu d'eux, son dévouement. Plébéien comme
... 370 —
eux,, il se mêle à eux, rien de ce qui les intéresse ne lui est étranger, et sa
porte leur est ouverte à toute heure, sans faire antichambre, comme celle
du bureau du cardinal archevêque de Québec à son clergé.
MENTALITE KELIGIEUSE
Elle est foncièrement croyante et pratiquante. Ce serait presque
parfait, si l'instruction religieuse des intellectuels était plus doctrinale et
plus complète.
Le nombre de ceux qui ne pratiquent point est proportiellement insi-
gnifiant. Dans les paroisses rurales tout le monde fait ses Pâques* sauf
quelques retardataires, plus nombreux dans les villes.
La communion fréquente est partout en honneur et la Communion
réparatrice mensuelle réunit dans toutes les éghses des centaines de j)er-
sonnes.
L'observance du dimanehe n'est pas aussi parfaite qu'autrefois, mais
elle est très bonne.
Ijcs anticléricaux, sectaires, libres-j)enseurs prétendus, radicaux
proprement dits, sont ])resque aussi rares que les corbeaux blancs. S'il y
en a qui s'affichent comme tels, c'est plutôt par fanfaronnade, ignorance
ou insuffisance de matière cérébrale. Le respect humain du Canadien
Français placé dans un milieu ambiant et pratiquant, est le contraire du
respect humain français.
Il y a cependant, dans les grandes .villes, quelques douzaines de
Canadiens français égarés dans la maçonnerie anglaise, par intérêt per-
sonnel presque toujours.
PROBITE
Il n'y a guère plus de 30 à 40 ans, les j)rêts de la main à la main
étaient assez fréquents chez le peuple, et les rentes étaient payées ad libi-
tum. Ils sont j)lus rares aujourd'hui et l'argent a une valeur plus grande
car la situation économique a changé:
En général, le C'anadien français est encore très probe, mais il est
fcïïr (jue la probité commerciale, industrielle, et professionnelle a baissé.
L'INFILTRATION DES IDEES MODERNES
^ Sans doute ce péril existe, mais le clergé, secondé par trois quotidiens
catholiques, indépendants des partis politiques, a l'oeil ouvert, et il espère.
— 371 —
moyennant la grâce de Dieu, sauvegarder la i>aroisse et la famille, comme
jusqu'à présent, il les a sauvegardées contre le protestantisme avec lequel
elles sont en contact dans les villes. En tout cas, la paroisse et la famille
ne sont pas entamées à l'heure actuelle.
CHANT LITLTKGIQI E
L'assistance ne chante pas à l'unissoi^ dans nos églises, mais le chant
liturgique est exécuté le dimanche et sur semaine })ar des laïques (jui
tiennent à cet honneur.
CLEIWE SECULIER ET «EGULIEK
Sur tous les terrains il y a entente cordiale.
NOS CANTIQUES ET CHANSONS
Ils sont les cantiques et les chansons de la mère-patrie, les gosiers
seuls diffèrent. Le répertoire des cantiques et des chansons canadiennes
est encore très limité. "Ca viendra quand ?" "Quand petit poisson sera
devenu grand."
D'ailleurs, on ne peut faire mieux.
L'ESPRIT PAROISSIAL
Il est indiscutable que l'intimité du clergé avec le peuple favorise
singulièrement l'esprit j)aroissial. Entre les deux éléments il n'y a
qu'une distance invisible à l'oeil nu.
CABARETS
Il est authentique (jue beaucoup de centres industriels .sont indemnes
de la plaie des cabarets. Québec dont la {Kipulation est de 1*^0,000 âmes
vienl de passer trois ans sous le régime de la prohibition, qui ne tolère
aucun cabaret. Lévis qui compte 10,000 âmes est sous le même régime.
PRISONS
IjCs prisons des districts ruraux sont généralement vides ou ne comp-
tent que quelques pensionnaires.
CLASSE OUVRIERE
Non seulement la classe ouvrière des centres industriels, à la ville
comme à la campagne, peut facilement élever une famille nombreuse, mais
vivre comme une bourgeoise, quand il y a économie. .'..',...,
— 372 —
Assimiler la classe ouvrière canadienne à la classe ouvrière européen-
ne serait une grave erreur.
FAMILLES. OUVRIERES RICHES D'ENFANTS
Sans doute, elles ne le sont pas, sauf exceptions, au même degré que
celles de la campagne. La mortalité infantile eu est la cause principale.
Elle est naturellement plus considérable à la ville qu'à la campagne pour
les raisons que les conditions hygiéniques y sont plus défavorables, que les
enfants en général n'y poussent pas autant au grand air et en plein soleil.
Cependant la nichée d'enfants est encore le plus ordinairement, sinoii
Punique ca])ital des familles ouvrières de nos villes et des centres indus-
triels. Preuve : la liste suivante que nous communique le curé de Saint-
Malo, dont les paroissiens sont en grande j)artiè des ménages ouvriers.
1.— Wilfrid Cantin
2. — Philéas Cantin
3. — Josepli Cantin
4. — Fortunat Bilodeau
5. — Joseph Villeneuve
fi. — Hector Lapointe
10
enfan
ts
11
12
11
16
19
T. — William Doddridge 13 enfants
8.— F. X. Demers 15 "
9. — Napoléon Nadeau 14 "
10.— F. X. Pageau 12
11.— Edmond Dion 11 "
12.— Georges Vidal 11
Si cette paroisse ne comptait que cette douzaine de familles riches
d'enfants, cette liste ne serait même pas un commencement de preuve,
mais la litanie de ces familles capitalistes serait longue si elle était com-
jdète. Il en est ainsi non seulement à Saint-Malo mais dans tous les
faubourgs ouvriers de Québec, tels que St-Sauveur, Sacré-Coeur de Jésus,
Jacques-Cartier, Saint-Roch, -St-Frs d'Assise, Stadacona, Limoilou, St-
Jean-Baptiste et Saint-Coeur de Marie.
En résumé, le Canada français est en miniature un fac-similé assez
fidèle de la France du XVIIe siècle, sous certains rapports du moins, et il
ambitionne — volventileus annis — de jouer en Amérique le rôle de la Fille
aînée de l'Eglise en Europe. Plaise à Dieu qu'il en soit ainsi ! (1)
CHANOINE GOSSELIN
(1) Ces pages sur la paroisse canadienne-franqaise donnent les réponses au
questionnaire de S. G. Mgr Langénieux, êvêque de Dijon.
— 373 —
JEAN-MAURICE-PHILIPPE DE PERNON
DE LAFOUILLE
Dans les lettres de rémission accordées par le roi de France à Philippe
Gaultier de Comporté, le 16 juin 1680, il est dit qu'en 1664 le dit Gaultier
de Comporté était soldat dans la compagnie de son oncle, le capitaine La-
Fouille, qui tenait garnison à LaMotte-Saint-Héray, près de Parthenay,
en Poîfcou.
On voit bien dans les mômes lettres de rémission que la compagnie de
LaFouîTle était à la veille de s'embarquer pour la Nouvelle-France, mais
jusqu'ici on a trouvé aucune trace du sieur LaFouille dans notre pays.
Deux actes du notaire Gilles Kageot, l'un du 3 juillet 1667 et l'autre
du 6 septembre 1667, nous permettent d'affirmer que le capitaine La-
Fouille passa ici avec le régiment de Carignan. Dans l'un de ces actes,
Hageot donne au long les noms et prénoms de LaFouille : Jean-Maurice-
Philippe de Pernon, écuyer, sieur de LaFouille, capitaine dans le régiment
de Carignan.
P. G. R.
QUESTIONS
J'ai sous les yeux une lettre d'un père à son fils écrite vers 1745 ou
1750. Le père conseille fortement à son garçon de ne pas se faire piquer
comme les Sauvages.
FjU quoi consistait cette opération f Je suppose que le mot p'uiuer est
une expression canadienne employée à la place de tatouer.
CURIEUX
Mgr Tanguay, dans son Dictionnaire généalogique, dit souvent de tel
ou tel individu qu'il était cadet à l'aiguillette. Qu'était un cadet à l'ai-
guillette sous le régime français ?
MILES
— 374 —
REPONSE
M. de Langy-Montégron (Vol. XXV 11, p. 12Ô). — Le nom de famille
est Levrault, ainsi qu'il est ortliograpliié au Poitou. Le chef de la bran-
che canadienne, Léon-Joseph, né eji 1G70, entra dans les Cadets à Besançon
en 1683 (1), passa en Canada en 1687 où il a porté le mousquet jusqu'en
1601 quand il obtint le grade d'Enseigne en pied (2), et passa lieutenant
reformé vn 1696. Anne Aigron était la mère de T^éon, et le surnom de
Montégron, on le voit aurait été eom]M>8é ])ar le fils, tout comme fit Daniel
de Lagauclietière qui s'af)pelait Migeon et dont la mère portait le nom de
Gauchet. Léon Levrault de Ijangy, écuier, sieur de Maisonneuve, était
de famille noble. En T61)(), les armes de cette famille s(mt enregistrées à
Châtellerault près Poitiers par Cosnie Levrault, écuier, sieur de Maison-
neuve. Xous en avons fourni un dessin dans le deuxième volume de
l'Armoriai du Canada Français, Dans la collection de manuscrits du
clîevalicr d* Lévis, on rencontre mentionnés souvent les ncans de messieurs
de Langy. Dans un tableau des officiers de la colonie figurent M. de
Langy <lc Montégron et M. Levreau-Langy.
Si Mgr Tanguay ne se trompe, .Jean-llaptiste Levrault marié à Marie-
Madeleine Daillebout, serait le lieutenant de Montégron, Les notes mises
en renvoi à la page 406 du volume o de son Dictionnaire correspondent à
ce que l'on relève dans les manuscrits de Lévis : "Officier distingué en
1758, Officier canadien actif, vigilant, toujours prêt à marcher et à se
signaler, 11 était avec Bourlamaque à Carillon en 1759 : Il fut envoyé
pour observer l'armée anglaise et pénétra jusqu'à une lieue d'Orange où
elle était campée etc," Tanguay est si souvent en défaut que je ne puis
assurer que Jean-Baptiste est bien le lieutenant de Langy-Montégron, mais
je le crois. A cette époque tourmentée de la colonie, il y eut plusieurs
Levrault de Lang}^, officiers. Il y avait Jacques-Joseph né en 1708 ; le
chevalier Alexis de Langy, né en 1712 ; Antoine- Joseph, né 1720, cadet à
l'aiguillette en 1745 (?), François-Thomas né en 1719 : Antoine-Joseph
serait peut-être celui connu sous le nom de Langy-Fontenelle,
Jacques- Joseph avait épousé Marie- Anne Chorel d'Orvilliers, En
1778 ses enfants vendent leurs droits sur le fief d'Orvilliers à Pierre-Fran-
çois (*h<>rel d'Orvilliers. (Rapp. Archives, Ottawa, 1884, p. 19).
REGIS ROY
(1) Officiers des troupes en Canada en 1701, B. B. H., vol. 27, j). 277.
(2) Li'abbé Daniel a Langis de Montégron. enseigne en 1691. Ce qui a'ac-
conîe avec la liste de 17«1.
— 375 —
TABLE DES MATIERES
Ahéiiakise, I^e navire T, 186
Abbott, Révérend M.,. . 327
Acte des chemins, L', ;}
Adet, Pierre- Auguste, " 3
Adhémar de Saint-Martin, Ije sieur, 231, 343
Ailleboust, M. d', 328, 331
Ailleboust, Louis d', 105
Ailleboust des Musseaux, Joseph-(.'harles d',. 178
^1 /ea;anrfre. Le navire r, 327
Algonquin, \i/èTX!tx\\reV,. . . ^ 186
Allocutions judiciaires à Montréal, Les, 229
Almaiu, Pierre- Victor, 207
Ancourt, Le mystérieux d', 270
Angoville, M. d', 80
Argenson, Lettres inédites du gouverneur d', 298, 328
Barbiez, Le sieur, 326
Barrois, Antoine, 44
Basset, 343
Baudau, Le chirurgien, 75
Beauchamp, Jacques, 194
Beaucour, Le peintre Malepart de, 187
Beaucours, M. Boisberthelot de, 344
Beaudoin, L'abbé Jean, 379
Beauhamois, M. de, 324
Beaujeu, La famille de, 53
Beauregard, Pierre Leaumont de, 27î)
Bellechasse ou Berthier, La seigneurie de, 65
Belisle-LevaSseur, Henri, 75
Benoit, Claude, 79, 325
Benoit, Joseph, 79, 325
Bernier, commissaire des guerres, 339
Bernières, L'abbé Henri de, 321
Berthelot, Charles, 347
Berthier, M. de, 66
— 376 —
Bienfaiteurs de rHôpital-Général de Québec, Les premiers 225
Black, John, 3
Blanzy, Dauré de, 326
Bleury, Clément de, 326
Boishébert, à Louisbourg, M. de, 48
Bonhomme, dit Beaupré, Nicolas, 104
Bonnefoy, Honoré-Maur, 79
Bouat, François-Marie, 181
Boucher, de la Broquerie, 326
Boucherville, Georges de, . 191
Bourdais, Jean, 326
Bourdon, Jean, 101/ 106, 107
Bourdon, Marie- Josephte, , . . 327
Bouvet, de la Chambre, Jean, ' 44
Brymner, Douglas, 327
Buisson, Gervais, . 107
Cale-sèche, Le supplice de la, 280
Canada, Le navire le, 184
C«n6oî/, La flûte le, 185
Carillon, Mandement à propos de, 313
Caron, François, 325
Caron, Bobert, 103
Carpillet dit Fleur d'Orange, Joseph 345
Cartier, Où est mort Jacques, 345
Cartier, A propos de J acques, 318
Casson, M. DoUier de, 343
Castor, La frégate le, ., 185
Chambre de Commerce de Québec, La 26
Champigny, Le chevalier de, 150
Chansons historiques, Nos, , . 30
Chapellerie au Canada, La, 193
Chasle, Claude,. 346
Chaste, Aymar de, 214
Chandillon, Antoine, 44
Chaufour, Jean-Baptiste, 194
Chaumont, Guillet de, 327
Chefïault, Le sieur, 335
— 377 —
Chetiveau de Roussel, Claude .'..... 339
Chirurgiens et médecins de Montréal 41, 75, 118, 325
Cimetières catholiques de Montréal, Les 283, 341
Ckrke, Sir Alured. . 3
Cléricy, Honoré-Louis de 115
Compagnie des Indes, Les armoiries de la, 310
Conscription sous le régime français, La,. 297
Conseil Souverain et la robe écarlate. Le, 59
Conseil Souverain et la noblesse. Le, 257
Corbière, M. de, 348
Coteau Sainte-Geneviève, Les censitaires du,. ... ; 97
Couagne, Charles de, 343
Craig, Sir James, 11
Damours de Clignancourt, « 33(î
Dasilva dit le Portugais, Pierre, * 211
DaAoust, Jean, 193
Delaunay, Les frères, 104
Dénéchaudj Claude, 73
Descliambault, Jacques-Alexis de Fleury, 181, 230
Desmarets, Charles Doullon, 79
Disparus, Les, 128
Dorvilliers, Les deux capitaines, 33, 115
Dubois, Le chirurgien, 41
Duchesue, Adrien, 279
Duchesny, François, 200
Ducondu, Jacques, . 327
Dufresne, Le chirurgien, 334
Du Laurent, Le notaire, " 347
Dumont, Jean-Baptiste, 165
Durocher, Olivier, 78
Duroy, Marie-Marguerite, 346
Dussieux, M., 339
Duval, Pierre, 107
Duvernay, Une chanson sur, 126
Estèl)e, Guillaume, 347
— 378 —
Failloij, L'abl)é, • 343
Fàye, Jean de, 340
Feltz, FerdiniuKi, 386
Feltz, Charles-,) os- Alex, de, 78
Femme noble mariée à un roturier, 288, 311
Femmes sous le régime français. Le suif rage des, 5)6
Fénelon, L'abbé de, 325
Ferrières de Busse, Yves- Jacques de, 268
Fleurimont, Noyelle de, 326
Forestier, Charles, TM3
Forestier, Etienne, 194
Forestier, Antoine, 24, 42
Fouquet et le Canada, 341)
Fréchette, Le nonimé,. . . . , 4
Frobisher, Joseph, 327
(artt<;het, liené, 46
(iaigneur, Le sieur, , 328
(jraillard, Jean, 41
Gamelin dit Lafontaine, Michel, ' . . . 42
Oamelin Maugras, Le sieur, 344
Gan, M. de, 335
Gastrin, M., 45
Gaudry, dit la Bourbonnière, Jacques, 107
Genaple, 340
Gervaise, Jean, 179
Gloria, Jean, 105
Gore, Francis,. 12
Gosselin, L'abbé Auguste, 321
Guichard dit LaSonde, Jean, 46
Guillimin, Guillaume,. 347
Guillois, Renée, 326
Gnyou -Després, Madeleine, 326
Haldimand, Le gouverneur, * 339
Halton, William, 13
Hiché, Henry, 347
Hocquart, Lettre du ministre à,. . . . / 210
— 379 —
Hôpital-Général de Québec, Les premiers bienfaiteurs de 1', ^25
Hôtel-Dieu de Montréal, Deux chirurgiens de F, '^4
Hôtel-Dieu de Montréal, l^e registre des pauvres de 1', 14î)
Houille blanche, La, 288, 309
Houssaye, Jean-(Uiarles-François de la, 315, 325
Huppé dit IjA Gniix, .Joseph, 194
Industrie sous le régime français, L', li)3
Istre, Joseph, 77
Jallot, Jean, 43
.7 obert, Jean-Baptiste, ! 80, 327
Joinville, Pierre, 32<i
Jolliet et le Labrador, lx>uis, 125
Jours gras autrefois. Les, 8î)
Juchereau de Saint-Denis, Charles, 181
Juges de Montréal sous le régime français, Jjes, 177
Kent, Le duc de, 5, fi
La Batte, Guillaume, 320
Lâboissière, dit Luandre, P.^J.-J,, 79
La Brosse, Paul Jourdain, 320
Lacerte, Catherine Vacher dit, 32<>
Lafond, Simon,. 78
Laf ontaine de Beleour, Jacques de, 1 82
Lafourcade, Ijouis-Cemillier, 80
1-»^ La Justonne, Emmanuel de Cléricy de, 213
Lalanne, Joseph,. 325
Lallemant, E. P. Jérôme,. . .- 321, 335, 338
Lamothe de Lucière, Dominique de, 180
Lamoureux, Archange,. 320
Landriaux, Louis-Nicolas, 70
Langlois, dit Lachapelle, Honoré, 193
Langlumé, Xicolas, 340
Langy-Montegron, Le sieur de, 125
La Noue, Zacharie Robutel de, 200
TSmouillier de Boisclerc, Les descendants de, 34G
La Perrelle, J^s Eury de, 217
La Planche, Jean, 43
— 380 —
Lart-lievêque, ('harlotte, 327
Jjarchevêque, Les frères, 103
LaToolielle, Marie-Elisabeth Gaulois dit, 326
Lartigue, Marie,. 32A
La8alle, Cavelier de, 325
LaSerre dit LaForme, Guillaume, 194
LaTour, L'abbé de, . . 322
Latte, Le jourualifjte, ; 176
Laubia, Arnault de, .".... 63
Lauzou-Gliariiv, C^harles de, 321
Laval, Les résidences de Mgr de,. . . 321
IjeBlanc, Les ancêtres de Sir Evariste, 317
Le ('avelier. Le sieur, 344
Lefebvre, sieur du (iuesclin, Dominique,. 358
Le Gardeur de Repentigny, J.-B., 98
Le Movue de Sainte-Hélène, Le fils de, 352
Lepailleur, E., 325
LeKiche dit Lasonde, J.-B 46
LeSueiir, Messire Jean, 105
Levasseur-Borgia, Frs.-Louis, . 139
Lîgneries, Marchand des, 115
Loiseau dit Cbalons, Antoine, 326, 327
Longrtude, 94
Louisbourg, Une campagne à 48
MacDonald, Eonald,. ., 244, 319
Mailbiot, Jean-François, 182
Maillet, Charles, . . . 279
Maisonneuve, M. de, 17v, 342
Malo, Joseph-Hormisdas, 128
Malo, Pierre-Lucien, 253
Manseau, Louis, 139
Marcel, secrétaire de Montcalm,. 252
Mardi gras autrefois, 89
Mariages de Français et de Sauvagesses, ..'..... 288
Mariages au fort Saint-Frédéric, Les, . 261
Mariage d'une femme noble et d'un roturier, 282, 311
Mariés le même jour. Deux fois, 191
— 381 —
3/arj>, La flûte du roi ]a, o'i?
Marin, Gilles, 44
Marin de la Malgue, Paul, 34.")
Mars, Siméon, " . 34;>
Marsolet, Nicolas, 65, 100, 131
Martin, Barthélemi, 183
Martinet, de Fonblanche, Jean, -^4
Maublant de Saint- Amand, J.-B., 4")
Mauriceau, Jean-Baptiste, :VZ-)
McLane, David, 4
Médecins et chirurgiens de Montréal, 41, 75, 118, 325
Meneval, Lettre du ministre à M. de, .147
Mercredi des cendres autrefois. Le, 8.!'
Messageries dans la Xouvelle-France, Les, 'ill
Meulles, M. de, 340
Michel de Saint-Michel, Jean, 44
Migeon de Branssat, Jean-Baptiste, ITil, 'i'i^)
Milues, Kobert-Shore, 1
Mingan, Le nom de, 351
Mondelet, Dominique, 80
Monmerqué, 320, 327
Mon repos, J acques- Joseph Guiton de, 183
Montréal, Les cimetières catholiques de, 28"5
Montréal, La rue Saint-Charles à, 152
Moran, Jean, 212
Morant, Nicolas, 32()
Morin, Xoël, 102
Mortrel, Pierre, 225, 314, 320
Mouche, La, 24()
Mouche à patates, au Canada, La, 347
Mousseau, M. de,. .... 233
Navires canadiens, 184
Noblesse et le Conseil Souverain, La,. 257
Nouchet, Joseph, 347
Officiers envoyés au Canada en 1687, Les, 215
Officiers dés troupes au Canada en 1701, Ijcs, 271
— 382 —
Origines, Nos, 85
Orignal, Le imvire V, 180
Outarde, \ je nnxireV, 18t> •
Pain béni t à Notre-Dame de Montréal, Le 153
Papineau et la chanson, 22, 54, 62
l*au|)eret, David, 194
Pèlerin, L'abbé Philippe, >, 321
Perreau, .Jacques, 77
Perrot et la (•ale-sèche, he gouverneur. 280
Perthius, Ignace, 347
Petit de Boismorel, Suzanne, 325
Pierre de geai, La, 245
Pinguet, Noël, 99, 100
Piiisonneau, Charlotte, 325
Plessis, La mort de Mgr, . 95
J*oi88et de la Couche, François, 340
Politique en clnuison, La, 126
Pontheroy, aj)rcs son départ du Canada,. 125
Poterie, M. de la, 331
Pothier, .lean-Baptiste, 231
Prescott, Le gouverneur, 4 •
Prince-Giiillaume, Le vaisseau le, 328
Procès Malo-Sabourin, Le, 253
Provost, Pranyois, 323
Provost et le régiment de Carignan, François, ' 20
Puibareau de Maisonneuve, Pierre, 76
Puybarau, Pierre, 76, 326
Québec, ]je navire le, 186
Québec, Deux plans de, 201
Québec en 1769-1770, Habitants de, 81, 119
Québec en 1770-1771, Habitants de,. 218, 247
Quenet, .leaji 194
Qneylus, 1/abbé de, 328
Ea))y, Jean, 45
Kadiguet, iJonel, 242
Paimbault, Pierre, 182
— sas —
R^iiiibault, Claude,. 343
Rapin dit la Mazette, André, 41
Kaiidot, M., 3â4
lîigauville, M. des Bergères de, 70
Rigauville, M. des Bergères de, 68
Rocbert de la Morandière, M 345
Rougier, Françoise, 385
Rouillard dit Larivière, Antoine, • 107
RoiiUetdu Chatellier, J.-M., 336
Rousseau, Etienne-Julien,. 3:25
Rouxcel de la Rousselière, Jean, ' . . . . . 335
Sabourin, Le dtx-teur, 353
Sabrevois, C'barles de, 326
Sailly, Louis Artiis de, 178
.Saint-Frédéric, I^es registres du fort, 361
Saint- JosQj)b, j>atron du Canada, 234
Saint -Laurent, Le navire le, 185
Saint-Louis au Canada, La fête de, 208
Saint-Martin, Jean-Jacques Gorge de 47
Saint-Michel, Nicolas Daussv de lO-
Saint-Napoléon, I^a 282
Saint-Olive, Claude I^ Boiteux de, 75
Saint-Vallier, Mgr de 322
Salaberry, à son fils, Ijettre de M. de, 312
Samus, Nicolas, 44
Sarrazin, Michel, 46, 134, 135
Smi,vage,Jjer\?i\\xe le ; 186
San, Thomas 347
Sauvages à Québec en 1812, Chefs, 297
Sebron, Le peintre, 58
Sedillot, Louis, 102
Sermon ville, Agathe FTertel de 326
Sewell, L'hon. Jonathan 5
Sirasé dit Saint-Michel, Michel 42
Silvain, Thimothée 77
Sorel, Le fils de M. de 28
Spagniolini, J.-B.-Fernand 78
— 384 —
Suite, Benjamin ' 325
Superstitions populaires, Les 345
Surnom Jacques Bonhomme, Le 344
Tabac, La culture et l'usage du 389
Taché, Jean ' 347
Taché, J.-C 348
Tadounieau, Le navire le'. 336
Tailhades, Jacques- Alexandre 64
Tailhandier dit la Beaume, Marin 44
Tavernier, Inventaire des biens de Julien 109
Tanguay, Mgr 335, 326, 327
Tessier, Pierre 326
Têtu, Mgr Henri 324
Thaumur, de la Source, Dominique 45
Torcapel, L'abbé Jean .». . 321
Tracy, Une chanson sur 136
Vaillancourt, L'origine du nom 116
Yaudreuil et le i¥ar f"«^e rfc i'^i^ttro^ Le comte de 348
Vaulezar, Le sieur de 352
Verges, Le supplice des 360
Viger, Jacques 342
Young, L'hon. .lohn 4
Ci»À' >!»
F
5000
B8
V. 26-27
Le Bulletin des recherches
historiques
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