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Full text of "Le compere Mathieu, ou Les bigarrures de l'esprit humain"

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I, E C O M P ERE 



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MATHI EU, 

LES BmARRURES 

DE L'ESPRIT HUMAIN, 



Tout ce qui eft au-deifiis de riotelligeace du Vnlgaice ,eû 4 
£et yeux , ou facté , ou ptophane , ou abominable. 
Tome II. pages % é 4- 



Jf O U V E L L E É D I T 1 O N, 

revue , corrigée & augmentée. 

TOME PR EMI ER. 

A.PARÎS, 

Chez les Libraires AfTociés. 
M. D C C, X C 1 1, 

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AVIS 

DE r ÉDITEUR. 

JLL importe fort peu au Public d'ap- 
prendre par quel hafard cet Ouvrage 
m'eft tombé entre les mains. Il doit 
favoir que j^ai été plus de quatre ans 
dansPirréfolution de le mettre au jour» 
Je puis compter fur une douzaine d^A- 
mis vertueux & éclairés. Quatre d^en- 
tr'eux vouloient que je le fiffe împri- 
mer ; quatre me poufibient à le brûler , 
& le refte me difoit d'en faire ce que 
je jugerois à propos« Un coup détermi- 
na TafTaire ^ & ce coup fut pour Tim- 
pre(Bon« 

Yoici donc Cet Ouvrage tel que je 



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ij, ■ # 

Pdi reçu ^ non-feulement quant au 
Texte , mais auffi quant aux Notes , 
qui font de différentes mains ^ & aflez 
fouvent mal en ordre. Si cet Ouvrage 
cft bon ^ je prie le Ledeur bénévole 
de favoir gré à la Fortune de fa publi- 
cation : s^il eft mauvais , & qui pis eft ^ 
méchant ^ ^e fuis le premier à joindre 
ma voix à celle des hommes zélés qui 
le décrieront. 



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LE COMPERE 

MAT H I EU, 

OU 

LES BIGARRURES 

DE L'ESPRIT HUMAIN. 

CHAPITRE PREMIER. 

IntrodaSion^ Généatogu. Arrivée à la Flèche , , 
& ce qui s*y pajfa* 

JLjEcteur , tu vas lire Phiftôire de mon 
Compère Mathieu yhmitnnc , & celle de quelques 
autres perfonnages fameux par hs diferentes 
aventures de leur vie. Si tu ne t'intéreffois qu'au . 
fort de ceux qui , grâces aux vertus de quelques 
ancêtres illuftres , portent un nom fefpeôablc 
dans le monde , je te dirois que nous comptons 
parmi nos aycux des Tancrede & des Bavard i mais 
fi tu regardes tous les homnjes pétris du même mor- 

A 



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a LeCompere 

ceau de boue , & tous également dignes de ton 
atttntion, je ne t'en impoferai pas: je t'avouerai 
franchement qui nous fommes : je ne te déguifc- 
rai aucun de cette multitude d'événcmens ungu-^ 
liersi qui nous toucheot , & dont cette Hiftoire' 
ert remplie, . ' " 

Tu me reproclieras peut-êtp^ qu'il n'y; a ni 
plan ni méthode dans cet Ouvrage ; que ca n'eft 
qu'un rapfodie de quelques avantures , fans rap- 
ports , lans Haifons , fans fuite , que-^moa 
ftyle eft tantôt trop verbeux , tantôt laconi- 
que , tantôt égal , tantôt raboteux ; tantôt no* 
ble & élevé , tantôt plat Sç trivial. Quant aux 
deux premiers articles^ je te répondrai que je 
n'ai pu décrire les événemens dont; il çft queltion , 
qpe dans leur ordre naturel , ni avec d'autrest 
cîrconftances que celles qui les ont accompagnés. 
Quant. à mon ftyle^ je Tabandonnc à tout ce 
que tu pourras en penfer. J'ai toujours été un 
ignorant^ & je le ferai vraifemblablement toute 
ma vie* 

Mon çnmpere Mathieu &ç moi naquîmes à 
pomfront , petite ville de Normandie , le pre- 
mier dijuan-çhe d'août. 1709, San père & lemian 
éfcoîent Cordonniers ; m^îs d€ ces Cordonniers 
aifés , qui , fans fe repofer 4iniqliement fur le 
revenu du métier, trouvent par quelque induflrîc 
fecrettt * particulUre le moyen dq faurnir ample- 
ment à la dépenfç du ménage, &ç de donner une 
éducation honnête à kurs enfans. 

Lorfquenous eûmes atteint Tâge de dix ans, . 
nos pàrensnous envoyèrent çhez.les/ï^fV^ide ia 
Flèche , pour faire nos études^ Le Compert y. fit < 
plus de progrès les fix premier^ n)ois,que je n'en 
pus faire en fix années. Cependant mon père me 
laifia continuer , eftimant que ^ poifque je n'a»- 



dbyGoo,qIe 



M A T R I X V. '} 

rois aucune difpofitîon aux études , fcn au-* 
rois encore moins aux emplois , aux arts , au 
travail , & que j'en fçauroîs toujours affez pour 
être Moint. 

Fendant les neuf années que note deiiieurl- 
mes à Ut Fléchi j le Compère Mathieu ^t des pro* 
grès étonnans , dans le Grec > le Latîn , les Ma- 
thémathîqucs , THlftoire , la Philofophîe , la 
Théologie; en im mot , dans toutes ks 'Sciences 
qui peuvent orner rcfprit > & former le cceur. 11 
dannoit encore une partie du temps de la re- 
créatioih , ou à la mufique , ou au deflin , ou àU 
leôure des Livres excellens & rares > qu'il fc' 
procurpit avec Parlent que fon pcrc lui envoyoit 
pour fes menus plaifirs. 

II y avoit un IrUndois du cours du dompere^ 
qui ne contribuoit pas peu à piquer ce dernier 
de IsL plus vive émulation. Cet Irlandais y qu'on 
nomraoit Whijîon , aîmoît Pétude , s'y appH- 
quoît avec toute l'ardeur poflible , & y faifoic 
de très-grands progrès: mais le Compare Mathieu 
remportoît fur fon émule par la vivacité de 
Tefprit , par la force de Pimaginatio^ , par fa 
profonde pénétration dans les Sci^ces ; ainfi 
que par la grâce & Padreflc du corps dans les 
Exercices auxquels i\% s'adonnoient l'un &Pau« 
tre. En revanche , 17r^/z^o/i pafloit chez les //- 
fuites Se fes condifciplespour avoir le cœur bon, 
l'efprit folide , le caraôere fociable &: docile; 
& il s'en falloir beaucoup que Pon penfât de 
même fur le compte du Compère. Sa vivacité , 
fa naïveté , {es faillies, fes opinions, fa ferme-*» 
té, lui avoient attiré beaucoup d'ennemis: les 
Régens , qu'il contredifoit à tout propos , n'en 
étoient pas les moindres , & fur-tout le Préfet ^ 
qu'il avoit convaincu d'avoir cité d faux dans uJi 

A% 



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4 L E C O M P « H E 

Stripojo.'Enfin trois chofes achevèrent de le per- 
dre dans réfprit de fes Maîtres, i®. Il fc moqua 
ouvertement de* certaines pratiques pieufes aux- 
quelles Wîfion s'acçommodoit > ou par bjicn-* 
féance , ou par quelque aiutre motif : x\ il ne 
voulut plus repondre aux Litanies : 3**, il fit un 
enfant , (i) donr je JFus le Parrain. En confé- 
qucnce de fes crimes , on le chafla.' Comme j'ai- 
mois mon Compère , jç partis avec lui. 



(i) Le Lefleur dura que c'eft-là l'origine de notre 
û)mpérage. 




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M A T » I B TT^ 'i 



CHAPITREIL 

Départ de la Flèche. Maladie du Compère' Ma-* 
thicu } fon arrivée à Domfrant. j 



N< 



1 17 S ne fûmes pas fitôt hors de ta Flèche ^ 
que le t7om]pfr« ilftfràr>2£ enfila la roate de Bor^ 
deaux y au lieu de prendre celte de DomfroTU. II 
avoît une efpece de honte de reparoître dans le 
iieu.de fa naiffance , après l'aVenture qui venoit 
de lui arriver* Dailleurs , comme nous avions 
fait argent de la plus grande partie de nos tSttSy 
& que nous empruntâmes encore qpelques louis ^ 
nous nous trouvions une fomme fuffifànte pour 
nous conduire au bout du Royaume , & poiir 
payer même notre tranfport'en Amëriquc , fi ri- 
dée nous eût pris d'y aller trouver un Oncle 
que j'y avois , & qui étoit fort à fon aife. Nous 
nous arrêtâmes à Bordeaux. Lé Compère y fit 
quelques connoifl'ances j qui lui firent trouver 
une terrible différence entre le féjour d'une ville 
où régnent la liberté^ les plaifirs ; & celui d'un 
endroit où Ton eit fous les. yeux de Maîtres har- 
gneux , bourrus , prêchant y piaillant fans ceiTe ^ 
& interprétant à mal les plus innocentes.démar- 
ches. Au bout de quelques mois , notre bourfé 
fe trouva prefque vuide.. Comme nous n'avions 
donné aucunes nouvelles à nos parens, It^Com^ 
père réfolut de retourner à Domfront , & de par* 
tir enluite pour Paris. 

Lorfque nous fûmes hors de Bordeaux y h 
Compère me dît : Mon cher Jérôme , je viens de 
faire une démarche ridicule & lâche , qui efl 

A3 



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i.€^ L s C O 2f » t A B 

bien une fuite des préjugés ordinaires dont le 
monde eft rempli. yuçUe rai&aairois-lede ne 
point retourner droit k.Domfront ? Au lieu de 
rougir 'He ^e qui venoit de (é pafîèr à la Flèche , 
je dcvois me glorifier de laj)erfécutian que j'y 
-aieffiifée , pour avoir fr-ondé ouvertcmcat les 
«fages qae la ^uperftition a introduits dans l'exer- 
cice de la Religion , & pour avoir rentré '^ans 
l€^4r6it que Bjous donne la Nature de perpétuer 
jootre eipece , ou , quasd , comm^iUE & zvtc qui 
nous ÎHgeons à propps , & toutes les fins que 
J'envie nous en prend. ! inon chtr Jérôme {mon 
cher Jirême ! il f a bien du chemina faire arant 
que les opinions & les ahus que les nusûrs , la 
religion, les loix entraioeat après eUes , fofeoc 
bannis de la Terre , & que la Philo^phie diffipe 
.les épaifTesténebres dont elle eft couverte! Com- 
me je n'encendois rien à cette elpece de déc]a-> 
. ration » le Compère déclama tout feul » ic ilëcla- 
moit encore lorique nous arrivâmes à un petit 
bourg oà nous réfolûmes de dtner ,&delaî£fer 
paffer la chaleur qui étoit exceffive ce pur^là , 
• ^ qui fut certainement la caufe de l'accident que 
je vais rapporter. 

Au moment que nous allions entrer dans l'au- 
-berge , le Compère Mathieu fe trouva fubitement 
faiu d'étourdinemens^ denaufées , de vomifle- 
. mens , puis d'un grand mal de tête aviquel {'vtc^ 
céda une fièvre violente , accompagnée de -tranf- 
portsfi confidérables , qu'en moins de trois beu- 
rres l'on craignit pour fa vie. L'hôte chez qui 
-nous étions, fit fon poffible pour déterrer le Curé 
& le Médecin ; mais en vain. Il étoit pris*^ de 
-minuit , lorfqu'on trouva le Pafteur chez une 
jeune veuve , fa pénitente ,avec laquelle il avait 
paiTé la joufnée ; & le Médecin, chez un vieillard 



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tp Yenok' de mourir d^une indîgeftîon , parce 
. que ce mal qu'on prenoit pour une apoplexie , 
n'avoit point voulu céder à quatre faignéesyaut* 
. tant de lavemens , ni à fîx onces à^eau de Luce 
qu'ôtr lui ifitroduifit dans le nez , la bouche Jc 
les oreilles. 

Lorfque ces Meffieurs furent arrivés ^ le Më- 
. decin ordonna la faignée , ( qui heureufement 
étpit plus néceffaire dans ce cas-ci .que dans .ce* 
lui du vieillard ) des boiflbns abondantes , des 
, fomentations froides fur lâ.t^le ^ avec: la mauve , 
! la mercuriale , la pariét^aire , 4c recommanda fur« 
, tout d'ajiirer ( i ) le malade , pafce que fi les re* 
_ doublemenscontinuoient , il pouvoit mourir dans 
"la ftoit. 

lin conféquence de cet avis > le Cure prjûfif a 
d'un moment où le Co/iwrr paroiflbit affez tran- 
. quille , Je lui dit :— .Mon cker frère ^ croyez- 
. vous en Dieu? — Non , répondit le naabtdc , 
. d'une volxlanguiflfante,. — Ne Técoutezpas ^dis- 
. je auflî-tôt aju Frêtre ; je réponds dç lui fur cet 
article. — Bagatelle que cela , répliqua le Curé: 
. ce a'eft point là reflentîel. . ». .Mon ami conti- 
. flua-^-il , acceptez- vous h Ccnfiitntiou? Le Com^ 
ptri y au lieu de répondre , commença à gritïcer 
les dents ; fes yeux devinrent furieux & étince- 
lans; toutes les veines defon corps fe gonflèrent; 
Técume luifortit de la bouche en abondance : ce 
qui effraya le pafteur ; puis le zèle de ce Prê- 
tre fe ranimant , il réitéra la même qucilion. Mais 
le C^mpcre , dont le tracfport étoît parvenu à fon 
période , fauta de fon lit y empoigna Iç Confié^ 
tùtionnaire par la gorge y & alloit l'étrangler , 

(i) C'cfî^î-dire , le conféfe , lui adrainiflxer le 
Viatique & l 'Extrême Onâion» 

. A4 



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H . L r C b M p E i E 

fans mon fecours & celui du Médecin , qui de la 

vie n'avoît vu un pareil délire. Au bruit de cette 

fcenc /l'hôte & trois viçoureux compagnons 

montèrent, faifirent le malade , & rattachèrent fur 

:fon lit. Pendant ce temps-là, le Curéfe fauva , 

le Médecin le fuivit ; & moi je demeurai pour 

♦ avoir la cohfolation de voir dès ce moment le 

: mal de mon pauvre Compère diminuer , de^ façon 

qu'en quatre jours il fut en état de continuer Ta 

•route. 

En fept >ours & demi nous nous rendîmes à 
' Domfrànt.l^ous étions près d'y entrer , lorfque 
' nous rencontrâmes le Barbier de la ville (jui al- 
' loit faigner les bœufs d'un fermier des environs. 
Cet homme , qui nous connoifl'oit , nous apprît 
: que le ptTt du Conipere Mathieu & le mien étoient 

- nrortslà veille. A cette trifte nouvelle, je ne pus 

- m'empêcher de verfer un torrent de larmes. — 
Mon pauvre pcre ! m'écriai-je , qui m'avez' don- 

- né la vie , qui m'avez aimé , nourri , élevé , faut- 
ril que je vous perde pour jamais ! Ouoi! dû-- 

je au Compère , tu ne pleures pas ? & la Nature. • • 
-^ La Nature eft une fotte , interrompt- il bruf- 
. quement : je laiflc la foiblefl'e de pleurer aux fem- 
mes Sf à ceux qui , comme toi, font infatués du 
préJUj^é de la reconnoiflknce envers leurs parent, 
(i) Écoutes : penfes-tu que quand l'envie pfit à 
Cuillot , ton père , d'accoler Terrine , ta mère , il 
eut grande envie de procurer la vie à fon fils //- 
,rôtne , dont il n'avoit point la moindre idée ? 
Crois-moi , ii nos pères nous ont faits , ils ont 
€U le plaifir ( 2. ) : s'ils nous ont élevés , nourris j, 



( I ) Voy. Les Mœurs , pag» 49 &/uiy. 
(a) IbiJ. 



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Mat H; I E :U. ,9 

iisnousont rendu ce que leurs parens leurs ayaieat 
prêté. Au refte , as-tu jamais vu un mouton, {i) 
pleurer la mort defoxi père le bélier , ou de fa 
merc la brebis? Pauvre /c^rom^ ! tu ne feras jf- 
mais qu'un benêt. -^ Comme pendant le^ neuf 
années que j'avoîs étudié, je n*avoîs pu monter 
qu'en troîfieme , que le Campere Mathieu a\ oit 
appris tput ce qui fe peut apprendre/dans un Col- 
lège , & bien des çbofes en fus , je dis en moi* 
même : Je ne fuis qu'un ignorant y la Nature a tari t 
&'ie Compère a raîfon. 

A propos , Tarni , dit le Compère au Barbier f 
de quelle mort mbururerit donc nos pères ? Hé- 
las ! répondit cet homme , hier vers les onze lieu» 
res du matin, étant fur la place, il leur prit im 
rcflerrement de gofîer , accompagné d'empêche- 
ment à la déglutition , d'engorgement dans les 
vaifl'eaux capillaires , de fifflemens aux oreilîes' , 
de battemens dans les artères temporales ; à quoi 
fuccéda une fufFocation funefte qui leur 6ta la 
vie, malgré la.précàutioBr qu'on avoit pri^c de 
les élever à plus de dotfze pieds de haut, afin qu'Us: 
fuflTent moins; gênés par lapreflè. Ah ,. j'entends,, 
dit Te' Compère : Mortui Jjunt patres nojifi mortt 
Philofopkorum. Hé bien ,.continua-t-il , nevoi|à- 
t-il pas encare un effet de la tyrannie dcsLpix > 
divine Philofepfiie ? qimnd eft* ce que ton flam- 
beau éclairera les mortels ? Quand viendras- ta 
diflb^dre les entraves- où* l'Univers efk plongé ? 
— ! mon ptrc ! mon cher père t m'écrTai-je , 
vous êtes mprt , votre mort me prive de mon uni* 
que confolatîon , 8c mè deshonore à jamais anx 
yeux de tout le monde ! 6 Loix ! ô Mœws t ô Rai* 



(i> Ibid. & le livre de rEfpriti. 



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^?r^ 



10 L « C o M p B a B 

fon ! ô Philofophie ! quand vous accorderez- 
voas? 

Lorfque nous fômes entrés dans la ville , nous 
trouvâmes que la Juftice s'étoic accommodée du 
peu de Bien des défunts. Etant naturel , félon 

' jnoî , que ces Bùns nous revinffent , je réclamai 
celui de mon père : mais le Procureur du Roi, 
auquel |e m'adrefTai à cet -effet , médit pour toute 

■ réponfe : Damnatione bona pablicantur , cum vita 

'mdimitur ( x )• N'entendant rien à ce latin-là, je 
le rapportai au Compère pour en avoir Texplica- 
tion : — * Ce latin , me dit-il , fignifie que » quand 
Hercule vola les bœufs de Géryon , il ne fit qu'u* 

' fer du droit que la nature donne au plus fort fur 
le foible(a). Puis donc que nous n'avons plus 

' rien ici , le plus court eft que nous partions au 
(Kktât pour chercher fortune ailleurs. 



(I) r. I ff. âe Bon. damn, 

(a) Trafimpn cftinioit qu'il n*y a point d'autre 
Droit que celui du plus fort. Voy^i les Ejfais de Mon- 
taigne, Tom. II. pag. 391. — Vous agiffez , difoit 
Srennus aux plus déterminés brigands qui aient jamais 
paru fur la furfice de la terre , je veux dire les Romains ; 
vous agifles cc^rmément à la plus ancienne de toutes 
tes loix ; j'entwids celle qui donne auplus fort les biens 
lia plus fcible : Loi , qui s'étend depuis la ctvimté juf- 
éu'aux Bêtts. PiUTARCH. in Canùil. pag. 136. Edît. 
de WecheL Voyez encore à ce fujet , Thuct^o. LiKV. 

^p. CV. pétg. s 44* DiaN.HALYCARN. IiT». i. cap^ 

V.pàg. 5. Pl4xo, w Gorg. pag, jaj. Tir, Liv^ Lii^ 
y. Caf. 36. 



^J^ 



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-M A T H I JK If. Tl 



CHAPITRE I 1 1. 

Jiépart de Domfro.nt. Rencontre d*un Efpagnofi; 
HiJlQÎre de cet EfpagnoL 

_[UoiQi7E y félon la faîne philofophie , ce foî^ 
une chofe ridicule , méprifable , & un effet dc5 
préjuges du vulgaire , d'être fenfible au malheur 
de fes parents , j'avais lu un paflage , au chap 7. 
V* XJ. de VEccUJiaJlique ( i.) y, qui me brouilloie 
la cervelle , & qui faiibîc que )e ne pouvoîs me 
réfoudre à quitter Domfroai,,éc laifl'er ma mère 
dans les pleurs & Taffliâion. Le Compère Maihieit- 
Tit de mon embarras : puis ayant pitié de ma foir 
bleflc , il m'accorda huit jours pour me délivret 
de çc fcrupule , & confoler ma mère. Au bout de 
ce temps-là , nous nou^ procurâmes les papier^ 
dont il eft d'ufage dans notre pays de fc munir 
lorfqu'on veut voyager. Ces papiers confifteat 
en un certificat de vie & de mœurs , que le Syn^ 
die de l'endroit délivre gratis y après qu'on lui 
a payé bouteille ; & un extrait baptiftaire que le 
Curé délivre de même ^ après s'être fait donner 
trente fols. 

Nous partîmes ^dis Vomfront le Compère Ma^ 
thhu&i moi, le 30 de Juin 1728, & nous enfila-- 
mes la route de Varis. Ayant marché jufqu'â deux 
heures après raidi, nous trouvâmes une fontaine- 
à quatre pas' de la route y qui nous invita ànous 



( I ) Honore ton père de tout ton cœur , & n'ou- 
blie pas le» alBiél^ns dé ta mere« 

A (î 



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^^s^mmmmi^mmmmmmmmm 



t% , L 2 C O M B E ». E 

rafraîchir. Il y avoit près de cette fontaine uh 
grand homme maîjgre , bafané , aBêz maF vê- 
tu , qui-rpangeoit. un morceau, de p^in d'orgê. 
Le^ Compère demanda à cet homme s'il jn'alloît 
point du côté de Taris, — Tant s'en faut,, ré- 
^)onditril , car j*en viens. — 0feroîs-je demart»- 
der , reprit le Comptre , à qm j*ai Thonneur de 
parler? — Oui-dà, dit l'étranger; je vais vous 
îatîsfairc dans k «oLomcnt, H acheva fôn croû- 
ton, & dit: 

Je m'appelle Don Diego-Arias^Fernando it Ik 
Tlatdy y JRioles yV Rajplos: p fuis efpa^nol de 
nation • & gentilhomme, de naiflfance. — Mon^ 
fieur eft apparemment quelque .aîné de famille , 
dît le Comperel — Je n*en faiis rien , reprit Don 
Dkgù : perfonne n'a jamais connu mon père m 
tna mère. J'avois tout au plus deux jours, lorA 
qu'un matin on me trouva dans un panier à la 
porte des RR. Pères Cordcliers de Bilhao^ en 
Bifcaic. Je fus nouiti aux dépens de cts chartes 
&cha,ritablcs Religieux jufqu'à l'âge de huitatis. 
Alors, comme j'étoïs très-durement menjéparje 
piaître chez qui l'on m'avoit mis pour apprendre 
à écrire, je m'enfuis à Bùrgos y oii je mendiai 
pour vivre. Il y avoit dans cette ville une trou- 
pe de comi'tragi-Sauteurs. Le maître de cette 
troupe me voyant lefte, bien fait , & propre 
à remplacer un fiea fils qui s^etoit crevé le 
m^ta<:arpe en voulant imiter le faut du Nia^ 
gara , me prit à fon fervice , & en peu de temps 
je fus en état de gagner mon pain. 

La profeffion d^ comi-tr/tgi^Sâuteur^ me plïit 
tellement y que par mon application & des exer- 
cices continuels , je parvins, en moins de trois 
ans , à ItreN^e plus excellent S^caramouche y le plu* 
facétieux Tierfpt , & t« pius h*rdi Vokig^ur que 
lçï\ eûvu depuis Ipng-tenps* 



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. HlLPIl' IJJ' If, ■ 



• M .A ï H i ï TT. . . *iy 

J^avoîs déjà fait le tour du Portugat 8c à'nnt 
partie de VEfpagncy & >e n'arois que douze ans 
lorfque la troupe arriva à Sarr^goffe.Lc Reôcûr 
des Jéfoit^ de cette ville m'ayant vu, eut pitîe 
Pétat où j'étois réduit à gagner ma vie , ea la- 
rîfquant vingt fois dans un jour, & me 'fit dire, 
quil me deffinoit un fort plus doux & plus heu- 
.zeux^ fi je voulois m'attacher à luî. Fiquc de 
quelques propos durs que mon maître , Don Sca^ 
trijfas, m'avoit tenus dans la journée , j'acccp* 
taî le parti propofé. 

Je ne fus pas fitôt entre les mains du Reôeur, 
que le faint homme commença par me faire dé^ 
tefter ma. vie palf^e , & par m'âfïermir dans les 
principaux -points de la religion. Ënfuite, pour 
ni'ôter certains fcrupules qui Im déplaifoient , ri 
iriluîtia dans la pratique de cttte fcieine y parla* , 
qMtlh en s'anéantiffant foi-âiême, Ton peut s'u- 
nir à Dhsu dans une fimple contemplation d'e^ 
prit-, fans ie troubler de tout ce qui fe palfe 4ans 
'l€ corps. Il m^apprit en outre la différence qu'it . 
y a entre Vprdre nahirelSc V ordre furnaturel; en»- 
tre les deux prédeftinations ; entre la grâce pré^ 
venanu Se la grâce coopérante , & qttcls fôntr les . 
^Skts Jiw concomitant ^ de hifctence moyenne &d\l 
eongruifme. — ^^Mon ami , dis- je à Dtego^ vous 
Htè feriez plaîfir de parler françois: je crois fort 
quermon Comper&VGus entend , car il eft fort /a- 
vant: pour moi, je ne fais que ma langue natu- 
relle. VEJpagnol me regarda en hauffant les épau»* 
tes , & continua aihfi : Au bout de dix-hqît mois 
je pcrdîs mon cher maître; la mort l'enleva en* , 
lieux jours de maladie. Il me laiffa d'autant i^luy 
«mbarraflé de ma per/<)nne, que Pou me châffa 
du Couvent, fejns que je puifle ea deviner I^ 
raîfon- 



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»4 * ^ P C O K 3? E R E 

Je partis donc de Sara^oje , & je ne tavoîs où 

aller , iorfque le hafard me fit rencoutser im 

Vieux . Négociant allant à Barcelonne pour des 

.affaires de la dernière imporunce, qui regar- 

.dolent fon commerce. Après avoir conté râes 

{veines & mon embarras à ce vieillard \ il me dit 

, avec une douceur qui mVracha des larmes: Mon 

enfant , j'ai pîtîé de votre jeuneffc & de. votre 

deftiaée : vous êtes abandonné de tout le monde ; 

vous n'aveK perfonne pour vous gouverner nî 

£our vous conduire dans un âge oà les paffians, 
u mauvais exemples ii les mauvaifes compa- 
!gnies peuvent vous plonger dans un précipice 
affreux. Venez avec moi à Barcelonne^ Yy ai des 
amis auxquels je vous recommanderai ^ qui vous 
donnefont de Temploi , fi vous voulez vous ap- 
.pli<iuer, & qui vous mettront en état de ne dé- 
pendre un jour que de vous feul. Je remerciai 
très^affeôucufemcnt le généreux vieillard; je lui 
jpromîs tout ce qu'ir voulut, & je le fuivîs. 

Cet honnête homme avoit un foki particulier 
de moi ; lorfqu'il s'appcrrevèit que j'étois trop 
fatigué, il defcendoit de fa mule , m'y faifoit 
monter ,.& me fuivqit «^ pied des lieues entières» 
Tout ce qui me faifoit de la peine étoit qu'il té- 
moignoit ne pas aimer les Jéfuites. Aufli me don- 
nai- je bien de garde d^ lui parler de Yanéantipm 
fémcnt de foi-mime , du concours concomUant ^ de 
hifcience moyenne ^ Se du eongruifms que défunt 
le R'eôeur m'avoit enfeignés 

Nous avancions à grandes journées lorfqu'uii 
foir , à l'entrée d'un petit bois , cinq ou fix ban- 
dits fondirent fur nous. L'un d'eux appliqua un fi 
furieux coup de croffe de fufil fur la poitrine du 
Négociant, qu'il le renverfa de fa mule: les au- 
tres s'étant jetés deflus , enlevèrent fon argent , 



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Ma r n 1 e \r^ " ij 

fes papiers , fa monture , le dépouillèrent d'une 
partie de fes habits , ic me nous laifTerent qu'a« 
près nous avoir cruellement maltraitésL l'un. Se 
l'autre. 

'Comme cette aventure nous arriva dans un 
pay^ ôiù il n'avoit aucunes connoiflances, tout 
ce que je pus faire fut de ie conduire à une ab-^ 
baye de Bénédiâins , pj-ès de laquelle nous avions 
palTéHine heure auparavant. Arrivés dans cette 
abhave , le vieillard 4it qui il étoit , conta ion 
défaftre y Se expofa la néceffité où' il fe trouvoir 
de fe rendre au plutôt à Baraelonm. Je ne fais fi 
ce Négociant avoit été autrefois un grand pë* 
fheur, ou s'il appartenait à quelque hérétique^ 
snais le Ciel endurck tellement le cœur des Moi^ 
nés à fon éçard ,^ qu'il ne reçut po«r tout iccours^ 
. qu'un peu û% pain bis y quelques châtaignes y âd 
cinq on fix maravedis ( i ) ; après l'on nous en- 
voya coucher fur un peu de litière qui fe trou- 
Toit dans Me des renuies des. carroifes de Mon^ 
ficur l'Abbé. 

' ' Le lendemain matm k vieillard voulut partir 
i quelque prix que ce fût. Il efpéroit trouver 
quelque perfonne généreufe qui voulût bien lui 
procurer les feconrs nécefl'aires pour continuer 
îbn voyage , quoique fes bleffures ne le-permîf» 
iènt gueres t mais un Bailli & deux Curés de vil-* 
lage auxqiiels nous nous adrefl^mes ^ furent auffi 
durs que les Bénédiâins ; & le vieillard , exténué 
de fatigue & de douleur , fut oWigé de fe réfu- 
gier chez une pauvre femme qni.n^avoit qu'une 
chèvre pour tout bien . & qui: fe prêta de la meil-^ 



( I ) Petite monnoîe de l'Efpagne, qut vaut un pc» 
fbà$ qu'Un denier de France... 



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l6 L I C O M P Ê R 15 

Jlèure grâce du monde à lui procurer tous les fc-' 
cours qui lui feroient poffibles , tandis que j'irais 
. annoncera ks atnis àçBarcêlonaeh trifteétat où 
îl étoît réduîtr Je n'eus pas la peine de .faire ce 
voyage ; -car un inftam après que nons^fûraes dans 
la chaumière de cette pauvre femme ,' le nialhea- 
rcux vieillard tomba fans cQnnôifrance;lé fanglui 
fortit de là bouche à gros houîllons , & Tétouffa 
en moins de fix minutes y fans, que nous eullions 
pu y apporter aucun remède , & fans avoir pu if<^ 
prendre le nom de fes antis de Barctlonne, ♦ 

Ct déplorable événement me jeta dans une con- 
ftefflatian ineicprimabl*. Pour comble de difgra- 
cçs f le Curé de Tenàroit ne voulut point çnterrer 
ce pauvre homme^ attend u^ue l'argent qu'on fit 
du refte des dépouilles que les voleurs l^uîavoient 
enlevées ne fuffifoit pas pour fon falaire. Enfia, 
la bonne femme qui avoit eu la charité de nqu^ 
recevQiir^ vendit fa chèvre , fuppléa du peu qu'el- 
Je. en tira à la fojwme que lePafteurexigcoit, 9c 
le vieillard fat enterré. Cependant ppur faire voir 
qjïç lei Eçcléûaftiqûçs 1 en' foutetiant intrépide- 
xneat le droit, de leqrs émoluments ,, ont le cceûr 
auflil généreux ,. l^ame auffi bieqfaifante qvit les: 
féçuliers, le Curé voulut bien fe charger d'en- 
voyer gr/itis un extrait mortuaire ^ & le détail de 
cette aventure , aux parents du défunt , fi on pou- 
voir lui en dire le nom & la demeure^ 

'Réduit au iiiême^état où ce généreux vieillard 
m'avait trouvé > j'enfilai aflkz.trilUment le prt- 
.mier chemin qui le préfenta à la fortie du villa» 
gc. J'avoisàpjeine fait une lieue, que je rçBcop- 
trai deux Pères Capucins , qui fe rendoient à -Ror . 
me fur la convocation d'un chapitre général de 
.leur Ordre. L'idée me prit de faire le mêmevoya-» 
ge j & les hohs Pères mp permirent de lesaccpm- 



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-^ 



Mathieu. ï7 

pagncr. Je vis alors qu'il y avoît de vrais Eliis 
fur la terre , & qu'il y avoit des occafioris où la 
Providence fe manîfeftoît d'une façon à ne pas 
laiiTer douter aux plus incrédules , que l'efFet des 
promefles que Dieu fit autrefois à Abraham & fc^ 
mini ejus ^ aura lieu jufqu'à la confommation des 
iiécles. Ces bons Pères , ainfî que moi , n'avoient 
pas le fol ^ & nous fumes accueillis , régalés , fê- 
tés y honorés Se prefque adorés par-tout où nous 
paflàmés. 

Trois jours après notre arrivée dans la capi- 
tale du Monde chrétien , )e me trouvai phcé, par 
le crédit de ces bons Religieux , chez Monjignor 
Tonganni , Evêque de Manfoura en Manfourie* 
Mon occupation étoit à peu près la même que 
celle de là Sunamite du Prophète royal David: 
je tenoîs les pieds chauds à fa Monfignorerie , dont 
la chalew naturelle s'étoît évaporée Tannée pré- 
cédente , dans une querelle qu'elle avoit eue avec 
le Cardinal Faironi* 

Pour le coup je crus ma fortuné faite à tou* 
jours* Monfignor m'avoît donné la tonfure, il 
m'a voit fait faire un petit habit de foie noire , 
des chemifes à dentelle, & un petit colet des plus 
à la mode ; il m'avoit promis le premier Béné- 
fice qui feroit à fa difpofition , & mille autres 
chofes. Mais le ciel qui me perfécutoit fans dou- 
te pour quelques moments d'indocilité que j'a- 
vois eus envers le Rcâeur des Jéfuites de Sara-* 
gojfc y m'ôta mon nouveau maître au bout d'un 
an que je fus à fan fervîce. Il y avoit quelque 
temps quel'illuftre Prélat fe plaignoit que la par- 
tie fiti^e entre le périnée &Je croupion avoit 
perdu fon élafticité; une fièvre furvint qui l'em- 
porta. 

J'avois amalT^ quelque argent au fervice de 



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^9 LsCoMBË&B 

^Mtmftgnor Tongarini: j'en employai iiae partie 
/à faire dire des Meflfes poUr les Âmes du Pur- 
; gatoirc , afin quelles daignaffenc infpircr à quel- 
^quc Mcnfignqr refroidi de me pi«endrc aux mê- 
[mes conditions que défunt fon Confrère. En 
"attendant -^ji'sfficacité de i'œuvre; méritoire , je 
; dépenlài it refle à faire «des pèlerinages , à ré- 
primer mes appétits xrhariiçls , Se acheter des In* 
' duljgenjces, ; ^ . ^.% . 

Au bout de fix mois je me trouvai à fec; & 
'les bonnes Ames ne m^avoient point encore pro- 
. curé de condition: ce qui ne laiflbit pas de m'in- 
qaiéten Enfin elles înfpirerent un Juif Véaiùen , 
nommé l^léaw , de me prendre pour fon Secré- 
* taire. II nç d^utoît pas que je ne fçuflcau moins 
les premiers élémens du Commerce , puifque j'a- 
>oîs été dans le cas d^ea entendre parler journel- 
lement pendant mon féjaur chez les iéfuitts de 
. Saragoffe. 

Le même joUr que j'entrai au fervice de ce 

jMÎft'nçru$ pairtimts^wr Ancûne t oùnoustrou- 

^vâmcs un bâtiment ^ui de voit nous tranfportcr à 

Vcnîfc. Au premier vent favorable ce bâtiment 

.'partit. Mais la nuit fuivanteun ventMaefiro oc- 

' cafionna^ une iî terrible tempête ^ qu'à \k pointe 

du tour nous nous^ trouvâmes à l'embouchure 

du Golfe. Cependant la tempête étoit appaifée 

le vent étoit devenu Siroco , & nous nous difpo- 

fions à en profiter, lorfque nous apperçuroes 

un Chcbeç Algérien qui faifoit force voiles fur 

.nous. En trois heures il nous joignit , nous 

lâcha quelques bordées , ic fe difpofa à nous 

aborder ; mais par un bonheur inefpéré ce 

Ghebec 9'ouvrit en deux > & la mer^ i*en* 

gloutit. 

Ce ne furent certainement pas les coups de 



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M A T H I 2 ir. I^ 

canon que nous envoyâmes «u Corfatre qm fe 
mirent dans le cas de périi* , car nous n'avions 

!pour toutes armes que des fu£ls 6c dts fabiss« 
L'équipage attribuoit cet événement à la cnda* 

[ cité An Chebeç : deux femmes difoknt avoir vu 
Notre "Dsme de L^retit entre le Corfaîre Se 

. nous : Eiéaiar &utenoit que Moïfe avok ièn- 
du xè bâtiment d'un coup de bagiuette i^pour 
moi , je ne £5 aycuoe difficdté d'attribuer no- 
tre délivrance à un morceau de la tunique de 
Sai/u^Fr^infois » que )e porte par dévotion ^ & 
que j'avois attacM au mit de notre vaifleau au 
moment que j'apperçus le Corfaire* 

Le vent contîniiant à être favorable , nous ar- ' 
rivâmes à Veniji en deux jours £c demi. Le Juif- 
Eléaiur m'inftalla, auflî-tôt dans l'emploi qu'il 
m'avojt deftiné , iSt dont )6 me fuis acquitté avec 
applaudiflement pendant quatre ans que je fus 
à Ion fervice. La première année il me &t faire 
avec lui .d^ûx voyages à ConfiantlriofU : la fé- 
conde , il me menia a Lisborau : quant aux deux 

, autres , il, trouva à propos de me laifièr chez lui 

1»our \eilier de plus près à fes affaires , pendant 
es longues abfences qu'il étoit obligé de Êiire. 
Je fus (i'antant plus charmé de la réfolntiofi 
de mon Maître , que j'aimois fa fille RaeheL Elle 
n'avoit que douze ans , & ne m'étoît point cruet» 
le. D'ailleurs j'étois parvenu à être le favori d'une 
jeune Citadine , Supérieure d'un Couvent de filles 
. dans le voifinaee. De foi'te qu'uniquement occu- 
. pé de mon emploi 9 de mon falut , Se des plaifirs 
inexprimables que je goûtois entre les bras de 
. Kachet Se de la Citadine , je pouvois. comparer 
. mon état à celui du plus heureux de tous les hom* 
mes. Mais cet état ne fut point étemel. Sur la fin 
de la quatrième année je m'apperçus que U «Sa-» 



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périeure m'avoit Communiqué ce qu'on appclfe 
encre honnêtes gens une galanterie. Je fis part de 
ce prirent à Rachel y qui le rendit à un noMe y le 
jQoble à fa belle'-fœur y la belle-fceur à Ton mari, 
le mari à une Corteggi'ana , la Çortegghna à un 
jDomînîcain , le Dominicain à fon Prieur , & ce- 
lui-ci à la mère de mon aimable Ifraélite , telle- 
inent que le bonhomme Eiéafar en eut fk i^arr* 
Four comble de malheur^ mon maître s'avi^ de 
Tendre fa fille à un Turc f car les Juifs font argent 
dç tout ) ; ma chère Rachei fut livrée à mon iir- 
fçu ^ & je ntappris cette funefte nouvelle que trois 
heures aprèsfoh départ. 

. Dès ce moment je réfolus d'abandonner des 
lieux qui me rappclloient trop le fouvenir de 
mon bonheur çafl'é , pour y vivre déformais tran- 
quille. Je^partîs pour Paris. Je ipi-is ma route par 
TAut riche , la Bavière, la Ftan^onie, la Weft- 
phalie, & par la Hollande que j^avois envie de 
voir avant dé mè rendre en France. Mais je fis 
-peu de fé jour dans cette République, qui n'eft 
prefque habitée quç par de maudits hérétiques, 
6c n'ayant aucun refpeft pour la faihte Inquifi- 
tioB. Auffi Dieu les pun,it bien , car il ne fe fait 
point de miracles chez eux ; & d'ici à plus de 
trdis cents ans, nbtre Saint Kere le Papc^n'en 
canonifefa àMcun , payaflentî-ils le triple de ce que 
les Catholiques paient pour faire canonifer les 
Saints. 

Lorfque je fus arrivée à PariSy'p me mis au lar* 

fe avpc h$ ducats que j'avoîs apportés de Venife. 
e conimehçoîs même à oublier jR^cAf/; mais je 
n'en étois pas à ce point avec la Citadine: h pré- 
sent qu'elle m'avoit fait me devenoit de plus en 
plus à charge. Pourcombe d'infortune, un Mé- 
decin Bomxaé Mercurc^bpl^^finos entreprit de me 



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Mathieu, at 

guérir, & ne réufllt qu'à irriter mon mal ^ en 
m'excroquant le refte de mon argent ( i ). Ce- 
pendant comme il falloit vivre , je fus alternatiw 
vemcnt Laquais , Ecrivain, Cocher , Poète , Suiflè 
Se Colporteur. J'étois réfolu de m'en tenir au col- 
portage j lorfque mon mal redoubla de façon que 
je me trouvai hors d'état de colporter. J'avois 
derechef amafTé quelqu'argent : je fus encore aÂ- 
fez dupe pour le donner à u n maudit Charlatan 
qui ne réuflit pas mieux que fon prédéceidèuf • En- 
fin Je ne favois que faire y que devenir , lorfque 
lé diel prenant pitié ^e moi , me fit connoître 



(I) Quippt ûliquam quieuhfu^^ artem hene nwit^ 
agendo , 
'Aut'nunquam ^ autfaïtem rari peccahie : mt isn 4 
D E QU I BX7 S EST Ser MO de cctitum vix, erit unut 

Suem fanart qucant , quem nonfortaffe truçidtntm . . 
'nde iftud ; nifi quod pars horum maxima nefiU 
Quidfaciat , quîdfit prorpis medicina ; fed ipjî 
Dum tantàm inciimbunt Sophia y & dialeSica dijcutif 
Vincla , quihus valeant ihduâum necUre vuJgûs , 
Vix elementa artis medica & pnmordia UhatiU 
Si€ lakfrinthais ambagibus ûdfua^^rtâa 
Infifuâi redeunt , atqiu tntkfmemata vibrant, 
Hine tumidi inccdmi , hiac pubtica.pretmia p9jhm$f 
IdfiitiseJfeputaht(^tiQcdecipïunmi)adAoc^ut 
Carnificeskomimim fub honeftonomine fiant t 
O m'ffera Leges , qua taîia criminafertis l 
O caci Reges , qui rem non cemitis ifflam t 
Vas quitus imperium eft , qni mundifrcena tenftlsg 
Ne tantum tolerate nefas , hanctollite pcftem; 
Canfulite kamano generi i quùd noâe dièqiie 
Horum çarnificiim culpamimntur adorcam ; 
y.etpcrjeâè, artem difcanh ^^^ '«V medeantur. 



Fàiingjen.II Leoni pag. 93* 



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v% LeCompere 

Ir tort que j'avais de mendier les (ccoufs des 
bcunines I tandis qu'il y en a de divins fur la ter» 
rt. Je me fouvins du bienheureux faint Jacques de 
ComvoJMU en Gallice , 7e fis vœu à l'iuftant d'aï- 
kr fc vifitcr à pieds nuds, ôrde ne vivre que 
de pairt & d'eau , jufqu'à ce qu'il lui plût de me . 
rendre ma première fanté.Voiis me voyez dans ce 
voyage ; vous tn connoifTcz la caufc f en voici 
l'efièt, — En finiffant ces paroles VËfpAgnotnoMs 
montra fon pitoyable /rr/i/s, an bout duquel pen- 
doît une crête femblablc à celle d'un Coq-d*Imie. 
Oh ! oh , dît le Compère Mathieu , ceci devient 




Condylomel l'onm'dvoit dît que ce n'ëtoit qu' 
Excrefcence formée par la fixation de la lymphe > 
&occafionnée par 1 hàtitatlon charnelle que j'a- 
vais eue avec là Ciiadihe. Ah \ Monfeigneur : 
faites-mbi l'amitié de me dire fi ce Condylomexi*^^^ 
point un fort qut.hCitaduLe a jette fur cette partie, 
en vengeance de l'amour qu'elle me foupçonnok 
avoir pour Racket ? Hélas! c'en eft un affuré- 
ment ; tar U. dernière fois que jç Pâi vue , je la* 
trouvai occupée à lire le Petit AlitrttcltsClavi^ 
cules de Salomorié — * DiWabuft^-voiJS ^ Seigneur 
Dieg(k , dît le Compère ; Votte; mal , quoique fé- 
rieux , it'eft point un fort. La Citadine n'eft rien» 
moins que forpiere. La galanterie dont elle voi» 
a honoré efi ce que Meâieurs de la faculté nom-> 
ment Virus Véroliaue : ce Virus vousaoccafion- 
né quelque épaiffi^ement dans la lymphe ;d'où> 
un relâchement dans là partie inférieure de l'ex- 
trémité du Veniij d'où le Condytome , ou fi vous le 
voulez y\t.Scr€ùme\)^ Marifia^s ic Fim^us y le 
Thymus j qui fienifient tous à peu près la même 
chofe ; d'où enfin tous les maux dont vous Vmis 



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M A f H ï E tr. IJ 

plaignez*... Et Gc Virus ne feroît*cc point le 
Diable , interrompit Dieso ^ ou plutôt le fléau 
dont Satan a frappé tant de f aints Perfonnages , 
nommément Je Frophete Davtd , le vieux Laia-^ 
re y.hjàint hàmmt Tob y&c François L — ^ Pour 
le Diable , non , réprit le Compcrc : pour le fléau 
dont vous parlez, celafe peut. Çhoioi qu'il en 
foit , c*eft un efpece de levain aci3e , fubtîl &; 
coagulant, dont }e vous déferai fans qu'il vous 
en coû e une olyole, fi vous voulez retourner à' 
Varis avec moi. — Ah ! fi ce n'cft que cela , s'é- 
cria Diego ^vous me rendez la vie : je vous avoue 
que ces mots infernaux de Virus , de Condylome^ 
it Sarcome, de Marifca , de Fungus , de Ficus ^ 
de Thymus y m'avoient effrayé ; & que j'ai une 
peur extrême des Revenans, des Sorciers , des; 
Magiciens , des Loups-garous , & fur- tout des. 
Diables. Mais mon voyage de Compoftelle ? — »' 
Quant à votre voyage de CompoJlelUy répondit 
le Cemperé y vous le ferez toujours afl'ez. Que 
fait-on fi ce n'efl: point par une faveur particu- 
lière au Bienkeurrux faint Jacques que vous m'^a^» 
vez trouvé ici ? — Cela fe peut , répliqua Diego y, 
car je n'ai jamais douté de fa toute-puiffance en-; 
vers ceux qui l'invoquent dins leurs tribulations :, 
fflarque de cela,, je mefens déjà à moitié guéri. — ; 
Holà, Seigneur , holà , dit W Compère , n'allez* 
pas fi vîte : fi j'étoxs encore un Charlatan ,;quQ 
devien4rîez-vous? *— Eh ! que me peut-il arriver' 
davantage, répondit Diego ? j*aî de temps- en. 
temps des douleurs infupportables à la tête, ^ 
dans Ifes lombes , les cuifles , les jambes Se hs 
épauler; j'ai un Condyhme au bout du Penls^SC' 
je n'^ pas le fol. — il pourroit arriver , dit Ie| 
Compare , que le Virus qui eft la çaufe de vos' 
douleurs , de- votre condylome de de votre miferc ^^ 



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i&4 L z C p M F s & £ 

[ vous paflàt entièrement dans le fang&"jr cau(at 

, ' des ravages affreux. Alors au liçu des maux 

dont vous vous plaignez ^ vous fentiriez aux.gé* 
nitales une chaleur & une ardeur extraordinai- 
res; vos tefticules fe gonfleroient ; il vous vîcn- 
droit à l'anus des verrues^ des rhagades , & des 
• ulcères à la verge ; votre peau fc couvriroit de 

: taches rouges , pourprées , jaunes ou livides ; il 

' vous furviendroit une infinité de tubercules durs , 

calleux , fur-tout aux environs du nez y du front 
,. &• des tempes ; vos ongles deviendroient inéçaux, 

le dëtacheroient de leur racine & tombcroicnt; 
vous auriez le dedans de la bouche enflammé^ & 
H s'y formeroit des ulcères ; la carie vous atta- 
I ^ueroit les os ; la membrane intérieure de votre 

nez deviendroit fongueufe , ulcérée , calleufe ; vo- 
î tire voix deviendroit rauque & s'éteindroit ; vo- 

î tre haleine feroit d'une puanteur infupportable ; 

! vous reflentiriez par tout le corps des douleurs 

cent fois plus vives que celles que vous avez 
! fbuf&rtes jafqu'à ce jour ; vos os fe tuméfieroient 

j & s'amolliroient, les glandes lymphatiques s'ob-, 

'] * ftrueroient ; vos jjeux deviendf oient rouges , en- . 

^ ^ ' flammés , les paupières calleufes & ulcérées ; vous 

iêntiriez aux oreilles dts tintements , des fiffle- 
jBients continuels ; il en fortiroit du pus & une 
rôatîcre îfchoreufe ; vous éprouveriez des cépha- 
lagies , des- affèdions* convulfives , des vertiges , 
des tremblements & àts parai yiies ; il vous fur- 
i viendroit des oppreflions , des difficultés de 

refpîrcr , des crachements de fang , une toux fc- 
r , che Se humide , des naufées fréquentes, un dé- 

> • ' goût univerfcl , un dévoiement féreux & bilieux; 
^^; en un mot, des maux fi terribles , qu'il faudroit 

que Monfieuryâ/Wr facçues fût bien fin pour vous 
} tmpêcher de crever comme un mUjéiabh, deve- 

- ' - ' ' m 



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M & T M t E U. 4j 

nu en horreur à vous-même & à tous ceux qui 
approcheroîent de vous. — Bienheureufe Vierge 
Marie l s'écria VEfpamol^ quelle abominible Lî« 
tanie venez-vous de débiter ! Saint Voly carpe ! fe- 
courez-moi y ou )e deviens Maniih/en»Jt défie la 
guerre , la pefte & la famine , de réunir tant de 
maux à la fois. 

Ah! Mpnfieur, pour lè peu que cepoifon in* 
fernal étende ies ravages fur la terre , c'eft fait 
de nous , c*eft fait de l'efpece humaine ; VAnte'» 
Chrift va paroître ; Etie Se Enoch vont revenif ; 
les lept trompettes vont fonner > les vifions de 
Saint Jean Vont s'accomplir , & le monde va fi- 
nir. £ft-il poifible que la Supérieure d'un cou- 
vent de filles 9 qu'une perfonne confacrée au 
Service du Seigneur, m'ait fait un préfent fi exét 
érable ! ô créature maudite ! que n'es^tu . . • • « 
non ) vivez , adorable Citadine : hélas ! fi vous 
n'eufliez reçu ce poifon de perfonne , vous ne me 
l'auriez pas communiqué. Ah , Monfieur , mon 
ch^f Monfieur ! je vous conjure par les entrailles ' 
de votre Ange gardien , de me délivrer au plu« 
tôt de ce condylome infernal , ou je me défefpere 
covamt Judas'^ je me pends au premier arbre ^ & 
les boyaux me Sortiront du corps de frayeur & 
d'aneoîfTe. — Appaifez- vous , Seigneur Diego ^ 
dît le Compère ; je vous jure fur mon honneur qiie 
je vous guérirai entièrement : mais parlons d'aï»» 
tre chofe. 

Vous me paroiffez un homme qui avez vu lè 
monde , & qui, par les diverfes aventures devo>- 
tre vie , devez avoir acquis beaucoup d'expé*- 
rîence en toutes chofcs. Je cherche à formerccr- 

taine petite fociété attachez-vous à mol, 

vousjic vous en repentirez pas. — Ah , très-Vo- 
lontiers i répandit ïEfpagnol : que faînt Arnoui 

B 



dbyGoosIe 



^é L E : C o M p E li'ï 

me préferve àt refij.kr une telle offre, dans urf' 
moment où je ne fais que devenir! Au refte, je 
vais vous devoir de fi grandes, ofiligations par 
1 extirpation/'de mon candylome y & par l'expul- 
fiôn an virus qui ms mine c5c me tourmente, que 
je crôiroîsctre le plus ingrat de tous les hora- 
incs , fi je ne m*abàndonnois fans .réfervfe à tout 
c^que" Vous exigez de moi. — JFort bien , dît le 
, Cpmpfre; j'aime les perfonnes naïves & reeon- 
lîoiflàntcs. Dès ce moment je.vous reçpis dans 
YUlufireècrefpeSable Corps des PHILOSOPHAS ^ 
aîpfi^quc mon compère '^/râme q\Xc voici , lequel 
fëra àéformsiis votre intime & votre ami de cœiir. 
— Vous'fevez , dis je au Compère ^ que je nç fuis 
qu'un lot, que vous ne ferez dp moi qu'un très- 
mrnce fujet,-^ Je fais très-bien , dit le Compère ^^ 
que -tu .n'as pas inventé la poudre; ntais tu- 
as afïczid'cfprit pour devenir un jo.ur un phi/o* 
fpphe du cinquième ou fixieme ordre, car il y 
en a de tous les étages. Suivez l'un & l'autre 
' mon exemple ; mes aâions feront vos leçons, — 
Pour moi , dit Diego , je me feus très-difpofé à 
philafopher , moyennant qu'il n'y ait point d'hé- 
refie , que j'aie le loifir de réciter mon rolaîrc, 
qu'on ne coure aucun rifque d'être pris par le 
Diable , ni de mourir fans confeffion. — Pour 
d'h^réfie , reprit le Compère y je protefte qu'il n*y 
CXI a point. Il eft vrai que les philofophes ne 
^ont pas toujours à la méfie ; mais la bonne vot 
lonté eft réputée pour le fait, Se il n'y a point 
^'exemple qu'aucun d'eux ait été pris par le Dia- 
ble. Quant à votre rofaire, il vous fera libre de 
le réciter' aufli fouvent que l'envie vous ea pren- 
dra. Au refte, continua-t-il , comme la philofo- 
phie eft une fc'ence dont les principes ne font 
point encore bien développés ; qu'il n*y a que le 



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Mathieu. 17 

temps & Tufage qui puiflent en procurer une par- 
faite coBnoiflance , ne vous étonnez pas de me 
voir fou vent parler & agir inconféqucmment $ 
c'eft le propre des phUofophes. Ç,t, qui vous pa- 
roîtr^une contradîâion^en moi , fera une marque 
infaillible d'un nouveau degré de connoiflance que 
f aurai acquis, — Ea finîflant ces mots, le Com- 
père fe leva , nous reprîmes notre route , & trois 
jours après nous arrivâmes à Paris. 




ti 



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±9 L £ C O X P E K E 

^' ' ' ' " 

CHAPITRE IV, 

Arrivét du Compère Mathieu d Faris , & fin 
établiffement en cette Ville. 

Mlâ TANT airivés i Paris y le Compère lona nit 
cabiner au cinquième chez un Vinaigrier de la 
rue de la ^7771^. Comme il n'y avoit qu'un lir, 
deux d'entre nous couchoienr dedans & l'autre 
defibus. 

Lts premiers jours de notre arriWe, leCoffl^ 
père ( je ne |kis par quel fecret ) décondylomifa 
YEfpagnol^ ainfi qu'il le lui avoit promis. Eton- 
né du fiiccès , je m'écriai : Tendns-nous-en-là ! 
Compère y nous fommes dans une ville où le ta- 
lent admirable que vous venez de faire paroître , 
ne peut manquer de nous combler de richeile & 
de gloire.-^ Tu te trompes, mon cher Jérôme, 
dit le Compère , quand même j'aurois décondy- 
lomilé Se dévérolifé tous les Moines , les Nym? 
phes , les Laquais & les petits-Maîtres de Paris , 
les Mercuro'bol^afinos Pemporteroient encore fur 
moi : il fliffit que ma méthode ne foit point la mé- 
thode reçue , pour que je fois contredit , dé- 
menti , hué , berné , fifflé , perfécuté , Se peut- 
être lapidé. Au refte , ajouta-t-il , ce n'eft point 
à cette forte de gloire que j'afpire : c*eft à celle 
de la Fhilùfophie fablime & tranfcendante que je 
veux atteindre ; c'eft là que je veux borner mon 
ambition & mes travaux. 

II y avoit déjà trois mois que nous étions à 
Taris , & Diego avoit employé ce temps-li à nous 
faire coniiottre les rues , les carrefours , lésqu^r* 



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M; A T H I ï r6^ s^ 

tiers ^ ainfi que les temples facrés & profimes d^ 
cette ville , lorfque nous bous apperçûmes que 
les eaux baifToient extraordinairexnent chez nous,: 
il ne noasreftoit plusquedix écus. Ce qui m'ayant 
alarmé , je demandai au. CoOTp^r^ quelle reffour* 
ce il avoit à opporer à la mifere qui alloit nous 
accabler ? — Je ne le fais point trop f me répon* 
dit-lL — Hé bien, repris^jje ,que chacun denoos 
emploie quelques momens à refléchir fur quielque 
moyen propre à nous tirer d'affaire : le premier 
qui en aura trouvé un convenable ^le propoferav, 
& après Texamen ^ Ton agira en conféquence*'-*- 
 ces mots fuccéda un profond âlence. 

Il y avoit quelques minutes que la méditation 
duroit , lorfque Diego fe leva tout à coup , Se ^é*^ 
cria : Mes amis ! confolons-nous : le Ciel m^inlpî- 
re un expédient. Il nous relie dix écus ; portons- 
les chez les Jacobins pour qu^il^ prient féum D^ 
rniiuau denous tirer d'embarras. — C'eft fort bieiî 
penie | dis*je à Piega ; mais û faint Domitiiqu^ 
s'ayifi^h d'être fix mois fans nous fecourir, com- 
me ont fait les Bonnes Ames de Rameliton égard., 
que deviendrions-nous pendant ce temps-U ] -^ 
Ma foi • je n'y fongeois pas , répondit-il. . •mé* 
ditons donc , ajouta-t-il. 

La féconde méditatien avoit dé>à duré quelque 
temps , & aucune idée ne venoir y lorfquVn S^ 
vo]rard vint dire au Compert jfiathitu de lefuivre 
à rinftant pour affaire iipportante. . . 

L'allobroge conduifît le Compère chez le Mi»n 
quis de Barjolac. Après avoir attendu quelque 
temps dans uoe antichambre , où trois grands Lar 
quais s'pccupoient à ddfputer fur le mérite de là 
Sémiramis it Voltaire é an CatiUna de Crébitlofi , 
il fut introduit. Il trouva le Marquis occupé à fe 
noircir les fi^urcils , à m^sttre ion rouge , âc à f e 

B3 



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rjd X is C o M p E K E .. . 

parfumer les aiflelles & les génîtoires : cette be- 
fogne étant finie, fonvalet-dc-chambre lui chaufl'a 
une paire de fouliers à talons rouges dont l'entrée 
était bordée de calepin blanc ; ilacheva de rha- 
biller; il lui ceignit un épée , dont la lame étoit 
de buis, pour que fon poids fatigue moins; & puis 
s'en alla,^ Lorfque le Comptre & le Marquis furent 
feuls , ce dernier fe jetta dans un fauteuil yfe mit 
à mâcher quelques paftilles , prît de trois fortes 
de tabac dans la même tabatière , touflk'd'un petit 
ton enfantin , fe moucha dans un mouchoir de 
foie blanche , s'efluyaavec un autre couleur de 
rofe , fe leya , fe mira , fe rengorgea , fit une pi- 
rouette fur Ie.talon^& dit au Compère ; L'Ami , je 
fais que tu fais de très-jolis vers ; je te prie de me 
•faire , en payant , une Satyre des plus îanglantes 
contre le Duc de Bracaflron. Ceft un fat,quiaofc 
me contredire chez la Marquife de Qrand-Chun\ 
qui m*a deflèrvi chez le Miniftre ,'qui ne ceffc 
-4'afiefter publiquement à mon ép^ard un air de mé- 
pris qui m'outrage , & duquel il faut que je tire 
unie vengeance complette, — Monfeigneùr , dît 
le Compère , le procédé du Duc de Bràcafiron eft 
injuftc. Mais il me ferable d'avoir lu dans Héro- 
dote d*HalicarnaJfe ., Liv, 8. Chap. des Querelles 
entre les Ducs & les Marquis y que de fon temps les 
•gens de votre forte oppofoîent leur épée à Tin- 
iulte & non pas un libelle : nos preux & vaillans 
Chevaliers en ont fait 4e même : cet ufage fe 
pratique encore aujourd'hui en femblablc occa- 
Son : pourquoi ne vous v conformez^vous pas ? 
— Que le Ciel m*en préferve ! s'écria le Marquis 
de Barjolac^ cela peut convenir à quelque Gentil- 
lâtre de Bafle-R-etagne ou du Bas-Poitou ; mais 
à un homme de rita condition? fi : il n'y a rien de 
plus roturier que de fe^battre: d'ailleurs le i?z/<; 



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^ ' M A' t H r E tr. ^ [31 * 

eft.iin fpadaffin à.culbuter foivennemi du premier 
coup de lame, & à ne faire aucun fcrupule d*o- 
ter la vie au dernier rcjetton de TilluAre JRace^s 
Barjotàes , dont les Ancêtres , tant mâles que fe- 
melles , on rendu de fi importans fervices à nos 
Souverains. Aurefte il eft roffenfant, jefuis l'iof- 
fcnfé; qui de nous deux doit être puni? ^— Cts 
raifons-là font admirables , reprit le Cômpere ; mais 
comment voulez-vous qde jefaffe une Satyre con- 
tre leDuc de Bracàfiron ?Jc ne lui connois d'autre 
défaut que celui d'êfre votre cniicmîl ; — Ma ven- 
geance & mon couroux t'infpireront , repartit le 
courageux Marquis ; f irai te voir ; en attendant » 
penfe , rêve , imagine , ufe du privilège de là 
poefie ,aye recours à la fiâion. Tiens ^ voilà dix 
Louis à compte de la fomme que je te defline fi tu 
réuffis à mon gré: juge de ma gcnérofitépacraoa 
reflèntiment. Adieu." 

• Le Compère Mathieu étant revenu au logis fe mît 
à écrire j écrivit le rcfte dfe-ia journée j écrivît 
to^te la nuit, écrivit une partie de la matinée du 
lendemain , & venoit enfin d'écrire \2l Satyre , lort 
que le,Marqvis^de Barjolac arriva. —^ Quoi ! s*e- 
cria-t-il en çntrant , Je libelle déjàiîni.! donne 
vîte , mon cher , que ]t le life. .... Tout part de 
fource ! je n'aurpis pu mieux t'infpircr ! Sans 
doute que le Duc t'a fait auffi quelque outrage ; 
car il n'y a que la rage 8c la vengeance qui puifl 
lent t'avoir difté cet abominable libelle. -r- Point 
du tout , Monfeigneur y répondit Je Co/Ty?^;-^ • Jg 
défir de vous ftrvir , certaine inclination que la 
Nature m'a donnée à cette forte d'ouvrage , & 
les dix louis que j'ai reçus hier de votre main gé- 
néreufe , furent mon Appollon , &le feront tou- 
tes les fois qu'il pla'ra à votre grandeur de fe fer- 
vir de moi pour tirer une vengeance gJorîeufe &•* 

B4 



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31 L K C OK P K ît B 

cômplctti de ft$ commis. — Lt Marquis enchàa- 
té^donna trente autret^ Iwis AuFoëte & emporta le 
libelle y qui (è muttîplia tellemefit qu'en moins 
àt, vingt-quatre hçore^ tous les cercles tiê Varis 
«Cl furemJaondës ; en moins de trente--fix heures 
il fut imprimé avec des notes & des augmenta- 
tions ; 6c ço moins de trois jours le Duc de Bra- 
ic^Tûnifoit devenu d'un ridicule fi frange aux 
youx des trois quarts de te qu'on appelle le ^r4»(^ 
^pikdi I qu^il fe feroit caché pour dix ans , s'il 
^ eu! le ciQBur auffi bien placé que fou îUuftre 
îWiiemi.: : . 

, Hé bien ., Srignair Diego , dis- je à VEJpagnol 
s^rès cette aventure j>ous ferable-t-il que Saint 
Parnihiçuc t^t rempli fî abondamment notre at^ 
tente , & en fi peu de temps que le Marquis de 
ffarjoiac} -— Qui vous a dit , répondît-il >que le 
hn Saint n'y a point contribué en .faveur de h 

Îieufe intention que )'av6is eue de aotts- adrefTer 
j^ui? Ten fuis tellement convaincu «^ qn^oi r^ 
^impifiaççe d^un tel bien fait ^^^evàis dece pas 
faire allumer un cierge de deux livres devant fon 
îmag^. — En finiflânt Ces mots il partit , Se ut 
revînt qu'après avoir exécuté fa promeflèà 




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M ▲' T H' r ]( Ur^ '3^ 



C H APÏT R E V. 

Continuation de notre féjour à Paris, Vifion 4^, 
Diego* 

if 'A I dit qw nous étions logés au cmqmeme 
étag€. Mais les quarante louis, du Marquis djs^ 
J^tfr/o&c naùs-«firent defcendrc au fécond ; & au^ 
Heu d'un cabinet où il n^yavoit qu'un Ut , novifi 
louâmes deux chambres où il y en avoit trois. • 

Dtepab U compofîtion du IrbeUe , Toccupa-^ 
cian journaliers du Compère Matiietiétoit de tr^ 
valller pour un Libraire aux gages duquil iF 
étoit* (^vkant iVEfpagnûl &c moi^ notre befogn^ 
confiftoit à copier divers pafTages dans lies Au<^ 
teurs que le Compère nous indiquoît , à faire 
tes comoûfltons , la cuLSae Se le trjacas d^i zné^ 
nagfi. . 

UB.foÎP que rEJpagnol était fortî pour cherw 
cher quelque aflàifonnement qui manquoit àun^ 
tête ^e moucoi^ que nous, avions pour fo»uper> il 
rentra ea pouffant <les hurlemens éponyantabléju. 
-^Sainte Marie à Ui coque i s'écri*-t-il ,. en fe jet^ 
tant fur le plancher de la chambre y jt fuis mort^..^ 

confeffion f je n'ea puis plus j*ai vu • -, . .altit 

mes compagnons . . j'ai vu. • < . Que Diabreasi- 



tu vu , dît Te CoOTjwrî: ? -^ Ah ! continua VUfrc j, 
je viens d'avoir un^ vifion qui n*a pa^ ^parciik 
dans. Eiéckiety ni dans VApoealypjfe y m dan^ le^ 
Révélations iefàinte Brigitte l . . . j-aL vur unlaup^ 
garou* ♦ . . il ayoit la tête d^un Hterwite ^Ic çnrpi^ 
runfanglier , Tes jambes d'un ïo^,j, &U quei]^ 
d^UQ: chat fil lui forçait dunombxiitkmpirjé d'vA 



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wm 



34 L ï C O M P E R E 

tablier de fethrhe , à ce que je pus vcyîr par les 
cordons. . . . nous femmes perdus ! le voicî. . . 
je le vois . • . . miféricorde !• Saint Tongarini f 
fecourez -moi V ou il va m'àvaler comme une 
huître. -^ En difant ces mots il fe fauva foljs un 
lit. 

Le loup-garou que Diego avoît vu , étoîtim 
Vieillard feptqagëjiaire ayec une barbe blaqçhe , 
•couvert dé vieux haillons, qui reihontoit Tefca- 
lier, & que la fuite & le tintamarc de VEfpa^ 
' gnol fivtnt entrer dans notre cHatiibre , pour le 
défabofcr de la peur qu'il lui avoit caufée inno- 
cemment. 

• Mes cnfans , dît le Vieillard , je ne fuis point 
tout-à-fait fi affreux que Monfieur qui eft fous le 
lit fe l'imagine. Si j*aî l'air un peu hétéroclite , 
c'êft que l'application que je doime aux Sciences 
rac fait négliger mes accoûtrcmens ; mais l'ha- 
bit ne fait pas le moine. 

Il y a cinquante-deux ans que ;c demeure 3ans 
le grenier ci-deffus , .& d'où je\ne (ors. que tous 
fes lundis pour chercher ma provîfîon hebdoma- 
daire. 

Je me fuis rénfermé^ très-ieuné dans cette habi- 
tation , afin de vaquer plus librement , plus tran- 
qurllement à l'étude de la Philofophie: Enfin, 
après bien des veilles & des travaux , je fuis 
parvenu à finir un Traité de. la Sdence Univer- 
fill^i que j'éfpere donner înccflàmment auPubfc. 

• La première partie de ce Traité de la Sdence 
Univerfille confiftera en cent foixante volumes //2- 

fùliô reliés en maroquin rouge ,. dorés fur tran- 
che & fur plat , enrichis d'un grand nombre de 
planches ^ que j'aurai foin de ne faire graver que 
médiocrement bien pour éviter la dépcnle , &nje 
tctiret un peu de mes autres frais. 



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-.Mathieu. '3Jf 

Voici le plan de cet Ouvr^age» 

Ayanf établi de quelle manière refprit humain 
grimpant des individus ^ux efpeces, des efpeces 
^aux genres /des genres prochains aux caufès éloî- 
gnées , forme prefqûe à chaque pas une Science 
nouvelle , je fais voir commcnf on parvient à la 
notion générale de Tefprit. ' * . 

«Prêtez attention y je vous prie. 

L'exiftencc, la poffibilitc , la fubftaricô , l'at- 
tribut ,1a durée , &c. font des propriétés gêné*, 
raies ;de tous les êtres. J'examijnc ces propriétés 
à fond , & je formé de cet examen la Science de 
TEfre en général. D'où TOntologie , ( dont'j'o- 
niejrtrâi de vops parler, pour abréger ,) laPhcu- 
matologie , qui eft 1^ ftience de J'efprit , & îa 
Phyfique particulière. 

w Attention , encore un coup , c'eftdeï'abftra't. 

Je dîvife la Pneumatologîe en trois branches. 
la première comprend la x héologie naturelle ; 
d'où religion , fedes, héréfies , fuperftîtion , fa- 
îiatifmé ; d'où Tintolérancc , la persécution , là 
cruauté, la .million du Duc à^Albp y &.lepaffe- 
temps de ChdrUsIX. La ftconde de œs branches 
çonfifte dans la Dodrine des,Efprîts ,. bons ou 
mauvais : d*où les Anges , les Démons , Its Sil- 
phes^les Gnomes , les Lutins , les Spçôres jles 
Kevenans ; d'où les Sorciers ,îe^ Magiciens , les 
Loups-garous ; d*bù les vifions , les extafcs^ , U% 

{)oireflîons , les obfcflîons les cxorcifmes. Enfin 
a tfbifieme branche de là Pneymatologie fe dif- 
tribue en Science de VA^reraîfonnable,enScien- 
è de rAracfcftfitive , ou, fi vous IVimez noteu» j 

B6 



zéi^^K^OO^ 



.jtf Lb Ç X) k p -je «. I 

:ciï Scîenic^ de l'une & de l'autre à la fois. 

Je paffe enfuite aux deux Facultés principale» 
et 4'hônune y qui £bnt Tentendement 9c la .vor 
loticé. 

Commî; ces deux Facultés font de leur nature 
aflez bizarres, aflèz mutines, je charge la logique 
de diriger h première à la vérité , & la Morale de 
plfef k féconde à la VertiK ' - . 

Je divife la Logique en Art de penfer > en Art 
âe reteairlè^ penlées , Ôc en Arc de les comi&u** 
xiiquer^ 

^ dîftingue dans rEntendeitieiïr quatre O^é^ 
«^^rions principales^ ainft que quatre braiichts dii^ 
férenrer dans Fart ae p^enfèr. L'une & l'autre de 
ces quatre branches fe rapportent à chacune des 
Opérations intelleduelles , qui leur eftpropje^ 
* f> Je ne fçais û vous m''enteiidez , hous dit le 
Ti^illard î — Pas trop ^ lui répondîs-je. — Eh 
bien f répliqua* t-il , attribwz cela à h perte que 
}'ai faite des trois quarts de mes dents : redou- 
ble? votre attention , 8c paflez quelque chofe à 
mst vieiUelTe* . 

La Mémoire naturelle & la Mémoire artificiel Ir 
font deux Mémoires. La première coniïfledans une 
WIFeâationr d'organes , & la féconde , dans la pré*-- 
fiotion & dans Pemblffme ; ce qui s^appelle If Art 
de reteiiir ^ un peu différent de celui de tran£f 
aetire. 

„ Je àivik l'Art de tranfmettre eu Grammaire 8ç 
en Rhétofique. La première comprend lèsITgnes ^ 
la profodie ^ ta fyntaxe , la coaftfuâion & autres 
Bgtïts de la penfëe ^ tçk que k,% geftes & le» 
caraâéres^ 

Les Caraâçres Cont , cm idéaux t ou hiérc^Ijr-^ 
phique^ > ou héraldiques^ Les Geftes font les gri-- 
juces , le3 carefies , les lou&ts ^les coup^ de; 



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M ▲ T H 1. 1 U. Yf 

pied au cul & autres femblables geatillefle^. 

Quant à la Rhétorique , je n'ea traite que fi^ 
perficielIemeRt. le me borne! à n'en faire découler 
que la DécIaBiatiofi", telle que celle de la plupart 
des Auteurs, des HaraRgueurs , des Paoégyrif^ 
xts j àLt% Prédicateurs , dés Avocats , & autres 
Braillards ^ui eagnent leur vie & étourdir les çen^ 
d*e^rit > & à »ire tourner la cervelle aux Idiots.^ 

u h paffe à la Morale.. 

La Morale eit générale ou particulière.. La prd* 
miére (bus-^entend la Science du bien & du mat 
moral ^ sll y en a ; & celle d''étre j,ufte & ven* 
tueux «' fi "on peut l'fire. 

La Morale particulière comprend là Scfenet de 
ce qoe PhoBirae ie doit à lui-mime ; de ce qu'U 
doit i fa famille ; de ce qu'il doit à la fociété ear 
général; de ce qu'il doit à fes créanciers en parti- 
culier* Ce que Grotiàs , Cumberiandy Pt^endorff^ 
& Surlamaqui ont fort bien développé dans leurs 
Ouvrages j mais pour le malheur de la Francf 
on IkCujas & Bart^UyJk on lailTe là ces Me^-^ 
fieursm ^. 

Voîlî j mc^ Enfanr, en quoi confiftç la pre- 
mière partie du Traité dtl a Science UniytrfdU qtf% 
je vais mettre au jour.. 

La. fcconde partie de cet ouvrage fera de cène 
quatre-vingt volumes £a-/oi/o relies en bafane , S^ 
ornés d^in aulfi grand nombi^ de planches que 1^ 
première. Elle contiendra la .îàVncf de ta nature^. 

le diftribue l^Scicmcc dt la tuuurtitvi Pbyiique 
&: Mathématique. ^ > 

Obfervèzen paflant que ^ tire encore cette diC^ 
trihutîon de la» réflexion ^ fie de l'heureux pen- 
chant- que le Ciel m'a^ donné à généralifer k# 
cIlo&5.. i 



dbyGoo,qIe 



mi^mm^^mKmmmmmmÊmitmm 



►58 t e" C b M P E RE 

Comme J'ai connu parles fens les Individus 
réels , les Aftres , les Elémens , les Météores, &c. 
' j'ai pris en même temps la corindiflance des Abf- 
traîts. 

Alors la réflexion m'ayant fait voir que des 

• Abftraits les uns convenoienf à tous les individus 
corporels , j'en ai fait l'objet dé la Phyfîque gé* 
•nérale. Ptjis ayant confidéré ces mêmes propriétés 
dans chaque individu en'particuHer , avec la va- 
riété qui les diflîngue , j'en ai formé l'objet de 

•la Phyfique particulière. 

Je paffe à une autre propriété plus générale 
•des corps^, que je- nomme quantité. 

J*ai confidérc la quantité fous trois difFérens 
points de vue, & j'en ai fait l'objet à^s Mathé- 
mathiqucs fimples ^ des Mathématiques mixtes , & 
des Phyficô-Mathématiques. 

«De grâce , écoutez , ou je me tais.. 

• L'objet des Mathématiques pures cft la quan- 
tité âbftraite nombrable , ou la quantité abftraite 
étendue. L*urie eft l'objet de P Arithmétique, l'au- 
tre eft celle de la Géométrie. 

• L'Arithmétique fe divife en Arithmétique par 
fignes , & en Arithmétique par lettrés. Cette der- 
nière s'appelle la fctencedes Loups* 

Il y a autant de divifîons & de fous'-dîvîfionj 
dans les Mathématiques mixtes , quUl fe trouve 
d'êtres réels dans lefquels on peut confidérer U 
quantité. 

• La quantité confidérée dans les corps en tant 
que mobiles ou tendant à fe mouvoir /eft l'objet 
de laMéchanique. 

• La Méchanique fe divife cri deux branches r 
Tune coipprend la Statique , qui fe dîftribue en 
Statique proprement dite, &en Hydro-Sratiqiie. 



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Mathieu.. _- 39 

L*atrtfc comprend la Dynamique , qui fe dîftribiic 
en Dynamique proprement dite , & en Hjrdra- 
Dynamique. D'où la Navigation & la Baliftique : 
d'oà la découverte du Mexique , le bombarde- 
xrient d'Alger , & la puiflance des Ànglois, 

♦ * ûlt paflTe à TAllronomie géométrî^tie. 

L'Aftronomie géométrique eft Tobjet de h 
quantité confidérée dafrs les mouvemens des corps 
céJeftes.D'où la Cofmographie ,1'Uranographie, 
^PHydrographiç , la Chronologie , il Tart utile & 
admirable de faire des Cadran^. D'où les Cadrans 
.horifpntaux , verticaux 9 &équinoxiaux , incli- 
nés, d.éclinans, cylindiiques , fphériques f d*où 
les Cadrans anakmnatiques^ azimuihaliques » al- 
.niuncantarique$ » judaïques y italiques , bab'yloni^ 
iques ; d'où les Cadrans Germaniques , Helvéti- 
ques j philofophiqnes , antique JL> èc quantié d'ai>< 
.très Cadrans^^ dont l'ufage & l'importance font 
connus par tout l'Univers , fur-tout chezlc^ dé- 
fœuvrés , les moines , jk les fainëans^ . 
,. La quantité confidérée dans la lumière ôUfoQ 
moiivenvent , donne l'Optique. D'où la Cataj^tri- 
que & la Dioptriquc ; î'où les lorgnettes d'Opé- 
ra , les befîcles de Vieilles & les iiînettcs 'd'A- 
vares. 

- La quantité confidérée dans K Son & fes pro- 
priétés y donne l'Acouftique. D'où la Cataçpuf-» 
tique /& l'écho de Woodfiçk. ( i ) 



(i)Leftmeux.Echo de TToodfiok, pris d'Oxford ^ 
répète dix fept fylhbc's pendant le jour, quand fl rait un 
peu de vent, & vingt-qnatre pendant la nuit : car aîors 
rair étant plus, denfe , .les.yibrations devienrei)t p'us 
lentes^ & Ton enterxd la répétition de plus de fyl!afces. 



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40^ L E G a JVC .p , IRE 

£afin k quantité confidérée dans Tair j doii»- 
ne la Pneumatique. D*où la Crépitalogîc , VAC- 
tme , les Vapeurs & l'Art d'étbufFer U$ Chats fous 
une calotte de verre» 

Mes enfants >k vais finir: je n*aî plus qu'im 
mot à dire d« fa rhyfique particulière. 

Je fais fuiyre à k phyfîque particolief « k mê- 
me dîftributiott qu'à Thiftoire naturelle^ .VQÎci 
comment. 

/ Le^ Sens ayant procure k connoâflance ifes AC- 
trts , de kurs mouvemens apparens y fenfiblçs , 
Jtc.lar^fiexion aproduit l'AftronomîcPhyjÇque. 
D'où k connoiiTance Ae^s influences des Pk^etes^ 
des vertus^ de k Pteine-Lune , ks PrédiAions , ks 
iUmaaiaebs , &c. 

Les Sens ont fait conpoître hs Météores ; k 
«éfiexion a produit k MétéoroIiOgîe D'où k con-- 
fioiflance d^s j^ou€tres du Tirol & de k nécef- 
£té des pvap^ie. 

les Sens ont fait connoître hr pFantes ; k ré^ 
9txum a produit k Botanique, TAgriciikùire ,. 
icç\ D'où l'art de cultiver les ^rarqttes , d'ayoir 
éti iraifbs i Ndê't, &dto melons aux Rois , eu 
dépit de I» nature. 

Finalement , ]^ Sens ont fait connoître le* 
j&aîmaux ; la réfkxio» st produit la Zoologie; 



Foyej leTMkxir.'Fipr^itànsfoa Rifi. Naturelle iTQx^ 
fort. Il y a au noid*dèi'î?gU(e dfe Shipley , dans h Vïo^ 
vincedé Sufex ^ un écho qui. répète penddlit la nuit cei 
vingt Se une lyllabcs : - 

Os hmtùfuhlimt dcditealumqiu tiim- 
Kojf. k texicon de Rartkis^ m wprEcBov 



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M A T H I E V. 4*^ 

D'où la Médecine , TAnatomie , la Pbyfiologie» 
rHjgicne , la Pathologie , la Séméïotique &lc^ 
trois branches de la Thérapeutique ; d'oà le ta* 
lent de défbpiler le foie , la rate & le pancréais' 
en défopilant la bourfe ; &c l'art dç nous envoyer 
ad Patres y un peu plutôt que nous ne le voudrions» 
Voilà , mesEnfans, en quoi.confifte cette ffr* 
conde Partie ^ qui paroltra peu de tems après la 
première. 

Comme je n*ai que foixante-qûinze aas , & qoe 
ma fanté me promet de vivre encore un demi-fié- 
<:le , j'efpere de voir quatre ou cinq éditions du 
Traité de la Science Univerfelle ; & pafler mon 
tempsà le recevoir , le corriger & Paugmenter jut 
qu'à ce que Vénus pafle fur lé difque du Soleil^ 
ou que la Sultane MoJ^ua fafTe une pirouette fur 
le nombril de fa Hautefle : ce qui revient au snêf- 
mé. Alors ayapt obfervé ce paflage de mon grcK 
nier, j'emploierai le refte de mes joufs à campa» 
^er une Ouvrage fur la conjonâioB d^ plaoettes. 
Adieu mes Enfants.—- Ayant fini ces mots le 
Vieillard partît. 

i^'ego qui n'avdit bougé de deflbus le lit pendant 
le difcours du Vieillard , fortît enfin de fon ré- 
duit, en s'écriant qu'il n'avoit eu que trop de fi»- 
jet <f être effrayé de ce. qu'il avoit vu fur Tefc». 
lier. — Le Loup-Gàrouy continuait-il , n'a repris 
- la figure humaine , en entrant dans cette cham- 
bre , qu^ pour nous réciter les trois quarts du 
Grimoire , & peut-être pour nous enforcelcr 
tous. maudit fuppot de Bel{ebut & à'Jftaroth ! 
que n'es-tu dans le fin fond de PEnfer > avec. les 
Enchanteurs de Pharaon , Simon le Magicien Se 
le Minifire Bekker ( i ) ou bien , que n'es- tu 

1 _ _ 
( j ) Balthafar Pekker , Miniftrc Calvinifte à Amflcp* 



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îji ^ • L E " Compère 
'réduit en cendres au milieu de la Grève, aîhfi que 
le furent Urbain Grandier 4 Loudurij Se Gbfredik 
MarfeilU ! Mais non , je ne puis avoir la fatîsfac- 
tîon de te voir brûler vif en ce monde , avant que 
tu partes pour TEnfer , ton héritage. Les Tribu^ 
Baux , les Magiftrats , à force de ne plus croire 
aii Diable, ne croiront bientôt plus en Dieu; car 
rien n'approche plus de TAthâifme que de nier 
la pc^flibilité, la réalité des fortiléges , des en- 
chàntcmens , des maléfices , des pades avec. Iç 
Diable , 8c du Sabbat. Auffi depuis cet indigne 
relâchement de la J uftlce envers les Sorciers , npos 
voyons journellement des effets terribles de la 
puiflance de Satan & de la méchanceté des {ks Mî,- 
nîftrcs: Tantôt une fécherçfle exceflîve brûle Jes 
campagnes & fait périr Its récoltes ; tantôt des 
pluies continuelles font déborder les rivières qui 
inondent les villes & les villages , entraînent les 
maifons , les ponts , les éclufes,&c. Tantôt une 
grêljç afircufe hache en pièces lés/arbres, les vi- 
gnes ,Iei mx)îfrôfls *, & écrafe jufqii'aux hommes 
& aux animaux. D*un autre coté ce font dés in- 
cendies qui confument des cités entières ; .des 
trembiemens de terre qui bouleverfentdes Royau- 
mes ; des volcans de foufre & de feu qui embra- 
fent de? Provinces ; des guerres. fan^Iantes qui 
ruinent &'défolent les plus belles parties du mon- 
'de ; des peftes horribles qui ravagent continuel- 



dam ', foutient dans fon Monde enchanté , que hs Dia- 
bles n'ont aucun pouvoir fur les Hommes , ou plutôt 
il infimie qu'il n^ a point de Diables. Cet Ouvrage 
ayant fait grand bruit, les Magiftrats d^Amfterdam le 
dépoferent : mais comme c'étoit d'ailleurs un homme 
ide mérite & fort favant y ils lui conlervercnt fa penflon. 



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. , Mathieu. 4? 

ïement quelques contrées dé li terre : joignez à 
cela un poifon cruel répandu dans l'aîr , qui de- 
puis quel(]ue t^iffps fait périr les beftiaux ; un 
venin fub*til , qui répandu dans le fang de la 
jnoitié des hbmmes , attaque Tefpece humaine 
jufqùeis dans les fources de la génération : ajoutez 
encore les Médecins , les Charlatans avec leurs 
fachets antiapopleôiques , leurs poudres , leurs 
baumes , leurs pilules , leurs teintures ftomachi- 
ques ; puis les Avocats , les Procureurs qui trom- 
pent & ruinent les Plaideurs; les Financiers qui 
fucent le fang du peuple ; les Riches qui fou- 
lent aux pieds hs pauvres , & qui fe méprî- 
fent ou fé haïffcnt hs uns les autres ; item , le 
froid , le chaud, la mifere & mille autres maux 
qui nous aflîégcnt fans cefTe le corps & Tame. 
Que Ton dife alors qu'il n'y a point de Sorciers , & 
que le régne de Satan ne commence pas à prendre le 
dciTus fur celui du Seîgçeur. O temps! 6 mœurs ! 
6 monde malheureux , eriforcel^ & corrompu ! 
Il faut^vouér ,' dit le Compère , que ce Vieil- 
lard eft un infupporrable bavard*: où peut -il 
avoît péché cet impertinent difcours ? Je n'aurôîs 
aflurémeilt point eu la patience deTentendrejuf- 
qu'à la fÎQ , fi je'n'cuffe obfçrvé parmi les fottifes 
, qu'il débitoît , certain ordr& de ehofes qui me 
plut beaucoup. En effet ^ û quelqu'un avôit à 
faire un Traité fuivi yraifonn^ ydoSrinal de toutes 
les Sciences que V homme j>eut déjirer favoir y je lui 
confeillerois de fuivrece plan pour former le yy/i 
téme figuré des connoiffances humaims ^ qu'il de* 
yroitJûCtï;re à la tête de fon Ouvfage. Mais pour 
peu qu'il entrât de Philofophie dans ce Traité 
fuivi y raifonnéy doSrinal de toutes les Sciences y il 
ne (èroît point praticable ; les vrais dévots s'en 
fcindâlrferoient , les hypocrites cfieroientàl'-^- 



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44 LcCoMPEms 

îhée y au Thilofphe\ les Miniftres, les Courtifiw 
& ceux qui ont intérêt que le Peuple demeure 
fimple &fbt , crieroient au Raifmneury au Mutm\ 
au mauvais Citoyen ; & T Auteurfen fcroit quitte i 
bon marché , fî après avoir vu fupprimer on brû- 
ler Ton Livre « on lui laiflbit la liberté de s'aller 
kter dans la rivière , la tête lapreiiiere. Telcft 
le génie de ma xhere nation. Un Vieillard à demi- 
timbré s'eft enfermé pendant cinquante-deux ans 
dans un grenier , pour éviter l'importunité des 
fotSy la perfécution des médians , & pour écrire 
en liberté. Que doit donc faire un homme qui a 
fon bon fens ? temps ! ô mœurs ! • • • ô divine 
Fhilofophie ! dans quel coin de la terre étes^vous 
retirée? 




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M A T H I ï IT. 4f 



C H A FIT RE VL 

Zc Compère Mathieu fe répand dans le Monde. 
Terfécution qu*il ejfuie. Autre perféctuion. Di-^, 
• i</p«'> d^ Diego. Son triomphe^ 

•f ' A I ^'it dans le Chapitre précédent , que le 
Compère Mathieu étoit aux gages d'un Libraire ; 
inais comme ces gages fuffifoîent à peine pour la 
dépenfe du ménage & notre entretien , & que les 
j)ucs &c Marquis vivoient en bonne intelligence » 
le Compère , qui cpmmençoit A être connu dans la 
République des Lettres , travailla pour fon 
compte , & débuta par un Chef-d'œuvre ; ee fut 
fon Traité de CracoiogK. 

Comme il connoiiioit l'ignorance des quatre-» 
TÎngt-dix-neuf centièmes des Libraires qui ne fa- 
vent point apprécier les chofes , & l'injuftice & 
l'avidité du refte , qui fâchant connoître le mé- 
rite d'un Ouvrage , ne le paient point fa valeur : 
il fit vendre fon livre à un de ces Meflîeurs , le 
vendit Iuî*méme à un autre , auquel il l'efcroqua 
enfuite , pour le revendre à un troifiemc. Il ar- 
riva de-là que les trois Libraires crièrent Harô fur 
le. Compère Mathieu ; que celui-ci , comme Phi- 
lofophe, enritï & que le Traité de CracologU 
fut vendu ce qu'il valoit. 

Un Cheureux début ne tenta point le Compère 
de fe remettre Auteur à gages» Il continua de 
travailler pour fon compte ; & malgré là prudea- 
ce de Meffieurs de la Librairie , il trouva toujours 
le moyen de fe faire bien payer de fes ouvrages j 



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-/ 



4^. , Le Compère 

ce qui le mi^ en état de prendre un quartier dans 
le vpifinagc de notre hôte le vinaigrier ; & de . 
créer deuf nouvelles charges en faveur de Diego 
& de moi; celle de Laquais futlelpt-de VEfpor 

frnol ; celle de Vàlét-de''-Chambre-Sécretaire fut 
c mien. - 

Il s'en falloit beaucoup que la Philofophie eût 
rendu lé compère mifantrope , fournois , bourru , 
fantafque , & tel .que certains Philofophes le font: 
au contraire , il étoit enjoué , poli , ouvert 6c 
gracieux. Ces belles quilitcs jointes à une figure 
très-avantageufe , le faifoient defirer& rechercher 
dans les Cercles les plus diftingués de Paris ; mais 
cela ne dura qu'un temps; il éprouva bientôt que 
, l'inconftance & l'ingratitude font le propre des 
^Grands. ' 

Il avoit compofé , chanté ^ publié , quelques 
couplets un peu cauftiques, (.& cela le plus in- 
. nocemmeht du monde) contre quelques perfon- 
nes de condition , dcfqqels il éprouvoit jouraçl- 
lèitient les bontés, Cts pcrfonnes piquées de cette 
tâgatelle , s'aviferent de décrier le pauvre Co//z- 
perecommQ un efprit inéchant & dangereux , en 
un mot, comme un monftre& comme une pefte 
dans la fociété. 

T e -Compère Mathieu avoit l'çfpr it trop bien fait 
pour fe formalifer deTinjudibe & de la lâcheté 
de ce procédé. Il favoit que le vi;ai mérite & la 
Philofophie furent de tout temps eh but à la ma- 
lignité. Il fe contenta de renoncer à tout com- 
fflcrce avec les hommes , & de ne s'occuper défor- 
mais qu'à écrire. 

En conféquence de cette réfolutionjll ne for- 
toit plus ; il travailolit fans relâche, rour toute 
récréation , il s'amufoit de temps en temps î 
faire quelques légères obfervations furie Gou- 



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M A T H I M ir, 4?f 

vcmcment : lofqu'îl y en avoit un cahier , Diego 
alîoit le vendre à un Libraire honnête & difcrct ; 
cela fervoit aux menues dcpenfcs du ménage... 

Nous jouiflîons d'une tranquillité digne d'être . 
enviée , lorfqu'un foir l'Enfer fufcîta unExempt , 
deux Sergents, trois Recors & fix Pouflc-culs ^ . 
qui vinrent enlever mon pauv/re Compère y fe$ pa- 
piers, fes effets & Pheureufe caffette qui contc- 
noit toute notre reflburce & tout notre efpoir. 
. Lorfque ces fcélérats furent partis , je àïs^ iî 
YEfpagnol que cet événement avoit pétrifié : hé 
h\QTi\ Seigneur. Diego yVoici bien une autre afr 
faire qup la rencontre du Chebec Algérien? — 
Ah î les- malheureux _,. s'écria-t-il , de venir ainfi 
enlever mon Maître , le plus grand,, le plus pro- 
fond , le plus fublime & le plus honnête des Phi- 
lofoph^îs de la Terre ! Ah ! les Barbares , de nous 
laifler fans un fol! — \,t Révérend T ère Jean iz 
Siguença le difoit bien un jour fur renlévement du 
Trophete Eïie , que l'on avoit fubftitué la rapine au 
défintéreffcmcnt , & la violence à la charité. Ah ! 
Fere Jean de Siguença , où êtcs-vous? Que n'c-* 
tiez-voùs ici pour confondre , ou plutôt pour 
excommunier ce maudit Exempt , avec (ts deur 
Sergents , fes trois Recors , & ks fix Pouffe^, 
culs! ' 

Héurcufement qiic nous n^étions point tout- 
à-fait fi pauvres que Diego le croyoit. Il me ref- 
tort encore dix écus. Mais qu'étoit-ce que dix 
ccus pour deux hommes qui n'avoient que cela 
pour toute reffource ? VEfpagnot avoit été âutrc^ 
fois Comédien , Sauteur , Laquais ', Ecrivain , 
Cocher , Colporteur ^ Suîfle , Poëte , & ppuvoit 
l'être ertcore ; mais moi qui ne fuis qu'un fôt, 
qu'un malotru ,,à quoi pouvôis-je fervir ? ' , 

Ayant pafTé la nuit dans les plus trilles réfle- 



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|f . . . L É é O M P E H E 

xions , le lendemain matin nous h>uànies un ga^ 
letas chez le Foffbyeur de faint Médard ; Se nous 
employâmes le rede du jour & les quatre fulvans 
à tacher de découvrir les traces du malheureux 
Compère Mathieu ; mais nos peines & nos recher* 
dies furent inutiles. 

Le foir du cinquième jour nous nous trou- 
vâmes plifs défolés que jamais. Nous venions de 
fiure dans un morne filence le plus léger des fou* 
pers , iorfque Diego s'écria d'un ton lamentable r 
Ah ! fi je n^avois point oublié le métier de Poëtc, 
je pourrois mettre en vtrsVOfficc àt l'Immaculée 
Conception , ou paraphrafer le Liiera f & tirer de 
Pun ou Tautre de ces deux Ouvrages de quoi fub» 
fifler quelque temps ; mais , hék^ ! j'ai oublié le 
inétier de Poète... • ah ! fî je h'avois point ou- 
ijlié le métier de Comi-Tragi-Sauteur \ \t trou- 
verdis peut-être de l'emploi ; mais^hélas ! j'ai ou- 
blié le métierde Comi-Tra2i-Sautcur,aînfiquelc 
métier de Poëte. . ..... très chafte & très- 

fefpeôable Reôenr des Tefmtes de Saragojfe ! 
très-pieux & très-humble Prélat Monfignor Ton^ 
garini ! très charitable & très-loyal Ifraélitc 
[EUa{ar ! & vous , 6 chef-d'œuvre de la Nature, 
incomparable Kachel l votre Serviteur & votre 
Ami , Diego-Arias-Fernando de la Flata , y 
Mtendofa ^ y Rioles , y Bajolos fe trouve lans 
reflburce , fans appui & fans confolation. • • • 
Cher compagnon ! continua-t-il en m'embraf- 
fant , allons de ce pas accomplir mon vovage 
A^ faint Jacques de CompofielU en Galice ; allons 
accomplir mon vfBu« Enfuite y comme le Reâeur 
, des Jejiiites de Saragojfe , m'a dit cent fois que 
les Saints de fon Ordre ont le cœur bon , nous 
tâcherons de nous les rendre propices en yifi- 
tant leurs reliques , & les lieux où ils veulent être 
honorés. Nous 



dbyGoo,qIe 



M A T H I E^ ir, ' 49: 

Nous commencerons par le Bonnet ' dt faint 

AnckUta à Orenfe ( i Y. Puis nous vifîterons \t 

Foie de faint Forgée , a Àfforga ( a ) , la Brayet- 

te àt faint Mena à Toro (j ) ,.-^ k Scrotum de 



'(I) Lorfijue le P^re ÂttcMcta , Jéfuite & Miilton*' 
naire dans le Bréfil , avoit trop chaud , il ordonnoit aux 
Poules de s'élever en l'air & de lui faire un parafol de 
leurs "ailes: ce que les poules ex-écutoicnt à i'infhnt , au 
çrand étonncment des fpeâateurs. Voy. Jouvetici, 
Hift, Societ, Lib.%^pag. jS6» 

(a) Uan 1649 > ^e Père Fprget , Reûeur des Jéfuites 
de Meti , vendit au Ùrfuliiies de Maçon une maifon ' 
^tuée dans la première de tes deux Villes , pouria fbm- 
me de 8ocxx> francs Mefllns. Ces Religieufes âvoient fitir 
cette acquifition fur la bonne foi du Père Jéfuite , ^ 
s'en etolent rapportées à fou eltiination. Mais ayant re^ 
conna que cette eftimatio^yétoit fondée fur de fàuif 
Contrats &^de faux Plans , que le Reâeur leur avoit hàt 
voir (ans fohget à aucun mai , ces impertinentes Nonain« 
eurent l'audace d'inteater un procès à rhon;ime de Dieu; 
& par une prévarication inouïe ., leJParlement ^çr èffi^ 
ordonna que les parties feroient remifes au .même etaç 
qu'auparavant le contrat » à moins que les Jéfuiiifss n'ai^ 
maflent mieux fe contenter pour tout prix de ladite ipai-*^ 
fon , de:la fomroe de aScxo [ivries tournoisi. Vof(fi U. 
Morale pratique f^ les Reglfires du Parlement de Metr^ ' 

(3) Le Père Mena , poùfle du louable défir de pro-» 
pagçr, fon efpçce., fit accroire à upfî .^fi»^*» fapeniteme, 
que Jç Ciel lui avoit infpiré de coi^qhê^av^ 'ene.; i^vii^ 
tant d^enfànts de ce charmant,accjouplemént ,'5ue<rija3 
quifîtionfit arrêter le Jéfuite Mena. Mais Tes Çqji&qEeft 
ayant trouvé le tnoyen de lé faire évader , il ^'enfuît 1^ 
Gênes , "où. il fe fit Juif, pour voir s'41 iie ppqrroit i>a|i 
travailler, p.liîs tran^juillément \ È/vigirè du'Spg»!»^ 
dans le Ju4?^rnve:, que dans ieClirijftlinifipè. yiy^ 



dby Google 



^M^^wmaiHHPiiamp 



SaintxMtaiéfr^^^Segevit ( i) — , le Tomict âfS^ 
vùês^h Trmasitlo (-4) ,.-r-M4>eut'dii ne«'do.J^'/z^ 



/iixr^ur, pag. aji 

i (€-) Urt BoarggMs de C^paranca 2Lyt\nt trouvé le 
'Bf^vo-Bàltaiar eti&ghnt délit, avec ftfifmme» le tua- 
fur !e champ , fans confidérer que 46 fait d*im Jéfirite ne 
penc qu'hoivorerja çpuche djun honnêtejioaimç; ce, qui 

• (<i^ ^Yéxt Gpn^hs 4^fri0 , ay airt, obtenu ia^Jer- 
miffl^R d^':prédtçjr l^r^ngite dçns.lé Mononjotapa , fiit 
îiifpj^ d€fCiel;d'y faire. Iç'niéâçr cTEfpion : c€qiie les 
Mènbmo^piens ay^nt reponna , ils pendirent le faint 
ffefBmé ; &, depuis ce temps-là perfonnç Jie s!avifi d'alt 
fer €ii ce pays pour le.roêm^ftfjet. Vdy£il*Hifipir^ des 
iéfiâtti^ tome Ihpag, 14, Sach. Lib..%l 

* • <- 3 y te ftre Gmhar^ \ R^eôenr des Refaites de itft/i- 
•fcf jfcâMiïp'jBi; l\)fcane , ayant.été convaÂriçu de s**ainalèr 
lr;eertâiij pet^rîeu affez commun en Ttalïe , -fat honipa* 
f^ftteiH^çltaflï ae ladite Vil!e,parjes,hab1tan^s^ aipfronç 
loui jës, Jcffitte^qaJJIayoît (bus fes ordres; ce qui e(l biea 

" «Ùw aIftTémeiït. Vhyex ^^fi^^^re fé/ûingiue^9pJ^6±. Sa- 
Cntu.JiîbA^fyNp.ipJf&^iy. ... 

» f'4VCymour queJiSdfciçcé â,^toq jours eupou^foi» 
*^cttin- , ^tîSft jfés JéM^^ dèSfVilféltiteri^ Tar- 
géH^^de4)lu(î^àrKp8rfoiv)es , npifiri^éniçnt d*iûpe grainde 
•iënè^."J'Aavriers àd'arjrtfapsj, &:.çe^a fous prétçxte de 




i)M|^R «yÔK^léquértë bi^^^iifeléf ahiils àltxi^^ perfhada 

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:.<^iL- 






Mi A* r H/ I K* V. Jt* 

MirÎMmk:Badaiùx'{ i )» — l'Ëchine àt Joint San^ 
tareli Lwca (x-)» — le& Ongles At.fm/it Saarès 
i Ténaflwr ( 3 ) , — & le Nombril icfâint Ion- 
riniiShUbi (4:)'. 

Làt nnur etitit^eftsi'UIfâfiitd poiir nous repa« 
ferpmdint quelques jours ;,:âp naici'réiDttttxifts» 



li^fe^cMfrOMl cbfaireiîfaanqaacnitot ce^ju'ilsrfh'entle 
phs^;JQfiiiiéot.d^ monde, i^« luàw^sM^ Bs^ét^d^. 
Malaga, en/b/i Théâtre Jéfuitique ^pêg. ^78. 

: (7 ) te Fârlement iwP^rià /toujours prtt à imsi^ié^ 
ter les chbfts;à teboats » fit brûler les onH^reu de Ma^ 
rM/M'^paceeqoeceb^ivPereyavoitdit cpiel^eput, 

2uele Régicide tfi une aâion oigne de iouongetgkrieitfe^,, 
érotfue , & qu'il gémiffoit qu'il y en eût fi peu qui fe 
jhnctgkrie à une dênaPckè figétérêof£; Pèjfrf M^ os . 
Thov ,' iôw. XV* pagi iri firiîi. 

• (^5 lei^Mars T&16 ,I<ïsœinrrei dti Per^^^ntikH' 

tel furent brûlées far^iirét*du^niline^<P!tti!lettieno^ .&r àl 
peu près pourja même bagatelle. Collado Judiàorum « 

* (3 } Tk 16 Icrià 1^14 , le» 4E«vrt» du VmeStmiè^^ 
rent. br^Mès ^par «x^ dii ikèm^ VMmasm , â( ttMHM 
j|(^urs pw)- la -niimd chofe. f^i ubi fûp^ 

' ('4) Le P)^e £om'ii éioit on lioiniiie teiriblaiiiefie Mt» 
tC poirMe bieii de UlteMglôfi'&^pMr Icrretios dèl^t; 
L'oA en peut voir on échantillon èiMiiatk^Çgiimâitàii^ 
fqrle Pj[eaume^ 105 ^ où après avoir loué Tadion de 
fhiiàk cfàxâsiZàwhniiCé^^ itïajppioite cesT^eri de 
Sétééfoet 

• • • • Viâimo hâuduUa ampUo^* 
. Pof</i 3jna^fque ogimo maâod /evi 

C % 



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51* L s C O M P E R i 

teus^Ies tnatîns les quinze Ordlfonsdc/âiateBrJ'-' 
gitu^ pour que nous contimiions notr^ péleri* 
jMge «n fanté. . ^ 

De «y/v/7/^ nous irons vifitcr le Pantréas de 
fmm GlUra 4 Lèbréxa ( i')', '— la Race dcfaint 
OoneAuri à Mûrida ( a),' — lesFeffes dc;/ibî/^a/- 
tet à Grenade (j) , — la Barbe àtfaint Comolet 
à Guadixe (4) , — l^Oreille J^ /iw Auhîgny à 
iôrii^ { 5 ) > — lé Fémur de Jainè Guignard à ' 
Mur<L{6) , -* TEpîglott^ àtfaint Varade à Firn^r 

— .^ I — — 

Xi) lé VtxtGueréî , Profeffcur du Bieflheoreox/f^/i 
Châtel ', fut banni de la France 9 pour avoir en feigne > 
qu'on peut tuer les Rois. Voyt^ MjEzeRAi , abrdgi Chron. 
page 4}6 & fuiv» 

(a) Le Père Gontkierieat le courage dans un de fes 
Sermons, d^exhorter Henri IV. d'exterminer, tous les 
Huguenots ; mais ce Prince , encore Hérétique dans 
Tame / négtigei malfaeureufet^entun am fi laliitaire. 
Voyei M. OE Thou , fom. ^F. p. 8j, 

( 3 ) (4) Les Pères Boiut & Comolet furent lés glo- 
rleufes Trompettes de la fainte Ligue. Le Père Comolet 
préth'ant un jovr à' (oint Barthélémy \, crioit dans le iàint 
dmhoufiafme quij'agitoit : Il nousfiuit un Aod ^ fît*, 
il Moine t fut-il Soldât 9 fàt-il Berger » il nous faut un 
Aod. Peu de temps après , il vint un Moine qui fut cet 
Aod% V. la féconde Apolbgit pour VUniUrfitt de Paris, 
Vftg* 1^9 fr 170. \x&mle Ruueil touchant rHift.du Fere* 
Jou¥XNCi , pag.aaa» 

( j) Le Bienheureux Père d^AuUgny fut le Confèf- 
ièur de Ravaillac , & confident de ifes Révélations. 
Voyei la fin des Mémoires de Conde, & les' Mi' 
moires de Sulli. . 

(i) Le Père Guignard s^étoit amufé à faire quj^Ique 



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M A T ir I E 0. fj 

hnàty ( 1 ) > — la Groffc d^nt àtfafnt Ahgon 1 
Tortofi {2*) i — * le Sabre de faiat Ignace à Mont- 
ferai ( 3 ) > — & ïe Prépuce de faitu Girard, à 
Toulon (4). 

De Toulon nous nous cmbarquef ons pour Wit- 
pl€s\ oik , après avoir vu k ii<|iréfaâion du fang 
defaint Janvier f nom irons vifiter Jes Sourci& 
de Saint Morao aBéneveni ( 5) , — les raupicrts 

petits Libelles contre ïfenri 111 Se Henri IV ^ & \ foo- 
cenrr certaines prdpofit'toias qu^oii appelioit* exécrahleit. 
Pour cela il fût pris , emprifonnc , pendu , écartelé. £a 
Société ueidit eiT hii un des meilleurs iujets qu'elle e&t 
alors; r . la Ckron^ novennaire^page 4}^i&futi^nulAM' 
zuKAïy dhrégé£knm*êom. HLpage^J^ 

il) Le Pern Varade , en vertu de fon miniffere •Bi^ 
mt & encourage £â/r/cre pour ailâiïiner HenïlTl^^^ 
mais le mal -adroit manqua fon coup. V* Jus Reg^^ 

C ^) Le Père Alagon étoît rbammedu monde le pfojr 
généreux ; il promit un jour 500CO écus & la Grafi- 
àeSt d'Sfpagae au Capitaine La Garde , pour affaâiner 
le même Prince.Faâum<fuCtfp,LA. Garde yûu IV9* 
volume de l'Ëtoiike* 

( 3 ) Tout le monde fait cptfaint Ignace pepdir fon 
Epée & fbn Poignard ^un des piliers de la Chapelle 
de la Vierge à Montfifat , le jour qu'il fe voua fon Che- 
valier. 

(4) l'édifiante Hifloire du bienheureux Père Girard ^ 
êc de fa chère fille la Cadiere ^ tû allez comïue. 

(5.) Comrhy , Empereur de la Chine , eut neuf fil?. 
\\ défjgna Je quatrietrife ,v nommée Yrnncm , pouï fon 
fucceffeur. Le Père iiorao , mécontent d'une difpofition 

^3 



dbyGoo,qIe 



tam^^mm 



:J4 L at £\ o M F E m s 

-♦.dejftfe/ GayxftÀ £^i»:{}i.) ,. — Si h^Goûet 

âiiUme>hmjMrt jfxitwi (va' le -Xonibrafi. ,du 
,fiint Prélat Tongarini y & baifer la.pantoujk dji 
-SjGrifltr 'f^tte. iDe TRàmt nous tpattétQixs en Terre 
-sSakiM^ BOUSAiroiTSià Nafnret/i,^JSetàUem,.k 3^- 
OBUflUim y là iCapharnmm ^ à h .Mecque. iDeià 
4aiMM }vevk&éi«MsA Çof^aatinùpk.^ cuii mois d«- 
manderons au Kislar Agafi^ s'il n'auroit point 

Aémmmemxs^loaAAtsfi^^ dans Jatére, 

?fit févolter ile nwiyitineFîls^ cec^^mpereiir oomie 
sftn^ifiréMf Ymfueim.Mzii >letlË&aUe ^qui ^taajonnMtta 
-^ueis four «mverièr Jes pte tîntes •entrspfifes^, ifit 
échouer celle-;^i. LçrEexe IIImim &ir^i^s|0c m^tyiifi^: , 
ainii que le Prince au'i] vouloit mettre fur le trône. 
"Vomùs Lenm de M* Rdre^yPnaumétatre ApofMi^ue , 
i&UB Aneabus M Mat dtiaRâlipon 4c ki Ckîae:, 
.€*éip.y.^ fuiv. . . 

( I ) Prançoù Martel^ Prêtre de la Voroiffed^Enirean 

<f rès^e \Diéppi yConvaineu dWoirvMlisrattefKetA^Ià vie 

- me Louis Xlii. ^ar les^onfinis du Peve' Gi^ot ^ainfi jqge 

v^ quelques autres petttesfredaînes ,fat amdaitutéfkarle 

ftrleiiienr de Aouenà^étfebràlé vif; ce qui^futnécuté. 

Le Révérend Pere Guyoe ^ auroit.cenaitfieiiieut^^tibi le 

même fort y mais il fe fauva. Voye^ L* Examen des 4 Aâes , 

< a ) Um fi&jS^feiPere Bêéàe^^ Rtâeor «les h- 
fuites de Maftricht , le Pere Procureur de la mênxonn- 
ibrî , le Pere Gardien àes Récolîets Se un Brafleur di 
^erre , ncSrfiiifé LàndMMm y^^fkdés deivôtf cétie Ville 
au poiHiOtr^des Hérétiques yeocrepiseat jdetia livcer aàx 
Espagnols ; mais ayant été malheureufement découverts , 
Us ISêMl Hfu^ ic h 9iéoùlkt^faxwt^à^\^\, Se 
LandsifUM , pewbn. Vf[yi{PH^.wesPwfs.Vmg,4emct 
pag. 089. 



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' <■'» JC 



«M'A t-h^iTk tr. ^ft 

vieodr^im à Venife \ nous y faltitrans k '/irf/ 
~EUa{ary "èc nous y fcmrts une cdnfeffiofl f^ért-r 
lale.pôur nous mettre eïi ëtat de fiôirdîgiielïftf^t 
notre 4)éfcritia|5e. Dt Vtniji nous ViMKlwWs'à 
BeUurno vilitcr laMâdioire inférieure du'ftât'fîâi'- 
die Bufimiaum ( i.) , — lu Verrue ée jW/fr ê?;^ 
jrt/Wà'J/f7>nic*(a) ,.— 4e Tibia nfe i>i//7ffIVy- 
/ô/i^z/ à Landsba^{^^) , ^M-4e^oficr 4!c:>2rt^r ^i*^^ 
*à uiaibout^g (^4), — k'Sav»^ atexifàMr W^old 
à .]r/r«i^Mii^/(.5 } -- kl rMouftlKrke de Jkint^t^At 

'.u*...,^-— u- ^ — f 

(lytmi'flôire du Patriarche 'Biiy2riîiJ«im k, de -fitar 
'^C^Oiffïheiltàteur hatroh "efi trop connue ^pdarécr^mife 
"ici. 

(^ «lie Pêne C'nfiN/ftt/'éft>'(rM% v^îflaJltllèfilt^/^ 

zèle rt^icateur : ilTe mit à la tête de ctxxuA^Rcmanacot 

4WMC 4wé»» pqa i-fe r c e i te *»2ft*!p«l elfibrâTIHrTfevan- 

9gîIeiaMis«telh«iifèii<ëiiMfritt^^ ^P^kht ki fl^fi^ 

-Cfpa» il iùctiié -aur^ffeniierv'Mtiibàttju^il ^ttotoda^^ftàflt 

ces f înfi^l^ Ouicfi». f/o. i î^« 

( 3 ) Le Père Ptrfonni , déguifé tantôt en foldat , tan- 
tôt autrement , parcouroîHes mnlbiv des CMMi^ues 
en Angleterre pour les exhorter de fiivorîftr les p]jit|«s 
au Pàtfe fie V. 1& du "Roi dlEfpagne contre ce 'Ro]Wi«i|. 
iC*eil1)ieh dommage que ces (àintes exttreprifes ne wbA- 
firent pas ; il en fefrwt réfulté un bien iniini.poûr h*C«- 
tWîCité. F.ItAPiNTHOïkAs , tom. V. p. 300 ^fuivi 

XH ) ï« *ere M^t^ avoir i>ferfuadé tfn ndWnié Sftrtr jc« 
€«fciiArtl'aïM^ A^«**k>is à'^a?^^ fafeîri'e Eïi/ibcS', 
îl tes'^r^t ïrtêMe'<îôflflfefféfi*^^ les éncoé- 

vi|geriiât«niciige vmaîs fe'Cta^ maiî<!|lia., k cfes conWF- 
HùKS Jc«MttMMiiJro»ft lui^^ en piffé {ferre. Vdyiz Ât. 

< j ) l^Pft*^flî<^lrmf'*^^oW4avoîreng^ iPA^/^hf 

C4 



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S6 LjeCompeub 

à Landau ( i ^ — le C râne àt faint Kèrvin ï.Vfan- 
c/ï a ) , — rïndex de faint Camp/an k Toui{ 5 ) , 
— Je Gigot de faint Tefmond à Meti { 4 )', — la 
Rotule de faint Guerad à Verdun f 5 ) , — la 
Vcffie de /i//;/ Oldtcornt à «y^r^tf/i (o) ,-^ & la 
. Freflurç à^ faint Garnet à Méfieres ( ^ ) .Puis ayant 
fait à RAeims une Neuvainç à la jamte Amfoulty 
nous viendrons attendre ici que le Ciel ait pitié 
de nous en faveur de notre déyotion. 

-C'eft fort bien dit , Seigneur Dieg^ , dis^^ à 
VEfpagnoly mais il me femble que vous poàrriex 
bien nous tirer de la mifere , fans ^voir obliga- 
tion à une Kyrielle de Saints du Calendrier des 
/(fuites Vous êtes encore jeune , difp'os > vigoH- 
reoie ; eflayez de vous mettre à faire quelques 
fauts de Carpe » quelques tours de force , quelques 
. équilibres; , ^c* Vous fàvez que le Paillafle de 

Sqttirtc d'empoifonner Ta même iPriiiceflê : mais cet 
J^douard.S^m ne fat pas plus adroit que Tairice Cih 
Un &fes compagnons* roy€[UCat&hifmedefhQVi%%y 
fdg. ai a» ^c» 

(l) (a) (3) Les Pcres Brwiil , Kertin 6c Çampian, 
Voulurent aufii attenter à la vie de cette Prlnccdë ; mais 
Ils ne réuflîrent pas mieux <\vi*EdLua^d Squine & Pa- 
trice Culen* \\$ furent martyrifés le premier Décembre 
Ij8i. Voyei M. de Thou , tom. VlII, p. 541 & 54a. 

(4) (5)(6)(7) Voici le plus beau coup de Jéfuite 
que Ton ait jamais vu. C'eft ia Conjuraticm des Poudres. 
Mais ce coup ayant manqué » comme bien d'autres, les 
Jéfuites Odecorne & Garnet , qui y avoient participé , 
furent Rendus & éventrés ,, & leurs Confrères Tefmond 
& Gérard fe fauverent de peur qu'on ne leur jouât lemê- 
me tour. Voyer Mezerai , Abrégé Chron, tom. IlL p* 
$aa. M, DE Thou , & les Ââ. in Prodit. p. ayj. 6c. 



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, Math r iî v. yy 

la Grande Troupe de la Foire, vs^ quitter po^ 
entrer chez les reres de Tartf/a/re; pour le peu 
que vous approchiez de ce que vous dites a.voir 
fcii autrefois , Je vous garantis fa place — Par ' 
Jointe ArmelU ! tu dis vrai , répondit I^<ge, — En^ 
même teinjpS;iL étendit la couverture de notre gra-> 
bat au milieu du taudis, fe mit à faire quelque» 
cabrioles., quelques- mpulinets , quelques janv-- 
bades , & mie dit ; comment trouves-tu cela ^ /r- 
rame ? — tout au mieux , Seigneur Diego , ri- 
pondis-je ; iî les Convulfionnaîres àefainf Péris' 
en favoient faire autajat ^ Tincréd-ulité feroit plu», 
rare. — -O l'incomparable ! p l'admirable ami/^ 
rame! s^écrisL, Diego , tu viens de me faire. pepfer 
à une chofe; je veux avoir auffi des Convulfionv 
Bioi : iJ n'y a; point de ftaî à cela : t'eft pour la 
gloire de Dieu ,pour confondre rincrédulitë des 
Impies , Se chaffcr la mifere qui va nous égorger. 
Le Reâeur des Jéfuitesà^ Saragojfe m'a toujours 
dit qu'on méritoit doubleinent , lofqu'on favoit' 
concilier la Ileligion avec fes intérêts. En voicît 
r.occafîon , moucher Jénoinc , ne la laifîVns pas 
échapper. 

Le lendemain Diego prît deux béquilles. & fe^ 
traîna iur le tombeau du Bienh€ureux\Pâri^ dan5^ 
le Cimetière de faint Médci^à, Il n'y eft pas um^ 
quart-d'heure que crhorribles Convulfions le fai^ 
fiilenjt.: il fait des gBim^ces & dpsxontorfîons e^— 
froyabIes:lesaflîftaptsfiifis4'admiration.s'écriepf;; 
miracle f miracle! ^l'Eglrfe & les envirpçs fé rem- 
pliffenrd'unr peuple innombrat>le; ç'cft àquiveç- 
ra , à qui touchera: le Seigtveur Diego : — Serris- 
te ur de. Dieu y l«i crier-t-on , y a-*HI îowg-^^nips 
que vous êtes affligé ? — il y a q'uia2«^a|i«f,^^ond-r 
il , encoHtiïiiîaof /e$ cabrioles.- -*-( Que vops\é't a» 
heus&i^ ! a jput^^jpa;. vous i^vi^ate arp oi^lç yûi 



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*uit joim &ÉS être «ntiéremew gtiCTif '^ • 

£orfqti^ là S^ne fut fin» ^ fc^ue laicmb'du 
•monde fiit. éîffipéc , D/Vg^o pevmt 9u.]«gi5^, ^c» 
^fes t^qniJte ^ tnc dit : Mon ther J^Pôme , jt 
^lî^d^âit de ma 'vk dé pareils failts : je croyoli^ 
avoir cinq Légiot^s de Diables àaaii leeorps , caift 
9e sele de notre faint^ Religiùû m'^ttimott. Ct^ 

Îendant cette afiaire fait grand bruit y 4r je ne 
lis. • . H prononçoît ces maux , lorf^e le SUw 
-eh0ulin , Plâtre & l^eôeur en Faculté -ée Thé©- 
4ogie , arriva. Le famt Homme Jàota aii cou là^ 
Dlfgoen iF^rfant un teirent delafmes , te lui dit >: 
SSonxkerFrtre en JeAis*CIirift,beBi ftm*le4[tiQk 
»ment qu'il açlu au Ciel de vous inipirer devcn- 
rger rhonneur de la Religion par mietrèo^fainte , 
très-licite & très-picufe fratiide. «Goatiinttez , je 
vous prie ; «e démentez point votnrepreaiiere dé- 
marche; attendez tout4e k bén^diâioA de Dieu, 
4êla proteftioQ de Jbént Augufltny 6c de la recon- 
^oîfTaûte'âestiemme'S : en même tempis il luidon^ 
sa une bourfe de vingt Léuis* — Adieu , ajouta»- 
't^il , fouvenev^^vous dtt vous trouver guéri dans 
hmt joms, & de faire place à d'autres. 

l^orfque le Prftrt Chautin fut parti , peu s'en 
iMlutqueles Convulfions ne mepriifent à mon 
tour. Mais c'eût été de cesConvutfîons occaiSo»- 
^OéejT par la joie qu'un malheureux rofiènt qua»d il 
l^flfTe inopinément du pliis trifte éiàt \k ^une ii*- 
tuation -henreufe ic inefpérée* 

Ditgù y ptus^ perfuadé que )amaîf dA h^SMimtté 
èc dtr utilité de Paé^ion , conrinua la hMaine 
fur k même ton ^ ^ fvppi^ le huitième jour , 
jeta fes deux ^quilles de maÉrcha aëffi drak qii'il 
eut jMm ftàt. 

A là vue du -prodise les exclamatioâs recom* 
meâceiu ; Diegc^ pubBe que iK confiance au Biem^ 



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PP^^i^^VII II M -■ JPIIP 



" ^ A T H I ^ tr. ill'j 

heureux Paris l'a amené de Bilbao en jBf/Tgryf :4c 
Viaaîglier, îeFoîîbyeijr & vingt tmtrtsxmtm- 
nés atteftent de l'avoir connu irapotc|it depuis 
qu'il eft à ^aris : âeu4c cént^ auti'^s tëmôins certi« 
fient de la réalité de fes ConvulfîonsAc defà^ué-^ 
rifoji :t>r«5É^>?'eAa^k^ «r rUïtres àfefes f ifrWiÇte^ 
-font dî»ttflKfe fol- hetfe\jt : l'adjftmïipon , \t «eh âr 
là dévt^iioh \}u i^uf^le-^tto^i^iit : k -fo'ulfe Uts 
paralytiques & des culs-de-jatte devient innom- 
brabje fur Je fépulchre du Diacre : le Trftre dktw* 
ih^a^XAtt Hrîïi^t t^Ufîti %to , & t JÔiht'ies re- 
ittctcieiritens Be rbll>lès•'AfiPcî^;lttte& Rëàpnl^irants 
de Fratite : ï>i^otc mtyi^dlîoîisldgfer âkiK le^ùàiv 
tier HùT-àtàh ftô^aî ,Sci(6\ïsrtitùWài\s h ànn^ 
yti^c Afoi^W^ttitei^un'boriâelllc îa XMt'^Xithdntrtv 




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: -t^s*'-''' ^ ' iï" 



«y* ] iiBi^ip^^^inpjpiipi^ 



60 L s C a M F £ n 



CHAPITRE VII. 

Le Compère Mathieu rtfco/z/e ^t-^ui lui tft arrivé 
depuis fon enlèvement» Il rencontre fon condifà^ 
fie WhiftoDi Entretien qu'ils onf enfemble. 



•A, 



.ussi-t6t que Diego eut reconnu le Compère , 
il fe jttta à ks pitids & s'écria de toutes (t^ for- 
ces : — Qmon bienfaiteur ! 6 le plus célèbre , 
tè plus honnête .de tous les philofophes de h 
terre ! eft-ce vous ou votw, Ange gardien que 
je vois ? . . . . Oui , c^eft vous . . • • Ah !' mon cher 
Jérôme , le Ciel nous a rendu notre père . . • • 
mon maître ! apprenez nos peines & notre boa- 
heur* 

Xoifque ce maudît Exempt^ivec fcs deux Ser- 
gents y ies trois Recors & fes (ix Pouffe-culs vous 
eut enlevé , ainfi que .votre caflet'te , nous nous 
trouvâmes , le pauvre Jérôjne ic moi ^ les plus af- 
fligés de tous les'4iommes. Je réfolus dès ce mo- 
ment dt parcourir YEfpagne ,. V Italie , la Vclejline ,. 
VArabia , h Turquie 6c V Allemagne ,.pour cjon ju- 
rer hs plus grands Maints de vous jendre à nos 
vœux , 8c nous préfcrver de la, miferc effroyabk 
qui ail oit nous attaquer*. Mais il étoit écrit que 
nous nous re verrions , & que nous éviterions 
cette mifere que nous craignions,, fans faire un £* 
long voyage. 

Je devins boiteux, paralytique, cnforcelé ,par 
zèle de religion; en conféqueilce je fus redre/Té,. 
guéri , admiré , remercié, enrichi,. & vous m'ê- 
tes rendu, 6 rarcbi -Patriarche de 1*. Philofi)- 



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. M A T a I K u. 6l 

phîe ! Aces injotsJ?/>^as'arrêta,j& demeura prof* 
terrié aux pieds. àuCoi^pcre y. en pouffant de^/ibu- 
pîrs épouvantables*. 

Les exclamations y la pofture ^ les foupirs.& la 
figure de VEJpagnol tffxàyerem tellement les deux 
Nymphes & une Vieille qui ëtoit là , qu'elles 
s'enfuirent dans le grenier.de la maifon. Le Corn* 
pere Mathieu ,. qui ne çompreiloit rien au difcouçs 
de Die^a , remit à un autre jx)ur pour raffurer 
les fugitives y vint à notre nouvelle demeure /oà 
après avoir entendu_le récit de l'aventure dsj^îiu 
Médardy il nous conta ainfî la fienne. ^ 

L'Exempt m'ayant arrêté i. comme vou&:favcz, 
me fit entrer dans un fiacre qui l'attendoit 4ans 
la rue , fe mit à côté de moi: deux de les Re> 
cors ,, qui tenoient ma cafTettc ^ mes papiers y 
s'aflircnt vis-à-vis; deux Pouffc-culs montèrent 
derrière la voiture. Quelques minutes après no- 
tre départ }'entendîs un cris , & le fiacre ^'arrêta-. 
Cinq, hommes mafqués, ayant Tépéê à la main, 
fe préfenterent à la. portière y & nous firent met- 
tre pied à terre L'Exempt , qui étoit un fpadaf- 
fin, voulut raifopner, on le. tua; l'un des Recors 
voulut fe mutiner,, on l'écrafà; l'autre voulut Je 
deTendre , on Tégorgea ; un Pouffe-cul voulut^ 
crier , on^l'étrangia; fon camarade., plus prudent ,^ 
fe fauva : les étrangers m'ayant examiné ,.fe fau-^ 
yerent. à. leur tour;^ & comme leÇ-uet, que le 
peuple àppelloit de toutes fes forces y àlloit àr-. 
river y^ je pris le parti d« les fuivre^faùis avoit 
eu le temps de ramaffer. ma caffette.. 

Affuréjnent y. dis-je au Compère , vnus devez; 
votr^ délivrance à laméprlfe de ces cinq perfon^- 
nés mafquées. -r- Pour moi, dit Diego , je l'attrir 
Ihic. à un miracle. Il n'efl point naturel que cinq; 
hQimnçj5 artaquent ,^au milieu deP/zm.,. un fiacre- 



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tnoKtenarât ijn E*etnpt , deux Riexnow , tfois 
i^rtifie-ct^s ,"ti5a Pîiatyft>f)ht & nm trafltttfc. Cfe 
^'cft point la première fois • qut 1« CicT prend 
^îJîbîement la dèfenfe d« ]a vienti &lJe ormo- 
*etMifce opprimes ; je fijatittrs donc ^ueleslLibé- 
nteitrs de mon tnâttfeifoitnt au mmi» les cinç 
i^reres- Mackai€ts. *— Le Cvmpere fe tnh à fifè 
<dt PexprtflSon de nSfjmgkoi , & contimta aîîifiî 
Ayant couru e^vron un qoaft-d*hetere , je mt 
Wouvai prè^ Ûc^z^Mace^Vendâme. Crnnîneit n*^ 
*crèi.pt)inr pourluîvi , j'entrai dans un caifé pouif 
réfléchir fur le parti que faui-ois à pretidre liam 
ctttft eictréfflitté. ïi îi^toit poiût ptudent d'aîler 
^tts trouvât , il ne Vitoït pas davantage fle voui 
6ïre dire de vcnif chercher là moitié aé dht t>ïî- 
téies ^ue j*aVoîs dans tn^ bouffe : je réMûs^dohif 
€t îotrer TiA tabînct flans ce tftiartitr , enartwi- 
tknt Poccâfioû de travaîHef à rcotrt féuttroh^ 
©çpnis ce temps-là )e flettieûraî caché dans ma 
f etraîte, Se }e tfcn fbrtîs tfu*httr au foît pourûftef 
chtt an fripier troquer rhablt brito que jHivors^ 
Jorfqu'on m*arrétà , contre kfurtont touge dotit 
tous me vofe^irêtu. 

En revenant de <iitt hefrîpier , la cùrîDlîtîé ine 
tfh tf entrer dans h mittie caff puuriécôtttef fi 
Ton ne parbit point de raùû aventure.îe h^y fus 
pis àtùx mftiutes , que les deux Set^îits^ui 
éVaient «aîdé i tft'ari?*ter emisjrettt , & leiMlttirt. 
* jouer ttîït partie d*échets;fiTf la wMe cî)treigu6 
. ir\xoiû trà jelft^Ét^îs'fapi ;fte ferre ({ht'jt ne pou- 
vpis Ibrtir fans âéràtij^er f\m jdu ?àtit¥e de cei' 
4feiix iip»>»M:^- ;Pour combîe.ée m^euf, 'l*Dn. 
d^iiX M lumq^oii l'Oint un ct>ûp d'ëthec qu'S 

Ht %^û fi^ignit à xSk&i : QUè fer^ifi^âtii tk rhà 

ê^m ? mip aîfoit-il i tout moment , je fufspnp 

ju^opeugh nàJQUf'dliui ; je 1U V4iisles ct^S qfie tôff 



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f : 



ipi*iSs^nrj^Afés.iriset àt ma contenaïkCeJm, pa- 
reil cas 9 & du.benim ^i;e j'airois et .toute loa 
phiialbpbie poarin'empéclier de me trahir tn^i^ 
mette. Lbrlqae la partie* fut finie, l'un de cc5 
Mefieors dit à fcm camaradie : Ë^tu fiir Nqtie <c!t;ft 
lui ; & qu'il «ft forci ce foir d« ion Iogi« ?— Ooî», 
répondit Taotic ; uii de mes émiflaires l'a recDn- 
iiii :^ il porte eircore le même habit brun x^^iî 
a voit lorfqu^il fut arrêté ? J'aipsofté quatre de mes 
gens pour le guetter ; aufli-rôt qii*il 'fera irntifé 
nous en ferons avertis. il;£iut avouer ,;CQBetnua- 
t-il , que ce fcélévat eut un bonheur partiimiîer 
de ce quel^ omt^d'un certain Marquis de jftm* 
j^Cy qifiMi devoir conduire à IstBaftilUetjwf^ 
H , ontprisP^une des voitures pour l'autre* Maisàl 
n'a pas fa profiter de fa bonne fortune , puifiiu'ii 
a rimprudente de demeurer dans Farts ^ où , 
comme tu fais , tout ie découvre* Sa bJtiie lot 
coûtera cher : car le moins qui puiflê lui arriver 
pour fes LibtcHei abominables qu'il a catapoSk 
contre la Cour & le Gouvernement » ierak Pétat 
Se les GaUruiic s'il eft vrai quHl a pour emit^ 
mis certaines Femmes de condition qu'il a roui^ 
nées en ridicule , èc tous les Gens d'^Iife qu'lT 
a turlupinés , il eft perdu lans refTource^ -^ 
vAprés avoir fini cet épouvantable discaurs , Ites 
4eux Sergents fe levèrent pour alleriécoutnr^iue^ * 
ques nouvelles qui fe débitoient à l'autre btMJt 
•ducâfi^, 8c je profitaide ce moment pour m'iévcidev» 
Lorfque j'ouvro» la porte pour fertnr « je aft 
fcnitis toat-à-ooup arrêter par le bras. lef^ilK^tte 
m'évanouif de Irayeur r mais ayant )ev<^l&s jreiia -y 
|e vis mon Condifdfle Wkijbm <}tt| v?^^it de n>é 
reconnokre y & qUi étoir fort ftrpris^^ l^àt o4 
{} me voyoit.. Je >uî^ <}^ que la ebalevf il|cfdii^ . 
qu'il failc^ic daas ce ^c^. la'a^oit iiic4^|i^dé. ^ 



dby Google 



^4 t » C O* M P r R B 

WhiftonétSiXït forci avec moi, me mena à foo 
auberç€, & me retint à fouper. Je Jui.demah^ai 
ce qui Tamenoit à Taris. Il me dit qu'il avoic 
acheta une çoinpagftie' de Bfagons , & quUl étolt 
en route pour aller joindre fan régimetit. Après 
quelques autres propos affez indifférents ^Ton fcr- 
vit. Whîftùn mangea beauœîïp : pour inoi , je né 
mangeai gueres. S- étam appercu de mon peu d'ap- 
pétit , & de lat profonde mélancolie où ' j^étois 
plongé , il s'informa de ce qui pouvoit me, cha- 
griner. Je lui contai fans déguifement toutes mes 
aventures; je lui fis une defcriptioB: pathétiique 
des préjugés dont- le monde eft imbji, des mauic 
que ces pré j»ugés entraînent après eux y de la honte 
dont ik couvrent la raifon humaine , de l'in.tolé- 
iance des ecclié{îafti<}u€s;, de la tyrannie des ioix., 
&des obftaclcs hifinis que l'on oppofc à la liberté 
dé penfer iSf à la vraie philofophic. 

WTiifton m'^écbuta fans m'interrompre. d;'un feul 
Daot; maislorfque j!eus fini de parler, il me dît; 
Mon cher condifciple , je ne puis trop vo.Us plain- 
dre de ce que vous êtes atteint ^e^ cette folie épi- 
démique , qui fait^donfifler la vraie ghilofophie 
à déclamer fens ceffe contre ks mœurs , les ufa- 
ges j la religion , les loîx de votre nation & de 
tous \^s peuples policés. Vous avez cru qu'il n'y 
a point d'autre gloire que la bruyante oc funeftc 
réputation d'avoir fecoué le joug des préjugés , 
.©11 plutôt de toute bienféançé èc modération ; vous 
avez dit en vous-même , philçfophons ^ & vous 
avez pris un vain . fàntônie pour la vraie phi- 
Jofophie. Vous vous êtes plaint de ce que votre 
£içon de penfer effarouchait les elpritsdes Es- 
clèfiaftiqucs & dcs^ Magîftrats ,. & ils ne fe font 
ciffarouçhés que du- fantôme que vous avez cm- 
iir.afie.SQur lav^rité., VQ4s,n!%vez goiat confidécé; 




ÉÉii 



M A r H I K tr. 6$ 

qtfcn criant contre Tintolérance , vous deveniez 
intoiéranc vous-même; qu*cn peftant contre la ty- 
rannie des loix , vous frondiez onvcrtemcnt ce 
qui fait votre fCireté & votre appui; qu'yen vous^ 
roidiffant contre les préjugés , les ulagcs ^ vous 
cmbrafliez un fyftéme qui entraîne après lui plus 
d*abus & plu;s de maux^ que toutes ces chùfcs 
dont vous vous plaignez- fi haut. Ignorez-vous 
encore qu'il eft de la nature àts choies d'ici-bas 
d'être imparfaites , ou de nous paroître telles ? 
fQue dirîez-vous d'un homme qui s'emportcroît 
Contre le débordement des rivières, & qui vou- 
droit s'oppofer à l'intempérie des faifons > Vous 
aVez dit : U véritable force d'elprit coniifte dans 
la liberté de penfer Je le crois avec vous ; mais 
c'eft à cette feule liberté qu'il faut fe borner. Si 
l'on veut goûter cette paixde Tataé^ cette tran- 
quillité d'efprit qui font le bonheur de la vie^ 
Ton doit fupporter les défauts de Tes femblables, 
les plgindre, s'ils font ridicules , les éclairer ^ s'il 
eft poflible ( i ) : l'on doit évîtei* la iatyre , Tai-. 
greur , les reproches , les emportements , la rail* 
lerie , qui font la foûrce de la haine & d« la dlA 
iention , & qui ne peuvent que remplir nos jours 
de douleur ic d'amertume. La Religion , les lo?x 
de chaque pays font ce qu'elles font : fi elles ap« 



( I ) Impellimur autem natura ut prodfffe velimus quanif 
pîurimis , imprimifque doctndo ^ rationibufpie prudentia 
trahendis, CiCERO de Finib. bon femaî. ùb, III^ Cap» 
VIIL 

»>La nature nous porte à fouhaiter^de rendre fer- 
if vice à autant de perfonnes que nous ppdvoRs , fur^-toiit 
o} en les enfeignant ^ & en les inftruifant de la^mankre 
» dont ifs doivent fe conduire» » 



dbyGoDgIe 



«portes» quelque 4cfori1rc (i ) Féel^ov ^parelity 
elles caufent d*aill€urs tant de Jt^ien*, -qo^ellés ft* 
coot taq jours un abj^r refp«âable'a^uï:yeirKti^t]ii 
^Jionnête Jtiomme.NoHsne fommesifoint^â^ns ce 
moode-cipour Jabaader ,, piailler «t>i} eootrâl^: 
aixas fomm^ v«iui6 -ç^mt 4^. 1^.%i(i9ns écmc^ 
misHag^(laitô«de/ort6.qu« B<>s aifti^n 
^gLofijejales , mcile£ , te qu^'elles ^rofiÊOfit ^^uic^ 

^ï^)flya'cetlaiiïs maox Jaiis la *R^pdBîki»ç^ qui y 
•font Totffifei'ts , parct rjti'îls 'prtvîerîhèiit ou èrapé- 
«hotit'iie phisgrartd tnatix. Il y a d'adttts'fdâux qui i 
.'ibnt fiefe leatemeAt :par teur «etàbfilTezttem , & qui I 
^ét«sit^dati« Idur ^arîgffie «inatos ou Ynâu/«» o&ge^ 
fent tnoios penûcisoxadâiiS'leuribftie iC'dMfe'fepra- 
^tiqtte , qa'Rcte «k»i !pltu juâe ou um cdufoMe 
^fonnable. Vaa 'voit une^^eee *^ «fli^ui-qae rôn 
peut 43ori^er par le c^âiigeiiieiit^H.par Ifi notlteaii- 
*té , iqiii> eft un mal fort dai^gere^x» Il y (on a d'ai^ 
'très cach^ .& enfoncés coouue des ordures dans «me 
'^xaape , ft veux dire , enfcvelis fous la home , , fous 
ît lecret Se dans TdbftirrîU : on ne peut leslfobiller 
'8^ ^les «muer qa'ih rfexhaltnt le poifon & Tinfe- 
-txàe.tm plus Tages domiertt quelquefois s*H étt: ôiitift 
p4s^coiifioicr« ces maux , ^«e 'de les igilorer. E'on to- 
Jere quelfUHBfbis dans un Etat «n Gaffes gFaiiâ mal, 
«mais ^ui dérourne un millicn âe ipetitstnaâK on à'itf- 
convénients qui tous feroient inévitables ou irré- 
■ médiabtes . H *fe tronre âes ittacnc dcrm (rhaqul^ par- 
ticulier gémit, .& qui devienner^t néanmoins un bien 
'Çtiblic , quoique le bien public ne foit autre cTiofe que 
"^cefui de tous les par ticuHers. II y a des maux pcrfoniKte, 
-«pi -concotirfent au bien & à Tàvarit^ge de chaque 
FamiUe. Il y en a qui affligent , ruinent ou désoo- 
-tiorent tes ^milles , mais qài tendent au bien •& à 
fe ccmfôrva^n de TEiât. -La Bruyeiii , ianâ^^rts 
ff Maups de 4^Sie€ky càâp, X^u Sou^ercin f.'^c, tom, 





-' 




\ 




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£ap ■ 


,,^^3^ 





mcnt^à nos ,ifrei:es ( i ) , avec lefqucls .la Jiatwe a 
voulu que iaoiis vwioDs. Eofiii £, enagUlaai;» 



( I ) Ne€(fmUfLjfmffiMm -h^iè 'déger^ ^-^ui fi '4àmim 
iiUdi€iur,,iquî*Qmnia ad ^tuiH tutti fuas conv^nitz aU$fi 
vivus .pporttt ., fi .vis .tibi viv€t,e. S.b)I£C. \£p'jf. 

»I1 éfl irapotTiBle Hé vivre teurcux , 'foffqu^cm 
» rapfporte tout *à foi-mènie '& 1l Ton Intérêt .particu- 
>Hier': if fîmtocmiV'ttmçrâti.bien-€tre d'autmi ,^î rdn 
>f veut piDCurer te 'fénf rôpre^r . 

lS*dquêfùaiaik ( ut^fmUtH firiptiÊm ^j?4 RatMe) non 
.B9bispèiùm\tueù /mnàê ^ s^rfkJSfUi yfofirirfuttan tRotrit 
^vindicnt^ yjfitmm MtidhJttquê {mphcÊt9Mt\s)*fUtt 
in ê4rri$ ^gmmtfif ^ rpfum /iQtmnum xma-a CHéuii, 
homims ^autem k»nunmtt Mifdr^^Jfe §$u$mtos t^utipfi iff- 
ur /e f>aiii ^t^defft nofftnt.ia Mac muuram ducevi 

muiatiêne ^pci^rum » d^^rido , ^accipiendo, , : iam arttr 
'biis\ ium oftfd^ tum fûcuUadbus d^itùeie ^hémnthg 

VU. • ^ '^^ 

nFitfce ^ <*eefnnie <âh aâmkàMBnfeAtPlitipfî^ 
yt9pQ% me femmes fM» nés '-âttSeaieiit foiir miMè- 
'«xnénies ., jxafs «ncore tpMir aiotft«patiie tc^ptnr 
>rn0s amts; & que :, iuivant'la. penfâe des li^tej^irâ, 
»>n coatiis les -pBoéuâiens de la ter<re <bnc -«•ulss 
>9 pour U'oûge des ^loaunes , 4es 4ioinines'eux 4a4nifs 
»ont été Êiits les uns pour lea .autres^; r'eft-à^dir^ , 
» pour s'entr^aider .: nous ^evon» tous , en ïbivapt 
»le deflein de la Nature, mettre chàéuii flii nette 
»dans le fond de l'utilité commune ,j)ar un com- 
nmerce réciproque d'offices & de fervices, & em* 
-t'^plôyer ;noii^ftulesaMftt nés rfoiw A^ftotoeun^uNT* 
>»tfte , fnais «les^ bieos.'Oiéniesr'i ferrer o» 'f»9ur «dnA 
l'dîre^ de plus en pius»;ies nerads'dela fociété'hu- 
«aitainen. * 

'>S'it étoit poffibleque, quand Ton va le coucher 



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6S :L E C or M P ï U K 

ridée nous prend îîuelquefois de phHofopher, 
qoc ce foit d'une manière à ne point avilirnî dé- 
grader la vraie philofophie^cette fciençe augufte& 
réfpeâable qui a été donnée aux hommes pour 
éclairer leur cfprît , pour nourrir leur àme ,. & 
non pour y trouver la foirrcc de leurs malheurs. 
Ne croyez point toutefois que je vcbijle m*éri- 
ger ici cjï contrôleur de votre façon de penfcr& 
de vos aaions : n'attribuez tout ce que je viens de 
vous dire ^ qu'au zèle ardent que )'ai de refidre 
à la vertu , à la fociété un hosnme qui abea^ucoup 
id'efpnt & de*grandes âifpb£tions« Je ne- fais oi 
prêcher ni catechUer ; >e ne fais que donoer dts 
confeils Se faire du bien. J'ai environ cent pifto- 
hs dans ma bourfe, je vous prie d^en accepter 
Ja moitié pour en faire l'ufage que vou^ jugerez â 
propos , juiqu'à ce que vous ayez trouvé le moyen 
de vous fouftraire aux recherches que Ton fait de 
voqs y Se que vous fppz: est état de fournir i vo- 
tre fubfi({aiie;e , en fai&nt on emploi hoitorable 
de vos talents. Je pars demain matin. Si dans les 
recherches que vods pourrez £iire pour vous pro- 
curer un établiflèntent ^ vous avez befotn de non 
crédit , écrivez-moi ; Je fuis tout à vous» -— En 
finiflànt ces mots , Whifion fe leva y Se fans ne 
donner îe temps de le remercier de fon préfent, 
il entra dans fe chambre pour fe coucher. Com- 
me jecraignois que le lendemain avant fon dé- 
part , Tenyic ne lui prît de me faire une lembla- 



« & prendre le repos ,• les autres fe ferviffent de no- 
>> treûjf <>pre vue,, de notre ouie, de notre 'prudence 
9>.méme ou de notre vaJeur , il ne fàudreit pas lear 
» en refufer l'ufage>> . Piutarch. Symp. Xi^. y IL 



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iûtaiÏBHtfei^Mili&riitt 



M A r H I I u., 6,^ 

b!e mercuriale , & que d'ailleurs je n'ofois re- 
tourner à mon logis ^ je fus me réfugier dans l'en* 
droit où vous m'avez trouvé. 

Prîtes-vous les cinquante piftôles , dît DUgo 
au çompert}, — Sans doute , répondit celui-ci,—^ 
Vous avez fort bi^n fait , reprit VEfpagnoL Vôtre 
condifciplc Whificn ne pouvoir mieux payer la 
patience que vous avez eue d'écouter fon imper* 
tinent difcours. Â-t-oii jamais entendu une mora* 
le pareille à la fienne ? A fon compte , il feudroît 
prcfqtie fe laifler cracher au vifage ; on ne devroît 
point fe venger , ni ti'pmper perfonnc , lorfquc 
c'eft cour un mieux , ni perfécuter aucun héréti- 
que: îl faudroit être Juif ^vec les Juifs, Turc avec 
hs Turcs; l'on dcvroit reïpeâcr lesloix , les ufa- 
ges de tous les pays , fulfent-ils ceux des Mara- 
bous , des Chinois , des, Maures & des Algon- 
quins: l'^n ferolt tenu de reconnoître l'autorité 
des Souverains excommuniés par lePape, &c. Oh ! 
ce n'eft pas là ce que le Reôeur des Jéfuites de 
Saragojfe m'a. enfeîgné. Ce JVki^on raifonnoit 
comité un OfEpier tel qu'il étoit : n'cft-il pas vrai, 
Jérôme? — Cela fe peut, répondis-jc: cepen--' 
dant , fauf Tavîs du Compère , je croirèis que 
fon difcours n'eft rempli que de maximes à fui^ 
vre , tant je fuis borné. 



*fi«L 



^& 



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70 L.r G o i(t p î a E 



(BHtALXRE VIIIv 

îie C^mpei^ véfiutde^ y«torr Bàjcis^. fyrds partir 
i p9wl^ Holutidei Avintarf-fm iki arriv€ a& 
. moiwiUc.defmi d/paitt* Som arrivée dé SQidh^ 

lL<OR5Qt7M Ife Cbmpere MàjkieurfousiQVt fait le 
récit' dt fbrr aventure , iPuTo-us dît que TJiiifqu'il 
ri^y amf plusse fûretcpt)Tir-Ini<à'Por/s-,^ il ctoit 
féfel a d^êkrxnJffùU-ande^JSi^us']^^ le 

Rtidèmain matin : mais : à pfeme ^ aviocsAiro nx-ïaï t. 
tlmT£:pas: , qu*tm: hT)Tnmd Vînt - reg^rdèîr^c&Dn- 
rétntflt le Cômpfr^ ((MU Ifetier^.Iëfàafft'àà oollet 
* lui dît d'tïn'toir efFraynnt ^. Tk'r^AvtB.f'm^tiT 

Îab: tT iBPoi; Clétoit uir àe*t«yTnatrdîfe loueurs 
'iéchccr, c'cft-à^dîrc un.dèrStfgçnt* qui cjicr- 
droîeitt h^^\s\rt.Comp€t€.llGTSiAlbf6Tpikfmàè^ 
conrerté d« compliment.; mais s*étafit;rcmîs dans 
la minotç", il dit à cet ht)ram«': A cyioi vous fcr- 
Vira*t-il tk roVrêtcf? Afeccpte^-^ filutôf vingr- 
cimi louis, que îe.vais vous donœt, firfaîtçs,ftnii 
Wànrdènir-ra^mr point vu; r- Iles yingt^rinq 
louis avant faitt)uvrir dettrgramJrytwx-ati^tr- 

fent I il BOUS dit de le fuivre aanç un cabaret voi- 
n y où s'étant fait donner une chambre particu- 
liers, il dît au Compara Mon ami , j'ai le cctur ii 
bon , je fuis naturellement fi compatiflfant , que 
du premier inftant qut Je^ous vis, j*ai fenti la 
plus vive inclination à^Vous fervir ; mais je ne 
pus lefairc 5 attendu que j*étois en trop forte com- 
pagnie, .Grâce à Dieu ! aujourd'hui que je fuis 
f eul , je puis fatisfaire un fi louable defîr ^ moyen- 
nant la petite reconnoifiance dont vous venez de 
parler. 



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M'a T H I B xr. 71, 

lln'^toît point temps dé marchantJcr-; îli'létoit 
encweraoinidt faire letrnititins; une^ rfcouad© 
du Guw>, qui éfoit à quatre pfi5 de là ,auroît pu 
prendrt paf^à»là*qt^cllc. te plus court éfoit dt 
lY® point lailler refroidir Ife-zdc du. Sergent , 6c 
de îwiidonner les vingt-cinq Jouis ; ce que Ie.CV)jR- 
/r^/yS^acPiHftant* 

• Le-Sfergent ayant ramaffë & empoché- cet ar- 
gent , rto\ts dit en k frottant les mains : vous^ 
royc^ qjuc jç-ne-ftis pas de ces gens qui n'aiment 
^ue plftieé'&f bofles , acquiiie font conflfter leur 
fconheur-que*<làns le malheur-d'autrui : ▼t)U$ ve- 
nez d'éprouver- combien je fuis compatiffant ; 
YOijsalïe* veir-qije' je ne fuis: pas: mmns défin-^ 
t^refîéi Hèlt, notre-hôte,^ à .déjeuner ppur ceâ 

. Lorlque^Ie^dëjeéserfiitftrvî, le Sergent dff 
A^'CDm'ert.: Pbur vous , Wtenflèur, je nevo^s 
eoflfeilfe'pfts^dc forfîr d*îcî avant que jetons en 
aveKiffè: mes- confrères votiS'C^toancnt^ffi3ue** 
ftcnrilans-oe^^uafeicr» oè Ron-fiit-que-votts êfes 
encore., ^malgré le rifque qye you§ avez cotmt 
âvant-Mér^àcWéde' mon camarade* demoi. Q, 
fr nous' vo«s ecffipwvtt alors I vous-étte« perdu 
fiiMTe4l^itfce^ cefui avec qtii j'ttoiyeft^Uffmya* 
veau'vefiU', en-préftweduquel je me-ferots Wen 
lléHmé^dergard^ devops témoigner U moindre 
ÊofflpflQiîm.lV-D^U'! dan» notre méëer, il fiirt 
connaître foji monde ; mais^ j -espère* qu'avec lî 
tentps î^ptendta Pefpwf dû corps , 8c qu^îl he fî* 
ra plus de-troïHl0r<quet qwl^*«n de-nous-voudfâ 
avoir piîîié'dMititfw.- — LeComperr remercia tfcs:» 
afffe^denfenit^t- cet hbmme-,;& le^ régula -dclî 
bourde-inivaiftè; 

Mônfieiir;, par tput ce:^«e voas^ ven^e*dt iftire 
pour mor, jene^dtitc-poMBit-qtte^voti^neHrojret 



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?f!i L E C O M P E R E 

"homme du monde le plus propre Se Ifc ptus dî- 
gned'apprendre un fecret duquel dépendent tnoa 
bonlitur £c ma vie* — Parlez, dit le Sergent, 
vous vous confiez au filence même. — Sachez 
donc , reprit le Compère , qu'après avoir été dé^ 
livré des griffes de défunt votre Exempt , par la 
méprife des amis du Marquïs de Barjolac, je pou- 
voîs m'enfuir de P^m, m'cxeràpter du rifque que 
j'ai couru-, & des frayeurs continuelles que j'ai 
eues ; mais fy fuis retenu f>ar des liens invinci* 
blés. L'amour m'attache à la jeunfc Comtefli de 
^^ly* i^ ^cul oh'i^t de ma tendrefle 6c de 'mts 
Vœux« — Celafe peut, dit le Sergent; mais quoi- 
que vous me paroiffiez avoir beaucoup àc mérite , 
je trouve une terrible différence entre votre con- 
dition Se celle de la Comteffe de Laffy. La diffé- 
rence n'eft point fi terrible que vous le croyez, 
reprit le Compère: tel que vpus me voyez , je fuis 
le fils & Tunique héritier du Marquis de Cour- 
gnac , un des meilleurs Gentilshommes du Bàs^ 
FoitoUf jjûuifTaiit de plus de vingt mille livres de 
rente* ^ . . 

L'été dernier je vis pour la. première fois mon 
aimable Comteffe, chez une.de fes tantes qui de- 
meure dans notre voifina^e , Se dès ce moment 
je ne cefTai de l'aimer. Peïioant quatre mois qu'elle 
fut chez cette tante, j'eus le temps de lui faire 
connottre mon aipour , Se le bonheur de le voir 
payé du plus tendre retour. Enfin , après nous 
être juré une fidélité inviolable » eljie partit ; & 
pour comble d'infortune , 4non père me déclara 
le même jour que j'eufTe à me déterminer à épou- 
fer la fille du Baron de Hochepot y notre voifin. 
La proximité des biens , certains intérêts de fa- 
mille , la liaifon étroite qu'il y avoit entfe mon 
père & le Baron , furent l^s raifons fuffifantes pour 
• conclure 



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M A T H I E ^a. 7^ 

Conclure ce mariage à Tinfu des perfonnes les plus 
intéreflees , c^eft-a-dire , de la Baronne de moi. 
Comme mon père n'eft point de cts gens à con- 
tredire f qu'il e(t vif, emporté, hargneux, bour- 
ru , ivrogne , orgueilleux , tracaffier , abfolu , tel , 
en un mot, que la plupart de ces gentilshommes 
fans éducation y qui n'otit_d'autre qualité que cell^ 
de jurer , chafler, fe fouler, plaider, eftropier 
leurs valets , battre leurs gardes , ruiner, leurs 
fermiers , faire enrager Madame , engroflêr fps 
femmes , & tyrannifer leurs familles, je. ne m'a- 
vifai pas de faire le revêche. Je fuppofe que dans 
cette occafion la Baronne ne la fit pas non plus: 
outre qu'on la difoit amDureufe comme une chat* 
te , je ne lui étois point indifférent : mais qui au- 
roit pu abandonner Padofable Lafy ? & quelle dif. 
ftrence , ^vànà Dieu ! entre l'objet dont mon 
cœur avoît fait choix , & celle ou'on me defti- 
noit! Ma chère Lafy eft le.chef-d'cBuvre le plus 
parfait de la Nature j &la Baronne étoit borgne, 
chaflîeufç , boflue , tortue , boiteufe , lunatique , 
puante , mauflâde ; & pour furcroît , elle étoit 
hermaphrodite. Quand même je n'eulle point ai- 
mé la ComteiTe , & que la Baronne eût été une 
perfonne accomplie , ce dernier article m'auroît 
entièrement révolté. Cependant mon perc ne 
m'eut point fitôt fignifié fa volonté fuprême, que 
je mécriai en me jetant à fes pieds: O mon très- 
honoré père ! béni foit le moment qui me pro- 
cure l'occafion de vous prouver mon refpeâ Se 
mon obéiflknce! quoique j'aie fentîde tout temps 
une fecrette averfion pour le mariage, je vous 
fais un facrifice de mon inclination , & j'époufe 
la Baronne tout- à - l'heure , s'il le faut, — Mon 
pcre, pénétré de joie, m'embraflk pour la pre- 
mière fois de fa vie , & courut fur le champ chçs 

D 



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74 L E ' C O M P E R E 

fc Baron pour convenir du jour de la cérémonie. 
Le bonhomme ne "fut pas à une portée de fufil 
de la maifon , que j'enfonçai la porte de fon cabi- 
net , Se lui enlevai un fac de- mille écus qui étoit 
fur fon bureau : après quoi je montai fur un cheval 
que je laiflai à là première porte , Se j'arrivai à Pa- 
Hs , où je me cachai fi bien que , quelques re- 
cherches que Ton fit , on ne put me découvrir. 
Mon premier foin, après mon arrivée en cette 
ville , fut de donner de mes nouvelles à maCom- 
teflè , 8c de concerter des moyens de nous voir; 
ce qu'une de fes femmes & un laquais nous faci- 
litèrent. Trois mois après j'appris que mon père 
étoit tombé dans une parai yfie incurable, que le 
Baron étoit devenu fou , & que fa fille étoit morte 
d'un mal de rate. 

Malgré un changement fi favorable, je nVai 
retourner en Poitou y ni faire tenter d'obtenir mon 
pardon. Le Marquis de Gourgnac cft un homme 
terrible & inexorable , ce n'eft que par fa mort 
que je puis trouver un remède à ma fituation,4 
me voir en état de donner la main à laComteffe 
à^Lajfy. 

Je vous aï dit , continua le Coinptrey qucf j'avois 
apporté un fac de ftiille écui à Varis'^ mais cette 
fommc n'étant point aflez confidérable pour me 
faire fubfifter îong-temps , ignorant d*aiileurs le 
* moment où il plaira à mon père de partir de ce 
monde , je fris le parti de fubvenîr à ma dcpenfe 
en me faifant Auteur J Comme je n'ai pas allez de 
talent ni aflez d'érudition pour entreprendre un 
Ouvrage favant , utile & fenfé , qu*au refte cette 
forte de befognc eft très-longue; que , grâce i 
l'efprît du fiecle , les libelles & la fatyrc font au- 
jourd'hui les livres à la mode , les mieux payés 
& qu'enfin j'ai Tefprit naturellement cauftiquci j< 



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- M A T H I 1 U# 7J 

fis quelques pièces qui me rapportèrent beau- 
coup d'argent , mais qui m'attirèrent aufE la dis- 
grâce que vous favez. Voilà mon état, 5c ma ré- 
folution eft de m'y tenir, fur-tout , 6 mon biea- 
faiteur ! s'il vous plaifoit m'indiquer les moyens 
de pouvoir demeurer en cette ville , & d'écrire 
en dépit de la police & de Tes recherches. Si cela 
fe peut faire , je vous promets vingt piftoles par 
mois y dont voici le premier d'avance. 

Le Sergent , non moins furpris & enchanté de 
la générofité du Compère , que de fa franchife & de 
fa confiance, s'écria: Ah ,.mon cher Marquis! je 
n'y puis tenir. Oui , je ne me borne pas au petit 
petit fervice que je viens de vous rendre; je ré- 
ponds fur ma tête du moindre trouble qui pourra 
vous arriver dorénavant, /e parlerai à qui il appar* 
tient ( I ) , & dès demaiji vous pourrez courir im- 
punément toutes les rues de Paris ^ moyennant 
que vous endofliez une foutane , Se que vous pre- 
niez le petit collet pour vous déguifcr. Non con» 
tent de cela , pour peu qujs votre père tarde à 
fortir de ce monde , je me fais fort de vous faire 
époufer la Comtçfle de Lafly , en attendant qu'il 
meure. Te connois ici quelques Prêtres de mes 
amis qui vous marieront à fort bon compte: ce 
font de cts Eccléiiaftiques honnêtes & défînté* 
reffés y qui donnent les meflcs à huit fqls , Se qui 
ne fe tirent d'affaire que fur la quantité qu'ils en 
difent » ou dont ils fe chargent. Si vous avez be* 



(I) J'ai réfléchi cent foh fur ces paroles du Sergent ; 
je parlerai à fiùil appartient , &c. J'avoue que je n'ai 
jamais pu deviner à qui Ton pourroit parler à Paris 
pour faire impunément des Libelles & des obferva-- 
tions ^r le Gouveniement. 



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j6 L E C O M P E R I 

foin de Notaire , de témoins, &c. c*eft la même 
chofe ; j'ai tout fous la main , & à un prix raîfon- 
iiablc. Enfin, pour gage de ma parole, ainfi que 
pour ferrer les nœuds de l'amitié fincere qui m'at- 
tache à votre perfonne , je vous prie de me faire 
riionneor d'être le parrain d'un fils dont ma fem- 
me cft accouchée la nuit dernière. — Mon compert 
le Marquis accepta la propofition : l'on but quel- 
ques rafades à Theureufe ifiue du compérage.&de 
l'affinité future; & le Sergent ayant promis qu'il 
viendroit chercher le Compère lorfqu'il feroit 
temps , partit pour aller à fes affaires. 

Lorfque nous nous vîmes feuls , je demandai au 
Compère Mathieu ce qu'il attendoit de la fable ri- 
dicule qu'il venoit de débiter à cet homme , ic 
auquel ilavoit donné prefque le refte de notre ar- 
gent. — Je ne le fais pas trop , me rcpondit^il: 
comme la vanité, l'avarice & la gourmandifc font 
trois pallions qui oqt beaucoup d'empire fur les 
hommes , j'ai voulu prendre celui-ci par ce foîbJe, 
en l'honorant d'une faufle coiifidence, en lui fai- 
fant une largefTe à laquelle il ne s'attendoit pas, 
& l'amener infenfiblement à un certain point de 
débauche où , profitant du moment que le vin fît 
fon effet , j'eufl'e pu lui efcamoter l'argent que je 
lui ai donné, & lui dire adieu fans parler. Mais je 
vois que cette afFaire prend un tout autre train , 
& Dieu fait quelle en fera l'ilFue : cependant 
je fuis rélolo de pouffer la fortune jufqu'au bout. 
— Mon cher, maître, ditD/V^o, j'efpere qu'avec 
, le fccours du Ciel , nous fortirons glorieufemem 
de ce pas : votre bon Ange ne vous a point inf- 
piré fans fujet Wiiftoireque vous avez contée ii 
naturellement au Sergent. Eh ! comment n'en for- 
t irions-nous pas , puifquc les Sacrements s'en mê- 
lent? — Malgré la crife cruelle oiù nous uoi^s trou- 



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vions , je ne pus m'erapêchcr de rire cîe TexpreP 
fion de Dttgo\ & tout ignorant gue je fuis, je. 
dis en moi-même qu'il falloit être bien idiot ,. bien 
fuperftitieux & bien efpagnol pour parler, ainfi. . 

II étoitprèsde huit heures du foir lorfque le 
Sergent rentra. Il pria'le Compère àt monter dans, 
un carroflè qu'il avoit amené, & nous invita, Diego^ 
àc moi , d'en faire autant. 

. En arrivant au logis du Sergent , nous enten- 
dîmes un carillon qui nous fit croire qu'il y avoit. 
quelque difpute dans la maifon : mais étant entrés, 
dans la chambre de l'accouchée , nous trouvâmes 
une^demi-douzaine de femmes autour de fon lit,, 
donc la plupart et oient ivres. Se qui parloient 
toutes à la fois. 

Le Sergent dit à fon époufc: Ma mie ^ certaîrr 
nés affaires que j'ai eues dans la journée m'ont 
empêché d'aller, prier ton frerc le Charcutier de^ 
venir nommer notrp enfant :.en revanche , voici 
M. le Marquis de Gourgnae qui veut bien nous 
faire l'honneur d'être notre compère. Je fuis.aui 
défefpoîr de ne pouvoir lui donner une commère 
de fon rang ; mais j'efpere que M. le Marquis ne 
défapprouvera pas le choix que j'alfait de la fille 
de notre ami Thibaut le Guichetier. C'eft une de- 
moifelle qui , par fa j:eunefl'e , fa beauté &c fon et 
prit ,- ne le cède en rien aux plus hupées de P^m* 

La Sergente fut très-fenfible à la grâce que M» 
le Marquis de Gourgnae daignoit lui faire y ils fe 
firent l'un à l'autre beaucoup de compliments , 
après quoi, & félon l'ufage reçu, le Compère fut 
obligé d'embrafler, non-feulement l'accouchée, 
miis encore toutes les voiffnes ivres ou non ivres, 
le nouveau-né j la nourrice , la fagc -femme, la 
garde*enfant , un carme , une laitière , un garçon 
boulanger , tous parents de lamaifon, ainfi que 



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78 L I C O M » JE R E^ ^ j 

trois ou quatre petits Sergcntereaux qui couroient 
par la chambre. 

L'accolade étoit à peine finie que la corotnerc 
arriva. Je puis dire que le Sergent n/avoit point 
flatté le portrait : aufiî le Compère la lorgna-t-il 
d*un œil fi philofophique , que je jugeai qu'il eût 
mieux aimé contraôcr avec elle une affinité plus 
proche que le corapéragc. 

Environ une demi-heure après l'arrivée de cette 
demoifelle, le Sergent pria le Compercde prendre 
• le devant avec elle & l'enfant , & ajouta qu'il al- 
loit fuivre ; après quoi il nous dit , à Diego 8t à 
moi: Mes amis^ toutes les perfonnes que vous 
voyez ici font de la famille , & ne Vous connoif- 
îent pas; mais comme il fepourroit faire que 
pendant mon abfence il vînt ici quelqu'un de qui 
il eft inutile que vous foyez vus , je vous prie d'en- 
trer dans lefallon voifin , & d'y vuidcr une bou- 
teille que je vais vous envover , en attendant no- 
tre retour. — La bouteille étant venue , il but un 
coup à notre fanté ; puis il entra dans un cabinet 
joignant^ où après avoir mis les louis que le Com- 
père lui avoit donnés , dans une boîte qui étoit 
fur la cheminé, il fortit, oublia la clef fur la 
porte , & courut rejoindre fon monde à l'éçlife. 

Lorfque nous fûmes feuls , Diego s'écria : 
vous qui avez înfpiré à Judith le courage d'égor- 
ger Holopherne , accordez moi Tadrèfle & la fer- 
meté de voler ce maudit Sergent ! — Aj^ant fini 
CCS paroles, il fit trois /zgnes de croix ^ dit fon in 
manusj ouvrit la porte du cabinet, mit la boîte 
dans fa pochc,refcrmaJa porte , & fut jeter la clef 
dans le privé de la maifon. 

Lorfqu'il fut de retour il me dit: Mon chtr Jé- 
rôme, voici la moitié de la befogne finie : prions 
msiinttnzut faint^gatocU qu'il la conduife à une 



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M À T H r f tT# 79 

hjeureufe fin. En même temps il tira Ton chapelet , 
fo-«ttà prier , & pria jufqtt-à ce quo leSergCfit 
ôc fon monde fuffent de retour* 

Quoiqvfc Ton ne tardât giicrés à fefvîr le fou- 
pcr , j'eus le temps de conter l'aventure au Com-^ 
periy & les frayeurs qu'elle me caufoit; mais lof f- 
qu'îl eut appris que la clef étoît perdue, il me 
rafl'ura, & parut d'une humeur charman.tc pendant 
tout le temps que l'on fut à table, c'eft-à-dire 
toute la nuit. 

Sur le minuit VEfpagnol fortit pour qitelqiîes 
nécdOtés naturelles, &- un moment après il pouf- 
fa un cri^épouvantable. L'on courut voir avec de 
la lumière s'il ne lui étoit point arrivé quelque 
malheur , & on le trouva tombé fur le Carme , qui 
s*amufoit avec la Nourrice au.pied d'un efcalier; 
ce qui faillit de troubler la fête. Mais le Sergent 
ayant dit que cela arrivoit aflez fréquemnjent à 
Ton parent , & Diego n*ayant reçu d'autre mal 
qu'une égratîgnurç au bout,du nez , chacun reprit 
fon train ordinaire ; & le Sergent qui n'^avoit ceffé 
de chanter depuis plus d'une heure, fe mit à chan- 
ter de plus belle , Se chanta tant , but tant , parla 
tant, que vers les trois heures il fallut remporter 
ivre fur fon lit. , . 

Comme il étoit dans'un état à ne s'éveiller de 
plus de fii; heures, npus demeurâites, jufqu'à ce 
qu'il fît )our. Alors avant pris congé de la com- 
pagnie > ainfi que de l'accouchée , nous fortîracs 
de Paris par la porte Saint Antoine:^ puis prenant 
à gauche nous tirâmes^ à vu de clocher , droit k 
Senlis. 



D4 



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tb I' « C »c p E u « 



C H A P î T R E I X. 

'Arrivie du Compère Mathieu à Senlis- Rencon- 
tre d*un Homme extraordinaire* Hifioire de^ cet 
Homme* 



. P E I N 1 fûmes- nous dans les champs que 
nous ouvrîmes la boîte ; maïs quelle fut notre 
furprîfc& notre joie, lorfque nous y trouvâmes, 
outre les Louis an Compère y pour plus de quatre 
mille écus de bijoux, tous fruits affurcment de 
la pitié du Sergent. Cette découverte faillît de 
nous faire tourner la tête. Diego fit plus de trente 
cabrioles &pLus de foixante moulinets; mais lorf^ 
que nous refléchîmes cïue nous n'étions pas en- 
core hors de danger', nous modérâmes nos trans- 
ports , & nous fîmes tant de diligence que le 
îbir nous arrivâmes à Sentis» 

Etant entrés dans la première Auberge , nous 
demandâmes à rhôteife ce qu'elle avoit à nous 
donner à fouper. Elle répondit qu'elle n*avoît 
qu'un gÎ2ot de mouton , une poularde & fix cot- 
telettcs dont elle ne pouvoit même difpofer , par- 
ce qu'il étoit arrivé un étranger quelques m.omcns 
avant nous , qui avoit retenu le tout pour lui 
feuL Le coîÀpere Mathieu dit que cet étranger 
etoit fou-: qu'il y avoit de quoi manger poiirfix 
perfonnes , & qu'il prétend oit en avoir fa part. 

L'hôtefle nous ayant conduit dans une cham- 
bre au bout de la cour , où étoit cet étranger, 
nous trouvâmes un gros &puiflant homme , ayant 
le vifage plein & vermeil , là barbe noire , les 



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.^ 



Mathieu.,* 8î 

yeux à fleur de tête , quLi'amufoit à vuidet quel- 
ques bouteilles, en attendant le fouper L'afpeâ 
de cet homme déconcerta un peu la Phîlofophie 
du Compère , qui étoit déterminé à lui demander 
hautement la moitié de la portion qu'il s'étolt 
deftinée ; c'efl: pourquoi ilfe contenta de lui ex* 
pofer très-poliment le fujet de fa vifîte. L'étran^- 
ger fit d'abord quelques difficultés ; mais ayant 
appris que h. Compère étoit Philofophe ,. il nous 
accorda le plus galamment du monde.de fouper 
avec lui , à condition que rhôtefle cherche- 
roit de quoi augmenter le fervice de quelques 
plats. 

Enfin l'heure du fouper arriva , Se chacun 
mangea de très-bon appétit. Au deflert l'étranger 
demanda au Compère , qui il. étoit ?. Celui-ci dît 
qu'il étoit de Domfroat'y Se le fils de Mathieu fc 

Cordonnier, Par la ventrebleu !' s'écria l'é- 

traager ^ tu es mon neveu ; ta mcre eft ma pro- 
pre fœur; je fuis ce^ Onclç Capucin , que its 
parens croient aux Indes à prêcher l'Evangile aux 
.Infidel€s.^Çà „ <jis-moi : d'où viens-tu \. où vas- 
tu ? Le compère Mathieu fauta au coup de fon 
Oncle , Tembrafla plus de dix fois ,, & lui conta 
nos aventures jufqu'à ce pur ,. ainfii que celles de 
Diego, Alors l'Oncle du Compère nous dit : Mes 
Enfans , puifque j'âî appris votre hifloire ,, il eH 
jufte que je vous conte auffi. la mienne.. 

Mon cher neveu fait cjue mt>n Père etoà^ 
Tonnelier. Comme ce métier avoit mis k bon 
homme à fon aife , il m^ènvoya ai* Collège d'-^- 
lenpon pour y faire mes études.. Quoî^we j!ap* 
prifTe paflâblement le Latin ^;il nefie paflôît'pp'nt 
de femaine que mon rçgent ne me donnât le , 
fouet, 11 preSoît pourme2ia«cBeté c<trtain« p<jitit* 
tOAirs de gentilleffe qui. mîauiufoicnt & qui; îât^ 



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î% L K C O M P E R E 

foîcnt rire mes Camarades, Comme je graftdif- 
fois , que je devenois de plus en plus gentil, & 
que mon Régent me battoit toujours , je lui dis 
que s'il s'avifoit de me battre encore , il s'en re- 
pcntiroit. Trois jours après il voulut me fouet- 
ter à fon ordinaire ; mais je lui donnai un coup 
de canif dans le cul , pour lui apprendra à con- 
noître fon monde. Après quoi je m'enfuis à Dom- 
front , où mon Perc me paya avec ufure ce que 
le Régent m'avbit promis , & voulut me mettre 
à fon métier ; mais ma Mère ayant obtenu que i 
jt continuerois mes études , l'on m'envova à Caen , I 
où je parvins jufqu'en Philofophie! Alors ayant 
eu encore quelque querellé avec mes Maîtres , je 
m'engageai dans le Régiment de Navarre , qui 
ctoit en garnifon en cette Ville. j 

Comme j'étois grand & bien fait , je ne tardai 

fueresà monter aux Grenadiers Je mfe puis flatter 
'avoir réuni dans ce pofte toutes les qualités 
d*un véritable homme de guerre. Je me grifois | 
régulièrement tous les jours : je tenois le tripot 
de tous les jeux de hazard : je tifois Peftaffc de 
toutes les Donzelles do quartier : je caffbis les 
, vitres de quelque Cabaret au moins tous les 
trois jours : je racolois le plus de jeunes gens 
qu*il m*étoit poffible , & je mangeois leur argent 
après les avoir enrôlés: je jurois moi feul autant 
que tous les Grenadiers du Régiment; bref, j'a- 
vois déjà été quinze fois en prifon \ j'avoîs eftro- 
pié cinq de mes camarades; j*cn avois tué trois, 
& j'étois bien réfolu de continuer fur le mêïnc 
-ton , lorfque mon Capitaine s'avifa de m'ôtçr 
' mon habit , & de me renvoyer. 

Je retournai chez mon perc. Le^bon vieillard 
me mit au travail j* 8c prétendit me moriginer ; 
siais ft k priai très4f Àammeot de n'eA riien jEii^ 



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M A T H I £ V. gj 

te , )ufqu*à ce qu'il m'eût montré h^^ fondera eas 
de rautorité qti'il prétendoit a,voir fur moi { i ), 
Ma mère , qui favoit que fon mari étoit vif , 
Se quf fon fils ne Tétoit pas moins , réfolqt de 
iious féparcr, de crainte qu'un jour ou Tautre je 
ne roffaflTc le bonhomme. Elle me propofa d'être 
Fourbiffeur on Capucin : je choifis le Capuchon» 

En eonféquence de cet heureux choix. , je ffis 
en Bretagne trouver un Oncle qui étoit Provin- 
cial de rOrdre , & j'eridoflai le Hafnois Séraphi- 
quc fous le nom de PERE JEAN pe DOM- 
FRO>^T. Lorfque je fus ordonné Prêtre , Ton 
m'envoya prêcher dans les Villages ; & aprè^ 
avoir rempli cet emploi pendant trois ans , je 
devins le Direôeur de ,1a Supérieure d'un Coij-* 
vent à'Urfulines. ; 

Cçtk Supérieure étoit une Maman d'une qua- 
rantaine d'années , qui avoit été belle dans fà jeu- 
neffe , & qui avoit encorele teint d'une femme de 
trente ans. Elle me confioit fouvent les aflkuts> 
qu'elle avoit à fqutenir contre le Démon de la 
eoncupifcence; elle me difpit qu'elleluioppofoît 
coiiftamment le jeûne , la prière & la difcipline ; 
mais' que ces armes avoient quelquefois fî peu? 
d'efficacité, qu'elle fe trouvoit prefqiie. réduite à 
céder à la violence de fon tourmçnt , & à s'a-^ 
.iandonner au feul foulagemcnt quelaNature lui- 
fuggéroit dans fon état. — Eh ! que nrc s'y aban- 
donnoit-elle ? interrompit Diego , en dirigeai^ 
fon efprit. envers Dieu , pour que l'ame^ne par- 
ticipe poiat aux^fpuillures du corps. — Que. 
/ . . ._' ■ ■ ■ >■ ' 

• i:« ■ 

\^{T) Ce n'efl: quepar un« fuite dé la foibîeffè & le 
f ignorance où naiflentles enfans, qu*Us fc trouvenr 
naturdiement afîbjettis à Jeurs parens; Voyi^UDiSi. 
EncycL au mot Ënfem, . 



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%4 L r C o M p E R f 

dis-tu , dît Père Jean à VE/pagnoll-^Jt. dis , ré- 
pondît ce dernier , que fi mon ancien Maître le 
Reôeur des Jéfitites de Sara^offe cût|dirigé la Su- 
périeure dès fa tendre jeuneffe , elle n'auroit point 
en à combattre le Démon de la concupifcence 
jufqu'à Tâgc de quarante ans. 

Je fus touché du fort de cette R eligieufe , pour- 
Jiiivît Tere Jean y & de celui de tant de vidimes 
infortunées que lacagotcrie, Tayarice, la politi- 
que , l'ambîtion des rarens , & quelquefois le dé- 
lire de Timagination d^une jeuneffe aveugk & fans 
expérience ,réduifent à latter éternellement con- 
tre la nature, & le tempérament. 

Un jour que la Supérieure m'avoit fait la def- 
crîption d*une des plus vigoiireufes attaques qu'el- 
le eût encore efluyées , je lui dis que les moyens 
dont elle fc fervoit pour éteindre la concupif- 
cence , ne contribuoient qu'à renflaramer ; que 
les jeûnes ^les veilles & la difcipline échauffbient 
le fang au lieu de le tempérer ; que le moyen de 
VafFranchif de Timportunité des défirs étoit de 
les fuîvre f i ) ^ & que je raettroisfin à fon touf- 
jnent, fi elle me vouloît jurer le fecret. Elle fc 
jura. Je luî prepofai mon moyen : elle l^approu- 
va. En conféquence de Taccord elle me donna 
deux cîefs avec iefquetlcs jt pouvois entrer cn- 
fon quartier ; ta nuit fuivante nous^ commençâmes 
à livrer îe premier a^àut à fon ancien ennemi , 
& nous ne donnâtftes de relâche qu^àutant que la 
prudence Texigeoit, pour ne point foire foupçon- 
ner mes évafîons noâurnesv * 

Au bout de dix mois mon Gardien , qui avoir 
été autrefois. Moulquetaire , voulut me débuf- 



(i) Ko/t tîs Mwrs if.JU 



dbyGoo,qIe 



mi 



qucr de'ma direôion. Un foir que toiK leÇou^ 
vent étoitaii Chœur , & que nous nous chauffions 
Tun Se Tautre à la.cuifine en attendant le fouper, 
il entama h converferion fur la Supérieure y. 8c 
la finît par îne défendre de la diriger ; je luk dis 
que je la dirigcrois ; il me repartit que je ne la 
dirîgeroîs pas, &c s'emporta tellement qu'il faifit 
un écumoir pour me frapper. Je paiai le coup 
avec une cuiller à pot q^e je trouvai fous ma main , 
& je luieRportai un fi ^prrible coup au-deffus de 
rorcillc gauche , qu'il to^içibalecul dans une chau- 
dronnée de tripes que li^:uifrnier venoit d'ôter 
du feu. Voyant que la ch^^uj ne lui faifoic faire 
.aucun mouvement , je l'examuiai de près , je vis . 
qu'il étoit mort. 

Quoi ! s'écria DicgOjyovts zvtz tué un Capu- 
cin! *— Oui y par-dieu , répondit Père Jean. — 
vous ne croyez donc pas qu'il y ait un Enfer ? — 
Eft-ce qru'un homme d'efprit croît aux fables > 
repartît Fen Jean ( i)* Vous devriez croire au 

( I ) Cogita, f. Ula qua nohis infervs fûciunt terrihiîe^ 
fahulameffeinuUasimminertmortuis tenihras^ necflumina 
fiagranûa igne^ nec ohtivionis amnem , nec trihunalia. Lw 
ferunt ifia Pottet , ê vanis nos afftavére terronhus, Sè- 
NEC. ConfoL ad Màrciam. 

» Soyez perfuadé que tout ce qu^on nous dit d\m 
» Enfer épouvantable , ne font que des fables. Les 
. >) Morts ne font lu jets ni à des ténèbres afFreufe^ ^ 
»ni à de noires prifons , ni au PViIegcton ardent , ni 
» au fleuve téthe , ni à un Tribunal redoutable. Ce 
?» font des inventions de Poètes , qui fe font plu à 
» nous ren)çlir rame de vaines frayeurs?» . 

Félix qui potuit rerum cognofcere caufiis ^ 
Jitquemetus omnes & inexorahile fatum 
Sublecit gedibuM , firepritumque Acherontis^ avadé. 



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96 LeCowtpere^ 

• moîni qu'il y a .un Purgatoire , reprît Diego r 
comment avoir tué un Capucin! quel crime ! jufte 
Çîel ! quel crime f j'aimerois mieux avoir tué 
tous les Rois de la terre, 

A ce fpeÔacle , pourfuîvit Père Jean , le cui- 
finier pouffa un eri horrible & s'évanouit* Pour 
moi , Je pris le Gardien fur mes épaules , jc/op- 
tis par une petite porte doet j'ay()is la clef , 
j'emplis fon capuchon do pierres , & je le jettai 
dans la rivière^ De-là j^ mt rendis à l'autre bout 
de fa ville chez une ^ mes pénitentes qui étoit 
dangereufement maraj^ ^ & que j'avois confefFée 
l'après-midi ; Io|^^ minuit fut fonné je fus 
chez la Supéfitlâre , à qui je contai moii aven- 
turc. 

Mon récit la fît prefquè mourir de frayeur. — 
On va vous chercher, me dit-elle , & on vous 
découvrira. — Ne craignez rien , lui dis • je : 
permettez moi feulement de refter ici ; je ré- 
pond^ du reftc. Chez nous , comme dans^-tous 
les autres Ordres y l'on a foin . de tenir de tel- 
les fredaines cachées. Si l'on nous attrape on 
nous punit fans que le monde en foit inftruit ; 
fi nous nous évadons , l'on n'en dit mot. Enfin , 
de quelque maniece que nous difparoiflions y l'on 
trouve toujours le moyen d*en celer la caufe ; 
vous entendrez bientôt dire que le Gardien & 



» Heureux celui qui a pu çonnoître la caufe de 
M toutes cho fés , fouler au3f pieds toutes ^Drtes de 
« crainte , ainfi que le dèftin inexorable , & tout ce 
^> qu'on nous raconte des fuites dé la nott. Virg. 
Geor^.Lib. II. 

N. Il faut convenir qpe voilà des autorités bien 
dicifives^. 



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M A T H I E ITv 8{7 

itioî fommcs paflës dans les Ifles pour h conver*- 
fîon des infidèles. — Voilà donc pourquoi , dit 
le Compère , tout Domfrosit eft perruadé que vous 
prêchiez la Foi dans le nouveau Monde. «— La. 
Supérieure mt cacha & me nourrit pendant un. 
mois y continua TereJean ; mais conrnie pendant 
le jour il falloir que je me tapifl'e , tantôt dans 
une armoire , tantôt fous un lit , ce genre de vie 
m'ennuya. le propolài à la bonne Mère de pafler 
en Angleterre : la crainte des reprefailles de Sa- 
tan la détermina i me fuivre. 

Ayant fait en forte de me procurer un haWt , 
elle s'accommoda de ceux d'une Penfionnaire ; 
& par précaution contre la mifere , elle fc mu- 
nit d'une fomroe de huit cent Louis d'or qui ap- ^ 
partenoit à la Commuhauté. Comme la Ville étoît 
«ne place ouverte , nous partîmes un foir pour 
nous rendre au bord de la mer , qui n'étoit pas 
éloignée , & nous eûmes le bonheur de rencon- 
trer un pêcheur qui nous conduifit ^Jerfey , oà 
nous nous mariâmes pour éviter tout ^crupule^ 
Enfiiîte nous partîmes pour Londres ; nous louâ- 
mes une maifon ; nous nous mîmes en ménage ; 
& nous avions déjà vécu quinze jours en bonne 
intelligence y îorfq'^une fhïxion de poitrine enleva 
ma chère 'moitié; 

Je pris le parti de me confoler avec une petitc^ 
Ecojffoifi qui me fervoit , & dont je ne me pouvoîs 
faire entendre que par fignes. 
/ Un foir que je m''étoîs.amufë dans un café^, je 
Tcvhîs un peu tard au logis ; je frappai à la porte ^ 
& pcr fotvne ne Fouvrit r l'ayant fait enfoncer ,, 
jt trouvai mon cabinet ouvert ,.la dot de la dé- 
funte enlevée , & VEceJfoife éclîpfée. Teut autre 
q«c moi fe feroît défcfpcré : mais comme* j'avois- 
aj^pris cjiez les Grenadiers à me Jicher de tout y. 



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88 L B C O JVf P- E ^ E 

à n^^m'étônncr de rien , je pris le parti de cher- 
cher fortune ailleurs & d'oublier cette difgrace. 

En attendant je vendis mes meubles ; & fe me 
mis en penfioa chez un Marchand de vior, Fran- 
çois d'origine. Cet hoimne étoit veuf & n'avoit 
qu'une fille d'environ dix-fept ans , nommée Lur 
die. Au bout d'un certain temps je devins amour 
reux d'elle ; je lui déclarai ma paffion ; je lui plus , 
& lui propofai de pafl'er à Paris ay^c moi pour 
jouir à loifir de notre tendrefle. Elle m'oppofa 
d'abord l'amour qu'elle avoit pourfon pcre: mai« 
je lui fis comprendre que cet amour étoit très-fuf- 
ceptiblc de difpenfe ( i ), & elle fedétermii^à 
me fuivre. 

Ayant choifî un temps où le bonhomme éioit 
àbfent pour quelques jours , LucîEs fe faifit d'im 
à compte de mille livr&s fterKngs fur fa Dot à ve- 
nir ; je m'appropriai quelques petits effets qui 
me convenoient ; & nous partîmes de Londrts 
fous \ts aufpiccs de Fafeour. 

Quelques jours après notre arrivée à Taris ^ le 
chien de LuciU s'àvifg de piffer fur le jupon de 
l'entretenue d'un jeOne Seigneur , logée dans k 
même raaiibn que nous. .On battit le chien : en 
piailla , on chantai pouille à Lueile ; je répondis 
pour ma femme , je m'emportai ^ je fouffletai l'en- 
tretenue & j^ cafïai un bras- à l'entreteneur. Dans 
toute autre occaiion cette affaire n'auroit point 
eu de fuite : mais comme les Seigneurs qai entre- 
tiennent des filles ont le bras long, celui-ci for- 
ma plainte , obtint information , trouva des té.- 
moins , & pour finir l'hiftoire ^ je fus décrété y.erp- 
prifonaé , condamné y ruiné* , & par ftircroît co- 
^ufié par mon Procureur ^mon Avocat, mon Rap- 



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, . M A T If I B U. «9 

porteur aînfi que par les' trois quarts de mes Ju** 
ges , qu^ la pauvre LuciU follicita en vain pour 
moi. 

Lorfque je fu5 élargi , lamîfere nous contrai- 
gnit de nous féparer. LuciU {c remaria à un vieux 
Commandeur J 8c moi je demeurai veuf jufqu'à 
nouvel ordre. 




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90 L B C O M P E ». B 

mmmÊ^mmm m lui i . ■ i n .L 

C H A P I T RE X. 

Continuation de tHiftoire de Père Jeaiu 

tf E fis amitié avec un Marfeillois , Capitaine àt 
vaifleau marchanfl & très-galant homme , auquel 
j'expofai mo« déftUlre & ma fituation, — Venez 
à Marfeille avec moi , me dit-il ; j'ai acheté un 
vaifleau que je dois armer & charger à mes frais: 
vous ferez mon fécond ; je vous ©hfeignerai la 
navigation, &*je me fais fort de vous mettre en 
état de cooimandcr au bout de quelques voyages, 
— Je remerciai mon ami , & j'ac.ceptai fa propo- 
fition. 

Pendant trois ans que je demeurai avec ce Mar-^ 
feilloisy je fis deux voyage*? à la -Mîsrr///2/jaf , uni 
Conftantinople j un à Makhcy & un à Ragufe* Ayant 
. appris penaant ce temps-là tout ce qu'il faut fa- 
voir pour être un excellent Marin , mon ami rae 
confia fon vaiffèau , & je partis pour la Guades- 
loupe. 

Etant arrivé à la hauteur de Minorque , je dé- 
couvris un Corfaire de Barbarie quatre fws plus 
fort que mpi. Comme il étoit excellent voilier > 
il m'atteignit ^n peu de temps , m'attaqua avec 
furie , & je me défendis de même. Il fe fit pen- 
dant trois heures .un carnage horrible : enfin j'a- 
vois foufFert trois abordages , il né me reftoit plus 
que dix hommes , mon vaifleau alloit couler à 
fond lorfque je me rendis, — Apparemment » dit 
Diego , que vous n'aviez pas attaché de relique 
au mât de votre vaifleau. — Par la mort ! s'écria 
Fere Jean , fi tu ne me laiflies achever , je t'étran- 



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Mathieu. 91 

gleraî. Ces mots pétrifièrent VEJpagnoI , & il fe 
tut. 

Le Commandant du Corfaire étoît un philofo- 
phe Italien , qui avoit été Hermite & Auguftin : 
en conféquence de notre ancien harnois il me trai- 
ta avec foutes fortes d*égards & d'honnêteté. 
Lorfque nous fumes arrivés i Alger j mes gens fu* 
rent mis aux fers i pour moi , }e demandai à être 
circoncis ; & lorfque je fus inftruit de la loi du 
Prophète y on ine fit l'opération. 

Au bout de quelque temps Hali^Coprogli ^ cet 
Italien qui m'avoit pris , me^choifit pour l'accom- 
pagner dans une courfe qu'il alloît faire fur les 
côtes àiEfpagne. Ayant croifé environ un mois 
fans rien ren<:ontrer , l'idée lui vint de faire une 
defccnte en Catalogne. Ce projet réuffit au-delà de 
nos efpérances : nous fîmes quatre-vingt-cinq en- 
claves y nous pillâmes neuf Egtifes ^ fix comptoirs^ 
deux Monafteres 1 & nous remportâmes un butin 
immenfe. 

Hali y pour quelques raifons particulières , prit 
la route de Smirne , au lieu de celle A^ Alger ; 11 
■vendit (q^ efclaves , fes effets, fon vaiffeau , r^ 
compenfa l'équipage , & me fit préfent de douze 
mille piaftres. 

Je demeurai un an à iîm/V/zf : pendant ce temps- 
là j*appris la langue turque & un peu de médeci-^ 
ne. Alors , ennuyé d'une vie fi fédentaire , je fre^ 
tai un vaiffeau , je le chargeai de cuirs , de cire 
& de foie : je vins à Venife , où je vendis une par- 
tie de mes marchandifes à un Juif , qui me dorl- 
na fa fille en troc pour le refte. C'étoit un ten- 
dron d'environ quatorze ans , très-joli , le vrai lot 
d'un vivant comme moi, 

Lorfque je fus en mer je voulus ufer de mes 
droits fur ma conquête : la poulette commença 



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91 LeCompere 

par faire là grimace , & finit par me donner la F",»*. 
A ces mots Diego poufTa un profond foupir. — 
Pourquoi foupire-tu ,*dit Père Jean ! — Hélas/ 
répondit YEfpagnot j c*eft qu'au récit dont il a 
plu à votre Hautefle de nous honorer , je recpn- 
nois les divins appas de ma chère Rachely la perle 
des filles, le bijou de toutes les filles, le^neil- 
leur cœur de fille !... Tere Jean croyant que Diego 
étoit devenu fou, le fit taire , & continqa ainfi; 
torfque je fus de retour à Smifntj un Anglais 
de ma connoifl'ance me conta que quatre jours 
avant mon arrivée , Ton avoit brûlé deux Jéfuites^ 
pour avoir loyolifé un Mufulman ; que la veille 
on avoit empalé le Philofophe Haliyfzns quePon 
fut pourquoi; & que le Cadi avoit >ugé à pro- 
pos de s'inftituer légataire univerfel de ce der- 
nier. Je conclus du récit de TAnglois qu'il n'y 
avoit point de sûreté à Smirnt pour les honnêtes 

fens; & comme ma fortune avoit quelque chofe 
'analogue à celle de défunt Hali^ J€,ae défis 
de mes marchandifes, & je m'embarquai pour 
'Confiantinople. 

— Que fftcs-vous de la Juive ? dît le Campere 
â Père Jean. — Oh ! pour la Juive , répondit ce 
dernier , je la vendis à un Sangiac y qui la revenr 
dit à un Lefcher , qui la prêta à un Lety , qui 
la loua à un Ne^ran , qui la donna à nti Dervh^ 
qui l'emmena à la Mecque , & qui la perdit en 
route, à ce que j'en appris par la fuite. — Ici 
Diego commença à beugler comme un ycau ; mais 
Tere Jean lui impola fîlence , & continua ainfi 
fon hiftoire. 

Notre route av<^ît été des plus heureufes; no-us 
étions déjà entré dans la mer de Marm^ra\ lorf- 
qu'une tempête afFreufc nous jetta fur k$ côtes 
de la Komankr & ^^^^ ^^ ^^^^^ naufrage entre 



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M A T « I E tr. jj^ 

Héraclée ic Rodefto. J'eus le bonheur , aînfi que 
trois autres perionnes du vaifleau , de gagner ie 
rivage; mais je n'eus pas celui d'éviter une trou- 
pe de payfans qui nous gue'ttoient ic qui me laif- 
ferent fans un fou. . ., - 

Dans cette extrémité , je ne crus mieux faire 
que d'aller en Sirvu chercher fortune dans l'armée 
Ottomane. Je la joignis qui alloit au fecours de 
Belgrade affiégée par le T rince Eugtnt ; j'offris 
mes ferviçes au Général des Croyans , & je de* 
'vîns Efpion, 

Je fis trois voyages au camp des Ennemis : 
pour le premier je reçus cent feqiiins ; pour le 
fécond cent-cinquante ; & pour le troifieme , on 
me donna aoo coups de bâton fur la plante des 
pieds. V. 

Huit jours apr^s cette avemure ,lcs Turcs fu- 
rent entièrement défaits par les Impériaux. Je me 
reffentois encore trop de ma dernière gratifica- 
tion pour pouvoir me fauver avec les débris de 
l'Armée. Je fus donc pris & mené à Komore en 
Hongrie ; où m'étant fait Chrétien , je reçus en- 
viron loo Ducats , tant par les aumônes des par- 
ticuliers , que des préfents d'un Parrain & d'une 
Marraine illuftres y qui crurent ngner le Paradis^ 
en tenant un Turc fur les faims tonds de Baptême. 

Quelques feraaines après ma ceaverfion , je n\e 
munis de paife- porfô & de bons certificats ; je fus 
prendre cong^ de mon Parrain, d^ ma Marraine 
& du Prêtre qui m'avoit converti ; je leur ifis 
mille remerciemens delà charité vraiment chré- 
tienne (qu'ils ayoient eue à mon égard ; je leiir 
fouhaitai milk bénédiâions , & je partis pour 
Venife. 

Etant arrivé à Venife , je rencontrai un de mes 
anciens .confrères Capucins , qui étplt devenu 



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94 L E C O M F E R 1 

un des principaux piliers des Tripots de cette 
Ville , & qui avoit fait une fortune confidérabJè 
au jeu Ce confrère fe^nommoit Vitulos» Il avoit 
jette Je froc aux orties quelque tems après moi , 
& pour un fujet à peu pjès femblablc au niieq. 
II me conta fes aventures ; je lui contai le^ mien- 
nes; & nous conclûmes qu'il conviendroit de 
nous afl'ocier enfemble ; ce que nous fîmes. Quel- 
ques mois apiès notre affociation , j'eus querelle 
avec un Noble , & je le jettaî , lui& fon valet , 
dans un canal. Comme dans une Ville comme 
P^enife uiie pareille aâion eR un crime de lèfe- 
Majcfté, je partis le plus fecrettement qu'il me 
i^ut poffible avec la femme, ou foi- difant femme 
de mon Confrère Vhulos , & je pris la route 
de Rome* 

Etant arrivés en cette Ville , je louai un quar- 
tier près de la Ckiefadi S. Loren{o inftrada délia 
fuburra. Je m'occupai les premiers jours à con- 
folcr Madame Vhulos de la perte de fon mari; 
ftiaijS comme à la fin le métier de confolatcur me 
fatiguoit y j'allois de temps en temps boire bou- 
teille m Campo difiorij & me promener dans les 
plus beaux quartiers de Rome , tant pour me 
diffiper que pour corroborer ma vertu confola- 
tivij Se lorfque j'étow de retour , Madame Vitu^ 
tas ne s'en trouvoit pas plus mal. 

Etant un jour à ma promenade ordinaire , j'en- 
trai dans le Jardin du Belvédère dix Vatican. Juf- 
quesJà y aucune de ces Statues admirables ^ au- 
cun de ces Tableaux précieux dont Rom< eft 
l'emplie , & dont j'avois entendu dire tant de 
merveilles , ne m*avoiènt touché, Il faut ordinal* 
rcment un certain degré de connoiflances açqui' 
fes par Fétude du deffin , pour découvrir les 
beautés de ces fortes de choies ; mais ayant jette 



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/ 



Ma T M I E u/ 95 

les yeai fur la figure de Laocoon ( i ) qui fe trou- 
ve dans ce jardin , & donc Pline fait un fi grand 
éloge , je fus tout-à-coup faifide refpeâ & d'ad- 
miration (1 ) pour ce précieux refte de l'antiquité, 



( jy Laocoon étottfilsde Prram 8c d'Hécube^y & Prê- 
tre d'Apollon. II entreprit de difTuader les Troyen» 
de recevoir le Cheval de bois , que les Grecs fei- 
gnoient d'avoir confacré à Minerve. C'eft pour cela 
qu'on dit qu'un Serpent monftrueux l'étrangla avec 
fes deux Fils. Le Groupe dont il eft ici queftion , fai- 
foit jadis un des principaux ornemens des Bains de 
l'Empereur Titus. Voici ce que Pline en dit : 

Laocoon çuieft in Titi Jmperatoris domo , opus omnibus 
6r Piâura & Statuaria Arùs praferendum , ftctte fumni 
4iTtifices Agefander, Polydorus & Athenpdorus Ràoda. 

( a ) Père Jean n'a pas tort : j'ai toujours entendu 
ceux qui avoicnt été a Rome parler de ce Groupe 
avec une efpece d'enthoufiafme. Un des valets du 
Marquis d'importante - Béte , qui avoit été en Italie 
avec fon Maître , & qui avoit tout vu comme on 
doit voir , tandis que le Marquis examinoit tout , 
admiroît tout & ne voyoit rien , me dit un jour en 
parlant de Laocoon : » C'eft déjà un coup de Maître 
» aux Sculpteurs , qui ont fait cet admirable nior- 
"ceau, que d'avoir tiré du mêie bloc de marbre 
>» trois Statues qui font fi bien détachées l'une de i'au^ 
»tre, & dont les attitudes font fi différentes. MaisdV 
» voir fçu , en détachant ces Figures, conferverfic prati- 
»»quer dans le marbre un Serpent dont il 6ut que 
» le corps fe trouve dans les efpaces vuides qui font 
w entre ies crois Statues , où il fait plufleurs plis& 
» replis , Se oii.il va de l'un à l'autre ceindre le corps 
» du Père & celui de chaque Enfant qu'il entortil- 
»Ie tous enfcmble; c'eft ce qui paroît d'une induf- 
» trie , d'une adrefle » d'une intelligence iniim-* 
Jetable. 



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^6 L E C O M P X R £ 

& je conçus pour lors que. Tart avoit quelquefois 
approché fi fort de la nature , qu'il étoit impof- 
fîble que le plus ignorant , le plus mfenfible de 
tous les hommes ne reconnût , ue fentît cette na- 
ture dans ces chefs-d'œuvrcs accomplis que les 
plus célèbres Artiftes nous ont laiflës, 
. Le plaifir que j'avois reflenû à examiner cet 
admirable morceau de fculpture me détermina à 
prolonger mon féjour à Rome^ pour y voir à loî- 
nr tout ce qui mérite Inattention d'un étranger. J'y 
fis la connoiflance de quelques Artiftes intelli- 
gents , qui voulurent bien me faire remarquer Ôc 
jn'expliquer les parties les plus intéreflantes des 
meilleures pièces que^ cette ville contient. 

Madame F//a/o5 s'apperçut bientôt que je la né- 
^ligeois ; elle s'imagina que j'avois formé quelque 
cotmoifiance qui pouvoit lui devenir préjudicia* 



M Là violence des efforts qu'une douleur extrême 
?>fait faire à Laocoon paroît dans tout fon corps , 
jf même jùfqu'à l'extrémité des pieds , dont les doigts fe 
99 retirent avec contraftion : tous fes mufcles font telle- 
)f ment enflés » qu'il Cèmble que la peau efi prête à fe 
jicrévaiTer, La contorfion de tous fes membres forme 
3> tme attitude merveilieufe qui met dans tout leur jour 

. » toutes les parties de ce corps, qui eft peut-être le plus 
9> parfait qui nous foit refté de rAntiquité. La douleur 
» & le défeipoir qui paroiflentfur le vifege de cette hom- 

'» me infortuné font frémir d'horreur & de compaffion. 
» Enfin, plus on regarde cette Figure, plus il jfemble que 

. » fa douleur augmente , que les veines de fon corps s'en- 
jiflent par la force du venin qui eft déjà pafTé dans je 
»fang ; plus Ton s*imagine voir les mufdcs fe gonfler, 
i> les artères battre avec impétuofité , & les approches ^e 
» la mort fur fon vifage livide & défiguré. Les Figures des 
21 Enfants ne font pas moins intérefrantes, 

blc. 



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-Mat H^i EU.' ^7 

ble , & rogner la petîte^portion de confolatîon à 
laquelle elle étoit réduite. Elle s'en plaignit : je 
lui contai naïvement le raorif de mes abfences ; 
elle fit femblant de me croire ^ & tout fut dit. 

Un jour que je m'étois amufé un peu tard avec 
mes amis ^ je revins à la maifon , & je trouvai 
Madame Vitutos éclipfée : mais elle avoit été plus 
honnête que mon Scojfoife ; elle n'avoit emporté 
que ce qui lui appartenoit. 

Je crus d*abord qu'elle étoit allé retrouver M[. 
Vitulos; mais j'appris par une voifine que le Père 
Gîovarme Francefco Maria délia Co/ïCf{/b/2 , Prieur 
des Carmes chaufTés du grand couvent l'avoi fait 
enlever. J'avi>is pTèfque envie de rofler ItSignor 
Giovanni y lorfque je le trouverois dans les rues; 
mais ayant entendu dire qu'il avoit continuelle^ 
ment cinq ou fix Graves à les ordres , qu'il py- 
toit ub poignard à la ceinture & des piftolets dans 
les manches , j'oubliai c^t afFront > & je continuai 
à parcourir les places , les égliles^les pala!»& 
les environs de Rome^ pour voir ce qu'il y avoit 
de i>lus rare» 



m 



Tome Jt 



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9* L E C o m: P E R E 

CHAPITRE XL 

/ 

Continuation de tHiftoifê dePtre. Jean. R^fltxîom 
du Compère fur cette Hiftoire, Evénement $frriUe* 



.Près avoir demeuré encore quelque temps 
à Rome , je fus à Florence , à Gènes , à Milan , 
à Turin ; puis je rentrai en France , & je in'arrêtai 
à Lyon fous le nom de Médecin étranger. La peti- 
te vérole faifoit alors des ravages aftreux dans 
cette Ville. Un riche Négociant , auquel cette fu- 
nefte maladie venoit d'enlever cinq Enfants, de fix 
qu'il avoity me rencontra un jour dans ym café , 
Se me demanda quel remède on oppofoit . à un 
mal II cruel dans les autres pays ? Je lui répondis 
que les Turcs y oppofoiept Tinoculation. Comme 
il ne comprenoit point comment Ton pratiquoic 
cette inoculation , je le lui expliquai ; & il m'invita 
de pafTer chez lui le lendemain pour Tentretenir 
encore là-deflus. 

Etant ajlé chez ce Marchand , aînfi qu'il m'en 
avoir requis , j'y tro-uvai un Prêtre & trois Méde- 
cins qu'il avoir apparemment invités pour m'en- 
tendre parler. L'un de ces Médecins , curieux de 
favoir fi je^pouvois donner la définition d'un mal 
dont je prônois le remède , me demanda ce que 
c'étoit que la petite Vérole ? — Monfieur le Mé- 
decin , lui répondis-jc , fi j'étois ici fur les 
^bancs , je vous dirois qu'en confidérant la peti- 
te vérole du côté de lanature , elle provient d'une 
matière peftilentielle qui fe mêle avec le fang dès 
le moment que l'homme cft conçu , & qui fr m^- 



dbyGoo,qIe 



M A T H I E tr. ' ^ 99 
tiîfefte plutôt ou plus tard , félon les fu|ets ; que 
dans la manifeftation , elle fe divife en difcrete ^ 
indifcrete fimple,& difcrcte maligne : en confluen- 
te, confluentç fimple , & confluente maligne : j'a- 
jouterois que l'on connoît ces différences par leurs 
fymptômes particuliers , & je décrirois ces fym- 
ptômes. Mais comme je ne regarde ici la petite 
Vérole que du côté de fes effets , je dis que c*eft 
un germe deftruâeur que prefque tous les hom- 
mes portent dans lefangy qui eft toujours prêt à 
fe développer , & qui , femblable a un monceau 
de poudre , n*a bcfoin que de la plus petite étin- 
celle pour produire un cmbrâfemcnt terrible , je 
dis que plus on diffère depajrer ce tribut à la na- 
ture , plus on court de danger lorfqu'clle l'exige ; 
que cette maladie a fes moments d*aâion & de 
fureur ; que dans ce dernier cas , prefque tous ceux 
qui en font atteints , le font mortellement ; les 
autres font trîftement défigurés, & portent tou<* 
te leur vie des marques cruelles de fa malignité* 

En conféquence de ce que je viens d'avancer , 
j'ajoute que fi dans quelque faifon favorable Ton 
pou Voit pfocurer la petite Vérole à un enfant, 
chez qui le venin cft encore en petite quantité > 
il y auroît cent à parier contf'un qu'il eu récha- 
perpit y&cç^W ne, courroit aucun rifque d'être 
défiguré, ni de perdre la vue ou Tufage de quel- 
que membre Ceft ce moyen que les Turcs onc 
trouvé , &c qu'ils mettent en pratique , non fur 
des raifons frivoles , mais fur mille expériences 
réitérées, furies faits les plus coi\ftatés , fur les 
calculs les plus exaâs de la bénignité de la petite 
Vérole inoculée , & dès ravages affreux de la pe- 
Vérole naturelle. 

Mon Ami, dit le Médecin , cequcvousveiiez 
de dire paroîtplaufiblc^ j'ai déjà-entendu parler 

Ex 



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■"■-r 



de cette Inoculation, & de la manière denf lej 
Turcs la font. Mais comme ces Turcs ne font que 
des bêtes ,encomparaifon de nous autres Fran- 
fois y ils n'ont point confidéré qu'il ert très-pof- 
fible it donner la petite Vérole à quelqu'un qui 
ne l'aufoit jamais eue. Que ne fâchant point 
dans quel état eft la perfonne que l'on veut ino- 
culer, ni fi h fujet dont on a tiré le Virus eft 
faîn ; il fe pourroit faire qu'on infinueroit en 
même-temps quelqtfautre Virus caché , oa du 
Scorbut ou de la^ groflé Vérole , q^ii venant à 
ie développer avec celui de la petite Vérole , pro- 
duiroit infailliblement un contrafte funeftc & dan- 
gereux , feroit mourir le malade , ou le rendroit 
infirme pour le refte de fts jours. Qu'if y. a des 
temps où notre corps paroît en fanté , & où ce- 
pendant il eft le plus près de la maladie , &c que 
îi par hafard on inoculoit dans ce temps , il eft 
certain qu'on développeroit d'un côté le gerrae| 
de la petite Vérole , & de lautre celui de lama- 
ladie dont on eft menacé. Il s'enfuit de-là que TI- 
noculation eft une Méthode plus nuifible que la- 
lutaire ; qu^ le plus court eft de laifl'er agir la na- 
ture ; & quf lorfque cette maladie arrive, un Mé' 
df cin fage & prudent doit fuivre en tout Tulàga 
adopté par la Faculté. . ^ 

Moçfieur le Médecin, répondis- je, les Jard 
ne font point fi bêtes que vous le croyez. 11^ 
pratiquent l'Inoculation avec toutes les précau- 
tions poffibles pour la réuffite. Ils ont une at- 
tention particulière dans le choix des deux fu 
jeès, de celui dont on prend le Virus, & de celui 
auquel on le communique. Le premier doit êtrt 
réputé très-fain , & fa petite Vérole doit êtreik 
l'efpece Ta plus bénigne : pour ce qui eft dulo 
cond I s'il eft d'un tempérament cacochime, fco^ 



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Mathieu. lOf 

)utîque , s'îleftfujer à quelciue maladie» partrca^ 
;iilieres , s'il eft atteint de quelque vice vénérien, 
lancéreux , écrouclleux , ils ne l'inoculenf point 
lu'il rie foit parfaitement guéri. 

Ils inoculent ordinairement les enfants depuis 
i*âge de cinq ans jufqu'à Tâge de puberté ; i\s 
avent que paflë cet âge les pallions , le travail, 
^intempérance & les débauches de diverfcs efpé- 
:es j commencent à communiquer au fang une acre* 
é peu propre à cette opération. Et comme , 
contre le préjugé de prefque tous les Médecins 
Je ce pay-s-ci , ils font perfuadés que la grande 
chaleur eft contraire à la petite Vérole , ils ont 
:hoifî Tniver & le printemps pour faire Tlno- 
:ulation. 

Ils ont encore un égard particulier à là conf- 
itution du fujet. Comme les pérfannes fort ro^ 
)uftes , les gens bilieux , fangulns & phlegmati- 
îues , font peu propres à être inoculés , ih ne 
es y admettent qu*après des préparations convc- 

Knfin Targument le plus fort , au plutôt Tar- 
jument invincible qu'on peut oppofer à toutes 
es objcdions contre Tlnoculation , eft le calcul 
Fait d'après une longue fuite d'années , que de 
îuatrè-vingt-onze perfonnes inoculées il peut en 
tnourir une , & que dans la petite Vérole natu- 
relle il en meurt un feptieme : ce qui fait treize 
pour un. 

Oh ! fi cela eft , dit le Marchand , dès demain 
fe fais inoculer le feul Fils qui me refte. J'avois 
Sx enfants , il en eft mort cinq après avoir été 
Jraités d la Françpife ; fi le fixiéme doit partir , 
f*aime autant que ce foit à la Turque. — Holà , 
Monfieur , dit le Théologien , n'allez pas fi vîre 
^n befogne. N'avez- vous point entendu que 



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ïoa Le COMMERE 

xctlnoculateur vient de dire que de quatre-vingt- 
a»ze p'erfonivCs inoculées il en meurt une ? Si 
le Fils qui vous refte venoit à être le malheureux 
fur qui le fort tombât , vous auriez commis un 
homicide aftVeux. — Monfieur de la Théologie , 
dis-je au Prêtre , il eft bien étonnant que dans 
un pays comme la France , les gens de votre 
forte aient conftamment quelque chofc à dire 
contre tout ce qui peut contribuer au bien être 
& à l'avantage des fujets de l'état^ Croyez-voui 
que lorfqu'un Général , qui fe trouve à la tête 
de quatre-vingt-onze mille hommes , cft enve- 
loppé d'une ennemi beaucoup plus fort , Se par 
lequel un treizième de fôn Armée va certaine- 
ment être détruit ; croyez-vous , dis- je,, que ce 
Général trouvant l'occafion certaine de battre cet 
ennemi & de rompre fes defleins pour jamais , 
lui livre bataille en ne rifquant que mille hom- 
mes , devienne l'homicide de ces mille hommes? 
.*— Non , répondit le Théologien. — Eh bien, 
repris-je , un Père qui aurolt quatre-vingt-onze 
Enfants qui devroient toui avoir la petite Vé- 
role naturelle , & dont la treizième partie feroit 
certainement la viâime de ce terrible fléau ,1e; 
feroit inoculer tous , feroit un Général qui fa- 
crifieroit la quatre vingt-onzième partie de fou 
armée , pour en conferver la feptieme. — L'ami, 
^lît le Théologien , votre raifonnement n'cfl: qu'un 
fophifme abfurde. Il y a une grande difterencf 
entre un Général , qui a' reçu du Souverain le 
droit d'ordonner tout ce qu'il juge à propos 
pour le falut de fon Armée , à des foldats qui 
îe font fournis volontairement à lui ob^ir , Se m 
Père qui n'a aucun pouvoir de cette nature fur 
des Enfants, qui n'ont de leur côté' aucun ufage 
de raifori , Se par conféqucnt point la faculté d« 



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Mathieu. .10} 

fe foum€ttre, ou de ne point fe foumettre à fes 
ordres avec connoiflance de caufe. — Monfieur 
le Théologien , repris-je , vous raifoBnez com- 
me un Théologien. Il cft faux qu'un Général com- 
mande toujours à des gens qui fe font fournis 
volontairement à fes ordres Se avec connoiflan^ 
ce de caufe ; puifque très fouvent le Souverain 
les y a fournis de force , en vertu de fon auto- 
rité fuprême , & pour raifon fuffifante , mais à 
eux inconnue. Je m'arrête à ce dernier point , 
Se je dis que fi le Souveraina le droit de contrains 
drc fes fujeti de prendre les armes , de prévenir, 
de livrer bataille à Pennemi y en ne rifquant que 
le quatre-vingt-onzième d*entr'èux , au lieu que 
s'ils fe laiflbicnt furprendre de cet ennemi il en 
pérîroit le fepticrae , ce droit doit s'étendre fur 
les Enfants ainfi que fur les Adultes, & il peut 
ordonner que tous les Enfans de (es fujets foienc 
inoculés. Ceux qui viendront à mourir des fuixes 
de cette opération, feront les viâimcs furlefquel- 
les le fort fçra tombé , de périr pour la confer- 
vation des autres. J'ajoute ejifin que fi la Nature 
n'a point donné aux Pères un tel pouvoir fur 
leurs Enfants , le Souverain peut le leur confé- 
rer : car c'eft le bien de l'Etat. Ainfi voilà les Pe* 
rcs qui ont lé même droit que le Général , & les en- 
fants la même obligation que les Soldats. — Moc- 
fieur rinoculateur,interrorapit leThéologîen avec 
une forte d'eraporîement , vousparlez-làdu(iro/r 
que la Nature donne , du Droit que le Souve- 
rain confère ; nous autres Eccléfiaftiques n'en- 
tendons-rien à CCS Droits. Mais le cinquième 
Commandement de Dieufe trouve auCÂ^/.XX, 
V. 14 4e l'Exode ; la SorbcMine eft là pour l'expli- 
quer ,&moi je fuis ici. pour vous dire que tou- 
tes les Propofitions que vous venez d'alléguer en 

E4 



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I04 Le Compsrk 

faveuf'de Pinoculation , font fcandâleufes , erro- 
nées , blafphématoires , faufles , hérétiques , im- 
pies , déteftables tendantes à la fubverfion du 
Chriftîanifmc , à retâblifl'emem du Déifme , de 
rAthéifme ", & de mitlp erreurs monftrUeufes. — 
Abominable bavard 1 m'écriai-je, fi je n'étoîspas 
dans une maifon que je re(pede , je te jeterois 
tout-à- Theure par la fenêtre.' — Holà , Mef- 
fieurs , dit le Marchand , point de bruit chez moi , 
s'il vous plaît. Monfieur le Théologien , j*avoîs 
jugé à votre mine pincée , férieufe , à votre dé- 
marche grave., à votre air de fuffifance, & far- 
Çout par l'habit que vous portez , que vous deviez 
|tre un homme de quelque favoir , de quelque 
jugement ; c'êft pourquoi je vous avois invité 
-pour dire votre fentiment fur lît méthode que cet 
Etranger propofe : maintenant je vois que vous 
n'êtes qu'uBrignorant , un pitoyable raifonneur , un 
incivil , un emporté , un brutal : je vous prie de 
fortir de chez moi à l'inftant , & de n'y j'amais 
mettre le ï>ied* Pour vous,, Monfieur, me dit il , 
vous n'êtes pas meilleur Logicien que cet imper- 
tinent Eccléfiafliiquc ; mais j'ai entrevu parmi 
les raifons que vous tâchiez à débrouiller , que 
vos vues font louables , votre caufe jufle , & vo- 
tre méthode praticable. Vous pouvez inoculer 
mon fils , lorsqu'il vous plaira. Je vous promets 
cinquante piûoles , fi vous réuflîffez à mon gré. 
•^ Je remerciai le Marchand de la confiance qu'il 
vouloît bien avoir en moi ; & je lui promis de 
faire mon poffible-pour le fatisfaire. Alors les 
trois Médecins fe levèrent , firent chacun une re- 
yérence bien féche , & partirent. Pour moi , je 
commençai dès le lendemain à préparer le fils du 
Marchand à l'opération. Elle réuffit fi parfaite- 
ment j qu'en moins de trois mois j'avois ino« 



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Mathieu. . ,toj 

culé plus de deux cents^Enfants , dont il n'étoic 

mort qoe trois. Il étoit péri au moins ]e quart 

de ceux que les Médecins de la ville avoient traitée. 

Cependant les chaires , les confeffionnaux ré- 

tentîflbîent des déclamations des Prêtre contre la 

pratique infernale- que je venois d'introduire à' 

Lyon. Toutes les preflTesjde la Ville gémiffoient 

fur les Libelles que Meffieu.rs de la Médecinelâ-» 

choient contre moi. J'étois unféduâeur,un em- 

po fonneur y uapertubafeur d'Etats, en un mot, 

un homme à pendre ou à rouer. Mais toutes 

c^s bagatelles ne m'empêchoient point d'aller mo» 

train. 

' Je contînuoîs toujours à inoculer avee.leplusr 
grand foccjès , lorfque j'appris que mes ennemis 
étoiçnt fur le point d'obtenir une lettre de ca- 
chet contre moi. Je réfolus de partir mco^^n/fo de 
iyp/2 pour Varis Mais trois Prêtres & deux Mé- 
decins s'étant trouvés à mon départ , me dirent 
mille înveâives, ameutèrent la populace , & je 
fus pburfuivî à coup de pierres jufqu'à une demi- 
lieue de la viîlc. 
' Lorfque je fus arrivé à Paris , je confiai à ua 
honnête homme l'envie quç j^avois de tenter fî 
les Médecins de cette Ville ne feroient point plu^ ^ 
raîfonnablcs que ceux de lyon. L'honnête homme_ 
me répondit que jeti'étois point le premier qut 
eût fait cette tentative, que les Médecins s'jr 
étoient conftamment oppofés , & que le plus 
court pour moi étoit d'attendre la réfolutîon dir 
Parlement fur cet article. Je trouvai étrange qu'il 
fallût que des Jurifconfultesdéci<iafltntdequelte'' 
manière les Médecins doivent adminiftrer leurs 
remèdes , & je pris le parti d'attendre la décifioft 
de cette affaire. 

Quelques jours après mon arrivée darrs cette 



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jo6 Le Comperb 

Capitale , un fingulîer genre de folie épîdciaakiue 
i^ifit tout-à-coup les trois quarts de la France , 
Cçux quiavoîent de l'argent fe battoicnt pour le 
troquer contre du papier. Je ris quelque temps 
de cette manie ; mais la maladie m'ayant pris à 
Biontour, je me donnai mille peines pour me dé* 
laire de mes efpeces , & je ne fus guéri de mon 
mal , qu'après m'iêtrc apperçuqut toute ma for- 
tune ne confiftoit plus que dans la valeur iotrin-* 
féque de mes Billets. 

Etant réduit à peu près dans le même état otr 
les payfans de là Ramstnie m'avoiènt mis , & en- 
rageant de ce qu'en, France un honnête homme 
ne pouvoit faire fortune , ni en faifant des cho*- 
fes raisonnables , ni en faifant des fotifes , je 
m'aflociai avec un certain Mottfitur Gribaudier , 
qui faifoit profeffion de réparer par Pinduftrie Je 
tort que la fortune lui ivoit'^fait. Je devins très- 
labile dans cette profcfTion. Mais la Juftice ja- 
loufe de nos fux:cès fit arrêter Monfieur Gribmidût , 
& Payant convaincu d*avoir enfreint certaines 
Loix, elle le fit pendre au beau milieu delà Grève. 

Ce procédé m'indigna , & de dépit je m*en- 
£ùs en Hollande, ou je Revins Janfenifit ^ Lu-^' 
thérUn , Arménien y Caîviniftt , BreuniÇt j^ ^na^ 
baptifte , Sorétifie , Collégien , Socinien , Arien y 
Tréadamke , Juif, Hernhutter , Enthoufiafie ^ Qua-* 
l^r y Déifie , Manichéen , Fyrrhonieu & Athée* 

En vérité , àhltCompert Mathieu y j'en auroi^ 
bien fait autant en pareille occa£on. 

Me trouvant dans un pays où l'on av&it la H- 
bjsi'té de penfer , continua Pen Jean , je crus 
qu'on devoit y avoir celle d'agir. J'agis donc ; 
mais mes aâions ayant déplu aux Hollandbis , ils 
me firent danfer une férenadé vis-à-vis une deteur^ 
ijiairoos de ville , me firent marquez d'ujQ ht 



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M A T H r i: rr- tbj 

chaud fur l'omoplate ,ainfiqueron fàSit au front 
des chiens pour les empêcher delà rage- ,.&piiîs 
ils m^chvoyerent fcier du bois de Bréfil daris ua 

Ce genre de travail étant trop uniforme pour 
m^amufer , m*ennuya ; & comme on ne voulut 
-point m'en dpnner diantre ^ je fonçai un foir la 
porte daLaboratoire , & je m'enfuis dans le payç 
de Ckves. Etant prêt à entrer dans la Ville de 
Wefcl , }e rencontrai un hûbillé Je bleu qui me 
demanda fi je ne voulois point fefvir le Roi de 
Prufle: je lui répondis que fa Majefté Pruffienne 
pouvoit fe fervir elle-même , & que je ne fervois 
j>Qxfonnt.JJkabiilé de bleu y piqopde maréponfe^^ 
tira ton épéppourme frapper ; mais je îa lui ar- 
rachai des mains ; je lui en donnai cinquante coups 
fur les épaules y puis je la caffài en deux & la lui 
jettai aii vifage : après quoi , au lieu d'entrer dans 
la Ville , je la laiflai fur la droite, & je m'arrê- 
tàî à Cologne y où je repris le métier de Menfieur 
Gribaudier» 

Lorfque j^eus. amaflï trois ou quatre cents du* 

cats, je partis it Cologne j & je retournai à P^z- 

p ris , où je trouvai que la Police avoit dîfperfé 

toutes mes anciennes connoiffances. En attendant 

que j'en fiffe de nouvelles _, h Baron* de Monte^ 

«o/ me prêta fa femme pour me défennuyer , & 

fe CQUtenta de J*intérêt de dix étus par mois. L'on 

ne pouvoir pouffer la générofité plus loin ; auflî 

perfonne n'a l'ame plus noble que le Baron de 

Montehoi. Au bout de fix femaines la Baronne 

devint fourbue : fon itiari la reprit , la fit traiter ^ 

la prêta i lîn abtre ^ puis encore à un autre y jE biet( 

qu'à la fin la pièce étant devenue hors de cours , if 

ne la prêta plus à perfoane , & la.mitatibillftnw 

Plufîeûr&p.erfonQestrauvoient .éttange quo? le 

E é 



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10» L E C o m: p E ïi E 

Baron de Montenoi prêtât ainfi fa femme aux hon- 
nête gens; mais le BaFon qui avoit autant d'ef- 
prit que de nobleffe d^ame , difoit à ceux qui en- 
tendoient raifon , qu'il n'y avoit rien de fi naturel 
que cela, & leleurprottvôit. Il difoit aux Théo- 
lojgiens , que puîfque Abraham{i j avoljt abandonr- 
ne fa femmneau Koid* Egypte y lui, Baron de Mon- 
tenoi j pouvoit bien en faire autant de la fîeime 
fes Amis ; 6c que comme Abraham avoit reçu 
pour cela des^bTebis , des bœufs , des ânes , dc3 
îerviteurs , des fervantes , des ânefl'es & desi cha- 
meaux , lui , Baron de Montenoi ^ pouvoit bien ti- 
rer quelques Louis d'or de ce trafic , pour avcrîr 
quelques livres de vijande à mettre dans foix 
pot. Quant aux gens du commun , M. le Baron 
Içur citoît l'exemple de plufieurs peuples qui prê- 
tent leurs femmes aux étrangers pour les régaler; 
de tant de particuliers en France qwi prêtent les 
leurs pour leur prqfit ; comme les Plaideurs à leurs 
Juges , les Commis aux Mdtotiers , les Marchands 
aux Ufuriers , les Officiers aux Grands , les Grands 
l^un à l'autre ,jufqu'à>jr compris AioiiUChîca^ qui 
vendit la fîenne au Roi de Congo pour avoir on 
emploi dans les Fermes. Enfin le Baron difoit aux 
Politiques, que l'ufage de louer , prêter o» vendre 
fa femme , étoir une nouvelle branche de com- 
merce entre les fujcts d'une même Monarchie , un 
nouvçau moyen de faire circuler l'argent , de 
contenter les riches , d'enrichir les.^auvres , & 
de donner des fujetsà l'Etat. Bref , iLapportoit 
tant de raifons pour appuyer la juftice ^l'utilité 
de fon fait , que tout le monde eût dû en être con* 
tent ; mais l'efprit de l'homme n'eil point fait pour 
fe payer de raifons^ 

(0 Gentf. chapitre Xlh v.ti^ t »» tj ,» 4 > »5> «^* 



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H A T H I C V. ICfJ 

Te reviens à mon Hiftoire* 

J'ai dît que j'avoîs apporté de Cologne environ 
trois ou quatre cents Ducats , que j'avois gagnés 
ïn continuant le métier que Monfieur Gribaudier 
m'ajfoît enfeigné ; mais comme je n'épagnois rien 
pour me procurer tous les agrémens de la vie , je 
me vis bientôt à fec. 

Pour cette fois j'oppofai itta plumcàlaraîfere; 
7e fis un livre , où' je démontrai clair comme le 
jour que le fils d'-^/wr^/n & àt Jocahed iCétoitj^^LS ^ 
fi grand forcîer qu'on nous le faifoit accroire, & 
que fans un troupeau d'ânes fauvages , fa baguet^ 
te toute-puiflante eût opéré un prodige de moîiis. 
( I ) Cet ouvrage fit grand bruit ; l'Imprimeur qui 
1 avoit imprimé fut connu , enfermé & ruiné. 
Deux Auteurs eurent l'audace de me réfuter ; 
mais je roffail'un &j'éreintai l'autre , pour leup 
apprendre à refpeÔer la vérité. Après cet exploit 
je partis de Paris , & je pris la route d^Orléans. 

J'a vois a van ce eu viron deux lieues lur cette rou- 
te , lorfque je vis arriver un Poftillori criant de tou-r 
fcs forces : oh hé , oh hé , flact à M. h Marquis 
qui va a la guerre. LorfqUe ce Poftillon fut près 
de moi , il me fangla un^grand coup de fouet à 
travers le irifagç , parce que je ne m'étois^ point 
rangé dans la boue pour laifier à fon cheval \^ 
plus beau & le milieu du chemin. Je me mis à jur 
rer de mon mieux , & je jurois encore lorfqufe Je 
Marquis qui alloit à la guerre arriva. Celui qui 
conduifoit la chaife de pofte m'eq fit autant 
que le Poftillon , & je redoublai mes imprécations. 



<^x)Tkci^.W4.Uh.V. 



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^^■"■■i 



iio Le. Cqmpere 

Le Marquis ayant fait arrêter la voiture , me de- 
manda a un ton fier ce que je dîfois ? — Je dis ^ 
répondî.s->e, que je voudroîs que les Portillons^ 
les chaifes de pofte , & les -Marquis q^ui vohpà la 
guerrefwfftïit à tous \ts Diables. - — Ah , faquin, 
répondît^il , je vais t*apprendre à qui tu parles* 
r-Eik même temps , il fort de fa voiture , jnctré-* 
pée àlamaÎB ,& avance pour me frapper je me 
B^ets en défenfc ; il jure , foi^dc Gentilhomme > 
qu*ilme fera pendre ; aces mots, je lui afferie un 
coup de gourdin fur Tocciput , & je Fenvoië re- 
j[oindre les Héi^os du neuvième liécle. 

Âcefpeâaclc, le Conduôeur effraye s'enfuît 
i toute bride. Pour moi , voyant qaeperfonnena 
Çîc guettoit, jcntefàîfis de Tépée , de la montre 
^de la bourfe du Guerrier ; je quittai. la routé 
à* Orléans j je pris celle de Dreux y je traverfài la 
Korfli^ndie , & je ne m^arrêtai que fur les côtes 
fiiafritimes de cette Province* 

Après avoir rodé pendant quelque tems çà Se 
là , je me fixai près du Havre de Grâce : où ayant 
époufé la veuve , les deux filles & la nièce d'un 
Maître d^Ecole de village , j'emhraffai la profef- 
fion du défunt. 

Mes élevés firent de tels progrès fous' ma coa* 
duitc , qu'en moins d^^un mois les plus grands bat- 
toient leurs pères , & les plus petits crachoient au 
vifage de leurs mères. Les parens mëcontens d« 
cette nouvelle efpece d'éducation , me citèrent de* 
vant le Curé du lieu pour rendre compte de ma 
Doôriiic* Lorique je fus arrivé chc% le Pàfteur ^ 
îl me dit : M©hfieur le Maître d^Ecole , vous me 
feriez plaifir de m'inftruîre de vos fentimens tou- 
chant la foumiffion , l'obéiflance y Tàmour , le ref- 
pefl , Ta reconnbiffahce que les enfants doivent a 
leurs pères & mères.—, Môrifieur le. Curé \^ lui 



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Mathieu. ïii' 

répondîs'je , fe-fuis fôrteracnt perftiadé qiWls ne 
leur doivent rien de tout cela; ce n'eft.qùe par 
une fiiîte de Tétat de foiblefle & d'ignorance où 
ils naiflent , qu'ils fe trouvent naturellement af- 
fujcttis à leurs parents (i). Comme vous n^êtes 
qu'un fot , Monfieur le Curé , je me difpenfe de 
vous alléguer d'autres raifons philofophiqucs qui 
autorifent mon opinion. Adieu , Monfieur le 
Curé. — Ayapt fini ces mots , je retournai chez 
moi. 

Comme Je me doutois bien que le Curé cher- 
cheroit à fe venger de ma naïveté y. )e partis le 
lendemain pour Iç Cotentin. Là je devins Corn** 
mis , Maquignon , Contrebandier , Opérateur , 
faux Témon , Procureur & fauffaire ; mais ayant 
appris que la Juftice me^faifoit chercher , pour 
ce dernier métier , je retournai à Taris y où , après 
avoir débauché mon ancienne hôtefle & houipilr 
lé fon mari , je luis parti ce matin pour aller 
voir fi les Mofcovitesne fcroient point plus tolér' 
rans ^uc les François. 

Votre Hiftoire , dit le Compère Mathieu à Feref 
/^^/2, achevé de me confirmer dans, une opinio-»' 
qu'il n'appartient qu'à unPhilofophe d'avoir. Vous 
avez commencé votre vie exemplaire par donner 
un coup de canif dans le cul de votre Régent ,.par^ 
ce qu'il vous foBett oit fans fujer; vous avez quit- 
té vos études pour vous mettre Grenadier , Se 
vous avez i:éuni dans ee métier toutes le&gentil^ 
leffes^d'un véritable homme de guerre } vousavey 
efcamoté «ne Relîgieufe des griffes de Satan qui; 
la tourmentoit ^ &c vousb vous çtes marié avec tlïe:: 



<, I W. ' îh 19 oie €1 •devant. 



.^^ 



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lia Le C o m p e r » 

pour lui 6ter fes fcrupules ; vous avez enlevé la 
îUe d'un Marchand de Vin de Londres , parce 
qu*if ne vous Tauroit point dom\ée ; vous avez 
été Turc , Corfairç , Chrétien , Médecin , Luthé- 
rien ^ Calvinifte , Quaker, Manichéen , Athée , 
&c. vous avez époufé quatre femmes à la fois , 
"de crtiinte d'en manquer : je ne trouve rien de 
plus naturel que tout cela. . 

Mais quand je confidére que vons avez étéem- 
prifonné, ruiné, cocufié , parce qu'un chien avoit 
pifféfur le jupon d'une ientretenue ; quand je con- 
fidére qu'on vous a donYié deux cents coups de 
bâton fur la plante des pieds , parce que vous 
aviez trop bien fervi fa Hautefle ; quand je con- 
fidére qoe la juftiftice vous a recherché pour avoir 
été: aflbcié. avec un homme qui tâchoit de ifaire 
fortune comme il pouvoit , & que cette même Juf- 
tice vous a perfécuté pour avoir compoféua livre 
Contre un Juif qui eft mort il y a plus de 3000 
ans ; quand je confidére que vous avez été l)attii 
par des faquins de valets , parce qu'étant à pied 
vous rie vous dérangiez point pour la Pofte,& que 
vous avez été contraint d'ôter la vie à un Mar- 
quis qui vouloir vous ôter la vôtre , ou du moins 
\om faire pendre , parce que vous aviez eu Tau- 
dace de vous défendre contre un Gentilhomme ; 
quand je confidére qu'il vous fallut fuir la ven- 
geance d'un cagot de Curé , pt)ur avoir enfergné 
hs élémens de la Loi naturelle aux enfents de fts 
paroîffiens , & que la Juftice de Normandie vous 
cherche encore pour avoir rendu fervice à autrui 
aux dépens d'une confcience qui n'appartient qu'à 
vou^ : quand , dis-je , je confid'ére que vous avez 
été errant, pourfuivij profcrit, perfécuté, pour 
avoir éclairé les hommes par des exemples puifés 
dans la pure Nature & la vraie Fhilofophie , pour 



<i 



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byGoosle 



Ma t h I b u; 113 

avoir tâché de jouir librement de la feule vie (i) 
que nous avons à efpérer, & fait en forte de-^e 
point mourir de faim au milieu des biens de ce 
monde ; je ne doute plus que les Loix n'aient été 
inventées ( a ) pour détruire la Liberté naturelle , 
en fixant pour jamais la Loi de la propriété , & le 
droit barbare ( 3 ) de l'inégalité. 

Oui, mon cher Oncle y continua le Compère ^ 
les Loix, la Religion, les Préjugés, la Violence 
fe réuniflent conitamment contre celui qui ofc 
penfer & agir. Dans cet état de contrainte , Thom- 
ine demeure efclave , tandis qu'ils devtoit être 
libre , & vit dans l'indigence au milieu diï patri- 
moine de la Nature. 

. Si quelque génie tranfcendant , tel que l'inimi- 
table Fere Jean , vient à s'appercevoir qu'il naît 
libre & hors de toute fujeftion naturelle ( 4) à l'é- - 
gard de fonPere ou de fon Prince ; que rien n'cft . 
capable de le foumettre à aucun pouvoir fur la 
terre ( j) que fon propre conftntemëRt ; en un 
mot , que le vice, la vertu y le bien & le mal mo- 
ral , le Jufte & l'injufte, & tout ce qui en dépend , 
neconiiftent que dans Topinioii de ceux ( 6 ) qui 
les ont inventés pour appuyer leurs intérêts (7) j 
— , , - - 

( « ) V. la vie htureufe , pag. 34* 

( a ) V. le DifcouTs de J.- J. RousSiîAu/j/r V origine de 
r inégalité parmi les Hommes ^pag^ 9^. 

( ^ ) F. PEncyclop. Difc. prélimin. 

( 5 ) Encyclop. au mot Gouvernement. 
(' ^) V. le Difcours fur la vie heureufe , pag* tf. 
(7) K. MoNTAiGNB, Tom. II. p. 391 , oùil eft parlé 



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J 



wmm 



114 tjB Com:pere 

fi , dis-je , cet homme rare auquel il a été réfèrvé 
de^échirer le voile de rillufion , tëiîte de fecoucr 
le joug du travail, de la mifere , de la fervitude 
& de/ la fuperftition , en ufant des droits que la 
Nature (i) lui a donnés , il a tout à craindre 
de la tyrannye du plus fort , à^oins qu'une 
prudence confommée ne le mette à l'abrisdesre- 
cherehes de la jtiftice & de la perfécution des 
Prerres. 

Corbieu , dît Père Jean y mon Neveu araîfon. 
Je me fuis moqué de toHt temps de cesbilleve* 
fées dont en endort les fots, J'ai toujours regardé 
la Religion & les Loix comme dés inventions hu- 
maines ; je n'ai confulté dans toutes les aâions 
de ftia vie que la feiile (a ) voix de la Nature; 
auffiai-je rencontré par-tout des ennemis injuftes 
& dangereux; mais j'ai éludé leurs pièges par ma 
prévoyance , mon adrefl'e & ma fermeté. Ceft 
fur ces vertus qui ne m'ont jamais abandonné , que 
j'ai fondé la tranquillité d'efprit dont je jouis, & 
qiii iied fi bien à la liberté de penfer que j'ai adop- 



des fentîmens dfe F rot agora s <^ à^Arificn\, & de Twjî- 
maque^ fur la nature des LoIx, du Jufie & de rinjuf- 

te , &c, ' . 

(I) Voye^ Plat, in Georg. oli Vundts Interlocuteursfe 
plaint de ce qu'en inculquant à la jeunefle \ts principes 
de la Juftice , on étouffe les fentimens nobles & éle- 
vés que les enfants apportent en venant au monde : 5r 
il ajoute qu'on ne voit briller en eux le droit de la na- 
ture , que quand ils viennent à fecouer le joug des Loix. 

(1) Vikil afiudfihi naturam îatrare nifi ut cum^ 
Corpore fejunêus dolor abjît , mente fruatur , 
Jucundo fcnfu , cura femota , mewque. 
tucRET. Lib a. 



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Mathieu. iij 

tée ) aînfi q^u'au fang froid inaltérable , qui , malgré 
Cicéron ( i ) & les femblables , ne m'a jamais 
quitté , même en tuant des Capucins &desMar- 



(l) Jii cùm fuùaUs in concionibas voces mitùs ; ciim 
domos civium evertis ; cùm lapidibus optirriQS virosjoro 
pellis ; cùm ardentes faces in vicinorum teda jaâas', cùm 
cèdes fàcras inflammas ; cùm fervos concitas ; cùm facra 
ludofque conturbai ; cùm fervos , uxorem fororemque non 
difçernis; çùm quad m eas cubile nonfentis ; cùm backaris ; 
tùmfuris , cùm das eas panas, , quce funt fola hominum 
fceleri à Diis immortalibus conftitutaé Cicer. Orat. pag. 
i6aa. 

» Quand vous haranguez le Peuple avec une éloquen- 
'5>ce eippoifonnée : quand vous renverfez les ma^fbns 
» des citoyens ; quand à coup de pierres vous chaflez.îcs 
» plus dignes Sénateurs hors'de la place publique , lorf- 
9} que vous réduifez les Temples en cendre ; quand vous 
}y excitez les efclaves à la fédition , & que vous troubles 
3j la célébration du Culte Religieux ; quand emporté par 
yy une brutalité infâme , vous ne faites point de dijftîAc- 
yy tioti' entre votre femme & votrç fœur , & que vous 
79 ne vous foucicz point de qui vous fouillez la couche ; 
>j lorfque , femblable a une Bacchaiîte effrénée , vous 
»vous abandonnez à des fureurs horribles : c'eil alors 
7f que vous êtes en proie à ces fupplices terribles que les 
j> Dieux ont deftinés pour châtier les crirnes des hom- 
meis. « 

Sua quemque fraus , fuumfacinus ^ fuum fcelus , fua 
audacia de faniiate & mente deturbat ; hœ funt impiorum 
furiœ , kaflamma , ha faces. Ibid. p. 1827. 

yy La propre injuflice d'un chacun , fa propi"e malice , 
>7 fon infamie , fa hardieflè défefpérée , le tranfporte 
?> hors de lui-même , le trouble le rend furieux. Ce font 
^>là les furies qui tourmentent le méchant ; ce font-Iè 
» les flamtnes & les flambeaux avec lefquels lei Dieux 
»le pourfuivent. « - • 



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11^ L E C b jr p E R 1 ' • 

quis. Joint à cela, ma confcience n'a j'amaîs fen- " 
tiraiguillon de ce que le vulgaire appelle remords, 
& que j'appelle le ftipplice des foibles & des 
idiots ( I ) : ma Philofophie fe croiroit déshono- 
rée, fi elle s'occupoit de ces fâcheufes rérainifcen- 
cçs(2), qui ne doivent leur origine qu'auxpréju- 
gés & à rignorânce. Qu'en dis-tu ? l'homme aux 
reliques, ajouta Tere Jean ^ en t)arlant K Diego. 
i— Très -redoutable P^y-e Jean , répondît /'£/- 
pagfioly je dis que dans certains cas , ma morale' 
reflemble aflez à la vôtre ; à cette différence près , 
que laPhilofophie, que je refpeâe , mais que je ne 



(I) K. le Difi. fur la ViekcureUfe, pag.-63. 

(2) «..••« car tamen kùs tu 
Evafïjfe putes ; quos diri confcia. faâi 
Mens hàbet attwihus, &furdo verhere caditf 
Occultum quatiente anlmo tortore flagellum : 
Tana autem vehemtns , ac multd favior illls 
Quas & Cixdius gravis invertit , ^ Rhadamantus » 
T!^oâe dieque fuum gufiare in peSere tefiem, 
Ju VENAL, Sat. XIII. v. 143 & feq. 

» Pourquoi vous imaginer que ce$ gens fans foi , fans 
» probité , ne font point punis de leurs crimes ? Oui , 
1* ce méchant homme fe condamne foi-même à tous mo- 
» ments ; il eft faifi d'une fecrette horreur , il fe perfécu- 
»te , il fe tourmente , il eft lui- même fon bourreau. 
wLes peines qu'il endure ne fe peuvent exprimer ; 
*> elles font plus terribles que lés plus affreux arrêts de 
w Cceditius , plus cruelles que ceux que Rhadamante pro^ 
» nonce dans les Enfers. Quoi ! avoir dans le fond de 
^> fon ame ; jour & nuit, uh fecret témoin de fon crime ! 
\i ah ! quel tourment ! 



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M AT H r JE. u. . 117 

.comprends pas tout-à-fait , vous fait agir , & que 
dans toutes mes adions,. je n'ai d*autre motif que 
mes intérêts particuliers,d'accord avec la Religion 
appliquée félon les principes que Ton m'a incul- 
qués dans Téducation honnête que j'ai reçue chçx 
les Jéfuitts de Saragojfs. Au reftc , mon Révérend 
Tere y je vous regarde comme un faînt homme, 
qui, par les traverfes de votre vie , avez expié de- 
puis long -temps le Capucinide que vous avez 
.commis , & l'Apoftafie dont vous vous êtes ren- 
du coupable, foit à j4lger y foit dans votre tranC-. 
migratioH de Paris en Hollande. 
. Pendant Ici récit que Père Jean avoit fait de fon 
Hiftorc , il s'étoit formé à Poueft un orage très- 
confidérablc ; l'on entendoit par le bruit du ton- 
nerre qui devenoit de plus^en plus fort, que la vil- 
le de Senlis enauroitfa part; & Diego achevoît 
de parler, lorfqu'un tourbillon furieux quiprécé^ 
doit la pluie & la grêle « qui alloit tomber en abon- 
dance , renverfa une partie de la cheminée d« la 
Salle où nous étions. JJEJpagnoî effrayé de cet 
accident , s'écria : Mes amis, nous allons périr ! 
la chute de cette cheminée eft un avertiflement de 
la colère divine qui va fondre fur nous. Je me fou- 
viens dans ce moment que c'eft demain le jour de 
l'Aflbmption de la Vierge , & que nous avons 
mangé à notre fouper un gigot de mouton , une 
poularde & fix côtelettes. Trofternon^no^s, ra^s 
chers compagnons ; intéreffons le pHis .grand 
Saint du Paradis en notre faveur , 8c dîtes de 
cœur & d'affeftion ce que je vais réciter de bou- 
che. — En même temps il fe jetta à genoux , 
d'une voix trifte & lamentable , il entonna U 
prière fiiivante. 

O vous ! qui avez commencé par ne rien va- 
loir ; mais qui ayant été bleffé à la jambe au Çége 



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lao Le Compère 

effroyable , ou tous les élémens fe confondent , 
où le Ciel & la Terre enflammé* font une efquif- 
fe du dernier des jours. Daignez, dis-je , jeter un 
regard compatiffant fur tous vos Serviteurs ; nom- 
mément fur mon doux maître, Mathûult Phîlo- 
fophe , fur le vertueux Fere Jean de Domfront , fur 
mon ami Jérôme & fur mai- Ne permettez pas 
que nous périffions pour avoir mangé un gigot 
de mouton , une poularde & fix cotellettes Ja 
veille de V Ajfompthn : rognez Jé$ griffes de Satan 
qui fe prépare à nous gripper : reverrouîllez les 
portes de l'abîme qui eft prêt à nous engloutir : 
détournez la Foudre î . . . • — A ces mots le 
Tonnerre éclatant d'une force épouvantable , 
perça le toit & le plancher de la chambre , & 
brifa en mille pièces la table autour de laquelle 
nous étions, 

, A ce fpeâacle effrayant , Diego tomba par 
terre & foira dans fes chauffes. Tert Jean plus 
irrité de rî[ncongruité du foireux qu'épouvante , 
du coup de Tonnerre , prit VEfpagnol par le col- 
let y le jeta au milieu de la cour & ferma la por- 
te. £nfuite ayant rallumé la chatidelle , il prit 
une bouteille qui étoit fur la cheminée , la vaida 
d'un feul trait , & nous dit en fe rafleyant : Je 
voudrois bien favoir où vous aveiK péché cet 
original : il eft par la corbieu fou. J'ai eu là pa- 
tience d'écouter fon impertinente prière à faint 
Ignace ; mais , vertu de froc ! foirer en préfen- 

ce de Tere Jean ! je ne le fouffrirai îamâis. 

Tout le monde n'éft point fi intrépide ( i ) que 



(I) L'intrépidité cfl une force extraordinaire de Tame, 
qui relevé au-deffusdes troubles , des défordres , 6i dti 
émotions que la vue des grands périls pourroit exciser en 

elle, 



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M A T H I £ U.^ l%% 

VOUS j lui dis-je ; Tépouvance fait certains effett 
fur Tun qu'elle ne fait pas fur l'autre. Il y a mille 
perfonnes à qui il en feroit arrivé autant , ea 
voyant le Tonnerre tomber à leurs pieds. Au 
refte il feroit à propos jà'avcrtir l'hôte de cet ac- 
cident ; la Foudre pourroit tîien avoir mis le 

feu au grenier. Ma foi , dit Père Jean ^ 

tant pis pour le grenier. Je ne me mêle point des 
affaires d'autrui ; faites - en de même^ ; & 
fongeons à vuider les (ix flacons qui font là fur 
ce buffet. Mais je ne puis revenir de cet original ! 
Mon cher Oncle , dit le Compère , il faut en 
avoir pitié. Le^ Jéfuites Se la fuperftition lui 
ont fêlé le timbre , ainfî qu'à bien d^autres ; il 
eft confit dans une piété fi puérile^ fi ridicule ; 
il eft plongé dans une ignorance fi craflè y au'ij 
cite à tort & à travers l'Ecriture , les Légendes^ 
fon Redeur des Jéfuites de Sarragoffe , & dans 
des circonfUnces fi peu analogues à fes citatioi\s ^ 
qu'il me fait rire quelquefois & met en colère moa 
Compère Jérôme, Au refle c'eft un aflez bon gai> 
çon , qui m'eft fort attaché , & que je garde 
parce que je lui fais faire par principe de Keli- 
gion & par bêtife^ tout ce qu'un homme d'efprit 

f'ourrbit faire par principe de Philofophie. —Je 
ui. pardonne donc y dit ?ere Jean ; mais cela 
n'empêche pas qu'il foit un original* A propos ^ 
mes enfants, vous allez en Honande ? — — Oui , 

répondit le Compère. Hé bien , reprit Per^ 

Jean y je vous accompagnerai jufques-là ; alors 



elle; & c'eft par cettse force que les Héros (è maintien- 
nent en un eue. paiftble , & confervent Tufage libre de 
• leur raifon dans les. accidens les plus furprenants&Jes 
plus terribles. R0cxms & Maximes moraUs^age, 78. 
Tome I. F 



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^iiHPIUllll pi ^ "»'•■""■ têm'é» : - ■■l^9BaHNV«K«"9-S9^^P9n9HSems;|P? 



111 Le Compère 

>e continuerai ma route pour la Rulïîe ; & fi vous 
voulez' faire ce voyage avec moi , il ne tiendra 
qu'à' vous. — Très-volontiers , dit le Compère'^ à 
Dieu ne plaife que je rejette une telle proposi- 
tion : la fortune a voulu que je retrouve un oncle 
fi chéri , fi refpeâable , je ne l'abandonnerai de 
ma vie. Dès ce moment tous nos biens furent dé- 
clares communs; nous nous promîmes une fidéli* 
ré à toute épreuve; nous cimentâmes notre union 
en vuidant le reftc de nos flacons , & nous conclû- 
mes de finir la foirée en cherchant Diego ^ qui n'a- 
voit point. reparu depuis la fin de fon oraifon. 

Après quelques perquifitions inutiles , nous fu- 
més contraints de mettre l'hôte & tous fes gens en 
cEUvrepour retrouver le pauvre -E/^/rg^no/cron par- 
courut toutes les grangei , toutes les écuries , tou- 
tes les caves, tous les greniers de lamailon , l'on 
s'égofilloît à crier: Diego y Seigneur Diego j ou. 
ttes'vous ? Point de Diego. Enfin Ton déferpéroit 
de le trouver , lorfqu'on le découvrit dans un pou- 
lailler , où il s'étoit tapis parmi une quarantaine 
de poules. 

Ayant raffuré VEfpagnolh mienx qu'il nous fut 
poflible., il fortit de fon rédtiit. Deux vîgoureu- 
ies fervantes lui écùrerent le feffier , il changea de 
chauffes , il rentra dans la chambre , & Peré Jean 
lui dît : Vami Diego y en- confidératioh du récit 
que ton maître m'a fait de ton mérite fingulier , je 
te pardonne l'incongruité de ton derrière : je te 
déclare que tu es compris dans l'alliance qui vient 
d'être çontraôée entre nron neveu , Jérôme 8c moi '^ 
que tu auras voix en chapitre ainfi que chacun de 
nous ; que je te prends fous ma proteâion fpéciale 
en tout , contre tout, fût-il contre Lucifer. — Ah ! 
trè^-venérablé Pcre Jean , s'écria Diego , en fe je- 
tant à deux genoux, après mon maître que voilà-, 



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Mathieu.: la^ 

wus ferez déformais celui que j'aimerai le plus 
fur la terre. Tous les jours de ma vie, à commen- 
:er dèis ce moment, je réciterai cinq Paur & cinq 
Âve Maria à l'honneur dt/ainte Barbe, pour qu'el- 
le daigne vous conferver dans lé fentier de la ver- 
tu , Se qu'elle vous préferve de mort fubitc , ainfi 
qu*elle fit autrefois Auduin le Chartreux , lorfqu'il 
tomba dans la neige.( i ) Je prierai y2r//z/ Gaffien^ 
dont TEglife célèbre aujourd'hui la fête , qu'il 
ireuille vous accorder joie , fanté , richefle , jk qu'il 
vous faflé élire pape un jour : car le Ciel m'a ré- 
vélé .dans le poulailler , que vous étiez le feul qui 
méritiez de remplir un pofte fi important , & qu'il 
ne falloit pas moins que votre vigueur , votre fer- 
meté , votre exemple , pour réformer certains pe* 
tits abus qui commencent à fe gliifer parmi \ts 
Pafteurs de la Bergerie du Seigneur. Lorfque Du-^ 

fro eut fini de parler, chacun twt fe coucher^&Ic 
endemain de grand matin nous partîmes de Stnîis. 



(I) Un Chartreux nommé Auduin , étant un jour tonn 
bé dans un précipice îrempli de neige , y fijt confervé en 
vie l'efpace de quatre mois, par l'interceffion defainu 
Barbe, Au bout de ce temps-là, il fortit du précipice , 
fe confeffa , communia , & mourut apfli tôt, 

Voy. TiLMAN , Bredenhach. Sac. Coll. Lib^ ÏV. item^ 
Chronic. Cartruf. lib. IV. Cap. III. 



V %< 



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ÏX4 L JS C O M P E ÏL E . 

, C H A PI T R E XII. 

[Notre arrivée à Mons , Capitale du Hainaut Autri- 
. chien : accident fdcAeax qui nous arrive dans cette 
Ville y & lés fuites qu'il eut. 



Al ne nous arriva TÎen de remarquable dans notre 
ra;iite jufqu'à MoHSj Capitale du Hainaut , & h 
première Vilfe étrangère que nous rencontrâmci 
^près être fortis de r rante. 

Lorlque nous tûmes aux portes de cette Ville, 
l'Oâicier de garde nous demanda en mauvais fran- 
•çôis qui nous étions , d'où nous venions , où nous 
aliiofis, Fere Jeati qui favoit que dans ce Pays- 
Jà Fôn éft afl'ez fcrupuleux fur rartick des Voya- 
geurs, répondit que nous venions de Valencieums^ 
^ que nous étions Bourgeois de la Ville. L'Offi- 
xïtt qui ne nous coimoiffoit pas nous laifl'a entrer. 

JDifgo qui étoit demeuré derrière fans que nous 
nousien fulEons âpperçu, arriva quelques minutes 
^prèsy &: rOfficier lui fit les mêmes queiiions 
qu'il nous avoit. faîtes, VEfpagnol fier de la pro- 
' tcûion que P-er^ Jean lui avoit promifc à Sentis ^ 
répondit en enfonçant fon chapeau : je m'appelle 
Don Diego- Arias-Fernando de la Plata-^ y Rioles , 

ÎBajalos; je fuis un Gentilhomme Efpagnol, ne 
Bilbao en Bifcaiei jc^ fus jadis l'élève du très- 
chafte 8c très vertueux père Reôeur des Téfuita 
de la Ville de Sarragoffe en Aragon , le Page chéri 
de feu Monfignor Herculè-Franf ois- Marie Tonga- 
riniy Evêque de Manfouraen Manjourie : zM]o\xX' 
d'hui , j^ai l'honneur d'être le ferviteur du célèbre 



dbyGoOgk 



.' M. A T H I t UT. kxj 

Mathitu , le Patriachc diubon feii:?, le compagnon 
de fon compère Jérôme ^ Tami, Je protégé de Tin* 
trépide ^ refpeftable Tere Jean de Domfrônty qui 
arété Grenadier , Capucin , Juif, Hérétique^ Qoa^ 
ker & Athée , & qui , par la grâce de ï)ieu, eil 
aujourd'hui meilIeurChrétien que notre Saint p€- 
re le Pape , ou peu s'en faut. — L'Officier , qui 
étoit un Allemand ^ n'entendant rien à ce difcours 
de Diego , le fit mener par deux fufîliers cliez le 
Commandant de la Place 
: Ce Commandant , qui étoit un vieut Papâ^â 
demi^fotird , ne comprenant pas mieux le Fran- 
çois que rOfficier , fit approcher VEfpagnol pouf 
entendre ce qu'il difoit. Celui ci lui cria à l'oreil^ 
le ce qu'il avoit débité à i'.Officier. Le Comman- 
dant croyant qu'il lui difoit des fottifes, tomba 
fur le harangueur , le régala de quelques coups do 
canne , & l'envoya en prîfon. -. 

Une demi -heure après cette fccne fîngulie^e , 
le vieux Allemand fit ramener Diego devant lui « 
& l'interrogea derechef; VEfpagnol tint le même 
discours , &c ajouta q^e le Patriarche Mathieu y k 
refpeâable Père Jean & l'ami Jérôme étoienc dans 
la Ville. > 

Le Commandant ayant compris ces derniers 
mots , nous fit chercher. Lorfqu'on nous eût trou*- 
vés & conduits devant lui , ils nous demanda 
qui nous étions , quel étoit notre pays ? le Com^ 
fere Mathieu lui répondit avec gravité que nous 
étions Philofophes , & que n'étant fournis à ai»- 
xunes Loix ni aucun Gouvernement > nou^ a'é<- 
tions point plus d'un pa^ys que d'ua autrie^ Là*- 
deflus on nous envoya au cachot. 

Le Commandant ne s^étanr jamais- trouvé dans 
Je cas^ d'avoir affaires à de^PhiJofophts , tint un 
Confeii de guerre pour favoir ce. q\i'ii devoit foin 

F 3 



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Il6 L « C O M P E Ift. B 

re de nous. Ilfut conclu que l'on devoir nous exa- 
miner à fond ; que fi nous étions des Efpions , il 
falloit nous faire pendre , linon que nous rece* 
vrions vingt-cinq coups de bâton , & que nous 
ferions chaflesdc la Ville, pour nous apprendre 
àxefpeâer les ufages établis dans Its pays ou nous 
nous trouverions déformais, 

.Le lendemain de ce Confeil de guerre , le Com- 
mandant nous fit amener devant lui , nous fit re- 
procher par un Auditeur d'jen avoir impofé à no- 
tre arrivée à l'Officier de garde , d'avoir mfulté Son 
Excellence y & nous fit demander nos paflTe-ports, 
Le Compère Se moi préfentâmes les nôtres , qui fu- 
rcpt rejettes comme invalides & furannés : Père 
Jean Se Diego n'ayant rien de mieu^ à montrer , 
^ k Conimandant conclut que'nous étions dans ic 
cas d'être traités comme Efpions. 

Ace mot, le Compère Mathieu s'écria: quoi! 
l'on triateroit des gens comme nous comme tf- 
pions, fous prétexte que nous fommes entrés dans 
cette Ville fans être munis de paff^e-ports valables! 
n'cfl-îl point libre à tout le monde, fur- tout à 
un Philofophc, de parcourir la terre entière fans 
être tenu de rendre compte à qui que ce foît de 
fes'inténtions & de fes démarches? Par quel droit 
Monfieur le Commv^ndant s'arrogc-t-il le pouvoir 
.d'interdire l'entrée, d'un pays à un étranger qui 
ii'eft pas muni d'un vain papier, lequel ne rend ni 
fes vues ni (es intentions meilleures? Un chacun 
ne porte-t-il pas fur fon front le paflb port de la 
Nature? Loffqu'un homme en voit un autre al- 
ler , venir , agir • ne doit-il point penfer qu'il ne 
fait qu'ufer de la Liberté naturelle , à laquelle , ni 
Prince , ni Rbi , ni tel autre Ufurpateur d'une au- 
torité injufte & barbare, n'a aucun droit d& s'op- 
pofer ? Liberté chérie ! Tefclavage & l'iiuolé- 



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II^ILIII I IliUllW i^n^^p;^!!^ 



- Mathieu.' 1x7 

3'ance t'ont bannie de la terre! Monfleuric 

ïhilofophc , dit TAuditcur, comme Monfieur le 
Commandant a pafle fa jeunefle à être Fifre Se 
enfuîte Tambour y il n'a point eu l'occafion d'ap- 
prendre ce que c'eft que cette Liberté naturelle 
dont vous parlez r depuis ce temps-là il fut oc- 
cupé à remplir les devoirs des diffcrens grades par 
le'quels il a pafle , & n'a point eu leloifirde s'inf^ 
rruire davantage fur cet article j mais il eft Com^ 
mandant, & en cette qualité il a ordre de np 
laifTer entrer aucun étranger, en cette Ville fins 
pafle^ports fuffifans , ou fans produire quelque 
honnête bourgeois qui réponde de fa perfonnc, 8c 
qui rende raifon des motifs qui l'amènent ici. Ces 
précautions ont été didées par la prudence. Nous 
îbmmes voifins de la Francs , & à ja veille d'une 
guerre avec elle ; nous ne faurions trop nous pré- 
cautionner contre tes cntreprifes que cettePuîflan- 
ce pourroit former contre cette Ville, qui eft ur^ 
des' clefs du pays^- d'ailleurs cet ufage eft fondé 
iur un Droit naturel & propre à chaque Nation 
en particulier , lequel eft de prendre chez elle tel- 
les mefures qu'il lui plaît pour Cpn bien-|,tre4t fa 
confervation.,-fanji^ écToir en rendre compte à 
perfonne. — Voilà donc les raifons , dit le 
Compère , que vous avez à alléguer pour ap- 
puyer vos injuftices & vos vexations ? ô Nations 
policées ! . . . Hélas , divine Liberté ! quand eft- 
ce que .... Le Compère "alloit continuer; mais le 
Commanda&t fit figne à la garde qui nous avoit 
amenés dé nous reconduire au cachot. -^ ''^ 
* Le lendemain nous fûmes préfentés derechef 
devant le vieux Allemand , qui nous interrogea 
chacun en particulier. Le Compa-elm tint à peu 
près le même difcours que la veille, & Penvoya 
promener; Père Jean voulut le battre ; Diego le 



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laS I. B C O 3» P F » E 

traita d'hérétique , & moi je dis qtf ils avoie^t rai 
ibn tous trois. Après cet examen 0011s fûmes ren- 
voyés en-pri(bn. 

Quelques jours après , TAudireur dont f'aî par- 
W plus haut, vint nous, annoncer que Ton n'avoit 
rien trouvé à notre charge touchant Pefpionnage; 
mais que cpmme nous étions des impertihents qui 
aidons menti à TOffiçier de garde , qui avions plu^ 
'fifurs fois perdu le refpeft dû -à fon Excellence, 
<|ui Tavions infultée , nous étions condamnés à 
I^affer une raufie (i) fur laplace d'armes de laville. 
A cette terrible nouvelle Diego fe mît en prière; 
le Compère pefta de plus belle contre la perfécu-^ 
tion et la tyraitnie ; Vere Jean fe fit apporter un 
fearil d^ bière & but le refte delà journée &: toute 
la nuit. Pour moi , je m'endormis ^ en attendant le 
régal que Ton de0inoit à nos épaules f 

Xe lendemain matin un détachement de %<TGrt* 
nadiers vint nous prendre , pour nous mener où 
Ton nous attendoiti L'Officier qui commandoic 
cette troupe nous dit , en fortant de prifon , de 
jnous réjouir ; qu'au lieu de 800 hommes que J'on 
avôît eoRi ftmri d^^^gurJ- exécution^ il rfy en au- 
roitque78o; qu'au lieu de^rtMfs que nousde- 
TÎohs pai!er,n6us n*en palTqjons que ciffq;& 
fue par le calcul' qu'il avoit f\it ^ nous ne rece- 
vric^ns chacun que quinze millefix cents coups d'é- 
* trivteres , au lieu de dix^neuf mille deux eents que 
nous aurions reçus, fi le Père Confefieur de foo 
fioccelience n'eûir intercédé pour nous , & neTeât 
porté à adoucir notre fentence. 

Cette épouvantable confolation fit' un tel^ e£Fet 



(j) C'eft ainfi que lés Allemands nomment Te châti- 
ment qu'on appelle en France , p^jfcr par les haguettes. 



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mr^'^^'^r^fh'-"' if.^*'!'- .1 ■ 1 «^^^m^^^^ 



- -M iH y Br r E u., * -kc^ 

Air men kidWVdH , qu'à rînft^nt ItisEr^ifs i^ maT 
yambe gaseke fe retirèrent , & j« ftmdemeiîré bm^ 
teu« depuis ce temp-là. Comme c^eflun £iit 
coaflaflt y je prie en paiTant Meflkurs les FbjpiiH 
ckns d'exercer leurs fpéculatimis Air ii» phœi»* 
jnene iHiflî' fingulifr. 

Aubrult qui s'était répand» qu'on. alIoJC texh 
geter Tom^plate de quatre Phil^fophss^ ^<]|l"^ 
reeonneiAaiefit point de k^i , qui fij'étaâem A^ 
,cun p^ysy il s^étoi^i aflbmblé ua peifpW kionoi^ 
br.able pour afBAer à Te^écution de quaree kooi- 
ji»t$ qu'il s'étoit figuré devoir êire exrjrMrd»iai^ 
res & autremem fait» que d'aotres. 

C'étoit au milieu de cette multitude .qm a«i 
gardes nous <^oiiduifoîem. P^re /n?^ fumaiiH fa 
pip€ f marehoit d'un pas grave & allure t h C0tm^ 
p€re le fuivoit en juraiiit ;Z}/é^o priait. Se moi je 
pleurois^ Nous approchions de l'endroit f^tâ: fit 
ou fauit maudits Tambours préludoie^t ié'ji ïé 
marehequ'ils ail oient batrre pendant le régf^l done 
on fe promettoit d'honorer notre pJiilofophk^ 
iorfque tout-à-coup Père Jean fcnverfe qxajitreÊrr^ 
jaadiersde fa droite & fendit la preflè : le Comper$ ^ 
& Diego h fuivirent ; j'en fis de mime » Se tn quiait 
tre pas nous nous trouvâmes dans uaeliglife ^isn 
à-vis. de. laquelle apu« venions d'ai'river (l ) <&: 
d'où^ no<i gardes nîofcrent not^ tir^r- 

Lorlqiie naus faillis dans «e liçu. Pan Ji0k 
s'écria: iPar la vertu Àt fyintÀdkelmel )e f^tniar 
biejQLqn^ )$ m,e meioi^ .4e cctta «iair^e-ck yj^hosir* 

". -J ; ^ » ^ - . \'-"' 

. .(i)iOamiE«tmnpsqQe coKe fiY-entute arrtm» hrSgUM 
^^y/le^Couyoïr^Jei Cimeti»pes_de9 Pay&-Bâ» ^uii^«r 
<^efi^jétotQnt dç$;afy]es pour certain^ cxiltûi^'^^MM^ 
il s'qII £ût dcpi^U cji^eique changement à* ce rujiof. 

^5 ^ 



, Google 



rijo^ Le C o m b e 'r e 

me telque moi ne perd jamais la tête , dans quel- 
que péril qu'il fe trouve. V ivent les gens d'efprît _, 
«^morbleu ! Pour toi, ditil au C&rnperej tu aurois 
.'jbrc long-temps avant que tes imprécations nous 
•euflent épargné la millième partie des coups que 
nous allions recevoir. Et toi , pi^ux bavard , dit- 
•iJàD/V^d,'j*âi bien voulu être ton ami, ton pro- 
«deûr; je le ferai même toujours ; mais c'eft fous 
cette condition que de ta vie tu ne compromet- 
tras la perfonne de Tere Jean avec les Comman- 
dants allemands. Diego reçut cette mercuriale \ts 
-yeux bailTés , fit une profonde inclination , & coti^ 
tinua fa prier« que Tévénemcnt n*avoit pas întcr- 
Tomptfe* / 

j Nous fûmes à peine une heure dans cet afyle, 
que nous nous vîmes fournis de vivres au moins 
pour quinze jours. Dans Taprès-midi un honnête 
Cordonnier nous apporta pi us de cent quatre-vingt 
florins d'une quêté qu'il 2i\oit hitt pour de pati^ 
vres Fhilofopkes qui étoient en franchife. Il nous 
dit que les Confrérifis de TEglife où nous étions 
s*intérefloîent pour nous auprès de fon Excellen- 
ce, & qu^elles efp^éroient d'obtenir incefflammcnt 
notre délivrance. Nous remerciâmes le Cordon- 
nier , & il partit. 

. Vèris le foir le Curé d^ cette Eglîfe vint nous 
voir.Commeil nous trouva caufant, il nous dît 
#uri fonbrtifque, que nous devrions bien refpec^ 
fer le lieu où nous étions, & nous fouyenir que 
Dieu y étoitpréfent.-*— M. fe Curé, dît lejCWi- 
père , I)icu n'eft pas plus préfcnt en ce lieu qu'ail- 
leurs. C'eft un Être parfait , îmmenfe , que rien 
Bc peut contenir que faproprc immenlité: il ne 
peut fe divifer ni s^étendre^ ni fercft reindrc dans 
aucun lieu, — Tu es donc un hérétique , dît le 
Curé? Je ne fuis nî hérétique, ni orthodoxe , ré- 



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!■■ "rifai 



'^ "' - ^''^f'^fm^im^ 



-Mathieu. . 13^ 

- pondît le Comperé; je n'endofle aucune livrée die 
^pani: je fuis ce que tout le monde devroit être; 
-jç iuU philofophe. — D*où vient donc Pafyle 
.donc tu jouis , maraud ? — Il vient , répliqua le 
Compère , de l'ignorance & de la méchanceté des 
hommes. Uétabriffement que Afo/yi ( 1 ) a fait des 
afyleipour des perfonne^; entièrement innocen- 
tes, eft une preuve de ce q|ie je viens d'avancer. 
Si une perfonae 4yoit comipis nn homicide in- 
nocemment , devrait- il ch^r^cher d'afyle. ailleuVs 
qu'aux piedi 4e la Jufticjç , & d'autre protedioa 
.que relie deslotx? Mais de tout terops.lcs hom- 
mes ont été fots , injuftes, méchants, &les loix 
tyranniques ou infiiffifatitts* Ce n'cft pas tout : 
•indépendamment de la caufe vicieuie qui a pro- 
duit rétiabliflemeat dcj afyJcs , ce» afyles font de- 
venus leux-mlmfes la. fource d'une infinité d'abus 
afFrejux : les plus grands fcélérats y furent à l'a- 
bri de toutes potrrfuites » & exempts de toutes 
.pcî»cs (.2 V N'vàllonsr point chercher des exem- 
ples, chez les Payiens ; arrçtpns-nous au Chriftia- 
nifme. Pour le pou,qMe. vous ayez lu ailleurs que 
dajjs votre bréviaire , M, le Curé , vous aurez vu 
liue la coutume ayant ,;dè;s Iç règne de l'hypocrite 
Conftantin , fait regarder les Eglîfes comme des 
lieux de refuge , TKeodôfe & fes fuccefleurs fu- 
rent obligés de rcjftfeîndte <Ste privilège , qujon 
avoit étendu à des gens' indignes de toute pro^ 
teâion : mais ces loîx , ni ceîies que Jufiinun fit 

t ■- ■ ■ g ■ - i ' • r~ ^ 

. . ( ï ) Voy^S^ que dit ft-deflus., G*o.tius ^ tib. IL 
çap. XXI, §, j. (f LE Clerc .yî/r Us Nombres 

;xxxv:. 6. . ^ 

(X) Voy. VHift. dtVAcai.des InfcnpU dr. Tcm. V^ 
Edit. de la Hofe^ p, ja, & fuiv» 

F 6 I 



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13a ' Le Compère 

là-defiîss (ong-tcmps après , bc furent poînt des 
^>amcres affcz fortes pour empêcher que vous au- 
tres , Mcffieurs les Eccléfiaftiques , ne ffflîez fer- 
yir le progrès^ d'un abas li énoritte au deflein d*é- 
tabiir votre propre domÎBatîon , & d'att^fiter fur 
le droit du M^giftrat. Vous aurez encore io , M, 
]e Coté y que les conciles ouvrifést Tafyrle à toii^ 
tts fortes de criiftintls ,& le leur affurereot pai- 
lès foudres de Peieconimunicatioâ qu'ils lancèrent 
contre ceux qtit les en oferoient tir^ iS^^ ^^^ 
fouveraiitô Seigneurs Af Maîtres , les Papes de 
Morne, ne manquèrent point de poulTer aufli loin 
qu'ils purent rimmunité de ces lie^x , q\tt leur 
prétendue faintet^ devroit ùrttt regarder comme 
fouillés par une telle prôteâîiônî(ï );..... Qufen* 
teiîds-tu , interrompît le Cufé, par ce fatras^ de 
raplbdies dont tu m'eiinuies<? J'entends ^ dit le 
-^ampère, qu'il eR étonnant qu*ôin ait établi des 
aiyies pour recevoir tin homme ifui, apii&avoir 
Commis innocemment quelque crime^fuitrespoiir- 
fuites de. la }uftice comme:: celles d'uner b^e fë* 
ecé ; qu'il eft eàcore' étdnfiâiit que ces lîewr de A 
nSnés à être I^ rcfuee dès maiiieureuir , foientde* 
Venus celui des plu^ g^rands fcéléraf s« J'enreads 

( 1 ).Kojf. Jacques Go^K^am furie Code Théodo^ 
>a, ÏÀb. IX. Tit. XtiV. & XLV.r«w. III. ^t 3$6. 
jfefeqq. Buajftus , Juri/b. Uifi. Sftcîm. ^ IJ. & ftgg. 

p^ 1048 Si. ftqq, HsaTivs ^ JUgauM. Sufmtaiu 
Xfrritor, ^. «. 

Ceux, qui voudront voir ce quf concerice te Dtfiit 
*AfVIc , qrfe leJ AmbatRdeui^s slittHbuent , pcmrrout 
cpnfulter Tkomasius , DîJ, dt jure a/yii , Légat Mé^ 
htê ctsmpét. & le Traita d* BYNKnrSFOBE Ju^Juge 
Çompiten$ des Awifaffitdeufs , Càag. XXI. 



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--""- 



M A T B I a 13^. . T35 

^fifi qâli eft furprenant que des MàgiftrtfTs afliett 
ignorants ou aÂTez fliéchânts pour 6oiifondiriB 
Tinnocencâvec le coupable, foitfnt aflez fots , 
aflez foiblcs , pour refpeâier le vain afylc 
d*un lieu qui n*a pas lui-même, te qui ne peut re^ 
cevôir de Dieu ni des horomeffi^impcrtinent privl-. 
ïégc de mettra l'innocence à councert d'être traitée 
comme le crime , êc le fcélérat à l'abri de la puni- 
tion de fts forfaits. — Je Pavois bien penfé , s'é«> 
cria le Curé en s^en allant , que tu étais un mau«* 
dit hérétique ! 

Lorfque 1^ Curé fut parti , Fere fean dît ail 
Cempere: Sais-tu bien , mon Neveu, qtse tu dé-, 
raîfonnes; & que le galimatias^ dont tn viens et 
régaler ce Prêtre pourroit en certaines ^ccà&oÉê 
nuire à notre Philôfbphie ? — Je le fais auffl 
bien que tous , ition Oncle , répondit- le Compère i 
mais comme je me fùi^ a^^perçu d'abord que ce 
Curé n'eft qu'un ignorance , je îi'j ai* poiiit regar- 
dé" de fi près. Je réferve à railonner en formé 
loHqûe i'ain-ai affaire à des* perfonnes' raifonni^ 
Wôs;^— Hélas; dit Diegtf en s'adreflkît tfu^ Conhi 
père y eft-il polfible que le^ gr^rnds hommes flfien^ 
aâffi leurs moments de foiblefle Se d'âveug^e^ 
nuentf Vote venez de dire q^e Dieu n'habiecf 
point ici préférablemenr à d'autres li^tt^ ; à* là 
bt»niié-iieure , c'cft qiie V^ous ne l'yvoye* pà^. 
M^ h&Saiftfsi inon cherr Maître , les Saint^f 
pourriez-vous dire au/Ii qu'ils ne font point ici 
plutôt qtfe dids 4'aiitr«r lkv%} Nt voyea^vous 
pas Jà-haut Saint Laurent avec fon gril , Sa/nt^ 
Crépin avec fon jtrancBet , Sainte Anne avec fa 
quenouille ^ Sainte Apolline avec fa mSchôirè ^ 
jaitu Pierre avec fes clefs , fiint Paul^v^c fon fay 
bre , faint Antoine avec ion cochon , ^ yîe/M 
Atartin qui fid» T'aïu&âiie au Diable l Ne» vcyta»^ 



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7> - 



1^4 X t^ C Oî*2MI-f> E H « 

•vottsrpoînt là-bas y^i;^ CorneHU^zw cpU duquel 
j>end. upe hardellée Weo: voto , qu'on prcadroit 
pour ks brçloqu€s d*un Opérateur ^n l'on ne 
favoit qu'il y a ulîc terrible différence entre les 
,opëratioiis njiraculeufes d*un Saint & les prefti- 
Jgts d'un ChaflatSim Ah > n^o^ maître , mon cher 
-maître! fî ce Curé que vo us. venez, d'irriter >$'a- 
,vîfoît 4c nous ex-çommunic* tous, que devien- 
drions-nous ? NoUJt deviendrions aboqiinables au j 
.yeux de Dieu , en horreur aux bon3 cathcrliques , 
& auffi maigres ( i ) que des chats dans'U faifon 
des grenouilles. — Aura$-tû bientôt fini, dit 
Tere Jtun k.VEfpagnol ? [q ctoyois que cetre af- 
faire^ci t'auroit rendu plus raifpnnable ; mais, à 
icc que je vois , ç'eft de mal en.pis avec toi. *-En 
i:oi\féquènec de Tordre de Père Jean^ Diegai^ tut, 

Lorfquela' nuit fut, venuç , «nous fbupàmcs fur 
Jes provifions que l'on^noup ayoit fournies, & 
nous fumes |iQus<:pucher d&^fi une vieille chapelle 
pu les marguilli^rs nous avpientfait apporter 
.quelques.bpttes de paille. Le lendemain de çrand 
mAtin i nops apprîmes que notre grâce était ac- 
cordée , & que nous pouvioivs pattiç*. l^Jn Sergent 
& huit fuÇlicrs qui nous attendoient % là porte 
de Téçlirç^ , nousentourei'efii.ç à notre c^v^> Apus 
c<>ndu:ifirfiA|: hors de la ville; &c le Se^geot aoaîs 
.fignifia-en nous lâchant, qu^ M. le Comma^aat 
BOUS défendoit , fous peiâe de U vie y de remettre 
le pied dans Mom. 

Lorique nous fd^^s libres ^ le comperà MaihUfi 

(i) C*eft une croyance aflez génà*alfement reçue 

pai'ml ceux dfe la Communion ae Ffômé, , que lés 

fonnes- excommuniées deviennent pâles, maigres', 

fiantes , étîques j catochïmes , & qû'Hsp^flftût 

jement a», bout dW certain^ tcmps« . 



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*• 



M A TT H I B V. /I35 

nous dit CD foupirant": Je partîroÎ5 content ac 
cette ville ; fi j'avois eu le temps de dire nui pen- 
fée à ce Commandant alleniand ; j'cuffe volontiers 
paflë la moitié de h^oufle qti*on nous deftinoit , 
pour avoir pw lui foire «ne difiertation en régla 
iur le droit de la Nature & fur le prétendu droit 
des Gens, & lui prouver qu*il n'eft qu*un fot, 
qu'un brutal , un vrl inftrument de la tyrannie du 
plus fort. Mais ilrxQusfit retirer au moment que 
j'allois lui débiter tout ce qui me venoît dansTef- 
prit là-defl\is. Ah ! mon cher onclé , fî nous fom- 
mcs dans le cas de trouver fouvent des animaux 
femblablcs fur la route de Ruffie, il vaut mieux re- 
tourner en France. — - Père Jean répondit tjué le 
malheur qui venoît de nous arriver ne devoit fon 
origine qu'à l'imprudence de Diego \i\wt comme 
il efpéroit qu'il féroit plus fage parla fuite > nous 
pouvions hardiment continuer nqtre route j en 
laiffant toutefois les villes Autrichiennes hors 
de notre chemin. Le Compère tonfentit à la pro- 
pofition de fon oncle ; mais il témoigna quelque 
peine de ne poiilt voir Brtixeiksy Lduvain & Anr' 
yerSj avant d'^arriver en Hollande, fere Jean s'ajp- 
. percevant du chagrin de fon neveu , dit qu'il pY 
avoit point grande perte en cela; que les Bra- 
bâneons en général ,- ainfi que les Flamands leurs 
Toinns, quoique fort honnêtes gens , étqienè le 
peuple le plus fot , le plus vain , le pFus fuperftîi- 
ticux de tpute l'Europe ; que pendant- que l'on 
voyoit s'élever de temps en temps chèzk* autr<is; - 
nations , même çn Efpagne , quélq^ae génie fubli- 
ine , foit dans la Littérature , les Arts ouja Pbir 
l'oitbphie , ces animaux Belgiques.crourpîfloieiit enrv 
çarc dans la plus craffie ignorance , &ns onc \é^ 
riiar^ie , dans une indolence qui fait honte àrhu^ 
inanité: qae le» prétendus beaux Efprîts 4*1^ fe* 



.Gi^ogle 



I ji L s. C b. 1» p s R X 

tcoUVoknt parmi eux n'érôient que de pitâyallle^ 
bavards, que h plus petit PhiWophe ctoté qui 
court les rues de Paris mettroit à guia. Il ajouta 
que /i lehàfard venoit à y produire quelque plante 

- ^uî promît quelque bon fruit, la fupcrftitiofl Té- 
i(Duffbit auffi-ipt ; que les Prêtres & les Moitfes j 
étoieot trop nombreux & trop confidérés ; qn% 
fUniverJjtas aima Lovanienjis j au lieu de donnçu 

^ i fes élevés des prînc pes qui puflient élever Jeur 
cfprit au moins jufqu'aù fens conumin , étoit ub 
cloaque dUneptîes & d'abfurdités , un réceptacle 
de mille fubtitités fcholaftiques & ridicules^oi^ u^ 
jeune homme qui auroit les moindres difpoiition^ 
cnjr arrivant, fe pervertiroit le jugement fans 
reffource , & deviendroit inca^ble du moindre 
l'aifonnement.Que pour ce qui étoit d'^/zwFjy tout 
c^equi y rcfpiroit ne méritoit pa^ d*être vu*;que 
ce qui pouvoit y intéreiTer ua galant homme , 
étoiènt Us peintures exquifes que Pon-y voyon 
<fes Ruhnsy des Vat^ick , des Jordansy de ces pein-* 
très admirables qui ^ après aVoîr îlluilré leur fiecle 
& leur patrie , ont fait place à un tas de miférar^ 
Stes barbouilleurs , à des rapetaileurs de MÎejlJes^ 
croûtes , à d'indignes charlatans qui trompent îmt^ 
pudemment le trop orédule étranger ( i) , eai lui: 

-■ : : ,— w^ 

(i )> Je n^ai ua comprehdi^ pourquoi Père Je^u^ 
s^emportoit plutôt contre les barbouilleurs àtÂna/en< 
<]iie contre lër barBouilleurs des autres pays. Il efl 
vrai que dans cette ville il y en a quinze contre un 
afflèurs; Mais eft-ce au:ic bat1>oiûîïeurs feuts qu'il ftut 
s^' prendre y ^1 y a tant de tromperie dans le corn-; 
merce de Tableaux 1 Anvers , aif^ que bien- d'autres* 
vîHeS', ne fbnrmiffet^tl pas* d'une quantité^ d^iratres* 
brocanteurs dl^Tableaux qui ne ibntpasibaii)0uilleiu^?* 
Cf^miae Pert J^an, hfétoit point un bonune'à fe laifibri 
trcp qpeftionner , je n^ofiû ku demafider la raîfbfi de 
cette préférence. 



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. M A T H 1 « xr. / 137 

vendant de mauvaifes copies ou quelques Enfci^ 

fnes à bitrre, pour des tableaux. originaux...r*, 
avez^vous^mon eber oncle ^interrompit le Com^ 
perc^ que ce que vous dites-là touchant la vente 
d'une chofe pour une autre , eft contraire à la 
bonne philolophie? — Ma foi, je n*y fongeoîs 

λas, dit Verc Jean : Or oà, que les Braianfons^ 
es Fiamands^ les Anverjois aillent à tous les dia- 
-bies ; }e n'en parle plus : continuons notre route ; 
nous parlerons à notre aife lorfque nous ferons ar^ 
rivés à notre deftination. 

Nous continuâmes eifeâivent notre route , 8c 
cela avec tant de diligence , qu'en trois jours 6c 
demi nous arrivâmes à Amjltrdam. 




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138 L K C O M P.E R B 



CHAPITRE. XIII. 

Rencontre d^ un ancien ami de Pçre Jean. Repas 
cÀe{ deux Négociants Français. ' 



E> 



iN entrant dan^ la Ville à'Amfierdam^ un hom- 
me habillddjB bmn, portant une petite perruque 
ronde , accourut fauter au cou de Vert Jean , Pem- 
brafla trois ou quatre fois , &Iax dit : Eft-ce bien 
toi , mon cher Vere Jeanl comment te portes-tu ? 
Et qu'as-tu fait de ma femme ? A ce mot VeréJean 
s'écria; parla freflure de notre faintPere le Pape! 
c'cfl: n^on ami Vitulos : ma foi , je me porte 
comme le Tont-neuf: pour ta femme , le diable 
fait où elle eft. Le Père Prieur des Grands Carmes 
de jRo/wrme Ta foufflée , comme je te l'avais ex- 
croquéè. Que le Ciel en foit^)éni:ç.j'ai éprouvé 
dans cette bccâfîon là vérité du proverbe qui 
dit : Que nous ferons me fur es de la mime me- 

'fure dont: nous mcfuroiis les autres y mais j'en 
fuis tout confoié Et mpi je n'en ai ja- 
mais été attrifté , dit Vitulos : tu m'as défait d'un 
fardeau qui me pefoit terriblement fur les bras. Si 
tu ne m'avoîs point enlevé cette forcière à tous les 
diables , je l'aurois noyée un jour ou l'autre. Vive 
la communauté en toute cliofc. Morbleu ! le droit 
de propriété eft un droit inventé par Beeliibut 
pour faire enrager les hommes. La pofleffion d'un 
bien tourmente , fatigue , ennuie le poflTefleur, ou 
tente , qu fait tort à celui qui ne le poffede pas. — 
Oh ! oh ! dit le Co/wp^re ,Monfieur eft Philofophe, 

"à ce que je vois? •— Oui-dà, répondit Vit dos ^ 
Se de la plus fine efpèce même. Ce n'eft pas ce 



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Mathieu. 139^ 

dont il cft queftîon pour le préfcnt ; où allez-vous" 
loger "i yi la Ville de Lyon , dit Tere Jean — Fort 
bien , reprit Vitulos ; j'y Aiis logé auffi: allons , 
partons. Ce foir je vous mène tous fouper dans la 
meilleure compagnie du monde , où la liberté, Pen- 
jouement & le plaifir le difputent avec la bonne 
chère : car je fuppofe que ces Meffieurs. qui accom- 
pagnent mon ancien Camarade , font de fes amis. 
— Vertu de froc! dit Tere Jean ^ crois-tu que 
je voyage avec mes ennemis? Ce joli drôle que 
tu vois eft mon Neveu ; c'eft Tarc-boutant du bon 
fcns & le reftaurateur de la Philofophie : voilà fon 
Coniparriote & Compert Jérôme. Ce long flandrin 
efflanqué , avec fa phyfionomie At brebis , eft le 
Seigneur -Die go- Arias-Fernando de la Tlatq y y 
Mendnca , yRioles ^yBajalos , Gentilhomme Es- 
pagnol , qui prie pi us Dieu dans un jour, que nous 
n'avons fait pendant tout le temps que nous avons 
été Capucins \ en général , ce font mes intimes , 
mes bons amis , mes aflbciés , & qui feront auflî 
les tiens , îorfque tu le voudras. — Vitulos en- 
chanté poufl'a un cri de joie ; & fans regarder s'il 
étoit au milieu de la r\ie, il nous félicita & nous 
embraflk tous l'un après l'autre. Ce qui fit bien 
rire les* gens , & fur-tout lin boulanger vis* à-vis 
de la boutique duquel ncnis érionï. 

Lorfque nous fûmes arrivés à l'Auberge , Vitu- 
los nous conta qu'il étoit à Amfierdam pour cer- 
, taines affaires qui concernoîent la Philofophie : 
xju'il avoit desliaifons fort ét|-oites avec Af. Domi- 
nus y qui étoit Tagent des Révérends Pères Jéfuites 
dans ce pays-là : que quant aux perfonnes chez 
lefquellcsil vouloît nous mener fouper , c'étoient 
deuxNégocîans François, demeurant cnfemble, 
ayant chacun une très- jolie femme , chez Itfquels 
il ï'étoic introduit lous le manteau de la JFrtfnc- 



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Ï40 1 ï G O M P E R JÈ 

MaçonnerUi 8c chez qui il avoit la liberté àt me*- 
ner deux", trois ou quatre amis , toutes les fois 
qu'il y étoit invité. / 

L'heure du fouper étant venue, Vitulos nous 
mena chez ces Mcfficurs , qui nous reçurent le pi us 
aftèâueulement du monde , ainii que /V.efdâimes 
leurs Epoufes ; trois autres conviés quj fe trou* 
soient là , nous firent auIG beaucoup de poHtefTe. 
Bref, Pon fervit , & depuis lon^-temps je nVi vu 
une table fi délicatement fourme , ni de repas où 
régnât plus de gaieté , où il fe dit plus de bons 
mots, plus de faillies, enfin où Tefprit âc^'enjoue-» 
«lent fe trouvèrent fi parfaitement réunis. 

Lorfque le -defTert fut fervi , l'un de nos hô^c $ 
nous dîc , Meffieurs , je vous prie de nous er.cufer 
fi vous n'avez point fait meilleure çhtre. Ccpcn- 
âant je remercie k ciel lie ce qu'il ne nous a 
t)ôint fait naître trois mille ans plutôt; car ii Ton 
tri croit le bon-homme Ho;n#re, le meilleur cui^ 
fiûier de ce temps-là n'étoit point capable de faire 
une faufle-robert. Tout ce que nous euffions pu 
vous donner alors eût été un taureau bouilli , ainfi 
que fit Ajax à Agamemnon ; deux cochons rô* 
fis , comme fit Eumée lorfqu'il régala Uirffe. — 
Mopfieur a bien des bontés ', àitViego : je prie 
Saint Barth, • • Monfîeur a bien dés bontés^, a^ 
furément , interompit Père Jean ; mais fi nous en 
vomIous croire le bon-homme Homère , il nous ca 
Contera bien d'autres. Où diable auroit-il appris 
ce qui fe fervoît fur la table des Grands , fui qui 
étoit un Poète , & par conféquent fi.gueux. qu'il 
n'a peut-être jamais mangé que des oignons , d«s 
ftves , & des piftaches ? — • Fort beau , mon 
Confrère , dit Vitulos , ayez meilleure opinion de 
^cflîeurs les Poètes ; s'ils peuvent ignorer par 
état ce qui fe fert fur la table desGrands, ils om 



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• Mathieu. I4lr 

le pnvîJége de le favoir par injplration ; Pea- 
thoiifia(me donc ils font poff'édés quelquefois . 
les éîeve au rang de ces intelligences céleftes , qui 
connoiflent mille chofes fansle fecoursdes fens . 
& dont les lumières étendues ont quelque chofe 
de -divin. Homère , par exemple , a parcouru 
toute la Méditerranée , & je ne fâche point qu'il 
ait jam;ii^ vu de tempête : voici toutefois de quellt 
façon iJ en décrit une au XXe Livre de fon Iliade. 
Gomme la Compagnie n'entend poinrle Grec\ 
je mefervirai de la traduâion de ce paflage. 

L'Enfer s'émeut au bruit de Neptune en furie 4j 
Piucon fort de fon trône , il pâlit , il s'écrie: 
Il a peur que ce Dieu dans cet affreux féjour» 
D'un coup de fon Trident ne fâffe entrer le^ jour , 
Et parle centreouvert de la Terre ébranlée , 
Ne fàffe voir du Stix la rive défolée , 
Ne découvre aux vivans cet Empire odieux , " 

Abhorré des mortels , & craint même dès Dieux. 

Si du Gué'Trouin vîvoit encore , je lui défieroîs 
de peindre du moindre de ces traits les orages qu^l 
a eifuyés dans le cours de fes expéditions (ij. 



( I j Et moi jç défierois Homère & fon preneur F/feji- 
los de décrire , foit par infpiration ou autrement , non 
pas une Tempête , mais certains petits morceaux de 
chair qui nous pendent fous le nez , auifi admirable- 
ment que La{aretli les } dépeints dans le Sonnet fui-' 

Gran foftegni de! mondo » aimi Coglione , 
Del Celefiè Fattore opre ingegao(è 1 
Da caricare i picciofi Cannoni , 
Ond armato va l'huom » Palle focofe , ' - 



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J4% ' Le Compère 

Toutefois ^ mon cher camarade , les vers qnc je 
viens de réciter ne font qu'un foible échantillon 
du paffage original. 

Mais ne reculons point jufqu*à H<}m^r^;n'allons 
point fi loin , de crainte de nous fatiguer. Ne 
voyons nous pas parmi les Poètes de nos jours, 
{ qui ^ par parcntktfe , ne font que des Poftiraux en 
comparai/on des anciens) ne voyons-nous pas , dis- 



Robufti , ancorcîie teneri , Palloni , 
Con cui gluocan. trâ lor Maiiti , e Spofe : 
Del corpo human fpermaticï Embrione, 
Dé Venerei , piacer Fonti amorofe , 
Magazzeni vitali, oveNatura 
rbuman feme ripofto , a i figli fuoi 
D'afficurat la fuccefllon procura : 
Ma la gloria maggior , chc tutti ofcura 
Grincliti pregi voftri , è Tefler voi 
Del fttto Don Ciccio Archedpo, e figura. 
Cicceid. Sonn. iSj. 

Homère dansia defcription qu'il hit de la mer en furie 
.n^a eu befoin , comme le dit fort bien Vitulot , que 
à*infpiration 9 Qu plutôt de fon imagination vive &C 
impétueufe. Mais le Poëte Italien réuhit ici Timagi- 
nàtlon la plus brillante à ce que l'efprit a de plus 
profond , de plus exaâ 9 de plus poétique , de plus fin 
& de plus élégant. Ceci foit ait fans faire tort à ce que 
F/W05 entend prouver à Père Jean, Maïs je veux faire* 
voit en pafTant que Pimagination efl un fbible avantage 
pour un Poëte fansl'efprit ou le fentiment. 

Noté du Révérend Ptre Gardien des Capucins de 
Heaufle. 



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M A T H I E ir. 143 

je , parmi nos Pbëtes , ks ans perchés ay coin 
d*un mauvais grenier , décrlfe en vers pompeux 
l'ordonnance , la régularité , la magnificence , la 
majefté d'un palais qu'ils n'ont jamais vu ; la dif^ 
tributîon , la proportion , le goût , la richefle des 
appartements où ils ne font jamais entrés; la per- 
fpeâive riante , les chefs-d'œuvres de marbre , de 
jafpe , de bronze ; ks bofquets , les terraffes , les 
canaux, ks fontaines , &c. qui embcllifl'ent des 
jardins dont ils n'ont jamais approché? N'en 
voyon«-nGus pas d'autres tapis dans leur galetas, 
& plus poltrons que le Sojie à'Amphitrion , tracer 
d'un crayon terrible Tébranlement de deux ar- 
mées prêtes à le charger , la vioknce de leur choc> 
le bruit des armes , le henniflement des chevaux, 
les cris des combattants joints au tonnerre du ca- 
non & de la moufquetef ie ; l'aflemblagc épouvan- 
table de fumée y de poiiflîere & de feu ; k fpeâack 
horrible des morts , des mourant? , des corps & 
des membres palpitants ; en un mot, l'acharné- 
ment des vainqHeurs, la rage, le défefpoîr den^ 
vaincus , toutes ks horreurs du carnage , & la fui- 
te d'un combat dont l'effroyable tableau tracé par 
des vers dignes d'un tel fujet , fait autant d'effet 
fut notre ame émue , que fi nous étions les fpeôa- 
teufs de l'aôion même ? D'autres ,. couchés fur un 
grabat , plus tranfis qu*amoureux , nous peignem 
d'un pinceau léger, mais plein de feu , les ten- 
dres dîfcours, ks baifers amoureux, ksplaifirs 
vifs & doux , les ravifl'cments délicieux de deux 
jeunes amants , à qui le hafard vient d'accorder 
pour la première fois une nuit tranquille, une 
nuit favorable à leurs defirs & à leurs amours. En- 
voilà aflez , je crois , pour prouver à l'univers 
entier , qu'en vertu du- privilège^ de la poéfic, 
rAutcuc. de ri/w<fc pouvoit favoir par une e£» 



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1^4 Le Ç o m i z h e ^ ^ 

pëce d'isfpîratioa c^ qui devôit woir été (iervîruf 
la table à'Eumée8cd*34jax ,. aHoiqu'il vécm plus 
de trois cens ans fprès CCS âeros —L'Ami , dit 

• Fere Jean > tu fcrois bien de. boire un coup , 
car tu vas t'enroucr. Après quoi » tu me diras fi 
dans ces cemps4à la nature n'avoit pas àufli abon^ 
damment pourvu qu'aujourd'hui les champs , les 
rivieçes & les bois, de tous les animaux , de tou- 
tes les produâions de la terre, dont nous favons 
fi bien garnir nos tables» 

< VUulos , au lieu de boire un coup y en but deux 
& continua ainfi ; 

La nature a été de tout temps aufli abondante, 
auffi variée en fes produôions qu'elle l'eft aujour- 
d'hui. Il y a eu de tout temp^ des gens riches , 

^ .Se même des gourmands , puifqu'£y^fa Vendit fôn 
patrimoine pour un plat de lentilles : indépen- 
dammebt des gens riches éc àts gourmands, il y 
eut des cuiiiniers ; mais ces cuifiniersétoienttout 
au plus des marmitons , en comparaifon des cui- 
iiniers François d'au jourd'huii. fur-tout de ceux des 
Eccléfiaftiques & des Maltôtiers , race de gjcns 
qui ne vivent que du malheur d'autrui, aînfi que 
les Médecins , les Apothicaires , les Avocats , les 
Procureurs & tant d'autres qui ont la confcien- 
ce aux talons , & les ongles crochus comme les 
éperviers. 

La cuifine des Anciens n'approcha donc jamais 
de la. nôtre. Pour le prouver , je commence par 
Abraham , qui n'étoit cërtainement.pQint pauvre, 
puifqu'avec (on nionde feul , il battit le Roi Chor- 
dorhhomor 8c fes trois confrères , qui avoient eu 
4'audace de s'emparer des biens de de la perfonne 
de Lotk (on Neveu : x)r ce Patriarche ne donna 
^pôur tout régal aux trois Anges qui vinrent lai 

, rendre vlfice dansla vallée de Mamiré » qu'un veau 

grillé 



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M A T H I £ V. tA$ 

grillé , ciniquantc-fix livres de pain cafit fous U 
cendre , & quelques pintes de Boter^Mtlk. De tels 
hôtes méritoient cercakiement bien un régal plus 
Jionaéte & plus délicat; mais At^raham ytouthot^ 

ÎàcaUer I tout généraux qu'il étoit , ne put faire 
.'iinpoffible Çi). ,r 

Les 'égyptiens n'étbient vraifemblablement pas 
^eux , puifqu'un de leurs Rois fit délivrer pour 
plus de quatre millions de florins d'ails, d'oignons 
& de poireaux aux ouvriers qui bâtirent la grande 
Pyramide que l'on voit encore aujourd'hui a quel- 
ques lieues du Gnind Caire : à en juger par une 
dépenfe fi extraordinaire pour un fuiet fi peu im« 
portant en foi., je répète donc que les Egyptiens 
^dévoient être des ^ens à leur aife , mais qui fai« 
foient très- mauvaifè chère. Ils avoient fait d«s, 
Dieupc de plufieurs animaux ms^ngeables , ain£ 
que des légumes les plus ^écefikires à la marmite» 
f a) D'qù il réfultecncoirevnc grande diminutioft 
iur la .variété , fur la muUiptiç ité des mets. 

(I.) Lesifraëlites , poftéri<;urs à ce PàtrUrche , ne fu- 
rent point meilleurs cuiliniersque lui; L'on ne voit dans 
leur repas ni fauces ni ragoûts. Leurs pins grandes déli>* 
ces étoient le lait & le miel, 
(ik) Qtds nefcit t- qualia démens 

'Mgyptus porunta colat T Crocodilon odorat 
Van hac : illa pava faturam firpeatlbus Ibin. 
Effigies facri nitet aurea Cercopithecï^ 
JDimidco magica refonant ubi Memnone ck^rda { 
Atque-yetus Tkebe eentum facet obruta portism 
llUc £aadeas ^ kic pifctmfiunUaU yiUkk .^^ 

Oppida tota caaem venerantar » nentê Dianam^ 
Forrum ^ eœpe nefas violare^ aut frangerewrpi 
Ofanâas genUs ^ quibui hac hafcuntur iu àorti$ 
Tome /» G 



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mm 



t46 * LlCéJMrtERK 

Caries animaux & k« plâmesqUlavoientk bon- 
Iieiir d'ttreîfiftrrits dans le Catalogue de z^% Dietix 
^toient fâcfés , & l'on n'y |K>uvoit totfchcr. ^11 s*cft 
même vu desoccafions , au rapport ^fUroàùtt Se 
àt'VJùdGtre^ où la difette:fut"6 grande qw lèsSgyp- 
tiens fe mangèrent les uns les autres , 'plutôt q^'e d& 
Mettre une de leurs -'Divinités au pot. De (Jirte 
^«e dans ce pays-là il valoit'mieux être un Bteitf 
i^u'un HMtrme. ' 

Pour les animaux doïtt les :Çg'yp/rf/z5 pouvoicnt 
manger , ils en rejett^iefit la tetc t autant de dimi- 
nué encore. Le côdhôft-étoit réputfé immonde ;'<de-tà 
point de hure peureux ,- point de Jambons , point 
d'oreilles ; de-là', ftî kngws foUrréè^s , niboudins, 
ni fauciffes, niàndottilles ,.ni ccrVelas , p<>iiic de 
l^ieds-de cochon à^^ k feinté nvcnôud , {)6int de 
€«rré au petit lard ,poi«t d'échinées éâ ^ètdattes^, 
point de poulets piqués , bardés , lalrâés; point de 
4fietsenfin , foit râtis i foit à la braife , (oit en ra- 
goût yoù le ford entre aujourd'hui pour le tiers de 
•ïaflaifoiTnetrtfefet. ^ ;^ ^ 

Aptes avoir/p^rlé du P^trîaChe /rfir^A/f/n ^ dçs 
^Egyptiens , je viens aux ^jpyriens. Ces Peuples 
paflbient leur vie dans la {enfualité & les délices 
de leurs ferrails. Ppur peu que l'on ait lu , on fe 
reflbu viendra de^ galanteries de Sémiramis\ à^ la 
moUefle de ifinias & de fes defcendants. Leurs bâ- 
timffttsétoient de ladernière magnificence -; le faA 
te , le luxe Lesenvirotinoient de toutes parcs ; pour 
Içiffs rep^s, il .y t^gApit plus de profufiûn & de 
confuClon dans Je feryice , plus d'emportç ment & 

. ( ■'- ■ ■'' - ■'' -•- '••' • -•'--■---- 

Jdtnfa, Nefas Ulicfuinn fu^Uurc fafHlà» Juv. 
' 5at.XV^ 



DigitizedbyGoOQle 



M A t H I s t. l£f 

de diflbiueion parmi le^ conviés, que d6 delicateflis: 
& de civilité : témoin ce qu'en rapportent j^lufieurs 
Auteurs , & nommément le Prophète Daniel yXori^ 

Îu'il parle du feftin que Bdltha[ar doûna à toute fa 
Jour. 
Quant aux Méies , Ton voit dans la Cyropéâîe 
de Xénapkon^ que leur table refTembloit aflez à celle 
des Babyloniens. 

Pour les Grecs , il eft prouvé que dans les fiecles 
héroïques ils h'avoieat ni cuillers , ni fourchettes , 
ni nappes ) ni ferviettes : ils tnangeoient avec les 
doigts comme le bon Vere Adam y & s'effuyoienC 
à leur barbe comme Mathufalem. Il n'étoît point 
queftion 4ans ce temps-là de gibier y de volaille;^ 
ni d'oeufs. L'on n*cn voit pas même paroître fur 
la table des Amants de Pénélope , qui étfcît bîeà 
les. plus friands coquins du temps. Il en eft de 
même des fruits & des légumes. Quant aux poil^ 
fons y ils les méprifoienr tellement que dans Pa- 
diffée y Ménélas s'exçufe d'en avoir mangé fur ce 
qu'il étoit réduit à la dernière néçeffité. Aujour- 
d'hui l'on fait i^loire d'avoit^Arr la table un bon 
Efturgeon. 

De tous les Grecs poftérieilrs à ces tenfpsdiéroï- 
ques, il n'y eut 4ue les ^/A^m^/is qui débarbouil- 
lèrent un peu l'Art de faire la cuîfine. Tout ce 
qu'on nous conte de leurs feftins. , confiftoit toute- 
fpis plus dans l'appareil du fervice , que dans le 
choix & la dârcateifre des mets. Si quelque chofe 
. pou^^it f^ite défîrer à iin;£|Jant .honm^ixk fs 
tfouy^ràjeurs r^p^si» c'^toit les converfatipns en- 
jouée^i ^ fayafitj^s qui çccupi^ieai: Iç^ ççMiivivcs ; 
mais par pialheur ilne s'y trouvait point de fem- 
mes, £Jfi,! peut-on trouver un repas agréable , s'é- 
cria toùt-à-coup Vïttthi , où ce Sexe enchanteur 
ne préfide^?pa^Convéti€s ^^ttèâ cher Ptre Jean , 

G% 



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.148 LeCompeue 

que quelque dëILcâCcmeat compofé que foît im 
plat , il n'eft rien en comparaifon de ce qu'il de- 
vient, lorfque ce qu'il contient eft fervi par une 
tnaia telle que celle de Tune ou de l'autre de nos 
deux charmantes HôtcfTe^ Que de charmes ! que 
de grâces 1 dans la difleâion , le choix , Tarran- 
gement des morceaux, & la manière de les pré- 
lenter. main blanche ! main, mignone & dodue! 
continua-t-il eii fe jettant fur celle de la Dame 
qui ëtoit à côté de lui, que votre vue eft féduî- 
fante, lorfque ce qu'elle daigne nous fervir eft ac- 
compagne d'un donx regard , d'un fourire aima- 

' e ces grâces çnchan- 
toutes les. fauffès, 
qtiinteflencc des ragoût i les plus 
exquis , que l'art des çuifiniers ait inventé de- 
puis le déluge jufqu'à nos jours.' Oui , char- 
.mante Hôteile, c'ell de vous que l'on pourroit 
.4irc : ^ , 

. I-cgratie,raccpgIienze, iriHc qifanti 
p,)f .Modifondiy^bezzaele^iad^ia., 
Il fuave parlar : gl'aiti ièmbiantl , 

- î^ ' V la. b^kate , i( valor , la xortefia , ♦ - 
* Il fenrto , e II coftuml honefti èfanti , 

*' ' E tutto quel che diiaàdat(p fia 

, Con quanto di valor piôvano i dei 
'; §'a€coglieèfàiorun^lqdèinlei. • j 

- i Et Véys -, dît - iî:<Ai^adrefl'ant à-J'aiitrfe Damt , 
•tféft-tfé'^int'de votfeSîVinci>erfoline qM^Oitapio 
V Rirmciïin parlait autrefois Ibrfqu'il difok : 

. . Uorcdel crin , h maeft^ 4^1 vïfo; 
VJ V mJ^ porpqrâ '^'jabbri ,• ï^i^ degU occhi ; 
, \ IH ia frpntft W.f of€t , e'î.iîel i>îu?çi&-i. 



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M A T H I 1! IT. 14^ 

t'arco del ciglio , che faete fcocchî ; 

Xa voce , e'I gefto, e'I pôrtatnento , eM rifo v 

II gnardo , che ferifce ovumque tocchi ^ 

La grazîa fua , la fua virta divina 9 

Fan deir anime altrui dolce rapina. 
Or cà , dit Pfre Jean , auràs-tu bientôt fini ? Je 
croîs fort que ces Dames s'amufent plus des dou- 
ceurs que tu leur débites , qwt de tes rapfodics fur 
la euifine des Anciciîs ; mais icais-tu bien que voi- 
ci leurs maris , qui pourroient tort bien ne point 
prendre toutes ces gentilleiies fur le aiême ton.— 
Nos Hôtes ayant dit à Père Jean qu'ils connoif- 
foient le Pèlerin depuis long-teras ; qu'ils ne s'eff»- 
rouchoient point de tout ce qu'il pouvoit conter 
à leurs fenïraes; & cesDamesayaJU témoigné que 
cela leur feroir plaîfir de Tentcndre continuer à 
raifonner for les Anciens , Viiulos reprit fon pre- 
mier iujet & dit : 

Puîfquc ces Dames veulent bien me permettre 
de continuer, jepafle à la cuiline des Lacédémo^ 
niens. Cette Natiori mangeoit en public ; \zs ta- 
bles étoientdidribuées parquînzeperfonnes^aux^ 
quelles on donnoit tous les deux jours unboiflcau 
de farine , huit raefures de vin , cinq livres de froi- 
ma^e. ,deux livres & demie de figues , & quelque 
peu cle monnoie pour l'apprêt & l'affaifonae- 
ment. Ce ne fera certainement pas encore ces 
gens-là qui donneront gain de caufe à ceux qui 
voudront foutenir que lacuifine des Anciens i'em- 
portoit fur la nôtre. Des ÏMcédémoniens je retour- 
ne aux Athéniens y pour vous dire qu'après ceux-- 
ci Its Romains fon venus , qui renchérirent de 
quelque chofe fur la euifine des premiers ; mais 
encore n'étoît-ce rien que la euifine des Romains 
en compàraifon de la nôtre. 

- ,G3 ■ 



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i^ LbCompxils 

Savez* vous^ bien , Monfîeur Vitulos , dit le 
Compère Mathieu » que vous pourriez bien vous 
tromper dans votre calcul y & que l'on ne doit 
point tout-à-fait juger de la façon de manger d'une 
Nation par quelques traits que Ton en rapporte ? 
non plus que Ton ne devra juger un jour delà ta- 
ble des Rois de Suéde du dix-fept & du dix-huitiè- 
me ficelé par celle de Charles XII. 

Je ikis cela auffi bien que vous , Monfîeur le 
Philofophc^ répondit Vitulos. Il y a trente ans 
que j'ai lu dans Lamprides y dans Ammien Marcel- 
lin. & autre»i) que des Empereurs Romains » tels 
qu'on Trajan , un Adrien ^ un Alexandre Severe , 
un Julien y fc contentoient fouvent à leurs repas, 
lorfqu'ils étoient à l'Armée , d'un plat de pois ou 
de boullic ; & je n'ai point jugé pour cela que l'on 
ne mangeât alors que des pois & de la bouillie ; 
non plus que je n'ai jamais jugé de la bonne chère 
des Italiens du feizieme fiecle , f)ar le Pape Adrien 
irj.quine raangeoit ^w^àwStokvis^ 
^ JDe tout cela enfin , je reviens à dire qu'il y a 
trois mille ans » ainfi qu'auparavant , l'on fe con- 
^moit de groiles pièces & de bon appétit pour 
faufle (i). Maiv pour gagner ce bon appétit l'on 
^availloit y & aujourd'hui tous ceux qui man- 

Î;cnt fplendidement ne travaillent pa$. Je fens que 
'on va me demander fi les anciens riches .travail- 
loient ? Je répondrai que oui : & cela depuis le 
fceptre jufqu'àla houlette. Reiecca alloît fort loin 
chercher de l'eau dans une cruche qu'elle portoît 
fur fes épaules ; & cette i^ei^cc^étoit la belle-fille 



( I ) Le cochon rôti dont Vitulos a parlé ci > devant 
€toitiUn cochon de cinq ans» & le régal de cinq per- 
fonoes. HoMER. Odyffl 



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M A T H ti E y/ ^^^^ 

d^ cet Ahrabm dodt j'ai parlé tantôt , 8r cmi e^oir 
un Maître Gars ^ comme difentlcsNôrmajiàsul^ 
enfauf$.dc PWtf/;itirereBt-eux-r0nêmc5 de la^ rcmifc 
le char'quidcvoit porter ce PriWe au Ç#mp 4%t 
Grecs, Y attelèrent les mulets &les çlievaux , 4: 
chargèrent deflus le cofFre qui conteaoit la rancoti 
à!Heâor. L'on voit encore les fils d!Alcinoûs , Rqi 
des Phéniciens , dételer les mulets du char de k 
Princefl'c Nauficaa , leur fœur ^ & celle-ci partif: - 
de làaireç fes femipes pour aller laver fe$,^robçS;à 
la riyicre. A ces trois exemples j'en, paur^? ioi% 
dre, cent autres < i ) j mai^ fcfperc qfeaq^^q jlf 
jvîcn^ de dire fuÂira pour cette fois» ' \ 

Bois un coup, Rpbin-nvignon , dit TtreJ^m^ 
tu as de refprit comme un forcîer aujourd'hui. 
Où diable as-tu péché Ja Litanie que tu viens de 
nous débiter ? Si tq étois demeuré Capucin , tu 
ferois auiourd'hui Général de l'Ordre. < \ 

n me lemblc , dit une des ï>ames, , que Mm^ 
fieur Vitulos a dit tantôt que les Poètes d'aujour- 
d'hui ifé^Gi eût que des faeteraux çn c^Hnp^faifoif 
des Anciens. }^ai toute les peines du monde à 



(i) Tels , que celui de Saiil qui reçut la nouvelle dir 
jJéril on étoit la ville àtlahestn Çalaad^ lorfcjn'il étoit 
occupéàcondnireun toupie de Batxtfy.' R^g"^ îfiV. 5. 

Celui, de Jacob , ^i &t de Beêhfabét iHéirmv',:{ dif* 
tance de plus de aoo lieues ) feul à*pied r un blton à la 
main , qui couchoit où la nuit le furprehoit, à^f^ettoit 
une pierre fous fa tête pour luî^fervir d'brdll^* Cen. 
XXXII. II. 

Celui d'jFtfm^tf ^qn'VliJfe trouva fai faut des foulrers, & 
qui avoit bâti lui-mçme les étabîes pour Us troupeaux 
qu'il nourriflbit, OdyJT. 14. 

^ Cflui-dc Géd^n, die Rutk, ^Elifie , g'Vlifft^ , &f% 
&c. &'c. 

G 4 



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cro irctela ; je voudrois bien entendre !e GrecpoMt 
en- juger. ^ . ' 

Madame , dît r>7rr/o5 , îl ne faut point -enten- 
^dre le Greà pour cela : il ne faut ^v^q comprendre 
quelqiie's tradudîons des piecies qu'ils nous ont 
laîfTéès , avec ce que nos Poètes ont fait de meil- 
leur ,& voufs verrez la différence. Sans parler du 
fameux Epithalame quifait partie des Livre faînts ; 
fans parler d« quantité d'autres morceaux qui va- 
lent cent fois mtcux : qui approche aujourd'hui du 
dhrn Jftiacr^on dans la manière de peindre Tamour 
ikl yjû'îî'eft^ c'eft-à-^diref ,' tel que nous ne lé con- 
noiflbns guère ? Les ouvrages de ce Poëte char- 
■ifiânt nfeloht que des grâces , ne font que des 
'fleurs. Quelle aîfance ! quelle délicattfle ! quel 
naturel dans la Poëfie de la tendre Saphol écou^ 
tons-Ia exprimer la violence de Ton amour , dans 
la foible traduôion d*un paflkge its précieux rcf- 
tti que ftous avons d'elle. ' 

Heureux ! quî pfès de toi , & pour toi feu! fou- 
pire! .. ■ 
.. . Qui iouU du plaidr de t'eoteiulre parler ; . 
Qui te voit quelquefois doucement lui fourire : 
Les pieux dans fon bonheur peuvent -ils Pcgaler ? 
Jtt feos de veine en veine une fubtile flânie. 
Coirrif par tout mon corps ,fit5t que je te*voîs ; 
Et dans les doux tranfports , où s'égare mon ame 
Je qe ûurois trouver de langue ni de voix. 
Un nuage confus fe répand fur ma vue \ 
Je ne fensplus; je tombe en de douces langueurs j 
Et pâle , fans baleiné , interdite , éperdue , 
Un fnifon me faifit •••.]€ .tremble. • • ^ )e me 
meurs , 



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- Mathieu. ^ijj 

Ataîs quand on a^a plus rien , il faut tout entrepren^ 
dre, &c. (!)• 

Quel ordre ! quel admirable mélange de clr^ 
conîlances & d'incidens ! quelle harmonie ! quel 
taMeau ! Où eft J'Amante dé nos jours qui fente 
& s'exprime ainfi ? je dis plus , qu' puiflTe compren- 
dre tout le vrai, toute ladélicateffe que vous ve- 
nez d'entendre ? Ah , Madame ! il faut avoir le 
eoeiif de Sapho pour apprécier tout It mérite de 
chaque mot de ce che^d'œuvre tel qu'il eft dans 
l'original. J'y renvoie les curieux : ilsle liront ; ils 
le trouveront peut-être froid &HniÎ5ide. Ne vous 
en étonnez pas , Madame : il faut de grands mots 
aujourd'hui pour exprimer de p.etités choies ; mais 
de grands mots font ouvrir de grandes^ oreilles , & 
c'cft afl'ez dans le temps où nous fommes. — Mon- i 
fieur Vitulos , dirent ces Dames , en tisJHt y il 
fe fait tard ; vous nous^ permettrez , ainfl que tou- 
te la Compagnie , de nous retirer. D'ailleurs, vo- 
tre acharnement contre nos pauvres Poètes mo* 
dernes pourroit nous dégoûter de lire leurs ou- 
vrages , & ce feroit un plaifir de moins pour nous. 
Bon (oir. 

Lorfque c^s Dames furent partrcs , VituioscofH'- 

( I ) L'original de cette traduâton eft un€ des plus 
beîks Odes oe Sapho que Longin nous a cohfervée» 
Mais comme cette Ode a paiTé par les mains de plusieurs 
Copiftes & de différents Critiqiîes , elle a beaucoup fouf- 
fei^t des uns & des autres. Lé Roi de. France en pofféde 
un manufcrit très-ancîen , écrit fans diftinélion de vers 9 
fans ponftuation , fans ortographe. L'on eiit mieux fait 
de nous la donner telle qu'elfe eft dans ce manufcrit» 
qu'avec tous ces retranchcmens , additions , tranfpofi- 
^ons , changemcns , c^^Ifaac Voffius Se autres y oat 
faàu 



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mmm^mm 



154 LeCowtpeee 

tinua , & nous dit : Le Cœur des. Anciens étoît 
tellement fait pour iTentîr , qu'ils exprimoient tout 
le feu dont leur ainefenfible& vol upteueufc étoît 
capable , )ufqucs dans les paili'onsles plus injurieu- 
fes à la Nature & au beau fexe. Si nous ouvrons 
fiiogent Laè'rce ^ nous y voyons de quelle façon 
je mvin Platon s'exprime fur ce fu jet dans le fa- 
ineux Diftique qu'il a fait fur fon cher Aga-^ 

Tout le monde fait qu'à Yinflar de ce Philo- 
fophe & d'autres Anciens ^qui lui refl^bloîcnt , 
certaine Nation de delà les Monts fc pjqnc quel- 
fluefoîi de s'égayer à ce jeu , & de rfmer fur ce 
fujet ; mais quellrdifférence entre leurs Poëfics & 
ce que les Anciens nous ont laiffié dans ce genre I 
On peut voir comment Jean de la Cafa , Arche- 
.véque de Benevent , & grand Pédérafte , s'il en 
fut un, §'cxpliquefurxct article àsLiïsfonCapnuh 
delforno* Quelles gi^offiéKLtës ! en comparaifon 
de l'élégante & délicate paliffonncrie du Philo- 
fophe grec. Cet Ai-cb^vêqfue étoit toutefois un des 
plus polis Ecrivains de fon temps , un des plus fa- 
meux Poëtes dufiecle de Dmnte^ du Taji ^dc/*^* 
riofte Se du Cuarini: il étoit l'Emule an Ber'hi yà\x 
Varchi , du MaurOy du Binoy du Mol/a ^ du Del-- 
et y aînfi que du Fir<n{uola , du fucil y du Caroy 
idu Franco , du Cardinal Bembo & de iJretin pê- 
ID«( 1 ) ; & tel que l'Europe n'ea^ point de pareil 
aujourd'hui en fait de poliftbnneric , fi vous en 
■ excepter Pirôn ; mais auffi , qu'eft-ce que ce Pîron} 
J'ai vu des Grenadiers dans leurs corps-de-gardc 



(I) Tous PoëtM plus ou moins libres Sc poliflonsduv 
certains endroits de leurs ouvrage^t 



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JW A t: H 1 E tr. rf5 

rougît , eïi entendant lire certaiiisr de fei Ou- 
vrages. 

l'auroîs mille chofe à rapporter là^deflus , Mef- 
• fieur^s , fi tfoîs raifons ne n>'oUigeoi€Bt à fiûir ; 
t\ Ce que )e viens, de dire n'étant qu'une fimpfe 
réfutatioîi de ce que mon Confrère Père Jean atôh 
avancé fur l'ignorance d'Ho/nerc touchant là*ôuî^ 
fine des Anciens , & une légère preuve que les 
Anciens étoient meilleurs Poètes que nous (i), 
mon difcours devkndrait , fi je m'étendois d^ 
vantage, une diflToiticttion férkufe. en. forant , cm 
plutôt upe plate & enn«y««fetapfodie , \me«oifl- 
pilation inâigol1;e y xfui veusfatigtieroit fans votik 
inftruire: car , foit dit en paflant ,.jc ne^fuisiA 
érodit ni favant, a®. Il eft indécetit à to»ç honnê- 
te homme de trop glofcrforle dentier article que 
je viens de toucher en parlant de^ amour» dç Tla^ 
/cw2,dn goût particulier de l'Archevêqipe de Là 
Cajk Se de leurs fe^mblables'; & ridicule à moi éê 
trop m' étendre fur lès amours plushonnêtcs. A^A^ 
nacréonSdQ Sapho , puifqu'il ysL plus de deux ^M 
<(iie. ji&neime fuis apç erau fi je vis ou fi je végète* 

- — ' . I - -■ ■ r - . ■^- . • -. ■ ^ -^ 

\ 
(i) Si j'eufle ofé interrompre Monfîeur VhiH^s y je lui 
aurois dit que cequ'ilavançoitétoitvrai en partie, mais* 
que les Anciens n'ont jamais approché de nos meilleurs? 
Poètes Dramatiques , em:»re moins du célèbre /tf'Fon- 
uUne 9 dont les Fables font autant au^de^us de ce qtae h%i 
Anciens ont fait de mieux en et genre 5 que la Htntiadè 
de Vakairt eft au-deflus de la PucelU de Chapelain. ÎP 
parokque Vitulos favoit cela auffi bien que, moi ; car ib 
puife \ts exemples qu'U cite ici dans quelles pièces , <A:^ 
ii y a plusde ientiment que d^fprit , & tai^fTe là crfles^ 
ou il faut i'urr & l'autre, l'ignore enfin pourquoi en éle- 
vant généralement teus 1èr Poètes aindens ja%]'au«u 
niïBi«.il4ie*spa»le'd'a»i6oiv Pt^âfie^-Latiiy», 

G4: ' 



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1^6 L E C O H B ERE 

Enfin il eft temps que je metaife , & il eft juftc 
qufe chacun ait fon tour a parler. 

Ma foi , dît Père Jean , voilà ce que tu as dît 
de plus raifonnable depuis une heure que tu brail- 
les & que tu nous étourdis. J'avois cru dans le 
commencement que ce n'aurait été que pour quel- 
ques çiinutes; mais lorfquc tu entreprends une fois 
de prouver quelque choie , tu ent^ffès faits fur 
faits, preuves fur preuves ,fottifes furfpttifes; 
tu parles Grec.^ Latiaj Italien y Allemand ^ Efpa- 
gnoly Hébreu j Chinois , Arabe ^ & tu ne fondes 
point que tu aflbmmès ceux qui t'écoutent. Çà , 
buvons à U fanté de nos hôtes^ qui nous ont fi 
bien régalé?. . 

Xorfque cette fanté fut bue , Tere Teanàh au 
Campirei Et toi , mon neveu , tu ne dis rien, tu 
es Ja comme un hébété ! régales-nous donc d'un 
plat de ta philofophie. L'un des conviés , qui éroit 
usHolIandôis, ayant entendu parler de philofo^ 
phîe ,. demanda au Compère s'il n'étoit rien autre 
que philofophe , & fî par hafard il n'était point 
auffi Cocceiea au Voetien ( i). — J^ne fais ni l'un 



( ï) Ces mots défignent les Seftateurs dé deux femcux 
Thélogiens Proteftants , dont l'un fe nommoit Coccèius 
& Tautrc Vœtius. Le premier fot profeflêur d'Hébreu ^ 
Brém^ ft patrie, puis à Francker^ & finit par enfeigner 
la Théologie à Ltyde où il mourut en X669. On a de lui 
de longs , longs , longs Commentaires fur la Stble , & 
d^ëuires Ouvrages , imprimés en lo vo^. in-foHo , qui 
ortt fiit jatitant de bruit «i Hollande , que s'ils en euOênt 
valu la peine. Sa manière fâiguliere d'interpréter PEcri- 
ture lui attira plnfieurs adveriàires 9 dont 1^ principaux 
furent Voedus^ 8ç les Voetiens^ 

.Ce Voetiits iunt de HufJen : U affifta au Synode de 
Dordrecht , & fut profeâeur eu Thédogie & e& tangues: 



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M A T H I E ir, ïy7 

ni l'autre, répondit le Compère: jt m'cmbarrafiTe 
fort peu de ces impertinentes opinions qui divî- 
ftnt les favants , & qui répandent leur ridicule juf- 
ques dans vos écoles. Je fuis un philofophe qui , 
par mes profondes réflexions fur la nature des 
chofes , me fuis élevé autant au*def]H)s des préju- 
gés des autres hommes, que le fokireft au-def- 
îus des étoiles par fa clarté, j'ai étendu mes re- 
gards fur tous les objets dont je fuis envirpnné 
{i); j'ai pénétré dans les replis les plus cachés 



Orientales i Utrtckt , où il étoit aiifli Miniflrc. On a dé 
lui un grand nombre d^ouvrages, dans lefquels il die des 
injures fi atroces à fes ennemis, & fait paroître une paflipn 
&unefureur fi extraordinaires,qu'on leprendroit pour un 
Energumene , fi Ton ne favoit que c'eft un Théologien 
qui difpute contre un autre. Cet efbrit brôUiUon & opi- 
niâtre ayant été feit Refteur de l'Uni verfité à^UtreAt^ 
2 m étoit Cartéfienné > y "fit àihwàTfi la Phiiofophic de 
^efcanes , & fît paroître tant d'emportement contre ce 
grand hoipme , que s'il eût eu autant de crédit en 
Hollande que tatvzn en avoit à Genève lorfqu'ij fit hrâ^ 
1er Seti'et en faifant la grimace d'intercéder pour lui^ 
il lui auroit fait fubîrle même fort, & pis encore ,4'il 
eût été poffible. 

' (i) Quoique je ne fois qu^un fct, il mefemble que 
Chiirron infihue dans îe I/v. //. Chap. Il, de la Sagejje ^ 
qu'il a entrevu \t% découvertes que le Compère Mathieu, 
a, faites en Phifofophie. Ce Charron étoit un Pyrthoniea 
iteffé: & du Pyrronifmè à la faine Philofophie, il n'y 
a qu'un pas ; & lorfqu'il n'y a qu'un pas d'une chofe à 
une autre, l'on n'a ordinairement point bçfoin de lu*^^ 
nettes pour voir de-l'unç à PautrQ. Ayant établi an 
dommencement du Chapitre fufdit qu'il ftiit refrevoir 
avec toute humilité Çc foumiffion les vérités que Ja Sagef- 
le Eternd'Ic a révélées, fe conformer aux ufages,, aux 



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^mim 



ifê L ç C o »r p E R B 

4c Vtfpfit Se du cœur de l'homme , & j'afi vu qiïe 
Ttu^îvers entier étoit plongé dans TiUiifioii i 
l'erreur , la malice & le mcnfonge. 



-cMtatnes » fe iburnettrc au» Loîx , &c. en- un mot 
s'accommoder extérieurement à tout ^pèrctquH en faut 
rendre compte à autfui , mais que les penfées , ophiions , 
jugemens font nôtres & libres; voici comme il pr^po- 
la les fondemens de fon iVA^>n^ dlnëiifFéren^e & dis 
Scepticifme. 

. Or le vn»» mo;^ d'obtenir & fe mai nt eni r en cent 
belle liberté du jugement , & oui fera encore upe au- 
^rr belle leçon & difpofition à la fagefle , c'eft d'avoir 
«n êfprit uîiiverfel , jcftant fa veiië & cônfideration fur 
tout Funiters , & non l'afFeoir en certain lieu ,* loi , 
coûftume, & manière de vie ( avec la modification fuf- 
diéle, tant au croire qu'au fiire ) être citoyen du mon- 
de , comme Socrate , & non d'une ville , embrafïant 
Car afièâion tout le genre humain. C'eft fottîfe & foi- 
Icfffe qne de penfer que l'on doit croire & vivre par- 
tout , comme en fon vilage , en fon pays , & que les 
accidens qwi.adviennent ici , touchent & font communs 
au refte du monde. Le fot , fi l'on recite y avoir autres 
créances, Côuftûmes, loix, toutes contraires i\cel les 
^nh\ voit tenir- âr ufitér; il les abomine & condamne 
promptement comme barbarie , ou bien il mefcroit tels 
récits , tant il a l'ame afTervie auxfiennes municipales, 
^ull effime être les feules vraies , nscturdles , univer- 
felles. Chacun appelle barbarie ce qui n'eft. pas de ion 
gmit & ufage ; & femble que nous n'avons autre tbu- 
éhe delà vérité & de la raifpn , que l'exemple & l'idée . 
des opinions & ufanccs du pays oii nous fommes.Or il 
Ifc j&ut affranchir de cefté brutalité, & fefàut préfen- 
ter comme en un tableau cette grandeimage dé notre mère 
jRfature, en fon entière majefté, remarquer là dedans 
un royaume , un empire , & peut-être ce monde ( car 
c'eft une grande & authentique opinion , qu'il y en a 
jitrfîears ^ cômiftô le tra;£V d*unc feinte très ûilfcâtè ySt 



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M A T H .1 X U. 1^9 

Vsti coûfulté THiftoire générale de toutes J«s 
Bâtions policées , & je n'y ai vu qu'un mélange bi- 
zarre de grandeur & de mifere , d'orgueil & de 



y lire une fî générale & confiante variété en toutes cho- 
ies^ tant d'humeurs , de jugemens » cr^ces , couftuines , 
loix tant de remuëmens d'états, changemeits de fortune, 
tant de viâoires & conquêtes enfevelies , tant de pom-* 

fes, cQjars, grandeurs évanouies : par là Ton apprend 
fe cognoifirè , n'admirer rien , ne trouver rien nouveau 
ny eftiange , s'af&rmer & réfoudre par tout. 

Pour acquérir &'bbtenir cet efprit univerftl , eabnf» 
libre, & ouvert [ car il eft rare & difficile , St tous 
n'en font capables non plus que de Sagefiè'] plcrfieuis 
choies y fervent : premièrement ce awi a efté dift an 
livr^ premier de la grande variété , àifftrence ^ & iné<» 
galité des hommes : Ce qui fe dira en cefbiycy , de la 

Srande diverfitéies loix & couftiunes qui font au mon* 
e ; Puis ce que difent les anciens de l'âge , eftats , tC 
changements du monde. Les prefires Egyptiens dirent 
à Hérodote , que depuis leur premier Roy ( dont y avoit 
plus d'onze mille ans , duauel & de tous les fuyvans luf 
firent voir les effigies en itatuës tirées au vif) le foJell 
avoit changé quatre foi s de route. Les Chaidéens du temp» 
de Diodore , comme il diâ , & Cioeron , tenoient re* 
giûfe de quatre cens mrlle tant d^ans ; Platon diSt que 
ceux de la ville de Sais avoient des mémoires par efcrit de 
huit mille ans ; & que la ville d'Athènes fbfi bafiiemiK» 
le ans avaik ladite ville de Sais. Ariftote, Pline ic au*» 
fres> ;on dit que Zoroaftre vivoît 6000 ans avant l'âge dt 
Platon. Aucun» on diâ que le monde efi de toute éteiH 
fiité, mortel & renmfiânt Jl plufieurs viciffitudes ; d'à»» 
très & les plus nobles Philofophes ont tenu le^moodepotir 
«m Dieu , fait par un autre Dieu plus grand ^ ou bien , 
comme Platon aHèure 8c autres, & y a très grande appa« 
rence en fes mouvemens, que c'eft un animal confpoféde 
corps Se d'fcfprît : lequel efprrt Idgeant en fbn centre s'é* 
faad pw noinbxes dt; mufique enft^clpcoi^eace , & féà 



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l^^i 



160 Le CoMPiïiK 

bafTeHe , de profpériré & d'infortune , de cbnra- 
gc ic de lâcheté; je n'y ai vu qu*un aflTetrbltg* 
monfirueux d'opïnions qui fe heurtent, d'intérêts 

pièces aufTi , le ciel , les eiloilles compofées de corps 8c 
d'ame, itiortetles kcaufe de leur composition , immor- 
telles par la détermination du créateur. Platon diâ , que 
le monde change de vifage en t©ut fens : que* le ciel , )c^ 
eftoiîles fe changent , & renverfent par fois leur moove- 
mont , tellement qqe le déviant vient derrière * TOrient 
ft fait Occident. Et feh>n l'opinion ancienne ^rt auth«*t- 
tique , & des plus iàmeux efprits, en raifon , il y a plu- 
fienrs mondes, d'autant qu'il n'y a rien un& feul en ce 
monde', toutes efpeces font multipltces en nombre , par 
où femble n'eftre pas vrav fembîable , que Dieu ayc 
ftiâ ce feul ouvrage fans Compagnon , & que «out toit 
èfpuifé en cet individu. Que l'onconfidére aufii ce que la 
defcouveae Àu'itionde nouveau , Indes ofientale?i.& oc- 
cidentales , nous à apprinsrcar nous voyons presniere- 
mefit que tous les aneieits^e .font mefcomptés , penfans 
avoir trottvé la mefure de la terre habitable & comprins 
toute la cofmographie , fauf quelques , ïsles efcanées ; 
mefcroyans les antipodes : car voiià un monde à peu près 
comme le noftre tout en teire ferme , habité , peuplé , 
policé , di flingue par royaumes & empires ; garny de vil- 
les, qui farpafiènt en beaïïtc, grandeur, opulence, toutes 
celles qui font en Afie , Affrique , Europe , il y a plu- 
fieurs Hïilliers d'années. Et qui doute qued'icy à quelque 
temps il ne s'en découvre encore d'autres ? Si Ptolo- 
méc & les ancieiis ft font trompés autrefois , pourquoy 
ne le peut tromper encore celui qui diroit que mainte- 
nant tout eft ^efcouvert ëc trouvé ? Je m'en voudrois bien 
fier en lui ! Secondement , nous trouvons qu'en ces nou- 
velles terres presque toutes les chofes que nous eftimons 
icy tant , & îes tenons nout avoir efté premièrement re* 
vdées & envoyée» du çieî efloient en créance 6c obfer- 
vànce commune plufieurs mille ans auparavantqu'en en- 
flions ouy les premières nouvelles, Ibijt.^!^ ïàiâ de i-eli- 
giouj , comme la créance d'un feul pjremier^ hoimaev per 



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M A T H I « V. Î^I 

qtîi'fecroîfent, de préjugés , de haine, de trahi- ^ 
Ion-, de vexations, de tyrannies; de cruautés^ de ^ 
guerres, de itieurtres , en un mot, de tous les maux * 
iftCoti puifle Imaginer. 



re de tous , du dijîuge univôrfel , d un D!cu qui vefqgit 
autrefois en homme vierge iSc fainâ, du jour du jugeî 
ment , dit purgatoire , refurreclion àts morts , obferva^ 
tlon des jeufnes , carefmes , célibat ^s preftres , orne-^ 
mens d'Eglife , furpJis , mitre , eau ^>enifte , adoration 
de la croix , circoncifipn poreiMè à la JuiiFve & Mahomer 
taiie & contnecirconfion ; par laquelle ils tiennent foi- 
gneuftment &reHgieufement couvert le bqut de 'eur mem- 
bre?,' eftirpantfa peau avec des cordons , affîn qu'il ne voye 
& ne fente rair.Aufàiâ de îa'police,comme qne les aifr.çs 
fuccédentà tout le bien; que le pourvenu à un beau & grand 
[ grade prend uniiouveau nom , & quitte ^e lien; fubfides 
tyramiiques , armoiries , faots de batte^eûrs , muf;q«e 
d'inftnimens , Imprimcriç. Par tous ces difcours , nous 
tirons ai fément ces condpfi^ns : que ce grand corps ,, 

Sue nous appelions le monde , n^èft pas ce que nous pen- 
)ns& jugeons; que ny enfon tout, ny en fes parties, il 
n'eft pas toujours mefme , ains en perpétuel flux & 
reflux/Qu'il n*y ariendift, ténu, creu , en un temps 
& lieu, qui ne foi t. parei rement dift , tenu, creu, & 
aofU contrediél ^ réprouvé , condamne ailleurs ; eftart 
Tefprit humain capable de toutes chofes,- roui lant tou- 
jours ainfi le monde , tancoft le mefme , tantoft divers ; 
que^tôptes chofes font enfermées & comprinfes dedans 
ce cours & révolution de nature , fubjeft à la naiiTance, 
changement , fin , à la mutation des temps , lieux , cli - 
mats ^ ciels, airs , terroirs. Et de ces conclufions nous ap- 
prendrons à n'efpoufer rien , ne jurer \ rien , n'admirer 
rien , ne fe troubler de rien ;.mais auoy qu'il advienne , 
que l'on crie , tempefte, fe réfoudre a ce poinél , que c'eft 
le cours du monde, c'eft nature qui fàiâ des fennnes; 
mais pourvoir par prudence qu'aucune chofe ne nous 
bleflTe par notre fbibleiiè &la£cheté. 



dbyGoo,qIe 



li% L 1^ Ç O M P 1 & S 

VïLi&om politique me montre lufau-à quel 
point de faiifTcté , de fouplefl'e , d'irapoUure , de 
méchanceté, d'ambition , un homme feul, ou plu- 
fieurs hommes réunis peuvent parvejiir.pqur cexoy 
mander aux autres ,& à quel point d'ignorance, 
d'impuiflance ou de lâcheté i ces autres peuvent 
être réduits pour fc laiffer mettre fous le joug. In- 
.dépendamment de tous les maux qu'une telle au- 
torité , une telle fujcttion entraînent dans Tinté- 
rieur d'une fociété quelconque , cette hiftoire me 
montre encore ceux qui décoalent des dîlTentions^ 
desquereHes, des guerres entr'elles, Se d'autres 
fociétés fcmblables , pour des intérêts , des préten- 
tions de propriété , de pofleflion , de commerce , 
ou par des motifs de point d'honneur, de jalou* 
fie , de caprice & d'ambition. 

L'hiftoire de la Jurifprudence me démpntre Ti- 
nutilité, le*ridicule, lenuifîbledu droit de pro- 
priété. Depuis rétabliffement de ce droit, îes hom- 
mes n^ont encore pu déterminer la façon derTen- 
tendre, ni là manière de l'appliquer. Chaqtie na- 
tion a eu ks loix particulières lànJeHus , chaque 
Îays fes coutumes, chaque Légifiateur, chaque 
urifconfulte fes opinions différentes. D'où font 
réfultés hs fraudes . les injuftices ^ les haines , ks 
animofités , les déaalesde la chicane, la fortune 
des uns fur la ruine des autres , en un mot ^ une 
grande partie des maux que l'on connoit , daiis le 
détail defquels il eft inutile d'entrer. 

L'hîftoirede laphilofophîc, j'entends ici Iffphf- 
lolophie ordinare, & non la mienne; l'hifloiie, 
dis-je, de la philofophie m'apprend que re4>rit 
humain infatué de fes préjuges , afl'ujetti à fe con- 
former au^ opinions des autres , où menacé des 
fureurs de la perfeçution , n'eft capc^ble que d'if»- 
venter des abfurd.ités^jk do^chimeies^. 



dbyGoo,qIe 



, M it T H I K y. xii 

L'hlftoirc de la médecine me feit voir à combien 
d'accidents , d'infirmités , de maladies Thoramt 
çivîlifé eft {u jet , en comparaîfon de Thomme faw-r 
vàge , & à combien de plus grands maux il s'ex- 
pofc encore , lorfqu'il fe met entre les mains de 
cette engeance d'ignorants que l'on appelle Mé- 
decins , qui depuis trois mille ans de difpute fiir 
les caufes des maladies & la nature de leurs rerne- 
dts y ne ibnt point encore d'atcord fur la manière 
de traiter une fimple fièvre. 

Enfin l'hiftoire de la religion m'ouvre en et^ier 
le cœur & l'efprit humain ; & je découvre d'un 
coup d'ceii à quel point d'erreur , de contradic- 
tion , d'ignorance & de barbarie même l'homme 
peut.;itteindre , lorfqu'en fortant de fon état natu- 
rel , il prétend pouvoir étendre fa curiôfité témé- 
raire fur l'Auteur de la Nature ( i ). Les uns après 



(i) Un fameux' Ecrivain du cinquième fieclè , ooî 
n'aVoîc en vue que h diffêrence des opinions ces 
Philoibphes Payens fur la nature de la Divinité en 
•parle ainfi : 

Nec koc^fi admiratione di^wn , cumfetêmuiinHrifios 
'. Thilofophos çimntafit de if fa Deorum Natum dijfenjto , 
quaniifqut diffutationum argumentes vim totam Diviniia^ 
fis cotientur evertere. Cum aliis Deae non effi dicant ; aln ^ 
effe quidem , fed nihil procurare àefiîùant ; alii » & tffk , 
& rerum nofirarumcuram proeurMonemque fufiipere^ •• •• 
& tanuefint ki omnes in varietatt & diffenùowe s ut Ion-- 
gum & alienum fit fingalorum enumerare fentendas. Nom 
alii figuras his pro ar^itriofuo trihuunt^ & loca affigaant , 
fedcs i tiam conflituuni , &'multa dé a^ottibus eorum vitd- 
-que defcribuntt &omttiaquafada& confiitùta fimt^ipforum 
arbitrio régi guhernarique pronunciant. Alii , nikil mo- 
Mre , nihil curare 9 & ab omni odrrdniftrMonis cura v4K 
€uos ejfe dixerunt : affefuntque ^omaes verifaniU quiddmn 



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r(?4 ^' CoMPîsiLx 

cci recherches vaines , impuiflantes , ont dît qu'il 
ti'y avoit point de Bien : d'autres ont dit qu il y 
en avoit un , & ceux-ci dévoient s'en tenir là ; 
d'autres on foutenu qu'il y eu avoit deux ; un bon 
& un mauvais : d'autres ont prétendu qu'il y en 
avoit quatre , fix , dix , quinze , vingt , plus ou 
moins , maïs de diverfes cfpeces ^ de différens 
grades.' Tous eilflé'^ de leur découverte , ont pré- 
tendu définir la nature de la Divinité. Les uns ont 
fait de Dieu un être indolent , ne fé mêlant de 
rien ; d'autres l'ont fair foihle & ridicule; d'au- 
tres avide & jaloux ; d'autres inconftant & capri- 
cieux ; d'autres vain & cruel ; 8c tous enfin lui 
ont rendu un culte analogue à la nature & aux 
qualités qu'ils lui attribuoient. 

. _- _ .-- '.^ .^ ' ^- - ^ 

^uoJ auditorum animas dd facilitattm creduHiAtis. inifîut. 
TùLius FiRMicus Maternus , Aftronurn* Lib. I. in 
Trarfat. 

71 Ce que je viens de dire n'eft point étonnant, purP- 

Sue nous connoiifons leurs .divifions fur la nature de$ 
>ieux,& Tes arguments par lefquels ils fem^lent s'effor- 
cer d'anéantir la puiflance de la" Divinité. Les uns di- 
fent qu'il n*y a point de Dieux ; d'autres qu'il y en a , 
mais qu'ils ne fe mêlent de rien;& d'autreis qu'ils fé mêlent 
de tout ce qui nous regarde..... d'autres leur forgent d^ 
.figures déterminées , leur aflignent une demeure fixe , 
font une hiftoire de leur vie , de leurs iaclions , & 
ajoutent que tout ce qui exifte fe reg!e, fe gouverne fous 
leur bon plaifir... tous cnfiîfi Ibutîennent leur opinion p^rr 
des raUbnnemens, qui ayant l'apparence de qoe'que vé^ 
rite , font d'autant plus propres à faire imp-eifion fur 
ceux qui les écoutent ». 

Si l'on eût demandé à ce Firmku» Materna^ quel 
é toifon fentiment fur la nature de Dieu , je crois c;u'îi 
n'en auroit pu donner une meilleure déiinition que 
cieax qv'il entreprend ici decondaomen 



dbyGoo,qIe 



, M A T M I ^ U. I^J 

Mais outre cous ces gens-là , ceux qui ont ad- 
mis qu'ils étoient les feuls qui eufTent la véritable 
connoiilance.de la Divinité» que le culte qu'ilsi 
lui rcndoient létoit le feul culte qui fût agréable, 
que hors de leur croyance & de la pratique de ce 
culte, l'on étoit en abomination aux yeux de Dieu; 
ceux*ià y dis-je , font deven-u^ fanatiques , intolé- 




CHréticnsdepui 
tianifme jufqu'à ce jour ( i ) , font unç preuve de 
ce que j'avance. 

' En conféquece de toutes ces confidérations , 
j'ai dit en moi-même que puifquç les mœurs , le» 
coutumes , les ufages^ les loix ,les religions dif- 
férentes auxquelles la plus grande partie du genre 
humain eft foumife , caufènt de tels défordres te 
de fi grands maux-, ces choTes ne font point dans 
î'ordre naturel , & j'ai conclu que, pour qae 
l'homme foitauffi heureux qu'il eft fulceptible de 
VèiTQ , il ne devoit être foumis à rien dé tout ce- 
la, ne devoit fuivre que rinftinû de la nature, 
& pouvoir fronder ouvertement tôqt cequll j 
trouvoit de contraire* 

Voilà le fpmmaire des faits & des raifons , con- 
tinua le Compère , fur lefquels j'ai fondé maphilo* 



( I ) Interfirùtmos vêtus atque andfuafimuluu , 
ImmoruU odium, & numquam fanàbile vulttui, 
Ardet adhuc Ombos , & TentyrA , fumms utrinquc 
Indefuror vuîgo eft^ quod Numina vicinoaun 
Odit uUtque locus , & nullos credat kabendos 
Mjfe Deos , quam quos ipfe cbUè. Juy£K. Satyr« 
XV. 



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166 lit CoartEHK Mathijîu* 

fophie. Si Monfieur a quelque envie de devenir 
phîlofophc auffi , je me ferai un plaifir d'entrer 
avec lui dgns de plus grands détails ; il peutpour 
tet effet choifîr tel jour qu'il lui plaira. — ^ xrès-. 
obligé^ dit le Hollandois; j'aime encore mieux 
être CoccéUn, ^ . , • 

Père Jean qui s'étoit enivré pendant que Vitu-^ 
îos & le Compère difcouroient , dit au Hollan- 
dois: Corbiéur, l'ami tu as tortde ne point vou- 
loir tâtcr de la philolophie : c'eft un ruîfTeau d'eau 
claire & limpide , où tu débafbouillerois ton gros 
bon iens : ç'cft le fanftuaire de la raifon , le tom- 
beau des opinions humaines , le fléau des préjit- 
f;«s du vulgaire , réponge de la confcience , & 
e rocher înébraiilable congre lequel Its flots de 
la honte , de la crainte & des remords ne produi- 
ront jamais que de TécumeJ — Monfieur, dît le 
Hollandois , je vous ai dit que j'aimois mieux être 
Cocciien. — ^En dilant ces mots il fe leva & partit. 
Comme il étoit fort tard , nous remerciâmes 
nos hôtes des politeffes qu'ils nous avaient faites ^ 
'& nous retournâmes à notre auberge. 

Tin du Tome premier* 



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T A B LJ£ 

"^^D Ë y (^H^A PITRE S 

côAp.t r ^ ' . 

X NT ROJD&CTJ ONf. G/néalog΀. 
. Jrméf d ^a Fhêche ^ * c^ gx^i s^faffa , pag.iE 

^(^iap. IL i><?wf /^ la î^lêche. AftfW/V <&< Cpm- 
\ jpfere TVfathieu. Son arrivée à Domfiroiit j, , J 

Çhajj* IIl.|î4p4irr ife IXpmfi'Oiit. Rencmtr^ i^^n. 



Chap. IV. Arrhét du Compère Mathieu à Paris 

Chap. V. ContinuatÎQn de notre pjour à Paris. 
Vifion dtH'xtgo. 33 

Chap. VI Le Compcrc Mathieu fe répand dans 
le Monde, Terfécution qu*il ejfuie* Autre fer fé'^ 
cuthn. Défefpoir de Diego. Son triomphe j '4$ 

Chap. VII. Le CompcrCv -Mathieu raconter ce 
qui lui tfi arrivé depuis fon enlèvement* Il 
rencontre fon Condifciple Whifton. Entretien 
qu'ils ont enfembU , 60 

Chap. VIII. Le Compère réfoat dé guittér 
Paris & de partir pour la Hollande. Aventure 
qui lui arrive au moment de fon départ. Son ar^ 
rivée g, Senlis, 70 



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._l^iji_. .^ -j^JipW! 



Qhap IX^ Arrivée du Comprît Mathieu / Sexiîis. 
RjtnCQiùu d'un hornim eàtraordinmrjt. l&iAoircde 
cet homme. \ 80 

Chap, X/ Continuation de l^ifimrt ^de ^P«re 

""Jean, ., . • .• ■ ^0 ,/.. ..*9o 

Chap. XL €t>ntléaàûon dk Pltijtiire de !Perc 
Jean. Réflexiams du Compère fur cmtJiifi<>i^ 

*^re^ Evénement terrible' y ^ . \ * ' '9* 

-Cbâp. XIL Voire arrivée- à Mohs j 'cajntdle é& 
Hainaut Autrichien r .accident fâcheux qui 
noâs arriie dans tetxe' ViWt , & Jes[ fiiifes 

€Îhap^ XllK Rencontre d'un ^^anâizA drhi ^& Pctc 
Jean. Repas chei deux Négociants Fraufois ,138 

Fin de la Table du Fremiet Volume;' 



• ♦ 



J^^ittM^ 



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