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LE CAFÉ
LE CHOCOLAT. LE THÉ
LE DOCTEUR A. RIANT
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C^-
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, ?&
1875
LE CAFÉ
LE CHOCOLAT, LE THÉ
pip, '9. — Lp Cacaoyer.
LE CAFÉ
LE CHOCOLAT, LE THÉ
LE DOCTEUR A. RIANT
Ouvrage contendnt 30 figurer
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'«
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1875
PRÉFACE
Le café, le chocolat, le thé, paraissent aujour-
d'hui sur toutes les tables.
Repas, ou compléments plus ou moins obli-
gés de nos repas, ces boissons, par leur parfum
agréable, par l'influence de l'usage, de la mode,
par Tattrait des réunion-s dont elles sont le pré-
texte ou l'accompagnement, ont pris une place
singulièrement importante dans notre alimen-
tation comme dans nos habitudes.
Combien peu cependant, parmi ceux qui eu
font journellement usage, connaissent l'histoire,
l'époque de l'importation, les difficultés de l'ac-
plimatation de chacune de ces boissons !
M PKEFAGL
Elles sont si complètement naturalisées au-
jourd'hui chez nous, que notre imagination a
peine à concevoir ce que nos grands aïeux pou-
vaient bien prendre à leur repas du matin, à la
lin de leur diner, ou aux: réunions qui rappro-
chaient la famille ou les amis, alors que ces
boissons d'origine exotique étaient encore in-
connues.
Vulgariser une histoire aussi curieuse qu'ins-
tructive, mettre sous les yeux du lecteur la des-
cription illustrée de l'arbre, de l'arbuste, qui
fournissent le cacao, le café, le thé, donner
quelques détails pratiques sur la préparation
des boissons qu'on en tire : tel est le premier
objet que s'est proposé l'auteur de ce petit
livre.
En présence de la consommation toujours
croissante de ces boissons, et des discussions
tant de fois élevées sur leur valeur, il n'était pas
sans intérêt d'examiner si le goût, si la passion
du public sont justifiés, si le café, le chocolat,
le thé méritent la place qu'ils occupent au bud-
get de chacun, si la santé, elle aussi, trouve son
compte à leur usage, si Thygiène bien entendue
peut les accepter ou les recommander.
PREFACE VII
Enfin, comme si le goût de plus en plus pro-
noncé du public ne leur assurait pas déjà une
source suffisante de gains légitimes, le com-
merce, l'industrie ont tenté parfois de centu-
pler leurs profits, en altérant, en falsifiant les
éléments, graines ou feuilles, qui servent à pré-
parer ces boissons.
Qui ne voudrait connaître ces pièges tendus à
la bourse et à la santé de chacun, pour mieux
s'en défendre ?
Voilà pour l'individu.
Quant à la famille, à la société
— Eh quoi! dira-t-on, faites-vous à cette petite
graine de café, à cette simple feuille de thé
l'honneur de croire qu'elles portent si loin et si
haut leur influence !
— Pourquoi non?
Qui pourrait nier le rôle social des établisse-
ments que l'on appelle Cafés, leur influence sur
les habitudes d'ordre, d'économie, de travail ;
l'inévitable résultat du contraste malsain de
tout le luxe que l'on y voit avec l'intérieur rela-
tivement simple, modeste, que l'on trouve au
retour ?
Qui verrait sans eff'roi le chifl're de la consom-
pRKFvrr
mation de Talcool, des liqueurs enivrantes grossir
tous les jours à la faveur du café ?
La même table, le même plateau présentent
au consommateur les deux boissons. Là, 4e café
n'est plus qu'un anodin prélude, qu'un prétexte
menteur pour la consommation de l'eau-de-vie,
de l'alcool, sous toutes ses formes. Tel qui n'ose-
rait s'asseoir devant une table chargée de li-
queurs, n'a plus de scrupule, si à côté du petit
verre figure la tasse de café... Enfin, le tabac,
autre accessoire obligé du café, ne manque pas
d'exciter par son acre fumée une soif factice, et
le besoin de libations nouvelles.
Dans un autre volume, nous faisons l'histoire,
et nous disons l'influence de V alcool et du tabac :
ici, il suffisait d'indiquer ces dangers trop réels.
Tout autre est le rôle social du thé.
Loin de séparer la famille, il la réunit. Voyez
les repas de thé en Angleterre ou en Russie.
Soir et matin, chacun des membres de la famille
est présent, l'usage le veut, à ces réunions dont
on ne saurait contester la bienfaisante influence
morale.
Chez nous, où la famille est en général moins
nombreuse, moins agglomérée, moins disci-
PREFACE
plinée, le thé est encore une occasion de socia-
bilité, et peut lutter avec quelque succès contre
les causes d'isolement ou de désunion.
Lorsque tant d'efforts rivalisent pour affaiblir
du pour briser les liens de la famille ou les
rapports sociaux, ne faut-il pas faire une place
honorable à ce qui tend à les resserrer, ou à les
rapprocher?
A ce titre, la modeste feuille de thé, et la
salutaire boisson qu'elle fournit, ne sont pas
sans valeur.
Dans cette esquisse sans prétention, l'auteur
a donné aux notions élémentaires, usuelles,
pratiques, toute l'importance qu'elles devaient
avoir, ne négligeant rien de ce qui pouvait
intéresser ou servir.
Nous espérons que le lecteur voudra bien
pardonner au médecin, au moraliste, d'avoir
quelquefois élargi le cadre de cette étude.
LE CAFÉ
Histoire du café
C'est une histoire curieuse à plus d'un titre que
celle de cette petite graine, connue dans notre pajs
depuis deux siècles à peine, et qui a fait tant parler
d'elle, sans que les critiques des uns ou les éloges
des autres aient retranché ou ajouté quelque chose
à la faveur dont elle est lobjet.
La graine de café, que chacun connaît aujour-
d'hui, et la boisson d'un usage universel qu'elle
sert à préparer, sont des importations toutes récen-
tes en France, et même en Europe, où elles n'ont
pénétré qu'au xyu^ siècle.
L'arbrisseau qui produit cette graine, et que
nous décrivons plus loin, est originaire de l'Orient
Veut-on quelque chose de plus précis, on trouve^
comme pour les hommes célèbres, plusieurs con-
trées qui se disputent l'honneur de lui avoir servi
de patrie d'origine; on ne compte plus celles qui
l'ont adopté.
1
Z LK CAFE
Cependant la Haute-Egypte, l'Abyssinie, et par-
ticulièrement la province de Kaffa paraissent avoir
été le sol natal du caféier.
Un écrivain anglais raconte que les peuplades
sauvages de ce pays furent les premières qui firent
usage des grains de café. La préparation qu'elles
leur faisaient subir différait quelque peu de celle
que nous y avons substituée plus tard.
Le grain, broyé, pulvérisé, mélangé avec de la
graisse, était réduit en pâte, que l'on divisait en
petites boules. Ces boules, au nombre de deux ou
trois, formaient la ration alimentaire de chaque in-
dividu, dans les excursions ou à la guerre.
Ainsi , le café aurait été un aliment avant d être
une boisson. On verra plus loin s'il a perdu tout à
fait la première qualité en passant sous la nouvelle
forme que nous connaissons.
De la Haute-Egypte, le café aurait été transporté
en Arabie, et il n'est pas étrange que la culture si
importante qu'il a reçue dans la province d'Yémen,
sur les bords de la mer Rouge, ainsi que l'excel-
lence des fruits du caféier des environs de Moka,,
aient pu faire prendre cette terre d'adoption pour
sa véritable patrie.
Si on cherche à établir l'époque où les Orientaux
eux-mêmes ont connu cette graine merveilleuse,
on ne trouve pour dissiper Tobscurité qui enve-
loppe ces premières origines , que des légendes
plus ou moins contestables.
Parmi les fables répandues à ce sujet, il e» est
une qui attribue la découverte du café à un mu-
sulman du nom de Mollah Chadelly. On raconte
que ce musulman, ne sachant comment vaincre le
sommeil, qui venait par trop souvent interrompre
ses méditations nocturnes, appela Mahomet à son
aide. Le secours ne se fit pas longtemps attendre.
Guidé par l'esprit du prophète, le pieux musulman
rencontra un pâtre. Celui-ci lui apprit que ses
chèvres, quand elles avaient mangé les baies d'un
certain arbre, le caféier, sautaient et bondissaient
toute la nuit, sans pouvoir dormir. La leçon ne fut
pas perdue. Le musulman prépara avec ces baies
une infusion qui lui procura, comme aux chèvres,
une excitation toute spéciale : il dormit moins... et
sans doute il pria mieux.
Le parfum du café est trop pénétrant pour que
l'usage de cette précieuse liqueur ait pu rester long-
temps un secret. Le café passa de la table du mu-
sulman à celle des derviches, puis à celle des doc-
teurs de la loi, et, de proche en proche, il se répan-
dit partout dans tout l'Orient,
Une autre tradition attribue la découverte des
propriétés du café au prieur d'un couvent de Ma-
ronites.
Un grand nombre de légendes ont été transmi-
ses sur les origines de l'usage du café; presque
toutes font allusion à cette merveilleuse propriété
qu'il possède d'éloigner le besoin du repos, et attri-
buent le premier usage de cette liqueur à des reli-
gieux obligés de lutter contre cet ennemi de la
1 LE CAFIC
prière et de la méditation nocturnes, le sommeil.
Que ces histoires soient vraies ou controuvécs,
le fait est qu'à la fin du xvi^ siècle, les Arabes
vendaient du café dans les rues de la ville du
Caire.
Après la propagande, la persécution.
Ceux-là mêmes qui avaient exalté les propriétés
du café, en devinrent les ennemis. Le café, qui
devait servir à tenir éveillés prêtres et fidèles, avait
bientôt fait abandonner les temples pour les bouti-
ques où Ton débitait la boisson nouvelle. Mais
comment la prohiber ? La religion de Mahomet dé-
fend l'usage du vin : le café est assimilé au vin, et,
sous prétexte qu'il est aussi une liqueur enivrante,
le voilà rigoureusement interdit.
Persuasion, prohibition, tout fut en vain mis en
œuvre contre la liqueur à la mode : on eut recours
à la violence.
Un écrivain arabe raconte que, vers 1538, des
buveurs de café furent surpris dans une boutique,
saisis, mis en prison, et que, le lendemain matin,
ils ne furent mis en liberté qu'après avoir reçu
chacun dix-sept coups de bâton.
Il était défendu de boire du café, même chez soi,
et les peines les plus ignominieuses furent infligées
aux contrevenants.
Comme il arrive toujours, la rigueur de la per-
sécution dont le café était f objet n'eut d'autre effet
que d'en populariser Tusage. Chacun voulut pren-
dre la liqueur prohibée. Quant à ceux qui la prohi-
LE CAFE
, baient, ils s'aperçurent bientôt qu'ils avaient mieux
à faire que d'user d'inutiles et improductives ri-
gueurs : ils taxèrent les vendeurs de café, et cessè-
rent désormais de lutter contre une passion qui
devenait une source assurée de gros revenus.
Les choses marchèrent si bien, qu'en vingt-cinq
ans, il s'était établi dans la ville du Caire plus do
2,000 boutiques où l'on vendait du café.
Du Caire, le café passe à Constantinople, où nous
le trouvons en vogue vers 1560.
Enfin, il pénètre peu à peu chez nous.
C'est Louis XIV qui a bu la première tasse de
café préparée en France.
Le café valait alors 140 francs la livre. On ne se
doutait guère qu'il se vendrait bientôt par millions
de kilogrammes , et que cette délicieuse liqueur
serait un jour à la portée de tous.
Le café donna son nom aux établissements où
1 on vendait la boisson nouvelle.
Plusieurs boutiques s'ouvrirent dans Paris pour
la préparation et la vente du café, mais elles eurent
d'abord peu de succès.
Le café réussit mieux à la cour et dans la haute
société.
On cite, vers 1647, Thévenot comme un des pre-
miers qui ait offert du café aux amis qu'il invitait
à dîner.
Soliman Aga, ambassadeur de la Porte près de
Louis XIV, concourut singulièrement à la vogue
du café, par la magnificence tout orientale avec
b LE GAFK
laquelle il faisait servir aux dames et aux seigneurs
de la cour la liqueur nouvelle.
Une femme pourtant s'éleva, dit-on, contre cette
mode. Madame de Sévigné aurait affirmé que la
faveur du café ne serait que passagère ; elle disait
que Racine (l'auteur de Phèdre et d'Athalie) « pas-
serait comme le café. »
On sait ce qui est advenu de cette double pro-
phétie, ou plutôt de cette boutade, peu authentique,
au reste, car on n'en trouve aucune trace dans les
lettres de cette femme d^esprit, qui, loin d'en mé-
dire, faisait volontiers usage de cette liqueur.
Racine a conservé dans notre théâtre et dans
notre littérature une place que nul ne songe à lui
contester ni à lui enlever. Les médiocrités dont s'af-
fole, à toute époque, un public blasé et ignorant n'ont
ri^n à voir avec la littérature saine et les œuvres
de goût qui font la gloire et l'honneur du pays.
Quant au café , sHl fallait continuer cette com-
paraison, mise on ne sait pourquoi ni par qui
sur le compte d'un esprit aussi distingué , il a
trouvé partout des amateurs, capables d'apprécier
la finesse de son arôme. Leur engouement va même
jusqu'à savourer^ sous le nom de café, un breu-
vage où, comme nous le verrons plus loin , la fève
d'Arabie n'entre plus pour rien, et dont la chi-
corée, ou des substances plus modestes encore,
font presque tous les frais.
Accueilli en France avec une grande faveur, le
café s'introduit également en Angleterre.
LE CAFK 7
C'est en 165:2 q\i3 le café apparaît à Londres pour
la première fois. Un marchand du nom d'Edwards
avait rapporté d'Orient quelques balles de café, et -
emmené avec lui un serviteur grec habile à pré-
parer la boisson nouvelle. La foule assiégeait le
domicile d'Edwards. Bientôt le serviteur ouvrit lui-
même boutique dans Nev;man's Court Cornhill,
là précisément où^ dit Tauteur anglais d'une notice
sur les propriétés du café, se trouve aujourd'hui le
Virginia coffee-house.
Cependant les boutiques où se vend le café vont
faire concurrence aux tavernes où se débitent les
boissons alcooliques, le genièvre et l'eau-de-vie.
Plus soucieux de faire des hommes des instru-
ments dociles de sa puissance, que d'exciter dans
les esprits une généreuse mais inquiète ardeur,
Cromwell fait fermer les cafés, et accorde des li-
cences aux tavernes qui distribuent les liqueurs
enivrantes.
Chose étrange ! le café ne s'est pas encore entiè-
rement relevé de ce coup. Aujourd'hui même, on a
peine à trouver à Londres quelques rares établis-
sements qui puissent être comparés avec ceux que
nous possédons, et la liqueur vendue, en Angle-
terre, sous le nom de café est un détestable breu-
vage, bien peu fait pour en inspirer le goût. La
préparation du café est inconnue du public anglais,
et la formule est encore, à l'heure qu'il est, une
sorte de mystère réservé à quelques clubs aristo-
cratiques, ou à de rares familles qui ont vécu sur
8
LE CAFE
le continent, et en ont rapporté le précieux secret.
En revanche, les débits de liqueurs enivrantes
étalent à chaque pas dans ce pays leur luxe mal-
sain. Une foule d'individus en haillons s'y presse.
Le gin, les liqueurs fortes, voilà le breuvage que
recherchent tant d'êtres dégradés, abrutis , sans
pain, sans feu, sans vêtements, qui n'ont plus de
force pour le travail, qui n'ont plus honte de leurs
excès et de leur misère ! là aussi, est la cause de cette
effroyable mortalité des villes manufacturières de
TAngleterre.
Sous les influences combinées du climat, des ha-
bitudes, de la pression de l'autorité, le café avait
peu de chances de lutter avec avantage , en Angle-
terre, contre la passion pour ces boissons incen-
diaires. Il est juste d'avouer que cette liqueur fut
mieux accueillie dans le grand monde, témoin ces
deux vers de Pope :
(( Coflfee, which makes ihe politician wise,
And see througli ail things with his half shut eyes. »
« Le café qui ajoute à la sagesse de l'homme d'État,
et lui donne comme une sorte de seconde vue. »
Peu de temps après que l'usage du café, importé
jusque-là par les Génois et les Vénitiens, eut été
introduit en France, les Hollandais réussirent à ac-
climater le caféier dans leurs diverses possessions^,
et particulièrement à Java. Plusieurs plants furent
npportés . en 1710, à Amsterdam, puis du Jardin
1. — Desclieux partage sa ration d'eau avec le plant de café
destiné à la Martinique,
10 LE CAFÉ
botanique d'Amsterdam en France, dans les serres
du Jardin dos Plantes, d'où Tun d'eux fut trans^
porté à la Martinique, et devint l'origine des plan-
tations de café si considérables aujourd'hui dans
les Antilles et en Amérique.
Cette histoire mérite d'être racontée. Trois pieds
de café, venant du Jardin des Plantes, avaient été
confiés par Antoine de Jussieu , professeur de bota-
nique au Jardin, au capitaine Desclicux, chargé de
les transporter à la Martinique (fig. 1). Deux périrent
en route ; le troisième ne put vivre jusqu'au terme
du voyage que grâce au dévouement du capitaine
qui dut partager sa ration d'eau douce avec le
jeune arbrisseau. C'est celui-là même qui se mul-
tiplia de telle sorte qu'il couvrit bientôt le sol de
la Martinique , de la Guadeloupe , de Saint - Do-
mingue, de Cayenne et de la Jamaïque,
Cependant la vogue du café continuait en France,
et à Paris en particulier.
A la faveur du café, le sucre commence aussi à
courir les rues, le sucre, qui, jusque-là, s'achetait
à l'once chez les pharmaciens. On peut bien dire :
courir les rues, parce qu'en effet on voyait dans
Paris, des marchands qui portaient dans la rue ,
sur un éventaire, un réchaud et une cafetière, en
criant du café. Ceux qui en voulaient faisaient
monter chez eux le marchand « qui remplissait
leur tasse pour deux sous, en fournissant aussi le
sucre, » dit la chronique du temps.
On verra plus loin quelle importante révolution
LE CAFÉ 11
économique se rroduisit à la suite de ces modestes
débuts.
Les premières boutiques où l'on vendit du café
étaient assez mal tenues et assez mal fréquentées.
L'une fut établie à la foire Saint-Germain, en 1672.
Plus tard, il s'en installa une sur le quai de l'Ecole,
et rue Mazarine.
Procope fut le premier qui, qîiel(Jues années plus
tard, ouvrit un café convenable, orné de glaces, et
de ces tables luxueuses qui semblent ajouter leurs
séductions nécessaires aux charmes de la précieuse
liqueur. C'est en face de l'ancienne Comédie-Fran-
çaise , que fut. fondée cette maison élégante , qui
existait encore dans ces derniers temps. Là, se
donnaient rendez-vous les auteurs, les gens de let-
tres et les savants : Voltaire, Piron, Lafontaine et
Fontenelle y passèrent de longues heures. La bois-
son à la mode n'était que le prétexte de réunions,
où l'on peut dire que l'on dépensait plus d'esprit
encore que de café.
Peu à peu les boutiques de ce genre se multi-
plièrent. A la fin du règne de Louis XV, il y avait
plus de 600 cafés à Paris.
Maintenant, on ne les compte plus.
Aujourd'hui , ce n'est plus , comme au xvni^ siè-
cle, l'esprit qui y attire. Un luxe, qui a dépassé toute
limite, forme le principal attrait de ces somptueu-
ses boutiques. Si rintelligence a peu de chose à y
gagner, en revanche la morale, les habitudes éco-
nomiques et sociales, la santé même, ne reçoivent-
12' Lt: CAFÉ
elles pas une sérieuse et réelle atteinte de ces lon-
gues heures d'oisiveté, de ces dépenses inutiles si
souvent répétées, de l'entraînement du jeu, des
séductions de ce faux luxe, qui font trouver la mai-
son triste, le foyer de la famille monotone, le tra-
vail plus pénible , sans compter l'influence des
liqueurs et du tabac, qui apparaissent et bientôt
rivalisent avec la boisson orientale?
Il y aurait là une curieuse étude, bien faite pour
tenter le moraliste, l'économiste et le médecin, où,
pour être juste, il faudrait mettre en parallèle ces
conséquences éloignées de la consommation ou de
l'abus du café, et les avantages très-réels qui résul-
tent de son usage.
Ce dernier point de vue sera indiqué quand nous*
parlerons des propriétés du café.
Nous devons nous borner pour le moment à un
rôle plus modeste, à décrire la petite graine qui a
été la cause inconsciente de si grandes révolutions
économiques et sociales, ainsi que Tarbre qui donne
naissance à ce fruit précieux.
Description.
Lagraine de café^ que chacun de nous connaît, est
une partie du fruit du caféier, dont nous avons indi-
qué l'origine. Le caféier est un arbre haut de 4 à 5 mè-
tres, en forme de pyramide, toujours vert (fig. 2).
Ses branches sont noueuses, son écorce grisâtre.
Ses feuilles sont ovales, allongées, en forme de
Fi g. i' — Le Caféier.
li
LL CAFK
lances, sinueuses sur leurs bords, pointues à leur
extrémité libre: elles sont d'un vert foncé, assez
Fig. 3. — Un rameau de Caféier. A. Baie et grainesè
semblables à celles du laurier. Ses fleurs sont blan-
ches, à odeur suave, agglomérées à l'aisselle des
LE CAFÉ [.,
feuilles; elles rappellent les fleurs du jasmin d'Es-
pagne (lig. 3). Trois floraisons se succèdent chaque
année, à quelques mois d'intervalle, de sorte que les
arbres sont presque continuellement couverts de
fleurs odoriférantes et de fruits d'une belle couleur.
Le fruit du caféier est une baie qui, arrivée à
maturité, est grosse comme une rAerise, de forme
ovoïde. D'abord verte, elle devient ensuite rouge,
puis presque noire, Desséchée, elle n'a plus guère
que le volume d'une baie de laurier. Ce fruit ren-
ferme autour de deux coques, placées au centre, une
sorte de pulpe jaunâtre un peu sucrée. Les voya-
geurs lui avaient d'abord donné le nom de mûre
des Indes.
Dépouillé de cette enveloppe charnue, le fruit se
compose de deux coques ovales, planes d'un côté,
convexes de l'autre, et accolées par leur face apla-
tie. Leurs parois sont dures, coriaces, assez sem-
blables à du parchemin. Chacune de ces loges
contient une graine, convexe sur sa face extérieure,
l plane en dedans, où elle présente un sillon longi-
. tudinal très-accusé.
C'est cette graine que nous connaissons, et qui,
dépouillée de ses enveloppes et réduite en poudre,
sert à préparer l'infusion du café.
Quand le fruit est ainsi dépouillé de sa partie
charnue et de l'enveloppe propre de chaque graine,
on lui donne le nom de café inondé.
Le fruit entier et desséché porte le nom de café
en coque.
16 LE i:afé
On a donné, assez mal à propos, le nom de fleurs
de café aux enveloppes des graines (fig. \). Les
Fig. 4. — Fleurs et fruit. Café en coque.
Arabes utilisent cette partie de la graine pour pré-
parer une boisson qu'ils apprécient beaucoup, et
LE CAFÉ 17
qui est désignée sous le nom de café à la sultane.
Cette liqueur ne serait en aucune façon du goût
des Européens, qui ne font usage que du café
mondé.
Bien que nous ne voulions point faire ici de
botanique à propos du café, nous ne saurions
omettre de rappeler que le caféier appartient à la
famille des Rubiacées , une des plus importantes
du règne végétal. En effet, cette famille fournit à
l'homme de très -nombreuses et utiles espèces,
parmi lesquelles il suffira de citer : la garance, bien
connue pour ses propriétés en teinture, (c'est un
des représentants indigènes de la famille des Ru-
biacées); les quinquinas, dont l'écorce est si pré-
cieuse en médecine pour son action tonique et pour
ses merveilleux effets dans les fièvres dues aux
miasmes des marais ; l'ipécacuanha, dont la racine
possède des propriétés émétiques, qui ne sont que
la plus vulgaire des vertus de cet utile médicament.
C'était assez pour illustrer la famille des rubia-
cées. Quand nous aurons étudié les effets si impor-
tants du café , nous reconnaîtrons que le caféier
ajoute un nouveau titre à notre estime et à notre
reconnaissance pour cette série de végétaux pré-
cieux.
Colture, production et consommation.
La culture du café nous présente à considérer,
d'une part, son extension si remarquable, d'autre
0
18 LE CAFÉ
part, ses procédés plus ou moins anciens, plus ou
moins perfectionnés.
Nous avons vu de quelle partie du globe le ca- •
féier est originaire. Il n'est pas sans intérêt de com-
parer les origines de cette culture avec les progrès
qui ont été ultérieurement réalisés.
Dans la province d'Yémen nous trouvons le type
de la culture du café. Le caféier y réussit le mieux
quand on le cultive à mi-côte. Les sommets des
montagnes sont trop froids, et la base trop chaude.
Cet arbre des pays chauds recherche néanmoins
un sol humide pour ses racines. Les Arabes dé-
tournent des sources, et en amènent l'eau au pied
des caféiers, plantés dans un terrain spécialement
préparé pour les recevoir : c'est-à-dire dans des
fosses où ont été amassées des pierres, afin d as-
surer la perméabilité du sol à l'humidité si néces-
saire aux racines de l'arbre.
Le caféier se multiplie de semis. A un an, les pieds
de caféier sont plantés dans des trous disposés en
quinconces. L'arbuste est en plein rapport dans la
troisième ou quatrième année. Le caféier rapporte
ainsi pendant 30 ou 40 ans. De la succession rapide
de la floraison et de la fructification, il résulte que
la récolte du café se fait presque sans interrup-
tion.
Les meilleures plantations de café, celles qui
fournissent le café le plus estimé, sont assurément
celles dont nous parlons. Cependant aujourd'hui,
on cultive le café dans tous les pays chauds. Pour
LE CAl'É llj
que le caféier réussisse, il faut que la température
soit comprise entre + 10" et + 25" à 30\ Cette
culture est surtout très-prospère clans la partie
sud de rinde, à Java, au Brésil, aux Indes occiden-
tales.
On se rappelle que, vers 1680, les Hollandais
avaient apporté le caféier à Batavia. De là, la cul-
ture de cet arbre s'étendit à tout l'archipel indien,
h Java, à Ceylan, etc. On a vu également comment
s'introduisit la culture du caféier dans les Indes
occidentales.
Saint-Domingue, après avoir été une des sources
les plus importantes de la production du café (on en
exportait 35,000 tonnes en 1786), vit cesser presque
complètement en 1792 ce commerce, qui depuis a
fait de nouveaux et rapides progrès.
A Cuba, la culture du café a été délaissée en par-
tie pour celle de la canne à sucre, qui y a pris beau-
coup plus d'importance.
En revanche, cette culture a pris une extension
très-considérable au Brésil.
Les procédés de culture en usage dans ces divers
pays diffèrent peu au fond de ceux que nous avons
indiqués pour l'Arabie, sauf dans les points que
nous mentionnerons au paragraphe suivant, où, sans
entrer dans aucun détail technique, nous ferons
voir qu'aux procédés manuels et à la simplicité
primitive des moyens , ont été substitués d'autres
procédés plus expéditifs et plus aptes à conserver
les qualités de la graine.
'20 LE CAFt:
Aux Antilles, comme en Arabie, la culture du
café prospère surtout dans les terrains placés sur le
penchant des collines, et qui reçoivent des eaux de
sources ou sont arrosés par les eaux pluviales.
Les deux tableaux qui suivent, empruntés à
l'ouvrage de Mac CuUoch S donnent une idée de
l'importance de la culture du café , en indiquant :
Fun, les quantités exportées par les différents pays
de production, l'autre, la consommation dans les
diverses contrées :
Exportation du café des différents lieux
de production.
tonnes
Moka, Hodeida et autres ports de l'Arabie. . . 8,000
Java 55,000
Sumatra, et autres ports de l'Inde non anglaise. 8,000
Brésil 160,000
Haïti 16,000
Cuba et Porto Rico 7,000
Indes occidentales britanniques 2,000
Inde et Ceylan 38,000
Indes occidentales anglaises 2,000
Indes occidentales françaises et île Bourbon . . 2,000
Total. . . 298,500
1. In Verdeil, Industrie moderne.
LE GAFl': 21
Consommation dans les diverses contrées.
tonnes
Grande-Bretagne 16,000
Pays-Bas et Hollande 40,000
Allemagne, Russie, et contrées autour de la
Baltique 60,000
France, Espagne, Italie, Turquie et Levant. . . 55,000
États-Unis 90,000
Canada, Australie, etc 30,000
Total. . . 291,000
Dans ce tableau, la France se trouve réunie avec
plusieurs autres pays.
Quelle est sa part de consommation ?
« De toutes les nations de l'Europe, c'est la France
qui, proportions gardées, consommerait le moins de
café, si l'on en croit la statistique suivante :
« En Angleterre, malgré l'énorme consommation
de thé qui s'y fait, chaque personne consomme, en
moyenne, 1 livre 1/8 de café par an ; en Allemagne,
4 livres; en Danemark, h livres 1/2 ; aux Etats-Unis,
7 livres; et en France, seulement 2 livres 1/2. Mais
en aucun pays la proportion n'est aussi forte qu'en
Californie, où il s'en consomme 20 livres 1/2 par
tête K »
Au reste, la consommation, en France, va tou-
jours croissant.
1. (Pall Mail Gazette, citée par VTJnion médicale du
26 novembre 1874.)
23 LE CAFÉ
En 18G2, le chiffre de l'importation du café on
France atteignait près de 40 millions de kilo-
grammes.
En 18G7, l'importation en France dépasse 79 mil-
lions, et la consommation 47 millions de kilo-
grammes.
Puant à Paris, il consommait à lui seul, en 1856,
3 millions de kilogrammes, ce qui donnait environ
'2 kilogrammes 800 grammes par an, par habitant.
Ces chiffres ont encore, bien entendu, augmenté
depuis, dans une proportion considérable.
Relativement à la provenance du café consommé
dans la capitale , voici ce que dit Husson dans
son excellent livre sur les Consommations de
Paris :
« Presque tout le café qui se consommait autrefois
à Paris était tiré de nos colonies; les cafés Martini-
que et Bourbon ont été longtemps les seuls qui, avec
quelques parties de cafés étrangers des mêmes ré-
gions et de petites quantités de café Moka, servissent
à composer la boisson aromatique devenue chère
aux Parisiens. Mais la consommation venant à s'ac-
croître, on eut recours aux cafés de Tlnde. Aujour-
d'hui les cafés de Java, Macassar, Padang, Sama-
rang et Ceylan ont fait invasion dans la consom-
mation française. D'un prix moins élevé que nos
cafés des colonies, ils les ont remplacés dans une
certaine mesure avec avantage. Ces cafés ne four-
nissent pas moins des sept dixièmes de ce qui est
nécessaire h la consommation de Paris. Les cafés
LE CAFÉ '23
do Saint-Domingue et du Brésil composent deux
autres dixièmes; la Martinique, Bourbon et la Gua-
deloupe nous expédient le surplus. Quant au véri*
table Moka, il n'en vient à Paris que des quantités
à peine appréciables. »
Récolte. — Décortlcation.
Ainsi que nous venons de le dire, les récoltes se
succèdent pendant presque toute l'année. Néan-
moins la plus importante a lieu en mai. Le procédé
le plus simple pour récolter les fruits du caféier
consiste à secouer les arbres, sous lesquels des
toiles ont été préalablement étendues. Les fruits
mûrs tombent sur ces toiles. On expose ensuite ces
fruits sur des nattes pour les faire sécher.
Ailleurs, les nègres passent chaque jour entre
les rangées de caféiers, et cueillent les fruits mûrs,
qu'ils réunissent dans des corbeilles de liane. C'est
là le café en cerises, (Fig. 5).
Il s'agit ensuite de débarrasser les graines de
leur enveloppe charnue. Pour cela, divers procédés
sont employés.
Dans l'un, on fait passer sur les fruits un cylin-
dre très-lourd de bois ou de fer, destiné à séparer
les graines de leur enveloppe ; on vanne ensuite, et
on fait sécher le café.
Dans une autre variété de ce procédé, on met les
fruits frais dans un moulin appelé grage, dont l'ac-
tion détache de la graine la partie charnue du
24 LE CAFK
fruit, tout en laissant la graine entourée de son
enveloppe propre. On l'en débarrasse ensuit<î en
faisant sécher le tout au soleil. C'est le café gragé
ou fni vert; il a en effet une teinte verdâtre.
C est la meilleure manière de décortiquer le café.
La préparation du café dit trempé résulte de
l'action de l'eau, dans laquelle on laisse macérer le
fruit, la graine étant ensuite mise à sécher au so-
leil. Ce procédé donne du café grisâtre, d'une qua-
lité bien inférieure.
Presque partout, les procédés mécaniques et ar-
tificiels ont avantageusement remplacé les procédés
naturels et Faction manuelle.
Dans quelques pays, il n'est pas d'usage d'enlever
l'enveloppe propre de chaque graine. Ainsi, le café
de Bolivie et de Java nous arrive encore entouré
de cette enveloppe parcheminée : d'où le nom de
café en parche, sous lequel on désigne cette va-
riété,
Variétés commerciales.
En raison de l'extension si importante de la cul-
ture du café, et des provenances si diverses de
cette graine, le nombre des variétés commerciales
va toujours croissant.
On peut cependant les ramener toutes à quelques
types plus importants.
Le café Moka ou plutôt le café de l'Yémen, est
la meilleure variété commerciale. C'est celle qui
2G le; qafé
est la plus estimée pour la finesse et la suavité de
son arôme. Malheureusement ce café est très-rare-
ment expédié en Europe par les Arabes, qui le
gardent pour eux. Il est déjà difficile de s'en pro-
curer en Orient, à Constantinople.
On reconnaît le café Moka à ses grains ronds,
petits, de couleur jaunâtre, recouverts d'une pelli-
cule dorée.
Le café Martinique a un grain plus gros, plus
allongé, de couleur vert tendre.
Le café Bourbon est petit, arrondi, verdâtre.
On distingue encore les cafés de Java, de Ceylan,
de Saint-Domingue, du Brésil, de Cayenne, de la
Guadeloupe, de Sumatra, de Zanzibar.
Le café dit Moka de Zanzibar peut jusqu'à un
certain point, par la forme, la couleur, l'aspect de
la plupart de ses graines, et aussi par son arôme, .
rappeler le vrai Moka.
Ces diverses variétés commerciales se distin-
guent par l'apparence extérieure, caractéristique
des graines, par un arôme plus ou moins fin et
agréable, et aussi par des propriétés plus ou moins
actives, correspondant à des quantités variables
d'un principe spécial appelé caféine, et dont la
proportion varie d'une espèce à une autre, comme
on le verra plus loin.
Le mode de décortication et les moyens de trans-
port déterminent encore des différences parmi ces
diverses variétés.
Le café qui a subi l'action de Teau de mer est
LE CAFK 27
ivarié. On y trouve une assez notable proportion
le sel marin, et il s'est développé à sa surface des
iioisissures verdâtres. Ce café a perdu son arôme
}t sa valeur commerciale.
Préparation du café.
La préparation de la liqueur appelée café corn-
orend plusieurs points essentiels, parmi lesquels il
aut noter :
1° Le choix des espèces de café ;
2" La torréfaction des grains ;
3o La pulvérisation;
'i" Le procédé par lequel on fait passer dans la
liqueur les parties solubles et aromatiques de la
graine ainsi traitée.
V Choix des espèces :
Quelles espèces sont les meilleures pour la pré-
paration du café ?
En indiquant les variétés commerciales du café,
nous avons déjà signalé la supériorité du café
Moka. Mais il n'est pas seulement d'un prix fort
élevé, il est aussi très-rare. Depuis quelques an-
nées, il est remplacé en France par le café dit
Moka de Zanzibar. Le prix en est encore assez
élevé.
On a été amené à combiner certains mélanges
qui réalisent, autant que possible, les conditions
désirables de prix et de goût.
En mélangeant 250 grammes de Moka ou de
28 LE CVFH
Zanzibar, 250 grammes de Bourbon et 500 gramme»
de Martinique, on obtient un très-bon résultat.
Un café moins cher, mais un peu moins aromati-
que, est fourni par un mélange à parties égales de
café Bourbon et de café Martinique.
2" Torréfaction :
La médecine emploie le café vert ou cru à titre do
médicament.
Les grains de café destinées à préparer la bois-
son aromatique que chacun connaît, doivent avoir'
été préaltiblement soumis à l'action du feu, ou
brûlés à un certain degré ; c'est ce qu'on appelle la
torréfaction du café. Faite avec soin et au degré
convenable, cette opération développe l'arôme du
café, augmente son volume et la solubilité de ses
principes ; elle accroît ses propriétés nutritives.
Comment se fait cette opération?
Le moyen le plus grossier consiste à mettre le
café, préalablement vanné et dépouillé des pellicu-
les, brûler dans une poêle. Il est bien préférable de
se servir d'un cylindre en tôle, traversé par une tige
dont les deux extrémités reposent sur un fourneau,
chauffé de préférence au charbon de bois. Une ma-
nivelle communique au cylindre et à son contenu
un mouvement de rotation, qui permet à tous les
grains de venir se mettre en contact avec les pa-
rois échauffées du cylindre. Quand le café dégage
une fumée abondante, quand le grain pétille, bru-
nit et répand une odeur agréable, caractéristique,
l'opération est terminée. Le .café est ensuite versé
LE CAFE 20
hors de l'appareil, et étendu eu couche mince sur
une surface où il puisse promptemcnt refroidir.
Un industriel a invente une brûloire plus par-
faite encore. Cet instrument maintient tous les
grains de café à une petite distance des parois de
tôle du cylindre, au moyen d'un canevas métallique,
fixé dans l'intérieur de l'instrument; les grains
ainsi brûlés dans un bain d'air chaud, ne venant
plus se mettre en contact avec les parois surchauf-
fées, sont soumis à une torréfaction plus régulière^
plus égale.
La torréfaction augmente notablement, — de près
d'un tiers, — le volume des grains de café. L'opéra-
tion, bien faite, ne doit pas enlever au café plus de
15 à 20 pour 100 de son poids,
' La température à laquelle sont soumis les grains
de café ne doit pas dépasser 200 à 250 degrés.
Cette règle générale exige encore, dans l'applica-
tion, que l'on tienne compte de l'espèce de café sur
laquelle on opère.
Ainsi, par exemple, le Moka et le Zanzibar ne
doivent pas dépasser la teinte rousse.
On peut pousser l'opération plus loin pour le
café Bourbon et pour le café Martinique.
Il est donc important de torréfier séparément les
différentes espèces de café^ chacune exigeant une
température spéciale pour la perfection de Topéra-
tion.
Poussée trop loin, la torréfaction développe une
odeur acre, qui n'a plus rien de cet agréable par-
"^^ LE CAFÉ
fum que répand le café, quand on le brùlcau degré!
convenable, et à propos duquel Rousseau disait'unl
jour à Bernardin de Saint-Pierre : « Voici un parfum
que j'aime beaucoup : quand on brûle du café dans
mon escalier, j'ai des voisins qui ferment leur porte •
moi, j'ouvre aussitôt la mienne. »
On comprend toute l'importance de ces précau
tions, quand on pense que le café renferme outre
la ca/eute (principe alcaloïde qui contient envi-
ron 30 p. 100 d'azotej, des substances tarasses
des essences aromatiques à odeur suave, études sels
de fer et de potasse.
La torréfaction modifie singulièrement la consti-
tution chimique de ces nombreux éléments; elle
détruit les uns, combine diversement les autres
et développe ou altère, suivant le degré où on la
pousse, larômc du café, ainsi que ses propriétés
nutritives. i f ^
Cette opération doit donc être l'objet d'une at
tention toute spéciale. La plupart du temps le soin
en est laissé aux marchands de café, qui abandon
dent a des manœuvres cette préparation, exécutée
en gênerai sans intelligence et sans guide Ils
n'obéissent qu'au désir de satisfaire le <^oût du
public, qui veut du café noir quand même'' ou à la
crainte qu'une torréfaction poussée trop 'loin 'né
diminue trop le poids de la marchandise.
3' Pulvérisation :
Le café torréfié, il s'agit de le réduire en poudre
Les Orientaux pilent les grains de café au moyen
LE CAFÉ 31
de mortiers et de pilons de bois. A la longue,
ces instruments s'imprègnent de l'essence parfu-
mée du café, et acquièrent alors une grande va-
leur.
Dans notre pays, il est d'usage de moudre le café
dans de petits moulins, qui font très-bien et très-
rapidement cette besogne.
Cependant on a agité la question de savoir si le
café pilé était supérieur au café moulu.
Cette question de haute gastronomie ne pouvait
avoir un juge plus compétent que le célèbre auteur
de la Physiologie du Goût, Brillât-Savarin. « Il
m^appartenait, dit-il, de vérifier laquelle des deux
méthodes était préférable; en conséquence j'ai tor-
réfié une livre de Moka, je l'ai séparée en deux
portions égales, dont Tune a été moulue et l'autre
pilée; j'ai fait du café avec l'une et avec l'autre des
poudres, j'en ai pris de chacune pareil poids, et j'y
ai versé pareil poids d'eau bouillante, agissant en
tout avec une égalité parfaite, j'ai goûté ce café et
lai fait goûter par les plus gros bonnets : l'opinion
a été que celui pilé était évidemment supérieur à
celui moulu. »
L'usage n'a pas sanctionné cet arrêt, et nous
continuons à moudre notre café.
Le café torréfié, et surtout le café en poudre, doit
être conservé à l'abri de l'humidité^ dans des vases
hermétiquement fermés. Mieux vaudrait encore ne
moudre à la fois que la quantité de café destinée à
être employée immédiatement. Car l'arôme du café
J
est très-volatil ; il s'altère par le voisinage d'autres
matières odorantes; enfin, il se détruit par l'action
chimique de Tair. On sait en effet que Tair, en oxy-,
dant certaines substances aromatiques, les trans-i
forme en d'autres corps tout-à-fait prives d'odeur,
Les essences de citron, de bergamotte, de térében-i
thine, d'amandes amères, par exemple, passent, a
contact de l'air, à Tétat de corps nouveaux, résine^
ou acides, et cessent alors de dégager ces odeurap
parfumées qui les caractérisaient avant cette trans-
formation.
4" Infusion :
La poudre obtenue par le moulin ou le pilon doit
être ensuite soumise à l'action de l'eau. Ici encore
plusieurs procédés se présentent.
Faut-il faire bouillir cette poudre avec l'eau
c'est-à-dire opérer par décoction ?
Ou bien verser simplement l'eau bouillante sur
la poudre, c'est-à-dire employer le procédé par in-
fusion ?
Enfin suffit-il de laisser l'eau froide en contact
avec la poudre^ afin qu'elle se charge, pendant
cette macération, de tous les principes du café?
Cette dernière préparation , la macération, de-
mande trop de temps, de 8 à 10 heures environ;
c'est donc un moyen peu pratique.
Pour juger le procédé par décoction, il suffit de
savoir que le principe aromatique du café s'altère
déjà à partir de 50 ou 55 degrés. Que sera-ce si on
le soumet à la température de 100 degrés, si on le
it-^
1
LE CAFÉ 33
fait bouillir? On obtiendra alors une liqueur com-
plètement dépourvue d'arôme, d'une amertume
horrible.
L'infus'on est donc le procédé qu'il convient
demployer.
On verse sur la poudre de l'eau bouillante, dans
la proportion d'environ 1 litre d'eau pour 100 ou
120 grammes de café.
Le vase où l'on opère n'est pas sans importance.
Les Orientaux se contentent de verser de l'eau
bouillante sur la poudre aromatique contenue dans
leurs tasses. Ils obtiennent ainsi un café très-par-
fumé, mais où la poudre reste en partie en suspen-
sion. Ce breuvage épais, trouble, serait peu ap-
précié chez nous.
En Europe, on se sert de cafetières à filtre, en
fer blanc , ou mieux en porcelaine , instruments
fort commodes, qui donnent rapidement une liqueur
très-parfumée et très-limpide.
L'usage de cet instrument est des plus sim-
ples. On met sur la grille du filtre la quantité de
café nécessaire , environ une cuillerée à café de
poudre pour une tasse d'eau ; le fouloir disposé sur
la poudre, on place la grille supérieure, sur la-
quelle on verse l'eau bouillante, et on ferme le
couvercle. La filtration s'accomplit, et pour que le
café ne refroidisse pas, Tinstrument est plongé dans
un bain-marie d'eau bouillante pendant l'opération.
Le café ainsi préparé est très-odorant, parce que
l'infusion se fait en vase clos, et à chaud, la cha-
3
d4 LE CAFK
leur développant larôme de la graine. Ces appa-
reils ne laissent rien échapper du parfum du café.
La liqueur est très-limpide , parce que la grille du
filtre est percée de trous assez petits pour per-
mettre l'écoulement du liquide de Finfusion, sans
laisser passer aucune parcelle de poudre. Une pe-
tite rondelle de flanelle, placée sur la grille du
filtre, permet d'obtenir une liqueur d'une limpidité
plus parfaite encore.
Si l'économie oblige à utiliser le marc du café,
on doit bien se garder de le faire bouillir, ce qui
ne donnerait qu'un liquide acre et noir; il faut
verser dessus une nouvelle quantité d'eau chaude,
ou mieux d'eau froide.
L'infusion faite, on ne laissera pas le marc dans
le filtre, ni la liqueur dans la cafetière de fer blanc.
Pour peu que celle-ci fût en quelques points dé-
pouillée de la couche d'étain qui recouvre le fer,
le tannin du café, se combinant avec le métal du
vase, formerait de l'encre, et communiquerait à
la liqueur une couleur noire, et une saveur d'une
amertume peu agréable.
A côté de cet instrument, si commun dans tous
les ménages aujourd'hui , il faut mentionner un
appareil fondé sur un principe établi par Babinet (la
cafetière Penant).
Il se compose de deux vases ; l'un, en porcelaine,
contient l'eau à bouilHr ; une lampe à esprit de vin
est placée au-dessous. D'autre part, un vase en
verre reçoit le café en poudre : il communique avec
LE CAFÉ 35
la bouilloire par un tube métallique, dont l'orifice
est placé au-dessus du niveau du liquide. Quand le
l'quide entre en ébullition dans la bouilloire, la
pression produite par la vapeur dans l'appareil fait
monter rapidement dans le tube l'eau bouillante,
qui est ainsi énergiquement refoulée à travers le
café. Cette première partie de l'opération accom-
plie, le vide est opéré dans la bouilloire, et la fil-
tration se fait aussitôt dans les meilleures condi-
tions.
Cet appareil, assez élégant du reste, permet de
préparer le café sur la table même, et en quelques
instants.
Ceux qui veulent prendre du café bien préparé
ne doivent pas dédaigner de surveiller, et, au be-
soin, de diriger les diverses parties de cette déli-
' cate opération. Il y a vingt-cinq ans, le nombre était
grand des amateurs pour qui torréfier ou moudre
leur café était un plaisir, et qui tenaient à préparer
eux-mêmes cette boisson. Ils pouvaient dire avec
Delille parlant du café :
a Que j'aime à préparer ton nectar précieux !
a Nu] n'usurpe chez moi ce soin délicieux. »
Aujourd'hui, on y regarde de moins près^ on est
moins délicat, et on abandonne au premier venu,
et au plus ignorant, la préparation d'un breuvage
que l'on prend de confiance, par mode plus encore
que par goût.
Quelque soit l'appareil employé, on ne saurait
36 LE CAFÉ
avoir des soins de propreté trop minutieux pour
tous les objets qui servent à la préparation du
café.
La cafetière doit être bien lavée, et séchée aus-
sitôt après qu elle a servi.
LMnfusion, pour être parfaite, ne sera jamais pré-
parée d'avance; car l'arôme du café se perd rapide-
ment. Est-il nécessaire d'ajouter que le café ré-
chauffé ne serait qu'une liqueur détestable ?
Conservation du café en liqueur, ou le café
instantané.
La préparation du café demande un certain
temps, elle exige plusieurs rases ou instruments,
et, comme on l'a vu, elle se compose de plusieurs
opérations assez longues et assez minutieuses. En
voyage, en campagne, et même parfois en dehors
de ces conditions exceptionnelles, cette complica-
tion devient une sérieuse difficulté. Sans doute en
emportant ou en conservant le café brûlé, moulu,
dans des boîtes hermétiquement fermées, on gagne
déjà du temps, et on simplifie beaucoup l'opération.
On a voulu mieux encore. Ne serait-il pas possible
de réduire la préparation du café à un simple mé-
lange, aussi facile à faire que celui de l'eau et du
vin ? L'industrie a tenté la réalisation de ce vœu.
Plusieurs essais ont été faits, et le commerce
prépare et vend différentes espèces de liqueurs de
café concentrées, essences de café dont une petite
LE CAFE 37
dose déterminée, versée dans une tasse d eau bouil-
lante, doit donner un café d'une préparation ins-
tantanée. Inutile de demander si cela vaut le café
fait suivant les règles indiquées plus haut ? Quand
on emploie ce procédé, c'est faute de pouvoir se
servir de l'autre, et l'on a pour but la rapidité de
l'opération et non la perfection du résultat. Il faut
se déclarer satisfait, quand on obtient ce que l'on a
recherché.
On a également préparé un sirop de café pou-
vant servir aux mêmes usages.
Les quantités employées sont :
Eau 1000 gramaieâ
Sucre 1500 —
Café UO
La préparation de ce mélange se fait par infusion
du café dans l'eau bouillante ; elle demande six
heures pour être parfaite.
Trente grammes de ce sirop dans une tasse d'eau
bouillante donnent immédiatement un très -bon
café.
Ce sirop est facile à conserver et à transporter ;
cette préparation conserve bien l'arôme du café.
Mélanges. — La chicorée.
Nous parlerons plus loin de certains mélanges
exécutés frauduleusement par les marchands ; il
s'agit ici d'une addition volontaire, connue, ac-
j"^ LE CAFi: .
ceptée, recherchée même par la masse des consom-
mateurs. Combien cFentre eux achètent sciemment
de la chicorée, pour donnera leur café une couleur
plus foncée , ou des propriétés qu'ils supposent
moins irritantes !
D'où peut venir un pareil usage ?
Le prix exorbitant du café au commencement du
siècle avait conduit à introduire une notable guan-
tité de chicorée dans la préparation de la liqueur.
L'habitude d'une infusion noire a sans doute rendu
le consommateur exigeant, et quand l'industrie ne
vient pas servir son goût, en opérant elle-même
frauduleusement ce mélange, c'est l'acheteur qui
volontairement et par choix, ajoute de la chicorée à
son café, sous prétexte d'en rendre l'infusion plus
agréable à Fœil , au goût , ou môme plus hygié-
nique.
On verra plus loin à quels chiffres s élève la pro-
duction de la chicorée destinée à cet usage, et avec
quel empressement le commerce flatte le caprice
du public, même au delà de ses limites, et com-
bien même souvent on est ingénieux à lui prêter un
goût qu'on a trop d'intérêt à exagérer et à satisfaire.
Quoi qu'il en soit, les effets d'une infusion, en
tout ou en partie préparée avec de la chicorée,
même la plus pure et la meilleure, ne peuvent en
rien être comparés à ceux de l'infusion de café. La
chicorée, sans être malsaine, ne contient pas la
moitié de la quantité de matières azotées nutritives
que contient le café, En outre, l'infusion qu'elle
LE CAl-E oll
donne est dépourvue de rarôme qui est si développe
dans la graine du caféier.
Sans doute, on obtient ainsi un breuvage fonce,
aussi noir qu'on peut le désirer, mais qui, au lieu
d'un utile et agréable stimulant, ne constitue plus
qu'une liqueur aussi lourde qu'indigeste^
Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir le café si
diversement jugé. Tel, qui prend du vrai café, en
vante avec raison les heureux effets. Tel autre
impute au café des torts dont il n'est pas cou-
pable.
A côté du café plus ou moins mélangé , ou
dont la chicorée a pris la place, il faut mentionner
les diverses poudres, vendues sous le nom de café
indigène, nom qui écarte l'idée de fraude, puisque
l'acheteur tant soit peu intelligent est prévenu que
ce qu'il achète ne conserve plus le nom de café
qu'avec une épithète : correctif qui doit éveiller
toute sa méfiance.
En effet, sous le nom- de café indigène se pla-
cent des préparations multiples, où peuvent entrer,
soit de la chicorée seulement, soit l'une quelconque
ou un mélange des substances ci-après : glands de
chêne, marrons d'Inde, grains d'asperge, farine de
blé, orge, seigle, pois , fèves , pommes de terre,
carottes, panais, betteraves, etc.
Les consommateurs qui tiennent absolument à
ce que leur café se présente sous l'aspect d'une
liqueur très-foncée, et qui répugnent à l'addition,
même volontaire, de chicorée, trouvent dans le café
40 LE CAFE
caramélisé, appelé café de Chartres, un moyen d'ob-
tenir cette qualité qu'ils recherchent.
On obtient ce café en ajoutant aux grains une
certaine proportion de sucre, qui pendant la torréfac-
tion se caramélise, enveloppe et noircit artificielle-
ment le grain et la liqueur.
Cette addition est sans aucun inconvénient pour
la santé. C'est une question de goût et de prix.
Falsifications.
La Belgique et l'Allemagne nous vendent chaque
année des quantités énormes de chicorée. En 186'?,
on a consommé en France 6 millions de kilogrammes
de café de chicorée. On peut évaluer, suivant
Husson, à plus de 300,000 kilogrammes la con-
sommation annuelle de chicorée à Paris. Une seule
usine, à Lille, en fabriquait, en 1856, plus de 6000 ki-
logrammes !
Nous venons de dire que quelques-uns des con-
sommateurs qui achètent cette racine, en veulent et
en réclament. C'est un goût qui a le droit de se sa-
tisfaire.
Mais une partie considérable de ces 6 à 8 millions
de kilogrammes de chicorée se débite frauduleuse-
ment mélangée au café acheté en poudre, à des
acheteurs qui ne soupçonnent ni le mélange ni la
fraude.
11 y a là deux graves inconvénients : on achète
au prix du café une substance d'une valeur compa*
LE CAFÉ 41
rativement minime ; on croit prendre du café, et,
.au lieu de la liqueur bienfaisante et agréable, on
n'a qu'une boisson fade et amère.
Encore si la prétendue chicorée était toujours de
la chicorée ! Mais les marchands la trouvent encore
trop chère, et ils la falsifient, Dieu sait avec quelles
drogues !
Vieux marcs de café épuisés, et séchés, sciure
d acajou, tan, brique pilée, ocre rouge, foie de che-
val séché et pulvérisé : voilà ce que la Commission
sanitaire de Londres a découvert dans des échantil-
lons de prétendue chicorée !
On a également falsifié la chicorée avec des subs-
tances moins répugnantes : avec des panais, des
carottes, des glands, des pommes de terre, des ha-
ricots, des pois, etc.
Des fabriques s'étaient établies pour l'imitation
du café en poudre au moyen d'orge torréfiée, et d'en-
veloppes brûlées de cacao.
Toutes les falsifications de ce genre sont prévues
et poursuivies, en France, aux termes des circulai-
res ministérielles des 25 juillet 1853, 19 janvier
1854^ et 9 mars 1855.
On se met surtout à l'abri de ces fraudes en ache-
tant le café en grains.
Cependant l'industrie est parvenue à imiter la
forme des grains de café, à fabriquer de toutes pièces
du café artificiel !
On pulvérise les substances destinées à cette imi-
tation, on les met sécher dans des moules, et on
les ^vend, suivant le modèle, sous le nom de café
Moka, de café Martinique, etc. On est parvenu à
imiter la forme, la couleur, Taspect, le poids, de
manière à ce que le plus habile puisse s'y mépren- .
dre. Inutile de dire que l'infusion d'un pareil café !
ne laisse pas longtemps subsister l'illusion. Mais le
fabricant a prévu ce danger, et un nouveau piège
est tendu au goût lui-même, par la confection de
grains formés de vieux marcs de café moulés et sè-
ches, qui, mélangés aux faux grains, faits de terre
glaise, ou autres substances du même genre, don-
nent à l'infusion quelque chose qui rappelle de bien
loin, hélas 1 le goût du café véritable.
Comment se prémunir contre les falsifications
dont le café est l'objet ?
Rien de plus aisé que de reconnaître le mélange
de chicorée et de café. Il suffit de prendre une pin-
cée de la poudre suspectée, de la jeter dans un verre
d'eau : s'il n'y a que du café, le tout surnage ; a-t-
on un mélange de café et de chicorée, on voit
la chicorée se précipiter rapidement au fond du
vase.
Voilà qui est à la portée de tout le monde. Il n'en
est plus de même de certaines expériences délica-
tes, exigeant des notions de chimie, ou la posses-
sion d'instruments spéciaux, de microscopes, par
exemple, qui n'ont encore de valeur que pour ceux
qui ont appris à s'en servir.
De ces expériences-là nous ne parlerons pas ici.
Nous nous contenterons de montrer comment l'exa-
LE CAFE
43
men avec un instrument grossissant permet de re-
connaître les plus importantes falsifications.
La figure 6 représente l'aspect au microscope du
café pur de toute falsification.
Fig. 6. — Café non falsifié.
La figure suivante montre Taspect du café fal-
sifié.
De la comparaison de ces deux spécimens ressor-
tent des caractères différentiels importants.
Le microscope nous révèle tantôt des grains de
LE CAFK
fécule de la pomme de terre, dont la présence ne î
peut s'expliquer dans le café que par l'addition de
cette substance, frauduleusement introduite dans le
cafc moulu.
Fig. 7. — Café falsitîé. — a. Café. — b. Chicorée. — c. Farine
de glands.
Tantôt, on constate que le café a été frauduleuse--
ment additionné de chicorée ou de farine de glands.
(Fig. 7.)
Ces quelques spécimens donnés à titre d'exemples •
font voir comment la science, qui a souvent fourni;
LE CAFÉ 45
àrindustriedes secrets dont celle-ci s'est empressée
d'abuser, sait retrouver la trace indiscutable des
mélanges ou des falsifications dont les produits ali-
mentaires peuvent avoir été l'objet.
Comme conclusion pratique, il est prudent de n'a-
cheter son café qu'en grains, afin de le moudre chez
soi, et comme, môme en ce cas, toute la sagacité de
Tacheteur peut être mise en défaut, c'est à lui de
ne s'adresser qu'à une maison dont l'honorabilité
lui inspire une légitime confiance.
Propriétés du café.
Pour apprécier les propriétés de l'infusion de
café, l'exposé aussi sommaire que possible des prin-
cipes les plus importants contenus dans la graine
est absolument nécessaire.
L'analyse de la graine du caféier donne comme
éléments principaux :
Sur 100 parties :
Substances grasses de 10 à 13
Matières azotées de 13 à 15
Des traces d'huiles essentielles
aromatiques.
Substances minérales de 6 à 7
Parmi ces matières azotées, dont nous allons voir
la valeur au point de vue alimentaire, il en est une
qui a une très-grande importance en raison des effets
que produit le café sur le système nerveux : c'est
i6 LE CAFÉ
un principe alcalin, cristallisahle, auquel on a donm
le nom de caféine. Ce principe se retrouve égale-
ment dans le thé.
La proportion de ce principe diffère suivant les
espèces de café. Le tableau suivant, dû à MM. Bou-
tron et Robiquet, donne les quantités variables de
caféine contenues dans 500 grammes de café de di-
verses provenances :
grammes
Café Martinique 1,79
— d'Alexandrie 1,26
— de Java 1,26
— de Moka 1,26
— de Cayenne 1,06
— de Saint-Domingue 0,85
Nous n'irons pas plus loin avec les chimistes
dans cette analyse, qui suffit à rendre compte des
effets différents des diverses espèces de café. Nous
n'examinerons pas avec les physiologistes la ques-
tion encore à l'étude de l'action de la caféine, qui
paraît, même à très-faibles doses, être un poison
pour les animaux, tandis que pour l'homme aucune
démonstration n'est encore venue confirmer la plai-
santerie de Fontenelle sur ce « poison lent, » qui,
malgré l'abus qu'il en faisait, l'a laissé vivre un
siècle.
Nous nous contenterons de remarquer que la
composition du café lui donne une analogie impor-
tante, et dont nous tirerons tout à l'heure d'utiles
conclusions, avec les aliments types.
LE CAFÉ 47
! 'Nous ferons en outre observer que cette compo-
sition normale du café est quelque peu modifiée
par la préparation, et surtout par la torréfaction
qu'on lui fait subir.
Ainsi le café, torréfié plus ou moins, contiendra
plus ou moins de substance azotée (on désigne
sous ce nom la partie la plus importante, la plus
essentielle, la plus nutritive, de nos aliments). Ar-
rête-t-on la torréfaction aussitôt que possible, la
pousse-t-on au contraire à ses dernières limites :
voilà deux conditions extrêmes qui vont faire varier
de 1,77 à 0,08 la quantité de matière azotée con-
tenue dans le grain, et qui vont réduire de 25 à
16 grammes la proportion de matières solubles que
100 grammes du même café diversement traité
abandonnent à l'infusion.
L'analyse chimique du café fournit un chiffre-
type, que le mode de préparation, et surtout le de-
gré de torréfaction, peut faire singulièrement varier.
On peut juger par là- de l'importance très-réelle
de cette opération, et l'on comprend que les soins
minutieux que nous avons réclamés sont justifiés
par ces considérations, qui priment encore la ques-
tion de sroùt.
Valeur alimentaire et hygiénique du café.
Ces notions, bien que très-élémentaires, nous
permettent d'examiner maintenant l'influence que
peut avoir l'usage de cette boisson.
4» LE CAFE
On S est demandé si le café était un aliment ;
quelle était Tinfluence, bonne ou mauvaise, de cette
boisson sur la santé ; si même elle n'avait pas des
propriétés efficaces contre certaines maladies.
Et d'abord, le café est-il un aliment?
Pour résoudre cette question, il faut savoir que
les aliments les plus parfaits sont ceux qui con-
tiennent réunis tous les éléments nécessaires à la
réparation des tissus, comme l'albumine de l'œuf,
la fibrine de la viande, le gluten du pain, principes
réparateurs, plastiques (caractéristiques des ali-
ments azotés) d'une part, et de lautre les maté-
riaux nécessaires à l'entretien de la- température
du corps (caractéristiques des aliments respira-
toires), comme les fécules, les graisses.
Les aliments qui renferment ces deux ordres de
principes dans des proportions convenables sont
des aliments complets. Ils suffisent pour l'entre-
tien de la vie : exemples, l'œuf, le lait, etc. En
dehors de ces types, dans un grand nombre d'ali-
ments domine presque exclusivement l'un ou l'autre
de ces deux principes.
Si nous comparons, toute proportion gardée,
l'infusion de café à ces aliments-types, duquel se
rapproche-t-elle le plus?
L'analyse qui précède nous montre que le café
renferme, outre des sels qui ont aussi leur utilité
dans la nutrition, et des principes aromatiques
qui influencent favorablement le goût et la diges-
tion, une notable quantité de matières grasses.
LE CAFÉ 49
principe des aliments respiratoires, et de matières
azotées, principe des aliments réparateurs par ex-
cellence.
Une infusion de 100 grammes de café pour un
litre d'eau représente 20 grammes de substances
nutritives.
Donc, la composition seule du café suffirait à en
faire une boisson dont la valeur alimentaire ne
serait pas à dédaigner.
L'expérience est venue confirmer ces données
théoriques.
On a pu constater que des hommes recevant une
nourriture d'ailleurs insuffisante pouvaient se main-
tenir en santé, et fournir une somme de travail
plus grande, dès que Ton ajoutait à leur ration or-
dinaire trop exiguë une ration de café. C est ainsi
que les mineurs de Charleroi et d'Anzin peuvent
se contenter, grâce au café, d'un seul repas par
jour.
Tous les voyageurs savent par expérience la
valeur nutritive du café.
Le café est entré dans l'alimentation habituelle
du marin. Celui-ci y trouve une boisson tonique et
substantielle qui l'aide à supporter les rudes tra-
vaux de la manœuvre, les brusques variations de
température, et le défend contre la chaleur, le
froid, fhumidité; sans parler de l'utilité incon-
testable du café pour chasser l'ennui ou la nos-
talgie, ces terribles fléaux de la vie du marin.
C'est une boisson également bien connue du soldat.
4
50 LE CAFÉ
Le café fait partie de la ration sur le pied de guerre,
et ce n'en est pas l'élément le moins apprécié.
Combien de fois, pendant la guerre d'Italie et la
guerre de 1870, nos troupes durent-elles se battre
sans avoir autre chose qu'une tasse de café dans
l'estomac !
« L'introduction du café dans l'alimentation du
matelot ne date, en France, que de 1823, il fait ac-
tuellement partie de la ration nautique. Ce fut
pendant la campagne d'Egypte et sur les conseils
de Larrey, que cet aliment fut pour la première fois
distribué aux troupes. Le chirurgien en chef de l'ar-
mée avait su très-bien apprécier les avantages de
cette boisson chez les indigènes, et il considérait
même le café fait^ à la façon de l'Orient, comme un
breuvage préventif de la fièvre intermittente. Plus
tard, pendant les premières années de Toccupation
de l'Algérie, Larrey en recommanda vivement l'u-
sage parmi les troupes, et depuis cette époque seu-
lement, le café commença à faire partie des subsis-
tances militaires. Les services qu'il a rendus sont
incontestables : sans lui, on n'aurait certainement pas
toujours surmonté les fatigues de ces pénibles cam-
pagnes, entreprises dans des pays où les transports
et les ravitaillements rencontrent des difficultés im-
menses. »
« Depuis lors, l'expérience est devenue encore
plus probante : les campagnes de Crimée, d'Italie
et du Mexique en font foi. En 1857 , le baron
H. Larrey recommanda l'usage du café pour les
LE CAFÉ 51
troupes de la garde réunies au camp de Châlons
Le soldat connaît très -bien l'excellence de cette
boisson, et il la réclame avec instance; en route^ il
prend le café vers quatre heures du matin, et, avec
du biscuit, on fait une espèce de soupe qui est
saine et savoureuse. »
« En temps de paix, l'introduction du café dans la
ration réglementaire serait une mesure hygiénique
dont on pourrait constater bientôt les excellents
résultats. On a remarqué en effet, que dans les ré-
giments recevant régulièrement le café, le nombre
des habitués du petit verre du matin diminue con-
sidérablement ^. »
Combien il serait désirable de voir la ration de
café remplacer peu à peu partout la ration d'eau-
de-vie !
Nous connaissons plusieurs personnes qui pren-
nent tous les matins une simple tasse de café noir,
sans pain, ni beurre, ni crème. Ce repas, tout
léger qu'il paraît, leur permet d'attendre jusqu'à
midi sans autre nourriture. Lorsque ces personnes
tentent de remplacer le café par un potage, elles
éprouvent rapidement une sensation pénible de
besoin, des tiraillements d'estomac, qui leur im-
posent la nécessité d'avancer l'heure du second re-
pas.
L'infusion de café apaise donc la faim, soutient et
augmente les forces, quand cette boisson est bien
1. Moraclie. Trcité d'hygiène militaire , .Baillière, 1874.
n9
LE GAFK
supportée, et que rien dans le tempérament et la
santé n'en contre-indique Tusage.
Il est vrai que quelques physiologistes prétendent
expliquer ce fait incontestable en soutenant que,
sans nourrir, le café empêche, retarde le besoin de
nourriture, qu'il ralentit pour un temps le travail
d'usure, de décomposition qui se passe continuel-
lement dans la profondeur de nos tissus. (Le corps
humain est dans un état de décomposition et de
recomposition permanentes : tout en nous se re-
nouvelle constamment, parce que tout ce qui vit
s'use et doit se réparer sans cesse). Le café modére-
rait l'usure de nos tissus; il agirait, comme on l'a
dit, à la façon de la cendre, qui, projetée sur les
tisons, modère la combustion du bois.
Assurément on aurait quelque peine à convaincre
celui qui vient de prendre une tasse d'excellent
café, ^t qui en ressent l'excitation bienfaisante et
non discutable, de l'exactitude de cette comparai-
son, et de l'analogie qu'elle suppose entre des effets
qui paraissent si contraires.
Il semble bien établi, tant par l'analyse que par
l'expérience journalière, que le café noir, en infu-
sion plus ou moins concentrée, prise, soit à titre de
repas, comme au déjeuner du matin, par exemple,
ou après le repas, ou même dans l'intervalle des
repas, possède une réelle valeur alimentaire.
Telle est l'influence du café noir pris avec modé-
ration.
Mais ce n'est pas seulement sous la forme de
LE GAFK J)Z
café noir qu'il apparaît sur nos tables. Mèlc au lait,
le café constitue aujourd'hui le déjeuner habituel
d'une très-grande partie de la population.
Dans ce mélange, aux propriétés nutritives du
café, dont nous venons de parler, se joignent celles
du lait qu'on y ajoute. C'est là un appoint fort im-
portant.
Eh effet, un éminent chimiste, Payen, a démon-
tré qu'un litre de café au lait, composé de parties
égales de lait et d'infusion de café, représente six
fois plus de substance solide, et trois fois plus de
matière azotée (élément de réparation des organes,
muscles, os, tissus, etc.,) que le bouillon lui-même.
Enfin, ce mets est accompagné d'ordinaire de
l'usage d'une certaine quantité de pain, de beurre,
de sucre, qui ajoute encore à ses propriétés alimen-
taires. Le café est ainsi l'occasion de consomma-
tions très-importantes, qui se sont accrues dans la
proportion môme où s'étendait son usage.
Le sucre, cette substance dont le nom était à
peine connu sous Louis XIII, coûtait encore si
cher sous le règne de Louis XIV, que mademoi-
selle Scarron, belle-sœur de madame de Maintenon,
avait, dit-on, fait rétrécir par économie l'ouverture
de son sucrier. Mais bientôt Tusage du sucre se
répandit; un art nouveau, la confiserie, fit son
apparition. Une autre nouveauté, le verre d'eau
sucrée, entra dans les habitudes des salons, et
même des réunions moins aristocratiques, témoin ce
fameux raoût auquel la chronique dit que les offî-
' ] LE CAFE
ciers de Thionville appelèrent un jour tous les ha-
bitants, et dont le puits communal, où l'on avait
préalablement jetc toute la provision de sucre d'un
spéculateur en faillite, fit les frais et les délices.
Sous l'Empire, le sucre valut 10 fr. la livre;
grand grief contre Tempire ! Mais à quelque chose
malheur est bon. Le prix du sucre de cannes
donna naissance aune nouvelle industrie nationale,
et Fextraction du sucre de betteraves devint une
source de richesse pour notre pays.
On a calculé qu'en 1870 le sucre de provenance
étrangère entrait dans la consommation générale
pour trois milliards de kilogrammes. Ajoutez-y
900 millions de kilogrammes de sucre de bettera-
ves, et 160 millions de kilogrammes de sucre d'éra-
ble et de palmier, et vous arrivez à plus de quatre
milliards de kilogrammes pour la production totale
du monde entier. Si l'on estime à 1 milliard 300 mil-
lions d'âmes la population du globe, chaque in-
dividu supposé participer à cette consommation,
aurait à consommer environ 3 kilogrammes de
sucre *.
La France a plus de 400 fabriques de sucre indi-
gène. Éa production de ces 400 fabriques fournit
environ 400 millions de kilogrammes par an.
Le sucre est représenté aujourd'hui dans la con-
sommation de Paris par un chiffre qui dépasse
1. Figuier. Les merveilles de la sciencej les merveilles de
Vindustrie.
LE CAFÉ 55
7,000,000 de kilogrammes, ce qui fait plus de 7 ki-
logrammes par tôte d'habitant.
La moyenne est un peu moins élevée dans le
reste de la France ; elle atteint pourtant encore
o^^JoO par individu. Ces chiffres devraient être
doublés, si Ton tenait compte des produits dans la
fabrication desquels entre le sucre.
Le café n'est pas assurément la seule cause du
développement prodigieux de cette consommation ;
mais il en est sans contredit un des éléments im-
portants.
La consommation du lait n'a pas augmenté dans
une proportion moins remarquable, et^ pour ne
prendre que deux périodes de comparaison assez
rapprochées, nous trouvons que de 1843 à 1855 la
consommation du lait à Paris s'est élevée du chif-
fre de ;
71,510,000 litres en 1843,
à 109,291,086 litres en 1855,
c'est-à-dire du chiffre de 71 lit. 96 par an, par ha-
bitant, au chiffre de 103 lit. 76 : plus de 30 litres
de différence par tête.
Dans la même période , la consommation du
beurre, dans laquelle entre le beurre fin, que l'on
mange avec le café ou le thé, a plus que doublé.
Le café n'a point été sans influence sur ces pro-
grès dans la consommation de substances ali-
mentaires si importantes au point de vue de l'hy-
giène.
Après avoir apprécié le rôle du café comme ali-
ment, il convient de mentionner son action sur la
digestion d'abord, et ensuite sur tout l'organisme.
Cette boisson détermine une heureuse excitation
de Testomac. Elle augmente la sécrétion et l'éner-
gie de cet organe, et lui permet de digérer plus
aisément, plus complètement, et de mieux assimi-
ler les autres aliments.
Apres un repas un peu plus abondant que d'ordi-
naire, ou compose d'aliments un peu lourds, rien
ne favorise mieux le travail de la digestion que le
café. C'est là une notion vulgaire, confirmée par
l'expérience de chacun, et que ne détruisent pas
quelques exceptions tout à fait individuelles.
Inutile de dire qu'ici, comme partout, l'abus est
voisin de l'usage, et que la répétition trop fré-
quente de ce digestif en détruit les bons effets.
D'une part, l'estomac cesse d'être utilement im-
pressionné par un moyen auquel on a trop souvent
recours. En outre, on voit bientôt se produire un
état nerveux spécial, sous l'influence de ces doses trop
fortes ou trop renouvelées d'un énergique excitant.
En effetj le café ne se borne pas à influencer l'es-
tomac et, par là, la digestion. Le cerveau et le sys-
tème nerveux tout entier participent à l'excitation
qu'il détermine.
Son action sur le cerveau se manifeste par cette
surexcitation, cette insomnie si caractéristiques,
dont se plaignent les personnes qui n'usent que
de temps à autre de cette liqueur.
LE CAll. l><
Cette suspension du besoin de sommeil, ce coup
de fouet donné à Tactivito cérébrale ont été mis à
profit par ceux qui doivent s'imposer des veilles ou
un travail intellectuel prolongé.
Tous les penseurs, écrivains, littérateurs, poètes,
artistes, ont puisé largement à cette source d'inspi-
ration, dont on sent trop souvent la provenance
factice.
Le café a dû à cette influence le nom de boisson
intellectuelle.
Combien de poètes Pont chanté depuis que De-
lille a montré les heureux effets de cette boisson
sur la pensée, dans ces vers bien connus !
A peine j'ai senti ta vapeur odorante,
Soudain de ton climat la chaleur pénétrante
Réveille tous mes sens ; sans trouble, sans caiiots,
Mespensers plus nombreux accourent à grands flots ;
Mon idée était triste, aride, dépouillée,
Elle rit, elle sort richement habillée,
Et je crois, du génie éprouvant le réveil.
Boire dans chaque goutte un rayon de soleil.
Toute exagération et toute licence poétiques à
part, il est incontestable que l'usage du café excite
les facultés intellectuelles; le travail devient plus
facile, la mémoire plus fidèle, l'imagination plus
vive. Mais ici combien la mesure est facile à dé-
passer !
L'abus du café pousse à l'extrême la constitution
nerveuse; prendre du café avec excès, ce n'est plus
fortifier ses organes, c'est les irriter, c'est créer une
vainc agitation dans toute réconomie, c'est déter-
miner un besoin factice de dépenser des forces
qu'on n'a pas.
Que de poètes, que d'artistes, que d'écrivains ont
été victimes de ce stimulant artificiel ! Sans doute,
il est permis de prendre du café de temps à autre,
et de dire avec un homme d'esprit : « Une tasse
de café me débôtise, » mais il ne faut pas laisser
l'habitude nous imposer ses impérieuses exigences,
afin de ne pas répéter avec Balzac : « Je meurs
de 25,000 tasses de café! »
A-cet égard, il est impossible de donner de plus
sages conseils que ceux présentés par l'auteur de
VHygiène des honiines livrés aux travaux de
Vesprit, Réveillé-Parise. « Il est certains tempéra-
ments, dit-il, qui se trouvent bien de l'emploi du
café : ce sont les personnes lymphatiques, dispo-
sées à Tobésité, ayant besoin d'excitants artificiels.
Si donc votre esprit est naturellement engourdi,
paresseux, enfoncé dans la graisse, noyé dans la
sérosité, excitez-le par le café, puisez vos inspira-
tions dans ce dangereux hippoercne. Mais, au nom
de votre santé, éloignez de vos lèvres la coupe en-
chanteresse, si la nature vous a doué d'une organi-
sation irritable, nerveuse, vibrât ile, si l'imagination
est inflammable; bien plus encore quand il y a
tendance aux congestions sanguines, cérébrales,
susceptibilité de l'estomac, etc.. Plaignons du reste
le penseur qui a besoin de ce stimulant artificiel;
à coup sûr son esprit manque par lui-même de
LE CAFÉ 59
vigueur et d'étendue. Les grands hommes de l'an-
tiquité ne connaissaient pas le café, et cependant
leur puissant génie a-t-il failli ? Ne sont-ils pas
encore nos guides et nos modèles? »
Pour démontrer l'innocuité, non pas de l'usage,
mais de l'abus du café, on répète que les Fonte-
nelle, les Voltaire en ont pris avec excès long-
temps, et par conséquent sans danger. Que prou-
veraient ces deux illustres exemples, môme sHls
étaient vrais? Mais, il est bon de le dire à ceux qui
s'en autorisent bien à tort, il est avéré que Fonte-
nelle ne se départissait pas, à propos du café, de la
modération qu'il apportait en toute chose. Et quant
à Voltaire, on sait qu'il mettait beaucoup d'eau
dans son café; et le jour où il trouva l'usage de ce
café atténué encore trop excitant, il nous apprend
lui-même qu'il le mélangea de chocolat, excellente
préparation dont nous parlerons ailleurs.
Quand il s'agit d'uu stimulant aussi énergique
que le café, qui active le cours du sang, les mou-
vements du cœur, qui rend le repos moins promp-
tement nécessaire, et sollicite si efficacement les
facultés intellectuelles, la modération est la con-
dition nécessaire de l'innocuité de cette boisson.
L'usage modéré de cet utile excitant ne serait
pas moins précieux à l'homme qui travaille de ses
mains qu'à celui qui est aux prises avec les luttes
de la pensée.
Combien cette boisson alimentaire et tonique
serait utile pour certains ouvriers de nos campa-
(Ml LE CAFE
gncs, les moissonneurs, par exemple, qui dépen-
sent beaucoup de forces, et n'ont souvent pour
les réparer qu'un pain lourd et indigeste, un mor-
ceau de fromage aussi maigre que peu appétis-
sant !
Ajoutons qu'une infusion de café, môme très-
faible et par conséquent peu coûteuse, constituerait
encore une boisson tonique, capable d'apaiser la
soif, sans produire ces dérangements des voies di-
gestives, ces dyssenteries trop fréquemment obser-
vées dans les campagnes à la suite des travaux de la
moisson, ou de l'usage immodéré d'eaux malsaines
ou de piquette avariée.
Dans les villes, ne serait-il pas à désirer de voir
se répandre Tusage de cette boisson, qui stimule et
soutient, sans jamais produire l'ivresse? Ne serait-
ce pas un excellent moyen de combattre la passion
pour les boissons fermentées et alcooliques, dont
l'abus toujours croissant dégrade et abrutit les po-
pulations ?
Voici un tableau, tiré des rapports des contribu-
tions indirectes, qui montre la progression de la
consommation de l'alcool en France :
Année 1850 : 585,200 hectolitres
— 1855 : 714,800 —
— 1860 : 851,000 —
— 1865 : 873,000 —
— 1869 : 978,000 —
En vingt ans, cette consommation a doublé !
LE CAFÉ 61
A CCS quantités, il faudrait ajouter les alcools qui
légalement ou illégalement échappent à la consta-
tation fiscale !
Paris seul a bu en 1873 :
407,868,450 litres de vin en pièces.
1,704,935 bouteilles de vin cacheté.
9,016,030 litres d'eau-de-vie et liqueurs.
3,536,584 litres de cidre.
22,500,000 litres de bière.
L'aliénation mentale suit la même progression,
fatalement croissante.
D'autre part, on note en France en 1874, 52,696 con-
traventions en matière d'ivresse, imputées à 52,655 in-
culpés, constatées par les tribunaux de simple po-
lice des vingt-six cours d'appel qui ont prononcé
54,933 condamnations ! {Bulletin de la Société de
tempérance.)
Grâce à la générosité d'un étranger, sir Richard
Wallace, les ouvriers trouvent partout sur leur
chemin une eau abondante et pure. Voilà le pré-
texte de la soif écarté, et une occasion ou une ex-
cuse de moins pour l'entraînement vers le débit de
liqueurs.
Cependant l'intensité du travail manuel, la dé-
pense d'activité soutenue , réclainent-elles réelle-
ment une boisson tonique, stimulante, l'hygiène
accepte volontiers que le café, pris avec modéra-
tion, soit le breuvage où Thomme puise des forces
nouvelles, ou retrempe l'énergie de ses bras.
62 LE CAFK
Pour toutes ces causes il est profondément re-
grettable que le café subisse sans cesse de nouvelles
taxes, qui viennent si lourdement peser sur tous, et
restreignent particulièrement l'usage de cette salu-
taire boisson parmi les classes peu aisées, amenées
ainsi à y substituer l'habitude des liqueurs eni-
vrantes.
La nature et la destination de ce travail ne nous
permettent pas de nous étendre sur les autres pro-
priétés du café.
Tout au plus noxiB est-il permis d'ajouter qu'à ses
propriétés alimentaires et hygiéniques, cette pré-
cieuse boisson joint encore des vertus médicinales
fort importantes. Il en est de vulgaires, et dont on
ne peut omettre de citer au moins quelques exemples.
Tous ceux de nos soldats qui ont servi en Al-
gérie savent que les fièvres de marais sont avanta-
geusement modifiées par le café, boisson qui, comme
nous la vous dit plus haut, peut jusqu'à un certain
point suppléer l'action héroïque de l'écorcedu Pérou,
du quinquina.
Voilà donc une boisson salubre que l'on peut
recommander aux habitants des parties maréca-
geuses de notre pays, que décime la fièvre. Or nous
avons encore aujourd'hui près de 500,000 hectares
de marais dans nos départements de la Vendée, de
la Charente-Inférieure, de l'Ain, de la Loire-Infé-
rieure, de la Gironde, de l'Indre, des Bouches-du-
Rhône.
Le café dissipe les fumées du vin, retarde ou
LE CAFÉ 03
tempère l'ivresse. Mais, c'est là une propriété, dont
on abuse trop aisément ; nous préférerions une sub-
stitution heureuse, grâce à laquelle le goût du café
rendrait les excès alcooliques de plus en plus rares.
Les Orientaux savent trop comment on peut avec
le café dissiper l'état d'anéantissement, de prostra-
tion, où les plonge l'abus de l'opium.
Le café est un antidote de tous les poisons narco-
tiques, c'est-à-dire qui agissent en déterminant un
état d'assoupissement plus ou moins grave.
La médecine a mis à profit cette propriété du
café dans les empoisonnements produits par des
substances de ce genre, et dans beaucoup d'autres
circonstances où une profonde torpeur met la vie
du malade en danger.
C'est ainsi que l'on donne avec succès une forte
dose de café dans les cas d'asphyxie causée par la
vapeur du charbon.
L'usage de cette boisson est bien connu pour
calmer les douleurs de la migraine, et pour dis-
siper les angoisses des asthmatiques.
Nous n'en finirions pas si nous voulions simple-
ment énumérer les maladies contre lesquelles on
en a expérimenté et vanté les effets. Les quelques
exemples donnés ci-dessus suffisent à montrer que
les vertus vulgaires, et les services déjà si précieux
que rend à l'homme bien portant la merveilleuse
graine dont nous avons étudié l'histoire, et passé
en revue les propriétés bienfaisantes, ne sont pas
ses seuls titres à la reconnaissance de l'homme.
LE CHOCOLAT
Historique.
Si le chocolat n'a pas l'attrait du café, parce qu'il
n'agit pas sur les facultés intellectuelles, et en par-
ticulier sur Timagination ; s'il n'a pas été célébré,
comme lui, sur tous les tons, en prose et en vers,
il lui est peut-être supérieur comme produit ali-
mentaire. Ses qualités réelles, et la place qu'il a
prisé dans nos habitudes et notre régime lui don-
nent une grande importance. A défaut de poètes, il
méritait au moins d'avoir ses historiens. Ceux-ci ne
lui ont pas manqué.
La boisson aromatique à laquelle on donne le
nom de chocolat , est un mélange de cacao , de
^ sucre, et d'aromates : vanille, cannelle, etc.
Qu'est-ce que le cacao?
D'où vient-il?
Depuis combien de temps l'usage en est-il connu?
Nous allons d'abord répondre sommairement h
ces questions.
66 ^ LE CHOCOLAT
Le cacao et le cacaoyer. — Descriptioû.
Le cacao est le fruit cl* un arbre connu sous le
nom de cacaoyer.
Le Nouveau-Monde nous a fait de riches pré-
sents en nous donnant le cacao, la pomme de terre,
le quinquina, la vanille.
Originaire du Mexique, où il croit spontané-
ment, le cacaoyer a besoin d'un climat chaud pour
atteindre tout son développement. On peut l'éle-
ver dans nos serres, où il fleurit^ mais ne fructifie
presque jamais.
Cet arbre atteint jusqu'à 30 pieds de hauteur. Il
a ordinairement la taille moyenne d'un cerisier.
Le bois, tendre et léger, n'est bon qu'à brûler; les
feuilles, allongées et grêles, servent à fumer la
terre. De petits faisceaux de 5 à 7 fleurs partent du
tronc, des grosses branches et des jeunes rameaux ;
sur ces derniers les ileurs sont stériles.
Le cacaoyer lleurit pour la première fois vers
l'âge de 3 ans. A partir de 5 ans, jusqu'à 25 ou 30,
il est en plein rapport.
Il se couvre d'une énorme quantité de fleurs,
qui jonchent le sol de leurs pétales rosés. Il porte
des fruits pendant toute l'année ; mais la récolte la
plus abondante se fait au mois de juin.
Le fruit vulgairement appelé cabasse, est assez
groSj de forme ovoïde allongée, et ressemble un
peu au concombre. Mais sa surface , de couleur
Fig, 8. — Variété de Cacaoyer.
68
LE CHOCOLAT
jaune ou rouge, au lieu d être lisse, est marquée
de 5 à 10 côtes longitudinales, rugueuses, séparées
par dessillons assez profonds. (Fig. 10».
Quand les fruits sonirmûrs, on les brise pour en
extraire les graines.
Ce sont ces' graines qui portent le nom de cacao.
On en compte de 15 à 40 par fruit. Chaque cacaoyer
produit 1 ou 3 kilogrammes de graines fraîches.
Elles sont enfermées dans des loges séparées, for-
mées par des cloisons. (Fig. 11).
Elles sont groupées vers le centre du fruit, et
enveloppées dîme pulpe douceâtre, qui devient un
peu aigrelette.
Les nègres et les créoles sont très-friands de son
suc, et détruisent, pour se le procurer, une grande
quantité de fruits.
On en retire par la distillation une liqueur spi ri-
tueuse.
Ces graines sont ovoïdes, aplaties, et ressemblent
assez à de grosses fèves. Leur couleur est d'un
brun violet , l'enveloppe est coriace , l'amande rou-
geâtre.
Dépouillées de leur enveloppe, rendues inalté-
térables par une fermentation qui les empêche de
germer, elles peuvent se garder indéfiniment.
On prétend même que les Mexicains s'en ser-
vaient autrefois comme pièces de monnaie.
Fig. 10^
— Une branche chargée de fruits.
LE CHOCOLAT
Culture et production.
ho cacaoyer est piincipalomcnt cultivé dans FA-
Fig. 11. — Fruit du eacaover.
mérique équatoriale. Du Mexique , il fut importé
dans nos colonies vers le milieu du xvm^ siècle. La
l^M' V- VI
•Fjg. 12. — 1. Gabasse et ses grabes. b. Fleur.
t'C LE CHOCOLAT
culture de cet arbre s'est étendue à la Martinique ,
à Sainte-Lucie, à la Trinité, à la Colombie, à la
Guyane, aux Philippines, à Tîle Bourbon et aux
Canaries.
Il se plaît surtout dans les terrains humides,
riches et profonds.
Les jeunes plants doivent être protégés contre
les ouragans, si fréquents dans ces parages, et
contre les ardeurs du soleil tropical. C'est pourquoi
l'on a soin de planter des bananiers dans les inter-
valles qui les séparent. Souvent aussi on établit
les plantations de cacaoyers dans les forêts nouvel-
lement défrichées. (Fig. 13 et 14).
A partir du xvii^ siècle, la culture de cet arbre,
et par suite la production du cacao, ont fait des
progrès continus. Mais c'est surtout depuis vingt-
cinq ans que ces progrès ont été rapides, comme
le prouve l'accroissement de la consommation du
chocolat.
Consommation.
L'accroissement de la consommation du chocolat
est dû en grande partie à l'abaissement du prix, et
à l'amélioration de ce produit alimentaire, résultant
de l'introduction de nouveaux modes de fabrica-
tion, de l'emploi de machines spéciales, de moteurs
puissants pour broyer les substances qui le com-
posent, et faire les mélanges : perfectionnements
qui ont largement contribué à développer le goût
de cette boisson.
1\ LE CHOCOLAT
Lo chiffre de rimportation du cacao en Europe
s'élevait en 1858 à 16 ou 18 millions de kilogrammes.
Il a considérablement augmenté depuis.
Deux provenances principales fournissent les
cacaos dont se servent les Européens. Caracas
approvisionne surtout la France, TEspagne et l'Ita-
lie : Guayaquil TAngleterre, la Russie et l'Alle-
magne.
C'est la France et l'Espagne qui reçoivent la plus
grande quantité des cacaos importés.
L'importation du cacao, qui de 1827 à 183G n'é-
tait pour la France entière que de 1,998,703 kilog.,
s'est élevée dans la période de 1847 à 185G à
3,087,4^3 kilogrammes. En 18G5, d'après Payen, elle
dépassait déjà 5 millions de kilogrammes.
Quant à la consommation du chocolat en France,
elle est, année moyenne, d'environ 8 millions de
kilogrammes.
C'est Paris qui fabrique les meilleurs choco-
lats. Il en consomme à lui seul l million de kilo-
grammes, qui emploient 500,000 kilogrammes de
cacao.
D'après les renseignements publiés en 1806 par
lePo.^^ oflîce Guide de Londres , 2,482/219 kilo-
grammes de cacao ont été importés h Londres en
18G0.
L'augmentation progressive de la production du
cacao a provoqué, comme celle du café et du thé,
un développement parallèle de la production du
sucre, et contribué ainsi, dans une certaine me-
Fig. 14. — Fourrés de cacao sylvestre.
76 LE CHOCOLAT
sure, à la révolution économique dont notre siècle
est témoin. On sait d'ailleurs que l'industrie su-
crière, et celles qui s'y rattachent, sont étroitement
liées à la prospérité de notre marine marchande, '
et, par suite, à la puissance de notre marine mili-
taire. C'est donc un fait qui mérite l'attention des
économistes et des hommes d'Etat.
Récolte et préparation du cacao.
On reconnaît que les fruits du cacaoyer sont
mûrs, à leur couleur, qui est alors d'un vert pâle,
ou d'un violet rougeàtre. Quand la maturité est par-
faite, ils se détachent facilement de l'arbre. Les
nègres qui font la récolte, ménagent avec grand
soins les fruits qui ne sont pas encore mûrs, ainsi
que les fleurs, espoir de l'avenir. (Fig. 15).
Après avoir recueilli les fruits, on les brise pour
en extraire les graines.
Avant de livrer celles-ci au commerce, on lovv
fait subir une préparation préalable.
Deux procédés sont en usage :
Tantôt on les fait simplement sécher au soleil,
après les avoir dépouillées de la pulpe acide et légè-
rement sucrée c|ui les recouvre;
Tantôt on les enfouit dans la terre, pendant un
ou deux mois, jusqu'à ce que la fermentation en dé-
tache l'enveloppe pulpeuse, et enlève à l'amande son
âcreté.
,8 LE CHOi:OL\T
On donne au caciio préparé de cette seconde ma-
nière le nom de cacao terre.
Variétés commerciales.
Dans le commerce on distingue plusieurs sortes
de cacaos, qui diffèrent par Taspect, la forme, la
couleur et le goût.
Ces variétés commerciales dépendent de la na-
ture et de l'exposition des terrains, du mode de
culture, et des soins donnés au triage et à la des-
sication des cacaos.
Les deux variétés les plus répandues sont :
[" Le cacao caraque, provenant de la côte de
Caracas, dans le Venezuela. C'est le meilleur et le
plus estimé. Les graines sont plus arrondies et plus
grosses que celles des autres espèces. Elles ont le
volume d'une grosse fève. Ce cacao est généralement
terré. Il se subdivise en gros et en petit caraque,
selon la grosseur de ses graines.
2" Le cacao des Iles, provenant des Antilles, de
rîle Maurice (Ile de France) et de Tîle Bourbon.
Les amandes sont moins grosses, plus plates, con-
tiennent plus de matières grasses, et ont un parfum
moins suave que le caraque.
Cette variété comprend le cacao Uerbiche, et le
cacao de Surinam, qui se récoltent dans la Guyane,
et tirent leurs noms des lieux de production.
Le cacao Maragnan est naturellement inférieur
au Caraque, En outre, Thabitude de l'acheter au
80 LE CHOCOLAT
poids a conduit les naturels du pays à une pratique
détestable, qui est de mouiller ce cacao ; il conserve
toujours un goût de moisi très-prononcé.
Nous avons vu les Arabes gai'der pour eux le
café Moka, de même les Mexicains se réservent leur
meilleur cacao, celui de Soconuzco.
On distingue encore quelques autres variétés se-
condaires, qu'il est inutile de mentionner ici.
Fabrication da chocolat.
Quand les Espagnols firent la conquête du
Mexique, ils y trouvèrent établi, de temps immé-
morial, l'usage du chocolat (cJiocolatl),
Les indigènes appelaient ainsi une sorte de
bouillie faite de cacao non brûlé et de farine de
maïs, assaisonnée de piment. C'était, il faut le dire,
un mets détestable.
Les Espagnols perfectionnèrent le chocolat, en
lui conservant son nom.
Ils l'introduisirent en Espagne au commence-
ment du xvii« siècle. De là, il franchit les Pyrénées,
en 1660, à la suite de Marie-Thérèse, épouse de
Louis XIV.
Un officier de cette princesse obtint le monopole
de la vente de cette denrée, et eut un grand succès.
Il s'était établi à f angle de la rue de f Arbre-Sec et
de la rue Saint-Honoré.
D'autres font remonter fimportation du chocolat
en France au règne de Louis XIII, et c'est, d'après
LE CEIOGOLAT 81
cette version, avec Anne d'Autriche qu'il aurait,
en 1015, fait son entrée à Paris.
Ce qu'il y a de certain, c'est que l'usage en était
répandu à Paris en 1071, puisque Mme de Sévigné,
dont on ne peut contester cette fois le témoignage,
écrivait, le II février de cotte môme année, à sa
fdle : « Vous ne vous portez pas bien ; le chocolat
vous remettra ; mais vous n'avez pas de chocola-
tière ; j'y ai pensé mille fois , comment ferez-
vous? »
On peut conclure de ce passage que, si le cho-
colat avait de la vogue à Paris, il était encore peu
connu en province , puisqu'on ne pouvait s'y pro-
curer les ustensiles nécessaires à sa préparation. A
Paris même cette vogue ne paraît pas s'être sou-
tenue longtemps, car nous lisons dans une autre
lettre du même écrivain, datée du 25 octobre 1071 :
(( J'ai aimé le chocolat ; il me semble qu'il m'a
brûlée, et depuis j'en ai bien entendu dire du mal. »
Mais le chocolat finit par triompher des accusa-
tions exagérées qui, suivant l'usage, succédaient à
des éloges non moins exagérés, et le goût s'en
répandit bientôt dans la France entière.
On le servait en 1G81 , aux collations que
Louis XIV donnait à Versailles , dans les jours de
fêtes. ■
Le Grand d'Aussy (Vie privée des Français) dit
qu'un médecin de Paris, nommé Bachot, fit sou-
tenir aux Ecoles de la Faculté, pendant sa prési-
dence, une thèse pour prouver que « le chocolat
6
oc LE CHOCOLAT
bien fait est une invention des Dieux bien plutôt
que le nectar et l'ambroisie ^ »
Le chocolat, qui sert à préparer la boisson aro-
matique généralement connue sous ce nom , est
aujourd'hui l'objet d'une industrie considérable. Il
est d'ordinaire livré au commerce, sous la forme
de tablettes solides, divisées en fractions qui con-
tiennent chacune la quantité nécessaire pour faire
une tasse de chocolat, ou un déjeuner.
La fabrication en est assez intéressante pour
mériter de nous arrêter un instant.
Il faut d'abord monder les graines avec soin.
A cet effet, on les met dans un brûloir pour les
torréfier. Cette opération préalable dessèche l'a-
mande, et rend sa coque friable. Elle développe en
outre le parfum du cacao, qui, avant la torréfaction,
est amer et sans odeur.
Le cacao acquiert des qualités différentes selon le
degré de torréfaction.
Les Italiens poussent la torréfaction à lexcès :
leur chocolat est plus amer et plus aromatique.
Les Espagnols brûlent à peine le cacao : leur
chocolat est moins amer et plus gras.
Le procédé employé par les Français tient le mi-
lieu entre ces deux extrêmes : leurs chocolats llat-
tent également le goût et l'odorat.
c Lorsque le cacao, torréfié à point, est retiré du
1. Chéruel, Dictionnaire des însiitutionSf mœurs et cow
tûmes de la France,
LE CHOCOLAT 83
brûloir et refroidi, on le passe entre deux cylindres
J^i^. 17, -^ Mélangeur à chocolat,
armés de broches ou de clous de fer, qui concas-
LE CHOc:(>LAT
sent les coques, et facilitent leur expulsion par un
vannage. Il faut en outre trier et enlever les
germes. Le cacao, ainsi mondé de ses enveloppes
et de ses gci mes, est complètement séché dans une
étuve ^ i>
Il s'agit alors de le réduire en pâte.
Autrefois on écrasait les graines, avec un pilon,
dans un mortier chauffé. Des ouvriers allaient en
ville pour broyer le chocolat. Cette profession existe
encore de nos jours dans quelques villes de pro-
vince.
A ce procédé primitif on substitua un cylindre
roulant sur une plaque de marbre également
chauffée.
Par suite d'un autre perfectionnement, on se
servit pour broyer le cacao de machines formées
de petites meules mues par un cheval ou par la va-
peur.
€ Dés le XVII i^ siècle , on avait cherché par des
procédés ingénieux à rendre la préparation du
cacao plus facile, et Doret inventa une machine
hydraulique qui broyait la pâte du cacao, et y
mêlait le sucre et la vanille avec plus de prompti--
tude et de propreté que n'aurait pu le faire la main
de l'homme^. >
Aujourd'hui de magnifiques machines à vapeur
sont employées dans les principales usines.
Pendant l'opération du broiement, on ajoute au
1. Payen. — Substances alimentaires,
•7. Chéruel.
LE CliOCOLAT 8^
cacao les* quatre cinquièmes, ou même ua poids
Fig. 18. — Boudiaeuse à chocolat.
égal de sucre, et une certaine quantité de cannelle
8(j LE CHOCOLAT
OU de vanille. Puis, La masse étant rendue bien ho-
mogène, par le Mélangeur (Fig. 17), et débarras-
sée des bulles d'air par la Bouclineuse (Fig. 18), on
la distribue dans de petits moules en fer blanc,
d'où Ton retire, après les avoir laissées refroidir,
les tablettes de chocolat , divisées comme nous
Tavons dit plus haut , et on les enveleppe dans des
feuilles d'étain.
Cette précaution a pour but la conservation du
chocolat, à laquelle on ne saurait trop veiller.
En effet, le parfum du chocolat est très-volatil ;
il se perd, si les tablettes sont mal enveloppées et
restent soumises à l'action de l'air. D ailleurs, le
chocolat absorbe facilement les odeurs étrangères.
Aussi doit-on se garder de le mettre en contact
avec des substances odorantes , ou de le laisser
dans leur voisinage.
Il est encore exposé à un autre danger s'il n'est
pas à l'abri de l'air : il est attaqué par les insectes,
qui le percent en tout sens, et le réduisent en pous-
sière. La saison où les mouches déposent leurs œufs
sur des substances propres à les nourrir, est moins
favorable pour la fabrication du chocolat.
La torréfaction poussée assez loin, et les plaques
chauffées ont pour effet de détruire ces œufs.
La qualité du chocolat dépend nécessairement de
celle des cacaos employés à sa fabrication.
On obtient un chocolat d'une qualité supérieure
en employant du caraque pur ; mais, s'il est très-
bon, il coûte très-cher.
LE CHOCOLAT 87
Le cacao dos Iles ou de Maragnan donne un cho-
colat inférieur au premier, qui coûte un tiers do
moins.
On peut obtenir une bonne qualité de chocolat, à
un prix moyen, par un mélange de caraque et de
maragnan.
En Angleterre, on vend assez généralement le
cacao en poudre. Mais ce produit est plus difficile à
conserver que les tablettes de chocolat, et se prête
plus facilement aux mélanges et aux falsifications,
Altérations, mélanges et falsifications.
Le bon chocolat est d'un prix assez élevé ; car,
en fabrique, il ne coûte pas moins de 5 à 6 francs le
kilogramme.
Et cependant, on voit dans le commerce le prix
du kilogramme de ce même produit descendre
jusqLi'à 2, fr. GO, et même au dessous.
Comment expliquer cette énorme disproportion ?
La raison en est bien simple : comme nous l'a-
vons vu pour le café, on altère et on falsifie le cho-
colat de la manière la plus éhontée, et Tindustrie se
procure par la fraude des bénéfices illicites aux
dépens des acheteurs et, malheureusement aussi,
de la santé publique.
Comment distinguer le chocolat pur de ces fal-
sifications plus ou moins malsaines ?
L'apparence extérieure n'apprend rien, et Fexpé-
rience est trop souvent tardive.
88 LE CHOCOLAT
Le bon chocolat doit offrir les caractères sui-
vants :
Il est onctueux,
Il a une franche odeur de cacao,
Fig. 19. — Cbocolat.
Sa cassure est unie, un peu jaunâtre, d'un aspect
cristallin.
Cuit avec de Teau ou du lait, il épaissit peu et ne
prend qu'une consistance moyenne.
Le mauvais chocolat, au contraire, a une cassure
LE CHOCOLAT
89
irrégulière, présentant l'aspect de graviers, elle est
poreuse et blanchâtre.
Quand il bout, il exhale une odeur de colle ; en
cuisant, il épaissit beaucoup ; enfin il rancit promp-
tement.
Fig. 20. — Chocolat falsifié, b. fécule de pommes de terre.
Ces signes décèlent la présence de matières
étrangères, que l'analyse va nous montrer tout^'à
l'heure .
Pour permettre de faire une utile comparaison
00 LE CHOCOLAT
entre le chocolat pur et le chocolat falsifié, nous
plaçons sous les yeux du lecteur la composition
moyenne, selon Payen, des cacaos de bonne qualité;
pour 100
Substance grasse (beurre de cacao) 48 à 50
Théobromine (substance presque
identique à la caféine) 4 à 2
Albumine, fibrine et autre matière
azotOe -21 à 20
Substances minérales 3 à 4
Amidon' (plus traces de matières
sucrées) 11 à 10
Eau hjgroscopiquc 10 à 12
Cellulose ■ 3 à 2
D'après les éléments donnés par cette analyse,
l'amande du cacao est très-riche en principes nu-
tritifs. Nous reviendrons sur ce point, quand nous
apprécierons sa valeur alimentaire.
Mettons en regard les altérations et les falsifica-
tions trop souvent pratiquées dans la fabrication
du chocolat :
1° On extrait du cacao , jusqu'à l'épuisement
complet, la matière grasse (beurre de cacao), qui
se vend trois ou quatre fois plus cher que le cacao
lui-même. Pour masquer la fraude, on remplace
cette substance par des huiles d'olives ou d'amandes
douces, des jaunes d'œufs, du suif de veau ou de
mouton. Mais c'est une combinaison moins heu-
reuse que celle de la nature , car ce produit rancit
très-vite.
LE CHOCOLAT 91
2° On a trouvé , dans certains échantillons de
chocolat, les matières étrangères suivantes :
Fécule de pommes de terre;
Farine de blé, d'orge, etc.
Enveloppes de cacao pulvérisées ;
Gomme ;
Dextrine.
Brique pilée ;
Les industriels qui fabriquent et qui vendent ces
produits n'ont d'autre but que d'augmenter le poids
de leur marchandise, en mêlant au cacao des subs-
tances moins chères^ ou absolument sans valeur;
et ils se gardent bien d'en avertir les acheteurs,
ce qui donne un caractère frauduleux à ce genre
de commerce.
Quelques-unes de ces fraudes sont faciles à cons-
tater.
Ainsi les corps gras par lesquels on remplace le
beurre de cacao deviennent rances, et on juge bien-
tôt de leur présence par l'odorat et par le goût.
D'autres fraudes ne peuvent être découvertes que
par des procédés scientifiques.
A l'aide du microscope, on distingue facilement
les granules de l'amidon naturel du cacao de ceux
de la fécule de pommes de terre, ou de la fécule de
blé. D'après M. Payen, le diamètre des grains de
fécule du cacao égale à peine le 6« ou le 8^ de ceux
de la pomme de terre, et le 1/3 de ceux du blé.
Toutes les fécules étrangères au cacao présentent
d'ailleurs une forme caractéristique. (Fig. 20).
92 LE CHOCOLAT
Elles ont, en général, des dimensions beaucoup
plus grandes que celles de Tamidon contenu dans
le cacao.
Les différentes gravures placées dans le texte
font saisir quelques-unes de ces différences, et mon-
trent comment on peut les découvrir.
Les industriels ont cru déguiser la fraude en con-
vertissant la fécule en dextrine. Mais celle-ci, étant
soluble dans leau froide, peut être aisément encore
reconnue.
La matière première du chocolat n'est pas altérée
seulement par la fraude. Bien des causes peuvent
détériorer le cacao. Un défaut de maturité, une
fermentation excessive , une torréfaction insuffi-
sante ou trop forte, modifient la composition des
amandes. Leur arôme se perd, si elles restent trop
longtemps en magasin ; elles se couvrent même de
moisissures. Toutes ces causes influent naturelle-
ment sur les qualités du chocolat.
Le moyen le plus efficace pour se garantir des
falsifications, et se procurer à meilleur marché du
bon chocolat, c'était jadis de le faire fabriquer chez
soi.
Il'y a eu longtemps, ils deviennent de plus en plus
rares, surtout à Paris, des ouvriers qui se trans-
portaient dans les maisons , munis des instruments
de leur métier, et fabriquaient, avec le cacao et le
sucre qui leur étaient fournis , le chocolat au goût
du consommateur. En s'adressant aux grandes mai-
sons pour se procurer les matières premières, on
LE CHOCOLAT 03
âeraitsùr d'avoir un produit de bonne qualité, et dont
on pourrait calculer d'avance le prix de revient.
Préparation du chocolat.
Par les procédés que nous avons décrits, Tindus*
trie et le commerce nous livrent, sous une forme
solide, un mélange de cacao et de sucre, auquel on
ajoute, en Europe, de la vanille ou de la cannelle ;
aux colonies, du gingembre ou du piment.
C'est avec les tablettes ainsi composées qu'on
prépare avec Teau ou avec le lait, cet aliment, au-
quel on a donné le nom de chocolat.
On peut aussi le manger sec. Le chocolat est une
excellente ressource alimentaire qui doit trouver
place parmi les provisions de voyage.
La manière la plus usitée de préparer le choco-
lat consiste à en faire dissoudre dans quelques cuil-
lerées d'eau une tablette, ou une tasse (division de
la tablette), quantité qui correspond à la dose né-
cessaire pour un déjeuner. Il ne faut pas le râper,
car il fond alors trop promptement et n'est pas aussi
moelleux, mais on doit diviser seulement chaque
tablette en trois ou quatre morceaux. Puis on ajoute
graduellement la quantité d'eau ou de lait conve-
nable, et on fait cuire le mélange à grand feu , en
remuant deux ou trois fois pendant la cuisson.
Prépare-t-on le chocolat au lait, on le fera encore
dissoudre préalablement dans de l'eau.
'J l LE CHOCOLAT
Dans beaucoup de ménages on se sert d*un vase à
spécial, d'une chocolatière. j
On appelle ainsi une sorte de vase cylindrique,
muni d'un couvercle percé d'un trou, destiné à
laisser passer le manche d'un instrument appelé
inou<!^oir, auquel on imprime un mouvement de
rotation rapide, pour agiter le liquide. Ce mouve-
ment doit être continu, et se prolonger jusqu'à ce
que le chocolat soit bien mousseux. Alors c'est le
moment de le verser et de le prendre ; il a tout son
arôme et toute sa saveur.
Cependant on peut aussi préparer le chocolat
d'avance.
Brillat-SaVarin , qui s'y connaissait , nous fait
profiter d'une leçon que lui avait donnée la supé-
rieure d'un couvent à Belley :
« Quand vous voudrez prendre du bon chocolat,
faites-le faire dès la veille, dans une cafetière de
faïence, et laissez-le là. Le repos de la nuit le con-
centre et lui donne un velouté qui le rend meil-
leur. »
Nous n'avons pas la prétention de trancher cette
question de gastronomie : chacun peut en appeler
à sa propre expérience; c'est une affaire de goût.
Conservation du Chocolat.
Il est une foule de circonstances où le consom-
mateur accoutumé à cet aliment, devenu pour lui
un véritable besoin, éprouverait une privation très-
LE CHOCOLAT 95
sensible , s'il ne pouvait obtenir instantanément,
sans appareils compliqués , sa boisson favorite.
Hors de chez soi, en voyage, on ne peut emporter
les ustensiles nécessaires à cette préparation; sou-
vent même, h la maison, le temps manque pour
faire usage de procédés longs et minutieux.
Pour remédier à cet inconvénient , un industriel
a introduit dans le commerce, sous le nom de cho-
colat inaltérable, un produit alimentaire appelé à
rendre de grands services aux consommateurs dans
les circonstances que nous venons d'indiquer.
Ce chocolat est en poudre granulée. C'est un
mélange très-intime de cacao, de sucre, de can-
nelle et de gomme arabique, broyés ensemble. On
le réduit en granules en le forçant à passer dans un
tamis métallique. Dans le chocolat ainsi obtenu,
chaque granule est enrobé de matière mucilagi-
neuse, ce qui" a pour elYet d'empêcher l'altération
qu'il subit ordinairement , surtout sous l'action
d'une température élevée.
Cette préparation a un double avantage :
1° Le chocolat se conserve indéfiniment, la cha-
leur ne pouvant pas agglomérer cette poudre, ni
faire exsuder la matière grasse.
2o On n'a qu'à jeter dans Teau bouillante une
quantité déterminée de cette poudre granuleuse, et
le chocolat est fait tout de suite , parce qu'il a été
cuit préalablement.
Nous devons encore au même industriel une autre
préparation^ celle du chocolat malléable.
%
LE GH<JCOL-AT
Elle consiste en une sorte de sirop, ou de pale
consistante de chocolat, que Ton met, enroulée,
dans une feuille d'étain. Sous cette forme, le cho-
colat conserve pendant plus d'une année sa sou-
plesse, et peut être d'une grande ressource en
voyage.
Beurre de cacao. — Nous devons une n:ention
spéciale, à une substance, extraite du cacao, qui
peut se conserver longtemps sans altération, et se
prête facilement à un grand nombre d'usages.
Nous voulons parler du beurre de cacao, ma-
tière grasse, contenue en grande quantité, comme
nous l'a révélée Tanalyse chimique, dans les aman-
des du cacao.
On l'extrait de préférence du cacao des Iles, où
il se trouve en plus forte proportion.
Voici le procédé dont on se sert :
On réduit en pâte les graines légèrement torré-
fiées , on les soumet quelque temps à la tempéra-
ture du bain-rnarie , puis on ajoute une quantité
d'eau bouillante égale au dixième du poids du cacao
brut employé. Cette pâte est pressée dans une toile
entre des plaques de fer étamées^ chauffées dans
Teau bouillante.
On fait fondre le beurre de cacao pour le purifier ;
ensuite, on Texpose à Tair pour faire évaporer
leau ; on^le liquéfie une seconde fois , et on le
filtre dans des entonnoirs chauffés par la vapeur.
On peut le recevoir alors dans des fioles à mé-
decine, où il se solidifie.
LE CHOCOLAT 97
Mais, le plus ordinairement, on le coule en ta-
blettes, que l'on recouvre d'une feuille d etain.
Le beurre de cacao est ferme, cassant comme de
la cire, onctueux, d'un blanc jaunâtre. Il a une
odeur suave, une saveur douce et agréable. 11 ne
rancit pas, et peut se garder fort longtemps,
11 sert à plusieurs usages.
On en fait d'excellentes bougies, et, en y ajoutant
de la soude, de très-bons savons.
La pharmacie a utilisé ses propriétés adoucis-
santes.
« C'est, dit Lamarck, la meilleure et la plus na-
turelle de toutes les pommades. Si l'on voulait
rétablir l'ancienne et très-salutaire coutume qu'a-
vaient les Grecs et les Romains de se frotter d'huile,
pour donner de la souplesse aux membres et se ga-
rantir des rhumatismes, il faudrait choisir Yhuile
de cacao, qui sèche promptement et n'exhale pas
de mauvaise odeur. »
Les mères et les nourrices ont souvent des ger-
çures au sein qui sont très-douloureuses, et trou-
blent l'alimentation des nouveaux-nés. Elles peu-
vent trouver un excelleiit palliatif , sinon un re-
mède efficace, dans la pommade faite avec le beurre
de cacao.
y(S LE CHOCOLAT
Propriétés, valeur alimentaire et hygiénique
du chocolat.
Quand on connaît la composition chimique du
cacao, on est tout naturellement porté à croire que
le chocolat, dont il est la base, est universellement
considéré comme une substance alimentaire de pre-
mier ordre.
En effet, d'après Payen , l'amande du cacao con-
tient deux fois plus de matière azotée que la farine
de froment, et environ vingt-cinq fois plus de ma-
tière grasse.
Cependant la valeur alimentaire du chocolat a
été, dans tous les temps, l'objet des opinions les
plus contradictoires. Les uns, partisans fanatiques
de cet aliment , en ont fait un mets divin i, et ont
prétendu qu'une once de chocolat nourrit mieux
qu'une livre de viande. Les autres, détracteurs aveu-
gles , n'y ont vu qu'une boisson détestable et nui-
sible.
Ces divergences de jugement peuvent s'expli-
quer par la diversité des chocolats dont on fait
usage, par le mode de préparation qu'on leur fait
subir, et surtout par la sophistication qui en sup-
prime ou altère les principes constituants.
Hâtons-nous de dire que le chocolat ne convient
1. On a appelé le cacao Thcohromo, qui signifie : bois-
son divine.
LE CHOCOLAT 90
pas à tous les estomacs, à cause de la grande quan-
tité de graisse qu'il contient.
Cette réserve faite, nous croyons avec les auto-
rités les plus compétentes, que le chocolat bien fait,
et de bonne qualité, est un aliment sain, adoucis-
sant, et doué d'une grande puissance nutritive.
L'expérience on a démontré de bonne heure les
heureux effets.
« Une foule de faits bien établis, dit Paycn, ont
constaté les énergiques propriétés alimentaires du
chocolat. Les Espagnols avaient reconnu, non sans
quelque surprise, ces propriétés remarquables, en
voyant l'état de santé florissante des populations
américaines, qui faisaient leur principale nourri-
ture de cacao broyé. »
Madame deSévigné, d'une santé délicate, suppor-
tait difficilement le jeûne prescrit par l'Eglise. Mais,
dit-elle, depuis que le chocolat est permis, « je puis
très -facilement^ avec cette seule boisson, résister
aux jeûnes les plus prolongés. »
D'après le savant chimiste cité plus haut, le cho-
colat est un aliment favorable à l'entretien de la
chaleur animale par les matières grasses qu'il con-
tient ; à lentretien et à l'accroissement de nos tis-
sus par les substances azotées ou autres, qui sont
susceptibles de s'y assimiler. .
Selon Richard « il est analeptique (réparateur), et
convient aux individus épuisés par des excès ou de
longues maladies. Chez ceux qui le digèrent, il pro-
duit promptement une amélioration sensible, et ra-
100 LE CHOCOLAT
nimeles forces. On a vu quelquefois l'usage continué
du chocolat devenir très-favorable à des personnes
menacées de phthisie ou d'autres maladies chroni-
ques 1. »
Le D"" Fonssagrive>î, dit que « le chocolat rentre
dans la catégorie des substances dites tliermogènes,
ou respiratoires , c'est-à-dire qu'il fournit plutôt
aux besoins de la respiration et à l'entretien de la
chaleur organique qu'à la réparation plastique des
tissus. » Il le déclare d^^illeurs très-nourrissant.
Qu'il nous soit permis d'ajouter notre propre té-
moignage à ceux qui précèdent, et de transcrire ici
ce que nous avons dit nous-même sur ce sujet dans
un autre ouvrage -.
« Il est évident, d'après sa composition, que le
chocolat est très-nutritif. C'est à la fois un aliment
respiratoire , puisque le cacao contient moitié de
son poids de matières grasses, et un aliment répa-
rateur, en raison des 20 pour 100 de matières azo-
tées qu'il renferme.
« Le sucre , qui entre dans la fabrication pour
la moitié ou les deux tiers, est encore un aliment
respiratoire.
« Le chocolat fait engraisser. C'est un aliment
qui restaure sans exciter. Il convient aux personnes
maigres et nerveuses, aux convalescents, à ceux
dont la poitrine est délicate. Ce n'est pas l'aliment
1. Histoire naturelle médicale.
2. Leçons d'hygiène, par A. Riant. Paris, Adrien De-
lahaye, -2* édition, 1875.
LE CHOCOLAT 101
des personnes lymphatiques et disposées à l'obé-
sité. ))
Les personnes qui ont Testomac délicat suppor-
tent diflicilement cette substance , aromatique par
elle-même, mais qui n'excite peut-être pas assez
vivement les fonctions digestives.
Pour la rendre plus digestible, ou plus appétis-
sante, on fait entrer une certaine proportion de
vanille, de canelle ou de benjoin dans sa prépara-
tion. Cela s'appelle du chocolat vanillé. Cette addi-
tion séduit l'acheteur, l'aromate flatte le palais ,
et stimule l'estomac.
On réserve au simple mélange de sucre et de
cacao le nom de chocolat de santé , dénomination
modeste, mais exacte, si Ton compare ce mélange
anodin à certains chocolats étrangers, dans la fa-
brication desquels on ajoute des épices : girolle,
gingembre, piment, etc. Ces drogues sont peut-
être nécessaires pour la digestion du chocolat dans
les contrées équatoriales ; mais il est permis alors de
se demander ce que l'on gagne à garder cette éti-
quette menteuse sur une substance qui n'a rien des
propriétés du cacao, et s'il est bien nécessaire de
prendre tant de peine, pour transformer la douce
amande du cacaoyer en un produit alimentaire
qui, pour nous, ne serait plus qu'irritant et incen-
diaire.
Le mélange de chocolat et de café désigné sous le
nom de clioca est un meilleur moyen de rendre le
chocolat plus digestible, et qui n'altère pas ses pro-
102 LE CHOCOLAT
prit'tcs adoucissantes par l'addition de substances
irritantes. •
Pour ceux qui trouvent le chocolat trop lourd, et
le café trop excitant, une heureuse association an-
nihile en partie ces défauts, en ne laissa'nt que les
propriétés favorables de chacune des deux substances.
D ailleurs la digestibilité du chocolat, même de la
meilleure qualité, dépend beaucoup des aptitudes
digestives individuelles.
(( Il est des estomacs auxquels les matières grasses
et les matières sucrées ne conviennent pas. Les
chocolats trop gras , les chocolats espagnols , par
exemple, seront mal supportés.
« Le chocolat à l'eau est plus léger que le choco-
lat au lait ou à la crème, cette dernière préparation
renfermant, outre le beurre de cacao, les matières
grasses du beurre contenu dans le lait ou dans la
crème ^ . »
Chocolats médicamenteus.
On peut mêler bien d'autres substances au cho-
colat. La médecine le fait souvent servir de véhi-
cule aux médicaments , soit pour en masquer le
goût désagréable ou l'aspect repoussant, soit pour
introduire dans l'organisme des principes néces-
saires dont il est appauvri.
Certaines préparations, où entre le cacao, ont été
1. Voyez nos Leçons d'hygiène .
LE CHOCOLAT 103
vantées pour l'alimentation des enfants et du con-
valescents.
Le racaJiOut et lo palamoitd sont des aliments
de ce genre, réputés d'une digestion très-facile, et
dont le nom est très-prétentieux, mais dont la com-
position est fort simple.
Le racahoiit est un mélange de cacao et de fécule,
aromatisé et sucré.
En voici une formule :
Cacao torréfié et pulvérisé ........ 10 gr.
Farine de riz, fécule de pommes de terre
— de chacune 45
Sucre pulvérisé ^ . . . 136
Vanille 2
Faire fondre, et garder dans un vase de verre
bien bouché ^ pour préserver des larves d'insectes
et des .mites.
Le iJalamoud ne contient ni sucre ni vanille.
Formule :
Cacao torréfié et pulvérisé 30 gr.
Farine de riz et de pommes de terre —
de cliacune 120
Santal rouge pulvérisé 0,-10
Mêler et renfermer dans une bouteille.
Le chocolat au miel est rafraîchissant. Il a des
propriétés laxatives qui le font administrer fré-
quemment dans les constipations opiniâtres. Il est
demi-liquide. On le conserve ordinairement dans
des pots de grès.
104 LE CHOCOLAT
Il est plus simple de sucrer avec du miel le
cacao pur, à mesure du besoin.
On peut communiquer de nouvelles propriétés au
chocolat, en y faisant entrer, en quantités déter-
minées, le fer et ses sels, lactate, iodure; etc, lar-
row-root, le salep, le lichen, Tiode, le tapioca. On
fait ainsi des chocolats ferrugineux, pectoraux, ana-
leptiques (nutritifs, réparateurs).
Mélangé au quinquina, le chocolat devient toni-
que et fébrifuge ; au houblon, il est fortifiant; à la
magnésie, il constitue un purgatif agréable.
On sait combien il est difficile de décider un en-
fant à prendre certains remèdes sous leur forme
ordinaire. Il les accepte volontiers, quand ils sont
dissimulés dans le chocolat , soit liquide , soit en
pastilles ou en bâtons. On peut lui administrer
ainsi, sans opposition, de la mousse de Corse, de la
racine de fougère ou de grenadier, ou d'autres
substances vermifuges.
Le médecin suit alors le précepte du 'Tasse :
« Cosi alPegro fanciul porgiamo aspersi
« Di soave licor gli orJi del vaso :
« Succhi amari ingannato intente ei beve,
« E d'air inganno suo vita riceve. »
«: Ainsi à l'enfant malade nous présentons les bords du
« vase imprégnés d'une douce liqueur : trompé par cet
o artifice, il boit des sucs amers, et de son erreur il re-
a çoi^ la vie. »
Nous n'entreprendrons pas d'énumérer toutes les
LE CHOCOLAT 105
drogues , plus ou moins désagréables , auxquelles
le chocolat sert de véhicule ; c'est une riche mine
exploitée par la pharmacie.
Bornons-nous à dire en terminant ce sujets que
le chocolat se prête à toutes sortes de formes et
d'usages. Il figure dans les fêtes comme dans les
usages de la vie ordinaire, dans la maladie comme
dans la santé.
On en prend à tous les repas : au déjeuner du
matin, à l'eau ou au lait ; au diner, dans les crèmes ;
en soirée, dans les glaces et autres rafraîchisse-
ments ; entre les repas et dans les voyages, en ta-
blettes, en pastilles, en croquettes, en bâtons.
On le prend comme substance alimentaire ,
comme friandise, ou comme médicament.
En faut-il d avantage pour justifier la popularité
dont jouit à bon droit le chocolat?
LE THÉ
Origine.
Ccst du fond des contrées de rextréme Orient,
hier si mystérieuses, aujourd'hui encore si peu
connues, que nous vient la feuille précieuse, dont
nous avons à présenter Thistoire, et à indiquer
les propriétés.
Cette petite feuille de thé, que de pensées elle
éveille dans l'esprit ! Les scènes les plus intimes du
foyer domestique, les réunions d'amis, les douces
causeries du soir ; ce génie familier, si cher aux
romanciers et aux poètes anglais, qui chante dans
la bouilloire ; l'inspiration puisée dans l'odorante
liqueur, qui stimule, sans les troubler, les fonc-
tions organiques : et, dans un autre ordre d'idées,
la richesse agricole dont elle est la source pour les
pays de production; les relations commerciales
qu'elle a créées entre l'Orient et l'Occident ; d'im-
menses contrées, peuplées de plus de 400 millions
d'habitants, ouvertes au commerce et à la civilisa-
108 LE THK
tion ; des nations industrieuses, mais immobiles de-
puis des milliers d'années, abaissant les barrières
qui les séparaient des autres peuples, et entrant
dans la voie du progrès ; la simplicité des moyens
dont se sert la Providence — ici une humble feuille,
là une graine ou une amande, — pour produire de
si grands changements !
Toutes ces idées, et bien d'autres qui se pressent
à leur suite, donnent à l'étude du thé un intérêt
que la connaissance de son histoire et de son rôle
ne manquera pas, nous l'espérons, de justifier.
L'arbre à thé.
Le thé croît naturellement en Chine et au Japon.
C'est un arbrisseau toujours vert, qui a quelque
ressemblance avec le myrte du midi de l'Europe.
Il est de la môme famille que les camélias.
Abandonné à lui-même, il atteint une hauteur de
8 à 10 mètres; mais la culture en arrête la crois-
sance^ et, ainsi entravé dans son développement, il
ne dépasse pas 5 à G pieds en moyenne. (Fig. 21).
Les feuilles sont ovales , finement dentées , et
d'un vert foncé; les fleurs sont blanches, et grou-
pées au nombre de 3 ou 4 à l'aisselle des feuilles ;
le fruit est une capsule à trois coques, dont chacune
contient une graine, rarement deux. (Fig. 22 et 23).
En Chine, il est cultivé presque partout ; mais
c'est entre les 23^ et 25^ degré de latitude qu'il
donne les meilleurs résultats, et fournit les espèces
r6t
¥\^. 21. — Arbre à thé.
110 LE THÉ
de thé les plus estimées. Cependant, quoiqu'une
température moyenne semble celle qui lui est le
Fis. 22. — Branche de thé.
plus favorable, on peut le cultiver depuis Téqua-
teur jusqu'au 45* degré de latitude septentrionale.
Fig. 23. — Feuilles, fleurs, fruit.
H 2 LE THK
On le plante en bordure, le long* des champs, ou
en quinconces à mi-côte. Comme la vigne, il se
plaît surtout sur le penchant des collines exposées
au midi, dans les terrains légers, moins propres à
la culture des céréales; il aime aussi le voisinage
des eaux courantes.
C'est lorsque Tarbre est dans sa quatrième année
que Ton commence à cueillir les feuilles, qui en
sont à peu près l'unique produit.
On fait généralement deux récoltes par an : l'une
au printemps, l'autre ci septembre; il y en a quel-
quefois une troisième, et même une quatrième.
La cueillette du printemps donne le thé le plus
estimé, celui qui a l'arôme le plus suave et le goût le
plus fin. On cueille d'ordinaire les feuilles à la main.
On peut voir aussi dans une peinture Chinoise ,
reproduite par la figure 24, les services que d'intel-
ligents auxiliaires, dressés à cet effet, rendraient aux
indigènes, pour la récolte des feuilles dans les ter-
rains peu accessibles.
Après une dizaine d'années, l'arbuste croît très-
lentement, et porte peu de feuilles. Alors on le
coupe au niveau du sol, et sur la souche poussent
de nouveaux rejetons, plus vigoureux et en plus
grand nombre. On force aussi l'arbuste à se rami-
fier, en taillant les branches supérieures. La ré-
colte recommence sur les jeunes pousses, qui sont
plus tendres, couvertes d'un léger duvet, et d'une
saveur plus agréable.
Les Chinois donnent les soins les plus minutieux
FJg. 24. — Récolte du Thé, d'après une peinture Chinoise.
114
LE THE
à la culture de l'arbre à thé. Ils y sont d'ailleurs
singulièrement encouragés, car cet arbre est pour la
Chine ce qu'est la vigne pour la France, une source
abondante de richesse.
Le terrain est d'abord soigneusement préparé;
on n'y laisse ni herbes, ni broussailles, ni végétaux
parasites. Après ce sarclage , qui se renouvelle
deux fois par an, on creuse de distance en distance
des trous, dans chacun desquels on met de 6 à
12 graines, dont il ne lève guère qu'un cinquième,
parce qu'elles sont très-facilement sujettes à se dé-
tériorer.
On arrose les plants au moyen de rigoles, si le
terrain est incliné; à la main ou avec des machines,
sur les plateaux unis.
La culture du thé est , à peu de chose près , la
même au Japon, où, selon quelques auteurs, cet
arbuste aurait été apporté de la Chine, où, selon
une opinion plus générale, il est un produit natu-
rel du sol. Ce qui est certain, c'est que l'usage du
thé existe de temps immémorial dans ces deux
pays.
Préparation des feuilles.
Les feuilles du thé, avant d'être livrées au com-
merce, subissent une manipulation assez prolongée,
qui a pour but de les conserver, et en même temps
de leur ôter le principe acre et vireux qu'elles con-
tiennent.
Fig. 25. — Thé. Feuilles, fleurs, fruit.
11 fi LE THF.
On apporte les feuilles, dans des paniers de bam-
bou, sous des hangards où sont installés les ate-
liers. (Fig. 26).
Celles de la seconde récolte sont d'abord triées,
parce qu'elles n'ont pas toutes atteint le même dé-
veloppement ; les plus tendres sont mises de côté,
et vendues le plus souvent comme étant de la
première récolte.
On trempe les feuilles quelques instants dans
l'eau bouillante , cela se fait du moins dans quel-
ques provinces de la Chine, car cette première
opération ne paraît pas être d'un usage général.
Puis on les dispose dans des poêles de fer, larges
et très-plates, posées sur des fourneaux. Ces feuilles
pleines de sève, pétillent au contact de la surface
chauffée. Des ouvriers les remuent sans cesse, soit
avec leurs mains, habituées à une forte chaleur,
soit avec un petit balai de baguettes de bambou.
Quand elles se crispent, ce qui indique que le gril-
lage est assez avancé, on les enlève avec une sorte
de pelle en forme d'éventail, et on les étend sur
des nattes. (Fig. 27).
La torréfaction doit se faire quand les feuilles
sont fraîches, autrement elles noirciraient et per-
draient de leur valeur. Cette opération les dépouille
de leurs sucs vireux, sans altérer leur arôme et
leur saveur.
Alors d'autres ouvriers reçoivent les feuilles, les
pressent, les roulent rapidement avec la paume de
la main, d'un mouvement uniforme et toujours
H8 LE THÉ
dans le même sens. Elles prennent la ioFiiie de
petits rouleaux. On les fait refroidir, soit en les
exposant à Tair, soit à Taide de grands éventails.
Cette double opération du grillage et de Fenrou *
lement est répétée deux ou trois fois, ou même
plus souvent. Mais à chaque répétition, on chauffe
moins, et on procède avec plus de soin et de pré-
caution, surtout pour les thés les plus estimés,
dont chaque feuille est 4'oulée séparément.
Enfin, au bout de quelques mois, on sèche de
nouveau les feuilles sur un feu doux, pour faire
disparaître les dernières traces, d'humidité; puis,
bien roulées et bien sèches, on les enferme, pour
les expédier ou les mettre en magasin, dans les
vases destinés à les contenir, que l'on tient soi-
gneusement à Fabri de Fair et de la lumière. On se
sert, pour cet usage, de caisses de bois, de boîtes
doublées d'étain ou de plomb (Fig. 28), et mieux
encore, pour les qualités supérieures, de vases de
porcelaine hermétiquement bouchés.
Quoique Fodeur naturelle du thé soit assez forte,
les Chinois y ajoutent souvent un parfum artificiel,
qui, sans faire entièrement disparaître Farôme pro-
pre du thé, lui donne plus de montant. En géné-
ral, ils cachent aux regards des étrangers cette
préparation, comme ils cachent la plupart de leurs
procédés industriels. Malgré le mystère dont ils
s'enveloppent, on est parvenu à découvrir, à l'aide
de quelques débris restés au fond des caisses, les
plantes odorantes dont ils se servent pour aroma-
120 LE THi:
tiser le thé. On a reconnu, entre autres végétaux
employés à cet usage, le camélia sasanqua, le ma-
fjnolia julan, Volivier odorant (olea fragrans), le
jasmin sambac, etc.
Importation du the en Europe.
L'arrivée du premier navire, qui apporte le pre-
mier thé de la dernière récolte, excite en Angleterre
un intérêt tout particulier.
« On ne parlait depuis deux mois que du Tae-
ping, qui, dans sa traversée de Chine en Angle-
terre, s'est montré un navire de premier ordre.
Parti en même temps que deux autres clippers de
Fou-Chao, avec les premiers thés de la saison nou-
velle, il a mis 99 jours pour aller, par le cap de
Bonne-Espérance , jusqu'au cap Lizard , sur les
côtes d'Angleterre. Les trois rivaux " ne s'étaient
aperçus que deux fois en suivant la route que cha-
cun estimait la plus rapide : le 99^^ jour, ils se
trouvèrent côte à côte en vue de la terre anglaise.
Alors la lutte monta au paroxysme : malgré un
grand frais d'ouest, chaque capitaine mit toute sa
voile dessus, au risque de jeter la mâture à bas; les
équipages étaient comme affolés, et ne reculaient
devant aucune témérité. Ce fut le Tae-ping qui
aborda une heure avant les autres au quai des
East'India Docks de Londres : une prime de
12 fr. 50 c. par tonneau (le Tae-ping en compte
12'2 LE THÉ
plus de 2,000) est affectée à l'heureux capitaine qui
remporte chaque année une pareille victoire. »
Cette course des navires apportant le premier
thé de la saison à Londres, dont nous avons em-
prunté le récit au livre si intéressant du comte de
Beauvoir, montre à quel point le thé est populaire
en Angleterre ^ C'est qu'en effet il est devenu un
objet de première nécessité dans ce pays, et dans
d'autres contrées du nord, où le vin est une bois-
son de luxe et à la portée d'un petit nombre de pri-
vilégiés.
En France, le thé a encore un certain air aristo-
cratique ; mais l'usage en devient de plus en plus
général, et bientôt, il faut l'espérer, les classes
aisées ne seront pas les seules à jouir de cette bien-
faisante boisson.
En voyant le thé répandu aujourd'hui dans toutes
les parties du monde civilisé, n'y a-t-il pas lieu de
s'étonner que son introduction en Europe ne re-
monte pas au delà du xvne siècle ?
Avant cette époque, il était connu dans tout
rOrient : de la Chine, il avait passé dans l'Inde,
l'Arabie, la Tartarie et la Perse.
Ce sont les Hollandais qui ont introduit le thé
en Europe.
On sait que ce peuple fut le premier qui eut des
relations commerciales avec la Chine et le Japon,
où il obtint l'accès de quelques ports; et il était, au
1. Voyage autour du monde. Pion, 1872.
LE THÉ 123
commencement du xyii^ siècle, le seul intermé-
diaire entre l'Europe et ces contrées de l'extrême
Orient.
En 1641, Tulpius, médecin hollandais, fait con-
naître les propriétés du thé et les avantages que
son pays pouvait en tirer.
Vers 1660, la feuille chinoise devient en usage
dans les cafés.
Bontekoe, médecin de l'Electeur de Brandebourg,
vante les vertus du thé, en 1679, dans un ouvrage
qui obtient un grand succès.
Lord Arlington fut le premier qui le transporta
de la Hollande en Angleterre. En 1664, il était
encore assez rare, et coûtait fort cher. Car nous
lisons dans un ouvrage anglais que la Compa-
gnie des Indes-Orientales, qui avait reçu le mono-
pole du commerce du thé entre la Chine et l'Angle-
teire, acheta, cette même année, au prix de deux
livres, 2 onces de thé destinées à être offertes en
cadeau au roi.
Cette célèbre Compagnie conserva son monopole
jusqu'en 1834.
Les services qu'elle rendit en Angleterre n'étaient
pas sans compensation : pendant que les habi-
tants de Hambourg, de New-York, d'Amsterdam,
recevaient directement et librement leur thé de
Chine, les Anglais payaient 1,500,000 livres ster-
ling de plus , pour tenir leur thé des mains
de ce coûteux intermédiaire , la Compagnie des
Indes.
124 LL 111 h
Vers la lin du xviii* siècle, le thé était si peu connu
en Ecosse, que la duchesse de Monmouth en ayant
envoyé une livre dans ce pays, en 1785, à Tun de
ses parents, sans indiquer la manière de le pré-
parer, le cuisinier fit bouillir les. feuilles, et les ser-
vit comme un plat d epinards ! Inutile d'ajouter
qu'il avait jeté- l'infusion.
En France, le thé parait avoir été conmi dès 1036.
On sait par les lettres de Guy Patin, que deux
thèses furent soutenues sur le thé, pour flatter le
chancelier Séguier, ardent propagateur de la nou-
velle boisson : l'une en 1648, dont la conclusion
était que le thé « donne de l'esprit » (menti con^
fert)\ l'autre en 1057, en présence du chancelier et
de plusieurs personnages illustres. Quant au spi-
rituel auteur des lettres qui fournissent ces rensei-
gnements, il appelait le thé « une impertinente
nouveauté du siècle. »
De tous les ouvrages où Ton peut recueillir, çà et
là, quelques informations sur le thé, il est permis
de conclure que l'usage de cette boisson se répandit
plus lentement en Europe que celui du café.
Aujourd'hui la feuille chinoise n'a rien à envier
à la fève d'Arabie.
Qu'on juge de sa destinée par les chiffres sui-
vants empruntés à des documents ofïîciels :
Depuis longtemps l'Europe payait à la Chine,,
pour le thé, un tribut annuel évalué à plus de
150 millions.
LE THÉ 125
En 1869, la Chine a exporté 73,407,130 kilog. de
thé !
Elle a reçu de l'étranger, pour ce seul article de
son commerce extérieur, 213,548,016 francs.
L'Angleterre en a pris à elle seule pour 14S, 10 1,536 ^
Sa consommation annuelle approche de 50 millions
de kilogrammes.
Dans l'année financière 1872-73, le gouverne-
ment anglais a perçu, par les douanes, pour le thé
seulement 80,672,512 francs.
La ville de Macao, peuplée de 125,000 Chinois et
de 2,000 Portugais, en exporte chaque année pour
3,400,000 francs.
Nous n'avons pas de renseignements authentiques
sur l'exportation du Japon et de quelques autres
lieux de production, oii le thé a été acclimaté, ni
sur les quantités, certainement considérables, qui
sont transportées de Chine en Russie par les cara-
vanes à travers l'Asie centrale. Le chiffre total doit
en être sensiblement augmenté.
Si, en France, la consommation du thé, qui n'a
pris quelque importance que depuis 1830, n'a pas
suivi la même progression qu'en Angleterre, c'est
en grande partie parce que chez nous le vin est
abondant et d'un prix relativement peu élevé. Après
tout, il n'y a pas lieu do s'en plaindre.
Elle ne dépasse guère 30U.000 kilogrammes par
an.
Voici le tableau de la consommation de Paris,
en iN.")!). d'après Husson :
126 LE THÉ
Thés noirs :
kil.
Souchong 18,000
Congo 5,000
P koe 3,r)00 ) 28,500 kil
Pékoe orange, 1,500
Pouchong 500
Thés verts :
Hyson 4,000
Tonkay 1,800
Impérial 1,500
Hyson-Schouiang l,-200
Hyson-Skin 1,200
Poudre à canon 1,000
10,700 kil.
Total . 39,200 kil.
On peut évaluer aujourd'hui sans crainte d'exa-
gération à plus de 40,000 kilogrammes la quantité
de thé consommée à Paris.
Essais de culture du thé hors de la Chine et
du Japon.
En voyant les progrès toujours croissants de la
consommation du thé, et des bénéfices qu'il procure
aux pays de provenance, les peuples tributaires de
la Chine et du Japon ont dû songer de bonne heure
aux moyens d'acclimater chez eux, ou dans leurs
colonies, l'arbuste qui produit une telle richesse.
Ils y étaient d'autant plus portés^ qu'ils ne pou-
LE THÉ 127
vaient recouvrer, par l'échange des produits de
leur industrie, les sommes énormes qui allaient
s'eng-ouffrer chaque année dans ces contrées loin-
taines, séparées de l'Occident par des préjugés sé-
culaires.
Les Français essayèrent deux fois la culture du thé
à Cayenne. On amena même dans cette colonie des
Chinois, pour créer les premiers établissements et
initier les colons à l'éducation de ce précieux végé-
tal. Cette entreprise ne réussit pas.
Il en fut de même à la Martinique.
On tenta, sans plus de succès, de l'acclimater en
Corse et en Provence. Cependant un journal disait
récemment :
« Une expérience intéressante va être tentée en
Sicile.
« Quelques savants, ayant observé que la nature
du sol. en Sicile, était la même qu'au Japon et les
conditions climatologiques de ces deux régions iden-
tiques , ont eu l'idée d'essayer d'acclimater le thé
dans cette province. Sur la demande du gouverne-
ment italien , le consul du Japon a envoyé des pa-
quets de graines prises sur les différentes espèces
de plante à thé, et leur a donné en même temps les
instructions les plus détaillées sur leur mode de
culture. Les initiateurs de l'entreprise prétendent
que la Sicile n'est pas le seul pays dont le climat
semble favorable à la culture du thé; l'Espagne et
la Grèce seraient dans le même cas.
Il est probable que le thé obtenu en Sicile n'aura
128 LE THK
pas exactement les mêmes qualités que celui du
Japon, mais c'est là le cas de toutes les plantes exo-
tiques importées en Europe. Quoi qu'il en soit, cette
expérience n'en vaut pas moins la peine d'être
tentée ^ »
La comparaison du climat de la Chine avec celui
de la France (Pékin est presque sous la même latitude
que Marseille) avait fait croire que le thé réussirait
chez nous, et deviendrait une source abondante de
revenus. L'expérience semblait confirmer la théorie :
les grands arbres de Chine viennent tous en pleine
terre dans notre pays. Ceux que nous y avons
transportés, surtout dans ces derniers temps, pros-
pèrent comme dans leur patrie.
Mais l'espérance de naturaliser le thé en France,
était une illusion comparable à celle des étrangers
qui ont voulu transplanter sous d'autres cieux nos
ceps de Bourgogne : tentative qui n'a point alarmé
les propriétaires de nos grands vignobles. Ils sa-
vaient qu'on ne pouvait pas emporter leur terroir
et leur soleil.
Les premiers pieds de thé vivants qu'on ait vus
en Europe furent apportés, en 1763, à Linné, au
Jardin d'Upsal.
Le premier que Ton ait planté en France y fut
envoyé par Gordon, pépiniériste de Londres, au
chevalier de Janssen, qui 1 éleva dans son jardin de
Chaillot, d'où il s'est propagé. Beaucoup d'horticul-
1. Union médicale, 30 mars 1875.
LÉ THE 129
teurs le cultivent aujourd'hui dans les serres, ou
même dans les orangeries. Car il n'exige pas une
haute température; il suffit de le préserver des
froids de l'hiver. Il donne des fleiirs, mais rare-
ment des fruits.
Tous les essais tentés sembleraient prouver que les
propriétés de cette plante se perdent si on l'expa-
trie.
Cependant les Hollandais ont obtenu quelques
succès à Java, et on le cultive encore dans les envi-
rons de Rio de Janeiro, où il a été introduit par les
Portugais.
Tous les thés de ces provenances sont inférieurs
à ceux de la Chine.
Le thé réussit au Tonquin et en Cochinchine, où
il ne se trouve pas dépaysé* - .
Dans la province d'Assam, qui fait partie des
possesions anglaises de l'Indoustan, il est cultivé
depuis fort longtemps, ce qui a pu faire croire
qu'il y est indigène; mais ce fait s'explique suffi-
samment par le voisinage de la Chine et les rela-
tions des deux pays. Du reste, le gouvernement
anglais,. qui a trouvé cette culture établie, n'a pas
manqué de l'encourager et de lui donner plus d'ex-
tension. Les thés de cette provenance constituent
une variété commerciale secondaire, supérieure ce-
pendant aux autres thés exotiques.
130 LE THÉ
Variétés commerciales.
Y a-t-il plusieurs espèces botaniques de thé. ou
simplement plusieurs variétés d'une espèce unique
dues à Tinfluence de diverses causes ?
Linné, et d'autres botanistes qui ont adopté ses
classifications, ont distingué deux espèces de thé,
d'après le nombre des pétales de la fleur.
Mais la plupart des botanistes, ne regardant pas
ce caractère comme essentiel, n'admettent qu'une
seule espèce, et considèrent le thea bohea (thé bou)
et le thea viridis (thé vert) de Linné comme de
simples variétés produites, dans le cours des siècles,
par une culture perfectionnée.
Il est facile de comprendre que cette plante ayant
été cultivée de temps immémorial par un peuple
éminemment agricole, il a dû se passer ce que nous
voyons se produire pour nos arbres fruitiers. Nos
horticulteurs n'opèrent-ils pas tous les jours de véri-
tables métamorphoses, et, par des procédés fondés
sur l'observation de la nature, ne parviennent-ils pas
à créer de nouvelles espèces de fruits , auxquelles
ils revendiquent l'honneur d'attacher leur nom?
Il est donc plus que vraisemblable que la culture
a modifié les feuilles de thé, et créé les variétés
connues sous différents noms dans le commerce.
D'ailleurs les influences du sol et du climat ne sont
pas restées étrangères à ces modifications, et suffi-
raient peut-être à les expliquer,
LE THÉ 131
Les variétés très-diverses de thé que l'on trouve
dans le commerce peuvent se ramener à deux
grandes classes : les thés noirs, et les thés verts^
qui ne correspondent pas à des espèces végétales
différentes, comme nous venons de le dire, mais
à des choix de feuilles récoltées, à une époque plus
ou moins avancée, sur un même arbrisseau, et
auxquelles on fait subir des opérations qui en mo-
difient l'aspect et les propriétés.
Dans la première récolte, en avril, on choisit et
Ton cueille, une à une, les feuilles les plus tendres,
pour faire le thé vert. Les autres récoltes, faites
avec moins de précaution, fournissent les feuilles
qui donnent le thé noir ^
Thés noirs.
Voici., avec la traduction de leurs noms chi-
nois et leurs caractères distinctifs , la nomencla-
ture des principales variétés usitées dans le com-
merce :
[" Souchong (siào-tchông , petite espèce), d'un
brun noirâtre, fait avec les feuilles de l'arbuste qui
a produit le péko et le congo, mais de la seconde
récolte, plus larges, et lâchement roulées. Il a une
saveur et un arôme peu prononcés.
'2° Congo (kong-fou, travail), d'un noir grisâtre ;
feuilles minces, courtes; arôme assez agréable. Il
1. Voir sur le Thé nos Leçons d'hygiène, page 404.
132 LE THÉ
forme en Chine la boisson journalière des habi-
tants ; il figure pour les deux tiers dans les impor-
tations de l'Angleterre; en Russie, on le trouve sur
toutes les. tables.
3° Peko (pé-hào; à Canton, pakho, duvet blanc),
formé de feuilles très-allongées, d'un noir argenté,
et couvert d'un léger duvet blanc et soyeux; odeur
forte et suave, saveur délicate, un peu semblable à
celle de la noisette fraîche. La Russie consomme
une grande quantité de ce thé, apporté des pro-
vinces septentrionales de la Chine par les cara-
vanes.
4» Peko orange, se distingue du précédent par
sa couleur, qui est d'un noir foncé mélangé de
jaune orange. Son parfum ne paraît pas naturel^
car on trouve parmi les feuilles de petites graines
semblables à celles de l'olivier odorant.
5° Pouchong (pao-tchong, espèce à enveloppes),
ainsi appelé parce qu'on l'expédie généralement en
petits paquets enveloppés de papier jaune clair, et
pesant environ 200 grammes chacun. Il est très-
léger, et il faut en mettre plus que des autres
espèces dans les infusions, mais il est très-fin et
très-aromatique.
Thés verts,
lo Hyson (hi-t'chun, printemps fortuné), la sorte
de thé vert qui se récolte la première : c'est une
des meilleures et des plus estimées, feuilles grandes,
I.E THK 133
roulées clans le sens de la longueur. Il a besoin
d'infuser longtemps pour donner toutes ses qua-
lités; alors la feuille s'ouvre entièrement et devient
très-souple.
2" Hyson junior (yù-tsien, avant les pluies),
formé de petites feuilles très-délicates, qui se cueil-
lent de bonne heure, avant les pluies, comme son
nom l'indique. Il est rare et d'un prix très-élevé.
< )n Toffre en cadeau aux grands personnages de
TEmpire du Milieu.
3° Thé perlé (ta-tchou , grosses perles), d'une
forme globuleuse , parce que les feuilles , jeunes
et minces, sont d'abord roulées dans le sens de la
longueur, puis repliées dans celui de la largeur. Il
■A une couleur brune et un arôme très-agréable,
'i" Poudro à canon (tchou-t'cha, thé perlé), choisi
parmi les deux sortes précédentes, le hyson et le
thé perlé, il se compose des feuilles les plus jeunes.
')U do feuilles coupées en morceaux et roulées sur
elles-mêmes de manière à ressembler pour la gros-
seur à des grains de poudre à canon. C'est un thé
très-recherché et fort clier.
Tr IIij<;on .^rhonland (fleur perlée du hyson), à
feuilles grandes, roulées dans le .sens de la longueur.
C'est une variété du hyson de première qualité*.
Très-rare dans le commerce. Il a une odeur des
plus suaves et des plus développées.
O Ilysion-Shiïi (p'hi-t'-cha, th»' de rebut). En
préparant le hyson, on en retire les feuilles jaunes,
'•'>nimune^. mal roulées, pour former cette sorte
134 LE THÉ
inférieure, qui ne se vend pas cher, et est consom-
mée surtout par les matelots et les ouvriers. Il a
un goût un peu ferrugineux.
.70 T onkay [thùn-khi; à Canton fun-k'ai,nomd'une
vallée), sorte un peu moins commune que la précé-
dente, mais formée aussi du second triage de l'hyson.
Dans cette longue nomenclature nous n'avons
pas compris le thé impérial : voici pourquoi. Ce
thé ne constitue pas une espèce ; il n'est qu'un
triage des meilleures sortes de thés verts, perlé,
hyson, poudre à canon, et il est confondu tantôt
avec l'une, tantôt avec l'autre.
Indépendamment du thé de commerce décoré de
cette épithète prétentieuse, il existe un véritable
thé impérial ; mais il est réservé aux fils du ciel.
Boire le même thé que les simples mortels ne se-
rait-il pas indigne de ces souverains habitués à voir
se prosterner devant eux les plus hauts personna-
ges, et qui se considèrent comme issus d'une race
divine ?
Quant aux fils de la terre, ils se résigneront,
s'ils sont prudents, à ne jamais tenter de déguster la
boisson destinée à l'Olympe oriental. Ils feront bien
surtout de ne pas s'adresser à certains marchands ,
qui, au poids de l'or, seraient bien capables de
leur en servir.
Le récit qui va suivre, doit laisser peu d'illusion
à cet égard.
Un voyageur auquel nous devons les premières
notions exactes sur le Japon. Kampfer, raconte.
LE THÉ 135
vers la fin du xviii« siècle, que, près de la petite
ville d'Udsi, sur les bords de la mer, s'élève une
montagne agréablement située. Elle est entourée
de haies, et protégée par un fossé fort large, qui
en défend l'accès. Le terrain et le climat passent
pour y être plus favorables que partout ailleurs à
la culture du thé. Sur cette montagne les arbres à
thé sont plantés dans un ordre régulier, et conve-
nablement espacés par des allées. Des hommes,
spécialement affectés à cet emploi , préservent lea
feuilles de la poussière et des insectes. Les ouvriers
choisis pour la récolte cueillent les fouilles avec
Tattention la plus minutieuse, et les mains cou-
vertes de gants. Ce thé est escorté par le surinten-
dant dos travaux de la montagne, avec une forte
garde et un nombreux cortège, jusqu'à la cour. Il
est destiné à l'usage de la famille impériale,
Altérations, mélanges et falsifications du tbé.
Le thé, comme le café et le chocolat, est sujet à
s'altérer, soit par suite d'une mauvaise préparation,
soit parce qu'on a négligé les précautions néces-
saires pour le conserver.
[^ Le thé a un parfum très-suave, mais très-vo-
latil. Il ne doit pas être exposé à l'air ou à la lu-
mière. Il faut le garder soigneusement enfermé,
pour qu'il ne perde pas son arôme. Des boîtes dou-
blées de plomb ou d'étain, des vases de porcelaine
liermétiquement bouchés conviennent à cet usage.
136
LE THE
Dans des vases de verre, le thé subirait l'action de
la lumière, et pourrait se détériorer.
'2° Le thé s^mprègne très-facilement des moin-
dres odeurs. On conçoit ce qui arrive, lorsque dans
Tiié falsiûé.
des vases bouchés tant bien que mal, ou tout grands
ouverts, il se trouve dans le voisinage du savon,
du poivre, du fromage, et autres articles d'épiceriel
Ce n^est plus du thé.
On aura donc soin de ne pas le mettre en contact
LE THE
137
avec d'autres substances odorantes ; la même pré-
caution est nécessaire , lors même que celles-ci se-
raient agréables.
Il est bon de le renfermer touiours dans le même
Kig'. :<(». — Thé rnti»Tement falsifié.
\a>o, qui linit par s'imprégner des principes les
plus délicats de l'arôme. Si Ion se sert pour la pre-
mière fois d'un vase, il faut d'abord l'aromatiser
avec une infusion de thé. et le faire bien sécher,
avant de lui confier le précieux dépôt.
138 LE THÉ
.3° Le temps doit être compté aussi parmi les
agents qui contribuent à l'altération du thé.
Trop vieux, le thé n'a plus ni saveur ni odeur :
il est passé. Cependant on fera bien de le laisser se
faire un peu. En Chine, on ne l'emploie générale-
ment qu'au bout d'une année. On a reconnu que
plus tôt il n'a pas encore acquis toutes ses qualités;
il est acre et amer.
.Un fait curieux à constater, c'est que le thé, sem-
blable en cela au vin de Bordeaux, gagne à être
transporté par mer , dans de bonnes conditions ,
bien entendu. De même que le Bordeaux qui a
servi de lest dans un voyage au long cours, est
meilleur quand il revient de l'Inde ou de l'Améri-
que, ainsi le thé qui a été rapporté par un navire
d'Europe en Chine ou au Japon, a beaucoup plus
de valeur dans ces deux pays, après sa double tra-
versée. Les longs voyages par terre ont,, paraît-il,
un effet analogue ; ce serait une des raisons pour
lesquelles le thé des caravanes est si estimé. Cepen-
dant nous n'oserions affirmer ce fait comme le pré-
cédent .
4° Mais l'action de la mer n'est pas toujours aussi
favorable. On connaît, par des statistiques exactes,
le chiffre si considérable des sinistres maritimes
qui atteignent chaque mois les navires de com-
merce. Quand la cargaison des bâtiments naufra-
gés est sauvée, en tout ou en partie , que de thés
avariés ! L'eau de mer altère le thé , lui ôte sa cou-
leur, son parfum , sa saveur naturelle : il devient
LE THÉ 139
acre, et perd à la fois ses propriétés les plus agréa-
bles et les plus salutaires ; il se couvre de moisis-
sures, et peut devenir nuisible.
Que faire de ce thé ? Bien souvent , il n'est plus
bon qu'à jeter à la mer. Mais ce serait y jeter
en même temps l'argent des commerçants, et bien
peu sont disposés à faire un tel sacrifice à la fortune.
Nous voilà, une fois de plus, en présence de frau-
des, de mélanges, de falsifications, qui ont pour
but de masquer les avaries, d'augmenter le poids
de la marchandise, de lui donner des qualités appa-
rentes , ou même , de permettre de la revendre
quand elle a déjà servi.
Les Chinois et les Japonais commencent la série
des méfaits en mélangeant avec le thé des feuilles
étrangères, des poussières végétales, de la terre à
porcelaine, de petits fragments de bois : tout cela
augmente le poids, et... le prix! (Fig. 29).
Puis vient le tour des intermédiaires. Si Faction
de l'air ou de la lumière, une immersion plus ou
moins prolongée dans l'eau douce ou l'eau de mer,
fait perdre au thé sa couleur, ses qualités essen-
tielles et jusqu'à son aspect extérieur, on dissimule
ces altérations accidentelles en colorant les feuilles
avariées au moyen de sels de plomb , de bleu de
Prusse, etc. ; en y ajoutant de la poussière de thé,
et diverses autres poussières agglomérées par de la
gomme.
Les thés verts sont plus particulièrement l'objet
de ces sortes de fraudes.
140 LE THÉ
Les thés noirs sont ordinairement colorés par le
graphite ou mine de plo7nb. Ils sont souvent imi-
tés par des feuilles de saule , de prunellier, de ca-
mélia .
Il ne faut pas considérer comme falsification — il
y en a bien assez d'autres ! — l'addition aux thés
verts de sulfate de chaux, et d'indigo, tous les thés
verts étant régulièrement soumis à Taction de ce
mélange , inoffensif pour la santé, et sans effet sur
les propriétés aromatiques du thé.
On a longtemps attribué la couleur verte de cer-
taines espèces de thé aux ustensiles de cuivre dont
se serviraient les Chinois pour la torréfaction. Mais
nous savons qu'ils n'emploient point de vases de
cuivre pour cet usage. Les sels de cuivre que l'on
a trouvés dans le thé ne proviennent pas de la pré-
paration ; ils sont dûs sans doute à une altération
commerciale , qui pourrait avoir des conséquences
très-graves. Hâtons-nous d'ajouter qu'elle est, heu-
reusement, fort rare.
LIne autre variété de fraude, est celle qui consiste
à recueillir les feuilles ayant déjà servi, et à les
revendre pour faire de nouvelles infusions : opéra-
tion fructueuse, et qui se renouvelle plus d'une fois
sur les mêmes thés !
Il paraît que cette fraude se pratique sur une
assez large échelle : on fait sécher les feuilles épui-
sées; on les roule après les avoir assouplies avec
de la gomme ; on les remet sous leur forme primi-
tive, et on les livre de nouveau au commerce, soit
LE THÉ 141
>eules.soit mélangées avec d'autres qui n'ont pas
servi.
Heureusement, cette altération est facile à recon-
naître chimiquement. Il suiïit de brûler quelques
feuilles de thés. Ont-elles déjà servi, la cendre ne
contient pas de potasse.
Pour distinguer les feuilles étrangères, il y a un
moyen bien simple. Prenez une feuille infusée : pla-
cez-la entre deux verres minces ; examinez-la par
transparence, et par comparaison avec une véri-
table feuille de thé^ qui servira de type. La feuille
de thé est ovale allongée, un peu aiguë, finement
dentée en scie, longue de 5 à S centimètres environ.
Les feuilles avec lesquelles on a falsifié le thé sont
reconnues par des dilïérences dans la forme et les
dimensions du limbe, dans Téchancrure des bords,
dans la disposition des nervures.
Enfin le plus petit débris, le moindre dépôt trou-
vés dans la poudre de thé , peuvent amener des
découvertes. Si on les examine au microscope, on
pourra reconnaître différents genres de mélan^-cs
et de falsifications. (Fig. SiJ).
Manière de se servir du thé; infusion.
On trouve dans la correspondance de Jacquemont,
un passage où il indique la singulière façon dont
les peuples qui habitent entre Cachemir et le Thibet
142 LE THK
préparent le tliL' : coutiuiie peu faite, on va le voir,
pour en inspirer le goût à un adepte assez mal dis-
posé d'ailleurs. ,
« Le thé, dit-il, vient à Cachemir par caravanes,
au travers de la Tartarie chinoise et du Thibet. Je
ne sais pourquoi le thé de caravane , chez nous, a
quelque réputation ; celui-ci n'a absolument aucun
parfum; on le prépare avec du lait, du beurre, du
sel, et un sel alcalin d'une saveur amère. Il résulte
de tout cela un bouillon trouble et rougeâtre^ d'un
goût extraordinaire, exécrable suivant les uns, et
décidément agréable suivant les autres, et je suis
de ceux-ci. En Kanawer, on le fait d'une autre
façon. On fait bouillir des feuilles pendant une
heure ou deux, puis on jette l'eau, et on accom-
mode les feuilles avec du beurre rance, de la farine,
et de la chair de chèvre hachée. C'est un ragoût
détestable : on l'appelle thé. Je fais le mien suivant
la méthode paternelle, c'est-à-dire que je le com-
pose d'eau chaude et de sucre, sans thé. »
Ce même voyageur, homme d'infiniment d'esprit,
mais qui ne dédaignait pas le paradoxe, qui n'a vu
d'ailleurs que les provinces limitrophes de l'Inde,
prétend que les Chinois jettent quatre-vingt-dix-
neuf fois sur cent l'infusion de thé, et se contentent
de manger les feuilles.
Que les Chinois mangent le plus souvent les
feuilles infusées , c'est possible. Peut-être même ,
1. Jacquemont. Correspondance»
LE THÉ 143
n'ont-ils pas tout-à-fait tort, comme on pourra s'en
convaincre par 1 examen de l analyse chimique du
thé.
Mais qu'ils fassent aussi peu de cas de l'infasion,
c'est une assertion démentie par les voyageurs qui
ont pénétré dans la Chine, où l'usage de cette
boisson est universellement répandu.
Peut-être est-ce moins par goût, que par besoin,
que le Chinois prend du thé : car il n'y met ni sucre
ni lait. On croit que l'idée de faire infuser les feuilles
de thé naquit du besoin de corriger et de rendre
potables les eaux de ce vaste empire , qui sont gé-
néralement saumàtres et de mauvais goût. Quoi
qu'il en soit de l'origine de cet usage , qui paraît
remonter à la plus haute antiquité, c'est un fait
que, chez les Chinois, depuis le plus simple paysan
jusqu'à l'empereur, tout le monde boit du thé.
Ce peuple, livré à la plus intense activité com-
merciale, n'a qu'un genre d'établissements destiné à
lui offrir des distractions nécessaires, il porte un
nom caractéristique : « Jardin de thé » (tea garden).
C'est là que les Chinois vont prendre du thé, et de
l'opium. On y fait de la musique, et quelques sal-
timbanques y amusent un public peu difficile.
Il y a en Chine de fins gourmets, qui préparent
le thé avec les soins les plus minutieux, les précau-
tions les plus délicates ; l'argile du vase où l'eau
doit bouillir, le bois qui doit alimenter le feu, et bien
. d'autres choses dont nous ne tenons pas compte,
.sont de leur part l'objet d'une attention spéciale.
144 LE THÉ
La manière de faire les honneurs d'une table à
thé est, en Chine et au Japon, un art qui a ses
principes, ses règles et ses maîtres. Il fait partie de
l'éducation d'un homme bien élevé,
Ces faits réduisent à leur juste valeur l'assertion
de Jacquemont et des voyageurs qui l'ont répétée.
En général, les Chinois versent de l'eau chaude
sur le thé, dans la tasse même où ils doivent le
boire. L'infusion faite, ils le prennent tel qu'il est ,
sans sucre ni crème.
Voici comment les Japonais préparent et ser-
vent le leur. On apporte sur la table, en présence
des hôtes, une boîte contenant du thé réduit en
poudre fine. On remplit les tasses d'eau chaude,
et on jette dans chaque tasse autant de poudre
qu'il en peut tenir sur la pointe d'un couteau ; on
agite le tout avec un instrument spécial, jusqu'à ce
qu'il se produise de l'écume ; c'est le moment de
servir la liqueur et de la boire chaude et odorante.
Pour nous, Français, nous n'y mettons pas en
général tant de délicatesse; c'est du thé, et cela
nous suffit; mais pour les connaisseurs, il y a thé
et thé, et il existe, entre ces variétés résultant du
mode de préparation, des différences non moins
sensibles qu'entre la plus insipide tisane et le breu-
vage le plus exquis.
En Europe, ce sont les Anglais et les Russes qui
apportent le plus do soin à la préparation du thé ,
et qui savent le mieux en apprécier les qualités.
Nous sourions encore, en France, quand nous
1
LE THF 145
voyons une famille anglaise, voyageant sur le con-
tinent, étaler sur la table d'un hôtel tous ses appa-
reils pour la préparation du thé, procéder grave-
ment à cette opération délicate, sans vouloir se fier
à des mains mercenaires, et, en présence de la
bouilloire, paraissant retrouver partout le foyer
britannique, le home, si cher aux Anglais, tout
voyageurs qu'ils sont.
Il y a des personnes qui croient que, pour faire
du thé, il sullit do verser de l'eau chaude sur les
feuilles, sans se préoccuper de la nature du vase,
de la température de Teau, de la durée de l'infu-
sion. Ainsi font-ils, et ils s'étonnent de trouver cette
boisson mauvaise ! Ceux-là pourraient bien prendre
quelques leçons des Anglais, ils comprendraient la
valeur de leurs précautions minutieuses.
Quelle est donc la meilleure manière de préparer
le thé ?
La première condition requise, c'est de se ser-
vir d'un vase spécial, exclusivement affecté à cet
usage.
La théière en métal anglais, et lo samovar russe,
sont préférables à la plupart des ustensiles destinée
au même usage.
On commence par échauder hi théière, en y ver-
sant de l'eau bouillante; on en lait autant pour les
tasses destinées à recevoir Tinfusion. Puis , la
théière bien égouttée, on y met la quantité conve-
nable de thé, dans la proportion de deux grammes
ou une cuillerée à café pour chaque tasse. ( )n verse
10
146 LE THÉ
dessus l'eau bouillante, non pas tout à la fois, mais
d'abord en petite quantité, pour mieux saisir les
feuilles et en faciliter le déroulement. On laisse
infuser cinq minutes; puis on ajoute, d'un seul
coup, le reste de Peau, qui ne doit pas cesser d'être
bouillante.
Une infusion prolongée au delà 'de ce temps,
et d'une durée de 10 ou 20 minutes, par exemple,
enlève au thé la finesse de son arôme, et lui donne
une couleur plus foncée. La boisson prend un goût
acre et une saveur styptique, qu'elle doit à la solu-
tion d'une trop grande quantité de tannin.
Cependant le thé Hyson, comme nous l'avons si-
gnalé en passant, à besoin d'infuser plus longtemps
que les autres sortes.
L'eau doit toujours être versée bouillante sur les
feuilles : la saveur et l'arôme du thé en dépendent.
C'est au moment même de l'ébullition qu'il faut
employer l'eau, car lorsqu'elle a bouilli longtemps,
elle prend un goût fade et terreux qui se commu-
nique au thé lui-même.
Est-il nécessaire d'ajouter qu'on ne doit jamais
faire bouillir le thé, ni passer deux fois de Teausur
les mêmes feuilles?
Valeur alimentaire et hygiénique du thé.
Le thé peut-il être considéré comme une boisson
im en taire?
LE THÎ: 147
L'analyse chimique fournit la réponse à cette
question.
Nous en détachons les résultats les plus impor-
tants au point de vue qui nous occupe.
l" Le thé contient une substance azotée spéciale,
analogue à la caféine et à la théobromine : c'est la
fliéine.
Elle existe en plus grande quantité dans les thés
noirs que dans les thés verts, ce qui prouve qu'elle
n'est pas la cause des propriétés excitantes de ces
derniers.
Les premières analyses avaient donné de 0,43
à 0,46 pour cent de théine. M. Stenhouse en a
obtenu de l à 1,27, et M. Peligot plus du double,
de -2.34 à 3.
2* Ce savant chimiste français a trouvé aussi dans
le thé une quantité considérable de matières azo-
tées, de 20 à 30 pour cent : plus que dans aucun des
végétaux connus.
L'infusion seule contient de 3 à 5 pour cent
d'azote, par conséquent plus que le bouillon de
viande, qui n'en renferme que 3 pour cent.
3» Les feuilles contiennent aussi une matière
très-nutritive, la caséine, qui forme un tiers de
leur poids, mais que l'eau ne peut dissoudre.
Les Chinois, qui mangent les feuilles après avoir
bu l'infusion, profitent de toutes les parties nutri-
tives de la plante.
Pour eux il est évident que le thé est un aliment
t lès-riche en principes nutritifs, puisqu'en en fai-
148 LE THÉ
sant usage tous les jours, ils absorbent une grande
quantité de matière azotée, contenue dans les
feuilles.
Est-ce à dire que l'infusion du thé puisse être
regardée comme un aliment ?
Ceci est une autre question.
Sans doute, on ne peut méconnaître la valeur nu-
tritive de la matière azotée, de la théine, et des
parties solubles que le thé renferme. Mais, dans
l'infusion, la proportion de ces substances n'est pas
assez forte pour fournir une alimentation suffi-
sante. Il est certain qu'un déjeuner qui ne se com-
poserait que d'une infusion de thé, ne serait pas
réconfortant. Il peut momentanément apaiser la
faim, il nourrit peu, il ne répare pas.
Il n'a donc, comme aliment, qu'une valeur mé-
diocre.
Comme boisson hygiénique^ le thé a pour lui les
suffrages les plus imposants.
(( Le thé de bonne qualité donne un liquide d'un
jaune limpide et doré, puissamment aromatique, et
qui, par sa saveur distinguée, aussi bien que par
ses propriétés toniques, plaît surtout, dans notre
pays, aux individus adonnés aux professions intel-
lectuelles : chez ces personnes , l'usage du thé ,
pris avec modération , produit dans l'être physique
une légère stimulation , également favorable aux
fonctions de deux organes qui ont entre eux une
étroite relation, l'estomac et le cerveau ^ »
1. Hiisf=;on. Lps consommati07if! de Parifi,
LE THi: 149
« C'est auprès des peuples qui font habituelle-
ment usage du thé, et pour lesquels cette boisson
est devenue un véritable besoin , qu'il faut re-
cueillir les faits propres à éclairer cette question.
Or, les Anglais, les Hollandais, les Belges, les Da-
nois, les Suédois, les Russes, les Anglo-Américains,
sont loin de considérer le thé comme une boisson
dangereuse. Chez la plupart de ces peuples, elle a
un avantage hygiénique incontestable. Vivant dans
un pays couvert pendant une partie de l'année de
brouillards , au milieu d'une atmosphère souvent
froide et humide, le thé, par la légère excitation
qu'il développe, et surtout par la quantité d'eau
chaude qu'il introduit dans l'estomac, entretient le
corps dans un état de diaphorèse (transpiration) in-
dispensable au libre exercice des fonctions et à
l'entretien de la santé *. »
« L'infusion de thé noir, convenablement pré-
parée, produit en nous une excitation générale, non
pas seulement temporaire, ou d'une ou de deux mi-
nutes, comme toute boisson chaude dépourvue do
principes excitants, mais plus ou moins durable,
capable de rendre une énergie nouvelle à l'homme
affaibli par la diète, par le froid, par la tristesse :
le pouls s'accélère, la force, l'activité succèdent ù
l'abattement et se soutiennent durant quelques
heures, sans laisser ensuite aucun malaise '^ »
1. Richard. Éléments d'histoire naturelle.
2. Payen. Précis théorique et pratique des substances
alimentaires.
150 LE THÉ
« Le thé, avons-nous dit nous-même, dans nos
Leçons dliygiène, produit une excitation générale
de toutes les fonctions, et en particulier des fonc-
tions digestives. Utile après les grands et longs
repas, il ne l'est pas moins parfois après les repas
même les plus modestes, quand ils sont composés
d'aliments farineux, lourds, chez les individus dont
Testomac est peu actif, lorsque la vie sédentaire
rend la digestion lente et pénible. »
Nous devons faire remarquer, qu'au point de
vue hygiénique, il y a une très-grande différence
entre l'action du thé noir et celle du thé vert.
Le thé noir exerce une heureuse influence, une
action presque toujours bienfaisante.
Le thé vert excite avec une énergie plus grande,
-et souvent trop forte ; il faut bien se garder d'en
abuser.
Le thé noir, notamment le congo, l'un des plus
salubres et des plus usités en Angleterre, agirait sur
les facultés intellectuelles et les dispositions mo-
rales, sans apporter aucune perturbation dans les
fonctions physiologiques.
Le thé vert, surtout chez les personnes qui en
prennent rarement , peut produire des troubles
nerveux, des palpitations de cœur, des tremble-
ments pénibles dans les membres, et une irrita-
bilité particulière, qui serait loin de seconder le
travail intellectuel. Pris le soir, il agite et trouble
le sommeil.
L'habitude peut faire disparaître ces effets fa-
LE Tiiï: loi
clieux : mais il ne faudrait conseiller à personne
de s'habituer au thé vert, qui est d'ailleurs le plus
sujet aux falsifications insalubres.
Il est bien entendu aussi que labus du thé, qu'il
soit noir ou vert, peut être nuisible à la santé.
Il ne faut pas le prendre trop fort, ni en boire
trop fréquemment.
L'expérience , faite aujourd'hui sur une très-
grande échelle, vient confirmer les données de l'a-
nalyse, et les témoignages de la science en faveur
des qualités hygiéniques du thé.
On a vu plus haut que les Chinois en font usage
pour corriger les eaux détestables et malsaines de
leur pays.
C'est une application qui serait très-utile en beau-
( oup de pays. Los eaux malsaines ne manquent pas,
ailleurs qu'en Chine.
Que de fois les voyageurs qui ont traversé les
provinces de la Chine, et les vastes plateaux de
l'Asie centrale, ont constaté les effets bienfaisants
de la coutume chinoise, et éprouvé par eux-mêmes
combien une eau bouillie, parfumée par une infu-
sion de feuilles de th«''. t'sl ;iL'ri';il)l(v excellf^nte:
«ombien elle repose !
Les soldats anglais ri aiiK-i*ii;nn.s lont du the un
usage habituel : en marche, ils en portent tou-
jours sur eux. (Quelques gorgées de thé froid cal-
ment la soif et font oublier la fatigue.
Si Ton en croit un rsipport pul)lié le i^r janvier
1^7:^ dans la Ih^r}»,' nulit.nrc do iétat-major
\Si LE THE
russe, les hygiénistes de Russie auraient jugé non
moins favorablement l'introduction de cette boisson
dans l'armée.
On a constaté les résultats moraux de l'usage du
café dans les camps des environs de Paris. En
effet, le nombre des habitués du petit verre du-
matin diminue considérablement dans les régi-
ments qui reçoivent régulièrement du café.
Un résultat analogue doit se produire chez les
peuples qui font un usage ordinaire dil thé.
Quand les boissons alcooliques trouvent le champ
libre, elles causent des ravages plus étendus et
plus funestes : les troupes qui reçoivent des rations
régulières de café ou de thé, sont moins exposées
aux dangers de l'alcoolisme.
L'énorme production du vin dans notre pays est
certainement la principale cause qui a empêché
chez nous le développement de la consommation
du thé.
Mais ne nous illusionnons pas sur nos richesses.
Le prix du vin tend à s'élever ; les moyens de
communication facilitent de plus en plus les rela-
tions commerciales, et l'exportation des produits
agricoles s'accroît dans la mesure de leur exten-
sion.
Et puis, il y a les mauvaises années. L'hiver a
trop souvent des retours soudains ; il suffit d'une
o-elée tardive, pendant une nuit ou deux, quand la
véo'étation a été prématurément avancée par des
chaleurs précoces, pour détruire la récolte de la
LE TliL 153
vigne clans la plus grande partie de la France viti-
cole. Nous avons vu ce fait se produire plusieurs
années de suite. Et les fléaux de tout genre : grêle,
oïdium, phylloxéra! Faut-il s'étonner que la récolte
soit aléatoire ?
Or, quand le vin est devenu très-cher, qu'a-t-on
imaginé pour le remplacer ? On s'est mis à fabri-
quer des boissons fermentées avec des fruits secs,
ou des piquettes insipides et plates, quand elles
n'étaient pas malfaisantes. Et Ion avait sous les
yeux Texemple des Anglais et des autres peuples
du Nord, qui boivent du thé à tous leurs repas !
Encore si c'était une question d'économie ! Mais
la mauvaise boisson qu'on substitue au vin revient
plus cher que le thé.
A Paris, où le vin est toujours d\u\ prix élevé,
a cause des droits d'entrée et de transport, ne vau-
drait-il pas mieux boire aux repas, ou à Tun dés
repas du thé, boisson saine et d'un bon marché
relatif, que des vins frelatés insalul)res et toujours
chers/
En attendant que le thé obtienne chez nous la
place qu'il mérite d'occuper dans les usages de
toutes les classes de la sociéti', il est encore trop
exclusivement une boisson d'agrément que l'on
prend dans les soirées, ou un remède vulgaire
contre les mauvaises digestions.
Des millions de Français ne le connaissent qu("
par cette dernière propriété, et y ont recours au
moindre trouble des fonctions de l'estomac.
Imitations du thé,
On a donné le nom de thé à des feuilles ou à des
mélanges de feuilles, avec lesquelles on a tenté, sans
y réussir, de remplacer le thé de Chine. On a encore
essayé, sous ce nom qui rappelle un souvenir agréa-
ble, de déguiser des médicaments.
C'est ainsi qu'on a utilisé :
1° Le houx apalachine ou thé des Apsilaches, qui
croît dans les Florides , au sud des Etats-Unis.
Les feuilles de cet arbre passent pour toniques et
sudorifiques. Les naturels du pays en préparent
une boisson excitante, qu'ils prennent pour s'a-
nimer au combat.
2" Le thé cVExirope. On comprend sous ce nom
les feuilles ou de la sauge, ou de la véronique.
La sauge est un arbuste des provinces méridio-
nales de la France. Elle jouissait autrefois d'une
grande réputation. On la cultive dans les jardins.
Elle a une odeur aromatique forte et agréable, une
saveur prononcée, chaude, un peu piquante. Ses
propriétés sont toniques, excitantes et cordiales.
On prétend que les Chinois sont plus friands de
Tinfusion de notre sauge que de celle du thé, et
qu'ils achètent fort cher la sauge aux marchands
auxquels ils vendent leur thé.
Est-ce à dire que, si la sauge nous venait de la
Chine, nous la trouverions aussi agréable que la
touvent ceux qui la reçoivent d'Europe ?
LE THi: 15.'-)
Il est permis d'en douter.
La véronique est une petite plante herbacée, qui
est très-abondante en France, dans les bois. Elle a
une saveur amère et aromatique, des propriétés lé-
gèrement excitantes.
' 3** Le thé du Mexique (chenopodium ambro-
' sioides), appelé aussi ambroisie, herbe de sainte
Marie, plante herbacée, originaire du Nouveau-
Monde. Elle croît dans le midi de la France, aux
environs des villes, dans les lieux secs. Elle répand
une odeur forte et agréable, surtout quand on la
froisse. Elle a une saveur aromatique assez scmbla-
We à celle du cumin, des propriétés stomachiques,
anthelminthiques (contre les vers) et sudorifiques.
4" Le thé du Paraguay {Ilex parar)uayensi.< ,
ou ilex maté), espèce de houx, cultivé avec soin, au
Paraguay, pour la rc'colte de ses feuilles, dont on
fait un grand usage en infusion. Le maté est très-
répandu, comme boisson d'agrément, non seule-
ment au Paraguay, mais encore au Brésil et dans
toute l'Amérique méridionale.
5° Le thé de saint Germain, poudre formée d'un
mélange de fleurs de sureau, de .semences de fe-
nouil, de crème de tartre et de séné. C'est un re-
mède contre b constipation.
6" Le thé Faltranh , ou vulnéraire suisse
mélange d'une grande quantité de feuilles do
plantes aromatiques; il est d'un usage vulgaire,
on l'emploie en boisson contre les chutes , les
coups, etc.
156 LE THE
Parmi les feuilles citées, celles qui paraissent les
plus propres à remplacer le thé en Europe seraient
encore celles de la véronique et de la sauge. Nous
y ajouterons celles du tilleul, dont l'infusion a un
arôme doux , une saveur délicate^ et est très- \
agréable à boire, quoique beaucoup plus fade que.
celle du thé.
C'est le tilleul que l'on devrait appeler la thé d'Eu^
rope, au dire d'un auteur, excellent patriote, qui
dit en avoir pris souvent à ses repas en place de
thé, et qui avoue même que la crainte seule de
passer pour un barbare l'empêche de proclamer
un goût peu favorable à la feuille chinoise. ^
Il est peu probable toutefois que le tilleul, et les .
autres plantes indigènes ou étrangères auxquelles-
on donne le nom de thé, prennent un jour la plaça
du thé véritable, malgré les qualités utiles ou at-
trayantes qu'elles peuvent avoir, et la faveur dont
elles jouissent dans certaines contrées.
Jamais ces feuilles douées de propriétés spéciales
plus ou moins médicamenteuses, que nous avons -
utilisées pour nos tisanes, ne joueront le rôle du thé,
et n'en tiendront la place.
Qu'on se figure un mstant une maîtresse de
maison faisant les honneurs d'un breuvage quel-
que peu pharmaceutique ; et une société , réunie
dans un salon, puisant les saillies vives, les réparties
piquantes , les idées originales dans une tasse de
véronique, de sauge ou de tilleul !
Non, le thé restera l'heureux prétexte de ces réu-
LE THF. 157
nions qui rapprochent les membres de la famille ;
les âges, les classes ; qui polissent ainsi les aspérités,
de caractère, effacent les dissonances de ton et de
langage, par la grâce de l'hospitalité, par la con^
versation où s'échangent et se contrôlent les idées
et les croyances.
C'est une coutume bonne à propager que do ras-
sembler chaque soir, à l'heure du thé, Taïeul véné-
. rable , tradition vivante de l'honneur et des ver-
tus de la famille; les enfants, que les exigences de
l'avenir ou de l'éducation ont t( nus éloignés pen-
dant le jour; les parents, s'appartenant enfin, heu-
reux de reposer leurs regards sur des êtres chéris ,
et d'oublier les soucis des affaires, en écoutant
l'histoire du travail, les projets et les espérances do
chacun.
Dans un temps où la cherté croissante des choses
nécessaires de la vie, les habitudes du luxe, les
susceptibilités de l'amour-propre. restreignent l'iios-
pitalité et rendent les réunions plus difficiles, plus
rares, le thé offre aux familles modestes et bien
gouvernées un moyen peu dispendieux de se voir,
d'entretenir d'agréables relations, d'initier la jeu-
nesse au ton et aux manières de la bonne société,
sans l'exposer aux dangers du monde, d'élargir
enfin le cercle de leurs idées par un éthanL'-e mutuel
et une expansion féconde,
Nous aimerions à opposer à ces somptueux dî-
ners, où manger est la grande affaire, et dont les
^ menus dignes de la table de Lueullus, sont portés
15(S LE THÉ
par les journaux à la connaissance du monde en-
tier, les réunions simples et cordiales dont la tasse
de thé fait tous les frais, où l'on parle de choses/
sérieuses sans pédantisme, où Ton aborde en se
jouant, mais non sans profit, les sujets les plus
divers, art, morale, poésie, littérature ; d'où l'on
sort satisfait de soi-même et des autres ; commerce
charmant^ dans lequel on pratique le libre-échange,
sans écraser ses rivaux !
A ces causeries, à ces réunions où intérêts so-
ciaux^ morale, esprit de famille trouvent si bien leur
compte, que la Chine continue à fournir un pré-
texte par l'envoi de la précieuse feuille de thé;
notre patriotisme peut prendre aisément son parti
d'un tribut qui nous rapporte plus qu'il ne nous
coûte. Et puis, nous avons vu de ces réunions en
bien des pays, tributaires comme nous à ce point
de vue. En France, du moins, si la feuille de thé
est une étrangère, on ne peut méconnaître l'ori-
gine de l'esprit qui circule autour de la table,
Chaque pays a son monopole : là une feuille, ici
Tesprit. Consolons-nous. A côté de ce qu'il reçoit,
notre pays a encore bien le droit d'être fier de ce
qu'il fournit avec tant de libéralité!
FIN.
TABLE DES MATIÈRES
Préface v
LE CAFÉ.
Histoire du café 1
Description 12
Culture, production et consommation 17
Exportation du café des différents lieux de produc-
tion 20
Consommation dans les diverses cjntrtes -21
Récolte . — D ^corticaiion 23
Variétés commerciales 2-1
Préparation du café 27
Conservation du café en liqueur, ou le café instan-
tané 36
Mélanges. — La chicorée 37
Falsifications 40
Propriétés du café 45
Valeur alimentaire et hygiénique du cal»- 17
LE CHOCOLAT.
Historique O.j
i Le cacao et le cacaoyer. — Description G6
160 TABLE DES MATIÈRES
Culture et production 70
Consommation 7-2
Récolte et préparation du cacao 76
Variétés commerciales 78
Fabrication du chocolat 80
Altérations, mélanges et falsifications 87
Préparation du chocolat 93
Conservation du chocolat 94
Propriétés, valeur alimentaire et hygiénique du cho-
colat 98
Chocolats médicamenteux 102
LE THE.
Origine J07
L'arbre à Thé ]08
Préparation des feuilles 114
Importation du Thé en Europe 120
Essais de culture du Thé hors de la Chine et du Ja-
pon 126
Variétés commerciales 130
Thés noirs 13i
Thés verts 132
Altérations, mélanges et falsifications du thé 135
Manière de se servir du thé ; infusion 141
Valeur alimentaire et hygiénique du Thé. . . 14ô
Imitations du thé 154
FIN DE LX TABLE DES MATIERES.
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