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Full text of "Le centre de l'Afrique: autour du Tchad"

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onWar, Révolution, and Pcace 



^ < 



1 



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Lu Bihliothèqnt* scientifi(/ue internatùmah n'est pn> nue cntrepriso «le 
librairie ordinaire. C't.*st une œuvre diri^^ée par les auteurs nu^nies, en vue 
des intérêts <le la pcionre. pour la popul.irispr sous toutes ses formes, et 
faire connaître inimédiateuK'nt dans le monde entier les idées originales, 
les directions nouvelles, les dérouvert»^s importantes qui se font chaque 
jour dans tous les pays. Chaque savant expose les idf'tes qu'il a introduites 
dans la science et cond«Mise pour ainsi dire ses doctrines les plus origi- 
nales. On peut ainsi, sans «piitterla France, assister et participer au mnuviv 
meutdes esprits eu Auf^leterre, en Allenia«;ne. en Amérique, en Italie, etc., 
tout aussi bien que les savants uïrme'^ de chacun de c«fs pays. 

Lft Uibliothtujue .stienii/ique intpvnationate ne comprend pas seulement 
des ouvra^re» consacrés aux sciences physiques et naturelle?, elle Mb«>rde 
aussi les sciences morales, comme la philosophie, Thistoire, la politique 
ci récouomie sociale, la haute législation, etc. : mais les livres traitant des 
sujets de ce gtîure se rattachent encore aux sciences naturelles, en leur 
empruntant les méthodes d'observation et d'expérience qui les ont ren- 
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VOLUMES Sun LE POINT DE P.\RAITRE : 

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Roche. La culture des mers, avec gravures. 
Cornil et Vidal. La microbiologie, avec gravures. 
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Cartailhac. Les Gaulois, avec gravures. 



Coulommiers. — Imp. Paul BRODAUD. 



LE CENTRE 



DE 



L'AFRIQUE 



AUTOUR DU TCHAD 



V A R 



P. BRUNACHE 



/ • 
/ 



Mcinliro îles missions Dyhowski (189*2) et Maistre (189-1) 
Administrateur colonial 



Illustré de 45 gravures, d'après des dessins de l'auteur 

et d'une carte hors texte 



PARIS 

ANCIENNI-: LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET O 

FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR 

i08, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 

1894 

Tous droits réservés 



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5 






A MONSIEUR CHARLES GMJTHIOT 

Sci-olairo };«Miéral de la Soriol»» »lc ClooL'raiiUif m miHîrcialiî <1« Pari> 

Au refour do notre rfjf/tu/e, a l'heure où ioutes 
/es acrlamalious ulhiient rers noire Jeune r/f('/\ 
rous, cher mo/tsieur (iuttthiot, nuhliunl pnur un 
instant les liens ujfertueur t/ui vous unissaient à 
Maistre, rotre disciple, inaluré lu préférence f/ue 
rous étiez en droit de lui niart/uer, r'est pour ses 
rollahorateurs que rous rér tau fiez des élo{)e-^. 

On dit que les vorpnp's o)il pour résultat den- 
îiuirer le neur d'une triple ruirasse,.. Je ne me 
suis nullanent aperçu, pour mu part, qu^ils aient 
f'moussé en moi le sentiment de la reconnaissance 
et du sourenir,.. 

Puisque jK hKDiE «:k mvuk a <:ki\ i\\v: j'aimk, cest 
une raison de plus pour que fin^rrice votre nom 
en première jtufp*. 



PACL BRUN AC HE, 



LE 



CENTRE DE L'AFRIQUE 



AUTOUR DU TCHAD 



u Pour bien se rendre compte des 
« travaux d'un voyaffour il faut être 
« au courant dos lirconstances dont 
'« il so trouve entouré. » 

D' Barth. 



GlIAPITHE PREMIER 



DE PARIS A BRAZIAVILLE 



Les missions du Comité de TAfrique française. — Crampel et Dy- 
bowski. — La traversée. ~ Lôango. — La route de Loango à Braz- 
zaville : le Mayonibe, Loudima, Bouenza, Comba, le Djoué, Braz- 
zaville, le Pool. — M. Dolisie. 



Dans les cominencemcnls de Tannée 1890, on s émut, 
en France, des efforts lentes par les Allemands, à Test de 
leur colonie du Cameroun. Les expéditions des Zîntgrafft, 
des Kunlh, dcsMorgen et de Gravenreulh attirèrent Tat- 
lenlion des plus indifférents. 

Les agissements de la Royal Niger Company dans T Ada- 

P. Bhuxache. i 



2 AUTOUR DU TCHAD 

maoua et la haute Bénoué, le voyage de sir Mac-Intosch 
à Kouka, donnèrent sérieusement à réfléchir à ceux qui 
estiment que nous n'avons pas de raisons de nous désin- 
téresser de nos colonies africaines existantes, et d'aban- 
donner les régions sur lesquelles nous avons des droits au 
moment du partage du continent africain entre les nations 
civilisées. 

La grande masse du public s'intéressa même à la ques- 
tion et se mit à étudier la carte d'Afrique. 

En contemplant le liséré teinté qui limite le riche et 
vaste domaine que P.-S. de Brazza a donné à la France, 
en parcourant les publications, les revues, les documents 
officiels, il fallut bien se convaincre que la conquête de 
ces immenses territoires s'était faite le plus pacifique- 
ment du monde, avec des ressources absolument insigni- 
fiantes. 

La Métropole n'avait pas eu à s'imposer le moindre 
sacrifice d'hommes ou d'argent. Une poignée de miliciens 
noirs, conduits par cinq ou six hommes énergiques, ayant 
foi dans leur chef, voilà ce qui avait suffi à assurer le 
succès de semblables entreprises! 

Un revirement se fit, dès lors, dans l'opinion publique. 

Déjà un comité, composé des hommes les plus compé- 
tents en matières coloniales, était en voie de formation. 
A leur tête se trouvaient M. Etienne, alors sous-secrétaire 
d'État au ministère des colonies, M. le prince d'Arenberg, 
M. Percher, qui devaient devenir, l'un Président, l'autre 
Secrétaire du comité de l'Afrique française. 

Grâce à l'appui moral et au concours effectif de ces 
défenseurs de la cause de la pénétration africaine, Paul 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 3 

Crampel, qui en était Tapôtre, avait pu donner à son 
rêve un commencement de réalité. 

Notre malheureux prédécesseur avait formé le projet 
grandiose d'explorer les régions fétichistes, jusque-là 
inconnues, situées entre TOubangui et le Tchad ; de faire 
pénéirer notre influence dans les pays musulmans du Bor- 
nou et du Baghirmi, qui, à cette époque, ne pouvaient être 
revendiqués par aucune puissance européenne. Il aurait 
relié de la sorte, par une ligne ininterrompue d'explora- 
tions et par des traités, nos colonies du Congo au Sénégal 
par le Soudan, et du Sénégal à l'Algérie par le Sahara, 
qu'il comptait également traverser. 

Crampel avait quitté la France en mai 1890, accom- 
pagné de Maurice Lauzières, ingénieur de l'École centrale, 
d'Orsi et du Targui Ischekkad-Ag-Rali qui joua plus tard 
le principal rôle dans le drame d'El-Kouli. 

Au Sénégal, il prit pour chef d'escorte Biscarrat, un 
ancien sous-oftlcier de spahis très estimé dans la colonie, et 
Albert Nebout. Ce dernier n'a pas besoin d'être présenté : 
il a fait ses preuves. Seul survivant de la mission, au lieu 
de rentrer en France, c'est lui qui conduisit Dybowski à 
la recherche des restes de Crampel. Nous le retrouverons 
plus tard aux côtés de Mizon dans l'Adamaoua. 

Après avoir effectué diverses pointes chez les Salangas 
et les N'dris, Crampel quittait en décembre Bangui, notre 
dernier poste au Congo, pour s'avancer dans l'inconnu. 

Depuis cette époque on n'avait plus de ses nouvelles. 
Tout ce que Ton savait, c'est que, ne voulant pas se laisser 
devancer par nos rivaux. Allemands et Anglais, il avait dû 
faire la plus grande diligence dans l'organisation de son 



L. 



4 AUTOUR DU TCHAD 

départ et qu'il était à redouter que le manque presque 
absolu de porteurs lui occasionnât une série de difficullés 
nuisibles, et peut-être funestes, à la réussite de son entre- 
prise. 

Pour parer à cette éventualité, le Comité de l'Afrique 
française qui, quelque temps auparavant, avait commencé 
à agir avant que d'être définitivement constitué, décida 
de faire partir de France une mission nouvelle. Elle devait 
atteindre Crampel, dont les ressources étaient bien près 
d'être épuisées par tous ces retards, et, opérant sa jonc- 
tion, lui apporter de nouveaux éléments de succès. 

Cette mission comprenait quatre Européens : MM. Jean 
Dybowski, maître répétiteur à l'École d'Agriculture de 
Grignon ; 

Paul Brunache, Administrateur adjoint des communes 
mixtes d'Algérie; 

Charles Bigrel , ancien sous-officier de l'arlillerie de 
marine, plusieurs fois cité à l'ordre du jour dans diverses 
campagnes au Sénégal. 

M. Dybowski s'était adjoint un jeune chef de cultures 
de Grignon, M. C. Chalot. 

Notre départ avait été très rapidement décidé; le 
Comité de l'Afrique française tenait essentiellement à ce 
que nous nous embarquions par le paquebot du 10 mars. 
C'est à peine si nous pouvions disposer d'un mois pour 
faire nos acquisitions et, certes, elles étaient multiples! 

Grùce aux importantes subventions des ministères, 
grâce au crédit généreusement ouvert par notre Comité, 
nous avions plus que le nécessaire pour nous organiser 
dans d'excellentes conditions. C'est à ce moment cepeii- 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 5 

dant que nous heurtâmes le premier écueil : quel que 
soit le voyage que Ton entreprenne, il est élémentaire 
d'avoir un matériel de campement, des vivres de malades, 
des instruments géodésiques, une pharmacie, etc. Mais, 
sachant que nous allions traverser des pays où toutes 
les transactions se font par voie d'échanges, il nous 
fallait faire un choix judicieux des marchandises suscep- 
tibles d'être échangées, sinon avec profil, du moins sans 
pertes trop sensibles. Il fallait surtout ne pas nous encom- 
brer d'objets inutiles. 

Les ouvrages publiés par nos devanciers, Barth, 
Schvscinfurlh, Nachtigal, donnaient bien une vague base 
d'appréciation; mais, comme nous nous proposions de 
parcourir des régions encore inexplorées, nous était-il 
permis de supposer que les articles demandés à ces épo- 
ques déjà lointaines, dans des pays presque à demi civi- 
lisés, auraient cours parmi les populations absolument 
incultes que nous devions rencontrer. 

Nous consultâmes alors de « vieux Africains ». C'est 
contre ce fléau que je tiens à mettre en garde nos jeunes 
successeurs. Tel qui s'est enrichi avant 1848 dans le com- 
merce du bois (Tébène, nous conseillait d'adopter un 
uniforme : « Avec ça, nous disait-il, on est sûr d'être 
nourri, logé et obéi sans bourse délier. » Il ajoutait que 
si l'on voulait se montrer grand et généreux on pouvait, à 
l'aide de casques de pompiers, de manteaux de mousque- 
taires, bottes à chaudron et autres accessoires de car- 
naval, se concilier les bonnes grâces des rois et des 
ministres et obtenir de la sorte tous les laissez-passcr 
désirables. Je n'invente absolument rien. 



6 AL'ÏOUR DU TCHAD 

Tel autre, qui avait fait un séjour de quelques mois 
dans les colonies anglaises des côles de Guinée, nous 
déclarait péremptoirement qu'une condition sme qua 
non de réussite était d'emporter une cargaison sérieuse 
d'eau-de-vie. Il ignorait, le pauvre homme, que cet 
excellent extrait de pommes de terre, qui contribue pour 
la plus grosse part à la fortune de Hambourg, mettra, 
heureusement, de longues années avant de pénétrer dans 
TAfrique équatoriale. 

Un autre enfin ne nous laissa la paix qu'après nous 
avoir fait emplir une caisse de fil et d'aiguilles. Je ne lui 
adresse pas le moindre reproche, car, grâce à lui, nous 
avons pu, de temps à autre, réparer ce que nous appe- 
lions nos vêtements ; mais je suis obligé de déclarer que 
ces piquantes marchandises ne nous procurèrent ni l'ivoire 
promis ni la moindre des choses. Il est vrai de dire que 
les deux tiers des populations que nous avons visitées ne 
portent pour tout vêtement qu'une simple ficelle autour 
de la ceinture. Les « reprises » deviennent dès lors 
inutiles. 

A travers tous ces renseignements contradictoires il 
résulta clairement pour nous, qu'il fallait choisir de tout 
un peu. Nous prîmes, en plus grandes quantités cepen- 
dant, des perles blanches, désignées dans le commerce 
sous le nom de baïakas; elles se fabriquent à Venise; 
des étoffes en cotonnade désignées sous le nom de 
guinée (bleue), andrinople (rouge), algériennes (bigar- 
rées) de provenance anglaise. Enfin des « manilles », 
ou bracelets de cuivre, fabriquées en Allemagne. 

Si j'insiste particulièrement sur l'origine étrangère de 



k 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 7 

la plupart des marchandises que nous emportions, c'est 
que j'ai été frappé de ce fait qu'il nous a été impossible 
de nous procurer en France des produits similaires et 
dans les mêmes conditions. 

Les producteurs français nous ont mis à même d'apprécier 
la supériorité incontestable de leurs fabrications, le bon 
goût de leurs modèles, l'excellente qualité des matières 
premières et la différence très peu sensible dans les prix. 

Tout cela est bel et bon! Malheureusement, les noirs 
ne se préoccupent pas le moins du monde de ces considé- 
rations. 

Ils ont depuis longtemps adopté une étoffe d'une lar- 
geur et d'une teinte déterminées; le plus beau drap du 
monde, de largeur double et de prix égal, ne remplacera 
pas pour eux la mauvaise cotonnade qui réalise à leurs 
yeux l'idéal de la fabrication européenne. 

De môme pour nos perles. On les dirait faites au tour, 
moulées; leur fabrication est certainement impeccable, 
c'est possible, mais le noir leur préférera toujours l'hor- 
rible petite perle de Venise, la baïaka d'un blanc douteux, 
mal venue, de formes variables, mais répondant au type 
rôvé. 

Que faire en pareille occurrence? Il n'y a pas à hésiter... 
Imiter nos voisins. — Qu'importe que nos productions 
d'exportation soient plus ou moins artistiques, pourvu 
qu'elles trouvent un écoulement. 

Pour le moment il ne s'agit pas de réformer, mais de 
satisfaire le goût de lacheteur. Il ne faudrait pas qu'une 
sotte question d'amour-propre fasse perdre à notre indus- 
trie nationale les nombreux débouchés que les voyageurs 



8 AUTOUR DU TCHAD 

français leur ont ouverts. — Je m'aperçois que je viens de 
faire une digression un peu longue (ce ne sera certainement 
pas la dernière que mon lecteur aura à constater dans 
cette relation écrite un peu à bâtons rompus), mais, 
comme je ne la crois pas inutile, j'espère me la fairi* 
pardonner. 

Notre pacotille était assez bien composée, en ballots ou 
en caisses de 30 kilogrammes. Malheureusement, nous 
étions presque certains de ne pouvoir emporter en une 
seule fois toutes nos charges. 

En effet, de l'Equateur au 10" de latitude N., le seul 
moyen de transport par voie de terre, c'est Thomme. 
Lorsqu'on a avec soi un nombre élevé de porteurs, il est 
indispensable d*avoir également une quantité de marchan- 
dises suffisante pour payer leur nourriture. Or, la mar- 
chandise qui sert de monnaie d'échange est lourde et 
encombrante, d'où la nécessité d'augmenter dans de 
notables proportions le chiffre des hommes destinés à 
former la caravane. D'autre part, le transport du maté- 
riel de campement strictement nécessaire, des instruments 
de précision, pharmacie, cadeaux, etc., absorbe déjà une 
bonne partie des porteurs. On se trouve placé dans 
celte alternative : ou réduire le nombre des porteurs, et 
alors les moyens d'action sont très limités; on ne peut 
songer à emporter môme des vivres indigènes pour la 
traversée des grands steppes déserts; ou bien alors on 
dispose d'un personnel considérable qui nécessite le trans- 
port d'une grande quantité de monnaie-marchandise. Par 
suite, il devient fort difficile, et même quelquefois impos- 
sible, de nourrir une aussi nombreuse caravane dans bien 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 9 

des régions trop pauvres ou très peu peuplées. 11 faut donc 
s'efforcer d'avoir la plus grande variété de marchandises 
dans un nombre relativement restreint de colis. 

Vers le V mars, nos préparatifs étaient à peu près 
terminés. M. Dybowski m'envoya au Havre pour centra- 
liser les charges et procéder à leur embarquement. 

Après avoir louché à Cherbourg, où je prenais livraison 
des armes et des munitions, le paquebot de la C^' des Char- 
geurs réunis, Ville de Maraflaho, faisait escale à Bor- 
deaux. 

MM. Dybowski et Chalot s'embarquèrent à bord de ce 
même paquebot le 10 mars, et le même jour à midi, nous 
faisions route vers Santa Cruz de Ténériffe. 

Le 21 mars, nous doublons File de Corée qui, au petit 
matin, présente un aspect des plus pittoresques; puis nous 
mouillons en face de Dakar. 

Notre compagnon Bigrel, parti quelques semaines aupa- 
ravant pour engager les Sénégalais destinés à former 
l'escorte, vient nous prendre à bord. 

Nous sommes frappés de la propreté des nègres qui 
encombrent les quais au moment de notre débarquement. 
Leurs « boubous » (tuniques) aux couleurs éclatantes, fort 
élégamment drapés, donnaient une note gaie à ce tableau 
d'ailleurs fort intéressant. 

Notre enthousiasme cessa bien vite lorsque Bigrel nous 
mit en présence de ses recrues. 

Il y avait là une quarantaine de loqueteux : portefaix, 
débardeurs, cireurs de bottes, commissionnaires, de seize 
à vingt-deux ans, d'allure peu militaire. Un seul avait 
servifdans les tirailleurs sénégalais; quant aux autres, ils 



10 AUTOUR DU TCHAD 

avaient peut-être bien vu des fusils, mais de loin, et entre 
les mains des soldats, à la manœuvre. 

L'un d'eux, sur sa bonne mine, sa belle prestance, et 
surtout grâce à ses souliers vernis, est choisi comme ser- 
gent par M. Dybowski. 

Nous embarquons tout ce monde, puis, après avoir suc- 
cessivement touché à Grand-LahoUy où descendent deux 
jeunes officiers chargés de mission, MM. Quiquerez et de 
Segonzac, à Grand-Bassam, Kotonou, Free-Town, nous 
arrivons le 3 avril à Libreville. 

Nous recevons de M. de Brazza Taccueil le phis sym- 
pathique. Je me demande ce qui a bien pu faire naître la 
légende qui représente le commissaire général comme 
Tadversaire-né de tous les voyageurs qui traversent la 
colonie du Congo français pour se rendre dans des régions 
inconnues. La gloire des explorateurs à venir n'a rien 
qui le doive inquiéter; il en a fait une moisson suffisam- 
ment ample pour son compte personnel. On s'est livré 
aussi à des digressions à perte de vue sur sa façon d'ad- 
ministrer les immenses territoires qu'il a donnés à la 
France. 

Certes, il ne réalise pas l'idéal du parfait bureaucrate! 
mais je considère comme un joli tour de force, avec un 
budget à peine égal à celui d'une commune de la Métro- 
pole, avec quatre nègres armés d'un méchant mous- 
queton, d'arriver à faire AÎvre ses postes, à assurer la 
sécurité des habitants et des voyageurs isolés, et, à l'aide 
de ces seules ressources, de trouver encore la possibilité 
d'arrondir chaque jour, sans bruit, notre domaine colonial. 

« Pour réussir dans un voyage en Afrique, nous dit-il 



DE PAKIS A BRAZZAVILLE 41 

lorsque nous le quittâmes, il faut bien se pénétrer de ces 
deux principes : « Se hâter lentement » et ne pas perdre 
de vue que « plus fait douceur que violence. » 

Nous quittons Libreville ayant à notre bord le capitaine 
Trivier, qui a effectué quelque temps auparavant la tra- 
versée de l'Afrique, suivant, de l'Ouest à TEst, la route de 
Stanley. 

Nous touchons au cap Lopez, poste de douaniers fran- 
çais, assez triste d'aspect, puis à l'ile de San Thomé, une 
des riches et prospères colonies portugaises. 

Le 13 avril au matin, nous atteignons enfm Loango, 
terme de notre navigation sur mer et point de départ de 
notre voyage pédestre. 

Loango n'est pas un port à proprement parler. C'est 
encore moins une ville. Il ne reste aucun vestige de son 
ancienne splendeur à l'époque de l'occupation portugaise. 
Les quelques cases disséminées occupées par l'Administra- 
tion, les factoreries et la mission catholique sont situées au 
fond d'une baie d'un aspect assez agréable, vue de la haute 
mer, mais peu sûre pour les navires obligés de mouiller 
assez loin au large. 

Vu du mouillage, Loango paraît ce qu'il est en réalité : 
misérable et triste. 

De grands bancs de sable qui se déplacent assez fré- 
quemment forment une lagune dont l'accès est rendu assez 
difficile par une « barre » beaucoup moins dangereuse 
que celle de Kotonou et des autres points de la côte, mais 
assez sensible et quelquefois pénible à franchir pour les 
embarcations d'un faible tonnage. 

Il se fait à Loango un assez fort transit. C'est là, en effet. 



12 AUTOUR DU TCHAD 

que les maisons de commerce françaises, hollandaises, 
anglaises et portugaises ont leurs entrepôts de marchan- 
dises d'échange. C'est là également que sont centralisés 
la gomme, Tivoire et le caoutchouc envoyés par les 
factoreries de Tintérieur et destinés à être expédiés en 
Europe. 

Loango est, par suite, le point de départe! le point d'ar- 
rivée de nombreuses caravanes : aussi un grand nombre 
de villages indigènes, très -peuplés, sont-ils groupés aux 
environs des habitations européennes. 

Les indigènes des villages côtiers s'adonnent à la pêche. 
Ils viennent échanger contre de l'eau-de-vie, des miroirs, 
de la bimbeloterie, les langoustes, les crevettes, les soles 
et autres excellents poissons qu'ils prennent en très 
grandes quantités. 

La population proprement dite de Loango est peu inté- 
ressante. Elle a emprunté tous les défauts des anciens 
traitants portugais, sans en prendre les qualités. 

Le Loango peut se défmir ainsi : 

Audax, edaXj mendax en,.. aioVy en.., atusque. 

On est obligé, même en employant le meilleur latin 
d'Ovide, de remplacer certaines syllabes par des points 
pour ne pas par trop braver l'honnêteté. 

Les Européens ont eu le grand tort de pousser au déve- 
loppement de leur penchant à Tivrognerie : aussi la mon- 
naie courante du pays est-elle la bouteille d' « aloughou », 
atroce eau-de-vie de pommes de terre que grands ou 
petits, hommes ou femmes, absorbent en quantités consi- 
dérables. 

Les Loangos sont très adroits de leurs mains. Ils 



DE PAIU8 A BRAZZAVILLE 13 

sculptent très habilement l'ivoire et choisissent générale- 
ment des sujets pornographiques. C'est grâce à ce lie adresse 
à travailler l'ivoire qu'ils fabriquent de (aux cachets et 
arrivent à imiler à s'y méprendre la signature des fonc- 
tionnaires ou des négocianis. 
Ils appliquent ensuite ces em- 
preintes sur des bons de latia 
ou des permis de Irauspoil 
d'ivoire. 

Leurs articles de vaDnerio, 
bonnets, bouteilles clissces, 
boites, etc., en paille de rliffij- 
renles couleurs sont très coquets 
cl très patiemment fabriqui'S. 
Tous sont de très habilos tail- 
leurs, et, détail à noicr, em- 
ploient très volontiers la ma- 
chine à coudre et le fer a 
repasser. 

11 n'existe à Loango 
aucune industrie sé- 
rieuse. 

Les petits métiers 

dont il a été parlé ne g^j, |og„g„ j„ co=lmne da .liininchc 

suflisent pas pour faire 

vivre ceux qui les exercent. Aussi le Loango enfant se 
place-l-il comme boy, domestique chez les Européens; 
adulte, comme porteur dans les factoreries. 

Les boys loangos sont certainement d'excellents domes- 
tiques à cela près qu'ils sont, quel que soit leur âge, des 




14 AUTOUR DU TCHAD 

filous émériles et des ivrognes fieffés. Malheur au flacon 
d'eau de toilette ou d'alcool camphré oublié par mégarde 
hors de vos malles. L'eau la plus pure remplacera bientôt 
son contenu qu'un boy altéré aura absorbé sans sourciller. 

La corporation des porteurs est fort curieuse à étudier, 
elle a fait l'objet de la part de M. Dybowski d'un travail 
qui a, je crois, paru dans le journal la Nature. 

Il est en effet étrange de voir ces hommes à l'aspect 
efféminé, aux membres grêles, en apparence plus aptes 
aux travaux de couture qu'aux durs labeurs, effectuer en 
vingt-cinq jours le voyage de Loango à Brazzaville, près 
de 600 kilomètres avec une charge de 30 et quelquefois 
45 kilos sur la tète par des chemins atroces et des tem- 
pêtes d'une violence inouïe. L'aller et retour, soit 
1200 kilomètres, leur est payé 25 francs. 

A l'expiration de leur engagement, boys et porteurs 
reviennent à Loango avec leurs économies. Les fatigues et 
les ennuis du voyage et de l'absence sont vile oubliés au 
milieu des danses et des chants et noyés dans des flots 
d'alcool. Us dépensent en un rien de temps leur pécule si 
péniblement amassé. Ils le gaspillent à acheter un tas de 
futilités sans nom et sans valeur qu'on leur fait payer des 
prix exagérés. 

Et lorsqu'il ne leur reste plus un centime ils repren- 
nent leur collier de misère. 

S'ils étaient moins obséquieux, les Loangos paraîtraient 
moins antipathiques. Leur type est plutôt agréable, leur 
physionomie, avant qu'ils soient complètement abrutis par 
la boisson, paraît fort intelligente et diffère sensiblement 
de celle des autres nègres. Ils sont aux autres noirs ce 



DE PAIUS A BRAZZAVILLE îb 

que les « cougbouglis » d'Alger sont aux Arabes de la 
campagne. 

La chose n'a rien en soi que de très naturel étant donnée 
l'hospilaltté plus qu'écossaise qu'ils ne manquent jamais 
d'olTrir aux Européens. Leurs aïeules ont fait pendant de 
longues années les délices 
des Portugais installés à la 
côte et la tradition se con- 
tinue de nos jours. 

La jeune mariée, avant 
d'appartenir à son légitime 
époux, doit, d'apn-s la cou- 
tume, partager la couche 
d'un blanc pendant la pre- 
mière nuit de noce, il n'y u 
pas lieu de s'étonner, par 
suite, de retrouver dans les Jj 
traits du Loango quelque 
chose qui rappelle vague- 

' t^' ' P 1 1 g l« m 1 Ile 

liient le type européen. 

Les Loangos croient à un Êtresupiéme qu ils nomment 
je crois, « Zambi ». Celui-ci manifesterait sa coltrc d 1 aide 
du tonnerre dont ils n'ont d'ailleurs aucun souci malgré 
leur extrême pusillanimité. >< Zambi » du reste est pour 
eux tout à fait secondaire. Les félïcheurs, les revenants, 
les esprits de toutes sortes les préoccupent bien davan- 
tage. Le premier est essentiellement bon, dès lors il n'est 
pas dangereux. Les autres, féticbeurs, « Ngangas », sor- 
ciers guérisseurs, sont plus dangereux, aussi inspirent-ils 
plus de crainte. Ils exploitent la crédulité publique et ne 




46 AUTOUR DU TCHAD 

dédaignent pas de glisser dans leurs drogues la « cassa », 
sorte de poison très violent pour se débarrasser ou débar- 
rasser un ami, d'un parent ou d'un voisin par trop gênant. 

Si je suis entré dans des détails aussi étendus sur les 
Loangos, c'est d'abord parce que ce sont les sçuls indi- 
gènes que l'on emploie pour former les caravanes entre 
Loango et Brazzaville. D'autre part c'était surtout parmi 
eux que nous comptions recruter notre personnel des 
porteurs qui devaient nous suivre pendant toute la durée 
de la campagne. 

Par suite du peu de ressources que présente la région, 
nous dûmes nous mettre résolument à l'œuvre et pro- 
céder dès les premiers jours à la réfection de nos colis; 
il fallut tour à tour se transformer en menuisiers, ferblan- 
tiers, forgerons, enfin faire tout par nous-mêmes. 

C'est d'ailleurs le sort qui est réservé à tous les 
voyageurs européens dans ces contrées. 

Nos miliciens équipés et armés firent quelque peu de 
maniement d'armes et des tirs. Malheureusement Bigrel, 
qui ressentait déjà les premiers symptômes du mal qui 
devait l'enlever en cours de route, ne pouvait donner 
tous les soins désirables à leur instruction militaire qui 
était absolument nulle. Nous ne pouvions guère le 
seconder, étant entièrement absorbés par la confection 
des charges et l'organisation des départs de caravanes. 

Nos charges, en effet, au nombre de 600, ne pou- 
vaient être enlevées en une seule fois. 

Ce n'est qu'à grand'peine et grâce à l'obligeance ^de 
l'administration et des maisons de commerce, notam- 
ment de MM. Beraud et C*% de la C'*» Hollandaise, que 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 17 

M. Dybowski put, à la longue et par petites caravanes, 
faire évacuer notre matériel sur Brazzaville. 

Vers le milieu de mai, tous nos préparatifs étaient 
terminés. Nous étions tous plus ou moins convalescents, 
car tous nous avions quelque peu ressenti les atteintes de 
la Cikyre. La santé de Bigrel avait des intermittences qui 
nous donnaient des inquiétudes. Notre compagnon ne 
voulut pas néanmoins rester à Loango pour rétablir sa 
santé, il tint à honneur de partir avec nous. 

Par une belle après-midi de mai nous quittions la côte 
et nous allions camper à « Boukouli M'Bouali », petit 
village situé à quelques kilomètres seulement de Loango. 
Cette courte étape avait pour but de nous entraîner et de 
nous permettre d'étudier Tordre de marche que nous 
comptions adopter à Tavenir. 

La caravane, outre nos hommes d'escorte, se compo- 
sait de cinquante porteurs environ, chargés du matériel de 
campement, de nos caisses personnelles, instruments de 
précision, des conserves et des charges qui n'avaient pu 
être emportées par les précédentes caravanes. 

Nos hommes s'en vont puiser de l'eau dans un petit 
ruisseau, non loin du village. Au retour quelques jeunes 
gens se disant fils de chefs leur réclament le paiement de 
cette eau. Nos Sénégalais musulmans ne peuvent com- 
prendre pareille exigence. Ils sont indignés, il y a véri- 
tablement de quoi, car l'eau est fort abondante dans les 
environs. Devant leur attitude, les indigènes se replient 
en bon ordre. Il convient de dire qu'ils ont tous quelque 
peu travaillé dans les factoreries et savent que les Séné- 
galais ont souvent recours aux arguments contondants. 

p. Brumache. 2 



18 AUTOUR DU TCHAD 

Ils se vengent sur nous en nous vendant quatre fois 
leur valeur deux misérables poules et quelques œufs. 

Le lendemain, à la pointe du jour, nous quittons ce 
village peu hospitalier pour aller camper non loin d'une 
petite rivière nommée « N'iombo ». 

Une troisième journée de marche, longue et pénible, 
nous fait atteindre la lisière de la forêt du « Mayombe ». 

Jusque-là nous étions en quelque sorte dans la ban- 
lieue de Loango et le voyage pouvait presque être consi- 
déré comme une promenade en pays agréable, tantôt sur 
un plateau, tantôt en pays accidenté, mais d'un accès des 
plus faciles, et à travers des villages offrant encore quel- 
ques ressources aux voyageurs. 

Désormais, les villages devenaient plus rares, plus 
pauvres et la région difficile au delà de toute expression. 

Je ne raconterai pas, étape par étape, notre voyage à 
travers la forêt du Mayombe : elle a été mainte fois 
décrite, mais aucune description à mon humble avis ne 
peut rendre l'impression poignante qui s'empare du 
voyageur lorsqu'il pénètre sous ce dôme épais et sombre 
que le soleil parvient rarement à percer. 

Après mes lectures, après les récits des agents de la 
colonie qui ont traversé cette forêt, j'appréhendais de 
Taborder, redoutant une désillusion pénible. Je suis 
obligé de reconnaître que les exagérations les plus méri- 
dionales (et il s'en trouve au Congo comme ailleurs) 
étaient de beaucoup au-dessous de la vérité. 

Pendant toute la durée dti voyage en forêt on est 
étourdi devant le kaléidoscope qui se déroule devant 
vous à chaque pas. 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 19 

On est « abruti de grandiose », comme le disait un 
peu familièrement, mais fort justement, l'un de nous. 

Mais hélas! tout se paie en ce bas monde, même les 
spectacles offerts par la nalure : ce n'est, en effet, qu'au 
prix de difficultés sans nombre, de fatigues considérables 
que l'on circule dans le Mayombe. 

Outre les obstacles naturels, qui agrémentent le tableau 
au détriment de la circulation, nous avons encore à subir 
les conséquences de la pluie. La terre argileuse est 
fortement détrempée; les malheureux porteurs enfoncent 
jusqu'à mi-jambes dans une boue épaisse et grasse. Ils 
ont toutes les peines du monde à placer un pied devant 
l'autre et trébuchent à chaque pas. Les chutes sont fré- 
quentes; elles sont en outre fort dangereuses à cause de 
la raideur des pentes hérissées de roches aiguës et de 
buissons épineux. 

Les porteurs, gens peu charitables même à l'égard de 
leurs compatriotes et de leurs compagnons de voyage, ne 
songent pas à rire de celui d'entre eux qui, tout penaud, 
remonte péniblement du fond d'un ravin où il a suivi sa 
caisse, bien involontairement du reste. Le pauvre homme, 
couvert d'une épaisse couche de boue jaunâtre, grimace 
outrageusement et pousse des hurlements qui seraient du 
plus haut comique s'il n'avait les mains et la figure cou- 
vertes de meurtrissures. 

L'ascension du mont « Foungou », il faudrait dire 
l'escalade, est un véritable tour de force. Le malheureux 
Bigrel qui marche en tète de la colonne arrive longtemps 
avant nous sur le sommet où souffle une bise aiguë et 
cinglante; il est en transpiration et comme il ne possède 



20 AUTOUR DU TCHAD 

ni briquet ni allumettes pour faire du feu et se sécher, il 
reste ainsi à nous attendre grelottant sous la pluie péné- 
trante. 

Le soir, il était torturé par une violente toux et, 
pendant la nuit, la fièvre se déclara plus violente que 
jamais. Enfin, après de nouveaux efforts, nous sortons de 
la forêt du Mayombe. 

Les quelques villages traversés ne présentent aucune 
parlicularilé bien saillante. Ils sont généralement édifiés 
dans des clairières, bien construits et entretenus dans un 
réel étal de propreté, malgré la présence de porcs 
hideux, hauls sur pattes, à la robe d*un roux sale., d'une 
maigreur cadavérique, qui errent en liberté à la recherche 
d'une nourriture fort problématique. Les constructions 
sont à la fois légères, solides et élégantes, les matériaux 
employés se prêtent d'ailleurs à un travail coquet. La 
charpente, faite avec des arbres très droits que Ton 
croirait équarris par un habile ouvrier, est recouverte 
de chaume coupé très régulièrement. Les parois aux 
dessins variés sont faites avec les tiges d*un palmier 
improprement appelé « bambou » par les Européens et 
qui est, je crois, le palmier « élaïs ». 

J'ai retenu le nom du village de « Doumanga » à 
cause de sa jolie situation et surtout parce que son chef 
est parvenu à nous dérider un peu en se présentant à nous 
le chef orné d'un superbe bolivar et vêtu simplement 
d'une courte vareuse de matelot qui lui recouvrait, de 
temps à autre, ce que du reste il n'avait aucunement 
l'intention de cacher. La coupe de sa barbe et son énorme 
pipe mériteraient une mention spéciale. 




^ [leacente dus la [ont du Mayoïnhe. 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 23 

A notre sortie du Mayombe, nous prenons une journée 
de repos bien gagnée, ma foi ! 

Je dois reconnaître que nous nous exagérions un peu 
les difficultés surmontées, les fatigues endurées; il est 
vrai de dire qu*elles nous paraissaient d'autant plus sen- 
sibles que nous les subissions dès le début de notre mise 
en route. Néanmoins nous avions eu quelques compen- 
sations. D^abord le spectacle qui, après tout, avait bien 
son charme, puis Timprévu, enfin nous avions à satiété 
les fruits les plus délicieux, ananas, papaïes, mang-ues, 
bananes de toutes • qualités, etc., sans oublier la mo- 
deste arachide qui, préparée avec des œufs et du lait, 
servait à la fabrication de massepains fort appréciables, 
surtout après une longue étape. 

Enfin, chacun avait eu le loisir de s'occuper selon ses 
goûts et les fonctions qui lui étaient dévolues. Il avait 
été possible de faire quelques levés à la boussole, relever 
quelques points. Les botanistes avaient fait une récolte 
des plus abondantes, ils avaient eu également le bonheur 
de constater en grande quantité la présence de la vanille 
et de la gomme copal dans cette région où on considérait 
ces produits comme totalement inconnus. 

Nos chasseurs noirs avaient apporté une telle quantité 
de pièces rares que Chalot, ne pouvant suffire à la prépa- 
ration de ces magnifiques sujets, avait dû s'adjoindre deux 
Sénégalais, qui devinrent en peu de temps d'excellents 
préparateurs naturalistes. 

Nous reprenons notre route, cette fois on peut bien 
employer ce mot, car jusqu'à Loudima à peu de chose près 
la piste a été à peu près aménagée par les agents de 



24 AUTOUR DU TCHAD 

l'Administration. Ce n'est peut-être pas le suprême du 
genre, mais avec les moyens dont dispose l'autorité locale, 
on ne peut cependant pas exiger une route nationale. 
Les ponts, par exemple, laissent à désirer, ils consistent en 
un tronc d'arbre couché en travers du cours d'eau et il 
faut, pour se servir de cette passerelle un peu sommaire, 
déployer de véritables talents d'équilibriste. 

Le quatorzième jour après notre départ de Loango, nous 
atteignons le poste de « Loudima », situé au coniluent de 
la rivière de ce nom et du Niari. Ce point portail il y a 
quelques années le nom de « Stephanievillc », bien qu'il 
n'y existât qu'une ou deux cases délabrées. Il nous fut 
cédé à la suite d'une convention intervenue entre la France 
et l'État indépendant du Congo. 

Nous traversons la Loudima sur un bac manœuvré par 
un noir et nous pénétrons dans la cour d'un poste, magni- 
(iquemeut installé, après avoir suivi une allée, tracée au 
milieu de superbes plantations, et bordée de citronniers 
couverts de fruits. 

MM. Renault et Vadon, chargés du poste, ont su tirer 
un parti immense des ressources de la région. Les légumes 
et les fruits indigènes cultivés en grand dans leurs 
immenses plantations alimentent leur table et remplacent 
avantageusement les produits d'Europe, dont l'acclimata- 
tion est toujours aléatoire. 

On remarque dans les écuries de « Loudima » des 
unes et un cheval en parfait état d'entretien. Doit-on en 
conclure qu'il sera facile d'élever les animaux de cette 
espèce dans la région et d'opérer, dans la suite, une véri- 
table révolution dans les moyens de transport? Je n'oserai 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 25 

pas raflirmer. Ces animaux sont des « sujets », ils ne font 
absolument aucun travail, sont Tobjet de soins intelligents 
et de tous les instants. On leur donne une nourriture 
abondante et spéciale; il ne serait peut-être pas aussi 
facile de faire suivre un pareil régime à une plus grande 
quantité de ces bêtes de somme qui, je le crains, ne résis- 
teraient pas à une grande fatigue. Néanmoins Texpérience 
est tentée sur une trop petite échelle et dans des conditions 
trop spéciales pour qu'il soit permis de se prononcer en 
complète connaissance de cause. Cependant il y a lieu de 
remarquer que, pour ces animaux de même que pour cer- 
taines espèces de la race ovine, on peut, avec beaucoup 
de soins, obtenir des résultats fort appréciables. 

L'état de Bigrel devenant de jour en jour plus alarmant, 
il serait imprudent de lui laisser continuer le voyage. Le 
pauvre garçon conserve encore sur sa santé des illusions 
que personne ne partage plus. Il voudrait pousser jusqu'à 
Brazzaville; nous ne pouvons y consentir, ce serait lui 
enlever les quelques rares chances de guérison qui peu- 
vent lui rester. 

MM. Renault et Vadon qui, déjà, l'entourent de soins 
dévoués, joignent leurs prières aux nôtres et noire mal- 
heureux compagnon consent enQn à rester à Loudima. 
Nous ne devions plus le revoir. 

En quittant Loudima, nous pénétrons dans le pays des 
« Bassoundis ». Cette région est beaucoup moins boisée 
que celle précédemment parcourue. 

Ce ne sont plus ces immenses coupures, ces pentes 
abruptes ni ces marais couverts de végétation et d'un 
fouillis inextricable de lianes ou de racines. A une 



26 AUTOUR DU TCHAD 

immense plaine herbeuse, succèdent une série de petils 
plateaux recouverts de roches ferrugineuses, puis quelques 
ondulations peu accentuées et enfm une succession de col- 
lines chauves, arides et d'un ton roussâtre, assez sem- 
blables à celles de certains points d'Algérie. 

Le chemin dans les grandes herbes est assez énervant. 
11 ne faut pas songer à admirer les beautés du paysage, car 
les herbes qui bordent les deux côtés du sentier mesurent 
deux et trois mètres de hauteur. On se livre pendant de 
longues heures à la contemplation des épaules du porteur 
qui vous précède, et quand on est lassé du spectacle de 
cet horizon passablement borné on a la ressource de fixer 
la pointe de ses propres chaussures; passe-temps sinon 
agréable, du moins utile, car on peut ainsi éviter les nom- 
breuses branches qui obstruent la route et font fréquem- 
ment trébucher le rêveur parti, en songe, auprès de ceux 
qui sont là-bas en France. 

De temps à autre une éclaircie nous permet d'admirer 
les courbes gracieuses et les rives verdoyantes du « Niari », 
dont nous suivrons la rive gauche depuis Loudima jusqu'à 
Bouenza. 

Les villages sont toujours fort propres, toujours alignés 
au cordeau. Contrairement à l'avis des spécialistes, j'estime 
que les cultures sont bien entretenues et il serait à sou- 
haiter que les indigènes d'Algérie prissent autant de soin 
de leurs champs. Si les compliments d'un profane peuvent 
être agréables aux ménagères travailleuses qui s'occupent 
des travaux dans ces régions, je leur accorde les miens 
sans restriction. 

Nous fûmes reçus au poste de « Bouenza » par M. Dol, 



DE PAIIIS A BRAZZAVILLE 27 

qui nous oiïriirhospilalilé la plus cordiale. Ce poste devait 
être fori bien tenu quelque temps auparavant, mais le 
titulaire avait reçu avis que ce point allait être abandonné 
incessamment et il faisait ses préparatifs de départ. 

Le pays u Babembé », dans lequel nous pénétrons après 
« Bouenza » , semble plus sauvage que celui précédemmenL 
ipavcpsé. Les habitants paraissent plus lourds, plus 




forouches que les Bassoundis, le paysage moins agreste et 
plus hirsute. 

Le 9, aprûs une journée de marche forcée, nous attei- 
gnons le poste de Gomba. C'est M. Raymond qui l'occupe. 
M. Uzac, chef de poste de Brazzaville, qui rentre en France 
et a quitté sa résidence depuis trois jours seulement, nous 
apprend le désastre de la mission envoyée par M. de 
Brazza dans U haute Sangha. M. Fourneau, qui la diri- 
geait, a dû se replier sur les postes de l'Oubangui, après le 
massacre de l'un de ses compagnons, M. Thiriet. M. Blom, 



28 AUTOUR DU TCHAD 

un autre de ses collaborateurs, grièvement blessé, retarde 
la retraite. 

Nous nous expliquons maintenant la cause de l'agitation 
manifestée ce malin par nos porteurs, après que nous 
eûmes croisé une caravane venant de Brazzaville et avec 
laquelle nos hommes ont conversé pendant quelque temps. 

Ils connaissent l'événement et, comme les porteurs de la 
mission Fourneau étaient des Loangos, il y a bien des 
chances pour que les nôtres refusent de nous suivre. 

Le lendemain, le départ de Comba n'est marqué par 
aucun incident; nous faisons même une assez bonne étape, 
presque en bon ordre, car nous surveillons notre caravane. 
Nous installons notre campement auprès du chemin et 
contre un coteau verdoyant. Au petit matin, nous consta- 
tons la disparition de quelques-uns de nos porteurs. Pen- 
dant que nous avisons aux voies et moyens d'alléger notre 
caravane, afm de pouvoir atteindre au plus tôt Brazzaville, 
nous voyons arriver un jeune Européen accompagné d'un 
certain nombre de Loangos qui ne portent aucune charge. 

Nous faisons connaissance : notre compatriote se nomme 
M. Emile Briquez. Il est depuis peu agent de la colonie 
et se rend également à Brazzaville. Il nous prêtera ses 
hommes disponibles et nous ferons route ensemble. Le 
malheur est momentanément évité. 

Il ne fallait pas songer à atteindre nos déserteurs. ■ — 
Nous quittons le campement au point du jour. Nous avions 
causé toute la soirée avec Briquez et nous continuons 
notre entrelien à l'arrivée à l'étape. Au bout de peu de 
temps, il est facile de se convaincre que Briquez réunit 
toutes les conditions voulues pour collaborer utilement à 



DE PARIS A BRAZZAVILLE 29 

noire œuvre, C'esl un garçon énergique et froid, mais 
aussi très doux el très jusle dans ses rapports soil avec 
nos hommes, sotl avec les indigènes. 11 se montre très dis- 
posé à nous accompagner. Il est à souhaiter que ses chefs 
y consentent. 

Le 17, après avoir franchi le Djoué, nous cheminons 
pendant plusieurs kilomètres sur une voie qui rappelle 




assez volontiers une route carrossable. Encore quelques 
enjambées et nous allons apercevoir Brazzaville, Tout le 
monde se hâte, car ainsi, d'ailleurs, que le nom permet de 
le supposer, chacun s'attend à voir, sur la rive française du 
Pool, une cité importante où il sera possible de se procurer 
certains objets, de compléter un équipement un peu som- 
maire par suite d'un départ par trop précipité. 

Il n'en est pas ainsi : lorsque le dernier coude de lu 
route est franchi, alors qu'on aperçoit d'abord le mât de 
pavillon du poste, puis les quelques cases de l'Administra- 



30 AUTOUR DU TCHAD 

lion, on est obligé de se convaincre que la grande ville 
rêvée atteint à peine les proportions d'un modeste village 
de France. 

Qu'importe, d'ailleurs? la mauvaise impression est vite 
dissipée par l'accueil sympathique et des plus aimables 
qui nous est fait par M. À. Dolisie, administrateur principal 
de Brazzaville et dépendances, et par M. Paul Dolisie, son 
frère, chef de la station. 



il 



CHAPITRE II 



DE BRAZZAVILLE A BAIVGUI 



Séjour à Brazzaville. — Le Congo, Lirranga, l'Oubangui; anthropo- 
phages. — N'gombés, les forges, les Bondjios. — Mozzakka. — 
Bangui. 



Pendant plus d'un mois nous fûmes les hôtes de 
M. Dolisie. Les missions Dybowski et Maistre doivent lui 
être particulièrement reconnaissantes de Tempressement 
qu'il a apporté à faciliter leur mise en route et du con- 
cours dévoué qu'il n'a cessé de prêter à leur œuvre de loin 
comme de près. 

Bien qu'il soit tout jeune encore, M. Dolisie est un des 
plus anciens collaborateurs de Brazza. Il connaît les 
hommes et les choses du Congo et de Tintérieur. C'est un 
des premiers Français qui sont montés à Bangui, à l'époque 
où une expédition de ce genre était extrêmement péril- 
leuse. M. Dolisie a beaucoup vu, sainement vu et surtout 
beaucoup retenu. Chose assez rare, en notre égoïste fin de 
siècle, il n'est heureux que lorsqu'il peut faire profiter les 
« jeunes » de son expérience acquise au prix de rudes 
souffrances, de chavirages des plus dangereux, tant sur 



32 AUTOUR DU TCHAD 

rOgooué que sur le Congo, TOubangui et leurs affluents, 
et surtout de blessures des plus sérieuses dont il n'est pas 
encore entièrement remis. 

Nous eûmes par lui des renseignements précieux sur les 
régions du haut Oubangui. Enlin, c'est encore à son obli- 
geance que nous devons d'avoir eu les porteurs qui nous 
étaient nécessaires, alors que tous les nôtres s'étaient 
enfuis, comme on le verra plus loin. 

II ne faudrait pas juger de l'importance de Brazzaville 
par le petit nombre d'habitations qui existent sur ce point. 

Placé entre la tribu des « Balékés » et celle des 
« Balalis », indigènes très commerçants, sur les bords du 
« Stanley-Pool », immense lac formé par le Congo, ce poste 
est le port d'attache des nombreuses chaloupes à vapeur, 
appartenant aux maisons françaises et hollandaises, qui sil- 
lonnent le Congo, rOubangui, la Sanghaet leurs affluents, 
pour drainer Tivoire, le caoutchouc, la gomme, elc. 

Quoi qu'on en dise, l'importance de Brazzaville ne pourra 
que s'accroître. La création de nouveaux postes et de fac- 
toreries dans l'intérieur, loin de lui nuire, poussera acti- 
vement à son développement, aussi bien au point de vue 
commercial qu'administratif. 

De toutes façons les maisons de commerce seront obligées 
de conserver là des entrepôts et des ateliers et, en raison 
même de l'extension des territoires, Brazzaville, par sa 
situation, restera toujours un important centre adminis- 
tratif. 

Point terminus des routes de caravanes, très probable- 
ment avant longtemps d'une voie ferrée, ce poste est éga- 
lement le point initial de la navigation fluviale. 



DE BRAZZAVILLE A BANGUI 33 

Dans de semblables conditions, son avenir ne paraît 
pas le moins du monde inquiétant. 

Les « Balalis » et les « Batékés » des environs de 
Brazzaville font peu de culture, mais ce sont d'habiles 
traitants. De mœurs en apparence assez douces, ils ont 
la physionomie de placides commerçants. Ce sont cepen- 
dant de rudes et hardis voyageurs. De même que nos 
« Kabyles » d'Algérie, ils partent avec leurs pacotilles de 
provenance européenne, seuls ou par petits groupes, sou- 
vent à pied, d'autres fois en pirogues, et se répandent dans 
rintérieur. Ils restent de longs mois absents, circulant à 
travers des régions perdues, au milieu de populations 
féroces et guerrières. Ils reviennent souvent fort malmenés 
par celles-ci, mais toujours avec un sérieux stock d'ivoire, 
car c'est particulièrement ce produit qui est l'objet de leurs 
investigations. « Les arbres qui produisent la gomme et le 
caoutchouc, disent-ils, sont en abondance dans le pays, 
ils repoussent quand on les coupe, tandis que l'ivoire dis- 
paraîtra un jour de nos régions; il faudra aller le chercher 
trop loin : c'est pourquoi nous recherchons les bonnes 
occasions qui se font de plus en plus rares. » On ne s'en 
douterait pas à en juger d'après les énormes quantités 
exposées sur l'important marché de « M'pila », près de 
Brazzaville. 

C'est là que s'établissent « les cours »; les Batékés, il 
faut le reconnaître, savent « tenir leur prix ». Il est vrai 
qu'il est avec les évaluations en marchandises euro- 
péennes de sérieux accommodements. 

Celles qui ont cours varient suivant les besoins de 
chacun, le goût du jour et une foule de circonstances 

p. Brunache. 3 



34 AUTOUR DU TCHAD 

imprévues, qui font que tel article très recherché aujour- 
d'hui est démodé au bout de peu de temps, et impitoya- 
blement refusé, môme à tilre de cadeau. Il en est d'ailleurs 
de môme dans toutes les régions que nous avons par- 
courues. C'est ce qui fait que Ton ne peut conseiller au 
voyageur de prendre telle marchandise de préférence à 
telle autre. 

La monnaie la plus employée dans les transactions est 
la « barrette », appelée aussi « mitako ». Ce sont de petites 
barres (de là leur nom, sans doute) de laiton de 4 milli- 
mètres de diamètre et de 30 centimètres de longueur 
environ. Elles ont cours jusqu'à Lirranga concurremment 
avec les étoffes, le lil de « chang », sorte de ressort à bou- 
din en laiton, et certains ustensiles, notamment les bou- 
teilles, qui ont une grande valeur à Likouba. 

Pendant que M. Dybowski déploie une activité fébrile en 
vue d'organiser des réjouissances à offrir aux nègres des 
environs, à l'occasion du 14 juillet. Briquez ne perd pas 
son temps. Grâce à sa patience et aussi à sa fermeté, l'es- 
crime à la baïonnette et l'école de tirailleurs n'ont plus 
de secrets pour les Sénégalais d'escorte. Il faut reconnaître 
que nos malandrins de Dakar ne font pas trop mauvaise 
figure sous le « harnois » militaire, qui semblait, de prime 
abord, si peu fait pour eux. Il est vrai de dire que notre 
nouveau camarade Briquez ne plaint ni son temps, ni sa 
peine. Chalot herborise et les chasseurs noirs enrichissent 
tous les jours les collections. Pour mon compte, je suis 
complètement absorbé par la revision de nos charges, qu'il 
faut réduire de 600 à 30. C'est, à l'heure actuelle, le 
nombre de porteurs sur lequel nous pouvons compter. 



DE BRAZZAVILLE A BANGUl 35 

En effet, à la suite de Tarrivée de M. Pondère, qui venait 
de Bangui et nous apportait de mauvaises nouvelles de la 
mission Crampel, et surtout au retour de M. Fourneau, qui 
rentrait, blessé, de la Sangha, ayant perdu un Européen 
et bon nombre de Loangos, tous nos porteurs, boys com- 
pris, avaient déserté. Ils étaient passés en territoire belge 
et toutes les recherches en vue de les retrouver furent 
infructueuses. Nous nous trouvions dans une fâcheuse 
situation, car il ne fallait pas compter recruter de porteurs 
dans le pays et, s'il nous eût fallu aller en chercher à la 
côte de Krou, Tannée se serait passée en allées et venues 
inutiles. 

Par une heureuse coïncidence, M. Dolisie a libéré il y 
a quelque temps environ 50 hommes du haut Kassay, des- 
tinés à être vendus comme esclaves. Sur ce nombre, les 
plus fortunés ont gagné Saint-Paul de Loanda, d'autres 
ont pris du service dans les factoreries, les trente derniers, 
dénués de tout, se sont loués comme manœuvres à TAdmi- 
nistration. M. Dolisie veut bien nous les confier pour la 
durée de leur engagement, qui est de deux ans. Ces trente 
malheureux, aujourd'hui rentrés chez eux, ne se doutent 
pas qu'ils ont contribué pour une grosse part au succès 
des missions Dybowski et Maistre. 

Le 14 juillet, au moment où nous allions prendre notre 
repas. Monseigneur Augouard, évoque de Brazzaville, vient 
au poste et demande à s'entretenir avec M. l'Administra- 
teur. Il a, dit-il, une communication importante à lui faire. 
Peu de temps après, nous connaissions la triste vérité, que 
Nebout , désormais l'unique survivant de la mission 
Crampel, nous confirmait le lendemain, à son arrivée. 



36 AUTOUR DU TCHAD 

Hélas! il n'y avait plus à douter, Crampel, Biscarrat, Lau- 
zièrcs, Orsi, Saïd, tous ces hardis jeunes gens avaient 
succombé les uns sous le couteau des assassins, les autres 
minés par la maladie. Nebout lui-même ne devait son salut 
qu a un hasard providentiel. 

Par suite du manque de porteurs et de Timpossibilité 
matérielle de s'en procurer dans le pays, Crampel avait 
dû diviser ses forces. Nebout avait installé son camp- 
entrepôt chez le chef dakoa, Zouli, près de la rivière 
Zanvouza, tandis que Biscarrat en établissait un dans les 
environs du pic et du village de « Makorou », qui, à mon 
avis, n'est autre que le « Kaga-Kourou » de certaines 
cartes. 

De son côté, Crampel, avec cette foi et cette énergie 
dont il ne s'est jamais départi, s'était avancé vers le Nord, 
poussé par cette idée fixe qu'il allait bientôt trouver des 
musulmans, avec lesquels il pourrait entrer en relations et 
qui lui procureraient des botes de somme. Ce qui eût été 
le salut de la mission. Il avait avec lui Lauzières, Saïd, le 
targui Ischekkad Ag-Bali et quelques hommes d'es- 
corte. 

Le 21 mars, Nebout reçut des nouvelles du chef de la 
mission, il avait atteint non sans difficultés un point 
nommé « El-Kouti », situé à 500 kilomètres de la rive de 
rOubangui. Il lui annonce Tarrivée prochaine d'une équipe 
de porteurs sous la conduite de M. Lauzières, et lui donne 
quelques renseignements sur les populations au milieu 
desquelles il se trouve. 

Ce sont des noirs musulmans, groupés autour d'un chef 
qui paraît assez influent et reconnaît la suzeraineté du 



DE BRAZZAVILLE A BANGUl 37 

Ouaddaï. Il se nomme Snoussi et ses gens sont désignés 
par les fétichistes sous le nom de Snoussous *. 

Bien reçus dès le début, Crampel et ses compagnons 
eurent ensuite de sérieuses difficultés pour se procurer le 
peu de vivres nécessaire à leur alimentation. Lauzières part 
enfm, accompagné de quelques porteurs, mais, affaibli par 
le régime de privations que la petite troupe endurait depuis 
quelque temps, il meurt à son arrivée à « Makorou ». 
Après son départ, Ci-ampel n'avait plus auprès de lui que 
les deux Algériens et douze hommes porteurs ou Séné- 
galais. Par suite de désertions, il n'en comptait bientôt 
plus que la moitié. 

La disette se faisait de plus en plus sentir. Les rela- 
tions avec les musulmans étaient toujours en apparence 
excellentes, mais les porteurs et les bétes de somme pro- 
mises n'arrivaient pas. 

Nebout se rapprocha du campement de Biscarrat. Il 
était alors dans la tribu des N'gapoux, près du village du 
chef Yabanda, lorsqu'il reçut de son camarade une lettre 
alarmante; il avait fait diligence et envoyait chaque jour 
de petites caravanes chargées de matériel que Biscarrat 
faisait à grand'peine parvenir à Crampel. 

Nebout n'avait plus avec lui que huit Sénégalais, mais 
en présence de renseignements que lui donnaient les indi- 
gènes, il résolut de se porter auprès de Biscarrat, dont 
le campement était à quelques journées de marche. Les 



1. Ces deux appeUalions ont fait supposer, à tort selon nous, 
que les musulmans d'El-Kouti appartenaient à la secte importante 
des « Snoussias ». On a attribué le meurtre de Crampel à des raisons 
ou religieuses ou politiques, alors qu'il s'agissait, ainsi que nous le 
verrons plus loin, d'un assassinat suivi de vol. 



3S AL'TOUU DU TCHAD 

N'gapoux en effet lui disaient qu'ils avaient appris de 
source certaine le meurtre de Crampel et le chef Yabanda 
manifestait des inquiétudes sur le compte de Biscarrat. 

Il n'y avait pas à hésiter, la marche en avant fut décidée 
pour le lendemain. 

Ici je cède la parole à mon ami Nebout : 

« Le 24, à cinq heures, je quitte le village de Yabanda 
avec le reste du bagage. Nous avançons rapidement et, 
le 26, j'étais déjà près de Makorou, quand à 2 heures je 
vois venant à notre rencontre le bassa Thomas, cuisinier 
de M. Biscarrat. Il me raconte aussitôt que la veille, à 
huit heures du matin, les hommes de Snoussi avaient 
assassiné M. Biscarrat. Je l'interroge, et j'apprends les 
événements terribles que je me refusais de croire : la 
mission détruite, puis la mort de mon camarade. 

« Le 23, un jeune Loango, nommé Bouiti, domestique 
de M. Saïd, était venu se réfugier à Makorou. 11 venait 
d'El-Kouti et apprenait à M. Biscarrat l'assassinat de 
M. Crampel. 

« Peu après que notre chef, décidé à aller chez le 
sultan, eut écrit la lettre qui m'annonçait son départ, et 
l'eut confiée au targui Ischekkad, il fut appelé dans le 
village par Snoussi. 11 s'y rend, accompagne de Saïd. 
Frappés traîtreusement à coups de couteau, ils sont 
achevés à coups de fusil, puis dépouillés de leurs vête- 
ments. Les corps, entièrement ouverts, sont entraînés 
dans la brousse par les assassins et abandonnés là. Le 
domestique Bouiti est fait prisonnier. Ischekkad, courant 
au village au premier coup de feu, est saisi et enchaîné. 
Les Sénégalais Demba-Ba et Sadio veulent prendre leurs 



DE BRAZZAVILLE A BANGUl 39 

fusils, mais tombent frappés avant d'avoir pu en faire 
usage. Les porteurs sont enchaînés. Ali-Diaba s'empare 
de la lettre remise à Ischekkad. 

« Après plusieurs jours de captivité, Bouiti parvient à 
s'échapper et à gagner Makorou, où il apporte la nou- 
velle de ces crimes. Il prévient aussi M. Biscarrat qu'une 
nombreuse troupe de musulmans armés est cachée non 
loin de là. 

« M. Biscarrat cache Bouiti dans sa propre case et lui 
recommande de ne pas sortir, afin de n'être point aperçu 
des hommes de Snoussi. 

« Les Sénégalais, apprenant ces événements, viennent 
demander à leur chef de surprendre et d'attaquer ces 
bandits; mais M. Biscarrat leur répond que ce serait folie 
de vouloir avec dix hommes attaquer plusieurs centaines 
de guerriers armés de fusils et possédant des carabines 
prises au camp d'EI-Kouti. Il les force, au contraire, de 
ne pas paraître se tenir sur leurs gardes, afin de ne pas 
éveiller les soupçons des musulmans, dont le plan devait 
être d'attendre mon arrivée avec les dernières marchan- 
dises. 

« Dans la nuit du 24 au 25, Bouiti sort un instant. 
Il est aperçu des musulmans. Mon arrivée était immi- 
nente, aussi sans plus tarder ils précipitent les événe- 
ments. 

« Le 25 mai, vers huit heures du matin, ils s'approchent 
au nombre d'une vingtaine de la case de M. Biscarrat, 
tandis que le reste des hommes d' Ali-Diaba se dirige vers 
les Sénégalais. Avant que M. Biscarrat eût pu se mettre 
en défense, il tombait frappé d'un coup de couteau au 



40 AUTOUR DU TCHAD 

côté gauche par ua N'gapou, le seul qui ait pris part à 
cette affaire. Puis les musulmans, tirant aussitôt, criblent 
de coups le corps de notre camarade. En même temps, les 
Sénégalais sont entourés et leurs fusils accrochés dans les 
cases sont enlevés. Seul le clairon Sidi-Sliman, qui allait 
partir pour la chasse, avait son fusil près de lui; il se 
lève, en voyant tomber son chef, mais il est terrassé 
sans avoir pu faire feu. De tous côtés arrivent des 
bandes armées qui entourent le camp. Bouiti cherche à 
s'enfuir, mais il est tué aussitôt. André Loemba, boy de 
M. Biscarrat, peut se jeter dans la brousse, mais du côté 
opposé au chemin. 11 a disparu. Les Sénégalais ne sont 
pas enchaînés. Au contraire, les musulmans les traitent 
avec considération. « Bestez avec nous, leur disent-ils, 
« nous vous rendrons vos fusils et vous donnerons des 
« femmes ; nous ne voulons aucun mal aux noirs, mais nous 
« voulons tuer les blancs. Quand le dernier sera tué, nous 
« retournerons avec les marchandises, et vous serez libres 
« comme nous. » Thomas, sur la promesse de ne pas s'en- 
fuir, est laissé en liberté. Vers cinq heures du soir, i\ 
s'approche des Sénégalais et les exhorte à fuir avec lui. 
« Nous sommes des soldats, lui répondirent-ils, nous ne 
« partirons que si nous pouvons recouvrer nos fusils; nous 
« aurions honte de retourner désarmés. » Thomas se jette 
alors dans la brousse. En arrivant à une rivière qui coupe 
le chemin, à deux heures de Makobou, il aperçoit une 
troupe qu'Ali-Diaba avait envoyée pour surveiller la route 
du côté où j'étais attendu. Tous étaient déjà armés de 
carabines Gras et de fusils Kropatchek pris à El-Kouti et 
à Makorou. Thomas se cache, puis vers minuit, quand 



DE BKÂZZAVILLE A BANGUi 41 

ces gens furent rentrés à Makorou, il poursuit sa route et 
ne s'arrête que le lendemain, à notre vue. 

« Quand le Bassa eut fini de me conter cet épouvantable 
drame, je rassemblai mes huit Sénégalais et leur demandai 
s'ils voulaient me suivre à Makorou. « Mes amis sont 
« morts, leur dis-je, vos camarades sont prisonniers, voulez- 
« vous venir les venger, les délivrer ou partager leur sort? 
« Je pourrais vous forcer, mais un soldat se bat mal s'il ne 
« le fait pas de bon cœur. Je vous laisse libres de prendre 
« une résolution. Pour moi je serais heureux d'aller en 
« avant. » 

« Ils se concertent et, dix minutes après, me disent 
qu'ils sont trop peu nombreux et veulent retourner dans 
la rivière (l'Oubangui); que, cependant, si je Tcxige, ils 
me suivront et qu'alors ils sauront mourir. 

« En dehors des Sénégalais, la caravane se composait 
de cinquante-sept porteurs, dont trente-deux armés. Beau- 
coup suivent avec peine, blessés par une longue marche. 

« Le 28, nous sommes de retour au village de Yabanda, 
et le 4 juin sur les bords de l'Oubangui. 

« Les assassins restaient maîtres de tout le matériel et 
de tout l'armement de la mission. » 

Le récit de Thomas était trop net, trop précis, trop 
complet pour pouvoir être mis eu doule. D'ailleurs Nebout 
connaissait le Bassa échappé d'El-Kouti, il savait qu'il 
n'était ni poltron ni vantard et que l'on pouvait avoir plei- 
nement confiance en lui dans cette circonstance. Néanmoins, 
nous ne pouvions nous faire à cette idée que Crampel 
n'était plus. D'autre part, il nous restait encore l'espoir de 
pouvoir encore retrouver ses restes, des documents, des 



42 AUTOUR DU TCHAD 

indices qui nous auraient mis sur la trace de ses assas- 
sins. 

Nebout accepte de remonter avec nous si nous allons 
dans la direction d'El-Kouti. 

C'est évidemment notre devoir I Aussi sommes-nous 
quelque peu étonnés quand M. Dybowski nous annonce que 
les conditions sont changées, qu'il nous « délie » de nos 
« engagements » et qu'il nous est loisible de rentrer en 
France! Nous avions accepté du Comité de l'Afrique fran- 
çaise la mission de conduire des renforts à Crampel : ce 
n'était certainement pas au moment où notre devancier 
avait peut-être le plus impérieux besoin de ces renforts 
que nous allions abandonner l'œuvre. 

11 fut décidé que je partirais en avant avec quelques 
hommes d'escorte, les trente porteurs kassaïs et les mar- 
chandises que pourrait prendre la première canonnière en 
partance. 

M. Dolisie nous avait souvent parlé de plusieurs rivières 
affluents de rive droite de l'Oubangui, encore inexplorées, 
et qui pourraient peut-être, suivant la direction de leur 
cours et leur étal de navigabilité, simplifier sérieusement 
notre voyage, en nous permettant d'effectuer en pirogue 
une grande partie de la distance qui sépare l'Oubangui 
d'EI-Kouti. 

L'Administrateur de Brazzaville engageait vivement 
notre chef à visiter les rivières « M'poko », « Ombella » 
et « Kemo ». M. Dybowski ne pouvait encore quitter 
Brazzaville. Il comptait pouvoir se procurer de nouveaux 
porteurs et, en outre, donnait tous ses soins à un envoi de 
collections destinées au Muséum. 



DE BRAZZAVILLE A BANGUl 43 

Je reçus donc mission d'aller explorer les rivières 
« Ombella » et « Kemo », tandis que Nebout partirait un 
peu plus lard pour visiter la « M'poko ». 

Le 30 juillet, six jours après la réception de la nouvelle 
du massacre de la mission Crampel, je m'embarquais à 
bord de la canonnière Djoué, MM. Bobichon et de 
Brégeot, chefs de poste, devaient également faire route 
avec moi jusqu'à Bangui. Le Djoué emportait en outre 
150 charges, 21 Sénégalais d'escorte et 30 kassaïs. 

Quoi qu'on en puisse dire, le voyage de Brazzaville à 
Bangui, à bord d'une canonnière, n'a rien de désagréable. 
Certes on est loin d'avoir le confortable et l'on est quel- 
quefois heureux d'avoir le strict nécessaire, mais en somme 
on sait à quoi Ton s'expose en venant dans ces régions où, 
grûce à Dieu ! « l'Agence Cook » n'a pas encore pénétré 
et où les « sieeping-car » ne sont pas près de faire leur 
apparition. 

La première journée de navigation n'est peut-être pas 
la plus intéressante, mais c'est celle qui laisse l'impression 
la plus vive. On peut donc admirer à loisir! Plus de ces 
horribles racines qui font trébucher à chaque pas et vous 
obligent à négliger le paysage pour ne vous occuper que 
du chemin. Maintenant, mollement assis, vous regardez 
tout à votre aise le merveilleux panorama qui se déroule 
devant vous. Dans le canot en fer amarré bord à bord, le 
groupe des porteurs et des Sénégalais ne manque pas d'un 
certain pittoresque. L'embarcation est pleine à couler; de 
temps à autre, le remous fait embarquer d'immenses 
paquets, dont nos hommes ne se soucient pas plus que du 
soleil de plomb qui darde sur leurs têtes. 



44 AUTOUR DU TCHAD 

Empilés les uns sur les autres, ils vaquent quand même 
à quelques menus travaux. 

Un Sénégalais nettoie ses armes; son. voisin, sous pré- 
texte d'ajuster son pantalon d'uniforme, le rétrécit au point 
de le transformer en maillot dans lequel il ne peut péné- 
trer. Les porteurs se livrent du matin au soir à une chasse 
qui, pour n'être pas à courre, n'en est pas moins abon- 
dante. 

A cinq heures, on stoppe pour faire du bois : les four- 
neaux sont en effet disposés de façon à utiliser ce combus- 
tible, qui abonde sur les rives du fleuve. 

Le lendemain, à la pointe du jour, nous nous mettons en 
marche. A Tembouchure de la rivière « Kassay », nous 
avons la visite de missionnaires catholiques belges, installés 
là dans des conditions assez précaires. 

Nous sommes dans le pays des « Afourous » ; malheureu- 
sement nous ne pouvons guère les étudier. En effet, nous 
ne faisons halte dans les villages que juste le temps 
nécessaire pour nous procurer le manioc, les bananes et le 
poisson fumé, qui constituent la ration de nos hommes. 
Nos haltes du soir se font à hauteur des endroits les plus 
boisés, et ceux-ci se trouvent généralement à une certaine 
distance des villages. Bien qu'ils ne se livrent pas en grand 
à la culture, les Afourous, de même que les autres tribus, 
empiètent chaque jour sur la forêt autour des villages, pour 
installer leurs plantations et faire leur provision de bois 
de chauffage. Les Afourous sont surtout commerçants et 
pêcheurs. On les dit anthropophages et très redoutables. 
J'ai bien vu, entre Brazzaville et Lirranga, une demi- 
douzaine de crânes humains accrochés à l'arbre fétiche 



DE BHAZZAVILLE A BANGUI 



45 



OU h la porle d'un chef '. J'ai assisté aussi à quelques 
pjxcs entre nos hommes, rixes que, d'ailleurs, ni les uns 
ni les autres ne paraissaient vouloir faire tourner au tra- 
gique et qui, généralemcnl, se terminaient par de bruyants 
éclats de rire et un séjour fort prolongé autour d'une 
calebasse de » massanga '> 
ou vin de palme. 

Ce ne sont pas là des bases 
d'appréciation suffisantes et, 
dans le doute, je m'abs- 
tiens. 

Après quelques jours do 
navigation, on pénètre dans 
un véritable archipel, formé 
d'îles importantes, extrême- 
ment boisées et du plus heu- 
reux effet. 

Nous passons devant de 
nombreux villages fort cu- 
rieux et bien construits. Le 
long de la berge, toute la po- 
pidation est alignée pouradmirer le « koutchou-koutchou ■> 
(bateau à vapeur). Les hommes nous regardent en donnant 
des marques bruyantes d'élonnemenl,lcs femmes ne sont pas 
très rassurées et les enfants osent à peine risquer un œil 
en se serrant derrière leurs parenls. Un coup de sifflet de 
la chaudière et toute ta bande s'enfuiera à toutes jambes 




Ou«rriat sfonraD. 



46 AUTOUR DU TCHAD 

dans un tohu-bohu indescriptible. Il n'en est pas de même 
partout : à Tchoumbiri, à Bolobo, à Loukolela, à Likouba, 
dès que le sifflet de la machine a prévenu la population 
que le navire va s'arrêter, hommes, femmes, enfants se pré- 
cipitent dans les cases, dans les plantations et accourent 
en se bousculant, chargés d'énormes régimes de bananes, 
d'immenses corbeilles de manioc, des poules, des chèvres. 
C'est à qui prendra la meilleure place sur la berge à 
Tendroit où Ton présume que le navire va accoster. 
Quelques jeunes gens plus impatients que les autres 
détachent une pirogue, dans laquelle filles et garçons s'en- 
tassent pêle-môle, en criant et gesticulant. Une fillette de 
huit à dix ans laisse échapper un poulet qui est emporté 
par le courant, elle se penche un peu trop brusquement 
pour le saisir... la pirogue chavire et voilà tout notre 
monde à l'eau. Les colères sont calmées et c'est au milieu 
d'immenses éclats de rire que toute cette jeunesse repêche 
ses marchandises un peu avariées, puis soutenant d'une 
main, qui sa corbeille, qui ses poules, ou ses bananes, ils 
engagent une lutte de vitesse pour atteindre le bateau à 
la nage. Ils se cramponnent aux plats-bords, nous appel- 
lent, hurlent, crient, vocifèrent, c'est assourdissant. 

J'étais indigné de voir que personne ne se préoccupait 
de savoir ce qu'était devenue la petite fillette, mais baste! 
je fus vite convaincu qu'elle n'avait besoin du concours de 
personne pour se tirer d'affaire. En quelques brasses elle 
avait rejoint l'inconstant volatile et remontait le courant 
en se jouant, et sans se soucier des invectives que lui 
adressait de la rive une vieille mégère, sa mère sans 
doute. 



DE BRAZZAVILLE A BANGUI lî 

Les Afourous paraissent d'assez beaux hommes quand 
on les compare aux Balalis ou aux Balékés, mais ils soni 
massifs et lourds et ont une propension marquée à l'obé- 
sité. Ils ont les cheveux très longs el apportent un grand 
soin à leur coiffure, dont les modèles sont assez ïariés. 
Néanmoins, tous comportent deux grandes tresses près des 
tempes, rappelant les « cadencttes » des soldats de l'Em- 
pire, et plus généra- 
lement une tresse uni- 
que descendant sur le 
front jusqn'à hauteur 
du nez. Ils portent 
également sur les 
tempes et sur le front 
des tatouages qui sont 
loin d'adoucir la ru- 
desse de leur physio- 
nomie. 

Détail curieux, bon nombre de jeunes gens et d'hommes 
faits ont les seins aussi développés que ceux d'une jeune 
lllle adulte, ce qui donne souvent lieu û des quiproquos 
comiques. II est vrai de dire que les femmes atourous 
n'ont pas un physi(|ue plus agréable qne celui du sexe 
laid. II faut cependant faire une exception pour les femmes 
de Tchoumbiri, qui ont une allure moins masculine, des 
traits plus délicats ou plutôt moins heurtés que leurs com- 
patriotes. Elles portent au cou des colliers de laiton massif 
pesant 8 et 10 kilos. Leurs bras el leurs jambes sont 
couverts de bracelets de même métal, qui doivent bien 
représenter un poids égal à celui du collier. 




48 'AUTOUR DU TCHAD 

 (< Likoiiba », les indigènes se livrent dans une grande 
proportion à la culture du tabac. Ils ont une façon très 
ingénieuse de le préparer. Lorsqu'il est sec, ils pressent les 
feuilles les unes contre les autres, en font une sorte de 
grosse corde serrée à Taide de fines lianes, puis ils enrou- 
lent cette corde sur elle-même et la maintiennent à Taîde 
de deux bâtonnets piqués en croix dans le disque ainsi 
formé. Les domestiques noirs arrivent avec un peu d'habi- 
tude à couper ce tabac extrêmement fin, et l'on peut dire 
sans être taxé d'exagération qu'il remplace avantageuse- 
ment bien des tabacs d'Europe, y compris ceux de la 
Régie. 

Likouba est également un magnifique pays de chasse, 
les pintades abondent dans les plantations et les hippo- 
potames se civilisent de jour en jour. La canonnière 
Djoué, stoppée dans une petite anse, fut bientôt entourée 
par une troupe de ces animaux, qui prenaient leurs 
ébats à quelques mètres du bord... Que le lecteur se 
rassure, je n'ai pas la moindre aventure de chasse à 
raconter. J'ai peut-être manqué à tous mes devoirs de 
voyageur, mais pendant plus de deux ans passés 

Dans cette Afrique où l'homme est la souris du tigre, 

il ne m'a pas été donné d'affronter le plus petit lion, le 
plus modeste éléphant. C'est à l'obligeance des Pères de la 
mission de Lirranga que je dois d'avoir vu de près deux 
immenses serpents, dont l'un était, paraît-il, un trigonocé- 
phale. 

« Lirranga » est situé au confinent du Congo et de 
rOubangui. Le fleuve, qui pendant tout son cours a une 



DE BRAZZAVILLE A BA^GUl 49 

largeur variant entre 4 et? kilomètres, atteint, paraît-il, en 
cet endroit près de 24 kilomètres. Le poste est confié à 
M. Manas, qui fait exécuter de sérieux travaux d agricul- 
ture. Nous trouvons également à Lirranga, M. Greshoff, le 
sympathique directeur de la maison hollandaise, qui arrive 
des Slanley-Falls. M, Greshoff est un voyag^eur infatigable 
doublé d'un homme d'esprit, il nous fournit sur la région 
des renseignements fort intéressants. Il a rendu depuis de 
très grands services aux missions Dybwoski et Maistre. 

Nous allons rendre visite aux Pères de la mission catho- 
lique. Le P. Allaire nous fait les honneurs de Tinslallation 
avec la plus grande amabilité. 

Nous quittons Liranga de bon matin et par une pluie 
torrentielle, agrémentée d'éclairs et de coups de tonnerre 
comme je n'en ai jamais entendu depuis. 

Nous touchons à N'gantchou, près de l'ancien poste 
abandonné de N'Koundja. Les indigènes de celle région 
sont désignés par les Européens sous le nom de « Bou- 
banguis ». 

D'après certains, cette dénomination signifierait simple- 
ment « hommes de l'Oubangui » et s'appliquerait aux frac- 
tions de la tribu des Afourous installées sur les bords de 
la rivière. Ils ressemblent d'ailleurs à ces derniers. 

On rencontre ensuite une intéressante tribu, celle des 
« Baloïs » ; nous faisons d'assez longues stations dans trois 
de leurs villages : à « Youmba », à « N'gourou » et à 
« N'ghiri ». 

Les a Baloïs » sont plus sveltes que les « Afourous », 
avec lesquels ils n'ont d'ailleurs aucune affinité de race. Ils 
ont la physionomie moins désagréable, plus intelligente; 

p. Brl'machc. 4 



bO AUTOUR DU TCHAD 

r^nsemble rappellerait plutôt, mais d'assez loin, le type 
Balali. 

Ce sont des potiers habiles. Sans tour, avec leurs doigts 
et quelques petits butons en guise d'outils, ils fabriquant 
des ustensiles de ménage, des pipes, des objets d'ornemen- 
tation, d'une pâte très fine et de contows très purs. Cer- 
taines de ces pièces sont de véritables œuvres d'art, que ne 
renierait pas une fabrique européenne. Largile abonde 
dans toutes les régions que nous avons traversées. 

Les femmes sont moins bien que les hommes comme 
figure, mais eu revanche elles sont bien faites de corps et 
fort gracieuses d'allures. 

Elles portent un soupçon de vêlement du plus ravissant 
effet. C'est une sorte de jupe fort courte, composée d'une 
grande quantité de cordelettes ou, le plus généralement, 
de fibres végétales coupées carrément un peu au-dessus du 
genou. 

On leur conserve assez souvent leurs couleurs naturelles, 
mais beaucoup de ces jupes sont teintes en noir foncé ou en 
damiers dont les carreaux sont alternativement rouges et 
noirs. 

Môme lorsqu'elles transportent de lourds fardeaux, elles 
ont un dandinement de hanches des plus suggestifs, et le 
« ballon » qu'elles donnent ainsi à leur pagne les fait 
assez volontiers prendre pour des dames du corps de 
ballet en maillots noirs. 

Une station à Mozzakka, un des plus beaux postes de 
la colonie, que les besoins du service ont dû faire aban- 
donner, nous permet de nous ravitailler en fruits. 

Grûce aux plantations faites par M. Uzac, ancien chef de 



DE BRAZZAVILLE A BANGUl ôl 

ce posle, les bananes, les papales, les citrons, les ananas 
et même les oignons croissent en abondance. Nous en 
faisons une ample provision pour en apporter à Bangui, où 
ces fruits ne peuvent être cultivés, par suite du manque de 
terrain. 
Nous touchons ensuite à « Impembo ", village od noua 




voyons les premiers « Bondjios «. C'est à Mozzakka que 
Ton peut Tixer la limite sud de celte tribu ou plutôt de 
cette race, car jusqu'à Bclli, dans les rapides, toutes les 
populations paraissent avoir une origine commune et pré- 
sentent les mûmes caractères ethniques. 

Ce type est très caractéristique et saisit un peu le 
voyageur, parce qu'il n'y est préparé par aucune tran- 
sition. 

De Loango à Moszakka on rencontre nombre de races 



52 AUTOUR DU TCHAD 

bien marquées, variant à Tinfini, mais c'est insensiblement 
que Ton est amené à remarquer les traits saillants, le 
caractère spécial qui les différencie. 

Brusquement, sans préparation aucune, après avoir 
quitté une population à Taspecl presque grêle, on se 
trouve en présence de véritables colosses. Seuls, les 
« Saras », que nous vîmes plus tard, sont plus fortement 
charpentés. 

Ce qui est surtout remarquable chez les « Bondjios », 
c'est la musculature. Comme ils passent une bonne 
partie de leur existence dans leurs pirogues, à manœu- 
vrer des pagaies de dimensions considérables, leurs 
biceps atteignent, par suite, des proportions exagérées. 
A part ce léger défaut, les Bondjios constituent, à mon 
avis, un des plus beaux spécimens de la race nègre que 
nous ayons rencontré. 

Je ne parle, bien entendu, qu'au point de vue de la 
beaulé du corps. Ils ont tous, en effet, à quelques rares 
exceptions près, une face que je qualifierais presque de 
repoussante, si une grande bouche fendue jusqu'aux 
oreilles ne venait éclairer d'un bon sourire, un peu niais 
peut-être, ce visage ingrat mais non bestial, comme on a 
voulu l'insinuer. Comment pourrait-il en être autrement? 
Dès qu'un jeune Bondjio entre en adolescence, on s'em- 
presse de lui arracher les deux incisives supérieures, 
on lui épile soigneusement les cils et les sourcils, on lui 
rase la chevelure, ne lui laissant que quelques arabes- 
ques en cheveux d'un dessin très correct, qui fait honneur 
à l'opérateur, et qui produit un effet des plus inattendus. 
Brochant sur le tout, des tatouages formés de petites 



1>E BHAZZAVILLE A BANGUI 53 

excroissances de chair, sur le front et sur les tempes, et 
un prognathisme outré qui leur donne un prolil absolu- 
ment oblique : c'est plus qu'il n'en faut pour indisposer les 
voyageurs contre ces malheureux Bondjios, qui ne sont 
ni plus féroces ni plus anthropophages que les autres 
peuplades de l'Onbangui. Bon nombre de Bondjios ont 




aux deux mains cl aux deux pieds un sixième doigt placé 
près de l'auriculaire. Il est généralement mal formé, mais 
se détache des autres et porte un petit ongle. 

Plus heureux que certain de leurs historiographes, 
venu après moi dans l'Oubangui, mais rentré beaucoup 
plus tôt en Europe, j'ai effectué trois fois le voyage de 
Lirranga à Bangui et j'ai fait quatre séjours assez pro- 
longés au milieu de cette tribu. J'ai pu me convaincre 
que, si les Bondjios étaient moins insinuants que les 



54 AUTOUR DU TCHAD 

Loangos, ils étaient certes plus franchement hospitaliers 
et surtout beaucoup moins sauvages que ces nègres pré- 
tendus civilisés. 

Les femmes, bien qu'ayant la même coupe de visage 
que les hommes, ne produisent pas une impression désa- 
gréable. En feuilletant mes notes, je retrouve les lignes 
suivantes : 

« Croquée à la hâte sur un coin de carnet, pendant que 
le Djoué stoppe pour faire du bois, « Younga » réunit tous 
les caractères de la race pure. C'est une des nombreuses 
et charmantes fillettes qui viennent vendre du bois à bord, 
elle voudrait des « baïakas », petites perles blanches qui 
commencent à devenir la monnaie courante du pays. 
Nous écoulons nos derniers cauris, mais elle ne veut 
pas en entendre parler : n'a-l-elle pas aux jambes deux 
magnifiques bracelets de cuivre dans lesquels sont 
enchâssés une certaine quantité de ces coquillages? Non, 
la superbe collerette de cuivre qui lui sied si bien et dont 
le brillant tranche sur son teint d'un noir d'ébène, a cessé 
de lui plaire, il lui faut un collier de perles blanches! et 
pour obtenir ces baïakas tant désirées elle nous fait 
toutes sortes d'agaceries, de mignardises avec une grâce 
pudique qui n'est nullement affectée. Elle consent à se 
séparer de son pagne de dessus (car elles en portent 
deux), de ses nombreux ustensiles de toilette, de sa 
ceinture faite d'un grand nombre de cordelettes en lil 
d'aloès artistement travaillées, mais il lui faut des baïakas. 
Notre sergent sénégalais, Ouolof de Saint-Louis, beau 
gars qui joue assez volontiers les don Juan, la prend à 
l'écart et, lui parlant à l'oreille, lui offre une quantité res- 



DE BRAZZAVILLE A BANGLI 55 

pectable de baïakas. Il faut croire qu'il lui a demandé en 
échange le plus beau de tous ses ornements, car s'adres- 
sant à nous indignée elle déclare que le Sénégalais est un 
méchant homme, qu'elle n'est pas une esclave et toute 
rougissante (car les nègres rougissent), et par un geste de 
main qui serait canaille s'il n'était si naïvement et si 
vivement fait, elle nous déclare qu'elle est vierge el se 
relire majestueusement. » Elle n'est plus revenue pen- 
dant toute la durée de notre séjour. 

On me reprochera peut-être d'avoir donné une bien 
grande place à ce petit fait, en apparence insignifiant. Je 
l'ai choisi à dessein, entre mille du môme genre, dont 
j'ai été témoin pendant mon séjour en Afrique, non point 
parce qu'il me permet de glisser une anecdote pour 
rompre la monotonie de mon récit, mais parce qu'il me 
fournit l'occasion de donner un avis, basé sur des faits, sur 
une question d'ethnographie qui offre un certain intérêt. 
On prétend assez généralement que chez les noirs la 
prostitution est chose toute naturelle et que toutes les 
femmes nègres sont des courtisanes-nées. J'estime que 
c'est là sinon une erreur, du moins une forte exagération. 
Que le fait soit exact à la côte, je ne le nierai pas, mais si 
Ton voulait en rechercher la raison, la faute n'en incom- 
berait certainement pas aux indigènes. Ce n'est pas 
d'aujourd'hui que les traitants, les marins, les soldats 
visitent la côte d'Afrique! A coup sûr nous n'avons rien 
vu de semblable pendant toute la durée de notre voyage 
dans l'intérieur. 

Je ne me hâterai pas de conclure que dans l'Afrique 
équatoriale toutes les femmes sont des dragons de vertu. 



56 AUTOUR DU TCHAD 

mais il nous a élu donné de constater qu'elles ont l'ins- 
tinct de la famille poussé à un très haut degré, elles 
aiment leur foyer, sont pleines d'attentions pour leur 
mari, qui n'est point un maître, comme on s'est plu à le 
dire, mais un ami, un compagnon. En ce qui concerne les 
soins qu'elles donnent à leurs enfants, elles ne le cèdent 
en rien aux mères européennes. 

On a prétendu également qu'à la femme seule étaient 
dévolus les durs' labeurs, les rudes besognes. Il n'en est 
rien. En dehors des travaux du ménage, des soins de 
propreté à donner aux environs des cases, elles s'occupent, 
il est vrai, de la culture, mais encore faut-il voir dans 
quelles conditions. Autour des cases se trouvent quelques 
carrés de légumes, de tabac, de coton : aidées de leurs 
enfants mules, elles binent, sarclent, esherbent ces petits 
jardinets; mais, lorsque l'exploitation devient plus impor- 
tante, elles se bornent à surveiller le travail des esclaves. 
Le plus gros de la tâche, le défrichement, est toujours 
fait par des esclaves mules, aidés souvent par le pro- 
priétaire du champ. 

En somme, la besogne de la femme, libre ou esclave, est 
certes moins pénible que celle de bon nombre de nos 
paysannes ou de nos servantes de ferme d'Europe. 

Chez les Bondjios, par exemple, la jeune fille ne se 
livre à aucun travail avant complète adolescence, et, si le 
mariage un peu prématuré, une maternité précoce et trop 
souvent répétée, flétrissent la gorge et le visage des 
femmes bondjios, leurs corps conservent encore jusque 
dans un âge avancé la pureté première des lignes relati- 
vement fort belles chez cette population. Elles sont d'ail- 



DE BRAZZAVILLE A BANGUI 59 

leurs très coquettes et, jeunes ou vieilles, possèdent toutes 
des nécessaires de toilette fort compliqués qui indiquent 
le soin qu'elles prennent de leur personne. Ce sont des 
spatules de toutes formes et de toutes dimensions, des 
raclettes qui leur servent à se tailler les dents en pointe, 
lorsqu'elles ne s'arrachent pas les incisives, des pinces à 
épiler et des rasoirs en fer rendus aussi tranchants que 
de l'acier par le martelage. Ces dames s'épilent scrupu- 
leusement toutes les parties du corps, sans exception. 

Tous ces menus objets, qui sont d'un goût parfait, sont 
fabriqués par les « N'gombés », petite fraction de la tribu 
des « Bondjios », dont la réputation comme forgerons est 
établie dans tout l'Oubangui. 

Les roches ferrugineuses abondent dans toute l'Afrique, 
à fleur de sol. Le minerai est très riche et doit bien con- 
tenir 60 pour 100 de fer. Aussi tous les noirs savent ils 
plus ou moins travailler le métal, mais on rencontre de 
temps à autre des tribus ou des villages jouissant d'une 
réputation d'habileté plus grande. Au-dessous de Bangui, 
ce sont les N'gombés, au-dessus les Langouassis. 

Les N'gombés traitent le minerai par la méthode cata- 
lane, souvent môme le client apporte le fer tout prêt. Il 
offre à l'artiste (on peut bien lui donner ce nom) un cer- 
tain nombre de lingots de fer, selon l'importance du cou- 
teau, de la pioche, du fer de lance qu'il désire; puis notre 
vulcain se met à l'œuvre non sans avoir longuement débattu 
le prix de la façon, qui est représenté soit par des poules, 
une chèvre ou quelques morceaux de viande d'éléphant 
fumée. C'est souvent le client lui-même qui attise le feu 
ou fait manœuvrer le soufflet, composé de deux marmites 



60 AUTOUR DU TCHAD 

posées sur un bùli en bois; elles sont recouvertes de peaux 
de chèvre distendues, surmontées de deux bâtons que Ion 
remonte ou que l'on abaisse alternativement pour faire 
manœuvrer la soufiterie. 

Quelquefois le forgeron embarque dans sa pirogue son 

outillage primitif, sa famille el ses ustensiles de pùche, 

Vflwr aller de village en village exercer son 

Liiiluslrie, tandis que sa femme el ses 

enfants iront pécher le poisson qui, fumé, 

constituera lu nourriture de la famille 

pendant la mauvaise saison. Rien de 

pins euriiiux que la rencontre d'une de 

CL's pirogues tle foirerons ambulants qui 

s'en vont souvent forl 

loin de leur village. 

*" ^ ^ -'tL .-.^â?" Enfin, après quelques 

^-^ ^ -t-'^-^^" jours d'une navigation 

So-Mel d. rorg, d« «'goinbé., ''^^^"'^ ^^^^^ «l'f'C'lC P^r 

de violentes tornades qui 
soulèvent de véritables lames, nous atteignons Bangui le 
17 aoOt, ù huit heures du soir. 

M. Ponel,chef de zone, est seul au poste en ce moment; 
il nous a néanmoins fait construire de vastes hangars 
pour abriter les marchandises et des cases pour nous 
loger. Il estime, en effet, qu'en raison de la saison dus 
pluies qui commence à peine, il nous sera difficile de nous 
procurer des pirogues. Les Bondjios et les Bouzérous, au 
milieu desquels se trouve Bangui, ne consentiront jamais 
à dépasser les rapides de Belli; d'autre part, leurs piro- 
gues sont absolument insuffisantes pour transporter des 




DE BRAZZAVILLE A BANGUl 61 

marchandises et du personnel . Il envoie dès le lendemain 
deux tirailleurs sénégalais recruter des pirogues chez 
Bembé, chef d'un village banziri avec lequel il est en 
excellentes relations, mais il ne faut pas compter les avoir 
avant dix ou quinze jours. 

Ce retard fâcheux me permit de recueillir, auprès de 
M. Ponel, des renseignements précieux sur la région. 
Grâce à lui, je n'eus pas le temps de m'ennuyer au poste 
de Bangui. 

Le 25, la chaloupe à vapeur A lima arrivait à Bangui, 
avec Nebout et Briquez à son bord. 

Ce dernier était pour moi un excellent camarade, mais 
c'est à peine si j'avais pu entrevoir Nebout à Brazzaville. 
D'abord assez froid, il m'avait quelque peu effarouché. 
Il ne me fallut pas de longs jours de vie commune pour 
découvrir un cœur d'or sous cette enveloppe de glace. 
Nebout est le plus affable garœn du monde, mais il a 
deux immenses défauts, il est timide et modeste... mais je 
m'arrête : au moment où je transcris ces lignes, on m'an- 
nonce son retour en Europe, et j'aurais mauvaise grâce 
de choisir cette heure pour dire tout le bien que ses 
anciens compagnons et moi pensons de lui. 



CHAPITRE III 



LES BAIVZIRIS 



Création d'un poste chez les Ouaddas. — M. Nebout dans la >rpoko. 
M. Brunache dans TOmbella et la Kemo. — Les Togbos. 



Le 9 septembre, nous nous décidons à partir dans les 
cinq pirogues que les Sénégalais envoyés par M. Ponol 
ont eu toutes les peines du monde à nous procurer. Ce 
dernier fera partie du voyage. Briquez viendra nous 
rejoindre lorsqu'il me sera possible de lui envoyer des 
pirogues. Pour le moment, nous ne pouvons emmener 
que huit Sénégalais d'escorte et quatorze porteurs kassaïs, 
plus notre modeste pacotille. Nebout, de son côté, partira 
pour la rivière M poko, dès qu'il aura des pirogues. 

Nous couchons le soir dans un village accroché à une 
haute falaise d'un accès assez difficile. Le chef « Bogani » 
nous reçoit de la façon la plus aimable. 

En quittant ce village, le lendemain, nous apercevons 
des collines qui me paraissent très élevées après les 
régions plates et basses qui bordent le Congo et l'Ou- 
bangui. 



LES BANZIRIS 63 

Ce sont les collines qui enloureni le village de Bala, 
important marché de fer de la rive gauche. Au moment où 
nous arrivons à hauteur du village, nos pagayeurs enla- 
menl à pleine voix un chant d'une merveilleuse harmonie. 
Ils redoublent d'ardeur et la pirogue vole avec une rapidité 
vertigineuse. 

Les autres pirogues se mettent de la partie et une 
lutte de vitesse s'engage entre les embarcations composant 
le convoi. Ces sortes de courses ne sont généralement 
goûtées des Européens qu'au deuxième ou au troisième 
voyage. Lors du premier essai, on ne peut se défendre 
d'une certaine émotion (je ne fais aucune diflîculléà recon- 
naître que je l'ai éprouvée) à se sentir sur un aussi frêle 
esquif, que le moindre mouvement peut faire chavirer, par 
une profondeur de dix mètres et plus, et au milieu d'un 
courant des plus rapides. 

Je ne sais quel peut élrc l'aspect de la physionomie de 
celui qui a ressenti celle impression d'inquiétude passagère 
et qui l'avoue, mais en revanche je n'ai rien vu de plus 
comique que la tête du brave qui, pâle, la sueur au front, 
déclare d'un ton rogue qu'il n'a rien éprouvé. Lorsqu'on 
a fait plusieurs voyages en pirogue, cette scène, qui se 
renouvelle à chaque passage de rapide, procure une bien 
douce compensation aux fatigues du voyage. 

Ces petits incidents ne sufdraient certainement pas à 
faire oublier ces fatigues, car elles sont sérieuses, si 
l'heureux caractère de nos pagayeurs banziris ne venait 
faire une heureuse diversion, et tirer le voyageur de la 
torpeur qui ne larderait pas à l'envahir à la suite d'une 
semblable navigation. 



64 AUTOUR DU TCHAD 

Les Banziris sont loin de répondre au signalement du 
nègre classique, au nez épaté, aux lèvres épaisses... Des 
figures sympathiques, ouvertes, intelligentes, une gaîlé 
franche et de bon aloi qui ne les abandonne pas, même 
dans les circonstances les plus difficiles. Ils ont en outre 
le front haut, le nez presque aquilin, les lèvres minces, 
toujours disposées à ébaucher un fin sourire. Leurs yeux, 
grands et brillants, légèrement estompés d'une teinte de 
bistre, ont, chez les femmes surtout, une expression et une 
douceur infinies. Avec cela un corps d athlète, non pas 
imposant par la masse ou les énormes proportions, comme 
chez les Bondjios, mais admirable par la pureté du con- 
tour, l'harmonie générale des lignes. Dans une monogra- 
phie de cette peuplade, mon ami Clozcl a comparé les 
Banziris aux jeunes demi-dieux de la primitive Hellade. 
Il est certain qu'ils rappellent en tous points les plus beaux 
bronzes de la statuaire antique. 

Comme le reste des humains, les Banziris ne sont pas 
parfaits. Ces hardis marins, une fois à terre, ont une 
démarche qui rappelle assez celle du cavalier fatigue par 
une longue course. Dès qu'ils ont mis le pied sur leurs 
pirogues, ce ne sont plus les mêmes hommes, ils manœu- 
vrent en se jouant de lourdes perches de 6 mètres, sur 
lesquelles ils font effort pour faire avancer la pirogue et 
ménager ainsi les forces des pagayeurs : alors ils se 
redressent, leur torse se cambre dans un mouvement 
souple et ondoyant. Ils sont transfigurés. 

Mais, pendant la durée du voyage, nous n'avions sous 
les yeux que quelques types de celte magnifique race. 

Notre admiration ne connut plus de bornes lorsque nous 



LES BANZIRIS 65 

alteignîmes leur premier village de pêche, situé sur les 
bords de i'Oubangui, à 8 kilomètres à Test de TOmbella 
et à 3 kilomètres du village du chef de la tribu des 
« Ouaddas », M'paka. 

Hommes, femmes, enfants, vieillards, tous se précipi- 
taient pour faire fête aux nouveaux arrivants. Lorsque tout 
ce monde eut donné, par une pression de bras trois fois 
répétée, Taccolade, au (ils, au père, au mari, à Tami, ce 
fut au tour des « blancs ». On nous offre ensuite la meil- 
leure des cases, puis quand nous sommes confortablement 
installés sur des sièges en bois assez habilement sculptés 
par les indigènes, il se forme autour de nous un cercle 
de jeunes femmes et de jeunes filles qui gazouillent, se 
pressent curieusement et nous accablent de questions avec 
une discrétion charmante. De temps à autres, l'une d'elles, 
quand elle a satisfait sa curiosité, se relire en ayant soin 
toutefois de prendre congé de nous. 11 en est toujours 
ainsi : le visiteur ne se sépare jamais de son hôte sans y 
être autorisé. De môme les nombreuses fillettes qui 
venaient nous voir prendre nos repas ne manquaient 
jamais de s'enquérir si nous ne voyions aucun inconvénient 
à ce qu'elles restassent auprès de nous. Comme elles ne 
le cèdent en rien aux hommes au point de vue esthétique 
et qu'elles leur sont supérieures pour la beauté du visage, 
nous trouvions au contraire un grand charme à leur com- 
pagnie ; charme tout platonique d'ailleurs , car , bien 
qu'elles n'aient pour tout vêtement que leur pudeur, les 
femmes banziris sont d'une vertu farouche. Tout comme 
les Américaines de race, elles « flirtent » très volontiers, 
mais elles savent arrêter à temps l'imprudent dont les 

p. Brunachr. 5 



66 AUTOUR DU TCHAD 

propos sortiraient des limites permises; et cela sans affec- 
tation, sans fausse pruderie, en personnes habituées à être 
respectées. 

Chose curieuse, chez ce peuple de travailleurs, de 
marins habitués aux fatigues et aux durs labeurs, il 
paraîtrait tout naturel que Tenfant mâle fût l'objet de la 
prédilection du père, dont il sera plus tard Tauxiliaire pré- 
cieux dans les longues et pénibles expéditions de pêche. 

Il n'en est rien. C'est la jeune fille que le père, la mère 
et aussi les frères entourent de tous leurs soins, de toutes 
leurs attentions. Elle n'a d'autre souci que de se parer du 
malin au soir, de modifier sa coiffure tantôt composée de 
bandelettes de cheveux ornés de perles blanches, tantôt 
d'une simple natte entourant la tôte ainsi qu'un turban et 
retombant jusqu'à terre. 11 faut, hélas! reconnaître que la 
plupart de ces nattes sont fausses. Les détails du costume ne 
les absorbent pas énormément, par suite de sa simplicité. 
Une ficelle, une corde placée autour de la ceinture et trois 
coquillages blancs suspendus fort à propos pour souligner 
plutôt que pour dissimuler, voilà tout le vêlement d'une 
élégante Banziri. 

Une de leurs occupations favorites, c'est la confection 
d'un de ces édifices, souvent fort artistiques, toujours 
gracieux, qui constituent la coiffure d'un jeune Banzbri. Il 
faut souvent un mois pour parfaire la chevelure d'un frère, 
d'un parent ou môme d'un ami. Aussi n'essaierai-je pas 
de décrire les innombrables modèles en usage,, quelques 
croquis vaudront certainement la meilleure description. 

Une fois mariée, la condition de la femme n'est pas très 
sensiblement modifiée, à cela près qu'elle doit s'occuper 



LES BANZIRIS 



des travaux du ménage et est tenue à une plus grande 
riiscrve à l'égard des jeunes gens de la iribit. 

Le Banziri qui épouse une jeune lllle doit remcllre au 




père de celle-ci un certain nombre de « guindjas » (sorte 
de pioche en fer servant de monnaie dans la région). On 
offre alors des réjouissances publiques, au cours desquelles 
te père de la jeune épouse déclare à haute voix qu'il 



68 AUTOUR DU TCHAD 

donne sa fille en mariage au jeune homme dont il dit le 
nom. On immole poules ou chèvres, selon la condition des 
conjoints, puis on fait de très sérieuses libations, tandis 
que les jeunes gens chantent et dansent jusqu'au len- 
demain. 

La nouvelle mariée ne peut sortir de sa case pendant la 
durée de deux lunes. Ce sont les hommes qui pendant ce 
temps balaient le devant de la case. 

A la naissance d'un enfant, soit fille, soit garçon, les 
réjouissances et les cérémonies sont les mômes. Les parents 
construisent un petit autel en branchage sur lequel on 
immole une poule. Avec le sang de la victime on fait des 
onctions sur les épaules de Tenfanl, en prononçant des 
paroles qui peuvent se traduire ainsi : « Que ces onctions 
te préservent de la maladie et du malheur. » 

Les Banziris ne pratiquent ni la circoncision, ni l'exci- 
sion des Olles, bien que ces coutumes soient en usage dans 
les tribus environnantes . ils se moquent même assez 
volontiers des gens circoncis et les appellent des « hommes 
incomplets ». 

A la mort d'un Banziri, tous les hommes du village se 
réunissent en un banquet de funérailles, pour lequel on 
tue force chèvres et qui dure deux ou trois jours. S'il s'agit 
d'un chef, toutes ses femmes se rasent la tête en signe de 
deuil, on tue et on ensevelit avec lui deux esclaves, et 
généralement aussi celle de ses femmes jugée la plus 
méchante. Le mort est enseveli accroupi dans une fosse 
de forme ronde. 

Le prix du sang existe pour le meurtre; il se solde en 
perles ou par le don de deux esclaves. En cas de désac- 



LES BANZIRIS 69 

cord sur le prix, une sorte de vendelta s'établit entre les 
deux familles. 

L'esclave voleur est puni de mort; Thomme libre est 
vendu comme esclave à la troisième récidive. 

Les Banziris sonlaffables et prévenants, sans la moindre 
obséquiosité. Ce ne sont peut-être pas des guerriers, dans 
le véritable sens du mot, mais ils sont certainement plus 
braves, plus courageux, armés de leurs pagaies, que bien 
d'autres armés de lances et de fusils. 

Il faut voir le sang-froid, la présence d'esprit qu'ils 
déploient dans les rapides, souvent plus dangereux qu'une 
mêlée. Dans ces endroits où une hésitation pourrait être 
funeste, pas un muscle de leur visage ne tressaille, pas la 
moindre trace d'émotion, et, s'ils peuvent remarquer dans 
la physionomie du voyageur blanc une légère pointe d'in- 
quiétude, ils entonnent un chant, font mille grimaces et 
par leur gaîté communicative lui cachent le danger et lui 
font partager leur confiance. 

Faut-il le dire? les Banziris sont très friands de la 
viande de chien. Ils étranglent ou noient l'animal, puis le 
placent encore humide sur un feu très vif, sans autre 
préparation. 

Une demi-heure après, les chiens à l'engrais, qui, en 
attendant leur tour de broche, assistent au festin ne trou- 
veraient pas le plus petit os à ronger. Il est vrai de dire 
que les Banziris paient assez cher leur hideuse gourman- 
dise*. 11 est formellement interdit à la femme de manger 
du chien, mais la tradition veut, en outre, qu'après un sem- 
blable repas, le mari s'abstienne pendant une journée de 
toucher son épouse, serait-ce même du bout du doigt; il 



70 AUTOUR DU TCHAD 

faul, de plus, qu'il se soumetle à un baiu complet avant de 
pénétrer dans sa case. Le bain n a rien de bien effrayant 
pour des gens habitués à passer la moitié de leur existence 
dans Teau, mais la seconde partie de la pénitence me parais- 
sait une perspective bien désagréable pour ceux — et ils 
sont nombreux — qui consacrent le reste de leur temps à 
leurs devoirs... de famille. Notre guide, Manguendjo, était 
de ce nombre. Comme je lui faisais part de mes inquiétudes 
à son sujet : « Oh! me dit-il, en voyage loin de chez moi, 
je mange du chien, beaucoup de chien parce que c'est 
un morceau de choix. De retour au village, je suis rassasié 
et ne songe nullement à goûter à ce mets délicieux. De la 
sorte ma femme ne perd aucun de ses droits et j'ai la paix 
dans mon ménage. » Sans y mettre la moindre intention, 
Mauguendjo venait me confirmer ce que j'avais déjà con- 
staté : que les Banziris sont extrêmement épris de leurs 
femmes et réciproquement. 

Il fallut rompre cet entretien; Manguendjo, profitant 
d'une courte éclaircie, dut descendre à Bangui, avec quel- 
ques pirogues, pour prendre Briquez et les porteurs restés 
au poste. M. Ponel était allé recruter des pirogues et les 
Banziris du village, confinés chez eux par une pluie tor- 
rentielle, se serraient près de leur feu et ne me rendaient 
que quelques rares visites. La hutte mise à ma disposition 
par ces braves pêcheurs m'abritait mal, ma situation 
n'avait rien de riant. C'est alors que j'eus l'idée de faire 
construire une case. Quand on s'ennuie au pays noir', on 
fait construire des cases. Les Kassaïs chargés de cette 
tâche s'en acquittèrent si vite et si bien que je leur en fis 
édifier une seconde. Telle est l'origine de ce poste des 



LES BANZIRIS 71 

Ouaddas, auquel ou devait donner, dans la suite, une 
importance considérable. 

Ce n'est qu'au retour de mon voyage dans TOmbella 
que, en raison des avantages que ce point présentait pour 
nous, je laissai à mon camarade Briquez le soin d'y ins- 
taller un établissement permanent, tandis que je montais 
dans la Kemo. 

Le 22 septembre. Briquez arrive de Bangui, ainsi que 
les Sénégalais et les porteurs kassaïs qui n'ont pu venir 
avec le premier convoi. Nous nous trouvons avec un 
personnel de quatorze Sénégalais et trente-deux porteurs 
kassaïs. 

Le 24, nous avons pu réunir quatre pirogues. Les Ban- 
ziris, peu disposés à remonter l'Ombella, estiment d'autre 
part que la saison est mal choisie pour effectuer ces sortes 
de voyages. Us n'avaient pas tout à fait tort et nous en fîmes 
la dure expérience par la suite, mais nous n'avions pas de 
temps à perdre. Nous entassons tant bien que mal notre 
monde, nos colis et nous-mêmes dans les quatre malheu- 
reuses pirogues, malgré les cris poussés par les Banziris, 
qui ne veulent pas assumer la responsabilité d'un chavirage 
certain. Nous descendons doucement, au fil de l'eau, les huit 
kilomètres qui nous séparent du confluent de l'Ombella, 
puis nous pénétrons dans celle rivière. Nous rencontrons 
bientôt un village occupé par les Ouaddas. Des Banziris, 
venus là pour vendre du poisson, consentent à nous louer 
leur pirogue, mais ils ne veulent pas rester plus de cinq 
jours hors de chez eux. Nous soulageons nos pirogues; il 
était temps, car nous avions de l'eau par-dessus les chevilles 
et chaque faux mouvement faisait embarquer une quantité 



72 AUTOUR DU TCHAD 

double de celle que Ton « écopait ». Nous parlons avec une 
vitesse d'environ 4 kilomètres a Theure, mais bientôt notre 
allure se ralentit et nous prenons la vitesse moyenne, qui 
est de 3 kilomètres à Theure, par courant moyen. 

Vers le soir, nous atteignons le village du chef, Garou : 
c'est un jeune homme de vingt-huit ans environ, très calme 
et très digne, qui, détail curieux, porte une chéchia 
rouge, une tunique (gandourah) brodée, et de larges 
pantalons à la mauresque. Ces vêtements sont en « ïur- 
kedis », minces bandes d'étoffes de coton fabriquées dans 
TÂdamaoua, le Sokoto, le Bornou et le Baghirmi. 11 ne fait 
d'ailleurs pas la moindre difficulté à reconnaître qu'il a 
acheté ces vêtements aux « Tourgous » (musulmans), 
moyennant des pointes d'ivoire. Les vêtements sont un 
peu vieux et le ïourgou a certainement dû faire une excel- 
lente acquisation. Mais Garou est si heureux de se draper 
dans ses guenilles et dans cette majesté, qu'il a dû 
emprunter, par la même occasion, aux musulmans avec 
lesquels il est en relations suivies!... 

Nous repartons le lendemain matin, mais la pluie, le 
vent et la vitesse du courant retardent considérablement 
notre marche. Nous naviguons cependant jusque vers trois 
heures de l'après-midi. A ce moment, les Banziris, si 
dociles d'habitude, nous déclarent que c'est folie de vou- 
loir pousser plus loin. Nous stoppons et nous installons 
notre campement près d'un village abandonné. 

La troisième journée de voyage est également fort 
pénible, nous arrivons assez tard auprès d'un emplacement 
assez bien situé. L'orage augmentant de minute en minute, 
nous faisons halte et déchargeons immédiatement les 



LES BANZIRIS 73 

pirogues. Il était temps, car, aussitôt le dernier colis enlevé, 
elles coulaient à pic, roulées par la lame. 

LesBanziris ont vite fait de repêcher une pirogue coulée 
au fond de la rivière, et, le lendemain, nous pûmes nous 
convaincre que cette opération n'était pour eux qu'un jeu 
d'enfant : deux équipes, après avoir remis pendant la nuit 
leur embarcation à flot, avaient pris la fuite. 

Nous avons à ce moment la visite de Garou et de plu- 
sieurs chefs de ses amis. Ils nous conseillent vivement de 
ne pas pousser plus loin : les Tourgous étaient dans l'Om- 
bella il y a fort peu de temps; de plus nous allons rencon- 
trer, avant qu'il soit longtemps, des rapides et une vaste 
région déserte : ils ont d'ailleurs une assez grande quan- 
tité d'ivoire à nous céder. Ce n'est pas notre programme. 
Nous décidons de laisser ici les porteurs inutiles, puisque 
nous voyageons en pirogues. Pour tromper l'ennui de l'at- 
tente, ils construiront une case. Quelques Sénégalais restent 
également pour protéger les porteurs. Nous leur donnons 
aussi des marchandises pour se procurer des vivres. 

Nous partons, toujours avec le mauvais temps, et la 
navigation devient extrêmement difficile. Les Banziris font 
contre mauvaise fortune bon cœur, et nagent vigoureu- 
sement, sous la pluie qui les fouette avec une violence 
inouïe. Nous franchissons avec peine plusieurs petits 
rapides, les villages disparaissent peu à peu. Bientôt la 
rivière circule au milieu d'une forêt de borassus, récem- 
ment incendiée. Garou n'a pas menti, nous sommes bien 
dans une région déserte. Je veux cependant tenter un 
dernier effort, et, sur nos instances, les Banziris consentent 
encore à remonter pendant la journée du lendemain. 



74 AUTOUR DU TCHAD 

Ce fut de beaucoup la plus pénible. L'orage avait cessé, 
mais la rivière était hérissée de roches contre lesquelles 
le courant se brisait avec fracas, les berges étaient embar- 
rassées de lianes et de racines comme il n*en existe pas 
dans les plus mauvais parages de l'Oubangui. Néan- 
moins, de six heures du malin à trois heures de l'après- 
midi, les Banziris n'abandonnèrent pas la lutte. Mais il 
fallut à ce moment renoncer à aller plus loin : devant 
nous se dressait un seuil de roches absolument infran- 
chissables. 

On stoppe et le camp est installé. 

Pendant que nous discutons la possibilité de tenter une 
ri'connaissance par terre, les Sénégalais viennent me pré- 
venir qu'ils ont complètement épuisé leurs provisions et 
qu'ils n'ont absolument rien pour préparer leur repas du 
soir. Je vais passer l'inspection dans les pirogues pour 
voir si les Banziris n'auraient point quelques denrées, 
poissons fumés ou manioc, à nous céder, mais eux-mêmes 
sont partis à la pèche, à la recherche d'un repas problé- 
matique. Il nous reste quelques rares biscuits de troupe; 
sur l'avis de mes compagnons, on en fait une distribution 
de un par deux hommes. 

Il faut hâter le retour, car nos ressources personnelles 
sont considérablement diminuées et ne nous permettront 
pas d'atteindre les premiers villages. Heureusement que, 
la vitesse du courant aidant, nous faisons au retour de 
rudes journées d'étapes. Nous retrouvons nos Kassaïs avec 
des mines réjouies. Us ne se plaignent pas de leur villégia- 
ture dans rOmbella, et c'est pour eux un gros crève-cœur 
d'apprendre qu'ils vont quitter cet endroit charmant pour 



LES BANZIRIS 75 

regagner, par terre, le poste des Ouaddas, sous la conduite 
de M. Ponei. 

Briquez et moi retournons aux Ouaddas en pirogue. 
A notre arrivée, nous recevons un accueil des plus chaleu- 
reux de tous nos amis banziris, qui nous savaient avec 
peine à proximité des Tourgous. 

Le vieux chef MTaka, lui-même, vient nous féliciter. 
Ce chef incontesté de la tribu des Ouaddas est bien la 
preuve vivante que le singe est un homme perfectionné. 
11 existe sur les territoires qu'il est censé administrer une 
variété de Colobcs ou de Cynocéphales, ce sont peut-être 
bien des gorilles, je ne sais pas au juste, qui ont certaine- 
ment plus que lui ligure humaine. C'est, au demeurant, 
lorsqu'il est à jeun, le meilleur (ils du monde. 

M'Paka est enchanté de nous voir installés chez lui, 
je le crois sans peine, car ses maigres poulets et ses 
chèvres étiques lui rapportent des quantités considérables 
de perles baïakas. Il ne se sent plus de joie lorsque je lui 
apprends que Briquez va s'installer à demeure avec nos 
hommes, et qu'il trouvera auprès de notre ami Técoule- 
ment des produits de ses cultures. 

Il offre même à celui-ci une ou deux compagnes choisies 
parmi les plus jolies de ses esclaves, mais il voudrait bien 
un fusil ou simplement un revolver en échange. 

Les Banziris, de leur côté, ne sont pas fâchés de nous 
avoir entre eux et les Ouaddas, car ces derniers sont 
d'une honnêteté douteuse et les rançonnent assez volon- 
tiers. 

Les Ouaddas sont du reste d'enragés pillards : il ne se 
passe pas de jour sans que M'Paka vienne nous proposer 



76 AUTOUR DU TCHAD 

d'aller opérer une razzia sur telle ou telle peuplade 
voisine. Outre que ce serait une singulière façon d'entrer 
en relations avec des peuplades qui n'ont pas vu de 
blancs, il nous faudrait aller bien loin, car à en juger 
par ce que nous avons vu dans TOmbella le vieux chef, à 
la tête de ses hordes, a tout brûlé, tout détruit autour de 
son territoire. 

C'est môme cette dévastation qui a causé notre disette 
dans rOmbella et nous a empêchés de pousser une recon- 
naissance par terre. 11 est vrai que, la rivière s^infléchis- 
sant vers l'ouest, n'était pas la voie que nous cherchions. 
La Kemo, au contraire, au dire des indigènes, était plus 
facilement navigable et son cours suivait une direc- 
tion générale nord-est-sud. Je résolus de remonter la 
Kemo. 

Par suite du peu de pirogues dont je disposais, je dus 
laisser la majeure partie de l'escorte et tous les Kassaïs 
aux Ouaddas. Briquez restait également aux Ouaddas; 
nous avions en effet décidé tous deux, sous notre res- 
ponsabilité personnelle, d'établir en cet endroit une ins- 
tallation qui, par sa situation avantageuse, faciliterait 
plus tard notre mise en route et nous évitait pour le 
moment des pertes de temps considérables. 

Le guide Manguendjo me procure trois pirogues, mais 
les équipes qui les montent paraissent peu disposées à 
aller dans la Kemo. L'appât des « crissis », c'est ainsi qu'ils 
appellent les perles, les décide cependant. M. Ponel est 
du voyage. Nous n'emmenons avec nous que cinq Sénéga- 
lais d'escorte. Les eaux sont hautes et le courant, très 
violent dans cette partie de TOubangui, se fait encore plus 



LES BANZIRIS 



1 1 



forlement sentir lorsque nous pénétrons dans la Kemo. 
La rivière, à son confluent, mesurait à celte époque de 
i^année un peu plus de 100 mètres de large, sa largeur 
moyenne est de 50 mètres : à Tépoque des crues, elle 
serait assez facilement navigable pour les petits vapeurs 
de la colonie. Les rives sont très pittoresques : nous ren- 
controns de temps à autre un village de pèche banziri, 
abandonné en celte saison. Des ponts de lianes suspendus 
hardiment au-dessus de la rivière relient les chemins qui 
paraissent très fréquentés. Malheurensemenl le mauvais 
temps cl le courant relardent considérablement noire 
marche. Les Banziris sont exténués, ils ont dû doubler le 
nombre des percheurs d'avant; à chaque instant, les 
pagayeurs doivent quitter leurs places pour s'accrocher 
aux lianes, haler la pirogue à Taide de branches et aider 
ainsi aux percheurs à vaincre le courant. 

Nous naviguions entre les territoires des Ouaddas, 
situés sur la rive droite, et celui de la tribu des Lan- 
gouassis, sur la rive gauche. 

Bien qu'ils soient pour le moment en relations suivies 
avec les Langouassis, les Ouaddas, qui n*ont jamais la 
conscience nette, se méfient de cette importante peuplade 
qui pourrait leur infliger de sérieuses représailles : aussi 
ont-ils groupé leurs villages assez loin, à Touest des rives 
de la Kemo. 

Les agglomérations de Langouassis sont assez nom- 
breuses le long de la rivière, mais elles sont dissimulées 
dans des fourrés; de plus la pluie et la tempête empêchent 
les habitants de sortir. Nous ne voyons que quelques 
rares curieux. 



78 AUTOUR DU TCHAD 

Nous atteignons un petit groupe de cases où nous rece- 
vons le meilleur accueil. Comme nos Banzîris sont extrê- 
mement fatigués, nous décidons de séjourner le lendemain 
en cet endroit. La nouvelle se répand aussitôt et les 
« Langouassis » des villages voisins accourent en foule 
nous vendre leurs denrées et leur ivoire. C'est le marché 
improvisé le plus important que j'aie vu pendant toute la 
durée de mon séjour en Afrique. Toutes les variétés de 
coiffures et d'ornements langouassis défilent devant nous. 

Nous avions déjà remarqué chez les Ouaddas des femmes 
dont la lèvre inférieure était ornée, si le mot peut s'appli- 
quer dans cette circonstance, d'un petit morceau de 
chaume ou d'un mince cylindre de quartz. Ici les propor- 
tions de ces appendices sont considérables, 8 à 10 centi- 
mètres de longueur et 8 millimètres de diamètre. Cer- 
taines élégantes en placent jusqu'à trois et par suite la 
lèvre pend d'une façon hideuse et lamentable. Pour com- 
pléter ces travaux de défense, la lèvre supérieure supporle 
quelquefois sept ou huit petits morceaux de chaume longs 
de 1 centimètre et demi qui constituent une véritable 
palissade, bien inutile d'ailleurs, puisque, dans toutes ces 
régions, le baiser est inconnu, même de la nourrice. 

Le plus souvent, c'est un unique morceau de bois mesu- 
rant 2 centimètres 1/2 de diamètre qui vient fournir une 
base sérieuse au nez, d'ailleurs peu proéminent et, par 
suite, nullement disposé à s'écrouler. 

Dans les narines, deux brins de chaume se dressent 
fièrement, ainsi que des antennes; malheureusement le 
papillon qui les supporte est un affreux papillon de 
nuit. 



LES BANZIRIS 79 

Enfin, te lobe de l'oreille est absolument déformé par 
l'introduction d'un épi de maïs de grosse dimension, qui 
lient lieu de boucle d'oreille. 

C'est dès son enfance que la femme « langouassis » est 
mutilée de la sorte et, malgré leurs assurances que ces 
opérations n'entraînent aucune souffrance, la mode ne sera 
pas de sitôt adoptée en Europe. 




Les hommes, de même que les « Banziris », ont peu 
ou point de tatouages, en revanche ils se mutilent presque 
aillant que les femmes. Certains ont, comme elles, le tra- 
ditionnel « baguérc » (cylindre de quartz), mais ils porlenl 
dans la lèvre supérieure un morceau de métal blanc 
nommé « tongou », tordu en forme d'U, qui produit un 
effet singulier; ils placent en outre horizontalement, dans 
un trou qui perfore la cloison médiane du nez, un mor- 
ceau de bois un peu plus gros qu'un crayon. 

Malgré leur front fuyant et légèrement bombé au 



80 AUTOUR DU TCHAD 

sommet, l'ensemble de leur physionomie, grâce à leurs 
yeux assez beaux, ne serait peut-être pas absolument 
désagréable; mais les mutilations du bas du visage ont 
amené, par atavisme sans doute, un prognathisme fort 
sensible et qui n'est peut-ôlre pas originel. 

Les Langouassis sont grands et sveltes; leur torse, 
bien proportionné, repose, malheureusement, sur deux 
jambes grêles, d'une longueur démesurée. 

La coiffure la plus usitée représente assez exactement 
un bonnet de coton noir dont la pointe serait recourbée 
en arrière. Il existe presque autant d'autres modèles que 
chez les Banziris, mais, ici, les perles enchevêtrées sont 
remplacées par des cauris et les formes sont d'un goût 
douteux. 

Les (( Langouassis » sont lins et rusés; même dans une 
conversation des mohis animées, ils élèvent la voix d'une 
façon désagréable et semblent toujours disposésàse battre, 
bien qu'ils soient, paraît-il, d'une bravoure contestable. 
Leurs voisins les considèrent comme des gens de mauvaise 
foi et nous avons pu nous convaincre par nous-mêmes 
qu'ils étaient foncièrement voleurs. De toutes les tribus 
rencontrées au cours de nos voyages, c'est celle des « Lan- 
gouassis » qui a la plus mauvaise réputalion auprès de 
ceux qui les connaissent. 

Quoi qu'il en soit, nous n'eûmes pas à nous plaindre 
d'eux, lors de notre premier voyage. Nous fûmes au con- 
traire fort bien accueillis. Le soleil s'élant mis de la partie, 
nous eûmes même toutes les peines du monde à nous 
séparer de nos nouveaux amis. D'ailleurs, profitant de 
Téclaircie, ils s'étaient mis en route en même temps 



LES BÂNZIRIS 81 

que nous, et nous attendaient à tous les coudes de la 
rivière, à toutes nos escales, pour nous offrir soit de 
l'ivoire, soit du fer et une grande quantité de vivres, 
contre remboursement, bien entendu. 

Mais peu à peu leur troupe diminue et bientôt le der- 
nier « Langouassis » nous fait ses adieux. On m'explique 
que nous atteignons la limite du territoire des « Togbos » 
et que les « Langouassis » ne pourront venir en troupe, 
chez leurs voisins, qu'après que nous aurons pris contact 
avec ceux-ci. 

Ils sont d'ailleurs invisibles et je regrette de ne pas 
avoir connu ce détail plus tôt, j'aurais pris un ou deux 
Langouassis avec nous : ils auraient pu faciliter notre entrée 
en relations avec les Togbos, que nos Banziris ne con- 
naissent que par ouï-dire. Ils paraissent même éprouver 
une certaine inquiétude. 

Le passage d'un rapide fort dangereux vient augmenter 
nos ennuis et, lorsque, après une heure d'efforts, nous 
parvenons à le franchir, nous apercevons un pont en lianes 
sur lequel se trouvent une dizaine de guerriers armés de 
leurs couteaux et de leurs lances. Détail inquiétant, ils 
ont leurs boucliers : c'est généralement une marque de 
défiance. Les Banziris pagayent silencieusemnnt et nous 
passons sous le pont à 50 centimètres à peine des pieds 
des guerriers. Ils nous regardent, sans curiosité, pendant 
un moment, puis s'esquivent au pas de course sur les deux 
rives. Nous passons sans nous arrêter auprès d'un empla- 
cement qui parait très fréquenté ; les Banziris supposent 
que c'est un marché, mais, comme nous rencontrons au 
bout d'un instant un rapide plus difficile que le précédent, 

p. Brumache. 6 



82 AUTOUR DU TCHAD 

nous rebroussons chemin et nous nous décidons à camper 
en cet endroit. 

Au moment où nous allions débarquer, un grand jeune 
homme, présentant à peu de chose près les traits d'un Lan- 
gouassis, recule, assez désagréablement surpris, à noire 
vue. On le serait à moins. C'est un « Togbo ». Il n'avait 
jamais vu de « blancs » et ne soupçonnait nullement notre 
présence lorsque, sortant d'un taillis où il était allé tendre 
des collets, il se trouva brusquement à quatre pas de nous. 

11 hésite un moment, puis entre en conversation avec 
notre guide Manguendjo. Il nous tend la main et nous 
salue; il part ensuite dans la direction d*un village qui, 
paraît-il, se trouve à proximité. 

Nous débarquons notre pacotille, notre petit matériel, 
et les Sénégalais commencent à installer notre campe* 
ment. L'endroit où nous nous trouvons n'est pas des mieux 
situés. C'est un petit retrait de la berge dépourvu d'arbres 
et dominé par une haute falaise, mais Teau a envahi les 
rives sur tous les autres points environnants : il ne faut 
pas compter trouver un autre campement. D'ailleurs les 
pirogues sont à proximité et à la moindre alerte pourraient 
nous servir de refuge. 

Notre jeune Togbo arrive bientôt, suivi d'une longue 
théorie de guerriers armés et munis de leurs boucliers, 
mais ils ne descendent point dans le camp et se tiennent 
debout, immobiles et silencieux, sur le haut de la falaise. 
Nous les invitons à venir auprès de nous, ils restent 
impassibles. Décidément je préfère les cris discordants des 
Langouassis à ce silence quelque peu inquiétant. Enfin 
une légère houle se produit dans la foule grossissante, 



LES UANZIRIS 83 

elle s'écarte el un bomme d'environ quaranic ans, assez 
bien fait, portant une barbe relativement fournie, s'avance 
d'un pas (jui a l'intention d'être raide et compassé, mais 
qui en toute autre circonstance nous paraîtrait quelque 
peu titubant. Il nous adresse un discours très véhément, 
puis fait mine de se retirer. Manguendjo nous déclare 




qu'il n'a rien compris au discours de l'orateur, parce que 
celui-ci est parfaitement ivre et parle difCcilemen t. — 
Nous ne nous en !^e^ions jamais doulé. — Mais il s'élance 
en quelques bonds sur la petite éminence et arrive enlin 
à décider deux ou trois guerriers à venir dans le camp. 
Enfin, au bout d'un certain temps, on décide, gr&ce à 
une généreuse distribution de perles, quelques personnages 
influents à aller chercher le chef. Il se nomme « Crouma « 
et jouit d'une grande autorité dans sa Iribu. 



8i AUTOUR DU TCHAD 

Il arrive enfin. Sa physionomie contraste absolument 
avec celle de tous les ïogbos — et ils sont nombreux — 
qui nous entourent, nous pressent de toutes parts. Ceux- 
ci doivent certainement appartenir au même groupe 
ethnique que les « Langouassis ». Comme les ornements 
en métal ou en quartz sont plus rares chez les Togbos, 
leur visage est moins désagréable que celui de ces derniers, 
mais ils ont avec eux beaucoup de points de ressem- 
blance. — « Crouma » ne peut être assimilé à aucun des 
types déjà vus. Il a deux grands yeux francs et rieurç, des 
lèvres épaisses et souriantes, le nez épaté, de bonnes 
grosses joues pleines. Une chevelure grisonnante et frisée 
et un soupçon de barbe au menton. Il réalise Tidéal du 
nègre casseur de pierre en Algérie: comme eux d'ailleurs, 
il ne parait pas être l'ennemi d'une douce ivresse. De 
même que le personnage qui nous a gratifié d'une harangue, 
Crouma s'évertue à conserver une démarche grave et 
digne. Il y parvient, mais ce n'est pas sans peine, et 
c'est avec un véritable soupir de satisfaction qu'il s'affale 
sur la caisse qu'un Sénégalais lui offre en guise de siège. 

Manguendjo lui fait un petit discours pour lui expliquer 
les motifs de notre visite. Cet aimable Banziri commence 
à être pénétré de ses fonctions d'introducteur des ambassa- 
deurs et s'en acquitte à merveille. Partout il nous a fait 
avoir le meilleur accueil et jamais, lorsqu'il nous a servi 
d'intermédiaire, nous n'avons eu la moindre difficulté, le 
moindre ennui. 

Crouma ne veut pas êlre en reste d'éloquence, et dans 
une réplique où les R s'entre-croisent et roulent avec une 
rapidité à rendre rêveur un ténor né sur les bords de la 



LES BANZIRIS 85 

Garonne, il nous explique que nous sommes les bienvenus, 
que nous pouvons dès maintenant choisir un emplacement, 
construire des cases, commercer sur son territoire sans 
être le moins du monde inquiétés. Je lui fais dire que 
nous sommes simplement venus pour nous assurer de ses 
bonnes dispositions et lui apporter quelques cadeaux pour 
lui faire connaître nos produits; que nous allons repartir, 
mais que bientôt un plus grand nombre de « blancs » 
viendront avec une quantité considérable de marchandises 
faire du commerce avec les « Togbos ». 

Il préfère cette solution parce que, dit-il, ce laps de 
temps lui permettra de reconstituer son stock d'ivoire, 
épuisé par suite d'affaires importantes traitées récemment 
avec les « Tourgous ». Il nous fournit des renseignements 
sur ces derniers, avec lesquels il fait depuis longtemps de 
grosses transactions. Il n*a qu'à se louer de ses rapports 
avec eux. Ils paient bien et ne pillent pas. Us ont quelques 
fusils à deux coups, mais le plus grand nombre est armé 
de lances et de couteaux bien souvent achetés dans le 
pays. Les autres détails donnés par Crouma démontrent, 
ainsi que nous avons pu nous en convaincre depuis, que 
ces « Tourgous » sont des traitants musulmans. Nous 
échangeons les cadeaux d'usage, puis Crouma se dispose 
à se retirer, très satisfait de notre générosité, mais un 
« Banziri » prend le chef à part et lui parle un moment à 
l'oreille. Le brave chef revient vers nous, toujours sou- 
riant, et, par une mimique expressive, nous fait com- 
prendre qu'il désirerait faire « l'échange du sang ». On 
remplace l'énorme coutelas qu'il sortait déjà de sa gaine, 
pour procéder à l'opération, par une modeste lan- 



86 AUTOUR DU TCHAD 

cette, et, en un tour de main, nous voilà « cousins de 
monarque ». 

Cet honneur a molivé un supplément de cadeaux de 
notre part, évidemment. 

J'ai la malencontreuse idée d'entrer un moment après 
dans ma tente; le Sénégalais, qui range mes effets, me 
lance à brûle-pourpoint cette question insidieuse dans son 
langage (c petit nègre » : 

« Monsieur, s'il vous plaît, pourquoi les « blancs » 
aiment-ils tant faire camarades de sang avec les noirs? 

— Ce ne sont pas les blancs qui ont importé cette cou- 
tume, c'est Tusage du pays et nous nous y soumettons, 
voilà tout! 

— Comment *... mais c'est Boubakar (le sergent séné- 
galais) qui vient de dire au Banziri de dire au chef que tu 
es toujours content de faire « camarade de sang » avec les 
chefs noirs et qu'alors tu donnes de beaux cadeaux, et 
Crouma a promis de donner un peu du cadeau au Banziri, 
et lui, en donnera aussi un peu à Boubakar...! Chez les 
Bondjios, il a fait la môme chose. Partout...! » 

Je demeurai bouche close, et je renonçai, à l'avenir, à 
faire l'échange du sang. Des voyageurs dignes de foi affir- 
ment, cependant, que cet usage existe réellement dans 
certaines régions du Congo français. 

Nos marchandises touchaient à leur fin et j'avais 
dépassé le délai que m'avait fixé M. Dybowski pour effec- 
tuer les reconnaissances de l'Ombella et de la Kemo; il 

i. Ce mot est employé à tous propos par les Sénégalais. Il pré- 
cède toutes les phrases interrogalives et sert a témoigner aussi bien 
la joie que Tindignation et Tétonnement. C'est aussi un terme de 
vif reproche. 



LES BANZIRIS 87 

fallut nous séparer de « Crouma » et de ses excellents 
administrés. Du reste, notre tâche était remplie. La Kemo 
n'était plus navigable au delà du point où nous nous étions 
arrêtés. Sa direction générale était bien à peu de chose 
près Nord-Sud, c'est-à-dire que c'était la voie la plus pra- 
tique de pénétration vers le Nord. 

Enlin, nous avions établi les bases d'un traité avec le 
chef d'une population paisible et jusque-là inconnue, qui 
faciliterait plus tard nos relations avec les tribus plus éloi- 
gnées. Eu dernier lieu, nous avions choisi l'emplacement 
d'un poste qui constituerait une base sérieuse d'opération 
pour une expédition à venir. 

Ce sont là des résultats bien modestes, évidemment, 
mais on ne m'en avait même pas demandé autant. 

Loin de moi, d'ailleurs, la pensée de vouloir donner à 
ces deux petites promenades l'importance même d'une 
demi-exploration. Visitant, le premier, quelques coins de 
ces régions encore .inconnues, je raconte ce que j'ai vu. 
Et si je le raconte un peu longuement, c'est que les 
modèles qui posaient, sans le vouloir, devant moi, pré- 
sentaient un réel intérêt. 

Ce que je tiens à faire constater, par exemple, c'est 
qu'il n'a pas été tiré un seul coup de fusil pendant tout le 
cours de mon récit. 

J'avais donc raison de me défendre tout à l'heure d'avoir 
voulu faire une exploration, puisque je n'avais pas pris 
soin, dès le début, « d'ouvrir la route » à coups de fusil. 

En somme, à notre arrivée aux Ouaddas, nous étions au 
grand complet et en parfaite santé. 

Briquez avait installé en cet endroit un véritable poste. 



fc>8 AUTOUR DU TCHAD 

Logements pour les Européens, casernements, magasins, 
hangars, cuisine. C'était superbe. 

Il fut convenu que Briquez resterait aux Ouaddas avec 
le personnel, afin d'éviter des voyages inutiles et simpli- 
fier le départ, pendant que je descendrais à Bangui rendre 
compte de ma mission. 

Le 15 octobre, je trouvai M. Dybowski, arrivé au poste 
de Bangui depuis environ huit jours. Je retrouvai égale- 
ment mon ami Nebout, qui avait rencontré dans la rivière 
M'poko encore plus d'obstacles que moi dans TOmbella. 

Parti de Bangui le 18 septembre, dans une seule 
pirogue, qu'il a eu d'ailleurs beaucoup de peine à se pro- 
curer, Nebout emmène avec lui dix hommes. Sénégalais 
ou porteurs. Avec sa petite pacotille et son modeste maté- 
riel de campement, il est fort à l'étroit dans sa pirogue. 
Le premier jour, l'accueil est relativement satisfaisant dans 
les nombreux villages qu'il rencontre. Mais le courant est 
des plus violents et c'est à peine s*il peut franchir 12 à 
15 kilomètres par jour. 

Le 24 septembre, la navigation devient plus facile, 
l'étape sera probablement meilleure, mais vers les deux 
heures de l'après-midi, un rapide des plus dangereux 
barre la route. Jusqu'à cinq heures du soir, Nebout, une 
pagaie à la main, encourage ses hommes et lutte contre le 
courant, mais ses hommes et lui-même, vaincus par la 
fatigue, doivent renoncer à franchir le rapide. Le 25, il se 
trouvait dans l'obligation de regagner l'Oubangui. 

Les villages rencontrés par Nebout dans le M'poko 
appartiennent à la tribu des Bouzerous, qui entoure le 
poste de Bangui. 



CHAPITRE IV 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 



Bembé, les Dakoas, les N'gapoux, les Musulmans. — Retour 

à Bangui. 



Le 25 novembre, M. Dybowski, Nebout et moi quittons 
Bangui à destination des Ouaddas. Nous avons cette fois 
un nombre suffisant de pirogues, choisies avec soin par 
nos amis banziris; aussi sommes-nous à Taise et le voyage 
nous paralt-ii des plus agréables. 

Notre chef ne peut s'empêcher de manifester son éton- 
nement en apercevant le poste que Briquez et moi avions 
créé aux Ouaddas. Là, où il ne comptait trouver que quel- 
ques huttes grossièrement construites à la hâte, s'élè- 
vent des constructions qui ne dépareraient pas un poste de 
la Colonie. 

Nous restons trois jours aux Ouaddas, pour faire nos 
provisions. A l'avenir, la farine de manioc, les ignames, 
les bananes vont jouer un grand rôle dans notre alimenta- 
tion ; aussi devons-nous donner tous nos soins à ces pre- 
mières acquisitions. 



90 AUTOUR DU TCHAD 

Le 31, nous quittons les Ouaddas. Le convoi se com- 
pose de 5 Européens, de 38 hommes d'escorte, dont 6 ont 
fait partie de la mission Crampel, de 33 porteurs kassaïs et 
de 18 Pahouins provenant de la mission Fourneau. Tout 
notre personnel de porteurs était dû à Tobligeance de 
M. Dolisie. 

Notre voyage paraissait devoir s'effectuer sans incident, 
mais, la veille de notre arrivée au village de Dioukoua 
Moussoua, nous sommes assaillis par une violente tor- 
nade. Vers quatre heures, le ciel se couvre, un vent vio- 
lent soulève les flots de TOubangui et nous éloigne de la 
rive ; les Banziris font des efforts surhumains pour gagner 
la berge. Nos compagnons parviennent à atterrir, mais la 
pirogue de Briquez et la mienne, envahies par les lames, 
coulent à pic au moment même où nous allions accoster. 
Nous perdons quelques instruments et surtout des carnets 
de notes personnelles, mais nous devons nous estimer 
heureux, car le mal aurait pu être plus grand : en effet 
aucun des cinq Européens, sauf Nebout, ne sait nager. 

On repêche nos malles, nos caisses, nos armes, que 
l'on a grand'peine à faire sécher, car il pleut à torrents. 

Le lendemain, nous atteignons le village de Dioukoua 
Moussoua, habité par le chef banzîri, Bembé. 

C'est un vieil ami de Nebout et il accueille notre 
camarade avec de vives et sincères marques de sym- 
pathie. 

Nebout nous conduit à remplacement où était autrefois 
situé le camp de Crampel. Nos hommes, aidés de tous les 
habitants du village, arrachent les herbes et dressent les 
tentes pendant que nous allons visiter le village. Tout le 



A LA RECHEKCHE DE CHAHfEL 01 

monde reconnaît « Nebout » et lui fait fôle. Prolitant du 
départ de Bembé, qui est allé en partie de pêche, Nebout, 
qui parait en excellenls termes avec toute la haute société 
féminine de l'endroit, organise une sauterie intime, qui, 
bien qu'exécutée par de toutes jeunes tilles, ne saurait, à 
aucun point de vue, être comparée à un << bal blanc » 




On remarque surtout une sorte de quadrille dont les 
ligures sont assez gracieuses. De temps à autre, les deux 
femmes qui se font vis-à-vis s'avancent en faisant tinter 
les grelots de leurs bracelets, puis choquent leurs ventres 
l'un contre l'autre en produisant un claquement sonore. 

Nous restons quatre jours chez Bembé, qui voudrait 
bien nous retenir : il nous aime beaucoup et ne déteste 
pas les produits d'Europe, notamment les « crissis », perles 
blanches. Mais il faut songer au départ. 



92 AUTOUR DU TCHAD 

L'ordre de marche est ainsi arrêté : 

Nebout à Tavant-garde, avec 12 hommes ; un groupe de 
porteurs; MM. Dybowski, Bobichon et moi au centre, avec 
22 hommes; un second groupe de porteurs protégés par 
Briquez et rarrière-garde. 

Nous n'emportions que le strict nécessaire, car nous ne 
disposions que d'une faible quantité de porteurs; néan- 
moins sur les conseils de Nebout, qui connaissait bien 
les régions que nous allions parcourir, rassortiment 
composant notre pacotille était très judicieusement choisi. 

Le 8 novembre, à sept heures du matin, nous levons le 
camp par un temps incertain. Nous laissons à la garde de 
Bembé deux porteurs kassaïs atteints de variole. De son 
côté, le chef banziri nous donne un de ses esclaves pour 
guide. A quelques kilomètres du village, il nous faut tra- 
verser un marais large et profond. On enfonce dans la 
vase ; il est impossible à la caravane de marcher en ordre. 
Nous nous engageons dans un sentier qui pénètre dans 
de hautes herbes, mais nous devons bientôt nous arrêter 
pour soigner M. Dybowski, en proie à un violent accès de 
lièvre. Il se repose une heure pendant que nous prenons 
notre repas, puis nous nous remettons en route. 

L'arrière-garde s'est égarée à un carrefour et, malgré 
les conseils de Nebout, M. Dybowski fait tirer quelques 
coups de feu pour lui donner la direction. Peu de temps 
après. Briquez arrive avec tout son monde et nous attei- 
gnons un village habité par les « Langouassis ». 

Les coups de feu de tout à l'heure ont dû leur donner 
de l'inquiétude : toutes les cases sont vides; c'est regret- 
table, car, maintenant, il faut s'en rapporter au hasard 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 93 

pour choisir, parmi les nombreux chemins qui se croisent, 
celui que nous devons suivre. 

Après de nombreux tâtonnements, nous arrivons, à la 
tombée de la nuit, dans un petit groupe de cases égale- 
ment abandonnées. 

Nebout et le Banziri que nous a donné Bembé poussent 
des appels qui restent sans écho. Nous nous mettons en 
devoir d'installer le camp : alors seulement un Langouassi 
sort craintivement d un taillis, s'approche et parlemente. 
D'autres arrivent, et peu à peu le village se repeuple. Au 
milieu de la nuit, il fallut imposer silence à nos hommes 
qui fraternisaient avec les indigènes autour d'une immense 
jarre de bière de mil. 

J'achetai dans ce village, pour nos collections, une fort 
jolie pipe et sa pince à braise, absolument semblable aux 
pinces employées par les caouadjis (cafetiers) algériens. 
La pipe se compose d'une noix du palmier de borassus 
percée d'un trou par où se fait l'aspiration. Sur la partie 
plate est pratiqué un autre trou plus grand, dans lequel 
s'emmanche un morceau de bois creux protégé à Tinté- 
rieur par de minces plaques de fer : c'est le fourneau. Il 
est orné extérieurement de petits festons en fer ou cuivre 
incrusté et d'anneaux également en métal. Quelquefois le 
fourneau est entièrement en fer, mais la pipe est moins 
élégante. 

Le 10 novembre, nous installons notre campement au 
bord d'une rivière encaissée et profonde. Biscarrat a dû, 
en cet endroit, livrer un combat assez sérieux. A peine 
arrivé, M. Dybowski est obligé de s aliter, il est pris de 
vomissements, son sommeil est agité, il a le délire et pen- 



94 AUTOUR DU TCHAD 

(lant toute la nuit, il faut rester à son chevet. Le lende- 
main, son état ne s'est pas amélioré, il nous est impossible 
(le reprendre notre route. Nous faisons séjour. 

Nos hommes construisent une passerelle et nous nous 
mettons en marche le lendemain. A cinq heures du soir, 
nous atteignons le village de « Madoungo ». Ici encore 
Nebout a laissé d'excellents souvenirs; le chef ne s'occupe 
que de lui et le comble de prévenances. Nous nous ins- 
tallons tous deux auprès d'une caisse de perles pour pro- 
céder aux achats de vivres, mais les Langouassis ne con- 
naissent que mon camarade. Ils le harcèlent, le tirent par 
la manche, l'appelant même par son nom qu'ils estro- 
pient un peu : Nabrou! Nabrou! Je renonce à seconder 
mon ami dans son ennuyeuse besogne et je me con- 
tente d'admirer les élégantes sagaies des Langouassis, 
leurs couteaux de formes variées et d'un travail soigné. 
Beaucoup de ces armes paraissent neuves, j'en demande 
la raison et j'apprends que les Langouassis sont d'aussi 
habiles forgerons que les N'gombés. Chaque fois qu'ils se 
rendent au marché d'une tribu voisine, ils vendent fort 
cher une ou deux pièces de leur armement; de retour 
chez eux, ils s'empressent de forger un couteau ou une 
lance pour remplacer l'objet vendu, de sorte qu'ils ont 
toujours des armes neuves. Elles sont d'ailleurs fort 
bien entretenues, soigneusement fourbies et enduites 
d'huile. 

Le 14, nous atteignons le village du chef Balao. Le 
camp est encombré de chèvres et de poules, qui nous ont 
été offertes en présent par le chef et ses parents. Je suis 
surpris de celte générosité, mais mon étonnement cesse, 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 95 

lorsque j'apprends que Nebout a séjourné un mois en 
cet endroit. 

En quittant Balao, nous prenons des sentiers peu battus 
et nous traversons une série de cours d'eau profonds et 
pénibles à traverser. Nous nous engageons ensuite dans 
d'inextricables marais, dont la profondeur augmente à 
chaque pas. Le chemin est marqué par l'absence d'herbe, 
mais à droite et à gauche de l'humide sentier, dans lequel 
on enfonce jusqu\i la ceinture, on remarque de hautes 
touffes de joncs. Chaque tige est surmontée d'un nid d'où sort 
une petite tête rouge avec deux yeux vifs. Tout autour de 
nous voltige, sans paraître le moins du monde effarouchée, 
une nuée de petits oiseaux d'un rouge écarlate qui égaient 
un peu ce tableau passablement monotone. Nous arrivons 
près d'un village et nous apercevons un groupe sur la 
place ; ce sont de grands gestes et de grandes clameurs. 

Que se passe-l-il? C'est tout simplement Nebout que l'on 
acclame. Les « Dakoas », car nous sommes sur leur terri- 
toire depuis ce matin, n'en peuvent croire leurs yeux. 
« Nabrou est revenu, Nabrou n'est pas mort »; son nom 
est dans toutes les bouches. Notre ami se dérobe à cetle 
ovation. Si chaleureuse qu'elle soit, il trouve qu'elle ne 
suffit pas pour sécher nos vêtements et réchauffer nos 
membres engourdis. Il dit un mot aux indigènes, et immé- 
diatement tous apportent d'énormes fagots , des bûches 
immenses et allument un grand feu qui est bientôt entouré 
par toute la caravane. 

Le chef se nomme Zouli. On est allé le prévenir de 
notre arrivée ; il demeure dans un village peu éloigné de 
celui où nous nous trouvons. Bientôt nous voyons appa- 



i 



96 AUTOUR DU TCHAD 

raîtrc un homme, jeune encore, sémillant et frétillant ; il 
s'avance vers nous d'un air très digne et tombe bientôt 
dans les bras de Nebout. C'est Zouli! Rien ne saurait 
peindre sa joie! Il ne peut tenir en place, il se trémousse, 
rit, frappe les mains et nous explique avec force gestes 
que Nebout est resté près de son village pendant plus de 
deux lunes, et qu'il y a laissé d'excellents souvenirs. Il 
nous parle aussi de la fin malheureuse de Grampel et de 
Biscarrat et expose, avec beaucoup de netteté et de clair- 
voyance, son avis sur les causes qui ont amené cet événe- 
ment. Zouli est très intelligent et très dévoué; il rendrait 
certainement de réels services aux Européens qui vien- 
draient s'installer dans la région. Zouli est peut-être un 
peu obséquieux, mais avec une câlinerie d'enfant qui lui 
fait pardonner ce vilain défaut. Il est intéressé; mais, s'il 
est avide de tous nos produits européens, ce n'est pas 
tant à cause de cet instinct de possession inné chez le 
nègre, aussi bien que chez les autres races, c'est surtout 
parce qu'il se rend compte de leur utilité pratique. 

C'est ainsi qu'il préférera de beaucoup un vêtement 
confectionné, des ustensiles, des outils aux perles et aux 
miroirs. La scie et la lime, dont on lui montre l'usage, 
le transportent d'admiration. Malheureusement tous ses 
administrés ne partagent pas ses sentiments. Dans sa 
famille même, nous en avons un exemple frappant. Son 
frère Goubanda préfère de beaucoup les perles et les 
cauris, qui lui permettent d'acheter de grandes quantités 
de « pipi », bière de mil, sa récolte personnelle ne lui 
suffisant pas pour ses libations quotidiennes. 

Nous transportons notre campement sur l'emplacement 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 97 

autrefois occupé par Nebout, sur les bords de la charmante 
rivière Zanvouza. Comme son nom, ses rives ont beaucoup 
d'analogie avec cette délicieuse Voulzie chantée par Hégé- 
sippe Moreau. 

Nous allons souvent avec Nebout nous asseoir sur une 
roche, dans un bouquet de verdure, au bord de la Zan- 
vouza. Zouli vient nous rejoindre, et tandis que mon ami 
et moi causons de nos projets d'avenir, le chef parait vou- 
loir nous faire une confidence. Il se lève, regarde de tous 
côtés pour s'assurer que nous sommes bien seuls, puis il 
sort religieusement de son sac de cuir un paquet formé 
de feuilles de bananiers et ficelé avec une liane. Les enve- 
loppes se succèdent, enfin un chiffon rouge est déplié avec 
précaution et Zouli en extrait un papier plié, portant des 
caractères d'imprimerie. « Voilà, nous dit-il, ce que ma 
donné le commandant (Crampel); c'est un fétiche, n'est-ce 
pas? » Nous déplions la feuille, pensant qu'elle sert à pro- 
léger un traité en bonne et due forme. Mais non, c'est 
simplement une page de périodique illustré français sur 
laquelle s'étale un magnifique « dessin-réclame » de 
Chéret. « Oui, ajoute Zouli, mon frère Goubanda et moi 
étions allés faire visite au commandant. En nous congé- 
diant, il nous donna à tous deux un présent d'égale valeur. 
Je lui fis remarquer qu'étant chef, il était juste que ma 
part fût plus forte. Le commandant, qui était préoccupé et 
n'avait point de perles sous la main, prit cette feuille qui 
entourait un objet précieux et me la donna. C'est un fétiche, 
n'est-ce pas? puisqu'il représente une femme de chez vous, 
qui sourit : voici sa chevelure, ses yeux, sa bouche, ses 
mains. » 

p. Brunache. 7 




98 AUTOUR DU TCHAD 

« Hélas! mon pauvre Zouli, ce n'est pas un fétiche, mais 
c'est un précieux souvenir, car celui qui te Ta donné n'est 
plus. 11 a versé son sang pour son pays, il s'est sacrifié 
pour une cause noble et belle. Puissent ses successeurs 
être i la hauteur de leur tâche! » 

Zouli n'a pas saisi toutes ces pensées, que nous échan- 
geons dans un seul regard, Nebout et moi. Mais il a vu 
notre émotion et renferme précieusement dans son sac 
« son fétiche », qui ne le quittera plus. 

Pendant ce temps, l'animation la plus grande règne dans 
le camp, les transactions sont très actives. Ceux des indi- 
gènes qui ne possèdent rien à apporter sur le marché, 
cherchent néanmoins à se rendre utiles. Nos Sénégalais 
usent et abusent de leurs services. Les pièces d'un fusil 
sont réparties entre plusieurs désœuvrés, qui procèdent 
avec le plus grand soin à une séance « d'astiquage » dont 
r « adjudant » le plus méticuleux se montrerait ample- 
ment satisfait. 

Les Dakoas sont de mœurs très douces. Bien que leur 
type rappelle un peu les formes sveltes des « Langou- 
assis », ils possèdent Theureux caractère et bon nombre 
de qualités des « Banziris ». Ils sont évidemment moins 
affinés que ceux-ci, mais, comme ils ne leur cèdent en 
rien au point de vue de l'intelligence, une installation 
d'Européens dans cette région trouverait auprès d'eux de 
précieux auxiliaires. 

Les armes des Dakoas sont assez semblables à celles 
des Langouassis. L'arc cependant commence à jouir d'une 
faveur plus grande que la lance. Nous remarquons un 
modèle de couteau de jet que mes compagnons, sauf 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 09 

Nebout, ne connaissaient pas encore et que j'avais déjà 
vu dans la Kemo, chez les « Togbos ». 

Les Dakoas, qui paraissent à première vue plus turbu- 
lents que braves, sont, paraît-il, très redoutés de leurs 
voisins, et Zouli, le sémillant Zouli, repousse rudement 
les rares incursions risquées sur son territoire. 

Les Dakoas sont essentiellement mélomanes. Ils pos- 
sèdent une sorte de guitare, ou plus exactement de cithare, 
dont ils tirent des sons relativement mélodieux. Il n'est 
pas rare de voir un des sujets de Zouli s'installer au bord 
de la rivière, dès le matin, et chanter en s'accompagnant 
de son instrument jusque vers le coucher du soleil. 

Nous comptons partir le lendemain, 20 novembre. Zouli 
nous donne comme guide « Mabingué », que Nebout con- 
naît et qui a déjà accompagné Crampel chez les N'gapoux. 
Zouli nous engage à être circonspects, les musulmans 
sont dans la région et pourraient nous faire un mauvais 
parti. A son avis, nous ne tarderons certainement pas à 
les rencontrer. 11 y a un mois à peine qu'ils ont séjourné 
chez lui et ont fait quelques acquisitions d'ivoire. Ils 
avaient trois ou quatre bêtes de somme, qu'il nous 
décrit avec force détails : ce sont des mulets ou des unes. 

« Les Cridimis », c'est ainsi que l'on désigne, ici, les 
musulmans, venaient de la « Kemo »; ils sont divisés en 
plusieurs bandes, qui se réuniront sans doute chez les 
« N'gapoux », pour retourner chez eux. 

Nous faisons nos adieux à Zouli, puis nous suivons 
pendant quelque temps un sentier assez bien frayé. Les 
premiers villages « n'gapoux » que nous rencontrons 
sont abandonnés. Les habitants ont dû fuir à notre 



100 AUTOUR DU TCHAD 

approche, car nous voyons partout des ustensiles près 
des foyers à peine éteints, des corbeilles pleines de 
manioc. Nous sommes frappés de Tabondance des gre- 
niers à mil et des séchoirs à maïs garnis à s'effondrer. 

Déjà, chez les Langouassis et les Dakoas, nous avions 
constaté des cultures importantes et bien tenues. Chez les 
N'gapoux nous rencontrâmes des plantations considérables 
de mil, de sorgho, de manioc, de sésame, qui nous expli- 
quèrent la présence de ces nombreux greniers. Quant aux 
arachides, on les récolte partout en Afrique, même dans 
les régions les plus déshéritées. 

Cette solitude commence à devenir inquiétante, d'autant 
mieux que Mabingué, le guide dakoa, nous a, ainsi qu'il 
était convenu, quittés dès que nous eûmes pénétré sur le 
territoire des N'gapoux. 

Nous atteignons un petit hameau situé à un jour de 
marche du village du chef Yabanda, auprès duquel Nebout 
se fait fort de nous faire bien accueillir, malgré tous les 
racontars malveillants qui se colportent au sujet de ce chef. 
Mais, au dire de Nebout, Tétape de demain sera très 
longue et des plus pénibles, dans une forêt de bambous 
déserte et absolument dépourvue d'eau. Il redoute même 
de partir sans guides. 

Pendant que nous installons notre camp, arrive un 
vieillard indigène, borgne, difforme et contrefait. On a 
beaucoup de peine à lui donner à comprendre que nous 
voulons simplement passer la nuit près du village, acheter 
des vivres et louer des guides. Un mince cadeau produit 
plus d'effet que nos longs discours. Il s'éloigne en nous 
faisant signe qu'il va revenir, et disparaît dans le fourré. 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL iOi 

Peu d'instants après, il s'avance vers nous, escorté d'une 
véritable « cour des miracles ». Son escorte a cependant 
quelques vivres et nous les offre. Nous les payons très 
largement et peu de temps après, un bancal, un boiteux 
et un borgne s'étant pour un moment détachés du groupe, 
nous voyons sortir de tous les buissons des hommes, des 
femmes, des enfants qui nous entourent et nous pressent 
d acheter les denrées qu'ils nous apportent en grande 
quantité. 

Nous nous plaignions tout à l'heure de la solitude, main- 
tenant c'est le contraire, la foule devient encombrante. En 
effet, l'annonce de la venue des « blancs » avait causé une 
panique dans le village. Les habitants s'étaient enfuis 
dans les taillis, emportant ce qu'ils avaient de plus précieux. 
Une fois en sûreté, ils attendaient anxieux; de longues 
heures se passaient. Pour tromper Tennui de l'attente et 
aussi pour se donner du montant, les guerriers avaient fait 
de fréquentes accolades aux gourdes pleines de « pipi », 
qu'ils ne manquent pas d'emporter avec eux, car les nègres 
estiment généralement qu'il est impossible de combattre 
si l'on n'est complètement ivre, et peut-être faudra-t-il 
en venir aux mains. — Mais les « blancs » arrivent, ils 
paraissent animés de bonnes dispositions, on pourrait 
peut-être essayer de parlementer. C'est alors qu'on 
délègue, de gré ou de force, un vieillard, un invalide, 
un estropié. — Si le délégué est mal accueilli, fait pri- 
sonnier ou mis à mort, le nombre des combattants ne 
sera pas diminué. Et voilà pourquoi ce ne sont jamais 
les plus beaux spécimens de la race autochtone qui 
réintègrent les premiers un village abandonné. Enlin, il 




102 AUTOUR DU TCHAD 

convient d'ajouter que la chaleur des effusions qui suivent 
le traité de paix est en raison directe de la quantité 
de bière absorbée, en attendant Tenvahisseur inconnu. 

Ce jour-là, nos nouveaux amis avaient certainement dû 
épuiser leur provision de Tannée. 

L'essentiel c'est que Nebout a obtenu des guides pour 
nous conduire chez Yabanda. 

Le lendemain, 22 novembre, nous pénétrons dans celte 
forêt de « bambous ». Je n'essaierai pas de faire montre 
de connaissances botaniques que je ne possède nullement, 
je me contenterai de faire remarquer que c'étaient là 
les premiers bambous que nous rencontrions depuis notre 
départ de Loango. Les Européens du Congo donnent 
improprement ce nom à des branches de « palmiers 
élaïs », je crois, qu'ils emploient dans la construction 
des cases. Cette fois nous étions en présence de véritables 
bambous, lis en ont laspect, mais ils sont pleins et par 
suite ne peuvent se prêter à certains usages à cause de 
leur poids. Ce sont les seuls échantillons que je vis pen- 
dant tout mon séjour en Afrique. 

Nous atteignons enfin la lisière de la forêt et nous 
établissons notre campement auprès d'un petit cours 
d'eau voisin du village habité par le chef Pangoula. 
Encore un ami de Nebout! Décidément c'est désolant! 
venir de si loin pour ne trouver que des amis et assister 
à de simples présentations! 

Enfin, voici de l'imprévu : peu de temps après notre 
arrivée, un des enfants de Yabanda vient saluer « son 
ami Nabrou ». L'enfant, après avoir mis notre camarade 
au courant des menus faits survenus depuis son passage, 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 103 

lui dit : « Tu sais, Samba est ici ». Ce nom de Samba est 
si commun chez les Sénégalais que, parmi toutes les 
tribus sauvages où ceux-ci ont séjourné, il est devenu 
le seul et unique vocable servant à les désigner. Nebout, 
intrigué, dit au fils de Yabanda d'aller chercher ce Samba 
et prier son père de venir. 

Peu de temps après, le chef n'gapoux arrive au camp; 
c'est à peine si nous répondons au salut de ce chef aussi 
aimable que bedonnant. Notre attention est attirée par 
un solide gaillard qui le suit, et dont la physionomie 
tranche absolument avec celle des jeunes hommes qui 
Tentourent. Une vieille couverture militaire est son unique 
vêtement et il paraît tout honteux de se trouver ainsi à 
moitié nu. 

11 fixe longuement Nebout, puis, fondant en larmes, il se 
précipite dans les bras de notre ami. Nebout, aussi ému 
que lui, nous dit que cet homme est un des meilleurs 
soldats de Crampel et qu'il se nomme Mahmadou Siby. 

Nebout parle parfaitement la langue ouoloif. 

Nous allons aussitôt vers M. Dybowski, et l'interroga- 
toire commence sans retard : nous sommes tous là, 
oppressés, émus, impatients d'écouter, de savoir : « Envoyé 
par Biscarrat, le 20 mai, vers El-Kouli, il partit avec 
Amady Diawara, pour s'assurer de la vérité. Ils arrivèrent 
à El-Kouti huit jours après et furent aussitôt saisis et 
enchaînés; après promesse de ne pas s'enfuir, on les laissa 
dans une liberté relative et ils furent réunis à leurs cama- 
rades, prisonniers depuis quelque temps déjà. 

« Niari et Ichekkad sont dans le village; le Targui, libre, 
a conservé la femme que M. Crampel lui avait donnée chez 




104 AUTOUH DU TCHAD 

Bembé : il vient causer avec les Sénégalais, et se vante 
d'avoir fait assassiner M. Crampel, Saïd et Biscarrat. Peu 
de jours après, il part vers le nord, emportant des mar- 
chandises. 

« Les Sénégalais projettent de s'enfuir, mais le caporal 
Demba-Ba, devenu l'ami du chef Snoussi, qui lui a donné 
une femme et un fusil, les dénonce et les fait enchaîner de 
nouveau; sont exceptés le sergent Samba Assa et le soldat 
Amady Pâté, qui paraissent peu désireux de s'enfuir, crai- 
gnant sans doute le châtiment de leur désertion. 

« Les armes et les marchandises sont partagées, comme 
récompense, entre tous ceux qui ont participé au crime; 
une grande partie est emmenée vers le nord. Demba-Ba 
apprend aux hommes de Snoussi le maniement des armes. 
Huit jours après son arrivée, Mahmadou Siby s'enfuit 
avec Amady Diawara. 

« Ils marchent pendant deux jours et sont de nouveau 
repris par la troupe qui vient de tuer Biscarrat et qui con- 
duit à El-Kouti les marchandises et les hommes capturés. 
Dans la nuit, Mahmadou peut rompre ses liens et veut 
délivrer son camarade ; mais ce dernier, las des fatigues, 
des privations, refuse de fuir : Mahmadou part seul, et, 
mangeant des fruits et des racines, gagne le village de 
M'poko. Ce chef lui donne une provision de manioc et 
l'envoie vers Yabanda, chez lequel il arrive quatre jours 
après. Il était sauvé. 

« 11 veut cependant continuer jusqu'à l'Oubangui, mais 
les N'gapoux l'en dissuadent : « Ne pars pas, tu es seul 
« et sans armes, les Langouassis te tueront ; reste avec nous, 
« attends Nebout, qui doitreveniravecbeaucoupdesojdals. » 



A LA RECHERCHE DE ÇRAMPEL 



105 



« El pendant cinq mois il reste chez ces braves gens, 
toujours bien traité. >< 

Il nous raconte sur la mort de notre chef, la version 
tju'il a entendue, à E^-Kou<i, des musulmans eux-mêmes : 
« M. Crampel, las des retards sans fin, des privations qui 
le tuaient, quitta El- 
Kouti vers le 8 avril, 
avec Niari, Saïd et le 
Sénégalais Sadio; il es- 
pérait peut-être encore 
parvenir près d'un grand 
sultan, qu'on lui aflir- 
mail se trouver à huit 
jours au nord. 

« On le portait en 
hamac. Le premier jour, 
vers midi, il était à 
table, écrivant, quand 
des hommes de Snoussi 
s'approchent de lui et le 
frappent d'un coup de 

, , . , ^, « Musu Diaa DO du lia HouDa 

hache a la tète ; en même 

temps Saïd et Sadio tombent ^ous les coups de lances. 

« M'Bouiti, domestique de Sald est fait prisonnier, 
mais un mois plus tard il peut s enfuir et se réfugier près 
de Biscarrat. » 

Quand par mille questions nous avons satisfait notre 
curiosité, Mahmadou nous apprend qu'une troupe de gens 
d'El-Kouti est actuellement dans la contrée; arrivés chez 
Yabanda, ils se sont divisés en plusieurs bandes, dont la 




106 AUTOUR DU TCHAD 

plus nombreuse est encore dans les villages, les autres se 
sont éloignées vers Touest. 

Ils ont réclamé Mahmadou comme étant leur esclave 
fugitif, mais Yabanda a refusé de le livrer; son attitude, 
ses menaces, intimidèrent les musulmans. 

A la suite d'un court entretien avec ce chef, la conviction 
de M. Dybowski est faite. 11 estime que nous sommes en 
présence des assassins de Crampel et de ses compagnons 
et qu'il y a lieu de les attaquer sans leur donner le temps 
de fuir. 

Cette tâche est conflée à Nebout et à Briquez, qui parti- 
ront avec quelques Sénégalais dès que Yabanda les fera 
prévenir. 

MM. Dybowski, Bobichon et moi resteront à la garde 
du camp, avec la majeure partie de Tescorte, les porteurs 
kassaïs et les Pahouins. 

Vers dix heures, les indigènes appellent de la brousse, 
n'osant approcher de peur des factionnaires. Nebout et 
Briquez réveillent leurs hommes, lis nous serrent la main 
et s'enfoncent dans la nuit. 

Vers une heure du matin, j'entends un feu de salve suivi 
de quelques détonations isolées, puis plus rien. Nous atten- 
dons anxieux jusqu'au petit jour, enfin nous voyons arriver 
Nebout, puis Briquez et nos hommes; un seul manque 
à l'appel, il a été tué d'un coup de feu pendant l'action. 

Ils nous rapportent une foule d'objets provenant de la 
mission Crampel et trouvés dans les bagages abandonnés : 
des instruments de précision, des étoffes, des vêtements, 
des couteaux, des carnets; tous ces objets sont reconnus 
par Nebout et les hommes ayant appartenu à la mission. 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL i07 

Un jeune enfant, nu et couvert de poussière, mais à 
l'œil vif, à la mine éveillée et franche, se trouve égale- 
ment avec eux. C'est par suite d'un miracle que le pau- 
vret est encore en vie ! 

Voici d'ailleurs ce que nous apprennent Nebout et Bri- 
quez : En quittant le camp, hier soir, vers dix heures, 
ils marchent pendant une heure et demie dans les lénè- 
bres, suivant un sentier des plus pénibles. Ils se trouvent 
enlin dans un champ de mil et aperçoivent des feux et des 
gens endormis. Ce sont les musulmans. 

Au moment ofi ils se disposent à cerner le camp, le choc 
d'un sabre-baïonnette contre une pierre réveille les dor- 
meurs. Voyant que leur présence est dénoncée, les Séné- 
galais font un feu de salve que nos amis ont peine à 
arrêter. Un enfant se précipite affolé au milieu de la fusil- 
lade et vient se réfugier aux pieds de Briquez. 

Nos amis pénètrent dans le camp, mais le résultat 
obtenu n'est pas celui qu'ils espéraient. Beaucoup de 
musulmans se sont enfuis. En revanche, presque tout leur 
matériel est resté sur place et Nebout retrouve beaucoup 
d'objets ayant appartenu à la mission Crampel. 

Le 23 novembre, nous déplaçons notre campement pour 
nous rapprocher du village de Yabanda. Nous trouvons 
chez ce chef une femme de l'Oubangui, Assenio, qui était 
au service de Biscarrat et qui nous donne des détails très 
circonstanciés sur l'assassinat de l'infortuné compagnon de 
Crampel. Elle ne peut s'expliquer comment Nebout a 
réussi à échapper au couteau des meurtriers qui se sont 
portés à sa rencontre, conduits par Ichekkad, immédiate- 
ment après avoir tué Biscarrat. 



i08 AUTOUR DU TCHAD 

Mahmadou Siby, notre nouvelle recrue, et Assenio nous 
parlent de Yabanda dans les termes les plus chaleureux. 
Ce chef les a recueillis et soignés au milieu de sa famille 
et au même titre que ses enfants, il s'est toujours montré 
extrêmement doux et bienveillant pour eux. 

D'ailleurs il n'a pas Tair d'un méchant homme, tant s'en 
faut. 11 est petit, râblé, potelé et réalise, en noir, le type 
du bureaucrate endurci. 

M. Dybowski ayant été malade, ce brave homme n'a 
pas quitté le chevet de son lit, lui apportant du lait, des 
fruits et se montrant plein de petites attentions dont on 
n'aurait pas cru ces sauvages susceptibles. 11 convient de 
dire cependant que ce modèle des gardes-malades avait, 
deux jours avant, profité d'un moment d'inattention de 
notre part pour dépecer un cadavre laissé sur le champ 
de bataille et alimenter à peu de frais ses cuisines. 

Mon Dieu! il faut bien le dire, de toutes les peuplades 
rencontrées à ce jour, les « Banziris » seuls ne sont pas 
anthropophages, ils s'en défendent énergiquement. Je 
n'aftirme pas qu'ils ont renoncé depuis des siècles à cette 
horrible coutume, mais je crois cependant qu'ils ne la pra- 
tiquent plus et la réprouvent. 

Comme bien l'on pense, à la suite de cet événement, la 
question de l'anthropophagie fut fréquemment discutée 
pendant notre séjour en cet endroit. Yabanda, lui-môme, 
qui l'avait provoquée sans s'en douter, vint nous donner 
son avis : « Je ne prétends pas, nous dit-il, qu'il soit de 
mon devoir de manger tous les N'gapoux, même en cas de 
famine, pour leur conserver un chef. Mais vous ne ferez 
pas de difficulté à reconnaître qu'il est bien doux de se 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 109 

repaître de la chair d'un homme que Ton hait et que l'on 
a tué à la guerre ou en combat singulier. 

« D'ailleurs, à propos de ce musulman dont vous me 
reprochez le « gîte à la noix » ou la « côte première », 
lequel lui a causé le plus de dommage : vous qui Pavez 
tué, alors qu'il ne demandait pas mieux que de vivre, ou 
moi qui l'ai mangé après décès? » 

Le raisonnement de Yabanda est aussi spécieux que 
macabre, il tendrait néanmoins à prouver que certains 
anthropophages ne mangent que les hommes tués à la 
guerre ou morts accidentellement. C'est d'ailleurs l'opi- 
nion qui tend à prévaloir. 

Je sais que, pour ma part, j'admettrai difficilement la 
légende des parcs, où des esclaves sont mis à l'engrais, en 
attendant de figurer dans un festin royal. Mes compagnons 
de voyage, pas plus que moi, n'ont, que je sache, jamais 
vu chose pareille. Certains fonctionnaires du Congo fran- 
çais, qui ont beaucoup voyagé chez les cannibales et nous 
ont donné sur eux des renseignements très détaillés, ne 
nous ont jamais signalé semblable fait. 

Je ne nie pas l'existence de ces parcs dans les régions 
que je ne connais point, mais, comme parmi ceux qui 
avancent le fait il ne se trouve aucun témoin oculaire, je 
me permets d'exprimer mon opinion. 

Certes, les tribus anthropophages sont encore fort nom- 
breuses en Afrique et ne sont pas encore toutes près 
d'abandonner leur hideuse coutume, mais il ne faudrait 
pas se hâter de conclure que l'élevage ou « seulement le 
trafic » du bétail humain est pratiqué dans certaines 
régions. 



ilO AUTOUR DU TCHAD 

Si nous étudions de près les races anthropophages 
que nous avons rencontrées, nous constatons tout d'abord 
que, généralement, elles sont intelligentes, et que d'autre 
' part, sans être absolument misérables, elles sont relative- 
ment peu fortunées. Or, si imprévoyant que soit le nègre, 
il se garderait bien d'immobiliser et surtout de détruire un 
capital aussi sérieux représenté par deux bras, aptes aux 
travaux les plus pénibles. 

Pendant qu'il est à Tengrais, Tesclave coûte et ne rap- 
porte rien : aussi friands de chair humaine que les noirs 
puissent être, c'est bien peu les connaître que de les croire 
susceptibles de s'offrir un festin aussi dispendieux et 
attendu pendant si longtemps. 

On a parlé également de la nécessité, par suite du 
manque de ressources, qui pousse les populations à 
l'anthropophagie. C'est là une théorie qui ne soutient pas 
la discussion. Le gibier abonde partout et les nombreux 
crânes d'antilopes, d'hippopotames et d'éléphants qui 
ornent les arbres fétiches des villages en font foi. Les plus 
modestes des cours d'eaux, et ils sont plus nombreux 
qu'on ne pense en Afrique, fournissent tous au pêcheur 
le moins habile une respectable quantité d'excellents 
poissons. 

Enfin, dans le village le plus misérable, les arachides, 
le manioc, les ignames ne font jamais défaut aux habitants. 
Ils ne sont donc pas dans la nécessité absolue de manger 
leurs semblables, d'autant plus que les racines, les bêtes 
mortes et en putréfaction, les chenilles qui abondent, leur 
fournissent en outre une sérieuse base d'alimentation qu'ils 
sont loin de dédaigner. 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 111 

L*occasion seule en fait des anthropophages, et Tocca- 
sion c'est la guerre, c'est un accident survenu à un esclave 
mis dans l'impossibilité de travailler à l'avenir, et encore je 
fais des réserves pour ce dernier cas. Si l'homme n'est 
pas tué sur le coup, s'il a seulement un membre brisé, 
broyé, on ne le tuera certainement pas pour le manger. 

Il suffit, pour s'en convaincre, de voir comment sont 
traités les esclaves môme chez les Cannibales les plus 
endurcis. Il existe, en Europe, bien des domestiques qui 
échangeraient volontiers leur livrée galonnée contre les 
chaînes de ces esclaves. Il n'est question ici, bien entendu, 
que des esclaves appartenant aux noirs de l'intérieur et 
nullement de ceux « au service » de « blancs » de la côte 
ou de certains nègres civilisés. 

Tandis que j'émettais ces théories, tout en barbotant 
avec l'ami Nebout dans le clair ruisseau qui coule au pied 
de notre campement, un de nos hommes vint le prévenir 
que M. Dybowski désirait lui parler. Yabanda nous 
annonce, du reste, qu'il a signalé à notre chef la présence 
d'un musulman dans un village voisin. 

Nebout va sans doute être chargé d'aller le saisir. Je 
demande en grâce à notre ami de faire l'impossible pour 
le ramener vivant : il est en effet indispensable d'essayer 
d'obtenir de lui quelques renseignements, tout au moins de 
savoir s'il parle l'arabe, ce qui serait déjà un grand point 
d'établi. 

Mon camarade partageait déjà cette manière de voir : je 
n'ai donc pas de peine à le convaincre. 

Après avoir conféré pendant un instant avec M. Dybowski , 
Nebout part avec quatre Sénégalais d'escorte. Il marche 



i 



112 AUTOUR DU TCHAD 

pendant un quart d'heure et se trouve bientôt en présence 
d'un rassemblement de N'gapoux, qui s'écartent et lui lais- 
sent voir un noir assis à terre et solidement amarré. 

Nebout lui délie les jambes et lui fait signe de se lever 
et de le suivre. Ils font route vers le camp, escortés d'une 
foule nombreuse de N'gapoux, qui hurlent et vocifèrent. 
« Niama, Niama », de la viande! tel est le cri que Ton 
entend à tous moments. 

On amène le prisonnier devant notre tente. C'est un 
homme grand et bien bâti, âgé d'environ trente ans. Il est 
calme et résigné, sans cependant manifester la moindre 
crainte, bien que les cris des N'gapoux ne lui laissent 
aucun doute sur le danger de sa situation. En bon 
musulman, il est fataliste. 

Je l'interpelle pour m'assurer qu'il parle réellement la 
langue arabe et que je me fais suffisamment comprendre. 

M. Dybowski me fait alors remarquer qu'il est le chef 
et que c'est à lui qu'il appartient de diriger l'interroga- 
toire. 

Sur les indications de M. Dybowski, je demande alors 
au prisonnier ses noms, qualités, etc.. et dès lors l'inter- 
rogatoire se poursuit sans grand intérêt. 

Il parle un idiome très pur, se rapprochant sensible- 
ment de celui en usage en Tunisie. Il me comprend très 
bien et me dit que j'ai la même prononciation que les 
« Touggourth », gens du Nord avec lesquels il a été dans 
le temps en relations très suivies. 

Il est, lui, originaire du « Dar Rouna », pays situé au 
sud-est du Ouaddaï, dont il est tributaire. Je lui fais 
répeter le nom de son pays : c'est bien « Dar Rouna », et 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 113 

non Rounia ou Rounga, comme on Ta orthographié 
quelquefois. Il prétend qu'il venait commercer honnête- 
ment dans la région. Les objets trouvés dans le camp 
proviennent d'échanges avec les gens de Snoussi. Il a 
vaguement entendu parler du massacre d'un c blanc m, 
mais il refuse de parler davantage. Le musulman tué la 
veille était un marabout; Tenfant que nous lui montrons, et 
que nous avons appelé Ali, était son esclave. 

M. Dybowski désigne alors Briquez, qui, avec M. Bobi- 
chon et quatre hommes, va faire exécuter ce malheureux. 

Le lendemain, Yabanda nous amène de fort bonne 
heure une vingtaine de N'gapoux, qui nous accompagne- 
ront jusqu'au village de Makorou, où a été assassiné Bis- 
carrat, et nous serviront de guides dans la forêt déserte, 
que nous mettrons plusieurs jours à traverser avant d'at- 
teindre ce village. 

Nous partons à six heures et nous faisons une étape 
sérieuse, mais, dans la soirée, M. Dybowski est pris de 
fièvre; il passe une très mauvaise nuit. Le matin, il tente 
de marcher un peu, mais nous devons faire halte au 
bout de peu de temps. 

Il se rétablit enfin et nous continuons notre route assez 
facilement du reste, car nous entrons dans la saison sèche : 
les herbes sont brûlées, le terrain absolument sec et point 
marécageux, tout serait pour le mieux, mais notre réserve 
de vivres diminue de jour en jour. 

Le 30 novembre, après une étape assez longue, nous 
établissons notre campement auprès d'une rivière qui 
présente assez exactement Taspecl de la Kemo. Elle est 
extrêmement profonde. Nous grimpons Nebout et moi sur 

p. Brumacue. 8 



114 AUTOUR DU TCHAD 

une éminence : la rivière paraît suivre une direction nord- 
ouesl. 

Mon camarade et moi proposons à M. Dybowski de 
nous autoriser à en suivre le cours pendant un jour ou 
deux, tandis qu'il se rendra à « Makorou », peu distant de 

« 

Tendroit où nous nous trouvons, avec le gros du convoi. 
Il est convenu en effet que nous séjournerons quelque 
temps sur ce point. 

M. Dybowski ne croit pas devoir nous accorder Taulo- 
risation sollicitée. 

Nos porteurs kassaïs, qui décidément sont des auxi- 
liaires précieux, abattent de chaque côté de la rivière deux 
arbres énormes, qui constitueront les bases solides d'une 
passerelle. 

Il ne faut pas en effet compter franchir ce cours d'eau 
en se servant de la communication généralement employée 
par les nègres, cousins germains des écureuils. Les N'ga- 
poux qui nous accompagnent paraissent en effet très sur- 
pris de rimportant travail auquel nous nous livrons pour 
assurer le passage. Ils nous montrent un arbre dont les 
grosses branches, usées par le frottement, souillées de 
boue, forment une courbe qui va rejoindre au milieu de 
la rivière les branches d'un autre arbre de la rive opposée. 
Inutile de construire un pont puisqu'il en existe un sécu- 
laire. Et, préchant d'exemple, Tun d'eux bondit de branche 
en branche et, en un tour de main, se trouve sur la rive 
opposée. 

Nous ne pouvons songer à faire passer par le même 
chemin nos porteurs kassaïs, naturellement lourds el 
pesamment chargés. 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 115 

Le 1" décembre, la passerelle élait d'ailleurs terminée 
et le transbordement s'effectua sans la moindre diffi- 
culté. 

Nous marchons pendant environ deux heures à partir 
de ce point, puis se dresse devant nous un petit sommet 
rocheux, un ballon, devrais-je dire, car il est de forme 
légèrement arrondie, qui nous paraît une haute montagne 
au milieu de cette vaste plaine dont aucun autre accident 
de terrain ne rompt la monotonie. 

Au pied de la montagne, nous dit le guide, habile le 
chef « M'poko ». Nous allons dans un moment arriver à 
« Makorou ». Cette première fois comme par la suite, il 
me semble bien avoir entendu distinctement prononcer 
« Kaga Korou », nom qui ligure sur la carte au milieu de 
la tribu des « ÎS'gafo », mais comme mes camarades sont 
unanimes à déclarer que j'ai mal entendu, je me range à 
leur avis. C'est donc à « Makorou » que nous faisons 
halle une heure environ plus lard. 

Le village est désert. Quelques cases sont délabrées. 
Celles qui paraissent les mieux entretenues sont accrochées 
aux lianes de la montagne. Comme toutes celles rencon- 
trées depuis rOmbella, elles sont rondes, mais ici elles 
sont hirsutes et mal construites, tandis que partout ail- 
leurs le chaume qui les recouvre est placé régulièrement, 
lissé et coupé avec soin, bien carrément, à 25 ou 30 cen- 
timètres au-dessus du sol. 

Pendant que quelques hommes d'escorte, sous la con- 
duite de leurs camarades de la mission Crampel, recher- 
chent remplacement occupé par Biscarrat quelque temps 
auparavant, nous prenons un instant de repos sous une 



110 AUTOUR DU TCHAD 

véritable forêt d' « euphorbes » qui atteignent des pro- 
portions colossales. Nous nous décidons au bout d'un 
instant à installer notre camp près d'une rivière, à quel- 
que cent mètres du village. 

M. Dybowski estime que les N*gapoux de Makorou ont 
été complices des musulmans. 

Nebout, Briquez et moi ne partageons nullement cette 
manière de voir. 

Ce que nous savons d'eux par Mamadou Sybi, par les 
cinq hommes rengagés avec nous et les autres renseigne- 
ments recueillis ne permettent pas de les accuser. 

Les habitants de Makorou n'ont nullement, comme on 
pourrait le croire, élc complices des assassins de Crampe! 
et de Biscarrat. Us n'étaient pas les plus forts et sont 
restés spectateurs impassibles de la scène. On ne saurait 
leur en vouloir, lorsqu'on connaît la terreur que leur ins- 
pirent les fusils des musulmans. D'ailleurs nous avons la 
certitude qu'ils ont tout fait pour sauver Biscarrat en lui 
persuadant de quitter son campement. Ils ont en outre 
enseveli les restes de Lauzières, ingénieur attaché à la 
mission. 

S'ils n'ont point rendu les mêmes devoirs à la dépouille 
mortelle de l'infortuné Biscarrat, c'est qu'après le mas- 
sacre de celui-ci, ils ont pris la fuite, en proie à une ter- 
reur bien excusable de leur part. Sur ces entrefaites, le 
corps du malheureux compagnon de Crampel était traîné 
dans un taillis par les musulmans et abandonné aux 
fauves. 

Malgré les appels et les reconnaissances que font les 
gens de Yabanda, aucun habitant ne se montre. Les res- 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 117 

sources de la région sont fort restreintes et le pays est 
absolument désert jusqu'à El-Kouli. 

M. Dybovvski nous prend chacun à part et nous consulte 
à l'effet de savoir si nous devons continuer la marche. Je 
suis heureux d'apprendre que Nebout, Briquez et M. Bobi- 
chon ont fait une réponse identique à la mienne : « La 
plus grande partie de la route est parcourue, il faut 
pousser jusqu'au bout. » Je n'avais pas d'ailleurs le 
moindre doute sur le vif désir de tous d'aller de 
l'avant. 

Notre chef nous répond qu'il a charge d'èmes et que 
cette entreprise serait bien hasardée. Il nous réunit tous 
celte fois afin d'avoir notre dernier mol. 

Nebout et Briquez lui proposent alors de parlir simple- 
ment avec quelques hommes armés à la légère, pousser 
une reconnaissance jusqu'à El-Kouti, tandis que nous les 
attendrons à Makorou. Chacun formule une opinion en 
vue de faciliter la marche vers El-Kouli. 

M. Dybowski met fin à la discussion en déclarant que, 
s'il arrivait un désastre, il serait seul responsable. Étant 
données les ressources dont nous disposons, il est plus 
sage, à son avis, de regagner TOubang-ui, et il décide que 
nous repartirons dès que nous aurons pu nous procurer 
des vivres. Si les indigènes ne se montrent pas, il fera 
piller les plantations. 

Nebout, qui par suite de son extrême timidité et de sa 
modestie exagérée sera toujours réduit à mettre à la dis- 
position d autrui ses solides qualités d'explorateur, sort 
du camp sous prétexte de chasse, accompagné seulement 
de deux indigènes de Yabanda. Quelques heures après, il 



118 AUTOUR DU TCHAD 

revenait avec deux habitants de Makorou porteurs de 
quelques vivres. 

Dans l'après-midi, M. Dybowski, Nebout et moi faisons 
Tescalade du rocher. Comme il n'est pas encore possible 
de connaître exactement son nom indigène, M. Dybowski 
me propose de le désigner sur la carte de notre itiné- 
raire que je suis chargé de dresser, sous le nom de « Pic 
Carnot ». 

Un regard de Nebout me montre intentionnellement le 
camp de Biscarrat, qui nous rappelle de si tristes souve- 
nirs, et j'émets l'avis de l'appeler « Pic Crampel ». C'est 
sous ce nom qu'il ligure sur mon croquis d'itinéraire publié 
par M. Dybowski, à la fin de sa relation de notre voyage. 

Le 3 décembre, nous procédons à l'exhumation des 
restes de Lauzières. Vingt soldats en armes rendent les 
honneurs. Les ossements et les débris des vêtements et 
de la couverture du malheureux ingénieur sont placés 
dans un drap blanc, puis déposés dans une caisse en fer 
recouverte d'un pavillon français. 

Après cette cérémonie, les deux indigènes rencontrés 
précédemment par Nebout sont allés porter au chef les 
cadeaux remis pour lui, par notre ami. Bientôt M'poko 
nous apporte quelques misérables vivres et décide la 
population à rentrer au village. Les femmes et les enfants 
circulent dans le camp, toute crainte a disparu. 

Nous faisons avec Nebout une seconde ascension du 
« Pic Crampel ». Nous restons fort longtemps au sommet, 
silencieux, à contempler ce rideau de collines qui se pro- 
filent dans le lointain; rideau qu'il nous faut renoncer à 
percer. 



A LA KECHERCHE DE CKAMfEL 119 

Ce silence eo dit plus qu'une conversation. 11 faut 
songer à regagner le camp. 

Le 5 décembre, à sept heures du matin, nous levons le 
camp sans enthousiasme. Nos espérances se trouvent bru- 
talement déçues au moment même où elles allaient se 
réaliser, aussi la marche est-elle silencieuse. 

La traversée de la grande forêt n'est marquée par 
aucun incident, nous faisons de 
très fortes étapes. 

Le 11, dans la matinée, nous 
arrivons au village de Yabanda Ce 
chef olfrc à' M. Dybowski deux 
crAnes de musulmans sur lesquels 
paralt-il, il a essayé son fusil pen- 
dant notre absence. C'est \ii une 
preuve que les N'gapoux sont tris 
assimilables. 

Quoi qu'il en soit et maigre les 
faits d'anthropophagie dont nous 
avons été témoins, il est incontestable que les N gapoux 
forment une population agricole extiêmemcnt travadieuse 
et de mœurs assez tranquilles. 

Ils sont de taille moyenne, plutôt petits et trapus beau 
coup sont légèrement obèses. Ceux dt Makorou sont beau 
coup plus frustes que ceus des villages entre la brousse 
et le territoire des Dakoas. Les N'gapoux sont robustes et 
bien constitués, mais ne représentent pas à proprement 
parler une belle race. Ils ont une physionomie qui n'est 
pas désagréable, mais qui n'offre aucun caractère per- 
mettant de la rattacher à l'un des groupes ethniques que 




120 AUTOUR DU TCHAD 

nous avons rencontrés. Il est probable que c'est vers Test 
qu'il faudrait aller trouver le rameau auquel ils appar- 
tiennent. 

Leurs armes sont moins belles que chez toutes les 
autres peuplades, et surtout moins soignées. Il est vrai de 
dire qu'ils ont une préférence marquée pour Tare. Le 
fort carquois de cuir qu'ils portent sur Tépaule gauche est 
généralement abondamment garni de flèches, mais elles 
sont d'un modèle unique et de forme un peu primitive. 

Comme les Dakoas, ils adorent la musique, leurs ins- 
truments sont les mêmes que ceux de cette tribu. 

Ils portent fort peu d'ornements et n'avaient, à notre 
arrivée, ni perles, ni étoffes. En revanche, bon nombre 
avaient des cuillers d'étain, héritage des laptots de Nebout. 
Ils s'en servaient du reste en guise d'épingles à cheveux 
et les portaient plantées dans la petite touffe assez fournie 
qu'ils conservent sur le sommet du crûne. 

Le 12, nous quittons le village de Yabanda de bon 
matin. 

Le petit Ali égaie notre marche. Comme je chemine 
souvent à l'arrière-garde, je cause quelque peu avec lui; 
il possède quelques rares mots d'arabe appris au cours de 
ses pérégrinations. 

Il ne veut pas se séparer de Briquez, qui le soigne et lui 
apprend le français. Ali est fort intelligent et fait des pro- 
grès rapides. Il nous donne un curieux détail : il est 
d'origine sara, tribu située au sud du Baghirmi, visitée 
depuis par la mission Maistre; le marabout que nous 
avons lue l'avait acheté dans son pays et l'avait emmené 
dans une rivière nommée « Ombelle », où la petite troupe 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 12! 

s'était jointe à un autre groupe de musulmans, sous la 
conduite d'Ali Djabah (fun des meurtriers de Grampel). 
Ils ont appris Tarrivée prochaine de blancs qui remon- 
taient la rivière et sont partis, leurs transactions étant 
d'ailleurs terminées. 

Le 18, nous arrivons chez le chef Zouli. Nous retrou- 
vons en cet endroit le sergent Samuel qui, atteint de 
douleurs rhumatismales, n'avait pu nous accompagner. Un 
porteur atteint de variole et confié également au chef 
dakoa, avait succombé malgré les soins dévoués dont il 
n'a cessé d'être entouré. Samuel nous dit que le bruit de 
notre mort s'était répandue dans la région. Le guide ban- 
ziri, resté également auprès de Samuel, effrayé, s'était 
enfui. Zouli, bien que persuadé de notre massacre, 
n'avait pas le moins du monde modifié sa manière 
d'être à l'égard de Samuel, qui était devenu son meil- 
leur ami. 

Zouli nous ayant dit que le village de Crouma, où je 
suis allé, dans la Kemo, se trouve sur le même parallèle 
que l'endroit où nous sommes, et à deux jours de marche 
au plus dans l'Ouest, Nebout et moi demandons la faveur 
de nous y rendre. Nous sommes en pays ami et connu, 
quelques hommes et une faible quantité de marchandises 
suffiront. Ce voyage nous donnait à peu de frais un iti- 
néraire de plus et aurait produit le meilleur effet sur les 
Togbos, mais M. Dybowski tenait à rentrer à Bangui pour 
envoyer un courrier en France, et il tenait à nous avoir 
auprès de lui, pour montrer qu'il nous ramenait tous 
sains et saufs. 

Nous dûmes renoncer à notre projet, et, le 23, nous arri- 



122 AUTOUR DU TCHAD 

vons chez les Banziris. Bembé et tous les sieos se por- 
tent à notre rencontre et nous font un accueil chaleu- 
reux. 

Le 30 décembre, nous sommes en vue de Bangui, nous 
franchissons le rapide et nous recevons de cordiales poi- 
gnées de mains de MM. Ponel, Fraisse, de Poumeyrac et 
Chalot. 

Nous trouvons à Bangui un courrier des plus volumi- 
neux, qui s'est amoncelé pendant noire absence. Nous 
avons enfin des nouvelles de ceux qui nous sont chers. 
Hélas! elles ne sont pas absolument satisfaisantes. 

Ce pauvre Nebout, qui depuis plus de deux ans a quitté 
la France, peu rassuré sur Tétat de santé de sa mère qu'il 
adore, me fait part d'une lettre qui lui inspire de sérieuses 
inquiétudes. D'ailleurs sa vigueur s'affaiblit de jour en 
jour et, malgré le plaisir que j'aurais à le savoir avec nous, 
je n'hésite pas à l'engager à rentrer en France. 

D'ailleurs que ferait-il maintenant, lui si actif, si dési- 
reux d'aller de l'avant : M. Dybowski vient, paraît-il, de 
recevoir une dépêche du Comité de TAfrique française lui 
enjoignant de « se porter au coude nord de l'Oubangui, pour 
prendre solidement position, recueillir les documents de 
la mission Crampel. Il devra attendre là de nouvelles ins- 
tructions et travailler avec prudence à l'œuvre de péné- 
tration, etc. » 

C'était l'immobilitié la plus absolue! 

Coïncidence curieuse, le 16 août, le jour même où 
le Comité de C Afrique française rédigeait ce télégramme, 
au coude nord de VOuhangui, je commençais, « de mon 
autorité privée », la construction des deux cases autour 



A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 123 

desquelles sont venues s^en grouper d'autres^ qui ont 
constitué plus tard le poste des Ouaddas *. 

Malgré tout le plaisir que je ressentais d'avoir ainsi 
devancé les intentions du Comité qui nous avait envoyés, 
la perspective d'un séjour prolongé dans un poste me 
séduisait peu. 

D'autre part, venu dans Tintention d'étudier les musul- 
mans noirs du centre de TAfrique, j'estimais que les ren- 
seignements recueillis auprès du seul et unique sujet 
exécuté chez Yabanda, n'étaient pas suffisants pour me 
permettre de retourner en France. 

J'hésitai longtemps à me joindre à M. Liotard, qui 
remontait vers le Yakoma, chargé d'une mission, ou à me 
rendre dans la Sangha offrir mes services à M. de Brazza. 

M. Dybowski m'ayant déclaré que nous allions inces- 
samment partir dans la Kemo; que les renseignements 
fournis par moi au retour de mon voyage dans cette rivière 
lui paraissaient de nature à faire considérer ce cours d'eau 
comme la meilleure voie de pénétration vers le Nord , je 
me décide à laisser Nebout partir seul. 

Cet excellent ami procède tristement à ses préparatifs 
de retour. Il est véritablement navré de nous quitter. 

Nous éprouvons un réel serrement de cœur au moment 
où il met le pied à bord du bateau Antoinette de la 
Compagnie Hollandaise, qui l'emporte vers Brazzaville.... 

Je ne me doutais guère, à ce moment, que je le retrou- 
verais un jour dans le Niger, aux côtés du lieutenant 
Mizon. 



\. Nous n'avons eu connaissance de celle dépêche que qualre mois 
après la création du poste des Ouaddas. 



CHAPITRE V 



SECO:\D VOYAGE DAIMS LA KEMO 



Installalion chez les Togbos. — M. Dybowski renlre en France. 

La mission Maistre est signalée. 



Notre séjour à Bangui se prolongea plus que de raison, 
et rien ou peu de chose pour tromper les ennuis de celte 
insipide existence. Briquez était resté aux Ouaddas, tandis 
que Nebout, M. Dybowski et moi, revenions sur Bangui, 
au retour de notre pointe vers El-Kouti. Chalot ne tarda 
pas à aller le rejoindre. Il me restait heureusement deux 
excellents camarades : MM. Fraisse, chef du poste de 
Bangui, et de Poumeyrac, qui administrait le Yakoma, sur 
les contins de nos possessions des bords de TOubangui. 

Il ne fallait pas songer à sortir du poste, car les envi- 
rons sont extrêmement escarpés et d'ailleurs peu giboyeux. 
Bangui est en effet situé dans une sorte de petit cirque 
limité de tous côtés par des roches taillées à pic. Les 
chasseurs noirs que M. Dybowski envoyait tous les jours, 
en vue d'enrichir ses collections, faisaient des prodiges 
d'agilité et parcouraient des distances considérables pour 



SECOND VOYAGE DANS LA KEMO 125 

lui rapportçr quelques colibris, des merles métalliques, 
mais c'était tout. Et encore, n'était-ce qu'au prix de fortes 
récompejises que l'on arrivait à les décider à s'imposer ce 
supplément de fatigues. Ils nous rapportèrent bien trois ou 
quatre pintades d'espèces différentes, mais ils ne purent 
réussir qu'à abattre un seul sujet de chaque espèce. Là se 
bornèrent leurs exploits. 

M. Dybowski, retenu au poste et entièrement absorbé 
par ses travaux de classement et d'envoi de collections, 
profita d'une occasion favorable pour remonter aux Ouad- 
das. Je le rejoignis le 11 février. Le poste des Ouaddas 
fut laissé à la garde d'un agent de la Compagnie Hollan- 
daise, M. Reichlin, qui venait d'y installer un comptoir et 
avait déjà traité d'importantes affaires d'ivoire avec les 
indigènes. 

M. Dybowski, comptant sur les bons offices du fils du 
chef M'paka, qui offrait de le conduire chez le chef Grouma, 
préféra la route de terre. Le voyage en pirogue eût été 
moins long et nous aurait épargné des fatigues inutiles. 
Nous évitions également, de la sorte, de nous présenter 
sous les auspices des Ouaddas, dont la réputation est 
déplorable auprès de leurs voisins. 

Notre caravane s'est augmentée de 50 porteurs krou- 
mans que M. Greshoff a mis gracieusement à notre dispo- 
sition, pour la durée du voyage. 

Le premier jour de marche s'effectue dans un pays que 
Briquez et moi avons fréquemment parcouru pendant nos 
promenades. Bientôt nous nous engageons dans les marais 
bourbeux et nous nous livrons à une série de marches et 
de contremarches, qui tendent à nous prouver que l'hé- 



1-26 AUTOUR DU TCHAD 

ritier présomptif des M*paka n'a pas toujours accom- 
pagné son vénérable père dans la campagne de dévasta- 
tion accomplie par lui dans celte région. 

Notre guide hésite et nous fait fortement incliner vers 
Test. C'est peut-être heureux pour nous, car, de la sorte, 
nous atteindrons la Kemo et par suite les populations avec 
lesquelles j'ai lié amitié lors de mon premier voyage. Au 
contraire, si nous allons droit au nord, nous risquons fort 
d'arriver à Timprovisle dans un village togbo qui n'a 
point entendu parler de nous. Dans de semblables condi- 
tions, grâce à l'égide protectrice des honnêtes Ouaddas 
qui nous accompagnent, peut-être aurons-nous une vilaine 
affaire qu'il serait cependant facile d'éviter. 

Pendant plusieurs heures, nous marchons franchement 
vers l'est. Impatienté, M. Dybowski gourmande vivement 
le jeune M'paka fils. Celui-ci, tel qu'un sanglier blessé, 
fonce dans le taillis, brisant tout sur son passage. Celte 
fois, il se dirige tête baissée vers le nord. Nous le suivons, 
pas longtemps par exemple. Dix pas nous suftisent pour 
franchir l'épais rideau de verdure et nous nous trouvons 
sur un petit monticule qui surplombe une grève bordant 
le coude d'une importante rivière. 

Je reconnais la Kemo. Sur celle grève nous avons 
campé quelques mois auparavant. Les hommes qui m'ac- 
compagnaient me rappellent même que nous avons subi en 
cet endroit une violente tornade. 

M. Dybowski est visiblement contrarié de ce contre- 
temps, qui retarde notre marche. Il nous faut camper en 
cet endroit. Pendant qu'on installe les tentes, deux hommes 
arment le canot démontable et je m'embarque pour 



SECOND VOYAGE DANS LA KEMO 127 

remonter la rivière en vue de découvrir un village. J*esli- 
mais que nous devions être sur les confins de la tribu des 
Langouassis, à un des rares endroits où les villages sont 
assez éloignés de la rive. Nous faisions de fréquentes 
haltes, Tun des deux hommes montait sur les arbres et 
poussait des appels qui démettraient sans écho. Le cou- 
rant était rapide et le canot démontable, ne comportant 
que deux rameurs, était peu approprié à ce genre de navi- 
gation. Bailleurs nous frôlions à chaque instant des 
branches, dos racines qui menaçaient de déchirer les 
parois de toile île notre embarcation. Nous rctournûmes. 
La reconnaissance avait duré trois heures. 

Le sergent Samuel est alors emban|ué avec mission de 
redescendre le courant jusqu'au premier village où il 
pourra se procurer des pirogues. Samuel eut la bonne 
fortune de rencontrer mon ancien guide Manguendjo, qui 
vint avec deux pirogues nous apporter des vivres. 

Briquez profita de cette occasion pour redescendre 
jusqu'à l'embouchure de la Kemo et nous ramener sept 
nouvelles pirogues avec une grande quantité de vivres. 
DViUeurs Manguendjo était allé prévenir les indigènes de 
la rive gauche, qui vinrent également avec des denrées. 

M. Dybowski, sur le conseil des indigènes, passera sur 
la rive gauche avec le gros de la caravane. Ils suivront 
à pied le sentier qui conduit chez les « Togbos », tandis 
que Chalot et moi nous embarquerons sur les pirogues 
pour surveiller le convoi. Il est convenu que nous rencon- 
trerons la caravane de terre soit à la halte de midi, soit 
au campement du soir. 

Nous fournissons une bonne étape et nous nous réunit- 



128 AUTOUR DU TCHAD 

sons au petit village fréquenté par les pêcheurs banziris. 
Le chef Bouassa, avec lequel j'ai passé un traité lors de 
mon premier voyage, est tout heureux de voir que je lui 
ai tenu parole et qu*un grand nombre de « blancs » 
viennent s'installer dans la région, ainsi que je lui avais 
dit. 

Il nous apporte force poules et deux chèvres. 

La journée du lendemain fut assez pénible pour le 
convoi de pirogues. Les eaux ont baissé considérablement 
et laissent à découvert bon nombre de roches, qui consti- 
tuent des brisants peu dangereux pour une pirogue con- 
duite par des Banziris, mais très difficiles, pour ne pas 
dire impossibles à franchir, pour des marins plus novices. 
Or, nous avions précisément avec nous une équipe de 
piroguiers, recrutés parmi les « Gobons », tribu de la 
rive gauche de TOubangui, peu habitués à ces manœuvres 
qui demandent beaucoup de sang-froid et une grande 
sûreté de mains, qualité que les Gobous ne possèdent 
nullement. 

La pirogue que nous montions, Chalot et moi, franchit 
le rapide sans que nous ayons seulement eu le temps de 
nous apercevoir du danger. Il est vrai que nous avons 
comme pilote ce brave Manguendjo. Nous nous garons 
dans des eaux plus tranquilles, pour surveiller le passage 
du convoi et, le cas échéant, lui prêter main-forte. 

Les autres pirogues montées par les Banziris passent 
sans accident, mais néanmoins avec beaucoup de peine. 
Malgré mon incompétence absolue en matière de naviga- 
tion, la maladresse des Gobous est tellement manifeste, 
que je veux m'opposer à ce qu'ils tentent le passage. 



SECOND VOYAGE DANS LA KEMO 129 

Ceux-ci, malgré leur extrême pusillanimité, se font un 
véritable point d'honneur de se passer du secours des 
Banziris, qui déjà se sont jetés à Teau pour courir prêter 
assistance à leurs camarades en détresse. 

Il ne leur reste plus que quelques brasses à franchir 
pour atteindre la pirogue, lorsque celle-ci, envahie par 
l'eau, est violemment heurtée contre un rocher. Elle coule 
à fond avec les marchandises et les armes des Sénégalais 
embarqués. Ceux-ci, entraînés par le courant, ont toutes 
les peines du monde à atterrir, après avoir été roulés sur 
les roches pendant plus de 200 mètres. 

Les Gobous, meilleurs nageurs que pagayeurs, en sont 
quittes pour la peur. Elle est tellement intense qu'ils dis- 
paraissent dans la brousse; nous ne les revîmes plus. 

J'adressai un mot à M. Dybowski pour le prier de 
m'envoyer quelques hommes pour aider les Banziris à 
repêcher nos colis. Peu de temps après, je vis arriver 
40 porteurs, sous la conduite de M. Briquez, mais les 
Banziris et quelques-uns de nos hommes avaient déjà 
retiré de l'eau les armes et toutes les caisses, sauf une. 
il nous fut impossible de l'avoir. La perte ne nous fut pas 
sensible par la suite. C'était en effet une caisse de lait con- 
densé et les deux qui nous restaient ne furent pas mémo 
employées, le nombre restreint de porteurs nous ayant 
obligés à renoncer à emporter des conserves. 

Le sauvetage terminé, nous ne tardâmes pas à rejoindre 
le gros de la caravane, qui avait installé son campement 
près de la rive. 

A notre arrivée, nous trouvons M. Dybowski entouré 
d'un groupe d'indigènes. On m'apprend que Crouma, pré- 

P. Brl'nache. 9 



130 AUTOUR DU TCHAD 

venu de notre arrivée, est venu offrir des présents aux 
« blancs ». Je cherche en vain le chef des Togbos, mais 
il n'est pas dans le groupe. Ce sont simplement des indi- 
gènes d'un village voisin, venus pour s'assurer de nos 
intentions. C'est une interprétation donnée à tort aux 
paroles d'un des indigènes qui a fait prendre lorateur 
pour Crouma. 

Le soir, pendant que nous devisons tranquillement 
après le repas, nous entendons, à l'extrémité la plus éloi- 
gnée du camp, une violente détonation. Tout le monde 
saute sur ses armes et se dispose à former le carré, lorsque 
de sonores éclats de rire poussés par les Banziris nous 
rassurent complètement. Nous nous approchons de leurs 
feux et nous les trouvons en train d'exécuter une ronde 
échevelée autour d'un malheureux à la mine piteuse sous 
une couche de liquide d'un jaune verdàtre. Les Banziris 
avaient fait dans la journée une abondante récolte d'œufs 
de caïmans dont ils sont très friands. L'un d'eux, un peu 
avancé, avait, sous l'influence de la chaleur des foyers, fait 
explosion à la face de son propriétaire. 

Le lendemain, nous sommes arrêtés par un rapide qui 
n'existait pas lors de notre premier voyage; la baisse des 
eaux l'a mis à découvert et rendu infranchissable. Nous 
prenons tous la route de terre, que nous suivons jusqu'à 
l'endroit où j'ai vu Crouma pour la première fois. 

L'emplacement où je comptais proposer de faire ins- 
taller le poste, n'est nullement du goût de M. Dybowski : 
il est trop près, à son avis, des deux ou trois petits groupes 
de cases que l'on aperçoit à quelque dislance. 

Il fait choix d'un emplacement en face et dans un creux 



SECOND VOYAGE DANS LA KEHO 131 

de la rive opposée, où les indigènes nous iraportuneront 
sans doute un peu moins, à son avis. 

Les Togbos arrivent en foule et nous apportent une 
grande «juantité de vivres et de denrées. Crouma vient 
également, il csl de plus en plus souriant, il suppute déjà 
les énormes bénélices que va lui procurer «ne si nom- 
breuse troupe. Il m'a rcconou de 
suite et me rappelle notre « cou- 
sinage »; il ajoute que je l'ai 
comblé de cadeaux alors que je 
suis venu avec un autre blanc et 
cinq Sénégalais, et il pense bien 
que le " commandant » qui pos- 
sède une escorte de 6 blancs et 
de 120 noirs, ne lui épargnera 
pas les présents. M. Dybowski, 
indisposé, s'était retiré dans sa 
tente. Le marché s'organise, 
mais les transactions sont si 
bruyantes, les Togbos si encom- 
brants à son avis, que notre 
chef décida de passer immédia- '^° '''"s''"- 

tement sur l'autre rive, alln d'être moins importuné. 

Briquez et moi surveillons le transbordement, qui s'ef- 
fectue à l'aide du canot démontable. Puis, lorsque toutes 
les marchandises sont sur l'autre rive, nous traversons 
également la Kemo au grand ébahissemenl des Togbos 
qui ne comprennent rien à celte manœuvre. 

Voyant que nous installons notre campement de l'autre 
bord, ils traversent la rivière sur le pont de lianes, situé à 




132 AUTOUR DU TCHAD 

quelque 100 mètres en aval, et viennent en plus grand 
nombre reprendre les transactions commencées. Les Lan- 
gouassis de celte rive, qui n'avaient pas osé franchir la 
Kemo, se décident alors à nous apporter leurs denrées. Le 
camp est littéralement envahi par la foule. 

Crouma est radieux. Pour nous témoigner sa joie, il 
nous apporte force calebasses de « pipi », bière de mil. 
Heureusement qu'il aide consciencieusement nos hommes 
à les vider. 

Dans la nuit, M. Dybowski vient nous réveiller. Briquez 
et moi. Indisposé, depuis quelque temps, il ne dort pas; 
il vient d'entendre des appels réitérés ainsi que des bat- 
teries de tambour. Cette animation à une heure aussi 
avancée de la nuit pourrait être de mauvais augure. Il 
engage Briquez à faire doubler les sentinelles. Cependant 
nous entendons bientôt un chœur extrêmement doux et 
harmonieux. On distingue très bien la voix grave des 
hommes, celle des adultes, et une « tierce » très originale 
magistralement enlevée par les femmes. 

Quand la lune apparaiff toute V Afrique est ivre, 

me dit Briquez, rééditant un mot célèbre. 

En effet, pendant notre séjour chez les Ouaddas, les 
indigènes donnaient souvent de ces concerts qui duraient 
généralement jusqu'au matin. Et d'ailleurs Crouma a 
absorbé dans celte journée une telle quantité de boisson 
qu'il n'y a pas lieu d'être étonné s'il manifeste bruyam- 
ment sa joie. 

Cette fois, il s'agissait d'un repas de funérailles. 11 faut 
croire que le défunt était un chef vénéré, car la cérémonie 



SECOND VOYAGE DANS LA KEMO 133 

se répéta tons les soirs jusqu'au 7 avril, date do mon 
départ de la Kemo. 

Les coups de sifflets que nous entendions de temps à 
autre, élaient donnés par ceux qui, regagnant seuls leur 
demeure, voulaient écarter de leur route les mauvais 
esprits, très redoutés chez les Togbos. 

Tout notre monde est employé à la construction d'une 
case. Chalot, fort intelligemment secondé par M. Van den 
Handel, agent de la Compagnie Hollandaise qui a installé 
un comptoir ici, a créé un magnifique jardin potager et 
planté une grande quantité de bananiers. 

M. Dybowski voudrait faire de ce poste une ferme 
modèle, mais, appelé par d'autres soins, il est obligé de 
rentrer au poste de Bangui. Je reste avec MM. Chalot, 
Chaussée, agent de la maison Daumas et C^% qui nous a 
été récemment adjoint, et M. Van den Handel. Le 3 mars, 
MM. Dybowski, Briquez et Bobichon reprennent la route 
de terre pour se rendre aux Ouaddas et de là à Bangui. 

Malgré la monotonie de Texistence dans les postes, 
nous parvenons, grâce à nos occupations variées et surtout 
aux nombreuses visites du chef Crouma, à supporter 
presque patiemment notre immobilité. 

Mabingué, notre guide dakoa, vient nous voir. 11 est 
émerveillé de nos richesses et nous adresse de vifs 
reproches de ne pas avoir fait une semblable installation 
dans son pays. Nous lui donnons des présents pour lui et 
pour le chef Zouli. Il nous dit qu'il lui faut deux petites 
journées pour atteindre son village, situé près de notre 
ancien campement de la Zanvouza. Nous voudrions bien 
faire une petite reconnaissance de ce côté, mais les ordres 



134 AUTOUR DU TCHAD 

de M. Dybowski sont formels : il nous a recommandé 
avant son départ de ne faire absolument aucune tentative 
isolée. 

Des chefs de villages environnants, conduits par Crouma, 
viennent également nous visiter. Les uns appartiennent 
à la tribu des « M'bris » et sont d'assez beaux hommes, 
portant une longue chevelure rejetée en arrière « à la 
Titus ». D'autres sont de la tribu des N'dris, qui confine à 
celle des Togbos. 

Les Bouzerous de Bangui, les Bondjios et les Banziris 
nous parlaient fréquemment des N'dris, mais ils semblaient 
employer cette appellation pour désigner indistinctement 
les gens de Tintérieur. 

Nebout et Lauzières avaient fait jadis une pointe à 
quelques jours de marche du village de Biringoma sur 
rOubangui et affirmèrent avoir rencontré une tribu por- 
tant ce nom. On leur objecta qu'ils lui donnaient une 
mauvaise interprétation. 

A la suite de la visite de ces chefs, j'acquis la convic- 
tion qu'il existait une tribu portant réellement le nom de 
N'dris et qu'elle s'étendait très loin vers l'Ouest. Nebout 
ne s'était donc point trompé. Tous ces renseignements 
furent d'ailleurs corroborés par ceux que nous recueil- 
lîmes avec la mission Maistre, en traversant cette même 
tribu des N'dris. 

Nous vivions en excellente intelligence avec les Togbos 
qui affinaient au poste. Hommes, femmes, enfants venaient 
nous vendre leurs denrées ou se louer comme travailleurs. 

En présence de leur bonne volonté, je leur demandai 
si certains d'entre eux consentiraient à venir avec nous en 



SECOND VOYAGE DANS LA KEMO 135 

qualité de porteurs. Ils répondaient chaque fois que sur 
leur territoire ils nous prêteraient le concours le plus 
large, mais qu'ils ne pourraient se résoudre à nous suivre 
au delà. 

C'est là recueil qu*ont rencontré tous les voyageurs. 

Tous concluaient en nous disant d'acheter des esclaves. 

Les Togbos forment une population douce et travail- 
leuse. Ils seraient cependant de dangereux adversaires, car 
ils sont aussi courageux et braves. 

Ils aiment leur foyer; la femme est chez eux fort bien 
considérée. Elles jouissent d'une très grande liberté dont 
elles n'abusent pas, d'ailleurs. Nos hommes d'escorte 
avaient cependant trouvé, parmi certaines d'entre elles, 
des amies très intimes. Mais le plus grand nombre 
venaient souvent fort en colère, nous prévenir qu'elles ne 
reviendraient plus au poste, si nous ne punissions cer- 
tains Sénégalais par trop entreprenants. 

De môme que chez les Banziris et d'autres tribus, la 
femme est consultée dans les circonstances graves qui 
intéressent la famille. Elle donne également son avis au 
sujet des transactions. Il n'est pas rare qu'un Togbo sur 
le point de conclure une affaire, la vente d'un couteau, 
d'une lance par exemple, coure appeler sa femme qui 
agrée, demande une augmentation de prix, ou oppose son 
veto, et l'homme s'incline. 

Les enfants, mâles ou femelles, sont l'objet de tous les 
soins du père et de la mère jusque dans un âge très 
avancé. Alors qu'ils ne marchent pas encore, ils sont 
soumis à un régime qui peut se résumer en ceci : pur- 
gare et clysterium donare. L'instrument qui sert à cette 



436 AUTOUR DU TCHAD 

dernière opération consiste en un morceau de bois creux 
aminci vers Tun des bouts. On le remplit d'une infusioD 
d'herbes mélangée à de l'huile d'arachides, puis... on 
souffle par l'autre extrémité pour envoyer le liquide à 
destination. L'opérateur est quelquefois aussi aspergé que 
le patient; dans ce cas, il y a lieu de recommencer. 

Rien de plus comique qu'un Togbo robuste comme un 
héros d'Homère, empêtré de ses lances, de plusieurs cou- 
teaux de jet, de son arc et de son carquois, s'efforçant de 
tenir un petit enfant sur ses genoux, tandis que la mère 
procède à cette opération délicate. 

J'aurais volontiers continué mes observations sur cette 
intéressante peuplade, mais, le 6 avril, Briquez m'appor- 
tait un ordre de M. Dybowski m'enjoignant de quitter 
d'urgence le poste de la Kemo et de rejoindre Bangui 
sans plus larder*. 

Briquez m'apprit en outre que M. Dybowski, malade 
depuis son arrivée à Bangui, songeait à descendre à Braz- 
zaville pour se rétablir. Notre chef avait même manifesté 
l'intention de rentrer en France, s'il ne trouvait à Brazza- 
ville les soins que réclamait à son avis son état de santé. 

Ma présence n'étant nullement nécessaire à la Kemo, 
je décidai de descendre à Bangui, pour avoir de plus 
amples explications. 

Le 7 avril. Briquez et moi quittâmes le poste de la 
Kemo. Nos pirogues bien conduites par les Banziris ne 
mirent pas longtemps à atteindre le banc de sable situé 
au confluent de l'Oubangui et de la Kemo, et qu'une 

1. En cas de refus de ma part, je devais élre enlevé « etiam manu 
militaH ». 



SECOiND VOYAGE DANS LA KEMO 137 

baisse considérable des eaux avait depuis quelque temps 
mis à découvert. Un village de pêche banziri, très impor- 
tant, est installé maintenant en cet endroit où naguère les 
eaux atteignaient plus de 3 mètres de profondeur. 

L'aspect du fleuve est totalement modifié. Il est tout 
aussi merveilleux qu'auparavant, mais d'une autre façon. 
Mon étonnement ira sans cesse en grandissant jusqu'à 
Bangui. 

Après le souper, Briquez et moi, assis pensifs près d'un 
grand feu de bivouac, échangeons de temps à autre quel- 
ques paroles. Autour de nous, un essaim de charmantes 
jeunes tilles banziris, venues exprès pour « flirter » pen- 
dant une heure ou deux, ne parviennent pas à nous dis- 
traire de nos préoccupations. 

C'est que nous songeons qu'il nous faudra attendre 
longtemps avant d'aller de l'avant, que nous avons en 
mains des ressources qui restent inactives, alors que nous 
brûlons du désir de les utiliser. 

Certes, nous avons fait quelque chose. Sans parler des 
reconnaissances de la M'poko, de l'Ombella et de la Kemo, 
nous avons parcouru un nombre respectable de kilo- 
mètres sur cette route que Crampel nous traçait naguère 
si plein d'espoir, si confiant dans l'avenir. Le Muséum a 
reçu, à l'heure actuelle, d'importantes et intéressantes 
collections, mais ce n'est pas suffisant. Le départ de 
M. Dybowski doit-il forcément nous imposer une inac- 
tion qui n'est ni dans notre tempérament, ni de circon- 
stance? 

Je regarde longuement Briquez... il m'a compris. 
« Vous pouvez, me dit-il, compter absolument sur moi; où 



138 AUTOUR DU TCHAD 

VOUS irez, je vous suivrai... et je suis convaincu que vous 
brûlez du désir de partir vers le Nord, vers ces popula- 
tions musulmanes qui vous intéressent si vivement. Eh 
bien, j'en suis!... » 

Je ne lui en demandais pas davantage. Le lendemain, 
nous faisions route vers Bangui pour donner à M. l'Ad- 
ministrateur le décompte des marchandises et des hommes 
que nous prenions avec nous et placer sous sa sauve- 
garde les hommes que nous comptions laisser au poste 
de la Kemo. 

La navigation est extrêmement pénible aux basses 
eaux. Tous les seuils de roches sont à découvert et 
présentent de sérieuses difficultés pour le passage. 

D'immenses bancs de sable, couverts d'oiseaux de 
toutes sortes, sont maintenant peuplés de villages provi- 
soires que les Banziris habitent pendant la saison de 
pêche. C'est une véritable fête pour l'œil et, si l'Oubangui 
a quelque peu perdu de son aspect grandiose d'il y a cinq 
mois, il a certes gagné au point de vue du pittoresque. 
Tous ces beaux corps noirs des Banziris font des taches 
gaies sur ce sable roux. Ici ce sont les hommes qui 
gréent leurs pirogues pour partir à la pêche; d'autres 
halent leurs filets, prêts à se rompre sous le poids des 
poissons qui miroitent au soleil. Là ce sont les femmes 
qui disposent sur des claies le produit de la pêche. Elles 
allument un grand feu dessous et le « fument » pour le 
conserver pendant la mauvaise saison. 

Les jeunes garçons et les jeunes filles gambadent sur la 
plage ou, pénétrant dans l'eau, s'éclaboussent mutuelle- 
ment au milieu de rires bien francs et bien sonores. 



SECOND VOYAGE DANS LA KEMO 139 

Tout cela sous un soleil légèrcmcnl leinlé de rose avec 
un fond de palmiers et de « bomba\.H gigantesques. 

A Bangui, nous recevons l'accueil le plus sympathique 
de M. Largeau, récemment nommé Âdminislrateur du 
haut Ouban);ui. Il nous dit que M. Dybowski doit êlre à 
Brazzaville à Tlieure actuelle, mais que la mission de ren- 
fort conduite par M. Maistre est annoncée. Nous lui faisons 
part de notre détermination de partir dans l'intérieur : 




elle ne le surprend pas. M. Lai^eau, qui s'est distingué 
dans le Sahara .algérien, à l'époque oii il y avait de sérieux 
dangers à parcourir celte région, regrette simplement que 
la maladie et les fonctions qu'il occupe ne lui permettent 
pas de se joindre à nous. 

Malheureusement Briquez vient de recevoir une lettre 
de M. Dybowski qui fait évanouir tous nos projets. Notre 
chef l'avise qu'il est à Lirranga, complètement rétabli, et 
qu'il va remonter incessamment à Bangui avec la mission 
Maistre, qui fait déjà route vers ce poste. Notre chef ren- 
trant en Europe, je me croyais en droit de disposer du 
matériel de la mission dont j'étais le second, au mieux des 
intérêts du Comité qui nous avait envoyés. Dès l'instant 
où M. Dybowski demeurait, je ne pouvais agir de même. 



140 AUTOUR DU TCHAD 

Afin d'être absolument renseigné, je quittai Bangui en vue 
de me rendre auprès de M. Dybowski. 

Le capitaine du vapeur Frederick de la Compagnie 
Hollandaise voulut bien me prendre à son bord. Le sep- 
tième jour après mon départ, nous étions en vue de 
Lirranga. 

Un moment avant d atterrir, nous remarquons que l'île 
située en face du poste, habituellement déserte, est actuel- 
lement très animée. Partout des cases, des lentes, des feux 
et un grand mouvement de noirs et d'Européens. 

Nous accostons et je me trouve dans les bras de deux 
excellents camarades d'Algérie, MM. Clozel et de Béhagle. 
Ils me présentent peu de temps après M. Bonnel de 
Mézières. Ils forment Tavant-garde de la mission Maistre, 
envoyée par le Comité de l'Afrique française pour ren- 
forcer la mission Dybowski. Tous trois ont quitté Brazza- 
ville depuis peu de temps. Us m'apprennent, à ma pro- 
fonde surprise, que M. Dybowski vient de partir pour France 
avec le lieutenant Mizon, rentré par la Sangha, après un 
assez long séjour dans TAdamaoua. M. Maistre est attendu 
d'un moment à l'autre, avec le reste du matériel et les 
autres membres de la mission. D'après eux, je ne puis 
songera rejoindre M. Dybowski; il est préférable, à leur 
avis, d'attendre M. Maistre, qui a longuement conféré avec 
mon ancien chef et me donnera sans doute quelques éclair- 
cissements sur cette situation équivoque. 

Je me résigne, mais non sans maudire toutefois cette 
lettre reçue à Bangui, m'annonçant le retour de M. Dy- 
bowski, juste au moment où nous nous disposions, Briquez 
et moi, à partir vers Tinlérieur et précisément à Tinstant 



SECOND VOYAGE DANS LA KEMO lil 

OÙ celui qui nous l'envoyait prenait ses dernières disposi- 
tions pour rentrer rapidement en France... 

Je m'arrête... Qu'importait après tout de servir la cause 
que nous défendions, comme chef ou comme simple colla- 
borateur? l'essentiel était d'atteindre notre but. Mes com- 
pagnons m'affirmaient que leur jeune chef, M. Maistre, 
avait hâte de se mettre à l'œuvre, qu'il avait « la foi » et 
ferait certainement de la bonne besogne : c'était plus que 
ce qu'il fallait pour me décider à le suivre en quelque qua- 
lité que ce fût. J'attendis donc son arrivée. 

Le 9 mai, M. Maistre débarquait à Lirranga. Après un 
court entretien, il fut convenu que je partirais avec lui. 
Mon ami Clozel voulait bien me céder les fonctions de 
second, qu'il occupait au départ de France. 

Je constatai avec peine que le nombre des porteurs 
était absolument insuffisant. M. Maistre me dit en effet 
que ceux qu'il avait fait recruter à la côte de Crou ne 
pourraient nous rejoindre et qu'il comptait seulement sur 
les Kassaïs de la Kemo. 

Fort heureusement, M. Greshoff, le Directeur de la 
Compagnie Hollandaise, était de passage à Lirranga en 
ce moment. Avec son amabilité habituelle, il confia à 
M. Maistre, pour la durée de notre voyage, les 50 hommes 
qu'il avait précédemment mis à notre disposition et qui 
f^e trouvaient à la Kemo. 

Une des grosses difficultés était donc aplanie. M. Maistre 
fixa le départ au lendemain. 



CHAPITRE VI 



LA HISSIOrV HAISTRE 



De Lirranga à la Kemo — Organisation du convoi. — Dépari 

vers rinoounu. Les N'dris. 



Le 11 mai, nous nous embarquons à bord de la canon- 
nière Djouêj capitaine Bourreyne. Nos hommes ont pris 
place à l'avant du bateau et dans un grand canot de 
fer traîné en remorque. Les six blancs occupent le petit 
carré d'arrière. Jusqu'au 27, notre navigation, lente et 
pénible par suite de la baisse des eaux, n'est cependant 
marquée par aucun incident notable. Ce jour-là, vers dix 
heures du matin, nous sommes arrêtés par un banc de 
roches presque à fleur d'eau. Le capitaine fait sonder 
minutieusement de tous les côtés, mais il est impossible de 
trouver la moindre passe. 

Il faut renoncer à aller plus loin avec la canonnière. 
Les villages voisins ne possèdent pas de pirogues. 

Le Djoué restera mouillé en cet endroit; MM. Maistre, 
Bonnel de Mézières et moi partirons pour Bangui avec 
le canot de fer, et de li nous enverrons un nombre suf- 
fisant (le pirogues ou embarcations, pour évacuer le par- 



LA MISSION MAISTRE 143 

sonne! et le matériel sur ce poste. Nous prenons avec 
nous dix-huit hommes sachant pagayer et le petit Bonga, 
fils du chef banziri Bembé. Bonga était resté plus d*un an 
au service de M. de Poumeyrac, puis auprès de Briquez. 
Il parlait maintenant fort correctement le français. 
M. Dybowski avait eu Tintenlion de le conduire en France. 
Grâce à M. Dolisie, il resta auprès de M. Maistre et nous 
rendit de réels services. 

Dans la suite, nous eûmes à déplorer le départ pour 
France du petit Ali. Briquez lui avait appris le français, 
qu'il parlait avec beaucoup de facilité et, en pays sara, il 
nous eût été d'un grand secours, peut-être môme nous eût- 
il évité bien des ennuis chez les Toummocks et les Gaberis. 

Notre lourd canot de fer avançait avec peine malgré 
les efforts de nos hommes. Après deux jours de naviga- 
tion, nous avons parcouru bien peu de chemin. Fort heu- 
reusement, le 30 mai, vers dix heures, nous croisons le 
Frederick dans les parages de D'zinga. Ce petit navire 
de la Maison Hollandaise, grâce à son très faible tirant 
d'eau, circule en toutes saisons dans les rivières. 

Nous demandons au capitaine s'il voudrait bien se 
charger du transbordement de notre personnel et de nos 
marchandises. Il se met à notre disposition et, le lende- 
main, ramène une partie de nos hommes et une grande 
quantité de colis. Il nous prend à son bord et nous 
débarque, le surlendemain, à Bangui. 

Briquez est un peu étonné de me voir revenir; cepen- 
dant, lorsqu'il connaît la présence de nos deux amis, dont 
je lui ai souvent parlé, il est moins surpris. Je le décide 
à partir avec nous. 



iH AUTOUR DU TCHAD 

Un second voyage du Frederick nous met en posses- 
sion du reste de nos charges et de notre personnel. 

Sans nous attarder à Bangui, nous nous embarquons 
tous sur les pirogues recrutées par Briquez chez les Ban- 
ziris et, le 8, nous faisons escale aux Ouaddas. 

La caravane se divise. Une moitié prend la roule de 
terre, Tautre continue en pirogue. 

Cette fois, je revois avec plaisir le poste de la Kemo, 
parce que je sais que nous n'y ferons pas long séjour. 

Nous retrouvons MM. Ghalotet Van den Handel en par- 
faite santé. M. Chaussée est atteint de dysenterie, il ne 
pourra nous suivre. M. Chalot doit rejoindre M. Dybowski, 
rentré en France; enfin M. Van den Handel est rappelé 
pour se rendre à Mobaï dans TOubangui. Personne ne 
restera donc au poste, qui devient la propriété de Crouraa. 

Le 28 juin, tout était prêt. Nous avions rencontré de 
sérieuses difficultés dans la confection et la répartition 
de nos charges. Par suite de Tinsuffisance du nombre de 
porteurs, nous ne pouvions emporter que quelques rares 
conserves, bien plus comme vivres de malades que comme 
réserve. Ce qui nous inquiétait le plus, c'était le petit 
nombre de caisses de perles et de ballots d'étoffes com- 
posant notre pacotille. Nous n'emportions que le strict 
nécessaire, et cependant nous comptions près de 110 char- 
ges. Chaque Européen n'avait qu'une seule malle person- 
nelle, du poids de 30 kilos. Une petite tente d'officier 
devait abriter deux « blancs » et leurs bagages. On ne 
pouvait songer à réduire davantage nos colis, de sorte 
qu'en cas de maladie de l'un de nos porteurs, nous 
n'aurions eu personne en état de le remplacer. 



LA MISSION MAISTRE 145 

Nous prenons notre dernier repas au poste de la Kemo. 
Nos camarades de Tancienne mission sont partis depuis 
la veille; il ne reste que deux des anciens : M. Brunache 
et M. Briquez. 

L'effectif comporte 6 Européens : MM. Maistre, Bru- 
nache, Clozel, de Béhagle, Briquez et Bonnel de Mézières; 
60 Sénégalais d'escorte, 118 porteurs croumans, kassaïs 
ou pahouins. 

Les porteurs sont conduits par deux contremaîtres qui 
leur prêtent main-forte dans les mauvais passages, soula- 
gent les malades et les estropiés, et secondent les « blancs » 
dans une foule de questions de détail. 

Le concours d'un contremaître comme ceux que nous 
avions la bonne chance de posséder est loin d*étre à 
dédaigner. L'un d'eux, ancien marchand d'esclaves, nommé 
Tonio, nous a construit aux Ouaddas et à la Kemo des 
cases qui feraient rêver un professionnel; fart d'ouvrir 
avec un clou un cadenas dont la clé était perdue, de 
déboucher une bouteille avec une paille, et surtout de 
fabriquer des pipes en racines, n'avait pas de secrets pour 
lui. Avec cela deux solides épaules, que Ton trouvait tou- 
jours pour vous aider à franchir un marais bourbeux ou 
un escarpement difficile, avaient fait de Tonio un être 
indispensable. 

11 est vrai que ses nombreux talents, son extraordinaire 
don d'ubiquité, lui attiraient de fréquentes bourrades. On 
ne pouvait admettre que Tonio n'eût pas prévu tel incon- 
vénient, songé à faire un pont, à débrousser cet empla- 
cement! Tonio laissait passer Torage, pénétré de son 
importance; puis s'avançait en arrondissant le dos, 

p. Brunache. iO 



146 AUTOUR DU TCHAD 

demandait à celui qui l'avait houspillé un instant aupara- 
vant : un petit peu de tabac ou quelques perles pour en 
acheter. Il était « grand fumadore » (fumeur), nousdisait-il 
dans ce jargon qu'il avait emprunté à son associé portu- 
gais, alors qu'il était négociant en « bois d'ébène ». 

Le 29 juin, le réveil est sonné à cinq heures. Comme le 
transbordement se fait à laide d'un seul canot démontable, 
nous ne nous trouvons au complet, sur la rive droite, que 
vers midi. 

A 1 heure, la colonne se met en marche toujours à la 
file indienne ; il n'est pas possible de circuler autrement 
sur ces étroits sentiers. Cette habitude est d'ailleurs tel- 
lement invétérée chez les noirs que, dans deux ou trois 
circonstances difficiles, il nous a été impossible de faire 
marcher nos porteurs par deux, ou par quatre, en vue de 
diminuer l'étendue de la colonne et alors que nous nous 
trouvions sur une excellente route, très large cl également 
bien battue. 

Ce jour-là et le lendemain, nous parcourons un sous- 
bois des plus pittoresques. Ce ne sont plus ces arbres 
gigantesques d'une rectitude qui peut être très appréciée 
des charpentiers, mais qui rend le paysage monolone à 
force d'être régulier et grandiose. On est toujours tenté 
, d'aller compter les fils que ces poteaux télégraphiques 
devraient forcément supporter. Il ne faut cependant pas 
les calomnier, ces énormes « bombax », qui, en somme, 
sont loin de déparer les bords de l'Oubangui : ce sont eux 
qui servent à faire ces merveilleuses pirogues que les Ban- 
zirisfont si magistralement évoluer dans les passages dif- 
ficiles. On est bien aise cependant de reposer sa vue sur 



LA MISSION MAISTRE ii7 

un paysage de proportions plus modestes, de voir enfin 
quelques arbres qui ne bravent pas la nue et se livrent à 
mille contorsions bizarres. 

La végétation tropicale n'a pas cependant perdu ses 
droits. Les lianes continuent à courir d'un arbre à Taulre, 
les palmiers nains et toutes les herbes qui constituent 
cette flore si originale de TAfrique, croissent, mais moins 
drues, et n'entravent pas la marche. 

Nous campons dans un endroit éloigné de tout centre 
habité. Bien que Tétape nous ait paru longue, nous avons, 
en somme, parcouru fort peu de chemin : c'est inévitable 
après être restés dans l'inaction la plus complète pendant 
d'aussi longs jours. Quelques rares indigènes viennent 
nous vendre des vivres. Pendant que je fais des achats, je 
vois arriver vers moi une bande de Sénégalais, hurlant, 
riant et bousculant un pauvre diable, tout surpris de cet 
accueil chaleureux. 

Ce qui lui vaut cette ovation, c'est qu'il a le teint un 
peu plus clair que les autres indigènes, une grande barbe, 
un collier qui a un faux air de chapelet et un soupçon de 
« boubou » (tunique, chemise), 

(c Monsieur, c'est un marabout! me dit l'un. Il parle 
arabe », médit Tautre. Je calme tout ce monde et je ras- 
sure mon individu, qui possède quelques formules de 
politesse arabes. Il parle suffisamment cette langue et se 
montre très fier de ses connaissances. Il a l'air très intel- 
ligent et parait tout disposé à nous être utile. Il veut bien 
nous servir de guide pour nous conduire chez les N'dris, 
dont la limite est assez proche, mais il ne peut pour le 
moment nous donner des renseignements géographiques 



148 AUTOUR DU TCHAD 

bien détaillés. Demain, nous dit-il, nous traverserons la 
rivière Tommy, que nous connaissons déjà. Elle se jette 
dans la Kemo, près des territoires de Bouassa, on la traverse 
quand on se rend par terre chez les Ouaddas. Au nord et 
dans quelques jours, nous aurons à traverser une impor- 
tante rivière, le « Gribingui », dont on nous a déjà parlé 
chez Crouma. 

Notre homme s*appelle Ali; ce nom et sa connaissance 
de la langue arabe le rendent quelque peu suspect dans le 
camp. « Le spectre de Tislamisme » a été si habilement 
agité depuis quelque temps qu'il cause même un certain 
effroi parmi les Sénégalais musulmans. On flaire déjà en 
lui un espion de ces fanatiques qui veulent absolument se 
soustraire à l'influence des « blancs ». 

Or Ali n'est pas musulman. Il est né chez les N'dris et 
a été esclave chez les « Snoussous » dans son jeune âge; 
il ne fait pas de difficultés à le reconnaître. Il a entendu 
parler du massacre de Crampel et de la venue d'une 
seconde expédition de « blancs » à Makorou, chez les 
N'gapoux. 

Comme il a tout lieu de supposer que nous venons 
tirer des musulmans, vengeance de la mort de nos com- 
patriotes, il ne se vante pas des relations qu'il entretient 
avec eux, mais il n'est pas douteux qu'il leur sert d'inter- 
médiaire et d'interprète dans leurs transactions avec les 
naturels du pays. 

Rien de plus naturel de sa part et il n'y a pas là matière 
à nous inquiéter le moins du monde. On lui reprochait 
d'être très réservé au sujet des Tourgous, Snoussous et 
autres musulmans. Comme Ali n'ignorait pas que nous 



LA MISSION MAISTRE U9 

avions détruit la troupe de musulmans qui se trouvait chez 
les N'gapoux, il jugeait par suite inutile de se prévaloir des 
bons rapports qui existaient entre lui et ceux qu'il croyait 
être nos ennemis. Peu habitué à nous, il était môme fondé 
à croire que nous lui en ferions un grief. Et, d'ailleurs, 
peut-être n'en savait-il pas davantage? il y a loin de chez 
les N'dris aux pays musulmans!.... 

D'ailleurs nous ne faisions que passer dans la région, 
tandis que les musulmans y viennent périodiquement faire 
d'importantes transactions et, tout en nous étant utile, 
Ali n'avait aucune raison de se mettre mal avec ceux qui 
auraient pu lui nuire, dans la suite, alors que nous nous 
serions trouvés trop loin pour le proléger. 

H n'en est pas moins vrai que nous n'eûmes qu'à nous 
louer de lui tant qu'il nous servit de guide et que, peut- 
être, bien des difficultés, bien des coups de fusils auraient 
été évités si nous feussions écouté. 

Le 2 juillet, nous atteignons le village d'Azamgounda, 
un des premiers chefs noirs, avec lequel Ali paraît en 
excellents termes. D'ailleurs tous les gens du village con- 
naissent notre guide, auquel ils s'adressent en vue de 
vendre poules, chèvres, farine et les légumes de toutes 
sortes qui abondent dans ce village relativement très pros- 
père. 

Les cases comme celles des Banziris, des Dakoas et des 
N'gapoux sont soignées et bien construites. Elles sont 
rondes ainsi que toutes celles que nous rencontrerons 
désormais. Les alentours, la place centrale, ornée d'un 
immense sycomore, sont scrupuleusement balayés. 

Les cultures sont également bien entretenues. Les pre- 



150 AUTOUR DU TCHAD 

miers « N'dris » que nous voyons paraissent de taille 
moyenne et bien proportionnés. Ils sont plus grands et 
plus forts que les N'gapoux, mais ont avec eux un grand 
nombre de points de ressemblance. Ils sont peu tatoués et 
ne portent que quelques rares ornements en métal ou en 
quartz. Ils affectionnent cependant les anneaux de métal 
passés dans les ailettes du nez. 

Jusqu'à présent je n'ai point vu de teinte de peau plus 
foncée que celle des N*dris. Je ne serais pas éloigné de 
croire que les N'gapoux, les N'dris, les Ouaddas et peut- 
être même les Togbos, proviennent de la même souche. La 
différence entre la langue parlée par ces quatre peuples 
ne doit pas être bien sensible. 

Azamgounda, sous les auspices d*Ali^ nous présente 
Gonno, son frère, chef d un village voisin. Nos deux chefs 
sont entourés d'un certain nombres d'amis, de clients et 
de badauds. M. Maistre profite de l'occasion pour leur 
présenter les avantages qu'offrirait pour eux un traité. Je 
traduis à Ali les paroles de M. Maistre et celui-ci, après 
avoir entretenu à voix basse les deux chefs, nous fait con- 
naître qu'Azamgounda est disposé à signer le traité dont 
il s'agit. 

M. Maistre nous a tous réunis ; les Sénégalais en armes 
forment le carré. La sonnerie « au drapeau » et la mise de 
la baïonnette au canon étonnent quelque peu les indigènes. 
Bon nombre de spectateurs s'éclipsent discrètement. Azam- 
gounda et son frère Gonno se tournent de temps à autre, 
peu rassurés d'être ainsi isolés au milieu d'une aussi 
importante troupe en armes. C'est avec un soupir de sou- 
lagement non dissimulé qu'ils prennent congé de nous 



LA MISSION MAISTRE 151 

après la cérémoDie. Je ne suis pas éloigné de croire que 
bientôt s'établira cette légende, chez les N'dris, que les 
» blancs », avant 
de faire alliance 
avec une Iribu, font 
subir une épreuve 
aux chefs pour s'as- 
surer du courage 
et du sang- froid 
de leurs nouveaux 
amis. 

Ali, qui a dos pré- 
tentions, jusliliécs 
d'ailleurs, à la di- 
plomatie, m'explique 
qu'un semblable ap- 
pareil, loin de plaire 
aux indigènes, pour- 
rait les effrayei' el 
nous créer des difli- 
cultés quelquefois. A 
son avis, une atig- , ' ^ 

mentalion de ca- ^ 

deaux et même une ' .* 

dislribulion aux as- 
sistants donnerait Gaemer o n. 

beaucoup plus d'éclat à la cérémonie. Il oublie d'ajouler 
que celte façon de procéder augmenterait son importance 
et arrondirait sensiblement sa bourse en sa qualité d'in- 
lerpréte. 




152 AUTOUR DU TCHAD 

Quelques Togbos avaient consenti à nous accompagner 
chez les N'dris. Ils nous avaient môme fait espérer qu'ils 
décideraient leurs voisins à se joindre à nous, lorsqu'eux- 
mêmes ne pourraient aller plus loin, lis nous quittent, 
ils ne veulent pas franchir la rivière Tommy, et les 
N'dris paraissent peu disposés à nous accompagner. 

Le 4 juillet, nous quittons le village d'Azamgounda. Il 
nous faut, dès notre sortie du village, traverser la Tommy, 
qui coule au pied sous un véritable tunnel de verdure. Le 
passage s'effectue sur un pont de lianes très bien construit 
et de formes très gracieuses. Ali nous engageait vivement 
à ne pas prendre ce chemin : il avait en effet d'excellentes 
raisons, car il nous faut bientôt traverser à nouveau la 
Tommy, mais, cette fois, à gué et au prix d'assez sérieuses 
difficultés; puis nous nous engageons dans une série de 
petits marais bourbeux qui rendent la marche très fati- 
gante. 

Le transport du canot démontable cause un sérieux 
inconvénient et retarde la marche de la caravane. 

Nous atteignons cependant de légers accidents de ter- 
rain, parsemés d'arbres moins perdus dans l'herbe, qui 
nous indiquent, en même temps que l'approche d'une 
forêt, une élévation sensible du terrain. 

Bientôt, dans une jolie clairière, égayée par quelques 
rayons de soleil qui percent à travers le feuillage plus dru 
en cet endroit, nous remarquons quelques cases fort 
propres et des cultures très soignées. 

A mesure que nous avançons, les cases deviennent plus 
nombreuses. Quelques hommes devisent tranquillement 
sur le petit tertre, situé à Tune des extrémités de la place 



LÀ MISSION MAISTRE 153 

centrale et qui sert de lieu de réunion et de poste d'obser- 
vation. Ils ne se dérangent pas à notre approche et ne 
paraissent pas le moins du monde étonnés à notre vue. 
Un bonjour amical de la lôte, un geste pour nous mettre 
dans le bon chemin, et ils reprennent leur causerie, tandis 
qu'une bande d'enfants nus se roulent dans la poussière 
avec les affreux petits chiens comestibles qui abondent en 
cet endroit. On ne voit point de femmes, mais on entend 
des cris et des pleurs d'enfants à la mamelle et, de Tinté- 
rieur des cases, sort un grand bruit de pilons. De temps à 
autre, un homme arrive très affairé, dépose vivement une 
charge de mil ou de manioc dans la case et repart vers les 
greniers. Sous ce calme apparent règne la plus grande 
activité. 

C'est qu'Ali, en guide entendu, a fait prévenir les gens 
d'Amazaga — c'est ainsi que se nomme le chef de ce vil- 
lage — qu'une troupe importante arriverait chez eux et y 
achèterait des provisions. Notre bonne réputation s'est 
répandue de la Kemo ici; d'ailleurs, les N'dris venaient 
de temps à autre au poste; ils savent que notre arrivée 
est pour eux une bonne aubaine et préparent de grandes 
quantités de farine pour nous la vendre. 

Il importe en effet de faire de sérieuses provisions. Au 
dire des indigènes, quelle que soit la direction que nous 
prenions entre le N.-E. et le N.-O., nous sommes forcé- 
ment obligés de traverser une forêt absolument déserte, qui 
pendant huit jours ne nous offrira aucune ressource. 

C'est un fait que nous avions déjà remarqué à diverses 
reprises, que deux tribus importantes ont toujours le soin 
de laisser entre elles un assez vaste espace désert. C'est 



154 AUTOUR DU TCHAD 

sans doute pour éviter, par un certain éloignement, les 
causes de conflits que le voisinage provoque trop facile- 
ment. Ces forêts ou ces steppes constituent également de 
superbes pays de chasse où se réfugient les éléphants, les 
antilopes ainsi que les bœufs sauvages. Le droit de chasse 
dans ces régions fait quelquefois nattre ces conflits que 
Ton voulait éviter. 

Nous faisons séjour à Amazaga pour permettre à nos 
hommes d acheter une provision de farine et autres denrées. 
Ils font aussi de grosses acquisitions de sel indigène; c'est, 
à leur avis, le meilleur qu'ils ont rencontré à ce jour. Je 
le goûte, et, comme partout ailleurs, je lui trouve une 
saveur atroce, une amertume insupportable. Nous préfé- 
rerions, je crois, nous passer de sel que d'en mettre de 
semblable dans nos aliments. Les noirs le paient cependant 
extrêmement cher. 

Le 10, nous fêtons le 1& juillet par anticipation. Les 
habitants du village regardent curieusement nos hommes 
qui se livrent à toutes sortes de jeux. Les femmes elles- 
mêmes sortent de leurs demeures. Comme dans toutes les 
autres tribus, après Bangui, elles n'ont pour tout vêtement 
que deux touffes de feuillage suspendues devant et derrière 
par une ficelle qui fait le tour de la taille. 

Chez les N'gapoux, les Dakoas, les Ouaddas, Togbos 
et N'dris, ce sont toujours les mômes feuilles souples et 
douces, mais outre ces qualités elles possèdent, je crois, 
une autre propriété. 

Dans une masse d'endroits, on est incommodé par la 
présence de légions de petits moucherons qui pénètrent 
dans les yeux, les oreilles et les narines. 



LA MISSION MAISTRE 155 

Nous ne parvenioûs à aous en débarrasser qu'en nous 
réfugiant sous les arbres où ces dames viennent précisé- 
ment cueillir leurs... soupçons de vêtement. Ces mouche- 
rons ne se tiennent jamais dans les parages de ces arbres. 
C'est peut-être cette propriété qui a fait mettre ce vêtement 
à la mode. 

Un traité est passé avec le chef Amazaga, qui, à grand' 
peine, nous confie 6 hommes comme porteurs supplémen- 
taires. Il nous engage fort à ne point aller directement au 
Nord dès maintenant. Ali insiste aussi pour que nous 
inclinions légèrement vers l'Est, où nous rencontrerons la 
tribu des « Kas ». Il est sûr que nous y serons bien 
accueillis, tandis qu'il déclare n'avoir aucune relation 
avec la tribu des « Mandjias », que nous rencontrerons en 
allant droit au Nord, et, dès lors, il craint fort que nous 
soyons mal reçus par cette peuplade, réputée très ombra- 
geuse. 



CHAPITRE VII 



DÉPART DE CHEZ LES rV'DRIS 



Départ de chez les N'dris. — Disparition des guides. — A l'aven- 
ture. — Ligne de partage des eaux des bassins du Tchad et de 
rOubangui. — La tribu des Mandjias. 



Nous parlons le H juillet. En quittant le village, nous 
pénétrons dans celte grande « brousse » qui devait nous 
donner, dans la suite, lant de soucis. Elle est loin d'être 
engageante dès le début, bien qu'elle soit fort pittoresque, 
mais elle est entrecoupée de minces cours d'eau encaissés, 
de marais fangeux qui ralentissent la marche et occasion- 
nent de sérieuses fatigues à notre troupe. Dans ces ravins 
se rencontrent toutes les variétés, toutes les espèces de 
« mimosés », dont les épines tracent des arabesques san- 
glantes sur le dos de nos porteurs et n'épargnent pas 
davantage la figure et les mains des Européens. 

Ces cuisantes piqûres ne sont rien en comparaison de 
l'énervement, de la fatigue énorme, de l'anéantissement 
causé aux porteurs par ces arrêts imprévus, courts ou 
prolongés, suivis d'à-coups dans la marche produits par les 
passages de « marigots ». D'autres fois, alors qu'ils s'y 



DÉPART DE CHEZ LES N'DRIS 157 

attendent le moins, les malheureux sont obligés de prendre 
le pas de course pour regagner leurs dislances et, lorsqu'ils 
sont bien en train, un nouvel à-coup les arrête. Je com- 
prends maintenant pourquoi Stanley, dans ses « raids » 
réputés rapides, ne parcourait en moyenne que 12 kilo- 
mètres par jour. L'Européen qui conduit une colonne ne 
voit que le but à atteindre; il parcourt, évidemment, ces 
dislances, qui semblent courtes, sans efforts : surtout si, 
pour se distraire, il se livre aux douceurs de la poursuite 
des papillons ou de la récolte des plantes rares. Il n'en est 
pas de même pour le porteur qui, lourdement chargé, 
poussé par le contremaître à rejoindre Tavant-garde qui 
marche allègrement, est vile sur les dents et bientôt dans 
l'impossibilité de rendre aucun service. Je sais bien que 
l'on considère assez volontiers les porteurs comme des 
bêtes de somme. Mais encore faut-il ménager ces bêtes de 
somme, surtout quand elles contribuent au succès de 
Tentreprisc, et aussi parce que ce sont des hommes. 

Je m'explique également le : Fesiina lente de M. de 
Brazza. 

Heureusement, et c'est là un délail qui ne manque pas 
d'intérêt, les plaies des noirs se guérissent bien plus 
rapidement dans ces régions que sur la roule de Loango 
à Brazzaville. Si nos hommes, qui se blessaient fréquem- 
ment pendant la marche avaient, comme dans le Mayombe, 
par exemple, conservé pendant des semaines entières des 
blessures vives, qui les mettaient dans l'impossibilité de 
porter aucun fardeau et même de nous suivre, il eût fallu 
renoncera la caravane. 

En somme, notre marche était cependant suffisante. 



158 AUTOUR DU TCHAD 

étant données les difficultés qne nous rencontrions à 
chaque pas. Mais Âli, voyant qu'il n'était tenu aucun compte 
de ses observations au sujet de la route à suivre, nous 
présente quelques objections. En quittant Amazaga, nous 
Tavons en quelque sorte obligé à nous servir de guide : 
malgré ses avis, nous persistons à nous diriger droit au 
Nord; il juge alors inutile de continuer ses services. Un 
malin, au réveil, il avait disparu. Les six hommes prêtés 
par Âmazaga étaient également partis avec lui. 

Nous sommes dans l'obligation d'abandonner le canol 
démontable, ce qui nous permet de disposer de quatre 
vigoureux porteurs. 

Cependant nous avons été rejoints par deux indigènes 
qui appartiennent à la tribu des Kâs. Ils nous suivent, 
mais ne nous servent nullement de guides. Comme il 
n'existe aucun sentier allant directement vers le Nord, la 
caravane est obligée de se frayer un chemin à travers le 
taillis. 

Le 18, nous sommes arrêtés par une rivière que l'on 
ne peut traverser à gué; les deux indigènes nous disent 
qu'elle se nomme « Fafa ». 

Nous la passons sur un arbre que nous abattons en tra- 
vers du courant. La « Fafa » coule vers l'ouest. A H heures, 
toute la caravane est sur la rive opposée. 

Nos hommes ont absolument épuisé tous leurs vivres. 
Beaucoup môme ont dû se contenter, hier soir, de quel- 
ques rares fruits de tamarin pour leur repas. 

Nous sommes obligés de faire une distribution des con- 
serves destinées aux Européens. On remet aux Sénégalais 
et aux porteurs une boîte d' « endaubage » de troupe pour 



DÉPART DE CHEZ LES N*DRIS 159 

trois hommes et une petite boîte de « corned beaf » pour 
deux. Nos vivres de malades sont, dès lors, réduits à leur 
plus simple expression. Les deux seules caisses de ces 
conserves que nous possédions, sont entièrement épuisées 
par cette distribution, qui devait fournir trois repas à nos 
hommes et suffit à peine à en constituer un pour ces 
affamés. 

Depuis l'avant-veille, nous avions quitté une série de 
plateaux arides et secs pour descendre insensiblement vers 
la « Fafa ». La pente est nulle en apparence, mais elle est 
réelle. Les cours d'eau, maintenant, coulent tous dans des 
directions variant entre le nord-ouest et le nord-est. 11 n'y 
a pas à en douter, nous avons franchi la chaîne de col- 
lines, peu élevées, qui constituent la ligne de partage des 
eaux des bassins du Tchad et de TOubangui. 

Vers une heure de l'après-midi, quelques-uns de nos 
hommes viennent nous prévenir qu'ils ont aperçu un indi- 
gène. C'est un gros événement pour nous! Sénégalais, 
porteurs. Européens, tous se pressent autour de l'orateur : 
« Il allait prendre de l'eau avec ses camarades un peu en 
amont du camp, lorsqu'il aperçut un indigène qui relevait 
ses nasses. Heureux de cette rencontre, tous s'avancent. » 
Mais il est probable qu'ils témoignèrent un peu trop bruyam- 
ment leur joie, car l'indigène, effrayé, prit la fuite, aban- 
donnant ses nasses et ses poissons. Nos hommes suivirent 
sa piste, qui les conduisit bientôt sur un chemin frayé et 
paraissant même très fréquenté. 

Le signal du départ est aussitôt donné et nous nous 
engageons sur cette route, qui doit nous conduire très 
certainement vers un village, où il sera possible de nous 



160 AUTOUR DU TCHAD 

ravitailler et d'entrer en relations avec la nouvelle tribu 
sur le territoire de laquelle nous pénétrons. 

Nous rencontrons un carrefour; chaque sentier paraît 
très battu, la direction Nord est choisie de préférence. 

L'avant-garde marche bon train, et la queue de la 
caravane a peine à suivre; elle ne se plaint pas cependant. 
La piste est si bien établie, qu'on éprouve une certaine 
volupté à la fouler, après avoir erré si longtemps à travers 
les ronces, les racines et les taillis. D'ailleurs nos fatigues 
ne vont-elles pas finir maintenant que nous allons atteindre 
un village ! 

Notre hâte d'arriver nous empêche d'admirer cette 
fin de forêt dont le caractère diffère absolument de ce que 
nous avons vu dans la matinée même. Le fouillis a disparu 
pour faire place à un sous-bois beaucoup moins criard, 
plus discret, plus gracile, mais dont Taspect, moins impo- 
sant, est peut-être plus agréable, parce que de larges 
touches lumineuses forment d'heureuses oppositions avec 
le ton d'un violet opaque des fonds, qui jusqu'à présent 
avait formé la note dominante. 

Je ne voudrais pas m'aliéner les sympathies de la géné- 
ration des voyageurs à venir qui s'est nourrie des agréables 
productions de Gustave Aymard et de Meyne Raid, mais 
je ne saurais vanter les agréments des forêts tropicales 
telles que le Mayombe et celle que nous venions de tra- 
verser. 

Ces masses sont merveilleuses au début. On les trouve 
lourdes par la suite, et ces ombres sépulcrales, qui ne 
manquent pas d'un certain charme dès les premiers pas, 
pèsent, oppressent à la longue. A dire vrai, la sensation 



DÉPART DE CHEZ LES N'DRIS 161 

■'est plutôt désagréable et c'est avec une véritable satisfac- 
tion que Ton respire dans les clairières, que Ton retrouve 
une végétation, moins luxuriante, mais offrant, de temps 
à autre, une échappée vers une vallée bien franchement 
éclairée, où l'ombre de quelques nuages, estompant un 
beau ciel bleu, taquine, dans sa course rapide, les som- 
mités fauves des épis de mil. 

Je faisais part de ces impressions à mon ami Clozel, qui 
marchait immédiatement derrière moi, lorsque M. Bonnel 
de Maizières accourt , tout essoufflé , me prévenir que 
l'avant-garde vient d'ôlre attaquée. M. Maislre me fait 
demander des cartouches. J'envoie un tonnelet et nous 
pressons vivement l'allure. Nous ne tardons pas à rejoindre 
la lèle de colonne qui a fait halte. MM. Maislre, Briquez et 
Bonnel de Maizières sont partis en avant avec 20 hommes, 
sans attendre notre arrivée, et nous entendons une série 
de feux de salve qui, peu à peu, se perdent dans le loin- 
tain. 

L'un des hommes de l'avant-garde, qui a reçu Tordre 
de nous arrêter en cet endroit, me dit que la colonne che- 
minait fort tranquillement, lorsque les deux Sénégalais 
qui marchaient en tôte rebroussèrent chemin, en donnant 
des marques de la plus vive frayeur et en criant qu'ils 
venaient d'être attaqués. 

L'un d'eux avait eu, pensait-il, son bidon traversé par 
une zagaie. Sur le chemin se trouvent deux de ces armes, 
dont Tune est fichée en terre. M. Maistre part immédiate- 
ment en avant, avec nos deux compagnons et l'avant- 
garde, et les feux de salve commencent contre un ennemi 
absolument invisible, d'ailleurs. 

p. BnUMACHK. 1 1 



162 AUTOUR DU TCHAD 

Nous ne pouvions laisser nos amis poursuivre ainsi 
leur course. Les hommes disponibles sont formés en 
carré, les porteurs placés au centre, et nous avançons 
ainsi, faisant à peine un kilomètre à Theure. 

Bientôt la nuit approche et, désespérant de rejoindre 
M. Maistre, nous nous disposons à installer le camp près 
d'un marais lorsque un mot de lui nous parvient. C'est 
précisément en cet endroit qu'il nous dit de nous éta- 
blir. 

Il se fait tard et nous commençons à avoir de sérieuses 
inquiétudes au sujet de nos compagnons, qui paraissaient 
s'être avancés un peu trop loin. Un bruit de voix, des 
appels et leur arrivée au grand complet dans le camp 
nous rassurent pleinement. 

Nos camarades, après avoir pris un repos bien mérité, 
car ils paraissent avoir fourni une longue marche, nous 
racontent les événements de la journée. 

« Vers trois heures, en apprenant que les deux hommes 
d'avant-garde viennent d'être attaqués, ils quittent le 
gros de la caravane et se portent en avant au pas de 
course. M. Maistre fait exécuter un feu pour déloger l'en- 
nemi, qu'il suppose caché dans les hautes herbes. Ils 
marchent ainsi à une vive allure, tirant de temps à autre 
quelques coups de fusil. Au moment où, vers le coucher 
du soleil, n'ayant pas vu ûme qui vive, ils s'apprêtaient à 
rebrousser chemin pour nous rejoindre, ils découvrent, 
dans un terrain nu, une troupe d'indigènes rangés en 
bataille. M. Maistre essaie de leur faire comprendre 
par signes ses intentions pacifiques. Les indigènes 
n'écoutent rien et entament les hostilités. Ils s'avancent 



DÉPART DE CHEZ LES xN DRIS 163 

vers Tune des faces du carré, mais alors nos hommes 
font feu el les dispersent. 

« Un des leurs est resté sur le terrain, et les quelques 
armes oubliées dans une fuite précipitée permettent de 
supposer qu'il y a également des blessés. » 

N'ayant pas pris part à l'action, je ne me rends pas bien 
compte des avantages qui auraient pu résulter de ce sur- 
croît de fatigues que nos camarades se sont imposés. 

M. Maistre, inquiet du manque de vivres, aurait voulu 
pénétrer dans le village avant que les indigènes aient pu 
déménager leur bétail, leurs poules, leurs réserves de grain. 
Malheureusement, il ignorait la situation exacte du vil- 
lage, et les deux indigènes qui nous suivaient et auraient, 
peut-être, pu nous rendre quelques services dans celte 
circonstance, avaient disparu au début. 11 fallut renoncer 
à donner des vivres à notre personnel ce soir-là. 

En aurions-nous le lendemain? Voilà quelle était la 

question que se posaient nos hommes. 



CHAPITRE VIII 



EN PAYS XANDJIA 



Les indigènes désertent les villages. — Alerte. — Attaque du camp. 
— Capture d'un Mandjia. — Nouveau combat. — Marche lente et 
incertaine. — Reprise des relations. 



Le 19 juillet, nous partons de fort bonne heure et nous 
avançons en bon ordre. Tout est désert, mais nos hommes 
scrutent les hautes herbes. Le temps est lourd et sombre. 
Nous atteignons un endroit soigneusement défriché, bordé 
sur deux côtés par de belles plantations de mil et confi- 
nant à la forêt par ses autres faces. C'est là que nos amis 
ont rencontré les « Mandjias », car, au dire des indigènes 
qui nous accompagnent, nous sommes sur le territoire des 
Mandjias. Près du chemin, le cadavre d un grand gaillard 
de vingt ans environ, solide et bien charpenté; quelques 
boucliers. 

Nous marchons en silence. Vers neuf heures, nous 
atteignons un assez beau village situé sur un petit monti 
cule. Des débris de poteries, des graines, des épis de 
maïs, de menus objets abandonnés dans une fuite préci- 
pitée jonchent le sol. Quelques poules oubliées picorent 



EN PAYS MANDJ[A 



165 



aulour des cases, tandis que des chiens, enfermés par 
mégarde, hurlent lugubrement. Ce village devait être 
riche, à eu juger par l'importance des plantations et le 
grand nombre des greniers i. mil. Les constructions 
paraissent soignées; elles sont groupées, par deux ou 
par trois, au milieu de petites cours entourées d'une haie 
en branchages. Quelques forges fument encore et bien des 
foyers réchauffent le repas de famille. 




Vill.ge 



Le gai clairon d'un coq perché sur le pignon d'une 
case ne parvient pas à dissiper la tristesse que nous 
cause la vue de celte activité si brusquement inter- 
rompue. 

Nous faisons halte à peu de distance des premières 
habitations et quelques hommes procèdent à une recon- 
naissance minutieuse du village et de ses environs. Tout 
est désert. Dans les cases, de nombreuses cuves de bière 
de mil, récemment vidées, attestent que les guerriers 
avaient dû emprunter à cette boisson le courage néces- 



166 AUTOUR DU TCHAD 

saire pour résister à ceux qu*ils considéraient comme des 
ennemis. 

Nos hommes se dispersent, mais ils ne songent nulle- 
ment à dresser le camp. Ils ont supputé ce que pouvaienl 
contenir les greniers à mil et ils estiment que nous avons 
des vivres pour deux mois. Mais la viande est plus rare; 
depuis les N^dris ils n'en ont plus mangé, aussi se livrent-ils 
à une chasse aux poules qui vient, fort à propos, nous 
tirer de nos réflexions. Les coups de triques pleuvcni 
drus sur ces malheureux volatiles; beaucoup s'égarent 
même sur le dos de quelques chasseurs trop pressés de 
saisir leur proie : des cris, des hurlements, des éclats de 
rire et des contestations que nous tranchons à la Salomon. 

Malheureusement, nos hommes ne s'en tiennent pas là. 
Nous les avons autorisés à prendre du mil dans les gre- 
niers. Pour s'éviter la peine insignifiante de les découvrir, 
ils les évenlrent d'un coup de couteau et, lorsqu'ils ont 
recueilli un litre ou deux de grains, ils laissent le contenu 
du réservoir s'écouler dans la boue, gaspillant ainsi des 
ressources péniblement amassées pendant une année et 
qui auraient assuré l'avenir de plusieurs familles, lis 
envahissent et pillent les cases, qu'ils détruisent ensuite. 
C'est navrant, mais il faut tenir compte de « Témotion 
inséparable d'un premier début ». Beaucoup de nos Séné- 
galais voyaient le feu pour la première fois : ils sont grisés 
par leur succès de la veille. 

Quand cette agitation s'est un peu calmée, nous par- 
courons le village à notre tour. Comme chez Bembé, chez 
les Dakoas, les Togbos, les N'gapoux et les N'dris, les 
cases sont rondes. Elles mesurent en général 4 ou 5 mèlres 



EN PATS MANDJIA 167 

de diamètre. Un mur circulaire en argile soigneusement 
lissée, élevé d'environ 50 centimètres, supporte une char- 
pente conique en lianes minces et souples. Par-dessus 




cette carcasse, une épaisse couche de chaume, disposée 
par rangs, dont le dernier est coupé très régulièrement h 
30 centimètres du sol. La porte cintrée est très basse et 
protégée contre la pluie par une sorte d'auvent formé par 
la toiture. 



168 AUTOUR DU TCHAD 

La nuit ou lorsque le propriétaire s'absente, Touver- 
lure est fermée à l'aide d'une claie maintenue par une 
pierre. Toutes les cases, jusque chez les Saras, répondent 
à ce modèle. Dans toutes les habitations, la couche du pure 
et de la mère est séparée, par un clayonnage, du reste de 
l'habitation. 

Nous trouvons quelques fétiches grossièrement taillés, 
mais aucun détail d'ornements ou de costume n'a été 
oublié. C'était pour le moment le seul document que 
nous ayons sur les Mandjias. 

Des pilons recourbés, servant à écraser le mil dans les 
mortiers, remplacent ici l'énorme barre de bois en usage 
partout ailleurs. 

Nous trouvons un singulier ornement que les guerriers 
portent sur chaque tempe dans les fêtes et dans les com- 
bats. C'est une sorte de bonhomme en bois, orné de 
petites houppes et peint en deux couleurs, rouge et noir. 

M. Maistre est obligé de s'aliter : il souffre de violentes 
douleurs d'entrailles et ne peut songer à marcher ni même 
à se faire porter en hamac. Nous prolongeons notre séjour; 
d'ailleurs, nos hommes n'ont point achevé de piler le mil 
qui doit constituer leur provision de farine. 

Jusqu'à ce jour nous redoutions un retour offensif des 
Mandjias. Rien ne venant troubler notre tranquillité, nous 
commencions à reprendre confiance, lorsqu'un malin, vers 
huit heures, nous entendons un tapage infernal accom- 
pagne de cris sauvages, qui semblent poussés par une 
troupe considérable. Cette fois, plus de doute, c'est le 
tam-tam de guerre et nous allons être attaqués. Nous 
formons vivement le carré. Deux ou trois Sénégalais mon- 



EN PAYS MANDJIA 169 

tent sur un arbre et observent les mouvements de 
Tennemi. 

Bientôt la tète de colonne fait son apparition, exécu- 
tant des danses échevclées et frappant sur des tambours. 
Au moment où Ton s'apprête à charger les armes, nous 
voyons à notre grande surprise émerger à travers les 
hautes herbes deux ou trois chéchias rouges. 

Ce sont les deux indigènes kas, ceux qui nous suivent 
depuis quelque temps. Escortés de porteurs croumans et 
(le nos plus mauvais Sénégalais, auxquels ils ont emprunté 
leurs coiffures, ils sont allés en maraude et reviennent 
chargés de butin, poules, légumes, ustensiles, et un 
orchestre complet. Us sont d'ailleurs tous parfaitement 
ivres, ce qui motive leurs contorsions bruyantes et leurs 
éclats de voix. 

Les uns sont réprimandés, et les autres, punis sévère- 
ment. Tous sont fort penauds maintenant. 

Les quelques reconnaissances tentées dans toutes les 
directions n'ont amené aucun résultat. Les villages sont 
absolument déserts. 

Après sept jours d'arrêt en cet endroit, nous nous met- 
tons en route le 26 juillet. 

Nous traversons de nombreux groupes d'habitations, 
dont quelques-uns, assez importants, sont abandonnés 
depuis le jour même. M. Maistre, toujours très fatigué, est 
obligé de se faire porter. Le pays n'est pas précisément 
difficile : quelques légers replis de terrain, une série de 
collines parallèles peu élevées se dirigeant toujours du 
N.-E. au S.-O. pour aller se rattacher sans doute à ce nœud 
orographique qui doit exister forcément à peu de dis- 



170 AUTOUR J)U TCHAD 

tance du poste de Bangui. — Nous descendons insensible- 
ment pour remonter de môme sur de petites hauteurs 
formant des plateaux, couverts de roches ferrugineuses et 
presque dépourvus de végétation. 

Bientôt nous reprenons une pente, plus accusée cette 
fois, et nous rencontrons quelques ruisseaux se dirigeant 
vers le nord. 

Les villages sont très rapprochés et fort importants, la 
population doit être très dense. Les cultures considérables 
et fort bien tenues, les nombreux défrichements en cours 
d'exécution démontrent que les habitants doivent être 
extrêmement travailleurs. Les greniers à mil sont vides, 
maintenant, on ne rencontre plus la moindre poule isolée. 
Les fuyards ont tout emporté; ils ont même arraché les 
fruits, les légumes qui n'ont pas atteint une complète 

maturité. 

Pendant de longs jours, nous sommes réduits à la 
bouillie de mil alternant avec une bouillie de courges insi- 
pides. Des ignames sauvages viennent quelquefois varier 
notre ordinaire, trop heureux quand nous pouvons mettre 
la main sur quelques arachides ou sur un rayon de miel 
impur et extrêmement amer. 

C'est à ce moment que notre cuisinier Dominique 
devint un personnage d'importance. Absorbés par les pré- 
paratifs du départ et de la mise en route, nous n'avions 
pas fait attention à ce petit vieux bonhomme, mal bâti, 
bossu, velu, tordu et noir comme le diable en personne. 
Il mérite, cependant, une mention spéciale, car c'est lui 
qui, de temps à autre, apportait la note gaie et nous fai- 
sait oublier nos fatigues et nos préoccupations. 



EN PAYS MANDJIA 171 

Tour à tour cuisinier de radministralion et des reli- 
gieuses de Libreville, il a promené Ténorme bosse sous 
laquelle il s'effondre, aux quatre coins du Congo et du 
Gabon. 

C'est merveille de lui voir confectionner avec rien ou 
à peu près un succulent repas pour six Européens à 
lappétit excité par une longue marche à pied. 

Le manioc, les ignames, les racines les plus inconnues, 
accommodées à Thuile de poisson, se transformaient sous 
ses doigts de sorcier en pain, rôti, entremets ou potage. 

Dominique a deux défauts inhérents à la race nègre : 
il est joueur et ivrogne, mais il est puni par où il a péché. 
Son aide de cuisine, jeune gavroche noir des bords de 
rOubangui, connaît les cachettes de notre Vatel et lui vole 
sa bière de mil ; il lui gagne en trichant au jeu sa ration 
de perles, ce qui lui a valu un jour cette apostrophe de 
Dominique : « Allez, mossieu, vous êtes un grand débau- 
ché! » 

Avec ça, pas poltron : je l'ai vu à chaque attaque de 
notre camp rester calme auprès de son fourneau, surveil- 
lant son fricot sans être plus ému que s'il se fût trouvé 
en face de la sœur économe lui dictant le menu du jour. 

Les talents de Dominique ne parvenaient pas à dissiper 
cette inquiétude vague, cette tristesse qui envahissait 
toute la caravane, depuis le dernier des porteurs jusqu'aux 
Européens, pendant la traversée de ce pays, probablemeni 
très riant en temps ordinaire, mais transformé mainte- 
nant en désert. 

Le dimanche 31 juillet, nous quittons notre campement, 
situé à l'entrée d'une grande agglomération de cases 



172 AUTOUR DU TCHAD 

dont la traversée nous prend près d'un quart d'heure. A 
quelque temps de là, nous longeons un petit village, très 
heureusement situé dans un bas-fond, et coupé par une 
rivière aux eaux claires. On remarque quelques bananiers 
qui tranchent vigoureusement sur les autres arbres d'un 
vert sombre. Ce sont les seuls bananiers rencontrés 
depuis la Kemo. 

En continuant notre chemin, nous trouvons un petit 
groupe de cases autour desquelles sont installés de gros- 
siers abris, construits à la hâte pour loger, sans doute, les 
fugitifs des villages précédents. 

Nous installons le camp à proximité d'un petit cours 
d'eau et non loin du hameau, sur un plateau entouré de 
plantations. 

Nous allons essayer à nouveau d'entrer en relations 
avec les indigènes, car il n'est pas admissible qu'une sem- 
blable situation puisse se prolonger. 

Nos hommes vont à l'eau, comme d'habitude, mais, peu 
de temps après, nous entendons de grandes clameurs, des 
coups de sifflets stridents et bientôt toute la corvée rentre 
au camp avec les sceaux vides. Les indigènes, postés sur 
l'autre rive, les ont, paraît-il, accueillis à coups de flèches 
et de zagaies. Les Mandjias sont, nous disent-ils, absolu- 
ment ivres et très excités. Un jeune Togbo et deux 
N*dris, de quatorze à dix-huit ans, ont suivi nos Sénégalais, 
auxquels ils servent d'ordonnances. Ils n'ont pas oublié, 
bien entendu, leur sifflet d'ivoire qui leur sert, absolu- 
ment comme notre trompe de chasse, à correspondre à 
distance. Le Togbo, que nos Sénégalais ont i)aptisé du 
nom de Mahmadi Diop, monte sur un arbre assez élevé; 



EN PATS MANDJIA 173 

les Mandjias, parait-il, rôdent autour du camp dans les 
hautes herbes, il leur adresse quelques appels à Taide de 
son sifflet. Les autres répondent et la conversation dure 
un bon moment. Enfin Mahmadi Diop nous déclare qu*il 
ne faut pas songer à faire la paix. Les Mandjias ne veu- 
lent pas entendre parler de nous. « Et, d'ailleurs, ils sont 
ivres, nous dit-il : inutile de parlementer, c'est du temps 
perdu. Demain... peut-être! » 

Quelques hommes sont envoyés en vue de rapporter si 
possible des mortiers pour piler du mil, mais ils rentrent 
après avoir essuyé une volée de flèches. Ils n'ont pas 
voulu riposter. 

Toute la nuit nous entendons de grandes clameurs dans 
les villages environnants. La bière de mil doit couler à 
flots, afin de donner aux guerriers l'énergie nécessaire 
pour lutter contre l'envahisseur. 

Vers une heure après midi, le 2 août, nous entendons 
de grands cris, des coups de sifflets nombreux qui nous 
annoncent l'approche d'une troupe importante. Un Séné- 
galais, monté sur un arbre, suit les mouvements des 
Mandjias, qui se rapprochent en redoublant leurs cris. 

Nous sommes formés en carré, scrutant la brousse. Le 
Sénégalais descend de son arbre et nous dit qu'ils vont 
apparaître. En effet, les herbes s'agitent et quelques 
flèches tombent devant la face du carré commandée par 
M. Maistre; il fait feu, et tous les Sénégalais l'imitent, 
même ceux qui tournent le dos aux assaillants. 

Quelques rumeurs qui se perdent dans le lointain, puis 
plus rien. On examine le champ de bataille, et Ton ne 
découvre heureusement aucun cadavre. 



174 AUTOUR DU TCHAD 

M. Maislre envoie une section de Sénégalaise leur pour- 
suite. Au coucher du soleil, ils reviennent ramenant un 
colosse, Tair abruti, la face tuméfiée : c'est un Mandjia, 
qu'ils ont fait prisonnier. 

M. Maistre lui adresse quelques paroles rassurantes par 
l'intermédiaire d'une des femmes esclaves des Togbos qui 
ont suivi nos hommes. Elle appartient elle-même à la 
tribu des Mandjias et se fait parfaitement comprendre. 
Notre homme ne prête qu'une attention fort médiocre à 
tout ce qui Tentoure. Il a dû faire de sérieuses libations et 
les horions qu'il a reçus ne sont pas faits pour lui rendre 
la raison. 

Nous partons, mais un peu à l'aventure, bien que 
guidés par notre prisonnier, qui, paralt-il, a nom Marc. 
Le brave homme ne nous rendra certainement pas de 
grands services. C'est une véritable brute qui répond par 
des grognements à toutes les questions qu'on lui pose. 

Il nous apprend cependant que la tribu des Mandjias se 
divise en trois /actions : les Mandjias Gouriés, les Mandjias 
Tommy et leé Mandjias proprement dits. Il nous dit aussi 
que la population est très dense, ce dont nous sommes 
convaincus à en juger par l'importance des villages el des 
cultures. 

Nous traversons une assez grosse rivière. On la désigne 
sous le nom de « Nana ». Je serais tenté de croire que ce 
n'est pas là un nom propre, mais un mot qui signifie 
cours d'eau en général. 

Maro ne connaît plus la région. M. Maistre le met 
60 liberté, après lui avoir remis un pavillon et des pré- 
sents. Cette fois le pauvre Mandjia est absolument ahuri. 



EN PAYS MANDJIA 175 

M. Maislre lui fait adresser un nouveau discours; le mal- 
heureux ne s'explique pas noire façon de faire, il part sans 
essayer de comprendre, à pas comptés, sans se retourner. 

Ce n'est certes pas un semblable ambassadeur qui 
amènera un rapprochement entre les Mandjias et nous. 

Le lendemain, peu de temps après le départ, Tavant- 
garde, au détour d'un sentier, découvre brusquement un 
village. Les indigènes ne soupçonnaient pas notre approche, 
tous vaquaient à leurs occupations, la vue de la caravane 
les effraie. Les guerriers sautent sur leurs armes. Les 
vieillards réunissent les femmes et les enfants, qu'ils font 
partir pour les cacher dans la brousse. Le gros des habi- 
tants se masse à l'entrée du village pour arrêter notre 
marche, afin de donner à leurs familles le temps de fuir. 

Des pourparlers allaient s'engager, lorsqu'un coup de 
fusil, parti accidentellement, fait prendre l'offensive aux 
indigènes, qui lancent une volée de flèches sur l'avant- 
garde ; celle-ci fait alors une décharge générale qui met 
les indigènes en fuite. L'avant-garde se met à leur pour- 
suite dans des marais couverts de buissons 

Celte affaire, qui ne nous a coûté qu'un grand nombre 
de cartouches, aurait pu avoir des conséquences plus 
graves. Elle retarda, en tout cas, la reprise des relations. 
Les indigènes laissèrent plusieurs morts. 

Nous campons dans le village, puis nous reprenons 
notre marche à travers un fouillis inextricable, longeant 
pendant trois jours une rivière, que nous supposons être 
celle désignée précédemment sous le nom de Nana. Nous 
franchissons un de ses affluents, mais, faute de guides, 
nous ne pouvons lui assigner un nom. 



176 AUTOUR DU TCHAD 

Après avoir traversé une forêt, beaucoup moins impor- 
tante, mais aussi épaisse et aussi accidentée que celle du 
Mayombe, nous rencontrons une assez forte agglomération, 
bien pourvue de greniers regorgeant de mil, et entourée 
de riches plantations. 

Nous installons notre camp non loin de là, bien décidés 
à ne nous mettre en route qu'après avoir fait la paix avec 
les Mandjias. 

Le sergent noir Samuel est envoyé en reconnaissance 
avec quelques hommes. C'est un garçon prudent et avisé, 
il a rencontré quelques indigènes dans un village. Ceux-ci, 
en présence de son attitude calme, ont consenti à entrer en 
pourparlers. Samuel leur dit que nous demandons simple- 
ment des vivres et le libre passage et, pour prouver nos 
bonnes intentions, leur laisse quelques brasses d'étoffes, 
des perles et quelques menus objets. Il les engage à réflé- 
chir et à consulter les habitants du village, et se relire en 
leur disant qu'il reviendra le lendemain, avec un blanc qui 
leur confirmera ces paroles de paix. 

Le lendemain, M. Maistre se rend à Tendroit indiqué, 
accompagné de quelques hommes d'escorte, des deux 
femmes et des enfants qui suivent la caravane depuis la 
Kemo. M. Briquez et quinze hommes suivent à distance 
en cas de guet-apens. 

A la place où, la veille, Samuel a déposé ses cadeaux, se 
trouvent maintenant une corbeille renfermant trois poules, 
quelques épis de mil, puis, à terre, divers objets qui, au 
dire des femmes et des enfants togbos, signifieraient paix 
et amitié. Quelques hommes viennent parlementer, une 
femme et un des enfants restent au village; on remet des 



EN PAYS MANDJIA 177 

cadeaux et deux Mandjias consentent à venir au camp 
avec M. Maistre. 

Us y font un court séjour, mais, enchantés de l'accueil, 
ils vont chercher leurs compatriotes, qui bientôt arrivent 
en foule considérable. 11 en vient de tous les villages envi- 
ronnants. Tout se passe en bon ordre; nos hommes, 
affamés à la suite de cette longue disette, ne discutent pas 
sur les prix des marchés. Us paient sans compter et 

m 

prennent à peine le temps de dépouiller les chèvres et les 
poules avant de les mettre en broche. 



p. Brunacbc. 12 



CHAPITRE IX 



COL^P D*ŒIL D*EIKSEliBLE SUR LES MAIKDJIAS 



Traité avec Candia. — Les Ouias-Ouias. — Les Aouakas. 
Traité avec Yagoussou. — Le Gribingui. 



Afin de bien prouver aux Mandjias nos inlentions paci- 
fiques, nous décidons de séjourner quelque temps sur ce 
point. Le marché est très fréquenté; les indigènes des vil- 
lages environnants viennent en foule, quelques-uns môme 
appartiennent aux villages que nous avons déjà tra- 
versés. 

A part quelques types de jeunes hommes, les Mandjias 
sont loin d'être beaux. Ils me paraissent être les plus 
laids de tous les indigènes rencontrés depuis Bangui. Le 
nez, déjà épaté naturellement, acquiert des proportions 
exagérées par suite de l'introduction de deux bâtonnets 
dans des trous pratiqués dans chaque narine. Les pom- 
mettes sont saillantes. Ils portent dans les lèvres des mor- 
ceaux de quartz brut, des anneaux de cuivre (Tingui). Les 
yeux, fendus en amande et petits, sont sans expression, dès 
qu'ils atteignent la vingtième année. Les nombreux orne- 



COUP d'oeil d'ensemble sur les MANDJIAS 179 

menls, qui occasionnent de sérieuses mutilations de la face, 
contribuent à les enlaidir, mais le type primitif est d'ail- 
leurs lourd et grossier. 

Au point de vue de l'ensemble, ils paraissent assez bien 
plantés, mais, comme chez beaucoup d'autres peuplades, 
les membres inférieurs sont grêles. 

Leur coiffure rappelle un peu celle des Langouassis. Elle 
est beaucoup moins soignée, même chez les jeunes gens, 
qui se couvrent cependant la tête de plumes, de perles et 
de cauris. 

On remarque chez les Mandjias beaucoup d'hommes 
atteints par une vieillesse précoce. Il n'est pas rare de 
voir des hommes, âgés à peine de quarante à quarante- 
cinq ans, encore droits et de belle taille, mais ridés, la peau 
rêche et couverte de pellicules blanches, ainsi que les très 
vieux noirs dans les autres régions. 

En général, la couleur de la peau est d'un brun chocolat 
foncé. 

Malgré les ornements, les coiffures, qui paraissent 
empruntés aux Langouassis, je crois que les Mandjias se 
rapprochent davantage des N'gapoux comme type, carac- 
tère, mœurs et coutumes. 

M. Maistre passe un traité avec un chef nommé Candia, 
moins à cause de l'importance de ce dernier que pour 
laisser une trace de notre passage. Les indigènes conser- 
vent, en effet, avec un soin minutieux tout ce que les 
« blancs » leur remettent présentant le caractère d'un 
« fétiche », par ce fait que l'objet n'offre aucun avantage 
matériel immédiat. 

Il importait de faire connaître le point où les relations 



180 AUTOUR DU TCHAD 

avaient été reprises, d'autant plus qu'elles étaient fort cor- 
diales à l'heure actuelle. 

Parmi les guerriers qui accompagnent Candia, nous en 
remarquons un, affligé d'une hernie inguinale, maintenue 
par un appareil qu'apprécierait certainement un orthopé- 
diste européen. 

La figure ci-contre dispense de plus amples détails. 

Il est d'ailleurs assez curieux de remarquer que les 
Mandjias, gens assez peu soigneux de leur personne, qui, 
contrairement à ce que nous avons vu jusqu'à ce jour, ne 
se livrent qu'à quelques rares ablutions, apportent, au 
contraire, dans le traitement des plaies, blessures, infir- 
mités, etc., des soins tout particuliers. 

Ils emploient pour le traitement des plaies une plante 
assez semblable aux jeunes pousses de roseau et qui 
dégage, lorsqu'elle est froissée, une forte odeur de phos- 
phore. Les Ouoloiïs du Sénégal lui donnent le nom 
de « bagnefalla ». Nos porteurs kassaïs la nomment 
« likotsi » et l'emploient pour aromatjser les viandes. 
Ces derniers lui prêtent des propriétés stomachiques 
extraordinaires. 

La façon dont nous avons pris contact avec les Mandjias 
parait peu susceptible de permettre une appréciation en 
toute connaissance de cause sur leur caractère. Je les 
crois cependant moins farouches qu'on a bien voulu nous 
le dire. Avec un peu de tact, d'intelligence, on en ferait 
certainement d'utiles auxiliaires. A en juger par l'impor- 
tance des travaux agricoles qu'ils exécutent, ils consti- 
tuent certainement une population paisible et travailleuse. 

Arrivant chez eux à l'improviste, nous avons causé 



COUP D'UEIL D'ENSEMBLE SUR LES MANDJIA8 181 

parmi celte population une panique bien justifiée. Ali, notre 
guide n'dri, nous avait fait pressentir l'inconvénient d'une 
arrivée inopiace chez des populations ignorant l'existence 
des « blancs ». Les coups de fusil du début justiriaient 
pleinement leur inquiétude. 

Il n'en est pas moins vrai que nos ennemis de la veille 
devinrent nos auxiliaires du lendemain. C'est là un Tait 
sur lequel il importe d'insister particulièrement. 




Cliaque porteur, chaque Sénégalais, avait, lorsque nous 
nous mimes en route, deux ou trois indigènes qui l'accom- 
pagnaient et se disputaient l'honneur de porter la charge 
ou le havrcsac de leurs nouveaux amis. 

La rancune n'est pas à coup sûr un des défauts deà 
Mandjias. 

Le 22 août, nous quittons le campement, escortés de 
nombreux indigènes. Deux chemins s'offrent à nous : l'un 
obliquant légèrement vers le N.-E., l'autre se dirigeant 
assez droit vers le Nord. C'est ce dernier que nous prenons, 
mais il s'enfonce dans des bas-fonds marécageux et nous 



182 AUTOUR DU TCHAD 

oblige à traverser de nombreux ruisseaux et une rivière 
assez importante. 

Pendant cette marche des plus pénibles, M. Maistre est 
à nouveau pris de lièvre et dans l'obligation de se faire 
porter. Notre marche se prolonge cependant, mais bientôt 
nous sommes obligés de faire halte près d'un village 
situé sur le territoire d'un chef nommé Mago. 

Le type des habitants, qui appartiennent encore à la 
tribu des Mandjias, est plus fm, moins désagréable. 
L'usage des boucles d'oreilles est général, le modèle le 
plus répandu se compose d'un gros anneau de fer dans 
lequel sont enfllés une douzaine environ d'anneaux plus 
petits. Quelquefois ce sont des dents d'animaux ou des 
coquilles de petites moules. Souvent ils portent dans les 
oreilles un morceau de liane courbé en forme d'U renversé 
et dont les extrémités sont ornées de torsades en métal. 

L'armement se compose d'un couleau effilé, enfermé 
dans une gaine de cuir ornée de dessins à jours et de 
nombreux anneaux; de la lance, dont le modèle est peu 
varié. L'arc paraît plus en vogue. Il porte une sorte de 
sabot en bois, fixé un peu plus haut que l'endroit oii se 
place le pouce, pour protéger ce doigt contre le choc de la 
corde. Presque tous les arcs sont munis de cet inslru- 
ment, que les Ouaddas emploient, mais par exception. 
Schweinfurth en a vu de semblables chez les Mombout- 
tous. 

Les flèches, d'un travail assez ordinaire, ne présentent 
aucune particularité remarquable. Elles sont rarement 
empoisonnées. 

Les carquois en vannerie sont fort coquets. Chaque 



COUP D'OEIL D'ENSEMBLE 8UB LES MANDJIAS 183 

guerrier porte, attachées à son carquois, deus ou trois 
cordes de rechange, en liaues. 

Nous rencontrons de nombreuses agglomérations et des 
cultures importantes, mais la pluie rend notre marche des 
plus pénibles. La santé de M. Maislrc est loin de s'amé- 
liorer; il est souvent obligé de m'abandonner la direction 
de la colonne pour se faire porter en bamac. 




Le 28 août, nous traversons un petit ruisseau près 
duquel sont construites quelques huttes. Les guides nous 
annoncent que nous venons de franchir la limite septen- 
trionale du pays des Mandjias. 

Nous pénétrons maintenant sur le territoire des Ouias- 
Ouias, Les rares babilanls que nous rencontrons ne dif- 
férent pas sensiblement de nos guides, au point de vue du 
type. Après quelques heures d'une marche coupée par 
une grande quantité de passages, de ruisseaux, de ravins 



\S\ AUTOUR DU TCHAD 

et d'une assez grande rivière, nous traversons un village 
des plus curieux, bien que d'aspect misérable. 

Il est situé auprès d un beau ruisseau bordé de gigan- 
tesques bombax et d'un enchevêtrement de palmiers de 
toutes sortes, de lianes qui livrent à peine passage à quel- 
ques feuilles de calladium. 

Nous remarquons un seul et unique borassus rabougri 
et chétif ; nous sommes surpris : c'est le premier échantillon 
que nous voyons depuis les Togbos. 

Bientôt arrivent une quinzaine d'indigènes, qui nous 
choisissent avec une sollicitude toute franche et cordiale 
un excellent emplacement de camp. 

Ceux-ci, par exemple, ont un type nettement accusé. 
Briquez et moi sommes tentés de chercher le chef 
Yabanda : nous nous croirions en effet chez des N'gapoux, 
auxquels ils ressemblent étrangement. Tous portent au 
bras gauche un bracelet de corne, d'ivoire ou de cuir, des- 
tiné à maintenir leur couteau droit. 

Ils ont quelques morceaux de pagne biens, qui leur 
viennent d'une peuplade située à trois ou quatre jours de 
marche, vers le N.-E. Ils nous donnent quelques explica- 
tions embrouillées à ce sujet. Voici ce que je crois saisir : 
La peuplade dont ils nous parlent est très guerrière et 
s'est emparée peu à peu de grands territoires. Elle a dis- 
persé, réduit en esclavage les tribus qui les occupaient. 
Quelques fractions de ces tribus, chassées de chez elles, 
sont venues se fixer dans cette région, jadis inhabitée, 
entre les Mandjais et les Âkoungas. Unies par le malheur 
et la misère, elles se sont groupées, puis se sont mêlées. 
C'est ce qui fait que, de village à village, les types des 



COUP D*OEIL D'ENSEMBLE SUR LES MANDJIAS 185 

Ouias-Ouias changent quelquefois assez sensiblement. Ils 
ajoutent que leurs conquérants portent des vêtements et 
possèdent des fusils à deux coups, qu ils nomment « bon- 
douk », c'est le nom arabe du fusil; ils ne sont ni Rabi, 
ni Snoussous, ni Tourgous, ni Kridimis (c'est ainsi que 
Ton nomme les musulmans en pays fétichistes). Ce sont 
les Angao-Angao ; nous ne tarderons pas à les rencon- 
trer. 

Le pays est pauvre et offre peu de ressources; les cul- 
tures, restreintes au strict nécessaire, sont médiocrement 
entretenues; on sent que cette petite population n*esl pas 
encore bien établie. 

Un jeune homme de vingt à vingt-cinq ans nous dit 
qu'il a été esclave chez les « Snoussous » de TEsl, et offre 
de nous conduire chez les Angao-Angao. 

Il ne connaît pas les N'gapoux, il nous dit que les peu- 
plades qu'il a visitées sont les Bazou dans TEst et les 
M'bagga; il croit être originaire de cette tribu, située 
au N.-E. Il connaît, dit-il, une autre tribu, les N gama, 
mais il est bien difficile d'obtenir de lui la situation 
exacte de ces trois régions, portées sur les cartes d'après 
les indications de traitants musulmans, fournies à Nach- 
tigal. 

Le point où nous nous trouvons pourrait bien être 
celui désigné sous le nom de Ousia sur la carte de Penh. 

Nous mettons deux jours pour traverser le misérable 
pays des Ouias-Ouias, puis nous pénétrons sur le terri- 
toire des « Aouakas ». 

Leur chef se nomme « Yagoussou ». A la façon dont 
on nous en parle, à en juger par les nombreux et impor- 



186 AUTOUa DU TCHAD 

lants villages placés sous sa dépendance et par la situa- 
tion des immenses territoires qu'il administre sur les 
« deux rives du Gribingui », Yagoussou doit être un chef 
important. 

Le 1" septembre, nous campons près d'un gros village 
appartenant à ce chef. 

Les cultures s'étendent à perte de vue et sont très 
soignées. Le maïs, le rail, le manioc, le sésame sont en 
pleine maturité; la récolte paraît fort abondante cette 
année. Les patates douces et les ignames nous sont 
apportées en grande quantité, de même qu'une farine de 
manioc très Une, très pure et d'une blancheur éclatante. 

Les poules et les chèvres nous sont également vendues 
à très bas prix. Nos hommes font l'acquisition de poissons 
fumés, dont les dimensions permettent de supposer que 
nous approchons d'une forte rivière. D'ailleurs bon 
nombre d'indigènes ont des gaines de couteaux en peau 
de caïman; nous n'en avions pas vu depuis l'Oubangui. 

Le chef Yagoussou vient nous rendre visite, il paraît 
jouir d'une certaine influence. Il fait quelques réserves au 
sujet de ses voisins de TOuest. 11 déclare même, sans 
grande conviction, que, de ce côté, son territoire est 
limité par un immense désert; il ne paraît pas décidé à en 
dire davantage. 

D'après lui, la tribu des Aouakas est bornée à l'Est par 
les N'dougga et les Bazous; au N.-E. par les M'baga et 
les N'gamas; enfin au Nord par les « Saras ». 

C'est la première fois que nous entendons prononcer 
spontanément ce dernier nom devant nous. 

Après avoir passé un traité avec Yagoussou, nous nous 



COUP D'OEIL D'ENSEMBLE SUR LES MANDJIAS 187 

mettons en marche à travers un pays légèrement mame- 
lonné. Bientôt nous descendons vers une fort belle plaine 
verdoyante, limitée par quelques collines qui s'estompent 
vers le lointain. Au milieu de la plaine, serpente une 
ligne d'arbres, plus touffus et plus verts et dont la direc- 
tion générale est à peu près E.-N.-O. 

Gribingui! Gribingui! nous crient les guides, qui d'ail- 
leurs paraissent très fiers de cette rivière. 

Le sentier nous conduit vers un emplacement assez nu 
d'où nous découvrons la rivière, dont les indigènes nous 
parlaient si souvent depuis la Kemo. 

Elle est d'un aspect très pittoresque, mais nous 
avons été gâtés à force de contempler les immenses pro- 
portions du Congo et de l'Oubangui, aussi trouvons-nous 
au Gribingui des proportions bien modestes pour un 
fleuve si renommé à de fort grandes distances. 

Il n'en est pas moins vrai qu'il mesure plus de 50 mètres 
de large et que sa grande profondeur, la rapidité du cou- 
rant, dénotent un cours d'eau très important. On peut 
d'ores et déjà supposer que le lleuve est navigable en 
toute saison pour les petits vapeurs comme ceux de la 
colonie du Congo français. 

Le sentier, très fréquente, se continue sur l'autre rive. 
Les deux amorces sont reliées par une simple corde, pas 
le moindre pont. Les indigènes traversent à la nage, se 
tenant à la corde en lianes. 

Il nous faut choisir notre itinéraire, maintenant, car 
nous avons effectué la première partie de notre pro- 
gramme : « Atteindre le cours supérieur du Chari ». 

Nous dressons le camp en cet endroit. 



CHAPITRE X 



SUR LES [RIVES DU GRIRIKGUI 



Premier passage du fleuve. — Akoungas. — Ireni. — Le Bamingui 
et Ali Djaba. — Premier marais. — Dakamandougou. — Rétous 
et Aretous. — Dakala. — Les Vasakos. 



Les nombreux renseignements recueillis en cours de 
route et ceux que fournissaient tous les jours les indi- 
gènes, ne permettaient plus le moindre doute au sujet du 
« Gribingui ». C'était réellement le cours supérieur du 
« Chari», qui ne porte ce dernier nom qu'en pays musulman. 

Pour les fétichistes, deux cours d'eau très importants, 
le Gribingui et le Bamingui, se réunissent, un peu avant 
le pays des Saras, pour former un fleuve considérable 
qui coule vers le nord. 

Quant aux noms arabes que portent ces fleuves et leurs 
affluents, ils sont absolument inconnus des indigènes. 

C'est là un fait qui ne doit nullement surprendre; il 
tend simplement à démontrer que les incursions ou même 
les relations des musulmans chez ces peuplades sont moins 
fréquentes qu'on se plaît à le dire : dans la région Ouest, 
bien entendu. 



SUR LES RIVES DU GRIBINGUI 189 

H convient, d'ailleurs, de remarquer que ces -cours 
d'eau sont portés sur les caries d'après des indications, 
fort vagues, fournies par le voyageur allemand Nachtigal. 
Il les avait recueillies pendant son séjour dans le Baguirroi, 
c'est-à-dire fort loin des sources, auprès de traitants 
musulmans, peut-être fort au courant des questions éco- 
nomiques de ces régions, mais peu soucieux de l'intérêt 
géographique qu'elles présentaient. 

Nachtigal donne d'ailleurs tous ces renseignements sous 
la plus extrême réserve. 

Pour peu que l'on prenne la peine d'ohserver, on 
remarquera que, dans ces régions, une rivière porte autant 
de noms que de tribus qu'elle traverse. Le fait est fré- 
quent en Algérie et dans beaucoup d'autres endroits. 

Pour leur commodité personnelle, afin de pouvoir se 
donner des points de repère, des lieux de réunion, les 
négociants musulmans ont désigné ces cours d'eau sous 
des noms appartenant à leur langue et tirés de l'aspect 
présenté par la région, sans tenir compte des nombreuses 
appellations indigènes. 

C'est ainsi qu'ils ont nommé « Bahar-el-Ardh », fleuve 
de la terre, fleuve jaune, le « Gribingui », que certains 
appellent Gribissi et qui, dans TEst, nous a été désigné 
sous le nom de « Bangoula ». 

Enfin le Ba-Mingui est sans nul doute le Bahar-el- 
Abiod (fleuve blanc). 

L'identification de ces cours d'eau présente, dit-on, une 
certaine importance ; je la crois secondaire cependant : au 
point de vue des appellations, bien entendu. 

Ces fleuves blancs, jaunes ou verts ont pour les musul- 



190 AUTOUR DU TCHAD 

mans'le même caractère que pour le voyageur européen le 
« camp de la famine », Y « île de la rencontre », « la montée 
du palmier » ou « le camp des antilopes ». Ce sont des 
appellations conventionnelles, employées par un petit 
groupe de voyageurs et pouvant leur rendre de grands 
services, mais ne présentant aucun intérêt au point de vue 
général. 

Pour moi, je ne retiens qu'un seul des renseignements 
fournis au grand voyageur. C'est que le Chari est formé 
de deux grands cours d'eau qui en constituent le cours 
supérieur. C'est là un point qu'il nous a été donné 
d'éclaircir sur place et sur lequel le doute n'est plus per- 
mis. 

Par la suite, nous avons pu préciser d'une façon cer- 
taine le cours supérieur du Chari, en suivant pendant plus 
de cent kilomètres les rives de l'une des deux branches 
principales de ce fleuve. Quant à l'existence d'un bras 
reliant le Chari au Logone, hypothèse que Nachtigal con- 
sidérait d'ailleurs comme invraisemblable, nous avons pu 
nous convaincre que, malgré les apparences, elle était 
inadmissible. C'est, d'ailleurs, une question que nous exa- 
minerons dans la suite. 

Les reconnaissances effectuées par chacun de nous, dans 
l'E. et dans l'O., nous firent renoncer à nous diriger dans 
l'une ou l'autre de ces directions. A TO., un affluent du 
Gribingui formait, à son confluent, un assez gros marais 
peu praticable et la région paraissait déserte et peu fré- 
quentée. « M. Maislre croit que cet affluent n'est autre 
que la rivière désignée précédemment sous le nom de 
« Nana ». Je suis certain de l'avoir entendu nommer 



SUR LES HIVES DU GRIBINGCI 191 

« Gûurouttgoii » à différentes reprises, mais ces deux ren- 
seiguemenls n'étant basés, l'un et l'autre, que sur des 
données fort vagues, il n'y a pas lieu d'insister sur le 
nom à lui donner. 

A l'Est, des marais, des bas-fonds difficiles, et d'ailleurs 
pas le moindre cticmin. Les indigènes, celte fois, nous 
engagent à faire route au Nord. C'est l'avis général, mais. 




dans ces conditions, il faut aviser aux voies et moyens de 
franchir la rivière. 

Ce ne sera pas petite affaire, car le courant est violent : 
nous nous trouvons cependant à l'endroit le plus favo- 
rable. Ailleurs, la traversée serait impossible, au dire des 
indigènes. 

On songe tout d'abord ù installer un pont, formé par 
des radeaux maintenus par une corde tendue d'une rive 
à l'autre; mais la violence du courant est telle qu'il faut 
bientôt renoncer à ce projet. 



192 AUTOUR DU TCHAD 

Les radeaux primitivement conslruils sont alors amarrés 
à un anneau glissant sur un câble tendu. Deux cordes 
fixées à cet anneau permettent d'établir un va-et-vient 
entre les deux rives. 11 faut changer fréquemment le 
radeau, car le bois qui le constitue flotte mal et les herbes 
dont il est recouvert ne surnagent plus dès qu'elles sont 
humectées. Tous nos hommes se sont mis à Tœuvre et 
nous avons une certaine quantité de ces flotteurs. A chaque 
voyage, nous transbordons 1 homme et 3 caisses. 

Ce fut une grosse perte de temps, mais c'était aussi une 
énorme difficulté vaincue sans le moindre accident. Étant 
donnés les matériaux dont nous disposions et l'obstacle à 
surmonter, une semblable opération était assez périlleuse. 
Un seul colis fut noyé, par suite de la rupture d'un câble; 
c'est, d'ailleurs, la seule charge perdue pendant toute la 
durée de l'expédition. 

Le 10 septembre, neuf jours après noire arrivée, nous 
étions tous sur l'autre rive. 

Les indigènes nous ont dit pendant notre séjour qu'une 
caravane composée de plusieurs « blancs » est, depuis 
quelque temps, sur nos traces, et paraît marcher en hâte 
pour nous rejoindre. Elle est à plusieurs journées en 
arrière, mais elle pourrait nous rejoindre si nous restions 
quelques jours sur ce point. 

M. Maistre comptait trouver de nombreuses pirogues 
sur le Gribingui. A défaut, il pensait pouvoir installer des 
radeaux, sur lesquels nous aurions pu naviguer. Il dut 
bientôt se convaincre qu'aucun de ses deux projets n'était 
praticable et, afin d'éviter de perdre du temps, il renonça à 
prolonger son séjour. 



SUR LES RIVES DU GRIBINGUI 193 

Deux routes nous avaient été indiquées, la veille, pour 
attendre le premier village : Tune, excellente, bien frayée 
et suivant un petit mamelon; l'autre, assez peu indiquée 
et s'engageant dans les marais. Nous choisîmes cette der- 
nière, qui se dirigeait vers le Nord. 

Toutes deux aboutissaient, d'ailleurs, au même village. 
Nous sommes fort bien reçus dans ce village, qui fait 
encore partie de la tribu des Aouakas. Les femmes ne 
viennent pas au camp, mais sont restées dans les cases. 
Les vivres nous sont offerts en grande quantité et à très 
bas prix. 

Une promenade dans les plantations nous permet 
d'admirer une « tendue » de « collets », fort laborieuse- 
ment et intelligemment installée par les indigènes. Nous 
pouvions d'ailleurs, le lendemain, compter neuf pintades, 
prises sur un espace mesurant à peine un demi -hectare. Des 
gens gravement assis sur la place du village fument une 
pipe, peu commune ici, mais que nous avons déjà remar- 
quée chez les Mandjias. Le fourneau, en terre, est armé 
d'un tuyau fort long, recourbé en forme d'arc; il est main- 
tenu ainsi par une cordelette. Une seconde cordelette 
rejoint le fourneau. Les fumeurs absorbent une gorgée 
d'eau, qu'ils conservent dans la bouche, puis aspirent une 
forte bouffée de fumée. Ils jettent l'eau et rendent la 
fumée ensuite. Cette façon de savourer une pipe surprend 
un peu le fumeur européen le plus endurci. 

Dominique, notre cuisinier, qui change de pipe à chaque 
nouvelle tribu, s'est offert un de ces volumimeux engins, 
dont il use consciencieusement. 

Nous le complimentons sur sa nouvelle acquisition et, 

p. Brunachc. 13 



194 AUTOUR DU TCHAD 

dans une auréole de fumée, il nous répond : « N'esl-ce 
pas qu'elle ressemble à la pipe du roi David ! » 

Et, en présence de notre étonnement : « Oui, ajoule-l-il, 
c'est bien cela, je Tai vu dans Thistoirc sainte. » Je me 
souviens aussi, en effet, que, dans mon jeune âge, j'ai vu 
sur une petite Histoire sainte une gravure représentant 
David, dansant devant l'Arche, en s'accompagnant de la 
harpe. Wartiste avait donné à cet instrument une forme 
assez semblable à la pipe de Dominique : de là l'erreur, 
sans doute. 

Le H septembre, nous nous mettons en route sous une 
pluie fine et pénétrante. Nous traversons d'immenses 
plantations fort bien entretenues, binées et sarclées avec 
un soin minutieux. Les villages paraissent riches : les 
légumes, les céréales, les poules et les chèvres existent 
en quantité; ils paraissent cependant moins riants que 
dans l'Est : cela tient surtout à la mauvaise confection des 
cases faites sans goût et avec du chaume pris au hasard. 
En revanche, les villages sont d'une propreté remarquable 
et il serait difficile de trouver, sur la place centrale ou 
auprès des cases, le moindre détritus, la plus petite ordure. 

Partout, jusque chez les Ouias-Ouias, nous remarquions 
dans les villages des arbres auxquels étaient fixés des quan- 
tités de fétiches. Il en était de même près des maisons. 
Dans les défrichements, auprès des plantations récentes, 
nous ne manquions pas de rencontrer une sorte de petit 
autel en branchages, supportant des calebasses pleines de 
cendre, des fruits rouges, des arêtes de poisson ou des 
plumes de poulet, tout cela destiné à protéger les récoltes 
contre le mauvais œil. 



SUR LES RIVES DU GRIRINGUI 195 

Celle coutume disparaît tous les jours de plus en plus, 
du moins extérieurement. 

Nous sommes sur le territoire des« Akoungas », peu- 
plade moins frustre que les précédentes, d'un abord plus 
sympathique. D'ailleurs, plus nous avançons, plus le pays 
nous paraît différent. Ce n*est plus ce paysage des environs 
de rOubangui, « la ténébreuse Afrique » de Stanley, mais 
le grand air, la lumière, l'espace devant soi; l'Afrique 
telle qu'on la rùve, après avoir lu Barlh et Nachtigal. 

Le plateau sur lequel nous cheminon.^ s'abaisse assez 
brusquement et nous découvrons une vaste plaine, qui 
s'étend à perte de vue. Dorée par un beau soleil, elle nous 
donne, malgré la sobriété du décor, une impression de 
grandiose, d'immensité beaucoup plus vive que celle res- 
sentie dans le Mayombe ou sur le Congo. 

Nous atteignons le village d* « Atalavé », composé 
de 40 à 50 cases, disséminées par groupes de 3 ou 4, dans 
de belles plantations de maïs. 

Le tabac est ici l'objet de soins tout spéciaux. Chaque 
pied est repiqué, entouré de terreau, butté et les feuilles 
avariées délicatement enlevées. 

Le 14 spetembre, nous atteignons le village de Bougo. 
Les habitations sont peu nombreuses, mais elles sont 
entourées d'abondantes cultures. Le pays est plus riche. 

Quatre petits chefs viennent nous faire visite. Bien qu'ils 
aient un grand nombre de points de ressemblance avec 
les N'gapoux, ils ont dans leurs allures quelque chose de 
moins sauvage, des mouvements plus .calmes, des attitudes 
graves et compassées qui semblent empruntées aux musul- 
mans. 



1% AUTOUR DU TCHAD 

Après avoir Iraversé le village de Gaddé, nous allons 
nous installer près de celui d'Ireni. Ce chef paraît exercer 
une réelle influence sur les indigènes. Il nous parle du 
« Bamingui », grosse rivière qui rejoint le « Gribingui » 
en pays sara. Demain, nous dit-il, nous camperons chez 
« Finda », puis nous pénétrerons chez les Aretous; il 
nous engage ensuite à passer chez les N'gamas et les 
Tennés. 

Ces populations s'occuperaient exclusivement de pèche 
et de navigation. Elles n'ont que quelques misérables 
cultures et ne font point d'élevage. 

Ireni signe un traité et nous le quittons, enchantés de 
son excellent accueil. 

La même réception nous est faite chez le chef Finda, dont 
le village est situé près d'une jolie rivière, « la Mihi », 
affluent de rive droite du Gribingui. Les renseignements 
que nous fournit Finda sur les Aretous (ou Roulou), les 
N'gamas et les Tennés permettent de supposer que Nach- 
tigal a donné à ces tribus, sur la foi de renseignements 
vagues, une importance qu'elles n'ont pas. 

Nous signons également un traité avec Finda. 

Ce chef se plaint des fréquentes incursions des musul- 
mans. Leurs remuants voisins ne paraissent cependant 
pas les effrayer beaucoup. 

J'ai d'ailleurs constaté que les chefs fétichistes se plai- 
gnaient généralement des Snoussous, Tourgous ou autres 
musulmans, au moment où ils apportaient un cadeau en 
échange du nôtre. C'était toujours cet argument qui servait 
à excuser le peu de valeur de leurs présents. 

Les Aouakas et les Akoungas paraissent appartenir à 



SUB LES RIVES DU GUIBINGUI 197 

la même race. Us sont beaucoup plus affinés que les Mand- 
jias, dont ils ne rappellent du reste en rien le type, tandis 
qu'il serait possible de les rattacher au môme groupe 
ethnique que les N'gapoux. 

Ils portent au bras des couteaux de formes particulières. 
Ce modèle a été signalé par Nachtigal, qui en avait vu en 
la possession des chefs saras venus à Goundi pour rendre 
hommage au M'bang Mohamed Abou Sekkin. Leurs autres 
armes sont à peu de chose près les mômes que chez les 
Mandjias. 

Ils sont très soigneux de leur personne. Leurs coiffures 
sont quelquefois arrangées avec autant de goût que celles 
des Banziris. Beaucoup portent une petite barbiche assez 
fournie, ce qui est assez rare chez les autres tribus, sauf 
précisément chez les N'gapoux. 

Enfin ils paraissent travailleurs et relativement paisibles. 
Nous avons constamment trouvé chez eux un accueil des 
plus empressés. 

Le 20 septembre, nous pénétrons sur le territoire des 
Aretous. La marche s'effectue dans un marais pendant 
plus de deux heures. Pris de fièvre, je suis obligé de me 
faire porter en hamac pendant la fin de Tétape. Je plains 
sincèrement M. Maistre, que sa maladie oblige fréquem- 
ment à employer ce mode de transport... C'est un véritable 
supplice. 

Nous faisons halte en face du village de Dakamandougou, 
situé sur la rive gauche du fleuve. Nous obtenons à grand' 
peine quelques vivres. Les Aretous paraissent inquiets et 
de plus la région est fort pauvre. Ils possèdent deux 
pirogues. Lorsque nous quittons ce village, nous obtenons 



198 AUTOUR DU TCHAD 

à grand'peine qu'ils consentent à nous en louer une, qui 
d'ailleurs est en fort mauvais état. 

M. de Behagle s'embarque et redescendra le Gribingui 
pour en relever le cours. 

Nous traversons, sur un pont construit par nos hommes, 
un petit affluent de rive droite du Gribingui, la Mimi. 

L'un de nos guides nous dit qu'il a été autrefois esclave 
d'Ali Djaba (l'un des Irailanls musulmans qui ont pris part 
au meurtre de Crampel). Il nous fournit des renseigne- 
ments qu'il appuie d'un dessin sur le sable. Il semble 
résulter que nous ne sommes pas loin de la Zeribah 
d'Ali Djaba. 

Apres trois jours d'une marche pénible, nous attei- 
gnons un emplacement de camp qui paraît très fréquenté. 
En face et à 500 mètres sur la rive gauche, se trouve le 
village de Dakala. 

Entre Dakamandougou et Dakala existent, sur la rive 
gauche du Gribingui, d'immenses marais qui s'étendent à 
perte de vue. 

Ce sont certainement ces marais qui ont dû donner 
naissance à l'hypothèse d'une communication entre le 
Logone et le Chari. D'ailleurs, bien que nous fussions à 
l'époque des hautes eaux, il existait entre ces marais des 
solutions de continuité. 

D'autre part, nous étions en présence d'une plaine 
inondée, mais non d'un bras de rivière. La végétation elle- 
même indiquait suffisamment que cette région devait être 
à sec une bonne partie de l'année. 

Les indigènes de Dakala possèdent une seule pirogue et 
paraissent peu disposés à nous passer de l'autre côté de 



SUR LES RIVES DU GRIBINGUI 199 

la rive. La région est pauvre et peu habitée, disent-ils; 
nous ne trouverons aucune ressource sur la rive gauche. 
Ils nous engagent à faire route vers l'Est. Les villages 
sont riches et nombreux. 

D'après leurs renseignements, à trois jours de marche 
de l'endroit où nous nous trouvons, existe sur la rive 
droite du Bamingui, un important village appelé N'gari. 
C'est le centre d'opérations du traitant Ali Djaba, qui a 
installé sur ce point ses magasins et ses entrepôts. 

La situation précaire dans laquelle nous nous trouvions, 
par suite de la diminution de nos marchandises, ne nous 
permettait pas de tenter une reconnaissance de ce côté. 
Notre objectif était d'ailleurs la confédération des Saras- 
Daï, la plus importante, celle qui est actuellement sou- 
mise au Baguirmi et régie par des fonctionnaires musul- 
mans. C'est là que nous devions réaliser notre programme, 
c'est-à-dire prendre contact avec les Étals musulmans du 
bassin du Tchad et nouer avec eux des relations pacifi- 
ques. Ali Djaba n'était certainement pas homme à nous 
faciliter cette tâche; il eût été absolument impolitique de 
faire route vers l'Est et de pénétrer dans des régions 
peut-être soumises à l'influence de Ouaddaï. 

Nous résolûmes de franchir à nouveau le Gribingui et 
de suivre sa rive gauche, en obliquant vers le nord-ouest 
pour atteindre le pays des Saras. Nous engageons des 
pourparlers avec les indigènes de Dakala, qui se montrent 
peu disposés à nous prêter leur pirogue. 

Pendant une de ces longues conférences, deux de nos 
hommes rentrent de la chasse et nous avisent qu'ils ont 
rencontré un groupe de voyageurs composé de quinze 



200 AUTOUR DU TCHAD 

personnes environ. Trois portaient de grands vêlements 
confectionnés comme au Sénégal. Ils étaient armés de 
lances. Les autres, esclaves sans doute» n'étaient point 
vêtus et portaient des charges. En apercevant nos deux 
chasseurs, tous prirent la fuite, abandonnant leurs far- 
deaux. Ils ont laissé des corbeilles de maïs, de la viande 
fumée, des outils, de la ferraille, des vêtements et quel- 
ques lances. Nous défendons de toucher à ces objets, 
espérant que les propriétaires viendront sans doute les 
prendre et qu'ils pourront nous fournir quelques rensei- 
gnements. 

Personne n'étant venu, nous faisons enlever ces charges 
et, pendant que nous procédons à Tinventaire, nous trou- 
vons au fond d'un sac des colliers de perles auxquels 
sont suspendues deux douilles de cartouches modèle Gras, 
portant Testampille de 1886. 

Rien autre de suspect dans leur bagage, qui est plutôt 
celui d'honnêtes commerçants que de dangereux rôdeurs. 
D'ailleurs nous sommes, à n'en pas douter, sur un lieu de 
concentration de caravanes et ce passage de la rivière doit 
être très fréquenté. 

Avec beaucoup de patience, nous parvenons à décider 
les gens de Dakala à nous passer sur l'autre rive. Ils 
finissent par y consentir; le chef vient lui-même et nous 
prie de lui restituer les objets trouvés la veille qui, dit-il, 
appartiennent à des gens de son village. Nous deman- 
dons à voir les trois hommes vêtus qui paraissaient en 
être les propriétaires. Le chef retire alors sa revendi- 
cation. 

Ce détail nous parait assez étrange; néanmoins, nous 



SUR LES RIVES DU GRIBINGUI 201 

n'insistons pas davantage. Les vivres font défaut, nous 
devons hâter le passage, car les dispositions des gens de 
Dakala pourraient changer, et ils consentent maintenant à 
nous transborder. 

A la façon dont les passeurs installent les hommes et 
les charges dans leur frêle pirogue, au soin qu'ils mettent 
pour débarquer les colis, il est facile de voir qu'ils doi- 
vent souvent faire traverser la rivière à d'importantes 
caravanes. 

Le 28 septembre, nous établissions notre camp sur la 
rive gauche du Gribingui, à peu de dislance du misérable 
village de Dakala. 

Les indigènes ne nous avaient pas menti : leurs res- 
sources étaient nulles ou à peu près. D'ailleurs, au dire du 
chef, ils étaient installés depuis peu de temps en cet 
endroit et les cultures, ainsi que nous pûmes nous en 
convaincre, n'étaient pas encore en plein rapport. 

Depuis quelque temps, d'ailleurs, le maïs et le mil 
étaient extrêmement rares. Il ne fallait pas songer au 
manioc. Nous trouvions quelquefois des haricots, qui 
formaient la base de notre nourriture. 11 nous fut même 
assez difficile de nous en procurer une certaine quantité à 
Dakala. 

M. Maistre, très sérieusement malade, était dans l'im- 
possibilité de marcher. Il dut s'embarquer dans la pirogue 
et redescendre le Gribingui, tandis que nous suivions la 
rive gauche. 

Nous faisons halte à peu près à hauteur du village de 
« Tondjiboua », situé à quelques kilomètres de la rive 
droite. Nos hommes vont au village chercher des vivres et 



202 AUTOUR DU TCHAD 

reviennent seulement le lendemain, avec quelques maigres 
provisions. 

Certains ont cependant réussi à faire quelques achats 
avantageux, grâce aux bracelets d'ivoire qu'ils portent 
depuis la Kemo et qu'ils ont échangés contre de grandes 
quantités de victuailles. Il est à remarquer, en effet, que, 
depuis les Akounga, les ornements d'ivoire disparaissent 
complètement. Ces bracelets, achetés presque pour rien 
chez les Togbos et les N'dris, sont l'objet de la con- 
voitise des indigènes : ce qui tendrait à démontrer l'ab- 
sence ou tout au moins la rareté des éléphants dans la 
région. 

Le chef du village de Tondjiboua et un de ses amis, 
nommé Mandja-Tezzé, viennent nous voir. Ce dernier 
serait, paraît-il, un chef sara important dont les territoires 
sont baignés par le Gribingui et le Bamingui. La jonc- 
tion de ces deux rivières s'opère sur les terres de sa 
tribu. On nous a déjà parlé de ce chef à Dakala. 11 jouit 
d'une grande influence. 

Nous lui faisons un cadeau et il part en avant pour nous 
préparer une réception. 

Nous quittons nous-mêmes ce campement, mais nous 
sommes bientôt arrêtés par un affluent de rive gauche du 
Gribingui. qui se nomme Vasako. N'ayant qu'une pirogue 
en notre possession, le passage s'effectue péniblement et 
nous sommes obligés à passer la nuit sur ce point. 

Le lendemain, nous constatons la disparition d'un por- 
teur. On nous apprend qu'il est descendu la veille avec un 
Sénégalais jusqu'au Gribingui, puis qu'ils l'ont traversé à la 
nage et se sont rendus dans un village voisin, en vue de 



SUR LES RIVES DU GRIBINGUI 



•20; 



se procurer des vivres. Tous deux étaient d'excellents 
nageurs. Au retour, pendant la traversée du fleuve, le 
Sénégalais entend un cri; il se retourne, mais il est 




Couteaux en usage jusque chez les Saras. — 1, 2, 3, i. Couteaux de guerre. — 
5 et 6. Couteaux de guerre. — 7. Couteaux et serpe domestiques; poignards. 



saisi d'épouvante en voyant son malheureux compagnon 
entraîné au fond de Teau par un énorme caïman. 

Nous repartons à travers un pays assez pittoresque et, 
après une bonne journée de marche, nous rencontrons 
une seconde rivière, plus importante que la précé- 
dente et, détail curieux, portant comme elle le nom de 
Vasako. 

Nous avions avec nous deux guides, dont Tun avait, 



204 AUTOUR DU TCHAD 

paraît-il, été en relations avec Ali Djaba. Chemin faisant,, 
je lui adresse quelques paroles en arabe ; il me fait signe 
qu'il ne comprend pas, mais appelle son camarade. 
Celui-ci est tout fier de faire montre de ses faibles con- 
naissances en cette langue. Il nous est d'un grand secours 
cependant pour entrer en relations avec les indigènes, qui 
arrivent en assez grand nombre dès que nous faisons- 
halte près de la rivière. 



CHAPITRE XI 



LES SARAS 



llandja-Tezzé et les premiers Saras'Mara. — Tribu de géants. — 
Dans les marais. — Disette. — Désertions. — Kassinda. — Vols. 
— Djemalti. — Les passeurs exigeants. — Nouveaux marais. — 
Garenki. 



Dès que nous fi'imes installés sur la rive droite du 
ileuxième Vasako, qu'il ne fallait pas songer à franchir 
ce jour-là, nous vîmes arriver une foule d'indigènes 
et peu de temps après le chef Mandja-Tezzé, qui vient 
Tious faire une courte visite. 11 nous promet des pirogues 
pour le lendemain et nous engage à faire séjour dans son 
village, puis se retire, après avoir reçu quelques présents. 

Celte fois, plus de doute, nous pénétrons chez une peu- 
plade de type, de mœurs et de langage absolument dis- 
semblables à tout ce que nous avons vu jusqu'à ce jour. 
Depuis la Kemo jusqu'ici, notre jeune Togbo, les petits 
N'dris, les deux femmes, se faisaient comprendre avec la 
plus grande facilité. C'est que Tidiome n'dri est employé, 
à quelques rares exceptions près, depuis les N'gapoux 
jusque près de Bangui et de TOubangui, vers le 8** lat. N, 



206 AUTOUR DU TCHAD 

Les riverains de rOubangui, « Sangos », Banziris, Bond- 
jios et Boiizerous, ne s*en servent pas habituellement, 
mais le parlent presque tous. La langue n'dri est très 
sonore, elle emploie surtout les linguales, notamment des 
R qui roulent avec un fracas de torrent. Cette fois nos 
interprètes habituels restent muets. Il faut avoir recours 
au jeune guide parlant arabe. 

C'est que la langue est tout autre, et ne présente aucun 
point de ressemblance avec celle avec laquelle nous 
sommes familiers. Les sifflantes sont assez sensibles, bien 
que les fins de mots soient un peu sourdes. Mais pour le 
moment nous ne pouvons chercher à saisir d'autres 
nuances. 

Nos hommes avaient peu à peu réuni quelques mots à 
Taide desquels ils avaient constitué une sorte de patois, 
qui leur permettait jusqu'ici de se faire facilement com- 
prendre des indigènes. Ils ont bien vite remarqué ce 
brusque changement de langage, mais ce qui les frappe 
de stupeur, ce sont les proportions colossales des indigènes 
que nous avons sous les yeux. Les énormes Bondjios, les 
Mandjias les mieux charpentés semblent des éphèbes à 
côté d'eux. 

Sont-ce des Saras? Notre jeune guide dit oui, Mandja- 
Tezzé dit non. Depuis longtemps on nous annonce cepen- 
dant que Mandja-Tezzé est le premier chef sara. Mais ce 
petit potentat ne veut rien entendre. Il est Mandja-ïezzé 
et rien de plus, il commande à un grand nombre de guer- 
riers répartis sur un immense territoire, et déclare qu'il 
est en excellentes relations avec tous ses voisins, mais 
qu'il ne dépend de personne. 



LES SARAS 207 

Politiquement, outre le grand nombre de lances dont 
il dispose, il a peut-être d'autres arguments excellents à 
faire valoir, mais au point de vue géographique et ethno- 
graphique surtout, il n'y a pas le moindre doute à avoir 
sur les origines de sa tribu. 

Nachtigal, qui avait vu quelques chefs saras, venus à 
Goundi pour rendre hommage au sultan du Baguirmi, 
Mohammed Abou Sekkin, en a donne une description des 
plus détaillées et des plus exactes. 

Les types que nous avons sous les yeux répondent en 
tous points au portrait tracé par l'illustre, mais pudibond 
voyageur, qui a cru devoir laisser dans l'ombre le costume 
cependant typique des Saras. 

Il convient néanmoins d'en faire mention, car il n'a 
jamais été signalé jusqu'à ce jour et, d'autre part, c'est le 
seul en usage dans les nombreuses tribus rencontrées 
jusque dansTAdamaoua. 

Il consiste en une peau de chèvre, préparée ou brute, 
mais toujours festonnée et ornée de pendeloques, suspendue 
à la taille par une courroie et tombant sur les talons. Elle 
sert surtout de siège. Devant, rien; mais aussi rien à 
cacher, car un mouvement brusque des cuisses ramène en 
arrière et dissimule absolument tout ce qui, placé autre- 
ment, pourrait, en l'absence de voile de ce côté, offusquer la 
pudeur. Cette façon de disposer la place où devrait se 
trouver un vêtement, ne gêne pas le moins du monde leur 
marche. Le nombre considérable de superbes enfants qui 
grouillent dans les villages tend à prouver que celte sin- 
gulière habitude n'a pas fait abdiquer aux Saras leurs 
droits à la paternité. 



208 AUTOUR DU TCHAD 

Comme je Tai déjà dit, les Saras sont plus grands, et 
beaucoup plus beaux, au point de vue esthétique, que les 
Bondjios. Chez eux, tout est proportionné et la muscula- 
ture est en rapport avec la charpente osseuse, ce qui pré- 
cisément n'existe pas chez les Bondjios. La physionomie 
est assez expressive; sans être belle, elle n'est pas désa- 
gréable, et les légers tatouages très en faveur chez les 
Saras ne les défigurent point. Ils sont assez cambrés et ont 
un port très majestueux, qui est le complément obligé de 
leur haute stature. Les tailles de 1 met. 78 à 1 met. 80 
sont très communes. 

Les coiffures affectent un peu les formes de celles de 
rOubangui : cheveux très courts, rasés très nettement de 
façon à former des spirales, des trèfles ou des croix, dont 
le dessin seul peut donner une idée. 

Les femmes ne le cèdent en rien aux hommes pour la 
stature et au point de vue plastique, mais elles n'ont ni la 
grâce, ni le charme des jolies Banziris ; ce sont de belles 
statues, rien de plus. 

Elles portent peu d'ornements. La tète est rasée, sauf le 
sommet du crâne, qui ne garde qu'une sorte de calotte en 
cheveux en forme de cône. 

Une ceinture de perles de fer supporte sur le devant un 
petit tablier, composé d'un grand nombre de cordelettes 
de cuir ornées de perles de fer ou de cuivre. Derrière, une 
touffe de feuilles et, le plus souvent, rien. 

Tel est à grands traits l'aspect sous lequel les premiers 
Saras se présentaient à nous; la différence entre ceux-ci et 
ceux de Daï et de Koumra est peu sensible. 

Les Saras nous avaient fort bien accueillis, le passage 



LES SAIIAS 209 

du Vasako s'élait effectue sans encombre, dans d assez 
bonnes pirogues, et Mandja-Tezzé nous avait installés lui- 
même, au milieu du village, auprès d'un puits où les 
femmes venaient prendre leur eau, sans s'inquiéter le 
moins du monde de la présence des étrangers. Les blancs 
eux-mômes n'excitaient pas leur curiosité. 

Elles étaient vraiment magniliqucs ces statues bronzées 
se profilant bien droites, leur amphore sur la tèle, une 
longue corde autour des reins, sur les Ions fauves des 
hautes herbes à peine éclairées par le soleil couchant. 

Le village est très important. Les cases, disséminées 
par groupes de deux ou trois dans les plantations, sont 
relativement très petites et de formes particulières. 

La muraille verticale n*est plus en maçonnerie. Elle est 
toujours cyrmdri([uo, mais haute du double, 1 mètre à 
1 met. 20 environ, et formée soit d'une épaisse natte en 
chaume, soit d'un treillis de tiges de sorj^ho. Le toit en 
chaume est conique. Les cases mesurent à peine 2 mèl. 50 
à 3 mètres de diamètre. Entin la porte est carrée et non 
ovale, comme chez les autres peuplades. 

Devant la porte de chaque case, dans une espèce de 
cour formée par une natte, le foyer, qui mérite une men- 
tion spéciale. Trois calottes sphériques en argile pleine, 
affectant la forme de marmites du pays renversées, sont 
disposées en triangle et constituent un support pour le 
vase, qui ne risque pas de choir, tandis que le bois se con- 
sume. C'est le seul et unique fourneau Vwe que nous 
vîmes pendant le voyage. 

Les calebasses, très originalement sculptées, sont très 
employées par les ménagères. Elles ont également un 

I*. Brunac.iie. 14 



210 AUTOUR DU TCHAD 

grand nombre de vases, de jarres en poterie pour ren- 
fermer Teau et la farine, enfin des paniers en sparterie 
d'un fort joli travail. Tous ces ustensiles sont d'une pro- 
preté remarquable, de même que Tintérieur et les abords 
des cases, toujours coquettement placées sous un grand 
arbre en parasol et ornées de plantes grimpantes. Mandja- 
Tezzé nous dit que nous trouverons des moutons et un 
cheval ou deux au prochain village. Il nous engage à nous 
arrêter chez Mara, chef très important de ses amis. Il nous 
promet des guides pour nous y conduire. 

Avant de partir, la mission passe avec Mandja-Tezzé un 
traité qui présente une grande importance au double point 
de vue politique et commercial : les États de ce chef sont 
en effet baignés par le Chari, le principal affluent du 
Tchad, navigable en toutes saisons. C'est au village de 
Mandja-Tezzé que se ravitaillent les caravanes de négo- 
ciants musulmans, qui font également là d'importantes 
transactions commerciales. 

Enfin, par sa situation au confluent du Bamingui et du 
Gribingui, cette région paraît être la clef des routes flu- 
viales les plus sûres, les plus rapides et les plus écono- 
miques pour atteindre le Bornou, les pays baignés par le 
Tchad, Ouaddaï et même le Dar Rouna. 

Nous quittons Mandja-Tezzé le 6 octobre d'assez bonne 
heure, conduits par trois guides. Nous traversons le vil- 
lage d'un vieux chef nommé Modjio. 

Ici chaque groupe de cases est entouré d'une palis- 
sade. On remarque également des conduits qui amènent 
les eaux ménagères dans de grandes fosses, qui reçoivent 
les ordures de toutes natures. Chaque dépôt est soigneuse- 



LES SARAS 313 

mcnl rocouvorl de terre, de sorte que le voyageur qui no 
serait point prévenu nu se doiilcrail nullement de l'itsage 
iiuquc! ces fosses sont destinées. 

Nous atteignons le village du chef Mara. Celui-ci a 




revêtu pour la circonstance une de ces tuniques de coton 
indigo qui ont fait la réputation de Kano, dans le Sokoto. 
Le jeune chef est vraiment majestueux, et si tout son 
entourage clait revôtu de même, on croirait lire une page 
d'Homère. 



?14 AUTOUR DU TCHAD 

Beaucoup atteignent deux mètres, et sont forts en pro- 
portion. Ils portent de très lourds bracelets de cuivre et 
des lances en rapport avec leurs tailles. Les couteaux de 
jet ont une forme nouvelle. Ils n'ont plus cette grande 
quantité de pointes, mais se rapprochent un peu du sabre 
recourbe. 

Quelques-uns des indigènes présents ont aux pieds des 
bracelets de fer terminés par une sorte de griffe à quatre 
pointes, qui pourrait bien être une des formes primitives 
de Téperon. 

Dans laprès-midi, mon ami Clozel et moi faisons une 
longue visite à Mara, qui nous promet des guides pour le 
lendemain. M. Maistre nous a en effet confié depuis quel- 
que temps le choix des guides et les relations avec les 
indigènes. 

Le lendemain, Mara arrive, escorté d'un colosse portant 
tout un attirail de provisions de voyage et un énorme 
bouc que Mandja-Tezzé nous offre en présent. 

Mara et son compagnon prennent la tète de la colonne 
et nous partons allègrement, car tous nous estimons que 
la présence du chef facilitera nos relations pendant la 
route et à l'arrivée. 

La pluie alourdit notre marche; elle paraît assez courte 
aux yeux de nos guides, qui nous engagent à pousser plus 
loin. Mais nous sommes obligés de faire halte en forêt. 

Le matin, à la première heure, Mara et son compagnon 
sont debout, prêts à partir, mais ils paraissent bientôt 
impatientés de la lenteur de notre marche. 

Nous faisons une courte halte et, au moment de repartir, 
nos guides ont disparu. Nos appels restent sans réponse. 



LES SARAS 215 

Impossible de revenir sur nos pas. Nous suivons le sen- 
tier, sans guides, constatant de place en place les em- 
preintes d'un sabot de cheval. M. Maistre estime qu'il y 
a lieu de suivre celte piste. 

Un de nos Sénégalais, le clairon Dimbah Dyalli, assez 
mauvais sujet du reste, a déserté; un second, Ali Baba, 
bon soldat, mais faible de constitution, a de la peine à 
suivre. Il est soulagé de son havresac et de tout son four- 
niment, qu'il ne peut plus porter, et fournit encore une 
étape. 

Bientôt nous nous engageons dans un marais qui rend 
la marche absolument pénible et difficile. La caravane 
s'égrène et le nombre des traînards augmente de jour en 
jour. Nos hommes s'affaiblissent à vue d'œil. Ils n'ont 
plus, pour se soutenir, que les racines ramassées le long 
du chemin et quelques fruits du tamarin. Le régime des 
Européens n*est guère plus fortifiant : quelques quartiers 
de courges et de la farine de haricots en très petite 
quantité. 

Ali Baba n'a pu rejoindre et les reconnaissances 
envoyées à son secours n*ont pu le retrouver. 

Depuis quelque temps je marche en tête avec M. Maistre, 
en vue de servir d'interprète dans le cas où nous rencon- 
trerions des musulmans. Nous suivons le cours d'une 
rivière débordée et de temps à autre nous devons entrer 
dans l'eau; à une bifurcation de chemin, nous retrouvons 
les empreintes du cheval, nous les suivons. Elles nous font 
prendre une direction O.-N.-O. Nous nous élevons un 
peu pendant la traversée d'une région assez boisée. Nos 
hommes reprennent courage, car ils remarquent, sur bon 



216 AUTOLU DU TCHAD 

nombre d'arbres, des entailles faites récemment avec un 
outil. Nous approchons d'un endroit habité. En effet, peu 
de temps après, nous atteignons une plantation en plein 
rapport et nous remarquons les traces du passage de quel- 
ques chevaux. 

Nos hommes pressent l'allure dans le sentier large et 
bien frayé. Nous rencontrons enlin deux indigènes, qui nous 
saluent en frappant leurs mains Tune contre l'autre, à la 
manière des Saras. A notre vue, ils ont déposé leurs 
lances. Ils ne paraissent nullement effrayés. C'est d'un 
bon augure. Us nous saluent à nouveau en nous disant : 
a el afia », la paix, la tranquillité, en arabe. Ils rebrous- 
sent chemin et nous conduisent, à travers de nouveaux 
marais, jusqu'à un groupe de termitières gigantesques, où 
nous nous entassons pèle-mèle, tandis que nos guides vont 
chercher les deux pirogues, amarrées sur l'autre bord 
d'une rivière profonde, qui coule au milieu de la plaine 
qu'elle inonde. 

En débarquant, nous constatons avec stupeur que la 
berge, qui, de loin, nous semblait assez élevée et très 
étendue, est à peine dessinée par quelques termitières 
susceptibles de recevoir seulement quelques caisses et 
quatre ou cinq hommes. 

Nous demandons le chemin qui conduit au village : on 
nous indique un canal, profond de près d'un mètre, large 
de trois, qui doit constituer une route superbe pendant 
la saison sèche, mais qui, pour le moment, me donne de 
sérieuses inquiétudes. Impossible de prendre une des deux 
pirogues; elles sont à peine suffisantes pour assurer le 
passage de notre monde, qui s'effectue fort lentement. 



LES SARAS 217 

Nous nous engageons bravement sur la « route » avec 
de l'eau jusqu'à la ceinture, souvent jusqu'au menton. 
Après avoir parcouru environ deux kilomètres, nous attei- 
gnons enfin un village. Nous sommes fort bien accueillis 
par les indigènes, et c'est au milieu d'un grand concours 
de populaire que nous changeons de linge, en plein soleil, 
car nos lentes ne sont pas montées, et d'ailleurs les chauds 
rayons qui sèchent nos vêtements ne suffisent pas à 
réchauffer nos membres engourdis. 

Le chef vient nous rendre visite. C'est un superbe 
gaillard, à la figure égayée par deux fossettes de chaque 
côlé de la bouche et par deux yeux qui rient, ce qui est 
assez rare chez les noirs. Il nous dit que nous sommes au 
village de Kassinda. 

Il porte une sorte de petite blouse en turkedis (bandes 
de colon), alternées bleues et blanches; sur la tète un mor- 
ceau de même étoffe plié en carré, ayant un peu Taspect 
-d'une cornette, comme en portent les paysannes en France. 

11 tient à la main un martinet en cuir d'hippopotame, 
que nous prenons tout d'abord pour un chasse-mouche, 
mais nous ne tardons pas à nous convaincre que le jeune 
^hef a en main « le service de la police ». 

C'est plaisir de voir ces énormes Saras obéir au 
«noindre signe de leur chef, qui paraît très écouté ; trop 
écoulé, à notre avis, car il s'immisce dans tous nos mar- 
chés, et, comme il doit exiger une honnête commission, 
tes vendeurs augmentent sensiblement leurs prétentions. 

Détail curieux : au cours des transactions, bon nombre 
d'indigènes, pour attirer mon atlenlion, me frappent dou- 
cement sur le bras, en m'appelant « Sara ». Ce nom, que 



218 AUTOUR DU TCHAD 

les musulmans ont appliqué à toute une race, aurait-il 
simplement la signification de « Cama », « Ouandjia », 
mots qui veulent dire ami, camarade, chez les Banziris et les 
N'dris? Il convient de remarquer, en effet, que nos Séné- 
galais désignaient sous le nom de « Ouandjias » tous les 
indigènes de langue n'dri dont ils ignoraient le nom de 
tribu. 

Les musulmans ont peut-être fait comme eux, à moins 
qu'ils aient donné le nom de « Saras » aux tribus de 
cette belle race qui se sont soumises à leur domination. 

Le mot Sara, lu en arabe, signifie, en effet, qui s'est 
rendu, qui a fait sa soumission. 

Puisque les traitants ont arabisé tous les noms de 
rivières de cette région, rien d'étonnant à ce qu'ils aient 
agi de môme pour les noms de tribus. 

Il n'est pas inutile de constater, à ce propos, que 
Mandja-Tezzé, Kassinda et les autres chefs qui repoussent 
le nom de « Saras » (et qui appartiennent ethniquemcnt 
au groupe désigné sous ce. nom), sont précisément ceux qui 
commandent aux villages indépendants y sans liens fédé- 
ratifs entre eux. Au contraire, dans les confédérations de 
Daï et de Koumra, les plus importantes, celles qui sont 
soumises au Baghirmi, où des fonctionnaires musul- 
mans sont en résidence permanente, le mot « Sara » est 
absolument admis pour désigner les autochtones, et 
employé couramment. 

J'ai signalé une particularité qui m'a frappé; je laisse 
à de plus érudits le soin de trancher cette question, 
qui présente une certaine importance à plusieurs points 
de vue. 



LES SARAS Î19 

Les gens de Kassinda nous tracent sur le sable quelques 
itinéraires : les noms de Gandi, Goundi, le point extrême 
atteint par Nachtigal en 1872-73, Koumra, Daï, Djemalti, 
cités par renseignements par ce voyageur, nous -sont indi- 
qués par tous. 

Nous comptions faire un assez long séjour à Kassinda, 
mais nous dûmes renoncer à ce projet. Notre camp était 
enserré dans le village, les indigènes étaient quelque peu 
turbulents. Nos hommes se plaignaient de vols fréquents 
et, de leur côté, les habitants constataient souvent la dis- 
parition de poules et de chiens que nos hommes négli- 
geaient quelquefois de payer. 11 y eut môme plusieurs com- 
mencements de rixes auxquels, d'ailleurs, Kassinda mettait 
toujours fin par Tapplication de vigoureux coups de 
lanières sur le dos de ses administrés. 

Pour éviter des désordres plus graves, nous résolûmes 
de ne pas prolonger davantage notre séjour. Un de nos 
Sénégalais, le clairon Lamina, déserta peu de temps 
avant notre départ. Il fut impossible de le découvrir. 

Le 15 octobre, nous quittâmes le village de Kassinda, 
conduits par le jeune chef lui-môme. Les plantations de 
ce village sont fort belles, bien entretenues et s'étendent 
à perte de vue. 

Les cases sont disséminées sur un très grand espace ; 
elles laissent à désirer comme construction, il est vrai 
qu'elles paraissent édifiées depuis fort longtemps. Recou- 
vertes de plantes grimpantes, églantiers, calebasses à 
larges feuilles, elles sont en revanche très pittoresques. 
Leurs abords sont d'ailleurs fort propres; dans la cour 
palissadée, sur le sol en terre battue, de belles jarres en 



220 AUTOUR DU TCHAD 

poterie nettes et brillantes, des calebasses soigneusement 
passées à Thuile, le grenier à mil, la niche pour les 
poules, et le foyer, composé des trois blocs remarqués chez 
Mandja-Tezzé. 

Nous atteignons les premières cases du village de 
Djemalti et nous assistons à une scène du plus grand 
intérêt. 

Sous un gros sycomore dont Tépais feuillage donne 
une ombre compacte, une aire à battre; au milieu, sur 
un escabeau, pérore un vieillard, debout, une lance à 
la main. A ses pieds, des petits tas de pierres de gros- 
seurs et de couleurs différentes. Autour d'un grand cercle 
dont rhomme debout est le centre, huit ou dix vieillards 
sont accroupis symétriquement, très attentifs aux discours 
de l'orateur. Des lignes de cailloux blancs, disposés en 
ordre, partent de leurs pieds vers le centre, formant les 
rayons de cette circonférence; puis des cercles concen- 
triques formés par des tas de pierres brunes, de teintes 
variées. 

L'homme à la lance dit quelques mots à Tun des vieil- 
lards qui présente une observation, puis il enlève quelques 
cailloux blancs à Taide de sa lance, et envoie en échange 
une ou deux pierres brunes, qui vont grossir les petits tas. 

Devant chaque assistant, même manège. 

Nous croyons d'abord avoir affaire à des féticheurs. 
Renseignements pris, ces graves sénateurs procèdent à la 
répartition de la récolte entre les groupes de familles dont 
chacun des huit ou dix vieillards est le représentant auto- 
risé. Les grandes cultures sont possédées à titre collectif 
par les habitants d'un même groupe de villages. Leurs 



LKS SARAS n\ 

délt-gués, des vieillards, généralemeiil, sont chargés du 
partage et fixcnl le priilèvemcnt à effectuer sur la part de 
chacun, en vue de consliliicr une réserve pour les 
semences, les cas de disette, départs forcés en cas de 
guerre, etc. Pour suppléer à leur ignorance des mathéma- 
tiques, ils ont remplacé le « boulier compteur de nos 




écoles primaires » par les cailloux de nuances variées. lia 
séance se termine sans le moindre cri, la plus petite 
contestation. Il est vrai que nous sommes chez des sau- 
vages. 

Kassinda nous arrêta snr la rive gauche d'une petite 
rivière coulant vers le Nord. Il nous quitte après avoir 
reçu un présent et nous avoir mis en relation avec les 
gens de Djemalti. 

Les indigènes réparent uoe pirogue assez grande et 



222 AUTOUR DU TCHAD 

bien mieux conditionnée que celles de Dakala ou de 
Kassinda, ils nous disent qu'ils en possèdent une seconde. 
Nous sommes donc tranquilles au sujet du transbordement 
du lendemain. 

Rien de bien intéressant n'attire notre attention au 
village de Djemalti. Le chef, vieillard futé, à la figure 
intelligente, vient causer avec nous. 11 sait quelques mois 
d'arabe, des formules de politesse surtout. De même 
qu'à Kassinda, nous avons la visite de quelques individus 
plus ou moins vêtus et possédant assez bien cette langue. 
Ils n'ont point le type sara, bien qu'ils affirment appar- 
tenir à cette tribu. Ils se donnent tous comme anciens 
esclaves de musulmans, échappés de chez leurs maîtres. 

A mon avis, ce ne sont pas des esclaves fugitifs, ce sont 
des indigènes, attachés au service ou esclaves affranchis 
des musulmans, auxquels ils servent d'intermédiaires, de 
guides, d'interprètes auprès des populations fétichistes. 
Bien traités par leurs anciens maîtres, auxquels ils rendent 
de réels services, ils sont très fiers de la demi-civilisation 
acquise auprès d'eux. Quelques-uns se sont convertis, d'au- 
tres sont sur le point d'embrasser l'islamisme, mais, 
comme ils conservent toujours des attaches dans leur pays 
d'origine, les traitants, grâce à eux, y sont généralement 
bien accueillis. Ils accompagnent leurs anciens maîtres 
dans leurs expéditions guerrières ou commerciales. A la 
fois intendants, courtiers, interprètes, les traitants leur 
laissent le soin de négocier les affaires, d'entamer les pour- 
parlers avec les indigènes. Les explications qui précèdent, 
traduites peu clairement, ont fait dire à certain voyageur 
que les fétichistes croyaient les musulmans accompagnés 



LES SARAS 223 

de lutins, de génies qui les assistaient dans toutes leurs 
entreprises et qu'ils nommaient Kridimis. 

Ces Kridimis sont, à mon avis, les néo-convertis dont 
j'ai parlé plus haut. Ce ne sont plus des esclaves, mais 
des serviteurs libres, en arabe Khredîme, qui, par corrup- 
tion, a fait Kridimis chez les fétichistes. 

Le dimanche 16 novembre, nous nous mettons en 
devoir de traverser la rivière. Elle est peu large, le cou- 
rant presque nul et les pirogues très confortables; il 
semble que le transbordement va s'effectuer en un rien 
de temps. 

Nous comptions sans nos hôtes. Je n'avais jamais vu, 
et je ne vis jamais depuis, gens plus exigeants et plus 
sordidement quémandeurs. Chaque départ de pirogue 
était retardé par une demande de cadeau, qui n'était 
jamais suffisant; le prix du passage avait cependant été 
payé d'avance. Il fallut me dépouiller de ma veste et en 
faire don aux passeurs pour décider le départ des deux 
dernières pirogues. Ce passage, qui devait être si simple en 
apparence, employa toute notre journée. 

Le lendemain, deux jeunes hommes, grands et bienfaits, 
à la physionomie ouverte et intelligente, consentent à 
nous servir de guides. Us se rendent à « Goundi »; c'est 
également notre but. 

Malheureusement, comme tous les autres guides, ils 
sont importunés par les nombreuses questions qu'on leur 
adresse. Ils sont surtout énervés par la lenteur de notre 
marche et les arrêts à heure fixe : aussi nous abandonnent- 
ils au bout de peu de temps. 

Pendant trois jours, nous marchons dans la plaine 



22i AUTOUR DU TCHAD 

inondée, non point à ravenlure, comme on pourrait le 
croire, mais sur un chemin que nous sentons sous nos 
pas, môme lorsque Teau nous arrive à la ceinture. A la 
saison sèche, ce pays doit d'ailleurs ôtre très praticable et 
probablement très fréquenté, car nous rencontrons de 
nombreux sentiers qui se croisent. Il est très probable 
que nos guides ne sont pas soumis aux mêmes épreuves 
que nous, et ont dû choisir, dans les nombreuses routes qui 
s'offraient, celle qui devait leur permettre de chemincn 
sur quelque plateau peu élevé, sans doute, mais absolu- 
ment sec. 

A défaut de guide, il fallait bien s'en rapporter au 
hasard, mais, cette fois, le hasard était contre nous, car 
nous ne tardâmes pas à nous enfoncer peu à peu au point 
de perdre pied. 

Par bonheur, nous apercevons quelques termitières 
énormes. Malgré leurs proportions inaccoutumées, c'est 
à peine si toute la caravane peut s'entasser dessus avec 
les bagages. 

Nous commençons à être inquiets de celte immense 
nappe liquide. Les grands et beaux arbres qui émergent 
en bouquets, rompent la monotonie du tableau, mais sans^ 
nous rassurer, car le tronc est baigné par Teau qui nous- 
cache en môme temps cette terre que nous cherchons. 

Cependant, à 2 kilomètres environ, nous voyons une 
fumée, puis, en regardant plus attentivement, nous dis- 
tinguons des groupes de cases assez importants. 

Nous nous disposions à faire des signaux sans grand 
espoir d'ôlre aperçus, lorsque deux indigènes, un vieux et 
un jeune, sortant d'un fourré de joncs, vinrent nous saluer. 



Ils ont leur pirogue, mais elle est très frôle et en assez 
mauvais état. Ils ne peuvent prendre que trois hommes. 
Ciozel s'offre pour se rendre au village négocier le passage 
avec le chef. Il estime,, avec juste raison, qu'il doit exister 
un certain nombre de pirogues en cet endroit. 

Noire ami s'embarque avec son ordonnance sénégalaise 
et une jeune Boubangui. 




Trois quarts d'heure après, iO pirogncs accostaient 
notre termitière el, dcnx heures plus tard, tout notre 
monde était sur l'autre rive. 

Un peu étourdis par la rapidité de cette manœuvre, 
nous demandons des explications. 

Notre ami Ciozel nous dit qu'après avoir abordé au 
village qui se nomme Ourenki, il entra en pourparlers 
avec le chef, au milieu d'un cercle de pagayeurs armés de 
perches, comme de véritables Banziris. 

Il offre des perles, des étoffes, des miroirs, mais ses 



i>-2G AUTOUR DU TCHAD 

marchandises n'ont aucun succès. En désespoir de cause, 
il lire de son sac des anneaux de cuivre appelés manilles : 
tous poussent un cri et disparaissent. ClozeI,élonné, s'en- 
quierl des motifs de cette panique, on le rassure : le 
marché est conclu et ses compagnons ne tarderont pas à 
le rejoindre. 

La région est assez pauvre, et si, comme partout, les 
arachides abondent, les autres vivres sont rares. En 
revanche, le panorama est merveilleux. Maintenant que 
nous sommes sur la terre ferme, la nappe d*eau paraît 
moins considérable, le paysage très pittoresque. 

Avec ses cases entassées, les deux grands sycomores et 
le borassus énorme qui l'abritent, Garenki, doré par le 
soleil, a maintenant fort bon air sur son îlot marécageux. 

A la pointe sud de Tîle un petit village lacustre produit 
l'effet le plus inattendu. Hien de plus étrange, par un 
beau clair de lune, que ces cases sur pilotis qui se déta- 
chent en noir sur la surface argentée du lac. Sur pilotis 
aussi le grenier à mil, la provision de bois, la niche aux 
poules, dont les ombres zigzagantes, au moindre souffle 
qui ride l'eau, prennent des formes fantastiques. Les 
longues perches des piroguiers, se dressant le long des 
cases, ressemblent à autant de lances géantes. On dirait 
une de ces étranges gravures de G. Doré. 

Le lendemain de notre arrivée sur ce point, les plan- 
talions sont envahies par des nuées de sauterelles. 
Celle manne est on ne peut mieux accueille par nos 
hommes. Les porteurs kassaïs, qui ont fait pendant long- 
temps leur régal d'énormes chenilles, considèrent les sau- 
terelles comme un mets délicieux. Nous avons du reste 



LES SARAS 227 

constaté dans la suite que les indigènes iuslallés à demeure 
les mangeaient fraîches et en faisaient également des 
conserves. 

Nos hommes en font d'énormes provisions. 

Jamais eu Algérie je n'en avais vu des quantités aussi 
considérables. Ce n'est pas la même espèce d'ailleurs. 




Celles-ci sont de nuance beaucoup plus foncée. Elles sont 
mouchetées de taches brunes, cernées d'un petit liséré 
rose; elles mesurent environ cinq ou six centimètres de 
long. 

Ce genre de nourriture n'étant du goût d'aucun de nous, 
je me rendis au village pour essayer de me procurer 
quelques denrées. 

lîn petit marché s'élabhl et j'ai bientôt autour de moi 
un cercle de ménagères, de vendeurs et surtout d'oisifs. 



228 AUTOUR DU TCHAD 

Le boy qui m'accompagne et moi sommes bientôt serrés de 
très près par cette populace très gaie et très rieuse, mais 
dont les mains explorent mes poches et les sacs de perles, 
pendant que nous parlementons. Le boy Foulanga sur- 
prend une main qui s'est égarée dans sa poche et allonge 
au propriétaire, un gaillard de cinq pieds six pouces, une 
giffle retentissante. Je m'attendais à un conflit, mais la 
foule pousse un immense éclat de rire, et notre maladroit 
pick-pocket s'enfuit tout penaud au milieu des huées. 

Je parviens enfin à acheter un maigre bouc, je paie le 
prix à son propriétaire qui fait signe à un gamin de me 
l'amener. Celui-ci, qui paraît être un esclave, amène la 
bète devant moi, fait des impositions de mains sur ses 
sabots et sur ses cornes et me la livre en me demandant 
un pourboire que je lui donne très volontiers. 

Je traverse à nouveau la rivière pour retourner à notre 
campement, le courant est assez rapide et môme, aux 
basses eaux, le cours d'eau doit être important. Les indi- 
gènes l'appellent Bahar Sara; serait-ce le Ba Ili de 
Nachtigal? Pour le moment, il est fort diflicile de se ren- 
seigner. Il faut d'ailleurs un séjour d'au moins six mois 
pour avoir une idée très approximative de la topographie 
du pays. 



CHAPITRE XII 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 



Oako'Saïd. — Aperçu historique sur le Baghirmi. — La confédéra- 
tion de Daï, Koumra. — En route pour Palem. — Les Toum- 
mocks. — NachtigaL — Retour par l'Ouest. 



Après deux jours de repos bien mérité, nous quittons 
le curieux village de Garenki, mais cette fois encore les 
guides nous font défaut; cependant diaprés les renseigne- 
ments des indigènes, en suivant le sentier qu'on nous a 
indiqué hier, nous rencontrerons une série de villages, et 
nous ne risquons nullement de nous tromper de roule. 

A peine avons-nous fait quelques kilomètres que déjà 
nous nous trouvons en face d'une nouvelle nappe d'eau 
presque aussi considérable que celle de Garenki. Heureu- 
sement qu'une série de petites collines se voit dans le 
lointain. Rien à craindre pour Tavenir, nous n'aurons pas 
de marais pour quelque temps du moins. 

Quelques indigènes de la rive opposée, attirés par la 
/umée des feux allumés par nos hommes, viennent en 
pirogue de notre côté. 

Ils consentent bien à nous transporter sur Tautre rive 



230 AUTOUR DU TCHAD 

au village de Gako, situé dans un repli de terrain en face 
de nous, mais il leur faut, au préalable, l'autorisation du 
chef. Il nous l'accorde volontiers et bientôt un grand 
nombre de pirogues accourt nous prendre; le passage s'ef- 
fectue rapidement et nous installons notre camp près du 
village du chef Gako. 

Celui-ci vient nous voir, suivi à\me suite assez nom- 
breuse; il est évidemment indigène, mais à sa démarche, à 
son attitude grave, à son langage, à son costume (il porte 
une superbe tunique indigo), on reconnaît qu'il a fréquenté 
les musulmans; — on le questionne à ce sujet, il nous 
répond qu'en effet il est allé à Massinia pour saluer son 
suzerain le sultan du Baghirmi, qui du reste a de nom- 
breux représentants dans le pays et même dans le village 
où nous nous trouvons. 

11 nous indique d'ailleurs une longue file d'hommes et 
de femmes vêtus de tuniques indigo, de pagnes, de calottes 
blanches, qui se dirigent vers le camp à pas comptés, et 
nous explique que celui qui marche en tète est un person- 
nage influent envoyé dans la région par le sultan de 
Massinia... 

... Nous allons avoir la clef de cette énigme! Nous 
allons savoir par nous-mêmes s'il faut renoncer à entrer 
en relations avec ces musulmans noirs que l'on nous a tou- 
jours dépeints comme des fanatiques, ennemis de l'Euro- 
péen, comme des gens décidés à mettre tout en œuvre 
pour empêcher le « blanc » de pénétrer dans leur pays. 

... Pourvu qu'ils parlent arabe! car c'est une condition 
sine qua non pour éclaircir cette question dont dépend 
tout le succès de notre voyage et des tentatives à venir. 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 231 

Enfin un petit homme à la physionomie intelligente, 
à Toeil vif et perçant, à la démarche aisée, se détache du 
groupe, suivi seulement d'un jeune garçon et d'un domes- 
tique portant leurs armes. 11 s'avance vers nous, puis 
s'inclinant la main droite sur le cœur, il nous salue avec 
les formules les plus correctes de la politesse arabe. — 
J'engage la conversation; il me comprend sans la moindre 
peine; de mon côté je constate la pureté de son langage, 
il me dit qu'il se nomme Si Saïd, qu'il é^t fonctionnaire, 
que son rôle consiste non seulement à surveiller la rentrée 
des impôts, mais encore à conseiller les chefs autochtones 
dans les questions politiques et surtout religieuses. 

Il nous apprend que les jeunes gens appartenant aux 
meilleures familles indigènes sont envoyés à Massinia, 
capitale du Baghirmi, où ils apprennent l'idiome du pays, 
et la langue arabe que parlent couramment les fonction- 
naires et l'aristocratie, puis enfin se convertissent à la 
religion musulmane. Ils reçoivent ensuite une de ces lon- 
gues tuniques bleues, insigne du commandement, et sont 
pourvus du gouvernement de territoires plus ou moins 
importants. 

Il nous donne avec la meilleure grâce du monde des 
renseignements sur l'organisation politique et religieuse 
du Baghirmi, l'ethnographie, la géographie, et nous 
raconte les événements survenus depuis le passage de 
Nachtigal à Massinia. 

Nous lui offrons un chapelet d'ivoire. Ce cadeau lui est 
particulièrement sensible. Il se retire en nous demandant 
l'autorisation de venir nous visiter de temps à autre. 

Dans la soirée, notre nouvel ami revient avec une foule 



232 AUTOUR DU TCHAD 

de serviteurs portant des corbeilles en sparterie assez 
semblables à celles fabriquées dans le Sud algérien. Elles 
contiennent une foule de victuailles, qu'il nous offre au 
nom du chef Gako, au nom de sa famille et en son propre 
nom. 

Il nous présenle ensuite deux fort jolies corbeilles con- 
tenant des arachides, cuites avec soin et bien dorées et 
quelques friandises. 11 nous dit que c'est là un présent de 
sa femme, et il%joute en souriant : « Elle regrette de 
n'avoir pas eu le temps de vous préparer autre chose, d'au- 
tant mieux que c'est un cadeau intéressé. Elle possède 
depuis longtemps ce vieux miroir que nous nous sommes 
procuré à grand'peine, elle en désirerait un neuf, car 
j'ai eu le tort de lui dire que vous en donniez assez volon- 
tiers aux indigènes. » 11 nous présente alors réchanlillon. 
Il est absolument hors d'usage, mais nous avons la salis- 
faction de voir encore la marque d'une fabrique française. 
Ce sont des armes turques, avec les lettres E. P. Paris. 
Cette constatation vaut à Madame Saïd un échantillon de 
tous les modèles de miroirs que nous avons dans notre 
pacotille. Saïd et son (ils reçoivent également quelques 
menus objets. Le don d'un modeste rasoir met le comble 
à leur joie. 

Sans être bavard, Saïd cause volontiers, il est d'ailleurs 
de bonne compagnie et doit être de condition aisée. 11 ne 
peut nous donner aucun renseignement sur la rivière qui 
passe à Garenki, il n'a jamais voyagé au sud de ce village. 
Elle porte le nom de Bahar Sara, passe à Goundi et se 
jette dans le Chari. La nappe d'eau située au pied du vil- 
lage de Gako se nomme le Bahar Namm. Son courant est à 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 233 

peine sensible, en admettant qu'il en existe un, même en 
cette saison. D'ailleurs Saïd me dit que le Bahar Namm 
est un marais qui inonde une grande plaine qui s'étend 
« au dire des indigènes » jusqu'à Bangoul, vers le 
Logone. Il n'a pu vérifier le fait, mais il affirme, parce 
qu'il Ta vu, que le Bahar Namm est absolument desséché 
pendant une grande partie de l'année et qu'il ne forme 
plus que quelques flaques d'eau, « des puits », comme il 
nous dit. Il est certain que, si la communication existe, 
elle n'est pas constante. 

Il est bon de remarquer que ce sont les indigènes seuls 
qui en parlent, or ils n'ont aucunes relations avec les 
tribus voisines du Logone, qui repoussent môme les expé- 
ditions du Baghirmi. C'est donc à bon droit qu'il faut se 
montrer circonspect au sujet de cette hypothèse. 

Si Saïd nous trace un itinéraire des plus pratiques pour 
nous rendre à « Massinia », capitale du Baghirmi. Le 
sultan, nous dit-il, serait fort heureux de notre visite et le 
réprimandera s'il ne nous décide pas à aller séjourner 
quelque temps dans la capitale. 

Nous lui exposons notre situation précaire. Notre 
voyage, par suite de difficultés imprévues, a absorbé une 
bonne partie de nos marchandises. Notre pacotille nous 
permeltrait bien d'aller à Massinia, mais nous n'aurions 
plus de ressources pour quitter le Baghirmi, après un 
séjour plus ou moins prolongé dans ce pays. 

« Ne vous inquiétez de rien, nous dit Si Saïd, à dater du 
jour où vous avez pénétré sur le territoire du M'bang 
(nom donné au Sultan) vous êtes ses hôtes. C'est lui ou 
ses délégués qui pourvoiront à tous vos besoins. Vous 



234 AUTOUR DU TCHAD 

êtes des élrangers, animés de bonnes dispositions, vous 
êtes les bienvenus. Venez avec moi jusqu a Massinia, il ne 
sera pas nécessaire de toucher à vos marchandises. Le 
M'bang connaît les « blancs » de réputation, il vous réser- 
vera le meilleur accueil. » 

Pour ce Baghirmien habitué à voyager avec de faibles 
ressources, dans un pays où il est connu, nos nombreuses 
caisses semblaient constituer des richesses inépuisables. 
Il ne pouvait comprendre que, même avec la plus stricte 
économie, en ne donnant à nos hommes qu'une cuillère 
de perles pour acheter leurs vivres pendant cinq jours, 
nos ressources seraient très probablement insuffisantes 
pour atteindre TAdamaoua en suivant la voie la plus 
directe. 

Certes sa proposition ne manquait pas de nous séduire, 
mais il ne fallait pas songer à faire le grand détour dont 
il nous parlait pour gagner le Mandara et atteindre ainsi 
TAdamaoua par le nord du ïoubouri. Cet itinéraire nous 
aurait pris deux mois de plus que celui par le sud; d*autre 
part, si cette route était plus sûre, elle était absolument 
connue. Barlh et Nachligal ont en effet séjourné fort long- 
temps et sérieusement étudié les régions que Ton nous 
proposait de parcourir au N. du Toubouri. Vers l'ouest 
au contraire se trouvaient de vastes étendues très peu- 
plées et absolument inexplorées. Les Gaberis, les Som- 
raïs ont toujours repoussé les tentatives des Baghirmiens; 
c'est à peine, nous dit Si Saïd, si quelques hardis traitants 
ont pu faire un court séjour chez ces peuplades inhospi- 
talières, sur lesquelles le Baghirmi exerce un protec- 
torat plus nominal que réel. « Quant a la région comprise 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 235 

entre le Logone et T Adamaoua, elle est absolument inconnue 
soit des (( blancs », soit des musulmans, et ce serait folie 
de vous engager chez ces peuplades », ajoute notre hôte. 

Nous ajournions indéfiniment notre décision. 11 nous 
était trop pénible de renoncer à notre projet de remonter 
plus avant vers le Nord. Il nous en coûtait de perdre 
ainsi les belles illusions conçues au départ de la Kemo et 
que Texcellent accueil des Baghirmiens semblait devoir 
rendre réalisables. 

Nous songeâmes à nous rendre seuls avec Si Saïd à 
Massinia, tandis que Tun de nous, tiré au sort, car tous 
les Européens voulaient être du voyage, resterait à Gako 
avec Tescorte et les porteurs. 

L'économie de ce projet était illusoire. Nos dépenses 
eussent été légèrement augmentées, et, tout compte fait, 
nos hommes seraient restés inactifs pendant un mois, 
tandis que nos marchandises se seraient épuisées sur 
place. En prenant la direction Ouest au contraire, nos 
dépenses étaient moindres et nous nous rapprochions de 
TAdamaoua, où nous pouvions trouver des ressources, soit 
auprès de notre compatriote le lieutenant Mizon, soit auprès 
de la Royal Niger Company. 

Ne pouvant nous résoudre à renoncer à nous rendre 
dans la capitale de ce Baghirmi où nous avions reçu si bon 
accueil, nous décidâmes de faire roule vers Goundi, point 
extrême atteint par Nachtigal en 1872. Là nous avise- 
rions : quel que soit Tavis qui prévaudrait, nous étions sûrs 
au moins que, une fois ce point atteint, nous avions lar- 
gement rempli le programme tracé par le Comité qui 
nous avait accordé sa confiance. 



236 AUTOUR DU TCHAD 

Depuis le voyage de Nachligal en 1872-73 bien des 
événements se sont passés au Baghirmi. Les querelles 
intestines qui divisaient le pays ont pris fin il y a déjà 
quelques années. S'il faut en croire Si Saïd, une ère de 
paix et de prospérité aurait succédé aux luttes qui ont 
ensanglanté le Baghirmi; alors que le M*bang Mohammed 
Abou Sekkin cherchait à reconquérir ses États sur l'usur- 
pateur Âbder Bahman. 

Celui-ci, fort de l'appui du Ouaddaï, avait réduit le 
souverain détrôné à chercher un refuge dans les pro- 
vinces méridionales, et c'est vers cette époque que ce 
dernier reçut la visite de Nachtigal à Goundi, son centre 
d'opérations. 

Dix ans plus tard, vers 1883, Mohammed Abou Sekkin 
résolut de tenter un suprême effort. Il réunit ses fidèles 
et, à la tôte d'une troupe peu nombreuse mais décidée à 
chasser l'envahisseur, vint mettre le siège devant Mas- 
sinia. Un mercredi, ou un jeudi, nous dit Saïd qui fut 
témoin de ces événements, Abou Sekkin pénétra dans la 
ville et fit mettre à mort son compétiteur et ses partisans. 

Après avoir rétabli le calme dans ses États, il renonça à 
la résidence de Massinia et se fixa à Maïba. qui devint 
bientôt un centre aussi important que <( Bougouman », 
marché très fréquenté de la rive gauche du Chari et peu 
éloigné de Maïba. 

A la mort de Mohammed Abbou Sekkin, en 1885, c'est 
son jeune frère Gaouranga, âgé actuellement de vingt-deux 
ou vingt-quatre ans, qui lui succéda, bien qu'il eût un fils, 
Bouroumanda, en âge d être proclamé M'bang. Bourou- 
manda s'est retiré ou peut-être même a été exilé au 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 237 

Ouaddaï. Pour ne point se compromettre, en sa qualité de 
fonctionnaire, Saïd élude toutes nos questions relatives au 
tils d*Abou Sekkin. En revanche il ne ménage pas les 
éloges au jeune souverain acluel, déjà père de deux 
enfants, qui a su faire régner Tordre à l'intérieur et com- 
mande le respect à ses turbulents voisins, notamment 
ceux du Ouddaï. 

Quant au lils de l'usurpateur, Abderrahman, il vit misé- 
rablement au Baguirmi. Lors de son avènement, Gaou- 
ranga lui a fait crever les yeux pour lui ôter toutes vel- 
léités de succéder à son père. 

L'influence du Ouaddaï serait actuellement nulle au 
Baghirmi. 

Le 26 octobre, nous quittons le village de Gako, accom- 
pagnés par Si Saïd et son fils, qui ont avec eux deux 
domestiques portant leurs armes et leur matériel de 
voyage, nattes, calebasses, sacs de provisions, etc. 

Nous nous engageons sur un plateau sablonneux et sec, 
mais couvert de belles plantations et d'arbres d'une assez 
belle venue. 

A la deuxième halte, le chef de Daï, le village où nous 
allons camper, vient à notre rencontre. 11 est facile de 
voir que Si Saïd est pour quelque chose dans cette récep- 
tion si cordiale. 

Après avoir traversé de superbes plantations de maïs, 
de mil, d'arachides, de noix de terre, le chef nous installe 
dans un grand espace découvert, voisin d'une grande nappe 
d'eau qui n'est autre que celle rencontrée à Gako. 

Je relève sur mon journal de route, à la date du 
27 octobre, les quelques lignes suivantes : 



238 AUTOUR DU TCHAD 

(( Daï est une assez forte agglomération très peuplée et 
répartie sur un très grand espace. Ce n'est pas une ville, 
comme on pourrait Timaginer, mais c'est un centre impor- 
tant qui, à une époque peu éloignée, était la capitale de 
Tune des deux grandes confédérations des Saras. 

« C'est là une région que devraient visiter ceux qui 
agitent si volontiers le « spectre de Tlslamisme. » 

Les Saras de Daï sont naturellement très guerriers, 
batailleurs môme et pas toujours de bonne foi, j'en suis 
convaincu. 11 n'en est pas moins vrai que, seul, sans sol- 
dats ou môme « Yniliciens » d'escorte, Si Saïd, petit 
homme délicat et frôle, se faisait écouter d'eux comme un 
personnage habitué à ôlrc obéi ; cela sans éclats de 
voix, sans colère, sans l<i moindre geste. Cette attitude 
et l'air de prospérité que l'on respirait dans les planta- 
tions, dans le village, nous reportaient bien loin des incur- 
sions suivies de pillage, de vols, d'incendies, d'assassinats 
dont on se plaît à charger les « hordes musulmanes ». 

« Je suis de « parti pris », je l'avoue, mais j'en ai bien 
le droit après ce que j'ai vu naguère avec une autre mis- 
sion (à quelques degrés de latitude plus au sud, par 
exemple). Les musulmans « noirs » ne sont pas pour 
nous l'ennemi, quoi qu'on en dise. Nous avions avec nous 
des juges impartiaux, puisqu'ils voyaient pour la première 
foijs « ces farouches sectateurs de Mahomet ». Ceux-là 
précisément étaient les plus surpris de l'accueil empressé 
que nous offraient les ennemis-nés des « blancs. » 

Je suis heureux de constater que notre chef lui-môme, 
M. Maistre, à son retour en France, ne s'est pas fait 
faute de dire combien Saïd et les nombreux chefs baghir- 



t 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 239 

miens que nous avons rencontrés, ont facilité notre voyage 
sur les territoires confiés à leur conïmandement. 

Saïd est obligé de nous quitter, car nous sommes depuis 
quatre jours à Daï : il est indispensable qu'il rentre à 
Gako où l'appellent ses affaires. H nous laissera son lils, 
qui se fait un véritable plaisir de nous accompagner et de 
nous mettre en rapport avec les fonctionnaires baghir- 
miens que nous rencontrerons dans les prochains vil- 
lages. 

Avant de prendre congé de nous. Si Saïd nous engage 
encore à nous rendre à Massinia. Il eslimc que nous 
aurions intérêt, quelle que soit notre décision, à nous 
diriger sur Palcm plutôt que vers Goundi. Nous comptions 
en effet relier en ce point noire itinéraire à celui de 
Nachtigal. Mais Si Saïd nous dit que Goundi est absolu- 
ment détruit, qu'il n'existe plus en cet endroit que quel- 
ques misérables cases avec des plantations ruinées. Nous 
ne pourrons pas y trouver la nourriture nécessaire à nos 
hommes. Il serait préférable, à son avis, de se diriger vers 
Palem. Cette autre étape de Nachtigal n'est plus aussi 
riche que par le passé, mais elle nous offrira néanmoins 
des ressources sérieuses pour continuer notre route soit au 
nord, soit à l'ouest. Nous nous rangeons à son avis, qui 
paraît du reste absolument désintéressé. 

Pendant ce dernier entretien, Saïd nous donne encore 
une foule de renseignements : 

Les Saras et beaucoup de peuplades fétichistes dési- 
gnent le Baghirmi sous le nom de « Bang-Doum ». 

Le M Fatcha » ou premier ministre est bien encore 
aujourd'hui, comme du temps de Barth, un esclave du 



240 AUTOUR DU TCHAD 

sultan, de même d'ailleurs que certains hauts fonction- 
naires. 

Il ignore, par exemple, ce que peut être le « Maïneb- 
el-Adcmi », que Barlh donne comme une sorte de consul 
du Bornouau Baghirmi. Malgré toutes nos explications, Si 
Saïd ne veut pas entendre raison. La présence d'un sem- 
blable personnage dans la capitale du Baghirmi serait à son 
avis un signe de vasselage. Le M'bang Gaouranga est 
maître chez lui et ne reconnaît pas plus la suzeraineté du 
Bornou que celle du Ouaddaï. 11 est en bons termes avec 
ces deux puissances, mais n'est en aucune façon leur tri- 
butaire. Tel est Tavis que Si Saïd exprime avec beaucoup 
de véhémence. 

Son fils, pendant cette discussion, taille dans un énorme 
morceau de cuir un fouet, fort coquet, dont la confection 
l'absorbe beaucoup plus que faction prépondérante du 
Ouaddaï ou du Bornou sur son pays. L'épaisseur de cette 
peau nous intrigue, nous demandons à Saïd quel est le 
nom de Tanimal qui la fournit : « Il s'appelle « ben » en 
sara, « birni » en kanouri, et « grindi » en arabe. Le mot 
est nouveau pour moi et ne me dit rien, mais un doigt 
appliqué sur le nez supprime les explications superflues. 
Il s'agit à n'en pas douter d'un rhinocéros. On en trouve 
peu dans la région, mais enfin quelques rares fois un 
échantillon est pris au piège. Cet animal est moins rare 
dans le Nord, nous dit-il. 

II faut cependant nous séparer de Si Saïd; nous lui 
faisons de nouveaux présents, mais il n'a d'yeux que pour 
les deux ou trois chapelets que nous lui remettons en 
dernier lieu. 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 241 

Les formules qu'il emploie pour prendre congé, pour 
nous souhaiter santé et bon voyage et aussi nous confier 
son fils, prouvent que Si Saïd n'est pas un homme du 
•commun et a reçu une certaine éducation. 

Sa manière d'être pendant tout le temps que nous 
avons passé avec lui, a été des plus correctes. Je fais 
encore quelques emprunts à mon journal de route : 

« Le 31 octobre, nous quittons Daï de fort bonne heure. 
Dès la pointe du jour le fils de Saïd, escorté de son fidèle 
serviteur, est venu nous prendre au camp. II est certaine- 
ment moins intelligent que son père, mais il ne lui cède 
en rien au point de vue de Taffabilité. Parmi les nom- 
breux chemins qui s'offrent à nous, il a soin de choisir le 
meilleur. C'est pour nous une véritable « route natio- 
nale » que porteurs. Sénégalais et Européens foulent avec 
plaisir. 

« D'ailleurs depuis que nous avons rencontré ces « farou- 
ches musulmans » qui, jadis, effrayaient tant nos hommes, 
ceux-ci semblent au contraire avoir repris courage. Il est 
vrai qu'ils leur doivent bon souper, bon gîte... et qu'ils 
leur sont reconnaissants de leur avoir, en maintes cir- 
constances, évité une bonne volée pour s'être procuré... 
« le reste », que les Saras auraient bien pu leur faire 
payer cher. 

« Ils ont repris confiance parce qu'ils voient les « blancs » 
causer le plus amicalement du monde avec ceux qui 
devaient les assassiner. Mais ce qui les étonne, c'est que 
musulmans et chrétiens parlent la même langue, sans le 
secours d'aucun interprète. 

« C'est en effet un immense avantage pour nous que de 

p. BnUNACHC. 16 



242 AUTOUR DU TCHAD 

pouvoir [supprimer tous ces brouillons, tous ces fabricanls 
de conflits dont le rôle consistait surtout à se créer de 
sérieux bénéfices au détriment de notre tranquillité. 

(( Il n'est pas douteux que si, à Gako, nous étions entrés 
en relations avec les Baghirmiens à l'aide d'interprètes 
noirs, nous aurions rencontré des difficultés peut-élii* 
insurmontables. » 

Pour le moment tout se présente on ne peut mieux. 
Nous atteignons le petit village de << Sada », dissimulé 
sous des arbres qui semblent plusieurs fois centenaires, 
extrêmement touffus et que l'on croirait taillés par un 
habile praticien, à en juger par leurs tailles uniformément 
rondes. 

Leur ombre épaisse semble lourde, mais elle est fort 
appréciable lorsqu'on a parcouru une certaine distance 
sous ce soleil de plomb. 

Nous nous installons sous l'un de ces immenses 
mimosas, tandis que le fils de Saïd se dirige vers un 
important groupe de cases. Quelques indigènes, sommai- 
rement vôlus, viennent nous saluer. 

Comme type et au point de vue de l'ensemble, ce sont 
évidemment des Saras, mais leur maintien, leur allure, 
leur manière d'être en général est loin de ressembler à 
celle de leurs voisins de chez Mandja-Tezzé. Us sont à 
demi civilisés. 

Après nous avoir salués, ils s'éloignent discrètement. 
Quelques-uns s'approchent d'un foyer situé au milieu de 
la place. Ils en retirent avec mille précautions un objet 
qui ressemble en tous points à un creuset. C'en est un en 
effet; ils en versent le contenu, du cuivre fondu, dans un 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 243 

moule en argile, fort bien imaginé d'ailleurs, et, peu de 
temps après, ils en retirent un de ces énormes bracelets 
que nous admirions chez Mandja-Tezzé et chez Kassinda. 
Les dessins en sont vraiment exquis. Nous remarquons 
notamment des torsades et des tresses qu*un profane 
estimerait ne devoir être obtenues que par la cise- 
lure. 

L'artiste semble particulièrement sensible à nos témoi- 
gnages d'admiration. Malheureusement, lorsqu'il com- 
mençait à nous donner des explications, arrive le fils de 
Saïd et une foule de hauts personnages qui font fuir 
Thabile fondeur. 

Après des salutations interminables, on nous apporte 
en grande pompe des jarres et des calebasses de toutes 
grandeurs, et Ton nous invite à nous désaltérer avec une 
eau d'une limpidité douteuse. 

Pour quiconque a voyagé en pays où Teau est rare, 
c'est là une marque d'hospitalité très touchante, mais fort 
inquiétante pour l'avenir. 

C'est une preuve, en effet, que ce liquide doit être assez 
rare dans la région. 

Nous allons installer le camp à vingt minutes environ 
du village, sous des arbres magnifiques, au pied d'une 
petite colline très boisée. 

Un porteur crouman, qui avait été repris après une pre- 
mière tentative de désertion, a disparu à nouveau. 

Un autre a vendu son fusil. 

Nous repartons le lendemain à sept heures seulement, 
parce que le fils de Saïd a passé la nuit au village, où les 
chefs donnaient une fête en son honneur. Ce jeune garçon, 



i 



244 AUTOUR DU TCHAD 

âgé de dix-huit à vingt ans, paraît très aimé et estimé par- 
tout où nous passons. 

L'eau semble devenir très rare. A notre repas de 
onze heures, nous avons toutes les peines du monde à 
nous procurer un litre d'eau bourbeuse pour six Européens. 

Vers midi, nous rencontrons de très belles planlalions 
et quelques petits groupes de cases. 

A deux heures dix, nous nous installions sous un bouquet 
d'arbres touffus, auprès d'une assez forte agglomération 
qui constitue le groupe central de Koumra. Le camp est 
envahi par un grand nombre de Baghirmiens et de négo- 
ciants du Bornou. Ces derniers sont d'une propreté 
remarquable, ils parlent également l'arabe avec une 
grande facilité. 

Chose curieuse ! depuis Mandja-Tezzé, tous nos visiteurs, 
indigènes ou musulmans, mâchent continuellement soit du 
tabac, soit du sorgho sucré. « Le prophète, disent ces 
musulmans, nous a défendu de fumer, mais il n'a point 
interdit de mâcher du tabac. » Le sorgho sucré est très 
agréable pour combattre la soif pendant les marches sans 
eau; aussi, nous prîmes bientôt, tous, Thabitude d'en avoir 
une grande provision pour notre route. 

Nos chapelets d'ivoire et même les plus communs, en 
bois vernis, ont un grand succès auprès des Baghirmiens 
et des Bornouans. Tous en désirent et nous offrent soit 
des poules, soit des chèvres en échange. 

Ils sont vraiment touchés de notre façon de faire, lorsque 
nous leur disons que nous ne nous servons pas de ces 
objets de piété pour faire nos transactions. Pas plus que les 
Korans qui excitent également leur admiration, les chape- 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 245 

Icls ne sont destinés à être vendus, nous les donnons à 
nos amis. Celte déclaration nous vaut le soir un nombre 
considérable d'amis. 

Au coucher du soleil, le fils de Si Saïd vient nous faire 
ses adieux. Il nous dit de ne nous préoccuper de quoi que 
ce soit, ses compatriotes veilleront à ce que nous ne 
manquions de rien et se mettront entièrement à noire 
disposition. Il part comblé de cadeaux. 

Nous comptions nous-mêmes quitter Koumra le lende- 
main 2 novembre. 

Avant le jour, nous sommes réveillés par un tapage 
assourdissant à peu de distance du camp. Des cris stri- 
dents, des coups de tambour prolongés, des hurlements 
lugubres. 

Le départ du fils de Si Saïd aurait-il fait changer les 
dispositions de nos amis de la veille? Mal réveillés, à peine 
vùlus, nous formons vivement le carré. Les cris continuent 
plus aigus que tout à Theure. Ils viennent des cases du 
chef, mais ne se rapprochent pas. 

L'aube commence à poindre et les brouillards du matin 
se dissipent peu à peu. Le village à peine éclairé prend 
des leinles rosées et gaies, tandis que les feux qui s'étei- 
gnent rougeoient de temps à autre lorsqu'un guerrier les 
franchit d'un bond pour se précipiter vers les cases. Une 
grande animation règne dans le village, les femmes pous- 
sent de grands cris en levant les bras au ciel; des 
enfants pleurent et se serrent contre leurs mères. Le soleil 
vient bientôt éclairer celte scène, personne dans le village 
ne paraît se douter de notre voisinage. Le guide lui-même, 
qui nous avait promis d'être au camp à la pointe du jour, 




246 AUTOUR DU TCHAD 

se fait longuement attendre. Notre inquiétude a cessé... 
il ne s'agit pas d'une attaque, mais nous ne pouvons 
encore nous rendre compte de la cause de tout ce bruit. 

Quelques Baghirmiens viennent enfin nous voir; deux 
d'entre eux, qui paraissent les plus écoutés, nous rassurent. 
J'ai tout d'abord un peu de peine à les comprendre : 
réveillés depuis peu, ils ont mis dans leur bouche la pro- 
vision de tabac de la journée et, comme la mastication ne 
l'a pas encore réduile, ils ont de la peine à s'exprimer. Ils 
nous engagent à passer la journée ici. Nous sommes arrivés 
fort tard hier et l'on n'a pu nous fournir des provisions suf- 
fisantes. Les cris que vous venons d'entendre sont motivés 
par le décès de la femme du chef. Celui-ci n'a pu, hier, 
nous rendre ses devoirs, mais il n'y manquera pas cette 
après-midi. Enfin, musulmans et Saras sont encore sous 
le coup de cet événement et seraient contrariés de quitter 
aujourd'hui Koumra pour nous accompagner. 

Ils nous prient d'ajourner notre départ à demain ; néan- 
moins, si nous tenons essentiellement à nous mettre en 
route, ils nous donneront des guides. 

Nous déférons à leur désir et faisons remonter les tentes 
abattues. 

Quelque temps après, arrive un cortège imposant, c'est 
le chef de Koumra qui vient nous faire sa visite. C'est 
un beau vieillard, grand et bien bâti, superbement drapé 
dans sa tunique d'investiture qu'il ne doit, sans doute, 
revêtir que dans les grandes circonstances. 

Ses deux fils, qui l'accompagnent, et son entourage 
baghirmien et indigène semblent avoir pour lui une 
grande vénération. 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 247 

Il paraît très affecté de la perte de son épouse et nous 
adresse seulement quelques paroles de bienvenue. Nous 
échangeons les cadeaux d'usage. Il est, à n'en pas douter, 
fort satisfait des présents que nous lui donnons, mais il 
nous demande très timidement et comme une grande faveur 
un chapelet de bois. 

On lui donne Tobjet convoité et il se retire avec force 
remerciements. L'un de ses fils, celui qui parait être 
Taîné et le plus intelligent, entre en grand conciliabule 
avec celui des Baghirmiens qui paraît le plus influent. 
Celui-ci, avec bien des circonlocutions, nous explique que 
le jeune homme voudrait lui aussi un chapelet. 

Il nous dit que le vieux chef est allé à Massinia, mais 
n'est pas musulman. Il désirait un chapelet parce que 
« c'est bien porté » ; le fils, au contraire, a été élevé à Mas- 
sinia et s'est converti à Tislamisme; nous faisons droite 
sa demande. 

Nous employons notre après-midi à visiter le village et 
surtout à causer avec les Baghirmiens et les Bornouans. 
L'idiome qu'ils emploient est identiquement semblable à 
celui en usage en Algérie. 

Les différences dialectales sont insignifiantes et échap- 
pent môme toul d'abord. 

Ils possèdent quelques chevaux assez bien soignés, mais 
très petits de taille. Ils sont trapus et bien roulés, les 
membres sont un peu massifs, mais nerveux. Us doivent 
constituer d'excellentes bétes de corvée. Ceux de nos 
camarades habitués aux fringants coursiers de France, les 
regardent d'un air un peu dédaigneux. Il n'en est pas 
moins vrai que ce sont des animaux nerveux, solides et 




248 AUTOUR DU TCHAD 

bien appropriés au pays. Ils ressemblent un peu à celle 
race qui existe dans certaines régions de la Kabylie. Leur 
tête, par exemple, est lourde et disproportionnée, et ce 
manque de proportions choque au premier examen. 
L'œil est vif et intelligent. Du reste nous voyons trop 
peu de chevaux pour pouvoir nous livrer à une étude 
sérieuse. Plus loin, paraît-il, nous en trouverons en 
grande quantité. Quant à en acheter, il ne faut pas y 
songer, nous disent les Baghirmiens. Ni maintenant, ni* 
plus loin, les propriétaires ne consentiront à se défaire 
même à des prix considérables, d'animaux qui leur ren- 
dent tant de services, soit en temps de paix, soit en temp* 
de guerre. Il paraît même que les tribus qui possèdent des 
chevaux, veillent avec un soin jaloux à ce que les tribus 
voisines ne puissent s'en procurer. La possession de ces 
animaux leur donne, en lemps de guerre, une trop réelle 
supériorité sur leurs voisins qui n'en possèdent pas. 

Nous quittons Koumra conduits par un guide sara, qui 
nous est donné par un des Baghirmiens nommé « Mallem » 
Ali (Maître Ali). Il ne peut partir lui-même avec nous,, 
mais nous rejoindra à notre campement. Nous rencontrons 
quelques groupes d'habitations, faubourg de Koumra, el 
nous marchons continuellement au milieu de champs fort 
bien cultivés. 

M. Maistre, très souffrant depuis Daï, est obligé de se 
faire porter en hamac. 

Nous passons près d'un groupe des plus animés installé 
sous un beau sycomore. Des hommes, des femmes, des 
enfants chantent et dansent au son des tambours, au milieu 
d'épis de maïs et de mil dont la récolte parait fort abon- 



LES VASSAUX DU BA6H1RMI 249 

daute. C'est sans doute cet heureux événement que fêtent 
ces braves gens. Deux chevaux, attachés au piquet, pous- 
sent de joyeux hennissements, lorsque nous passons, et 
nous font songer amèrement que TAIgérie est loin et que 
nous ne sommes que de modestes piétons. 

Nous traversons un immense village, extrêmement 
propre, dont la place centrale est ornée d'un magnifique 
sycomore. « Mallem » Ali, qui a dû faire la route à 
cheval, nous rejoint; il nous présente un de ses compa- 
triotes habitant le village et nous indique un excellent 
emplacement de camp. 

Bien reçus par le chef indigène, qui vient au milieu 
de la nuit nous apporter un plantureux repas, nous quit- 
tons le lendemain ce village, nommé Garnan-Toli. 

A Martcaga, nous trouvons également bon accueil, 
mais Teau est rare. Il faut la puiser dans un puits fort 
profond et lorsque nos hommes ont fait leurs provisions, 
il ne reste plus que de la boue. 

Nous atteignons ensuite Gangara. M. Maistre est tou- 
jours dans l'impossibilité de marcher et son état est loin 
de s'améliorer; nous décidons cependant de pousser 
jusqu'à Palcm, oii nous prendrons un jour de repos. Le 
chef de Gangara, un superbe vieillard vêtu de la tunique 
désormais classique, se joint à Mallem Ali pour nous 
engager à nous diriger de préférence sur Palem. De 
même que Si Saïd, ils nous disent que Goundi est, à l'heure 
actuelle, un hameau n'offrant plus aucune ressource. « Le 
chef de Palem, nous disent-ils, est évidemment plus 
important que fortuné, mais il vous procurera tous les 
ravitaillements que vous pourrez désirer. » 




250 AUTOUR DU TCHAD 

Nous traversons en ce moment la tribu des « Toum- 
mocks » et nous ne nous en serions certes pas douté, si 
nous n'eussions été prévenus. Le type, les- mœurs, les 
coutumes sont presque absolument identiques à ceux des 
Saras. 

Le lendemain, peu de temps après notr^ départ, nous 
traversons un petit cours d'eau peu important, nous che- 
minons jusque vers onze heures et nous atteignons de 
misérables plantations de mil et de sorgho disséminées 
8ur une vaste étendue. Les guides nous engagent à ins- 
taller notre campement sous un immense tamarin qui 
ombrage un emplacement merveilleux. Nous voudrions 
bien faire une plus longue étape, mais ils nous annoncent 
la prochaine visite de personnages d'importance que nous 
ne pouvons éviter. 

Nous sommes bientôt entourés par une grande quan- 
tité d'indigènes, un peu plus affinés, comme traits, que les 
Saras. Leur physionomie semble plus intelligente et, 
d'autre part, ils sont bien moins encombrants. Ils nous 
regardent avec une curiosité qui n'est nullement indiscrète. 
Ils sont assis en cercle et se communiquent leurs impres- 
sions à voix basse. Ils opèrent quelques transactions avec 
nos hommes, mais sans cris, posément, gravement. 

Arrive enfin le chef de Beï, village situé à peu de dis- 
tance de notre campement; il est accompagné de nom- 
breux indigènes revêtus de tuniques et porte lui-même 
avec aisance le vêtement baghirmien. Il parle assez cor- 
rectement Tarabe. Notre détermination d'aller dans 
rOuest Teffraie beaucoup pour nous. Il considère l'en- 
treprise comme impossible. Il nous engage vivement 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 251 

à aller à Massinia, dont il nous dépeint les splendeurs. Il 
nous offre des présents superbes et, selon l'habitude , 
constatée depuis quelque temps, nous envoie au milieu de 
la nuil un repas tout prêt pour nos hommes et deux 
énormes cabris pour nous. 

Le lendemain, tous viennent nous faire leurs adieux; on 
voit qu'ils ont été élevés à Massinia, car ils épuisent, et 
au delà, toutes les formules de la politesse orientale. 

Après une marche assez longue, nous remarquons un 
alignement de pieux surmontés chacun d'une marmite 
renversée. 

Nous traversons un marais large de 2 ou 300 mètres, 
nous voyons un nouvel alignement de pieux semblable au 
précédent. 

Au bout de quelque temps, trois cavaliers se portent à 
notre rencontre, puis, tournant bride, nous pilotent à 
travers une série de plantations d'aspect misérable et 
mal entretenues. Il est vrai de dire que la récolte vient 
d'être enlevée. 

Nos trois cavaliers ont encore le type sara, ils en ont 
le costume, qui pour le moment leur sert surtout de selle, 
car ils montent à cru, si leur tablier de aiir est considéré 
comme vêtement. Sur leurs petits chevaux nerveux, dont 
on n'aperçoit que la croupe, ces deux bronzes ressemblent 
à des centaures. La bride est en cordelettes ou en cuir 
tressé, le mors est remplacé par un caveçon en fer dentelé, 
posé sur le chanfrein, et terminé par un anneau dans 
lequel passe une corde, formant nœud coulant, et qui 
constitue l'unique rêne. Leurs grandes jambes qui embras- 
sent le corps du cheval sont de puissantes « aides » pour 




252 AUTOUR DU TCHAD 

maintenir Taniinal, el une lape de leur large main, appli- 
quée sur la joue, est pour eux le moyen le meilleur de 
diriger ces chevaux aussi dociles qu'ardents. 

Barth et Nachtigal ont signalé une habitude que nous 
n'avons constatée nulle part. D'après les illustres voya- 
geurs, certaines peuplades entretiendraient avec soin, sur 
le dos du cheval, deux énormes écorchures destinées à 
assurer l'adhérence du cavalier. Nous n'avons vu rien de 
semblable soit chez les Saras, les Toummocks ou les gens 
de Laï qui possèdent une nombreuse cavalerie. 

Beaucoup de chevaux reviennent souvent, après une 
longue course, avec des écorchures sur le dos. Le cava- 
lier lui-même en a sa part... mais ces blessures sont 
accidentelles, le tablier de cuir interposé entre le cheval 
et le cavalier forme souvent des plis, qui, lorsqu'on va 
aux allures vives, ne tardent pas à occasionner des plaies. 
Les propriétaires s'efforcent d'ailleurs de les faire dispa- 
raître dès qu'ils les ont constatées. 

Il est bon de noter que, comme l'Arabe, les Saras ou 
les Toummocks n'hésitent pas à se servir d'un cheval 
même assez sérieusement blessé. Ce n'est jamais que 
dans des cas urgents, car, à mon avis, ils prennent plus 
de soins pour leur compagnon de travail et de guerre que 
TArabe n'en prend pour son légendaire coursier. 

Nous cheminions dans des hautes herbes qui nous fai- 
saient tristement songer aux énervants sentiers de la 
route de Loango-Brazzavillc. 

Tout à coup le paysage se transforme subitement, 
comme dans un changement à vue. 

Brusquement, presque brutalement, nous nous trouvons 



LES VASSAUX DU BAGHIBMI 253 

en présence d'une végiilalion absolument différente de 
celle à laquelle nous étions habitués depuis quelques 
mois : des palmiers nains en quantités considérables, d'im- 
menses borassus qui atteignent des proportions que nous 
ne connaissions pas; une sorte de lataniers, se dédoublant 




imp d« Ntsbtigil. 



à un mètre environ du sol, d'immenses sycomores, puis 
la plaine inondée de lumière, sous un ciel d'un bleu 
inconnu sur les bords du Congo et de l'Oubangui. 

Le guide nous conduit auprès d'un puits. Nous le sui- 
vons inconscients, machinalement, entièrement absorbés 
par ce merveilleux spectacle. Les porteurs eux-mêmes, 
gens peu contemplatifs de leur naturel, sont en admiration 
devant ce tableau magninque. 



254 AUTOUR DU TCHAD 

C'était bien un décor de fête et c'en était une pour 
nous... « Palem! vous êtes à Palem », nous dit le guide. 

Je ne saurais décrire l'impression qui s'empara de 
nous à cet instant. En 1873, il y a vingt ans, par con- 
séquent, Nachtigal, un voyageur, qu'importe sa nationa- 
lité : c'était un Européen, atteignait ce point. Il venait de 
la Méditerranée. Mais, entre cette dernière étape de son 
voyage vers le Sud, et TOubanghi, point extrême atteint 
par les voyageurs venant du cap de Bonne-Espérance, il 
existait sur la carte un grand blanc, plusieurs degrés, 
absolument inconnus. Cette route, nous venions de la 
parcourir les premiers, et, désormais, il n'exùtail aucune 
interruption dans la chaîne des itinéraires européens 
de la Méditerranée au cap de Bonne- Espérance, 

La visite du chef met le comble à notre joie. C'est un 
homme gros et fort, vêtu de la grande tunique indigo et 
d'une calotte blanche. Il porte aux bras des bracelets en 
cuivre, fort lourds et ornés de jolis dessins, parmi les- 
quels un motif qui rappelle assez la « croix de Lorraine ». 
Il est âgé d'environ soixante ans et porte une barbiche 
qui le fait un peu ressembler à un joyeux Yankee. 

A peine avons-nous échangé les salutations d'usage, 
qu'il nous déclare voir des « blancs » pour la seconde fois. 
a Du temps du sultan Mohammed Abbou Sekkin, nous 
dit-il, un « blanc » comme vous est venu ici avec le 
sultan. Ils se rendaient à Goundi et venaient de « Broto ». 
Ils étaient fatigués parce qu'ils avaient livré un grand 
combat à Koli, aussi ont-il passé la nuit à Palem. Us 
étaient précisément campés à l'endroit où vous êtes, à 
cause de la proximité du puits. » 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 255 

Le vieux chef nous laisse à nos réllexions... Le pre- 
mier moment de joie passé, nous songeons en effet à la 
décision qu'il nous faut prendre maintenant, sans plus 
tarder. 

Nous passons une revue sérieuse du peu qui nous reste 
de notre pacotille. Elle est insignifiante et au-dessous de 
ce que nous supposions. Le sel même, cette denrée pré- 
cieuse et introuvable dans ces régions où Ton n'en 
fabrique que très peu et de qualité atroce, nous fera cer- 
tainement défaut avant qu'il soit longtemps. Depuis Braz- 
zaville nos hommes n'en ont pas eu la moindre parcelle. Il 
est cerlain que, plus nous nous approcherons de Massinia, 
et plus les étoffes seront demandées : or nous n'en avons 
que quelques rares ballots, en mauvais état d'ailleurs. 

Les perles, dont il nous reste une faible quantité, n'ont 
point cours auprès des musulmans et ce sont précisément 
les « baïakas » qui nous permettent de faire la solde de 
nos hommes. S'il faut les payer en étoffes, nos ressources 
seront épuisées avant un mois. 

A notre grand regret, il nous faut renoncer à continuer 
notre route vers le Nord. Chacun essaie de trouver une 
combinaison pour retarder la marche vers l'Ouest; mais il 
faut se rendre à l'évidence : l'importance de notre per- 
sonnel paralyse nos moyens. Il n'est pas possible de nous 
diviser, les dépenses seraient doublées et les calculs les 
plus larges nous accordent juste les ressources suffisantes 
pour atteindre TAdamaoua. en nous imposant les plus 
rigoureuses économies et en admettant que nous n'ayons 
pas à éprouver des retards considérables, comme il y a 
toujours lieu d'en prévoir en voyage. 



244 AUTOUR DU TCHAD 

âgé de dix-huit à vingt ans, paraît très aimé et estime par- 
tout où nous passons. 

L*eau semble devenir très rare. A notre repas de 
onze heures, nous avons toutes les peines du monde à 
nous procurer un litre d'eau bourbeuse pour six Européens. 

Vers midi, nous rencontrons de très belles plantations 
et quelques petits groupes de cases. 

A deux heures dix, nous nous installions sous un bouquet 
d'arbres touffus, auprèt d'une assez forte agglomération 
qui constitue le groupe central de Koumra. Le camp est 
envahi par un grand nombre de Baghirmiens et de négo- 
ciants du Bornou. Ces derniers sont d'une propreté 
remarquable, ils parlent également Tarabe avec une 
grande facilité. 

Chose curieuse ! depuis Mandja-Tezzé, tous nos visiteurs, 
indigènes ou musulmans, mâchent continuellement soit du 
tabac, soit du sorgho sucré. « Le prophète, disent ces 
musulmans, nous a défendu de fumer, mais il n'a point 
interdit de mâcher du tabac. » Le sorgho sucré est très 
agréable pour combattre la soif pendant les marches sans 
eau; aussi, nous primes bientôt, tous, l'habitude d'en avoir 
une grande provision pour notre route. 

Nos chapelets d'ivoire et même les plus communs, en 
bois vernis, ont un grand succès auprès des Baghirmiens 
et des Bornouans. Tous en désirent et nous offrent soit 
des poules, soit des chèvres en échange. 

Ils sont vraiment touchés de notre façon de faire, lorsque 
nous leur disons que nous ne nous servons pas de ces 
objets de piété pour faire nos transactions. Pas plus que les 
Korans qui excitent également leur admiration, les chape- 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 245 

lels ne sont destinés à être vendus, nous les donnons à 
nos amis. Cette déclaration nous vaut le soir un nombre 
considérable d'amis. 

Au coucher du soleil, le flis de Si Saïd vient nous faire 
ses adieux. Il nous dit de ne nous préoccuper de quoi que 
ce soit, ses compatriotes veilleront à ce que nous ne 
manquions de rien et se mettront entièrement à noire 
disposition. Il part comblé de cadeaux. 

Nous comptions nous-mêmes quitter Koumra le lende- 
main 2 novembre. 

Avant le jour, nous sommes réveillés par un tapage 
assourdissant à peu de distance du camp. Des cris stri- 
dents, des coups de tambour prolongés, des hurlements 
lugubres. 

Le départ du lils de Si Saïd aurait-il fait changer les 
dispositions de nos amis de la veille? Mal réveillés, à peine 
velus, nous formons vivement le carré. Les cris continuent 
plus aigus que tout à Theure. Ils viennent des cases du 
chef, mais ne se rapprochent pas. 

L'aube commence à poindre et les brouillards du matin 
se dissipent peu à peu. Le village à peine éclairé prend 
des teintes rosées et gaies, tandis que les feux qui s'étei- 
gnent rougeoient de temps à autre lorsqu'un guerrier les 
franchit d'un bond pour se précipiter vers les cases. Une 
grande animalion régne dans le village, les femmes pous- 
sent de grands cris en levant les bras au ciel; des 
enfants pleurent et se serrent contre leurs mères. Le soleil 
vient bientôt éclairer cette scène, personne dans le village 
ne paraît se douter de notre voisinage. Le guide lui-même, 
qui nous avait promis d'être au camp à la pointe du jour, 



246 AUTOUR DU TCHAD 

se fait longuement attendre. Notre inquiétude a cessé... 
il ne s'agit pas d'une attaque, mais nous ne pouvons 
encore nous rendre compte de la cause de tout ce bruit. 

Quelques Baghirmiens viennent enfin nous voir; deux 
d'entre eux, qui paraissent les plus écoutés, nous rassurent. 
J ai tout d'abord un peu de peine à les comprendre : 
réveillés depuis peu, ils ont mis dans leur bouche la pro- 
vision de tabac de la journée et, comme la mastication ne 
l'a pas encore réduite, ils ont de la peine à s'exprimer. Ils 
nous engagent à passer la journée ici. Nous sommes arrivés 
fort tard hier et l'on n'a pu nous fournir des provisions suf- 
fisantes. Les cris que vous venons d'entendre sont motivés 
par le décès de la femme du chef. Celui-ci n'a pu, hier, 
nous rendre ses devoirs, mais il n'y manquera pas cette 
après-midi. Enfin, musulmans et Saras sont encore sous 
le coup de cet événement et seraient contrariés de quitter 
aujourd'hui Koumra pour nous accompagner. 

Ils nous prient d'ajourner notre départ à demain ; néan- 
moins, si nous tenons essentiellement à nous mettre en 
route, ils nous donneront des guides. 

Nous déférons à leur désir et faisons remonter les tentes 
abattues. 

Quelque temps après, arrive un cortège imposant, c'est 
le chef de Koumra qui vient nous faire sa visite. C'est 
un beau vieillard, grand et bien bâti, superbement drapé 
dans sa tunique d'investiture qu'il ne doit, sans doute, 
revêtir que dans les grandes circonstances. 

Ses deux fils, qui l'accompagnent, et son entourage 
baghirmien et indigène semblent avoir pour lui une 
grande vénération. 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 247 

Il parait très affecté de la perte de son épouse et nous 
adresse seulement quelques paroles de bienvenue. Nous 
échangeons les cadeaux d'usage. Il est, à n'en pas douter, 
fort satisfait des présents que nous lui donnons, mais il 
nous demande très timidement et comme une grande faveur 
un chapelet de bois. 

On lui donne Tobjet convoité et il se retire avec force 
remerciements. L'un de ses fils, celui qui paraît être 
Taîné et le plus intelligent, entre en grand conciliabule 
avec celui des Baghirmiens qui paraît le plus influent. 
Celui-ci, avec bien des circonlocutions, nous explique que 
le jeune homme voudrait lui aussi un chapelet. 

Il nous dit que le vieux chef est allé à Massinia, mais 
n'est pas musulman. Il désirait un chapelet parce que 
« c'est bien porté » ; le fils, au contraire, a été élevé à Mas- 
sinia et s'est converti à l'islamisme; nous faisons droite 
sa demande. 

Nous employons notre après-midi à visiter le village et 
surtout à causer avec les Baghirmiens et les Bornouans. 
L'idiome qu'ils emploient est identiquement semblable à 
celui en usage en Algérie. 

Les différences dialectales sont insignifiantes et échap- 
pent môme tout d'abord. 

Ils possèdent quelques chevaux assez bien soignés, mais 
très petits de taille. Ils sont trapus et bien roulés, les 
membres sont un peu massifs, mais nerveux. Ils doivent 
constituer d'excellentes bétcs de corvée. Ceux de nos 
camarades habitués aux fringants coursiers de France, les 
regardent d'un air un peu dédaigneux. Il n'en est pas 
moins vrai que ce sont des animaux nerveux, solides et 



248 AUTOUR DU TCHAD 

bien appropriés au pays. Ils ressemblent un peu à cette 
race qui existe dans certaines régions de la Kabylie. Leur 
tête, par exemple, est lourde et disproportionnée, et ce 
manque de proportions choque au premier examen. 
L'œil est vif et intelligent. Du reste nous voyons trop 
peu de chevaux pour pouvoir nous livrer à une étude 
sérieuse. Plus loin, paraît-il, nous en trouverons en 
grande quantité. Quant à en acheter, il ne faut pas y 
songer, nous disent les Baghirmiens. Ni maintenant, ni* 
plus loin, les propriétaires ne consentiront à se défaire 
même à des prix considérables, d'animaux qui leur ren- 
dent tant de services, soit en temps de paix, soit en temp^ 
de guerre. Il paraît même que les tribus qui possèdent des 
chevaux, veillent avec un soin jaloux à ce que les tribus 
voisines ne puissent s'en procurer. La possession de ces 
animaux leur donne, en temps de guerre, une trop réelle 
supériorité sur leurs voisins qui n'en possèdent pas. 

Nous quittons Koumra conduits par un guide sara, qui 
nous est donné par un des Baghirmiens nommé « Mallem )y 
Ali (Maître Ali). 11 ne peut partir lui-même avec nous^ 
mais nous rejoindra à notre campement. Nous rencontrons 
quelques groupes d'habitations, faubourg de Koumra, et 
nous marchons continuellement au milieu de champs fort 
bien cultivés. 

M. Maistre, très souffrant depuis Daï, est obligé de se 
faire porter en hamac. 

Nous passons près d'un groupe des plus animés installé 
sous un beau sycomore. Des hommes, des femmes, des 
enfants chantent et dansent au son des tambours, au milieu 
d'épis de maïs et de mil dont la récolte parait fort abon- 



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daute. C'est sans doute cet heureux événement que fêtent 
ces braves gens. Deux chevaux, attachés au piquet, pous- 
sent de joyeux hennissements, lorsque nous passons, et 
nous font songer amèrement que TAlgérie est loin et que 
nous ne sommes que de modestes piétons. 

Nous traversons un immense village, extrêmement 
propre, dont la place centrale est ornée d'un magnifique 
sycomore. « Mallem » Ali, qui a dû faire la route à 
cheval, nous rejoint; il nous présente un de ses compa- 
triotes habitant le village et nous indique un excellent 
emplacement de camp. 

Bien reçus par le chef indigène, qui vient au milieu 
de la nuit nous apporter un plantureux repas, nous quit- 
tons le lendemain ce village, nommé Garnan-Toli. 

A Marlcaga, nous trouvons également bon accueil» 
mais l'eau est rare. Il faut la puiser dans un puits fort 
profond et lorsque nos hommes ont fait leurs provisions, 
il ne reste plus que de la boue. 

Nous atteignons ensuite Gangara. M. Maistre est tou- 
jours dans l'impossibilité de marcher et son état est loin 
de s^améliorer; nous décidons cependant de pousser 
jusqu'à Palem, où nous prendrons un jour de repos. Le 
chef de Gangara, un superbe vieillard vêtu de la tunique 
désormais classique, se joint à Mallem Ali pour nous 
engager à nous diriger de préférence sur Palem. De 
même que Si Saïd, ils nous disent que Goundi est, à l'heure 
actuelle, un hameau n'offrant plus aucune ressource. « Le 
chef de Palem, nous disent-ils, est évidemment plus 
important que fortuné, mais il vous procurera tous les 
ravitaillements que vous pourrez désirer. » 



250 AUTOUR DU TCHAD 

Nous traversons en ce moment la tribu des « Toum- 
mocks » et nous ne nous en serions certes pas douté, si 
nous n'eussions été prévenus. Le type, les- mœurs, les 
coutumes sont presque absolument identiques à ceux des 
Saras. 

Le lendemain, peu de temps après nolr^ départ, nous 
traversons un petit cours d'eau peu important, nous che- 
minons jusque vers onze heures et nous atteignons de 
misérables plantations de mil et de sorgho disséminées 
sur une vaste étendue. Les guides nous engagent à ins- 
taller notre campement sous un immense tamarin qui 
ombrage un emplacement merveilleux. Nous voudrions 
bien faire une plus longue étape, mais ils nous annoncent 
la prochaine visite de personnages d'importance que nous 
ne pouvons éviter. 

Nous sommes bientôt entourés par une grande quan- 
tité d'indigènes, un peu plus affinés, comme traits, que les 
Saras. Leur physionomie semble plus intelligente et, 
d'autre part, ils sont bien moins encombrants. Ils nous 
regardent avec une curiosité qui n'est nullement indiscrète. 
Ils sont assis en cercle et se communiquent leurs impres- 
sions à voix basse. Ils opèrent quelques transactions avec 
nos hommes, mais sans cris, posément, gravement. 

Arrive enfm le chef de Beï, village situé à peu de dis- 
tance de noire campement; il est accompagné de nom- 
breux indigènes revêtus de tuniques et porte lui-même 
avec aisance le vêtement baghirmien. 11 parle assez cor- 
rectement l'arabe. Notre détermination d'aller dans 
l'Ouest l'effraie beaucoup pour nous. Il considère l'en- 
treprise comme impossible. 11 nous engage vivement 



LES VASSAUX DU BAGHIRMl 251 

à aller à Massinia, dont il nous dépeint les splendeurs. II 
nous offre des présents superbes et, selon Thabitude, 
constatée depuis quelque temps, nous envoie au milieu de 
la nuit un repas tout prêt pour nos hommes et deux 
énormes cabris pour nous. 

Le lendemain, tous viennent nous faire leurs adieux; on 
voit qu'ils ont été élevés à Massinia, car ils épuisent, et 
au delà, toutes les formules de la politesse orientale. 

Après une marche assez longue, nous remarquons un 
alignement de pieux surmontés chacun d'une marmite 
renversée. 

Nous traversons un marais large de 2 ou 300 mètres, 
nous voyons un nouvel alignement de pieux semblable au 
précédent. 

Au bout de quelque temps, trois cavaliers se portent à 
noire rencontre, puis, tournant bride, nous pilotent à 
travers une série de plantations d'aspect misérable et 
mal entretenues. Il est vrai de dire que la récolte vient 
d'elre enlevée. 

Nos trois cavaliers ont encore le type sara, ils en ont 
le costume, qui pour le moment leur sert surtout de selle, 
car ils montent à cru, si leur tablier de cuir est considéré 
comme vêtement. Sur leurs petits chevaux nerveux, dont 
on n'aperçoit que la croupe, ces deux bronzes ressemblent 
à des centaures. La bride est en cordelettes ou en cuir 
tressé, le mors est remplacé par un caveçon en fer dentelé, 
posé sur le chanfrein, et terminé par un anneau dans 
lequel passe une corde, formant nœud coulant, et qui 
constitue l'unique rêne. Leurs grandes jambes qui embras- 
sent le corps du cheval sont de puissantes « aides » pour 



252 AUTOUR DV TCHAD 

maintenir Tanimal, el une tape de leur large main, appli- 
quée sur la joue, est pour eux le moyen le meilleur de 
diriger ces chevaux aussi dociles qu'ardents. 

Barth et Nachtigal ont signalé une habitude que nous 
n'avons constatée nulle part. D'après les illustres voya- 
geurs, certaines peuplades entretiendraient avec soin, sur 
le dos du cheval, deux énormes écorchures destinées à 
assurer l'adhérence du cavalier. Nous n'avons vu rien de 
semblable soit chez les Saras, les Toummocks ou les gens 
de Laï qui possèdent une nombreuse cavalerie. 

Beaucoup de chevaux reviennent souvent, après une 
longue course, avec des écorchures sur le dos. Le cava- 
lier lui-même en a sa part... mais ces blessures sont 
accidentelles, le tablier de cuir interposé entre le cheval 
et le cavalier forme souvent des plis, qui, lorsqu'on va 
aux allures vives, ne tardent pas à occasionner des plaies. 
Les propriétaires s'efforcent d'ailleurs de les faire dispa- 
raître dès qu'ils les ont constatées. 

Il est bon de noter que, comme l'Arabe, les Saras ou 
les Toummocks n'hésitent pas a se servir d'un cheval 
même assez sérieusement blessé. Ce n'est jamais que 
dans des cas urgents, car, à mon avis, ils prennent plus 
de soins pour leur compagnon de travail et de guerre que 
TArabe n'en prend pour son légendaire coursier. 

Nous cheminions dans des hautes herbes qui nous fai- 
saient tristement songer aux énervants sentiers de la 
route de Loango-Brazzaville. 

Tout à coup le paysage se transforme subitement, 
comme dans un changement à vue. 

Brusquement, presque brutalement, nous nous trouvons 



LES VASSAUX DU BAGHIHMI 



253 



en présence d'une végélalion absolument différenle de 
celle à laquelle nous étions habitués depuis quelques 
mois : des palmiers nains en quantités considérables, d'im- 
menses borassus qui atteignent des proportions que nous 
ne connaissions pas; une sorte de lataniers, se dédoublant 




|i d« Nacbtigti. 



à un mètre environ du sol, d'immenses sycomores, puis 
la plaine inondée de lumière, sous un ciel d'un bleu 
inconnu sur les bords du Congo et de l'Oubangui. 

Le guide nous conduit auprès d'un puits. Nous le sui- 
vons inconscients, machinalement, entièrement absorbés 
par ce merveilleux spectacle. Les porteurs eux-mêmes, 
gens peu conlemplatifs de leur naturel, sont en admiration 
devant ce tableau magnifique. 



254 AUTOUR DU TCHAD 

C'était bien un décor de fête et c'en était une pour 
nous... « Palem! vous êtes à Palem », nous dit le guide. 

Je ne saurais décrire Timpression qui s'empara de 
nous à cet instant. En 1873, il y a vingt ans, par con- 
séquent, Nachligal, un voyageur, qu'importe sa nationa- 
lité : c'était un Européen, atteignait ce point. Il venait de 
la Méditerranée. Mais, entre cette dernière étape de son 
voyage vers le Sud, el TOubanghi, point extrême atteint 
par les voyageurs venant du cap de Bonne-Espérance, il 
existait sur la carte un grand blanc, plusieurs degrés, 
absolument inconnus. Celte route, nous venions de la 
parcourir les premiers, et, désormais, il n'existait aucune 
intejTuption dans la chaîne des itinéraires européens 
de la Méditerraiiée au cap de Bonne- Espérance. 

La visite du chef met le comble à notre joie. C'est un 
homme gros el fort, vêtu de la grande tunique indigo et 
d'une calotte blanche. Il porte aux bras des bracelets en 
cuivre, fort lourds et ornés de jolis dessins, parmi les- 
quels un molif qui rappelle assez la « croix de Lorraine ». 
Il est âgé d'environ soixante ans et porte une barbiche 
qui le fait un peu ressembler à un joyeux Yankee. 

A peine avons-nous échangé les salutations d'usage, 
qu'il nous déclare voir des « blancs » pour la seconde fois. 
« Du temps du sultan Mohammed Abbou Sekkin, nous 
dît-il, un <( blanc » comme vous est venu ici avec le 
sultan. Ils se rendaient à Goundi et venaient de « Broto ». 
Ils étaient fatigués parce qu'ils avaient livré un grand 
combat à Koli, aussi ont-il passé la nuit à Palem. Ils 
étaient précisément campés à Tendroit oii vous êtes, à 
cause de la proximité du puits. » 



LES VASSAUX DU BAGHIRMI 255 

Le vieux chef nous laisse à nos réflexions... Le pre- 
mier moment de joie passé, nous songeons en effet à la 
décision qu'il nous faut prendre maintenant, sans plus 
larder. 

Nous passons une revue sérieuse du peu qui nous reste 
de notre pacotille. Elle est insignifiante et au-dessous de 
ce que nous supposions. Le sel même, celte denrée pré- 
cieuse et introuvable dans ces régions où Ton n'en 
fabrique que très peu et de qualité atroce, nous fera cer- 
tainement défaut avant qu'il soit longtemps. Depuis Braz- 
zaville nos hommes n'en ont pas eu la moindre parcelle. Il 
est certain que, plus nous nous approcherons de Massinia, 
et plus les étoffes seront demandées : or nous n'en avons 
que quelques rares ballots, en mauvais état d'ailleurs. 

Les perles, dont il nous reste une faible quantité, n'ont 
point cours auprès des musulmans et ce sont précisément 
les « baïakas » qui nous permettent de faire la solde de 
nos hommes. S'il faut les payer en étoffes, nos ressources 
seront épuisées avant un mois. 

A notre grand regret, il nous faut renoncer à continuer 
notre route vers le Nord. Chacun essaie de trouver une 
combinaison pour retarder la marche vers l'Ouest; mais il 
faut se rendre à l'évidence : l'importance de notre per- 
sonnel paralyse nos moyens. Il n'est pas possible de nous 
diviser, les dépenses seraient doublées et les calculs les 
plus larges nous accordent juste les ressources suffisantes 
pour atteindre PAdamaoua, en nous imposant les plus 
rigoureuses économies et en admettant que nous n'ayons 
pas à éprouver des retards considérables, comme il y a 
toujours lieu d'en prévoir en voyage. 



256 AUTOUR DU TCHAD 

Puisqu*il nous fallait songer au retour, nous décidâmes 
de gagner TAdamaoua en passant par Laï et le sud du 
Toubouri, suivant ainsi une route complètement inconnue 
jusqu'à ce jour. 

De cette façon, notre retour forcé servait encore la 
science géographique. 

De la Kemo à Palem et de Palem à TAdamaoua, nous 
aurions ainsi tracé un itinéraire dans des régions absolu- 
ment inexplorées. 



CHAPITRE Xlll 



A TRAVERS L'I.^COIVrVU 



Dépari vers l'Ouesl. — ^^ L'eau se fait rare. — Négociants de Karnak- 
Logone. — Modaguéné. — La vallée du Logone. — Les Gaberis. 
— Arrivée à Lai. 



Le 9 novembre, nous quittons Palem et nous nous enga- 
geons de nouveau vers l'inconnu. « Mallem » Ali, qui 
est venu nous faille ses adieux, nous détourne d'aller à 
« Koli », ainsi que nous en avions formé le projet. A son 
avis, il serait préférable pour nous de nous rendre à 
Palpai, où nous trouverons beaucoup plus de ressources. 

Nous suivons son conseil et après une rude étape nous 
arrivons auprès d'un puits. Le mauvais état des planta- 
tions nous fait mal augurer du village de Palpai. A notre 
arrivée, quelques indigènes font une partie d* « osselets ». 
Les enjeux sont des bouquets d'épis de mil blanc. 

Comme tous les noirs, ils apportent une grande atten- 
tion à leur jeu. Ils paraissent fort peu se soucier de notre 
présence. En revancbe, ils accueillent très volontiers un 
de nos porteurs, enragé joueur, qui leur propose une 
partie. 

p. Brunache. 17 



258 AITOUR DU TCHAD 

L'un d'eux va cependant prévenir le chef, qui arrive 
peu de temps après. Il est beaucoup moins avenant que 
ceux chez lesquels nous avons fait séjour. Il ne serait 
même pas fAché de nous voir continuer noire route. 

Néanmoins, vers le milieu de la nuit, il nous envoie le 
traditionnel repas composé d'une sorte de sauce verte et 
gluante et de bouillie de mil remplaçant le pain. C'est, à 
n'en pas douter, un usage emprunté aux musulmans, la 
« diffa » de nos Arabes algériens. 

Le lendemain, nous arrivons sans incident à Moguéna, 
gros village disséminé dans les plantations et sous de 
grands et beaux arbres. 

A peine avons-nous installé notre camp qu'un groupe 
de Baghinniens vient nous rendre visite. Avec eux un 
homme à figure ouverte et intelligente, portant le simple 
costume des indigènes, nous explique, dans un arabe 
assez pur, qu'ils sont négociants et viennent de Karnak- 
Logone. En passant dans le pays des Somraïs, ils ont été 
malmenés et pillés. Ils se sont réfugiés ici, mais ils sont 
maintenant sans ressources. Si nous remontons vers le 
Nord, ils sollicitent la faveur de se joindre à notre cara- 
vane. Ils nous engagent vivement à éviler la tribu des 
Somraïs. 

Notre homme lit couramment le Koran dans un exem- 
plaire en langue arabe que nous lui mettons sous les yeux, 
il prétend avoir visité le Maroc et Tripoli. 

Avant de nous engager en pays inconnu, nous voulions 
faire de sérieuses provisions, mais Moguéna, malgré son 
importance relative, offrait peu de ressources. 

Les arachides sont extrêmement rares. Les noix de 



A TRAVERS LINCONNU 259 

lerre et les haricots sont presque inconnus. Le mil seul 
et le maïs se trouvent encore facilement. 

Nos hommes font de grandes provisions de « karity », ce 
beurre végétal dont on a fait si grand cas en Europe dans 
ces derniers temps. Malgré la disette dans laquelle nous 
nous trouvons, tous les Européens préfèrent de beaucoup 
des aliments simplement bouillis à cette horrible mixture 
véritablement écœurante. En revanche, nous aUmentons 
notre lampe avec et nous obtenons des résultats des plus 
satisfaisants. 

Le pays ne présente rien de particulier à aucun point 
de vue. 

Le merveilleux paysage qui nous avait tous charmés à 
Palem cesse à quelques kilomètres à l'ouest de ce 
point. C'est, à peu de chose près, la même végétation 
qu'entre Daï et Koumra. Les chemins sont maintenant 
très praticables, légèrement sablonneux el d'une largeur 
raisonnable. 

Nous ne rencontrons plus le moindre marais, les creux 
même sont absolument secs. Il n'en eût pas été ainsi, 
sans doute, quelque temps auparavant. Il y a lieu de 
remarquer en effet que depuis le mois d'octobre nous 
sommes dans la saison sèche. 

Le 13 décembre, nous quittons Mogucna. 

Nos guides sont en retard et paraissent peu enthou- 
siasmés de pousser plus loin. Nous suivons une route 
excellente et nous installons notre camp au milieu d'un 
petit village composé seulement de quelques joUes cases 
neuves et d'aspect tout à fait riant. 

Le chef, un vieillard un peu cassé, mais à figure fort 



260 AUTOUR DV TCHAD 

avenante, nous a installés auprès du puits, dans une plan- 
talion d'arachides et de patates douces. Nous lui faisons 
remarquer que ses cultures en souffriront : il n'en a cure, 
l'essentiel, pour lui, est que nous soyons bien installés. 

Nous contemplons un coquet petil tableau fort heureu- 
sement éclairé par les feux du soleil couchant : à deux cents 
mètres de nous, devant deux ou trois cases tapissées de 
plantes grimpantes, quatre ou cinq jeunes et jolies femmes 
pilent du mil en des mouvements qui font valoir leurs 
formes gracieuses ; deux vieilles, assises à croupetons, 
toutes ridées, à la peau rèche et presque grise, effilochent 
(lu colon, tout en devisant 1res gravemenl. Un vieillard 
encore solide et bien rûblé, nonchalemment étendu sur 
une sorle de chaise longue en bois sculpté, fume sa pipe 
tout en surveillant les ébats de jeunes marmots qui, dans 
une bousculade générale, vont rouler jusque sous les pieds 
(Fun petit cheval bai brun attaché près d'une case. Il est 
de la famille, ce petit poney, beaucoup plus fin et plus élé- 
gant que ceux rencontrés jusqu'ici. Il contemple de son 
«eil doux les cabrioles de ses jeunes amis, tout en taqui- 
nant sa corbeille de paille. Celte scène respire la paix la 
plus complète. 

Tout à coup les femmes poussent un grand cri; le vieux 
fumeur se redresse, comme mû par un ressort, et dégaine 
le grand coutelas qui lui pend au côté.... 

Un homme s*est élancé de la brousse, un couteau à la 
main, il a coupé net la corde qui retenait le cheval, d'un 
bond il l'enfourchait et disparaissait au galop. Le vieillard, 
impuissant, appelait à l'aide, tandis que les femmes gémis- 
saient et se lamentaient 



A TRAVERS L'INCONNU 261 

Quelques jeunes gens montent à cheval pour se mettre 
à la poursuite du voleur, mais ils ignorent à quel village 
il appartient et ils rentrent bientôt, après une course 
inutile. 

Ces vols sont, paraît-il, très fréquents dans la région. 
Nous avons tort, nous dit le vieux chef, d'aller chez ces tri- 
bus pillardes et peu hospilalières qui ne vivent que de 
meurtres et de rapines. 

Nous n'en faisons pas moins, le lendemain, une forte 
étape vers TOuest. Nous traversons un champ envahi par 
les criquets, qui seront bientôt des sauterelles semblables à 
celles remarquées à Garenki. 

Nous campons, le 15, à Garbio, après une sérieuse 
marche. Un de nos bons Sénégalais, le caporal Alioun, le 
seul et unique Peul de race pure qui soit avec nous, rela- 
tivement lettré, et appartenant à une bonne famille du 
Sénégal, est sérieusement malade et vient grossir le 
nombre des traînards. Nos hommes sont très fatigués et 
ont de la peine à suivre. 

Le pays n'offre rien de bien intéressant. Les types chan- 
gent, mais ne présentent rien de caractéristique, les indi- 
gènes sont beaucoup moins forts que les Saras. Ils sont 
moins lourds et plus vifs, mais paraissent cependant plus 
frustes. Les femmes viennent à la fontaine près du camp : 
les ornements de lèvres qui avaient à peu près disparus 
semblent vouloir reparaître. C'est là tout ce qu'elles ont 
de remarquable. 

La figure ci-après représente les plus répandus : l'un, 
le numéro 1, est en filigrane d'étain; le numéro 2 est en 
bois tendre, orné quelquefois sur la tranche d'une mince 



262 AUTOUR DU TCHAD 

plaque il'étain. Le numéro 3 est enlièrement en étain et se 

place dans les narineit. 

Nos hommes onl acheté une sorte de petits tubercules 
qui rappellent, à s'y méprendre, les pommes de terre de 
France. Très farineux, fondant, très agréable au goût, 
c'est pour nous biemâl l'un des gros appoints de notre 




alimenlalion. Les poules et les chèvres se font tous ks 
jours plus rares et, dans notre marche en caravane 
bruyante, avec des allures relativement assez rapides, il ne 
faut guère songer à la chasse. 

D'ailleurs !e gibier ne parait guère abondant depuis 
longtemps déjà. Avant le Gribingui nos Sénégalais avaient 
pu quelquefois nous tuer des antilopes. Les pintades fai- 
saient de temps à autre connaissance avec notre cuisinier, 
et les singes eux-mêmes nous avaient fourni quelques durs 
et minuscules biftecks. Pour le moment, nous ne rencon- 
trions que des tourterelles. C'est un gibier que nous avons 



A TRAVERS L'INCONNU 263 

trouvé partout en grande abondance pendant notre 
Voyage. Mais notre provision de cartouches était aussi 
restreinte que notre pacotille, il nous fallait les réserver 
pour du gibier un peu plus volumineux. 

Le 17, nous campons à Kariatou. La route est bonne,, 
d'ailleurs, depuis Gako. Nous nous sommes élevés insensi- 
blement et, si Taltilude n'est pas exagérée, du moins 
sommes-nous fondés à supposer que le bassin du Logone 
est séparé de celui du Chari par une série de petits pla- 
teaux qui suivent une direction générale N.-O.-S.-O. La 
température baisse sensiblement; il n*est pas rare, le 
matin, de constater seulement -h 11° et même -+- 10**, 
température que nous n'avions jamais eue sur TOubangui, 
pendant les plus grands froids, où le thermomètre descen- 
dait à peine à -4- 13°. . 

En quittant Kariatou, nous nous engageons dans une 
région relativement intéressante; elle paraît fertile et 
peuplée. Les borassus forment des bouquets fort drus 
et de la plus belle venue. Quelques palmiers à noix 
comestibles et un arbuste très en honneur dans les vil- 
lages de la forêt de Mayombe, constituent également des 
groupes du meilleur effet. 

Nous atteignons Modaguéné, village important, dont 
laspecl nous surprend un peu. Les habitations paraissent 
plus soignées que celles des Saras. Les parois, hautes de 
deux mètres environ, sont en argile, le toit conique est en 
chaume choisi et soigneusement coupé. 

Les cultures paraissent fort bien entretenues. 

Le mil, le sorgho, le maïs sont plantés en sillons que 
Ton croirait tracés au cordeau, chaque pied est sarclé et 



264 AUTOUR DU TCHAD 

butté. Les arachides et les patates douces forment des 
petits jardinets entourés de plants de tabac. 

Dans le village, de nombreux greniers à mil d'une 
forme particulière : c'est une sorte d'énorme bouteille en 
argile avec une ouverture au sommet. Un couvercle mobile 
en chaume, de forme conique, sert de toiture. Comme tou- 
jours, le grenier est élevé à une certaine hauteur au-dessus 
du sol. Enfin des poules et des chèvres, en assez grande 
quantité, picorent dans les cours. 

Le type des habitants s'est également modifié, ils sont 
plus sveltes, moins massifs, mais leur physionomie ne 
présente pas de caractère bien accusé. 

Les hommes portent toujours le tablier de cuir des 
Saras. Ils ont une coiffure assez originale : le front est rasé 
en triangle comme le font les Banziris et, sur le sommet 
du crâne, une touffe de cheveux assez longs et ébouriffés 
ou un petit chignon. 

Les femmes, sans être jolies, sont assez gracieuses. 
Elles portent pour tout vêtement des ceintures en cauris . 
ou en perles de fer; elles viennent au camp vendre des 
denrées et accueillent avec un profond dédain les propos 
inconvenants de nos hommes, qu'elles considèrent comme 
des esclaves. Modaguéné est un des premiers villages de 
la tribu des « Gaberis ». A partir de ce point, nous péné- 
trons dans la vallée du Logone. 

Les nombreux poissons fumés de dimensions assez 
sérieuses que Ton vend dans le village, attestent que nous 
devons approcher d'un cours d'eau très important. 

Aux abords de Modaguéné on trouve une grande quantité 
de pigeons appartenant à l'espèce connue des Européens 



il 



A TRAVERS L'INCONNU 265 

du Congo SOUS le nom de « pigeons verts ». Ceux-ci ont 
en plus, à la pointe des ailes et à la queue, de larges plaques 
d'un jaune extrêmement brillant. 

Le 19 et le 20, nous rencontrons de nombreux villages 
le long de notre route. Tous sont entourés d'un mur de 
terre et d'un fossé. Les cases sont fort rapprochées, les 
greniers à mil nombreux; la population paraît très dense, 
enfin le nombre des chevaux nous semble considérable- 
ment augmenté. 

De « Kiéné », où nous avions couché, nous devions 
nous rendre directement à Laï, au dire des indigènes qui 
consentaient à nous servir de guides. Les événements nous 
obligèrent à nous arrêter à Djounou. 

En effet, depuis le départ de Kiéné, des Sénégalais et 
des porteurs se plaignaient de violentes douleurs d'en- 
trailles et, malgré le désir, qu'ils partageaient avec nous, 
de goûter un juste repos dans un centre aussi important 
que Laï, ils allaient peu à peu grossir le nombre des 
traînards. 

Nous faisions de fréquentes halles pour leur permettre 
de rejoindre, car, si dans le nombre se trouvaient quelques 
porteurs considérés comme très mauvais sujets, les autres 
étaient en majeure partie des gens qui nous avaient rendu 
de réels services. 

Nous avions laissé avec eux quelques Sénégalais d'es- 
corte. Arrivés sous les murs de Djounou, village très 
important, où nous comptions faire une simple halte, nos 
camarades de l'arrière-garde nous préviennent que le 
nombre des traînards augmente et qu'il serait peut-être 
imprudent de pousser plus loin. On a dû laisser des 



266 AUTOUR DU TCHAD 

charges en route, sous la garde de Sénégalais, afin de sou- 
lager des porteurs trop fatigués. Après avoir choisi un 
emplacement de camp, nous nous disposons à monter les 
tentes et à envoyer des porteurs prendre les charges 
restées en arrière. A ce moment, l'un des hommes chargés 
de la garde des bagages, laissés à trois kilomètres environ 
de l'endroit où nous nous trouvons, vient nous prévenir 
que deux de ses camarades ont été assassinés. 

Clozel, Briquez et M. Bonnel de Mézières se rendent 
immédiatement sur les lieux avec quinze hommes pour 
réunir les traînards, inhumer les deux cadavres et se 
rendre compte de ce qui s'est passé. 

Nos camarades rentrent au coucher du soleil, avec une 
partie des traînards, les colis et Tescorte. Outre les deux 
malheureuses victimes, le caporal Alioun et Mahmadou 
Médina, qui ont été atrocement mutilés, cinq porteurs 
manquent à Tappel. 

Les renseignements recueillis par nos amis et ceux 
fournis par l'un des Sénégalais qui accompagnaient le 
caporal Alioun semblent démontrer que la petite troupe a 
été assaillie par une bande de pillards qui Ta attaquée pour 
la voler. Ce sont des cavaliers qui devaient suivre les traî- 
nards depuis longtemps, cherchant une occasion, qui ont 
fait le coup. 

Alioun et Mahmadou Médina ont été tués alors qu'ils 
s'étaient arrêtés pour se désaltérer dans une petite mare. 
Surpris, ils n'ont pas pu faire usage de leurs armes, ni 
pousser un seul cri. Leurs compagnons ont continué leur 
route sans se douter de ce qui se passait à quelques cen- 
taines de mètres en arrière dans les hautes herbes. Leurs 



A TRAVERS L'INCONNC 267 

cadavres avaient été absolument dépouillés et laissés nus. 

Nos camarades les firent ensevelir. 

Au milieu de la nuit, nous eûmes une alerte et une 
autre ù la pointe du jour. Elles n'étaient pas justifiées. 
Nous avions toutes sortes de bonnes raisons de nous 
méfier des gens de 
Djounou; j'avoue 
qu'au point du jour, 
en entendant leurs 
appeb, leurs coups 
de siffielselen voyant 
l'animation qui ré- 
gnait dans le village, 
à une heure aussi 
matinale, je ne dou- 
tais pas que nous 
serions at laqués. 11 
n'en fui rien heureu- 
sement. 

J'aicru tout d'abord 
à la complicité des 
habitants de Djounou 

dans le meurtre de nos traînards et je doutais fort de 
leurs bonnes dispositions à notre égard. 

A l'heure actuelle, je ne serais pas éloigné de croire que 
ce crime n'est dil qu'à quelques coupeurs de routes, qui 
dépouillent leurs compatriotes aussi bien que les voya- 
geurs. 

Les habitants de Djounou ont appris l'événemenl avant 
nous, et, craignant d'être soupçonnés, ils se sont tenus 




tSi^v 



?68 AUTOUR DU TCHAD 

sur la défensive. — Une tentative de notre part aurait 
certainement amené une entente amicale. 

Au moment du départ nous n'avions pas eu le temps 
de faire ces réflexions; aussi, craignant une attaque, noiks 
nous mîmes en marche en colonne serrée. A chaque halte, 
nous formions le carré, les porteurs au centre. Dans les 
herbes qui nous environnaient, une longue file de piétons 
comme la nôtre, lourdement chargée, eût été une proie 
facile, malgré ses armes perfectionnées, pour la nombreuse 
cavalerie des Gaberis. 

Les Sénégalais comprenaient l'infériorité de cette 
poignée de fantassins, et nos porteurs, dont la plupart 
n'avaient jamais vu de chevaux, dissimulaient mal leur 
inquiétude. La marche était silencieuse et lente. Nous 
cheminions à travers des champs de maïs, de sorgho ou 
de mil, dont les sillons réguliers s'étendaient dans fim- 
mense plaine jusqu'à Thorizon. 

Çà et là, dans ces magnifiques cultures, des groupes de 
femmes récollent les arachides qui poussent entre les 
sillons. 

Sur d'immenses termitières, comme nous n'en avions 
encore jamais vu, des guerriers les surveillent ou 
observent nos mouvements. Ils n'ont pas l'air hostile sous 
le clair soleil qui met en valeur les lignes souples de leur 
buste cambré. 

Presque tous nous saluent du traditionnel « El Afia >s 
mais, immédiatement après notre passage, ils descendent 
de leur observatoire et se replient vers la ville que nos 
guides nous montrent dans le lointain. 

Avec beaucoup de peine, nous apercevons en effet, sous 



A TRAVERS L'INCONNU 263 

unu brume légère, d'un bleu irausparcnl, une ligne 
^risc, dentelée, qui borne l'horizon. 

C'est la ville.... De temps à autre, nous devinons de 
svelies borassus qui s'élanccnl du milieu des groupes de 



Les plantations cessent et devant nous s'étend une vaste 
plaine, limitée seulement par la ville qui parait immense. 
De gigantesques sycomores, des baobabs qui semblent des 




arbustes rabougris, perdus dans cet espace, sont les seuls 
représentants de la végétation dans cette plaine nue. 

Des groupes nombreux de cavaliers partent de la lisière 
■des plantations et se dirigent à toute vitesse vers la ville; 
ils reviennent à la même allure, nous examinent, puis 
repartent. 

Sous les arbres se tiennent des groupes considérables de 
piétons et de cavaliers. Arrivés à hauteur du premier de 
i:es groupes, situé à une faible dislance du sentier, nous 
pouvons constater une certaine animation. Personne ne 
vient auprès de nous et l'on continue à discuter ferme. 



270 AUTOLR DU TCHAD 

Piétons et cavaliers ont leurs armes et leurs boucliers. 
Beaucoup ont une pièce d'étoffe enroulée autour de la tète 
en forme de turban. Une magnifique plume d'autruche 
est plantée bien droite dans les cheveux. Beaucoup portent 
des chapeaux fort curieux ou des coiffes en feuilles de 
borassus d'aspect fort étrange. 

La plupart des guerriers ont la ligure peinte. La cou- 
leur diffère selon les groupes, rouge, jaune, blanc ou 
mi-parti blanc et rouge. 

Il n'est évidemment pas douteux que le ban et Tarrière- 
ban des guerriers de Lai sont sur le pied de guerre. 

Je ne crois pas exagérer en évaluant à 1500 chevaux 
et à plus de 3000 piétons la foule qui nous entoure, et 
elle augmente à tous instants. Elle paraît plus indécise 
qu'hostile sous le miroitement des plaques de cuivre poli 
qui ornent les brides des chevaux. Les turbans rouges, 
les ceintures bleues ou jaunes, les plumes d'autruche, 
d'un blanc immaculé, apportent une note des plus gaies à 
cette fête des yeux qu'éclaire un merveilleux soleil. 

11 serait vraiment regrettable d'être obligé de détruire 
ce splendide tableau à coups de fusil. Et cependant il 
faudra peut-être en venir à cette pénible extrémité, car les 
gens de Laï semblent peu fixés sur l'attitude à tenir à 
notre égard. 

A notre arrivée ils paraissaient être simplement sur la 
défensive, ce qui était tout naturel, car on avait dû leur 
exagérer forcément l'importance de notre caravane; il est 
probable même qu'ils croyaient peu à nos intentions 
pacifiques.... 

Depuis un moment de nombreux cavaliers circulent, 



A TRAVERS L'iNCO.NXU 271 

bride abatliic, de ftroupe en groupe et los fantassins s'as- 
semblent sous un arbre, tandis que les cavaliers, dans une 
« fantasia » échcvelée, se massent derrière un gros per- 
sonnage velu d'éloffes multicolores. On pourrait croire 
qu'ils veulent prendre l'offensive. 

Nous avançons silencieusemenl et en bon ordre. Quel- 
ques vieillards viennent ù notre avance; ils nous prient de 




nous reposer un instant à l'ombre d'un grand sycomore 
qu'ils nous désignent. Ils iront ensuite prévenir de notre 
arrivée leur souverain, le chef de Laï et des environs, K- 
M'bang Dallem, cl reviendront ensuite nous rouduire à 
l'endroit où nous pourrons camper. 

Pendant leur absence nous questionnons nos guides, qui 
ue paraissent pas très rassurés. 

Nous sommes ù Laï, mais de Logone point. Devant nous 
en effet un entassement, un fouillis de cases et de gre- 



272 AUTOUR DU TCHAD 

niers hérissés de borassus et de palmiers magnifiques, 
mais rien qui fasse supposer le voisinage d'un cours d'eau, 
même des plus modestes. Les guides nous disent qu'il 
suffit de traverser la ville pour être sur les berges du 
fleuve. A Tépoque des hautes eaux, les pirogues accostent 
à la porte des cases qui bordent la rive. Nous insistons 
pour aller camper soit en amont, soit en aval de la ville 
pour être à proximité du fleuve, mais on nous fait com- 
prendre qu'il serait inutile de nous remettre en marche, 
parce que, à droite et à gauche, la ville s'étend sur un par- 
cours de plus de 4 kilomètres. A ses extrémités les berges 
sont très élevées et nous nous trouvons précisément en 
face du point d'embarquement. Il nous suffira de traverser 
la ville pour trouver les pirogues. 

Pendant que nous conversions avec nos guides, un 
grand mouvement s'était produit dans la foule des guer- 
riers qui se rapprochait peu à peu. Nos hommes, formés 
en carré, avaient reçu Tordre de s'asseoir sur leurs 
havresacs et de tenir leurs armes hautes. L'un d'eux fil un 
faux mouvement et la crosse de son fusil ayant heurté une 
pierre, le coup partit, en l'air heureusement. 

Aussitôt les cavaliers tournent bride et s'enfuient au 
galop. Bon nombre de fantassins les imitent. Quelques-uns, 
des plus rapprochés, sautent dans notre carré et parmi 
eux nos trois vieux ambassadeurs, qui nous demandent la 
grâce du Sénégalais maladroit, auquel nous administrions 
quelques taloches bien méritées. 

Tous nous serrent la main et éclatent de rire. Les quel- 
ques cavaliers qui, s'étant ravisés, retournent pour voir 
ce qui s'est passé, sont accueillis par les huées de leurs 



A TRAVEUS L'INCONNU 273 

frères d'armes plus courageux, restés auprès de nous. 
Peu de temps après, des femmes et des enfants sortaient 
des cases et s'approchaient à quelque distance du camp. 

Étrange bizarrerie du hasard! il y a quelques mois à 
peine, un coup de fusil parti dans les mêmes conditions 
amenait une effusion de sang et des hostilités qui durèrent 
près d'un mois, de la part de gens qui n'étaient pas dis- 
posés à nous combattre. Aujourd'hui, il faisait mettre bas 
les armes à des populations certainement prêtes à nous 
repousser loin de chez elles. A ce coup de fusil les gens 
de Laï ripostaient par des éclats de rire et des poignées 
de main, le meilleur et le plus authentique des traités 
de paix! 

Quand, de part et d'autre, l'émotion fut un peu calmée, 
les vieillards nous dirent d'installer notre camp à l'endroit 
même où nous nous trouvions. 

On ne pouvait désirer mieux. Nous étions à 300 mètres 
de la ville, dans un espace très découvert, abrités sous un 
arbre immense qui tamisait les rayons du soleil et rendait 
le séjour du camp très agréable. D'autant plus agréable 
que les femmes de Laï l'avaient envahi. Elles apportaient 
de l'eau, du mil, des volailles, des denrées de toutes 
sortes. Beaucoup même, apportant mortiers et pilons, 
s'installaient entre nos tentes, pour fabriquer la farine de 
mil qu'elles nous vendaient sitôt préparée. 

Le spectacle est certainement moins coloré que celui de 
ce malin, mais il est plus captivant. 

Les Banziries sont loin! aussi serait-il téméraire de leur 
comparer les femmes de Laï, mais il faut convenir que ces 
dernières ne manquent pas d'un certain charme. 

p. Brunache. 18 



274 AUTOUR DU TCHAD 

Et quel gracieux tableau je revois, en parcourant mon 
journal de route à la date du 21 novembre : « Devant ma 
tente, une jeune femme dans toute la splendeur de sa pré- 
coce maternité; elle a à peine seize ou dix-huit ans. 

« Elle arrive bien droite, la poitrine saillante et cherche 
du regard une place à Tombre. Sur sa tète une corbeille 
de mil. Sous son bras gauche un mortier et son pilon; à 
califourchon sur sa hanche droite, une fillette âgée d'en- 
viron un an, à la mine éveillée, à Tœil rieur. 

« Partout de larges plaques ensoleillées, sauf en un petit 
coin où s'étalent en un beau désordre la couverture, le 
havresac, les armes et les bardes de Tun de nos hommes. 
La jeune femme Taperçoit, elle laisse tomber mortier et 
pilon, pose sa corbeille, puis, pliant soigneusement sa 
couverture et disposant le havresac comme un oreiller, 
dépose dessus la fillette entre un sabre-baïonnette et un 
fusil à répétition. Elle s'installe elle-même au premier 
endroit venu, tranquille, maintenant que son cher bambin 
esta l'abri des rayons de Tardent soleil. 

« C'est « la place » de Laïti Nyan, un des plus âgés de 
nos Sénégalais, ancien esclave des Touareg, excellent 
homme, mais assez mauvais soldat dans le sens exclusi- 
vement militaire du mol. 

« Il arrive et constate que l'on a réparé le cher désordre 
auquel il est habitué. 11 va se fâcher, mais aperçoit la 
fillette qui joue avec les cuivres brillants des armes. Il 
s'agenouille, la prend dans ses bras et lui fait mille 
caresses. Puis s'adressant à moi, son ami, car il parle 
arabe et connaît le Sud algérien : « Vois », me dit-il, en 
élargissant sa vaste bouche dans une grimace qui veut 



A TRAVERS L'INCONNU 275 

ébaucher un sourire, « vois comme c'est curieux, les 
« hommes! On me traite souvent d'imbécile, mais tu 
« avoueras que j'ai bien le droit d'être perplexe quand je 
c( vois ce charmant bambin jouer avec cette arme, qui 
« naguère était bien près de mitrailler son père, sa mère 
'< et peut-être ce pauvre chérubin!... Les raisons qui 
.< auraient fait « parler » mon bondouck (fusil) ce matin 
« n'étaient pas meilleures que celles qui le font taire ce 
« soir...! » Et mon grand Laïti, sans attendre de plus 
amples explications, se remet à cabrioler avec l'en- 
fant. » 

Nous envoyons des cadeaux au souverain de Laï, le 
M'bang Dallem, qui nous engage à faire séjour. Les rela- 
tions sont maintenant excellentes, les hommes viennent 
sans armes et le camp est envahi par quantité de femmes 
et d'enfants. 

Deux ou trois grands gaillards indigènes, armés de 
badines, essaient de maintenir cette foule. Ils lui adressent 
de grands discours en faisant tournoyer leurs badines. Ces 
grands gestes parviennent à peine à effrayer quelques tout 
jeunes enfants, mais nos « policemen » n'obtiennent en 
général qu'un succès de fou rire. 

Ils sont bien plus respectés en tant qu' « inspecteurs de 
la voirie ». Les bonnes vieilles qui se disposaient à vider, 
derrière un buisson, le contenu de leurs corbeilles à éplu- 
chures; les gamins ne tenant pas à parcourir la distance 
qui les séparait de « la fosse commune », s'enfuient à leur 
approche, oubliant de faire ou de déposer Tordure que 
devait abriter le buisson. 

J'ai dû payer pour l'un de nos porteurs kassaïs, qui 



276 AUTOUR DU TCHAD 

n'avait pas cru devoir imiter Texemple des autres délin- 
quants, une amende qui s'éleva à quelques pincées de perles. 
II fut obligé, en outre, d'ensevelir lui -môme les preuves 
de sa « contravention » à ce sage règlement de voirie. 

Les arbres sont si rares dans cette vaste plaine, que 
leurs environs sont protégés avec un soin jaloux, afin qu'il 
soit possible de pouvoir goûter un peu de repos sous 
leur ombre épaisse. D'autre part, dans une agglomération 
comme la ville de Laï, des mesures de salubrité publique 
s'imposaient, et le M'bang Dallem, assisté ou non d'une 
commission d'hygiène, en avait pris de sévères. 

Contrairement à ce qui se pratique chez les riverains 
du Congo ou de l'Oubangui, ce n'est pas le fleuve qui sert 
de dépotoir naturel à la population. C'est bien loin, dans 
la campagne, que matin et soir, grands et petits se ren- 
dent. Cette excellente habitude procurait à ceux d'entre 
nous qui se levaient avant le jour un singulier spectacle : 
une longue file de femmes, jeunes pour la plupart, s'avan- 
çaient dans le sentier, sous la surveillance d'une vieille 
matrone. Elles passaient non loin du camp et, éclairées 
par nos feux de bivouac, elles produisaient un effet 
étrange, grâce aux ornements qui faisaient ressortir leurs 
formes, sans les vôtir. Leur tôte est entourée d'une bande 
de grosses perles blanches large de deux à trois centi- 
mètres. Leurs cheveux sont assemblés en une sorte de 
crùte tressée, qui se termine devant et derrière par une 
mèche de cheveux, dans laquelle sont enfilées des perles 
de fer qui vont en s'amincissant vers le bout. Une superbe 
plume droite est fichée dans la chevelure. Une ceinture, 
également de perles blanches, large comme la main, 



, A TRAVERS L'INCONNU 



277 



entoure la taille, soutenue par deux minces bretelles de 
perles qui entourent les seins et reposent sur chaque 
épaule. Un brassard, plus large que la ceinture et oroé de 
dessins plus foncés, serre le bras au-dessous de l'épaule. 




La promenade de ces dames n'a d'ailleurs rien de poé- 
tique!... 

Ces études de mœurs ne nous font pas oublier les obser- 
vations plus sérieuses el les négociations en vue du pas- 
sage du neuve. Déjà nous avons pu nous convaincre de 
l'importance de la cavalerie de Lâï. Nous commençons à 



278 AUTOUR DU TCHAD 

habituer noire œil à la vue de ces vaillants petits chevaux 
qui, tout d'abord, avaient un peu surpris certains de nos 
compagnons. Ils appartiennent très probablement a la race 
décrite et observée par Barth chez les « Mousgous », 
cette peuplade dont les Laï pourraient bien d'ailleurs 
être quelque peu cousins germains. 

Les Saras, les Gaberis ne sont peut-ôtre pas d'éléganls 
cavaliers, dans le sens européen du mot, par suite du 
manque de proportions entre eux et leurs montures, mais 
ils sont extrêmement solides sur leurs petits coursiers et 
très résistants à la fatigue. Détail curieux, ils ne montent 
jamais de « pied ferme ». Ils s'élancent lorsque le cheval 
s'est mis au petit galop et l'enfourchent sans efforts. 

Pour descendre, une pression du caveçon fait ralentir 
l'allure. Us appuient la main droite sur la croupe et met- 
tent pied à terre du côté « hors montoir », en passant la 
jambe gauche sur l'encolure avant l'arrêt complet. 

De gros personnages viennent nous rendre visite au 
camp. L'un d'eux, ûgé d'environ trente ans, semble très 
considéré, il nous promet le passage, mais nous engage 
à séjourner, car le M'bang Dallem, pour répondre à nos 
présents, a envoyé des émissaires assez loin afin d'acheter 
un bœuf qu'il compte nous offrir au retour. Je suis vrai- 
ment étonné de cette munificence, qui me paraît plus que 
royale dans cette région. 

Pendant la conversation, je crois pouvoir démêler la 
cause de cette libéralité. A certaine de nos démarches, le 
M'bang Dallem a cru comprendre que nous accepterions 
de le seconder dans une expédition contre une tribu voi- 
sine avec laquelle il est depuis longtemps en lutte. Ravi 



A TRAVERS L'INCONNU 279 

de ce concours inespéré, il fait de son mieux pour nous 
témoigner sa reconnaissance. 

J'essaie de faire comprendre à mes interlocuteurs qu'ils 
n'ont pas saisi le sens de ce qu'on a pu leur dire : nos 
armes servent à nous défendre, mais pas à attaquer. Le 
jeune chef légèrement obèse, qui dirige la négociation, 
sourit avec un air d'incrédulité. Nous recevrons, dit-il, le 
bœuf promis. En sa qualité de grand maître de la naviga- 
tion, il nous fera passer sur l'autre rive, puis! nous ver- 
rons!... et il imile le bruit de la fusillade avec une insis- 
tance des plus significatives. Le village ennemi se trouve 
en effet sur la rive gauche du Logone, vers le sud-ouest. 

Il nous semble inutile d'insister pour le moment. En 
revanche, nous profitons de la présence de ces hauts per- 
sonnages pour essayer de conclure un traité avec le chef 
de Laï. Le M'bang Dallem, après quelques explications, 
signe sans difficultés un traité aux termes duquel il place 
sous le protectorat de la France ses États situés sur les 
deux rives du Logone. De même que celui passé avec 
Mandja-Tezzé, ce traité présente une très grande impor- 
tance, car il garantit à la France la libre navigation du 
Logone, cet important affinent du Tchad.' 

Le bœuf est arrivé, tué et dépecé avant qu'il soit possible 
de protester. Les gens de Laï nous accablent d'amabi- 
lités et il est décidé que nous passerons le Logone le mer- 
credi 23 septembre. Laï est une ville peuplée d'environ 10 
ou 15 000 habitants. 



CHAPITRE XIV 



DU LOGOrVE AU PAYS DES LAKAS 



Passage du fleuve. — Le guet-apens du 27 novembre. 
Le Ba Tenné, les Mouls. — Dogo. — Les Lakas. 



Le 23 novembre, à 7 heures du matin, nous levons le 
camp et nous nous mettons en marche. La traversée de 
Laï ne nous prend pas longtemps, et bientôt nous nous 
trouvons sur une haute falaise qui domine une superbe 
grève sur laquelle notre guide nous engage à aller nous 
installer, en attendant les pirogues. 

Un sentier en pente douce nous conduit à Tendroit 
désigné. Nous voyons enfin un fleuve qui nous rappelle 
les dimensions de TOubangui. Les berges sont taillées 
à pic, et d'un accès qui semble difficile, sur Tautre rive. 

Le lit du fleuve mesure en cet endroit 800 mètres de 
large. A la saison des crues, l'eau arrive jusqu'aux cases 
du village et recouvre entièrement le banc de sable où 
nous nous trouvons. En ce moment, il nous faudra 
franchir 400 mètres en eau profonde, avec un courant 
assez rapide, mais le fleuve est calme sur un fond de sable 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 281 

qui n'est point tourmenté par les cailloux. D ailleurs, les 
pirogues qui commencent à arriver, paraissent fort grandes. 
On est allé les chercher dans une petite anse où elles 
sont abritées. 

Pendant que nous attendons en admirant la ville, dont 
les maisons s'entassent en un désordre fort pittoresque, 
formant un dédale de petites ruelles bien propres, un 
Pahouin, préposé à la garde des chèvres, en laisse échapper 
une qui se précipite au milieu de la ville à la recherche 
de son ancienne élable. Il se met à sa poursuite et s'en- 
gage assez loin dans la ville, priant les indigènes de le 
seconder; ceux-ci s'exécutent de très bonne grâce, mais 
comme notre Pahouin refuse de donner une récompense à 
ceux qui ont ramené la bute, et qu'il menace de les frapper 
avec son fusil, il est pris fort délicatement et embarqué 
dans une pirogue qui nous l'amène, sans la chèvre. 

Dominique, le cuisinier, en habile diplomate, dépose son 
fusil, et prenant son sac de perles, court vers le village de 
toute la vitesse de ses jambes torses. Il nous revient peu 
de temps après, triomphalement installé dans une immense 
pirogue de guerre, dont l'équipage lui témoigne beaucoup 
d'égards, et nous annonce modestement qu'il a reconquis 
la chèvre sans la moindre difficulté. 

Ces pirogues de guerre sont fort grandes. Les flancs 
sont exhaussés à l'aide de deux planches légèrement incli- 
nées vers l'intérieur et destinées à protéger l'équipage 
«outre les flèches et les sagaies. Nous étions vingt fort à 
notre aise, et nous aurions pu très facilement combattre, 
tout en étant à l'abri des projectiles indigènes. 

Certaines de ces pirogues, qui rappellent un peu la forme 



282 AUTOUR DU TCHAD 

des anciens « monitors », sont réparées avec des planches 
fixées à l'aide d'une véritable coulure de lianes. 

Le passage nous prit à peine une demi-heure. 

Nous installons notre camp sur la rive gauche du Logone. 
En face, Laï s'étend à perle de vue sur la berge droite du 
fleuve. Vue de ce point, elle paraît encore plus importante 
et nous fait supposer que l'évaluation de la population 
donnée plus haut, est inférieure à la réalité. 

Le 24 novembre, nous voyons arriver un grand nombre 
de guerriers, la figure peinte, le corps soigneusement 
huilé. De tous les points de la rive opposée, arrivent des 
pirogues chargées à couler. Beaucoup sont véritablement 
remorquées par les chevaux qui nagent vigoureusement, 
coupant le courant en biais, en vue d'atterrir en un point 
qu'ils connaissent bien. On voit qu'ils sont parfaitement 
habitués à cette manœuvre. Ils ne paraissent pas le moins 
du monde fatigués. 

Le grand maître de la navigation doit occuper aussi des 
fonctions élevées dans l'armée, car c'est lui qui vient nous 
prévenir, au nom des petits chefs qui forment son état- 
major, de vouloir bien donner le signal du départ. Ils se 
tiennent à notre disposition, et ils nous montrent la direc- 
tion du village qu'ils veulent détruire. Nous leur déclarons 
formellement que notre intention est d'aller vers l'Ouest et 
que nous ne voulons, en aucune façon, guerroyer contre qui 
que ce soit. 

Ils sont fort penauds, et paraissent indécis. Beaucoup 
retournent chez eux. Les autres se massent et partent 
dans la direction du village ennemi. Nous décidons de 
faire séjour à l'endroit où nous nous trouvons. 



DU LORONE AU PAYS DES LAKAS 283 

Le soir, à cinq heures, nos encombrants alliés rcnlreiil 
par pclils groupes. Ils sonl couverts de poussière et 
aussi de lauriers sous les espèces de quelques bouquets 
de maïs et de mil, ils nous monircnt ces témoignages de 
leur vaillance et semblent nous dire : Voyez-vous, si vous 
étiez venus, vous auriez pu vous procurer toutes ces 
bonnes choses! 




irogu« da guerre 



En résumé l'expédition s'est bornée à des démons- 
trations hostiles, au pillage de quelques plantations, mais 
heureusement, pas le moindre tué ou blessé de part el 
d'autre. Les seules victimes sont certainement les che- 
vaux, qui paraissent harassés de fatigue. 

Avant de s'embarquer, chaque groupe de guerriers se 
place sur le bord de ta falaise, face à la ville, et entonne 
un chiBur sur un air fort alerte et très martial. 

Avec leurs grands boucliers ornés de pendeloques, leurs 



284 AUTOUR DU TCHAD 

grandes plumes d'autruche et leurs turbans bariolés, ils 
produisent un contraste violent, dans le crépuscule, sur 
le fond calme du tableau aux teintes douces qui tente- 
raient Puvis de Chavannes. 

Le lendemain, l'effervescence pardt calmée, tout semble 
être rentré dans Tordre. Nous décidons deux guides à 
nous accompagner et nous nous mettons en route fort 
tranquillement. Néanmoins, nous objectons à nos guides 
que le chemin qu'ils nous font suivre ne se dirige pas 
vers rOuest, où nous voulons aller. 

Ils veulent, disent-ils, nous éviter les marécages, nous 
aurons un assez grand détour à faire, puis nous repren- 
drons ensuite la bonne direction. 

Mais bientôt nous sommes rejoints par des groupes de 
guerriers qui augmentent à chaque instant. Le 26, pendant 
une halte sur un grand plateau assez découvert, nous 
pouvons nous rendre compte de la foule qui nous entoure. 
Sans exagération aucune, j*estime à 15 ou 1800 chevaux et 
à 2500 fantassins les forces mises sur pied par le M'bang 
de Laï. 

Viennent ensuite deux ou trois cents femmes esclaves 
portant des corbeilles. Elles suivent leurs maîtres pour 
recueillir le butin. Insouciantes, elles font halte aussi et 
gazouillent, rient en montrant leurs dents. Elles viennent 
là comme à une partie de plaisir. 

Nous engageons des négociations avec les chefs de la 
troupe. Nous leur déclarons qu'ils n'ont nullement à 
compter sur nous pour les seconder et, pour leur bien 
montrer notre idée arrêtée de rester neutres, nous fai- 
sons dresser le camp. 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 285 

Ils ont compris cette fois et s'éloignent, non sans être 
allés faire une démonstration près du village ennemi, situé 
à 5 ou 6 kilomètres environ. 

Nous passons une nuit tranquille. Il est décidé que 
nous rebrousserons chemin en vue de prendre une route 
qui nous conduise vers TOuest : malheureusement, nos 
guides ne paraissent pas disposés à venir nous rejoindre. 

Le 27 novembre, à neuf heures du matin, ne voyant 
venir aucun indigène, nous remontons le sentier jus- 
qu'en un point où nous croyons avoir vu une bifurcation 
se dirigeant vers TOuest. 

Nous la retrouvons, mais, hélas! elle se perd à 
quelque distance dans la brousse, auprès d une petite 
mare. Jusqu'à notre ancien campement, près de Laï, 
nous n'avons pas remarqué d'autre voie de communi- 
cation. 

M. Maistre émet Tavis de nous rendre au village où les 
gens de Laï voulaient nous conduire. Nous présentant 
seuls, pacifiquement, nous serons sinon bien reçus, du 
moins conduits sur une route qui, faisant de l'Ouest, nous 
éloignera de chez eux. Il estime même qu'en vue de se 
débarrasser de notre présence, les indigènes de ce village 
nous serviront volontiers de guides. 

Cet avis est partagé par la majorité; il faut le suivre et 
nous nous dirigeons vers le village où nous n'avions pas 
voulu nous rendre la veille, observant l'ordre le plus par- 
fait, en vue de prévenir toute surprise, et nous arrivons à 
5 ou 600 mètres du village, dans une assez jolie clairière. 
Un groupe de cavaliers vient à notre avance et s'arrête à 
quelque distance du carré. Nous parlementons et nous 



286 AUTOUR DU TCHAD 

remettons un cadeau destiné au chef. La foule augmente 
et nous regarde curieusement. Arrive enfin un vieillard 
monté sur un cheval blanc; il fait le tour du carré avec 
une grimace des plus dédaigneuses. Il engage une grave 
conversation avec les guerriers les plus turbulents, puis, 
accompagné de quelques vieillards, il prend la tôte de la 
colonne, nous faisant signe de le suivre. Le groupe qui 
marche avec nous paraît animé de bonnes intentions. Le 
vieux chef nous conduit évidemment à un point d'eau 
éloigné du village. C'est précisément ce que nous dési- 
rons : tout est donc pour le mieux. 

Mais, peu à peu, notre escorte indigène prend des pro- 
portions considérables, nous sommes serrés entre deux 
rangs de cavaliers et de piétons, le visage peint en 
guerre. Quelques jeunes gens, qui, d'ailleurs, paraissent 
ivres, invectivent les vieillards qui nous conduisent. Nous 
commencions à avoir des doutes sur les intentions des 
nouveaux arrivants et nous nous disposions à ralentir la 
marche pour étudier un peu la situation, lorsque nous 
entendîmes, à l'arrière-garde, une immense clameur 
bientôt suivie d'un feu de peloton. Quelques porteurs, 
haletants, viennent se réfugier près de nous. Les indi- 
gènes ont fui en déroute, en lançant leurs zagaies et 
leurs couteaux. 

Nous formons le carré et quelques feux de salve bien 
dirigés mettent en déroute la cavalerie, qui tentait de se 
reformer pour nous charger. 

Cette attaque soudaine n'a été amenée par aucune 
cause apparente. Les indigènes causaient amicalement 
avec nos hommes et leur offraient des épis de mil. 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 287 

Un cavalier cherche à saisir le havresac du Sénéga- 
lais qui ferme la marche. Au même moment, comme si 
ce mouvement eût été le signal attendu, les sagaies et 
les couteaux de jet pleuvenl de tous côtés. MM. Clozel, 
Briquez, Bonnel de Maizières et de Béhagle doivent taire 
usage de leur revolver pour se dégager. Briquez réunit 
vivement son arrière-garde, qui déblaie le terrain à Taide 
de feux de salve bien exécutés. 

Le sol est jonché de boucliers, de lances, de couteaux 
de jet. Les indigènes ont aussi laissé plusieurs des leurs 
sur le terrain. De notre coté, nous avons plusieurs blessés, 
dont Tun, Mahmadou Ba, ordonnance depuis les débuts 
de la précédente campagne, a reçu une sagaie empoi- 
sonnée dans la région du cœur. J'ai beaucoup de peine à 
extraire celte arme à cause des longues barbelures qui 
déchirent les chairs. Après un pansement provisoire, on 
installe un hamac et Ton prend des dispositions pour 
faire transporter les blessés. Le village, un des plus 
importants que nous ayons vus, après Laï, est alors 
incendié. 

Les coups de feu et la fumée attirent une assez forte 
troupe de cavaliers. Ce sont nos alliés de Laï qui nous 
demandent Tautorisalion de se rendre dans le village; ils 
en usent largement, car ils reviennent, peu de temps 
après, chargés de butin. 

Nous rebroussons chemin, avançant péniblement parce 
que le transport des blessés relarde notre marche, et nous 
allons camper près d'un point d*eau situé à la bifurcation 
de plusieurs chemins. 

Dans la soirée, Mahmadou Ba semblait éprouver un 



288 AUTOUR DU TCHAD 

mieux sensible; mais, au moment où nous nous disposions 
à nous mettre à table, on vint nous prévenir qu'il était 
mort. Un autre blessé, un porteur qui avait reçu une 
flèche empoisonnée dans le mollet, souffrait horriblement. 
Sa jambe enflait considérablement. 

Je craignais fort de ne pas le sauver. Nous dûmes 
séjourner le 28 en cet endroit, afin d'ensevelir le pauvn» 
Mahmadou Ba et disposer nos charges, pour soulager les 
porteurs, dont un était mort et d'autres blessés, ce qui 
désorganisait encore notre caravane que les désertions cl 
la maladie faisaient diminuer de jour en jour. 

Nos amis de Laï viennent nous rendre de fréquentes 
visites dans la journée, mais ils ne se font pas faute 
d'aller piller les plantations du village détruit. 

Le 29, nous nous mettons en route, mais nous sommes 
bientôt rejoints par nos turbulents alliés, qui semblent 
disposés à nous conduire à de nouvelles conquêtes. Celte 
fois nous refusons absolument de les laisser continuer et 
nous prenons la route de TOuesl, conduits seulement par 
trois guides sans armes. 

Nous atteignons le village de Maha : les hommes sont 
assis sans armes et devisent tranquillement, les femmes et 
les enfanls nous regardent monter les tentes à Tombre 
d'un magnifique « ficus ». 

Le 30 novembre, nous sommes debout à la pointe du 
jour et nous assistons à un défilé aux flambeaux que les 
femmes du village exécutent pour les mômes raisons que 
leurs compatriotes de Laï. 

Nous nous mettons en route... Pas d'escorte bruyante, un 
pays découvert et d'aspect honnête. Nous allons donc 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 289 

pouvoir faire une longue étape pour regagner le temps 
perdu. Il n'en est rien: au bout d'une heure de marche, 
nous sommes en face d'une rivière assez importante, le 
Ba ïenna, affluent de rive gauche du Logone, et les rive- 
rains ne possèdent que deux méchantes pirogues pour 
nous passer sur Tautre bord. 

Il nous fallut une bonne partie de la journée pour ter- 
miner cette difficile opération. 

Le camp installé est bientôt envahi par les femmes et 
les enfants des villages voisins, qui organisent un marché 
assez bien approvisionné en maïs, courges, haricots, 
manioc, poules et cabris. Les femmes portent quelques 
ornements en métal blanc. 

Le village le plus proche se nomme « Tchoua » et 
nous serions à peu de distance d'une agglomération que 
Ton nous désigne sous le nom de « Moul ». Est-ce une 
tribu, un simple village? Voilà ce que, pour mon compte 
personnel, je ne puis dire. 

Le l""" décembre, nous nous mettons en marche et nous 
traversons l'important village de Tchoua, sous la conduite 
de deux vieillards qui nous quittent à la lisière des plan- 
tations, après nous avoir indiqué un sentier bien frayé qui 
se dirige vers TOuest. Nous campons une nuit en brousse, 
puis nous atteignons un village abandonné depuis peu. 
Après quelques pourparlers, la population revient et les 
transactions s'effectuent sans incident. A notre départ, le 
lendemain, le village était de nouveau abandonné par les 
femmes, et les guerriers, sous les armes, paraissaient peu 
disposés à nous laisser traverser les plantations. Grâce à 
la présence d'esprit de nos guides, tout se passa sans inci- 

P. Brunachc. 19 



•?90 AUTOUR DU TCHAD 

dent. Un peu avant le dépari, nous avions dû constater le 
décès du porteur blessé dans la dernière affaire. 

Nous traversons divers villages où Taccueil, pour n'èlrc 
pas hostile, est loin d'èlre sympathique. 

Nous faisons des prodiges de diplomatie et c'est à la 
suite de conférences interminables que nous parvenons à 
nous procurer des guides. 

Nos étoffes, qu'ils nomment « grobollo », nos perles 
baïakas, qui s'appellent ici nya-nya, sont des arguments 
devant lesquels rien ne résiste, et, le h décembre, nous 
étions installés dans le paisible village de « Dogo ». 

Le chef est un brave homme dont lallure générale fait 
un peu songer à Crouma, le chef des Togbos. Il est fort 
aimable et commande à une population bien douce et 
obéissante. C'est, pour moi, cependant, parmi celles que 
nous avons rencontrées, la seule qui représente pleinement 
le type classique du sauvage. 

Ils portent assez volontiers une touffe énorme de 
plumes de couleurs variées, qui pendent lamentablement 
derrière la tête; leurs nombreux sacs ornés de pende- 
loques, la peau de chèvre qui forme leur unique vêtement 
les font ressembler, lorsqu'ils sont à cheval, à de véritables 
(( Indiens Apaches ». Leur teint relativement clair, et 
tirant un peu sur le rouge brique, ajoute encore à Tillu- 
sion. 

J'ai encore l'occasion de remarquer à Dogo que c'est, 
généralement, chez les populations les plus frustes que 
se trouvent les cultures les mieux entretenues : le terrain 
des plantations semble avoir été défoncé à la char- 
rue. De vastes sillons bien droits, chaque pied de mil 




DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 291 

OU (le maïs scruputcu sèment butté, pas la moindre feuille; 
j'allais dire pas la moindre pierre, oubliant que je n'en 
ai |>rc5que pas rencontré depuis Bangui, à part la 
limonite ferrugineuse disparue depuis Garenki et que 
l'on retrouve en assez grande quantité dans la région. 
Les forges reparaissent également. 

Le chef de Dogo nous conduit au village de « Goun- 
doum » à travers une région peu habitée. Les vill 
semblent misérables et la popula- 
tion très peu dense. Rien de bien 
intéressant à signaler. Les habi- 
tants ne présentent pas un type 
bien caractérisé. C'est à Goundoum 
cependant que nous avons vu la 
plus horrible mutilation à laquelle * \ 

une coquette puisse se soumettre _,••_ 

pour suivre la mode. ' 

Les dames de la région se pla- 
cent, en effet, dans la lèvre supérieure et inférieure des 
disques d'ivoire qui ont souvent 5 centimètres de dia- 
mètre. 

Ces singuliers ornements, qui donnent à la bouche la 
plus ravissante, l'aspect d'un bec de " canard ><, gène con- 
sidérablement ces dames pour parler, et le petit claque- 
ment produit par ces disques, lorsque leurs propriétaires 
veulent articuler un son, produit l'effet le plus comique. 

Les hommes ne sont pas beau.Y, bien qu'ils soient d'une 
élégance accomplie, en ce sens qu'ils sacrilicnt à la mode 
en recouvrant leur corps, d'un noir assez foncé, d'une 
épaisse couche d'ocre rouge diluée dans l'huile. 



292 AUTOUR DU TCHAD 

Bon nombre de nos hommes d'escorte sont épuisés par 
ces deux longues campagnes. Quelques porteurs sont, en 
outre, atteints de variole et nous devons prendre de gran- 
des précautions pour éviter la propagation de la maladie. 

Nous craignons également que les chefs de village nous 
fassent mauvais accueil à cause de nos malades. Il n'en est 
rien, heureusement. La variole existe à Tétat endémique 
dans toutes les régions que nous avons parcourues. Les 
populations ne s'en effraient pas outre mesure. On se 
borne généralement à isoler le malade, qui ne prend que 
des boissons chaudes. Voilà pour la médication curative. 
Quant à la médication préventive, elle ne semble pas 
exister. 

Le chef de Dogo nous accompagne encore chez le chef 
DérembaJi. C'est un beau vieillard, très affable, qui, paraît- 
il, a beaucoup voyagé. Il nous dit que nous avons trois 
bonnes étapes à faire pour atteindre les « Fellatas ». C'esl 
le nom que les infidèles, les fétichistes, donnent aux 
Foublés jaunes, population musulmane maltresse de TAda- 
maoua. Les renseignements de Dérembaï semblent un peu 
vagues. Il y a lieu de croire qu'il a rencontré à trois jours 
de marche de chez lui des marchands de TAdamaoua, mais 
il ne paraît pas possible que la limite de ce pays soit 
aussi près de nous. 

Nous traversons des plateaux assez élevés. L'eau est 
rare et il faut la puiser à 40 ou 50 mètres de profondeur. 
Les cultures paraissent chétives. 

En fait d'animaux domestiques, nous ne trouvons tou- 
jours que des poules et des chèvres. Comme partout il est 
impossible de se procurer des œufs ou du lait. Les boucs, 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 293 

objet de soins particuliers, atteignent après la castration 
(les proportions considérables et leur chair arrive à être 
presque supportable. 

Nous passons des traités avec tous les chefs de ces 
villages qui nous ont fait le meilleur accueil. Le 8 décem- 
bre, nous traversons un pays qui rappelle, par la végéta- 
tion surtout, celui des N'dris. Nous campons au village de 
ïaguen où commence la tribu des Lakas. Ce sont des 
hommes de tailles moyennes, assez proches parents des 
N'gapoux. Ils sont très vifs sans être encombrants et sem- 
blent assez intelligents, ils nous accompagnent volontiers 
au village de « Kaguenenga », dont le chef Touné serait, 
paraît-il, craint et redouté de ses voisins jusqu'au marais 
du Toubouri. Touné serait le souverain des Lakas, dont 
une fraction, les Lamés, sont installés sur les limites de 
TAdamaoua. Ces derniers subissent Tinfluence de leurs 
voisins musulmans au point de vue des mœurs, des cou- 
tumes, mais ils repoussent absolument toute action politi- 
que ou religieuse. 

Nous faisons un court séjour au village de Kaguenenga, 
mais, au moment où nous croyons pouvoir nous mettre en 
route, notre ami Clozel tombe gravement malade. Il 
souffre d'un accès de lièvre bilieuse hématurique; il ne 
lui est pas possible de marcher ou d'être porté en hamac. 
Le 11, après une tentative de marche, nous sommes obligés 
de revenir sur nos pas, par suite du mauvais état de santé 
de Clozel. 

Nous installons notre camp entre le village de Kague- 
nengua, et celui de Bai Temmé, dont le chef, ToumbouK 
est également un fort brave homme. 



294 AUTOUR DU TCHAD 

Les cases de ces deux villlages diffèrent sensiblement 
de celles vues jusqu'à ce jour. Chaque habitation se com- 
pose généralement de deux cases rondes, réunies par un 
couloir à toit plat servant de vestibule et de cuisine. Dans 
la première des cases rondes, habitent les propriétaires, 
Tautre sert de magasin aux provisions, aux outils. C'est 
là aussi que se trouve le moulin à farine. Les Lakas ne 
pilent point les céréales, mais les écrasent entre deux 
pierres, dont Tune, lixe, est encastrée dans un bâti en 
terre formant réservoir et l'autre est mue à la main. Les 
habitations forment de véritables petites fermes dont la 
cour est entourée d'une haie formée de nattes. 

Les Lakas savent travailler le fer et possèdent de 
nombreuses forges. Les soufflets qui tous, jusqu'à présent, 
étaient semblables à ceux des N'gombés, sur TOubangui, 
ont changé de modèle depuis Dogo. Ce sont deux outres, 
munies chacune de deux baguettes près d'une ouverture. 
L'écartement ou le rapprochement de ces deux morceaux 
de bois permet ou supprime Tintroduction de Tair qui ali- 
mente la soufflerie. C'est dViUeurs le modèle encore exclu- 
sivement en usage chez nos Kabyles d'Algérie. Les bijoux 
en fer sont très en faveur et notamment des chaînettes 
fort bien faites. 

Ils ont quelques rares chevaux dont l'espèce paraît un 
peu plus belle que chez les Sara?. 

Ils remplacent le caveçon par le mors, identiquement 
semblable au mors arabe. 

Les armes sont assez bien fabriquées, mais sauf quel- 
ques modèles nouveaux pour les couteaux, elles ne diffè- 
rent pas de celles déjà décrites. 



DU LOGONE AU PAÏS DES LAKAS '295 

Les javcliacs sont généralenmnl empoisonnées aussi; 

afin d'éviler des tilessures acciduntellcs, les Lalias les 

placcnl dans un étui en cuir ou dans une calebasse 




allongée et très élégamment ouvragée. Ce poison, assez 
semblable à de la « laque de Chine », est obtenu par la 
cuisson d'une racine appelée « pill » chez les Lakas, 
<< dabbi » en kanouri et » conconi » chez les Peuls du 
Sénégal. L'ivoire reparaît et les femmes portent d'énor- 
mes bracelets dont les formes nous étaient inconnues. 



296 AUTOUR DU TCHAD 

Le vêtement pour les hommes est toujours le tablier de 
cuir des Saras. 

Les femmes se conlentent d'une poignée de feuilles. En 
revanche, c'est merveille de voir les nombreux ornements 
et pendeloques dont elles décorent les peaux de chèvres, 
en forme de holles, qui leur servent à porter sur leur dos 
les enfants en bas âge. 

Les femmes lakas sont d'excellentes mères de famille 
et des ménagères travailleuses. 

Les hommes ne sont point paresseux et s'occupent, eux 
aussi, des travaux des champs. Ils préfèrent certainement 
la chasse et, pour installer les nombreux pièges qui entou- 
rent les plantations, ils doivent se livrer à de sérieux tra- 
vaux de terrassement et de charpente. 

Ces pièges consistent surtout en fosses recouvertes 
d'une porte à bascule qui tourne sous le poids de l'ani- 
mal et maintient celui-ci prisonnier, dès qu'il est tombé 
dans la fosse. 

Ce sont aussi d'énormes poutres, maintenues horizon- 
talement, ou des épieux suspendus verticalement, qu'un 
système de déclanchement fort habile fait choir au moment 
ou l'animal passe au-dessous. 

On rencontre une grande variété d'antilopes dans cette 
région ; des singes colobes et une espèce, plus petite, à 
poil fauve et à testicules bleus. Les léopards ne sont pas 
rares; les buffles non plus. 

Les pintades causent de sérieux ravages dans les plan- 
tations; aussi, notre boy Foulanga, qui en tua cinquante- 
huit en quinze jours, était très estimé des indigènes. 

Beaucoup de Lakas ont été en rapport avec les Foulbés 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 29T 

(Iti l'Adamaoua. Certains même parlent la langue de cotte 
race, désignée généralement, au Sénégal, sous le nom 
de Toukouleur et peuvent se faire comprendre de nos 
hommes originaires du Fouta-Toro. Ceux-ci ne se possè- 
dent plus de joie. 




Les Lakas Dlent le coton et obtiennent des cordelettes 
d'une blancheur étonnante^ mais ils ne savent point lisser. 
Beaucoup cependant portent des sortes de tabliers faits 
avec des bandes decoton assemblées; ce sont des articles 
d'échange que leur donnent les musulmans de l'Adamaoua 
avec lesquels ils ont des relations très suivies. 



298 AUTOUR DU TCHAD 

Chez les Saras, nous avions rencontré quelques peaux 
bien tannées et teintes en rouge à Taide du bois d'une cer- 
taine variété de sorgho. 

Ici, les peaux qui servent de vêtement sont préparées à 
laide de cendre et d'huile et manipulées pendant des 
journées entières. Du reste, le temps n'ayant pour les 
indigènes qu'une valeur relativement nulle, tous les objets 
qu'ils fabriquent sont Tobjet d'un travail assidu pendant 
de longues journées. 

La vannerie, comme partout d'ailleurs, est toujours 
d'un goût exquis. 

La poterie, dont la confection est exclusivement dévolue 
aux femmes, est souvent très artistique. On rencontre 
des modèles de jarres, de pipes fort coquets. 

C'est un des rares endroits où nous ayons trouvé des 
ustensiles munis d'anses. Ainsi que le fait remarquer 
Schweinfurth, dans une grande partie de l'Afrique, les 
ustensiles sont toujours au contraire dépourvus d*anses. 

Au point de vue de l'alimentation, les ressources sont 
toujours les mêmes. La nourriture diffère peu chez les 
indigènes depuis la Kemo jusque chez les Lakas : nue 
sorte de sauce rendue épaisse par le suc d'une plante qui 
est, je crois, 1' « hibiscus esculentus », des viandes rôties 
sur la braise, des poissons fumés, mangés sans autre pré- 
paration ou simplement cuits à l'eau. Une épaisse bouillie 
de mil, de maïs ou de manioc représente partout notre 
pain. Le piment minuscule, extrêmement fort, colore* le 
brouet et remplace à la fois le sel et le poivre. 

Dans quelques régions, de grosses coquilles tiennent 
lieu de cuillères, mais, le plus souvent, les sauces et les 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 299 

potages sont simplement portés ù la bouche à Taide de 
la main. 

Grâce à sa robuste santé et à une médication énergique, 
Clozel fut bientôt en état de reprendre la marche. 

Nous devions tout d'abord, sur les conseils du chef Touné, 
nous rendre à Sorga, important village où nous trouve- 
rions quelques Foulbés de TAdamaoua. La route se diri- 
geait fortement vers le Nord, et traversait une steppe 
déserte, que les indigènes mettent trois 
jours à franchir. Nous préférâmes pren- 
dre la route qui contournait le plateau 
désert situé entre Baï Temmé et Sorga 
et aller camper à Yamba. 

ïouné et son voisin le chef Toum- 
boul voudraient eux aussi arrondir leur 
territoire, aussi ne seraient-ils pas fâchés 
de nous conduire vers le Nord, près du Tatouage 

rp 1 . ,, I U 1 4 I chez les Lakas. 

loubouri. il y a sur les bords du lac 
une peuplade qu'ils voudraient bien soumettre. Us se ren- 
dent cependant à nos arguments et, le 26 décembre, ils 
nous donnent des guides et viennent nous faire leurs: 
adieux. 

Nous marchons lentement, mais la route est excellente. 
Les herbes sont brûlées et Ton peut ladmirer le pays. 
Nous traversons de nombreux groupes d'habitations dont 
les toitures refaites à neuf présentent un aspect des plus 
gais. Les chevaux sont plus rares, mais ils appartiennent 
à une race plus belle que les chevaux des Saras. Ils sont 
mieux proportionnés, la tète est plus Une; la crinière, très 
fournie, est taillée à la façon de celle de nos poneys. 




300 AUTOUR DU TCHAD 

A Yamba, où nous arrivons assez tôt, nous rencontrons 
un grand nombre d'indigènes portant des vêtements pro- 
venant de l'Adamaoua : larges tuniques et pantalons sem- 
blables à ceux des Baghirmiens. 

Le chef doit être un personnage d'importance, car sa 
maison se compose de 10 vastes cases réunies dans une 
cour qui renferme de nombreux greniers. 

Nous recevons de lui un excellent accueil, et le lende- 
main nous nous mettons en route pour nous rendre à 
Pala. Mais, dès la première pause, M. Maistre qui, la 
veille, était extrêmement affaibli, se trouve dans Timpos- 
sibilité de marcher. Nous cherchons un point d'eau et 
nous installons notre campement sous des arbres magnifi- 
ques. 

M. Maistre est atteint, lui aussi, de lièvre bilieuse héma- 
turique et son état nous inspire de sérieuses inquiétudes. 

Nous sommes à h kilomètres d'Yamba, dont le vieux 
chef, Dang Douradjé, vient nous rendre d'assez fréquentes 
visites. Il choisit de préférence les jours où nos chasseurs 
ont tué des antilopes, car il sait qu'il n*est jamais oublié 
dans les distributions. 

Les environs sont très giboyeux; aussi MM. Briquez 
et Bonnel de Maizières profitent de ce repos forcé pour 
faire de nombreuses parties de chasse. 

Briquez, dans une même journée, a tué quatre antilopes 
dans les environs du camp. Elles appartiennent presque 
toutes à l'espèce que Schweinfurth désigne sous le nom 
de « caama ». C'est la seule, de l'avis de tous nos cama- 
rades, dont la chair soit réellement appréciable. 

Les autres espèces, presque entièrement dépourvues de 



DU LOGONE AU PATS DES LAKAS 



301 



liiisus adipeux, donnent, après la cuisson, une viande dure 
et peu agréable au goût. 

Chose curieuse, en dépouillant ces animaux dis minutes 
après leur mort, nous constatons, dans la cervelle, la pré- 




sence de gros vers blancs, vivants et dont le nombre est 
(]uelquerois de sept ou huit. 

Nous avons i]uelques visites des gens du village de 
Palla , vers lequel nous comptons nous diriger dès 
que M. Maistre sera rétabli. Ils sont presque tous vêtus 
à l'orientale, mais ne parlent point la Langue des Foulbé» 



302 AUTOUR DU TCHAD 

de TAdamaoua. Ils en connaissent cependant toutes 
les formules de politesse. 

Le 1*' janvier 1893 se passe sans incidents et fort 
tristement d'ailleurs. Nous remarquons tous les jours que 
nos ressources baissent considérablement, et, parmi les 
nombreuses contradictions des indigènes qui nous donnent 
des renseignements, nous constatons que nous aurons 
grand'peine à gagner Yola, capitale de TAdamaoua. 

Le 6 janvier au soir, une troupe de voyageurs vient 
nous saluer. Ce sont des Haoussas, des Foulbés de TAda- 
maoua, des gens du Sokoto et deux indigènes de Bornou, 
qui paraissent sinon les chefs, du moins les intendants de 
la bande. Celui de ces derniers qui paraît le plus jeune cl 
le plus intelligent, s'avance et nous salue, au nom de tous, 
en excellent arabe. 11 s'efforce de conserver un maintien 
grave et réservé, mais on devine en lui rintelligence du 
gavroche et le plus profond mépris des grandeurs. 

Notre accueil bienveillant lui fait abandonner sa gravité 
de commande, et il ne tarde pas à nous montrer son heu- 
reux caractère. Il se nomme Ali et son compagnon Abba. 
Ils servent de guides à d'honnêtes marchands qui circu- 
lent en pays fétichistes pour acheter de l'ivoire et des 
esclaves. 

A en juger par l'armement, le petit nombre et surtout 
Tûge de la majeure partie des voyageurs, il est certain 
que ce n'est pas la terreur qu'ils inspirent qui doit décider 
les transactions. 

Quoi qu'il en soit, étant donnée la situation critique 
dans laquelle nous nous trouvons, ce n'est pas le moment 
d'épiloguer sur le plus ou moins de moralité du métier 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 303 

qu'exercent nos nouveaux arais. D'autant mieux qu'Ali et 
Abba s'offrent à nous servir de guides pour aller à Yola. 

Ali parle arabe, c'est pour nous un précieux auxiliaire, 
au moment où nous allons rencontrer de nouvelles popu- 
lations musulmanes. Nous lui demandons si une troupe 
armée, aussi importante que la nôtre, ne nous créera pas 
de difficultés pour pénétrer dans TAdamaoua. 

« Nullement, les gens de TAdamaoua ne sont pas des 
sauvages, comme les cafers (fétichistes) que vous venez de 
visiter. Ce sont des gens très paisibles, pasteurs ou com- 
merçants, qui seront très heureux de faire des transactions 
avec vous. Ils savent très bien que vos armes servent à 
vous protéger contre les malfaiteurs et non à attaquer. 
Nous savons que vous venez ici pour mesurer la terre avec 
vos lunettes, remplir vos caisses de pierres, d'oiseaux, 
d'insectes et de plantes. Pourquoi, avec tant de marchan- 
dises, n'achetez-vous pas de l'ivoire et de la gomme? 
Faites comme les Anglais et vous serez satisfaits de votre 
voyage... 

— Comment ! tu connais les Anglais ! 

— Mais oui, répond Ali, en fait de « blancs», j'ai vu des 
gens de Tripoli, qui sont musulmans comme nous, puis 
des Anglais : l'un d'eux, Tchalie (sir Charles Mac Intosch, 
de la Royal Niger Company), est venu à Kouka; puis le 
commandant, qui est venu à Gueroua, et l'autre, qui est en 
ce moment à Kouka, avec un autre blanc, et sept hommes 
d'escorte; ces trois derniers sont Français. Je sais qu'il y 
a aussi des Italiens et des Américains. Tous ces blancs 
sont des Nazara (nazaréens, chrétiens). » 

Les renseignements qu'Ali nous donne nous procurent 



304 AUTOUR DU TCHAD 

la certiliidc que le commandant Monteil est parvenu à 
Kouka, où il a été bien accueilli. S'il faut en croire Ali, il 
continuera son voyage sans encombres, grâce aux nom- 
breuses relations que Kouka entretient avec le Sud algérien, 
la Tunisie et la Tripolitanie *. 

Puis, changeant de conversation et abattant cinq mor- 
ceaux de papier qu'il tient à la main : 

« Atout! atout! coubi! cabbôut... ! » et il éclate de rire. 
« Atout ! atout ! coupé ! capot ! ... » Notre jeune ami avait cer- 
tainement appris le français dans un café borgne d'Algérie! 
" Nous lui en faisons la remarque : 

« Non, nous dit-il, c'est à Gueroua, sur la Benoué, 
tandis que j'étais venu vendre mon ivoire; j'entendais 
l'Anglais crier : « Common! Common! Ail right! » et le 
commandant sur son « babour » : « Avant ! avant ! » 
puis, descendu à terre, assis à table avec des petits papiers 
en main, il riait en disant à son compagnon : « Atout! 
atout! coubi! cabbout! » 

« Babour », ce nom sous lequel les Arabes d'Algérie 
désignent les bateaux à vapeur, prononcé par 12° 40' de 
long. E. et 9^ 20' de latitude N., produisit sur nous un 
effet magique; surtout quand nous apprîmes qu'il s'agis- 
sait du lieutenant Mizon, notre compatriote, qui charmait 
ses longues soirées par quelques parties de cartes. 

Cette fois encore nous n'avions qu'à nous féliciter du 
hasard! Toutes ces bonnes nouvelles hâtèrent la guérison 
de M. Maistre et donnèrent du courage à nos hommes. 

1. Les nombreux renseignements qui m'ont été fournis par Ali 
et un grand nombre d'autres Bornouans sur cette région et ses 
relations avec nos possessions du N. de l'Afrique, seront consignés 
dans un autre ouvrage, actuellement en préparation. 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 3C5 

Le mercredi 11 janvier, nous nous mettions en route 
avant le jour, guidés par Ali et Abba. Leurs autres com- 
pagnons formaient Tarrière-garde. 

Il fait un clair de lune superbe, et le pays, relativement 
fort accidenté, paraît des plus pittoresques. Nos hommes, 
alourdis par un aussi long repos, font néanmoins tous 
leurs efforts pour conserver une bonne allure. Ali est 
d'ailleurs un chef de caravane comme on en voit peu. 
C'est un boute-en-train, dont la gaîté communicative 
excite le moral des porteurs les plus affaiblis. Toujours 
prêt il soulager les iraînards, à faciliter le passage d'un 
ravin difficile, il entonne un joyeux refrain dès que la 
marche reprend une allure normale. 

Je sympathise assez volontiers avec ce bohème doublé 
d'un profond philosophe, dont les reparties souvent 
fort judicieuses me rendent quelquefois profondément 
rêveur. 

Grâce à lui, nous recevons au village de Palla, ou nous 
arrivons assez tard, un accueil très cordial. Peu de 
temps après notre arrivée, nous avons la visite d'un 
groupe de Foulbés de TAdamaoua, qui reviennent d'un 
ghezzou (expédition guerrière). Nous échangeons force 
politesses et le plus important de ces personnages, gou- 
verneur d'une petite fraction du Bouba N'Djidda, reçoit 
un modeste cadeau. 11 a comme garde du corps un 
superbe gaillard sanglé dans une cuirasse assez grossiè- 
rement fabriquée, mais d'une propreté remarquable. 
Celui-ci paraît très heureux de la curiosité qu'il provoque 
de la part de nos hommes. 

M. Maistre m'ayant laissé toute latitude pour lui faire 

p. Brcxache. ?0 



306 AUTOUU DU TCHAD 

un présent, Ali me réprimande sm* ma munificence : quatre 
mètres de drap et un chapelet ! « Qu'as-tu besoin de faire de 
semblables cadeaux à tous ces mendiants! Tu n'es pas ici 
au Bornou, au Baghirmi ou au Sokoto. Tous les « lamidos » 
(gouverneurs) que tu vas rencontrer portent un beau 
titre, mais c'est tout. Quant à leur influence, elle est nulle, 
lu ne trouveras pas de « sultans » comme chez nous ! Le 
lamido d*Yola lui-même, Djebairou, n'est qu'un maigre 
personnage. Ne leur donnez rien, c'est à vous d'exiger, 
puisque vous leur faites l'honneur d'être leurs hôtes. » 

Ali est évidemment un frondeur qui respecte fort peu 
les puissants de la terre, mais il faut bien convenir que 
c'est sa prudence et sa sage économie qui nous permirent 
d'atteindre Yola. 

Nos hommes, qui sont allés faire des provisions au 
village, sont tout heureux de nous apprendre qu'ils ont vu 
des papaïers (carica papaïa) et des bcimfs. « Nous sommes 
donc tout près de la côte! « nous disent-ils. 

Nous sommes encore fort loin de la côte, mais il n'est 
pas douteux que nous approchons de TAdamaoua. Les 
nombreuses petites fermes bien entretenues, le nombre 
considérable de bœufs à bosse ou zébus, le lait, le beurre, 
que nous pouvons quelquefois nous procurer, dénotent que 
les indigènes ont emprunté à leurs voisins, leur vie pas- 
torale et tranquille. Presque tous les indigènes sont 
vêtus ou portent des semblants de vêlements. 

Au point de vue de l'agriculture, nous arrivons au 
moment de la morle-saison. Les récoltes sont enlevées 
depuis longtemps et le moment des semailles n'est pas 
encore arrivé. Tous les indigènes sont occupés à la réfec- 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 307 

tion de leurs cases et de leurs étables endommagées par 
les longues pluies d'hiver. 

Dans la journée du 13 janvier, le guide Abba, qui pos- 
sède entièrement la topographie du pays, nous montre 
une importante chaîne de montagnes qui se dirige du 
sud-est au nord-ouest. Ce sont les monts du Mandala. Un 
peu plus loin au nord, le pic de Doué. 

Nous campons près d'un petit village assez riant 
nommé Sa Féfé et, dans l'après-midi, nous avons la visite 
du frère du « lamido » de Doué. Bien qu'il soit escorté 
d'un garde de corps, portant cuirasse, et qu'il ait le chef 
entouré d'un énorme turban qui lui donne l'air d'un 
« Mamamouchi », je suis les conseils d'Ali, et je m'en 
trouve bien, car le gros homme se montre fort satisfait 
d'un cadeau absolument insignitiant. 

Le dimanche 15 janvier, nous atteignons le village do 
Lamé. Ce n'est pas, à proprement parler, un village. Nous 
apercevons bien, éparses dans la plaine, de vastes a^lo- 
raérations, mais les cases que nous longeons en ce 
moment, bien construites et enfermées dans un enclos, 
n'ont qu'un unique propriétaire : le chef de Lamé. C'est 
presque un palais! en tout cas, c'est une ferme bien 
installée et qui paraît fort riche. 

« Crois-tu, me dit Ali, qu'il n'est pas pénible de cons- 
tater que toutes ces cases, tout ce peuple, toutes ces 
richesses n'appartiennent qu'à un seul homme! et c'est 
un vulgaire cafer (fétichiste, infidèle) encore! II pos- 
sède plus de 1000 femmes esclaves et peut mettre sur 
pied 3000 cavaliers. » Ali exagère sans nul doute. Mais 
nous pouvons nous convaincre par nous-mêmes de l'abon- 



303 AUTOUR DU TCHAD 

dance du bétail et surtout des greniers à mil. « Oui, dit 
encore Ali, ces greniers qui font votre admiration, sont la 
propriété personnelle du chef » ; et il ajoute philosophique- 
ment : « Pauvres administrés! Ce n'est pas là où ils iront 
puiser en cas de disette; ce sont cependant eux qui les 
ont remplis! » 

Décidément ce brave Ali est incorrigible! Heureusement 
qu'il n'est pas compris de tout le monde, car le chef de 
Lamé est un personnage auquel on doit le respect : en 
effet, il exige un droit de passage de tous les étrangers 
qui traversent la région et a repoussé victorieusement 
toutes les attaques des Foulbés de TAdamaoua. 

Grâce à la diplomatie d'Ali cl d'Abba, nous sommes 
dispenses de payer le droit de passage. Us sont, je crois, 
les premiers intéressés, et' leur manœuvre n'avait pas 
tant pour objet de nous éviter une blessure d'araour- 
propre, que d'éluder une redevance dont leur modeste 
pacotille se serait sérieusement ressentie. 

D'ailleurs, nous ne sommes nullement mis en cause, et ' 
nos cadeaux, fort bien accueillis, sont suivis de Tenvoi 
d'un mouton et d'une chèvre, présents du chef. 

En voyant cet envoi, Ali s'écrie : « H faut que vous lui 
inspiriez des craintes sérieuses à ce vieil avare, pour 
qu'il vous ait offert un tel présent! » 

Il n'en est pas moins vrai que nous avons reçu l'accueil 
le plus cordial dans cette tribu, qui ménage une heureuse 
transition entre le nègre fétichiste et le Foulbé jaune, à 
demi civilisé, de TAdamaoua. 

Depuis quelque temps d'ailleurs presque tous les indi- 
gènes sont vêtus. Le dernier des esclaves lui-même se fait 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 



309 



un point d'honneur de dissimuler au(ai)t que possible son 
tablier de peau, imilé des Saras, sous de misérables 
bandes de coton, que le lemps et l'usage ont réduites en 




cordelettes, mais qui pcrmeltent encore do supposer les 
formes d'une ancienne tunique. 

Les gens aisés portent le vêtement complet des Baghir- 
miens et de toutes les populations soudanaises : panla- 



310 AUTOUR DU TCHAD 

Ions à la turque, amples tuniques indigo ou blanches avec 
broderies autour du col. Comme coiffure, quelques cha- 
peaux de paille ou des bonnets, sorte de sacs confec- 
tionnés, comme le reste du costume, avec des bandes de 
coton assemblées. On place cette coiffure sur la tele 
comme Tancien bonnet de Phrygie. 

Certains portent de longs couteaux rappelant assez le 
glaive de nos anciens chevaliers. La poignée est en 
cuivre et la garde en forme de croix, recouverte de cuir. 
Le fourreau est en cuir rouge, fort bien préparé et habile- 
ment confectionné. 

Détail singulier et que nous avons scrupuleusement 
vérifié parla suite : presque toutes les lames, longues mais 
très communes d'ailleurs, sont de provenance européenne. 
Elles sont, je crois, fabriquées à Solingen; c'est d'ailleurs 
une constatation faite par Barth ou par Nachtigal, chez 
les Touaregs, qui ont également le môme modèle d'épées. 

Nous avons pu nous procurer quelques modèles fabri- 
(jués dans le pays; ils sont de beaucoup plus artistiques 
et surtout de meilleure qualité. Ils n'ont pas, il s'en faut, 
la même valeur marchande auprès des indigènes. 

Lamé est situe dans une vaste plaine, nue, à peine 
ondulée, ridée par quelques ravins et d'une teinte unifor- 
mément fauve. On se croirait sur les hauts plateaux algé- 
riens. 

La monotonie du paysage est seulement rompue par 
un pic rocheux et gris sombre, qui se profile durement 
sur le ciel bleu, à l'horizon. 

« C'est là, nous dit le vieil Abba, notre deuxième guide, 
(fue nous devrons nous rendre demain. C'est l'Hadjar 



DU LOGONE AU PAYS DES LAKAS 311 

Goumbaïré, limite Est de l*Adamaoua. Tous les gens de 
Lamé se mettraient sur le pied de guerre, si une troupe 
un peu importante de Foulbés, en armes, essayait de 
franchir ce point, et les Lakas, avec lesquels vous avez 
moins fait amitié, ne seraient pas les âpres à défendre la 
frontière. » 



CHAPITRE XV 



L'ADAHAOLA 



L'Adainaoïia. — Les premiers villages. — Gueroua. — Coup d'œif 
d'ensemble sur les Foulbés, Yola, le ponton anglais. — A travers 
TAdamaoua. — Gangomé. — Le Mouri. — Bakoundi. — Ren- 
contre avec .MM. Nebout et Cbabredicr de la mission Mizon. — Ibi. 
— La Benouc. — Le Niger. — Akassa. — Départ pour l'Europe. 



Le 16 janvier, avant le jour, nous nous mettons en roule. 
Nous sommes tous transis de froid, le thermomètre 
accuse -f- 9, mais nous serions tentés de croire que la tem- 
pérature est bien moins élevée. 

A chaque halle, nos hommes allument de petils feux 
pour réchauffer leurs membres engourdis. 

Ces foyers, qui s'éclairent comme par enchantement 
dans la brume du matin, nous réchauffent au moral comme 
au physique. 

C'est encore « aux sauvages », comme ils les appellent 
avec mépris, que nos Sénégalais et nos Kroumans, ces 
pseudo-civilisés, doivent de pouvoir se procurer du feu à 
tout instant et en tous lieux. 

Au début, tant que nous eûmes des allumetles, notre 
cuisinier Dominique élait le fournisseur attitré de la cara- 



L'ADAMAOUA 313' 

vane. Mais, bientôt, il fallut prendre modèle sur les indi- 
gènes et ceux-ci, depuis la Kemo jusqu'à TAdamaoua, ne 
voyagent jamais sans être munis d'un sac de cuir, dont 
la forme change selon les régions, mais qui contient 
invariablement : un briquet en fer, quelques silex, de 
Tamadou ou du colon imbibé d'huile et des petites brin- 
dilles de bois pourri. 

Bientôt tous nos hommes faisaient l'acquisition d'un de 
ces nécessaires, qui, en pays civilisé, n'est guère plus per- 
fectionné, et, en tous cas, ne fonctionne pas mieux que 
cet outillage primitif entre les mains de sauvages. 

On peut dire que l'usage du briquet est général; quant 
à l'emploi des bâtonnets frottés l'un contre l'autre pour 
obtenir du feu.... la légende l'a retenu, mais aucun d'entre 
nous ne l'a vu pratiquer. 

Notre marche s'effectue sur un plateau fortement acci- 
denté et rocailleux. On aperçoit dans le S.-O. le massif 
assez imposant du Bouba-N'jidda. Devant nous, un petit 
contrefort se détache de l'Hadjar Goumbairé pour se 
diriger vers le N.-E. 

Contrairement à ce qui est indiqué sur les cartes, le sys- 
tème orographique parait dans celte région suivre en 
général une direction N.-S. 

Nous sommes enfin dans cet Adamaoua, que nous déses- 
périons d'atteindre, et que nos hommes considèrent comme 
la terre de Chanaan, la fin de leurs fatigues. 

J'extrais, de mon journal de route, les lignes suivantes 
à la date du 18 janvier : 

« Des pierres, des pierres et encore des pierres qui 
nous font trébucher à tous moments. Le paysage, heureu- 



314 AUTOUR DU TCHAD 

sèment, est magnifique et THadjar Goumbairé, que nous 
admirons toujours à notre droite, nous empêche, par la 
beauté de ses sites, de songer aux nombreux ruisseaux, 
ravins et rivières qu'il nous faut traverser au prix de 
nombreuses fatigues. Puis nous rencontrons le lit desséché 
de rivières qui doivent être très importantes aux hautes 
eaux. Le Mayo Sanganaré, 50 mètres de large environ, le 
Mayo Fabi, 35 à 40 mètres, le Mayo Djaraudé, 40 mètres, 
laissent apercevoir, sous le sable doré et semé de paillettes 
de mica qui miroitent au soleil, une nappe d'eau, claire et 
fraîche, qui nous fait oublier Taridité des mamelons et les 
nombreuses glissades sur les cailloux roulants. » 

Chaque point d'eau nous vaut une halte, autorisée ou 
non. Il est curieux de remarquer que le noir, très dur, 
en général, à la fatigue, supporte, même dans son pays, 
plus difficilement la soif que TEuropéen dépaysé et soumis 
à des fatigues équivalentes. Rien ne saurait les empêcher 
de faire halte et de boire à toutes les sources, à toutes les 
mares, à tous les trous d'eau bourbeuse. 

Nous traversons une région déserte, dépourvue de 
villages, mais dont les routes paraissent cependant très 
fréquentées. Entin, le 19 novembre, nous atteignons un petit 
village d'aspect fort agréable bien que les cases semblent 
assez délabrées et les cultures fort négligées. Devant les 
cases des femmes, au teint jaune, vêtues d'étoffes de cou- 
leur claire, nous ne songeons pas à observer les détails 
du costume. Privés de la vue de « blancs » depuis de longs 
mois, ces femmes et ces hommes (que Ton considérerait 
comme des nègres en Europe) nous semblent atteints de 
lièvre, tant leur teint nous paraît pâle, blanc! 



L'ADAMAOUA 315 

Nous sommes à Aoudjali, le premier village de l'Ada- 
maoua, exclusivemeut habité par des Foulbés, mais nous 
n'y faisons point halle ; nos guides nous engagent à pousser 
jusqu'à Gadé, important village situé au pied du Djebel 
Âdamri. 

Cette partie de TAdamaoua a été fort peu, ou plutôt 
point du tout explorée. Après les régions plates et mornes 
que nous venons de traverser, ce magnifique pays nous 
semble plus intéressant que les plus beaux paysages 
alpestres. C'est peut-être aussi parce qu'ils en rappellent 
les caractères généraux. 

Bien que le pays soit extrêmement tourmenté, les routes 
sont très agréables maintenant, elles sont larges et très 
fréquentées. 

Nous atteignons Gadé, important village très peuplé et 
marché très important. Ce n'est pas le jour de la tenue, 
mais, à peine sommes-nous arrivés, que la foule des mar- 
chands et surtout des marchandes installent leurs éven • 
taires. 

Dix minutes de séjour à Gadé en apprennent plus sur 
le caractère et les mœurs des Foulbés, que bien des dis- 
sertations. Nous avons affaire à une population essentielle- 
ment commerçante, douce, tranquille et en apparence aussi 
peu guerrière que possible. 

Les étoffes bleues et blanches sont très demandées. 
Hommes et femmes sont très connaisseurs, ils manipulent 
nos guinées, nos toiles, nos cotonnades comme le ferait le 
plus expert des voyageurs de commerce. Ils sont satisfaits 
de leur examen, mais leurs prix nous semblent excessifs. 
Ils ne se contentent plus, comme les fétichistes, d'un petit 



316 AUTOUR DU TCHAD 

carré d'étoffe à peine suffisant pour confectionner un 
bonnet. Nos marchands composent des lots de denrées, de 
volaille, de façon à ce que leur valeur soit égale à un 
« félel », deux ou trois « fétel », selon les besoins d'étoffes 
qu'ils peuvent avoir. 

Le « félel » est Tunité de mesure et vaut six coudées. 
Les Sénégalais du Foula ïoro, qui parlent la langue des 
Foulbés, appellent également les fusils « félel ». Est-ce 
parce que ces armes, dans leur pays, comme chez les 
Arabes, ont une longueur démesurée, atteignant celte 
dimension; ou bien le fusil a-t-il servi, lors de son appa- 
rition, d'unité de mesure chez les Foulbés? Je ne puis le 
dire. 

Une arme servant de base au sysléme métrique d'une 
peuplade de mœurs aussi douces, ce serait assez étrange! 

Nous contournons le versant septentrional du Loddo, 
puis, après avoir traversé les villages deïoumbaïrc, Dioro 
Adam, nous allons nous inslaller près de Dioro Dri, où se 
lient un marché plus important que celui de Gadé. 

Les métiers à tisser attirent notre attention. C'est une 
réduction en miniature du métier primitif en usage sur 
presque toute la surface du globe. La largeur de la pièce 
tissée ne dépasse jamais 7 centimètres. Ces bandes fort 
longues, par exemple, enroulées sur elles-mêmes, consti- 
tuent ce que Barlh et Nachtigal désignaient sous le nom de 
« turkedis » ; ce nom est inconnu dans la région. 

Nous traversons le village de « Kenni », puis celui de 
« Gouroundoko », où se trouvent des palmiers couverts de 
régimes de dalles, mais ces fruits, paraît-il, n'arrivent 
jamais à maturité. 



• LADAMAOUA 317 

La traversée du village de « Deulmi », où se tient un 
marché très fréquenté, nous prend presque une heure. 
Nous avançons entre deux haies d'hommes, de femmes, 
d'enfants et de fort jolies jeunes filles, qui nous prodiguent 
les salutations et les souhaits de bienvenue. 

Toute la gamme des couleurs, sous un beau ciel pur et 
un gai soleil, vient réjouir Tœil des plus indifférents. 

Puis sur une jolie placette, bien éclairée, cinq grandes 
cuves au ras du sol, entourées de grands diables, les bras 
et les jambes couverts d'une boue violacée, qui étendent 
des tuniques, des pièces d'étoffe sortant des cuves. C'est 
une teinturerie. 

A la sortie du village, Abba me montre, dans TEst, 
l'Hadjar Gradé. Le 21 janvier au soir, nous traversons la 
Benoué, en face du village de Douli. Le passage s'effectue 
sans la moindre difficulté; la rivière mesure environ deux 
cents mètres de large en cet endroit et sa profondeur ne 
dépasse pas un mètre. C'est d'ailleurs un gué très fré- 
quenté. 

Le lendemain, nous étions arrêtés sur la rive gauche de 
la Bénoué, en face de « Guéroua », et nous constations à 
notre grand regret que les Européens n'y étaient plus. 
Ali nous montre l'endroit où était amarré le bateau de 
notre compatriote et le ponton anglais, mais, au dire 
des indigènes, ces derniers sont partis depuis long- 
temps. 

Dès que notre arrivée est connue, nous recevons un 
grand nombre de visites, entre autres celle du « lamido- 
mayo », maitre de la rivière. Nous lui faisons un cadeau, 
car c'est lui qui doit assurer le passage et, en cet endroit. 



318 AUTOUR DU TCHAB 

la rivière est encaissée et profonde, il faut la traverser en 
pirogue. 

Très étonné de l'importance du cadeau, le lamido nous 
demande si c'est un présent destiné à Maliem-Issa, le 
gouverneur de Gueroua. Lorsqu'il apprend que c'est à lui, 
modeste fonctionnaire, que nous offrons ces richesses, il 
nous déclare que nous n'avons dès maintenant à nous 
occuper de rien et qu'il se charge de tout. En effet, peu 
de temps après, nous étions campés sur la rive opposée et 
les habitants de Guéroua nous offraient l'accueil le plus 
hospitalier. 

Guéroua est une très forte agglomération, assez bien 
située à peu de dislance de la Benoué. Elle produit bonne 
impression, grAce à ses nombreux bananiers, papaïers et 
palmiers. 

Un marché quotidien des plus importants est fréquenté 
par une grande quanlilé d'hommes et de femmes. C'est 
l'un des premiers endroits où nous voyons de la viande 
abattue et débitée au détail. Les étoffes et les vêtements 
confectionnés, les sandales en cuir habilement travaillé 
sont apportés de tous les points de l'Adamaoua, du Sokoto 
et même du Bornou. 

On y traite également quelques affaires de gomme, 
d'ivoire, de sel en quantités minimes, et aussi, il faut 
bien le dire, les esclaves. Mais ceux-ci ne sont pas exposés, 
les marchands les gardent h domicile. Enfin nous trouvons 
sur le marché de Guéroua, au milieu de nombreux échan- 
tillons de légumes indigènes, des oignons et de Tail, et 
quehjues rares objets de provenance européenne. 

Les Foulbés, qui sur eux sont d'une propreté remar- 



L'ADAMAOUA 319 

quable, paraissent négliger l'enlrelien des abords de leurs 
villages, qui sont généralement entourés d'immondices et 
de détritus de toutes sortes. En revanche, leurs habitations, 
bien construites et très confortables, pourraient rivaliser do 
propreté avec un intérieur hollandais. 

Les Bornouans qui habitent Guéroua ont notamment 
des intérieurs relativement luxueux; des alcôves en poterie 
peintes de couleurs voyantes, et surtout de gracieuses 
colonnettcs, construites exclusivement avec des marmites 
superposées et peintes. Il est vrai de dire que cet usage 
n'est pas général, c'est une sorte de « réclame ». Les 
Bornouans qui habitent ces cases, semblables à l'extérieur 
à celles des fétichistes, sont en effet d'habiles potiers. Tous 
les étrangers qui sont à Guéroua exercent une industrie 
quelconque. Beaucoup sont teinturiers. 

Nous remarquons également, chez des Foulbés cette 
fois, des objets figurés en relief contre les murs et peints. 
Ils représentent, assez grossièrement du reste, des san- 
dales, des épées, des pipes ou des planches à Coran. Nous 
sommes d'ailleurs chez un taleb (lettré), qui enseigne le 
peu qu'il sait, quelques versets du Coran, à un petit groupe 
de jeunes garçons à la mine éveillée, à l'air intelligent. 

Le type des Foulbés, de race pure, est loin d'être désa- 
gréable et diffère absolument du type nègre. D'ailleurs, 
s'il faut en croire certains auteurs, les Foulbés apparlien- 
draient à la race sémitique. Suivant, en cela, la loi qui 
paraît présider aux migrations des peuples africains, les 
premiers Foulbés (au singuHer Poullo) viennent de l'Est. 
C'est le seul renseignement qu'eux-mêmes peuvent nous 
fournir. On leur a donné comme berceaux TAbyssinie et 



320 AUTOUR DU TCHAD 

les Indes. On relrouverail, paraît-il, dans leur langage (le 
poulard) des racines malaises. On a même voulu voir en 
eux Tune des douze tribus dlsraël, refoulée par les musul- 
mans et contrainte bientôt à se converlir à Tislamisme. 

Quoi qu'il en soit, ils se défendent fort d'appartenir à la 
race nègre et nos Sénégalais du Fouta-Toro, bien que par- 
lant leur langue, étaient considérés, non comme des com- 
patriotes, mais comme des esclaves de Foulbés, à cause 
de leur teint trop foncé. 

Les Foulbés de TAdamaoua sont généralement petits de 
taille. La tête est fine et assez délicate, le front découvert. 
Les yeux, très expressifs, sont quelquefois d'un gris bleuté. 
Enfin leur nez aquilin, leurs lèvres minces et surtout leur 
teint clair, permettent de les considérer comme apparte- 
nant à la race sémitique. 

C'était en principe un peuple essentiellement pasteur, 
qui s'est avancé peu à peu jusque dans les régions où nous 
le trouvons et qui, par des conquêtes, tantôt pacifiques, 
tantôt guerrières, s'est implanté dans ce pays, qui reçut le 
nom d'Adamaoua en souvenir de son fondateur, Adama. 

Du temps de Barth, en 1852, l'Adamaoua était sous la 
dépendance de Mohammed Loël ^ Celui-ci en mourant 
laissa deux fils : Omar Sanda, qui est décédé, et Djebaïrrou, 
qui lui succéda et gouverne actuellement l'Adamaoua. 

Djebaïrrou ' n'oublie pas (jue son aïeul Adama échan- 



i. Peut-être serait-il plus exact de dire Mohammed Louel ou 
mieux Mohammed 1*'. Louel signifie premier en arabe. — Barth se 
servait de la langue arabe pour converser avec les Foulbés. 

2. Depuis quelque temps, on désigne en Europe le lamido d'YoIa, 
Djebaïrrou, sous le nom de Zoubir, pour les mômes raisons, sans 
doute, qui ont fait transformer les noms de Mohammed en Mahomet 
et Mrabetin en Almoravides. 



L'ADAMAOUA 



321 



geait voionlicrs le bdlon du pasteur coiilre la lance du 
guerrier. En ce moment, en effet, il est allé faire une 
incursion chez des peuplades fétichistes qui refusent de 
lui payer tribut. 




Il a quelquefois aussi à réagir contre les tendances de 
certains petits chefs de provinces qui montrent des velléités 
d'indépendance, mais, en somme, il paraît jouir d'une 
réelle inlluencc. 



322 AUTOUR DU TCHAD 

La paix et la tranquillité la plus parfaite semblent 
régner dans toutTAdamaoua. Les voyageurs et les traitants 
étrangers le parcourent isolément ou par petits groupes, 
sans èlre le moins du monde inquiétés, bien qu'ils aient 
souvent avec eux de très grandes quantités de marchan- 
dises, d'ivoire ou de gomme. Les femmes circulent libre- 
ment sur les grandes routes, sans ôtre accompagnées, elles 
parcourent de grandes distances pour se rendre sur les 
marchés : ce qui tendrait à prouver que la sécurité la plus 
complète existe dans le pays. Je ne me hâte cependant pas 
de conclure, car, s'il faut s'en rapporter à notre guide Ali, 
les femmes foulbés « n'ont peur de rien ». « Elles ne sont 
pas en peine de se trouver un chevalier parmi vos hommes 
lorsque la nuit les surprend au moment de rentrer au 
logis », nous dit-il. Cette fois encore, l'observation d'Ali 
est très juste, mais j'aime à croire que, sur cette question, 
naturellement ses études n'ont porté que sur le cercle 
restreint de ses connaissances féminines. 

Le mercredi 25 janvier, nous quittons Guéroua au 
milieu d'un grand concours d'habitants, venus pour nous 
adresser des vœux de bon voyage. 

A partir de ce point, l'Adamaoua a été exploré non seu- 
lement par les Anglais et les Allemands, mais encore par 
notre compatriote le lieutenant de vaisseau Mizon. Nous 
savions qu'il devait y revenir, nous avions donc toutes 
sortes de bonnes raisons pour considérer notre mission 
comme terminée. 

Du reste, il fallait nous hâter de gagner Yola, car nos 
ressources nous permettaient à peine cinq à six jours de 
marche. 



L'ADAMAOUA 323 

Le 27 janvier, nous coupons Tilinéraire suivi par Barth, 
en 1852, au village de Taëpé ou Taéfé. C'est un entasse- 
ment de cases, habitées par une population de fétichistes 
qui gardent les troupeaux de riches propriétaires foulbés. 
Nous rencontrons précisément en route trois de ces trou- 
peaux que Ton conduit aux champs. Les bœufs qui les 
composent sont des zébus, bœufs à bosse, en parfait état 
d'entretien, et les types que nous voyons nous donnent une 
excellente opinion de la race. Nous traversons de nombreux 
et beaux villages et nous campons à Ouro N'douli, magni- 
fique oasis de bananiers et de citronniers, dont la popula- 
tion est en majeure partie originaire du Bornou. 

Le 29 janvier, nous rencontrons une sorte de petite ville, 
d'aspect fort coquet, coupée en deux par une large rivière 
aux berges hautes. C'est Guiré, résidence d'été du gouver- 
neur d'Yola. C'est la dernière que nous rencontrerons 
avant d'atteindre la capitale. 

A onze heures et demie, Ali nous montre dans la rivière 
une ligne blanche, une sorte de toiture flottante abritée 
par une colline : « Réjouissez-vous, plus de cafers 
(infidèles, fétichistes), plus de fatigues, vous voici arrivés! 
Vous allez voir des blancs comme vous et prendre un 
repos bien mérité! » Et il s'élance auprès des clairons, les 
houspillant et les invitant à annoncer notre arrivée par de 
joyeuses fanfares. Il est presque plus heureux que nous 
d'être arrivé au terme du voyage, d'avoir réussi à nous 
mener à Yola sans encombre et, certes, il en a le droit! 
Nous devons à cet excellent compagnon ainsi qu'au vieil 
Abba une bonne partie de l'heureuse issue de notre fin de 
campagne. Grâce à eux, nous avons eu partout un excel- 



324 AUTOUR DU TCHAD 

lent accueil et jamais la moindre difficulté. Sans leur con- 
cours, la durée de notre voyage se serait certainement pro- 
longée d\m mois encore.... II nous restait à notre arrivée 
à Yola, 29 janvier 1893, juste de quoi donner deux jours 
de vivres à nos hommes ! 

M. John F. Bradshaw vint à notre rencontre et nous 
offrit l'hospitalité la plus aimable et la plus cordiale à 
bord du ponton Afrika dô la Royal Niger Company, 
qui lui sert de résidence et de comptoir. 

M. Bradshaw nous avait fait aménager des cabines à 
son bord et il avait fait construire, à terre, des cases 
pour recevoir nos hommes. 

Nous comptions redescendre la Renoué en canot, mais 
les eaux du fleuve avaient atteint leur niveau le plus bas. 
Il n'y fallait pas songer. D'ailleurs le représentant de la 
Royal Nigei' Company ne possédait qu'une énorme cha- 
loupe qui ne pouvait naviguer et les pirogues sont absolu- 
ment rares dans la région. Il fallut nous résoudre à suivre 
la route de terre jusqu'à Ibi, point où la navigation à 
vapeur est possible en toutes saisons, dès que nous aurions 
pris quelques jours de repos et reconstitué notre pacotille. 

La description que Barth donne de Yola nous faisait sup- 
poser une ville relativement considérfible avec des cons- 
tructions, sinon remarquables, du moins avec quelques 
maisons essayant d'imiter, même naïvement, le style mau- 
resque. Notre désappointement fut grand! 

Yola est, en apparence, moins important que Laï. La 
ville est fort triste, sauf sur l'emplacement du marché. 
Nous parcourons les lieux décrits par Barth, mais nous 
cherchons en vain les constructions qu'il décore du nom 



L'ADAMAOUA 325 

pompeux de « palais ». Du reste nous allons ùire bientôt 
fixés, car nous nous rendons chez le vice-gouverneur, qui 
doit nous recevoir en audience, en l'absence du gouverneur 
d'Yola. 

Nous suivons une muraille en terre, haute de quatre 
raèlres et surmontée de buissons épineux. Une porte basse 
dans le mur nu et une sorte de vestibule formé par une 
case ronde à deux issues : c'est là que se tiennent les servi- 
teurs et quelques solliciteurs privilégiés. Nous traversons 
une première enceinte de murs qui renferme les trou- 
peaux, puis une seconde, dans laquelle se trouvent les 
habitations des familiers et des esclaves. Sur le seuil de la 
troisième enceinte une case ronde assez mal recouverte en 
chaume, formant vestibule comme la première, sert de 
salle d'audience. Au delà, se trouvent les cases réservées à 
la famille de Toukil (fondé de pouvoirs, vice-gouverneur) : 
voilà ce palais! Murailles à part, les cases des N'gapoux 
paraissent plus confortables! 

Assis sur un tapis de provenance européenne, un beau 
vieillard anguleux et diaphane nous reçoit avec un 
empressement marqué et un grand luxe de formules de 
politesse : c'est le lamido Bobo-Ahmadou, vice-gouver- 
neur d'Yola. Sa physionomie ne manque pas d'un certain 
caractère; il ne serait pas déplacé dans un cadre plus 
majestueux, car, hormis son porte-glaive, son entourage 
paraît peu digne d'un personnage aussi important. 

Notre visite n'ayant aucun but politique, la conversation 
a simplement trait à des généralités. Bobo-Ahmadou 
paraît prendre intérêt au récit de notre voyage. 

Enfin, après force compliments, nous le quittons en lui 



326 AUTOUR DU TCHAD 

promettant de revenir le voir. Nous lui remettons le 
cadeau destiné au gouverneur Djebaïrou, et lui-même 
reçoit un présent qui lui procure une joie qu'il ne cherche 
pas à dissimuler. 

Le lendemain, nous recevions de sa part un magnifique 
bœuf qui fut accueilli par les cris de joie de nos hommes. 

Une seconde visite au lamido Bobo-Ahmadou, pour lui 
faire nos adieux, nous permet d'affirmer que notre pas- 
sage devait laisser une excellente impression auprès des 
gouvernants et de la population d'Yola, avec laquelle nous 
sommes restés en excellents rapports pendant les huit jours 
que nous employâmes à faire nos préparatifs de départ '. 

M. Bradshaw nous avait procuré à 1res bon compte six 
chevaux et leur harnachement. Grâce à son obligeance, 
nous avions remonté notre pacotille; il avait en outre abso- 
lument épuisé sa réserve pour nous munir d'excellentes 
conserves d'Europe, qui arrivaient fort à point pour nous 
faire oublier les privations que nous endurions depuis un an. 

Le 4 lévrier, à midi, nous quittons Yola, nous dirigeant 
vers le centre important de Laro. Pour éviter la route 
extrêmement accidentée qui longe la Renoué et présente 
des difficultés considérables, pour notre personnel épuisé, 
nous devons descendre vers le sud, et de Laro nous diriger 
vers Kountcha; de ce point la route est directe jusqu'à Ibi. 



1. YoIa est un marché très important fréquenté par les Arabes 
Algériens, des Tunisiens, des Tripolitains, des Bornouans et même 
des Egyptiens,dont un, surtout, jouit d'un certain crédit auprès du 
lamido. Les précieux renseignements fournis par ce dernier et par 
les marchands étrangers (qui sont aussi de hardis voyageurs), en 
résidence à Yola lors de notre passage, ne peuvent entrer dans le 
cadre de ce livre. Us feront l'objet d'une publication spéciale, qui 
paraîtra prochainement. 



L'ADAMAOUA 327 

Cet itinéraire, plus long en apparence, abrège sérieuse- 
ment celle partie de notre voyage, parce que le chemin, 
excellent à tous les points de vue, et parfaitement prati- 
cable, nous permet de doubler les étapes sans fatiguer nos 
hommes d'escorte. Ceux-ci croyaient leurs épreuves ter- 
minées à Yola, où nous comptions trouver des vapeurs, et 
l'annonce d'une marche à pied qui devait durer un mois 
les avait quelque peu découragés. 

Nous n'eûmes pas à nous plaindre d'eux et ils supportè- 
rent courageusement ce surcroît de fatigues. De Kountcha 
à Gangomé nous traversons sans incident un pays mer- 
veilleusement pittoresque, extrêmement montagneux et 
hérissé de pics escarpés qui atteignent des proportions 
considérables; la route, généralement à flanc de coteau 
ou serpentant au fond des vallées, s'effectue sans efforts 
jusqu'à Gangomé, le village qui sert de limite à l'ouest 
à ce pays que, depuis THadjar Goumbaïré, nous venions de 
parcourir dans sa plus grande largeur. 

En arrivant à Gangomé nous nous trouvons, par un de 
ces brusques changements de décor si fréquents en 
Afrique, sans transition aucune, en présence d'une végé- 
tation absolument différente. 

Après avoir éprouvé, depuis Yola, Tillusion de la 
Suisse : des montagnes escarpées couvertes d'arbres qui 
prenaient des faux airs de sapins, nous avons tout à coup 
devant les yeux un paysage congolais avec ses « bombax » 
gigantesques, ses lianes, et ses sous-bois impénétrables. 
« Serions-nous retournés chez les Bondjios! » demandent 
nos hommes avec stupeur. Et leurs craintes deviennent 
sérieuses lorsqu'ils voient arriver un cortège d'Hercules, 



328 AUTOUR DU TCHAD 

presque nus, qui franchissent une porte ménagée dans une 
palissade, en tous points semblable à celles qui entourent 
les villages de TOubangui. 

Heureusement qu'il se trouve, à Gangomé, un Foulbé 
pour rassurer notre monde : « il leur dit que le village est 
peuplé de païens Tchambas^ esclaves du lamido de 
Kountcha, et il ajoute qu'en marchant bien nous pourrons, 
en deux jours, atteindre Bakoundi dans le « Mouri », où 
les Anglais possèdent une importante factorerie. » 

C'est plus qu'il n'en faut pour leur redonner confiance. 

Le 22 février, nous traversons le curieux village de Gan- 
gomé, littéralement enfoui dans les taillis et bien défendu 
par sa triple enceinte de pieux; puis, après être passés à 
BcUi, gros village fortifié, et peuplé en majeure partie de 
Haoussas, nous atteignons Bakoundi. 

C'est une ville importante, située sur la rive gauche d'un 
des principaux affluents de la Bcnoué. 

Le 25 février, dès notre arrivée, nous allons faire 
visite au chef, fort beau jeune homme à la physionomie 
intelligente, qui nous accable de questions sur notre 
voyage. Il a vu les Anglais de près, alors qu'ils occupaient 
encore leur importante factorerie, et s'est rendu compte de 
tous les avantages de la civilisation européenne. 

Il ne peut comprendre, par suite, que des gens, habi- 
tués comme nous au bien-être et au confort, se soient 
imposé volontairement des fatigues et des privations 
sérieuses pour visiter le pays des Gafers...! le Bled el 
Abid (la Région des esclaves). 

Je ne puis résister au plaisir de citer une anecdote qui a 
marqué notre séjour à Bakoundi. 



L'ADAMAOUA 329 

Je remprunte à mon excellent ami et compagnon de 
voyage Clozel. Je le fais d'autant plus volontiers que ce 
m'est une occasion de rappeler que Clozel, après un court 
séjour en Europe, à peine remis de la terribe maladie 
qui menaçait de l'emporter en pays laka, n'a pas hésité à 
repartir vers ces régions lointaines pour continuer fœuvre 
de la mission Maistre et explorer de nouvelles régions. 

Dans l'après-midi, le chef que nous avions déjà vu, 
envoya demander Tun de nous; Clozel se rendit à sa 
résidence et voici comment il raconte son entrevue : 

« Je fus introduit, non plus dans la salle d'audience, mais 
plus loin, dans une petite cour qui précédait immédiate- 
ment les appartements privés du chef. 

« Celui-ci ne se fit pas attendre et vint s'asseoir par terre 
en face de moi. Après les compliments d'usage, toujours 
fort longs et compliqués : 

« Abderrahmann », me dit-il (Abderrahmann est le nom 
que s'était donné le voyageur allemand Flegel, pendant 
son voyage dans l'Adamaoua), « est passé par Bakoundi en 
« retournant dans le pays des blancs. Il emmenait avec lui 
« un vieillard de Yola que vous avez pu voir, car il vit 
« encore. Ce vieillard n'avait plus de dents dans la bouche. 
« Quand il repassa par ici pour retourner à Yola, il possé- 
« dait des dents superbes qu'il ôtait et remettait à volonté. 
« Seulement, j'ai appris depuis que ces dents s'étaient 
« cassées et qu'aucun ouvrier de l'Adamaoua n'avait pu les 
« réparer. Est-il vrai que, dans votre pays, on puisse 
« fabriquer de pareilles merveilles? » 

« Je me hâtai de lui répondre que rien n'était si com- 
mun, que nos artisans confectionnaient aussi des cheveux 



330 AUTOUR DU TCHAD 

et des yeux pour ceux qui u'en avaient pas, et je quit- 
tai mon interlocuteur enchanté. » 

J'eus un soupir de soulagement lorsque Clozel nous 
rendit compte de sa visite. En effet, nous étions avisés que 
le lieutenant Mizon était dans la partie septentrionale du 
Mouri. Ne connaissant pas les projets de notre compa- 
triote, nous ne pouvions, dans la crainte de contrarier ses 
plans, répondre d'une manière satisfaisante aux questions 
t|ue le chef de Bakoundi ne manquerait pas de poser. 
D'autre part, nous étions dans une factorerie appartenant 
à la Royal Niger Company, et son représentant à Yola 
avait eu à notre égard une altitude tellement correcte, que 
nous étions tenus à la plus extrême réserve, si le jeune 
chef désirait avoir notre avis sur la Compagnie anglaise. 
Aussi, au départ de Clozel, je craignais que l'entrevue 
demandée par le chef eût pour objet quelque question 
indiscrète sur ce sujet. Pour cette fois, le jeune chef vou- 
lait simplement élucider une question industrielle. Sa 
curiosité était plus facile à satisfaire. Il est certain que le 
gouverneur n'ignorait pas les rivalités qui existent entre 
TAngleterre et la France au sujet de ces régions. C'est 
même le seul chef qui ait paru s'en soucier quelque peu. 
Malgré sa réserve et les circonlocutions orientales dont il 
entourait ses discours, il était visible qu'il aurait désiré des 
renseignements circonstanciés sur la politique que les 
deux compétiteurs comptaient suivre dans le pays. 

Il ne nous appartenait pas de le fixer à cet égard. 
Nous dûmes faire séjour, le 26, à Bakoundi. Nos porteurs 
et une bonne partie des Sénégalais de l'escorte comptaient 
déjà deux ans de campagne. Continuellement en marche 



L'ADAMAOUA 331 

et constamment chargés, décimés par la variole, il était 
temps de les rapatrier. Nos marchandises étaient égale- 
ment bien réduites et les vivres coûtaient fort cher. 

Nous eûmes la visite du chef et de quelques-uns des 
principaux habitants, qui défilèrent en une cavalcade vérita- 
blement curieuse. Outre la musique habituelle, composée 
de clarinettes et d'énormes tambours, le cortège était 
précédé de deux piétons marchant à une allure très vive 
et soufflant à pleins poumons dans d'énormes trompettes, 
longues de 1 m. 50, qui donnaient deux ou trois notes 
prolongées d'un effet très bizarre. 

Nous quittons Bakoundi le 27, et, le 28 février, nous 
atteignons le village de Serki-N'Bornou. Dans la soirée, 
un indigène remet à M. Maistre une lettre envoyée par 
M. Nebout, qui arrivera lui-même le lendemain. 

Briquez et moi attendons avec impatience l'arrivée de 
cet excellent camarade, qui a fait avec nous la précédente 
campagne et qui a su se faire aimer et estimer de tous. 

11 arrive enfin, et c'est avec une émotion des plus vives 
que nous tombons dans les bras l'un de l'autre. Avec lui 
se trouve M. Ghabredier, qui fait également partie de la 
mission Mizon. Sa droiture, sa loyauté et sa franchise, 
lui acquièrent bientôt toutes nos sympathies. 

Nebout apporte à M. Maistre des dépêches du lieute- 
nant Mizon. Il nous donne aussi des nouvelles d'Europe, 
vieilles de cinq mois, mais récentes pour nous, qui, depuis 
un an, n'avons plus reçu de courrier. Nous passons une 
bonne partie de la nuit à nous entretenir avec nos amis, 
et c'est avec la plus profonde tristesse qu'il faut nous 
séparer d'eux. 



332 AUTOUR DU TCHAD 

Le 3 mars, nous quittons Serki-N'Bornou, non sans 
dissimuler une larme en voyant s'éloigner Nebout et Cha- 
bredier : nous savons par expérience quelles dures 
épreuves attendent nos amis! Notre tûche est terminée 
depuis longtemps, mais eux vont bientôt entrer dans la . 
période d'action ; quel sera le sort que l'avenir réserve à 
nos deux amis! La pluie vient ajouter à notre tristesse. 
Depuis quelque temps en effet, quelques ondées nous 
annoncent l'approche de la saison des pluies. Nos hommes 
sont las et se traînent péniblement. 

Enfm, le 6 mars, nous atteignons Ibi, poste important 
de la Royal Niger Company sur la Benoué. 

Une réception des plus franches et des plus cordiales 
nous est faite par MM. Hill et Spinck, représentants de la 
Compagnie. Des logements sont préparés dans le char- 
mant « cottage »• de construction récente, qu'ils habitent 
dans le haut de la ville. Ils nous font ensuite visiter une 
immense factorerie, située près de la Benoué, avec un 
appontement pour permettre aux navires d'accoster; de 
magnifiques jardins, des magasins immenses, des loge- 
ments d'employés et un corps de bâtiment fort coquet et 
très confortablement aménagé. Devant notre admiration 
en présence de ce vaste établissement aussi merveilleuse- 
ment installé, nos hôtes conviennent, avec la meilleure 
grâce du monde, que tout l'honneur de cette œuvre remar- 
quable appartient à une « compagnie française ». Le direc- 
teur général, qui était jadis notre compatriote, le com- 
mandant Mattéi, homme entreprenant et énergique, avait 
su, avec de faibles moyens, tirer un immense parti des res- 
sources du pays. Un grand nombre de factoreries semblables 



L'ADAMAOUA 333 

avaient été créées sur différents points de la basse Benoué 
et du bas Niger. 

Il y a dix ans, pour des raisons que je n'ai pas à exa- 
miner, la Compagnie française fut obligée de vendre ses 
établissements. L'Angleterre ne pouvait laisser échapper 
cette superbe occasion de s'emparer des bouches du Niger 
et, du même coup, de s assurer Tune des meilleures voies 
de pénétration vers Tintérieur : la Royal Niger Company 
fit Tacquisilion des comptoirs et des territoires sur les- 
quels flottait jadis notre pavillon. Nous supportons aujour- 
d'hui les dures conséquences de cette substitution qu'il 
eût été, cependant, très facile d'éviter! 

Le 11 mars, le vapeur Binné et deux chalands empor- 
taient toute la mission et descendaient rapidement la 
Benoué et le Niger. 

Arrivés, le 24 mars, à Akassa, entrepôt de transit de la 
Compagnie anglaise, nous quittions ce port le 30 mars 
1893, et nous faisions route pour l'Europe à bord du 
paquebot Angola de Y Africain S team Ship Company, 
Une partie des membres de la mission comptait quatorze 
mois et vingt jours de campagne; l'autre, celle qui avait 
pris part aux deux expéditions, deux ans et quinze jours. 

A ce jour la mission Maistre avait parcouru 5228 kilo- 
mètres dans le Continent africain. 

Partis six Français du poste de la Kemo, nous étions tous 
les six sur le pont du paquebot qui nous ramenait en France. 

Notre personnel noir avait été, par contre, sérieuse- 
ment éprouvé. Nous ne pouvions, hélas! rapatrier que 
cent trente-deux hommes seulement, sur un effectif de 
cent quatre-vingts au départ. 



CHAPITRE XVI 



L'ŒUVRE DE LA MISSION HAISTRE 
L'AVEIWIR. — COIVCLUSIONS 



Il ne m'appartient pas de dire dans quelle mesure 
chacun a contribué à la réussite de Tceuvre, ni de fixer 
fimportance de notre tâche terminée. Je me suis borné à 
recopier presque mon journal de route, afin de permettre 
simplement au lecteur de juger, par lui-même, ce que 
nous avons fait. 

Bien que nous nous soyons heurtes contre l'impossibi- 
lité matérielle de pousser aussi loin vers le Nord que 
nous l'eussions désiré, nous avons la conscience d'avoir 
accompli de point en point le programme que nous avait 
tracé le Comité de TAfrique française : Atteindre k Chari 
et nouer des relations avec des musulmans du bassin 
du Tchad, 

Nous avons fait plus, puisque nous avons doublé notre 
itinéraire, en parcourant la région comprise entre Palem 
et Guéroua, qu'aucun Européen n'avait encore explorée. 

De la Kemo à Palem, nous avons traversé, du Sud au 
Nord, une région absolument inconnue, dans laquelle 



L'OEUVRE DE LA MISSION MAISTRE 335 

aucun Européen n'avait encore pénétré et, comme le 
disait M. Harr}- Alis : « Voilà désormais le Congo français 
continué par des traités authentiques, jusqu'au Baghirmi, 
dominant ce pays, et par conséquent le Tchad, par le 
Sud. » 

Au point de vue géographique, dans cette première 
partie de notre itinéraire, nous avons pu déterminer 
d'une façon précise la ligne de partage des eaux entre le 
bassin du Congo et de TOubangui, d'une part, et celui du 
Chari et du lac Tchad, d'autre part. 

Nous avons reconnu et relevé, pendant plus de cent 
kilomètres, le cours supérieur de la branche principale du 
« Chari » qui, en celte région, porte le nom de « Gri- 
bingui » et reçoit le « Bamingui » [Dohar el Abiod), sur 
le territoire d'une peuplade chez laquelle nous avons 
passé un traité. 

Le Gribingui {Bahar el Ardh) des cartes reçoit un 
affluent de rive gauche d'une assez grande importance, 
dont nous avons déterminé plusieurs points, ainsi que le 
confluent. Cet affluent pourrait être le Gouroungou des 
cartes. 

Nous avons pu nous convaincre que l'hypothèse de 
Nachligal, au sujet d'une bifurcation qui unirait le Chari 
au Logone par un bras de rivière, était inadmissible. 

L'illustre voyageur n'avait d'ailleurs accepté que sous la 
plus extrême réserve ces renseignements fournis à dis- 
tance, par des indigènes, sur une région qu'il n'a jamais 
visitée personnellement. Nous avons pu constater que les 
marais, cause probable de cette erreur des traitants 
musulmans, ne communiquaient pas tous entre eux à la 



33) AUTOUR DU TCHAD 

saison des pluies et qu'ils étaient complètement à sec pen- 
dant la saison sèche. 

Arrivés à Palem, nous aurions pu considérer noire 
mission ccmime terminée; nous avons tenu à honneur de 
revenir par une route, plus longue à la vérité que la pré- 
cédente, mais qui traversait un immense blanc de la carte 
qu'aucun Européen n'avait encore visité. 

Celte deuxième partie du voyage, de Palem à Guéroua, 
suivant une direction générale Est-Ouest, nous a permis 
d'élablir une ligne de partage des eaux entre le Chari el 
le Logone. Elle se compose d'une série de plateaux peu 
élevés, mais qui, cependant, déterminent nettement la 
limite des deux bassins. 

Le passage du Logone à Laï, à un degré au sud du 
point oii Barth l'avait franchi, permet de rectifier cette 
partie de son cours. 

Nous avons rencontré et signalé un important affluent 
de rive gauche de ce fleuve : le Ba Tenna, dont on igno- 
rait Texistence. 

Enfin la mission Maistre a recueilli d'importants ren- 
seignements sur le système orographique et hydrogra- 
phique du pays qui s'étend entre le Logone et l'Âdamaoua. 

Au point de vue politique, la mission a passé de nom- 
breux traités avec les chefs fétichistes des territoires 
situés entre la Kemo et le Gribingui. Elle a constaté que, 
chez ces populations, il n'existait aucun lien fédératif 
entre les tribus, et que les différentes fractions d'une 
môme tribu manquaient de cohésion et se trouvaient, 
elles-mêmes, souvent divisées par des luttes de village à 
village. 



L'OEUVRE DE LA MISSION MAISTRE 337 

Les traités conclus par la mission, chez les chefs impor- 
tants Yagoussou et Finda, donnent à la France des droits 
incontestables sur les deux rives du Gribingui. 

Le traité passé avec Mandja-Tezzé, dont les terres sont 
baignées par le Ghari proprement dit; celui aux termes 
duquel le M'bang de Laï place sous notre protectorat ses 
immenses territoires, sur les deux rives du Logone, assu- 
rent à la France les deux routes les plus pratiques, les 
plus sûres, les plus rapides, pour relier le Gongo au Tchad. 

La détermination des frontières du pays des Saras 
indépendants, du Baghirmi méridional et du riche et puis- 
sant État de Laï, permettront d'agir dans ces régions en 
toute connaissance de cause et sans la moindre hésitation. 

Je ne saurais passer sous silence l'importance que pré- 
sentent les traites passés, au sud du Toubouri, avec les 
populations qui habitent le pays compris entre le Logone 
et TAdamaoua, notamment les Lakas. Ils assurent, en 
effet, à la France une priorité d'influence incontestable 
sur la région située à t'Est de VHadjar Goutnbairé, 
limite orientale de VAdamaoua, et rendent inutiles tous 
les efforts qui pourraient être tentés par le Cameroun 
allemand ou par VAdamaoua, 

Grâce au tact et à la délicatesse de M. Maistre, qui 
avait, en quittant les pays fétichistes, laissé à ses compa- 
gnons parlant arabe la plus grande latitude, la plus large 
part d'initiative, le passage de la mission chez les musul- 
mans sera fécond en heureux résultats. Son séjour en 
pays d'Islam a laissé un souvenir durable. 11 a permis, en 
outre, aux collaborateurs algériens de M. Maistre, de 
recueillir, auprès de leurs nouveaux amis, un grand 

p. Brunachk« 22 



338 AUTOUR DU TCHAD 

nombre de précieux renseignements qu'ils complètent en 
ce moment, grâce aux relations constantes existant 
entre le Baghirmi, le Dornou, VAdamaoua et nos pos- 
sessions du nord de V Afrique, Le moment est proche 
où ils pourront les mettre à profit * et utiliser les excel- 
lentes et nombreuses relations qu'ils se sont créées chez 
ces populations nullement fanatiques. 

Déjà Glozel est parti pour rejoindre ces musulmans 
noirs qui nous ont offert leur concours le plus dévoué. 
Nous les avons étudiés ensemble pendant cette dernière 
campagne, nous comptions mettre nos travaux en commun 
pour publier ce livre. Ayant un plus long itinéraire à par- 
courir, puisqu'il a choisi la route de la Sanga, il est parti 
le premier. L'avenir nous permettra sans doute de réaliser 
cet autre rôve que nous caressions pendant la route : 
« Partir, Tun du Congo, l'autre de l'Algérie, et aller nous 
serrer la main sur les rives du Tchad. » 

Telle est, esquissée à grands traits, mais franchement 
et loyalement exposée, « l'œuvre de la mission Maistre! » 

Nous oublierons les dangers, les fatigues, les privations 
endurées, les maladies qui ont suivi le voyage, si nos 
efforts en vue de la réalisation du projet de notre héroïque 
devancier, Grampel, ont répondu aux espérances que Ton 
fondait sur notre expédition. 

1. De nombreux Bornouans et Haoussas, rencontrés au cours de 
notre voyage, sont déjà venus me rendre visite en Algérie. L*un 
d'eux, que j'ai rencontré fortuitement, ne revenait pas de sa surprise 
à ma vue, il ne pouvait en croire ses yeux. 



FIN 



TABLE DES MATIÈRES 



CHAPITRE I 

DE PARIS A BRAZZAVILLE 

Les missions du Comité de l'Afrique française. — Crampel el 
Dybowski. — La traversée. — Loango. — La roule de Loango 
à Brazzaville : le Mayombe, Loudima, Bouenza, Comba, le 
Djoué, Brazzaville, le Pool. — M. Dolisie { 

CHAPITRE II 

DE BRAZZAVILLE A BANGL'I 

Séjour à Brazzaville. — Le Congo, Lirranga, TOubangui ; 
anthropophages. — N'gombé, les forges, les Bondjios. — 
Mozzakka. — fiangiii 31 

CHAPITRE 111 

LES BANZIRIS 

Création d'un poste chez les Ouaddas. — M. Nebout dans la 
M'poko. — M. Brunache dans TOmbella et la Kemo. — Les 
Togbos 02 

CHAPITRE IV 

A LA RECHERCHE DE CRAMPEL 

Bembé, les Dakoas, les N'gapoux, les Musulmans. — Retour 
à Bangui 89 

CHAPITRE V 

SECOND VOYAGE DANS LA KE.M0 

Installation chez les Togbos. — M. Dybowski rentre en France. 
— La mission Maistre est signalée 124 

CHAPITRE VI 

LA MISSION MAISTRE 

De Lirranga à la Kemo. — Organisation du convoi. — Départ 
vers l'inconnu. Les N'dris H2 

CHAPITRE VII 

DÉPART DE CIIRZ LES n'dRIS 

Départ de chez les N'dris. — Disparition des guides. — A l'aven- 
ture. — Ligne de partage des eaux des bassins du Tchad et 
de rOubangui. -— La tribu des Mandjias 136 

CHAPITRE VIII 

EN PAYS MAKDJIA 

Les indigènes désertent les villagea. — Alerte. — Attaque du 
camp. — Capture d'un Mandjia. — Nouveau combat. — 
Marche lente et incertaine. — Rep'rise des relations 164 



340 TABLE DES MATIÈRES 

CHAPITRE IX 

COUP d'oeil d'bRSBIIBLB sur lis VAIIIMIAS 

Traité avec Candia. — Les Ouias-Ouias. — Les Aouakas. — 
Traité avec Tagoussou. — Le Gribingui 178 

CHAPITRE X 

SUR LES RIVES DE ORIBINGL'I 

Premier passage du fleuve. — Akoungas. — Ireni. — Le et 
Baminguiet Ali Djaba. — Premier marais. — Dakamandougou. 

— Rétous ou Arélous. — Dakala. — Les Vasakos 188 

CHAPITRE XI 

LES SARA8 

Mandja-Tezzé et les premiers Saras, Mara. — Tribu de géants. 

— Dans les marais. — Disette. — Désertions. — Rassinda. 

— Vols. — Djemalli. — Les passeurs exigeants. — Nouveaux 
marais. — Garenki 205 

CHAPITRE XH 

LES VASSAUX DU BAGHIRHI 

Gako, Saïd. —Aperçu historique sur le Baghirmi. — La confé- 
dération de Daï, Koumra. — En roule pour Palem. — Les 
Toummocks. — Nachtigal. — Retour par l'Ouest 229 

CHAPITRE XHI 

A TRAVERS L*INCONPIU 

Départ vers l'Ouest. — L'eau se fait rare. — Négociants de 
Karnak-Logone. — Modaguéné. — La vallée du Logone. — 
Les Gaberis. — Arrivée à Laï 257 

CHAPITRE XIV 

DU LOGONK AU PAYS DES LAKAS 

Passage du fleuve. — Le guet-apens du 27 novembre. — Le 
Ba Tenné, les Mouls. — Dogo. — Les Lakas i*80 

CHAPITRE XV 
l'adamaoua 

L'Adamaoua. — Les premiers villages. — Guéroua. — Coup 
d'œil d'ensemble sur les Foulbés, Yola, le ponton anglais. — 
A travers FAdamaoua. — Gangomé. — Le Mouri. — Ba- 
kouudi. — Rencontre avec MM. Nebout et Chabredier de 
la mission Mizon. — Ibi. — La Benoué. — Le Niger. — 
Akassa. — Départ pour l'Kurope 312 

CHAPITRE XVI 
l'ckuvre de la mission maistre. l'avenir 

Conclusions 334 

PLANCHE HORS TEXTE 
carte du centre de l'afrioub '341 



Coulommiers. — Inip. Paul BHODARD. 




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plumatiui e.s 15 

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AllCUlVEd ne MIMSTÈIIE DBS 
AFFAIRES KIHANGKRF.S 15 

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d<:iENOES POLITIQI'KS 17 

IVevik MKNSLFLLI- DE l'i^cole 
U'aNTUUOI'OLOMK 17 

Annxlks des sciences psycui- 

ÛLFS 17 

blDLIuTIl^.UUK îïCILNIIFIQUE IN- 

TPHNATIONALE 18 

Par urdiv «l'aiiparition 18 

Par orilri' •!<' lualiùrcs 21 

OlvRxGiS niVEH-i XE SE TIIOU- 
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BlIli.IOlItKOUE l'TILE 31 



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LYON (Georges), niailrc de courérencos à l'École uoriiiu!e. * La Philosophie de 

Hobbes. 18.'à. 
MARIANO. La Philosophie contemporaine en Italie. 
MARION.prorcHseur à laSorlxmiie. *J. Locke, sa vie, sou œuvre, â* édit. 
MAUS(1.), avocat à la Cuur d'appel de Bruxelles. De la Justice pénale. 
MOSSO. La Peur. Étude psycliu-physiologique (avec figures). 
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PlOGKIt 11»' Julien). Le Monde physique. «.v<.n de conci^^ktlou >!X|»r'riiiieiitale. 1893 
QUEYKAT (Kr.i. professeur de 1 Uuivirsité. * L'imagination et ses variétés ches 

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de l'allemand par M. J. Suury. 1 vol. 5 fr. 

— L'Ame de l'enfant. Observations sur le développement psychique des premières 
années. 1 vnt., traduit de l'allemand par M. H. C. de Varigny. 10 flr. 

PROAL. *Le Grime et la Peine. 1 vol. t' édit. J89i. Ouvrage couronné par l'Aca- 
démie des «>cii'iicos uiorales ut politique.-». 10 fr. 

RAUH (F.;, p^'lfl;s^^ell^ ii la Facult'* des Ictlrns de Toulouse. Essai sur le fondement 
métaphysique de la morale, i vul. 1891.. 5 fk*. 

RIBOT (Th.;, profi-s^^eur :iu ColhVge île France, directeur de la^ Revue philosophique, 
L'Hérédité psychologique. 1 vol. 5* édit. 7 fr. 50 

— * La Psychologie anglaise contemporaine. 1 vol 3* édit. 7 fr. 50 

— * La Psychologie allemande contemporaine. 1 vol. 2* éd. 7 fr. 50 

(Voy. p a. ir.) 

RIGAKDOU (A. I, docteur es lettres. De l'Idéal, étude philosophique. 1 vol. 1891. 

Ouvrage couronné par l'Académie det schmicos morales et politiques. 5 fr. 

RICHET Xli.), professeur à la Faculté de médecine de Paris. L'Homme et Tlntel- 

ligence. Fragments de piKvchologie et de |»hvsiologie. 1 vol. !2* édit. 10 fr. 

ROBERTY (E. «le). L'Ancienne et la Nouvelle philosophie. 1 vol. 7 fr. 50 

— * La Philosophie du siècle ('posilivismc, criticisme, évolutionnisme). ! vol. 5 fr. 
ROMANES. * L'Evolution mentale chez l'homme. 1891. I vol. 7 fr. 50 
SAIGKY (E.). Les Sciences au XVIII* siècle. La Physique de Voltaire. 1 vol. 5 fr. 
SCHOPENUAUEIl. Aphorismes sur la sagesse dans la vie. 3* édit. Traduit par 

M. Cantacuz<>ne. 1 vol. 5 fr. 

— De la Quadruple racine du principe de la raison suffisante, suivi d*une 
Histoire de In doctrine de l'idéal et du réel. Trad. par M. Gantacuzène. 1 vol. 5 fr. 

— * Le Monde comme volonté et comme représentation. Traduit par M. A. Bur- 
deau. 3 vol. Ctiacun séparément. 7 fr. 50 

SÊAILLES, maître de conf. à la Sorbonne. Essai sur le génie dans l'art, i ▼. 5 fr. 

SERGI, prof*>s<«eur h l'Université de Rome. La Psychologie physiologique, traduit 
de ntalitm par M. Mouton. 1 vol. avec figures. 7 fr. 50 

S0LL1ER (D' INuil). * Psychologie de l'idiot et de l'imhécile. 1 yoI. a?ec 
12 planches hors texte. 18U1. 5 fr. 

SOURIAU (Paul), professeur à la Faculté des lettres de Lille. L'Esthétique dn mou- 
vement. 1 v>d. 5 flr. 

— ^ La suggestion dans l'art. 1 vol. 1803 5 Ar. 
STUART MILL. * La Philosophie de Hamilton. 1 vol. 10 fr. 

— * Mes Mémoires. Histoire de ma vie et de mes idées. 1 vol. 2* édit. 5 fr. 

— ^ Système de logique déductive et induotive. 3* édit. 2 vol. tO fr. 

— * Essais sur la religion. ±* édit. 1 vol. 5 flr. 
(Vov. p. 3.) 

SULLV (James). Le Pessimisme. Traduit de l'anglais par MM. Bertrand et Gérard. 

1 vol. 2* édit. 7 fr. 50 

VAGHEROT (Et.), de l'Institut. Essais de philosophie critique. 1 vol. 7 fr. 50 

— La Religion. 1 vol. 7 f^. 50 
WUNDT. Éléments de psychologie physiologique. 2 vol. avec flffures, trad. de 

l'allem. par le D' Êlie Rouvier, et précédés d'une préface de M. D. nolen. 10 fr. 



— 7 — 



COLLECTION HISTORIQ UE DES GRANDS PHILOSOPHES 

PHILOSOPHIE ANCIENNE 



ARÏSTOTE (Œuvres d), traduction de 
J. I3ahthélemy-Saikt-J1u.aire, de 
riii&tîtut. 

— PAyebolosle (Opuscules), avec 
notes. 1 vol. in-8 10 fr. 

— ■hétorlqae^ avec notes. 2 vol. 
iD-8 16 fr. 

— Poliiiqae. 1 v. in-8... 10 fr. 

— liA MétAphyiilqae d'ArlMtoie. 
S vol. in-8 30 fr. 

— Traité de la pr«daetlon et de 
la dentraetlon deii eboiies, avec 
notes. 1 Y. g*", in-8 10 fr. 

— De la Losiqne d'ArlMtote, par 
M. Barthélémy - Saint -HiLAiRE. 
2 vol. in-8 10 fr. 

— Table alphabétique deM iiia- 
ilèrcM de la tra«lactlon leÔRé- 
raie d*.%rii«lote, pur M. Barthé- 
lémy -Saint-Hilaire. 2 forts vol. 
in-8. 1892 30 Ir. 

— li^Rwthétiqne d\%riiilote, par 
Bl.BÉ:«ARb.l \ul.iu-8. 1889. 5 fr. 

SOCHATK. * f.a PblloMophIe de Mo- 
erate, par M. Alf. Fouillée. 2 vol. 
in-8 16 fr. 

— I<e ProcèM de MoeraCe. Examen 
des thèses socratiques, par M. G. 
SoREL. 1 vol. iii-8. 1889. 3 fr. 50 

PLATON. KCnden nar la Dlaleeti- 
qne daan Platon eC dann Henel, 
pai.M. PauiJANET. 1vol. in-8. 6 fr. 

— Platon et %rlMtote; par Yan DEK 
Rest. 1 vol. in-8 10 fr. 

PLATON.'*' Platon, na piilloMophle. 
précédé d'un ap>Tçu de sa vie et di- 
ses œuvres, par Cu. Bénakd. 1 vol. 
in-8. 1893 10 fr. 

tPlGURIi:. La Morale d'Rpicnre et 
ses rapports avec les doctrines con- 
temporaines, par M. GuTAi). 1 vo- 



lume în-8. 3* édit 7 fr. 50 

f:GOLE D'ALEXANDRIE. * Hintoire 
de rÉeole d\%lezandrie^ par 

M. Bartbélemt-St-Hilaire. 1 vol. 
in-8 6 fr. 

BÉNARD. l.a Pbiloiiopble aa- 
elenne, histoire de ses systèmes. 
1'* partie : Lu Philosophie et la Sa- 
(fessa orientales. — La Philcsophie 
grecque avant Soa'ate. — Socrate 
et les socratiqves. — Etudes sur les 
sophistes yrecsAv. in-8. 9 fr. 

PABRE(Josepii).*HiMtoiredelapbl- 
loMopble, antiquité et moyen 
âffe. 1 vol. in-18 3 fr. 50 

FAVRE (M"»- Jules), née Velten. I.a 

Morale den MtolclenM. 1 volume 

in-18. 1887 3 fr. 50 

— I<a Morale de i9ocrate. 1 vol. 
in-18. 1888 3 fr. 50 

-- La Morille d*ArfMtole, 1 vol. 
in-18. 1889 3 fr. 50 

(X'ERëâC. liMMai Mur le niMtème 
pblloMophIqne den MtoYclenn. 
1 vol. in-8 5 fr. 

R0D1ER (0.). docteur es 'ellros. * La 
Physique «le l^ltralon de Ijamp- 
Naque. 1 vol. in-H 3 fr. 

FANNKHY (Paul), [«roft's.«<fMir suppliant 
:iu ('.oilè^o di^ Frctuce. Pour ThlM- 
toire de la Nclence hellène 
(de Thalè^ à Empédocle). 1 v. in-8. 
1887... 7 fr. ftO 

BROCIIARD (V.), professeur à la 
Surboiu.e.'^ l.eMNceptiqucfi ffrecM 
(,c«>uronné p' l'Acatlémic des sciences 
morales et politiquis). 1 vul. in-8. 
1887 8 fr. 

MILIIAl'l) (G). LeM orlginefidc la 
■*olenre Ki-ecque. l vol. iu-8. 
1893 5 fr. 



PHILOSOPHIE MODERNE 



LEIBNIZ. * ŒavreM pbllonophi- 
qnen, avec introduction et notes par 
M. Paul Janet. 2 vol. in-8. 16 fr. 

— Lelbnis et Pierre le Grand, par 
FoucherdeCakeil. 1 v.in-8. 2 Ir. 

— LeIbniB et les deux fHopbie, 
par FoucHER dr Careil. In-8. 2 ir. 

DËSCARTKS,parL. LiAHD.lv. in-8. 5 fr. 

— EMf«al Mur l'F.NtbétIqne de DeN- 
eartoM, par Khantz, doyen de la 
Faculté des lettres de Nancy. 1 v. 
in-8 6 fr. 

SPINOZA. BenedietI de Splnosa 
•pera^ quotquot reporta sunt, reco- 



jçnoverunt. J. Van Yloten et J.-P.-N. 
Laiid. 2 loris vol. in-8 sur papier 
de Hollande 45 fr. 

— Inventaire def« llvreii for- 
mant na bibliothèque, publié 
d'après un document in>?dit avec des 
notes biographiques et biblioj^raphi- 
qurs et une introduction par A.-i. 
Servaas van Kvoijen. 1 v. in- A sur 
papier lie Hollande. 1801.. 15 fr. 

GEULINCK (Arnoldi). Opéra phlloso- 
phlca rccognovit i.-P.-N. Land, 
3 volumes, sur papier de Bollande, 
gr. in-8. Chaque vol. . . 17 fr. 75 



— 8 — 



GASSENDI. La PklI«iioplile de «««- 
Ncndi, par P. -F. Thomas, docteur 
es leUrf^s, professeur au lycée de 
Veri'ailles. i vol.in-8. 1889. 6 fr. 

LOCKK. * Sa tIc «I fi«« «PBvreii, par 
M. Marion. professeurà la Sorbonnc. 
1 vol. in-18. 3« édition. 2 fr. 50 

MALEBRANGH£. * La pmiOMopkle 
de MAleter«n«ëe, par M. Ollé- 
Laprunr, mattrc de conférences \ 
TÉcole normale supérieure. 2 vol. 
in-8 16 fr. 

PASCAL. KladeM «ur le «ceptl- 



elmne de Pascal, par M. Drox, 
professeur à la Facallé des lettres 
à Besançon, i vol. io-8... 6 fr. 

VOLTAIRE. Les Sciences as 
XVIII' siècle. Voltaire physicien, 
par M. Em. Saicet. 1 vol. in-8. 5fr. 

FRANCK (Ad.), de l'Institut. La 
losopklc oiystiqae' em Pi 
aa X¥III* siècle. 1 volume 
in-18 2 fr. 50 

DAMIRON. Mémoires pow servir 
à l^lstelre de la pUIesophle aa 
1L¥III« siècle. 3 vol. in-8. 15 fr. 



PHILOSOPHIE ECOSSAISE 



DUGALD STEWART. 'ÉlèaieaSsde 
la pkllosoplile de resprlt ka- 
■lala, traduits de Tanglais par 
L. Pusse. 3 vol. in-12.. . 9 fr. 

HAMILTON. * La Pkllesopkie de 
HamilSea, par J. Stdart Mill. 
1 vol. in.8 10 fr. 

HUME. '^ 0a vie e( sa pkllosepkle, 
par Th. HuxleTi trad. de l'angl. p«ir 



M. G. CoMPATEt. 1 vol. in-8. 5 fr. 

BACON. Ktude sur Praaçois Ba- 
con, par M. J. Bartréleht-Saiitt» 
HiLAiRE^ de rinstitut. 1 vol. 
in-18 2 fr. 50 

— * PklIOBopkIe de Prançels 
Baeon^ par M. Ch. AdaM^ profes- 
seur à la Faculté des lettres de 
Dijon (ouvrage couronné par 1*1 n- 
slitut). 1 volume in-8.. 7 fr. 50 



PHILOSOPHIE ALLEMAI^DE 



KANT. * La Criliqae de la raison 
pratique, traduction nouvelle avec 
introduction et notes, par M. PiCA- 
VET. 1 vol. in-8 6 fr. 

— Critique de la raison parc, 
trad.parM.TissoT.2v.in-8. 46 fr. 

— éclalrclssenienls snr la 
Critique de la raison pure, trad. 
par M. J. TissoT. 1 vol. in-8. 6 fr. 

— Principes métapkysiqnes de 
la merale, augmentés des Fon- 
detnenU de la métaphysique des 
niœurs^ tradict. par M. TissoT. 
1 vol. in-8 8 fr. 

— Même ouvrage, traduction par 
M.JulesBAENi. 1 vol. in-8.. . 8 fr. 

— * La Losiqne, traduction par 
H. TissoT. 1 vol. in-8 A fr. 

— * Mèlanses de loslque, tra- 
duction par M . TissoT. 1 v. in-8. 6 fr. 

— * Prolésoniènes à ionte mè- 
Sapkysique fature qui se pré- 
sentera comme science, traduction 
de M. TissOT. 1 vol. in-8. . . 6 fr. 

^- * Anikropolosie , suivie de 
divers fragments relatifs aux rap- 
ports du physique et du moral de 
l'homme, et du commerce des esprits 
d'un monde à l'autre, traduetion par 
M. TiBSOT. 1 vol. in-8 6 fr. 

-•— Traité de pédasesie, trad. 
J . B ARHi ; préface et notes par M . Ray- 
mond TiAMiJi. 1 vol. in-12. 2 fr. 



KA?]T. Principes métapkysiqnes 
de la science de la namre, trad. 
pour la 1 '* lois en français et accom- 
pagnés d'une introduction sur la 
Philosophie de la nature dans Kant, 
par Ch. Andlkr et £o. Cbavannes, 
anciens élèves de TÉcole normale 
supérieure, agrégés de TUniversité. 

1 vol. grand in-8. 1891. à fr. 50 
FICHTE. * Métkede penr arriver 

à la vie klenkenrense, trad. par 

M. Fr. BouiLLiEE. 1 vol. in-8. 8 fr. 

FICHTE. Bestlnatlon dn savant et 

de rkomniede lettres, traduit 

par M. Nicolas, i vol. in-8. 3 fr. 

— * Boctrines de -la science. 
1vol. in-8 9 fr. 

SCUELLING. Bmno, ou du principe 
divin. 1 vol. in-8 3 fr. 50 

UEGEL. '^ Lesiqne. 2« édit. 2 vol. 
in-8 Ufr. 

— * Pkllosopkie de la nature. 

S vol. in-8 25 tr. 

-— * Pkllosopkie deresprlt. 2 vol. 
iii-8 18 fr. 

— * Pkllosopkie de la religion. 

2 vol. in-8 20 fr. 

— La Poétique, trad. par M. Ch. Et- 
EAED. Extraits de Schiller, Gcsthe, 
Jean-Paul, etc., 2v. in-8. 12 fr. 

— Bstkétiqae. 2 vol. ia-8, trad. 
par M. BtEÀM Il fr. 



— 9 — 



HEGEL. ABléeé^eaUi «e rkésé» 
UanlMue ûmwut la phll^iioplile 
AraBfatoey par E. Bkadbsire. 
1 vol. in-18 2fr. 50 

— * La Blalecuqae «aba Hecel 
el ««BU Pl«t«B, par M. Paul Janet. 
1 vol. in-8 6 fr. 

— iBtrodaetlon à îm phllonophle 
«e Desel, par Véra. 1 vol. in-8. 
2*édit 6fr. 50 

UUMBOLDT (G. de). EmaI Mur le* 
llmllcs do raellOB «e TÉtat. 
1 vol. in-18 3fr. 50 



HUMBOLDT (G. do) * Ia PklIaM- 
pble iBdltidaalIsCe^ étude lur 

G.deHDHBOLDT, par M. Challeiiil- 
Lacodr. 1 V. in-i8 2 fr. 50 

RICHTtR (Jcan-I'aiil-Fr.). Po^tl«ae 
ou InCrodnctlon à rKnlhétlqae, 
(rad. par ALEX. Buchner et LtOM 
hUMONT. 2 vol. in-8. 18b2. 15 fr. 

SCUILLEK. l/Ei«lhétlqiic de fl«kll- 
ler.par Fr.Montargis. 1 v. in-8. à fr. 

STAHL. * Le Vltaltame ei I'AbH 
mlHine de (icaki, par M. Albert 
Lemoire. i vol. iu-18.. . . 2 fr. 50 



PHILOSOPHIE AIiIiEMANDE CONTEMPORAINS 



BUCHNEK (L.). Mature e( ««leaee. 

1 vol. in-8. 2« édil 7 fr. 50 

— * Le Matérlallnaie eonlempe- 
ralB, par M. Paul Janet. A** édit. 
1 vol. in-18 S(r. 50 

CHRISTIAN BAUR et rÉeole de 
Tnkinffue, par M. Ed. Zeller. 
1 vol. in-18 2 fr.50 

HARTMANN (E. de). La Rellslon de 
ravenir. 1 vol. in-18. . 2 fr. 50 

— Le DarwInlMBie, ce qu'il y a de 
vrai et de faux dans cotte doctrine. 
1 vol. iii-18. 3<» édition. . 2 fr. 50 

0. SGHMIDT. LeM flcienrev naln- 
relleM et la PkiiOMophie de 
rineonwcleBl. 1 v. i:i-18. 2fr. 50 

PIDERIT. La Mlnilque et la 
Pk^MiosnonioBle. 1 v. in-8. 5 fr. 

PREYëR. Klénieatn de phyMlo- 
loKie. i vol. in-8 « 5 fr. 

— L\%aie de l'eufant. Observations 
sur le déNeloppemcnt psychique des 
premières années. 1 vol. in-8. 10 fv. 

SCHORRI-L. PklioKopbie de la ral- 
»on pure. 1 vol. in-18. 2 fr. 50 

SCHOPENHAUER. E«i»ai i«ar le Ilkre 
arkltre. 1vol. in-i8.5*'éd. 2tr.5C 



SCUOPfaiSHAUKU. Le FOBdeneBt 
de la luaraie. 1 vol. in-18. 2 fr. 50 

— EiNMilfi et rrasBieBtii, trad. et pré- 
cédé d'une Vie deSchopenhauer^par 
M.BoLRDEAU.l v.in-18.11'éd.2f.50 

— ApkoriMni«»f« »ur la HaseiMe 
daBMia %ie.lvoI.in>8.3'éd. 5fr. 

— Ve la quadruple raclue da 
priucipe de la ralMOB Muffl- 
«aBte. 1 vol. in-8 5 fr. 

~- Le Monde roninie «olOBté et 
repréMentatloB. 3 vol. in-8; cha- 
cun séjuirénient 7 fr. 50 

— La PhiloMophlo de HckopeB- 
bauer, par M. Th. RiBOT. 1 vol. 
in-18.. V édit 2 fr.50 

RIBOT ;Tli.}.* La PM>ckoloslealle- 
Biaude coBteniporalne. 1 vol. 
in-8. 2" édit 7 fr. 50 

STRICKER. Le LaBicagc et la Musi- 
que. 1 vol. in-18 2 fr.50 

WUNDT. Pnycholeiile pkyMlaio- 
icique. 2 vol. in-8 avec %• 20 fr. 

— ll^pnoliMnie ot Muicuc^ttoB. 
1 \o\. iii-lS 2 fr. 50 

OLDKNHKIU; Le iiouddlia. i»u %le, 
MM «lorlrlBc, fta comuinnauté. 
1 Noi. in-K 7 fr. 50 



PHILOSOPHIE ANGLAISE CONTEMPORAINE 



STUART MILL.* La Pkllonophie de 
HamiiioB. 1 fort vol. in-8. 10 fr. 

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vîe et de mes idées. 1 v. in-8. 5 fr. 

— * PlyMtème de logique déduc- 
tive el induotive. 2 v. ln-8. 20 fr. 

— * Ausuate Comle et la philoso- 
phie positive. 1 vol. in-18. 2fr.50 

— L'rililtaHMme.l v. in-18. 2 fr.50 

— ESKiali* «ur la mellsloB. i vol. 
in-8. 2« édit 5 fr. 

— La mépubllqne de MtkÂti et 
■en détracteum, trad. et préface 
de M. Saoi Carnot. 1 v. in-18. 1 fr. 

--* La Pbllofiopble de (itoart 
mil, par H. Lauret. 1 v.io-B. 6 fr. 

HERBERT SPENCER. * Les Pre- 
miers PrlBelpes. ln-8 . 10 fr. 



HlîiRBËRr SPENCER. PriBcipes de 
kiolofile. 2 forts vol. iD-8. 20 fr. 

— * PrlBelpes de psyebolosie* 

2 vol. in-8 20 fr. 

— * iBtroductIoB à la seleBee 
sociale. 1 V. iD-8, cart.6' édit. 6fr. 

— * PrlBelpes de soeiolesle. 

A vol. in-8 36 fr. 25 

— * ClassIfleatlOB des seleaces. 

1 vol. in-18. 2« édition. 2 fr. 50 

— * Be rédueatloB iBteileet selle i 
Biorale el physique. 1 vol* 
in-8. 5" édit 5 fr. 

— * Essais sur le praires. 1 vol. 
iD-8. 2* édit 7 fr.50 

— Essais de polltlqse. 1 vol. 
in-8. 2" édit 7 fr. 50 



— 10 — 



HERBERT SPENCER. lEmumîm «elen- 
liaqueH. 1 vol. ia-8.« 7 fr. 5C 

— Les Bapieii de la morale ^vo- 
IntlonnlMle.l v. ia-8. S^'édil. 6 fr. 

— L'indli Idu contre TÉtal. 1 vnl 
in-18. 2« édit 2 fr.50 

BAIN. *Deo aenii ei de rintelll- 
ceaee. 1 vol. in-8.... 10 fr. 

— Len Émotions et In Volonté. 

1 vol. in-8 10 fp. 

— * lin Lonlqne Indoetlve et dé- 

dnetivc. 2 vol.in-8.2''édtl. 20 fr. 

— * L'ENprlt et le Corpn. 1 vol. 
î.i-8, cartonné. A« édit .... 6 fr. 

— * iM ISelenee de rédacntion 

1 V. in-8, cartonné. 6* édit. 6 fr. 

COLLINS (Howard). i.a PhlIoMophle 

de Herbert Npencer. 1 \ol. 

iu-8, 2* c.lit 10 fr. 

DARWIN. * DcMeendnnee et Dar- 
win lune, par Oscar Schmidt. 
1 vol. in-8, cari. 5* édit.. 6 fr. 

— I<e DarviiniNnie , par E. de 

HARTMA.NN. 1 voI. ia-18. . 2 fr. 50 

PERRIER. I.ei Fonetlonii dn Cer- 
veau. 1 vol. in-8 3 fr. 

CHARLTON RASTIAN. Le Cerveaa, 
organe de la pensée chez l'honime 
et les animaux. 2 vol. in-8. 12 fr. 

GARLYLE. L'Idéalisme anslaln, 
étude sur Carlyle, par H. Taink. 
1 vol. in-18 2 fr. 50 

BAGEHOT. * Loin scientifiques dn 
développement des natlona. 
1vol. in-8, cart. A° édit. . • . 6 tr. 

DRAPER, lies ronnilsde la science 



et de la rellffian. In-8.7*éd. 6 fr. 

IIOBBES. La Philosophie de Hoh- 
bes, par G. Lyon. 1 vol. in-18. 

2 fr. 50 

MATTHEW ARNOLD. La Crise reU- 
Kleuse. 1 vol. in-8..,. 7 fr. 50 

MAUDSLEY. * Le Crime et la Folle. 
1 vol. ia-8, cart. 5* édit... 6 fir. 

— La Patholosie de l*esprlt. 
1 vol. in-8 10 fr. 

FLINT. * La Philosophie de rhla- 
tolre en France et en Alle- 
magne. 2 vol in-8 . Cliacun sépa- 
rément 7 fr. 50 

RIBOT (Th.). La Psycholoirle nn- 
Slalse contemporaine. 3' édit. 
1 vol. in-8 7 fr. 50 

LIARD. * Les Logiciens anslals 



contemporains. 

2« édit 



vol. in-18. 
2 f^. 50 



GUYAU *. La Morale anglaise con- 
temporaine. 1 ^ol. in-8. 2' édit. 

7 fr. 50 

HUILEY. * Hume, sa vie, sa phUo- 
sophle. 1 vol. in-8 5 fr. 

JAMES SULLY. Le Pessimisme. 
1 vol. in-8. 2' éd 7 fr. 50 

— Les Illusions des sens et de 
TcMprlt. 1 vol. iu-8, cart.. 6 fr. 

CARRAU (L.). MsM Philosophie reli- 
gieuse en Angleterre, depuii 
Locke jusqu'à nos jours. 1 volume 
in-8 5 fr. 

LYON (Georges), i/idéalisme en 
Anffletrrre au XVIII* siècle. 
1 vol. iii-8 7 fr. 50 

— La PhlloHophie de llobbes. 
1 vol. in-18 2 fr. 50 



PHILOSOPHIE ITALIENNE CONTEMPORAINE 



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dcrne. 1 vol. iii-1 8 2 fr. 50 

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M. Jean Kaulek. 1 beau vol. in-8 raisin sur papier fort 18 fr. 

VI. — Papiers de B.%RTIIR|.R1IV (avril 1794 A f^.vrier 1795), par 
M. Jpan Kaulek. 1 beau vol. iii-8 raisin sur papier fort 20 fr. 

Correspondiince des Drys d^%lff€^r avee la Cour de France 

(i9ft9-l0»SS), recueillie par Ëug. Plantet, atlachi* au Ministère de> AfTaiies 
étran^ros. 2 vol. in-8 raisin avec 2 planches en taille-douce bors texte. 30 fr. 
Correspandance des Heys de Tunis et des Consuls de France avec 
la Cour ( t&91- tliS«), recueille f nr Eng. Plamet, publiée eous les auspices 
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La Reyue philosophique parait tous les mois, par lifraisons de 
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forts volumes d'environ 680 pages chacun. 

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Te&uz ouvrages philosophiques français et étranfers; 3* un compte rendu 
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Pour les abonnés. t fr. 50 

II. — Années 1S81 A 18.S5. par M. Uf.se CoriiERC. 1 vol. in-8. 3 fr. ■ 

Pour l«*s abonni's. I fr. W 

\\\. - Année* 1880 à 18 H). J vul. in-s, 5 IV.; pour les abonnés. 2 fr. 51» 



— 17 — 

ANNALES DK L'ÉCOLE LIBRE 

DES 

SCIENCES POLITIQUES 

RECUEIL BIMESTRIEL 

Publié avec la colliiburation di^s professeurs el di's aocieDS élèves de l'Ecole 

{Neuvième année, 189i) 
COyîlTÉ DE nÉDACTIOS : 
M. Emile Boi'TîiY, de l'Institut, directeur de l'F^cole ; M. L»'on Say, de TAca- 
démie française, ancien ministre des Finances; M. Ait. de Foville, di' 
recteur: M. R. Stoukm, ancien inspecteur des Finances et administrateur 
des Contributions indirectes; M. Alexandre Hibot, dc'puté, ancien ministre; 
M. Gabriel Alix; >I. L. Rekai'lt, proTesscur à la Faculté de droit; 
M. André Lebon, di'*puté ; M. Albert Sorel, de rinatilut; M. A. Vaxdal. 
auditeur de 1'* classe au Conseil d'Ëlat; Directeurs des groupi.>s de travail, 
professeur à l'Kfole. 

Secrétaire de la rédaction : M. Auj?. Arnaunk, docteur en droit. 
L«'s snjots traiti's dans les Annales 'ambrassent tout le cbamp rouvert par le 
pro{xramme d'enscii^netnent d«' l'É-olo : Economie^ politique, finances, sta- 
tisti((uej histoire cnnstihitionnelh', droit internatiomil, public el privé, droit 
administratif, législations civile et commerciale privées, histoire législative 
et parlementaire, histoire diplomalitpie, géographie économique, ethnogra- 
phie, etc. 

MOPE DE runUCATIOX ET C().\DIT1()XS D'AltO.WEMEyT 
Les Annales de C Ecole libre des sciences polit ignés paraissent 
tous les deux mois (15 janvier, 15 mars, 15 mai, 15 juillet, 15 scp- 
temlM'o et 15 iiovemhnO, par fascicules <^i\ in-8 de l.StJ paj^e.s chacun. 
Un an (du 15 janvier): Paris, 18 fr. ; dé[iarl<Mat;iits et étranger, 19 fr. 

La livraisun, 5 fraarsi. 
Lefi trois promtère^ ann'cf* (lK8f»-l 887- 1888) st» r(*nd<*nt chacune 
iB Jrancs; fa qriatrii-m.' ((nnce (188'J) OT hs suiruntes se cetuleni 
charurt'" 18 fiancs. 

Revue mensuelle de l'École d'Ântliropologie île Paris 

li année, 1891» 

VVWUY.Y. PvH LES PHOFESSKrKS: 

^M. A. BumnKU i<itM»^rH|ilii«> iinMlirali'), Capitan (AiHliropolo^'ii' p.itliolo(;ii{iir>'i. Muthias 

Duv.VL ' AnlliriijKi^'-(Miii> i>i Eiiihryolo^ii'i, (ioorpcs IIkI'.x K itltliiiolp^ie}. J.-V. LabuBDE 

(Anthro|iolo^'if iiiolo;;ii|iii>) André Lkfkvri-: (KlliHO}:r.-<]iiiir i*i Lin;;uisliiii]Cj, Cli. Lktouk- 

Nii.\i: (llisloiri- (Ion rivilis.iiioiis), ManoL'VIUKK (Aiillir<'[i()!o^i(^ itlivsuiloiriiiiir). MauOL'- 



ijTur rrrnr parait loux irs mnis ar/nt-iff i»* i>t jani tt r lo.'i; vnaqur nwmrro fvrmc 
une bvhhnir i/j-S rumiii d'an moins Zi pagnt. rt rontirnt utir leçon U'un lirs prO' 
ffitBfurx lir l'Kcolf, nvrc Jiguees IntrrrnU'fS (taux Ir trxir ou planches liorg texte et 
dm analus-s et comfttr» rfmins drs fnitx, drx lit've% ri de» revues prriodiqura qut 
doivent mlrresser les pt'rsonnfs «'orvupant d'nnlUmpolmjif. 

.\nf)\SK}lE.\r: Fr.ui.<; ri Klniinj.'r, 10 fr. — L.' Numéro, 1 fr. 

ANNALES DES SCIENCES PSYCHIQUES 

Dirigfées p-^r le D^ DARIEX 

M année, IHU) 

Li'S ANNALES DES SCIENCES PSYCHIQUES ont pour but iln rapporlor. nvec force 
preuve» il rii|i|»ui. tuuti*8 les ubsrrvntions i>ériiMiSi's ipii lour suroiit aiirchséoit, relalivoii 
aux fmt-i soi-ilis:inl ih'cuIIi's : !■* ilo télépathie, (<•* lucidité, du pressentiment; 2" dc 
mouvements d'oblets, d'apparitions objectives. Kn «telior-i di; rc> rli.tpilps d«* faits 
sont publi(M'<t lit;.» théories »e bormint à L-i liisciisNiou des bonno^ coiiditi<iiis pour 
ohserTur rt i'xiNiriuieiiii'r ; de» analyses, bibliographies, critiques, etr 

\^i ANNALES DES SCIENCES PSTGHIQUE3 par.iisM'Ut tous l'S deux mois par nunicrus 
do quatre feuilles iu-8 rarrc (Oi pHpcs), depuia le. iô janvier 1801. 

AnOS.\KMEST: Pour tous pays. 12 fr. — Ln Numéro. 2 fr. 50. 



— 18 — 

BIBLIOTHÈQUE SCIENTIFIQUE 

INTERNATIONALE 

Publiée sous la direction de H. Emile ALGLATE 



La Bibliothèque scientifique internationale est une œuvre dirigée 
par les auteurs inénies, en vue des intérêts de la science, pour la po- 

f»ulariser sous toutes ses formes, et faire connaître immédiatement dam 
e monde entier les idées ori|(inales, les directions nouvelles, les 
découvertes importantes qui se font chaque iour dans tous les pays. 
Chaque savant expose les idées qu'il a introduites dans la science et 
condense pour ainsi dire ses doctrines les plus originales. 

On peut ainsi, sans quitter la France, assister et participer au mou- 
vement des esprits en Angleterre, en Allemagne, en Amérique, en 
Italie, tout aussi bien que les savants mêmes de chacun de ces pays. 

La Bibliothèque scienti/ique internationale ne comprend pas seule- 
ment des ouvrages consacrés aux sciences physiques et naturelles; elle 
aborde aussi les sciences morales, comme fa philosophie, l'histoire, 
la politique et Téconomie sociale, la haute législation, etc.; mais les 
livres traitant des sujets de ce genre se rattachent encore aux sciences 
naturelles, en leur empruntant les méthodes d*observation et d'expé- 
rience qui les ont rendues si fécondes depuis doux siècles. 

Cette collection parait à la fois en français, en anglais, en alle- 
mand et en italien : à Paris, chez Félix Alcan; à Londres, chei 
C. Keean, Paul et C* ; à New-York, chez Appleton ; à Leipzig, ches 
Brocknaus ; à Milan, chez Uumolard frères. 

LISTE DES OUVRAGES PAR ORDRE D'APPARITION 

78 VOLUMES IN-8, CARTONNÉS À L'àNGLAISE. CHAQUE VOLUME : 6 FRANCS. 

1. J. TYNDALL. * Lea «laelera et l€ff Trmmmtoruf mHmmm «elVan, 

avec figures, i vol. in-8. 6* édition. 6 r. 

S. BAGKn^t'i . * Lois «elentia^aes da 4éTeloppem«^iil 4eii natloBs 

dans leurs rapports avec les principes de la sélection nulurelle el de 

ri;érédité. 1 vol. in-ft. 5* «dilicn. 6 fr. 

5. lf4RKY. * li« MaehlBe «iiimaie, locomotion terrestre et aérienoe, 

avec de nombreuses flj^. 1 vol. în-8. 5* édit. augmentée. 6 f^. 

A. BAIK. * L'Esprit et le Corpa. 1 vol. in 8. 5* édition. S fr. 

6. PETTIGRKW. * La L»eoiiiotloB «he* ioa «nimiiav, marche, natation. 

i vuU in-8, avec tlf^nres. 2* édit. 6 fr. 

6. HERBERT SPENCER.* La iSeienee ao«ii»lc.lv.ia-R.ll*édit. Otr. 

7. bCHMlDT(0.). * La DeMendanae de rhomoie et le Darwialam». 

1 vol. in-8, avec fig. ti* édition. 6 fir. 

8. NAODSLEY. * Le Crime et la Folle. 1 vol. in-8. 6« édit. 6 fr. 

9. VAN BENEDE^. * Les Comiiienaaav et lea Paraaifea daaa le 

réSBe aninial. 1 vol. ia-8, avec flgures. 3* édii. 6 fr. 

10. BALFOUR STEWART. La Cenaervation de TéBersle, tnivi d'une 

Etude sur la nature de in force ^ par M. P. de Saint-Robert, avec 

fllU^urer. i vol. in-8. 5* édition. 8 fr, 

il. DRAPER. f«ea Conlllta de la aeleace et de la reHsIea. i vol. 

in-8. 8« édition. 6 f^. 

il. L. DUMONT. * Théerle aelentiHqae de la adaelhillté. 1 vol. in-8. 

A* édition. 6 flr. 

iS. SCUUTZENBERGER. E.ea FermeatatloBa. i vol. in-8. avec fi(. 

5« édit. « tr. 

lA. WUITNKY. * La ¥ie da laasase. i vol. in-8. S« édit. 6 f^. 



— 19 — 

16. COOKI et BEKKILIT. * Lmm CluiHiiMc««M. i vol. in-8, aTdC tifunt. 
A* édition. 6 fr. 

16. BKRNSTKIII. * Les ••m. i Tol. iii-8, avec 91 llf . 5* édit. 6 fr. 

17. BKRTHKLOT. *l.«(iyBthèeeehliiil««e.lY0l.in-8.6*édit. 6 fr. 

18. VOGKL. * La Photesrapkle et la Ctelmle «• la lamlère, avec 

95 fliruref . 1 vol. in-8. â* édition. Épuisé. 

19. LUYS. * Le Cerveaa al ■•■ ffcaetlone, avec flfurei. 1 vol. in-8. 

7* édition. 6 fr. 

10. STANLEY JKVONS.* La Ifonaale et le IfécanleHie «e réehaase. 

1 vol. in-8. 5* édiUon. 6 fr. 

SI. PCCHS. * Lee Taleaas et lee Tremblemente tfe terre. 1 vol. in-8, 

avec fl|;uret et une carte en couleur. 5* édition. 6 fr. 

sa. GÉNÉRAL BRIALMONT. * Lee Camp» retranehée et lear rêle 

danii la tféffeniie dee Rtate, avec flg. dani le texte et S plan- 

chei hors texte. A* édit. Sous presse. 
S8. DE QUATREFAGES.*L*E«péee teamalae.lv. in-8. ll*édil. 6fr. 

SA. BLASERNA et HELMHOLTZ. * Le 0«a et la Haai^ne. 1 vol. in-8, 
avec Agurei. 5* édition. 6 fr. 

S5. ROSENTHAL.* Lee Merfto et les Ifoselee. 1 vol. in-8, avec 75 figu- 
res. 3* édition. Épuisé. 

S8. BRUCKE et HëLMHuLTZ. * Prlnelpee eelentlUqaes des heaaz- 
artfi. 1 vol. in-8, avec 89 figures. 4« édition. 6 fr. 

57. WURTZ. * La Théorie atomique. 1 vol. in-8. 6« édition. 6 fr. 
S8-S9. SEGGUI (le père). * Lee Étoiles. 2 vol. in-8, avec 63 flgures dans le 

texte et 17 pi. en noir et en couleur hors texte. 2* édit. 12 fr. 

80. JOLY.* L'Homme avant lee métaux. 1 vol. in-8, avec figures. 4* édi- 
tion. 8 fr. 

SI. A. BAIN.* La Selenee de l'éducation. 1vol. in-8. 7« édit. 6 fr. 

82-33. THUKSTON (R.).* HiNtoire de la maehine * vapeur, précédée 
d'une Introduction par M. Hirsch. 2 vol. in-8, avec lAO figures dans 
le texte et 16 planches hors texte. 3* édition. IS fr. 

SA. HARTMANN (R.). Lee Peuples de r Afrique. 1 vol. in-8, avec 
figures. 2' édition. 6 fr. 

85. HERBERT SPENGER. Les Bases de la morale évoIntlonnUte. 
1 vol. in-8. 4* édition. 6 fr. 

80. HUXLEY. L*Rcrevisse, introduction à l'étude de la soologie. 1 vol. 
in-8, avec flgures. 6 fr. 

87. DE ROBERTY. De la Socloloffie. 1 vol. in-8. 3* édition. 6 fr. 

58. ROOD. Théerte seientiHqne des eonleurs. 1 voL in-8, avec 

ligures et une planche en couleur hors texte. 6 fr. 

89. DE SAPURTA et MARION. L*Évolutlon du rèffne végétal (les Grypto- 
games). 1 vol. in-8 avec flgures. 6 fr. 

AO-41. GHARLTON BASTIAN. Le Cerveau, orcane de la pensée ehee 
l'homme et ehes lee anlmaax. 2 vol. in-8, avec figures. 2* éd. 12 fr. 

AS. JAMES SULLY. Les Illusions des sens et de resprlt. 1 vol. in-8, 
avec figures. 2* édit. 6 fr. 

A3. YUUNG. Le Soleil. 1 vol. in-8, avec figures. 6 fr. 

44. Du GANDOLLE. * L*Orlslne des plantes cultivées. 3* édition. 1 vol. 
in-8. fifr. 

45-46. SIR JOHN LUBBOGK. * Fourmis, ateellles et suêpee. Études 
expérimentales sur l'organisution et les mœurs des sociétés d'insectes 
hyménoptères. 2 vol. in-8, avec 65 figures dans le texte et 13 plan- 
ches hors texte, dont 5 coloriées. 12 fr. 

47. PERRIER (Edm.). La Philosophie Booloslqne avant Darwin. 

i vol. in-8. 2* édition. 6 fr. 

48. STALLO. La Ifatière et la Physique moderne. 1 Vol. in-8, 2* éd., 

précédé d'une Infroduction pur Gh. Fuiedel. 6 fr. 



- 20 — 

49. MÀNTEGAZZA. La iPUjmmmmmïB et rBsprMstoB «m MBllMei 

1 vol. in-8. 2* édît., avec huit planches hors texte. 6 fr. 

50. DE MEYER. Len •rsaneii «e la parale et le«r eaiplal paar 

la fformatlaa «en nanit en laBua^e. i vol. in-8, avec 51 fig^rei, 
précédé d'une Introd. par M. 0. Glaveao. 6 tt, 

51. DE LANESSAN. introdaetioB * rÉtnde «e la haCaal^ae (le Sapin). 

1 vol. in-8, 2* édit., avec 1A3 flgurcsdans le texte. 5 fr. 

5S-5S. DE SAPORTA et MARION. L*Rvolation 4a rècne vésélal (les 

Phaiiprogames). 2 vol. in-8, avec 136 figures. 12 fr, 

54. TROUESSART. Les Mierotees, len FermeaU el leii IfoUliMarea. 

1 vol. in-8, 2*édit.,avec 107 figures dans le texte. 6 fir. 

55. HARTMANN (R.). Len (Plaseii aalhropoldeii, et lear orcaalaaUea 

eoBiparée * «elle de rhoasair. 1 vol. in-8, avec gravures. fr. 

56. SCHMIDT (0.). Leii Maoimlffèreii danii leur* rappertii avee leara 

anedtreA séolosiqaen. 1 vol. in-8 a\ec 51 figures. 6 fr. 

57. RINET et FERÊ. Le Manaétliime aalmal. 1 vol. in-8. 3* éd. 6 fr. 
58-59. R0MANKS.i/intoiilseneedes«Biniaax.2v.in-8.2«édit. 12 fr. 

60. F.LAGRANGE. PhyuloloBie dei« exereleen dn eorpi*. 1 vol. in-8. 

5* édition. 6 fr. 

61. DREYFUS (Gamillc).'*' Évolalioa dei« monAeii et de* soel^tés. 1 vol. 

in-8. 3' édit. 6 fr. 

62. DAUBRÉË. -'^' Les Réslon» Iniimblefl da iilebe et dcii eiipaeee 

céleAten. 1 vol. in-8 avec 85 grav. dans le texte. 2* éd. 6 fr. 

68-64. SIR JOHN LUBBOGR. * l/Homoie préhlHlortqae. 2 vol. in-8, 

avec 228 gravures dans le texte. 3* édit. 12 fr. 

65. RIGHET (Gh.). La Chalear aaloiaie. 1 vol. in-8, avec figures. 6 fr. 

66. FALSAN (A.). LaPértode sla«ialr«*prlBclpaleBieBtea Franee et 

ea SalHNe.l vol. in-S, avec 105 grav. et 2 cartes. 6 fr. 

67. BEA13N1S (H.). Le* MeaiianoBii lateraes. 1 vol. in-8. 6 fr. 

68. CARTAILHAG (E.). La Fraaee préhlHtorlqae, d'après les sépnltnres 

et les monuments. 1 vol. in-8, avec 162 frravures. 6 fr. 

69. BERTHEL0T.*L«RévolalloBehliBl4ae,LaYOl>iior. 1 vol în-8. 6 fr. 

70. SlR JOHN LUBBOGR. * Lei« MeBH et flantlnet rhe* le* aalBiaBZ, 

principalement ches les insectes. 1 vol. in-8, avec 150 grav. 6 fr. 

71. STARGRE. *ia Famille primitive. 1 vol. in-8. 6 fr. 

72. ARLOING. * Len Virun. 1 vol. in-8, avec Ag. 6 fr. 

73. TOPINARD * L*HommcdaBi« la IValare. 1 vol. in-8, avci^ llg. 6 fr. 

74. BINET (Alf.).* Len tltérationH de la pemoBaallté. 1 vol. in-8 avec 

fi}furP8. 6 fr. 

75. DE QUATREFAGES (A.^.DarwlBetMeAprécBrNCBra nraBçals. t vol. 

iii-8. 2* é>lition refondue. 6 fr. 

76. LEFÈVRE (A.) * Len RareM et len lanipien. 1 vol. in-8. 6 fr. 
77-78. DE QUATREFAGES. Len KmaleH de Darwla. 2 vol. in-8 avec 

préfaces de M.M. E. Perrier et Hamy. 12 fr. 

OUVRAGES SOUS PRESSE : 

DUMESNIL. L'hyfclèae de la malNoa. 1 vol. in-8, .ivcc gravures. 
GORML ET VIDAL. La mieroteloloffie. 1 vol. in-8, avec (rravures. 
GUIGNET. PotcrioN, verreH et émaux. 1 vol. in-8, avec gravures. 
ANDRÉ (Gh.). l^e NyNième notaire. 1 vol. in-8, avec gravures. 
KUNGKEL D'HERGULAIS. Len Naalerellen. 1 vol. in-8, avec (rravures. 
MORTILLET (de). L*Orfirlne de rhomme. 1 vol. in-8, avec frravuret. 
PERRIER E.). L'Embryonéale ffénérale. 1 vol. ia-8, avec ;;ravures. 
POCGHET (G.). La Forme et la vie. 1 vol. in-8, avec gravures. 
BERTILLON. La Démoirraphle. 1 vol. in-8. 
BERTHELOT. La Plillo««oplilc ehlmlque. 1 vol. in-8. 
CARTAILHAG. Lea «aulola. 1 vol. in-8, avec gravures. 



— :fl — 
LISTE PAR ORDRE DE MATIÈRES 

DES 78 VOLUMES PUBLIÉS 

DE LA RIBLMÎ^UE KïïMP INTEMAiniE 

Chaque volume in-S, cartonné à l'anglaise 6 francs. 

SCIENCES SOCIALES 

* Introduction à la science sociale, par Herbert Spencer, i vol. in-8. 
!()• édit. 6 fr. 

* Les Bases de la morale évolntionniste, par Herbert Spencer. 1 vol. 
in-8. 4* édIt. 6 fr. 

Les Conflits de la science et de la religion, par Draper, professeur i 
l'Université de New-York. 1 vol. in-8. 8* «dit. 6 fr. 

Le Grime et la Folie, par H. Maudslet, professeur de médecine légale 
i l'Université de Londres. 1 vol. in-8. 5* édil. o fr. 

* La Défense des Ëtats et les Camps retranchés, par le général A. Rrial- 
MONT, inspecteur général des fortifications el du corps du génie de 
Belgique. 1 vol. in-K, avec nombreuses flgurcs dans le texte et i pi. hors 
texte. V édil. {Sous presse). 6 fr. 

* La Monnaie et le Mécanisme de l'échange, par W. Stanley Jevons, 
professeur à l'Université de Londres. 1 vol. in-8. 5* édit. 6 fr. 

La Sociologie, par de Roberty. 1 vol. in-8. 3* édit. 6 fr. 

* La Science de l'éducation, par Alex. Bain, professeur à l'Université 
d'Aberdeen (Ecosse). 1 vol. in-8. 7* édit. 6 fr. 

* Lois scientifi(pies du développement des nations dans leurs rapports 
avec les principes de l'hérédité et de la sélection naturelle, par W. Ba- 
CEHOT. i vol. in-8. 5* édit. 6 fr. 

* La Vie dn langage, par D. Whitney, professeur de philologie comparée 
à Yale-Coll^ge de Boston (États-Unis). 1 vol. in-8. 3* édit. 6 fr. 

*La Famille primitive, par J. Starcke, professeur à l'Université de Copen- 
hague. 1 vol. in-8. è fr. 

PHYSIOLOGIE 

Les Illusions des sens et de l'esprit, par James Sully. 1 vol. in-8. 
f édit. 6 fr. 

* La Locomotion chez les animaux (marche, natation et vol), suivie d'une 
étude sur Vflistoire de la navigation aérienne, par J.-B. Pettigkew, pro- 
fesseur au Collège royal de chirurgie d'Edimbourg (Fxosse). 1 vol. in-8, 
avec W) n;?ures dans le texte, â* édit. 6 fr. 
Les Nerfs et les Muscles, par J. Bosentiial, professeur à l'Université 
d*Kr]angen (Bavière). I vol. in-8, av. 75 grav. 3' édil. (^/»«i.*^.) 

* La Machine animale, par t.-J. .Maret, membre de l'insiiiul, prof, au 
Collège do France. 1 vol. in-8, avec 117 figures, i* édit. 6 fr. 

* Les Sens, par Bernstcin, professeur de physiologie à l'Université de Halle 
(Prusse). 1 vol. in-8, avec 91 figures dans le texte, i* édit. 6 fr. 

Les Oraanes de la parole, par H. de Meyer, professeur à l'Université de 
Zurie.Ti, traduit de ralleniand et pr('>céilé d'une introduction sur VfSn»ei- 
gnement de la parole aux sourds-muets^ par 0. Claveau, inspecteur géné- 
ral des établissements d<» bienfaisance, 1 vol. in-H, avec hi grav. 6 fr. 

La Physionomie et TExpression des sentiments, par P. Mantegazza, 
professenr au Muséum d'hisloire naturelle de Florence, i vol. in-8, avec 
flgures et 8 planches hors texte. 6 fr. 

* Physiologie des exercices du corps, par le docteur F. Lagrange. i vol. 
in-8. 0* édit. Ouvrage couronné par l'Institut. 6 fr. 

La Chaleur animale, par Ch. Rir.REi professeur de physiologie à la Faculté 
de médecine de Paris. 1 vol. in-8, avec figures dans le texte. 6 fr. 

Les Sensations internes, par H. Braunis, directeur du laboratoire de 
psychologie physiolo^^ique à la Sorbonne. 1 vol. in-8. 6 fr. 

* Les Virus, par M. Arloing, professeur à la Faculté de médecine de Lvon, 
directeur de l'école vétérinaire. 1 vol. in-8, avec flg. è fr. 

PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE 

* Le Cerveau et ses fonctions, par J. Linrs, membre de TAcadémie de méde- 
cine, médecin de la Charilé. 1 vol. in-8, avec fig. 7* édit. 6 fr. 

Le Cerveau et la Pensée chez l*homme et les animaux, par Charltoii 
Bastian, professeur à TUniversité de Londres. 2 vol. in-8 avec 184 fig. dam 
le texte. 2* édil. 12 fr. 

Le Crime et la Folie, par H. Maddslbt, professeur à TUniversité de Lon- 
dres. 1 vol. in-8. 6* édit. 6 fr. 



^4 

* L'Esprit et le Corpi, comidéréi aapoiot de Tue de leun relations, suWi 




DCMONT. 1 vol. iu-8. 3* édit. 6 fr. 

La Matière et la Pbytiqne moderne, par Stallo, précédé d'une pré- 
face par M. Cti. Fkiedel, de l'InBlitut. 1 vol. in-8. 2* édit. 6 fr. 

Le Magnétisme animal, par Alf. Binet et Gh. Fèké. 1 vol. in-8, avee figures 
dans !« iaxla. 3* édit. 6 fr. 

Llntalligence des animaux, par Romanes. 2 v. in-8. 2" édit. précédée d*ane 
prÂfaci' cle M. E. I'ekrier, prof, an .Muséum d'histuire naturelle. 12 fr. 

* L'Évolution deemondes etdesaociétés, par C. DasTrus, député de la Seine. 
1 vol. in-8. 3' éilit. 6 fr. 

*L68 Altérations de la personnalité, par Alf. RnsT, directeur adjoint du 
laboratoire de psychologie à la Sorbonne (Hautes études). 1 vol. in-8, 
avec gravures. 6 fr. 

ANTHROPOLOGIE 

* L'Espèce humaine, par A. de Quatrefages, membre de rinstitut, profes* 
snur irunthropologie au Muséum d'histoire naturelle de Paris. 1 vol. in-8. 
l(r «'dit. 6 fr. 

Gh. Darwin et ses précurseurs français, par A. de Qlatrefaces. 1 vol. 
in-8 i* .édition. 6 fr. 

Les Émules do Darwin, par A. de Qiatrefagf.s, avor une prôfan' do 
M. Ei»M. f*Kiii!iEK, (If riiis'iliit. t't iino iiotiiM» sur la \i».* «'t les travaux de 
l'autiMir par E.-T. IUmv, île riii«-litul. 2 vol. in-8. li fr. 

* L'Homme ayant les métaux, par N. Joly, correspondant de l'In^stitut, 
profeiiseur à la Faculté des sciences de Toulouse. 1 vol. in-8, avec t50 Agu* 
res dann le texte et un frontispice, -i* édit. 6 fr. 

* Les Peuples de l'Alrique, par R. Hartmann, professeur à l'Université de 
Berlin. 1 vol. in-8, avec 93 ligures dans le texte. 2* édit. 6 fr. 

Les Singes anthropoïdes et leur organisation comparée à celle de l'homme, 
par R. Haiitmann, professeur à l'Université de Berlin. 1 vol. in-8, avec 
b'S figures gravées sur bois. 6 fr. 

* L'Homme préhistorique, par Sir John Lubrock. momhre dp la Société rovalc 

de Londres. 2 vol. in-8. avec 228 gravures dans le texte. 3* édit. 1^ fr. 

La France préhistorique, par E. Caktailhac. 1 vol. in-8. avec IfjO gra- 
vures «lans le texte. 6 fr. 

* L'Homme dans la Nature, par Topinard. ancien si^crrtaire général de la 
Soriût('; irAiithropologio iJc Paris. 1 v(t|. in-8, avec 101 gnvii res dans le 
texte. ' 6 fr. 

* Les Races et les Langues, par André Lefëvre, professeur à l'École d'An- 
thropolo^ip. dy\ Pari4. 1 vol. in-8. 6 fr. 

ZOOLOGIE 

* La Descendance de l'homme et le Darwinisme, par 0. Schiiidt, pro- 
fesseur arUniverHÎte de Strasbourg. 1 vol. in-8, avec figures. C* édit. 6 fr. 

Les Mammifères dans leurs rapports ayec leurs ancêtres géologiques, 
par 0. SCHMIDT. 1 vol. in-8, avec 51 figures dans le texte. 6 fr. 

* Fourmis, Abeilles et Guêpes, par sir John Lurrock, membre de la Société 
royale de Londres. 2 vol. in-8, avec figures dans le texte, et 13 planches 
hors texte dont 5 coloriées. 12 fr. 

* Les Sens et l'instinct chez les animaux, et principalement chez les in- 

sectes, par Sir John Lurhock. 1 vol. in-8 avec grav. 6 fr. 

L'Ëcrevisse, introduction à l'élude de la zoologie, par Th.-H. Huxley, mem- 
bre de la Société royale dA Londres et de l'Institut de France, professeur 
d'histi>ire naturelle A l'Ëcole royale des mines de Londres. 1 vol. in-8, 
avec 8i figures dans le texte. 6 fr. 

* Les Commensaux et les Parasites dans le règne animal, par P.-J. Var 
Bknkukn, professeur à l'Université de Louvain (Belgique). 1 vol. in-8, avec 
8:2 fii^ures dans le texte. 3' édit. 6 fr. 

La Philosophie zoologique avant Darwin, par Edmond Per hier, professeur 
au MiHi'tiru d'histoire naturelle de Paris. 1 vol. in-8. 2' édit. 6 fr. 

Darwin et ses précurseurs français, par A. de Quatrefages, de l'Institut. 
1 vol. iu-8. !»• édit. 6 fr. 

BOTANIQUE - GÉOLOGIE 

* Les Champignons. parCooKE et Berkelet. 1 v.in-8,avecl10fig.4*édii. 6 fr. 

* L'Évolution du régne végétal, par G. de Saporta, correspondant de Tin- 



— 23 — 

Btitat, et Marion, correspondant de Tlnstitut, professeur à la Faculté des 
sciences de Marseille : 

* I. LêM Crvptogames. 1 vol. in-8, avec 85 figures dans le texte. 6 fr. 

* H. Le$ Pnanérogames. 2 vol. in-8« avec 136 flg. dans le texte. 12 fr. 

* Les Volcans et les Tremblements de terre, par Fuchs, professeur à 
rUniversité de Heidelberg. 1 vol. in-8, avec 36 flgures et une carte en 
couleur. 5* édition. 6 fr. 

* La Période glaciaire, principalement en France et en Suisse, par A. Fal-san. 
1 vol. in-8, avec 105 gravures et 2 cartes hors texte. 6 fr. 

* Les Régions invisibles dn globe et des espaces célestes, par A. Daubbée, 
de l'Institut, professeur au .Muséum d'histoire naturelle. 1 vol. iii-8. 
2* édil., avec 89 gravures dans le texte. fr. 

* L'Origine des plantes cultivées, par A. de Canuolle, correspondant de 

rinstitut. 1 vul. in-8. 3* édit. 6 fr. 

* Introduction à l'étude de la botanique (le 5apm),par J. deLanessan, pro- 
fesseur ;igr(^gé à la Faculté de médecine de Pans. 1 vol. in-8. :2* édit., 
avec flgures dans le texte. 6 fr. 

* Microbes, Ferments et Moisissures, par le docteur L. Trourssart. 1 vol. 
in-8, avec 108 tlgures dans le texte. 2* éd. H fr. 

CHIMIE 
Les Fermentations, par P. Schutzenbëkcer, membre de l'Académie de méde- 
cine, prof, de chimie au Collège de France. 1 v. in-8, avec flg. 5' édit. 6 fr. 

* La Synthèse chimique, par M. Kerthelot, secrétaire perpétuel de 
l'Académie des sciences, professeur de chimie organique au Collège de 
France. 1 vol. in-8. 6* édit. 6 fr. 

* La Théorie atomique, par Ad. Wurtz, membre de rinstitut, profes- 
seur à la Faculté des sciences et à la Faculté de médecine de Paris, i vol. 
in-8. 6* édit., précédée d'une introduction sur la Vie et les Travaux de 
l'auteur, par M. Cli. Friedei., de l'Institut. 6 fr. 

* La Révolution chimique (Lavoisier), par M. Uerthklot. 1 vol. in-8. 6 fr. 

ASTRONOMIE - MÉCANIQUE 

* Histoire de la Machine à vapeur, de la Locomotive et des Bateanz à 
vapeur, par H. Tuuhston, professeur de mécanique à l'Institut technique 
de Hoboken, près de New- York, revue, annotée et augmentée d'une Intro- 
duction par M. HiKsr.H. professeur de machines à vapeur à TÊcole des ponts 
et chaussées de Paris. 2 vol. in-8, avec lOO ligures dans le texte et 16 plan- 
ches tirées à part. !{• édit. 12 fr. 

* Les Étoiles, notions d'astronomie sidérale, parle P. A. Secchi, directeur 
de rOhservatoire du Collège Romain. 2 vol. in-8, avec 08 flgures dans le 
texte et 16 planches en noir et en couleurs, t* édit. (Kjitiisé.) 12 fr. 

Le Soleil, par C.-A. Young, {professeur d'astronomie au Collège de New- 
Jersey. 1 vol. in-8, avec 87 lijjures. 6 fr. 

PHYSIQUE 

La Conservation de l'énergie, par Balfour Stewart, professeur de 
physique au collège Owens de Manchester (Angleterre), suivi d'une étude 
sur la .Va/»/n» de la force^ par P. de Sai.nt-Robkrt (de Turin). 1 vol. in-8 
avec flgures. A" édit. 6 fr. 

* Les Glaciers et les Transformations de l'eau, par J. Tyndai.l, pro- 
fesseur de chimie à l'Institution royale de Londres, suivi d'une étude sur 
le même sujet, par Helmuoltz, professeur à l'Uuiversité de Berlin, t vol. 
in-8, avec nouihrnuses flgures dans le texte et 8 planches tirées à part 
sur pai)ior tcinl»^. 5* édit. 6 fr. 

* La Photographie et la Chimie de la lumière, par Vogei., professeur i 
rAraiJéiiiie polyteclinitpie de Berlin. 1 vol. in- 8,, avec ')5 flgures dans le 
texte et une planche en ph»doglyptie. 4* édit. {Hpuisé.) 6 fr. 

* La Matière et la Physique moderne, parSrALLo, précédé d'une préface 
par Ch. Fhieukl, membre do l'Institut. 1 vol. iu-8. 2' édit. 6 fr. 

THEORIE DES BEAUX-ARTS 

* Le Son et la Musigue, par P. Blasehna, prof, à l'Université de Bome, suivi 

des Cauxes phijsiologiques de l'harmonie musicale^ par H. Helmroltz, 
IjTof. à l'Université de Berlin. 1 vol. in-8, avec 41 flg. 4* édit. 6 fr. 

Principes scientifiques des Beaux-Arts, par £. Brucke, professeur à 
l'Université de Vienne, suivi de VOpUque et les Arts, par Helmholtz, 
prof, à l'Université de Berlin. 1 ^ol in-8, avec flg. 4* édit. 6 fr. 

* Théorie scientificnie des couleurs et leurs applications aux arts et à 
l'industrie, par 0. N. Bood, professeur de physique à Colombia-College 
de New- York (Ëtats-Unîs). 1 vol. in-8, avec 130 ffgures dans le texte et 
une planche en couleurs. 6 fr. 



— 24 — 



PUBLICATIONS 

HISTORIQUES, PHILOSOPHIQUES ET SCIENTIFIQUES 
qui ne se trouvent pat dans les collections précédentes. 



A0teN «a i*' ConsrèH International «*anthropalofile erlminelle 4e 
Rome. Biologie et sociologie. 1887. 1 vol. gr. in-8. 15 fr. 

AGUILERA. l/ldée ée droit en .lilemaf^ne depuis Kant jusqu'à nos jours. 
i vol. iii-8. 1892. 5 (t. 

ALAUX. EMqalMAe d*une phlloiiophie de Ti^tre. ln-8. 1 fir. 

— Lei» Problèmeii relicleax an TLtJL* Mi6ele. i vol. in-8. 7 fr.50 

— Phlloitopble morale et politique, tUudes. I vol. iu-8. 1893. Tir. 50 
(Voy. p. 2.) 

ALGLAVE. De* Jnrldletlona elvlleachea lea Biomalna. i vol. ia-8. 2ft. 50 

ALTMEYER (J.-J.). Ven Préenmcnra de la réforme ans Paya-Baa. 

2 forls volumei in-8. 12 fr. 

ARRÊAT. Une Édneatlen Intelleetnelle. 1 vol. iii-18. 2 fr. 50 

— aenrnal d*nn phlIoNophe. 1 vol. in-18. S fr. 50 
(Voy. p. 2 et 4.) 

Antonomie et fédération. 1 vol. in-18. 1 fr. 

AZAM. Rnire la raison et la folle. LeH ToqaéH. Gr. in-8. 1891. 1 fr. 

— HypnotlHnie el double eoniirlenee, avec prûraccs et lettres de 
MM. Paul Hert, Gharcot et Uibot. 1 vol. in-8. 1893. 9 fr. 

BAETS iAlibô M.;. Les HoMefi de la morale et dn droit. In-8. 6 fr. 
BALFOUR STEWART et TAIT. i^XnUem inviMible. i vol. in-8. 7 fr. 

BARNI . Les iSartyrs de la libre pensée, i vol. in-18. 2« édiU 8 fr. 50 

(Voy. p. à ; Kakt, p. 8 ; p. 13 et 31. ) 
BARTHELEMY SAINT-HILAIRE. (Voy. pages 2, 4 et 7 et Aristoie ) 
BAUTAIN (Abbéj. La Pbllosopble morale. 2 voL in-8. 12 fr. 

BEAUN1S(H.). Impressions de campagne (1870-1871). ln-18. 3 fr. 50 
BËNARI) (Gh.). Pbllosopble dans réducatlon classique. lu -8. 6 fr. 

(Voy. p. 7, Aristote; p. 8, Schellirg et Heoel.) 
BERTAULD. De la .nétbode. Méthode spinosiste et méthode hégélienne. 

2« éilition. 1891. 1 vol in-18. 3 fr. 50 

— Métbode spiritualiste . Etude critique des preuves de Texisteuce de 
Dieu. 2*' édition. 2 vol. in-lS. 7 fr. 

— Esprit et liberté. 1 vol. in-18. 1892. 3 fr. 50 
BLANUUI. Critique sociale. 2 vol. in-18. 7 fr. 
BOILLEY I P.). i.a l.éfcislation Internationale du travail. In-12. 3 fr. 
BONJEAN (A.), i/ilypnotlsme, ses rapports avec le droit, la thérapeutique, 

la suggestion mentale. 1 vol. in-18. 1890. 3 fr. 

BOUGHAKDAT. Le Travail, son inHuence sur la santé. In-18. 2 fr. 50 

BOUGHER (A.) Darwinisme et socialisme. 1890. In-8. 1 fr. 25 

BOURBON DEL MONTE. L'Homme et les animanv. 1 vol. in-8. 5 fr. 
BOURDEAU ( Louis). Tbéorle des sciences. 2 vol. in-8. 20 fr. 

— Les Forces de rindnstrie. 1 vol. in-8. 5 fr. 

— La Conquête dn monde animal. In-8. 5 fr. 

— La Conquête du monde véftétal. 1893. In-8. 5 fr. 

— LWlstoire et les bistorlens.l vol. in-8. 7 fr. 50 (Voy. p. A.) 



-26 - 

BOURDET (Eug.)- PrtnelpeH «*édae«tlon poivitive. In-18. 8 fr. 50 

— Toeakalslre «• la plilloii«ptale positive. 1 vol. in-18. 8 fr. 50 
BOURLOTON (Edg.) et ROBERT (Edmond). La Conmiae et ■•■ Mées 

à trsTem l'kistoire. 1 vol. in-18. 3 fr. 50 (\'oy. p. 13.) 

BUCHNER. EiMsl MosrspliHae «ar wAn Damoat. In-18. % flr. 

■■lletlaa tfe la Aoelété de puyeliolosle phyiiloloKl^ae. 1'* année. 1886. 
1 broch. in-8, 1 fr. 50. — 2* année, 1886, 1 broch. in-8, S fr. — 
3* année, 1887, 1 fr. 50. — &* année, 1888, 1 fr. 50; — 5» année, 
1889, 1 fr. 50; — 6« année, 1890. 1 fr. 50 

BUSQUET. mepréMllles, poésies. In-18. 1 vol. S fr. 

BUSSIÈREet LEGOUIS. l.e ttéaéral Beaapay (1753-1 79G).In-8. 3 fr. 50 

CARDON (G.). I^CN Fondatearn de ri'iilvcrfilté de Douai. In-8. 10 fr. 

GELLAKIÈR (P.). Ktadeii Nar la ralMoa. 1 vol. in-i2. 3 fr. 

— BapportM du relatif et de TateNola. l vol. in-18. 4 (V. 
GLAMAGERAN. L«Als^rle. 3« édit. 1 voK in-18. 3 fr. 50 

— Msm méaetloB éeononl^ae et la démoeratle. 1 v.in*8.1891. 1 Ar. 25 
(Voy. p. 13.) 

CLAVEL (on. La Morale poiiltive. 1 vol. in-8. 3 fr. 

~~ Critique et eoBn^qaeaeeM dei» prinrlpeu de I99D. In-18. 3 fr. 

— E.eii PrInelpeM au Xïï'%.* Mièele. In<18. 1 fr. 
CONTA. Théorie da raCallitme. 1 vol. in-18. A Ar. 

— latrodnetloB A la métaphym^ne. 1 vol. in-18. 3 tt. 
COQUEREL ûli (Athanase). iJhreo étodeo. 1 vol. in-8. 5 fr. 
CORTAMBERT (Louis). La mellsIoB du pro^rèii. In-18. 3 fr. 50 
GOSTE (Ad.). Hyiclène Hoelale eontre le paapérlume. ln-8. 6 fr. 

— Le* QaeMtioBA AoelaleM eontemporaineu (avec la collaboration 
de MM. A. BuRDEAU et Ahhéat). 1 fort vol. in-8. 10 fr. 

— IVonvel expoMé d'économie poliCiqae et de phyHiolosle Hoelale. 
In-18. 3 fr. 50 (Voy. p. 2 et 32.) 

CRÊPIEUX-JAMIN. I/Keritare et le caractère. 1 vol. in-8 avec de 

nombreux fac-similés. 5 fr. 

DANICOURT(Léon). La Patrie et la mépahliqae. ln-18. 2 fr. 50 

DAURIAG. f9eBii commaB et ralHon pratique. 1 br. in-8. 1 fr. 50 

— CroyaBce et réalité. 1 vol. in-18. 1889. S fr. 50 

— Le méallwme de Beld. I(i-8. 1 fr. 

— IntrodactioB A la pf»>cliOlof|le du munlclen. 1891. 1 br. in-8. 1 fr. 
DAVY. Le« CoBventloBBelii de TEnre. 2 forts vol. in-8. 18 fr. 
OELBCEUF. Examea eritiqae delà loi pHyehophyiilqae. ln-18. 3 fr. 50 

— Le fiomiuell et Iom réven. 1 vol. in-18. 3 fr. 60 

— De l'Élcndae de Tactlon cnrative de l'hypnotlHBie.L'liypnotloBie 
appliqué aaxailérationii de l'organe viNuei. In-8. 1 fr. 50 

— Le MannétlMBie animal, visite à l'École de Nancy. In-8. 2 fr. 50 

— MasnétlNeurN et médeclan. 1 vol. in-8. 1890. 2 fr. 

— Le« Ft^ten de Monipcilier. ln-8. 1891. 2 fr. 

— Meffamlcrow. 1 br. in-8. 1893. i Ir. 50 >Voy. p. 2.) 
DELMAS. LitercN penM«M'M (littérature et morale). 1vol. in-8. 2 fr. 50 
DE^CHAMPS. La Phi lONophIe de récriture. 1 vol. in-8. 1892. 3 fr. 
DESTREM (J.). Le* Déportatlonn du Connalat. 1 br. in-8. 1 fr. 50 
DIDË. * JnieN Barni, f»a Tie, non œuvre. 1 v. in-18, avec le portrait de 

J.Hfirni, gravé en taille-douce. 1891. 2 fr. 50 

DOLLFUS (Gh.). Lettres phlloooplilqaeo. In-18. 3 tt. 

— €)oBiildératlonii oar rhlAtoIre. In-8. 7 fr. 50 

— L*Ame dans les phénoméneo de eonaelenee. 1 vol. in-18. 3 fr. 60 
ODBOST (Antonitt). Des eondltlono de sonTerBeneat ea Frasoe. 

i vol. in-8. 7 fr. 50 

DUBUC (P.). * EMal oar la méthode en métaphysique. 1 vol. in-8. 5 fr. 
DUFAT. Elvdeo owr la destinée. 1 vol. in-18. 3 fr. 



— 26 - 

DUNAN. Sur le« rormes à priort «e la ■•MiMUIé. 1 vol. ia-8. 5 Ar. 

— ft.e« ArfVBienifl de Sénoa d*Élée contre le noaTeaieBt. 1 br. 

ia-8. 1 fr. 50 

DURAND -DËSOKM EAUX. Réflexions et Penaées. In-8. 2 fr. 50 

— Étndeii philoHOphiqaen, l'action, la coniiaUsaDce. 2 vol. in-8. 15 fr. 
DUTASTA. Le Copllnine Voilé. 1 vol. in-18. 3 fr. 50 
DUVALrJOUVK. TroICé de loslqne. 1 vol. ia-8. 6 fr. 
DUVEKGIRR DE HAURANNE (M"* E.). Hinlolre popalolre de In mévo- 

IntloB rroBfolse. 1 vol. în-18. 3* édil. S fr. 50 

— ÊiéneBM de «elenee «oelole. 1 vol. in-18. &• édit. S fr. 50 
ESGANDE. Hoeheen Irlonde (1795-1798). 1 vol. in-18. 3 fr. 50 
ESPINAS. Du Soinmeil provoqué ehes leo hyMtérlqoeo. Br. in-8. 1 fr. 

(Voy. p. 2 et 4.) 

FABRE (Joseph). niNloire de In philomopliie. Première partie : Antiquité 
et moyen âge. 1 vol. in-12. S fr. 50 

FAU. Anotomle deo formeo du eorpo hniaoln, à l'usage dei peintres et 
des sculpteurs. 1 alLis de 25 planches avec texte. 2^ édition. Prix, figu- 
res noires, 15 fr. ; fig. coloriées. 30 fr. 

FAUCONNIER. Protection et nkrc-échonse. In-8. 2 fr. ~ Ia Momie 
et In rellsion dnno renoeisnenient. 75 c. — L*Or et l*nriient. 
1d-8. 2 fr. 50 

FEDERICI. LcM I.olf» da prosrèi». 2 vol. in-8. Chacun. 6 fr, 

FKRRIEKE (Em.). Léo Apàtreo,essai d'histoire religieuse. 1 vol. in-12. Afr. 50 

— I«*Aiue eMt lo fonction dn eerveon. 2 volumes in-18. 7 fr. 

— Le Poiconiome de* aéterenx Jnuqn'A In captivité de Babylone. 
1 vol. in-i8. 3 fr 50. 

— I.O Motlère et l'énerulc. 1 vol. in-18. d fr. 50 

— I/Ame et In vie. 1 vol. in-18. à fr. 50 

— LeN iirrenrMNCientiflqacMde In Bible. 1 vol. in-18. 1891. 3 fr. 50 

— LON M)tlic» dvt in llil»i«ï. 1 vol iu-18. 18'J3. 3 Ir. 50 (Voy. p. 32.) 
FERRON (lie). inNtiinllonH uinnieipoleii et provineinlen dans les diffé- 
rents États dcTblurope. Comparaison. Rérormes. 1 \ol. ia-8. 8 fr. 

— Théorie dn proicrèii. 2 vol. iu-18. 7 fr. 

— De In UlvlMlon du pouvoir léclMi. en dens Chnmhreo. ln-8. 8 fr. 
FLOUhNOY. lieN plicnoiu«^uoM iio Nynopitic {amlition colorée), 1 vol. 

in-8. 181)3. 6fr. 

FOI (W.-J.). Deo IdéeM rellnieaNeH. ln-8. S fr. 

GASTINEÂU. ¥oltnirc en exil. 1 vol. in-18. S fr. 

GAYTE (Claude). RuNni nur In eroynneo. 1 vol. in-8. S fr. 

GOBLKTD'ALYIELLA. l/ldoede Uicu, d'apici^ranthr. et l'histoire. ln-8. 6 f. 
GOURD. 1.0 Phénomène. 1 vol. in-8. 7 fr. 50 

GRASSEKIE R. de. lu), m- In cloMMiricolion ohjerllvc et Muhjectivc deo 

nriN, flo lu lllt«^riiliir<' cl fic'H Mcic^nrcM. 1 vol. in-S, 5 fr. 

GREEF ((luiliauine de). InCroduellon A in 0oeioloffle. 2 vol. in-8. 

Chacun. 6 fr. (Yoy. p. 2.) 

GRESLANI). I.e Ciénie de Thomme, libre philosophie. Gr. in-8. 7 fr. 

GRIMAIIN. (Ed.). l^Mvoif«ier (1748-1794), d'après sa correspondance et 

diviT» lioounienls inédits. 1 \ol. gr. in-8 avec i^ravurcs. 1888. 15 fr. 
GRIYEAU (M.).l.eN Ki«^inonlM du toonu. Prérace de M. Si'LLT-Pkcdbomsie. 

In-18, avec GO tîg. lH'.»:i. û fr. 50 

GUILLAUME (de .Moissey). Trnlté dcii Noniintlonf». 2 vol. in-8. 12 fr. 
GUILLY. r.n IVatnre et la Morale. 1 vol. in-18. 2<^ édit. 2 fr. 50 

GUYAU. ¥erM d'un philoMophe. In-t8. 3 fr. 50 (Voy. p. 2, 5, 7 et 10.) 
HAYE.M (Armand). l/KIrc Moelnl. 1 vol. in-18. 2* édit. 2 fr. 50 

HENRY (Ch.). l.olM KénémlcM doM ri'^nellonH puyeho-motrlero. In-8. 2 fr. 

— IVrele ehromullque, avec introduction sur la théorie yènêrah de la 
dymimofjênit\ grand in-folio curtouné. 40 fr. 



- 27 — 

HENRY (Ch.). mspporicar emUÊÊéUqflÊe avec notice sur ses applicationg à C art 

industrielj à Vhistoire de Vart^ à la méthode graphique. 20 fr. 

HERZEN. Béellfl el Roavelles. In-18. 3 fr. 60 — De TsaCre rive. 

Ia-18. 3 fr 50. — Leitres tfe Preace et d*lft«lle. In-18. S fr. 50 
HIRTH (G.). ILm Vue plasUqoe, reactlen tfe réeorce ecréterale. In-S. 

Trad. de rallein. par L. Arréat, avec grav. et 31 pi. 8 fr. (Voy. p. 5.) 
HUXLEY. I^a PhyiilofirMpliie, introduction à l'étude de la nature, traduit et 

adapté par M. G. Lamt. 1 vol. ia-8. 2*" éd., avec Qg. 8 fr. (Voy. p. 5 et 32.) 
ISSAURAT. MoBieniii perdm «e Pierre-Jean. 1 vol. in-18. 3 fir. 

— • Les Alernieii d'an père de rnmllle. la-8. 1 fir. 

lANET (Paul). Le Médletenr plastique de Cudwortii. i vol. in-8. 1 fjr. 

(Voy. p. 3, 5, 7, 8, 9 et 11.) 
JSANMAIRE. Ln Pemennnilté dnniiin payehoiosle moderne. In-8. 5 fr. 
JOIRE. La Population, rleheiuie nationale ) le Travail, rleheMie dn 

peuple. 1 vol. in-8. 5 fr. 

JOYAU. De rinventlondanolesartfletdanoleivoelenees. 1 v. in-8. 5fr. 

— EmmiI Mur la liberté morale. 1 vol. in-18. 3 fr. 50 

— La Théorie de la srAee et la liberté morale de rhomme* 1 vol. 
in-8. 2 fr. 50 

JOZON(Paul). De rÉeriture phonétique. In-18. 3 fr. 60 

KING&FORD (A.) pI MAULAND (E.). Ia ¥oie parfaite ou le Christ ése- 
térlque, précédé d'une préface d'Edouard Schuhk. 1 vol. in-8. 1892. 6 fr. 
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2* édition. 1891. 3 fr. 50 

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LEGOYT. Le Suicide. 1 vol. in-8. 8 fr. 

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«allleane. 1 vol. in-18. 3 fr. 50 

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unions). 1 vol. in-18. 7* édit. 1 fr. — Édition sur papier fort. 2 fr. 50 
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PELLIS (F.). La PhlIoNophle de la mécanique. 1 vol. in-8. 1888. 2 fr. 50 
PÉNY (le major). La France par rapport A r Allemagne. Étude de 

créographie militaire. 1 vol. in-8. 2* édit. fr. 

PÉRÈS (Jean). Uu Libre arbitre. Grand in-8. 1891. 1 fr. 

PERËZ (Bernard). Thlery TIedmann. — Mes deux ckato. In-12. 2 fr. 

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— m Criciquo d'art au mi!lL^ Nieele. Ia-18. 1 fr. 50 

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PHILBERT (Louis;. Le Rire. ln-8. («leur, par rAcadéinie française.) 7 fr. 50 
PUT (Abbô C). L*lnteilecl uccir ou Du rôle de ractUlté mentale 

dan<t lu formation deo idéeN. 1 vol. in-8. à fr. 

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peut être. In-8. 2 fr. 

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son brevet de géiiéralis^iiiio, son élection^ sa murt (mars-juillet 1793), avec 

nombreux documents inédits ou inconnus. 1 Tort vol. in- 8. 1893. 5 fr. 

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*2. Les Jésuites. — L'Ultramontaniime. 11* édition. 
*S. Le Christianisme et la Révolution française. 6* édition. 
*4-5. Les Révolutions d'Italie. 5* édition. 2 vol. 

* 6. Marnix de Sainte- Aldegonde. — Philosophie de l'Histoire de France. 4* édi- 
tion. 
*7. Les Roumains. — Allemagne et Italie. 3* édition. 

8. Premiers travaux : Introduction à la Philosophie de Thistoire. — Essai sur 
Herder. — Examen de la Vie de Jésus. — Origine des dieux. — 
L'Église de Brou. 3* édition. 

9. La Grèce moderne. — Histoire de la poésie. 3* édition. 
*10. Mes Vacances en Espagne. 5* édition. 

11. Ahasvérus. — Tablettes du Juif errant. 5* édition. 

12. Proméihée. — Les Esclaves. 4* édition. 

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13. Napoléon (poème). (Epuisé.) 

14. L'Enseignement du peuple. — Œuvres politiques avant l'exil. 8^ édition. 
*15. Histoire de mes idées (Autobiographie). 4** édition. 

*i6-17. Merlin l'Enchanteur. 2* édition. 2 vol. 
*18-19-20. La Révolution. 10« édition. 3 vol. 
*21. Campagne de 1815. 7* édition. 
22-23. La Création. 3* édition. 2 vol. 

24. Le Livre de l'exilé. — La Révolution religieuse au Xix* siècle. — 
Œuvres politiques pendant l'exil. 2" édition. 

25. Le Siège de Paris. — Œuvres politiques après Texil. 2* édition. 

26. 1^ République. Conditions de régénération de la France. 2* édit. 
*27. L'Esprit nouveau. 5« édition. 

28. Le Génie grec, l'** édition. 
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peintres et des sculpteurs. () platicho:^ eu chromolitho$i:raphie, publiées 
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et augmentée des ii'w/i/v //«• rritii/ac ye/u'i'fiie 3^ essai). 2 vol. iu-!2. 8 fr. 

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quatern. et de la période néolilh. Iu-8avec 30 pi. 18!)2. 3 fr. 

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SPIR (A.). Efc^alMues «e philoMophie critique. 1 vol. în-18. 2 fr. 50 
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daoM le» KlalN-rnlR d'Amérique. 1 vol. in-18. i fr. 50 

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Préface de M. Sadi Carmot. Ia-18. 2* éd. 1 fr. (Voy. p. 3 et 6.) 

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TERQUEM (A.). I.a Melenee romaine A répoqne d*.%«||uste. Étude 

hi8tori<{ne d'après Vitruvc. 1 vol. gr. iii-8. 3 fr. 

THOMAS (J.). PrinelpeMde phlloHophlo morale. 1 vol. in-8. 1889. 3fr.50 
TUOMAS (G.). Miebel-.%n||e poêle et TespreNMlon de l*amour plato- 
nique dauM la poénle Italienne du Moyen Ase et de la menalo- 
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— Introduction A la philosophie. 1 vol. in-18. 6 fr. 

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TISSOT. Principes de morale. 1 vol. in-8. 6 fr. (Voy. Kant^ p. 7.) 
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VAN ENDE (U.). Histoire naturelle delà eroymmee,ptemtère partie: 
l'Animal. 1 vol. in-8. 5 fir. 

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tique de i^entiineut etdeli pnlitiijue d'intérêt. 1892. 1 vul. in-18. 3 fr. 50 

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selon Ksra. 1 fort vol. in-8, contenant le volume suivant. 7 fr. 50 

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les chambros elles tribunaux. 1893. 1 vol in-12. 3 fr. 50 

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Les CarloviBKiemi, par Bi'CiiEZ. 

liCS Latt^N rellfileaMes doN pro- 
iiilerM Hiècles» par J. Bastide. â^édit. 

Les C>u4^rrcf«de la Réforiue, par 

J. Bastidk. 4° édit. 

La France au luoyen Akc, par 

F. MORIN. 

Jeanne d*Are, par Fréd. LuCK. 
Décadence de la nionarchU* 

ffanfaifte.parËug. Pelletan. A'^édit. 

*La Révolution franfalsc, par 

H. Carnot (2 volumes) 

La Défi^uNe nationale en If Ht, 

par P. Gaffarkl. 



IVapoléon l^'^ par Jules Barmi. 

* lliwlolre de la BeMtaurallon, 
par Fréd. LoCK. 3* édil. 

*' HiMtoirc de LouiM-Pbllippe, par 
K;ipar Zevort. 2'' édit. 

M«eurM et InMtItutloBH de lu 
France, par P. Bunduim. 2 volumes. 

I.éon làanilielta, par J. ReinaCH. 

* llixitoire de Tarniée française, 
par L. HiRK. 



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Histoire de la marine fran* 



CmImc, par Airr. Doneaud. 2<^ édit. 

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r.%lK«'rie, par Qil>m.i.. 

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E. Raymond. 2" édition. i87Ui, par P. Rondois. 

HlMtoire de 1 Kmpire ottoman ! IliMtoire contemporaine de la 



par L. Collas. 2*' édition. 

* l«eM RévolutlouN d*.%nfcl<r(4'rre, 
par Ëug. l)E^poIs. 3" édition. 

HlMtoire de la malMon d*.%utri- 
ehe, par Ch. Rolland. 2*^ édition. 



l*ruN*»e, par Altr Doneaud. 

Histoire contemporaine 
l'Halle, par Télix Men.nkgi?Y. 

HlMtoire contc^mporalne 
IMiifcleterre, par A. Regnard. 



de 



de 



HISTOIRE ANCIENNE 



*La Carence ancienne, parL.CoM- 
BES. 2* é'iition. 

I«*AMi«^ occidentale et Tllicypte, 
par A. Ott. 2*' édition. 

L'Inde et la Chine, par A. Ott. 



HlMtoire romaine, p:ir Crkiguton. 
L' %nti<iulté romaine, par WiLRINS 
(^avec ;;ra\uie>>). 

l/.%nti«|uiié isrec«|ue, par.MAIlAFFY 

(av<*r ^ravure>). 



GEOGRAPHIE 



*TorrentN, fl4*u«eM et canaux d4*) 
la France, par H. Klkk/y. 

LeN €'oloBieM aniclalMCM, par 11. 
BLERn*. 

LeM IleM du l*aclflque, par le ('Hi>i- 
tainede vaisseau Jouan tavec 1 carte). 

Les Peupl«»M de r.trriquc* et «ic^ 
TAmérique, par Girard de Riali-l. 

Les Peuples de r.%Mi4'' et de 



iFiUrope, par GiR.VKD de Hl\lle. 

1/lndo€'iiine rrJtncJliMt^p. FauI'E. 

^là4*oicra pille pii>-Mi<|ue, parGEiKlE, 

<'ontlnentM 4't Oceann, par Gkove 

• ive.o. iiifiiiP?). 

'''I.eM FrontièreMde la Franee, 

i-ar P. '.ajfvbe: 

l/%rri.|i«e rriiiiçni*ie. par A. Joyeux. 
av.'C une pri/l'uc de .M. dk La.nkssan. 



COSMOGRAPHIE 



Les EntretleBN de Fonteneile 
sar la pluralité des mondcn, mis 

au courant de la science par Boillot. 

*Le Soleil et les Étoiles, par le 

P. Secchi, Briot, Wolf et Deladnat. 
S* édition (avec figures) . 



I.CM Pbénom«en«*N céleMtes, par 
Zurcher et MvRGoLLf:. 

.% traverM le ciel, par Amigues. 

Orifcines et Fin des mondes^ 
par Ch. Richard. 3<^ «'dition. 

^liotioBs d'astronomie, par L. Ca- 
talan, &* édition (avec figures). 



t, p«tB, GUTlMJtG. 

BkilD»ti|[. 

■.«• ti H la « I na ^9t4«ain|ii«ii 

■)■!»■« xèB^mle, pir L. Ciu- 
IDUIU. H' »<lll. 

p«Ul awllMaMlre dea ralal- 

■•ra Mlov* <« la rraa*» v« «» 

■M HlaatP*. [str r Ulinxt. 



— :«- 

SCIEHCES APPLIOUfCS 



l.« (l.-D 

■.'A^rlvullnrc fraacM 

A. L«n»Ai.t.(itii.i, itiv. <l|ttfT 
■■•aVIiriulBa ilrrer,p*r(î HAVUi 

t^' ItranilB itarla i 



(lH.i. 



, (inr l>. IttLUCT, 



TélMr 



SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES 

!■ ph|»«ao«, par NaUWi. &• Ull. 
1^ RarniBlwHr, fit t. FIHIItsK. 

*Ci^la«tv, pu CauK |>tw fc|t.). 

I.ra HicraliMia Arf a W W W M» 

Iv naraa («laxtivr. 




ial»tr« 4« rpan , p» ftoriHI, 



Prroilfrea Ihaltaaa atu- 
■s»rBr«-a, par Th. Iliiu-u. 

tA OMiwa "4 la t><n>«> «M 
MMim (aarloa, par Jut*N. 

M«laKM> csaAmlr, par I. U»»- 
iili)*iil>U«*cn(<uM), 

■atanmov B««èrM*, (ur t. lU-^ 
miDiii (**fc llf «m}. 

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PHILOSOPHIE 

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