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>
I
LE CLERGÉ VENDÉEN
VICTIME DE LA RI'.VOUITION FRANÇAISE
MONSKIGNEL'U MAHII^.caki.KS-ISIDOHK DE MEHCY
i':VKQi:K DK m;Ç()x
i>i'^ irrfi A 1802
LE
rtV^'*
>[^\j'^ Notices biographiques
y^ 1790-1801
par
L'Abbé A. BARAUD, Prêtre
c Laudemns viros gloriosos et parentes
nostros in generatione ma, b
EccL XXIV,
c La France eot des victimes,
Mais la Vendée ent des martyrs» v
Victor Hugo. Odes et Dalladei.
LUÇON
BIPR»(ERIE M. BIDBAUX
1904
W<^ EH cours de vûtites pastoralei, le 45 mars 4904.
CÇON
u
Cher Monsieur VAbbé,
Nous avons beaucoup à gagner^ en notre pays de
Vendée, à reporter nos souvenirs vers les temps où
nos ancêtres donnèrent à la France Vexemple d^un
véritable héroïsme religieux. C'est pour ce motif que
je me plais à provoquer et à encourager les travaux
qui ont pour but de faire ressortir la foi vaillante de
la vieille Vendée^ dont les enfants ont sacrifié leur
vie, en si grand nombre^ pour la religion.
Lhistoire du c Clergé vendéen victime de la Révo-
lution française », notices biographiques, est une étude
qui a déjà provoqué bien des essais^ mais qui laisse
toujours place à de nouvelles recherches , tant est
considérable la somme de travail qu'elle exige.
Je O0US félicite de poursuivre cette œuvre si utilCj et
de la compléter par un regard rétrospectif sur Vancien
clergé et un état du personnel du diocèse après le Con-
cordat. Voire zèle et la compétence dont vos précéden-
tes publications ont déjà donné des preuves nous ga-
rantissent le succès de cette pieuse entreprise.
Vous ne sauriez mieux employer un temps et des sol-
licitudes qu'il ne vous est plus possible de consacrer au
ministère pa^toral^ et votre mérite est d'autant plus
grand que vous travaillez dans des conditions de santé
plus douloureuses.
Que Dieu daigne vous en récompenser! Et puissent
les Annales de nos héros et de nos martyrs animer le
clergé d'une sainte générosité dans les difficultés pré-
sentes^ et porter l'édification dans les âmes des fidèles,
à Vheure surtout où, commue il y a un siècle, elles sen-
tent si vivement le prix de la liberté religieuse.
Je bénis donc de tout cœur le vaillant et laborieux
ouvrier^ en le priant d'agréer^ avec mes félicilations,
l'assurance de mon religieux et tout dévoué attaehe-
ment en N. S.
t CloviS'J^, Bv, de Luçon.
BUT, PIAN ET DIVISION
DE L'OUVRAGE
Le lecteur, qui parcourt aujourd'hui les diverses his-
toires des Guerres de la Vendée^ oublie souvent qu'à
côté des paysans vendéens, qui se battent et luttent
pour la liberté de leurs croyances, il y a des héros obs-
curs, qu'on n'aperçoit pas et qui soutiennent ces sol-
dats de la foi sur les champs de bataille, et leurs fa-
milles au foyer domestique : ce sont les prêtres "de la
Vendée.
Leur dévouement et leurs souffrances, dans cette
lutte de près de dix années, n'ont été connus que dans
un cercle restreint et appréciés que d'un petit nombre
de témoins.
Il n'est que temps de tirer de l'oubli ces figures ad-
mirables de nos martyrs, marqués de l'onction sacer-
dotale et dont plus d'un siècle a effacé le souvenir.
A côté des victoires ou des défaites dont la Vendée
fut le théâtre, que de drames privés, que d'humbles
victimes dans le clergé, et non les moins intéres-
santes, attendent depuis cent ans leur historien. Tan-
dis que leurs actes d'héroïsme étaient inscrits au Livre
de vie, leur humilité dérobait à la postérité une foule
de faits édifiants, qui eussent justement trouvé place
à côté des prodiges de courage des soldats vendéens.
L'histoire de notre clergé, pendant cette période, est
un grand édifice à construire pour l'éternel honneur
de TEglise de Luçon. Les prêtres, victimes de la Ter-
reur notamment, dont le souvenir est pourtant si cruel,
sont le patrimoine sacré que chacun de nous doit
connaître et conserver précieusement.
-^ 2 —
Gel ouvrage répond à nnn sainte pensée de plusieurs,
de nos évoques*
Par une lettre circulant uu il uriul«jc 1807, Monsei-
gneur Colf t deuiaaduîl aux firéLres de son diurèse de
répondra a l'appel de M, Haudry, eurù du Bernard, <pii,
le premier, a leuLu d'euirepreudre «x* travuiî, el de lui
adresser les matériaux capables d'ériger un monu-
ment à ces héros sacrés.
De son côté, notre évéque, aimé et vénéré, Monsei-
gneur CatleaUj il y a queWiues années, faisait à ses
prêtres la mùme invitation, les priant de recherclitT
avec soin tous les litres de gloire de sa chère église do
Luçon, conservés encore dans le i)ays.
Il y avait là une lacune que M. Baudry cl M. Ponde-
vie ont voulu cumbl<*r : M. Baudry, avec son talent
d'archéulo;:;ui^, toujours amoureux du passe ; M. Pun-
dévie, avec sa palienc*» de chercheur infaUgablc et im-
partial. Diverses circonstances, et surtout une mort
prématurée, n'ont pwi permis de mener ce travail à
bonne lin (1).
Reprenant ce projet, el prolltant des Notes do MM*
Pondevie et Bourloton, dont ce dernier a publie une
partie dans la Revue du Bas-Poitou, et des documents
que l'histoire el la tradition nous ont mis sous la main,
nous ttaitons de nouveau un essai en ce genre. Ce tra-
vail sera loin d'être complet, mais nous creusons le
(I) M, Hourlotori, dévoué cul Iftbo râleur ilo M- Pondevie, i*cri-
vaiui ce sujet (Revuû du Bas-Poitou, Année 18in, ï^ livr,)*. « I/his-
toire liu clergé venrlèen penHaiU U\ Uevuïutiou ;i déjà êle eulre-
prlse au moins Hcux fois dans ces flerriieres années. M. l'ahliL»
Baudry eut à peine le temps de s orienter dant? la recherche des
documents. Plus heureux <(ue lui» M. riihhë iN>ndevîe put ecrn-
eacrer à cetle œuvre, pendant près de vingt ans, sa pttuenciî do
chercheur et l'ingénieuse activité d'un esprit Mmourcux de tra-
vail ; aussi a-l-il *>pui8é ou [lea s'en faut les retiseiwrnemeuLs el
les documents (|ui «uhsisient encore sur celle période déjji loin*
laine de noire hiîiitoire. 11 avaiL m*îme compose le*? premiers cUu*
pitres (luand il fui surprifi par la mort* Le concours qut^ nous
lui avons prêlô v.i l'indulgence d'une longue amitié nous; a valu
le leg^ de ces preoieusets archives; et ai noujs n'avona pas la
prétenuou de continuer la^uvre cotisidt*rablo qu'il avait entre-
prise, noua mmons îk espérer que d'autres èauroul tirer parïi «les
matériaux dont nous avons l'unique el \nSs modeste ambition de
publier auJQurdliui la collection Uicdilo* v
sillon, comme déjà Tont fait dans cette voie nos prédé-
cesseurs ; d'autres y entreront et Tachèveront après
nous, et dans quelques années, nous Tespérons , sera
réalisée cette entreprise plusieurs fois résolue et aban-
donnée.
Dans ces pages, il nous sera donné d'admirer les ver-
tus souvent héroïques, qui furent nécessaires à nos
prêtres, pour traverser si victorieusement de si rudes
épreuves sur ce sol arrosé de leurs sueurs, de leurs
larmes et parfois de leur sang, ou sur la terre d'exil qui
fut le tombeau d'un certain nombre, t C'est parmi les
prêtres vendéens plus spécialement persécutés alors,
écrit avec raison M. Bourloton , que l'on rencontre
souvent des vertus . aujourd'hui doublement d'un
autre âge, sans oublier toutefois qu'ils n'étaient pour-
tant que des hommes sujets aux faiblesses et aux dé-
faillances de l'humanité. »
En d'autres temps, ces prêtres n'eussent été que de
bons et modestes curés de campagne, sans histoire,
sans renommée ; mais les événements les ont obligés
à s'élever à la hauteur des circonstances. Et vraiment,
plusieurs parmi eux sont véritablement grands: grands
devant Dieu, dont ils ont soutenu la cause, souvent au
prix de leur vie ; grands devant les hommes, témoins
de leurs vertus, poussées jusqu'à Théroisme du
martyre.
f Pour prouver le martyre, dit Benoit XIV, il suffit
que le persécuteur soit mû par la haine contre la foi. »
Ainsi, lorsque par esprit d'impiété les auteurs de la
Révolution excitèrent des fanatiques contre les prê-
tres, lorsqu'ils les livraient à leur fureur sacrilège
pour leur donner la mort, par une espèce de droit
de guerre, jure belle, suivant l'expression d'Eusébe
racontant de semblables persécutions contre les chré-
tiens de son temps, les prêtres qui furent tués furent
de vrais martyrs.
Baronius n'hésite pas à décerner la palme du mar-
tyre à tous les chrétiens qui, par crainte de trahir leur
foi, quittent la famille, leurs bieis et leur patrie, et
qui, par suite de ce banissement volontaire, succom-
bent à la souffrance sur les terres étrangères. C'était
— 4 —
également le sentiment de S. Jérôme (i), de S. Gy-
prien (ï) et de S. Thomas : t II y a martyre, dit le
grand théologien, quand la mort est TelFet de Texil,
de la spoliation ou de Temprisonnement pour la foi. »
Or, beaucoup des vénérables ecclésiastiques du pre-
mier volume sont dans ce cas.
Les détails que nous donnons sur leur genre de mort
peuvent n'être pas d*une vérité absolue, car plusieurs
reposent sur la tradition orale, qui, on le sait, s'altère
aisément. A plus de cent ans de distance, il est impos-
sible de contrôler leur exactitude. Mais ce n'est là
qu'un point secondaire. Le point principal est celui
de leur mort, peu importe le genre. Ces prêtres Tont-
ils endurée pour rester fidèles à la vraie foi et à leurs
devoirs de parleurs? là est le point principal, et il
n'est, certes, pas douteux.
Notre travail comprend non seulement le plus grand
nombre des prêtres de la Vendée qui exerçaient le mi-
nistère quand éclata la Révolution et sont demeurés
Udèles à l'Eglise, soit qu'ils fussent restés cachés en
Vendée, soit qu'ils fussent partis en exil ; mais encore
les ecclésiastiques revenus d'exil, ou échappés à la
persécution, et les prêtres étrangers au diocèse, qui
ont été pourvus des fonctions de curés, aumôniers ou
vicaires à leur retour, après le Concordat du 15 août
1801 (3).
Leurs noms et titres ont été copiés par nous sur
VElat manuscrit des prêtres rentrés dans le ministère
à cette date. Cet Etal fut dressé par l'Evôché de La
Rochelle après 1801 : il est conservé aux Archives de
l'Evêché de Luçon (4).
Nous n'avons pas la prétention d'avoir retrouvé tous
les noms et les faits principaux de leur vie : pour cela.
(!) Epistola adversum Jovinianum.
(2) Epist. 56 ad Thibaritanos.
(3) Nous ne parlons pas ici des assermentés, qui ne sont pas
l'objet de ce livre : leur tour viendra un jour.
(4) Nous avons constaté quelques erreurs dans cet Etat manus-
crit, et plusieurs autres que nous ne pouvons contrôler nous
échapperont sans doute. Le lecteur devra nous être indulgent.
— 8 —
îJ faudrait être assez heureux de posséder les 908 dos-
siers laissés par M. Pondevie (1).
D'un autre côté il n'est pas toujours facile d'assigner
à chacun une catégorie. En fait, il est des prêtres dont
le sort n'a pu être connu exactement, et dont on sait
seulement qu'ils ont obéi à leur conscience; tous
n'envisageaient pas, au même point de vue, les di-
vers serments exigés dans le cours de la période
révolutionnaire.
' Le défaut de preuves certaines sur les serments
qu'ils ont prêtés en ces temps déjà si lointains, et sur-
tout la partialité de certains historiens, ont obscurci la
vérité sur ce point important. Plusieurs, par erreur ou
à dessein, ont donné de faux chilFres au sujet du nom-
bre des prêtres qui prêtèrent le serment à la Constitu-
tion civile ou le refusèrent, ou le prêtèrent avec res-
triction. Quelques-uns, après avoir donné leur adhé-
sion, reconnurent leur erreur et la rétractèrent en-
suite.
Tel. le clergé de Noirmoutier, qui, en janvier 1791,
lit adhésion à la Constitution civile, mais six mois
après, dit Piet, préférait se rétracter, et subit l'exil.
C'était un devoir de conscience, et ces prêtres Taccôm-
plirent avec honneur (2).
Or, quelques auteurs n'ont pas tenu compte de la ré-
tractation d'un certain nombre de membres de notre
clergé.
Cependant, il n'est pas possible de compter parmi
les partisans de la Constitution civile ceux qui ont
subi la mort ou Vexil en haine de l'impiété révolution-
naire. Pour nous, nous regardons comme très proches
de la vérité les chiffres donnés par MM. Pondevie et
Bourloton qui, de tous les historiens du clergé de cette
(1) Ce chiffre assurément paraîtra exagéré à plusieurs. Mais il
faut noter que le chapitre de la cathédrale comptait 42 chanoines
ou prêtres attachés au chapitre, et que les plus petites paroisses,
telles que Chasnais, Saint-Médard avaient des vicaires. De plus,
plusieurs paroisses existaient, qui ont été supprimées depuis le
Concordat.
(2) Recherches sur Noirmoutier. Et non pas au mois de mars
1793, comme l'affirme Ghassin, s'appuyant faussement sur M.
Piet. Quelques-uns de ces prêtres, ajoute ce dernier historien,
subirent la déportation, les autres se caehèrent dans l'île (p. 539).
-6-
époque, ont le mieux étudié ce fait. Or, M. Bourlolon
écrit que sur huit cent cinquante prêtres du diocèse de
Luçon, six cent cinquante-six reîus^èvGulle serment, et
cent quatre-vingt quatorze le prêtèrent. Huit de ces
derniers le rétractèrent (1). Ce qui ramène le chiffre to-
tal des insermentés à six cent soixante-quatre et celui
des assermentés à cent quatre-vingt-six (2).
Pour nous, ce qui nous a déterminé à donner les
noms des prêtres insermentés inscrits dans ces volu-
mes, c'est — d'un côté, leur refus positif du serment,'
appuyé sur la tradition des paroisses où ils ont vécu,
sur les documents déposés dans les archives munici-
pales, départementales ou judiciaires, ou consignés
dans les historiens vraiment dignes de foi ; — de l'au-
tre, leur départ pour l'exil, ou leur séjour dans notre
pays, où ils continuèrent secrètement leur ministère,
toujours cachés et poursuivis par les partisans de la
Révolution. Ce que les prêtres assermentés n'ont ja-
mais fait. Jamais ils ne se sont exilés. Pourquoi l'eus-
sent-ils fait, puisqu'ils trouvaient que tout allait à leur
gré dans notre pays ? Jamais, demeurés sur la terre de
Vendée, ils n'ont été poursuivis et persécutés par les
autorités révolutionnaires, qui, au contraire, les proté-
geaient.
Deux ou trois volumes doivent former cet ouvrage.
Le premier, qui paraît en ce moment, contient des
Notices sur les prêtres victimes de la Révolution, qui.
de 1790 à 1801, ont trouvé la mort dans les prisons,
sur Téchafaud, dans les fusillades ou les noyades de
Carrier, sur la terre d'exil, ou sur le sol vendéen, ca-
chés dans les bois, les fermes isolées, continuant au
péril de leur vie l'administration des sacrements.
Les autres contiendront des Notices sur les prêtres
(1) Reçue du Bas-Poitou. Année 1902, J« livr.
(2) Le tableau donné par Cbassin, observe D. Chamard {Pré-
par, à ijnerre de Vendée^ T. 1, \\. '204), doit être par conséfjueiil
inexact, à moins ([ii'il n'ait (*ompté comme assermentés les prê-
tres qui avaient fait serment avec restriction pour ce qui est du
domaine spirituel, ce (pie plusieurs municipalités acceptèreut
malgré la défense otlicielle.
— 7 —
qui, par le fait de la Révolution, ont souffert la per-
sécution ou Texil, mais lui ont survécu, pnt été nom-
més à un poste dans le diocèse après le Concordat,
et qui sont décédés dans le siècle suivant.
Dans le dernier volume, on trouvera les noms d'un
certain nombre de ces prêtres, la date de leur départ,
leur retour d^exil et l'année de leur mort. Nos recher-
ches n'ont pas abouti à en savoir davantage sur la vie
et la mort de ces confesseurs de la foi. D'autres, plus
heureux, viendront après nous et compléteront ces dé-
tails.-
Toutes les paroisses de notre beau diocèse, que ces
événements ont rendu célèbre dans la France en-
tière, sont intéressées à cette publication; toutes y
retrouveront le souvenir de leurs anciens pasteurs,
dont le nom même est ignoré de plusieurs.
Leurs archives paroissiales ne seront pas complètes
sans ces volumes.
La reconnaissance même nous fait un devoir de re-
cueillir ces précieux exemples de dévouement. Car si
nos populations vendéennes possèdent encore à un
degré si élevé Tesprit chrétien, le mérite en revient
à ces généreux confesseurs, qui ont sacrifié leur
repos et souvent leur vie pour le conserver et le
fortifier dans l'âme de nos ancêtres, pendant les
mauvais jours de la Révolution.
De plus, la situation actuelle du Clergé de France
a une grande analogie avec celle du clergé de 1790
et de 1791. Celle-ci comporte pour la génération con-
temporaine des enseignements dont il est utile de
profiter.
Redisons donc la louange des hommes glorieux,
qui sont les pères de notre génération : Laudemus
oiros gloriosos et parentes nostros in generatione
sud*
VA si des jours mauvais, tels que ceux qu'ils ont
traversés venaient à se présenter, nous aurions du
moins sous les yeux, et présents à la pensée, de
— 8 —
grands exemples, de fortes et précieuses leçons dont
nous saurions profiter. * A.-B.
Pour ne pas rompre la suite de nos récits, nous avons
renvoyé dans un Appendice à la lin de ce volume des
documents importants, et, parmi eux, les noms et le
souvenir de plusieurs prêtres de ce diocèse, victimes
des guerres de Religion au xvi" siècle.
Nota. — Dans ces pages, il ne faut pas confondre
curé et desservant. Beaucoup de prêtres ont desservi
des paroisses sans en être le propre curé. Celui-ci était
prisonnier, ou exilé, ou mort. Leurs paroisses étaient
alors pourvues des secours spirituels par des prêtres
de passage, réfugiés sur leur territoire, parfois même
étrangers au diocèse, venus chercher un lieu de refuge
parmi nos populations dont ils connaissaient le respect
et la vénération pour le caractère sacerdotal. Là, ils
étaient assurés de n^être ni persécutés, ni trahis.
Les vicaires généraux qui, en l'absence de Mgr de
Mercy réfugié en Italie^ gouvernaient le diocèse,
avaient donné à ces desservants de circonstance les
pouvoirs nécessaires. Ces desservants ont été appelés
parfois, mais improprement, curés, en sorte que des
paroisses semblent avoir simultanément deux curés :
Vun de droit, Vautre de fait. Cest ce qu'il ne faut pas
oublier.
Pendant la Révolution le département de la Vendée
était divisé en six districts : Fontenay, la Châtaigne^
raicy Challans, MontaigUy la Rochesur-Von, les Sables-
d'Olonne.
— 9 —
PERSÉCUTION RÉVOLUTIONNAIllE EN FRANCE
Si la Révolution fut antimonarchique, elle fut sur-
tout et avant tout anticléricale (1), on le verra clans ces
pages.
c Son œuvre capitale, dit Edm. Birô, fut de chasser
el de tuer les prêtres ; de profaner, de fermer les
églises : d'arracher à Tâme de la France sa foi en
Jésus-Christ. »
A cette guerre impie, elle employa de longues années, .
tellement était douée d'énergie la conscience catho-
lique. A l'Assemblée Constituante revient le triste hon-
neur de l'avoir inaugurée.
Les Girondins, ces prétendus modérés, ont été les
émules des plus ardents Jacobins. A la Législative, ils
ont proscrit les honnêtes gens, laissé faire, sous leurs
yeux, les massacres de Septembre. A la Convention,
ils devaient essayer de faire prévaloir une Constitution
qui avait pour couronnement V Anarchie.
La Révolution supprime, tout d'abord, le clergé
comme ordre politique, et le dépouille de ses biens
dans le but de lui enlever sa force et ses moyens de
subsistance. Elle décrète que la religion catholique
cessera d'être la religion de l'Etat et ne sera plus
qu'une simple société religieuse, à côté du protestan-
tisme et du judaïsme,
(1) « Si tout s*était borné, en 1789 et 1793, dit Mgr Freppel, à
renverser une dynastie, à substituer une forme de gouvernement
à une autre, il n'y aurait eu là qu'une ûv ces catastrophes dont
rhistoire offre maint exemple.
€ Mais la Révolution française a un tout autre caractère : elle
est une doctrine, ou, si Ton aime mieux, un ensemble de doc-
trines en matière religieuse, politique et sociale. > (La Rnolution
française à propos du centenaire de 89.)
— 10 —
Après lui avoir enlevé son rang d'honneur, les enne-
mis de l'Eglise lui arrachent son gouvernement, c'est-
à-dire celte société spirituelle, qu'elle a reçue de Dieu
pour maintenir Tunite et la pureté de la foi.
Le 12 juillet 1790, la Constitution civile du Clergé est
volée.
Elle bouleverse la discipline de TEglise, ce qui est
une usurpation spirituelle; elle rejette rautoritè du
Saint-Siège, ce qui est un schisme ; elle transporte aux
Assemblées électorales le pouvoir d'institution et de
juridiction, qui appartient à TEglise, dont elle veut
détacher les catholiques, ce qui est une hérésie.
Restait à imposer aux consciences ce schisme et
cette hérésie. Tel fut l'objet d'un second décret, celui
du 27 novembre. Il disposait que les évoques, vi-
caires généraux, directeurs de séminaires, curés et
vicaires, tous les ecclésiastiques réputés fonctionnai-
res publics, seraient tenus, sous peine de destitution,
de prêter serment à la Constitution civile. Ce fut
rhonneur et la gloire de l'immense majorité dos prê-
tres, et en particulier du chapitre de l'Eglise cathé-
drale de Luçon, de protester un des premiers contre
celle mesure attentatoire aux droits de TEglise.
La persécution violente était proche. «L'Assemblée
législative, continue ici M. Biré, allait tirer les consé-
quences des principes posés par l'Assemblée Consti-
tuante. La Législative, c'est la Gironde, et ce qui dis-
tingue par dessus tout les Girondins, c'est la haine
violente qu'ils éprouvent pour le prêtre : c En compa-
« raison de ces prêtres (k's prêtres lldéles), dit un de
« leurs principaux orateurs (2), les athées sont des
• anges, »
Et voici ce qui montre l'étendue et la profondeur de
leur haine : t S'il existe des plaintes contre le prêtre
qui n'a pas prêté serment, il doit être forcé de sortir du
royaume. // ne faut pas de preuves. »
La Législative multipliera donc les lois contre l'Eglise.
A la veille de se séparer, le 26 août 1792, elle rendra
un décret aux termes duquel tous les ecclésiastiques non
(!) Faucher, êvi^quc conj^titutionncl du Calvado? (Séance du
*26 octobre Dl).
— 11 —
assermentés qui, dans un délai de quinze jours, n'auront
pas quitté le royaume, seront déportés à la Guyane fran-
çaise.
* Cette expulsion en masse est un fait unique dans
l'histoire des peuples. .
II n'y a pas d'autre exemple d'une grande nation
chassant subitement et, comme disaient ses meneurs,
vomissant au dehors tous les ministres de son culte,
tout être sacré portant une livrée religieuse. A ce
moment on vit, sur tous les points de notre territoire,
les évoques dont les prédécesseurs avaient fait la
France, des prêtres gardiens séculaires de la morale et
de la conscience publique, arrachés à leurs autels, à
leurs foyers, et poussés violemment hors des frontiè-
res de leur patrie. Sur les grands chemins, sur les
mers, dans la profondeur des forêts, par les cols étroits
des montagnes, dans les ports, partout où s'ouvre une
issue vers l'étranger, se pressèrent des milliers d'infor-
tunés dépouillés de tout, môme de leur argent, seul
secours pour vivre en exil, fuyant les coups des assas-
sins qui les traquent
Et cette loi, qui entraîne l'expulsion de France de
40,000 prêtres, repose sur une base unique, qui n'est
pas sérieuse, la dénonciation, ïaccusation, même non
signée, qui n'est pas admise en justice.
A la Législative succède la Convention ; la Terreur
bientôt est à l'ordre du jour. Ce n'est plus seulement la
déportation qu'encourent les prêtres fidèles, ceux qu'on
nomme improprement les réfractaires, c'est la peine
de mort. Le décret du 23 avril 1793 édicté la peine capi'
iale, avec exécution dans les 24 heures, contre tout
prêtre non assermenté surpris sur le territoire de la
République. Et ce n'est pas seulement une menace,
mais une loi qui a été exécutée cent fois.
Tous les prêtres, cependant, ne partiront pas : que
deviendrait la foi en France, sans culte et sans sacre-
ments? Dieu ne peut permettre que les Français res-
semblent à une nation païenne et sauvage. Beaucoup
resteront, sans souci des dangers auxquels ils s'expo-
sent. Ils continueront, malgré les tyrans cruels, à dire
la messe et à confesser, à visiter les malades, à admi-
nistrer les sacrements.
A Paris et dans les grandes villes, une carte de
civisme est rigoureusement exigée pour pouvoir circu-
— 12 —
lor librement. Ne pouvant décliner leurs noms et qua-
lité sans se trahir, plusieurs de ces prêtres auront
recours à un subterfuge. Ils prennent de faux noms ou
simplement leurs prénoms, et de fausses qualités pour
obtenir cette carte de civisme qui, leur permettant
d'aller et venir librement, leur donnera la facilité de
travailler encore à la sanctification des âmes.
Grâce aux prêtres demeurés en France, et dans
notre Vendée en particulier, un grand nombre de fidè-
les et de prisonniers condamnés à mort (1) ont la con-
solation de recevoir les sacrements, si précieux sur-
tout au moment de l'agonie, et de nombreux enfants
ont encore le bonheur de faire leur première commu-
nion.
Tous alors deviennent forts pour soutenir la lutte
contre les ennemis de Dieu, fort principalement et
courageux pour mourir en chrétiens. Dieu a permis
que des prêtres fussent presque partout emprisonnés
avec des fidèles, pour que ceux-ci pussent recevoir
les consolations et les sacrements avant le grand
sacrifice.
(!) Voir Appendice d'intéressants détails sur le service des
condamnés à mort, à Paris.
-13 —
II
PERSÉCUTION RÉVOLUTIONNAIRE EN VENDÉE
De toutes les provinces de France, c'est le Bas-Poitou,
la Vendée d'alors, qui a le plus souffert de la Révolu-
tion.
La Vendée fut le principal champ de bataille où la
Convention dirigea et concentra la plus furieuse de ses
attaques, et nulle part on ne vit une application plus
désastreuse, plus acharnée et plus sanglante du sata-
nisme de cette cruelle époque, selon la parole de
Joseph de Maistre.
La Terreur déchaîna sur cette malheureuse province
près de 300,000 soldats, et après la guerre, en 1816, on
comptait encore 30,000 veuves et 140,000 orphelins.
Au témoignage de Prud'homme, qui n'était pas,
certes, un clérical, 15,000 hommes et 22.000 enfants
furent victimes de cette lutte contre la tyrannie.
Le but de cette guerre était avant tout la suppression
de l'idée et du culte religieux. Aussi sont ce les chefs
surtout qu'on cherche à frapper ; ce sont les prêtres
Mêles qu'on recherche et qu'on poursuit. Dans ce but,
tous les moyens étaient bons : la guerre ouverte, la
trahison, 100 livres étaient promises à quiconque
livrait un prêtre (1); la chasse, avec ses battues, des
chiens dressés, des tireurs à l'affût, au coin des bois et
des fermes, comme on eût fait pour des bêtes féroces.
Il importe de connaître le théâtre de la lutte, pour
apprécier les difficultés et les dangers que ces prêtres
ont dû vaincre dans l'exercice de leur ministère.
(i) Dans les Deux-Sèvres, une récompense de 500 livres était
promise à quiconpue dénoncerait un prêtre et faciliterait son
arrestation. (Ghassin, Préparation, T. III, p. 217.)
— 14 —
V A LUCON
En 1789, lo diocèse de Luçon comprenait le départe -
mçnt actuel de la Vendée, moins les deux doyennés de
Fontcnay-le-Comte et de Saint-Laurent-sur-Sèvre,
attribués à Tévéché de Maillezais (1) et, de plus, deux
paroisses : Legé et Saint-Etienne de-Gorcoué. Trois
paroisses actuellement de notre diocèse faisaient partie
de celui de Nantes : Cugand, la Bernardière et la Bruf-
ficre.
Au moment de la Révolution, Mgr Marie-Isidore-
Charles de Mercy était évoque et baron de Luçon. Sacré
le 18 février 1776, il avait pris possession de son siège
quelques semaines plus tard.
Parmi les vicaires généraux, on distinguait : MM. de
Rieusscc, Charette de la Golinière (2), de Fresne, de
Rozan, et surtout les MM. de Beauregard, frères. Les
Etats furent convoqués par une Ordonnance royale
du 27 décembre 1788 et se réunirent le 4 mars suivant.
Le Poitou prit sa part au mouvement général.
L'Assemblée du clergé de cette province fut présidée
par les évèques de Poitiers et de Luçon. Avaient été
convoqués : les bénéficiaires et les chapitres, les
monastères réguliers, les curés et les simples prêtres.
Le 30 mars commencèrent les élections, et les dépu-
tés furent élus. Les deux évèques, celui de Luçon sur-
tout, ne passèrent pas des premiers : les idées d'égalité
avaient envahi tous les ordres.
La première séance des Etats généraux eut lieu à
Versailles le 5 mai 1789. Le clergé et la noblesse refu-
sèrent d'abord de se réunir aux Tiers-Etat pour la
vérification des pouvoirs.
A l'appel de la représentation du Poitou, Tabbé Jallet.
député (3), parlant au nom de tous, s'exprima en des
(1) G'fist en 1650 qu'un intérêt politique ût abandonner Maille-
zais et transférer l'évêché à La Rochelle.
(2) Cousin du futur général.
(3) Curé de Cherigné.
NIVEAU ÉGALITAIRE ET FRANC-MAÇONNIQUE
DE LA RÉVOLUTION
SUR LES TROIS ORDRES
- 16 —
termes où rien n'annonçait le prêtre, ni même le chré-
tien. La salle retentit d'applaudissements et, pour récom-
pense, on plaça l'orateur au bureau.
Le lendemain, parut une autre bande et, à sa tête,
Dillon, curé du Vieux-Pouzauges. Son discours égale-
ment excita Tenthousiasme des révolutionnaires. Une
partie du clergé secondait ainsi les vues du Tiers Etat.
Des lois déplorables sortirent de cette Assemblée.
Quelques mois suffirent aux Etats Généraux pour
renverser toute l'ancienne organisation de la France,
et la Vendée fut des premières à en souff'rir.
Tout en proclamant le règne de la Justice^ la Révolu-
tion allait s'emparer des biens des églises et du clergé;
elle ne parlait que de la Liberté de conscience et elle
allait chasser, comme de nos jours, les religieux de
leur couvent, bien plus, faire plier la conscience du
prêtre sous la joug de la Constitution civile, cet inflexi-
ble niveau égalitaire(l).
Les évoques de Poitiers et de Luçon furent des pre-
miers à protester contre l'empiétement de l'Assemblée
sur les droits sacrés de l'Eglise, mais ils eurent la dou-
leur de voir plusieurs prêtres, députés comme eux,
approuver des mesures contre la foi ou la discipline
ecclésiastique. Heureusement, ces prêtres furent des
exceptions.
Pendant qu'à Rome on avisait aux moyens de conju-
rer l'orage, trente évéques français signèrent, le 30
octobre 1790, une profession de foi devenue célèbre
sous le titre à! Exposition des principes sur la Constitu-
tion cioile du Clergé. Les signataires réclamaient en
faveur des droits de TEglise et rappelaient qu'à elle
seule appartient de fixer sa discipline, de faire des
règlements, d'instituer les évéques et de leur donner
une mission. Us se plaignaient de la suppression des
religieux et en appelaient au Pape, seul juge légitime
en pareille matière.
L'évêque de Luçon fut au nombre des trente évéques
protestataires.
De son côté, uni à son évéque, le Chapitre de Luçon
envoya à l'Assemblée une énergique protestatioadont
il fut donné lecture. On peut la lire en Appendice à la
fin de ce volume.
(1) Voir vieille gravure du temps.
Le Chapitre de la cathédrale était composé des cha-
noines dignitaires suivants: MM. Defresne^ doyen; de
Caqueray, archidiacre de Luçon ; Chaînette de la Coli-
niére, archidiacre d'Aizenay ; Guyet de la Platière,
archidiacre de Pareds ; Brumauld de Beauregardy
chantre ; de Fontaine, prévôt du Chapitre ; Brumauld
de Beauregard, André, chancelier et théologal; de
Rozan, sous-doyen ; Leroy de Sérocourt^ prévôt de
Parthenay ; Aoice de Mougon, prévôt de Fontenay ;
Lejeune, prévôt des Essarts.
Les chanoines ordinaires étaient au nombre de
vingt-et-un. On trouvera leurs noms dans l'ordre al-
phabétique de ces volumes. On comptait seulement
deux chanoines honoraires : MM. Baudouin, curé de
Luçon, et de Rieussec. Il y avait aussi plusieurs cha-
noines hebdomadiers que nous retrouverons plus loin.
La persécution religieuse ne tarda pas à se faire sen-
tir en Vendée : elle s'attaqua d'abord au chef du diocèse.
Convoqués pour l'élection d'un évêque constitution-
nel par une lettre du 9 février 1791, les électeurs se
réunirent à Fontenay le dimanche i£7 du même mois.
Le lendemain, Jean Servant, supérieur de l'Oratoire de
Saumur, réunit la majorité des voix.
Le 3 mars seulement, il répondit qu'il acceptait, mais
comme il avait encore des scrupules, son consentement
définitif était subordonné à l'acceptation du serment
par Mgr de Mercy, disposition vraiment trop naïve.
Considérant avec raison, dit D, Chamard (1). cette
proposition comme une injure, Mgr de Mercy répondit,
le 10 mars, à l'Oratorien dévoyé, une lettre imprimée
destinée à être répandue dans tout le diocèse (2). On y
lit: € L'Eglise m'avoue, elle me retient. Vous. elle vous
méconnaît, elle vous repousse. . . Ah I c'est à mon tour
de vous conjurer de ne pas provoquer tous ses ana-
Ihèmes ! Vous m'épargnerez la douleur' de m'armer
contre vous de toute la sévérité de l'Eglise pour punir
un attentat auquel elle m'ordonne, autant pour sa
gloire que pour le salut de mon troupeau, de résister
avec toute la force de l'autorité qu'elle m'a confiée. »
Le nouvel élu, tout d'abord, ne fut pas ému par une
(!) Origines.
(2) InSo de 4 pages, Collection DuoAST*MAtîFfiux.
- w-
proleslalion si luuchatili! ol se roiidil h Parr* pour s'j
faire canèàcrcr* Mais Lnillu, cédant aux roniôntPHncc
de quehiucsi èvéquos et n^doutîuU l\»ppnsiLion qn'ni
allait lui vrùrr en VL'iu!i'»e, il t'iivoya sa drinissi<ûi.
C'est alors «pt eut lien rèleciioii de Hodri^ue, qui
nous rapfiortons plus Infît (l), derlarè hieutùt evpqiiT
eonsUtutionuel du département de lu Veiulée.
Somme de donner sa déniission, Mgr de Mercy répon
dit de Paris < qu'il ferait volontiers ce sHin*i!lce s'ti
devait avoir pour resullal de donner à son diocèse
un pasteur légitime, mais comme celui qu'on vouait
d'élire était un faux pasteur, il devait conserver sa
charge, t
L'arrivée de Rodrigue à Luron allait créer de nou-
velles dilTicullês aux véritables pasteurs, Tëvéquei oL
le curé M. Baudouin.
A Luçon, le Clergé paroissial fut le premier attiùut
par les mesures que provoqua la ConstUaiion cioile,
I*a cathédrale était desservie par le Chapitre, et la
ville n'avait qu'une église paroîssiale, SaintMathurin.
En 1790, le curé de la paroisse do Sanil Matliurin rtait
M- Martin Baudouin, aîné. Il avriit pour vicaire?^ son
frère Louis-Marie Baudouin (plus lard le i\ Baudouin),
et M. Lehédesque. Tous iniis avaient éncr^iqueraont
refusé le serment aux nouvelles lois impies.
La municipalité de Lu«;on, d'aboni pnu disposée d
des mesures vexatoireSj les avait laissés en paix et
fermé les yeux sur leur opposition au décret jusquïi
Tarrivée de Rodrigue.
Combien grave était la situation du GlerfJîé, M, André
de BeauréKard l'avait prévu, car (pielques semaines
plus lard, le 31 mai !79L il envoyait, en qualité de
vicaire général, aux principaux curés du dior<!se, une
lettre*circulaire jtour recommand<*r de prémunir leurs
lîdéles contre toute communication avt*c les pasteurs
scliismatiques, dans les églises où les prêtres inlrus
allaient s'installer.
€ Pour éviter un si grand mal, écrivait-il, les curés
sentiront la nécessité de s'assurer d'un lavai où ils
pourront exercer leurs fonctions el réunir leurs parois-
siens. Une simple grange, un autel portatif, une cha»
(i) V, NoUcç sur Mgr dn Mercif et ceUes des MM. Baitdûuin.
-49-.
subie d'indienne, des vase.s d'étain suffiront pour célé-
brer les Saints Mystères. Les catacombes furent le
berceau de notre sainte religion. »
Au mois de juin. Rodrigue étant venu usurper le
siège èpiscopal de Luçon, M. Baudouin et ses vicaires
avaient refusé .d'entrer en relation avec lui. Bien plus,
M. Baudouin jeune, se trouvant à l'hôpital, près d'un
malade où l'avait devancé le prêtre apostat, il l'apos-
tropha vivement. Celui-ci, confus, fut obligé de se
retirer sans avoir pu exercer son ministère sacrilège.
Un mandat d'amener fut bientôt lancé contre le cou-
rageux vicaire. Jeté en prison à Luçon, M. Louis Bau-
douin écrivait: t Oh! que cette première nuit me parut
longue ! Jamais je n'ai entendu tant de blasphèmes ni
tant d'horreurs 1. . . Ma présence excitait sans doute la
fureur des malheureux qui me gardaient C'était à qui
vomirait le plus d'abominations ! »
Le lendemain, Tabbô Baudouin était emmené à Fon-
lenay et incarcéré.
C'était le premier prêtre du diocèse emprisonné pour
son attachement à l'Eglise.
« A cette époque, écrit le chanoine Prunier, la haine
des patriotes contre le clergé réfractaire fut encore
activée par les commissaires nationaux Gallois et Gen-
sonné. Ils étaient accompagnés du général Dumouriez
qui, donnant carrière au plus fougueux patriotisme, se
couvrit la tête du bonnet rouge, dansa sous les halles
de Luçon avec la populace et lit tous ses efforts pour
attirer les rigueurs de la République sur la Vendée (1).
« Le H juin 1791, la municipalité Luçonnaise fit fer-
mer l'église paroissiale de Sâint-Mathurin, ordonnant au
curé de transporter les vases sacrés à la cathédrale et
d'y célébrer désormais la messe. Sur le refus de M. Bau-
douin, le procureur de la commune requit l'abbé
Gandin, ex-oratorien, d'opérer cette translation, de
faire fermer les portes de la ci-devant église pa*
roissiale, et d'en déposer les clefs au greffe de la
municipalité (2). > Dès le lendemain, la commune
prit un arrêté défendant à tout prêtre non asser-
menté de remplir aucune fonction ecclésiastique, et
(1) Vie de Monseigneur de Beauregard, p. 45.
(2) Archives municipales de Luçon,
— 20 —
lit signiller copie de sa délibération au sieur Bau^
douin.
€ Le curé et le vicaire de Luçou n'en continuèrent
pas moins à dire la messe dans les chapelles, et Tévéque
constitutionnel en fit une information judiciaire (I). >
Cependant, à Fontenay, les juges ayant déclaré
qu'il n'y avait pas de motifs suffisants pour prolonger
la détention de M. Louis Baudouin, il est mis en liberté
vers le mois de septembre 1791 et retourne à Luçon.
Mais le flot de la Révolution montait sans cesse, et des
mesures de rigueur étaient prises chaque jour contre
le clergé fidèle. La municipalité ayant interdit la messe
aux prêtres réfractaires, ceux-ci la dirent en des cha-
pelles particulières.
Bientôt, ces chapelles sont fermées. Puis la gendar-
merie de Luçon se présente à la même époque, (sep-
tembre 1791), chez tous les prêtres insermentés de
Luçon, chanoines ou autres, pour leur enjoindre de
sortir du département s'ils n'y étaient pas nés, mesures
qui atteignaient surtout les chanoines étrangers au
diocèse, venus avec Mgr de Mercy. Mais déjà la plupart
d'entre eux, n'ayant pas charge d'àmes, après avoir
refusé le serment, s'étaient dispersés, quelques-uns
même si discrètement, observe M. Bourloton, qu'on
n'a pu suivre leurs traces. Quelques-uns avaient trouvé
un refuge dans des familles amies, d'autres en exil.
Pendant que l'évéque de Luçon défendait à Paris les
droits de l'Eglise, ses vicaires généraux demeurés dans
le diocèse ne négligeaient rien pour éclairer les ecclé-
siastiques de la Vendée et les détourner de prêter
serment.
A cette fin, ils répandaient dans les villes et les cam-
pagnes les brefs du Pape Pie VI, des brochures, des
lettres, et plus tard une brochure importante de
l'évéque de Luçon : // est encore temps^ laquelle amena
heureusement la rétractation d'un certain nombre de
prêtres faibles. Par suite de cette propagande, de nou-
velles mesures sont prises contre les ecclésiastiques
du diocèse.
(i) Martyre de la Vendée, p. 42. Excellent ouvrage, où nous
avons puisé plusieurs pages. L'auteur, dans des récits attachants,
montre bien toutes les gloires de la Vendée catholique. (Chez
pACTBAU, imprimeur à Luçon, Vendée,)
— 21 —
Un arrêté du Directoire départemental contre les
prêtres insermentés ordonnait à trente-trois d'entre-
eux, parmi lesquels M. Louis Baudouin, de se consti-
tuer prisonniers à Fontenay. Tous sont dénoncés
comme perturbateurs de l'ordre public, alors qu'ils
sont paisiblement occupés au ministère de leur paroisse.
Et cet arrêté est signé du 9 maïs, an IV de la Liberté î
quelle dérision !
Les chefs du clergé vendéen n'étaient pas oubliés.
Vers cette époque, les deux MM. André et Jean
de Beauregard, vicaires généraux, comparaissaient
devant les tribunaux de Fontenay, et le dernier eut à
subir, dans cette ville, un long emprisonnement de
trois mois sans qu'il en connût exactement la cause.
Rendu à liberté, il reprit à Luçon, avec le même cou-
rage, l'administration du diocèse, de jour en jour deve-
nue plus difficile.
Des vexations nouvelles lui étaient préparées. Il fut
averti qu'on allait le saisir et le conduire à Fontenay
lié sur une charrette. Il évita cette nouvelle captivité en
se réfugiant dans sa famille, au Moulinet, prés de Poi-
tiers, aux environs de Pâques 4792. Il avait à peine
quitté Luçon qu'on l'informe que tout le clçrgé vendéen
était mandé à Fontenay pour prêter serment, sous
peine, pour les réfractaires, de perdre leurs émolu-
ments, d'être réputés suspects et traîtres à la Patrie,
soumis à une surveillance sévère ou chassés dans leur
département d'origine. Dans cette grave circonstance,
dit le chanoine Prunier, la résolution du grand vicaire
fut bientôt prise : t A Dieu ne plaise, dit-il, que j'épar-
gne ma vie. Je ne vaux pas mieux que mes frères et je
ne suis leur chef que pour leur servir d'exemple dans
la foi. C'est mon devoir et j'y cours. »
Son arrivée à Fontenay causa un certain étonne-
raent; sa présence n'était pas désirée, car on le savait
inflexible.
Le district de Fontenay-le-Peuple avait pour chef
M. P. . ., avocat distingué : « Que venez- vous faire ici?
dit-il durement au vicaire général. — J'obéis à vos
ordres, répond celui-ci, et je viens présider le clergé
de la Vendée. — On sait assez votre entêtement ; vous
n'êtes point disposé à vous soumettre à la loi. — Je
suis disposé à obéir en tout ce que me permettra ma
conscience. »
— 22 —
A Texemple de leur vicaire général, tous les membres
du clergé présents refusèrent le serment à la Constitu-
tion civile.
Quelques jours après, ordre était donné à ceux qui
n'étaient pas originaires du département d'en sortir
dans les vingt-quatre heures.
M. Jean de Beauregard, que cet arrêté visait princi-
palement, quitta la Vendée le 15 juin 1792.
Obligé de s'arrêter dans une auberge, en passant
prés de Saint Fulgent, il y rencontra le général de
Sapinaud, déguisé comme lui. Celui-ci lui apprit que la
chasse aux prêtres était commencée et que ce jour là
même ou était à la recherche du curé du canton,
M. Gourdon. Il arriva devant la gendarmerie de Saint
Fulgent. Là, un jeune homme lui demanda s'il n'avait
point vu un prêtre dans le canton : t PU par quel ordre,
répond M. de Beauregard, poursuit-on ainsi les prêtres? »
Puis, ne se trouvant guère en sùrelè, il met son che-
val au galop Quelques jours après, il était retiré au
Moulinet, avec André, son frère, et son neveu, Amable
de Gurzon. Il y vécut jusquïi sa déportation en Anglo-
terre.
Pendant ces événements, la situation était intoléra-
ble à Luçon, comme dans le reste du diocèse, pour les
prêtres insermentés, condamnés à la déportation par
le décret du 26 août 1792. Chaque jour insulté, empêché
d'exercer son ministère, le clergé paroissial de Luçon,
bien déterminé à ne jamais devenir prévaricateur,
devait chercher un asile secret ou prendre le chemin
de l'exil. Il choisit ce dernier parti et, au mois de sep-
tembre, après avoir célèbre la fête de la Nativité de la
Sainte-Vierge, MM. Baudouin et Lebèdesque s'embar-
quèrent aux Sables-d'Olonne, pour 1 Kspagne, avec un
grand nombre d'ecclésiastiques.
Après le départ d(î hmrs prêtres, les catholiques de
Luçon auraient dû comprendre que la Révolution
poursuivait la ruine du catholicisme. Ils ne se rési-
gnèrent pas à vivre sans culte religieux et, le 6 octobre,
un groupe considérable réclama, avec une singulière
cnergi(î, dans une lettre au ministère de rintérieur,
celte liberté religi(uise, cojistitntionnellement garantie:
€ La nninicipalitè de Luçon, y était-il dit, a fait fermer
successivement depuis trois mois toutes les églises de
- 23 —
cette ville (4). Un grand nombre de catholiques dont la
conscience ne permet pas de participer au culte établi
dans les églises nationales, ont été privés par là de
l'exercice de leur religion.
« Désireux de profiter de la liberté religieuse, accor^
dée par la Constitution, reconnue et proclamée dans la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ils
choisirent l'église qu'occupaient les ci- devant capu-
cins de cette ville, pour y exercer, sous la protection de
la loi, le culte dont ils ont toujours fait profession. Us
adressèrent, en conséquence, au Directoire du dépar-
tement, une pétition par laquelle ils demandaient d'être
autorisés à s'assembler dans cette église pour l'exercice
de leur religion.
t Cette pétition est restée jusqu'ici sans réponse...
• Ici, comme ailleurs, des citoyens, réunis en club
sous le nom d'amis de la Constitution, décident seuls
et règlent tout (2). Ils espèrent que le Pouvoir exécutif,
maintenant qu'il est entré dans l'exercice de ses fonc-
tions (3), mettra des bornes à l'oppression qu'ils éprou-
vent.
t Cette liberté d'avoir des lieux spécialement consa-
crés à leur culte, les Juifs, les Luthériens, les Calvi-
nistes, toutes les sectes Tout obtenue. A Paris même,
les protestants sont en possession d'une église enlevée
aux catholiques romains. Ceux-ci, depuis deux ans,
voués à tous les genres d'opprobres et de persécutions,
seraient ils les seuls à qui on refuserait un asile que
la loi leur accorde ?. . . »
Cette pétition ne s'adressait pas, hélas ! à l'autorité
capable en tait, sinon en droit, d'y donner suite. L'oppo-
sition venait de plus haut et l'Administration départe-
mentale avait les mains liées, en supposant qu'elle eut
de la bonne volonté pour répondre au désir des catho-
liques de Luçon
Des pétitions analogues étaient envoyées par les
catholiques des Sables, de Saint-Mars-la-Réorthe et
(1) La cathédrale seule était restée ouverte pour le culte des
apostats.
(2) C'était la Société des Jacobins, dont les afliliés de province
se cachaient sous ce nom (Note de D. Chamard).
i3) Illusion véritable sur la réalité du pouvoir accordé au roi
et à SCS ministres.
— A —
_— ij'-r ^;iii5 n.^ponse.
Œ. i^:solaiion re<nia
-^ ---Hva «tu culte
-r^ ■ ' - ''^anioa aux
X / / ^^utiuioru Les
. r^.- roiiines.
r
-25 —
2" A FONTENAY-LE-COMTE
En i789, Fontenay comptait trois paroisses : Notre-
Dame, Saint-Jean et Saint-Nicolas. Les religieux avaient
quatre couvents d'hommes : les Jacobins, les Capucins,
les Cordeiiers et les Lazaristes ; trois couvents de fem-
mes : les Tertiaires de Saint-François, les Dames de
l'Union chrétienne et les Filles de Notre-Dame. Enlin,
le service de l'hôpital Saint-Louis et du vieil Hôtel-Dieu
ou rhôpital Saint-Jacques (paroisse de Saint-Jean),
était conlié aux Sœurs de Saint-Laurent- sur-Sèvre.
f Le clergé de Fontenay, écrit M. Bourloton (1) s'as-
socia d'abord à Tenthousiasme patriotique qui salua les
premières réformes tentées par l'Assemblée Consti-
tuante de 1789. Le curé-doyen de Notre-Dame, M. Tous-
saint - Paul Bridault , ancien membre de la Compa-
gnie de Jésus, fut Tun des ecclésiastiques qui allèrent
à Poitiers pour l'élection des députés aux Etats Géné-
raux, et, quand l'Assemblée nationale eut décrété, le 6
janvier 1790, le remplacement des anciens corps de
ville par des municipalités, M. Bridault devint membre
de la municipalité de Fontenay.
«Au même temps, Pierre-Raymond Sabouraud, curé
de Saint-Jean, faisait partie du Comité patriotique que
la municipalité s'était adjoint pour renforcer son auto-
rité. On ne pouvait donc pas dire que le clergé du chef-
lieu de la Vendée fut rélro^ade.
• Mais, qnand l'Assemblée Constituante, sortant de
son rôle exclusivement politique, émit la prétention
de réglementer l'Eglise ellemome, ces mêmes pré-
Ires, retenus par leur conscience et par les engage-
ments solennels pris aux pieds des autels , durent
refuser une adhésion et un concours, qu'à leur avis
le pouvoir civil n'avait pas le droit d'exiger.
« Ce n'est pas le lieu, poursuit M. Bourloton, de dis-
cuter ici la valeur de la Constitution civile du clergé.
(1) Revue du Bas-Poitou, 1^ Année, 1894.
-26-
L'Eglise catholique, ne reconnaissant pas à chaque
fidèle le droit, absolument anarchique, de libre exa-
men, tout catholique, doit se soumettre à l'enseigne-
ment donné par Rome, par le Pontife suprême, à qui
Jésus-Christ a remis le droit et le pouvoir d'enseigner.
« Quand Rome a parlé, la cause est entendue : on est
catholique ou on l'est pas. Or, nul n'ignore que le Pape
et les évoques se prononcèrent contre cette Constitu-
tion civile. Toutefois, pour ne pas fournir même un
prétexte d'opposition systématique, les prêtres furent
autorisés à prêter un serment conditionnel, dont TAs-
semblée eût du se contenter, puisque la restriction
portait expressément et exclusivement • sur les choses
qui dépendent essentiellement de l'autorité spirituelle. »
En refusant d'accepter cette formule, l'Assemblée,
malgré les protestations contraires des auteurs de la
Constitution, entendait donc bien faire relever les cho-
ses d'ordre essentiellement spirituel de sa très discu-
table compétence.
€ La Constitution civile n'eùt-elle été que pavée de
bonnes intentions, ce qui n'était pas, cette prétention
de régler le spirituel devait donner à rclléchir. En ma-
tière d'autorité spirituelle, le clergé, soucieux de sa di-
gnité et de ses devoirs, no pouvait pas hésiter entre le
Pape de Rome et l'Assemblée constituante fortuite-
ment déguisée en Concile. »
La loi du 26 octobre 1790 obligea au serment tous les
membres du clergé pourvus de bénélices ayant charge
d'âmes, ou voués à l'instruction, et ce serment devait
être prêté devant les municipalités.
Le clergé de Fontenay fut mis en demeure de faire
ce serment.
M. Bridault, curé de Notre-Dame, qui, depuis quinze
ans, administrait cette paroisse avec autant de piété que
de zèle, exposa au prône du dimanche 23 janvier la si-
tuation aux fidèles. Il dit à quoi l'obligeaient ses devoirs
de citoyen envers l'Etat et ses engagements de prêtre
et de pasteur envers l'Eglise. Il conjura ses auditeurs
d'être soumis, comme lui, à la puissance civile en tout
ce que permettait la conscience, et de ne pas oublier
que l'éternité est plus longue que la vie présente.
Le même Jour, M. Sabouraud, curé de Saint-Jean,
adressa des paroles semblables à ses paroissiens.
Huit jours après, devant la municipalité réunie à No-
-27 -
Ire-Dame, après la grand*messe, devant M. Pichard du
Page, maire, qui requit M. le curé et ses vicaires de
faire le serment, M. Bridault parla en ces termes ;
• Je jure d'accepter la Constitution civile, excepté
dans les choses qui dépendent de Tautorité spiri-
tuelle.»
Après cette déclaration, qui ne pouvait satisfaire la
municipalité, le maire déclara à M. Bridault que son
serment n'était pas constitutionnel, et qu'il s'exposait
aux peines portées par la loi.
A quoi M. le curé répondit avec dignité :
f Messieurs, vous mé permettrez de vous faire ob-
server que je ne suis pas ici devant des juges. Déjà
vous m'aviez dit vous-mêmes que vous n'étiez pas ju-
ges, que votre rôle consistait à être présents à la près -
tation. Je vous avais demandé si mon serment res-
trictif serait constitutionnel ou non. Vous m'avez ré-
pondu qu'on ne pouvait le savoir à moins que je ne
l'eusse prononcé. J'ai donc lieu d'être surpris de votre
observation. On ne l'estime pas constitutionnel. Le mot
estime est à peu près le môme que celui : on ne le juge
pas constitutionnel. Il n'appartient pas au Conseil gé-
néral de décider si mon serment est inconstitution-
nel. »
Le maire n'insista pas, et fit rédiger procès-verbal de
la prestation du serment de M. Bridault.
LesvicairesdeNotrc-Damo, Antoine François Juliard,
Pierre-Charles Joubort et Pierro-Mathurin Payraud,
suivirent exactement l'exemple de leur curé. Ils prêtè-
rent le serment restrictif, y persistèrent malgré les ob-
servations du maire et signèrent le procès-verbal.
Les^ prêtres qui dirigeaient le collège communal ne
furent pas moins énergiques. C'étaient M VI. Jean
Loriou, directeur du collège, Giraudeau, professeur de
rhétorique. Blaisn Garncreau de seconde, Leclercerau
de troisième, Gabriel Garnereau de sixième. Les autres
professeurs n'étant pas dans les Ordres ne fureht pas
astreints au serment.
M. Sabouraud, curé de Saint- Jean, fit les mêmes res-
trictions que le clergé de Notre-Dame. 11 avait donné
une preuve do son patriotisme en versant, l'année pré-
cédente, 200 livr^*s à la contribution patriotique. Tous
ces prêtres justifièrent publiquement leur conduite.
Le Directoire dèpurtemcnlu!, jusqu'alors relativement
- 28-
modéré, n'osa donner suite à celte affaire. Il préféra
s'attaquer aux vicaires généraux, MM. de Beauregard :
on Ta vu plus haut.
Seul, parmi le clerg-é paroissial, M. Daudeteau, curé
de Saint-Nicolas, prêta sans restriction le serment de-
mandé. M. Pierre-Benjamin Sabouraud, aumônier de
rhôpital, ne prêta que le serment restrictif.
Les trois jacobins du couvent de Fontenay, Jean-
Baptiste Perreau, prieur, Joseph Barré et Louis
Debrant, jurèrent sans restriction, ainsi que les trois
Capucins du couvent : Guillaume Hervé, gardien ;
François Pierre Tanguy et Henri Letard.
Au contraire, les quatre Cordeliers ne firent que le
serment restrictif. C'étaient Pierre -François Bonnet,
gardien, Pierre Biron, Claude-Joseph Godron et Jean-
Baptiste Bodaille, ainsi que les Lazaristes ou prêtres
de la Mission : Jean Baptiste Chinault, supérieur, Fran-
çois Ari(»t, Jean-Baptiste Ariet(l) et Jean-Baptiste Le-
toquart (2).
Lorsque, l'année suivante, la Révolution appliqua
le serment aux communautés de femmes, toutes les
religieuses de Fontenay, et c'est leur gloire, furent
unanimes dans leur résistance à prêter Todieux ser-
ment aux lois persécutrices.
C'étaient : les Tertiaires de Saint-François au nombre
de vingt-cinq, la Communauté de l'Union chrétienne,
quatorze religieuses, et les Filles de Notre-Dame,
dix huit.
La première conséquence du refus de serment fut,
pour les prêtres, la privation de leurs fonctions. Ils fu-
rent remplacés en juillet suivant par des prêtres ju-
reurs, religieux de Fontenay, qui reçurent la récom-
pense de leur apostasie. Bientôt un arrêté du dépar-
tement ayant interdit à M. Bridault de prêcher, le curé
de Notre-Dame lit venir de Niort un abbé Bernard
pour le remplacer. Mais l'élection du curé constitu-
tionnel, J.-B. Perreau, obligea M. Bridault à quitter
le presbytère en juin. Il loua une maison en ville,
à la famille Pichard, pour 4% livres.
(1) V. à la fin de ce volume.
(2) Il faut ajouter, dit Chassin, aux déclarations des commu-
nautés religieuses, celle des Dominicaius de Fontenay, qui fut
faite à la même époque.
-29-
L^arrîvèe en Vendée des commissaires Gensonnè el
Gallois, envoyés par la Constituante au mois de juillet,
vint aggraver la crise religieuse. La guerre aux prêtres
devenait le mot d'ordre du parti avancé. Dès le lende-
main, le 30 juillet 1791, Gensonnè et Gallois, en pré-
sence de toutes les autorités civiles de Fontenay et du
district, arrêtèrent que, à dater du lendemain, toutes
les églises de la ville, à l'exception des églises parois-
siales, seraient fermées au public et que les prêtres
nou-conformistes, c'est à-dire les prêtres qui avaient re-
fusé le serment, ne pourraient dire la messe en dehors
de ces oratoires nationaux.
C*était un moyen déguisé de les surveiller.
Cet arrêté, destiné en apparence à régler la police du
culte dans Fontenay, pouvait être appliqué dans les au-
tres paroisses du département, mais les mauvaises mu-
nicipalités allaient en abuser; c'est ce qui arriva à Fon-
tenay, par le fait de la municipalité, moins favorable-
ment disposée que le Directoire.
D'ailleurs, les deux commissaires eux-mêmes allaient
être circonvenus par les exaltés du parti républicain,
réunis dans la Société des Amis de la Constitution,
Celte société, analogue à la Franc-Maçonnerie d'au-
jourd'hui, était un centre de propagande antireligieuse,
qui poussait partout les municipalités à la persécu-
tion.
Déjà toute puissante à Nantes, à Angers, à Niort, à
Cholet et même aux Sables-d'Olonne, elle n'avait pu
jusque-là s'établir à Fontenay, où le Directoire, composé
de membres appartenant au parti constitutionnel, s'ef-
forçait d'appliquer avec modération la Constitution ci-
vile. Cette secte avait pour principal agent en Vendée
Mercier du Rocher, qui par sa mère appartenait à la
noblesse de robe de notre pays. Afiilic dés l'origine au
club des Jacobins de Paris, il était venu habiter une
maison champêtre à Vouvant, et, de là, dirigeait la lutte
contre les modérés. Grâce à sa bouillante activité, il
gagna en peu de temps un grand nombre d'adhérents
parmi les municipalités vendéennnes, et les réunit au
château de l'Oie, paroisse de Sainte-Florence, le 6 fé-
vrier 1791.
Le programme adopté fut de combattre à outrance
l'influence des prêtres non assermentés, et, pour le
rendre acceptable par nos populations religieuses, Mer-
-30 -
cier du Rocher osait écrire les mensonges suivants :
« La Constitution civile n'a point rompu l'unité de TE-
gliso... Qu'est-ce qui constitue l'unité de l'Eglise ? c*est
la même croyance, la même communion. Voilà l'unité.
L'Assemblée nationale n'y a point touché ; elle n'a dé-
truit que ce qui était l'ouvrage des hommes... Ils sont
donc bien coupables, les hommes (les prêtres réfrac-
taires) qui s'opposent aux décrets de l'Assemblée na-
tionale ; les hommes qui, par des insinuations perlides
et hypocrites, cherchent à vous soulever contre les lois
de votre patrie ?... »
Mais de semblables mensonges, loin de séduire les
Vendéens, n'eurent pour résultat que de leur faire dé-
tester davantage le régime qui produisait de telles im-
En même temps, le général Dumouriez fut le mau-
vais génie des commissaires Gensonné et Gallois. Tout
en promettant aux catholiques la tolérance et la liberté
religieuse, il savait les tromper et inspirer aux envoyés
de l'Assemblée des idées tout opposées. Circonvenus
ainsi de tous côtés, et d'ailleurs assez mal disposés en
faveur des catholiques, les commissaires reviennent à
Fontenay, après avoir visité la Mothe-Achard, la Roche-
sur- Yon et Ghantonnay, et y rencontrent Dumouriez le
15 août. Ils trouvent la ville fort agitée par la question
religieuse, qu'avait ravivée leur arrêté du 30 juillet.
Assaillis par une foule de personnes honorables et
des plus modérées, sollicitant pour les prêtres non as-
sermentés l'autorisation de célébrer le culte dans des
maisons particulières, Gensonné et Gallois n'osaient
accéder à leurs désirs. Gallois, plus modéré, eût encore
accordé leur demande, mais Gensonné, violent et hai-
neux, répondit par une lin de non-recevoir.
Celui-ci écrit, à la lin d'août 4791 : « Nous avons eu
toutes les peines du monde à empêcher que les corps
administratifs ne permissent à Fontenay l'établisse-
ment d'une maison particulière pour les non confor-
mistes, et, malgré nos instances, s'ils le permettaient,
le même établissement aurait lieu, avant quinzaine,
dans toutes les paroisses du département. Partout les
paysans le demandent^ et nous avons déjà reçu par
écrit et verbalement plusieurs pétitions à cet égard {!).*
(1) Ouv. CuASsiN, cités, T. II. p. 46.
On voît quo le parti violent et ennemi de la liberté
de conscience l'emporte dans lés décisions et la con-
duite des commissaires. Ce refus de la tolérance reli-
gieuse, bientôt éonnu dans tout le département, cause
une irritation extrême, et dans certain district, comme
celui de la Châtaigneraie, on répondit que puisque
toute liberté religieuse était refusée, on saurait la
prendre.
C'était une menace d'insurrection, qu'on devait com-
prendre. Les catholiques vendéens étaient poussés à
bout.
Quelques mois se passèrent dans cette agitation qui
envahit tout le pays, quand le 42 octobre suivant, le
Directoire de Paris eut un bon mouvement d'esprit li-
béral.
Il prit un arrêté, en vertu duquel tout citoyen, toutes
les sociétés et communautés religieuses pouoaient ou-
vrir leurs églises, chapelles, temples et autres lieux
destinés à Vexercice dun culte religieux quelconque,
sans être soumis à d'autre surveillance qu'à celle des
officiers de police, à condition que rien de contraire à
tordre public ne s'y passerait.
Cette décision, parue dans le Moniteur, eut en
Vendée un immense retentissement, et beaucoup de
municipalités la suivirent.
A Fontenay, les libéraux catholiques crurent au
triomphe de la liberté. Aussitôt le Directoire du dépar-
tement prit un arrêté conforme.
Ce n'était, hélas ! qu'un temps d'arrêt bien court dans
la persécution, une dernière lueur d'espérance avant
la catastrophe.
Les violents étaient les maîtres à Paris ; à Fontenay,
ils avaient de plats serviteurs toujours disposés à
obéir: ils le savaient et agirent en conséquenca.
Au reste, la plupart des bons prêtres ne s'y trom-
paient pas, depuis l'internement, au mois de mars 1792,
de trente-trois prêtres de la Vendée dans les prisons
de Fontenay.
Les administrateurs du Directoire à Fontenay s'étaient
hâtés de faire part de cette mesure de rigueur; avec
quels cris de joie, on va le voir .:
f Fontenay, le 10 mars 1792, l'an IV de la Uberté (!!!)
A Messieurs les administrateurs du département de la
Loire-Inférieure.
— 3Î -
« Frères et amis,
« Grâces soient rendues à vos bons avis ! Nous en
avons profité, et maintenant nos factieux peuvent aller,
venir, demeurer ou partir, mais ils ne répandront pas
de fiel sur notre territoire Par notre arrêté vous verrez
que nous avons su mettre des barrières à rexôculion
de leurs projets.
«Les malveillants croient-ils donc encore que notre
administration veuille tremper dans leurs complots ?
Non, frères et amis, non, d'un pas égal au vôtre, nous
voulons les atteindre. Si, d'intelligence nécessaire, tous
les corps administratifs prenaient h) même parti, peut-
être, commci vous le dites bien, la paix renaîtrait en
France avec le départ de ces saints personnages pour
Rome
f Les administrateurs composant le Directoire du dé-
partement de la Vendée.
« J.P'M Fayau, pour le vice-président ;
« J.'M, Cougnaud, secret, général. » (1)
C'est contre C(;tle injuste dètcmtion que réclamait M.
André de Beauregard, le 28 avril suivant, dans une lettre
au ministre de l'Intérieur dont nous citerons quelques
passages :
« Monsieur, depuis plus d'un mois, les prêtres cités
par diirèrenls arrêtés du Directoire du département de
la Vendée sont retenus à Fontenay. Depuis plus d'un
mois, ils demandent (ju'on leur fasse connaître les mo-
tifs de cette rigoureuse (let(»ntion. Cette justice leur est
refusée... Ce qu'il y a de très certain, il n'y a d'autres
troubles dans \i\ département de la Vendée que les per-
sécutions injustement suscitées contre les prêtres non
sermentaires et contre les catholiques privés de la
liberté du culte que la loi garantit. C'est un fait qui
n'est pas moins certain, et il est facile d'en acquérir la
preuve.
t Ces ministres, qu'on traite comme séditieux et re-
belles, n ont cessé de recommander, comme un des
premiers devoirs, de la religion, le respect pour Tauto-
rité civile, la soumission due aux lois. Ils en ont tou-
jours donné l'exemple, et si, dans ce département où
le peuple, fidèle par principe à la religion de ses pères,
(1) Chassin, Ouv. cité, T. II, 395.
àoufïre en paix réloigiiement de ses ministres et la
cessation du culte auquel il est attaché, c'est aux sages
avis qu'il reçut de ses pasteurs... Qu'on rende à ce
bon peuple les ministres qui ont sa conliance; qu'on
lui permette l'exercice du culte auquel il est attaché, il
est paisible, bientôt il sera heureux. Nous ne deman-
dons d'autre grâce, disaient ils unanimement aux com-
missaires envoyés dans le département, nous ne solli-
citons d'autre faveur que de conserver les prêtres aux-
quels nous avons conliance ; nous payerons^ s' il le faut
pour l'obtenir, le double de nos impositions... (l) »
Mais toutes ces réclamations, demandes et prières
étaient inutiles. Ce qui faisait écrire aux catholiques de
Bazoges-en Pareds : t Si les demandes du peuple n'é-
taient pas accordées, il pourrait se porter à l'insurrec-
tion. »
Au lieu de faire droit à ces demandes si légitimes,
l'administration entra dans une nouvelle voie de per-
sécution. Les prêtres fldéles, qui avaient refusé le ser-
ment, s'étaient vus privés de leurs paroisses, et s'ils ne
se cachaient avec soin, obligés de se rendre à Fontenay.
Voici les noms de ceux qu'un arrêté du 9 mars 1792
(an IV de la Liberté) obligeait à se constituer prisonniers
à Fontenay: MM. Herbert, curé à Maillé ; Vilain, vicaire
àMaillezais; Baudouin, curé de Luçon; Baudouin, vi-
caire ; Brumauld de Beauregard, théologal ; Defresne,
doyen du chapitre ; Sicard, Le Brasse, Paillon, Villoing,
chanoines; Borde, sacriste du chapitre; Gobin, curé, et
Priouzeau, vicaire d'Antigny ; Genay, curé, et Braud,
vicaire de Loge-Fougereuse; Dénoyer, vicaire de Saint-
Maurice-des-Noues ; Béraud, prêtre de Saint-Maurice-
des-Noues; Raillon, curé à Montaigu; Fouasson, curé,
et Lusson, vicaire à Saint-Georges -de-Montaigu ;
Gourdon, curé, et Brillaud, vicaire à Saint- Fulgent; Bi-
rel, curé à Bouaine ; Chevalier, curé à Tififauges; Noi-
rci, curé à Sallertaine ; Morand, curé de Saint Jean-
de-Monts ; Lausier, euré de la Mothe-Achard ; Poingt,
curé de Sainte-Flaive ; Morisset, vicaire à Bretignol-
les ; Arrandet, curé à Poiroux ; Robin, vicaire aux Es-
sarts ; Thomas, curé à Venansault, et Guillet, curé à
Saint-Martin-des-Noyers. Tous ces prêtres s'étaient si-
(1)Chaôsi«, OuV. cité. T. Il, p. 413.
— Si-
gnalés par leur zèle à combattre les principes révolu-
tionnaires.
D'après Fart VII dudit arrêté, ces ecclésiastiques ne
pouvaient s'éloigner de plus d'une lieue du chef-lieu
du département, et pour s'assurer de leur présence, on
les obligeait à s'inscrire tous les jours et par tous les
temps au secrétariat du département, à 11 heures du
matin.
Cette convocation avait lieu le dimanche plus sévè-
rement que les autres jours, pour les empêcher de sor-
tir de Fontenay et d'aller dans les campagnes voisines
dire la messe et rendre quelques services aux fidèles
délaissés. Les prêtres avaient toujours affaire à un com-
missaire à l'humeur maussade, ennuyé déjà de cet of-
fice quotidien. Les clubs, les meneurs avaient là des
vauriens, des lilles ou femmes du peuple au cœur en-
durci par le vice ou Timpiété, qui souvent accablaient
d'injures les ministres de Dieu. Les soldats de gîirde ne
faisaient qu'applaudir. Des membres mêmes de la mu-
nicipalité venaient aux fenêtres voisines jouir de ce
répugnant spectacle et se réjouir entre eux des mena-
ces, des sarcasmes et des blasphèmes dont la populace,
chaque jour, abreuvait ces prêtres paisibles et humi-
liés (i).
Toutefois, les autorités départementales n'eurent
rien à gagner en influence et en dignité auprès des
honnêtes gens et des catholiques de la ville, par suite
de cette mesure de rigueur. C'est ce que constate avec
amertume Mercier du Rocher, dans une page de ses Mé-
moires inédits, citée par Chassin (2) ; « Notre arrêté
(9 mars) eut son entière exécution. Les prêtres réfrac-
taires se rendirent à Fontenay ; ils y furent bien accueil-
lis des habitants et les fanatisèrent au point de leur
inspirer le plus souverain mépris pour l'administration.
Pichard avait fait ouvrir l'église du grand hôpital pour
éviter au peuple d'aller entendre la messe à Pissotte, qui
était le rendez- vous des factieux. Les réfrac taires célé-
brèrent dans cette chapelle; elle ne pouvait contenir
tous ceux qui s'y rendirent. C'était un concours conti-
(1) Le 29 mai suivant, d auuea prêtres reçurent le même or*
dre. (Ghassih, II. 424.)
(2) T. U, p. 391,
Huel depuis quatre heures du matin jusqu'à midi, on y
voyait courir des gens qui, depuis plus de vingt ans,
avaient cessé de fréquenter les églises. L'imbécillité du
pauvre peuple, l'hypocrisie des riches, le charlatanisme
des célébrants, tout cela formait un spectacle digne de
pitié et de haine. Je fis en vain auprès des femmes et de
tous ceux que je croyais de bonne foi, ce que je pus
pou rieur dèsillerles yeux... Je leur offris le tableau des
siècles passés, je leur dis que les prêtres avaient fait
couler des flots de sang, qu'ils le feraient eticore. Mes
représentations furent vaines. J'étais aux yeux de ces
personnes égarées un impie : j'accusais les prêtres... »
La persécution ne faisait que ranimer la foi.
Parmi ces prêtres les uns étaient logés dans les pri-
sons, d'autres dans la ville ou les faubourgs, dans des
familles amies ou dévouées, ou même dans les gre-
'niers ou les caves.
Il fut fait, dit Chassin, aux chefs-lieux de district de
nouvelles élections de curés le 1*' juillet 1792, après le
décret d'expulsion contre les prêtres étrangers. Mais
les candidats, comme le constate le même historieçi
fort disposé en leur faveur, ne se présentèrent qu'en
petit nombre. On ne put combler, pour la majorité des
paroisses, les vides laissés par les prêtres iAsermentés
et ceux qui, ayant fait d'abord serment, Tavaient ré-
tracté (i).
Cette aggravation de la persécution venait de dé-
terminer plusieurs prêtres, réfractaires au serment, à
quitter la Vendée dés les mois de juin et de juillet. Au
mois d'août, soixante-quatorze prêtres, en prison à
Fontenay, persistant dans leur refus de serment, dé-
clarèrent vouloir se retirer on Espagne, et eurent la
faculté de retourner dans leurs paroisses ou leurs
familles pour faire leurs apprêts de départ pour l'exil.
Après le délai accordé par le décret de l'Assemblée
nationale, ils devaient être exportés en Guyane.
Un peu avant ces dernières mesures, Gensonnè, de
retour à Paris, avait fait adopter par ses collègues une
(1) Chassix, Ouv. cité, III, p. 62. Ainsi dans le district des Sa-
bles, les électeurs ne nommèrent que douze curés pour plus de
^gt cures vacantes. Quant aux vicaires, il était plus difficile
encore d'en trouver. La môme proportion existait dans tout le
département.
-36 -
série de décrets qui faisaient prévoir la crise linale. C'é-
taient la prohibition du costume religieux et ecclésias-
tique, la loi des suspects internés au chef-lieu du dé-
partement, comme les prêtres sous la surveillance de
la police, et autres prohibitions analogues toutes diri-
gées contre le culte catholiques. Toutes ces graves
nouvelles apportées à Fontenay avaient produit une
véritable stupeur. Ce fut bien pis quand parurent les
décrets relatifs à l'exil et à la déportation en Guyane.
L'Assemblée jouait ainsi gros jeu, et désormais il fal-
lait peu de chose pour faire éclater ce volcan de haines
et de colères, allumé dans le cœur des Vendéens par
la conliscation de la liberté de conscience et Texil de
leurs prêtres. Tout était prêt pour déterminer Tinsur-
rection générale de Tannée 1793.
-37 —
5^ AUX SABLES-D'OLONNE
En 1790, le clergé sablais est composé de M. Boitel,
curé, et de ses trois vicaires : MM. Brèchard, Chauvi-
teau et Gourdin. A la Chaume, M. Deau est curé et
M. Darnaud vicaire . Il y a de plus , aux Sables :
MM. Charles Boulineau, aumônier de l'hôpital ; Guyard,
des Bénédictines, et, comme prêtres habitués : MM. Tor-
tereau-Dubois, ancien curé de Challans ; Guinemand,
ancien curé de l'Aiguillon -sur -Vie ; M. Menanteau,
ancien jésuite» et un couvent de cinq capucins.
Tous, non sans crainte, voyaient venir la Révolution
avec ses législateurs impolitiques et faibles, imbus de
la philosophie voltairienne.
Comme beaucoup de catholiques et de prêtres, à
notre époque pareillement troublée, ils espéraient une
réaction, car ils n'avaient rien à espérer, mais tout î
craindre des chefs de la Révolution à Paris, comme de
la municipalité sablaise.
Cette réaction ne vint pas. Ils allaient devenir le
jouet et bientôt la victime des graves événements qui
étaient proches.
Aux Sables. Gandin Taîné est le plus acharné persé-
cuteur des prêtres. C'est lui qui, partout et toujours,,
poussera la municipalité à partir en guerre contre les
bons prêtres. Son ambition, son activité, ses intrigues
et l'esprit voltairien dans lequel il a été élevé, vont le
mettre à la tête de la Révolution aux Sables, où il sera
toujours prêt pour les plus répugnantes besognes (1).
Dans le courant du mois de janvier 1791, Mgr de
Mercy, gardien vigilant de la/ foi dans son diocèse, de
concert avec un grand nombre d'évêques ayant adopté
(1) Cent hommes du régiment de Perche-Infanterie, en garni-
son aux Sables en mars 1791, avaient reçu Tordre de poursuivre
les populations catholiques du pays ; ils s'y refusèrent: c Nous nâ
deton$ le service que pour l'intérieur de la ville, répondirent-ils
au maire, et non pas pour courir les campagnes à la recherche de
bofif ^faysans. »
-38-
Vlnstruction pastorale du l'évfque de Bnulogne contre
la violation dé !a liberté religifmse, Tavail envoyée à
tous ses prêtres, avec une lettre dans LK^iielle il tes
adjurait d(^ ne pas prêter serment el de ne pas aban-
donner leur fioslê.
C'était son droit et son dovoir,
La municipalité des Suides, aassîltM alarméo, s*î dis-
tingua |)ar son zèle persécuteur. Dés le 21 janvier, dit
Chassin, une information est ouverte» alrn de saisir les
lettres de l'évéque et» le 27, elle prend rnrrétê suivant:
« Considérant que quelques écrits de l'evéipie de
Lueon étant dangereux pour soulever les habitants
de la ville et ceux du diocèse, il décide do faire im-
primer et afficher une adresse proposée par le maire,
J.-M. Gaudin, alla d'éclairer et de retenir, s'il est pos-
sible, les citoyens •
Cette adresse ridicule commeneait ainsi: « Citoyens,
la municipalité est instruite qu'il crircule dans cette
ville une lettre de l'èvéque de Luron aux curés de son
diocèse, ainsi qu'un mandement portant adhésion à
une instruction pastorale de eetui de lîoulo^ne: écrits
très dangereux.
f KtiVayée <le Timpression que pourraient faire sur
vous de tels écrits, elle s'empresse de vous avertir du
poison dont on voudrait vous enivrer... De quoi s'agit-
il et qui peut exciter les injustes réclamations des
prélats qui accusent rAssenihlre nationale? >
Apres avoir répète ces absurdités, que le bouleoer-
sèment des anciennes limites diocésaines, la suppre^*
sion des cures et des écéchés, l'élection des écêques et
curés par des laïques, même protestants ou juifs^ ne
touchaient pas aux intérêts spirituels et ne ruinaient
pas la religion de nos pères, les théolof^iens de la
municipalité ajoutaient: t On vous a travaillés, échauf-
fés, avec des papiers incendiaires. Aujourd'hui, c'est
avec des mandements et des instructions pastorales
qu'on veut vous porter les derniers coups. »
Ce manifeste insensé, placardé sur les murs de la
ville des Sables et do la Chaume, protluisit un eJTel
contraire à celui que s'étaient propose ses auteurs.
■ La population sablaise, dit avec raison l'auteur des
Prisons des Sables^ n'avait rieu de révolutionnaire
- 39-
dans le sang ni dans les idées. . . Son esprit était plutôt
libéral et religieux (I). »
Le 6 février suivant, les municipaux font publier le
décret du 27 novembre sur Tobligation du serment, qui
ordonnait à tous les prêtres de le prêter.
M. Deau, curé de la Chaume, officier municipal,
donne sa démission, ne voulant pas continuer de rem-
plir cette fonction sous un gouvernement impie et
lyrannique. La plus grande partie de la population
sablaise proteste contre ce serment et profère des
menaces contre les autorités. Des femmes et des
ouvriers sont arrêtés.
Le lendemain, tout le clergé sablais et chaumois,
convoqué à l'effet de prêter serment, le refuse publi-
quement. De là. grande émotion dans la ville, qui
approuve généralement la conduite de ses prêtres, à
part quelques exaltés conduits par les municipaux (2).
Aussi, le Directoire de Fontenay, ayant appris ces
manifestations et redoutant des désordres, croit devoir
surseoir à l'élection des curés constitutionnels.
Ce retard permet aux curés des deux paroisses de
continuer leur ministère et d'expliquer aux fidèles les
motifs de leur résistance à la loi impie qu'on veut leur
imposer.
Pour le moment, aucune mesure de rigueur n'est
prise contre eux.
A la même époque, vingt-six curés du district des
Sables refusent le serment, et on n'ose les remplacer
que plus tard, vers le mois de juin, tant était con-
sidérable l'effervescence populaire (3).
Le 9 mars, mercredi des Cendres. M. Boitel fit à ses
paroissiens une instruction vraiment touchante, dans
(1) Prisùtis des Sables, par Jos. Renolleau.
(2) M. Ghauviteau se décida ensuite à le prêter, suivi des
Capucins.
(3) Cavoleau lui-même, qui si facilement prêta serment et
donna le scandale de l'apostasie, ne put s'empêcher de condam-
ner ce serment à la Constitution civile. Dans sa Statistique de
la Vendée, écrite après la Révolution, à une époque où il pouvait
l'apprécier plus sainement, il disait : « En iî%, l'Assemblée
nationale obligea les prêtres catholiques à un serment qui a
(ait pln^ de mal à la France que les echafauds de Robespierre et
les armées d'Europe coalisées contre elle. {Origines, p. 156.)
— le —
laqxit^no il dif-riil : € Si f^nr^ais deux âmes, je ferais te
sermenT qu* •./«\<r .-::•.<::*. it'. ^fcis je n'en ai qu'une. Je
ne i>ei,T p'éS ,a jte^slr^- t*r;f •'nf .V '^emi i>as. »
Ce> i..îr. 1' > <\ .irf.jit :<->. *•: c- ;-!i îant fort naturelles
dans la !• ».: Lo ci;:. \- :.:;.:»• z:::.:>îr*^ de Dieu, éton-
nent et t:'r:»\i :.: ::: :v u-„ . :::..>*. F^- - If- l»'ndoniain elle
est convo.yj'.-' %: -. - :. .:t>>- uTi i'!-*imi* oflioiel, non
nio:r:> :\:e :. '.• u • . h > n t- l* ra: .< i;:r«*,
loiv..^:> .>;:.:: :.r:.'' •: ". :*> -■::: !>. u !<*> êleclion.*^
ilis or.rif i;: >: ;..: :.:.t >, a-',:-: »• i-rovixation aux
os*.!:.-: ..e> /.t :. > - i~ : :: - :. -î ::î î ai> haut, ces
r.tv: v.v < v.î ... : . ; - .-r-, •'. - ■' > » Hi: :: lats z loute-
f::>, un vvr:.. :; 0- -,;?,. --: :. r. .1 - . .:r*- intrus aux
B::.:,:^ .-.s r,:..^t .:> :• : ..-> v.-i.!.f::t atrtrraver
:^ >^:.:.;::.^:: r: . ^ : v.>: 1:' i! . /.:. ::. n: ; rn-iid^la fuite
v:ii rv.\ >::: ?.^rt>-: . -^ >;-_ r: * :• f : : a Paris. L'in-
^;v.:::v,;.e t: le v.^.'-' . > :: :. :: u: !> mesures,
t"*^^'^ V v.:rf T> :-- -.> :>:'j. : :> -: ^-s su>j«eots.
v":t'\:t :::;- V.; \ y :^.. ''-.>• s T.. :-:'_•:- t -mps, les
av.^-r.,:> s.\. \>-.s. >•..-::■.■.: - .: ::> > il-YfinentN
se rrv^; .. >- •... >/? : „; : .. -.. . : .. < A\ ::..•• uis-iu'à
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^ ^ -^ > :■--;: :;. - ;. , : ;.^^, ?. \ ; •- :• s : : 2. .:x robles.
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4,., -..-.. - - - - i..i
— 41 -
à rentrée aux Sables, consigne aux portes donnée à
cet effet (1).
€ Ont signé : Paloadeau^ Guénier, Delange^ Bécherel,
Duguetj Gaudiriy maire, Rouillé, secrétaire. >
Cet arrêté fut aussitôt expédié au Directoire, qui en
accusa réception sans en délibérer.
Mais on voit quelle rigueur employait la municipalité
sablaise contre des prêtres dont le seul crime était
d'être fidèles à leurs devoirs de pasteur spirituel.
Au mois de novembre 1791, une détente sembla se
produire. Le Directoire départemental prit un arrêté
favorable à la liberté religieuse, lequel déclarait urgente
la nécessité d'ouvrir à tous les prêtres les églises de la
ville de Foutenay. Aussitôt, les catholiques sablais
adressent au Ministre de l'Intérieur une pétition pour
obtenir la même faveur. Elle est datée du 3 novembre,
mais n'eut aucun résultat et ne pouvait en avoir, étant
donné les dispositions malveillantes des municipaux
des Sables.
Au mois de mars suivant, l'Administration sablaise,
très effrayée au sujet des ennemis du nouveau régime,
cherche à sévir contre les prêtres, dans les manifesta-
tions qui éclatent au Château- d'Olonne, à Angles, à
Bretiguolles, à la Boissière-des-Landes, au:ç Sables,
contre les curés intrus imposés à ces paroisses, et plu-
sieurs prêtres insermentés sont emprisonnés. M. Boitel
lui-même est recherché par les municipaux, qui se
rendent à l'hôpital, où on le croit retiré, et en font le
siège pour le saisir. Mais les marins sablais, dévoués à
leur curé, ont recours à un subterfuge pour' le sauver.
Ce prêtre échappe pour quelque temps à ses persécu-
teurs.
Peu après, en avril 92, ce furent quelques citoyens et
citoyennes exaltés qui eurent le triste honneur de pro-
voquer un arrêt définitif de proscription contre les
prêtres fidèles, par une pétition publique, au moment
même où le jacobin Goupilleau, de Montaigu, pressait
l'Assemblée législative de se débarrasser des prêtres
(i) Chassin, Ouvr. cité, T. I, 364. MM. Boitel et Gourdin
n'allaient point soulever les habitants d'Olonne, mais disaient la
messe et exerçaient leur ministère à la chapelle de PAbbaye de
Saint-Jean-d*Orbestier, située sur la côte des Sables, protégés
par les habitants du pays.
- M —
par la déportation et Texil : graves mesures que TAssem-
blée allait voter.
Les officiers municipaux sablais poursuivaient de
leur haine tout ce qui représentait pour eux la religion
catholique. Le 3 avril, ils avaient mis à la porte de leur
couvent do Bon-Secours les quatre religieuses de la
Sagesse qui instruisaient la jeunesse: leur crime était
d'avoir refusé le serment, le 15 février précédent (IV
Malgré cette persécution, non seulement les anciens
curés et vicaires de la ville et de la Chaume n'étaient
pas partis, mais à eux s'étaient joints plusieurs prêtres
insermentés du voisinage, dont la résidence avait été
reconnue légale par le district. « Les femmes, dit Chas-
sin, en très grande majorité, s'abstenaient de tout rap-
port avec le curé constitutionnel, Cintras ; ne se con-
fessaient qu'aux réfractaires et les suivaient par masses
aux messes qu'ils disaient en pleine campagne (2). »
Cette conduite de la plus grande partie de la popula-
tion sablaise et chaumoise exaspéra tellement les
municipaux, ainsi que les vexations envers les intrus,
qu'ils procédèrent immédiatement à l'expulsion et au
transport à Fontenay de tous les prêtres non asser-
mentés qui se trouvaient aux Sables, moins un, le curé
de la Chaume, qui n'avait pas encore de remplaçant
constitutionnel (juin 1792). Ces prêtres sont arrêtés,
jetés en prison, puis transférés à Fontenay.
Le 27 juin, les religieuses du couvent des Bénédic-
tines sont, à leur tour,' expulsées de leur couvent de
Sainte-Croix (séminaire actuel), et leur maison trans-
formée en hôpital. L'aumônier, M. Guyard, venait d'être
interné à Fontenay.
Ce n'était pas sans résistance que la population catho-
lique soulTrait cette tyrannie des municipaux. On le vit
bien un jour, quand le curé intrus, Bonnaud, arrivant
à la Chaume, y fut reçu avec des cris et des injures de
la part d'un groupe de Chaumois et de Chaumoises. La
force armée dut être appelée pour protéger l'apostat et
arrrêta un homme et quatre femmes, qui furent amenés
à la prison de la Coupe à 8 heures du soir.
(1) Le 31 août, les vases sacrés de la chapelle de la Sagesse
furent saisis et envoyés au département.
(2) T. U, 425.
L
- 43 —
Mais rien ne peut s'opposer à la guerre impie déchaî-
née dans le pays par TAdministration sablaise. Le 29
août, le district fait expulser le curé de la Chapelle-
Hermier, M. Brillaud, qui n'avait pas voulu quitter sa
paroisse. Amené aux Sables, ce prêtre est écroué à la
prison de la Coupe, puis conduit à Pontenay. De même,
au mois de septembre, le district dénonce et persécute
MM. Maroilleau, curé de Saint-Hilaire-de-Talmont,
Rampillon, curé de Jard, et Reguin, vicaire de Saint-
Christophe-du-Ligneron.
Aussi, devant la tempête, plusieurs prêtres veulent
fuir. Dès les mois de juin et de juillet, une vingtaine
s'embarquent aux Sables pour TEspagne. Puis, vient le
Directoire de Fontenay qui, à la grande joie des muni-
cipaux sablais, met à exécution la loi de déportation
contre les prêtres insermentés.
Sexagénaires et infirmes sont détenus au chef-lieu
du département (1), mais tous les ecclésiastiques vali-
des qu*on peut saisir sont envoyés aux Sables, dont la
prison Tortereau est encombrée.
Toujours rigoureuse, la municipalité essaye d'obtenir
l'apostasie des prêtres au prix de la liberté qu'elle leur
offre. Mais aucun ne cède. De plus, tous sont dépouil-
lés de l'argent et de l'or qu'ils possèdent pour payer
leurs frais de voyage : en retour, on leur donne le pa-
pier de la République, les assignats dont personne ne
veut en pays étranger.
220 prêtres sont embarqués aux Sables de septembre
à janvier 1793. Plusieurs infortunés languissent en-
core dans les prisons de Fontenay. d'autres plus heu-
reux, comme M. Petiot f2) monteront sur réchafaud(3).
L'emprisonnement et la déportation des prêtres ame-
nèrent encore dans la religieuse population sablaise
des murmures et des troubles. Plusieurs Sablais et des
habitants de l'Aiguillon de passage aux Sables furent,
I de ce fait, arrêtés et condamnés à la prison. La Terreur
(1) Tous ces vieillards et infirmes avaient été contraints de
quitter la soutane ou la soutanelle.
[1] M. Petiot aux Sables, M. Tourtereau à Saumur. (V. ces
Noms.)
(3) Au total 234 prêtres s'embarquèrent pour l'exil dans nos
ports de Vendée, 220 aux Sables, et 14 à Saint-Gilles. (V. Ghassin.
Ouvr. cité. T. m, p. 99.)
— «-
Tignait déjà sur vvl ètrnîl Loiri de Uîrre, comme dans
toute la Vendée, grâce à ane minorité de petits tymns
sanf^ulnaires.
Aux Sables, outre Gaudin Talnè, un des pln^ fanalî»
ques ennemis de la liberUî religieuse et des în'èlres, il
y eut également on certain Birct, natif du Champ-
Saint- Père, ancien fivoué, intrigant t»t ambitieux. II
était procureur-syndic du dislrict en 1792, Quand b^si
prêtres déportes eurent quitté les Sables, il restait i
dépouiller les églises et à chasser quelques religieuses,
Biret se chargea de cette répugnante besogne.
Dans le but de détruire, comme il réerivait, tes pt*6'
jugés de la superstition et du fanati^nte, le 18 novem<*
bre 1793, il réunissait le romité de surveillance révolu-
tionnaire des Sables, et lui faisait prendre un arrêté
pour s'emparer dt»s vases sacrés des églises de la
Chaume et des Sables, tout en prenant soin, pour ne
pas interrompre le culte schîsmatique des intrus^ de
remplacer ces objets sacrés par des t vases en bois»
étain, verre ou toute autre matière ». Mais ceux-ci ne
lardèrent pas à être également défendus et supprimer,
ce culte étant lui-même taxé de superstilieux.
Alors Biret, lier de cotte équipée, écrit, Iw l*^ février
179i, au Président de la Convention, en lui envoyant le
bordereau du montant de ses vols saeriléges :
« Dis a la Montagne que lesinstrnmenls du mensonge
ne souilleront plus enfin notre malheureux territoire.
Il n'existe pas plus de ces vains et ridicules ornemeui
que de ces animaux amphibies qu'on appelait prêtre^
Tous ont été citasses ou ont fait amendi* honorable à II
raison et à la philosophie. Vive la Hcpubliqiie ! (l) »
C'est ainsi qu'aux Sables comme à Foutenay et a Lu-
çon, une minorité d*éuerguméncs imposait ses ordres
despotiques et sanguinaires à Timmense majorité des
honnêtes gens et des cnllioliques, qui n^osaient les ba-
layer.
Le départ des prêtres ne di^sarma point aux Sables
les persécuteurs et n'amena point la tranquillité rninme
(l) Biret ne fut pas toujours farouchr* iiilrausigoAni
avoir plusieurs fois changé t^ou fusil d'i'jmuîe, *du*
fut heureux d'avoir le pOMe de receveur ilu*. t>roit*-li.
Rochelle. (V. b Vcndce Uùtunnue, I90U.)
Anr
i.iiii^ ^< ».»*%.
-48-
on eût pu le croire. Les prisons étaient remplies de ca-
ttioliques saisis dans les émeutes des paroisses de la
côte vendéenne. Il y avait là une vengeance à exercer
qu'on décorait du nom de justice. justice ! que de
crimes sont commis en ton nom !
Au mois d'avril 1793, la Commission militaire, sié-
geant dans une première sessio](;i, condamna à mort
68 individus, ouvriers, domestiques et cultivateurs (1).
D'autres sont arrêtés et subissent longtemps une dure
prison (2); parmi ceux-ci sont M. Riou, de Coëx, et
ses quatre fils dont deux sont ecclésiastiques , et
M. Dorval, diacre de la Chaume. Ce dernier fut éva-
cué sur rile de la Montagne (Noirmoutier) au mois de
juin (3).
Cette funèbre session se prolongea jusqu'au 10 waL
Ce jour-là, la loi de mort, dit CoUinet, est suspendue
aux Sables. C'était en vertu d'un décret de la Chambre
des Députés, provoqué par Danton, et portant que c la
peine de mort ne sera plus applicable désormais qu'aux
chefs et instigateurs des révoltes. > On verra comment
la Commission militaire sablaise tint compte de cet
amendement.
Dans une deuxième et troisième session, cette der-
nière tenue à la fin de 1793, les bourreaux prononcè-
rent vingt-trois condamnations à la peine capitale.
< Et nous voici au terme de cette lugubre année 1793,
qui incarne, dans son chiffré maudit, toute l'époque
révolutionnaire, non parce qu'elle fut la seule année
lugubre de la Révolution, mais parce qu'elle dépassa
toutes autres en crimes et en horreurs de toutes
sortes. Cette fm de l'année 1793 est marquée par tout
le paroxisme de la folie antireligieuse.
cLa Convention, sous la poussée satanique d'Hébert et
de Chaumette, voulut réaliser un de ses vœux les plus
(1) V. leurs noms et domicile dans : Prisons dûs Sables, p. 95 et
&mv. Excellent ouvrage très documenté auquel nous empruntons
les pages suivantes.
(2) On les employa, comme les esclaves de Tantiquité païenne,
à tourner des moulins à bras pour moudre le blé, à balayer les
rues de la ville et à faire la vidange des cabinets publics et par^
licuiiers. (V. Prisons, p. 118.)
(3) Nous avouons que quelques condamnations à mort furent
prononoées pour faits de guerre.
-46-
chers : anéantir dans l'esprit, du peuple loul senlimenl
religieux. Elle décréta Tabolition du catholicisme et le
culte de la Raison. Tout ce qui avait un caractère reli-
gieux fut aboli ou détruit.
t Aux Sables, comme dans les principaux centres, on
fit des fêtes burlesques à la Raison, à la Jeunesse, à la
Vieillesse, au Bonheur, au Malheur, à TAgriculture, à
la Victoire, à l'Abondance, etc. On obligea à l'observa-
tion du jour décadaire ; on honora les nouveaux saints
du calendrier républicain, des fleurs, des fruits, des lé-
gumes, des animaux; on remplaça les noms de baptômc
par des noms romains ou grecs ; on débaptisa les com-
munes d'origine religieuse ou féodale ; on abattit les
arceaux et les calvaires dressés dans la ville et les
bourgs voisins, ou sur le bord des routes ; on dépouilla
les églises et les chapelles.
t L'église de la Chaume fut à moitié brûlée ; celle des
Sables, une fois pillée, servit de magasin, de club et de
bivouac. On fit appel aux marins sablais pour descen-
dre les cloches de l'église Notre-Dame. Mais, tous
comme un seul homme (disons-le à leur honneur) re-
fusèrent de prêter la main à cette besogne sacrilège.
f On parvint cependant, se passant d'eux, à des-
cendre trois cloches à terre : deux furent jugées néces-
saires, Tune pour la sonnerie des heures, l'autre pour
le service du port, les trois autres furent envoyées aux
fonderies de Rochofort pour être converties en canons.
€ Ajoutons que les prêtres intrus, des Sables et de la
région, se sentant avilis, méprisés, jetèrent bas les der-
niers lambeaux de leur masque.
« Après avoir apostasie publiquement en chaire, à la
suite de Gérard, ils prirent une large part à la démence
générale : < Abyssus abyssum invocat », Tablme ap-
pelle Tabime.
€ Enfin, le 20 décembre, dans l'église de Notre Dame-
de-Bon-Port, désalfectée du culte catholique et plu-
sieurs fois souillée, on célèbre la fête de la Raison qui
comprend une procession dans les rues de la pauvre
cité en mal d'athéisme. >
Toutes ces orgies, observe l'historien que nous citons,
étaient d'un triste augure pour l'avenir, et la persécu-
tion loin de toucher à son terme. Vienne le mois de
janvier, jugements et condamnations de gens inno-
cents vont reprendre de nouveau, tellement vraie est
-47-
celle parole : « Olez Dieu de la vie sociale, il ne reste
plus de rhomme que la bète », une bête qui a le goût
du sang et cherche à le satisfaire.
Du 6 janvier au 13 avril, la Commission militaire con-
damne encore à mort 36 prisonniers, qui furent fusillés.
La guillotine de la ville, qui jusque-là avait fonctionné,
avait été remplacée par la fusillade, qui fut exécutée sur
le rivage.
Dans le même mois, dit Collinet, on fusillait à Apre-
mont 102 paysans, à la Mothe-Achard 86, aux environs
d'autres encore, en tout à peu près 300. Les uns souf-
fraient pour la cause politique, d'autres pour la cause
religieuse.
Et ce n'étaient pas les seules victimes. Outre ces con-
damnations à la peine capitale, la Commission militaire
des Sables, au cours de cette même session, prononça
neuf condamnations à la prison jusqu'à la paix, trente-
six condamnations aux fers d'un an à dix ans, et cinq
condamnations à la déportation.
Plusieurs autres captifs furent envoyés au Tribunal
de Fonteuay, d'où ils ne revinrent pas. C'était pour eux
la mort.
Enfin, pour compléter le chiffre de ces victimes de la
persécution aux Sables, il faudrait, dit M. RenoUeau,
ajouter à ceux que nous avons pu citer les noms des
détenus morts en prison. Mais les registres de la mu-
nicipalité des Sables de 1789 à 1793 sont presque indé-
chiffrables par suite de leur vétusté, et ces captifs n'ont
pu être nombreux s'ils ne sont déjà sur les listes pu-
bliées par cet auteur.
Mais, nous en avons dit assez pour faire connaître
les auteurs et les effets de cette persécution qui
atteignit surtout les ministres de Dieu.
Assez de crimes !...
LE SERMENT CIMQUE
t DANS LES PAROISSES RURALES
Dans les campagnes vendéennes, où la foi souvent
était plus vive que dans les villes, les liabitants furent
inquiets dés 1790 au sujet de leurs prêtres et ne purent
supporter qu'on voulût les persécuter. De là des trou-
bles et des émeutes nombreuses qui se produisirent
dès cette époque, au commencement de 1790, dans les
paroisses d'Avrillé, de Saint-Jean-de Monts et d' Apre-
mont.
Cependant, un certain nombre de curés, pour mon-
trer qu ils n'étaient pas opposés de parti-pris aux idées
nouvelles, firent toutes les concessions possibles,
comme déjà nous Tavons vu à Fonlenay et aux Sables.
A Challans, le 13 mai 1791, au milieu d'une grande
foule et de 600 hommes sous les armes, le curé bénit
les drapeaux, célébra une messe solennelle et prêta,
avec la municipalité, le serment civique.
Ces fêtes nationales eurent lieu dans plusieurs
paroisses de campagne, comme dans les villes de Fon-
tenay et des Sables (1). Mais déjà ceux qui s'appelaient
des patriotes voulurent les détourner de leur but.
Souvent, ils forçaient les gens paisibles à crier comme
' eux : Vive la Nation I Vive la Liberté ! Et ceux qui refu-
i salent de partager leur enthousiasme étaient victimes
' de leurs injures, et parfois de leurs coups.
\ Celte pression irrita les paysans (2) et la violence
I des patriotes finit par leur arracher des cris oppo-
sés à ceux qu'on voulait exiger d'eux. Il arriva même
que ceux qui avaient consenti à faire partie de la
députation officielle, présente à ces cérémonies,
furent mal reçus de leurs compatriotes.
Ainsi s'accentuait la division parmi nos populations
vendéennes, mauvais présage pour l'avenir.
Ce fut bien pis lorsque, deux mois plus tard (12 juil-
(i) Aux Sableâ-d'Olonne, le 14 juillet.
(2) Nous employons, dans ces pages, le mot paysan dans le
sens d'habitants des campagnes.
4
- 8Ô -
let), la Constitution civile fut imposée au clergé par la
majorité de TAssembièe Quand les bons habitants de
nos campagnes s'aperrurent qu'on voulait les priver
des prêtres fidèles et lés remplacer par des intrus, et
que, déjà, on avait commencé à vendre les biens des
cures et des églises, alors, en beaucoup de paroisses,
ils menacèrent do s'insurger. De là les émeutes qui
éclatèrent à SaintJean-de-Monts, à Apremont, à Coëx,
à Saint-Révérend et à S^int-Ghristophe-du-Ligneron (1).
Plusieurs furent tellement graves que les patriotes
qui les avaient provoquées durent demander des
troupes à Challans ou même aux Sables - d'Olonne.
Bientôt, le mécontentement gagna les paroisses de
Froidfond, de Soullans, de Saint-Paul-Mont-Penit.
Vingt-trois arrestations furent faites et les prison-
niers emmenés à Challans, quelques-uns même incar-
cérés au BoufTay, à Nantes.
De ces faits, il ressort que ces commencements d'in-
surrection furent causés par la (crainte, malheureuse-
ment fondée, de voir substituer à leurs pasteurs légi-
times et vénérés des prêtres sans pouvoir et sans
mission, par conséquent point catholiques; et nos
paysans avaient raison quand ils accusaient tous ces
bourgeois, campagnards ambitieux revêtus de l'auto-
rité civile, de vouloir changer de religion^ puisqu'il
s'agissait de remplacer le culte vraiment catholique
par un autre qui n'en avait (juc Topparence et n'était au
fond qu'une n^ligion nationale, schismatique et héré-
tique, comme celles d'Angleterre et de Russie (2).
Ces faits eurent un tel retentissement que l'écho en
parvint jusqu'à l'Assemblée Constituante, mais rien ne
fut changé dans les mesures prises contre les bons
prêtres.
(1) V. Origines, p. 2ii, 250, 270.
(2) « On doit donc admirer comme une parole digne d'un
martyr, écrit D. Ghamard, cctle réponse faite dans le combat du
2 mai par un paysan de Saint-Christophe, nommé GuiUon.
Atteint de \ingt-deux blessures, il continuait de se battre
avec une fourche de fer. Un gendarme lui crie : — Rends-toi.
— Rends-moi mon Dieu, répond-il, et il tomba expirant. »
Ce fait, rapporté par M"»® de la Rochojaquelein, Test aussi par
les officiers du district de Challans et par Mercier du Hocher
dans ses Mémoires inédits. (Guassin I.)
A Vautre extrémité du département, les habitants,
plus calmes mais non moins énergiques de Saint-
Mars la-Réorthe, poursuivent, dans le mois suivant, le
même but que ceux du marais et de la côte de Saint-
Jean-de-Monts à Saint-Gilles-sur- Vie, par une pétition
adressée aux administrateurs du département de la
Vendée, à Teffet d'obtenir Tautorisation de célébrer
roffice public dans une chapelle particulière, celle de
M"« de Touchepré. Mais vains également furent leurs
efforts : la douceur et la modération n'eurent pas plus
de succès auprès des autorités que Tagitation et les
menaces.
Ce qui n'empêchait point les municipalités patriotes
des cantons de la Châtaigneraie et de Chantonnay,
ainsi que les curés constitutionnels du Breuil-Barret et
d'Antigny, d'affirmer, dans une lettre collective, citée
par Ghassin (1), que « les voies de la persécution ne
sont point dans leur caractère. Vous avez décrété la
liberté des cultes, c'est en faveur de cette liberté que
nous parlons. »
Quel étrange renversement des mots et des choses !
et quelle aberration I Permettre la liberté religieuse et
supprimer le local nécessaire pour l'exercer! La passion
révolutionnaire peut seule aveugler à ce point, et nous
verrons désormais la violence l'emporter toujours sur
la modération dans la conduite des gouvernants.
C'est ce que prouve une lettre du 3 septembre sui-
vant, écrite par Gensonné à Gallot, député de la
Vendée : c Je vous avoue que je ne conçois pas
comment on pourra résister et rétablir Tordre dans
votre département, si on n'expulse pas les prêtres
non assermentés. Mais, alors même, quel nouvel
embarras! Plus de la moitié des remplaçants (de ces
prêtres) n ent pu se faire, et je crains tout lorsque
les paysans seront privés de leurs prêtres (2). »
Alors, pourquoi persévérer dans cette voie? C'est
donc une provocation à la révolte, c'est donc bien véri-
tablement la guerre civile qu'on veut déchaîner, c'est
l'insurrection contre les lois impies de la Révolution
qu'on prépare.
(i) Préparation, T. I.
(2) Ibid. T. n.
C^esl ce qui va se produire et ce que le général
Duraouriez est forcé de constater, après avoir passé
par les Epesses et Saint-Laurent- sur- Sèvre: t Les
villages, écrit-il, sont en insurrection pour avoir des
églises non-conformistes et, pour peu qu'on n*y remédie
pas, cela dégénérera en guerre civile religieuse. Les
patriotes sont les moins nombreux et les plus taquins.
Il est dangereux de les soutenir trop fortement. Mais si
on accorde trop aux autres, tout est à craindre pour la
Constitution elle-même (1). »
Avec ce système de bascule, les Vendéens ne pou-
vaient obtenir ni justice ni liberté. « Qu'on nous
accorde la liberté religieuse, ne cessaient de répéter de
tous côtés les catholiques des campagnes comme des
villes, et nous promettons de nous soumettre à toutes
les lois civiles. »
Avec cette persécution de plus eu plus violente,
c'était pousser les Vendéens à la révolte. Et il faut
remarquer avec Dumouriez, ennemi déclaré des catho-
liques, que les patriotes étaient peu nombreux et les
plus taquins, tandis que souvent ils se posaient en
victimes. Pour que ce général avouât que les patriotes
étaient les plus taquins, il fallait qu'il eût vraiment des
choses graves à leur reprocher, ce qu'il n'osait faire
publiquement.
Avant d'arriver à chasser du sol de la patrie les
prêtres fidèles, nos révolutionnaires, petits et grands,
voulaient les arracher à leurs paroissiens, qui les
aimaient et les vénéraient. De là cette mesure vrai-
ment odieuse qui enjoignait à tous les prêtres inser-
mentés de résider au chef- lieu du département et
encore de répondre chaque jour, à heure lixe, à l'appel
du commissaire départemental. xVlors, ce furent des
cris de joie féroce que d'avoir sous la main ces prê-
tres si détestés : « Frères et amis, écrivaient-ils triom-
phants, grâces soient rendues à vos bons avis. *
Comme l'avait prévu et annoncé M. de Cazalès, dés
le mois de janvier 1791. les fidèles catholiques s'atta-
chèrent d'autant plus à leurs pasteurs qu'ils étaient
plus poursuivis. Un certain nombre, près de quatre-
vingts de ces prêtres, avaient refusé de partir en exil
(1) CuASsm, T. II.
-83-
el demeuraient cachés dans les bois et les fermes
isolées, remplissant leur ministère paroissial. Les
, paysans les suivirent dans les cavernes et dans les
bois et désertaient les églises où célébraient les intrus
schismatiques.
Chaque dimanche, les habitants de nos campagnes
se rendaient au fond des vallées et des bois où, sur des
autels ornés de fleurs sauvages, leurs curés proscrits
célébraient la sainte messe, tandis que les enfants et
les jeunes gens, montés sur les coteaux ou perchés sur
les grands arbres, faisaient le guet et signalaient rap-
proche des Bleus (1). Alors, tous se dispersaient sans
bruit.
Dans Tautomne de 1792 fut organisée la chasse aux
prêtres lidéles. Ils sont traqués et poursuivis comme
des assassins, des bourgs dans les campagnes, des
villages dans les fermes isolées et jusqu'au fond des
forêts, où leur présence était soupçonnée, par les gar-
des nationales des gros bourgs et les soldats de la
République. De là devait sortir la grande insurrection
qui éclata Tannée suivante.
Cependant, à cette époque, le plus grand nombre des
prêtres insermentés avaient pris le chemin de Texil.
Us ne partirent pas tous : que serait devenue la foi de
nos bonnes populations ?
Ils ne restèrent pas tous : dans ce cas, quelle horrible
boucherie en eût été faite et comment, après la tour-
mente révolutionnaire, eût pu être reconstitué le clergé
de notre diocèse? Pour les •prêtres comme pour les
iidèles. Texil et la persécution furent une expiation et
une épreuve: expiation pour les coupables, quel ordre
n'a pas les siens ? Epreuve pour les âmes justes, et
elles étaient nombreuses. Tous, saintes victimes, offri-
rent à Dieu leurs souffrances pour TEglise et leur
malheureux pays. Mais une haine profonde pour le
régime persécuteur de la religion des ancêtres pénétra
jusqu'au fond des cœurs du peuple vendéen. Sans
doute, la persécution élait pour lui une gloire et un
gage d'espérance, car il était sûr du triomphe final ;
mais, pour y atteindre, que de larmes, que de sang,
(1) Od appelait ainsi les soldats républicains, à cause de la
couleur de runiforine des gardes nationaux.
- 54-
allaient être versés! que de ruines allaient s'amonce-
ler sur notre infortuné pays !
Enfin, après huit années de terribles épreuves, Dieu ^
accomplira sur la France, et la Vendée en particulier, '
ses desseins de miséricorde.
Secondant les vues de la Providence, tout en ne
croyant servir que sa propre ambition, Bonaparte, sur
la fin de 1799, renversait le Directoire, dispersait les
Conseils, faisait rentrer dans l'ombre le jacobinisme et
concentrait, en ses seules mains, tous les pouvoirs.
Rendre à TEglise ses biens, ses privilèges, Bona-
parte n'y songeait pas. Sa foi était trop faible, trop
vaste son ambition. Mais son génie d'homme d'Etat lui
montrait, dans la religion catholique, un appui moral.
Dédaignant les fureurs des anciens conventionnels,
aussi bien que les railleries de ses amis, il n'hésita
point à rouvrir les églises et à rendre aux prêtres leur
pays et la liberté.
En 1800, il toléra l'exercice public du culte catho-
lique, en attendant la conclusion du Concordat avec le
chef suprême de l'Eglise.
- 5Î5 -
MARIE-CHARLES-ISIDORE DE MÉRCY
ÉVÈQUE DE LUÇON
1739-1811
Ce prélat appartenait à une noble famille qui a fourni
des illustrations à la Champagne et à la Lorraine. En-
tré dans l'état ecclésiastique, il était remarquable par
son extérieur et ses belles manières, et occupait le poste
de vicaire général de Sens et d'Auxerre, avec un cano-
nicat dans Téglise de Vannes, quand il fut nommé, le
17 novembre 177S, à l'évéché de Luçon.
Sacré le 18 février 1776, il ne tarda pas à prendre pos-
session de son siège. Dès l'année suivante, ayant hâte
de connaître son clergé, il lit en son diocèse une visite
pastorale, dans laquelle il plut beaucoup à ses prêtres.
Partout on s'empressa de rendre les honneurs dus à
sa dignité et à ses vertus : partout ce respectable prélat
montra les qualités d'un bon pasteur.
Après le clergé en exercice, les élèves de son sémi-
naire furent la portion la plus précieuse et la plus chère
de son troupeau. 11 s'occupa de suite à fortifier leurs
études et fit rédiger pour le séminaire de Luçon un
programme des exercices académiques, daté dii 7 août
1789. Dans cette question des études ecclésiastiques,
l'èvèque était aidé par les chanoines André et Jean de
Beauregard, dont le premier fonda à Luçon le Petit
Saint-Cyr, pour Téducation et l'instruction des jeunes
lllles (1).
Monseigneur de Luçon avait une cour splendide,
composée de prêtres, dont la plupart appartenant à des
familles riches et puissantes étaient pourvus de gros
bénéfices, et d'une noblesse laïque nombreuse. Riche
lui même, et, malgré ses richesses manquant souvent
d'argent, tant était considérable le train de sa maison,
(!) V. la Notice qui concerne l'abbé André de Beauregard,
— 86 —
le Prélat ne négligeait point, cependant, Tadministra-
tion de son diocèse. Pour le seconder dans cette œuvre
importante, il avait des vicaires généraux parmi les-
quels on distinguait Tabbé de Rieussec (1), Tabbé Gha-
rette de la Goliniére, Tabbé Dcfresno. Tabbé de Rozan,
avec MM. de Beauregard frères. M. de Rozan surtout
semblait posséder toute la confiance de l'évêque : il
était spirituel et instruit, dit le chanoine Du Tressay,
et écrivait avec une égale facilité en vers et en prose.
Les Etats généraux furent convoqués le 27 décembre
1788 et se réunirent au mois de mai suivant. Le Poitou
prit sa part au mouvement général. L'Assemblée du
clergé de cette province fut présidée par les évoques
de Poitiers et de Luron. On nomma des commissaires
pour la rédaction des cahiers. Les élections eurent
lieu : dix députés furent élus, parmi lesquels Mgr de
Mercy, qui partit à Versailles, pour l'Assemblée des
Etats généraux, au printemps de 1789. L'administra-
tion diocésaine était confiée à trois vicaires généraux,
MM. André et Jean de Beauregard frères, et Charelte
de la Goliniére. Prêtres courageux et gardiens de la foi,
ils ne négligèrent rien pour l'afTiîrmir dans le clergé
confié à leurs soins ; lettres, brochures, brefs du Pape
répandus dans ce but, et leurs elTorts furent couronnés
de succès.
Le 4 janvier avait été fixé aux ecclésiastiques de l'As-
semblée nationale pour la prestation du serment. Les
révolutionnaires attendaient ce jour avec impatience
pour torturer la conscience des ministres sacrés (2).
Mgr de Mercy était là, près de Mgr dc^ Saint-Aulaire,
évoque de Poitiers, qui monte à la tribune et dit ces
remarquables paroles : « Messieurs, fai soixante-dix
(1) V. ce nom, T. L et les suivants, T. L et IL
(2) Deux ou trois cents brigands, soudoyés (Pordinaire par les
Jacobins dans les graves occasions, entouraient la salle des déli-
bérations et vociféraient le cri si connu : A la lanterne ! à l'a-
dresse des réfractaires. Les députés du clergé ne s'en émurent
pas. Le président de l'Assemblée, M. Emmery, était fils d'un
juif, et ce fut sur la motion d'un protestant, Barnave; qu'on exi-
gea le serment sans restriction. (Barruel.J
— 87 —
ans ;J*en ai trente-cinq dans Vépiscopatje ne souille-
rai pas mes cheveux blancs par le serment exigé dans
vos décrets. Je ne jurerai pas. »
A ces mots, le clergé de la droite se lève, applaudit à
ces nobles paroles et proclame qu'il est tout entier dans
les mêmes sentiments : Mgr de Mercy s'associe à la dé-
claration de l'évêque de Poitiers.
L'Église se félicitera toujours de cette victoire du
clergé, et le Bas-Poitou, qui était la Vendée, restera
fier de la conduite de son évoque. Mgr de Mercy n'hé-
sita pas un instant, et inébranlable dans sa foi, préféra
l'exil à l'apostasie (1).
Déclaré déchu de son siège, il apprend à Paris que le
Directoire du département de la Vendée convoque les
électeurs le 27 février, afin de procéder à son rempla-
cement. Rodrigue fut élu (2) et Monseigneur de Luçon
lança de Paris une protestation publique contre l'usur-
pation de son siège. L'évoque et ses vicaires généraux,
ceux-ci encore dans le diocèse, furent décrétés d'accu-
sation et cités devant le tribunal de Fontenay.
La persécution est désormais à l'ordre du jour, t On
ne pouvait, cependant, observe Dom Chamard, accuser
Mgr de Mercy d'être un fanatique ; c'était, au contraire,
un modéré. Mais sa modération même ne donnait que
plus de poids à ses conseils et à sa conduite. De con-
cert avec un grand nombre d'évéques de France (3), il
adopta riNSTRucTioN PASTORALE dc l'évéque de Boulo-
gne, Mgr Asseline (4), sur l'autorité spirituelle, et l'a-
(1) Loué, sacristain de Venansault, ayant appris que l'évêque
de Luçon avait refusé de prêter serment, fier de cet acte de vi-
gueur de son évêque, voulut se donner la gloire d'écrire, en son
patois, une lettre de félicitations au vaillant prélat. Touché de ce
iiaif témoignage, Mgr de Mercy lui fit une réponse aimable. Dans
l'enthousiasme de sa reconnaissance, Loué, attachapt en guise
de bannière un linge blanc au bout d'un bâton, y fixa la lettre de
son évéque et la promena comme un trophée dans tous les villa-
ges de la paroisse de Venansault. {Martyre de la Vendée.)
(2) Après Servant. (V. plus haut : La Persécution en Vendée.)
(3) Notamment l'archevêque de Paris et les évêques de Poi-
tiers, de Digne et d'Uzès. (V. Bairuel. Collection IIL)
(4) Cette Instruction pastorale réfutait savamment tous les ar-
guments employés par les révolutionnaires pour justifier les em-
piétements commis par les auteurs de la Goûstitutioo civile du
-88 —
dressa, dans le courant du mois de janvier 1791, à tous
les curés, desservants et vicaires de son diocèse, avec
une lettre confidentielle, dans laquelle il les adjurait
de ne pas adhérer à la Constitution civile, s'ils vou"
latent rester catholiques^ et leur ordonnait de ne pas
répondre aux injonctions qui leur seraient faites de
prêter le serment^ sans toutefois abandonner leurs cu"
res. »
Malgré ces communications, et, nous dirons ces sup-
plications, de la part do l'évoque, des défections se pro-
duisirent aussitôt dans le clergé du diocèse, dès le mois
de février. Plusieurs prêtres, parmi lesquels M. Noirot,
curé de Sallertaine, envoyèrent une adresse au pre-
mier pasteur du diocèse pour l'assurer de leur fidéli-
té. L'évéque répondit à M, Noirot : « J ai baigné de mes
larmes, mon cher curé, votre lettre et la déclaration
qu'elle contenait : j'en ai répandu de joie sur ceux de
vos confrères que j'ai vu soussignés, et de douleur sur
ceux qui se sont séparés de vous. Espérons que bien-
t-ôt ils reconnaîtront leur erreur et que nous les ver-
rons revenir à Tunitè... Non, je ne me persuaderai ja-
mais que des ministres de la Religion, qui avaient fait
jusqu'à présent la gloire de l'Eglise et ma consolation,
puissent aujourd'hui devenir ses ennemis et l'objet de
mon éternelle douleur. Ils se souviendront du ser-
ment qui les lie à leur évéque légitime. Ils ne laban-
donneront pas pour se livrer à un intrus, qui ne peut
clergé. M. Ghassin eu cite un fragment sans importance, omet-
tant les plus puissantes démonstrations de l'éloquent prélat.
n n'est pas sans intérêt de reproduire sur ce sujet l'opinion
d*un de nos adversaires, protestant parfois libéral, M. de Pres-
sensé : t L'Assemblée nationale, dit-il dans VEglise et la Révolu-
tion, n'avait pas le droit d'exiger autre chose qu'un serment gé-
néral à la loi et au roi. Faire porter le serment sur la Constitu-
tion civile du clergé, c'est-à-dire sur une mesure qui blessait
profondément la conscience d'un nombre considérable de prêtres
honorables, c^était transformer la résistance en un devoir sacré ;
c'était jeter un défi à des convictions respectables, et entrer dans
une voie au bout de laquelle était lu dictature, puis la proscrip-
tion. »
être pour eux et leur troupeau qu'un ministre de
mort... Nous devons employer toutes les ressources
de la charité, tous les efforts du zèle pour les gagner,
pour les défendre contre leur propre faiblesse...
« Je ne reviens pas de la désertion de tous les prê-
tres de rîle de Noirmoutier. Jamais ma confiance ne
fut plus cruellement trompée... Mais il s'en faut que je
les regarde comme perdus pour moi et pour l'Eglise.
Ils nous reviendront^ fen suis sûr (1). Je le demande
avec instance au père des miséricordes. Ils verront, et
vous verrez avec eux, le Bref que le Pape vient d'adres-
ser à M. TArchevêque de Sens (23 février 179i), et ils
ne douteront plus de la façon de penser du chef de l'E-
glise... On n'établira pas de nouveaux curés avant que
le faux évêque puisse les établir, et, jusque-là cous
pouvez et vous devez continuer toutes vos fonctions,..
Quand la liberté vous sera ôtée d'exercer publiquement
vos fonctions, sans doute vous devrez les exercer en
secret, vous resterez toujours pasteurs et seuls légiti-
mes... Sûrement tous les secours (2) qui vous seront
nécessaires je les rapprocherai de vous. Ils vous se-
ront communiqués.
« Bientôt vous aurez un plan de conduite et d'instruc-
tions convenables (3). »
Poursuivant ses tentatives de père tendre et dévoué,
Mgr de Mercy adressa au mois d'avril une brochure : Il
est encore temps^ avec une lettre intime et affectueuse
pour presser le retour des prêtres égarés un moment.
Elle eut les plus heureux résultats, car un grand nom-
bre qui avaient prêté le serment, avec ou sans res-
triction, se rétractèrent, (ce dont plusieurs histo-
riens n'ont pas tenu compte), dés que fut connue la
condamnation de la Constitution civile par le Pape (4).
(t) Cette espérance paternelle ne devait se réaliser qu'en mars
1793, remarque Dom Chamard, lorsque Gharette se fut emparé
de Noirmoutier. Ceux de Barbâtre se mêlèrent aux insurgés ;
ceux du chef-lieu s'exilèrent en Espagne ou en Westphalie.
(Ghassin.)
(ï) Le Prélat fait ici allusion à une caisse de secours pour les
prêtres dans le besoin.
(3) Ce fut M. André de Beauregard qui se chargea de commua
niquer au clergé ce plan de conduite.
(4) Le 10 mars 1791 et le 13 avril suivant.
— 60 -
Mais, bientôt, Téveque de Luçon dut pourvoir à son
salut. Le 10 août, ordre fut donné à Paris d'arrêter tous
les prêtres et évêques présents dans la capitale. Le pré-
lat, avec Tabbé de Rozan, quitta Paris la veille des mas-
sacres de septembre et s'enfuit en Suisse, commençant
un long pèlerinage en exil (1).
De là il entretint avec ses prêtres restés en Vendée
ou partis en exil une correspondance suivie de huit
années. Monseigneur s'informait auprès de ses vicaires
généraux de l'asile de chacun des prêtres et des reli-
gieux de son diocèse, et adressait des lettres pleines
d'une affectueuse bienveillance à ceux qui, comme lui,
gémissaient sur la terre étrangère. Il faisait parvenir en
Vendée des ordonnances, des décisions et autres écrits
à ceux qui exerçaient encore dans nos campagnes leur
ministère, pourvoyant à tous les besoins spirituels de
ses diocésains.
Au mois de janvier 1794, le prélat publia une lettre
pastorale, donnée dans l'espérance du rétablissement
de la religion catholique. Il déclare d'abord avoir ac-
cepté avec respect et soumission les lettres monitoria-
les de Pie VI, datées du 13 avril 1791 et du 19 mars 1792.
(1) L'évôquc (le Luçon t'tait l'un des trente évéques députés à
r Assemblée et membre de la Commission « spécialement char-
gée à Paris des intérêts de la religion ». Il avait résolu de rester
avec ses confrères le jdus longtemps possible. Mais t il a fallu,
écrivait-il, céder à la cruelle loi de déportation. Quinze jours
plus tard, je n'y aurais plus été à temps; car à peine fus-je i>arti
que l'ordre de m'arréier fut <lonné, que tout ce que je possédais
fut envahi, confisqué et vendu, et tout ce (jue possédait ma
famille. • Et dans une autre lettre : « Nous avons rempli nos
pénibles devoirs au milieu des troubles et des orages et nous
n'avons pas laissé la crainu^ approcher de notre àme. Nous subi-
rons notre destinée, quelle qu'elle puisse être, avec le courage
que la religion inspire. Nous courons une noble carrière, celle
de l'adversité. »
c Oui, c'était une noble carrière, ajoute l'abbé Sicard, et nous
aimons à voir ces prélats, qu'on croyait affadis par les délices de
l'ancien régime trouver une force de résistance qui étonna
leurs adversaires, et qui ne pouvait être inspirée que par une
couvictiofl forte. »
-•Bi-
ll confirme ensuite toutes ses instructions, lellres pas-
torales, ordonnances précédentes. Il proteste contre
l'intrusion de Rodrigue, le déclare suspens de toutes
les fonctions épiscopales, curiales et sacerdotales; dé-
fend à tout prêtre de l'absoudre, hors le danger de
mort, sans un pouvoir spécial du pape ou de Tévê-
que ; défend aux fidèles de communiquer avec lui in
dioinis et les engage à prier pour sa conversion. Le
prélat déclare également suspens tous les prêtres in-
trus. Il interdit toute fonction curiale et sacerdotale
aux prêtres simplement jureurs, c'est-à-dire qui ont
fait serment à la Constitution civile. Il donne ensuite
les conditions de Tabsolution pour les prêtres ren-
trant dans ces diverses catégories et déclare nulles
toutes les absolutions données par les intrus.
Mgr de Mercy engage enfin les prêtres exilés à ren-
trer dans le diocèse dès qu*ils le pourront et continue,
à eux et à ceux qui sont restés en Vendée, les
pouvoirs nécessaires pour l'exercice de leur ministère,
dans les circonstances difilciles oii Ton se trouvait. Il
veut cependant qu'on obéisse aux vicaires généraux
qu'il a laissés dans le pays, lorsqu'on pourra se mettre
en rapport avec eux.
Suivent des instructions relatives aux églises profa-
nées, aux choses bénites ou consacrées par les prêtres
apostats, à Tadministration des sacrements. L'évêque
de Luçon aborde ensuite la question diflîcile du mariage,
rappelle les règles principales du droit en cette ma-
tière, et donne à ses prêtres des pouvoirs pour les dis-
penses. \
Nous ne suivrons pas le prélat dans le détail de ces
dispositions, qui ne peuvent intéresser tous les lec-
teurs. Nous remarquerons seulement qu'il y avait dans
le diocèse diverses catégories de prêtres : 1* les prêtres
fidèles ; 2*^ les prêtres simplement jureurs restés dans
les paroisses où les avait placés l'évêque catholique ;
3« les intrus nommés par l'évêque schismatique ; 4« les
prêtres n'exerçant plus aucune fonction de leur état et
vivant laïquement.
Monseigneur de Luçon parle de la conduite à tenir à
l'égard de ceux qui sont tombés dans le schisme, ou
sont intrus, ou ont renoncé à toute fonction sacerdotale
ou curiale. Il demande ce que sont devenues les reli-
gieuses des divers couvents du diocèse ; il veut cou-
— eî —
naître l*asile de celles qui ont échappé aux persécu-
teurs, afin de leur faire parvenir les consolations dont
elles ont besoin. Il les engage à reprendre le plus tôt
possible l'habit de leur ordre et lï regagner, si les cir-
constances le permettent, leurs pieux établissements.
On voit ici que le prélat se berçait d'illusions,
croyant apercevoir bientôt la lin de la Révolution. Or,
on n'était encore qu'au commencement de 179i.
Mgr de Mercy, surpris vers cette époque à Ghambéry
par l'invasion subite des soldats de la République fran-
çaise, s'enfuit précipitamment, y abandonnant la petite
somme qui devait servir à ses besoins. • Ce premier
asile que j'avais choisi, écrit-il, j'ai été obligé de l'aban-
donner et de fuir. Je m'y étais réuni à ma famille et
m'en voilà séparé. >
La situation va donc s'aggraver de toute la détresse
qu'accompagne la pauvreté. Ce qui faisait dire au
prélat: • Je vais pour la première fois apprendre à me
servir moi-même. >
Mais le généreux Pie VI était au courant de sa situa-
tion. 11 fit savoir à l'évéquc de Luron qu'il pouvait con-
server son domestique et aussi deux prêtres, « que
depuis deux ans, écrivait Mgr de Mercy, je nourris de
mon propre sang. 9
Kxpresëion énergique qui dit toute la valeur du
moindre sacrifice d'argent fait par le noble exilé,
défendjn contre la faim par de maigres ressources.
C'est que l'adversité a appris aux grands sefgneurs
comme aux simples prêtres à vivre de peu.
La Cour de Rome vint heureusement à son secours
et lui alloua une faible pension.
Cependant, le prélat avait quitté Mondrifio, baillage
suisse italien, où il avait vécu en 1794, pour se réfugier
chez les Bénédictins de Ravenne. C'était peut-être une
imprudence, comme on va le voir.
Il avait été charmé do l'accueil fait par ses hôtes, dit
l'abbé Sicard (1), mais ces démonstrations cachaient,
paralt-il, les véritables sentiments de cœurs dépourvus
d'enthousiasme.
(i) Le clergé rf'fugié en Italie.
Au milieu de l'année 1796, Mgr de Mercy ècril que
les communautés religieuses ne veulent plus recevoir
d'émigrés, sous prétexte qu'elles ont payé une contri-
bution aux Français et qu'à Saint -Vital on veut se
débarrasser de lui. « Entré chez les Bénédictins de
Ravennes, on l'avait reçu, disait il, avec Tempresse-
ment le plus flatteur et le plus honorable. • Peu à peu,
ses lettres signalent le ralentissement d'une afl'ection
qu'il avait crue profonde et éternelle. Lorsque l'armée
française menace le çays où il se trouve, Mgr de Mercy
juge prudent de se retirer à Venise.
Quelle fausse manœuvre ! le père abbé de Saint-
Vital et tous les religieux protestent, il est vrai, de
leurs regrets, lui assurant tous que leur maison est la
sienne, qu'elle lui serait toujours ouverte. « Je leur
laissai mon cœur pour gage, dit ingénument Tévêque
de Luçon ; je crus emporter les leurs, car je me flattais
d'en être aimé autant que je les chérissais tous bien
sincèrement. »
C'est le cas de répéter que les absents ont toujours
tort.
Quand Mgr de Mercy voulut retourner à Saint- Vital,
le père Abbé lui écrivit que c sa communauté y répu-
gnait 1, qu'il devait prendre les ordres de la Secrétai-
rerie d'Etat. Rome, sur les instances du prélat, aurait
peut-être fait ouvrir les portes de l'abbaye, mais
l'évéque désabusé renonça à retourner dans une mai-
son où il ne devait être reçu qu'avec répugnance.
Heureusement, il en fut largement dédommagé en
Autriche.
Plus tard, nous le trouvons à Venise qu'il quitta
aussi bientôt et qn il n'aurait pas dû laisser, observe
un évoque de ses amis.
Le 30 juillet 1796, Mgr de Mercy écrit d'Italie : c Dans
ce pays-ci, nulle part les Français n'ont inquiété et
molesté les émigrés. Ils les ont plutôt protégés, et sur-
tout les prêtres. Les prêtres restés ont été aimablement
traités. Us ont eu la consolation de voir beaucoup de
soldats français venir entendre la messe. •
Partout où séjournait Tévêque de Luçon il emportait
le deuil de la patrie absente et le souvenir des maux
-61-
Quî dèsolaienl son diocèse?. Le même courrier lui
apprenait le récit de prêtros vendéens massacrés ou
morts do misère et de froid au fond des campagnes,
rinstalialion de ministres jureurs dans les paroisses,
la dèvaslatiou et l'incendie des églises, l'apostasie de
quelques prêtres livrant leurs lettres d'ordination et
dévastant la bergerie des brebis fidèles, en un mot ce
que Rodrigue appelait ^interrègne de la Dioinité en
France. Si grand est le mal, si nombreuses sont les
ruines accumulées par la Révolution, le tableau de la
Situation de la France est si sombre que IVxilé. étourdi
par ces terribles événements, se demande si cc^ n'est
pas la lin du monde.
Comme l'évèciue de Blois du fond de l'exil, il pouvait
dire: • Nous portons dans notre sein nos fidèles dis-
ciples, les invincibles ministres de Jésus-Christ, ses
vierges incomparables, et notre cruel martyre est
d'être loin du péril et de les y savoir. Nous souffrons
de toutes les alarmes et d(»s violences qu'ils éprou-
vent, nous sommes tourmentés de tout notre amour
pour eux et de tous les excès dont leurs ennemis
sont coupables (i). »
Durant tout le temps de son long exil, le bon évêque
continue de s'enquérir de la sittuaion et des lieux de
refuge de tous ses prêtres séculiers ou réguliers. Ses
lettres, nombreuses, vont les retrouver au fond de
l'Espagne, où beaucoup sont retirés, et jusque sur les
plages de rAngletern», dont le gouvernement schisma-
tique alloue à chacun d'eux un secours mensuel Le
prélat les fortifie de ses bous conseils, les console, pour-
voit à leurs besoins dans la mj'sure de son pouvoir.
C'est ainsi que passèrent les années de la Révolution.
On arrivait au 18 brumaire, Bonaparte apparaissait :
(i) En Allemap:ne, le clergé rcfu'.'ié à Munster avait composé
un office dont le premier nocturne porte ce titre : Clertis gaili-
canus hospilio exceptus, le clergé de France reçoit l'hospiialité.
Le second nocturne est ainsi annoncé : Cltrus gallicanus cibo
refectus, le clergé de France est nourri par ses hôtes. On y lit :
« Les temples du Tout-Puissant sécroulent sous la hache impie,
le Pontife tombe comme une victime, les autels boivent le sang
de leurs prêtres, et c'est une mort semblable à la vôtre, ô Christ,
qui fait cotiler leur sang. »
la Constitution de l'an VIII avait renversé celle de Tan
III. C'était une politique de conciliation : après dix an-
nées de troubles, de massacres, de terreur, la France
respirait enfin. L'ère de réparation semblait s'ouvrir.
Les prêtres n'étaient plus astreints au serment à la
Constitution civile, mais à jurer fidélité à la nouvelle
Constitution s'ils voulaient rester en France ou y ren-
trer. C'est alors que Tévêque de Luçon fut en désac-
cord avec ses vicaires généraux, demeurés en Vendée,
et principalement avec M. Mady, l'un d'eux, curé de
Saint-Denis-la-Chevasse. Du reste, le prélat déclarait,
avec une grande sincérité, qu'il s'en rapportait au ju-
gement de l'Eglise (!).
Mgr de Mercy avait quelque confiance dans le nou-
veau gouvernement et voulait que ses prêtres fissent le
serment demandé ! Tels n'étaient pas les sentiments
de ses vicaires généraux et de M. Mady en particulier,
t Ni les décrets portés par le Consulat, ni les hommes
chargés de les appliquer ne leur permettaient une
sécurité complète. Le nouveau gouvernement n'a, en
efi'et, nettement annulé aucune des dispositions prises
par le Directoire contre le Clergé, bien que les Consuls
déclarent que la liberté des cultes est garantie par la
Constitution. Ces affirmations étaient bonnes, mais
elles inauguraient plutôt un nouvel esprit qu'une
nouvelle législature (2). » (L'abbé Sicard.)
En diverses circonstances, Mgr de Mercy se plaint de
l'opposition de ses vicaires gônùraux. M. l'abbé Sicard,
qui a lu toute la correspondance inédite du prélat, en
parle en ces termes : < L'homme de confiance de Mgr
de Mercy, son vicaire général de prédilection, M. Pail-
(i) — f Oui, la terre est enivrée du sang des martyrs ; ceux qui
survivent, exilés à travers mille dangers, ont gagné des contrées
baignées par un autre soleil. — C'est assez de colère, ô Dieu, ne
méprisez pas ces précieux restes, ou bien la terre verra s'ache*
ver la ruine de la foi... O Père, en souvenir de vos enfants pieux,
daignez abréger ces jours cruels. >
Dans les vêpres on lit : Cleri gallicani benedictio super hospi-
tes. Sicard. T. III, p. 157.
(2) Sicard, T. m, p. 493,
8
ioui (f}xe sa modération et ses mérites devaient élever
bientôt sur le siège de La Rochelle, est exilé en Espa-
gne. En son absence trois grands vicaires gouvernent
le diocèse de Luçon comme un pays vendéen, c'est-à-
dire avec une grande intransigeance de principes. Ils
détournent le clergé de la promesse de fidélité.
€ Cette conduite désole Mgr de Mercy, qui, dans ses
lettres à M. Paillon, nous fait part de ses doléances,
parfois de son exaspération.
t Que font donc, s ecrie-t-il, les dépositaires de ma
confiance s'ils ne vengent pas ma doctrine? Quoi, on
me laisse traiter de schisraatique. accuser de donner
des décisions ridicules, de prêcher Terreur, et ceux
qui ont entre les mains de quoi confondre de pareilles
calomnies se taisent ! »
Il se plaint en particulier du principal d'entre eux, le
• vénérable M. Mady ». Il s'étonne que ce vieillard,
aussi entêté que vertueux, ne comprenne point que,
c gouvernant, dit- il, mon troupeau en mon nom et de
ma part, ce n'est point son opinion qui doit Hre sa
règle, mais la mienne. Il me laisse avilir, calomnier.
Sa conviction est faite au sujet de la promesse de fidé-
lité, t
Ausi bien, la lutte est ouverte de toutes parts, parmi
les évoques de France en exil, qui sont divisés sur ce
point capital, et parmi les prêtres vendéens divisés
également.
Ceux pour qui l'exil n'était pas trop lourd, qui y
avaient une situation passable, des moyens d'existence,
attendant la paix complète, ne voulaient pas rentrer :
• On n'est pas mal en Angleterre, écrivait-on de l'un
d'eux. Il n'en veut point partir sans la certitude qu'îf
fait bon en France. »
D'autres qui souffraient, et, de loin, savaient leurs pa-
roisses souffrir de leur absence, voyaient avec joie les
portes de la patrie ouvertes et en voulaient profiter. Et,
de fait, plusieurs rentrèrent. Mais cette grave contro-
verse empêcha le retour d'un grand nombre.
€ A cette date, le préfet de la Vendée, dit M. Sicard,
d'après un document conservé aux Archives nationa-
les, énumère 50 prêtres insermentés du diocèse de Lu-
çon qui exercent alors : 34 constitutionnels en exercice ;
57 prêtres dont beaucoup sont rentrés d'Espagne et pa-
raîssent dans leur ancienne paroisse, enfin il prêtres
venus du dehors, en tout 158 prêtres (1) .
Le temps apaisa la querelle soulevée. Au reste, les
événements marchaient vite.
Mais déjà, quelques prétentions s'étaient introduites
dans les rangs du clergé rentré dans le diocèse. Quel-
ques années auparavant, Tévêque de Luçon avait prévu
ce mal et cherché à mettre ses prêtres en garde.
t Rappelez-vous, mes amis, cette époque funeste qui
a commencé tous nos malheurs. Vous savez que c'est
celle où l'homme ennemi a semé dans le sanctuaire
cet esprit d'insubordination et de jalousie. Je tremble
que si la Providence rappelle un jour les ministres de
l'Eglise de France, on ne voie revivre des jalousies et
des prétentions. *
Et dans une autre lettre : • Il me revient de toutes
parts que déjà des ecclésiastiques émigrés, déportés,
annoncent des prétentions effrayantes, des principes
qui sont en opposition avec Tesprit d'unité. Beaucoup
voudraient s'ériger en censeurs de leurs maîtres (2). »
(i) Le préfet de la Vendée écrit : « Le plus grand nombre de
ceux (des prêtres) ne se montre point l'ennemi du gouvernement.
Mais comme ils sont tous dans une situation précaire, ils mani-
festent souvent de l'inquiétude sur leur sort. Les rassurer, ras-
surer les habitants de campagnes, ce serait consolider la paix et
attacher invariablement les Vendéens au gouvernement qu'ils
sont très disposés à chérir et dont ils apprécient les bienfaits. •
(Archiv. nation citées p. Sigard).
(2) Cette persécution de l'Eglise, cette Révolution, dit un con-
temporain, ont produit une inflexibilité et une rigueur dans cer-
tains hommes, une facilité si étonnante en certains autres, qu'il
n'est presque plus personne de sang- froid...
La témérité, qui fait prononcer souverainement, n'est pas tant
à redouter que l'irrésolution de certains esprits, qui ne veulent
ou ne savent se déterminer sur rien. Saussol. Le self-govern'
ment dont tout prêtre, tout missionnaire a joui pendant la Révo-
lution, est vite devenu un besoin. De plus, chaque paroisse veut
choisir son curé, chaque curé sa paroisse. L'indépendance et le
l&isser-aller des années passées cherchent a conserver leurs al-
lures : ce qui est peu étonnant. Ceci ne fut pas propre au diocèse
de Luçon.
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en présence de deux témoins catholiques, après quoiils
se présenteront devant la municipalité. » C'est d'après
cette solution donnée par le Pape à Tévêque de Luçofl
qu'on jugera de la validité des mariages contractés
pendant la Révolution.
Quant aux acquéreurs et détenteurs des biens ecclé*
siastiques, une extrême prudence est recommandée
aux confesseurs. Prêtres et fldèles devront être dans
la disposition de s'en rapporter au jugement qui sera
porté par l'Eglise.
En attendant, les prêtres devront faire preuve d'un
désintéressement absolu pour eux-mêmes.
Déjà, quelques années auparavant, Mgr de Coucy,
évèque de La Rochelle, prêchait le renoncement et Ta-
bandon à la divine Providence. Le clergé, d'ailleurs,
dans les privations de Texil avait depuis longtemps dé-
sappris son bien-être de l'ancien régime. 1 11 n'exigera,
dit l'évêque de Luçon, et ne demandera aucun salaire,
se contentant pour sa subsistance des offrandes volon-
taires. • Mais cette situation ne pouvait durer toujours.
Le régime de la chaumière et de la ferme, bon pour un
temps de Révolution, ne saurait convenir à tout un
clergé rendu à la liberté î
Il faudra bien, plus tard, aborder la question prosaï-
que du budget.
Partout, dans les instructions données à cette époque
par Mgr de Mercy, il est question de paix, de pardon,
d'oubli du passé. Le prêtre doit planer au-dessus des
pa,ssions humaines et politiques, être soumis à toutes
les lois.... et exercer les fldèles à la même soumission.
La division du diocèse en paroisses, en supprimant
quelques-unes des anciennes, la nomination des prê-
tres rentrés dans les paroisses et de préférence dans
leurs anciennes paroisses, telle est la grande préoccu-
pation du prélat : « J'approuve fort, écrit-il à ses vicai-
res généraux, la division que vous avez faite de mon
diocèse et la répartition des ouvriers évangèliques
proportionnelle à chaque canton. »
Mais n'anticipons pas sur les événements. Nous ne
sommes pas encore arrivés à la paix créée par le Con-
cordat.
— 70 -
C'est en 1800, La situation du clergé reste encûro in-
certaine, el çù cl là pleine de périls. Les mesures de
déportation, lt?8 peines trincarcêration u*ont point été
nettement rapport*t(\^, ries menaces pèsent toujours sur
les prêtres. Lr ?téâ déparlemenlales cl la polico
le savent parla i.
Voici, en plein mois d'aoï^i, une scène qui rappelle
sur certains points la Terreur, même en pleine Vende©,
Le culte en divers lieux est célèbre la nuit dans une
maison amie, une sentinelle a la porte, le prêtre aux
agm^ts, s'enqaéraut au moindre bruit si on vient l'ar-
rêter, Hnvasion bruyante des jarnbins, la fuite obligée
du célébrant. Aussi Févéquo de Luçon ne s était point
hàlè de rentrer dans son diocèse.
A cette date, Mgr d*Aviau. archevêque de Vienne,
fait une ordination de préIres, et, parmi eux» de deux
Vendéens, dans les montagncsde l'ArdéchCj au Mones-
tier. • La cérémonie a lieu en pleine nuit i\mM^ la
grange d*un presbytère. C'est itans ce réduit sauvage
et dans la solitude que les ordinands venus secrè-
tement de divers départements, deux du fond de la
Vendée, attendent le prélat consi'crateur. Les jeunen
gens accourus avec la résolution, s'il le faut, de rouvrir
la carrière du martyre, reçoivent le sacerdoce el ne
sont point étonnés d'entendre le pieux évoque leur
tenir ce mAle langage :
f Mes chers enfants, si jamais vocation fut inspirée
du ciel, n'est-ce pas la votre ? N't^sl-ce pas Dieu lui-
même qui vous a appelés ? Que viendrîez-vous cher-
cher dans le sanctuaire ? 11 n*y a plus de bénénces,
plus de richesses, plus d'Iionneurs. Les temples ont
été dévastés, les autels lirises, les prêtres incarcérés,
honnis, insultés! Que dis-je ? les echafauds sont «en-
core dressés, les prisons regorgent d'«!c^lésiastiques
qui n'ont pas été élargis, la terre d'exil n*a pas encore
rendu ses proscrits. Ces verrous, ces fers, ces haches
ensanglantées ne vous épouvantent pas '^ j
i Ces paroles, dit M. Sir!ard, qu'on aurait jm faire en--
tendre sous la Terreur, étaient dites en plein Consulat,
au milieu de Tannée !800 v.i à l'aube dn xix» siècle. •
Heureusement l'avenir ne devait pasjusliller les previ*
sions sinistres du vaillant evéfjue.
Cependant les catholiques qui assistent en France au
mouvement réparateur du Consulat s'empressenl d'eu
^71 —
prévenir leurs prêtres restés à l'étranger. De toutes
parts les paroissiens réclament leurs curés. Les maux
qu'ils ont soufferts, les années passées sans culte ont
fait oublier les petits diflèrends qui, dans les paroisses
les plus unies, s'élèvent parfois entre le pasteur et le
troupeau. Les Vendéens qui, plus que les autres Fran-
çais, avaient tant souffert de la Révolution, regardaient
à rhorizon, croyant à tout instant voir apparaître leur
pasteur blanchi par Tâge et le malheur.
Mgr de Mercy reçoit des lettres qui réclament les
prêtres exilés, c M. Gergaud, curé de Beauvoir, nous
écrit que nos populations respectives nous attendent
avec une impatience extraordinaire, que si nous pou-
vons pénétrer jusque-là, nous serons reçus avec tous
les transports de la joie la plus marquée. Nous avons
répondu à nos paroissiens que, puisqu'on nous assu-
rait Texercice libre et sans entraves, nous ne désirions
rien tant que de nous rendre à leurs vœux (1). •
Néanmoins quelques-uns des prêtres qui rentrent ou
qui n'ont pas quitté la Vendée, prévoyant de nouveaux
malheurs, hésitent à reprendre un service actif. Mgr
de Mercy s'en plaint, dans une lettre du 20 avril 1801, à
son vicaire général, c Peignez ma douleur et les larmes
que ma cause leur indifférence. Faites tonner à leurs
oreilles les menaces du prophète. >
Un prêtre de notre diocèse, l'abbé Coupperie, écrit de
Munich : t Plusieurs émigrés, tant prêtres que laïques,
sont déjà partis pour retourner en Vendée; d'autres se
disposent à partir tout prochainement. Ils n'ont pas
obtenu de passeports pour la France, mais pour la
Souabe, pour la Suisse... Les prêtres sont bien dans
l'intention d'attendre la décision de Rome, avant de
faire l'acte exigé pour exercer publiquement le culte
catholique ; mais ils se proposent de vivre, en atten-
dant, chez eux ou ailleurs, sans se produire beaucoup,
persuadés qu'il vaut mieux demeurer parmi une na-
tion où l'on a des amis que parmi des étrangers où
l'on ne peut se promettre une grande tranquillité.
Tous les evêques qui étaient ici avant l'arrivée des
Français y sont encore (2). »
(1) Lettre de Mgr de Mercy, 5 nov. 4800:
('2; Papiers inédits de Mgr de Mercy, cités par M. Sigard.
-7» —
Enfin, Bonaparte, sourd aux sarcasmes des esprits
révolutionnaires qui l'entouraient, et voyant quel ma-
laise jetait en France la position faite à l'Eglise par la
Révolution, avait ouvert des négociations avec le Pape,
et, le 16 juillet 1801, le Concordat fat signé par le pre-
mier Consul. Ce ne fut pas sans de longues et pénibles
négociations.
Un mois plus tard, il était ratifié par le Souverain
Pontife, « forcé par la nécessité des temps, • ainsi qu'il
le dit dans sa lettre aux évêques de France. Il les en-
gageait à se résigner comme lui au nouvel état de cho-
ses. Quarante-cinq donnèrent leur démission, trente-
six la refusèrent, mais la plupart ne tardèrent pas à se
soumettre. De cent trente six évêchés qui existaient en
France, le nombre fut réduit à cinquante. Les deux
évêchés de Luçon et de Saintes furent réunis à La Ro-
chelle, et ainsi Ton créa un vaste diocèse qui englo-
bait la Vendée et s'étendait des bords de la Loire aux
rives de la Gironde.
L'évéque titulaire de La Rochelle, Mgr de Coucy,
était à Londres, et n'avait pas adhéré au Concordat.
En conséquence, Mgr Dcmandolc fut appelé à gou-
verner ce diocèse. Il remplaçait à la fois Mgr de
Mcrcy, qui allait être nommé archevêque de Bourges,
et Mgr de Coucy, qui, rentré avec la Restauration,
devait mourir sur le siège de Reims en 1824.
En cette atïiiire, la Révolution avait obtenu gain de
cause. Elle tenait à enlever à notre pays sa religion et
sa foi politique, et pensait que privée de la présence
d'un évéque, la Vendée transigerait avec sa conscience.
Elle fut heureusement dcoue dans son attente.
Mgr de Mercy mourut sur le siège de Bourges en
1811.
Ce prélat, écrit M. Du Tressay, « avait apporté dans
le sanctuaire quelque chose de la légèreté de Thomme
du monde et des allures du grand seigneur. Il avait vu
la Révolution avec un déplaisir extrême, il avait lutté
contre elle avec talent et énergie ; mais dès qu'il avait
aperçu une lueur d'autorité poindre à l'horizon, il s'é-
tait tourné, non sans penser parfois à ses intérêts, vers
elle, comme vers l'aurore d'un beau jour. Il passa du
siège de Luçon à celui de Bourges, oii, mûri par l'âge
-«73 —
et le malheur, il a donné l'exemple d'une vie tout épis-
copale... Sous les auspices du cardinal Gaprera, légat
de Pie VII, il s'occupa sérieusement de la réorganisa-
tion de son diocèse. « Laborieux, charitable, respecta-
ble en tout, il était aimé de tous ses diocésains, i écrit
M. Tabbé Moulinet, archiprètre de la métropole. II
avait emmené Tabbé de Bozan, qui continua à remplir
prés de lui les fonctipns de vicaire général. Il eut le
malheur de le perdre en 1806.
-74 —
HENRI ÂGAISSE
DIACRE
1763-1798
Cet ecclésiastique appartient au diocèse de Nantes
par sa naissance, et à celui de Luçon par son séjour
dans les prisons de la Vendée. Né à Rezé, Henri
Agaisse avait un frère atné qui souffrit comme lui
pendant la Révolution ; il n'était que clerc tonsuré
quand le schisme fut proposé à l'Eglise de France, en
1791. Sa mère était une femme au-dessus de tout éloge
par sa foi et sa piété ; elle aurait mieux aimé voir
mourir ses deux fils que de les voir infidèles à Dieu.
L'attachement du jeune Henri aux principes catho-
liques le rendit aussi odieux aux persécuteurs que s'il
eût été prôtre. Il n'avait que vingt-deux ans et fut arrêté
à celte époque où le féroce Carrier exerçait à Nantes
ses fureurs. Mais Dieu, qui le destinait à honorer une
autre catastrophe de la Révolution, le préserva des
noyades et de la guillotine, à la fin de 1793 et l'année
suivante. Quand furent interrompues les exécutions,
au printemps de 1794, l'abbé Agaisse fut relâché, en
considération de ce qu'il n'était pas prêtre, mais banni
do France.
Il se rendit en Espagne, à Tolède, où se trouvaient
plusieurs prêtres vendéens, MM. Baudouin et Lebé-
desque, devenus bientôt ses amis intimes. Quoique le
plus jeune, Tabbé Agaisse se faisait remarquer par sa
piété, sa pureté, sa douceur et sa modestie. Cette belle
&me se peint admirablement dans les lettres qu'il écri-
vit de Tolède à sa mère et à son frère, et que Tabbè
Caron cite en partie dans sa notice sur le jeune
lévite (1).
M. Baudouin, dont le diocèse de Luçon devait plus
(i) M. Baudouin disait n'avoir jamais connu une âme si intel-
ligente, plus pure et plus candide. 6on innocence, son angélique
- 76-
tard admirer les grandes œuvres, Tavait pris en vive
amitié, et c'est avec un extrême regret qu'il se sépara
de lui, en juin 1797, pour rentrer en France.
Après un exil de trois années, dans Tété de 1797,
M. Agaisse, apprenant qu'une paix relative régnait
dans sa patrie, se crut autorisé à y rentrer. Parti de
Tolède, après des fatigues et des dangers de toutes
sortes, il aborda sur la côte de Vendée.
Mais la catastrophe du 18 fructidor (4 septembre 1797)
venait de rallumer brusquement la persécution. Il fut
arrêté près de Montaigu et jeté d'abord en prison à
Saint- Fulgent, d'où on le conduisit dans celle de Mon-
taigu.
Là, sa douceur angélique et son extérieur aimable
séduisirent ses geôliers. On lui permit de sortir en
ville, sur la promesse qu'il avait faite de ne pas s'éva-
der. Quoiqu'il ne fût pas prêtre, il était inscrit comme
tel sur la liste des émigrés.
Son frère, Pierre Agaisse, qui exerça le ministère
aux environs de Montaigu et à Vieillevigne, en même
temps qu'à Chàteau-Thébaud, ayant appris son empri-
sonnement, envoya à Montaigu un de ses élèves et son
cousin, avec mission de lui ramener son frère à tout
prix. Mais ceux-ci trouvèrent le jeune homme iné-
branlable.
Il ne veut pas fuir, puisqu'il a donné sa parole, et il
réfute toutes les raisons qu'on allègue pour le persua-
der qu'il n'est pas tenu à sa parole. L'élève et le cousin
reviennent désolés. M. Pierre Agaisse, au risque d'être
pris à son tour, se rend secrètement avec eux à Mon-
taigu, mais trouve son frère inébranlable. Ils l'engagent
à protester qu'il n'est pas prêtre (il était alors diacre),
mais il repousse ce conseil comme entaché de men-
songe.
Peu de temps après, le jeune prisonnier est transféré
à Fontenay, puis de là Rochefort, pour être exporté à
la Guyane. Cette fois c'était l'exil définitif et la mort
piété faisaient penser à S. Louis de Gonzague. Aussi, dès
qu'il le vit, le P. Baudouin Taima et s attacha a lui. (Vie du P.
Batidimn.J
— 78-
Cet aimable jeune homme édifia lous los prisonDiers
de Rochtîfort par sou humilité el sa charité. Qtiaïui de
nouveaux déportés arrivaif^nt à ht prison, il Inur ren-
dait les services les pins bas et les plus humiliants* On
lo voyait ôter leur chaussure el leur baiser les pied^, se
souvenant sans doute de cette paroln de nos saints
Livres; < Quam speciosi pedes eoangclUaniium. *
De là, il écrivait à sa mère sa joit^ dans ses souf-
frances et sa conliance en Dieu : • Quelque ehose q\ii
m*arrive, je serai toujours content, car je suis persuadé
que tout sera pour ia plus grande gloire de Dieu et
pour mon salut. Ce qui me console, c'est que c'est pour
Dieu que je soulTro. Oh ! il m'en rêcompensern bien î ^
Le S décembre, étant encore a Rorhefort» il adressait
une nouvelle lettre à sa mcre pour - - sup^
porter ses peines. Oubliant les - , ivait:
« Dieu veuille augmenter et fortiîler en vous c^ cou*
rage et cette résignation a la volonté de Dieu que je ne
cesse et ne cesserai dadmirer en vous. Nous ne nous
reverrons |»eut-étre jamais, mais ne nous abn'! is
pour cela. Dieu le veut ainsi^ humilions-uou- iit
lui, adorons ses desseins impénétrables, > Toutes les
lettres qu'il écrivit à sa mère et à d'autres parentH,
jusqu'à son embarquement, sont remplies des mêmes
sentiments de soumission à Dieu et de douce joie. Un
prêtre, <'ompagnon de sa captivité, a écrit de lui ces
lignes qui nous le font bien connaître :
t Une des plus chères occupations d'Agaisse était de
consoler les déportés qui, chaque jour, arrivaient à
Rochefort accables de lassitude, souvent après qua-
rante et même soixante jours de marche, surtout les
prêtres de la Belgique, A leur arrivée» il préparait leur
humble couche, et plus d*unt' fois, sous prétexte dr îr*^
aider à ôler leur chaussure collée à leurs i
meurtris, il les baisait avec respect. > Il était réduiru-
tion de tous ces venerabh-s ministres du Selgnrîur.
Ce fut le 12 mars 1798 qu*on l'embarqua sur la fré-
gate la Charente, avec cent soixante-quinze autres de-
portés. Bientôt après, il passa avec eux sur la frégate
la Décade.
Us étaient là nombreux, ces prêtres du la Frauuo^ (lê_
la Savoie et du la Belgique.
-»-
I^endant quatorze heures de nuit, et parfois plus
longtemps, il leur fallait demeurer enfermés dans un
infect entrepont où Ton ne recevait d'air que p<r
deux ouvertures de trois pieds en carré, c'est-à-dire
par les écoutilles qui servaient d'entrée et de sortie
au moyen d'une échelle presque perpendiculaire, de
laquelle plusieurs vieillards firent des chutes mor-
telles. Dans cet entrepont se trouvaient entassés tous
ces prêtres, la plupart infirmes, passant leurs quatorze
heures dans des hamacs étroits, suspendus les uns sur
les autres, de telle sorte que ceux qui couchaient dans
les rangs supérieurs, lorsqu'ils cessaient, par leur
poids, d'avoir la face contre le plancher de l'entrepont,
pesaient sur ceux du rang inférieur.
L'air de ce gouffre devenait bientôt si fétide que les
sentinelles postées aux écoutilles, en dehors, demandè-
rent que le temps de leur faction fût abrégé; et ce
n'était pas sans quelque raison que le capitaine d'ar-
mes chargé de faire rentrer les prêtres, tous les soirs,
dans ce lieu d'infection, ne manquait jamais, en leur
donnant toutefois une qualification pour le moins
absurde, de fredonner à leurs oreilles ce vers d'une
chanson d'alors contre les rois :
« Tyrans, descendez au cercueil. »
La journée était supportable pour eux, parce qu'ils
en. passaient une partie en plein air, sur le pont,
où ils prenaient leurs repas bien plus que modestes;
mais le supplice de la nuit était si affreux que huit y
périrent pendant la traversée, et leurs corps furent
jetés à la mer. .
M. Agaisse supporta volontiers toutes ces souffran-
ces. Ayant abordé à Gayenne le 43 juin 1798, après trois
longs mois de traversée, affaibli et presque mourant, il
fut du nombre des quarante-cinq déportés qu'on plaça
à l'hôpital. Quand il fut un peu rétabli, des personnes-
charitables obtinrent de l'agent national qu'en raison
de sa jeunesse et de sa faiblesse, M. Agaisse n'allât
point dans le désert de Konanama, ni à Sinnamary,
contrée plus affreuse.
On le plaça alors chez un nègre, nommé Séverin,
avec deux autres prêtres.
I U n'avait aucun argent, écrit Mgr de Beauregard
— 78 -
qui l'a connu, et le gouvernement ne donnait rîéJi
comestibles ni autres nécessités aux déportes plac*
dans j.les habitations. Stnerin ne devait donner '
logement. On lui avait fait à Cayenne une j^ ,
désolante, mais trop vraie, du sort tiui raltendail à
Jout y manque et on lui demanda; • Comment ferez-
€ vous pour vivre? i 11 était d*une santé très deUcalei
tt Celle (piei^tion lui était faite avec un tendre intérêt
Un déporte répondit pour lui : t II travaillera a la terre »,
Cette parole brisa son cœur et il fut saisi d'un*? tris^
tesse profonde. »
Certes, il avait raison de s'aftlîger. Situé le long d(
Tembouchure de la rivière de Cayenn**, ce lieu flaîB
brûlant et Ton était dévoré par les moustiques la
nuit et le jour; sans aucun moyen de se préserver (U
leurs piqûres incessantes. Point d*eau potable, n
fruits bons à manger, la plupart au contraire étaien"
propres à empoisonner. Aussi celte habitation était
elle appelée Tout y manque. Agaisse n'avait pu recou*
vrer complètement la santé et se soutenait a peine,
manquant de tout. La faiblesse, les privations, U
climat, amenèrent une lièvre bilieuse; il ne fut poin
soigne et succomba en peu de jours.
C'était le 22 septembre 1798.
Un déporté, qui n'était pas prêtre, revenu de Cayenne]
en 1803| écrivait : * Le jeune M. Agaisse, avant sa mortJ
pouvait être mis au rang des saints et même des
martyrs» f Un vénérable prêtre déporté, revenu de la
Guyane, disait, en 1805, qu'il allait souvent au tombeau
du jeune martyr dunt il avait admiré les vertus, et que
toujours il en revenait paisible et résigné à ses maux
Enfin Mgr de Beauregard , exilé également i
Cayenne, et qui succéda à M, Agaisse dans la maîsott
du nègre Séverin, a ôcriLces lignes à la louange du
jeune abbé :
f Je demandai le lieu où était son tombeau. J'y allais
presque tous les jours prier pour mon jeune ami et pour
moi. Je rétablis sur sa fosse une petite croi.v que les
nègres y avaient plantée. Pauvre M, Agaisse! Je ne
doute plus de son bonheur! Je n'ai jamais prié sur son
tombeau sans éprouver plus de soumission ix mes peines
Quand je dus sortir de son insalubre demeure, je fus
dire le dernier adieu à mon ami et le louer à Tcmbli ûo
tous les hommes. Mais moi je ne roublierai jamais et
quand je célèbre la messe, où je prie toujours pour
ceux de mes confrères décèdes en exil, mon âme se
repose un moment sur le tombeau du cher Agaisse. ^
c Ce tombeau était sur le bord d'un bois. J'aurais
voulu y prendre du repos, mais les insectes dévorants
venaient me disputer cette romantique retraite. En
Europe, nos bois, nos bocages, nos forêts réalisent, en
effet, par leur fraîcheur, les douces images que s'en
forme l'imagination. Les bois de la Guyane sont impé-
nétrables et le moindre inconvénient est d'en être
déchiré. >
Voilà quel triste séjour était assigné aux prêtres de
Jésus-Christ fidèles à leur devoir.
«-M-
CHARLES AU6IS
PRÊTRE LAZARISTE, CURÉ DE BEAULIEU-S.-MAREUIL ({)
DESSERVANT DE LA MEILLERAYE
1728-1796
Le cardinal de Richelieu, pendant son ëpiscopat,
avait fait venir à Luçon des prêtres de la congrégation
de la Mission. Plus tard, une fondation ayant été
faite par M. Jean Bampillon, curé de Beaulieu-sur
Mareuil, en faveur de ces religieux, la maison des
prêtres de la Mission fut établie à Beaulieu.
Ils étaient au nombre de quatre.
Mgr de Barillon, qui les estimait beaucoup et avait
reçu de S. Vincent de Paul une bénédiction spéciale
à r&ge de trente ans, demanda un cinquième prêtre
pour les missions du diocèse, et par testament il légua
six mille livres pour la fondation d'un sixième mis-
sionnaire.
En 1767, les Lazaristes de Beaulieu furent appelés
par Mgr Gaultier d'Ancyse à diriger le séminaire de
Luçon. Ils durent abandonner les missions. A dater de
cette époque, la maison de Luçon n'en fit qu*une avec
celle de Beaulieu.
Celle-ci porta longtemps le nom de couvent.
Placée sur le point le plus élevé de la colline, elle
était agréablement située et, de ses fenêtres, on aper-
cevait la plaine, le marais avec ses innombrables
canaux et, dans le lointain, la mer.
En 1778, la présence de M. Charles Augis au couvent
de Beaulieu est constatée par le procès-verbal de la
visite de Mgr de Mercy. M. Augis faisait les fonctions
curiales dans cette paroisse, M. Jean-Baptiste Barbault
était le supérieur.
(i) Cette paroisse, supprimée au Concordat, fut réunie avec
celle de Belienoue à la paroisse actuelle de Château-Guibert.
I
Àprès avoir refusé le serment à la Constitution civile,
M. Augis voulut exercer encore sa charge curiale. Mais
des mesures de rigueur furent prises contre lui et il
dut se rendre à Fontenay où il jouit quelque temps
d'une liberté relative, à la condition de se présenter
chaque jour devant la municipalité (1). Comme les
autres prêtres insermentés du diocèse présents à Fon-
tenay, le curé de Beaulieu fut enfin arrêté et interné,
jusqu'au 28 mai 1793. époque à laquelle l'armée ven-
déenne lui rendit la liberté, lors de la prise de cette
ville.
Au lieu de fuir et de quitter la Vendée, M. Augis
n'aspirait qu*à se rendre utile, malgré les dangers de
mort auxquels il était exposé ; il se retira à la Meil-
leraye, quil desservit avec zélé et courage, depuis
le mois de juin 1793 jusqu'au 11 avril 1796.
Pendant ces années de persécution, le ministère
paroissial était particulièrement pénible.
(1) Cet appel était nominal. Chaque prêtre signait pour consta-
ter sa présence. Tous les jours et par tous les temps, il fallait se
présenter à la municipalité à onze heures du matin. Ces convo^
cations devinrent de plus en plus pénibles et vexantes. Le
dimanche, elles avaietit lieu plus sévèrement que les autres jours
pour empêcher les prêtres d'aller dans les paroisses voisines dire
la messe ou rendre service aux fidèles délaissés. Ces vénérables
confesseurs avaient toujours affaire avec un commissaire à Thu-
meur maussade, peu sympathique d'ailleurs et ennuyé de cet
office quotidien. Les clubs, les meneurs avaient là des vauriens,
des femmes ou filles du peuple au cœur endurci par le vice et
l'impiété, qui souvent accablaient d'injures les ministres de Dieu.
Les soldats placés à l'entrée de la salle , loin d'empêcher ce dé-
sordre, l'encourageaient parfois et en faisaient l'objet de leurs
plaisanteries. Des membres mômes de la municipalité venaient
aux fenêtres voisines pour jouir de ce répugnant spectacle et se
réjouir entre eux des sarcasmes, des outrages et des blasphèmes
dont la populace abreuvait ces prêtres paisibles et humiliés. Les
vauriens épuisaient sur eux leurs sottes et sales plaisanteries, et
les prêtres ne pouvaient se défendre.
Quelle vie chaque jour I Et ce n'était que le commencement des
épreuves.
6
-84-
Sa présence csl signalée au Synode du Poirè-sur*
Vie (I) en 1795.
Un témoin et un guide de M. Augis dans ses
courses à travers le bocage vendiien a écrit : c Nous
ne faisions tous les deux que marcher à droite el k
galoche, et pendant toutes nos roules nous ne faisions
que prier et reciter nos chapelets ou autres formules
de prière, jour et nuit. Il n'y avait pas de temps doux
pour nous. Nous voyagions comme deux mlsôrabloi
sous la pluie, la neige, sous lu vent» le tonnerre,
dans la boue, les marécages, les taillis, sans routeô
ni chemins praticables, pour nous rendre où il était
demande pour administrer les sacrements.
i Nos habits déchirés, nos culottes frangées et dêfon*
cées, nos chapeaux rabattus et attachés souvent avec
des liens, sans force et sans vie, dans Tétat le plus
pitoyable... Les bonnes gens nous faisaient bon feu
rhiver, lorsque nous entrions dans leurs maisons, et
avaient pitié de nous. On nous donnait des chemises
et autres hardes à changer. De temps à autre, nous
étions habilitas i faire rire le monde; nos hardes se
trouvaient trop petites ou trop grandes. »
Bien que cette situation offrit certains côtés qui
eussent prêté à rire, elle était avant tout lamentable. Il
fallait une forte dose de foi pour la supporter et vrai-
ment elle ne décourageait pas le proscrit. Il y puisail
matière à mérite et l'occasion de se dépenser pour le
prochain.
Mais les fatigues devinrent si excessives qu'elles dé-
passèrent ses forces, M. Augis en tomba malade griè-
vement et dangereusement.
Maigre les l)uns soins que lui procurèrent de pieux et
dévoues catholiques, il mourut dans la paroisse de la
Meilleraye, le il avril 17S>6, à l'âge de soixante-huit ans
{i] V. App^dkr, Il lu Un du voliimr
-te-
PIERRE BÂBIN
CURÉ DE GOEX
1794
Au printemps de i792, le décret relatif à la Gonstitu-
lion civile avait profondément irrité les habitants du
marais de Saint Jean-de-Monts et des paroisses voisi-
nes, qui craignaient avec raison de perdre leurs prê-
tres. Déjà quelques troubles partiels s'étaient pro-
duits (1). Le district de Challans, craignant de les voir
se reproduire, envoya des troupes dans le pays. Les
plus ardents parmi les catholiques, et qui n'étaient pas
les plus sages, résolurent de briser, dans les églises,
les bancs appartenant aux bourgeois patriotes : c'était
leur manière de protester contre l'oppression reli-
gieuse qu'ils subissaient de la part de ces hommes
qui, partout, s'étaient emparés de l'administration
civile, qu'ils savaient irréligieux et qui, dans leur
pensée, n'avaient aucun droit d'occuper à l'église une
place d'honneur. C'était là une vengeance inutile.
Le 3 mai, les habitants de Goëx et de Saint-Révérend
allèrent sonner le tocsin à Apremont, pour commencer
là cette exécution.
M. Babin s'était opposé à ce désordre, mais en vain.
Un certain Gantin, d'Apremont, qui était chargé de
répandre l'alarme, en sonnant le tocsin dans toutes
les paroisses voisines, qu'il parcourait à cheval, pas-
sant à Goëx, entre dans l'église et, malgré les protes-
tations du vénérable pasteur, brise tous les bancs des
patriotes notables.
Le curé de Goëx n'en fut pas moins poursuivi par
des troupes envoyées de Ghallans, car on le savait prê-
tre fidèle et insermenté. Il quitta le pays qui devint
(1) Un coup de fasil avait été tiré sur un vicaire assermenté de
6aiûtJean*de-Mont8.
— » —
îîijfiL^c <a pL-fiiji^ i2.scr7?t:^!L. et sVnfnît dans le bû-
3L D«x£&?t- V&iLfeTix assors ^ il fin fosîlié vers Mon-
-85-
M. BALLON
CURÉ D'ARDELAY
1794
M. Ballon fut un de ces prêtres, infirmes ou âgés, qui,
chassés de leur presbytère, exposés à toutes sortes de
privations et de dangers, avaient demandé à Gharette
de se retirer à Noirmoutier, comme en un lieu sûr et
paisible.
Le général était loin de partager leur confiance, l'Ile
pouvant être cernée et occupée par terre et par mer, et
il ne put s'empêcher de leur exprimer ses craintes;
mais ces vénérables ecclésiastiques persistant à croire
que la ville de Noirmoutier, avec ses 1800 hommes de
garnison, était un asile à Tabri de tout danger, il n'osa
refuser leur demande. Dix-sept prêtres du diocèse de
Luçon et un de celui de Nantes s'y rendirent en 1792
et 1793.
Mais, au commencement de janvier 1794, une armée
révolutionnaire de 6.000 hommes est envoyée pour
s'emparer de l'Ile. Elle réussit à forcer l'entrée du Gois.
Bientôt Barb&tre est envahi par ces barbares soldats.
En vain les vieillards, les femmes, les enfants restés
seuls dans le bourg demandent grâce ; tous sont impi-
toyablement massacrés. Carrier avait donné Tordra c de
tout exterminer, de tout incendier, i
La garnison de Noirmoutier, à l'approche de l'en-
nemi, se voyant dans l'impossibilité de résister, pro-
posa de se rendre : c Nous ne devons, ni ne voulons
composer avec les brigands ! » fut-il répondu, c Qu'ils
soient tous passés au fil de Tépée ! i C'est l'arrêt de
mort de tous les habitants.
En vain le général Haxo demanda-t-il, au nom de
l'humanité, que les vaincus fussent épargnés, à con-
dition de se soumetttre. Il n'obtint qu'une promesse
trompeuse.
Cependant, sur cette promesse, la garnison se rendit.
^86-
déposa les armes en faisceau sur la place et se consti-
tua. prisonnière dans Téglise; mais le lendemain, au
mépris des droits les plus inviolables, les malheureux
prisonniers furent conduits par escouades de soixante,
à travers la rue de Banzeau, au lieu où se dresse au-
jourd'hui une croix, et là impitoyablement fusillés. Là,
tombèrent pêle-mêle ces valeureux soldats de la
Vendée, qui avaient abandonné leur maison et leur fa-
mille pour défendre la cause sacrée de la religion et
aussi la royauté ; là, ces pauvres victimes se débatti-
rent dans la boue, où elles étaient à demiensevelies.
Les jours suivants, l'air étant empesté par ce char-
nier humain, des hommes furent requis pour transpor-
ter les cadavres dans les sables de la côte.
Mais ce n'était pas tout : d'autres victimes restaient à
trouver et à immoler. Si, grâce à l'intervention d'Haxo,
l'ensemble des habitants de la ville fut épargné, un
bon nombre de réfugiés venus de la Vendée, prêtres,
vieillards, femmes sans défense furent traqués dans
les maisons où ils s'étaient cachés, dans le bois de la
Chaize et dans la campagne, plus ou moins blessés à
coup de sabre ou de fusil. Dix-huit prêtres, victimes de
choix, furent arrêtés et renfermés « agonisants pendant
trois jours et trois nuits, dit Dugast-Matifeux, dans l'é-
glise de Noirmoutier, et entin fusillés sur la place pu-
blique. »
M. Ballon consomma là son matyre commencé du
jour où, chassé de sa paroisse, il avait erré à la recher-
che d'un asile. Il était tombé sous les balles de la
république impie et triomphante.
— 87 -
LOUIS BARITAUD
CURÉ DE SAÏNT-ANDRÉ-d'ORNAY
1731-1792
M. Baritaud, ancien curé de Saint-Paul*en-Pareds,
depuis 1758, prit possession de la cure de Saint-
André d'Ornay, en remplacement de M. Louis Michel
Voyneau, nommé curé de Notre-Dame-des-Lucs.
M. Baritaud ne prêta pas le serment constitutionnel.
Le dernier acte qu'il signe sur le registre de sa pa-
roisse est du 8 juillet 1792. Bien que. d'après la loi,
son âge avancé lui permit d'échapper à la déportation,
il voulut partager le sort de la plupart de ses con-
frères, n'ayant d'ailleurs aucune illusion sur le sort
qui lui était réservé en France. 11 s'embarqua le
10 septembre suivant aux Sables, pour TEspagne, sur
X Heureux - Hasard , avec trente -huit prêtres de la
Vendée.
Son âge et ses infirmités ne purent résister aux fati-
gues d'un si long voyage, aux émotions et aux priva-
tions de Texil. Il mourut peu après son arrivée en
Espagne (1).
(1) D'après M. Bourloton.
PIERRE-MARTIN BAUDOUIN
GURi DE LUÇON, VICAIRE GÉNÉRAL
1748-1796
Né à Montaigu, M. Pierre Baudouin eut la gloire
d'être le frère du R. P. Baudouin et le bonheur d'avoir
une pieuse mère dont les vertus le conduisirent au
sacerdoce. D'abord vicaire aux Brouzils, puis à Ghan-
tonnay , il fit venir prés de lui son jeune frère et devint
son maître de latin (1). Au mois d'août 1782, nommé
curé à Angles, il y appela Louis -Marie et lui fit
terminer ses humanités. Quelques années après,
M. Pierre Baudouin passa, à l'importante cure de
Luçon et eut pour vicaire Louis-Marie, récemment
ordonné prêtre. M. Lebédesque était second vicaire.
Formé au saint ministère par son frère aîné, M. Bau-
douin jeune en remplit les fonctions avec un zèle
extraordinaire. Le curé de Luçon, dont la santé était
aff'aiblie, se reposait fréquemment sur le jeune prêtre
du soin de la prédication.
Cependant, l'orage politique grondait sur la France
et la foudre allait éclater. Le 12 juillet 1790. rAsserablée
Constituante, sans égard pour la courageuse remon-
trance des évêques et foulant aux pieds les droits du
Saint-Siège, décréta la Constitution civile du clergé^
qui devait être pour l'Eglise et pour l'Etat la source
des plus grands malheurs.
M. Pierre Baudouin n'hésita pas à signer contre
elle une énergique protestation envoyée par le cha-
pitre de Luçon, qui fut lue à l'Assemblée.
Le 27 novembre, un décret statua que les évêques et
les prêtres qui, sous huit jours, n'auraient pas fait ser-
ment de fidélité à la Constitution civile, seraient cen-
sés avoir renoncé à leurs fonctions.
(1) Après avoir éié Télève de l'abbé de la Roche- Saint- André,
«lore retiré à Montaigu.
C'était un schisme que rAssemblée voulait créer en
France. Mais le clergé était prêt à tout souffrir pour
demeurer fidèle à la foi catholique, et celui de la Vendée
plus résolu encore. Mgr de Mercy eut la consolation de
voir la très grande majorité de ses prêtres Timiter dans
son refus du serment. M. Baudouin aîné n'hésita pas
un seul instant à rejeter le schisme, son frère limita
et tous deux refusèrent énergiquement d'adhérer à la
Constitution civile devant les magistrats de Luçon.
L'abbé Louis-Marie appuya même son refus de ces
paroles : c Messieurs, je vois bien que si vous eussiez
fait partie du tribunal qui a condamné Jésus-Christ à
mort, vous ne vous seriez pas. abstenus. » — c Non,
certainement^ répondit l'un deux, ceux qui l'ont jugé
étaient dans la légalité. »
Parole épouvantable, bien digne de ces temps d'im-
piété!
Le clergé paroissial de Luçon fut ainsi le premier
atteint par les mesures que provoqua la Constitution
civile. La cathédrale étant desservie par le chapitre, la
ville n'avait qu'une église paroissiale, Saint-Mathurin.
Le 11 juin, la municipalité fit fermer cette église,
ordonnant au curé de transporter les vases sacrés à la
cathédrale et d'y célébrer désormais la messe. M. Bau-
douin refusa. Le procureur de la commune requit
l'abbé Gaudin, ex-oralorien, vicaire épiscopal constitu-
tionnel de la Vendée, d'opérer cette translation, de
faire fermer les portes de la cideoant église paroissiale
et d'en déposer les clefs au greffe de la municipalité.
Dés le lendemain, la commune prit un arrêté défen-
dant à tout prêtre non assermenté de remplir aucune
fonction ecclésiastique, et fit signifier copie de sa déli-
bération au sieur Baudouin. Le curé et les vicaires de
Luçon n'en continuèrent pas moins à dire la messe
dans les chapelles, ce qui provoqua contre eux une
information judicaire. La persécution s'accentuait.
Cependant le digne curé de Luçon avait déjà subi
une grave épreuve. C'était l'arrivée dans la ville épis-
-91-.
« oous persécute dans une ville ^ fuyez dans une
« autre. •
Au mois de septembre, après avoir célébré la fête de
la Nativité de la Sainte -Vierge, il s'embarqua aux
Sables d'Olonne, avec son frère et un certain nombre
de prêtres du diocèse de Luçon.
Les rivages de la France avaient disparu à Thorizon
et M. Martin Baudouin, ne voyant autour de lui que le
vaste Océan, sentit plus vivement les douleurs dont
son âme était oppressée. Des pensées désolantes vien-
nent assiéger son esprit. La France, lille aînée de
TEglise, ne va-t-elle point être séparée à jamais du
centre de l'unité ? Reverra-t-il jamais sa patrie, ses
chers paroissiens exposés à tant de périls?
A ces sujets de peine se joignait le délabrement de sa
santé ; pour surcroît d'épreuves, une violente tempête
s'éleva, durant plusieurs jours, et le navire à chaque
instant semblait prés de sombrer.
Le confesseur de la foi crut toucher à sa dernière
heure, mais il n'était pas temps encore pour lui d'en-
trer dans le repos éternel. Après six jours de navi-
gation apparurent les côtes d'Espagne. C'était l'exil
avec toutes ses tristesses et amertumes. M. Baudouin
et ses compagnons saluèrent cependant avec quelque
joie la terre hospitalière devenue leur refuge.
Débarqués à Saint-Sébastien le 14 septembre 1792,
ils furent reçus avec empressement par Mgr Le Quien,
évêque de Dax, obligé de quitter la France dés le mois
de juin 1791. Ce prélat accueillit avec beaucoup de
bonté ces ecclésiastiques du diocèse de Luçon et leur
indiqua les lieux où ils pourraient se fixer. MM. Bau-
douin se rendirent à Valence et y furent bien reçus.
Cet accueil favorable ne pouvait faire oublier leur
patrie, dont les malheurs s'aggravaient chaque jour.
La Convention ayant mis à mort Louis XVI, les na-
tions étrangères, indignées de cet attentat, s'unirent
pour le venger. Le gouvernement espagnol conseilla
aux ecclésiastiques des villes frontières de la France
de se retirer à l'intérieur du royaume. Cette mesure
parut pénible aux exilés, mais ils durent se soumettre.
A quelque distance de Valence^ MM. Baudoin quit-
— 92 —
tant colle villo, furent arrêtés ci pillés par uoo troupô
de voleurs qui les meuacèrenl de hîurs fusils, peudiint
qu'ils les dévalisaient : t Avez- vous peur, dit Tun des
voleurs aux MM. Baudouin ? — Non, répond Louiâ*
Marie, ma vie est entre les mains de Dieu, il en est
le mrdtre, S*il veut vous la livrer, que son saint nom
soit béni ! » Les voleurs, ue trouvant sur lui qu'une
piastre, se regardent les uns tes autres, et l'un d*eux
dit avec raccent de la pitié : PobrecUo^ le pauvret ! Ils
n'étaient pas riches, nos pauvres exilés t
Apres avoir passé Madrid, ils arrivent à Tolède,
épuisés de fatigue et dénués de tout. L'archev»>que de
cette ville ne put voir sans une profonde piti<
pectabies confesseurs de la foi réduits ii un r
plorable. Il s'empressa de leur procurer un lo^emcar
et le vivre. Ce fut chez un honnête artisan vivant uui-
quement du travail de ses mains.
Là, leurs journées furent employées à la prière, àl
méditation et à Télude. Le temps que les pieux exilés
ne donnaient pas à la prière, ils le passaient dans la lu*
bliothëque de rarchevéchej étudiant rFcriture sainte^
les ouvrages des Pères et la théologie Dordinaire» ils
terminaient leur journée par la visite de qurlMiin
église pour y adorer le divin Maître et faire m<
vers lui leurs soupirs, avec les gémissements dr in
France chrétienne.
Mais tant d'émotions et d'épreuves avaient grave-
ment compromis la santé de M, le curé de Luron. Il
dut entrer à Thospice de la Miséricorde^ où son frère le
sui\it pour pourvoir à ses soins. Au bout de deux nioi|
la santé du vénérable malade* fut assez bien rétabli
pour qu1l pùl sortir de rhospice. La joie qu'eu ri*ssél
lit son frère fut partance par tous les ecclésiastiqui
français réfugiés à Tolède et auprès desquels M. Bau-
douîn aîné jouissait d*une grande considération.
Cette santé acquise provisoirement ne fit que pro*
longer les peines de Tcxtle. Dnni<_'l et ses corn? s
sur les rives de TEupbrate lùurnai»»nt conlinur ii
leurs regards vers Jérusalem. Ainsi, sur les bords du
Tage,M. Baudouin et ses compagnons d'exil élait'nl sar
cesse occupés des maux de leur patrie qui toujours s'a
gravaient. Les églises détruites, les autels renversés,
les prêtres chassés ou égorgés, le feu, la ruine dans les
campagnes de la Vendée, surtout les outrages à Dieu
et à sa sainte religion, toutes ces lugugres images fai-
saient verser fréquemment des larmes. Aussi que de
ferventes prières montaient sans cesse vers le ciel, du
fond de l'exil, pour la malheureuse France et pour la
Vendée, qui venait de succomber dans sa lutte contre
la Révolution.
Tant d'inquiétudes et d'épreuves morales ravagèrent
profondément le cœur et la santé de M. le curé de Lu-
çon. Peu à peu ses forces se consumèrent. Ni les soins
empressés de son jeune frère, ni les secours de l'art,
ni les prières les plus ferventes ne purent retenir une
vie qui s'échappait. Le pieux malade fut un modèle ad-
mirable de patience et de résignation. Son sacrifice
était fait du jour où il avait quitté sa paroisse et sa pa-
trie, mais il regrettait de mourir si loin de ceux pour
lesquels il avait vécu.
Enfin, Dieu allait le récompenser et le rendre à sa
véritable patrie. Ce fut le 4 septembre 1796, après qua-
tre ans de séjour en Espagne et &gé de quarante-huit
ans, qu'il rendit son àme à Dieu.
Sa mort fut une grande cause de tristesse pour les
prêtres réfugiés en ce pays, et notamment pour son
frère, qui ressentit davantage l'isolement et les dou-
leurs de l'exil.
Une circonstance ajouta aux sentiments de regrets
qu'éprouvèrent les prêtres français. Parmi les papiers
du défunt, on trouva des lettres de vicaire général, qui
lui avaient été données par Mgr de Mercy et dont il
n'avait pas usé.
L'humilité du vénérable prêtre avait laissé ignorer
cette marque de haute estime de son évêque.
LOUÏS-MARÏE-CLAUDE BAODRY
CURft DE SAIKT-MALO-DU-lïaiS
M. Baudry prit posseî^«iion do la cure rlc Salnt-Malo,
lo 16 juin 177-2. Il dirigeait donc snn peuplo depuis
longtemps dùjà, quand vinrent les mauvais jours de
la R<:îVOlu(ian. Il élait altachu à sa paraisse et seis
paroissiens n'étaient pas niuins atlaclies à lui. Âussii
pasteur fidèle, il ne put se resigner h iiu4(ler î^cm
troupeau. D'après le Journal dun fbnienaisien /><?/?•
dant la Rùvolution, le 16 août 1792, il demanda à
partir en exil. Ayant refus('! do prêter le :>t,
il rourut de grands dangers en restant à Sai >,
malgré les menaces dont étaient l'objet les bonâ
prêtres, et cela d'autant plus que cette paroisse ûtaîl
signalée, dés 1791, comme un foyer d'agitation roya-
liste.
Il est certain, en effet, que pendant toute la durée de
la guerre les hommes de Sainl-Malo se portaient en
masse à tous les appels des chefs de Tarmee vendéenne»
Mais, chaque expédition terminée, ils rentraient dans
leurs foyers, à Texception de 150 environ qui suivirent
toujours Tarmée catholique.
Ce qui faisait écrire a Dumouriez dans un r;: 'a
29 décembre 1791 à radniinistratlon departerii • :
« La paroisse de Saint-Malo, trop voisine do Saint-
Laurent, est un des points de rassemblement, et si
les volontaires n'étaient pas craints, ils seraient as»
sommés.,. •
Cela prouve que le vaillant curé de Saint* Malo, dès
cette époque» pouvait compter sur la protection et la 11-
délité de ses bons paroissiens.
M. Baudry Tavait bien compris! Néanmoins, quaml
arrivèrent les années terribles 1793-1794, ce (U'étre ne
se crut plus en sûreté dans les maisons du bourg, ni
dans les villages les plus isolés el les plus retirés de la
paroisse.
-.as-
Une précieuse note, écrite de la main de M. Pichaud,
l'un de ses successeurs, nous apprend qu'il s'était ar-
rangé une petite cachette sous un tas de pierres, hé-
rissé de broussailles, au beau milieu d'un champ de la
métairie de la Mainfrére, appelé le Champ du Buisson.
Dans ce réduit étroit et malsain on avait placé un ba-
hut oblong, sorte de cercueil, où il se couchait pour
dormir, chaque soir, quand il ne parcourait pas le pays
pour administrer les Sacrements après avoir fait à
Dieu le sacrillce de sa vie.
C'est dans cette misérable cachette qu*on lui portait
sa nourriture, quand les alertes continuelles et les
bruits de guerre ne lui permettaient pas de sortir. Son
chien fidèle rôdait sans cesse aux alentours, sentinelle
vigilante, tout prêt à l'avertir et à le défendre si l'en-
nemi qui passait à distance avait approché.
Le soin de sa paroisse occupa sans cesse le pasteur.
Combien de temps M. Baudry vécut il ainsi ? Notre pe-
tite note ne le dit pas. Ce que nous savons seulement,
c'est qu'un jour de cette année 17913, miné par les fati-
gues, les privations, la maladie, le zélé pasteur sentit
que sa dernière heure était proche. Son tombeau d'ail-
leurs et son cercueil étaient prêts. Il n'avait qu'à s'y
coucher une dernière fois pour y dormir son dernier
sommeil.
Cependant, l'un des braves métayers de la Main-
frère, qui d'ordinaire pourvoyait à ses besoins, un
nommé Robert, le voyant si épuisé, ne put se ré-
soudre à le laisser dans sa cachette par les grands
froids de l'hiver, il l'emmena dans sa maison pour
être plus à même de lui donner des soins, malgré
le danger qu'il courait lui-même.
Grâce à cet acte de charité, le saint prêtre, martyr
à sa manière de la persécution révolutionnaire, puis-
qu'il ne voulut pas abandonner la paroisse confiée &
ses soins, mourut paisiblement dans un lit, entouré
de l'affection et des larmes de quelques paroissiens.
Ceux-ci Tenterrèrent pendant la nuit, à la hâte,
au milieu du cimetière de Saint-Malo.
Tout porte à croire que M. Baudry mourut dans les
derniers mois de Tannée 1793.
Plus tard, ses restes vénérables furent exhumés et
-9S-
transférés dans le chœur de Fancienne égtise, qui ne
fut pas brûlée pendant la Révolution (1).
(1) Plusieurs autres prêtres pourvurent aux besoins spirituels
de la population de Saint-Malo, dès 1794. D'abord M. Gasnault»
vicaire de cette paroisse, qui, plus tard, quitta le pays et partit
pour l'Espagne, dit M. Bourloton, où il se fixa à Tolède. Il est
parlé de lui dans une lettre, datée de cette ville, du 12 mars 1796.
L'autre prêtre fut un M. Goyàud, qui signe curé de SoM^Xam'
dre, en Aunis, desservant de la cure de Saint-Malo, nommé par
Mgr de Goucy, évêque de La Rochelle. Ce prêtre signe les regis-
tres paroissiaux jusqu'à la fin de 1797. Il fut arrêté en 1799| mal*
gré la présence de son frère, commissaire du Directoire exécutif
à TAdministration départementale de la Vendée. (D'après Chro-
niques paroissiales.)
LA VÉRITABLE GUILLOTINE, A PARIS,
PENDANT IJi RÉVOLUTION
(MUSÉE CAIINAVALET)
-98-
ANDRÉ-GEORGES BRUMAULD DE BEAUREGARD
CHANOINE THÉOLOGAL ET VICAIRE GÉNÉRAL
1743-1794
« On nommait André de Beauregard
le saint liomme et c'est ainsi que le
désignaient, à Poitiers, les Tieillards
qui l'ont connu. »
(Vie de. Jean de Beauregnrdp
Cette sorte do canonisation populaire, décernée au
pieux Georges de Beauregard, trouvera sa pleine justi-
fication dans la Notice que nous allons lui consacrer.
André était le frère de Jean de Beauregard, qui fut
déporté et devint évoque d'Orléans. Nous parlons de
lui ailleurs.
Il naquit à Poitiers, le 17 mars 1845, d'une noble et
religieuse famille encore dignement représentée dans
le Poitou par M. Hilaire de Curzon, arrière-petit-neveu
du saint théologal.
Sa meilleure école fut celle du foyer domestique,
dans la pure et saine atmosphère d'une famille des
anciens jours, digne de donner à l'Eglise deux confes-
seurs de la foi.
Heureux l'homme à qui Dieu donne une sainte
méro!
André reçut du ciel cette faveur insigne de voir la
beauté de la vertu lui apparaître près de son berceau,
dans la douce et sainte physionomie de sa mère.-
M™'' de Beauregard était une de ces femmes dont le
méritée sullit à la gloire de leur maison. Inculquer à
ses enfants l'horreur du mal, leur inspirer l'amour de
Dieu qui partout les voit et partout les aime, en un
mot les former à la solide piété chrétienne : telle était
la plus active et la plus constante de ses sollicitudes.
Tous ses exemples comme ses paroles étaient de vives
et persévérantes leçons de vertu.
Le jeune André profita si bien de celte éducation
maternelle, que déjà M'"* de Beauregard pouvait Tappe-
-»-
1er son saint enfant, comme plus tard elle le nommera
son saint théologal.
Aussi, dès ses premières années, il faisait l'édiflcation
de la famille.
En 1763 il entrait au séminaire de Saint-Sulpice, et,
cédant à Tattrait invincible qui l'attirait au sacerdoce^
il s'engagea bientôt dans les ordres sacrés.
André était diacre quand son frère Jean alla le
rejoindre au séminaire en 1768. Il faisait Tédiflcation
de ses condisciples et de ses maîtres, dont il s'était
concilié Testime et Tadmiration. Aussi le nouveau
séminariste fut-il reçu avec une grande faveur : c Je
ne vous demande qu'une chose, lui dit le célèbre abbé
Couturier, c'est d'imiter votre frère. •
On ne pouvait faire d'André un plus bel éloge.
André de Beauregard, nommé chanoine de Notre-
Dame de Poitiers, le fut bientôt de la cathédrale de
Luçon, en 1762, sur la présentation de M. de la Roche-
foucauld, ami de sa famille. •
. Mgr Gaultier d'Ancyse, évêque de Luçon, attendait
qu'il eût terminé ses études théologiques pour le fixer
auprès de sa personne, quand le jeune prêtre prit la
détermination d'entrer dans la Société des Sulpiciens.
L'évèque lit alors passer le canonicat d'André sur la
tète de Jean, son frère.
La Providence disposait tout pour réunir les deux
frères, pour rattacher leurs destinées à l'église de
Luçon et en faire une des gloires les plus pures de la
Vendée.
Mais une santé minée par lo travail ne permit pas au
nouveau Sulpicicn de travailler longtemps à l'éduca-
tion des jeunes clercs. Quand il sortit de Saint- Sulpice,
en 1772, Mgr Gaultier se hâta de l'appeler prés de lui
avec le double titre de chanoine théologal et de vicaire
général.
En i776^ son successeur, Mgr de Mercy, lui continua
la même confiance et les mêmes faveurs, ainsi qu'à son
frère Jean.
Les deux MM. de Beauregard habitèrent le même
toit et vécurent de la même vie à Luçon. La joie de
leur union fraternelle s'embellissait souvent pour eux
de tous les charmes de la famille par la présence de
leur pieuse mère et de leur sœur. M"* de Curzon,
dont la terre était voisine de la ville épiscopale. De
graves événements allaient troubler cotte joie et cette
union. Comme s'il eût pressenti le terme prochain de
sa carrière, André semblait vouloir beaucoup vivre en
peu de temps et l'ardeur de son zèle, dit un historien,
efirayait les âmes les plus saintes.
C'est dans les dernières années qui précédèrent la
Révolution que le théologal entreprit de fonder à
Luçon, en union avec son frère, un pensionnat destiné
à donner une éducation solide et chrétienne à une
soixantaine de jeunes lilles de la noblesse et de la
bourgeoisie peu favorisées des biens de la fortune.
Les abbés de Beauregard n'étaient pas des hommes
qui croient que la femme n'a besoin ni d'esprit, ni de
littérature, ni d'une instruction religieuse très solide,
pour remplir dignement dans la Société la place qui
lui est assignée.
Jean de Beauregard n'avait pas une confiance entière
flans ce projet : t Le plan me parut très beau, a-t-il
écrit, mais je le crus presque impossible à réaliser.
Mgr de Mercy ne voulut repondre de rien I Tout le
monde lui fut contraire et je craignais que nous ne
fussions arrêtés par les dépenses. Le théologal nous
disait avec une contiance inébranlable : t Vous verrez
« que tout ira bien. *
Et, en effet, lo pensionnat fut fondé sous le nom
de Petit Saint-Cyr, qui réalisait bien la pensée des
fondateurs, et ilote d'un revenu de 47,000 livres. On le
eonlia aux religieuses de l'Union-Chretienne et, à leur
tète, à M. Delresne, doyen du chapitre (1).
Dans un cahier écrit de la main du fondateur, sous
ce titre : Ce <ya'o/j se proposait dans le Pensionnat de
Luçon, le saint théologal témoigne de la hauteur de
(t) Au moment de la Révolutiou, le ponsionnat comptait
environ quaire-viuiïts élèvos. U avait pour supérieure M™« Au-
neau. Presque tomes les élèves suivirent la iirande Armée an
passage de la Loire. Plusieurs de ces jeunes filles périrent par
les armes lors de la déroute du Mans : d autres succombèrent sur
le chemin, d épuisement et de maladie.
— 101 -
ses vues, et Ton peut constater que son intelligence
était à la hauteur de sa vertu.
Il avait aussi le projet de fonder un établissement
pour Téducation des enfants des riches fermiers de la
Plaine et du Marais. Dieu lui a tenu compte, sans
doute, de ce désir et de tant d^autres que n'a pu réali-
ser cet apôtre, dévoré du zèle de la gloire de Dieu et de
la sanctification des âmes.
« Je dois à la mémoire de mon frère, a écrit Mgr
de Beauregard, de déclarer que, dans le caurs de sa
vie et surtout dans l'intimité de notre commun dç-
micile, j'ô ne lui ai connu que des vertus. Il était vérita-
blement humble et d'une douceur admirable, mais son
àme était courageuse, et quand il était persuadé qu'une
chose était juste, bonne et utile, il ne changeait jamais.
11 avait le talent précieux d'user des circonstances. Il
les attendait avec patience, disant parfois que la Pro-
vidence faisait les affaires des hommes. *
Sa charité envers les pauvres semblait en faire le
Vincent de Paul de la ville épiscopale. Il donnait sans
compter tout ce qu'il possédait et ne songeait même
pas à se faire vêtir. Quand il venait à manquer de linge
ou de vêtements, son frère lui faisaii porter ce qui
était nécessaire, et quelquefois Jean eut de la peine à
l'empêcher d'envoyer le tout à l'hôpital.
Par suite de Tabsence de leur évêque, les deux
MM. de Beauregard furent chargés de l'administration
du diocèse durant la période difficile de 1790 à 1793.
Ils s'associèrent à toutes les courageuses manifesta-
tions des évêques et des prêtres de France contre
l'odieuse Constitution civile du clergé. Ils firent impri-
mer des dissertations et surtout les brefs du Pape ; ils
répandirent ces écrits avec profusion dans tout; le dio-
cèse.
Ces protostations soulevèrent contre eux les timidesi
les lâches, et un certain nombre d'hommes pervers,
dévoués ou vendus à la Révolution.
Un monsieur de V. . . était alors sénéchal de Luçon.
— 108 —
II (icvail toutG sa fortune à rEglise; il se rangea parmi
le^; persécuteurs.
Deux des brochures des abbé.^ de Beaun/f^'ard lui*
avaient élu adressées. H eu fui irrité. Hencoutranl un
jour les deux vicaires? généraux, il les inlerpoUo bru-
talement,
« Monsieur le Ihéologal, dit-il à André d'un Ion (!e^
eolére, prenez garde u vous, votre tète ne tient pa ~^
bien sur vos épaules. Et vous, Monsieur le grande
chantre, <Ut-il à l'autre, on pourra vous envoyer à Ma-
dagascar (1). •
La menace î<'est en partie réalisée : André a porté sa
tête sur Téchafaud, et Jean fut déporté à la Guyane.
La perséculiou œmmençail
Au mois d'avril 1791, on avait saisi, à Sainte-Her-
mine, une lettre-circulaire envoyée par le theolugal
au curé de la Uéorthe.
Celte lettre, datée de Lueon^ ronleimil pour MM, b!|
eurès des instructions sages et précises sur la eonduiU
à tenir dans la célébration du culte cathoUiiue, en fac^
des intrus qui avaient envahi les églises paroissiales?"
t Messieurs les curés, disait le vicaire général au nom
de son èvéque, sentiront la nécessité de s'assurer au
plus 161 d'un lieu où ils puissent exercer leurs roue-
lions et réunir leurs lidéles, dés que le pasteur sehis-
uialique se sera emparé de leur église. Une simple
grauge, un autel portatif, une chasuble d'iuflienne, des
vases d etain suiFironl, dans un cas de nécessite, pour
célébrer les saints mystères t
Monseigneur Févéque de Luron propose à MM. lus
curés :
< l*» De tenir un flouble registre où seronl iuerilâ les
actes de bajdêuie, mariage et seiiullure des ratholique^
de la paroisse. Un de ces registres restera entre l(;ur!t
mains, Tautre sera par eux déposé, tous les ans, calre
les mains d'une personne de confiance.
4 St* Ils tiendront un autre registre double où m^ront
inscrits les acitïs de disjMMises coni'ernant les marîa;;e^
Ces ncte^ seront signés de deux lemoins sûrs et lidde:
« 3^ Ils dresseront en secret un proces-verbal de
l'institution du prétendu curé et de l'invasion \mv IuL
(\) L*îLbbé Jean de
vicairii celui de grand-
it à h>u tiUre ile gracd*
- !03 —
faite de Téglise paroissiale et du presbytère. Dans ce
procès -verbal, ils protesteront formellement contre
tous les actes de la juridiction qu'il voudrait exercer
comme curé de la paroisse.
« Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien nous infor-
mer du moment de votre remplacement, s'il y a lieu ;
de rinstallation de votre prétendu successeur, des dis -
positions des paroissiens à son égard; des moyens que
vous croyez devoir prendre pour le service de votre
paroisse et de votre demeure, si vous êtes absolument
forcé d'en sortir.
€ Vous ne doutez sûrement pas que tous ces détails
nous intéressent bien vivement. Vos peines sont les
nôtres et notre vœu le plus ardent serait de pouvoir,
en les partageant, en adoucir l'amertume.
• J'ai l'honneur d'être, avec un respectueux et invio-
lable attachement, votre très humble et très obéissant
serviteur. »
On dénonça cette lettre, dans laquelle André de
Beauregard exprimait si nettement son horreur du
schisme et son attachement incl5ranlable à la foi ortho-
doxe de l'Eglise.
Le vicaire général fut traduit devant le tribunal
criminel de Fontenay et emprisonné sous l'inculpa-
tion • d'avoir envoyé des lettres anonymes, tenu des
correspondances clandestines pour répandre une doc-
trine dangereuse, et mis en circulation des écrits con-
traires aux décrets de l'Assemblée nationale. •
L'accusé, paraissant devant les juges, répondit fort
noblement, dit son frère. Mais, comme il s'était servi
des termes mêmes de la Constitution pour revendiquer
la liberté d'exprimer sa pensée, il se reprocha toujours
de n'avoir pas fait, on face du tribunal, une profession
publique et éclatante de sa foi. Il chercha, depuis,
toutes les occasions de réparer ce que la délicatesse de
sa conscience appelait une lâcheté.
On verra bientôt que l'avenir le servit à souhait et
que sa profession de foi, devant les trii)unaux révolu-
tionnaires, eut tout l'éclat et la grandeur du martyre.
-104-
André de Beauregard fut acquitté par le tribunal de
Fontenay. Mais, le jour même où le jugement était
rendu, arrivaient en Vendée les commissaires natio-
naux Gallois et Gensonné. Ils prirent connaissance de
cette procédure et blâmèrent hautement, dans leur
rapport, le ministère public de n'avoir pas fait arrêter
le criminel.
A Tappui de leur dire, ils transcrivaient en entier la
lettre au curé do la Réortho: t André Beauregard,
écrivaient-ils, ex-grand vicaire de Tex-éveque de Luçon
et chanoine théologal, âgé de quarante-neuf stns, a été
l'un des conspirateurs les plus audacieux et les plus
fanatiques ; prêtre réfractairc, il a refusé de prêter le
serment de liberté et d'égalité.
f Ses lettres et celles qui lui ont été adressées prou-
vent qu'il ne s'est occupé qu'à répandre et à propager
son système liberticide de résistance et de rébellion à
la loi. 11 est constant que c'est lui qui a été le principal
agent, dans le département do la Vienne, des ouvrages
incendiaires et fanatiques fabriiiués par les ci-devant
évoque et autres contn^-rèvolutionnairos.
« Arrêté et conduit au Comilé de sûreté générale
de la Convention et condamné à la déportation, il s'est
soustrait à l'exécution do i\v jugement et n'a fait usage
de sa liberté que pour se rendre dans les départements
de la Vendée et des Doux-Sèvres pour y fomenter la
guerre civile qui a éclaté.
€ Les réponses do co oonspiratour, lors do son arres-
tation, ne font qu'ajoute;' à la nôcossilè do faire subir à
ce scélérat la peine do ses forfaits. »
€ Cet acte d'accusation, dit Dom Chamard, est un
titre de gloire pour le saint théologal et prouve qu'il
est mort martyr pour la foi catholique. *
L'inculpé parvint à se procurer le rapport dos com-
missaires. 11 le fit imprimer et répandre dans toute
la Franco, avec une vi^^ourcuse réponse qu'il signa et
qui acheva de déchaîner conlro lui toutes les fureurs
révolutionnaires.
On voit qu'il ne craignait ni les tyrans ni la mort.
f Si on appelle coalition, ocrivait-il, le développe -
m ent des principes do la foi, un ferme attachement
— lOS -
à rautorîté de TEglise et â son légitime pasteur,
elle existe, cette coalition, entre Mgr de Mercy et
la grande majorité de son clergé. Ils ne s'en défendront
pas. Mais' ce n'est pas à l'époque de la prestation du
serment qu'elle a p^ris naissance ; ce n'est pas dans le
territoire du département de la Vendée qu'elle est cir-
conscrite ; elle s'étend à tous les légitimes pasteurs, à
tous les fidèles enfants de l'Eglise catholique.
f Ce concert d'attachement à l'enseignement, à la
juridiction de TEglise et à ses légitimes pasteurs, fondé
sur l'autorité de l'Ecriture, sur la foi de tous les siècles,
sur la nature même de la juridiction spirituelle, nous
ne pouvons nous dispenser do le dire, serait-il un plan
d'opposition à la loi ?
€ Est-ce un plan d'opposition de ne point reconnaître
pour pasteurs de l'Eglise des ministres que l'Eglise n'a
pas institués ? Mais c'est un point essentiel (jui tient au
dogme de la foi, que tout pasteur institué par la seule
puissance civile et sans les formes canoniques n'a
dans TEglise aucun pouvoir légitime ; que ceux qui
méconnaissent l'autorité de l'Eglise ou de ses légitimes
pasteurs se rendent coupables de schisme ; que ceux
i\m occupent leur place sont des usurpateurs que
l'Eglise désavoue, que les fidèles doivent méconnaître
ot qu'il faut éviter.
€ Il est bien démontré, par le rapport de MM. les
commissaires, que les habitants de la Vendée conser-
vent pour leurs anciens pasteurs un attachement
presque unanime ; qu'ils ne sont pas moins éloignés
de reconnaître ceux que la nouvelle Constitution leur
présente. Mais, est-ce un crime aux yeux de la loi, qui
accorde la liberté des opinions et du culte? Quoi ! ne
point changer de foi avec les événements, croire
aujourd'hui ce qu'on croyait hier, ne point admettre
une Eglise différente de celle que dix-huit siècles ont
admise, ce serait ce qu'on appelle un système d'oppo-
sition aux décrets ?
« Et cette liberté n'est refusée qu'aux catholiques
romains, ou, s'ils en font usage, (*lle est dénoncée
comme l'effet d'un complot criminel, le résultat de la
politique intéressée de prêtres égarés et factieux !
f Ah ! sans doute, ils avaient intérêt puissant, ces
généreux pontifes, lorsque, sourds aux cris des tribuns
et à la fureur d'un peuple qui fait entendre ses me*
— 108 —
naces autour de rAsscmblée, ils ont refusé le serment
au péril de leur vie, avec une fermeté, une unanimité
qui a fait naître, dans les cœurs aigris par la haine, le
sentiment de l'admiration !
a Mais quel intérêt supérieur à celui de la foi a pu
soutenir lo courage do ces dignes successeurs dos apô-
tres qui nous rappellent, dans ce siècle irréligieux, les
plus beaux t(»mps de l'Eglise, et relèvent, par leur con-
stance, la gloire de Tépiscopat dépouillé ?
« Est-ce un autre intérêt qui a déterminé ces vénéra-
bles curés à renoncer à tout, plutôt qu(^ d'admettre un
serment que leur conscience réprouve ? Dépouillés de
leurs revenus, réduits à un traitement humiliant et in-
certain, les entendez vous se permettre la moindre
plainte ? Destitués de leur place, chassés de leurs de-
meures, placés entre les remords et l'indigence, ont-ils
cessé de montrer la même résignation, le même atta-
chement à leurs principes ? Les a-t on vus opposer
la résistance à l'autorité, à la calomnie des dénoncia-
teurs? Non : leur silence, celui de leurs adversaires
déposent également en leur faveur, et seuls suffi-
raient pour prouver qu'ils ne sont pas moins amis de
Tordre et de la paix que lidéles à tous les devoirs dont
les ministres des autels doivent donner Texemple. »
Comme Gallois et Gensonné, les jacobins de la con-
trée estimaient que la liére et libreparole du théologal
était un danger pour hi République. Ils résolurent de
se défaire à tout prix de cet inflexible adversaire. An-
dré de Beauregard, sur un avis secret du procureur
syndic du département, prit le parti de s'éloigner de la
Vendée. Il alla rejoindre son évêque à Paris, le 16 no-
vembre 1791.
Ce n'était pas le souci de sa sécurité personnelle qui
pouvait lui inspirer une pareille détermination; il se
jetait au contraire dans le jjIus ardent foyer de la
persécution religieuse. Mais il voulait sans doute
informer Mgr de Mercy de la situation exacte du dio-
cèse, rendre compte de son administration, et prendre
pour l'avenir l'avis et la direction de l'autorité épiseo-
pale.
Le séjour de l'abbé André dans la capitale se prolon-
gea jusqu'au Ifi octobre 1792.
- 107 —
Que fit-il pendant ces onze mois ? A défaut de ren-
seignements biographiques bien précis, nous pouvons
tout dire en trois mots : il mena la vie d'un sainte il se
dévoua aux intérêts de l'Eglise, il fit l'apprentissage
du martyre.
En Vendée, un arrêté du Directoire départemental,
daté du 9 mars 1792, le signalait avec M. Herbert,
curé du Maillé, et les deux MM. Baudouin, comme
un des ennemis les plus dangereux de la Constitution.
Lui-même nous apprend que le 6 septembre, trois
jours après le massacre des Carmes, il fut arrêté et
cité devant un tribunal. Après l'interrogatoire qu'on
lui fit subir, deux hommes, le sabre nu, furent char-
gés de le garder à vue pendant vingt-quatre heures.
L evêque intrus du Calvados, Fouchet, instruit de cette
arrestation, courut à la section, sollicita chaudement
la liberté du captif et finit par l'obtenir.
Jean de Beauregard, que la persécution avait égale-
ment chassé de la Vendée, était alors retiré chez sa
mère, à Moulinet.
« Nous apprîmes, dit-il, que les prêtres, les évêques
détenus aux Carmes avaient été massacrés. Nous
étions fort inquiets sur le sort de mon frère, le théo-
logal de Luçon, dont nous n'entendions plus parler
et dont la correspondance était interrompue. Nous
restâmes plusieurs semaines dans ces vives inquié-
tudes. Je savais que, fort estimé des évèques et sur-
tout de ceux de Luçon et de Clermont, prélats fort
distingués, il était admis dans leurs réunions et
chargé par eux de plusieurs alTaires importantes et
compromettantes.
« Enfin nous le vîmes arriver, velu en laïc, dans un
état déplorable et avec une grande tristesse. Ce bon
frère était connu et estimé de tout le clergé, même
parmi les prêtres infidèles. Il me dit une chose qui m'a
toujours causé plus que de rétonnement, et à lui une
douleur amère, car c'est la première plainte qu'il ait
épanchée dans mon cœur : son évoque et surtout le
doyen de Luçon son ami, avec lequel il partageait son
logement, le quittèrent la surveille des massacres et
s^enfuirent de Paris, sans lui avoir donné le moindre
avis. »
Les motifs qui décidèrent cette conduite de l'évêque
ne nous sont pas connus.
-- 108-
Ce bonheur de se retrouver ensemble ne fui pas de
longue durée pour les deux frères. Chaque jour pou-
vait apporter à Moulinet les derniers malheurs. Le
danger était tel que les deux prôtres ne célébraient la
messe que secrètement et en pénétrant dans la cha-
pelle par une petite fenêtre intérieure. L'abbé Jean
nous a raconté coniment ils furent bientôt vendus par
un traître.
Vers la fin de décembre 4792, un officier de volontai-
res frapi)ait à la porte de l?i maison de Moulinet, se di-
sant allié de la famille et demandant Thospitalité. On
lui fait un cordial accueil ; il dîne avec les MM. de
B(»aurogard. et après avoir mangé de leur pain, après
s'être chauffé à leur foyer, il courait à Poitiers pour dé-
noncer ses hôtes.
Le t^ janviiT 1793, vers sept heures du matin, les
suspects virent arriver dans la cour une voiture et en
descendre une femnu? voilée : c'était leur mère, qui,
emprisonnée à Poitiers, s'était échappée pour venir
leur apjirendre en pleurant qu'ils étaient exilés et les
voir une dernière fois. Ils reçoivent cette nouvelle
avec le ])lus grand calme, disent leur messe avec cette
tranquillité d'ame quils portaient autrefois à Tautel
du chapitre, puis tous deux se rendent à Poitiers, pour
se mettre à la disposition de la justice républicaine.
Le théologal tomba malade. Sa mère, qui voulait sau-
ver au moins Tun de ses iils, obtint, à force de sollicita-
tions, qu'André ne serait pas banni du sol français.
Dieu voulait que cette cruelle faveur conduisît le saint
théologal à la gloire du martyre. Son frère obtint d'al-
ler en Angleterre comme exilé !
L'abbé André fut intei'né pendant trois mois à Poi-
tiers. A la lin de mars 179i, on le transféra à Paris sur
une charrette (^t on renferma à la Conciergerie.
Là, sa vie fat toujours la nlèmc;, celh^ d'un saint. Il
offrait aux malheureux compagnons de sa captivité les
consolations de la piété chrétienne et les secours de
son ministère. Il converlii l'évcque de Viviers, qui
avait adopté his erreurs de la Con^UiuUon civile^ et qui
-il»-
les rétracta dans sa prison. On croit qu'il ne fut pas
étranger à la conversion de M. Montault, évéque con-
stitutionnel de Poitiers.
Enfin, le 27 juillet, il comparaît devant le tribunal ré-
volutionnaire, qui le condamne à mort, t comme l'un
des conspirateurs les plus audacieux et les plus fana^
tiques^ comme prêtre réfractaire ayant refusé le ser-
ment de fidélité et d'égalité, »
La veille de son martyre, S. Flavien disait à sa
mère : t mère vraiment pieuse et héroïque comme
la mère des Machabées, ce qui m'arrive c'est juste-
ment ce que j'ai toujours désiré; au lieu de pleurer
ma mort, il faut vous en glorifier. »
Tels étaient les sentiments qu'André de Beauregard
exprimait à la sienne, dans une lettre admirable qu'il
lui écrivit la veille de son supplice.
Lettre d'André de Beauregard à sa mère, le 27 juillet
1794 :
« Je suis à la veille de comparaître à ce redoutable
tribunal, où je suis traduit sans savoir pourquoi. Ma
conscience ne me fait aucun reproche; je ne suis pas
pour cela justifié. Le sort qui m'est destiné va, selon
toute apparence, mettre fin pour moi aux épreuves de
cette malheureuse vie : grilce à Dieu, il n'est pas im-
prévu.
I Prêt à paraître devant Dieu, il me reste encore des
devoirs à remplir. Je vois en vous son image; c'est
entre vos mains, ma digne et tendre mère, que je veux
renouveler l'expression des sentiments que vous prîtes
soin de transmettre à vos enfants.
fJe crois tout ce que croit et m'enseigne l'Eglise
sainte, catholique, apostolique et romaine, dépositaire
de la vraie foi qu'il plût à Dieu de révéler aux
hommes, et hors de laquelle il n'y a point de salut. Je
veux mourir comme j'ai vécu, dans un fidèle attache-
ment à sa doctrine.
f Je rends grâce à Dieu des faveurs dont je suis
redevable à sa providence paternelle. Je lui demande
pardon des fautes sans nombre dont je me suis rendu
coupable à ses yeux, et je m'humilie devant les hom-
mes des scandales que je leur ai donnés.
» J'implore Tassistanco do mon ange gardien, Tinter-
cossion de S. André, mon patron, et des saints en qui
j'eus une dévotion particulière ; celle de la sainte Vier-
ge, à qui je fus dévoué dés mon enfance, et par une
vocation marquée de la Providence, j'éprouvais plus
d'une fois les effets sensibles de sa protection toute-
puissante. J'espère qu'elle ne m'abandonnera pas à
cet instant de ma vie, le plus important pour mon sa-
lut.
f Plein de confiance en la divine miséricorde, qui so
déclare d'une manière plus éclatante pour les plus
grands pécheurs, j'accepte en esprit de pénitence, pour
l'expiation de mes péchés, le sacrifice de ma vie. Je l'ac-
cepte, avec un cœur pénétré de reconnaissance, ce
sacrifice que la foi me présente comme la plus pré-
cieuse de toutes les grftces. Plus j'en suis indigne,
plus j'ai lieu d'attendre, de la prédilection divine, lo
fruit qu'elle attache à cette insigne faveur.
f Qu'il me soit permis de le dire, ma chère bonne
mère, en vous ouvrant mon cœur, (je dois à la bonté
de Dieu ce témoignage), dans les épreuves auxquelles
il a permis que je fusse soumis, j*ai déjà ressenti les
consolants efi'ets de son infaillible parole.
t C'est de vous que j'ai appris à le connaître ; et lors-
que je médite ce que promet, à ceux qui seront jugés
dignes de souffrir pour lui, Celui qui est la vérité et la
rie, j<î crois entendre encore de votre bouche ces ex-
hortations touchantes d'une mère de sept enfants, qui,
sacrifiant au premier de ses devoirs ses plus chers
intérêts, transmit à la postérité l'exemple le plus mé-
morable de sa tendresse et de sa foi.
c Je sens cette vertu puissante m'élevcr au-dessus
de moi même, et, avec elle», la foi, la confiance se ré-
pandre dans mon ûme. Si le moment du combat est
si consolant, que sera-c(^ de la victoire ?
f Ne vous allligez donc pas, ô la plus tendre des
mères, de la situation de votre fils. Dans l'épreuve
d'un moment, vous voyez la voie qui conduit à la
vie. Et que sont toutes les tribulations du monde, en
proportion de cette vie qui n'aura pas de fin? Soyez, je
vous prie, ma chère bonne mère, l'interprète de ce
que je voudrais pouvoir exprimer à tous mes frères,
dans ces derniers moments. Vous savez combien fut
étroite l'amitié qui nous unit; jamais elle ne souffrit
*• m —
la moindre altération. Les liens, que vous prîtes soin
de former pour notre consolation et pour notre bon-
heur, ne sont point rompus. J*ai cette confiance plus
forte que la mort, ils nmis réuniront dans une meil-
leure vie.
€ Je ne sautais assez reconnaître les marques d'a-
mitié que je reçus de mon frère aîné dans tous les
temps, et les sacrilices qu'il lit au désir de vous être
utile et à nous tous. Je prie Dieu qu'il soit la récom-
pense de sa vertu et qu'il conserve auprès de vous
notre consolateur et notre appui.
€ Je prie Monfolon (i) de recevoir aussi l'expression
de mes tendres sentiments et de ma reconnaissance
de tout ce que le zèle et Tamitié lui inspirèrent de faire
pour moi. Je sens tout ce que son cœur souffre de
ce que nous sommes privés de la consolation de nous
embrasser. Le mien gémit encore de l'éloignement de
celui de mes frères à qui la Providence avait pris soin
de m'qnir de plus près (2). Faites-lui parvenir, je vous
prie, dès que les circonstances le permettront, les ten-
dres expressions de mon amitié, fondée sur l'estime et
la confiance, et de mes vœux pour lui. Puisse-t-il être
l'interprète de mes sentiments auprès de ce digne
évêque. que Dieu, dans sa miséricorde, donna pour
clief à l'Eglise de Luçon; de ces vénérables confrères,
de ces dignes pasteurs, qui m'offrirent de si grands
exemples de zèle et de vertu. Ils savent combien m'é-
taient chers les liens qui nous unissaient. Je renou-
velle avec eux la profession des religieux sentiments
(fui nous furent communs. Je les prie d'oublier les
scandales que je leur ai donnés, et de se souvenir de
moi dans leurs prières.
f Je ne désire pas moins d'être rappelé au souvenir
de ces dignes et vénérables confrères de ma captivi-
té (3). Je mets au rang des grâces les plus précieuses
rinstructibn et l'exemple que je trouvai parmi eux.
J'espère de leur charité, qui fut pour moi si indul-
gente, qu'ils voudront bien ne pas m'oublier.
f J'embrasse ces chers enfants pour lesquels je par-
tage avec vous les sentiments, de la plus tendre amitié.
(\) Un de ses frères qui habitait Paris à cette époque.
(2) Jean de Beauregard.
(*i) Les prêtres incarcérés avec lui à la Visitation de Poitiers,
- m -
Ma consolation était de les voir croître sous vos yeux,
et j'ai cette confiance que la semence que vous et leur
vertueuse mère (1) prenez soin de répandre dans leur
cœur, ne sera pas infructueuse.
f Puisse ma situation devenir pour eux une leçoji
utile ! Je recommande à Taîné de graver dans son
cœur et de transmettre à ses frères le dernier avis
qu'il a reçu de moi verbalement, le plus important
de tous ceux que j'ai pu lui donner.
4 Je voudrais également pouvoir rappeler ici tous
ceux à qui je tiens par les liens du sang et de-Tamitié,
ou par les devoirs de la reconnaissance. Vous serez
l'interprète de mes sentiments que vous connaissez,
auprès de ceux qu'il ne m'est pas permis de nommer.
* Je prie mon ami (2) de lire dans mon cœur ce que
je regrettais tant de ne pouvoir lui exprimer. Nommer
mon ami, c'est assez vous faire connaître celui à qui
est du ce titre qu'il possède depuis longtemps.
« Puiss(i une famille chérie, qui fut pour nous l'objet
de tant de soins, recevoir aussi l'expression de mes
tendres sentiments. Je n'ai jamais douté de son atta-
chement. Je recommande à son souvenir celui qui ne
cessî* de s'occuper d'elle.
f J'unis, ma digne el tendre mère, le sacrifice de
tout ce qui fut cher à mon cceur aux sentiments que
Jèsus-CHirist, mon Sauveur, conserva jusciu'à la lin
pour sa sainl(^ Mère et pour c<.»ux (ju'il daigna appeler
SCS frères et ses amis.
« C'est au pied de la croix, que, vous embrassant
pour la d<M'niere fois, je vous offre l'expression de ma
soumission, de mon respect, de mes ï)1us tendres sen-
timents et le regret -des mécontentements que je vous
ai occasionnés. C'est pour vous, la plus chérie des mè-
res, et pour tous ceux que vous aimez, c'est pour Tin-
térét de la religion, pour notre malheureuse patrie,
pour la persévérance des justes, pour la conversion des
pécheurs, c'est pour tous ceux qui furent la cause ou
l'occasion de nos peines, c'(îst i)our mes péchés, qu'uni
par la foi à Jésus-Christ mon Sauveur souffrant et mou-
(1) Anna-Julie Brumauld, sa sœur, veuve de J. J. Parent de
Curzon.
(2) M. Defresue, doyen du chapitre et vicaire général.
tant pour moi, plein de coafiaiice en ses mérites, à sa
parole, à ses divines promesses, je fais à Dieu le sacri-
lice de ma vie. Je remets mon âme entre ses mains, b
Quelle foi vive ! quel amour filial I quel courage dans
cette lettre 1 Là tout révèle le chrétien parfait, surtout
le prêtre.
Cette lettre précieuse, écrivait le frère du martyr,
Jean de Beauregard, semble tachée d'une larme. Peut-
être la donna-t-il à la nature, ou bien elle serait une
marque de la tendresse de notre vénérable mère. Pré"
clause, en effet, cette lettre tachée ou plutôt enrichie
d'une larme du fils héroïque, qui récrivit en face de
Féchafaud, ou de l'héroïque mère qui eut la gloire et
la douleur de la lire.
Quand même André de Beauregard nous serait com-
plètement inconnu par les actes de sa vie, nous le con-
naissons désormais, et nous le voyons dans la vraie et
pleine expression de sa physionomie. Ce testament
Je son cœur nous révèle son âme, et sa mère, en lisant
celte lettre, contemplait en quelque sorte le portrait de
son saint théologal.
André de Beauregard fit partie des vingt-trois der-
nières victimes de Robespierre, et le même jour, 27
juillet 1794, datait tout à la fois la chute du tyran et le
martyre du théologal de Luçon.
Au moment où cette dernière charrette allait partir
pour la place de la Révolution, on fit observer à Fou-
quier-Tinville qu'il y avait des troubles dans Paris et
qu'il serait prudent, peut-être, de retarder cette exécu-
tion. « Rien ne peut arrêter le cours de la justice », ré-
pondit l'inexorable accusateur public.
André garda jusqu'à la fin la pleine possession de
soi-même, et on le vit marcher à la mort avec le calme
ol la sérénité d une âme que Dieu possède tout entière.
Il était accompagné de son frère, M. de Monfolon,
non moins courageux que lui. En sortant de prison il
rencontre une troupe de ces hideuses femmes, qui at-
tendaient les victimes au passage pour profiter de
leur dépouilles. C'était un droit qu'on ne leur disputait
pas. La République se réservait les biens et le sang de
ses victimes : elle abandonnait le reste.
8
Le bourreau jette à ces mégères le peu d'effets qu^on
avait laissés au condamné. Elles s'arrachèrent ces mi-
sérables vêtements, en poussant des cris sauvages.
L'abbé de Beaurcgard, les entendant, revient sur ses
pas:
f Ah ! je vous en prie, mes bonnes femmes, leur dît-
il avec une douceur angélique, ne vous disputez pas. »
Il partage alors lui-même ses dépouilles, en s'efforçant
de calmer leur répugnante avidité. Puis il reprend sa
marche, en citant à son frère ce texte de l'Evangile :
Diviserunt sibi vestimenta mea : ils se sont partagés
mes vêtements.
Ce nouveau trait de ressemblance avec la victime du
Calvaire ajoutait un nouveau rayon à l'auréole de notre
martyr.
Quelques instants après, la tùte d'André -Georges
Brumauld de Beauregard tombait sous le couteau na-
tional (1).
Comme ces âmes de martyrs se ressemblent dans
tous les siècles, depuis S. Etienne et S. Ignace d'Antio-
che jusqu'aux victimes do la Révolution française ! Une
fois de plus vient de nous apparaître la douce et ra-
dieuse image de la sainteté catholique, unissant dans
un même (!œur les plus délicates tendresses de la piété
filiale et de l'amitié h toutes les forces de l'héroisme
chrétien.
C'est le grand miracle que produit le christianisme
dans le monde, depuis dix-neuf siècles, et c'est une des
preuves les plus éblouissantes de sa divinité (2).
(1) GtîiLLoN : Les Martyrs de la foi, M. de Hcauregard fut de la
dernière charrette, veille de Thermidor.
(2) Nous avons emprunté cette notice pres(jue entière au Mar-
tyre de la Vendée,
^ItB-
GUILLAUME BELLIOT
CURÉ DE BOULOGNE
1793
M. Belliot, d'abord vicaire de la Boissière-de-Mon^
taigu de 1774 à 1779, est mentionné, en 1788, comme
curé de Boulogne.
En 179i, M. Doussin, du Bourg-sous- Roche, célébrant
un mariage à Boulogne, inscrivait dans Tacte que • le
pasteur de cette paroisse est décédé Thiver dernier ».
Il avait écrit d'abord « réputé martyrisé » , mais ces
deux mots sont rayés. Par qui ? nous l'ignorons.
Il faut en conclure que M. Belliot ne prêta pas le ser-
ment, qu'il resta dans le pays, qu'il desservit la paroisse
jusqu'à la fin de 1793, et mourut alors, peut-être tué
par les républicains.
Un récit digne de foi rapporte que le curé de Bou-
logne s'était caché un jour chez les parents de M. La-
vergne, récemment sacristain de l'église de la Roche-
sur- Yon, qui habitaient Boulogne. Les Bleus firent
une sévère perquisition dans la maison, et ils allaient
découvrir la retraite du prêtre, lorsque les fils de la
maison, qui servaient dans l'armée vendéenne, arri-
vèrent subitement et sauvèrent M. Belliot, en faisant
fuir la patrouille républicaine.
Après la mort de M. Belliot, Boulogne fut desservie
par M. Buet, ancien vicaire de Saint Pierre-des-Lucs,
qui assista comme desservant de Boulogne au Synode
du Poiré, au mois d'août 1795 (l).
(i) M. BouRLOTON. Revue du Bas-Poitou.
--UB.*
NICOLAS BERNARD
Né à Fontenay
PRÊTBE CORDELIER d'ANCENIS
1728-1793
Le P. Nicolas Bernard appartient au diocèse de Lu*
çon pat sa naissance. Ne voulant pas accepter les er-
reurs de la Révolution contraires à la foi, il fut arrêté
presque seul des religieux de son ordre et de son
couvent (1), et emprisonné au château de Nantes le
6 juin 1792, puis transféré à la maison de Saint-Glè-
ment et de nouveau au Château. Pendant seize mois il
eut à souffrir toutes les horreurs de la prison, et en
particulier celles de la faim et du froid. Car M. Douaud,
économe des prêtres détenus, écrivait, le 7 août, aux
administrateurs : « Nous sommes réduits îi un seul re-
pas par jour, i II ajoutait : c Presque tous les effets
que nous avions ont été pillés. La plupart de nous
sont dénués de tout. Comment se garantir des injures
de la saison qui s'avance dans une maison exposée à
tous les vents ; un bon nombre sont couchés dans des
greniers mal couverts et mal fermés, sans feu, sans
lumière et presque sans aucun secours. >
Et toutes ces souffrances furent supportées sans
plaintes et sans murmures : t Nous ne sommes pas
accoutumés à faire entendre nos plaintes, » disaient
les pauvres prêtres prisonniers aux administrateurs.
Le P. Bernard, à raison de son Age , avait droit de
s'exiler. Mais il préféra sa patrie et la mort à rexil,et fut
victime de sa foi. Le 25 octobre 1793 on le transféra sur
le navire la Gloire^ où la vie était plus pénible encore,
(i) Los biens du couvent dos Gordeliors de Fontenay avaient
été mis en vente dès le ly juin 1790 : ceux d'Ancenis furent ven-
dus peu après.
— 117 —
surtout pendant l'hiver qui sévissait alors. C'était la
dernière étape avant le terme de sa carrière. Il périt
dans la terrible noyade ordonnée par Carrier dans la
nuit du 15 au 16 novembre 1793.
La rage des bourreaux y fut telle que si par hasard
quelques victimes étaient sur le point d'échapper à la
mort, ils s'acharnaient sur elles. Pierre Fournier, té-
moin dans le procès des membres du comité révolu-
tionnaire de Nantes, a déposé ce qui suit : « Il y eut à
Nantes quatre-vingt-seize prêtres noyés vers la fin de
brumaire. Quatre se sauvèrent à bord d'une galiote
hollandaise. Us furent repris et noyés le lendemain.
Ce fait m'a été certifié par le nommé Foucard présent
à la noyade, et en faisant parade d'une paire de sou-
liers qu'il portait à ses pieds et dont il avait dépouillé
l'un des prêtres noyés (1). •
(i) La Loire vengée.
- Ii8-
JEAN-LOUIS BIAILLE DU CLOS
CURÉ DE SAINT -PHILBERT- DU- PONT -CHARRAULT
1730-1793
M. Biaille du Clos, né à la Guêmerniére, paroisse de
Mouchamps, du mariage do Jean Biaille, sieur du Clos,
et de Jeanne-Françoise Aubry, fut baptisé à Mou-
champs le 7 novembre 1730. Destiné de bonne heure à
la prêtrise, il occupa le poste de vicaire à Treize-Sep-
tiers et, en 1857, il succédait à M. Palardy comme vi-
caire de Saint-Philbert. Long et fructueux fut ce pasto-
rat. En 1784 et 1785, son zèle et son courage se montrè-
rent particulièrement auprès des malades, au milieu
d'une cruelle épidémie qui ravagea sa paroisse pen-
dant deux ans et enleva M. VioUeau, chirurgien habile
et estimable, habitant Saint-Philbert. La Constitution
civile du clergé le trouva inébranlable dans sa foi.
Etant sexagénaire, il n'était pas soumis à la déportation
par suite du refus du serment civique. Il fut mandé à
Fontenay et jeté dans la prison de cette ville avec d^iu-
tres prêtres âgés ou inlirmes (1). Les souilrances phy-
siques et morales qu'il y ressentit allaient abréger ses
joui:s. 11 fut sur le i)oint d'être égorgé avec les autres
détenus des prisons de Fontenay, le 22 mars 93. Ce
jour-là étaient arrivés dans cette ville 3,000 soldats de
la Gironde et 500 de Marseille, pour renforcer les
colonnes républicaines de la Vendée. Dans la soirée,
ces soldais se portèrent aux prisons pour faire un
mauvais parti aux détenus. CavoUîau, ceint de son
écharpe tricolore, se (jranii)onne à la porte et s'écrie
qu'il faudra passer son corps avant de pénétrer jus-
(1) Parmi eux éuient MM. Rogues, Rodier, Guyard ei Do-
mergue. (Voyez ces noms dans les i«' et 2* volumes.)
- 119 —
qu'aux prisonniera (1). Grâce à lui, ceux-ci ne sont pas
massacrés. Il écrit aussitôt aux commissaires de la
Convention, demandant que son autorité méconnue
soit protégée et que l'indiscipline soit réprimée. Trois
jours après, le 25 mars, les cinq prêtres nommés sont
tranféres dans une autre prison (2).
Un certificat de notoriété, délivré par la municipalité
deMouzeuil, le 30 frimaire an II, porte que f Jean-Louis
Biaille, curé du Pont-Charrault, était à la maison
d'arrêt de Fontenay-lc-Peuple lors de rentrée des bri-
gands dans cette ville (25 mai 1793). Il s'est éconduit
avec eux avec la force armée. Il n'était pas sujet à la
déportation, ayant plus de soixante ans. Ledit Biaille
est décédé le 2 septembre 1793, âgé de soixante-deux
ans. » Le 10 nivôse, an H, Charles-Franrois Biaille,
maire de Mouzeuil et frère du défunt, présenta au
Directoire du département une pétition t tendant à
obtenir main- levée des saisies faites contre Biaille, ex-
curé de Saint-Philbert, son frère, et jouissance des
biens de ce dernier. » Le Directoire répondit par un
refus : « Considérant que, d'après une pétition du
citoyen Biaille, son frère est passé parmi les rebelles
et qu'il est mort à Mortagne, arrête qu'il n'y a pas lieu
de délibérer. » Cependant, dix-huit mois plus tard, les
passions révolutionnaires étant un peu calmées, main-
levée fut accordée par l'administration départemen-
tale (3).
(1) Cette intervention de Cavoleau est niée par plusieurs his-
toriens.
(2) C'est dans cette circonstance que le cruel Lequinio, d'après
le témoignage de Prudhomme, étant à Fontenay, entend dire
parmi le peuple que les prisonniers vendéens, au nombre de
quatre ou cinq cents, étaient sur le point de se révolter par suite
des souffrances de leur geôle. C'était un bruit vague qui venait
des préparatifs d'une fête. Loquinio se présente dans la pièce où
se tenaient les insurgés : « Où est, crit-il, le chef de la rébel-
lion?... • Un homme, haut de six pieds, lui répond qu'il n'y a
point d'insurrection, mais que les prisonniers craignent qu'on ne
veuille les massacrer. Le ton de cet homme épouvante Lequinio
qui lui brûle la cervelle : « Mes b..., ajoute Lequinio, si quel-
qu'un d'entre vous ose remuer, vous serez tous fusillés; sur-
veillez-vous, car vous répondrez tous les uns pour les autres. »
On peut juger si les prêtres prisonniers souffraient de tous ces
événements.
(8) D'après- MM. Pontdevie et Bourloton.
BILLÂUD
CURÉ DE LA RÉORTHE
1794
M. Billaud était un des prêtres les plus recommanda-
bles du diocèse. En 1791, M. Georges de Beauregard.
vicaire général et chanoine théologal de Luçon, lui
avait adressé une lettre pour être communiquée à ses
confrères, dans laquelle était tracée une ligne de con-
duite pour le clergé lidéle qu'on lira en note. Celte
lettre fut interceptée par l'administration républi-
caine, avant sa remise au destinataire, et attira l'at-
tention et les foudres des gouvernants sur le curé de
hi Héorthe. M. Billaud, pour échapper à ses persécu-
teurs, se réfugia à Noirmoutier, s*y croyant on sûreté,
avec seize autres prêtres vendéens Agés ou infirmes
qui avaient demandé à Charette de s'y retirer.
Mais, lors de la prise de celte île par les républicains,
il fut pris et fusillé avec ses confrères et les chefs du
parti catholique et royaliste. Il faut entendre les cris
de triomphe et de joie de Bourbotte et Tureau dans
une lettre au Comité de Salut public, le 8 janvier 1794:
• Après avoir fait cerner cette ile de Noirmoutier par
len bfttiments de notre petite flotte, nous la fouillâmes
d'un bout à l'autre comme dans une chasse aux lapins,
4d cette battue lit sortir des bois, des souterrains même,
un déluge do prêtres et d'émigrés.
« Nous avons créé à Tinslaut une commission mili-
Uiint poiH' juger tous ces scélérats ; nous les avons
fîjiit conduire au pied de l'arbre de la liberté! L'armée
i'jiiiitvo s'est mise sous les armes, et tous ces nobles
/:h^îvaliers, ces vengeurs de la couronne et de
\ fifjliHc, ayant à leur tète li*ur généralissime, ont ete
^'^jypés du glaive exterminateur, aux cris mille fois
M ji'-l<'S par nos soldats de : Vive la République et
^i'ft dùfijnscurs I *
Ou verra que la lettre ci-conlie était plus compro-
-121 -
mettante pour Tauteur que pour le destinataire. M. de
Beauregard fut, en effet, traduit devant le tribunal cri-
minel de Fontenay (1). (V. la Notice qui le concerne.)
(1) « Un décret de rAssomblée nationale, Monsieur, en date
du 7 mai, accorde aux ecclésiastiques qu'elle a prétendu destituer
pour refus de serment l'usage des églises paroissiales pour y
dire la messe seulement; le môme décret autorise les catholiques
romains, ainsi que tous les non conformistes, à s'assembler pour
l'exercice de leur culte religieux dans le lieu qu'ils auront choisi
à cet effet, à la charge que dans les instructions publiques il ne
sera rien dit contre la Constitution civile du clergé.
<t La liberté accordée aux pasteurs légitimes par le premier ar-
ticle de ce décret doit être regardée comme un piège d'autant
plus dangereux que les fidèles ne trouveront dans les églises
dont les intrus se sont emparés d'autres instructions que celles
de leurs faux pasteurs ; qu'ils ne pourraient y recevoir des sa-
crements que de leurs mains, et qu'ainsi ils auraient avec ces
pasteurs schismatiqucs une communication que les lois de l'Eglise
interdisent. Pour éviter un aussi grand mal, MM. les curés sen-
tiront la nécessité de s'assurer au plus tôt d'un lieu où ils puis-
sent, en vertu du second article de ce décret, exercer leurs fonc-
tions et réunir leurs iidèles paroissiens, dès que leur prétendu
successeur se sera emparé de leur église ; sans cette précaution,
les catholiques, dans la crainte d'être privés de la messe et des
offices divins, appelés par la voix des faux pasteurs, seront bien-
tôt engagés à communiquer avec eux et exposés aux risques
d'une séduction presque inévitable.
« Dans les paroisses où il y a peu de propriétaires aisés, il sera
sans doute difficile de trouver un local convenable, de se procu-
rer des vases sacrés et des ornements ; alors une simple grange,
un autel portatif, une chasuble d'indienne ou de quelque étoffe
commune, des vases d'étain suffiront dans un cas de nécessité
pour célébrer les saints mystères et les offices divins. Cette sim-
plicité, cette pauvreté, en nous rappelant les premiers siècles de
l'Eglise et le berceau de notre sainte religion, peut être un puis-
sant moyen d'exciter le zèle des ministres et la ferveur des fidè-
les. Les premiers chrétiens n'avaient d'autre temple que leurs
maisons ; c'est là que se réunissaient le pasteur et le troupeau
pour y célébrer les saints mystères, entendre la parole de i)ieu
et chanter les louanges du Seigneur. Dans les persécutions dont
l'Eglise fut aflligéc, forcés d'abandonner leurs basiliques, on en
vit se retirer dans les cavernes et jusque dans les tombeaux ; et
ces temps d'épreuves furent, pour les vrais fidèles, l'époque de
la plus grande ferveur. Il est bien peu de paroisses où MM. les
curés ne puissent se procurer un local et des ornements tels que
je viens de les dépeindre, et, en attendant qu'ils se soient pour-
- I2i-
LOUIS-JOSEPH BLANCHARD
CURÉ DU BOURG-SOUS-LA-ROCHE
1731-1734
M. Blanchard fut nommé curé du Bourg en 1781, en
remplacement de M. Maltesie. Il refusa le serment
constitutionnel, mais ne voulut pas abandonner sa
paroisse. Le mercredi de Pâques 1793, son vicaire,
M. Jagueneau, et lui étaient encore au Bourg, tête
levée, comme l'écrivait, ce jour-là, la prieure des Ceri-
vus des choses nécessaires, ceux de leurs voisins qui ne seront
pas déplacés pourront les aider de ce qui sera dans leurs églises à
leur disposition. Nous pourrons incessamment fournir des pierres
sacrées à ceux qui en auront besoin, et, dès à présent, nous pou-
vons faire consacrer les calices ou les vases qui en tiendront lieu,
t Monseigneur l'Evéque de Lucon, dans les avis particuliers
qu'il nous a transmis pour servir de supplément à VInstruction
de Langres, et qui seront également communiqués dans les dif-
férents diocèses, propose à MM. les curés : 1«> De tenir double
registre où seront inscrits les actes de baptême, de mariage et
sépulture des catholiques de la paroisse. Un des registres restera
dans leurs mains ; l'autre sera par eux déposé tous les ans entre
les mains d'une personne de coniiance 2'* Indépendamment de
ce registre, MM. les curés en tiendront un autre, aussi double,
où seront inscrits les actes de dispenses concernant les mariages
qu'ils auront accordés en vertu des pouvoirs qui leur seront don-
nés par l'art. 18 de VInstruction ; ces actes seront signés de deux
témoins sûrs et (idèles ; j)0ur leur donner plus d'authenticité, les
registres'destinés à les inscrire seront approuvés, cotés et para-
phés par Monseigneur Tévôque ou en son absence un de ses vi-
caires généraux ; un double de ces registres sera remis à une
personne de confiance. 3® MM. les curés attendront, s'il est pos-
sible, pour se retirer de leur église et de leur presbytère, que leur
prétendu successeur leur ait notifié l'acte de sa nomination et
institution, et ils protesteront contre tout ce qui sera fait en con-
séquence. 4° Ils dresseront, en secret, un procès-verbal de l'ins-
titution du prétendu curé et de l'invasion par lui faite de l'église
paroissiale et du presbytère. Dans ce procès- verbal, dont je joins
— 143 —
sîers (!) à la prieure des Bénédictines des Sables, en
annonçant à la fln de sa lettre c qu'elle allait faire dire
ici le modèle, ils protesteront contre tous les actes de la juridic-
tion qu'ils voudraient exercer comme curé de la paroisse ; et,
pour donner à cet acte toute l'authenticité possible, il sera signé
par le curé, son vicaire s'il y en a un, et un prêtre voisin, et
même par deux ou trois laïques pieux et discrets, en prenant
néanmoins toutes les précautions pour ne pas compromettre le
secret. 5» Ceux de MM. les curés dont les paroisses seraient dé-
clarées supprimées sans l'intervention de l'évéque légitime use-
ront des mêmes moyens ; ils se regarderont toujours comme
seuls légitimes pasteurs de leurs paroisses ; et s'il leur était ab-
solument impossible d'y demeurer, ils tâcheront de se procurer
un logement dans le voisinage et à la portée de pourvoir aux be-
soins spirituels de leurs paroissiens, et ils auront grand soin de
les prévenir et de les instruire de leurs devoirs à cet égard. 6® Si
la puissance civile s'oppose à ce que les fidèles catholiques aient
un cimetière commun, ou si les parents du défunt montrent une
trop grande répugnance à ce qu'ils soient enterrés dans un lieu
particulier, quoique bénit spécialement, comme il est dit art. 19
de VInstruetion, après que le pasteur légitime ou l'un de ses re-
présentants aura fait à la maison des prières prescrites par le
rituel et aura dressé l'acte mortuaire, qui sera signé par les pa-
rents, on pourra porter le corps du défunt à la porte de l'église,
et les parents pourront l'accompagner, mais ils seront avertis de
se retirer au moment où le curé et les vicaires intrus viendraient
faire la levée du corps, pour ne pas participer aux cérémonies et
prières de ces prêtres schismatiques. 7° Dans les actes, lorsqu'on
contestera aux curés remplacés leurs titres de curés, ils signe-
ront ces actes de leurs noms de baptême et de famille, sans
prendre aucune qualité.
c Je vous prie, Monsieur, et ceux de MM. vos confrères à qui
vous croirez devoir communiquer ma lettre, de vouloir bien nous
informer du moment de votre remplacement, s'il a lieu ; de l'ins-
tallation de votre prétendu successeur et de ses circonstances
les plus remarquables; des dispositions de vos paroissiens à son
égard; des moyens que vous croyez devoir prendre pour le ser-
vice de votre paroisse et de votre demeure, si vous êtes absolu-
ment forcé d'en sortir. Vous ne doutez sûrement pas que tous
ces détails ne nous intéressent vivement; vos peines sont les
nôtres, et notre vœu le plus ardent serait de pouvoir, en les par-
tageant, en adoucir Tamertume.
• J'ai l'honneur d'être, avec un respectueux ot inviolable atta-
chement, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Georges-André de Beauregard. »
(i) De la Ghaize-le- Vicomte.
— m-
la messe chanlée pour oblenir la paix t. Lo bonhnmm0^
ayoulait-elle, parlant du cure», m*a demandé de vc
nouvelles. 11 me disait une fois : t Faudrait quïdle yien*
drail faire ses pdquos ici ». M. Blanchard et M. Ja-
RUi^neau coulinuorent à drts.sf^rvir le Bi "' Uu
llû d'août 171)5. Les d»»rniurs actes d(î l r
li»s re^iisti'cs paroissiaux sont du 30 cU^ t^o mois, * **ii
vertu des pouvoirs extraordinaires accordés à tous Ié^s
prêtres Jirléles par Mgr de Mércy» ùvéque de Luron,
pefidanl la persécution de TEgiise en France. » M, Re-
maud, dans ses Màmoires, njouto ces détails sur le
vicaire du I*elil-Bourg^ M, Jafjjuoneau, parent de
M. Payraudoau, curi> de Saligny, massacre aussi i»eu^^
dant la Këvolution, et, nomme lui, natif des Brouxila
M. Payraudeau et M. Jagurmeau s'étaient r f-
avec les vitM'Iles femmes et les enfants dans \n
Hrala, pendant que les hommes valides < <
sous les ordres de Chrirette. Bien que c* ui
passai pour très sûre, ils furent surpris un jour par Jes
Bleus et conduits prés du Poiré où on les massacra. La
tradition locale rapporte que le massacre eut lieu sur
In place de Saligny, dans un bas-fond ou coule le f > -
seau La Mangeoire, au lieu dit le Pont'CaiUi
M, Blanchard échappa à ce massacre.
Lorsque Gharette se fut empare do Noîrmoutler,
3Û septendire 1793, il délivra sur leur demande à dix-
Iiuit l'cclésîastiiiues, et parmi luix M. Blanchard, <le.^
permissions pour aller dans cette lie se reposer de
fatigues de la guerre et pour Ôtro moins exposés aux
dangers. L*ahhe Remaud, dans ses Mémoires^ écrit ce
foit : f Le général et moi nous gémissions du parti
qu'avaii pris un aussi grand nond»re de prêlres. Nuu
('lions loin de regardtu' t^onnue une retraite assurai
une île que rimncmi pouvait atlaquer par mer et par
terre avec des fon't^s redoutables; mais on ne pouvnit
pas ralsonnablemcqil refuser à des ecclésiastiques ûgcs,
la plupart infirun^s, un limi t|u'il regardaient comme
celui du repos.
« Nos presscnliments ne sont qun trop réalisés. L'il^
<le Noirmoulier fut reprise, le I" janvier 17U4, par les
troupes do la République Toute la garnison fut rna.v
>ar:rer et (Ml vit fusiller sur la place de Noirmoulier les
dix-huit prêtres dti notre dioct»se qui étaient allés cher*
cher un mameut de tranquillité et qui utj trouverait
que la mort (1). Sur la liste administrative des victimes
envoyées à la Société Populaire des Sables figure, sous
le numéro 26 : c Nous, Joseph Blanchard, curé du
Bourg-sous-la-Roche >. La copie est de la main de Mer-
cier du Rocher. L'abbé Doussin du Voyer, qui desser-
vait le Bourg en 1793, mentionne son prédécesseur en
ces termes, dans un acte de mariage : « Le pasteur de
cette paroisse a été martyrisé pour la religion. »
M. Blanchard n'en avait pas moins été inscrit sur la
liste des émigrés de la Vendée du 1" fructidor, an II, et
ses biens, situés communes de Saint-Jean-de-la-Chaize
et de la Perrière, avaient été conlisqués (2).
(i) M. BouRLOTON. Revue du Bas-Poitou.
(2) Une seconde paroisse existait avant la Révolution sur le
territoire du Bourg-sous- la-Roche, celle de- Château-Fromage.
Le gros village de ce nona, situé presque à l'extrémité de la com-
mune, était le chef-lieu d'une très ancienne paroisse dont l'église
avait pour patron S. Eutrope. « En 1793, dit M. Henri Bourgeois
dans la Vendée Historique, Château-Fromage fut officiellement
débaptisé, sous prétexte que Château avait un parfum trop aris-
tocratique, et s'appela simplement : Les Fromages, Cette inepte
débaptisation dura peu, mais Château-Fromage n'en demeura pas
moins débaptisé comme paroisse; son église, incendiée pendant
la Terreur, ne fut point reconstruite, et un jour vint où elle de-
manda à être réunie au Bourg où se trouvait déjà le chef-lieu de
la paroisse, et satisfaction fut donnée par une Ordonnance
Royale de septembre 1827. »
— 196-»
LOUIS BLANCHARD
VICAIRE DE LA BRUFFIÉRE
1786-1794
M. Blanchard, vicaire de la Brufflero, était originaire
de Cugand, alors paroisse du diocèse de Nantes, comme
la Brufflère. L'iiisloire et la tradition nous ont laissé
peu de choses sur lui. Ce qu'il y a de certain dans sa
vie de prêtre, c*est qu'il n'accepta point les idées €^t les
erreurs de la Révolution et resta Jîdélc à sa con-
science et à l'Eglise. Aussi fut- il chassé du presbytère
paroissial.
Le lieu qu'il choisit pour sa retraite ordinaire fut
le village de la Poinstiére, situé au sommet d'un coteau
élevé qui domine la Sévre. Mais cette cach(»tte était si
insalubre qu'il se vit forcé de réchanj^^er contre une
meilleure», et l'on ne sVtonnera i>as d(» savoir qu'il se
cachait cntrtî quatre murs qui semblaient n'en faire
qu'un; c'était une véritable (^av(M'ne, sans autre ou-
verture qu'un trou pour y pénétrer. Il y régnait une
nuit continuelle et une humidité dangereuse.
M. Blanchard se retira donc au château de la Grange,
qui joint le bourg de la Bruflièn^.
Mais son asile fut vite connu : il fallut partir. Où
aller? Que devenir? Quelle terre ingrate que celle de la
France, quand la Révolution est maîtresse !
Sur les bords de la Sévre, au pied d'un coteau à pic,
est un village, c'est Bapaunie. Ce village semble
s'abriter sous d'énormes rochers qui le dominent et le
menacent. Pendant quatre mois de Tannée, les rayons
du soleil n'y peuvent pénétrer, à cause de la hauteur
des coteaux voisins.
On y arrivait alors par des sentiers impraticables.
C'est le refuge que se choisit M. Blanchard, espérant y
trouver enfin repos et sécurité.
La famille Naud lui fit le plus bienveillant accueil.
Elle le logea le mieux possible et il eut la facilité de
— m —
célébrer la messe dans une chambre assez spacieuse
que Ton voit encore de nos jours, et sur un vieux
meuble qui a été conservé.
Comme son curé, M. Garaud, M. Blanchard n'eut pas
la consolation de voir la fin de la Révolution et Taurore
de la liberté et de la paix. Il ne devait plus revoir le
presbytère qui Tavait abrité durant plusieurs années.
Cest à Bapaume qu'il termina sa vie de souffrance,
par une mort très pieuse, vers la fin du siècle, entouré
des soins de Texcellente famille qui lui avait donné
asile (1).
(!) D'après M, Tabbé Charrieau, chapelain de Saint-Sympho-
rien.
~itt-.
JEAN-BAPTISTE BODAILLE
RELIGfELX CURDELIEU A FONTENAY
Ce vénérable religieux était du couvent des Corde-
liers de Fontenay à l'époque où parut Ic^écret de la
Constituante sur la Constitution cioile imposée au
clergé. Celui de Fontenay fut appelé, dès le 21 jan-
vier 1791, à prononcer re serment. Mais la plupart des
ecclésiastiques firent, par écrit, une déclaration qui
peut se résumer ainsi : t Jo jure d'accf^pter la Constitu-
tion cioile du clergé, excepte dans les choses qui
dépendent essentiellement do l'autorité spirituelle. »
Ce serment devait être plus explicite, et la municipa-
lité de Fontenay eût voulu W faire retracter le 30 jan-
vier suivant. Mais il fut maintenu dans les mêmes
termes, devant tous l«»s membres du Conseil municipal
et du Conseil général, par M. Bridault, curé de Notre-
Dame, M. Sabourau<l, curé d(» Saint-Jean, les vicaires,
1rs quatre religieux cordoliors, les Lazaristes et les
professeurs du collège qui étaient prêtres.
Bientôt, les événements se précipitent, et une loi
parut qui ordonnait que tous les prêtres insermentés
seraient déportés ou internes.
Le P. Bodaille avait bien compris (jue la Révolution
avançait à grands pas et qu'elle voulait supprimer tout
d'abord les prêtres en France ; sans atteindre les der-
niers décrets de proscription, il avait cherché à se met-
tre en sûreté.
Le 22 juin, un premier convoi de prêtres, partant
pour Texil, avait quitté les Sabhîs-d'Olonne, sur la Pro-
vidence. Parmi eux étaient le cordelier Bodaille et
M. Paillaud, curé de Xieul-le-Dolent. Le navire arriva
en vue de Saint-Sébastien le 25 juin, après une pénible
traversée. • L'abbé Paillaud a écrit avec un charme
particulier, dit M. Bourloton, le récit circonstancié du
voyage, source précieustî de renseignements sur les
premiers exilés. Vittoria, jolie ville voisine du pays
basque, leur fut assignée pour résidence, et on les
hospitalisa dans le couvent des Franciscains. C'est
vraisemblablement dans ce monastère que le P. Bo*
daille passa le temps de son exil et rendit son âme
à Dieu, car on ne retrouve plus son nom. ni dans les
mémoriaux de Texil, ni sur les listes des prêtres qui
reutrèrent. en France au moment du Concordat, ni
depuis cette époque. »
Les trois autres religieux du couvent des Cordeliers
de Fontenay avaient également refusé le serment : les
PP. Pierre-François Bonnet, gardien, Pierre Biron et
Claude Godron.
— iso —
JOSEPH-THOMAS BONNET
VICAIRP: de saint - MARTIN - 1>ES - NOYERS
1751-1793
C*ost une dos nonibreusos victimes du féroce Carrier
ot des noyud(*s de NaïUcs. Fils de Joseph Bonnet, mar-
chand de drap, et de Anne-rélji^ie Allain, M. Bonnet,
originaire d(^ Montai«^ai-Vendre, st; sentit de bonne
heure incliiKî vers Télat ecch^'siaslique. Ses parents,
très chrétiens, seeondènMit ses désirs, et il devint un
prôtre édiliaiil. Vicaire à Saint -Martin -des -Noyers
quand arriva la Hévolulion, il fut du nombre de ces
prêtres vendéens, qui méritèrent d'autant plus la véné-
ration et la eonliance des leurs paroissiens, qu'ils
repoussèrent avec i)lus de fermeté rini(|ue (Constitu-
tion civile, il quitta sa jiaroisse pour chercher un asile
secret, tandis qu<» son curé. M. (iuillel, restait quelque
temps encore, puis partait en exil le 9 sei)t(Mnbre 1792.
Sans cesse i)Oursuivi et tra([ué, M I^Diinct fut pris
enfin, conduit à Nant(\s et enferme dans l'ancien cou-
vent des Carméliljîs. X'crs le mois d'août, on Tavait fait
monter, avec plusiiuirs autres prêtres vendéens, sur
un mauvais navire nommé la Gloire, sous prétexte <le
les envoyer à la (luyane. Ils y soulfrirent beaucoup,
soit par rinfeetion de reiitreiiont où ils étaient entas-
sés, soit par les mauvais alimejits qu'on leur donnait à
peine, soit par les insectes qui les dévoraient.
yue de terribl(*s nuits passées dans cette prison où
Ton pouvait à iieine respirer! La naviîiation n'était pas
l)0ssible, les navires anulais ^^•lrdant alors les côtes;
ces prêtres furent amenés à l'ancitMi jietit (louvcnt des
C.apucins, d'où Carrier les lit ensuite reconduire sur
le même naviri».
Là, chaque^ Jour, rapporte Guillon, di» cruels gardes
l(»ur annonçaient leur mort i)rochaine et leur enle-
vaient les choses rjui étaient à hmr usage. Lorsqu'il fut
décidé qu on les submerg(?rait dans un bateau disposé
-13! -
à cet effet, on les y conduisit, et, avant de les y faire
entrer, on acheva de les dépouiller, ne leur laissant
que la chemise et un caleçon : c'était pendant l'hiver.
Par un raffinement de barbarie, ils furent attachés par
un pied, quatre à quatre, pour les empêcher de se sau-
A-er à la nage ; puis, dans la nuit du 16 novembre 1793,
précipités dans la Loire.
Carrier, qui avait surtout la haine du prêtre, cher-
chait ce moyen. 11 venait de le trouver. Lier ces pri-
sonniers, les faire entrer, sous prétexte de les trans-
férer ailleurs, dans de grands bateaux, fragiles ou
troués à dessein, puis lancer ces bateaux dans le
fleuve et les faire sombrer, lui paraissait un moyen
à la fois très sûr, facile et économique. Les victimes
qu'on ne pourrait compter périraient sans bruit. Pas
de fusillades, ce qui est une dépense; pas de guil-
lotine, il eût fallu creuser des fosses et trop de sang
eût été répandu. Par la noyade, le fleuve emportait à
la mer tous ces cadavres. Quatre prêtres avaient pu
s'échapper. Ils furent recherchés, repris, et. le lende-
main, noyés.
Bourreau vraiment féroce, Carrier s'applaudissait de
sa cruauté et voulut qu'un festin fût célél)ré en mé-
moire de cet événement. Ce festin eut lieu quelques
jours après, dans la galiote même qui avait servi à
noyer les prêtres, et que le proconsul avait donnée à
son ami Lamberti.
f II y avait, dit M. Lallié, une quinzaine de convives,
et le menu devait être soigné si l'on en juge par la
note du repas. Cette note, qui s'élevait à 364 livres,
ne fut probablement jamais payée, car elle était en-
core due l'année suivante au traiteur Gauthier. Lam-
berty était assis à la droite de Carrier. O'Sullivan,
Fouquet, Robin étaient du nombre.
« Ce repas fut très gai, naturellement, et Lamberty
anima beaucoup la société en contant qu'au moment
où s'abîmait dans l'eau le bateau qui contenait les prê-
tres, il leur avait crié : c Ah ! b . . . Voilà le moment !
• Faites un miracle. » Aussi Carrier proclama-t-il Lam-
berty le révolutionnaire le plus accompli qu'il ait
jamais connu, *
- 132 —
Co Lamberty devait expier comme Carrier une par-
lie lie ses crimes sur l'échafaud.
Mais cette première noyade n'était qu'un essai dont
le tyran était satisfait. Il voulut recommenc(T, toujours
aux dépens des prêtres. Il l'annonce dans une lettre,
datée du 16 frimaire an II (6 décembre 1793), adressée
au Comité du Salut public, et dont M. Lallié (J.-B.
Carrier) donne l'analyse, rédigée dans les bureaux de
ce comité : c L'esprit public est à Nantes depuis trois
semaines à toute la hauteur de la Révolution. L'éten-
dard tricolore flotte à toutes les fenêtres, et partout
l'on voit des inscriptions civiques. Les prêtres ont
trouvé leur tomb«'au dans la Loire, cinquant(*-trois
autres vont subir le même sort. *
Il s*;i^issait des prêtres d'Angers qui allaient subir ie
même supplice que ceux de la Loire-Inférieure et de la
V'emlre.
Ce nouveau supplice eut lieu dans la nuit du 9 au
10 septembre.
Cette fois pas un seul n'échappa.
— 133 —
FRANÇOIS-JOSEPH BONNIN
CHANOINE DE LA COLLÉGIALE DE SAINT-MAURICE
A MONTAIGU
21 septembre 179S
François- Joseph Bonnin, neveu d'un chanoine sous-
chanlre, qui démissionna en sa faveur, devint chanoine
de la collégiale de Saint-Maurice de Montaigu depuis
l'année 1753. Il était titulaire de la chapellenie des
BarbotSj desservie en l'église de Beauvoir, quand il
permuta la prébende de son bénéfice pour le canonicat
de Montaigu, occupé par Etienne Piet.
Il habitait avec sa sœur. Tous deux furent massacrés,
le 30 septembre 93, par les soldats de Canclaux, à la re-
prise de Montaigu, coupés on morceaux et jetés dans le
puits du couvent de Fontevrault avec les cadavres de
M. Feuvre, doyen, et de M. Goupilleâu, chantre de la
collégiale.
Il ne faut pas s'étonner de ces crimes, quand on se
souvient des termes dans lesquels Carrier haranguait
les soldats qui opéraient à Montaigu : « Braves soldats,
vous qui avez porté le nom d'année infernale au Nord,
j'espère que vous le porterez de même ici Je vous
ordonne de mettre le feu partout et de tout fusiller
sans distinction (1). *
Ce même bourreau se vantait un jour, à Nantes, à la
iin d'un dîner, de ses cruautés à Tégard des prê-
tres : f Dans mon département, disait-il, nous allions
û la chasse aux prêtres. Je n'ai jamais tant ri qu'en
voyant la grimace que faisaient ces b... là en mou-
rant >
(1) Prudhomme : Histoire des crimes commis pendant la Révolu-
tion, ouvrage où l'auteur calomnie souvent les prôtres. (T. VI, p.
301, 323.) Ici, nous le voyons impartial.
- 134-
CHARLES BOURON
CURÉ DE SAINT LAURENT-LA- SALLE
179S
L'abbé Boiirou, natif rte Foiilenay-le-Comte, voulut
partager lo sort de la plupart des prùtn^sdi^ Vendée, en
refusant à la Hevolution le serment schismatique
qu'elle demandait (l). A Tapostasie il préféra l'exil, et
demeura longtemps sur la terre étrangère.
Il était parti en Espagne le 9 septembre 1792, sur
W. Jean-François, capitaine Picard, avec soixante-qua-
torze autres prêtres. Après cinq jours de pénible tra-
versée, il aborda à Sainl.-Sél»aslien (2J.
(1) Co sormcMit (Hait schisiiiali«iuo on ce sens quil dcfôrait
à rôloctiou la iioininalioJi (1rs ôv(>(|iics et des cur(?s, et défendait
à Vç\\i de s'adresser au Pape t^t aux ('ViMpies pour obtenir dos
pouvoirs pour radniinisl ration des sacrements.
(2) Le trait suivant montre hien à quels mauvais traitements
étaient exposés ces V(''néral)l(^s exilés, tant était frrande la haiue
contre le prêtre, amenée ]Kir la Révolution. Une sablaise,
M'"" Dihon, ([ui a connu h'raiirois Picard, a raconté : « C'était un
excellent homme. Il commamlait un petit lougre, avec ses trois
matelots. L'un de ces hommes avait nom Berihomé. Dés «jue le
luugre fut arrivé en pleine mer, l^erthomé dit : « (le u'est pas
cela, il s'agit de coupei* une oreille à chacun de ces prêtre; il fau-
dra les reconnaître, ces gaillards-là, quand nous irons les re-
prendre en Espagne. — Tiés bien, mon ami, répliqua François
Picard, seulement nous allons commencer par toi. Après, nous
jugerons s'il convient de U\\n\ subir la même opération à ciîïi
Messieurs. » H(?rthomé n'iji>ista jdus. mais sa parole ne fut pas
oubliée à l'avenir. 11 ne porta fdiis (jue le nom d'oveillc de prêtre.
Soit qu'il montât d.in.- ^oIl canot, soit qu'il en de^cendil, les
hommes, les l'cmmes surtout, disaient en détournant la tête
avec méjiris : i« Tiens, regarde cette l'ace. Le voilà, Vorcillc de
prêtre. > Il mourut dan> la dernière misère. (Vie du V. P. Bau-
douin, par M. Pierre ^Lchaud.)
- 135 —
Il laissait en France son frère, qui, d'abord avocat du
roi, à Fontenay, avait été élu, en 1789, député aux Etats
généraux.
C'était ainsi qu'au nom de la liberté et de la frater-
nité le frère fut séparé de son frère. Le' député n'oublia
pas l'exilé : il lui fit passer des secours en argent,
et l'exilé n'oublia pas le député au milieu des orages
de la vie politique et des misères de l'exil.
Le prêtre mourut en Espagne et n'eut d'autre patrie
que le ciel. Le député, fatigué des tempêtes de la vie,
chercha à la campagne un lieu de repos, et, grâce,
sans doute, aux prières de son frère, il y trouva le
Dieu qu'il avait jusque-là oublié, et mourut en chrétien.
Combien d'autres, parmi tous ces prêtres exilés, furent
vainement attendus après la tourmente révolutionnaire
par leurs parents et amis! Leur départ de notre pays fut
pour eux très douloureux, mais il le devint surtout pour
les fidèles qu'ils laissaient. Ils étaient partis, ces
pasteurs vénérés, qui longtemps avaient arrosé de
leur sueur le champ confié à leurs soins. Us avaient
disparu, faisant de loin leurs derniers adieux à la
patrie, à la famille, à leur troupeau spirituel, car un
certain nombre devaient mourir dans l'exil. Du rivage,
quelques signes timides leur marquaient qu'en Ven-
dée les cœurs restaient attachés à la foi.
Au milieu de ces tristes événements. Dieu veillait
sur les âmes fidèles. Si tous les prêtres étaient restés
parmi nous, la Révolution en eût fait une épouvan-
table boucherie et le clergé, après cette cruelle
♦'preuve, eût mis de très longues années à se recru-
ter. En 1825, on complaît encore près de quarante
paroisses privées de curés. Et s'ils fussent tous par-
tis, que seraient devenus les fidèles, privés de sacre-
ments pendant. leur vie et surtout à la mot? Dieu
voulut qu'il y eut des vaillants, parmi ces prêtres,
qui n'ont pas craint le glaive des persécuteurs, tandis
que d'autres, plus timides et craignant peut-être de
tomber dans l'aposlasit; en face d'une mort cruelle,
ont préfère s'enfuir dans l'exil.
Nous devons à l'ohligeame de M. de Pontlevoye de
Velaudin, eu Sigournais, communication des deux lettres
- 136 —
suivantes, écrites par Tabbê Bouron à son frère, procu-
reur général du département de la Vendée. Ces let-
tres ont été copiées sur Toriginal.
t (Textuel.) Au citoyen Bouron à Fonienay, Dépar-
tement de la Vendée^ en France-Vendée.
€ J*ai bien rcru, mon cher ami, votre dernière datée
de La Rochelle* Vous avez dû recevoir la réponse aux
deux premières que vous m'avez écrit. Elles me font
grand plaisir on m^annonrant que vous vous portez
tous bien. Kll(»s m'en auraient fait davantage si vous
m'eussiez donné des nouvelles du pays. Vous ne me
parlez point de mes amis, il ne me donne aucune
nouvelle dans votre dernière des succès de ma patrie.
On fait ici courir le bruit que presque toute l'Europe
est coalisée contre la République française. Que de
maux pour l'avenir si cela est !
f Je serais bien ais(i de recevoir un mot de maman.
Dieu veuille qu'elle jouisse d'une aussi bonne santé
que la mienne. Je ne cesse de prier pour elle ainsi que
pour des frères et sœur à qui la religion m'attache
autant que la nature
« Les prêtres français viennent de toute part à
(ialahorra. On les force d'interner. Je ne sais si j'y
resterai longtemps. Kn toul cas, écrivez-moi à (iala-
horra, on saura bien ici (luelle est la partie de l'Ks-
])agne que j'habiterai.
« Des nouv(»lles de Saint-Cyr et de son pricîur ainsi
que de ceux qui p(;nsent encore à moi. Adieu, mon
cher ami. Portiv.vous bien, je vous embrasse tous et
suis votre allectionné
a Charles Bouron, prestre. »
A Calahorra, Vicille-Castille,
Le 10 janvier 1793. '
Le 6 frimaire
de l'an 4
« De Calahorra, CastUla oiejo^ le P 9''^^ 1795.
t (Textuel.) C'est avec une joie inexprimable (jue je
reçus la veille la Toussaint la lettre de lu petite
cousine. Jugez dr» la révolution qu'elle a 0|)crtî sur
moi, puisqu'on avait fait courir le bruit même dans
ce pays (jui» vous étiez tous morts, (iràce à Dieu vous
êtes tous en vie et moi aussi, quoique convalescent.
J'ai eu à la Saint-Jean deru iere deux emoragies si abon-
- 137 —
danles qu'il fallut me seigner presque jusqu'à Teau.
Ceci m'a tellement affaibli le tempérament qu'il me
faut prendre un ménagement et un soin de ma petite
personne qui donnerait envie de rire quand on me
voit. Si j'avais pendant deux mois de bon consommé,
je serais bien vite radicalement guerri, mais ici la cui-
sine est abominable et pour les mahul(»s il faut que
la nature supplée à tout. Les médecins sont parfaite-
ment ignorants et ici Tignorance est vertu. Chaque
pays, chaque usage. Si je suis toujours resté à Cala-
horra, c'est que j'avais, c'est qu'il y a environ deux
ans et demi, je lis connaissance avec un M' Raon, fils
d'un ancien vice Roy des philipinnes. C'est un homme
puissamment riche, il m'invite d'aller chez lui quand
je voudrais et de regarder sa maison comme la
mienne. De temps en temps j'y mange. M"*® Raon m'a
donné un appartement garni et cela depuis dix-huit
mois. Son mari dans ma maladie venait me voir tous
les jours et ils ont fourni tout ce qui a été néces-
saire pour les remèdes et bouillons. Je peux dire
avoir trouvé dans une terre étrangaire un second père
et une seconde mère : comme ils vous croyaient
morts, ils ont bien pris part à ma joie ainsi que la
maison Mancabeau, où je vais aussi quelque fois.
f Ambrassez de ma part, mon ami, cette bonne mère
que le ciel conserve encore ainsi que la sœur et mon
frère. Je vous aime toujours. Bien des amitiés aux cou-
sines et tous ceux qui furent mes amis.
t BOURON p*.
« Mon adresse est à D" Carlos Bouron, sacerdote fran-
rrs, en Calahorra Castilla Viejo. Vous pouvez si vous
voulez vous servir de la dresse franraise de il y a deux
ans et demi. Joubert est à Madrid il se porte bien.
« Au citoyen Bouron à Fontenay, procureur général
du département de la Vendée^ en France. »
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Enfin, quand il fut enfermé sur le navire la Gloire,
M. Boutheron connut que la mort n'était pas loin. Il
fut, en effet, compris dans Taffreuse noyade du 3 nivôse
(23 décembre 1793), qui consomma son martyre (1).
C'était l'époque où Carrier exerçait davantage sa rage
sur les bons chrétiens et les prêtres. Leg prisons de
Nantes étaient véritablement un entrepôt de chair
humaine.
Un témoin de cette malheureuse époque raconte
qu'une marée, grossie par un vent d'ouest, avait
ramené à Nantes une partie des victimes de Carrier,
déjà descendues dans la Basse-Loire. On eût dit une
débâcle de cadavres. L'eau qu'on puisait dans le
fleuve était mêlée de lambeaux de chair humaine
corrompue. Il fallut une ordonnance de police pour
faire défense d'en boire, et pendant un mois on occupa
trois cents hommes à repécher et à enterrer les
cadavres.
En même temps, le typhus ravage les prisons : un
poste de grenadiers succombe tout entier, emporté par
une peste contagieuse.
(1) D*après M. LALLiÉ,le charpentier Allilé, chargé par Fouquet
de procurer deux bateaux à soupape pour cette noyade, rapporte
les horribles détails qui suivent : c Deux batelcts étaient attachés
à chaque gabarre. On leur fit prendre le large, la soupape s'ouvrit,
les sabords furent levés. Les prisonniers criaient miséricorde, pen-
dant que ceux qui étaient sur le pont s'élancèrent dans les bate-
leti). Mais ceux qui voulaient le tenter furent repoussés à coups
de sabre. Après cette expédition, les bateliers allèrent avec les
mombres de la compagnie Marat dans une auberge, puis chez
un tonnelier, où l'on se partagea les effets des pri^tres noyés. »
{Buttetin du tribunal révolutionnaire, t. VI, 318.)
-140 —
PIEIUK BRÉNUGAT
VrCAinK DE IJAZOfiKS-KN PAILI.ERS
1708
Bion que Tabbé r*i(»rro Brrimgat, vicaire de Bazoges-
én-Puillcrs, n'ait pas eu le bonheur de donner à Jésus-
(Mirist le Icmoigiiage du san^ versé, nous n'hésitons
pas à le ranger parmi les plus glorieux martyrs de la
foi pendant la persécution révolutionnaire. De tous
nos prêtres vendéens, il fut peut-être eelui qui sup-
porta, pour la cause de la religion calholique, les tor-
tures les plus longues et les plus douloureuses.
Pierre Brénngat, né à Pornic en 1746, était vicaire de
Bazogcs, quand la p(*rséruti(»n religieuse vint mettre à
répreuve rinébranlal)le IVrmelé de sa foi rt l'ardeur
di^ son zèle. Il avait repoussé avec indignation les ser-
ments de 1791 et de 1793.
Durant les années terribles de 1793 ri de 1794. les
lldéles de Bazoges el des environs éprouvèrent les
bienfaits de son infatij^^able et périlleux apostolat. Il se
réfugia pendant (juelque temps à la (iaubretiére, avec
une trentaine de prêtres lidéles : mais il n'en ronti-
nuait pas moins à circuler dans la contrée, partout où
la présence du prêtre était utile ou nécessaire. Surpris
dans l'exercice de son nn'nislén* par une colonne du
général (îrigny, il tut rondamné à la déportation par
un arrêté du Din^-loire, daté du 8 frimaire, au VI de la
République (18 décenjbrt* 1797), c ])our avoir contribué
à corrompre l'esprit public dans le canton de Saint-Ful-
gent, dont les habitants, très fanatiques, ne sont rien
moins que disposés à se rallier sincèrement au gouver-
nement. »
Conduit dans les prisons de Rochefort, il fut embar-
qué pour la Guyane î le 10 nuu's 1798, d'abord sur la
frégate la Charente, puis sur la Décade, qui le condui-
sit à destination. Il i'ut hospitalise à (^anonama, à vingt
lieues au nord de Sinnanuiri. C'était un tombeau.
Le Directoire comptait si bien sur les effets meur-
triers du climat, qu'il n'avait assigné que pour trois
mois de vivres à ses victimes. On avait dressé à la
hâte, dans ces marais fangeux, de misérables cabanes
appelées carbets. Les déportés étaient logés, vingt
par vingt, dans chacune de ces cases. Ils couchaient.
sur des paillasses ou dans des hamacs. Leur nour-
riture, qu'ils préparaient eux-mêmes, était si mau-
vaise que les nègres pouvaient à peine en manger.
Ils n'avaient pour toute boisson que l'eau dégoûtante
do la rivière ou des mares voisines.
Brûlés par le soleil pendant le jour, ils passaient les
nuits à se défendre des maringouins ou autres insectes,
dont la piqûre mettait le feu dans le sang. Un poste de
soldats insolents et durs, presque tous nègres, était
(?Iiargé de garder chaque groupe de proscrits.
€ La seule vraie consolation des malheureux captifs,
dit un des déportés, c'était d'invoquer le ciel, d'offrir
à Dieu leurs larmes et leurs souffrances, et d'attendre
la mort qui, pour un grand nombre, ne se fit pas long-
temps attendre. Les bons prêtres s'offraient à Dieu
comme des victimes pour la France.
f Tous les déportés du Cononama tombèrent malades,
et en moins de deux mois, les trois quarts d'entre
eux succombèrent à une lièvre bilieuse et ardente qui
devint épidémique. »
La mort de Pierre Brénugat fut des plus touchantes
et mériterait d'être fixée sous les regards de la Vendée
catholique par le pinceau d'un grand maître. Il mourut
de faim, dans une forêt de Cononama, à genoux, les
mains jointes, les lèvres collées sur son crucifix. C'est
dans cette attitude sublime que des nègres rencontrè-
rent le cadavre du prêtre martyr. Ils l'emportèrent
dans son carbet; mais comme le défunt ne laissait
aucun avoir, les indigènes le promenèrent de case en
case, pendant trois jours, quêtant l'argent nécessaire
pour l'inhumer.
Les prêtres, ses confrères, durent creuser la fosse.
Une lettre d'un déporté de Cononama, datée du 9 sep-
tembre 1798, racontait ainsi la mort du vicaire de Ba-
zoges :
— i4î-
I Un prêtre qui, depuis plusieurs jours, ne paraissait
point aux appels, a été trouvé mort dans une foret voi-
sine. Il y avait succombé d'inanition. Ses mains étaient
jointes, et sur ses lèvres inanimées reposait un cru-
cifix. Des nègres l'ont apporté dans cet état, et nous
avons rendu les derniers devoirs à c^ martyr. •
La mort de cette victime du Directoire est inscrite
dans le registre de Cayenne, à la date du 22 fructidor,
an VI (8 septembre 1798).
Cette tombe lointaine et désormais ignorée de Pierre
Brénugat en est-elle moins glorieuse ? Ah ! comme
nous aimons à lui envoyer, par delà les mers, les
hommages réunis de la Bretagne et de la Vendée, qui
s'honorent, Tune de la naissance, l'autre de la vie,
Tune et l'autre de la mort de ce vaillant athlète de la
foi(1)!
(1) Archives du diocèse de Luçon, Prcm. série
-143-
TOUSSAFNT-PAUL BRIDAULT
CURÉ DE NOTRE-DAME DE PONTENAY- LE- COMTE
17501799
f Le clergé de Fontenay, dit M. Bourloton (1), s'asso-
cia d'abord sincèroment à l'enthousiasme patriotique
qui salua les premières réformes tentées par l'Assem-
blée Constitutionnelle de 1789. Le curé-doyen de Notre-
Dame, M. Bridault, ancien membre de la Compagnie
(le Jésus, fut Tun des ecclésiastiques qui allèrent à
Poitiers pour l'élection des députés aux Etats généraux.
Plus tard, M. Bridault devint membre de la municipa-
lité de Fontenay. II administrait la paroisse depuis
quinze ans.
f Mais quand l'Assemblée Constitutionnelle, sortant
de son rôle exclusivement politique, émit la prétention
(le réglementer l'Eglise elle-même, ces mômes prêtres,
retenus par leur courage et par les engagements solen-
nels pris au pied des autels, durent refuser une adhé-
sion et un concours que le pouvoir civil n'avait pas le
droit d'exiger. »
La loi du 26 octobre 1790 obligeait au serment tous
les membres du clergé pourvus de bénéfices ayant
charge d'âmes, ou voués à l'instruction : t Ce serment
devait être prêté devant la municipalité. »
A Fontenay, le 21 janvier 1791, fut le jour lixé pour
la prestation du serment pour les prêtres de la ville.
Le jour même, ceux-ci présentèrent à la municipalité
un cahier contenant cette déclaration à peu près : « Je
jure d'accepter la Constitution civile, excepté dans les
choses qui dépendent de l'autorité spirituelle. » Mais le
conseil général refusa cette formule et invita le clergé
à donner une déclaration pure et simple, le 30 janvier,
pour prêter le serment. Comme chef du clergé de la
(i) Revue du Bas-Poitou, 1894, 1" livraison,
*ltt-
sino-'î'eisut f
■'"'> le prononce >'V-
appelé a i^ v
- ' F'f^'""''. H' de va Sfa"^,,V ci <\»'*
rVUSseV
Brénugal ejn
nous aimoc
ï-^mmaaes
(0 Arc;
--""^ ^.v.nV du devovv d« Uque^
- 148 -
cclaration n'était pas précisément celle qu*at-
il les administrateurs de la commune de FoA-
-Sl. Bridault était cependant allé jusqu'aux der-
limites de ces concessions et on ne pouvait
ser d'opposition systématique. C'est ainsi qu'en
. lorsque les autorités départementales avaient
iu un évêque constitutionnel et que TAssemWée
ctorale s'était réunie dans ce but à Fontenay, le curé
• Notre-Dame avait poussé la complaisance jusqu'à
.ire la messe avant les opérations. Le bon M. Bridault
avait pensé que la Révolution s'arrêterait là, et vraiment
il n'était que temps. Donc, les administrateurs s'em-
pressèrent de faire remarquer à l'abbé Bridault que ce
serment était inconstitutionnel, le menaçant, s'il ne le
rectifiait, des foudres du décret.
Prêtre courageux et fidèle, il ne pouvait faire davan-
tage pour la Révolution. Il ne se laissa ni intimider ni
ébranler par ces menaces et maintint énergiquement
les paroles qu'il avaient prononcées.
Ses trois vicaires, les professeurs du collège ecclé-
siastique de Fontenay, aussi bien du reste que la
grande majorité du clergé vendéen, imitèrent son cou-
rageux exemple.
Pour en tirer vengeance, l'administrateur républi-
cain commença par restreindre l'exercice du culte
catholique à certaines églises déterminées. Mais bien-
tôt on ne s'arrêta point là. Le Bocage, surexcité par les
mesures vexatoires, prit les armes. L'administrateiir y
répondit par une exécution complète et immédiate de
la loi du 26 août, l'envoi en exil de tous les prêtres qui
refusèrent le serment.
Le 9 septembre 1792, M. Bridault partit sur la barque
Jean-François (capitaine François Picard), du port des
Sables, .qui conduisait à Bilbao soixante-quinze prêtres
vendéens.
A son arrivée en Espagne, M. Bridault et ses deux
vicaires, MM. Joubert et Payraud, les lazaristes Glii-
nault, F. Ariet et J.-B Ariet furent envoyés à Gala-
liorra. petit évèché de la vieille Gastille. L'excellent
évoque, bien qu'il ne fût pas d3S plus riches, cormie
récrivait plus tard un des exilés, leur donna tous
10
»- 146 -i
secours dont ils avaient besoin. « Il a dit qu'il vendrait
jusqu'à sa croix d*or et son anneau pastoral pour le
soulagement des nécessiteux. » M. Bridault fut, du-
rant son exil, le fondé de pouvoirs de Mgr de Coucy,
évoque de La Rochelle, réfugié aussi en Espagne pour
la partie du diocèse de La Rochelle comprise alors
dans le département de Vendée.
Entre sa sortie de la cure de Notre-Dame, juin 1791,
et son départ pour TEspagne, la vie parait avoir été
assez difficile, au moins matériellement, pour M. Bri-
dault, si Ton en juge d'après les réclamations présen-
tées par ses créanciers à la municipalité, lors de la
confiscation de ses meubles et de leur vente.
Des lettres de M. Bridault de 1792 et 1793 témoi-
gnent qu'il ne quitta pas sa retraite de Galahorra. Il
n'eut pas le bonheur de revoir la France, car il mou-
rut de joie en apprenant qu*il lui était permis de re-
venir, vers 1799.
Ses deux vicaires ne le quittèrent point ; Tun, M. Jou-
bert, mourut également en Espagne ; l'autre, M. Pay-
reau, revint après le Concordat et fut nommé curé à
Nieul-sur-l'Autise, où il mourut en 1805.
&-1I7-
AMBROISE-AUGUSTE BRIN
CURÉ-DOYEN DE SAINT- LAURENT* SUR-SÉVRE
1790-1793
C'est pendant la période la plas critique de notre his-
toire vendéenne, et au moment où les plus graves dif-
ficultés surgissaient nombreuses de tous côtés que
M. Brin administra cette paroisse. Nommé à la place de
M. Jean Michaud, décédé peu auparavant, le nouveau
pasteur fut installé le 19 juillet 1790. Il était déjà connu
comme un prêtre recommandable sous tous les rap-
ports et digne d'occuper cette cure importante.
M™ la marquise de la Rochejaquelein raconte dans
ses Mémoires que M. le curé de Saint-Laurent était de-
puis longtemps célèbre dans le pays à cause de sa pro-
fonde piété, de son zélé et de ses vertus. La plupart des
historiens s'expriment sur son compte dans les mêmes
termes, sans que nous ayons beaucoup de détails à ce
sujet. Nous savons que c'est à lui que fut confiée Tédu-
cation de M. Louis, frère de M. Henri de la Rochejaque-
lein.
Dès son arrivée, M. Brin s'occupa de Tornementation
de son église et de la restauration du maltre-autel, pour
lequel un marché avait été conclu avec un sculpteur
de Nantes. On décide que Tautel sera construit à la ro-
maine et transporté au milieu du chœur. Cette dépense
coûtera 3,300 livres. C'était une somme relativement
considérable pour cette époque et pour un autel. En
1791, il fait réparer l'église et relever les murs du ci-
metière et donne ainsi de l'ouvragé à beaucoup d'ou-
vriers, car € la misère va croissant, les ressources di-
minuent, presque tous les ouvriers sont sans travail,
et, par suite, réduits à l'indigence. » Mais, déjà les évé-
nements politiques se précipitent, la Vendée prend les
armes pour défendre ses prêtres et ses églises : une
armée est constituée dans le but de combattre les ré-
publicains dans la haute Vendée. On sollicite M. Brin
-148-
de faire partie du conseil supérieur d'administration
qui devait siéger à GhâtilIon-sur-Sèvre, alors les répu-
blicains distinguaient M. Brin.
Eugène Vouillot qui a étudié sa vie a écrit : * Le
curé de Saint-Laurent Joignait à de grandes vertus une
rare fermeté de caractère; sa charité ne connaissait
pas de bornes ; bien des prisonniers républicains lui
durent la vie. *
Pendant que ces événements se passaient, Tarmée
vendéenne se voyait obligée de passer la Loire.
M. Brin avait administré sa paroisse, aidé de M. Brochu,
vicaire, jusque vers la lin de septembre 4793. A dater
de ce moment, il n'est plus question de lui à Saint-Lau-
rent. Son refus do serment ot ses fonctions au gi^and
Conseil Tobligèrent à suivre Tarméc vcmdéenne. Il
n'eût plus été en sûreté chez lui. Il pouvait d'ailleurs
s'absenter sans crainte, car de vaillants missionnaires
le remplacèrent fidèlement auprès de ses ouailles.
Nous savons seulement qu'accompagné de plusieurs
de ses paroissiens, il traversa la Loire à Saint-Florent.
Ce vénérable prêtre périt, sans doute, comme tant
d'autres, dans cette campagne désastreuse : du moins,
il ne reparut plus depuis cette époque, observe la mar-
quise de la Rochejaqueloin dans ses Mémoires.
-i 149 —
PIERRE-FRANÇOIS BROCHU
VICAIBE DE SAINT-LAURENT-SUR-SKVRE
1768-1794
Au milieu des chrétiennes populations où il exerçait
le saint ministère, M. Brochu était soutenu par la fidé-
lité de tous. Mais ce bon exemple ne lui fut pas néces-
saire. Il resta caché dans le pays, après avoir refusé le
serment aux lois révolutionnaires, et put pendant quel-
que temps donner les secours spirituels à ses parois-
siens, mais on eût dit que les soldats persécuteurs sui-
vaient ses pas, bien qu'il n*y eût pas de traître pour le
dénoncer. Après trois années d'un ministère parlicu-
lièrement pénible et dangereux, il fut saisi, en février
1794, par les Bleus, au milieu de son troupeau, et
emmené à Fontenay devant le tribunal criminel du
département de la Vendée. Ce tribunal était un des
cent quarante-trois institués par la Terreur dans la
France entière pour exterminer les honnêtes gens.
Très sommaire était la procédure : t A quoi bon toutes
ces lenteurs? disait Lecarpentier. Qu'avez -vous besoin
d'en savoir si long? Le nom, la profession, la culbute,
et voici le procès terminé. »
Ainsi, point d'instruction préalable, point de défen-
seur, un simple interrogatoire.
Souvent l'accusé était condamné et exécuté quelques
heures seulement après son arrestation. Il en fut de
même pour M. Brochu. Le tribunal l'envoya à la mort
comme < réfractaire à la loi » et il fut exécuté, le
24 février 1794, sur la place de la Révolution.
Pour cette exécution, les patriotes de Fontenay
n'avaient pas de guillotine. Ils avaient prêté à la ville
des Sables leur machine à décapiter. Mais lin vif
besoin s'en étant fait sentir, ils avaient fait appel au
civisme des républicains de Niort. Ceux-ci avaient
répondu que leur instrument était employé à Saint-
— IBO —
Maixent mais que, pour suffire à toul, ils allaient fa-
briquer cinq guillotines nouvelles (1).
(1) Parmi les braves V^déens qui furent tués au combat des
Quatre-Ghemins-de-rOie, en décembre 1795, malgré la victoire
de Gharette et de Sapinaud, était un Brochu» parent du vicaire
de Saint-Laurent, et dont la foi égalait la bravoure.
<- 151 -
NICOLAS BUCHET
CURÉ DE LEGÉ
1714^1792
Avant 180i, la paroisse de Legé appartenait au dio-
cèse de Luçon. Elle fut rattachée au diocèse de Nantes
par le Concordat du 15 août 1801.
Comme un grand nombre de paroisses des doyennés
de Retz et de Clisson, Legé se trouvait compris dans le
pays qui s'insurgea contre le gouvernement révolu-
tionnaire. M. Buchet en fut le pasteur pendant qua-
rante ans, et son zèle n'a pas peu contribué à conserver
dans cette paroisse une foi énergique qui résista aux
persécuteurs pendant cette funeste époque. 11 eut la
douleur de voir la Révolution, à ses débuts, s'attaquer
à tout ce qu'il aimait, et fit son possible pour.préserver
son peuple des atteintes à la foi. Lui-même donna
rexemple de la résistance en refusant le serment.
Mais Dieu lui épargna de voir sa paroisse saccagée
par les Bleus, son église incendiée, beaucoup des habi-
tants chassés de leurs demeures ou massacrés. Il leur
laissait un vicaire digne de lui, M. Gillier, qui resta
seul dans le pays pour pourvoir aux besoins spirituels
des paroissiens de Legé et des environs.
M. Buchet mourut le 23 octobre 1792, dit M. Briand (1),
à l'âge de soixante-dix-huit ans, à la maison du Motais,
lieu de son exil, et fut inhumé dans le cimetière de
Legé^ en présence d'un grand nombre de ses parois-
siens.
(I) Notices sur les Confesseurs de la Foi dans le diocèse de
Kantes, 1. 1.
-181-
SIMON-JOSEPH CAMUS
CURÉ DE THOUARSAIS
mort on 1793
M. Camus, né à Fontenay-le Comte, imita le clergé
de la ville et demeura fidèle à TEglise Catholique et
Romaine. Ne pouvant trouver de sûreté dans son pays
contre la persécution, il s'embarqua aux Sables, le 11
septembre 1792, sur le brick Marie-Gabriel^ capitaine
François Loubert. Il vécut en Espagne pendant plu-
sieurs années, mais Tinaction et l'exil étaient pour lui
un fardeau insupportable. Il revint en Vendée et re-
joignit Tarmée catholique. Bien que les prêtres ne
combattissent pas, leur présence n'était pas inutile.
Ils relevaient le courage de ceux qui semblaient fai-
blir, leur administraient les sacrements, pourvoyaient
à leurs besoins temporels et spirituels. Avant la ba-
taille un prêtre leur adressait une courte allocution
et leur donnait une absolution générale (1).
Pendant la bataille, M. Camus courait aux blessés,
les prenait dans ses bras, pour les mettre à Técart.
Sous le feu de Tennemi, il pansait les blessures, con-
fessait les mourants et prodiguait les secours religieux,
toujours exposé à être pris et massacré par les soldats.
C'est ce qui lui arriva.
A la défaite du Mans, en décembre 1793, il fut pris
par l'ennemi et ramené dans la ville conquise, où on
le massacra à coups de sabre. Le caractère de prêtre
était un titre certain à une mort très douloureuse.
(1) A la prise de Mortagne, sur la demande de M. Sapiuaud,
quatre prêtres donnèrent leur bénédiction aux paysans vendéens
et l'absolution, les exhortant, le crucifix à la main, à combattic
courageusement pour leur Dieu et leur religion : • Après cela,
dit Pierre Allaire, de la Gaubretièrc, nous n'étions plus des hom-
mes, mais des lions. » Mortagne fut emporté et les républicains
taillés en pièces.
— 188 —
JACQUES-RENÉ CHAILLOU
CURÉ DE MORTAGNE-SUR-SÈVRE
1744-1793
M. Chaillou, nommé à la cure de Mortagne en 1775,
était âgé de quarante- six ans en 1790. Trop attaché à
ses devoirs de bon pasteur pour sacrifier aux idées
de la Révolution, il refusa de prêter serment et, par
suite, fut condamné à la déportation. Etant tombé
gravement malade, ses paroissiens ne permirent pas
qu'il fût exilé. Sur leur demande, le directoire du
département lui accorda un sursis en septembre 1792.
Revenu à la santé, M. Chaillou ne voulut pas quitter
sa paroisse si dévouée. Il se cacha pour se soustraire
aux poursuites des révolutionnaires et continua de
procurer les secours spirituels aux habitants du pays.
Mais, Tannée suivante, on perd sa tracé, ce qui fait
supposer qu*il succomba, victime de son zèle, vers
1793, à la rechute de la maladie qui l'avait sauvé de
la déportation. Les biens de sa cure furent vendus,
le !«' juillet 1798, à deux individus étrangers au dé-
partement de la Vendée.
Cette religieuse paroisse fut fort éprouvée pendant
la guerre, et elle avait un extrême besoin de la pré-
sence d'un prêtre pour ses blessés et ses mourants.
M. Boutillier de Saint-André a écrit dans ses Mé-
moires (après la prise de Cholet, 14 octobre 1793) :
i Nous traversons, pour nous rendre à Mortagne, le
champ de bataille du 14 octobre. Jamais spectacle
plus affreux ne s'était offert à nos regards. Toute
la route que nous parcourûmes depuis Cholet jus-
qu'à Mortagne était jonchée de cadavres; les uns
gisaient nus, d'autres à demi- dépouillés, d'autres à
demi-enterrés. Ces derniers étaient les plus hideux
— 184 —
et leur vue me causa une horreur indicible. C'était
la première fois que je voyais les suites d'un sem-
blable carnage. Les champs et les fossés voisins de
la route étaient remplis de cadavres. Là, on voyait
aussi des chapeaux, des casques, des bonnets, des
couettes et d'autres effets pillés pêle-môme. Nos che-
vaux effrayés, obligés d'enjamber comme nous à cha-
que pas sur des corps, refusaient d'avancer, se ca-
braient et nous causaient grande frayeur. En arrivant
à Mortagne, un spectacle terrible s'offrit aux yeux de
ma mère. Les approches en étaient souillées de ruines
et de sang; des corps morts, des blessés gisaient nus
de toutes parts. La ville était en flammes, on ne pou-
vait traverser les rues à cause du feu. Le soir, on ap-
porta les blessés qui étaient en grand nombre. On les
déposa dans un petit hôpital, desservi par des reli-
gieuses rie Sailli Laurenl. Noire nuiisoii vn était très
voisine et Ton forra ma nicrii à aller iianser ie^ bleîî*
ses. Les cliirLirgieiis dt^ l'arin*>e ne suflisaicnL pas, et
Fou contraignit Loiîtes U's feniines qu'on pal trouver à
les aider dans rc pénildi- lïihiiMtrrG. Mu pauvre mero,
accablée d'épriHivcs e* dv fiitij^uos, lïiL obligée de tenir
les bras ri les jambes tVxui ^n%'iiHl noiiihrr* dr blessi'^s
durant plusieurs jours, [leiulïJiit qii\\n les auipuLail
1^1, qu'on leur arrarlmil il us balles vl des os brisés, •
— 155^
PIERRE-MARIE CHAPELAIN
VICAIRE DE SAINT-IIILAIRB-DE-MORTAGNE
1762.1794
Pierre-Marie Chapelain naquit aux Epesses vers 1762,
d'une famille aisée et profondément chrétienne. Entré
dans les ordres; il fut nommé vicaire de Saint-
Hilaire-de-Mortagne, le 8 novembre 1790. Comme son
curé, M. Painaud, il refusa le serment. Celui-ci s'exila
et le vicaire se retira dans sa paroisse natale, au milieu
de sa famille (1).
Là, il ne fut pas plus en sûreté qu'à Saint-Hilaire et
dut souvent se retirer dans les bois pour échapper à
ses persécuteurs. C'est pendant la terrible année 1793
qu'il réussit plus dilïicilement à se cacher.
Au mois de novembre, le citoyen Pierre Baron,
garde-magasin à Gholet, muni de pleins pouvoirs, vint
aux Epesses pour républicaniser ce pays. Après avoir
fait arrêter vingt-six des principaux habitants de cette
paroisse, seize autres lui furent signalés, et parmi eux
MM. Chapelain, Delhumeau et Paillet, prêtres inser-
mentés, qui échappèrent à toutes ses recherches.
D'après MM. Fort et Bréau, le vicaire de Saint-Hilaire
se cachait d'ordinaire dans le tronc d'un vieil arbre,
disait la messe dans les champs ou les granges isolées,
et remplissait, surtout pendant la nuit, les fonctions du
saint ministère dans cette paroisse, alors privée de
pasteur (2).
Sur la fin de janvier 1794, une des colonnes infer-
nales, lancée par Turreau, faisait des battues dans
cette partie du Bocage.
(i) M. Mathîas-Alexandre-Hilaire Paineau partit pour l'Espa-
gne le 15 septembre 1792.
(2) M. Delhumeau, curé de celte paroisse de 1775 à 1792, était
mort à cette époque. L'autre Delhumeau, cité auparavant, était
son frère ou son neveu.
- 186-
Des amis dévoués, qui apportaient au prêtre proscrit
de la paille pour lui servir de couche dans sa cachette,
en avaient laissé tomber quelques brins au pied de
Tarbre. Cet indice donna l'éveil aux Bleus qui passè-
rent. Ils vinrent surprendre et saisir le fugitif pendant
la nuit.
Cette nuit- là môme, il devait célébrer le saint sacri-
fice dans une métairie du voisinage. Trois hommes qui
lui apportaient ce qui était nécessaire pour la messe
furent arrêtés avec lui.
Ces quatre prisonniers furent conduits devant les
autorités républicaines, fusillés et inhumés dans le
jardin de la famille Fourneau, le 28 janvier 1794.
On dit que le corps de l'abbé Chapelain resta deux
jours sans sépulture. En 1845, les restes des quatre
victimes furent retrouvés avec des lambeaux d'orne-
ments sacrés, et, sur Tordre du propriétaire du terrain,
on les déposa dans une nouvelle fosse, creusée auprès
de la première.
En 1800, M. Vincent Chapelain, frère de Tabbé lîierre-
Marie et député de la Vendée au Conseil des Cinq-
Cents, provoquait une enquête juridique sur la mort
du martyr. Quatre témoins comparurent et affirmèrent
la vérité des faits que nous venons de raconter.
Ce récit est également confirmé par un rapport que
le général Haxo adressait à Turreau, daté des Epesses,
le jour même de l'exécution : « Je suis arrivé aux
Epesses le 26 janvier, à cinq heures du soir. Deux sol-
dats ont trouvé dans le tronc d'un arbre un prêtre non
assermenté, je Tai fait fusiller. Il avait sur lui quinze
louis, tant en or qu'en assignats. J'ai donné aux deux
volontaires, pour récompense, cent livres. Je suis por-
teur du reste (1). »
(1) Rapport cité par Savary. t. ill, p. 95. — Ces détails pres-
que eniiern sont dus à l'obUgeanoe de M. Hourloton, d'après les
documents recueillis par M. rai)l)é Pontdevie et reproduits dans
le Martyre de la Vendée.
Pour l'enquête de 1800, v. Archives nationales^ section F. 7,
carton 5701).
-167-
Des cruautés inouies furent commises, dans cette
paroisse des Epesses, vers la môme époque. Les
citoyens Carpenty et Morel, commissaires municipaux
près les colonnes infernales, adressaient, le 2i mars,
îi la Convention, un rapport où on lit : « C'est avec
désespoir que nous vous écrivons, mais il est urgent
que tout cela cesse.
c A MontournaiSi aux Epesses et dans plusieurs
autres lieux, Amey fait allumer des fours, et lorsqu'ils
sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants.
Nous lui avons fait des représentations convenables.
Il nous a répondu que c'est ainsi que la République
veut faire cuire son pain. »
«-1B8-
JEAN-CLAUDE COHADE
CURÉ DE LA CHATAIGNERAIE ET DE GHAISE-GIRAUD
1729-1800
Né le 30 septembre 1729, M. Cohade, curé de la
Chaise-Giraud au commencement des troubles qui
allaient ensanglanter notre pays, fut un ennemi des
doctrines politiques et religieuses de la Révolution. Dès
1790, son zèle s'était signalé par un mémoire rédigé
contre la vente des biens du clergé. Aussi ses adver-
saires ne purent lui pardonner sa lutte ouverte contre
leurs erreurs. Ayant reçu Tordre de se constituer pri-
sonnier à Fontenay, en mars 1792, il allégua une indis-
position qui était réelle, mais sans doute exagérée, c^r
étant retiré à Landevieille, où il exerçait son ministère,
en 1792, il fut dénoncé, d*aprés Chassin, par Mairand,
curé constitutionnel de cette paroisse, comme n'étant
t atteint d'aucune maladie grave, mais exerçant libn*-
ment et exactement comme par le passé les fonctions
de son ministère. »
Au cours de la séance du 24 avril, le procureur-syn-
dic de Fontenay fait, à son sujet, un rapport et le
dénonce comme • continuant ses intrigues pour soule-
ver le peuple contre les lois » révolutionnaires, et
demande que f le sieur Cohade soit conduit par la
gendarmerie au chef-lieu du département. »
C'est ce qui eut lieu peu de temps après.
L'ancien curé de la Chaise-Giraud et de la Châtaigne-
raie fut conduit comme un malfaiteur entre deux
gendarmes, de brigade en brigade, jusqu'à Fontenay,
et jeté en prison, malgré son âge déjà avancé.
Nous ignorons ce qu'il devint, mais l'Etat des prê*
très 9 dressé par rEvcché de La Rochelle en 1801,
constate qu'il était mort à cette date.
-189-*
JOSEPH-VICTOR COUPERIE
CHANOINE IIEBDOMADIER DU CHAPITRE
1730-1793
Dès le XV!* siècle, en 1473, Tévêque et le chapitre de
Luçon avaient créé six chanoines hebdomadiers ou
hebdomaires et pourvu à leur entretien.
Ces chanoines remplaçaient les chanoines titulaires
au chapitre, quand ceux-ci étaient absents : de plus, ils
étaient envoyés dans les paroisses voisines, dépendan-
tes du chapitre (1), à la mort des desservants, en atten-
dant la nomination du nouveau pasteur.
Aux approches de la Révolution, le plus ancien cha-
noine hebdomadier du chapitre était M. Joseph-Victor-
Augustin Couperie, né à Péault, le 17 avril 1730. L'abbé
Aillery a écrit qu'il avait prêté le serment constitution-
nel. C'est une erreur, ou si il Ta prêté, il le rétracta
aussitôt, car il fut mandé à Fontenay, en mars 1792,
pour se défendre des dénonciations faites contre lui (2).
Ses réponses ne satisfaisant point les juges révolution-
naires, il fut arrêté et emprisonné comme insermenté.
Il dut subir une longue détention et connaître toutes
les horreurs de la prison. A peine vêtu, couchant sur
la paille, dévoré par la vermine, nourri d'un pain noir
rare à certains jours, ne recevant de secours de per-
sonne, il persista dans son refus d'apostasie et mourut
enfin victime de la persécution révolutionnaire, ûgé de
plus de soixante ans.
(1) Triaize était dans ce cas.
(2) M. BOURLOTON.
— 180 —
FRANÇOIS-RENÉ CROIZETIÈRE
PRÊTRE DE SAINT-SULPICEj DESSERVANT A LUÇON
1763-1801
Né il La RorhoUo lo 25 septembro 17^)3, M. Croîzetioro
entra do l>onno hiîuro à Saint-Sulpico. Ordonné prêtre,
il fut envoyé on 178i) comme maître de cérémonies au
grand séminaire do Nantes, alors dirigé par M. Pierre-
Michel Guérin, de Torfou, du diocèse de Lucon. En
1790, il était économe de cette maison.
Mais, bientôt, les élèves étant dispersés ou incarcérés,
il dut chercher à sauver sa vie et vint se cacher en
Vendée, où il eut des pouvoirs. Son zèle ne put rester
inactif.
M. Croizetière retourna dans son diocèse d'origine et
exerça le saint ministère à Marans, malgré les dangers
qui le menaçaient, puis à l'hùpital de Rochefort où il se
tint longt(împs caché sous le déji:uisement d'un malade.
Il rendit aux religieuses de l'hôpital, aux déportés et
aux prêtres d'immenses services par sa parole, ses let-
tres et le ministère spirituel qu'il exerçait secrètement.
M. l'abbé de Beauregard, en prison à Rochefort
avant son départ pour la Guyane, parle dans ses Mé-
moires de ce prêtre en termes élogic^ux.
« Un jour, écrit-il, un sergent de marine vint deman-
der, à huit heures du soir, d'un ton militaire : c Citoyen,
suivez-moi. i J'arrive dans une chambre des sœurs et je
trouve un homme avec le costume des malades, mais
qui ne Tétait pas. Il m'embrasse et se nomme. C'était
M. Croizetière, prêtre sulpicien, qui correspondait avec
nous sous le déguisement d'une orthographe très fau-
tive. Je savais qu'il avait vécu dans la durée de la
guerre de Vendée, mais je ne savais plus où le pren-
dre. Je lui avais envoyé, en 1796, des pouvoirs pour
Luçon et Marans (1).
(1) a Voici eu quelles circoustanccs furcut dounôs ces pouvoirs.
t M. Croîzetière s'était attaché très jeune à la Congré-
fçation de Saint-Sulpice; il n'avait eu que des emplois
subalternes dans les séminaires, et après leur dissolu-
tion, il rentra dans le diocèse de La Rochelle; il était
de cette ville; sa famille était honnête et ancienne. Le
sulpicien Croizetière, après avoir beaucoup travaillé à
Marans, qui lui doit d'avoir conservé la foi, s'était re-
tiré secrètement chez les sœurs à l'hôpital de Roche -
fort, et il les a conduites pendant plusieurs années
avec grande sagesse. Il était facile à cacher, parce
qu'il n'avait goût que pour Tétude et les écritures. Ses
mœurs et sa piété étaient celles d'un sulpicien, son dé-
sintéressement très grand, et sou inattention pour sa
personne était extrême : sa retraite profonde, nul désir
de sortir; les sœurs lui avaient fait plusieurs cachettes
très ingénieuses; là où on le mettait, il y restait,
ayant toujours eu autour de lui ses portefeuilles. Il
était proiire aux sciences, au calcul, etc.
• Il s'était fait des méthodes, des abrégés, et il avait
inventé, ou très perfectionné un caractère tachigraphi-
que. (C'est l'art de peindre la parole d'une manière
prompte.) Celui de ses frères qui avait le plus de rap-
ports d'âge et d'amitié avec lui correspondait avec lui
sur ce sujet et plusieurs autres, sans pouvoir pénétrer
sa retraite.
« Les sœurs le nommaient la sœur Anney et c'est ainsi
qu'on lui adressait ses lettres. Sa passion était d'avoir
des correspondances fort étendues, mais qui avaient
pour but unique de travailler au bien de la religion et
de connaître tout ce qui y avait rapport. Du fond de sa
En juin 1795, M. de Beaurcgard était à Beaufou, où il remplis-
sait les fonctions de vicaire auprt^s du curé, M. Thomas, son
ancien précepteur. Le jour de la foire, 24 de ce mois, raconte
M. djB Beauregard, i vint un honnête marchand qui me remit
une lettre d'un prêtre qui me demandait des pouvoirs pour
LuQon. >
• Il datait ainsi sa lettre : \ aux Corint, cap. 10, v. '22. Si quis
non amat Dominum nostrum Jesum Christiim, sit unathema^
maran atha. Ce prêtre était M. Croizetière, sulpicien, qui a vécu
longtemps à l'hôpital de Rochefort, aumônier caché des sœurs de
saint Vincent de Paul. Je l'y ai revu en 1797, et m'y a fait célé-
brer plusieurs fois la messe. Il me fît voir alors les pouvoirs que
je lui avais donnés, *
ii
— 16Î —
reiraite, il écrivait à tout l'univers et à des ecclésiasti-
ques notables et savants; il l'était lui-même, et per-
sonne peutftlre n'a acquis autant de connaissances
des matières religieuses de la Révolution.
€ II avait fait des recueils très étendus appuyés sur
des pièces originales, qu'il se procurait par des moyens
toujours sûrs et prudents. Il n*a jamais cessé de cor-
respondre avec M. l'abbé Emery, dont il n'avait pas
partagé Je goût pour les nouveautés ; il le reprenait
avec force et franchise; M. Emery n'a jamais voulu
rompre avec lui. Il était vif dans ses écrits et ses let-
tres, mais doux dans la conversation : il se rendait à
ja vérité. Les services qu'il a rendus aux déportés,
Uinl à Rochefort qu'à Cayenne et à l'île de Ré, sont
infinis. Sa charité est venue me chercher jusque dans
les déserts de la Guyane, (^est de lui que j*ai reçu
Tespoir de n^tourner en France. Il me le manda d'une
manière ingénieuse : il m'envoya une petite malle
remplie de livres et autres elTets; cette malle était dou-
blée de papiers de diverses couleurs, qui étaient cou-
verts de caractères tarhigraphiques, par lesquels il
me lit ])rév(>ir le nnverstnnent du Directoire, etc. Il
joignit à ses »ir}M\l.';> un bref du pape contenant des
pouvoirs for! Vr. . \:.> r..'.:r l»*s déportés à la Guyane,
c iN'ii.hiiiî i.;. uyi^:/. ■ 1-. >«i';our que je lis à l'hôpital,
je h* v»''\aî> i."h"> '<< .••c.*-i. et il nu» faisait célébrer la
mrss( . ; Il j. iir*tn.' h-*- ciMiiST les vêpres les jours de
d»m5iij.'îj'**v M ijiiii'u 'Jt's sœurs et des domestiques de
)h iii:i>.Mi r> M/Hii*>i, diiUii k« t<uups (le la plus grande
»iT*<'ir t^u* Il -Musi'ivr l'usaire du chant, et on ne
S(vu»« 'ii.iail ' ts lu ua prèlre osât présider à ces pieux
^, .: !»..»• t "■.i\« M. (h'oi/etiérL» ùla religion, à ses amis
. :,. V t îî'S o'i juillet 1801. Il nfrcrivit peu de jours
: •.;. \* :iiv'ii it rfoouiiuanda à uk»s prières la sœur
i<^ Ui'> '^^^^ uioa temps, était ehargée de la salle
*-, V .vi'v»4te^> inalailo it'uuo lièvre maligne; six jours
•^ •.♦ >, .>ii stiKionra sa mort.
* ''u % reeuoilli ses maiiuserits : il avait légué ses
r. t N,U4 ititur séminaire de La Rochelle.
c V xt uu»it ou a brûlé plus de mille lettres, etc.
* n; |Vu ilius eroiro celui qui a ret^u ses derniers
^'vii»iiH, lo ctia^nu avait hâté sa mort/ses correspon-
uiwiu^. lui a\ sxmH uuuKlc de Rome qu on perdait l'espoir
^163-*
(lu rétablissement de la religion en France ; il fut at-
terré par cette nouvelle dont je vois quelques ouver-
tures dans ses lettres.
€ Sa mort fut celle d'un saint prêtre, i
-Id&^
DEFRËSNE
DOYEN DU CHAPITRE DE LUÇON, VICAIRE GÉNÉRAL
1800
M. Defrosno avait romplacé, en 1789, Tabbé de Hercé
on qualité de doyen du chapitre de Luçon. Personne
mieux que lui n'était capable de relever la considéra-
tion du poste où rélevait l'estiniiî générale, avec celle
de son évèque, Mgr de Mercy. A ce titre, il joignait
celui d'abbé cornmendataire de Tabbaye des Fonte-
nelles, prés la Roche-sur-Yon. Non moins distingué
par ses talents, sa science et ses vertus, il était jugé
digne de Tépiscopat.
Dieu en avait décidé autrement.
En vertu d'un arrêté pris par le Directoire départe-
mental contre les prêtres non assermentés, un mandai
d'arrêt était décrété contre lui. On le si^inalait comme
un homme actif et dang(îreux.
Quand fut décrétée la Constitution cioile du clergé
(12 juillet 1790), il eut le courage d(; signer, à la tête de
son chapitre, une noble prott.'station contre Tacte de
l'Assemblée constituante. Cette protestation, envoyée
à Paris, y fut lue en séance publique (1).
Au moment où on arrêtait les prêtres insermentés,
M. Defresne quitta Luron et se retira auprès de- son
évêque, à Paris, dont il était Tami et le commensal.
Ce n'était pas fuir la persécution, puisiiut^ là encore
elle était plus ardente peut-être ([ue partout ailleurs,
témoin les massacres de sei)tembr(î ([ui allaient se pro-
duire.
Il y vé(Uit jus(|u'îi la veille d(î ces massacr(\s, dans la
société de son évê(|ue, qu'il aida, coiiHue vicaire géné-
ral, pour Taduiinislration des allaires ecclésiastiques,
(1) Nou» l'avons donu^'c, avcîc la linto de? cbauoiiios de Luçon,
au commencemeut du ce volume.
- iOB-
el aussi dans celle de son ami, l'abbé André de Beau-
regard, qui V aimait plus que tout autre^ après sa mère
et ses frères.
Nous lisons, dans les Mémoires de M. Jean de Beau-
regard, que M. Defresne partageait le logement de
Tabbé André, et même son lit, car ils étaient logés fort
à Tétroit dans leur cachette. Mais vers la fin du mois
d'août, il dut quitter la capitale. Le doyen ne franchit
pas encore la frontière et se réfugia à Saint-Claude,
dans le Jura. Les lettres de Mgr de Mercy, avec lequel
il resta en correspondance, tiennent au courant de sa
position. Après avoir été retenu trois jours en prison à
son arrivée à Saint-Claude, il fut mis en liberté. Puis il
alla peu après en Suisse, et de là en Italie.
€ M. Defresne a quitté la Suisse, écrit le prélat, et
est allé à Turin, où M°»« la duchesse de L... a été
appelée par Madame (femme du comte d'Artois).
€ L'abbé Defresne, qui était sorti un moment de
Turin, y est retourné et toujours avec M""' la duchesse
deL... Mais le sort do ce pays est toujours incertain
et l'abbé n'écrit point. * (Lettre du 30 juillet 1796.)
Ensuite, le prélat annonce le décès du doyen, qui
s'était dévoué pour les soldats français et était mort
victime de sa charité, e Le si cher abbé Defresne, écrit-
il, est mort à Clagenfurt, en Carinthie (1), le 13 de ce
mois, martyr de son zèle et de sa charité.
€ 11 y avait à Clagenfurt quinze cents prisonniers
français; parmi eux s't^st manifestée une épidémie à
laquelle on n'a pu encore trouver de remède. Les prê-
tres français qui sont dans ce pays-là ont été invités à
leur offrir, dans leur hôpital, les secours de leur minis-
tère. Des quatre premiers qui y sont allés, deux sont
morts et deux sont gravement malades. Cela n'a pas
arrêté le zèle de notre saint doyen.
€ Malgré les instances de ses amis, malgré la défense
expresse de Madame, à qui il disait la messe tous les
jours, il a cédé à l'impulsion de sa charité. Il a compté
pour rien sa vie, il a cru en devoir le sacrifice au salut
des âmes de ses malheureux compatriotes; il s'y est
saintement préparé. Il a contracté la maladie, il en est
(l) Province des Etats autrichiens prise par les Français en
1800 et réunie à PEmpire. En 181 i, elle retournait à l'Autriche.
- 169 —
mort en véritable prédestiné, emportant les regrets,
l'estime et Tadmiration de tous ceux qui Tont connu.
C'est une grande perte pour notre diocèse. Aussi est^
sur elle que je pleure et sur moi, non sur lui. Il n'est
pas mort, notre ami, il n'est qu*endormi dans le Sei-
gneur, il jouit du repos des justes, il nous a montré le
chemin ; profitons de ses exemples pour mériter de lui
être un jour réunis. Recommandez-le aux prières de
tous nos frères. » {Lettre du 26j(moier 1800.)
M. Guillon, parlant de la mort de IL Defresne,
ajoute : « Noua le plaçons sans hésiter au nombre des
martyrs. »
C'est de lui que M. André de Beauregard, massacré à
Paris le 28 juillet 1793, dans une lettre d*adieu à sa
mère, écrivait ces paroles : < Je prie mon ami de lire
dans mon cœur ce que je regrette tant de ne pouvoir
lui exprimer. Nommer mon ami^ c*est assez vous faire
connaître à qui est dû ce titre qu'il possède depuis
longtemps. »
Les deux amis étaient vraiment dignes Tun de
Tautre.
— 167 —
DELHUMEAU
CURÉ DES ÉPESSËS
1710-1792
Ce vénérable vieillard avait quatre-vingts ans au
moment de la Révolution. Ayant refusé le serment, il
reçut Tordre de se rendre à Fontenay, en vertu d'un
arrêté du Directoire du département en date du 29 mai
1792, mais il se tint caché, n'ignorant pas le sort
réservé aux prêtres prisonniers.
Il fut néanmoins découvert, arrêté et incarcéré à
Chàtillon. Malgré son grand âge, il parvint à ^'échapper
et mourut vraisemblablement quelque temps après,
car on n'entendit plus parler de lui. Dieu lui avait
épargné de voir le pillage et les massacres dont furent
victimes ses paroissiens dans le courant de mars
1794 (1).
(1) D'après M. Bourloton.
-168 —
M. DBNY
VICAIRE A TREIZE-VENTS
Mort vers 1798
Ce prùire courageux était vicaire à Treize-Vents en
1790. Plus ferme sur les principes catholiques qud son
curé, M. Mousset, M. Deny refusa ênerglquemenl le
serment schismatique et ne subit aucunement in-
fluence de son curé, avec lequel il n'avait de rapports
que pour les fonctions du saint ministère, car il ne
logeait pas au presbytère, mais dans une maison du
bourg.
On raconte que le jour du Jeudi-Saint 1798, M. Deny
ayant célébré la messe, le curé assermenté se présenta
pour recevoir la sainte communion et se la vit refuser.
Après ce fait, l'intrépide vicaire s'attendait chaque
jour à être dénoncé puis arrêté par la force armée. Il
prit donc ses mesures en conséquence pour se mettre
en sûreté. Il n*éraigra point comme tant d'autres de ses
confrères, mais se cacha dans le pays, pai^fois dans
cette paroisse môme, où il était avantageusement
connu et où il pouvait compter sur la protection et la
discrétion des habitants.
On savait à Treize-Vents que deux prêtres se tenaient
cachés à la Martiniére. Ce village situé à environ deux
kilomètres du bourg, un peu à gauche de la route qui
conduit aujourd'hui de Treize-Vents à Saint-Laurent-
sur-Sèvriî, et à cinq c(»nts mètres à peine de la Sévre,
est habité, depuis au moins trois cents ans, de père en
iils, par la famille Devaud. C'est cette excellente famille
qui donna asile aux deux prêtres.
Elle conserve encore religieusement le coffre de bois
qui servait d'autel pour la célébration des saints Mys-
tères, et montre aux visiteurs Véglise provisoire où
s'assemblaient, pendant la nuit, les pieux fldéles du voi-
sinage, église qui n'était qu'un vaste grenier, long do
vingt cinq mètres, large de six et haut de deux mètres.
Ce village heureusement ne fut pas brûlé par les
Bleus. Quand ils le visitèrent, ils se bornèrent à incen*»
diet les puillefs. C'est non loin de là, à cent mètres
environ, au milieu d'un champ de genêts, que s'ouvrait
une cachette où les deux prêtres se retiraient pendant
le jour. Les traces en étaient encore visibles il y a peu
d'années.
Les missionnaires qui évangélisent les païens ne
sont pas obligés de s'entourer de plus de précautions,
pour éviter le regard des persécuteurs, qu'il n'en fallait
à ces ministres de Dieu pour remplir la mission du
salut des âmes. Leur zèle avait recours à toute espèce
d'industries et n'épargnait aucune des ressources sug-
gérées par une sublime charité. Pour porter aux fidèles
les consolations de leur ministère, pardonner et bénir,
ils changeaient les jours en nuits et les nuits en jours.
Ils s'entendaient avec des hommes dévoués et intelli-
gents qui les avertissaient des périls, les conduisaient
pour confesser les malades en danger de mort, baptiser
les petits enfants, faire goûter les joies de la sainte
communion, donner la bénédiction nuptiale à ceux qui
ne voulaient pas recourir aux prêtres intrus.
Le premier des prêtres cachés vers Treize-Vents
était M. Vion-Dubois, curé de la Chapelle Largeau,
l'autre devait être M. Deny (1). Celui-ci avait confié les
vases sacrés au trésorier de la fabrique de réglise,
Jean Coûtant, qui les renferma dans de petites boîtes
en bois cachées secrètement sous des rochers, dans un
champ appelé le Champ de la Grande-Chicane. Les
Bleus, qui partout faisaient main basse sur les objets
d'or et d'argent dans leurs visites à Treize-Vents,
essayèrent bien d'arracher à Jean Coûtant son secret.
Mais le fidèle trésorier demeura sourd et impassible.
Ni prières, ni menaces n'eurent sur lui aucun effet.
Quand lurent passés les mauvais jours, on retrouva
les vases sacrés intacts dans les cachettes.
Au -contraire, l'église de la paroisse eut beaucoup à
souffrir des ravages des Bleus, et le serment de
M. Mousset ne la préserva point de l'incendie. Toutefois
(l) Un M. Brunetière, qui, en 93, signe chanoine do La Ro-
cbello, administra aussi à cotte époquo les deux paroisses de
Treize- Vent s et de Mallièvre.
- !70 —
elle ne brûla pas entièrement quand le feu y fut mis,
dans les premiers mois de 1794, et les flammes s'arrê-
tèrent subitement devant un groupe de statues appelé
la Passion, composé d'un grand Christ en bois et des
statues de S. Jean et de la Mater dolorosa^ placé sur
une poutre transversale en avant du sanctuaire.
Les cloches avaient disparu du clocher. C'était autant
de ruines à réparer.
On ignore la date exacte de la mort de M. Deny, mais
elle arriva avant la fin de la Révolution.
j
- 171-
JEAN-PAUL-ARMAND DOLBECQ
VICAIRE DE NOIRMOUTIER, CURÉ DE SAINTE CÉCILE
1788-1793
D'origine normande, M. Dolbecq, comme beaucoup
de ses confrères, eut une vie très tourmentée pen-
dant les mauvais jours de la Révolution.
D'abord vicaire à Noirmoutier, il était curé à Sainte-
Cécile en 1788, et il crut pouvoir prêter serment. Mais
son vicaire et cousin, l'abbé Le Gouic, l'en détourna.
Ne voulant pas subir Texil mais demeurer au service
de ses paroissiens , il resta caché dans le pays et prin-
cipalement chez M. Remaud, curé de Chavagnes-en-
Paillers. Là, des âmes pieuses subvinrent à ses be-
soins.
Mais, un jour, la garde nationale des Herbiers étant
survenue à l'improviste, il dut avoir recours à un
déguisement, au moyen duquel il passa parmi les sol-
dats sans être reconnu.
M. Dolbecq se réfugia dans les bois. Des chasseurs
l'y découvrirent en compagnie de plusieurs autres
prêtres : il fallut fuir encore. Les réfugiés se dispersè-
rent deux par deux, M. Remaud jeune et M, Dol-
becq ensemble.
Ils purent arriver à Mâché pendant la nuit : « Nous
trouvâmes, mon camarade et moi, rapporte M. Remaud
dans Ma vie pendant la Révolution^ chez M*'** Mingueti
à Mâché, tous les égards dûs au malheur, j'ose dire
tous les soins de Tamitié; nos jours auraient été heu-
reux, s'ils n'avaient pas été empoisonnés par la crainte
de voir arriver du mal à ceux qui demeuraient avec
nous. Cette idée affreuse ne nous laissa jamais de
repos. Nous entendions souvent des menaces, des im-
précations.
« Enfin, jour et nuit, 6n menaçait d'incendier la
maison de notre retraite. Nous voulions la quitter dans
la crainte de quelques grands malheurs^ mais nous
— 172 —
fûmes charitablement retenus par la maîtresse de la
maison qui nous répétait sans cesse qu'elle n'avait
pas plus à redouter que nous et qu'elle avait fait le
sacrifice de sa vie en nous donnant rhospitalitè-
« Nous passâmes ainsi cinq mois pendant un hiver
rigoureux. M. Dolbecq tomba malade. 11 fut soigné
avec toutes sortes d'égards. Il commençait à peine à
guérir, quand la cruelle guerre de Vendée vint chan-
ger nos destinées. »
En eirel, le 13 mai 1793, le tocsin leur annonça le
soulèvement de la Vendée. Des bandes de paysans, ar-
més de piques, de fourches, de mauvais fusils, vinrent
à Mâche et emmenèrent les deux prêtres pour les pro-
téger : M. Remaud à Apremont et M. Dolbecq à Saint-
Ktienne-du-Bois, où il s'ellorra de calmer les esprits
agités.
t Depuis le commencement de 1794 jusqu'au com-
mencement do 1795, dit Tubbé Remaud, Tincendie,
le meurtre et le pillage ont désole la Vendée. On ne sa-
vait plus où se réfugier, chaque jour m'annonçait
quelque nouveau malheur, quelque nouvelle perte.
M. Dolbecq, qui m'avait promis de ne plus me quitter,
fut invite un jour par le général Jolly d'allct l'accom-
pagner dans une expédition qu'il allait faire dans la
paroisse du Poiré. »
Le pauvre prêtre, sachant sa tête mise à prix par
les Bleus, se décida à suivre l'armée catholique. Là, du
moins, il était en sûreté et son ministère? était Utile
aux soldats vendéens. Mais dans une déroule prés le
Pont- de-Vie, M. Dolbecq fut poursuivi el tué à coui)s de
sabre par un cavalier républicain (1).
(l) Dans la déroule du Mans, les It? et lii drcemhro 1703,
l'abhé (iaillard, vicaire à Ghauloloui>, dans la Vendé(» anpevino,
s'cilbrçail. de soutenir le courage de quatorze de ses paroissiens,
qui le suivaient ei se trouvaient à bout de forces. Les voyant in-
capables d'aller plus loin et. d'échapper à l'ennemi, il les conduit
à l'écart, les confesse, les |)répare à la mort, leur dit que si
la terre est triste, le ciel est toujours beau, ot qu'il resli? ou-
vert aux martyrs de la cause catholique : « Vous êtes confessés
et absous, ajoute-t-il, (ju avez- vous à craindre*^ Ah! vous êtes
plus heureux que moi : je n'ai pas ici de confesseur, pour m'en-
tend re. »
Quelques instants après, le courafieux pasteur, surpris par
les soldats républicains, est massacré avec le petit troupeau qui
rentoure.
-m-
M. Remaud raconte le fait en ces termes : c J'appris,
le soir, la mort de M. le Curé de Sainte-Cécile, qui
fut sabré prés du Pont-de-Vie, à la suite d'une débûcle
qu'éprouva le général JoUy, proche du village de la
Montmornière, sur les bords de la rivière de Vie,
J'ai entendu dire à son assassin qu'il était mort en
disant : t Je remets, Seigneur/ mon ûme entre vos
f mains. »
« Je lui fis donnner la sépuJture dans le cimetière
du Poiré le lendemain. La perte de cet ecclésiastique
me fut d'autant plus sensible que je l'avais sauvé de
toute sorte de dangers pendant la première année
de la guerre. •
-m^
GABRIEL-URBAIN DOUAUD
DE TIFFAIJIÎKS, CHANOINE DE NANTES
1730.1793
La petite ville de Tiffauges, en Vendée, a donné
naissance à deux frères Douaud, tous deux prêtres
éminents et édiliants (1). Nous parlons ici de Talné,
M. Gabriel-Urbain Douaud. Il iit ses études à Nantes,
au collège des Pères de TOraloire et s'y fît constam-
ment remarquer par ses succès, son aménité et sa
piété. Il resta, sans dout(î. ensuite quelque temps dans
le monde, car il ne fut ordonné prêtre qu'en 1763 par
Mgr de la Muzanchére qui le choisit pour son secrétaire
et le nomma chanoine de sa cathédrale.
M. Douaud consacrait à l'étude, à la méditation et aux
œuvres de charité tout Iv temps que lui laissaient ses
fonctions. La ponctualité fut l'une» de ses vertus favo-
rites. « Un<' heure m'est assignées disait-il, pour mon-
ter à l'autel, à moi d'être fidèle au rendez-vous pour ne
pas conclamnt'r Jésus-Christ à faire antichambre. Hélas!
il n'attend (iu(» Iroj) déjà à la porto de tant di» cœurs qui
lui sont absolument fermés. •
Cette régularité était si connue qu'un vieil horloger
du (juarticu* ne trouvait ricm de mieux pour recomman-
der sa marchandises à ses clients que de leur dire :
(1) Le jeune IViTe du martyr, Louis-Georges Douaud, né le
'25 août 17.*) i, suivit dabonl la carrière des armes et devint capi-
taine de dragons. Etant ensuite entré dans le sacerdoce, il fut
vicaire de Saint-Donatien, à Nantes, puis curé de Saveuay en
mars i770. Chassé de sa cure par un intrus, en mai 1791, pour
avoir refusé le serment, et enf(?rmé à la prison Saint-Clément, en
même tem])s que son frère (îabriel, il fit partie du convoi des
prêtres déportés en i^^spagne en septembre 1792 et embarqués
sur le Saint'Gereon, M. Douaud résida à Tuy, en Galicic, rentra
en France en 1802 et redevint cure à Saveuay, où il est mort
en 1833. (HUtoire de Savenat/y pur Lkdoux.)
-1Î8-
f Achetez mes pendules en toute confiance, poul*
elles comme pour M. Douaud il n'y a ni avance ni re-
tard; comme lui elles ne connaissent que l'heure juste
et la minute exacte »
La première de ses occupations favorites était d'aller
faire le catéchisme, dans la maison du Bon-Pasteur,
aux petites filles recueillies parmi les enfants trouvés.
Son ministère y fut béni, et un grand nombre d'âmes
lui durent leur persévérance dans le bien.
€ Une autre de ses œuvres, dit M. Briand, était de
réunir chez lui, surtout pendant l'hiver, le soir, plu-
sieurs jeunes clercs qui, tout en suivant les cours de
théologie au séminaire, habitaient la ville, où ils don-
naient des leçons pour subvenir aux frais de leur en-
tretien. Admis sous le toit et parfois à la table du
vénérable prêtre, ils trouvaient toute facilité pour
s'entretenir des choses de Dieu et se conserver dans
l'esprit de leur sainte vocation. La fortune personnelle
de M. Douaud lui permettait d'exercer largement cette
hospitalité. Toute sa vie il eut une prédilection mar-
quée pour les élèves du sanctuaire qui, disait-il avec
émotion, portaient sur leurs fronts le sceau de Vélec^
tien divine. Avec bonheur, comme un illustre évoque
de notre temps, lui aussi aurait aimé à dire : t Ce sémi-
€ nariste, c'est un prêtre en fleur. » MM. les Direc-
teurs du séminaire rendaient témoignage au zèle de
M. Douaud pour la formation dos clercs, et se plaisaient
à l'appeler le directeur extra muros. »
Les réformes révolutionnaires vinrent enlever le
pieux chanoine à ses œuvres de zèle, et sa vie édifiante
était trop en opposition avec les idées nouvelles pour
qu il ne fût pas une des premières victimes de la per-
sécution. Mis en demeure, comme tous les prêtres, de
faire serment à la Constitution civile, il refusa. Le
département arrête que les prêtres non assermentés
seront tenus de se retirer dans la maison dite de Saint-
Clément (séminaire de Nantes), pour y demeurer.
C'était l'emprisonnement déguisé. Cent-trois prêtres
du diocèse de Nantes et quelques-uns de la Vendée
furent arrêtés et conduits au séminaire, au mois de
juin 1792. Un arrêté du Directoire portait que les pré-
-176-
1res détenus éliraient entre eux un directeur ou éco-
nome. M. Douaud fut choisi par ses confrères pour
remplir ces fonctions pénibles. On lui délivra un sauf-
conduit pour pouvoir conférer avec les autorités du
département sur les conditions matérielles des prêtres.
l/Etai de dépenses de M. Douaud, qui coiitenail
chaque jour le nombre des prêtres emprisonnés, com-
mence ainsi : c juin 1792, quatre-vingt-seize prêtres i
souper, quarante-huit livres de pain. * Le plus grand
nombre de ces prêtres devai<mt quitter la France au
mois de septembre, en exécution de la loi de la dépor-
tation.
On comprend quelle lourde charge incombait au
prêtre directeur, d'autant plus que les relations avec
l(îs autorités d(»vinrent de plus en plus difficiles et
la situation des prisonniers de plus en plus grave et
douloureuse.
De temps à autre, on lit dans VEtat des dépenses des
supplications comme la suivante qui montre bien les
soucis cruels de Téconome (>t le soin qu'il prenait de
ses malheureux confréries : « Presque tous les effets
que nous avions dans la ri-devant maison des Carmé-
lites ont été pillés, vous en êtes instruits ; la plupart do
nous sont dénués de* tout. Comment garantir des
injures d(» l'air et de la saison qui s'avance, dans une
maison exposées à tous les vents, un bon nombre cou-
ehés dans des greniers mal eouv(»rts et mal fermés,
sans feu, sans lumière et sans pr(»sque aucun secours?
Ce speetaele vous tourherait, citoyens administrateurs,
et vous ne verriez pas sans émotion l'état où sont
réduits des vieillards et des inlirmes. Il ne lient qu'à
vous de nous en tirer. Depuis quinze mois, nous souf-
frons sans plaintes et sans murmures, ne serait-il pas
temps i\r rompre nos fers? Je su|)plie les administra-
teurs du déparleiiK^nt de recevoir favorablement VEtat
que j'ai riioiiiHuir ihi lui présenttT, car quelque misé,
rable ([ue soit la vie que nous menons, à raison de la
elierté drs vivres, il est impossible» de satisfaire» les
fournisseurs et (h^ se procurer Tabsolu iiêeessaire. »
Le 8 août suivant, M. Douaud, à bout de ressources,
implore dcî nouveau la compassion des administra-
teurs. Sa requête est enlin admise, et le secours jour-
nalier aux prêtres élevé à 1 fr. 2o.
Mais, du même coup, les détenus virent leur situa-
Uon s*aggraver. On les transféra à la prison des Petits-
Capucins, au nombre de cent-cinq prêtres. Le séjour y
était plus pénible que précédemment, le local plus
resserré, et la célébration de la messe impossible et
interdite.
Le 26 août, l'Assemblée législative ayant voté l'ex-
pulsion du territoire français de tout ecclésiastique
non assermenté, les prêtres âgés de soixante ans
avaient le droit de demeurer en France : les autres de-
vaient être exilés. M. Douaud était de la première
catégorie. Il demanda donc à rester, mais il fut empri-
sonné avec soixante-quatre autres prêtres au couvent
des Carmélites, A'oh Ton avait chassé les religieuses.
Tous étaient âgés ou infirmes et, dans cette prison,
une infirmerie devenait nécessaire. Ce fut en vain
que M. Douaud la réclama. Au reste, tout cela était
inutile, le terme fatal approchait.
Bientôt les détenus apprirent qu'ils allaient être
transportés sur le navire la Gloire^ en station sur la
Loire. M. Douaud osa réclamer au nom de tous ses
confrères. C'était la dernière halte avant la mort : ils
l'avaient compris.
Dans cette prison plus douloureuse que toute au-
tre, le chanoine Douaud fit rédification de tous les
détenus par sa douce et calme résignation, par sa déli-
cate charité et les paroles d'encouragement qu'il prodi-
guait aux compagnons de son martyre.
M. Douaud fut submergé dans un bateau à soupape,
avec les prêtres internés sur la Gloire, dans la nuit du
16 au 46 novembre. Il périt à l'âge de soixante-trois
ans, victime de son attachement à la foi et à son devoir
sacerdotal (i).
(1) D*après M. Bbiand. Les Confesseurs de la Foi dans te dio-*
cése de Nantes.
a
— 178 —
SYLVEST.RE-FRANÇOIS DUCHAFFAULT
OFFICIER, CURÉ, CHANOINE
1734-1822
Le comte DuchafTault est né à Montaigu, le 8 dé-
cembre 1734, de messire Julien-Gabriel DuchafTault,
seigneur de la Sénardière, en Boufféré, et de dame
Jeanne Robert de Chaon. L'influence de son parrain et
oncle, Louis-Charles Duchaflault, seigneur de Melay,
nommé vice-amiral en 1791, aurait dû, semble-t-il, dé-
terminer le jeune Sylvestre à choisir la marine pour
carrière; il entra cependant dans l'armée de terre
et prit part à la guerre de Sept-Ans, en Allemagne.
Le M janvier 1759, il épousa Françoise Marin de
la Guignardière , en Avrillé. Dieu bénit cette union,
de laquelle naquirent six garçons et trois filles. Com-
blés des dons de la fortune, heureux dans leurs en-
fants, aimés et considérés de leurs voisins, le comte
et la comtesse DuchafTault n'avaient rien à souhaiter
pour leur bonheur, mais, selon la parole de TApôtre,
il n'y a point de situation stable ici-bas. La Révolu-
tion, qui venait d'éclater, leur en fit faire une cruelle
expérience.
En 1791, le comte DuchafTault dut prendre le che-
min de l'exil pour sauver sa tète ; sa femme, qui avait
suivi l'armée vendéenne, mourut à la Flèche, vers
la fin de 1793; deux de ses filles périrent dans les
prisons du Mans, la troisième, héroïque amazone,
prise les armes à la main, combattant contre les Bleus^
fut fusillée comme brigande.
Quant au comte DuchafTault, il avait rejoint le prince
de Condé à Worms; il s'engagea dans la cavalerie, prit .
part à toutes les batailles, se distingua par un courage
et une constance dignes d'éloges et le dévouement
le plus entier au service du roi. Sa belle conduite fut
récompensée par le titre de chevalier de Saint Louis, le
21 janvier 1798.
— m —
De retour en France, le 16 mars 1802, le comte
trouva, comme les autres émigrés, sa position bien
différente de ce qu'elle avait été jadis.
Nous avons dit les pertes que la Révolution lui avait
fait subir dans sa famille ; à peine lui restait-il quel-
ques débris de sa brillante fortune. Le domaine de
la Guignardiére, en Avrillé, était passé à des mains
étrangères, et la Sénardière^ bien que non vendue,
avait été en grande partie détruite par Tincendie. L'ha-
bitation principale, construite sur un terre-plein très
élevé et entouré de douves profondes, qui existe en-
core, avait été détruite, les servitudes du château
seules subsistaient.
C'est là qu'il dut faire sa demeure.
Comme le prophète Jérémie, pleurant sur lés ruines
de Jérusalem, le vieux gentilhomme déplorait l'état de
la France : tout Tattristait autour de lui. Sa foi vive lui
inspira une résolution que son âge semblait rendre
irréalisable, mais son tempérament robuste et son ca-
ractère énergique lui firent retrouver une nouvelle
jeunesse pour servir l'Eglise dans le sacerdoce.
A soixante neuf ans, il embrassa l'état ecclésiastique
et fut ordonné prêtre en 1803, alors que la paix venait
d'être rétablie en France. Sa nouvelle carrière, rela-
tivement longue, puisqu'il vécut encore plus de vingt
ans, montra que pour avoir été tardive, sa vocation
n'était pas moins réelle. Le noble vieillard comptait
dans ses ancêtres plusieurs illustres prélats et même
S. Martin de Verlou, de sorte que, comme l'écrivit,
en 1888, M. de la Nicolliére, archiviste de la ville de
Nantes, la vocation ecclésiastique était de tradition
dans cette noble famille.
Aussitôt^ Mgr Duvoisin, évéque de Nantes, voulut
honorer son diocèse en nommant le nouveau prêtre
chanoine honoraire de la cathédrale, en 1804.
Après son ordination, Tabbé Duchaffault se retira
à la Sénardière, commune de BoulFéré, à deux kilomè-
tres de Montaigu. Là, il s'était fait arranger un mo-
deste logement dans les servitudes de son ancien châ-
teau.
Il célébrait la sainte messe dans la chapelle, épar-
gnée par les démolisseurs de la Révolution et restau-
rée, depuis, par M"° la baronne du Landreau, qui avait
acheté les ruines de cette propriété. Sa charité çt sa
— 180 —
piété rayonnaient autour de lui, âon înflaence «^taît
considérable dans le pays (!).
Mais cette position tranquille et modeste ne pou n an
sutUrc au zèle du nouvel abhé et à raciivité de rancien
soldat : il se lit autoriser à desservir rhùpital de Mon*
taigu, en qualité d'aumùnicr, Il s'y rendait chaque
vendredi pour confesser les malades et les religirîUSM
qui les servaient» ce qu'il continua de faire après avoir
accepté la cure de la Guyoniiiëre, comme nous lo dî*
rons bientôt.
La Vendt'o, après avoir perdu le siège épiscopal de
Luçon par suite du Concordat de 1801, avait été réunie
au diocèse de La Rochelle, Les prêtres manquaicnL
Mgr Paillon olTril la cure de la Guyonniére a Talibâ
Duchatlault qui l'accepta. Celle localité ubI située à dix
kilomètres de Muntaiiiu.
Il y remplit les fonctions de curé pendant plus d(*
dix ans, avec une ardeur toute juvénile et une abnéga-
tion dont semblaient le rendre incapable son âge et
sa condition.
Pour apprécier le mérite du gentilhomme desser-
vant, il fautlrait avoir connu comme nous le presby-
tère qui lui servit de logement dans su vieillesse, à la
place du chilteau de ses ancêtres, H consistait dans un
rez-de-chaussée composé de deux pièces; un escalieri
raide comme une échelle, conduisait à un étage qui
n'était qu'un grenier. LVglise paroissiale, pauvre et en
ruine, n'avait plus de clocher; le pignon de la façade
était surmonte d'une sorte de bretècM à deux baies,
destinée à recevoir les cloches, Par dérision, les voi-
sins appelaient ce campanile primitif les Lunettes de
la Guyonniére,
Une lettre écrite en 1867 par M. Amiot, siuccesseur
immédiat de Tabbe DuchalTault, rappelle d'une manière
I
(l)Oii rAconlf* qa'uii jour il «lonnait h sa porïp un <ïcu à an
pauvre et que colui-tû se i>Iaignit île ne [>na recevoir asstîz,
M. Duchîirtîiah se (il roniêUre la pièce rrorgenl r^i floiiTia à »a
place dmx sou^. Le mcudiaal H*en alLi unn l'onfus \a\ Uinn
était bonfie.
-181 —
touchante les vertus de son prédécesseur : t Sa charité
pour les pauvres était sans bornes et toujours exercée
avec une extrême délicatesse. La pièce de six francs
était Taumône la plus ordinaire, avec le morceau de
pain. Les enfants recevaient assez souvent le petit écu
de trois francs. La servante était toujours blâmée for-
tement lorsque cette part des pauvres était réduite,
pour cela que c'étaient' deux frères ou deux sœurs, le
père et le lils, la mère et la fille, et son mot le plus
habituel était celui-ci : c N'ont-ils pas deux estomacs? »
€ Le généreux curé avait un stock de blé, à sa pro-
priété de la Sénardière, qui lui servait à renouveler les
provisions de sa cure quand elles étaient épuisées. Il
aimait à faire remarquer, quand on lui amenait du
blé, que c'était une attention de la Providence pour
lui fournir le moyen de continuer ses aumônes.
« La charité du bon prêtre envers les pauvres n'ab-
sorbait pas entièrement ses ressources : il n'oubliait
pas son église.
« Il lui fit don d'un calice d'argent et d'un encensoir
de même métal avec sa navette; les trois objets portent
Técusson du donateur. On voit encore, dans la sa-
cristie de cette paroisse, une vieille chasuble en satin
rouge, qui semble être un reste de la garde -robe de
la comtesse Duchaffault.
f Le vieux curé laissa aussi dans la sacristie une
armoire antique dont les panneaux sculptés sont entrés
très ingénieusement dans le tombeau de Tautel qui
orne la chapelle de Melay.
€ La régularité dans le saint ministère », continue
M. Amiot, c est restée dans le souvenir de nos vieil-
lards. Il allait à l'église et aux malades, toujours
empressé et avec plaisir. Il prêchait, surtout de cœur,
et, dans ses exhortations, souvent les larmes étouf-
faient sa voix. L'auditoire pleurait avec lui; de là un
bien dont j'ai souvent retrouvé la solidité. Sa dévo-
tion à la sainte messe se manifestait quelquefois par
un attendrissement très édifiant pour l'assistance. Je
tiens d'un prêtre qui l'a vu célébrer qu'il redoublait
d'attention et de piété aux trois oraisons qui précè-
dent la communion du prêtre.
• La charité et le dévouement du bon pasteur pour
son troupeau ne lui faisaient point oublier ses nom-
breux enfants. Il priait et faisait prier pour eux tou-
-i82-
jours. Toute personne qui venait à la cure et qui n'était
pas trop pressée de s'en retourner, recevait du bon
prôtre la prière do réciter avec lui le chapelet; on en a
compté douze dans un jour.
c Quand il annonçait la prière pour ses enfants, il
fondait en larmes et* disait : t J'ai si grand peur qu'ils
« ne se perdent. »
a Aux prières pour les fidèles de sa paroisse le ver-
tueux père joignait les avis qu'il ne craignait pas de
leur donner en public. Un jour que son ftls Gabriel
assistait à la grand'messe, à la Guyonnière, son père
l'admonesta publiquement en ces termes : « Gabriel,
t tiens-toi mieux / »
€ L'âge n'affaiblissait point les idées politiques du
gentilhomme. Il trouva le temps de les consigner dans
une brochure intitulée : Réflexions sur la Révolution
française, 1813. Cet écrit fut saisi par la police comme
renfermant des idées contraires à la Charte,
f Son zèle, également, ne demeurait pas conflué
dans les limites de sa paroisse. Le 10 février 1816, au
service célébré dans l'église de Bourbon- Vendée (de-
puis la Rochc-sur-Yon) pour le marquis Louis de la
Rochejaquelein, le cure do la Guyonnière prononça
l'oraison funèbre du héros qui avait succombé aux
Mathes, paroisse de Saint-Hiluire-deRiez, en combat-
tant pour la cause des Bourbons.
<c Dans ce discours, (jui se ressent de l'âge de son
auteur (quatre-vingts ans), l'orateur s'attache à flétrir
les ennemis de la religion et de la royauté, cause des
malheurs de la France, et à exalter le mérite et la
valeur du héros mort en combattant les partisans de la
Révolution.
€ Cependant, le courageux vieillard avait atteint sa
quatre-vingt-quatrième année. Gomme S. Martin de
Tours, il adressait sans doute à Dieu cette prière : t Sei-
€ gneur, si vous pensez que je sois encore utile à votre
« peuple, je ne refuse pas do travailler pour lui, » mais
ses forcos trahissaient son courage. Il lui fallut céder
aux fatigues de la vieillesse. Il dut se retirer à Nan-
tes (1). Il allait échanger son titre de chanoine hono-
raire pour celui de titulaire, que Louis XVIII lui avait
(1) Septembre 1817.
— 183 -
promis au chapitre de la cathédrale de Nantes. La mort
ne lui permit pas de réaliser cette espérance. Il rendit
son âme à Dieu le 9 janvier 1822, dans la vingt-unième
année de son sacerdoce.
€ Son corps, selon son désir, fut transporté à BoufFéré,
près des tombeaux de plusieurs membres de sa famille,
dans le cimetière de cette paroisse.
« Lors de la reconstruction de Téglise, en 1861, on ou-
vrit la tombe du saint prêtre en creusant les fondations
du nouvel édifice Ses ossements, pieusement recueil-
lis, furent inhumés dans Tenceinte de la nouvelle
église. Une plaque de marbre noir, avec Tépitaphe sui-
vante, en lettres dorées, placée au bas du piller gau-
che du chœur, indique l'endroit précis où reposent
les restes du comte Duchaflault, officier de cavalerie,
prêtre, curé, chanoine :
EPITAPHE
Ici repose
Haut et puissant Seigneur
Sylvestre-François du Ghaffault,
Marquis de la Guigoardière,
Baron de Rié,
Boufféré, Vildor, Avrillé et autres lieux.
Chevalier de Saint-Louis, né à la Sénardière,
En 1715.
Valeureux combattant de la Vendée et de
Tarmée de Condé,
Il vit tomber presque tous ses enfants
Sur les champs de bataille
Et périr dans la tourmente révolutionnaire
Son épouse, puis ses deux filles, la Comtesse
De Che vigne et la Comtesse de Rorthays
De Marmande, fusillées les armes à la main,
Pour le Roi, en 1793.
Ordonné prêtre en 1803, le comte
Du Chaffault fut curé de la Guyonnière, 1809.
Chanoine de Nantes, 1819, décédé à Nantes, dans
Sa 88« année. 1822.
Requiescat in pace t
— 18*'-
M. DURAND
PBiTBE D'APREMONT
1793
-i.i .\>.UM, ff^-riUlhomme devenu révolutionnaire, |
•'. T*.^-ir,Q a Angers en 1793, était jaloux de la î
,^, -nr.j^i.naire de Carrier. Il avait juré d'exter-
. \:./.n '-< qu'il appelait le fcuiatisme.
\ i' -: '**. le farouche proconsul se signala par
.. %r i.r.na d»»s battues autour de la ville et i
- :..T*.f *.. aires, pour y saisir tous les catholi- I
. -..»:: .r-* prêtres. Dans le but de découvrir
- • ..►".• '•"» .l'rrniers, Francastel répandit dans j
i '• - arr.fi lunes de nombreuses patrouilles,
. .-r • ' v.fn*.- dos bûtes fauves, et commanda
t.. --s i*'< communes de guider les soldais '
• -• : .-- '.jUs. j
■.'-..• : i::*- r^lie chasse aux prêtres, on avait !
* ■ .-.- ;rs moyens perfides. On leur promet- |
t^."..-'-- ' impiété ; des imprimés qui leur as-
. ' *-- il*-' ur étaient répandus à profusion sur j
-— . :î.i* > voisinage desquelles on soupçon-
• • 'j-i. -: quelquefois des soldais étaient* re- ^
... ' - -lari»'. i*t. quand on croyait rencontrer
- -^ '.^. --'iMiit^ dciruisés leur disaient que j
- . n .- • • îiT v»'f'u un plein pardon, ils ne
' i- '.>.: •• •' ->.j\Te leur exemple (!).
' urt'nres ei des laïques au
rj-eui conduits à Angers.
^i-j-Mon militaire, on les
*j~ -ûdignaûon au com-
i^ 1- fois bravé la mort
.. - r« d'eux-mêmes,
:•:: — jl et le Comité fu-
• -. - .— fa-illades et de»
— • r ;r^ xs d'un château
-«185-
ff On amena ainsi, dit l'abbè Deniau, un grand nom-
bre de Vendéens arrêtés dans leur pays, parmi les-
quels furent M. Durand d'Apremont, et M. Tortereau,
curé de Challans en Vendée.
M. Durand, comparaissant devant les juges devenus
des bourreaux, ne prit point la peine de dissimuler sa
qualité de prêtre. Il s'en fit gloire au contraire. C'était ^ /ja-ov f^f)
assez pour sa condamnation. Il fut guillotiné, le »^e- ' y ^têfu^^^^-^
rrem bro 1703, our la place du Ralliomont. ^ « ^sc^^^^**^'^^
C'était là qu'avaient lieu d'ordinaire les exécutions.
M. Tabbé Gruget, confesseur de la foi, demeuré caché
pendant toute la Terreur dans sa paroisse de la Tri-
nité (1), se transportait secrètement dans la mansarde
d'une maison qui avait jour sur la place du Ralliement,
afin de donner Tabsolution aux victimes condamnées à
la guillotine. < L'instrument fatal, écrit-il, était assez
près de moi pour que je puisse non seulement voir,
mais encore donner l'absolution à tous les condam-
nés à mort. J'entendais les cris ou plutôt les hurle-
ments qu'on jetait à chaque tête qui tombait, et je
voyais les chapeaux qu'on élevait en l'air au cri sinis-
tre de : Vive la République ! »
Nous aimons à penser que M.U!)urand profita de la
présence de ce courageux prêtre et reçut de lui une
suprême absolution en montant àu'échafaud.
(l)Morten'iee*Y'^^^
— 186 —
M. ËNËKIG
PRIKUn DU COUVENT DE LA FLOGBLUÉRE
1797
Un couvent de religieux Carmes existait à la Flocel-
liére avant la Révolution. Le P. Emeric, qui en fut le
prieur, dut s'exiler en Belgique, et là il n'eut pas moins
à souffrir que dans sa patrie, des impiétés et des cruau-
tés des révolutionnaires français.
Un écrivain, peu suspect de cléricalisme, Prud-
homme, a écrit au sujet de cette invasion de la Bel-
gique :
f Le culte catholique y était observé avec la plus
grande lidclité. On ne tarda pas à heurter ouvertement
les opinions religieuses par la profanation des objets
qu'elles avaient consacrés. Une horde de Jacobins,
comme une de ces nuées de sauterelles que Thistoire
nous peint si malfaisantes, parcourent les communes
de ces provinces, pénètrent dans les temples, outragent
et chassent les ministres du culte, s'afl'ublent de leurs
chasubles, montent sur les autels, y prêchent ouverte-
ment l'athéisme dans le style le plus ordurier.
€ Ces scènes indécentes lendaient à la dévastation
des églises. Toute Targentcrie est pillée par ces bri-
gands, parmi lesquels on comptait des septembriseurs.
Les calices, les patènes, les ciboires sont en leur puis-
sances; ils les font sauter en l'air avec dérision, ils se
permettent de faire des ordures et de crucher dans les
(îalices (ît les ciboires Les plus grossières plaisan-
teries, accompagnées de tout ce que la dérision a de
plus amer, firent frémir l'indignation des Belges. Mais
trop circonspects pour la faire éclater au dehors, ils
se préparèrent des maux sans nombre. »
La Révolution, on le voit, est partout antichrétienne
et satanique.
Le P. Emeric, rentré en France, fut saisi et incarcéré
dans la prison de Poitiers. M. de Beauregard, pendant
~I87 —
son séjour dans cette prison, y connut M. Emeric. Il en
parle comme d'un leligieux très édifiant et de grande
vertu :
€ Parmi les prisonniers, je vis arriver un homme
d'une taille extraordinaire. Peu après, je sus que c'était
un prêtre qui devait rester quelques jours au dépôt» et
j'obtins qu'il vint vivre et manger avec moi. C'était un
religieux Carme, nommé le P. 'Emeric, qui avait été
plusieurs fois prieur du Couvent de la Flocellière, dans
le diocèse de Luçon. Il fut bien consolé de me retrou-
ver. Jamais je n'ai vu un homme si content de si peu de
chose (preuve de la grande misère qu'il avait éprou-
vée). Avec un habit fort usé, deux paires de bas, deux
chemises et trente livres qu'on lui donna, il disait qu'il
était riche.
« Il avait été déporté dans la Belgique en 1792. Il y
était resté lors de l'invasion des Français et avait été
arrêté comme un prêtre rentré en France, On le ren-
voyait à son département, à Saintes. Nous établîmes
une communauté : nous avions nos heures de silence
et de prières. Il resta douze jours. Les gendarmes, à
leur retour (de Saintes), me dirent qu'il avait été fusillé.
Je répandis des larmes. Une lettre de lui rectifia ce
mensonge. Mais, peu de jours après, j'appris qu'une
maladie prompte avait terminé en prison ses longues
courses en exil.
€ Il venait d'être condamné à être déporté en Espa-
gne.
€ Je n'oublierai jamais la vertu douce, patiente et
aimable, et surtout l'esprit de pauvreté de ce bon
religieux »
-188-
MATHURIN FEUVRE
CURÉ DK LA GUYONNIÉRE,
DOYEN DE SAINT-MAURICE A MONTAIGU
mort le 21 septembre 1793
D-abord curé de la Guyonniére. Mathurin Feuvre si
gne pour la première fois sur les registres de cette nt
roisse le 24 août 1769. ^^^ P*'
Mais il était curé dés le 16 juillet, comme le Droiivp
la mention suivante relevée par M. le docteur wSln
mVTtt '' 'r'*^*-*^'^" = ' "^^ seiziS^Se^îS et
inL ' ****^""^ Peu^re, prêtre de ce diocèse anS
possession de la cure de ce lieu vacantP nar i» îi ^-
Luçon. . Sa dernière signature sur les recistresnaml
siaux est du 23 avril 17?1. mais dans Ls leSrs ^
de la précédente année et les premiers de céîle-cT
parait être suppléé dans ses fonctions curiies J
^^^^fi^^^'^Ji^^' signe prêtre desservant. ^
ha. 1771, M. Feuvre quitte la Guyonniére nar «suif»
de sa nominaUon comme doven dP la ^nlif5 . i^
Saint-Maurice.de-MoXigu It earde pSi f '/'
jusqu'à sa mort II mourut'd'une ffn tîagiqt ''°''°"
Le 30 septembre 1793, quand l'armée de Canclaux tp
prit Montaigu sur les Vendéens, le doyen fut tué nar loJ
soldats de ce général et son cadavreS dSns ifn., l
du couvent des religieuses de Fon evrauiî i C
cSuT'' n' ^"? "°'*P« ^'' chanoines Boînfne
GoupUleau, ce dernier chantre de la collégiale
I7M pf'"''' T'' été oflîcier municipal de Monteigu en
1790 et^en cette qualité, il prit part à la lutte que sou-
on nr.'"'?^''*^ ?^''« ^« ^•«^"'^t de Montaigï (1)
JL £tTZ!rn ""' ^^^'^'' d'accaparelent de
grains, au M. Bourloton, pas plus Drouvf^P mio nnii^
des 1800 louis d'or trouvés dans sïn fard"n ' ' "
(0 D'après le docteur Migken, de Montaigu.
-lB&->
ANTOINE-AIEXANDRE FUMOLEAU
CURÉ DE GHAVAGNES EN-PAREDS (REDOUX)
1734-179
Né le 17 février 1734, M. Fumoleau fut curé à Chava-
gnes depuis 1767 jusqu'à sa mort. Sa foi était trop vive
et son attachement à TEglise trop profond pour lui per-
mettre d'accepter les erreurs de la Révolution, Tout dé-
voué à ses paroissiens, il ne voulut pas les abandonner,
et, bien que sachant sa tête mise à prix, il demeura ca*
ché sur le territoire de Chavagnes ou des paroisses voi-
sines, offrant à tous les secours de son ministère.
Il était souvent réfugié dans la ferme de la Gar-
neraie, sur les bords du Grand-Lay. Sur les princi-
paux points du pays, des chefs de famille, des femmes
pieuses, connues pour leur discrétion, savaient seuls
le lieu de sa retraite.
Avait-on besoin de ses services, on s'adressait à ces
personnes qni se chargeaient de le prévenir et, la nuit
venue, le prêtre se rendait dans les maisons où il était
demandé. En plein hiver, il lui fallait passer par des
chemins à peine praticables ou le long des grandes
haies pour éviter la rencontre des Bleus. -
Le jour, le pauvre fugitif demeurait enfermé dans un
grenier, dans une étable, derriére.un monceau de foin
ou de paille, parfois môme dans le râtelier des bes*
tiaux, lorsqu'on savait les ennemis proches de sa ca-
chette. Là, sans cesse dans la crainte d'être découvert,
il pouvait à peine réciter son bréviaire, prier ou lire
les quelques livres qu'il avait pu emporter. La nuit
seulement, il pouvait sortir de sa retraite et se livrer
aux périls du ministère, recevoir les fidèles pour les
confessions. Quand venait minuit, on préparait ce qui
était nécessaire pour la célébration de la messe, qu'il
disait plutôt dans l'obscurité d'une pauvre grange
que dans une maison convenable, où il eût été trop
exposé.
-190-
Àu milieu de ce dénuement, combien devaient être
touchantes dans leur simplicité ces cérémonies de l'E-
glise persécutée, où le prêtre, traqué comme un malfai-
teur, s'attendait chaque jour au martyre, ainsi que les
pieux chrétiens qui assistaient au saint Sacrifice.
La tradition cite un généreux catholique qui sou-
vent donna asile à M. Fumoleau, René-Âuguste Majou,
agriculteur et fournisseur de bois pour la marine fran-
çaise, domicilié au château des Touches. Cet homme
dévoué, soupçonné de cacher un prêtre, fut arrêté vers
la fin de 1793, emmené à Fontenay et condamné à la
peine capitale. On le guillotina dans cette ville, le 3!
décembre 1793. Il était âgé de quarante-huit ans (1).
Sa mort causa une grande doul(3ur au pasteur de
la paroisse.
Quant à M. Fumoleau, âgé de plus de soixante ans,
il ne put résister à une vie si pleines d'inquiétudes, de
dangers, de privations et de souffrances, surtout dans
les grands froids de l'hiver. Sa lidélité à remplir ses
devoirs paroissiaux a prouvé que le bon pasteur donna
sa oie pour ses brebis, 11 mourut à la peine vers la fin
de la période révolutionnaire, au village de la Garne-
raie, son asile ordinaire.
Sa présence fut signalée au Synode du Poiré en 1795,
(1) Lo jardinier du château, André Bourmaud, condamné pour
la même cause, accompajina le même jour son maître sur lécha-
faud.
- 191 -
JEAN-BAPTISTE-RENÉ GAIGNET
VICAIRE DE DOIX
1764.1795
M. Jean-Baptiste Gaignet naquit au Gué-de-Velluire
le 8 janvier 1764. Son père était boulanger.
Ordonné prêtre, il fut nommé vicaire à Doix en 1790.
Arrivé dans le ministère paroissial au début de la
Révolution, il refuse le serment et part pour l'exil en
Espagne, au mois de septembre 1792. Il s'embarque aux
Sables, le 12, sur la MarieGabrielle, avec trente-huit
prêtres des diocèses de Luçon et de La Rochelle,
La déclaration d'embarquement avait été faite la
veille par le capitaine Lambert à la municipalité. Le
Procureur de la commune déclara qu'un grand nombre
de prêtres réfractaires viennent en cette ville prêts à
s'embarquer pour l'Espagne, et qu'il est intéressant de
veiller à ce que lesdits prêtres n'emportent du numé^
raire dont la sortie du royaume est défendue par la
loi. En conséquence, le Conseil a nommé M. Mercereau,
l'un de ses membres, pour assister, avec ledit Procu-
reur de la commune, à la visite qui sera faite des effets
desdils prêtres pour en extraire le numéraire qu'ils
pourraient vouloir emporter et en faire le change en
assignats.
C'était bien le moyen d'appauvrir complètement les
chers exilés, car quelle valeur pouvait avoir à l'étran-
ger le mauvais papier de la Révolution ?
Ainsi allégés de ce qui leur était le plus nécessaire,
les passagers de la Marie-Gabrielle firent la traversée
en trois jours, et aussitôt débarqués, dit M. Bourloton,
ils furent envoyés pour la plupart dans le diocèse de
Cuença.
M. Gaignet y resta quelque temps, puis, de là, passa
en Angleterre, où il se joignit aux émigrés et à d'autres
prêtres français.
Dans ce pays hospitalier, le gouvernement allouait
un secours mensuel aux ecclésiastiques chassés par la
Révolution.
Mais, souffrant avec peine un exil qui paralysait son
zèle, le vicaire de Doix cherchait le moyen de rentrer
en France. Ce moyen se présenta bientôt : Texpédition
de Quiberon venait d'être décidée. Il en voulut profiter.
Le 28 juin 1795. il débarque avec Mgr de Hercé et
trente-neuf prêtres. Avec quelle émotion, avec quel
enthousiasme, aussitôt descendus des navires, ils se
prosternèrent et embrassèrent la terre natale ! Mais,
hélas ! la joie allait être de courte durée.
Un mois après, Tarmée royale était anéantie ou faite
prisonnière. L'évêque de Dol et treize prêtres, au nom-
bre desquels était M. Gaignet, comparurent devant une
Commission militaire et furent condamnés à mort le
27 juillet au matin. A la nuit, les condamnés sont
enchaînés et conduits à Vannes, entassés sur une
mauvaise charrette.
Ils arrivèrent dans cette ville vers minuit, ignorant
le sort qu'on leur réservait. On ne leur avait pas appris
leur condamnation à mort.
A Vannes, comme à Paris, lugubre contraste ! On
venait, ce jour-là même, de célébrer l'anniversaire du
9 thermidor, qui avait, disait-on, mis fin à la tyrannie
qui pesait sur la France. Dans leurs discours, le Pro-
cureur de la commune et le Président du déparle-
ment avaient souvent employé le mot d'humanité, tout
comme Lareveillère-Lépeaux. Les citoyennes avaient
chanté des chœurs à la fraternité ; à minuit on dansait
encore. Lorsque la lugubre charrette traversa la ville
dans toute sa longueur, pour se rendre à la Porte-Pri-
son, les condamnés purent entendre les derniers bruits
de la fête où Ton se réjouissait que la France fût déli-
vrée de Y oppression des partis.
Le lendemain, l'arrêt de condamnation ne leur était
pas encore lu et ils se préparaient à manger. Mais
l'évoque de Dol savait tout, et vers huit heures le pré-
lat dit à un ami qui se préoccupait du déjeuner : t Je
vous remercie, mon cher monsieur, des peines que
vous avez prises. . . mais tout devient inutile. On vient
de nous annoncer que nous serons fusillés à dix heu-
tes. Je me recommande à vos bonnes prières. 11 ne me
reste que peu de temps pour me réconcilier avec Dieu.
Je vous quitte. A Dieu I *
t Les condamnés, dit M. Le Garrec (1), prirent leurs
dernières dispositions pour paraître devant Dieu... A
onze heures, on vint les prendre. On leur lia les mains
derrière le dos et on les conduisit au lieu du supplice.
La promenade de la Garenne est à quelques centai-
nes de mètres des tours de la Porte-Prison. Pendant le
trajet, Mgr de Hercé et les prêtres récitaient les prières
des morts et menaient ainsi leur deuil et celui de leurs
compagnons, les soldats prisonniers. La Garenne ren-
ferme un grand nombre d'allées. Celle qui longe le
mur de l'ancien couvent des Hospitalières s'appelle
rallée des Soupirs. C'est là qu'on s'arrêta (ï).
Les soldats du peloton d'exécution se trouvaient pour
la première fois en face des prêtres émigrés. Parmi les
soldats qui venaient de combattre pour la République
à Quiberon, on n'en trouva pas qui consentissent à les
fusiller. Un bataillon de volontaires parisiens n'éprouva
pas ces scrupules. Sombreuil, au moment de mourir,
protesta une fois de plus contre la violation de la capi-
tulation et la peine de mort infligée à ses compagnons
d'armes. Il recommanda aux soldats de viser plus à
droite, où il se tenait, afin de ne pas le manquer, puis
il commanda lui-même le feu. Tous ses compagnons
tombèrent à la première décharge. Lui ne fut atteint
qu'aux mains. Une nouvelle décharge, mieux dirigée,
le fit tomber à son tour. »
M. l'abbé Gaignet ne fut pas le moins courageux de
(1) Quiberon. -^ La bataille et le martyre.
(2) Mgr de Hercé demanda qu'on lui ôtât son chapeau aRn de
faire sa dernière prière avec un plus grand respect. Un grenadier
s'approcha et voulut lui rendre ce service. « Laisse, dit Som-
breuil qui était au nombre des victimes, tu n'en es pas digne. »
Et il enleva le chapeau de Tévêque avec ses dents.
Sombreuil ne voulut pas qu'on lui plaçât un mouchoir sur
les yeux : « J'ai l'habitude d^ regarder mes ennemis en face »,
s'écria-t-il.
13
6es prêtres. Il n'avait que trente-et-un ans. Avec lui
fut fusillé un autre prêtre du diocèse de Luçon, M* de
Bieussec, chanoine et vicaire général (1).
t Gomme il est notoire, dit M. Guillon, que Tabbé
Gaignet rentrait en France pour servir la cause reli-
gieuse, c'est bien véritablement pour elle qu'il fui
immolé. *
(1) V. son nom.
-i«-
ANTOINE-FRANÇOIS GAGELIN
PRIEUR-CURÉ DB SAINTE-CHRISTINE
1701-1791
M. Gagelin, prieur et seigneur spirituel et temporel
des terres et seigneurie de Sainte-Christine, fut en
même temps supérieur d^es. Religieuses carmélites de
Niort, de 1747 à 1791. On retrouve son nom et ses titres
dans une déclaration roturière du mois de juillet 1750.
Messire Gagelin comptait dans sa famille des person-
nages de haut parage. C'était un homme éminemment
instruit, un prêtre d'une vertu peu commune et d'un
zèle à toute épreuve. Qui n'admirerait, en effet, cette
magnifique profession de foi qu'il fit contre ce serment
tristement fameux de la Constitution civile du clergé.
Pour lui prêtre, ce serment était une honte, et il au-
rait préféré la prison et la mort plutôt que de souiller
ses cheveux blancs par une pareille lâcheté. C'est là
une page qui mérite d'être connue pour la gloire de
celui qui l'a écrite.
La voici telle qu'on la trouve à la fin du registre de
1790:
€ L'année qui vient de s'écouler, disait le docte Prieur,
et celle que nous commençons, 179!^ sont celles qui
sont les plus cruelles pour îa religion et le clergé. Le
décret rendu pour la Constitution civile du Clergé et
l'obligation qu'on impose aux ecclésiastiques fonction-
naires publics de la confirmer par serment, en présence
des municipalités, chasse tous les évêques de leurs
sièges et tous les curés de leurs paroisses, pour être
remplacés ou par des moines apostats ou par des prê-
tres qui auront fait ce serment, dont voici la teneur et
le véritable sens :
t Faire ce serment ^ c'est jurer :
t !• Qu'mne assemblée de laïcs peut, de son autorité
privée, déposer les Evoques, que l'Eglise a établis el
en créer d'autres sans autre formalité que sa seule vo-
lonté.
€ 2* C'est jurer contre la parole de Jésus-Christ, con-
tre Tusage des Eglises chrétiennes, surtout celle Ad
France, que le Pape n'a aucune autorité en France
pour la confirmation des Evèques, pour les dispen-
ses de mariages; qu'une simple lettre de compliments,
de la part d'un nouvel évéque, suffit pour l'autoriser à
exercer la juridiction épiscopale, à ordonner des prê-
tres, leur confier les pouvoirs et la juridiction néces-
saires pour remplir les devoirs de leur ministère.
• 3® C'est jurer qu'un curé inamovible de droit dans
toute la chrétienté, tant qu'il ne donne pas sa démis-
sion volontairement, ou qu'une sentence juridique, et
pour cause grave, ne le prive pas do sa cure, se croira
bien déposé, qu'un faux pasteur viendra s'introduire
dans sa bergerie, qu'un homme sans pouvoir et sans
juridiction y viendra donner des absolutions, y célé-
brer des mariages, qui, selon le Concile de Trente, ne
peuvent être valides que par la présence du curé ou
par la délégation faite par le propre curé.
f 4* C'est approuver, par un jurement solennel, la
dilapidation des biens du clergé, dilapidation que
l'Eglise, dans le Concile de Trente, a chargée d'anathè-
mes.
• 8** C'est jurer que j'approuve et dois employer tou-
tes mes forces pour la suppression de toutes les fon-
dations faites dans les Chapitres et communautés.
€ 6^ C'est jurer que j'approuve l'extinction de ces
ordres respectacles, qui ont formé tant de saints
pasteurs, tant de grands hommes vénérables par leur
sagesse et leur doctrine, tant de religieux asiles de
l'innocence, où des vierges chrétiennes se sont con-
sacrées à Dieu et mises à couvert des tentations du
monde à l'abri du tabernacle.
t Quand j'aurai eu la faiblesse de souiller ma religion
et ma vieillesse par un tel serment, j'aurai encore con-
tracté rengagement de souscrire à tous les décrets de
ccîtle nature qui peuvent être formés. L'Assemblée est
allée par degrés, son autorité s'est accrue peu à peu, et
d'abîmes en abîmes, on en est venu à précipiter pres-
que le Clergé dans une entière extinction.
f On vient de rendre un nouveau décret qui va sup-
- 197-
primer les prédications en interdisant le ministère de
la parole à ceux qui ne font pas ce fameux serment,
n'est-ce pas vouloir abolir la religion ? mais d'autres
violations des règles saintes de l'Eglise se préparent.
Nous voyons des écrits lancés dans le public, des pro-
positions faites dans l'Assemblée sur le divorce, sur le
mariage des prêtres, sur la légitimité des mariages
faits sans le consentement du propre curé et en pré-
sence des municipalités, sur la suppression des empê-
chements dirimants, sur la suppression des ordina-
tions, etc., etc..
€ L'homme religieux peut-il jurer d'être lidèle à
toutes ces décisions si contraires à TEvangile, aux Con-
ciles et à la tradition de l'Eglise ? J'y aurais cependant
souscris si j'avais prêté le serment qu'on exige. Je ne
le ferai donc pas. Je me soumets à toutes les privations
dont je suis menacé, mais je n'accorderai jamais à mon
successeur la juridiction que personne ne peut m'ôter,
les absolutions qu'il donnera seront nulles et sacrilè-
ges, les mariages qu'il bénira seront invalides et de
vraies fornications. Qu'il pense sérieusement au mo-
ment où il paraîtra devant son juge I
« C'est en vain qu'il voudra alléguer les décisions
d'une Assemblée qui se contredit elle-même. Cette As-
semblée, par ses décrets, laisse à chacun la liberté de
ses opinions religieuses ; elle la laisse au protestant,
qui nie la présence de Jésus-Christ dans l'Eucharistie ;
elle la laisse au juif» qui regarde Jésus-Christ comme
un imposteur pendu pour ses crines. Et moi, ministre
de l'Evangile, je suis dépouillé de tout, chassé et pros-
crit, parce que je crois à la hiérarchie de l'Eglise, à la
supériorité du Pape sur les Evoques, à celle des Evo-
ques sur les curés ; parce que je reconnais l'infaillibilité
de l'Eglise et que je ne reconnais pas celle do l'Assem-
blée : per patientiam cuvramus ad propositum nobis
cerlamen^ et prions pour ceux qui nous persécutent.
« Gagelin,
« Prieur-curé de Sainte-Christine. »
Quelle page admirable de foi, de courage et de
science ! Elle est vraiment digne d'un Docteur, d'un
Apôtre et d'un Martyr. Ou sent que celui qui Ta écrite
- 108 -
est prêt à tout souffrir, même la mort, pour sauvegar-
der les droits de la liberté de sa foi et de l'Eglise. Bt
Tadmiration redouble quand on songe que Fauteur est
un vieillard de quatre-vingt-dix ans. Quelle lucidité
dans ses idées et parfois quelle éloquence !
Enlin, une autre chose achève de surprendre, quand
on considère cette écriture tracée sur le vieux registre,
c'est de voir combien ferme était la main du vieillard :
on dirait récriture d'un jeune homme, tant les caractè-
res sont nets et réguliers.
Assurément le nom de ce prùtre devait être vénéré,
et il est encore conservé de nos jours dans la mémoire
du peuple. Il y a peu d'années vivaient encore, dans le
pays, des vieillards qui, se rappelant ses vertus,
aimaient aussi à parler de sa haute taille, de sa force
physique et de sa joyeuse humeur. M. Gagelin sem-
blait être un homme complet.
A ces qualités populaires venait s'adjoindre en lui le
goût délicat des arts. Il décora magnifiquement les sal-
les de son prieuré. Par ses soins les murs furent com-
plètement masqués do panneaux do bois, artistement
travaillés. Sur le dessus des portes, dans le goût du
temps, il peignait lui-même les portraits de ses bons
amis, de sus chats et de ses chiens. Ce travail n'était
pas, sans doute, un chef-d'dîuvre, mais il révélait le
cœur du vénérable prieur, qui contenait la bonté et la
reconnaissance.
En voici une preuve dans cette note écrite de sa
main :
1778. « Le 30 mai, Monseigneur l'Evéque arriva ici et
donna, le 31, la Contirmation à la paroisse et à toutes
celles des environs qui y vinrent. C'était un dimanche.
J'en ai eu une satisfaction que je ne puis exprimer, et
j'ai promis à Dieu di* dire la messe annuellement ce
même jour pour la conservation de ce digne prélat, à
laquelle tout mon peuple sera invité. »
N'est-ce pas délicat de tendresse, et comme ce cœur
de prêtre aimait bien son èvêque !
M. Gagelin avait une habitude très louable dans la
rédaction de ses registres paroissiaux, c'était d'ajouter
à la lin de chaque registre quelques notes sur les faits
— 11» —
principaux de l'année. Souvent, dans ces notes, le
prieur de Sainte-Christine énumére tous les embellis-
sements qu'il a faits dans son église, à Tautel, dans le
chœur, dans les vitraux, les ornements, les fleurs, les
vases d'or et d'argent qu'il achète, et parfois il ajoute :
« Le tout à mes frais. »
On voit quel bien ce prêtre a dû faire, avec des qua-
lités si précieuses, dans cette paroisse de SaiiiteGhris-
tine, et comme il dut la mettre en relief au milieu des
paroisses voisines, pendant un long ministère de près
de quarante-cinq années. Il n'eut que deux vicaires,
M. G. Lion et M. Maury, seulement de l'année 1780 à
celle de 1788.
Enfin, le vénérable prieur mourut le 13 juillet, âgé de
quatre-vingt-dix ans, et fut enterré dans le cimetière
de la paroisse, à côté de deux membres de sa famille,
Frédéric Gagelin, ancien trésorier payeur des troupes
et receveur des droits de sa Majesté en Franche-
Comté, et Françoise Mathieu, épouse de ce dernier et
qualifiée sur sa tombe de c mère des pauvres. »
Depuis quelques années, le cimetière ayant subi des
transformations, les pierres de ces tombes ont été
enlevées. Celle du prieur existe encore, on peut la
voir dans un mur du cimetière, et heureusement Tin-
scription en est conservée (1).
(i) D'après les Chron. parois.
-200-
FRANÇOIS GARAUD
CURÉ PE LA BRUFFIÉRE
1788-i798
Avant de consacrer quelques pages à la mémoire de
M. Garaud, nous parlerons de l'état de sa paroisse pen-
dant la Révolution, d'après M. le chanoine Briand (!).
La population de la Brulllére avait été préservée des
idées révolutionnaires par la bonne administration
de M. Davy, recteur de cette paroisse avant 1782, et
ensuite par celle de M. Garaud et ses deux vicaires. Ces
dignes prêtres réussirent à conserver la foi et les prati-
ques religieuses, môme pendant les plus mauvais
jours. Si quelques têtes exaltées donnèrent d'abord
dans les folies de la Révolution, les horreurs qui suivi-
rent les firent bientôt revenir sur leurs pas, en réveil-
lant leurs sentiments chrétiens.
En 1790, rassemblée, pour la formation de la muai-
cipalitè, se tint à règliso paroissiale Ce fut toujours le
lieu des réunions civiles et politiques pendant cette
époque troublée. Il n'est pas dit si les prêtres assis-
tèrent à cette première constitution de la commune : la
tradition orale n'a rien conservé sur ce point et les pa-
ges du registre des délibérations ont été déchirées.
Voici la formule du st^rment : t Vous jurez de main-
tenir de tout votre pouvoir la constitution du royaume,
décrétée par rAssemblèe nationale et acceptée par le
Roi, d'être fidèle à la Nation, à la loi et au Roi, et de
remplir avec exactitude et impartialité les fonctions de
votre office? »
Cette formule était lue par le président et chaque
fonctionnaire répondait : Je le jure.
Les officiers municipaux s'emparent de l'administra-
tion religieuse et civile, font rendre compte aux an-
(1) f^oiice iur ies Confesseurs de la Foi. Ouv. cité.
-SOI ~
ciens marguilliers^ en nomment de nouveaux, et ad-
ministrent les biens de ITEglise pendant toute la Ré-
volution.
1791. Il est certain que les prêtres de la Brufflère, au
nombre de quatre : MM. François Garaud, curé ; Bona-
venture Louis Blanchard et Charles Robert, vicaires;
M. Jean-Baptiste Trimoreau, chapelain de Saint-Sym-
phorien, refusèrent le serment à la Constitution ci-
vile, mais on ne connaît pas les circonstances de leur
refus.
M. Charles Servanteau, maire de la commune, vou-
lant célébrer solennellement la prise de la Bastille, in-
vita le clergé de la paroisse qui refusa de paraître,
comme le constate la pièce suivante :
FÊTE NATIONALE
Anniversaire de la prise de la Bastille
Aujourd'hui, quatorze juillet 1791, partie des habi-
tants de la Brufflère, assemblés avec nous, maire, offi-
ciers municipaux et notables soussignés, sur la place
d'Armes ;
Désirant célébrer l'anniversaire de la prise de la
Bastille, jour à jamais mémorable dans nos fastes, dans
les fastes de Tunivers entier, jour où les bons citoyens
ont renversé Tidole du despotisme et mis à sa place
l'attribut le plus noble de l'humanité, la liberté;
Nous sommes transportés au Bureau de cette com-
mune où plusieurs habitants se sont inscrits sur la
liste de la garde nationale.
Ensuite, le sieur Bousseau, notre procureur sindic
(sic), nous a fait part de sa députation vers MM. Ga-
raud, recteur, et Robert, vicaire de ce lieu, pour les
engager Tun et l'autre de nous dire une messe, ce
jour, en action de grâces de la victoire que les bons ci-
toyens remportèrent, il y a deux ans, sur les ennemis
du bien public ; mais il nous a dit que tous les deux s'y
étaient refusés, quoiqu'il ait ofTert de les salarier selon
Tusage.
Gela n'a pas empêché que l'assemblée se soit trans-
portée avec ordre à l'église de cette paroisse, où
chacun a témoigné particulièrement combien il était
reconnaissant à Dieu de ses Meufails continuels poiir
le soutien de notre Constitution, Sortis de rôgllsc à-
onze heures trois quarts du malin et rendus k la : i*-^
d arraes, M, le Maire a \ivùiè sermeuL ni jnrp
tidéle à la Nation et à lu lui et de niaiat<?uir dr '
pouvoir la Conslitutiori française; scruK^nt 4 u
rassemblée a Ml après lui, on y ajoutant que tou.*
étaient bien décidés à vivre libres ou à raourir, Ei*--
suite, M. le Maire a mis le feu au bûcher dressé sur la
place d'armes et entonné le Te Deum qui a ' - " dé
avec toute la décence et le plus relif*ieuseh . pos-
sible.
Des cris mille fois répétés de : * Vive laNaUoti! Vive
la Loi! r se sont fait entendre et fait éclater la joie
de toute rassemblée.
Un repas fraternel, où a régné l'égalité la plus par*
faite, a suivi ces cérémonies différentes.
Fait, clos et arrêté au Bureau, les dits jour et an 'jut*
dessus.
Signé : Charles Skrv \
mairey et autres officiers murt
Le 31 aoi\t suivant, les olBciers municipaux, assem-
blés dans règlise, acceplenl le testament de Julien
Bossard en faveur tles pauvres de la paraisse. Les
prêtres ne paraissent pas a cette réunion.
A la tin de décembre, les marguilliers senl réélus
par les officiers municipaux.
1792. Le ?3 mai, les prêtres de la paroisse sont appe-
lés à coraparaUre devant le bureau de la municipalité,
séant à la sacristii\ pour déclarer leurs noms et pro-
noms et lieu d'origine.
Le U juillet suivant, les prêtres disparaissent mais
restent cachés dans la paroisse. On Irotive dans les ar-
chives de la mairie un registre signé de M. Garaud,
conlenanl les baptêmes et mariages faits secrètement
pendant les années 1792, 179» et 1794.
Cependant, en 1792, Téglise reste ouverte pour les
réunions civiles, politiques et militaires. Ainsi sa des*
tination est changée. Mais les incendies vi le lûllagc
se muUipUent sur toute l'éteudue de la paroisse- k
SaîntSymphorien, la chapelle et la demeure du chape-
lain sont brûlées.
En 1794, c'est Téglise aussi qui est incendiée, par
la vengeance des Bleus, tombés plusieurs fois dans
des embuscades et tués ou blessés par les habitants de
la Brufïïère.
A la fin de juillet arrive un moment de pacification;
aussi les prêtres reparaissent et recommencent l'exer-
cice public du culte.
En 1795, une délibération du 12 avril décide que des
réparations seront faites à Téglise ; les catholiques ne
perdent pas courage.
En 17 96 y on achève la charpente de l'église. Le 28
novembre, une délibération porte qu'une pension de
1.200 livres, payable en deux termes, sera faite à M. le
curé de la paroisse, et une de 900 livres à M. Robert,
vicaire de la dite paroisse, preuve de l'attachement des
habitants de la Bruffliére à leurs prêtres et à leur reli-
gion.
En 1797, le 15 janvier, des collecteurs sont nommés
pour recueillir les fonds de cette double pension. Au
mois d'avril, on décide de finir la construction du
bas de l'église pour la somme de 1.205 livres.
A la fin de 1797, les prêtres sont obligés de nouveau
de se cacher. Ils succombèrent bientôt par suite des
souffrances qu'ils eurent à endurer. Désormais, il n*y a
plus de prêtres à la Brufllére. Les années 1798 et 1799
se passèrent tristement : plus de prêtres et plus d'exer-
cice du culte. La tradition orale et la tradition écrite
sont muettes dans ces malheureux jours.
En 1799, vers décembre, le calme étant un peu réta-
bli, des marguilliers furent nommés et prirent posses-
sion du mobilier de Téglise, qui était à peu près le
même qu'en 1796.
En /SOO, M. Dugast, prêtre originaire de Vieille-
vigne, vicaire à Gugand du 28 juin 1783 au 27 février
1784, fut nommé curé de la Brufflère. Son vicaire était
M. Valton, prêtre originaire de la Brufllére, ancien
vicaire de Carquefou, revenu d'exil en Espagne, où il
était parti le 10 septembre 1792 (1).
(1) Pour soutenir son existence, ce prêtre avait appris et exercé
en Espagne le métier de tailleur, U mourut prêtre habitué à
Montaigu en 1835.
— 204 —
L'Assemblée générale des habitants, réunie le 2 fé-
vrier, après convocation au prône de la messe du
dimanche précédent, reçoit les comptes des fabriqueurs
des années 1797, 1798 et 1799. Ce retard provient de la
persécution.
En 1801. vers le milieu de Tannée, des réparations
sont faites au chœur de Téglise, par suite d'un arrêté
pris dans une assemblée générale des paroissiens tenue
précédemment.
M. Garaud était né à Vay, au diocèse de Nantes, dont
faisait partie alors la paroisse de la Brufflère. Il rem-
plaça M. Julien Davy, né à Orvault, mort au mois de
juillet 1782.
M. Garaud a laissé les meilleurs souvenirs dans
Tesprit de ceux qui Tout connu et de ceux qui ont
entendu parler de lui par les premiers. De Taveu de
tous, c*était un homme agréable et spirituel, grand et
fort au physique ; mais par dessus tout c'était un prêtre
saint et zélé, travaillant avec une ardeur infatigable à
conduire son troupeau dans les voies du salut. Pendant
quelque temps il lui fallut desservir, aidé de ses vicai-
res, la paroisse de Boussay, limitrophe de la Brufflère,
laquelle était privée de prêtre.
M. Garaud ne vit pas, sans de grandes inquiétudes,
arriver la Révolution avec son triste cortège d'erreurs
et de désordres moraux et matériels, car il la détestait,
Tabhorrait et gémissait de ses excès (1).
Déjà on savait sa noble conduite quand, le 14 juillet
1791, M. Servanteau, maire de la commune, Tavait prié
de bénir le feu de joie préparé sur la place publique
pour fêter l'anniversaire de la Révolution. Son refus
net et catégorique indique qu'il ne voulait transiger
en rien avec les idées nouvelles, et qu'il n'entendait
pas compromettre sa conscience par un seul acte de
faiblesse.
(1) 11 fut élu néanmoins, en avril 1789, député aux Etats géné-
raux, avec M. Pierre Richard de la Verpae, recteur de la Trinité
de Glissou, et M. de Buor, prieur- curé de Sainl-Etienoe-de-
Corcoué.
t M. Garaud, disons-nous, ne voulait pas de la Révo-
lution, la Révolution ne voulait pas de lui non plus, et
comme il avait refusé le serment à la Constitution
civile, il fut chassé du presbytère qu'on ofiFrit à Tinsti-
tuteur, M. Hénon, pour en faire une maison d'école.
Mais, par respect pour son curé, M. Hénon ne voulut
pas accepter.
c Le pasteur n'abandonna pas pour cela son trou-
peau. Aussi, loin de quitter le pays pour aller mettre
ses jours en sûreté dans une contrée étrangère, il
resta caché dans sa paroisse, sans s'effrayer de la
gêne et des rudes épreuves par lesquelles il lui fau-
drait passer. »
Il demanda donc asile à de vertueuses familles qui le
reçurent avec empressement, malgré le danger auquel
elles s'exposaient, à cause de la présence des soldats.
Le chef-lieu de la paroisse étant occupé militaire-
ment et Téglise converlie en corps de garde, il vou-
lut se choisir un endroit pour y célébrer les saints
Mystères, rassembler ses paroissiens et continuer à
leur prodiguer autant que possible les secours de son
ministère. Son choix se fixa sur le village de la Gre-
notiére, situé au centre de la paroisse et distant du
bourg de quinze à dix-huit cents mètres. Ce lieu lui
ollrait d'autant plus de sécurité qu'à cette époque on
aurait pu difficilement trouver un vrai chemin pour
y aborder. Il fit donc préparer une grange que les
gens du village ornèrent de leur mieux; puis on ap-
porta du château de TEchasserie une petite cloche qui
fut placée dans un grand marronnier au milieu du
village (I), et, les dimanches et jours de fête, les
pieux fidèles se réunissaient là, au son de la cloche,
comme autrefois dans l'église paroissiale.
Pareillement, pendant que les cloches de l'église
étaient muettes, la petite cloche du marronnier sonnait
discrètement ï Angélus trois fois par jour et invitait les
lldèles à la prière.
(1) Le marronnier existe toujours. Pendant longtemps on a pu
y voir, à Tune des basses branches, les deux bras de fer qui sou-
tenaient la cloche.
C^ètait à la Grenotière que se faisaient d'ordinaire leâ
principales cérémonies religieuses. Mais M. Garaud
célébrait aussi ailleurs le saint sacrifice, comme à la
Thuaudiére, aux Grandes-Fontaines, à la Poinstière.
Tous ces lieux et d'autres encore furent les témoins de
son zèle infatigable.
M. Garaud ne vit pas la fin de la Révolution et ne put
rentrer au presbytère d'où il avait été banni. Une
bonne famille, la famille Baudry, Taccueillit au village
de la Bureliére et se fit une vraie joie de lui donner
rhospitalité. Il y mourut, croit-on, de Thydropisie.
Son cercueil fut fait dans le bourg de la Brufllère.
I/ouvrier qui l'emportait au village de la Bureliére fut
apostrophé au milieu du bourg par un soldat qui lui
demanda pour qui était ce cercueil. « Pour un brigand
de la basse paroisse qui vient de mourir >, répondit
l'ouvrier. — f Passe alors », reprit le soldat. 11 passa
en effet, heureux d'en être quitte à ce prix.
En de telles circonstances, il n'avait pas fallu songer
à faire la sépulture de M. Garaud dans le cimetière de
la Brufllère, plusieurs s'y seraient compromis. Deux
sacristains de Boussay vinrent enlever secrètement le
corps pour le porter au cimetière. Le corps était rendu
au bord de la fosse. Quelques lidiMes priaient pour le
défunt et dans un instant le cercueil allait être des-
cendu, lorsque soudain des cris se firent entendre : les
Bleus ! les Bleus t Ce fut un sauve-qui-pcut général ; la
cérémonie ne fut pas terminée et le corps demeura
prés de la fosse. . . C'était une fausse alerte, et, au bout
de quelques heures, plusieurs paroissiens dévoués re-
tournèrent confier le corps à la terre.
On regrette d'ignorer l'endroit précis où fut déposé
M. Garaud, car on pourrait lui donner une place hono-
rable dans le cimetière de cette paroisse, évangélisée
par le cligne prêtre (1).
(1) D'après la relation écrite par M. l'abbé Gharrie.^u, chape-
lain de Saint-Symphorien.
-M7-
N. GAUDON
CURÉ DE SAINT-GERMÂIN«L'AIGUILLER
1794
Les détails nous manquent sur la vie de M. Gaudon.
Nous trouvons sa signature sur les registres de Mouil-
leron-en-Pareds, où il remplaçait M. Guinefolleau, curé
de cette paroisse, du 17 mars au 4 avril 1790.
Il avait refusé le serment schismatique et resta
cependant parmi ses paroissiens. Malgré les menaces
de la persécution, M. Gaudon se livrait si pleinement à
l'ardeur de son zèle, dans Texercice du ministère pas-
toral, qu'on pourrait parfois Taccuser d'imprudence. Il
en fut victime.
C'était à la fin du mois de janvier 1794: le général
Grignon, qui semait partout sur ses pas l'incendie et
la mort, arrivait au Boupère où était alors le curé de
Saint-Germain. Il y trouve la garde nationale sous les
armes et fait égorger quelques prisonniers. L'apostat
Dugravier, qui conduisait un détacliement, arrivant
près du bourg de Saint-Paul, vit un homme qui venait
à travers champ : c Tiens, dit-il, c'est Gaudon, le curé
de Saint-Germain. — C'est moi, répond celui-ci : mais
tu n'auras pas la barbarie de me tuer. Nous avons fait
nos études ensemble. »
Dugravier n'ordonna point de le mettre à mort> mais
il ne dit pas un mot pour le sauver.
Un protestant du village de VHermondière lui tira, à
bout portant, un coup de fusil dans la tête (1).
(i) D*après DuaAST-MATiFBux, le cadavre fut coupé en mor*
ceaux par les soldats bleus, et Tun d'eux osa mettre à son
chapeau les oreilles du prêtre. Il entra à la Châtaigneraie avec
cette marque de barbare cruauté.
Le prèlre martyr fut enterré sur le Heu même du
meurtre» et, plus tard, inhumé dans le cimetière de
Saint-Paul (I).
(i) D après le Martyre de la Vendée.
RENE GIRARD
CURÉ DE SAINT-VINCENT-STERLANGES
1793
M. Girard exerçait le saint ministère à Saint- Vincent
avant 1778, car, le 11 septembre de la même année, il
assista, avec ce titre, à la bénédiction de la chapelle du
Parc-Soubise. (Archives de la paroisse de Mouchamps.)
En 1791, il s'abstint de prêter le serment constitu-.
tionnel et préféra Texil: Le 19 septembre 1792, avec
huit autres prêtres insermentés, il se présenta devant
le conseil général de la commune de Saint-Gilles- sur-
vie, dont le port avait été désigné comme lieu d'em-
barquement à plusieurs d'entre eux. Quelques-uns
dirigés vers les Sables y avaient trouvé les navires
pour l'Espagne déjà partis.
Sur Tassurance que leur avait donnée le sieur Gavois,
de Saint-Gilles, qu'ils pourraient s'embarquer dans ce
port, ils s'étaient joints à leurs confrères. Le conseil de
Saint-Gilles décida qu'il serait établi une garde de
douze hommes, pendant le séjour de ces prêtres, pour
les surveiller, et qu'un membre du conseil se transpor-
terait avec le commandant du bataillon du canton
pour fouiller chacun d'eux et confisquer l'argent et les
autres objets précieux qu'ils possédaient.
On voit qu'ils étaient bien traités en prisonniers. Il
leur fut permis cependant de se promener dans la
cour de la prison où ils étaient incarcérés.
Le 22 octobre, la garde nationale les conduisit à la
municipalité de Crpix-de-Vie pour les embarquer sur
le navire du capitaine Mornet. On leur enleva la co-
carde tricolore, et le capitaine délivra un certificat
d'embarquement, déclarant partir pour Saint-Sébas-
tien.
Arrivé là, M. Girard gagna Guatéria, petite ville
éloignée de quatre kilomètres. Mais, dés la fin de
Tannée 1793, il fut obligé de pénétrer dans l'intérieur
14
du pays, par crainte de l'arrivée d'une armée fran-
çaise qui devait envahir TEspagne. Ce déplacement lui
fut pénible, car sur la frontière les exilés recevaient
fréquemment des nouvelles de France. Il ne devait
plus revoir sa patrie et mourut peu de temps après.
JACQUES GOBIN
CURÉ d'ANTIGNY
Mort vers 1794
Après avoir refusé d'adhérer à la Constitution ciTile,
M. Gobin, trop attaché à ses devoirs de bon pasteur
pour abandonner ses paroissiens, demeura courageu-
sement au milieu d*eux, continuant d'exercer son mi-
nistère.
Mais, au mois de mars 1792, il fut arrêté et incarcéré
à Fontenay. Gr&ce à des circonstances qui ne nous
sont pas connues, on le relâcha quelque temps après.
Il s'enfuit alors dans le haut bocage avec son sacris-
tain, Boutet^ et tous deux vécurent cachés dans une
ferme isolée.
M. Gobin y mourut vers 1793 ou 1794. On apprit sa
mort par le sacristain qui revint au pays. La famille
de ce dernier existe encore à Antigny, et l'un de ses
petits- enfants est aujourd'hui président du Conseil de
fabrique de cette église (1).
(4) D'après les Notés fournies par M. Tetllet, curé d'Antigny.
*- 212 —
\
CHARLES-SAMUEL-MARTIN GOUPILLEAU
CURÉ DE LA GUYONNièRE
1747-1792
Fils de M. Charles Goupilleau. procureur fiscal à Tal-
mont, et frère do M. Goupilleau. Sébastien, curé de
la Boissière, M. Martin Goupilleau, né à Montaigu, fut
curé près de sa paroisse natale, à la Guyonnière. aux
approches de la Révolution. 11 eut le courage de ré-
sister aux instances de son frère de Fontenay, dit le
Dragon, et de refuser serment à la Constitution civile.
Pour cette raison, mandé à Fontenay en vertu de Tar-
rêté du 9 mars 1792, il fut interné dans la maison qui
servait de prison aux prêtres fidèles à leur devoir. Il ne
put résister au régime de la prison et y mourut, le
16 décembre 1792, âgé de quarante-cinq ans.
Cet ecclésiastique était cousin- germain du conven-
tionnel et régicide Philippe-Charles-Aimé Goupilleau,
né également à Montaigu en 1749 et mort dans cette
ville en 1823. Ce fut lui qui bénit le mariage du fa-
rouche républicain avec sa cousine Marie - Ursule
Ordonneau, le 11 février 1782 (i;.
(1) D'aprofl M. le D"^ Mignen, de Montaigu, qui a bien voulu
mettre à notre disposition tous les documents recueillis par lui
sur les prêtres de cette ville et de ce doyenné. (V. Paroissei,
églises et cures de Montaigu, par le même.)
«213 —
CHARLES-FRANÇOIS GOUPILLEAU
CURÉ DE SAINT-JACQUES DE MONTAIGU
1793
M. Goupilleau fut seulement pendant huit mois curé
de Saint-Jacques de Montaigu, car no\is trouvons sa
signature sur les registres paroissiaux depuis le 11 jan-
vier 1767 jusqu'au 15 septembre de la même année. Il
donna sa démission pour devenir chanoine-chantre de
la Collégiale de Saint-Maurice, et signa, en cette qua-
lité, sur les registres de la paroisse, les 10 et 20 no-
vembre 1757.
M. Goupilleau, qui tenait beaucoup à cette fonction
de chanoine chantre, avait écrit, en 1776, plusieurs let-
tres dans ce but à Philippe-CharlesAimé Goupilleau,
alors avocat au Parlement de Paris, qu'il qualifie de
parent, pour le prier d'intervenir en sa faveur auprès
de M"* la marquise de Juigné, qui présentait à ce béné-
flce. Il faisait valoir qu'il avait peu de fortune, que le
bénéfice de la sous-chantrerie était peu chargé et le
plus agréable du chapitre, tandis que son bénéfice à
lui était très chargé et conviendrait mieux à un jeune
prêtre.
Bien que parent du conventionnel Goupilleau de
Montaigu, il ne fut pas épargné pendant la Révolution,
malgré son dévouement pour les patriotes. C'est ainsi,
rapporte M. Bourloton, qu'à Tinsurrection du 13 mars
1793, il sauva la vie d'un ardent patriote, M. Dugast-
Matifeux, en le faisant évader et en le cachant dans un
galetas de sa propre maison, tandis qu'on débattait son
sort.
Le 21 septembre suivant, quand les Bleus, maîtres de
Montaigu, y mirent tout à feu et à sang, il allasecacher
dans son jardin, situé au faubourg Saint-Nicolas. Dé-
couvert par les Républicains qui le cherchaient, il fut
maltraité, amené à la ville, tué peut-être, et jeté dans
- fu-
ie puits du couvent de Saint-Sauveur des religieuses
Fontevristes(l).
Sa généreuse conduite lui aurait mérité d'être épar-
gné. Mais, à cette époque troublée, les services rendus
et le dévouement n'étaient comptés pour rien«
(1) D'après M. lé D. Mioneh, qui a écrit rbistoire des Religieu-
ses Fontevristes de Notre-Dame de Saint-Sauveur, dans on livre
Uès documenté. (Servant-Mahaud, 1902.)
— îf: -i-
L'antique Durirwné. aui-'^u'^l'Mi. SA^nMi*^'rw '^'•-•**
Uontaign, Tiî naîtri'. t^r. i75î< u he^'os o» r^-u* rv,-w
Nommé curt* lU- San»î-Ar..1^— snr-MaT;î. rn. j'^**
M. Gouraud octnipai: r»»!!»- lon.^lmi. rwan« ^n^v;p--n
les événements TovoiulmniiUir!^. Sf. fa, cîrti t' %t v* -.
pour qu'il piU acrcT^U^-: Jt*> <»rrfnr> *h lïi <"o»Jsf ;.n.-vf.
cioUe. Apres avoii rrîust Je si^rmrnî Ot \u)cUu i\\ \ i-^îv
impies, le 6 aouî 179i. ï. Ot'maiiil» «lix «Kio-^ito ♦r»!»ïi^
lementaie? a quiîif.r lit Praïu^e.. eu le ti <1<V4Mnhrf >in'-
vant, il partit avec cinq ai::rf^ cnhtrrri^ ^w: \h ,'^^n'>--
dence.
Mgr de Merry, re:^Dpe en Suisse^ f*rrA«^'î rte So^errr
à M. Paillon, le ^ decen:i»re f Tîtt : t J'ai r^i-n mt k d:
pie curé de Sainl-ADvir^^sur-Xîareuîl de^ rit^rtveilo^t ,^<^
DOS frères de Victoria. > Mais hientAl IKspacne iH^ i
menacée d'être envahie par les troupes repnMîea nés,
etM. Gonraud dut passer en Aufrloterre av^v quelques*
uns de ses confrères. Ayant appris que pîusiours pri"^-
1res demeuraient au milieu de leurs panassions en
Vendée, maigre la persécution, il envia leur son e< 5e
reprocha sa fuite (1). Brûlant <1 impalienoe et heuivwx
(!) € Lobligation de se sacritior |>our so« bivhi!* \^^\ m\\r lo
pasteur im devoir incontestable. Malheur et mille foii» ninmovu i^
celui qui n*est pas pénétré de cette vériti^ I Q'vM \\\\ lAohi* p\ \\\)
mercenaire. 11 est indigne du titre qu'il porto. P«!*tntUR, \\\\\ tpn»
70US soyiez, sachez mourir pour votre trouponu. Voln» itinrl i»*!
aussi utile que votre présence est néooHsaire.
I Mais s'ensuit-il qu'on ne puiBHe JitmaiR n'iMoigiinr iln «nit
troupeau ? Prenez garde, cenneurK riKi<lo»i voun nllnij inOinii-
Qaitre l'esprit de TËvangile, voum ulli'Z cotMliiniMi<r itnpim-OliiiMl
et ses saints.
( Le bon Pasteur donne sa vie pour ëeë brebis, toute» Iap Um f|u«
— 216 -
d'exposer sa vie pour son troupeau fidèle, le curé de
Saint-Andrù n'eut ^arde de négliger roccasion que lui
ollrait rexpédition projetée de Quiberon pour rentrer
en France. Il se joignit aux prêtres (fui voulaient
accompagner rêvêque de Dol dans son retour en
Bretagne. Arrêté au moment du débarquement, le 16
juillet, (4 partageant la conliance des chevaliers fran-
çais et des autres prêtres ses compagnons de traver-
sée, il comptait sur la sauvegarde de la capitulation
faite par le général Sombreuil avec Hoche. Mais il fut
déru, et c'est ainsi qu'il se dévoua au martyre avec
révêque de» Dol et quatorze prêtres. Seize autres prê-
tres n'étaient revenus avec eux que dans des vues
politiques.
Tous furent conduits à Auray le 27 juillet et enfermés
sa mort peut être utile, qu'elle honore la relif^ion, qu'elle cotitri-
buo à ra^raiulissemeut du règae de Jésus-CIhrist. Mais si cette
mort est inutile, si elle cause un mal sans aucuu profit, si elle
produit un crinn' (gratuit, si elle tMilùve aux peuples leur pasteur
sans leur rien doJiner en dédommagement, alors il est sage de
luir la mort. On fait une bonne action en la fuyant. C'est ce qu'a
compris lonto l'antiquité chrétienne, c'est ainsi qu'elle a inter-
prété rKvangile.
« Ix bon Pastpur donne sa rie pour ses brebis. Mais si les brebis
mêmes se révoltent contre le pasteur, si elles no veulent pas en-
tendre sa voix, si leur docilité se change en désobéissance, leur
bonté m fureur, alors il ne faut plus rester au milieu d'elles; il
faut aller au loin ]»Ienrer sur 1rs égarements et les crimes de
ceux (ju'(»n a pu guérir par son zèle, il faut attendre le momonl
où (îelui qui change les cu'urs rendra nos soins fructueux et ef-
ficaces.
« On serait tenté de croin* (jue c(^ «jue nous racontons est une
fable, mais cm» genre de perséciilicni est véritable : ce sont, eu
France, les brebis (pii ont chassé Umr pasteur, car toutes n'é-
huient pas lidèles; le gouvernement ne fut pas seul coupable,
car djins dans beauconi» di; paroisses, un parti s'était formé pour
combjittn.' le [iréin' et le chasser, parfois pour le tuer.
* (icla est inouï dans l'histoire i\v> persécutions.
(' Qw les paij'ns aient exercé leur fureur contre une religion
nouvelle, opj.osée à la lueur, cela n'étonne j>oint. xMais, en
France, les prêtres ont été perséiulés par «les hommes de leur
religion. Ce sont des catholiques (il est amer de le dire) qui se
sont armés contre des prêtres catholiques. Ce sont des enfants
qui se sont armés loutn^ leur père. (îest un «les caracU'^res de la
persécution française, la plus extraordinaire qui ait jamais été
suscitée. Quel parti devions-nous prendre? Nous en avions trois
— 217 —
dans l'église. Le lendemain, les officiers municipaux
les envoyèBent à Vannes, où, le 27, ils durent compa-
raître, avec quelques officiers français, devant une
commission militaire, t Jamais, rapporte Alphonse de
Beauchamp, impression ne fut plus profonde que
lorsque, après une prière commune et par une sainte
inspiration, les prisonniers, voués à la mort, élevèrent
tous la voix et les mains vers le ciel pour lui demander
le bonheur de la France. La garde, d'abord immobie
d'étonnement, partagea bientôt cet élan religieux,
interrompu seulement par des sanglots. Amenés de-
vant leurs juges, la plupart des prisonniers les étonnè-
rent par la fermeté de leurs réponses.
cMais rien ne put les sauver. Tous furent condamnés
à être fusillés.
t En attendant l'heure du sacrifice, on les plaça dans
la tour de la ville, où ils passèrent la nuit. Le prélat et
les prêtres employèrent ce délai à préparer les soldats,
à choisir : rester, nous défendre, ou partir. Rester nous était
impossible : les décrets s'y opposaient, la fureur populaire en
certaines paroisses nous en empêchait.
€ Nous défendre f les ministres de Jésus-Christ ne se défendent
point, ils endurent les mauvais traitements et ne se vengent pas.
Si on veut les tiier, ils reçoivent la mort et pardonnent.
* Partir, c'était le plus sage et le plus sûr. Notre départ con-
servait des ministres à la religion; il épargnait des crimes au
peuple ; il ralentissait une rage dont on avait tout à craindre.
Partir, c'était un acte de soumission à un décret injuste. C'était
une preuve que nous savions souffrir les injustices et faire tous
les sacrifices pour la tranquillité publique.
« Telle est la vraie morale de Jésus-Christ, aussi éloignée de
la lâcheté que d'un courage puéril et gigantesque. Prétendre qu'il
faut mourir plutôt que d'aller en exil, c'est ajouter à la sévérité
de la loi chrétienne; c'est accréditer des principes que l'Eglise a
toujours repoussés ; c'est se rapprocher de Tertullien qui a écrit
contre la fuite dans les persécutions, et qui, dans cette circon-
stance, a abandonné l'Evangile pour suivre l'erreur des Monta-
nistcs.
«Nous aurions voulu rester parmi nos compatriotes que nous ne
l'aurions pas pu. Nos tyrans avaient pris le moyen de nous sui-
vre partout, et partout d'enchaîner notre zèle et d'exciter contre
nous la haine publique. » (Plaidoyer thcologique, cité p. Guillon.
T.L)
— SI8-
leurs compagnons à la mûrt héroïque dont ils allaiei
donner Tadmirable spectacle. >
Enfin, le 30 juillet, on les fait marcher ensemble, le
mains liées, vers le lieu de Texéculion, au son du tam
bour. Ce lieu était une promenade publique appelé 1
Garenne. Les habitants de Vannes, témoins du specta
de, fondaient en larmes, en voyant passer ces prôtre
de Jésus-Christ, édiflants de résignation. M. Gourau
et ses confrères reçurent le plomb meurtrier qui les ii
martyrs de cette foi qu'ils venaient prêcher en France
C'est en regardant avec un égal enthousiasme
comme Martyrs^ ces saintes victimes, qu'un royalisi
octogénaire leur consacra dans Paris même, en 182'
un hommage poétique, lorsqu'il apprit qu'un monv
ment funèbre leur avait été élevé. Il leur disait :
c Martyrs de QuiberoD, goûtez un saint repos.
<« Priez pour nous, martyrs...
a C'est sur ce marbre saint qu'allant nous recueillir,
c Nous apprendrons de vous comment il faut mourir, s
- 118-
JEAN-LOIIS GOl IIDON
CVnt DK SAINT-rUlJlENT
1735-I79a
Le Polit Bôurg-soUïi'lîi-Roclu' lui lo lieu de naissance
(le M. GouifloM. qui succéda à M. Gilbert dans la cure
de SainUFul^(?iil, peu iivantlaRèvoliiUnn. L'Assemblée
consitituaut<s qui lêgiférail sur les choses rellgieunes
comme sur les alUiires politiques, avait décidé que Teu-
eens ne serait plus ollerL ((u'à rEtonicK
M. Gourdoa crut devoir continuer à suivre Icîs ru*
Il îu missel, en olTrant Teucens au Dieu de TEu-
ti . Ce fut son erimc : il fut dénonce par le maire
de Saml-Fulgent, Martineau, d'autant plus que ses
sentiments envers les idées révolutionnaires étaient
bien connus.
Or^ un dimanche, pendant la grand'messe, au mo-
meTif où il prêchait, lo citoyen maire de la localité, ac-
co » des autorités repuldicaines en armes et
pi. 1 l'un joueur de oé^e, le chapeau sur Ui tète, en-
i?ahit tout à coup I'éj;lise. S'avaneant près de Tautel et
lui tournant le dos, le citoyen maire pose au cure et
A i<on vicaire les questions relatives a la Constitution
du cierge.
:. «iourdon refuse publiquement do prêter serment.
Son vieain3 suit son exemple. On rédige le procès-
• -' tl séance lenanlr»,
- aime de ses paroissiens, le curé de Saint- Fui-
un jour, dénoncé et Livre par un traître à un
lent de soidals qui tenaient garnison à Mon-
laigu et qui, avec la garde nationale de rendroit, excr-
çîi' * * -îr la contrée un« influence pénible pour les
11' gens et souvent barbare. Il fut emmené à
Muiiuiigu et incarcéré dans le vieux château de la gar-
nison.
• A cette nouvelle, dit A. de Bejarry, les habitants de
S«iat-Fulgeut s'indignent^ s'assemblent et s'arment
-290 --
comme ils peuvent; cent hommes résolus marchent
droit à la ville où leur pasteur est emprisonné, recru-
tant le long de la route des auxiliaires venus des pa-
roisses voisines. La garnison de Montaigu, qui ne
s'attendait pas à cette soudaine attaque, est désarmée ;
quelques soldats qui voulurent résister furent blessés.
Les paysans forcent les portes de la prison, délivrent
leur curé et le ramènent triomphalement au milieu
de ses paroissiens de Saint-Fulgent. Gomme trophée,
ils rapportaient une centaine de fusils et un millier
de cartouches. »
M. Gourdon dut se cacher de nouveau, d'autant plus
qu un mandat d'amener avait été lancé contre lui
et qu'il était vivement recherché par la gendarmerie.
C'est ce que rapporte M. Jean de Beauregard dans ses
Mémoires. Le vicaire général de Luçon étant allé, sous
des habits laïques, visiter les pensionnaires du Petit-
Saint-Gyr de Luçon, réfugiées au château de la Gras-
siére, chez M. de Gbevigné, et passant par Saint-Ful-
gent, rencontra M. de Sapinaud de la Verrie. Le
général lui apprit qu'on commençait à faire la chasse
aux prêtres et que, ce jour-là même, on était à la re-
cherche du curé de Saint-Pulgent.
Gomme M. de Sapinaud venait de partir, entre un
gendarme qui demande à déjeuner, c Quoi de nou-
veau? dit l'hôtesse. — Ne m'en parlez pas! — Voilà
trois jours que nous sommes à la chasse d'un prêtre.
— Qu'a donc fait ce prêtre? — Je n'en sais rien, ré-
pond le Pandore. G'est une folie qui leur passe par la
tête.»
Le bon gendarme était, en effet, plus sage que ceux
qui le commandaient.
M. Gourdon fut donc obligé de fuir sous peine de dé-
portation et préféra l'exil à 1 apostasie. Il réussit à
gagner la ville de Nantes et à s'embarquer pour l'Espa-
gne, le 12 septembre 1792, à bord du bateau le Ct-
toyen.
€ A son arrivée à Saint-Sébastien, écrit M. Bourlo-
ton (I), on lui donna pour séjour la petite ville de
(\)Retuc du Bas-Poitou, année 1903.
^221 —
Zumarraga. Le 19 janvier 1793, à la requête de seâ
frères, qui voulaient le faire rayer de la liste des
émigrés sur laquelle il était inscrit, et pour empo-
cher la confiscation de ses biens, M. Gourdon obtint
un certificat de résidence. Ce certificat attestait que
ledit Jean-Louis Gourdon, ex-curé de Saint-Fulgent,
parti de Nantes pour obéir à la loi du 26 août 1792,
s'était rendu en Espagne et était resté, depuis son
arrivée, dans la ville de Zumarraga. » (Archiv. dé-
part, de la Loire-Inférieure,)
f M. Gourdon mourut en exil, continue M. Bourloton,
probablement à Zumarraga, car un certificat, produit
en Tan VII, mentionne qu'il est mort « au lieu de' sa
déportation, t
Cette indication permet de dater sa mort de la fin
de 1793.
Sa radiation de la liste des émigrés ne fut faite qu'en
l'an X.
Le préfet de la Vendée au sous-préfet de Montaigu,
16 brumaire an X :
€ Je vous adresse, citoyen sous-préfet, copie d'un
arrêté du gouvernement du 6 de ce mois, qui pro-
nonce la radiation définitive de la liste des émigrés
de l'inscription suivante :
€ Gourdon, ex-curé de Saint-Fulgenty district de
Montaigu.
« Veuillez prendre sur votre registre note de cette
élimination et adresser la présente copie aux frères
de cet ex-curé, qu'on dit mort au lieu de sa dépor-
tation. >
•^ HZ ••
MATHIEU-FRANÇOIS DE GRUCHY
VICAIRE DE SOULLANS, DE CHALLANS , DE BEAUVOIR,
DE SAINT-JEAN-DE-MONTS, CURÉ DE VENANSAULT
1761-1797
Anglais d'origine, François de Gruchy est né à Jersey
d'une famille noble et protestante, le 31 août 1761,
comme le constate son acte de baptême; mais il ap-
partient au diocèse de Luçon par la plus f?rande partie
de sa vie sacerdotale.
A l'époque de la dernière guerre entre l'Angleterre
et la France pour l'émancipation des Etats-Unis, de
Gruchy fut embarqué, très jeune encore, et fait prison-
nier sur un corsaire français, vers 1776. Il fut détenu,
avec plusieurs Anglais, au château de Saumur. Comme
il parlait avec aisance la langue française, il sortait en
ville pour faire les commissions de ses compatriotes.
Un jour, il se trouva dans un magasin lorsque survint
une dame qui venait aussi faire quelque achat. Le
jeune anglais fut gracieux et poli et n'accepta d'être
servi qu'après elle.
Cette dame était la marquise de Toucheprès, dont le
mari avait été conseiller au Parlement de Bretagne.
Elle jouissait d'une belle fortune qu'elle employait en
bonnes œuvres. Elle fut touchée de l'heureuse physio-
nomie du jeune homme, de sa situation et des petites
confidences qu'il lui lit, tout d'abord, avec une grande
ingénuité.
Il s'était avoué protestant. Comme Mme de Touche-
près était très liée avec M. du Petit -Thouars, gouver-
neur de Saumur, elle obtint de se charger du prison-
nier et l'emmena dans son château, situé en Ven-
dée (1).
(1) Cette dame habitait Saiût*Mar8-la-Réorthe, au château de
la Traverserie. C'est là que le jeune homme apprit le métier de
menuisier et fit une chaire conservée encore aujourd'hui dans
la nouvelle église de Saint-Mars.
-223-*
Bientôt elle lui offrit de lui faire apprendre un mé-
tier.
/ Je le veux bien, répondit de Gruchy, pourvu que
ce métier ne soit pas trop vil. »
Il y avait dans cette réponse une certaine fierté de
race. La famille de Gruchy était pauvre, mais elle s'ho-
norait de descendre d'une maison noble, venue en
France à l'époque de la conquête.
On fit apprendre à Mathieu le métier de menuisier,
et son patron venant à partir pour SouUans, il Ty sui-
vit.
La pieuse marquise ne perdait pas de vue son protégé.
Gomme elle se préoccupait surtout de sa conversion,
elle le mit en relation avec M. Guillon, curé-prieur de
la paroisse, homme fort instruit et d'un aimable carac-
tère, qui ne tarda pas à gagner le cœur et la confiance
du jeune ouvrier. Il lui parla de religion et lui mit en-
tre les mains des ouvrages de controverse.
De Gruchy, qui avait Tintelligence très ouverte et
une grande droiture de volonté, fut touché par la grâce.
Il abjura Terreur, fut baptisé sous condition et fit sa
première communion, sans doute le jour même de son
baptême, le 22 août 1786.
M. Guillon, qui reconnut bien vite en lui une nature
d'élite, lui suggéra l'idée d'apprendre le latin. De Gru-
chy accepta volontiers, et pendant qu'il travaillait son
bois à l'atelier, il recevait les leçons que le prieur- curé
venait lui donner. Ses progrés furent rapides. Ses ap-
titudes intellectuelles, jointes à sa modestie, à sa fran-
che et profonde piété, révélaient dans l'intéressant
néophyte toutes les marques d'une sérieuse vocation
ecclésiastique. Quand, spontanément, il témoigna le
désir d'entrer dans la sainte cléricature, le bon curé
n'en fut point surpris. Il en fut heureux, car il voyait
se réaliser dans son élève les espérances qu'il en avait
conçues. Après avoir donné tous ses soins à la forma-
tion cléricale du lévite, il l'envoya terminer ses études
au séminaire de Luçon, dirigé alors par les Lazaristes.
En 1788, Mgr de Mercy lui conféra successivement tous
les ordres.
Après son ordination de prêtrise, l'abbé de Gruchy
resta deux ans encore prés de son père spirituel à Soul-
lan?, pour perfectionner son éducation sacerdotale ;
puis il fut employé dans le saint ministère^ d'abord à
SouUans même, puis à Challaus, à Bois-de-Cenè, à
Beauvoir en 1790, et surtout à SaintJeaiiHle*Monts.
A Tépoque de la Révolution, en 1792, Tabbé de Gru-
chy retourna dans l'Ile de Jersey, avec l'intention de
convertir sa famille à la religion catholique. Malgré les
persécutions des ministres protestants, qui trois fois
le chassèrent de Tlle, il convertit sa sœur en des
conférences secrètes qu'ils avaient ensemble, à la
campagne ou sur des points écartés de la côte.
Il avait également entrepris la conversion de sa
mère, mais il lui fut impossible d'achever cette œuvre,
si chère à son cœur de fils et de prêtre.
Cependant, toujours de plus en plus persécuté et
chassé une dernière fois de Jersey, i! alla se réfugier
à Londres, où il rencontra des prêtres français et, parmi
eux, M. Jean Brumauld de Beauregard, vicaire général
de Luçon, avec lequel il se lia d'une étroite amitié.
f Nous quittâmes bientôt celte ville l'un et l'autre,
nous dit ce dernier. J'habitai six mois à Southampton,
sans entendre parler de l'abbé de Gruchy. Et ce fut
pourtant là qu'on le trouva, dans un hôpital, au milieu
des soldats irlandais catholiques avec lesquels il vivait,
leur distribuant des consolations, partageant leurs tris-
tes rations et ne songeant pas à réclamer les aumô-
nes que le gouvernement anglais accordait aux prêtres
français. Mgr de Saint-Pol de Léon lui assura des
secours et me remit quelques guinées que je lui
fis passer, et qu'il aura sans doute partagées avec les
indigents (1). »
L'abbé de Gruchy fut donné pour compagnon à M. de
Beauregard, dans la mission que celui-ci avait à rem-
plir auprès du général de Charelte en France. Ils
vécurent quelque temps ensemble, en Vendée, dans
la plus intime amitié, t J'avais place M. de Gruchy à
Yenansaulti où il oioait comme un sainte écrit le
(!) Mémoir0$, p. 149.
-225-.
vicaire général. Tant que j'ai habité la Vendée, il
venait me confesser tous les quinze jours. Il disait
tout haut, en entrant dans l'église de Beaufou, tout
ouverte et sans toiture : c Monsieur Tabbé, faisons-
• nous pénitence ? » Alors les personnes que je con-
fessais se retiraient. »
Le saint prêtre n'avait pas eu de peine à trouver un
logement dans cette paroisse de Venansault : de toutes
parts il avait reçu les invitations les plus pressantes,
mais la fureur révolutionnaire sévissait avec tant de
force qu'il craignait de compromettre les jours de
ceux qui le recevraient. Pour lui, il ne redoutait ni
les privations, ni la mort. N'écoutant que sa charité
et son amour de la mortification, il choisit pour de-
meure le grenier de la plus pauvre maison du bourg,
comme le lieu le moins suspect. Il y plaça le crucifix
et l'image de la sainte Vierge qu'il portait toujours
sur lui; et, dans cette compagnie, son taudis eut à
ses yeux plus d'attraits que les palais des rois.
Rien n'était comparable à son zèle. Sans cesse
occupé à porter aux fidèles les secours de la religion,
il restait étranger aux agitations de la politique et du
monde. En voyageant, il avait sans cesse son chapelet
à la main et ne perdait jamais aucune occasion de
prier. Ses tournées s'étendaient parfois au-delà de la
paroisse de Venansault. Il se séparait rarement de
Loué, le sacristain, qui était, disait il, sa consolation,
son lldéle compagnon et ami. Ils passèrent bien des
jours et des nuits dans les maisons pillées et en
ruines, dans les granges, dans les genêts, dans la forêt
d'Aizenay, presque toujours sur pied et ne prenant
presque jamais un repos complet.
Lorsque le danger était moins pressant, les paysans,
hommes et femmes, se réunissaient autour de lui pour
écouter sa parole et confesser leurs péchés. Il célébrait
la messe, leur donnait la sainte communion, baptisait
les enfants et administrait les malades. Si les Bleus
étaient loin, M. de Gruchy entonnait un cantique et
l'assistance chantait avec lui. C'était là un de ses
exercices de prédilection.
Le général Travot, qui soupçonnait sa présence
dans la forêt d'Aizenay, la fit fouiller en vain, il ne
put jamais découvrir la retraite du prêtre.
c M. de Gruchy, dit M. de Beauregard, me demanda
15
plusieurs fois de le laisser partir pour Jersey, pressé
qu'il était par le zèle de convertir ses parents. Je lui
refusai cette permission et il continua son ministère en
Vendée. Mais, après mon départ, il se crut libre et
résolut de rentrer dans sa famille, i
Le <8 novembre 1797, Tabbé de Gruchy arrivait à
Nantes déguisé en ouvrier, avec l'intention de s'em-
barquer pour Jersey, où habitait sa vieille mère, protes-
tante opiniâtre, qu*il voulait à tout prix convertir. Son
passeport, qui le désignait comme anglais et menui-
sier, allait être visé par la municipalité nantaise lors-
qu'un prêtre assermenté, entrant au bureau de rofilcier
municipal, se fait présenter le passeport. En y lisant
Mathieu Gruchy^ menuisier : « Tu mens, lui dit-il, tu
es prêtre ! — Je suis Tun et Tautre, répond le confes-
seur de la foi. — Tu es prêtre, reprend le dénonciateur,
tu es rentré en France après avoir été déjà banni; la
loi te condamne à mort ! — Eh bien I soit, » dit avec
douceur Tinculpé.
Les municipaux, l'examinant alors de plus près,
trouvèrent qu'en effet le voyageur avait Tair d'un
prêtre bien plus que d'un menuisier. Jusque là ils n'y
avaient pas pensé !
On lui lit la sommation de déclarer toute la vérité
sur son compte, t Je ne crains pas de confesser hau-
tement que je suis un prêtre catholique, répond Tabbé
de Gruchy. J'appris dans ma jeunesse l'état de menui-
sier; c'est par cette profession que me désigne mon
passeport. Me renfermant dans l'exercice de mon
ministère, depuis que je suis prêtre, je n'ai jamais
porté d'armes, ni offensives ni défensives, mais
j'avoue que je me suis réfugié à Jersey en 1792. »
Dès le soir môme, on enferma M. de Gruchy dans la
prison du Bouffay. t II édifia tous ses compagnons de
captivité, dit M. de Beauregard. Il composait des canti-
ques pleins de résignation et de piété. » Nous en avons
le recueil manuscrit, daté du Bouffay, de Nantes, le
27 novembre 1797.
Voici la dernière strophe du dernier de ces can-
tiques :
Seigneur, exaucez ma prière ;
Elle est d'un cœur humble et soumis,
Pardonnez, charitable père.
Pardonnez à mes ennemis.
De tout mon cœur je leur pardonne
Tous les maux qu'ils m'ont fait souffrir ;
Votre sainte loi me l'ordonne :
Je leur pardonne avec plaisir.
Parmi ceux qui partageaient sa captivité, le prison-
nier de Jésus-Christ lit la connaissance d'un noble
cœur, auquel il put confier les plus intimes secrets de
son âme : t Vous avez eu tort, lui dit cet ami, de par-
ler de votre émigration qui est le grief capital contre
vous. Il fallait vous borner à répondre Que vous êtes
prêtre et que vous profitez de l'amnistie. — J'y ai
songé, répond Tabbé de Gruchy, mais cette dissimula-
tion m'a répugné. Elle pouvait d'ailleurs amener d'au-
tres questions auxquelles il ne m'eût pas été si facile
de répondre sans mensonge, et Dieu sait que pour
sauver ma vie je ne me permettrais pas le mensonge
le plus léger. Je n'ai que trop offensé Dieu ; je devais
éviter d'augmenter le nombre de mes fautes. Je fais de
bon cœur le sacrifice de ma vie; Dieu veuille l'agréer
comme expiation de mes péchés et jeter un regard de
compassion sur ma pauvre mère. »
Le 26 novembre, une commission militaire se rendit
au Bouffay pour procéder à l'interrogatoire du prison-
nier. Ses réponses furent toujours les mêmes.
Après le départ des commissaires, l'abbé de Gruchy
dîna tranquillement avec les autres détenus, gardant
le calme et la sérénité d'une âme qui est tout entière à
Dieu.
Au sortir de table, il se retira avec son ami dans une
chambre qui leur était commune, et lui raconta ce qui
s'était passé dans ce nouvel interrogatoire : « Je vous
avoue, lui répondit celui-ci, que votre franchise exces-
sive m'épouvante. Sans blesser la vérité, vous pourriez
vous exposer moins que vous ne faites par vos aveux
imprudents. — Je suis résigné, dit le prêtre vendéen,
à tout ce que Dieu voudra m'envoyer. Je serai trop
— as ■—
heureux de verser mon sang pour la vérité, quelque
indigne que je sois de cette gloire. Je demande seu-
lement au ciel la grâce de soufïrir avec patience et
humilité. Je prie Dieu d'agréer mon sacrifice pour
l'expiation de nos fautes pour la conversion de ma
famille et surtout celle de ma pauvre mère.
€ Je vous en conjure, mon ami, unissez vos suppli-
cations aux miennes. Veuillez me rendre un service :
tâchez de me procurer un prêtre auquel je puisse me
confesser avant de mourir. Le pourrez- vous ? Je ne
sais. J'ai imploré cette faveur de la commission mili-
taire qui vient do m'interroger, je lui ai déclaré que je
voulais un prêtre catholique et non un prêtre jureur.
Le rapporteur m'a répondu qu'on aviserait à cela lors
de mon jugement, si je réitérais ma demande. Je ne
sais ce qu'ils feront, mais je préfère mourir sans me
confesser, plutôt que d'appeler un prêtre assermenté,
au grand scandale des fidèles. Je mets ma confiance en
Dieu, et malgré mes péchés je m'abandonne entière-
ment à son infinie miséricorde. »
€ Il nous entretenait souvent, écrit son ami, des
grâces qu'il avait reçues de Dieu, et revenait toujours à
son ardent désir de la conversion de sa mère. Le
lundi matin, 27 novembre, on vint le chercher pour le
mener à la commission militaire. J'allai moi-même
le lui annoncer. Il me remercia en m'engageant à prier
pour lui. Il descendit aussitôt de notre chambre et se
livra lui-môme. Je le suivais du regard, je me mis
à la fenêtre pour le voir passer. Il conserva son air
tranquille, marchant d'un pas modeste et assuré. »
Vers deux heures de l'après-midi, on vint dire aux
prisonniers du Bouffay que M. de Gruchy était con-
damné à mort. On ramena bientôt le condamné et on
le mit au cachot, dans la cour réservée aux criminels.
Son ami put le visiter et baiser ses chaînes. « Je le
trouvai calme et ayant l'air d'un prédestiné, nous dit
ce fidèle témoin. Il était à genoux lorsque fut ouverte
la porte du cachot. Voyant mon affliction, il s'empressa
de me consoler, me tendit la main de l'air le plus gra-
cieux et témoigna la plus parfaite résignation. Il me dit
tout bas qu'il avait eu le bonheur d'offrir le saint sacri-
-2» —
fice le jeudi précédent Comme le concierge était pré-
sent, il ne me dit rien de particulier, et après une
demi-heure d'entretien sur les miséricordes divines, il
parut désirer se recueillir. Je le quittai en l'embras-
sant, nous nous serrâmes tendrement. Il me demanda
de prier et de faire prier pour lui, me promettant qu'il
prierait aussi pour moi. »
Afin de rassurer les personnes avec lesquelles il
avait eu quelques rapports, le saint prêtre déclara qu'il
n'avait fait à leur sujet aucune révélation ni compro-
mis qui que ce fût.
A huit heures, M. de Gruchy fit prévenir son ami
qu'il désirait lui parler. Celui-ci s'empressa de se ren-
dre au cachot qu'il trouva fermé. Il ne put s'entretenir
avec le cher prisonnier qu'à travers la porte.
Le condamné parlait en martyr. Sa mère était tou-
jours présente à son esprit et à son cœur. A cette
préoccupation filiale s'ajoutait le chagrin de -mourir
sans être assisté par un prêtre catholique.
• Mon ami, disait-il, faites en sorte qu'il s'en
trouve un sur ma route quand j'irai au supplice et que
je connaisse l'endroit où il se tiendra, afin que je me
recueille en recevant l'absolution. C'est là le plus
grand service que je puisse attendre de votre dévoue-
ment. Ayez encore la bonté d'instruire de ma situation
le plus grand nombre possible de prêtres, afin qu'ils
disent la messe demain pour m'obtenir le courage et
la force de consommer dignement mon sacrifice. »
Son ami lui fit la promesse de faire tous ses efforts
pour procurer au martyr de si précieuses faveurs.
Le pieux condamné devait avoir la grande consola-
lion qu'il demandait, et ce fut son ancien curé à Beau-
voir, M. Gergaud, qui, caché dans sa famille à Nantes et
averti de l'exécution prochaine de son vicaire, allait se
trouver sur son passage pour lui donner la dernière
absolution.
M. de Gruchy continuait à parler de ses derniers
moments, de son regret d'avoir ofTensé Dieu et de sa
confiance dans la divine miséricorde; mais s'aperce-
vant que son interlocuteur ne lui répondait plus, de
l'autre côté de la porte, que d'une voix entrecoupée
par les sanglots, il s'interrompit : t Je suis bien peiné,
lui dit-il, de vous avoir si longtemps retenu. Vous
devez être fatigué, il faut que vous alliez vous reposer.
— 230-*
Je vous fais mille excuses de vous avoir causé tant
d'embarras. Nous nous reverrons demain, vers huit ou
neuf heures. Bonsoir, mon ami ; priez pour moi, je
prierai pour vous. »
Le compatissant ami se retira, navré de douleur,
mais pénétré, nous dit-il, d'une vénération profonde
pour le confesseur de la foi.
Pendant cet entretien, il avait engagé M. de Gruchy
à écrire ses dernières volontés. Il avait un désir très
vif d'avoir quelques-uns des objets qui appartenaient
au vénérable condamné, comme son chapelet et une
statuette de la sainte Vierge. Mais la crainte d'exciter
dans cette âme si belle et si délicate le plus léger sen-
timent d'amour-prbpre l'avait empêché d'exprimer son
désir.
En se retirant, il osa pourtant lui dire : « Vous
ferez sagement de me confier les petits objets de piété
qui sont en votre possession, pour éviter qu'ils ne
tombent dans des mains profanes. »
Le condamné le comprit et lit à son ami la promesse
de tout lui remettre à leur entrevue du lendemain.
Pendant la nuit, le prisonnier trouva le moyen
d'écrire quelques lignes sur un papier grossier qui
nous a été fidèlement conservé parmi les manuscrits
de l'un de ses biographes, M. Sergent, chanoine de la
métropole de Tours.
Bien que le testateur soit en présence de la mort, son
écriture est hardie, l'orthographe et la ponctuation
fidèlement observées.
Il partage entre sa mère, ses sœurs, les pauvres et
quelques autres personnes l'argent qui lui reste.
M"« de la Corbinière et la veuve Bordelais, du village
de Beauregard, dans la paroisse d'Ardelay, sont dési-
gnées comme ses exécuteurs testamentaires.
Après avoir demandé des prières et fixé à trois livres
l'honoraire des messes qu'on dira pour son âme, il
termine ainsi son testament : c Je regrette de ne pou-
voir m'expliquer plus au long sur bien d'autres arti-
cles, le temps me manque.
« Je fais à Dieu le sacrifice de ma vie, je remets mon
-^231 —
àme entre ses mains et je me recommande aux &mes
charitables.
€ A la prison du Bouffay, ce 27 novembre 1797.
f Mathieu Gruchy, prêtre catholique. •
Le lendemain, 28 novembre, jour fixé pour le sup-
plice, Tami du condamné eut avec lui un dernier
entretien. Il lui donna l'heureuse nouvelle qu'un prêtre
catholique, M. Gergaud, qu'il connaissait bien, allait
l'assister en ce moment suprême et se trouverait sur
son passage. Grande fut la joie du prisonnier, c Oui,
Monsieur, oui, mon ami, je suis content et heureux. Je
ne changerais pas mon sort pour le sort le plus beau du
monde. Je meurs innocent pour la religion; je fais de
bon cœur le sacrifice de ma vie. Dieu veuille accepter
TefFusion de mon sang pour l'expiation de mes péchés
et pour la conversion de ma pauvre mère. •
Puis il ajouta : t Je pardonne de bon cœur à mes
ennemis et à mes juges que je crains d'avoir offensés
par des réponses peut être déplacées. Je crains aussi
que mon avocat, M. Guinche, n'ait trop dit pour ma
défense; qu'il n'ait mortifié mes juges et qu'il ne soit
exposé à quelque mauvais retour de leur part. Je
demande pardon à ceux que j'aurais pu offenser ou
scandaliser. * c II me remit alors sa bonne Vierge, son
bréviaire et deux lettres, dit le confident du confesseur
de la foi. Il me serra tendrement entre ses bras et me
fit ses adieux d'un air doux et satisfait. Moi, les larmes
aux yeux, je ne pouvais articuler un mot. Il m'invita
aussitôt à prier pour lui et me promit de prier pour
moi et pour ma famille. Il termina en disant qu'il
allait bientôt, avec la grâce de Dieu, consommer son
sacrifice. » Il n'eut, en effet, que le temps de faire
encore quelques prières.
Le funèbre cortège arrivait à la porte de la prison.
Le condamné se livra entre les mains des soldats et
traversa les cours du Bouffay, tête nue et pieds nus,
tenant une petite croix dans ses mains jointes. Avant
de quitter son cachot, il avait obtenu de voir son
— 23Î —
dénonciateur et lui avait dit : c En me livrant aux tri-
bunaux et en me faisant condamner à mort, vous avez
cru peut-être me causer un grand mal; je tiens à vous
dire que je vous regarde plutôt comme la cause de
mon bonheur. Celui qui a bien voulu mourir pour
nous sur la croix m'apprend à vous pardonner comme
je fais ici de tout mon cœur, le priant d'avoir lui-même
pitié de vous et de moi. »
En se rendant au lieu du supplice, le martyr chantait
à demi- voix cette strophe d'un cantique très populaire
en Vendée :
Allons, mon âme, allons
Au bonheur véritable,
Aimons Jésus, aimons
Le bien le plus aimable,
L'amour 1
Jésus est mon amour
La nuit et le jour.
C'est dans le trajet de la prison à la place Viarmes
qu'il eut le grand bonheur de rencontrer son ancien
curé, M. Gergaud. Celui-ci a souvent raconté depuis à
ses paroissiens que c'est lui-même qui, du haut d'une
mansarde, donna la suprême absolution au jeune prê-
tre allant à la mort d'un pas ferme et en chantant des
cantiques. Celui-ci, prévenu d'avance, savait dans
quelle rue et à quelle fenêtre se trouverait M. Gergaud.
Arrivé en face, le condamné leva les yeux. Un rapide
coup d'œil fut échangé et le condamné reçut la sainte
absolution, qui ranima son courage.
Sur la place Viarmes : « Est-ce ici ? » demanda-t-il.
Sur une réponse afiirmative, il se mit à genoux au
bord do sa fosse, pria quelques instants, baisa son
crucifix et tendit les bras à la mort.
Les soldats préparent leurs armes, l'ajustent et font
feu, mais cette première décharge ne l'atteint pas. Le
martyr, tombé à terre, se relève et leur dit : « Vous ne
m'avez pas blessé. » On lui ordonne de se remettre à
genoux et il obéit.
Les soldats fout feu de nouveau. Cette seconde dé-
charge le blesse, mais pas assez pour lui donner la
mort. Après ces deux cruels essais, des sauvages
auraient épargné la victime j les bourreaux révolu-
— Î33-
tionnaires ne connaissent pas la pitié. Un des soldats
s'approche alors du patient et lui met le bout du fusil
dans l'oreille. Le coup part et empofte le crâne du
prêtre, qui consommait ainsi son martyre, à l'âge de
trente-six ans.
€ Ainsi mourut ce saint prêtre, dit M. de Beaure-
gard. Il avait toujours vécu en pieux missionnaire.
M. Sergent, chanoine et secrétaire de l'archevêché de
Paris, a composé la vie de ce confesseur de la foi (1). >
(1) D'après M. SergenT| M. du Tressay, M. Prunier et la rela-
tion de M. Gergaud.
— 134-
JAGQUES-GLÂUDE GlIBERT
DE SAINT-LAURENT-SUB-SÈTRE
1793
Né à Saint-Laupenl-sur-Sèvre, en Vendée, M. Guibert
était vicaire à .Vezins, district de Gholet, au moment
de la Rèvolation. Participant à la foi vive des popula-
tions vendéennes au milieu desquelles il vivait, il refusa
d'accepter la Constitution civile et la déportation. Pui-
sant dans rattachement qu'avaient pour lui ses parois-
siens le courage de rester parmi eux, il exerça pendant
près de deux années son ministère sous la protection
des fidèles. Il fut à Tabri des poursuites des républi-
cains tant que durèrent les succès de l'armée catholi-
que. Mais quand survinrent les revers, chaque jour sa
vie fut en danger, au milieu de ses persécuteurs. Sa
présence étant connue, on le rechercha avec soin. Dé-
noncé, puis conduit dans les prisons de Savenay, où
venait d*être formée une commission militaire chargée
de condamner à mort les Vendéens, M. Guibert compa-
rut devant elle le saint jour de Noèl 1793. Son crime
était d'être ministre de la religion de Jésus-Christ et ce
titre seul suffisait à lui mériter la mort.
Il fut condamné avec la qualification absurde et im-
pie de brigand de la Vendée, et exécuté le même jour ^1).
(1) Prudhomme fait cette observation : « La Convention quali-
fia les Vendéens de Brigands : cette dénomination fausse et per-
fide fut peut-être la première source de toutes les calamités de
ce pays infortuné. Cette mesure accrut le parti des mécontents :
€ Vous voyez bien, dirent*ils aux habitants de la Vendée, qu'on
vous appelle et qu'on veut vous traiter en brigands avec lesquels
on ne ménage rien : si vous ne vous défendez, vous allez être
volés, incendiés, noyés, égorgés. » Histoire des crimes de la Révo-
fution, T. VI.
-838-
JACQUES GUYARD
CURÉ DE NOIRMOUTIER
1730-1792
Attiré en Vendée par son frère, M. Christophe Guyard,
curé de Noirmoutier (1), Jacques Guyard, né à Parce,
en Anjou, fut vicaire à Noirmoutier de 17S9 à 1767. Il
disparaît à cette date, puis revient en 1768, où il signe,
comme vicaire, une foule d'actes sur les registres pa-
roissiaux, et, comme curé, à partir du mois de novem-
bre de cette même année.
Ce fut de la part de l'autorité ecclésiastique un heu-
reux choix, car le jeune frère suivit toujours les traces
de son aîné, digne et zélé prêtre. Son long ministère
s'exerça heureusement pendant vingt-trois années, de
1768 à 1792, car on doit le regarder comme curé pen-
dant l'époque néfaste où il dut se cacher pour exercer
encore ses fonctions.
Dans les premiers mois de 1791, M. Jacques Guyard,
se méprenant, sans doute, sur la portée du serment à
la Constitution civile et ignorant sa condamnation par
Pie VI, avait d'abord fait ce parjure, comme les autres
prêtres de l'île. Mais, à la réception de la lettre de Mgr
de Mercy, il se rétracta en chaire, le dimanche suivant,
selon quelques historiens, plus tard, selon d'autres (2).
Toutefois, si nous nous en rapportons aux pièces sui-
vantes de la municipalité de Noirmoutier, il n'est pas
certain que M. Guyard ait prêté ce serment, puisqu'il
reçut l'ordre de se constituer prisonnier à Fontenay
comme prêtre insermenté.
(1) Un autre M. Guyard, sans doute parent des deux premiers,
d'abord aumônier des Bénédictines des Sables, était réfugié pen-
dant la Révolution à Chauché, où il exerça le ministère.
Un M. Guyard était curé, en 1758, à Chavagnes-en-Paillers^
(2) EchQ de Saint'Philbert de Noirmoutier, n^ 72.
— 436 —
Ce pr<Mre, souirrant d'une grave maladie (jul deva
prochaiiiemeiil le conduire au Loinbcau» ol uv pou
vaut se rendre d régliso pour le seraient lr)rs(|\i1
recul, l'ordre do le prêter, avait écriL à la mumcipalil
(ju1l ferait plus lard, après la messe, ce .senneut
vive voix. Ce qui ii*avait [ms eu lieu encore,
I" avril 1701, eouirae le prouve la lettre suivante;
« ^' nvril I79L
t Monsieur, nous vous fèUcilons sur votre meilleur
santé et nous vous prions de nous manjuersi. diinanc!
prochain, vous serés en état d alliruKT devant le pet
pie votre serment à Tissue de la grande messe, coufôi
mènient à votre promesse par écrit, et dont ttOlj
avons rendu compte au district <1e Challans. »
Le 30 juin 1792, un arrélè du Directoire du départ
ment ordonnant à tous les prêtres dissidents (non
sermentês) de se rendre au cheMieu du dèpartemei:
la municipalité de Noirnioutier ne s occujje pas de II
faire observer. Aussi, le 21 septembre, le district da_
Challans écrit a celle-ci une lettre concernant son cm '
lui enjoifçnant de le faire conduire à Challans : t No^
nous churfçerons, si vous voulez, du reste..*. » l^c'
taienl les représentants du districl. Ce reste n'était
rassurant pour M. Guyard.
Pendant (^e temps, M. Guyard, souffrant d'ulcère!
aux jambes et ne pouvant partir ni en exil» ni à Font
nay, était demeuré cache chez M"* Lcfebvre-ViaujI
grand'tante de M. le docteur Viaud-Grandmarais.
f La cachette de M. Guyard, écrit \L Jaud, curé aclu^_
de Noirmoutier, a été détruite (luand on a bâti les nou-
velles classes des sœurs. Une chambre en couloir était
divisée en deux parlies dans sa longueur par unecloi*
son derrière laquelle elait cache le curé impotent,
oii il disait la messe (juand sa santé le lui permettait]
Un dit qu il avait également une autre caehelh* dai
la maison qui apparlient acluellrmenl h M'" Hai
rue de lAncien-HùpilaL
Cependant une intéressante correspondance avi
lieu entre la municipalité de Noirmoulier et le districl
de Challans. Les olliciers numicipaux veulent à toij
prix sauver et garder leur cure, preuve de leur esUï'
- 2S7 —
el de leur atlachement pour lui. D'autre part, le district
exige le transport du prêtre insermenté à Fontenay.
Pourquoi, s*il avait réellement fait le serment et ne l'a-
vait pas encore rétracté, exiger son internement à Fon-
tenay ?
Quoi qu'il en soit, M. Lefebvre, officier municipal
dont la dame cachait M. Guyard, va au district de Ghal-
lans pour obtenir de garder le curé très malade. Il y
est très mal reçu et l'on exige qu'il amène le pauvre
prêtre. •
Est-ce à la suite de ces démarches que M. Lefebvre
fut jeté, comme suspect, dans la prison des Sables-
d'Olonne, c'est possible. Mais, bientôt relâché, il dut
s'exiler (1).
A la suite de cette démarche, le district de Challans,
toujours inflexible, avait pris une délibération, où nous
lisons :
t Après en avoir délibéré, et ouï le procureur sindic,
arrête que le dit sieur Guiard, comme plus que sexagé-
naire, sitôt que sa santé lui permettra de voyager, sera
conduit par la force armée au chef-lieu du département
pour y demeurer dans une maison commune, sous
l'inspection de la municipalité, et que les frais occa-
sionnés par le déplacement de la force armée, chargée
de faire la conduite du sieur Guiard, seront supportés
par ledit sieur Lefévre, conformément à l'art. 8 de
l'arrêté du département cy-devant cité, ainsi que ceux
occasionnés par l'exprès porteur des dépêches de la
municipalité qui ont été liquidés à la somme de quinze
livres.
€ Le Conseil rappelle au surplus le dit sieur Lefévre,
en sa qualité d'officier municipal, à l'exécution stricte
des lois ; lui enjoint à l'avenir d'être plus circonspect
dans sa conduite, et lui fait deffense de récidiver sous
plus amples peines; arrête qu'expédition du présent
sera adressée à la municipalité de Noirmoutier, pour en
suivre les dispositions et le fera afficher dans le lieu
ordinaire de ses séances. Elle demeure d'ailleurs char-
gée de s'assurer chaque jour de la présence dudit
(1) Il fut tué sur la côte de Sain t-Jean-de -Monts, en dirigeant
une descente d'émigrés.
— 238-
Guiard, dont elle reste responsable jusqu'à sa trans-
lation au chef-lieu du département.
f Fait au Conseil permanent du district de Challans,
le 21 septembre 1792, Tan 4* de la liberté et de l'éga-
lité. »
Les révolutionnaires du district de Challans étaient
vraiment impitoyables.
Or, la municipalité de Noirmoutier s'était débarrassée
d'eux en leur écrivant que Tex-curé avait quitté l'île
et qu'une lettre datée de Nantes annonçait qu'on l'avait
vu partant pour son département d'origine, le Maine-
et-Loire.
Mais le pauvre malade n'avait pu quitter le lieu de sa
retraite chez M. et M"** Lefebvre - Viaud. De là, des me-
naces terribles contre cette pieuse dame et sa domesti-
que. Le patriote Maublanc, chirurgien, et l'ex-abbé
Maublanc (l) se dévouèrent pour les sauver. Ils allè-
rent eux mêmes faire la déclaration du décès de
« Jacques Guyard », curé de cette paroisse, qu'ils dé-
clarent bien connaître, ayant été ses élèves et amis.
En pleine Terreur, c'était assez courageux.
Voici, d'après M. le curé actuel de Noirmoutier, dont
nous suivons le récit, l'acte relevé aux registres de
la commune, tel qu'il fut libellé par le curé intrus :
€ L'an 4" de la liberté, et le samedi, 29 septembre
1792, le corps de Jacques Guyard, prêtre, ancien curé
de cette paroisse, décédé hier, âgé de soixante-deux ans
environ, natif de Parce, cy-devant Anjou, lils de défunt
Jacques Guyard et de Marthe Taillé, autant que je puis
m'en rappeler, personne ne pouvant m'instruire, et ne
m'en souvenant que parce que j'ai été son élève et son
ancien ami depuis plus trente ans, a été inhumé au
cimetière de cette paroisse par moi, desservant sous-
signé.
« Maublanc. »
(i) Elève de M. Guyard et déjà curé constitutionnel de Noir-
moutier, après avoir été vicaire de cette paroisse, seul prêtre de
nie qui n'eût pas rétracté son serment.
-239-^
PIERRE HÂLLOUIN
DE LA BERNARDIËRE
DOYEN DE LA COLLÉGIALE DE CLISSON
1727-1793
Notre-Dame de Clisson était une collégiale fondée
par le célèbre Ollivier de Clisson, dans son testament
de 1406. Un doyen, six chanoines, quatre semi-prében-
dés formaient le chapitre. Le 23 novembre 1790, les
commissaires du district vinrent intimer aux cha-
noines Tordre de cesser leurs fonctions. Les chanoines
protestèrent d'une façon très digne et très énergique,
comme avaient fait ceux de la Cathédrale et de la collé-
giale de Nantes. Comme eux, ils déclarèrent qu'ils re-
gardaient leurs fonctions comme un devoir sacré de
conscience, que la force seule les empêcherait de
remplir.
Les commissaires passèrent outre, firent l'inventaire
et mirent les scellés sur le chœur, la salle capitulaire
et les archives.
Le dernier doyen fut M. Hallouin de la Pénissiére.
Ce vénérable prêtre était né au château de la Pénis-
siére, paroisse de la Bernardière, en 1727. Depuis le
mois de janvier 1776, il était doyen de la Collégiale
de Clisson. Son mauvais état de santé le dispensa
de venir aux appels, comme tous les prêtres inser-
mentés.
Le 30 août 1792, il fut conduit au château de Nantes ,
où, le 8 septembre 1792, il fit connaître son intention
de rester en France. Enfermé aux Carmélites et sur
le navire la Thérèse^ M. Hallouin, sur certificat du
chirurgien Godebert, obtint de se faire soigner dans
une maison de la ville où il se retira. Oublié pendant
quelque temps, on Tarrôta bientôt sur l'ordre de Gou-
det, président du Comité de surveillance, qui le fit eu-
fermer aux Saintes-Glaires, avec son neveu, ancien
officier.
Le doyen ne put supporter longtemps le régime de la
prison, où il mourut bientôt. En marge de la liste
d'écrou, on lit : t Hallouin, ancien doyen de Clisson,
mort le 30 octobre 1793. > Son acte de décès, en date du
S4 brumaire an II, section de la Concorde et Saint-Léo-
nard, est conforme au registre d'écrou (1).
(U Noikâs sur les Confestêurt de la foi dans le diocèse de
Nantis, T. I.
-»l-.
JOSEPH HERBERT
CURÉ DE MAILLÉ
1725-1793
« J'ai fait pour ma paroisse l'office de bon pasteur;
« Je donne ma vie pour mes brebis. »
Lettre de M. Herbert à sa nièce.
Dans les premiers jours du mois de septembre 1793,
un voyageur venant de La Rochelle et passant par An-
dilly rencontrait une jeune bergère qu'il reconnaît,
à son costume, pour une habitante des environs de
Maillezais :
« D*où es- tu, ma petite poitevine, dit-il à Tenfant.
— Je suis de Maillé, répond-elle. — Ah! tu es de
Maillé! Eh bien! Je viens de voir guillotiner ton prê-
tre, M. Herbert. — C'est lui qui m'a fait faire ma pre-
mière communion, dit la jeune fille avec émotion.
— Tu avais un saint prêtre », reprend le voyageur, en
continuant sa route. La présente Notice contient tout
ce que nous avons pu recueillir d'intéressant sur
ce saint prêtre^ M. Joseph Herbert, curé de la paroisse
de Maillé, dans l'île de Maillezais.
M. Herbert nous fournit lui-même quelques précieux
détails autobiographiques qu'il a consignés dans le re-
gistre de catholicité de sa paroisse. « Moi, Joseph Her-
bert, prêtre, natif de la paroisse de Saint-Mélaine-des-
Aubiers, à deux lieues de Ghûtillon-sur-Sayvre, en Bas-
Poitou, ai pris possession de la cure de Notre-Dame de
Maillé, le 25 septembre de cette année 1768, un jour de
dimanche, avant Vêpres, après dix-neuf ans et trois
mois de vicariat : ayant été ordonné prêtre le 31 mars
1749.
« J'avais par conséquent quarante -trois ans, quand je
suis entré dans ma cure ; car je suis né le 30 mars
1725.
c Je suis le premier curé de la nomination de
16
-4W-
Mpr François-Joseph Emmanuel de Crusse! d'Uzès,
évoque de La Rochelle (1).
« J*ai succédé à M Jacques-François Mallécot, décède
le !3 septembre dernier. »
M. Herbert ajoute : « J'êcrirîii tous les ans, à la Un
du registre, les principaux événements qui seront
arrivés dans ce pays-ci. •
Ces notes, rédigées dans une écriture fine, nette
et ferme, nous aideront à mettre en relief cette physio-
nomie douce et grave d'un humble curé de campagne
au xviii" siècle.
L*esprit de foi, de piété et de reli«rion profonde de
M. Herbert éclate à son insu dans les moindres détails
que nous livre sa plume simple et naïve.
11 trouve une de ses plus grandes joies dans l'or-
nementation de son église, dans les parures de son au-
tel et dans tout ce qui contribue à la beauté de la mai-
son de Dieu. Il veut que la postérité connaisse les ma-
gnifiques chandeliers dont il a pu doter ce cher sanc-
tuaire de Notre-Dame de Maillé, c C'est en cette même
année 1778, nous dit- il, que nous avons fait venir
de Paris un beau soleil ou ostensoir, du poids de
cinq marcs et cinq onces, qui nous a coûté en tout
quatre cent vingt trois livres La fabrique n'y a contri-
bué que de dix- neuf pistoles. ïa\ surplus a été le
fruit d'une quête et de nos petites épargnes. Cet osten-
soir mérite bien d'être ménagé. »
Le curé de Maillé s'occui)ait avec un soin diligent
des vieilles dévotions locales et des monuments qui les
rappellent, t II y avait autrefois, écrit -il, dans cette pa-
roisse de Maillé, unii chapelle dédiée à S. Pient, en
latin Pieniius, évêque de Poitiers. Klle était située
au bord du marais, du coté du midi, entre les deux Pi-
chonniéres, à une distance à peu prés égale. On pré-
tend que cette chapelle avait été bâtie par les Col-
liberts, issus des Théifaliens,. nation scite et barbare,
(l) Mgr (lo Crusiiol dTzrs frouverna \o cliocô.«o <le La Rochplle
pendant vingt ans, do 1708 à 17811. Son amour pour la disciphne
était exemplaire.
qui, étanl venue, au commencement du xi« siècle pour
conquérir les Gaules, avait été vaincue et obligée de se
sauver dans les halliers impénétrables de llle de Mail-
lezais et dans les marais circonvoisins. Quelques an-
ciens assurent que leurs pères y ont entendu la messe
et qu'elle subsistait encore il y a cent dix ans. Les
domaines de cette chapelle qui sont où elle a été située
et aux environs ont été réunis à cette cure, mais je
n'en ai point trouvé les titres. Un monceau de terre et
de pierres en désignait encore remplacement quand je
suis venu ici, mais cette année (1772), j'ai tout déblayé
jusqu'aux fondements. J'y ai occupé un homme pen-
dant trois mois, qui en a tiré une centaine de char-
retées de pierres. On a trouvé quatre tombeaux avec
des ossements ; trois étaient en dedans et le quatrième
en dehors de la chapelle. Ces tombeaux, que j'ai laissés
dans le lieu, sont de deux morceaux chacun, creusés
de manière à y mettre commodément un corps. II
y a une place en rond pour la tête et des accoudoirs
pour les bras et ils sont couverts de deux grandes
pierres longues et plates.
« S. Pient était autrefois chommé ici le 13 mars.
Cette fête a été retranchée par Mgr de Crussol, notre
évoque, dans le cours de cette année. La dévotion à
S. Pient est contre la surdité et les maux do tête. Il n'y
a pas de semaine que je ne reçoive quelque messe vo-
tive à cette intention. *
La foi vive du saint prêtre découvrait, sous le voile
des événements contingents de la vie, la main de
réternelle Providence qui gouverne tout. En nous par-
lant des calamités de Tannée 1770, il nous les signale
comme une manifestation terrible de la justice de
Dieu. Cette disette, c'est la famine, c'est l'inondation
formidable qui déborde et qui monte comme un dé-
luge, qui entraîne tout dans ses flots, « ponts, maisons,
moulins, chaussées. >
L'eau s'élevait jusqu'à la porte du cimetière et de
l'église.
f Enfin, dit-il, notre principale digue ne pouvant plus
porter un volume si prodigieux, et horriblement battue
d'une tempête affreuse qui dura vingt-quatre heures,
depuis la nuit du dimanche au lundi, elle creva le
mercredi suivant, 28 novembre, sur les sept heures du
soir, un peu au-dessous du Forl-de-Doignon. L'éboulé-
ment a été environ de trente toises de longueur. •
Le pieux chroniqueur termine son récit en nous
montrant, dans ce désastre, « un effet visible de la
colère du ciel, »
t Et cependant, ajoutait il, Dieu a tempéré ses coups,
du moins à notre égard, en protégeant la vie des per -
sonnes contre cette fureur de tous les éléments dé-
chaînés. »
La rédaction des actes de sépulture nous indique les
soins attentifs du pasteur envers les moribonds qu*il
assiste. Tandis que ses prô(lécess(îurs se bornaient à
constater strictement le décès, M. Herbert emploie
presque toujours la formule « munie des sacrements
de C Eglise ». FA dans le dernier acte rédigé de sa main,
à la date du 5 juin 1791, il accentue sa religieuse for-
mule et en fait une profession de foi catholique : t J'ai
enterré dans le cimetière de ce lieu le corps de Marie-
Thérèse Chartier. dècèdée hier en ce bourg, dans la
communion de l'Eglise catholique, apostolique et ro-
maine. »
On croit entendre sortir du cœur du prêtre fidèle une
énergique protcîstalion contre le serment schismatique
dont le refus conduira, quelques jours après, M. Her-
bert dans les prisons de Fontenay, et plus tard à
l'échafaud.
On l'a dit avec raison, le catholicisme est l'école du
respect et de la subordination. Tous les actes de
M. Herbert lui rendent témoignage qu'il fut un dis-
ciple éminent de cette grande école.
Rien n'est touchant comme la respectueuse et naïve
déférence qu'il professe pour les autorités constituées
par Dieu.
Son évéque, Mgr Crussol, lui avait fait demander par
le syndic du clergé une déclaration des revenus de sa
cure. Voici la réponse qu'il a faite à cette demande
dans le cours de Tannée 1769 : t Monsieur le syndic
du clergé, j'ai différé jusqu'ici à donner à Monseigneur
une déclaration des revenus du bénélice-cure dont il
m'a gratifié. Ce n'a été ni par oubli ni par négligence,
moins encore par indocilité pour ses ordres. Ils sont
trop respectables et trop visiblement dictés par les
mouvements de sa tendresse pastorale et paternelle
pour son clergé, pour que j'hésite un moment à m'y
soumettre. Refuser d'obéir à Sa Grandeur dans la
circonstance actuelle serait un manque de confiance
plus injurieux à son cœur que la désobéissance même.
« Que le succès du projet qu'a formé notre très
illustre prélat de faire diminuer nos impôts réponde ou
ne réponde pas à ses désirs, je n'en serai pas, en mon
particulier, moins reconnaissant de ses bonnes volon-
tés pour nous. Je suis. Monsieur, nouvellement placé
à Maillé. Je n'avais pu donner une déclaration exacte
des revenus de ma cure, dans le temps que votre
lettre -circulaire m'est parvenue. J'ai attendu que la
récolte fût finie pour la faire avec plus de connaissance
de cause. Voilà la sujet de mon retardement. »
11 termine ainsi sa lettre : « Voilà, Monsieur, dans la
sincérité et dans la conscience, toutes les terres, prés
et rentes que je connais appartenir à la cure de Maillé
et qui me font un revenu annuel de mille livres, Mon-
seigneur a le tcrrage. Il est vrai que ces années-ci (en
1768 et 4769), nos revenus doublent parce que le blé
est à un prix excessif; mais on ne peut ni compter ni
désirer que la cherté des grains dure davantage; que
deviendrait le pauvre peuple, déjà épuisé par la famine
de plusieurs années ? 11 vous est facile, Monsieur, de
voir que je ne déguise rien dans Tétat que je présente
des revenus de ma cure, puisque j'y fais entrer jus-
qu'aux menus suffrages qui ne se comptent jamais.
Dans le Fouillé, elle est portée à six cents livres et je
le monte à sept, sans que je voie en quoi elle a pu
s'améliorer de cent francs. Sur les sept cents livres qui
constituent tout mon revenu, je paie soixante-deux
livres en décimes et vingt francs de prestations à
M. l'archidiacre d'Ardin. Je dois onze messes de fonda-
tion et un boisseau de méture estimé vingt sols. C'est
un total de quatre-vingt-neuf livres de charges que
porte mon bénéfice, sans y comprendre les réparations
auxquelles vous dites, Monsieur, que la Chambre
n'aurait point d'égard. Quelle base, en comparaison
des dix francs qu'a payés M. Rozet, un de mes prédé-
cesseurs ! Je ne parle point des pauvres que j'ai sur les
-246»
bras ot de ce que me coule un maître d école que j'ai
établi, sous le bon plaisir de Monseigneur; c'est un
fardeau volontaire que je me suis imposé. Je le répète,
Monsieur, voilà dans la plus grande sincérité tout ce
qui constitue mon bénéfice, du moins je n'en connais
pas davantage Permettez que je fasse une autre décla-
ration : c'est d'ùtre avec un très profond respect, Mon-
sieur le Syndic du clergé, votre très humble et très
obéissant serviteur. Herbert, prétre-curé de Maillé. *
A la lin do l'année 1770, il ajoutait cette simple note :
f La déclaration que je rendis Tannée dernière des
revenus de ma cure a été sans aucun succès : on ne
saurait en imputer la faute à Sa Grandeur. »
Cette lettre est un portrait; dans sa loyale et respec-
tueuse franchise, elle nous manifeste toute la candeur
de cette àme vraiment sacerdotale.
Le pouvoir civil avait sa part dans son culte de Tau-
torilé, fùt-elle représentée par un Louis XV.
Kn 1771, M. Herbert applaudissait à la chute de cet
audacieux Parlement de Paris, qui ne visait à rien
moins qu'à ranôantisseincnt de l'autorité royale. II
écrivait i\ la lin de Tannée 1774 : a C'est dans Tannée
que nous finissons que nous avons perdu le meilleur
des rois, Louis XV^ le tien-oinié de son peuple. *
Maillé est si loin de Versailles ! La naïveté de cette
note prouve que ce vieux curé du Bas-Poitou ne con-
naissait point la chronique scandaleuse de la Cour.
Mais ne prouve-t-oUe pas aussi qu'il restait lidéle à la
grande école catholique du resi)cct ?
Par un décret du 10 mai 1770, Louis X\'I portait la
défiMiso d'enlorrer désormais le connnun des lidéles
dans les églises; il m' faisait (exception que pour les
archevêques, évéquos et curés, (mi y mettant certaines
conditions : f Je ne me propose point, écrit M. Her-
bert, d'avoir ma s^pulturci dans mon église à ces con-
ditions, qui sont presqufî impraticables, et mes succes-
seurs, à vM que Je pense, en feront autant. Au reste,
ajoutait il, ce règlement est très sage et plein de reli-
gion. 11 prévient la profanation de nos temples et les
malheurs trop souvent arrivés à l'ouverture des tom-
beaux placés dans nos églises.
-247 -
c Le cimetière doit être le dortoir général de tous les
lidèles, en attendant la résurrection des corps, qui
arrivera à la fin du monde, comme la foi nous rensei-
gne. »
ife ne me propose point d'aooit ma sépulture dans
mon église î Hélas ! si le futur martyr eût été pro-
phète I
A côté de cette note de 1776, nous plaçons ici ces
simples mots d'un procès-verbal extrait du registre
mortuaire de La Rochelle, à la date du 6 septem-
bre 1793 :
€ y'ai donné lecture du dit jugement au dit Herbert,
et ensuite Héraud, Vexécuteur des sentences crimi-
nelles, lui a fait monter Véchafaud et Va mis à mort.
La tête séparée de son corps, il a mis le tout dans
un cercueil qui a été enlevé par les infirmiers de Vhô^
pitaL •
Nous avons vu l'usage que le curé de Maillé faisait
de ses modiques revenus pour soulager les pauvres et
soutenir une école dont il payait le titulaire de ses pro-
pres deniers. Sa conscience lui imposait l'obligation
de défendre tous les droits de son bénéfice. C'est ce
qu'il fit dans un procès qui tendait à lui enlever une
partie des revenus de la cure de Maillé.
Energique à maintenir les droits de son bénéfice,
M. Herbert mettait les soins d'un bon père de famille à
Taméliorer. En 1776, il faisait à son presbytère, en
grande partie à ses propres frais, d'importantes répa-
rations et, en 1787, il entourait de fossés sa baillette de
Bourneau (1). Il faisait planter les terriers de quatre
mille plants d aubier, de saule et de péton (2).
« Je ne jouirai pas peut-être du fruit de mes travaux,
ajoutait-il, mes successeurs en feront part aux pauvres,
et j'espère qu'ils prieront Dieu pour moi. »
Nous terminons ici ces extraits d'autobiographie qui,
en nous faisant pénétrer dans l'âme du martyr de 1793,
(1) La Baillette était un morceau de marais d'environ deux
hectares.
(2) Sorte d'osier.
-.248-^
nous donnent jour sur un coin de la situation du
clergé français pendant la seconde moitié du xvm*
siècle.
La dernière note nous livre les motifs de foi qui diri-
geaient le pieux curé dans les soins donnés aux affaires
matérielles de sa cure : c'est la garde vigilante d'un
bien d'Eglise, le souci de la justice à Tégard de ses suc-
cesseurs et le tendre intérêt qu'il portait aux pauvres
(le sa paroisse.
Nous l'avons dit, le dernier acte rédigé par M. Her-
bert sur le registre de catholicilè de sa paroisse est
l'acte de sépulture de Thérèse Cliartier, décédée dans
la communion de V Eglise catholique ^ apostolique et
romaine. Il est daté du 5 juin 4791. On sait qu'à partir
du 30 janvier de cette même année, une loi frappait de
suspension tous les prêtres qui avaient refusé le ser-
ment schismatique à la Constitution civile. C'était
répoqu(> où les intrus s'installaient à la place des
pasteurs légitimes.
M. Herbert fut saisi dans sa cure vers le milieu du
mois de juin 1791, traîné devant les tribunaux révolu-
tionnaires et jeté dans les prisoQS de Fontenay-le-
Peuple^ avec le jeune vicaire de Luçon, M. Louis-Marie
Baudouin.
Nous lisons dans la vio du pieux fondateur de la
Congrégation des Enfants de Afaric-Immaculée et de
la Société des Ursulines de Jésus : « Pendant sa cai)ti-
vité, Louis Marie Baudouin fut consolé et fortifié par la
présence tles autres prêtres, et surtout par les discours
et les exemples d'un vénérable vieillard dont il s'était
concilié rafléction : c'était M. Herbert, curé de Maillé,
qui, depuis, scella de son sang son attachement à la
foi.
Cette particulière ailection du curé de Maillé pour le
Père Baudouin, le mérite de lui avoir donné des exem-
ples et suggéré des pensées qui l'ont consolé et soutenu
dans le bon combat, c'est tout un panégyrique, et ce
seul éloge peut suffire à nous révéler l'âme et la haute
vertu de M. Herbert.
11 est probable que cette première détention ne fut
— 249-
pas longue et que notre prisonnier fut mis en liberté,
comme M. Baudouin, vers le mois de septembre 1791.
Nous regardons comme certain qu*il dut retourner
au milieu de son troupeau, où sa présence était d'au-
tant plus nécessaire que Tintrus Sagot y exerçait alors,
depuis le 12 juillet, son sacrilège ministère. Mais
comme tous les prêtres fidèles de la Vendée, il ne pou-
vait plus séjourner dans sa paroisse qu'à titre de
proscrit. Son zèle était réduit à s'exercer désormais
dans Tombre, en dérobant au grand jour tous les actes
et toutes les cérémonies du culte catholique.
Malgré tout, sa seule présence était une force et
comme une menace qui troublaient le triomphe inso-
lent du culte usurpateur. A Maillé, comme dans les
autres paroisses, les prêtres catholiques étaient c dé-
nonces comme des perturbateurs de Vordre public^
des ennemis dangereux de la Constitution civile du
clergé. »
Le 9 mars 1792, le Directoire du département de la
Vendée portait un arrêté qui obligeait trente-trois pré-
Ires non assermentés à se rendre au chef-lieu du
département, avec l'obligation de se présenter et de
s'inscrire tous les jours, à onze heures, sur un registre
à cet effet. En tète de la liste des prêtres dénoncés figu-
rait le nom de • M. Herbert^ ex^curé de Maillé », avec
les noms de t Vilain, ex-vicaire de Maillesais, BaU'
douin, eX'Curé de Luçon, Louis- Marie Baudouin^
ex-vicaire, Brumauld, ex-théologal, Defresne, ex-
doyen, »
On le voit, les persécuteurs s'y connaissaient en
hommes ; ils dirigeaient leurs coups contre les prêtres
les plus érainents de la Vendée, et ils faisaient à
l'humble curé de Maillé l'honneur de la placer au pre-
mier rang.
Nous ne saurions préciser la durée de cette seconde
captivité. On peut croire que la loi du 26 août 1792,
condamnant tous les prêtres réfractaires à la déporta-
tion, délivra les captifs de Fontenay; et pendant que le
P. Baudouin s'embarquait aux Sables, le 9 septembre,
-iso-
pour s'exiler en Espagne, M. Herbert retournait prodi-
guer à ses paroissiens fidèles les secours légalement
prohibés de son ministère. Par cette sainte obstination
de son dévouement sacerdotal , rhéroïque pasteur
jouait chaque jour sa vie, et chaque jour il la donnait
ainsi pour les âmes qui lui étaient confiées.
Il y eut dans la paroisse des Judas, odieuses figures
de traîtres et d*apostats, qui vendirent leur pasteur, c II
fut victime de son zèle, dit Guillon. Les agents de la
persécution le saisirent vers l'automne de 1793 et le
livrèrent aussitôt au tribunal criminel de la Charente-
Inférieure. » Cette affirmation de l'auteur des Martyrs
de la Foi concorde avec la tradition du pays. On
battait le blé dans les aires, quand quelques patriotes
de Gourçon se présentèrent dans le bourg pour s'em-
parer de ce prêtre rebelle aux nouvelles doctrines de
la Révolution.
Le bruit de leur arrivée se répandit bien vite One
femme pieuse, dont la tradition donne le nom, avait
avec elle une de ses nièces encore enfant. Elle envoie
en toute hâte la jeune fille prés de M. Herbert pour
l'avertir que les républicains venaient se saisir de sa
personne et pour lui indiquer un moyen de se dérober
à leurs poursuites. Le saint prêtre refuse de s'évader,
déclarant qu'il ne doit pas, qu'il ne veut pa3 abandon
ner sa paroisse et qu'il est prêt à mourir pour ses
paroissiens.
Les patriotes s'emparent ainsi de lui sans peine et
l'attachent, disent quelques anciens, à la queue de
leurs chevaux.
On dit aussi qu'arrivé devant la porte de l'église,
M. Herbert se jette à genoux et supplie les agents de la
Révolution de ne pas le conduire plus loin, mais de le
fusiller sur place , en face do son église, afin que son
sang soit versé sur le sol même de cette paroisse dont
il est seul le légitime pasteur.
Cette prière touchante ne fut point écoutée : le captif
fut traîné jusqu'à La Rochelle et incarcéré dans une
prison de cette ville, en attendant la sentence de
mort.
Sa détention ne fut pas longue. Dès le 5 septembre
suivant, il comparaissait devant le tribunal révolution-
naire qui le condamne, comme brigand de la Vendée,
au supplice de la guillotine.
— «Si —
Quelles furent dans sa prison et devant i'échafaud les
dernières pensées de M. Herbert? Il nous les a révélées
lui-même dans une admirable lettre adressée à sa
nièce, Jeanne-Modeste Ribert, qui résidait alors à
Maillé. C'est comme le testament de cette belle âme de
prêtre et de martyr. Nous en citerons les plus beaux
passages :
« Je vous dis adieu pour la dernière fois, ma chère
nièce, lorsque les volontaires de Courçon vinrent me
prendre chez moi. Nous ne nous reverrons plus sur la
terre, mais dans le ciel, s'il plaît à Dieu. Je subirai
la mort demain, après midi.
t Je meurs innocent pour la foi, pour et par mes
paroissiens, à qui je pardonne de tout cœur. Je meurs
pour notre sainte religion catholique, apostolique et
romaine, à laquelle j'ai toujours été attaché, et hors de
laquelle il n'y a point de salut à attendre.
oc Je meurs plein d'espérance en Dieu et en ses di-
vines miséricordes. Je regarde le jour de demain, qui
sera un vendredi, comme le plus beau jour de ma vie,
car j'espère qu'il m'ouvrira les portes du ciel. . .
c^Je me mets et vous mets sous la protection de
la très sainte Vierge, notre patronne.
c Adieu, je vous embrasse : vous n'avez personne
qui vous soit plus sincèrement attaché que moi. Que
Dieu vous préserve de tout péché, de tout malheur, de
tout fâcheux accident.
f Adieu, encore une fois; je ne dis pas tout ce qu'il
faudrait dire : devinez.
« Tout à vous, ma chère nièce.
« Herbert, curé de Mailé,
a prisonnier de Jésus-Christ. »
€ Je salué tous mes paroissiens; j'ai fait pour eux
roflice de bon pasteur : je donne ma vie pour mes bre-
bis, heureux si elle peut leur être fructueuse.
« Je salue principalement ceux et celles qui ont été
fidèles à l'Eglise, notre sainte Mère, et tremble pour
ceux qui sont sortis de son sein. Qu'ils y retournent
au plus tôt.
< C'est jeudi que je dois mourir, c'est-à-dire tout à
l'heure. *
-2SS-«
Cette lettre, d*une simplicité si touchante, nous
fait respirer le parfum qui s'exhale de tous les Actes
des Martyrs, et nous pouvons la ranger parmi les mo-
numents les plus précieux de notre martyrologe ven-
déen.
La main du prisonnier de Jésus-Christ en avait à
peine tracé les derniers mots que le citoyen Héraud^
exécuteur des sentences criminelles, se transportait,
sur les cinq heures du soir^ à la maison d'arrêt, s*em^
parait du condamné, et^ sous la garde et suroeillance
d'un détachement de cavalerie, le conduisait sur la
place publique, où la guillotine était dressée.
Là, l'huissier du tribunal, Pierre Piciurit, donne
lecture à Joseph Herbert du jugement qui le condamne
à mort.
Le bourreau fait monter sur Véchafaud la victime et
Vexécute aussitôt.
Quand la tête est séparée du corps, il met le tout
dans un cercueil, qui est enlevé par les infirmiers de
Vhôpital (1).
A Maillé, c'est une tradition constante parmi les
vieillards qu'une dame do La Rochelle recueillit quel-
ques gouttes du sang de M. Herbert. On dit aussi
(mais il faudrait des preuves décisives pour allirmer ce
miracle) que le sang s'est conservé liquide dans la
liole de cristal qui le contenait.
Ce qui est absolument certain, c'est que la paroisse
de Notre-Dame de Maillé a toujours vénéré M. Joseph
Herbert comme un vrai martyr de la loi et qu'elle a
constamment attribué à une particulière protection
de son glorieux pasteur l'esprit chrétien qui la dis-
tingue, depuis 1793, parmi les populations de cette par-
tie du Bas-Poitou (2>.
(1) Ce récit de la mort de M. Herbert est extrait textuellement
du procès-verbal qui constate Text^cution du condamné.
(2) Cette notice est prise presque complètement dans le Mar-
tyre de la Vendre, do M. le chanoine Piunieu.
-4fô-i
FRANÇOIS HOUSSIN
CURÉ DES BROUZILS
1742-1794
La cure des Brouzils, dit M. Bourloton, était à la col-
lation des Bénédictins de Saint- Jouin-des-Marnes, qui
y avait nommé, le 27 mai 1776, M. François Houssin,
natif d'Angers, alors âgé de trente-quatre ans. En 1789,
ce prêtre fut un des délégués envoyés par le clergé
du diocèse à Poitiers pour Telection des députés aux
Etats généraux.
Quand fut exigé le serment schismatique, on lui dit
que si ce serment lui répugnait, il pouvait le faire, seu-
lement des lèvres : t Non, répondit-il. ma bouche ne
peut pas dire ce que mon cœur dément. » Parole cou-
rageuse qui montrait son attachement à TEglise. Lors-
que la guerre civile Tobligea, lui, prêtre lidéle, à quit-
ter le pays avec quelcfues-uns de ses paroissiens, il.
suivit Tarmée vendéenne, passa la Loire et fut fait pri-
sonnier à la déroute du Mans. Ramené à Angers, il
comparut devant ses juges.
Le sort du prisonnier ne pouvait être douteux, «r Le
Comité, dit Prudhomme, n'était pas indécis sur le sort
qu'il ferait éprouver à ses vénérables reclus, mais il
délibérait sur les moyens de s'en débarrasser plus
promptement, et disait au proconsul Francastel : t Les
enverrons-nous à Nantes (où Carrier avait imaginé ses
bateaux à soupape) ? Les enverrons-nous à la commis-
sion militaire (déjà établie à Angers pour fusiller les
Vendéens) ? Les ferons-nous fusiller au coin d'un bois
ou leur ferons- nous faire la pêche au corail (c'est-à-
dire les noierons nous) devant la Baumette (située à
une demi-lieue d'Angers) ? Parlez... »
Cité à la fin de décembre 1793 devant la commission
militaire^ M. Houssin fut condamné à la peine de mort
pour les prétendus crimes suivants :
1« Avoir entretenu correspondance avec les brigands
de la Vendée; — 2* Avoir enfreint la loi relative à la
déportation; — 3^ Avoir, après infraction à cette loi,
excité, suivi ou maintenu la révolte qui a éclaté dans
la Vend(^e; — 4** Avoir, par ses discours perfides,
séduit les esprits faibles en leur disant que, pour être
agréable à l'Auteur de la nature et jouir d'un heureux
avenir, il fallait massacrer tous les défenseurs de la
République; — 5^ Avoir provoqué au rétablissement
de la royauté et à l'anéantissement du peuple français ! •
M. Houssin fut guillotiné avec quatre prêtres (1), le
12 nivôse an II (!•' janvier 1794), sur la place du Ral-
liement, à Angers.
Les démagogues donnaient à leur manière des étren-
nés révolutionnaires à leurs victimes, pendant que
conformément à la politesse française on échangeait en
ce jour des vœux de bonheur.
Les prisons d'Angers regorgeaient de prêtres dès le
mois de mars 1792; Guillon écrit : « On compta réunis
dans Angers trois cents de ces prêtres, et cependant
quantité de non assermentés étaient restés cachés dans
les paroisses qu'ils desservaient, pour ne pas en
laisser les habitants privés de* secours de l'Eglise ca-
tholique. Les agents de la persécution en surprirent
plusieurs, les amenèrent à Angers et les enfermèrent
dans le petit séminaire transformé en prison. Les au-
tres ne tardèrent pas ta l'être dans le même lieu, où ils
restèrent les deux premiers jours et les deux premiè-
res nuits presque sans nourriture et absolument sans
lit.
f Les vexations, les insultes et les outrages qu'ils y
essuyèrent seraient impossibles à raconter. Les vieil-
lards et les infirmes n'avaient que le pavé pour se cou-
cher. Quelques-uns y moururent. »
« Il faudrait, nous dit le respectable évêque d'Angers,
M. Montaut-Desilles, des volumes entiers pour dire les
horribles tourments que ces confesseurs de la Foi eu-
(1) Ces prêtres étaient MM. Legault frères, Chesneau de Chi-
non, Ilerment, curé de Sainle*Foi, prùs de Saint-Lambert-du-
Lattay.
renl à souffrir avant d'arriver au terme de leur mar-
tyre. »
Francastel ordonna de faire filer à Nantes cinquante-
huit de ces infortunés. Carrier les fit noyer avec seize
autres dans la seconde submersion de prêtres, la nuit
du 9 au 10 décembre (1).
Il en restait encore un bon nombre à Angers et on
n'osait pas les faire périr tous par la fusillade ou la
guillotine. Le décret de déportation délivra ceux qui
conservaient assez de forces pour sortir de France.
(1) Ces ecclésiastiques avaient été si réellement noyés, que
pour la satisfaction plus complète du comité révolutionnaire
d'Angers, Goupil, Pun des complices de la submersion, avait
rapporté leurs vêtements à ce comité, a non moins avide de la
dépouille que de la mort des prêtres. •
^«M-
OLIVIER HUGRON
CUBÉ DE TREIZE - SEPTIEBS
1731-1797
Précédemment curé de la Grolle (1) (ancienne pa-
roisse réunie à Rocheserviêre), où il était né en 1731,
M. Hugron fut nommé à Treize-Septiers en 1782.
Prêtre toujours fidèle à ses devoirs de bon pasteur,
il lutta de bonne heure contre les erreurs que la Révo-
lution apportait à la France. Dès 1T90, on le voit signer,
avec plusieurs de ses confrères, une protestation
contre la vente des biens du clergé, puisque déjà le
clergé avait accepté de porter le fardeau des impôts
communs à tous les citoyens. Il refusa également de
prêter le serment schismatique et disparut du pays,
obligé de fuir pour sauver sa vie On perd ensuite sa
trace. Il est à présumer que, cache dans la contrée
pendant la Terreur, il péril, comme tant d'autres, vic-
time de cette etfroyable tourmente , ou fut pris et con-
duit à Nantes.
En 1798, sa famille le rechercha, mais en vain. Peut-
être fut-il victime de la cruauté de Carrier.
(I) Où il avait succédé à M. Sezestre Biaise, relire à Vieille-
vigne, sa paroisse natale.
— 287 —
PIERRE-MATHURIN JAGUENEAU
VICAIRE DU BOURG-SOUS-LA-ROCHE
1767-1794
f Grâce à la fidélité et au dévouement de leurs pa-
roissiens, dit M. Henri Bourgeois (1), M. Blanchard,
curé du Bourg-sous-la-Roche, et le vicaire M. Jague-
neau, tous deux bravement réfractaires, demeurés
dans leur paroisse, avaient réussi à dépister les pour-
suites dirigées contre eux, après la proclamation de la
Constitution civile du clergé. Lorsqu'éclata Tinsur-
rection, ils reprirent ouvertement Texercice de leur
ministère au Bourg et dans les paroisses voisines, sous
la protection de Tarmée vendéenne de Bulkeley et
de Chouppes, dont le quartier -général était établi à
la Roche-sur-Yon.
« Après la bataille de Luçon (14 août 1793), qui amena
la dislocation de Tarmée du centre, tout le pays yon-
nais, jusque-là protégé, se trouva livré sans défense
aux républicains, et M, Jagueneau, comme son curé,
dut abandonner son poste pour se soustraire à la
mort. Mais les deux vaillants ecclésiastiques ne de-
vaient quitter le pays que pour tomber, un peu plus
loin, sous les balles des Bleus. »
M. Jagueneau s'enfuit vers les Brouzils et se ré
fugia dans la forêt de Grasla, où longtemps il trouva
un asile.
Là , on célébrait encore la messe en plein jour ,
comme au temps de la liberté, mais c'était dans les
bois. La partie la plus habitée par de nombreuses
familles était appelée le Refuge ou lesZogfes, commune
de la Copechagniére , dans l'endroit le plus touflu et le
plus écarté de la forêt. Des branches, appuyées sur des
troncs d'arbres et sur des pieux, constituaient la char-
(i) V. la Vendée Historique,
17
penle de chaque habitation, qui était placée en ligne,
comme celles d'une ville pour former des rues.
Chaque famille avait les meubles les plus néces-
saires et ses provisions. Plusieurs prêtres faisaient
là les cérémonies ordinaires du culte, le catéchisme
aux enfants, Tadministration des sacrements, le tout
protégé par l'isolement et la profonde obscurité de la
forêt. Tandis que tout le reste de la Vendée était dé-
vasté, que les églises étaient fermées ou incendiées,
de nombreux fidèles réfugiés dans cette solitude goû-
taient une paix et un bonheur relatifs, en attendant un
avenir meilleur.
M. Jagueneau passa là près d'une année, s'occu-
pant aux soins de son ministère. Mais un jour, dans le
courant du mois de juillet 1794, le Refuge fut découvert
et envahi par une colonne républicaine sous les ordres
du général Ferrand. L*abbé Jagueneau fut pris, em-
mené par les Bleus près de Legè et massacré en haine
du prêtre.
Son curé avait été fusillé lors de la prise de Noir-
moutier, en janvier 1794. (V. la Notice qui le con-
cerne.)
L*acte de décès de M. Jagueneau est inscrit sur les
registres des Brouzils, à la date du 17 nivôse an II
(6 janvier 1794), La déclaration est faite par la mère
du défunt et par Marie-Nicolas Buet, officier de santé,
son beau-frère. On ignore le lieu de la sépulture de cr
prêtre (1).
(1) Ces derniers renseignemente nous ont été fournis par M. le
D' MiaNEN, de Montaigu.
p. JAVELOT
SUPÉRIEUR
DES MISSIONNAIRES DE SAINT-LAURENT-SUR-SATRE
1713-1794
Au nombre des- prêtres de la Vendée qui passèrent
la Loire à la fin de 1793, fut le P. Javelot, prêtre octo-
génaire, supérieur des missionnaires de Saint-Laurent,
vieillard aveugle et respecté de toute Tarmée. Il avait,
pour le conduire, son petit servant de messe, Jean-
Joseph Biton, quatrième fils de René-Joseph Biton, de
Saint-Laurent-sur-Sévre. Le bon missionnaire avait
obtenu de son évêque que son servant de messe rem-
plît à son égard quelques-unes des fonctions de diacre.
Sans son aide, il lui était impossible d'offrir le saint
Sacrilice.
Or, dans les premiers mois de Tannée 1794, le R. P.
Javelot ayant été conduit à Château-Gontier chez des
amis qui le cachèrent, Jean-Joseph, qui l'avait accom-
pagné pendant la guerre, n'hésita pas à le suivre dans
son exil et continua au saint vieillard ses pieux et pré-
cieux services pendant toute la période révolution-
naire. Le prêtre et l'enfant coururent plusieurs fois de
grands dangers, mais la Providence veillait sur eux.
Dans l'horreur de cette mêlée sanglante qui suivit fe
désastre de Savenay, on vit ce vieillard conduit par
l'enfant qui ne le quittait jamais. Tous deux se trou-
vèrent seuls sur la route, isolés des Vendéens et errant
à l'aventure. Tout-à-coup, quatre hussards républi-
cains arrivent au galop. Le prêtre engage l'enfant à se
sauver à travers champs, mais celui-ci veut mourir
avec lui. M. Javelot était habillé en paysan : t Quel est
ce vieillard que tu mènes, petit brigand? demande un
hussard. — Messieurs, nous ne sommes pas des bri-
gands, c'est un pauvre paysan aveugle que je conduis.
— Non, Messieurs, reprend le vieillard, je suis un prê-
tre, Tabbé Javelot, le supérieur des missionnaires de
Saînl-Laurenl. Oh! la belle couronne que celle du
martyre. Frappez ! »
Les hussards, vaincus par une pareille grandeur
d'âme, reculent devant le prêtre et s'éloignent sans
faire le moindre mal au prêtre aveugle et à son guide,
tous deux également braves devant la mort.
Ils poursuivirent leur marche douloureuse dans les
bois et les fermes en ruines, et retrouvèrent enlin les
Vendéens. En passant à Ghàteau-Gontier, une pieuse
demoiselle, émue de pitié, accueillit le vieux mission-
naire, qui mourut peu après en sa demeure de Neu-
ville, sur la paroisse de SaintSulpice (1).
. (1) Vers 1800, Jean-Joseph Biton revint à Saint-Laurent. Plus
tard, il 8'y maria et eut cinq garçons et une fille qui devint reli-
gieuse de la Sagesse. Pendant longtemps, il remplit à Téglise de
sa paroisse les fonctions de sacristain.
JULIEN LARDIÈRË
PRÊTRE DE SAINT-SULPICE-LB-VERDON
1767-1793
Né à Saint- Sulpice-le-Verdon, M. Lardiére était pré-
cepteur chez M. de la Roche -Saint André. Jusqu'au
mois de mars 1793, sans avoir prêté serment, il avait
pu échapper aux poursuites des révolutionnaires, mais
le 13 mars de cette année, se trouvant de passage à
Nantes, à Tauberge de la Petite Ecurie, rue. du Port-
Maillard, il fut arrêté et enfermé successivement aux
prisons du Château^ aux Saintes-Claires et aux Carmé-
lites
Nous ne redirons pas ce qu'il eut à souffrir dans ces
diverses prisons. On peut lire ces détails dans la notice
consacrée à M. Douaud.
Les chaleurs de l'été, la crainte des maladies conta-
gieuses, le grand nombre des prisonniers avaient
décidé les administrateurs de la ville de Nantes à
élargir les détenus, mais des laïques seuls eurent cet
avantage. Les prêtres étaient exceptés de cette mesure
de clémence» tellement acharnée était la rage des geô-
liers contre les ministres de Dieu.
Au mois d'août, les détenus de la Thérèse, où se
trouvait M. Lardiére. allaient être transférés, pendant
la nuit, à la prison des Petits-Capucins. Le jeune
prêtre crut trouver le moment favorable de s'évader
du navire.
Il tomba dans la Loire et y périt, t C'était le
7 août 1793. Son acte de décès fut dressé le 20 août sui-
vant (1). »
La famille de M. Lardiére, dont des descendants
existent encore à Saint-Sulpice-le-Verdon, a fourni à la
cause religieuse d'autres victimes. En 1794, au mois de
(1) M, L ALLIÉ.
*— SOS ■■"
mars, les Bleus massacrèrent dans celle paroisse des
hommes, des femmes et jusqu'à des petits enfants, en
tout soixante-dix-huit, et parmi ces martyrs, Pierre
Lardière, parent de Tabbè Lardière, âgé de soixante-
cinq ans, du village de la Villatiére, en Sainl-Sulpice-
le-Verdon.
Les soldats impies mirent ensuite le feu à l'église (l).
(1) 01)ligcs de se cacher dans les landes qui s'étendent du côté
de Mormaison, les habitants de Saint-Sulpicc, qui avaient pu
s'échapper, eurent la douleur de voir l'incendie de leur église et
poussèrent des cris déchirants en entendant les cloches s'écrouler
dans le brasier.
Après le désastre, protégée comme par miracle, une statue en
bois de la sainte Vierge fut retrouvée intacte au milieu des
ruines, et, depuis ce temps, cachée dans un pétrin où l'avait dé-
posée le sacristain, au village de la Gaillaudiùre. Cette statue de
Notre-Dame de Saiut-sulpice est aujourd'hui vénérée dans
l'église de la paroisse.
— M3 —
MELCHIOR-SIMÉON LE GOUIX
CURE A SAINTB-GÉGILE
4788-1799
Nous trouvons, au début de la Révolution et dès 1788,
M. Le Gouix, curé de Sainte-Cécile, où il avait été
vicaire, et succédant à son oncle M. Dolbecq. Celui-
ci ayant quitté la paroisse pour se réfugier ailleurs,
le vicaire y demeura pour l'administrer.
M. Le Gouix dut fréquemment changer d'asile, pren-
dre toutes sortes de déguisements pour échapper à la
poursuite des persécuteurs. Le décret du Î6 août 1792
condamnait à la déportation les prêtres qui refusaient
le serment. M. Le Gouix, atteint par cette mesure,
essaya de s'y soustraire et se cacha chez des amis, à
Saint-Vincent-Sterlanges. Son asile ordinaire, rapporte
M. Bourloton. était chez un nommé Auneau, au village
de Moulin; il portait des vêtements de son hôte et
travaillait aux champs sous le nom de Nicolas, quand
il ne remplissait pas les fonctions de son ministère.
Le Directoire du département avait promis une
récompense de 100 livres à quiconque livrerait un prê-
tre réfractaire. L'argent promis devait tenter un traître,
qui fut un propriétaire, André Guibert. Le 9 octobre
1794, il se présenta devant le juge de paix du canton et
déclara que M. Le Gouix était caché chez un homme
dévoué, Jarlot, et ses sœurs, marchands. Avec le con-
cours de la garde nationale de Chantonnay, il fait une
perquisition chez ces femmes, dont le père avait été
guillotiné à La Rochelle, et s'empare de M. Le Gouix,
caché au-dessus d'un c tilly ». Le prêtre fut emmené
triomphalement à Fontenay par l'état-major de la garde
nationale.
• Le dimanche 20 janvier 1793, sur les trois heures du
soir, le Directoire du Département de la Vendée étant
réuni au lieu ordinaire de ses séances, sont entrés les
citoyens Meunier, commandant de la garde nationale
— 264 —
du canton de Chanlonnay, Mathieu Majou, commandant
en second, Laine, le jeune, lieutenant, et Honoré Cla-
vel, porte-drapeau de la garde nationale du même can-
ton.
f Lesquels Qpt conduit un particulier, prêtre, qui
a été arrêté ce matin, à cinq heures, à la suite de
différentes poursuites faites d'après Tavis et le réqui-
sitoire du procureur syndic du district de la Châtai-
gneraie, dans le galetas de la maison où demeure le
citoyen Jarlot, marchand au bourg de la commune de
Saint-Vincent-Sterlangos.
« Sur le réquisitoire du procureur général syndic, il
a été fait au particulier les questions suivantes, les-
quelles, ainsi que les réponses, ont été faites en ces
termes :
D. Gomment vous appelez-vous ?
R. Melchior-Siméon Le Gouix.
D. Votre âge ?
R. Trente-cinq ans.
D. Le lieu de votre naissance ?
R. La Feuillée, district de Coutances, département
de la Manche.
1). Etiez-vous fonctionnaire public, et dans quel en-
droit?
R. Oui, j'étais vicaire à Sainte-Cécile.
D. Depuis quel temps étiez-vous vicaire à Sainte-
Cécile ?
R. Depuis i788 jusqu'au mois d'août dernier.
D. Pourquoi avoz-vous laissé le vicariat de Sainte-
Cécile ?
R. Pour satisfaire à la loi du 26 août dernier.
I). Aviez-vous prêté le serment civique ?
R. Non.
I). Quelle a été votre résidence depuis l'époque du
26 août jusqu'à votre arrestation ?
R. Ma demeure habituelle a été chez le citoyen Jarlot
et je me suis promené parfois pour ma santé; lorsque
j'ai voyagé je ne suis allé que dans des aubergCvS.
D. Quelles sont les communes où vous êtes allé en
vous promenant ?
R. A Chantonnay.
D. Quelles sont les auberges que vous avez fréquen-
tées à Chantonnay ?
R. Je ne connais pas le nom du propriétaire, mais
-265 —
l'auberge où je descendais a pour enseigne le Palais
Royal.
D. Voyagiez-vous de jour ou de nuit î
R. Je voyageais ordinairement le soir; j'ai aussi
voyagé de jour.
D. N'avez-vous pas, en parcourant les campagnes,
cherché à y exciter le trouble ?
R. Non.
D. Avez-vous célébré la messe dans quelques mai-
sons particulières ?
R. Non.
D. Quelles étaient vos occupations ordinaires ?
R. Je prenais des médicaments pour la guérison de
ma santé.
D. Pourquoi, ayant connaissance de la loi du 26 août,
et d'après le cas d'iniîrmité qu'elle a prévue, ne vous
ètes-vous pas rendu au chef-lieu du département pour
y être réuni en maison commune î
R. Parce que j'espérais me guérir promptement et
que j'étais dans Tintention de sortir de la République.
D. Quel est le chirurgien qui vous a traité ?
R. Le citoyen Chauveau, de Sainte-Cécile.
D. Pourquoi vous teniez-vous caché chez le citoyen
Jarlot, dans son galetas ?
R. Je me tenais bien caché, mais je n'étais pas tou-
jours dans le galetas.
D. Quelle est Tespèce de maladie dont vous êtes
atteint ?
R. C'est une attaque de nerfs.
D. Pourquoi, n'étant pas né dans ce département,
n'avez-vous pas obéi à Tarrété du 30 juin qui vous pres-
crivait d'en sortir ?
R. Pour la même raison que celle qui ne m'a pas
permis de satisfaire à la loi du 26 août.
D. Le citoyen Jarlot, chez qui vous étiez retiré, avait-
il connaissance que vous n'aviez pas fait le serment ?
R. Je crois que oui.
« Ces questions terminées, les conclusions du procu-
reur général syndic ont été mises aux voix et adoptées
par l'arrêté suivant :
« Le Directoire, considérant qu'il résulte des réponses
de Melchior-Siméon Le Gouix qu'il a eu connaissance
de la loi du 26 août dernier et qu'il n'a pas fait la décla-
ration qu'elle lui prescrivait; que si les infirmités dont
— 266 —
ce prêtre insermenté s'est plaint sont réelles, il devait
les faire constater afin d'éviter la déportation et se ren-
dre au chef-lieu du département pour y être réuni en
maison commune; que néanmoins il n'a rempli ni
l'une ni l'autre de ces obligations strictement et impé-
rativement prescrites par la loi;
a Le procureur général syndic entendu,
€ Arrête, conformément à l'article 3 de la loi du
26 août dernier,
€ Que Melchior-Siméon Le Gouix sera déporté à la
Guyane française et conduit de brigade en brigade au
port qui sera indiqué par le Ministre pour l'embarque-
ment. »
L*abt)é Le Gouix fut donc mis en prison à Fontenay.
mais pendant qu'on attendait la réponse du Ministre
sur la direction à donner au prisonnier, les événe-
ments se précipitèrent.
La guerre civile éclata en février et M. Le Gouix fut
délivré par l'armée vendéenne lors de la prise de Fon-
tenay, en mai suivant. Il revint bravement à Sainte-
Cécile exercer son ministère ; c'est avec le titre de
desservant de Sainte-Cécile qu'il assista au synode du
Poiré-sur-Vie, en août 1795.
Au coup d'Etat du 18 fructidor an V, il crut pouvoir
tourner le nouveau serment exigé, et, le 22, il le prêlii
sous cette forme :
• Je reconnais que l'universalité du peuple français
est le souverain, et je promets soumission aux lois
temporelles de la République. »
En voyant ce serment, le commissaire du gouverne-
ment demanda s'il était suffisant. On lui répondit qui*
non^ ce qui expliqua la note du rapport envoyé à l'au-
torité quelque temps après : t Melchior Le Gouix,
vicaire de Sainte-(^éciie, avait prêté le serment du
19 fructidor; n'a point exercé depuis .sa prestation,
mais se tient caché, il paraît qu'il s'est rétracté. »
En réalité, il n'avait point prêté le serment exigé, et
sur VEtat des prêtres réfraclaires dressé après fruc-
tidor an Vil est inscrit plus exactement : • Melchior-
Siméon Le Gouix, réfractaire à toutes les lois, résidait
à Sainte-Cécile; a formellement déclaré qu'il ne ferait
pas le serment prescrit par la loi du 19 fructidor; il a
cessé toutes fonctions. 11 exerce maintenant la profes-
sion de médecin ; tous les fanatiques et dévots de son
— 267-
canton ont souvent recours- à sa nouvelle doctrine ;
c'est pour mieux jouer son rôle quil s'est transformé
en médecin; on le regarde comme un homme dange-
reux. »
Le commissaire du Directoire exécutif avait à peu
près compris que ce médecin des âmes n'avait pas
changé de fonctions.
Le 30 thermidor an VI, un autre commissaire, le
citoyen Pinochon, mandait des Essarts que t Melchior
Le Gouix avait prêté serment, mais qu'il n'avait point
exercé depuis et qu'il le croyait caché dans la commune
de Martin (Saint-Martin- des-Noyers). »
A partir de cette date, aucune mention de M. Le
Gouix ne figure ni sur la liste des prêtres en Vendée
en Tan IX, ni sur l'état des pensionnaires ecclésiasti-
ques de l'an X, ni ailleurs.
Gomme il est peu probable qu'il ait songé si tard à
retourner dans son pays natal, nous devons croire
qu'il mourut dans la retraite qu'il s'était choisie, en
1799.
Au Concordat, M. Guesdon, ancien vicaire de Mou-
champs (Voir ce nom)y fut nommé curé de Sainte-
Cécile (1).
(i) D'après M. Bourloton.
— 268 —
JOSEPH LEQUINEMER
CURÉ DE SAINT-ANDRÉ-TREIZK-YOIES
1752-1792
M. Joseph Lequinemer, né à Mesquer (Loire-Infé-
rieure) et ancien vicaire de Vieîllevîgne, était curé à
Saint-André-Treize-Voies lorsque vinrent à éclater les
événements qui devaient ensanglanter la Vendée (i)
Il refusa le serment, ainsi que son vicaire, M. Peigné.
Ayant été dénoncés tous deux par le district de Mon-
taigu (lettre du 6 février 1792), M. Lequinemer se ré-
fugia dans sa paroisse natale. Mais les pourvoyeurs
de Carrier surent découvrir sa retraite et aussitôt fut
pris un arrêté pour s'emparer de sa personne.
€ Le 3 janvier 1792, le Directoire du District, instruit
que le sieur Lequinemer, prêtre réfractaire, résidant
à Mesquer, ne cesse d écarter (ses paroissiens) par sa
présence du culte salarié de la nation et de susciter
des insultes et des menaces au curé constitutionnel du
dit lieu, et considérant que la municipalité de Mesquer
ne s'est pas mise en dçvoir de faire exécuter à son
égard Tarrété du conseil du département du 9 dé-
cembre dernier, et sur ce, ouï le procureur-syndic,
arrête que le sieur Lequinemer sera conduit au chef-
lieu du département et qu'en conséquence M. le com-
mandant du bataillon de Mayenne-et-Loire sera requis
de commander vingt-cinq hommes de sa troupe pour
se saisir de sa personne. Un procès- verbal du comman-
dant de ce détachement, du lieutenant de grenadiers
Bernard, atteste l'arrestation du recteur, trouvé fuyant
avec un sac de peau garni d'effets et porté par son soi-
disant neveu, une perquisition amenant la découverte,
(1) II eut un frère aîné, Jean, comlamué à la déportation, lequel
.<'exila en Espagne. Après son retour, eu 1803, il fut nommé à la
cure de G&rquefou, où il mourut en 1827.
dans sa maison, d'un autel pour célébrer les ofilces, et
Tenlèvement immédiat de la pierre sacrée, de canons
d*autel et de quatre livres de piété. »
L'officier termine en disant : « Nous Tavons conduit,
ainsi que son prétendu neveu, à Guérande, dans le
corps de garde, pour y rester jusqu'à la réclamation du
Directoire (1). » {Archives municipales de Guérande.)
{i) Briand, ouvr. cité, T. I, p. 390.
-IM-
N. LESÂ6Ë
CURÉ DE DOMPIERRE
1749-1794
M. Lesage était vicaire de Chavagnes-en-Paillers en
1777. Il est mentionné, en 1788, comme curé de Dom-
pierre. Ce prêtre refusa le serment et put se soustraire
à la loi de déportation.
Le 12 août 1794, M. Doussin de Voyer, qui desservait
le Bourg-sous la Roche et les paroisses voisines, célé-
brant un mariage à Dompierre, inscrit sur le registre
paroissial que • le pasteur de Dompierre est réputé
martyrisé par les ennemis de notre sainte religion. »
A défaut de documents officiels, la tradition rapporte
en eff'et que M. Lesage. malade, fut massacré à la
Chaize-le-Vicomte, livré par une femme qui « avait
entendu dire quMl avait une plaie à la jambe et qui dit
à ceux qui le cherchaient : • C'est à ce signe que vous
• le reconnaîtrez. •
€ M. Lesage fut massacré en 1794 », rapporte M. Re-
maud dans ses Mémoires.
M. Lesage avait construit l'arceau de la Margerie,
remplacé par la chapelle bâtie par M. Haigron en 1840.
II venait souvent s'y recueillir et aimait à y réciter son
bréviaire.
MASSACRE DES CARMES (3 SEPTEMBRE 1792)
OU FUT ÉGORGÉ
LE DIACRE ROBERT DE LÉZARDIÈRE
— îTî —
AUGUSTIN ROBERT DE LÉZAUDIÈRE
DIACRE
1770.4792
Parmi les cent-quatorze victimes qui furent égorgées
à Paris, à la prison des Carmes, en !792, le diocèse de
Luçon compte plusieurs martyrs. C'est d'abord le dia-
cre Augustin Robert de Lézardière, étudiant en théo-
logie au séminaire de Saint-Sulpice. Il était né et fut
baptisé à Challans, en Vendée, en 1770 (\), Venu à Pa-
ris pour faire ses études ecclésiastiques, il se trouvait,
en juin 1791, au château de la Proustiére, à Poiroux
(Vendée). Son père, le baron Robert de Lézardière,
habitait ce pays où il était aimé à cause de sa bienfai-
sance. Aussi, quand les événements politiques mon-
trèrent que la Révolution s'attaquait à Dieu et au roi,
les chrétiennes populations de la contrée devinrent
en effervescence et s'agitèrent pour soutenir ces deux
nobles causes.
Les réunions avaient lieu à la Proustiére et les habi-
tants étaient décidés à prendre les armes sous la con-
duite des nobles qui allaient marcher à leur tête.
Ces réunions ne tardèrent pas à inquiéter les admi-
nistrateurs du district des Sables, qui avaient décou-
vert le complot, et envoyèrent des soldats à la Proutière
qui fut incendiée.
La famille de Lézardière, qui avait pris la fuite à l'ap-
proche d'un bataillon républicain des Sables, ne devait
pas tarder à tomber aux mains de ses ennemis. L'abbé
Augustin fut arrêté, le 29 juin 1791, dans le district de
la Roche-sur- Yon, et incarcéré dans cette ville. Les
autres membres de la famille Robert de Lézardière,
les trois frères d'Augustin, Jacques, Sylvestre et Char-
les (la baronne et ses llUes s'étaient dirigées vers
(1) Au château de la Verrie, près de Challans.
Choisy-le-Roî), furent reconnus à Saint-Pulgenl, d'où
ils partaient pour gagner Nantes, et emprisonnés à
Montaigu le 30 juin. Escortés par la force militaire,
ils furent transférés de Montaigu à la Roche, où Ton
prit Tabbé, puis de la Roche aux Sables, où les pri-
sonniers arrivèrent le 4 juillet et furent enfermés dans
la prison de la Coupe (1).
Au mois d'août, le tribunal de cette ville s'occupe de
les juger : ils choisissent un défenseur. Mercier- Verge-
rie. Mais survient l'amnistie pour faits politiques et
militaires, prononcée par la Constituante le 19 septem-
bre 1791, et la famille Lézardière est élargie dès le len-
demain. -Le baron, sortant de prison, fit distribuer qua-
tre cents livres de pain aux pauvres des Sables, et
toute la famille se réunit à Choisy-le-Roi.
Le jeune Charles, à Paris, allait avoir le courage et
le bonheur de procurer au roi Louis XVI un confes-
seur, Tabbé Edgeworth de Firmont, caché dans la mai-
son des Lézardière (2). L'abbé Augustin s'était rendu
bravement à Issy, préférant partager les dangers des
Sulpiciens ses vénérés maîtres, déjà expulsés de leur
résidence de Paris.
La maison d'Issy, non loin de la rive gauche de la
Seine, qui avait appartenu à la reine Marguerite, femme
de S. Louis, était alors, comme de nos jours, un vé-
ritable séminaire, où les charmes champêtres ajou-
taient à ceux de la piété. L'abbé Robert s'y trouvait
lorsque se produisirent les événements du 10 août
4792 et que les chefs révolutionnaires firent rechercher
tous les prêtres non assermentés, pour se débarrasser
d'eux par la mort.
Les élèves ecclésiastiques de ce séminaire ne furent
pas épargnés. Les impies qui gouvernaient la France
redoutaient le zèle de ces jeunes apôtres qui pouvaient
relever les autels qu'on allait abattre. Ils les firent ar-
rêter, le 15 août, et jeter en prison (3). Le pieux lévite,
(1) D'après le procès-verbal de la municipalité des Sables.
(2) Rue Serpente, 16.
(3) Avec plusieurs prêtres de Saint-Sulpice et les vieux prêtres
de la maison de retraite de Saint-François-de-Sales.
18
-274 —
noire compatriote» ne fléchit point devant le Comité
révolutionnaire où il comparut, et ne pouvant être
ébranlé, il fut jeté comme condamné à mort dans
l'église des Carmes.
Là, il attendit paisiblement le dernier supplice, avec
ses vénérables compagnons, destinés à la même immo-
lation sanglante. On ne le vit point timide, au moment
de la terrible épreuve.
Nous lisons, en eflet, dans le procès de béatification
de ces victimes de la Révolution, où son nom est ins-
crit :
i Quand vint l'heure du martyre, il se porta avec en-
thousiasme au-devant de ses bourreaux et .mourut
pour la foi le 2 septembre 1792. t
C'était un dimanche. Cette journée, qui vit le massa-
cre de deux cents prêtres aux Carmes et à Saint-Fir-
min, est un des jours les plus glorieux pour l'Église de
France, t Ce que les actes des martyrs des premiers
siècles racontent de leur héroïsme, les murs du Cou-
vent des Carmes le racontent de ces victimes saintes,
qui les ont arrosés de leur sang. Ce fut le même cou-
rage à confesser la foi, la même fermeté en face de la
mort, la même générosité envers les bourreaux, et, par
dessus tout, une simplicité, un abandon, un oubli de
soi qui n'appartient qu'aux vrais martyrs. »
Des témoins oculaires ont dit leur sénérité en les
voyant marcher à la mort, selon l'expression du com-
missaire Violette, qui était loin d'être favorable aux
victimes.
Mais relisons cette page sanglante, transcrite par
rhistorien Thiers. Vingt-quatre prêtres venaient d'être
transférés de THôtel de-Ville dans la cour de l'Abbaye
et furent massacrés en arrivant. • Billaud-Varennes
arrive revêtu de son êcharpo, marche dans le sang et
sur des cadavres, parle à la foule dos égorgeurs et lui
dit : • Peuple^ tu immoles tes ennemis, tu fais ton de-
f voir. »
€ Une voix s'élève après celle de Billaud, c'est celle
de Maillard : « Il n'y a plus rien à faire ice, » s'écrie-
t il, t allons aux Carmes t » La bande d'assassins le
suit alors, et ils se précipitent vers l'église des Car-
mes, où deux cents prêtres avaient été enfermés. Ils
pénètrent dans l'église et égorgent les malheureux
prêtres, qui priaient et s'embrassaient les uns les au-
— S»5 —
1res à rapproche de la mort. Ils demandent à grands
cris l'archevêque d'Arles, le cherchent, le reconnais-
sent et le tuent d'un coup de sabre sur le crâne...
Après s'être servis de leurs sabres contre les autres
prêtres, ils emploient les armes à feu et font des dé-
charges dans le fond des salles, dans le jardin, sur
les murs et sur les arbres, où quelques-uns s'étaient
réfugiés. » On les transperce à coup de baïonnette
jusqu'à ce qu'ils soient tous expirants. On vit môme
ces assassins sauvages danser autour de leurs vic-
times palpitantes, déchirer leurs entrailles. Quelques
bourreaux s'abreuvaient de leur sang.
La baronne de Lézardière ne put survivre à la mort
sanglante de son cher Augustin; et l'abbé de Firmont
reçut son dernier soupir.
Le reste de la famille ne pouvait vivre en sécurité.
En 4793. le comité de surveillance révolutionnaire des
Sables dénonça la retraite des Lézardière à Choisy-
le-Roi. Une perquisition fut faite, mais le père seul
put être arrêté et interné dans une prison de Paris.
Jacques et Sylvestre, apprenant cette arrestation,
vinrent, démarche touchante et sublime, demander
la libération de leur père, se constituer prisonniers
et mourir à sa place.
De fait, ils furent guillotinés à Paris, le 7 juillet 1794,
et le vieux baron, brisé par tant de deuil et d'émo|,ion,
se réfugia en Allemagne. ïl ne revint qu'au 18 bru-
maire reprendre possession des ruines de son château
de la Proustière, qui n'avait pas été vendu (1).
(i) Ce fut toujours une noble et courageuse famille que celle
des Lézardière, admirable par son dévouement aux grandes
causes et aux grandes infortunes. On vient de voir que les frères
du diacre Augustin moururent pour sauver leur père : ils avaient
également tenté de sauver la reine. C'est dans la maison de la
famille que se tint caché le prêtre qui confessa Louis XVI la
veille de sa mort. Une sœur du diacre martyr, M"« Robert de
Lézardière, fut également une héroïne pendant les guerres de
Vendée. Nous raconterons ici comment elle fut sauvée, seule
des enfanta de Lézardière.
— 176 —
t Aux Carmes, d'après la tradition, une partie des
corps des martyrs avaient été jetés dans un puits du
jardin. Ils ont été heureusement retrouvés en 1867, au
moment du percement de la rue de Rennes, et après
une enquête des plus approfondi(\s, pieusement dépo-
sés, par ordre de Mgr Darboy, dans la crypte qui s'é-
tend sous le sanctuaire.
Dans la déroute du Mans, elle rencontra Sophie de Sapinaud»
échappée comme elle au massacre qui suivit cette défaite. Toutes
deux se partagèrent le secours d'un cheval hoîteux qu'elles traî-
naient souvent derrière elles et gagnèrent la campagne pour évi-
ter les Bleus qui massacraient tout sur la grande route. Elles
arrivent dans une métairie où elles furent bien accueillies. On
leur donna des habits de paysannes et elles continuèrent d'errer
dans la campagne. Mais voici que des soldats ennemis les ren-
contrent et leur crient : « Où allez-vous? —Nous allons au bourg
de Bnilon. — Nous êtes des brigandes, suivez-nous. »
On les mène au bourg voisin, menaçant de les fusiller. A Bru-
Ion, on les introduit dans une auberge pleine de prisonniers
vendéens qui attendaient la mort. On les dépouille de leur
costume de paysannes, ne leur laissant que leur camisole et leur
jupon. Mais la Providence les sauva. Elles furent coniiées à la
garde du juge de paix, M. Tison, qui cachait des sentiments
humains sous les airs farouches du patriote. Dans la maison de
cet homme de cœur, elles reçurent des vêtements convenables,
de l'argent et toute sorte de bons soins.
Elles restèrent là six mois, pendant lesquels leur bienfaiteur
joua* souvent sa tète. Mais cet* état ne pouvait durer. Un jour,
M. Tison fut dénoncé et conduit au Mans avec les deux noble*i
Vendéennes. Il suivait à pied la charrette, soufl'rant avec elles le
froid, la pluie, l'air infect des jirisons. Arrivés au Mans, ils y
trouvèrent encore près de trois cents captifs, dont on fusillait
chaque jour quelques-uns sous les fenêtres de la prison. Après
plusieurs jours de détention, M. Tison apprend que les deux pri-
sonnières doivent être fusillées le lendemain. Il résolut de les sau-
ver. Ayant appris que M^'* de Sapinaud avait des parents dans la
ville, il parvient à s'aboucher avec un de leurs domestiques qui
se charge d'enlever, le soir même, les prisonnières à travers
l'étang.
On se figure les angoisses de ces malheureuses qui passèrent
toute la nuit attendant leur sauveur qui ne vint pas. Le jour
arrivait et l'espérance s'en allait avec la nuit. P]nlin, elles enten-
dent un léger clapotement. C'était le domestique qui venait dans
- Î77 —
« C'est un pieux pèlerinage de visiter cette église où
plus de cent cinquante prêtres ont été incarcérés à la
fois et ont offert leur vie à Dieu, avant de présenter
leur tête aux bourreaux. Elle mérite d'être vénérée à
Paris comme la prison Mamertine à Rome, et sa crypte,
comme les catacombes des martyrs de Néron ou de
Dioclétien. Elle n'a subi aucun changement. On y
retrouve le même corridor par où s'avançaient les
martyrs ; le perron où ils ont été massacrés et où ils
sont tombés. Les murs gardent encore Tempreinte,
comme à la fresque, des épées sanglantes que déposè-
rent des ègorgeurs las de tuer.
Teau jusqu'au cou. Il arrive au pied de la muraille du cachot.
M"« Robert descend la première au moyen d'une corde. Elle
monte sur les épaules du domestique qui parvient à Tautre bord.
M*^« Sophie y aborde également par le môme moyen.
Les voilà libres toutes deux. Elles ôtent leurs vêtements collés
à leur peau et prennent des habits secs déposés là par les soins
de M. Tison, avec une grande cocarde tricolore à leur coiffure,
et accompagnées de leurs libérateurs, elles se réfugient chez
M«« de Sapinaud. Mais elles ne pouvaient demeurer là. Au bout
de huit jours, les deux proscrites, déguisées en lingères, se ren-
dent à Chartres avec un passeport qu'elles avaient fabriqué.
L'une portait le nom de Madeleine, et l'autre celui de Nanettâ
Tardif, Elles allèrent loger bravement chez une dame Jordan,
grossière républicaine, qui leur racontait, avec force détails,
l'exécution des aristocrates, et voulait les conduire au club pour
leur faire des émotions, disait-elle.
Les Vendéennes se mirent à confectionner des chemises pour
les Bleus, à cinq sous la pièce. La Jordan ne pouvait s'empêcher
de sentir la distinction des deux ouvrières qu'elle appelait
Mamzelles^ et les servait avec un certain respect, mais si chiche-
ment que la ration de pain était souvent insuffisante.
Un jour, elle leur proposa un partie de plaisir superbe : il
s'agissait d'aller voir guillotiner le curé de Chartres. Mais
M**« de Lézardière lui persuada qu'à regarder pareil spectacle
elle s'exposait à avoir des enfants sans tète. La Jordan, naïve,
n'insista pas.
Plusieurs mois s'écoulèrent ainsi dans le travail, l'inquiétude
et la misère. Enfin, un jour, on annonce grande nouvelle : on
venait de guillotiner Monsieur Robespierre. « Qui s'en serait
douté, ajoutait gravement la fervente républicaine. Cest vraiment
dommage, car c*était un si aimable citoyen. >
M*'« de Sapinaud apprit alors tous les malheurs de sa famille.
5>ou père avait été fusillé, en présence de ses deux filles, à Save-
— 278-
c Les pieux fidèles peuvent vénérer dans la crypte
les traces de sang et les restes mutilés de ces martyrs.
Je n'écris pas ce mot pour devancer le jugement de
TËglise, sollicité désormais dans le procès de bèatilica-
tion, mais comme l'écho de la parole de Pie VI qui
écrivait, le 10 octobre 1792, aux évêques de ses états :
• Le feu de la persécution qui vient tout récemment
c de se rallumer dans Paris et dans les provinces,
c avec plus de fureur que jamais, a augmenté le
c nombre des illustres combattants qui ont si bien
€ mérité de la religion, et celui des martyrs de la
f ï'rance. >
f 11 me serait facile d'apporter ici les preuves de la
même tradition dans toute la France. Oh ne prie
pas pour les martyrs, on les invoque. Puissent des
prières plus nombreuses et plus ferventes attirer une
protection toute spéciale sur les pieux pèlerins qui
aimeront ensuite à proclamer le crédit de leurs inter-
cesseurs auprès de Dieu.
« R. DE Teil,
« aumônier,
c rapporteur de la cause de béatification
« des Martyrs des Carmes. •
nay. Elles avaient vu sa mâchoire en lambeaux tomber sur sa
poitrine, elles avaient entendu sa voix mourante demander,
comme Hayard, si Dieu lui pardonnerait, La mort de Robespierre
vint sauver les jeunes filles.
Quant à M"«» Sophie de 8a[)inaud et Robert de LézarcUère,
elles se rendirent à Nantes d'où elles furent conduites en sûreté
dans leur pays. M'^« de Lézardière vint trouver son père, revenu
(luolque temps après à la I^roustière de Poiroux. Ils y vécurent
jusqu'à la paix du reste do leurs anciens fermages que les
paysans leur apportaient chaque année. (D'après le Martyre de
la Vendée.)
— Î79 —
JEAN-BAPTISTE LIMOUSIN
CLERC MINORÉ
1792
M. Limousin (Jean Baptiste) venait de recevoir les Or-
dres mineurs lorsqu'il fut forcé comme tant d'autres jeu-
nes ecclésiastiques de quitter le Séminaire de Nantes. Il
se retira dans sa famille, à Boussay, sa paroisse na-
tale. Mais trop connu pour y rester longtemps en
sûreté, il prit le parti de se réfugier vers Montaigu, en
Vendée. Muni de ses provisions de voyage et de
quelques livres, il venait de traverser la Sévre lorsqu'il
fut assailli par des individus dans lesquels il avait
mis sa confiance et qui vivaient souvent avec lui.
Dépouillé de tout ce qu'il possédait, le jeune clerc fut
massacré sans pitié sur le bord d'une petite rivière,
la Mozelle, à un quart de lieue à peine de la maison pa-
ternelle. Ses bourreaux l'avaient suivi de près, à sa
sortie de son village, et, choisissant le lieu et le mo-
ment, avaient immolé cette douce et pieuse victime.
Le crime eut lieu prés de la grotte à Maître-Jean^ la-
quelle, dernièrement, fut détruite pour le tracé de la
route de grande communication n^ 60 (I).
(1) D'après M. Mèrel, curé de Boussay.
— »80 —
RENÉ-CHARLES LUSSON
VICAIRE A SAINT -GEORGES- DE -MONTAIGU
1794
Au début de la Révolution, on trouve M. Lusson
vicaire à Saint-Georges-de-Montaigu sous M. Fouasson,
curé de cette paroisse.
Caractère ardent et plein de foi, le jeune vicaire était
peu disposé à accepter les idées nouvelles, et encore
moins à prêter le serment schismatique. Les admi-
nistrateurs du département ne Tignoraient point.
Aussi le vicaire de Saint-Georges fut-il des premiers
persécuté. Un arrêté du département de la Vendée,
du vendredi 9 mars 1792, ordonnait à un certain nom-
bre de prêtres du diocèse, parmi lesquels t Fousson,
ex^curéj et Lusson, ex-vicaire de Saint Georges », de
se rendre au chef- lieu du département pour s'y con-
stituer prisonniers, sous l'inculpation d'abuser des
mystères d'une religion sainte pour égarer les habi-
tants des campagnes et les exciter à la révolte, etc..
L'arrêté était signé : M. Fayau, pour le vice- prési-
dent; Cougnaud, secrétaire général.
M. Fouasson se décida à partir pour l'exil. Son
vicaire ne l'imita point et demeura courageusement à
son poste, bien décidé à affronter la haine des persé-
cuteurs qui devaient bientôt se transformer en bour-
reaux. Le jeune prêtre, qui connaissait bien son
Bocage, semblait avoir deviné que l'heure de la lutte
était proche, que les Vendéens, fidèles à leur Dieu, ne
tarderaient pas à se révolter contre les violences aux-
quelles ils étaient en butte, et il tenait à partager le
sort de son troupeau au moment du danger.
A partir du mois de mars 1792 et jusqu'à l'époque du
soulèvement, Tabbé Lusson se tint caché dans les
environs de Saint-Georges pour échapper aux recher-
ches de l'autorité. Cette campagne, avec ses fourrés,
- Î81 - ,
ses buissons et ses bois, était, au reste, très propice
pour dissimuler la retraite du prêtre proscrit.
€ Lorsque l'insurrection éclata dans le district de
Montaigu, écrit M. Henri Bourgeois, et que les paysans,
poussés à bout et enfin révoltés contre les oppresseurs
de leur conscience et de leur religion, se décidèrent à
recourir aux armes, le vicaire de Saint-Georges s'em-
pressa, comme l'abbé Barbotin en Anjou et comme
tant d'autres prêtres, de se mettre à la disposition des
chefs insurgés et il devint le premier aumônier de
l'armée catholique du Centre, où son frère, aubergiste
à Saint- Fulgent, figurait en qualité de capitaine de
paroisse (t). »
Les aumôniers étaient nécessaires dans les rangs
des Vendéens, qui laissaient sans défense, en leur
pays, femmes et enfants, pour relever leur courage et
les soutenir dans la lutte pro arts et focis. Chaque fois
qu'il s'agissait de marcher au combat, tous ces soldats
improvisés se mettaient à genoux, offraient à Dieu le
sacrifice de leur vie pour la double cause de l'autel et
du trône. Un prêtre leur faisait une courte exhortation
à la suite -de laquelle il donnait une absolution géné-
rale, que chacun recevait prosterné avec une grande
ferveur. Ils se relevaient ensuite et marchaient d'un
pas ferme à l'ennemi.
Pendant la bataille, les aumôniers qui d'abord
priaient ardemment et levaient les mains au ciel
comme de nouveaux Moïse, couraient bientôt à ceux
qui venaient d'être blessés, les soutenaient dans leurs
bras, confessaient les mourants et, sous le feu même
de l'ennemi, prodiguaient aux uns et aux autres toutes
les consolations et tous les secours de la religion.
Le ciel accordait-il la victoire aux Vendéens, leur
premier soin était d'aller remercier Dieu dans les
églises, si elles étaient proches et si elles n'étaient pas
souillées par l'ennemi. Si elles étaient encore souillées
par l'impiété sacrilège et qu'on n'eût pas le temps de les
purifier et de les bénir, les prières et Taction de grâce
(l) Yondée Historique,
— 28t —
se faisaient sur le champ même de la victoire, où sou-
vent les prêtres célébraient la messe.
Telles furent uniquement les occupations des prêtres
à la guerre, et en particulier celles de Tabbè Lusson.
Jamais il ne se trouva dans les rangs des soldats ven-
déens pour manier un fusil ou une arme quelconque.
Plus noble et plus élevé était son rôle devant Tennemi.
Prêtre courageux et intrépide, M. Lusson était en
même temps poète à ses heures et pour les besoins de
la cause vendéenne. Il avait trouvé original de compo •
ser, sur l'air de la fameuse Marseillaise, une poésie en
patois du pays qu'on lira à la fin de cette notice.
Cette parodie de la Marseillaise, connue sous le nom
de Marseillaise vendéenne, eut vite un grand succès
parmi les insurgés et elle contribua même, si Ton en
croit les rapports officiels publiés par M. Chassln, à la
victoire des Vendéens au PontCharrault, le i9 mars
1793. Ce jour-là, en effet, le général de Marcé, parti de
Chantonnay pour Saint-Fulgent, à son arrivée à Pont-
Charrault, se trouva en présence d'une troupe armée
qu'il crut reconnaître à distance pour une colonne d'in-
surgés et il se disposait à l'attaquer. Mais, entendant
l'air de la Marseillaise chantée dans le lointain, le
représentant du peuple Niou, qui l'accompagnait, s'op-
posa à Tattaquc. Il prenait les Vendéens pour un déta-
chement de la garde nationale de Nantes venue à leur
secours. Les Vendéens, voyant l'hésitation de leurs
ennemis, prirent leurs positions et attaquèrent subite-
ment les Républicains, qui furent battus et prirent la
fuite jusqu'à Sainte Hermine.
L'abbé Lusson ne connut sans doute jamais ce fait
d'armes dont il fut la cause indirecte, car alors il con-
tinuait d'exercer ses fonctions d'aumônier dans les
rangs de Tarmèe catholique à Noirmoutier, d'où il ne
devait pas revenir. Il se trouvait dans cette lie, avec
d'Elbée, lors de la prise de Noirmoutier par les Répu-
blicains. C'était une victime désignée d'avance aux
balles ennemies.
— 283 —
On sait qu'avec lui se trouvaient alors dans File un
certain nombre de prêtres âgés ou iniirmes, venus là
pour y trouver un peu de paix et de repos
Tous ces ecclésiastiques connaissaient racharnement
des Bleus contre Thabit qu'ils portaient. Aussi n'implo-
rèrent-ils point la pitié de leurs chefs et se préparé-
rent-ils à mourir dés qu'ils furent saisis.
En parlant des exécutions sanglantes qui suivirent
leur victoire, Bourbotte et Tureau écrivaient au Comité
de salut public, le 8 janvier 1794 : t Après avoir fait
cerner cette lie par les bâtiments de notre petite flotte,
nous la fouillâmes d un bout à l'autre, et cette battue
lit sortir des bois, des souterrains même, un déluge de
prêtres^ de femmes et d'émigrés. Nous avons créé à
l'instant une commission militaire pour juger tous ces
scélérats; nous les avons fait conduire au pied de
l'arbre de la Liberté. . . *
Ce déluge de prêtres se bornait à dix-sept. Mais
c'était déjà trop. Ils arrosèrent de leur sang un grand
peuplier, transplanté du bois de la Blanche sur la
grande place, sous le nom d'arbre de la Liberté, et
moururent avec cette résignation et cette fermeté
dont la religion pénètre ses martyrs. Dugast-Matifeux
rapporte que tous ces prêtres, plus ou moins blessés
par les soldats Bleus, quelques-uns même agonisants,
furent enfermés pendant trois jours et trois nuits
avant d'être fusillés, privés de soins et de nourriture.
Quant à M. Lusson, la tradition rapporte qu*il reçut
la mort en face du château, au coin de la rue du Grand*
Four, le long du mur de la maison qui a appartenu
depuis à M"' veuve Merland.
Voici la Marseillaise Vendéenne telle qu'elle a été pu-
bliée par M. Dugast-Matifeux dans le Phare de la Loire
du 12 avril 1892, et reproduite par M. Henri Bour-
geois (1).
1.
Allons, armées catholiques,
Le jour de gloére est arrivé.
(I) Vendée Biêt., 1B97.
-- J84-
Gontre nous de la République
L'étendard sanglant est levé, (bis)
Ontondez-vous dans tchiés campagnes
Les cris impurs d'aux scélérats?
Le venant duchque dans vous bras
Prendre vous feilles et vous femmes !
Refrain
Aux armes ! Poitevins, formez vous bataillons !
Marchons, marchons 1
Le sang daux Blieux rougira vos sellions!
Quoô ! daux infâmes hérétiques
Feriant la loé dans nous foyers I
Quoêl daux muscadihs de boutique
Nous écraseriant sô lus pieds! (bis)
Et le Rodrique abominable,
Infâme suppôt dau démon,
S'installerait en la maison
De noutre Jésus adorable!
3.
Tremblez, pervers, et vous, timides,
La bourrée daux deux partis!
Tremblez! Vous intrigues perfides
Vont enfin recevoir lus prix, (biaj
Tôt est levé pre ve cambattre,
De Saint-Jeau-de-Mouts à liiaupréau,
D'Angers à la ville d'Ainvault,
Nous gâs ne vêlant que se battre!
i.
Chrétiens, vrais fails de rp]glise,
Séparez de vous ennemis
La faiblesse à la i)aour soumise
Que voirez en pays conquis, (bisj
Mais thiés citoyens sanguinaires.
Mais les adhérents de Camus,
Tchiés prêtres jureux ot intrus,
Cause de totes nos misères!
5.
sainte Vierge Marie,
Condis, soutins nos bras v<Migeurs.
Contre ine siMjurlle ennemie,
(iOmbats avec t(^s zélateurs, (bis)
A vou.^ étendards la \ictoère
Kst premise de tcliiau nioument;
Que le régicico expirant
Voie ton triomphe et noutre gloére!
RENE MEUNIER
CURÉ DU PUYBELLIARD
1730-1795
Il reste peu de documents sur ce bon prêtre qui re-
fusa le serment. Car, en 1791, il est appelé t prêtre non
conformiste •, dans un document administratif. Il était
donc âgé ou infirme, en même temps.
M. Meunier n'en fut pas moins porté sur l'état dressé
en frimaire an II, des prêtres déportés ou qui, mis
en prison, avaient passé dans les rangs des Vendéens,
lors de la prise de Fontenay.
Il mourut pendant la guerre, on ignore en quelles
circonstances
Une religieuse, parente de ce prêtre, N. Meunier,
d'un couvent de Gholet, fut massacrée en 1793. Voici ce
qu'on lit dans Guillon à son sujet :
« Cette religieuse, restant attachée à sa Supérieure
et à son état, lorsque les ordres monastiques furent
supprimés, elle la suivit, avec une autre Sœur, quand
elle se retira à la Gaubretière. S'y trouvant éloignée du
premier théâtre de la guerre, entre l'armée catholique
et les troupes de l'impie Convention, elle y pratiquait
avec une sainte assurance les devoirs de sa profes-
sion et répandait, de concert avec ses compagnes, la
bonne odeur des vertus religieuses dans tout le pays.
Elles ne purent manquer d'être connues des soldats de
l'athéisme, lorsque, à la lin de 1793, ils se portèrent
en furieux dans le canton des Herbiers.
€ Ils arrachèrent ces trois pieuses filles de leur re-
traite et massacrèrent la religieuse N. Meunier, avec
sa Supérieure et sa compagne. »
-M*
JOSEPH-RAYMOND DE NBYRAGQ
VICAIRE DE LA BERNARDIÈRE
17501793
La famille de Meyracq, originaire de Bayonne, était
fixée à Nantes depuis longtemps, quand naquit le héros
de cette notice. Elle habitait une maison située sur
la place du Change.
Elevé pieusement, le jeune homme fit, dans sa ville
natale, ses études ecclésiastiques, et, ordonné prêtre,
fut vicaire à Basso-Indre, puis à Saint-Aignan (Loire-
Inférieure). En 1783, il était nommé en cette qualité à
la Bernardiére, alors paroisse du diocèse de Nantes et
aujourd'hui faisant partie du diocèse de Luçon.
Tous les anciens de la Bernardiére ont été unanimes
à dire que leur vicaire était remarquable par sa piété
et son esprit de prière Lorsqu'on le rencontrait allant
remplir les fonctions de son ministère, on le voyait
toujours récitant son chapelet ou s'entretenant avec
Di<m dans le saint bréviaire.
Sou dernier acte sur les registres de la paroisse est
du 8 décembre 1791.
A cotte époque, sa mère et ses frères, redoutant pour
lui la persécution, le firent revenir à Nantes dans leur
maison, espérant qu'il y serait en sûreté. Sans doute
aussi, son vénérable curé, M. Simon, afin de le conser-
ver â l'Eglise pour des jours meilleurs, lui fit une
sainte obligation de se cacher, persuadé que, de con-
cert avt^c M Gaboriau (i), il suffirait à radministration
(l(» hi paroisse de la Bernardiére et de celle de Treize-
Septiers. Cotte séparation, dans ces jours de malheur,
dut être douloureuse pour le vieux recteur et le jeune
vicaire.
M. de Mayracq, bien qu'habitant un des quartiers de
(l) Vicaire de la Bernardiére, où il devint curé en 1806.
Nantes les plus fréquentés, réussit à vivre incoûiiU
et caché jusqu'au mois d'avril 1793. Mais il s'aperçut
bientôt que sa retraite était connue des agents de* la
Révolution. Au reste, son zélé l'avait souvent exposé
à être saisi dans l'exercice de sa charité ou dans celui
de son ministère prés des fidèles, si persécutés dans
la ville de Nantes.
Alors se livra, dans le cœur de l'apôtre, un grand
combat, excité et soutenu par les plus nobles senti-
ments. Il craignait, en effet, de compromettre par sa
présence la vie de sa mère et de ses frères, et de leur
faire payer par le martyre leur généreuse hospitalité.
Un autre parti lui restait : c'était de se dérober à
la poursuite de ses bourreaux en changeant de domi-
cile. Mais, ceux ci, voyant leur proie leur échapper, se
seraient vengés sur sa famille. Puis, il se rappelait
le besoin que l'Eglise avait de ses prêtres, au moment
où un si grand nombre d'entre eux était chassé ou im-
molé.
Enfin, la générosité pour sa famille et le vif désir du
martyre l'emportant sur toute autre considération, il
se fit connaître et se livra. Saisi par les agents de
la République, le 27 avril 1793, il était aussitôt enfermé
dans la prison des Carmélites.
En route pour la prison et monté sur la charrette qui
le transportait, le prêtre vint à passer devant la maison
habitée par sa sœur, M"** Châtelier. A ce moment, il
chercha du regard quelqu'un des siens. Ayant reconnu
sa sœur derrière la croisée, il lui donna sa bénédiction
et continua son chemin douloureux.
Peu de temps après, on le transféra, avec une cen-
taine de prêtres, sur le navire la ThérèsBy sans aucun
effet ni d'autres vêtements que ceux qu'il portait.
Pendant le trajet de la prison au bateau, on vit le
captif marcher d'un pas ferme, la tête haute, le visage
calme et serein.
C'était un triomphe pour les agents de Carrier que
de conduire à la mort un prêtre d'une des principales
familles de Nantes, et ils étaient flers de la proie tom-
bée entre leurs mains. Ils avaient arraché à ce fidèle
enfant de la Reine du ciel son chapelet qu'il récita si
a;u. .^^ - -- •. V- .-:-.^ ^^"^ '* , . , ^, nouvelle
l,.. yv-u-. ^'--■•^- ■' ,:a. ^l*^^ dente. L'h^
Cavar.n^- ' .,.......,-. e-' -;^-:^..N-. u la f «fSaisoi^ ires
onuuus5i-Hv ;-.•, *-.r.v.u- ^J^.^ ,e ver- J^e charge
■ui'u^i-^'""-"' ■ o\ 1^-^ ■'*'.;-%--.■? ^'•^'^«i est tnani-
Au^u. ^ ..i uv-^ '^, •,,,.. ren*^^-^-. .^ ce q»i^ , r.etle
su .■.-;»'S->."%Î^»»^'-"'"''' ■ ère ua-f "J
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El 1"? »"« i»»» "" '
r«i<Hrtait euo
ques heures après, par une froide nuit d'hiver, 20 de •
cembre 1793, la soupape du navire s'ouvrait et le
ministre de Jésus-Christ, avec tous ses confrères,
était englouti dans les flots de la Loire.
c Ainsi mourut ce jeune et saint prêtre, ajoute l'his-
torien (1) auquel nous empruntons quelques détails,
oflrant généreusement sa vie sacerdotale pour ses per-
sécuteurs, pour Nantes, pour la France et aussi pour
ses paroissiens de la Bernardière, où il avait laissé la
meilleure affection de son âme ».
Le corps d'un prêtre noyé fut retrouvé, quelques
jours plus tard, dans le voisinage de Basse-Itidre. Les
habitants reconnurent leur ancien vicaire et l'enseve-
lirent sous un petit monticule de terre, c Ce lieu, dit
M. Mérel (2) fut depuis visité avec vénération. »
Le calice du martyr, trouvé caché dans la terre à la
Bernardière, fut remis à sa famille, à Nantes, qui Ta
toujours gardé comme un précieux souvenir.
(1) Vendée Historique. Année 1897.
(2) Les Confesseurs de la foi dans U diocèse de Nantes, par le
chanoine Briand.
id
-p-»0-^
LOUIS MIGNONEAU
CURÉ DE NESMY
1792
Les actes de la confrérie du Rosaire établie à
Nesmy par M. Migiionoau prouvent qu'il était curé
de cotte paroisse dés avant i'amiéf; 1768.
C*est également pendant son administration que le
prieuré bénédictin de Nesmy fut réuni à la cure, ce qui
lui permit de joindre, à son titre de curé, celui de
prieur.
M. Mignoneau, qui était officier municipal de sa
commune en avril 1790, no prêta pas le serment en
1791. Outre qu'on n'en trouve trace nulle part, il était à
cette date très malade, sinon mort, car dans une liasse
de pièces de procédure, un titre du 16 juin 1791 porte
ce qui suit : « Nous, soussignés, maire et ofïîcicrs mu-
nicipaux de la paroisse de Nesmy, reconnaissons avoir
retiré des mains de M"* Mignoneau, seule et unique
héritière de feu sieur Louis Mignoneau, vivant prieur
de Nesmy, etc. .. »
C'est donc à tort qu'une tradition locale rapporte
qu'au commencement de la persécution le curé de
Nesmy aurait réuni à l'église ses paroissiens pour l(»ur
faire ses adieux, et qu'au moment de partir, il aurait
été arrêté et emmené du cùté de Nantes.
Il a pu faire ses adieux dans Tinlention de partir,
comme beaucoup de ses confrères, puis tomber malade
ensuite et mourir.
M. Mignoneau ne fut pas remplncé avnnt le Concor-
dat; la paroisse fut d«'sservie pendant la Révolution par
des prêtres du voisinage, restés cachés dans le pays.
Le vicaire, M. Berthon, qui avait rempli l(\s fonctions
curiales depuis la mort do M. Mignoneau, refusa de
prêter serment et s'embarqua pour l'Espagne, le i^i sep-
tembre 1792.
Au Concordat du 13 août 1801, la pénurie de prêtres
fui cause que Nesmy n'eut pas de curé. Cette paroisse
fut alors administrée par le curé de la Boissiére-des-
Landes, M. Perrin, ancien chanoine du chapitre de
Luçon (1).
(1) D'après M. Bourloton.
-S02 --
JACQUES MOREAU
CUBÉ DE SAINT-NTCOLAS DE LA CHAÎZE-LK-VICOMTE
. 179S
M. Moroau, né. en Bretagne, et ancien avocat au par-
lement de Rennes, avait vécu dans le mariage. Devenu
veuf de bonne heure, (.'1 sans enfant, il se destina à
Tétat ecclésiastiqu(î. Arrivé comnie prêtre dans notre
diocèse, sans (lu'on sache à (luelle épo«juo, on le irouvo
curé de la Ghaiz<', suecêdanl à M. (iillaizeau, décédé le
Ui août 1775.
Très aimé de ses paroissieuis, TaïK-ien avocat du par-
lement de Rennes jouissait d'uncî grande considéra-
tion parmi ses confrères du clergé luçonnais. Aussi
avait-il été au nombre des électeurs délégués à Poi-
tiers, en 1789, pour la nomination des députés aux
Etats Généraux.
M.Jacques Moreau n'était pas moins pieux qu'intelli-
gent, et tandis que M. Garnier, curé de Saint-Jean de
la Ghaize (1). s'était (empressé de prêter serment, le
cure de Saint Nicolas refusa de s'incliner devant la
Constitution sehismatique.
La lutte entre h^ prêtre jureur et le prêtre fidèle fut
naturellement un sujet de discorde. Toutefois, à Saint-
Jean comme à Saint-Nicolas, la grande majorité de la
population s'était montrée opposée aux innovations
révolutionnaires, si bien (jue l'intrus Garnier, après
avoir essayé quelque temps d(; propager le schisme,
dut plier bagage. Il partit, un beau jour, vers La Ro-
chelle, d'où il ne revint plus, et le curé de Saint-Nicolas
resta seul dans la paroiss(î.
Plus énergique que beaucoup d'autres, M. Moreau
refusa même de mettre sa vie en sûreté en partant
(i) La Ghaize ntait divisée en doux puroisses : iSaim-Nicolas et
Saint-Jean.
-293 —
pour Texil. Il demeura au milieu de ses paroissiens
lidèles, lorsque la Révolution voulut lui imposer le
choix entre la prison et Texil. 11 continua d'exercer
librement et avec autorité son ministère, tant que les
Vendéens furent à peu près maîtres du pays.
Réduit à se cacher après les premiers désastres de
l'insurrection, il trouva un refuge assuré, tantôt à la
Chaize même ou dans la campagne, tantôt dans les
paroisses voisines, offrant à tous les ressources de son
ministère.
On le trouve au Synode du Poiré, 4 août 1795. (V.
Appendice ad flnem.)
Au commencement de la Révolution, la cure de
Saint-Nicolas comptait encore parmi les plus riches de
tout le Bas-Poitou. Les biens qui en dépendaient, dit
Tabbé Aillery, étaient affermés 2.200 livres, ce qui
représenterait aujourd'hui un revenu considérable.
Mais à l'époque où nous sommes arrivés, M. Moreau
était réduit à demander l'aumône à ses paroissiens.
Après avoir vécu ainsi en fugitif dans les fermes et
les bois jusqu'à la lin de 1795, il mourut, le 18 décembre,
dans la paroisse de la Limouzinière et fut inhumé dans
le cimetière de cette église.
L'acte de sépulture, rédigé par M. Jean de Beaure-
gard, réfugié dans la forêt de la Chaize, et inscrit sur
le registre paroissial de la Limouzinière, contient des
mentions intéressantes.
€ 18 janvier 1796. Je, soussigné, certifie que la marche
des armées n'ayant pas permis d'inscrire sur les regis-
tres de la paroisse de Saiiit-Nicolas de la Chaize-le-
Vicomte l'acte de sépulture de feu Messire Jacques
Moreau, curé de la susdite paroisse, il est constaté,
d'après les informations que j'ai faites, et particulière-
ment par les témoignages de Messire Jean-Baptiste
Péchard, président du Conseil d'administration civile
de la Chaize et notaire (I), et de Messire Pierre
(Ij M. Péchard fut procureur fiscal à la Chaize depuis 1778.
Réfugié pendant la Révolution dans la forêt voisine, il s'y était
fait construire une hutte en planche.
Ceët là que se cacha M. de Beauregard.
— »4 -
Raimbert, inspecteur civil et notaire de la Limou-
zinière, soussigné avec moi, que le corps de Mes-
sire Jacques Moreau, curé de la susdite paroisse de
Saint-Nicolas, né en Bretagne, au diocèse de.. . ancien
avocat au Parlement de Rennes, veuf avant sa promo-
tion aux ordres de feue Louise Clemenceau, est décédé,
le 18 du mois de décembre 179S, et a été enseveli, le
49 du même mois, au cimetière de la paroisse de la Li-
mouzinière, par M. Doussin, prieur-curé de la paroisse
de Sainte-Marie de Tlle-de-Ré et desservant de celle
du Bourg-sous-la-Roche, qui n'a pu dresser l'acte de
sépulture, en Tabsence des registres.
« A la Grange-Hardy, le 18 janvier 1796.
c Brumault de Beauregard,
t vie. général du dUocé&e. >
Pour avoir quelque idée juste de la situation reli-
gieuse de la Chaize, dans les derniers mois de 1795
et de 1796, même après la Terreur, relisons la page
suivante écrite par M. Jean de Beauregard dans ses
Mémoires^ lequel desservit quelque temps cette pa-
roisse.
C'était par un froid rigoureux, en décembre et en
janvier 1796.
€ Quand j'arrivai à la maison de bois de M. Péchard,
dans la for(>t de la Chaize, on y. pleurait ma mort...
Nous étions ainsi logés : dans la maison de planches.
M"* de la (]orbiniére occupait un des coins, j'étais vis-
à-vis, M. Péchard avait le troisième coin, le quatrième
était rempli de froment.
• La cabane en chaume était aussi divisée eu qua-
tre cases, occupées par M"'» de la (^orbiniére, l'abbè
d'Esgrigny, le vieux serviteur François et la cuisine.
C'était au mois de décembre; nous n'avions pas de
lumière, ni huile, ni bougie, sinon pour dire la messe.
Pendant le jour, chacun allait dans la forêt amasser
des fagots de bois mort pour nous éclairer. C'était à
l'aide de semblables flambeaux que nous pouvions ré-
citer notre bréviaire... Dans cet état, d'Esgrigny et
moi nous confessions assis dans la forêt sur des troncs
de bois mort. Nous avions fait pour nos pénitents des
sentiers et des cabinets do fougère. . , L'hiver se passa
ainsi jusqu'à Noël.
€ La veille de cette fête, nous confessâmes les ha-
bitants et nous convînmes, l'abbé d*Esgrigny et moi,
de dire chacun une messe à minuit. Vers les onze heu-
res et demie, je me disposai à le faire. Je revêtis un ha-
bit qu'il serait difficile de décrire et que nous nom-
raions une soutane. J'avais des souliers de femme,
en manière de pantoufles, mais nous avions un calice,
un autel portatif et un ornement
« Le dernier jour de décembre, les Bleus firent
irruption au milieu de nos cabanes. Notre retraite n'é-
tait plus tenable . Nous nous décidâmes à nous retirer
au château de la Grange-Hardy, chez ]»"• de la Brossar-
diêre La grande salle servait à la fois d'église et de
lieu. de réunion. Dés le lendemain, nous fûmes visités
par les pillards de l'armée des Bleus qui enlevèrent
des moutons, du linge et ravagèrent le jardin.
€ Nous étions en janvier 1796... Je me mis cependant
à faire des instructions; les bons habitants de la
Chaize venaient au catéchisme. Je fis établir un autel
dans la grande salle, j'y disais la messe, et, le diman-
che, je faisais le prône. Un vendredi, une ordonnance
vint me signifier Tordre de me rendre au quartier gé-
néral. M. Péchard voulut bien m'accompagner. Ce der-
nier demanda au soldat bleu pourquoi on me deman-
dait : « Oh! dit-il, c'est que nous avons le culte, di-
« manche. »
« Avant do me rendre chez le général, qui se nom-
mail Dupuis. je fus visiter l'église de la Chaize. On en
avait fait'une boucherie, et quand j'y entrai, quelques
hommes étaient occupés à niveler le sol qui avait été
bouleversé et dont les pavés avaient été enlevés, mais
les murs étaient teints de sang et l'édifice exhalait une
odeur révoltante. »
Bref, M. de Beauregard fit comprendre au général
qu'il ne pouvait célébrer dans un lieu semblable et
celui-ci le laissa libre de visiter les malades et d'exer-
cer son ministère dans le pays, lui promettant sécurité.
Ce dernier acte de Tabbé de Beauregard sur les re-
gistres de la Chaize est du 4 avril 1796 (1).
(1) « En 1568, dit M. Henri Bourgeois dans sa Vendée Histori-
que, 1«B protestants avaient commencé leurs ravages à la Chaize.
'2M —
M. MOHËNNËS
CURÉ UE SAÏNT-MARS-LA-RÉORTHE
179i
M. Morennes était curé de Saint-Mars en pleine révo-
lution.
En juin 1791, il y recevait M. Tabbè Paillon, vicaire
général, qui, le sachant menacé d'être remplacé par un
intrus, était venu, dans cette circonstance pénible, Tai-
derdeses conseils.
La charitable baronne de Toucbeprés. en cette
paroisse, avait préparé dans son château un apparte-
ment convenable pour recevoir le pasteur expulsé de
sou presbytère, et elle avait oflert d'aménager et d'a-
grandir sa chapelle domestique, comme église provi-
soire, pour les paroissiens qui ne voulaient pas adhè*
rer au schisme.
Consulté à ce sujet, M. Paillon avait applaudi à ce
projet de la châtelaine, croyant encore que les persé-
cuteurs allaient s'arrêter dans la voie où ils s'étaient
engagés.
Le vénérable curé de Saint-Mars, écrit M. Du Tres-
say, avait pour auxiliaire dans toutes ses œuvres de
piété et de charité M"" de Toucheprès, veuve sans en-
fants, plus riche encore des dons célestes que des biens
Le 15 mars, ils mirent le feu aux églises de Saint -Nicolas et de
Saint- Jean -lîaptiste et cherchèrent à s*em parer d'un des deux
prieurs-curés, dont ils avaient juré la mort. N'ayant pu les ren-
contrer, ils s'emparèrent d'un des sacristains et de son fils,
enfant de dix ans. Ils les traînèrent sur la place pulili(ïue, les at-
tachèrent dos à dos à un poteau et les laissèrent toute la unit
ainsi exposés et dépouillés do leurs vêtements. Or, le froid était
vit', et lors(|ue les habitants du bour^, après le départ des Hu-
guenots, vinrent détacher les deux victimes, celles-ci étaient
évanouies et à moitié gelées, et ne revinrent qu'avec peiue à
la vie. >
- »7-
de la terre. Elle demeurait dans la paroisse, au château
de la Traverserie.
Elle semblait n'être que l'économe de sa grande for-
tune et dépensait en bonnes œuvres tous ses revenus.
Elle fit faire une chaire et dos stalles pour Téglise
paroissiale par un menuisier de Trémentinos, non loin
de Cholet. Celui-ci lit achever son travail sur les lieux
par un ouvrier d'origine anglaise, Mathieu de Gru-
chy (1), dont on lira plus haut la vie détaillée. Voici
comment le chanoine et vicaire général Paillon raconte
l'expulsion de M. Morennes de sa cure et l'intrusion
d'un nommé Rhétoré :
< Le bon curé a été remplacé hier (19 juin) par un
intrus Génovéfain du diocèse, Rhétoré. Nous sûmes,
samedi, à n'en pouvoir douter, que l'intrusion s'opére-
rait le lendemain. Le curé acheva de démeubler. 11 sut
que rintrus serait installé et dirait la messe à huit heu-
res du matin... Je la dis à cinq heures, l'église était
remplie. Aussitôt la messe et après avoir monté dans
la chambre du curé, je revins au château. Après la
jjrestation de serment, l'intrus et ses adhérents entrè-
rent à la cure. Le curé Morennes leur ouvrit la porte et
déclara qu'il protestait contre la prétendue installation,
qu'il était légalement curé de Saint-Mars, qu'il ne s'en
était point démis, que l'Eglise ne lui avait pas enlevé sa
juridiction; qu'en conséquence, il ne cesserait point
(i) Ce dornier, d'une famille noble établie dans l'île de Jer-
sey, était né protestant, mais avait abjuré. M. Morennes, près
duquel il travailla plusieurs mois à l'ameublement de l'église,
frappé de son humilité et de sa piété, le lit consentir à embrasser
Tétai ecclésiastique, et persuada à M"»» de Toucheprès de se con-
stituer sa bienfaitrice dans cette sainte entreprise. Le bon curé
de Saint-Mars fut son premier maître de latin, dont il lui apprit
les éléments pendant que le jeune homme travaillait dans
Téglise.
Ordonné prêtre et vicaire à Soullans, où il avait terminé ses
études auprès de M. Guillon, curé, et de M. Neau, vicaire, il fut
envoyé vicaire à Beauvoir. Passant à Nantes pour aller à Jersey
travailler à la conversion de sa mère, on l'arrêta comme prêtre.
11 fut bientôt condamné à mort, puis guillotiné le 20 novembre
1797, après avoir éditié tous les prisonniers et converti plusieurs
d'entre eux.
M. Morennes avait ainsi préparé un martyr pour la foi.
de se considérer comme curé de SaintrMars (I), el de
rendre, autant qu'il le pourrait, tous les soins à son
troupeau.
t Aussitôt après, il les quitta et se rendit ici, où il dit
la messe à dix heures. Presque tous ceux qui n'avaient
pas entendu la mienne s'y rendirent. Il ne se trouva à
la messe de l'intrus que les bourgeois et un très petit
nombre d<' gens qui étaient la lie de la paroisse. Le
décret pour la tolérance est envoyé aux districts, on ne
tardera pas à Tavoir ici, et alors on chantera les vêpres.
M"'* de Toucheprùs fait aménager sa chapelle pour un
temple de eatholiques non-conformistes. L'autel a été
arrangé; on y placera un tabernacle; il y aura une
balustrade pour la communion; on ménage toute la
place qu'on peut pour y loger le plus do lîdélcs possi-
ble. Ces bons paysans ne demandent que cela. »
Le décret de tolérance dont il (^st ici parlé ne pres-
crivait aucun acte préalable pour établir un culte
l)ublic dans un oratoire privé ou acheté ; il exigeait
simplement (ju'une inscription, placée au-dessus de la
porte, indiquât quel genn» de culti^ on désirait y célé-
brer.
Néanmoins, pour éviter, croyaient-ils, toute espèce
de tracasseries de la part de la municipalité qui était
mauvaise, M. Morennes, aidé par M. Paillon, lit signer,
le 2o juin, par les principaux habitants de la paroisse,
une iH'tition a(ln\ssée à MM. les Admimstvatcurs du
département de la Vrndre. pciur obtenir rautorisation
de célébrer l'oflice ])ul)li(- des ni)n coul'orniisles (catho-
liques) dans la chapelle de la Traverseriiî.
a Supplient, disaienl-ils, les halûLants de la paroisse
de Saint-Mars-la-Heorthe soussignés, et un très grand
nombre d'autres qui ju) savent pas signer, tant en leur
nom qu'en c(»lui de leur faniill(N et ont l'honneur de
vous exposer que diuiîinche dernier, iO du présent
mois de juin, le sieur Uéthoré a été installé curé de
Saint-Mars-la-Reorthe, district de la Châtaigneraie, et
(l) Cette prolt»^lJUioll ciail ri'coiiiiiuiinlôo ilaiit riii^truclion <ie
l'évAqut' «le Luçoii.
que leur conscience ne leur permettant pas de com-
muniquer avec lui dans tout ce qui concerne la reli-
gion, ils se trouvent aujourd'hui dans Timpossibilité
de rendre à Dieu le culte extérieur et public qui lui est
dû. Cette privation leur est extrêmement sensible,
mais soumis aux lois, amis de l'ordre et de la paix, ils
souffrent cette privation dans le silence et sont trop
éloignés de se permettre aucune action qui puisse
troubler Tordre public: la voie de la pétition avouée et
consacrée sur les lieux leur a paru la seule convenable
et à laquelle ils dussent s'attacher.
« lis ont considéré que l'Assemblée nationale avait
consigné, dans la Déclaration des Droits de Vhomme^
tous les principes de la tolérance religieuse la plus abso-
lue ; que ses diflérentes lois respirent ce même esprit
de tolérance/.. Vous prient, en conséquence, les sup-
pliants, ce considéré, Messieurs, qu'il vous plaise les
faire jouir du précieux avantage de la tolérance reli-
gieuse décrétée par l'Assemblée nationale, les autori-
ser à se réunir dans la chapelle de la Traverserie pour
y exercer publiquement le culte qu'ils doivent rendre
à Dieu, en faisant mettre sur la porte une inscription
portant ces mots : Temple des catholiques non confor--
mistes, ou telle autre que vous voudrez indiquer;
prendre le prêtre dont ils feront choix sous votre sau-
vegarde spéciale, et enjoindre à la municipalité de
Saint- Mars de les faire jouir de toute la protection et
de toute la sécurité que la loi accorde aux citoyens.
€ Ils prieront Dieu pour la prospérité do l'Etat, pour
ia vôtre. Messieurs, et prennent l'engagement qu'il ne
se passera dans leur assemblée rien de contraire aux
lois. » Signé à l'original : Louise-Marie-Elisabeth de
Moulins de Rochefort de Toucfieprès. Suivent vingt-
cinq autres signatures.
C'était vraiment trop de confiance de la part de ce
bon M. Morennes et des habitants catholiques de Saint-
Mars, d'autant plus que cette requête se présentait au
moment de la fuite du roi, de son arrestation à Varen-
nes et de son retour à Paris. Aussi la supplique de-
meura-t-elle sans réponse. Plus de justice ni de léga-
lité à espérer des autorites départementales.
-300 —
D'autre part, les officiers municipaux de Saint-Mars,
vexés de cette supplique, résolurent de frapper un
grand coup pour détruire, par un acte d'autorité, tous
les projets de leur légitime pasteur.
Afin de donner plus d'éclat à leur opposition, rap-
porte D. Chamard (i), ils invitèrent le maire du Bon-
père, le procureur de la commune de Rochetrejoux,
avec les gardes-nationales de Saint-Mars, des deux
Pouzauges, du Boupére, de la Flocellière, de Sainl-
Prouant, et. suivis de cet imposant cortège, ils se trans-
portèrent, le malin du 29 juin (fête de S. Pierre), au
château de la Traverserie, où, « d'après les bruits
publics, la dame Desmoulins de Rochefort, veuve Mes-
nard, retenait chez elle des prêtres non assermentés,
disait le réquisitoire du procureur de la commune, et
notamment le ci -devant curé de Saint r Mars, qui y
exerçaient toutes les fonctions du ministère, par un
abus sacrilège de leurs pouvoirs et de la conliance des
peuples qu'ils aveuglaient, et empêchaient les habi-
tants de cette paroisse et autres voisines d'assister aux
offices célébrés par des cures constitutionnels.
t Ils trouvèrent, en effet, réunis dans la chapelle
une foule de fidèles de tous sexes (sic) et de tout âge,
qui, à notre aspect, dit le procès-verbal, a pris la
fuite. »
Le maire eut l'insolence de réprimander M"" de Tou-
cheprès de violer les lois en autorisant de pareilles
assemblées chez elle; puis les officiers municipaux pro-
cédèrent, sans scrupule, à une perquisition générale
dans la maison, ouvrant tous les meubles, s'emparant
de tous les papiers qui leur tombaient sous la main.
Procès-verbal et dossier furent envoyés au district
de la Châtaigneraie qui. le !•' juillet, transmit le tout à
l'accusateur public « aux lins de poursuivre la dame
Moulins, veuve Mesnard de Toucheprés, et le sieur
Morennes, comme perturbateurs du repos public et
réfractaires à la loi. »
La pieuse baronne tul obli{.îee de s'enfuir et se réfu-
gia à Montaigu, abandonnant sa maison et tous ses
biens, quoique le pro(*Cv^-verbal constatât formellement
qu^on « ri avait rien trouvé qui indiquât que ladite
dame edl dei^ projets séditieux. »
(1) Origines, p. 228.
M. Morennes ne jugea pas utile de fuir. Il se laissa
mettre en prison à Fontenay. Il y subit plusieurs inter-
rogatoires qui n'aboutirent pas a le faire. paraître cou-
pable. Il ne fut délivré que le 15 novembre, par suite
de l'amnistie du 15 septembre, proclamée par la Con-
stituante avant de se séparer.
Ainsi furent chassés de leur domicile le plus dévoué
des pasteurs et la mère des pauvres et des orphelins
du pays (1).
M. Morennes, ne sachant où mettre sa vie en
sûreté, quitta la Vendée et suivit l'armée catholique,
e Après le passage de la Loire, dit Dugast-Matifeux. il
trouva la mort on ne sait en quelles circonstances. »
(I) Le général Dumouriez lui-même faisait l'éloge de cette
(lame. H attestait que lorsqu'il alla à Saint-Mars, en septembre
1701, il avait entendu vanter la charité et les vertus de cette
admirable veuve.
De telles vexations ne pouvaient qu'irriter les babitants de
cette paroisse et troubler l'ordre public.
ANTOINE-CHARLES MORIN
PRÊTRE DE VOUVANT
1743-1800
M. Morin ne voulut point trahir sa conscience quand
la Révolution exigea des prêtres la promesse de fidélité
à rimpie Constitution civile. Il demeura quand mémo
dans le pays, exposé à être dérouvert et mis à mort.
Mais enfin dénoncé par de mauvais patriotes et arrêté,
il fut jeté en prison, puis condamné à la déportation.
Les prisons de Rochefort ne suffisant plus à contenir
les déportés qu'on destinait à la Guyane, on chercha
d'autres lieux de détention.
L'île de Ré devint d'abord une succursale de Roche-
fort, puis elle lui fut substituée, écrit M. Manseau (1),
pour être le dépôt général de tous les déportables. Les
croisières des vaisseaux an^îlais empêchaient le trans-
port des condamnes "en Guyane. M. Morin fut envoyé,
en 1798, dtins la ciUidelli' de Saint-Martin-deRé et
entasse avec douze cents prisonniers, quand les règle-
ments pénitentiaires ne fixaient qu*à quatre cents le
nombre de ceux qui y pouvaient être incarcérés.
Les prisonniers actuels ont des lits avec matelas,
draps et rouverlures, mais les pauvres prêtres, de
1798 à 1801, n'avaient pour se coucher que la terre nue
ou une paille infecte (|ui souillait les vêtements et les
corps. Au lieu d'une nourriture substantielle et variée
comme de nos jours, ils n'avaient qu un pain noir et
grossier, de la morue rance et des haricots tellement
vieux et avaries qu'ils étaient rebelles à la cuisson, (^e
qui est constaté par les lettres des prisonniers et le
rapport des commissaires.
La viande, prescrite sept fois par décade, faisait sou-
[\)PrêtrfS et religieux dêport/s, eicellpnl ouvrage auquel sont
empruntés quelques détails qui suivent.
venl défaut, et si la pitié des bons catholiques de
Saint-Martin n'était venue au secours des déportés,
la plupart, parmi les vieillards surtout, auraient suc-
combé sous le poids de la misère et des privations.
M. Morin, âgé de cinquante-cinq ans, alTaibli par un
long séjour préventif dans les prisons de la Vendée,
jouissait d'une mauvaise santé; de plus, il avait dû
faire un long et pénible voyage à pied pour être amené
à Rochefort. La vie, dans cette nouvelle prison, était
trop dure pour le pauvre détenu. En 1800, il tomba
dangereusement malade. Un pharmacien de Saint-
Martin, M. Bernier, catholique bon et dévoué, obtint de
le faire transporter dans sa maison et lui donna tous
ses soins pour le soulager, mais inutilement. Le bon
prêtre était arrivé au terme de ses souffrances d'ici-
bas Il mourut, le 30 mars 1800, victime de sa fidélité à
la foi catholique et romaine.
Dans son agonie, il dut murmurer quelques paroles
de cette prière qu'il récitait chaque jour en sa prison :
€ Cœur adorable de Jésus, soyez l'unique objet de
mon amour, le terme de tous mes désirs, le centre de
mon cœur. Soyez ma paix et ma tranquillité à l'heure
de ma mort et ma béatitude éternelle. >
Espérons de la miséricorde divine qu'il a été exaucé.
-âoi-^
PIERRE DE MORNAC
PniKl.U DES FONTENKLLES
!72i 1798.
L'al)baye des FontonciUes, située sur le territoire de
Saint-André d'Ornay, dans l'ancienne forêt de la Roche-
sur Yon, fut fondiM' (mi lilO pai- Guillaume de Mauléon,
soigneur de Talmonl(l). Elle eut une communaulê de
religieux établie à Saint-Etieune-de-Corcoué, paroisse
du diocèse de Luçon avant la Révolution.
Tombée depuis plus d'un siècle en commende, l'ab-
baye avait pour abbe, en 1790, M. Defresne, doyen du
chapitre de Lu(;on. et pour sous-prieur Pierre de Mor-
nac, né à Ussel (Corrèze). Des autres religieux nous
n(î connaissons que les PP. Denonceau et Carie, ce
(hunier devcmu dei)uis curé de la Ponuneraye.
Au début de la Révolution, h^ P. do Moriiac avait eu
la pensée généreuse de transformer l'abbaye en hôpi-
tal, et il adressa en ce sens une pétition aux Etats-Gé-
néraux qui n'y repondireiit pas.
En vrai religieux, il eut à cette époque le courage» de
n^fuser le serment demandé par la Constitution civile,
et se retira à Saint-André d'Ornay. Atteint par Tarticle
RI d(» l'arrêté du DirecloirtMle la Vendée, qui luiordon-
(1) Nicolas Colherf s'occupa, o!i l(»Ol», do rclbrmer Tabbayo de?
Fouloncdies. dont Piorre Hiiiault (Hait alors ]>rieur (?t Atus De-
g(»nn(»s sous-prieur. Il n'y avait plus do ivgularité dans ce ino-
nastôro, jdus de vio commune, plus do noviciat, et souvent plus
do service divin. Los moines avaient partagé les domaines et ils
les oxjïloitaienl en piirticulier. Quohiues-uns des religieux étaient
«'tablis au dehors dans les domaines et les bâtiments du cou-
vent. Pour parer au mal, Nicolas Colbert rendit une ordon-
nance, le 2 dôcembrc IGOî), ])Our introduin' les chanoines réfçu-
iiors dp Sainto-(ienovièvo aux Kontonellos. Mais ces chanoines
ne lurent installés dans le monastère (ju'oq 107(1. (Uiatoire du
moncuttère de Luçon, p. La Tonibnelle de Vaudoiié.)
nuit de se retirer dans son département d*origine, il
refusa d'obéir.
Une visite domiciliaire opérée en la maison où il s'é-
lait retiré à Saint- André n'amena aucune découverte
importante : t Vérification faite, il ne s'est trouvé que
quelques lettres, au nombre de treize, qui prouvent
une correspondance suspecte entre lui et d'autres prê-
tres réfractaires, lesquelles lettres nous avons saisies
et déposées à la municipalité. »
Le P. de Mornac ne fut pas inquiété davantage pour
le moment.
r.'n rapport du commissaire près l'administration
cantonale de la Roche-sur- Yon, (m date du 30 vendé-
miaire an VI, contient ces lignes :
« Mornac, ex-moine, homme extrêmement â^é et in-
firme, habite les Clouzeaux, où il- a dit la messe pen-
dant environ deux mois, H a cessé l'exercice de ses
fonctions sitôt la publication de la loi du 19 fructidor.
// n'a fait aucune déclaration, ni serment, *
Le vénérable religieux, continue le rapport, t vi-
vait ignoré dans le fond d'une campagne, près des Fon-
tënelles, sans y exercer aucune fonction, quand, il y a
trois mois, les habitants des Glouzeaux allèrent le trou-
ver et remmenèrent chez eux pour y dire la messe. Il-
ne m'est rien paf'venu qui fasse croire qu'il a été turbu-
lent et qu'il a influencé l'opinion publique. »
Ainsi le bon vieillard soufTrait en paix les tristesses
de l'heure présente.
Dans ses Notes et Croquis, M. de Montbail raconte
que le P. de Mornac aurait été surpris, aux Fontenelles,
par les républicains qui lui auraient coupé le nez et les
oreilles, abandonnant le pauvre mutilé dans le couvent
où ils mirent le feu. Après le départ des meurtriers, des
paysans auraient trouvé le malheureux prêtre agoni-
sant.
C'est, sans doute, une erreur. Car M. de Mornac vi-
vait encore en 1798, cinq ans après l'incendie des Fon-
tenelles. De plus, la date de sa mort et son acte de dé-
cès contredisent cette légende. Le registre de l'état-
civil des Glouzeaux porte, à la date du 12 pluviôse an
VI : « Décès de Pierre Mornac, ci-devant prieur des
Fontenellcs, âgé de soixante-dix-sept ans, étranger,
chez le citoyen Marionneau, aubergiste à l'angle de la
place. »
20
L*L».-iOirp— : A rj_.*.ii^- il^j^nx rien de plus sur cç
:^':::zit!'zi^ rLti-^ :- ** :i .r-^ac i un âge avancé ei
TTiân:»- :- .à rrs-r--::.n ^•'* •.ucir.nnaire (1).
I. 'i.-zi-.rrj.
-307-
FRANÇOIS NICOLAS
VICAIRE DE GHAMBRETAUD
1786-1793
M. François Nicolas, de concert av(u*< M. Gabard, son
curé, administrait la paroisse de Chambretaud comme
vicaire, quand éclata la Révolution.
Il eut assez de foi viv(î et de caractère pour refuser
d'adhérer à la Constitution civile, et demeura caché
dans la paroisse ou dans une ferme de Saint Aubin,
administrant en st^cret les sacrements. M. Nicolas ne
devait pas tarder à être victime et martyr de son dé-
vouement et de sa charité sacerdotale.
Ce fut pendant la terrible année 1793.
Un jour qu'il se tenait caché chez ses parents, habi-
tant la paroisse de Saint-Martin-rArs-en-Tiffauges, il
fut reconnu malgré son déguisement par une men-
diante de Mortagne à laquelle il venait de faire
l'aumône. Soit par imprudence de langage, soit par
méchanceté, la malheureuse fit connaître aux soldats
républicains en garnison à Mortagne la retraite du
vicaire de Chambretaud.
Vite, une expédition est organisée, car on poursui-
vait un prêtre avec plus d'empressement qu'une bête
féroce, et la chasse n'en était pas moins cruelle.
Pour s'assurer leur proie, ces braves viennent, pen-
dant la nuit, cerner la maison des parents de M. Nico-
las. La prise ne fut pas difTicile.
Vainqueurs et triomphants à peu de frais, les bleus
emmènent à Mortagne leur prisonnier et, chemin fai-
sant, l'accablent de coups et d'injures.
Le procès fut sommaire : un semblant d'interroga-
toire devant une commission militaire et la condamna-
tion, que les soldats sont aussitôt chargés d'exécuter
en vrais bourreaux. Ici, la plume se refuse à décrire la
barbarie de ces hommes, indignes d'être français.
Une tombe profonde est creusée pour recevoir le
- 308 —
cadavre du prêtre, mais au lieu de l'y étendre mort, on
Teiiterre vivant et debout, de manière que sa tête seule
émergeait au-dessus du sol. Puis, tandis que le pauvre
martyr, les yeux élevés vers le ciel, recommandait à
Dieu son âme et priait pour ses bourreaux, ceux ci, se
retirant à distance, prennent sa tête pour cible de leurs
coups de fusils.
Long et cruel fut le supplice, l'agonie épouvantable.
Ce ne fut qu'au vingtième coup de feu que le saint
prêtre cessa de donner signe de vie.
D'après le récit d'un vieillard (1), mort il y a peu
d'années ù quatre-vingt treize ans, la tête du martyr
fut ensuite coupée au ras du sol et les soldats la firent
rouler dans les rues de Mortagno pendant deux jours.
Voilà ce que la Révolution avait mis de soif de sang
dans ses soldats.
On montre encore, dans la propriété de Beauregard.
à Mortagne, devant un pilier de la porte d'entrée, le
sommet d'une croix de granit qui fut élevée après cette
scène, en souvenir du martyre que nous venons de
raconter; peut-être même est-ce là le lieu de Texécu-
tion (i).
(I) Le p^'m-o Haubry, iU'*cf''d('' à Saint-dhristopho-du-Boi^.
C2) Chron. par.
FRANÇOIS NOBAU
CURÉ-PRIEUR DE SOULLANS
1794
En 1786, M. François Nœau était vicaire de Saint-Hi-
laire de Soullans dont M. Guillon était curé prieur. A
l'époque de la Révolution, celui-ci donna sa démission
en faveur de son vicaire.
En 1791, M. Nœau refusa de la façon la plus énergi-
que le serment à la Constitution civile. Comme tant
d'autres bons prêtres, il pouvait mettre sa vie en
sûreté, en prenant le chemin de Texil. Mais il ne vou-
lut point abandonner son troupeau à la merci des loups
qui menaçaient d'envahir le bercail. Quelques mois
après, ordre lui fut donné de se rendre à Fontenay.
En apprenant cette sentence injuste, les municipaux
de sa paroisse, qui lui étaient très attachés, se réuni-
rent, et, d'un commun accord,' résolurent de tout
tenter pour conserver un si digne pasteur. Ayant à
leur tête le maire de la commune, l'honorable M. Gués-
neau, le 7 mai 1792 ils allèrent se présenter au District
pendant une de ses séances, où lecture fut donnée de
la protestation suivante :
• Ayant appris, par la voix publique, que le sieur
Nœau, curé de la paroisse, en vertu d'un arrêté du
Département, était obligé de se rendre au chef-lieu,
nous demandons à connaître les dénonciations qui ont
provoqué cet arrêté, et nous faisons observer que le
sieur Nœau s'est toujours comporté, à notre connais-
nance, très tranquillement et conformément aux lois
constitutionnelles de l'Etat, et qu'il ne doit pas être com-
pris dans le nombre de ceux, qui, ayant occasionné des
troubles, étaient dangereux dans leurs paroisses. *
Mais les tyrans révolutionnaires ne pouvaient sup-
porter d'être contredits, ni qu'on fît la moind«re enquête
sur les dénonciations de leurs frères et amis. Les catho-
)---» f*
... .-■.ùenl arrêl«'^j
-' ' ' ' ■ ^ -..-uoncialion.
, - ■ ■ . ., ,...-:•. .lonc rejelef.
ixt : ' ' '■•■' • ' .. " i:.-, fié prise el
iiot.li^" i j: •'"■•'''' ^„ .-, --. ir demeurer
M. N'f;i' •""• • "' •'-": ~'". .,;".. -,."', -tii'-- «ians '»
l)armi sf< ti ;•-"■*
contrùf.
, , ■ r-uni#sail les
\ la favf-ur dc^ tm-.'.'— --• •' - - j ..^^^^^ bt-nissait
ti \,\.-< dans Urs granir^-. y •- ;^^ _ ^ J-,-^. préohait à
l,.i iiiaria!.'<'s. l)ai)ti>.iit. 1>'- •■' - . ..' .7--^^. u ne crai-
t,,n, !.• r..ura(.'(' «-l lu n--^Y'' ■" -, ^- ; ^ ^.i ministre r
^„a,l point .fallrr vi>il;T l'\- '-.;; ._ .-.^^^^^ ^^^ j^j j,,
l.., uiomanls, au pnnl 'f ,^:*'^;;. Z.:,^^ aposloUques.
S..ml->^a.T.-i.i.-iit .liins touU->;-; ^^ ;-_ ,,^ j^ souUans
\.ix .MIN irons .!.• Faqu'-^ i'"',»; Vi !.'.'..:ïr.>issiale, uiK-
.i.uit ^.•nn fain- l<-s '^"''"^^ !-.„'". 'ïiv.Ul invilé au soi-
,,,,„.. i...|,fan. pi.-..s.> et «»';^f ;,• \ ,'rV prendre s.-s
,,,,,. II .-lail au^<i n;çu, partui=. < atz -
' ' ' « "-• ^: ^••"7;;ifrNi::''p.-titeau. lequel le lui
, ...H.i.rl.h.v ..■tt.' J'^H-'ie quun J«'«r_ -^ „
.....Mr-ni .1.. fa.m -l l"''"'-^'»^' »'''^''-";,^^? rVoul volou-
*•'::;;■':'•;.» quo .-.U. m.sur.. .le prudence n'était pa.
NU..I tut ..i..«r..n inivof^^"'^ '* ^TJlpP M- l'fli-
.. ,M i .M.- , , lu» >l.Mi..nc.v..uia. tl o ,,
1 .M <
.;.MNcv lua Nie 1-iu- un mensonge ., reponoii
. 4M I i'
— ail-
la noble chrétienne, t Et si c'est un crime d*avoir donné
à manger à un malheureux prêtre, traqué et mourant
de faim, ce crime, je l'ai commis, croyant remplir un
devoir d'humanité. »
Elle fut condamnée et exécutée sur le bord de la mer,
avec vingt autres victimes, le 4 août 1794, à quatre
heures du soir.
Cependant M. Nœau avait été arrêté par la gendar-
merie et conduit de brigade en brigade à Fontenay, où
il fut incarcéré. Mais, dans sa prison, il lui semblait en*
tendre les voix de ses paroissiens qui imploraient de
lui les secours religieux. Il parvint à s'échapper avant
la déportation et retourna dans sa chère paroisse de
Soullans, où, sans souci des dangers, il continua
d'exercer plus ou moins secrètement son pénible
ministère.
Un jour, enfin» il fut surpris par les Bleus au moment
où il venait d'achever une cérémonie. Le dévoué
pasteur, voyant la mort de prés, eut à peine le temps
de recommander son âme à Dieu.
M. Nœau, dit Dugast-Matifeux (1), fut fusillé au mi-
lieu d'un pré qu'il traversait en fuyant avec son guide.
C'était au mois de juin 1794. La veille, il avait fait la
procession du Saint-Sacrement de la Fête-Dieu. On a
dû trouver sur lui les Saintes-Espèces qu'il avait Tha-
bitude de porter, dit dans ses Mémoires M. Remaud,
curé de Mâché.
En louant le zèle héroïque du prêtre martyr de
Soullans, nous ne pouvons que le féliciter de porter
toujours sur son cœur Celui qui fait la force des
martyrs, t N'avait-il pas, dit avec raison M. le chanoine
Prunier, pour justifier sa sainte audace, l'exemple
d'un ^rand nombre de martyrs des premiers siècles ? *
(1) Chassin fait un récit différent de la mort de M. Nœau et
dit qu'il fut fusillé dans la déroute de l'année vendéenne. Mais
le récit que nous donnons, en outre de l'autorité des chroni-
queurs que nous citons, est conforme à la tradition du pays.
— 3tt —
MATHIAS-IIILAIRE PAYNAUD
OURK DE SAINT-HILAIKE-DE-MOUTAGNK
1731-1800
Au commencement de la Révolution, la paroisse de
Saint-Hilaire-de-Morlagne avait pour curé M. Paynaud
et pour vicaire M. Gliapelain, deux prêtres remplis de
zèle et de foi vive. liO récit suivant ne peut manquer
d'intèress(»r le lecteur.
M. Hilairc Paynaud, né dans la paroisse du Pin (can-
ton de Cerisay (Deux-Sévres), en 1731, fut nommé curé
de Saint-llilaire-de-Mortaf^ne en 1760.
Fidèle à son Dieu, dans les mauvais comme dans les
bons jours, il refusa couraj^^eusement le serment schis-
matiiiue de la (Constitution civile, mais en raison de
son âge, il ne fut pas condamné à la déportation. Le
saint i)rêtr(î préféra cependant l'exil volontaire à la
réclusion et s'eiubarqua aux Sables, avec vingt -six
autres prêtres, à bord du navire le Jeune-Aimé^ le
13 septembn^ 1792.
Avant son départ, liî bon pasteur, une dernière fois,
ronvo<}ua à l'église ses paroissi(Mis pour les prémunir
contre les dangurs (jui les menaceraient pendant son
absence et leur donner sl's dernirrtvs instructions.
(ie monnint fut solennel. Les adieux et les rtH-oni-
mandalions du vénérable prêtre rcsseml)laient aux
dernières paroles d'un père mourant à sa l'aniille éplo-
rée. Aussi demeurèrent-ils |n'()r()n(lénicnt gravés dans
les cdMirs de tous. Plus (h», cinciuante ajis après, les
vi(Mllards en répétaient (encore des fragments à peu
près textuels à M. Fort, (^ui'é de Saint-Hilaire, qui b's
ri^cueillit respectueusement et les mit par eeril ilans sa
elironique qaroissiale.
a En quehfue lieu que la Providence mu conduise,
leur dit-il, je prierai pour vous. Mon cœur et mon
esprit seront avec vous.
* Cliaque dimanclic, si j'en ai la faculté, j'oifrirai à
— 313 -
Dieu le saint sacrifice de la messe pour tous les habi-
tants de cette paroisse. Et si, comme j'en ai malheureu-
sement la crainte, vous ôtes privés de Tentendre dire
par quelque bon prêtre, je vous engage à vous réunir
tous les dimanches dans l'église, si vous le pouvez, à
rheure où j'ai toujours eu coutume de la dire pour
vous. A. cette heure, c'est-à-dire à dix heures, je mon-
terai au saint autel et je célébrerai à votre intention.
Vous unirez votre prière à la mienne et je ne doute pas
que le bon Dieu ne vous tienne compte de cette inten-
tion que vous aurez de satisfaire au précepte de l'audi-
tion de la messe, le saint jour du dimanche. N'assistez
à la messe d'aucun intrus. . . »
Les paroissiens de Saint-Hilaire furent toujours fidè-
les aux recommandations de leur pasteur. Chaque di-
manche ils prirent l'habitude de se réunir dans l'église
à l'heure indiquée, unissant leurs intentions et leurs
prières à celles de leur curé, qui célébrait en ce mo-
ment la messe pour eux sur la terre étrangère.
Mais les événements se précipitaient. Le régime de
la Terreur lit bientôt sentir ses rigueurs barbares et
impies jusque dans les moindres bourgades de ce mal-
heureux pays Les prêtres avaient été chassés, guillo-
tinés ou noyés, les églises furent fermées et l'on porta
(Ifs peines très sévères contre ceux qui osaient encore
s'y réunir pour prier. Malgré tout, l'église de Saint-
Hilairo était restée ouverte et, chaque dimanche, la
rioche convoquait publiquement les fidèles à la prière.
G'étiiit vraiment trop d'audace. L'autorité révolution-
naire s'en émut et, un jour, un homme à écharpe tri-
colore, escorté de gendarmes, vint déclarer aux habi-
tants que dorénavant le culte catholique était aboli, de
par la Convention.
Le commissaire avait aussi mission d'arrêter le prêtre
refractaire auteur de cette résistance; à la loi. Mais,
visites domiciliaires et recherches de toute sorte furent
inutiles, M. Paynaud s'était soustrait à la persécution.
LVnvoyé dut donc se borner à mettrez les scellés sur
les portes du sanctuaire et d'établir dans le bourg un
poste de gendarmes pour les faire respecter. Il abattit
ensuite quelques croix pour marquer son passage et fit
arrêter une paysanne, coupable d'avoir récité son cha-
pelet sur la tombe de son mari, et s'en alla.
Le jour suivant était un dimanche.
— 314 -
Quelle no fut pas la surprise des gendarmes quand,
sur les dix heures, ils entendent tout à coup la cloche
sonner à toute volée, roramc pour appeler les fidèles à
la messe.
A la hâte, ils s'armenl et accourent. La foule des
l»aroissiens était déjà répandue dans le cimetière,
autour de l'église, et agenouillée sur les tombes, dans
le silence» et le recueillement le plus profond. Tous ces
braves chrétiens, pieusement découverts et le chapelet
à la main, semblaient assisttT à la messe d'un prêtre
invisible... * Que diable laites-vous-làî » demande le
brigadier à un vieillard. — t Nous entendons la messe,
répond un brave paysan nommé Louineau. Notre curé,
en parlant, nous a promis que tous les dimanches, à
rette heure mémo, il la dirait pour nous partout où il
se trouverait. »
Le brigadier, en honnne d'esprit, éclata de rire. « Im-
béciles de superstitieux, va! s'écrie-t-il ; croire qu'ils
entendent la messe à cent lieues de l'endroit où on la
dit! — La prière fait plus de cent lieues, répliqua
le vieillard, puisqu'elle moutc île la terre au ciel ! »
Kt le l)rigadi(^r de rire plus fort. « Eh ! cu'oyez-vous
être ici dans une église, sauvages cpie vous êtes? —
Nous sommes dans un lieu saint, dit l'houime aux
cheveux blancs en «'Icvaiil la voix pour prouver (|u'il
n'avait pas |)eur. Nous soninii^s à genoux sur les osse-
ments do nos pères ! »
Le briga(li(M' allait répliqu(»r, mais une sourde* rii-
UR'ur coninuMirait dr^jà à courir dans la foule. Trois
cents têtes aux longs cheveux et aux regards étince-
lants siî retournaient, menaçantes, vers les gendarmes,
qui jugèrent jirudenl de s(^ retirer. La ]»atience a des
bornes.
Le soir même, le brigadier lit son rapport au comité
révolutionnaire, au siège du district. Mais celui-ci avait
sans doute sur h.'s bras d'autres allaires plus impor-
tantes et moins dangereuses et jje s'occupa plus des
gens de Saint-Milain^ lin conséquence, rt's bons chré-
tiens, n'étant jdus iiKiuieles, continuèrent à se réunir
cluKiue dimanche dans leur eimetiere pour entendre
la messe (lue leur vénérable pasteur celel.»rail [KUir eux
en tîxil.
Ce qui dura jusqu'à la lin de la Révolution, au mo-
- 318-
ment où il leur fut permis àe rentrer dans leur église
rendue au culte.
C'était à Palencia, dans la Vieille -Cas tille, que
M. Paynaud célébra la sainte messe pendant cette
période critique, là où étaient réfugiés quelques autres
prêtres du diocèse de Luron. La tourmente passée, il
s'empressa de reprendre îe chemin de la France et du
la Vendée, car il avait le plus vif désir de revoir ses
chers paroissiens et de mourir parmi eux. Le saint
prêtre était en route et il allait enfin arriver à Saint-
Hilaire quand, rendu à Saintes, il y rendit le dernier
soupir, accablé d'années et de fatigues.
iM. Bonenfant, son confrère et son compagnon d'exil,
lui rendit les derniers devoirs. La mémoire de M. Pay-
naud est restée en vénération dans la paroisse de
Saint-Hilaire-de-Mortagne.
— 316 —
PAYRAUDEAU
CURÉ DE SALIGNY
1794
Dès avant la Révolution, la religieuse paroisse des
Brouzils avait vu naître plusieurs prêtres dont on re-
trouvera ici les noms.
Parmi eux. nous comptons M. Payraudeau, curé de
Sali^ny en 1791. 01)ligê de quitter son poste par suite
du refus de serment, il demeura quelque temps caché
dans sa paroisse ou aux alentours. M. Payraudeau avait
un parent, M. Jagueneau, vicaire au Petil-Bourg-sous-
la-Roche, prêtre courageux comme lui. Tous deux,
poursuivis par les ennemis de la Religion, prirent le
parti de se réfugier dans la forêt de Grala.
M. Romand, dans ses Mémoires, fait le récit sui-
vant :
MM. Payraudeau et Jagueneau s'étaient réfugiés,
avec les vieillards, les IVmmes et les enfants, dans la
foret de Grala, pendant que les hommes valides com-
battaient sous les ordres de Cliarette. Bien que cette
retraite passât iM)ur très sùrcî, ils furent surpris un
Jour par les Bleus et conduits prés du Poiré, où on les
massacra. La tradition locale rapporte que le massacre
e\it lieu sur la paroisse de Saligny, dans un bas-fond
ou coule le ruisseau la Matujeoire^ au lieu dit le Pont-
Caillou (1).
(l)Oii il vu j)lu.>^ liaiil, «liins hi Sotlcc con.'^acK'u à M. Jague-
neau, que J)r(iAST-MATiFEix allirnie que N* massacre «lu vicaire
(lu Pelil-houp; eut lieu sur le lerriioire de Lotré.
— 317 —
FRANCOIS-PAUL PAYRAULT
CHAPELAIN DE l'ÉPINE
17351801
Le héros de cette notice naquit à la Brufïière.
Comme tout le clergé de l'Ile de Noirmoutier, M. Pay-
rault avait fait d'abord serment, mais bientôt, éclairé
sur la poi'tée de sa soumission à la Constitution civile,
il la rétracta comme ses confrères et comme eux subit
la prison et Texil.
Il vécut, pendant les années de la Révolution, avec
M. Bousseau, curé de Barbàtre et de Noirmoutier, en
Westphalie, et revint avec lui.
M. Pontdevie a dit de M. Bousseau : c II ramène avec
lui son vieux compagnon d'infortune, M. Payrault. Par-
lis ensemble pour la même prison et le même exil, ils
abordent à Noirmoutier le même jour : celui-là pour y
travailler longtemps encore, celui-ci pour y mourir. *
Usé par les privations et les fatigues d'un long voyage
de trois cents lieues, M. Payrault succomba, en effet, le
lendemain de son arrivée dans l'Ile, tel que le constate
son acte de sépulture :
c L'an 1801 et le 28 avril, le corps de François-Paul
Payrault^ prêtre catholique, chapelain de l'Epine et vi-
caire de cette ville, né à la Brufflère, décédé hier soir
au quartier de Banzeaux, âgé de soixante six ans, a été
inhumé au cimetière de cette paroisse, par nous curé
soussigné, en présence de François-Jérôme Boucheron,
propriétaire; Jean Raymond, laboureur, amis et voisins
du défunt; Jean-François Palvadeau", capitaine de na-
vire, et Julien-Aimé Viaud, aussi capitaine de navire
et trésorier de cette église, tous de cette paroisse, qui
ont signé avec nous.
c Bousseau^
€ curé de l'Ile de Noirmoutier. »
ANTOINE PEIGNÉ
VICAIRE DE SAINT-ANDRÉ-TREIZE-VOIES
1765-1798
M. Peigné, originaire de la Chapclle-Basse-Mer fdio-
cèso de Nantes), ordonné prêtre en 1788, fut vicairo à
SaintAndré-Treize-Voies pendant quelques années.
Au moment de la Révolution, ne voulant pas accepter
la Constitution civile du clergé, il fut dénoncé par le
district do Monlaigu, le 6 février 1792, et demeura en-
core à Saint-André jusqu'au 13 juin, car on retrouve à
cette date sa signature. Alors il alla se cacher dans sa
paroisse natale et y vécut dix mois ignoré des révolu-
tionnaires et espérant leur échapper. Mais il fut bientôt
arrêté à la Guyonnière chez M*"* de la Gournerie, le 19
février 1793, et envoyé à la prison des Carmélites de
Nantes.
Les privations et les mauvais traitements que ce prô-
tre y endura altérèrent profondément sa santé. Aussi
quand, le 11 mars, il fut interné à la Permanence, son
cerveau était malade et deux mois après il avait com-
plètement perdu l'esprit.
Il fut envoyé au Sanitat le 18 mai, où il mourut après
quatre mois de détention.
-US-
JACQUES PETIOT
CURÉ DE SAIXT- RÉVÉREND
1743-1T93
Si les auteurs de la Constitution cioile n'avaient pour
but, en la votant, que d'injpiièter et de violenter s»*ule-
ment le Clergé, ils se trompaient étrangement. Les ca-
Iholiques de Vendée, en particulier, furent singulière-
ment vexés par Tobligation du serment imposé à leui^
prêtres. Aussi, quand, dans les premiers mois de 1791,
ordre fut donné de remplacer les prêtres lideles par
ceux qui avaient prêté serment, des émeutes éclatent
en de nombreuses paroisses sur la cote vendéenne, de-
puis Angles et Avrillé jusqu'à Saint-Christophe du-
Ligneron et Saint-Jean-de-Monts.
Le 3 mai, les habitants de Coëx et de Saint-Réverend
viennent sonner le tocsin* à Apremonl pour porter se-
cours aux habitants rie Saint-Christophe, révoltes des
premiers contre les intrus et les patriotes, leurs pro-
tecteurs. Les habitants de celte contrée, voyant que la
liberté religieuse leur était arrachée, voulaient la re»
conquérir par les armes.
C'est ainsi que les paroissii»ns de M. Petiot allèrent
au château de la Vergne, situé sur le territoire de
Saint-Révérend, demander à M. Guerry de la Vergne
de se mettre à leur tête.
M. Petiot fut rendu responsable de ce soulèvement
devant les autorités, et aussitôt les troupes envoyées
de Ghallans et les gendarmes cherchèrent à s'emparer
de lui. Au commencement de Tannée suivante, dés
que l'armée catholique et royale fut constituée, le curé
de Saint -Révérend accepta, selon Tesprit des chefs, de
remplir les fonctions de maire. Bravant les décrets de
la Convention contre les prêtres insermentés, il voulut
demeurer parmi ses paroissiens, bien décidé à mourir
pour eux, si Dieu voulait lui accorder la grâce insigne
du martyre.
- 320 -
Un jour qu'il fuyait devant ses persécuteurs, il fut
arrt^té à la MoUie-Achard, avec neuf ou dix Vendéens
accusés, comme lui, de favoriser rinsurrection contri'
rimpiété révolutionnaire, et jeté dans la prison de h
Coupe, aux Sabies-dOlonne.
Le temps qu'il y passa fut employé par le saint prêtn»
à confesser, exhorter, consoler ceux qui partageaient
sa captivité.
Voici les griefs relevés contre lui et transcrits sur les
registres de la Commission militaire des Sables, à la
date du 30 avril 1793 :
€ Petiot, Jacques ci-devant maire, curé, quarante-
huit ans, Saint-Hévérefjd, attroupé, a dit la messe à
Commequiers et à Vairé; a mangé avec U»s religieuses
à la Rociie-îiux-lU)ux; a suivi les brigands. •
Ce misérable Jargon <''tail un arrêt do mort, et ce mê-
me jour, 30 avril, le curé de Saint- Révérend allait
marcher à Téchafaud.
Dès le 6 de ce même mois, la guillotine avait été
dressée sur le Remblai, auprès de l'emplacement ac-
tuel du calvaire de la plage. C'est, de nos jours, un
terrain bien fréquenté, situé entn» le casino cl la plap\
Mlle y fonctionna jusqu'au H janvier de l'année sui-
vante, époque où, trop lente au gré de ses pour-
voyeurs, elle fut remplacée par la fusillade.
C'est sur ce terrain, désormais terre sainte pour la
piété, que funmt imniolé(\«^ aux fureurs impies de la Ré-
volution cent vingt-trois victimes, dont M. Petiot fut la
plus illustre et la plus touchante.
Il marcha calme, ferme et souriant, vers le lieu du
supplice, au milieu d(^ deux prisonniers, les soutenant
par ses paroles et son exemple.
Pendant la marche, il chanta d'une voix forte et
avec l'accent d'une grande piété cette strophe d'un
cantique du B. P. de Montfort :
Allons, mon âmn, allons
Au bonheur véritablo;
Aimons Jésus, aimons
Le bien le plus aimable,
L'amour I
Jésus est mon amour,
La nuit et le jour.
Arrivé en face de la guillotine, le condamné demande
à celui qui préside aux exécutions la faveur de mourir
le dernier, afln de pouvoir encourager, au moment dé-
cisif, ceux qui seraient exécutés avant lui.
Enfin, le dernier, il monte à Téchafaud pour re-
recevoir le coup fatal. Il baise, comme S. André, Tins-
Irument de son supplice, embrasse le bourreau et lui
fait présent de sa montre en or. Puis, le doux martyr
courbe sa tête sous le couteau, qui, fonctionnant avec
peine, frappa trois fois la victime avant de l'immoler.
Son corps fut jeté avec ceux des autres suppliciés dans
une large fosse creusée dans un angle du cimetière.
Cinquante ans plus tard, M. l'abbé Micliaud. curé des
Sables, fit élever dans le jardin du presbytère un mo-
nument funèbre aux victimes de 1793. Sur une des
faces de la croix en pierre on lit : t A la mémoire de
M. l'abbé Petiot, curé de Saint Révérend, et des autres
victimes de la Révolution inhumés en ce lieu »; sur
fautre face : t Allons, mon âme, allons au bonheur vé-
ritable * .
La piété sablaise est demeurée fidèle à la mémoire
du curé de Saint-Révérend, et de nos jours encore la
tombe de Jacques Petiot est vénérée comme celle d'un
martyr (1).
(1) D* après D. CHAMAnD, Guillon et le chanoine Prunier, le
docteur Petiteau, des Sables, a donné les détails suivants sur les
exécutions de cette triste époque : t Les condamnés à mort
étaient conduits dans les cachots du Minage, dont la sortie
ouvrait sur le chemin de la guillotine, c'est-à-dire sur le Rem-
blai. Les exécutions avaient presque toujours lieu le lendemain
de la condamnation. La veille, le fils du bourreau, un allemand,
venait mettre les fers aux condamnés. Les uns se plaignaient
avec amertume ou résistaient, d'autres, accablés de douleur,
étaient anéantis. Le lendemain, le greflîer lisait les arrêts aux
condamnée. Quelques instants après, le bourreau les liait par
couple; alors, escortés de gendarmes et d'un piquet de gardes-
nationaux, ils marchaient au lieu du supplice. Arrivés à vingt
pas de l'écbafaud, ils. s'arrêtaient; le bourreau et son fils com-
mençaient l'exécution par les premiers venus. Chaque exécution
durait une minute et quart Enfin, un tombereau s'avangait,
21
-s^-
JEAN-JOSEPH PICHARD
CURÉ DE CHASSAIS -L*KGLISE, EN SIGOURNAIS
1785-1794
M. Pichard était né à Poitiers. II exerça le ministère
dans le diocèse de Luçon. D'abord vicaire à Sainte-
Cécile, il fut ensuite nommé curé de Chassais, refusa
le serment à la Constitution et, pour obéir à Tarrêté
qui bannissait du département de la Vendée les prêtres
qui n'en étaient pas originaires, se retira dans sa ville
natale. Son attachement à l'Eglise ne tarda pas à le
rendre suspect : les autorités de la Vienne le firent
jeter en prison en 1793
Dans les premiers mois de 1794, on le conduisit avec
plusieurs autres prêtres à Rochefort, pour être déporté
à la Guyane.
Long et douloureux fut ce voyage de Poitiers à
Rochefort : « Nous voyagions, a écrit Tun d'eux, sur de
bien cruelles charrettes, à travers des avaries sans
cesse renaissantes, et nos haltes, sur toute la route,
ne se faisaient qu'en d'épouvantables cachots, partout
insultés et outragés. »
A leur arrivée au port de Rochefort, ils furent incar-
cérés, les uns dans les prisons de la ville, les autres
à bord d'un vieux vaisseau, nommé le Bonhomme-
Richard, qui servait de prison d'Etat. En ces divers
lieux de captivité, leurs peines s'aggravaient de jour
en jour, jusqu'à celui de l'embarquement qui y mettait
le comble. 11 commença vers le milieu de mars 1794
par un temps rigoureux. On les dépouilla de tout et on
les transporta sur le ponton les Deux- Associés^ navire
suivi de gens à flgures ignobles, sorte d'oiseaux de proie, qui ne
8*acbarnent que sur les cadavres. Ils jetaient dans le tombereau
les restes des suppliciés qu'ils dépouillaient de leurs vêtements
et jetaient dans une vaste fosse qu'ils recouvraient de chaux
vive. »
)Ë,mènagé pour la traite des noirs qu'il avaît faite pen-
dant de longues années. Ce ponton, avec le Wahsing"
ton, était réservé pour recevoir les prêtres destinés à
la déportation. Mais le séjour et le régime des détenus
étaient plus terribles et plus funestes aux prisonniers
des Deux-Associés qu'à ceux du Wahsington, Celui-ci,
sur deux cent-vingt déportés, n'en vit mourir que vingt
et dix-neuf envoyés à terre, tandis que les Deux-Asso^
ciés, sur quatre cent quatre-vingt-dix sept, en perdit
deux cent quarante-cinq et en plaça cent quarante -
quatre à l'hôpital, où plusieurs moururent encore. On
jugera des souffrances endurées par les malheureux
prêtres d'après les détails suivants, écrits par des vic-
times qui y ont souffert. Quelques heures après leur
arrivée sur les Deux Associés à la nuit tombante, trois
coups de sifflet se font entendre, puis, d'une voix
retentissante, un officier s'écrie : c En bas les déportés ,
d se coucher. »
Les victimes se dirigent vers le trou noir et béant de
Técoutille comme vers un tombeau destiné à les ense-
velir tout vivants. Sur tous les visages se lit un senti-
ment d'horreur. Mais, bieiitôt accablés d'outrages par
les matelots, les prisonniers précipitent leurs pas, s'en-
tassent vers l'étroite ouverture et roulent comme une
vague humaine au fond de leur cachot. Les geôliers
verrouillent alors les portes, mettent le pélard sur
Técoutille pour le fermer hermétiquement et abandon-
nent les prêtres à leur cruelle situation.
Gomment tenir dans cette étroite prison ? Comment
s'y organiser pour goûter un repos nécessaire? Les
uns se rendent sur les placets, les autres montent
dans les hamacs, le plus grand nombre s'étend sur le
plancher, où quelques-uns sont forcés de rester accrou-
pis dans la plus fatigante des positions.
Les malheureux, disent les annalistes, étaient pres-
sés comme des harengs en caque et le plus petit des
mouvements exigeait d'extrêmes efforts et d'inimagi-
nables précautions.
Mais écoutons un témoin oculaire :
t Nous n'avions presque pas d'air pour respirer,
puisqu'il était intercepté, à l'égard de ceux qui cou-
«-sé-
chaient sur le plancher, par des placets s*avançant au-
dessus de leur tète, et à Tégard de ceux qui, comme
des momies d'Egypte ou comme des morts dans un
caveau, étaient étendus sur les placets.
€ En effet, sur la hauteur de cinq pieds et demi qu'a-
vait notre cachot, ôtez, outre Tespace qu'occupaient
leurs tètes, l'épaisseur des deux sacs de nuit sur les-
quels elles reposaient, quelle distance trouverez-vous
entre leur flgure et les planches qui la dominaient ? Un
peu plus d'un pied.
« Je parle du plus grand nombre, car il y en avait
tels qui n'avaient pas plus de cinq à six pouces pour
respirer. C'étaient ceux qui étaient placés sous une
solive, et surtout sous une poutre, car, encore un
coup, il n'y avait aucun espace, et ces solives et pou-
tres étaient très multipliées et les dernières extrême-
ment épaisses et fortes de bois.
« J'ai couché durant longtemps, et pendant les plus
grandes chaleurs, sous une de ces poutres Outre le
terrible supplice de sentir mon haleine répercutée par
cet obstacle insupportable qui était si proche de ma
bouche, il y avait l'incommodité, non moins cruelle, de
ne pouvoir faire aucun mouvement, ni môme de sou-
lever tant soit peu la tête, une fois que j'étais encoffré
là-dessous, quelque pénible et douloureuse que fût
mon attitude ou quelque besoin que j'éprouvasse ; ou
si je faisais quelque mouvement involontaire pendant
les courts instants de sommeil que la nature dérobait
quelquefois, en dépit de la douleur, je courais risque
de me casser la tète contre l'inflexible ciel de ipon lit.
f Je ne puis me comparer en cet état cruel qu'à la
vendange sous le pressoir au moment où on va la
pressurer. On s'imagine bien que je ne sortis de là que
pour aller à l'hôpital et que je ne fus pas des derniers.
i Ceux d'entre nous qui n'étaient pas encaissés dans
ces étroites niches n'étaient pas pour cela mieux ca-
chés, ou plutôt ils l'étaient encore plus mal. Etendus
dans le milieu du cachot sur plusieurs lignes, ils ne
laissaient aucun espace vide, pas le plus petit passage
libre, en sorte qu'ils étaient nécessairement foulés aux
pieds par ceux qui voulaient aborder les placets, outre
que plusieurs avaient à leur proximité, et même tou-
chaient immédiatement, les puants baquets qui ser-
vaient de latrines à près de quatre cents hommes,
durant dix à onze heures de nuit. S^ils n'avaient pas de
placets au-dessus de leur tête, ils avaient, ce qui était
pis encore, des hamacs tendus les uns si près des
autres que ceux qui les occupaient se comprimaient
mutuellement d'une étrange manière ; des hamacs por-
tant deux hommes chacun, ce qui était auparavant
sans exemple, et par conséquent très affaissés et
incommodant excessivement ceux qui étaient au-des-
sous, lesquels leur servaient le plus souvent de mar-
chepied pour s'élancer dans leur couche douloureuse. *
« Il est facile de comprendre, comme Técrit M. Rous-
seau, que plusieurs infortunés cherchassent à respirer
en collant leur bouche contre les fentes de leur prison.
Ils tombaient bientôt comme les autres dans un état
spasmodique qu'ils regardaient comme Tavant-Coureur
d'une mort certaine.
« Le spectacle d'animaux qu'on ferait expirer lente-
ment sous des machines pneumatiques nous donne-
rait la plus juste idée des souffrances endurées par les
prêtres dans l'intérieur du vaisseau. »
t Quand nous étions enfermés sous la foi des clefs et
des verrous, reprend M. Labiche de Reignefort, c'en
était fait pour jusqu'au lendemain matin à pareille
heure, même dans les plus grands jours. Le tonnerre
eût grondé que nous ne l'eussions pas entendu, tant
c'était un épouvantable vacarme que celui que produi-
saient nécessairement quatre cents hommes qui cher-
chaient leurs places à tâtons, qui se heurtaient, se fou-
laient les uns les autres ! Il eût fait mille éclairs que
nous ne les eussions pas aperçus, tant étaient épaisses
les ténèbres au milieu desquelles nous errions au
hasard, comme des aveugles dépourvus de guides!
Nous eussions été fortement incommodés jusqu'à
perdre connaissance, nous eussions crié à l'aide, au
secours, nous eussions rendu le dermer soupir (et cela
est arrivé quelquefois^, qu'on ne nous eût donné ni
secours ni iiide, qu'on n'eût pas même su que nous en
réclamions. 9
^ 326 —
Qui ne comprendrait la terreur des prisonniers sur
le point d'être engloutis dans cet enfer après plusieurs
jours de détention. La crainte qu'ils avaient éprouvée
le premier soir se trouvait centuplée par une doulou-
reuse expérience.
L'entassement seul était si difïlcile ! Le contact hu-
main avec des hommes considérés comme des frères,
il est vrai, mais qui n'en portaient pas moins le poids
des misères inhérentes à noire nature: la malpropreté,
conséquence inévitable de ce contact, ne sufflt-il pas
pour expliquer la répugnance que notre auteur nous
peint en ces termes : « Qu'on juge si la perspective de
ces affreuses nuits devait nous effrayer ! Aussi leur
approche toute seule nous glaçait-elle d'épouvante. Tel
un malade, consumé par une fièvre ardente, qui voit
arriver l'heure du redoublement; ou plutôt, tel un mal-
heureux patient qu'on vient prendre pour le conduire
à Téchafaud.
€ Mais le moment fatal était-il venu? Quel supplice,
grand Dieu ! Quand ce n'eût été que Tair fétide et cor-
rompu et les exhalaison infectes et empoisonnées qui
sortaient de ce lieu empesté et qui, dès l'entrée, vous
saisissaient vivement l'odorat et vous portaient forte-
ment au cœur.
f Mais comment parvenir à sa place à travers les
hommes et les effets qui obstruaient ce lieu d'horreur?
Ce n'était partout sur le passage que sacs de nuit où
l'on allait buter; que mâts ou poteaux contre lesquels
on risquait de se casser la léte; que hamacs déjà occu-
pés, sous lesquels il fallait passer en se courbant
jusqu'à terre, et sans pouvoir se poser nulle part, à
moins de fouler quelques bras ou quelques jambes de
ceux qui étaient déjà étendus sur le plancher et de leur
faire jeter les hauts cris. On était en nage avant d'arri-
ver à sa place.
€ Y était-on parvenu à force de temps et d'efforts,
comment la distinguer de celle de ses voisins? car
il n'y avait aucune séparation, aucune ligne de dé-
marcation, et cependant si Ton se trompait de quelques
pouces, on dérangeait toute une ligne, et il se trouvait
quelqu'un qui se trouvait sans place.
« Dans un espace si étrangement borné, comment
faire les mouvements nécessaires pour se dépouiller
de ses habits ? Ou comment ne pas étouffer dans les
-327-
grandes chaleurs, si on ne les déposait? Gomment
prendre quelque repos, ayant les os (qui étaient pres-
que à nu chez la plupart) brisés ou moulus par les
planches, étant en outre inondés de sueur et dévorés
de poux, ayant perpétuellement le sang en ébullition,
éprouvant des démangeaisons si intolérables que nous
nous déchirions le corps sans ménagement comme
sans relâche.
• •
« Cette presse corrompait un air parcimonieusement
mesuré aux athlètes de la foi, et pour le purifler on
employait d'étranges moyens. Tous les matins, mais
au moment seulement où les malheureux allaient vider
leur cachot, on les exposait à la plus barbare des fumi-
gations. Les matelots apportaient un petit tonneau
plein de goudron, dans lequel ils plongeaient deux ou
trois boulets tellement rouges qu'ils produisaient quel-
quefois, au milieu des épaisses ténèbres, un flamme
subite aussi dangereuse qu'eff'rayante. On se hâtait de
réteindre, il est vrai, mais ce qu'on ne cherchait point
à arrêter, ou plutôt ce qu'on avait eu pour but de pro-
duire, c'était une fumée épaisse et une odeur forte et
acre qui se répandait par flots dans notre cachot et qui,
pour prévenir la maladie, commençait par donner la
mort aux infortunés Aussitôt, chacun de tousser, de
moucher, de cracher, souvent jusqu'à convulsion.
Encore si l'on eût permis à ceux que cette fumée
incommodait le plus de sortir ; mais une pareille
grâce était presque sans exemple, il fallait la respirer,
dùton cracher le sang, dùt-on rendre l'âme au milieu
des efforts et des convulsions qu'elle occasionnait. »
€ Tel était le terrible dédommagement qu'on nous
donnait régulièrement chaque matin, dit M. de La-
biche, des cruelles nuits qu'on nous faisait passer, et
telles étaient ces nuits elles-mêmes! Faut-il s'étonner
qu'elles nous fussent si funestes, que tels d'entre nous,
qui étaient entrés le soir au cachot sans aucun symp-
tôme de maladie prochaine, fussent trouvés le lende-
main défaillants et presque sans vie, et que les maladies
les plus terribles lissent parmi nous de si rapides et de
si incroyables ravages ? >
Ces récits embleront peut-être à quelques-uns des
— 398 —
nos lecteurs imaginés pour le besoin de la cause. Nous
renvoyons ceux qui ne voudraient pas croire à tant de
cruautés aux documents officiels qui confirment point
par point le récit de M. de Labiche de Reignefort.
Les Archives de la Médecine navale renferment un
rapport fort intéressant fait par un chirurgien, d'après
les ordres du Comité chargé de veiller à la salubrité du
port de Rochefort. L'épidémie qui décimait les prêtres
à bord des Deux-Associés commençait à gagner l'équi-
page. Il fallait bien aviser pour sauvegarder la santé
des matelots. Un chirurgien de première classe fut dé-
légué par le Comité.
11 vint à bord des vaisseaux, et malgré les précau-
tions dont il s'entoura, à peine fut-il descendu dans
l'entrepont qu'il fut obligé de s'arrêter, et suffoqué par
l'air méphitique dont il fut entouré, il remonta en di-
sant à haute voix : « Si on mettait là quatre cents
chiens, pendant une nuit seulement^ le lendemain on
les trouverait morts ou enragés. *
M. Pichard, déjà usé par les privations et un empri-
sonnement de prés de deux années, ne put résister
longtemps à de telles tortures. Il mourut dans la nuit
du tl août 1794, âgé seulement de trente-neuf ans. Son
corps fut inhumé dans l'île Madame (1), où gisent
encore les ossements sacrés de deux cent soixante-
quatorze prêtres, véritables martyrs de la foi.
(1) Un étranger, parcourant cette île, vit un jour un paysan de
Saintc-Soulle, agenouillé et faisant sa prière. Il lui demande la
raison de cet acte religieux : t Eh ! quoi, répond le pieux chré-
tien, vous ne savez donc pas que c'est ici que sont enterrés les
saints? >
Il y a plusieurs centaines de ces tombes dans l'ile Madame!
JEAN-FRANÇOIS POIRAUD
CURÉ DU CHATEAU-D'OLONNE
1769-1794
Il est de tradition, parmi les anciens de Tllfe de Noir-
moutier, qu'un prêtre, nommé François Poiraud, pri-
sonnier dans Téglise de cette ville aux jours de la Ter-
reur et atteint d'une fluxion de poitrine, avait été trans-
porté chez une dame charitable pour y être soigné.
Là, il reçut des confessions nombreuses et remplit,
autant que son état le lui permettait, ses devoirs de
prêtre. Dénoncé pour ces faits, il fut ramené dans
l'église où il expira, peu de jours après, sur les marches
de la chapelle de Saint-Philbert, soit dans Tescalier du
côté de l'Evangile, le seul existant à cette époque.
M. Bourloton, héritier des notes de M. l'abbé Pontde-
vie, complète comme suit les lignes précédentes :
« Le prêtre si inhumainement traité ne peut être que
Tabbè Poiraud (Jean-François), et le fait se passa, non
en 1793, comme le veut la tradition noirmoutrine, mais
le 19 floréal an II, soit le 8 mai 1794.
« M. Poiraud, né en 1789, vicaire de Noirmoutier de
mars 1785 à novembre 1788, curé du Ghâteau-d'Olonne
d'avril 1789 à novembre 1790, dut cesser le ministère
actif par suite de maladie, et se retira comme prêtre
habitué à Saint-Georges-de-Pointindoux.
f Le 5 avril 1794, après dénonciation, il fut traduit
devant la commission militaire des Sables d'Olonne,
retenu prisonnier pour complément d'enquête, expédié
à nie de la Montagne (1) le 28 avril, avec soixante deux
suspects et vingt-cinq t brigands ».
€ Réclamé le 8 mai par M"' Jolly pour être soigné, il
fut réintégré le môme jour dans l'église, parce qu'on
venait d'apprendre qu'il était prêtre, et y mourut vrai-
(i) C'est ainsi que la Bépublique appelait Tile de Noirmoutier.
-330 —
semblablement le soir même, puisqu'on n'a plus eu
aucune nouvelle de lui depuis cette date.
t II ne faut pas le confondre avec l'abbé François-
Paul Payraud, chapelain de l'Epine depuis 1764, émi-
gré en Wesphalie, rentré dans Tile en 1800, et mort à
Noirmoutier le 27 avril 1801. »
N'est-ce pas un merveilleux et consolant spectacle
que celui de ce prêtre râlant, qui oublie, à l'exemple du
divin Sauveur, ses propres souffrances pour ne penser
qu'au salut des autres, qu'il absout malgré sa maladie
grave ? Quel admirable sujet de tableau, et ne serait-il
pas juste qu'une plaque commémorative de ce fait fût
placée à Tendroit où est mort cet ancien vicaire de Noir-
moutier, prêtre jusqu'au bout et martyr du devoir (1) ?
(1) Dr Viaud-Grànomaraib. Echo de SaitU-Philbcrt.
— 331 —
RENÉ-CHARLES LOUVART DE PONTLEVOYE
PRÊTRE-PRIEUR DE CHATEAUDUN, AUMONIER DE LA
GARDE NATIONALE DE FONTENAY
1759-1794
Le 11 novembre 1789, naissait René-Charles; son
père, François de Louvart, seigneur de Pontlevoye, pos-
sédait une propriété à Réaumur (Vendée), qu'il habitait
en la belle saison et où est né Tabbé (à la Révolution
tout fut brûlé, saccagé et vendu par parcelle), mais Tha-
bitation ordinaire était à Paris, un hôtel grand et con-
fortable, situé près de Saint-Sulpice, rue des Mauvaises-
Paroles (rue disparue aujourd'hui)
Le grand -père de Tenfant, Pierre -Louis Louvart,
écuyer, seigneur de Pontlevoye, était mort après avoir
servi près de onze ans aux Mousquetaires. 11 avait pris
part glorieusement à plusieurs batailles, son congé
avait été signé par le marquis de Vins, lieutenant-
général, au lendemain de la bataille de Malplaquet dont
il était revenu très éclopé, mais avec des souvenirs
brillants et des éloges flatteurs sur sa valeur et son
courage militaires.
La mère de l'enfant était d'Alençon, Marie-Made-
leine de Marigné. Elle apportait à son mari une fortune
considérable pour Tépoque. C'était une femme très
aimable, douée, disait on, de toutes les qualités du
cœur et de Tesprit, ce qui donnait à son foyer un
charme dont restaient imprégnés ses enfants.
Pendant que les lils aînés, pour continuer les tradi-
tions de la famille, se préparaient à la carrière des ar-
mes, le dernier, René-Charles, d'une santé plus délicate,
restait près de sa mère, tout en faisant facilement et
brillamment ses études à Paris, ses parents le desti-
naient à la clérica'ure; leurs relations à la Cour, leur
situation de famille leur assuraient pour celui-ci uu
— 332 -
tL bénéfice ». Le futur aljbé i^tail olevô dans ua miU^
très élégant (i).
Au contact journalier de sa méiv, l^euraul '
prendr<^ Thabitude d'ime grande jj;ùnén*sUé et u
aussi rexttrnpiB d'unt? piété très vive. Au momenl oi
René-Charles, Agé de onze ans, devait, choisir sa voca-
tion, sa mère lui donna de beaux exemples de eharib^
envers les défunts. Elle fonda, le 18 juillet 1770. r
moire d'une tante, Fierrabras des Mottes, rnorte .j .
çon sans postérité, un salut du Saint-SacremenL
A Toecasion de la mort de eette tante, elle donniit
encore, de concert avec ses cousines» la somme de trob
cents livrefi aux pauvres Capucins, à «î ' !«.
quanlo messes et un service au jour , . la
famille
i Aux pauvres religieuses de Sainte-Clâîrc la somme
de trois cents livres à charge de faire dire â perpeluîlé
un service dans leur église avec une communion d€
toutes les religieuses, et en avertiront la famille,
« A rhùpital d'Alençon trois cents livres à coadIUoci
qu'ils feront faire un service et la communion tant des
sœurs que des pauvres à Tintention de la dite dame.
• Donné aux pauvres d'Aleneon cent livres, plus à ht
marmite des pauvres cent livres (rraprès un règlement
de compte existant).
• Donne à l'église paroissiale d'Hauterive la somioe
de mille livres pour aider â avoir un vicaire en la dite
(1) Voici d'après un inveotaire «le Tcpoquo le molûlif^r d'ufl
salou fmsilial :
« Dans Jtt s;allp d'entrée deux rideaux de portière do moquet^v,
deux fnurpuiU do i^ommodiié à accotoires garnies ; deux fauteuiU
do gros poinlii â nccuioires caanclees; trois labuurel» garois de
plumcïi; un Ht de repos gari»i de broquart; un miroir loui dtf
glace; uae table de placage â îlour*", etc., etc. w
D'après ce mùme iuve maire voici le mobilier d*utio cb&nillK
qui devait cHre celle du jeune abbé :
« Deux rideaux de portière ; quatre fautouilft et la chaiêe do
point d'Angleterre; une table à jour garnie de mpisgen'-; nu îii^til
bureau en placage ; quatre tabourets de point d'A ^
doux de veloupft; un peiit portrait ilu roi en êiaïu. à p*- ^ , .y,, mî»
roir de glace ; uu grand périrait de Notre-Dame j u» lit de âcrgu
grise figurée de rubauâ bluut», composé du iiui& d<d Ul A la du*
cbe^âe, etc., ©ic.
paroisse, (Jui célébrera et dira tous les dimanches et
fêtes une première messe et la recommandation de
Tàme de la dite dame à Toffertoire et pour sa famille. »
La cousine-germaine de sa mère, qui était veuve de
Nicolas Girard, écuyer aux chevau- légers de la garde
du Roy, donnait aussi pour l'œuvre cinq cents livres;
et une autre de ses cousines germaines, veuve de Nico-
las Boullay, seigneur de Blesbourg, conseiller du Roy,
lieutenant-général en la ville d'Alençon, donnait aussi
cinq cents livres pour un fonds à l'intention du dit
sieur vicaire dont la nomination se fera par le dit sieur
curé et la famille.
Une épitaphe à un pilier de cette église faisait men-
tion de cette fondation (1).
Ceci dit pour montrer les habitudes du milieu où
s'élevait le jeune abbé qui continuait ses études tout
en fréquentant une nombreuse société dont plusieurs
parents avaient des charges à la Cour.
Des lettres dimissoriales (datées du 8 décembre 1782),
accordées par M«'' TEvêque de Luçon, lui permettaient
de recevoir le sous-diaconat des mains de TArchevô-
que de Paris. A vingt-deux ans il était prêtre, et immé-
diatement nommé prieur commendataire de Tabbaye
du Saint-Sépulcre de Ghâteaudun.
Le contact de la bonne société, son esprit naturelle-
ment ouvert avaient fait de lui un abbé spirituel et
charmeur, au cœur généreux sans compter; il conti-
nuait de vivre à Paris dans cette société de la fin du
xviir siècle, où il apportait son appoint de gaîté heu-
reuse, d'esprit fin et délié. Le 2 janvier 1788, il se fait
recevoir licencié en théologie de la maison et société
royale de Navarre. Tout semblait arriver au gré de ses
(1) Pour renterrement de cette dame Fierrabras des Mottes,
dans des comptes du temps, on trouve qu*elle avait payé :
pour l'annuel deux cents livres ;
pour l'enterrement quatre-vingt-dix livres cinq sols ;
pour la capitation cinquante-quatre livres ;
au confesseur vingt livres ;
pour serge dont on a revêtu douze femmes, cinquante-quatre li-
vres douze sols ; pour la cire soixante -trois livres ; toile à mettre
à la croix vingt-deux livres huit sols.
Toutes sommes qui représentaient pour l'époque une généro-
sité très large.
désirs, tl était jeune, encore à cet âge où les regreU
n'assombrissent pas le cœur, où l'avenir se pare des
plus belles espérances, qui paraissaient bien solide-
ment appuyées par la haute situation de sa famille et
les heureux dons de sa nature. Dieu semblait se com-
plaire à lui montrer la vie dans ce qu'elle peut avoir
de plus brillant et de plus heureux, sans doute pour lui
faire goûter plus profondément une à une toutes les
amertumes dont bientôt il va être abreuvé jusqu'à sa
mort.
Le jeune abbé, qui ne s'occupait point des alOTaires
d'argent, avait pris à Paris un régisseur général pour
les revenus de son abbaye, lequel régisseur (M. Ber-
nier) tenait en même temps l'hôtel Saint-Pierre, rue
des Cordeliers; son régisseur lui présente un compte
(qui existe encore) où, à la suite des revenus, terres,
bois et autres rendements du prieuré, se montant à
trois mille trois cent six livres onze sols, les dépenses
faites à ce même prieuré en entretien, largesses et
divers, se montent à trois mille trois cent trente livres !
Ainsi les dépenses étaient plus considérables que le
revenu. Un mémoire est fait pour l'abbé où, à cause de
ses terres et seigneuries du Saint-Sépulcre réunies à
la ville de Châleaudun, de Gardebuche, de la Boiteuse,
etc , sur lesquelles il a le droit de haute, moyenne et
de basse justice et autres droits seigneuriaux, et puis-
que Je bénéfice de l'abbaye est maintenant à la nomi-
nation de sa Majesté, qu'il est d'une grande consé-
quence d'en conserver tous les droits, c'est pourquoi,
dit le mémoire, l'abbé de Pontlevoye, qui est d'une
famille noble et ancienne, toujours distinguée par son
zélé et sa fidélité au service de Majesté, et qui désire
conserver en son intégrité un bénéfice qu'il tient de
ses bontés, demande qu'il lui soit accordé le droit de
tabellionage et de notariat à raison de son prieuré.
L'orage grondait sur toutes les anciennes institu-
tions. La métairie de la Guillaumerie qui, depuis 1489,
payait au prieuré une rente de dix muids de bons
grains et trente-deux sols six deniers, refusait toute
redevance. G était le commencement de 1789. Ses pa-
rentS| trop âgés pour songer à émigrer sans ressource
el sans crédit, cherchant un peu de sécurité, se réfu-
gient à Fontenay-le-Peuple (le Comte) et se faisaient
entrepositeurs des tabacs dans une maison de modeste
apparence, rue des Loges, paroisse Saint-Jean.
Des frères aînés de notre abbé, l'un était à Saint-
Domingue premier aide-de-camp du comte de Peigné,
gouverneur de l'île, où il allait se battre bravement et
perdre toute la fortune qu'il avait acquise dans l'île,
dans le soulèvement de Toussaint Louverture.
Un autre était revenu des Indes Orientales en 1785,
après y avoir fait toutes les campagnes sous les ami-
raux de Bussy et de Suffren comme capitaine de ca-
nonniers, ayant eu leurs éloges sur le champ de bataille,
il venait d'être nommé officier au régiment d'Aqui-
taine (1) et restait à Paris, y trouvant son devoir; pro-
fondément dévoué au Roy et s'employant avec ardeur
à sa cause ; en 1789, il était nommé électeur de la no-
blesse de Paris. Notre abbé était à Fontenay, près de
ses parents, consolant leurs cheveux blancs des amères
tristesses de l'époque, tâchant de payer les notes qu'on
lui envoyait de Paris; la dernière fut payée le 1*' juillet
1790, la somme de quatre cent trente et-une livres un
soi à son tailleur M. Dupré.
Dans une lettre du 7 avril 1790, qu'il écrit à son
régisseur à Paris, il manifeste l'envie de revenir un
peu à Paris; il voyagera avec son frère François (celui
qui était de retour des Indes et qui était venu voir
ses parents à Fontenay); l'abbé paraît encore ne déses-
pérer de rien; il ira, dit -il, s'établir dans son abbaye si
sa santé le lui permet; il off*re même à son régisseur
de s'employer à lui rendre le service de faire rentrer la
créance d'un apothicaire.
Il se trouva à Paris à la grande fête de la fédération,
il s'ancra dans l'espoir que tout pouvait s'arranger;
il revint à Fontenay avec ses belles illusions ; son ama-
bilité aisée, ses dispositions si conciliantes séduisi-
rent à Fontenay même les autorités de l'époque. Il
était nommé aumônier de la garde nationale de Fonte-
nay et comme tel assista à la cérémonie de Notre-
Dame.
(1) Nommé peu après lieutenant de maréchaussée, à ToU'
lOttSO.
Bîenlôl, éclaire, sans doute, sur lo trirsle rôlo qu'an
lui deaiandoraii, il dul. quitter Fontonay.
Un papier de justice, tirnlire du 20 juillet 1791, nouj?
montre qu'il était à Châteauilun, rue ilu Lion-d'Or^ pa*
roisse Saint- Valérie, où des ouvriers démocrates qu'il
avait obligés envoient • assignation au ci-devani abbé
Louvart-Pontlevoye d'avoir à leur remettre cinquaule-
deux livres au sujet de sa cy-devant abbaye de Châ-
teaudun ».
Il revint tristement à Fonlenay ; les ari^oiss<*s de toute
sorte s'accumulaient chaque jour plus aiguës; dans la
Jamillo on était sans nouvelle de son frère François
qu'il aireclionnait tendrement et qui était dans tous les
périls de la eapitale. Ce dernier écrivait, le 4 mars
1792j très éoura^eusement, une adresse au pcaiple
franeais pour sauver le roi, laquelle servit plus tard de
chef d'accusation contre le malheureux Louis XVI. La
santé de ses parents, âges de prés de soixante dix ans,
périclitait dans les navrantes incertitudes du lende-
main; la midadie, la misère et la mort devaient enlever
à la guillotine ces deux nobles têtes (5 et 7 nrinîm*
17931.
En 1792, Tabbé de l'onilevoye avait dû, non-ou,
se lier avec Tabb** Paillon, en ce temps à Fontenay ; lui
aussi avait lait ses études à Paris; conciliants, tous les
deux, plus que d'autres ils auraient mis la paix, si lu
tempête n'eût souflle avec tant de violence.
Six éner^uniènes dénoncent le citoyen Louvari-
Pontlevoye, il est incarcéré et t condamne à la dépor-
tation avec les citoyens Gandillun, Paillon, La Cou*
draye et autres », et mené en eriminel aux Sables, atiu
d'y être embarqué pour TEspagne, le 9 septembre 1791
Dans un inventaire fait à la mort de ses parents el
qui constate un assez misérable mobilier, la chanibro
de l'ablie se composait « (Vun lit a balliére, contenant
une couverture de cutou blanc, un rideau de colon
rouge, une table couverte d'un vieux tapis do diver-
ses couleurs, un fauteuil matelasse à anciens clous
dorés, un instrument de musique, ap])ele épinette,
etc., j
L'abbé de Pontlevoye arrivait malade à Salauder et
y mourait pieusement en 179'j. Dieu lui avait donne le
temps de méditer, dans la maladie et la misère, corn»
bien sont vaines les esperanees des hommes j le Sei-
-337-
gneur souffle sur les avenirs les plus assurés et tout
s'écroule lamentablement..., mais Dieu eut la bonté de
lui mettre au cœur quelques-unes de ces consolations
divines qui éclairent parfois d'un rayon céleste les
derniers jours de notre existence avant de goûter
les grandes joies du paradis (i).
(i)M. Simon de Pontlevoye, qui habite le château de Velaudin
(Bazoges-en-Pare4s}, est le seul en France, dans la ligne mascu-
line, représentant cette famille.
Nous sommes redevable de cette notice à M. de Pontlevoye
que nous remercions aussi pour les autres documents qu*il a
bien voulu nous communiquer.
22
-àâ8-
PIERRE-JEAN POTEL
CURÉ DB SAINT-JEAN-BAPTISTE DE tfONTAIGU
1790
M. Potel était originaire de Gandé, en Anjou. Son
frère, procureur prés le Parlement de Paris, fut chargé
de défendre les intérêts de Thôpital de Montaigu, lors
de son procès avec Charles-Antoine Durcot, seigneur
de Puy tesson en 1776.
La première signature de M. Potel sur les registres
paroissiaux est du 10 octobre 1768; c'est donc à cette
date qu'il prit possession de la cure de Saint-Jean-Bap-
tiste de Montaigu.
Le 20 juin 1790, à Tissue des vêpres, M. le curé Potel,
accompagné de MM du chapitre de Saint-Maurice, et
de concert avec les curés de Saint-Jacques et de Saint-
Nicolas, bénit solennellement un nouveau cimetière,
situé prés l'église Saint-Jacques.
La cérémonie eut lieu par une après-midi des plus
chaudes. M. le curé, exposé aux rayons d'un soleil
ardent, fit à ses paroissiens un sermon sur la fragilité
de la vie humaine :
« Chrétiens, mes frères, s'était-il écrié, nos jours
s'évanouissent comme la fumée. La vie de Thomme sur
cette terre est le passage d'une ombre. Peut-être moi
qui vous parle, oui, moi peut-être le premier, je vous
précéderai dans cette nouvelle demeure. Puissé-je, ô
mon Dieu, l'inaugurer heureusement et y trouver le
repos éternel (1)1 »
Paroles de circonstance auxquelles les événements
donnèrent un caractère prophétique. M. le curé avait,
en effet, été frappé là d'une insolation dont il mourut,
le 17 septembre suivant.
(1) Paroles rapportées par Duoabt-Matifbux qui les tenait
d'ua témoin.
ïl fut le troisième enterré dans le cimetière qu'il ve-
nait de bénir (i).
(!) Nous devons cette notice et plusieurs autres à l'extrême
obligeance de M. le D' Mignen, de Montaigu, qui a bien voulu
nous faire profiter du fruit de ses recherches.
— 340 —
CHARLES-DOMINIQUE PODLAIN
CURÉ DE TREIZE -SEPTIERS
ET DE SAINT -NICOLAS' DE MONTAIGU
1793
Charles-Dominique Poulain était venu du diocèse de
Saint-Malo. Il fut d'abord curé de Treize Sep tiers de
1775 à 1782 (1), puis de Saint-Nicolas de Montaigu de
janvier 1782 jusqu'à sa mort, en octobre 1793. Il avait
permuté avec M. Hugron, d'abord curé de Saint-Nico-
las de Montaigu et ensuite de Treize-Septiers.
M. Poulain eut le malheur de se laisser séduire par
les idées révolutionnaires et fraternisait avec les fau-
teurs de la Constitution civile à laquelle il prêta volon-
tiers serment. Mais, ayant reconnu bientôt son erreur,
il la répara par un sincère et éclatant repentir.
Il voulut rétracter le serment prêté et se sépara
plibliquement des frères et amis, t Vous m'avez con-
duit, leur dit-il, jusqu'aux portes de l'enfer, mais je
donnerai ma vie pour ne pas y entrer. »
Il devait tenir parole.
Cette énergique déclaration ameuta contre lui toutes
les haines de ses anciens amis, elle le voua à la persé-
cution et au martyre. Obligé de fuir de Montaigu,
occupé sans cesse par des troupes républicaines, il alla
se cacher dans la paroisse de la Brulliére.
Mais, en octobre 1793, M. Poulain y fut découvert par
une patrouille républicaine de larmt'e du Nord et, bien
que paralyse, amené à Montaigu et fusillé sur le pont
Saint-Nicolas. On jeta son corps à la rivière. Le cada-
vre, emporte par les eaux, fut recueilli par un meunier
et inhume sur les bords de la Maine.
(l) Au mois de jainier !T78, M. Poulain perdit une tante,
Jeanne Hainon, ?«pur du tiers-onln» ilo S. Dominique, qui vivait
avec lui au prt^shyit're «le Treize-S^-pàers, ain^i que sa mére,
décédée le 7 octobre 177*2.
i
— 341 — :*
Au mois de mai 182B, M. Sidoli, curé de Montaigu, J
voulant donner aux restes du martyr une sépulture
chrétienne, les fit rechercher. Mais le courant avait
miné le terrain et emporté le cadavre.
Des témoins certifièrent avoir vu, vingt ans aupa-
ravant, des ossements surnager et entraînés par les
eaux.
M. Poulain fut le dernier curé de Saint -Nicolas de
Montaigu (1).
(i) M. le D*" MiGNEN a retrouvé l'acte suivant, qui prouve le
passage de M. Poulain à la cure de Saint-Nicolas : « Messire
Charles-Dominique Poulain, prêtre et cure de la paroisse de
Saint-Nicolas de Montaigu, afferme à Pierre Hervouet, laboureur, »
demeurant à la Bougonuière, paroisse de Saint-Hilaire-de-Lou- '
lay, pour trois années à partir de la Saint-Georges 1790, son '|
bénéfice, appelé Lazard, situé paroisse de Saint-Hilaire-de-Lou- i
lay, consistant en vingt boisselées de terre, tant en pré qu'en .
terres labourables, avec une maison y joignant, qui jadis était j
une chapelle, moyennant le prix annuel de 86 livres et trois |
charrois de bœufs et charrette par chacun an, à la volofité du )?
bailleur. Fait et passé au presbytère dudit Poulain, le 26 janvier ,'
1790. » Signé Poulain, curé de Saint-Nicolas; Trastoor, notaire ï
royal; Musset, notaire royal, pour registre. ' •'
Cette ferme ne put parvenir à son échéance à cause de la ^
Révolution. Les terres qui constituaient le temporel de la cha-
pelle Saint-Lazare furent vendues nationalement le 22 février 1791,
pour la somme de 3,525 livres. Quant à la chapelle elle-même,
ajoute le D' Mignen, auquel nous devons cette notice, il n'en
reste plus rien. Bâtie au fond du vallon, sur le bord même du
chemin du Moyen- Age, ce n'était qu'une très modeste habitation
qui, comme l'indique la ferme susdite, ne servait plus au culte
longtemps avant la Révolution.
— 34i »
MCQUËS-GALtltlEL KAIMBEUT
GUné DE LA LIMOUZINIÈRK
1795
Lf^ 16 février I7fi2, le si pur Siniou Gonpilleati, notaire
aposloliquo «le Saiiit-Gillns-sur-Vie, rédigeait le titre
clérical de Jact^ues r:;ihri»'î n;rftnin'rt, clerc Lousure, né
à Vairè.
Ce jeune clerc fut urunïmc iueLrc a NôtU de i7H3, cl,
quelques semaines après, nommé vicaire au Granil-Luc,
En février 1779, il fut appelé a la cure de la Limou/.i-
niére, vacante par la mort de M. Thibaudeau, qui Toc-
cupait depuis 1767* Lorsqu'après le refus du serment
îï la Constitution civile la situation ne fut plus tenable
pour tes prêtres lidèles, M. Haimberl apposa une der^
nitre fois sa sif^nature sur le registre paroissial, et
quelques jours après, le 25 juillet 1792, sans attentlre
le décret de proscription, se présenta aux Sables avec
quelques confrères pour s'embarquer sur le sloop la
Prooidence.
Los vents contraires ayant retardé le départ, Ja mu^
nicipalité des Sables songea à interner les prétre.s à
Fontenay. A leurs prières, le capitaine prit la mer et
les conduisit h Saint-Sébastien, où ils vendirent une
cargaison de sel, embarquée pour se créer des ressour-
ces à l'arrivée en Espagne.
L'un des passagers, M. Gandin, vicaire de GoCx, écri-
vait, le 1% septembre suivant, â sa mère : t J'ai trouvé
abondants le repos et la tranquillité que j'ai cherchés
sur une terre étrangère. Vous savez que M. Raiuibert
partage mou bonheur. »
Les deux amis habitaient Briones dans la Vieille-Cas»
tille, sur les bords de l'Ebre, à vingt-huit lieues de
Saint-Sebastien.
M. Baimbert mourut en exil dans les premiers mois
de l79o. Le 2 juin de cette année, M«' de ^î ' >i\
son éloge eu écrivant a M. Paillon : « Je re^ i a*
- 343-
ment la mort de trois de mes frères, particulièrement
celle de rexcellent curé de la Limouzinière, annoncée
dans votre lettre du 17 avril (1). »
(I) M. BouRLOTOB. Revtie du Bas-Poitou, 1900.
— 3i4-«
FRANÇOIS-JOSEPH RELIQUET
CURÉ 0£ LA BOISSIËRS-DE-MONTAIGU
Décembre 1793
M. Reliquet, né à Vieille vigne en 17i8, était curé de
la Boissière-de-Montaigu bien avant l'époque de la
Révolution, car on trouve sa signature dés 1784 sur les
registres de cette paroisse. Obligé de quitter la Bois-
sière pour avoir refusé le serment, il se retira à Vieil-
levigne, au village de l'Hommetiére, jusqu'au moment
où il suivit la grande armée, dans laquelle son frère
Gabriel avait un commandement, lors de la défaite de
Ghallans, le 13 avril 1793.
Il revint de nouveau se réfugier à rHommetiére
dans Tune de ses propriétés, et s*y tint caché ou bien
dans la campagne autour de Vieillevigne, dans la par-
tie opposée à Montaigu, où était une garnison républi-
caine. Mais toujours pourchassé par les Bleus, M. Reli-
quet se vit obligé de quitter le pays et de regagner
l'armée d'Anjou. Il passa la Loire, accompagnant plu-
sieurs de ses paroissiens et quelques hommes de Vieil-
levigne, parmi lesquels il avait un parent, IL Guéraud,
et les deux enfants de celui-ci.
Dans la déroute de Savenay, il trouva la mort avec
un grand nombre de Vendéens, le 21 décembre 1793,
ainsi qu'il résulte d'un certificat notarié en date du 9
prairial, an VIII (1).
(!) D'après M. Pontdevie et M. BomDEAUT, vicaire de Vieille-
vigne.
-348-
JEAN-BAPTISTE REMAUD
CURÉ DES CLOUZEAUX (1)
1794
La religieuse paroisse de Chavagnes-en-Paillers
donna naissance à M. Remaud, curé aux Glouzeaux en
1786. En 1791, il consigna sur le registre paroissial ce
qui suit au sujet du serment constitutionnel :
« Aujourd'hui, 20 février 1791, en chaire, à notre
messe paroissiale, après avoir fait mon prône ordinaire,
j'ai fait le serment civique exigé du clergé de France par
les laïques de l'Assemblée nationale : Je jure de veiller
avec soin sur les fidèles dont la conduite m'est ou me
sera confiée par l'Eglise, d'être fidèle à la nation, à la
loi et au roi, de maintenir de tout mon pouvoir la Con-
stitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée
par le Roi, tout ce qui est de la compétence de l'Assem-
blée, sous la réserve expresse des droits de la sainte
Eglise catholique, apostolique et romaine, dans son
régime spirituel.
c Remaud,
« curé des Clouzeaux. »
Cette formule, en effet, était loin de satisfaire Tauto-
rité civile et M. Remaud, se considérant comme démis-
sionnaire, régla ses comptes avec la fabrique, le 10
août 1791, en lui remettant dix- huit livres, recueillies à
l'église comme oblations depuis le 20 juillet et dont
un reçu fut signé au sieur Remaud, ci-devant curé.
Le bon pasteur s'éloigna le moins possible des Clou-
zeaux pour se tenir à la disposition de ses paroissiens,
disant la messe chez les dames de la Blanchére en
Sainte-Flaive. Ces dames ayant été massacrées chez
(1) Un autre M. Remaud, Pierre-Marie, son neveu, était curé
de Ghavagnes-en-Paillers et mourut en 1801. M. Baudouin lui
succéda. Un autre était vicaire de Ghavagnes.
elles^ il se cacha tour à tour u wnbriillùYt*^, u u
rAurioliôre, puis A Ghal^^ne-Vert et à la P;- ni
prés de Nioul-lc-DoU»uL
Ealla ceclanl aux conseils ili.» sa servante, originaire
comme lui de Chavagnes-eii-PaillorH, il se réfugia dans
sa paroisse natal e.
Ceux de ses confrères qui traversaient Chàvaprnrà
pour se rendre ii an porld*embarquemfnl tt»|)ressaieut
de les suivre. Maïs il refusa d*: i[iiiUer le»; dfux îihhrs
Fîcmaud, ses n«?veux, curtî et vicain* à Chav,
ainsi que M. Dolbecq^ curé de Saiiile-Cêcile, el M. tn n*
laud, curé de Sainl-Fulgent, rclirês auprès d'eux. Lors*
qup les ressources c*omnunies furent épuisées, Us
eurent recours à la charile des âmes pieuses.
Un jour la garde naliouale des Herbiers survînt «
l'improviste pour arrêter ces prêtres. Grfteo a des
déguisements ils réussirent îï traverser les pontes qui
cernaient le presbytère et ils se cachèrent daas les
bois où des amis leur apportaient la nourriture.
Mais des chasseurs ayant découvert leur n " i^
curé des Clouzeaux et celui de Chavaguos i al
au bourg et y passèrent la fin de la terrible année
1793, Au commencement de 1794, par crainte des co-
lonnes infernales, le curé des Clouzeaux se réfugia
dans la paroisse des Essarls.
Il disait la messe dans un grenier du logis do la Vri-
gnonnière quand on vint le prévenir de Tarrivéo d*tiii
détachement de cavalerie républicaine. Ayant voulu
s'assurer du fait, il tomba au milieu de ses ennemis et
fut égorgé a Tinstant Les Bleus cruels, pour assouvir
leur haine, lui arrachèrent la langue et mirent son
corps en lambeaux. U fut enterré dans la prairie voi-
sine du Logis. C'est ainsi que termina ses jours ce Lion
prêtre qui avait voulu remplir jusqu*à la tin ses devoirs
de pasteur.
c LVUleution et le respect des fidèles, dit M. Prunier,
restèrent tournés vers cette tombe vénérable et le peu-
ple crut y voir comme un rayonnement miraculeux de
gloire. C'est la tradition locale, dit M. Tabbé Grolleau,
curé des Essarls, que de nombreux témoins ont aperçu,
le soir, une lumière mystérieuse brillant sur les reslêâ
-347 —
de ce prêtre immolé en haine de son caractère sacer-
dotal.
« Vers !840, M"* Jaud, propriétaire du manoir de la
Vrignonnière, avait observé que Therbe ne poussait
janoiais sur la tombe de M. Remaud. Frappée de ce
phénomène, elle eut l'idée de faire exhumer le corps
du martyr. On le trouva dans un état de parfaite con-
servation, mais au premier contact, les chairs tombè-
rent en poussière, et il ne reste que les ossements, qui
furent d'abord transportés dans le cimetière de la
paroisse et qui sont aujourd'hui déposés dans l'église.
€ Le sacristain d'alors prit comme une relique Tos du
pouce, maintenant entre les mains de M~ la vicom-
tesse de Rougé. •
{Martyre de la Vendée, p. 308 et 309.)
— 348 —
CHARLES RETAILLEAU
VICAIRE, PUIS CURÉ DES LANDES-GENXJSSOX
1794
M. Charlos Retaillcau, d'abord vicaire des Landes de
1761 à 1779, sous le vénéré M. Thomazeau, puis curé de
Sainte-Soullo, en Aunis, revint comme curé en la pre-
mière paroisse à l'origine de la Révolution, le 28 mars
1789. C'était à la mort de son ancien curé, auquel il
succédait immédiatement.
Né à la Verrie, où sa famille jouissait d'une considé-
ration méritée, ce saint prêtre n'était donc pas un
inconnu pour ses paroissiens.
Nous l'appelons Saint et ce mot semble bien lui con-
venir puisque, mettant fidèlement en pratique les con-
seils évangéliques, il vendit ses biens pour en em-
ployer le prix en bonnes œuvres : soulagement des
pauvres, restauration et décorotion des églises, etc.
Il possédait, en Saint- Aubin-les-Ormeaux, la moiti«î
d'unie métairie dont les revenus furent employés, en
grande partie, pour l'église de Sainte-Soulle.
t Voici, dit M. Jean-Baptiste Poireau (l), comment on
m'a raconté sa nomination à la" cure des Landes.
f M^'" l'évuque de La Rochelle étant allé le voir à
Sainte-Soulle, lui dit avant de le quitter, sans lui desi-
gner encore le poste auquel il allait l'appeler : t Mon-
f sieur le curé, vous avez fait dire bien des chapelets
€ à Sainte-Soulle, il est temps que vous retourniez
€ dans votre pays, car c'est là que vous devez finir vos
f jours. » Ces dernières paroles devaient être prophé-
tiques, car elles ont eu leur accomplissement aux jours
de la Terreur.
f Formé à Técole de M. Thomazeau, prêtre distingué
sous tous les rapports, M. Retailleau semblait avoir
(1) Curé de la Chapelle- Achard.
-349-
hèrité des vertus de son ancien maître, auquel la Pro-
vidence rappelait à succéder. Aussi, les jours mauvais
qui se levaient à l'horizon et qui effrayaient les plus
braves n'abattirent point son courage. Sa vertu, au
contraire, sembla grandir avec les difticultés. Il ne
devait pas quitter le troupeau chéri dont Dieu l'avait
constitué le principal gardien, mais en vrai pasteur des
âmes, il allait donner sa vie pour ses brebis. »
Voici le portrait qu'a tracé de lui un membre de sa
famille :
f Mon grand-oncle, écrivait, en 1895, M. Bouchet, curé
de Chambretaud, a laissé dans notre famille le souve-
nir d'un saint : il paraissait heureux quand il entendait
gronder le tonnerre. On le voyait alors ouvrir sa fenê-
tre comme pour mieux jouir du grandiose spectacle,
mais si on lui en demandait la raison, il répondait que
lorsqu'il tonne, bon nombre de pécheurs demandent
pardon à Dieu et qu'il ne se commet point alors de
péchés, f C'est pourquoi, disait -il, je voudrais que
t Torage durât bien longtemps. » Et il semblait prier
Dieu d'augmenter la violence du tonnerre, afin de
donner aux hommes une grande idée de sa puissance
et l'occasion d'implorer leur pardon.
f Ne redoutant point la mort, il n*a jamais aban-
donné sa paroisse. Il avait eu soin, de son vivant, de
se débarrasser de toutes les richesses qui n'ont pas
cours au ciel. »
C'était bien le pasteur qu'il fallait dans la paroisse
des Landes, aux jours dangereux de la Révolution.
Après avoir, comme tant d'autres bons prêtres, refusé
le serment, M. Retailleau ne voulut point quitter son
cher troupeau. Il se retira dans une maison du bourg,
appelée le Grand-Logis, et continua d'exercer son zélé
et sa charité avec un dévouement qui devait le con-
duire à la mort, mais aussi à la gloire.
Dans sa retraite du Grand -Logis, située dans la
grande rue, en face de celle qui conduit au presbytère,
sa présence était peu soupçonnée et, en cas de danger,
la fuite devenait facile. Le péril semblait-il le menacer
on le prévenait, et il se sauvait par une porte du fond
du jardin, à trois cents mètres de là, dans un grand
^ 580 -
clmtnp apiirlè le Pâtis dn la TissurmU'^nN 11 .4'^Ulil
amënagô là, au inilirm d'uDt» hiiiu ùptiisst^ uni» piflite
cachette très difficile â dêrouvrir. îlnti fois <iî*nH ce
refuge, il pouvait faeilemoiil échapper aux recherches
les plus minutieuses des i^oldals répuhllcalnsi à moinâ
d'être trahi, ce qu*il n'avait pas ù craindre de ses
paroissiens. Mais Dieu voulut le sacrîtlce de sa viei
pour donner sans doute un grand exemple do dûvoiïi*'
ment aux habitants des Landes.
La peur d'être découvert ne le reteîiait pas oisif, el
les registres de la Pal»rique (^.onstatent quMI a fait des
sépultures en sa paroisse pendant le régne le pitis
dangereux de la Terreur, notamment lo B scplembrc»
1793 et les 18 et 22 octobre suivants :
M. Aillory, dans ses Chroniques, fait le réeil (Wfy dou-
loureux événements qui précédèrent et accompagné'
renl sa mort : t Le 7 février 1794, une colonne répubU*
caino, forte de l.iOO hommes^ allait en corresr - V iicô
de Montaîgu à Mortagne par TilVauges. et tri- les
ponts de cette dernière localité coupés, vint par les
Landes pour reprendre la roule de Morlagne- Au pont
de Ghambrette. cinquante hommes du pays obser-
vaient ce qui allait se passer. A la vue des républi*
cains. ils hrent une décharge et prirent la faite. Les
républicains les poursuivirent jusqu'au bourg, ou iLs
saisirent toutes les personnes qm s'y trouvai(*nt» fem-
mes et enfantSi et les conduisirent, au nombre d'une
centaine, dans un champ voisin, sur la route de TifTau»
ges, et les fusillèrent au nombre de (juatre-vingt huit
Une douzaine de personnes seulement trouva le moyen
de se sauver. Après la fusillade, ces républicains cou-
pèrent par morceaux les enfants et autres qui n*6laient
pas morts. Depuis ce temps, le champ a louyours porté
le nom de Champ du massacre.
« Ce même jour, une partie du bourg fut brûlée.
• Le dimanche de la Passion, même année, les sol*
dats répubUcains, se rendant de Mortagne à MnntiUfjU^
après avoir tué les personnes quils trouvèrent ilans le
bourg, entre autres M. Retailleau, brûlèrent Teglise el
les maisons qui existaient encore, t
M, labbé Bourhet précise les circonstances de 11
mort de M. Retailleau ; t Le saint prêtre s'élall caché
dans un buisson (1), près du bourg, quand arrivèrent
les soldats. Sa sœur, surnommée la bonne sœur à
cause de son dévouement pour les pauvres et les
enfants, et sa servante se trouvaient non loin de là.
Il s'empresse de sortir de sa cachette pour les prévenir
du danger. C'était trop tard. Il est aperçu par les sol-
dats qui déchargent sur lui leurs fusils et Tachévent
ensuite à coups de sabre. Quelques instants après, sa
bonne sœur était fusillée à son tour. Seule, la servante
put échapper à la mort par la fuite.
M. Bouchet ajoutait : t Un des frères du bon curé des
Landes fut sabré, à la tête de ses cavaliers, à la bataille
de la Tremblaye. Un autre, vieux et criblé de blessu-
res, se fit attacher sur son cheval pour pouvoir conti-
nuer à se battre, au dernier combat de Rocheserviére.
Frères et sœurs étaient dignes les uns des autres. »
Les chroniqueurs ne sont pas d'accord sur l'époque
de la mort de M. Retailleau M. Bouchet, on Ta vu,
parle du temps de la Passion. Mais une autre version
porte à croire que ce fut vers la fête de tous les saints,
c Ce qui nous le fait présumer, dit M. Tabbé Poiraud,
c'est qu'une note laissée par son successeur pour servir
de guide, pendant celte lugubre époque, ne mentionne
aucun acte postérieur à cette date. Les deux derniers
(1) Les buissons fourrés et les arbres creux furent souvent un
asile pour ces proscrits de la Révolution. Une dizaine d'années
après ces sanglants événements, des bûcherons abattaient, un
jour, dans cette paroisse, un vieux chêne têtard, lorsque tout-à-
coup ils reculent épouvantés... En ouvrant le tronc creux, ils
aperçoivent un squelette d'bomme debout auquel des chairs des-
séchées étaient encore adhérentes sur certaines parties. La pré-
sence de ce cadavre paraissait très explicable pour tous ceux qui
avaient vécu ces jours de sinistre mémoire.
Ce squelette, à n'en pas douter, était celui d'un homme, d'un
prêtre peut-êlre, caché là pendant la Terreur pour échapper aux
poursuites des Bleus et qui y était mort de faim ou de maladie.
Ce fait, ajouté à tant d'autres, ne donne-t-il pas raison au poète
qui a dit qae dans les champs de l'héroïque Vendée
Aucun épi n'est pur de sang humain,
au moins dans les années qui suivirent ces tristes événements.
— 384-
acles do sou minislère signes de lui sonl deux sépul-
tures, l'une îi la date du 18, l'aulre du ii uctobro 17W.
♦ Un pareni de ce rligne prêtre m'a dit qu'il avait H^.
découvfîri par un de ces cliiens qi*e les sdidals répu-
blicains menaient avec eux, et eoupê en morceaux»
ainsi que Irniji religieuses cachées près de là », Quoi
qu'il eu soit le lait certain, c*esl que la mort ûe
M. RelaiUeau est l'œuvre des impies républicains et
qu'elle est celle d'un saint et d un martyr.
Pendant ces jours de triste mémoire, le troupeau ne
fut pa*î plus épargné que h* pasteur. Le.s è|>ûqiies les
plus terribles pour les Landes ont êlc les (lernit
mois de 1793 et le?» premiers de 171)4, alors que
Mayencais et les colonnes infernales, parcouraul 1^
pays, portaient partout le ravage et la mort.
Outre les faits racontés plus haut, nous avons des
faits et des noms plus précis. Le 3 février 1794 furent
tués et inhumes dans le cimetière des Lnndes parle
sacristain, Perrine RelaiUeau, lemme Audureau à la
Vincendiére, et Perrine AudureaUj sa lille. î\gèe il^
quinze ans. Le même jour fut lue Julien Jourtrinau.
ills de Julien JoulTriiiau et de Marie Ouvrard, à Lou-
vrardiére, Agé de trrntc-ciiKj ans.
A la même époque, un vieillard, Pierre Girard,
occupe à soigner ses bœufs, fui atteint d'un coup de
feu par les soldats bleus. Plus lard, il mourut de (îolle
blessure- C/est lui qui avait fait élever, sur le chemin
du Plessis, non NMu de Thuct, la croix de granit qu oft
voit encore aujourd'hui. Pendant la Révolution, ce bon
vieillard cachait les prêtres au péril de sa vie, et il mé-
ritait celte gloire d'être victime des ennemis des prè*
très. Il a ilû monter au ciel chargé de mérites.
€ A tous ces noms, continue M. Poireau, ajoutons cn^
core celui d'une femme figée de soixante-tleux anSj
Jeanne Duuciu, veuve de Jean Mineau. Ses parenlâ
allèrent Tinhumer dans le cimetière de Saint-Martin, te
3 mars 1794. »
Tous ces chrétiens, ayant ète massacrés en haine de
la Religion, leurs noms qui nous ont été transmis avec
soin sont vraiment des noms de martyrs, dignes du
prélre qui lut leur chef et leur modèle dans sa vie t{
dans sa mort.
^m^
FRANÇOIS-PIERRE DE RIEUSSEC
CHANOINE, VICAIRE GÉNÉRAL
1754-1795
L'abbé de Rieussec était étranger au diocèse de
Luçon.
Né à Lyon, il avait été appelé en Vendée par M^f de
Mercy, qui le tenait en haute estime. Bien qu'ayant
refusé le serment constitutionnel comme titulaire du
prieuré de Belle-Noue et de la chapelle Saint Nicolas,
en Belleville, il obtint du district de Fontenay un trai-
tement provisoire de 3.000 livres.
En qualité de vicaire général et fondé de pouvoirs
des ecclésiastiques de la ville de Luçon non fonction-
naires publics, il adressa au môme district une pétition
tendant à ce que, sans égards a la réquisition du sieur
Rodrigue, évoque, il fût permis aux prêtres connus et
domiciliés à Luçon de dire la messe dans l'église de
rhôpital comme dans les autres, sans qu'il fût néces-
saire de faire vérifier leur qualité de prêtres.
Cette pétition devait être communiquée au citoyen
évéque de la Vendée, aux administrateurs de l'hôpital
et à Ja municipalité de Luçon, pour obtenir leur avis et
le communiquer au Directoire.
Il faut avouer que cette démarche était audacieuse à
cette époque, et dans les circonstances où se trou-
vaient les prêtres.
Mais la marche des événements ne permit pas de
terminer cette affaire. Bientôt même M. de Rieussec
dut pourvoir à sa sûreté personnelle.
Il se réfugia d'abord chez M"° la comtesse de la Bou-
tetiére, à Saint-Mars, prés Saint- Philbert du-Pont-
Gharrault, avec un autre chanoine, M. Villoing. Puis,
lorsque cet asile ne fut plus lui même sans dangers, il
se décida à gagner la Suisse, d'où il entretint avec
W de Mercy une correspondance suivie et donna
23
des preuves d'un zèle que le malheur ne décourageait
pas.
€ M. de Rieussec est à Fribourg », écrivait à M. Pail-
lon Tévéque de Luçon, le 6 novembre 1792.
Les lettres du prélat vont, jusqu'à la fin de cette dou-
loureuse époque, indiquer l'itinéraire de l'exil de ses
vicaires généraux qu'il ne perd pas de vue, non plus
qu'aucun de ses prêtres.
f L'abbé de Rieussec a quitté Fribourg. Je viens de
recevoir une lettre de lui du 27 mars, datée de Liège où
il venait d'arriver à bon port, après bien des désa-
gréments et des fatigues. Il ne me mande pas le lieu où
il se fixera; il me le mandera et à vous quand il y sera.
Il parait que ce ne sera pas loin de Liège. » (Lettre du
15 avril 1794)
M. de Rieussec lui-même ne savait guère où il devait
se fixer, son activité le portant toujours à aller où il
pouvait y avoir quelque chose pour exercer son zèle.
€ L'abbé de Rieussec me mande de Bruxelles qu'on
est plein d'espérance dans ce pays-là, et que, d'après
les données qu'ils ont, il espère que la Vendée nous
sera ouverte cet automne : ainsi soitill » (Lettre du
13 mai 1794)
Mais les succès de l'armée vendéenne furent de
courte durée, et l'invasion de la Belgique par les Fran-
çais mit bientôt ces illusions à néant. Deux mois plus
tard, M^ de Mercy écrivait (27 juillet 1794) : t S'il est
vrai, comme on le craint, qu'on soit obligé d'abandon-
ner Bruxelles, je ne sais ce que deviendra la multitude
de prêtres qui sont dans ce pays, et particulièrement
l'abbé de Rieussec, dont j'ai eu des nouvelles du
20 juin, et qui alors paraissait encore tranquille. » Et à
la lin de la même lettre : c Comme tous les autres
émigrés, l'abbé de Rieussec est sorti de Bruxelles le
27 juin. J'ignore où il est allé... L'abbé de R. a été
obligé de fuir de Bruxelles la veille que les régicides y
sont entrés. Je n'en ai pas eu de nouvelles depuis, je
sais seulement qu'il est en sûreté. »
On voit comme le prélat s'intéressait à son ami.
Les nouvelles vinrent bientôt : t L'abbé de Rieussec
est actuellement à la Haye, et Dieu veuille qu'il y soit
longtemps tranquille. » (Lettre du 8 octobre 1794.) Mais
au 8 janvier 179o, le vicaire général avait quitté la
Hollande pour passer en Angleterre, où sa présence
paraissait plus utile aux intérêts qu'il voulait servir.
Dans son histoire de la Vendée militaire, Tabbé De-
niau parle du rôle important que M. de Rieussec joua
dans les négociations entamées pour ramener la con-
corde entre Puisaye et d'Hervilly, et dit que les lettres
écrites par l'abbé, dans ce but, aux deux chefs roya-
listes, sont des chefs d'œuvre de raison, de nobles sen-
timents et de dévouement à la cause royaliste.
Ce fut en pure perte, et M. de Rieussec, pour faire
diversion à cette triste affaire, résolut de prendre part
à Texpédition de Quiberon pour rentrer en France.
€ Le 10 mai, Tabbé de Rieussec me mandait qu'on
croyait BrumauU (de Beauregard) heureusement arrivé
en Vendée. Lui-même se disposait à partir avec l'évé-
que de Dol et d'autres prêtres. »
Le vicaire général partit, en effet, de Londres, le
8 juin 1798.
M. de Beauregard, dans ses Mémoires^ raconte que,
dans la traversée d'Angleterre à Quiberon, il aperçut
le bâtiment qui portait l'évêque de Dol, l'abbé de
Rieussec et d'autres prêtres. Il les salua avec le porte*
voix et ce fut M. de Rieussec qui lui cria : « Nous
allons nous revoir. Je vous porte quelques effets et de
l'argent. Votre frère va vous rejoindre. »
On sait quel désastre termina cette expédition fa-
tale, mais on n'en connut pas de suite toute reten-
due. € Je suis dans des inquiétudes mortelles sur le
compte de l'abbé de Rieussec qui faisait partie de ce
débarquement du 26 juin à Quiberon >, écrivit M»' de
Mercy, le 28 août 1795.
Les Anglais avaient effectué leur débarquement à
Quiberon et, en effet, dans ce débarquement étaient
compris l'évêque de Dol, l'abbé de Rieussec et une
vingtaine de prêtres Mais le vicaire général, qui,
d'abord, avait échappé au massacre, fut fait prisonnier,
enfermé à Auray, puis envoyé à Vannes avec quinze
autres prêtres, sur des charrettes, dans la soirée du 27
juillet, après avoir comparu devant une commission
militaire.
Le funèbre cortège arriva à Vannes vers minuit et
les condamnés furent enfermés dans des cachots, au-
dessous d'une porte de la ville. Le lendemain matin, à
neuf heures, on vint leur annoncer qu'ils seraient
passés par les armes à dix heures. Conduits, les mains
liées, sur la promenade de la Garenne, on les fit passer
sur urte seule ligne et on les fusilla {l).
C'est là que se termina la vie si agitée de M. de
Bieussec. Sur le monument élevé à Quiberon est gravé
son nom pafmi ceux des autres victimes.
(1) D'après M. Bouhloton, Revue du Bas-Poitou. L'exécution
eut lieu le 28 juillet 1795.
-357 —
M. RIOU
CURÉ d'APREMONT
1793
La famille de M. Riou, domiciliée à Coëx, comptait
quatre enfants, dont deux ecclésiastiques qui, avec leur
père, furent incarcérés dans la prison de Rosnay, aux
Sables-d'Olonne. dès le début de la Révolution. Deux
des enfants flrent partie d'un convoi de prisonniers des
Sables, envoyés par mer dans lès prisons de Noirmou-
tier. Cette famille, désignée par ses sentiments reli-
gieux et royalistes aux exaltés de cette époque, eut
beaucoup à souffrir des événements révolutionnaires.
M. Riou, un des enfants, était curé à Apremont,
depuis plusieurs années Pieux, attaché à ses devoirs,
et très aimé de ses paroissiens, il était d'un caractère
un peu faible. Aussi, quand fut promulguée la Consti-
tution civile, il crut pouvoir l'accepter et faire serment.
Mais bientôt, effrayé des suites de son adhésion,, il se
rétracta et fit quelques restrictions.
Les officiers municipaux d' Apremont, qui lui étaient
dévoués, fermèrent les yeux sur ces restrictions ap-
portées au nouveau serment, sauf en ce qui pouoait
être contraire à la religion catholique, apostolique et
romaine, dans laquelle il déclarait vouloir vivre et
mourir.
Au mois d'avril 1791, eut lieu à Apremont une
émeute d'une gravité exceptionnelle, dont faillit être
victime le bon M. Riou.
f Le 2i de ce mois, rapporte D. Chamard, sur Tinitia-
tive de l'un des membres du district de Ghallans et
avec le concours du vicaire assermenté Michel Miracle
et du juge de paix d'Apremont, René Merlet, les patrio-
tes de ce bourg prenaient la résolution de fonder dans
le village un Club des vrais amis de la Constitution^ et
par là même de s'affilier au Club des jacobins de Pa-
ris (1). L^appel aux adhérents était fait publiquement au
prône le lundi de Pâques par le vicaire assermenté. »
Il est facile de comprendre pourquoi cette invitation
à s'unir à une société impie, faite dans une église, un
jour de fête (le lundi de Pâques), souleva d'indignation
tous les bons habitants lldèles à la religion de leurs
pères.
Le sieur Merlet, nommé président de la nouvelle
société, osa même, à Tissue de la grand'messe, inviter
plusieurs paysans de la paroisse à assister à la pre-
mière séaTice qui devait avoir lieu après les vêpres.
Cette profanation du lieu saint fut très sensible à la
foi vive de M. Riou. C'en est trop.
L'imprudent provocateur est aussitôt entouré d'une
foule nombreuse qui le menace. Son fils et les autres
patriotes accourent à son secours, mais ne peuvent
contenir la colère des fidèles paroissiens. » Vous coules
chasser notre curé, criait la foule; c'est un braoe
homme : nous ne voulons pas qu'il s'en aille; toute la
matinée il a pleuré dans son confessionnal, »
Il pleurait alors la faute qu'il avait d'abord commise,
en faisant serment sans condition. Ses paroissiens,
compatissant à sa douleur, étaient d'autant plus irrités
contre ceux qui l'avaient entraîné dans ce scandale.
Après les vêpres du même jour, nouvelle? émeute
plus grave encore que le malin. Olîiciers municipaux
et gardes nationaux furent poursuivis à coup de faux et
de fourches. Le dimanche suivant, i" mai, une foule
de i)aysans, armés de fusils et de faux, s'attroupent au-
tour de la maison du vicairr assiu'mcnlê et le condui-
sent de force chc/ le curé, avec injonction d'imiter
celui ci et de se rétracter comme lui, sous peine d'être
chassé de la paroisse.
Afin mênn^ d'empêcher les patriotes de remplacer
leur cure par un intrus, ils résolurent de monter la
garde, nuit (H jour, îiulour du presbytère. Aussi bien,
ces prêcaulions n'étaient pas inutiles, car quatre
patriotes au moins, ditChassin, avaient projeté de le
(1) Ghassin.
mettre à mort. Ces exaltés avaient proposé à M. Rîou
d'aller avec eux se promener sur le bord de la rivière
pour Ty jeter et le noyer.
Dans Tinterrogatoire que le curé d'Apremont subit à
la suite de ces faits, il avoua qu'on avait tellement
indisposé contre lui les soldats qui allaient venir à
Apremont que le projet était formé de lui trancher la
tète, en arrivant, et de l'emporter en triomphe à Chal-
lans. Il était décidé, au reste, à se faire couper le cou
plutôt que de changer ses principes et ne quitterait la
paroisse que forcément.
Appuyé sur le concours et rattachement de ses pa-
roissiens, M. Riou resta longtemps dans le pays, malgré
les persécutions dont il était sans cesse Tobjet. Mais
il dut se cacher lorsque, par arrêté du Département,
les prêtres réfractaires furent internés au chef lieu.
Il ne s'embarqua pas pour l'Espagne, en exécution
de la loi du 26 août 1792, mais demeura aux environs
de sa paroisse pour continuer ses fonctions curiales,
assuré de la protection des bons catholiques.
On le retrouve l'un des plus actifs parmi les promo-
teurs du soulèvement de mars 1793; il étonna ses amis
par l'énergie et la fermeté de sa conduite. Il allait payer
de sa vie cette fermeté dans les principes de la foi
catholique, car un jour les patriotes réussirent à s'em-
parer de lui et l'emmenèrent à Challans, où il fut em-
prisonné et mourut, au témoignage de Dugast-Mati-
feux.
— 360-*
AMBROISE-JACQUES RIVEREAU
CUnÈ DE SAINT-PAUI.MOXT-PENIT ET DE GOMMKQUIERS
1793
A Tépoque révolutionnaire, M. Rlvereau était curé de
Saint- Paul et fut chargé aussi de la paroisse de Com-
mequiers. Dans cette dernière, il eut un sacristain,
Jean Grivet, qui paya de sa vie son dévouement à la
cause catholique et royaliste. Celui-ci fut arrêté, con-
duit aux Sables, après le départ de son curé, et con-
damné à mort. Son exécution eut lieu le 23 mai 1793.
Le 15 septembre 1792, M. Rivereau, ferme dans sa foi
et ses devoirs de pasteur, ne voulant point adhérer
aux doctrines révolutionnaires, fut forcé, comme tant
d^autres. de prendre le chemin de l'exil, et, pourtant, il
ne voulait pas laisser son troupeau sans pasteur; sa
piété lui suggéra d'exécuter un dessein vraiment
venu du ciel, t Une tradition locale, dit M. le chanoine
Prunier, lidèlemenl conservée, nous dit qu'avant son
départ, inspiré par un zèle qu'on serait tenté de taxer
d'imprudence, il conçut la pensée de donner pour gar-
dien aux brebis qu'il abandonnait Jésus-Christ lui-mê-
me, toujours présent dans le tabernacle de l'église
de Saint-Paul. »
Après avoir célébré une dernière fois le saint sa-
crifice de la messe et consommé les saintes espèces
cont(mues dans le cil^oin', il laisse à dessein dans le
tabernacle une hostie consacrée qu'il enveloppe avec
soin dans un corporal, puis, il referme à clef la porte
sur le divin prisonnier, éteint la lampe du sanctuaire et
part pour l'exil, laissant son église et sa paroisse à la
garde du Dieu de l'hostie.
Il avait mis dans la confidence de son pieux secret
quelques saintes personnes de Saint-Paul, en leur con-
liant, sans doute, la clef du tabernacle. Ces geôlières
privilégiées de Jésus-Christ, caché dans son sacre-
ment, n'abandonnèrent pas Tadorable Captif. Elles
— 361 —
lui firent avec prudence de nombreuses et ferventes
visites.
Mais un jour, Saint -Paul, tout abrité qu'il était dans
les profondeurs des bois, est envahi par les bandes im-
pies que la persécution lançait en tout sens sur les po-
pulations chrétiennes de la Vendée. Les profanateurs
de nos temples viennent occuper militairement ce
bourg solitaire, et, pendant huit jours, ils font de
l'église une caserne et, sans doute, une écurie, comme
ils faisaient partout ailleurs.
Les confidentes du pasteur exilé, comme Marie-Ma-
deleine autour du Saint- Sépulcre, ne cessaient de
rôder, à la dérobée, autour de Téglise et de THôte
divin qui Thabitait toujours. Jésus Christ restait là,
jour et nuit, en présence des envahisseurs. Mais il vou-
lut y rester, non pas seulement sous Thumilité de sa
vie cachée, mais aussi dans sa puissance, comme le
fort armé dont nous parle l'Evangile, et qui se charge
de garder lui-même sa demeure.
C'est, en effet, la croyance traditionnelle et constante
des habitants de Saint-Paul que Jésus-Christ, présent
dans l'Eucharistie, a préservé leur église des flammes
incendiaires qui ont ravagé celles des paroisses voi-
sines.
Les Vandales révolutionnaires n'essayèrent même
pas d'y mettre le feu. Cependant, leur seule présence
dans le lieu saint, qu'ils faisaient retentir de leurs blas-
phèmes, était une profanation qui soulevait la colère
de cette religieuse population de Saint-Paul-Mont-Pe-
nit. Par l'initiative et sous la direction du vaillant ca-
pitaine de la paroisse, Tallonneau, les paysans de l'en-
droit s'organisent, prennent les armes et se soulèvent
en masse. Tout à coup , ils viennent cerner l'église
et sommer les Bleus de se rendre.
Ceux-ci. honteux de se voir ainsi traqués, sont réso-
lus à se défendre et veulent tenter une sortie. Ils se
précipitent jusqu'au devant de la porte de l'église où
les assiégeants les attendent, et se battent avec tout le
courage du désespoir.
Mais les Vendéens, électrisés par l'ardeur de leur foi
et de leur sainte indignation, font tète à cet assaut et
— 86J —
massacrent sans pitié les ennemis de leur Dieu, de
leurs prêtres et de leur culte. Près de trois cents cada-
vres de ces profanateurs restent sur le terrain et rou-
gissent dans leur sang les marches de Téglise.
Quant à l'hostie du tabernacle, elle resta cachée &àm
son humble demeure pendant toute la période révolu-
tionnaire, c'est-à-dire pendant près de dix ans. Lorsque
l'heure de la délivrance sonna pour la Vendée, le curé
nouvellement nommé de Palluau, M. Lansier, célébrant
la messe dans l'église de Saint-Paul, trouva l'hostie à
la même place où M. Rivereau l'avait déposée, et dans
un état de conservation parfaite. Elle était aussi fraîche
et aussi blanche que le jour où elle avait été consacrée.
Le vénérable doyen la retire du corporal, Télève
entre ses doigts et la montre à tout le peuple qui la
contemple et qui l'adore, avec le saisissemeni qu'on
éprouve à la vue d'un grand miracle.
L'hostie miraculeuse de Saint-Paul-Mont-Penit n'est-
elle pas comme un symbole du culte catholique, pros-
crit, caché, mais toujours vivant pendant la Terreur,
en attendant le jour glorieux où il sortira de ses ca-
tacombes, pour jouir, en pleine lumière, de la liberté
conquise par tant de luttes et achetée par le sang de
tant de martyrs?
— 363 —
CHARLES ROBERT
VIGAIRB A LA BRUFFIÈRE
1797
M. Charles Robert eut le malheur d'applaudir d'abord
à la Révolution.
Né à Riaillé, au diocèse de Nantes, il arriva comme
vicaire à la Bruffière au mois de février 1789, précisé-
ment dans les jours où éclatait sur la France Torage
révolutionnaire. L'année suivante, le 27 novembre,
paraissait la loi qui prescrivait à tous les prêtres le
serment à la Constitution cioile du Clergé. M. Robert,
paraît-il, ne fit nulle difficulté de prêter un serment
que sa conscience réprouvait ; et quand ses confrères,
pour sauver leur vie, abandonnèrent le presbytère et
vinrent se cacher dans les villages, il demeura tran-
quille dans une maison qu'il avait achetée au centre
du bourg.
La paroisse de la Brufflère ressentit une peine
extrême en voyant la conduite de M. Robert, un mé-
contentement général se manifesta dans le public. Peu
de gens voulurent avoir avec lui des relations; on allait
même jusqu'à éviter sa rencontre, et personne n'assis-
tait à la messe, qu'il ne craignait pas de célébrer
encore.
Mais par bonheur, il demeura peu de temps dans son
égarement. Dieu, qui appelle les prêtres ses amis, lui
dessilla les yeux et toucha son cœur. Sa conversion fut
sincère. Bientôt, en eff'et, ce ne fut plus le même
homme. Il abandonna ses idées sur la Révolution,
rétracta publiquement le serment fait à la Constitution
cioile, et, pour mettre ses jours en sûreté, quitta sa
maison et vint, lui aussi, demander asile aux chaumiè-
res et aux champs de la paroisse. Un vieillard qui vit
encore (1867) assure que M. Robert avait fait transpor-
ter un lit dans un champ de genêt, appelé le Patis des
Vallées, non loin du village de la Grenotière\ et pen-
-364-
dant plusieurs semaines, il a couché dans ce lieu, sous
la garde et la surveillance du susdit vieillard, qui
n'était alors qu'un enfant de dix à douze ans.
II célébrait la sainte messe tantôt dans un lieu, tan*
tôt dans un autre, de manière à procurer le bonheur
de l'entendre à plusieurs quartiers de la paroisse.
Les villages où il la disait le plus souvent sont la
Grenoiière, les Grandes- Fontaines et la Thuaudière.
Jusqu'à sa mort, il s'employa au salut des âmes, mais
l'époque précise de sa mort n'est pas connue d'une
manière précise (i).
Ce qu'il y a de certain, c'est que, dans un temps où
l'orage politique parut s'apaiser, il put revenir dans sa
maison du bourg, où il rendit son âme à Dieu dans les
meilleurs sentiments.
Il répara ainsi solennellement le scandale qu'il avait
donné durant quelques jours à la population de cette
contrée (2). .
(1) D'après M. Lalmé, M. Robert mourut en 1797.
(2) D*après M. Guarribau, chaj)elain do Saint-Sympborien.
— 388 —
LOUIS-JOACHIM DE LA ROCHE-SAINT-ANDRÉ
VICAIRE GÉNÉRAL
1706-1793
L'abbé de la Roche-Saint-André, issu d'une antique
famille qui remonte jusqu'aux Croisades, naquit à Mon-
tai^u-Vendée en 1706.
Dès son enfance, comme plusieurs de ses ancêtres,
Louis Joachim se sentit appelé au sacerdoce. Aussitôt
après son ordination, il fut reçu bachelier en Sorbonne
où il se distingua par sa science non moins que par sa
piété, et témoigna surtout de sa soumission et de son
dévouement envers l'Eglise par le zèle qu'il mit à dé-
*fendre la bulle Unigenitus, publiée par Clément XI
pour arrêter les progrès du Jansénisme.
L'ardeur qu'il déploya dans ses prédications, au dio-
cèse de Nantes, parut exagérée à l'évêque trop favo-
rable aux Jansénistes.
Ce prélat invita l'abbé de la Roche à s'éloigner. L'abbé
se rendit à Paris, où il rencontra l'évoque de Dax,
M8^ Suarez d'Aulan, qui l'emmena dans son diocèse
en qualité de vicaire général, à son retour des Etats-
Généraux de 1745.
La dignité dont fut honore l'abbé de la Roche ne
l'empêcha point de se livrer aux travaux apostoliques,
son œuvre de prédilection. C'était son moyen de se
dévouer plus complètement au salut des âmes. Il em-
ploya donc aux missions tous les loisirs dont il put dis-
poser, se joignant comme prédicateur aux missionnai-
res appelés par son évoque à l'occasion du Jubilé.
< Ardent, incisif, convaincu, il allait stigmatisant le
vice, dénonçant les abus et les erreurs et menant con-
tre le Jansénisme une savante et vigoureuse campagne
dans la chaire et au confessional.
« On s'étonna d'abord, en voyant cet étranger parler
avec une si Hère indépendance. Puis une cabale se
forma. Vainement révoque prit-il fait et cause pouy son
vîcaïre général, et afin de marquer en quelle estime il
lo tenait, le fit-il nommer, en 1730, abbé commanda-
taire de la célèbre abbaye de Ville-Dieu ou Divielle (1),
les esprits s'écliaufi'èrent à ce point que M. de la Roche
crut prudent de s'effacer devant Topposition, dans Tin-
térèt de la paix (2). •
Ayant quitté Dax, il vint se fixer à Montaigu, au
centre de sa famille, mettant ainsi en pratique celte
recommandation de Notre-Seigneur : Lorsqu'on vous
persécutera dans une ville^ fuyez dans une autre.
C'était en 1731.
Là, l'ancien vicaire général mena une vie toute con-
sacrée aux (euvres de zèle et de charité et prépara pour
le sanctuaire quelques âmes choisies. Parmi elles fut
Louis-Marie Baudouin, que Dieu destinait à être le res-
taurateur du clergé dans les diocèses de Luçon et de
La Rochelle, après les malheurs qui allaient fondre sur
l'Eglise de France.
Né en 1765 à Montaigu» Louis Marie Baudouin fut
élevé par sa pieuse mère, qui lui enseigna une tendre
dévotion pour la Sainte Vierge. Ce saint amour se
développa dans le cœur de l'enfant par les rapports
quotidiens avec l'abbé de hi Roche, lui-même grand
serviteur de Marie.
Lo saint prêtre vit avec joie revenir au château de
Melay, on 1789, son beau-frèns le comte du Ghafiault,
amiral rcîtiré de la niarin(\ Petit-fils par sa mère de
l'amiral Gilles d(» la Roche -Saint- André, le comte,
engagé dans la marine dès l'âge de douze ans, s'était
signalé par son intrépidité. Marin consommé, il fit des
prises importantes sur les Anglais et gravit, de cam-
pagne en campagne, tous les degrés jusqu'au sommet
de la hiérarchie, après les avoir teints de son sang.
Chef d'escadre, lieutenant des armées navales, il avait
été nommé amiral en 1791. Agé de quatre-vingt-un ans,
après soixante neuf ans consacrés au service de la
(1) Antique abbayo «les PrômoiUrés, dans l'ancien diocèse de
Dax, sur les bords de l'Adour.
(1!) Semaine religieuse du diocèse d'Aire et de DaXy 21 février
1891.
Prance, il revenait à Melay attendre, près de ââi fidèle
compagne, sœur de Tabbé de la Roche (1), Theure
d'aller rejoindre au ciel le fils que les Anglais avaient
tué au combat naval d'Ouessant et où lui-même avait
été blessé grièvement. Ce qu'il fut jusque-là, les
Mémoires de Mgr Brumault de Beauregard, ancien
évêque d'Orléans, nous l'apprennent : t Chrétien fer-
vent, a écrit ce prélat, autant que marin habile et
capitaine plein de bravoure, il se distingua par son
exactitude à remplir tous les devoirs de la religion et
jamais ne s'embarqua sans avoir à bord un capucin
de Nantes, son confesseur. » Il communiait trois fois
la semaine. Tel était le compagnon de solitude et le
fidèle ami de l'abbé de la Roche. Leurs âmes vibraient
à l'unisson dans le concert de la piété. Tous deux
s'entr'aidaient pour les bonnes œuvres et les aumô-
nes qu'ils semaient dans le peuple, montrant aussi
l'ardeur de leur patriotisme dans la lutte contre les
idées révolutionnaires qui débordaient de plus en
plus autour d'eux. On vit bientôt l'abbé de la Roche
déployer contre la Constitution civile du clergé le
zèle dont il avait fait preuve en combattant le Jan-
sénisme. Caractère ardent, il employa son énergie à
maintenir, là encore, toute la pureté de la foi.
Il n'en fallait pas tant pour exciter la colère des
tyrans impies, maîtres du pays. L'abbé de la Roche-
Saint- André avait une habitation à Montaigu, où il fai-
sait sa résidence lorsqu'il n'était pas chez son beau-
frère à Melay, situé à trois kilomètres de là. Au moment
où la Révolution venait d'éclater, il s'y était fixé défi-
nitivement, mais bientôt, ne s'y trouvant plus en sûreté,
il vint se cacher à la campagne, dans la maison d'un
domestique ou homme d'affaires, nommé Aigron.
Mais, les temps devenant plus mauvais, il dut se
retirer dans un lieu plus écarté. Ce fut à la Basse-Bau-
rie, chez l'un de ses fermiers, en la paroisse de Treize-
Sep tiers.
Chaque jour, ou du moins fréquemment, trop fré-
quemment sans doute, son domestique, Hilaire Robin,
allait faire des provisions à Montaigu. Cet homme fut
remarqué et interrogé I
(i) Pélagie de la Roche<»SaiQi-André, qui mourut à Melay en
t Dis donc, citoyen, ce n*est pas pour loi que tu viens
si souvent acheter de bons morceaux ? C'est pour
ton maître sans doute. Où est-il caché ?. . . . »
On lui promit la vie sauve s'il révélait l'endroit où
s'était réfugié son maître. Devant les menaces d'un
côté et, de l'autre, les promesses qui lui étaient faites,
le trop faible domestique, ne songeant qu'à lui-même,
livra le secret demandé et trahit son bienfaiteur. Le
traître ne bénéficia point de sa délation, car il hit pris,
condamné et guillotiné à Nantes.
Cependant, sur ses indications, des émissaires de
Carrier, envoyés à Montaigu, vinrent secrètement à la
Basse Bourie, dans les derniers mois de 1793, et sans
peine s'emparèrent du vénérable prêtre. C'en était fait:
Dieu lui réservait la palme du martyre. L'abbé de la
Roche allait la cueillir à quatre-vingt-huit ans.
Amené à Nantes et écroué à la prison du Bouffay, le
19 décembre, le prisonnier fut traduit deux jours après
devant le tribunal révolutionnaire qui siégeait à Thôlel
de Bellisle, et condamné à mort pour être exécuté
dans les vingt-quatre heures. Voici la copie textuelle du
jugement relevé aux Archioes du grefl'e du tribunal (1):
En marge : « Louis Joachim La Roche de Saint-
« André, prêtre à mort Au nom de la Loi.
• Les juges formant le Tribunal Révolutionnaire du
département de Loire-Inférieure, séant à Nantes, après
avoir entendu Goudet, accusateur public, dans son
accusation contre Louis-Joachim La Roche-Saint-An
dré, prêtre, ci-devant abbé commandataire, natif de
La Rochelle (2), domicilier de montaigue depuis treize
ans, âgé de quatre-vingt-huit ans, présent,
€ Le Tribunal, vu ce qui résulte des dépositions des
témoins et de l'aveux de Louis Joachim de la Roche-
Saint-André, prêtre, ci-devant noble et abbé comman-
dataire, déclare et reconnaît pour constant qu'il n'a
point prêM le serment de fidélité à la République pres-
crit par la loi; qu'il a habité un pays en insurrection
(4) Par M. le baron de Wismes.
(2) Erreur.
afin de mieux fanatiser les habitants des campagnes,
que même il ne s'est point conformé à la loi des vingt-
neuf et trentième jour du premier mois de Tan second
de la République française. L'a déclaré atteint et con-
vaincu des dits faits, même de n'avoir point constater
de sa résidence sur ce territoire français, pour répara-
tion de quoi conformément à la Loi susdatée le con-
damne à la peine de mort^ et d'après l'article 7 de celle
du 19 mars dernier, déclare ses biens acquis au profit
de la République française, ordonne que pour la con-
servation des dits biens, il sera à la diligence de Taccu-
sateur public adressée une expédition du présent juge-
ment au département, lequel sera exécuté dans les
vingt-quatre heures de ce jour, imprimé et affiché par-
tout oii besoin sera.
c Ordonne...
f Fait en Taudience publique où présidait Phelippes et
assistaient le Normand, le Pelley, Le Coq et Daverst,
juges du Tribunal.
• Présent Goudet accusateur public.
f Douze mots rayés nuls, le mot Hilaire retouché
approuvé. »
(Signé) Lenormand A. Lecoq Phelippes
Lepeley Daverst (i;.
En entendant prononcer cette injuste sentence,
le condamné ne dissimula point sa joie de mourir
pour Jésus-Christ, et entonna le psaume Lœtatus sum
in his quœ dicta sunt mihi, in domum Domini ibimus.
En sortant du palais de justice (!) il chanta l'hymne
des martyrs : Deus, tuorum militum, puis le cantique
que nous citerons plus loin.
Oui, certes, c'était bien un martyr. Un seul mot pou-
vait le sauver, un mot qu'il pouvait prononcer sans
porter atteinte à sa foi et à son honneur. Il lui suffisait
d'invoquer l'art. 11 du décret du 29 vendémiaire an II,
en faveur des prêtres âgés de plus de soixante ans.
Mais, le Christ mourant volontiers sur la croix
apparut aux regards de son âme et la captiva. Aussi,
(i) Nous avons respecté le texte et l'orthographe.
-370-
**vrU^r -nn bon
mûrir
oublieux de loul sur la lerre, il dut n>f
Maître Jb rocrasion qui lui èlail prr-
pon - > chaais rtîVcleiiL ii;i g àlfk»
[to> es. Il riait prêt pou i - ♦.♦.
Ramone eu prison, il profila des dernières lieured
qui lui étaient laissées pour exhorter à la n*<?''H-t'nr\,
à la soumission à Dieu ses compagnons de ï ;, t*l
prononcer sur eux les paroles de l'absolution. U i.uva
leurs âoics vers le ciel, en chantauL un t'antinue, com-
pûsù par lui dans ces jours de deuih
l^e lendemain, 20 derembrtî, ajouta-! le baron de W$»
mes, le vieillard de qualre-vin^^t-huit ans fut comlttil
au suppliée, Dauï^ le court trajet de I. ' lia-
l'aud dresse en permanenee sur la |i ., vy^
il entonna le psaume Miserere mei Deuë, puis i ttymno
Vexilla régis. Devant cet héroïque courage, un Ail les
assistants et les soldats de Tescorte eux-in«**mea verser
des larmes d'attendrissement et de pitîè.
Arrivé au pied de rinslrumcnt du supplice, le CûlUi^$*
seur de la foi se mit a «genoux, et, d'une voix forte, qui
ne trahissait aucune »>motion, il entonna le p.saume :
Laudate Dominum omnes génies, remorcianl Dieu de
la mort qu'il allait subir.
Puis, se relevant et jetant sur ses bourreaux H âês
juges (1), venus aussi pour le voir mourir, un regunl
de compassion, il leur dît : € Vous me faites HuMirir
injustement : dans un an vous périrez comme m
Ces paroles furent prophétiques. C'était leîO dnrriu-
bre 1793.
Or, le 16 dûccmbrc i79/, Fouquclet Li " vé*
culeurs des ordres sanguinaires de Gan ni
monter à Téchafaud, et Carrier lui-même, Tinvenléur
des noyades de Nantes, mandé par le Comité revoluliun-
nairc de Paris, fut décrété d*accusalion le 23 novembre
179 i. Le 16 décembre de la même année, ce mou^tit
suivait ses séides dans la tombe.
Le prétre-martyr avait prédit l'avenir.
Ne croirait-on pas lire une page des AcU^ des inar*
tyrs des premiers siècleSi tellement ces paroleîi el ce»
actes révèlent un courage et une foi sublimes ?
(1) Carrier, t'ouquet et Lamberty.
-.371-
Terminons cette notice en citant quelques lignes d'un
article que la Semaine d'Aire et de Dax a consacré à ce
héros de la foi.
t L'ancien vicaire général de Dax tombait avec hon-
neur.
t L'Eglise recueillait précieusement son nom et Tin-
scrivait avec orgueil sur la longue et glorieuse liste des
confesseurs de la foi. Le diocèse de Dax, évangélisé par
lui, aime à garder la mémoire de cet intrépide servi-
teur de Dieu, et regarde un peu comme sien le patri-
moine de foi constante, de vertus héroïques laissées
par Tabbé de la Roche-Saint-André. Ces La Roche
avaient tous des âmes de héros. Ils montèrent à Técha-
faud calmes, souriants, comme se tenaient autrefois
leurs pères devant l'ennemi en Palestine, à Bouvines,
dans le combat épique des Trente Bretons. »
Le diocèse de Luçon est plus fier encore de l'avoir vu
naître et vivre de longues années (1) pour l'édification
des populations vendéennes, qu'il réconforta dans la
foi (2).
Le saint prêtre a laissé un manuscrit intitulé : Eléoa-
tions sur les principaux mystères de la vie de N.-S,
Jésus-Christ, qu'un de ses petits-neveux, l'abbé de
Suyrot de Melay, eut l'heureuse inspiration de faire
imprimer.
M*^ Golet en a loué « la richesse des pensées, la
noblesse et l'élévation des sentiments, et môme quel-
que fois une onction très pénétrante et très propre à
inspirer la dévotion », dans une approbation, à laquelle
ont souscrit MM. les vicaires capitulaires de Nantes,
l'abbé Richard, aujourd'hui cardinal -archevêque de
Paris, et l'abbé Laborde, depuis évéque de Blois.
Voici le cantique composa dans sa prison par l'abbé
de la Roche :
(i) De 1751 à 1793.
(2) Les faniUisant, selon l'expression de ses juges.
-3)1-
Âir : Comment §aêUr fuHqm nposf
vous, peufkle saint, peuple roi,
vous, innocentes victimes
Des fléaux vengeurs de nos crimes.
Illustres soutiens de la foi.
De ses amoureuses haleines
Puisse l'esprit consolateur
De vos maux tempérer l'ardeur.
Alléger le poids de vos chaînes, (bis)
Pour les esclaves du démon
La croix est scandale et folie.
Son apparente ignominie
Confond l'orgueilleuse raison.
Elle est prudence, elle est sagesse
Pour celui qui vit de la Foi,
Son cœur l'embrasse sans effroi,
lï la porte avec allégresse, (bis)
Sa vertu nous ouvre le ciel;
C'est l'étendard de la victoire*
Jésus n'est entré dans sa gloire
Qu'abreuvé d'opprobre et de fiel.
Pour cueillir les palmes divines
Semons avec lui dans les pleurs;
Peut-on triompher sans douleurs.
Sous un chef couronné d'épines? {bisj
Dans les succès, dans les revers.
Avec amour et sans contrainte,
Adorons la volonté sainte
Du Dieu qui régit l'univers.
II nous éprouve, mais en père
Jaloux de nous rendre parfaits,
Le méchant boit seul à longs traits
Dans la coupe de sa colère, (bis)
De ces faux biens qu'on nous ravit
Nous n'étions que dépositaires :
Nos corps sont les vivantes pierres
Que le ciseau taille et polit.
O mort! quelle est donc ta victoire?
Ces agneaux percés de tes coups
Avec Dieu jugeront les loups,
Au jour de terreur et de gloire, (bit)
-373 —
Grand Dieu! pour l'honneur de ton nom,
Attire-les à pénitence.
Ah ( n'écoute que ta clémence I
Pour eux n'as- tu point de pardon ?
Esprit-Saint, rayon efficace,
Ou t'a vu, subjuguant son cœur.
Faire un saint d'un persécuteur.
C'est le triomphe de la grâce! {bis)
Hélas ! nous portons ce trésor
Dans un faible vaisseau d'argile :
Tremble et veille, vase fragile,
L'ancien serpent respire encor.
Le disciple de l'Ëvangile,
Ardent à l'œuvre du Seigneur,
Se méprise en sondant son cœur,
Gomme un serviteur inutile, (bis)
L'aveu de son iniquité
Est l'ancre de son espérance,
Sa faiblesse fait sa puissance,
Le néant sa sécurité ;
O Dieu des vrais Israélites,
Oui, pleins de foi, nous espérons
Que tu couronneras tes dons,
En récompensant nos mérites, {bis)
Pourquoi, partageant nos travaux,
Renoncer à nos espérances?
Et par d'inutiles souffrances
Perdre tout le prix de nos maux?
Chrétien lâche et déraisonnable,
Sans la foi, sans la charité,
Aux yeux de la Divinité
Le martyre est abominable, {bis)
— 374 —
JEAN-LÉON RODIER
CHANOINE, VICAIRE GÉNÉRAL
1730-1794
M. Rodi(ir (i) est Tun des chanoines auxquels les
Dauphinois, amenés on Vendée par M«' de Mercy,
avaient hiissù quelques prêliondes. Il était originaire de
Benêt, d'une famille aisée dont plusieurs membres
avaient déjà ilguré avec honneur dans le clergé de
Luron. En 1772, un Pierre Rodicr était sous-doyen du
Chapitre. La même année, son neveu, dont nous par-
lons ici, alors vicaire aux Herbiers, avait été nommé
curé de TAiguillon-sur-Vie, où il ne resla qu'un an,
pour entrer à son tour au Chapitre de la Cathédrale.
Comme ses confrères, il refusii de prêter serment de
iidélité à la Constitution révolutionnaire, et, le 15 jan-
vier, il fournit au Directoire du district les titres de ses
bénétlces de Sainte-Catherine et de la Mothe, sis à
Challans el à Sallerlainf^ pour la llxation de son traite-
ment. H(»tiré quelcjue temps i\ BeiK^l dans sa famille,
il y exerra les fonctions curial<.'S, l>aptisant les enfants,
administrant les malades et procédant aux mariages,
(•ar M-"" de Mercy lui avait donné les pouvoirs de vi-
caire général.
On peut lire (encore sur la couverture d'un n^gistiv
paroissial contenant sa signature a::^ paroles écrites
])ar im vrai républicain do cetti^ êi)oque : * Ne croyez
pas toutes les sottises que vous débitfMit les prêtres. »
Souvent dénoncé à Tautorité, M. Rodier fut mandé et
emprisonné à Fontenay comme prétn» sexagénaire et
infirme, en vertu de l'arrêté du 9 mars 1792 (Archioes
de la Vendée). Ces rigueurs n'apaisèrent pas ses enne-
mis. En février 17i)3, fut envoyée une pétition de • Ro-
dier >, ci devant chanoine à Lucon, actuellement logé ù
Fontenay chez les citoyennes Gaspard.
(1) Un autre M. Rodier (Françoii») était curé de Corps en 1790.
^875-
« Ouï, le procureur général syndic, le Directoire du
département arrêta, conformément à l'article 6 de la loi
du 26 août 1792, relative aux ecclésiastiques qui n'ont
pas prêté le serment ou qui, l'ayant prêté, Font rétracté
et ont persisté dans leur rétractation, que Rodier sera
tenu de sortir du territoire de la République dans le
délai fixé par Tarticle 4 de la loi, et que le présent
arrêté sera notifié audit Rodier par le district du terri-
toire de Fontenay, avec sommation de s'y conformer. »
{Arch.)
Mais on n'était qu'au début de la guerre civile et
ces arrêtés étaient plus faciles à prendre qu'à faire
exécuter.
M. Rodier ne fut pas mis en demeure d'y obéir.
L'approche de l'armée vendéenne avait affolé les au-
torités. Les prêtres suspects à Fontenay furent con-
duits en masse au donjon de Niort, puis ramenés à
Fontenay, où la prise de la ville par les Vendéens, le
28 mai 1793. les remit en liberté. La plupart suivirent
leurs libérateurs. Lorsqu'on établit peu après, à Ghâ-
tillon-sur-Sèvre, le Conseil supérieur de l'armée ca-
tholique et royale, M. Rodier fut nommé membre du
Comité ecclésiastique. En qualité de vicaire général, il
procéda à la nomination de plusieurs curés, notam-
ment de celui de Sallertaine, en novembre 1793.
Mais bientôt les succès des armées républicaines mi-
rent la déroute dans les rangs des Vendéens. M. Rodier
avait obtenu de Charette de se réfugier à Noirmoutier,
avec seize autres prêtres, vieux ou infirmes : tous s'y
croyaient plus en sûreté que sur le continent. En jan-
vier 1794, cette île fut entourée et prise par les républi-
cains. De sanglantes exécutions suivirent cette vic-
toire, et les prêtres furent les premiers massacrés.
M. Rodier avait réussi à se cacher pendant quelques
jours, mais sa retraite fut découverte et on le fusilla
sur-le-champ sans aucun jugement ni formalités préa-
lables, ainsi que le constate le procès-verbal du juge de
paix de Noirmoutier.
Cette exécution sommaire eut lieu sur la place du châ-
teau, le 14 nivôse an II, 3 janvierl794, auprès de la mai-
son de M"' veuve Merland. Le corps fut enterré à quel-
— 376 —
ques pas de là, dans la douve, et quand celle-ci fut
creusée en 18i5, les ossements du martyr furent exhu-
més et déposés dans le cimetière de la paroisse.
— 377-
JACQUES ROUSSELOT
CURÉ DE LA VERRIE
1728-1796
Les Chroniques paroissiales du diocèse montrent ce
prêtre à la tête de la paroisse de la Verrie dès 1772. Il
était encore dans sa cure à la Révolution et jusqu'au
commencement de 1792, époque à laquelle, d'après une
note insérée par lui en tète du registre de 1793, il fut
obligé de fuir avec les ecclésiastiques non asser-
mentés. Il demeura donc bravement à son poste du-
rant ces premières années si agitées et si dangereuses
pour les prêtres.
Voici la note qu'il a laissée et que nous transcri-
vons :
< Tous les ecclésiastiques non assermentés ayant été
contraints de fuir, à cause de la persécution, plusieurs
enfants de tun et de Vautre sexe sont nés dans cette
paroisse de la Verrie pendant notre absence^ Van der-
nier et les trois premiers mois de la présente année
J793, lesquels enfants n'ayant été qu'enregistrés par
des officiers laïcs sans faire mention de parrains ou de
marraines, les parents nous ont requis de baptiser sous
condition ou du moins de suppléer les cérémonies du
baptême à ceux de leurs enfants cy-après qui n'aoaient
point encore été présentés à Véglise. Ce que trouvant
convenable, nous avons inséré ici^ comme par forme de
supplément^ tous les actes de baptême venus à notre
connaissance. »
Il y eut vingt-quatre baptêmes sous condition (1),
M. BufTard commence à signer, le vingt-trois, comme
vicaire.
Donc, en avril 1793, M. Rousselot, malgré les plus
grands dangers qui le menaçaient, vint reprendre son
(1) Le premier est du 22 avril.
— 378 —
poste de pasteur à la Verne, passa la période la plus
dangereuse caché dans la paroisse ou dans les alen*
tours, changeant presque chaque jour ou chaque nuit
de maison, ou plutôt de cachette dans les villages éloi-
gnés des routes ou dans les bols, exposé à toutes les
intempéries des saisons comme aux persécutions et à
la mort.
Sa vie fut vite usée à ce régime. Il mourut, le 10 sep-
tembre 1796, âgé de soixante-huit ans, oa ignore en
quelles circonstances.
— 379 —
PIERRE-ANTOINE SAVARY
CURÉ DE SAINT-HÂRS-DES-PRKS
1760-1800
M. Savary était élranger au diocèse de Luron et né à
Bourges en 1750. Nous ignorons comment irvint exer-
cer le ministère en Vendée.
Il administrait la paroisse de Saint-Mars-des-Prés au
moment de la Révolution, et se montra digne de sa foi
et de sa patrie d'adoption en refusant le serment. Il
essaya bien d'échapper à la loi de la déportation, mais
ne put y réussir. La lettre suivante donne les détails
de son insuccès dû à ce qu'il ne craignit pas de
s*avouer prêtre.
€ Le Comte, juge de paix à La Rochelle, à M. le Pro-
cureur syndic de la Vendée.
t A Dompierre, près La Rochelle, le 10 septembre
1792. l'an IV" de la liberté et de l'égalité.
« Les troubles, Monsieur, dont plusieurs districts du
département des Deux-Sèvres et peut-être quelques-
uns de celui de la Vendée ont été agités, ont dû donner
lieu à ce qu'on recherchât toutes les personnes venant
de ces quartiers. Sur quelques soupçons qu'on conçut
d'une part, du canton do La Rochelle*, qu'un particulier
nouvellement arrivé chez un prêtre insermenté pou-
vait être un fugitif des environs de Ghâtillon, la muni-
cipalité du lieu le fit arrêter et le conduisit à la ville où
il fui mis en lieu de sûreté. Ce ne fut qu'avant-hier,
huit heures, en ma qualité de juge de paix du canton
de La Rochelle, que je pus l'interroger. Dans cet in-
tervalle, le prévenu, quoique habillé en séculier, a
convenu être prêtre et cydevant curé d'une paroisse
qu'il a nommée Saint-Mars des-Prés, en Puybelliard,
district de la Châtaigneraie. Il s'appelle Pierre- Antoine
Savary, né à Bourges. Les papiers dont il était muni
consistaient :
c Suit le détail de ces pièces : l"" un extrait de bap*
-380-
tême;2* un passe-port délivré, le 14 juillet, à Saint-Mars,
signé Paradis, maire, auquel le juge de paix n'attribue
aucune valeur ; 3«* un certificat de complaisance donBé
par un M. Gorin de Ponsay, certifiant qu'il l'avait servi
lidèlement pendant sept ans. »
Le magistrat poursuit : « J'interroge ce qu'il avait
fait et où il avait été depuis le 17 juillet jusqu'au 29
août, temps beaucoup plus que suffisant pour venir de
Fontenay en ces quartiers ; il a répondu s'être arrêté
en chemin chez diverses personnes, que son déguise-
ment en séculier et les qualités de citoyen français
qu'il avait pris (sic) avaient eu pour objet de cacher
son état, contre lequel il savait le peuple très pré-
venu en ce moment; qu'il avait ignoré jusqu'à ces
jours derniers qu'il y eut des désordres dans le district
de Châtillon, même cette ville lui était absolument
inconnue, t
Ces raisons ne parurent pas convaincantes au juge
de paix qui maintint M. Savary en prison jusqu'à plus
ample renseignement.
Voici le signalement du prétro donné en la pièce ci-
dessus : taille cinq pieds six pouces, cheveux et sour-
cils châtains, yeux bleus un peu enfoncés, bouche
moyenne un peu béante, un petit fosset au menton,
nez long et bien fait, figure pleine et colorée, beaucoup
marquée de petite vérole, bien pris dans sa taille.
Les renseignements obtenus ne lui étant pas favo-
rables, M. Savary, après quelques mois de détention,
dut obéir à la loi de la déportation et partir par terre
pour l'Espagne, à travers mille difficultés sur sa route,
où il était arrêté à chaque instant comme suspect.
Une lettre d'un de ses compagnons d'exil signale
sa présence à Villaréal avec d'autres prêtres. Lors des
incursions des troupes républicaines en Espagne, les
ecclésiastiques réfugiés cherchèrent dans rintérieur
un refuge moins exposé, et M. le Curé de Saint-Mars
fut de ceux qui descendirent jusqu'à Cordoue en
mars 1793. De là il passa en Portugal et mourut dans ce
pays vers 1800.
Après son départ de sa paroisse, M. Paillât, ancien
aumônier des religieuses à Cholel, l'administra, caché
dans le pays.
La République ayant banni les saints, Saint*Mars-
des-Prés était affublé du nom approximatif de la PraÀ^
riale.
EXÉCUTION DU P. SERRES, A SAINT-LAURENT-SUR-SÈVRE
p. SERRES
MISSIONNAIRE A SAINT-LAURENT-SUR-SÉVRE
179-i OU 1795
Le 31 janvier, rapportent los> Chroniques paroissiales,
J.-Pierre Boucn^t, commandant la troisième division de
Tarméo infernale de Turreau, faisait son entrée à Saint-
Laurent.
Dès le soir de son arrivées, il écrit au général en
chef : t Je suis arrivé à cinq heures. Saint-Laurent
étant assez considéré, il me faudrait au moins deux
jours pour purger ce pays. Je ferai comme à Maulé-
vrier, je brûlerai tout avant de ])artir. • Kt le 2 février,
dans sa correspondance datée de la Verrie, on lit :
€ Pour m(î rendre plus promptement à ma destination,
je m(» suis dépéché de brûler tout Saint-Laurent. *
Malheureusement l'incendie ne sufllt pas à marquer
les traces de son passage : le pillage et les massacres.
La maison des Missiounain^s, convertie en hnpiUil
pour les soldats blessés des deux partis, commet la
Sag(»sse, rerut plus d'une fois la visihî des soldats de
Boucret. Le R. i^ Supiot, supérieur général, surpris un
jour par leur arrivée subite, n'cnit que le temps de se
blottir dans un coin, (iommi^ il faisait un peu sombre,
ceux-ci le prirent pour un tas de funn'er déposé <lîins la
cour et passèrent leur ch«*min. Mais le P. Serres, se
trouvant dans le bourg, fut rencontré par ces hommes
féroces qui, insensibles au dévouement avec b'quel il
soignait leurs blessés, le fusillèrent sans pitié. Un
jeune soldat, qui le connaissait et l'aimait, se jeta à ses
pieds avant l'exécution.
Plusieurs frères du Saint-Ksprit eurent le uiéme sort,
f Quatre d'entre eux furent arrêtés dans le bourg et
eurent la gloire de verser leur sang pour la religion
dans ces jours : le Frère Bouch<T, né à Saint-Laurent,
âgé de soixante ans, qui travaillait au jardin; le Frère
Olivier, un breton, âgé de trente ans; le Frère Jean, du
même âge, et le Frère Antoine. Le Frère Olivier était
grand et robuste. Les républicains cherchèrent à Ten-
tralner dans leur parti. « Celui-là, disaient-ils, nous
fera un beau soldat. » Mais comme le bon Frère rejetait
cette proposition avec horreur et mépris, ils l'empalè-
rent, épouvantable supplice, pour le faire souffrir
davantage.
Le Frère Antoine, emmené à Gholet, fut fusillé. Deux
autres Frères devinrent aussi les victimes de la Révo-
lution, mais nous ne savons dans quelles circon-
stances (1).
La maison des Missionnaires du Saint-Esprit fut
heureusement préservée, par une protection naturelle-
ment inexplicable» des incendies que les républicains
allumèrent à diverses reprises et dont elle garda long-
temps les traces (2).
(t> Ui$toir0 dû la Ca»ij|r^altVni d€$ Frér0$ dâ Soént-Gabriei, par
F. FONTENSAU,
(2) Les républicaÎAs dans leur rage isassacrèrent aussi les
blessés royalistes de ThOpital.
-364-
PIERRE-ALEXIS TORTEREAU-DUBOIS
CURÉ DE GHALLANS
1718-1793
M. Tortereau, prêtre distingué par ses talents et sa
piété, occupait la cure de la Roche- sur- Yon en 1788,
époque à laquelle il donna sa démission.
On le trouve de nouveau dans le ministère comme
curé de Challans, en 1753. Il demeura à ce poste jus-
qu'à Tépoque de la Révolution. Malgré son âge avancé,
sans craindre la persécution ni Texil, il fut un de ces
vaillants qui refusèrent énergiquement le serment
schismatique imposé par la Constitution civile.
Il dut abandonner sa cure et se réfugia aux Sables-
d*01onne, où il avait une maison, pensant s'y faire
oublier et finir ses jours dans la paix. Mais la persécu-
tion vint Ty trouver. Requis de nouveau de prêter
serment avec tout le clergé sablais, le 14 février 1791,
il le refusa une seconde fois, montrant qu'il était l'en-
nemi irréconciliable des erreurs révolutionnaires.
Ce nouveau refus lui attira la haine de la municipa-
lité des Sables, qui le fit arrêter en juin 1792 et le lit
prisonnier en sa propre maison. Cotte maison allait lui
être enlevée pour en faire la prison où devaient être
enfermés les prêtres pendant la période sanglante qui
venait de commencer.
De là, le vénérable vieillard fut emmené à pied jus-
qu'à Fontenay, pour y être incarcéré et comparaître
devant ses juges. Il y demeura réduit à une grande
misère jusqu'en mars 1793, époque à laquelle les Ven-
déens le délivrèrent par la prise de Fontenay. M. Tor-
tereau voulut retourner parmi ses anciens paroissiens
de Challans, mais il fut bientôt repris et conduit à
Angers.
Là étaient près de trois cenWprètres de Maine-et-
Loire, pauvres prisonniers presdje sans nourriture et
absolument sans lits. Vieillard^ eiNinfirmes n'avaient
oux-mèmes que le pavé pour prenore le repos de la
nuit. Cependant, une sorte de pitià( avait fait enfin
transférer ceux-ci dans le grand séimnaire. Les vexa-
tions, les outrages qu'ils essuyaient de làspart des gar-
diens et des soldats, étaient les épreuves de chaque
jour pour M. Tortereau et ses confrères. Plusieurs prê-
tres y moururent de misère.
Quant au prêtre vendéen, il fut envoyé de là à
Saumur, où siégeait une Commission militaire qui
jugeait à la hâte pour se débarrasser des prisonniers.
Le proconsul Francastel, qui allait venir en octobre
1793, devait encore hâter ces cruelles opérations. ^ J^_^
Traduit devant cette Commission le lJ-j«iHet 1793, Y ^^^^''-^^-''^^^^ "
M. Tortereau fut promptement condamné à mort
f pour avoir été membre et instigateur du rassem-
blement des brigands >. Son exécution eut lieu le
jour môme, à quatre heures du soir, sur la place de
la Billange, ainsi que celle de M. Durand, prêtre
d'Apremont, et d'autres ecclésiastiques. *
Le vénérable vieillard reçut la mort avec joie; elle
lui procurait du môme coup* le bonheur éternel auquel
il avait aspiré, surtout depuis sa première arresta-
tion (I).
(<) Nous avons dit que la municipalité sablaise s'était emparée
(11* la maison de M. Tortereau pour en faire une prison. C'est
dans cette maison, située devant l'ancienne place de la Liberté,
aujourd'hui place du Palais de Justice, que les prêtres de passage
aux Sables furent emprisonnés. Il existe encore aujourd'hui,
raconte l'auteur des Prisons des Sables, une preuve matérielle de
sa destination. C'est un modeste cadre, appendu au mur d'une
chambre et portant, sur un carton sous verre, cette émouvante
inscription : t Ici fut enfermé, en 1792, M. Darnaud, vicaire de
la Chaume, et plusieurs de ses confrères. >
Une main pieuse, peu après la tourmente révolutionnaire, a
voulu conserver par ce tableau, toujours respecté par les divers
habitants de la maison, le souvenir de la captivité de M. Darnaud
et des autres confesseurs de la foi.
2tS
-sse-
JEAN-BAPTISTE TRIMOREAU
CHAPKLAIN-DESSKRVANT DE SAINT- SYMPHORIEN
1738-1793
Le petit bourg des Touches (diocèse de Nantes),
donna naissance, en 1738, à un enfant très désiré, la
première bénédiction accordée à un jeune foyer, et le
complément de son bonheur. La piété régnait dans
cette famille.
Enfant prédestiné, aux instincts les plus heureux, il
répondit de bonne heure aux espérances de ses pa-
rents. Jeune encore il fut confié à son oncle, Jacques-
Claude Trimoreau, vicaire de la Bruffiére, qui, pen-
dant plusieurs années, devint son maître et son guide
dans la science et la vertu.
A la rentrée des classes qui suivit sa première com-
munion, Jean-Baptiste fut dirigé vers la cité nantaise,
au collège des Oratoriens, qui possédaient alors le
monopole de rinstruction de la bourgeoisie française.
Les penchants du jeune homme le portaient vers le
sanctuaire et personne n*y mit obstacle.
Sa mère seule lui restait et habitait la Bruffiére. Elle
fut heureuse de la vocation de son fils, qui entra au
séminaire diocésain. Jean-Baptiste y trouva pour maî-
tres les enfants de M. Olier, qui, depuis plus de deux
cents ans, remplissaient là Timportante mission de la
formation des clercs. Il devint Tun des meilleurs
élèves de ses heureux maîtres et leur fut redevable
de ce qu'il y eut de bon en lui.
Le jeune clerc devint prêtre en 1757 et fut nommé
vicaire à la Bruffiére. Le curé de cette paroisse, qui
aimait singulièrement le jeune prêtre, n'était pas, sans
doute, étranger à cette nomination. Ainsi le fils était
rendu à sa mère et logeait probablement chez elle, car,
à cette époque, les vicaires habitaient rarement avec
leur curé.
C'était, certes, un très beau début que le ministère à
exercer dans cette grande paroisse pour se former à la
parole, à la direction des consciences, au soin des
enfants et des malades. L'abbè Jean-Baptiste Trimo-
reau remplaçait son oncle, devenu vicaire de la collé-
giale d'Ancehis.
Le nouveau vicaire déploya là une grande activité
pour satisfaire son zélé et sa piété, à la grande édifica-
tion du pasteur et des paroissiens. Ce qui dura douze
années, après lesquelles il fut nommé vicaire non loin
de la Brufflére, à la Boissière-deMontaigu. Il y demeura
cinq années dans les travaux ordinaires du ministère.
Enfin, en 1774, M. Trimoreau reçut des pouvoirs comme
prêtre auxiliaire desservant le prieuré de Saint-Sym-
phorîen (1), situé dans sa bonne paroisse de la Bruf-
flére. Là, il avait l'avantage de connaître le caractère et
les dispositions de son petit troupeau et celui d'être de
nouveau auprès de sa vieille mère. En attendant les
graves événements dont nous allons parler, nous
n'avons rien à signaler dans la vie du nouveau pas-
teur.
Cette vie fut celle de tant d'autres ministres de Dieu,
qui passent de longues années dans les obscures occu-
pations du ministère pastoral, faisant le bien en secret,
sans autre désir que de sauver les âmes en leur appre-
nant à connaître et aimer Jésus-Christ et la sainte doc-
trine.
En attendant que des circonstances imprévues com-
mandassent le sacrifice de sa vie, l'abbé Trimoreau
faisait à Dieu l'oblation de tout son temps, de ses forces,
de ses talents, de ses ressources pour soulager les
corps et les âmes de ses paroissiens. Il avait été pourvu,
en 1776, de la Chapellenie des Audureau, attachée à
(1) Les religieux de la Madeleine de Geneston avaient fondé
anciennement ce prieuré au village de Saint-Symphorien. La
chapelle, mise sous le vocable du saint martyr d*Autun, remonte
à une époque très ancienne. Il s'y faisait autrefois de toute la
contrée un pèlerinage aujourd'hui dégénéré en foire ou plutôt
en assemblée. Ce bourg et le domaine de Saint-Symphorien
avaient été bâtis sur la terre du fief de la Roulière appartenant
aux seigneurs de TEchasserie.
— 388 —
l'église de la Bruflière, qui augmentail quelque peu se^
modestes ressources. 11 y succédait à M. J. Ménard,
chapelain, qui, lui-même, avait remplacé M. Vinet. Il
vivait là tranquille et vénéré de ses paroissiens.
Mais déjà le chapelain de Saint-Symphorien enten-
dait gronder Torage révolutionnaire et s'efforçait de
préserver de ses terribles effets ses chers paroissiens,
craignant plus pour eux que pour lui-môme, en vrai
pasteur des âmes. Vivant dans la solitude et adonné
tout entier à son ministère, le bon prêtre était étranger
à la politique. Ce qu'il en savait ne lui lit pas croire aux
crimes prochains de la Révolution. Comme beaucoup
d'autres, il se fît des illusions. Il crut d'abord que les
violences et les abus de justice de la première heure
ne dureraient pas.
On était arrivé à Tannée 1790, année de terrible
épreuve pour le clergé. Le serment à la funeste consti-
tution lui était demandé; il ne se mit pas en peine de
le faire, qu'avait il à en attendre? Bientôt il vit traquer
les prêtres, les riches, les royalistes, Jes suspects.
C'était trop fou pour durer : il n'y pouvait croire.
Il était bon, dit son biographe, mais d'une rare béni-
gnité, d^une modération et d'un calme exceptionnels.
Ses réponses à ses juges le démontreront plus loin. Il
n'avait sondé que le fond de son cœur et y assimilait
celui des autres. Voilà pourquoi il s'obstina à rester
dans le pays.
Toutefois, ce ne fut pas pour longtemps. 11 allait être
obligé de fuir.
Au moment où l'armée catholique se précipitait vers
la Loire, laissant derrière elle les maisons en flammes,
les églises dévastées, une colonne incendiaire, venant
de Montaigu, se dirigea vers Tiffauges et Cholet, met-
tant tout à feu et à sang sur son passage. Après avoir
fait un affreux massacre de Vendéens dans un champ
de genêt, elle déboucha à Saint-Symphorien, un ma-
tin, à l'instant où M. Trimoreau disait la sainte messe.
Instruit de l'approche des Bleus, il se hâta de termi-
ner et s'enfuit précipitamment. Ce fut heureux pour
lui, car, quelques heures plus tard, le hameau, l'église
et le prieuré étaient la proie des flammes.
Un officier républicain, chargé par Kléber d'une
reconnaissance, quelques jours après, fait, de ce pays
désolé, le tableau suivant : « Arrivé à Saint-Sympho-
rien, le bourg était encore en feu, et je vis quelques
habitants occupés à ravir aux flammes le peu d'objets
qui n'étaient pas encore consumés. Après avoir dépassé
le bourg, à une demi heure, nous commençâmes à
découvrir la trace de quelques chevaux. Tout" le pays
que nous parcourions, naguère si vivant, ressemblait
alors à une vaste solitude. De gros tourbillons de feu
et de fumée annonçaient seulement des habitations,
autrefois l'asile du bonheur, aux environs desquelles
erraient des troupeaux de toutes les espèces qui gar-
nissent les fermes. Leurs cris plaintifs, qui peignaient
leur inquiétude, ajoutaient encore une sorte d'horreur
à ces lieux.
• Ici, sur les décombres fumants, des chiens dont les
hurlements lamentables déchiraient l'âme, par l'idée
des malheurs arrivés à leurs maîtres... Là, sur un
tertre et devant des maisons encore embrasées, des
vaches que leurs mugissements répétés appelaient
celles qui leur donnaient des soins, des troupeaux
cherchaient inutilement leurs bergères.... Dans les
champs, dans le chemins creux, tous ces animaux
fuyant à droite et à gauche comme s'ils étaient toujours
poursuivis, annonçant ainsi les regrets de leur domes-
ticité et l'embarras que leur causait cette liberté.
t Depuis que nous avions quitté Saint-Symphorien,
nous n'avions rencontré figure humaine. Nous avan-
cions en tâtant le terrain de tous côtés, écoutant atten-
tivement sans rien découvrir, ni amis ni ennemis.
C'était le désert. *
Cependant, le chapelain, suivi d'un certain nombre
d'hommes de sa paroisse, avait réussi à rejoindre le
corps de la grande armée, d\i côté de Cholet et de
Saint-Florent. Avec elle il passa la Loire, mais se
sépara d'elle dés la première étape, c'est-à-dire à
Gandé, et se réfugia dans cette contrée religieuse, peu
distante de son pays, qu'il se flattait de regagner au
plus tôt. Pendant six longs mois d'hiver, le fugitif
mena une vie errante et menacée, changeant souvent
d'asile pour ne pas compromettre les braves gens qui
le logeaient.
Bientôt il se hasarda à changer de refuge et de pays.
Il ne put aller loin. 11 traversait une vaste lande, appe-
— 390 -
Ic'îc Lando-du -Moulin-Blanc, lorsqu*apparut- une pa-
Irouillo réi)ublicaiue qui le reconnut pour un prèlre el
l'aiTôta. Conduit aussitôt à Segré, emprisonné, M. Tri-
moi(îau comparaît devant le magistral instructeur qui
dresse un mandat d'arrôt, l'interroge avec rigueur et
renvoie à la prison d'Angers, pour y comparaître
devant le tribunal criminel du département de Maine-
et-Loire.
Là, son calme, sa dignité et la sincérité de ses répon-
ses étonnent tous les assistants, excepté les juges, peu
sensibles à sa candeur.
L'abbé Jean-Baptiste Trimoreau n'avait prêté aucun
serment. Au lieu de se soumettre à la loi de déporta-
tion, il l'avait bravée en restant sur le territoire de la
République.
Quand on lui demande pourquoi il n'a pas prêté ser-
ment : € Je ne l'ai pas jugé à propos, et, en plus, je ne
l'ai pas voulu, répond-il. »
11 reconnaît aussi que c'est la crainte de perdre sa
liberté qui l'a détourné de répondre aux exigences du
Din?ctoire de la Vendée, l'obligeant à se rendre à Fon-
tenay, dans la maison de réclusion des prêtres. On
pourrait dire le parc des malheureux prêtres entasses
sans i)ilié sur une litière peuplée des plus répugnants
insectes (1).
Aux yeux des juges, il reste démontré que le chape-
lain est un grand (»oupablo, digne de la déportation à
Cayenne ou de Téchataud. C'est la perspective qui
plana sur le prisonnier, pendant un mois, dans les
cachots de Segré.
La victime, épuisée par les privations d'une vie de
ru^Mtif pendant onze ou douze mois et par les mauvais
traitements de la prison, semble absolument résignée
à tout. Il avait fait à Dieu le sacrifice de sa vie Ce sacri-
lice fut agréé, et, le 28 brumaire, on le trouva mort
dans la maison de détention d'Angers.
Au revers du dernier feuillet du dossier du prétendu
criminel, de Tinsoumis aux lois cruelles de la Républi-
(|ue, on lit : « Procédure de Jean Trimoreau^ prêtre
(I) Si les prctics viMidéeut^ parLuf^èreiit le traitement des
ecclésiastiques nalllJli^, ils eurent à souflrir plus que ceux-ci,
car ïU un reçurent aucun objet de literie.
- 391 —
non assermenté^ détenu dans les prisons de Segré. >
Puis, un peu au-dessous et d'écriture différente : « dé'
cédé en la prison nationale^ dix heures du soir. »
L'éloge du saint prêtre est tout entier dans ces
quelques lignes. Il est court, mais complet. Prêtre, non
assermenté, c'est-à-dire prêtre catholique, ferme dans
sa foi, fidèle à son Dieu et à la sainte Eglise de Jqsus-
Christ. Décédé à la prison nationale^ c'est-à-dire mort
pour sa foi, martyr et victime de ses saintes convic-
tions, Adèle jusqu'à la mort au devoir du prêtre.
— 302-
JEAN-BAPTISTE TRIQUERIE
RELIGIEUX CORDKLIER DU COUVENT D'OLONNE
1737-1794
Ce prêtre, religieux cordelier de la maison d*0-
lonne (1), puis gardien du couvent de Laval et né dans
cette ville, fut du nombre des quatorze vétérans du
sacerdoce, infirmes ou sexagénaires, qui, emprisonnés
pour avoir refusé le serment, subirent la peine capi-
tale, le 21 janvier 1794. Ils étaient enfermés à Laval«
quand les Vendéens, y passant en vainqueur, les mi-
rent en liberté. Mais ces généreux confesseurs de la
foi se reconstituèrent prisonniers, l'armée vendéenne
ayant évacué le pays au mois de décembre 1793. En
janvier 1794, on leur lit subir un interrogatoire, dans
lequel il leur fut proposé de jurer qu'ils renonçaient à
la religion catholique, apostolique et romaine, et de ne
reconnaître aucun autre culte que celui de la déesse
Raison.
A cette proposition impie un non absolu et unanime
fut la seule réponse. Enfin on leur demanda s'ils avaient
encore le dessein d'enseigner la religion catholique,
apostolique et romaine, t Oui, dès que nous le pour-
rons, » répondirent les quatorze prêtres. Le 21 janvier,
dès huit heures du matin, ils reçurent Tordre de se
rendre au tribunal et avant le départ pour la prison,
on les obligea à payer un salaire au geôlier. Dix d'entre
eux llrentle trajet à pied entre deux haies de soldais;
les quatre autres, trop infirmes pour marcher, furent
jetés dans une charrette qui passait par hasard dans la
rue. Le nouvel interrogatoire fut à peu près le même
(1) Au commencement de 1792, par ordre du district des Sa-
bles, la cloche du couvent est descendue du beffroi, brisée et ses
débris envoyés à la Monnaie à Nantes pour être convertis en
numéraire.
— 393 —
pour les quatorze accusés. De chacun on exigeait le
serment de ne professer aucune religion, surtout la
religion catholique. Tous le refusèrent également.
Pour oe qui concerne le R. P. Triquerie, voici les
questions qui furent poàées : c Veux- tu prêter le ser-
ment ? — Quel est donc le serment que vous exigez de
moi ? N'étant point fonctionnaire, je ne m'en suis vu
demander aucun. — Le serment que nous exigeons de
toi, reprit le président du tribunal, c'est d'être fidèle à
la République, de ne professer aucune religion, pas
même la catholique qui est sans doute la tienne. — Ah !
vraiment non. Je ne ferai jamais un pareil serment, s'é-
crie le vieillard. Je serai fidèle à Jésus-Christ jusqu'au
dernier soupir. » « Enfant de S. François, continua
le P. Triquerie, j'étais mort au monde, je ne m'occu-
pais point de ses aff*aires, je me bornais dans ma soli-
tude à prier pour ma patrie. »
Alors un des membres du tribunal lui coupa la parole
par ces mots : « Ne viens pas ici pour nous prêcher. *
Voyant bien qu'il venait de prononcer sa sentence de
mort, l'accusé se sentit défaillir. Dans cette terrible
épreuve, l'infirmité de l'homme n'en révèle qu'avec
plus d'éclat l'héroïsme du martyr.
M""*Duret, cousine du religieux, qui se trouvait pré-
sente, envoya chercher un peu de vin pour le fortifier.
Irrité de cet acte de compassion, un des juges fit jeter
en prison cette femme, qui, après cinq semaines, fut
condamnée à mort, mais le chirurgien de la prison la
lit évader pendant la nuit.
L'interrogatoire terminé, l'accusateur public donna
ses conclusions qui furent fort courtes. Il prononça la
peine de mort contre tous les accusés.
Voici, dans sa brutalité, le texte de la sentence pro-
noncée contre le P. Triquerie et ses treize compagnons
infirmes :
€ La liberté ou la mort !
< La République française une et indivisible.
i Jugement de la commission révolutionnaire établie
par les représentants du peuple dans le département
de la Mayenne qui condamne à mort.... t Jean-Baptiste
Triquerie... Séance publique tenue en la commune de
Laval, le 2 pluviôse an II de la république et le 1'^ de
la mort du tyran, vu l'interrogatoire de Jean-Baptiste
Triquerie, Ambroise, etc. par lequel il est prouvé que,
— 394 —
requis par la loi de prêter le serment exigé des fonc-
tionnaires publics, ils s'y sont constamment refusés...
sur ce, ronsidérant que les principes que ces hommes
professaient étaient les mêmes qui avaient allumé la
^nierre de la Vendée .. la commission révolutionnaire,
entendu le citoyen Volclerc, accusateur public, et ses
conclusions, condamne à mort les dits prêtres et or-
donne qu(* le présont jugement sera exécuté sur-le-
champ et qu'en conformité de la loi, leurs biens, meu-
bles et immeubles seront et demeureront acquis au
profit de la République.
« La même commission révolutionnaire, vu Tînterro-
gatoire de René Sorin, de Saint-Paui-Montpenit, de
François Drapeau, laboureur, de la commune de
Beaurepaire, de Joseph Verdeau, menuisier, do la
commune de Sainte-Cécile... par lequel il est prouve
qu'ils ont fiiit partie des Brigands de la Vendée...
entendu l'accusateur public, condamne à mort les dits
Sorin, Drapeau, Verdeau, etc. »
Les quatorze prêtres (entendirent prononcer leur sen-
tence avf.'C le calme des anciens martyrs. Avant d'aller
au supplice, ils se donnèrent le baiser de paix, se
confessèrent mutuellement et entendirent les confes-
sions des \'en(léeiis qui devaient être exécutés avec
eux.
En marchant à Téchafaud, ils se disposaient à chan-
ter le Saloe Regina, mais ils en furent empêchés par le
bourreau.
Arrivés au pied de la guillotine, ils se tenaient là,
recueillis, comme devant un autel, attendant le
moment du sacrifice.
Après rexècuiion de la première victime, ils levèrent
les yeux au ciel, en actions do grâccîs, et se dirent
entre eux quelques paroles, sans doute pour expri-
mer leur joie du bonheur dans lequel venait d'entrer
le nouveau martyr.
« Taisez-vous, cabaieurs, taisez-vous, » leur crie
alors d'une voie brutale et courroucée le comman-
dant àr gendarmerie (1).
L'un des martyrs adn'ssa aux assistants ces paroles
remarquabl(»s : « Nous vous avons appris à vivre,
apprenez de nous à numrir. »
(1) Le Martyre de la Vendée, p. 30 i.
— 395 —
A l'un© des fenêtres voisines de Téchafaud on voyait
quatre membres du tribunal révolutionnaire, le verre
eu main; à chaque tète qui tombait ils le vidaient en
saluant le peuple. Le greflier du tribunal, voyant un
des vénérables curés monter l'escalier de Tèchafaud,
lui montra un verre de vin rouge en lui disant : t A ta
santé, je vais boire comme si c'était ton sang. » Le
martyr répondit : c Et moi je vais prier pour vous. »
Lorsque ces quatorze tètes de prêtres sont tombées
les unes après les autres,' trois soldats de la Vendée
militaire sont exécutés à leur tour.
Les corps, ti^ansportés dans deux tombereaux sur la
paroisse d'Aveniéres, furent jetés dans une fosse com-
mune.
Le 9 août i8i6, ils furent exhumés et transportés
avec un religieux respect dans Téglise d'Aveniéres.
Déjà, môme pendant la période révolutionnaire, on
faisait des pèlerinages au lieu de leur sépulture.
Mais, le jour de cette cérémonie, le peuple se porta
en foule. Chacun voulait avoir quelques parcelles des
ossements des martyrs dont il fut distribué une
grande quantité. Beaucoup de personnes avaient une
grande dévotion aux quatorze martyrs, les invoquaient
souvent et leur attribuaient l'heureux effet de leurs
prières.
Sur ces restes vénérables fut érigé un magnifique
monument, qui porte gravé le récit de la mort glo-
rieuse de ces confesseurs de la foi. Une belle croix de
mission s'élève aujourd'hui sur le lieu même de leur
martyre, et, sur Tune des faces on lit cette inscription :
< Sur cette place,
Le jour même de l'anniversaire de la mort de Louis XVI,
Quatorze prêtres
Dont les noms sont inscrits au Livre de vie,
Ayant dû choisir entre le serment et la mort,
Scellèrent de leur sang la pureté de leur foi
£t, conformément aux paroles de l'un d'entre eux,
Après avoir appris au peuple à bien vivre,
Ils lui apprirent encore à bien mourir. >
Par une ordonnance du 18 avril 1839 M«' TEvêque
— 396**
du Mans ordonna qu'il fût faif, selon les formes cano-
niques, une enquête pour constater juridiquement les
circonstances du jugement et de la mort de ces véné-
rables prêtres, et au mois de septembre 18W, le même
cvêque fit placer, dans Téglise de la Trinité, une pla-
que de cuivre rappelant brièvement la mort des qua-
torze prêtres et la liste de leurs noms.
- 897 —
ANDRÉ VERGÉ ET M. DAUCHE
MISSIONNAIRES DE SAINT-LAURENT-SUR -SEVRE
1789-1793
M. André Verger naquit en Pannecé, paroisse du
diocèse de Nantes, à la métairie de la Papinière, le
4 novembre 17S9. Il était fils de Jean Verger et de
Catherine Marceau. C'était une de ces familles de sim-
ples laboureurs qu'on pourrait appeler patriarcales,
telles qu'on les retrouvait encore en grand nombre
avant la Révolution dans plusieurs contrées de la Bre-
tagne, de l'Anjou et de la Vendée. Là régnaient une foi
vive, des mœurs simples et pures, une loyauté et une
probité à toute épreuve, l'union la plus intime entre
tous les membres de la famille, le respect le plus pro-
fond pour l'autorité paternelle, et enfin la pratique de
toutes les vertus chrétiennes. La famille Verger jouis-
sait en outre d'une honnête aisance, fruit du travail, de
l'ordre et de l'économie.
André Verger était l'aîné de six enfants. Elevé avec
soin dans ces traditions de foi et de piété qui se trans-
mettaient alors de père en fils, comme la partie la plus
précieuse de l'héritage paternel, il sentit de bonne
heure naître en lui le goût et le désir de se consa-
crer au service des autels, et, quoiqu'il fut l'aîné, ses
parents étaient trop chrétiens et sentaient trop le
prix d'une telle vocation pour y mettre les moindres
entraves. Il fut donc décidé que le jeune André com-
mencerait les études préparatoires qu'exige l'état
ecclésiastique.
Ce fut chez le curé de Vigneux, son oncle, qu'André
Verger, encore enfant, alla chercher les premiers élé-
ments de la science cléricale; de là, il fut envoyé au
collège d'Ancenis; puis enfin il vint à Nantes terminer
le cours de ses études classiques au collège que diri-
geaient les Oratoriens. Partout, dans ces différentes
positions, il donna l'exemple de cette piété franche et
-«t-
ie
la
If*
Sincère dont il avan piu6»> les {>r. "ri-
sein clf> sa fimulh?, et qui ne lit qu ^x
l'A^e et (les connaissances plus ètenduei.
Ses éludes classiques terminées, il entra au grand
séminaire de Nantes qui éluil alorà sous la dlrccUon
du pieux et savant M. Duelos, Jug<'î plus t ■ ' '":
remplacer M. Erneîry comme supérieur u
Compagnie de Saint Sulpîee La piété du j^
riste redoulila de ferveur rians ce saint asii
et de la science ecclésiastique. Ce qui Je lU s
remarquer au milieu des autres jeuno:^ '^*^î ' r-^
^agna tous les cœurs, c'était son iniii
son aimable égalité de caractère, sa picLe m
si vraie Comme on lui demandait un jour eu»
faisait pour ne se fâcher jamais : « Il est plus farilHi'
répondit-il, d'éviter le précipice que de s'en rrtî- *
quand on y est tombé; et si je me fAchai.^» je r
eirais qu'il ne m'en eoutîU trop pour par^î r
m'éviter celte peine, j'ai pris le parti de T
jamais avec personne •
Après avoir terminé son cours de IheuKii^n , i. .-o.^ix
diacre du séminaire, et comme il était encore trop
jeune pour recevoir prochainement le sacerdoce, il Fui
placé iTmime prér**pienr dans une excellente famille, il
Saint'Etienne-de-Montluc, la fainille de M, Leloup de Is
Billiais, conseiller au Parlement de Bret^igne. Tout le
monde sait ([uel fut le dévouement admirable de M. de
la Billiais et de ses fllles pendant la Terreur révolu-
tionnaire, et avec quel c<niragu elles moulèrent sur
Téchafaud par les ordres de l'iiorrible et sanguinaire
Carrier, C'est dans cette noble et pieuse famille -'«i»^
vécut M, Yerger, depuis sa sortie du séminaire }m
l'époque où il fut ordonné prêtre. Il fut alors pi
comme vicaire dans cette même paroisse de Sîii
Etiennede-Montluc dont M. Loysel était eu ré, puis
Nort et k Coufle.
C'est là qu'une nouvelle vocation allait se maniresl
aux yeux du jeuue prêtre- Les missionnaires du SalnP
Esprit de Saint^Laurent-surSèvre vinrent donner une
mission h Coutlé. Le jeune vicaire s«î livra avec le pluà
grand zélé à tous les travaux de la mission; il élail
brûlé du de.sir de faire revivre la foi dans b's crBurs el
de les embraser du feu de la divine ctiarité. Dans
commerce ialime qu'il avait avec lés missionnaireSpi
se lia de plus en plus avec eux, admira leur zèle, envia
bientôt leur genre de vie apostolique. Mais craignant
les obstacles que M. de la Bauche, curé de Couffé,
pourrait mettre à son départ, il ne laissa rien paraître
de son projet pendant tout le cours de la mission. A
peine les missionnaires eurent-ils quitté CoufFé pour se
rendre à Nort, où ils devaient aussi donner une mis-
sion, que M. Verger disparut et alla les rejoindre à
Nort. M. de la Bauche, surpris et inquiet de l'absence
de son jeune vicaire, apprit bientôt qu'il était à la pri-
son de Nort; comme il Testimait et Taffectionnait beau-
coup, il lui envoya sur le champ un exprès pour le
conjurer de revenir à Couffé, lui promettant de lui
abandonner sa cure et lui rappelant tout le bien qu'il
avait déjà fait dans cette paroisse. M. Verger, tout en le
remerciant beaucoup des offres avantageuses qu'il lui
faisait et des témoignages d'affection qu'il lui donnait,
resta inébranlable dans son projet; et aussitôt après la
mission de Nort, il se rendit à Saint-Laurent-sur -
Sèvre.
Nous n'avons pu recueillir que bien peu de détails
sur les œuvres de M. Verger depuis son entrée dans la
Congrégation des Missionnaires du Saint-Esprit jus-
qu'au moment de son arrestation par les persécuteurs,
c'est-à-dire pendant l'espace de trois ou quatre ans.
Nous savons seulement qu'il fut placé comme aumô-
nier des Filles de la Sagesse qui desservaient l'hôpital
du Château, dans l'île d'Oléron, qu'il lit plusieurs mis-
sions, et entre autres, quatre dans lîle d'Oléron, qu'il
donna des retraites en Bretagne et qu'il dirigea un
grand nombre de Filles de la Sagesse qui avaient en
lui une entière confiance (1).
Tant de zèle pour réveiller la foi dans les âmes, tant
de travaux si utiles à la religion ne pouvaient man-
quer d'exciter la rage des ennemis de l'Eglise catho-
lique. Des cris de fureur se faisaient déjà entendre
autour du saint prêtre; et comme la communauté des
Filles de la Sagesse et celle des Missionnaires du
(1) On lit dans VHistoire de la Sagesse que le P. Verger se
trouvait à rétablissement des Sœurs de la Sagesse à Pirmil,
quand, dans les premiers jours de janvier 1793, cinquante hom-
mes en armes vinrent y faire une perquisition. Le P. Verger fut
heureusement averti assez tôt pour prendre la fuite.
— m -
àaînl-Espril ètaienl itM-uiirrr^ uUnt- r-,ur iieslrucl
il fut destiné à passer en l'Espagne avec un ijp sef?
" "rores, M. Daurhe, pour forinor sur cii
^re une nouvelle romnninaute de Fm ,
gesse avec les débris de celles de Fraure, diB|ic
par la tempête révolutionnaire. Tous deux partjr<^i
Saint-Laurent, se dirignant ver.s î*a Korhollt^ où ils
valent s*enibarquer pour TKspa^nie; mais ^^ »
voulu quitter rhabil eeclèsiM^liijuo^ ils fm .
nus aux Herbiers par un lionuue qui avait souvei
Inivaillé pour la communauté du Saint-Laurent; on lé
arrêta et on les eonduisit aux Sabl*\s-d'(Jl(Uine. De ïi
ils furent transfères a la ritadelle iJf» l'Ile de Ué,
ils restèrent en prison quelques semaines, pernlui|
lesquelles on les amena trois fois à La Rocliellei
y être interrogés et juges.
Ce n'était là sans doute iju'un prêlcxle de la pari «
lf»urs imnemis qui espéraient qu'en 1rs montrant ain^
vn habit ecclésiastifjue, dans une ville on rê»^najl
refTerveseence révolutionnaire, ils parviendraient
exciter contre les deux saints missionnaires les fureur
de la populace, C'est ne qui ne manqua pas (rarri^-çç
La troisième fois qu'ils furent conduits de l'Ile de ~ ^
La Rochelle, ils aperçurent la p0|)ulac(* rassemblé^
nniltucusemenl sur les quais, s'agitanl et poussjuxl fl(
cris de fureur.
C'était te t! mars !793, Dans leurs deux preralêi
comparutions devant le trilumal revolutlonri '
La Hoclielle, nos deux missionnaires avalent ru.
sèment refuse de prêter serment ji laconstilulionclvii^
du clerfïé; c était li contre eux un crime irremiïîj
que rendait encore plus graud leur titre de mîsi
naires et le bien qu'ils avaient opère par leurs Lra|
apostolique.? Ils avaient été condamnes à être dêj _
H la Guyane et on les ramenait à La Rochelle afin
les embarquer pour ce long et cruel exil.
Mais cet exil ne sufTîsait pas à la vengeance d'ut
population furieuse contre deux prêtres rèfmi 'l'r-
comme on nppclait alors les prêtres restés ii
leur foi et à l'unité de TEglise. Cn v
attendait, digne «Tun peuple de can . .l
que rembarcation approchait du rivage^ les cris
fureur redoublaient, les menaces de mort deve]iAie]||
plus violentes et plus féroces.
- 40i -
« Voici notre dernière heure, se dirent l'un à Tautre
l(*s deux saints missionnaires. Préparons nous à paraî-
tre devant Dieu. » A l'instant ils tombent à genoux
et se confèrent mutuellement le sacrement de la ré-
conciliation. A peine avaient-ils achevé cet acte de
piété et de foi qu'une troupe de femmes, semblables
à des furies sorties de l'enfer, avaient envahi l'embar-
ration, s'étaient saisies des deux prêtres et les traî-
naient sur le rivage, au milieu des injures les plus
atroces, des rires d'une joie infernale, de blasphèmes
inouïs et de cris de mort. La foule se presse autour
des deux victimes, on frappe à coups de couteaux, de
sabres, dç pierres, avec tous les objets qui se trou-
vent sous, la main de ces furieux.
Cependant, la municipalité est avertie de cette scène
de barbares; elle envoie, par un sentiment de pudeur
ou par un acte hypocrite d'humanité, une escorte qui
paraît se mettre en devoir de conduire les deux prêtres
en prison. Mais la populace, arrivée à tout l'excès de la
rage, les arrache des mains des gardes qui les emme-
naient. On les maltraite avec une fureur toute nou-
velle.
Une femme, dit-on, voulait arracher la langue de
l'un d'eux, parce que, disait-elle, cette langue avait
fanatisé. C'est ainsi que ces deux généreux confesseurs
de la foi expirèrent sous les coups d'un peuple trans-
porté d'une impiété aveugle et atroce. Cependant, à la
vue des deux cadavres inanimés, la rage des barbares
ne se calma pas; elle continua à s'acharnor sur ces
tristes restes des deux victimes, on déchira leurs
membres sanglants, on les traîna sur des claies dans
les rues de La Rochelle; ils servirent longtemps de
spectacle et de jouet à une populace avide de pareils
actes de barbarie, puis enfin on alla les précipiter dans
une énorme fosse remplie de chaux vive, où s'englou-
tissaient chaque jour les cadavres des nombreuses vic-
times de la rage révolutionnaire.
On assure qu'un Frère de Saint-Laurent, nommé
Legris, qui accompagnait les deux missionnaires, mou-
rut à La Rochelle de l'impression que lui avait causée
la vue de tant d'horreurs.
Pour mettre le comble à toutes ces scènes de bar-
barie, le juge de paix, indulgent pour d'atroces meur-
triers, vint verbaliser froidement sur un tel événement
-404-
et il le fit avec tant de légèreté qu'il ne prit même pas
la peine d'insérer, dans son procés-verbal, les noms de
baptême ni l'âge des victimes ; après avoir constaté la
mort de quatre autres prêtres également massacrés
la veille, le stoique et imperturbable juge de paix
ajoute, comme s'il s'agissait d'un simple décès : « Les
deux derniers, Dauche et A. Verger, eurent le même
sort, au moment où ils allaient descendre d'une barque
qui les aurait transférés des Sables-d'Olonne à La
Rochelle. »
Ainsi, il ne s'informait pas même d'une manière
exacte d'où ils venaient et il met les Sables-d'Olonne
au lieu de l'Ile de Ré. C'est ainsi qu'on se jouait alors
de la vie des hommes.
Les Sœurs de la Sagesse qui se trouvaient à Thôpilal
de La Rochelle ne purent rien conserver des restes de
ces deux confesseurs de la foi. Leurs corps, confondus
dans cet immense sépulcre avec ceux des autres suppli-
ciés, ne purent être reconnus; et d'ailleurs il eût été
impossible, à celte époque, de recueillir les restes pré-
cieux des deux missionnaires pour leur donner une
sépulture plus convenable. Mais depuis, on a érigé une
croix de mission à l'endroit où leurs corps avaient été
jetés.
Voilà ce que nous avons pu recueillir de cette vie
sainte et de cette mort glorieuse devant Dieu et aux
yeux de la foi. Les autres actes de la vie de M. Verger,
de celte vie toute consacrée au salut des âmes, sont
connus de Dieu seul et inscrits dans le Livre de vie.
Que ce simple souvenir d'un de ces héros de la Foi, qui
versa son sang dans ces temps de triste mémoire, soit
du moins pour tous les membres de sa famille et leurs
descendants un sujet de consolation, un titre de gloire
et un encouragement à celte lldélité chrétienne, qui a
procuré à M André Verger la couronne des confes-
seurs de la Foi à la lin de mars 1793.
-403-
PIERRE VIAUD
CURÉ DE LA CHAPELLE-PALLUAU
1727-1798
Né à Barbfttre, M. Viaud fut successivement vicaire à
la Ghapelle-Palluau, à SaintJean-de-Monts, âBeaulieu-
sous-la-Roche, puis curé de la Chapelle-Palluau. Prêtre
zélé, pieux et très timoré, il fonda dans cette dernière
paroisse une école de latin ou petit collège, et fut le
premier maître de M»' Coupprie, évoque de Babylone,
dont M. Merland a écrit la vie.
Ayant donné sa démission le 2 mars 1779, M. Viaud
vint se retirer à Noirmoutier, puis à Nantes, paroisse
Saint-Clément.
Après avoir refusé le serment schismatique, il fut
emprisonné au Château, mais vu son grand âge (soi-
xante-cinq ans) et ses infirmités, on Tautorisa à
s'exiler et il s'embarqua pour TEspagne, sur le Télé"
maque, avec un passe port délivré pour se déporter à
Bilbao.
La République vendit à son profit tous ses meubles
et eflets, le 13 messidor au II.
Les privations et les tristesses de l'exil ruinèrent
promptement son reste de santé et peu d'années après,
M. Dorin, supérieur du grand séminaire de Nantes,
exilé avec lui, écrivait à sa famille : t M. Viaud vient
de mourir aussi saintement qu'il a vécu (1). » Son tes-
tament dénotait une âme vraiment pieuse et charitable
comme le prouve le couplet suivant, composé sans
doute par un de ses confrères exilés.
Monsieur Viaud, débonnaire.
Toujours compatissant,
Soulageant la misère
Des pauvres indigents,
D'après VEcho de Saint-Philbert et M. VtAVD^GnAMDBfAHAtd.
Au pied de l'oratoire
Est toujours prosterné,
Demandant la victoire
Pour le peuple afiligé !
Sa mort eut lieu vers le mois de septembre 1795.
M. Pierre Viaud fut le grand-oncle de M. Viaud,
ancien curé de Saint-Gilles.
-405 —
MICHEL VOYNEAU
CURÉ DE NOTRE -DAME- DES -LUCS
1724-1794
La famille Voyneau, originaire de Saint-Etienne-du-
Bois, compta plusieurs membres ecclésiastiques dont
il sera parlé dans cet ouvrage. Le frère du curé des
Lues était notaire royal à Saint-Etienne-du-Bois, et
M. Michel Voyneau administrait depuis longtemps la
paroisse des Lues quand vint la Révolution.
Il ne crut pas pouvoir abandonner ses paroissiens
dans ces jours critiques, et après avoir refusé le ser-
ment, il demeura courageusement parmi eux. Il réussit
à braver la Révolution pendant la terrible année 1793.
N'ayant plus que peu de temps à vivre à l'âge auquel il
était arrivé, mieux valait pour lui mourir à son poste
que de s'enfuir en exil. Aussi lorsque, en février 1794,
les soldats de la Terreur vinrent envahir sa paroisse et
la ravager, il était là, essayant de la protéger ou du
moins de préparer ses paroissiens à mourir.
Cette date du 28 février 1794 doit demeurer célèbre et
sacrée dans Thistoire de la persécution révolutionnaire
en Vendée et dans le calendrier du martyrologe. Ce
jour-là, un vendredi, les séides de Turreau faisaient
subitement invasion aux Lues et massacraient prés de
cinq cents victimes, dont un tiers était des enfants.
Le 5 mars, des paroissiens de M. Voyneau, réfugiés
dans les bois de la Vivantiére, en Beaufou, étaient sur-
pris à leur tour par une colonne républicaine et égor-
gés san» pitié, hommes, femmes, enfants et vieillards.
« La moitié plus un des habitants des Lues furent
immolés dans cette sanglante exécution (I). »
Le pasteur avait bien formé ses paroissiens aux véri-
tables et solides dévotions, celles du Sacré-Cœur et du
(i) Notice mr la chapellâ des Lues,
— M6 —
Rosaire, car, en 1863, quand on découvrit les restes
précieux des martyrs, on retrouva des débris de sc<i-
pulaires du Sacré-Cœur et du Rosaire dont ils s'étaienl
servis pour murmurer leur dernière prière.
Quant à M. Voyneau, poursuivi par les Bleus dans le
petit chemin de la Malnée, prés du Petit-Luc, il fut
atteint et massacré le 28 février.
Le pasteur mêla ainsi son sang à celui de son trou-
peau et leurs âmes furent réunies devant Dieu.
- 407 -
M. X..
PRÊTRE DU DIOCÈSE DE LUÇON
1794
L'auteur des Martyrs du Maine (1) rapporte qu'un
prêtre du diocèse de Luçon dont il ignore le nom, qui
avait suivi Tarmêe vendéenne, fut assassiné dans le
cimetière de Bernay (Mayenne). Il avait été rencontré
dans le bois de Monléartï, avec sa mère, sa sœur reli-
gieuse et un lidéle serviteur, par quelques habitants
de la localité, qui, sans pitié, les livrèrent aux soldats
de la République.
On a peine à se figurer la cruauté avec laquelle on
les traita : injures, menaces, paroles brutales, coups,
rien ne fut épargné pour faire souffrir ces infortunées
victimes.
En passant par un village, nommé la Cône, accablés
de fatigues et dévorés par la soif, les pauvres Ven-
déens demandèrent de Teau à boire. Voici la réponse
qui leur fut faite : € Il y en a sous le pont et nous allons
y passer bientôt. »
Une servante, témoin de ces paroles, indignée du re-
fus, courut leur offrir ce léger soulagement et recueillit
en récompense la bénédiction du prôtre-martyr.
Elle-même a raconté ce fait.
Pendant la marche douloureuse, le prêtre offrait à
Dieu le sacrifice de sa vie et priait pour ses bourreaux.
La vue du vénérable confesseur de la foi produisit
dans le cœur des habitants de Bernay une impression
profonde. Sa haute taille, sa démarche à la fois grave
et modeste, son extérieur pieux et calme, ses regards
lixés vers la terre, son visage serein et presque rayon-
nant de bonheur, tout contribuait à arracher les lar-
mes des assistants. "
(1) Par M. PiRRiN. 1884. T. I.
- 408 —
Aussi ce jour fut un jour de deuil pour les habitants
de Bernay; chacun se retira chez soi, en pleurant sur
le sort des victimes, et les maisons furent fermées.
On sépara les Vendéens. Les deux femmes furent
emprisonnées, le bon curé et son domestique furent
conduits dans le cimetière pour être immolés à la fureur
des soldats. Le lidèle serviteur demanda à ses bour-
reaux la grâce de recevoir la mort avant son maître,
afin de n'avoir pas la douleur de voir couler le sang du
prêtre. Ce qui lui fut refusé, de sorte qu'il mourut deux
fois.
Touché de ses sentiments, le ministre dé Dieu lui
adressa ces paroles : « Mon lils, je n'ai jamais cessé de
vous apprendre à bien vivn^ à vivre pour votre Dieu ;
aujourd'hui, je suis trop heureux d'avoir l'occasion de
vous apprendre à mourir pour lui. C'est au maître ik
donner l'exemple. »
Ausitôt il tomba sous une fusillade meurtrière, et
son lidéle serviteur le suivit bientôt au ciel.
-409 —
JACQUES YOU
CURK DE LA GAUBRETJÈRE
1743-1794
M. Yoli était Tainé de cinq enfants. Ses parents habi-
taient le hameau de VHevbaudellerie^ tout près du
bourg de la Gaubretière. Vicaire en cette paroisse
depuis le 25 avril 1765, il signe comme curé à dater
du 29 septembre 1780, succédant à M. René-Esprit
Chesneau, qui ne mourut qu'en 1786, âgé de près de
quatre-vingt onze ans, et dont il fit la sépulture.
En 1788, M You faisait le mariage du futur géné-
ralissime des armées vendéennes, Maurice-Joseph-
Louis Gigot d'Elbée, avec Marguerite- Gliarlotte du
Houx de Hauterive. Le premier était domicilié à Saint-
Martin-de-Baupréau, en Anjou; la future avait son
domicile à Noirmoutier. M. You était délégué pour
bénir ce mariage.
A la Révolution, M. You, ayant refusé de prêter ser-
ment, fut obligé de quitter son presbytère et de se
cacher en des lieux écartés pour se dérober aux
recherches des persécuteurs. Sa dernière sépulture
sur les registres paroissiaux est du 18 juillet 1792.
Il se cacha successivement chez sa mère, à YHerbau-
dellerie, aux Laitières chez M. Doublet, qui souvent
lui prêta des vêtements pour se déguiser.
Avec lui étaient cachés, sur cette terre de fidélité,
des prêtres connus dans le pays et cités par Pierre
Rangeard. Voici quelques noms : M. le curé de Saint-
Pierre de Cholet; M. Durand, curé de Torfou, et un
autre Durand, curé de Saint André-la- Marche; M. Buf-
fard, caché à Bouille, qui célébrait la messe dans le
petit bois de ce nom; M. Oger, de Saint- Aubin-des-
Ormeaux, qui se cachait à la Jambière^ dans un grand
champ de genêts, derrière la métairie; M. le curé de
Bazoges, à la Touche au Boux, dans les rochers, sur
les bords de la Crùme; c'était M. Bonnet; M. Benéteau,
- " ' - ' ' -■ ■ — siafc-
"* i.ir
» 411 -
du grand massacre. Lui-même mourut en juillet 1794,
à la Petite Renaudière, assisté de M. Desplobein, qui
liai administra les sacrements et reçut son dernier sou-
pir. Cet ami du curé de la Gaubretière fut chargé de
desservir la paroisse jusque vers la Un de la Révolu-
tion,
Mais écoutons le récit des principaux faits de la per-
sécution dans cette héroiq\ie population, d*aprés un
témoin, P. Rangeard :
« Le 15 janvier 179i, mon malheureux père et quel-
ques autres vieillards inlirmes étaient allés, de nuit,
entendre la messe à la ferme de la Petite-Renaudière.
Surpris en retournant par un détachement de républi-
cains, ils sont sommés de crier « Vive la République ! »
et sur leur refus, ils furent tous horriblement massa-
crés. Leurs dernières paroles furent pour Dieu. Des
femmes cachées dans un champ voisin furent témoins
de cette scène tout à la fois horrible et sublime. A cette
nouvelle, je pars avec quatre hommes. Quel spectacle
déchirant pour les yeux d'un fils ! Il ne sortira jamais
de ma mémoire. Le corps de mon père était étendu
dans la boue, sanglant, mutilé, le crâne fendu, à peine
reconnaissable au milieu de dix cadavres couverts de
blessures. Ce n'était pas le temps de pleurer; un der-
nier devoir nous restait à leur rendre. Notre saint prê-
tre, M. You, était caché non loin de là; c'était sa messe
qu'ils étaient allés entendre et ils ne pensaient pas que
c'était la dernière pour eux. 11 est averti, accourt à la
hâte, récite quelques prières sur ces chers et tristes
restes, et nous les déposons sur une charrette prise à
la ferme de la Pernuére pour les conduire au cimetière.
Les cadavres étaient à peine couverts de terre qu'une
colonne républicaine entrait dans le bourg. Nous n'eû-
mes pas le temps de nous sauver. Les républicains ne
touchèrent point à la charrette ni aux bœufs abandon-
nés précipitamnent sur le chemin. Nous les retrou-
vâmes à la même place quand la colonne fut partie.
t Maîtres de la Gaubretière, les républicains trans-
formèrent l'église en corps de garde et en écurie, éle-
vèrent devant la principale porte un mur percé de
meurtrières et crénelèrent {sic) toutes les fenêtres.
Cependant, malgré toutes ces précautions, iIsn*osaient
encore coucher, la nuit, dans cette forteresse improvî-
séo. I.e jour soulcmcnt, ils y installaient un poste de
sûreté, pendant ([uo des colonnes parcouraient la cam-
pa{j[ne. Notre inlbrlunêe paroisse, déjà si cruellement
éprouvée, comnienrait à respirer, lorsque le 27 février
1794 vint niottro le comble à ses désastres. Dès le ma-
tin, dos colonnes parties de Nantes, de Cholet, de Mor-
tapne et de Montaigu la cernèrent de toutes parts. Ils
étaient peut-être dix mille, n'ayant pour mot d'ordre
que la mort et Tincendie. Ils n'exécutèrent que trop
leur implacable consif^^ne, le fer n'épargna rien de ce
qu'il put atteindre et le l'eu consuma tout. Le cœursai-
gne encore à la pensée de tant d'horreurs.
« J'avais eu le bonheur de m'enfuir avec ma vieille
mère dans la commune de Beaurepaire qui n'éprouva
rien de semblable Ou n'eu voulait qu'à la (Taubretière
pour le moment. Du lieu de notre retraite qui n "était
])as éloiîj:nê(», nous entendions les cris des niourauts
mêlés aux alireuses clameurs des soldats. Dopais tour-
billons de llammes obscurcissaient le ci(^l sur une vaste
étendue. Le lendemain au soir, un profond silence
avait succédé aux bruits tunmltueux. Nous nous hasar-
dâmes, le nommé Fumoleau oi moi, à visiter notre
nuilheureux bourp. Ce n'était ]>lus qu'un monceau de
cendres, d'où s'échappait encon^ une chaleur brûlante
dont l'air était tout (îuibrase Tout ce qu'il y avait de
combustible à l'église était devenu la proie d(»s flammes,
la toiture, une chaire magniil([ue, des boiseries nemar-
quables, les bancs, les autels.
« Mais le monument proté«ié par ses belh^s voûtes
en pierres était seul resté debout au milieu de cotte
ruin(î universelle, comme uu signe d'espérance et un
témoignage frappant de l'indestructible existence de
l'Eglise de Dieu. Qui pourrait dépeindre tout ce que
j'éprouvai à ce sjiectacle. Mais ce qui navrait le cœur,
c'était la vue (U) ces cadavr(»s dont la terre était couver-
te. Les uns commencair»nt à se décomposer; les autres
étaient dévorés par les chiens, les corbeaux s'abat-
taient par nuées, cherchant uiu» pâture dans ces tristes
restes que nous étions impuissants à défendre contre
ces révoltants outrages. Cependant, plusieurs person-
nes étant venues nous rejoindre, nous pûmes rendre
les derniers devoirs aux cadavres que nous rencon-
trions sur les chemins voisins et dans les rues. Mais
combieu d'autres dont les ossements, blanchis par le
temps, ont jonché pendant plusieurs années ces
champs de désolation.
€ Le ciel ne laissa pas, cette fois, sans vengeance,
l'atroce conduite des républicains.
€ Le bourg est dominé au midi par des hauteurs ap-
pelées « les moulins du Caillou. * C'est là qu'au nom-
bre de six à sept mille ils furent rencontrés par Cha-
rette et Sapinaud, dont les forces réunies faisaient trois
ou quatre mille hommes.
c On se battit avec acharnement et l'ennemi prit la
fuite. Un bon nombre de Bleus s'étaient renfermés
dans trois moulins à vent placés sur ces hauteurs; ils
périrent tous, jusqu'au dernier, sous le fer des Ven-
déens. Les autres se vengèrent de leur défaite en in-
cendiant, quelques jours après, les récoltes qui n'a-
vaient pas été coupées et les quelques toits recouverts
de chaume depuis le mois de février.
€ Il était dit que la Gaubretiére n'aurait ni paix ni
trêve.
f Le 10 mars 1795, cinq religieuses Augustines, qui
tenaient une petite Providence pour le soulagement
des blessés, ayant quitté leur retraite, rentraient dans
le bourg. Aperçues par une colonne si justement appe-
lée du nom d'infernale, elles ne purent s'enfuir. On les
arrêta au pied de la croix de mission. Aux questions
qu'on leur adresse, elles avouent leur saint état.
Criez : Vive la République / et à bas le bon Dieu I leur
dit-on. — Plutôt mourir mille fois, s'écrient-elles toutes
ensemble. Puis, tombant à genoux et saisissant les dé-
bris mutilés de la croix, elles entonnent d'une voix
forte et assurée : Vioe Jésus, vive sa croix f
€ Ni les instances, ni les menaces ne purent leur
arracher d'autres cris, et, quand leurs têtes tombèrent
sous le tranchant de répée,' leurs lèvres murmuraient
encore les paroles brûlantes du saint cantique. .
c Vers le même temps eut lieu un autre massacre,
dont voici les circonstrances. Gomme je l'ai déjà dit,
les soldats ne couchaient pas à la Gaubretiére. Une
nuit, les Vendéens vinrent donc pour s'emparer des
— iU -
vivres déposés dans Tégliâe. Surpris de grand tnatîni
ceux qui ne purent s'enfuir fermèrent précipîtammei]'
la porte. (Ils pouvaient être de ciuquanla à soixante
hommes et une cinquantaine de femmes.) Ils se défea-
. dirent avec acharnement pendant huit heures entièreSp
et chacune des meurtrières, faites par les Bleus eux-
mêmes, vomissait sur eux le fer et la mort* Los fem-
mes chargeaient les fusils et animaient les assièges par
des chants pieux. Mais, les munitions venant à leur
manquer, il fallut se résigner à la mort. La porte de
l'église fut enfoncée; quinze hommes et huit femmo??
avaient survécu *au combat et h Tassant; ils furent con-
duits sur la route des Herbiers et fusillés au lieu appeiAI
le pont du Grand-Henry,
€ Cette victoire coCita cher aux républicains.
f Grâce à la peur que leur inspirait le nom seul de la
Gaubretiére, il nous restait encore la nuit pour remplir
les devoirs de notre sainte religion. »
~4l8->
LISTE SUPPLEMENTAIRE
DE QUELQUES PRÊTRES
sur lesquels nous possédons peu de documents, qui
ont refusé le serment à la Constitution civile
ou quiy l'ayant prèté^ Pont rétracté.
Ces prêtres sont morts avant
ou peu après 1801
ABRÉVIATIONS
c, curé - V., vicaire — m., mort — chan., chanoine
Albert, Pierre, c. de Sainte-Florence, anc. vie. Saint-
Hilaire-de-Talmont, en 1786, âgé de cinquante
ans, en 1790; prête serment, ne reparaît plus
après 1791.
Arriel, François, prêtre lazariste du couvent de Fonte-
nay/né à Chaumont (Langres), le 2 août 1752,
reçu au séminaire de Paris le 7 avril 1773, a fait
ses vœux le 8 avril 1775, refuse serment en
janvier 1791, part des Sables pour Texil, en Es*
pagne, en septembre 1792, réfugié avec son
frère à Calahorra, puis à Tolède, où il est mort.
Arriei, Jean-Baptiste, lazar. de'Fontenay, frère du pré-
cédent, né à Chaumont 13 avril 1756. Entré au
séminaire à Paris en 1774, y fait ses vœux le
12 juillet 1776, refuse serment en janvier 1791,
part des Sables pour l'Espagne en septembre
1792, réfugié avec son frère, y meurt.
Aujardi Louis, c. de Bessay, part pour TEspagne, sur
\e Jean-François, 9 septembre 1792. Une tran-
saction consentie dans l'assemblée de paroisse
de 1787 avait montré quelle entente cordiale
règnait entre le pasteur et ses paroissiens !
ne figure pas sur YEtat des prêtres après bi
Révolution.
Auge, François Bapt., c. de Chasnais, refuse serment^
dispensé do la déportation, vu son âge avancé,
resté infirme à Tliôpital ée Fontenay jusqu'éii
1799. Son nom n'est plus sur la liste du clergé
après 4801.
Béraud, prêtre de Saint-Maurîce-des-Noûes, interné à
Fontcnay, m. pendant la Révolubon.
Berthe de la Guibretière, titulaire de la chapellenie de
Mathurin-Durand, en Téglise de Saint-Gilles, et
curé de cette paroisse, devint chanoine de Mon-
taigu après 1780, et échappa au massacre de
1793 en cette ville : ne reparaît plus ensuite.
Beynard^ Joseph, c. de la Couture (aujourd'hui dépen-
dant de RosnayJ. resta au milieu de ses parois-
siens, après avoir refusé le serment schismati-
que. Arrêté au début de 1794. il est conduit en
prison à Poitiers, condamné à mort 18 mars
1794, et exécuté avec d'autres prêtres inser-
mentés. (D'après M. Teillet, c. d'Antigny.)
Bichon, c. de Sainte-Christine, disparaît en août 1792.
Billaud, prieur de la Grainetière, tué par les républi-
cains à Chambretaud (1).
Bisselle^ prêtre, exerce le ministère à Boufferé, signe
• sur les registres de cette paroisse de la fin de
1792 à 1796, puis ne reparait plus.
Bodin, c. de la Vineuse, réfugié parmi les combattants
de Tarmée catholique, périt au passage de la
Loire. (Dugast-Mat.)
Boisvinet y Minù, v. Saint-Hilaire-du-Bois, partenexilen
Espagne, 3 octobre 1792 : ne reparaît plus dans
les rangs du Clergé vendéen après le Concordat.
Bonnet, c. de Bazoges-en-Paillers, suivit Tarmée ven-
déenne et mourut au passage de la Loire. (Du-
gast-Mat.)
Boulanger, chan., meurt pendant la Révolution.
Brunetiére, c. de Treize- Vents de 1793 à 1801. signe
chan. de La Rochelle, avec cette mention :
(1) Dit inconnu par M. Botjrloton, donné par d'autres histo-
riens.
— 417 -.
• Ces actes ont été faits en Tabsence du recteur,
pendant le temps de la persécution, * Ne repa-
raît plus depuis 1802.
Chabirandy vie. de Saint-Malo, mis à mort à Noirmou-
tier, après la prise de cette lie, ne voulant pas
renoncer à sa foi. (Deniau, T. II, p. 632.)
Chesneau, originaire des Landes-Genusson, vie. aux
Landes, refuse serment, part des Sables, pour
TEspagne, en 1792, anc. vie. de la Séguiniére,
prés Gholet, meurt en exil.
Chevallereau^ chan. de Luçon, disparaît en 1791, sans
qu'on retrouve ensuite son domicile. M»' de
Mercy annonce sa mort en 1796.
Clion^ François, c. de Damvix, anc. vie. de Sainte-
Christine, part en Espagne, 9 septembre 1792,
ne reparaît plus.
Cosies, Vital, né le 1«' février 1742, c. de Fontaines et de
Chaix, m. vers 1801. (Etat des prêtres.)
Couaud^ Pierre, curé de la Grève, aujourd'hui réunie à
Saint-Martin-des Noyers, curé de Thorigny dés
1775 Prêta d'abord le serment, puis se rétracta
et disparut.
Courtin, Pierre, chan., refuse serment et meurt peu
après.
Coyaud, Paul Marie, dessert Saint-Malô en 1794, avait
pouvoir de vie. gén. de W^ de Courcy, év. de
La Roclielle, refuse le serment. Arrêté en 1799,
il rie reparaît plus.
Denonceau, Louis, religieux des Fontenelles (Saint-
André- d'Ornay), arrêté pour n'avoir pas fait
le serment, emprisonné aux Sables jusqu'en
décembre 1793, envoyé alors au tribunal cri-
minel de Noirmoutier, d'où il ne revint pas.
(Prisons des Sables, p. 133.)
Destouche, chan., refuse serment et meurt avant la
déportation.
Dugast, c. de Corbaon, refuse le serment, suit l'armée
vendéenne, tué à Savenay, 13 décembre 1793.
(Dugast-Mat.). S'était échappé des Sables.
Duranceau, c. de Sainte-Foy, administra cette paroisse
depuis 1763. En 1782, bâtit l'église, reste en
Vendée, assiste au synode du Poiré en 1795.
On ignore la date de sa mort.
Durandi Joseph, né à Cugand, prêtre en 1784, vie,
S7
^418 —
refuse le serment, se réfugie & Noirmoulipr
avor iHx-5ïopt pri'^ir*^'* ven(l(>*'i ' ré
k la prise de Tile par les repui ^i
sur les Confesseurs de la Foi, NanieSf par
M. Brian D.)
Durand, \ic. u Touvois (clioc, de Nanles), arrùlù m
juiu 1791 par ordre du district de M < ' ul^
relilcliè, se réfuj^ie û Noirmoutier, esl . vu
â la prise de Tlle. (V. Origines^ D. Ciiahahii, p.
!84.)
Forget^ Jean-Francois, vie. à Bazoges eri*Pare<is, né le
20 juin iTGl, part en Espagne le 11 septembre
1792, ne reparaît plus.
Gabardj xMalhurin, diacre de Cbambretaud, niort en
1793 sans avoir accepté la Coustitulion civile.
Garnault, Jean Baptiste, vie. de Sainl-MaiiV-du-Bois,
refuse serment, se réfugie à Noirmoutier, où il
est fusille le 4 janvier 1794, d après M. Punlde*
vie. D'autres historiens le disent exilé et mori
eu Espagne.
Gaudin^ vie, à Coî*x, exilé en Espagn«s & Briuneâ,
Vieille-Castille, écrit à sa mère, ne revint \ms
d'exil,
Girard, succède à M. Thoumazeau, mort en 1791, e.
de Saint-Vincent'Sterlaugf's. exile en Espagne
pour refus de serment et y meurt,
Goffué, Jacques, aumônier de Clmrelle, fait à la Rocl
sur-Yon la sépulture de Guérin tué » Si
Gyr-en-Talmondais par les Bleus, dit, h
par quelques hisloricus, vicaire de la Rucliiî*
sur-Yon, étranger au diocèse, tué après la mort
de Charette par un gênerai républicain.
Grondin^ vicaire de BarUUre de 1780 à 1702, fait ser-
ment, le rétracte et estexilr en K il
meurt. M. Rousseau» son ancien < -n
Westphalie, écrivait eu 1797 : « Les nouvelles
d'Espaj^nc me lîattent et m'allli^ent. Je re^'»*-*»**
sincèrement MM. Viaud et Cirondin. •
Guérin^ Pierre Michel. Né en 1750 à Torfou, dîoc. uc
Luçon, il entra dans la Compagnie de Saint-
Sulpice et résida, comme professeur el èi^o-
nome, au grand séminaire de Nantes, de l"HVi
1790. Arrêté à Issy, il fut égorgé aux Carmes,
3 sept. 1792, en même temps que Tabbc Roborl
tarlT
de Lézardière. (M. Grégoire, c. de Sainte-Luce,
dioc. de Nantes. D'après M. Briand.)
Hamon, Jean-Léon, né à Saint-Hermant (Sainte-Her-
mine), chan. hebdomadaire depuis 1748, pre-
mière victime de la déportation, refuse le ser-
ment, part pour Texil en Espace à soixante-
quatorze ans. Le navire Jean-François, qui le
portait, est assailli par la tempête et M. Hamon
emporté par une vague.
Hédon, Georges, c. du Champ-Saint-Père, part en Espa-
gne, 11 septembre 1792, exilé à Siguenza et
Gourdoue, disparait ensuite.
Hilaire, prêtre de Luçon, massacré à Saumur en 1793,
comme ennemi de sa patrie, avec d'autres
prêtres. (Deniau, II, p. 605).
Jagueneau^ sacriste de Saint* Jacques de Montaigu, m.
pendant la Révolution après avoir refusé le
serment (Dugast-Mat.).
Jousberi de la Courte, c. de Beaufou, caché en Vendée
après avoir refusé le serment, ne reparaît pas
après la Révolution. On ignore Tépoque de sa
mort.
LetoquarU Jean-Baptiste, lazariste du couvent de Fon-
tenay, né à Boisleux (Aisne) en 1764, reçu à
Saint-Lazare en 1783, refuse le serment, part
pour l'exil en Espagne, retiré chez les Laza-
ristes de Barcelone, où il meurt.
Merland, c. de l'Aiguillon, dessert l'Airiére (Perrière)
pendant la Révolution, assiste au Synode du
Poiré, ne reparaît plus, d'après VEtat des prê-
tres, au Concordat.
Mougtm (Avicede), chan. titulaire, prévôt de Fontenay,
après avoir refusé le serment révolutionnaire,
se retire à Niort. Dénoncé, il est mis aux arrêts
dans sa maison, où il meurt infirme et dans la
misère en 1797.
Noiret, Charles, vie. à la Châtaigneraie, part des Sables
en Espagne le 9 septembre 1792. On n'entend
plus parler de lui.
Noirely Iquem, religieux de Bois-Grolland. part en exil
des Sables le 11 septembre 1792, disparaît
ensuite.
Normand^ Henri, c, de Château-Guibert en 1787, part
- 420 -
eu exil des Sables le 30 juillet i79î. Son nom
ne rpparaît plus.
Pallardyj prêtre de Cliantomuiy, après avoir refu
son adhésion à la Constitution civile, est arrt'^ti
conduit à Nantes, emprisonné au Bni f !i
8 Juin 1793 et condamné à mort. (V. Pn '^
SablesJ
Pasquier^ desservant Chaltans, s*énfuit avec ^a^ra<^^e
vendéenne et meurt au passag** de la Luirt*
(DuaAST-MAT.),
Payau^ c. des Herbiers, refuse le serment, part en exil.
Il meurt à Bilbao en 1792.
Pichard, Jean-Baptiste, c. de Chassais-rEglise, en ^r.
gournais, ne à Poitiers, condamné à la d»
tatlon, embarqué a Rot!hefort sur le navirr w^
Deux-Associés^ h trente-neuf ans, mort Î7 août
1794, inhumé à 111e Madame.
PoissonruH, René, curé de Longevcs, part on Espagne
le 10 septembre 179i Ne reparaît pas*
Poiteoin, François, ne au diocèse de Lucon, c* de ta
Reraaudière (dioc, de Nantes), refuse de prêter
serment, suit l'armée catholique et meurt pen-
dant la guerre,
PriouzeaUy Thomas, vie. a Antigny, part en Espagne le
il septembre 1792, après avoir été interné t
Fonlenay durant six mois, réfugié à Haro, n«
reparaît plus au Concordat (Etat des pn^i
Rautureau, Pierre., c. du Breuil-Barret, relustî h
nn^nl., pari pour l'exil le 10 septembre 1792. It
n'est plus question de lui ensuite,
Rivallon, c. de la Chupellc-Thémer, pour ne pas ôlre
contraint au sermenl, s'enfuit avec l'armée
vendéenne et périt au passage de la Loire
(UuGAST Mat-).
Roberty prêtre habitué â Apremont, refuse le serraent.
était à la Proutiére en juin 1791, Disparaît
ensuite,
Rùussereau, .Jacques, c. de Saint- Pierre • du -Chemin,
refuse le serment, disparaît h? 18 juillet 1792,
n est pas inscrit sur Y Etat des prêtres rentres
en Vendée en 1801.
Serrillé, desservant les Chitelliers, reste r î. n
V^endée, refusant le serment, assiste ai. _ ie
du Poiré, disparaît.
— 421 —
Serin de Lesnardiêrei chan., refuse de prêter serment,
s'embarque pour l'exil avec M. Paillou le 9 sep-
tembre 4792, le suit dans ses retraites succes-
sives et meurt avant 1801.
Tardinière {de to), prêtre octogénaire, réfugié vers
Montaigu, et assommé, dit Dugast-Matifkux,
aux environs de cette ville, vers la fin de 1793.
ThomaSy André, c. de Saint-Nicolas de Titlauges, refuse
le serment, part pour l'Espagne le 4 octobre
1792, réside à Guataria et meurt pendant la
Révolution.
Thoumaseau, Martial, c. de Saint-Vincent-Sterlanges,
ne prête point serment, inscrit sur Y Etat des
prêtres du district de la Châtaigneraie devant
être déportés. Mort à la* fin de 1791.
Vacquety prêtre caché à Boufféré, dessert cette paroisse
en 1792, ne reparaît plus ensuite
APPENDICE
— an—
PRÊTRES MARTYRS
DES
GUEt{l?ES DE l^EUIGIOH
LE CHANOINE CHANTECLERC
ET HUIT AUTRES PRÊTRES
1568
Au XVI* siècle, les Protestants firent plusieurs fois" le
siège de la ville et de la Cathédrale de Luçon. Un des
plus rudes assauts qu'ils livrèrent aux prêtres et aux
catholiques de cette ville eut lieu en février 1868. t Le
18 de ce mois, raconte le chanoine du Tressay, onze
cents protestants, sortis de La Rochelle et de Marans,
vinrent au Gué, gagnèrent Mouzeuil et arrivèrent à
Luçon une heure avant le coucher du soleil, bien déci-
dés à exercer leur vengeance.
€ Ils entrèrent sans difiQculté dans la ville.
c Mais une énergique résistance les attendait à la ca-
thédrale.
€ En prévision des événements, le chapitre avait
cherché, mais en vain, un capitaine pour lui confier la
garde de Tèglise. Aucun homme d'armes de la ville
n'avait voulu accepter cette fonction redoutable. Le
péril était extrême, les chanoines se cachèrent, leur
rôle n'était pas de porter les armes et de guerroyer. Un
seul resta : le valeureux Ghanteclerc. »
— 426-
Renfermé avec quelques soldats du comte de Lude
cl une troupe de Luçonnais fidèles dans les fortifica-
tions qui protégeaient la cathédrale, il attendit brave-
ment les assaillants.
Ceux-ci, commandés par Jean Boisseau et Trous-
seau, avaient vu leurs rangs s'accroître d'un certain
nombre de Luçonnais, parmi lesquels l'ingratitude
avait placé les receveurs de l'évoque et du clmpitre.
Le canon ne tarda pas à gronder et une fusillade
meurtrière étonna les paisibles échos de la maison
de Dieu.
Dés le début, Chanleclerc eut la main droite empor-
tée. L'intrépide chanoine se mit à tirer de la main gau-
(^he, et avec tant d'adresse que tous ses coups attei-
gnaient leur but.
Les Calvinistes perdaient beaucoup de monde Pleins
de rage et ne pouvant vaincre par les armes, ils réso-
lurent d'employer le feu. Ils entassent aux portes de
l'église des matières combustibles et y jettent de la ré-
sine pour activer le feu. Les portes de Téglise s'embra-
sent et tombent enfin. Mais les assiégés avaient pris
soin de construire un mur à l'intérieur pour défendre
encore rentrée.
Irrités d'une telle résistance, les assiégeants s'aident
de barres de fer, de piques et de pieux, font une trouée
dans le mur et pénètrent dans lo temple saint.
La nuit était venu(».
Los sacrilèges prennent des cierges pour éclairer
l'immolation de leurs victimes.
Cent catholiques des plus notables sont passés au 111
de l'épécs et parmi eux : Pierre Macé, Germain Aniand,
Miiurice Massiot, Julien (iiraudet et Laurent Ribouleau,
olllciers do l'église.
Les vainqueurs pendent Matliurin Rond, choriste, et
le brave (^hantoclerc, déjà liorriblement mutilé. Ils
se donnent ensuite le i)laisir barbare de prendre le
eori)s (lu dernier pour cible et le criblent de balles.
Huit autres prêtres lurent aussi tués par les Protes-
tants ce. jour-là. Ainsi périrent ces ministres sacrés,
vieliines dc^ leur iittacheinont à lu foi ciitholique et
de leur zèle à défendre la maison de Dieu.
-4S7-
NICOLAS MOQUET
CURÉ DU LANGON
iS68
Le notaire Antoine Bernard, auteur de la Chronique
du Langon, qui vivait au xvi" siècle, fut témoin des
cruautés commises par les Protestants pendant les
guerres de religion. Il nous a paru intéressant de
reproduire le récit suivant du martyre d'un prêtre
de la Vendée : c'est une page glorieuse de nos An-
nales.
« En ce mois de septembre dudit an 1868, ledit
Mes sire Nicolas Moquet, qui avait résigné la cure du
Langon à son cousin, Christophe Moquet, était en ce
pays de Poitou, venu de Nantes, où, s'étant retiré, il
servait in divinis le curé de Saint-Denis. Car le sei-
gneur protestant du Langon ne l'avait pu soufTrir, lui
baillant à entendre que, s'il voulait, il serait bien bon
ministre.
€ Mais pour blandissements, dons et promesses qui
lui furent faits (comme il m'a dit), ne voulut accepter,
ce quoi voyant, il lui fut interdit de résider au Langon.
Et contraint de s'en aller, n'ayant pas grands deniers,
s'en vint prendre congé de moi et s'en fut à Luçon, où
il eut permission de Monseigneur TEveque de prêcher
par tout le diocèse.
t Et fut tenu par ses prêches et bonnes prédications,
de sorte qu'allant à Nantes, il prêcha dans la ville, et,
pour cette charge, eut du service en la dite cure de
Saint-Denis. C'était un bon prédicateur de cure qui
toujours prêcha catholiquement, comme je scais, exhor-
tant, durant qu'il était curé d'ici, que ses paroissiens
n'eussent d'autre foi que celle que de tout temps, et
par succession de TEglise catholique, ils tenaient; il
pleurait par pitié, disant qu'il voulait mourir en soute-
nant sa croyance et qu'il serait bien heureux que cela^
lui advint.
— 428 —
t En effet, ce digne eeclésîastiquej en s*en retour^
nant à Nantes, fut pris entre Puyraaiifray et Bournez
et emmené prisonnier nu cîiateau des Moutiers-sur-l»?-
Lay, dans lequel château il fut assez tourmenté et rais
en angoisses pour lui faire renier la foi catholique,
tenue de l'Eglise romain t% ce qu'il ne voulut oncqm*^
faire. Mais tant plus était tourmenté al battu, et lant
plus leur remontrait leurs infidélités et erreurs,
f II en résulta que par ire, le tourmentateur s'elTorra,
durant le dîner, de lui jeter sa dague au seînj mais ses
compagnons l'en gardèrent, Et après, le barbare le
mutila, d'un coup lui ôla le nezjpuis lui coupa l'oreille,
et, après, Tautre, et encore prêchait. Après, lui arracha
un œil, et, après, l'autre, et finalement lui ôta la vie cl
le jeta en la rivière du Lay...
€ Et le tourmentateur était de Luçon, nommé Parent,
qui prétendait être évêque de Luçon, si la dite religion
prétendue eût mis à bas la catholique. Et ainsi mourut
le dit Moquet, martyr, comme il l'avait désiré, le 5 sep-
tembre !568 (1). »
(1) D'après la Vendée Historique. Année 1899.
.4«9-
JEAN LORIOU
PRIEUR-CURÉ DE GRUES
1569
On sait qu'en 1568 les Huguenots avaient pillé et
brûlé Tégllse cathédrale de Luçon et mis à mort ses
principaux défenseurs. L'évêque, n'ayant plus de re-
fuge, se retira à Niort d'où il continua de veiller sur
son diocèse et de l'administrer.
Après avoir, la même année, incendié un grand
nombre de monastères et d'églises, Tannée suivante une
bande de fanatiques parcourt le marais de Luçon, se-
mant partout la ruine et le pillage. Passant par Triaize,
où ils brûlèrent l'église et la démolirent en partie,
ils arrivèrent dans le même but dans la paroisse de
Saint-Nicolas de Grues.
Mais le courageux prieur-curé, Jean Loriou, n'était
pas homme à fuir. Il était, au contraire, fort décidé
à résister aux incendiaires. Retiré dans son église avec
un certain nombre de ses paroissiens, il voulut la
défendre au péril de sa vie. Ayant barricadé solidement
portes et fenêtres, les catholiques s'y croyaient en
sûreté. Les Calvinistes réussirent à briser portes et
fenêtres et firent irruption dans le lieu saint, se hâtant
d'y mettre le feu pour en chasser les catholiques.
Ceux-ci, avec leur curé, s*étaient réfugiés dans le
clocher, rapporte M. Moreau, chanoine de Luçon.
Sommé plusieurs fois de se rendre, M. Loriou refusa
énergiquement et résista plusieurs heures.
Mais la flamme montait sans cesse, attisée par les
cruels Huguenots, à l'aide des meubles et des bancs
de l'église. Enfin, le curé périt dans le feu, victime
de son zèle et chantant des cantiques,
C'était le 7 janvier 1569.
~430~
It
PROTESTATION
DU CHAPITRE DE LDÇON
CONTRE LA CONSTITUTION CIVILE IMPOSÉE AU GUÉMi
1791. Le Sindic a dit q'une proclamation du Roi, en
date du 24 août dernier, sur les décrets de rAssemblèe
nationale pour la Constitution civile du clergé, était
affichée depuis ce matin dans cette ville, et que les dits
décrets ordonnaient la suppression de tous les chapi-
tres, même de ceux des Eglises Cathédrales, sur quoi
la Compagnie, considérant que les Chapitres de Cathé-
drales sont spécialement chargés par leur institution
des fonctions du culte divin et de la prière publique ;
qu'ils sont dépositaires do la tradition de leur Eglise et
le conseil de ses Pontifes; que l'exercice de la juridic-
tion épiscopale leur est dévolu de plein droit dans la
vacance du Siège et que, sous ce point de vue, ils font
partie essentielle de la hiérarchie ecclésiastique, qu'en-
fin ils sont astreints à un service habituel pour remplir
les pieuses intentions do leur fondateur;
Considérant que la puissance ecclésiastique peut
seule anéantir ces prérogatives et les soustraire à ces
obligations, parce que les unes et les autres émanent
également de cette Puissance comme de Leur source;
Considérant que, si les besoins urgents de l'Etat ont
pu exiger qu'ils fussent dépouillés de leurs biens, qui
sont le patrimoine des pauvres et destinés à la subsis-
tance dos ministres des autels, nul prétexte plausible
ne peut justifier la contrainte qu'on emploierait pour
leur interdire le saint exercice de la prière commune
et du culte public ;
-431 -
Considérant que Tîntérêt des peuples et la prospérité
même temporelle de l'Empire, loin d'exiger la suppres-
sion de ces fonctions sacrées, sollicitent au contraire
leur continuation et la réunion de tous les vœux pour
désarmer la colère du ciel, implorer ses miséricordes
et consoler les fidèles au milieu des calamités qui affli-
gent ce royaume.
Considérant enfin qu'aucune puissance sur la terre
ne peut rompre les liens de fraternité spirituelle qui
unissent tous ses membres et que ces liens consolants
et sacrés doivent encore se resserrer davantage au
moment où le Chapitre voit consommer sa dissolution:
La Compagnie, pour obéir à la loi impérieuse de la
conscience et désirant que le dernier acte capitulaire
qu'il lui est permis d'exercer soit l'expression des sen-
timents dont elle est pénétrée, déclare à l'unanimité
qu'elle ne peut ni ne doit jamais consentir à sa disso-
lution; qu'elle est, au contraire, dans la ferme résolu-
tion de continuer, autant qu'il lui sera possible, l'exer-
cice des fonctions du culte et de la prière publique;
qu'en conséquence elle proteste, au nom de la Reli-
gion, contre la violence qui pourrait lui être faite pour
cesser de remplir des obligations que l'Eglise lui im-
pose et auxquelles ^lle ne peut se soustraire volontai-
rement sans crime ;
Déclare enfin que, si ses justes réclamations, seul
moyen qu'elle doive et veuille employer pour sa con-
servation, demeurent sans eftet, elle veut du moins et
entend conserver les liens de confraternité spirituelle
qui unissent tous ses membres et l'union des prières
qui peut seule les consoler dans leurs malheurs.
Chacun des Messieurs, après s'être assuré mutuelle-
ment du plus sincère regret de se voir séparés et du
plus inviolable attachement, se sont embrassés et ont
clos le présent registre :
Defresne, doyen et chanoine ;
Brumauld de Beauregard, chantre et chan. ;
Gandillon, sous-doyen et chan. ;
De la Coliniére, archidiacre, chan., pour adhé-
sion;
RozAND, sous- chantre et chan.
Paillou, chan. sindic; Bouhyer, chan. ;
Jourdain, chan.; Rodier, chan.; Belluard, chan.;
- m -
ViLLoiNG, chan.; BRAZET,€haD.; Chevheiix, chan.
QuERENET, chan. ;
Chevallereau, chan., pour adhésion,
VoissANC, chan.; Babault de Chaumont. chan.jJ
BuoR DE LA MuLNiiRE, chan. ; De Landerneait,
chan.; Chabot, chan.; Ds Rieusseg, chan. ; E^Ea-
RiN, chan.; De BEAUMAifOiR, chan.
j
Etant absent lors de la délibération cy-dessus, a él
prise lecture faite d'icelle, j'y adhère comme étaut
rexpression de mes sentiments »
De Beauregard, chan. et chanceliier-
Etant absent lorsque la délibération cy-dessus et de
l'autre part a été prise, lecture faite d'icelle, j'y adhère
comme étant l'expression de mes sentiments,
De Fontaines, chan. et prévôt.
Pour adhésion : De Fontaines, chan. et prévôt honor.
Signé : Le Brasse, secrétaire.
— m —
iii:
SYNODE
DU
POIRÉ-SUR-VIE
Le quatre août 1795. Téglise du Poiré-sur- Vie fut le
théâtre d'un fait, qui est certainement l'un des plus re-
marquables de rhistoire de notre Vendée. Il est même
l'unique de ce genre dans les fastes de l'Eglise, pen-
dant la période révolutionnaire. Il s'agit d'un des actes
les plus graves et les plus solennels de la juridiction
épiscopale; d'une mesure à laquelle on doit, peut-être,
la conservation de la religion dans la contrée, la persé-
vérance de cette province dans la grande unité ro-
maine.
Persécutés, emprisonnés, bannis de leur patrie, les
premiers pasteurs du diocèse avaient vu briser les
liens qui les unissaient à leur troupeau, et ce troupeau,
\'iolemment dispersé, restait catholique par instinct et
par éducation. Cette situation pouvait être périlleuse
pour la foi et pour la discipline. L'une et l'autre n'y ont
que trop perdu.
M. l'abbé de Beauregard, vicaire général de M^' de
Mercy, obligé de fuir et réfugié en Suisse, tenta de sau-
ver de ce danger la contrée conliéc à sa sollicitude. La
Vendée était restée fidèle à son roi et restée profondé-
ment catholique, mais il devenait nécessaire de réta-
blir, pour elle, les chaînons brisés de la hiérarchie reli-
gieuse.
M. de Beauregard résolut de tenir un Synode, au mi-
lieu de la période révolutionnaire Bravant tous les
périls, quittant leurs retraites ignorées, sans crainte
28
-434 —
d'exposer, une fois de plus, leurs têtes vouées au mar-
tyre, cinquante-sept prêtres, c'est-à-dire tous ceux qui
étîuent demeurés fidèles et cachés en Vendée répon-
dirent à son appel.
I/église du Poire vit alors une de ces solennités bel-
les et sublimes de simplicité et de courage, une de ces
solennités qui retrempent la foi d'un peuple en lui fai-
sant toucher du doigt le berceau de sa religion et Tau-
torité de ses paslc^urs. On a vu depuis plus de cinquante
ans assez de con^ijrés do toutes sortes; beaucoup ont
été entourés dc^ tout l'éclat que les hommes peuvent
donner, ont réuni d(»s noms, des fortunes, des talents
admirés, mais aucun n*a pu impressionner, exciter au
bien, obtenir des résultats prati(pu»s,eommecette assem-
blée de prêtres proscrits, venant de tous les points du
diocèse, même de ceux occupés par l'ennemi, et réunis
au château désert de Pont de-Vie, agitant dans cette
égliscî du Poiré, sous le regard de Dieu, des questions
d'où peut dépendre l'avenir de la religion dans leur
province.
Ils savaient l)i(;n, ces héros du Christ, que leur dé-
marche hardie les rapprochait de l'échafaud ou des
balles révolutionnaires, mais rien ne les arrêta, rien
ne put l'aire faiblir un instant leur courageuse lidélité!
M«f de Mercy, évéque de Ijiron, avait réussi à s'échap-
per (h* Paris la veille des massacres de S(»ptembre. Les
pr(Mnicrs sucées de rinsuri'i^clion de la Vendée lui
ayant fait espérer la lin prochaine de la Hévolution, il
avait envoyé du lieu di* son exil, le 1" janvier iTO't, une
Instruction pastorale destinée à tra<MM' des régies de
conduite, et, le i"* Juin de la même année, une lettre
pastorale à son clerfjr fidèle pour le disposera repren*
dre aoec fruit, après le sc/iisme, l^s fonctions du saint
ministère.
Le 11 juin 170i, il avait écrit à M. île Beauregard aloi*s
en Angleterre : f J'ai su tout ce que votre zèle apostoli-
({ue vous a lait enlr(»pr(îndre. .1(^ n'en ai point été sur-
l)ris. J'y ai a|)j)laudi, J'en ai renuM'cié Di<ni et je ne cesse
de lui demander de répandre sur vous ses plus
abondantes bénédictions. Vous paraissez, dans l'ordre
de la Providence, devoir être mon prédécesseur dans
— 438 —
mon diocèse... Vous vous approcherez, le plus que
vous pourrez, de mes instructions; mais je ne trou-
verai pas mauvais qu'on s'en écarte, quand la néces-
sité ou un plus grand bien Texigeront. »
Il lui écrivait encore de Ravenne : « Vous avez vu
que je vous laisse la plénitude de mes pouvoirs pour
gouverner et décider de tout provisoirement, dans ce
que je n'aurais pas prévu et dans les changements que
les circonstances peuvent apporter même dans ce que
j'ai voulu prévoir. »
C'est en vertu de ces pouvoirs que l'abbé de Beaure-
gard tenta de réunir dans un Synode les prêtres de-
meurés en Vendée.
Il s'agissait pour lui de trouver un gîte. Il arriva, le
Il juillet 1798, à Belleville, au quartier-général de Gha-
rette, qui eût voulu le retenir près de lui en qualité
d'aumônier. Mais le vicaire général refusa. « Je veux,
dit-il, prêcher l'évangile sans prendre part aux affaires
publiques. J'ai des ordonnances de mon évèque, je les
ferai connaître au clergé et j'administrerai le diocèse
avec l'abbé de Charette de la Colinière, votre cousin. »
Il se fixa donc dans la paroisse de Beaufou. L'église
avait été brûlée. Le curé était vieux et cassé (1); ce fut
une circonstance favorable qui lui permit do dissimu-
ler l'importance de sa mission sous le titre modeste de
vicaire du curé, t Je travaillai donc avec assez de fruit,
écrit-il, dans mon vicariat de Beaufou et dans toute
cette partie du diocèse. »
Il s'agissait aussi de retrouver et de prévenir une soi-
xantaine de prêtres disséminés dans tous les coins de la
Vendée, cachés dans les villages et dans les bois inac-
cessibles; de connaître leurs retraites, que connais-
saient seuls les intimes et les catholiques chargés de
pourvoir à leur subsistance. Tout cela n'était pas chose
facile dans une contrée occupée par les soldats de la
Révolution.
f Quand tout fut bien établi, continue l'auteur des
Mémoires, ie crus devoir réunir tout le clergé du dio-
cèse de Luçon pour y faire publier les ordonnances de
M»' de Mercy. Je fixai le lieu de la réunion dans la belle
église du Poiré, non loin de laquelle se trouvait un
(1) M. Jousbert de la Cour.
- 436 —
château dont les propriétaires avaient émigré (1). Je fis
part de mon projet à Charette, qui m'offrit des rations
pour les chevaux et un dîner pour les prêtres.
« Soixante prrtres (exactement cinquante-sept) se
rendirent à cette cérémonie qui avait attiré un grand
concours de peuple. Je chantai la messe et prêchai,
puis nous nous rendîmes dans la grande salle du chA-
toau (de Pont-de-Vioj. L'abbé de Charette et moi primes
nos places. Je désignai un promoteur et un secrétaire,
et- après avoir fait reconnaître la signature de M»* de
M(^rcy par lout le Synode, je fis lire ses Ordonnances.
On établit (în tète du procès- verbal les noms des prê-
tres assistants.
« Un des arti(;les de ces Ordonnances disposait que
l'évéque reconnaissait pour canonique tout ce qui avait
été ordonné par ses délégués directs ou par ceux qui
l'avaient été en son nom, mais ([u'aussitôt que l'un des
anciens grands vicaires serait arrivé dans le diocèse,
tous les pouvoirs cesseraient, excepté ceux de ce grand
vicaire.
« Il fut fait plusieurs règlements dont l'un portait que
toutes les fondions ecclésiastiques seraient gratuites;
que l'on pourrait seulement recevoir des fidèles des
dons modérés. On pria MM. les présidents du Synode
de déclarer qu'on n'accoplail pas les contributions que
(ilharette avait iail otlVir (i).
« On régla l'étendue de la juridiction de chaque
ecclésiastique. Les présidents furent priés de rerevoir
It^ prix drs drpcnsrs et d'en former un fonds pour les
nécessités des prêtres vl des églises. On rédigea les
articles qui durent être rruiis à chacun de MM. les
crclcsiasliijues, et l'on m'iuvila à trouver les moyens
de correspondre avec M-"" de Mercy (,3). »
(I) Le principal corps do lofais où s'i'st tenu \o célèbre Synode
il iMô rasô complùterm'iil. li'c'iiiplacemiMit de la chapelle domesii-
i]U(* n'est plus marqué ijue par un mur faisant partie d'une mai-
son récomment construite pour le fermier. On y voit cependant
encore un ln'nitier et un petit enfoncenuMit dans la muraille pour
loa burettes.
(V) Pour l'eut nMien du clerfrê.
(.'{} McmuirC'^ de Mgr Ihumnulti du hennrfitjiird, p. 8S.
- 437-
Voici les articles arrêtés dans celle assemblée du
clergé, le 4 août 1795.
Baptêmes, On réhabilitera les baptêmes faits par les
jureurs et intrus, lorsqu'ils seront douteux, et on
pourra suppléer les cérémonies sans Saint-Chrême.
Messe. On ne dira plus la messe sur deux cor-
poraux.
Mariages, Les mariapes faits par les intrus seront
réhabilités selon les formes établies, ainsi que ceux
faits devant la municipalité On observera, quant au
mariage, Tusage établi par l'Eglise, c*est à-dire que les
parties contractantes s'approcheront des sacrements
de Pénitence et d'Eucharistie.
Il a été arrêté qu*il sera fait des représentations au
général en chef de la Vendée pour pourvoir à la sub-
sistance et aux besoins des Religieuses nécessiteuses,
ainsi qu'à ceux des ecclésiastiques qui seraient dans le
besoin.
Arrêté qu'il sera fait par MM. les curés une liste des
Religieuses qui seront dans leurs paroisses, laquelle
sera envoyée à MM. les Vicaires généraux.
Arrêté qu'il sera fait des recherches au sujet des
ornements, livres d'église, calices, et généralement
tout ce qui sert au culte de la religion; que rapport en
sera fait aux Vicaires généraux, afin qu'on puisse en
distribuer aux paroisses qui en manquent. MM. les Cu-
rés donneront un état des pauvres et autres néces-
siteux (1) qui seront dans. leurs paroisses, afin que les
Vicaires généraux, de concert avec les pasteurs, écri-
vent aux administrateurs pour avoir des secours.
Arrêté que MM. les Curés donneront une liste des
diacres et sous-diacres qui sont dans leurs paroisses,
afin qu'il leur soit enjoint par les supérieurs d'aider les
prêtres dans* leurs fonctions, particulièrement dans
celle du catéchisme.
Arrêté que MM. les C\irès feront passer à MM. les Vi-
(1) Cette mesure était nécessaire au moment où les campagnes
dévastées n'ofiraient presque aucun moyen de subsistance aux
familles dont les chefs avaient péri dans les combats ou à la
suite de Tannée vendéenne.
-138-
caires généraux une liste de toutes les cU^penses qfi1t|r:!
ont accordées, en vertu du pouvoir qu'ils ont i^8çC<
pendant la persécution, du Seigneur Evéque, afin f«1f,
en soit tenu un registre exact pour être mis soos M-'j
yeux du Prélat, lorsqu'il reparaîtra dans son diocèse. - ■]
Fait et arrêté au Poiré-sur-Yie, le 4 août 1795. ^
LISTE DES PRETRES PRÉSENTS AU SYNODE
MM.
Doussin de Voijer^ desservant du Bourg-sous -la-
Roche.
Alexandre Ténèbre, curé de Groix-deVie : interné à
Rochefort, déporté à Guyane.
Alexis Molliet-Ribet, curé de Saint- Hilaire-lc-Doyen
(Poitiers), desservant les Essarts.
Jacques Chabot^ curé d'Aubigny.
Simon Robin.
Melchior-Siméon Le Gowta:, desservant Sainte-Cécile,
prisonnier à Fontenay, délivre par Vendéens.
Blanchard, curé de Belle-Noue.
Moreau^ curé de Saint-Nicolas de la Ghaize-le-Vi-
comte.
Allain, prieur de Saint-AndréGoule-d'Oie : a souffert
tout ce quon peut souffrir, excepté la mort, disent les
Mémoires de M. Remaud.
Remaudet^ à Pont- de-Vie, paroisse du Poiré.
Madtj, curé de Saint-Denis-la-Chevasse.
Pierre Remaud, curé de Chavagnes-en-Paillers.
Buet^ desservant à la Merlatiére.
O' Brien, prêtre irlandais, desservant de Boulogne.
Audureau, vicaire à Saint-Denis-laChevasse.
Merlandy curé de l'Aiguillon, desservant l'Airiére,
paroisse de la Ferriére.
Gueadon de la Poupardicre, curé de la Rabaleliére.
— 439 —
GoillandeaUy chanoine de la Collégiale de Montaigu,
desservant les Brouzils-
Amiaudy vicaire de Saint-Sulpice-le-Verdon, desser-
vant Mormaison.
Charles-Vincent Barbedettt\ cure du GrandLur.
Jousberi de la Cour, curé de Beaufou, dont M. de
Beauregard fut vicaire.
Pierre Moreau^ curé du Poiré.
Michel Gillier^ desservant de liCgè,
Sauvage^ desservant de Saint Ghristophe-dc la-Char-
treuse, paroisse de Rocheservière.
Thouret, desservant Saint-Etienne- du -Bois.
Guyard, à Chauché, aumônier des Bénédictines des
Sables.
Mitrecet/j curé à la Grollo, paroisse de Rocheser-
vière.
Hervouet, vicaire de Bouaine (Saint-Philbert).
Huet^ curé de Landevieille, à Luçon.
Voisin^ curé de Landeronde, à...
Gaboriaud, desservant de Treize-Septiers.
Veillard, desservant de Saint-Etienne-de-Corcoué.
Duranceau, curé de Sainte-Foy.
Le Breton, desservant de Saint-Michel-Mont-Mor-
cure.
Serre, desservant la Flocellière, missionnaire du
Saint-Esprit, tué à Saint-Laurent.
Paillar, aumônier des Religieuses de Gholet, desser-
vant Saint-Mars.
Boursier, curé des Moutiers-sur-Lay, desservant
Ardelay.
Jacques Boursier, prieur do Mouchamps, incarcéré
plus tard à Rochefort.
Fumoleau, curé de Chavagnes en-Pareds.
Vrignaudy vicaire de Cheffois, desservant le Bou-
père.
Macé, desservant de Saint-Paul- en Pareds.
Seri/lé, desservant des Châtelliers.
Fr. Julien, capucin de Machccoul, desservant le Pe-
tit-Bourg-des-Herbiers.
Brillaud, desservant de Saint-Fulgent.
Cornu, curé de la Barotière.
Desplobains, curé de Puymaufrais, à Chantonnay.
Imbert, curé de la Ronde (Deux-Sévres), prés la Châ-
taigneraie.
:'^
— 440 —
Marion, curé de Saint- Jacques de Montaigu, à Saint-
Georges-de-Montaigu.
Charles Augis, curé de Beaulîeu, desservant là Meil-
leraye.
GLraud, dessorvant Landeronde, vicaire à Olonne.
Jac(iu(3S Gautier, desservant do la Boissière-de-Mou-
taigu.
Pierre Bvénugat, desservant de Bazoges-en-Paillers :
fut déporté à la Guyane, où il est mort de misère et
de faim, en 1798, trouvé mort à genoux, mains jointes,
le crucifix sur l(»s lèvres. Ses confrères durent creuser
sa fosse de leurs mains.
Pierre-Charles Jagueneau^ à la Guyonniére, arrêté et
jeté en prison à Nantes et à Paris.
Mathieu de Gruchy, desservant à Venansault, fut
arrêté et fusillé à Nantes, en 1797, âgé seulement do
trente six ans.
De Cfiareite de la Colinière^ vieaire général.
Jean Brumauld de Beauregard^ vicaire général, fai-
sant fonctions d(» vicaire de Beaufuu.
Tous ces prêtres, ayant refusé I(î serment, tombaient
sous le coup de la déportation (1).
Qu(»lle magnillque et glorieuse assemblée que celle
de ces généreux confesseurs de la foi, qui, pour de-
meurer lidéles à leurs devoirs et ne pas laisser les ca-
tholiques de Vemlêe vivre et mourir snns sacrements,
avaient déjà souffert des jxM'sécutions de toutes sortes,
sans asile et sans autre appui que leur conliance en
Dieu, toujours poursuivis la nuit et le jour par les en-
nemis de TKglise, et dont quelques-uns avaient connu
les horreurs de la prison, notamnumt à Fontenay .
Cet événement rappelait un des premiers conciles
des Gaules, tenu à Paris au iv° siècle, et où parut le
grand S. Hilaire, victime des persécutions de Tempe -
reur Constance. S. Jérôme, parlant de ce héros de la
foi, écrivait : t II serrait impossible d'exprimer avec
(luelle tendresse la Gaule n^jut son Hilaire et embrassa
ce héros qui revenait du combat. »
(i) A part les sexagénaires.
— 441 -
Au Synode du Poiré, ce n'était pas seulement un
héros qui revenait du combat, mais un grand nombre,
qui, meurtris déjà, allaient y retourner et dont plu-
sieurs y laisseraient leur vie.
Mais, qu'importe ! ils en avaient fait le sacrifice pour
Dieu et les âmes.
-44*-
LES prêtres'
DANS LE
SERVICE DES CONDAMNÉS A MORT
ET DES PRISONNIERS
En présence des milliers de victimes, immolées par
la Révolution en haine de la foi, le lecteur catholique
s'est demandé sans doute si ces nombreux prisonniers
ont pu recevoir le sacrement de la réconciliation.
Cette page a pour but de répondre à cette question.
Dieu a presque toujours pourvu que des prêtres fus-
sent mêlés aux laïques dans les prisons de la Vendée,
comme à Paris, pour être leur force et leur réconcilia-
tion au moment suprême.
A Paris, un service était organisé à cette fin par l'au-
torité ecclésiastique, ('omme le rapporte M. Edmond
Biré.
Dans la capitale, pendant la Terreur, lorsque les
bourreaux avaient commencé d'exécuter trente ou qua-
rante victimes par jour, un saint prêtre, l'abbé Bichet,
vicaire général et représentant de M«^ de Juigné, cher-
cha les moyens d'assurer aux pauvres prisonniers les
secours de la religion avant leur exécution.
Voici le service vraiment admirable qu'il avait orga-
nisé et qui fonctionna parfaitement.
— 443 -
"Des prêtres, au nombre de sept, accompagnaient
tour à tour les charrettes qui conduisaient les condam-
nés à Téchafaud, depuis la conciergerie jusqu'au pied
de la guillotine. Chacun d'eux avait son jour, même le
dimanche, car on guillotina aussi le dimanche.
La plupart des condamnés avaient été prévenus, dés
la prison, qu'ils pouvaient compter sur la présence
d'un prêtre qui, au moment de l'arrivée des charrettes,
donnerait une absolution générale. Souvent d'ailleurs,
pendant le trajet même, quelques-unes des victimes
pouvaient, à certains signes, reconnaître le prêtre à
son déguisement, lire dans ses regards et échanger
avec lui une confession muette.
Le ministre de Dieu qui risquait ainsi sa vie avait
bien soin, lorsque les charrettes sortaient de laConcier^
gerie, de se placer infimédiatement après les gardes
nationales qui fermaient le convoi. Il tâche alors, par
des signes, de révéler sa présence aux condamnés qui,
étant assis à rebours, peuvent le voir facilement.
Ceux qni ont le bonheur de le reconnaître ne man-
quent guère alors d'incliner la tète, de se recueillir
avec la contrition de leurs péchés et de prier. La foule
elle-même en est frappée et dit parfois : « En voilà un
qui fait son acte de contrition. »
A l'arrivée devant l'échafaud, le prêtre se place aussi
prés que possible des charrettes, toujours derrière les
gardes nationales A 1 instant où commencent les exé-
cutions, il donne une aUsolution générale. Tous les
spectateurs, dés que le bourreau a saisi la première
victime, sont obliges d'ôler leurs chapeaux, pour que
ceux qui sont aux derniers rangs puissent mieux voir.
Le prêtre sait mettre à proht cette circonstance. Il
fait, en avant de son chapeau, un signe de croix qui
est presque toujours vu des condamnés, tandis qu'il
échappe aux assistants, qui tous ont les yeux fixés sur
la scène lugubre.
Le prêtre, souvent, ne se bornait pas à une absolu-
tion générale. Lorsque, par le journal de la veille au
soir, il a vu que tous les condamnes étaient des hom-
mes honorables (et c'était le cas presque chaque jour),
il donne une absolution individuelle au moment où
chaque condamné gravit les degrés de Téchafaud.
Les sept ecclésiastiques dévoues, qui restèrent à ce
poste périlleux pendant la Terreur, étaient : l'abbè
- 444 —
Gaston de Samlmcy (1), qui faisait ses fonctiou:; >
dimanche; labbê Renaud, le jeudi; l'abbé Philbert «V
Bruillard (2), le vendredi; l'abbé de Keravenant {:\^\
Tabbé de Malmaison; Tabbé de Voisins (4), et l'abie
Charles, t Ce dernier nom, ajoute M. Edmond Bip-
était un nom de guerre. Je n'ai pu retrouver le vrai
nom de celui qui le portail (5). »
La même (fuestion se pose pour nos prisonniers A
les condamnés à mort dans les diverses prisons dr la
Vendée (6). L'aut(»ur des Prisons des Sables y re\mv\
ainsi : « (^es hommes, ces femmes, ces jeunes ilUes qui
ont subi la mort étaient vraiment chrétiens. Les hom-
mes avaient pris les armes pour la Religion avant tout,
les femmes s'étaient compromises pour la Religion,
souvent pour cacher des prêtres. Dans leur captivité,
et surtout avant de monter à l'échafaud ou de tomber
sous les l)alles, avaient ils la consolation d'avoir l'abso-
lution d'un prêtre ? Nous répondons que beaucouj»,
presque tous, eurent celle suprême consolation. »
Nous savons, en eflet, que Tabbé Petiot, curé de Gi-
vrand, exécuté le» 30 avril 1793, séjourna longtemps à
la prison delà Coupe, et fut, comme les autres con-
damnés à mort, transféré au Minage la veille de son
sup|)licc. Sans nul doute, les détenus de ces deu.\ pri-
sons profitèrent de son passage.
Nous savons que l'abbé Denonceau, de l'abbaye des
Fontenelles, fut enferme dans la prison Delange et
qu'il y resta longtemps; car il fut du nombre des ren-
voyés au Tribunal criminel, d'où il ne revint point. 11
va sans dire qu'il mil son ministère à la disposition de
ses compagnons de captivité !
Nous avons vu que l'abbé Boulineau, ancien aumô-
nier de l'hôpital des Sables, passa tout le temps de la
Terreur cache aux Sables-d'Ulonne.
(I) Plus lard, aumônier du comlo d'Artois.
C-) Evêque de Grenoble sous la Restauration.
(.i) Mort curé de Saint-(iermain-des-Prés.
(i) Successivement curé de Saint -Etienne -du -Mont, puis
vicaire général à Saini-Flour.
i'i) Mois pittoresque et littéraire, année 1ÎH)*2.
(6) Aux Sables, cent-vingt-sept prisonniers furent condamnés
et exécutés du i" avril 1793 au 1 i avril 1794. (V. Prisons des
Sables, p. 125.)
-U6-
tl n'est point téméraire de penser que, par diverses
industries, M. Boulineau. se trouva souvent sur le pas-
sage des condamnés à mort, avertis secrètement qu'un
bon prêtre se Uouverait à un endroit déterminé pour
les absoudre.
Nous verrons que dans les prisons des Sables se
trouva un autre prêtre, Tabbé Pacroux, qui fit partie
des prisonniers évacués sur Noirmoutier.
Enfin, nous remarquons, outre ces quatre prêtres,
plusieurs abbés non encore parvenus au sacerdoce,
Vabbé Dorval, les abbés Roux. Tous ces ecclésiasti-
ques surent, à n'en pas douter, prodiguer aux malheu-
reux qui allaient ou pouvaient aller à la mort les
meilleures consolations chrétiennes. Dieu ménage ici-
bas ces suprêmes attentions de sa bonté infinie à ceux
qui s'étaient levés pour sa cause (1). »
A Fontenay, nous savons également que, dès le com-
mencement de 1791, des prêtres furent détenus en
cette ville, dans les mêmes prisons, d'où sortaient,
pour aller à l'échafaud, tant de vaillants vendéens,
et qu'il y eût là des prêtres jusqu'à la prise de Fonte-
nay par l'armée catholique, il est certain que ces
prêtres firent profiter de leur saint ministère toutes
ces victimes qui allaient être jugées par les commis-
sions militaires.
Quand furent supprimées, au mois d'avril 1793, par
le Comité de salut public, les commissions militaires
de Fontenay et des Sables et qu'elles furent rempla-
cées par le tribunal révolutionnaire de l'Ile de la Mon-
tagne (Noirmoutier), où Fontenay et les Sables envoyè-
rent leurs détenus, il se trouva des prêtres dans les
prisons de l'Ile.
Un historien digne de foi a donné le détail suivant :
Lors de la prise de Noirmoutier par les troupes ré-
publicaijies, celles-ci avaient cru s'emparer de tous les
prêtres et les avoir massacrés, mais la tradition rap-
porte que, en javier 1794, quand d'Elbée fut porté mou-
rant au poteau du supplice, au moment où les rangs
des soldats s'ouvraient sur son passage, un prêtre,
vêtu en paysan, s'avança et lui présenta un cruciilx
caché sous ses vêtements, et l'on vit le JVont du mar-
11) Prison$ des Sables, p. 133.
tyr s'incliner devant le signe du salut et le geste d'une
suprême absolution.
Ainsi, dans toutes ces prisons où s'exerçait la ven-
geance humaine, Dieu était là par ses ministres pour y
faire régner sa justice et sa miséricorde.
-447-
TABLE
ABRÉVIATIONS
c, curé. — Vm vicaire. — m., mort. — chan., chanoine.
(I. sup)., liste supplémentaire.
Pages
Déclaration de Tauteur.
Lettre de Monseigneur TEvôque à Tauteur.
But plan et division de Touvrage 1
Persécution religieuse en France 9
— en Vendée, 1" à Luçon 14
— — 2*» à Fontenav ... 25
— — 3» aux Sables-d'O-
lonne 37
— — 4« dans les pa-
roisses rurales. 49
Notices : M»^ de Mercy, évoque de Luçon pendant
la Révolution 85
MM. Agaisse, diacre 74
Albert, Pierre, c. de Sainte-Florence (1. supp.). 415
Arriet, François, lazariste de Fontenay (1. supp.) 415
Arriet, Jean- Baptiste, lazariste (1. supp.; 415
Aujard, c. de Bessay (1. supp.) 415
Auge^ c. de Chasnais (1. sup.) 416
Augis, c. de Beaulieùs-Mareuil 80
Rabin, c. de Coéx 83
Ballon, c. d'Ardelay 85
Raritaud, c. de Saint-André- d'Ornay 87
Raudouin, Martin, c. de Luçon 88
Haudry, c. de Saint-Malo-du-Rois 94
Reauregard (André de), vie. général 98
1
HH. Belliot, c. de Boulogne .• . • - ^* * - * - tti^
Béraudy prêtre de Saint-Maorice^des-Nouds (K ^
sup.) é ...,.- 415
Bernard, cordelier de Fontenay .\ .,...*. • llti
Berthe de la Guibretière, c. de Saint- Giltes (t
sup.) ■ ;.,'...> m
Beynard. c. de la Couture (1. sap.) • • • . 418
Biaille du Clos, c. de Saint-Philbert* de-Pont-'
Charrault .♦.. .' IIS
Bichon, c de Sainte-Christine (1. snp.) .../••.. 416
Billaud. c. de la Réorthe Itt
Biliaud, prieur de la Grenetière (1. sup.). . • . ; • ; ' 4lt
Bisselle, prêtre à Boufféré (1. sup.). . . .'. 4I#
Blanchard, c. du Bourg-sous-la Roche 122
Blanchard, vie. de la Bruffiére 126
Bodaille. religieux cordelier de Fontenay 128
Boisvinet, c. de Saint-Hilaire du-Bois (l. sup.). . • 416
Bodin, c. de la Vineuse (1. sup.) 416
Bonnet, vie. à Saint-Martin-des-Noyers 130
Bonnet, c. de Bazoges-en-Paillers (l. sup.) 416
Bonnin, chan. de Montaigu 133
Boulanger, chan (1. sup.) 416
Bouron, c. de Saint-Laurent-la-Salle 134
Boisvinet, v. de Saint-Hilaire-du Bois 416
Boutheron, chartreux de la Châtaigneraie 138
Brénugat. vie. de Bazoges-en-Paillers 140
Brldault, c. de Notre-Dame à Fontenay 143
Brin. c. doyen de Saint-Liiurent-sur-Sévre 147
Brochu, vie. à Saint-Laurent-sur-Sèvre 149
Brunetière, desservant de Treize- Vents (1. sup.) 416
Buehet, c. de Legé 15t
Camus, e de Thouarsais 152
Ghabirand, vie de Saint-Malo (1. sup.) - 417
Chailloux, e. de Mortagne-sur-Sèvre 153
Chapelain, vie. de Sainl-Hilaire-de Mortagne ... 155
Chevallereau, chan. (1. sup.) 417
Clion. e. de Damvix (1. sup.) 417
Cohade, e. de la Châtaigneraie 158
Couliaud, c. de la Grève (Saint -Martin -des -
Noyers) (1. sup.) 417
Coste, curé de Fontaine et de Chaix (1. sup.) ... 417
Couperie, clian. hebdomadaire iS9
Courtin, chan. (1. sup.) 417
Coyaud, desservant Saint Malo du Bois (1. sup ) , 417
PagM
MSI. Croizetiëre, de SaintSulpice 160
Defresne, doyen du chapitre 164
Delhumeau, c. des Ëpesses 167
Denonceau, religieux des Fontenelles (1. sup.) . . 417
Deny, vie. à Treize-Vents 168
Destouche, chanoine (1. supp.) 417
Dolbecq, c. de Sainte -Cécile 171
Douaud, de Tiffauges, chan. de Nantes 174
Duchaffault, c. de la Guyonnière 178
Dugast, c. de Corbaon (1. sup.) 417
Duranceau, c. de Sainte-Foy (1. sup.) 417
Durand, prêtre d'Apremont 184
Durand, prêtre de Gugand (1. sup.) 417
Durand, vie. à Touvois (1. sup ) 418
Emerie, prieur de la Flocelliére 186
Feuvre, c. de la Guyonnière, chan. de Montaigu 188
Forget, vie. à Bazogesen-Pareds (1. sup.), t. II. 418
Fumoleau, c. de Chavagnes-en-Pareds 189
Gabard, diacre de Chambretaud (1. sup.) 418
Gaignet, vie. de Doix 191
Gagelin, prieur- curé de Sainte-Christine 195
Garaud. c. de la Brufflère 200
Garnault, vie. de Saint-Malo (1. sup.) 418
Gaudon, c. de Saint-Germain-r Aiguillon 207
Gaudin, vie. à Goëx (1. sup.) 418
Girard, c. de Saint- Vincent Sterlanges 209
Gobin. curé d'Antigny 211
Gogué, aumônier de Charette (1. sup.) 418
Goupilleau, c. de la Guyonnière 212
Goupilleau, c. de Saint-Jacques-de-Montaigu . . . 213
Gouraud, c. de Saint-André s-Mareuil 215
Gourdon, vie. de Saint-Fulgent 219
Grondin, vie. de Barbâtre (1. sup.) 418
Gauchy (de), vie. de Soullans et Venansault 222
Guérin, de Torfou (1. sup) 418
Guibert, de Saint-Laurent-sur-Sèvre 234
Guyard, c. de Noirmoutier 236
AUouio, de la Bemardière 239
Hamon, chan. hebdomadaire (I. sup.) 419
Hédon, c. de Champ-Saint-Père (1. sup.) 419
Herbert, c. de Maillé 241
Hilaire, prêtre de Luçon (1. sup.) 419
Houssin, c. des Brouzils 253
Hugron,c. de Treize- Septiers 268
29
■^itô'^
'l'I
HM. Jagueneau, vie. du Petit-Bourg-scms-RoAa . * •«
Jagueneau, sacriste de IfoftUigo (1. sap.) *.. • ^ • • • ' 411
Javelot, missionnaire de Samt-Littrent ,•*,«•.« m
Jousbert de la Courte , c. de BeavfofQ (L mp^ . • ^
Lardière, prêtre de Saint-Solpioe^le-yerdoa p..
La Tardinière (de) ..•„..«••«.•
LeGooix, vie. de Sainte-Cécile..
Lequinemer , c. de Saint- Andi^Treixe-¥<»ieft , « • MB
Lesage, c. de Dompierre «• SVB
Letoquart, lazariste de Fontenaj (K svp.) 411
Lezardière (Robert de), diacre ». ..•••.«• fil
Limouzin, clere minoré • ; «....••• HV
Lusson, vie. à Saint-Georges-de-Honittga ••.«•.. M
Meunier, e. du Puybelliard Î85
Merland, desservant de l'Airière (1. supO 419
Meyracq (de), vie. à la Bernardière 286
Mignoneau, c. de Nesmy 490
Moreau, c. de Saint Nicolas-de-la-Chaise.. . . • . . 292
Morennes, c. de Saint-Mars la-Réorthe 296
Morin, prêtre de Vouvant 302
Mornac (de), prieur des Fontenelles 304
Mougon (Aviee de), chanoine (1. sup.) 419
Nicolas, vie. de Ghambretaud 307
Nœau, c. prieur de SouUans 309
Noirel, religieux de Bois-Grolland (l. sup.) 419
Noiret, vie. de la Châtaigneraie (l. sup.) 419
Normand, c. de Château Guibert (1. sup.) 419
Pallardy, de Chantonnay (1. sup.) 420
Pasquier, desservant Challans (1. sup.) 420
Payau, c. des Herbiers (1. sup.) 420
Paynaud, c. de Saint-Hilairede Mortagne 312
Payraudeau, e. de Saligny 316
Payrault, chapelain de l'Epine 317
Peigné, vie. de Saint-André-Treize-Voies 318
Petiot, c. de Saint-Révérend 319
Piehard, e. de Chassais -l'Eglise, en Sigournais
(1. sup.) 322
Poiraud, c. du Gliâteau-d'Olonne 329
Poissonnet, c. de Longèves (I. sup.) 420
Poitevin, prêtre (l. sup.) 420
Pontlevaye (de), prieur et aumônier militaire . . . 331
Potel, c. de Saint-Jean-Baptiste de Montaigu. . • 338
Priouzeau, v. d'Antigiiy (1. sup.) 420
Poulain^ c. de Treize-Septiers 340
- 451 -
Pages
MM . Raimbert^ c. de la Limouziniére 342
Raulureau, c. du Breuil-Barret (1. sup ) 430
Reliquat, c de la Boissière-de-Monlaigu 344
Remaud, c. des Clouzeaux 345
Retailleau, c. des Landes Genusson 348
Rieussec (de), chau. , yic. général 353
Riou, c. d'Apremont 357
Rivallon, c de Chapelle-Thémer (1. sup.) 420
Rivereau, c. de Saint-Paul-Mont Penit 360
Robert, vie. de.la Bruffiére 363
Robert, prêtre habitué à Apremont (1. sup.) .. . 420
Roche (de la), Saint-André, vie. général 365
Rodier, chan., vie. général 374
Rousselot, c. de la Verrie 377
Roussereau. c.de Sainl-Pierre-duChemin (l.sup)
Savary, c. de Saint-Mars-des-Prés 379
Serillé, desseiTant des Chalelliers, c. de T Ai-
guillon-sur- Vie (1. sup.) 420
Serin de Lesnardière, chan. (1. sup.) 421
Serres (de), miss, de Saint-Laurent surSévre. . , 382
Tardinière (de la), à Montaigu (1. sup.) 421
Thomas, c. de Tiffauges (1. sup.) 421
Tortereau-Dubois, c. de la Roche-sur- Yon, de
Challans 384
Thoumazeau, c. de Saint- Vincent -Sterlanges
(1. sup.) 421
Trimoreau, chap. de Saint-Symphorien 386
Triquerie, cordelier d'Olonne 392
Vacquet, desservant Palluau (1. sup.) 421
Verger et Dauch, miss, de Saint-Laurent sur-
Sévre 397
Viaud, c. de la Ghapelle-Palluau 403
Voyneau, c. de Notre- Dame-des Lues 405
X... prôlre du diocèse de Luçon 407
You, c. de la Gaubretiére 409
Liste supplémentaire de quelques autres
prêtres 416
— 4M —
Afppendice : I. — Victimes de> guerres de Religion. . 423
Ckianteclerc, cban. et boit prêtres . 4%
Nogmet, c. da Langon 4!E7
Loriou, c. de Grues 429
II. — Protestation da Chapitre de Luçon. 430
III. — Synode da Poiré-sor-Vie 433
IV. — Les prêtres dans le s^inice des con-
damnés à mort 442
Table alphabétique 447
— 483 —
mum l DOCUIENTS COUSETÉS
Lie Clergé de la Vendée pendant la Révolution
Articles publiés par M. Bourloton dans la Revue du Bas^Poiiou
État des prêtres rentrés en Vendée après 1801
dressé par rÉYéché de La Rochelle
Chroniques paroissiales du diocèse de Luçon
Notices sur les Confesseurs de la foi dans le diocèse de Nantes
par le Chanoine Briand
Les Origines de Tlnsurrection vendéenne
par D. Ghàuard
Martyre de la Vendée
par le Chanoine Prunier
Mémoires de Mgr de Beauregard
Les prisons des Sables
par M. Rbnollbau
Mes notes
par A. B.
Chassin. Préparation de la guerre de Vendée
3 volumes
Vendée Historique
par Henri Bourgeois, Luçon
Papiers inédits de Dugast-Matifeux
à la Bibliothèque de Nantes
Quiberon
par Lb Gârrbg
Histoire de la Vendée
par Deniau
ParoisseSj églises et cures de Montaigu
par le D^* Mignen
Martyrs de la foi
par GuiLLON
Prêtres et Religieux déportés
par Mamceau
Histoire des Moines et Évéques de Luçon
t. lli
L'Ancien clergé de France
par TAbbé Sigard, t III
Histoire des erreurs et crimes de la Révolution
PRUDHOlflfB
Cent ans après
par TAbbé Charpentier
Souvenirs de la Terreur
LÀ VENDÉE HISTORIQUE
(Revue OC LA VCM»tC ■n.lTâlll&
PARAISSANT LE 5 ET LE 20 DE CHAQUE MOIS
A Mlf»!! (VumÉSi
Olractenr : Hrart BOURGEOIS, Afocat
Edition sur papier fort : Vendée et Départements limitrophes,
un an, • fr.; autres Départements, • fr. M.
Edition sur papier ordinaire : Vendée et Départements limi*
trophes, un an, 4 fr. 56; autres Départements, ft fr.
Les abonnements partent du i*' janvier
et sont payables d'avance.
LuçoQ. - M. HIDBAUX, Imprtativ de rtvèehé el dB <»MSé.