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HARVARD
COLLEGE
LIBRARY
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I, E C O M P ERE
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MATHI EU,
LES BmARRURES
DE L'ESPRIT HUMAIN,
Tout ce qui eft au-deifiis de riotelligeace du Vnlgaice ,eû 4
£et yeux , ou facté , ou ptophane , ou abominable.
Tome II. pages % é 4-
Jf O U V E L L E É D I T 1 O N,
revue , corrigée & augmentée.
TOME PR EMI ER.
A.PARÎS,
Chez les Libraires AfTociés.
M. D C C, X C 1 1,
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AVIS
DE r ÉDITEUR.
JLL importe fort peu au Public d'ap-
prendre par quel hafard cet Ouvrage
m'eft tombé entre les mains. Il doit
favoir que j^ai été plus de quatre ans
dansPirréfolution de le mettre au jour»
Je puis compter fur une douzaine d^A-
mis vertueux & éclairés. Quatre d^en-
tr'eux vouloient que je le fiffe împri-
mer ; quatre me poufibient à le brûler ,
& le refte me difoit d'en faire ce que
je jugerois à propos« Un coup détermi-
na TafTaire ^ & ce coup fut pour Tim-
pre(Bon«
Yoici donc Cet Ouvrage tel que je
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ij, ■ #
Pdi reçu ^ non-feulement quant au
Texte , mais auffi quant aux Notes ,
qui font de différentes mains ^ & aflez
fouvent mal en ordre. Si cet Ouvrage
cft bon ^ je prie le Ledeur bénévole
de favoir gré à la Fortune de fa publi-
cation : s^il eft mauvais , & qui pis eft ^
méchant ^ ^e fuis le premier à joindre
ma voix à celle des hommes zélés qui
le décrieront.
dby Google
LE COMPERE
MAT H I EU,
OU
LES BIGARRURES
DE L'ESPRIT HUMAIN.
CHAPITRE PREMIER.
IntrodaSion^ Généatogu. Arrivée à la Flèche , ,
& ce qui s*y pajfa*
JLjEcteur , tu vas lire Phiftôire de mon
Compère Mathieu yhmitnnc , & celle de quelques
autres perfonnages fameux par hs diferentes
aventures de leur vie. Si tu ne t'intéreffois qu'au .
fort de ceux qui , grâces aux vertus de quelques
ancêtres illuftres , portent un nom fefpeôablc
dans le monde , je te dirois que nous comptons
parmi nos aycux des Tancrede & des Bavard i mais
fi tu regardes tous les homnjes pétris du même mor-
A
dby Google
a LeCompere
ceau de boue , & tous également dignes de ton
atttntion, je ne t'en impoferai pas: je t'avouerai
franchement qui nous fommes : je ne te déguifc-
rai aucun de cette multitude d'événcmens ungu-^
liersi qui nous toucheot , & dont cette Hiftoire'
ert remplie, . ' "
Tu me reproclieras peut-êtp^ qu'il n'y; a ni
plan ni méthode dans cet Ouvrage ; que ca n'eft
qu'un rapfodie de quelques avantures , fans rap-
ports , lans Haifons , fans fuite , que-^moa
ftyle eft tantôt trop verbeux , tantôt laconi-
que , tantôt égal , tantôt raboteux ; tantôt no*
ble & élevé , tantôt plat Sç trivial. Quant aux
deux premiers articles^ je te répondrai que je
n'ai pu décrire les événemens dont; il çft queltion ,
qpe dans leur ordre naturel , ni avec d'autrest
cîrconftances que celles qui les ont accompagnés.
Quant. à mon ftyle^ je Tabandonnc à tout ce
que tu pourras en penfer. J'ai toujours été un
ignorant^ & je le ferai vraifemblablement toute
ma vie*
Mon çnmpere Mathieu &ç moi naquîmes à
pomfront , petite ville de Normandie , le pre-
mier dijuan-çhe d'août. 1709, San père & lemian
éfcoîent Cordonniers ; m^îs d€ ces Cordonniers
aifés , qui , fans fe repofer 4iniqliement fur le
revenu du métier, trouvent par quelque induflrîc
fecrettt * particulUre le moyen dq faurnir ample-
ment à la dépenfç du ménage, &ç de donner une
éducation honnête à kurs enfans.
Lorfquenous eûmes atteint Tâge de dix ans, .
nos pàrensnous envoyèrent çhez.les/ï^fV^ide ia
Flèche , pour faire nos études^ Le Compert y. fit <
plus de progrès les fix premier^ n)ois,que je n'en
pus faire en fix années. Cependant mon père me
laifia continuer , eftimant que ^ poifque je n'a»-
dbyGoo,qIe
M A T R I X V. '}
rois aucune difpofitîon aux études , fcn au-*
rois encore moins aux emplois , aux arts , au
travail , & que j'en fçauroîs toujours affez pour
être Moint.
Fendant les neuf années que note deiiieurl-
mes à Ut Fléchi j le Compère Mathieu ^t des pro*
grès étonnans , dans le Grec > le Latîn , les Ma-
thémathîqucs , THlftoire , la Philofophîe , la
Théologie; en im mot , dans toutes ks 'Sciences
qui peuvent orner rcfprit > & former le cceur. 11
dannoit encore une partie du temps de la re-
créatioih , ou à la mufique , ou au deflin , ou àU
leôure des Livres excellens & rares > qu'il fc'
procurpit avec Parlent que fon pcrc lui envoyoit
pour fes menus plaifirs.
II y avoit un IrUndois du cours du dompere^
qui ne contribuoit pas peu à piquer ce dernier
de IsL plus vive émulation. Cet Irlandais y qu'on
nomraoit Whijîon , aîmoît Pétude , s'y appH-
quoît avec toute l'ardeur poflible , & y faifoic
de très-grands progrès: mais le Compare Mathieu
remportoît fur fon émule par la vivacité de
Tefprit , par la force de Pimaginatio^ , par fa
profonde pénétration dans les Sci^ces ; ainfi
que par la grâce & Padreflc du corps dans les
Exercices auxquels i\% s'adonnoient l'un &Pau«
tre. En revanche , 17r^/z^o/i pafloit chez les //-
fuites Se fes condifciplespour avoir le cœur bon,
l'efprit folide , le caraôere fociable &: docile;
& il s'en falloir beaucoup que Pon penfât de
même fur le compte du Compère. Sa vivacité ,
fa naïveté , {es faillies, fes opinions, fa ferme-*»
té, lui avoient attiré beaucoup d'ennemis: les
Régens , qu'il contredifoit à tout propos , n'en
étoient pas les moindres , & fur-tout le Préfet ^
qu'il avoit convaincu d'avoir cité d faux dans uJi
A%
dbyGoo,qIe
4 L E C O M P « H E
Stripojo.'Enfin trois chofes achevèrent de le per-
dre dans réfprit de fes Maîtres, i®. Il fc moqua
ouvertement de* certaines pratiques pieufes aux-
quelles Wîfion s'acçommodoit > ou par bjicn-*
féance , ou par quelque aiutre motif : x\ il ne
voulut plus repondre aux Litanies : 3**, il fit un
enfant , (i) donr je JFus le Parrain. En confé-
qucnce de fes crimes , on le chafla.' Comme j'ai-
mois mon Compère , jç partis avec lui.
(i) Le Lefleur dura que c'eft-là l'origine de notre
û)mpérage.
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M A T » I B TT^ 'i
CHAPITREIL
Départ de la Flèche. Maladie du Compère' Ma-*
thicu } fon arrivée à Domfrant. j
N<
1 17 S ne fûmes pas fitôt hors de ta Flèche ^
que le t7om]pfr« ilftfràr>2£ enfila la roate de Bor^
deaux y au lieu de prendre celte de DomfroTU. II
avoît une efpece de honte de reparoître dans le
iieu.de fa naiffance , après l'aVenture qui venoit
de lui arriver* Dailleurs , comme nous avions
fait argent de la plus grande partie de nos tSttSy
& que nous empruntâmes encore qpelques louis ^
nous nous trouvions une fomme fuffifànte pour
nous conduire au bout du Royaume , & poiir
payer même notre tranfport'en Amëriquc , fi ri-
dée nous eût pris d'y aller trouver un Oncle
que j'y avois , & qui étoit fort à fon aife. Nous
nous arrêtâmes à Bordeaux. Lé Compère y fit
quelques connoifl'ances j qui lui firent trouver
une terrible différence entre le féjour d'une ville
où régnent la liberté^ les plaifirs ; & celui d'un
endroit où Ton eit fous les. yeux de Maîtres har-
gneux , bourrus , prêchant y piaillant fans ceiTe ^
& interprétant à mal les plus innocentes.démar-
ches. Au bout de quelques mois , notre bourfé
fe trouva prefque vuide.. Comme nous n'avions
donné aucunes nouvelles à nos parens, It^Com^
père réfolut de retourner à Domfront , & de par*
tir enluite pour Paris.
Lorfque nous fûmes hors de Bordeaux y h
Compère me dît : Mon cher Jérôme , je viens de
faire une démarche ridicule & lâche , qui efl
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i.€^ L s C O 2f » t A B
bien une fuite des préjugés ordinaires dont le
monde eft rempli. yuçUe rai&aairois-lede ne
point retourner droit k.Domfront ? Au lieu de
rougir 'He ^e qui venoit de (é pafîèr à la Flèche ,
je dcvois me glorifier de laj)erfécutian que j'y
-aieffiifée , pour avoir fr-ondé ouvertcmcat les
«fages qae la ^uperftition a introduits dans l'exer-
cice de la Religion , & pour avoir rentré '^ans
l€^4r6it que Bjous donne la Nature de perpétuer
jootre eipece , ou , quasd , comm^iUE & zvtc qui
nous ÎHgeons à propps , & toutes les fins que
J'envie nous en prend. ! inon chtr Jérôme {mon
cher Jirême ! il f a bien du chemina faire arant
que les opinions & les ahus que les nusûrs , la
religion, les loix entraioeat après eUes , fofeoc
bannis de la Terre , & que la Philo^phie diffipe
.les épaifTesténebres dont elle eft couverte! Com-
me je n'encendois rien à cette elpece de déc]a->
. ration » le Compère déclama tout feul » ic ilëcla-
moit encore lorique nous arrivâmes à un petit
bourg oà nous réfolûmes de dtner ,&delaî£fer
paffer la chaleur qui étoit exceffive ce pur^là ,
• ^ qui fut certainement la caufe de l'accident que
je vais rapporter.
Au moment que nous allions entrer dans l'au-
-berge , le Compère Mathieu fe trouva fubitement
faiu d'étourdinemens^ denaufées , de vomifle-
. mens , puis d'un grand mal de tête aviquel {'vtc^
céda une fièvre violente , accompagnée de -tranf-
portsfi confidérables , qu'en moins de trois beu-
rres l'on craignit pour fa vie. L'hôte chez qui
-nous étions, fit fon poffible pour déterrer le Curé
& le Médecin ; mais en vain. Il étoit pris*^ de
-minuit , lorfqu'on trouva le Pafteur chez une
jeune veuve , fa pénitente ,avec laquelle il avait
paiTé la joufnée ; & le Médecin, chez un vieillard
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tp Yenok' de mourir d^une indîgeftîon , parce
. que ce mal qu'on prenoit pour une apoplexie ,
n'avoit point voulu céder à quatre faignéesyaut*
. tant de lavemens , ni à fîx onces à^eau de Luce
qu'ôtr lui ifitroduifit dans le nez , la bouche Jc
les oreilles.
Lorfque ces Meffieurs furent arrivés ^ le Më-
. decin ordonna la faignée , ( qui heureufement
étpit plus néceffaire dans ce cas-ci .que dans .ce*
lui du vieillard ) des boiflbns abondantes , des
, fomentations froides fur lâ.t^le ^ avec: la mauve ,
! la mercuriale , la pariét^aire , 4c recommanda fur«
, tout d'ajiirer ( i ) le malade , pafce que fi les re*
_ doublemenscontinuoient , il pouvoit mourir dans
"la ftoit.
lin conféquence de cet avis > le Cure prjûfif a
d'un moment où le Co/iwrr paroiflbit affez tran-
. quille , Je lui dit :— .Mon cker frère ^ croyez-
. vous en Dieu? — Non , répondit le naabtdc ,
. d'une volxlanguiflfante,. — Ne Técoutezpas ^dis-
. je auflî-tôt aju Frêtre ; je réponds dç lui fur cet
article. — Bagatelle que cela , répliqua le Curé:
. ce a'eft point là reflentîel. . ». .Mon ami conti-
. flua-^-il , acceptez- vous h Ccnfiitntiou? Le Com^
ptri y au lieu de répondre , commença à gritïcer
les dents ; fes yeux devinrent furieux & étince-
lans; toutes les veines defon corps fe gonflèrent;
Técume luifortit de la bouche en abondance : ce
qui effraya le pafteur ; puis le zèle de ce Prê-
tre fe ranimant , il réitéra la même qucilion. Mais
le C^mpcre , dont le tracfport étoît parvenu à fon
période , fauta de fon lit y empoigna Iç Confié^
tùtionnaire par la gorge y & alloit l'étrangler ,
(i) C'cfî^î-dire , le conféfe , lui adrainiflxer le
Viatique & l 'Extrême Onâion»
. A4
3itizedby Google
H . L r C b M p E i E
fans mon fecours & celui du Médecin , qui de la
vie n'avoît vu un pareil délire. Au bruit de cette
fcenc /l'hôte & trois viçoureux compagnons
montèrent, faifirent le malade , & rattachèrent fur
:fon lit. Pendant ce temps-là, le Curéfe fauva ,
le Médecin le fuivit ; & moi je demeurai pour
♦ avoir la cohfolation de voir dès ce moment le
: mal de mon pauvre Compère diminuer , de^ façon
qu'en quatre jours il fut en état de continuer Ta
•route.
En fept >ours & demi nous nous rendîmes à
' Domfrànt.l^ous étions près d'y entrer , lorfque
' nous rencontrâmes le Barbier de la ville (jui al-
' loit faigner les bœufs d'un fermier des environs.
Cet homme , qui nous connoifl'oit , nous apprît
: que le ptTt du Conipere Mathieu & le mien étoient
- nrortslà veille. A cette trifte nouvelle, je ne pus
- m'empêcher de verfer un torrent de larmes. —
Mon pauvre pcre ! m'écriai-je , qui m'avez' don-
- né la vie , qui m'avez aimé , nourri , élevé , faut-
ril que je vous perde pour jamais ! Ouoi! dû--
je au Compère , tu ne pleures pas ? & la Nature. • •
-^ La Nature eft une fotte , interrompt- il bruf-
. quement : je laiflc la foiblefl'e de pleurer aux fem-
mes Sf à ceux qui , comme toi, font infatués du
préJUj^é de la reconnoiflknce envers leurs parent,
(i) Écoutes : penfes-tu que quand l'envie pfit à
Cuillot , ton père , d'accoler Terrine , ta mère , il
eut grande envie de procurer la vie à fon fils //-
,rôtne , dont il n'avoit point la moindre idée ?
Crois-moi , ii nos pères nous ont faits , ils ont
€U le plaifir ( 2. ) : s'ils nous ont élevés , nourris j,
( I ) Voy. Les Mœurs , pag» 49 &/uiy.
(a) IbiJ.
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Mat H; I E :U. ,9
iisnousont rendu ce que leurs parens leurs ayaieat
prêté. Au refte , as-tu jamais vu un mouton, {i)
pleurer la mort defoxi père le bélier , ou de fa
merc la brebis? Pauvre /c^rom^ ! tu ne feras jf-
mais qu'un benêt. -^ Comme pendant le^ neuf
années que j'avoîs étudié, je n*avoîs pu monter
qu'en troîfieme , que le Campere Mathieu a\ oit
appris tput ce qui fe peut apprendre/dans un Col-
lège , & bien des çbofes en fus , je dis en moi*
même : Je ne fuis qu'un ignorant y la Nature a tari t
&'ie Compère a raîfon.
A propos , Tarni , dit le Compère au Barbier f
de quelle mort mbururerit donc nos pères ? Hé-
las ! répondit cet homme , hier vers les onze lieu»
res du matin, étant fur la place, il leur prit im
rcflerrement de gofîer , accompagné d'empêche-
ment à la déglutition , d'engorgement dans les
vaifl'eaux capillaires , de fifflemens aux oreilîes' ,
de battemens dans les artères temporales ; à quoi
fuccéda une fufFocation funefte qui leur 6ta la
vie, malgré la.précàutioBr qu'on avoit pri^c de
les élever à plus de dotfze pieds de haut, afin qu'Us:
fuflTent moins; gênés par lapreflè. Ah ,. j'entends,,
dit Te' Compère : Mortui Jjunt patres nojifi mortt
Philofopkorum. Hé bien ,.continua-t-il , nevoi|à-
t-il pas encare un effet de la tyrannie dcsLpix >
divine Philofepfiie ? qimnd eft* ce que ton flam-
beau éclairera les mortels ? Quand viendras- ta
diflb^dre les entraves- où* l'Univers efk plongé ?
— ! mon ptrc ! mon cher père t m'écrTai-je ,
vous êtes mprt , votre mort me prive de mon uni*
que confolatîon , 8c mè deshonore à jamais anx
yeux de tout le monde ! 6 Loix ! ô Mœws t ô Rai*
(i> Ibid. & le livre de rEfpriti.
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^?r^
10 L « C o M p B a B
fon ! ô Philofophie ! quand vous accorderez-
voas?
Lorfque nous fômes entrés dans la ville , nous
trouvâmes que la Juftice s'étoic accommodée du
peu de Bien des défunts. Etant naturel , félon
' jnoî , que ces Bùns nous revinffent , je réclamai
celui de mon père : mais le Procureur du Roi,
auquel |e m'adrefTai à cet -effet , médit pour toute
■ réponfe : Damnatione bona pablicantur , cum vita
'mdimitur ( x )• N'entendant rien à ce latin-là, je
le rapportai au Compère pour en avoir Texplica-
tion : — * Ce latin , me dit-il , fignifie que » quand
Hercule vola les bœufs de Géryon , il ne fit qu'u*
' fer du droit que la nature donne au plus fort fur
le foible(a). Puis donc que nous n'avons plus
' rien ici , le plus court eft que nous partions au
(Kktât pour chercher fortune ailleurs.
(I) r. I ff. âe Bon. damn,
(a) Trafimpn cftinioit qu'il n*y a point d'autre
Droit que celui du plus fort. Voy^i les Ejfais de Mon-
taigne, Tom. II. pag. 391. — Vous agiffez , difoit
Srennus aux plus déterminés brigands qui aient jamais
paru fur la furfice de la terre , je veux dire les Romains ;
vous agifles cc^rmément à la plus ancienne de toutes
tes loix ; j'entwids celle qui donne auplus fort les biens
lia plus fcible : Loi , qui s'étend depuis la ctvimté juf-
éu'aux Bêtts. PiUTARCH. in Canùil. pag. 136. Edît.
de WecheL Voyez encore à ce fujet , Thuct^o. LiKV.
^p. CV. pétg. s 44* DiaN.HALYCARN. IiT». i. cap^
V.pàg. 5. Pl4xo, w Gorg. pag, jaj. Tir, Liv^ Lii^
y. Caf. 36.
^J^
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-M A T H I JK If. Tl
CHAPITRE I 1 1.
Jiépart de Domfro.nt. Rencontre d*un Efpagnofi;
HiJlQÎre de cet EfpagnoL
_[UoiQi7E y félon la faîne philofophie , ce foî^
une chofe ridicule , méprifable , & un effet dc5
préjuges du vulgaire , d'être fenfible au malheur
de fes parents , j'avais lu un paflage , au chap 7.
V* XJ. de VEccUJiaJlique ( i.) y, qui me brouilloie
la cervelle , & qui faiibîc que )e ne pouvoîs me
réfoudre à quitter Domfroai,,éc laifl'er ma mère
dans les pleurs & Taffliâion. Le Compère Maihieit-
Tit de mon embarras : puis ayant pitié de ma foir
bleflc , il m'accorda huit jours pour me délivret
de çc fcrupule , & confoler ma mère. Au bout de
ce temps-là , nous nou^ procurâmes les papier^
dont il eft d'ufage dans notre pays de fc munir
lorfqu'on veut voyager. Ces papiers confifteat
en un certificat de vie & de mœurs , que le Syn^
die de l'endroit délivre gratis y après qu'on lui
a payé bouteille ; & un extrait baptiftaire que le
Curé délivre de même ^ après s'être fait donner
trente fols.
Nous partîmes ^dis Vomfront le Compère Ma^
thhu&i moi, le 30 de Juin 1728, & nous enfila--
mes la route de Varis. Ayant marché jufqu'â deux
heures après raidi, nous trouvâmes une fontaine-
à quatre pas' de la route y qui nous invita ànous
( I ) Honore ton père de tout ton cœur , & n'ou-
blie pas le» alBiél^ns dé ta mere«
A (î
dby Google
^^s^mmmmi^mmmmmmmmm
t% , L 2 C O M B E ». E
rafraîchir. Il y avoit près de cette fontaine uh
grand homme maîjgre , bafané , aBêz maF vê-
tu , qui-rpangeoit. un morceau, de p^in d'orgê.
Le^ Compère demanda à cet homme s'il jn'alloît
point du côté de Taris, — Tant s'en faut,, ré-
^)onditril , car j*en viens. — 0feroîs-je demart»-
der , reprit le Comptre , à qm j*ai Thonneur de
parler? — Oui-dà, dit l'étranger; je vais vous
îatîsfairc dans k «oLomcnt, H acheva fôn croû-
ton, & dit:
Je m'appelle Don Diego-Arias^Fernando it Ik
Tlatdy y JRioles yV Rajplos: p fuis efpa^nol de
nation • & gentilhomme, de naiflfance. — Mon^
fieur eft apparemment quelque .aîné de famille ,
dît le Comperel — Je n*en faiis rien , reprit Don
Dkgù : perfonne n'a jamais connu mon père m
tna mère. J'avois tout au plus deux jours, lorA
qu'un matin on me trouva dans un panier à la
porte des RR. Pères Cordcliers de Bilhao^ en
Bifcaic. Je fus nouiti aux dépens de cts chartes
&cha,ritablcs Religieux jufqu'à l'âge de huitatis.
Alors, comme j'étoïs très-durement menjéparje
piaître chez qui l'on m'avoit mis pour apprendre
à écrire, je m'enfuis à Bùrgos y oii je mendiai
pour vivre. Il y avoit dans cette ville une trou-
pe de comi'tragi-Sauteurs. Le maître de cette
troupe me voyant lefte, bien fait , & propre
à remplacer un fiea fils qui s^etoit crevé le
m^ta<:arpe en voulant imiter le faut du Nia^
gara , me prit à fon fervice , & en peu de temps
je fus en état de gagner mon pain.
La profeffion d^ comi-tr/tgi^Sâuteur^ me plïit
tellement y que par mon application & des exer-
cices continuels , je parvins, en moins de trois
ans , à ItreN^e plus excellent S^caramouche y le plu*
facétieux Tierfpt , & t« pius h*rdi Vokig^ur que
lçï\ eûvu depuis Ipng-tenps*
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. HlLPIl' IJJ' If, ■
• M .A ï H i ï TT. . . *iy
J^avoîs déjà fait le tour du Portugat 8c à'nnt
partie de VEfpagncy & >e n'arois que douze ans
lorfque la troupe arriva à Sarr^goffe.Lc Reôcûr
des Jéfoit^ de cette ville m'ayant vu, eut pitîe
Pétat où j'étois réduit à gagner ma vie , ea la-
rîfquant vingt fois dans un jour, & me 'fit dire,
quil me deffinoit un fort plus doux & plus heu-
.zeux^ fi je voulois m'attacher à luî. Fiquc de
quelques propos durs que mon maître , Don Sca^
trijfas, m'avoit tenus dans la journée , j'acccp*
taî le parti propofé.
Je ne fus pas fitôt entre les mains du Reôeur,
que le faint homme commença par me faire dé^
tefter ma. vie palf^e , & par m'âfïermir dans les
principaux -points de la religion. Ënfuite, pour
ni'ôter certains fcrupules qui Im déplaifoient , ri
iriluîtia dans la pratique de cttte fcieine y parla* ,
qMtlh en s'anéantiffant foi-âiême, Ton peut s'u-
nir à Dhsu dans une fimple contemplation d'e^
prit-, fans ie troubler de tout ce qui fe palfe 4ans
'l€ corps. Il m^apprit en outre la différence qu'it .
y a entre Vprdre nahirelSc V ordre furnaturel; en»-
tre les deux prédeftinations ; entre la grâce pré^
venanu Se la grâce coopérante , & qttcls fôntr les .
^Skts Jiw concomitant ^ de hifctence moyenne &d\l
eongruifme. — ^^Mon ami , dis- je à Dtego^ vous
Htè feriez plaîfir de parler françois: je crois fort
quermon Comper&VGus entend , car il eft fort /a-
vant: pour moi, je ne fais que ma langue natu-
relle. VEJpagnol me regarda en hauffant les épau»*
tes , & continua aihfi : Au bout de dix-hqît mois
je pcrdîs mon cher maître; la mort l'enleva en* ,
lieux jours de maladie. Il me laiffa d'autant i^luy
«mbarraflé de ma per/<)nne, que Pou me châffa
du Couvent, fejns que je puifle ea deviner I^
raîfon-
dby Google
»4 * ^ P C O K 3? E R E
Je partis donc de Sara^oje , & je ne tavoîs où
aller , iorfque le hafard me fit rencoutser im
Vieux . Négociant allant à Barcelonne pour des
.affaires de la dernière imporunce, qui regar-
.dolent fon commerce. Après avoir conté râes
{veines & mon embarras à ce vieillard \ il me dit
, avec une douceur qui mVracha des larmes: Mon
enfant , j'ai pîtîé de votre jeuneffc & de. votre
deftiaée : vous êtes abandonné de tout le monde ;
vous n'aveK perfonne pour vous gouverner nî
£our vous conduire dans un âge oà les paffians,
u mauvais exemples ii les mauvaifes compa-
!gnies peuvent vous plonger dans un précipice
affreux. Venez avec moi à Barcelonne^ Yy ai des
amis auxquels je vous recommanderai ^ qui vous
donnefont de Temploi , fi vous voulez vous ap-
.pli<iuer, & qui vous mettront en état de ne dé-
pendre un jour que de vous feul. Je remerciai
très^affeôucufemcnt le généreux vieillard; je lui
jpromîs tout ce qu'ir voulut, & je le fuivîs.
Cet honnête homme avoit un foki particulier
de moi ; lorfqu'il s'appcrrevèit que j'étois trop
fatigué, il defcendoit de fa mule , m'y faifoit
monter ,.& me fuivqit «^ pied des lieues entières»
Tout ce qui me faifoit de la peine étoit qu'il té-
moignoit ne pas aimer les Jéfuites. Aufli me don-
nai- je bien de garde d^ lui parler de Yanéantipm
fémcnt de foi-mime , du concours concomUant ^ de
hifcience moyenne ^ Se du eongruifms que défunt
le R'eôeur m'avoit enfeignés
Nous avancions à grandes journées lorfqu'uii
foir , à l'entrée d'un petit bois , cinq ou fix ban-
dits fondirent fur nous. L'un d'eux appliqua un fi
furieux coup de croffe de fufil fur la poitrine du
Négociant, qu'il le renverfa de fa mule: les au-
tres s'étant jetés deflus , enlevèrent fon argent ,
dby Google"*
Ma r n 1 e \r^ " ij
fes papiers , fa monture , le dépouillèrent d'une
partie de fes habits , ic me nous laifTerent qu'a«
près nous avoir cruellement maltraitésL l'un. Se
l'autre.
'Comme cette aventure nous arriva dans un
pay^ ôiù il n'avoit aucunes connoiflances, tout
ce que je pus faire fut de ie conduire à une ab-^
baye de Bénédiâins , pj-ès de laquelle nous avions
palTéHine heure auparavant. Arrivés dans cette
abhave , le vieillard 4it qui il étoit , conta ion
défaftre y Se expofa la néceffité où' il fe trouvoir
de fe rendre au plutôt à Baraelonm. Je ne fais fi
ce Négociant avoit été autrefois un grand pë*
fheur, ou s'il appartenait à quelque hérétique^
snais le Ciel endurck tellement le cœur des Moi^
nés à fon éçard ,^ qu'il ne reçut po«r tout iccours^
. qu'un peu û% pain bis y quelques châtaignes y âd
cinq on fix maravedis ( i ) ; après l'on nous en-
voya coucher fur un peu de litière qui fe trou-
Toit dans Me des renuies des. carroifes de Mon^
ficur l'Abbé.
' ' Le lendemain matm k vieillard voulut partir
i quelque prix que ce fût. Il efpéroit trouver
quelque perfonne généreufe qui voulût bien lui
procurer les feconrs nécefl'aires pour continuer
îbn voyage , quoique fes bleffures ne le-permîf»
iènt gueres t mais un Bailli & deux Curés de vil-*
lage auxqiiels nous nous adrefl^mes ^ furent auffi
durs que les Bénédiâins ; & le vieillard , exténué
de fatigue & de douleur , fut oWigé de fe réfu-
gier chez une pauvre femme qni.n^avoit qu'une
chèvre pour tout bien . & qui: fe prêta de la meil-^
( I ) Petite monnoîe de l'Efpagne, qut vaut un pc»
fbà$ qu'Un denier de France...
dby Google
l6 L I C O M P Ê R 15
Jlèure grâce du monde à lui procurer tous les fc-'
cours qui lui feroient poffibles , tandis que j'irais
. annoncera ks atnis àçBarcêlonaeh trifteétat où
îl étoît réduîtr Je n'eus pas la peine de .faire ce
voyage ; -car un inftam après que nons^fûraes dans
la chaumière de cette pauvre femme ,' le nialhea-
rcux vieillard tomba fans cQnnôifrance;lé fanglui
fortit de là bouche à gros houîllons , & Tétouffa
en moins de fix minutes y fans, que nous eullions
pu y apporter aucun remède , & fans avoir pu if<^
prendre le nom de fes antis de Barctlonne, ♦
Ct déplorable événement me jeta dans une con-
ftefflatian ineicprimabl*. Pour comble de difgra-
cçs f le Curé de Tenàroit ne voulut point çnterrer
ce pauvre homme^ attend u^ue l'argent qu'on fit
du refte des dépouilles que les voleurs l^uîavoient
enlevées ne fuffifoit pas pour fon falaire. Enfia,
la bonne femme qui avoit eu la charité de nqu^
recevQiir^ vendit fa chèvre , fuppléa du peu qu'el-
Je. en tira à la fojwme que lePafteurexigcoit, 9c
le vieillard fat enterré. Cependant ppur faire voir
qjïç lei Eçcléûaftiqûçs 1 en' foutetiant intrépide-
xneat le droit, de leqrs émoluments ,, ont le cceûr
auflil généreux ,. l^ame auffi bieqfaifante qvit les:
féçuliers, le Curé voulut bien fe charger d'en-
voyer gr/itis un extrait mortuaire ^ & le détail de
cette aventure , aux parents du défunt , fi on pou-
voir lui en dire le nom & la demeure^
'Réduit au iiiême^état où ce généreux vieillard
m'avait trouvé > j'enfilai aflkz.trilUment le prt-
.mier chemin qui le préfenta à la fortie du villa»
gc. J'avoisàpjeine fait une lieue, que je rçBcop-
trai deux Pères Capucins , qui fe rendoient à -Ror .
me fur la convocation d'un chapitre général de
.leur Ordre. L'idée me prit de faire le mêmevoya-»
ge j & les hohs Pères mp permirent de lesaccpm-
dby Google
-^
Mathieu. ï7
pagncr. Je vis alors qu'il y avoît de vrais Eliis
fur la terre , & qu'il y avoit des occafioris où la
Providence fe manîfeftoît d'une façon à ne pas
laiiTer douter aux plus incrédules , que l'efFet des
promefles que Dieu fit autrefois à Abraham & fc^
mini ejus ^ aura lieu jufqu'à la confommation des
iiécles. Ces bons Pères , ainfî que moi , n'avoient
pas le fol ^ & nous fumes accueillis , régalés , fê-
tés y honorés Se prefque adorés par-tout où nous
paflàmés.
Trois jours après notre arrivée dans la capi-
tale du Monde chrétien , )e me trouvai phcé, par
le crédit de ces bons Religieux , chez Monjignor
Tonganni , Evêque de Manfoura en Manfourie*
Mon occupation étoit à peu près la même que
celle de là Sunamite du Prophète royal David:
je tenoîs les pieds chauds à fa Monfignorerie , dont
la chalew naturelle s'étoît évaporée Tannée pré-
cédente , dans une querelle qu'elle avoit eue avec
le Cardinal Faironi*
Pour le coup je crus ma fortuné faite à tou*
jours* Monfignor m'avoît donné la tonfure, il
m'a voit fait faire un petit habit de foie noire ,
des chemifes à dentelle, & un petit colet des plus
à la mode ; il m'avoit promis le premier Béné-
fice qui feroit à fa difpofition , & mille autres
chofes. Mais le ciel qui me perfécutoit fans dou-
te pour quelques moments d'indocilité que j'a-
vois eus envers le Rcâeur des Jéfuites de Sara-*
gojfc y m'ôta mon nouveau maître au bout d'un
an que je fus à fan fervîce. Il y avoit quelque
temps quel'illuftre Prélat fe plaignoit que la par-
tie fiti^e entre le périnée &Je croupion avoit
perdu fon élafticité; une fièvre furvint qui l'em-
porta.
J'avois amalT^ quelque argent au fervice de
dby Google
^9 LsCoMBË&B
^Mtmftgnor Tongarini: j'en employai iiae partie
/à faire dire des Meflfes poUr les Âmes du Pur-
; gatoirc , afin quelles daignaffenc infpircr à quel-
^quc Mcnfignqr refroidi de me pi«endrc aux mê-
[mes conditions que défunt fon Confrère. En
"attendant -^ji'sfficacité de i'œuvre; méritoire , je
; dépenlài it refle à faire «des pèlerinages , à ré-
primer mes appétits xrhariiçls , Se acheter des In*
' duljgenjces, ; ^ . ^.% .
Au bout de fix mois je me trouvai à fec; &
'les bonnes Ames ne m^avoient point encore pro-
. curé de condition: ce qui ne laiflbit pas de m'in-
qaiéten Enfin elles înfpirerent un Juif Véaiùen ,
nommé l^léaw , de me prendre pour fon Secré-
* taire. II nç d^utoît pas que je ne fçuflcau moins
les premiers élémens du Commerce , puifque j'a-
>oîs été dans le cas d^ea entendre parler journel-
lement pendant mon féjaur chez les iéfuitts de
. Saragoffe.
Le même joUr que j'entrai au fervice de ce
jMÎft'nçru$ pairtimts^wr Ancûne t oùnoustrou-
^vâmcs un bâtiment ^ui de voit nous tranfportcr à
Vcnîfc. Au premier vent favorable ce bâtiment
.'partit. Mais la nuit fuivanteun ventMaefiro oc-
' cafionna^ une iî terrible tempête ^ qu'à \k pointe
du tour nous nous^ trouvâmes à l'embouchure
du Golfe. Cependant la tempête étoit appaifée
le vent étoit devenu Siroco , & nous nous difpo-
fions à en profiter, lorfque nous apperçuroes
un Chcbeç Algérien qui faifoit force voiles fur
.nous. En trois heures il nous joignit , nous
lâcha quelques bordées , ic fe difpofa à nous
aborder ; mais par un bonheur inefpéré ce
Ghebec 9'ouvrit en deux > & la mer^ i*en*
gloutit.
Ce ne furent certainement pas les coups de
dby Google
M A T H I 2 ir. I^
canon que nous envoyâmes «u Corfatre qm fe
mirent dans le cas de périi* , car nous n'avions
!pour toutes armes que des fu£ls 6c dts fabiss«
L'équipage attribuoit cet événement à la cnda*
[ cité An Chebeç : deux femmes difoknt avoir vu
Notre "Dsme de L^retit entre le Corfaîre Se
. nous : Eiéaiar &utenoit que Moïfe avok ièn-
du xè bâtiment d'un coup de bagiuette i^pour
moi , je ne £5 aycuoe difficdté d'attribuer no-
tre délivrance à un morceau de la tunique de
Sai/u^Fr^infois » que )e porte par dévotion ^ &
que j'avois attacM au mit de notre vaifleau au
moment que j'apperçus le Corfaire*
Le vent contîniiant à être favorable , nous ar- '
rivâmes à Veniji en deux jours £c demi. Le Juif-
Eléaiur m'inftalla, auflî-tôt dans l'emploi qu'il
m'avojt deftiné , iSt dont )6 me fuis acquitté avec
applaudiflement pendant quatre ans que je fus
à Ion fervice. La première année il me &t faire
avec lui .d^ûx voyages à ConfiantlriofU : la fé-
conde , il me menia a Lisborau : quant aux deux
, autres , il, trouva à propos de me laifièr chez lui
1»our \eilier de plus près à fes affaires , pendant
es longues abfences qu'il étoit obligé de Êiire.
Je fus (i'antant plus charmé de la réfolntiofi
de mon Maître , que j'aimois fa fille RaeheL Elle
n'avoit que douze ans , & ne m'étoît point cruet»
le. D'ailleurs j'étois parvenu à être le favori d'une
jeune Citadine , Supérieure d'un Couvent de filles
. dans le voifinaee. De foi'te qu'uniquement occu-
. pé de mon emploi 9 de mon falut , Se des plaifirs
inexprimables que je goûtois entre les bras de
. Kachet Se de la Citadine , je pouvois. comparer
. mon état à celui du plus heureux de tous les hom*
mes. Mais cet état ne fut point étemel. Sur la fin
de la quatrième année je m'apperçus que U «Sa-»
dby Google
périeure m'avoit Communiqué ce qu'on appclfe
encre honnêtes gens une galanterie. Je fis part de
ce prirent à Rachel y qui le rendit à un noMe y le
jQoble à fa belle'-fœur y la belle-fceur à Ton mari,
le mari à une Corteggi'ana , la Çortegghna à un
jDomînîcain , le Dominicain à fon Prieur , & ce-
lui-ci à la mère de mon aimable Ifraélite , telle-
inent que le bonhomme Eiéafar en eut fk i^arr*
Four comble de malheur^ mon maître s'avi^ de
Tendre fa fille à un Turc f car les Juifs font argent
dç tout ) ; ma chère Rachei fut livrée à mon iir-
fçu ^ & je ntappris cette funefte nouvelle que trois
heures aprèsfoh départ.
. Dès ce moment je réfolus d'abandonner des
lieux qui me rappclloient trop le fouvenir de
mon bonheur çafl'é , pour y vivre déformais tran-
quille. Je^partîs pour Paris. Je ipi-is ma route par
TAut riche , la Bavière, la Ftan^onie, la Weft-
phalie, & par la Hollande que j^avois envie de
voir avant dé mè rendre en France. Mais je fis
-peu de fé jour dans cette République, qui n'eft
prefque habitée quç par de maudits hérétiques,
6c n'ayant aucun refpeft pour la faihte Inquifi-
tioB. Auffi Dieu les pun,it bien , car il ne fe fait
point de miracles chez eux ; & d'ici à plus de
trdis cents ans, nbtre Saint Kere le Papc^n'en
canonifefa àMcun , payaflentî-ils le triple de ce que
les Catholiques paient pour faire canonifer les
Saints.
Lorfque je fus arrivée à PariSy'p me mis au lar*
fe avpc h$ ducats que j'avoîs apportés de Venife.
e conimehçoîs même à oublier jR^cAf/; mais je
n'en étois pas à ce point avec la Citadine: h pré-
sent qu'elle m'avoit fait me devenoit de plus en
plus à charge. Pourcombe d'infortune, un Mé-
decin Bomxaé Mercurc^bpl^^finos entreprit de me
dby Google
Mathieu, at
guérir, & ne réufllt qu'à irriter mon mal ^ en
m'excroquant le refte de mon argent ( i ). Ce-
pendant comme il falloit vivre , je fus alternatiw
vemcnt Laquais , Ecrivain, Cocher , Poète , Suiflè
Se Colporteur. J'étois réfolu de m'en tenir au col-
portage j lorfque mon mal redoubla de façon que
je me trouvai hors d'état de colporter. J'avois
derechef amafTé quelqu'argent : je fus encore aÂ-
fez dupe pour le donner à u n maudit Charlatan
qui ne réuflit pas mieux que fon prédéceidèuf • En-
fin Je ne favois que faire y que devenir , lorfque
lé diel prenant pitié ^e moi , me fit connoître
(I) Quippt ûliquam quieuhfu^^ artem hene nwit^
agendo ,
'Aut'nunquam ^ autfaïtem rari peccahie : mt isn 4
D E QU I BX7 S EST Ser MO de cctitum vix, erit unut
Suem fanart qucant , quem nonfortaffe truçidtntm . .
'nde iftud ; nifi quod pars horum maxima nefiU
Quidfaciat , quîdfit prorpis medicina ; fed ipjî
Dum tantàm inciimbunt Sophia y & dialeSica dijcutif
Vincla , quihus valeant ihduâum necUre vuJgûs ,
Vix elementa artis medica & pnmordia UhatiU
Si€ lakfrinthais ambagibus ûdfua^^rtâa
Infifuâi redeunt , atqiu tntkfmemata vibrant,
Hine tumidi inccdmi , hiac pubtica.pretmia p9jhm$f
IdfiitiseJfeputaht(^tiQcdecipïunmi)adAoc^ut
Carnificeskomimim fub honeftonomine fiant t
O m'ffera Leges , qua taîia criminafertis l
O caci Reges , qui rem non cemitis ifflam t
Vas quitus imperium eft , qni mundifrcena tenftlsg
Ne tantum tolerate nefas , hanctollite pcftem;
Canfulite kamano generi i quùd noâe dièqiie
Horum çarnificiim culpamimntur adorcam ;
y.etpcrjeâè, artem difcanh ^^^ '«V medeantur.
Fàiingjen.II Leoni pag. 93*
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v% LeCompere
Ir tort que j'avais de mendier les (ccoufs des
bcunines I tandis qu'il y en a de divins fur la ter»
rt. Je me fouvins du bienheureux faint Jacques de
ComvoJMU en Gallice , 7e fis vœu à l'iuftant d'aï-
kr fc vifitcr à pieds nuds, ôrde ne vivre que
de pairt & d'eau , jufqu'à ce qu'il lui plût de me .
rendre ma première fanté.Voiis me voyez dans ce
voyage ; vous tn connoifTcz la caufc f en voici
l'efièt, — En finiffant ces paroles VËfpAgnotnoMs
montra fon pitoyable /rr/i/s, an bout duquel pen-
doît une crête femblablc à celle d'un Coq-d*Imie.
Oh ! oh , dît le Compère Mathieu , ceci devient
Condylomel l'onm'dvoit dît que ce n'ëtoit qu'
Excrefcence formée par la fixation de la lymphe >
&occafionnée par 1 hàtitatlon charnelle que j'a-
vais eue avec là Ciiadihe. Ah \ Monfeigneur :
faites-mbi l'amitié de me dire fi ce Condylomexi*^^^
point un fort qut.hCitaduLe a jette fur cette partie,
en vengeance de l'amour qu'elle me foupçonnok
avoir pour Racket ? Hélas! c'en eft un affuré-
ment ; tar U. dernière fois que jç Pâi vue , je la*
trouvai occupée à lire le Petit AlitrttcltsClavi^
cules de Salomorié — * DiWabuft^-voiJS ^ Seigneur
Dieg(k , dît le Compère ; Votte; mal , quoique fé-
rieux , it'eft point un fort. La Citadine n'eft rien»
moins que forpiere. La galanterie dont elle voi»
a honoré efi ce que Meâieurs de la faculté nom->
ment Virus Véroliaue : ce Virus vousaoccafion-
né quelque épaiffi^ement dans la lymphe ;d'où>
un relâchement dans là partie inférieure de l'ex-
trémité du Veniij d'où le Condytome , ou fi vous le
voulez y\t.Scr€ùme\)^ Marifia^s ic Fim^us y le
Thymus j qui fienifient tous à peu près la même
chofe ; d'où enfin tous les maux dont vous Vmis
dby Google
M A f H ï E tr. IJ
plaignez*... Et Gc Virus ne feroît*cc point le
Diable , interrompit Dieso ^ ou plutôt le fléau
dont Satan a frappé tant de f aints Perfonnages ,
nommément Je Frophete Davtd , le vieux Laia-^
re y.hjàint hàmmt Tob y&c François L — ^ Pour
le Diable , non , réprit le Compcrc : pour le fléau
dont vous parlez, celafe peut. Çhoioi qu'il en
foit , c*eft un efpece de levain aci3e , fubtîl &;
coagulant, dont }e vous déferai fans qu'il vous
en coû e une olyole, fi vous voulez retourner à'
Varis avec moi. — Ah ! fi ce n'cft que cela , s'é-
cria Diego ^vous me rendez la vie : je vous avoue
que ces mots infernaux de Virus , de Condylome^
it Sarcome, de Marifca , de Fungus , de Ficus ^
de Thymus y m'avoient effrayé ; & que j'ai une
peur extrême des Revenans, des Sorciers , des;
Magiciens , des Loups-garous , & fur- tout des.
Diables. Mais mon voyage de Compoftelle ? — »'
Quant à votre voyage de CompoJlelUy répondit
le Cemperé y vous le ferez toujours afl'ez. Que
fait-on fi ce n'efl: point par une faveur particu-
lière au Bienkeurrux faint Jacques que vous m'^a^»
vez trouvé ici ? — Cela fe peut , répliqua Diego y,
car je n'ai jamais douté de fa toute-puiffance en-;
vers ceux qui l'invoquent dins leurs tribulations :,
fflarque de cela,, je mefens déjà à moitié guéri. — ;
Holà, Seigneur , holà , dit W Compère , n'allez*
pas fi vîte : fi j'étoxs encore un Charlatan ,;quQ
devien4rîez-vous? *— Eh ! que me peut-il arriver'
davantage, répondit Diego ? j*aî de temps- en.
temps des douleurs infupportables à la tête, ^
dans Ifes lombes , les cuifles , les jambes Se hs
épauler; j'ai un Condyhme au bout du Penls^SC'
je n'^ pas le fol. — il pourroit arriver , dit Ie|
Compare , que le Virus qui eft la çaufe de vos'
douleurs , de- votre condylome de de votre miferc ^^
Digitized by Vj005^1C
i&4 L z C p M F s & £
[ vous paflàt entièrement dans le fang&"jr cau(at
, ' des ravages affreux. Alors au liçu des maux
dont vous vous plaignez ^ vous fentiriez aux.gé*
nitales une chaleur & une ardeur extraordinai-
res; vos tefticules fe gonfleroient ; il vous vîcn-
droit à l'anus des verrues^ des rhagades , & des
• ulcères à la verge ; votre peau fc couvriroit de
: taches rouges , pourprées , jaunes ou livides ; il
' vous furviendroit une infinité de tubercules durs ,
calleux , fur-tout aux environs du nez y du front
,. &• des tempes ; vos ongles deviendroient inéçaux,
le dëtacheroient de leur racine & tombcroicnt;
vous auriez le dedans de la bouche enflammé^ &
H s'y formeroit des ulcères ; la carie vous atta-
I ^ueroit les os ; la membrane intérieure de votre
nez deviendroit fongueufe , ulcérée , calleufe ; vo-
î tire voix deviendroit rauque & s'éteindroit ; vo-
î tre haleine feroit d'une puanteur infupportable ;
! vous reflentiriez par tout le corps des douleurs
cent fois plus vives que celles que vous avez
! fbuf&rtes jafqu'à ce jour ; vos os fe tuméfieroient
j & s'amolliroient, les glandes lymphatiques s'ob-,
'] * ftrueroient ; vos jjeux deviendf oient rouges , en- .
^ ^ ' flammés , les paupières calleufes & ulcérées ; vous
iêntiriez aux oreilles dts tintements , des fiffle-
jBients continuels ; il en fortiroit du pus & une
rôatîcre îfchoreufe ; vous éprouveriez des cépha-
lagies , des- affèdions* convulfives , des vertiges ,
des tremblements & àts parai yiies ; il vous fur-
i viendroit des oppreflions , des difficultés de
refpîrcr , des crachements de fang , une toux fc-
r , che Se humide , des naufées fréquentes, un dé-
> • ' goût univerfcl , un dévoiement féreux & bilieux;
^^; en un mot, des maux fi terribles , qu'il faudroit
que Monfieuryâ/Wr facçues fût bien fin pour vous
} tmpêcher de crever comme un mUjéiabh, deve-
- ' - ' ' m
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M & T M t E U. 4j
nu en horreur à vous-même & à tous ceux qui
approcheroîent de vous. — Bienheureufe Vierge
Marie l s'écria VEfpamol^ quelle abominible Lî«
tanie venez-vous de débiter ! Saint Voly carpe ! fe-
courez-moi y ou )e deviens Maniih/en»Jt défie la
guerre , la pefte & la famine , de réunir tant de
maux à la fois.
Ah! Mpnfieur, pour lè peu que cepoifon in*
fernal étende ies ravages fur la terre , c'eft fait
de nous , c*eft fait de l'efpece humaine ; VAnte'»
Chrift va paroître ; Etie Se Enoch vont revenif ;
les lept trompettes vont fonner > les vifions de
Saint Jean Vont s'accomplir , & le monde va fi-
nir. £ft-il poifible que la Supérieure d'un cou-
vent de filles 9 qu'une perfonne confacrée au
Service du Seigneur, m'ait fait un préfent fi exét
érable ! ô créature maudite ! que n'es^tu . . • • «
non ) vivez , adorable Citadine : hélas ! fi vous
n'eufliez reçu ce poifon de perfonne , vous ne me
l'auriez pas communiqué. Ah , Monfieur , mon
ch^f Monfieur ! je vous conjure par les entrailles '
de votre Ange gardien , de me délivrer au plu«
tôt de ce condylome infernal , ou je me défefpere
covamt Judas'^ je me pends au premier arbre ^ &
les boyaux me Sortiront du corps de frayeur &
d'aneoîfTe. — Appaifez- vous , Seigneur Diego ^
dît le Compère ; je vous jure fur mon honneur qiie
je vous guérirai entièrement : mais parlons d'aï»»
tre chofe.
Vous me paroiffez un homme qui avez vu lè
monde , & qui, par les diverfes aventures devo>-
tre vie , devez avoir acquis beaucoup d'expé*-
rîence en toutes chofcs. Je cherche à formerccr-
taine petite fociété attachez-vous à mol,
vousjic vous en repentirez pas. — Ah , très-Vo-
lontiers i répandit ïEfpagnol : que faînt Arnoui
B
dbyGoosIe
^é L E : C o M p E li'ï
me préferve àt refij.kr une telle offre, dans urf'
moment où je ne fais que devenir! Au refte, je
vais vous devoir de fi grandes, ofiligations par
1 extirpation/'de mon candylome y & par l'expul-
fiôn an virus qui ms mine c5c me tourmente, que
je crôiroîsctre le plus ingrat de tous les hora-
incs , fi je ne m*abàndonnois fans .réfervfe à tout
c^que" Vous exigez de moi. — JFort bien , dît le
, Cpmpfre; j'aime les perfonnes naïves & reeon-
lîoiflàntcs. Dès ce moment je.vous reçpis dans
YUlufireècrefpeSable Corps des PHILOSOPHAS ^
aîpfi^quc mon compère '^/râme q\Xc voici , lequel
fëra àéformsiis votre intime & votre ami de cœiir.
— Vous'fevez , dis je au Compère ^ que je nç fuis
qu'un lot, que vous ne ferez dp moi qu'un très-
mrnce fujet,-^ Je fais très-bien , dit le Compère ^^
que -tu .n'as pas inventé la poudre; ntais tu-
as afïczid'cfprit pour devenir un jo.ur un phi/o*
fpphe du cinquième ou fixieme ordre, car il y
en a de tous les étages. Suivez l'un & l'autre
' mon exemple ; mes aâions feront vos leçons, —
Pour moi , dit Diego , je me feus très-difpofé à
philafopher , moyennant qu'il n'y ait point d'hé-
refie , que j'aie le loifir de réciter mon rolaîrc,
qu'on ne coure aucun rifque d'être pris par le
Diable , ni de mourir fans confeffion. — Pour
d'h^réfie , reprit le Compère y je protefte qu'il n*y
CXI a point. Il eft vrai que les philofophes ne
^ont pas toujours à la méfie ; mais la bonne vot
lonté eft réputée pour le fait, Se il n'y a point
^'exemple qu'aucun d'eux ait été pris par le Dia-
ble. Quant à votre rofaire, il vous fera libre de
le réciter' aufli fouvent que l'envie vous ea pren-
dra. Au refte, continua-t-il , comme la philofo-
phie eft une fc'ence dont les principes ne font
point encore bien développés ; qu'il n*y a que le
dby Google
Mathieu. 17
temps & Tufage qui puiflent en procurer une par-
faite coBnoiflance , ne vous étonnez pas de me
voir fou vent parler & agir inconféqucmment $
c'eft le propre des phUofophes. Ç,t, qui vous pa-
roîtr^une contradîâion^en moi , fera une marque
infaillible d'un nouveau degré de connoiflance que
f aurai acquis, — Ea finîflant ces mots, le Com-
père fe leva , nous reprîmes notre route , & trois
jours après nous arrivâmes à Paris.
ti
dby Google
±9 L £ C O X P E K E
^' ' ' ' "
CHAPITRE IV,
Arrivét du Compère Mathieu d Faris , & fin
établiffement en cette Ville.
Mlâ TANT airivés i Paris y le Compère lona nit
cabiner au cinquième chez un Vinaigrier de la
rue de la ^7771^. Comme il n'y avoit qu'un lir,
deux d'entre nous couchoienr dedans & l'autre
defibus.
Lts premiers jours de notre arriWe, leCoffl^
père ( je ne |kis par quel fecret ) décondylomifa
YEfpagnol^ ainfi qu'il le lui avoit promis. Eton-
né du fiiccès , je m'écriai : Tendns-nous-en-là !
Compère y nous fommes dans une ville où le ta-
lent admirable que vous venez de faire paroître ,
ne peut manquer de nous combler de richeile &
de gloire.-^ Tu te trompes, mon cher Jérôme,
dit le Compère , quand même j'aurois décondy-
lomilé Se dévérolifé tous les Moines , les Nym?
phes , les Laquais & les petits-Maîtres de Paris ,
les Mercuro'bol^afinos Pemporteroient encore fur
moi : il fliffit que ma méthode ne foit point la mé-
thode reçue , pour que je fois contredit , dé-
menti , hué , berné , fifflé , perfécuté , Se peut-
être lapidé. Au refte , ajouta-t-il , ce n'eft point
à cette forte de gloire que j'afpire : c*eft à celle
de la Fhilùfophie fablime & tranfcendante que je
veux atteindre ; c'eft là que je veux borner mon
ambition & mes travaux.
II y avoit déjà trois mois que nous étions à
Taris , & Diego avoit employé ce temps-li à nous
faire coniiottre les rues , les carrefours , lésqu^r*
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M; A T H I ï r6^ s^
tiers ^ ainfi que les temples facrés & profimes d^
cette ville , lorfque nous bous apperçûmes que
les eaux baifToient extraordinairexnent chez nous,:
il ne noasreftoit plusquedix écus. Ce qui m'ayant
alarmé , je demandai au. CoOTp^r^ quelle reffour*
ce il avoit à opporer à la mifere qui alloit nous
accabler ? — Je ne le fais point trop f me répon*
dit-lL — Hé bien, repris^jje ,que chacun denoos
emploie quelques momens à refléchir fur quielque
moyen propre à nous tirer d'affaire : le premier
qui en aura trouvé un convenable ^le propoferav,
& après Texamen ^ Ton agira en conféquence*'-*-
 ces mots fuccéda un profond âlence.
Il y avoit quelques minutes que la méditation
duroit , lorfque Diego fe leva tout à coup , Se ^é*^
cria : Mes amis ! confolons-nous : le Ciel m^inlpî-
re un expédient. Il nous relie dix écus ; portons-
les chez les Jacobins pour qu^il^ prient féum D^
rniiuau denous tirer d'embarras. — C'eft fort bieiî
penie | dis*je à Piega ; mais û faint Domitiiqu^
s'ayifi^h d'être fix mois fans nous fecourir, com-
me ont fait les Bonnes Ames de Rameliton égard.,
que deviendrions-nous pendant ce temps-U ] -^
Ma foi • je n'y fongeois pas , répondit-il. . •mé*
ditons donc , ajouta-t-il.
La féconde méditatien avoit dé>à duré quelque
temps , & aucune idée ne venoir y lorfquVn S^
vo]rard vint dire au Compert jfiathitu de lefuivre
à rinftant pour affaire iipportante. . .
L'allobroge conduifît le Compère chez le Mi»n
quis de Barjolac. Après avoir attendu quelque
temps dans uoe antichambre , où trois grands Lar
quais s'pccupoient à ddfputer fur le mérite de là
Sémiramis it Voltaire é an CatiUna de Crébitlofi ,
il fut introduit. Il trouva le Marquis occupé à fe
noircir les fi^urcils , à m^sttre ion rouge , âc à f e
B3
^ . Digitizedby Google
rjd X is C o M p E K E .. .
parfumer les aiflelles & les génîtoires : cette be-
fogne étant finie, fonvalet-dc-chambre lui chaufl'a
une paire de fouliers à talons rouges dont l'entrée
était bordée de calepin blanc ; ilacheva de rha-
biller; il lui ceignit un épée , dont la lame étoit
de buis, pour que fon poids fatigue moins; & puis
s'en alla,^ Lorfque le Comptre & le Marquis furent
feuls , ce dernier fe jetta dans un fauteuil yfe mit
à mâcher quelques paftilles , prît de trois fortes
de tabac dans la même tabatière , touflk'd'un petit
ton enfantin , fe moucha dans un mouchoir de
foie blanche , s'efluyaavec un autre couleur de
rofe , fe leya , fe mira , fe rengorgea , fit une pi-
rouette fur Ie.talon^& dit au Compère ; L'Ami , je
fais que tu fais de très-jolis vers ; je te prie de me
•faire , en payant , une Satyre des plus îanglantes
contre le Duc de Bracaflron. Ceft un fat,quiaofc
me contredire chez la Marquife de Qrand-Chun\
qui m*a deflèrvi chez le Miniftre ,'qui ne ceffc
-4'afiefter publiquement à mon ép^ard un air de mé-
pris qui m'outrage , & duquel il faut que je tire
unie vengeance complette, — Monfeigneùr , dît
le Compère , le procédé du Duc de Bràcafiron eft
injuftc. Mais il me ferable d'avoir lu dans Héro-
dote d*HalicarnaJfe ., Liv, 8. Chap. des Querelles
entre les Ducs & les Marquis y que de fon temps les
•gens de votre forte oppofoîent leur épée à Tin-
iulte & non pas un libelle : nos preux & vaillans
Chevaliers en ont fait 4e même : cet ufage fe
pratique encore aujourd'hui en femblablc occa-
Son : pourquoi ne vous v conformez^vous pas ?
— Que le Ciel m*en préferve ! s'écria le Marquis
de Barjolac^ cela peut convenir à quelque Gentil-
lâtre de Bafle-R-etagne ou du Bas-Poitou ; mais
à un homme de rita condition? fi : il n'y a rien de
plus roturier que de fe^battre: d'ailleurs le i?z/<;
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^ ' M A' t H r E tr. ^ [31 *
eft.iin fpadaffin à.culbuter foivennemi du premier
coup de lame, & à ne faire aucun fcrupule d*o-
ter la vie au dernier rcjetton de TilluAre JRace^s
Barjotàes , dont les Ancêtres , tant mâles que fe-
melles , on rendu de fi importans fervices à nos
Souverains. Aurefte il eft roffenfant, jefuis l'iof-
fcnfé; qui de nous deux doit être puni? ^— Cts
raifons-là font admirables , reprit le Cômpere ; mais
comment voulez-vous qde jefaffe une Satyre con-
tre leDuc de Bracàfiron ?Jc ne lui connois d'autre
défaut que celui d'êfre votre cniicmîl ; — Ma ven-
geance & mon couroux t'infpireront , repartit le
courageux Marquis ; f irai te voir ; en attendant »
penfe , rêve , imagine , ufe du privilège de là
poefie ,aye recours à la fiâion. Tiens ^ voilà dix
Louis à compte de la fomme que je te defline fi tu
réuffis à mon gré: juge de ma gcnérofitépacraoa
reflèntiment. Adieu."
• Le Compère Mathieu étant revenu au logis fe mît
à écrire j écrivit le rcfte dfe-ia journée j écrivît
to^te la nuit, écrivit une partie de la matinée du
lendemain , & venoit enfin d'écrire \2l Satyre , lort
que le,Marqvis^de Barjolac arriva. —^ Quoi ! s*e-
cria-t-il en çntrant , Je libelle déjàiîni.! donne
vîte , mon cher , que ]t le life. .... Tout part de
fource ! je n'aurpis pu mieux t'infpircr ! Sans
doute que le Duc t'a fait auffi quelque outrage ;
car il n'y a que la rage 8c la vengeance qui puifl
lent t'avoir difté cet abominable libelle. -r- Point
du tout , Monfeigneur y répondit Je Co/Ty?^;-^ • Jg
défir de vous ftrvir , certaine inclination que la
Nature m'a donnée à cette forte d'ouvrage , &
les dix louis que j'ai reçus hier de votre main gé-
néreufe , furent mon Appollon , &le feront tou-
tes les fois qu'il pla'ra à votre grandeur de fe fer-
vir de moi pour tirer une vengeance gJorîeufe &•*
B4
^ Digilizedby Google
31 L K C OK P K ît B
cômplctti de ft$ commis. — Lt Marquis enchàa-
té^donna trente autret^ Iwis AuFoëte & emporta le
libelle y qui (è muttîplia tellemefit qu'en moins
àt, vingt-quatre hçore^ tous les cercles tiê Varis
«Cl furemJaondës ; en moins de trente--fix heures
il fut imprimé avec des notes & des augmenta-
tions ; 6c ço moins de trois jours le Duc de Bra-
ic^Tûnifoit devenu d'un ridicule fi frange aux
youx des trois quarts de te qu'on appelle le ^r4»(^
^pikdi I qu^il fe feroit caché pour dix ans , s'il
^ eu! le ciQBur auffi bien placé que fou îUuftre
îWiiemi.: : .
, Hé bien ., Srignair Diego , dis- je à VEJpagnol
s^rès cette aventure j>ous ferable-t-il que Saint
Parnihiçuc t^t rempli fî abondamment notre at^
tente , & en fi peu de temps que le Marquis de
ffarjoiac} -— Qui vous a dit , répondît-il >que le
hn Saint n'y a point contribué en .faveur de h
Îieufe intention que )'av6is eue de aotts- adrefTer
j^ui? Ten fuis tellement convaincu «^ qn^oi r^
^impifiaççe d^un tel bien fait ^^^evàis dece pas
faire allumer un cierge de deux livres devant fon
îmag^. — En finiflânt Ces mots il partit , Se ut
revînt qu'après avoir exécuté fa promeflèà
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M ▲' T H' r ]( Ur^ '3^
C H APÏT R E V.
Continuation de notre féjour à Paris, Vifion 4^,
Diego*
if 'A I dit qw nous étions logés au cmqmeme
étag€. Mais les quarante louis, du Marquis djs^
J^tfr/o&c naùs-«firent defcendrc au fécond ; & au^
Heu d'un cabinet où il n^yavoit qu'un Ut , novifi
louâmes deux chambres où il y en avoit trois. •
Dtepab U compofîtion du IrbeUe , Toccupa-^
cian journaliers du Compère Matiietiétoit de tr^
valller pour un Libraire aux gages duquil iF
étoit* (^vkant iVEfpagnûl &c moi^ notre befogn^
confiftoit à copier divers pafTages dans lies Au<^
teurs que le Compère nous indiquoît , à faire
tes comoûfltons , la cuLSae Se le trjacas d^i zné^
nagfi. .
UB.foÎP que rEJpagnol était fortî pour cherw
cher quelque aflàifonnement qui manquoit àun^
tête ^e moucoi^ que nous, avions pour fo»uper> il
rentra ea pouffant <les hurlemens éponyantabléju.
-^Sainte Marie à Ui coque i s'écri*-t-il ,. en fe jet^
tant fur le plancher de la chambre y jt fuis mort^..^
confeffion f je n'ea puis plus j*ai vu • -, . .altit
mes compagnons . . j'ai vu. • < . Que Diabreasi-
tu vu , dît Te CoOTjwrî: ? -^ Ah ! continua VUfrc j,
je viens d'avoir un^ vifion qui n*a pa^ ^parciik
dans. Eiéckiety ni dans VApoealypjfe y m dan^ le^
Révélations iefàinte Brigitte l . . . j-aL vur unlaup^
garou* ♦ . . il ayoit la tête d^un Hterwite ^Ic çnrpi^
runfanglier , Tes jambes d'un ïo^,j, &U quei]^
d^UQ: chat fil lui forçait dunombxiitkmpirjé d'vA
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wm
34 L ï C O M P E R E
tablier de fethrhe , à ce que je pus vcyîr par les
cordons. . . . nous femmes perdus ! le voicî. . .
je le vois . • . . miféricorde !• Saint Tongarini f
fecourez -moi V ou il va m'àvaler comme une
huître. -^ En difant ces mots il fe fauva foljs un
lit.
Le loup-garou que Diego avoît vu , étoîtim
Vieillard feptqagëjiaire ayec une barbe blaqçhe ,
•couvert dé vieux haillons, qui reihontoit Tefca-
lier, & que la fuite & le tintamarc de VEfpa^
' gnol fivtnt entrer dans notre cHatiibre , pour le
défabofcr de la peur qu'il lui avoit caufée inno-
cemment.
• Mes cnfans , dît le Vieillard , je ne fuis point
tout-à-fait fi affreux que Monfieur qui eft fous le
lit fe l'imagine. Si j*aî l'air un peu hétéroclite ,
c'êft que l'application que je doime aux Sciences
rac fait négliger mes accoûtrcmens ; mais l'ha-
bit ne fait pas le moine.
Il y a cinquante-deux ans que ;c demeure 3ans
le grenier ci-deffus , .& d'où je\ne (ors. que tous
fes lundis pour chercher ma provîfîon hebdoma-
daire.
Je me fuis rénfermé^ très-ieuné dans cette habi-
tation , afin de vaquer plus librement , plus tran-
qurllement à l'étude de la Philofophie: Enfin,
après bien des veilles & des travaux , je fuis
parvenu à finir un Traité de. la Sdence Univer-
fill^i que j'éfpere donner înccflàmment auPubfc.
• La première partie de ce Traité de la Sdence
Univerfille confiftera en cent foixante volumes //2-
fùliô reliés en maroquin rouge ,. dorés fur tran-
che & fur plat , enrichis d'un grand nombre de
planches ^ que j'aurai foin de ne faire graver que
médiocrement bien pour éviter la dépcnle , &nje
tctiret un peu de mes autres frais.
dby Google
-.Mathieu. '3Jf
Voici le plan de cet Ouvr^age»
Ayanf établi de quelle manière refprit humain
grimpant des individus ^ux efpeces, des efpeces
^aux genres /des genres prochains aux caufès éloî-
gnées , forme prefqûe à chaque pas une Science
nouvelle , je fais voir commcnf on parvient à la
notion générale de Tefprit. ' * .
«Prêtez attention y je vous prie.
L'exiftencc, la poffibilitc , la fubftaricô , l'at-
tribut ,1a durée , &c. font des propriétés gêné*,
raies ;de tous les êtres. J'examijnc ces propriétés
à fond , & je formé de cet examen la Science de
TEfre en général. D'où TOntologie , ( dont'j'o-
niejrtrâi de vops parler, pour abréger ,) laPhcu-
matologie , qui eft 1^ ftience de J'efprit , & îa
Phyfique particulière.
w Attention , encore un coup , c'eftdeï'abftra't.
Je dîvife la Pneumatologîe en trois branches.
la première comprend la x héologie naturelle ;
d'où religion , fedes, héréfies , fuperftîtion , fa-
îiatifmé ; d'où Tintolérancc , la persécution , là
cruauté, la .million du Duc à^Albp y &.lepaffe-
temps de ChdrUsIX. La ftconde de œs branches
çonfifte dans la Dodrine des,Efprîts ,. bons ou
mauvais : d*où les Anges , les Démons , Its Sil-
phes^les Gnomes , les Lutins , les Spçôres jles
Kevenans ; d'où les Sorciers ,îe^ Magiciens , les
Loups-garous ; d*bù les vifions , les extafcs^ , U%
{)oireflîons , les obfcflîons les cxorcifmes. Enfin
a tfbifieme branche de là Pneymatologie fe dif-
tribue en Science de VA^reraîfonnable,enScien-
è de rAracfcftfitive , ou, fi vous IVimez noteu» j
B6
zéi^^K^OO^
.jtf Lb Ç X) k p -je «. I
:ciï Scîenic^ de l'une & de l'autre à la fois.
Je paffe enfuite aux deux Facultés principale»
et 4'hônune y qui £bnt Tentendement 9c la .vor
loticé.
Commî; ces deux Facultés font de leur nature
aflez bizarres, aflèz mutines, je charge la logique
de diriger h première à la vérité , & la Morale de
plfef k féconde à la VertiK ' - .
Je divife la Logique en Art de penfer > en Art
âe reteairlè^ penlées , Ôc en Arc de les comi&u**
xiiquer^
^ dîftingue dans rEntendeitieiïr quatre O^é^
«^^rions principales^ ainft que quatre braiichts dii^
férenrer dans Fart ae p^enfèr. L'une & l'autre de
ces quatre branches fe rapportent à chacune des
Opérations intelleduelles , qui leur eftpropje^
* f> Je ne fçais û vous m''enteiidez , hous dit le
Ti^illard î — Pas trop ^ lui répondîs-je. — Eh
bien f répliqua* t-il , attribwz cela à h perte que
}'ai faite des trois quarts de mes dents : redou-
ble? votre attention , 8c paflez quelque chofe à
mst vieiUelTe* .
La Mémoire naturelle & la Mémoire artificiel Ir
font deux Mémoires. La première coniïfledans une
WIFeâationr d'organes , & la féconde , dans la pré*--
fiotion & dans Pemblffme ; ce qui s^appelle If Art
de reteiiir ^ un peu différent de celui de tran£f
aetire.
„ Je àivik l'Art de tranfmettre eu Grammaire 8ç
en Rhétofique. La première comprend lèsITgnes ^
la profodie ^ ta fyntaxe , la coaftfuâion & autres
Bgtïts de la penfëe ^ tçk que k,% geftes & le»
caraâéres^
Les Caraâçres Cont , cm idéaux t ou hiérc^Ijr-^
phique^ > ou héraldiques^ Les Geftes font les gri--
juces , le3 carefies , les lou&ts ^les coup^ de;
dby Google
M ▲ T H 1. 1 U. Yf
pied au cul & autres femblables geatillefle^.
Quant à la Rhétorique , je n'ea traite que fi^
perficielIemeRt. le me borne! à n'en faire découler
que la DécIaBiatiofi", telle que celle de la plupart
des Auteurs, des HaraRgueurs , des Paoégyrif^
xts j àLt% Prédicateurs , dés Avocats , & autres
Braillards ^ui eagnent leur vie & étourdir les çen^
d*e^rit > & à »ire tourner la cervelle aux Idiots.^
u h paffe à la Morale..
La Morale eit générale ou particulière.. La prd*
miére (bus-^entend la Science du bien & du mat
moral ^ sll y en a ; & celle d''étre j,ufte & ven*
tueux «' fi "on peut l'fire.
La Morale particulière comprend là Scfenet de
ce qoe PhoBirae ie doit à lui-mime ; de ce qu'U
doit i fa famille ; de ce qu'il doit à la fociété ear
général; de ce qu'il doit à fes créanciers en parti-
culier* Ce que Grotiàs , Cumberiandy Pt^endorff^
& Surlamaqui ont fort bien développé dans leurs
Ouvrages j mais pour le malheur de la Francf
on IkCujas & Bart^UyJk on lailTe là ces Me^-^
fieursm ^.
Voîlî j mc^ Enfanr, en quoi confiftç la pre-
mière partie du Traité dtl a Science UniytrfdU qtf%
je vais mettre au jour..
La. fcconde partie de cet ouvrage fera de cène
quatre-vingt volumes £a-/oi/o relies en bafane , S^
ornés d^in aulfi grand nombi^ de planches que 1^
première. Elle contiendra la .îàVncf de ta nature^.
le diftribue l^Scicmcc dt la tuuurtitvi Pbyiique
&: Mathématique. ^ >
Obfervèzen paflant que ^ tire encore cette diC^
trihutîon de la» réflexion ^ fie de l'heureux pen-
chant- que le Ciel m'a^ donné à généralifer k#
cIlo&5.. i
dbyGoo,qIe
mi^mm^^mKmmmmmmÊmitmm
►58 t e" C b M P E RE
Comme J'ai connu parles fens les Individus
réels , les Aftres , les Elémens , les Météores, &c.
' j'ai pris en même temps la corindiflance des Abf-
traîts.
Alors la réflexion m'ayant fait voir que des
• Abftraits les uns convenoienf à tous les individus
corporels , j'en ai fait l'objet dé la Phyfîque gé*
•nérale. Ptjis ayant confidéré ces mêmes propriétés
dans chaque individu en'particuHer , avec la va-
riété qui les diflîngue , j'en ai formé l'objet de
•la Phyfique particulière.
Je paffe à une autre propriété plus générale
•des corps^, que je- nomme quantité.
J*ai confidérc la quantité fous trois difFérens
points de vue, & j'en ai fait l'objet à^s Mathé-
mathiqucs fimples ^ des Mathématiques mixtes , &
des Phyficô-Mathématiques.
«De grâce , écoutez , ou je me tais..
• L'objet des Mathématiques pures cft la quan-
tité âbftraite nombrable , ou la quantité abftraite
étendue. L*urie eft l'objet de P Arithmétique, l'au-
tre eft celle de la Géométrie.
• L'Arithmétique fe divife en Arithmétique par
fignes , & en Arithmétique par lettrés. Cette der-
nière s'appelle la fctencedes Loups*
Il y a autant de divifîons & de fous'-dîvîfionj
dans les Mathématiques mixtes , quUl fe trouve
d'êtres réels dans lefquels on peut confidérer U
quantité.
• La quantité confidérée dans les corps en tant
que mobiles ou tendant à fe mouvoir /eft l'objet
de laMéchanique.
• La Méchanique fe divife cri deux branches r
Tune coipprend la Statique , qui fe dîftribue en
Statique proprement dite, &en Hydro-Sratiqiie.
dby Google
Mathieu.. _- 39
L*atrtfc comprend la Dynamique , qui fe dîftribiic
en Dynamique proprement dite , & en Hjrdra-
Dynamique. D'où la Navigation & la Baliftique :
d'oà la découverte du Mexique , le bombarde-
xrient d'Alger , & la puiflance des Ànglois,
♦ * ûlt paflTe à TAllronomie géométrî^tie.
L'Aftronomie géométrique eft Tobjet de h
quantité confidérée dafrs les mouvemens des corps
céJeftes.D'où la Cofmographie ,1'Uranographie,
^PHydrographiç , la Chronologie , il Tart utile &
admirable de faire des Cadran^. D'où les Cadrans
.horifpntaux , verticaux 9 &équinoxiaux , incli-
nés, d.éclinans, cylindiiques , fphériques f d*où
les Cadrans anakmnatiques^ azimuihaliques » al-
.niuncantarique$ » judaïques y italiques , bab'yloni^
iques ; d'où les Cadrans Germaniques , Helvéti-
ques j philofophiqnes , antique JL> èc quantié d'ai><
.très Cadrans^^ dont l'ufage & l'importance font
connus par tout l'Univers , fur-tout chezlc^ dé-
fœuvrés , les moines , jk les fainëans^ .
,. La quantité confidérée dans la lumière ôUfoQ
moiivenvent , donne l'Optique. D'où la Cataj^tri-
que & la Dioptriquc ; î'où les lorgnettes d'Opé-
ra , les befîcles de Vieilles & les iiînettcs 'd'A-
vares.
- La quantité confidérée dans K Son & fes pro-
priétés y donne l'Acouftique. D'où la Cataçpuf-»
tique /& l'écho de Woodfiçk. ( i )
(i)Leftmeux.Echo de TToodfiok, pris d'Oxford ^
répète dix fept fylhbc's pendant le jour, quand fl rait un
peu de vent, & vingt-qnatre pendant la nuit : car aîors
rair étant plus, denfe , .les.yibrations devienrei)t p'us
lentes^ & Ton enterxd la répétition de plus de fyl!afces.
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40^ L E G a JVC .p , IRE
£afin k quantité confidérée dans Tair j doii»-
ne la Pneumatique. D*où la Crépitalogîc , VAC-
tme , les Vapeurs & l'Art d'étbufFer U$ Chats fous
une calotte de verre»
Mes enfants >k vais finir: je n*aî plus qu'im
mot à dire d« fa rhyfique particulière.
Je fais fuiyre à k phyfîque particolief « k mê-
me dîftributiott qu'à Thiftoire naturelle^ .VQÎci
comment.
/ Le^ Sens ayant procure k connoâflance ifes AC-
trts , de kurs mouvemens apparens y fenfiblçs ,
Jtc.lar^fiexion aproduit l'AftronomîcPhyjÇque.
D'où k connoiiTance Ae^s influences des Pk^etes^
des vertus^ de k Pteine-Lune , ks PrédiAions , ks
iUmaaiaebs , &c.
Les Sens ont fait conpoître hs Météores ; k
«éfiexion a produit k MétéoroIiOgîe D'où k con--
fioiflance d^s j^ou€tres du Tirol & de k nécef-
£té des pvap^ie.
les Sens ont fait connoître hr pFantes ; k ré^
9txum a produit k Botanique, TAgriciikùire ,.
icç\ D'où l'art de cultiver les ^rarqttes , d'ayoir
éti iraifbs i Ndê't, &dto melons aux Rois , eu
dépit de I» nature.
Finalement , ]^ Sens ont fait connoître le*
j&aîmaux ; la réfkxio» st produit la Zoologie;
Foyej leTMkxir.'Fipr^itànsfoa Rifi. Naturelle iTQx^
fort. Il y a au noid*dèi'î?gU(e dfe Shipley , dans h Vïo^
vincedé Sufex ^ un écho qui. répète penddlit la nuit cei
vingt Se une lyllabcs : -
Os hmtùfuhlimt dcditealumqiu tiim-
Kojf. k texicon de Rartkis^ m wprEcBov
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M A T H I E V. 4*^
D'où la Médecine , TAnatomie , la Pbyfiologie»
rHjgicne , la Pathologie , la Séméïotique &lc^
trois branches de la Thérapeutique ; d'oà le ta*
lent de défbpiler le foie , la rate & le pancréais'
en défopilant la bourfe ; &c l'art dç nous envoyer
ad Patres y un peu plutôt que nous ne le voudrions»
Voilà , mesEnfans, en quoi.confifte cette ffr*
conde Partie ^ qui paroltra peu de tems après la
première.
Comme je n*ai que foixante-qûinze aas , & qoe
ma fanté me promet de vivre encore un demi-fié-
<:le , j'efpere de voir quatre ou cinq éditions du
Traité de la Science Univerfelle ; & pafler mon
tempsà le recevoir , le corriger & Paugmenter jut
qu'à ce que Vénus pafle fur lé difque du Soleil^
ou que la Sultane MoJ^ua fafTe une pirouette fur
le nombril de fa Hautefle : ce qui revient au snêf-
mé. Alors ayapt obfervé ce paflage de mon grcK
nier, j'emploierai le refte de mes joufs à campa»
^er une Ouvrage fur la conjonâioB d^ plaoettes.
Adieu mes Enfants.—- Ayant fini ces mots le
Vieillard partît.
i^'ego qui n'avdit bougé de deflbus le lit pendant
le difcours du Vieillard , fortît enfin de fon ré-
duit, en s'écriant qu'il n'avoit eu que trop de fi»-
jet <f être effrayé de ce. qu'il avoit vu fur Tefc».
lier. — Le Loup-Gàrouy continuait-il , n'a repris
- la figure humaine , en entrant dans cette cham-
bre , qu^ pour nous réciter les trois quarts du
Grimoire , & peut-être pour nous enforcelcr
tous. maudit fuppot de Bel{ebut & à'Jftaroth !
que n'es-tu dans le fin fond de PEnfer > avec. les
Enchanteurs de Pharaon , Simon le Magicien Se
le Minifire Bekker ( i ) ou bien , que n'es- tu
1 _ _
( j ) Balthafar Pekker , Miniftrc Calvinifte à Amflcp*
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îji ^ • L E " Compère
'réduit en cendres au milieu de la Grève, aîhfi que
le furent Urbain Grandier 4 Loudurij Se Gbfredik
MarfeilU ! Mais non , je ne puis avoir la fatîsfac-
tîon de te voir brûler vif en ce monde , avant que
tu partes pour TEnfer , ton héritage. Les Tribu^
Baux , les Magiftrats , à force de ne plus croire
aii Diable, ne croiront bientôt plus en Dieu; car
rien n'approche plus de TAthâifme que de nier
la pc^flibilité, la réalité des fortiléges , des en-
chàntcmens , des maléfices , des pades avec. Iç
Diable , 8c du Sabbat. Auffi depuis cet indigne
relâchement de la J uftlce envers les Sorciers , npos
voyons journellement des effets terribles de la
puiflance de Satan & de la méchanceté des {ks Mî,-
nîftrcs: Tantôt une fécherçfle exceflîve brûle Jes
campagnes & fait périr Its récoltes ; tantôt des
pluies continuelles font déborder les rivières qui
inondent les villes & les villages , entraînent les
maifons , les ponts , les éclufes,&c. Tantôt une
grêljç afircufe hache en pièces lés/arbres, les vi-
gnes ,Iei mx)îfrôfls *, & écrafe jufqii'aux hommes
& aux animaux. D*un autre coté ce font dés in-
cendies qui confument des cités entières ; .des
trembiemens de terre qui bouleverfentdes Royau-
mes ; des volcans de foufre & de feu qui embra-
fent de? Provinces ; des guerres. fan^Iantes qui
ruinent &'défolent les plus belles parties du mon-
'de ; des peftes horribles qui ravagent continuel-
dam ', foutient dans fon Monde enchanté , que hs Dia-
bles n'ont aucun pouvoir fur les Hommes , ou plutôt
il infimie qu'il n^ a point de Diables. Cet Ouvrage
ayant fait grand bruit, les Magiftrats d^Amfterdam le
dépoferent : mais comme c'étoit d'ailleurs un homme
ide mérite & fort favant y ils lui conlervercnt fa penflon.
dby Google
. , Mathieu. 4?
ïement quelques contrées dé li terre : joignez à
cela un poifon cruel répandu dans l'aîr , qui de-
puis quel(]ue t^iffps fait périr les beftiaux ; un
venin fub*til , qui répandu dans le fang de la
jnoitié des hbmmes , attaque Tefpece humaine
jufqùeis dans les fources de la génération : ajoutez
encore les Médecins , les Charlatans avec leurs
fachets antiapopleôiques , leurs poudres , leurs
baumes , leurs pilules , leurs teintures ftomachi-
ques ; puis les Avocats , les Procureurs qui trom-
pent & ruinent les Plaideurs; les Financiers qui
fucent le fang du peuple ; les Riches qui fou-
lent aux pieds hs pauvres , & qui fe méprî-
fent ou fé haïffcnt hs uns les autres ; item , le
froid , le chaud, la mifere & mille autres maux
qui nous aflîégcnt fans cefTe le corps & Tame.
Que Ton dife alors qu'il n'y a point de Sorciers , &
que le régne de Satan ne commence pas à prendre le
dciTus fur celui du Seîgçeur. O temps! 6 mœurs !
6 monde malheureux , eriforcel^ & corrompu !
Il faut^vouér ,' dit le Compère , que ce Vieil-
lard eft un infupporrable bavard*: où peut -il
avoît péché cet impertinent difcours ? Je n'aurôîs
aflurémeilt point eu la patience deTentendrejuf-
qu'à la fÎQ , fi je'n'cuffe obfçrvé parmi les fottifes
, qu'il débitoît , certain ordr& de ehofes qui me
plut beaucoup. En effet ^ û quelqu'un avôit à
faire un Traité fuivi yraifonn^ ydoSrinal de toutes
les Sciences que V homme j>eut déjirer favoir y je lui
confeillerois de fuivrece plan pour former le yy/i
téme figuré des connoiffances humaims ^ qu'il de*
yroitJûCtï;re à la tête de fon Ouvfage. Mais pour
peu qu'il entrât de Philofophie dans ce Traité
fuivi y raifonnéy doSrinal de toutes les Sciences y il
ne (èroît point praticable ; les vrais dévots s'en
fcindâlrferoient , les hypocrites cfieroientàl'-^-
dby Google
44 LcCoMPEms
îhée y au Thilofphe\ les Miniftres, les Courtifiw
& ceux qui ont intérêt que le Peuple demeure
fimple &fbt , crieroient au Raifmneury au Mutm\
au mauvais Citoyen ; & T Auteurfen fcroit quitte i
bon marché , fî après avoir vu fupprimer on brû-
ler Ton Livre « on lui laiflbit la liberté de s'aller
kter dans la rivière , la tête lapreiiiere. Telcft
le génie de ma xhere nation. Un Vieillard à demi-
timbré s'eft enfermé pendant cinquante-deux ans
dans un grenier , pour éviter l'importunité des
fotSy la perfécution des médians , & pour écrire
en liberté. Que doit donc faire un homme qui a
fon bon fens ? temps ! ô mœurs ! • • • ô divine
Fhilofophie ! dans quel coin de la terre étes^vous
retirée?
dby Google
M A T H I ï IT. 4f
C H A FIT RE VL
Zc Compère Mathieu fe répand dans le Monde.
Terfécution qu*il ejfuie. Autre perféctuion. Di-^,
• i</p«'> d^ Diego. Son triomphe^
•f ' A I ^'it dans le Chapitre précédent , que le
Compère Mathieu étoit aux gages d'un Libraire ;
inais comme ces gages fuffifoîent à peine pour la
dépenfe du ménage & notre entretien , & que les
j)ucs &c Marquis vivoient en bonne intelligence »
le Compère , qui cpmmençoit A être connu dans la
République des Lettres , travailla pour fon
compte , & débuta par un Chef-d'œuvre ; ee fut
fon Traité de CracoiogK.
Comme il connoiiioit l'ignorance des quatre-»
TÎngt-dix-neuf centièmes des Libraires qui ne fa-
vent point apprécier les chofes , & l'injuftice &
l'avidité du refte , qui fâchant connoître le mé-
rite d'un Ouvrage , ne le paient point fa valeur :
il fit vendre fon livre à un de ces Meflîeurs , le
vendit Iuî*méme à un autre , auquel il l'efcroqua
enfuite , pour le revendre à un troifiemc. Il ar-
riva de-là que les trois Libraires crièrent Harô fur
le. Compère Mathieu ; que celui-ci , comme Phi-
lofophe, enritï & que le Traité de CracologU
fut vendu ce qu'il valoit.
Un Cheureux début ne tenta point le Compère
de fe remettre Auteur à gages» Il continua de
travailler pour fon compte ; & malgré là prudea-
ce de Meffieurs de la Librairie , il trouva toujours
le moyen de fe faire bien payer de fes ouvrages j
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-/
4^. , Le Compère
ce qui le mi^ en état de prendre un quartier dans
le vpifinagc de notre hôte le vinaigrier ; & de .
créer deuf nouvelles charges en faveur de Diego
& de moi; celle de Laquais futlelpt-de VEfpor
frnol ; celle de Vàlét-de''-Chambre-Sécretaire fut
c mien. -
Il s'en falloit beaucoup que la Philofophie eût
rendu lé compère mifantrope , fournois , bourru ,
fantafque , & tel .que certains Philofophes le font:
au contraire , il étoit enjoué , poli , ouvert 6c
gracieux. Ces belles quilitcs jointes à une figure
très-avantageufe , le faifoient defirer& rechercher
dans les Cercles les plus diftingués de Paris ; mais
cela ne dura qu'un temps; il éprouva bientôt que
, l'inconftance & l'ingratitude font le propre des
^Grands. '
Il avoit compofé , chanté ^ publié , quelques
couplets un peu cauftiques, (.& cela le plus in-
. nocemmeht du monde) contre quelques perfon-
nes de condition , dcfqqels il éprouvoit jouraçl-
lèitient les bontés, Cts pcrfonnes piquées de cette
tâgatelle , s'aviferent de décrier le pauvre Co//z-
perecommQ un efprit inéchant & dangereux , en
un mot, comme un monftre& comme une pefte
dans la fociété.
T e -Compère Mathieu avoit l'çfpr it trop bien fait
pour fe formalifer deTinjudibe & de la lâcheté
de ce procédé. Il favoit que le vi;ai mérite & la
Philofophie furent de tout temps eh but à la ma-
lignité. Il fe contenta de renoncer à tout com-
fflcrce avec les hommes , & de ne s'occuper défor-
mais qu'à écrire.
En conféquence de cette réfolutionjll ne for-
toit plus ; il travailolit fans relâche, rour toute
récréation , il s'amufoit de temps en temps î
faire quelques légères obfervations furie Gou-
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M A T H I M ir, 4?f
vcmcment : lofqu'îl y en avoit un cahier , Diego
alîoit le vendre à un Libraire honnête & difcrct ;
cela fervoit aux menues dcpenfcs du ménage...
Nous jouiflîons d'une tranquillité digne d'être .
enviée , lorfqu'un foir l'Enfer fufcîta unExempt ,
deux Sergents, trois Recors & fix Pouflc-culs ^ .
qui vinrent enlever mon pauv/re Compère y fe$ pa-
piers, fes effets & Pheureufe caffette qui contc-
noit toute notre reflburce & tout notre efpoir.
. Lorfque ces fcélérats furent partis , je àïs^ iî
YEfpagnol que cet événement avoit pétrifié : hé
h\QTi\ Seigneur. Diego yVoici bien une autre afr
faire qup la rencontre du Chebec Algérien? —
Ah î les- malheureux _,. s'écria-t-il , de venir ainfi
enlever mon Maître , le plus grand,, le plus pro-
fond , le plus fublime & le plus honnête des Phi-
lofoph^îs de la Terre ! Ah ! les Barbares , de nous
laifler fans un fol! — \,t Révérend T ère Jean iz
Siguença le difoit bien un jour fur renlévement du
Trophete Eïie , que l'on avoit fubftitué la rapine au
défintéreffcmcnt , & la violence à la charité. Ah !
Fere Jean de Siguença , où êtcs-vous? Que n'c-*
tiez-voùs ici pour confondre , ou plutôt pour
excommunier ce maudit Exempt , avec (ts deur
Sergents , fes trois Recors , & ks fix Pouffe^,
culs! '
Héurcufement qiic nous n^étions point tout-
à-fait fi pauvres que Diego le croyoit. Il me ref-
tort encore dix écus. Mais qu'étoit-ce que dix
ccus pour deux hommes qui n'avoient que cela
pour toute reffource ? VEfpagnot avoit été âutrc^
fois Comédien , Sauteur , Laquais ', Ecrivain ,
Cocher , Colporteur ^ Suîfle , Poëte , & ppuvoit
l'être ertcore ; mais moi qui ne fuis qu'un fôt,
qu'un malotru ,,à quoi pouvôis-je fervir ? ' ,
Ayant pafTé la nuit dans les plus trilles réfle-
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|f . . . L É é O M P E H E
xions , le lendemain matin nous h>uànies un ga^
letas chez le Foffbyeur de faint Médard ; Se nous
employâmes le rede du jour & les quatre fulvans
à tacher de découvrir les traces du malheureux
Compère Mathieu ; mais nos peines & nos recher*
dies furent inutiles.
Le foir du cinquième jour nous nous trou-
vâmes plifs défolés que jamais. Nous venions de
fiure dans un morne filence le plus léger des fou*
pers , iorfque Diego s'écria d'un ton lamentable r
Ah ! fi je n^avois point oublié le métier de Poëtc,
je pourrois mettre en vtrsVOfficc àt l'Immaculée
Conception , ou paraphrafer le Liiera f & tirer de
Pun ou Tautre de ces deux Ouvrages de quoi fub»
fifler quelque temps ; mais , hék^ ! j'ai oublié le
inétier de Poète... • ah ! fî je h'avois point ou-
ijlié le métier de Comi-Tragi-Sauteur \ \t trou-
verdis peut-être de l'emploi ; mais^hélas ! j'ai ou-
blié le métierde Comi-Tra2i-Sautcur,aînfiquelc
métier de Poëte. . ..... très chafte & très-
fefpeôable Reôenr des Tefmtes de Saragojfe !
très-pieux & très-humble Prélat Monfignor Ton^
garini ! très charitable & très-loyal Ifraélitc
[EUa{ar ! & vous , 6 chef-d'œuvre de la Nature,
incomparable Kachel l votre Serviteur & votre
Ami , Diego-Arias-Fernando de la Flata , y
Mtendofa ^ y Rioles , y Bajolos fe trouve lans
reflburce , fans appui & fans confolation. • • •
Cher compagnon ! continua-t-il en m'embraf-
fant , allons de ce pas accomplir mon vovage
A^ faint Jacques de CompofielU en Galice ; allons
accomplir mon vfBu« Enfuite y comme le Reâeur
, des Jejiiites de Saragojfe , m'a dit cent fois que
les Saints de fon Ordre ont le cœur bon , nous
tâcherons de nous les rendre propices en yifi-
tant leurs reliques , & les lieux où ils veulent être
honorés. Nous
dbyGoo,qIe
M A T H I E^ ir, ' 49:
Nous commencerons par le Bonnet ' dt faint
AnckUta à Orenfe ( i Y. Puis nous vifîterons \t
Foie de faint Forgée , a Àfforga ( a ) , la Brayet-
te àt faint Mena à Toro (j ) ,.-^ k Scrotum de
'(I) Lorfijue le P^re ÂttcMcta , Jéfuite & Miilton*'
naire dans le Bréfil , avoit trop chaud , il ordonnoit aux
Poules de s'élever en l'air & de lui faire un parafol de
leurs "ailes: ce que les poules ex-écutoicnt à i'infhnt , au
çrand étonncment des fpeâateurs. Voy. Jouvetici,
Hift, Societ, Lib.%^pag. jS6»
(a) Uan 1649 > ^e Père Fprget , Reûeur des Jéfuites
de Meti , vendit au Ùrfuliiies de Maçon une maifon '
^tuée dans la première de tes deux Villes , pouria fbm-
me de 8ocxx> francs Mefllns. Ces Religieufes âvoient fitir
cette acquifition fur la bonne foi du Père Jéfuite , ^
s'en etolent rapportées à fou eltiination. Mais ayant re^
conna que cette eftimatio^yétoit fondée fur de fàuif
Contrats &^de faux Plans , que le Reâeur leur avoit hàt
voir (ans fohget à aucun mai , ces impertinentes Nonain«
eurent l'audace d'inteater un procès à rhon;ime de Dieu;
& par une prévarication inouïe ., leJParlement ^çr èffi^
ordonna que les parties feroient remifes au .même etaç
qu'auparavant le contrat » à moins que les Jéfuiiifss n'ai^
maflent mieux fe contenter pour tout prix de ladite ipai-*^
fon , de:la fomroe de aScxo [ivries tournoisi. Vof(fi U.
Morale pratique f^ les Reglfires du Parlement de Metr^ '
(3) Le Père Mena , poùfle du louable défir de pro-»
pagçr, fon efpçce., fit accroire à upfî .^fi»^*» fapeniteme,
que Jç Ciel lui avoit infpiré de coi^qhê^av^ 'ene.; i^vii^
tant d^enfànts de ce charmant,accjouplemént ,'5ue<rija3
quifîtionfit arrêter le Jéfuite Mena. Mais Tes Çqji&qEeft
ayant trouvé le tnoyen de lé faire évader , il ^'enfuît 1^
Gênes , "où. il fe fit Juif, pour voir s'41 iie ppqrroit i>a|i
travailler, p.liîs tran^juillément \ È/vigirè du'Spg»!»^
dans le Ju4?^rnve:, que dans ieClirijftlinifipè. yiy^
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^M^^wmaiHHPiiamp
SaintxMtaiéfr^^^Segevit ( i) — , le Tomict âfS^
vùês^h Trmasitlo (-4) ,.-r-M4>eut'dii ne«'do.J^'/z^
/iixr^ur, pag. aji
i (€-) Urt BoarggMs de C^paranca 2Lyt\nt trouvé le
'Bf^vo-Bàltaiar eti&ghnt délit, avec ftfifmme» le tua-
fur !e champ , fans confidérer que 46 fait d*im Jéfirite ne
penc qu'hoivorerja çpuche djun honnêtejioaimç; ce, qui
• (<i^ ^Yéxt Gpn^hs 4^fri0 , ay airt, obtenu ia^Jer-
miffl^R d^':prédtçjr l^r^ngite dçns.lé Mononjotapa , fiit
îiifpj^ d€fCiel;d'y faire. Iç'niéâçr cTEfpion : c€qiie les
Mènbmo^piens ay^nt reponna , ils pendirent le faint
ffefBmé ; &, depuis ce temps-là perfonnç Jie s!avifi d'alt
fer €ii ce pays pour le.roêm^ftfjet. Vdy£il*Hifipir^ des
iéfiâtti^ tome Ihpag, 14, Sach. Lib..%l
* • <- 3 y te ftre Gmhar^ \ R^eôenr des Refaites de itft/i-
•fcf jfcâMiïp'jBi; l\)fcane , ayant.été convaÂriçu de s**ainalèr
lr;eertâiij pet^rîeu affez commun en Ttalïe , -fat honipa*
f^ftteiH^çltaflï ae ladite Vil!e,parjes,hab1tan^s^ aipfronç
loui jës, Jcffitte^qaJJIayoît (bus fes ordres; ce qui e(l biea
" «Ùw aIftTémeiït. Vhyex ^^fi^^^re fé/ûingiue^9pJ^6±. Sa-
Cntu.JiîbA^fyNp.ipJf&^iy. ...
» f'4VCymour queJiSdfciçcé â,^toq jours eupou^foi»
*^cttin- , ^tîSft jfés JéM^^ dèSfVilféltiteri^ Tar-
géH^^de4)lu(î^àrKp8rfoiv)es , npifiri^éniçnt d*iûpe grainde
•iënè^."J'Aavriers àd'arjrtfapsj, &:.çe^a fous prétçxte de
i)M|^R «yÔK^léquértë bi^^^iifeléf ahiils àltxi^^ perfhada
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:.<^iL-
Mi A* r H/ I K* V. Jt*
MirÎMmk:Badaiùx'{ i )» — l'Ëchine àt Joint San^
tareli Lwca (x-)» — le& Ongles At.fm/it Saarès
i Ténaflwr ( 3 ) , — & le Nombril icfâint Ion-
riniiShUbi (4:)'.
Làt nnur etitit^eftsi'UIfâfiitd poiir nous repa«
ferpmdint quelques jours ;,:âp naici'réiDttttxifts»
li^fe^cMfrOMl cbfaireiîfaanqaacnitot ce^ju'ilsrfh'entle
phs^;JQfiiiiéot.d^ monde, i^« luàw^sM^ Bs^ét^d^.
Malaga, en/b/i Théâtre Jéfuitique ^pêg. ^78.
: (7 ) te Fârlement iwP^rià /toujours prtt à imsi^ié^
ter les chbfts;à teboats » fit brûler les onH^reu de Ma^
rM/M'^paceeqoeceb^ivPereyavoitdit cpiel^eput,
2uele Régicide tfi une aâion oigne de iouongetgkrieitfe^,,
érotfue , & qu'il gémiffoit qu'il y en eût fi peu qui fe
jhnctgkrie à une dênaPckè figétérêof£; Pèjfrf M^ os .
Thov ,' iôw. XV* pagi iri firiîi.
• (^5 lei^Mars T&16 ,I<ïsœinrrei dti Per^^^ntikH'
tel furent brûlées far^iirét*du^niline^<P!tti!lettieno^ .&r àl
peu près pourja même bagatelle. Collado Judiàorum «
* (3 } Tk 16 Icrià 1^14 , le» 4E«vrt» du VmeStmiè^^
rent. br^Mès ^par «x^ dii ikèm^ VMmasm , â( ttMHM
j|(^urs pw)- la -niimd chofe. f^i ubi fûp^
' ('4) Le P)^e £om'ii éioit on lioiniiie teiriblaiiiefie Mt»
tC poirMe bieii de UlteMglôfi'&^pMr Icrretios dèl^t;
L'oA en peut voir on échantillon èiMiiatk^Çgiimâitàii^
fqrle Pj[eaume^ 105 ^ où après avoir loué Tadion de
fhiiàk cfàxâsiZàwhniiCé^^ itïajppioite cesT^eri de
Sétééfoet
• • • • Viâimo hâuduUa ampUo^*
. Pof</i 3jna^fque ogimo maâod /evi
C %
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51* L s C O M P E R i
teus^Ies tnatîns les quinze Ordlfonsdc/âiateBrJ'-'
gitu^ pour que nous contimiions notr^ péleri*
jMge «n fanté. . ^
De «y/v/7/^ nous irons vifitcr le Pantréas de
fmm GlUra 4 Lèbréxa ( i')', '— la Race dcfaint
OoneAuri à Mûrida ( a),' — lesFeffes dc;/ibî/^a/-
tet à Grenade (j) , — la Barbe àtfaint Comolet
à Guadixe (4) , — l^Oreille J^ /iw Auhîgny à
iôrii^ { 5 ) > — lé Fémur de Jainè Guignard à '
Mur<L{6) , -* TEpîglott^ àtfaint Varade à Firn^r
— .^ I — —
Xi) lé VtxtGueréî , Profeffcur du Bieflheoreox/f^/i
Châtel ', fut banni de la France 9 pour avoir en feigne >
qu'on peut tuer les Rois. Voyt^ MjEzeRAi , abrdgi Chron.
page 4}6 & fuiv»
(a) Le Père Gontkierieat le courage dans un de fes
Sermons, d^exhorter Henri IV. d'exterminer, tous les
Huguenots ; mais ce Prince , encore Hérétique dans
Tame / négtigei malfaeureufet^entun am fi laliitaire.
Voyei M. OE Thou , fom. ^F. p. 8j,
( 3 ) (4) Les Pères Boiut & Comolet furent lés glo-
rleufes Trompettes de la fainte Ligue. Le Père Comolet
préth'ant un jovr à' (oint Barthélémy \, crioit dans le iàint
dmhoufiafme quij'agitoit : Il nousfiuit un Aod ^ fît*,
il Moine t fut-il Soldât 9 fàt-il Berger » il nous faut un
Aod. Peu de temps après , il vint un Moine qui fut cet
Aod% V. la féconde Apolbgit pour VUniUrfitt de Paris,
Vftg* 1^9 fr 170. \x&mle Ruueil touchant rHift.du Fere*
Jou¥XNCi , pag.aaa»
( j) Le Bienheureux Père d^AuUgny fut le Confèf-
ièur de Ravaillac , & confident de ifes Révélations.
Voyei la fin des Mémoires de Conde, & les' Mi'
moires de Sulli. .
(i) Le Père Guignard s^étoit amufé à faire quj^Ique
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M A T ir I E 0. fj
hnàty ( 1 ) > — la Groffc d^nt àtfafnt Ahgon 1
Tortofi {2*) i — * le Sabre de faiat Ignace à Mont-
ferai ( 3 ) > — & ïe Prépuce de faitu Girard, à
Toulon (4).
De Toulon nous nous cmbarquef ons pour Wit-
pl€s\ oik , après avoir vu k ii<|iréfaâion du fang
defaint Janvier f nom irons vifiter Jes Sourci&
de Saint Morao aBéneveni ( 5) , — les raupicrts
petits Libelles contre ïfenri 111 Se Henri IV ^ & \ foo-
cenrr certaines prdpofit'toias qu^oii appelioit* exécrahleit.
Pour cela il fût pris , emprifonnc , pendu , écartelé. £a
Société ueidit eiT hii un des meilleurs iujets qu'elle e&t
alors; r . la Ckron^ novennaire^page 4}^i&futi^nulAM'
zuKAïy dhrégé£knm*êom. HLpage^J^
il) Le Pern Varade , en vertu de fon miniffere •Bi^
mt & encourage £â/r/cre pour ailâiïiner HenïlTl^^^
mais le mal -adroit manqua fon coup. V* Jus Reg^^
C ^) Le Père Alagon étoît rbammedu monde le pfojr
généreux ; il promit un jour 500CO écus & la Grafi-
àeSt d'Sfpagae au Capitaine La Garde , pour affaâiner
le même Prince.Faâum<fuCtfp,LA. Garde yûu IV9*
volume de l'Ëtoiike*
( 3 ) Tout le monde fait cptfaint Ignace pepdir fon
Epée & fbn Poignard ^un des piliers de la Chapelle
de la Vierge à Montfifat , le jour qu'il fe voua fon Che-
valier.
(4) l'édifiante Hifloire du bienheureux Père Girard ^
êc de fa chère fille la Cadiere ^ tû allez comïue.
(5.) Comrhy , Empereur de la Chine , eut neuf fil?.
\\ défjgna Je quatrietrife ,v nommée Yrnncm , pouï fon
fucceffeur. Le Père iiorao , mécontent d'une difpofition
^3
dbyGoo,qIe
tam^^mm
:J4 L at £\ o M F E m s
-♦.dejftfe/ GayxftÀ £^i»:{}i.) ,. — Si h^Goûet
âiiUme>hmjMrt jfxitwi (va' le -Xonibrafi. ,du
,fiint Prélat Tongarini y & baifer la.pantoujk dji
-SjGrifltr 'f^tte. iDe TRàmt nous tpattétQixs en Terre
-sSakiM^ BOUSAiroiTSià Nafnret/i,^JSetàUem,.k 3^-
OBUflUim y là iCapharnmm ^ à h .Mecque. iDeià
4aiMM }vevk&éi«MsA Çof^aatinùpk.^ cuii mois d«-
manderons au Kislar Agafi^ s'il n'auroit point
Aémmmemxs^loaAAtsfi^^ dans Jatére,
?fit févolter ile nwiyitineFîls^ cec^^mpereiir oomie
sftn^ifiréMf Ymfueim.Mzii >letlË&aUe ^qui ^taajonnMtta
-^ueis four «mverièr Jes pte tîntes •entrspfifes^, ifit
échouer celle-;^i. LçrEexe IIImim &ir^i^s|0c m^tyiifi^: ,
ainii que le Prince au'i] vouloit mettre fur le trône.
"Vomùs Lenm de M* Rdre^yPnaumétatre ApofMi^ue ,
i&UB Aneabus M Mat dtiaRâlipon 4c ki Ckîae:,
.€*éip.y.^ fuiv. . .
( I ) Prançoù Martel^ Prêtre de la Voroiffed^Enirean
<f rès^e \Diéppi yConvaineu dWoirvMlisrattefKetA^Ià vie
- me Louis Xlii. ^ar les^onfinis du Peve' Gi^ot ^ainfi jqge
v^ quelques autres petttesfredaînes ,fat amdaitutéfkarle
ftrleiiienr de Aouenà^étfebràlé vif; ce qui^futnécuté.
Le Révérend Pere Guyoe ^ auroit.cenaitfieiiieut^^tibi le
même fort y mais il fe fauva. Voye^ L* Examen des 4 Aâes ,
< a ) Um fi&jS^feiPere Bêéàe^^ Rtâeor «les h-
fuites de Maftricht , le Pere Procureur de la mênxonn-
ibrî , le Pere Gardien àes Récolîets Se un Brafleur di
^erre , ncSrfiiifé LàndMMm y^^fkdés deivôtf cétie Ville
au poiHiOtr^des Hérétiques yeocrepiseat jdetia livcer aàx
Espagnols ; mais ayant été malheureufement découverts ,
Us ISêMl Hfu^ ic h 9iéoùlkt^faxwt^à^\^\, Se
LandsifUM , pewbn. Vf[yi{PH^.wesPwfs.Vmg,4emct
pag. 089.
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' <■'» JC
«M'A t-h^iTk tr. ^ft
vieodr^im à Venife \ nous y faltitrans k '/irf/
~EUa{ary "èc nous y fcmrts une cdnfeffiofl f^ért-r
lale.pôur nous mettre eïi ëtat de fiôirdîgiielïftf^t
notre 4)éfcritia|5e. Dt Vtniji nous ViMKlwWs'à
BeUurno vilitcr laMâdioire inférieure du'ftât'fîâi'-
die Bufimiaum ( i.) , — lu Verrue ée jW/fr ê?;^
jrt/Wà'J/f7>nic*(a) ,.— 4e Tibia nfe i>i//7ffIVy-
/ô/i^z/ à Landsba^{^^) , ^M-4e^oficr 4!c:>2rt^r ^i*^^
*à uiaibout^g (^4), — k'Sav»^ atexifàMr W^old
à .]r/r«i^Mii^/(.5 } -- kl rMouftlKrke de Jkint^t^At
'.u*...,^-— u- ^ — f
(lytmi'flôire du Patriarche 'Biiy2riîiJ«im k, de -fitar
'^C^Oiffïheiltàteur hatroh "efi trop connue ^pdarécr^mife
"ici.
(^ «lie Pêne C'nfiN/ftt/'éft>'(rM% v^îflaJltllèfilt^/^
zèle rt^icateur : ilTe mit à la tête de ctxxuA^Rcmanacot
4WMC 4wé»» pqa i-fe r c e i te *»2ft*!p«l elfibrâTIHrTfevan-
9gîIeiaMis«telh«iifèii<ëiiMfritt^^ ^P^kht ki fl^fi^
-Cfpa» il iùctiié -aur^ffeniierv'Mtiibàttju^il ^ttotoda^^ftàflt
ces f înfi^l^ Ouicfi». f/o. i î^«
( 3 ) Le Père Ptrfonni , déguifé tantôt en foldat , tan-
tôt autrement , parcouroîHes mnlbiv des CMMi^ues
en Angleterre pour les exhorter de fiivorîftr les p]jit|«s
au Pàtfe fie V. 1& du "Roi dlEfpagne contre ce 'Ro]Wi«i|.
iC*eil1)ieh dommage que ces (àintes exttreprifes ne wbA-
firent pas ; il en fefrwt réfulté un bien iniini.poûr h*C«-
tWîCité. F.ItAPiNTHOïkAs , tom. V. p. 300 ^fuivi
XH ) ï« *ere M^t^ avoir i>ferfuadé tfn ndWnié Sftrtr jc«
€«fciiArtl'aïM^ A^«**k>is à'^a?^^ fafeîri'e Eïi/ibcS',
îl tes'^r^t ïrtêMe'<îôflflfefféfi*^^ les éncoé-
vi|geriiât«niciige vmaîs fe'Cta^ maiî<!|lia., k cfes conWF-
HùKS Jc«MttMMiiJro»ft lui^^ en piffé {ferre. Vdyiz Ât.
< j ) l^Pft*^flî<^lrmf'*^^oW4avoîreng^ iPA^/^hf
C4
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S6 LjeCompeub
à Landau ( i ^ — le C râne àt faint Kèrvin ï.Vfan-
c/ï a ) , — rïndex de faint Camp/an k Toui{ 5 ) ,
— Je Gigot de faint Tefmond à Meti { 4 )', — la
Rotule de faint Guerad à Verdun f 5 ) , — la
Vcffie de /i//;/ Oldtcornt à «y^r^tf/i (o) ,-^ & la
. Freflurç à^ faint Garnet à Méfieres ( ^ ) .Puis ayant
fait à RAeims une Neuvainç à la jamte Amfoulty
nous viendrons attendre ici que le Ciel ait pitié
de nous en faveur de notre déyotion.
-C'eft fort bien dit , Seigneur Dieg^ , dis^^ à
VEfpagnoly mais il me femble que vous poàrriex
bien nous tirer de la mifere , fans ^voir obliga-
tion à une Kyrielle de Saints du Calendrier des
/(fuites Vous êtes encore jeune , difp'os > vigoH-
reoie ; eflayez de vous mettre à faire quelques
fauts de Carpe » quelques tours de force , quelques
. équilibres; , ^c* Vous fàvez que le Paillafle de
Sqttirtc d'empoifonner Ta même iPriiiceflê : mais cet
J^douard.S^m ne fat pas plus adroit que Tairice Cih
Un &fes compagnons* roy€[UCat&hifmedefhQVi%%y
fdg. ai a» ^c»
(l) (a) (3) Les Pcres Brwiil , Kertin 6c Çampian,
Voulurent aufii attenter à la vie de cette Prlnccdë ; mais
Ils ne réuflîrent pas mieux <\vi*EdLua^d Squine & Pa-
trice Culen* \\$ furent martyrifés le premier Décembre
Ij8i. Voyei M. de Thou , tom. VlII, p. 541 & 54a.
(4) (5)(6)(7) Voici le plus beau coup de Jéfuite
que Ton ait jamais vu. C'eft ia Conjuraticm des Poudres.
Mais ce coup ayant manqué » comme bien d'autres, les
Jéfuites Odecorne & Garnet , qui y avoient participé ,
furent Rendus & éventrés ,, & leurs Confrères Tefmond
& Gérard fe fauverent de peur qu'on ne leur jouât lemê-
me tour. Voyer Mezerai , Abrégé Chron, tom. IlL p*
$aa. M, DE Thou , & les Ââ. in Prodit. p. ayj. 6c.
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, Math r iî v. yy
la Grande Troupe de la Foire, vs^ quitter po^
entrer chez les reres de Tartf/a/re; pour le peu
que vous approchiez de ce que vous dites a.voir
fcii autrefois , Je vous garantis fa place — Par '
Jointe ArmelU ! tu dis vrai , répondit I^<ge, — En^
même teinjpS;iL étendit la couverture de notre gra->
bat au milieu du taudis, fe mit à faire quelque»
cabrioles., quelques- mpulinets , quelques janv--
bades , & mie dit ; comment trouves-tu cela ^ /r-
rame ? — tout au mieux , Seigneur Diego , ri-
pondis-je ; iî les Convulfionnaîres àefainf Péris'
en favoient faire autajat ^ Tincréd-ulité feroit plu»,
rare. — -O l'incomparable ! p l'admirable ami/^
rame! s^écrisL, Diego , tu viens de me faire. pepfer
à une chofe; je veux avoir auffi des Convulfionv
Bioi : iJ n'y a; point de ftaî à cela : t'eft pour la
gloire de Dieu ,pour confondre rincrédulitë des
Impies , Se chaffcr la mifere qui va nous égorger.
Le Reâeur des Jéfuitesà^ Saragojfe m'a toujours
dit qu'on méritoit doubleinent , lofqu'on favoit'
concilier la Ileligion avec fes intérêts. En voicît
r.occafîon , moucher Jénoinc , ne la laifîVns pas
échapper.
Le lendemain Diego prît deux béquilles. & fe^
traîna iur le tombeau du Bienh€ureux\Pâri^ dan5^
le Cimetière de faint Médci^à, Il n'y eft pas um^
quart-d'heure que crhorribles Convulfions le fai^
fiilenjt.: il fait des gBim^ces & dpsxontorfîons e^—
froyabIes:lesaflîftaptsfiifis4'admiration.s'écriepf;;
miracle f miracle! ^l'Eglrfe & les envirpçs fé rem-
pliffenrd'unr peuple innombrat>le; ç'cft àquiveç-
ra , à qui touchera: le Seigtveur Diego : — Serris-
te ur de. Dieu y l«i crier-t-on , y a-*HI îowg-^^nips
que vous êtes affligé ? — il y a q'uia2«^a|i«f,^^ond-r
il , encoHtiïiiîaof /e$ cabrioles.- -*-( Que vops\é't a»
heus&i^ ! a jput^^jpa;. vous i^vi^ate arp oi^lç yûi
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*uit joim &ÉS être «ntiéremew gtiCTif '^ •
£orfqti^ là S^ne fut fin» ^ fc^ue laicmb'du
•monde fiit. éîffipéc , D/Vg^o pevmt 9u.]«gi5^, ^c»
^fes t^qniJte ^ tnc dit : Mon ther J^Pôme , jt
^lî^d^âit de ma 'vk dé pareils failts : je croyoli^
avoir cinq Légiot^s de Diables àaaii leeorps , caift
9e sele de notre faint^ Religiùû m'^ttimott. Ct^
Îendant cette afiaire fait grand bruit y 4r je ne
lis. • . H prononçoît ces maux , lorf^e le SUw
-eh0ulin , Plâtre & l^eôeur en Faculté -ée Thé©-
4ogie , arriva. Le famt Homme Jàota aii cou là^
Dlfgoen iF^rfant un teirent delafmes , te lui dit >:
SSonxkerFrtre en JeAis*CIirift,beBi ftm*le4[tiQk
»ment qu'il açlu au Ciel de vous inipirer devcn-
rger rhonneur de la Religion par mietrèo^fainte ,
très-licite & très-picufe fratiide. «Goatiinttez , je
vous prie ; «e démentez point votnrepreaiiere dé-
marche; attendez tout4e k bén^diâioA de Dieu,
4êla proteftioQ de Jbént Augufltny 6c de la recon-
^oîfTaûte'âestiemme'S : en même tempis il luidon^
sa une bourfe de vingt Léuis* — Adieu , ajouta»-
't^il , fouvenev^^vous dtt vous trouver guéri dans
hmt joms, & de faire place à d'autres.
l^orfque le Prftrt Chautin fut parti , peu s'en
iMlutqueles Convulfions ne mepriifent à mon
tour. Mais c'eût été de cesConvutfîons occaiSo»-
^OéejT par la joie qu'un malheureux rofiènt qua»d il
l^flfTe inopinément du pliis trifte éiàt \k ^une ii*-
tuation -henreufe ic inefpérée*
Ditgù y ptus^ perfuadé que )amaîf dA h^SMimtté
èc dtr utilité de Paé^ion , conrinua la hMaine
fur k même ton ^ ^ fvppi^ le huitième jour ,
jeta fes deux ^quilles de maÉrcha aëffi drak qii'il
eut jMm ftàt.
A là vue du -prodise les exclamatioâs recom*
meâceiu ; Diegc^ pubBe que iK confiance au Biem^
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PP^^i^^VII II M -■ JPIIP
" ^ A T H I ^ tr. ill'j
heureux Paris l'a amené de Bilbao en jBf/Tgryf :4c
Viaaîglier, îeFoîîbyeijr & vingt tmtrtsxmtm-
nés atteftent de l'avoir connu irapotc|it depuis
qu'il eft à ^aris : âeu4c cént^ auti'^s tëmôins certi«
fient de la réalité de fes ConvulfîonsAc defà^ué-^
rifoji :t>r«5É^>?'eAa^k^ «r rUïtres àfefes f ifrWiÇte^
-font dî»ttflKfe fol- hetfe\jt : l'adjftmïipon , \t «eh âr
là dévt^iioh \}u i^uf^le-^tto^i^iit : k -fo'ulfe Uts
paralytiques & des culs-de-jatte devient innom-
brabje fur Je fépulchre du Diacre : le Trftre dktw*
ih^a^XAtt Hrîïi^t t^Ufîti %to , & t JÔiht'ies re-
ittctcieiritens Be rbll>lès•'AfiPcî^;lttte& Rëàpnl^irants
de Fratite : ï>i^otc mtyi^dlîoîisldgfer âkiK le^ùàiv
tier HùT-àtàh ftô^aî ,Sci(6\ïsrtitùWài\s h ànn^
yti^c Afoi^W^ttitei^un'boriâelllc îa XMt'^Xithdntrtv
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: -t^s*'-''' ^ ' iï"
«y* ] iiBi^ip^^^inpjpiipi^
60 L s C a M F £ n
CHAPITRE VII.
Le Compère Mathieu rtfco/z/e ^t-^ui lui tft arrivé
depuis fon enlèvement» Il rencontre fon condifà^
fie WhiftoDi Entretien qu'ils onf enfemble.
•A,
.ussi-t6t que Diego eut reconnu le Compère ,
il fe jttta à ks pitids & s'écria de toutes (t^ for-
ces : — Qmon bienfaiteur ! 6 le plus célèbre ,
tè plus honnête .de tous les philofophes de h
terre ! eft-ce vous ou votw, Ange gardien que
je vois ? . . . . Oui , c^eft vous . . • • Ah !' mon cher
Jérôme , le Ciel nous a rendu notre père . . • •
mon maître ! apprenez nos peines & notre boa-
heur*
Xoifque ce maudît Exempt^ivec fcs deux Ser-
gents y ies trois Recors & fes (ix Pouffe-culs vous
eut enlevé , ainfi que .votre caflet'te , nous nous
trouvâmes , le pauvre Jérôjne ic moi ^ les plus af-
fligés de tous les'4iommes. Je réfolus dès ce mo-
ment dt parcourir YEfpagne ,. V Italie , la Vclejline ,.
VArabia , h Turquie 6c V Allemagne ,.pour cjon ju-
rer hs plus grands Maints de vous jendre à nos
vœux , 8c nous préfcrver de la, miferc effroyabk
qui ail oit nous attaquer*. Mais il étoit écrit que
nous nous re verrions , & que nous éviterions
cette mifere que nous craignions,, fans faire un £*
long voyage.
Je devins boiteux, paralytique, cnforcelé ,par
zèle de religion; en conféqueilce je fus redre/Té,.
guéri , admiré , remercié, enrichi,. & vous m'ê-
tes rendu, 6 rarcbi -Patriarche de 1*. Philofi)-
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. M A T a I K u. 6l
phîe ! Aces injotsJ?/>^as'arrêta,j& demeura prof*
terrié aux pieds. àuCoi^pcre y. en pouffant de^/ibu-
pîrs épouvantables*.
Les exclamations y la pofture ^ les foupirs.& la
figure de VEJpagnol tffxàyerem tellement les deux
Nymphes & une Vieille qui ëtoit là , qu'elles
s'enfuirent dans le grenier.de la maifon. Le Corn*
pere Mathieu ,. qui ne çompreiloit rien au difcouçs
de Die^a , remit à un autre jx)ur pour raffurer
les fugitives y vint à notre nouvelle demeure /oà
après avoir entendu_le récit de l'aventure dsj^îiu
Médardy il nous conta ainfî la fienne. ^
L'Exempt m'ayant arrêté i. comme vou&:favcz,
me fit entrer dans un fiacre qui l'attendoit 4ans
la rue , fe mit à côté de moi: deux de les Re>
cors ,, qui tenoient ma cafTettc ^ mes papiers y
s'aflircnt vis-à-vis; deux Pouffc-culs montèrent
derrière la voiture. Quelques minutes après no-
tre départ }'entendîs un cris , & le fiacre ^'arrêta-.
Cinq, hommes mafqués, ayant Tépéê à la main,
fe préfenterent à la. portière y & nous firent met-
tre pied à terre L'Exempt , qui étoit un fpadaf-
fin, voulut raifopner, on le. tua; l'un des Recors
voulut fe mutiner,, on l'écrafà; l'autre voulut Je
deTendre , on Tégorgea ; un Pouffe-cul voulut^
crier , on^l'étrangia; fon camarade., plus prudent ,^
fe fauva : les étrangers m'ayant examiné ,.fe fau-^
yerent. à. leur tour;^ & comme leÇ-uet, que le
peuple àppelloit de toutes fes forces y àlloit àr-.
river y^ je pris le parti d« les fuivre^faùis avoit
eu le temps de ramaffer. ma caffette..
Affuréjnent y. dis-je au Compère , vnus devez;
votr^ délivrance à laméprlfe de ces cinq perfon^-
nés mafquées. -r- Pour moi, dit Diego , je l'attrir
Ihic. à un miracle. Il n'efl point naturel que cinq;
hQimnçj5 artaquent ,^au milieu deP/zm.,. un fiacre-
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tnoKtenarât ijn E*etnpt , deux Riexnow , tfois
i^rtifie-ct^s ,"ti5a Pîiatyft>f)ht & nm trafltttfc. Cfe
^'cft point la première fois • qut 1« CicT prend
^îJîbîement la dèfenfe d« ]a vienti &lJe ormo-
*etMifce opprimes ; je fijatittrs donc ^ueleslLibé-
nteitrs de mon tnâttfeifoitnt au mmi» les cinç
i^reres- Mackai€ts. *— Le Cvmpere fe tnh à fifè
<dt PexprtflSon de nSfjmgkoi , & contimta aîîifiî
Ayant couru e^vron un qoaft-d*hetere , je mt
Wouvai prè^ Ûc^z^Mace^Vendâme. Crnnîneit n*^
*crèi.pt)inr pourluîvi , j'entrai dans un caifé pouif
réfléchir fur le parti que faui-ois à pretidre liam
ctttft eictréfflitté. ïi îi^toit poiût ptudent d'aîler
^tts trouvât , il ne Vitoït pas davantage fle voui
6ïre dire de vcnif chercher là moitié aé dht t>ïî-
téies ^ue j*aVoîs dans tn^ bouffe : je réMûs^dohif
€t îotrer TiA tabînct flans ce tftiartitr , enartwi-
tknt Poccâfioû de travaîHef à rcotrt féuttroh^
©çpnis ce temps-là )e flettieûraî caché dans ma
f etraîte, Se }e tfcn fbrtîs tfu*httr au foît pourûftef
chtt an fripier troquer rhablt brito que jHivors^
Jorfqu'on m*arrétà , contre kfurtont touge dotit
tous me vofe^irêtu.
En revenant de <iitt hefrîpier , la cùrîDlîtîé ine
tfh tf entrer dans h mittie caff puuriécôtttef fi
Ton ne parbit point de raùû aventure.îe h^y fus
pis àtùx mftiutes , que les deux Set^îits^ui
éVaient «aîdé i tft'ari?*ter emisjrettt , & leiMlttirt.
* jouer ttîït partie d*échets;fiTf la wMe cî)treigu6
. ir\xoiû trà jelft^Ét^îs'fapi ;fte ferre ({ht'jt ne pou-
vpis Ibrtir fans âéràtij^er f\m jdu ?àtit¥e de cei'
4feiix iip»>»M:^- ;Pour combîe.ée m^euf, 'l*Dn.
d^iiX M lumq^oii l'Oint un ct>ûp d'ëthec qu'S
Ht %^û fi^ignit à xSk&i : QUè fer^ifi^âtii tk rhà
ê^m ? mip aîfoit-il i tout moment , je fufspnp
ju^opeugh nàJQUf'dliui ; je 1U V4iisles ct^S qfie tôff
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f :
ipi*iSs^nrj^Afés.iriset àt ma contenaïkCeJm, pa-
reil cas 9 & du.benim ^i;e j'airois et .toute loa
phiialbpbie poarin'empéclier de me trahir tn^i^
mette. Lbrlqae la partie* fut finie, l'un de cc5
Mefieors dit à fcm camaradie : Ë^tu fiir Nqtie <c!t;ft
lui ; & qu'il «ft forci ce foir d« ion Iogi« ?— Ooî»,
répondit Taotic ; uii de mes émiflaires l'a recDn-
iiii :^ il porte eircore le même habit brun x^^iî
a voit lorfqu^il fut arrêté ? J'aipsofté quatre de mes
gens pour le guetter ; aufli-rôt qii*il 'fera irntifé
nous en ferons avertis. il;£iut avouer ,;CQBetnua-
t-il , que ce fcélévat eut un bonheur partiimiîer
de ce quel^ omt^d'un certain Marquis de jftm*
j^Cy qifiMi devoir conduire à IstBaftilUetjwf^
H , ontprisP^une des voitures pour l'autre* Maisàl
n'a pas fa profiter de fa bonne fortune , puifiiu'ii
a rimprudente de demeurer dans Farts ^ où ,
comme tu fais , tout ie découvre* Sa bJtiie lot
coûtera cher : car le moins qui puiflê lui arriver
pour fes LibtcHei abominables qu'il a catapoSk
contre la Cour & le Gouvernement » ierak Pétat
Se les GaUruiic s'il eft vrai quHl a pour emit^
mis certaines Femmes de condition qu'il a roui^
nées en ridicule , èc tous les Gens d'^Iife qu'lT
a turlupinés , il eft perdu lans refTource^ -^
vAprés avoir fini cet épouvantable discaurs , Ites
4eux Sergents fe levèrent pour alleriécoutnr^iue^ *
ques nouvelles qui fe débitoient à l'autre btMJt
•ducâfi^, 8c je profitaide ce moment pour m'iévcidev»
Lorfque j'ouvro» la porte pour fertnr « je aft
fcnitis toat-à-ooup arrêter par le bras. lef^ilK^tte
m'évanouif de Irayeur r mais ayant )ev<^l&s jreiia -y
|e vis mon Condifdfle Wkijbm <}tt| v?^^it de n>é
reconnokre y & qUi étoir fort ftrpris^^ l^àt o4
{} me voyoit.. Je >uî^ <}^ que la ebalevf il|cfdii^ .
qu'il failc^ic daas ce ^c^. la'a^oit iiic4^|i^dé. ^
dby Google
^4 t » C O* M P r R B
WhiftonétSiXït forci avec moi, me mena à foo
auberç€, & me retint à fouper. Je Jui.demah^ai
ce qui Tamenoit à Taris. Il me dit qu'il avoic
acheta une çoinpagftie' de Bfagons , & quUl étolt
en route pour aller joindre fan régimetit. Après
quelques autres propos affez indifférents ^Ton fcr-
vit. Whîftùn mangea beauœîïp : pour inoi , je né
mangeai gueres. S- étam appercu de mon peu d'ap-
pétit , & de lat profonde mélancolie où ' j^étois
plongé , il s'informa de ce qui pouvoit me, cha-
griner. Je lui contai fans déguifement toutes mes
aventures; je lui fis une defcriptioB: pathétiique
des préjugés dont- le monde eft imbji, des mauic
que ces pré j»ugés entraînent après eux y de la honte
dont ik couvrent la raifon humaine , de l'in.tolé-
iance des ecclié{îafti<}u€s;, de la tyrannie des ioix.,
&des obftaclcs hifinis que l'on oppofc à la liberté
dé penfer iSf à la vraie philofophic.
WTiifton m'^écbuta fans m'interrompre. d;'un feul
Daot; maislorfque j!eus fini de parler, il me dît;
Mon cher condifciple , je ne puis trop vo.Us plain-
dre de ce que vous êtes atteint ^e^ cette folie épi-
démique , qui fait^donfifler la vraie ghilofophie
à déclamer fens ceffe contre ks mœurs , les ufa-
ges j la religion , les loîx de votre nation & de
tous \^s peuples policés. Vous avez cru qu'il n'y
a point d'autre gloire que la bruyante oc funeftc
réputation d'avoir fecoué le joug des préjugés ,
.©11 plutôt de toute bienféançé èc modération ; vous
avez dit en vous-même , philçfophons ^ & vous
avez pris un vain . fàntônie pour la vraie phi-
Jofophie. Vous vous êtes plaint de ce que votre
£içon de penfer effarouchait les elpritsdes Es-
clèfiaftiqucs & dcs^ Magîftrats ,. & ils ne fe font
ciffarouçhés que du- fantôme que vous avez cm-
iir.afie.SQur lav^rité., VQ4s,n!%vez goiat confidécé;
ÉÉii
M A r H I K tr. 6$
qtfcn criant contre Tintolérance , vous deveniez
intoiéranc vous-même; qu*cn peftant contre la ty-
rannie des loix , vous frondiez onvcrtemcnt ce
qui fait votre fCireté & votre appui; qu'yen vous^
roidiffant contre les préjugés , les ulagcs ^ vous
cmbrafliez un fyftéme qui entraîne après lui plus
d*abus & plu;s de maux^ que toutes ces chùfcs
dont vous vous plaignez- fi haut. Ignorez-vous
encore qu'il eft de la nature àts choies d'ici-bas
d'être imparfaites , ou de nous paroître telles ?
fQue dirîez-vous d'un homme qui s'emportcroît
Contre le débordement des rivières, & qui vou-
droit s'oppofer à l'intempérie des faifons > Vous
aVez dit : U véritable force d'elprit coniifte dans
la liberté de penfer Je le crois avec vous ; mais
c'eft à cette feule liberté qu'il faut fe borner. Si
l'on veut goûter cette paixde Tataé^ cette tran-
quillité d'efprit qui font le bonheur de la vie^
Ton doit fupporter les défauts de Tes femblables,
les plgindre, s'ils font ridicules , les éclairer ^ s'il
eft poflible ( i ) : l'on doit évîtei* la iatyre , Tai-.
greur , les reproches , les emportements , la rail*
lerie , qui font la foûrce de la haine & d« la dlA
iention , & qui ne peuvent que remplir nos jours
de douleur ic d'amertume. La Religion , les lo?x
de chaque pays font ce qu'elles font : fi elles ap«
( I ) Impellimur autem natura ut prodfffe velimus quanif
pîurimis , imprimifque doctndo ^ rationibufpie prudentia
trahendis, CiCERO de Finib. bon femaî. ùb, III^ Cap»
VIIL
»>La nature nous porte à fouhaiter^de rendre fer-
if vice à autant de perfonnes que nous ppdvoRs , fur^-toiit
o} en les enfeignant ^ & en les inftruifant de la^mankre
» dont ifs doivent fe conduire» »
dbyGoDgIe
«portes» quelque 4cfori1rc (i ) Féel^ov ^parelity
elles caufent d*aill€urs tant de Jt^ien*, -qo^ellés ft*
coot taq jours un abj^r refp«âable'a^uï:yeirKti^t]ii
^Jionnête Jtiomme.NoHsne fommesifoint^â^ns ce
moode-cipour Jabaader ,, piailler «t>i} eootrâl^:
aixas fomm^ v«iui6 -ç^mt 4^. 1^.%i(i9ns écmc^
misHag^(laitô«de/ort6.qu« B<>s aifti^n
^gLofijejales , mcile£ , te qu^'elles ^rofiÊOfit ^^uic^
^ï^)flya'cetlaiiïs maox Jaiis la *R^pdBîki»ç^ qui y
•font Totffifei'ts , parct rjti'îls 'prtvîerîhèiit ou èrapé-
«hotit'iie phisgrartd tnatix. Il y a d'adttts'fdâux qui i
.'ibnt fiefe leatemeAt :par teur «etàbfilTezttem , & qui I
^ét«sit^dati« Idur ^arîgffie «inatos ou Ynâu/«» o&ge^
fent tnoios penûcisoxadâiiS'leuribftie iC'dMfe'fepra-
^tiqtte , qa'Rcte «k»i !pltu juâe ou um cdufoMe
^fonnable. Vaa 'voit une^^eee *^ «fli^ui-qae rôn
peut 43ori^er par le c^âiigeiiieiit^H.par Ifi notlteaii-
*té , iqiii> eft un mal fort dai^gere^x» Il y (on a d'ai^
'très cach^ .& enfoncés coouue des ordures dans «me
'^xaape , ft veux dire , enfcvelis fous la home , , fous
ît lecret Se dans TdbftirrîU : on ne peut leslfobiller
'8^ ^les «muer qa'ih rfexhaltnt le poifon & Tinfe-
-txàe.tm plus Tages domiertt quelquefois s*H étt: ôiitift
p4s^coiifioicr« ces maux , ^«e 'de les igilorer. E'on to-
Jere quelfUHBfbis dans un Etat «n Gaffes gFaiiâ mal,
«mais ^ui dérourne un millicn âe ipetitstnaâK on à'itf-
convénients qui tous feroient inévitables ou irré-
■ médiabtes . H *fe tronre âes ittacnc dcrm (rhaqul^ par-
ticulier gémit, .& qui devienner^t néanmoins un bien
'Çtiblic , quoique le bien public ne foit autre cTiofe que
"^cefui de tous les par ticuHers. II y a des maux pcrfoniKte,
-«pi -concotirfent au bien & à Tàvarit^ge de chaque
FamiUe. Il y en a qui affligent , ruinent ou désoo-
-tiorent tes ^milles , mais qài tendent au bien •& à
fe ccmfôrva^n de TEiât. -La Bruyeiii , ianâ^^rts
ff Maups de 4^Sie€ky càâp, X^u Sou^ercin f.'^c, tom,
-'
\
Digitizedby Google
£ap ■
,,^^3^
mcnt^à nos ,ifrei:es ( i ) , avec lefqucls .la Jiatwe a
voulu que iaoiis vwioDs. Eofiii £, enagUlaai;»
( I ) Ne€(fmUfLjfmffiMm -h^iè 'déger^ ^-^ui fi '4àmim
iiUdi€iur,,iquî*Qmnia ad ^tuiH tutti fuas conv^nitz aU$fi
vivus .pporttt ., fi .vis .tibi viv€t,e. S.b)I£C. \£p'jf.
»I1 éfl irapotTiBle Hé vivre teurcux , 'foffqu^cm
» rapfporte tout *à foi-mènie '& 1l Ton Intérêt .particu-
>Hier': if fîmtocmiV'ttmçrâti.bien-€tre d'autmi ,^î rdn
>f veut piDCurer te 'fénf rôpre^r .
lS*dquêfùaiaik ( ut^fmUtH firiptiÊm ^j?4 RatMe) non
.B9bispèiùm\tueù /mnàê ^ s^rfkJSfUi yfofirirfuttan tRotrit
^vindicnt^ yjfitmm MtidhJttquê {mphcÊt9Mt\s)*fUtt
in ê4rri$ ^gmmtfif ^ rpfum /iQtmnum xma-a CHéuii,
homims ^autem k»nunmtt Mifdr^^Jfe §$u$mtos t^utipfi iff-
ur /e f>aiii ^t^defft nofftnt.ia Mac muuram ducevi
muiatiêne ^pci^rum » d^^rido , ^accipiendo, , : iam arttr
'biis\ ium oftfd^ tum fûcuUadbus d^itùeie ^hémnthg
VU. • ^ '^^
nFitfce ^ <*eefnnie <âh aâmkàMBnfeAtPlitipfî^
yt9pQ% me femmes fM» nés '-âttSeaieiit foiir miMè-
'«xnénies ., jxafs «ncore tpMir aiotft«patiie tc^ptnr
>rn0s amts; & que :, iuivant'la. penfâe des li^tej^irâ,
»>n coatiis les -pBoéuâiens de la ter<re <bnc -«•ulss
>9 pour U'oûge des ^loaunes , 4es 4ioinines'eux 4a4nifs
»ont été Êiits les uns pour lea .autres^; r'eft-à^dir^ ,
» pour s'entr^aider .: nous ^evon» tous , en ïbivapt
»le deflein de la Nature, mettre chàéuii flii nette
»dans le fond de l'utilité commune ,j)ar un com-
nmerce réciproque d'offices & de fervices, & em*
-t'^plôyer ;noii^ftulesaMftt nés rfoiw A^ftotoeun^uNT*
>»tfte , fnais «les^ bieos.'Oiéniesr'i ferrer o» 'f»9ur «dnA
l'dîre^ de plus en pius»;ies nerads'dela fociété'hu-
«aitainen. *
'>S'it étoit poffibleque, quand Ton va le coucher
, Digitized
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6S :L E C or M P ï U K
ridée nous prend îîuelquefois de phHofopher,
qoc ce foit d'une manière à ne point avilirnî dé-
grader la vraie philofophie^cette fciençe augufte&
réfpeâable qui a été donnée aux hommes pour
éclairer leur cfprît , pour nourrir leur àme ,. &
non pour y trouver la foirrcc de leurs malheurs.
Ne croyez point toutefois que je vcbijle m*éri-
ger ici cjï contrôleur de votre façon de penfcr&
de vos aaions : n'attribuez tout ce que je viens de
vous dire ^ qu'au zèle ardent que )'ai de refidre
à la vertu , à la fociété un hosnme qui abea^ucoup
id'efpnt & de*grandes âifpb£tions« Je ne- fais oi
prêcher ni catechUer ; >e ne fais que donoer dts
confeils Se faire du bien. J'ai environ cent pifto-
hs dans ma bourfe, je vous prie d^en accepter
Ja moitié pour en faire l'ufage que vou^ jugerez â
propos , juiqu'à ce que vous ayez trouvé le moyen
de vous fouftraire aux recherches que Ton fait de
voqs y Se que vous fppz: est état de fournir i vo-
tre fubfi({aiie;e , en fai&nt on emploi hoitorable
de vos talents. Je pars demain matin. Si dans les
recherches que vods pourrez £iire pour vous pro-
curer un établiflèntent ^ vous avez befotn de non
crédit , écrivez-moi ; Je fuis tout à vous» -— En
finiflànt ces mots , Whifion fe leva y Se fans ne
donner îe temps de le remercier de fon préfent,
il entra dans fe chambre pour fe coucher. Com-
me jecraignois que le lendemain avant fon dé-
part , Tenyic ne lui prît de me faire une lembla-
« & prendre le repos ,• les autres fe ferviffent de no-
>> treûjf <>pre vue,, de notre ouie, de notre 'prudence
9>.méme ou de notre vaJeur , il ne fàudreit pas lear
» en refufer l'ufage>> . Piutarch. Symp. Xi^. y IL
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iûtaiÏBHtfei^Mili&riitt
M A r H I I u., 6,^
b!e mercuriale , & que d'ailleurs je n'ofois re-
tourner à mon logis ^ je fus me réfugier dans l'en*
droit où vous m'avez trouvé.
Prîtes-vous les cinquante piftôles , dît DUgo
au çompert}, — Sans doute , répondit celui-ci,—^
Vous avez fort bi^n fait , reprit VEfpagnoL Vôtre
condifciplc Whificn ne pouvoir mieux payer la
patience que vous avez eue d'écouter fon imper*
tinent difcours. Â-t-oii jamais entendu une mora*
le pareille à la fienne ? A fon compte , il feudroît
prcfqtie fe laifler cracher au vifage ; on ne devroît
point fe venger , ni ti'pmper perfonnc , lorfquc
c'eft cour un mieux , ni perfécuter aucun héréti-
que: îl faudroit être Juif ^vec les Juifs, Turc avec
hs Turcs; l'on dcvroit reïpeâcr lesloix , les ufa-
ges de tous les pays , fulfent-ils ceux des Mara-
bous , des Chinois , des, Maures & des Algon-
quins: l'^n ferolt tenu de reconnoître l'autorité
des Souverains excommuniés par lePape, &c. Oh !
ce n'eft pas là ce que le Reôeur des Jéfuites de
Saragojfe m'a. enfeîgné. Ce JVki^on raifonnoit
comité un OfEpier tel qu'il étoit : n'cft-il pas vrai,
Jérôme? — Cela fe peut, répondis-jc: cepen--'
dant , fauf Tavîs du Compère , je croirèis que
fon difcours n'eft rempli que de maximes à fui^
vre , tant je fuis borné.
*fi«L
^&
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70 L.r G o i(t p î a E
(BHtALXRE VIIIv
îie C^mpei^ véfiutde^ y«torr Bàjcis^. fyrds partir
i p9wl^ Holutidei Avintarf-fm iki arriv€ a&
. moiwiUc.defmi d/paitt* Som arrivée dé SQidh^
lL<OR5Qt7M Ife Cbmpere MàjkieurfousiQVt fait le
récit' dt fbrr aventure , iPuTo-us dît que TJiiifqu'il
ri^y amf plusse fûretcpt)Tir-Ini<à'Por/s-,^ il ctoit
féfel a d^êkrxnJffùU-ande^JSi^us']^^ le
Rtidèmain matin : mais : à pfeme ^ aviocsAiro nx-ïaï t.
tlmT£:pas: , qu*tm: hT)Tnmd Vînt - reg^rdèîr^c&Dn-
rétntflt le Cômpfr^ ((MU Ifetier^.Iëfàafft'àà oollet
* lui dît d'tïn'toir efFraynnt ^. Tk'r^AvtB.f'm^tiT
Îab: tT iBPoi; Clétoit uir àe*t«yTnatrdîfe loueurs
'iéchccr, c'cft-à^dîrc un.dèrStfgçnt* qui cjicr-
droîeitt h^^\s\rt.Comp€t€.llGTSiAlbf6Tpikfmàè^
conrerté d« compliment.; mais s*étafit;rcmîs dans
la minotç", il dit à cet ht)ram«': A cyioi vous fcr-
Vira*t-il tk roVrêtcf? Afeccpte^-^ filutôf vingr-
cimi louis, que îe.vais vous donœt, firfaîtçs,ftnii
Wànrdènir-ra^mr point vu; r- Iles yingt^rinq
louis avant faitt)uvrir dettrgramJrytwx-ati^tr-
fent I il BOUS dit de le fuivre aanç un cabaret voi-
n y où s'étant fait donner une chambre particu-
liers, il dît au Compara Mon ami , j'ai le cctur ii
bon , je fuis naturellement fi compatiflfant , que
du premier inftant qut Je^ous vis, j*ai fenti la
plus vive inclination à^Vous fervir ; mais je ne
pus lefairc 5 attendu que j*étois en trop forte com-
pagnie, .Grâce à Dieu ! aujourd'hui que je fuis
f eul , je puis fatisfaire un fi louable defîr ^ moyen-
nant la petite reconnoifiance dont vous venez de
parler.
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M'a T H I B xr. 71,
lln'^toît point temps dé marchantJcr-; îli'létoit
encweraoinidt faire letrnititins; une^ rfcouad©
du Guw>, qui éfoit à quatre pfi5 de là ,auroît pu
prendrt paf^à»là*qt^cllc. te plus court éfoit dt
lY® point lailler refroidir Ife-zdc du. Sergent , 6c
de îwiidonner les vingt-cinq Jouis ; ce que Ie.CV)jR-
/r^/yS^acPiHftant*
• Le-Sfergent ayant ramaffë & empoché- cet ar-
gent , rto\ts dit en k frottant les mains : vous^
royc^ qjuc jç-ne-ftis pas de ces gens qui n'aiment
^ue plftieé'&f bofles , acquiiie font conflfter leur
fconheur-que*<làns le malheur-d'autrui : ▼t)U$ ve-
nez d'éprouver- combien je fuis compatiffant ;
YOijsalïe* veir-qije' je ne fuis: pas: mmns défin-^
t^refîéi Hèlt, notre-hôte,^ à .déjeuner ppur ceâ
. Lorlque^Ie^dëjeéserfiitftrvî, le Sergent dff
A^'CDm'ert.: Pbur vous , Wtenflèur, je nevo^s
eoflfeilfe'pfts^dc forfîr d*îcî avant que jetons en
aveKiffè: mes- confrères votiS'C^toancnt^ffi3ue**
ftcnrilans-oe^^uafeicr» oè Ron-fiit-que-votts êfes
encore., ^malgré le rifque qye you§ avez cotmt
âvant-Mér^àcWéde' mon camarade* demoi. Q,
fr nous' vo«s ecffipwvtt alors I vous-étte« perdu
fiiMTe4l^itfce^ cefui avec qtii j'ttoiyeft^Uffmya*
veau'vefiU', en-préftweduquel je me-ferots Wen
lléHmé^dergard^ devops témoigner U moindre
ÊofflpflQiîm.lV-D^U'! dan» notre méëer, il fiirt
connaître foji monde ; mais^ j -espère* qu'avec lî
tentps î^ptendta Pefpwf dû corps , 8c qu^îl he fî*
ra plus de-troïHl0r<quet qwl^*«n de-nous-voudfâ
avoir piîîié'dMititfw.- — LeComperr remercia tfcs:»
afffe^denfenit^t- cet hbmme-,;& le^ régula -dclî
bourde-inivaiftè;
Mônfieiir;, par tput ce:^«e voas^ ven^e*dt iftire
pour mor, jene^dtitc-poMBit-qtte^voti^neHrojret
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?f!i L E C O M P E R E
"homme du monde le plus propre Se Ifc ptus dî-
gned'apprendre un fecret duquel dépendent tnoa
bonlitur £c ma vie* — Parlez, dit le Sergent,
vous vous confiez au filence même. — Sachez
donc , reprit le Compère , qu'après avoir été dé^
livré des griffes de défunt votre Exempt , par la
méprife des amis du Marquïs de Barjolac, je pou-
voîs m'enfuir de P^m, m'cxeràpter du rifque que
j'ai couru-, & des frayeurs continuelles que j'ai
eues ; mais fy fuis retenu f>ar des liens invinci*
blés. L'amour m'attache à la jeunfc Comtefli de
^^ly* i^ ^cul oh'i^t de ma tendrefle 6c de 'mts
Vœux« — Celafe peut, dit le Sergent; mais quoi-
que vous me paroiffiez avoir beaucoup àc mérite ,
je trouve une terrible différence entre votre con-
dition Se celle de la Comteffe de Laffy. La diffé-
rence n'eft point fi terrible que vous le croyez,
reprit le Compère: tel que vpus me voyez , je fuis
le fils & Tunique héritier du Marquis de Cour-
gnac , un des meilleurs Gentilshommes du Bàs^
FoitoUf jjûuifTaiit de plus de vingt mille livres de
rente* ^ . .
L'été dernier je vis pour la. première fois mon
aimable Comteffe, chez une.de fes tantes qui de-
meure dans notre voifina^e , Se dès ce moment
je ne cefTai de l'aimer. Peïioant quatre mois qu'elle
fut chez cette tante, j'eus le temps de lui faire
connottre mon aipour , Se le bonheur de le voir
payé du plus tendre retour. Enfin , après nous
être juré une fidélité inviolable » eljie partit ; &
pour comble d'infortune , 4non père me déclara
le même jour que j'eufTe à me déterminer à épou-
fer la fille du Baron de Hochepot y notre voifin.
La proximité des biens , certains intérêts de fa-
mille , la liaifon étroite qu'il y avoit entfe mon
père & le Baron , furent l^s raifons fuffifantes pour
• conclure
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M A T H I E ^a. 7^
Conclure ce mariage à Tinfu des perfonnes les plus
intéreflees , c^eft-a-dire , de la Baronne de moi.
Comme mon père n'eft point de cts gens à con-
tredire f qu'il e(t vif, emporté, hargneux, bour-
ru , ivrogne , orgueilleux , tracaffier , abfolu , tel ,
en un mot, que la plupart de ces gentilshommes
fans éducation y qui n'otit_d'autre qualité que cell^
de jurer , chafler, fe fouler, plaider, eftropier
leurs valets , battre leurs gardes , ruiner, leurs
fermiers , faire enrager Madame , engroflêr fps
femmes , & tyrannifer leurs familles, je. ne m'a-
vifai pas de faire le revêche. Je fuppofe que dans
cette occafion la Baronne ne la fit pas non plus:
outre qu'on la difoit amDureufe comme une chat*
te , je ne lui étois point indifférent : mais qui au-
roit pu abandonner Padofable Lafy ? & quelle dif.
ftrence , ^vànà Dieu ! entre l'objet dont mon
cœur avoît fait choix , & celle ou'on me defti-
noit! Ma chère Lafy eft le.chef-d'cBuvre le plus
parfait de la Nature j &la Baronne étoit borgne,
chaflîeufç , boflue , tortue , boiteufe , lunatique ,
puante , mauflâde ; & pour furcroît , elle étoit
hermaphrodite. Quand même je n'eulle point ai-
mé la ComteiTe , & que la Baronne eût été une
perfonne accomplie , ce dernier article m'auroît
entièrement révolté. Cependant mon perc ne
m'eut point fitôt fignifié fa volonté fuprême, que
je mécriai en me jetant à fes pieds: O mon très-
honoré père ! béni foit le moment qui me pro-
cure l'occafion de vous prouver mon refpeâ Se
mon obéiflknce! quoique j'aie fentîde tout temps
une fecrette averfion pour le mariage, je vous
fais un facrifice de mon inclination , & j'époufe
la Baronne tout- à - l'heure , s'il le faut, — Mon
pcre, pénétré de joie, m'embraflk pour la pre-
mière fois de fa vie , & courut fur le champ chçs
D
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74 L E ' C O M P E R E
fc Baron pour convenir du jour de la cérémonie.
Le bonhomme ne "fut pas à une portée de fufil
de la maifon , que j'enfonçai la porte de fon cabi-
net , Se lui enlevai un fac de- mille écus qui étoit
fur fon bureau : après quoi je montai fur un cheval
que je laiflai à là première porte , Se j'arrivai à Pa-
Hs , où je me cachai fi bien que , quelques re-
cherches que Ton fit , on ne put me découvrir.
Mon premier foin, après mon arrivée en cette
ville , fut de donner de mes nouvelles à maCom-
teflè , 8c de concerter des moyens de nous voir;
ce qu'une de fes femmes & un laquais nous faci-
litèrent. Trois mois après j'appris que mon père
étoit tombé dans une parai yfie incurable, que le
Baron étoit devenu fou , & que fa fille étoit morte
d'un mal de rate.
Malgré un changement fi favorable, je nVai
retourner en Poitou y ni faire tenter d'obtenir mon
pardon. Le Marquis de Gourgnac cft un homme
terrible & inexorable , ce n'eft que par fa mort
que je puis trouver un remède à ma fituation,4
me voir en état de donner la main à laComteffe
à^Lajfy.
Je vous aï dit , continua le Coinptrey qucf j'avois
apporté un fac de ftiille écui à Varis'^ mais cette
fommc n'étant point aflez confidérable pour me
faire fubfifter îong-temps , ignorant d*aiileurs le
* moment où il plaira à mon père de partir de ce
monde , je fris le parti de fubvenîr à ma dcpenfe
en me faifant Auteur J Comme je n'ai pas allez de
talent ni aflez d'érudition pour entreprendre un
Ouvrage favant , utile & fenfé , qu*au refte cette
forte de befognc eft très-longue; que , grâce i
l'efprît du fiecle , les libelles & la fatyrc font au-
jourd'hui les livres à la mode , les mieux payés
& qu'enfin j'ai Tefprit naturellement cauftiquci j<
■ ^ . . Digitizedby Google
- M A T H I 1 U# 7J
fis quelques pièces qui me rapportèrent beau-
coup d'argent , mais qui m'attirèrent aufE la dis-
grâce que vous favez. Voilà mon état, 5c ma ré-
folution eft de m'y tenir, fur-tout , 6 mon biea-
faiteur ! s'il vous plaifoit m'indiquer les moyens
de pouvoir demeurer en cette ville , & d'écrire
en dépit de la police & de Tes recherches. Si cela
fe peut faire , je vous promets vingt piftoles par
mois y dont voici le premier d'avance.
Le Sergent , non moins furpris & enchanté de
la générofité du Compère , que de fa franchife & de
fa confiance, s'écria: Ah ,.mon cher Marquis! je
n'y puis tenir. Oui , je ne me borne pas au petit
petit fervice que je viens de vous rendre; je ré-
ponds fur ma tête du moindre trouble qui pourra
vous arriver dorénavant, /e parlerai à qui il appar*
tient ( I ) , & dès demaiji vous pourrez courir im-
punément toutes les rues de Paris ^ moyennant
que vous endofliez une foutane , Se que vous pre-
niez le petit collet pour vous déguifcr. Non con»
tent de cela , pour peu qujs votre père tarde à
fortir de ce monde , je me fais fort de vous faire
époufer la Comtçfle de Lafly , en attendant qu'il
meure. Te connois ici quelques Prêtres de mes
amis qui vous marieront à fort bon compte: ce
font de cts Eccléiiaftiques honnêtes & défînté*
reffés y qui donnent les meflcs à huit fqls , Se qui
ne fe tirent d'affaire que fur la quantité qu'ils en
difent » ou dont ils fe chargent. Si vous avez be*
(I) J'ai réfléchi cent foh fur ces paroles du Sergent ;
je parlerai à fiùil appartient , &c. J'avoue que je n'ai
jamais pu deviner à qui Ton pourroit parler à Paris
pour faire impunément des Libelles & des obferva--
tions ^r le Gouveniement.
dby Google
j6 L E C O M P E R I
foin de Notaire , de témoins, &c. c*eft la même
chofe ; j'ai tout fous la main , & à un prix raîfon-
iiablc. Enfin, pour gage de ma parole, ainfi que
pour ferrer les nœuds de l'amitié fincere qui m'at-
tache à votre perfonne , je vous prie de me faire
riionneor d'être le parrain d'un fils dont ma fem-
me cft accouchée la nuit dernière. — Mon compert
le Marquis accepta la propofition : l'on but quel-
ques rafades à Theureufe ifiue du compérage.&de
l'affinité future; & le Sergent ayant promis qu'il
viendroit chercher le Compère lorfqu'il feroit
temps , partit pour aller à fes affaires.
Lorfque nous nous vîmes feuls , je demandai au
Compère Mathieu ce qu'il attendoit de la fable ri-
dicule qu'il venoit de débiter à cet homme , ic
auquel ilavoit donné prefque le refte de notre ar-
gent. — Je ne le fais pas trop , me rcpondit^il:
comme la vanité, l'avarice & la gourmandifc font
trois pallions qui oqt beaucoup d'empire fur les
hommes , j'ai voulu prendre celui-ci par ce foîbJe,
en l'honorant d'une faufle coiifidence, en lui fai-
fant une largefTe à laquelle il ne s'attendoit pas,
& l'amener infenfiblement à un certain point de
débauche où , profitant du moment que le vin fît
fon effet , j'eufl'e pu lui efcamoter l'argent que je
lui ai donné, & lui dire adieu fans parler. Mais je
vois que cette afFaire prend un tout autre train ,
& Dieu fait quelle en fera l'ilFue : cependant
je fuis rélolo de pouffer la fortune jufqu'au bout.
— Mon cher, maître, ditD/V^o, j'efpere qu'avec
, le fccours du Ciel , nous fortirons glorieufemem
de ce pas : votre bon Ange ne vous a point inf-
piré fans fujet Wiiftoireque vous avez contée ii
naturellement au Sergent. Eh ! comment n'en for-
t irions-nous pas , puifquc les Sacrements s'en mê-
lent? — Malgré la crife cruelle oiù nous uoi^s trou-
ci by Google
vions , je ne pus m'erapêchcr de rire cîe TexpreP
fion de Dttgo\ & tout ignorant gue je fuis, je.
dis en moi-même qu'il falloit être bien idiot ,. bien
fuperftitieux & bien efpagnol pour parler, ainfi. .
II étoitprèsde huit heures du foir lorfque le
Sergent rentra. Il pria'le Compère àt monter dans,
un carroflè qu'il avoit amené, & nous invita, Diego^
àc moi , d'en faire autant.
. En arrivant au logis du Sergent , nous enten-
dîmes un carillon qui nous fit croire qu'il y avoit.
quelque difpute dans la maifon : mais étant entrés,
dans la chambre de l'accouchée , nous trouvâmes
une^demi-douzaine de femmes autour de fon lit,,
donc la plupart et oient ivres. Se qui parloient
toutes à la fois.
Le Sergent dit à fon époufc: Ma mie ^ certaîrr
nés affaires que j'ai eues dans la journée m'ont
empêché d'aller, prier ton frerc le Charcutier de^
venir nommer notrp enfant :.en revanche , voici
M. le Marquis de Gourgnae qui veut bien nous
faire l'honneur d'être notre compère. Je fuis.aui
défefpoîr de ne pouvoir lui donner une commère
de fon rang ; mais j'efpere que M. le Marquis ne
défapprouvera pas le choix que j'alfait de la fille
de notre ami Thibaut le Guichetier. C'eft une de-
moifelle qui , par fa j:eunefl'e , fa beauté &c fon et
prit ,- ne le cède en rien aux plus hupées de P^m*
La Sergente fut très-fenfible à la grâce que M»
le Marquis de Gourgnae daignoit lui faire y ils fe
firent l'un à l'autre beaucoup de compliments ,
après quoi, & félon l'ufage reçu, le Compère fut
obligé d'embrafler, non-feulement l'accouchée,
miis encore toutes les voiffnes ivres ou non ivres,
le nouveau-né j la nourrice , la fagc -femme, la
garde*enfant , un carme , une laitière , un garçon
boulanger , tous parents de lamaifon, ainfi que
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78 L I C O M » JE R E^ ^ j
trois ou quatre petits Sergcntereaux qui couroient
par la chambre.
L'accolade étoit à peine finie que la corotnerc
arriva. Je puis dire que le Sergent n/avoit point
flatté le portrait : aufiî le Compère la lorgna-t-il
d*un œil fi philofophique , que je jugeai qu'il eût
mieux aimé contraôcr avec elle une affinité plus
proche que le corapéragc.
Environ une demi-heure après l'arrivée de cette
demoifelle, le Sergent pria le Compercde prendre
• le devant avec elle & l'enfant , & ajouta qu'il al-
loit fuivre ; après quoi il nous dit , à Diego 8t à
moi: Mes amis^ toutes les perfonnes que vous
voyez ici font de la famille , & ne Vous connoif-
îent pas; mais comme il fepourroit faire que
pendant mon abfence il vînt ici quelqu'un de qui
il eft inutile que vous foyez vus , je vous prie d'en-
trer dans lefallon voifin , & d'y vuidcr une bou-
teille que je vais vous envover , en attendant no-
tre retour. — La bouteille étant venue , il but un
coup à notre fanté ; puis il entra dans un cabinet
joignant^ où après avoir mis les louis que le Com-
père lui avoit donnés , dans une boîte qui étoit
fur la cheminé, il fortit, oublia la clef fur la
porte , & courut rejoindre fon monde à l'éçlife.
Lorfque nous fûmes feuls , Diego s'écria :
vous qui avez înfpiré à Judith le courage d'égor-
ger Holopherne , accordez moi Tadrèfle & la fer-
meté de voler ce maudit Sergent ! — Aj^ant fini
CCS paroles, il fit trois /zgnes de croix ^ dit fon in
manusj ouvrit la porte du cabinet, mit la boîte
dans fa pochc,refcrmaJa porte , & fut jeter la clef
dans le privé de la maifon.
Lorfqu'il fut de retour il me dit: Mon chtr Jé-
rôme, voici la moitié de la befogne finie : prions
msiinttnzut faint^gatocU qu'il la conduife à une
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M À T H r f tT# 79
hjeureufe fin. En même temps il tira Ton chapelet ,
fo-«ttà prier , & pria jufqtt-à ce quo leSergCfit
ôc fon monde fuffent de retour*
Quoiqvfc Ton ne tardât giicrés à fefvîr le fou-
pcr , j'eus le temps de conter l'aventure au Com-^
periy & les frayeurs qu'elle me caufoit; mais lof f-
qu'îl eut appris que la clef étoît perdue, il me
rafl'ura, & parut d'une humeur charman.tc pendant
tout le temps que l'on fut à table, c'eft-à-dire
toute la nuit.
Sur le minuit VEfpagnol fortit pour qitelqiîes
nécdOtés naturelles, &- un moment après il pouf-
fa un cri^épouvantable. L'on courut voir avec de
la lumière s'il ne lui étoit point arrivé quelque
malheur , & on le trouva tombé fur le Carme , qui
s*amufoit avec la Nourrice au.pied d'un efcalier;
ce qui faillit de troubler la fête. Mais le Sergent
ayant dit que cela arrivoit aflez fréquemnjent à
Ton parent , & Diego n*ayant reçu d'autre mal
qu'une égratîgnurç au bout,du nez , chacun reprit
fon train ordinaire ; & le Sergent qui n'^avoit ceffé
de chanter depuis plus d'une heure, fe mit à chan-
ter de plus belle , Se chanta tant , but tant , parla
tant, que vers les trois heures il fallut remporter
ivre fur fon lit. , .
Comme il étoit dans'un état à ne s'éveiller de
plus de fii; heures, npus demeurâites, jufqu'à ce
qu'il fît )our. Alors avant pris congé de la com-
pagnie > ainfi que de l'accouchée , nous fortîracs
de Paris par la porte Saint Antoine:^ puis prenant
à gauche nous tirâmes^ à vu de clocher , droit k
Senlis.
D4
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tb I' « C »c p E u «
C H A P î T R E I X.
'Arrivie du Compère Mathieu à Senlis- Rencon-
tre d*un Homme extraordinaire* Hifioire de^ cet
Homme*
. P E I N 1 fûmes- nous dans les champs que
nous ouvrîmes la boîte ; maïs quelle fut notre
furprîfc& notre joie, lorfque nous y trouvâmes,
outre les Louis an Compère y pour plus de quatre
mille écus de bijoux, tous fruits affurcment de
la pitié du Sergent. Cette découverte faillît de
nous faire tourner la tête. Diego fit plus de trente
cabrioles &pLus de foixante moulinets; mais lorf^
que nous refléchîmes cïue nous n'étions pas en-
core hors de danger', nous modérâmes nos trans-
ports , & nous fîmes tant de diligence que le
îbir nous arrivâmes à Sentis»
Etant entrés dans la première Auberge , nous
demandâmes à rhôteife ce qu'elle avoit à nous
donner à fouper. Elle répondit qu'elle n*avoît
qu'un gÎ2ot de mouton , une poularde & fix cot-
telettcs dont elle ne pouvoit même difpofer , par-
ce qu'il étoit arrivé un étranger quelques m.omcns
avant nous , qui avoit retenu le tout pour lui
feuL Le coîÀpere Mathieu dit que cet étranger
etoit fou-: qu'il y avoit de quoi manger poiirfix
perfonnes , & qu'il prétend oit en avoir fa part.
L'hôtefle nous ayant conduit dans une cham-
bre au bout de la cour , où étoit cet étranger,
nous trouvâmes un gros &puiflant homme , ayant
le vifage plein & vermeil , là barbe noire , les
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.^
Mathieu.,* 8î
yeux à fleur de tête , quLi'amufoit à vuidet quel-
ques bouteilles, en attendant le fouper L'afpeâ
de cet homme déconcerta un peu la Phîlofophie
du Compère , qui étoit déterminé à lui demander
hautement la moitié de la portion qu'il s'étolt
deftinée ; c'efl: pourquoi ilfe contenta de lui ex*
pofer très-poliment le fujet de fa vifîte. L'étran^-
ger fit d'abord quelques difficultés ; mais ayant
appris que h. Compère étoit Philofophe ,. il nous
accorda le plus galamment du monde.de fouper
avec lui , à condition que rhôtefle cherche-
roit de quoi augmenter le fervice de quelques
plats.
Enfin l'heure du fouper arriva , Se chacun
mangea de très-bon appétit. Au deflert l'étranger
demanda au Compère , qui il. étoit ?. Celui-ci dît
qu'il étoit de Domfroat'y Se le fils de Mathieu fc
Cordonnier, Par la ventrebleu !' s'écria l'é-
traager ^ tu es mon neveu ; ta mcre eft ma pro-
pre fœur; je fuis ce^ Onclç Capucin , que its
parens croient aux Indes à prêcher l'Evangile aux
.Infidel€s.^Çà „ <jis-moi : d'où viens-tu \. où vas-
tu ? Le compère Mathieu fauta au coup de fon
Oncle , Tembrafla plus de dix fois ,, & lui conta
nos aventures jufqu'à ce pur ,. ainfii que celles de
Diego, Alors l'Oncle du Compère nous dit : Mes
Enfans , puifque j'âî appris votre hifloire ,, il eH
jufte que je vous conte auffi. la mienne..
Mon cher neveu fait cjue mt>n Père etoà^
Tonnelier. Comme ce métier avoit mis k bon
homme à fon aife , il m^ènvoya ai* Collège d'-^-
lenpon pour y faire mes études.. Quoî^we j!ap*
prifTe paflâblement le Latin ^;il nefie paflôît'pp'nt
de femaine que mon rçgent ne me donnât le ,
fouet, 11 preSoît pourme2ia«cBeté c<trtain« p<jitit*
tOAirs de gentilleffe qui. mîauiufoicnt & qui; îât^
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î% L K C O M P E R E
foîcnt rire mes Camarades, Comme je graftdif-
fois , que je devenois de plus en plus gentil, &
que mon Régent me battoit toujours , je lui dis
que s'il s'avifoit de me battre encore , il s'en re-
pcntiroit. Trois jours après il voulut me fouet-
ter à fon ordinaire ; mais je lui donnai un coup
de canif dans le cul , pour lui apprendra à con-
noître fon monde. Après quoi je m'enfuis à Dom-
front , où mon Perc me paya avec ufure ce que
le Régent m'avbit promis , & voulut me mettre
à fon métier ; mais ma Mère ayant obtenu que i
jt continuerois mes études , l'on m'envova à Caen , I
où je parvins jufqu'en Philofophie! Alors ayant
eu encore quelque querellé avec mes Maîtres , je
m'engageai dans le Régiment de Navarre , qui
ctoit en garnifon en cette Ville. j
Comme j'étois grand & bien fait , je ne tardai
fueresà monter aux Grenadiers Je mfe puis flatter
'avoir réuni dans ce pofte toutes les qualités
d*un véritable homme de guerre. Je me grifois |
régulièrement tous les jours : je tenois le tripot
de tous les jeux de hazard : je tifois Peftaffc de
toutes les Donzelles do quartier : je caffbis les
, vitres de quelque Cabaret au moins tous les
trois jours : je racolois le plus de jeunes gens
qu*il m*étoit poffible , & je mangeois leur argent
après les avoir enrôlés: je jurois moi feul autant
que tous les Grenadiers du Régiment; bref, j'a-
vois déjà été quinze fois en prifon \ j'avoîs eftro-
pié cinq de mes camarades; j*cn avois tué trois,
& j'étois bien réfolu de continuer fur le mêïnc
-ton , lorfque mon Capitaine s'avifa de m'ôtçr
' mon habit , & de me renvoyer.
Je retournai chez mon perc. Le^bon vieillard
me mit au travail j* 8c prétendit me moriginer ;
siais ft k priai très4f Àammeot de n'eA riien jEii^
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M A T H I £ V. gj
te , )ufqu*à ce qu'il m'eût montré h^^ fondera eas
de rautorité qti'il prétendoit a,voir fur moi { i ),
Ma mère , qui favoit que fon mari étoit vif ,
Se quf fon fils ne Tétoit pas moins , réfolqt de
iious féparcr, de crainte qu'un jour ou Tautre je
ne roffaflTc le bonhomme. Elle me propofa d'être
Fourbiffeur on Capucin : je choifis le Capuchon»
En eonféquence de cet heureux choix. , je ffis
en Bretagne trouver un Oncle qui étoit Provin-
cial de rOrdre , & j'eridoflai le Hafnois Séraphi-
quc fous le nom de PERE JEAN pe DOM-
FRO>^T. Lorfque je fus ordonné Prêtre , Ton
m'envoya prêcher dans les Villages ; & aprè^
avoir rempli cet emploi pendant trois ans , je
devins le Direôeur de ,1a Supérieure d'un Coij-*
vent à'Urfulines. ;
Cçtk Supérieure étoit une Maman d'une qua-
rantaine d'années , qui avoit été belle dans fà jeu-
neffe , & qui avoit encorele teint d'une femme de
trente ans. Elle me confioit fouvent les aflkuts>
qu'elle avoit à fqutenir contre le Démon de la
eoncupifcence; elle me difpit qu'elleluioppofoît
coiiftamment le jeûne , la prière & la difcipline ;
mais' que ces armes avoient quelquefois fî peu?
d'efficacité, qu'elle fe trouvoit prefqiie. réduite à
céder à la violence de fon tourmçnt , & à s'a-^
.iandonner au feul foulagemcnt quelaNature lui-
fuggéroit dans fon état. — Eh ! que nrc s'y aban-
donnoit-elle ? interrompit Diego , en dirigeai^
fon efprit. envers Dieu , pour que l'ame^ne par-
ticipe poiat aux^fpuillures du corps. — Que.
/ . . ._' ■ ■ ■ >■ '
• i:« ■
\^{T) Ce n'efl: quepar un« fuite dé la foibîeffè & le
f ignorance où naiflentles enfans, qu*Us fc trouvenr
naturdiement afîbjettis à Jeurs parens; Voyi^UDiSi.
EncycL au mot Ënfem, .
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%4 L r C o M p E R f
dis-tu , dît Père Jean à VE/pagnoll-^Jt. dis , ré-
pondît ce dernier , que fi mon ancien Maître le
Reôeur des Jéfitites de Sara^offe cût|dirigé la Su-
périeure dès fa tendre jeuneffe , elle n'auroit point
en à combattre le Démon de la concupifcence
jufqu'à Tâgc de quarante ans.
Je fus touché du fort de cette R eligieufe , pour-
Jiiivît Tere Jean y & de celui de tant de vidimes
infortunées que lacagotcrie, Tayarice, la politi-
que , l'ambîtion des rarens , & quelquefois le dé-
lire de Timagination d^une jeuneffe aveugk & fans
expérience ,réduifent à latter éternellement con-
tre la nature, & le tempérament.
Un jour que la Supérieure m'avoit fait la def-
crîption d*une des plus vigoiireufes attaques qu'el-
le eût encore efluyées , je lui dis que les moyens
dont elle fc fervoit pour éteindre la concupif-
cence , ne contribuoient qu'à renflaramer ; que
les jeûnes ^les veilles & la difcipline échauffbient
le fang au lieu de le tempérer ; que le moyen de
VafFranchif de Timportunité des défirs étoit de
les fuîvre f i ) ^ & que je raettroisfin à fon touf-
jnent, fi elle me vouloît jurer le fecret. Elle fc
jura. Je luî prepofai mon moyen : elle l^approu-
va. En conféquence de Taccord elle me donna
deux cîefs avec iefquetlcs jt pouvois entrer cn-
fon quartier ; ta nuit fuivante nous^ commençâmes
à livrer îe premier a^àut à fon ancien ennemi ,
& nous ne donnâtftes de relâche qu^àutant que la
prudence Texigeoit, pour ne point foire foupçon-
ner mes évafîons noâurnesv *
Au bout de dix mois mon Gardien , qui avoir
été autrefois. Moulquetaire , voulut me débuf-
(i) Ko/t tîs Mwrs if.JU
dbyGoo,qIe
mi
qucr de'ma direôion. Un foir que toiK leÇou^
vent étoitaii Chœur , & que nous nous chauffions
Tun Se Tautre à la.cuifine en attendant le fouper,
il entama h converferion fur la Supérieure y. 8c
la finît par îne défendre de la diriger ; je luk dis
que je la dirigcrois ; il me repartit que je ne la
dirîgeroîs pas, &c s'emporta tellement qu'il faifit
un écumoir pour me frapper. Je paiai le coup
avec une cuiller à pot q^e je trouvai fous ma main ,
& je luieRportai un fi ^prrible coup au-deffus de
rorcillc gauche , qu'il to^içibalecul dans une chau-
dronnée de tripes que li^:uifrnier venoit d'ôter
du feu. Voyant que la ch^^uj ne lui faifoic faire
.aucun mouvement , je l'examuiai de près , je vis .
qu'il étoit mort.
Quoi ! s'écria DicgOjyovts zvtz tué un Capu-
cin! *— Oui y par-dieu , répondit Père Jean. —
vous ne croyez donc pas qu'il y ait un Enfer ? —
Eft-ce qru'un homme d'efprit croît aux fables >
repartît Fen Jean ( i)* Vous devriez croire au
( I ) Cogita, f. Ula qua nohis infervs fûciunt terrihiîe^
fahulameffeinuUasimminertmortuis tenihras^ necflumina
fiagranûa igne^ nec ohtivionis amnem , nec trihunalia. Lw
ferunt ifia Pottet , ê vanis nos afftavére terronhus, Sè-
NEC. ConfoL ad Màrciam.
» Soyez perfuadé que tout ce qu^on nous dit d\m
» Enfer épouvantable , ne font que des fables. Les
. >) Morts ne font lu jets ni à des ténèbres afFreufe^ ^
»ni à de noires prifons , ni au PViIegcton ardent , ni
» au fleuve téthe , ni à un Tribunal redoutable. Ce
?» font des inventions de Poètes , qui fe font plu à
» nous ren)çlir rame de vaines frayeurs?» .
Félix qui potuit rerum cognofcere caufiis ^
Jitquemetus omnes & inexorahile fatum
Sublecit gedibuM , firepritumque Acherontis^ avadé.
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96 LeCowtpere^
• moîni qu'il y a .un Purgatoire , reprît Diego r
comment avoir tué un Capucin! quel crime ! jufte
Çîel ! quel crime f j'aimerois mieux avoir tué
tous les Rois de la terre,
A ce fpeÔacle , pourfuîvit Père Jean , le cui-
finier pouffa un eri horrible & s'évanouit* Pour
moi , Je pris le Gardien fur mes épaules , jc/op-
tis par une petite porte doet j'ay()is la clef ,
j'emplis fon capuchon do pierres , & je le jettai
dans la rivière^ De-là j^ mt rendis à l'autre bout
de fa ville chez une ^ mes pénitentes qui étoit
dangereufement maraj^ ^ & que j'avois confefFée
l'après-midi ; Io|^^ minuit fut fonné je fus
chez la Supéfitlâre , à qui je contai moii aven-
turc.
Mon récit la fît prefquè mourir de frayeur. —
On va vous chercher, me dit-elle , & on vous
découvrira. — Ne craignez rien , lui dis • je :
permettez moi feulement de refter ici ; je ré-
pond^ du reftc. Chez nous , comme dans^-tous
les autres Ordres y l'on a foin . de tenir de tel-
les fredaines cachées. Si l'on nous attrape on
nous punit fans que le monde en foit inftruit ;
fi nous nous évadons , l'on n'en dit mot. Enfin ,
de quelque maniece que nous difparoiflions y l'on
trouve toujours le moyen d*en celer la caufe ;
vous entendrez bientôt dire que le Gardien &
» Heureux celui qui a pu çonnoître la caufe de
M toutes cho fés , fouler au3f pieds toutes ^Drtes de
« crainte , ainfi que le dèftin inexorable , & tout ce
^> qu'on nous raconte des fuites dé la nott. Virg.
Geor^.Lib. II.
N. Il faut convenir qpe voilà des autorités bien
dicifives^.
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M A T H I E ITv 8{7
itioî fommcs paflës dans les Ifles pour h conver*-
fîon des infidèles. — Voilà donc pourquoi , dit
le Compère , tout Domfrosit eft perruadé que vous
prêchiez la Foi dans le nouveau Monde. «— La.
Supérieure mt cacha & me nourrit pendant un.
mois y continua TereJean ; mais conrnie pendant
le jour il falloir que je me tapifl'e , tantôt dans
une armoire , tantôt fous un lit , ce genre de vie
m'ennuya. le propolài à la bonne Mère de pafler
en Angleterre : la crainte des reprefailles de Sa-
tan la détermina i me fuivre.
Ayant fait en forte de me procurer un haWt ,
elle s'accommoda de ceux d'une Penfionnaire ;
& par précaution contre la mifere , elle fc mu-
nit d'une fomroe de huit cent Louis d'or qui ap- ^
partenoit à la Commuhauté. Comme la Ville étoît
«ne place ouverte , nous partîmes un foir pour
nous rendre au bord de la mer , qui n'étoit pas
éloignée , & nous eûmes le bonheur de rencon-
trer un pêcheur qui nous conduifit ^Jerfey , oà
nous nous mariâmes pour éviter tout ^crupule^
Enfiiîte nous partîmes pour Londres ; nous louâ-
mes une maifon ; nous nous mîmes en ménage ;
& nous avions déjà vécu quinze jours en bonne
intelligence y îorfq'^une fhïxion de poitrine enleva
ma chère 'moitié;
Je pris le parti de me confoler avec une petitc^
Ecojffoifi qui me fervoit , & dont je ne me pouvoîs
faire entendre que par fignes.
/ Un foir que je m''étoîs.amufë dans un café^, je
Tcvhîs un peu tard au logis ; je frappai à la porte ^
& pcr fotvne ne Fouvrit r l'ayant fait enfoncer ,,
jt trouvai mon cabinet ouvert ,.la dot de la dé-
funte enlevée , & VEceJfoife éclîpfée. Teut autre
q«c moi fe feroît défcfpcré : mais comme* j'avois-
aj^pris cjiez les Grenadiers à me Jicher de tout y.
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88 L B C O JVf P- E ^ E
à n^^m'étônncr de rien , je pris le parti de cher-
cher fortune ailleurs & d'oublier cette difgrace.
En attendant je vendis mes meubles ; & fe me
mis en penfioa chez un Marchand de vior, Fran-
çois d'origine. Cet hoimne étoit veuf & n'avoit
qu'une fille d'environ dix-fept ans , nommée Lur
die. Au bout d'un certain temps je devins amour
reux d'elle ; je lui déclarai ma paffion ; je lui plus ,
& lui propofai de pafl'er à Paris ay^c moi pour
jouir à loifir de notre tendrefle. Elle m'oppofa
d'abord l'amour qu'elle avoit pourfon pcre: mai«
je lui fis comprendre que cet amour étoit très-fuf-
ceptiblc de difpenfe ( i ), & elle fedétermii^à
me fuivre.
Ayant choifî un temps où le bonhomme éioit
àbfent pour quelques jours , LucîEs fe faifit d'im
à compte de mille livr&s fterKngs fur fa Dot à ve-
nir ; je m'appropriai quelques petits effets qui
me convenoient ; & nous partîmes de Londrts
fous \ts aufpiccs de Fafeour.
Quelques jours après notre arrivée à Taris ^ le
chien de LuciU s'àvifg de piffer fur le jupon de
l'entretenue d'un jeOne Seigneur , logée dans k
même raaiibn que nous. .On battit le chien : en
piailla , on chantai pouille à Lueile ; je répondis
pour ma femme , je m'emportai ^ je fouffletai l'en-
tretenue & j^ cafïai un bras- à l'entreteneur. Dans
toute autre occaiion cette affaire n'auroit point
eu de fuite : mais comme les Seigneurs qai entre-
tiennent des filles ont le bras long, celui-ci for-
ma plainte , obtint information , trouva des té.-
moins , & pour finir l'hiftoire ^ je fus décrété y.erp-
prifonaé , condamné y ruiné* , & par ftircroît co-
^ufié par mon Procureur ^mon Avocat, mon Rap-
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, . M A T If I B U. «9
porteur aînfi que par les' trois quarts de mes Ju**
ges , qu^ la pauvre LuciU follicita en vain pour
moi.
Lorfque je fu5 élargi , lamîfere nous contrai-
gnit de nous féparer. LuciU {c remaria à un vieux
Commandeur J 8c moi je demeurai veuf jufqu'à
nouvel ordre.
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90 L B C O M P E ». B
mmmÊ^mmm m lui i . ■ i n .L
C H A P I T RE X.
Continuation de tHiftoire de Père Jeaiu
tf E fis amitié avec un Marfeillois , Capitaine àt
vaifleau marchanfl & très-galant homme , auquel
j'expofai mo« déftUlre & ma fituation, — Venez
à Marfeille avec moi , me dit-il ; j'ai acheté un
vaifleau que je dois armer & charger à mes frais:
vous ferez mon fécond ; je vous ©hfeignerai la
navigation, &*je me fais fort de vous mettre en
état de cooimandcr au bout de quelques voyages,
— Je remerciai mon ami , & j'ac.ceptai fa propo-
fition.
Pendant trois ans que je demeurai avec ce Mar-^
feilloisy je fis deux voyage*? à la -Mîsrr///2/jaf , uni
Conftantinople j un à Makhcy & un à Ragufe* Ayant
. appris penaant ce temps-là tout ce qu'il faut fa-
voir pour être un excellent Marin , mon ami rae
confia fon vaiffèau , & je partis pour la Guades-
loupe.
Etant arrivé à la hauteur de Minorque , je dé-
couvris un Corfaire de Barbarie quatre fws plus
fort que mpi. Comme il étoit excellent voilier >
il m'atteignit ^n peu de temps , m'attaqua avec
furie , & je me défendis de même. Il fe fit pen-
dant trois heures .un carnage horrible : enfin j'a-
vois foufFert trois abordages , il né me reftoit plus
que dix hommes , mon vaifleau alloit couler à
fond lorfque je me rendis, — Apparemment » dit
Diego , que vous n'aviez pas attaché de relique
au mât de votre vaifleau. — Par la mort ! s'écria
Fere Jean , fi tu ne me laiflies achever , je t'étran-
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Mathieu. 91
gleraî. Ces mots pétrifièrent VEJpagnoI , & il fe
tut.
Le Commandant du Corfaire étoît un philofo-
phe Italien , qui avoit été Hermite & Auguftin :
en conféquence de notre ancien harnois il me trai-
ta avec foutes fortes d*égards & d'honnêteté.
Lorfque nous fumes arrivés i Alger j mes gens fu*
rent mis aux fers i pour moi , }e demandai à être
circoncis ; & lorfque je fus inftruit de la loi du
Prophète y on ine fit l'opération.
Au bout de quelque temps Hali^Coprogli ^ cet
Italien qui m'avoit pris , me^choifit pour l'accom-
pagner dans une courfe qu'il alloît faire fur les
côtes àiEfpagne. Ayant croifé environ un mois
fans rien ren<:ontrer , l'idée lui vint de faire une
defccnte en Catalogne. Ce projet réuffit au-delà de
nos efpérances : nous fîmes quatre-vingt-cinq en-
claves y nous pillâmes neuf Egtifes ^ fix comptoirs^
deux Monafteres 1 & nous remportâmes un butin
immenfe.
Hali y pour quelques raifons particulières , prit
la route de Smirne , au lieu de celle A^ Alger ; 11
■vendit (q^ efclaves , fes effets, fon vaiffeau , r^
compenfa l'équipage , & me fit préfent de douze
mille piaftres.
Je demeurai un an à iîm/V/zf : pendant ce temps-
là j*appris la langue turque & un peu de médeci-^
ne. Alors , ennuyé d'une vie fi fédentaire , je fre^
tai un vaiffeau , je le chargeai de cuirs , de cire
& de foie : je vins à Venife , où je vendis une par-
tie de mes marchandifes à un Juif , qui me dorl-
na fa fille en troc pour le refte. C'étoit un ten-
dron d'environ quatorze ans , très-joli , le vrai lot
d'un vivant comme moi,
Lorfque je fus en mer je voulus ufer de mes
droits fur ma conquête : la poulette commença
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91 LeCompere
par faire là grimace , & finit par me donner la F",»*.
A ces mots Diego poufTa un profond foupir. —
Pourquoi foupire-tu ,*dit Père Jean ! — Hélas/
répondit YEfpagnot j c*eft qu'au récit dont il a
plu à votre Hautefle de nous honorer , je recpn-
nois les divins appas de ma chère Rachely la perle
des filles, le bijou de toutes les filles, le^neil-
leur cœur de fille !... Tere Jean croyant que Diego
étoit devenu fou, le fit taire , & continqa ainfi;
torfque je fus de retour à Smifntj un Anglais
de ma connoifl'ance me conta que quatre jours
avant mon arrivée , Ton avoit brûlé deux Jéfuites^
pour avoir loyolifé un Mufulman ; que la veille
on avoit empalé le Philofophe Haliyfzns quePon
fut pourquoi; & que le Cadi avoit >ugé à pro-
pos de s'inftituer légataire univerfel de ce der-
nier. Je conclus du récit de TAnglois qu'il n'y
avoit point de sûreté à Smirnt pour les honnêtes
fens; & comme ma fortune avoit quelque chofe
'analogue à celle de défunt Hali^ J€,ae défis
de mes marchandifes, & je m'embarquai pour
'Confiantinople.
— Que fftcs-vous de la Juive ? dît le Campere
â Père Jean. — Oh ! pour la Juive , répondit ce
dernier , je la vendis à un Sangiac y qui la revenr
dit à un Lefcher , qui la prêta à un Lety , qui
la loua à un Ne^ran , qui la donna à nti Dervh^
qui l'emmena à la Mecque , & qui la perdit en
route, à ce que j'en appris par la fuite. — Ici
Diego commença à beugler comme un ycau ; mais
Tere Jean lui impola fîlence , & continua ainfi
fon hiftoire.
Notre route av<^ît été des plus heureufes; no-us
étions déjà entré dans la mer de Marm^ra\ lorf-
qu'une tempête afFreufc nous jetta fur k$ côtes
de la Komankr & ^^^^ ^^ ^^^^^ naufrage entre
dby Google
M A T « I E tr. jj^
Héraclée ic Rodefto. J'eus le bonheur , aînfi que
trois autres perionnes du vaifleau , de gagner ie
rivage; mais je n'eus pas celui d'éviter une trou-
pe de payfans qui nous gue'ttoient ic qui me laif-
ferent fans un fou. . ., -
Dans cette extrémité , je ne crus mieux faire
que d'aller en Sirvu chercher fortune dans l'armée
Ottomane. Je la joignis qui alloit au fecours de
Belgrade affiégée par le T rince Eugtnt ; j'offris
mes ferviçes au Général des Croyans , & je de*
'vîns Efpion,
Je fis trois voyages au camp des Ennemis :
pour le premier je reçus cent feqiiins ; pour le
fécond cent-cinquante ; & pour le troifieme , on
me donna aoo coups de bâton fur la plante des
pieds. V.
Huit jours apr^s cette avemure ,lcs Turcs fu-
rent entièrement défaits par les Impériaux. Je me
reffentois encore trop de ma dernière gratifica-
tion pour pouvoir me fauver avec les débris de
l'Armée. Je fus donc pris & mené à Komore en
Hongrie ; où m'étant fait Chrétien , je reçus en-
viron loo Ducats , tant par les aumônes des par-
ticuliers , que des préfents d'un Parrain & d'une
Marraine illuftres y qui crurent ngner le Paradis^
en tenant un Turc fur les faims tonds de Baptême.
Quelques feraaines après ma ceaverfion , je n\e
munis de paife- porfô & de bons certificats ; je fus
prendre cong^ de mon Parrain, d^ ma Marraine
& du Prêtre qui m'avoit converti ; je leur ifis
mille remerciemens delà charité vraiment chré-
tienne (qu'ils ayoient eue à mon égard ; je leiir
fouhaitai milk bénédiâions , & je partis pour
Venife.
Etant arrivé à Venife , je rencontrai un de mes
anciens .confrères Capucins , qui étplt devenu
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94 L E C O M F E R 1
un des principaux piliers des Tripots de cette
Ville , & qui avoit fait une fortune confidérabJè
au jeu Ce confrère fe^nommoit Vitulos» Il avoit
jette Je froc aux orties quelque tems après moi ,
& pour un fujet à peu pjès femblablc au niieq.
II me conta fes aventures ; je lui contai le^ mien-
nes; & nous conclûmes qu'il conviendroit de
nous afl'ocier enfemble ; ce que nous fîmes. Quel-
ques mois apiès notre affociation , j'eus querelle
avec un Noble , & je le jettaî , lui& fon valet ,
dans un canal. Comme dans une Ville comme
P^enife uiie pareille aâion eR un crime de lèfe-
Majcfté, je partis le plus fecrettement qu'il me
i^ut poffible avec la femme, ou foi- difant femme
de mon Confrère Vhulos , & je pris la route
de Rome*
Etant arrivés en cette Ville , je louai un quar-
tier près de la Ckiefadi S. Loren{o inftrada délia
fuburra. Je m'occupai les premiers jours à con-
folcr Madame Vhulos de la perte de fon mari;
ftiaijS comme à la fin le métier de confolatcur me
fatiguoit y j'allois de temps en temps boire bou-
teille m Campo difiorij & me promener dans les
plus beaux quartiers de Rome , tant pour me
diffiper que pour corroborer ma vertu confola-
tivij Se lorfque j'étow de retour , Madame Vitu^
tas ne s'en trouvoit pas plus mal.
Etant un jour à ma promenade ordinaire , j'en-
trai dans le Jardin du Belvédère dix Vatican. Juf-
quesJà y aucune de ces Statues admirables ^ au-
cun de ces Tableaux précieux dont Rom< eft
l'emplie , & dont j'avois entendu dire tant de
merveilles , ne m*avoiènt touché, Il faut ordinal*
rcment un certain degré de connoiflances açqui'
fes par Fétude du deffin , pour découvrir les
beautés de ces fortes de choies ; mais ayant jette
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/
Ma T M I E u/ 95
les yeai fur la figure de Laocoon ( i ) qui fe trou-
ve dans ce jardin , & donc Pline fait un fi grand
éloge , je fus tout-à-coup faifide refpeâ & d'ad-
miration (1 ) pour ce précieux refte de l'antiquité,
( jy Laocoon étottfilsde Prram 8c d'Hécube^y & Prê-
tre d'Apollon. II entreprit de difTuader les Troyen»
de recevoir le Cheval de bois , que les Grecs fei-
gnoient d'avoir confacré à Minerve. C'eft pour cela
qu'on dit qu'un Serpent monftrueux l'étrangla avec
fes deux Fils. Le Groupe dont il eft ici queftion , fai-
foit jadis un des principaux ornemens des Bains de
l'Empereur Titus. Voici ce que Pline en dit :
Laocoon çuieft in Titi Jmperatoris domo , opus omnibus
6r Piâura & Statuaria Arùs praferendum , ftctte fumni
4iTtifices Agefander, Polydorus & Athenpdorus Ràoda.
( a ) Père Jean n'a pas tort : j'ai toujours entendu
ceux qui avoicnt été a Rome parler de ce Groupe
avec une efpece d'enthoufiafme. Un des valets du
Marquis d'importante - Béte , qui avoit été en Italie
avec fon Maître , & qui avoit tout vu comme on
doit voir , tandis que le Marquis examinoit tout ,
admiroît tout & ne voyoit rien , me dit un jour en
parlant de Laocoon : » C'eft déjà un coup de Maître
» aux Sculpteurs , qui ont fait cet admirable nior-
"ceau, que d'avoir tiré du mêie bloc de marbre
>» trois Statues qui font fi bien détachées l'une de i'au^
»tre, & dont les attitudes font fi différentes. MaisdV
» voir fçu , en détachant ces Figures, conferverfic prati-
»»quer dans le marbre un Serpent dont il 6ut que
» le corps fe trouve dans les efpaces vuides qui font
w entre ies crois Statues , où il fait plufleurs plis&
» replis , Se oii.il va de l'un à l'autre ceindre le corps
» du Père & celui de chaque Enfant qu'il entortil-
»Ie tous enfcmble; c'eft ce qui paroît d'une induf-
» trie , d'une adrefle » d'une intelligence iniim-*
Jetable.
dby Google
^6 L E C O M P X R £
& je conçus pour lors que. Tart avoit quelquefois
approché fi fort de la nature , qu'il étoit impof-
fîble que le plus ignorant , le plus mfenfible de
tous les hommes ne reconnût , ue fentît cette na-
ture dans ces chefs-d'œuvrcs accomplis que les
plus célèbres Artiftes nous ont laiflës,
. Le plaifir que j'avois reflenû à examiner cet
admirable morceau de fculpture me détermina à
prolonger mon féjour à Rome^ pour y voir à loî-
nr tout ce qui mérite Inattention d'un étranger. J'y
fis la connoiflance de quelques Artiftes intelli-
gents , qui voulurent bien me faire remarquer Ôc
jn'expliquer les parties les plus intéreflantes des
meilleures pièces que^ cette ville contient.
Madame F//a/o5 s'apperçut bientôt que je la né-
^ligeois ; elle s'imagina que j'avois formé quelque
cotmoifiance qui pouvoit lui devenir préjudicia*
M Là violence des efforts qu'une douleur extrême
?>fait faire à Laocoon paroît dans tout fon corps ,
jf même jùfqu'à l'extrémité des pieds , dont les doigts fe
99 retirent avec contraftion : tous fes mufcles font telle-
)f ment enflés » qu'il Cèmble que la peau efi prête à fe
jicrévaiTer, La contorfion de tous fes membres forme
3> tme attitude merveilieufe qui met dans tout leur jour
. » toutes les parties de ce corps, qui eft peut-être le plus
9> parfait qui nous foit refté de rAntiquité. La douleur
» & le défeipoir qui paroiflentfur le vifege de cette hom-
'» me infortuné font frémir d'horreur & de compaffion.
» Enfin, plus on regarde cette Figure, plus il jfemble que
. » fa douleur augmente , que les veines de fon corps s'en-
jiflent par la force du venin qui eft déjà pafTé dans je
»fang ; plus Ton s*imagine voir les mufdcs fe gonfler,
i> les artères battre avec impétuofité , & les approches ^e
» la mort fur fon vifage livide & défiguré. Les Figures des
21 Enfants ne font pas moins intérefrantes,
blc.
dbyGoo,qIe
-Mat H^i EU.' ^7
ble , & rogner la petîte^portion de confolatîon à
laquelle elle étoit réduite. Elle s'en plaignit : je
lui contai naïvement le raorif de mes abfences ;
elle fit femblant de me croire ^ & tout fut dit.
Un jour que je m'étois amufé un peu tard avec
mes amis ^ je revins à la maifon , & je trouvai
Madame Vitutos éclipfée : mais elle avoit été plus
honnête que mon Scojfoife ; elle n'avoit emporté
que ce qui lui appartenoit.
Je crus d*abord qu'elle étoit allé retrouver M[.
Vitulos; mais j'appris par une voifine que le Père
Gîovarme Francefco Maria délia Co/ïCf{/b/2 , Prieur
des Carmes chaufTés du grand couvent l'avoi fait
enlever. J'avi>is pTèfque envie de rofler ItSignor
Giovanni y lorfque je le trouverois dans les rues;
mais ayant entendu dire qu'il avoit continuelle^
ment cinq ou fix Graves à les ordres , qu'il py-
toit ub poignard à la ceinture & des piftolets dans
les manches , j'oubliai c^t afFront > & je continuai
à parcourir les places , les égliles^les pala!»&
les environs de Rome^ pour voir ce qu'il y avoit
de i>lus rare»
m
Tome Jt
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9* L E C o m: P E R E
CHAPITRE XL
/
Continuation de tHiftoifê dePtre. Jean. R^fltxîom
du Compère fur cette Hiftoire, Evénement $frriUe*
.Près avoir demeuré encore quelque temps
à Rome , je fus à Florence , à Gènes , à Milan ,
à Turin ; puis je rentrai en France , & je in'arrêtai
à Lyon fous le nom de Médecin étranger. La peti-
te vérole faifoit alors des ravages aftreux dans
cette Ville. Un riche Négociant , auquel cette fu-
nefte maladie venoit d'enlever cinq Enfants, de fix
qu'il avoity me rencontra un jour dans ym café ,
Se me demanda quel remède on oppofoit . à un
mal II cruel dans les autres pays ? Je lui répondis
que les Turcs y oppofoiept Tinoculation. Comme
il ne comprenoit point comment Ton pratiquoic
cette inoculation , je le lui expliquai ; & il m'invita
de pafTer chez lui le lendemain pour Tentretenir
encore là-deflus.
Etant ajlé chez ce Marchand , aînfi qu'il m'en
avoir requis , j'y tro-uvai un Prêtre & trois Méde-
cins qu'il avoir apparemment invités pour m'en-
tendre parler. L'un de ces Médecins , curieux de
favoir fi je^pouvois donner la définition d'un mal
dont je prônois le remède , me demanda ce que
c'étoit que la petite Vérole ? — Monfieur le Mé-
decin , lui répondis-jc , fi j'étois ici fur les
^bancs , je vous dirois qu'en confidérant la peti-
te vérole du côté de lanature , elle provient d'une
matière peftilentielle qui fe mêle avec le fang dès
le moment que l'homme cft conçu , & qui fr m^-
dbyGoo,qIe
M A T H I E tr. ' ^ 99
tiîfefte plutôt ou plus tard , félon les fu|ets ; que
dans la manifeftation , elle fe divife en difcrete ^
indifcrete fimple,& difcrcte maligne : en confluen-
te, confluentç fimple , & confluente maligne : j'a-
jouterois que l'on connoît ces différences par leurs
fymptômes particuliers , & je décrirois ces fym-
ptômes. Mais comme je ne regarde ici la petite
Vérole que du côté de fes effets , je dis que c*eft
un germe deftruâeur que prefque tous les hom-
mes portent dans lefangy qui eft toujours prêt à
fe développer , & qui , femblable a un monceau
de poudre , n*a bcfoin que de la plus petite étin-
celle pour produire un cmbrâfemcnt terrible , je
dis que plus on diffère depajrer ce tribut à la na-
ture , plus on court de danger lorfqu'clle l'exige ;
que cette maladie a fes moments d*aâion & de
fureur ; que dans ce dernier cas , prefque tous ceux
qui en font atteints , le font mortellement ; les
autres font trîftement défigurés, & portent tou<*
te leur vie des marques cruelles de fa malignité*
En conféquence de ce que je viens d'avancer ,
j'ajoute que fi dans quelque faifon favorable Ton
pou Voit pfocurer la petite Vérole à un enfant,
chez qui le venin cft encore en petite quantité >
il y auroît cent à parier contf'un qu'il eu récha-
perpit y&cç^W ne, courroit aucun rifque d'être
défiguré, ni de perdre la vue ou Tufage de quel-
que membre Ceft ce moyen que les Turcs onc
trouvé , &c qu'ils mettent en pratique , non fur
des raifons frivoles , mais fur mille expériences
réitérées, furies faits les plus coi\ftatés , fur les
calculs les plus exaâs de la bénignité de la petite
Vérole inoculée , & dès ravages affreux de la pe-
Vérole naturelle.
Mon Ami, dit le Médecin , cequcvousveiiez
de dire paroîtplaufiblc^ j'ai déjà-entendu parler
Ex
dby Google
■"■-r
de cette Inoculation, & de la manière denf lej
Turcs la font. Mais comme ces Turcs ne font que
des bêtes ,encomparaifon de nous autres Fran-
fois y ils n'ont point confidéré qu'il ert très-pof-
fible it donner la petite Vérole à quelqu'un qui
ne l'aufoit jamais eue. Que ne fâchant point
dans quel état eft la perfonne que l'on veut ino-
culer, ni fi h fujet dont on a tiré le Virus eft
faîn ; il fe pourroit faire qu'on infinueroit en
même-temps quelqtfautre Virus caché , oa du
Scorbut ou de la^ groflé Vérole , q^ii venant à
ie développer avec celui de la petite Vérole , pro-
duiroit infailliblement un contrafte funeftc & dan-
gereux , feroit mourir le malade , ou le rendroit
infirme pour le refte de fts jours. Qu'if y. a des
temps où notre corps paroît en fanté , & où ce-
pendant il eft le plus près de la maladie , &c que
îi par hafard on inoculoit dans ce temps , il eft
certain qu'on développeroit d'un côté le gerrae|
de la petite Vérole , & de lautre celui de lama-
ladie dont on eft menacé. Il s'enfuit de-là que TI-
noculation eft une Méthode plus nuifible que la-
lutaire ; qu^ le plus court eft de laifl'er agir la na-
ture ; & quf lorfque cette maladie arrive, un Mé'
df cin fage & prudent doit fuivre en tout Tulàga
adopté par la Faculté. . ^
Moçfieur le Médecin, répondis- je, les Jard
ne font point fi bêtes que vous le croyez. 11^
pratiquent l'Inoculation avec toutes les précau-
tions poffibles pour la réuffite. Ils ont une at-
tention particulière dans le choix des deux fu
jeès, de celui dont on prend le Virus, & de celui
auquel on le communique. Le premier doit êtrt
réputé très-fain , & fa petite Vérole doit êtreik
l'efpece Ta plus bénigne : pour ce qui eft dulo
cond I s'il eft d'un tempérament cacochime, fco^
dby Google
Mathieu. lOf
)utîque , s'îleftfujer à quelciue maladie» partrca^
;iilieres , s'il eft atteint de quelque vice vénérien,
lancéreux , écrouclleux , ils ne l'inoculenf point
lu'il rie foit parfaitement guéri.
Ils inoculent ordinairement les enfants depuis
i*âge de cinq ans jufqu'à Tâge de puberté ; i\s
avent que paflë cet âge les pallions , le travail,
^intempérance & les débauches de diverfcs efpé-
:es j commencent à communiquer au fang une acre*
é peu propre à cette opération. Et comme ,
contre le préjugé de prefque tous les Médecins
Je ce pay-s-ci , ils font perfuadés que la grande
chaleur eft contraire à la petite Vérole , ils ont
:hoifî Tniver & le printemps pour faire Tlno-
:ulation.
Ils ont encore un égard particulier à là conf-
itution du fujet. Comme les pérfannes fort ro^
)uftes , les gens bilieux , fangulns & phlegmati-
îues , font peu propres à être inoculés , ih ne
es y admettent qu*après des préparations convc-
Knfin Targument le plus fort , au plutôt Tar-
jument invincible qu'on peut oppofer à toutes
es objcdions contre Tlnoculation , eft le calcul
Fait d'après une longue fuite d'années , que de
îuatrè-vingt-onze perfonnes inoculées il peut en
tnourir une , & que dans la petite Vérole natu-
relle il en meurt un feptieme : ce qui fait treize
pour un.
Oh ! fi cela eft , dit le Marchand , dès demain
fe fais inoculer le feul Fils qui me refte. J'avois
Sx enfants , il en eft mort cinq après avoir été
Jraités d la Françpife ; fi le fixiéme doit partir ,
f*aime autant que ce foit à la Turque. — Holà ,
Monfieur , dit le Théologien , n'allez pas fi vîre
^n befogne. N'avez- vous point entendu que
dby Google
ïoa Le COMMERE
xctlnoculateur vient de dire que de quatre-vingt-
a»ze p'erfonivCs inoculées il en meurt une ? Si
le Fils qui vous refte venoit à être le malheureux
fur qui le fort tombât , vous auriez commis un
homicide aftVeux. — Monfieur de la Théologie ,
dis-je au Prêtre , il eft bien étonnant que dans
un pays comme la France , les gens de votre
forte aient conftamment quelque chofc à dire
contre tout ce qui peut contribuer au bien être
& à l'avantage des fujets de l'état^ Croyez-voui
que lorfqu'un Général , qui fe trouve à la tête
de quatre-vingt-onze mille hommes , cft enve-
loppé d'une ennemi beaucoup plus fort , Se par
lequel un treizième de fôn Armée va certaine-
ment être détruit ; croyez-vous , dis- je,, que ce
Général trouvant l'occafion certaine de battre cet
ennemi & de rompre fes defleins pour jamais ,
lui livre bataille en ne rifquant que mille hom-
mes , devienne l'homicide de ces mille hommes?
.*— Non , répondit le Théologien. — Eh bien,
repris-je , un Père qui aurolt quatre-vingt-onze
Enfants qui devroient toui avoir la petite Vé-
role naturelle , & dont la treizième partie feroit
certainement la viâime de ce terrible fléau ,1e;
feroit inoculer tous , feroit un Général qui fa-
crifieroit la quatre vingt-onzième partie de fou
armée , pour en conferver la feptieme. — L'ami,
^lît le Théologien , votre raifonnement n'cfl: qu'un
fophifme abfurde. Il y a une grande difterencf
entre un Général , qui a' reçu du Souverain le
droit d'ordonner tout ce qu'il juge à propos
pour le falut de fon Armée , à des foldats qui
îe font fournis volontairement à lui ob^ir , Se m
Père qui n'a aucun pouvoir de cette nature fur
des Enfants, qui n'ont de leur côté' aucun ufage
de raifori , Se par conféqucnt point la faculté d«
dby Google
Mathieu. .10}
fe foum€ttre, ou de ne point fe foumettre à fes
ordres avec connoiflance de caufe. — Monfieur
le Théologien , repris-je , vous raifoBnez com-
me un Théologien. Il cft faux qu'un Général com-
mande toujours à des gens qui fe font fournis
volontairement à fes ordres Se avec connoiflan^
ce de caufe ; puifque très fouvent le Souverain
les y a fournis de force , en vertu de fon auto-
rité fuprême , & pour raifon fuffifante , mais à
eux inconnue. Je m'arrête à ce dernier point ,
Se je dis que fi le Souveraina le droit de contrains
drc fes fujeti de prendre les armes , de prévenir,
de livrer bataille à Pennemi y en ne rifquant que
le quatre-vingt-onzième d*entr'èux , au lieu que
s'ils fe laiflbicnt furprendre de cet ennemi il en
pérîroit le fepticrae , ce droit doit s'étendre fur
les Enfants ainfi que fur les Adultes, & il peut
ordonner que tous les Enfans de (es fujets foienc
inoculés. Ceux qui viendront à mourir des fuixes
de cette opération, feront les viâimcs furlefquel-
les le fort fçra tombé , de périr pour la confer-
vation des autres. J'ajoute ejifin que fi la Nature
n'a point donné aux Pères un tel pouvoir fur
leurs Enfants , le Souverain peut le leur confé-
rer : car c'eft le bien de l'Etat. Ainfi voilà les Pe*
rcs qui ont lé même droit que le Général , & les en-
fants la même obligation que les Soldats. — Moc-
fieur rinoculateur,interrorapit leThéologîen avec
une forte d'eraporîement , vousparlez-làdu(iro/r
que la Nature donne , du Droit que le Souve-
rain confère ; nous autres Eccléfiaftiques n'en-
tendons-rien à CCS Droits. Mais le cinquième
Commandement de Dieufe trouve auCÂ^/.XX,
V. 14 4e l'Exode ; la SorbcMine eft là pour l'expli-
quer ,&moi je fuis ici. pour vous dire que tou-
tes les Propofitions que vous venez d'alléguer en
E4
dby Google
I04 Le Compsrk
faveuf'de Pinoculation , font fcandâleufes , erro-
nées , blafphématoires , faufles , hérétiques , im-
pies , déteftables tendantes à la fubverfion du
Chriftîanifmc , à retâblifl'emem du Déifme , de
rAthéifme ", & de mitlp erreurs monftrUeufes. —
Abominable bavard 1 m'écriai-je, fi je n'étoîspas
dans une maifon que je re(pede , je te jeterois
tout-à- Theure par la fenêtre.' — Holà , Mef-
fieurs , dit le Marchand , point de bruit chez moi ,
s'il vous plaît. Monfieur le Théologien , j*avoîs
jugé à votre mine pincée , férieufe , à votre dé-
marche grave., à votre air de fuffifance, & far-
Çout par l'habit que vous portez , que vous deviez
|tre un homme de quelque favoir , de quelque
jugement ; c'êft pourquoi je vous avois invité
-pour dire votre fentiment fur lît méthode que cet
Etranger propofe : maintenant je vois que vous
n'êtes qu'uBrignorant , un pitoyable raifonneur , un
incivil , un emporté , un brutal : je vous prie de
fortir de chez moi à l'inftant , & de n'y j'amais
mettre le ï>ied* Pour vous,, Monfieur, me dit il ,
vous n'êtes pas meilleur Logicien que cet imper-
tinent Eccléfiafliiquc ; mais j'ai entrevu parmi
les raifons que vous tâchiez à débrouiller , que
vos vues font louables , votre caufe jufle , & vo-
tre méthode praticable. Vous pouvez inoculer
mon fils , lorsqu'il vous plaira. Je vous promets
cinquante piûoles , fi vous réuflîffez à mon gré.
•^ Je remerciai le Marchand de la confiance qu'il
vouloît bien avoir en moi ; & je lui promis de
faire mon poffible-pour le fatisfaire. Alors les
trois Médecins fe levèrent , firent chacun une re-
yérence bien féche , & partirent. Pour moi , je
commençai dès le lendemain à préparer le fils du
Marchand à l'opération. Elle réuffit fi parfaite-
ment j qu'en moins de trois mois j'avois ino«
Digitized by VjOOQIC
Mathieu. . ,toj
culé plus de deux cents^Enfants , dont il n'étoic
mort qoe trois. Il étoit péri au moins ]e quart
de ceux que les Médecins de la ville avoient traitée.
Cependant les chaires , les confeffionnaux ré-
tentîflbîent des déclamations des Prêtre contre la
pratique infernale- que je venois d'introduire à'
Lyon. Toutes les preflTesjde la Ville gémiffoient
fur les Libelles que Meffieu.rs de la Médecinelâ-»
choient contre moi. J'étois unféduâeur,un em-
po fonneur y uapertubafeur d'Etats, en un mot,
un homme à pendre ou à rouer. Mais toutes
c^s bagatelles ne m'empêchoient point d'aller mo»
train.
' Je contînuoîs toujours à inoculer avee.leplusr
grand foccjès , lorfque j'appris que mes ennemis
étoiçnt fur le point d'obtenir une lettre de ca-
chet contre moi. Je réfolus de partir mco^^n/fo de
iyp/2 pour Varis Mais trois Prêtres & deux Mé-
decins s'étant trouvés à mon départ , me dirent
mille înveâives, ameutèrent la populace , & je
fus pburfuivî à coup de pierres jufqu'à une demi-
lieue de la viîlc.
' Lorfque je fus arrivé à Paris , je confiai à ua
honnête homme l'envie quç j^avois de tenter fî
les Médecins de cette Ville ne feroient point plu^ ^
raîfonnablcs que ceux de lyon. L'honnête homme_
me répondit que jeti'étois point le premier qut
eût fait cette tentative, que les Médecins s'jr
étoient conftamment oppofés , & que le plus
court pour moi étoit d'attendre la réfolutîon dir
Parlement fur cet article. Je trouvai étrange qu'il
fallût que des Jurifconfultesdéci<iafltntdequelte''
manière les Médecins doivent adminiftrer leurs
remèdes , & je pris le parti d'attendre la décifioft
de cette affaire.
Quelques jours après mon arrivée darrs cette
dby Google
jo6 Le Comperb
Capitale , un fingulîer genre de folie épîdciaakiue
i^ifit tout-à-coup les trois quarts de la France ,
Cçux quiavoîent de l'argent fe battoicnt pour le
troquer contre du papier. Je ris quelque temps
de cette manie ; mais la maladie m'ayant pris à
Biontour, je me donnai mille peines pour me dé*
laire de mes efpeces , & je ne fus guéri de mon
mal , qu'après m'iêtrc apperçuqut toute ma for-
tune ne confiftoit plus que dans la valeur iotrin-*
féque de mes Billets.
Etant réduit à peu près dans le même état otr
les payfans de là Ramstnie m'avoiènt mis , & en-
rageant de ce qu'en, France un honnête homme
ne pouvoit faire fortune , ni en faifant des cho*-
fes raisonnables , ni en faifant des fotifes , je
m'aflociai avec un certain Mottfitur Gribaudier ,
qui faifoit profeffion de réparer par Pinduftrie Je
tort que la fortune lui ivoit'^fait. Je devins très-
labile dans cette profcfTion. Mais la Juftice ja-
loufe de nos fux:cès fit arrêter Monfieur Gribmidût ,
& Payant convaincu d*avoir enfreint certaines
Loix, elle le fit pendre au beau milieu delà Grève.
Ce procédé m'indigna , & de dépit je m*en-
£ùs en Hollande, ou je Revins Janfenifit ^ Lu-^'
thérUn , Arménien y Caîviniftt , BreuniÇt j^ ^na^
baptifte , Sorétifie , Collégien , Socinien , Arien y
Tréadamke , Juif, Hernhutter , Enthoufiafie ^ Qua-*
l^r y Déifie , Manichéen , Fyrrhonieu & Athée*
En vérité , àhltCompert Mathieu y j'en auroi^
bien fait autant en pareille occa£on.
Me trouvant dans un pays où l'on av&it la H-
bjsi'té de penfer , continua Pen Jean , je crus
qu'on devoit y avoir celle d'agir. J'agis donc ;
mais mes aâions ayant déplu aux Hollandbis , ils
me firent danfer une férenadé vis-à-vis une deteur^
ijiairoos de ville , me firent marquez d'ujQ ht
dby Google .
M A T H r i: rr- tbj
chaud fur l'omoplate ,ainfiqueron fàSit au front
des chiens pour les empêcher delà rage- ,.&piiîs
ils m^chvoyerent fcier du bois de Bréfil daris ua
Ce genre de travail étant trop uniforme pour
m^amufer , m*ennuya ; & comme on ne voulut
-point m'en dpnner diantre ^ je fonçai un foir la
porte daLaboratoire , & je m'enfuis dans le payç
de Ckves. Etant prêt à entrer dans la Ville de
Wefcl , }e rencontrai un hûbillé Je bleu qui me
demanda fi je ne voulois point fefvir le Roi de
Prufle: je lui répondis que fa Majefté Pruffienne
pouvoit fe fervir elle-même , & que je ne fervois
j>Qxfonnt.JJkabiilé de bleu y piqopde maréponfe^^
tira ton épéppourme frapper ; mais je îa lui ar-
rachai des mains ; je lui en donnai cinquante coups
fur les épaules y puis je la caffài en deux & la lui
jettai aii vifage : après quoi , au lieu d'entrer dans
la Ville , je la laiflai fur la droite, & je m'arrê-
tàî à Cologne y où je repris le métier de Menfieur
Gribaudier»
Lorfque j^eus. amaflï trois ou quatre cents du*
cats, je partis it Cologne j & je retournai à P^z-
p ris , où je trouvai que la Police avoit dîfperfé
toutes mes anciennes connoiffances. En attendant
que j'en fiffe de nouvelles _, h Baron* de Monte^
«o/ me prêta fa femme pour me défennuyer , &
fe CQUtenta de J*intérêt de dix étus par mois. L'on
ne pouvoir pouffer la générofité plus loin ; auflî
perfonne n'a l'ame plus noble que le Baron de
Montehoi. Au bout de fix femaines la Baronne
devint fourbue : fon itiari la reprit , la fit traiter ^
la prêta i lîn abtre ^ puis encore à un autre y jE biet(
qu'à la fin la pièce étant devenue hors de cours , if
ne la prêta plus à perfoane , & la.mitatibillftnw
Plufîeûr&p.erfonQestrauvoient .éttange quo? le
E é
%
Digitized by VjOOQIC
10» L E C o m: p E ïi E
Baron de Montenoi prêtât ainfi fa femme aux hon-
nête gens; mais le BaFon qui avoit autant d'ef-
prit que de nobleffe d^ame , difoit à ceux qui en-
tendoient raifon , qu'il n'y avoit rien de fi naturel
que cela, & leleurprottvôit. Il difoit aux Théo-
lojgiens , que puîfque Abraham{i j avoljt abandonr-
ne fa femmneau Koid* Egypte y lui, Baron de Mon-
tenoi j pouvoit bien en faire autant de la fîeimeÂ
fes Amis ; 6c que comme Abraham avoit reçu
pour cela des^bTebis , des bœufs , des ânes , dc3
îerviteurs , des fervantes , des ânefl'es & desi cha-
meaux , lui , Baron de Montenoi ^ pouvoit bien ti-
rer quelques Louis d'or de ce trafic , pour avcrîr
quelques livres de vijande à mettre dans foix
pot. Quant aux gens du commun , M. le Baron
Içur citoît l'exemple de plufieurs peuples qui prê-
tent leurs femmes aux étrangers pour les régaler;
de tant de particuliers en France qwi prêtent les
leurs pour leur prqfit ; comme les Plaideurs à leurs
Juges , les Commis aux Mdtotiers , les Marchands
aux Ufuriers , les Officiers aux Grands , les Grands
l^un à l'autre ,jufqu'à>jr compris AioiiUChîca^ qui
vendit la fîenne au Roi de Congo pour avoir on
emploi dans les Fermes. Enfin le Baron difoit aux
Politiques, que l'ufage de louer , prêter o» vendre
fa femme , étoir une nouvelle branche de com-
merce entre les fujcts d'une même Monarchie , un
nouvçau moyen de faire circuler l'argent , de
contenter les riches , d'enrichir les.^auvres , &
de donner des fujetsà l'Etat. Bref , iLapportoit
tant de raifons pour appuyer la juftice ^l'utilité
de fon fait , que tout le monde eût dû en être con*
tent ; mais l'efprit de l'homme n'eil point fait pour
fe payer de raifons^
(0 Gentf. chapitre Xlh v.ti^ t »» tj ,» 4 > »5> «^*
dby Google
H A T H I C V. ICfJ
Te reviens à mon Hiftoire*
J'ai dît que j'avoîs apporté de Cologne environ
trois ou quatre cents Ducats , que j'avois gagnés
ïn continuant le métier que Monfieur Gribaudier
m'ajfoît enfeigné ; mais comme je n'épagnois rien
pour me procurer tous les agrémens de la vie , je
me vis bientôt à fec.
Pour cette fois j'oppofai itta plumcàlaraîfere;
7e fis un livre , où' je démontrai clair comme le
jour que le fils d'-^/wr^/n & àt Jocahed iCétoitj^^LS ^
fi grand forcîer qu'on nous le faifoit accroire, &
que fans un troupeau d'ânes fauvages , fa baguet^
te toute-puiflante eût opéré un prodige de moîiis.
( I ) Cet ouvrage fit grand bruit ; l'Imprimeur qui
1 avoit imprimé fut connu , enfermé & ruiné.
Deux Auteurs eurent l'audace de me réfuter ;
mais je roffail'un &j'éreintai l'autre , pour leup
apprendre à refpeÔer la vérité. Après cet exploit
je partis de Paris , & je pris la route d^Orléans.
J'a vois a van ce eu viron deux lieues lur cette rou-
te , lorfque je vis arriver un Poftillori criant de tou-r
fcs forces : oh hé , oh hé , flact à M. h Marquis
qui va a la guerre. LorfqUe ce Poftillon fut près
de moi , il me fangla un^grand coup de fouet à
travers le irifagç , parce que je ne m'étois^ point
rangé dans la boue pour laifier à fon cheval \^
plus beau & le milieu du chemin. Je me mis à jur
rer de mon mieux , & je jurois encore lorfqufe Je
Marquis qui alloit à la guerre arriva. Celui qui
conduifoit la chaife de pofte m'eq fit autant
que le Poftillon , & je redoublai mes imprécations.
<^x)Tkci^.W4.Uh.V.
dby Google
^^■"■■i
iio Le. Cqmpere
Le Marquis ayant fait arrêter la voiture , me de-
manda a un ton fier ce que je dîfois ? — Je dis ^
répondî.s->e, que je voudroîs que les Portillons^
les chaifes de pofte , & les -Marquis q^ui vohpà la
guerrefwfftïit à tous \ts Diables. - — Ah , faquin,
répondît^il , je vais t*apprendre à qui tu parles*
r-Eik même temps , il fort de fa voiture , jnctré-*
pée àlamaÎB ,& avance pour me frapper je me
B^ets en défenfc ; il jure , foi^dc Gentilhomme >
qu*ilme fera pendre ; aces mots, je lui afferie un
coup de gourdin fur Tocciput , & je Fenvoië re-
j[oindre les Héi^os du neuvième liécle.
Âcefpeâaclc, le Conduôeur effraye s'enfuît
i toute bride. Pour moi , voyant qaeperfonnena
Çîc guettoit, jcntefàîfis de Tépée , de la montre
^de la bourfe du Guerrier ; je quittai. la routé
à* Orléans j je pris celle de Dreux y je traverfài la
Korfli^ndie , & je ne m^arrêtai que fur les côtes
fiiafritimes de cette Province*
Après avoir rodé pendant quelque tems çà Se
là , je me fixai près du Havre de Grâce : où ayant
époufé la veuve , les deux filles & la nièce d'un
Maître d^Ecole de village , j'emhraffai la profef-
fion du défunt.
Mes élevés firent de tels progrès fous' ma coa*
duitc , qu'en moins d^^un mois les plus grands bat-
toient leurs pères , & les plus petits crachoient au
vifage de leurs mères. Les parens mëcontens d«
cette nouvelle efpece d'éducation , me citèrent de*
vant le Curé du lieu pour rendre compte de ma
Doôriiic* Lorique je fus arrivé chc% le Pàfteur ^
îl me dit : M©hfieur le Maître d^Ecole , vous me
feriez plaifir de m'inftruîre de vos fentimens tou-
chant la foumiffion , l'obéiflance y Tàmour , le ref-
pefl , Ta reconnbiffahce que les enfants doivent a
leurs pères & mères.—, Môrifieur le. Curé \^ lui
dby Google
Mathieu. ïii'
répondîs'je , fe-fuis fôrteracnt perftiadé qiWls ne
leur doivent rien de tout cela; ce n'eft.qùe par
une fiiîte de Tétat de foiblefle & d'ignorance où
ils naiflent , qu'ils fe trouvent naturellement af-
fujcttis à leurs parents (i). Comme vous n^êtes
qu'un fot , Monfieur le Curé , je me difpenfe de
vous alléguer d'autres raifons philofophiqucs qui
autorifent mon opinion. Adieu , Monfieur le
Curé. — Ayapt fini ces mots , je retournai chez
moi.
Comme Je me doutois bien que le Curé cher-
cheroit à fe venger de ma naïveté y. )e partis le
lendemain pour Iç Cotentin. Là je devins Corn**
mis , Maquignon , Contrebandier , Opérateur ,
faux Témon , Procureur & fauffaire ; mais ayant
appris que la Juftice me^faifoit chercher , pour
ce dernier métier , je retournai à Taris y où , après
avoir débauché mon ancienne hôtefle & houipilr
lé fon mari , je luis parti ce matin pour aller
voir fi les Mofcovitesne fcroient point plus tolér'
rans ^uc les François.
Votre Hiftoire , dit le Compère Mathieu à Feref
/^^/2, achevé de me confirmer dans, une opinio-»'
qu'il n'appartient qu'à unPhilofophe d'avoir. Vous
avez commencé votre vie exemplaire par donner
un coup de canif dans le cul de votre Régent ,.par^
ce qu'il vous foBett oit fans fujer; vous avez quit-
té vos études pour vous mettre Grenadier , Se
vous avez i:éuni dans ee métier toutes le&gentil^
leffes^d'un véritable homme de guerre } vousavey
efcamoté «ne Relîgieufe des griffes de Satan qui;
la tourmentoit ^ &c vousb vous çtes marié avec tlïe::
<, I W. ' îh 19 oie €1 •devant.
.^^
dbyGoogk
lia Le C o m p e r »
pour lui 6ter fes fcrupules ; vous avez enlevé la
îUe d'un Marchand de Vin de Londres , parce
qu*if ne vous Tauroit point dom\ée ; vous avez
été Turc , Corfairç , Chrétien , Médecin , Luthé-
rien ^ Calvinifte , Quaker, Manichéen , Athée ,
&c. vous avez époufé quatre femmes à la fois ,
"de crtiinte d'en manquer : je ne trouve rien de
plus naturel que tout cela. .
Mais quand je confidére que vons avez étéem-
prifonné, ruiné, cocufié , parce qu'un chien avoit
pifféfur le jupon d'une ientretenue ; quand je con-
fidére qu'on vous a donYié deux cents coups de
bâton fur la plante des pieds , parce que vous
aviez trop bien fervi fa Hautefle ; quand je con-
fidére qoe la juftiftice vous a recherché pour avoir
été: aflbcié. avec un homme qui tâchoit de ifaire
fortune comme il pouvoit , & que cette même Juf-
tice vous a perfécuté pour avoir compoféua livre
Contre un Juif qui eft mort il y a plus de 3000
ans ; quand je confidére que vous avez été l)attii
par des faquins de valets , parce qu'étant à pied
vous rie vous dérangiez point pour la Pofte,& que
vous avez été contraint d'ôter la vie à un Mar-
quis qui vouloir vous ôter la vôtre , ou du moins
\om faire pendre , parce que vous aviez eu Tau-
dace de vous défendre contre un Gentilhomme ;
quand je confidére qu'il vous fallut fuir la ven-
geance d'un cagot de Curé , pt)ur avoir enfergné
hs élémens de la Loi naturelle aux enfents de fts
paroîffiens , & que la Juftice de Normandie vous
cherche encore pour avoir rendu fervice à autrui
aux dépens d'une confcience qui n'appartient qu'à
vou^ : quand , dis-je , je confid'ére que vous avez
été errant, pourfuivij profcrit, perfécuté, pour
avoir éclairé les hommes par des exemples puifés
dans la pure Nature & la vraie Fhilofophie , pour
<i
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byGoosle
Ma t h I b u; 113
avoir tâché de jouir librement de la feule vie (i)
que nous avons à efpérer, & fait en forte de-^e
point mourir de faim au milieu des biens de ce
monde ; je ne doute plus que les Loix n'aient été
inventées ( a ) pour détruire la Liberté naturelle ,
en fixant pour jamais la Loi de la propriété , & le
droit barbare ( 3 ) de l'inégalité.
Oui, mon cher Oncle y continua le Compère ^
les Loix, la Religion, les Préjugés, la Violence
fe réuniflent conitamment contre celui qui ofc
penfer & agir. Dans cet état de contrainte , Thom-
ine demeure efclave , tandis qu'ils devtoit être
libre , & vit dans l'indigence au milieu diï patri-
moine de la Nature.
. Si quelque génie tranfcendant , tel que l'inimi-
table Fere Jean , vient à s'appercevoir qu'il naît
libre & hors de toute fujeftion naturelle ( 4) à l'é- -
gard de fonPere ou de fon Prince ; que rien n'cft .
capable de le foumettre à aucun pouvoir fur la
terre ( j) que fon propre conftntemëRt ; en un
mot , que le vice, la vertu y le bien & le mal mo-
ral , le Jufte & l'injufte, & tout ce qui en dépend ,
neconiiftent que dans Topinioii de ceux ( 6 ) qui
les ont inventés pour appuyer leurs intérêts (7) j
— , , - -
( « ) V. la vie htureufe , pag. 34*
( a ) V. le DifcouTs de J.- J. RousSiîAu/j/r V origine de
r inégalité parmi les Hommes ^pag^ 9^.
( ^ ) F. PEncyclop. Difc. prélimin.
( 5 ) Encyclop. au mot Gouvernement.
(' ^) V. le Difcours fur la vie heureufe , pag* tf.
(7) K. MoNTAiGNB, Tom. II. p. 391 , oùil eft parlé
Digitizedby Google
J
wmm
114 tjB Com:pere
fi , dis-je , cet homme rare auquel il a été réfèrvé
de^échirer le voile de rillufion , tëiîte de fecoucr
le joug du travail, de la mifere , de la fervitude
& de/ la fuperftition , en ufant des droits que la
Nature (i) lui a donnés , il a tout à craindre
de la tyrannye du plus fort , à^oins qu'une
prudence confommée ne le mette à l'abrisdesre-
cherehes de la jtiftice & de la perfécution des
Prerres.
Corbieu , dît Père Jean y mon Neveu araîfon.
Je me fuis moqué de toHt temps de cesbilleve*
fées dont en endort les fots, J'ai toujours regardé
la Religion & les Loix comme dés inventions hu-
maines ; je n'ai confulté dans toutes les aâions
de ftia vie que la feiile (a ) voix de la Nature;
auffiai-je rencontré par-tout des ennemis injuftes
& dangereux; mais j'ai éludé leurs pièges par ma
prévoyance , mon adrefl'e & ma fermeté. Ceft
fur ces vertus qui ne m'ont jamais abandonné , que
j'ai fondé la tranquillité d'efprit dont je jouis, &
qiii iied fi bien à la liberté de penfer que j'ai adop-
des fentîmens dfe F rot agora s <^ à^Arificn\, & de Twjî-
maque^ fur la nature des LoIx, du Jufie & de rinjuf-
te , &c, ' .
(I) Voye^ Plat, in Georg. oli Vundts Interlocuteursfe
plaint de ce qu'en inculquant à la jeunefle \ts principes
de la Juftice , on étouffe les fentimens nobles & éle-
vés que les enfants apportent en venant au monde : 5r
il ajoute qu'on ne voit briller en eux le droit de la na-
ture , que quand ils viennent à fecouer le joug des Loix.
(1) Vikil afiudfihi naturam îatrare nifi ut cum^
Corpore fejunêus dolor abjît , mente fruatur ,
Jucundo fcnfu , cura femota , mewque.
tucRET. Lib a.
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Mathieu. iij
tée ) aînfi q^u'au fang froid inaltérable , qui , malgré
Cicéron ( i ) & les femblables , ne m'a jamais
quitté , même en tuant des Capucins &desMar-
(l) Jii cùm fuùaUs in concionibas voces mitùs ; ciim
domos civium evertis ; cùm lapidibus optirriQS virosjoro
pellis ; cùm ardentes faces in vicinorum teda jaâas', cùm
cèdes fàcras inflammas ; cùm fervos concitas ; cùm facra
ludofque conturbai ; cùm fervos , uxorem fororemque non
difçernis; çùm quad m eas cubile nonfentis ; cùm backaris ;
tùmfuris , cùm das eas panas, , quce funt fola hominum
fceleri à Diis immortalibus conftitutaé Cicer. Orat. pag.
i6aa.
» Quand vous haranguez le Peuple avec une éloquen-
'5>ce eippoifonnée : quand vous renverfez les ma^fbns
» des citoyens ; quand à coup de pierres vous chaflez.îcs
» plus dignes Sénateurs hors'de la place publique , lorf-
9} que vous réduifez les Temples en cendre ; quand vous
}y excitez les efclaves à la fédition , & que vous troubles
3j la célébration du Culte Religieux ; quand emporté par
yy une brutalité infâme , vous ne faites point de dijftîAc-
yy tioti' entre votre femme & votrç fœur , & que vous
79 ne vous foucicz point de qui vous fouillez la couche ;
>j lorfque , femblable a une Bacchaiîte effrénée , vous
»vous abandonnez à des fureurs horribles : c'eil alors
7f que vous êtes en proie à ces fupplices terribles que les
j> Dieux ont deftinés pour châtier les crirnes des hom-
meis. «
Sua quemque fraus , fuumfacinus ^ fuum fcelus , fua
audacia de faniiate & mente deturbat ; hœ funt impiorum
furiœ , kaflamma , ha faces. Ibid. p. 1827.
yy La propre injuflice d'un chacun , fa propi"e malice ,
>7 fon infamie , fa hardieflè défefpérée , le tranfporte
?> hors de lui-même , le trouble le rend furieux. Ce font
^>là les furies qui tourmentent le méchant ; ce font-Iè
» les flamtnes & les flambeaux avec lefquels lei Dieux
»le pourfuivent. « - •
dby Google
11^ L E C b jr p E R 1 ' •
quis. Joint à cela, ma confcience n'a j'amaîs fen- "
tiraiguillon de ce que le vulgaire appelle remords,
& que j'appelle le ftipplice des foibles & des
idiots ( I ) : ma Philofophie fe croiroit déshono-
rée, fi elle s'occupoit de ces fâcheufes rérainifcen-
cçs(2), qui ne doivent leur origine qu'auxpréju-
gés & à rignorânce. Qu'en dis-tu ? l'homme aux
reliques, ajouta Tere Jean ^ en t)arlant K Diego.
i— Très -redoutable P^y-e Jean , répondît /'£/-
pagfioly je dis que dans certains cas , ma morale'
reflemble aflez à la vôtre ; à cette différence près ,
que laPhilofophie, que je refpeâe , mais que je ne
(I) K. le Difi. fur la ViekcureUfe, pag.-63.
(2) «..••« car tamen kùs tu
Evafïjfe putes ; quos diri confcia. faâi
Mens hàbet attwihus, &furdo verhere caditf
Occultum quatiente anlmo tortore flagellum :
Tana autem vehemtns , ac multd favior illls
Quas & Cixdius gravis invertit , ^ Rhadamantus »
T!^oâe dieque fuum gufiare in peSere tefiem,
Ju VENAL, Sat. XIII. v. 143 & feq.
» Pourquoi vous imaginer que ce$ gens fans foi , fans
» probité , ne font point punis de leurs crimes ? Oui ,
1* ce méchant homme fe condamne foi-même à tous mo-
» ments ; il eft faifi d'une fecrette horreur , il fe perfécu-
»te , il fe tourmente , il eft lui- même fon bourreau.
wLes peines qu'il endure ne fe peuvent exprimer ;
*> elles font plus terribles que lés plus affreux arrêts de
w Cceditius , plus cruelles que ceux que Rhadamante pro^
» nonce dans les Enfers. Quoi ! avoir dans le fond de
^> fon ame ; jour & nuit, uh fecret témoin de fon crime !
\i ah ! quel tourment !
dby Google
M AT H r JE. u. . 117
.comprends pas tout-à-fait , vous fait agir , & que
dans toutes mes adions,. je n'ai d*autre motif que
mes intérêts particuliers,d'accord avec la Religion
appliquée félon les principes que Ton m'a incul-
qués dans Téducation honnête que j'ai reçue chçx
les Jéfuitts de Saragojfs. Au reftc , mon Révérend
Tere y je vous regarde comme un faînt homme,
qui, par les traverfes de votre vie , avez expié de-
puis long -temps le Capucinide que vous avez
.commis , & l'Apoftafie dont vous vous êtes ren-
du coupable, foit à j4lger y foit dans votre tranC-.
migratioH de Paris en Hollande.
. Pendant Ici récit que Père Jean avoit fait de fon
Hiftorc , il s'étoit formé à Poueft un orage très-
confidérablc ; l'on entendoit par le bruit du ton-
nerre qui devenoit de plus^en plus fort, que la vil-
le de Senlis enauroitfa part; & Diego achevoît
de parler, lorfqu'un tourbillon furieux quiprécé^
doit la pluie & la grêle « qui alloit tomber en abon-
dance , renverfa une partie de la cheminée d« la
Salle où nous étions. JJEJpagnoî effrayé de cet
accident , s'écria : Mes amis, nous allons périr !
la chute de cette cheminée eft un avertiflement de
la colère divine qui va fondre fur nous. Je me fou-
viens dans ce moment que c'eft demain le jour de
l'Aflbmption de la Vierge , & que nous avons
mangé à notre fouper un gigot de mouton , une
poularde & fix côtelettes. Trofternon^no^s, ra^s
chers compagnons ; intéreffons le pHis .grand
Saint du Paradis en notre faveur , 8c dîtes de
cœur & d'affeftion ce que je vais réciter de bou-
che. — En même temps il fe jetta à genoux ,
d'une voix trifte & lamentable , il entonna U
prière fiiivante.
O vous ! qui avez commencé par ne rien va-
loir ; mais qui ayant été bleffé à la jambe au Çége
dby Google
lao Le Compère
effroyable , ou tous les élémens fe confondent ,
où le Ciel & la Terre enflammé* font une efquif-
fe du dernier des jours. Daignez, dis-je , jeter un
regard compatiffant fur tous vos Serviteurs ; nom-
mément fur mon doux maître, Mathûult Phîlo-
fophe , fur le vertueux Fere Jean de Domfront , fur
mon ami Jérôme & fur mai- Ne permettez pas
que nous périffions pour avoir mangé un gigot
de mouton , une poularde & fix cotellettes Ja
veille de V Ajfompthn : rognez Jé$ griffes de Satan
qui fe prépare à nous gripper : reverrouîllez les
portes de l'abîme qui eft prêt à nous engloutir :
détournez la Foudre î . . . • — A ces mots le
Tonnerre éclatant d'une force épouvantable ,
perça le toit & le plancher de la chambre , &
brifa en mille pièces la table autour de laquelle
nous étions,
, A ce fpeâacle effrayant , Diego tomba par
terre & foira dans fes chauffes. Tert Jean plus
irrité de rî[ncongruité du foireux qu'épouvante ,
du coup de Tonnerre , prit VEfpagnol par le col-
let y le jeta au milieu de la cour & ferma la por-
te. £nfuite ayant rallumé la chatidelle , il prit
une bouteille qui étoit fur la cheminée , la vaida
d'un feul trait , & nous dit en fe rafleyant : Je
voudrois bien favoir où vous aveiK péché cet
original : il eft par la corbieu fou. J'ai eu là pa-
tience d'écouter fon impertinente prière à faint
Ignace ; mais , vertu de froc ! foirer en préfen-
ce de Tere Jean ! je ne le fouffrirai îamâis.
Tout le monde n'éft point fi intrépide ( i ) que
(I) L'intrépidité cfl une force extraordinaire de Tame,
qui relevé au-deffusdes troubles , des défordres , 6i dti
émotions que la vue des grands périls pourroit exciser en
elle,
dby Google
M A T H I £ U.^ l%%
VOUS j lui dis-je ; Tépouvance fait certains effett
fur Tun qu'elle ne fait pas fur l'autre. Il y a mille
perfonnes à qui il en feroit arrivé autant , ea
voyant le Tonnerre tomber à leurs pieds. Au
refte il feroit à propos jà'avcrtir l'hôte de cet ac-
cident ; la Foudre pourroit tîien avoir mis le
feu au grenier. Ma foi , dit Père Jean ^
tant pis pour le grenier. Je ne me mêle point des
affaires d'autrui ; faites - en de même^ ; &
fongeons à vuider les (ix flacons qui font là fur
ce buffet. Mais je ne puis revenir de cet original !
Mon cher Oncle , dit le Compère , il faut en
avoir pitié. Le^ Jéfuites Se la fuperftition lui
ont fêlé le timbre , ainfî qu'à bien d^autres ; il
eft confit dans une piété fi puérile^ fi ridicule ;
il eft plongé dans une ignorance fi craflè y au'ij
cite à tort & à travers l'Ecriture , les Légendes^
fon Redeur des Jéfuites de Sarragoffe , & dans
des circonfUnces fi peu analogues à fes citatioi\s ^
qu'il me fait rire quelquefois & met en colère moa
Compère Jérôme, Au refle c'eft un aflez bon gai>
çon , qui m'eft fort attaché , & que je garde
parce que je lui fais faire par principe de Keli-
gion & par bêtife^ tout ce qu'un homme d'efprit
f'ourrbit faire par principe de Philofophie. —Je
ui. pardonne donc y dit ?ere Jean ; mais cela
n'empêche pas qu'il foit un original* A propos ^
mes enfants, vous allez en Honande ? — — Oui ,
répondit le Compère. Hé bien , reprit Per^
Jean y je vous accompagnerai jufques-là ; alors
elle; & c'eft par cettse force que les Héros (è maintien-
nent en un eue. paiftble , & confervent Tufage libre de
• leur raifon dans les. accidens les plus furprenants&Jes
plus terribles. R0cxms & Maximes moraUs^age, 78.
Tome I. F
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^iiHPIUllll pi ^ "»'•■""■ têm'é» : - ■■l^9BaHNV«K«"9-S9^^P9n9HSems;|P?
111 Le Compère
>e continuerai ma route pour la Rulïîe ; & fi vous
voulez' faire ce voyage avec moi , il ne tiendra
qu'à' vous. — Très-volontiers , dit le Compère'^ à
Dieu ne plaife que je rejette une telle proposi-
tion : la fortune a voulu que je retrouve un oncle
fi chéri , fi refpeâable , je ne l'abandonnerai de
ma vie. Dès ce moment tous nos biens furent dé-
clares communs; nous nous promîmes une fidéli*
ré à toute épreuve; nous cimentâmes notre union
en vuidant le reftc de nos flacons , & nous conclû-
mes de finir la foirée en cherchant Diego ^ qui n'a-
voit point. reparu depuis la fin de fon oraifon.
Après quelques perquifitions inutiles , nous fu-
més contraints de mettre l'hôte & tous fes gens en
cEUvrepour retrouver le pauvre -E/^/rg^no/cron par-
courut toutes les grangei , toutes les écuries , tou-
tes les caves, tous les greniers de lamailon , l'on
s'égofilloît à crier: Diego y Seigneur Diego j ou.
ttes'vous ? Point de Diego. Enfin Ton déferpéroit
de le trouver , lorfqu'on le découvrit dans un pou-
lailler , où il s'étoit tapis parmi une quarantaine
de poules.
Ayant raffuré VEfpagnolh mienx qu'il nous fut
poflible., il fortit de fon rédtiit. Deux vîgoureu-
ies fervantes lui écùrerent le feffier , il changea de
chauffes , il rentra dans la chambre , & Peré Jean
lui dît : Vami Diego y en- confidératioh du récit
que ton maître m'a fait de ton mérite fingulier , je
te pardonne l'incongruité de ton derrière : je te
déclare que tu es compris dans l'alliance qui vient
d'être çontraôée entre nron neveu , Jérôme 8c moi '^
que tu auras voix en chapitre ainfi que chacun de
nous ; que je te prends fous ma proteâion fpéciale
en tout , contre tout, fût-il contre Lucifer. — Ah !
trè^-venérablé Pcre Jean , s'écria Diego , en fe je-
tant à deux genoux, après mon maître que voilà-,
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Mathieu.: la^
wus ferez déformais celui que j'aimerai le plus
fur la terre. Tous les jours de ma vie, à commen-
:er dèis ce moment, je réciterai cinq Paur & cinq
Âve Maria à l'honneur dt/ainte Barbe, pour qu'el-
le daigne vous conferver dans lé fentier de la ver-
tu , Se qu'elle vous préferve de mort fubitc , ainfi
qu*elle fit autrefois Auduin le Chartreux , lorfqu'il
tomba dans la neige.( i ) Je prierai y2r//z/ Gaffien^
dont TEglife célèbre aujourd'hui la fête , qu'il
ireuille vous accorder joie , fanté , richefle , jk qu'il
vous faflé élire pape un jour : car le Ciel m'a ré-
vélé .dans le poulailler , que vous étiez le feul qui
méritiez de remplir un pofte fi important , & qu'il
ne falloit pas moins que votre vigueur , votre fer-
meté , votre exemple , pour réformer certains pe*
tits abus qui commencent à fe gliifer parmi \ts
Pafteurs de la Bergerie du Seigneur. Lorfque Du-^
fro eut fini de parler, chacun twt fe coucher^&Ic
endemain de grand matin nous partîmes de Stnîis.
(I) Un Chartreux nommé Auduin , étant un jour tonn
bé dans un précipice îrempli de neige , y fijt confervé en
vie l'efpace de quatre mois, par l'interceffion defainu
Barbe, Au bout de ce temps-là, il fortit du précipice ,
fe confeffa , communia , & mourut apfli tôt,
Voy. TiLMAN , Bredenhach. Sac. Coll. Lib^ ÏV. item^
Chronic. Cartruf. lib. IV. Cap. III.
V %<
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ÏX4 L JS C O M P E ÏL E .
, C H A PI T R E XII.
[Notre arrivée à Mons , Capitale du Hainaut Autri-
. chien : accident fdcAeax qui nous arrive dans cette
Ville y & lés fuites qu'il eut.
Al ne nous arriva TÎen de remarquable dans notre
ra;iite jufqu'à MoHSj Capitale du Hainaut , & h
première Vilfe étrangère que nous rencontrâmci
^près être fortis de r rante.
Lorlque nous tûmes aux portes de cette Ville,
l'Oâicier de garde nous demanda en mauvais fran-
•çôis qui nous étions , d'où nous venions , où nous
aliiofis, Fere Jeati qui favoit que dans ce Pays-
Jà Fôn éft afl'ez fcrupuleux fur rartick des Voya-
geurs, répondit que nous venions de Valencieums^
^ que nous étions Bourgeois de la Ville. L'Offi-
xïtt qui ne nous coimoiffoit pas nous laifl'a entrer.
JDifgo qui étoit demeuré derrière fans que nous
nousien fulEons âpperçu, arriva quelques minutes
^prèsy &: rOfficier lui fit les mêmes queiiions
qu'il nous avoit. faîtes, VEfpagnol fier de la pro-
' tcûion que P-er^ Jean lui avoit promifc à Sentis ^
répondit en enfonçant fon chapeau : je m'appelle
Don Diego- Arias-Fernando de la Plata-^ y Rioles ,
ÎBajalos; je fuis un Gentilhomme Efpagnol, ne
Bilbao en Bifcaiei jc^ fus jadis l'élève du très-
chafte 8c très vertueux père Reôeur des Téfuita
de la Ville de Sarragoffe en Aragon , le Page chéri
de feu Monfignor Herculè-Franf ois- Marie Tonga-
riniy Evêque de Manfouraen Manjourie : zM]o\xX'
d'hui , j^ai l'honneur d'être le ferviteur du célèbre
dbyGoOgk
.' M. A T H I t UT. kxj
Mathitu , le Patriachc diubon feii:?, le compagnon
de fon compère Jérôme ^ Tami, Je protégé de Tin*
trépide ^ refpeftable Tere Jean de Domfrônty qui
arété Grenadier , Capucin , Juif, Hérétique^ Qoa^
ker & Athée , & qui , par la grâce de ï)ieu, eil
aujourd'hui meilIeurChrétien que notre Saint p€-
re le Pape , ou peu s'en faut. — L'Officier , qui
étoit un Allemand ^ n'entendant rien à ce difcours
de Diego , le fit mener par deux fufîliers cliez le
Commandant de la Place
: Ce Commandant , qui étoit un vieut Papâ^â
demi^fotird , ne comprenant pas mieux le Fran-
çois que rOfficier , fit approcher VEfpagnol pouf
entendre ce qu'il difoit. Celui ci lui cria à l'oreil^
le ce qu'il avoit débité à i'.Officier. Le Comman-
dant croyant qu'il lui difoit des fottifes, tomba
fur le harangueur , le régala de quelques coups do
canne , & l'envoya en prîfon. -.
Une demi -heure après cette fccne fîngulie^e ,
le vieux Allemand fit ramener Diego devant lui «
& l'interrogea derechef; VEfpagnol tint le même
discours , &c ajouta q^e le Patriarche Mathieu y k
refpeâable Père Jean & l'ami Jérôme étoienc dans
la Ville. >
Le Commandant ayant compris ces derniers
mots , nous fit chercher. Lorfqu'on nous eût trou*-
vés & conduits devant lui , ils nous demanda
qui nous étions , quel étoit notre pays ? le Com^
fere Mathieu lui répondit avec gravité que nous
étions Philofophes , & que n'étant fournis à ai»-
xunes Loix ni aucun Gouvernement > nou^ a'é<-
tions point plus d'un pa^ys que d'ua autrie^ Là*-
deflus on nous envoya au cachot.
Le Commandant ne s^étanr jamais- trouvé dans
Je cas^ d'avoir affaires à de^PhiJofophts , tint un
Confeii de guerre pour favoir ce. q\i'ii devoit foin
F 3
^Digitizedby Google
Il6 L « C O M P E Ift. B
re de nous. Ilfut conclu que l'on devoir nous exa-
miner à fond ; que fi nous étions des Efpions , il
falloit nous faire pendre , linon que nous rece*
vrions vingt-cinq coups de bâton , & que nous
ferions chaflesdc la Ville, pour nous apprendre
àxefpeâer les ufages établis dans Its pays ou nous
nous trouverions déformais,
.Le lendemain de ce Confeil de guerre , le Com-
mandant nous fit amener devant lui , nous fit re-
procher par un Auditeur d'jen avoir impofé à no-
tre arrivée à l'Officier de garde , d'avoir mfulté Son
Excellence y & nous fit demander nos paflTe-ports,
Le Compère Se moi préfentâmes les nôtres , qui fu-
rcpt rejettes comme invalides & furannés : Père
Jean Se Diego n'ayant rien de mieu^ à montrer ,
^ k Conimandant conclut que'nous étions dans ic
cas d'être traités comme Efpions.
Ace mot, le Compère Mathieu s'écria: quoi!
l'on triateroit des gens comme nous comme tf-
pions, fous prétexte que nous fommes entrés dans
cette Ville fans être munis de paff^e-ports valables!
n'cfl-îl point libre à tout le monde, fur- tout à
un Philofophc, de parcourir la terre entière fans
être tenu de rendre compte à qui que ce foît de
fes'inténtions & de fes démarches? Par quel droit
Monfieur le Commv^ndant s'arrogc-t-il le pouvoir
.d'interdire l'entrée, d'un pays à un étranger qui
ii'eft pas muni d'un vain papier, lequel ne rend ni
fes vues ni (es intentions meilleures? Un chacun
ne porte-t-il pas fur fon front le paflb port de la
Nature? Loffqu'un homme en voit un autre al-
ler , venir , agir • ne doit-il point penfer qu'il ne
fait qu'ufer de la Liberté naturelle , à laquelle , ni
Prince , ni Rbi , ni tel autre Ufurpateur d'une au-
torité injufte & barbare, n'a aucun droit d& s'op-
pofer ? Liberté chérie ! Tefclavage & l'iiuolé-
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II^ILIII I IliUllW i^n^^p;^!!^
- Mathieu.' 1x7
3'ance t'ont bannie de la terre! Monfleuric
ïhilofophc , dit TAuditcur, comme Monfieur le
Commandant a pafle fa jeunefle à être Fifre Se
enfuîte Tambour y il n'a point eu l'occafion d'ap-
prendre ce que c'eft que cette Liberté naturelle
dont vous parlez r depuis ce temps-là il fut oc-
cupé à remplir les devoirs des diffcrens grades par
le'quels il a pafle , & n'a point eu leloifirde s'inf^
rruire davantage fur cet article j mais il eft Com^
mandant, & en cette qualité il a ordre de np
laifTer entrer aucun étranger, en cette Ville fins
pafle^ports fuffifans , ou fans produire quelque
honnête bourgeois qui réponde de fa perfonnc, 8c
qui rende raifon des motifs qui l'amènent ici. Ces
précautions ont été didées par la prudence. Nous
îbmmes voifins de la Francs , & à ja veille d'une
guerre avec elle ; nous ne faurions trop nous pré-
cautionner contre tes cntreprifes que cettePuîflan-
ce pourroit former contre cette Ville, qui eft ur^
des' clefs du pays^- d'ailleurs cet ufage eft fondé
iur un Droit naturel & propre à chaque Nation
en particulier , lequel eft de prendre chez elle tel-
les mefures qu'il lui plaît pour Cpn bien-|,tre4t fa
confervation.,-fanji^ écToir en rendre compte à
perfonne. — Voilà donc les raifons , dit le
Compère , que vous avez à alléguer pour ap-
puyer vos injuftices & vos vexations ? ô Nations
policées ! . . . Hélas , divine Liberté ! quand eft-
ce que .... Le Compère "alloit continuer; mais le
Commanda&t fit figne à la garde qui nous avoit
amenés dé nous reconduire au cachot. -^ ''^
* Le lendemain nous fûmes préfentés derechef
devant le vieux Allemand , qui nous interrogea
chacun en particulier. Le Compa-elm tint à peu
près le même difcours que la veille, & Penvoya
promener; Père Jean voulut le battre ; Diego le
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laS I. B C O 3» P F » E
traita d'hérétique , & moi je dis qtf ils avoie^t rai
ibn tous trois. Après cet examen 0011s fûmes ren-
voyés en-pri(bn.
Quelques jours après , TAudireur dont f'aî par-
W plus haut, vint nous, annoncer que Ton n'avoit
rien trouvé à notre charge touchant Pefpionnage;
mais que cpmme nous étions des impertihents qui
aidons menti à TOffiçier de garde , qui avions plu^
'fifurs fois perdu le refpeft dû -à fon Excellence,
<|ui Tavions infultée , nous étions condamnés à
I^affer une raufie (i) fur laplace d'armes de laville.
A cette terrible nouvelle Diego fe mît en prière;
le Compère pefta de plus belle contre la perfécu-^
tion et la tyraitnie ; Vere Jean fe fit apporter un
fearil d^ bière & but le refte delà journée &: toute
la nuit. Pour moi , je m'endormis ^ en attendant le
régal que Ton de0inoit à nos épaules f
Xe lendemain matin un détachement de %<TGrt*
nadiers vint nous prendre , pour nous mener où
Ton nous attendoiti L'Officier qui commandoic
cette troupe nous dit , en fortant de prifon , de
jnous réjouir ; qu'au lieu de 800 hommes que J'on
avôît eoRi ftmri d^^^gurJ- exécution^ il rfy en au-
roitque78o; qu'au lieu de^rtMfs que nousde-
TÎohs pai!er,n6us n*en palTqjons que ciffq;&
fue par le calcul' qu'il avoit f\it ^ nous ne rece-
vric^ns chacun que quinze millefix cents coups d'é-
* trivteres , au lieu de dix^neuf mille deux eents que
nous aurions reçus, fi le Père Confefieur de foo
fioccelience n'eûir intercédé pour nous , & neTeât
porté à adoucir notre fentence.
Cette épouvantable confolation fit' un tel^ e£Fet
(j) C'eft ainfi que lés Allemands nomment Te châti-
ment qu'on appelle en France , p^jfcr par les haguettes.
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mr^'^^'^r^fh'-"' if.^*'!'- .1 ■ 1 «^^^m^^^^
- -M iH y Br r E u., * -kc^
Air men kidWVdH , qu'à rînft^nt ItisEr^ifs i^ maT
yambe gaseke fe retirèrent , & j« ftmdemeiîré bm^
teu« depuis ce temp-là. Comme c^eflun £iit
coaflaflt y je prie en paiTant Meflkurs les FbjpiiH
ckns d'exercer leurs fpéculatimis Air ii» phœi»*
jnene iHiflî' fingulifr.
Aubrult qui s'était répand» qu'on. alIoJC texh
geter Tom^plate de quatre Phil^fophss^ ^<]|l"^
reeonneiAaiefit point de k^i , qui fij'étaâem A^
,cun p^ysy il s^étoi^i aflbmblé ua peifpW kionoi^
br.able pour afBAer à Te^écution de quaree kooi-
ji»t$ qu'il s'étoit figuré devoir êire exrjrMrd»iai^
res & autremem fait» que d'aotres.
C'étoit au milieu de cette multitude .qm a«i
gardes nous <^oiiduifoîem. P^re /n?^ fumaiiH fa
pip€ f marehoit d'un pas grave & allure t h C0tm^
p€re le fuivoit en juraiiit ;Z}/é^o priait. Se moi je
pleurois^ Nous approchions de l'endroit f^tâ: fit
ou fauit maudits Tambours préludoie^t ié'ji ïé
marehequ'ils ail oient batrre pendant le régf^l done
on fe promettoit d'honorer notre pJiilofophk^
iorfque tout-à-coup Père Jean fcnverfe qxajitreÊrr^
jaadiersde fa droite & fendit la preflè : le Comper$ ^
& Diego h fuivirent ; j'en fis de mime » Se tn quiait
tre pas nous nous trouvâmes dans uaeliglife ^isn
à-vis. de. laquelle apu« venions d'ai'river (l ) <&:
d'où^ no<i gardes nîofcrent not^ tir^r-
Lorlqiie naus faillis dans «e liçu. Pan Ji0k
s'écria: iPar la vertu Àt fyintÀdkelmel )e f^tniar
biejQLqn^ )$ m,e meioi^ .4e cctta «iair^e-ck yj^hosir*
". -J ; ^ » ^ - . \'-"'
. .(i)iOamiE«tmnpsqQe coKe fiY-entute arrtm» hrSgUM
^^y/le^Couyoïr^Jei Cimeti»pes_de9 Pay&-Bâ» ^uii^«r
<^efi^jétotQnt dç$;afy]es pour certain^ cxiltûi^'^^MM^
il s'qII £ût dcpi^U cji^eique changement à* ce rujiof.
^5 ^
, Google
rijo^ Le C o m b e 'r e
me telque moi ne perd jamais la tête , dans quel-
que péril qu'il fe trouve. V ivent les gens d'efprît _,
«^morbleu ! Pour toi, ditil au C&rnperej tu aurois
.'jbrc long-temps avant que tes imprécations nous
•euflent épargné la millième partie des coups que
nous allions recevoir. Et toi , pi^ux bavard , dit-
•iJàD/V^d,'j*âi bien voulu être ton ami, ton pro-
«deûr; je le ferai même toujours ; mais c'eft fous
cette condition que de ta vie tu ne compromet-
tras la perfonne de Tere Jean avec les Comman-
dants allemands. Diego reçut cette mercuriale \ts
-yeux bailTés , fit une profonde inclination , & coti^
tinua fa prier« que Tévénemcnt n*avoit pas întcr-
Tomptfe* /
j Nous fûmes à peine une heure dans cet afyle,
que nous nous vîmes fournis de vivres au moins
pour quinze jours. Dans Taprès-midi un honnête
Cordonnier nous apporta pi us de cent quatre-vingt
florins d'une quêté qu'il 2i\oit hitt pour de pati^
vres Fhilofopkes qui étoient en franchife. Il nous
dit que les Confrérifis de TEglife où nous étions
s*intérefloîent pour nous auprès de fon Excellen-
ce, & qu^elles efp^éroient d'obtenir incefflammcnt
notre délivrance. Nous remerciâmes le Cordon-
nier , & il partit.
. Vèris le foir le Curé d^ cette Eglîfe vint nous
voir.Commeil nous trouva caufant, il nous dît
#uri fonbrtifque, que nous devrions bien refpec^
fer le lieu où nous étions, & nous fouyenir que
Dieu y étoitpréfent.-*— M. fe Curé, dît lejCWi-
père , I)icu n'eft pas plus préfcnt en ce lieu qu'ail-
leurs. C'eft un Être parfait , îmmenfe , que rien
Bc peut contenir que faproprc immenlité: il ne
peut fe divifer ni s^étendre^ ni fercft reindrc dans
aucun lieu, — Tu es donc un hérétique , dît le
Curé? Je ne fuis nî hérétique, ni orthodoxe , ré-
dby Google
!■■ "rifai
'^ "' - ^''^f'^fm^im^
-Mathieu. . 13^
- pondît le Comperé; je n'endofle aucune livrée die
^pani: je fuis ce que tout le monde devroit être;
-jç iuU philofophe. — D*où vient donc Pafyle
.donc tu jouis , maraud ? — Il vient , répliqua le
Compère , de l'ignorance & de la méchanceté des
hommes. Uétabriffement que Afo/yi ( 1 ) a fait des
afyleipour des perfonne^; entièrement innocen-
tes, eft une preuve de ce q|ie je viens d'avancer.
Si une perfonae 4yoit comipis nn homicide in-
nocemment , devrait- il ch^r^cher d'afyle. ailleuVs
qu'aux piedi 4e la Jufticjç , & d'autre protedioa
.que relie deslotx? Mais de tout terops.lcs hom-
mes ont été fots , injuftes, méchants, &les loix
tyranniques ou infiiffifatitts* Ce n'cft pas tout :
•indépendamment de la caufe vicieuie qui a pro-
duit rétiabliflemeat dcj afyJcs , ce» afyles font de-
venus leux-mlmfes la. fource d'une infinité d'abus
afFrejux : les plus grands fcélérats y furent à l'a-
bri de toutes potrrfuites » & exempts de toutes
.pcî»cs (.2 V N'vàllonsr point chercher des exem-
ples, chez les Payiens ; arrçtpns-nous au Chriftia-
nifme. Pour le pou,qMe. vous ayez lu ailleurs que
dajjs votre bréviaire , M, le Curé , vous aurez vu
liue la coutume ayant ,;dè;s Iç règne de l'hypocrite
Conftantin , fait regarder les Eglîfes comme des
lieux de refuge , TKeodôfe & fes fuccefleurs fu-
rent obligés de rcjftfeîndte <Ste privilège , qujon
avoit étendu à des gens' indignes de toute pro^
teâion : mais ces loîx , ni ceîies que Jufiinun fit
t ■- ■ ■ g ■ - i ' • r~ ^
. . ( ï ) Voy^S^ que dit ft-deflus., G*o.tius ^ tib. IL
çap. XXI, §, j. (f LE Clerc .yî/r Us Nombres
;xxxv:. 6. . ^
(X) Voy. VHift. dtVAcai.des InfcnpU dr. Tcm. V^
Edit. de la Hofe^ p, ja, & fuiv»
F 6 I
^by Google
13a ' Le Compère
là-defiîss (ong-tcmps après , bc furent poînt des
^>amcres affcz fortes pour empêcher que vous au-
tres , Mcffieurs les Eccléfiaftiques , ne ffflîez fer-
yir le progrès^ d'un abas li énoritte au deflein d*é-
tabiir votre propre domÎBatîon , & d'att^fiter fur
le droit du M^giftrat. Vous aurez encore io , M,
]e Coté y que les conciles ouvrifést Tafyrle à toii^
tts fortes de criiftintls ,& le leur affurereot pai-
lès foudres de Peieconimunicatioâ qu'ils lancèrent
contre ceux qtit les en oferoient tir^ iS^^ ^^^
fouveraiitô Seigneurs Af Maîtres , les Papes de
Morne, ne manquèrent point de poulTer aufli loin
qu'ils purent rimmunité de ces lie^x , q\tt leur
prétendue faintet^ devroit ùrttt regarder comme
fouillés par une telle prôteâîiônî(ï );..... Qufen*
teiîds-tu , interrompît le Cufé, par ce fatras^ de
raplbdies dont tu m'eiinuies<? J'entends ^ dit le
-^ampère, qu'il eR étonnant qu*ôin ait établi des
aiyies pour recevoir tin homme ifui, apii&avoir
Commis innocemment quelque crime^fuitrespoiir-
fuites de. la }uftice comme:: celles d'uner b^e fë*
ecé ; qu'il eft eàcore' étdnfiâiit que ces lîewr de A
nSnés à être I^ rcfuee dès maiiieureuir , foientde*
Venus celui des plu^ g^rands fcéléraf s« J'enreads
( 1 ).Kojf. Jacques Go^K^am furie Code Théodo^
>a, ÏÀb. IX. Tit. XtiV. & XLV.r«w. III. ^t 3$6.
jfefeqq. Buajftus , Juri/b. Uifi. Sftcîm. ^ IJ. & ftgg.
p^ 1048 Si. ftqq, HsaTivs ^ JUgauM. Sufmtaiu
Xfrritor, ^. «.
Ceux, qui voudront voir ce quf concerice te Dtfiit
*AfVIc , qrfe leJ AmbatRdeui^s slittHbuent , pcmrrout
cpnfulter Tkomasius , DîJ, dt jure a/yii , Légat Mé^
htê ctsmpét. & le Traita d* BYNKnrSFOBE Ju^Juge
Çompiten$ des Awifaffitdeufs , Càag. XXI.
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--""-
M A T B I a 13^. . T35
^fifi qâli eft furprenant que des MàgiftrtfTs afliett
ignorants ou aÂTez fliéchânts pour 6oiifondiriB
Tinnocencâvec le coupable, foitfnt aflez fots ,
aflez foiblcs , pour refpeâier le vain afylc
d*un lieu qui n*a pas lui-même, te qui ne peut re^
cevôir de Dieu ni des horomeffi^impcrtinent privl-.
ïégc de mettra l'innocence à councert d'être traitée
comme le crime , êc le fcélérat à l'abri de la puni-
tion de fts forfaits. — Je Pavois bien penfé , s'é«>
cria le Curé en s^en allant , que tu étais un mau«*
dit hérétique !
Lorfque 1^ Curé fut parti , Fere fean dît ail
Cempere: Sais-tu bien , mon Neveu, qtse tu dé-,
raîfonnes; & que le galimatias^ dont tn viens et
régaler ce Prêtre pourroit en certaines ^ccà&oÉê
nuire à notre Philôfbphie ? — Je le fais auffl
bien que tous , ition Oncle , répondit- le Compère i
mais comme je me fùi^ a^^perçu d'abord que ce
Curé n'eft qu'un ignorance , je îi'j ai* poiiit regar-
dé" de fi près. Je réferve à railonner en formé
loHqûe i'ain-ai affaire à des* perfonnes' raifonni^
Wôs;^— Hélas; dit Diegtf en s'adreflkît tfu^ Conhi
père y eft-il polfible que le^ gr^rnds hommes flfien^
aâffi leurs moments de foiblefle Se d'âveug^e^
nuentf Vote venez de dire q^e Dieu n'habiecf
point ici préférablemenr à d'autres li^tt^ ; à* là
bt»niié-iieure , c'cft qiie V^ous ne l'yvoye* pà^.
M^ h&Saiftfsi inon cherr Maître , les Saint^f
pourriez-vous dire au/Ii qu'ils ne font point ici
plutôt qtfe dids 4'aiitr«r lkv%} Nt voyea^vous
pas Jà-haut Saint Laurent avec fon gril , Sa/nt^
Crépin avec fon jtrancBet , Sainte Anne avec fa
quenouille ^ Sainte Apolline avec fa mSchôirè ^
jaitu Pierre avec fes clefs , fiint Paul^v^c fon fay
bre , faint Antoine avec ion cochon , ^ yîe/M
Atartin qui fid» T'aïu&âiie au Diable l Ne» vcyta»^
itizedby Google
7> -
1^4 X t^ C Oî*2MI-f> E H «
•vottsrpoînt là-bas y^i;^ CorneHU^zw cpU duquel
j>end. upe hardellée Weo: voto , qu'on prcadroit
pour ks brçloqu€s d*un Opérateur ^n l'on ne
favoit qu'il y a ulîc terrible différence entre les
,opëratioiis njiraculeufes d*un Saint & les prefti-
Jgts d'un ChaflatSim Ah > n^o^ maître , mon cher
-maître! fî ce Curé que vo us. venez, d'irriter >$'a-
,vîfoît 4c nous ex-çommunic* tous, que devien-
drions-nous ? NoUJt deviendrions aboqiinables au j
.yeux de Dieu , en horreur aux bon3 cathcrliques ,
& auffi maigres ( i ) que des chats dans'U faifon
des grenouilles. — Aura$-tû bientôt fini, dit
Tere Jtun k.VEfpagnol ? [q ctoyois que cetre af-
faire^ci t'auroit rendu plus raifpnnable ; mais, à
icc que je vois , ç'eft de mal en.pis avec toi. *-En
i:oi\féquènec de Tordre de Père Jean^ Diegai^ tut,
Lorfquela' nuit fut, venuç , «nous fbupàmcs fur
Jes provifions que l'on^noup ayoit fournies, &
nous fumes |iQus<:pucher d&^fi une vieille chapelle
pu les marguilli^rs nous avpientfait apporter
.quelques.bpttes de paille. Le lendemain de çrand
mAtin i nops apprîmes que notre grâce était ac-
cordée , & que nous pouvioivs pattiç*. l^Jn Sergent
& huit fuÇlicrs qui nous attendoient % là porte
de Téçlirç^ , nousentourei'efii.ç à notre c^v^> Apus
c<>ndu:ifirfiA|: hors de la ville; &c le Se^geot aoaîs
.fignifia-en nous lâchant, qu^ M. le Comma^aat
BOUS défendoit , fous peiâe de U vie y de remettre
le pied dans Mom.
Lorique nous fd^^s libres ^ le comperà MaihUfi
(i) C*eft une croyance aflez génà*alfement reçue
pai'ml ceux dfe la Communion ae Ffômé, , que lés
fonnes- excommuniées deviennent pâles, maigres',
fiantes , étîques j catochïmes , & qû'Hsp^flftût
jement a», bout dW certain^ tcmps« .
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*•
M A TT H I B V. /I35
nous dit CD foupirant": Je partîroÎ5 content ac
cette ville ; fi j'avois eu le temps de dire nui pen-
fée à ce Commandant alleniand ; j'cuffe volontiers
paflë la moitié de h^oufle qti*on nous deftinoit ,
pour avoir pw lui foire «ne difiertation en régla
iur le droit de la Nature & fur le prétendu droit
des Gens, & lui prouver qu*il n'eft qu*un fot,
qu'un brutal , un vrl inftrument de la tyrannie du
plus fort. Mais ilrxQusfit retirer au moment que
j'allois lui débiter tout ce qui me venoît dansTef-
prit là-defl\is. Ah ! mon cher onclé , fî nous fom-
mcs dans le cas de trouver fouvent des animaux
femblablcs fur la route de Ruffie, il vaut mieux re-
tourner en France. — - Père Jean répondit tjué le
malheur qui venoît de nous arriver ne devoit fon
origine qu'à l'imprudence de Diego \i\wt comme
il efpéroit qu'il féroit plus fage parla fuite > nous
pouvions hardiment continuer nqtre route j en
laiffant toutefois les villes Autrichiennes hors
de notre chemin. Le Compère tonfentit à la pro-
pofition de fon oncle ; mais il témoigna quelque
peine de ne poiilt voir Brtixeiksy Lduvain & Anr'
yerSj avant d'^arriver en Hollande, fere Jean s'ajp-
. percevant du chagrin de fon neveu , dit qu'il pY
avoit point grande perte en cela; que les Bra-
bâneons en général ,- ainfi que les Flamands leurs
Toinns, quoique fort honnêtes gens , étqienè le
peuple le plus fot , le plus vain , le pFus fuperftîi-
ticux de tpute l'Europe ; que pendant- que l'on
voyoit s'élever de temps en temps chèzk* autr<is; -
nations , même çn Efpagne , quélq^ae génie fubli-
ine , foit dans la Littérature , les Arts ouja Pbir
l'oitbphie , ces animaux Belgiques.crourpîfloieiit enrv
çarc dans la plus craffie ignorance , &ns onc \é^
riiar^ie , dans une indolence qui fait honte àrhu^
inanité: qae le» prétendus beaux Efprîts 4*1^ fe*
.Gi^ogle
I ji L s. C b. 1» p s R X
tcoUVoknt parmi eux n'érôient que de pitâyallle^
bavards, que h plus petit PhiWophe ctoté qui
court les rues de Paris mettroit à guia. Il ajouta
que /i lehàfard venoit à y produire quelque plante
- ^uî promît quelque bon fruit, la fupcrftitiofl Té-
i(Duffbit auffi-ipt ; que les Prêtres & les Moitfes j
étoieot trop nombreux & trop confidérés ; qn%
fUniverJjtas aima Lovanienjis j au lieu de donnçu
^ i fes élevés des prînc pes qui puflient élever Jeur
cfprit au moins jufqu'aù fens conumin , étoit ub
cloaque dUneptîes & d'abfurdités , un réceptacle
de mille fubtitités fcholaftiques & ridicules^oi^ u^
jeune homme qui auroit les moindres difpoiition^
cnjr arrivant, fe pervertiroit le jugement fans
reffource , & deviendroit inca^ble du moindre
l'aifonnement.Que pour ce qui étoit d'^/zwFjy tout
c^equi y rcfpiroit ne méritoit pa^ d*être vu*;que
ce qui pouvoit y intéreiTer ua galant homme ,
étoiènt Us peintures exquifes que Pon-y voyon
<fes Ruhnsy des Vat^ick , des Jordansy de ces pein-*
très admirables qui ^ après aVoîr îlluilré leur fiecle
& leur patrie , ont fait place à un tas de miférar^
Stes barbouilleurs , à des rapetaileurs de MÎejlJes^
croûtes , à d'indignes charlatans qui trompent îmt^
pudemment le trop orédule étranger ( i) , eai lui:
-■ : : ,— w^
(i )> Je n^ai ua comprehdi^ pourquoi Père Je^u^
s^emportoit plutôt contre les barbouilleurs àtÂna/en<
<]iie contre lër barBouilleurs des autres pays. Il efl
vrai que dans cette ville il y en a quinze contre un
afflèurs; Mais eft-ce au:ic bat1>oiûîïeurs feuts qu'il ftut
s^' prendre y ^1 y a tant de tromperie dans le corn-;
merce de Tableaux 1 Anvers , aif^ que bien- d'autres*
vîHeS', ne fbnrmiffet^tl pas* d'une quantité^ d^iratres*
brocanteurs dl^Tableaux qui ne ibntpasibaii)0uilleiu^?*
Cf^miae Pert J^an, hfétoit point un bonune'à fe laifibri
trcp qpeftionner , je n^ofiû ku demafider la raîfbfi de
cette préférence.
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. M A T H 1 « xr. / 137
vendant de mauvaifes copies ou quelques Enfci^
fnes à bitrre, pour des tableaux. originaux...r*,
avez^vous^mon eber oncle ^interrompit le Com^
perc^ que ce que vous dites-là touchant la vente
d'une chofe pour une autre , eft contraire à la
bonne philolophie? — Ma foi, je n*y fongeoîs
λas, dit Verc Jean : Or oà, que les Braianfons^
es Fiamands^ les Anverjois aillent à tous les dia-
-bies ; }e n'en parle plus : continuons notre route ;
nous parlerons à notre aife lorfque nous ferons ar^
rivés à notre deftination.
Nous continuâmes eifeâivent notre route , 8c
cela avec tant de diligence , qu'en trois jours 6c
demi nous arrivâmes à Amjltrdam.
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138 L K C O M P.E R B
CHAPITRE. XIII.
Rencontre d^ un ancien ami de Pçre Jean. Repas
cÀe{ deux Négociants Français. '
E>
iN entrant dan^ la Ville à'Amfierdam^ un hom-
me habillddjB bmn, portant une petite perruque
ronde , accourut fauter au cou de Vert Jean , Pem-
brafla trois ou quatre fois , &Iax dit : Eft-ce bien
toi , mon cher Vere Jeanl comment te portes-tu ?
Et qu'as-tu fait de ma femme ? A ce mot VeréJean
s'écria; parla freflure de notre faintPere le Pape!
c'cfl: n^on ami Vitulos : ma foi , je me porte
comme le Tont-neuf: pour ta femme , le diable
fait où elle eft. Le Père Prieur des Grands Carmes
de jRo/wrme Ta foufflée , comme je te l'avais ex-
croquéè. Que le Ciel en foit^)éni:ç.j'ai éprouvé
dans cette bccâfîon là vérité du proverbe qui
dit : Que nous ferons me fur es de la mime me-
'fure dont: nous mcfuroiis les autres y mais j'en
fuis tout confoié Et mpi je n'en ai ja-
mais été attrifté , dit Vitulos : tu m'as défait d'un
fardeau qui me pefoit terriblement fur les bras. Si
tu ne m'avoîs point enlevé cette forcière à tous les
diables , je l'aurois noyée un jour ou l'autre. Vive
la communauté en toute cliofc. Morbleu ! le droit
de propriété eft un droit inventé par Beeliibut
pour faire enrager les hommes. La pofleffion d'un
bien tourmente , fatigue , ennuie le poflTefleur, ou
tente , qu fait tort à celui qui ne le poffede pas. —
Oh ! oh ! dit le Co/wp^re ,Monfieur eft Philofophe,
"à ce que je vois? •— Oui-dà, répondit Vit dos ^
Se de la plus fine efpèce même. Ce n'eft pas ce
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Mathieu. 139^
dont il cft queftîon pour le préfcnt ; où allez-vous"
loger "i yi la Ville de Lyon , dit Tere Jean — Fort
bien , reprit Vitulos ; j'y Aiis logé auffi: allons ,
partons. Ce foir je vous mène tous fouper dans la
meilleure compagnie du monde , où la liberté, Pen-
jouement & le plaifir le difputent avec la bonne
chère : car je fuppofe que ces Meffieurs. qui accom-
pagnent mon ancien Camarade , font de fes amis.
— Vertu de froc! dit Tere Jean ^ crois-tu que
je voyage avec mes ennemis? Ce joli drôle que
tu vois eft mon Neveu ; c'eft Tarc-boutant du bon
fcns & le reftaurateur de la Philofophie : voilà fon
Coniparriote & Compert Jérôme. Ce long flandrin
efflanqué , avec fa phyfionomie At brebis , eft le
Seigneur -Die go- Arias-Fernando de la Tlatq y y
Mendnca , yRioles ^yBajalos , Gentilhomme Es-
pagnol , qui prie pi us Dieu dans un jour, que nous
n'avons fait pendant tout le temps que nous avons
été Capucins \ en général , ce font mes intimes ,
mes bons amis , mes aflbciés , & qui feront auflî
les tiens , îorfque tu le voudras. — Vitulos en-
chanté poufl'a un cri de joie ; & fans regarder s'il
étoit au milieu de la r\ie, il nous félicita & nous
embraflk tous l'un après l'autre. Ce qui fit bien
rire les* gens , & fur-tout lin boulanger vis* à-vis
de la boutique duquel ncnis érionï.
Lorfque nous fûmes arrivés à l'Auberge , Vitu-
los nous conta qu'il étoit à Amfierdam pour cer-
, taines affaires qui concernoîent la Philofophie :
xju'il avoit desliaifons fort ét|-oites avec Af. Domi-
nus y qui étoit Tagent des Révérends Pères Jéfuites
dans ce pays-là : que quant aux perfonnes chez
lefquellcsil vouloît nous mener fouper , c'étoient
deuxNégocîans François, demeurant cnfemble,
ayant chacun une très- jolie femme , chez Itfquels
il ï'étoic introduit lous le manteau de la JFrtfnc-
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Ï40 1 ï G O M P E R JÈ
MaçonnerUi 8c chez qui il avoit la liberté àt me*-
ner deux", trois ou quatre amis , toutes les fois
qu'il y étoit invité. /
L'heure du fouper étant venue, Vitulos nous
mena chez ces Mcfficurs , qui nous reçurent le pi us
aftèâueulement du monde , ainii que /V.efdâimes
leurs Epoufes ; trois autres conviés quj fe trou*
soient là , nous firent auIG beaucoup de poHtefTe.
Bref, Pon fervit , & depuis lon^-temps je nVi vu
une table fi délicatement fourme , ni de repas où
régnât plus de gaieté , où il fe dit plus de bons
mots, plus de faillies, enfin où Tefprit âc^'enjoue-»
«lent fe trouvèrent fi parfaitement réunis.
Lorfque le -defTert fut fervi , l'un de nos hô^c $
nous dîc , Meffieurs , je vous prie de nous er.cufer
fi vous n'avez point fait meilleure çhtre. Ccpcn-
âant je remercie k ciel lie ce qu'il ne nous a
t)ôint fait naître trois mille ans plutôt; car ii Ton
tri croit le bon-homme Ho;n#re, le meilleur cui^
fiûier de ce temps-là n'étoit point capable de faire
une faufle-robert. Tout ce que nous euffions pu
vous donner alors eût été un taureau bouilli , ainfi
que fit Ajax à Agamemnon ; deux cochons rô*
fis , comme fit Eumée lorfqu'il régala Uirffe. —
Mopfieur a bien des bontés ', àitViego : je prie
Saint Barth, • • Monfîeur a bien dés bontés^, a^
furément , interompit Père Jean ; mais fi nous en
vomIous croire le bon-homme Homère , il nous ca
Contera bien d'autres. Où diable auroit-il appris
ce qui fe fervoît fur la table des Grands , fui qui
étoit un Poète , & par conféquent fi.gueux. qu'il
n'a peut-être jamais mangé que des oignons , d«s
ftves , & des piftaches ? — • Fort beau , mon
Confrère , dit Vitulos , ayez meilleure opinion de
^cflîeurs les Poètes ; s'ils peuvent ignorer par
état ce qui fe fert fur la table desGrands, ils om
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• Mathieu. I4lr
le pnvîJége de le favoir par injplration ; Pea-
thoiifia(me donc ils font poff'édés quelquefois .
les éîeve au rang de ces intelligences céleftes , qui
connoiflent mille chofes fansle fecoursdes fens .
& dont les lumières étendues ont quelque chofe
de -divin. Homère , par exemple , a parcouru
toute la Méditerranée , & je ne fâche point qu'il
ait jam;ii^ vu de tempête : voici toutefois de quellt
façon iJ en décrit une au XXe Livre de fon Iliade.
Gomme la Compagnie n'entend poinrle Grec\
je mefervirai de la traduâion de ce paflage.
L'Enfer s'émeut au bruit de Neptune en furie 4j
Piucon fort de fon trône , il pâlit , il s'écrie:
Il a peur que ce Dieu dans cet affreux féjour»
D'un coup de fon Trident ne fâffe entrer le^ jour ,
Et parle centreouvert de la Terre ébranlée ,
Ne fàffe voir du Stix la rive défolée ,
Ne découvre aux vivans cet Empire odieux , "
Abhorré des mortels , & craint même dès Dieux.
Si du Gué'Trouin vîvoit encore , je lui défieroîs
de peindre du moindre de ces traits les orages qu^l
a eifuyés dans le cours de fes expéditions (ij.
( I j Et moi jç défierois Homère & fon preneur F/feji-
los de décrire , foit par infpiration ou autrement , non
pas une Tempête , mais certains petits morceaux de
chair qui nous pendent fous le nez , auifi admirable-
ment que La{aretli les } dépeints dans le Sonnet fui-'
Gran foftegni de! mondo » aimi Coglione ,
Del Celefiè Fattore opre ingegao(è 1
Da caricare i picciofi Cannoni ,
Ond armato va l'huom » Palle focofe , ' -
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J4% ' Le Compère
Toutefois ^ mon cher camarade , les vers qnc je
viens de réciter ne font qu'un foible échantillon
du paffage original.
Mais ne reculons point jufqu*à H<}m^r^;n'allons
point fi loin , de crainte de nous fatiguer. Ne
voyons nous pas parmi les Poètes de nos jours,
{ qui ^ par parcntktfe , ne font que des Poftiraux en
comparai/on des anciens) ne voyons-nous pas , dis-
Robufti , ancorcîie teneri , Palloni ,
Con cui gluocan. trâ lor Maiiti , e Spofe :
Del corpo human fpermaticï Embrione,
Dé Venerei , piacer Fonti amorofe ,
Magazzeni vitali, oveNatura
rbuman feme ripofto , a i figli fuoi
D'afficurat la fuccefllon procura :
Ma la gloria maggior , chc tutti ofcura
Grincliti pregi voftri , è Tefler voi
Del fttto Don Ciccio Archedpo, e figura.
Cicceid. Sonn. iSj.
Homère dansia defcription qu'il hit de la mer en furie
.n^a eu befoin , comme le dit fort bien Vitulot , que
à*infpiration 9 Qu plutôt de fon imagination vive &C
impétueufe. Mais le Poëte Italien réuhit ici Timagi-
nàtlon la plus brillante à ce que l'efprit a de plus
profond , de plus exaâ 9 de plus poétique , de plus fin
& de plus élégant. Ceci foit ait fans faire tort à ce que
F/W05 entend prouver à Père Jean, Maïs je veux faire*
voit en pafTant que Pimagination efl un fbible avantage
pour un Poëte fansl'efprit ou le fentiment.
Noté du Révérend Ptre Gardien des Capucins de
Heaufle.
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M A T H I E ir. 143
je , parmi nos Pbëtes , ks ans perchés ay coin
d*un mauvais grenier , décrlfe en vers pompeux
l'ordonnance , la régularité , la magnificence , la
majefté d'un palais qu'ils n'ont jamais vu ; la dif^
tributîon , la proportion , le goût , la richefle des
appartements où ils ne font jamais entrés; la per-
fpeâive riante , les chefs-d'œuvres de marbre , de
jafpe , de bronze ; ks bofquets , les terraffes , les
canaux, ks fontaines , &c. qui embcllifl'ent des
jardins dont ils n'ont jamais approché? N'en
voyon«-nGus pas d'autres tapis dans leur galetas,
& plus poltrons que le Sojie à'Amphitrion , tracer
d'un crayon terrible Tébranlement de deux ar-
mées prêtes à le charger , la vioknce de leur choc>
le bruit des armes , le henniflement des chevaux,
les cris des combattants joints au tonnerre du ca-
non & de la moufquetef ie ; l'aflemblagc épouvan-
table de fumée y de poiiflîere & de feu ; k fpeâack
horrible des morts , des mourant? , des corps &
des membres palpitants ; en un mot, l'acharné-
ment des vainqHeurs, la rage, le défefpoîr den^
vaincus , toutes ks horreurs du carnage , & la fui-
te d'un combat dont l'effroyable tableau tracé par
des vers dignes d'un tel fujet , fait autant d'effet
fut notre ame émue , que fi nous étions les fpeôa-
teufs de l'aôion même ? D'autres ,. couchés fur un
grabat , plus tranfis qu*amoureux , nous peignem
d'un pinceau léger, mais plein de feu , les ten-
dres dîfcours, ks baifers amoureux, ksplaifirs
vifs & doux , les ravifl'cments délicieux de deux
jeunes amants , à qui le hafard vient d'accorder
pour la première fois une nuit tranquille, une
nuit favorable à leurs defirs & à leurs amours. En-
voilà aflez , je crois , pour prouver à l'univers
entier , qu'en vertu du- privilège^ de la poéfic,
rAutcuc. de ri/w<fc pouvoit favoir par une e£»
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1^4 Le Ç o m i z h e ^ ^
pëce d'isfpîratioa c^ qui devôit woir été (iervîruf
la table à'Eumée8cd*34jax ,. aHoiqu'il vécm plus
de trois cens ans fprès CCS âeros —L'Ami , dit
• Fere Jean > tu fcrois bien de. boire un coup ,
car tu vas t'enroucr. Après quoi » tu me diras fi
dans ces cemps4à la nature n'avoit pas àufli abon^
damment pourvu qu'aujourd'hui les champs , les
rivieçes & les bois, de tous les animaux , de tou-
tes les produâions de la terre, dont nous favons
fi bien garnir nos tables»
< VUulos , au lieu de boire un coup y en but deux
& continua ainfi ;
La nature a été de tout temps aufli abondante,
auffi variée en fes produôions qu'elle l'eft aujour-
d'hui. Il y a eu de tout temp^ des gens riches ,
^ .Se même des gourmands , puifqu'£y^fa Vendit fôn
patrimoine pour un plat de lentilles : indépen-
dammebt des gens riches éc àts gourmands, il y
eut des cuiiiniers ; mais ces cuifiniersétoienttout
au plus des marmitons , en comparaifon des cui-
iiniers François d'au jourd'huii. fur-tout de ceux des
Eccléfiaftiques & des Maltôtiers , race de gjcns
qui ne vivent que du malheur d'autrui, aînfi que
les Médecins , les Apothicaires , les Avocats , les
Procureurs & tant d'autres qui ont la confcien-
ce aux talons , & les ongles crochus comme les
éperviers.
La cuifine des Anciens n'approcha donc jamais
de la. nôtre. Pour le prouver , je commence par
Abraham , qui n'étoit cërtainement.pQint pauvre,
puifqu'avec (on nionde feul , il battit le Roi Chor-
dorhhomor 8c fes trois confrères , qui avoient eu
4'audace de s'emparer des biens de de la perfonne
de Lotk (on Neveu : x)r ce Patriarche ne donna
^pôur tout régal aux trois Anges qui vinrent lai
, rendre vlfice dansla vallée de Mamiré » qu'un veau
grillé
DigitizedbyG06,qIe j
M A T H I £ V. tA$
grillé , ciniquantc-fix livres de pain cafit fous U
cendre , & quelques pintes de Boter^Mtlk. De tels
hôtes méritoient cercakiement bien un régal plus
Jionaéte & plus délicat; mais At^raham ytouthot^
ÎàcaUer I tout généraux qu'il étoit , ne put faire
.'iinpoffible Çi). ,r
Les 'égyptiens n'étbient vraifemblablement pas
^eux , puifqu'un de leurs Rois fit délivrer pour
plus de quatre millions de florins d'ails, d'oignons
& de poireaux aux ouvriers qui bâtirent la grande
Pyramide que l'on voit encore aujourd'hui a quel-
ques lieues du Gnind Caire : à en juger par une
dépenfe fi extraordinaire pour un fuiet fi peu im«
portant en foi., je répète donc que les Egyptiens
^dévoient être des ^ens à leur aife , mais qui fai«
foient très- mauvaifè chère. Ils avoient fait d«s,
Dieupc de plufieurs animaux ms^ngeables , ain£
que des légumes les plus ^écefikires à la marmite»
f a) D'qù il réfultecncoirevnc grande diminutioft
iur la .variété , fur la muUiptiç ité des mets.
(I.) Lesifraëlites , poftéri<;urs à ce PàtrUrche , ne fu-
rent point meilleurs cuiliniersque lui; L'on ne voit dans
leur repas ni fauces ni ragoûts. Leurs pins grandes déli>*
ces étoient le lait & le miel,
(ik) Qtds nefcit t- qualia démens
'Mgyptus porunta colat T Crocodilon odorat
Van hac : illa pava faturam firpeatlbus Ibin.
Effigies facri nitet aurea Cercopithecï^
JDimidco magica refonant ubi Memnone ck^rda {
Atque-yetus Tkebe eentum facet obruta portism
llUc £aadeas ^ kic pifctmfiunUaU yiUkk .^^
Oppida tota caaem venerantar » nentê Dianam^
Forrum ^ eœpe nefas violare^ aut frangerewrpi
Ofanâas genUs ^ quibui hac hafcuntur iu àorti$
Tome /» G
dby Google
mm
t46 * LlCéJMrtERK
Caries animaux & k« plâmesqUlavoientk bon-
Iieiir d'ttreîfiftrrits dans le Catalogue de z^% Dietix
^toient fâcfés , & l'on n'y |K>uvoit totfchcr. ^11 s*cft
même vu desoccafions , au rapport ^fUroàùtt Se
àt'VJùdGtre^ où la difette:fut"6 grande qw lèsSgyp-
tiens fe mangèrent les uns les autres , 'plutôt q^'e d&
Mettre une de leurs -'Divinités au pot. De (Jirte
^«e dans ce pays-là il valoit'mieux être un Bteitf
i^u'un HMtrme. '
Pour les animaux doïtt les :Çg'yp/rf/z5 pouvoicnt
manger , ils en rejett^iefit la tetc t autant de dimi-
nué encore. Le côdhôft-étoit réputfé immonde ;'<de-tà
point de hure peureux ,- point de Jambons , point
d'oreilles ; de-là', ftî kngws foUrréè^s , niboudins,
ni fauciffes, niàndottilles ,.ni ccrVelas , p<>iiic de
l^ieds-de cochon à^^ k feinté nvcnôud , {)6int de
€«rré au petit lard ,poi«t d'échinées éâ ^ètdattes^,
point de poulets piqués , bardés , lalrâés; point de
4fietsenfin , foit râtis i foit à la braife , (oit en ra-
goût yoù le ford entre aujourd'hui pour le tiers de
•ïaflaifoiTnetrtfefet. ^ ;^ ^
Aptes avoir/p^rlé du P^trîaChe /rfir^A/f/n ^ dçs
^Egyptiens , je viens aux ^jpyriens. Ces Peuples
paflbient leur vie dans la {enfualité & les délices
de leurs ferrails. Ppur peu que l'on ait lu , on fe
reflbu viendra de^ galanteries de Sémiramis\ à^ la
moUefle de ifinias & de fes defcendants. Leurs bâ-
timffttsétoient de ladernière magnificence -; le faA
te , le luxe Lesenvirotinoient de toutes parcs ; pour
Içiffs rep^s, il .y t^gApit plus de profufiûn & de
confuClon dans Je feryice , plus d'emportç ment &
. ( ■'- ■ ■'' - ■'' -•- '••' • -•'--■----
Jdtnfa, Nefas Ulicfuinn fu^Uurc fafHlà» Juv.
' 5at.XV^
DigitizedbyGoOQle
M A t H I s t. l£f
de diflbiueion parmi le^ conviés, que d6 delicateflis:
& de civilité : témoin ce qu'en rapportent j^lufieurs
Auteurs , & nommément le Prophète Daniel yXori^
Îu'il parle du feftin que Bdltha[ar doûna à toute fa
Jour.
Quant aux Méies , Ton voit dans la Cyropéâîe
de Xénapkon^ que leur table refTembloit aflez à celle
des Babyloniens.
Pour les Grecs , il eft prouvé que dans les fiecles
héroïques ils h'avoieat ni cuillers , ni fourchettes ,
ni nappes ) ni ferviettes : ils tnangeoient avec les
doigts comme le bon Vere Adam y & s'effuyoienC
à leur barbe comme Mathufalem. Il n'étoît point
queftion 4ans ce temps-là de gibier y de volaille;^
ni d'oeufs. L'on n*cn voit pas même paroître fur
la table des Amants de Pénélope , qui étfcît bîeà
les. plus friands coquins du temps. Il en eft de
même des fruits & des légumes. Quant aux poil^
fons y ils les méprifoienr tellement que dans Pa-
diffée y Ménélas s'exçufe d'en avoir mangé fur ce
qu'il étoit réduit à la dernière néçeffité. Aujour-
d'hui l'on fait i^loire d'avoit^Arr la table un bon
Efturgeon.
De tous les Grecs poftérieilrs à ces tenfpsdiéroï-
ques, il n'y eut 4ue les ^/A^m^/is qui débarbouil-
lèrent un peu l'Art de faire la cuîfine. Tout ce
qu'on nous conte de leurs feftins. , confiftoit toute-
fpis plus dans l'appareil du fervice , que dans le
choix & la dârcateifre des mets. Si quelque chofe
. pou^^it f^ite défîrer à iin;£|Jant .honm^ixk fs
tfouy^ràjeurs r^p^si» c'^toit les converfatipns en-
jouée^i ^ fayafitj^s qui çccupi^ieai: Iç^ ççMiivivcs ;
mais par pialheur ilne s'y trouvait point de fem-
mes, £Jfi,! peut-on trouver un repas agréable , s'é-
cria toùt-à-coup Vïttthi , où ce Sexe enchanteur
ne préfide^?pa^Convéti€s ^^ttèâ cher Ptre Jean ,
G%
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.148 LeCompeue
que quelque dëILcâCcmeat compofé que foît im
plat , il n'eft rien en comparaifon de ce qu'il de-
vient, lorfque ce qu'il contient eft fervi par une
tnaia telle que celle de Tune ou de l'autre de nos
deux charmantes HôtcfTe^ Que de charmes ! que
de grâces 1 dans la difleâion , le choix , Tarran-
gement des morceaux, & la manière de les pré-
lenter. main blanche ! main, mignone & dodue!
continua-t-il eii fe jettant fur celle de la Dame
qui ëtoit à côté de lui, que votre vue eft féduî-
fante, lorfque ce qu'elle daigne nous fervir eft ac-
compagne d'un donx regard , d'un fourire aima-
' e ces grâces çnchan-
toutes les. fauffès,
qtiinteflencc des ragoût i les plus
exquis , que l'art des çuifiniers ait inventé de-
puis le déluge jufqu'à nos jours.' Oui , char-
.mante Hôteile, c'ell de vous que l'on pourroit
.4irc : ^ ,
. I-cgratie,raccpgIienze, iriHc qifanti
p,)f .Modifondiy^bezzaele^iad^ia.,
Il fuave parlar : gl'aiti ièmbiantl ,
- î^ ' V la. b^kate , i( valor , la xortefia , ♦ -
* Il fenrto , e II coftuml honefti èfanti ,
*' ' E tutto quel che diiaàdat(p fia
, Con quanto di valor piôvano i dei
'; §'a€coglieèfàiorun^lqdèinlei. • j
- i Et Véys -, dît - iî:<Ai^adrefl'ant à-J'aiitrfe Damt ,
•tféft-tfé'^int'de votfeSîVinci>erfoline qM^Oitapio
V Rirmciïin parlait autrefois Ibrfqu'il difok :
. . Uorcdel crin , h maeft^ 4^1 vïfo;
VJ V mJ^ porpqrâ '^'jabbri ,• ï^i^ degU occhi ;
, \ IH ia frpntft W.f of€t , e'î.iîel i>îu?çi&-i.
Digitized by Vj005^1C
M A T H I 1! IT. 14^
t'arco del ciglio , che faete fcocchî ;
Xa voce , e'I gefto, e'I pôrtatnento , eM rifo v
II gnardo , che ferifce ovumque tocchi ^
La grazîa fua , la fua virta divina 9
Fan deir anime altrui dolce rapina.
Or cà , dit Pfre Jean , auràs-tu bientôt fini ? Je
croîs fort que ces Dames s'amufent plus des dou-
ceurs que tu leur débites , qwt de tes rapfodics fur
la euifine des Anciciîs ; mais icais-tu bien que voi-
ci leurs maris , qui pourroient tort bien ne point
prendre toutes ces gentilleiies fur le aiême ton.—
Nos Hôtes ayant dit à Père Jean qu'ils connoif-
foient le Pèlerin depuis long-teras ; qu'ils ne s'eff»-
rouchoient point de tout ce qu'il pouvoit conter
à leurs fenïraes; & cesDamesayaJU témoigné que
cela leur feroir plaîfir de Tentcndre continuer à
raifonner for les Anciens , Viiulos reprit fon pre-
mier iujet & dit :
Puîfquc ces Dames veulent bien me permettre
de continuer, jepafle à la cuiline des Lacédémo^
niens. Cette Natiori mangeoit en public ; \zs ta-
bles étoientdidribuées parquînzeperfonnes^aux^
quelles on donnoit tous les deux jours unboiflcau
de farine , huit raefures de vin , cinq livres de froi-
ma^e. ,deux livres & demie de figues , & quelque
peu cle monnoie pour l'apprêt & l'affaifonae-
ment. Ce ne fera certainement pas encore ces
gens-là qui donneront gain de caufe à ceux qui
voudront foutenir que lacuifine des Anciens i'em-
portoit fur la nôtre. Des ÏMcédémoniens je retour-
ne aux Athéniens y pour vous dire qu'après ceux--
ci Its Romains fon venus , qui renchérirent de
quelque chofe fur la euifine des premiers ; mais
encore n'étoît-ce rien que la euifine des Romains
en compàraifon de la nôtre.
- ,G3 ■
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i^ LbCompxils
Savez* vous^ bien , Monfîeur Vitulos , dit le
Compère Mathieu » que vous pourriez bien vous
tromper dans votre calcul y & que l'on ne doit
point tout-à-fait juger de la façon de manger d'une
Nation par quelques traits que Ton en rapporte ?
non plus que Ton ne devra juger un jour delà ta-
ble des Rois de Suéde du dix-fept & du dix-huitiè-
me ficelé par celle de Charles XII.
Je ikis cela auffi bien que vous , Monfîeur le
Philofophc^ répondit Vitulos. Il y a trente ans
que j'ai lu dans Lamprides y dans Ammien Marcel-
lin. & autre»i) que des Empereurs Romains » tels
qu'on Trajan , un Adrien ^ un Alexandre Severe ,
un Julien y fc contentoient fouvent à leurs repas,
lorfqu'ils étoient à l'Armée , d'un plat de pois ou
de boullic ; & je n'ai point jugé pour cela que l'on
ne mangeât alors que des pois & de la bouillie ;
non plus que je n'ai jamais jugé de la bonne chère
des Italiens du feizieme fiecle , f)ar le Pape Adrien
irj.quine raangeoit ^w^àwStokvis^
^ JDe tout cela enfin , je reviens à dire qu'il y a
trois mille ans » ainfi qu'auparavant , l'on fe con-
^moit de groiles pièces & de bon appétit pour
faufle (i). Maiv pour gagner ce bon appétit l'on
^availloit y & aujourd'hui tous ceux qui man-
Î;cnt fplendidement ne travaillent pa$. Je fens que
'on va me demander fi les anciens riches .travail-
loient ? Je répondrai que oui : & cela depuis le
fceptre jufqu'àla houlette. Reiecca alloît fort loin
chercher de l'eau dans une cruche qu'elle portoît
fur fes épaules ; & cette i^ei^cc^étoit la belle-fille
( I ) Le cochon rôti dont Vitulos a parlé ci > devant
€toitiUn cochon de cinq ans» & le régal de cinq per-
fonoes. HoMER. Odyffl
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M A T H ti E y/ ^^^^
d^ cet Ahrabm dodt j'ai parlé tantôt , 8r cmi e^oir
un Maître Gars ^ comme difentlcsNôrmajiàsul^
enfauf$.dc PWtf/;itirereBt-eux-r0nêmc5 de la^ rcmifc
le char'quidcvoit porter ce PriWe au Ç#mp 4%t
Grecs, Y attelèrent les mulets &les çlievaux , 4:
chargèrent deflus le cofFre qui conteaoit la rancoti
à!Heâor. L'on voit encore les fils d!Alcinoûs , Rqi
des Phéniciens , dételer les mulets du char de k
Princefl'c Nauficaa , leur fœur ^ & celle-ci partif: -
de làaireç fes femipes pour aller laver fe$,^robçS;à
la riyicre. A ces trois exemples j'en, paur^? ioi%
dre, cent autres < i ) j mai^ fcfperc qfeaq^^q jlf
jvîcn^ de dire fuÂira pour cette fois» ' \
Bois un coup, Rpbin-nvignon , dit TtreJ^m^
tu as de refprit comme un forcîer aujourd'hui.
Où diable as-tu péché Ja Litanie que tu viens de
nous débiter ? Si tq étois demeuré Capucin , tu
ferois auiourd'hui Général de l'Ordre. < \
n me lemblc , dit une des ï>ames, , que Mm^
fieur Vitulos a dit tantôt que les Poètes d'aujour-
d'hui ifé^Gi eût que des faeteraux çn c^Hnp^faifoif
des Anciens. }^ai toute les peines du monde à
(i) Tels , que celui de Saiil qui reçut la nouvelle dir
jJéril on étoit la ville àtlahestn Çalaad^ lorfcjn'il étoit
occupéàcondnireun toupie de Batxtfy.' R^g"^ îfiV. 5.
Celui, de Jacob , ^i &t de Beêhfabét iHéirmv',:{ dif*
tance de plus de aoo lieues ) feul à*pied r un blton à la
main , qui couchoit où la nuit le furprehoit, à^f^ettoit
une pierre fous fa tête pour luî^fervir d'brdll^* Cen.
XXXII. II.
Celui d'jFtfm^tf ^qn'VliJfe trouva fai faut des foulrers, &
qui avoit bâti lui-mçme les étabîes pour Us troupeaux
qu'il nourriflbit, OdyJT. 14.
^ Cflui-dc Géd^n, die Rutk, ^Elifie , g'Vlifft^ , &f%
&c. &'c.
G 4
dby Google
cro irctela ; je voudrois bien entendre !e GrecpoMt
en- juger. ^ . '
Madame , dît r>7rr/o5 , îl ne faut point -enten-
^dre le Greà pour cela : il ne faut ^v^q comprendre
quelqiie's tradudîons des piecies qu'ils nous ont
laîfTéès , avec ce que nos Poètes ont fait de meil-
leur ,& voufs verrez la différence. Sans parler du
fameux Epithalame quifait partie des Livre faînts ;
fans parler d« quantité d'autres morceaux qui va-
lent cent fois mtcux : qui approche aujourd'hui du
dhrn Jftiacr^on dans la manière de peindre Tamour
ikl yjû'îî'eft^ c'eft-à-^diref ,' tel que nous ne lé con-
noiflbns guère ? Les ouvrages de ce Poëte char-
■ifiânt nfeloht que des grâces , ne font que des
'fleurs. Quelle aîfance ! quelle délicattfle ! quel
naturel dans la Poëfie de la tendre Saphol écou^
tons-Ia exprimer la violence de Ton amour , dans
la foible traduôion d*un paflkge its précieux rcf-
tti que ftous avons d'elle. '
Heureux ! quî pfès de toi , & pour toi feu! fou-
pire! .. ■
.. . Qui iouU du plaidr de t'eoteiulre parler ; .
Qui te voit quelquefois doucement lui fourire :
Les pieux dans fon bonheur peuvent -ils Pcgaler ?
Jtt feos de veine en veine une fubtile flânie.
Coirrif par tout mon corps ,fit5t que je te*voîs ;
Et dans les doux tranfports , où s'égare mon ame
Je qe ûurois trouver de langue ni de voix.
Un nuage confus fe répand fur ma vue \
Je ne fensplus; je tombe en de douces langueurs j
Et pâle , fans baleiné , interdite , éperdue ,
Un fnifon me faifit •••.]€ .tremble. • • ^ )e me
meurs ,
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- Mathieu. ^ijj
Ataîs quand on a^a plus rien , il faut tout entrepren^
dre, &c. (!)•
Quel ordre ! quel admirable mélange de clr^
conîlances & d'incidens ! quelle harmonie ! quel
taMeau ! Où eft J'Amante dé nos jours qui fente
& s'exprime ainfi ? je dis plus , qu' puiflTe compren-
dre tout le vrai, toute ladélicateffe que vous ve-
nez d'entendre ? Ah , Madame ! il faut avoir le
eoeiif de Sapho pour apprécier tout It mérite de
chaque mot de ce che^d'œuvre tel qu'il eft dans
l'original. J'y renvoie les curieux : ilsle liront ; ils
le trouveront peut-être froid &HniÎ5ide. Ne vous
en étonnez pas , Madame : il faut de grands mots
aujourd'hui pour exprimer de p.etités choies ; mais
de grands mots font ouvrir de grandes^ oreilles , &
c'cft afl'ez dans le temps où nous fommes. — Mon- i
fieur Vitulos , dirent ces Dames , en tisJHt y il
fe fait tard ; vous nous^ permettrez , ainfl que tou-
te la Compagnie , de nous retirer. D'ailleurs, vo-
tre acharnement contre nos pauvres Poètes mo*
dernes pourroit nous dégoûter de lire leurs ou-
vrages , & ce feroit un plaifir de moins pour nous.
Bon (oir.
Lorfque c^s Dames furent partrcs , VituioscofH'-
( I ) L'original de cette traduâton eft un€ des plus
beîks Odes oe Sapho que Longin nous a cohfervée»
Mais comme cette Ode a paiTé par les mains de plusieurs
Copiftes & de différents Critiqiîes , elle a beaucoup fouf-
fei^t des uns & des autres. Lé Roi de. France en pofféde
un manufcrit très-ancîen , écrit fans diftinélion de vers 9
fans ponftuation , fans ortographe. L'on eiit mieux fait
de nous la donner telle qu'elfe eft dans ce manufcrit»
qu'avec tous ces retranchcmens , additions , tranfpofi-
^ons , changemcns , c^^Ifaac Voffius Se autres y oat
faàu
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mmm^mm
154 LeCowtpeee
tinua , & nous dit : Le Cœur des. Anciens étoît
tellement fait pour iTentîr , qu'ils exprimoient tout
le feu dont leur ainefenfible& vol upteueufc étoît
capable , )ufqucs dans les paili'onsles plus injurieu-
fes à la Nature & au beau fexe. Si nous ouvrons
fiiogent Laè'rce ^ nous y voyons de quelle façon
je mvin Platon s'exprime fur ce fu jet dans le fa-
ineux Diftique qu'il a fait fur fon cher Aga-^
Tout le monde fait qu'à Yinflar de ce Philo-
fophe & d'autres Anciens ^qui lui refl^bloîcnt ,
certaine Nation de delà les Monts fc pjqnc quel-
fluefoîi de s'égayer à ce jeu , & de rfmer fur ce
fujet ; mais quellrdifférence entre leurs Poëfics &
ce que les Anciens nous ont laiffié dans ce genre I
On peut voir comment Jean de la Cafa , Arche-
.véque de Benevent , & grand Pédérafte , s'il en
fut un, §'cxpliquefurxct article àsLiïsfonCapnuh
delforno* Quelles gi^offiéKLtës ! en comparaifon
de l'élégante & délicate paliffonncrie du Philo-
fophe grec. Cet Ai-cb^vêqfue étoit toutefois un des
plus polis Ecrivains de fon temps , un des plus fa-
meux Poëtes dufiecle de Dmnte^ du Taji ^dc/*^*
riofte Se du Cuarini: il étoit l'Emule an Ber'hi yà\x
Varchi , du MaurOy du Binoy du Mol/a ^ du Del--
et y aînfi que du Fir<n{uola , du fucil y du Caroy
idu Franco , du Cardinal Bembo & de iJretin pê-
ID«( 1 ) ; & tel que l'Europe n'ea^ point de pareil
aujourd'hui en fait de poliftbnneric , fi vous en
■ excepter Pirôn ; mais auffi , qu'eft-ce que ce Pîron}
J'ai vu des Grenadiers dans leurs corps-de-gardc
(I) Tous PoëtM plus ou moins libres Sc poliflonsduv
certains endroits de leurs ouvrage^t
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JW A t: H 1 E tr. rf5
rougît , eïi entendant lire certaiiisr de fei Ou-
vrages.
l'auroîs mille chofe à rapporter là^deflus , Mef-
• fieur^s , fi tfoîs raifons ne n>'oUigeoi€Bt à fiûir ;
t\ Ce que )e viens, de dire n'étant qu'une fimpfe
réfutatioîi de ce que mon Confrère Père Jean atôh
avancé fur l'ignorance d'Ho/nerc touchant là*ôuî^
fine des Anciens , & une légère preuve que les
Anciens étoient meilleurs Poètes que nous (i),
mon difcours devkndrait , fi je m'étendois d^
vantage, une diflToiticttion férkufe. en. forant , cm
plutôt upe plate & enn«y««fetapfodie , \me«oifl-
pilation inâigol1;e y xfui veusfatigtieroit fans votik
inftruire: car , foit dit en paflant ,.jc ne^fuisiA
érodit ni favant, a®. Il eft indécetit à to»ç honnê-
te homme de trop glofcrforle dentier article que
je viens de toucher en parlant de^ amour» dç Tla^
/cw2,dn goût particulier de l'Archevêqipe de Là
Cajk Se de leurs fe^mblables'; & ridicule à moi éê
trop m' étendre fur lès amours plushonnêtcs. A^A^
nacréonSdQ Sapho , puifqu'il ysL plus de deux ^M
<(iie. ji&neime fuis apç erau fi je vis ou fi je végète*
- — ' . I - -■ ■ r - . ■^- . • -. ■ ^ -^
\
(i) Si j'eufle ofé interrompre Monfîeur VhiH^s y je lui
aurois dit que cequ'ilavançoitétoitvrai en partie, mais*
que les Anciens n'ont jamais approché de nos meilleurs?
Poètes Dramatiques , em:»re moins du célèbre /tf'Fon-
uUne 9 dont les Fables font autant au^de^us de ce qtae h%i
Anciens ont fait de mieux en et genre 5 que la Htntiadè
de Vakairt eft au-deflus de la PucelU de Chapelain. ÎP
parokque Vitulos favoit cela auffi bien que, moi ; car ib
puife \ts exemples qu'U cite ici dans quelles pièces , <A:^
ii y a plusde ientiment que d^fprit , & tai^fTe là crfles^
ou il faut i'urr & l'autre, l'ignore enfin pourquoi en éle-
vant généralement teus 1èr Poètes aindens ja%]'au«u
niïBi«.il4ie*spa»le'd'a»i6oiv Pt^âfie^-Latiiy»,
G4: '
dby Google
1^6 L E C O H B ERE
Enfin il eft temps que je metaife , & il eft juftc
qufe chacun ait fon tour a parler.
Ma foi , dît Père Jean , voilà ce que tu as dît
de plus raifonnable depuis une heure que tu brail-
les & que tu nous étourdis. J'avois cru dans le
commencement que ce n'aurait été que pour quel-
ques çiinutes; mais lorfquc tu entreprends une fois
de prouver quelque choie , tu ent^ffès faits fur
faits, preuves fur preuves ,fottifes furfpttifes;
tu parles Grec.^ Latiaj Italien y Allemand ^ Efpa-
gnoly Hébreu j Chinois , Arabe ^ & tu ne fondes
point que tu aflbmmès ceux qui t'écoutent. Çà ,
buvons à U fanté de nos hôtes^ qui nous ont fi
bien régalé?. .
Xorfque cette fanté fut bue , Tere Teanàh au
Campirei Et toi , mon neveu , tu ne dis rien, tu
es Ja comme un hébété ! régales-nous donc d'un
plat de ta philofophie. L'un des conviés , qui éroit
usHolIandôis, ayant entendu parler de philofo^
phîe ,. demanda au Compère s'il n'étoit rien autre
que philofophe , & fî par hafard il n'était point
auffi Cocceiea au Voetien ( i). — J^ne fais ni l'un
( ï) Ces mots défignent les Seftateurs dé deux femcux
Thélogiens Proteftants , dont l'un fe nommoit Coccèius
& Tautrc Vœtius. Le premier fot profeflêur d'Hébreu ^
Brém^ ft patrie, puis à Francker^ & finit par enfeigner
la Théologie à Ltyde où il mourut en X669. On a de lui
de longs , longs , longs Commentaires fur la Stble , &
d^ëuires Ouvrages , imprimés en lo vo^. in-foHo , qui
ortt fiit jatitant de bruit «i Hollande , que s'ils en euOênt
valu la peine. Sa manière fâiguliere d'interpréter PEcri-
ture lui attira plnfieurs adveriàires 9 dont 1^ principaux
furent Voedus^ 8ç les Voetiens^
.Ce Voetiits iunt de HufJen : U affifta au Synode de
Dordrecht , & fut profeâeur eu Thédogie & e& tangues:
dbyGoo^qle
M A T H I E ir, ïy7
ni l'autre, répondit le Compère: jt m'cmbarrafiTe
fort peu de ces impertinentes opinions qui divî-
ftnt les favants , & qui répandent leur ridicule juf-
ques dans vos écoles. Je fuis un philofophe qui ,
par mes profondes réflexions fur la nature des
chofes , me fuis élevé autant au*def]H)s des préju-
gés des autres hommes, que le fokireft au-def-
îus des étoiles par fa clarté, j'ai étendu mes re-
gards fur tous les objets dont je fuis envirpnné
{i); j'ai pénétré dans les replis les plus cachés
Orientales i Utrtckt , où il étoit aiifli Miniflrc. On a dé
lui un grand nombre d^ouvrages, dans lefquels il die des
injures fi atroces à fes ennemis, & fait paroître une paflipn
&unefureur fi extraordinaires,qu'on leprendroit pour un
Energumene , fi Ton ne favoit que c'eft un Théologien
qui difpute contre un autre. Cet efbrit brôUiUon & opi-
niâtre ayant été feit Refteur de l'Uni verfité à^UtreAt^
2 m étoit Cartéfienné > y "fit àihwàTfi la Phiiofophic de
^efcanes , & fît paroître tant d'emportement contre ce
grand hoipme , que s'il eût eu autant de crédit en
Hollande que tatvzn en avoit à Genève lorfqu'ij fit hrâ^
1er Seti'et en faifant la grimace d'intercéder pour lui^
il lui auroit fait fubîrle même fort, & pis encore ,4'il
eût été poffible.
' (i) Quoique je ne fois qu^un fct, il mefemble que
Chiirron infihue dans îe I/v. //. Chap. Il, de la Sagejje ^
qu'il a entrevu \t% découvertes que le Compère Mathieu,
a, faites en Phifofophie. Ce Charron étoit un Pyrthoniea
iteffé: & du Pyrronifmè à la faine Philofophie, il n'y
a qu'un pas ; & lorfqu'il n'y a qu'un pas d'une chofe à
une autre, l'on n'a ordinairement point bçfoin de lu*^^
nettes pour voir de-l'unç à PautrQ. Ayant établi an
dommencement du Chapitre fufdit qu'il ftiit refrevoir
avec toute humilité Çc foumiffion les vérités que Ja Sagef-
le Eternd'Ic a révélées, fe conformer aux ufages,, aux
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^mim
ifê L ç C o »r p E R B
4c Vtfpfit Se du cœur de l'homme , & j'afi vu qiïe
Ttu^îvers entier étoit plongé dans TiUiifioii i
l'erreur , la malice & le mcnfonge.
-cMtatnes » fe iburnettrc au» Loîx , &c. en- un mot
s'accommoder extérieurement à tout ^pèrctquH en faut
rendre compte à autfui , mais que les penfées , ophiions ,
jugemens font nôtres & libres; voici comme il pr^po-
la les fondemens de fon iVA^>n^ dlnëiifFéren^e & dis
Scepticifme.
. Or le vn»» mo;^ d'obtenir & fe mai nt eni r en cent
belle liberté du jugement , & oui fera encore upe au-
^rr belle leçon & difpofition à la fagefle , c'eft d'avoir
«n êfprit uîiiverfel , jcftant fa veiië & cônfideration fur
tout Funiters , & non l'afFeoir en certain lieu ,* loi ,
coûftume, & manière de vie ( avec la modification fuf-
diéle, tant au croire qu'au fiire ) être citoyen du mon-
de , comme Socrate , & non d'une ville , embrafïant
Car afièâion tout le genre humain. C'eft fottîfe & foi-
Icfffe qne de penfer que l'on doit croire & vivre par-
tout , comme en fon vilage , en fon pays , & que les
accidens qwi.adviennent ici , touchent & font communs
au refte du monde. Le fot , fi l'on recite y avoir autres
créances, Côuftûmes, loix, toutes contraires i\cel les
^nh\ voit tenir- âr ufitér; il les abomine & condamne
promptement comme barbarie , ou bien il mefcroit tels
récits , tant il a l'ame afTervie auxfiennes municipales,
^ull effime être les feules vraies , nscturdles , univer-
felles. Chacun appelle barbarie ce qui n'eft. pas de ion
gmit & ufage ; & femble que nous n'avons autre tbu-
éhe delà vérité & de la raifpn , que l'exemple & l'idée .
des opinions & ufanccs du pays oii nous fommes.Or il
Ifc j&ut affranchir de cefté brutalité, & fefàut préfen-
ter comme en un tableau cette grandeimage dé notre mère
jRfature, en fon entière majefté, remarquer là dedans
un royaume , un empire , & peut-être ce monde ( car
c'eft une grande & authentique opinion , qu'il y en a
jitrfîears ^ cômiftô le tra;£V d*unc feinte très ûilfcâtè ySt
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M A T H .1 X U. 1^9
Vsti coûfulté THiftoire générale de toutes J«s
Bâtions policées , & je n'y ai vu qu'un mélange bi-
zarre de grandeur & de mifere , d'orgueil & de
y lire une fî générale & confiante variété en toutes cho-
ies^ tant d'humeurs , de jugemens » cr^ces , couftuines ,
loix tant de remuëmens d'états, changemeits de fortune,
tant de viâoires & conquêtes enfevelies , tant de pom-*
fes, cQjars, grandeurs évanouies : par là Ton apprend
fe cognoifirè , n'admirer rien , ne trouver rien nouveau
ny eftiange , s'af&rmer & réfoudre par tout.
Pour acquérir &'bbtenir cet efprit univerftl , eabnf»
libre, & ouvert [ car il eft rare & difficile , St tous
n'en font capables non plus que de Sagefiè'] plcrfieuis
choies y fervent : premièrement ce awi a efté dift an
livr^ premier de la grande variété , àifftrence ^ & iné<»
galité des hommes : Ce qui fe dira en cefbiycy , de la
Srande diverfitéies loix & couftiunes qui font au mon*
e ; Puis ce que difent les anciens de l'âge , eftats , tC
changements du monde. Les prefires Egyptiens dirent
à Hérodote , que depuis leur premier Roy ( dont y avoit
plus d'onze mille ans , duauel & de tous les fuyvans luf
firent voir les effigies en itatuës tirées au vif) le foJell
avoit changé quatre foi s de route. Les Chaidéens du temp»
de Diodore , comme il diâ , & Cioeron , tenoient re*
giûfe de quatre cens mrlle tant d^ans ; Platon diSt que
ceux de la ville de Sais avoient des mémoires par efcrit de
huit mille ans ; & que la ville d'Athènes fbfi bafiiemiK»
le ans avaik ladite ville de Sais. Ariftote, Pline ic au*»
fres> ;on dit que Zoroaftre vivoît 6000 ans avant l'âge dt
Platon. Aucun» on diâ que le monde efi de toute éteiH
fiité, mortel & renmfiânt Jl plufieurs viciffitudes ; d'à»»
très & les plus nobles Philofophes ont tenu le^moodepotir
«m Dieu , fait par un autre Dieu plus grand ^ ou bien ,
comme Platon aHèure 8c autres, & y a très grande appa«
rence en fes mouvemens, que c'eft un animal confpoféde
corps Se d'fcfprît : lequel efprrt Idgeant en fbn centre s'é*
faad pw noinbxes dt; mufique enft^clpcoi^eace , & féà
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l^^i
160 Le CoMPiïiK
bafTeHe , de profpériré & d'infortune , de cbnra-
gc ic de lâcheté; je n'y ai vu qu*un aflTetrbltg*
monfirueux d'opïnions qui fe heurtent, d'intérêts
pièces aufTi , le ciel , les eiloilles compofées de corps 8c
d'ame, itiortetles kcaufe de leur composition , immor-
telles par la détermination du créateur. Platon diâ , que
le monde change de vifage en t©ut fens : que* le ciel , )c^
eftoiîles fe changent , & renverfent par fois leur moove-
mont , tellement qqe le déviant vient derrière * TOrient
ft fait Occident. Et feh>n l'opinion ancienne ^rt auth«*t-
tique , & des plus iàmeux efprits, en raifon , il y a plu-
fienrs mondes, d'autant qu'il n'y a rien un& feul en ce
monde', toutes efpeces font multipltces en nombre , par
où femble n'eftre pas vrav fembîable , que Dieu ayc
ftiâ ce feul ouvrage fans Compagnon , & que «out toit
èfpuifé en cet individu. Que l'onconfidére aufii ce que la
defcouveae Àu'itionde nouveau , Indes ofientale?i.& oc-
cidentales , nous à apprinsrcar nous voyons presniere-
mefit que tous les aneieits^e .font mefcomptés , penfans
avoir trottvé la mefure de la terre habitable & comprins
toute la cofmographie , fauf quelques , ïsles efcanées ;
mefcroyans les antipodes : car voiià un monde à peu près
comme le noftre tout en teire ferme , habité , peuplé ,
policé , di flingue par royaumes & empires ; garny de vil-
les, qui farpafiènt en beaïïtc, grandeur, opulence, toutes
celles qui font en Afie , Affrique , Europe , il y a plu-
fieurs Hïilliers d'années. Et qui doute qued'icy à quelque
temps il ne s'en découvre encore d'autres ? Si Ptolo-
méc & les ancieiis ft font trompés autrefois , pourquoy
ne le peut tromper encore celui qui diroit que mainte-
nant tout eft ^efcouvert ëc trouvé ? Je m'en voudrois bien
fier en lui ! Secondement , nous trouvons qu'en ces nou-
velles terres presque toutes les chofes que nous eftimons
icy tant , & îes tenons nout avoir efté premièrement re*
vdées & envoyée» du çieî efloient en créance 6c obfer-
vànce commune plufieurs mille ans auparavantqu'en en-
flions ouy les premières nouvelles, Ibijt.^!^ ïàiâ de i-eli-
giouj , comme la créance d'un feul pjremier^ hoimaev per
dby Google
M A T H I « V. Î^I
qtîi'fecroîfent, de préjugés , de haine, de trahi- ^
Ion-, de vexations, de tyrannies; de cruautés^ de ^
guerres, de itieurtres , en un mot, de tous les maux *
iftCoti puifle Imaginer.
re de tous , du dijîuge univôrfel , d un D!cu qui vefqgit
autrefois en homme vierge iSc fainâ, du jour du jugeî
ment , dit purgatoire , refurreclion àts morts , obferva^
tlon des jeufnes , carefmes , célibat ^s preftres , orne-^
mens d'Eglife , furpJis , mitre , eau ^>enifte , adoration
de la croix , circoncifipn poreiMè à la JuiiFve & Mahomer
taiie & contnecirconfion ; par laquelle ils tiennent foi-
gneuftment &reHgieufement couvert le bqut de 'eur mem-
bre?,' eftirpantfa peau avec des cordons , affîn qu'il ne voye
& ne fente rair.Aufàiâ de îa'police,comme qne les aifr.çs
fuccédentà tout le bien; que le pourvenu à un beau & grand
[ grade prend uniiouveau nom , & quitte ^e lien; fubfides
tyramiiques , armoiries , faots de batte^eûrs , muf;q«e
d'inftnimens , Imprimcriç. Par tous ces difcours , nous
tirons ai fément ces condpfi^ns : que ce grand corps ,,
Sue nous appelions le monde , n^èft pas ce que nous pen-
)ns& jugeons; que ny enfon tout, ny en fes parties, il
n'eft pas toujours mefme , ains en perpétuel flux &
reflux/Qu'il n*y ariendift, ténu, creu , en un temps
& lieu, qui ne foi t. parei rement dift , tenu, creu, &
aofU contrediél ^ réprouvé , condamne ailleurs ; eftart
Tefprit humain capable de toutes chofes,- roui lant tou-
jours ainfi le monde , tancoft le mefme , tantoft divers ;
que^tôptes chofes font enfermées & comprinfes dedans
ce cours & révolution de nature , fubjeft à la naiiTance,
changement , fin , à la mutation des temps , lieux , cli -
mats ^ ciels, airs , terroirs. Et de ces conclufions nous ap-
prendrons à n'efpoufer rien , ne jurer \ rien , n'admirer
rien , ne fe troubler de rien ;.mais auoy qu'il advienne ,
que l'on crie , tempefte, fe réfoudre a ce poinél , que c'eft
le cours du monde, c'eft nature qui fàiâ des fennnes;
mais pourvoir par prudence qu'aucune chofe ne nous
bleflTe par notre fbibleiiè &la£cheté.
dbyGoo,qIe
li% L 1^ Ç O M P 1 & S
VïLi&om politique me montre lufau-à quel
point de faiifTcté , de fouplefl'e , d'irapoUure , de
méchanceté, d'ambition , un homme feul, ou plu-
fieurs hommes réunis peuvent parvejiir.pqur cexoy
mander aux autres ,& à quel point d'ignorance,
d'impuiflance ou de lâcheté i ces autres peuvent
être réduits pour fc laiffer mettre fous le joug. In-
.dépendamment de tous les maux qu'une telle au-
torité , une telle fujcttion entraînent dans Tinté-
rieur d'une fociété quelconque , cette hiftoire me
montre encore ceux qui décoalent des dîlTentions^
desquereHes, des guerres entr'elles, Se d'autres
fociétés fcmblables , pour des intérêts , des préten-
tions de propriété , de pofleflion , de commerce ,
ou par des motifs de point d'honneur, de jalou*
fie , de caprice & d'ambition.
L'hiftoire de la Jurifprudence me démpntre Ti-
nutilité, le*ridicule, lenuifîbledu droit de pro-
priété. Depuis rétabliffement de ce droit, îes hom-
mes n^ont encore pu déterminer la façon derTen-
tendre, ni là manière de l'appliquer. Chaqtie na-
tion a eu ks loix particulières lànJeHus , chaque
Îays fes coutumes, chaque Légifiateur, chaque
urifconfulte fes opinions différentes. D'où font
réfultés hs fraudes . les injuftices ^ les haines , ks
animofités , les déaalesde la chicane, la fortune
des uns fur la ruine des autres , en un mot ^ une
grande partie des maux que l'on connoit , daiis le
détail defquels il eft inutile d'entrer.
L'hîftoirede laphilofophîc, j'entends ici Iffphf-
lolophie ordinare, & non la mienne; l'hifloiie,
dis-je, de la philofophie m'apprend que re4>rit
humain infatué de fes préjuges , afl'ujetti à fe con-
former au^ opinions des autres , où menacé des
fureurs de la perfeçution , n'eft capc^ble que d'if»-
venter des abfurd.ités^jk do^chimeies^.
dbyGoo,qIe
, M it T H I K y. xii
L'hlftoirc de la médecine me feit voir à combien
d'accidents , d'infirmités , de maladies Thoramt
çivîlifé eft {u jet , en comparaîfon de Thomme faw-r
vàge , & à combien de plus grands maux il s'ex-
pofc encore , lorfqu'il fe met entre les mains de
cette engeance d'ignorants que l'on appelle Mé-
decins , qui depuis trois mille ans de difpute fiir
les caufes des maladies & la nature de leurs rerne-
dts y ne ibnt point encore d'atcord fur la manière
de traiter une fimple fièvre.
Enfin l'hiftoire de la religion m'ouvre en et^ier
le cœur & l'efprit humain ; & je découvre d'un
coup d'ceii à quel point d'erreur , de contradic-
tion , d'ignorance & de barbarie même l'homme
peut.;itteindre , lorfqu'en fortant de fon état natu-
rel , il prétend pouvoir étendre fa curiôfité témé-
raire fur l'Auteur de la Nature ( i ). Les uns après
(i) Un fameux' Ecrivain du cinquième fieclè , ooî
n'aVoîc en vue que h diffêrence des opinions ces
Philoibphes Payens fur la nature de la Divinité en
•parle ainfi :
Nec koc^fi admiratione di^wn , cumfetêmuiinHrifios
'. Thilofophos çimntafit de if fa Deorum Natum dijfenjto ,
quaniifqut diffutationum argumentes vim totam Diviniia^
fis cotientur evertere. Cum aliis Deae non effi dicant ; aln ^
effe quidem , fed nihil procurare àefiîùant ; alii » & tffk ,
& rerum nofirarumcuram proeurMonemque fufiipere^ •• ••
& tanuefint ki omnes in varietatt & diffenùowe s ut Ion--
gum & alienum fit fingalorum enumerare fentendas. Nom
alii figuras his pro ar^itriofuo trihuunt^ & loca affigaant ,
fedcs i tiam conflituuni , &'multa dé a^ottibus eorum vitd-
-que defcribuntt &omttiaquafada& confiitùta fimt^ipforum
arbitrio régi guhernarique pronunciant. Alii , nikil mo-
Mre , nihil curare 9 & ab omni odrrdniftrMonis cura v4K
€uos ejfe dixerunt : affefuntque ^omaes verifaniU quiddmn
Digjtized by VjOO^IC
r(?4 ^' CoMPîsiLx
cci recherches vaines , impuiflantes , ont dît qu'il
ti'y avoit point de Bien : d'autres ont dit qu il y
en avoit un , & ceux-ci dévoient s'en tenir là ;
d'autres on foutenu qu'il y eu avoit deux ; un bon
& un mauvais : d'autres ont prétendu qu'il y en
avoit quatre , fix , dix , quinze , vingt , plus ou
moins , maïs de diverfes cfpeces ^ de différens
grades.' Tous eilflé'^ de leur découverte , ont pré-
tendu définir la nature de la Divinité. Les uns ont
fait de Dieu un être indolent , ne fé mêlant de
rien ; d'autres l'ont fair foihle & ridicule; d'au-
tres avide & jaloux ; d'autres inconftant & capri-
cieux ; d'autres vain & cruel ; 8c tous enfin lui
ont rendu un culte analogue à la nature & aux
qualités qu'ils lui attribuoient.
. _- _ .-- '.^ .^ ' ^- - ^
^uoJ auditorum animas dd facilitattm creduHiAtis. inifîut.
TùLius FiRMicus Maternus , Aftronurn* Lib. I. in
Trarfat.
71 Ce que je viens de dire n'eft point étonnant, purP-
Sue nous connoiifons leurs .divifions fur la nature de$
>ieux,& Tes arguments par lefquels ils fem^lent s'effor-
cer d'anéantir la puiflance de la" Divinité. Les uns di-
fent qu'il n*y a point de Dieux ; d'autres qu'il y en a ,
mais qu'ils ne fe mêlent de rien;& d'autreis qu'ils fé mêlent
de tout ce qui nous regarde..... d'autres leur forgent d^
.figures déterminées , leur aflignent une demeure fixe ,
font une hiftoire de leur vie , de leurs iaclions , &
ajoutent que tout ce qui exifte fe reg!e, fe gouverne fous
leur bon plaifir... tous cnfiîfi Ibutîennent leur opinion p^rr
des raUbnnemens, qui ayant l'apparence de qoe'que vé^
rite , font d'autant plus propres à faire imp-eifion fur
ceux qui les écoutent ».
Si l'on eût demandé à ce Firmku» Materna^ quel
é toifon fentiment fur la nature de Dieu , je crois c;u'îi
n'en auroit pu donner une meilleure déiinition que
cieax qv'il entreprend ici decondaomen
dbyGoo,qIe
, M A T M I ^ U. I^J
Mais outre cous ces gens-là , ceux qui ont ad-
mis qu'ils étoient les feuls qui eufTent la véritable
connoiilance.de la Divinité» que le culte qu'ilsi
lui rcndoient létoit le feul culte qui fût agréable,
que hors de leur croyance & de la pratique de ce
culte, l'on étoit en abomination aux yeux de Dieu;
ceux*ià y dis-je , font deven-u^ fanatiques , intolé-
CHréticnsdepui
tianifme jufqu'à ce jour ( i ) , font unç preuve de
ce que j'avance.
' En conféquece de toutes ces confidérations ,
j'ai dit en moi-même que puifquç les mœurs , le»
coutumes , les ufages^ les loix ,les religions dif-
férentes auxquelles la plus grande partie du genre
humain eft foumife , caufènt de tels défordres te
de fi grands maux-, ces choTes ne font point dans
î'ordre naturel , & j'ai conclu que, pour qae
l'homme foitauffi heureux qu'il eft fulceptible de
VèiTQ , il ne devoit être foumis à rien dé tout ce-
la, ne devoit fuivre que rinftinû de la nature,
& pouvoir fronder ouvertement tôqt cequll j
trouvoit de contraire*
Voilà le fpmmaire des faits & des raifons , con-
tinua le Compère , fur lefquels j'ai fondé maphilo*
( I ) Interfirùtmos vêtus atque andfuafimuluu ,
ImmoruU odium, & numquam fanàbile vulttui,
Ardet adhuc Ombos , & TentyrA , fumms utrinquc
Indefuror vuîgo eft^ quod Numina vicinoaun
Odit uUtque locus , & nullos credat kabendos
Mjfe Deos , quam quos ipfe cbUè. Juy£K. Satyr«
XV.
dby Google
166 lit CoartEHK Mathijîu*
fophie. Si Monfieur a quelque envie de devenir
phîlofophc auffi , je me ferai un plaifir d'entrer
avec lui dgns de plus grands détails ; il peutpour
tet effet choifîr tel jour qu'il lui plaira. — ^ xrès-.
obligé^ dit le Hollandois; j'aime encore mieux
être CoccéUn, ^ . , •
Père Jean qui s'étoit enivré pendant que Vitu-^
îos & le Compère difcouroient , dit au Hollan-
dois: Corbiéur, l'ami tu as tortde ne point vou-
loir tâtcr de la philolophie : c'eft un ruîfTeau d'eau
claire & limpide , où tu débafbouillerois ton gros
bon iens : ç'cft le fanftuaire de la raifon , le tom-
beau des opinions humaines , le fléau des préjit-
f;«s du vulgaire , réponge de la confcience , &
e rocher înébraiilable congre lequel Its flots de
la honte , de la crainte & des remords ne produi-
ront jamais que de TécumeJ — Monfieur, dît le
Hollandois , je vous ai dit que j'aimois mieux être
Cocciien. — ^En dilant ces mots il fe leva & partit.
Comme il étoit fort tard , nous remerciâmes
nos hôtes des politeffes qu'ils nous avaient faites ^
'& nous retournâmes à notre auberge.
Tin du Tome premier*
dby Google
T A B LJ£
"^^D Ë y (^H^A PITRE S
côAp.t r ^ ' .
X NT ROJD&CTJ ONf. G/néalog΀.
. Jrméf d ^a Fhêche ^ * c^ gx^i s^faffa , pag.iE
^(^iap. IL i><?wf /^ la î^lêche. AftfW/V <&< Cpm-
\ jpfere TVfathieu. Son arrivée à Domfiroiit j, , J
Çhajj* IIl.|î4p4irr ife IXpmfi'Oiit. Rencmtr^ i^^n.
Chap. IV. Arrhét du Compère Mathieu à Paris
Chap. V. ContinuatÎQn de notre pjour à Paris.
Vifion dtH'xtgo. 33
Chap. VI Le Compcrc Mathieu fe répand dans
le Monde, Terfécution qu*il ejfuie* Autre fer fé'^
cuthn. Défefpoir de Diego. Son triomphe j '4$
Chap. VII. Le CompcrCv -Mathieu raconter ce
qui lui tfi arrivé depuis fon enlèvement* Il
rencontre fon Condifciple Whifton. Entretien
qu'ils ont enfembU , 60
Chap. VIII. Le Compère réfoat dé guittér
Paris & de partir pour la Hollande. Aventure
qui lui arrive au moment de fon départ. Son ar^
rivée g, Senlis, 70
dby Google
._l^iji_. .^ -j^JipW!
Qhap IX^ Arrivée du Comprît Mathieu / Sexiîis.
RjtnCQiùu d'un hornim eàtraordinmrjt. l&iAoircde
cet homme. \ 80
Chap, X/ Continuation de l^ifimrt ^de ^P«re
""Jean, ., . • .• ■ ^0 ,/.. ..*9o
Chap. XL €t>ntléaàûon dk Pltijtiire de !Perc
Jean. Réflexiams du Compère fur cmtJiifi<>i^
*^re^ Evénement terrible' y ^ . \ * ' '9*
-Cbâp. XIL Voire arrivée- à Mohs j 'cajntdle é&
Hainaut Autrichien r .accident fâcheux qui
noâs arriie dans tetxe' ViWt , & Jes[ fiiifes
€Îhap^ XllK Rencontre d'un ^^anâizA drhi ^& Pctc
Jean. Repas chei deux Négociants Fraufois ,138
Fin de la Table du Fremiet Volume;'
• ♦
J^^ittM^
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