LE CONNÉTABLE
DE RIGHEMONT
^
Coi
.lommiers. - Imp. P- BRODARD et GALLOIS.
.Hl-.B Ji^i^^^ U-L .Juk^ or^^iiim^Y
^l^^"^ LE CONNÉTABLE ' ' ''
DE RICHEMONT
(ARTUR DE RRETAGNE)
(1393-1458)
PAR
E.^ COSNEAU
///
PROFESSEUR AGRÉGÉ d'hISTOIRE AU LYCÉE HENRI IV
DOCTEUR ES LETTRES
563535
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET G'°
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1886
Droiti de proprtéU et de trailuclion réMrT^a
A MONSIEUR
J. J. BAILLEUL
DOTEN DE l'ordre DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS
Ce livre est dédié,
comme un faible témoignage de profonde reconnaissance
et de respectueuse affection.
E. GOSNEAU.
\H\
PRÉFACE
En moins, d'un siècle (1370-1458), pendant une des pé-
riodes les plus critiques de notre histoire, la Bretagne a
donné trois connétables à la France, du Guesclin, sous
Charles Y, Olivier de Glisson, sous Charles VI, Artur de
Bretagne, comte deRichemont, sous Charles VII. Le moins
connu des trois est le connétable de Richement. Il n'a pas
laissé un nom populaire, comme plusieurs de ses compa-
gnons d'armes, Dunois, La Hire', Saintrailles, et pourtant il fut
un des personnages les plus considérables de son époque.
Issu d'une famille souveraine et alliée aux maisons
royales de France, d'iVngleterre, d'Ecosse, de Navarre * ;
élevé par Philippe le Hardi et par le duc de Berry, frères de
Charles V; jeté, dès l'adolescence, au milieu des guerres
civiles qui suivirent l'assassinat de Louis d'Orléans ; fami-
lier du dauphin Louis, duc de Guyenne, dont il épousa plus
tard la veuve, Marguerite de Bourgogne ; beau-frère du
régent Bedford et de Philippe le Bon ; neveu d'Amédée VIII,
duc de Savoie; connétable de Charles VII pendant trente-
trois ans, et enfin duc de Bretagne, Richement semblait
destiné à fixer l'attention de ses contemporains et celle de
la postérité. Ses principales actions sont rapportées par les
chroniqueurs; sa vie a même été racontée par son écuyer,
Guillaume Gruel, qui vécut longtemps auprès de lui et qui
1. Voir le tableau généalogique des ducs de Bretagne de la maison de
Dreux et les autres tableaux (ci-dessous, p. 639 et suiv.).
VHI PRÉFACE
le suivit dans ses campagnes; mais ces informations sont
incomplètes sur bien des points. Gruel déclare lui-même
qu'il « a mis en escript /)ar^ee des faits du bon duc Artur' ».
Richement a joué un rôle assez important pour qu'on
désire le bien connaître; or ni les chroniques, ni les his-
toires générales de la France, ni même les histoires parti-
culières de la Bretagne, ni celles du règne de Charles YII
ne peuvent satisfaire pleinement cette curiosité. La diver-
sité des jugements qu'on trouve dans les chroniqueurs et
dans les historiens est une autre cause d'embarras. Pour les
uns, le connétable de Richement est un grand homme,
sinon le plus grand homme de son siècle; pour d'autres,
il n'est qu'un ambitieux sans scrupules, un général inca-
pable, un ministre hautain, impérieux, dur, qui voulait impo-
ser au roi ses services despotiques, sans justifier ses pré-
tentions par de véritables talents ^
Raconter sa vie d'une manière plus complète et plus
exacte, à l'aide de documents nouveaux; faire ressortir
davantage son rôle ; montrer la part qu'il eut dans la déli-
vrance et la régénératioQ de notre pays; exprimer un juge-
ment aussi éloigné d'une admiration irréfléchie que d'une
malveillance passionnée : tel est le but de ce travail.
L'auteur n'a pas la satisfaction d'avoir trouvé tous les
renseignements dont il avait besoin ', ni la prétention d'avoir
dit le dernier mot sur un sujet aussi important. Il s'esti-
mera heureux si, par ses efforts, il a fourni un utile contin-
gent à l'histoire d'un prince trop peu connu et d'un règne
qu'on ne pourra jamais trop connaître.
1. Gruel, p. 229. — Voy. Appendice I,
2. Voy. Appendice II.
3. Il tient à réitérer ici l'expression de sa vive gratitude à ceux qui ont
bien voulu l'aider dans ses recherches, à MM. A. Pauly, Déprez, U. Ro-
bert, de la Bibliothèque nationale; à M. P. Guérin, des Archives natio-
nales; à M. de Ribier, archiviste au ministère des Affaires étrangères; à
M. le D'' Giraudet, de Tours ; à MM. Maître, Quesnet, Vaesen, Flourac,
archivistes de la Loire-Inférieure, de l'Ille-et- Vilaine, de la ville de Lyon,
des Basses-Pyrénées; à M, A. Dupuy, professeur à la Faculté de Rennes;
à M. J. Flammermont. Il accueillera encore avec la même gratitude les
observations et les renseignements qu'on voudra bien lui adresser.
PRINCIPALES SOURCES
I. — MANUSCRITS.
1>> A la Bibliothèque nationale.
Fr. 5037 (c.-à-d. manuscrit français 5037), fos 43 et suivants. -^Chro-
nique d'Artur III, duc de Bretagne, par Guillaume Gruel; manuscrit du
XV* s. (Voy. ci-dessous, p. 291, note 2, et p. 471).
Fr. 8818 et 8819. — Comptes de Robin Denisot, receveur du conné-
table de Richemont à Fontenay-le-Comte (1428-1435).
Fr. 23018 (ancien Ms. Cordeliers 16). — Chronique finissant à l'an-
née 1431. La partie relative au règne de Charles VI a été publiée par
M. Douët d'Arcq, dans le t. VI de son édition de Monstrelet.
Fr. 1371, — Chronique Antonine.
Duchesne 48 (c.-à-d. t. 48 de la collection Duchesne). Ce manus-
crit contient une copie de la Chronique d'Alençon « escripte par Per-
CEVÀL DE Caigny, cscuier d'escuierie du duc d'Alençon (fo^ 63-110). Elle
finit au 10 décembre 1438. La partie relative à Jeanne d'Arc a été
publiée par J. Quicherat, dans la Bibliothèque de TÉcole des Chartes,
2e série, t. II, p. 171 et suiv.
Fr. 26038-26085. — Volumes de documents classés par ordre chrono-
logique, faisant partie de la riche collection des Quittances et pièces
diverses.
Fr. 25709-25712 — Recueil de Chartes royales classées dans l'ordre
chronologique.
Fr. 25776-25778. — Recueil de Montres de gens d'armes classées
dans l'ordre chronologique.
Collection Clairambault. — Titres scellés, documents originaux
classés dans l'ordre alphabétique.
Pièces originales. — Collection très volumineuse de documents
classés par ordre alphabétique.
Collection Bréqdigny-Moreau. — Copies de documents relatifs à
l'Angleterre et à la France (surtout les t. 80-83, désignés ainsi : Bré-
quigny 80-83, ou, mieux, Moreau 704-707).
Portefeuilles Fontanieu. — Copies et indications de documents,
X PRINCIPALES SOURCES
classées dans l'ordre chronologique, avec quelques originaux; t. 105-
106 et suiv. jusqu'au t. 121-122.
Collection de Bourgogne. — Copies de documents relatifs à la Bour-
gogne; surtout les t. 96-103.
Collection de Picardie^ ou titres de D. Grenier; surtout les t. 20,
20 bis, 96, 100. Copies de documents relatifs à la Picardie.
Collection de Lorraine; t. 292-295, etc.; comprenant beaucoup de
documents originaux.
Collection Dupuy. — Copies de documents, avec quelques titres
originaux.
Collection de Brienne. — Copies de documents, avec quelques titres
originaux.
Collection Doat. — Copies de documents, relatifs surtout aux pays
du S.-O. de la France.
Trésor généalogique de D. Villevielle. — Indications et analyses
de documents, classées dans l'ordre chronologique.
Fr. 4054 (ancien Ms. Baluze 9037). — Recueil précieux de docu-
ments originaux, relatifs à l'Angleterre et à la France, publiés, en
grande partie, par J. Stevenson dans les Letters and papers illustra-
tive, ou par M. de Beaucourt dans son édition de M. d'Escouchy, t. III.
Fr. 5909. — Formulaire du temps de Charles YII, avec copies de
documents importants de cette époque.
Fr. 5022, 2701. — Discours de J. Jouvenel des Ursins.
Fr. 11542. — Copies de comptes relatifs à la Bretagne.
Fr. 20684. — Copies de comptes.
Fr. 4484. — Comptes d'Andry d'Espernon, trésorier des guerres.
Fr. 4485, 4491, 4488. — Comptes de P. Sureau, receveur général en
Normandie, pour les années 1424, 1425, 1428.
Lat. 6024 (c.-à-d. manuscrit latin 6024), comprenant aussi des docu-
ments français d'une grande valeur.
2° Aux Archives nationales.
K 54-K 72. — Cartons des rois. Ces cartons contiennent beaucoup
de documents originaux, classés par ordre chronologique, sur les
règnes de Charles VI et de Charles VII. — L'inventaire de cette col-
lection a été publié par M. Tardif, sous ce titre : Monuments histori-
ques. Cartons des Rois. Paris. Claye, 1866, in-4o.
JJ 156-JJ 187. — Registres du trésor des Chartes, contenant des
copies de chartes royales de la même époque, classées dans l'ordre
chronologique.
J 166-J 647. — Autres documents divers, relatifs aux grandes famil-
les et aux provinces de France, aux États étrangers, dans les cartons
J 166, J 171, J 183-J 188,'J 241, J 245, J 274, J 293, J 355, J 359, J 368-J 371,
J 378, J 382, J 396, J 409, J 475, J 647, etc.
X'* 1478-Xi" 1483. — Registres civils du Parlement de Paris (Conseil)
pendant les années 1400-1458 (avec une lacune de 1443" à 1452). Ils
relatent les délibéi-ations du Conseil, les noms des membres du par-
lement et même les principaux événements contemporains.
MANUSCRITS XI
Xi* 4789-Xia 4800. — Registres civils du Parlement de Paris. Ma-
tinées (Plaidoiries).
X»* 9190-X" 9201. — Registres du Parlement de Poitiers.
X** 20-X'' 27. — Registres criminels du Parlement de Paris.
X'» 8602-X*a 8603. — Ordonnances royales, indiquées quelquefois
sous le titre de Ordinationes Barbinse (Oi'donnances IJarbines), notam-
ment le volume X'* 8605.
KK 47, 50-36, 243-244, 250-269, 402-404, 553, etc.
Comptes de la maison royale et d'autres maisons princières de
France (maisons d'Orléans, d'Anjou, de Berry, domaine de la ville de
Paris, etc.).
Z'' 3-Z'a 18. — Registres de la Cour des aides.
yi-Y'. — Livres de couleur du Châtelet, appelés, chacun séparé-
ment. Livre rouge, Livre vert, Livre jaune, etc. Ils comprennent des
ordonnances relatives à la ville de Paris, aux corporations et à leurs
bannières, aux métiers, à la voirie, et aussi d'autres documents
comme des traités de paix, etc.
Y 3220-Y 3232. — Registres civils de la Prévôté de Paris.
P 2529-P 2332. — Mémoriaux de la Cour des comptes. Copies mo-
dernes.
PP 118. — Table des mémoriaux de la Cour des comptes.
LL216-LL218,414. — Registres capitulaires de Notre-Dame de Paris.
3" A la Bibliothèque de l'Institut.
La collection Godefroy. L'inventaire de cette collection a été publié
par M. L. Lalanne.
4° A la Bibliothèque de l'Arsenal.
Le Ms. 3059 (Histoire), c.-à-d. le Jouvencel de J. de Bueil, avec le
commentaire de G. Tringant.
5» Au Ministère des Affaires étrangères.
Les t. I, VII, XII, XX, XXI (F'rance), etc., contenant des copies de
documents relatifs à la France, à la Bourgogne, à la Bretagne, etc.
6" Archives départementales de la Loire-Inférieure.
Ce dépôt est très riche en documents originaux. Les documents
employés dans ce volume sont indiqués en note au bas des pages.
7° Archives municipales de Lyon.
Elles contiennent notamment des lettres du connétable de Riche-
mont et de Charles VII, qui sont indiquées dans les notes ou données
en appendices.
8° Archives des Basses-Pyrénées.
9" Archives de l'Ille-et- Vilaine.
XII PRINCIPALES SOURCES
II. — IMPRIMES.
G. Gruel. — Histoire d'Artur III ^ duc de Bretagne, comte de Riche-
mont, dans la collection Michaud et Poujoulat, t. III. Paris, 1837,
in-40.
La chronique de G. Gruel se trouve aussi dans Vllistoire de Char-
les VII de D. Godefroy, dans le Panthéon littéraire et dans la Collec-
tion Petitot, t. VIII.
Religieux de Saint-Denis. — Chronique du Règne de Charles VI.
Edit. L. Bellaguet (dans la collection des documents inédits sur l'His-
toire de France).
JuvÉNAL DES Uhsins (ou Jouveuel des Ursins), dans YHistoire de
Charles VI, par D. Godefroy; Paris, 1653, in-f .
P. Fenin. — Mémoires. Edit, de Mlle Dupont (Société de l'Histoire
de France).
Le Bourgeois de Pauis. — Journal. Edit. A. Tuetey. Paris; Cham-
pion, 1881, in-4o.
Berry. — Histoire chronologique de Charles VII, dans l'Histoire de
Charles VII, par D. Godefroy. Paris, 1661, in-fo.
J. Le Fèvre de Saint-Remy. — Chronique. Edit, F. Morand (Société
de l'Histoire de France).
Enguerrand de Monstrelet. — Chronique. Edit. Douët d'Arcq(M).
Mathieu d'Escouchy. — Chronique. Edit. du Fresne de Beaucourt [Id.).
Jean Chartier. — Chronique de Charles VIL Edit. Vallet de Viriville.
Paris, Janet, 1858, in-16.
CousixoT. — Geste des nobles. Chronique de la Pucelle. Chronique nor-
mande de P. Cochon. Edit. Vallet de Viriville. Paris, A. Delahaye,
1859, in-18.
T. Basin. — Histoire de Charles Vil et de Louis XI. Edit. J. Quicherat
(Société de l'Histoire de France).
J. de Wayrin. — Anchiennes Cronicques d'Engleterre. Edition de
Mlle Dupont (Société de l'Histoire de France).
J. Quicherat. — Procès de Jeanne d'Arc (Société de l'Histoire de
France).
A. Hellot. — Les Cronicques de Normandie. Rouen, 1881, in-S».
SiMÉON Luge. — Chronique du Mont-Saint-Michel, t. I (Société des
anciens textes français).
Chronique Martinienne. Edit. gothique d'Anthoine Vérard.
Ch. Robillard de Beaurepaire. — Chronique normande de P. Cochon.
Rouen, 1870, grand in-80.
J. Maupoint. — Journal, publié par M. Fagniez dans le t. IV de la
Société de l'Histoire de Paris.
M.artial d'Auvergne. — Les Vigiles de Charles VIL Edit. Coustelier.
Paris, 1724, 2 vol. in-12.
Olivier de la Marche. — Mémoires. Edit. du Panthéon littéraire.
J. DU Clercq. — Mémoires {Id.).
G. Ghastellain. — Œuvres. Edit. Kervyn de Lettenhove. Bruxelles,
1863, 8 vol. in-8". Chronique de J. deLalain dans le Panthéon littéraire.
IMPRIMES XIH
Kervyn de Lettenhove. — Chroniques Belges (voy. les t. II, III).
De Smet. — Chroniques de Flandre (voy. le t. III).
Nicole Gilles. — Les Cronicques et annalles de France. Edit. gothique
de 1520.
Meyer. — Commentarii, sive annales rerum FlandHcarum. Antverpiae,
la61.
Th. Rymer. — Fœdera et Conventiones, etc. Hagœ Coraitis, 1739-1735
(voy. les t. in, IV, V; le t. X est un abrégé des neuf précédents).
Gallia Christiana.
Ordonnances des rois de France.
A. Champollion-Figeac. — Lettres de rois et reines, efc. ' (Collection
des documents inédits sur l'Hist. de France).
J. Delpit. — Collection générale des documents français qui se trou-
vent en Angleterre. Paris, 1847, in-4''.
Vandenbrœck. — Extraits analytiques des anciens registres des Con-
saux de Tournay. Tournay, 1861-1863, in-8».
M. Canat. — Documents inédits pour servir à VHîstoire de Bourgogne.
Chalon-sur-Saône, 1863, in-B».
Gachard. — Rapport sur les archives de Dijon. Bruxelles, 1843, in-8".
Catalogue des archives de Joursanvault. Paris, Techener, 1838, in-8°.
L. Redet. — Catalogue des chartes de D. Fonteneau. Paris, 1839, in-8«>.
(Se trouve aussi dans le t. IV des mémoires de la Société des Anti-
quaires de l'Ouest).
V. Varin. — Archives de Reims (Collection des documents inédits sur
l'Hist. de France).
Lepage. — Documents sur l'histoire de Lorraine. Nancy, 18S3, in-S".
Alain Bouchard. — Les Cronicques annales d'Angleterre et de Bre-
taigne. Edit. goth. de 1341, in-f".
P. Le Baud. — Histoire de Bretagne. Edit. d'Hozier. Paris, 1638, in-f^.
B. d'Argentré. — Histoire de Bretagne. Editions de 1618 et de 1668.
D. G. A. Lobineau. — Histoire de Bretagne. Paris, 1707, 2 vol. in-fo,
D. P. H. MoRicE. — Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne. Paris,
1730-1736, 5 vol. in-f", dont trois de Preuves (le t. II est de D. Tail-
landier).
D. Plancher. — Histoire générale et particulière de Bourgogne. Dijon,
1739-1781 ; 4 vol. in-I» (le 4« volume est de D. Salazard).
D. Calmet. — Histoire de Lorraine. Nancy, 1747-1733 (voy. le t. V).
D. Félibien ET D. Lobineau. — Histoire de Paris. Paris, 1723, in-f».
H. Sauval. — Histoire et recherches des Antiquités de la ville de
Paris. Paris, 1724, in-f°.
D. Vaissete. — Histoire générale de Languedoc. Paris, 1730-1743
(voy. les t. IV, V).
La Thaumassière. — Histoire de Berry. Bourges, 1689, in-f".
Du Boulai (C. Egassius Bulœus). Historia JJniversitatis Parisiensis.
Paris, 1663-1673, in-f» (voy. le t. V).
G. A. DE La Roque. — Histoire généalogique de la maison de Har-
court. Paris, 1662, in-f.
S. Guichenon. — Histoire généalogique de la royale maison de Savoye.
Lyon, 1660, in-f».
XIV PRINCIPALES SOURCES
S. GuicHENON. — Histoire de Bresse et de Bugey. Lyon, 1650, in-f».
Le p. Daniel. — Histoire de France. Paris, 1753, 111-4° (voy. le
t. VII).
Le p. Daniel. — Histoire de la milice française. Paris, 1721 , 2 vol. in^".
Le p. Anselme et Dufourny. — Histoire généalogique et chronologi-
que de la maison royale de France. Paris, 1726-1733, 9 vol. in-f".
D. Martène. — Veterum scriplorum, etc., amplissima collectio. Paris,
1733, in-fo.
L'Art de vérifier les dates, par un religieux bénédictin de la Congré-
gation de Saint-Maur. Paris, 1783-1787, 3» édition, 3 vol. in-f''.
SiMÉON LucE. — Histoire de Bertrand du Guesclin, t. I. Paris, Ha-
chette, 1876, in-8'>.
Valletde Viriville. — Histoire de Charles VII. Renouard, 1863-1865.
3 vol. in-8».
G. DU Fresne de Beaucourt. — Histoire de Charles VII. Paris, Li-
brairie de la Société bibliographique, t. I et II, in-8o, 1881, 1882.
H. Wallon. — Jeanne d'Arc. Paris, Hachette, 1873, 2 vol. in-18.
J. Quicherat. — Rodrigue de Villandrando. Paris, Hachette, 1879,
in-8''.
L. Delisle. — Histoire du château et des sires de Saint-SoMveur-le-
Vicomte. Paris, A. Durand, 1867, ia-8°.
A. Tuetey. — Les Ecorcheurs sous Charles Vil. Montbéliard, 1874,
2 vol. in-8°.
J. Flammermont. — Les Institutions municipales de Sentis, dans le
45° fascicule de la BibUothèque des Hautes-Études.
Lecoy de La Marche. — Le roi René. Paris, Didier, 1873, 2 voL in-8».
Ant. Thomas. — Les Etats provinciaux de la France centrale. Paris,
Champion, 1879, 2 vol. in-8°.
Kervyn de Lettenhove. — Histoire de Flandre. Bruxelles, 1847-1855;
6vol.in-8o.
Bibliothèque de l'Ecole des Chartes.
Bulletin de la Société de VHistoire de France.
Mémoires et Bulletin de la Société de VHistoire de Paris.
Le Cabinet historique.
La Revue historique.
La Revue des questions historiques, etc., etc.
OUVRAGES ANGLAIS
Harris Nicolas. — Proceedings and ordinances of the Privy council
of England, edited by sir Harris Nicolas, under the direction of the
commissioners on the public records of the Kingdom. London, 1834-
1837, 7 vol. gr. in-8o.
Rolls of Parllvment (ou Rotuli parliamentorum), 7 vol. in-f°, dont
le 7" est un Index (voy. les t, III, IV, V).
Fr. Devon. — Issues of Ihe Exchequef, temp. Henry III to Henry VI,
frona the Pell records. London, 1837, gr. in-8°.
OUVRAGES ANGLAIS XV
Collection des rerum Britannicarum Scriptores medii œvi :
J. Stevenson. — Letters and papers illustrative of the wars of the
English in France during the reign of Henry the Sixth. London, Long-
man, 1861-1864, 3 vol. gr. in-S".
J. Stevenson. — Narrative of the expulsion of the English from Nor-
mandy. Ce volume contient l'ouvrage latin de Robert Blondel intitulé
De rednctione Normanniœ; la partie de la Chronique du héraut Berry
l'elative au recouvrement de la Normandie et les Conférences entre
les ambassadeurs de France et d'Angleterre, en 1449; gr. in-8''.
J. DE Waurin, seigneur de Forestel. — Cronicques de la Grant Bre-
taigne, edited by S.-W. Hardy. London, Longman, 1864-1879, in-8''.
Th. Walsingham. — Historia Anglicana. London, Longman, 1864,
2 vol. in-8».
Tn. Walsingham. — Ypodigma Neustriae, edited by H.-T. Riley, Lon-
don, 1876, 1 vol. in-8o.
J. Capgrave. — The Chronicle of England, edited by F.-C. Hinges-
ton. London, 1838, in-8"'.
J. Capgrave. — Liber de illustribus Henricis, edited by F.-C. Hinges-
ton. London, 1838, in-8'>.
Ch. a. Cole. — Memorials of Henry the flfth. London, 1838, in-8».
J. Endell Tyler. — Henry of Monmouth (or Memoirs of Henry the
flfth). London, 1838, 2 vol. in-8''.
Polydore Vergil. — Three hooks of Polydore VergiVs English history,
edited by sir Henry Ellis. London, 1844, in-S" (Works of the Camden
Society).
Holinshed. — Chronicles of England. London, 1377, 2 vol. in-f".
Grafton's Chronicle. London, 1809, 2 vol. in-4°.
H vll's Chronicle (History of England) , edited by H. Ellis. Lon-
don, 1809, in-4".
W. Dugdale. — The Baronage of England (ou Baronagium). Lon-
don, 1673, 2 vol. in-fo.
Sharon Tiirner. — History of England in the middle âge. London,
1823, ia-4o(voy. le t. HI).
S. Harris Nicolas. — History of the battle of Agincourt, 2® édition,
London, 1832, in-8°.
M''s A. Strickland. — Lifes of the queens of England. London, H. Col-
burn, 1844, 10-8" (voy. le t. III).
N. B. — Les autres indications de documents manuscrits ou d'ou-
vrages imprimés se trouvent en notes, au bas des pages.
LE CONNÉTABLE
DE RIGHEMONT
PREMIERE PARTIE
ENFANCE ET DÉBUTS D'ARTUR DE BRETAGNE
CHAPITRE PREMIER
ENFANCE ET ADOLESCENCE d'aRTUR DE BRETAGNE (1393-1410)
Naissance d'A. de Bretagne. — Sa famille. — Mort de sou père. — Enfance
d'Artur. — Il reçoit le titre de comte de Richemont. — Sa mère épouse
Henri IV et va en Angleterre. — Artur est élevé par le duc de Bourgogne,
puis par le duc de Berry. — Il réprime une sédition à Saint-Brieuc. —
Il entre dans le parti Armagnac, après l'asssasinat de L. d'Orléans. —
Nouvelle querelle entre les Montfort et les Penthièvre. — Traité de
Chartres. Ligue de Gien. — Esprit du temps. — Influences qui agissent
sur le caractère d'Artur.
Artur de Bretagne, comte de Richemont, naquit au château
de Succinio \ près de Vannes, le 24 août 1393 ^ Il était le second
fils de Jean IV, le Conquérant, duc de Bretagne, et de sa troi-
sième femme, Jeanne de Navarre *. Rien ne pouvait faire
prévoir que cet enfant serait un jour Tun des plus fidèles cham-
pions de la France contre l'Angleterre. Sa mère était fille de ce
1. Canton de Sarzeau, arrondissement de Vannes (Morbihan). On voit
encore les ruines grandioses de ce château. Rosenzweig, Répertoire archéol.
du Morbihan, article Sarzeau, p. 219-228.
2. Voy. Gruel, p. 185. D. Lobineau, t. II, col. 8S0.
3. Il eut pour nourrice Annette de Lesteno {Preuves de Vhist. de Ureta-
!pie, t. II, col. 900).
Richemont. 1
2 FAMILLE D ARTUR
Charles-le-Mauvais, roi de Navarre ', qui avait été l'ennemi
acharné de la France pendant les règnes de Jean -le -Bon et
de Charles V. Jean de Monlfort, l'aïeul paternel d'Artur, avait
été secouru par les Anglais, quand, après la mort de son frère,
Jean III, duc de Bretagne, il avait disputé sa succession à sa
nièce, Jeanne de Penthièvre (1341); il avait fait hommage à
Edouard III ; il était mort en combattant contre le roi de
France, Philippe VI, qui soutenait Jeanne de Penthièvre et son
mari, Charles de Blois (1345). Jean IV ^, fils de Jean de Monlfort,
avait été élevé en Angleterre ; il avait eu pour tuteur Edouard III ;
il avait épousé, en premières noces, une de ses filles ^ ; c'est avec
son aide qu'il avait pu disputer le duché de Bretagne à Jeanne
de Penthièvre ; c'est grâce au capitaine anglais J. Ghandos qu'il
avait gagné la bataille d' Aurai, où Charles de Blois avait perdu
la vie et Du Guesclin la liberté (28 septembre 1364). En vain
Charles V, pour détacher Jean IV de l'Angleterre, l'avait re-
connu duc de Bretagne par le traité de Guérande (12 avril 1365) '*;
il n'en était pas moins resté l'allié d'Edouard III. Chassé en 1372
par Du Gucschn, rétabli en 1380, reconnu de nouveau par
Charles VI (1381), mais obUgé de continuer la lutte contre Jean
de Blois, fils de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre, il
avait toujours gardé la même sympathie pour l'Angleterre, la
même racune contre la France ^. Le mariage de Jean de Blois
avec Marguerite de Clisson, fille du connétable de Charles VI,
avait encore irrité Jean IV (20 janvier 138'). Peu après, il avait
fait traîtreusement arrêter Clisson, et on croit qu'il n'avait pas
été étranger à une tentative d'assassinat dirigée contre lui,
en 1392, par P. de Craon \
1. Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre, mort le l^"' janvier 1387
(voy. Anlselme, I, 452; Secousse, Mémoires pour servir à l'histoire de
Charles II, roi de Navarre, Paris, 1758, ia-4'', t. I, p. 250).
2. Ce prince est aussi appelé Jean V par divers auteurs; mais les vieux
historiens de la Bretagne, Le Baud, d'Argentré, et les bénédictins D. Lo-
bineau, D. Moriçe n'admettent au nombre des ducs ni Jean de Montfort
ni Charles de Blois (D. Lobineau, I, 337; A. Dupuy, Réunion de la Breta-
gne à la France, Hachette, 1880, in-8°, I, 18, 21, 22).
3. Voir le tableau généalogique.
4. J, 241b, n» 45. Jean IVrend hommage à Charles V en 1366 (J, 241i>, n" 47, 48).
5. Sur la guerre de la succession de Bretagne, voir : les Vrayes chroni-
ques de Jehan Le Bel, éd. Polain, Bruxelles, 1863, 2 vol. in-8», I, p. 225-
249, 277 et suiv, ; II, p. 5-23. Froissart, éd. S. Luce, II, 87 et suiv.;III, ch.
LI-LIV; t. VI, ch. LXXXIX, puis l'édit. du Panthéon littéraire. D. Morice, I,
245-254, 271 et suiv. S. Luce, Hist. de B. du Guesclin, I, ch. II, V, VII, J,
242, n»» 56 et 57 «- 3, t. Le Religieux de Saint-Denis, I, 57-63, 127, 285.
D'Argentré, 720.
6. Froissart, dans le Panth. litt., III, 116 et suiv. Religieux de Saint-
Denis, I; 481 et 499, II, 5, 9, 11.
MORT DE JEAN IV (1399) 3
A l'époque où naquit Artur de Bretagne (1393) , Jean IV et
P. de Graon faisaient une guerre acharnée aux Penthièvre et à
Glisson *. Un traité conclu en 1395 ^ termina la guerre sans
opérer une réconciliation véritable. Le duc de Bretagne mourut
quatre ans après (2 novembre 1399) ^. On crut qu'il avait été
empoisonné. Glisson et surtout sa fille Marguerite, comtesse de
Penthièvre, furent soupçonnés. On dit aussi qu'elle excita son
père à faire périr les enfants de Jean IV, pour donner à son
mari, Jean de Blois, le duché de Bretagne, mais que Glisson
repoussa ses sollicitations avec horreur *.
Artur était donc tout enfant quand il perdit son père; il n'avait
que six ans. Outre son frère aîné, Pierre, qui devint alors duc de
Bretagne, sous le nom de Jean V, il avait deux autres frères,
Gilles et Richard, et trois sœurs, dont l'une, Marie, était fiancée
à Jean I" comte d'Alençon ^. La mort de Jean IV laissa tout à la
fois ses enfants et son duché à la merci d'ambitions rivales. Le
duc de Bourgogne, Philippe-le-Hardi, frère de Gharles V, et le
duc d'Orléans, Louis, frère de Gharles VI, qui se disputaient le
gouvernement du royaume pendant la démence du roi, se dispu-
tèrent aussi la garde du duché de Bretagne et des petits princes
bretons. Le duc d'Orléans, protecteur de Glisson et des Pen-
thièvre, fit intervenir Gharles VI, qui avait marié, en 1396, une
de ses filles, Jeanne, au jeune duc de Bretagne ^. Le roi de France
écrivit à la veuve de Jean IV pour la prier de confier le gou-
vernement du duché à Olivier de Glisson. Le duc d'Orléans vint
même à Pontorson % avec des gens d'armes et voulut se faire
remettre les fils de Jean IV; mais les Etats de Bretagne n'y con-
sentirent pas '. Ils déférèrent à Jeanne de Navarre la tutelle de
ses enfants et le gouvernement du duché '. C'est alors que le
nouveau duc de Bretagne, Jean V, donna le comté de Riche-
mont à son frère Artur*** (1399).
Ce fief, situé en Angleterre, appartenait depuis longtemps
1. Religieux de Saint-Denis, t. II, p. 31-33, 101-103.
2. D'Argentré, 693. Religieux de Saint-Denis, II, 113-117. D. Lobineau, II,
col. 790-791.
3. D. Morice, I, 427.
4. Alain Bouchard, f» 149.
5. Voir le tableau généalogique.
6. Religieux de Saint-Denis, II, 443, 531. Charles VI promit une dot de
300 000 écus d'or, qui ne fut payée que plus tard. {Archives de la Loire-
Inférieure, cass. 3, E. 9, et Portefeuille Fontanieu, 113-114, aux 2 et 3 dé-
cembre 1423. — D. Lobineau, II, col 868-869.)
7. Arrondissement d'Avranches.
8. Appendice III.
0. Le Baud, 403. D'Argentré, 703. D. Lobineau, II, col. 804, 805.
10, Le Religieux de Saint-Denis, II, p. 733.
4 JEANNE DE NAVARRE
aux ducs de Bretagne. Les rois anglais le leur avaient enlevé,
puis rendu plusieurs fois ; mais les ducs n'avaient jamais cessé
de le revendiquer et d'ajouter à leurs titres celui de comtes de
Richemont. La jouissance de ce fief obligeait à l'hommage envers
le roi d'Angleterre. Il semble certain qu'Artur de Bretagne n'en
eut jamais la possession ; néanmoins, depuis son enfance, il fut
toujours appelé comte de Richemont, et c'est sous ce titre anglais
qu'est surtout connu le prince qui devait devenir l'ennemi le
plus déterminé des Anglais. Pour le moment, Henri IV venait de
reprendre le comté de Richemont, que Richard II avait restitué
à Jean IV en 1398 «.
Cependant Jeanne de Navarre, pour éviter de nouvelles con-
testations, conclut un arrangement avec Glisson et les Penthièvre
(janvier 1400) ^. Cette fois, la réconciliation parut plus sincère,
et ces mortels ennemis des Montfort accompagnèrent même le
jeune duc Jean V, lors de son entrée solennelle à Rennes, le
22 mars 1400 ^. Le lendemain, on vit, dans une cérémonie tou-
chante, le vieux Clisson armer chevaliers les petits princes
bretons, Jean, Artur et Gilles, devant le maître autel de l'église
Saint-Pierre. Ainsi, le frère d'armes de B. Du Guesclin *, l'an-
cien connétable de Charles VI ouvrait au futur connétable de
Charles VII la carrière où il devait plus tard marcher sur les
traces de ces glorieux devanciers.
Toutefois les événements semblèrent d'abord prédestiner le
jeune comte de Richemont à servir l'Angleterre bien plus que
la France. Sa mère, Jeanne de Navarre, épousa Henri IV de Lan-
castre ^, qui avait renversé, en 1399, et fait périr, en 1400,
Richard II, gendre de Charles VI ". En cas de guerre avec la
France, Henri IV tenait beaucoup à l'alliance de la Bretagne.
On craignit qu'il ne voulût faire venir en Angleterre les fils de
Jean IV, avec leur mère. Les seigneurs bretons s'en émurent; ils
avertirent la cour de France, où était encore la jeune fiancée de
Jean V. Le duc de Bourgogne, Philippe-le-Hardi, protecteur et
proche parent des Montfort ^, vint en Bretagne. Il prodigua les
1. Appendice l\.
2. D. Lobineau (I, p. 499; IF, col. 803-804) donne la date du 3 janvier et
D. Morice celle du l'^'' janvier {Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 701).
3. D. Morice, I, p. 430. Le Baud, p. 437; d'Argentré, p. 706; D. Lobineau,
II, col. 872-874.
4. Anselme, VI, p. 201, 202. . "
5. Voy. Appendice V.
6. H. Wallon, Richard II, Paris, Hachette 1864, 2 vol. ia-S", surtout les
livres XI, XII, XIII, t. II, p. 244 et suiv. Voir aussi p. 113 et suiv. Frois-
sart, p. 320 et suiv. Religieux de Saint-Denis, II, p. 707.
7. Jeanne de Navarre, mère de Jean V et de Richemont, était, par sa
ARTUR AVEC PHILIPPE-LE-HARDI (1402) 5
présents *, se concilia d'utiles sympathies et sut mener à bonne
fin des négociations difficiles. Il conclut, le 19 novembre 1402,
un traité par lequel Jeanne de Navarre lui laissait la régence du
duché, la tutelle de ses enfants et l'autorisait à les emmener
avec lui, à condition qu'il les présenterait en Bretagne toutes les
fois qu'il en serait requis ^.
Cet arrangement déplut aux Penthièvre et à leurs partisans.
Des seigneurs bretons, notamment Glisson, voulurent s'opposer au
départ des enfants. Il fallut que le duc de Bourgogne fît, pour
ainsi dire, enlever les jeunes princes (3 décembre 1402). Quelques
jours après, la veuve de Jean IV quittait Nantes (26 décembre)
et s'embarquait au port de Crozon ^, le 13 janvier 1403, pour
l'Angleterre *. Son mariage avec Henri IV eut lieu le 7 février
suivant. On peut dire que le petit Artur perdit alors sa mère. 11
ne la revit plus qu'à de rares et courts intervalles. Il devenait,
en quelque sorte, orphelin. Il n'avait guère que neuf ans.
Cependant Philippe le Hardi conduisait à Paris Jean V, Artur
et Gilles (décembre 1402). Richard restait seul en Bretagne.
Artur et Gilles étaient encore si petits qu'ils ne pouvaient guère
chevaucher et qu'il fallait mener leurs chevaux par la bride ■'.
Si ces enfants éprouvèrent du chagrin en quittant leur mère, leur
frère Richard, leurs sœurs, leur pays, ils devaient d'ailleurs suivre
sans répugnance un parent généreux, qui leur avait donné de
beaux cadeaux, des colliers d'or, garnis de rubis et de perles.
Charles VI reçut avec bonté les jeunes princes ^. Il y eut, à la
mère, Jeanne de France, nièce de Philippe-le-Hardi. Voy. tableau gé-
néal.
' 1. Arch. du minisiére des aff. étrangères, t. XXI (France), f" 22. D. Plan-
cher, III, 18o, 186.
2. Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 2, E 5. — Les fils du duc de Bour-
i-'ogne, Jean, comte de Nevers, et Antoine, comte de Rethel, prirent le
même engagement.
3. Arrondissement de Ghâteaulin.
4. D. Lobineau, II, col. 878. Jouvenel des Ursins, 150, ap. Godefroy.
Walsingham, Ypodigma Neustrise, éd. H.-T. Riley, London, 1876, p. 397.
J.Stevenson, II, 2' partie, p. 7o8.Fr. Devoii, Ixsues of the Exchequer. London,
1837, p. 292. Voy. la vie de Jeanne de Navarre dans Agnès Slrickland, Lires
of the queens of England, London, 1844, p. 43-113, t. III, in-S". H. Vanden-
broeck, Extraits analytiques des anciens registres des Consaux de Tournai,
Tournai, 1861-1863, t. I, 32.
5. Gruel., 186. Ciairambault, t. 116, f» 9037, et D. Lobineau, II, col.
808, 809.
6. D. Lobineau. II, col. 808. D. Plancher. III. 186, 188. Monstrelct. I.
33. Jouvenel des Ursins, 130. Religieux de Saint-Denis, III, 41. Pendant que
le duc de Bourgogne était à la cour de France furent stipulés plusieurs
mariages, celui de Louis, duc de Guyenne, avec Marguerite de Bourgogne,
fille de Jean, comte de Nevers, celui de Michelle de France, cinquième
6 ENFAÎSCE d'arTUR
cour, des fêtes où Artur vit les enfants du roi et ceux de Philippe-
le-Hardi. Alors furent célébrées les noces de Jean V et de Jeanne,
troisième fille du roi ; puis Artur et Gilles accompagnèrent en
Flandre Philippe le Hardi, pendant que, leur frère aîné, le duc
de Bretagne, restait à la cour de France.
On ne sait presque rien sur ces premières années d'Artur de
Bretagne. « Au plustost qu'il peut avoir congnoissance, dit son
biographe, luy fut baillé, pour le gouverner, un notable escuyer
du pays de Navarre, nommé Péronit, qui très bien le traicta et
conduisit, tellement que plusieurs fois l'ay ouy se louer et dire
beaucoup de bien de luy \ » Il n'est guère possible de deviner
quelles influences avaient jusqu'alors agi le plus fortement sur
l'esprit du jeune Artur, mais on ne saurait expliquer par les
impressions si profondes et si durables de l'enfance l'attache-
ment qu'il montra dans la suite pour la France. Il était trop
jeune quand il perdit son père pour avoir hérité de sa haine
contre la France, mais des liens puissants l'attachaient aux
maisons d'Angleterre et de Bourgogne, qui furent ennemies de
Charles VII. Ni ses sentiments de Breton, ni les traditions de sa
famille, ni l'exemple de son père, ni les leçons de sa mère, la
fille de Gharles-le-Mauvais, la femme de Henri IV, ni la poli-
tique changeante de son frère Jean V, ni les conseils de son
grand-oncle, Philippe-le-Hardi, ou ceux de son cousin, Jean-sans-
Peur, ne pouvaient le préparer au rôle que lui réservait l'avenir;
surtout à une époque où l'idée de la patrie française n'existait
pas encore, où « le désordre était dans chaque Etat, dans
chaque famille, où dans chaque cœur d'homme il y avait une
guerre civile ^. »
Il put voir dans son berceau royal l'enfant qui devait s'ap-
peler Charles VII, né le 22 février 1403 ^, car il vint à Paris tout
juste à cette époque, n'étant pas demeuré longtemps en Flandre.
Le jeune duc Jean V, qui avait atteint sa quinzième année, fut
déclaré majeur * et rendit hommage à Charles VI, le 12 jan-
fille de Charles VI, avec Philippe, fils aîné du comte de Nevers, et celui
de Jean, duc de Tonraine, 40 fils du roi, avec une fille du comte de Nevers.
Le 8 mai, le duc de Bourgogne reçut à dîner le roi, la reine et divers
princes et princesses, notamment la duchesse de Bretagne, auxquels il fit
de riches présents. Arch. du min. des aff. étr., t. 21 (France), h 22. D.
Plancher, 111,196-198, et Preuves, p. ccxi-ccxvi. Portef. Fontanieu, 103-106,
f 336 et suiv. J, 409, n"» 45, 47, 48.
1. Gruel, 183.
2. Michelet, Hist. de Fr., Paris, Librairie internat., 1871-73, V, p. 2-T.
Vallet de Viriville, Histoire de Charles VU, Ij 23-27.
3. G. du Fresne de Beaucourt, Histoire de Charles VII, Paris, iSSi,.
lib. de la Soc. bibliogr., t. I, p. 3.
4. Le duc de Bourgogne garda le gouvernement du duché de Bretagne
MORT DE PHILIPPE-LE-HARDI (1404) 7
vier 1404. Artur et Gilles revinrent sans doute en France à ce
moment, puis Jean V retourna en Bretagne *. Gilles fut placé
auprès du dauphin Louis, duc de Guyenne, et resta désormais à
la cour de France ^. S'il fallait en croire le Religieux de Saint-
Denis, Artur, envoyé alors en Angleterre, aurait obtenu le
comté de Richemont et en aurait fait hommage à Henri IV; mais
il semble, au contraire, prouvé par les documents que ce fief
resta au comte.de Westmoreland et passa ensuite au duc de
Bedford ^. Artur était auprès de Philippe-le-Hardi, quand ce
prince, atteint d'une épidémie, mourut à Hal, le 27 avril 1404 *.
Son corps fut conduit à Dijon, pour être inhumé aux Chartreux,
près de cette ville. Après avoir assisté aux derniers moments de
son grand-oncle, Artur ne cessa de suivre et de garder pieuse-
ment sa dépouille mortelle, en compagnie de ses fils. Le funèbre
cortège séjourna dix jours à Douai, du 5 au 14 mai, et dix-huit
jours à Saint-Seine ^, en attendant le nouveau duc de Bour-
gogne, Jean, qui était allé à Paris, rendre hommage à Charles VL
Le 15 juin, il partit de Saint-Seine pour Dijon, où l'inhumation
eut lieu le lendemain. Artur, tout vêtu de noir, chevauchait à
côté de ses cousins, Jean-sans-Peur et Philippe, qui condui-
saient le deuil. Il était encore si petit qu'il fallait mener son
cheval par la bride. Le 17 juin, il assista aussi à l'entrée solen-
nelle du nouveau duc de Bourgogne dans sa ville de Dijon *.
Ainsi le jeune comte de Richemont vécut de bonne heure
dans l'intimité de cette puissante maison de Bourgogne, à la-
quelle devaient l'unir des liens encore plus étroits ; il connut les
fils de Philippe-le-Hardi ; il partagea les jeux de ses petits-en-
fants, un peu plus jeunes que lui, Philippe ^, qui devint duc de
Bourgogne en 1419, et Marguerite, qui devint comtesse de Riche-
jusqu'en 1404. Arch. des aff. étr., t. 21 (France), f" 20. Le 13 janvier 1404
il n'avait plus ce gouvernement. Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 2, E. 5,
et Preuves de Vhist. de Bret., II, col. 735-740.
1. D'Argentré, 713-715, donne la date du 7 janvier, mais on trouve celle
du 12 dans une pièce des Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 33, E, 90, et
dans le Portef. Fontanieu, 105-106, f^ 442. — Religieux de Saint-Denis,
t. III, p. 129.
2. Religieux de Saint-Denis, t. III, p. 131. Malgré le témoignage de D. Mo-
rice (I, 434), il est très peu probable qu'Artur soit allé en Angleterre à cette
époque. Il était auprès de Philippe-le-Bon. — D. Lobineau (I, 505) ne men-
tionne pas ce détail.
3. Voy. Append., IV.
4. Monslrelet, I, 87. Religieux de Saint-Denis, I, 145. — Hal, en Belgi-
que, sur la Senne, au S. de Bruxelles.
5. Arrondissement de Dijon.
6. D. Plancher, III, 200-203, 211, 212. Gruel, 186.
7. Philippe, l'aîné des enfants de Jean-sans-Peur, était né le 30 juin 1396.
b ARTUR AVEC LE DUC DE DERRY
mont, après avoir perdu son premier mari, le dauphin Louis,
duc de Guyenne ; il put même contracter avec le petit Philippe
de Bourgogne une de ces amitiés d'enfance qui laissent des sou-
venirs ineffaçables. Ces circonstances fortuites expliquent peut-
être, en partie, des faits de la plus haute importance, comme le
mariage d'Artur avec la sœur de Philippe-le-Bon et la réconci-
liation de ce prince avec Charles VIL
Peu après les obsèques de son père, Jean-sans-Peur revint à
Paris, au mois d'août 1404. Artur y trouva ses oncles, Charles III,
roi de Navarre, et Pierre, comte de Mortain *, avec la reine de
Navarre ^. Le 31 août, à l'hôtel Saint-Paul, devant une brillante
assemblée de princes et de grands seigneurs, fut célébré le ma-
riage de Marguerite de Bourgogne avec le dauphin Louis ^.
Artur de Bretagne y assista sans doute. Il était loin de prévoir
que cette princesse, encore enfant à cette époque, serait, vingt
ans plus tard, comtesse de Richemont.
Autre particularité notable. Après la mort de Phihppe-le-
Hardi , Artur de Bretagne fut confié au vieux duc de Berry,
qui était aussi son grand-oncle maternel. Or le duc de Berry fut
également chargé de l'éducation du Dauphin *, qui était d'un
an plus jeune qu'Artur et qui avait déjà pour compagnon
son frère, Gilles de Bretagne. Charles de Bourbon, comte de
Clermont, et Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac, étaient
élevés chez le duc de Berry ^. Artur se lia d'amitié avec eux. Le
premier devint plus tard son beau-frère ; le second resta tou-
jours un de ses plus fidèles amis. Placé ainsi auprès du dauphin
de France, sous la diret;tion d'un prince éclairé, libéral, ami des
lettres et des arts, dans un milieu où il rencontra l'aimable et
brillant duc Louis d'Orléans ^ et son fils Charles, le gracieux
poète, Artur fut sans doute instruit avec autant de soin que pou-
vaient l'être, à cette époque, les enfants des familles royales. Le
duc de Berry « luy bailla bonne ordonnance en sa maison et
1. P. 2297, f" 333.
2. Eléonore, fille de Henri II, roi de Caslille.
3. D. Plancher, III, 215,216. Religieux de Saint-Denis, III, 213.
4. Monstrelet, I, 114. D. Morice, I, 437. Le Dauphin Louis était né le 22
janvier 1397. Il eut en 1400 le titre de duc de Guyenne. Le duc de Berry
avait la lientenance de Guyenne et Languedoc. (J., 369, n"* 2, 3 bis, 11.
P. 2297, f<" 325, 703, 817, 821.)
5. Titres de la maison de Bourbon, P. 1373 *, cote 2153.
6. Chron. de Jean de Saint-Paul, p. 68, publiée par A. de La Borderie,
Nantes, 1881, in-8°. — Artur put aussi connaître les nombreux officiers
et familiers du duc de Berry, comme M. Gouges de Gharpaignes, Arnaud
Guilhem de Barbazan, etc., qu'il devait retrouver plus tard auprès de
Charles VII (KK. 51, f" 14-16).
JEAN V s'allie avec l. d'orléans (1406) 9
commença à avoir estât ' ». De son côté, Jean V lui donna la
seigneurie du Gavre *. En gardant auprès de lui, à la cour de
France, Artur et Gilles, le duc de Berry voulait détacher la Bre-
tagne de l'alliance anglaise et peut-être aussi de l'influence
bourguignonne '. Vers le même temps (1405), il envoyait à
Jean V sa femme, fille de Charles VI *. Le jeune duc ne parta-
geait pas la haine de son père pour la France. D'ailleurs, il y
avait toujours en Bretagne un parti français ^, et les Bretons com-
battaient volontiers les Anglais sur terre et sur mer ^ ; mais il y
avait un autre parti qui voulait ménager l'Angleterre, de sorte
que la politique de Jean V flotta toujours indécise entre ces
impulsions tour à tour prépondérantes.
Il avait aussi à se préoccuper des Penthièvre, qui ne renon-
çaient pas à leurs espérances. Le nouveau duc de Bourgogne,
Jean-sans-Peur, au lieu de rester, comme son père, allié des
Montfort, prit parti pour les Penthièvre, en mariant sa fille Isa-
belle avec Olivier de Blois, fils aîné de Jean de Blois et de
Marguerite de Glisson (juillet 1406) ^ De son côté, Jean V fit
alliance avec le duc Louis d'Orléans *, jadis protecteur des Pen-
thièvre, mais ennemi déclaré de Jean-sans-Peur. Afin de se
tenir prêt à toute éventualité, il conclut une trêve avec Henri IV
(11 juillet 1406) ^ Il se donna d'autres alliés en mariant, par
\. D. Morice, I, 437. Gruel, 186. Dans un compte du 3 novembre 1405,
on trouve Lyonnel Renis et Armel de GMteaugiron, écuyers du c. de Ri-
chemont (D. Lobineau, II, 811). A. de Châteaugiron était un des officiers
du duc de Berry (KK, 250, f«» 14-16).
2. Arrondissement de Saint-Nazaire.
3. Le l'"' décembre 1403, alliance entre la reine de France Isabeau et les
ducs de Berry et d'Orléans (K. 35, n" 36). Le 17 février 1406, Isabeau de
Bavière écrit au duc de Bretagne et lui promet de le favoriser, défendre
et garder tant qu'elle vivra. — Portef. Fontanieu, 107-108, f" 109.
4. Le Baud, 440. D'Argentré, 715.
5. A. Dupuy, Réunion de la Bretagne à la France, t. I, 14-19.
6. La France soutenait le prince gallois Owen Glendowr contre Henri IV,
qui avait renversé Richard II, gendra de Charles VI {Portef. Fontanieu,
105-106, p. 433 et suiv., surtout p. 488 et .326; t. 107-108, p. 83, 109.
P. 2297, f» 341. Monstrelet, I, 69, 72, 73, 81, 114, Religieux de Saint-Denis,
III, 105-111, 113-115, 171-181, 197-201, 223, 317-329, K. 35, n» 32. Rymer, IV,
l'c partie, 69. — Le s. de Penhoet, Guillaume et Tanguy du Ghastel, le mar.
de Rieux, etc., se signalèrent dans ces combats (1403-1403).
7. Religieux de Saint-Denis, III, 397. Jouvenel des Urs., 185. D. Morice,
I, 438. Jean de Blois était mort en janvier 1404. Ses filles étaient allées
ensuite à la cour de Bourgogne {Arch. des aff. étr., t. 21, France, f-' 117-
119, 120, 123.)
8. Par un traité conclu à Tours le 29 décembre 1406 (orig. aux Arch.
nat., K. 37, n« 1).
9. Arch. de la Loire-Inf., casa, il, E, 121. Portef. Fontanieu, 107-108, ^ 195.
Rymer, IV, P« partie, 114, 117, 121, 137, 135.
40 ASSASSINAT DE L. d'ORLÉANS (1407)
l'entremise du duc de Berry, sa sœur Blanche avec Jean d'Arma-
gnac (30 juillet 1406) *, et sa plus jeune sœur, Marguerite, avec
Alain de Rohan, comte de Porhoet, fils du vicomte de Rohan ^
et petit-fils de Glisson (23 avril 1-407). Le vieux connétable
mourut, dit-on, le jour même où fut conclu ce mariage ^, qui
enlevait aux Penthièvre leur plus solide appui en Bretagne. Sa
mort fut le signal d'une nouvelle guerre entre les Montfort et
les Penthièvre.
Cette rivalité sans cesse renaissante, ces alliances des Pen-
thièvre avec Jean-sans-Peur et des Montfort avec les ducs de
Berry, d'Orléans et le comte d'Armagnac devaient avoir une
influence manifeste sur la destinée du comte de Richemont. Vers
cette époque, il alla en Bretagne, et, les habitants de Saint-Brieuc
s'étant mutinés, Jean V l'envoya réprimer cette révolte *. Il
commença ainsi l'apprentissage du commandement, sous la
direction de quelque capitaine expérimenté, et il le continua
pendant les tristes guerres qui suivirent l'assassinat de Louis
d'Orléans (23 novembre 1407) ^. L'auteur de ce crime, Jean-
sans-Peur, vit se déclarer contre lui les ducs de Berry et de
Bourbon ^, les comtes d'Alençon et d'Armagnac et, avec eux, le
duc de Bretagne et le comte de Richemont.
Attaché par des liens de famille à Charles VI et à Henri IV,
aux maisons d'Orléans et de Bourgogne, possesseur d'un Etat à
peu près indépendant, auquel sa situation même entre la France
et l'Angleterre assignait un rôle considérable, le duc de Bretagne
devait être sollicité par des influences contraires, sans pouvoir
se tenir dans la paisible neutralité qu'il eût préférée. Il fut, pour
ainsi dire, condamné à une politique incertaine, hésitante, dont
ses frères, Artur et Gilles, subirent les contre-coups.
Entraîné d'abord dans le parti Armagnac ou des princes
d'Orléans, Jean V vint deux fois à Paris, en 1408 \ pour pro-
1 . Fils aîné du fameux Bernard YII d'Armagnac et de Bonne de Berry,
fille aînée du duc de Berry. — D. Morice, I, 439, et Preuves, II, 771-774.
Anselme, III, 420. Arch. de la Loire-Inf., cass. 3, E. 9.
2. Alain VIII, vicomte de Rohan, avait servi sous Du Guesclin et sous
Glisson. Il avait épousé Béatrix de Glisson, fille du connétable. Il mourut
en 1429 (Anselme, IV, S6-57).
3. D. Morice, I, 439, 44X), et Preuves, II, col. 783-786. D'après Anselme, VI,
202, Glisson mourut le 6 février 1407, au château de Josselin.
4. Cruel, 186. D'Argentré, 718.
5. Xia 1479, P 2 V. Arch. du min. des aff. étr.,\. 21, f 83 v».
6. Jean I*"", qui avait épousé Marie de Berry.
7. A la fin de février (Y*, f» 251 v», 253; Monstrelet, I, 167, 173-176), puis
en août (X»a 1479, f» 40 v°, 41, 42 v" et 43). Religieux de Saint-Denis, IV, 37,
Y2, f" 199.
QUERELLE ENTRE LES MONTFORT ET LES PEISTHIÈVRE (1407) 11
léger la reine Isabeau contre le duc de Bourgogne, qui conti-
nuait de soutenir Olivier de Blois. Il conclut des traités d'alliance
avec Valentine Visconti *, veuve de Louis d'Orléans, avec son
fils aîné Charles et avec le comte Bernard d'Armagnac, le
véritable chef du parti qui s'apprêtait à combattre Jean-sans-
Peur *.
Artur, âgé de quatorze ans en 1407, se trouva, lui aussi, mêlé
aux événements dramatiques de cette époque. Il put voir le
ca'davre mutilé de Louis d'Orléans ; Valentine Visconti venant
demander justice à Charles VI, avec ses enfants et sa bru, Isa-
belle de France, veuve, à dix ans, du roi Richard II ^ ; Jean
Petite justifiant le duc de Bourgogne, puis l'abbé de Sérisy, pro-
nonçant contre l'assassin un long réquisitoire ; la cour obligée
de fuir deux fois devant Jean-sans-Peur, sous la protection des
troupes bretonnes ; scènes émouvantes, qui durent laisser dans
sa mémoire une impression profonde *. Il s'associa même aux
protestations que souleva le crime de Jean-sans-Peur^.
En même temps, l'interminable querelle des Montfort et des
Penthièvre était ranimée par une contestation relative à la sei-
gneurie de Moncontour ®, que le duc de Bretagne voulait donner
1. Fille de Jean Galeas Visconti, duc de Milan, née en 1370, morte en
1408.
2. Traité de Jean V avec Val. Visconti le 17 mai 1408 (voy. Portef. Fonta-
7neu, 107-108, f»» 273 et 277; K, S7, n» 1).
Traité de Jean V avec le duc d'Alençon le 4 juin 1408 [Arch. du minis-
tère des aff. étr., t. 362, France, f 39 v").
Traité avec le c. d'Armagnac, le 4 septembre (Arch. de la Loire-Inf.,
cass. 76, E, 181, et Arch. du min. des aff. étr., ibid., f • 40-41).
Autre traité conclu à Paris avec Val. Visconti et Ch. d'Orléans, le 18
septembre {Arch. de la Loire-Inf., cass. 75, E, 177, et Arch. du min. des
aff. étr., ibid.).
3. Elle avait épousé Ch. d'Orléans, fils aîné de Louis, et mourut en 1409,
à l'âge de vingt ans (K. 55, n- 27-31).
4. Jouvenel d. U., p. 190-191; Relig. de Saint-Denis, III, 749-753, 767;
Monstrelet, 1, 177, 268-348, 388. Portef Fontanieu, 108-109, f° 259. Le corde-
lier J. Petit, qui osa faire l'apologie de l'assassinat de L. d'Orléans le 8
mars 1408, avait été nommé conseiller du duc de Bourgogne, à 100 1. t. de
pension par an, le 20 février précédent [Arch. des Aff. étr., France, t. XXI,
f- 82 V, 83, 85 v).
5. Le nom d'Artur de Bretagne figure, avec ceux des ducs d'Orléans,
de Berry, de Bourbon, etc., dans une protestation de ces princes contre le
duc de Bourgogne, assassin de L. d'Orléans (J. Tardif, Cartons des Rois,
p. 430, n° 1842. Ce document ne se trouve plus dans le carton K, 56,
n» 20).
6. Arrondissement de Saint-Brieuc. — Par lettres du 12 septembre 1408,
le roi défend à tous ses sujets d'aller en Bretagne prendre part à la que-
relle entre le duc et la comtesse de Penthièvre {Portef. Fontanieu, 107-108,
f« 293).
12 THAITÉ DE CHARTRES (1409)
à son frère Artur. Jean V conclut une nouvelle trêve avec
Henri IV ; il lui rendit hommage pour le comté de Richemont et
fut secondé par des troupes anglaises dans la guerre qu'il fît au
comte de Penthièvre *.
Enfin Artur de Bretagne faillit prendre part à une autre
guerre entre le duc de Bourbon, qui était Armagnac, et le comte
de Savoie, Amédée VIII ^, beau-frère et allié de Jean-sans-Peur.
Pour défendre le Beaujolais, le duc de Bourbon avait appelé à
son secours les comtes de la Marche, de Vendôme ^ et de Riche-
mont ; mais il entama des négociations avec Amédée VIII, et
l'expédition n'eut pas lieu *.
D'ailleurs les occasions de guerroyer ne manquèrent pas. Le
9 mars 1409, il y eut, à Chartres, une réconciliation apparente
entre les princes d'Orléans et l'assassin de leur père ". Riche-
mont assista sans doute à cette cérémonie, avec le roi de Navarre
1. Ch. de Blois avait autrefois donné la seignearie de Moncontour à
J. de Beaunianoir et à sa femme Marg. de Rohan, qui l'avait laissée à son
petit-fils Roland de Dinan; celui-ci l'avait donnée à son frère puîné Robert;
enfin Robert de Dinan avait cédé cette terre au c. de Penthièvre pour
celle d'Avangour {9 mai 1407). Jean V, après avoir approuvé cet échange,
par l'acceptation du droit de rachat, avait ensuite déterminé Roland de
Dinan à donner la seigneurie de Moncontour, pour celle du Gàvre, au comte
de Richemont, le 4 février 1409. Le c. de Penthièvre voulut empêcher
les Bretons d'occuper Moncontour. Jean V, après avoir fuit hommage à
Henri IV pour le comté de Richemont, appela les Anglais, qui enlevèrent
l'île de Bréhat au c. de Penthièvre. La duchesse de Bretagne ayant repro-
ché à son mari cette alliance avec les Anglais, Jean V s'emporta, dit-on,
jusqu'à la frapper. A cette nouvelle, la reine Isabeau, irritée, voulut en-
voyer contre son gendre le duc de Bourgogne, avec qui elle s'était récon-
ciliée, en novembre 1409. Jean V les apaisa par des négociations. (D. Morice,
Preuves, II, col. 789-791, 805-806, 827. X"> 8602, î" 230-233. D'Argentré, 426-
427. Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 65, E, 163. Portef Fontanieu, 107-
108, f° 401. Religieux de Saint-Denis, IV, 31S-317. Monstrelet, II, 35, 36, 59,
64. Pièces orig., t. 245, dossier 504 [Beaumanoir], no 18.)
2. Fils d'Amédée VII (+ 1391), et de Banne de Berry, qui fut mariée en-
suite au fameux Bernard VII d'Armagnac, en 1393. Amédée VIII fut le
premier duc de Savoie. Il avait épousé, en 1393, Marie de Bourgogne,
fille de Philippe-le-Hardi.
3. Jacques de Bourbon, c. de la Marche et Louis de Bourbon, son frère
cadet, c. de Vendôme, tous deux fils de Jean F*", comte de la Marche et de
Vendôme (-j- 1393). — Jacques de Bourbon épousa Beatrix de Navarre, fille
du roi Charles III, puis la fameuse Jeanne II, reine de Naples (Anselme,
I, 321, 322).
4. Religieux de Saint-Denis, IV, 241-249. Arch. du min. des aff. étr.,
t. 21, f°» 109 v», 117. Le connétable d'Albret fut envoyé dans le Beaujolais
au secours du duc de Bourbon [Pièces orig., t. 24, n° 109).
5. X*» 1479, f« 65. Ici, le greffier du parlement écrit, en marge : « pax,
pax.... et non est pax! » -^ Religieux de Saint-Denis, IV, 191-203. Mons-
trelet, I, 396-397. Moreau. 1423, n»' 48, 50, 51.
LIGLE DE GIEN (1410) 13
et les ducs de Berry et de Guyenne *. Un an plus tard, la rup-
ture était complète, et le duc de Bretagne entrait dans la ligue de
Gien, formée par les Armagnacs contre Jean-sans-Peur, qui tenait
en son pouvoir le roi, la reine et le dauphin (15 avril 1410) *.
Jean V promettait, pour sa part, mille hommes d'armes et
mille hommes de trait.*; mais il montra une duplicité qu'expli-
quent d'ailleurs l'incertitude des événements, la politique égoïste
et les mœurs de cette époque. Voyant son alliance recherchée
par les deux partis, il tint une conduite équivoque et s'inspira
surtout de ses intérêts. Sans rompre avec les coalisés de Gien, il
écouta les propositions avantageuses de Jean-sans-Peur, qui
voulait, en gagnant le duc de Bretagne, enlever à la ligue son
plus puissant auxiliaire *. Par l'intermédiaire de Charles III, roi
de Navarre et de son frère Pierre, comte de Mortain, oncles de
Jean V, le duc de Bourgogne fît conclure, à Paris, un traité entre
le duc de Bretagne et les Penthièvre, qui renoncèrent à leurs
prétentions sur Moncontour (8 août 1410) ^ ; enfin il signa lui-
même avec le duc de Bretagne un autre traité qu'il fit approuver
par le roi. Jean V reçut 20 000 écus pour payer les gens d'armes
qu'il devait envoyer au duc de Bourgogne ^.
1. A cette époque, le duc de Berry donnait à Gilles de Bretagne un petit
ours d'or, émaillé de blanc, garni de pierres précieuses (KK, 230, f» 46). —
La duchesse de Bretagne venait de faire cadeau d'une riche houppelande
h Artur et à ses deux frères, Gilles et Richard. Un peu plus tard, le duc
de Berry en fit un semblable à son neveu Artur (Voy. Append., VI).
2 Relig. de Saint- Denis, IV, 317-319. Monstrelet, II, 59, 65. X'» 1479. f« 98 ;
Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 34, E, 93. Ms. du Puy, 564, P 549. J. 369.
n» 9, 10, 11. Jouvenel d. U., p. 203. —Le 18 avril 1410, Bern. d'Arma-
gnac mariait sa fille, Bonne d'Armagnac, avec Charles, duc d'Orléans. Arch.
des aff. étr. (France), t. XXI, f 108 v». K, 553, n» 6. Monstrelet, II, 65, 66.
Traité conclu dès 1409 entre Jean V et Bern. d'Armagnac. Arch. de la
Loire-Inférieure (cass. 76, E, 181). Autre traité, en 1410, avec le c. de Cler-
mont (iôideyn, et P. 13582 n° 548). — Autres traités entre les ducs d'Orléans,
de Bourbon et le c. d'Armagnac (K36, n°' 25 *- "' 6, 7, 8). Le 14 mai est conclu
le mariage de Jean, fils du c. d'Alençon, avec Jeanne, fille de Ch. d'Orléans,
née en 1409 (K, 553, n° 7).
3. Portef. Fontanieu, 107-108, f»» 459-467. D. Lobineau, II, col. 881.
Jean V étoit venu à Gien sous prétexte de faire la paix avec les Penthièvre
(Moreau, 1424, n" 61).
4. Jean V était à Paris le 30 juin 1410 (P. 2297, f° 1087).
5. Preuves de Vhist. de Bretagne, t. II, col. 835-840. Le traité fut ratifié
par la comtesse de Penthièvre le 11 décembre et par le duc de Bretagne
le 23 décembre 1410. — Le Baud, p. 446.
6. Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 75, E, 177. Portef. Font., 107-1 08, f- 485-
490 et 501-523. X<« 1479. f» 129, au 3 septembre Monstrelet, II, 80. Le 14
août, Charles VI écrit au duc de Bretagne, pour le prier de venir à Paris
avec le plus grand nombre possible de troupes {Arch. de la Loire -hiférieure,
cass. 38, E, 104). Le même jour, le roi casse les alliances conclues entre
14 ESPRIT DU TEMPS
Si secrètes que fussent ces négociations, les coalisés de Gien en
eurent connaissance. Ils chargèrentle comte d'Armagnac* d'aller
trouver le duc de Bretagne, pour lui rappeler ses engagements.
Dans cette situation embarrassante, Jean V eut l'adresse de mé-
nager les deux partis. Il déclara qu'il n'avait jamais eu l'intention
de combattre le duc de Bourgogne, et il refusa d'aller lui-
même au secours des princes d'Orléans; mais, cédant aux ins-
tances du comte d'Armagnac, il permit que son frère Artur
amenât au duc de Berry tous les Bretons qui voudraient le sui-
vre , ce qui ne l'empêcha pas d'envoyer son autre frère Gilles au
duc de Bourgogne ^. Il fut convenu que Richemont irait se
joindre aux Armagnacs avec 6000 hommes, parmi lesquels se
trouvaient des Anglais ! Jean V recherchait alors les faveurs du
roi d'Angleterre et faisait de nouvelles démarches pour obtenir
la restitution de son comté de Richemont ^.
Quel désordre, quelle confusion dans les idées, dans les esprits,
dans les événements ! Un roi fou et un dauphin encore enfant
jouets d'ambitions rivales ; une reine impopulaire et méprisée,
s'alliant avec l'assassin du prince qu'elle avait aimé*; les oncles
de Charles VI se disputant le pouvoir par tous les moyens ; l'in-
térêt et l'égoïsme inspirant seuls la politique; des haines féroces
et des réconciliations menteuses; des revirements soudains et
monstrueux °; le crime hautement avoué, glorifié, triomphant,
puis flétri et condamné; des partis implacables. Armagnacs
contre Bourguignons, Penthièvre contre Montfort; tel est le spec-
tacle que présente alors la France. C'est au milieu de cette
époque si troublée, de ces événements tragiques, de ces familles
si divisées, dans ce royaume, dans cette cour en proie à la dis-
corde, que le jeune comte de Richemont passa ses premières
années et que son caractère se forma. La rudesse et la dureté
qu'on lui reprocha plus tard, la tendance à employer les moyens
violents tenaient peut-être à des dispositions naturelles, mais
les ducs d'Orléans, de Berry, de Bretagne, etc. {Arch. de la Loire-Infé-
rieure, cass. 7b, E, 177, et Portef. Font. 107-108, f- 493.)
1. Bernard VII, qui avait épousé Bonne de Berry, fille du duc de Berry
et veuve d'Amédée VII, c. de Savoie.
2. Gilles se trouva ainsi en compagnie d'Olivier de Blois, l'ennemi de
sa maison.
3. Relig. de Saint-Denis, IV, 236. D. Lobineau, I, 516, et II, col. 833, 834.
Appendice IV.
4. Vallet de Viriville, Isabeau de Bavière. Paris, Techener, 1859, in-8'',
p. 9, 13, 16.
5. Le 9 mars 1408, Charles VI déclare le duc de Bourgogne innocent de
l'assassinat de L. d'Orléans, puis, mieux informé, il annule la précédente
déclaration, le 2 juillet 1408 (K, 56, n» 17«, Ms. Moreau, 1423, n» 48). Faveur,
disgrâce et exécution. de Jean de Montaigu (J. 369, n" 3-8).
INFLUENCES ET EXEMPLES 15
s'expliquent aussi par les influences et les exemples au milieu
desquels il grandit. Il n'avait pas dix ans quand sa mère le quitta,
et les caresses, les douces leçons qui auraient assoupli sa i*udo
nature manquèrent trop à son enfance. Le vieux duc de Berry,
pour lequel il paraît avoir eu de l'affection, n'était pas un mo-
dèle de désintéressement et de loyauté ; le duc de Bretagne
montrait une duplicité précoce ; le duc de Bourgogne subordon-
nait cyniquement le droit à la force; la cour de France n'était
pas une école de bonnes mœurs *. Enfin, quand Artur, dès l'âge
de dix-sept ans, se trouva jeté au milieu de la guerre civile, ce
fut pour voir sans cesse des scènes de pillage, de meurtre et les
abominables excès des soldats des deux partis, tous également
haïs, redoutés et maudits par le peuple. Dans ce chaos effroya-
ble de convoitises, de vengeances et de haines, d'alliances éphé-
mères, de luttes toujours renaissantes, où chacun songeait à soi
et personne à la France, comment distinguer la bonne cause et
marcher, d'un pas sûr, dans la voie du devoir? Pourtant ces
exemples ne furent pas aussi funestes qu'on le pourrait croire au
jeune comte de Richemont; sa ferme raison triompha de ces in-
fluences mauvaises, et, plus tard, il se souvint de ce qu'il avait
vu dans ces jours néfastes, quand, devenu connétable, il réprima
si vigoureusement les désordres des routiers et les révoltes
féodales.
1. A. Sarradin, Etude sur Eust. des Champs, Versailles, Cerf et fils, 1878,
in-8°, p. 156 et suiv.
CHAPITRE II
RÔLE DE RICHEMONT DANS LA GUERRE ENTRE LES ARMAGNACS
ET LES BOURGUIGNONS. BATAILLE d'azINCOURT (1410-1415)
Artur de Bretagne amène des troupes aux Armagnacs. — Traité de Bicêtre.
— Nouvelle guerre civile. — Richement prend Saint-Denis. — Il va en
Bretagne, puis avec le c. d'Alençon. — Alliance des Armagnacs avec
les Anglais. — Richemont est chargé de recevoir les Anglais. — Traités
de Bourges et de Buzançais. — Les Armagnacs au pouvoir. — Artur est
mis auprès du dauphin, dont il devient le favori. — Troisième guerre
civile. — Richemont reçoit un commandement. — Grande démonstration
militaire à Paris contre les Bourguignons. — Jean-sans-Peur devant
Paris. — Richemont lieutenant du dauphin. — Il prend part aux sièges
de Compiègne, de Soissons, d'Arras. — Premier traité d'Arras. — Riche-
mont reçoit le gouvernement du duché de Nemours. — Le dauphin
s'empare du pouvoir. — Il donne à Richemont la lieutenance de la
Bastille et la seigneurie de ParLhenay. — Richemont va combattre le
sire de Parthenay, — Invasion de Henri V. — Bataille d'Azincourt. —
Richemont prisonnier.
Le hasard des événements voulut qu'au début de sa carrière
militaire Richemont combattît le roi de France, ou plutôt les
Bourguignons, qui tenaient alors Charles VI en leur puissance,
comme il combattra plus tard Charles VII, ou plutôt les favoris
auxquels il voudra l'arracher. Au milieu des vicissitudes qui
livraient tour à tour le pouvoir royal au parti le plus fort, il put
voir trop souvent qu'on ne respectait guère la volonté du roi,
surtout quand il n'agissait pas dans la plénitude de sa raison ou
de sa liberté. Ainsi, en 1410, le jeune Richemont, en prenant
l'écharpe des Armagnacs * , s'enrôlait dans un parti rebelle ,
avec les ducs de Berry, d'Orléans et de Bourbon, les comtes
d'Alençon et d'Armagnac, pendant que le roi, c'est-à-dire le
duc de Bourgogne, ordonnait à tous les vassaux fidèles de s'armer
1. « Si portèrent pour enseigne bendes étroites qui estoient de linge sur
leurs espaules pendans au senestre bras, de travers, ainsi que porte un
diacre une étole, en faisant le service d'église. » (Monstrelet, II, 90.)
ARTUR AVEC LES ARMAGNACS 17
contre eux. Le dernier survivant des oncles de Charles VI, le
vieux duc de Berry, croyait avoir, tout autant que Jean-sans-Peur,
le droit de gouverner l'Etat; il ne voulait point reconnaître la
volonté royale dans les ordres que le duc de Bourgogne publiait
au nom du roi *.
Le 2 septembre 1410, les princes réunis à Tours rédigèrent
des lettres, où, en protestant de leur respect, de leur dévoue-
ment pour le roi, ils déclaraient qu'ils voulaient lui rendre la
liberté, l'exercice réel de son autorité souveraine et « pourveoir
au bon gouvernement du peuple, de son royaume et de la chose
publicque ». Le nom du comte de Richemont était joint à ceux des
princes qui avaient signé ce manifeste ^. Charles VI eut beau
enjoindre aux rebelles de renvoyer leurs troupes et de venir vers
lui « en leur simple estât », ils n'en tinrent aucun compte. Après
avoir attendu quelque temps les renforts que Richemont devait
leur amener, les Armagnacs s'avancèrent jusqu'à Montlhéry ^ et
vinrent se loger aux environs de Paris.
Le duc de Bourgogne avait aussi rassemblé à Saint-Denis et
dans le voisinage une puissante armée. Tous ces gens de guerre,
Armagnacs, Brabançons, Lorrains, Bourguignons, commettaient
d'horribles ravages, sans épargner « les églises, ni les personnes
d'églises ». Il y avait dans l'armée bourguignonne un grand
nombre de Bretons, amenés par le comte de Penthièvre *. En
vain le roi confisqua les biens des rebellés et leur enjoignit
encore de renvoyer leurs troupes; ils persistèrent dans leur at-
titude et vinrent s'établir à Bicêtre, à Gentilly, à Vitry, à Saint-
Marcel, aux portes mêmes de Paris. La désolation et l'effroi
régnaient dans la ville ; les vivres n'y pouvaient plus parvenir. Les
Parisiens prirent les armes pour se garder eux-mêmes et allu-
mèrent partout de grands feux pendant la nuit.
Cependant les Bretons de Richemont n'arrivaient pas , bien
1. D'après le Relig. de Saint-Denis (IV, 319), ce fut le duc de Berry qui
forma la ligue de Gieu. Jeau-sans-Peur l'en accusait formellement (Moreau,
1424, n" 61).
2. X<» 8602, f» 228, 229. Relig. de Saint-Denis, IV, 429. X^a 1479, f 130.
D. Félibien, II, 749, et IV, 554. Le roi était rentré à Paris le mardi 16 sep-
tembre X»a 1479, f° 131 v°.
3. Arrondissement de Corbeil.
4. X»», 4789, f» 2. Arch. des aff. élr. (France), t. XXI, fos 108 v», 111 y-, 112,
117. Monstrelet, I, 398, 397. Le Fèvre de Saint-Remy, I, p. 21. Le Bourgeois
de Paris, p. 7-10. Le Religieux de Saint-Denis (témoin oculaire de ces faits),
IV, 327, 329, 337, 331. Xii 1479, f 137, au 12 novembre. Le duc de Berry
arriva le lundi avant la Saint-Denis, c'est-à-dire vers le commencement
d'octobre, à son château de Bicêtre (Religieux de Saint-Denis, IV, 377).
Gilles de Bretagne était alors à Paris. Il assistait au Conseil du roi le
8 octobre (X»*» 8602, fos 251, 252).
Richemont. 2
18 TRAITÉ DE BICÊTRE (1410, 2 NOVEMBRE)
qu'ils fussent prêts à partir avant la fin de septembre. Des en-
voyés des ducs de Berry, d'Orléans et de Bourbon étaient même
allés en Bretagne leur payer leur solde *. Jean V cherchait à
gagner du temps par des lenteurs calculées. Vers le milieu d'oc-
tobre, le duc d'Orléans envoya encore en Bretagne un de ses
conseillers, Nicolas Le Dur, pour hâter le départ de Richemont ^.
Celui-ci put enfin partir, avec un grand nombre de jeunes sei-
gneurs, de chevaliers et d'écuyers. Il arriva bientôt à Bicêtre^
« excusant son frère tellement quellement ». Il amenait au moins
6000 chevaux K
Les Armagnacs serrèrent Paris de plus près. Richemont occu-
pait, avec ses troupes, le village de Genlilly. Il venait, avec les
autres princes, à Bicêtre, où le duc de Berry avait un somptueux
château. C'est là que fut conclu, le dimanche 2 novembre 1410,
un traité qui suspendit à peine pour quelques mois la guerre
civile ^. L'arrivée de Richemont avait vraisemblablement hâté
la conclusion de la paix.
Les deux partis continuaient de s'observer avec défiance. Le
duc d'Orléans ne pouvait ni oublier ni pardonner le meurtre de
son père; il reprochait au duc de Bourgogne de conserver le
pouvoir, contrairement au traité de Bicêtre, et Jean-sans Peur
accusait le duc d'Orléans de ne point désarmer. Le 18 juillet 1411,
les trois fils de Louis d'Orléans ^ adressaient un défi au duc de
Bourgogne, et bientôt la guerre se rallumait ^.
Les choses se passèrent à peu près comme l'année précédente.
Le roi publia encore contre les rebelles des mandements dont
on ne tint nul compte, et le duc de Guyenne écrivit à Jean-sans-
Peur de venir, avec autant de troupes qu'il en pourrait amener.
J. Append,, VIL
2. Append., VIII.
3. Cagny, dans le manuscrit Duchesne, 48, f"' 74, 75. Berry ap. Godefroy,
421. D. Lobineau, II, col. 881. Monstrelet, II, 95. Jouv. des U., p. 207.
Les Armagnacs- restèrent environ un mois devant Paris [Pièces orig.,
t. 2156, n» 456).
4. Religieux de Saint-Denis, IV, 379-385. Catalogue Joursanvault, t. I,
p. 43, D" 316. Moreau, 1424, n"» 53 et 61. Le duc de Berry devait avoir
« le gouvernement » du duc de Guyenne, conjointement avec le duc de
Bourgogne, qui se l'était déjà fait donner par lettres du 27 décembre 140^
(Moreau, 1423, n» 52 et 1424, n» 33).
5. Charles, duc d'Orléans; Philippe, comte de Vertus; Jean, comte d'An-
goulême.
6. K, 56, no 18. K, 57, n» 1. X'> 1479, f» 1, v». Jouvenel des U., 217. Reli-
gieux de Saint-Denis, IV, 387, 401, 407, 411, 435-439. Le duc dOrléans
avait fait broder sur ses panonceaux et sur ses étendards le mot justice^
d'un côté, en lettres d'or, de l'autre, en lettres d'argent. Catal. Joursanvault
t. rr, p. 15, n» 99.
NOUVELLE GUERRE CIVILE (1411) 19
le servir contre le due d'Orléans et ses alliés. Pour comble de
désordre et de honte, les Anglais furent sollicités d'intervenir
dans ces querelles. Il en vint de Calais avec les Bourguignons
et du Bordelais avec les Armagnacs, Jean-sans-Peur se dirigea
sur Paris avec une armée forte d'au moins 60 000 hommes *. Le
duc d'Orléans marcha aussi sur Paris avec des troupes parmi les-
quelles se trouvaient Richemont et ses Bretons, bien que le roi
eût écrit au duc de Bretagne pour lui demander encore des
secours ^ (H septembre 1411).
Ainsi, deux fois en moins d'un an, le jeune comte de Richemont
se trouvait mêlé à ces horribles guerres civiles où « frères ger-
mains estoient l'un contre l'autre et le fîlz contre le père ^ », où
tout sentiment de patriotisme se serait afffaibli s'il eût déjà
existé, où s'allumaient des haines ardentes et tenaces. Quand,
vingt -cinq ans plus tard, Richemont chassa les Anglais de
Paris et ramena les soldats de Charles VII dans cette ville, où les
Armagnacs avaient laissé de si odieux souvenirs \ il y trouva
encore des défiances et des rancunes qui entravèrent longtemps
ses efforts. En 1411, comme l'année précédente, il fut exposé à
combattre son frère Gilles, qui était « continuellement en com-
pagnie du Dauphin, duc de Guyenne, » et servait auprès de lui
les intérêts du parti bourguignon, Gilles se trouvait même à
Paris. Le Conseil royal, présidé par le duc de Guyenne, publia
un mandement qui menaçait des peines les plus rigoureuses
tous les alliés des princes d'Orléans et qui les déclarait rebelles,
adversaires du roi et de son royaume. Parmi les noms qu'on
voit au bas de ces lettres figure celui de Gilles de Bretagne ^
1. K, 57, n»sH, 12. Religieux de Saint-Denis, IV, 461, 463, 467, 469-
473, 475, 477, 523. Jouv. des U., p. 230, 231, 233, Henri IV envoya le
comte d'Arondel au duc de Bourgogne, Ai'ch. des aff. étr. (France), t. XXI,
f°« 118 et 142. — Glairambault, t. 39, P 2933, et t. 35, f» 4185. Fr. 23709,
nO' 668, 669. K 72, n» 56*. De Sraet, Chron. de Flandre, III, 241. Le Fevre
(le Saint-Remy, t. I, 30, 36. Fr. 26038, nos 4533^ 4534. Monstrelet, II, 189,
202, J 339, n» 28. ~ E. Giraudet. Histoire de Tours, 1873, in-S», I, 193.
2. Religieux de Saint-Denis, IV, 481-483. Le 22 juin, Richemont était
à Bourges avec le duc de Berry et le comte d'Eu (J 186b, n» 78). En juin
et juillet, le duc de Bretagne était à Paris, avec le Dauphin (JJ. 165, f>s 215
v, 131 \o, 242 V". Clair., 218, f» 9881. Fr. 23709, n" 636, p. 2297, f 1087.
La lettre du roi au duc de Bretagne est aux Arch. de la Loire-Inf., cass. 38,
E, 104. Voir aussi Preuves de D. Morice, t. II, col. 858-860. Le 9 septembre
procession à Paris pour la paix (X^a 1479, f* 172).
3. Monstrelet, II, 203.
4. Le Bourg, de Paris, p. 10-12.
5. Monstrelet, II, 190, 191. Arch. de la Loire-Inf., cass. 138, E, 104 (let-
tres du 15 avril, du 18 mai, du 11 septembre), X»» 8602, f»* 286 v», 288 V.
K 57, nos 13 et 13 bis. Moreau, 1424, n» 54.
20 RICHEMONT PREND SAINT- DENIS (1411)
(3 et 14 octobre). Son frère Artur resta néanmoins avec les
rebelles. D'ailleurs, sans changer de parti, il se trouvera bientôt,
avec le roi et le duc de Guyenne, contre Jean-sans-Peur, devenu
rebelle à son tour.
Les Armagnacs voulaient entrer dans Paris, pour s'emparer
de Charles VI, « car c'estoit leur désir » ; mais, cette fois encore,
les Parisiens firent bonne garde. Le duc d'Orléans s'établit à
Saint- Ouen et dans les villages voisins, pour observer la capi-
tale, et il chargea Richemont d'assiéger Saint-Denis (4 octo-
bre 1411). Les Bretons commencèrent par s'emparer du fau-
bourg de Saint-Remy, puis ils livrèrent, pendant plusieurs jours,
des assauts terribles à la porte de Seine, moins forte que les
autres, mais ils furent repoussés par Jacques de Vienne. Alors
ils construisirent des machines, notamment des mantelets qui
les préservaient des projectiles lancés par les assiégés. Ils em-
ployèrent à ces travaux les charpentes des constructions élevées
pour la foire du Lendit ; ils se mirent à combler les fossés; ils
détournèrent le Grould, qui rendait inabordable une partie
de l'enceinte. Après un nouvel assaut, ils forcèrent Jean
de Châlon, prince d'Orange, à capituler, le 11 octobre. Ce
fut là le premier succès militaire du jeune comte de Riche-
mont \
L'armée orléanaise continua de bloquer Paris, arrêtant les
vivres, pour accroître la disette, et commettant, sur les proprié-
tés et sur les personnes, les plus affreux excès. Les Bretons ne
se signalaient pas moins au pillage qu'au combat. Ils voulurent
même, avec les Gascons, piller la riche abbaye de Saint-Denis.
L'archevêque de Sens, Jean de Montaigu^, qui « pour dalmatique
portoit le haubert et pour crosse une hache ^ », eut grand'peine
à contenir ces forcenés.
Dans la nuit du 14 au 15 octobre, le comte d'Armagnac, avec
les sires de Gaucourt *, de Gombour et des Bretons, surprit le
pont de Saint-Gloud, que leur livra Golinet de Puiseux. La garde
1. Voy. le Religieux de Saint-Denis, témoin oculaire de ces événements
et bien placé pour les connaître, t. IV, p. 495-505. Jouv. des U., p. 272.
Clair., t. 5, f» 187; t. 66, f" 5093; t. 93, f<'7223; t. 99, f° 7711; t. 111; fos 8689,
8701, 8709; t. 105, f" 8165; t. 112; f^ 8775. Fr. 25709, n° 669.
2. Frère du grand maître d'hôtel du roi, exécuté en 1409 (le Bourg, de
Paris, 6, 16).
3. Monstrelet, II, 192. Religieux de Saint-Denis, IV, 507, 513, 517-519.
Xia 8602, fos 286-288. JJ 165, f» 116.
4. Raoul V de Gaucourt, un des hommes les plus remarquables de ce
temps. Il était attaché aux ducs de Berry et d'Orléans {Pièces oing., 1. 1292,
dossier 29110 (Gaucourt), n°^ 8, 13, 16-18, etc. La Thaumassière, Hist. de
Berry, Bourges, 1689, in-f», p. 586 et suiv.
JEAN-SAIN S-PEUR REPREND SAINT-CLOUD (1411) 21
de ce poste important fut confiée à Richemont, qui y mit le sire
de Combour et Guillaume Bataille *.
Saint-Gloud et Saint-Denis donnaient aux Armagnacs les deux
rives de la Seine. De là, ils menaçaient Paris.- Ils poussaient, tous
les jours, des courses jusqu'aux murs de la ville et dans les envi-
rons. Les Bretons avaient même un autre poste plus rapproché,
à la Chapelle Saint-Denis. Les Parisiens faisaient des sorties.
C'est ainsi qu'ils allèrent, avec le boucher Legoix, incendier le
magnifique château de Bicêtre 2.
La haine des partis s'envenimait. A Paris, on publia, dans les
carrefours, de par le roi, un arrêt de bannissement contre les
ducs de Berry, d'Orléans et leurs alliés; on lut dans toutes les
églises, « à cloches sonnées et chandelles allumées », une bulle
d'Urbain V, prononçant contre les rebelles l'excommunication
et l'anathème. Ils en furent d'abord troublés, puis courroucés,
et ils ne mirent que plus d'acharnement à continuer la guerre ^.
Cependant le duc de Bourgogne arrivait à Pontoise (16 octo-
bre), où il fut rejoint par le comte de Penthièvre, son gendre. A
peine entré à Paris, il fit attaquer le poste de La Chapelle, où les
Bretons s'étaient fortifiés de leur mieux. Il y eut là une vive es-
carmouche. Les Bourguignons, soutenus par les archers anglais,
avaient l'avantage ; mais ils reculèrent, quand ils surent que les
Armagnacs de Saint-Denis, de Montmartre et des endroits voi-
sins s'avançaient pour leur couper la retraite *.
Jean-sans-Peur voulut réparer cet échec et dégager Paris.
Dans la nuit du 8 au 9 novembre, il sortit, par la porte Saint-
Jacques, avec un corps de 10 000 hommes, où se trouvaient les
Bretons du comte de Penthièvre et les Anglais. Il assaillit le
pont de Saint-Cloud, vers huit heures du matin. Surpris par cette
brusque attaque, les Bretons et les Gascons se défendirent vigou-
reusement, mais, accablés par le nombre, ils furent, pour la
plupart, tués ou pris et, parmi ces derniers, le sire de Combour
et Guill. Bataille. La tour du pont tenait encore. Les Armagnacs
de Saint-Denis vinrent se ranger en bataille le long de la Seine,
en face des Bourguignons, de sorte que le fleuve séparait seul
les deux armées. Les Armagnacs, voyant qu'il n'y avait rien à
1. Xia i479, f» 179 V». Le Bourg, de Paris, p. 12, note 5. Religieux de
Saint-Denis, IV, 509. Jouv. des U., 228. Monstrelet, II, 192. Le Baud, 447.
D'Argentré, 727. Félibien, I, 753. Berry, 422, 423.
2. Monstrelet, II, 197. Religieux de Saint-Denis, IV, 521.
3. Il s'agit d'une des bulles qu'Urbain V avait publiées contre les
grandes compagnies, de 1364 à 1369. — Monstrelet, II, 239. Religieux de
Saint-Denis, IV, 533-551. X*'^ 8602, f» 241.
4. Religieux de Saint-Denis, IV, 515, 527. Monstrelet, II, 198. Le Bourg,
de Paris, 14. Clair., t. XXI, f» 1519.
22 GUERRE DA?JS LES PROVINCES (1412)
faire, rentrèrent à Saint-Denis et s'éloignèrent dès le lendemain.
Comme les défenseurs de Saint-Cloud étaient excommuniés,
leurs cadavres restèrent sans sépulture dans la campagne, où
les chiens venaient les dévorer '.
Cet échec des Armagnacs devant Paris ne termina pas la
guerre; elle continua dans les provinces^. Jean-sans-Peur pour-
suivit de tous les côtés les princes d'Orléans et leurs alliés,
dans l'Ile-de-France, dans le Maine, la Normandie et le Perche,
dans le Poitou, dans le Berry, dans le Nivernais et jusque dans
le Beaujolais. Le comte de Richemont alla secourir son beau-
frère, le comte d'Alençon, contre Waleran de Luxembourg ',
que le duc de Bourgogne avait fait nommer connétable, en
place de Gh, d'Albret *, destitué comme rebelle. Il reprit aux
Bourguignons quelques places dont ils s'étaient emparés, no-
tamment Saint- Remy-au-Plain, vers la fin de 1411 &,
L'hiver interrompit à peine les opérations militaires. Au prin-
temps, elles devaient recommencer avec plus de vigueur. Le duc
de Bourgogne avait résolu d'assiéger Bourges, pour frapper un
coup décisif, et, dans ce but, il réunissait des forces considéra-
bles. Les Armagnacs étaient décidés ù emploj^er tous les moyens
de résistance, même à s'allier avec le roi d'Angleterre. Ils écri-
virent au duc de Bretagne et envoyèrent auprès de lui son frère
Artur, pour solliciter de nouveaux secours. Jean V, qui craignait
d'attirer la guerre dans ses Etats, continuait de se montrer tout
à la fois Armagnac et Bourguignon. 11 promettait, en même
temps, ses services au roi et aux princes d'Orléans; il écrivait à
Charles VI qu'il ne permettrait à personne de lever des troupes
1. Xia 1479, f" 174 v°. Le Bourg, de Paris, 13. Religieux, IV, 557-563.
Jouv. des U., 233. Le Fèvre de Saint-Remy, 1, 39, 40. Gruel, 186. Mons-
trelet, II, 202 et suiv. — Ypodigma Neustrise, p. 433, et Historia anglicana
(Walsingham), II, 283,286, London, 1863-64, in-S». Clair., t. 87, f- 6895.
JJ 165, f- 70 v°, 250. JJ. 166, f«s 14, 16, 23, 26, 77, 100. Félibien, I, 756.
Catal. Joursanvault, II, 220, n" 3376. D. Lobineau, II, col. 881-882. D. Gre-
nier, 89, f" 233. Fr. 5024, f" 201.
2. Voy. Le Fèvre de Saint-Remy, I, p. 43 et suiv. Religieux, IV, 569, 579,
603, 611, 613, 615, 619. Félibien, I, 759, 760. JJ 160, f^ 250. Fr. 26038,
n» 4584. Clair., t. 55, f" 4185. Le 12 mars 1412, le roi donne à Olivier de
Blois, comte de Penthièvre, les comtés de Blois et de Dunois, confisqués
sur le duc d'Orléans rebelle (JJ 166, f» 107 v«).
3. Waleran III de Luxemburg, fils de Guy de Luxembourg, comte de
Ligny et de Saint-Pol [Pièces orig., t. 1778, dossier Luxembourg, n<>s 21, 22;
P. Fenin, 29, note 1 ; Anselme, III, 723 et suiv., VI, 223).
4. Charles I" d'Albret (-j- 1415) [Anselme, VI, 203 et suiv.]. Pièces orig.,
t. 24. Il était attaché, depuis longtemps, à la maison d'Orléans (Pièces orig.,
t. 24, nos 85, 109, 111, 121).
5. Jouvenel des U., p. 236. Monstrelet, II, 235. Religieux de Saint-Denis,
IV, 673-675. Saint-Remy-au-Plain, arrondissement de Mamers (Sarthe).
RICllEMOrîT EN BRETAGNE (1412) '23
•en Bretagne pour le compte des princes révoltés, et il informait
le duc de Berry que le comte de Richemont allait partir, avec un
grand nombre de gens d'armes, pour aller à son aide. Le bailli
du Maine ayant intercepté l'argent que les chefs armagnacs
envoyaient pour payer ces troupes de Richemont, leur départ
fut ainsi retardé *. Autre mésaventure fâcheuse. La lettre de
Jean V au duc de Berry fut également saisie et envoyée au roi.
Charles VI écrivit, le 17 mars, au sire de Montfort, pour le char-
ger d'exprimer tout son mécontentement au duc de Bretagne et
à son frère Artur, et de les exhorter à venir le servir « le mieux
accompaignés et le plus hastivement que faire se pourra ^ ».
Cette curieuse lettre, qui montre si bien la duplicité de Jean V,
ne produisit aucun effet. Alors le duc de Guyenne envoya Gilles
en Bretagne négocier avec le duc, son frère, pour le détacher
du parti Armagnac. Gilles essaya aussi de gagner son autre
frère Artur; il lui fit de vifs reproches, « et eurent grandes pa-
roles ensemble; » mais, quoi qu'en dise le Religieux de Saint-
Denis ^, il ne réussit pas mieux auprès du comte de Richemont
qu'auprès du duc de Bretagne ; les événements le prouvent assez.
A ce moment, Jacques de Heilly *, maréchal du Dauphin, et
Jean Larchevèque, seigneur de Parthenay, faisaient la guerre
aux Armagnacs dans le Poitou, Ils assiégeaient Ghizé ^. Riche-
mont allait marcher au secours de cette place quand Jacques de
Dreux, qui apportait un mois de solde à ses troupes, fut pris
dans le Maine, avec son argent, comme on vient de le voir. Ce
«contre-temps arrêta Richemont, et la garnison de Ghizé fut ré-
■duite à capituler*. Cet incident ne mériterait guère d'être remar-
qué, si Artur de Bretagne n'avait eu à combattre, un peu plus
tard, ce même Jean Larchevèque, dont les biens confisqués de-
vaient lui être donnés par le duc de Guyenne.
jQuant au duc de Bretagne, non seulement il n'abandonna pas
les Armagnacs, mais encore il les servit de tout son crédit pour
leur faire obtenir l'alliance de Henri IV. Vers le commencement
d'avril (1412), des envoyés des ducs d'Orléans, de Berry, de
Bourbon et du comte d'Alençon furent aussi arrêtés dans le
1. D. Morice, I, 450. Religieux de Saint-Denis, IV, 611-613.
2. Preuves de D. Morice, II, col. 867, 868.
3. « Cornes de Dive Monte... monitis fratris sui, domini Egidii, quena
dominus dux Guiennae ad ducem fratrem miserai, gracia fœderis compo-
nendi, cum vicissitudine rerum mutans propositum, ducem Aurelianis ad
tempus relinquere dignum duxit. » (P. 614.) Gruel, 186. Le 6 avril, (iiltes
•était encore à Paris (Monstrelet, 11^ 237).
4. Clairambault, 28, f» 2033.
3. Arrondissement de Malle.
5. Religieux de Saint-Denis, t. lY, p. 611-613. Jouv. des U., p. 237.
24 RICHEMONT AVEC LE COMTE d'ALENÇON
Maine, pendant qu'ils se dirigeaient vers la Bretagne, pour
passer de là en Angleterre. On saisit sur eux des lettres adressées
au roi et à la reine d'Angleterre, au duc de Bretagne et au comte
de Richemont. Avec eux se trouvait un chambellan de Jean V *.
Le 6 avril, à l'hôtel Saint-Paul, dans un grand conseil auquel
assistaient les rois de France et de Sicile ^, les ducs de Guyenne
et de Bourgogne, le chancelier du Dauphin lut les lettres et les
instructions remises par les princes rebelles à leurs envoyés.
On y vit qu'ils devaient demander à Henri IV 300 lances et 3000
archers. Pour mieux exciter la colère de Charles VI, le chance-
lier déclara que les rebelles avaient fait serment « de détruire
le roi et le duc d'Aquitaine, le royaume de France et la bonne
ville de Paris! » Le pauvre roi fondait en larmes. Il voyait bien
que ces mauvais traîtres en voulaient à lui, à tout le royaume et
à ses fidèles amis. Il leur demanda aide et conseil. Aussitôt le
roi de Sicile, le Dauphin, le duc de Bourgogne et les autres sei-
gneurs, s'agenouillant devant le roi, s'engagèrent à le servir de
tout leur pouvoir. Parmi ces seigneurs se trouvait Gilles de Bre-
tagne, qui jurait ainsi de combattre les rebelles, c'est-à-dire ses
deux frères, le duc Jean V et Artur ^.
Malgré les remontrances du roi, le comte de Richemont avait
réuni « une très belle et grande compaignée •» de 1600 cheva-
liers et écuyers, qui, par affection pour lui, s'enrôlaient volon-
tairement sous ses ordres *. Parmi eux, on remarquait le vicomte
de La Belière, Armel de Ghâteaugiron, Eustache de La Houssaye,
Alain de Beaumont et Guillaume de La Forest, vieux capitaines
dont l'expérience et les conseils pouvaient être utiles à leur
jeune chef. Ce ne fut point le duc de Berri qu'il alla d'abord re-
joindre, mais le comte d'Alençon, qui avait fort à faire pour
défendre ses domaines contre le connétable de Saint-Pol et
Louis II d'Anjou, roi de Sicile. Richemont et son beau-frère pri-
rent alors Sillé-le-Guillaume et Beaumont ^ Laigle ** et plusieurs
autres places ''. — Ils s'approchaient ainsi des côtes de Norman-
1. Monstrelet, II, 236-238. Religieux de Saint-Denis, IV, 625-629. De La
Barre, itfe'wi. potir servir à l'hist. de France et de Bourg. Paris, 1729, in-4%
p. 126. Catal. Joursanvault, I, IS, n" 103. Le Fèvre de Saint-Ilemy, I, 50.
2. Louis II d'Anjou, roi de Sicile (+ 1417), fils de Louis P"" d'Anjou et
petit-fils du roi de France Jean II, le Bon. Louis II avait épousé, en 1400,
Yolande d'Aragon (Anselme, I, 231 et suiv.).
3. Monstrelet, II, 237-254. Religieux, IV, 625-631. Gilles était aussi au
conseil le l-"- avril (JJ 166, f» 102).
4. Gruel, 186.
5. Arrondissements du Mans et de Mamers (Sarthe).
6 Arrondissement de Mortagne (Orne).
7. Religieux, IV, 635. Monstrelet, II, 249, 233. Gruel, 186. JJ 166, fos 123»
129 V», 136. Le Fèvre de Saint-Remy, I, 54.
ILS VONT RECEVOIR LES ANGLAIS (1412) 25
die, pour attendre les troupes que le roi d'Angleterre allait
envoyer au secours des Armagnacs. Ceux-ci avaient, en effets
signé, à Bourges, le 8 mai 1412, un traité avec Henri IV, qui
chargea aussitôt son second fils, Thomas, duc de Clarence, de
conduire en France une petite armée *.
Le moment était décisif. Le duc de Bourgogne faisait les plus
grands efforts pour accabler les Armagnacs avant l'arrivée des
Anglais. Il emmenait alors le roi, avec le Dauphin, au siège de
Bourges 2. L'armée royale arriva devant cette ville le 11 juin, mais
elle éprouva une résistance énergique. Bientôt une chaleur
excessive, des pluies torrentielles, les émanations des marais,
l'odeur que répandaient de nombreux cadavres de chevaux en-
gendrèrent une épidémie qui fit beaucoup de victimes, notam-
ment P. de Navarre, oncle de Richemont. Enfin, le duc de Cla-
rence débarquait, avec environ 8000 Anglais, à la Hougue Saint-
Vaast ', dans le Cotentin. Le comte de Richemont et le comte
d'Alençon allèrent au devant d'eux et « d'un cuer joyeux les
receurent * ». Ils se dirigèrent aussitôt vers Bourges, en repous-
sant le duc d'Anjou et le comte de Penthièvre, qui lui avait
amené des renforts. Leur approche détermina le duc de Bour-
gogne à traiter. Les Anglais étaient parvenus jusqu'à Vendôme
quand le comte de Richemont fut informé que la paix venait
d'être conclue à Bourges, le 15 juillet 1412 ^.
1. Monstrelet, II, 339, chap. CGI. Le Fèvre de Saiat-Remy, I, 58-62.
Rymer, IV, 2e partie, 4, 5, 8, 12-15, 16, 17, 18, 20-22. Ypodigma Neustrix,
434-437, Proceedings, II, 28-31. Le duc de Bretagne, qui négociait lui-
même avec les Anglais, ne fut pas étranger à ce traité. Ai^ch. de la Loire-
Inf., cass. 47, E, 121. Arch. des aff. ét>\, t. 362, f»' 47 v*», 48. Rymer, 8, 10,
15. Preuves de D. Morice, II, col. 863-864. Le Fèvre de Saint-Remy, 337-338.
Le duc de Bourgogne fit aussi son possible pour avoir l'alliance des Anglais.
Proceedings, II, 19-24. Rymer, 3, 6. Fr., 25709, n» 677. Walsingham, Histo-
ria anglicana, II, 288. Graftoii's Chronicle, London, 1809, in-4». I, 503.
Fr. 20416, f» 38. JJ 166, f» 246. Il y eut certainement des Anglais dans
l'armée royale pendant cette campagne (Clair., 62, f» 4823).
2. X>" 1479, f- 204 v».
3. Arrondissement de Valogues.
4. Monstrelet, II, 291.
5. Fr. 26038, n^^ 4603, 4615. Xi» 8602, f" 257 V. Clair., t. 20, fo^ 1389-1392
et 1403, 1411 ; t. 23, f" 1691, 1692. X>* 1479, f" 204 v-, JJ 166, f = 161, 168 v»,
174. Fr. 25709, n"^ 681, 682, 687. KK 250, f»^ 10 et 11. Religieux, IV, 641-
645, 651-657, 663, 675-679, 683-689, 693-701, 705, 719-725. Monstrelet, II,
271-293. Berry, 424. Proceedings, II, 33. Cagny, f» 77. Gruel, 186. Le Fèvre
de Saint-Remy, t. I, 68, 69. Grafton, I, 504-505. Xi* 4785, f»' 317 v, 321.
D. Félibien, I, 760; III, 527-530. Moreau, 1424, n»' 56, 61. K 60, n" 3. K 72,
n* 56'*. La paix fut jurée le 22 août, à Auxerre. X" 1479, f»' 210, 212, 215 v».
X" 8602, fos 272 v°, 277. H. Vandenbroeck, Consaux, I, 92, 93. Voy. Âp-
pend., IX.
26 MORT DE GILLES (1412)
Avant d'aller rejoindre les ducs de Berry et d'Orléans, il se
rendit à Vannes, où se négociait le mariage de sa nièce Anne,
fille aînée de Jean V, avec Charles de Bourbon, fils aîné du duc
Jean de Bourbon. Dans le traité de mariage, on trouve certaines
clauses qui établissent dès lors les droits éventuels d'Artur, de
Gilles et de Richard au duché de Bretagne. Le duc et la du-
chesse s'engageaient, en outre, à dédommager les jeunes princes
de la part qu'ils devaient avoir dans la dot de la reine leur
mère et à leur assigner des revenus en compensation.
Ce traité fut signé à Rennes, le 19 juillet 1412. Artur le ratifia,
en son propre nom et au nom de ses frères, Gilles et Richard *. Le
même jour, Gilles de Bretagne mourait, à Gosne, de l'épidémie qui
avait fait tant d'autres victimes pendant le siège de Bourges ^.
C'était un jeune prince de grand avenir, fort aimé du Dauphin,
sur lequel il exerçait une véritable influence. Sa mort si préma-
turée fut un malheur pour le duc de Bourgogne, auquel il était
dévoué, car son frère Artur allait bientôt le remplacer auprès
du Dauphin, pour servir les intérêts du parti armagnac.
Dans la guerre qui venait de finir, Richemont, quoique bien
jeune, avait eu un rôle important. Malheureusement ces discor-
des civiles, ces déplorables alliances ne lui donnaient que de
mauvais exemples. II eût mieux valu qu'il apprît le métier des
armes en combattant contre les Anglais qu'en marchant avec
eux contre le duc de Bourgogne, son cousin, contre P. de
Navarre, son oncle, contre Gilles de Bretagne, son frère, contre
le roi de France et contre des Français.
En quittant Rennes, il alla retrouver les ducs de Berry, d'Or-
léans et les autres princes qui accompagnaient le roi. Il y eut à
Melun de grandes fêtes, par lesquelles Armagnacs et Bourgui-
gnons célébrèrent une réconciliation qui ne devait pas être de
longue durée. On fit approuver le traité de Bourges par Char-
les VI, qui se trouvait alors dans un meilleur état d'esprit. Il
pardonna aux rebelles, les reçut en bonne paix et leur rendit
leurs biens '.
Cependant les Anglais, irrités d'un dénouement auquel ils
avaient contribué, sans en tirer profit, devenaient fort gênants
pour leurs alliés, qui les avaient abandonnés avec si peu de scru-
pules. Ils réclamaient le prix de leur intervention et s'étaient
avancés jusque dans la Touraine et l'Orléanais, ravageant tout
1. Preuves de thist. de Bret., t. II, col. 871-874. Anne mourut peu après
(Ans.,I, 456).
2. X»' 1479, fo 210.
3. XI' 8602, f<" 274, 277. Religieux, IV, 719-721. Monstrelet, II, 293.
LES ARMAGNACS AU POUVOIR (1413) 27
sur leur passage. Après avoir fait mine de les vouloir combat-
tre, il fallut s'entendre avec eux, aux conditions les plus dures.
Le duc d'Orléans conclut le traité de Buzançais * avec le duc de
Clarence, qui emmena ses troupes en Guyenne, non sans com-
mettre de nouveaux ravages (14 novembre 1412) ^. On eut
•encore la velléité de faire la guerre aux Anglais. Le duc de
Bretagne lui-même semblait disposé à y participer, quand la
mort de Henri IV (22 mars 1413) et le départ de Clarence pour
l'Angleterre retardèrent les hostilités ^.
Il eût pourtant mieux valu combattre l'étranger que de
retomber dans les discordes qui allaient livrer aux coups de
Henri V la France affaiblie, mais la fureur des partis ranima
bientôt la guerre civile. Les Armagnacs ne pouvaient se résoudre
à laisser au duc de Bourgogne le pouvoir qu'il avait su garder,
même après le traité de Bourges. En déchaînant les bouchers
ei la populace de Paris, il restait maître de la capitale, du Dau-
phin, du roi, du gouvernement. Cette domination violente pro-
duisit bientôt une réaction favorable aux Armagnacs *. Le duc de
Berry en profita pour conclure, à Pontoise, un traité qui empêcha
une nouvelle guerre (12 janvier 1413) et réduisit Jean-sans-Peur
à quitter Paris (23 août). Les Armagnacs devinrent à leur tour
maîtres de la capitale et du pouvoir ^. Artur de Bretagne revint
à Paris, avec ses frères, au commencement de septembre ^.
C'est alors que le duc de Berry, pour mieux tenir le Dauphin
1. Arrondissement de Châteauroux.
2. K S9, n<' 2, 3, 4. K 72, n» 56». KK 250, f- 10 v°, 11, 63, 89, 124. KK 238,
f»' 13, 45, 56 V», 69, 118 v°. Fr. 1182, f°» 3, 4 v% 6. Clair., t. 13, f» 855; t. 46,
fo 3405; t. 49, f» 3713 ; t. 62, f° 4823; t. 83, f 6703 ; t. 97, f 7567 ; t. 98,
f» 7639; t. 100, f» 7729; t. 102, f° 7899; t. 104, f» 8183. — Moreau, 1424,
n" 61. A. Champollion-F., Louis et Ch. d'Orléans, Paris, 1844, ia-80, I,
290, 310, 317, 318.Moaslrelet, II, 303, 339. Religieux, IV, 721, 733-737. Catal.
Joursanvault, I, 81, n" 552: II, 220-222, n»» 3376-3379, 3382. JJ 167, f" 364.
La rançon du c. d'Angoulême n'était pas encore entièrement payée en
1447. K 72, n« 56i3. a. Ghanipollion-F., Lettres des rois et reines, II, 328-332.
3. Moustrelet, II, 337. Religieux, IV, 769. Jouvenel des U., 266. Le Fèvre de
Saint-Remy, t. I, 73, 74. X'« 1479 f» 237 v°. Fr. 26039, n° 4750. Clair., t. 27,
f« 1979; t. 93, f» 7243.
4. P. Les Essarts, prévôt de Paris, depuis le 12 septembre 1411, fut déca-
pité aux halles, le samedi 1" juillet 1413 (Xi» 1479, f°» 172 v», 247).
5. K 58, n» 5. Rymer, IV, 2" partie, 47 et suiv. Moreau, 1424, n"» 37, 58.
Monslrclet, II, chap. Cil et. suiv. Religieux, V, 1-67, 75, 81, 83-93, 95-121,
149, 153, 161. Jouv. des U., 257-264. Le Fèvre de Saint-Remy, t. I, 88-107.
X»' 1479, f" 248-250, 251 v». 254. K 950, n« 15. Fr. 23018, f 346 v». Féli-
bien, I, 771-772; IV, 557-558. Fr. 1182, f- 3. GataL Joursanvault, I, 16,
n» 211. LL 214, f» 187. Fr. 2832, f- 296. Le 5 septembre 1413, le roi révoque
les lettres de confiscation et de bannissement publiées auparavant contre
les Armagnacs (LL 214, f»- 232-237; Le Fèvre de Saint-Remy, I, 110-116).
6. Le Fèvre de Saint-Remy, I, 117. Monstrelet, II, 403. Cousinot, 150.
28 RICIIEMOINT AUPRÈS DU DAUPHIIN (1413)
SOUS son influence, plaça auprès de lui le comte de Richemont.
Dans l'état d'esprit où était habituellement le roi, le Dauphin
devenait l'auxiliaire le plus précieux pour le parti qui voulait
gouverner la France; mais ce prince, d'un caractère faible, fri-
vole, versatile, avait besoin d'être surveillé et dirigé *. Louis,
duc de Guyenne, avait alors près de dix-sept ans ; Artur de Breta-
gne en avait vingt; l'âge, sinon le caractère et les goûts, facilita
une liaison qui semble avoir été très intime. Dès lors, le comte de
Richemont assista souvent aux délibérations du conseil et s'ini-
tia aux affaires du gouvernement. C'est ainsi qu'on le voit figu-
rer, avec les ducs d'Anjou, de Berry, d'Orléans, de Bourbon, les
comtes d'Alençon et de Vertus, dans la séance où fut décidé le
bannissement des chefs du parti bourguignon (18 septembre
1413) \
Devenu le favori du Dauphin, il eut, dans sa maison, une
situation brillante. Ce changement exerça sur tout le reste de
sa carrière une influence qu'il ne pouvait soupçonner à cette
époque. Il put vivre alors dans l'intimité de la duchesse de
Guyenne, qu'il épousa plus tard, et son mariage avec cette prin-
cesse, sœur de Philippe-le-Bon, contribua grandement à sa for-
tune ^
Un détail assez curieux montre bien que des relations ami-
cales s'établirent promptement entre le duc de Guyenne et
Artur de Bretagne. Le Dauphin, qui aimait beaucoup les joyaux,
les objets d'art, désirait voir les merveilleux bijoux que possé-
dait le duc de Berry *. Il partit, un jour, avec le comte de Riche-
mont, incognito et vêtu de manière à se dissimuler parmi les
gens de sa suite. Le duc de Berry avait fait prévenir les officiers
de sa maison que le comte de Richemont allait à Bourges; il
leur avait recommandé de le recevoir et de le fêter comme lui-
même, de lui montrer tous ses bijoux et tout ce qu'il voudrait
voir. Les jeunes princes passèrent quelques jours à Bourges ^.
1. Voir son portrait dans Félibien, IV, 567-561. Relig., V, 17, 587-588.
Monst., II, 334.
2. Depuis le mois de septembre 1413, on voit souvent Richemont au
Conseil. K 58, n° 5, et X" 8602, f"' 286 v°, 300, 301. P 2298, f» 30. Fr. 21405,
fos 56, 58, 61, 63. Ordonn. X, 184. Fr. 25709, n»» 706, 708. JJ 167, f» 397, 557.
Jouv. des U., 272-274. Religieux, V, 183. Monstrelet, t. II, 464; VI, 123. D.
Plancher, III, 397. Preuves de D. Morice, II, col. 921. — Moreau, 1424, n" 68.
3. Gruel, 186.
4. Voir KK 258. Il y a dans ce registre l'énumération d'une quantité
incroyable de bijoux. On trouve souvent, en marge, les noms de ceux à
qui ces bijoux ont été donnés et, entre autres, le nom du duc de Guyenne.
5. Gruel, 186. L. Pannier, Les joyaux du duc de Guyenne, Paris, Didier,
1873, in-8°.
RICHEMONT AUPHÈS DU DAUPHIN (1413) 29
Pendant ce temps, la duchesse de Bretagne arrivait à Paris.
Jean V fut très mécontent, quand il apprit que son frère et son
beau-frère venaient de partir. Il crut que le Dauphin avait fait
ce voyage pour ne point voir sa sœur, la duchesse de Bretagne,
et il trouva une préméditation blessante dans un acte qui n'était
qu'une fantaisie déjeune homme. Il fut d'ailleurs détrompé par
le prompt retour d'Artur, qui se hâta de ramener le Dauphin à
Paris. Ce prince fit un accueil cordial à sa sœur. La jeune
duchesse reçut de riches présents. Le duc de Berry lui donna le
magnifique rubis de la Caille, qui appartenait jadis à la maison
de Bretagne '.
Le mariage de L. de Bavière, frère de la reine de France,
avec Catherine d'Alençon, veuve de P. de Navarre et tante de
Richemont ^, donna lieu à de grandes fêtes {i^' octobre 1413).
On y vit paraître le duc d'York et d'autres ambassadeurs
anglais, qui venaient négocier le mariage du nouveau roi
d'Angleterre avec Catherine de France, la plus jeune fille de
Charles VI. Les Armagnacs voulaient prévenir en cela le duc de
Bourgogne, qui songeait aussi à marier une de ses filles avec
Henri V, pour avoir l'alliance de l'Angleterre ^
Richemont eut le regret de voir éclater alors entre son frère,
Jean V, et le duc d'Orléans, une querelle de préséance. Le
comte d'Alençon prit parti pour le duc d'Orléans et s'emporta
jusqu'à dire au duc de Bretagne, son beau-frère, a qu'il avoit
au cuer un lion aussi grand qu'un enfant d'un an *. » Le roi
donna raison au due d'Orléans, et Jean V quitta Paris très
mécontent ; toutefois il laissa son frère Artur à la cour. Il avait
besoin de ses bons offices pour obtenir la restitution de Saint-
Malo. Richemont fît auprès du Dauphin et du Conseil de si vives
instances qu'on lui promit de rendre cette ville à son frère *^.
Il eut, à cette époque, l'occasion de voir souvent le jeune
Charles, comte de Ponthieu, qui fut roi, neuf ans après, sous le
nom de Charles VII. Il put aussi connaître la reine de Sicile,
femme de Louis II d'Anjou, Yolande d'Aragon ", qui vint pas-
ser quelques semaines à Paris, pour assister aux fiançailles de
1. Gruel, 187. Fr. 26040, n» 48ol. Catal. Joiirsanvaull, I, 97, no 624. Clair.,
t. 123, f» 531. Monstrelet, II, 403.
2. Le roi avait donné le comté de Mortain au Dauphin, qui le donna
ensuite à L. de Bavière (J 369, n»» 19, 20).
3. Religieux, V, 205.Jouv. des tJ.,26o. Arch. des aff. étr. (France), t. 21,
fo 134.
4. Monstrelet, II, 409.
3. Gruel, 187. Saint-Malo ne fut rendu à Jean V que le 9 octobre 1415
(Arch. des aff. étr., t. 6, France, fo 42 ; JJ 169, fo 1).
6. Fille de Jean I*', roi d'Aragon.
30 TROISIÈME GUERRE CIVILE (1414)
sa fille, Marie d'Anjou, avec le comte de Ponthieu (décembre
1413). Yolande repartit bientôt, avec les jeunes fiancés (5 février
1414); mais Richemont n'oublia pas cette princesse, qui lui ren-
dit plus tard de si grands services ^
La lutte entre les Armagnacs et les Bourguignons allait re-
commencer. Le roi de Sicile venait d'abandonner le duc de Bour-
gogne, pour s'allier avec les Armagnacs et de lui faire une mor-
telle injure, en lui renvoyant sa fille, Catherine, fiancée à son
fils aîné Louis d'Anjou (novembre 1413) ^. Alors Jean-sans-Peur
rassembla des troupes, malgré la défense réitérée du roi, et il
essaya d'agir auprès de son gendre, le Dauphin; mais les Arma-
gnacs se tenaient sur leurs gardes. Le 12 janvier, les ducs de
Berry, d'Orléans et d'Anjou, d'accord avec la reine Isabeau,
firent arrêter, au Louvre, plusieurs serviteurs du Dauphin, gens
dévoués au duc de Bourgogne et qui exerçaient une influence
fâcheuse sur l'esprit faible et inconstant du jeune prince. Son
nouvel ami, le comte de Richemont, ne pouvait sans doute pré-
valoir contre cette influence, car le Dauphin avait écrit trois fois
au duc de Bourgogne pour le prier de venir au plus vite l'arra-
cher à sa captivité (4, 13, 22 décembre 1413). Dès le lende-
main, par un revirement auquel Richemont contribua peut-
être, il défendit à son beau-père de rassembler des troupes et
de venir vers lui, ce qui n'empêcha pas Jean-sans-Peur de mar-
cher sur Paris avec toutes ses forces^.
La guerre civile allait donc encore désoler ce malheureux
royaume, qui en avait déjà tant soufl'ert. Cette fois, sans changer
de parti, Richemont se trouvait parmi les défenseurs de la cause
royale. Le 22 janvier 1414, le roi le retenait à son service, avec
100 hommes d'armes et 130 hommes de trait*. Le 26 et le 31 jan-
vier, Artur prit part aux conseils où l'on décida de combattre le
duc de Bourgogne ^. Sur ces entrefaites, on apprit, à Paris,
l'approche de Jean-sans-Peur. Une grande agitation se manifesta
i. De Beaucourt, Charles VU, I, 15-16. — Religieux, V, 161.
2. Monstrelet, II, 414. Le Fèvre de Saint-Remy, I, 123-126. D. Plancher,
III, 397. Moreau, 1424, n" 61. Arch. des aff. étr., t. 21, fos 108 \o, 117 v»,
131 v, 133 v°.
3. Arch. des aff. étr , t. 21, f'IoS. Religieux, V, 233-241. xMonstrelet, II, 421,
425, 430, 440-441; VI, 137. Le Fèvre de Saint-Remy, t. I, 138-142. D. Plan-
cher, III, Preuves, p. cclxxxvhi. Ces revirements soudains excitaient des
murmures. Le 12 décembre 1413, Charles VI donne au comte de Vertus
la maison de G. Barrau, notaire et secrétaire du roi, qui avait désapprouvé
la paix d'Auxerre et « étoit indigné que les choses qui auparavant étaient
déclarées mauvaises revinssent à droit et équité. » (JJ 167, f* 395.)
4. Preuves de D. Morice, II, col. 902.
5. Fr. 25709, n° 707.
DÉMONSTRATION A PARIS (1414) 31
aussitôt dans la ville, le dimanche 4 février. Le Dauphin dînait
chez un chanoine, au cloître Notre-Dame, quand on vint l'avertir
de ce qui se passait. Bientôt arrivèrent le roi de Sicile, les princes
d'Orléans, les comtes d'Eu ', d'Armagnac et do Richemont, avec
une multitude de gens de guerre, toute une armée, que Mons-
trelet évalue à 14000 hommes. Les Armagnacs voulaient faire un
grand déploiement de forces, pour prévenir une tentative de
soulèvement, car le duc de Bourgogne avait de nombreux parti-
sans à Paris, surtout dans le quartier des Halles, Il fallait asso-
cier le Dauphin à cette manifestation, pour montrer au peuple
que le Bourguignon agissait sans l'aveu de son gendre et qu'il
était véritablement rebelle. Le duc de Guyenne se prêta, sans ré-
sistance, à cette humiliante comédie. On le fit monter à cheval
et on le mit à la tète du principal corps de troupes, avec le roi
de Sicile et le duc d'Orléans ^.
Le comte de Richemont conduisait l'avant-garde , avec les
comtes d'Eu et de Vertus. Ils chevauchaient tous trois en tête
de leurs gens. Bernard d'Armagnac menait l'arrière-garde. Ceux
des Parisiens qui étaient du parti d'Orléans, bourgeois, gens de
robe et gens d'Eglise, montés et armés, faisaient cortège au Dau-
phin ' .
Cette armée alla d'abord se ranger devant l'hôtel de ville ; les
trompettes sonnèrent, et le chancelier de Guyenne dit à haute
voix que le Dauphin remerciait le peuple de Paris de son bon
vouloir et de sa loyauté. Il l'exhorta vivement à résister au duc
de Bourgogne, qui enfreignait la volonté royale et violait la paix,
en s'autorisant de prétendues lettres écrites par son gendre. Or
le Dauphin ne lui avait pas écrit ; son chancelier l'affirmait, et le
jeune prince déclara hautement qu'il disait bien la vérité. On
se rendit ensuite à la croix du Trahoir,dans le quartier des Hal-
les, où il y eut une répétition de la même scène, puis on laissa
le duc de Guyenne rentrer au Louvre, et le duc de Berry alla
l'y visiter, pour le maintenir dans ses bonnes dispositions. Le len-
demain et les jours suivants, les seigneurs parcoururent fré-
quemment les rues. Les conseillers du parlement et de la cour des
comptes furent obligés, quoi qu'il leur en coûtât, de chevaucher,
avec leurs gens armés, pour maintenir l'ordre dans la ville *.
1. Ch. d'Artois, comte d'Eu. Né en 1393, il avait le même âge que Riche-
mont. Il était fils de Phil. d'Artois, comte d'Eu (-}- 1397), et de Marie de
Berry, fille du duc de Berry, mariée ensuite, en 1400, à Jean l", duc de
Bourbon.
2. Moiistrelet, II, 429. Xi» 1479 f»% 283 V et 284. X** 4790, f 38 v». D. Plan-
cher, III, 397. Moreau, 1424, n» 61.
3. X»" 4790, fo 38 v».
i. Monstrelet, II,chap. GXV, p. 428. Le Fèvre de Saint-Remy, 1. 1, 142-14i. Il
32 JEAN-SANS-PEUR DEVANT PARIS (1414)
Le 7 février, le duc de Bourgogne vint s'établir à Saint-Denis,
d'où il envoya son roi d'armes, Artois, avec des lettres pour le
roi, la reine, le duc de Guyenne et les Parisiens. On ne le laissa
pas entrer dans Paris, et le comte d'Armagnac lui déclara que, si
lui, ou un autre envoyé du duc de Bourgogne, pénétrait. dans la
ville, on lui couperait la tête. Le samedi, 10 février, Jean-sans-
Peur rangea ses troupes en bataille sur les hauteurs de Mont-
martre. Il espérait que cette vue encouragerait les Parisiens à
prendre les armes. Ses coureurs parurent jusque dans le mar-
ché aux porcs; Enguerrand de Bournonville* s'avança jusqu'au-
près de la porte Saint-Honoré, avec 400 hommes; mais les Pari-
siens, contenus par la crainte que leur inspirait le terrible comte
d'Armagnac, n'osèrent répondre à ce pressant appel ^.
Le même jour, le duc de Bourgogne et ses partisans furent
déclarés rebelles, ennemis du bien public, et le roi appela aux
armes tous ses vassaux pour combattre leurs criminelles entre-
prises. Le lendemain, pendant la nuit, Jean-sans-Peur fît atta-
cher aux portes de Notre-Dame et du palais et en divers autres
endroits des lettres où il se plaignait des Armagnacs, qui tenaient
le roi et le Dauphin « en servage » et où il affirmait son bon droit,
avec la ferme volonté de le défendre. Il quitta Saint-Denis dans la
nuit du 15 au 16 février, pour aller dans ses Etats réunir de plus
grandes forces. Le dimanche, 25 février, au parvis Notre-Dame,
devant l'Université, l'évêque de Paris et le peuple, on brûla le
discours de J. Petit. Enfin, dans un conseil tenu, le 2 mars, à
l'hôtel Saint-Paul, il fut décidé que Charles VI irait combattre
les rebelles, et tous, même le Dauphin, jurèrent qu'ils poursui-
vraient le duc de Bourgogne, jusqu'à ce que lui et les siens
fussent détruits, ou au moins humiliés, et remis en l'obéissance
du roi. Le comte de Richemont assistait à ce conseil et jura aussi
la ruine de Jean-sans-Peur ^.
est étonnant que le bourgeois de Paris ne parle point de cette démonstra-
tion. Voir p. 47, 48. Xi» 4790, f» 38. D. Félibien, I, 774, 775; IV, 539. H. Van-
denbroeck, Consaux, I, 107.
1. Capit. de la garde du duc de Bourgogne {Arch. des aff. étr., t. 21,
fo 134).
2. Religieux, V, 243-247. Monstrelet, II, 432. X«' 1479, f» 285. « Ce dit jour,
environ neuf heures avant disner, se sont les seigneurs de la court levez
et partiz de la chambre, pour ce que l'on a rapporté que le duc de Bour-
goigne estoit, à grant effort de gens d'armes, ordonnez comme en bataille,
entre la porte Saint-Honoré et la porte Saint-Deniz, tenant les champs
devant Paris ; et, pour en savoir quelque chose, je montay au plus hault
de la tour criminelle de céans et viz lesdits gens d'armes es champs
d'entre le Rôle et Montmartre. « (Xi» 4790, f» 40.) «^
3. D. Plancher, 111, 398-402. D. Félibien, IV, p. 559. K 60, nos 4^ 5. Reli-
gieux, V, 249-269 et 271-279, 287. Monstrelet, II, 438, 439, 441-457, 464; VI,
RICHEMOÎST LIEUTENANT DU DAUPHIN (1414) 33
Une maladie épidémique retarda quelque temps le départ du
roi; mais une partie de l'armée, avec le connétable d'Albret, alla
d'abord asssiéger Gompiègne. Le mercredi 4 avril 1414, le roi
partit de Paris, avec un brillant cortège de princes, de seigneurs
et une multitude de gens de guerre. Tous, même le roi, por-
taient la bande ou écharpe d'Armagnac, au lieu de la « noble
et droite croix blanche, que lui et ses prédécesseurs avaient tou-
jours portée en armes * ». Il laissait à Paris les ducs de Berry et
d'Anjou.
Il avait retenu, le 31 mars, à son service, aux gages de 600 li-
vres tournois par mois, le comte de Richemont, avec 50 hommes
d'armes. Par lettres datées du même jour, il avait ordonné que
le jeune prince breton fût attaché à la personne du Dauphin, duc
de Guyenne, sous lequel il commandait, à 1000 livres de gages
par mois, 3000 hommes d'^armes et 1500 hommes de trait. Il y
avait dans cette compagnie des capitaines comme l'amiral Gli-
gnet de Brebant, David de Rambures, miître des arbalétriers,
Arnauld Guilhem de Barbazan. — Parmi les Bretons que Riche-
mont conduisait, on remarque Jean de Gambout, son maître
d'hôtel, et Jean de Ghâteaugiron, son secrétaire et trésorier ^.
L'armée royale, réunie à Senlis, alla continuer le siège de
Gompiègne, avec le connétable. Le comte de Richemont, qui
était, pour ainsi dire, le lieutenant du Dauphin, se trouvait déjà
au premier rang parmi les chefs de l'armée. Il fut chargé de
bloquer la ville d'un côté, avec le duc d'Orléans et les comtes
d'Eu et d'Alençon, pendant que le duc de Bar ' et le comte d'Ar-
magnac la bloquaient de l'autre. Gompiègne ne tarda pas à capi-
tuler (7 mai 1414) * et l'armée alla aussitôt assiéger Soissons. Gette
forte place fut vaillamment défendue par un des capitaines les plus
renommés du parti bourguignon, Enguerrand de Bournonville.
139-144; 221. X»" 1479, fo^ 285 v», 286 v». X'» 4790, f»' 40, 41 v", 44. Fr.
n» 708. 25709, P. Fenin, édition Dupont, 35. Clair., t. 82, f" 6453. — Arch. du
min. des aff. étr., t. 21, f» 132 v». H. Vandenbroeck, Consaux, I, 108-110.
1. Monstrelet, II, p. 466. JJ 167, f- 557. X»» 4790, f»^ 49 V, 50.
2. Preuves de D. Morice, II, col. 904 et suiv. — Préparatifs contre le duc
de Bourgogne. Fr. 25709, n"^ 706-708, 711. Fr. 26040, n" 4862. Clair., t. 20,
l'o 1409; t. 31, f» 2341; t. 33, f» 2429; t. 81, f» 6355;t. 96,fo 7479; 1. 100, f» 111 ;
t. 113, f»' 8879-8381. LL, 214, f» 273. D. Grenier, 89, f» 238. X'" 1479, f'^ 287,
289. JJ 167, fo'^ 607-608. Le Bourg, de P., 49, 50. Jouv. des U., 267, 272.
Monstrelet, II, 465. Religieux, V, 281. Berry, 427. Moreau, 1424, nos 62, 62',
62^. De Smet, Chroniques de Flandre, t. III, p. 345 et suiv. Le Fèvre de
Saint-Remy, I, 158 et suiv. X»» 4790, f»» 36, 120 v».
3. Edouard III, fils de Robert, duc de Bar, et de Marie de France,
deuxième fille du roi Jean le Bon et de Bonne de Luxembourg.
4. Fenin, 39. Religieux de Saint-Denis, V, 303-305. Jouvenel des U., 275.
Monstrelet, III, p. 1-3.
Richemont. 3
34 SIÈGES DE SOISSONS ET d'ARRAS (1414)
Le lundi 21 mai, avant l'assaut, le comte de Richemont fut fait
chevalier, avec Louis de Bavière et plusieurs autres seigneurs.
Après un combat terrible, les assaillants allaient être encore re-
poussés, quand des Anglais de la garnison ' ouvrirent une porte
à d'autres Anglais qui se trouvaient dans l'armée royale. En-
guerrand de Bournonville fut pris tout sanglant, couvert de
blessures. La ville subit toutes les horreurs de la guerre. Ni les
maisons, ni les monastères, ni les églises ne furent épargnés.
Au milieu du pillage et du massacre, les soldats assouvissaient
encore leurs fureurs bestiales. Les chroniqueurs s'accordent à
flétrir ces atrocités. « 11 n'est point chrestien qui n'eust pitié de
voir l'horrible et très misérable désolacion qui fut faicte en
icelle ville. » Ces hideuses scènes durent faire une impression
profonde sur l'esprit du jeune comte de Richemont, qui fut
aussi impuissant que les autres chefs à contenir la frénésie de
ses Bretons ^.
L'armée royale marcha ensuite contre le duc de Bourgogne.
Richemont suivait toujours le Dauphin. Il assista au conseil où
fut agité le sort de la ville de Bapàume ^, qui s'était rendue. Le
roi fit grâce aux habitants *. Le siège d'Arras, qui fut la der-
nière opération de cette campagne, dura environ cinq semaines
(28 juillet-4 septembre). Le duc de Bourbon et le connétable ar-
rivèrent le 28 juillet, avec l 'avant-garde. Derrière eux vint se
placer, en deuxième ligne, le comte de Richemont, avec les Bre-
tons. Les assiégés, commandés par Jean de Luxembourg^, se dé-
fendirent vaillamment. Ils avaient des arquebuses, ou canons à
main, d'invention nouvelle, qui firent beaucoup de mal aux
troupes royales. Le roi avait une bonne artillerie, mais il parait
qu'elle ne fut pas toujours bien dirigée, parce que les Bourgui-
gnons avaient gagné le chef des canonniers. Du côté où com-
mandait Richemont, il y avait une grosse pièce, nommée la
Bourgeoise, qui d'abord produisit de grands ravages dans la
place et devint bientôt inoffensive. Richemont en fut averti. Il
menaça de mort le traître, s'il ne faisait son devoir; mais cet
1. Le duc de Bourgogne négociait alors avec Henri V. Ces négociations
aboutirent à la convention de Leicester (23 mai), qui fut confirmée par le
traité d'Ypres (de Beaucourt, Charles VU, I, 132-134).
2. Monstrelet, III, 1-11. Le Religieux, témoin oculaire, V, 303-327,331.
X'» 1479, f» 296. D. Félibien, II, 776. Bourg, de P., 52, 53, note 2. X'» 4790,
f» 81 vo. Le Fèvre de Saint-Remy, I, 165-166, 370. Fr. 25709, no 708.
3. Arrond. d'Arras.
4. JJ 167, f«s 556, 557.
5. Jean II de Luxembourg, seigneur de Beaurevdr. Richemont épousa
en troisièmes noces sa nièce Catherine, en 1445.
TRAITÉ d'aRRAS (1414, 4 SEPTEMBRE) 35
homme s'enfuit dans la ville et donna aux assiégés des rensei-
gnements dont ils profitèrent.
De part et d'autre on se fatiguait du siège, quoique des joutes,
des festins , des chevauchées dans le voisinage apportassent
quelques diversions aux ennuis de cette campagne. Enfin, là,
comme devant Bourges, la dyssenterie faisait beaucoup de vic-
times. Tout cela détermina le roi et le duc de Guyenne à écouter
les propositions que la comtesse de Hainaut *, le duc de Bra-
bant ^ et les députés des trois états de Flandre vinrent apporter,
au nom du duc de Bourgogne. Un traité fut conclu, grâce à l'insis-
tance du Dauphin (4 septembre 1414). Le duc de Bourgogne fît
remettre au roi les clefs de la ville et de la cité d'Arras ; les
Armagnacs ôtèrent leur écharpe, les Bourguignons leur croix de
Saint-André, et les partis semblèrent réconciliés encore une fois^.
Un grave accident hâta le départ de l'armée royale. Le feu,
ayant pris au logis du comte d'Alençon, gagna tout le camp,
dans l'espace d'un quart d'heure. Il fallut s'enfuir précipi-
tamment. Des prisonniers, des malades laissés dans les tentes,
périrent au milieu des flammes. Au retour, le roi s'arrêta quel-
que temps à'Senlis *. Le 29 septembre, il retint à son service le
comte de Richeraont, avec 500 hommes d'armes et 100 hommes
de trait, à cheval, pour être continuellement en sa compagnie
et en celle du duc de Guyenne ^. Artur revint à Paris le 14 octo-
bre, avec le roi et le Dauphin. Le duc de Berry vint à leur rencon-
tre. Sur le passage du cortège, la foule criait ; « Noël! vive le roi
et son fils, le haut duc d'Aquitaine ''! »
Cependant, le malheureux Charles VI était retombé dans sa
maladie ordinaire. Le Dauphin gouvernait ', mais, à cause
de son humeur versatile, il était toujours surveillé par les princes
du parti armagnac. Le vieux duc de Berry cherchait d'ailleurs à se
l'attacher par sa générosité. Il lui donna son beau château de
1. Marguerite de Bourgogne, fille de Philippe-le-Hardi, mariée à Guil-
laume IV de Bavière^ comte de Hainaut.
2. Antoine de Bourgogne, fils de Philippe-le-Hardi.
3. Monstrelet, III, 18, 24, 30-32; VI, 164 et siiiv. Religieux, V, 347, 361-
363, 371-399. P. Fenin, 48-50. Jouv. des U., 276-278. Bourg, de P., 55. Gruel,
187. D. Mor., I, 456. D. Plancher, ïll, 413-418. P. 2298, P^ 133-150. Xi» 1479,
fo 304. Xia 8602, fos 291, 292. Fr. 23709, n» 710. Moreau, 1424, n» 64. — De
Beaucourt, Charles VII, I, 134, 135 note 2. — Le Fèvre de Saint-Remy, I,
181 et suiv.
4. Religieux, V, 381, 445. Monstrelet, III, 34. Bourg de P., 55.
5. Preuves de D. Mor., II, col. 908. Richemont était au Conseil le 6 oc-
tobre (Fr. 21 403, f» 63). Appendice X.
6. Monstrelet, III, 47. Religieux, V, 447.
7. Le 22 septembre, à Senlis, le roi lui avait donné le gouvernement.
i,Xia 8602, f- 291.)
36 RICFIEMOM FAVORI DU DAUPHIN
Mehun-sur-Yèvre • et de riches joyaux. Néanmoins, le Dauphin,
las de la surveillance qui pesait sur lui, tenta de s'y soustraire,
avec Taide des Bourguignons qui étaient encore à Paris. Un
complot fut tramé pour chasser les chefs armagnacs de la capi-
tale. Les gens du quartier des Halles devaient prendre les armes,
mettre le duc de Guyenne à leur tête et tuer tous ceux qui s'op-
poseraient à leur entreprise. Dans ce danger, les bons offices de
Richemont ne furent sans doute pas inutiles à ses amis les Arma-
gnacs. Les ducs d'Orléans et de Bourbon, prévenus à temps,
entourèrent le Louvre de troupes, pour garder le Dauphin, et
chassèrent de Paris quiconque était soupçonné d'être attaché au
parti bourguignon.
Le comte de Richemont était alors occupé à licencier 300
Bretons de sa compagnie, qui étaient restés aux environs de la
capitale, où ils vivaient de pillage, en attendant leur solde. Par
lettres du 24 octobre, il lui fut alloué 900 livres, afin qu'il pût
payer ses gens d'armes et les renvoyer en Bretagne ^, Vers la fin
de ce même mois, le Dauphin quitta brusquement Paris, comme
s'il eût voulu s'enfuir, et se dirigea vers le Berry. Aussitôt Riche-
mont partit, avec le comte de Vertus, pour l'aller rejoindre, soit
que cela eût été convenu entre eux et le Dauphin, soit plutôt
parce que les ducs de Berry et d'Orléans craignaient qu'il ne
se rendit auprès de Jean-sans-Peur. En tout cas, les deux jeunes
princes étaient chargés de ramener à Paris, le plus tôt possible,
le duc de Guyenne. Ils allèrent à Bourges, puis au château de
Mehun-sur-Yèvre, et revinrent tous les trois à Paris, vers le
commencement de décembre ^.
Soit que la surveillance dont Richemont entourait le Dauphin
fût adroitement dissimulée, soit qu'il fût d'accord avec lui pour
tromper les Armagnacs, il n'avait jamais joui d'une faveur plus
complète, et il en reçut alors une preuve éclatante. Par lettres
du 29 décembre 1414, le roi lui donna le gouvernement du
duché de Nemours *, qui appartenait à Charles III, roi de Na-
varre. Ce prince, bien différent de son père, Charles le Mauvais,
était d'un caractère doux, pacifique et loyal. Très attaché au
duc de Bourgogne, il l'avait soutenu pendant la guerre civile,
et il se trouvait compromis après sa défaite, comme tous ses
1. Arrondissement de Bourges.
2. Religieux, V, 449. J. de Cambout, maître d'hôtel, et J. de Château-
giron, trésorier de Richemont, reçurent du roi chacun 100 I. t. en récom-
pense de leurs services (Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 909).
3. Monstrelet, III, 53. Le Fèvre de Saint-Remy, I, 195, 196.
4. Nemours, arrondissement de Fontainebleau.
IL A LE GOUVERNEMENT DU DUCHÉ DE NEMOURS 37
autres partisans *. On n'alla pas jusqu'à confisquer son duché
de Nemours, mais le roi, c'est-à-dire le duc de Guyenne, déclara
qu'il en reprenait possession et en donnait le gouvernement,
jusqu'à nouvel ordre, au comte de Richemont.
Il y avait là une sorte d'adoucissement à la mesure rigoureuse
qui frappait le roi de Navarre. Nul ne pouvait gouverner ses do-
maines avec des soins plus dévoués que son neveu Artur de
Bretagne, et ces considérations avaient déterminé le choix du
roi. S'il en eût été autrement, si Richemont avait profité de son
crédit pour se faire donner, d'une manière déguisée, les biens
de son oncle, il eût montré par là une ambition peu scrupuleuse ;
mais il est bien plus vraisemblable que, ne pouvant obtenir pour
lui une amnistie complète, il chercha ainsi à lui rendre ser-
vice ^
Il ne quitta guère Paris pour exercer les nouvelles fonctions
que le roi lui confiait. Il usa sans doute du droit de nommer un
lieutenant, chargé de gouverner, à sa place, le duché de Ne-
mours, car il assista, le 3 janvier 1413, au service solennel qui
fut célébré à Notre-Dame, en l'honneur de Louis d'Orléans, puis
à deux autres services semblables, dans la chapelle des Géles-
tins et dans celle du collège de Navarre. Il put entendre le
célèbre Gerson faire l'apologie de Louis dOrléans et demander
que son meurtrier fût poursuivi, humilié, obligé de confesser
son crime et de faire réparation. 11 alla peut-être voir son frère
le duc Bretagne, et sa belle- sœur, qui étaient venus à Mon-
targis auprès de la reine Isabeau; mais on le retrouve encore
à Paris le 26 janvier, au conseil du roi, avec les ducs d'Orléans
et de Berry. A ce moment, Jean V était' déjà revenu à Nantes ^
Au commencement de février, une nouvelle ambassade, con-
duite par le comte de Dorset *, oncle de Henri V, vint à Paris,
pour négocier le mariage de Catherine de France avec le roi
d'Angleterre. Richemont assista probablement aux fêtes que le
roi donna en l'honneur des ambassadeurs anglais; mais on ne
voit pas qu'il ait, comme le duc d'Alençon ^ et plusieurs autres
1. Alain Bouchard, f" \M. Arch. des aff. étr., t. 21 (France), f»» 123,
124 v% 125 V. Xi<^ 4789, f» 206 v".
2. Voy. Append.fXI. Le roi de Navarre avait beaucoup de dettes. Il devait
notamment une somme considérable au duc de Bretagne et à ses frères,
à cause du mariage de leur mère (Preuves de D. Morice, II, col. 871-874).
3. Monstrelet, III, So-57. Pièces orig., t. 2157, n» 494. — Arch. de la
Loire-Inf., cass. 33, E, 90.
4. Thomas Beaufort, frère de Henri IV.
5. Le comté d'Alençon fut érigé en duché le 1" janvier 1415, en faveur
de Jean I" (X»» 8602, f» 201 v»).
38 LE DAUPHIN s'empare UU POUVOIR (1415)
princes, rompu des lances devant la reine et la duchesse de
Guyenne. Enfin, le 13 mars, il jura la paix d'Arras, qui venait
d'être ratifiée, après de nouvelles négociations avec la comtesse
de Hainaut *.
Peu après la confirmation du traité d'Arras, le Dauphin
accomplit un petit coup d'Etat auquel Richemont ne resta pas
étranger, quoiqu'il fût contraire aux intérêts de son parti. Le
duc de Guyenne voulait exercer lui-même, sans tutelle, le pou-
voir, dont on ne lui laissait que l'apparence. Au commencement
d'avril lilS, comme la reine Isabeau était à Melun, le Dauphin
l'y alla voir. Les autres princes, qui étaient à Paris, furent in-
vités par la reine et son fils à se rendre auprès d'eux Pendant
qu'ils étaient occupés de différentes affaires avec la reine, le
Dauphin partit secrètement et revint à Paris. Il fit fermer les
portes de la capitale et ordonna aux princes de se retirer cha-
cun dans ses domaines et de ne point venir à Paris, sans y avoir
été appelés par le roi ou par lui-même. Ils obéirent et s'en
allèrent, le duc de Berry à Dourdan ^, le duc d'Orléans à Orléans,
le duc de Bourbon dans son duché. Jean-sans-Peur était alors
dans ses États, le roi était malade à l'hôtel Saint-Paul, et le
duc de Guyenne se trouva enfin maître absolu du gouverne-
ment •'.
On peut croire qu'Artur de Bretagne l'avait bien secondé
dans toutes ces circonstances. Car il était auprès de lui et jouis-
sait de sa faveur la plus complète. Après s'être fait nommer ca-
pitaine de la bastille Saint-Antoine (9 avril), en place de Louis
de Bavière, le Dauphin en confia aussitôt la garde au comte de
Richemont, qu'il prit pour lieutenant (10 avril) *.
Il était facile d'exploiter la bienveillance d'un prince aussi
prodigue que le duc de Guyenne. L'occasion était bonne ; Ri-
chemont sut en profiter. Il ne refusait au Dauphin aucun ser-
vice. « Et adonc le duc d'Aquitaine, accompaigné du conte
de Richemont, estant au Louvre, osta sa femme de la compai-
gnie de la Royne et la fist mestre à Saint-Gerraain-en-Laye ^. »•
1. Monstrelet, III, 59, 60, 62, et pièces justif., VI, 164-173. Rellg., V, 403-
413, 415, 421-437. X>» 8602 fos 296-299 et 300-301. Bourg, de P. 59. Le Fèvre
de Saint-Remy, I, 205-212. K 57, no 10. — Moreau, 1424, nos 63, 66. D. Plan-
cher, III, 419-421. Pièces orig. (Orléans, t. VII), n" 496. D. Félibien, I,
778, 779.
2. Arrondissement de Rambouillet.
3. Monstrelet, III, 67, 70. Xi» 8602, f» 300. « Ainsi demoura le duc de
Guienne fort asseulé du sang royal et ne demora avec lui que le conte
de Richemont. » (Le Fèvre de Saint-Remy, I, 214.)
4. Preuves de D. Morice, II, col., 902 et suiv.
5. Monstrelet, t, III, p. 70. Le Dauphin tenait alors auprès de lui, aa
IL DONNE PARTHENAY A RICHEMONT (4415) 39
Il voulait, en l'éloignant ainsi, se livrer, sans contrainte, à son
goût pour les plaisirs. Jean-sans-Peur fut très irrité de cette
offense, mais sa fille n'en garda pas un ressentiment implacable
au comte de Richemont. Quant au Dauphin, il lui prodiguait les
marques de sa faveur. Non content de l'avoir fait nommer gou-
verneur du duché de Nemours et lieutenant de la bastille Saint-
Antoine, il lui donna encore la seigneurie de Parthenay et
d'autres terres qui venaient d'être enlevées, par confiscation, à
Jean Larchevêque, un des plus puissants seigneurs du Poitou *.
Jean II Larchevêque, après avoir pris parti pour les ducs de
Berry et d'Orléans, en 1410, les avait abandonnés, en 1413, pour
se joindre aux Bourguignons. Quand Jean-sans-Peur fut vaincu
et humilié à son tour, ses partisans furent punis avec toute la
rigueur qu'il avait lui-même montrée auparavant à l'égard des
Armagnacs. Non seulement Jean Larchevêque se vit enlever sa
charge de sénéchal du Poitou, mais encore le roi confisqua ses
terres, pour cause de rébellion et de félonie, par lettres du 6
mai 1415. Ces biens furent d'abord donnés au duc de Guyenne,
par lettres du 14 mai suivant, et celui-ci en gratifia aussitôt son
favori Artur de Bretagne ^ (23 mai 1415). Les domaines des
Larchevêque comprenaient une grande partie de la Gâtine du
Poitou, c'est-à-dire les baronies de Parthenay, Secondigny ^,
Béceleuf *, Coudray-Salbart ^, avec les nombreux fiefs qui en
dépendaient, et, en outre, d'autres seigneuries, comme Vou-
vant ®, Merveut ' dans le Bas-Poitou, Ghâtelaillon ^. Richemont
devenait ainsi possesseur de grands domaines ; mais , avant
d'en avoir la jouissance incontestée, il lui fallut surmonter bien
des obstacles ".
Jean Larchevêque ne se laissa pas dépouiller sans résistance.
Comme il était puissant, on dut envoyer des troupes contre lui *".
Louvre, une jeune fille nommé la Gassinelle (Jouv. des U., manuscrit
Fr., S020, f" 118, v). Guill. Cassinel, père de cette jeune fille, faisait alors
partie du Conseil du roi {Fr. 25709, n» 721).
1. Bélisaire Ledain, Hùt. de la ville de Parthenay, Paris, A. Durand,
1838, in-S", p. 202 et suivantes.
2. Appendice, XII.
3. Arrondissement de Parthenay.
4. Arrondissement de Niort.
5. Id.
6. Arrondissement de Fontenay.
1. Id
8. Arrondissement de La Rochelle.
9. Bélisaire Ledain, p. 13 et 14.
10. Ghron. de J. Raoulet dans le 3« vol. de J. Chartier, édition Vallet de
V., p. 134. — Richemont était encore à Paris à la fin de mai (Fr. 21405,
^ 64, et Clair., t. V, f» 91).
40 RICIIEMONT CAPITAINE GÉNÉRAL (1415)
Le roi donna le commandement de ces troupes au comte de
Richemont, avec le titre de capitaine général, en le chargeant
de réduire à la soumission le sire de Parthenay et ses alliés '.
Cette petite armée se trouva réunie vers la fin de juin. On y
remarquait Charles de Mauny et Guillaume de La Forest, che-
valiers, Guillaume Baron, Jean de Dercé, David Tanac, Jacob du
Fou et beaucoup d'autres écuyers, dont les noms se retrouvent
dans les documents de cette époque. Richemont avait hâte de
partir pour cette expédition qui l'intéressait personnellement,
car la guerre avec les Anglais était imminente, et la France allait
avoir besoin de toutes ses forces^. Il s'empara promptement des
places de Jean Larchevèque ; celle de Vouvant lui fut livrée par
la femme même de ce seigneur^. Parthenay, qui était une des plus
fortes villes du Poitou "*, avait été mise en état de défense et
pouvait résister longtemps. Richemont en faisait le siège, quand
il fut rappelé par des lettres pressantes du roi et du Dauphin.
Henri V avait envahi la France (août 1415), pris Harfleur ^, qui
était alors le principal port de la Normandie ^ (14 septembre),
et il s'avançait vers Calais.
Richemont leva aussitôt le siège de Parthenay et se hâta d'al-
ler rejoindre le duc de Guyenne (octobre 1415). Il emmenait une
nombreuse compagnie, qui comprenait plus de 500 chevaliers
ou écuyers bretons, entre autres le sire du Buisson, qui portait
sa bannière, Bertrand de Montauban, Edouard de Rohan, etc. De
son côté, le duc de Bretagne marchait, à la tête 10 000 hommes,
au secours du roi de France, son beau-père, qui était à Rouen,
avec le Dauphin, le duc deBerry et le duc d'Anjou. Le Dauphin '
prit pour lieutenant le comte de Richemont et lui donna le com-
mandement de ses gens d'armes, ainsi que son enseigne. L'armée
française, avec le connétable d'Albret, les ducs d'Orléans, de
Bourbon et d'Alençon le comte de Vendôme, le maréchal de
Boucicaut % s'avança jusqu'à la Somme, pour y arrêter les An-
glais, comme avant la bataille de Crécy. Elle se réunit d'abord
à Abbeville. Parmi les grands seigneurs qui la commandaient,
1. Append., XIII.
2. Appendices, XII, XIII.
3. Xia4791, fos273 v», 274.
4. Bélis. Ledain, p. 5, 12 et 207, 208.
5. Arrondissement du Havre.
6. Monstrelet, III, 83. Bourg, de Paris, 61, 62. Religieux, V, 337-543.
Gruel, 187. Fenin, 38, Fr. 26040, nos 4989-4991.
7. Le Dauphin avait été nommé, le 26 avril 1415, lieutenant et capitaine-
général pour le fait de la guerre (J, 369, n° 22).
8. Jean le Meingre de Boucicaut, maréchal de France, un des capi-
taines les plus illustres de cette époque.
OVASION DE HENRI V (1415) 41
se trouvait Artur de Bretagne. Il avait enfin l'occasion de com-
battre, non plus pour un parti, mais pour la France *.
Henri V passa la Somme, le 19 octobre, sur les ponts de
Voyennes ^ et de Béthencourt % que les habitants de Saint-
Quentin n'avaient pas rompus, malgré les ordres du roi. Le len-
demain, dans un conseil tenu à Rouen, il fut décidé qu'on livre-
rait bataille aux Anglais, contrairement à l'avis du vieux duc de
Berry, qui n'avait pas oublié le désastre de Poitiers. Il obtint du
moins que le roi n'assisterait pas à la bataille.
Le jeudi 24 octobre, l'armée française se concentra tout en-
tière près d'Azincourt ■*, où les Anglais devaient passer le lende-
main, pour aller à Calais. Le roi d'Angleterre s'était logé dans
le petit village de Maisoncelles, à environ trois portées d'arc des
Français. Dans la nuit, le duc d'Orléans fit appeler le comte
de Richemont, et ils allèrent, avec 2000 hommes, jusqu'auprès
du camp des Anglais. Ceux-ci, craignant une attaque, sortirent
de leurs retranchements. Une escarmouche s'engagea; mais,
après avoir fait une simple reconnaissance, le duc d'Orléans et
Richemont ramenèrent leurs gens au camp. Il n'y eut rien de
plus cette nuit-là.
Le lendemain, vendredi 25 octobre, au point du jour, les Fran-
çais commencèrent à se ranger en bataille. Ils formaient trois
corps de troupes. Le comte de Richemont était à l'avant-garde,
avec le connétable d'Albret, les ducs d'Orléans et de Bourbon,
le comte d'Eu et le maréchal de Boucicaut ^. Ils attendirent les
Anglais jusque vers dix heures. Le roi d'Angleterre envoya
200archers, qui, dérobant leur marche par une adroite manœuvre,
entrèrent à Tramecourt ® et vinrent s'établir dans un pré , tout
à côté de Tavant-garde française , sans avoir été aperçus. En-
suite l'armée anglaise s'avança tout entière, en belle ordonnance,
les archers en avant. Les Français, beaucoup plus nombreux que
leurs ennemis, les attendaient avec confiance, comptant sur une
victoire assurée. Les Anglais s'approchèrent en poussant un cri
terrible, et aussitôt les archers, qui étaient cachés tout près de
l'avant-garde française, se mirent à lancer des traits. Les autres,
au nombre d'environ 3000, s'avançaient avec le reste de l'armée
1. Preuves de D. Morice, II, col. 921. D'Argentré, 729. Le Baud, 450.
Monstrelet, III, 98. Religieux de Saint-Denis, V, 547. Fr. 25709, n»s 726, 727.
Clair., t. 17, f 1171. Alain Bouchard, f» 152.
2. Arrondissement de Péronne.
3. Id.
4. Arrondissement de Saint-Pol (Pas de-Calais).
5. Clair., t. 39, f» 2939.
6. Arrondissement de Saint-Pol, c. du Parcq,
4^ BATAILLE d'aziiscourt (141o, 25 octobre)
anglaise, en tirant du plus loin qu'ils pouvaient, de toutes leurs
forces. Les Français étaient tellement serrés les uns contre les
autres, qu'ils pouvaient à peine lever le bras pour frapper. Les
traits lancés sur cette masse compacte y firent, en peu de temps,
d'effroyables ravages. Un corps d'élite, composé de 800 hommes
d'armes à cheval et commandé par l'amiral Clignet de Brebant,
était charge de rompre les archers anglais; mais 120 hommes
seulement s'élancèrent avec Guillaume de Saveuse, qui fut aussi-
tôt précipité à terre et percé de coups. Les autres, incapables de
gouverner leurs chevaux au milieu d'une grêle de traits, recu-
lèrent en désordre sur l'avant-garde, la rompirent en plusieurs
endroits et la refoulèrent dans des terres nouvellement remuées.
Dès lors, la déroute commença. Ceux qui tinrent pied furent mas-
sacrés par les archers anglais, qui, jetant- leurs arcs et leurs
flèches, frappaient avec les épées, les haches, les maillets. Après
avoir enfoncé Pavant-garde , ils pénétrèrent jusqu'au centre ,
qui fut également rompu. Sur le faux bruit quelesFrançaisavaient
pris son camp et allaient tomber sur ses troupes par derrière,
Henri V donna l'ordre de tuer les prisonniers. Sa victoire fut
complète. Le connélable d'Albret, les ducs d'Alençon, de Bra-
bant, de Bar et une foule d'autres grands seigneurs périrent dans
cette funeste journée. Parmi ceux qui gisaient sur cet horrible
champ de carnage, on trouva le jeune comte de Richemont
sous un monceau de cadavres. On le reconnut à sa cotte d'armes,
bien qu'elle fût toute souillée de sang. On le crut mort, mais il
n'était que blessé, peu grièvement. Il resta prisonnier, avec les
ducs d'Orléans, de Bourbon, les comtes d'Eu, de Vendôme et le
maréchal de Boucicaut. Parmi les Bretons de sa compagnie, plu-
sieurs furent aussi faits prisonniers, Edouard de Rohan, Olivier de
La Feillée, Jean Giffart et le seigneur du Buisson ; d'autres furent
tués, comme Jean de Ghâteaugiron, son secrétaire et son tréso-
rier, Guillaume de La Forest, son maréchal, Bertrand de Mon-
tauban, Jean de Goetquen, Geoffroy de Malestroit, Guillaume
Le Veer, etc. *.
1. Sur la bataille d'Azincourt, voir : Fr. de Kausler, Atlas des balailles,
Mersebourg, 1839, Atlas, feuille IX. J. de Waurin, édition anglaise de
W. Hardy, 193, 205-221, 230. Le Bourgeois de Paris, p. 64, 65. Le Fèvre
de Saint-Remy, I, 240-238, 269. Harris Nicolas, History of the battle of
Azincourt, London, 1832, in-8», 2» édition, notamment p. 108, 110, 138 et
les cartes. Walsingham, Ypodigma Neustris, 464-467. Historia Anglic, II,
311-314. C.-A. Gole, Memorials of Henry the fifth, London, 1858, in-8",
p. 46, 122, 123. Chronicle of J. Harding (témoin oculaire), Londini, 1543,
fo 210. Holinshed, Chronicles of England, II, 551. Rolls of Parliament, IV,
70, 85, 94, 106. J. Stevenson, II, 2» partie, 759. Graftori's chronicle, I,
518. J. Endell Tyler, Henry of Monmouth, London, 1838, 2 vol. in-S", 11^
RICHEMONT PRISONNIER 43
Le duc de Bretagne apprit bientôt ces tristes nouvelles. Il
s'était avancé jusqu'à Amiens, avec le désir de prendre part à
la bataille, bien qu'on lui ait reproché son inaction. Il avait in-
sisté pour qu'on acceptât aussi le secours de Jean-sans-Peur,
qui voulait venir; mais les Armagnacs n'y avaient point con-
senti. Quoi qu'il en soit, on ne peut que maudire encore les
funestes rivalités dont les conséquences se faisaient si cruelle-
ment sentir ^ Les troupes des ducs de Bretagne et de Bour-
gogne auraient peut être empêché le désastre d'Azincourt, et
même, à en croire un auteur breton ^, les Anglais ont avoué
qu'ils auraient abandonné le champ de bataille si, épuisés
comme ils l'étaient, ils avaient eu à combattre de nouveaux
ennemis.
Richemontfut « mené au roi d'Angleterre, qui fut plus joyeux
de sa prinse que de nul des autres, car il avoit ja oye la rumeur
de luy et creoit (aussi font tous Anglois) les prophéties de Mer-
lin, qui dient, ainsi qu'ils trouvent en leurs escripts, qu'un prince
nommé Artur, né de la Bretagne armoricane, portant un sangler
en son enseigne, si comme faisoit ledit comte de Richemont,
doibt conquérir Angleterre, et, après ce qu'il en aura débouté la
génération des Anglois, la repeuplera du lignage breton ^ » Ce
serait pour ce motif que, du vivant de Henri V, on ne put jamais
obtenir le rachat du comte de Richemont ^.
Sans attacher autant d'importance à cette tradition et à l'effet
qu'elle avait pu produire sur l'esprit de Henri V, on remarquera
que ce prince ne voulut jamais consentir à la libération définitive
de son captif. Ainsi Richemont perdit la haute situation qu'il
occupait déjà, malgré sa jeunesse, à la cour de France. Sa car-
rière, si brillamment commencée, allait être interrompue par
une longue captivité. Il n'avait encore que vingt-deux ans.
163 et suiv. P. Fenin, 62-66. Religieux de Saint-Denis, V, 553-571, 573-581.
Monstrelet, III, 95, 120. Berry, 430. Jouv. des U., 312-314. Gruel, 187, 188.
Cagny, f° 80 v°. A. Cliampollion, Lettres des rois, II, 338. H. Vaudenbroeck,
Consaux, I, 124. E. Hardy, Origines de la tactique française, Dumaine,
1879, in-8°, t. I, 467-476.
1. Jouv. des U., p. 297-300 et 308-310. JJ 160, f» 1. Toutefois beaucoup
de seigneurs bourguignons combattirent à Azincourt. Deux fils de Phi-
lippe-le-Hardi, Antoine, duc de Brabant et Philippe, comte de Nevers, y
furent tués. Quant à Jeaa-sans-Peur, il resta en relations avec Henri V
pendant cette désastreuse campagne (de Beaucourt, Charles Vtl, I,
134-137).
2. Le Baud, p. 451. P. Fenin, 66, Monstrelet, III, 102.
3. Le Band, p. 451.
4. D'Argentré, p. 730.
DEUXIEME PARTIE
LA CAPTIVITÉ ET LA DÉLIVRANCE
1415-1425
CHAPITRE PREMIER
LA CAPTIVITÉ DE RIGHEMONT (1415-1422)
Artiir en Angleterre. — Il revoit sa mère. — Guerre contre J. Larchc-
vêque. — Convention d'Angers. — Invasion de Henri V en France. —
Massacre des Armagnacs. — Artur vient en France. — Assassinat de
Jean-sans-Peur. — Emprisonnement de Jeanne de Navarre. — Richemont
retourne en Angleterre. — Jean V s'allie avec Philippc-le-Bon. — Il est
arrêté par les Pentliièvre. — La duchesse de Bretagne demande la déli-
vrance de Richemont. — Traité de Troyes. — Traité de Corbeil. —
Richemont revient en France. — Condamnation des Penthièvre. —
Artur reçoit de Henri V le comté dTvry. — Bataille de Baugé. — Jean V
s'allie avec le Dauphin. — Richemont ramène Jean V à l'alliance anglaise.
— Il va avec Henri V à Meaux et à Paris. — Il retourne en Bretagne.
— Il songe à épouser la duchesse de Guyenne. — II fait accepter à Jean V
le traité de Troyes. — Mort de Henri V. — Situation d' Artur. — Mort
de Charles VI. — Avènement de Henri VI et de Charles VII.
Après la bataille d'Azincourt, Henri V se rendit à Calais, où il
séjourna jusque vers le milieu de novembre. Richemont vit
arriver dans cette ville plusieurs seigneurs français, notamment
L. d'Estouteville et Raoul de Gaucourt, qui avaient défendu
Harfleur et qui venaient, fidèles à leurs engagements, se consti-
tuer prisonniers. Le roi d'Angleterre partit de Calais, le 16 no-
vembre, avec ses captifs, par une sombre et triste journée. Ils
débarquèrent à Douvres au milieu d'une tempête de neige. Sept
jours après, ils arrivaient à Londres, où se trouvait Jeanne de
Navarre, veuve du roi Henri IV et mère de Richemont *.
1. Monstrelet, II, 82, 94, 111, 123. Elmhami liber metricus de Henrico Quinto,
ap. Ch.-A. Cole {Memorials of Henry the fifth), p. 112, 113, 124. Ypodigma
46 RICHEMONT CAPTIF EN ANGLETERRE
Henri V était irrité contre Artur de Bretagne, qui avait com-
battu dans les rangs de ses ennemis. Il se plaignait aussi de son
frère Jean V, qui, au lieu d'observer une stricte neutralité, n'avait
pas empêché les Bretons de servir la France et avait même offert
de se joindre aux Français avantla bataille d'Azincourt. Jusqu'ici,
Henri V avait néanmoins traité sa belle-mère avec déférence. La
journée d'Azincourt fut, pour Jeanne de Navarre, le commence-
ment de cruelles épreuves. Son gendre, le duc d'Alençon, qui
avait frappé Henri V dans la mêlée, avait été tué; son fils Artur
était prisonnier. Malgré son chagrin, elle avait dû aller, en pro-
cession solennelle, à Wetminster, rendre grâces à Dieu, pour une
victoire qui la blessait dans ses plus chères affections *.
Quand elle apprit que son fils était à Londres, elle obtint laper-
mission de le voir. Ily avait bientôt treize ans qu'elle était séparée
de lui. Elle voulut l'éprouver et savoir si, après cette longue sépa-
ration, il reconnaîtrait encore sa mère. Au moment de l'entrevue,
elle mit à sa place une de ses dames d'honneur, qu'elle chargea
de le recevoir, et se confondit elle-même parmi les autres. Bientôt
les gardes amenèrent le comte de Richemont. H alla s'incliner
devant celle des dames qu'il prit pour la reine, croyant saluer sa
mère. Elle s'entretint quelques instants avec lui sans qu'il soup-
çonnât la supercherie, puis elle lui dit d'aller saluer les autres
dames. La reine, quand il s'arrêta devant elle, ne put contenir
davantage son émotion. « Mauvais fils, ne me reconnaissez-vous
pas, » dit-elle en versant des larmes? A ces mots, à cette vue,
Richemont, saisi d'attendrissement, embrassa en pleurant sa
pauvre mère, et ils échangèrent les plus affectueuses caresses *.
Le bonheur de retrouver sa mère apporta un adoucissement
à sa captivité. Elle lui donna des habits et mille pièces d'or, qu'il
partagea généreusement avec ses compagnons et avec ses gar-
diens; mais, dans la suite, il ne put la voir autant qu'il le dési-
rait. Henri V était vindicatif; il ne permit pas souvent ces en-
trevues du fils et de la mère, comme s'il eût voulu les punir
l'un et l'autre de leur sympathie pour la France. D'ailleurs
Artur de Bretagne et les autres captifs les plus illustres ne trou-
vèrent pas, à ce qu'il semble, auprès de Henri V, ces égards,
cette courtoisie, ces distractions qui jadis avaient charmé la
captivité du roi Jean à la cour d'Edouard HL Le comte de Riche-
mont ne put conserver qu'un seul valet de chambre, nommé
Neustrise, p. 459, 461, 467, et Historia Anglic, p. 307-309, 314. B. Williams,
Henrici V gesta. London, 1850, in-8, p. 58-60. Gruel, 188. Bullet. de la
Soc. de l'HisL de France, t. Il (1835), p. 260.
1. A. Strickland, t. TU, 96-98, et suiv.
2. Gruel, 188.
ÉVÉNEMENTS DE FRANCE (1415-1416) 47
Janin Gatuyt. Put-il du moins rester avec ses compagnons d'in-
fortune et tromper ainsi les ennuis d'une inaction forcée, qui
devait peser à sa jeunesse? On l'ignore, car son biographe se
borne à dire qu'il demeura prisonnier jusqu'en 1420. Depuis le
15 juin 1418 jusqu'au 27 février 1420, il fut, ainsi que le comte
d'Eu et le tnaréchal de Boucicaut, sous la garde de Th. Burton ;
mais on ne voit pas s'il leur était permis de vivre en commun
ou, du moins, d'avoir des relations fréquentes. Ils furent détenus
dans le château de Fotheringay, où devait languir Marie Stuart '.
Pendant la captivité de Richemont s'accomplirent, en France,
des événements qui durent augmenter encore sa peine. Le dau-
phin Louis mourut le 18 décembre 1415, à l'âge de dix-huit ans.
Ce jeune prince ne méritait pas de vives sympathies ; mais il
avait été le bienfaiteur, l'ami de Richemont ^. Six mois après, le
vieux duc de Berry mourut aussi, le 15 juin 1416 ^. Ce fut un
nouveau deuil pour Artur de Bretagne, qu'il avait toujours
traité comme un fils.
Il éprouvait, en outre, la contrariété de ne pouvoir défendre
lui-même ses intérêts, gravement compromis par son absence
et par la mort de ses plus puissants protecteurs. Obligé de quit-
ter la Gàtine avant d'avoir soumis J. Larchevêque, il avait
laissé des troupes dans les places qu'il avait occupées, sous le
commandement de son frère Richard de Bretagne; mais J. Lar-
chevêque, appuyé sur Parthenay, résistait avec succès. Pour
mettre fin à une guerre qui désolait la Gâtine, une convention
fut conclue entre Charles VI et Jean Larchevêque (12 août 1416).
Celui-ci recouvra ses biens confisqués en 1415, mais à condition
de les vendre au roi et au dauphin pour 141 000 écus d'or, en
se réservant toutefois l'usufruit. Le roi s'engageait, de son côté,
à lui faire rendre les places occupées par les gens du comte de
Richemont *.
A vrai dire, il n'y avait là qu'une de ces mesures d'apaise-
ment dont les Armagnacs avaient eux-mêmes bénéficié pendant
les vicissitudes des guerres civiles; mais Artur de Bretagne n'en
fut pas moins irrité qu'on profitât de son absence pour le dé-
pouiller, sans compensation. Il protesta; il invoqua les droits
que lui conféraient les lettres de mai 1415; il maintint ses gar-
nisons dans les places qu'elles occupaient, et la guerre continua
1. Proceedings, t. III, 119,120, 132. Insues of the Exchequer, p. 338, 339.
2. Religieux de Saint-Denis, V, 588. Monstrelet, III, 131, dit que « fut
commune renommée qu'il avait été empoisonné. » D. Félibien, IV, 560,
361. Le Bourgeois de Paris, 66,67.
3. Monstrelet, III, 145.
4. Bel, Ledain, Hist. de Parthenay, p. 209, 210, 214, 213.
48 GUERRE CONTRE J. LARCHEVÊQUE (1416)
dans la Gâtine, malgré l'inlervenlion de commissaires royaux,
chargés de faire cesser les hostilités '. Le pays fut cruellement
ravagé par les Bretons de Richemont et par les Picards que le
duc de Bourgogne avait envoyés au secours de J. Larchevéque^.
Ces derniers ayant pris, saccagé et brûlé le château de la
Roche-Faton (près de Parthenay), de nouvelles plaintes s'éle-
vèrent contre ces dévastations. Le dauphin Charles ^, comte de
Poitou, se trouvait alors dans l'Ouest. Il réunit à Saumur les
Etats du Poitou, au mois de juin 1417. Les députés de Poitiers
« furent chargés d'exposer au prince les maux infinis que ces
pilleries et roberies causaient aux populations et de le supplier
d'y porter un remède prompt et efficace "* ».
Celte affaire présentait plus de difficultés qu'elle n'en parait
comporter de prime abord . Elle se rattachait à cette intermi-
nable lutte des Armagnacs et des Bourguignons, qui, aux
périls de la guerre étrangère, ajoutait ceux des discordes ci-
viles. Jean Larchevêque, encouragé, soutenu par le duc de Bour-
gogne, avait tout intérêt à s'en tenir à la convention du 12 août
1416, qu'il n'avait point refusé d'exécuter. Pour le satisfaire,
il fallait donc sacrifier le comte de Richemont. Le nouveau
dauphin Charles, qui n'avait pas encore quinze ans, n'était pas
en état de résoudre cette question ; mais il était habilement
dirigé par sa belle-mère Yolande d'Aragon, tandis que le comte
d'Armagnac, devenu connétable, exerçait le pouvoir à Paris.
Veuve du roi de Sicile, Louis II d'Anjou ^ Yolande consacrait
aux intérêts de ses enfants une active sollicitude et toutes les
ressources d'un esprit supérieur. Elle négociait alors le mariage
de son fils aîné, Louis III d'Anjou, avec Isabelle, fille aînée du
duc de Bretagne. Elle profita de cette circonstance pour oble-
1. Lettres du 10 septembre 1416, par lesquelles le roi ordonne à L. d'Am-
boise, à Guill. Thoreau, à Guill. de Luce d'aller en Poitou, pour y faire
cesser les hostilités entre le sire de Parthenay et ses adversaires {Arch.
de la Loire-Inf., cass. 38, E, 104.)
2. Bel. Ledain, p. 211.
3. Son frère Jean, duc de Touraine, 2» dauphin, était mort à Compiègne
le 5 avril 1417. Monstrelet prétend qu'il fut aussi empoisonné, comme le
duc de Guienne (III, 168), et P. Fenin (p. 70) exprime le même soupçon.
Les écrivains bourguignons ont sans doute accrédité ce bruit. (Vallet
de V., Hist. de Charles VU, t. I, 24; de Beaucourt, Hist. de Charles VU,
t. I, 20-22.)
4. Bel. Ledain, Hist. de Parthenay, p. 211.
5. Louis II d'Anjou, roi de Sicile, mourut le 29 avril 1417. Il avait
épousé en 1400 Yolande d'Aragon, fille de Jean I""", roi d'Aragon. Leurs
enfants étaient Louis III, René, Charles (comte du Maine), Marie (femme
de Charles VII) et Yolande, qui épousa François de Bretagne, fils aîné de
Jean V et neveu de Richemont (Anselme, I, 231, 232, 235).
CONVENTION d'angers (1417) 49
nir de Richemont, par l'entremise de Jean V, les concessions
dont on avait besoin *. Artur consentit à traiter avec le Dauphin
et donna pleins pouvoirs au duc, son frère. Par une convention
conclue le 2 juillet 1417, à Angers, entre le Dauphin et Jean V,
il fut stipulé que Richemont garderait en toute propriété la sei-
gneurie de Châtelaillon, mais qu'il renoncerait à tous les autres
domaines confisqués sur J. Larchevèque en 1415; qu'il retirerait
ses garnisons des forteresses où elles étaient et que le sire de
Pouzauges en prendrait possession, au nom du roi ou du Dau-
phin, excepté les places de Mervent et de Goudray-Salbart, pour
lesquelles le statu quo était maintenu; enfin qu'une amnistie
pleine et entière serait accordée aux partisans du comte de Ri-
chemont et de son frère Richard, ainsi qu'à leurs adversaires.
Toutefois J. Larchevèque, considéré comme rebelle, de même
que le duc de Bourgogne, fut exclu de celte amnistie. Il résista
aux troupes du roi et ne posa les armes qu'au mois d'août,
quand Jean-sans-Peur eut lui-même fait la paix avec le Dauphin
(traité de Pouilly, 11-19 juillet 1419). Le sire de Parthenay
obtint des conditions honorables, pour lui et pour ses partisans
(31 août). Après l'assassinat de Jean-sans-Peur, il ne persévéra
pas dans son attachement au parti bourguignon; il confirma
même, par un nouveau contrat du 19 novembre 1419, la vente
de ses domaines au Dauphin ^.
En ce qui concernait Richemont, cette afi'aire semblait défini-
tivement réglée par la convention du 2 juillet 1417, mais elle
était loin de toucher à sa fin. Des événements qui intéressaient
à d'autres titres le captif s'accomplirent à cette époque. Le
3 juillet 1417 fut stipulé, à Angers, le mariage de sa nièce Isa-
belle avec Louis d'Anjou ^. Ces relations, qui rapprochaient plus
intimement les maisons de Bretagne et d'Anjou, ne devaient pas
être sans influence sur la destinée de Richemont. Dans la suite,
Yolande et ses enfants furent pour lui de précieux auxiliaires.
Vers la même époque, Henri V fit une nouvelle expédition en
France, et, s'il faut en croire le témoignage de Le Baud ^, il avait
1. De Beaucourt, Hist. de Charles Vif, I, 70.
2. Bel. Ledaim, Hist. de Parthenaij, 212-221. Le principal épisode de celte
guerre fut le siège de Parthenay par le comte de Vertus, Phil. d'Orléans,
■qui commandait l'armée royale (mai-septembre 1419). Gousinot, 176. J, 183,
n» 135. J 186, n» 86, f 15. Fr. 21405, f» 90.
3. Les fiancés étant encore enfants, le mariage ne devait avoir lieu que
plus tard, mais il ne se ût pas, et Isabeau de Bretagne épousa, le le octo-
bre 1430, Guy de Laval. (D. Morice, I, 463, et Preuves, II, col. 947. Anselme,
I, 456, 457. Arch. de la Loire-Inf., cass. 4, E, 10, et cass. 76, E, 179, avec
la signature de Yolande.)
4. Le Baud, p. 452, 455. — Ce témoignage unique n'est pas probant. Aucun
RiCHKMONT. i
50 INVASION DE HENRI V (1417)
amené son prisonnier avec lui. Richemont aurait donc assisté^
spectateur forcé, à cette campagne, pendant laquelle les Anglais
s'enfoncèrent plus profondément au cœur de la France; il aurait
été témoin de l'horrible carnage et des exécutions qui signalèrent
la prise de Gaen par Henri V (4 septembre 1417). Le duc de Bi-e-
tagne, voyant les Anglais maîtres du Gotentin, craignit pour ses
Etats. Il conclut une trêve avec le roi d'Angleterre et prit l'en-
gagement de rappeler tous les Bretons qui étaient au service de
la France (16 novembre) '. Par son entremise, le jeune duc d'An-
jou et sa mère firent, le même jour, une trêve semblable pour
le Maine et l'Anjou, avec la permission du roi ^.
La France, ainsi abandonnée de tous, envahie par les Anglais,
était encore attaquée par le duc de Bourgogne. Depuis la bataille
d'Azincourt^ le duc de Bretagne avait essayé plusieurs fois de le
réconcilier avec le Dauphin et avec les Armagnacs, qui gouver-
naient en son nom. Après avoir enlevé, à Marmoutier ', Isabeau
de Bavière, qui s'alliait maintenant avec lui, pour échapper au
joug du connétable d'Armagnac (2 novembre 1417), Jean-sans-
Peur, opposant la reine au Dauphin, continua la guerre. Alors
Richemont put voir se creuser de plus en plus l'abîme où la
France allait s'engloutir. Les Bourguignons entrèrent à Paris,
dans la nuit du 28 au 29 mai 1418, et massacrèrent les Arma-
gnacs. Il y eut dès l(jrs deux gouvernements, celui du Dauphin
et celui de Jean-sans-Peur. Bientôt Henri V s'empara de Rouen
(19 janvier 1419) et continua la conquête de la Normandie *.
Jamais la France n'avait couru de si grands périls.
Le duc de Bretagne, qui jouait le rôle de médiateur entre le
Dauphin, le duc de Bourgogne et le roi d'Angleterre ^, alla trou-
ver ce prince à Rouen, vers la fin de février. Il conclut avec lui
une trêve pour la Bretagne (19 mars) et travailla, sans grand
succès, au rétablissement de la paix générale ^. Il profita de ses-
document ne le confirme. D. Morice (I, 463) et D. Lobineau n'en ont tenu
aucun compte, — Walsingham, Hisloria anglic., II, 321, et Monstrelet, III,
188, n'en parlent pas davantage.
1. Rymer, IV, 3^ partie, 24, 25. Toutefois le duc de Bretagne permit
encore à ses sujets d'aller servir le Dauphin, et beaucoup de compagnies
bretonnes firent montre à Chinon, à Bourges, à Poitiers, aux ordres du
Dauphin. (D. Morice, I, 463).
2. Rymer, IV, 3^ partie, 23, 24. Autorisation donnée, à Paris, "par le roi,
le 10 novembre 1417 {Arch. de la Loire-Inf., cass. 76, E, 177).
3. Près de Tours.
4. Monstrelet, III, 260, 283. Fenin, p. 90.
5. K 60, nos 10, 12. X»» 8603, fos 36-43. — De Beaucourt, Charles VII,
t. r, 77, 103, 109, 295, 443.
6. D. Lobineau, I, 336, et t. II, col. 927. D. Morice, I, 470. De Beaucourt,.
I, 293, 296. — Archives de la Loire-Inf,, cass. 47, E, 121.
AUTUR VIENT EN FRANCE (1419) 51
entrevues avec Henri V pour lui parler aussi de son frère Artur,
qui aspirait ardennment à redevenir libre *. Le roi d'Angleterre
tenait trop à gagner l'alliance de la Bretagne ^ pour opposer
à Jean V un refus absolu. Il permit donc à Richemont de venir
en Normandie, avec Gh. d'Artois, comte d'Eu, pour traiter de
sa rançon. Dès la fin d'avril, les deux captifs étaient prêts à
quitter l'Angleterre ^ mais c'est seulement vers le 20 août qu'ils
partirent de Southampton pour Harfleur, où ils espéraient ren-
contrer Henri V.
Combien de temps Richemont resta-t-il en France? Alla-t-il
en Bretagne? Quels furent ses pourparlers avec Henri V? Il sem-
ble impossible de répondre à ces questions, mais on peut du
moins affirmer qu'il n'obtint pas sa liberté. Des événements qui
l'intéressaient à plus d'un titre s'accomplissaient alors en France.
Les Anglais, après avoir pris Avranches et Pontorson, avaient,
malgré la trêve, fait des courses en Bretagne. Jean V dut rap-
peler les troupes qu'il avait envoyées, avec son frère Richard,
dans le Poitou, seconder celles du Dauphin contre J. Larche-
vêque, toujours soutenu par le duc de Bourgogne *. Cette
nouvelle guerre, suspendue par le traité de Pouilly & (11 juillet),
fut terminée par celui de Parthenay-le-Vieux (31 août). En ce
qui concerne Richemont, il n'y eut par là rien de changé à la
convention d'Angers du 2 juillet 1417 ^ Il est probable qu'il était
encore en France quand, après des négociations, auxquelles
avait participé le duc de Bretagne, Jean-sans-Peur fut assassiné
1. 11 ea était de même pour les autres captifs. Dès 1417, L, de Bourbon,
comte de Vendôme, avait traité avec Henri V et donné comme garants les
ducs d'Orléans et de Bourbon, et le comte de Richemont; mais Henri V
exigea une fançon trop forte (Rymer, IV, 2« partie, p. 196; J. Stevenson,
t. II, 2« partie, p. 377). Pour le duc d'Orléans, voir K 64, n»» 37'', 37*.
2. Le 12 mars, Henri V, sur la demande du Dauphin, accorde un sauf-
conduit à Simon Vernis, envoyé par le duc de Bretagne à son frère Artur,
en Angleterre (Rymer, IV, 3" partie, 90). Le 9 mars, sauf-conduit pour
deux envoyés qui vont vers le comte d'Eu. En même temps, le Dauphin
négociait avec Henri V {Idem, 97, 98).
3. Ils étaient alors, avec le maréchal de Boucicaut, à Fotheringay, sous
la garde de s. Th. Burton {Issues of the Exchequer, p. 338, 359, 379;
J. Stevenson, I, 392-394). Avant le 3 mai, ils déclarent qu'ils vont aller
trouver Henri V en Normandie, pour traiter de leurs rançons (Delpit,
Doc, français qui sont en Angletetre, p. 226). Ils partirent vers le 20 août
de Southampton {Issues of the Exch., p. 360, 361).
4. D. Lobineau, I, 336; II, col. 905. D. Morice, I, 470, 471. Le Fèvre de
Saint-Remy, I, 370 et suiv.
5. Près de Melun (le Bourg, de Paris, 126). Voir ci-dessus, p. 49.
6. B. Ledain, Hist, de Parthenay, p. 214-220. Moreau, 1425, nos 77a, b.^ 78,
79. X'» 8604, fos 38, 39. De Beaucourt, I, 143-152. Arch. du mitiislère des
aff. étr., t. 20, f- 308 v». JJ 171, fos 90 V, 92, 94. Le Bourgeois de Paris, 126.
52 ASSASSINAT DE JEAN-SANS-PEUR (1419)
sur le pont de Montereau * par les conseillers du Dauphin
(10 septembre). Prémédité ou non par les Armagnacs, ce crime
aggrava la situation déjà si triste de la France. Le nouveau duc
de Bourgogne, Philippe-le-Bon, voulut venger son père, dût-il
livrer aux Anglais le royaume de ses ancêtres ^
En présence de ce danger, le Dauphin et ses conseillers de-
mandèrent des secours en Espagne, en Ecosse, en Bretagne. Ils
comptaient sur Jean V, mais celui-ci ne voulut pas envoyer de
troupes à son beau-frère, soit que le crime de Montereau eût
excité son indignation, soit qu'il redoutât le duc de Bourgogne
et le roi d'Angleterre, unis maintenant par une étroite alliance '.
Les Anglais menaçaient toujours la Bretagne. Pour comble de
malheur, le duc apprenait alors que sa mère, Jeanne de Navarre,
accusée d'avoir eu recours à des maléfices, dans le but de nuire
à son beau-fils Henri V, avait été emprisonnée. Comme son père,
Gharles-le-Mauvais, elle passait pour pratiquer la sorcellerie. A
cette époque, une accusation de ce genre, si peu fondée qu'elle
fût, était toujours dangereuse *. Jean V envoya l'évêque de
Nantes, J. de Maleslroit, avec une ambassade auprès du roi d'An-
gleterre, pour solliciter la mise en liberté de sa mère ^. Ce n'était
donc pas le moment d'irriter Henri V en s'alliant contre lui avec
le Dauphin. Quant à Richemont, on ne sait quelle fut son atti-
tude dans ces circonstances difficiles. Il était peut-être retourné
déjà en Angleterre, où on le retrouvera bientôt ^.
Jean Louvet, Pierre Frotier, Tanguy du Ghastel, Guillaume
d'Avaugour, hommes déterminés et peu scrupuleux, étaient alors
les principaux conseillers du régent. Tandis qu'ils, cherchaient
de tous côtés des secours, le duc de Bourgogne envoyait des
mandements royaux qui défendaient de donner aide ou conseil
au Dauphin et qui ordonnaient même de lui résister. On dit que
la reine Isabeau aurait alors écrit au duc de Bretagne, son
1. Montereau-faut-Yonne, arrondissement de Fontainebleau.
2. Sur l'assassinat de Jean-sans-Peur, voir de Beaucourt, Hist. de Char-
les VU, t. I, eh. V, p. 159-178; t. II, 631-658. Moreau, 1425, nos 82-86. —
23 décembre 1419, traité entre Henri V et le duc de Bourgogne. (Moreau,
nos 91^ 92. Xia 8604, f» 41 v». Voir aussi f» 45 et suiv. X»» 8603, fos 55, 56.
59-61. K 60, no 15.)
3. D. Morice, I, 472. D. Lobineau, I, 540.
4. Agnès Strickland, t. III, 101. — Walsingham, Historia anglic, t. II,
p. 331. — Issues ofthe Exch., p. 362.
5. D. Morice, t. I, 473.
6. Un document classé à tort parmi ceux de 1419, dans les Preuves de
l'hist. de Bretagne (II, col. 995-997), pourrait faire croire que le duc de
Bretagne eut, après le crime de Montereau, une entrevue à Saumur avec
le Dauphin, et que Richemont y assistait; mais cette pièce se rapporte aux
conférences de Saumur en 1425,
ARRESTATION ET CAPTIVITÉ DE JEAN V (1420) 53
gendre, pour le dissuader de secourir son fils. Quoi qu'il en soit,
Jean V ne voulut pas se déclarer pour le régent contre le duc
de Bourgogne *. Les Armagnacs, irrités, ourdirent alors un com-
plot avec les Penthièvre contre le duc de Bretagne, pour lui
opposer Olivier de Blois, petit-fils de Charles de Blois, le com-
pétiteur de Jean de Montfort. Jean de Blois, seigneur de Laigle,
frère d'Olivier, était auprès du Dauphin. Les conseillers du jeune
prince promirent aux Penthièvre de les soutenir, s'ils parve-
naient à s'emparer de Jean V, et le Dauphin les y aurait même
autorisés par lettres scellées de son sceau ^
La vieille Marguerite de Glisson, qui haïssait toujours les Mont-
fort, stimula son fils Olivier avec son énergie habituelle et pré-
para le guet-apens où elle voulait attirer Jean V. Cela était d'au-
tant plus facile que la réconciliation entre les Montfort et les
Penthièvre semblait alors complète. Le duc de Bretagne, invité
par Olivier de Blois et par sa mère à une fête au château de
Ghamptoceaux ^, fut arrêté traîtreusement, avec son frère Ri-
chard, par le comte de Penthièvre et Ch. d'Avangour *, le 13 fé-
vrier 1420. Quelques semaines après, le Dauphin, qui était alors
à Carcassonne, écrivait à Jean, comte de Penthièvre, et à son
frère Charles, pour leur recommander de bien garder le duc de
Bretagne et Richard (16 mars 1420) ^
Cet événement, qui coïncide avec l'époque la plus sombre de
notre histoire, marque une nouvelle phase dans la vie de Riche-
mont. Ses deux frères captifs, leur héritage menacé, c'était à lui
qu'il appartenait de prendre en mains leurs intérêts communs,
de punir les Penthièvre et de délivrer les prisonniers ; mais, captif
lui-même, que pouvait-il faire ? Cette difficulté ne découragea
pas sa belle-sœur, la duchesse de Bretagne, qui, comme autrefois
Jeanne de Flandre, comtesse de Montfort, montra un courage
1. Monstrelet, t. III, p. 357-3S8. Vallet de V., Hist. de Charles VU, t. I,
p. 190. Jean V conclut même un traité avec Phllippe-le-Bon, le 9 décembre
1419 (de Beaucourt, I, 202, note 2).
2. Monstrelet, IV, 29. D. Morice, t. I, 473. Le Baud, p. 453. D'Argentré,
p. 736. Vallet de V., Ilist. de Charles VII, t. I, p 140, 197. De Beaucourt,
Hist. de Charles VII, I, 202 et suiv. Charles VI accusa lui-même le Dau-
phin de complicité avec les Penthièvre; mais ce pauvre roi était alors
entre les mains des Anglais, qui voulaient brouiller Jean V avec le Dauphin,
et cette accusation a ici fort peu de valeur (voy. Append. XYII). En tout
cas, il semble certain que le Dauphin se déclara plus tard contre les cou-
pables et les traita comme tels (X»» 9200, fos 269 v», 270).
3. Arrondissement de Cholet.
4. Monstrelet, IV, 29-31. D. Morice, I, 473, et Preuves, II, col. 998-1003,
1070-1080. Arch. du min. des aff. étr., t. II, France, à 1420 (non paginé).
Ch. de Blois, seigneur^d'Avangour, frère d'Olivier de Blois.
5. Voy. Append. XIV.
54 OÎN DEMANDE LA DÉLIVRANCE d'ARTUR (1420)
tout viril, tandis que Jean V s'abaissait aux prières et deman-
dait qu'on lui laissât la vie, même au prix de sa couronne '. La
duchesse convoqua les Etats de Bretagne à Vannes, se présenta
au milieu d'eux, avec ses jeunes enfants, François et Pierre,
toucha l'assemblée par ses larmes et la conjura de prendre au
plus tôt les mesures nécessaires pour délivrer les captifs. En
même temps, elle envoyait une ambassade au Dauphin, son frère *,
pour lui demander s'il avait autorisé le crime des Penlhièvre;
elle obtenait, par l'influence de Tanguy du Ghastel , qull ne
leur donnât plus de secours; elle leur faisait une rude guerre,
grâce au dévouement des seigneurs bretons fidèles à leur duc.
Dans la séance du 23 février 1420, les Elats décidèrent, d'un
commun accord, qu'on poursuivrait la délivrance du comte de
Richemont avec toute la diUgence et par toutes les voies possi-
bles ^. Il fallait un chef qui, par son rang, sinon par ses talents,
pût commander à tous, sans conteste. La duchesse écrivit plu-
sieurs fois au roi d'Angleterre, et lui envoya des ambassadeurs
pour le prier de consentir à la délivrance de son beau-frère, le
comte de Richemont, ou, tout au moins, « de le prêter pour un
temps à elle et au pays de Bretagne. » Ainsi, dit-elle, dans sa
lettre du 5 avril 1420, « vous me alégerez fort de ma trislaicie
et doleur et espoir me garderez de mort, car, par ce, je aure
espérance a brief recovrer la personne de mondit seigneur et
espoux, et, en outre, ferez audit paiis un tel plaisir qu'il ne sera
jamais oubliz. » La fille de Charles VI en était réduite à implo-
rer l'assistance d'un roi ennemi, qui combattait le Dauphin, son
frère, pour lui enlever son héritage ''.
Le 26 mars, Henri V avait déjà fait aux précédentes lettres de
la duchesse une réponse obligeante. Il se montrait disposé à né-
gocier avec ses envoyés ^, mais il traîna les choses en longueur.
Richemont écrivit aussi à Henri V, le 12 avril. Il pria le roi
de permettre qu'il allât vers lui pour traiter de sa délivrance.
« Et, si Dieux plaist, dit-il, quand je seray par devers vous, je
feray tant, mon honneur gai^dé, que vous devrez être content; en
vous suppliant avoir mondit seigneur et frère pour recommand
1. D. Morice, I, 475.
2 En mars, Adam de Cambray est envoyé par le Dauphin en Bretagne
(aair., 24, MTSSj.
3. D. Morice, I, 476, et Preuves, II, col. 1001. Monstrelet, IV, 32. Montres
des troupes levées pour délivrer Jean V, col. 1008-1016.
4. Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1016-1017. Rymer, IV, 3« partie,
163-164. Moreau, 704 (Bréquigny, 80), f» 159.
5. Voy. la lettre de J. Le Brun, secrétaire du duc de Bretagne, à Henri V,
dans Moreau, 704 (Bréquigny, 80), P^ 182 et 187, et dans Champollion-F.
{Lettres des rois, II, 381).
résista:sce de henri v 55
€t en desplaisance la mauvaise traison qui li a esté faitte...
Vostre humble parent et prinsonnier : Le conte de Richemont
Artur. »
Le lendemain, il écrivit au dauphin Charles, pour le prier de
punir « celui de Painthèvre », dans le cas où il serait en sa puis-
sance. Il invoquait « la proximité de lignaige » qui unissait le
régent aux duc de Bretagne et à ses frères '. Il est probable que
le Dauphin répondit à cette lettre. Quant à Henri V, malgré toutes
les solUcitations, il ne voulut pas consentir au rachat de Riche-
mont, non pas, comme le dit d'Argentré, à cause des prophéties
de Merlin, « qui lui donnaient peur de cet homme ^ », mais parce
qu'il voulait, en gardant ce précieux otage, s'assurer la neutra-
lité, sinon l'alliance de la Bretagne. Peut-être aussi les accusa-
tions dirigées contre Jeanne de Navarre avaient-elles indisposé
Henri V contre son fils, en lui faisant supposer qu'ir n'était pas
étranger à ses prétendues machinations ^. En tout cas, il est à re-
marquer que Richemont fut alors détenu à la Tour de Londres,
sous la surveillance de Roger Ashton, lieutenant du g;ouverneur
de la Tour. Néanmoins, le roi d'Angleterre envoya des secours à
la duchesse de Bretagne, pour l'aider à combattre les Penthièvre.
Elle l'en remercie dans une lettre datée du 20 mai 1420 *.
Henri V était alors au comble de la fortune. Après de nou-
veaux succès militaires, il avait conclu le traité de Troyes, qui
lui donnait l'héritage du royaume de France, avec la main de
Catherine, fille de Charles VI (21 mai 1420) ^ Il avait le plus
grand intérêt à faire ratifier par Jean V ce traité, car la duchesse
de Bretagne, sœur aînée de Catherine, pouvait, à plus forte rai-
son, invoquer les mêmes droits à la succession de Charles VI.
Cette préoccupation manifeste de faire accepter par la Bretagne
le traité de Troyes contribua probablement à la délivrance de
Richemont.
Dans sa lettre du 20 mai, la duchesse de Bretagne se borne à
1. Ces deux lettres sont dans les Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1017,
1018; dans Ryuier, IV, 3° partie, 166, 167; dans les Lettres des rois et reines,
publiées par A. Champollion-F., Paris, 1848, t. 11,373, 377; dans Moreau,
704 (Bréquigny, 80), f»s 165 et 167. Il faut bien remarquer que la seconde
n'est pas adressée à Henri V, comme le croit D. Morice.
2. D'Argentré, 739. Alain Bouchard, f* 153.
3. B. Williams, Henrici V gesta, préface, p. xix.
4. Proceedings, II, 274-273. Lettres des rois, et II, 392. Preuves de l'hist.
de Bret., t. II, col. 1019-1021, et Rymer, IV, 3« partie, 170, 171. Voir aussi
Moreau, 704 (Bréquigny, 80), f» 172.
5. Rymer, IV, 3° partie, 171-177. Ordonn., XI, 86-90, 91 ; XII, 284. Vallel
de V., Hist. de Charles VU, 1, 233, 236. JJ 171, f"' 74-76. Rolls of Pari.
IV, 133. Xia 8603, fo61.
56 HENRI V CÈDE (1420)
remercier Henri V de ses secours, sans lui parler de son beau-
frère, mais elle lui adresse une prière discrète, en demandant
que le roi continue de la secourir. Peu après, elle chargea le
chancelier, Jean de Malestroit,évêque de Nantes, et Guil. de Mon-
tauban d'aller faire une nouvelle tentative auprès de Henri V en
faveur de Richemont (15 juin 1420) *.
C'était le moment où le roi anglais, après avoir célébré son
mariage avec Catherine de France (2 juin), s'emparait de Sens,
de Montereau (juin) ^ et assiégeait Melun, avec le duc de Bour-
gogne, Pendant ce siège mémorable, que la vaillance de Bar-
bazan devait prolonger plus de quatre mois (juillet-no vembre)^
Henri V avait amené à Gorbeil le malheureux Charles VI, ainsi
que la reine Isabeau et sa fîlle Catherine. C'est à Corbeil que se
rendirent les envoyés bretons J. de Malestroit, G. de Montauban
et Raoul le Sage, tandis que leur compagnon, J. Le Brun, se-
crétaire de Jean V, allait demander au comte de Salisbury ^ des
secours contre les Penthièvre et, au besoin, contre le Dauphin,
puis passait en Angleterre, auprès de Richemont *.
Les ambassadeurs trouvèrent sans doute un auxiliaire puis-
sant dans la jeune reine d'Angleterre, dont l'éclatante beauté
avait produit une impression profonde sur le cœur du conqué-
rant. Il est vraisemblable que la duchesse de Bretagne sut inté-
resser sa sœur Catherine à la réussite de ses démarches. En tout
cas, Henri V finit par se laisser fléchir. Il permit que Richemont
fût amené en France, "et, en attendant son arrivée, il commit les
évêques de Worcester et de Rochester pour régler, avec les en-
voyés bretons, les conditions de son élargissement (12 juil-
let 1420) ^
A cette date, le duc de Bretagne n'était plus captif. Acca-
blés par des revers continuels, abandonnés, au milieu du péril,
par ces mêmes ministres du Dauphin qui les y avaient con-
duits ^, les Penthièvre avaient été forcés de relâcher leur pri-
1. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1019-1021.
2. II est certain que Richemont n'était pas auprès de Henri V, au siège
de Montereau, comme on le pourrait croire d'après un fragment de chro-
nique donné pfft" Vallet de V., dans son édition de J. Chartier (III, 245).
3. Thomas de Montagu, comte de Salisbury.
4. Monstrelet, III, 410, 412. X^^ 1480, f» 224. Lettre de J. Le Brun (21
juin), dans Moreau, 704 (Bréquigny. 80), fo^ 182 et 187, et dans les Lettres
des rois et reines, t. II, p. 381.
5. Preuves de l'hist. de Bretagne, t. II, col. 1023. Rymer, IV, 3« partie,
182, 183. — Le même pour (12 juillet), ordre au trésorier de l'Echiquier de
payer 8 1. 9 s. 2 d, à Roger Ashton (lieut. du gouverneur de la Tour de
Londres), pour les dépenses faites par Artur de Bretagne et ses gens, pen-
dant qu'ils étaient sous sa garde [Proceedings, II, 274, 275).
6. Le Dauphin ordonna au sénéchal du Poitou de procéder, par voie de
TRAITÉ DE CORBEIL (1420, 22 JUILLET) 57
sonnier, le 5 juillet. On ne pouvait donc plus invoquer, pour
obtenir la délivrance de Richemont, le motif que la duchesse
avait fait valoir. Il semblerait qu'elle mit une lenteur calculée à
informer des derniers événements le roi d'Angleterre et les
envoyés bretons, comme si elle eût craint de nuire au succès de
négociations qui pouvaient aboutir d'un moment à l'autre.
Quatre jours après la mise en liberté de Jean V, ces envoyés
écrivaient au roi que leur duc était encore enfermé dans le châ-
teau de Gouldray-Salbart, que sa délivrance n'était pas pro-
chaine et qu'ils avaient grand besoin de mener promptement
leur mission à bonne fin *. Le 15 juillet, Henri V était encore
dans la même ignorance, puisqu'il nommait des commissaires
chargés de négocier avec Alain de Rohan, lieutenant du duc en
Bretagne, au sujet du traité de Troyes. Enfin le duc envoya
01. d'Ust et le héraut Hermine auprès du roi d'Angleterre, pour
lui annoncer sa délivrance et son intention de l'aller voir lui-
même. Le 20 juillet, Henri V accorda au duc le sauf-conduit
qu'il demandait ^. Deux jours après, fut signé, à Gorbeil, un
traité qui stipulait l'élargissement d'Artur de Bretagne aux
conditions suivantes :
Le comte de Richemont promettra, par lettres patentes,
signées et scellées de son sceau, et jurera, sur les saints Evangi-
les, en les touchant, sur son honneur, sur l'obligation de tous
ses biens meubles et immeubles, qvHà la Saint-Michel de Vannée
i422 il comparaîtra, en personne et publiquement, à Londres,
et se présentera, comme prisonnier, au roi d'Angleterre, ou à
son héritier, ou à son lieutenant, ou au chancelier, ou au maire
de Londres.
Pendant toute la durée de son élargissement et jusqu'à ce
qu'il se soit rendu prisonnier, il ne fera aucune alliance avec
celui qui se dit dauphin du Viennois ; il n'entreprendra rien,,
directement ni indirectement, contre le roi d'Angleterre ou ses
héritiers, ou contre le duc de Bourgogne, ni contre aucun de
ceux qui obéissent au roi de France et au roi d'Angleterre, héri-
tier et régent du royaume de France.
Pendant son élargissement, le roi d'Angleterre aura, comme
gage et garantie, le comté de Montfort, etc. — Ce n'était pas la
délivrance complète, car aucune rançon n'était stipulée. Riche-
mont était libre sur parole. Jusqu'à la fin de septembre i422,
mais il ne cessait pas d'être le prisonnier du roi d'Angleterre.
justice, contre les Penthièvre, qui furent cités à comparaître devant lui et
déclarés coupables du crime de lèse-majesté (X*» 9200, f- 270).
1. Rynier, IV, 3» partie, p. 182.
2. D. Morice, I, 476-479 et Preuves, II, 1038. Rymer, IV, 3' partie, 182-184.
58 RICHEMOINT REVIENT EN FRANCE (1420, OCTORRE)
C'est là ce qu'il ne faut pas perdre de vue pour comprendre et
juger la conduite du futur connétable *.
Ce fut seulement un mois et demi après le traité de Gorbeil
que Richemont quitta l'Angleterre pour n'y plus revenir (sep-
tembre 1420). Sa joie ne fut pas sans mélange, car il laissait sa
mère dans une situation inquiétante. Enfermée au château de
Pevensey, Jeanne de Navarre fut alors dépouillée de tous ses
biens. On croirait que le roi d'Angleterre voulait se réserver les
moyens d'agir, au besoin, par la crainte, sur les fils de Jeanne.
Il tenait surtout à faire jurer au duc de Bretagne le traité de
Troyes, qui enlevait la couronne de France au Dauphin, beau-
frère de Jean V ^.
Enfin le duc de Glocester ^ et le conseil du roi chargèrent
W. Meryng de conduire Richemont en France. Le 5 septembre,
Meryng reçut le prisonnier. Il se rendit par Pontoise, Paris et
Corbeil, auprès de Henri V, qui était alors à son camp devant
Melun. C'est là qu'il remit Artur de Bretagne entre les mains du
roi d'Angleterre (28 octobre 1420) *. Il y avait dans le camp
anglais un autre captif de distinction, Jacques V^, roi d'Ecosse.
Artur put ainsi nouer des relations avec ce prince, qui fut un
ami de sa famille et un fidèle allié de la France. Il revit aussi
le duc de Bourgogne, qui lui fit un accueil affectueux. Avant de
partir, les envoyés bretons laissèrent à Richemont Robert
Rouxel, Gervasic et l'écuyer tranchant Raoul Gruel, serviteur
habile et dévoué, qui mérita bientôt toute la confiance de son
nouveau maître et lui rendit de notables services. On peut
remarquer qu'à partir de cette époque, le biographe Guil. Gruel,
parent et peut-être frère de Raoul, est beaucoup mieux informé
qu'auparavant ^.
Après la capitulation de Melun ^ (17 novembre), Richemont
suivit probablement Henri V à Paris et à Rouen '. Il resta en
1. Ce traité, qui est en latin, se trouve dans les Pr. de Bret., Il, col. 1033-
1037, et dans Rymer, IV, 3' partie, 184-186. Dès le 30 mai, la duchesse de
Bretagne avait donné à ses ambassadeurs le pouvoir de promettre en
gage à Henri V le comté de Montforl. Registre Turnus Brutus, aux Arch.
de la Loire-Inf., fos 95, 171 y".
2. Proceedings, II, 277-279. A. Strickland, III, 105. D. Lobineau, I, 560.
Rymer, p. 187, et Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1037, 1038.
3. Humplirey de Lancastre, duc de Glocester, quatrième fils de Henri IV.
4. Proceedings, II, 277-279, et Issues of the Exchequer, 367. Religieux de
Saint-Denis, VI, 447.
5. Monstrelet, III, 412. Walsingham, Hist. anglic., II, 335. Gruel, ISS'
et 189.
6. Xia 4792, fo 234 v°. JJ 171, fo 134. Rymer, IV, 3« partie, 192.
7. Le Bourg, de Paris, 144.
CONDAMNATION DES PENTHIÈVRE (1421) 59
Normandie, sous la surveillance du comte de Suffolk ', après
avoir juré de ne pas quitter ce pays, sans l'autorisation du roi.
Un jour que le comte de SufTolk l'avait emmené dans la cam-
pagne, pour tirer de l'arc, ils allèrent jusqu'à Pontorson, petite
place située sur la frontière même de la Normandie et de la
Bretagne. Là, beaucoup de seigneurs bretons vinrent voir le
frère de leur duc, et, comme ils étaient plus nombreux que les
Anglais, ils lui proposèrent de le délivrer. Il refusa, ne voulant
pour rien manquer à sa parole *.
Cette loyauté inspira au comte de Suffolk assez de confiance
pour qu'il permît à Richemont de voir le duc de Bretagne. Les
deux frères, émus jusqu'aux larmes, s'embrassèrent avec effu-
sion, heureux de se retrouver après une séparation si longue et
de si cruelles épreuves. Il est peu vraisemblable que le duc ait
eu l'intention d'enlever alors son frère, comme semblent le
croire quelques auteurs. G. Gruel dit simplement que Riche-
mont revint auprès du roi d'Angleterre et que ce prince lui sut
bon gré d'avoir tenu sa parole. Quant à Jean V, il retourna en
Bretagne, pour châtier les Penthièvre. Ils furent condamnés
à mort, par contumace, aux états de Vannes, le 16 février 1421.
Le comte de Penthièvre, Olivier de Blois, parvint à gagner sa
terre d'Avesnes, dans le Hainaut, où il vécut obscurément jus-
qu'en 1434. Son frère Guil. d'Avangour fut détenu au château
d'Auray ^ ; son autre frère, Jean, seigneur de Laigle, se réfugia
■dans le Limousin, servit fidèlement la France contre les Anglais
et se réconcilia plus tard avec le duc de Bretagne, par l'entre-
mise de Richemont. Jean V et ses frères se partagèrent les
biens que les Penthièvre possédaient en Bretagne. Artur eut,
pour sa part, l'île de Bréhat *.
Avec les Penthièvre disparaissait le principal obstacle qui
s'opposait à la réconciliation de Jean V et du Dauphin. Celui-ci,
dans sa détresse, sollicitait l'alliance et le secours de la Breta-
gne, mais le duc hésitait encore entre Henri V, qui s'efforçait
1. Will. de La Pôle, c. de Suffolk.
2. Xia 1480, f" 224. Rymer, IV, 3« partie, 192. Gruel, 189. Le Baud,
458, 459.
3. Sa captivité dura vinpt-sept ans (d'Argentré, p. 752). Quant à son frère
Charles, il était certainement mort avant la fin de 1431 (Xi^ 9200, f» 4 v<>;
X*" 9194, f» 14; Anselme, VI, 103). Auray, arrondissement de Lorient.
4. Gruel, 189. Le Baud, 459. D'Argentré, 741-736. D. Morice, I, 435
et Preuves, II, col. 1069-1080. D. Lobineau, I, 556. Richard de Bretagne
eut aussi une partie de ces biens (Ibid., col. 1043-1046), ceux de Ch. de
Blois, seigneur d'Avangour, et de sa femme Isab. de Vivonne, que lui
donna le Dauphin lui-même. De là un long procès entre Isab. de Vivonne
et Richard de Bretagne après la mort de Ch. de Blois (X'» 9200, fos 4 v',
30, 38, 251, 269 V 386, X"», 9193, f» 125).
60 ARTUR REÇOIT LE COMTÉ d'IVRY (1421)
de Tattirer à lui, et son beau-frère, le Dauphin *. On regrette de
voir, dans celte crise suprême, le captif d'Azincourt prendre le
parti de l'Angleterre triomphante contre la France abattue.
Préoccupé surtout de ses intérêts personnels, il ne cherchait
qu'à plaire à Henri V. Il se rendit auprès de lui, à Rouen, où les
envoyés des comtes de Foix ^, d'Albret^ d'Armagnac * venaient
aussi vendre l'alliance de leurs maîtres (janvier 1421). Riche-
mont fut traité par Henri V avec une bienveillance qui ne pou-
vait lui paraître désintéressée. Il reçut le comté d'Ivry % en Nor-
mandie, pour lequel il fit hommage au roi d'Angleterre, dans
la grande salle du château de Rouen. Avant de quitter Rouen
pour retourner à Londres, le roi promit à Richemont de lui
donner la liberté complète, pourvu qu'il observât strictement le
traité de Gorbeil jusqu'au mois de septembre d422, et il le dis-
pensa de porter les armes contre son frère le duc de Bretagne,
dans le cas où les Anglais lui feraient la guerre (17 janvier 1421).
Quand Richemont se liait ainsi envers l'Angleterre, il savait
combien la situation de la France était critique. On peut dire
qu'il travaillait sciemment à la ruine de cette cause qu'il devait
plus tard faire triompher ^.
Un brusque revirement de fortune suivit de près le départ de
Henri V. Le Dauphin avait reçu 5 à 6 000 Ecossais, sous les ordres
du comte de Buchan et de Jean Stuart comte de Dernley. Ces
troupes, réunies aux Français commandés par La Fayette,
vainquirent, à la bataille de Baugé \ Thomas de Lancastre, due
de Clarence, qui fut tué dans la mêlée, avec beaucoup d'autres
grands seigneurs (22 mars 1421) ^ Ce succès encouragea les par-
tisans du Dauphin ^ et contribua sans doute à décider le duc de
1. Il y avait alors des négociations entre le duc et les Anglais (Le Baud,
p. 460; Rymer, IV, 4» partie, 6, 7, 18).
2. Jean de Grailly, c. de Foix (Anselme, III, 370).
3. Charles II d'Albret, fils aîné du connétable (Anselme, VI, 205 et suiv.).
4. Jean IV d'Armagnac, fils aîné du connétable (III, 420 et suiv.).
5. Arrondissement d'Evreux. Il n'est pas probable que Richemont ait
pris, à cette époque, Montfort, pour Henri V (voir Raoulet, ch. 13, dans le
t. III de J. Chartier).
6. Vallet de V., Hist. de Charles VII, t. I, 241. Rymer, IV, 3" partie, 199.
Fenin, 153. Grafton's chronicle, 1, 543. Gh. de Beaurepaire, Les Étals de
Normandie sous la dominatio?i anglaise, Rouen, 1870, in-4o, p. 15. Cronicques
de Normandie, édit. Hellot, Rouen, 1881, in-8°, p. 64. D. Morice, I, 486, et
Preuves, II, col. 1001.
7. Le Vieil-Baugé, arrondissement de Baugé, Maine-et-Loire.
8. Monstrelet, IV, 24, 37-39. Fenin, 153-155. Walsingham, Hist. anglic,
II, 338-39. Coll. Moreau, t. 247, f» 223, etc. X'» 1480, f- 231 v».
9. Villiers de l'Isle-Adam est renfermé à la bastille Saint-Antoine le
8 juin 1421, parce qu'il est soupçonné d'avoir voulu mettre dans la ville
JEAN V s'allie avec LE DAUPHIN (1421) 61
Bretagne en sa faveur. Il rompit les négociations entamées avec
les Anglais et vint trouver le dauphin à Sablé, où il conclut avec
lui un traité d'alliance, le 8 mai 1421 *.
Le Dauphin promit de renvoyer ses conseillers armagnacs et
désavoua le crime des Penthièvre. Le duc de Bretagne prit l'en-
gagement de secourir le Dauphin contre le roi d'Angleterre et
contre le duc de Bourgogne. Il déclara que l'usurpation de
Henri V était un attentat criminel, portant préjudice, non seu-
lement au Dauphin, mais encore à ses parents, qui pourraient
succéder au trône de France et spécialement à lui, Jean, duc de
Bretagne, qui avait épousé une fille du roi Charles VI. Il con-
damnait donc hautement le traité de Troyes et se rangeait à
côté du Dauphin pour repousser l'usurpateur. Ce rôle n'était
pas sans danger pour le duc de Bretagne, mais il n'était pas non
plus sans profit. Le régent Charles donna le comté d'Etampes ^
à Richard, le jeune frère d'Artur, avec plusieurs seigneuries du
Poitou, qui appartenaient aux Penthièvre.
Deux mariages furent alors conclus, pour consolider cette
nouvelle alliance entre le Dauphin et les princes bretons. Ri-
chard épousa Marguerite d'Orléans, fille du malheureux'Louis
d'Orléans ^; Jeanne d'Orléans, fille du duc Charles, le captif
d'Azincourt, fut fiancée au jeune duc d'Alençon *, Jean II, ne-
veu de Richemont. Les États de Bretagne ratifièrent avec em-
pressement le traité de Sablé, « car l'alliance anglaise leur dé-
plaisait fort ^, » et Richard, comte d'Etampes, alla se mettre,
avec une troupe de Bretons, au service du Dauphin ^.
les gens du Dauphin (X»» 1480, f" 234 v», et Félibien, Preuves, II, 585, 586;
Le Baud, 460; Rymer, III, 4« partie, 18).
1 . Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1091. Le Baud, 460. D'Argentré, 757.
2. Voy. Append. XV. Autres dons (KK 53, fos 72 v, 73).
3. Née en 1406.
4. On a vu que ce mariage avait été stipulé dès 1410.
5. D'Argentré, 757.
6. Alain Bouchard, f"' 157 v», 158. D. Morice, I, 487, et Preuves, II, col.
1090 et 1091. Lettres du Dauphin du 8 mai 1421, confirmées par Charles VII
en octobre 1425, aux Archives de la Loire-Inférieure, cass. 11, E, 31, et
cass. 38, E, 105. Monstrelet, IV, 41. Le G. de Buchan avait été envoyé
par le Dauphin à Vannes {Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1164). Richard
de Bretagne eut le commandement de 4000 h. d'armes et de 1500 h. de
trait (Glairambault, t. 96, f 7495 ; Fr. 26044, nos 5670-5672). Voir aussi
des comptes royaux au t. III de J. Chartier, p. 315. Il semble certain
que Richemont était en France à l'époque du traité de Sablé; mais il est
moins certain qu'il ait assisté, avec ses frères, aux conférences de Sablé,
comme le dit M. de Beaucourt [Hist. de Charles VII, t. I, p. 224). Ni D.
Morice (t. I; 472, 486), ni D. Lobiueau (t. I, 557;, ni Gruel (189), ni les
comptes du Dauphin (KK oO, f» 3; KK 53, fos 72, 106) ne mentionnent ici
le nom de Richemont.
62 RICHEMOIST EN BRETAGISE (1421)
A cette époque, la conduite de Richemont contraste, de la ma-
nière la plus malheureuse, avec celle de ses frères. Il cherche à les
détacher du Dauphin. Pendant qu'ils défendent la France, il se
donne tout entier à l'Angleterre. Sa liberté sans doute était à ce
prix, mais sa délivrance n'était plus nécessaire à son pays ni à
sa famille, et, sans parler des autres considérations, l'exemple
de ses frères aurait dû lui inspirer plus de réserve et de dignité.
Henri V, voyant que sa présence en France était indispen-
sable, débarqua le 10 juin à Calais avec de puissants renforts *.
Sous sa direction, les Anglais reprirent l'avantage. Comme il
trouvait partout des Bretons parmi les troupes du Dauphin, il
essaya de lui ôter l'appui de la Bretagne. Le comte de Riche-
mont ne rougit pas d'accepter alors une mission des moins ho-
norables. Il se rendit, avec le comte de Suffolk, auprès de son
frère, pour lui porter les propositions de Henri V et l'engager à
rompre le traité de Sablé ^. '
Jean V accueillit avec joie son frère et avec courtoisie les
autres envoyés du roi ; il leur donna des fêtes à Vannes ; mais
Richemont ne put le déterminer à quitter l'alliance du Dauphin.
Il eut beau lui représenter que celui-ci, en gardant auprès de lui
les Armagnacs, avait violé ses engagements; il ne put même
pas obtenir une simple promesse de neutralité ^ Toutefois Jean V
réunit à Rennes les États de Bretagne pour les consulter. Les
avis furent partagés; mais le parti français l'emporta, malgré
le mécontentement causé par la mauvaise foi du Dauphin.
Henri V permit à Richemont de rester encore quelque temps en
Bretagne, dans l'espoir qu'il amènerait enfin son frère à chan-
ger de résolution *.
i. Monstrelet, IV, 43. Walsingham, Hùt. anglic, II, 340.
2. « Et bien tost après (Richemont) eust congé de venir veoir le duc
Jehan, son frère, et l'amena le conte de Suffolk. Et la cause pour quoy il
eut congé ce fut pour relarder ^on frère d'Etampes et les Bretons d'aller
servir le Dauphin. » (Gruel, 189.)
3. Dans les instructions données par le Dauphin aux ambassadeurs
qu'il envoie auprès des rois de Castille et de Léon, il est dit que le duc
•de Bretagne est déterminé à servir le régent; qu'il a envoyé vers lui son
frère Richard. « Et,' combien que le conte de Richemont, autre frère du
dit duc de Bretaigne, soit venu audit pais, pour cuidier avoir gens d'armes
en faveur de l'adversaire d'Engleterre, il n'y a riens fait. » (Lat. 6024,
n» 12. Ce document est classé à tort sous la date 1419. Voir aussi
Fr. 20977, f» 257.)
4. Monstrelet, IV, 43, 69-72. Walsingham, Hist. anglic, II, 340. Le
Baud, 461 . Richemont vit probablement Henri V et le duc de Bourgogne,
soit à Mantes, soit à Paris (Gruel, 189, et Monstrelet, IV, 48). Au mois
d'août, il était en Bretagne. Le 7 août, la duchesse fit un présent au
comte de Richemont, « nouvellement venu de sa prison » [Preuves de l'hist.
dcBret., II, col. 1164).
IL DÉTACHE JEAN V DE LA FRANCE (1421) 63
Il eut alors l'occasion de se rendre plus utile à son pays.
La ville de Rennes était, à cette époque, la plus impor-
tante de toute la Bretagne *; elle avait une industrie active, un
commerce florissant, une population nombreuse. Des Nor-
mands, chassés par la guerre, étaient déjà venus s'établir dans
les faubourgs de Rennes, qui étaient peu à peu devenus trois
fois plus grands que la ville elle-même. Artur avait été reçu à
Rennes mieux que partout ailleurs. Il témoigna sa reconnais-
sance aux habitants en s'occupant de leurs intérêts. Il conseilla
au duc d'agrandir l'enceinte fortifiée et d'y enfermer les fau-
bourgs, qui, en temps de guerre, étaient exposés à tous les
ravages et pouvaient être ainsi un danger pour la ville. Le duc
lui laissa toute liberté d'action. Il semblait impossible que ce
travail fût achevé aussi promptement qu'il en était besoin; mais
le jeune prince communiqua son ardeur aux habitants de la
ville et du pays, qui l'aidèrent avec empressement.
Aussitôt il traça la nouvelle enceinte ; il fit creuser des fossés
larges et profonds, élever des palissades, et, en quelques mois,
la ville fut ainsi fortifiée, en attendant qu'on bâtît les murs et les
tours. Ce fut un véritable bienfait pour Rennes. Jean V promit
des lettres de naturalisation aux étrangers qui viendraient s'éta-
blir dans cette ville. Beaucoup de familles normandes répon-
dirent à son appel, et cet accroissement de population fut aussi
un accroissement de prospérité ^.
Ces soins ne faisaient pas oublier à Richemont la mission dont
l'avait chargé Henri V et qui motivait seule son séjour prolongé
en Bretagne. Il rappelait sans cesse à son frère que le Dauphin
était toujours gouverné par ses conseillers armagnacs. C'était le
meilleur moyen d'irriter Jean V et de mettre fin à ses hésita-
tions. Le duc n'avait plus aucun scrupule à rompre le traité de
Sablé, mais il ne pouvait s'alher avec le roi d'Angleterre qu'en
approuvant le traité de Troyes. Là était la cause de son embar-
ras, d'autant plus qu'il savait la répugnance des Etats de Breta-
gne à suivre cette politique anti-française. Richemont l'emporta,
et, soit que Henri V le pressât d'en finir, soit qu'il voulût faire
preuve de zèle, il partit avec un grand nombre de gens d'armes
pour aller annoncer cette bonne nouvelle au roi d'Angleterre
et pour se mettre à son service '.
i , Dupuy, Mémoire sur l'industrie et le commerce en Bretagne à la fin
du XV* siècle, dans le Bulletin de la Société académique de Brest, année 1879,
p. 50 et suiv. Fr. 26046, n» 1.
2. Gruel, 189. D'Argentré, 758, 7S9. D. Morice, I, 488. Arch. muuicip. de
Rennes, travée 3, n»^ 134 et suiv., notamment le n" 136.
3. A cette époque, les Dauphinois ayant pris Avranches, le c. de Salis-
64 ARTUR AU SIÈGE DE MEAUX (1421-1422),
Henri V assiégeait alors la ville de Meaux, vaillamment dé-
fendue par le fameux bâtard de Vaurus *. Pendant ce siège mé-
morable, qui dura sept mois (du 6 octobre 1421 au 2 mai 1422),
Catherine de France, reine d'Angleterre, mit au monde, au châ-
teau de Windsor (6 décembre 1421), un fils dont la faible tête
devait bientôt porter deux couronnes. C'est aussi durant ce
siège que Richemont arriva au camp anglais devant Meaux. Il y
trouva, comme à Melun, l'infortuné Charles VI, le jeune roi
d'Ecosse, Jacques I", puis le duc de Bourgogne, qui vint passer
quelques jours auprès de Henri V, au mois de janvier 1422.
Ainsi, pendant que des Français défendaient héroïquement
la ville de Meaux, le comte de Richemont combattait contre
eux dans les rangs anglais, enlevait au Dauphin l'appui de la
Bretagne et travaillait de toutes ses forces à l'asservissement
de la France! Après avoir abandonné la ville proprement dite
(le 3 mars), la garnison se retira dans le Marché, où elle capitula
(le 2 mai) ^.
Henri V passa encore quelques semaines à Meaux, puis il se
dirigea vers Paris, où il fit une entrée solennelle, avec les deux
reines, Catherine et Isabeau, le roi Charles VI et un nombreux
cortège, dans lequel figurait sans doute le comte de Richemont
(le samedi 30 mai 1422) ^ Celui-ci assista aux fêtes qui signa-
lèrent ce retour triomphal; il vit trôner au Louvre, au milieu
d'une cour brillante, le conquérant anglais, véritable maître de
la France, pendant que le pauvre vieux roi Charles VI languis-
sait tristement dans son abandon et dans sa folie à l'hôtel Saint-
Pol; spectacle lamentable, dont gémissaient tous les bons Fran-
çais et qui inspire au chroniqueur bourguignon Monstrelet un
invincible sentiment de pitié. « Et pour lors, le dit Roy ne gou-
vernoit point sondit royaume, mais estoit gouverné et mis à
néant, ou regard de sa grande et noble puissance qu'il avoit
bury, gouverneur de Normandie, leur reprit bientôt cette ville. Cet évé-
nement, qui, d'après Monstrelet, coïncide avec le départ de Richemont
pour Meaux, explique peut-être ce départ et la détermination de Jean V.
« En ce mesme tems, ou environ, Artur, conte de Richemont, frère au
duc de Bretaigne, vint, à tout grant nombre de gens d'armes, au dit siège
de Meaux, servir ledit roy d'Angleterre; ouquel service il demoura durant
la vie d'icelluy roy » (Monstrelet, IV, 81 ; Fr. 26044, nos 5678, 5679).
1. Monstrelet, IV, 71 et suiv. P. Fenin, 172 et suiv. Le Bourg, de Paris,
157, 160, 164, 166-172.
2. X^^ 1480, fos 241, 244, 248 V et 251, et Félibien, Pr., II, 586. Walsin-
gham, Hist. anglic, II, 342. Gruel, 189. Monstrelet, IV, 81, 93, 96. P. Fé-
nin, 172. D. Toussaints du Plessis, Hist. de l'Église de Meaux, I, 286-288.
X'a 1481, fos 248, 231. J. Waurin, édit. anglaise, 391, 392. Chronique ano-
nyme à la suite de Monstrelet, VI, 309. Le Fèvre de Saint-Remy, II, 49.
3. Xia 1480, P 253. Monstrelet, IV, 96, 99.
RICHEMONT AVEC HENRI V A PARIS (1422) 65
autrefois eue durant son règne. Pour lesquelles choses plusieurs
François bons et loyaulx avoient au cuer grant tristesse, et non
pas sans cause ^ » Non, certes, pas sans cause, car la France,
délaissée comme son roi, semblait, comme lui, prête à succom-
ber, et ses nouveaux maîtres étaient en liesse. Le comte de Ri-
chemont était avec eux.
Le 31 mai, jour de la Pentecôte, il y eut au Louvre un festin
splendide; le mardi et le mercredi, 2 et 3 juin, grande repré-
sentation théâtrale à l'hôtel de Nesle. Le mercredi 3 juin, il y
eut aussi, à l'hôtel de Nesle, un conseil auquel Richemont assis-
tait, avec les ducs de Bedford * et d'Exeter ^, le comte de March *
et révoque de Beauvais, P. Gauchon. A la même époque, la
ville de Gosne était assiégée par les troupes du Dauphin, parmi
lesquelles se trouvait Richard, comte d'Etampes ^
La conduite de Richemont et de Jean V pourrait s'excuser, en
tenant compte de l'esprit du temps, si elle s'expliquait par le
désir d'adoucir le sort de leur mère. En tout cas, il faut remar-
quer que Henri V rendit à Jeanne de Navarre ses biens, le 13 juin,
et que, s'il ne lui rendit pas en même temps la liberté, il amé-
liora du moins sa situation. Le 9 juin, le roi d'Angleterre avait
envoyé à Jean V un sauf-conduit pour les ambassadeurs bretons
qui devaient venir jurer le traité de Troyes. Richemont re-
tourna en Bretagne pour terminer cette affaire importante et
pour entretenir son frère d'un projet tout personnel, dont il
avait déjà parlé au duc de Bourgogne ®.
Ils désirait épouser une sœur de Philippe-Ie-Bon, Marguerite,
qui était revenue en Bourgogne, après la mort de son mari, le
Dauphin Louis '. En cela il n'était pas guidé par son seul in-
térêt; il obéissait à un sentiment plus tendre, car il n'avait
jamais oublié cette jeune princesse, qu'il avait vue pendant plu-
sieurs années, avant que la captivité le séparât d'elle. Quand il
1. Monstrelet, IV, 100. Même sentiment, p. 22. Grafton^s chronicle, I, 347.
2. Jean de Lancastre, troisième fils de Henri iV.
3. Thomas Beaufort, frère de Henri IV (+ 1424),
4. Edmond Mortimer , arrière-petit-fils de Lionel , deuxième fils
d'Edouard III (+ 1424).
5. X»a 1480, fos 232 v», 253, et Félibien, Preuves, II, 387. Monstrelet,
!V, 106.
6. A. Strickland, III, 106, 107. Gruel, 189. D. Morice, I, 488, et Preuves, II,
col. 1109-1112. Hist. de Bourgogne, IV, p. 40 et suiv.
7. Elle était arrivée à Dijon le 23 janvier 1417 (Arch. des aff. étr. [France],
t. XXI, fos 241, 230, 265). Le 16 janvier 1420, elle s'était jointe à ses soeurs,
Anne et Agnès, et à la duchesse de Bourgogne, pour demander au roi
justice contre les meurtriers de Jean-sans-Peur (de La Barre, Mémoires
■pour servir à Vhist. de France, Paris, 1729, in-4'', p. 344-347). Voir aussi
Moreau, 1425, n« 103.
Richemont. 5
66 JEAN V ACCEPTE LE TRAITÉ DE TROYES (1422)
avait confié ses intentions et ses espérances au duc de Bour-
gogne, celui-ci avait accueilli ces confidences avec un empresse-
ment de bon augure. Philippe-le-Bon, de même que Riche -
mont, désirait unir par de nouveaux liens les deux maisons de
Bourgogne et de Bretagne, qui, de tout temps, avaient été alliées.
Il avait même déclaré au prince breton qu'il se faisait fort de
lui donner à choisir entre deux de ses sœurs, Anne et Agnès,
bien que l'une fût déjà promise au comte de Clermont, fils aîné
du duc de Bourbon. Quant à Mme de Guyenne, il ne pouvait
rien promettre sans avoir son consentement, mais il s'engageait
du moins à employer tout son crédit pour l'obtenir. Il ajouta
enfin qu'il n'y avait qu'à le laisser faire. Quand il retourna en
Bourgogne, il emmena même avec lui, à Dijon, un fidèle et
adroit serviteur du comte de Richemont, Raoul Gruel, qui
devait prendre part à cette négociation. Le duc de Bourgogne
ayant transmis à sa sœur la demande du comte de Richemont,
elle répondit d'abord qu'elle ne voulait point être mariée à un
prisonnier, mais que, quand le roi d'Angleterre lui- voudrait
rendre la liberté, elle ferait ce que ses amis lui conseilleraient.
Grâce au duc de Bourgogne, Raoul Gruel put parler plusieurs
fois à Mme de Guyenne. Il fut d'ailleurs secondé par d'au-
tres personnes influentes, qui désiraient aussi ce mariage. Lors-
qu'il revint en Bretagne, il put donner à son maître des nou-
velles qui le comblèrent de joie et d'espérance ^.
Cependant Richemont continuait de servir auprès de son frère
les intérêts de Henri V. Il désirait plus que jamais avoir sa
liberté complète, mais il fallait bien la mériter et, pour cela,
faire jurer le traité de Troyes par le duc et par les Etats de Bre-
tagne. Jean V était maintenant tout gagné à l'Angleterre, mais
les Etats, mus par de plus nobles sentiments, ne voulaient point
trahir la France. Désespérant de pouvoir vaincre leur obstina-
tion généreuse, le duc envoya néanmoins aux rois de France
et d'Angleterre des ambassadeurs chargés de jurer le traité de
Troyes; mais, au lieu de pouvoirs réguliers, consentis par les
Etats, ils n'eurent qu'une simple procuration de Jean V, signée
par quelques prélats , par ses commensaux et ses officiers
(26 juin 1422) ^ 11 était grand temps que cette laborieuse négo-
ciation aboutit, pour que le roi d'Angleterre eût la preuve de la
bonne volonté de Richemont. Henri V touchait à sa fin. Il mar-
chait au secours de la ville de Cosne, quand la maladie qui
i. Gruel, 189,190. Hist. de Bourgogne, IV, 40 et suiv.
2. D. Morice, I, et Pr., II, col. 112, 113. J, 244» n»^ 94 et 96. Voir aussi
Porlef. Font., 111-112, f° 238. Les ambassadeurs bretons arrivèrent à Paris
le lundi 27 juillet (X»a 1480, f° 235 v°, et Félibien, Preuves, II, 587;.
MORT DE HENRI V (1422, 31 AOUt) 67
allait l'emporter, à la fleur de l'âge, le contraignit à revenir au
Bois de Vincennes, où il arriva le mardi 7 juillet. Trois semaines
après, le lundi 27 juillet, les ambassadeurs bretons étaient à
Paris.
Pendant ce temps, le comte de Richemont s'occupait de ses
propres affaires en Bretagne, avec l'espoir d'être bientôt libre.
Il obtint de son frère un partage qui devait faciliter son ma-
riage avec la duchesse de Guyenne et lui permettre de tenir
un état en rapport avec son rang. Le duc de Bretagne lui pro-
mit 5000 livres de rentes sur le comté de Montfort-l'Amaury *,
et lui constitua trois autres mille livres sur les châtellenies du
Gâvre, de Ghâtelaudren, de Paimpol, de LanvoUon, de La Roche-
Derrien et de Ghâteaulin-sur-Trieux (7 août 1422). Deux jours
auparavant, le comte de Richemont avait fait hommage au duc
son frère, comme baron de Bretagne, c'est-à-dire comme comte
de Goello, ou baron d'Avangour ^ A quelque temps de là,
comme il se trouvait au Gàvre, il reçut la nouvelle de la mort
du roi d'Angleterre. « Dieu sçait s'il en fut bien joyeux, ajoute
naïvement son biographe, car, ceste fois, il fut quitte, et homme
n'avoit plus que lui demander ^. »
Revenu au Bois de Vincennes le jeudi 13 août, Henri V y était
mort le lundi 31. Cet événement allait changer bien des choses.
La fin si prématurée du vainqueur d'Azincourt (il n'avait que
trente-quatre ans) fut peut-être le salut de la France. Henri VI,
fils de Henri V et petit-fils de Charles VI, à peine âgé de neuf
mois, fut proclamé roi d'Angleterre et, bientôt après, roi de
France. Les ducs de Bedford et de Glocester, tous deux frères de
Henri V, exercèrent lé pouvoir au nom de leur neveu, Bedford
en France avec le titre de régent, Glocester en Angleterre avec
le titre de protecteur. Quant au soi-disant dauphin Charles, qui
portait aussi le titre de régent, les Anglais espéraient bien l'em-
pêcher de succéder à son père et lui enlever les provinces qu'ils
n'avaient pas encore soumises. Henri V eût été capable de réa-
liser ce dessein; mais, lui mort, il n'y eut plus cette concentra-
1. C'est sans doute en vertu de ce partage qu'Artur prit le titre de
comte de Montfort. Il porte ce titre dans les documents relatifs aux négo-
ciations d'Amiens, en avril 1423; mais il ne le prend guère qu'à cette
époque et seulement dans cette circonstance, à ce qu'il semble. Montfort-
l'Amaury, arrondissement de Rambouillet. Voir ci-dessus p. 60, note S.
2. Voy. Append., XVL
3. Gruel, 190. D'Argentré, 758-761. D. Morice, I, 489, et Preuves, II,
col. 1115-1117. D. Lobineau, I, 561. X»» 1480, fos 254, 255, 256. Félibien,
Preuves, II, 587. Arch. de la Loire-Inférieure, cass. I, E, 1; cass. 69, E, 155.
Registre Turnus Brulus, I, 87 V et 95 v".
68 SITUATION d'ARTUR
tion de pouvoir, cette unité de vues et de direction qui auraient
pu assurer le triomphe de l'Angleterre ^.
En ce qui concerne Artur de Bretagne, la mort, de Henri V
avait aussi des conséquences importantes. Il se crut dégagé de
toute obligation envers le nouveau roi; son biographe l'af-
firme, et, après lui, d'autres auteurs acceptent, sans aucune
réflexion, cette manière de voir 2. On ne peut oublier pourtant
que Richemont s'était formellement engagé, par le traité de
Corbeil, à se présenter à Londres, au mois de septembre 1422,
devant Henri V, ou devant son héritier, ou son lieutenant, ou le
chancelier d'Angleterre, ou le maire de Londres, pour se con-
stituer de nouveau prisonnier. Si aucune convention posté-
rieure n'avait modifié, sur ce point, le traité de Corbeil, on ne
comprend pas comment Richemont pouvait soutenir, de bonne
foi, qu'il ne s'était engagé qu'envers Henri V personnellement
et que la mort de ce prince lui rendait son entière liberté*.
H n'était probablement pas aussi convaincu de son bon droit
qu'il le voulait paraître, mais il sut profiter des circonstances.
D'ailleurs, n'était-iL pas, comme le duc de Bretagne, ami de
l'Angleterre? Les ambassadeurs bretons chargés de jurer le
traité de Troyes étaient alors à Paris. Bedford se gardait bien
d'oublier une affaire aussi importante. H tenait à la terminer
avant la mort de Charles VI. Le roi et la reine de France re-
vinrent de Sentis à Paris le samedi 19 septembre. Peu après, le
jeudi 8 octobre, les ambassadeurs bretons jurèrent le traité de
Troyes, devant Charles VI lui-même.
Le vieux roi, stylé par Bedford, répéta aux ambassadeurs
que le soi-disant dauphin de Viennois avait dirigé le complot
des Penthièvre, fait emprisonner Jean V et même ordonné de le
tuer; il promit de ne jamais traiter avec le Dauphin, ni avec
ceux de son parti, sans l'aveu du duc de Bretagne; enfin il
lui accorda, par lettres patentes du même jour (8 octobre),
15 000 livres de rentes, en considération des dépenses qu'il pour-
rait avoir à faire pour soutenir le traité de Troyes et il prit l'en-
gagement de le secourir contre quiconque lui voudrait nuire
à l'occasion de ce traité. Quel spectacle plus triste que celui de
ce roi insensé, presque moribond, accusant, reniant son fils,
1. X'a 1480, f»s 2o6 V», 237 v.
2. Gruel, 190. Le Baud, p. 468. D'Argentré, 759. Cousinot, 231. Tou-
tefois D. Plancher (IV, 67) le considère toujours comme prisonnier, et
D. Morice dit aussi ([, 491) qu'il n'avait pas encore ses lettres d'élargis-
sement après son mariage.
3. Il pouvait, tout au plus, alléguer les promesses de Henri V (voir ci-
dessus, p. 60).
MORT DE CHARLES VI (1422, 21 OCTOBRE) 69
pour assurer à un prince anglais l'héritage du trône de France *?
C'est probablement dans ces circonstances que Richemont,
pour prix de ses services, reçut de Charles VI, ou plutôt de
Bedford, le titre de duc de Touraine, qu'il porta pendant quel-
ques années, avec celui de comte d'Ivry ^. N'avait-il pas bien
mérité cette distinction en déterminant son frère à jurer le
traité de Troyes, quand la mort de Henri V aurait pu faciUter
au duc de Bretagne la rupture d'une alliance impopulaire et
peu honorable? Tout au contraire, Jean V donna aux Anglais
une nouvelle preuve de fidélité, en essayant de leur livrer l'im-
portante ville de La Rochelle, dont le gouverneur était un
Breton, Henri de Pluscalec. Pour déjouer cette dangereuse ten-
tative, le Dauphin dut aller à La Rochelle, où il failHt périr
victime d'un accident qui coûta la vie à plusieurs personnes de
sa suite. H repartit le 14 octobre pour Mehun-sur-Yèvre, où il
arriva le 24. Là, il apprit que Charles VI était mort à l'hôtel
Saint-Paul, le mercredi précédent, 21 octobre, vers sept heures du
matin. Le vendredi 30 octobre, le Dauphin prit le titre de roi de
France au château de Mehun-sur-Yèvre. Le règne de Charles VII
commençait. On eût beaucoup étonné le nouveau roi, si on lui
eût dit alors qu'Artur de Bretagne deviendrait, trois ans plus
tard, son connétable, et l'aiderait puissamment à chasser les
Anglais de son royaume '.
-1. Du Tillet, Recueil des rois de France, Paris, 1602, gr. ia-S", t. II,
Traitez, p. 233. Portef. Fontanieii, 111-112, f" 283, 288. Preuves de Vhist.
de Bretagne, II. col. 1112, 1113, 1119. Arch. de la Loire-Inférieure, CdiSS. 34,
E, 93, et cass. 47, E, 21. J 244», nos 94^ 96. Le 17 octobre, Jean V s'engage
à ne point traiter avec le Dauphin sans le consentement de Bedford
(Portef. Godefroy, 164, f» 99, n° 93, à la bibliothèque de l'Institut; Fr.
26044, n» 3781 . Voy. Append., XVII).
2. Anselme, I, 439. Rymer, IV, 4« partie, 91, Gruel, 228,229. Dans un
procès que Richemont eut devant le parlement de Paris, on lui donne le
titre de duc de Touraine fX'* 1480, f* 310, au mardi 14 novembre 1424).
3. Arcère, Hist. de la Rochelle, La Rochelle, 1736, 2 vol. in-4», I, 269.
Cagny, f 83 v». Monstrelet, IV, 132, et VI, 324. De Beaucourt, Hist. de
Charles VII, I, 240. KK 54, f» 22. Fr. 25710, n» 46. Fr. 6749, f" 2. X'» 1480,
fo 239 V. KK 53, f loi v°. Sur Pluscalec, voir : J 183, nos 136-141; [Glai-
rambauU, t. 86, à la fin, et t. 87; D. Lobineau, I, 563.
CHAPITRE II
RICHEMONT SE SÉPARE DES ANGLAIS ET DEVIENT
CONNÉTABLE DE FRANCE (1422-1425)
Entrevue et traités d'Amiens. — Richemont épouse la duchesse de Guyenne.
— Il négocie avec Amédée VIII^ ami de la France et de la Bourgogne.
— Deuxième entrevue d'Amiens. — Richemont voit la reine Yolande en
Bretagne. — Il rompt avec Bedford. — Défaite des Français à Ver-
neuil. — Détresse de Charles VII. — Il fait proposer l'épée de con-
nétable à Richemont. — Inquiétudes des conseillers armagnacs de
Charles VII. — Richemont se rend à Angers auprès du roi. — Philippe-
le-Bon, irrité contre les Anglais, autorise Artur à s'entendre avec
Charles VII. — Engagement de Richemont envers les conseillers du
roi. — Il reçoit l'épée de connétable.
La mort de Henri V et de Charles VI ne changea rien, tout
d'abord, aux relations entre la Bretagne et le gouvernement
anglais. Le duc de Bedford, régent de France pour son neveu
Henri VI *, avait le plus grand intérêt à conserver l'alliance des
ducs de Bretagne et de Bourgogne. En cela, il suivait la politique
de Henri V et ses dernières recommandations ^ Philippe-le-Bon
et Jean V furent, avec lui, les exécuteurs testamentaires de
Charles VI ^ Le pape Martin V * ayant envoyé en France, un
peu avant la mort de Charles VI, des légats chargés de rétablir
la paix entre les deux royaumes, les ducs de Bedford et de Bour-
1. Henri VI fut proclamé roi de France et d'Angleterre le 11 novembre.
Le jeudi 19 novembre, le Parlement, l'Université, les prévôts de Paris et
des marchands, etc., jurent fidéUté à Henri VI et à Bedford. Le soi-disant
dauphin Charles est déclaré incapable de succéder, etc. (X^* 1480, ps 261,
262 V.)
2. Monstrelet, IV, 110, 111.
3. XI* 14S0, f" 259 V.
4. Othon Colonna, pape sous le nom de Martin V (1417-1431). Voir de
Beaucourt, Hist. de Charles VU, t. II, p. 315 et suiv.
ARTUR MÉNAGE BEDFORD (1422) 71
gognc déclarèrent qu'ils ne pouvaient rien faire sans le duc de
Bretagne et invitèrent Jean V à venir à Paris, pour s'entendre
avec eux. L'évèque de Beauvais, Phil. de Morvilliers, premier
président du parlement, et Renier Pot, seigneur de La Roche,
allèrent solliciter Jean V de se rendre à cette invitation. Le duc
répondit qu'il partirait pour Paris le 10 décembre *. Dans l'in-
tention de Bedford, il s'agissait, en réalité, beaucoup moins de
rétablir la paix que de conclure de nouveaux traités qui lieraient
plus étroitement à l'Angleterre les ducs de Bourgogne et de Bre-
tagne. Deux mariages devaient resserrer encore ces liens, celui
de Bedford et celui de Richemont avec deux sœurs de Philippe-
le-Bon. Guillaume Gruel avoue qu'on se fût bien passé de Bedford,
si l'on eût pu. Les Etats de Bretagne, assemblés à Dinan, con-
seillèrent au duc de ne point aller à cette entrevue et d'envoyer
auprès de Philippe-le Bon le comte de Richemont, ou quelque
autre, pour conclure ce mariage et faire un traité d'alliance avec
lui ^ Ce n'était pas là le compte de Bedford. Secondé par Philippe-
le-Bon et par Richemont, il fît en sorte que le duc de Bretagne
se décidât à venir négocier avec lui, malgré la répugnance que
les Bretons montraient à servir l'Angleterre ^. Dans un traité
d'alliance signé le dernier jour de décembre 1422, entre le duc de
Bourgogne et les Etats de Bretagne, on voit que Philippe exigea
la présence de Jean V pour conclure le mariage de Richemont
avec la duchesse de Guyenne. D'autre part, il aurait alors écrit
à sa sœur une lettre pressante pour faire valoir le mérite d'Artur,
et la duchesse aurait répondu que le comte devait être complète-
ment libre avant de faire de nouvelles démarches. Celui-ci n'en
mit que plus d'ardeur à hâter les négociations et le moment de
sa délivrance *.
1. Le n novembre, les ambassadeurs écrivaient de Nantes au Parlement
pour annoncer ces nouvelles. Leur lettre fut reçue au Parlement le ven-
dredi 4 décembre (Xi* 1480, f" 265).
2. XI» 1480, fos 259 v» et 265. Gruel, 190. D. Morice, I, p. 490, et
Preuves, II, col. 1125.
3. Le monstrueux traité de Troyes avait soulevé des protestations
indignées. "Voir par exemple dans La Barre (p. 315-322) la Réponse d'un
loyal François au peuple de France de tous Estais, Il y a là comme iin
premier éveil de patriotisme. Les Preuves de D. Morice (II, col. 1120 et
suiv.) montrent que T. du Chastel, « mareschal des guerres de Mgr le
Régent, » prenait en Bretagne des troupes pour le service de ce prince.
(Voir aussi Portef. Fontanieu, 113-114, au 23 mars 1423, et Glairambault,
t. 71, f° 5515, au mot Marcille).
4. D. Morice, I, 491, &i Preuves, II, col. 1125-1128. Hist. de Bourg, IV, 67, 68.
Richemont était à Dinan le l" janvier, à Fougères le 24, à Reunes le
18 février, à Dinan le 20 mars {Preuves de Vhist. de Bret., II, col. 1129 et
suiv.). Le 13 décembre, Bedford, à Vernon, signe un sauf-conduit pour
72 ENTREVUE d'amiens (1423, avril)
Le samedi 13 février 1423, Jean de Chénery, Henri Camu et
Raoul Gruel, ambassadeurs du duc de Bretagne et du comte de
Richemont, présentèrent leurs lettres de créance au parlement
de Paris, en affirmant « la bonne volonté » qu'avaient le duc et
le comte d'entretenir la paix. Enfin il fut convenu que les trois,
ducs se rendraient à Amiens. Richemont parvint à emmener son
frère, malgré les Etats de Bretagne. Pour prix de ce nouveau
service, il espérait obtenir de Bedford sa libération définitive.
Jean V et Artur partirent après Pâques, c'est-à-dire après le
4 avril 1423, avec une suite nombreuse. Ils arrivèrent le 12 avril
à Amiens, où Philippe-le-Bon les reçut avec sa magnificence
ordinaire. Il semble que les trois princes ne furent pas fâchés de
conférer ensemble avant que Bedford fût là. Malgré toutes les
apparences de bonne entente, il y avait déjà dans l'âme du prince
bourguignon des germes de mécontentement et de défiance qui
allaient se développer de plus en plus *.
II était très irrité contre le duc de Glocester, frère de Henri V
et de Bedford, qui venait d'épouser Jacqueline de Bavière, com-
tesse de Hollande, de Zélande et de Hainaut ^ (mars 1423). Cette
jeune femme, veuve, à seize ans, du second dauphin, Jean, duc
de Touraine (1417), avait ensuite élé mariée, par le duc de
Bourgogne, à son cousin Jean, duc de Brabant ', prince débile
et disgracieux, qu'elle n'aimait pas. Lasse d'une union qu'elle
subissait avec répugnance, elle s'était enfuie en Angleterre
dès 1420. Glocester, épris de cette princesse jeune, belle et riche,
voulut, d'accord avec elle, faire rompre son mariage, pour
l'épouser; mais Henri V l'avait empêché de donner suite à ce
Jean V, afin qu'il vienne traiter de la paix et du mariage du comte de
Richemont (Arch. de la Loire -Inférieure, cass. 47, E, 121, et Arch. des
aff. étr., t. 362, France, fo^ 69 v", 70). Bedford envoie alors en Bretagne
Bérard de Montferrand (pièces orig. 2019, dossier 46270, nos 14, 13). Bedford
va ensuite assiéger Meulan, en février et mars 1423 (Fr. 26046, n° 36).
Il n'est pas probable que Richemont ait alors aidé les Anglais à faire
capituler Meulan, comme le dit Raoulet (à la suite de J. Chartier, édition
Vallet de V., III, 188). Meulan capitule le 1" mars 1423 (X'" 1480, f» 270).
1. Xi" 1480, f» 269 v% et Félibien, Preuves, II, 589. Preuves de l'hist.
de Brei., II, col. 1139, 1140, 1173. Giairumbault, t. 53, f' 4013. Portefeuille
Fontanieu, 113-114, au 12 et au 25 février 1423, et Arch. de la Loire-Infé-
rieure, cass. 33, E, 93, et cass. 47, E, 121. Le 7 avril, traité d'amitié et
d'alliance entre les États de Bretagne et le duc de Bourgogne, à condi-
tion qu'il consente au mariage de Richemont avec la duchesse de Guyenne
(Gachard, Rapport sur les archives de Dijon, Bruxelles, 1843, in-8'',
p. 56, 57).
2. Fille de Guillaume IV de Bavière et de Marguerite de Bourgogne,
sœur de Jean-saus-Peur.
3. Jean IV, duc de Brabant, fils d'Antoine de Bourgogne, frère de Jean-
sans-Peur.
CONTRAT d'aRTUR ET DE MARGUERITE 73
projet, dans la crainte de mécontenter son puissant allié, le duc
de Bourgogne. Après la mort de Henri V, Glocester, malgré
Bedford, avait continué ses démarches et fait annuler, par l'an-
tipape Benoît XIII, le second mariage de Jacqueline. Devenu son
mari, Glocester voulut prendre possession de ses immenses do-
maines. Phillippe-le-Bon, craignant de perdre ce riche héritage,
soutint avec ardeur le duc de Brabant, et ainsi éclata, entre les
ducs de Bourgogne et de Glocester, une querelle qui devait tour-
ner au grand profit de la France *.
Dans ces dispositions, Philippe attachait plus de prix que
jamais à l'alliance de la Bretagne, et le mariage de sa sœur
Marguerite avec Richemont lui convenait à tous les égards. Il
avait ses raisons pour laisser croire que la duchesse de Guyenne,
veuve d'un dauphin de France,Oiiettait peu d'empressement à
devenir comtesse de Richemont, quand sa sœur Anne allait deve-
nir duchesse de Bedford. Il savait bien qu'en réalité Marguerite
désirait ce mariage et il exploita la situation de manière à rendre
les futurs époux peu exigeants sur la dot^. Il fut convenu que,
si Philippe-le-Bon mourait sans héritier, la princesse Marguerite
aurait le duché de Bourgogne, à moins qu'elle n'aimât mieux
entrer en partage avec ses sœurs; que, s'il avait des héritiers,
une somme de 100 000 livres serait payée, soit avant, sflit après
sa mort, à sa sœur ou à son mari; que, le mariage fait, il cons-
tituerait à sa sœur une rente de 5 000 livres sur le duché de
Bourgogne ; qu'elle garderait son droit à la moitié des meubles
du dauphin Jean et au douaire qui lui était dû pour son premier
mariage; enfin qu'elle renoncerait, au profit du duc de Bour-
gogne, à toutes les promesses d'argent et de terres qui lui
avaient été faites lors de ce premier mariage et à sa part dans la
succession de son père et de sa mère. En somme, Philippe-le-
Bon promettait beaucoup plus pour l'avenir que pour le présent.
Le contrat fut signé dès le 14 avril. Ensuite les trois princes
envoyèrent des ambassadeurs, avec de riches présents, à la
1. Anselme, I, 249. Monstrelet, IV, 171. Kervyn de Leltenhove, Hist. de
Flandre, Bruxelles, 1846-1830, 7 vol. in-8», t. IV, 224 et suiv.
2. Dans son testament, la duchesse de Guyenne dit que, quand elle
voulut épouser le comte de Richement, elle abandonna au duc de Bour-
gogne, sur sa demande, la somme de 100 000 écus d'or qui lui avaient
été promis, lors de son mariage avec le Dauphin : qu'elle n'a rien recueilli
de l'héritage de son père et de sa mère, etc. {Arch. de la Loire-Inf.,
cas3. 9, E, 24.) Avant son second mariage, la duchesse de Guyenne n'avait
reçu de son frère Philippe que 1 200 livres de rente, en attendant qu'il
pût lui faire un établissement sortable [Hist. de Bourg, IV, 53). Il fallut
encore de longues négociations et plusieurs arrangements pour arriver
au règlement complet de la dot (Coll. de Bourgogne, t. 96, p. 537-544^.
S89-594, 621-626. Fr. 4628 ; f"» 621 et suiv.)
74 LES TRAITÉS d'amiens (1423, avril)
duchesse de Guyenne. Elle reçut gracieusement ces envoyés et
leur donna pour son futur mari un diamant rare, de la plus
grande valeur i.
Cependant le duc de Bedford était aussi arrivé à Amiens. Le
duc de Bourgogne donna des fêtes somptueuses en son honneur ;
mais le régent anglais voulut garder dans la munificence le
rang qu'il occupait dans la politique. Il défraya Jean V et Riche-
mont de toutes leurs dépenses. Les négociations, commencées
depuis longtemps, aboutirent à plusieurs traités, le 17 avril 1423.
L'un stipule une triple alliance entre les ducs de Bedford, de
Bourgogne et de Bretagne, l'autre une alliance particulière
entre Bedford et Jean V, pour le service du roi d'Angleterre,
l'autre enfin les mariages de Bedford et d'Artur de Bretagne,
duc de Touraine, comte de Montfort et d'Ivry, avec Anne et
Marguerite de Bourgogne ^. Enfin, le 18 avril, fut signé, entre les
ducs de Bourgogne et de Bretagne, un autre traité particulier,
qui ne fut peut-être pas connu de Bedford, bien que son nom y
soit aussi mentionné. On y prévoit la possibilité d'une réconci-
liation entre Charles YII et le duc de Bourgogne. Il y avait là,
en germe, la dissolution de cette triple alliance formée si labo-
rieusemgit par Bedford. L'entrevue d'Amiens finit le 18 avril.
Jean V revint en Bretagne et Bedford à Paris, pendant que
Richemont allait, avec le duc de Bourgogne, à Arras (20 avril).
Il semble certain que le régent n'avait pas voulu lui accorder
cette liberté entière qu'il espérait obtenir, pour prix de ses bons
offices envers l'Angleterre. Il tenait à garder le plus longtemps
possible sous sa dépendance un otage qui pouvait lui garantir
la fidélité de Jean V ^.
En attendant son mariage, Richemont resta plusieurs mois
auprès de Philippe-le-Bon, resserrant ainsi les liens d'une amitié
qui devait être plus utile encore à la France qu'à lui-même.
1. Gruel, 190. D. Plancher, t. III, Preuves, cccxii, et t. IV, 68-70. Gachard,
Arch. de Dijon, 32, 57. Collect. de Bourg., t. 96, p. 533-536, 545-547.
2. X'a 1480, f° 273. Mariage de Bedford avec Anne de Bourgogne (Collect.
de Bourg., t. 96, p. 507-532).
3. Originaux signés et scellés des traités du 17 avril, aux Arch. de la
Loire-Infér., cass. 47, E, 121, et cass. 75, E, 177. Gruel, 190. U. Plan-
cher, III, Preuves, cccxni et suiv. ; IV, 69-71, et Preuves, xxvii. D. Morice,
I, 491, et Preuves, II, col. 1136 et suiv., 1173 et suiv. Xi» 1480, f" 273.
Ms. Brienne 197, f» 299. Portef. Fontanieu, 113-114, au 17 avril 1423.
P. Fenin, 199-202. Monstrelet, IV, 147-149. Inventaire des archives du
départ du Nord, I, 338. Le Fèvre de Saint-Remy, II, 74-75. Le Bourg, de
Paris, 185. — Le nom de Jean V et celui de Richemont figurent dans deux
documents du 18 avril (J. Stevensom, I, 1, 7). Ce sont des lettres de Bed-
ford au comte de Foix, qui s'alliait aussi avec l'Angleterre.
ARTUR ÉPOUSE LA DUCHESSE DE GUYENNE (1423, OCTOBRE) 75
Pendant leur séjour à Arras, ils présidèrent à une joute brillante
entre Poton de Saintrailles et Lionnel de Wandonne i. Ils allè-
rent ensuite à Gand ^, démasquer l'imposture d'une religieuse de
Cologne, qui se faisait passer pour la duchesse de Guyenne, et
revinrent à Arras, d'où ils repartirent le 21 août. Six jours
après, ils arrivaient à Paris (le vendredi 27 août) ^ Le duc de
Bedford s'avança jusqu'à la Chapelle Saint-Denis à leur ren-
contre, leur fit un accueil empressé et les conduisit à l'hôtel de
la reine de France. Ils séjournèrent à Paris jusqu'au 9 sep-
tembre, puis se rendirent à Dijon (23 septembre). C'est là, dans
la chapelle du palais ducal, que fut célébré le mariage du comte
de Richemont avec la duchesse de Guyenne, le 10 octobre 1423.
L'archevêque de Besançon donna la bénédiction nuptiale aux
époux. Ainsi Marguerite de Bourgogne, que son premier ma-
riage avec le Dauphin semblait destiner au trône de France,
devint comtesse de Richemont. Toutefois, elle continua de
s'appeler duchesse de Guyenne *.
Les fêtes qui suivirent cette cérémonie n'étaient pas encore
terminées quand arrivèrent à Dijon des envoyés d'Amédée YIII,
chargés de faire des démarches auprès de Philippe-le-Bon, pour
l'amener à un rapprochement avec Charles VII. Le duc de
Savoie, petit-fils du duc de Berry par sa mère ^, avait une
grande sympathie pour la France, et il ne cessa de travailler à
une réconciliation entre Charles VII et le duc de Bourgogne.
Gendre de Philippe-le-Hardi, il était, par sa femme ^, oncle de
Philippe-le-Bon et d'Artur de Bretagne. Cette proche parenté
donnait plus de poids à sa médiation. Déjà, au mois de jan-
vier 1423, il avait fait une tentative auprès de son neveu Phi-
lippe '. Cette fois, ses envoyés trouvèrent le duc de Bourgogne
moins hostile au roi de France. Ils sondèrent aussi les inten-
tions de Richemont, qui était, comme son beau-frère Philippe,
1. Celui qui prit Jeanne d'Arc (Monstrelet, IV, 1S2; P. Fenin, 202).
2. Du moins le duc de Bourgogne y alla, avec la duchesse de Guyenne.
La fausse duchesse disait qu'elle avait dû s'enfuir, pour n'être pas forcée
d'accepter un époux d'un rang inférieur à celui de son premier mari.
Pour détromper les Gantois, il fallut que Philippe-le-Bon leur montrât la
véritable duchesse de Guyenne (Kervyn de L., Ilist. de Flandre, IV, 233-37;
Hist. de Bourgogne, IV, 79).
3. X<» 1480i f» 281. Le Bourg, de Paris, 189.
4. X<« 1480, fo 281 v°. Hist. de Bourg, IV, 80, 81. Le 8 septembre, Bedford
donne au duc de Bourgogne, sa vie durant, Péronne, Roye, Montdidier,
Tournay,Saint-Amand,Mortagne, etc. (Moreau, 1423, n°" i 16-1 18; Grue!, 190.)
5. Bonne de Berry, qui avait épousé Amédée VII, comte de Savoie.
6. Marie de Bourgogne, fille de Philippe-le-Hardi. Elle mourut en 1428.
7. Il y eut alors, à Bourg, des conférences importantes, que M. de Beau-
court a bien exposées [Charles VU, t. Il, p. 318-329).
76 CONFÉRENCE DE CIIALON (1423, DÉCEMBRE)
mécontent des Anglais. Fatigué de l'obstination avec laquelle
Bedford lui refusait sa liberté, il commençait à entrevoir la pos-
sibilité d'une rupture avec lui et l'avantage qu'il aurait, dans ce
cas, à se tourner vers Charles YII. A la même époque (novem-
bre 1423), la reine Yolande, revenue du Midi, depuis quelques
mois, était à Nantes, plaidant auprès de Jean V la cause du roi
de France *, tandis que les ambassadeurs d'Amédée VIII agis-
saient auprès de Philippe-le-Bon. Ils déterminèrent Philippe à
se rendre, avec son beau-frère Artur, à Chalon-sur-Saône, où
ils eurent des conférences avec le duc de Savoie, du l'^'' au 20 dé-
cembre 1423.
Après cette entrevue, qui marque le commencement d'une
évolution capitale dans sa vie politique, Richemont revint au-
près de sa femme, à Montbard ^. La duchesse de Guyenne rési-
dait alors dans cette ville, que son frère lui avait donnée ^. Le
duc Philippe alla tenir, à Dijon, les Etats de Bourgogne (jan-
vier 1424), et vint ensuite retrouver sa sœur et son beau-frère à
Montbard. Sur la nouvelle que la duchesse douairière de Bour-
gogne '' était gravement malade, ils partirent pour se rendre
auprès d'elle ; mais, en chemin, ils apprirent sa mort et revin-
rent à Dijon. Philippe-le-Bon, ses affaires réglées, se hâta de
retourner à Paris, pour réclamer l'intervention de Bedford dan&
son différend avec Glocester et Jacqueline de Hainaut. Le comte
de Richemont accompagnait encore le duc de Bourgogne dans
ce voyage ^.
1. Elle était aussi en relations avec le duc de Bourgogne (de Beaucourt,
t. II, p. 353 et note 1). Peu après, le duc de Bretagne recevait dans ses
ports des Écossais qui venaient, avec Douglas et Buchan, se mettre au
service de Charles VII, en février 1424 (Cousinot, 19S, 221 ; Berri, 370;
Preuves de D. Morice, II, 1164; Rymer, IV, 4« partie, 107-114; Grafton, I,
553-S54; Rolls of Parliament, IV, 210; J 183, n" 141 ; Fr. 4483, f"» 348, 334;
D. Lobineau, I^ 563; de Beaucourt, II, 339). En même temps, Richard de
Bretagne entrait dans une ligue conclue entre les rois de France (Charles VII),
de Castille et d'Ecosse, les ducs de Milan et de Savoie et beaucoup de
grands seigneurs français, par le traité d'Abbiate-Grasso, le 26 février 1424
(Vallet de V., Hist. de Charles VU, t. I, 392-393).
2. Arrondissement de Semur.
3. Le 23 octobre, à Dijon, Richemont promet au duc de Bourgogne de
lui rendre les château, ville et châtellenie de Montbard (à lui accordés
sur les 6000 livres de rente promises à Marguerite, sa femme), quand il
lui donnera, en France, des terres de même revenu (Gachard, Arch. de
Dijon, p. 58). Cet engagement est ratifié le 23 octobre par Marguerite de
Bourgogne [Ilnd.; Collect. de Bourg, t. 96, -p. 537-339).
4. Marguerite de Bavière, veuve de Jean-sans-Peur.
5. Hvtt. de Bourgogne, IV, 84-86. X'» 1480, f» 290. Il n'est pas inutile de
signaler ici la duplicité de Bedford, qui agissait auprès du pape en faveur
de son frère, tout en paraissant blâmer celui-ci devant le duc de Bour-
gogne (J. Stevenson, II, 2" p., 388).
TRAITÉ DE NANTES (1424, 18 MAl) 77
Ils arrivèrent à Paris le 10 février 1424. Bedford n'y étant
pas. ils repartirent, le 23, pour Amiens, où ils devaient avoir
une conférence avec lui et avec plusieurs conseillers de Henri VI.
Les envoyés des ducs de Glocester et de Brabant s'y trouvèrent
aussi ; mais on ne put rien conclure, et il fut seulement convenu
qu'on se réunirait à Paris, vers la Trinité *.
Avant de retourner à Paris, le comte de Richemont se rendit
€n Bretagne ^, où se poursuivaient des négociations qui l'inté-
ressaient au plus haut point. La reine Yolande était revenue
auprès de Jean V, avec le chancelier de France ^ et plusieurs
autres ambassadeurs de Charles VII. Le 18 mai fut signée, à
Nantes, une convention qui posait les premières bases d'un
traité de paix entre. le roi de France et le duc de Bourgogne ^.
La reine de Sicile et le duc de Bretagne devaient être les média-
teurs et le duc de Savoie le conservateur de la paix. Cette con-
vention devait être jurée par les princes qui étaient auprès du roi
et de Philippe-le-Bon, notamment par le comte de Richemont
et par son frère Richard, dont le nom figure officiellement
parmi ceux des serviteurs de Charles VIL II était stipulé que les
médiateurs pourraient mettre auprès du roi, « en son hôtel et
en son service, de leurs gens bien notables et en tel et si bon
nombre qu'il devra suffire pour être à son conseil » ; enfin le
duc de Bretagne suppliait le roi de faire aux Anglais des offres
dont ils seraient contents, pour arriver à la paix générale. Ainsi
la reine Yolande, qui était, qui devait rester l'âme de cette poli-
tique, faisait un grand pas dans la voie où le comte de Riche-
mont devait bientôt la suivre et la seconder. Il est très probable
1. Bedford alla de Rouen à Amiens, d'où il revint à Paris, le 23 mars
<Fr. 4485, f<>s 350-353, 355, 357, 369; JJ 172, fos 241, 303). Cette deuxième
entrevue d'Amiens n'est pas mentionnée par les historiens (D. Salazard, de
Barante, Vallet de V., de Beaucourt), mais elle est attestée de la manière
la plus précise par les registres du Parlement (X'a 1480, f" 290 et 291). Le
jeudi 9 mars, la cour reçoit une lettre de Bedford, écrite d'Amiens, le
4 mars, et annonçant la reddition du Crotoy (f» 291 v). Le 10 mars, Salis-
bury part de Paris pour aller au Conseil tenu dans la ville d'Amiens par
les ducs de Bedford et de Bourgogne et le comte de Richemont (f 291 v°).
Monstrelet (IV, 175) parle de cette conférence, mais il la place inexacte-
ment en janvier 1423 a. st. — Voir aussi Gachard. Arch. de Dijon, 124-134.
2. Le 14 mai, le duc de Bourgogne ordonnait de payer 2300 francs au
comte de Richemont, pour les dépenses d'un voyage qu'il allait faire en
Bretagne (de Beaucourt, t. II, 353, note 3).
3. M. Gouges de Charpaigne, évoque de Clermont, qui avait été chan-
celier du duc de Berry et du duc de Guyenne et qui avait bien connu
Richemont (Anselme, VI, 396-397; Pièces originales, t. 47, dossier Char-
paigne, n" 31-33 et suiv.). Il était déjà allé en Bretagne en 1420 (Clair., 54,
f» 4107).
4. Il est intéressant de le rapprocher du traité d'Arras conclu en 143S.
78 QUERELLE ENTRE ARTUR ET BEDFORD (1424)
qu'il n'arriva en Bretagne qu'après la conclusion du traité de
Nantes et que la reine de Sicile essaya de le gagner, comme ses
frères, à la cause de Charles VII, en ouvrant à son ambition de
larges perspectives *.
Au mois de juin suivant, il était à Paris, avec le duc de Bour-
gogne. Il put lui rendre compte de ce qui s'était passé en Bre-
tagne, sonder ses intentions et s'entendre avec lui sur la conduite
qu'ils devaient tenir à l'égard de Bedford, Philippe-le-Bon n'était
pas encore, il s'en faut, décidé à rompre avec l'Angleterre;
mais il ne semble pas qu'il ait conseillé à son beau-frère Artur
une fidélité inébranlable. Las d'une situation incertaine et ob-
scure, impatient de jouer un rôle plus actif et plus digne d'un
prince breton mari de la duchesse de Guyenne, travaillé par
des désirs ambitieux qui pouvaient trouver leur satisfaction
auprès du roi de France tout aussi bien qu'au service de l'Angle-
terre, Richemont voulut arriver, d'un côté ou de l'autre, à une
solution avantageuse. Il est probable qu'il ne sut ni dissimuler
cette disposition d'esprit à l'œil pénétrant de Bedford, ni adoucir
par des formes adroites le caractère impérieux d'une mise en
demeure qui devait le froisser ^.
A cette époque, les environs de Paris étaient infestés par des
routiers qui portaient de tous côtés leurs ravages, depuis que
Charles VII les avait licenciés, pour ne garder que des soldats
étrangers. Les Parisiens demandaient qu'on prît de promptes
mesures pour éloigner ces pillards. Alors le comte de Richemont
sollicita le commandement d'une petite armée anglaise destinée
à protéger Paris, en promettant d'y joindre un corps considé-
rable de troupes bretonnes. S'il faut en croire une tradition bien
accréditée, Bedford, qui d'ordinaire était prudent et circons-
pect, aurait mortellement offensé Richemont par un refus brutal
et par des réflexions blessantes. On dit même qu'il en résulta
une violente altercation et que le régent s'emporta jusqu'à frap-
per son interlocuteur ^ Il est probable que la défiance de Bed-
1. Le traité de Nantes, du 18 mai 1424, a été mentionné pour la pre-
mière fois et analysé par M. de Beaucourt dans sa savante Hist. de
Charles VII, t. II, 353-356, d'après les Archives de Turin.
2. Le duc de Bourgogne était à Paris du 3 juin au 5 juillet {Hist. de
Bourgogne, IV, 87). Bedford tint souvent conseil, à cette époque, avec
Robert Le Sage et l'abbé du Mont-Saint-Michel, qui l'avaient accompagné
à Amiens au mois de février et qu'il avait mandés tout exprès à Paris
(Fr. 4485, f- 350-352, 355).
3. « En ce temps vint d'Engleterre Artur, conte de Richemont, frère
du duc de Bretaigne, lors tenant le parti des Anglois, lequel, en parlant
au duc de Bethfort, régent en France, olrent aucun estrif de paroles où
l'en dit que ledit duc lui donna une buffe; parquoy, de despit, il alla
ARTUR SE SÉPARE DES ANGLAIS (4424) 79
ford était en éveil depuis les conférences de Ghâlon et qu'il était
encore plus irrité contre le duc de Bretagne et contre son frère
Arlur, depuis qu'il connaissait leur tendance à se rapprocher
de Charles VII. Il se garda bien de manifester son mécontente-
ment au duc de Bourgogne, dont il avait grand besoin. Pour
lui montrer qu'il avait tout profit à rester l'allié des Anglais,
il lui donna même les comtés de Mâcon, d'Auxerre et la châtel-
lenie de Bar-sur-Seine (20 juin); mais il crut inutile de prendre
des ménagements envers son autre beau-frère, qui était encore
son prisonnier. Ce fut une faute qui coûta cher à l'Angleterre.
Dès lors, Richemont tourna d'un autre côté son ambition déçue
et chercha le moyen de travailler en même temps à sa vengeance
et à sa fortune *.
Il dissimula d'abord ses projets, dans l'intérêt de sa sécurité
personnelle. Il voulut aussitôt retourner en Bretagne, mais il
jugea prudent de ne point passer par la Normandie, occupée par
les Anglais. Il gagna secrètement la Flandre et s'embarqua dans
un port de ce pays, tandis que ses gens, avec le sire de Beau-
manoir, traversaient la Normandie, en répétant partout que
leur maître les suivait. Il arriva sans accident à Saint-Malo. Il
avait rompu pour toujours avec les Anglais *.
Ainsi, sans le refus de Bedford, Artur de Bretagne aurait
porté les armes contre la France, au lieu de la défendre, et cette
conversion s'expHque par l'ambition, le dépit, la soif de ven-
geance ! On voudrait, pour son honneur, qu'elle eût été déter-
minée par de plus nobles inspirations ; mais les antécédents et
la conduite de Richemont depuis sa captivité sont, malheureu-
sement, de nature à faire croire qu'il eût combattu contre la
France, si Bedford avait su contenter ses désirs. Cette grande
situation que le gouvernement anglais lui refusait, il allait la
trouver auprès du véritable roi de France ; il en avait déjà le
secret espoir quand il avait rompu avec le régent.
Yolande continuait d'employer tous ses efforts à réconcilier
devers le roy Gtiarles. » (Fr. 1371, Chrou. Martinienne, f" 253; P. Fenin.
204 et note 3; Hist. de Bourg., IV, 87, 88).
1. J. Quicherat, Rod. de Villandrando, Hachette, 1879, in-S", p. 23 et 211.
Vallet de V., Hist. de Charles VU, I, 428; Hist. de Bourgogne, IV, 87, 88,
Pr. xli. Fr. 1371 (Chronique Martinienne), f" 253. Grafton, I, 333. Le
21 juin, sur la demande du duc de Bourgogne et du f^rand Conseil de
France, le Maine et l'Anjou sont donnés à Bedford (JJ 172, f° 290). Ce
coup était dirigé contre la reine Yolande; c'était la réponse du régent au
traité de Nantes.
2. Gruel, 190. C'est en juin, et non en mars, qu'il faut placer cette rup-
ture entre Bedford et Richemont et le retour de celui-ci en Bretagne, car
il ne serait pas revenu à Paris en juin, si la rupture avait eu lieu en mars.
80 SIÈGE d'ivry (1424)
Charles VII avec les maisons de Bretagne et de Bourgogne. Elle
avait repris un grand ascendant à la cour de son gendre, et, à
travers des obstacles qui semblaient insurmontables, elle suivait
obstinément une politique dont le succès pouvait seul sauver
Charles VII et la France. La reine de Sicile était secondée par
le chancelier Martin Gouge, évéque de Clermont; elle s'enten-
dait avec Amédée VIII et avec le duc de Bretagne. De son côté,
Bedford négociait avec Jean V, dont il craignait la défection;
néanmoins, quand Richemont revint en Bretagne, il trouva le
duc son frère bien disposé à l'égard de Charles VII. Les efforts
de Yolande et les circonstances firent le reste *,
Les conseillers du roi, qui redoutaient un rapprochement de
leur maître avec Jean V et Philippe-le-Bon 2, avaient eu recours
à des princes étrangers. Ils avaient fait venir en France, outre les
Ecossais ^, des Lombards et des Espagnols, pour remplacer les
routiers récemment licenciés. Profitant des embarras de Bedford,
ils voulaient diriger une attaque vigoureuse contre les Anglais ;
mais le régent de France avait eu le temps d'appeler des ren-
forts, et il prit l'offensive en faisant assiéger Guise *, Gaillon °,
Ivry. Cette dernière place, nommée alors Ivry-la-Chaussée '', avait
été donnée par Henri V à Richemont, avec le comté d'Ivry ; mais
un capitaine gascon, au service de Charles VII, Girault de La
Pallière, s'en était emparé en 1423 ''. Le comte de SufTolk,
chargé par Bedford d'assiéger la ville et le château d'Ivry
(juin 1424), réduisit bientôt Girault à capituler et à promettre
qu'il rendrait la place le 15 août, s'il n'était pas secouru avant
1. Une lettre de Richemont aux Lyonnais, du 2 juin 1425, prouve que
la reine Yolande fut l'âme de toutes ces négociations. (Voir la Revue du
Lyonnais, t. 19, année 1859, p. 327). Le 21 octobre 1424, à Angers, Charles VII
fit un don à Guil. Eder, doyen de Nantes, son conseiller et conseiller
aussi du duc de Bretagne, pour les services rendus au roi « mesmement
depuis le commencement des choses pourparlées audit pais de Bretaigne,
pour le bien de la paix » (Fr. 20387, n" 32).
2. H. Wallon, Jeanne d'Arc, I, 27.
3. Il y avait des Écossais en France dès 1419 et 1420 (Clairambault,
t. 9, f" 513, et t. 41, f 3093; Fr. 25710, n"' 3, 5). Nouvelle alliance avec
l'Ecosse, gouvernée alors par le duc d'Alliany, pendant la captivité du roi
(J 186b, f« 16).
4. Arrondissement de Vervius.
5. Arrondissement de Louviers.
6. Auj. Ivry-la-Bataille, arrondissement d'Evreux (Fr. 4485, f"* 292-295).
7. Et non en 1424, comme le dit Vallet de V., I, 409. Dès les mois de
novembre et décembre 1423, les Anglais s'occupent du recouvrement
d'Ivry (Ms. fr. 26046, n"» 154, 174-181, 205, 231 et Ms. fr. 4485, fos 1-7). Cette
place avait même dû être prise dans les premiers mois de 1423 (J 172
fo 314). La prise d'Ivry par Girault de la Pallière est mentionnée au
registre JJ 173, f" 45. Voy. aussi f« 102 v°.
BATAILLE DE VERNEUIL (1424, 17 AOUT) 81
ce temps. Le roi de France fit marcher son armée dans cette
direction. Au lieu d'attaquer les Anglais, fortement retranchés
devant Ivry, cette armée alla s'emparer de Verneuil *. Bedford,
après avoir pris possession d'Ivry au jour fixé (15 août), s'avança
jusqu'auprès de Verneuil, où se livra, le jeudi 17 août, une
bataille décisive. Cette fois encore, la science militaire et la
discipline l'emportèrent sur le courage et sur le nombre; les
Anglais ajoutèrent un nouveau triomphe à ceux de Crécy, de
Poitiers et d'Azincourt *.
Cette armée, que les conseillers de Charles VII avaient réu-
nie avec tant de peine, était maintenant détruite ; plus de
7 000 hommes avaient été tués 3, et, parmi eux, le comte de Bu-
chan, connétable de France, et Archibald Douglas, duc de Tou-
raine; beaucoup d'autres seigneurs étaient prisonniers, comme
le duc d'Alençon et le maréchal de La Fayette. Ce nouveau dé-
sastre, après la défaite éprouvée à Cravant-sur- Yonne l'année
précédente (31 juillet 1423) *, pouvait achever la ruine de la
France. Bien que la victoire eut coûté cher aux Anglais ^, Bed-
ford pouvait en tirer un grand profit, avant que ses adversaires
eussent le temps de reprendre des forces. Il chargea Fastolf ®,
avec Th. de Scales et J. de Montgommery de réduire les villes
et forteresses du Maine ; il fît assiéger Nogent-le-Rotrou, Senon-
ches', Rambouillet, Rochefort % le Mont-Saint-Michel et diverses
autres places. Guise capitula (18 septembre). LaHire % faute de
secours, dut abandonner Vitry-en-Perthois et les autres forte-
resses qu'il tenait en Champagne. Le faible Charles VII, étreint
par ces deux ennemis formidables, Bedford et le duc de Bour-
1. Arrondissement d'Evreux.
2. J. Quicherat, Rod. de Villandrando, 23-25, Monstrelet, IV, 183-196.
Fenin, 214-216, 219-222. Cousinot, 196-198, 222-226. Sharon Turner, III,
14-16. Rolls of Pari, IV, 423. K 62, n» 12. X'» 1480, f 305 r» et V. Fr.
26047, nos 251, 257, 303, 342-344, 366. Fr. 4485, fo^ 7-9, 280-307, 369, 412.
Clairamb., t. 188, f» 7127. Fr. 4491, f» 40. X»» 4793, f 468 v». JJ 172, f 324.
Martial d'Auvergne, Poésies, Paris, 1724, 2 vol. petit in-12, I, p. o3-55.
3. De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, 16 et note 3.
4. Xia 1480, f» 279 v». De Beaucourt, Charles VII, t. II, 58. Gravant,
arrondissement d'Auxerre.
5. Beaucoup de Normands avaient quitté l'armée anglaise, pour ne pas
combattre contre Charles VII et avaient répandu dans les environs le
bruit que "Bedford avait été vaincu (Monstrelet. IV, 197; P. Fenin, 222;
Ck)usinot, 226, et surtout JJ 172, f»^ 324, 334, 348-54, et JJ 173, f» 13).
6. On trouve ce nom écrit de différentes manières. La signature originale
est Ffastolf (Qairamb., t. 46, f" 3409). .
7. Arrondissement de Dreux.
8. Arrondissement de Rambouillet.
9. Etienne de Vignoles, plus connu sous le nom de La Hire, fameux capi-
taine de routiers.
RiCHEMONT. 6
82 l'épée de connétable offerte a artur (1424)
gogne, allait être écrasé. Quand il apprit la « douloureuse jour-
née » de Verneuil, « la destruction de ses princes et de sa cheva-
lerie », le pauvre roi « eut au cuer si grant tristesse et telle que
plus n'en povoit, et fut par longtemps en grand ennui, voyant
que de toutes parts ses besongnes lui venoient au contraire *. »
Cette défaite ne fut pas moins désastreuse pour ses favoris.
Ils essayèrent bien encore de recourir aux étrangers, à l'Ecosse,
à la Gastille ; mais leur impuissance était si manifeste qu'ils ne
purent empêcher le roi de prêter une oreille plus docile aux
conseils de sa belle-mère. Yolande redoubla d'efforts, stimulée
aussi par ses propres intérêts. Henri VI n'avait-il pas donné
récemment à Bedford le Maine et l'Anjou? Elle avait donc à
défendre tout à la fois la couronne de son gendre et les domaines
de ses enfants. Malgré la défiance des favoris, malgré la répu-
gnance de Jean Y et l'inertie du roi, son adresse féminine, par-
fois exempte de scrupules, sut mener à bonne fin une entreprise
aussi ardue ^
Quand la mort de Buchan, tué à la bataille de Yerneuil, eut
laissé vacante la charge de connétable, Yolande obtint que
cette haute dignité fût proposée au comte de Richemont. C'était
un moyen d'intéresser ce prince à la réussite de ses projets. S'il
avait eu assez d'influence sur son frère pour lui faire jurer le
traité de Troyes, il pourrait bien l'amener aussi à une nouvelle
réconciliation avec le roi de France. Pourtant une rupture avec
l'Angleterre, au moment même où cette puissance était si re-
doutable, mettait la Bretagne en péril, et il était bien difficile
que les négociations, si secrètes qu'elles fussent ^, échappassent
à Bedford. Regrettant peut-être l'imprudence qu'il avait com-
mise en offensant Richemont, il avait envoyé auprès de Jean V
un de ses conseillers, Bérard de Montferrant, qui resta plu-
sieurs mois en Bretagne *. Sa présence n'empêcha point Yolande
et Richemont de continuer leurs pourparlers.
1. Monstrelet, IV, 198. Le Bourg, de P., 194-199. Fr. 26047, n"^ 342-344,
Fr. 26048, n» 548. Fr. 4485, fs 307-319. JJ, 173, f"' 157, 282 v. Portef. Fon-
ianieu, 113-114, au 4 octobre 1424. K, 62, n" 11* et 11'3. Ilist. de Bour-
gogne, IV, 92.
2. J. Quicherat, R. de Villandrando, 26, et note 1. Fr. 20684, f- 541.
Ms. Lat. 6024, n" 13. K 62, n" ll's. JJ 172, f" 290. JJ 173, f" 15Î v». Portef^
Fontanieu, au 21 octobre 1424. Le 1»' juillet 1423, Louis III, roi de Sicile,
qui était alors à Rome, avait donné à sa mère Yolande' l'administration
de ses domaines de France [Arch. des aff. étr., t. 362, France, fos 71-74).
3. Dès le mois de septembre on savait, à Tournai, qu'un traité se négo-
ciait avec le duc de Bretagne; que ses barons avaient juré de servir Char-
les VII (H. Vandenbroeck, Consaux, II, 106).
4. De juillet à octobre. Pièces orig., 2019, dossier 46270, n" 16. (Mont-
INQUIÉTUDE DES FAVORIS DU ROI (1424) 83
Il fallait profiter de la querelle qui s'envenimait de plus en
plus entre les ducs de Bourgogne et. de Glocester, malgré tous
les efforts du régent de France. Richemont correspondait aussi
avec sa femme, qui était à Montbard, et avec Philippe-le-Bon *.
La duchesse de Guyenne désirait que son mari s'élevât au plus
haut rang, et Philippe-le-Bon ne désapprouvait pas les intentions
de son beau-frère Artur. Restait à décider le duc de Bretagne.
Yolande envoya d'abord une nouvelle ambassade avec son jeune
fils Charles ^ lui annoncer que le roi avait l'intention de nom-
mer son frère Artur connétable de France. Le duc Jean accueillit
assez favorablement ces ouvertures, mais l'intervention inquiète
des favoris faillit tout perdre.
Le plus compromis de ces conseillers armagnacs, Louvet,
conduisit lui-même l'ambassade chargée de porter au duc les
offres officielles de Charles VII. Il tenait à prendre ses pré-
cautions et ses garanties contre le ressentiment de Jean V. Il
espérait que l'entremise de Richemont arrangerait cette affaire
délicate '. D'ailleurs cette mission avait été prévue et, pour
ainsi dire, sollicitée lors du traité de Nantes; mais elle n'al-
lait pas sans quelques inconvénients. Jean V et ses conseil-
lers voyaient dans Louvet le principal complice des Penthièvre,
le fauteur même de l'attentat *. Celui-ci commit sans doute
quelque grave maladresse, car il reçut l'ordre de quitter immé-
diatement la Bretagne. Il aurait même été en grand danger de
sa personne. Heureusement que la reine Yolande sut réparer ce
malencontreux incident, grâce à Tanguy du Chastel. Ce rude
Breton, dévoué corps et âme à Charles VII, qui lui témoignait
beaucoup d'affection et de reconnaissance, était accusé d'avoir
pris part à l'assassinat de Jean-sans-Peur; mais il n'était point
suspect au duc de Bretagne, et, seul parmi les conseillers arma-
gnacs, il était prêt à se sacrifier aux intérêts de son maître.
ferrand). Fr. 4489, f" 336, 337, 410, Voir aussi JJ 172, f' 261 v. K 62,
no 1112.
1. D. Morice, I, 493. Hist. de Bourgogne, IV, 91. Stevenson, t. II, 2« par-
tie, p. 386-396.
2. Charles d'Anjou, troisième fils de Louis III d'Anjou et de Yolande
d'Aragon, n'avait encore que dix ans. Il était né le 14 octobre 1414 (An-
selme, I, 231, 232, 233).
3. L'engagement du 8 mars 1423 prouve que Yolande et Richemont
ivaient fait des promesses aux favoris pour les rassurer. Voir aussi le
dossier Louvet, à la date du 6 octobre 1424, dans le t. 1763 des pièces
orig., dossier 40822, n» 5. Voy. ci-dessous, p. 89-90.
4. On s'explique difficilement, à cause de cela, que Jean V ait désiré
voir venir en Bretagne Louvet, qu'il détestait (voir l'article 17 du traité
de Nantes, ap. de Beaucourt, t. II, 336).
84 YOLANDE d'aRAGON VA EN BRETAGNE (1424)
La reine de Sicile et Tanguy se rendirent en Bretagne
et surent, par leurs instances, leurs promesses, calmer l'irri-
tation de Jean V et obtenir son consentement *. Les Etats
de Bretagne , convoqués pour cette affaire , furent divisés
d'opinion; mais le parti français l'emporta encore une fois,
et ils décidèrent que le comte de Richemont irait trouver le roi,
si le duc de Bourgogne ne désapprouvait pas cette démarche.
Aussitôt Raoul Gruel et Philibert de Vaudrey furent envoyés
auprès de Philippe-le-Bon, avec mission de lui demander s'il
trouverait bon que le comte de Richemont allât vers le roi de
France, pour travailler à la paix entre lui et la maison de Bour-
gogne. Philippe négociait alors avec Charles VII, sous la média-
tion d'Amédée VIII. Il était tellement irrité contre le duc de
Glocester et les Anglais qu'il consentit à ce que Richemont lui
demandait *.
Dès que les ambassadeurs furent revenus en Bretagne, le comte
fit ses préparatifs pour se rendre auprès du roi, mais il ne partit
pas avant d'avoir reçu toutes les garanties que le duc et les Etats
avaient exigées pour la sûreté de sa personne ^ ; c'est-à-dire que
le roi dut livrer comme otages le bâtard d'Orléans, Guillaume
d'Albret et les quatre places de Chinon, Loches, Mehun-sur-Yè-
vre et Lusignan *. Ces conditions humiliantes montrent assez la
détresse de Charles VII, qui alors, comme le dit un vieil histo-
rien breton, « estoit réduit au petit pied ^ ».
L'entrevue du roi et de Richemont devait avoir lieu chez la
reine de Sicile, à Angers. Après avoir imploré l'assistance di-
vine pour le succès de son voyage ^, Artur partit avec une escorte
d'environ 200 hommes d'armes et les seigneurs de Laval , de
i. D. Morice, I, 493; Cousinot,229, 230; d'Argentré, 766; Le Baud, 464,465.
2. Gruel, 190; Le Baud, 464, 465; d'Argentré, 763-765. Aux conférences
de Cliambéry, une trêve de cinq mois est conclue entre Charles VII et
Philippe-le-Bon, par l'entremise d'Amédée VIII, le 28 septembre. — Hist.
de Bourgogne, IV, Preuves, p. xliv; de Beaucourt, II, 357, 358.
3. « Toutesfois il doutoit fort de venir devers le roy, s'iln'avoit aucunes
seuretez, ny sou frère, le duc de Bretagne, ne le vouloit souffrir, veu que
le dit duc avoit autresfois, comme il estoit renommée, fait serment au roy
d'Angleterre et le dit de Richemont servy le dit roy. » (Cousinot, 231.)
4. Arrondissement de Poitiers.
5. D'Argentré, 765; Gruel, 190; Cousinot, 231-232. Ms. fr. 20382, n» 26.
Le bâtard Jean d'Orléans, fils naturel de Louis l"' d'Orléans, si connu
sous le nom de Duuois. Il donna une épée de Turquie au duc, quand il
vint à Nantes tenir otage pour monseigneur de Richemont {Preuves de
Vhist. de Bretagne, II, col. 1163). Il était gendre de Louvet. Il avait épousé
sa fille, Marie Louvette, en 1422. — Guill. d'Albret, seigneur d'Orval,
deuxième fils du connét. d'Albret.
6. Le 7 octobre, il fonde trois messes en l'église Saint-Pierre de Nantes
(Turuus Brutus, I, f* 177, V).
ARTUR VOIT CHARLES VII A ANGERS (1424, OCTORRE) 85
Porhoet \ de Châteaubriant, de Montauban, de Beaumanoir, J. de
Chàteaugiron,Jean de Penhoet, amiral, et Bertrand de Dinan, ma-
réchal de Bretagne, Guill. Gruel, Raoul Gruel, Philibert de Vau-
drey, etc. ^. Charles VII était Angers dès le 16 octobre , avec le pré-
sident de Provence, Guill. d'AvaAgour, bailli de Touraine ^, le "^t
vicomte de Thouars '*, le dauphm d'Auvergne ^, etc. La reine '
de Sicile lui fit, le 19, une réception magnifique. Il logeait à la
célèbre abbaye de Saint-Aubin ^. Le vendredi 20 octobre, Ri-
chemont arriva lui-même à Angers. Plusieurs grands seigneurs
de la suite du roi allèrent à sa rencontre et l'accompagnèrent
à Saint-Aubin. Le roi le reçut dans les jardins de l'abbaye. Il
lui fit un accueil amical % où ne perçait aucun ressentiment de
la conduite que Richemont avait tenue auparavant. Artur lui
dit qu'il « s'offrait à son service, comme celui auquel le courage
et la volonté n'avaient oncques changé ou mué, depuis le jour
qu'il avoit esté pris à la bataille d'Azincourt, quelques feintes
que sagement il eust faites, pour procurer sa délivrance et comme
contraint*. » Après quelques instants d'entretien, le roi lui pro-
posa la charge de connétable. Le comte s'excusa d'abord, en
alléguant sa jeunesse et son manque d'expérience, puis il finit
par déclarer qu'il ne pouvait accepter cette offre sans avoir ob-
tenu le consentement des ducs de Bourgogne et de Savoie, outre
celui de son frère le duc de Bretagne. Le roi souscrivit avec
empressement à cette condition ^.
Le 21, le roi, la reine de Sicile et Richemont conclurent un
traité pour le mariage de Louis d'Anjou, le fils aîné d'Yolande,
avec Isabelle de Bretagne, fille aînée de Jean V, mariage déjà sti-
pulé en 1417. Le roi prit l'engagement de payer les 100 000 fr,
1. Alain de Rohan, comte de Porhoet, beau-frère de Richemont, qui le fit
ensuite nommer chambellan de Charles VII (Preuves de Vhist. de Bret.,
II, col, 1176).
2. Voy. Append., XVIII.
3. Guill. d'Avangour, d'une noble famille du Maine. Avec T. du Chastel,
il avait sauvé le Dauphin lors de l'entrée des Bourguignons à Paris, en
1418. (X'a 9200, f 293 V).
4. Louis d'Amboise, vie. de Thouars, comte de Benon, seigneur de Tal-
mout, etc.
5. Béraud, dauphin d'Auvergne et comte de Sancerre (Clairambault,
t. 8, f 467).
6. Sur l'emplacement de la préfecture actuelle (G. Port., Dictionnaire de
Maine-et-Loire, Dumoulin, 1878, in-8, I, 62).
7. Le roi, dit Grafton (I, 555), fut plus content de sa venue que s'il avait
gagné 100 000 couronnes.
8. Cousinot, p. 232. — La sincérité de cette déclaration, si elle fut faite,
peut sembler contestable.
9. Gruel, 190; D. Morice, I, 494, et Preuves, II, col, 1147 et suiv.; d'Ar-
genlré, 765; P. Fenin, 204.
86 ASSENTIMENT DE PHILIPPE-LE-BON (1424)
que le duc de Bretagne avait promis pour la dot de sa fille et
de céder à Yolande la jouissance du duché de Touraine ', excepté
la ville de Ghinon. Le dimanche 22, Richement dîna au château
d'Angers avec la reine de Sicile, le comte de Vendôme et le vi-
comte de Thouars. Quant au roi, il partit le même jour, entraîné
par ses favoris, impatients de le soustraire à des influences qu'ils
redoutaient. Cette entrevue d'Angers n'en eut pas moins des con-
séquences définitives, et on peut la considérer comme un des faits
les plus importants du règne de Charles VII ^.
Le jour même où avait lieu l'entrevue d'Angers, le 20 oc-
tobre, le duc de Bourgogne revenait à Paris, où Bedford avait
réuni les Etats de l'Ile-de-France et de Normandie ^. Ce voyage,
pendant lequel s'aggrava le mécontentement de Philippe contre
les Anglais, tourna encore au profit de Richemont. Il y avait alors
■ à Paris une sédition que le retour du régent victorieux n'avait
pu apaiser. La présence de Philippe-le-Bon y mit fin, et Bedford
en éprouva un secret dépit. Le duc de Bourgogne donna des
fêtes brillantes pour le mariage de son grand maître d'hôtel,
Jean de La Trémoille, seigneur de Jonvelle *, avec Jacque-
line d'Amboise. Pendant ces fêtes, il poursuivit de ses assiduités
provocantes la belle comtesse de Salisbury " et se fit un ennemi
mortel de son mari, qui était un des principaux conseillers de
Bedford. Enfin, à ce moment même, le duc de Glocester était à
Calais, où il venait de descendre avec sa femme Jacqueline et une
armée de 5 à 6000 hommes , pour conquérir le Hainaut. Phi-
lippe se plaignit de cette agression et prit des mesures pour la
repousser. De son côté, Glocester aurait écrit à Bedford, pour
accuser Philippe le Bon de favoriser les menées de Richemont,
1. Xia 8604, f" 69 V. J 409, n° 49. J ISôb, n" 86, f» 16 V; Preuves de
l'hist. de Bretagne, II, 1149-1151. Le duché de Touraine avait été donné
par Charles VII à l'Écossais Archibald Douglas, tué à la bataille de Ver-
neuil. On sait que Richemont avait aussi reçu de Charles VI, le duché de
Touraine, et on voit dans les registres du Parlement de Paris, à la date du
14 novembre 1424, que les Anglais lui donnaient encore le titre de duc de
Touraine (Xi» 1480, f- 310). Gruel dit (p. 228) que Charles VII voulut
confirmer ce don à Richemont, mais que celui-ci n'y consentit pas.
2. Cousinot, 232; Labbe, Eloges hist., Paris, 1651, in-4'', 706, 707; J. de
Bourdigné, Chroniques d'Anjou, édition Quatrebarbes, t. 11^ 155. Vallet
de V., Hist. de Charles VII, I, 429-431; de Beaucourt, Charles VII, t. II,
77, note 3, et p. 348, note 1.
3. X»» 1480, f» 308 v». Fr. 4485, f- 7-9, 363-365. Fr. 6200, f- 53-59.
Hist. de Bourgogne, IV, 95.
4. J. de La Trémoille, seigneur de Jonvelle, fils de Guy VI de La Tré-
moille et de Marie de Sully, et frère du fameux Georges de La Trémoille,
le futur favori de Charles VII. Jacqueline d'Amboise était sœur de L. d'Am-
boise, vie. de Thouars (Anselme, IV, 164; Pièces orig., t. 50, n» 466),
5. Eléonore, fille de Thomas, comte de Kent..
PHILIPPE-LE-BON ET GLOCESTER (1424) 87
•dont la défection n'était plus douteuse. Il lui aurait même con-
seillé de faire arrêter le duc de Bourgogne, et les deux princes
anglais auraient été jusqu'à comploter la mort de leur puissant
allié. Richemont avait un intérêt évident à la rupture de Bedford
et de Philippe-le-Bon ; mais, pour la provoquer, s'abaissa-t-il
jusqu'à faire usage de fausses lettres? Ses ennemis l'en accusè-
rent dans la suite, pour se disculper auprès de Philippe-le-Bon,
quand il connut cette correspondance, vraie ou fausse, de Glo-
cester avec son frère ^. Il semble malheureusement impossible
de porter sur ces machinations ténébreuses une lumière assez
vive pour y découvrir la vérité. Ce qu'on peut affirmer, c'est que
la conduite de Glocester à cette époque blessa profondément le
duc de Bourgogne. La rancune de Philippe-le-Bon suffît pour
expliquer l'adhésion qu'il donna aux projets de son beau-frère
Artur, surtout si l'on considère qu'auparavant il avait encouragé
les efforts d'Amédée VIII et approuvé l'entrevue d'Angers.
Le duc de Bourgogne était donc fort mal disposé envers les
Anglais quand il quitta Paris pour se rendre à Moulins-Engilbert*,
où il épousa, le 30 novembre i424. Bonne d'Artois, fille aînée de
Phil. d'Artois, comte d'Eu, et de Marie de Berry ^. Veuve d'un
frère de Jean-sans-Peur, Philippe de Bourgogne, comte de Ne-
vers, tué à la bataille d'Azincourt, sœur de Charks d'Artois,
comte d'Eu, encore prisonnier en Angleterre, cousine d'Amé-
dée VllI, la nouvelle duchesse de Bourgogne devait aussi
plaider auprès de son mari la cause de Charles VII *. C'était Ri-
<îhemont, le compagnon de captivité du comte d'Eu, qui avait
ménagé ce mariage. Les Anglais en furent d'autant plus irrités
•contre lui. Ils disaient même qu'il devait aller combattre Glo-
cester dans le Hainaut, avec une armée composée de troupes
fournies par Charles VII, Philippe-le-Bon, Amédée VIII et Jean V.
Il n'en fut rien, car Richemont, après avoir assisté avec sa
femme au mariage de son beau-frère, se rendit à Mâcon^ où de-
vait avoir lieu une nouvelle conférence ^.
1. A. Desplanque, Projet d'assassinat de Philippe-le-Bon par les Anglais,
Bruxelles, 1867, iii-4, p. 9, 10. Voy. Append., XIX. En novembre et décem-
bre, Bedford envoie plusieurs fois des messagers à son frère (Ms. fr.
4485, p. 362-366).
2. Arrondissement de Château-Ghinon (Nièvre).
3. Marie de Berry, veuve de Philippe d'Artois, avait épousé Jean le', duc
de Bourbon. Michelle de France, fille de Charles VI et première femme
■de Philippe-le-Bon, était morte le 8 ^'uillet 1422.
4. Malheureusement, cette princesse mourut peu après, le 17 septembre
1425.
5. Anselme,!, 238; Monstrelet, IV, 209, 210; Fenin, 226; Hist. de Bour-
gogne, IV; Preuves, p. Iv. — Desplanque, Projet d^assassinat de Philipitc-
88 NÉGOCIATIONS AVEC PIIILIPPE-LE-BON (1424-1425)
Dès les premiers jours de décembre, une assemblée nombreuse
était réunie à Mâcon, sous la médiation d'Amédée VIII. On y
voyait, outre le duc de Savoie, le duc de Bourgogne, le comte
de Richemont, avec des envoyés de Jean V, Charles de Bourbon,
comte de Glermont *, avec l'archevêque de Reims ^ et les évo-
ques de Chartres et du Puy, ambassadeurs du roi de France.
Philippe accueillit avec sa courtoisie habituelle les envoyés de
Charles VII, mais il déclara énergiquement qu'une réconcilia-
tion était impossible, tant que les meurtriers de son père reste-
raient auprès du roi. On se sépara sans avoir pu s'entendre
(5 décembre), le duc de Savoie pour aller en Bresse, le duc de
Bourgogne pour se rendre à Dijon (7 décembre). Le comte de
Richemont l'accompagnait; quelques jours après, il assistait,
avec sa femme, à l'entrée solennelle de la nouvelle duchesse
dans la capitale de la Bourgogne (15 décembre). Avant de quitter
son beau-frère, il fit auprès de lui de nouvelles instances, et il!
emmena même des envoyés de Charles VII et de Philippe-le-Bon
à Montluel ^, où se trouvait le duc de Savoie •*. On y reprit les
négociations pour la paix (janvier 1425] ; on parla de marier une
fille d'Amédée VIII au dauphin Louis ^ et une autre à François de
Bretagne, fils aîné de Jean V; on décida la prolongation des
trêves entre la France et la Bourgogne, le mariage du comte de
Glermont avec Agnès, sœur de Philippe-le-Bon ^. Artur de Bre-
tagne fut autorisé à accepter la charge de connétable; enfin les
ducs de Bretagne et Savoie s'entendirent pour prendre auprès
de Charles VII la direction du gouvernement ''.
Dans le même temps, le duc de Bourgogne se préparait à re-
le-Bon, p. 9 et 59; de Beaucourt, Charles VU, t. II, p. 79. Richemont était
à Tours le 27 octobre. On l'attendait à Lyon le 12 novembre {Idem, p. 80,
note 7).
1. Fils de Jean I*"", duc de Bourbon, et de Marie de Berry. II venait d'être
nommé lieutenant général du roi dans le Dauphiné. P. 13582, cote 1376.
2. Regnault de Chartres, qui fut nommé chancelier de France le 28
mars 1425. Anselme, VI, 399, 400.
3. Arrondissement de Trévoux (Ain).
4. Richemont était avec le chancelier de France et le comte de Ven-
dôme, mis récemment en liberté. Ils passèrent par Lyon le 10 janvier 1425
(de Beaucourt, t. II, 360-361).
5. Le dauphin Louis (Louis XI) était né le 3 juillet 1423, à Bourges
(Fr. 5024, f 203; Xi" 9197, f» 224 V; KK 56, f° 27 v).
6. Le traité fut conclu le 4 février 1425. Parmi les signatures, on remar-
que celle de Georges de La Trémoille. Le mariage ne fut célébré que le
5 août 1425 (Collect. de Bourgogne, U 96, p. 497-504, 565-574, 605-610}.
7. Voir la lettre de Richemont aux Lyonnais (2 juin 1425), déjà indiquée,
et la convention conclue à Montluel par le duc de Savoie et Artur de
Bretagne (de Beaucourt, II, 81-84, 361; H. Vandenbroeck, Consaux de
Tournai, II, 157-160).
ARTUR ET LES CONSEILLERS DU ROI (1425) SO»
pousser par les armes l'invasion de Glocester. Les circonstances
n'avaient jamais été plus favorables aux projets de Richemont.
Il allait sortir de l'inaction à laquelle sa jeunesse était réduite
depuis dix ans; l'œuvre qu'il allait entreprendre était digne de
l'ambition la plus haute et la plus noble. Il retourna en Bre-
tagne le cœur plein d'espoir *.
Vers la fin de février, Artur se rendit à Ghinon, où se trou-
vait le roi, qui revenait d'Auvergne. Restait une difficulté à
vaincre et non la moindre, l'obstination des favoris. Quand
Charles VII avait promis à Jean V de les éloigner, pour obtenir
son alliance, ils ne l'avaient point empêché de prendre cet
engagement ^, sachant bien qu'ils l'empêcheraient de le tenir;
mais, cette fois, leurs craintes étaient plus vives. Il ne s'agis-
sait plus seulement de tromper Jean V; le duc de Bourgogne
réclamait aussi leur renvoi, et ils sentaient bien que tous le&
efforts du nouveau connétable tendraient à réconcilier le roi
de France avec ce puissant ennemi. Ancien Armagnac, Riche-
mont aurait pu s'entendre avec eux, n'eussent été le crime de
Montereau et l'enlèvement de Jean V. Il lui fallut donc dis-
simuler, sous peine d'échouer au dernier moment. Encore
n'est-il pas certain qu'il eût réussi, même avec l'appui de
Charles VII, s'il n'avait été soutenu par Yolande, par T. du
Chastel, par le chancelier Martin Gouges, probablement par
G. d'Avangour, et enfin s'il ne se fût résigné à une transaction
des moins honorables ^. Il jura et promit « sur les saints Evan-
1. Le Baud, 466. Hist. de Bourgogne, IV, 96-98. Monstrelet, IV, 2H, 212.
Desplanque, p. 24, note 2. D. Lobineau, I, 564. Kervyn de Lett., IV, 239,
et dans la Revue du Lyonnais, année 1839, t. 19, la lettre du 2 juin 1425.
Pendant que Richemont était en Bretagne, Richard, comte d'Etampes, fit
son testament, le 2 février 1423, et nomma exécuteurs testamentaires ses
frères Jean et Artur {Arch. de la Loire-Inf., cass. 9, E, 24).
2. D'après Gruel, le roi fit la même promesse à Richemont. « Et, avant
qu'il prist l'espée, le roy luy promist et jura d'envoyer hors de son royaume
tous ceulx qui avoient esté cause de la mort de monseigneur de Bourgon-
gne et consentans de la prise du duc Jehan de Bretaigne. » (Gruel, 191.)
3. Il est probable que ces pourparlers donnèrent lieu, dans le Conseil du
roi, aux plus vives discussions, et que Tanguy du Ghâtel prit, avec sa vio-
lence habituelle, le parti de Richemont contre Louvet, car on lit dans le
registre du Parlement de Paris {X*^ 1480, f» 317), à la date du 3 mars :
« Ce jour viûdrent nouvelles de la mort du comte Daulphin, que on disoit
avoir esté tué par Tanguy du Chastel en ung conseil tenu, présent le Dau-
phin ; et de ce avoit le duc de Bedford reçu lettres du duc de Bretaigne,
faisant mention de ce, ainsi que disoient ceulx qui avoient veu et leu les-
dites lettres. » Il s'agit ici de Bcraud III, Dauphin d'Auvergne, mais le
fait avait été fort exagéré, car Béraud ne mourut qu'en 1426. — Richemont
devait être alors à la cour. Le 26 février, il était à Tours, allant à Chiaon
avec le c. de Vendôme (de Beaucourt, Charles VII, t. II, 81, note 2).
90 ENGAGEMENT d'ARTUR (1425, MARS)
giles de Dieu, par le baptême qu'il apporta des saints fonts, par
sa part de paradis et sur son honneur, » de laisser et d'assurer
au roi le libre et entier exercice de son pouvoir; d'aimer, soute-
nir et protéger ses serviteurs, à savoir : T. duGhastel, prévôt de
Paris, le président Louvet, le sire de Giac, Guill. d'Avangour et
Pierre Frotier; de ne consentir, pour aucun motif et sous aucun
prétexte, à leur éloignement, et même de s'y opposer si l'on venait
à le demander; enfin de s'en rapporter au roi pour les gens
d'armes qu'il voudrait tenir auprès de lui et en sa compagnie
(8 mars 1425) K
Ce document curieux ne prouve pas seulement la toute-puis-
sance des favoris et l'imbécillité de ce roi de vingt-deux ans qui
subissait leur tutelle, il montre aussi combien il était nécessaire
de mettre fin à cette domination insolente, égoïste, incapable
de sauver la France- En prenant des engagements aussi solen-
nels, Richemont savait bien qu'il ne les tiendrait pas. Pouvait-
il aimer, soutenir, protéger les complices des Penthièvre, les
meurtriers de Jean-sans-Peur? Au contraire, n'était-il pas d'ac-
cord avec son frère, le duc de Bretagne, avec son beau-frère, le
duc de Bourgogne, avec la reine de Sicile, avec le duc de Savoie
pour chasser les ministres qui étaient leurs ennemis communs ?
Leur présence seule n'était-elle pas un obstacle insurmontable à
sa politique d'apaisement et de réconciliation ? Sans doute ses
scrupules furent combattus par la reine Yolande ; mais, si légi-
time que fût son ambition, il est regrettable qu'il n'ait pu la
satisfaire qu'aux dépens de sa loyauté. Cette fois, il n'agissait
plus contre la France, comme à l'époque où il déterminait son
frère à jurer le traité de Troyes ; toutefois il convient de ne pas
oublier davantage cette conduite nouvelle, pour comprendre et
juger l'homme qui va désormais tenir une si grande place dans
l'histoire du règne de Charles VII.
Quand Richemont eut conclu ce marché humiliant, il put
enfin en recevoir le prix. Le 7 mai's 1425, s'accomplit dans la
prairie de Chinon une cérémonie imposante. Le roi s'y rendit,
entouré de toute sa cour. Dans ce brillant cortège, on remar-
quait Louis de Bourbon, comte de Vendôme, l'évêque de Cler-
mont, chancelier de France, qui avait pris une part des plus
actives à toutes ces négociations, les archevêques de Reims et
de Sens, l'évêque d'Angers, le maréchal de Sévérac et les
envoyés d'Amédée VIII, Jean de Beaufort et Gaspard de Mont-
mayeur, l'un chancelier, l'autre maréchal de Savoie. Artur de
Bretagne, comte de Richemont, reçut des mains de Charles VII
i. \oy. Append.,XK.
ARTUR REÇOIT l'kPÉE DE CONNÉTABLE (1425, 7 MARS) 91
l'épée de connétable « et fit les serments au roy et au royaume
en la forme et manière accoustumée » ^ Il jura « le Dieu créa-
teur, par la Foi et la Loi, et sur son honneur » qu'il servirait
le roi envers et contre tous, qu'il lui obéirait en toutes choses
« sans rien épargner, jusqu'à la mort, inclusivement ^. »
Les lettres par lesquelles Charles VII institue le comte de
Richemont connétable de France débutent par des considéra-
tions remarquables :
« Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, etc. Comme,
depuis que l'office de connestable de France a esté derrenière-
ment vacant, n'ayons pourveu à iceluy office, par quoy et par
default de chief principal sur le fait de nostre guerre, se soient
ensuiz plusieurs inconveniens, au grant préjudice de nous et de
nostre seigneurie, et aussi se soient faictes sur nostre peuple plu-
sieurs pilleries et autres oppresions, à nostre très grant desplai-
sance ; savoir faisons que voulons, pour ce, pourveoir au dit office
de connestable de personne qui sur nos gens d'armes et de trait
puisse et doye mectre et entretenir tel ordre et justice, que ce
soit au bien de nous et à la cessacion de tous maulx, et qui
aussi soit de tele auctorité, entreprise et vaillance, que, par son
moyen et conduit, noz affaires puissent estre bien adreciez. Con-
siderans que, pour ces choses faire et exercer ainsi puissamment
que besoign en est, seroit très propice et convenable, pour plu-
sieurs considérations, nostre très-chier et amé cousin, Artur de
Bretaigne, conte de Richemont, frère germain de nostre très-
chier et très-amé frère, le duc de Bretaigne, attendu les grans
sens, industrie, prouesse, preudommie et vaillance de sa per-
sonne, tant, en armes que autrement, la prochaineté dont il
nous attaint, et la maison dont il est issu ; ayans regard mesme-
ment à ce que, pour nostre propre fait et querele, il exposa et
habandonna moult honnorablement sa personne à l'encontre de
noz ennemis à la journée d'Azincourt, à laquelle il combattit
vaillamment, et jusques àlaprinse de sa dicte personne; vou-
lans ces choses envers lui recognoistre en honneurs, bienfi'aiz,
et autrement, comme bien nous y sentons tenuz; et pour l'en-
tière confiance que nous avons de lui, lui commectre et bailler
le soing, curanson et charge de nos plus haulx afl"aires, qui sont
le fait et conduicte de nostre dicte guerre, espérans que, par
1. Ck)usinot, 232. Gruel, 191. Monstrelet, IV, 175. Fenin, 204. Grafton, 561.
Cougny, Notice sur le château de Chinon, édition de 1874, p. 56. De Beau-
court, Charles VII, t. II, 84, note 2. Fr. 5024, î» 203. Martial d'Auvergne, J, 55.
2. Formule du serment du connétable, ap. Daniel Milice française, t. I,
185. D'après La Thaumassière, Hist. de Berry, p. 46, Richemont reçut
alors le gouvernement du Berry.
92 ARTUR REÇOIT L'ÉPÉE DE CONNÉTABLE (1425, 7 MARS)
moyen de lui et des siens, qui sont grans et puissans, pourront
estre faiz à nous et à nostre dicte Seigneurie telz et si proufitables
services, que ce sera à perpétuel mémoire
iceluy nostre cousin
avons, pour les causes devant touchées et autres à ce nous
mouvans, espécialement pour l'évident bien et proutît de nous
et de nostre dict royaume, fait, ordonné, constitué et estably,
faisons, ordonnons, constituons et estab lissons connestable de
France et chief principal, après nous et soubz nous, de toute
nostre guerre, etc. i. »
On ne saurait mieux faire ressortir les motifs qui avaient
déterminé le choix du roi, les devoirs qui incombaient au nou-
veau connétable et les services qu'on attendait de lui. On dirait
qu'il y a là un programme dicté par un sentiment profond de
la situation présente et une vue prophétique de l'avenir. Telle
était bien la difficile et glorieuse carrière qui s'ouvrait devant
Artur de Bretagne et où nous allons le suivre.
1. Xia 8604, fos 72, v 73. Ces lettres se trouvent aussi à la suite de
Gruel, édition Michaud, p. 229, 230, et dans Godeîroj, Hist.de Charles Vil.
11 est à remarquer que les noms de Louvet, P. Frotier et P. de Giac ne
se trouvent pas parmi ceux des conseillers de Charles VII qui ont contre-
signé ces lettres (voir de Beaucourt, t. II, 85). J. Bouchet, Les Annales
d'Aquitaine, Poictiers, 1644, gr. in-4'', p. 243.
TROISIÈME PARTIE
LA LUTTE CONTRE LES FAVORIS DE CHARLES VII
1425-1433
CHAPITRE PREMIER
LES PREMIÈRES ANNÉES DE POUVOIR (1425-1427)
État de la France en 1423. — Plan de Richement. — Difficultés de sa
tâche. — Droits du connétable. — Essais de réformes militaires. —
Louvet attaque Richement, qui parvient à le renverser. — Le conné-
table prend la direction du gouvernement. — Nouveaux embarras. — Il
amène le duc de Bretagne à s'allier avec Charles VII par le traité de
Saumur. — Il s'efforce .vainement de réconcilier le duc de Bourgogne
avec le roi. — Les Anglais attaquent la Bretagne. — Le connétable
échoue devant Saint-James-de-Beuvron. — Il s'en prend au chancelier
de Bretagne. — Guerre dans le Maine et l'Anjou. — Richement excite
les ducs de Bretagne et de Bourgogne contre les Anglais. — 11 est obligé
de lutter contre P. de Giac, — Il le fait exécuter. — Bedford, revenu
d'Angleterre, pousse vivement les hostilités. — Les Anglais reprennent
Pentorson. — Grands efforts du connétable peur leur résister. — Camus
de Beaulieu, successeur de Giac, est assassiné. — Il est remplacé par
Georges de La Trémeille, qui travaille à supplanter Richement. — Dé-
faite des Anglais devant Mpntargis. — Le duc de Bretagne fait la paix
avec l'Angleterre. — Richemont ne peut renverser La Trémeille. — Il
se retire à Parthenay.
Le biographe de Richemont indique, en quelques mots, l'œu-
vre du connétable. « Il trouva le royaume le plus au bas que
jamais fût et le laissa le plus entier qui fût, passé à quatre cents
ans ' .» 11 résume aussi, dans ces lignes, tout le règne de Char-
les VII, et, s'il exagère le rôle de son connétable, en attribuant à
lui seul ce glorieux résultat, on peut dire qu'il y eut du moins
une large part. En effet, la France n'était paS dans une situation
moins désespérée qu'à l'époque du traité de Troyes. Son roi
1. Gruel, 191.
94 ÉTAT DE LA FRANCE EN 1425
n'était pas, comme Charles VI, entre les mains des Anglais^
mais il n'avait qu'une partie du royaume, et il semblait incapa-
ble de gouverner, de défendre et de conserver le reste *. Il avait,
directement ou indirectement, ^Orléanais, la Touraine, une par-
tie du Maine et de l'Anjou, de la Saintonge, de la Picardie, de
la Champagne et de l'Ile-de-France, le Bourbonnais, l'Auver-
gne, le Limousin, la Marche, le Forez, le Lyonnais, le Dau-
phiné, le Languedoc, TAunis et l'Angoumois, le Poitou, le
Berry; mais ces provinces étaient les unes occupées en partie,
les autres menacées par les Anglais ou par les Bourguignons,,
leurs alliés ^.
Henri VI possédait presque toute l'Ile-de-France, avec Paris,,
la Normandie, la Picardie, la Champagne, une partie du Maine
et de l'Anjou, de la Guyenne et Gascogne ^, Le duc de Bedford,
régent de France, était, par ses talents politiques et militaires,
égal, sinon supérieur à son frère Henri V. Il est vrai qu'il ne
tenait pas, comme lui, dans sa main toutes les forces de l'Angle-
terre, que Glocester lui causait de graves embarras, qu'il ne
trouvait plus dans le duc de Bourgogne un allié aussi sûr, aussi
âpre à la vengeance; mais il disposait toujours d'une armée dis-
ciplinée, aguerrie, commandée par d'excellents capitaines, et, si
l'on considère, d'un côté, cette formidable puissance des Anglais,,
de l'autre, la chétive situation du petit roi de Bourges, on pen-
sera qu'en prenant le pouvoir dans des conjonctures aussi criti-
ques, le nouveau connétable élevait son ambition à la hauteur
de toutes les épreuves *.
Pour affermir le trône chancelant de Charles VII, pour
sauver le royaume, sur le point de « cheoir à totale des-
truccion ^ », que fallait-il? Un gouvernement plus sage, plus
respecté, plus fort, une armée disciplinée, solide, et surtout de
puissantes alliances **. Voilà ce que ne pouvaient procurer au
1. Sur l'anarchie et le mépris de l'autorité royale, voir D. Neuville, le
Parlement royal à Poitiers, dans le t. VI" de la Revue histor. (1878), ch. VI,
p. 301 et suiv.
2. Voy. A. Longnon, Les limites de la France à l'époque de Jeanne d'ArCr
dans la Revue des questions hist., t. XVIII, année 1875, p. 500 et 501.
3. Le Ms. fr. 4491 indique les places occupées par les Anglais, en 1423y
dans leurs provinces françaises du Nord, le nom des capitaines, l'effectif
des garnisons (Fr. 4491, f"» 46 et suiv.).
4. Sharon Turner, III, p. 12 et suiv. Voir dans Chastellain, sur l'état
de la France efi 1422, un passage remarquable, qui pourrait s'apphquer
aussi bien à 1425 (Chastellain, VII, 323, édition Kervyn de Lettenhove,
Bruxelles, 1863-1866, 8 vol. in-S").
5. Lettre de Richemont aux Lyonnais, du 2 juin 1425, dans la Revue du
Lyonnais, 1859, p. 327-331.
6. C'est là ce que fait ressortir Charles VII lui-même, dans ses lettres
PLAN DE RICHEMONT 95
jeune roi ses ministres impopulaires; voilà ce que le connétable
de Richemont voulait donner à la France. Il tenait surtout à ré-
concilier Charles VII avec Philippe-le-Bon. C'était là le plus
grand service qu'on pût rendre à la France ; de là dépendait son
salut ou sa ruine. Tant qu'elle avait à combattre l'Angleterre
et la Bourgogne, elle pouvait obtenir des succès passagers, mais
point de victoire décisive; avec l'alliance de la Bourgogne, elle
devait triompher. Le principal mérite de Richemont, c'est d'avoir
compris cette politique, de l'avoir suivie avec une constance
inébranlable ; un de ses principaux titres de gloire, c'est d'avoir
préparé, négocié le traité d'Arras (1435). Pour arriver à ce but,
il dut lutter pendant dix ans contre des difficultés qui auraient
pu abattre une âme moins forte. Réorganiser l'armée^ soutenir
la guerre contre les Anglais, poursuivre les négociations avec
les ducs de Bretagne, de Bourgogne et de Savoie, déjouer les intri-
gues des favoris, résister à leurs attaques, arracher le roi à leur
influence malfaisante, à son apathie, à son oisiveté, le rappeler
au sentiment de ses devoirs et de son rôle, l'entraîner à la tête
des troupes, l'aider à reconquérir son royaume, à fortifier son
pouvoir, le défendre contre les coalitions féodales, telle fut la
tâche que Richemont accomplit, avec line énergie, une fidélité,
une constance que ne découragèrent ni les échecs, ni les humi-
liations, ni les disgrâces.
Quand il prit l'épée de connétable, il avait près de trente-
deux ans, l'âge où l'ardente activité de la jeunesse est guidée
par la réflexion et l'expérience. Sans être un homme d'Etat et
un capitaine de premier ordre, il avait, pour le gouvernement
et pour la guerre, des qualités précieuses : la justesse d'esprit, la
sagacité, qui font distinguer nettement le but et les moyens de
l'atteindre, l'initiative, la persévérance qui mène tôt ou tard au
succès, la force d'âme et de volonté qui surmonte les obsta-
cles. Outre ces qualités personnelles, il possédait d'autres avan-
tages qui expliquent le choix de la reine Yolande : une haute
naissance, des liens de parenté avec plusieurs maisons royales,
avec celle de Savoie et avec les plus puissantes familles du
royaume, celles de Bourgogne, d'Orléans, d'Anjou, d'Alençon,
de Bourbon, d'Armagnac, l'appui de Jean V, et, ce qui valait
mieux, les sympathies du parti français de Bretagne. Il y avait
en effet dans ce pays un parti très attaché à la France. Du Gues-
clin était dans toutes les mémoires; sa veuve, Jeanne de Laval,
du 23 mars au c. de Foix, qui était rentré dans le devoir et qui avait été
récemment nommé lieutenant général du roi dans le Languedoc (de
Beaucourt, Charles VII, t. II, 88).
^6 DROITS DU CONNÉTABLE
vivait encore; le jeune André de Laval, plus tard seigneur de
Lohéac et maréchal de France, petit-fils de Jeanne, avait com-
battu avec l'épée de l'illustre connétable, au combat de la
Broussinière *, où des Bretons et des Français avaient vaincu
les Anglais, le 26 septembre 1423. La mort de Glisson était,
pour ainsi dire, récente. Les Bretons, fiers du nouveau choix
qui appelait, pour la troisième fois, un des leurs à la plus -haute
dignité du royaume, étaient disposés à servir Charles VIL Leur
dévouement, soutenu d'ailleurs par Fintérèt, était une garantie
plus sûre que FalHance du versatile Jean V ^.
Le connétable de France avait des pouvoirs qui l'égalaient
presque au roi lui-même, en ce qui concernait la guerre et l'ar-
mée. Il faisait partie « du plus étroit et secret conseil du roi » '.
Dans les questions relatives à la guerre, on ne pouvait rien dé-
cider sans avoir pris l'avis du connétable. A l'armée, il avait 1&
commandement général, même quand le roi était présent. C'est
lui qui prenait toutes les dispositions, ordonnait tous les mou-
vements, assignait à chacun son rang et sa place. Au combat,
il était d'ordinaire à l'avant-garde ou au premier rang du corps
de bataille, dans la retraite, au dernier. Sa bannière était portée
après celle du roi. Quand une place était prise, si le roi était
absent, c'est la bannière du connétable qu'on y mettait la pre-
mière. Une partie du butin lui appartenait. Il prélevait une jour-
née de solde sur le payement des troupes, A la guerre, il était dé-
frayé de ses dépenses et de ses pertes par le roi. Les jours d'assaut
ou de bataille, il avait double solde. Il connaissait de tous les cri-
mes et délits commis par les gens de guerre. Les gens de sa maison
n'étaient justiciables que de lui seul. Le siège de sa juridiction
s'appelait la Table de marbre ; il pouvait y déléguer un lieute-
nant *. Quand il entrait pour la première fois dans une ville, il
avait le droit de grâce ^. Il présidait aux duels, donnait le signal
du combat et le faisait cesser à son gré. Il avait logement à la
cour. Il assistait au sacre ; c'est lui qui portait la Sainte Am-
poule. Enfin, un crime contre le connétable était considéré
comme un crime de lèse-majesté ®.
Si grands que fussent les pouvoirs du connétable, Richemont
1. Arrondissement de Laval.
2. Le Baud, 463. D'Argentré, 762. Cousinot, 214. Vallet de V., I, 400.
D. Morice, I, 492. S. Luce, Hist. de du Guesdin, I, 129,130, noie 2.
3. Daniel, Hist, de la milice française, t. I, 173.
4. X2a 22, an 10 juin 1437 et au 4 décembre 1441. X^a 23, f»' 2 y, 3 v.
Xia 9193, f° 263 \°. Xia 1483, f"s 89 v% 209.
3. X2a 22, fos 1 v», 4.
6. Voy. Appendice, XXL
ESSAIS DE RÉFORMES MILITAIRES (1425) 97
voulut étendre son rôle encore plus loin ; il voulut être un pre-
mier ministre, au risque de mécontenter les favoris, jusque-là tout-
puissants. On ne connaît pas toutes les mesures qui suivirent
son arrivée aux affaires, mais on en pourrait citer plusieurs
qui attestent une direction nouvelle, comme sa correspondance
avec les principales villes du royaume \ des changements dans
l'administration financière et dans les hauts emplois, l'établisse-
ment d'une cour des aides à Poitiers (22 octobre 1425), la convo-
cation des Etats généraux pour le l^"" octobre, l'envoi d'une am-
bassade à Montluel, où devait s'ouvrir, le 16 avril, une confé-
rence entre les représentants de la France, de la Bourgogne, de
la Bretagne, sous la médiation d'Amédée VIII, enfin des efforts
plus louables qu'heureux pour réprimer les excès des gens de
guerre *.
Outre les négociations avec le duc de Bourgogne, le principal
soin du connétable fut la réorganisation de l'armée. Etablir la
discipline, faire cesser « les pilleries et roberies », c'était là cer-
tainement la plus urgente, mais aussi la plus difficile des réfor-
mes. Le mal était si répandu, si invétéré, qu'il semblait impossi-
ble d'y apporter un remède efficace ^ Néanmoins Richeraont se
mit à l'œuvre sans retard, après avoir obtenu du roi la promesse
formelle que justice serait faite. Des lettres patentes de Char-
les Vil et du connétable ordonnèrent à tous les capitaines de
gens d'armes et de trait de se rendre à Selles en Berry *, pour y
être passés en revue. Richemont voulait faire un choix parmi
eux, envoyer les bons aux frontières et les autres, « non
passables, à leur labour ou mestier » ^. Afin de pouvoir payer
les troupes qui seraient conservées et licencier les autres, on fît
un emprunt de 30 000 1. t., auquel contribuèrent différentes
villes, notamment Lyon. Toutes d'ailleurs se seraient imposé
des sacrifices pour qu'on débarrassât la France d'un pareil fléau ;
mais ce n'était pas la première fois qu'on en faisait la promesse.
Le connétable voulait sincèrement tenir la sienne ^ et, comme
1. Notamment avec Lyon. Au mois d'août, il charge' son conseiller J. de
Chenery de dire aux habitants de Tournai qu'il les voudrait bien con-
naître. Le conseil décide alors qu'on enverra im député vers le roi et le
connétable {Consaux de Tournai, II, 187).
2. De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, p. 88, 618, 625, 637, 638,
647-649. Voir Appendice, XXII (lettre du roi aux Lyonnais).
3. Voir D. Neuville, le Parlement à Poitiers, dans le t. VI" de la Revue
hist. (1878), ch. V, p. 291 et suiv.
4. Selles- sur-Cher, arrondissement de Romorantin.
5. Lettre du connétable aux Lyonnais, dans le t. 19 de la Revue du
Lyonnais, année 1859, p. 327-331; Fr. 20684, f»s 565-566.
6. C'est sa préoccupation constante, comme le prouvent ses lettres aux
Lyonnais .
Richemont. 7
98 RICHEMONT LÈVE DES TROUPES EN BRETAGNE
il savait bien que celte mesure allait provoquer une vive résis-
tance, non seulement parmi les gens de guerre, mais encore chez
les favoris du roi, il alla chercher en Bretagne des troupes sur
lesquelles il pût compter, pour mettre à la raison tous les récal-
citrants.
Outre sa charge de connétable, Richemont avait reçu, le
9 mars, commission d'entretenir à la solde du roi 2 000 hommes
d'armes et 1 000 hommes de trait K Cette troupe, dont il avait
le commandement direct, devait former le noyau de la nouvelle
armée. Non seulement il put faire en Bretagne les levées dont il
avait besoin, mais encore il obtint que son frère mît sur pied
les gens des communes, pour être en mesure de faire face à toute
éventualité. Le nom du connétable figure dans une ordonnance
que Jean V rendit à Nantes, le 20 mars, et qui donne de curieux
détails sur l'armement des milices communales. Instruit par son
séjour en Angleterre, Richemont songeait, dès cette époque,
aux institutions mihtaires qu'il réalisa plus tard en France. Nul
doute qu'il n'ait aussi profité de ce voyage en Bretagne pour
attirer Jean V au parti français et pour continuer les négocia-
tions avec Phihppe-le-Bon, car un nouveau traité d'alliance fut
conclu le 25 mars entre les deux ducs ^. C'était le temps où le
duc de Bourgogne provoquait Glocester à un combat singulier
(3 mars) et où la guerre commençait dans le Hainaut entre les
Bourguignons et les Anglais. Bedford, consterné de cette que-
relle, qui l'empêchait de poursuivre ses conquêtes en France,
était obligé de laisser à Charles VII un répit dont il fallait pro-
fiter. Dans ces circonstances, une victoire sur les Anglais pou-
vait détacher d'eux le duc de Bourgogne lui-même et sauver le
royaume. Quel début c'eût été pour le nouveau connétable et
quelle occasion d'imiter l'illustre Breton du Guesclin, qui avait
laissé de si grands exemples!
Pendant que Richemont était ainsi occupé en Bretagne, les
favoris travaillaient à sa perte. Ils ne pouvaient se résigner à
subir sa prépondérance. Convaincus que, malgré toutes ses pro-
messes, il ne tarderait pas à les chasser de la cour, afin de don-
ner satisfaction aux ducs de Bretagne et de Bourgogne ^, ils
1. Ms. fr. 20684, f" 542, et Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1164-66.
2. Preuves de l'hist. de Bj'etagne, II, col. 1166-1169; Fwf. de Bourgogne, IV,
preuves xlix-1; Fr. 4628, f»' 106, S73.
3. Ces intentions rassortent clairement du traité de Montluel (ci-dessus
p. 88). D'ailleurs, Tanguy du Chastel ayant été envoyé par le roi demander
à Jean V « qu'il le voulust ayder et secourir », le duc répondit « qu'il n'y
entendroit en rien, sinon que, préalablement et avant tout œuvre, le roy
mist hors de sa compagnie et de son hostel tous ceux qui estoient con-
JEAN LOUVET 99
voulurent se mettre en garde contre lui, avant qu'il fût devenu
assez fort pour imposer ses volontés. C'était là l'inévitable con-
séquence de la situation fausse dans laquelle il s'était mis, en
prenant vis-à-vis d'eux des engagements qu'il ne pouvait tenir.
Le plus audacieux et le plus redoutable de ces conseillers du
roi, c'était Jean Louvet, seigneur de Mirandol, dit le président
de Provence '. Ce fut lui surtout qui engagea et qui soutint
avec le plus d'acharnement cette lutte contre Richemont. Les
autres, G. d'Avangour, P. Frotier, le médecin J. Cadart, Tan-
guy du Ghastel et même le sire de Giac, étaient moins dangereux.
Il n'eût sans doute pas été impossible de s'entendre avec eux,
pour les éloigner, en leur assurant de bonnes compensations,
mais Louvet se cramponnait au pouvoir et les excitait à résister
avec lui. Il n'avait rien négligé pour se ménager des moyens
d'influence. Il avait marié une de ses filles, Marie, au bâtard
d'Orléans (1422); une autre, Jeanne, àL. de Joyeuse, et celle-ci,
qui était, comme sa sœur et sa mère, dame d'honneur de la
reine, jouissait, dit-on, d'une grande faveur auprès du roi ^.
Ainsi soutenu et capable de tout oser, Louvet crut pouvoir
triompher du connétable et de la reine Yolande elle-même, qui
pourtant avait eu sur lui jusque-là un certain ascendant '. Nous
avons des lettres du connétable, de son frère Jean V, de
Yolande * et quelques autres documents authentiques qui per-
mettent de suivre les principaux incidents de cette lutte et qui
rejettent tous les torts sur Louvet. Il faut dire aussi que ce der-
nier pouvait invoquer le pacte du 8 mars et que, de son côté,
nous n'avons pas les mêmes sources d'information ^.
Parmi les conseillers du roi, quelques-uns, comme Martin
Gouges de Charpaigne, évêque de Clermont, chancelier de
sentans de sa prise, et les nomma. » Le duc de Savoie fit une réponse
semblable pour lui-même et pour le duc de Bourgogne (Cousinot, p. 229).
1. Mirandol est sans doute Âlérindol, commune de l'arrondissement d'Apt
ou de l'arrondissement de Nyons. Louvet avait été président de la Chambre
des comptes d'Aix. (Voy. l'article Louvet, par Vallet de V., dans la Biogra-
phie Didot, et Pièces orig., t. 1763, dossier 40822, nos i^ 2, etc.).
2. Voir toutefois de Beaucourt, Charles VU, t. II, 18i-183.
3. Louvet avait été au service de la maison d'Anjou. Il était venu à
Paris avec Marie d'Anjou, femme de Charles VII, en 1416, et n'avait sans
doute pas connu Richemont, comme M. Gouge et T. du Chastel, par
exemple {Biographie Didot \ de Beaucourt, Hist. de Charles VII, I, 64, 6S).
4. Elles sont conservées aux Archives municipales de Lyon. Huit de
ces lettres (1425-1427) ont été publiées par M. J.-P. Gauthier, archiviste
du Rhône, dans la Revue du Lyonnais, t. 19, nouvelle série, année 1859,
p. 326 et suiv. Les autres sont données ici en appendices.
5. Sur Louvet, Frotier et T. du Chastel, voy. du F. de Beaucourt,
Charles VII, t. II, p. 65-70.
100 LOUVET ATTAQUE RICHEMONT (1425)
France, Jean de Gomborn, seigneur de Trignac *, le comte de
Pardiac ^ et Jean de Torsay, maître des arbalétriers, étaient
d'accord avec Richemont pour travailler à la réconciliation
entre le roi et le duc de Bourgogne. Louvet les écarta. Il fit
nommer chancelier l'archevêque de Reims, Regnault de Char-
tres, en place de Martin Gouge, par lettres du 28 mars ^, et
P. Frotier, sénéchal de Poitou, en place de J, de Torsay. Il
accusa Richemont d'être l'ennemi du roi, le plus grand obstacle
au bien de la paix ; il essaya d'entamer des négociations avec
les Anglais ; il exploita la rancune des gens de guerre, empêcha
l'exécution de l'ordonnance, fît venir à Poitiers une foule de
soldats étrangers « et autres pillards, larrons et robeurs, » leva
des impôts, détourna l'argent à son profit particulier et poussa
Charles Vil à marcher contre le connétable *, s'il voulait venir
vers lui, comme il y était tenu, pour remplir les devoirs de sa
charge. Il aurait même tenté de le faire tuer. Telles sont les
accusations portées contre Louvet dans les lettres de Richemont
et de Jean V aux Lyonnais, et elles n'ont rien que de très vrai-
semblable ^.
Le connétable agit avec promptitude et habileté, soit de sa
propre initiative, soit à l'instigation de son alliée, la reine de
Sicile ^. Avec les troupes bretonnes qu'il avait amenées, il se
dirigea sur Bourges ; mais Louvet, craignant de n'être pas le
plus fort, était parti avec lé roi, pour que le connétable ne le
pût rencontrer. Richemont trouva là sa femme, la duchesse de
Guyenne, dont l'influence personnelle'pouvait lui être utile dans
ces circonstances (mai). Il fît alors appel à l'opinion publique,
afin d'avoir pour lui cette force morale qui, dès cette époque,
n'était point à dédaigner. Il s'adressa aux habitants de la ville
de Bourges, qui était alors la capitale de Charles VII; il leur
1. Clairambault, t. XXXIIl, f» 2487.
2. Bernard d'Armagnac, c. de Pardiac, deuxième fils du connét. d'Arma-
gnac.
3. Il prit possession de celte charge le 5 avril (Anselme, VI, 396-400). Le
même jour, P. Frotier est nommé sénéchal du Poitou, en remplacement
de Jean de Torsay, puis retenu le 7 mai à 200 h. d'armes. Il fut aussi
nommé capitaine de Poitiers {Pièces orig., t. 125, dossier Frotier, nos 70-76).
4. C'est le duc de Bretagne qui écrit cela aux Lyonnais, le 14 juin
{Revue du Lyonnais, p. 332). L'inventaire des Arch. munie, de Lyon men-
tionne même (AA. 68) un projet d'assassinat de Louvet contre le conné-
table, mais ce document a été égaré. D'ailleurs Richemont dit lui-même,
dans un autre document, qu'il a été eu danger de mort {Hist. de Bouv'
gogne, IV, p. Iviij-lxj).
5. Voir ces deux lettres dans la Revue du Lyonnais, p. 327-332.
6. Pendant la seconde moitié d'avril, Yolande resta auprès du roi à
Poitiers (de Beaucourt, t. Il, 92, note 4).
LUTTE CONTRE J. LOUVET (1425, MAl) 101
exposa la situation et sa volonté formelle de « débouler le mau-
vais traître, président de Provence , de la compaignie et con-
versacion du roi. » Il écrivit aux bonnes villes du royaume, aux
gens d'Eglise, bourgeois et manants, afin de leur expliquer sa
conduite et de les faire juges dans la lutte qu'il soutenait pour
le bien de l'Etat et du roi. Il les pria de « le conseiller, se-
courir et aider. » La reine de Sicile et le duc de Bretagne écrivi-
rent des lettres semblables *. Non seulement les villes, à com-
mencer par les plus importantes, Bourges, Tours, se prononcè-
rent pour lui contre des ministres détestés ^, mais, en outre, la
noblesse accourut, tant du Poitou, du Berry et de l'Auvergne
que de la Bretagne, avec Richard, comte d'Etampes, pour sou-
tenir le connétable contre ces gens « de bas et petit lieu ' ». De
son côté, la reine Yolande servait activement la cause de Riche-
mont, et le duc de Bretagne se préparait à marcher, avec de
nouvelles forces, au secours de son frère. Il était bien difficile
que Louvet, malgré sa puissance et son audace, pût l'emporter
longtemps. Dès le mois de mai, un bourgeois de Lyon, qui allait
à Bourges, entendait dire publiquement que Louvet, Frotier,
Giac étaient traîtres au roi et devaient bientôt quitter la cour *.
Cependant les conseillers du roi, après avoir réuni des soldats
étrangers, Ecossais, Lombards et autres, s'avançaient vers le
Berry, tout en annonçant qu'ils voulaient la paix et l'union;
qu'ils étaient prêts à s'expliquer devant le duc de Bretagne et à
donner ensuite satisfaction au connétable, s'il y avait lieu. En
même temps, ils sommaient les villes d'obéir au roi et de rece-
voir ses officiers. De leur côté, la reine de Sicile, le duc de Bre-
tagne, le connétable encourageaient les villes à la résistance.
i . Revue du Lyonnais, 332-334.
2. Le 30 mai, le conseil de la ville de Tours décide que les habitants
de cette ville « obéiront à la royne de Sicile, duchesse de Touraine, et,
par conséquent, à Mgr le connestable, et seront adjoins et adhérez avec
eulx, sous l'obéissance et subgeccion souveraine du roy. » (Registre des
délibérations, cité par M. de Beaucourt, t. II, 92, note 6.)
3. Lettre de Jean V aux Lyonnais {Revue du Lyonnais, p. 332, et Ap-
pend.,XX\).he clergé n'était pas plus favorable au président de Provence,
qui, pour avoir l'appui du pape, lui avait fait donner la collation des
bénéfices ecclésiastiques, par une ordonnance rendue sans le consente-
ment du Conseil, des prélats et du parlement, le 10 février 1425 (Vallet
de V., I, 416, et Ms. lat. 17184, fos 102, 103). A en juger par l'exemple de
Lyon, on peut croire que d'autres bonnes villes écrivirent au roi, à la
reine de Sicile, au chancelier de France, pour plaider en faveur du con-
nétable. Yolande informe le 28 juin les Lyonnais qu'elle a vu les lettres
adressées par eux au roi, à elle-même et au chancelier de France {Revue
du Lyonnais, p. 332-334).
4. Revue du Lyonnais, p. 326.
102 LUTTE CONTRE LOUVET (JUIN-JUILLET)
Yolande, qui était duchesse de Touraine *, écrivit plusieurs fois
aux habitants de Tours, pour leur recommander de n'ouvrir
leurs portes ni aux officiers du roi, ni au roi lui-même, tant
qu'il aurait Louvet en sa compagnie ^. La guerre allait-elle
éclater entre le roi, excité par ses favoris, et le connétable, sou-
tenu par la reine de Sicile? On put croire que Charles VII allait
marcher sur Bourges. Avait-il seulement l'intention d'aller à
Mehun, pour conclure un arrangement avec sa belle-mère Yo-
lande, comme il le disait, ou bien voulait-il recourir aux armes?
Il est probable que Louvet n'eût pas reculé devant ce moyen
extrême, s'il se fût senti le plus fort. En tout cas, il ne crut pas
devoir s'avancer plus loin que Vierzon, et il emmena le roi à
Selles-sur-Cher ^.
Cette étrange situation ne pouvait se prolonger. Tanguy
du Chastel, moins opiniâtre que les autres favoris, s'entendit
avec Yolande, avec le connétable et déclara qu'il ne voulait pas
empêcher par sa présence un aussi grand bien que celui de la
paix entre le roi et le duc de Bourgogne. Il fît plus; il aida la
reine Yolande à pénétrer jusqu'à son gendre, malgré Louvet ;
il força les autres conseillers à se retirer '* comme lui et s'en alla
bientôt à Beaucaire. P. Frotier, G. d'Avangour, le médecin
J. Cadart partirent aussi, pourvus d'ailleurs d'argent, de pen-
sions, d'oflîces lucratifs (juin-juillet 1425).
Louvet lui-même dut s'éloigner. Ses derniers agissements, à
cette époque, semblent prouver qu'il croyait ne faire qu'une
absence momentanée et qu'il espérait bien reprendre toute son
autorité. Chargé d'une mission dans le Dauphiné, il eut soin de
se faire donner par le roi, sans délibération du conseil, des
lettres patentes qui lui conféraient des pouvoirs, « déraison-
nables et excessifs, tant sur le fait des finances que autrement »,
par exemple l'administration de toutes les finances du Langue-
doc, de la Guyenne et du Dauphiné, le pouvoir général de
traiter, au nom dé Charles YII, avec qui bon lui semblerait.
1. Depuis le mois d'octobre 1424 (Xia,8604,f''69 V IV. Voy. ci-dessus, p. 86)..
2. Voir une lettre de Jean V aux habitants de Tours, datée du 13 juin
[Appendice, XXIII).
3. Ces deux villes étaient les seules qui obéissent à Louvet (Berry, 373).^
Vierzon, arrondissement de Bourges.
4. « Et si aida à mettre hors ceux qui s'en dévoient aller et fit tuer
par ses archers devant lui un capitaine, lequel faisoit trop de maux et
ne vouloit obéir. » (Gruel, 191.) Sur cette lutte entre Richemont et Louvet,.
voir de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, 90-98 et notes. Guill.
d'Avangour fut remplacé, comme bailli de Tours, par Baudoin de Tucé.
Il eut ensuite le gouvernement du Dauphin (X^a 4798, f»s 328, 329, 336-
337, 340 V, 341).
RICHEMONT TRIOMPHE (1425, JUILLET) 103
tant amis que ennemis. Il emporta ces lettres patentes avec
d'autres, scellées en blanc du grand sceau, et certains bijoux du
roi 1, comme gage de sommes qu'il prétendait lui avoir prêtées.
Les lettres qui octroyaient au président de Provence ces pou-
voirs « excessifs et déraisonnables » furent données à Selles-en-
Berry le 12 juin 1425 2.
Quelques jours après, Charles YII rentrait, avec la reine de
Sicile et le connétable, dans cette ville de Bourges, qui s'était
déclarée si résolument contre ses anciens ministres et contre lui-
même. Des seigneurs, des capitaines, des représentants des
bonnes villes, « nobles et non nobles, » y furent alors réunis.
Devant cette assemblée, le roi déclara « qu'il connaissait bien le
mauvais conseil qu'il avait eu au temps passé; que dorénavant il
se voulait conduire par bon conseil et faire tout ce que son loyal
frère de Bretagne et son connétable lui voudraient conseiller *. »
Il fallait que la conduite de Richemont fût approuvée devant
ceux qui l'avaient soutenu ; mais n'est-il pas incroyable qu'un roi
ait pu se résigner à cet humiliant aveu de sa propre faiblesse et
de sa nullité? Ce sentiment unanime de réprobation contre Lou-
vet, cette manifestation populaire en faveur du connétable at-
teignaient trop le roi lui-même pour qu'il n'en fût pas froissé,
sourdement irrité. Il ne pardonna pas à Richemont d'avoir été
vainqueur dans cette lutte et de n'avoir pas usé plus discrètement
de sa victoire. Il se hâta de quitter Bourges, sans emmener avec
lui le connétable, dont la présence lui était importune, mais il
n'écarta pas de même sa belle-mère, qui le suivit à Poitiers. Le
28 juin, elle écrivait, de cette ville, aux Lyonnais, pour les infor-
mer que, sur ses instances et sur celles du connétable, le roi
avait mis « hors de sa compaignie » le président de Provence et
autres, « qui avoient perturbé le bien de la paix * ».
Non contente d'avoir éloigné Louvet, Yolande voulut con-
sommer sa disgrâce et lui ôter tout moyen de nuire. Bientôt
Charles VII déclara qu'après avoir pris l'avis de la reine de Sicile,
du grand conseil, du parlement, il annulait toutes les lettres
octroyées « légèrement » au président de Provence, afin d'obvier à
l'abus qu'il en pourrait faire, dans son intérêt particulier, et aux
« dangers irréparables » qui en pourraientrésulter (5 juillet 1425).
1. Un des fleurons de la couronne, un collier garni de perles, un
grand diamant, une perle appelée la « perle de Navarre ». (Voy. la réponse
de Louvet dans le Ms. fr. 9665, ou Legrand, VI, p. 5-8.)
2. Voir une lettre du roi dans VHist. de Charles VII, par M. de Beau-
court, II, 97.
3. Hist. de Bourgogne, IV, Preuves, p. Ixij-lxiij.
4. Revue du Lyonnais, p. 332-334. J. Bouchet, Annales d'Aquitaine, 244,,
104 RICHEMONT REVIENT AUPRÈS DU ROI (1425, JUILLET)
Rien de plus accablant pour Charles VII et pour son favori
que cette lettre de révocation '. Elle prouve autant la déso-
lante faiblesse du prince que l'audace éhontée de son ministre
et la nécessité de les séparer. Louvet se rendit d'abord à Avi-
gnon, puis il se retira dans sa seigneurie de Mirandol. C'est là
que le trouva (août 1425) l'huissier d'armes du roi chargé de
lui signifier la lettre de révocation du 5 juillet et de la faire
exécuter. Louvet se soumit aux ordres de Charles VII. Sa
femme, ses deux filles, le bâtard d'Orléans, son gendre, l'avaient
suivi dans cet exil, très supportable du reste, où les bienfaits du
roi vinrent encore le trouver ^.
La reine de Sicile exerça dès lors une plus grande influence
sur son gendre ^; toutefois ce ne fut pas sans peine qu'elle
apaisa le ressentiment dont il était animé envers le connéta-
table. Richemont s'était avancé jusqu'à Ghâtellerault "*, où il
attendait que Yolande eût aplani toutes les difficultés.
Après des démarches réitérées, il obtint enfin la permission
de revenir auprès de Charles VII. Il se rendit alors à Poitiers (10
juillet) ^. On vit reparaître à la cour ses amis disgraciés, comme
le sire de Trignac et l'évêque de Clermont, qui fut rétabli, le 6
août, dans la charge de chancelier. La crise était terminée. Le
connétable reprit son œuvre, entravée, dès le début, par des
obstacles qui, malheureusement, allaient bientôt renaître ^.
1. Append., XXIV.
2. Fr. 966o, fo^ 2 et suiv. Gruel, 191. Berry, 373. Hist. de Bourg., IV, 100,
101. De Beaucourt, t. II, 102, 103. Append., XXIV.
3. Charles VII donne alors au jeune Charles d'Anjou le comté de Mortain,
qu'il avait donné auparavant au bâtard d'Orléans (Xi" 8604, f" 119 v"),
4. Le 9 juillet, il écrivait, de Ghâtellerault, aux habitants de Tours que,
« pour parvenir au bien de la paix, le connestable de France a esté em-
pêché par le président de Prouvence et autres du Conseil du roy, par quoy
il n'y a peu parvenir. » Comme il a dû s'imposer de très grandes dépenses,
il demande que les habitants de Tours « voulsissent lui prêter la somme
de 2000 1. 1. et les bailler promptement à ses chiers et bien amez M« Jehan
de Chasteaugiron, son secrétaire et argentier, et à Milet de Champressy,
lesquels en bailleront ses lettres pour la seureté des bourgeois, etc. » Reg.
des délibérât, du conseil de la ville de Tours, séance du 11 juillet 1425
(communication du D"" Giraudet). Voir aussi de Beaucourt, Charles VH,
t. II, 101, note 3.
3. Le 23 juillet, le roi écrivait aux habitants de Lyon qu'il avait mandé
auprès de lui, à Poitiers, la reine de Sicile et le connétable fde Beaucourt,
t. II, 104). Le 28 juillet, Richemont annonçait aux Lyonnais son retour
auprès du roi (voy. Append., XXV).
6. De Beaucourt, t. II, p. 99-102 et notes. Richemont fit aussi nommer
chambellan du roi, le 30 juillet, Alain de Rohan, c. de Porhouet, son
beau-frère [Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1176-1177). L. d'Esco-
railles. Christ. d'Harcourt, Béranger d'Arpajon furent spécialement attachés
au service du connétable par le roi (Fr. 20684, fos 564, 365).
LE CONNÉTABLE PREND LE POUVOIR 105
Il était sorti, non sans peine, de l'impasse où il s'était jeté
lui-même en signant l'engagement du 8 mars, mais il avait
irrité Charles VIL Louvet n'avait pas eu de peine à faire passer
pour un rebelle audacieux ce connétable qui osait marcher,
avec des troupes, contre le roi lui-même. D'ailleurs, Richemont
aurait pu, sans être un courtisan servile, se montrer plus souple
et plus conciliant. Son énergie, parfois trop violente, son carac-
tère impérieux, sa rudesse inspirèrent des sentiments d'aversion
et de crainte au jeune roi, qui se sentit dominé, humilié. Le
crédit du connétable ne reposait donc pas sur des bases bien
soHdes.
Toutefois, on sent alors une direction plus énergique '. Au mois
de juillet 1425, on tint, à Poitiers, d'importants conseils, aux-
quels assistèrent le roi, la reine de Sicile et le connétable, son frère
Richard, comte d'Etampes, son beau-frère le comte de Cler-
mont. Le roi, en écrivant aux bonnes villes ^, pour les informer
des derniers événements, leur annonçait que tout était « en
bonne union et concorde », qu'il aurait désormais autour de lui
des princes de son sang et autres conseillers « preudommes et
loyaux ».
On avait hâte de réparer le temps perdu en misérables intri-
gues. On s'occupa des finances, de la guerre, des négociations
avec les ducs de Savoie et de Bourgogne. Dès le 26 juillet, il fut
décidé, sur l'avis de la reine Yolande et du connétable, que les
Etats de Languedoil et de Languedoc seraient réunis à Poitiers
le 1*' octobre, et qu'en attendant, on lèverait une aide de
120 000 livres tournois pour faire face aux besoins les plus ur-
gents ^. Comme s'il eût compris tout de suite qu'il ne pouvait
compter sur le roi, Richemont chercha manifestement à se con-
cilier le peuple, à lui montrer qu'il prenait souci de ses vérita-
bles intérêts, sans jamais faire, au détriment de l'État, la moin-
dre concession pour acquérir la popularité. La convocation des
Etats généraux était une mesure de la plus haute importance,
car on réunissait rarement ces grandes assemblées, où étaient
représentés tous les pays de Languedoil et de Languedoc. Le
1. En quelques jours, le connétable écrit trois fois aux habitants de
Lyon. Il écrivait probablement à d'autres villes. (Voir Append., XXV,
]K^VI, XXVII, et Consaux de Tournai, II, 187). On remarque aussi dans
les lettres du roi une grande fermeté. Voir la lettre du 31 août aux Lyon-
nais {Appendice XXVIII).
2. Lettres du 23 juillet et du le' août, publiées par M. de Beaucourt,
t. II, p. 104-106.
3. D'après M. de Beaucourt (t. II, 584), cette mesure fut due à l'initiative
du connétable. L'aide aurait été de 260 000 1. et non de 120 000. Il paraît
qu'à Lyon on l'appelait l'aide de Mgr le connestable.
106 EFFORTS DE RICHEMONT
connétable écrivit encore aux bonnes villes, aux habitants des
provinces, pour leur annoncer cette convocation et pour les prier
de payer le plus tôt possible les impôts qu'on leur réclamait,
afin qu'il pût envoyer aux frontières les gens d'armes qui vi-
vaient sur les champs et « faire cesser les pilleries et roberies »
dont souffraient les sujets du roi *.
La paix avec le duc de Bourgogne était aussi la grande préoc-
cupation du connétable. Ses envoyés partirent aussitôt, avec
ceux du roi, pour aller vers le duc de Savoie, dont la médiation
était toujours prête. D'autres ambassadeurs de Charles VII, de
Yolande et de Jean V devaient partir un mois plus tard, avec
mission de conclure la paix. Enfin le connétable envoya auprès
de Philippe-le-Bon un de ses conseillers les plus habiles, Jean de
Ghénery, qui devait jouer un rôle très actif dans ces négocia-
tions ^.
La guerre réclamait aussi les soins du connétable; mais tout
manquait pour la faire, l'argent plus encore que les troupes.
Par bonheur, les Anglais ne profitaient pas de ce dénûment au-
tant qu'ils l'eussent fait, si Bedford eût été plus libre d'agir. Il
lui fallait s'interposer entre Glocester et le duc de Bourgogne,
empêcher que Salisbury et les autres capitaines anglais allas-
sent en Flandre au secours de leurs compatriotes ^. Toutefois, il
était loin de négliger la guerre. Les Anglais avaient fait capitu-
ler Guise * Vitry, et quelques autres forteresses; ils assiégeaient
Moynier ^, qui résistait vaillamment.
Les Français avaient essayé de prendre le château de Pleurs,,
près de Sézanne ^. En Normandie, les Anglais, depuis le mois de
1. Voy. les lettres du connétable aux Lyonnais (lettre du 30 juillet,.
Append., XXVI; lettre du 3 août, Append., XXVII, et une lettre du roi
datée du 31 août, Append., XXVIII). Voir A. Thomas, les États généraux
sous Charles VII, dans le t. 24 du Cabinet historique, année 1878. D'après
M. A. Thomas, qui n'est d'accord sur le nombre des sessions ni avec M. Picot,
ni avec M. Vallet de V. {Bib. de l'école des Chartes, t. XXXIII, année 1872,
p. 27-30) une seule assemblée, jusqu'en 1439, réunit les députés des pays
de Languedoil et de Languedoc; ce fut celle de septembre 1428, à Chinon.
Les autres assemblées ne sont réellement que des Etats de Languedoil.
2.. Revue du Lyonnais, ibid., p. 334 (lettre du vicaire de l'archev. de
Reiras). De Beaucourt, t. II, p. 88 et note 5, p. 94, 106. Le 6 août, J. de
Chenery, envoyé par le connétable vers le duc de Bourgogne, recevait ses
lettres de créance {Consaux de Tournai, II, 187). Remarquer que ces lettres
ne peuvent être datées de Provins. L'éditeur aura lu Provins au lieu de
Poitiers.
3. Sharon Turner, III, 18. Collect. de Bourgogne, t. 99, p. 223-228.
4. Vitry-le-François (Marne).
5. Ou Moymer, château très fort, près de Vertus, arrondissement de
Châlons-sur-Marne (le Bourg, de Paris, 212, note 2).
6. Arrondissement d'Épernay. JJ 173, f" 96.
PROGRÈS DES ANGLAIS (1424-1425) 107
septembre 1424, assiégeaient le Mont-Saint-Michel, par terre et
par mer, avec un acharnement que surpassait encore l'héroïsme
des défenseurs de cette forteresse * ; mais c'était principalement le
Maine et l'Anjou qui attiraient les ennemis. Depuis la victoire de
Verneuil, ils ne songeaient qu'à faire la conquête de ces pays.
Dès le 1" octobre 1424, ils avaient réduit Olivier le Forestier à
capituler dans Sillé-le-Guillaume; ils avaient pris Senonches ^,
Nogent-le-Rotrou, et, bien qu'ils eussent perdu Montfort ^, dans
le voisinage du Mans, forteresse à laquelle ils attachaient une
grande importance, ils faisaient des progrès inquiétants *.
En 1425, Bedford dirigea des troupes nombreuses vers le
Maine, sous les ordes de Salisbury, de Suffolk, de lord Scales, de
Fastolf, auxquels se joignirent d'autres capitaines renommés,
R, Willoughby, G. Oldhall, Glasdale, J. de Montgomery, Mathieu
Goth ^. Le Vendomois et l'Orléanais étaient également menacés,
par l'occupation de Marchenoir ^. Enlever les positions d'où ils
pourraient envelopper le Maine, surveiller la Bretagne et assurer
leurs communications avec Paris et Rouen, leurs principaux
centres d'action, tel était le plan des Anglais. Nogent-le-Rotrou,
Mortagne, Alençon, Fresnay-le-Vicomte "^ ^ Sillé-le-Guillaume
étaient pour eux autant de postes avancés, d'où ils allaient diri-
ger leurs forces sur la capitale du Maine. La prise d'Etampes
et de Rambouillet par le comte de Salisbury leur permit de
s'avancer plus librement dans le Maine. Fastolf, gouverneur
d' Alençon, fit capituler Tennie ^. Salisbury assiégea Beaumont-
sur-Sarthe, puis il vint mettre le siège devant la ville du Mans
(juillet) ».
t. Sur le siège du Moat-Saint-Michel : Siméon Luce, Chronique du
Mont-Saint-Michel, Paris, 1879, t. I, in-S"; Fr. 6965, f 9; Fr. 4491, fas 17-41,
100 V; Fr. 23767, n" 122; Fr. 26047, nos 370, 371, 335; Fr. 26048, n» 523;
K 62, n-s 182-6.
2. Arrondissement de Dreux.
3. Arrondissement du Mans.
4. Portef. Font., 113-114, au 29 août 1425, aux 17 et 18 octobre 1424.
JJ 173, fs 50, 71, 96; K 62, n» 14; Fr. 10449 [Hist. manusc. de Charles VII,
par Fontanieu), f» 142 v»; Fr. 23018, f<» 452-456; Mém. de la Soc. archéol. de
Touraine, année 1859, p. 327. Vallet de V., II, 8 etsuiv. Fr., 26048, rx" 422.
5. JJ 173, f«s 130 V, 191 v, 192.
6. Arrondissement de Blois (JJ, 173, f» 36 v»).
7. Arrondissement de Mamers.
8. Arrondissement du Mans et non Tanis près de Pontorson (Cousinot,
226, n° 2. Le Corvaisier de Courteilles, Hist. des êvesques du Mans, Paris,
1548, m-'io, p. 684).
9. K 62, n" 18''. Sur les progrès de la domination anglaise depuis le
commencement du règne de Charles VII, voir, dans la Revue des questions
histor., t. XVIII, année 1875, p. 467 et suiv., le savant travail de M. A.
Longnon, les Limites de la France à l'époque de Jeanne d'Arc.
108 LES ANGLAIS PRENNENT LE MANS (1425, AOUT)
Yolande et Richemont redoublèrent d'efforts, mais on avait
perdu trop de temps à lutter contre Louvet, et il n'était plus
possible d'opposer aux Anglais une prompte résistance. Le con-
nétable obtint que son frère Jean V prêtât de l'argent au roi,
afin de pourvoir aux besoins les plus pressants ' ; il réunit des
troupes à Angers, à Gennes, près de Saumur, à Sablé ^. Son
jeune frère , Richard , comte d'Etampes, avec des capitaines
bretons, Maurice de Pluscalec, Bertrand de Dinan, maréchal de
Bretagne ^, J. de Dinan, seigneur de Beaumanoir, Robert de
Montauban, le sire de Graville *, maître des arbalétriers de
France, J. Stewart ^, connétable des Ecossais, furent alors re-
tenus au service du roi et vinrent se mettre sous les ordres de
Richemont (août-septembre 1425) *'. Ces troupes ne purent être
rassemblées assez tôt pour sauver Le Mans. Elles furent mises
en garnison dans diverses places sur les frontières de l'Anjou
et du Maine, où elles rendirent peu de services, parce qu'elles
n'étaient point payées. Les gens d'armes que le comte de Foix
avait amenés du Midi ne firent guère que commettre des ravages,
faute de solde. Le connétable avait bien envoyé J. Girard au se-
cours du Mans (juillet) , mais il n'avait pu lui donner qu'un
petit nombre de soldats. Les Anglais, servis par une artillerie
formidable, firent capituler la place, le 2 août, et en prirent
possession le 10 ^.
Salisbury alla ensuite assiéger Sainte-Suzanne * et Mayenne,
qui avaient pour capitaines, la première Ambroise de Loré, l'un
des plus vaillants hommes de guerre de cette époque, et l'autre
Pierre Le Porc, qui s'était récemment signalé dans un combat
1. Richemont resta jusqu'au 10 août à Poitiers (de Beaucourt, t. Il, 110,
et note 8). Yolande prit à sa charge la défense de l'Anjou et du Maine.
Pour cela, le roi lui promit 30 000 1. par an, outre les finances de ces pays
(Marchegay, Archives d'Anjou, p. 308, et P. 1341, f" 38; Registre Turnus
Brutus, I, 96; P. Clément, J. Cœur, Didier, 1866, p. 50).
2. Arrondissement de La Flèche.
3. Nommé par Yolande capit. gén. du Maine et de l'Anjou (Fr. 20684,
f» 122 y).
4. Jean Malet, seigneur de Graville.
5. Il avait reçu, en mars 1423, la seigneurie d'Aubigny, pour sa belle
conduite à la bataille de Baugé (X>a 8604, f" 78).
6. Fr. 20684, i" 342. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, 1164-1166.
7. Fr, 29684, f» 543; K 62, n- 18^; Fr. 4491, f«s 2, 28 v, 33, 34 v°, 40;
Fr. 26048, nos 432, 433. Le Corvaisier de C, 681-684. Vallet de V., II,
10, 11. Xia, 1480, fo 330. Les Anglais dans le Maine et l'Anjou : Portef.
Font., 113-114, passim. K 62, nos hiô-îo, 15, 152^ 17, {^i, 12, i4,i9-2i; Fr. 4491,
fos 23-28, 41; Fr. 25767, nos 116, 120, 121, 124; Fr. 26047, n" 395; Fr. 26048j
nos 461, 475, 492-496, 525. J. Stevenson, II, 2« partie, 411.
8. Arrondissement de Laval.
NÉCESSITÉ DE l'ALLIANCE BRETONNE (1425) 109
contre les Anglais '. Le connétable, faute d'argent, n'était pas en
mesure d'envoyer des secours à ces places, qui, battues par les
grosses bombardes des Anglais, allaient être bientôt obligées de
capituler, malgré le courage de leurs défenseurs. Il mit néan-
moins en état de défense la ville de Sablé, que la perte du Mans
exposait aux attaques des ennemis ^. En même temps, Bedford
essayait d'apaiser la querelle entre son frère et le duc de Bour-
gogne ^ et d'empêcher la défection de Jean V *.
Le connétable, désolé des échecs qu'il éprouvait de toutes
parts, comprenait de plus en plus qu'il ne sortirait jamais d'une
situation aussi critique sans l'aide d'un allié puissant, et il pres-
sait son frère de se déclarer pour Charles VIL Yolande aussi
réclamait l'intervention de Jean V. Ne devait-il pas être le beau-
père de Louis d'Anjou et laisserait-il dépouiller ses propres en-
fants, sans rien faire pour les défendre ^? Le roi Charles, après
le départ de ses favoris, avait envoyé les sires de La Suze ^ et de
Trêves '' dire au duc de Bretagne que les amis des Penthièvre
avaient été chassés et l'inviter à remplir ses devoirs envers la
couronne de France. D'un autre côté, Jean V était retenu par la
crainte que lui inspiraient les Anglais. Rendre hommage à
Charles VII, c'était le reconnaître comme le seul roi légitime de
la France et renier hautement le traité de Troyes, qu'il avait juré
naguère, à l'instigation de Richemont lui-même ; c'était attirer
sur la Bretagne la vengeance de Bedford. Malgré ces hésitations
bien concevables, Jean V céda aux instances d'Artur et de
1. Cousinot, 226-229. Polydore Vergil, édition H. Hellis, London, 1864,
in-8°, p. 10.
2. Cousinot de M., 226-229. Le Corvaisier de C, 661 et suiv., 680. JJ, 173,
fo 217VO; Fr. 26048, n» 486; Fr. 4491, f»s 2 v», 29, 33. Voir Append., XXIX.
3. Il alla trouver le duc à Hesdin. C'est pendant ce voyage qu'il faillit
être attaqué, près de Péronne, par Sauvage de Fermainville (Vallet de V., I,
475; JJ, 173, f» 349). C'est alors aussi que Bedford aurait essayé d'attirer
le duc de Bourgogne dans un guet-apens (Desplanque, 33, 62) Négocia-
tions avec les ducs de Bourg, et de Glocester : Fr. 4485, f»» 367^ 427; Fr. 4491,
fos 17, 18, 19, 20, 31. X<« 1480, f 333; Fr. 26048, n" 478. Portef. Font., 113,
iU,passim. 3. Stevenson, II, 2« partie, 409, 412. Hist. de Bourgogne, IV,
preuves lii-liij.
4. Fr. 4491, f<" 18, 33; Fr. 26048, n» 419.
5. Lauis TII d'Anjou, qui était dans le royaume de Naples, envoyait
alors procuration à J. de Craon, seigneur de La Suze, d'épouser pour lui
Isabeau de Bretagne (très belle pièce des Arch. de la Loire-Inférieure,
cass. 4, E, 10).
6. René de Laval, seigneur de La Suze, frère du fameux Gilles de Laval,
seigneur de Raiz, maréchal de France (Anselme, III, 632).
7. Rob. Le Maçon, chancelier de France de 1416 à 1422. Auparavant, il
avait été conseiller de Louis II d'Anjou, et il avait rendu de grands ser-
vices au Dauphin (de Beaucourt, Charles VU, t. I, 212).
110 JEAN V SE REND AUPRÈS DE CHARLES VII. (1425)
Yolande et peut-être aux exigences de l'opinion. Depuis que
son frère était connétable, le parti français en Bretagne se pro-
nonçait avec plus de force pour Charles VII. Les Bretons con-
couraient à la défense du Mont-Saint-Michel , qui bravait tou-
jours la fureur des Anglais, et, quand le duc consulta les Etats, à
Nantes, ils lui conseillèrent, sinon de faire alliance avec le roi,
du moins d'aller lui rendre hommage. Jean V se décida enfin à
demander une entrevue à Charles VII i. Le connétable, informé
de cette résolution, alla trouver le roi à Poitiers (25 septembre),
obtint qu'il s'avançât jusqu'à Saumur et le quitta en chemin,
pour aller au-devant de son frère. Il s'arrêta en passant à Chi-
non, où résidait alors la duchesse de Guyenne, qui s'était rap-
prochée de la cour, depuis que son mari était redevenu maître
du pouvoir. Il repartit aussitôt pour Angers, pendant que la
comtesse de Richemont se rendait à l'abbaye de Saint-Florent,
près de Saumur ^.
Charles VII arriva le 30 septembre à Saumur, avec le comte de
Clermont, beau-frère du connétable et du duc de Bourgogne, le
comte de Vendôme, grand maître d'hôtel, le comte de Foix, lieu-
tenant-général du roi dans le Languedoc, venu récemment du
Midi 3, avec son frère le comte de Comminges, le sire d'Albret et
beaucoup d'autres seigneurs. Le duc de Bretagne amenait aussi
une suite nombreuse : son jeune frère, Richard, comte d'Etampes,
les sires de Laval, de Porhoet, de Châteaubriant, de Rieux. Re-
joint à Angers par le connétable, il se dirigea vers l'abbaye de
Saint-Florent, pour voir sa belle-sœur, la duchesse de Guyenne,
et se rendit ensuite à Saumur, auprès du roi, qui le reçut avec
un empressement affectueux, plutôt comme un beau-frère et un
allié que comme un vassal. La reine de Sicile était venue aussi à
Saumur, pour assister aux conseils qu'on allait tenir *.
Depuis le commencement de son triste règne, Charles VII
n'avait jamais eu une cour aussi brillante. Au milieu de tous ces
grands seigneurs, que son connétable avait réunis autour de lui,
il put se croire véritablement roi ; il put mesurer toute la diffé-
rence qu'il y avait entre Artur de Bretagne et les favoris dont il
était maintenant débarrassé. D'ailleurs lesdéhbérations politiques
ne firent point oublier les fêtes que le jeune roi aimait tant. Le
1. Berry, 373, 374. Ce chroniqueur assista au conseil où fut prise cette
résolution, et le duc le chargea même d'écrire au roi.
2. Lat., 6024 (Ms. Baluze), n" 18. Gollect. de Bourgogne, t. 99, p. 227, 228.
D'Argentré, 768. Gruel, 191. D. Lobineau, I, 566. De Beaucourt, t. II;, p. 111
et note 5.
3. D. Vaissète, IV, 464. Lat. 6024, n» 18. J 334, nos 41.43,
4. Gruel, 191, 192.
TRAITÉ DE SAUMUR (1425, 7 OCT.) dll
3 octobre,le duc de Bretagne alla chercher la duchesse de Guyenne,
pour la conduire au château de Saumur, où elle fut accueillie
avec les honneurs dus à une princesse de Bourgogne, qui avait
été la femme d'un dauphin de France. Le lendemain, le roi, avec
toute la cour, alla rendre visite à la comtesse de Richemont, qui
donna une fête magnifique à ses hôtes illustres dans l'abbaye de
Saint-Florent. Les jours suivants furent consacrés aux affaires, et,
le 7 octobre, fut signé un traité dont l'importance n'a pas assez
frappé les historiens de notre temps *.
Le roi promit de se conduire désormais par les conseils du
duc de Bretagne ; de se confier entièrement à lui ; de lui laisser
l'administration financière des pays de Languedoil ; de s'unir
avec les princes du sang et surtout avec le duc de Bourgogne,
à qui des offres satisfaisantes seraient faites ; d'observer fidèle-
ment les articles du traité préparé par la reine de Sicile, le duc
de Savoie, le duc de Bretagne et approuvé par lui à Chinon ;
enfin de soutenir le duc de Bretagne contre les Anglais et contre
les Penthièvre. Les comtes de Glermont, de Foix, de Vendôme,
de Comminges, les seigneurs d'Albret et d'Orval s'engagèrent,
par un acte particulier, à soutenir aussi le duc de Bretagne
contre les Anglais et contre les Penthièvre. De son côté, Jean V
jura d'aider le roi à chasser les Anglais dii royaume ^, puis il
fît hommage, dans la forme accoutumée, pour son duché
et pour les terres qu'il tenait en France. Tel fut le traité de
Saumur^ (7 octobre 1425). C'était la fin de la révolution de palais
inaugurée par l'éloignement de Louvet. Le roi semblait abdiquer
toute autorité entre les mains de Jean V et du connétable''; mais,
1. Michelet, dans son récit parfois trop rapide, n'en fait pas la moindre
mention; M. H. Martin semble ne l'avoir pas connu (t. VI, p. 108 de la
4e édit.); de Barante ne l'indique pas (édition Furne, 1860, III, 237-39);
Yallet de V. {Hist. de Ch. VII, I, 479) en parle brièvement; pourtant D.
Lobin^au (I, 566, 67), et D. Morice (II, 1180-1181) analysent ce traité, dont
ils donnent le texte dans leurs preuves; Fontanieu en parle dans son
^Histoire manicscrite de Charles VII (Fr. 10449) f" 142, et M. du Fresne de
Beaucourt en a fait pleinement ressortir l'importance dans le t. IX de la
Revue histor.
2. Fr. 2858, f» 87.
3. L'original signé et scellé est aux Arch. nat., J 244», n» 97. Preuves
de Bret., II, col. 1180, 1181.
4. Jean V se fit donner, pour un temps, le produit de la taxe de 20 s. t.
par pipe de vin sortant de l'Anjou et du Maine. 11 nomma vérificateur de
cette taxe le c. de Richemont, qui reçut en novembre, 500 1. t., plus 200 1.
pour équiper un certain nombre d'archers (Fr. 26048, nos 490, 508, 509,
528; Append. XXX, XXXI). Le roi voulait ainsi aider Jean V à supporter
les grandes dépenses qu'il avait à faire pour résister aux Anglais, qui
menaçaient la Bretagne, du côté du Maine et de la Basse-Normandie
(Fr. 23710, n» 34). On voit en effet que cet argent fut employé à subvenir
112 ÉTATS DE POITIERS (1425, OCT.)
dans la pratique, était-il possible de l'obliger à tenir strictement
ses promesses? Il eût fallu, pour cela, le soustraire à toute
influence corruptrice, l'entourer de conseillers moins disposés à
flatter ses penchants qu'à travailler au bien de l'Etat. Malheu-
reusement, il y avait encore à la cour de « mauvaise semence
que le président y avait laissée * ». Le sire de Giac, ami de
Louvet, allait bientôt remplacer celui-ci dans la faveur du roi
et devenir assez fort pour faire beaucoup de mal ^.
Pour le moment, du moins, le connétable semblait maître de
la situation; mais il assumait ainsi une lourde responsabilité,
sans avoir grande chance de réussir. L'argent manquait. Depuis
deux mois, les troupes qui gardaient les places du Maine et de
l'Anjou n'avaient pas reçu un denier et menaçaient d'aban-
donner leurs postes, ce qui eût amené « la perdition totale de
ces pays ' ».
Après avoir reconduit son frère jusqu'à la frontière de Bre-
tagne, Richemont se hâta de revenir auprès du roi, à Poitiers,
où se réunissaient les Etats de Languedoil *. Ces Etats votè-
rent un subside de 800 000 livres, ressource précieuse dans une
pareille détresse s'il eût été possible de lever sans retard cette
somme tout entière. Malheureusement, soit gêne, soit mauvaise
volonté, les populations se montraient peu empressées à payer
l'impôt et répondaient aux réclamations du connétable par des
demandes de délais et de dégrèvements ^.
aux dépenses de la guerre sur les frontières de Bretagne (Fr. 26048,
n' 490; Fr. 26049, n°^ 562, S72, 579).
1. Lettre du connét. aux Lyonnais, du 3 août li25. Yoir Append., XKVll.
2. Est-il bien certain que, dans ces conditions, « la réalité comme la
responsabilité du pouvoir passent aux mains du connétable? » (De Beau-
court, t. II, 115.) Dès le mois de novembre, le sire de Giac parlait déjà bien
haut. {Idem, p. 117; Cousinot, p. 237.) Dans les instructions que Richemont
donne à ses envoyés qui vont auprès de Philippe-le-Bon, il engage celui-ci
à se prononcer sans délai, de peur que, pour trop attendre, il ne soit lui-
même « ruez jus ». {Hist. de Bourgogne, IV, Ixij.)
3. Lettre du connét. aux Lyonnais, du 15 octobre {Append., XXXII).
4. Ces États, convoqués pour le 1" octobre, ne se réunirent que le 16.
Le roi promit de faire des réformes; il révoqua les aliénations du do-
maine et les dons faits par lui pendant sa régence et depuis son avène-
ment (Déclaration du 18 octobre : P 2298, fos 473-477, 483-488). Voir, sur ces
États de Languedoil, Fr. 26048, n" 318; Pièces orig., t. 1320, n- 34, dos-
sier Giac; lettre de Richemont du 24 octobre, datée de Poitiers; et l'art,
de M. A. Thomas dans le Cab. hist., t. 24, p. 160-162. Voy. Append., XXXIII.
Les États de Poitiers votèrent un subside de 800,000 1., dont une taille de
450 000 1. payable en trois termes. Le reste devait être fourni par le clergé
(100 000 1.) et par une aide d'un onzième pendant un an sur toutes les
marchandises (de Beaucourt, t. II, 585-588). A cette même époque fut
créée une cour des aides (22 octobre) qui s'établit à Poitiers {Id., p. 618).
5. Voy. les lettres du connét. aux Lyonnais. De Beaucourt, t. II, p. 611-612.
NOUVELLE DONATION DE PARTHENAY (142o) 113
Il ne paraît pas que Richemont ait pu s'occuper alors de la
guerre autant qu'il l'eût fallu ; pourtant on voit qu'il donna
ordre d'approvisionner Montargis et de réparer les fortifications
de cette place, située dans un pays frontière, tout environné
d'ennemis *. Cette sage prévoyance eut plus tard d'heureux
résultats. La ville de Montargis appartenait alors à la comtesse
de Richemont. Charles VII la lui avait donnée pour son douaire,
avec Dun-en-Berry *, Gien-sur-Loire et Fontenay-le-Comte en
Poitou, le 9 mars 1423, à la requête de son mari '. D'ailleurs
Richemont n'oubliait pas ses propres intérêts. Par lettres du
24 octobre 1423, il se fît donner une seconde fois les domaines de
Jean Larchevêque. Ce seigneur, fort avancé en âge, approuva
cette donation et reconnut comme son héritier le comte de Ri-
chemont, qui eut alors l'espoir de recueiUir bientôt une riche .
succession *.
Le connétable ne perdait pas de vue la réorganisation de
l'armée. Il avait ordonné aux capitaines de compagnie de venir
le retrouver à Chinon vers la fin d'octobre ^, mais l'argent
manquait toujours. Les Etats de Languedoc, qui se réunirent
le l""" novembre à Mehun-sur-Yèvre , votèrent une aide de
250000 liv. t. et, en outre, une somme de 12 000 livres pour
le roi ®.
Ces subsides avaient été accordés trop tard pour que le con-
nétable pût arrêter les progrès des Anglais dans le Maine, où
Salisbury enleva Sainte-Suzanne et Mayenne (octobre). Dans
rile-de-France, les troupes de Charles VII prirent, perdirent et
reprirent Rochefort-en-Yveline ^ En Champagne, Moynier résis-
tait toujours aux Anglais ^. Il eût fallu envoyer aussi des renforts
1. Preuves de VHist. de Bretagne, II, col. 1183.
2. Arrondissement de Saint-Amand-Montrond.
3. Le roi lui donna ces biens pour son douaire, à la requête du conné-
table, attendu qu'il « a tout abandonné ce que, tant à cause de luy que
de nostre dite suer, sa femme, il povoit avoir autre part en nostre
royaume, mêmement, au regart des pais que de présent occupent les
Anglois, nos anciens ennemis, etc. » C'est évidemment là une compensa-
tion à la perte du duché de Touraine et du comté d'Ivry (X'» 8604, f«s 80
V», 81; P 2298, fo^ 473-477; Fr. 21405, f" 91).
4. X'a 8604, fo 125 v; K 184, liasse 1, n» 21. Arch. de la Loire-Inférieure,
cass. 38, E, 105. B. Ledain, 224, Append. XII.
o. Preuves de Phist. de Bretagne, II, 1183.
6. Pièces orig., t. 1320, dossier Giac, nos 32, 33. K, 62, n» 33. Fr. 21403,
f" 91.
7. Arrondissement de Rambouillet.
8. Les auteurs modernes ne font pas mention de ce siège de Moynier,
qui doit être important, puisque Bedford lui-même y alla, en novembre
(JJ 173, f- 213 V; Fr. 4491, f" 35 V; le Bourg, de Paris, 212; Cousi-
not, 200).
Richemont. 8
114 RICHEMONT SOLLICITE PHILIPPE-LE-BON
dans rile-de-France et en Champagne. Le comte de Foix, qui
était alors auprès de Charles VII, donna l'ordre de réunir des
gens d'armes dans le Languedoc et la Guyenne, dont il avait le
gouvernement *, et le duc de Bretagne, pour exécuter le traité de
Saumur, fit des préparatifs militaires. Bedford aurait sans doute
mieux profité du désarroi où étaient les Français, s'il n'avait été
obligé d'aller en Angleterre, pour apaiser une querelle entre le
duc de Glocester et l'évèque de Winchester ^, son oncle.
Il laissa la conduite de la guerre à des lieutenants dignes de
le remplacer, le comte de Warwick ^ dans l'Ile-de-France, le
Vermandois, le Gâtinais, la Champagne et la Brie ; le comte de
Salisbury, dans la Normandie, l'Anjou, le Maine, le Vendomois,
le pays Chartrain et la Beauce ; et le comte de Suffolk, dans la
basse marche de Normandie. D'autre part, il avait apaisé le duc
de Bourgogne, en faisant conclure une trêve entre lui et Glocester,
qui était retourné en Angleterre, sans emmener Jacqueline de
Hainaut, et il avait su flatter l'orgueilleux Philippe, en déclarant
qu'il serait le chef du grand conseil, quand il lui plairait d'y
assister *.
Il devenait bien plus difficile pour le connétable d'amener le duc
de Bourgogne à conclure la paix avec Charles VII ; néanmoins il
ne se découragea pas. Dès le commencement d'août, il avait an-
noncé au duc de Savoie sa réconciliation avec le roi, puis Nicolas
Brifl'aut, secrétaire et trésorier de la duchesse de Guyenne ^,
avait été envoyé par Jean V et par le connétable vers le duc de
Bourgogne, pour lui dire que Charles VII n'avait plus auprès de
lui ces mauvais conseillers dont la présence avait empêché trop
longtemps une réconciliation si désirable. Après l'entrevue de
Saumur, le duc de Bretagne chargea Simon Deloye et Philibert
de Vaudrey d'aller informer Philippe-le-Bon des arrangements
qui venaient d'être conclus et du sincère désir qu'avait le roi de
faire la paix avec lui. Ne fallait-il pas considérer la grande
jeunesse du Dauphin à l'époque du crime de Montereau, les
1. K 62, nos 20 et 22. Fr. 26048, n» 510. Charles VII lui donna le comté
de Bigorre, la châtellenie de Lourdes et la vicomte de Lautrec, le 18 no-
vembre (J 334, nos u, 44*, 45, 46).
2. Henri Beaufort, frère de Henri IV, cardinal eu 1427.
3. Richard Beauchamp, c. de Warwick.
4. X»" 8603, f» 90. Hist. de Bourgogne, IV, 100, 101. Collect. de Bourgogne,
t. 99, p. 224-228.
5. Hist. de Bourgogne, IV, preuves Ivi-lvij. Collect. de Bourg., t. 99, p. 227.
Le 28 décembre, Jean V ordonne de payer à Nie. Briffaut 150 1. t. à valoir
sur « plus grande somme de chevance que nous lui devons, pour certaines
causes que ne voulons estre exprimées en ces présentes. » (Fr. 26048,
a» 530.)
RICHEMONT SOLLICITE PHILIPPE-LE-BON 115
mauvais conseils auxquels son caractère si faible ne savait
pas résister et la perversité de ces hommes qui l'excitaient
contre ses proches *, sans même épargner sa propre mère? Ainsi
qu'il avait été convenu par le traité de Saumur, le duc de Bre-
tagne envoya des députés en Angleterre porter des propositions
de paix, et il pria même le duc d'Orléans de négocier un arran-
gement. Les exigences de Bedford rendirent toute négociation
impossible. Il voulait que Henri VI fût reconnu préalablement
comme roi de France. Jean V renouvela plusieurs fois ses pro-
positions, sans aucun succès. Il ne tarda pas à voir que son
alliance avec Charles VII avait fort irrité le gouvernement an-
glais et qu'il allait être lui-même traité en ennemi. C'était une
raison de plus pour insister auprès de Philippe-le-Bon. Il le
pria instamment de ne point l'abandonner au milieu du péril
et de signifier aux Anglais qu'il défendrait le duc de Bretagne,
son alUé, contre quiconque l'attaquerait '.
De son côté, Richemont ne cessait de solliciter le duc de Bour-
gogne. Il écrivait aussi aux seigneurs de son conseil. Il lui répé-
tait que ceux qui pouvaient lui déplaire, dans l'entourage de
Charles, avaient été chassés, que, s'il y en avait d'autres, il était
prêt à les « jeter hors » ; qu'il tenait maintenant le Dauphin
entre ses mains ; qu'il était prêt à faire tout ce que lui comman-
derait Phihppe-le-Bon, mais qu'il ne pouvait réussir sans son
aide et qu'il fallait battre le fer pendant qu'il était chaud ^. Le
duc avait promis au connétable de lui donner une réponse dont il
serait satisfait, quand il aurait chassé les favoris de Charles VII.
Richemont eut beau lui rappeler cette promesse, Philippe ne se
hâta pas d'en tenir compte. Bien qu'il eût encore à combattre
les troupes de Glocester en Hollande, il n'était pas décidé à
rompre avec les Anglais. Il laissa seulement le duc de Savoie
prolonger, le 2 décembre, jusqu'à la Chandeleur, la trêve con-
clue, à la fin du mois de janvier précédent, entre la France et la
Bourgogne. Elle fut prolongée à trois reprises en 1426. A la fin
de 1425, Alain Chartier, secrétaire du roi, et G. de La Trémoille
furent encore envoyés auprès de Philippe-le-Bon, qu'ils rejoi-
gnirent à Bruges au mois d'avril *.
1. Preuves de l'Hist. de Bretagne, II, col. 995. Hist. de Bourgogne, IV,
p. Ivi-lvij.
2. Preuves de D. Morice, II, col. 1183-1186. D. Plancher, IV, preuves,
liij-lv (Instructions du 23 décembre 1425).
3. Voy. les instructions données par Richemont à ses envoyés {Hist. de
Bourgogne, YV, Ixij-lxiij). C'est un document sans date et dont l'orthographe
semble bien fautive. Il est à remarquer que le mot dauphin est toujours
employé au lieu de roi.
4. Fr. 26048, n» 541. Hist. de Bourgogne, IV, preuves, liij, lis, Ix. De
116 PRÉPARATIFS EN BRETAGNE (1426)
Richemont ne perdait pas de vue les autres intérêts de
Charles VIL II encourageait les partisans de ce prince à lui
conserver, sous la domination étrangère, un attachement iné-
branlable; il excitait, comme une flamme précieuse, ce senti-
ment national qui animait déjà bien des cœurs et qui devait
tant contribuer au salut de la France. Le 14 décembre 1425, le
roi mandait au connétable d'observer et de faire observer des
lettres de rémission qu'il accordait aux habitants de Rouen, en
considération du courage avec lequel ils avaient défendu leur
ville en 1*418 contre Henri V et parce que « leurs cuers et affec-
tions sont et demeurent en leur vraye et persévérante loyauté »
envers lui « qu'ilz cognoissent estre leur naturel et souverain
seigneur » *. C'était l'époque où le duc d'Alençon refusait noble-
ment la liberté que lui proposait Bedford et préférait une capti-
vité glorieuse à l'humiliation de reconnaître Henri VI comme roi
de France. Le comte de Richemont n'avait pas montré cette fîère
attitude, mais il travaillait du moins à faire oublier sa conduite
passée. Il avait hâte de commencer lui-même la guerre contre les
Anglais. 11 se rendit en Bretagne auprès de son frère, le duc,
qui rassemblait alors une armée pour attaquer les frontières de
la Normandie ^ (janvier 1426). Une campagne heureuse de ce
côté pouvait déterminer une révolte dans cette province, encore
française de cœur, et délivrer le Maine, dont les ennemis pour-
suivaient la conquête '. Le connétable voulait signaler ses dé-
Beaucourt, t. II, 373 et note 1. On lit dans des instructions données, le
2o mars 1426, à des ambassadeurs envoyés en Castille par Charles VII, que
le roi est tout disposé à faire la paix avec le duc de Bourgogne, et que
les ducs de Bretagne et de Savoie s'y emploient, « qui sont très conve-
nables moyens de la y mectre, attendu l'alliance qu'ils ont au roy et au
duc de Bourgogne; que tout le peuple, tant d'un côté que d'autre, est
très enclin à ce, » etc. (Lat. 6024, n» 18.) Il n'est pas possible que Riche-
mont soit allé à Montluel à la fin de 1425 ou en janvier 1426, comme le
croit M. de Beaucourt {Hist. de Charles VU, t. II, 372). S'il y alla, ce fut
en janvier 1427. Quant à G. de La Trémoille, il fut arrêté le 30 décembre
1423, puis remis en liberté, moyennant rançon, par Perrinet Grasset, qui
gardait, malgré le duc de Bourgogne, et d'accord avec les Anglais, la ville
de La Charité-sur-Loire {Hist. de Bourgogne, IV, 119, et preuves, Ix-lxj ; de
Beaucourt, t. II, 373-375; Consaux de Tournai, p. 191, 194, 196, 203, 204;
JJ 177, fo 159).
1. Fr. 2861, fos 219 v» 222.
2. Le 27 décembre, le connétable était encore, avec le roi, à Mehun-sur-
Yèvre, où s'étaient réunis les États de Languedoc, qui avaient voté, en
novembre, 250 000 1. t. Il assistait, le 27 décembre, à la réconciliation du
sire d'Arpajon et du maréchal de Sévérac (Vallet de V., I, 451). 11 était à
Malestroit (arrondissement de Ploërmel), avec Jean V, le 14 janvier 1426
(Fr. 26048, n» 534).
3. Ils assiégeaient La Ferté-Bernard, c. L de c. de l'arrondissement de
I,ES AISGL4IS ATTAQUENT LA BRETAGNE 117
buts par des succès éclatants ; il en avait besoin pour justifier
les espérances qu'on avait mises en lui, pour accroître son
autorité à la cour et enfin pour agir plus efficacement sur le
duc de Bourgogne. Il communiquait son ardeur à l'entourage
du roi. On voulait réunir des forces considérables, et Yolande
rappelait d'Italie son fils Louis d'Anjou, afin qu'il vînt lui-
même défendre ses domaines *. Jean V avait convoqué le ban
et l'arrière-ban de Bretagne pour la défense du pays. Malheu-
reusement son armée, composée, en grande partie, de recrues
peu exercées, mal disciplinées, était bien inférieure aux troupes
anglaises, aguerries par de longues campagnes 2.
Les hostilités avaient commencé dès la fin de l'année 1425.
Olivier de Mauny et le sire de Goetquen avaient échoué dans
une attaque sur le Parc-de-l'Evêque, place qui appartenait à
l'évêque d'Avranches. Douze cents Anglais, sous le commande-
ment de Suffolk et de Thomas Rampston, avaient ravagé la Bre-
tagne jusqu'aux portes de Rennes et étaient revenus chargés de
butin en Normandie, puis Rampston avait fait réparer le châ-
teau de Saint-James-de-Beuvron ' et s'y était établi fortement ''.
Les Anglais avaient aussi pris Pontorson. Il fallait d'abord les
chasser de ces positions, d'où ils menaçaient de trop près la
Bretagne °.
Laissant Jean V à Rennes, Richement alla prendre le com-
mandement de l'armée bretonne, qu'il réunit à Antrain ^. Du
Maine, de l'Ile-de-France et même de la Normandie, d'autres
combattants étaient venus, à son appel, se joindre à lui, dans
l'espoir de faire une belle campagne contre les Anglais. Richard,
comte d'Etampes, avait suivi son frère Artur, avec le sire de
Mamers (Cousiaot, 230. Fr. 4491, f° 26 v). Danois était alors à Chartres
avec des troupes (Fr. 26048, n» .540).
1. Bib. de l'Éc. des Chartes, 111, 2» série, p. 141. Pièces orig., t. 699, au
mot Châteauneuf. « Comme pour résister à nos ennemis et autres rebelles
et désobéissans, soyons délibérez nous mettre sus, ceste saison nouvelle,
à grant puissance... » (18 février 1426). Le roi était alors à Issoudun. Sur
Louis III d'Anjou voy. Arch. de la Loire-Infér., cass. 4, E, 10. Fr. 20417, n" 3.
2. « Et fut faite une grande armée par le connestable au pays de Bre-
taigoe. Aucuns disoient qu'icelle compagnée estoit pour la pluspart de
gens qui oncques mais n'avoient esté en guerre. » (Cousinot de M.,
p. 240 et 241.)
3. Arrondissement d'Avranches.
4. C'est l'époque où auraient été écrites les lettres attribuées à Suffolk.
La première est datée du 7 février, l'autre du 13 (voy. Desplanque, pièces IV
et V, p. 63, 64). Il y est question de l'armée bretonne, de « la fortifica-
cion » de Saint-James et du siège imminent de cette place.
5. Cousinot, 233. Monstrelet, IV, 284. D'Argentré, 769. Fr. 10449, ^• 143-144.
6. Arrondissement de Fougères.
118 SIÈGE DE SAINT-JAMES-DE-BEUVRON (1426)
Porhoet et beaucoup d'autres seigneurs. Le connétable s'em-
para d'abord de Pontorson. En représailles des ravages qu'ils
avaient exercés, tous les Anglais qui se trouvaient dans cette
place furent mis à mort (février 1426). Les murailles furent
abattues ^
L'armée bretonne marcha aussitôt sur Saint-James-de-Beuvron
dont le siège présentait de bien plus grandes difficultés. Cette
place, située tout près de la Bretagne et du Mont-Saint-Michel,
était un poste très utile pour les Anglais, qui l'avaient solidement
réparée et munie de tous les moyens de défense. Suffolk y avait
mis une bonne garnison, avec des officiers habiles, ïh. Ramp-
ston, Phihppe Branch, Nicolas Burdet; et lui-même réunissait
un corps de troupes assez considérable dans Avranches, afin de
pouvoir secourir Saint-James-de-Beuvron *.
Richemont avait hâte d'agir ; tout relard diminuait ses
chances de succès. A son approche, les Anglais de la garnison
s'avancèrent pour reconnaître ses forces et pour essayer de l'ar-
rêter ; mais un vif combat les refoula dans la place, qui fut
bientôt investie de toutes parts et battue par l'artillerie. Re-
poussés dans plusieurs sorties, après de rudes escarmouches,
les assiégés auraient été réduits à capituler, malgré leur cou-
rage, si l'investissement avait été maintenu assez longtemps,
mais Richemont se trouvait dans une situation fort embarras-
sante. L'argent lui manquait , soit qu'on n'en eût pas à lui
donner, soit qu'on en différât l'envoi, dans l'intention de lui
nuire; ses troupes mécontentes avaient commencé à déserter
dès le début du siège ; on craignait l'arrivée de Sulfolk ^ ; il
fallait prendre un parti. Depuis une semaine que le siège durait,
le canon avait pratiqué assez de brèches pour que l'assaut fût
possible. Avec des troupes aussi peu solides, l'entreprise était
hasardeuse; mais valait-il mieux se laisser attaquer par Salis-
bury et par Suffolk? Toutes les éventualités furent longuement
1. Cousinot, 237, 240. Le Baud, 469. Fr. 10449, f» 144. Gruel, 192. J. Stuart
d'Aubigny, J.Girard, J. Ouschard, etc., étaient avec le connétable (Fr. 20684,
f» 48 vo).
2. 11 n'est guère possible de donner le chiffre exact de la garnison de
Saint-James, des autres troupes de Suffolk et de l'armée de Richemont,
avcc'les seules indications que fournissent les chroniqueurs. A les en
croire, la garnison comptait environ 700 hommes, la petite armée de
Suffolk environ 1500 et celle de Richemont 13 à 16 000 hommes. Grafton
va jusqu'à 40 000 hommes!
3. L'attaque de Saint-James avait beaucoup inquiété les Anglais. Le
comte de Salisbury, qui assiégeait alors La Ferté-Bernard, voulut même
laisser une partie de ses troupes devant cette place et marcher au secours
de Saint-James. Voy. Append., XXXIV.
DÉROUTE DE SAINT-JAMES-DE-BEUVRON (1426, 6 MARS) 119
discutées dans un conseil de guerre, et on résolut d'assaillir la
place. Près des murs, il y avait un étang et un boulevard qui
séparaient en deux l'armée assiégeante. D'un côté se trouvaient
les Bas-Bretons, de l'autre les troupes dirigées par le connétable
en personne. Le boulevard, bien défendu par Nicolas Burdet,
communiquait avec la ville par une poterne.
Le 6 mars, l'attaque commença sur les deux points où les
brèches rendaient l'assaut moins difficile. Les assiégés, encou-
ragés par l'espoir d'être bientôt secourus, se multipliaient pour
repousser les assaillants. On combattait depuis trois ou quatre
heures avec un égal acharnement, quand, du haut de leurs rem-
parts, les Anglais aperçurent les premiers^ dans le lointain, un
corps de troupes qui s'avançait. Croyant que c'étaient leurs com-
patriotes qui arrivaient à leur secours, ils sortent par la poterne
voisine de l'étang, se joignent à Nie. Burdet et tombent avec
impétuosité sur les Bas-Bretons, en criant : Salisbury et Suf-
folk! Attaqués ainsi par derrière, déconcertés par ces cris,
«ffrayés par l'approche de ces autres soldats, qu'ils aperçoivent
et qu'ils prennent pour les Anglais de Suffolk, les Bas-Bretons
quittent précipitamment les fossés et fuient en désordre vers
leur camp. Les Anglais, profitant de cette panique, les criblent
de traits, les poursuivent à grands coups, les précipitent dans
l'étang et les massacrent ou les noient. Les Bretons perdent là
environ 600 hommes, 50 prisonniers, 18 étendards et une ban-
nière.
De l'autre côté de la ville, le connétable, ignorant ce désastre,
«continuait l'assaut, quand on lui apporte la nouvelle de la dé-
route. Les troupes dont l'arrivée fortuite avait tant contribué à
ce malheureux résultat étaient celles qu'il avait envoyées dans
la direction d'Avranches, pour observer les Anglais et qui reve-
naient sans avoir rien vu d'alarmant. Alors le connétable, com-
prenant qu'il est inutile de prolonger la lutte, n'a plus qu'à
faire sonner la retraite et à rallier les fuyards, qui, après avoir
abandonné leur camp, viennent chercher dans le sien un refuge
■contre leur propre terreur. Tout n'était pas encore perdu, car
les Anglais, malgré leur victoire, étaient fort affaiblis, blessés
pour la plupart; mais que pouvait faire le connétable avec ses
troupes démoralisées? Pendant la nuit, nouvelle panique. Au
milieu d'un désordre inexplicable, chacun s'enfuit par les che-
mins qu'il connaît. Le feu est mis aux tentes, et on vient avertir
le connétable et son frère qu'ils vont être brûlés s'ils ne se reti-
rent promptement. A la lueur des flammes qui dévorent le camp,
Richemont voit ses gens se sauver de toutes parts. Il s'élance
À cheval, suivi de ses frères, au milieu de la cohue tumul-
120 ntCIlEMONT ACCUSE J. DE MALESTROIT
tueuse, pour arrêter cette fuite insensée; nul ne veut l'écouter;
nul ne s'arrête. Ses reproches, ses exhortations, ses ordres, ses
menaces, se perdent au milieu du bruit; il est renversé à terre,
et c'est à grand'peine qu'on empêche qu'il soit foulé aux pieds.
Vainement il veut retourner au camp, pour emmener au moins
son artillerie. Il est abandonné de tous et obligé de suivre, dans
un morne désespoir, la déroute qui l'enti-aîne. Ainsi son armée
fuyait, vaincue par un ennemi vingt fois moins nombreux ; ainsi
se terminait, par l'échec le plus lamentable, une expédition dans
laquelle il avait mis toutes ses espérances. Au point du jour, les
fuyards atteignirent Antrain. Là ils se rallièrent pour se diriger
sur Rennes, où était le duo de Bretagne. Il garda seulement une
partie de ces troupes pour garnir la frontière, et il congédia le
reste *.
On ne connaît pas assez les détails de cette malheureuse af-
faire pour être en mesure d'affirmer que toute la responsabilité
doit retomber sur le connétable; mais il ne semble pas qu'il ait
montré dans cette entreprise toutes les qualités d'un bon géné-
ral 2. Quoi qu'il en soit, ce fut un grand malheur pour lui et
aussi pour la France. Son autorité, déjà fort précaire à la cour,
en fut gravement compromise. Gomment croire désormais à ses
talents militaires? Quelle confiance pouvait-il inspirer au roi,
au duc de Bourgogne, au duc de Bretagne, à tous ceux qui
avaient compté sur lui et qui l'auraient secondé avec plus d'em-
pressement, s'il avait réussi dans ses premières tentatives?
Désormais ses projets, ses efforts allaient être entravés pour
longtemps, et il lui fallut toute sa ténacité bretonne pour persé-
vérer dans la tâche ingrate qu'il avait entreprise.
Il voulut d'abord châtier ceux qu'il considérait comme ses en-
nemis et comme les auteurs de son échec. Le principal était
Jean de Malestroit, chancelier de Bretagne. Richemont l'accusait
de s'être vendu aux Anglais et d'avoir causé la déroute de Saint-
James, soit en n'envoyant pas l'argent nécessaire au payement
des troupes, soit en machinant d'autres trahisons ^. Avant de re-
venir auprès du roi, vers les fêtes de Pâques, le connétable passa
par Nantes, fît enlever le chancelier dans sa maison de la Tou-
1. Gruel, 192. Cousinot, 199 et 239. Monstrelet, IV, p. 284. D. Morice,
Pr., II, col. 1188, ou D. Lobineau, II, col. 1005. Fr. 26048, n" 531. Fr. 26049,
n»» So3, 554, 557, 559, 562. Grafton, 1, 561, 562. Polydore Vergil, édit.
Hellis, p. 12.
2. C'est ce qui paraît résulter du récit de B. d'Argentré. Or cet auteur
n'est pas défavorable à Richemont.
3. Gruel, 192. Nicole Gilles, Les cronicques et annalles de France, édition
de 1520, 2« vol., f» 75. Le Bourg, de P., 207, 208.
JEAN V SIGNE UNE TRÊVE AVEC SUFFOLK 121
che et le conduisit à Chinon, où il le retint prisonnier. Quand il
parut devant Charles VII, pour rendre compte de sa désastreuse
expédition, il se plaignit vivement d'avoir été trahi, mais sans
pouvoir produire des preuves convaincantes '.
Voulait-il se disculper à tout prix, même aux dépens d'un inno-
cent?Une pareille conduite eût été criminelle et odieuse ; mais rien
n'autorise cette supposition. Il ne faut pas oublier que le conné-
table avait des ennemis plus disposés à profiter de ses embarras,
pour précipiter sa disgrâce, qu'à lui faciliter les moyens de dé-
gager sa responsabilité. D'ailleurs le biographe d'Artur de Bre-
tagne n'est pas seul à reproduire les bruits de trahison; on en
retrouve l'écho jusque dans le journal du Bourgois de Paris, qui
ne saurait être suspect de partialité pour Richemont. En tout
cas, J. de Malestroit, grâce aux amis qu'il avait à la cour, obtint
sa délivrance. Afin de montrer qu'il n'était point d'accord avec
les Anglais, il u promit de faire merveilles » pour réconcilier le
duc de Bourgogne avec Charles VII. Richemont relâcha enfin
le chancelier, qui retourna en Bretagne, d'où il se rendit plus
tard auprès du roi, de Philippe-le-Bon et d'Amédée VIII. Il resta
néanmoins un ennemi dangereux pour Richemont, qui, de son
côté, s'efforça de lui nuire 2.
Deux jours après la déroute de l'armée bretonne, le comte de
Suffolk était arrivé, avec 1 500 combattants, devant Saint-James-
de-Beuvron. Ne trouvant aucune résistance, il s'était avancé, en
ravageant le pays, jusqu'à Dol ', avec l'intention de s'y établir.
Si cette démonstration avait pour but d'effrayer Jean V, elle eut
un plein succès. Il craignait aussi de voir les Anglais soutenir
contre lui les Penthièvre. Il savait que Jean et Olivier de Blois
étaient en Angleterre auprès de Bedford et qu'ils n'avaient point
abandonné leurs prétentions sur la Bretagne. Jean V demanda
une trêve de trois mois; Suffolk la lui accorda moyennant
4500 francs et revint, chargé de butin, à Saint- James-de-Beu-
vron ''. C'était là un nouvel échec pour Richemont. Son impuis-
sance en devenait plus manifeste, mais du moins cette trêve lui
laissait quelque répit. Il redoubla d'efforts pour faire face à tous
1. « Rien n'en vint à notice, • dit Le Baud, p. 470.
2. Les auteurs sont très partagés sur cette question de la culpabilité
du chancelier de Bretagne. Gruel (p. 192), Cousinot (p. 199), M. de Beau-
court, Vallet de V. l'accusent formellement; D. Morice, Fontanieu (Ms.
fr. 10449, f° 144 v") et D. Lobineau disent qu'il prouva son innocence. D'Ar-
gentré et Le Baud ne se prononcent pas. Il est probable qu'il n'y a pas de
preuves. Voir l'article de M. de Beaucourt dans la Revue des questions his-
tor., t. IX, année 1870, p. 396, et son Hist. de Charles VII, t. II, p. 24.
3. Arrondissement de Saint-Malo.
4. .Monstrelet, IV, 386, 387. D. Lobineau, I, 568.
122 ETATS DE MONTLUÇON ET DE SAUMUR (1426)
les besoins. Des ambassadeurs allèrent en Castille, demander au
roi Jean II, le premier « et le plus principal » allié de Char-
les VII, un secours de 2 000 hommes d'armes ou, tout au moins,
de 5 à 600 hommes d'abord, soudoyés pour six mois ^ Une nou-
velle assemblée des Etats, convoquée à Angers pour le samedi
13 avril, se tint à Montluçon ^ ; une autre eut lieu à Saumur ', où
se rendit le connétable (1" mai) ; des troupes furent réunies à
Sablé, à Craon *, pour défendre le Maine, l'Anjou et la Bretagne.
Le 12 juin, sur l'avis de la reine de Sicile, des comtes de Cler-
mont, de Richemont et de Foix, Charles VII révoqua certains
dons, afin de pourvoir aux frais de la guerre, sans grever autant
le peuple, qui ne pouvait suffire au payement des impôts. Mal-
heureusement, ces bonnes résolutions duraient peu. Les courti-
sans continuaient d'exploiter la libéralité du roi et détournaient
à leur profit les deniers publics ^.
Il y avait bien d'autres désordres, que le connétable ne pou-
vait empêcher. Les routiers ravageaient les provinces épargnées
par l'ennemi, rançonnaient les campagnes et les villes. C'est
ainsi qu'au mois de mai 1426 les Etats de la Marche durent
payer 510 livres à T. de Valperga, Alain Giron et autres capi-
taines de gens d'armes, pour qu'ils s'engageassent à ne plus
dévaster le pays. Et combien d'autres faits de ce genre se pro-
duisaient ailleurs! Ces marchés, ou appâtis, qui débarrassaient
momentanément un pays des routiers, n'avaient d'autre ré-
sultat que d'exposer aux mêmes déprédations les pays voisins.
Les ressources de la France étaient ainsi gaspillées , faute
1. Lat. 6024, n" 18. Original sur parchemin, signé Charles. On voit, au
n" 19, que Jean II promit d'envoyer des secours quand les troubles de la
Castille seraient apaisés, et il est probable qu'il en envoya, car on trouve,
en 1427, des troupes castillanes parmi celles de Charles Vil (voy. de Beau-
court, t. II, 391-394).
2. Cette assemblée se tint, non à Angers, mais à Montluçon. Elle vota
une taille de 230 000 1. (de Beaucourt, t. II, 588-589). Voy. Append., XXXV.
3. Le i" mai, les élus de Tours décident « d'envoyer promptement et
hastivement à Saumur, pour les trois estats assemblez et mandez à au-
jourd'hui par Mgr de Richemont », bien que Tours n'ait pas reçu de
lettres de convocation. Dans la séance du 7 mai, Jehan Garnier, revenu
de Saumur, fait son rapport sur l'assemblée des États ordonnée par le
connestable, assemblée à laquelle ne sont venus « aucunes gens des villes,
que d'Angiers et plusieurs barons et gens d'Église du pays de Poictou,
qui ont tenu conseil avec le connestable par trois jours. » (Arch. munie,
de Tours, Registre des délibérations, t. III, f"* 84, 85. Communication du
Dr Giraudet.)
4. Arrondissement de Château-Gontier.
3. Fr., 21403, fo^ 91, 92. Xi» 8604, f» 83. Fr. 4491, f" 83. P 13722, cotes
2069 et 2103. De Beaucourt, t. II, 119, 120, 129. — Giac se fit donner le
comté d'Auxerre {Idem, p. 129).
R1CHEM0^•T RÉSISTE AUX ANGLAIS (1426) 123
d'une organisation régulière et d'un gouvernement sage, éco-
nome et tort*.
Cependant les Anglais menaçaient toujours la Bretagne, ainsi
que le Maine et l'Anjou, dont ils voulaient achever la conquête.
Richard Beauchamp, comte de Warwick, lieutenant général de
Henri VI « pour le fait de la guerre » dans ces provinces, avait
appelé auprès de lui, pour cette campagne, plusieurs capitaines
renommés, Robert Willoughby, J. Salvain, Guill. Glasdale,
J. de Montgomery, Th. Burgh ^. Il y eut alors beaucoup de
sièges et de combats qui sont mentionnés par les chroniqueurs
d'une manière trop confuse pour qu'il soit possible de les indiquer
tous dans l'ordre chronologique. Avec des troupes tirées des
garnisons du Maine et de l'Anjou, le connétable, secondé par
J. Stuart et par un grand nombre de seigneurs bretons, s'em-
para de la forteresse de Galerande ^, occupa Fougères et Pon-
lorson, où il fit faire des travaux considérables, pour opposer à
Saint-James-de-Beuvron une place solidement fortifiée * . Pen-
dant que ses lieutenants, Ambroise de Loré, les sires de Raiz et
dcBeaumanoir,Guil.deMauny,Alainde La Chapelle continuaient
de tenir les Anglais en échec, il alla voir son frère Jean V en
Bretagne ^, pour calmer ses craintes et exciter son indignation
contre les Anglais. Il lui dit queBedford voulait faire momenta-
nément la paix avec lui, pour accabler le duc de Bourgogne et
s'emparer ensuite de la Bretagne. Il lui révéla les projets crimi-
nels des princes anglais et la connivence du chancelier J. de Ma-
lestroit. Faut-il croire que, pour mieux convaincre son frère,
il usa de fausses lettres de Suffolk et mit Jean V en rapport
avec le faussaire lui-même? Il semble certain que des lettres
d.! Suffolk, authentiques ou non, furent communiquées au
1. Fr., 20387, n» 36. J. Quicherat, Rod. de Villandrodo, p. 14-16. Le con-
nétable ne pouvait empêcher ces pillages là même où il était. Le comte
de Foix avait fait venir du Midi des troupes qui ne servirent guère, selon
Gruel, qu'à ravager les environs de Saumur (K 62, n°» 27, 28, 33 ; Fr. 25767,
no» 159-193; Fr. 23768, n° 240). Afin de pouvoir rester à la cour, le comte
de Foix avait imaginé « de prendre paty et abstinence de guerre pour
un an et demi » avec les chefs anglais en Guyenne, moyennant 3000 1. t.
(Fr. 20387, n° 33).
2. Fr. 23767, n"' 143, 146, 155, 156. K 62,^» 25*. 8, 16.
3. Arrondissement de La Flèche. Ce château a été bien restauré.
4. Cousinot, 241-243. Gruel, 193, 194. Le Baud, 470. Fr. 20684, f» 349.
D'après Grafton (l, 539, 560), les Anglais auraient alors pris Saint-Calais,
Malicorne, Louplande, Montsurs, La Suze et plus de quarante châteaux;
mais l'exactitude de ces détails est fort douteuse, les événements mili-
taires des années 1426-1428 étant mal connus.
3. Le connétable était le 26 juillet au château de l'Hermine, à Vannes
(Fr. 26049, n" 605).
124 MISSION DE J. DE MALESTROIT (1426)
duc de Bretagne, comme le prouvent les instructions qu'il remit
un peu plus tard à son chancelier, en le chargeant de dévoiler
au duc de Bourgogne les menées perfides de Bedford et de Glo-
cester 1.
Vers lé milieu de septembre, le chancelier de Bretagne partit
pour se rendre auprès de Philippe-le Bon. Après l'avoir informé
de la trahison que les Anglais machinaient depuis longtemps
contre lui-même et contre le duc de Bretagne, « ainsi que bien
à plein le pourra savoir et voir par les lettres du comte de Suf-
folk, signées de sa main 2, » il devait lui dire que Bedford et
Glocester voulaient amener Jean V, par les négociations ou par
les armes, à entrer dans une ligue contre tous les ennemis de
l'Angleterre, y compris le duc de Bourgogne ; que, dans ce dan-
ger commun, le duc de Bretagne désirait s'unir à Philippe-le-Bon
par une étroite alliance, afin « qu'ils pourveussent au relèvement
de ce royaulme » ; que le roi se voulait régler et gouverner par
eux, qu'il était résolu à toutes les concessions compatibles avec
« l'onneur de la couronne », et qu'il ferait tout ce que les ducs
de Bourgogne, de Bretagne, de Savoie et le comte de Richement
en voudraient ordonner'.
On ne comprend pas bien pourquoi le duc de Bretagne confia
cette mission à J. de Malestroit, que Richemont lui avait signalé
comme un traître vendu aux Anglais *. Il est vrai que le chan-
celier, voulant dissiper les soupçons dont il était l'objet, avait
promis « de faire merveilles », et qu'il affectait un grand zèle
pour la réussite de ces négociations. Quoi qu'il en soit, le conné-
table n'avait en lui aucune confiance, car il envoj^a auprès de
Philippe-le-Bon J. de Ghénery et le prieur de La Celle, chargés
secrètement par lui de mettre le duc en garde contre ce que
1. Hist. de Bourgogne, IV, preuves Ixiv-lxv (Instructions du 15 septembre
1426). Desplanque, p. 43, 46 et les pièces IV, V, VI, p. 63-69, et surtout le
commencement de la pièce Vllf, p. 74. C'est à ce moment que J. de Che-
nery aurait conduit auprès de Jean V, à Redon, Guill. Benoît, l'ancien
secrétaire de Sufifolk (p. 66). S'il faut considérer comme fausses les pièces
produites par G. Benoît et comme mensongères ses dépositions, on recon-
naîtra qu'elles renferment d'ailleurs beaucoup de détails exacts (voy. VAp-
pend., XIX).
2. Desplanque, p. 74.
3. Voy. les mémoires et instructions au chancelier de Bretagne, ap. Des-
planque, p. 74-77 et p. 51. Hisi. de Bourgogne, IV, p. Ixiv-lxv. Peu après,
un autre envoyé partit de Bretagne avec des instructions presque sem-
Ijlables {Hist. de Bourgogne, IV, Ixvj-lxviij.
4. Il est certain que le chancelier de Bretagne était alors en pourparlers
avec les Anglais; mais c'était par l'ordre de Jean V, qui employait le
même ambassadeur à exciter contre eux Philippe-le-Bon! (de Beaucourt,
Hist. de Charles VII, t. II, 378, note 2).
FAIBLESSE DE CHARLES VII (1426) i25
pourrait dire ou faire le chancelier de Bretagne. Celui-ci alla
trouver Philippe à Dordrecht, et un traité de paix entre Char-
les VII et le duc fut alors projeté *.
Le connétable avait d'autres sujets d'inquiétude et de mécon-
tentement. Il avait commis la faute de ne point éloigner le sire
de Giac, qui avait promis « de bien faire la besogne * », mais
qui faisait tout le contraire. Il avait bientôt remplacé Louvet
dans la faveur du roi et exerçait sur lui une influence non moins
funeste. A ce moment même (août 1426), il faisait arrêter, en
vertu d'ordres arrachés à la faiblesse de Charles VII, Robert le
Maçon, seigneur de Trêves, ancien chancelier de France et l'un
des serviteurs les plus dévoués de ce prince. Richemont portait
intérêt au seigneur de Trêves, qui avait contribué à réconcilier
le roi avec le duc de Bretagne; néanmoins il ne put empêcher
Giac de" retenir en prison pendant trois mois l'ancien chance-
lier, qu'il ne relâcha que moyennant une grosse rançon, fournie
en partie par Charles VII '. D'autres fois, c'étaient des délais
accordés aux villes pour le payement des sommes assignées au
connétable, ce qui l'empêchait de pourvoir aux dépenses de la
guerre. Il était alors réduit à exiger quand même l'argent dont
il avait si grand besoin, sans tenir compte des réclamations que
le roi autorisait. On trouve la preuve de cette situation singu-
lière dans deux lettres adressées, l'une par le roi, l'autre par le
connétable aux Lyonnais.
A noz très chiers et bons amis les bourgois et habitans
de la ville de Lyon.
Très chiers et bons amis,
Nous avons sceu comment monseigneur le Roy a mandé au
recepveur de Lion retarder le paiement de nostre assignacion
que prenons pardella jusques à deux moys, et tout à voz suppli-
cacions et requestes, comme l'on nous a rapporté, et, par ce,
n'a peu ne peut recevoir le receveur de pardella l'argent de la
taille, pour nous contenter de nostre dite assignacion; de la-
quelle chose nous nous donnons grant merveille et nous semble
1. Desplanque, p. 52. Hist. de Bourgogne, IV, Ixv-lxvj. J. de Chenery et
le prieur de La Celle étaient conseillers de Richemont (Fr. 20684, f» 573; de
Beaucourt, t. II, 387; Consaux de Tournai, II, 227-229, 233).
2. Gruel, 191. Giac était au conseil, quand furent révoqués les pou-
voirs de Louvet (Fr. 21405, f 90).
3. V. Tari. Le Maçon dans la Biographie Didot, t. XXX; M 450, liasse 3,
nos 1, 2, 3, et surtout K 65, n» 4,
126 FAIBLESSE DE CHARLES VII (1426)
que vous avez peu de considéracion à la charge que nous avons
pour le fait de la guerre es frontières de pardeça, que tout re-
vient sur nous, et, supposé que mondit seigneur eust fait ladite
deffense de soy mesmes^ sans intercession (Taulre, si, deussiez-
vous, nonobstant ce, nous faire bailler l'argent de nostre dite
assignacion, car, sans ce, vous povez bien considérer que le fait
de la guerre, sans l'aide de vous et des autres bonnes villes de
mondit seigneur, ne se peut conduire. Pourquoy vous prions,
très chiers et grans amis, tant et si affectueusement comme plus
povons, que vous vueillez faire avancer de cueillir et lever l'ar-
gent de nostre dite assignacion, par manière que briefment en
puissons estre paiez, car, en vérité, si nous avions de quoy le
faire et du nostre propre, nous ne vous en oppresserions pas
tant. Très chiers et bons amis, le Sainct Esprit soit garde de
vous. Escript au Pont-de-Scé, le XIII^ jour de septembre.
Le conte de Richemont,
Connestable de France^
Artur.
Chevalier '.
(Archives de l'a ville de Lyon, AA, 77.)
Richemont avait eu soin de faire écrire par le roi, quelques
jours auparavant, la lettre qui suit :
A noz chiers et bien amez les conseilliers^ manans et habitans
de nostre bonne ville de Lyon.
De par le Roy.
Chiers et bien amez,
Nous vous avons nagaires escript que, pour aucunes causes,
vous délayssiez le derrenier terme de l'aide à nous octroie en
octobre derrenier passé, en nostre ville de Poictiers, jusques à
deux moys; et, pour ce que, depuis, nostre très chier et amé
cousin, le conte de Richemont, connestable, nous a fait dire et
exposer que ledit derrenier terme nous lui avions assigné et
ordonné pour le fait de la guerre et que, se rompture y avoit,
ce lui pourroit tourner à grant charge et dommage et à nous
aussi, considéré la grant charge qu'il a es frontières d'Anjou et
du Mayne, et que desjà il a empruncté l'argent de sa dite assi-
1. Il ne peut s'agir ici que d'Etienne Chevalier, qui fut longtemps un
des secrétaires du connétable avant d'être un des plus célèbres conseil-
lers de Charles VII. Voir aussi l'Append. XXXIX.
FAIBLESSE DE CHARLES VII (1426) 127
gnacion sur gaiges, lesquelz il pourroit perdre se par nous ne
lui estoit pourveu de remède; pour ce est-il que nous vous man-
dons bien expressément, par ces présentes, sur tant que désirez
eschever à venir contre nostre plaisir, et sur peine de recouvrer
sur vous ce que derrenier vous en avons remis, qui estoit à celle
fin que plus tost paissiez ledit derrenier terme, que, incontinent
et sans aucun delay, vous mectez sus et imposez ledit derrenier
terme et les deniers d'icellui faites baillier et délivrer incontinent
au commis ou receveur ordonné à recevoir ledit aide, pour
iceulx deniers convertir ou paiement de nostre dit cousin et con-
nestable et des autres assignez. Et ce faictes en telle manière
que nous n'ayons plus cause d'en escripre par devers vous, ou
quel cas nous y pourverrions par manière qui ne vous sera pas
agréable. Donne à Mehun, le VII« jour de septembre,
Charles.
Fresnoy.
♦ (Archives de la ville de Lyon, AA, 68.)
D'autres lettres ' prouvent que Richemont savait atténuer la
rigueur de ses ordres par des formes courtoises et même affec-
tueuses, au lieu de montrer habituellement la rudesse mena-
çante ^ qui lui fut reprochée un peu plus tard par ses « très
chers et bons amis » les habitants de Lyon. Ces résistances, ces
embarras qu'il rencontrait sans cesse étaient bien faits pour l'irri-
ter, et plus d'un, à sa place, ne se fût pas montré plus patient ^.
En même temps, le connétable soutenait la guerre aussi acti-
vement que possible. Les sires de Raiz, de Beaumanoir et Amb.
de Loré reprirent Rennefort* et Malicorne ^. Un autre capitaine,
nommé du Coing, fut défait dans un combat aux environs du
Mans, par Guill. Oldhall, et les Anglais prirent Bonneval ^ et
Mondoubleau ''. Néanmoins les Français assiégèrent La Ferté-
Bernard % envahirent le Perche, menacèrent Verneuil ^ et ré-
1. V. Append., XXXVI, XXXVII, XXXIX, XL, XLII, XLII bis.
2. Dès le mois de novembre 1426, il est obligé d'avoir recours aux me-
naces. Voir Append., XXXVIII.
3. Il ne refusait pas d'ailleurs de transiger avec Lyon, en accordant des
réductions considérables (voy. Append., XXXVII, XLI). Il est probable qu'il
en était de même avec d'autres villes, et cela explique aussi a continuelle
pénurie du trésor royal.
4. Arrondissement de Mamers.
5. Arrondissement de La Flèche.
6. Arrondissement de Châteaudun.
7. Arrondissement de Vendôme.
8. Arrondissement de Mamers.
9. Arrondissement d'Evreux.
128 GRANDS EFFORTS DU CONNÉTABLE (1426)
pandirent l'alarme dans les pays voisins. En Champagne, ils
avaient repris Vertus * et défendaient toujours la forteresse de
Moynier contre les attaques réitérées de Salisbury. Ces détails,
à défaut d'autres, qui restent ignorés, prouvent assez que le
connétable employait de son mieux les faibles ressources dont il
disposait ^
Il tenait surtout à empêcher le duc de Bretagne de faire la
paix avec les Anglais, qui ne négligeaient rien pour le ramener
à eux. Au mois d'octobre, il fit donner le comté de Mantes à son
jeune frère Richard, qui était pour ainsi dire le chef du parti
français en Bretagne, et Jean Stuart, connétable des Ecossais,
s'engagea formellement à secourir Jean V envers et contre tous ^.
Néanmoins le duc, qui ne se sentait pas assez protégé contre les
Anglais, ni assez sûr de l'appui de Philippe-le-Bon *, entrait en
pourparlers avec Warwick et se préparait même à envoyer des
ambassadeurs en Angleterre, à la fin de 142:6. Ne voulant rien
décider sans avoir consulté le duc de Bourgogne, il l'informa de
ce qui se passait. Comme les Anglais se plaignaienrsurtout des
travaux de défense faits à Pontorson, Jean V déclarait qu'il con-
sentait à mettre cette place entre les mains de Philippe-le-Bon
ou à la démanteler, si les Anglais faisaient de même pour Saint-
James-de-Beuvron ^.
Le connétable avait donc le plus grand intérêt à gagner tout
au moins l'appui moral et les bons offices de son beau-frère, en
attendant qu'il obtînt son alliance, mais il ne pouvait tout pré-
voir ni tout empêcher. Or, à cette époque, le bâtard de LaBeaume
et quelques autres capitaines français s'emparèrent de Mailly-le-
Château en Auxerrois ". Cet acte d'hostilité, qui faillit rallumer
la guerre entre la France et la Bourgogne, créa les plus graves
embarras à Richemont ^ Voulant, à tout prix, empêcher la rup-
1. Arrondissement de Châlons-sur-Marne.
2. Cousinot, 243. Le Baud, 470. Fr. 26049, n» 625; Fr. 4484, fos 36-39.
Portef. Fontanieu, 115-116, au 12 octobre; Fr. 20417, n» 7; Fr. 23018,
fos 469 v, 473. JJ 173, f" 203 v, et JJ 174, f" 43. G. Ménage, Hist. de Sablé,
2» partie, publiée en 1845, au Mans, p. 41, 47, 48. K 62, n» 25»3. K, 62,
n» 25»6. De Beaucourt, Charles VII, i. II, p. 24.
3. Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 11, E, n» 31, et registre Turnus
Brutus, I, 91.
4. Voir une lettre de Jean V à Philippe, en date du 15 septembre
(Coll. de Bourgogne, 99, f" 229).
5. Instructions données le 20 décembre 1426 à S. Deloye {Hist. de Bour-
gogne, IV, p. Ixviij).
6. Thibault de Thermes, Denis de Chailly et le bâtard de La Baume
prirent cette place le 10 décembre 1426 (d'après le t. 100 de la collection
de Bourgogne, p. 218, 221). Mailly-le-Château, arrondissement d'Auxerre.
7. 11 se rendit peu après à Monlluçon, où les Etats de Languedoil étaient
NÉGOCIATIONS AVEC PHILIPPE LE BON (1427) 429
ture des trêves et apaiser Philippe le Bon, il se rendit à Moulins,
ainsi que le comte de Glermont, son beau-frère *, pour négocier
avec le conseil de Bourgogne et avec le maréchal de Toulongeon,
pendant que, non loin de là, des conférences avaient lieu à
Bourbon-Lancy 2, entre les envoyés de France et de Bourgogne
{janvier 1427). Le comte de Glermont et le connétable s'adressè-
rent directement à leur beau-frère, Philippe le Bon, et à ses en-
voyés, car le conseil de Bourgogne aimait mieux traiter avec
eux qu'avec les représentants de Charles VII, dont l'entourage
ne leur inspirait aucune confiance. Les deux princes conjurèrent
encore Philippe de ne pas différer davantage les négociations
pour la paix; ils désavouèrent le bâtard de La Beaume et of-
frirent au duc la restitution de Mailly. Enfin on conclut, à
Bourbon-Lancy, des arrangements relatifs à la trêve, qui furent
confirmés le 20 janvier 1427, à Montluel, par le duc de Sa-
voie ^.
Il est vraisemblable que la perte du sire de Giac fut décidée
pendant ce voyage des deux beaux-frères à Moulins *. Le favori
avait bien essayé de gagner le comte de Glermont en lui faisant
donner le duché d'Auvergne, mais une semblable protection
nétait-elle pas humiliante pour un prince de la famille royale,
et pouvait-elle l'emporter sur les considérations que Richemont
dut faire valoir auprès de son beau-frère? En tout cas, si le
comte de Glermont ne voulut pas être l'auxiliaire du connétable
contre le sire de Giac, il ne fit rien pour sauver ce favori, qui ne
méritait d'ailleurs ni sympathie ni pitié ^.
P. de Giac '^ avait la plus mauvaise réputation. Dix ans aupa-
ravant, quand il était préposé, avec L. de Bosredon, à la garde
d'Isabeau de Bavière, il s'était déjà signalé par une conduite
scandaleuse. On n'ignorait point qu'il avait empoisonné sa pre-
réunis (décembre 1426). Voy. le Cab. hist., t. 24, p. 63-66, et une lettre du
connét. aux Lyonnais [Append. XL). On créa quatre grands commande-
ments. Celui de l'Anjou fut donné au connétable, mais il paraît que cette
organisation ne fut pas réalisée (de Beaucourt, II, 131 et note 4, et
p. 648, 649).
1. Richemont était à Moulins en janvier 1427, Il écrit de là aux Lyon-
nais le 20 janvier. Voir Append. XXXIX.
2. Arrondissement de Charolles.
3. CoUect. de Bourgogne, t. 99, f» 233-235. Hist. de Bourgogne, IV, 118 et
Preuves, p. Iviij-lx. De Beaucourt, II, 384-386.
4. De Beaucourt, II. 132, note 2.
.5. X»a 8604, fos 77, 78. P. 2298. f»» 453-459, 517, 593. J. 186, n" 86. Gruel,
193. Vallet de V., I, 452, note 4.
6. Fils de L. de Giac et de Jeanne du Peschin, et petit-fils de P. de Giac,
chancelier de France (Anselme, VI, 343 ; X»» 9200, f» 192 v").
Richemont. 9
130 LE SIRE DE GlAC
raière femme, Jeanne de Naillac *, pour épouser Catherine de
risle-Bouchard, veuve du comte de Tonnerre, Hugues de Ghâ-
lons. Conseiller et chambellan de Jean sans Peur, il avait, ainsi
que sa mère, joué un rôle équivoque dans les circonstances qui
précédèrent le crime de Montereau ^. Devenu ensuite conseiller
intime et premier chambellan du roi, qui tenait à Tavoir « conti-
nuellement autour de sa personne, de jour et de nuit ' », parvenu
au comble de la faveur, il montrait une insolence et une avidité
sans bornes. Aux Etats de Mehun-sur-Yèvre (en décembre 1425),
l'évêque de Poitiers, Hugues de Gombarel, ayant soutenu les
députés qui se plaignaient, comme toujours, des gens de guerre,,
le sire de Giac osa dire que, si on l'en croyait, on jetterait l'évê-
que à la rivière, avec tous ceux qui étaient de son opinion. H dé-
tournait à son profit une partie des sommes votées par les Etats.
Tout en se faisant beaucoup d'ennemis à la cour, il avait eu
l'adresse de mettre dans ses intérêts quelques grands seigneurs,
comme le comte de Foix et son frère, le comte de Gomminges,.
qui ne dédaignaient point ses services *.
A la fin de janvier 1427, la cour était à Montluçon, où s'étaient
réunis les Etats de Languedoil. Le sire de Giac ne pressentait pas
encore le danger qui le menaçait. En l'absence du connétable,
il fît rembourser au connétable de Foix la somme de 3 000 livres
tournois que celui-ci disait avoir payée aux Anglais « des deniers
de ses finances » (29 janvier 1427) et donner au comte de Gom-
minges 2 OOOlivres tournois. Néanmoins, il ne semble pas que Jean
et Mathieu de Foix aient fait de grands efforts pour sauver le sire
de Giac. Hs étaient d'ailleurs surveillés par les comtes d'Arma-
gnac et de Pardiac , dévoués au connétable , qui eut même
l'adresse de conclure un traité d'alliance avec le comte de Foix
(6 janvier 1427) ^
De Montluçon, le roi se rendit à Issoudun, où le connétable
vint le rejoindre, après avoir terminé les affaires qui l'avaient
appelé à Moulins. H revenait plus irrité que jamais contre le
favori, qui s'opposait à la paix avec le duc de Bourgogne, dans
la crainte de perdre sa situation. D'autres seigneurs avaient
1. Fille de Guill. de Naillac et tante des femmes de P. Frotier et de.
11. de Gaucourt (Xi^ 9200, f" 242).
2. Arch. du min. des aff. étr., t. 21, fos 305, 306, 310.
3. Pièces orig., t. 1320, dossier Giac, n" 31.
4. Pièces orig., t. 1320, dossier Giac, no^ 31-36. Fr. 7858, f» 9. Cousinot,
237, 238. Anselme, VI, 343 et 345. Biographie Didot, article Giac. J. 334,
nos 41-45. De Beaucourt, II, 124-125, 128.
5. Cabinet hist., t. 24, p. 164, 165. Fr. 20587, n» 33. Le c. de Foix retourna
vers cette époque en Languedoc. Voy. Append., XLIII (Alliance entre lea
c. de Richemont et de Foix).
ENLÈVEMENT DU SIRE DE GIAC (1427, 8 FÉVRIER) 131
aussi des griefs contre lui, notamment Georges de La Trémoille,
qui, à la suite d'une querelle, avait dû, pour sa propre sûreté,
quitter un instant la cour *, avec son frère utérin Charles d'Al-
bret ^. Tous deux se montrèrent empressés à servir les projets
du connétable, par intérêt et par vengeance. De plus, La Trémoille
entretenait avec Catherine de ITsle-Bouchard des relations qui
font supposer une certaine complicité de cette femme dans le
complot tramé contre son mari ^. La reine de Sicile et la plu-
part des seigneurs, moins les comtes de Clermont et de Foix, y
entrèrent également. L'entreprise fut préparée en si grand
secret que, malgré le retour du connétable, le roi et son favori
n'avaient conçu aucun soupçon.
Dans les premiers jours de février, tout fut prêt. Richemont
avait hâte d'en finir, car les Anglais menaçaient toujours la Bre-
tagne, et il avait d'autres soucis. La veille du jour fixé pour
l'exécution du complot, il se fit remettre les clefs de la ville,
sous prétexte qu'il voulait se rendre de très grand matin à Notre-
Dame de Bourg-de-Déols *, et il recommanda qu'on l'avertît dès
qu'il serait temps. Le lendemain, samedi, 8 février ^, avant l'aube,
comme il était dans la chapelle, on vint le prévenir, au moment
même où la messe allait commencer. Laissant là le prêtre tout
seul, il alla rejoindre ses gens, qui l'attendaient avec les sires de
la Trémoille et d'Albret et avec ses archers. A cette heure ma-
tinale, tout reposait encore dans le château. Richemont s'avan-
çait silencieusement avec sa petite troupe. Le sire de Giac était
au lit, avec sa femme. Il fut réveillé par des coups violents qui
ébranlaient la porte. « Qui est là, demanda-t-il? — Le connéta-
ble. — Ah ! je suis un homme mort. » — « Sa femme se leva lors
1. C'est ce que dit Cousinot (p. 238), mais une lettre du roi semble
prouver que La Trémoille était revenu à la cour. En tout cas, un document
de janvier 1427 (sans date de jour) montre que La Trémoille était alors
au conseil avec les c. de Clermont, de Richemont, de Foix, de Comminges,
de Vendôme, etc. Don du comté d'Évreux à J. Stuart (X'» 8604, f» 100).
2. Charles II d'Albret était fils du connétable Charles I" d'Albret et de
Marie de Sully, qui était aussi la mère de Georges et de Jean de La Tré-
moille. Veuve de Guy de La Trémoille, elle avait ensuite épousé Charles I"
d'Albret. Charles II d'Albret avait épousé une fille du connétable Ber-
nard VII d'Armagnac et devint plus tard beau-père ide Richemont (Anselme,
VI, 205, 210-213).
3. Voy., dans la Revue des questions hist. (t. IX, 396-397), une curieuse
lettre de Charles VII, relative à l'enlèvement de Giac et citée par M. de
Beaucourt. La Trémoille passait pour avoir fait périr le sire de Giac afin
d'épouser sa femme (Xia 9200, f» 192 v).
4. Arrondissement de Châteauroux.
5. M. de Beaucourt a fait connaître cette date d'une manière précise,
d'après les registres de Tours {Hist. de Charles VII, t. II, 132, note 5).
132 EXÉCUTION DU SIRE DE GIAC (1427, FÉVRIER)
toute nue ' ; et ce fut pour sauver la vesselle », dit le chroni-
queur *. Giac n'eut le temps de mettre que sa robe de nuit et ses
bottes. Les gens de Richemont le saisirent, l'entraînèrent dans
cet état, puis, l'ayant fait monter sur une petite haquenée, l'em-
menèrent à la porte de la ville '.
Cependant tout ce bruit avait jeté l'alarme dans le château, et
le roi apprit bien vite ce qui s'était passé. Il se leva aussitôt et
envoya les gens de sa garde à la porte ; mais le connétable leur
commanda de s'en aller, en disant « que ce qu'il faisoit estoit pour
le bien du roi » ; et ils obéirent. En même temps parurent Alain
Giron, Robert de Montauban et beaucoup d'autres serviteurs de
Richemont, qui s'étaient tenus jusque-là en embuscade, avec
cent lances, près de la porte. Le connétable se rendit à Bourges
avec le sire de La Trémoille ; mais il envoya son prisonnier à
Dun-le-Roi *, qui appartenait à la duchesse de Guyenne, et char-
gea le bailli de cette ville de lui faire son procès. On accusa Giac
d'avoir détourné l'argent du trésor et d'avoir fait mourir sa pre-
mière femme. Il avoua tous les crimes qu'on lui imputait, a II
confessa tant de maux que ce fut merveilles, entre lesquels la
mort de sa femme toute grosse et le fruit dedans. Et oultre, con-
fessa qu'il avoit donné au diable l'une de ses mains, afin de le
faire venir à ses intentions. Quand il fut jugé, il requéroit pour
Dieu, qu'on luy couppast la dicte main, avant le faire mourir. Et
offroit à Mgr le connestable, s'il luy plaisoit de luy sauver la
vie, de lui bailler comptant 100 000 escus, et lui bailler sa femme,
ses enfants et ses places à ostages, de jamais n'approcher du roi
de vingt lieues ^. » Richemont fut inexorable. Rien ne lui était
plus odieux que la sorcellerie et les sorciers. Il répondit qu'il ne
laisserait pas aller le sire de Giac, pour tout l'or du monde,
puisqu'il avait mérité la mort, et il envoya un bourreau de Bourges
pour le faire exécuter. Giac fut jeté dans l'Auron et noyé. Son
corps fut retiré de l'eau et remis à quelques-uns de ses gens,
qui l'inhumèrent ^.
Cet acte audacieux avait causé au roi la plus vive indignation.
La reine de Sicile et les autres amis de Richemont employèrent
tous leurs efforts à calmer le courroux du prince, en lui repré-
1. Vallet de V., t. I, 4o3, note 1, fait remarquer qu'au xv» siècle on
couchait nu. Cette note est confirmée par le registre JJ 176, f" 296.
2. Gruel, 193. Fr. 3037, f» 55.
3. Gruel, 193. Berry, 374.
4. Arrondissement de Saint-Amand-Mont-Rond.
5. Gruel, 193.
6. Voy. Gruel, 193. Cousinot, 239. Berry, 374. J. Chartier, I, 22, 23, 54. Ce
fait est placé d'une manière inexacte en 1426 par D. Morice (I, 499).
RICHEMOIST APAISE LE COURROUX DU ROI 433
sentant combien le sire de Giac était coupable, combien il était
indigne de sa confiance, et nuisible à ses intérêts et à ceux de
l'Etat. En même temps, le connétable cherchait un appui dans
l'opinion publique, comme à l'époque de sa lutte contre Louvet.
Le 11 février (1427), il écrivait de Bourges, « à ses très chers et
bons amis » les habitants de Lyon, que, pour mettre fin au
mauvais gouvernement qui était auprès du roi, « il avait débouté
à toujours de sa compaignie » le sire de Giac, à cause de ses
trahisons et pour le bien du ro3'aume. Il les priait d'écrire au
roi, afin qu'il ôlât de son cœur tout courroux et qu'il lui plût
ft mettre autour de lui notables gens preudommes » ; enfin il leur
demandait aide et bon conseil. Il écrivit aussi aux habitants de
Tours*.
Tout en recherchant ainsi l'appui des bonnes villes, Riche-
mont ne faisait rien pour se rendre populaire aux dépens des
intérêts publics. Il exigeait d'une façon parfois menaçante les
sommes qui lui étaient assignées pour les dépenses de la guerre,
quand le payement en était trop difl^éré, comme il arrivait trop
souvent. Au moment même où il demandait ainsi à ses très
chers amis les habitants de Lyon leurs bons offices, il les me-
naçait de s'en prendre au premier d'entre eux qu'il trouverait,
s'ils ne lui payaient pas 3300 francs qu'ils lui devaient encore.
Comme les Lyonnais se plaignaient du ton menaçant de cette
lettre et supposaient que le connétable l'avait signée sans la
lire, Richemont leur répondit qu'il en connaissait parfaitement
le contenu et qu'il avait le droit d'agir comme il l'avait dit. Il
ne demandait pas mieux d'ailleurs que de s'entendre avec les
habitants de Lyon ^, et il les priait encore d'écrire au roi rela-
tivement à l'exécution du sire de Giac, quoique, « Dieu merci,
dit-il, il est bien apaisé, et bien content de nous. » Bien content
de lui après une pareille humiliation ! Ce trait de légèreté in-
croyable est également attesté par l'historiographe Jean Ghar-
tier '. Il est vrai que Charles VII avait déjà un nouveau favori,
Camus de Beaulieu, qui lui faisait oublier le sire de Giac et qui
ne valait pas mieux que lui *. Ainsi réconcilié avec le roi, le
1. Revue du Lyonnais, t. 19, p. 335-337. De Beaucourt, II, 135, note 1.
2. Un arrangement, conclu à cette époque (mars-avril) avec la ville de
Lyon, prouve que, si le connétable était ferme, il était loin d'être intrai-
table. (De Beaucourt, t. II, 138, note 6, et Appendices XXXVII, XLI.)
3. Revue du Lyonnais, p. 337-343. J. Ghartier, I, 54. « De la mort duquel
le roy fut fort courrouché et doUent; mais, après ce qu'il cuit esté informé
du fait du dit Giac, fut content dudit connestable. •
4. G. de La Tréraoille ne fut pas moins satisfait que le roi, car la veuve
de Giac lui donna ses bijoux, le suivit au château de Gençay et l'épousa
cinq mois après la mort tragique de son premier mari ; et ils eurent plusieurs
134 BEDFORD REVIENT EN FRANCE (1427)
connétable mit auprès de lui L. de Chalançon, qui remplaça
P. de Giac comme premier chambellan *, puis il quitta la
cour, pour s'occuper de défendre Pontorson, assiégé par les
Anglais.
Le duc de Bedford, après avoir rétabli l'ordre en Angleterre,
était revenu en France, au commencement de 1427. Main-
tenant qu'il avait mis fin à la querelle entre Glocester et
Philippe le Bon, il voulait regagner le duc de Bretagne, pour
accabler Charles VII, réduit à ses seules forces ^. La soumission
de la Bretagne était donc la première partie du plan qui devait
bientôt conduire les Anglais sur la Loire, devant Orléans. C'est
là ce qu'il ne faut pas perdre de vue pour comprendre l'impor-
tance des événements qui vont s'accomplir. Il y a peut-être
quelque exagération à dire, comme les écrivains anglais, que les
querelles de Glocester avec le duc de Bourgogne puis avec
l'évêque de Winchester, avaient sauvé deux fois la France ^ ; mais
il est certain que l'absence de Bedford lui avait laissé un moment
de répit et que son retour allait rendre la situation bien plus
périlleuse. Le régent savait à la fois négocier et .combattre.
C'est ainsi qu'il agit avec Jean V, dont l'attachement à l'alliance
française était déjà fort ébranlé.
Revenu d'Angleterre, avec des renforts considérables et une
puissante artillerie, Bedford chargea aussitôt le comte de War-
wick d'aller assiéger Pontorson. Il mit sous ses ordres 600 hommes
d'armes et 1800 archers, commandés par d'excellents capitaines,
Fastolf, Talbot, Th. de Scales, G. Glasdall, Th. Rampston,
Th. Bourgh;il lui fournit toutes les munitions, tous les engins
nécessaires pour un siège * ; il ordonna que les garnisons anglaises
des places voisines lui envoyassent des secours en cas de besoin ;
enfin il obtint des villes de Normandie un don de 50,000 livres tour*
nois pour subvenir aux frais de l'entreprise. Tous ces préparatifs
beaux enfants, dit le chroniqueur (Cousinot, p. 239). Dès le mois de jan-
vier 1434, L. de Giac intenta un procès criminel à Georges de La Trémoille,
qu'il accusait de la mort de son père. Ce procès durait encore en 1U8
(voy. Xia 9200, f 192 v, au 12 janvier 1433 v. st., et X^» 24, aux lundi
20 décembre, jeudi 27 janvier 1445 a. st., lundi 2 mai 1446, puis en 1447
et 1448, notamment aux jeudi 27 juin, lundi o août 1448, etc.).
1. Voir Append. XLIV. L. de Chalançon était, dès 1420, conseiller et
chambellan du régent Charles (Ptèee* orig., 647, dossier 15244 [Chalançon],
fo 19).
2. J. Stevenson, I, Préface, p. Ixj, dit que Bedford revint en avril, mais
on trouve dans le Als. fr. 25768, n" 227, un ordre du régent daté de Paris,
7 janvier. D'après D. Morice, il déclara la guerre au duc de Bretagne le
15 janvier.
3.[J._Stevenson, I, Préface, p. xxx, xlvij, Ix.
4. Voy. Append. XLV.
IL ORDONNE LE SIÈGE DE PONTORSON (1427) 435
prouvent assez que le régent attachait la plus grande importance
à cette opération militaire, qui fut certainement une des plus
considérables de l'année 1427 *.
La garnison que le connétable avait laissée dans Pontorson
était composée de Bretons et d'Ecossais, qui ne vivaient pas
dans la meilleure intelligence. Autre malheur, le sire de Ros-
trenen, capitaine de la ville, avait été battu et pris, avec bon
nombre des siens, dans une course sur Avranches *. Il avait été
remplacé par Bertrand de Dinan, sire de Châteaubriant, que son
frère, le maréchal de Bretagne, et beaucoup d'autres chevaliers
bretons dévoués au comte de Richemont, vinrent seconder,
malgré la répugnance de Jean V. Pontorson ne pouvait résister
longtemps qu'à condition d'être secourue. Le connétable tenait
à conserver cette place. C'était sa première conquête ; elle lui
rappelait le souvenir et l'exemple de l'illustre Du Guesclin, qui en
avait été capitaine en 1357, vers le début de sa glorieuse car-
rière *. Le duc de Bretagne y tenait beaucoup moins, soit qu'elle
lui parût trop difficile à défendre, comme il le disait, soit qu'il
fût déjà décidé à ne point continuer la guerre.
Après avoir vainement demandé l'appui de Philippe le Bon,
le duc Jean V reculait devant la lutte redoutable dont Bed-
ford menaçait la Bretagne. Il faut avouer que ses craintes
étaient légitimes et que l'alliance de Charles VII ne pouvait alors
inspirer qu'une conflance médiocre. L'échec de Saint-James-de-
Beuvron était trop récent pour que les exhortations et les pro-
messes du connétable lui-même pussent l'emporter sur les con-
seils de la prudence. Dans ces dispositions d'esprit, le duc de
Bretagne mit une mauvaise volonté manifeste à défendre Pon-
torson. Sous prétexte que la place n'était pas tenable, il voulait
qu'on l'abandonnât; mais les sires de Châteaubriant et de Beau-
manoir, qui l'avaient fortifiée de leur mieux, s'obstinèrent géné-
reusement, avec beaucoup d'autres Bretons, « à la tenir et
garder pour le conte de Richemont, connestable de France ».
Après avoir délibéré sur le parti à prendre, ces braves gens
convinrent qu'ils résisteraient jusqu'à la dernière extrémité, et
ils invitèrent tous ceux qui ne voudraient pas rester avec eux à
quitter la ville avant qu'elle fût assiégée. Jean Ouschard, capi-
taine des Ecossais, partit aussitôt, avec une nombreuse compagnie.
1. Fr. 26049, n»» 689, 690. Stevenson, Préface, p. hj. Portef. Fontanieu,
410-116, au 6 janvier. K 62, n" 32. Fr. 25768, n" 227.
2. Gruel, 194. Cousinot, 253.
3. Portef. Fontanieu, 115-116, au 6 janvier 1427. S. Luce, Hist. de du
Guesclin, 1, 248, 522.
136 WARWICK ASSIÈGE PONTORSON (14:27, FÉVRIER)
Cette défection n'affaiblit pas le courage des Bretons; ils atten-
dirent résolument l'ennemi '.
Le comte de Warwick vint mettre le siège devant Pontorson
vers la fin de février 1427 *. Ni le nombre des assiégeants, ni la
renommée de leurs capitaines, ni l'artillerie formidable qu'ils
tournèrent contre la place, n'intimidèrent la vaillante garnison.
Elle fit des sorties et repoussa plusieurs assauts, dans lesquels
les Anglais perdirent beaucoup de monde. Elle espérait être
bientôt secourue, sinon par le duc de Bretagne, du moins par le
connétable. Richemont s'était rendu en Bretagne, avec J. Stuart,
le maréchal de Boussac, plusieurs autres capitaines français et
bon nombre de gens d'armes '. Il voulait obtenir de son frère
d'autres troupes et aller au secours de Pontorson. Le duc était à
Dinan, où il avait appelé toute la noblesse de Bretagne, ban et
arrière-ban, comme s'il avait eu l'intention de combattre. Une
armée se trouva réunie dans la lande de Vaucouleur, où elle
fut passée en revue, puis Jean V en congédia la plus grande
partie, sous prétexte que Pontorson était trop peu de chose
pour qu'il aventurât ainsi sa noblesse. Beaucoup de seigneurs
bretons ne demandaient qu'à marcher au secours de leurs com-
patriotes, et nul doute qu'ils eussent suivi avec ardeur le conné-
table, s'il avait voulu les mener contre les Anglais.
Pourquoi donc n'agissait-il pas avec résolution? Sans doute il
craignait de mécontenter son frère, et il n'avait pas confiance
dans ces troupes indisciplinées qui l'avaient si mal secondé
l'année précédente; mais un nouvel échec était-il moins préju-
diciable à ses intérêts et à son honneur que celte inaction inex-
plicable? En conserverait-il mieux Talliance de la Bretagne, et
n'avait-il pas le devoir de secourir ceux qui se dévouaient pour
lui? Au contraire, un succès, même léger, pouvait relever l'in-
fluence du parti français, empêcher la défection de Jean V et
donner plus d'autorité au connétable. La courageuse résistance
des défenseurs de Pontorson fait supposer que leurs efforts,
joints à ceux d'une armée de secours, auraient mis les assié-
geants dans une situation critique.
Le comte de Warwick, instruit du rassemblement de troupes
1. Gruel, 194. Cousinot, 233. Le Baud, 472. D'Argentré, 773.
2. Le 27 février, d'après Gruel et D. Morice, et non le H janvier. Voir
aussi la Chron. du Mont Saint-Michel, publiée par S. Luce, I, p. 29,
note 1, et p. 256, note 1.
3. Il semblerait même qu'on leva le ban et l'arrière-ban pour Xa. journée
de Pontorson, « par vertu de certain mandement général par nous fait que
tous nobles et autres, suivans la guerre, alassent à la journée qui devoit
estre à Pontorson, » lit-on dans des lettres royaux (X?» 9193, f° 276).
CAPITULATION DE POiNTORSON (1427) 137
qui se faisait dans le voisinage, n'était point rassuré. II s'atten-
dait à être attaqué par le duc de Bretagne, par le connétable,
par le roi de France lui-même. Le 17 et le 19 mars, il écrivait
précipitamment à J. Salvain, bailli de Rouen, pour lui or-
donner d'envoyer, sans aucun retard, tous les soldats qu'il
pourrait trouver dans le pays *. Les craintes de Warwick ne se
réalisèrent pas. Th. de Scales, capitaine de Saint-James-de-
Beuvron, eut tout le temps de réunir à Avranches des troupes
pour couvrir le siège, et il devint plus difficile de secourir Pon-
torson. Cependant cette ville, qui, selon le duc de Betagne, ne
valait pas la peine d'être défendue, résistait toujours, et la gar-
nison ne perdait pas espoir. Un baron normand, Jean de La
Haye, seigneur de Coulonces-, qui s'était déjà distingué à Saint-
James-de-Beuvron, alla chercher des renforts en Bretagne, pour
tendre une embuscade aux Anglais d'Avranches, qui devaient
amener des vivres à l'armée de Warwick. Cette année-là, les
vivres étaient fort chers ' et les assiégés commençaient à en
manquer. Le connétable leur envoya d'Angers et de Nantes quel-
ques troupes, avec 1000 1. t. que leur porta Guill. Vendel, son
maître d'hôtel, mais ce n'était là qu'un secours bien insuffisant
et ils furent obligés de demander d'autres ressources à leur
propre courage.
Le jeudi saint, 17 avril, le baron de Coulonces, avec ses com-
pagnons, attaqua Th. de Scales, dans un lieu appelé les Bas-
Courtils, entre Pontorson et Avranches, sur les grèves du mont
Saint-Michel. Il fut vaincu et tué. Les seigneurs de La Hunau-
daye, de Ghâteaugiron périrent aussi; beaucoup d'autres furent
pris, comme le vicomte de Bellière et Jean Gruel *. Th. de Scales
alla ensuite rejoindre Warwick. Malgré ce désastre, les assiégés
tinrent encore plus de trois semaines et ne cédèrent qu'à la
famine, quand ils eurent perdu tout espoir d'être secourus.
Lo 8 mai, ils sortirent honorablement, avec leurs bagages, de
cette ville, qu'ils avaient si bien défendue. « C'étaient à la vérité
de vaillants et résolus soldats, qui dussent bien avoir été nommés
par leurs noms et surnoms, pour être représentés à la mémoire
de la postérité pour le grand devoir qu'ils firent*. » Il est certain
1. Fr. 23189, f»» 10 et 40. Les deux lettres sont dans Stevenson, t. II,
68, 71-73. — Voir aussi Fr. 20587, n» 9.
2. Voy. Append., XLVI.
3. JJ 174, f^ 31.
4. Voir la Chronique du Mont Saint-Michel, publiée par Siméon Luce
(Société des anciens textes), t. I, p. 29, 257-264, JJ 174, f'> 145, n» 338.Mon8-
trelet, IV, 288.
5. D'Argentré, 774. Sur le siège de Pontorson, voy. Gruel, 194; Cousinot,
p. 253; Le Baud, p. 472-73; d'Argentré, p. 774; J. Chartier, I, 60. Fr. 20684,
138 ACTIVITÉ DE BEDFORD (1427)
que Richemont avait réuni des troupes à Angers pour secourir
Pontorson \ et il est difficile de comprendre pourquoi il ne les
conduisit pas lui-même contre les ennemis. Le cas en valait la
peine. Sans doute il n'aurait pas été secondé par son frère
Jean V, mais il n'en allait pas moins perdre entièrement son
appui. D'autre part, après Saint-James-de-Beuvron, ce nouvel
échec n'était guère propre à relever son prestige. Il eût donc
mieux valu, pour lui, montrer dans cette circonstance l'audace
dont il fit preuve en d'autres cas.
Il n'avait pas attendu la fin du siège de Pontorson pour revenir
à la cour, où l'appelaient d'ailleurs les devoirs de sa charge. Il est
juste de reconnaître que la direction de la guerre n'avait jamais
été aussi difficile, depuis qu'il avait pris l'épée de connétable.
L'impulsion de Bedford se faisait partout sentir. Il avait donné
au comte de Salisbury les biens qui, en dehors de la Bretagne,
appartenaient à Jean V ^ ; il faisait lever en Normandie et dans
les autres pays soumis 180,000 livres tournois pour acheter des
canons, des munitions de guerre, pour payer 1200 lances, avec
les archers destinés à la conquête du Maine et de l'Anjou
(4 mai) ^; il nommait le comte de SufFolk capitaine général dans
le Vendômois, le pays Chartrain, la Beauce et le Gâtinais, avec
ordre de combattre partout les Français ; il voulait prendre Ven-
dôme et Montargis, afin de s'ouvrir le chemin de la Loire et de
préparer le siège d'Orléans *.
Le connétable avait fort à faire pour tenir tête à un ennemi
aussi actif. Il semble, d'après un document anglais, qu'il fit, de
son côté, les plus louables efforts. Dans les lettres par lesquelles
Henri VI nomme Suffolk capitaine général pour le fait de la
guerre dans le Vendômois, la Beauce, le pays Chartrain et le
Gâtinais, on lit que les Français occupent plusieurs villes et châ-
teaux de ces pays, « où ils se multiplient et se mettent sus en
puissance de jour en jour » (20 mai 1427) ^. D'autres documents
f» 549. Fr. 25767, n»s i97, 199, 211, 216, 217. Fr. 25768, n°' 219, 223, 225, 227,
232. Fr. 26049, nos 555, 687, 689-699, 709, 712, 715, 718, 719. Fr. 26050, n»» 740,
746, 749. Fr. 26274, n°^ 103, 104. JJ 174, f» 7 v». Clairamb., t. 11, f" 683.
Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. H65-H66, 1206. Clwon. du Mont Saint-
Michel, 253-258. A celte époque, des marins bretons avaient menacé les
côtes du Devonshire (Moreau, 705, ou Bréquigny, 81, f"' 50, 53).
1. Au mois d'avril, il avait réuni à Angers, pour le secours de Pontor-
son, des troupes écossaises, castillanes, françaises, qui reçurent même
leur solde. P. Bessonneau devait conduire l'artillerie (Fr. 20684, f- 549).
2. JJ 173, f" 316 (28 avril).
3. Fr. 26049, n" 712.
4. Fr. 26049, n° 724.
5. Fr. 26049, no 724.
RICHEMONT RÉSISTE AUX ANGLAIS (1427) 139
de même provenance nous apprennent qu'il y avait eu à Rouen
une nouvelle conspiration contre les Anglais et qu'un bourgeois,
nommé J. Aubert, avait essayé, avec ses complices, de livrer
cette ville aux Français, pendant la semaine sainte *. Si l'on consi-
dère que des troupes de Charles VII avaient paru, à cette même
époque, dans le voisinage d'Evreux, on peut supposer qu'elles
étaient plutôt destinées à favoriser la tentative de J. Aubert
qu'à secourir Pontorson, La guerre, dont nous ignorons les
détails, se fit aussi dans la Normandie, l'Ile-de-France, le
Maine, l'Anjou, partout, en un mot, où Charles VII avait encore
des partisans *, et, si l'attaque fut impétueuse, la résistance fut
certainement très vive. La ville de Rambouillet, dont les murs
avaient été détruits, fut occupée et remise en état de défense;
Laval et Montargis furent munis de vivres et de troupes avec une
«âge prévoyance, et, s'il est regrettable que Richemont n'ait pas
fait plus d'efforts, pour délivrer Pontorson, il faut bien recon-
naître qu'il avait d'autres soucis et d'autres devoirs, auxquels il
ne faillit point '.
Les forces du Midi devaient aussi concourir à la défense des
provinces du Nord, sous le commandement du comte de Foix, qui
aimait mieux rester auprès de Charles VII que d'aller combattre
les Anglais dans son gouvernement de Guyenne et Languedoc.
Il eût peut-être mieux valu faire une diversion de ce côté que
de payer fort cher l'inaction des Anglais et l'évacuation de quel-
ques places; mais le comte de Foix et le comte de Coraminges,
son frère, trouvaient sans doute leur avantage à ne point s'éloi-
gner de la cour '% car il était facile d'obtenir les faveurs du roi,
quand on savait lui plaire. Maintenant c'était Camus de Vernet %
1. Ms. Fr. 26049, n» 731. — J. Aubert, avec ses complices, s'enfuit à
Bruges et les magistrats de cette ville refusèrent de les livrer à J. Pigache,
sergent de Henri VI (n" 731).
2. Dans la Champagne et le Soissonnais, par exemple (voy. Stevenson,!,
p. 23). On voit dans JJ 174, f» 43, que Henri VI donna le 4 février 1428, à
J. Talbot, les terres qui appartenaient à Rob. StalTord, écuyer, capitaine
des ville et château de La Ferté-Bernard, parce que, peu auparavant, celui-
■ci avait laissé prendre ladite ville et le château. Une autre pièce, du 8 mai
4427, mentionne « latrayson den'enièrement faicte et conspirée de la prinse
de Pethiviers » par les Français (JJ 174, f" 63, n» loi). Cette ville avait été
livrée aux Anglais auparavant, et G. de La Trémoilie n'aurait pas été étran-
ger à cette trahison, d'après Cousinot, p. 201.
3. Fr. 26050, n" 771. Fr. 20684, f- 546.
4. Fr. 20587, n" 33, 34. Fr. 25767, n"» 194, 196, 204-210. Fr. 23768,
n" 221, 222, 234-237, 244. Fr. 26049, n" 680, 686. Fr. 26030, n" 732, 733,
733, 737. Portef. Fontanieu, 113-116, aux 19 et 29 janvier, 18 aoi^t, 13 sep-
tembre 1427. K 62, n» 33.
5. « Sachent tuit que je, Camus de Vernet, dit de Beaulieu, escuier des-
«uierie du roi • etc., avec signature (Pièces orig., dossier Vernet, n» 2). Voir
140 ASSASSINAT DE BEAULIEU (1427, JUIN)
dit de Beaulieu, simple écuyer commandant une compagnie de
la garde du corps, qui tenait le premier rang dans ses bonnes
grâces. Il était parvenu, bien mieux que L. de Chalançon, à
remplacer le sire de Giac et « faisait encore pis * ». Tous ceux
dont il craignait l'influence, il les écartait du roi, sans en excepter
le connétable, auquel il devait sa situation *.
La reine de Sicile et les principaux seigneurs, mécontents de
ce nouveau favori, portèrent leurs plaintes à Richemont, qui
n'était pas d'humeur à tolérer longtemps l'outrecuidance d'un
si mince personnage. Jean de Brosse, seigneur de Boussac et de
Sainte-Sévère, qui avait peut-être des griefs personnels contre le
favori, se chargea de le faire disparaître. Pour cela, il s'entendit
avec un gentilhomme appelé Jean de La Granche, ami intimé de
de Beaulieu '. La cour se trouvait alors à Poitiers (juin). Un
jour que Camus de Vernet et Jean de La Granche se promenaient
seuls sur les bords du Glain, dans une prairie voisine du châ-
teau, survinrent cinq à six compagnons apostés près de là par
Boussac, Le roi, qui regardait par une fenêtre, vit alors une
scène horrible. Les assassins frappaient à grands coups d'épée
le malheureux Beaulieu, qui tomba la tête fendue ; ensuite, ils lui
coupèrent une main, comme on avait fait au sire de Giac, et,
quand ils se furent assurés que leur victime avait cessé de vivre,
ils prirent la fuite. Le roi, saisi d'horreur, sut bientôt que c'était
son favori qu'on venait de tuer si audacieusement sous ses yeux,
quand il vit Jean de la Granche ramener au château le mulet de
son compagnon. Il ordonna qu'on poursuivît les assassins, pour
les livrer à la justice; ses gardes montèrent à cheval, fouillèrent
les environs, mais on ne put découvrir ceux qui avaient fait le
coup * (fin de juin 1427). Les chroniqueurs du xv" siècle racon-
aussi Pièces orig., t. 553, dossier Beaulieu. Camus était alors capitaine de
Poitiers, premier écuyer et grand maître de l'écurie (Anselme, VIII, 488;
Gruel, 194; Cousinot, 247, 248).
1. Gruel, 194.
2. J. Chartier, I, 23.
3. 11 est à remarquer que ni Cousinot, p. 200, 247, 248, ni Gruel ne
mettent en cause le connétable dans l'assassinat de Beaulieu. Peut-être
Boussac avait-il à se plaindre personnellement de Beaulieu. — J. Chartier
dit que Beaulieu fut tué par des gens du connétable, sans ajouter d'autres
détails. D'Argentré, Le Baud, D. Morice attribuent l'initiative au conné-
table. D'Argcntré ajoute cette réflexion : « tant faisoit mal s'attaquer là. »
4. Gruel, 194. Cousinot, 200, 248. J. Chartier, I, 54, III, 189. Le lundi
7 juillet 1427, le Parlement, après informations, ordonna de k prendre aux
corps, en lieu sainct et dehors, un appelle Baugiz, cappitaine de Roche-
corbon, un autre appelle Le Borgne et un antre appelle Loys Mignot, les-
quelx, par lesdictes informacions, la court a trouvé chargez de la dicte
mort (de feu Jehan Le Vernet, dit le Camus de Beaulieu) [X2a21, f° 76 v«].
G. DE LA TRÉMOILLE (1427) 441
tent ou mentionnent brièvement ce crime, qu'ils attribuent plutôt
à Boussac qu'à Richemont, et cela sans aucun blâme, comme s'il
s'agissait du fait le plus simple et le plus naturel. Il est probable
qu'à cette époque l'assassinat de Beaulieu n'excita pas la répro-
bation que soulèverait aujourd'hui un acte pareil ; mais on peut
dire que, si le connétable en avait ordonné plusieurs autres de ce
genre, il aurait moins mérité le surnom de justicier que celui
de bourreau *.
Richemont eut alors l'idée malheureuse de remplacer Camus
de Vernet par Georges de La Trémoille, qui l'avait si bien secondé
dans sa lutte contre P. de Giac.
Georges de La Trémoille ^, comte de Guines, de Boulogne et
d'Auvergne, baron de Sully, de Graon, de Saint-Hermine, de
l'Isle-Bouchard, était un riche et puissant seigneur; mais jusque-
là son rôle n'avait pas été à la hauteur de sa fortune et de son
ambition. Attaché d'abord au parti bourguignon, premier cham-
bellan de Jean sans Peur, en 1407, il avait ensuite embrassé le parti
armagnac et avait été, comme Richemont, un des familiers du
vieux duc de Berry et du Dauphin, duc de Guyenne. Il avait su
plaire à la duchesse de Berry, comme Artur de Bretagne à la
duchesse de Guyenne. Pris aussi à la bataille d'Azincourt, il
n'avait pas tardé à se racheter, et, peu après la mort du duc de
Berry, il avait épousé (16 novembre 1416) sa veuve, Jeanne,
comtesse de Boulogne et d'Auvergne ', qui était morte sans en-
fants (1422), en lui laissant l'usufruit de ses domaines.
A ce moment même (2 juillet 1427), il se remariait avec la
veuve de Giac, Catherine, dame de l'Isle-Bouchard, de Roche-
fort-sur-Loire, de Doué, de Gençay *. G. de La Trémoille était un
1. Beaulieu fut assassiné vers la fin de juin 1427. Vallet de V. (t. I, 455,
note 1) dit que le bâton de maréchal fut, e« 14^7 pour Sainte-Sévère
(Boussac) le prix de cette mission, et il renvoie à Cousinot, ch. 221. Or,
dans son édition de Cousinot (p. 200, note 5), Vallet de V. dit que Sainte-
Sévère fut maréchal de France le H juillet 143i6. La Thaumassière {Hist.
du Berry, 654-655) donne la même date du 17 juillet 1426, ainsi que le
P. Anselme (VII, 71). M. de Beaucourt donne aussi la date de juillet 1426,
dans son Hist. de Charles VU, t. II, 568.
2. Né vers 1385, fils de Guy VI de La Trémoille (-f 1398) et de Marie de
Sully. Il avait environ quarante ans en 1427 (Anselme, IV, 164; VI, 345;
Riog. Didot, article La Trémoille, t. 29). Il est à remarquer qu'il signe
toujours George de La Tremoylle, tout au long (voy. Clairamb., t. 204 et 205).
3. Il l'avait traitée si durement qu'elle fut obligée de le quitter (X*" 9200,
f* 385 V» ; voir aussi X»» 9197, f 192 v),
4. Anselme dit, par inadvertance (t. IV, 164), le 2 juillet 1425, au lieu
de 1427. On a vu que Giac fut exécuté en février 1427. Des lettres de
rémission sont accordées le 9 septembre 1427, par Henri VI, à Anne,
femme de Jean Hoste, bourgeois de Bruges, âgée d'environ vingt et
142 FAVEUR DE G. DE LA TUÉMOILLE (1427)
des conseillers du roi. Son frère, Jean de La Trémoille, seigneur
de Jouvelle, avait auprès de Philippe le Bon, dont il était le pre-
mier maître dhôtel, un crédit que le connétable espérait peut-
être utiliser. Il l'avait déjà chargé d'une mission diplomatique
auprès de Philippe le Bon •. Habile, audacieux, cprrompu, G. de
La Trémoille pouvait être un auxiliaire précieux, mais aussi un
ennemi redoutable. Richemont devait le connaître assez ^ pour-
savoir qu'il ne trouverait pas en lui un de ces conseillers sages et
honnêtes dont il aurait voulu, disait-il, entourer le roi; mais il
croyait sans doute qu'en maintenant La Trémoille sous sa direc-
tion, il tirerait parti de ses relations et de ses talents. En tout
cas, on ne peut supposer qu'il ait fait un choix aussi important
sans avoir consulté la reine de Sicile, et il est certain qu'ils ne
soupçonnaient ni l'un ni l'autre la dangereuse ambition de leur
protégé ^.
Quant à Charles VII, il avait, mieux que personne, deviné le
véritable caractère de La Trémoille, et il éprouvait peut-être quel-
que répugnance à recevoir dans son intimité celui qui avait
conspiré la perte du sire de Giac * ; mais « le connestable luy dist
que c'estoit un homme puissant et qui le pourroit bien servir. Et
le Roy luy dist : Beau cousin, vous me le baillez, mais vous en
repentirez, car je le congnois mieux que vous ^ » Richemont eut
tort de ne pas croire à cet avertissement, et la prédiction du roi
se réalisa bientôt. C'est ainsi que, par la volonté du connétable,
G. de La Trémoille devint le favori de Charles VIL II en profita
pour devenir le maître de la France ^.
uu ans, qui s'est enfuie de Bruges, le lendemain de la Pentecôte 1426,
avec Georges de La Trémoille, et qui est encore en sa compagnie, mais
qui demande à revenir en Flandre (JJ 174, f 22). La Trémoille, arrêté le
30 décembre 1423, par Perrinet Grasset, capitaine de La Charité, puis relâ-
ché, moyennant rançon, était allé à Bruges trouver le duc de Bourgogne
(de Beaucourt, t. II, 128, 373, 373; Collect. de Bourgogne, t. 100, f» 213; Con-
saux de Tournay, II, 196, 203, 204). Voy. ci-dessus, p. 113 et note 4,
1. C'est en parlant pour cette mission qu'il avait été arrêté.
2. Il avait dû connaître, avant la bataille d'Azincourt, La Trémoille, qui
était aussi un des familiers des ducs de Berry et de Guyenne. Une lettre
du connétable prouve qu'en 1427 il était dans les meilleurs termes avec
La Trémoille (voir ^p/jend., XLVU).
3. Redet, Catalogue de D. Fonteneau, 1839, in-8, p. 323. Arch. des aff.
étrangères, t. 21, France, f" 76 v et s.uiv. Fr. 2140a, f" 33. Bib. de l'Ecole
des chartes, t. XXXIII, 1872, p. 30.
4. Toutefois La Trémoille, homme de plaisir et qui était un des fami-
liers du roi, avant sa brouille avec le sire de Giac, ne devait pas être anti-
pathique à Charles VII, qui lui pardonna facilement. Dès le mois de mai
G. de La Trémoille était revenu à la cour.
5. Gruel, 194.
6. « En 1427 entra en court le sire de La Trémoille et de Sulli, qui, en
LA TRÉMOILLE ATTAQUE RICHEMONT (1427) 143
Il ne tarda pas à exercer l'empire le plus absolu sur le roi, qui
semblait avoir conscience de sa propre faiblesse, quand il enga-
geait Richement à faire un autre choix. La ïrémoille n'ignorait
pas l'antipathie que le connétable inspirait au roi, et il travailla
perfidement à précipiter la disgrâce de son protecteur, dès qu'il
n'eut plus besoin de son appui. Il sut écarter Yolande *, dont
l'influence l'eût gêné. D'ailleurs, il fut trop bien servi par les
circonstances. Le duc de Bretagne, qui avait continué ses négo-
ciations avec Bedford, allait enfin obtenir la paix qu'il sollicitait.
Le 3 juillet 1427, Henri VI chargeait ses ambassadeurs de con-
clure un traité avec le duc de Bretagne, selon les ouvertures que
celui-ci avait faites au régent^. Par lettres du 12 juillet, le comte
de Huntingdon recevait les « conté, terre, seigneurie et baronnie
d'Yvry, » dont Henri V avait gratifié jadis Artur de Bretagne et
qui étaient maintenant confisqués, pour la rébellion, désobéis-
sance et autres crimes de lèse-majesté commis par lui envers le
roi d'Angleterre ^. Le connétable de Charles VII n'avait qu'à se
féliciter de cette décision; mais il ne put que déplorer amèrement
la rupture du traité de Saumuretlaperte de l'alliance bretonne.
Enfin les Anglais assiégeaient Montargis et faisaient, par mer,
une tentative sur La Rochelle *.
Comme si ce n'eût pas été assez d'avoir à repousser toutes ces
attaques avec des ressources très insuffisantes, Richement éprou-
vait encore d'autres contrariétés, en voyant que le nouveau
favori ne cherchait qu'à lui nuire. Le roi enleva d'abord au con-
nétable le gouvernement du Berry ^ pour le donner à G. de La
Trémoille. C'était là un acte dont la signification n'était pas dou-
teuse; c'était le commencement d'une lutte qui allait durer
six ans et ajouter aux périls de la guerre étrangère les malheurs
d'une guerre civile. La cour fut bientôt divisée en deux partis,
celui du connétable et celui de La Trémoille. Outre son alliée
tout cas, et devant tous, prinst auctorité et gouvernement, qui à plusieurs
tourna à grant desplaisance, pour tant que entour le duc de Bourgoigne
furent tous ceux de son parenté ; avec ce que lui-mesme avoit le roi guer-
royé et par son moyen avoit esté mis es mains du seigneur de Rochefort,
sou pronchain parent, qui le parti tint des Anglois, le chastel d'Estampes,
avec Penthviers et autres places, dont il faisoit au roi guerre. Néant-
moins nul ne fut qui contredire l'osast. » (Gousinot, p. 201 ; voir aussi la
note 3.)
1. De Beaucourt, t. Il, 146, 153.
2. Arch. de la Loire-lnf., cass. 47, E, 111. Portef. Fontanieu, 113-116, au
3 juillet.
3. Vov. Append. XLVIII. Voy. ci-dessus, p. 60.
4. Fr.'20a83, f» 63. Vallet de V., Charles F//, t. Il, 24.
5. Voy. La Thaumassière, p. 46.11 indique la date 1426, mais ce doit être
1427.
144 LLTTE ENTRE RICHEMONT ET LA TRÉMOILLE (1427)
fidèle, la reine Yolande, Richemont eut encore pour lui les
grands seigneurs, comme les comtes de Glermont, de la Marche,
d'Armagnac, de Pardiac; mais La ïrémoille, qui disposait des
faveurs royales, qui avait par lui-même une grande fortune et
de hautes relations, put attirer et retenir dans son alliance tous
ceux que l'ambition et l'intérêt poussaient à partager sa fortune,
Regnault de Chartres, Guill. d'Albret, R. de Gaucourt, J. deHar-
pedenne, seigneur de Belleville \ qui avait épousé Marguerite
de Valois, sœur naturelle de Charles VII, etc. ^ Combattre les
Anglais et lutter contre La ïrémoille soit pour le renverser, soit
pour déjouer ses machinations incessantes, telle fut désormais
la double tâche du comte de Richemont, rôle ingrat et déplorable,
où il usa vainement toutes ses forces, où il se trouva réduit, par
la malignité de son adversaire, à prendre l'attitude d'un rebelle,
quand il ne voulait que se consacrer au service du roi et de la
France !
Le connétable conclut d'abord un pacte d'alliance avec les
comtes de Glermont et de Pardiac « au bien et prouffît de mon-
seigneur le Roi et de Sa Seignorie » contre ceux qui feraient ou
voudraient « faire ou procurer le dommaige, desplaisir ou déshon-
neur de mon dit seigneur le Roi et de Sa Seignorie ^ » (4 août 1427).
Ce traité ne fut pas suivi d'un effet immédiat, car il fallut aupa-
ravant s'occuper des Anglais. Ils échouèrent dans leur tentative
sur La Rochelle (août 1427) * et ils subirent un autre échec en-
core plus grave devant Montargis. Bedford attachait la plus
grande importance à la prise de cette ville, dont la possession
lui eût ouvert le chemin de la Loire. Il avait envoyé devant
1. De Beaucourt, t. II, lo8-lo9. Jeaa Harpedenue réclamait le château de
Mervent à Richemont et lui avait intenté uu procès (X'a 9200, f" 36, 147;
Zu 16, fo» 126 V», 143; Fr. 20416, f» 22). R. de Gaucourt était, par sa fename,
beau-frère de P. Frotier (X"» 9200, f* 242); il revenait alors de captivité.
2. 11 semble que Bedford ait voulu brouiller G. de La Trémoille avec
son frère, Jean de La Trémoille, seigneur de Jouvelle, en donnant à ce
dernier tous les biens provenant de la succession de leur mère et actuel-
lement en possession de son frère Georges (lettres du 24 juillet 1427, dans
le registre JJ 173, f- 346 v», n" 716).
3. Preuves de Ihist. de Bretagne, II, col. 1199. Le comte de Pardiac conclut
ensuite à Ebreuil, le dernier jour d'août, avec le comte de Glermont, un
autre traité, dans lequel étaient compris son frère le comte d'Armagnac et
son beau-père Jacques, roi de Hongrie, de Sicile et de Jérusalem, comte de
la Marche et de Castres. (P 1373 ', cote 215S ; de Beaucourt, Charles VU,
t II, p. 150 et note 4). Jean IV d'Armagnac était beau-frère du connétable
(voy. Anselme, III, 420 et suiv.). Les comtes de la Marche et de Pardiac étaient
ennemis personnels de La Trémoille, pour avoir donné asile à sa première
femme, la duchesse de Berry, qui leur avait laissé une partie de ses biens
(X»a 9200, f"» 121 v», 135 V, 169, 385 V).
4. Fr. 20583, f» 63.
SIÈGE DE MONTARGIS (1427) 145
Montargis les troupes destinées d'abord au siège de Vendôme
avec Guiil. de La Pôle, comte de Suffolk et de Dreux, le comte
de Warwick, Talbot, et Simon Morbier, prévôt de Paris (juillet
1427) *.
Richemont comprenait également la nécessité de défendre
une place dont la prise eût découvert Orléans et facilité les com-
munications des Anglais avec la capitale. Il envoya une première
fois des secours à Montargis, avec Jean Girard, en juillet 1427,
mais sans succès ^, puis, quand il sut que le siège était poussé
avec acharnement et que la ville allait être réduite par la famine
à capituler % il voulut la sauver à tout prix. Malgré les obsta-
cles qui l'arrêtaient, il réunit à Gien et à Jargeau * tous les gens
d'armes qu'il put trouver : le connétable d'Ecosse, le bâtard
d'Orléans, La Hire, Saintrailles, les sires de Gaucourt et de Gui-
try, Giraud de La Pallière, Alain Giron, Guillaume d'Albret, sei-
gneur d'Orval, J. Girard, Gauthier de Brusac, les sires de Gra-
viile et d'Arpajon, etc. ^.
Le connétable n'avait pas reçu assez d'argent pour payer ces
troupes, et elles refusaient de marcher. Pénétré de l'importance
de l'entreprise, il emprunta une somme considérable à un négo-
ciant de Bourges, nommé J. Besson, en lui laissant comme gage
une couronne d'or, enrichie de pierreries et qui valait au moins
10 000 écus ^. Après avoir ainsi satisfait les gens d'armes et
réuni des approvisionnements ^, il les voulut conduire lui-même
à Montargis; mais « tous les capitaines et gens de grand estât
l'en destournèrent et luy dirent que ce n'estoit pas le faict d'un
homme de telle maison et connestable de France d'aller avitailler
une place ; et, quand il iroit, ce debvroit estre pour attendre la ba-
taille, et il n'avoit pas des gens pour ce faire '. » Il chargea le bâ-
tard d'Orléans et La Hire de diriger l'expédition. Ces vaillants ca-
pitaines surprirent les ennemis, firent entrer un convoi de vivres
1. Fr. 26030, n" 746, 807. Fr. 4484, f<>» 43 v», 47, 48, 50-65, 68-73, 176.
Voir ^^/)endîce, XHX. Jean, seigneur de Talbot et de Fournival, avait déjà
une grande réputation militaire. Bedford lui donna de vastes domaines.
11 était le parrain de son fils (JJ 174, î°' 45, 47, 63).
2. Fr. 20684, f" 546 v». « A la première fois ne firent rien, puis ils y
retournèrent une autre fois. » (Gruel, 195.)
3. Les habitants furent, pendant deux mois ou environ, « tenus en
grant détresse et nécessité et telement qu'ilz n'avoient plus de quoi
vivre » {Ordonn. XIII, p. 152).
4. Arrondissement d'Orléans.
5. Fr. 26084, P» 550. Gruel, 195. Cousinot, 243-247.
6. Gruel, 195.
7. Les vivres étaient alors fort chers, et les Anglais eux-mêmes éprou-
vaient de la difQculté à s'en procurer (JJ 174, i° 31).
8. Gruel,. 195.
Richemont. 10
146 DÉFAITE DES ANGLAIS A MONTARGIS (1427, 5 SEPT.)
dans Montargis, et, secondés par les habitants et la garnison, ils mi-
rent les assiégeants en pleine déroute. Les Anglais éprouvèrent
de grandes pertes et se retirèrent, abandonnant leurs approvi-
sionnements, leurs bagages, leur artillerie (5 septembre 1427) '.
Richemont, qui était à Jargeau, fut informé promptement
de ce succès. Il l'apprit avec une joie enthousiaste, et, sans
attendre un rapport circonstancié sur cette journée, il se hâta
de publier partout cette bonne nouvelle. Dès le lendemain
(6 septembre), il écrivit lui-même de Jargeau aux Lyonnais, pour
leur annoncer la victoire que ses gens venaient de remporter sur
les Anglais. Dans sa précipitation, il ne prit pas le soin de con-
trôler les premiers renseignements qu'il avait reçus. Il répétait
que beaucoup d'ennemis avaient été tués ou pris, notamment
leurs principaux chefs, Warwick et SufTolk ^. Malgré l'inexacti-
tude et l'exagération de ces derniers détails, il n'en est pas moins
vrai que cette défaite des Anglais devant Montargis était un très
grand succès pour les armes françaises. C'était la première vic-
toire remportée depuis le commencement de ce règne *; elle
pouvait relever les courages; elle jetait un rayon d'espoir sur
la sombre tristesse de ces jours d'épreuves.
C'est au bâtard d'Orléans qu'en revint le principal honneur,
et c'était justice, bien que La Hire eût puissamment contribué à
la défaite des Anglais. Il semble même que le roi, ou plutôt La
Trémoille, ait mis une complaisance calculée à exalter cet exploit
i. Gruel, 193. Le Fèvre de Saint-Remy, II, 130-131. Cousinot, 201, 243-
24T. Monstrelet, IV, 271-275. Raoulet, à la suite de J. Charlier, III, 191,
192. Ordonn. XIII, 132, 167. Fr. 2603O, n» 807, Ms. latin 6024, n» 26, Fr.
4484, f" 11 V", 176, 178-183, 204. Ms. 3Qod , {Histoire) à la bibliothèque de l'Ar-
senal, f" 116. (C'est le Jouvencel de J. de Bucil, avec le commentaire de
G. Triûgant). Le Bonrg. de Paris, p. 217, note 4 et p, 221. Martial d'Au-
vergne, édition Goustelier, Paris, 1724, t. I, p. 90. Chron. Martinienne, édit.
golh., f'' ccLxxvi, Médaille commémorative dans Mézeray, //wf . de Fr., édit,
de 1646, in-f", II, 84, n» 4. Pour récompenser de leur belle conduite les
habitants de Montargis, le roi accorda de nombreux privilèges à cette
ville (voir Ordonn. et X'* 8604, f' 104). Longtemps on célébra la fête aux
Anglais sur le pâtis où avait eu lieu le combat et où l'on avait élevé la
croix aux Anglais (de Girardot et D' Ballot, Documents sur Montargis ;
Montargis, 1833, in-8). J. Dupuis, Mémoire sur le siège de Montargis,
Orléans, 1833, gr, in-8. Append. L. Bedford voulut ensuite recommencer le
siège de Montargis. (Fr. 26050, n» 771, et Fr. 26057, n» 2106.)
2, Revue du Lyonnais, 343. La lettre est peut-être olographe.
3. « Le premier et principal eur que ayons, en tel cas, eu sur nos
ennemis, et comme le commencement de la recouvrance depuis par nous
faicte de plusieurs nos pays, etc. » {Ordonn. XIII, p. 167). Toutefois c'est en
septemhjre 1427 que fut levé le siège de Montargis et non en 1426, comme
le dit la préface du t. XIIl des ordonnances (p. xv), sans doute d'après
Monstrelet et Cagny.
AUTRES SUCCÈS DES FRANÇAIS (1427) 147
du bâtard, comme s'il avait eu la secrète intention de rabaisser
ainsi le connétable. En tout cas, il eût mieux valu, quoi qu'en
disent Gruel et d'autres auteurs, que Richemont eût dirigé lui-
même cette expédition et qu'il en eût recueilli toute la gloire *.
Dans sa lettre du 6 septembre aux Lyonnais, il les informait
encore que ses troupes avaient pris Marchenoir * et Mondou-
bleau ^, où elles avaient gagné une belle artillerie, que les enne-
mis y avaient laissée pour le siège de Vendôme. Enfin, le jour
même où était levé le siège de Montargis, Ambr. de Loré avait
battu à Ambrières * un capitaine anglais, H. Branch, qui était,
avec Fastolf, à Sainte-Suzanne ^. Le 9 septembre, L. d'Estoute-
ville, capitaine du Mont- Saint-Michel, infligea aux ennemis une
défaite qui leur coûta 2 000 hommes. Dans cette mémorable
semaine, la victoire souriait partout aux Français ®. Richemont
avait aussi fait occuper et fortifier Rambouillet '' et d'autres
places de la Beauce; partout en un mot, il avait opposé aux
Anglais une résistance honorable et quelquefois victorieuse. On
en trouve la preuve dans un document anglais. Le 22 sep-
tembre de cette même année, Bedford ordonnait qu'on envoyât
promptement, par eau, de Harfleur à Paris, quatre gros canons,
dont il avait besoin pour recommencer le siège de Montargis, ces
canons ne se pouvant trouver ailleurs aussitôt qu'il le fallait, « à
cause de la grant multitude qui en a esté rompue aux sièges qui
ont esté mis pour le recouvrement des places occupées par les
ennemis dans la Normandie, la France, l'Anjou, le Maine et
autre part * ».
Pendant que le connétable faisait de si louables efforts pour
relever la cause de Charles VII et la fortune de la France ^,
il était sans cesse harcelé par La Trémoille , et il appre-
nait que son frère, le duc de Bretagne, signait la paix avec
l'Angleterre (8 septembre 1427), moins de deux ans après ce
traité de Saumur, qui avait paru établir d'une manière si solide
1. Fr. 20382, n»» 18 et 19. Fr. 20379, f"' 133, 13i.
2. Arrondissement de Biois.
3. Arrondissement de Vendôme.
4. Arrondissement de Mayenne.
5. Arrondissement de Laval.
6. Revue du Lyonnais, 343, et Fr. 26050, no 807. Cousinot, 248. Vallet de
V., Charles Vil, t. II, 5.
7. Fr. 26030, n» 801. Enfin, d'après Cousinot, les Français recouvrèrent
Nogent-le-Rotrou, La Ferté-Bernard, Nogent-le-Roi, Châleauneuf-en-Thi-
merais, Béthencourt et autres places {Geste des nobles, p. 202).
8. Voy. Append. LI.
9. Il semble que M. du Fresne de Beaucourt se montre bien sévère
pour Richemont {Uist. de Charles VU, t. II, p. 29).
148 DÉFECTION DU DUC DE BRETAGNE (1427, SEPT.)
l'union de la France et de la Bretagne. La victoire de Montargis,
remportée plus tôt, aurait peut-être empêché la défection de
Jean V; mais il était alors trop engagé avec les Anglais pour
reculer. Ceux-ci, abandonnant Saint-James-de-Beuvron, qu'ils
avaient démantelé, venaient d'occuper fortement Pontorson,
dont Talbot avait été nommé capitaine ^ De là, ils surveillaient
et menaçaient encore de plus près la Bretagne. Le 8 septembre
et les jours suivants, le duc, les Etats, le comte de Montfort, fils
aîné de Jean V, Richard, comte d'Etampes, et beaucoup de sei-
gneurs bretons jurèrent le traité de Troyes et promirent hom-
mage à Henri VI, malgré la répugnance qu'éprouvaient plusieurs
d'entre eux 2,
Ce nouveau coup de la mauvaise fortune terrassa le conné-
table dans l'instant même où il commençait à se relever. Le roi
et La Trémoille ne gardèrent plus de ménagements envers lui,
après la défection de son frère. C'est tout au plus si la victoire
de Montargis ne tourna pas à son détriment. Quels services
avait-il rendus? Quels services pouvait-on maintenant attendre
de lui? N'avait-on pas le bâtard d'Orléans? On n'osa pas aller
jusqu'à lui enlever sa charge de connétable, mais on fit du
moins tout ce qu'on put pour l'empêcher de l'exercer. Riche-
mont s'obstina, malgré tout, à remplir ses devoirs, avant de ré-
pondre aux provocations de La Trémoille.
Vers la fin de septembre, le duc de Bedford ayant rassemblé
sur les marches du Maine, à Domfront, des troupes qu'il avait fait
venir du pays de Gaux, les envoya, sous le commandement de
Fastolf, attaquer plusieurs petites places situées aux environs de
Laval ^.Fastolf prit par composition Saint-Ouen *, Montsurs ^, Mes-
lay ° ; puis il assiégea le château de la Gravelle ''. Le connétable,
avec tout ce qu'il put trouver de gens d'armes, s'empressa d'aller
au secours du comte de Laval. Quelle que fût sa diligence, il ne put
arriver assez tôt pour empêcher la capitulation de la Gravelle.
1. Fr. 26030, n« 761. Talbot fut remplacé par Th. de Scales (Fr. 4488,
f»82).
2. Le comte de Porhoet, beau-frère de Jean V et de Richemont, jure le
9 septembre et proteste le 10 contre sa propre signature. Son père, le
vicomte de Rohan, proteste aussi contre cette signature (D. Morice, 1,
502, et Preuves, II, col. 1200-1204). K 168, n° 68. J 244, n° 98. J 244b, n" 99,
996,6, "•. Xia 8605, f»' 1-7. Fr. 26050, n»s 768, 769, 775, Lat. 6024, n" 26,
28. Voy. Appendice L.
3. Fr. 26030, n* 774. Gruel, 195. Cousinot, 249.
4. Arrondissement de Laval.
5. Id.
6. Id.
7. Id.
LUTTE ENTRE RICHEMONT ET LA TRÉMOILLE (1427) 149
Toutefois, comme les défenseurs de la place n'avaient promis de
la rendre que s'ils n'étaient pas secourus avant un jour fixé,
Richemont envoya Guill. Vendel avec ses archers. Cette troupe
parvint à pénétrer dans la Gravelle, et quand, au jour désigné,
Bedford vint réclamer la reddition du château, la garnison resta
sourde à toutes ses sommations. Le régent eut la cruauté de faire
couper la tête aux otages qu'on lui avait livrés, puis les Anglais
levèrent le siège de la Gravelle *.
Le connétable s'en vint ensuite à Laval, d'où il se rendit, par
Craon et Angers, à Loudun, pour aller trouver les comtes de Cler-
mont * et de La Marche. A Londun il apprit que ces deux seigneurs
devaient aller à Ghâtellerault, environ huit jours avant la Tous-
saint, et qu'ils lui donnaient rendez-vous dans cette ville, pour
aviser ensemble aux moyens de renverser La Trémoille. Averti de
ce qui se tramait contre lui, La Trémoille en conçut une haine
mortelle et ne recula pas devant une lutte qui avait été si funeste
à ses prédécesseurs. Instruit par leur défaite, il prit mieux ses pré-
cautions. Il n'eut pas de peine à persuader au roi que le connéta:
ble et ses alliés étaient des rebelles, qui attentaient à son autorité.
« Incontinent il fit défendre de par le Roy que homme ne fut si
hardy de les mettre en ville ny chasteau, ny de leur faire ouver-
ture en nulle place que ce fust ^ ». Richemont envoya ses fourriers
à Ghâtellerault; mais, quand il arriva lui-même, ils étaient encore
à la porte de la ville, dont on leur avait refusé l'entrée. Le con-
nétable ne fut pas plus heureux ; on ne tint compte ni de ses
ordres ni de ses menaces. Il dut se retirer, après avoir lancé sa
masse d'armes par-dessus la barrière, pour montrer son courroux.
1. Gruel n'indique pas ce fait ; il dit seulement que la place fut sauvée
par G. Vendel. C'est Gousinot qui donne ce détail, p. 249. M. de Beaucourt
fait un crime à llichemont d'avoir ainsi introduit ses archers dans la Gra-
velle, au mépris de la capitulation (Revue des questions hist., IX, p. 399,
note 5) ; mais était-ce là un moyen déloyal et illicite? Fontanieu, qui ne
saurait être soupçonné de partialité pour Richemont, dit (Ms. fr. 10449,
anc. sup'. fr. 4805, f" 151) que le cas était nouveau; mais il n'accuse
point Richemont de déloyauté, et il blâme la barbarie de Bedford. Enfiu,
les contemporains de G. Vendel lui faisaient de cette action un titre de
gloire (X'a 1479, f- 61 v»).
2. Le comte de Clermont venait de terminer (29 septembre) par une
transaction, moyennant indemnité, sa querelle avec l'évoque de Clermont,
et d'obtenir l'absolution des censures prononcées contre lui par le pape
(P 1373", cotes 2181 et 2181 bis), pour avoir arrêté et retenu prisonnier,
en mars 1427, M. Gouges de Charpaigne, évêque de Clermont et chance-
lier de France. Toutefois le comte de Clermont exigea de M^Gouges une forte
rançon, qui fut aussi payée en partie par le roi, comme celle du sire de
Trêves, l'année précédente (Anseluae, VI, 396-397; Biographie Didot, art.
Gouges; de Beaucourt, t. 11, 148.) Voy. ci-dessus, p. 12o.
3. Gruel, 195.
150 LUTTE ENTRE KICHEMOÎNT ET LA TRÉMOILLE (1427)
Il alla « loger aux champs» environ deux lieues plus loin, entre
Ghâtellerault et Chauvigny i, puis il se dirigea vers cette der-
nière ville en suivant les bords de la Vienne. Chemin faisant, il
aperçut des gens d'armes qui chevauchaient en belle ordonnance
de l'autre côté de la rivière. Il fit alors sonner les trompettes, et,
cette troupe s'étant approchée, il reconnut avec joie les comtes de
Clerraont et de La Marche. Ils convinrent de se réunir le lende-
main à Chauvigny et se séparèrent. Le connétable trouva un
asile chez un gentilhomme du voisinage, mais les deux autres
princes « couchèrent cette nuict sur les champs ^ ». Le lendemain,
ils tinrent conseil à Chauvigny pour arrêter ce qu'ils avaient à
faire, puis ils se rendirent à Chinon avec « le maréchal de Boussac
^t plusieurs autres capitaines et gens de grand estât». La duchesse
de Guyenne résidait alors dans la ville de Chinon, que le roi lui
avait donnée; elle accueillit avec empressement son mari et ses
alliés, et « ils firent grande chère ^ ».
Cependant La Trémoille, inquiet, envoyait à Chinon l'arche-
vêque de Tours et R. de Gaucourt, qui, de la part du roi, représen-
tèrent au connétable et à ses amis les dangers que leur conduite
factieuse faisait courir à l'Etat. De leur côté, les princes, pour se
justilîer à l'égard du roi, lui envoyèrent des députés. Ils auraient
voulu se rendre eux-mêmes auprès de lui ; mais La Trémoille, tou-
jours défiant, sut les tenir à l'écart, et il fut impossible de s'en-
tendre. L'entreprise ne pouvait donc être poursuivie que par la
voie des armes, puisqu'on avait épuisé tous les moyens de conci-
liation. Il n'est pas douteux que Richemont, soutenu par les
maisons d'Anjou, de Bourbon, d'Armagnac, le maréchal de Bous-
sac, le connétable des Ecossais et une grande partie de la haute
noblesse, eût été en mesure de soutenir la lutte s'il n'avait eu de-
vant lui que La Trémoille; mais il ne le pouvait combattre sans
paraître se révolter contre le roi lui-même et sans nuire à la
France. Les Anglais faisaient de nouveaux efforts pour terminer
la conquête du Maine et de l'Anjou ; ils assiégeaient Rambouillet.
Était-ce le moment de pousser aux dernières extrémités une que-
relle qui ne pouvait se prolonger sans entraîner dans la guerre
civile un pays déjà si malheureux et si menacé? Ces considéra-
tions l'emportèrent dans le cœur de Richemont sur ses griefs
1. Arrondissement de Montmorillon.
2. Gruel, 196.
3. Gruel, 1%. Vallet de V. {Hist. de Charles VU, t. I, 439) dit que le
roi était alors au château de Lusignan. Il dut aussi aller à Poitiers, où il
y eut une assenablée des États de Languedoc (en novembre 1427) qui oc-
troyèrent une aide de 200 000 fr. (voir K 63, n° 5).
4. Fr. 25768, n" 260. Fr. 26050, n"* 79o, 797, 799,801, 841. Fr. 4488, f»6^.
RICHEMONT SE RETIRE A PARTHENAY (1427, NOV.) 151
personnels. Et pourtant il était banni de la cour, privé de sa pen-
sion, empêché d'exercer sa charge, lui qui n'aspirait quand
même qu'à servir le roi et la France. Humilié, mais non vaincu,
frémissant de ne pouvoir continuer la lutte, il recula devant La
Trémoille. Laissant la duchesse de Guyenne à Ghinon, sous la
garde d'un capitaine nommé Guill. Bélier, qui lui inspirait toute
confiance, Richemont alla, dans les premiers jours de novem-
bre, prendre possession de sa seigneurie de Parthenay *.
Jean II Larchevêque était mort au commencement de 1427 *,
après avoir reconnu comme héritier Artur de Bretagne, qu'il
avait autrefois combattu. Au moment de mourir, il avait appelé
auprès de lui tous ses vassaux, tous les capitaines de ses places;
il leur avait fait jurer qu'ils seraient à l'avenir bons et loyaux
sujets du connétable et lui obéiraient comme à leur seigneur na-
turel. Quand Richemont arriva dans ses nouveaux domaines, il
y fut accueilli avec un empressement et une joie qui adoucirent
un peu l'amertume de sa disgrâce. Il prit en affection la ville de
Parthenay, puissante forteresse féodale, située dans la région si
pittoresque du Bocage, et toujours, dans la bonne comme dans la
mauvaise fortune, il en fit son séjour de prédilection ^.
Telle était la situation à la fin de l'année 1427, situation
cruelle pour le comte de Richemont et non moins triste pour
la France. Après deux ans et demi d'efforts, il n'avait pu re-
pousser les Anglais, ni obtenir l'alliance de Philippe le Bon, ni
même conserver celle de la Bretagne; mais est-il juste de faire
tomber sur le connétable seul toute la responsabilité de ces échecs?
Est-il vrai qu'il ait disposé de tout pendant deux années ? * Est-il
vrai que toute son œuvre se soit réduite à faire tuer deux favoris
et à se faire chasser par le troisième"? Faut-il plutôt le blâmer
que le plaindre d'avoir consumé ses forces dans des intrigues in-
cessantes ? Si l'histoire doit reconnaître qu'il y a « des situations
1. Par lettres du 15 novembre, il institue receveur ordinaire et particu-
lier de son domaine de Fontenay-le-Comte Robin Denisot, qui commence
ses fonctions aux environs de la Toussaint (Fr. 8818, f» 1). Par lettres
données à Parthenay, le 20 novembre, il institue H. Blandin son receveur
général (Fr. 8818, f" 89 v°). Richemont résida le plus souvent à Parthenay,
et quelquefois à Fontenay-le-Gomte, que le roi avait donné à la duchesse
de Guyenne (Fr. 8818, f» 98).
2. Bel. Ledain, p. 225. Le 19 janvier, le roi modère une imposition de
3000 1. que J. Larchevêque ne voulait pas payer (Fr. 21302, au 19 janvier
1426, a. st.). J. Larchevêque était alors en procès avec J. Harpedenne,
seigneur de Belleville, au sujet de Mervent. Richemont eut à soutenir ce
procès (Xi=> 9200, fo» 36, 42).
3. Gruel, 196. B. Ledain, p. 225 et suiv.
4. De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, 197.
5. H. Wallon, Jeanne d'Arc, I, 37-38.
152 RESPONSABILITÉ DE RICHEMONT
plus fortes que les hommes et que le génie seul peut triompher
de certains obstacles * », cette réflexion s'appliquerait-elle moins
justement à Richemont qu'à Charles VII ? Il est des comparai-
sons qui en appellent d'autres. Certes, Richemont n'était pas un du
Guesclin, mais le roi qu'il servait était encore moins un Charles V,
et, s'il n'est pas téméraire de supposer qu'un du Guesclin eût
triomphé d'une situation « plus forte que les hommes », il est
permis de croire qu'un Charles V n'eût pas sacrifié un Riche-
mont à un La Trémoille ^.
1. De Beaucourt, dans la Revue des questions histor., IX, 400, 404. Voir
aussi Hist. de Charles VII, t. II, p. 200-201.
2. Si M. de Beaucourt est indulgent pour Charles VII, il ne l'est guère
pour le connétable (voir Yllist. de Charles VII, notamment le chapitre III
du deuxième vol., p. 142-143, 153, 1S6, etc.).
CHAPITRE II
DISGRACE DE RICHEMONT ET LUTTE CONTRE LA TRÉMOILLE
(1428-1433)
Richement, poursuivi par La Trémoille, demande secours au due de Bre-
tagne. — Il est soutenu par les comtes de Clermont et de Pardiac. — Us
font appel au pays. — Richement retourne à Partbenay. — La Trémoille
chasse de Chinon la duchesse de Guyenne. — Les princes réclament
les Etats généraux. — Ils occupent Bourges; mais le connétable ne peut
les rejoindre, et ils traitent avec La Trémoille. — Les Etats généraux de
Chinon demandent en vain le rappel du connétable. — Siège d'Orléans.
— Jeanne d'Arc. — Le duc d'Alençon, — Richement lui envoie des ren-
forts et rejoint l'armée royale, malgré la défense du roi. — Il contribue
à la prise de Beaugency et à la victoire de Patay. — Jeanne d'Arc ne
peut obtenir qu'il reste à l'armée. — Il combat les Anglais en Norman-
die. — La Trémoille empêche Jeanne d'Arc et le duc d'Alençon d'aller en
Normandie. — Jeanne d'Arc est abandonnée et prise. — Richemont re-
tourne à Parthenay. — La Trémoille, après avoir échoué du côté de la
Bourgogne, se tourne vers la Bretagne. — Il s'entend avec Jean V, mais
non avec Richemont. — Il fait arrêter et condamner L. d'Amboise elles
autres envoyés du connétable. — La guerre continue dans le Poitou. —
Yolande d'Aragon interpose en vain sa médiation. — Le duc d'Alençon,
excité par La Trémoille, enlève le chancelier de Bretagne. — Jean Vfait
la guerre au duc d'Alençon. — Richemont les réconcilie. — Charles VII
conclut avec Jean V et Richemont le traité de Rennes. — La Trémoille
continue néanmoins la lutte contre Richemont. — Guerre contre les
Anglais. — Eugène IV essaie inutilement de faire conclure la paix. — La
Trémoille attaque Yolande d'Aragon et laisse les Anglais reprendre Mon-
targis. — Indignation générale. — Complot contre La Trémoille. — En-
lèvement de La Trémoille. — Conséquences de cet événement.
Durant sa disgrâce même, le connétable continua de servir la
France et le roi, dans la mesure de ses moyens, par ses négocia-
tions avec les ducs de Savoie, de Bourgogne et de Bretagne.
Amédée VIII, qui était alors à Yenne *, renouvela, le 26 novembre,
la trêve précédemment conclue entre Charles VII et le duc de
1. Arrondissement de Chambéry.
154 LA TRÉMOILLE POURSUIT RICHEMONT (1428)
Bourgogne. Il chargea Richemont de délivrer des sauf-conduits au
nom du roi par lui-même ou par deux lieutenants qu'il enverrait,
l'un à Lyon, l'autre à Bourges *.
Cependant il ne suffisait pas à La Trémoille d'avoir fait disgracier
et bannir le connétable; il le poursuivait partout de sa haine et
l'obligeait, par ses attaques, à se tenir sans cesse sur la défensive.
La ïrémoille avait lui-même des domaines dans le Poitou, Melle
que le roi lui avait donné en 1426, Ste-Hermine, tout près de Fonte-
nay *, sans parler des seigneuries que sa femme, Gath. de L'Ile-Bou-
chard, avait aussi dans cette province, comme celle de Gençay ^.
Par ses relations, par sa richesse *, par sa puissance, il avait donc
un parti nombreux dans le Poitou, et rien ne lui était plus facile
que de harceler Richemont jusque dans la retraite où il s'était
réfugié. Il lança notamment contre lui un seigneur nommé Jean
de La Roche, qui commit de grands ravages, et Jean de Penthiè-
vre, sire de Laigle, qu'il avait rappelé et fait entrer au conseil du
roi ^. De son côté, Richemont essaya de faire enlever La Trémoille
comme auparavant le sire de Giac. La Trémoille fut même pris
au château de Gençay, mais il se tira de ce mauvais pas en don-
nant à ceux qui avaient fait le coup dix mille écus d'or, que le
roi lui remboursa bientôt '^.
Le connétable, ne pouvant trouver accès auprès de Charles VU,
essayait de lui faire parvenir ses plaintes, en envoyant vers lui
son secrétaire Robin Denisot, avec frère Guillaume Josseaume et
Jean de Ghénery (novembre et décembre 1427) ^, En même
temps, il donnait mission à Guillaume Giffart d'aller en Bre-
1. La trêve devait durer jusqu'à la Saint-Jean de l'année 1428 {Porte f^
Fontanieu, 115-116, au 26 novembre 1427; Hist. de Bourgogne, t. IV,
Preuves, p. lxxii-lxxv. Voy. ci-dessus, p. 129.)
2. Fr. 8818, f- 94. Sainte-Hermine, arrondissement de Fontenay. JJ 177^
fo» 122, 126, 128.
3. Arrondissement de Civray. On trouve dans le Ms. fr. 23710, n* 31,
une pièce du 9 janvier 142u, qui prouve que Charles VII avait donné,
avant cette époque, la terre de Chatelaillon,en Saintonge, àCath. de L'Isle-
Bouchard, alors femme du sire de Giac. Cette terre de Chatelaillon est pro-
bablement celle qui était comprise dans l'héritage que Jean Larchevêque
avait laissé à Richemont et que celui-ci avait dû reprendre. Cela explique
peut-être pourquoi La Trémoille était excité par sa femme contre le con-
nétable.
4. Vallet de V., Uist. de Charles VII, I, 482-483.
5. Voy. Ordonn., XIII, 133-134. Jean de Penthièvre est au conseil le
2 décembre 1427. Çollect. de Languedoc, 89 (Mss. de D. de Vie), f- 64, 67.
Quant à J. de La Roche, il était parent de J. Harpedenne, seigneur de Bel-
leville, un des ennemis de Richemont (X^a 9200, f» 359; JJ 178, f" 2, r» et v»).
6. Gairamb., 204, f» 8763. La participation indirecte de Richemont à
cette tentative n'est point indiquée, mais elle semble fort probable.
7. Fr. 8818, f» 100.
RICHEMOM EN APPELLE AU PAYS (1428) 185
tagne, informer le duc de tout ce qui s'était passé à la cour et
des machinations que La ïrémoille tramait avec Jean de Blois^
Si Jean V fut peu touché des griefs personnels de son frère, il
ne put apprendre sans inquiétude le retour d'un Penthièvre à la
cour. Il chargea son jeune frère Richard, comte d'Etampes, de
porter au connétable ses condoléances, de lui exposer les motifs
qui l'avaient déterminé à traiter une deuxième fois avec les
Anglais et de s'entendre avec lui sur les mesures à prendre dans
leur intérêt commun contre La Trémoille et ses agents ^ Riche-
mont était profondément irrité contre le duc de Bretagne, dont
la défection avait été la principale cause de sa disgrâce, mais
la prudence l'obligeait à cacher son ressentiment. Il accueillit
d'ailleurs avec plaisir son frère Richard, qui lui apportait des
consolations et des encouragements. Il continuait de se tenir en
rapport avec ses alliés, la reine Yolande, les comtes de La Marche,
deCIermont, d'Armagnac et de Pardiac, qui avaient réuni des
troupes à Ghinon dès le mois de décembre, pour résister aux
attaques de La Trémoille ^ Au mois de janvier 1428, il se rendit
lui-même à Ghinon, où était restée la duchesse de Guyenne,
qui, en se tenant ainsi près de la cour, pouvait être plus utile à
son mari qu'en le suivant à Parthenay.
Le connétable voulut alors faire ce qui lui avait si bien réussi
en 1425, dans sa lutte contre Louvet, c'est-à-dire en appeler au
pays.D'accord avec les comtes de Glermont et de Pardiac, il adressa
au parlement de Poitiers, aux bonnes villes du royaume un long
manifeste dans lequel les trois princes annonçaient leur intention
d'enlever le pouvoir à La Trémoille, afin de remédier aux maux
de l'Etat. Ils demandaient au parlement et aux villes leur adhésion
et leur appui dans cette entreprise *. Le parlement décida qu'il
ne ferait aucune réponse; les habitants de Lyon firent dire aux
princes qu'ils n'obéiraient qu'aux ordres du roi; la ville de Tours,
dont la défection était à craindre, en raison de son dévouement
à la reine Yolande, reçut défense de laisser entrer dans ses murs
aucun des princes ou de leurs adhérents ^. Geux-ci se tournèrent
alors vers le duc de Bretagne et lui demandèrent des secours -
Jean V consentait bien à envoyer des gens d'armes et de trait;
mais, comme il craignait de mécontenter Bedford '^, il exigeait
1. D. Morice, I, 504. Vallet de V., I, 460 et note 2. JJ 177, f« 139-140.
2. D. Morice, I, 505.
3. De Beaucourt, Charles VII, t. II, 159-160.
4. Fr. 21302, au 14 janvier 1427, a. st. De Beaucourt, Charles VII, t. II,
156-157.
5. De Beaucourt, Charles VII, t. II, 157, 159-160.
6. C'est le 28 janvier que Henri YI ordonne de publier en Angleterre la
156 ALLIÉS DE RICHEMONT ET DE LA TRÉMOILLE
qu'on ne les employât qu'à combattre son mortel ennemi « Jean
de Blois, ses complices et ses adhérents. » Le 30 janvier 1428,
les comtes de Glermont, de Richemont et de Pardiac, unis pour
résister à J. de Blois, soi-disant seigneur de Laigle, qui voulait
leur nuire par lui-même et par ses alliés et complices, jurèrent
solennellement de ne point se servir contre le roi d'Angleterre
des troupes que leur enverrait le duc de Bretagne ^ Les princes
allèrent ensuite se concerter avec la reine de Yolande, qui leur
conseilla probablement d'attendre un moment favorable, car ils
se séparèrent, et Richemont revint à Parthenay (février).
Voilà donc à quoi en était réduit le connétable de France,
et cela quand les Anglais approchaient d'Orléans * I Combien il
eût mieux valu pour lui, pour ses alliés consacrer toutes leurs
forces à la défense du royaume, et combien déplorable était
l'aveuglement de Charles VII, qui, dans une pareille détresse, ne
savait pas même dominer de mesquines rancunes, pour utiliser
tous les services !
Quant à La Trémoille, plus préoccupé de combattre ses en-
nemis personnels que les ennemis de la France, il s'acharnait à
poursuivre Richemont, comme s'il eût voulu, par ses provoca-
tions continuelles, le pousser à une rupture irréparable. La fidé-
lité du connétable déjoua ces perfides calculs. Obligé de prendre
les armes contre La Trémoille, il ne voulut pas abandonner le
roi de France ; il le servit, malgré lui, aussi souvent qu'il en put
trouver l'occasion. Telle fut pendant six années l'étrange et
cruelle situation que la haine de La Trémoille et la faiblesse du
roi créèrent au connétable (1427-1433). Ce fut la guerre civile au
milieu de la guerre nationale, crise suprême, pendant laquelle le
favori de Charles VII éloigna trop souvent les plus vaillants ca-
pitaines français des champs de bataille où se jouaient les des-
tinées de la France.
Rejetant sur Richemont tout l'odieux de cette lutte exécrable,
La Trémoille, qui disposait des libéralités royales, sut gagner
des auxiliaires puissants ou habiles, comme le comte de Foix,
avec lequel il conclut une alliance le 28 février ; le duc d'Alençon,
qui avait grand besoin d'argent^ ; Raoul de Gaucourt, qu'il en-
paix conclue avec le duc de Bretagne (Rymer, t. IV, 4» partie, p. 132). Elle fut
publiée en Normandie à la fin de septembre (Fr. 26030, n" 768, 769, 773).
4. Fr. 2715, f" 63. Voy. Append. LII. Le 3 mars, Artur de Bretagne renou-
vela son serment de féautéà Jean V (T. Brutus, I, fo 141 v»).
2. Henri VI avait chargé Warwick d'assiéger Malesherbes avant le 13 fé-
vrier (Fr. 26050, no 839).
3. Le duc d'Alençon, neveu du connétable, était revenu (octobre 1427)
de captivité, mais sa liberté lui coûtait cher (de Beaucourt, II, 138, 163;
Cagny, ap. Ms. Duchesne, 48, p. 86). En 1427 et 1428, R. de Gaucourt
LA TRÉMOILLE ENLÈVE CHINON AU CONNÉTABLE (1428) lo7
voya plus lard dans le Poitou ; Regnault de Chartres, archevêque
de Reims. D'abord il voulut enlever à son ennemi la ville de
Chinon ',trop voisine des endroits où se tenait ordinairement la
cour. Après le départ du connétable, vers le c'ommencement de
mars, il se présenta devant cette place, avec le roi, Guillaume
d'Albret, l'archevêque de Reims, Robert Le Maçon, le sire de
Belleville et plusieurs autres seigneurs. Le capitaine de Chinon,
Guillaume Béher 2, soit qu'il eût été gagné d'avance, soit qu'il fût
intimidé par la présence du roi, livra la place qu'il avait juré de
défendre. Cet événement soudain causa d'abord les plus vives
inquiétudes à Mme de Guyenne, mais le roi lui tint un langage
rassurant et même lui permit de demeurer à Chinon, ou dans
telle autre ville du royaume qu'elle voudrait choisir, pourvu
qu'elle s'engageât à n'y point recevoir le connétable. La fille de
Jean sans Peur repoussa cette proposition comme injurieuse et
répondit noblement « que jamais elle ne voudrait demourer en
place où elle ne peust voir monseigneur son mary ^. » Vainement
le roi lui fit faire de grandes remontrances par l'archevêque de
Reims ; elle persista dans sa résolution et chargea de sa réponse
Jean de Troissi, bailli de Sens, « qui parla le mieux que oncques
l'on oùyt en telle nécessité *. » Le roi permit alors à la duchesse
de se retirer. Elle alla aussitôt à Saumur, puis à Thouars, sous
la protection des Ecossais qui tenaient les champs. De là, elle se
rendit à Parthenay auprès de son mari ^.
Cette nouvelle injure de La Trémoille ne changea rien aux
résolutions du connétable ; il continua de se tenir sur la défen-
sive dans le Poitou, sans vouloir pousser plus loin les hostilités.
Il fit même de nouveaux efforts pour obtenir la prolongation
de la trêve renouvelée au mois de novembre précédent entre le
roi de France et le duc de Bourgogne. Il pria le duc de Savoie et
le comte de Clermont de l'aider auprès de Philippe le Bon, qui
consentit à prolonger les trêves d'abord jusqu'à la Toussaint de
reçut plusieurs libéralités du roi (voy. Pièces orîqin., dossier Gaucourt,
t. 1292,et surtout LaThaumassière, Hist.du Beiry, p. 587 : de Beaucourt, II, 139).
1. Importance de cette ville avec ses trois châteaux, ses faubourgs (JJ
167, f" 173).
2. 11 fut ensuite capitaine de Chinon pour le roi, et il eut la garde de la
Pucelle (H. Wallon, /. d'Arc, I, 111. GougQy, Notice sur le château de Chi-
non, édit. de 1874, p. 57-58.) Il assista au sacre de Charles VII (Fr. 7838,
f» 37). Le connétable ne lui garda pas rancune, car il devint bailli de Troyes
(en 1434 et années suiv.), quand Richemont avait le gouvernement de la
Champagne {Collect. de Champagne, t. 63, f» 3).
3. Gruel, 196.
4. Gruel, 196.
5. Richemont était à Fontenay le 18 mars (Ms. fr. 8818, f»98).
158 MÉMOIRE ADRESSÉ AU ROI (1428)
l'année 1428, puis pour les trois années suivantes, c'est-à-dire
jusqu'au l^"" novembre 1431. Ces négociations furent ratifiées
le 22 mai et le 22 juin ^
Cependant Richemont et ses alliés cherchaient toujours le
moyen de rentrer en grâce auprès de Charles VIT, soit qu'il leur
parût urgent d'en finir au plus vite avec La Trémoille, pour n'avoir
plus à s'occuper que des Anglais, soit que le duc de Bretagne se
sentît menacé par le favori * et voulût, dans son propre intérêt,
mettre fin à une situation dangereuse. Le connétable et ses alliés
comptaient sur l'impopularité de La Trémoille, sur l'opinion pu-
blique, sur l'appui de la nation. Ils ne craignaient pas d'en ap-^
peler aux Etats généraux, dont la réunion , toujours reculée ,
semblait nécessaire dans des conjonctures aussi critiques. Ils
voyaient que la France avait, plus que jamais, besoin de tous
ses défenseurs, au moment où Bedford, pour mieux profiter de
ces discordes, faisait venir d'Angleterre une nouvelle armée avec
le comte de Salisbury ^.
Le connétable, les comtes de Clermont et de Pardiac, inspirés par
la reine de Sicile, tentèrent donc un suprême effort pour tirer le
roi de son aveuglement. Ils lui adressèrent un mémoire, dont le
ton solennel s'accorde bien avec la gravité des circonstances.
Ils priaient le roi de déposer le ressentiment qu'il pouvait avoir
contre les seigneurs de son sang, contre ses officiers, et de faire
cesser toute voie de fait * ; ils demandaient leur réconciliation avec
le sire de La Trémoille, le seigneur de Trêves et les autres mem-
bres du conseil; ils sollicitaient surtout, comme une mesure in-
dispensable, la convocation des Etats généraux à Poitiers, avec
la liberté pour chacun de dire ce que bon lui semblerait, et des
garanties efficaces contre toute tentative d'oppression ou de vio-
lence ; enfin ils proposaient que la reine de Sicile fût investie des
pouvoirs nécessaires pour assurer la sécurité de tous. Les me-
sures de précaution qu'ils indiquent dans la suite du mémoire
montrent combien ils redoutaient pour eux-mêmes, pour leurs
partisans, pour les membres de la future assemblée l'audace et la
1. Hist. de Bourgogne, IV, 126. Portef. Fontanieu, HS-H6, au 22 juin. A
la fin de mai, Richemont était à Parthenay (Fr. 8818, f» 94).
2. 11 savait peut-être que le roi voulait lui opposer non seulement J. de
Blois, mais encore le roi de Gastille. Voir dans le Ms. latin 602i, n» 26,
les instructions écrites données par Charles VU aux ambassadeurs qu'il
envoie en Gastille. Ils devront prier le roi de Gastille d'envoyer 40 ou SO
vaisseaux contre le duc de Bretagne, pour le réduire à la soumission.
3. J. Stevenson, I, 404 et suiv., 11, 76. Fr. 20908, n» 86.
4. Le 10 mars, Richemont écrivait aux habitants de Poitiers « touchant
la vuidange des gens d'armes » qui étaient dans le Poitou. (Aixh. hist. du
Poitou, Poitiers, 1872, in-8°, I, 146.)
TENTATIVE DES PRINCES SUR BOURGES (1428) 159
perfidie de La Trémoille '.Celui-ci ne pouvait accueillir qu'avec
répugnance des propositions aussi sages. Il craignait de perdre
son pouvoir si le connétable et ses amis rentraient à la cour. Il
savait bien que les Etats se prononceraient en leur faveur,et, quoi-
qu'il y allât peut-être du salut de la France, il ne voulut ni con-
sentir à une réconciliation si désirable, ni se prêter à la réunion
d'une assemblée importune. On ne sait quelle réponse le roi fit au
mémoire du connétable et de ses alliés, ni même s'il y répondit;
mais les événements montrent assez que cette tentative pacifique
ne changea rien, dans le moment, à la situation. La Trémoille
continua les hostilités dans le Poitou. Charles VII convoqua bien
les Etats pour le 18 juillet; mais il ne se pressa pas de les réu-
nir, sachant bien qu'ils voudraient s'occuper du gouvernement*.
Alors le connétable et ses amis résolurent d'agir. Sûrs de trou-
ver un concours sympathique dans la population de Bourges,
ils voulurent s'établir dans cette grande ville et déterminer ainsi
un mouvement qui serait assez puissant pour obhger le roi à
faire des concessions ^. Instruit de ce projet, La Trémoille fit
défendre, par lettres patentes, aux habitants de Bourges et aux
officiers royaux de recevoir dans la ville les seigneurs qui se pré-
paraient à y venir. Les habitants promirent de se conformer à
cette défense ; les sires de Prye et de Bonnay *, commis à la garde
de la place, reçurent même leurs serments solennels.
Néanmoins, quand les comtes de Clermont et de Pardiac se
présentèrent, les habitants, les officiers royaux eux-mêmes les
aidèrent à entrer dans la ville. Alors les deux princes réunirent
les gens d'Eglise, les bourgeois et autres habitants; ils leur expo-
sèrent les motifs et le but de leur entreprise; ils leur dirent
qu'ils voulaient « travailler au bien du roi » et délivrer le Berry
des garnisons qui le pillaient; enfin ils demandèrent leur aide,
qui leur fut promise. Le sire de Prye et le sire de La Borde, capi-
taine de la grosse tour de Bourges, ne voulurent pas prendre
part à cette manifestation. Ils se retirèrent, avec quelques troupes,
dans la grosse tour, où ils furent aussitôt assiégés par les comtes
1. Voy. Append, LUI.
2. De Beaucourt, Charles VII, t. II, 163. L'assemblée convoquée pour le
18 juillet n'eut pas lieu (Picot, Hist. des Etats généraux, I, 311-313; D. Vais-
selle, Hist. du Languedoc, IV, 471).
3. Le comte de Pardiac avait alors à son service Rod. de Villandrando,
le fameux capitaine de routiers (J. Quicherat, R. de Villandrando, 30 et
i^uiv.). Le comte de Clermont avait, de son côté, obtenu l'adhésion de
Guil. de Chalançon, évèque du Puy, de son frère Armand de Chalançon et
de Louis de Chalançon, premier chambellan du roi, fils d'Armand et
neveu de Guillaume (de Beaucourt, t. II, 164. Voy. ci-dessus, p. 134).
4. Fr. 20684, f- 546.
i60 TENTATIVE DES PRINCES SUR BOURGES (1428)
de Clermont et de Pardiac, aidés par ceux de la ville et même par
les officiers du roi. Ils s'emparèrent de la monnaie, des greniers
à sel, firent percevoir des taxes; en un mot, ils organisèrent là un
autre gouvernement. Ils firent alors savoir au comte de Richemont
le résultat de leur entreprise, en le pressant de venir au plus tôt
se joindre à eux, avec tout ce qu'il pourrait rassembler de gens
d'armes.
La situation devenait fort inquiétante pour La Trémoille. Il
voulut arrêter, par tous les moyens possibles, ce mouvement, au-
quel adhéraient déjà beaucoup de prélats, de barons, d'officiers
royaux et plusieurs autres bonnes villes, sans parler des comtes
de La Marche et d'Armagnac * . Il envoya Gaucourt dans le Poitou,
en le chargeant de ramener avec lui Jean de La Roche, pour mar-
cher ensuite vers Bourges *. Lui-même, après avoir réuni à la
hâte un grand nombre de gens d'armes, se rendit avec le roi
devant Bourges.
Le sire de Prye avait été tué, mais le sire de La Borde tenait
encore dans la grosse tour. Le roi eut beau signifier aux rebelles
sa volonté par son premier héraut, Montjoye, en leur comman-
dant, sous les peines les plus rigoureuses, de vider la place; ils
n'en persistèrent pas moins dans leur résistance, avec le concours
de la population. En même temps, le connétable essayait de
s'avancer; mais, comme il fallait pour cela livrer bataille aux
troupes que La Trémoille lui opposait dans le Poitou ^, il fit un
détour vers Limoges, avec l'intention de passer par l'Auvergne,
ce qui retarda beaucoup sa marche. La Trémoille sut profiter
habilement de ce répit, pour négocier avec les comtes de Clermont
et de Pardiac, avant que l'arrivée du connétable rendît la situation
plus critique. Il leurfit comprendre que, assiégés eux-mêmes dans
Bourges, ils ne pouvaient rien sans le secours de Richemont, et
que, n'ayant plus à compter sur lui, ils s'exposaient à de cruelles
déceptions. Il dut aussi invoquer auprès d'eux le misérable état
de la France, leur montrer les Anglais profitant de ces fatales
discordes et Orléans déjà menacé *. Continuer la guerre civile
dans un pareil moment, c'était vouloir la ruine totale de la France.
On peut supposer que ces considérations touchèrent les comtes
de Clermont et de Pardiac ; d'ailleurs ils obtinrent des concessions
et des promesses qui pouvaient leur faire espérer d'autres avan-
tages. D'abord le roi leur accorda rémission complète à eux et à
tous leurs adhérents, sans en excepter, comme on l'a dit à tort, le
1. De Beaucourt, ifîs<. de Charles VU, t. II, 164, note 2.
2. La Thaumassière, Hist. de Berry, Bourges, 1689, in-f", p. 386-587.
3. J. Quicherat, R. de ViUandrando, p. 30. Le Baud, p. 475.
4. Fr. 4488, f 209.
LES PRINCES TRAITEKT AVEC LA TRÉMOILLE (1428) 161
comte de Richemont (17 juillet) * ; ensuite, quand il fut entré dans
Bourges, il convoqua, par lettres du 22 juillet, les Etats géné-
raux, pour le 10 septembre, à Tours ; enfin, le même jour (22 juil-
let), La Trémoille s'engagea formellement à ne rien faire ou
laisser faire au préjudice du comte de Clermont et à le défendre
contre quiconque lui voudrait nuire *.
Il ne faudrait pas croire que Charles de Bourbon trahissait son
beau-frère et allié, Artur de Bretagne, en se réconciliant avec La
Trémoille. Tout porte à supposer, au contraire, que, ne pouvant
plus le seconder par les armes, il préparait son retour en grâce
par d'autres moyens, c'est-à-dire en faisant accepter les conclu-
sions du mémoire adressé précédemment au roi. Ainsi les lettres
par lesquelles les Etats généraux sont convoqués ordonnent aux
députés de venir, toutes excusations cessantes, pour délibérer sur
les grandes affaires du royaume, et il est bien entendu que cha-
cun aura franche liberté de dire tout ce que bon lui semblera.
Ces lettres patentes ^, publiées sur l'avis du duc d'Alençon, des
comtes de Clermont et de Pardiac, des prélats, barons et autres
notables gens en grand nombre, sont conformes aux demandes
contenues dans le mémoire; elles prouvent que la tentative des
princes sur Bourges n'avait pas été stérile et que Richemont com-
ptait sur l'influence des Etats pour obtenir son rappel. Quant à
La Trémoille, il fit sans doute toutes les promesses que les comtes
de Clermont et de Pardiac lui demandèrent ; il était assez adroit
pour trouver le moyen d'éluder ses engagements. Il feignit même
de donner suite à ces promesses, en se prêtant à quelques négo-
ciations ; maisil n'en était pas moins décidé à empêcher le retour
du connétable. Celui-ci était à Limoges quand il apprit ces nou-
velles. Il revint à Parthenay,où il attendit les événements.
C'est l'époque où la France semble condamnée à périr sous
les coups de Bcdford; où les Anglais, partout victorieux, ont
pris Laval et repris Le Mans, un instant délivré (mai) * ; où le
1. Ces lettres d abolition sont dans le registre P 1358*, n» Jj74. Rien n'y
indique l'exclusion du connétable ; en outre, elles sont du 17 et non du
27 juillet, comme le dit Vallet de V. (I, 463), d'après La Thaumassière
(p. 158-159). Les lettres de convocation des États, données à Bourges, sont
du 22 juillet, d'après D. Vaissète, IV, 471. Charles VII commet le 26 juillet,
à la défense de Bourges, Jacques de Bonnay, qui avait défendu la grosse
tour avec J. de La Borde (Fr. 20684, f» 546).
2. Musée des arch. nat., n» 445, ou P 1373 », cote 2156.
3. On en trouve deux copies dans le t. 99 de la collection de Languedoc,
fi» 72 et 74 (Mss. de D. de Vie). Voy. aussi f"' 73 et 82. D, Vaissète, IV, 471 ;
G. Picot, Etats généraux, t. 1, 311-313; Biblioth. de l'école des Chartes,
année 1872, t. XXXlll, 36, 37.
4. Fontanieu dit que Talbot, ap7-ès avoir repris Le Mans, reprend Laval
Richemont. 11
162 ÉTATS GÉNÉRAUX DE CHINON (1428, SEPT.)
comte de Salisbury, récemment arrivé d'Angleterre avec une
nouvelle armée (juin), s'avance sur Orléans, en s'emparant des
villes du voisinage, tandis que Jean de Luxembourg achève la
conquête de la Champagne *. La détresse financière était com-
plète, et ce fut sans doute le principal motif qui obligea La Tré-
moille à ne pas retarder plus longtemps la réunion des Etats
généraux 2. Cette assemblée, qui devait avoir lieu à Tours, d'après
les lettres de convocation du 22 juillet, se réunit peut-être dans
cette ville; mais elle fut bientôt transférée à Chinon, car les
Anglais, déjà maîtres de Meung et de Beaugency, villes situées
sur la Loire au-dessous d'Orléans, auraient pu faire des courses
jusqu'à Tours. Ce furent de véritables Etats généraux. On y vit
non plus seulement les députés des pays de Languedoil, m^is
encore ceux des pays de Languedoc, qui, d'ordinaire, tenaient
des sessions séparées, les uns dans le centre, les autres dans le
midi de la France. On eût dit que la nation entière, entraînée
par le sentiment du péril commun, voulait opposer un rempart
infranchissable à l'invasion anglaise. Jamais, sous le règne de
Charles VII, il n'y eut d'assemblée aussi nombreuse ^; jamais il
n'y en eut, jusqu'en 1789, qui se soit réunie dans des circon-
stances plus solennelles.
Dès le mois de septembre, les Etats votèrent une aide de
500 000 francs qui devait être affectée exclusivement à repousser
les Anglais et à secourir Orléans *, puis, usant de la liberté
sans coup férir (voy. Ms.fr. 10449, f" 155); mais il suit Cousinot de Montreuil
dont la chronologie est très incertaine. Voir aussi Fr. 15512, f» 1. Fr. 2S710,
n" 57. Clairamb., t. 23, f° 1669; t. 28, î"^ 2053; 2055, t. 43, f» 3201; t. 95,
f" 7369 ; 1. 107, f" 8349. Cousinot, 251-254. Le Bourgeois de Paris, p. 225-226.
Ms. 3039 de l'Arsenal, f"' 116 v°, 117. — A cette même époque (11 mai), les
nobles de la baronnie de Craon s'engagent à payer à G. de La Trémoille
1200 écus d'or, à condition qu'il leur fasse avoir « seurté et toute abstinence
de guerre avec les Anglais et leurs alliez », le tout garanti par des lettres
du roi, de la reine de Sicile et des Anglais, avant la Toussaint [Chartrier
de Thouars, publié par L. de La Trémoille, Paris, 1877, in-4, p. 16-17).
1. Ms. Fr. 10449, i"^ 153-159. Cousinot, 203-204 et 251-260. Ms. Fr. 4484,
passim, notamment f»» 1-8, 18-33, 73, 75, 76, 79-83, 94, 102, 161-166, 203,
216 et suiv. Porte f. Fontanieu, 115-116, au 3 février. H. Wallon, Jeanne
d'Arc, I, 39 et suiv. A. Longnon, Les limites de la France, etc., p. 487.
2. Il avait prêlé beaucoup d'argent au roi cette année-là et s'était fait
donner en gage la châtellenie de Cbinon (août), qui était auparavant à la
duchesse de Guyenne, puis, en place de la châtellenie de Chinon, celle de
Lusignan, par leltiîes du 29 octobre. {Chartrier de Thouars, p. 17-20.) De
Beaucourt, Revue des questions histor., t. IX, p. 401-403. J 183, a's 142, 143,
144. Lusignan était « la plus notable place » du Poitou. Portef. Godefroy-,
163, f 223 V (à la bibliothèque de l'Institut).
3. Voy. A. 'Thomas, les Etats généraux sous Charles VU, dans le t. 24
(année 1878) du Cabinet historique. De Beaucourt, t. II, p. 170-173, 592-593.
4. Fr. 26051, n» 1035. Collect. de Languedoc, t. 99, f<" 70, 71, 73, 82. Por-
ÉTATS GÉNÉRAUX DE CHINON (1428, OCT. NOV.) 163
qu'on leur avait accordée, ils demandèrent les réformes indis-
pensables pour que '( les affaires se pussent dores en avant con-
duire en bonne police et justice ». Non contents d'avoir inscrit
ces requêtes dans leurs cahiers de doléances, les députés les
exprimèrent devant le roi lui-même, afin qu'il ne pût les ignorer
(H novembre 1428). Ils le supplièrent d'attirer à lui, par tous
les moyens possibles, tous les seigneurs de son sang, de faire la
paix avec le duc de Bourgogne, enfin de recevoir « en bon
amour et obéissance et en son service monseigneur le connes-
table et, pour ce faire, de continuer les ambassades et traités
qui ont été commencés. » Le roi répondit que cela n'avait pas
tenu et ne tiendrait pas à lui, ni à ceux qui étaient autour de lui ;
que de grandes diligences en avaient été faites, comme on
l'avait déjà exposé aux Etats, et qu'il en serait fait encore de
nouvelles *. Ainsi les députés de tous les pays, aussi bien de
Languedoc que de Languedoil, et le parlement demandaient le
rappel de Richemont comme une des mesures les plus urgentes ;
mais La Trémoille sut empêcher le roi de tenir ses promesses.
Toutefois, cette grande manifestation ne fut pas inutile au con-
nétable; elle lui montra qu'il n'avait pas eu tort de compter sur
les Etats, qu'il avait pour lui l'opinion publique; elle releva son
courage et entretint ses espérances.
Au mois d'octobre, pendant que les Etats siégeaient à Ghinon
et que Salisbury commençait le siège d'Orléans (12 octobre) %
le connétable s'était rendu en Bretagne, on ne sait dans quel
but. Il est vraisemblable qu'il voulait obtenir de son frère les
secours dont il pouvait avoir besoin, afin d'être prêt à toute éven-
tualité. Le 14 octobre, il était à Redon, où il fit un testament en
faveur de son neveu, Pierre, deuxième fils de Jean V, pour le
cas où il mourrait sans héritiers. De son côté, le duc donna
tef. Fonlanieu, 115-116, à septembre 1428. Fr. '4488,'f<' 8. Le 7 septembre, les
Étals de Rouen accordent aussi à Henri VI un subside pour le siège d'Or-
léans (Fr. 26051, 008 982-990, 1042, 10o8, et Fr. 26052, n"' 1133, 1170) et pour
le siège du Mont-Saint-Michel, que les Anglais continuaient avec acharne-
ment (Fr. 4-488, f^'lH, 121).
1. Le Mss. lat. 9177 contient une copie de ces requêtes, exposées d'abord
dans le cahier de doléances, puis oralement par les députés des pays de
Languedoc, d'accord avec ceux des pays de Languedoil, comme on le voit
dans la septième demande, relative au rappel du connétable. On y lit aussi
les réponses du roi (Voy. append. LUI bU). Le 2 novembre, le parlement
de Poitiers décide qu'on écrira aux comtes de Clermont, de Richemont et
de Pardiac « pour le secours de la ville d'Orléans » (Fr. 21302, à la date).
2. Sur l'expédition de Salisbury et le siège d'Orléans, les documents
abondent. Voir Fr. 4484, f»» 106-129, 176, 177 v», 201, 202. Fr. 4488, f»^ 76-89,
101, 209. K63, no' 19,i2, 4. Fr. 26030, o»' 909, 912. Fr. 26031, n"' 976, 996, 997.
164 LES ANGLAIS ASSIÈGENT ORLÉANS (1428-1429)
3 000 livres à Richemont, outre une autre somme de 5 000 livres
qu'il lui devait pour son. apanage ^
Le connétable eût été heureux d'employer ces ressources au
service de la France * ; mais La Trémoille le tenait toujours à
l'écart et ne cessait même pas les hostilités contre lui dans le
Poitou. Durant son absence, la duchesse de Guyenne, qu'il avait
laissée à Parthenay, était obligée de rester sur la défensive et
d'envoyer des renforts à Fontenay «pour certaines présomptions
de péril ^ ». J. de La Roche continuait ses ravages dans le Poitou
avec des forces assez considérables pour y entretenir une véri-
table guerre. Il fallut même que Richemont, revenu à Parthenay,
envoyât contre lui quelques troupes avec son lieutenant Jean
Sevestre, qui assiégea le château de Sainte-Néomaye '*. J. de La
Roche étant parvenu à ravitailler la place, Sevestre se retira et
le connétable « ne bougea toute cette saison d'entour Par-
thenay ^ ». Sa disgrâce et son inaction ne lui furent jamais plus
intolérables que pendant ce funeste hiver de 1428-1429, quand
il apprit que son neveu, le duc d'Alençon, son beau-frère le
comte de Clermont, J. Stewart, le maréchal de Boussac, l'amiral
de Culant, le bâtard d'Orléans, La Hire étaient appelés à secourir
Orléans ® ; que les Français avaient été défaits par Fastolf à la
batailUe de Rouvray ^ (12 février) ; qu'après ce dernier désastre
tout semblait perdu, et que Charles VII, désespéré, songeait à se
réfugier dans le Dauphiné ou même en Espagne *.
Richemont résolut d'aller, lui aussi, au secours d'Orléans; mais,
avant qu'il eût terminé ses préparatifs, il apprit une nouvelle extra-
ordinaire. Une pauvre fille des champs, qui se disait envoyée de
Dieu pour sauver la France, était parvenue jusqu'au roi (6 mars),
malgré les efforts de La Trémoille. On la nommait simplement
Jeanne la Pucelle, et ce nom, déjà populaire, courait de bouche
en bouche dans tous les pays au nord et au sud de la Loire. Puis
ce furent d'autres prodiges. Jeanne, soutenue par la reine de
1. Arch. de la Loire-Inf., cass. 9, E, 24. Richemont donne quittance
des deux sommes le 24 octobre (Registre Turnus Brutus, I, 141 v»; Preuves
de l'hist. de Bretagne, II, 1209-1212).
2. Pendant ce temps, Charles VII implorait le secours du roi d'Ecosse,
eçi hii promettant le duché de Berry ou le comté d'Evreux, au lieu de la
Saintonge, qu'il lui avait donnée (Ms. Brienne, 54, f»' 59-60j.
3. Fr. 8818, f" 96 v. KK 269, f" 52 v, S3.
4. Arrondissement de Niort.
5. Gruel, 197. B. Ledain, 231.
6 Sur le siège d'Orléans, voir : Fr. 4488, f»' 12-15, 155, 173, 176, etc.
J. Stevenson, t. II, 89, 92. Fr. 7838, fos 48-50.
7. On l'appela la « journée des Harens « (JJ 177, f» 78 v»).
8. H. 'Wallon, Jeanne d'Arc,\, 58-62, 106.
LE DUC d'ALENÇON LIEUTENANT-GÉINÉRAL (1429)
Sicile, avait obtenu qu'on réunît des troupes à Blois ; elle était
entrée dans Orléans, le 29 avril, et, quelques jours après, cette
ville était délivrée (8 mai) *. La renommée proclamait partout
le nom de la Pucelle et ses merveilleux exploits : l'espérance,
l'enthousiasme faisaient battre tous les cœurs. Richemont ne
fut pas le dernier à s'émouvoir. Commue beaucoup d'autres, à ce
moment, il ne savait que penser de cette bergère, qui prétendait
accomplir une mission divine % mais il voyait que les Anglais
étaient battus, qu'un élan général soulevait la nation et qu'il
fallait profiter des circonstances pour accabler les ennemis dé-
concertés. Après avoir fait des travaux de défense à Fontenay ^,
il retourna en Bretagne, afin d'y lever des troupes et d'envoyer
des renforts à son neveu, le duc d'Alençon, en attendant qu'il
pût marcher lui-même contre les Anglais *.
Jean II d'Alençon était fils de ce vaillant duc qui avait suc-
combé si héroïquement à la bataille d'Azincourt et d'une sœur
de Richemont, Marie de Bretagne. Pris lui-même à la bataille
de Verneuil, en 1424, il était resté captif en Angleterre, jusqu'au
mois d'octobre 1427 et n'avait obtenu sa liberté qu'au prix d'une
énorme rançon ^. Pour payer cette somme et pour être en état
de mieux servir Charles VII, il avait vendu, non sans regret, la
baronnie de Fougères à son oncle Jean V, duc de Bretagne. Bien
qu'il fût neveu du connétable, La Trémoille ne l'avait point
écarté, et le roi avait accueilli avec empressement ce chevale-
resque et fidèle serviteur, qui ne demandait qu'à lui consacrer
sa fortune et sa vie °. Nul ne fut plus prompt à se déclarer pour
1. Le dimanche 8 mai. Voy. X'a 1481, f» 12, à la date du mardi 10 mai.
C'est la première fois que les registres du parlement font mention de la
Pucelle.
2. Voir par exemple le Ms. 3039 de l'Arsenal, f" 117.
3. Fr. 8818, ^ 96. Le Baud, 476. Peut-être J. de La Roche avait-il reçu
l'ordre de ne plus combattre Richemont et de venir au secours d'Orléans,
car on voit dans une lettre de Guy de Laval que J. de La Roche s'avançait
aussi vers Selles, en même temps que le connétable (voir Preuves de Bret.,
t. II, col. 1224-1226); à moins que ce ne fût pour le surveiller.
4. Le parlement de Poitiers avait décidé, le 2 novembre 1428, d'écrire au
comte de Richemont, pour l'engager à secourir Orléans (voy. ci-dessus,
p. 163, note 1).
5. Gagny {Ms. Duchesne, 48, f^ 86). Il paya, pour sa rançon, 200 000 1.,
c'est-à-dire plus de deux millions de monnaie actuelle, d'après M. Wallon
(I, 110, note 1). D'après le contrat de vente (31 décembre 1428), le duc de
Bretagne s'engage à payer au duc de Bedford 80 000 saluts d'or, que le duc
d'Alençon doit encore pour sa rançon, à obtenir la mise en liberté des
otages, etc. {Arch. de la Loire-Inf., cass. 4, E, 12, et cass. 7o, E 178;
Preuves de Vhist. de Bretagne, II, 1213-1222. Arch. des aff. étr., t. V, France,
f" 223 v« 224; Anselme. I, 272-273).
6. En octobre 1428, il avait essayé d'entrer dans la ville d'Argentan, que
166 RICHEMONT ENVOIE DES TROUPES AU ROI (1429)
la Pucelle, plus ardent à soulcnir sa cause et à seconder ses
entreprises. Après la délivrance d'Orléans, Charles VII avait
nommé le jeune duc d'Alençon lieutenant général, en le char-
geant d'aller, avec Jeanne d'Arc, chasser les Anglais des places
qu'ils occupaient encore sur la Loire K
Richemont crut que c'était le moment de rentrer en scène. Il
n'avait pas eu de peine à trouver, en Bretagne, dans le parti
français, des seigneurs tout disposés à le suivre, comme le comte
Guy de Laval, le sire de Lohéac, son frère, et le sire de Raiz, qui
n'avaient pas voulu prêter serment de fidélité au roi d'Angle-
terre ^. Après les avoir envoyés au duc d'Alençon, avec une nom-
breuse troupe de gens d'armes, il partit lui-même pour prendre
part aux opérations qui continuaient sur la Loire. Il emmenait
400 lances et 8G0 archers, qu'il avait levés tant en Bretagne que
dans ses terres du Poitou, avec nombre de notables chevaliers
et écuyers, comme le comte de Pardiac, les seigneurs de Beau-
manoir et de Rostrenen, Robert de Montauban, Guillaume de
Saint-Gilles, Alain de La Feuillée, en un mot une belle et bonne
compagnie, qui pouvait rendre de grands services *. On peut
croire, en outre, que, pendant son séjour en Bretagne, il avait
fait de nouveaux efforts auprès de Jean V pour le détacher de
l'alliance anglaise, en lui montrant combien cette alliance
deviendrait dangereuse, si les Français continuaient d'avoir le
dessus. Ces considérations agirent assez sur le timide et prudent
Jean V pour le déterminer à renouer quelques relations avec
Charles YII et à ne point refuser d'autres secours *.
Ces nouveaux services rendus au roi par Richemont, la certi-
tude qu'il en pouvait rendre encore d'autres ne changèrent rien
aux sentiments haineux de La Trémoille. Quand il apprit que le
connétable était en marche, il ne songea qu'à l'arrêter. Il envoya
au-devant de lui le sire de La Jaille, pour lui signifier l'ordre de
ne pas avancer. On était dans les premiers jours de juin. On
sait, par une lettre du comte de Laval ^ datée du 8 , qu'on parlait
les habitants voulaient lui livrer (J. Stevenson, II, p. 85); mais le complot
avait été éventé. En juin 1429, la rançon du duc n'était pas encore entière-
rement payée. Il avait dû laisser comme otages plusieurs seigneurs qui
furent alors conduits de Calais à Rouen par Ricliard Widville (Fr. 26032,
n» 1107). -
1. Vallet de V. Charles VII, II, 81. Fr. 10448, f" 50.
2. Voy. Append. L, vers la fin.
3. Gruel, 197. Le Baud, 466. J. Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, IV, 66, 178.
4. Voir une lettre du comte de Laval [Preuves de Bretagne, II, col. 1224).
5. Preuves de Bretagne, II, 1224. Jeanne était à Selles le 4 juin; elle en
partit le 6 pour Orléans, le jour même où le duc d'Alençon arrivait à
Selles (H. Wallon, J. d'Arc, 1, 187-188). Monstrelel ne connaît pas les intri-
RICHEMONT REJOINT l'aRMÉE (1429, JUIN) 167
de l'approche du connétable parmi les troupes que le duc d'Alen-
çon avait réunies à Selles en Berry, avec le bâtard d'Orléans, le
comte de Vendôme, Boussac, La Hire et Gaucourt, pour aller
rejoindre Jeanne d'Arc à Orléans. Le sire de La Jaille rencontra
le prince breton à Loudun. Alors, le prenant à part : « Monsei-
gneur, lui dit-il, le roi vous ordonne de retourner à la maison,
et, si vous êtes si hardi de passer outre, il vous combattra.
— Ce que j'en fais, répondit simplement Richemont, est pour le
bien du royaume et du roi; et je verrai qui me voudra combat-
tre. — Il me semble, Monseigneur, que vous ferez très bien, »
ajouta le sire de La. Jaille ^
Le connétable continua donc sa marche. Il traversa la Vienne
à gué et arriva jusqu'à Amboise, où commandait Regnault de
Bours, qui lui permit d'entrer dans la ville pour passer la Loire.
Il avait appris ^, chemin faisant, que la Pucelle avait emporté
Jargeau et fait prisonnier le comte de SufTolk ' (12 juin), A
Amboise, on lui dit qu'elle avait aussi pris le pont de Meung
(mercredi 15 juin) et qu'elle était venue, le même jour, mettre
le siège devant Beaugency *. A celte nouvelle, il se hâta de mar-
cher, par la rive droite du fleuve, sur Blois et de là sur Beau-
gency.
Quand il fut près de cette ville, il envoya le sire de Rostrenen
et Le Bourgeois " demander un logement aux capitaines de
l'armée royale. On vint lui dire que la Pucelle s'avançait, avec
ceux du siège, pour le combattre. Use contenta de répondre que,
s'ils venaient, il les verrait, et il continua sa route. Cependant
la situation était des plus graves. La Trémoille, très inquiet à
rapproche du connétable, dont il redoutait l'audace, avait quitté
Chinon pour aller à Tours, puis à Loches, à Saint-Aignan, près
de Selles, et enfin il s'était retiré dans sa ville de Sully '', où il
était à l'abri de toute surprise. Il avait eu soin d'emmener avec
pues de la cour, ni la situation du connétable à cette époque. Il dit, en
effet, qu'après la délivrance d'Orléans le roi manda le connétable, le duc
d'Alen(;on, etc. (Monstrelet, IV, 32i).
1. Gruel, 197.
2. Ilichemont était sans doute, tenu au courant par les Bretons qui se
trouvaient à l'armée avec Jeanne d'Arc. Ainsi Le Bourgeois était à Jargeau,
d'où il revint probablement vers le connétable, pour l'informer des dispo-
sitions du duc d'Alcnçon à son égard (voir Quicherat, Procès de Jeanne
d'Arc, IV, li, 170).
3. II. Wallon, J. d'Arc, I, 190-192. Cousinot, 303, 304. Xia 1481, fo 13. Jar-
geau, arrondissement d'Orléans.
4. Arrondissement d'Orléans.
5. Le Bourgeois, envoyé au secours d'Orléans, était allé re.trouver Riche-
mont (Fr. 7838, f° 50 ; Procès de Jeanne d'Arc, IV, 170).
6. Arrondissement de Gien.
168 RICHEMONT REJOINT l'aRMÉE (1429, JUIN)
lui le roi *, pour être bien sûr qu'on n'arracherait à sa faiblesse
aucune concession fâcheuse et pour continuer de commander
en son nom. Il est certain que la Pucelle et les chefs de l'armée
avaient reçu l'ordre formel d'éloigner, par tous les moyens, le
connétable ^ et rien ne prouve mieux la scélératesse du favori
tout-puissant que sa conduite dans cette circonstance. Qu'allait-
il arriver, si ses ordres étaient exécutés? Les intentions géné-
reuses de Richemont n'allaient-elles donc aboutir qu'à jeter la
discorde dans l'armée ? Les défenseurs de la France allaient-
ils maintenant se combattre eux-mêmes et donner aux en-
nemis ce spectacle qu'un général ancien déclarait digne des
dieux ?
Cependant la nouvelle de l'arrivée de Richemont avait mis
toute l'armée en émoi. Parmi les chefs, les uns, comme le duc
d'Alençon et la Pucelle, voulaient qu'on obéît aux ordres du
roi; les autres, comme la Hire, Girault de La Pallière, le sire de
Guitry, disaient qu'il serait insensé de refuser un secours dont
on avait si grand besoin, au moment même où Talbot et Fastolf
s'avançaient avec des renforts considérables ^. D'autre part, si
l'on admettait le connétable, ne faudrait-il pas lui laisser le com-
mandement de l'armée, auquel sa charge lui donnait droit? Le
duc d'Alençon, qui tenait du roi ce commandement et qui en
avait toute la responsabilité, déclara qu'il s'en irait, si l'on rece-
vait le connétable *. Déjà il montait à cheval, ainsi que Jeanne
d'Arc et plusieurs autres capitaines. Alors ceux qui avaient pris
le parti de Richemont demandèrent à Jeanne ce qu'elle voulait
faire, et, comme elle était d'avis de combattre le connétable, ils
répondirent, s'il faut en croire Gruel, « que, si elle y alloit, elle
trouveroit bien à qui parler, et qu'il y en avoit en la compaignie
qui seroient plustost à luy qu'à elle, et qu'ils aimeroient mieux
luy et sa compaignie que toutes les pucelles du royaume de
France ^ » Cette déclaration, même formulée d'une manière
moins discourtoise, ne pouvait manquer de produire un grand
effet. Lutililé du secours qui s'offrait si à propos et lit trop
1. M. Vallet de V. ne paraît pas avoir compris la situation, quand il dit
qu'à la nouvelle de la prise de Jargeau, Charles VII fit un pas marqué vers
Reims, selon les conseils de la Pucelle, en venant s'établir à Sully-sur^
Loire. {Hist. de Charles VU, t. II, 83.)
2. H. Wallon, J. d'Arc, I, 197.
3. Fastolf amenait 5000 h. de Paris. Ne pas oublier que, malgré lès succès
de Jeanne d'Arc, on redoutait encore les Anglais, si longtemps invincibles
(Wallon, /. d'Arc, l, 189).
4. Le duc (i'Alençon avait d'ailleurs fait alliance avec La Trémoille en
1428 (de Beaucourt, Charles VII, t. II, 163).
fi.5. Gruel, 197.
JEANNE d'arc ACCUEILLE LE CONNÉTABLE (1429, 16 JUIN) 169
évidente pour qu'on la pût contester *. Fallait-il sacrifier aux
rancunes de La Trémoille les intérêts les plus sacrés? Touchée
de ces considérations, la Pucelle détermina le duc d'Alen^on lui-
même à suivre le parti le plus sage, et ce redoutable incident se
termina de la façon la plus heureuse (jeudi 16 juin).
On marcha donc au-devant de Richemont. Bientôt on aperçut
sa petite armée, qui s'avançait en belle ordonnance. Les deux
troupes s'abordèrent près d'une maladrerie voisine de Beau-
gency. Alors le duc d'Alençon, le bâtard d'Orléans, Guy, André
de Laval et d'autres capitaines, s'approchant de Richemont, « lui
firent grande chère »; puis, selon le récit de Gruel, Jeanne des-
cendant de cheval devant le connétable, qui mit aussi pied à
terre, vint lui embrasser les genoux. « Et lors il parla à elle et
luy dit : « Jeanne, on m'a dit que vous me voulez combattre ; je
ne scay si vous estes de par Dieu ou non. Si vous estes de par
Dieu, je ne vous crains en rien, car Dieu sait mon bon vouloir ;
si vous estes de par le diable, je vous crains encore moins ^. » Il
ajouta qu'il n'avait d'autre intention que de servir le roi loyale-
ment, qu'il n'avait rien fait pour mériter sa disgrâce, mais qu'il
avait été victime de rapports perfides ; enfin il supplia Jeanne
« de le recevoir pour le roi au service de sa couronne, pour y
employer son corps, sa puissance et toute sa seigneurie, en luy
pardonnant toute offense ^ » Dans ce moment, où il s'agissait de
sauver la France, aucun sacrifice d'amour-propre ne coûtait à
Richemont. Ce rude et fier Breton, qui d'ordinaire ne pliait
devant personne, ce connétable qui avait le droit de commander
à tous, se fût humilié devant La Trémoille lui-même, pour avoir
seulement la permission de combattre, comme un simple capi-
taine, parmi les autres défenseurs de la France ! La Pucelle
reçut le serment du connétable ; les autres chefs se portèrent
garants de sa fidélité, puis tous ensemble se rendirent au camp
devant Beaugency *.
1. II amenait 1000 à 1200 combattants, « qui estoit graat secours et aide;
et en est ledit connestable bien à recommander, car ycy et en plusieurs
aultres lieux a fait de grans services au roy. » C'est J. Chartier, l'histo-
riographe de Charles VII, qui parle ainsi (Procès de Jeanne dArc, IV, 66).
D'après une chronique du siège d'Orléans {ihid., p. 178), Richemont ame-
nait 1500 combattants.
2. Gruel. 197.
3. Cousinot. 304-303.
4. Gruel, 197. Cousinot, 304-303. Le Baud, 476. D'Argentré, 777. D. Mo-,
rice, I, 507. H. Wallon, I, 196-197. Vallet de V., II, 83-84. J. Quicherat,
Procès de Jeanne d'Arc. IV, 14, 66. J. de Waurin, Croniques de la grant
Rretaigne, édition W. Hardy, London, 1879, t. V, p. 286. J. Chartier, III,
209. Fr. 10448, î" 53 v, 54, 57, 58.
170 CAPITULATION DE BEAUGENCY (1429, 18 JUIN)
Les Anglais avaient évacué la ville pour défendre le pont et le
château, que l'artillerie française battait depuis le matin. On ne
donna pas de logement au conn;'table ; on décida qu'il ferait le
guet pendant cette nuit, soin qui incombait, selon l'usage, aux
nouveaux venus. Il y consentit de grand cœur, et, dit son bio-
graphe, « ce fut le plus beau guet qui eût esté fait en France
passé il y a longtemps ^ »
Cependant Fastolf, qui avait amené 5 000 hommes de Paris,
avait fait sa jonction, à Janville ^, avec Th. de Scales et Talbot.
Celui-ci fit prévaloir impétueusement sa résolution de secourir
Beaugency. A cette nouvelle, les Français décidèrent d'aller au
devant de l'ennemi, puisque l'arrivée du connétable permettait
de faire cette démonstration, sans trop dégarnir le siège. Le duc
d'Alençon et la Pucelle, avec un corps d'environ 6000 hommes,
s'avancèrent donc vers Meung '. Arrivés sur une hauteur, à
quelque distance de cette ville, ils aperçurent l'armée anglaise,
qui déjà se rangeait en bataille, mais ils conservèrent prudem-
ment leur position, sans se laisser entraîner dans la plaine par
ce courage téméraire qui avait déjà causé tant de malheurs. Les
Anglais eurent beau les défier au combat. « Allez vous loger pour
maishuy (aujourd'hui), leur fit répondre la Pucelle, car il est
tard; mais demain, au plaisir de Dieu et de Nostre-Dame, nous
nous verrons de plus près * » (vendredi 17 juin). Déconcertés
par cette attitude et sachant d'ailleurs que leurs adversaires,
avaient reçu des renforts, les chefs anglais et Talbot lui-même
n'osèrent s'aventurer plus loin; ils retournèrent à Meung, pen-
dant que les Français revenaient à Beaugency.
En apprenant cette tentative infructueuse, les Anglais qui
défendaient encore le pont et le château de Beaugency perdirent
tout espoir d'être secourus. Vers le milieu de la nuit, le bailli
d'Evreux, leur chef, fit proposer à la Pucelle une capitulation,
qu'elle accorda, et le samedi matin, dès l'aube, les ennemis, au
nombre de 500, se retirèrent avec armes et bagages, en s'enga-
gsant à ne pas combattre de dix jours (samedi 18 juin) ^.
Pendant cette même nuit, Talbot et Fastolf avaient assailli le
pont de Meung; mais les Français qui l'occupaient, ayant reçu
du connétable un secours de vingt lances avec les archers, résis-
1. Grael, 197. Journée du vendredi 47 juin.
2. Arrondissement de Chartres.
3. Il semble résulter du silence de Waurin et de Gruel que Richemont
ne prit pas part à cette reconnaissance et qu'il resta devant Beaugency,
Meung, arrondissement d'Orléans.
4. H. Wallon, J. d'Arc, I, 199.
5. Gousinot, 303. Procès de Jeanne d'Arc, IV, 173.
RICHEMONT POURSUIT LES ANGLAIS 171
tèrent à toutes les attaques. Néanmoins, ils n'auraient pu tenir
longtemps contre l'armée anglaise, si la capitulation do. Beau-
geney n'eût permis de venir promptement à leur aide. De grand
matin, quand les Anglais eurent évacué Beaugency, la Piicelle
et tous les capitaines de l'armée montèrent à cheval, pour mar-
cher sur Meung. Instruits de leur approche, Fastolf et Talbot,
qui venaient d'apprendre la capitulation de Beaugency, résolu-
rent d'abandonner aussi la ville de Meung. Dès qu'ils aperçu-
rent l'avant-garde française, ils gagnèrent précipitamment les
champs, pour réunir toutes leurs troupes, sans même emporter
leurs vivres et leurs bagages, et commencèrent leur retraite en
bon ordre K
L'avant-garde française revint aussitôt vers le gros de l'armée,
en disant que les Anglais s'en allaient, et on tourna bride pour
rentrer à Beaugency. Déjà chacun se dirigeait vers son loge-
ment, quand le sire de Rostrenen vint avertir le connétable que
beaucoup de capitaines brûlaient de poursuivre les ennemis.
« Si vous faites tirer votre estendard en avant, dit-il, tout le
monde vous suivra ^. » Richemont ayant approuvé cet avis, la
Pucelle et le duc d'Alençon décidèrent qu'on allait, sans plus de
retard, poursuivre les Anglais et les attaquer, puisqu'on était en
nombre. On ne mit à l'avant-garde que des cavaliers, tous bien
montés, avec Saintrailles, La Hirc, Ambroise de Loré, le sire
de Beaumanoir, Girault de La Pallière. Le corps de bataille était
conduit par la Pucelle, le duc d'Alençon, le connétable, les
sires de Laval, le maréchal de Raiz, le bâtard d'Orléans et Gau-
court. L'armée s'avança rapidement à travers la Beauce, dans la
direction de Janville, impatiente de rencontrer ces Anglais qu'on
n'osait plus affronter auparavant en rase campagne. Jeanne com-
muniquait à tous l'ardeur et la confiance qui l'animaient ; elle
prédisait une victoire comme le roi n'en avait pas eu depuis long-
temps. «Ah! beau connétable, disait-elle, vous n'êtes pas venu de
par moi ; mais, puisque vous êtes venu, vous serez bienvenu. »
Après avoir chevauché l'espace d'environ cinq lieues, l'avant-
garde aperçoit les Anglais, qui s'étaient arrêtés dans un endroit
situé entre le hameau de Ligaerolles et le village de Coinces, au
sud-est de Patay ^. Entraînée par La Hire, elle culbute dans une
charge impétueuse l'arrière-garde des Anglais. Tout le reste de
l'armée française se précipite, avant que Fastolf ait pu rallier
les fuyards. Talbot veut résister, avec les redoutables archers
1. Gousinot, 306. Gruel, 197-198. X*" 1481, P 14.
2. Gruel, 198.
3. Arrondissement d'Orléans.
172 BATAILLE DE PATAY (1429, 18 JUIN)
qui avaient gagné tant de batailles ; il est entouré, fait prisonnier.
Fastolf, avec le principal corps, essaie vainement de faire face
et de rétablir l'ordre; il ne peut arrêter la déroute. Accablé de
désespoir et de honte, il veut s'élancer au milieu des ennemis
pour se faire tuer, et c'est à grand'peine qu'on le détermine à se
retirer. Le vainqueur de Rouvray est forcé d'abandonner vaincu
le champ de bataille, pour diriger la retraite. Poursuivi par les
Français jusqu'à Janville, il voit celte place lui fermer ses portes,
et il est obligé d'emmener les débris de ses troupes à Etampes,
puis à Gorbeil. Les Anglais avaient perdu plus de 2 200 hommes
et, parmi eux, quelques-uns de leurs capitaines les plus re-
nommés, le fameux Talbot, pris par les archers de Saintrail-
les, H. Branch, pris par le sire de Beaumanoir, Th. de Scales,
Th. Ramston, Hungerford. Ils avaient perdu plus encore, leur
réputation d'adversaires invincibles, la confiance en leur supé-
riorité, le prestige qui faisait leur force. C'était donc là une
grande victoire pour les Français ; ils étaient maintenant capa-
bles de tout entreprendre, si l'on avait voulu tout oser. Nul n'était
plus joyeux de ces éclatants succès que le connétable. Pour lui
c'était une revanche de Pontorson, l'espoir d'une réconciliation
avec le roi, le commencement d'une période nouvelle, où il en-
trevoyait d'autres victoires ^ (samedi 18 juin).
Après cette glorieuse bataille, les Français, accablés par la
chaleur et la fatigue, prirent une nuit de repos à Patay, où
couchèrent la Pucelle, le duc d'Alençon, le connétable et le
comte de Vendôme. Le lendemain matin (dimanche 19 juin),
l'armée victorieuse fit son entrée dans Orléans, au milieu d'ac-
clamations enthousiastes. Les habitants croyaient que le roi
allait venir et faisaient déjà des préparatifs pour le recevoir;
mais La Trénioille craignait trop de perdre son influence despo-
tique pour le conduire dans un milieu où il aurait pu céder
à l'entraînement général. Il le retint dans son château de Sully,
pour lui dicter toutes ses volontés. 11 sut l'exciter encore contre
Richemont, en ne faisant ressortir à ses yeux que sa désobéis-
sance. Quand la Pucelle vint elle-même, avec le duc d'Alençon
et d'autres grands seigneurs, implorer pour le connétable la
faveur de servir loyalement le roi et la France, elle essuya un
refus blessant *. Richemont, qui attendait à Beaugency le ré-
1. Cousinot, 307. Gruel, 198. H. Wallon, I, 202-205. Fr. 16286, f»^ 36a
V, 364. Procès de Jeanne d'Arc, III, p. 11; IV, 13, 16, 67, 68. Consaux de
Tournay, II, 334-333. Ms. 3039, f- 117 v% 118, à la blb. de l'Arsenal. Mar-
tial d'Auv., I, p. 101. Chron. Martinienne, f» cclxxvi v°. Fr. 10448, î"^ 53, 56.
2. Procès de Jeanne d'Arc, IV, 178-179. De Beaucourt, Charles VU, t. II,
p. 222-223. Martial d'Auv., I, p. 103.
RICHEMONT EST RENVOYÉ DE l'ARMÉE (1429) 173
sultat de celte démarche, reçut l'ordre formel de s'en retourner.
Il s'humilia jusqu'à envoyer auprès de La Trémoille les sires de
Beaumanoir et de Rostrenen, pour le prier de permettre qu'il
restât à l'armée. Ils lui dirent que Richemont « feroit tout ce
qu'il luy plairoit, et fust jusques à le 'baiser aux genoux, mais
oncques n'en voulut-il rien faire, et luy fît mander le roi qu'il
s'en allast et que mieulx aimeroit jamais n'estre couronné que
mondit seigneur y fust. » Le même ordre fut signifié au comte
de Pardiac K
Jamais La Trémoille ne fit plus de mal à la France qu'à cette
époque, où il ne cessa d'entraver les efforts de Jeanne d'Arc et
de ceux qui voulaient, comme elle, profiter de l'enthousiasme
général pour hâter la libération du pays. Trop bien secondé par
quelques autres conseillers du roi, notamment par le chancelier
Regnault de Chartres, archevêque de Reims, il fit échouer tout
ce qui contrariait son monstrueux égoïsme et ne recula peut-
être devant aucune trahison ^. S'il n'avait pas éloigné, par dé-
fiance, beaucoup de ceux qui accouraient en foule offrir leurs
services au roi; s'il n'avait pas arrêté le merveilleux élan donné
par Jeanne d'Arc à la nation entière, on eût peut-être entraîné
la Bretagne, la Bourgogne et délivré la France de la domination
anglaise. Tant qu'il resta au pouvoir, cette œuvre fut impos-
sible ^.
Quand La Trémoille n'eut plus à craindre la présence de
Richemont, il consentit à ce que Jeanne d'Arc marchât sur
Reims, et il la suivit avec le roi, qu'elle voulait faire sacrer. Le
connétable eut donc la douleur de ne point prendre part à cette
campagne glorieuse. Il voulut utiliser ses troupes en chassant
de l'Orléanais les Anglais et les Bourguignons qui s'y trouvaient
encore et mettre le siège devant Marchenoir, près de Blois.
Alors les défenseurs de cette place envoyèrent vers le duc
d'Alençon pour traiter avec lui; mais, quand Richemont, sur
l'invitation de son neveu, se fut éloigné, ils refusèrent de tenir
leur serment. Et ce ne fut pas le seul cas dans lequel on eut à
regretter l'éloignement des comtes de Richemont et de Par-
diac *.
Après avoir quitté le duc d'Alençon, qui allait rejoindre
1. Gruel, 198. J. Quicherat, Rod. de Villandrando , 37-38. Le comte de
Pardiac eût amené la bande de Rodrigo, qui alla ravager le Midi. Sur
cette campagne de Richemont, voir aussi Fr. 10448, f"» 53-38; Fr. 10449,
f« 174-175.
2. H. Wallon, J. d'Arc, I, 211, note 1.
3. Procès de Jeanne d'Arc, IV, 70, 71. Cousinot 309, 313.
4. Ck)usinot, 309. H. Wallon, J. d'Arc, I, 213.
174 CAMPAGNE DE RICHEMONT EN NORMANDIE (1429)
Jeanne d'Arc, le connétable revint à Parthenay *, toujours
poursuivi par la haine de La Trémoille. On lui fermait les villes,
les passages ; a et luy firent tout le pis qu'ils peurent, pour ce
qu'il avoit faict tout le mieulx qu'il avoit peu ^ » Il eut la mor-
tification de ne point assister au sacre de Charles VII, où l'épée
que le connétable de France devait porter devant le roi fut tenue
par Gh. d'Albert (17 juillet) ^ Quant à La Trémoille, il reçut
alors, pour prix de ses services, le titre de comte *, Ces offenses
réitérées n'empêchèrent point Richemont de se rendre utile.
Au lieu de rester inaclif à Parthenay, où il ne dut faire qu'un
séjour de courte durée, il employa ses troupes à combattre en
Normandie contre les Anglais, pendant que la Pucelle marchait
de Reims sur Paris (juillet-septembre) ^.
Cette campagne de Richemont en Normandie est fort peu
connue; son biographe n'en dit pas un mot, et les chroniqueurs
n'en parlent pas assez ^ pour qu'on en puisse bien indiquer les
détails, mais on entrevoit là un concert arrêté secrètement avec
quelques chefs de l'armée royale, sans doute avec le duc
d'Alençon, Il est certain qu'une diversion en Normandie pouvait
avoir les effets les plus heureux et hâter la ruine des Anglais.
Malgré son habileté, Bedford était aux abois. Manquant d'hom-
mes et d'argent, réduit aux expédients les plus arbitraires \
il ne pouvait ni arrêter la marche victorieuse de la Pucelle à
travers la Champagne, la Picardie, l'Ile-de-France, ni empêcher
les défections qui se multipliaient; il sentait grandir en Nor-
i. « Il retourna en son ostel de Partenay, lie et joyeulx de la journée
(de Patay) que Dieu avoit donnée pour le roy et très marry de ce que le
roy ne vouloit prendre en gré son service. » (Gagny, dans le Procès de
Jeanne d'Arc, IV, 16.)
2. Gruel, 198.
3. XiM481,f'' 16.
4. Gilles de Raiz fut fait maréchal et Guy de Laval créé comte, danè cette
même circonstance (Xi" 8604, î" 108 vo; Vallet de V., Charles VII, II, 99).
Gilles de Raiz avait promis fidélité à La Trémoille (Redet, Catal. de D. Fou-
teneau, 329). C'est à tort que la chronique du Ms, fr. 23018 indique le comte
de Richemont, en premier, parmi ceux qui assistaient au sacre (voir des
fragments de cette chronique publiés par M, J. Quicherat dans le t. 19
de la Revue historique, p. '74).
5. D'après d'Argentré (p. 778), le roi, « pour déguiser son intention devers
le connétable, lui envoya une commission pour, cependant qu'il serait à
son sacre, prendre garde de la frontière de Normandie ». Le comte de
Pardiac fut envoyé en Guyenne comme gouverneur et lieutenant du roi.
La Trémoille voulait ainsi les séparer. Le connétable ne s'y trompa pas,
mais il aima mieux accepter que de ne rien faire. {Procès de Jeanne dArc,
IV, 46. Fr. 10148, f° S6 v.)
6. Monstrelet, IV, p. 333-336 et 333. Procès, IV, 30, 48.
7. Fr. 4488, f" 12-13, 133. Xi» 1481, f» 18.
PROGRÈS DES FRANÇAIS (1429) " 17S
mandie une agitation inquiétante ; il craignait de voir Rouen
menacé en même temps que Paris '■ ; enfin il savait que le duc
de Bourgogne, toujours sollicité par le duc de Savoie^ négociait
avec Charles VII ^
Après avoir reçu d'Angleterre o 000 hommes, amenés à grand
peine par le cardinal de Winchester ^ (25 juillet), Bedford essaya
vainement d'arrêter les progrès de Jeanne d'Arc et faillit même
livrer bataille près de Senlis. S'il n'est pas certain que la pré-
sence de Richemont eût alors permis à l'armée française d'atta-
quer Bedford dans ses positions, à Monlépilloy *, le 15 août, on
voit que les nouvelles de Normandie causaient au régent les
plus vives alarmes, puisqu'il se rendit dans ce pays, au mo-
ment même ou la Pucelle arrivait à Saint-Denis (26 août) ^.
Ces nouvelles étaient en effet très graves ; Cherbourg avait
voulu se donner aux Français ^; ils menaçaient Evreux et plu-
sieurs places des environs, Beaumont, Romilly, Couches ' ; au
delà de la Seine, ils occupaient ou allaient prendre Dangu,
Etrepagny, le château d'Aumale, Blangy, Beaucamp, d'où ils
pouvaient faire des courses dans l'Ile-de-France et la Picardie ^;
ils avaient des intelligences dans les grandes villes, à Paris ", à
Rouen, et Bedford ne savait comment défendre à la fois et la
Normandie et la capitale. Il fit venir à Vernon (fin d'août) des
troupes, qu'il dirigea sur Paris en toute hâte '", et pourvut de
son mieux à la défense de la Normandie ^* .
Ce qui sauva les Anglais, plus encore que l'habileté du ré-
gent, ce fut la coupable conduite de Charles VII et de ses conseil-
lers. Non contents d'avoir fait échouer la tentative de Jeanne
1. H. WaUon, I, 271. K 63, uo» T'e 25^ s et 8 bis. J. Stevenson, t. II, p. 111
et suiv., 141.
2. XiaSeOS, fo» 13, J4. Revue histor., t. XIX, p. 76-79. De Beaucourt, Char-
les VU, t. II, p. 404 et suiv.
3. Fr. 4488, f 199, et Xi» 1481, f" 16, 17. J. Stevenson, II, 111 et suiv.
4. Arrondissement et canton de Senlis. Gruel, 198. Cousinot, 328-331.
5. JJ 174, n» 339.
6. Voy. Fr. 26052, n" 1120-1127, U4i. En avril, les Anglais assiégeaient
Château-Gaillard. Voir des détails curieux sur ce siège dans Fr. 26031,
n"' 1053, 1068, 1070, 1079, 1081. Fr. 23189, n° 3. JJ 175, n» 16.
7. Voy. Fr. 26051, n» 1130, et Fr. 2G052, n»' 1164, 1188, 1190, 1192, 1194, 1195,
1202, 1205, 1209, 1212, 1213, 1290. P. Cochon. 457-461, 465. Fr. 14S46, anc.
S. F. 3795, f» 33 V. Beaumont-le-Roger, Romilly, Conches sont dans l'Eure.
8. Fr. 26053, n^ 1326. JJ 175, n- 86, 191, 230. Aumale et Blangy, arron-
dissement de Neufchâtel; Beaucamp, Dangu, Etrepagny, arrondissement
des Andelys.
9. XI» 1481, f» 18. JJ 175, n° 83. .Moreau, 705, f" 65. Chéruel, Hist. de
Rouen. Rouen, 1840, in-S, p. 8i, 92, 93.
10. K 63, nos 716^ 725.
11. Fr. 26032, u" H6i, et Fr. 14346, f» 33 v».
176 CONDUITE ODIEUSE DE LA TRÉMOILLE (1429)
d'Arc sur Paris (jeudi 8 septembre) *, ils l'empêchèrent de mar-
cher, avec le duc l'AIençon, sur la Normandie, prête à se sou-
lever 2. C'est que La Trémoille craignait de voir la Pucelle et le
duc d'Alençon se joindre au connétable pour réduire la Nor-
mandie; il aimait mieux laisser aux Anglais cette province,
dont la conquête semblait certaine, que de mettre en péril ses
propres intérêts ^. Il est vrai que Charles VII négociait alors
avec le duc de Bourgogne et même avec Bedford, mais sans
succès *. Si les affaires de la France avaient été mieux con-
duites, si le roi n'avait eu auprès de lui que des conseillers in-
tègres, unis dans une même pensée, habiles à utiliser tous les
moyens de réussite, les négociations avec Je duc de Bourgogne,
appuyées par les victoires de Jeanne d'Arc et par l'influence
personnelle du connétable, auraient pu aboutir à de tout autres
résultats. Philippe le Bon était fort mécontent des Anglais ^ ; la
Bretagne, qui était toujours française " et fournissait déjà des
secours, n'eût pas été difficile à ramener; le duc Jean V lui-
même eût cédé à l'entraînement général; mais Bedford, at-
tentif à profiter des moindres fautes, sut regagner Philippe le
Bon, et tout fut encore compromis '^ (octobre).
Sans renoncer aux prérogatives de la régence, Bedford eut
l'adresse de rejeter une partie du fardeau qui l'accablait sur
le duc de Bourgogne, en lui donnant, avec le titre de lieute-
nant général du roi Henri VI, la garde et le gouvernement
de Paris et de la plupart des pays soumis à la domination an-
glaise, moins la Normandie (13 octobre). Il retourna aus-
sitôt après dans cette province (17 octobre) % pour reprendre
les villes que les Anglais avaient perdues ", pendant que Jeanne
1. Xia 1481, fois.
2. Voy. Fr. 23189, no 3. On voulait livrer Argentan au duc d'Alençon.
3. Wallon, J. d'Arc, I, 307-308.
4. J. Stevenson, t. II, p. 126. Moreau, 705, f^ 71. Hist. de Bourg., IV, 131-133,
et Preuves, lsxvui-lxxxi ; Coltecl. de Bourgogne, t. 99, f»» 241-243, 249-251.
Les négociations avec le duc de Bourgogne furent poussées assez loin,
mais il ne voulut pas traiter sans les Anglais.
5. Hist. de Bourgogne, IV, 127-133,
6. H. Wallon, /. d'Arc, I, 309 et 445. Le comte de Montfort, fils aîné du
duc de Bretagne, devait amener des troupes à Charles VII {Arch. de la
Loire-Inf., cass. 38, E, 103).
7. Négociations avec Philippe le Bon. Hist. de Bourg., IV, 127-133, et Pr.
H. Wallon, I, 270-273, 277-278, 287-288, et surtout Xi» 8605, f-^ 13 et 14.
8. Philippe le Bon, arrivé à Paris le 30 septembre, repartit le 18 octobre,
pour aller en Flandre recevoir sa fiancée, Isabelle, fille de Jean I""-, roi de
Portugal. On sait que sa seconde femme, Bonne d'Artois, était morte en
1425 (Xia 1481, f" 18).
9. Fr. 26032, n« 1192, 1194, 1202, 1203, 1209-1213, 1221, 1290.
JEANNE d'arc EST PRISE (1430, 24 MAl) 1T7
d'Arc, retenue malgré elle sur la Loire et presque abandonnée,
échouait devant La Charité K
La guerre continua donc en Normandie et dans le Maine, où
les Français avaient recouvré Laval (le 25 septembre) ^ Mais on
ne sait quelle part y prit le connétable \ Il échoua dans une ten-
tative sur Fresnay-le-Vicomte * et s'en retourna dans le Poitou.
En revenant à Parthenay, il faillit être assassiné par un émis-
saire de La Trémoille, un Picard, qui chevauchait auprès de
lui, en le regardant sans cesse. Richemont, ayant remarqué les
allures suspectes de cet homme, le fit arrêter, l'interrogea et le
détermina, par une promesse de pardon, à confesser que La
Trémoille lui avait promis de l'argent pour le tuer. « Allez, lui
dit le connétable, en lui donnant un marc d'argent; allez et
n'acceptez plus de telles commissions ^. »
Richemont se tint donc sur ses gardes et continua de
lutter contre les attaques et les intrigues de La Trémoille. Il
semble impossible de pénétrer ces menées ténébreuses ^, mais
on voit que le nouveau maire du palais n'a point de préoc-
cupation plus constante que celle de maintenir son autorité
despotique. Il écarte ou renverse quiconque lui porte om-
brage; il essaye de suffire à tout par lui-même ; il laisse, pour
ainsi dire, à leurs propres ressources les capitaines qui com-
battent toujours en Normandie, en Picardie, en Champagne,
comme le duc d'Alençon, La Hire, le comte de Clermont, le
chevaleresque Barbazan ; il abandonne et trahit peut-être Jeanne
d'Arc, qui est prise en défendant Compiègne (24 mai) ' ; il pour-
1. H. Wallon, J. d'Arc, I, 312-313. JJ 174, n° 339. Qair. 8, fo 437. La Cha-
rité, arrondissement de Cosne.
2. Fr. 15512, f© l.Cousinot, 337. Il y avait à Laval « une belle et notable
forteresse » que les ennemis n'avaient pu prendre (X*" 9201, fo» 22-23).
3. La Hire prit d'assaut Louviers, dans la nuit du 7 décembre (Fr. 26060,
no 2717, et P. Coclion, 463, à la suite de Cousinot). Les Français échouèrent
devant Falaise et firent des courses jusqu'à Caen (Fr. 26052, n<" 1206 et
1217).
4. Arrondissement de Mamers (Sarthe).
5. Gruel, 198.
6. Du F. de Beaucourt {Revue des questions hist., livraison du l^' juillet
1872, p. 81). Pour l'année 1430, on trouve fort peu de renseignements sur
Richemont. Gruel ne dit presque rien, et sa chronologie n'est pas assez
précise pour qu'on puisse bien voir la suite des événements. La guerre
continuait dans le Poitou (X»» 9201, f" 8).
7. H. Wallon, \, 330-337, 432-453. Valletde V., II, 132-155. X^» 1481, f- 27.
Voir toutefois de Beaucourt, II, 232 et suiv. Les principales opérations
militaires de 1430 sont : les sièges de Château-Gaillard, de Torcy (canton de
Longueville, arrondissement de Dieppe), de Louviers. Elles sont fréquem-
ment indiquées dans J. Stevenson, II, 128, 130, 136 et surtout dans lesMss,
Fr. 25768, n"» 371, 403 et suiv. Fr. 25769, n" 458, 471 et suiv., 500 et suiv.
Fr. 26052, n» 1225 et suiv. Fr. 26053, n" 1284, 1298 et suiv., 1374, 1401 et
Richemont. 12
178 LA TRÉMOILLE SE RAPPROCHE DE LA BRETAGNE (1430)
suit de stériles négociations avec le duc de Bourgogne, avec
Sigismond d'Autriche, au lieu de diriger ou seulement de suivre
le généreux élan qui soulève les populations contre les Anglais,
à Paris \ à Rouen, dans toute la Normandie, à Chartres ^; mais
il ne perd pas de vue ses ennemis personnels, et, comme il sent
peser sur sa fortune insolente la ténacité du connétable, c'est
surtout contre lui qu'il tourne ses efforts.
Après avoir échoué dans ses négociations avec le duc de Bour-
gogne ^, La Trémoille se retourna du côté de la Bretagne, soit
qu'il désirât sérieusement arriver à une entente avec le duc
Jean V et avec Richemont, soit qu'il voulût attirer celui-ci dans
un piège •*. Le roi envoya donc en Bretagne, vers le commence-
ment de 1430;, l'archevêque de Tours, Philippe de Goetquis,
Renaud Girard, son maître d'hôtel, et Richard Pocaire, bailli de
Sentis °, pour proposer un arrangement avec le comte de Riche-
mont, sans doute aussi pour obtenir des secours de Jean V et le
détacher des Anglais. C'était vers le temps où Jeanne d'Arc écri-
vait aux habitants de Reims, le 28 mars, que toute la Bretagne
était française et que le duc devait envoyer au roi 3000 combat-
tants payés pour deux mois ^. Après avoir consulté son frère
Artur, le duc envoya aussi des ambassadeurs auprès du roi, qui
était alors à Jargeau. Il fut convenu que Richemont et La Tré-
moille auraient une entrevue entre Poitiers et Parthenay; mais
le connétable, craignant quelque mauvais dessein, ne jugea pas
prudent d'aller à cette conférence. Il y envoya '' trois de ses plus
dévoués partisans, Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, Ant.
de Vivonne et André de Beaumont, seigneur de Lezay.
suiv. K 63, nos lo, 12, 12 bis. Le siège du Mont- Saint-Michel continuait
(mêmes sources et Chron. du Mont-Saint-Michel, publiée par S. Luce).
1. P. 13382, fo 353. J. Stevenson, I, 34. Xi» 1481, fo 25 v». Après la prise
de la Pucelle, le roi et ses conseillers « se trouvèrent plus abessiez de bon
vouloir que par avant ». Ils ne songeaient qu'à traiter avec le duc de
Bourgogne et avec l'Angleterre (Cagny, dans le Procès de Jeanne d'Arc, IV, 37) .
2. Fr. 26053, no» 1313, 1425.
3. De Beaucourt, Charles VII, t. II, 401 et suiv. Consaux de Toumay, II,
343-343,
4. D. Morice, I, 309.
5. Xia 8604, fo 102 v». Preuves de l'hist. de Bretagne, II, 1226.
6. Procès de Jeanne d'Arc, V, 160-162. H. Wallon, /. d'Arc, I, 445. Les An-
glais ménageaient beaucoup le duc de Bretagne, car Henri Vil rendit
des terres voisines de Paris et l'hôtel de la Petite-Bretagne, à Paris, donnés
au comte de Salisbury et revenus, après sa mort, au domaine royal (Porfe/".
Font., 115-116, au 10 juin). Henri VI était en France depuis le 23 avril (J. Ste-
venson, II, 140 ; XI» 1481, f- 26).
7. Probablement vers la fin de juin. Le 30 juin, payement fait à un mes-
ager envoyé par le roi, de Jargeau, au vicomte de Thouars (Fr. 26 033,
■ n» 1365).
MANŒUVRES DE LA TRÉMOILLE (1430) 179
Ces envoyés suivirent la cour à Gien, à Sens, puis encore à
Gien (juillet-octobre 1430) % moins, peut-être, pour négocier sincè-
rement que pour trouver l'occasion de tenter quelque entreprise
contre le mortel ennemi du connétable. S'il faut ajouter foi aux
accusations portées plus tard contre eux, ils auraient essayé,
plusieurs fois, d'enlever La Trémoille et même de le tuer; bien
plus, ils auraient voulu s'emparer de la personne du roi, le con-
duire à Amboise, ville qui appartenait au vicomte de Thouars, et
rendre ainsi le pouvoir au comte de Richemont. Ces accusations,
pour être exagérées, ne sont pas tout à fait invraisemblables.
Il est fort possible que les amis de Richemont aient tramé un
complot contre La Trémoille; mais celui-ci était trop défiant pour
ne pas les faire arrêter, s'il eût soupçonné la moindre tentative
de leur part. Et puis, il leur manqua peut-être le concours le
plus indispensable, celui de la reine Yolande.
Cette princesse était fort irritée contre le duc de Bretagne, qui,
après avoir obtenu la dissolution d'un mariage antérieurement
arrêté entre sa fille Isabelle et le jeune roi de Sicile *, donnait
alors la main d'Isabelle à Guy de Laval (l^' octobre). On peut
supposer que La Trémoille ne fut pas étranger à cette affaire.
Il craignait et détestait la reine de Sicile ; il avait intérêt à for-
tifier en Bretagne le parti de Charles VII, en se créant d'utiles
alliances. La maison de Laval était dévouée au roi^ elle était
puissante, et Guy de Laval, devenu le gendre de Jean V, pouvait
neutraliser l'influence de Richemont. Yolande et ses fils (René
et Charles), gravement offensés, songèrent d'abord à la ven-
geance. Malgré les protestations de Jean V, ils furent sur le point
de lui déclarer la guerre. Il fallut que le connétable vînt lui-
même à Champtocé, avec son frère Richard, pour apaiser le
ressentiment de sa protectrice et faire prévaloir les considéra-
tions poUtiques, en préparant une autre alliance de famille entre
les maisons d'Anjou et de Bretagne ^. On continua donc de s'ob-
server, de jouer au plus habile. Le duc de Bretagne travailla
encore au rétablissement de la paix générale. Il envoya vaine-
ment des ambassadeurs au roi d'Angleterre, aux ducs de Bour-
gogne et de Savoie *. En outre, il fut décidé qu'on essayerait de
1. Le 30 août 1430, Richemont est àFontenay (Fr. 8819, f» 37).
2. Fr. 11542, f»' 6, 9, 11. Guy XIII, comte de Laval, fils de J. de Mont-
fort et d'Anue de Laval (Anselme, I, 456; YII, 74). Voir ci-dessus, p. 49 et
note 3.
3. D. Lobineau, I, 584. Fr. 11542, P^ 9, 10. Vers cette époque, le 8 sep-
tembre, Henri VI donne à Bedford le duché d'Anjou, le comté du Maine
et la vicomte de Beaumont-le-Roger (Xi'' 1481, f» 34 vo et Xi» 8605, fo 15).
4. Le duc de Bourgogne, qui avait reçu de Henri VI la Champagne et la
Brie (JJ 174,- fo 53 ; X^» 8605, fo 15), n'était pas encore satisfait des Anglais
180 LA TREMOILLE VA EN BRETAGNE (1431)
s'entendre avec La Trémoille et qu'on le ferait venir en Bretagne.
Le soupçonneux ministre, tout en désirant cette entrevue, n'y
consentit qu'en exigeant les garanties les plus rassurantes, c'est-
à-dire des otages, comme Richard^ comte d'Etampes, Alain de
Rohan, L. de Laval *, et des sauf-conduits signés par le duc de
Bretagne, le comte de Richemont, le comte de Laval, etc. *. Ces
concessions, ces démarches, qui devaient flatter l'orgueil de La
Trémoille, montrent bien que le duc de Bretagne et le conné-
table désiraient une réconciliation. Maintenant que Jeanne d'Arc
était prisonnière, Richemont aspirait plus que jamais à reprendre
son commandement, pour atténuer la gravité de ce désastre.
Vers la fin de 1430 ou le commencement de 1431, La Trémoille
partit en magnifique appareil, avec les sires de Trêves et d'Ar-
genton et Poton de Saintrailles, pour conduire en Bretagne
l'ambassade dont il était le chef ^. Il ne s'aventura pas bien loin,
car c'est à Ghamptocé *, sur les frontières de la Bretagne et de
l'Anjou, qu'il eut une conférence avec Jean V. Il fut convenu que
le comte de Laval irait servir le roi avec un certain nombre de
gens d'armes et de trait, qu'il couvrirait les marches de l'Anjou
et du Maine et que le duc contribuerait à la solde de ces troupes ^.
A la suite de cette conférence, il y eut même un traité par lequel
Jean V et La Trémoille s'engagèrent à se défendre et à s'aider
réciproquement (22 février 1431) ®. On ignore les autres détails
de cette entrevue, notamment en ce qui concerne la réconcilia-
tion avec Richemont.
Il est impossible que cette question n'ait pas été abordée pen-
dant la conférence de Ghamptocé; mais il faut croire qu'elle ne
put être résolue à la satisfaction de La Trémoille, car il ne tarda
pas à donner au connétable de nouvelles preuves de sa haine.
Revenu auprès de Charles VII, à Saumur, La Trémoille fit enlever
(J.Stevenson, II, 136, 16i-181; Hist. de Bourgogne ,\y ; Preuves,ixxxy-i.xyi\y\\;
D. Morice, I, 512).
i. Frère de Guy et d'André de Laval.
2. Jean V envoya demander au connétable, à Parthenay, le sauf-conduit,
que rapporta aussitôt le héraut Montfort (Fr, 11342, f«s 10, 11; D. Lobi-
neau, I, 383). Voir, dans les Preuves de Vhist. de Bretagne (II, 1230), la
lettre de La Trémoille demandant des otages. (Voir aussi Portef. Fontanieu,
113-116, au 3 décembre, et Fr. 2714, fo 103). Le 3 décembre,- Charles VII
donne un sauf-conduit pour les otages ; le 6, La Trémoille s'engage à les
mettre en liberté dès qu'il sera revenu de Bretagne {Arch. de la Loire-Inf.,
cass. 34, E, 93, et Arch. des aff. étr., t. 362, f^ 76 v», 77). Ces otages furent
gardés au château de Loches par Jacques de Pons (Fr. 20684, P 547).
3. Clairambault, t. 203, f» 8773, 8773. Fr. 11542, fos 10, 11.
4. Canton de Saint-Georges sur-Loire, arrondissement d'Angers.
5. Fr. 11542, f» 24.
6. L'original est aux Arch. de la Loire-Inf,, cass. 76, E, 181.
CONDAMNATION DE L. d'AMBOISE (1431, MARS) 181
à Richemont la terre de Dun-le-Roi, qui avait été donnée en
douaire à sa femme, puis il emmena la cour à Poitiers, et, là, il
fit arrêter L. d'Amboise, Ant, de Vivonne et André de Beaumont
(mars 1431) *. On sait déjà de quels crimes ils furent accusés. Le
parlement, réuni en présence du roi au château de Poitiers, les
condamna tous les trois à la peine capitale, comme criminels de
lèse-majesté (8 mai 1431). André de Beaumont et Antoine de
Vivonne furent décapités aussitôt; quant à L. d'Amboise, on lui
fît grâce de la vie. Après examen de la cause dans le grand con-
seil, où furent appelés les présidents et « conseillers laiz » du par-
lement, un arrêt prononcé en présence du roi, au château de
Poitiers, releva L. d'Amboise de la peine de mort; mais ses biens
meubles et immeubles furent confisqués. Enfermé dans son propre
château d'Amboise, puis au château de Ghâlillon-sur-Indre, où il
fut très durement traité pendant neuf mois environ, il n'obtint
sa liberté que pfus tard, avec une partie de ses biens, sur les solli-
citations de la reine Yolande et de son fils Charles d'Anjou *.
Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, comte de Benon, sei-
gneur de Talmont, d'Olonnes, de Mauléon, de Montrichard, de
l'île de Ré, de Marans ', etc., était un riche et puissant seigneur,
ayant de grands domaines dans la Touraine, le Poitou, la Sain-
tonge, et, certainement, un des plus précieux alliés du connétable.
André de Beaumont et Ant. de Vivonne * avaient aussi combattu
dans le Poitou contre La Trémoille. En les frappant, c'était bien
Richemont lui-même qu'il voulait atteindre, comme le prouve
d'ailleurs l'arrêt rendu contre André de Beaumont ^. « Iceluy de
Beaumont a eu congnoissance que Vun de nos officiers de grant
1. Ordou. XVI, 464-466. X»» 8604, fos 121-122. J 366, n" l, 2, 3. Fr. 21302,
au 28 mars 1430, a. st. On laissa du moins au connétable les revenus de
la seigneurie de Dun-le-Roi (Xi* 8604, f»s 104, V 105).
2. Les lettres de restitution furent données à Tours en septembre 1434
(XI» 8604, fos 121-122; P 2298, fo^ 689-693).
3. Il était fils d'Ingerger II d'Amboise, et il avait épousé Marie de Rieux,
fille de Jean III de Rieux, dont il eut trois filles, Françoise, Péronnelle et Mar-
guerite d'Amboise (Anselme, Vil, 122; Pièces orig.^ t. 47, dossier Amboise,
nos 57^ 62, 63). Voir aussi H. Imbert, Histoire de Thouars, Niort, 1871,
gr. in-8, p. 155-156.
4. X2» 21, fo 136 v».
5. Cet arrêt est le plus curieux des trois. André de Beaumont y est
encore accusé d'avoir fait la guerre dans le Poitou, d'avoir pillé, robe, etc.,
d'avoir tenu des gens d'armes dans son château de la Roche de Nesle et
d'avoir recommencé la même conduite, après avoir obtenu des lettres de
rémission par l'entremise de Barbazan (J 366, no 1 ; voir aussi les n^s 2 et 3;
Fr. 16534, f"s 51-71, J 186b, fo 20). André de Beaumont, baron de La Haye,
écuyer et chambellan du roi, avait épousé Jeanne de Torsay, dame de
Lezay, fille de J. de Torsay, maître des arbalétriers (cabinet des titres ;
Trésor généalog. de D. Villevieillc, t. 11, f" 126 v»).
482 CONDAMNATION DE L. d'AMBOISE (1431, MARS)
authorité a eu, dès longtemps, voulenté et affection d'entre-
prendre le gouvernement de nous et de nostre royaume et, pour
parvenir à ce, de prendre ledit seigneur de La Trémoille et
iceluy, avec ses adhérans estans en nostre service, mettre hors
de nostre compaignie, etc. » A. de Beaumont a su encore que
« ce grant officier », avant la venue de la Pucelle, a voulu mettre
des gens d'armes en une place près de Loches, pour prendre La
Trémoille, qu'ensuite il a voulu soustraire la Pucelle de la com-
pagnie du roi, etc. *. Ne croirait-on pas que c'est le connétable
lui-même qui est en cause dans ce jugement? Quant à La Tré-
moille, la veille du jour où ses trois victimes furent condamnées
à mort, il s'était fait donner par le roi des lettres de rémission
qui l'absolvaient de tous ses méfaits antérieurs et le mettaient,
pour l'avenir, à l'abri de toute poursuite ^ Il pouvait maintenant
s'enrichir des dépouilles du prisonnier, ainsi que son frère Jean
de La Trémoille, seigneur de Jonvelle, qui avait épousé une sœur
de L. d'Amboise ^ Il fit donner d'abord à son frère ce qu'il lui
plut de réclamer au nom de sa femme *, et il se réserva la garde
des places qui devaient revenir au seigneur de Jonvelle, pour
faire plus facilement la guerre dans le Poitou ^.
La condamnation des amis de Richemont ranima la guerre
entre lui et l'impudent ministre, qui venait de lui jeter ce nouveau
défi. La ville de Thouars ayant été livrée au roi dès le 14 mai
1. Fr. 16334, fo 61 et suiv.
2. JJ 177, no 180, De Beaucourt, Revue des quest. histor., livraison de
juillet 1872, p. 83, note 1, et Hist. de Charles VU, t. II, p. 274-273. A cette
époque, G. de La Trémoille et sa femme sont gorgés de dons par le roi
(voir dossier La Trémoille, aux dates du 10 décembre 1429 et du 10 février
1431 a. st. ; Clairambault, t. 204, fo» 8763, 8763, et t. 203, P^ 8767-8779, et de
Beaucourt, p. 79, note 3. En outre, G. de La Trémoille, grand chambellan
du roi, avait une pension ordinaire de 12 000 écus par an. (Voir Clairam-
bault, t. 203, fo 8779; Xi» 9192, fos 26 vo et 27).
3. Voir dossier La Trémoille, à la date du 8 décembre 1429; Ms. fr.
7838, fos 8 et 9. Anselme, Vil, 121. Pièces orig., t. 50, no 466.
4. Fr. 2293, à l'année 1431. J 183, nos 142-146. X^a 9194, fo» 8 et 24 v».
PP 118, fo» 20, 21. Pièces orig., t. 47, dossier Amboise, n" 63. Voy. Ap-
pend. LIV.
5. C'est à sa haine contre Richemont et à la cupidité qu'il faut attribuer
la conduite de Georges de La Trémoille envers L. d'Amboise tout autant
qu'au ressentiment de n'avoir pu obtenir pour son fils aîné la main de
Françoise d'Amboise, fille de L. d'Amboise. En effet, le fils aine de La Tré-
moille, Louis de La Trémoille, était né vers 1431 (Anselme, IV, 166, G). En
tout cas, il ne pouvait avoir que deux ou trois ans, puisque sa mère, Cathe-
rine de L'Isle-Bouchard, la veuve du sire de Giac, ne s'était remariée avec La
Trémoille que vers la fin de 1427. Plus tard, le fils aîné de La Trémoille épousa
une fille de L. d'Amboise, mais ce fut sa troisième fille, Marguerite d'Am-
boise, et ce mariage n'eut lieu qu'en 1446, le 22 aoiit, trois mois après la
mort de Georges de La Trémoille (Anselme, IV, 163 et 166, et VII, 122).
RIGHEMOÎST PROTÈGE LA FAMILLE DAMBOISE (1431) 183
par son capitaine, Jacques de Montberon ^ la femme de Louis
d'Amboise, Marie de Rieux, fut chassée de cette ville et s'enfuit
à Mauléon ^. Elle implora le secours du connétable, qui donna
aussitôt asile à sa malheureuse parente au château de Parthenay .
Il sut intéresser aussi le duc de Bretagne à la cause de la famille
d'Amboise ; il acheva la réconciliation de Jean V avec la maison
d'Anjou, par un traité entre le duc et Charles, comte de Mor-
tain, fils (de Yolande (4 mai) ; il appela auprès de lui des seigneurs
bretons, Rostrenen, Beaumanoir, avec un grand nombre de che-
valiers et d'écuyers, et se prépara sans retard à une guerre inévi-
table ^. Pour protester contre la condamnation de L. d'Amboise
et le couvrir d'une protection puissante, il fît conclura le mariage
de Françoise d'Amboise, fille aînée du vicomte de Thouars, avec
Pierre de Bretagne, second fils de Jean V et qui devint lui-même
duc en 1430. Le traité de mariage fut signé le 21 juillet. Par ce
même acte, le connétable institua son neveu Pierre de Bretagne
héritier de la plus grande partie de ses terres, pour le cas où il
mourrait sans enfants légitimes *.
Pierre de Bretagne, né le 7 juillet 1418, n'avait encore que
treize ans ; Françoise d'Amboise, née le 9 mai 1427, n'en avait que
quatre °. Bien que la guerre exigeât la présence de Richemont
dans le Poitou, il conduisit lui-même en Bretagne la jeune fiancée.
Il voulait aussi terminer une autre afi'aire à laquelle il attachait la
plus haute imporlanee, le mariage de son neveu François, comte
de Montfort, fils aîné de Jean V et héritier présomptif de la cou-
ronne de Bretagne, avec Yolande d'Anjou, fille puînée du roi de
Sicile, Louis II. Une première convention avait été conclue à Re-
don, le 13 mars. Le traité définitif fut signé le 14 août à Angers, par
la reine Yolande, et le 20 à Nantes par le duc Jean V ^. Le ma-
riage fut célébré à Nantes quelques jours après, avec une grande
1. Anselme, VII, 17, E.
2. Aujourd'hui CMtillon-sur-Sèvre, ch.-l. de cant. de l'arrondissement
de Bressuire. Voir Expilly, Dict. géog., aux mots Mauléon-en-Poitou et
Chatillon (t. IV, 630 et II, 328).
3. Arch. de la Loire-Inf., cass. 76, E, 179, et Arch. des aff. étr., t. 362,
f"» 77-78. Fr. 8819, f» 3 vo. Fr. 11542, f» 13. X'» 8, au 7 avril 1431. JJ 177,';
fos 122, 126. Jean V continuait encore les négociations avec le roi et avec
La Trémoille {Arch. de la Loire-Inf., cass. 3i, E, 93; D. Lobineau, I, 387;
Fr. 11342, fûs 11, 12, 13, 15).
4. Fr. 11342, fo' 6, 12. Arch. de la Loire-Inf., cass. 4, E, 10.
3. On trouve ces renseignements dans le magnifique livre d'Heures de
P. de Bretagne (Ms. lat. 1139, P 173). .
6. Arch. de la Loire-Inf., cass. A, E. 10, Preuves de Vhist. de Bretagne, II,
col. 1237 et s. Du 9 au 17 août, Richemont est encore à Parthenay (Fr. 8819 ,
^^49 et 54). Ce mariage n'eut pas lieu à Amboise, comme le dit M. dte ^
Beaucourt, t. II, 283.
184 GUERRE DANS LE POITOU (1431)
magnificence. Le comte de Richemont y assistait, avec son frère,
Richard, comte d'Etampes, et le duc d'Alençon *. Peu aupara-
vant, Richard avait donné sa fille aînée, Marie de Bretagne, à P. de
Rieux, dit de Rochefort, maréchal de France et oncle de la vicom-
tesse de Thouars. Jean de Rieux, le frère aîné de Pierre, avait
servi sous le connétable ^, qui s'attacha davantage cette famille,
en lui procurant cette union brillante avec une princesse de sa mai-
son. Après avoir ainsi resserré le faisceau d'alliances que La Tré-
moille avait failli rompre, Richemont revint dans le Poitou,
emmenant avec lui son neveu P, de Bretagne àParthenay, où le
jeune prince demeura longtemps avec sa belle-mère, la vicom-
tesse de Thouars, et la duchesse de Guyenne.
Après le mariage de sa fille, la reine Yolande, accompagnée
des envoyés de Jean V, alla trouver le roi à Saumur, pour essayer
encore de le réconcilier avec Richemont ^ ; mais le moment n'était
pas opportun (septembre). La guerre sévissait plus que jamais
dans le Poitou et la Saintonge. La vicomtesse de Thouars avait
d'abord recouvré Marans, Benon et l'île de Ré, où se logèrent les
seigneurs deRostrenen etdeBeaumanoir; mais La Trémoille avait
envoyé le sire d'Albret comme lieutenant général du roi, avec
l'amiral de Gulant, un grand nombre de Gascons, des Écossais
et autres gens d'armes qui entrèrent d'emblée dans « l'île de Ma-
rans * ». Beaumanoir et Rostrenen, n'ayant que des forces insuf-
fisantes, durent se retirer à Fontenay-le-Gomte. Marans ° et
Benon * furent repris sans grande résistance, par le sire d'Albret,
qui alla ensuite à La Rochelle, pour assiéger une place voisine,
Chatelaillon, appartenant au connétable. Elle fut rendue, trop
facilement à ce qu'il semble, par son capitaine, car Richemont
lui fit couper la tête pour s'être mal défendu '.
Ces échecs avaient été compensés par la prise de Gençay, et
cette guerre civile continuait partout entre les places de La Tré-
moille et celles du connétable, sans résultat profitable pour eux,
1. Fr, 11542, fo 13. D. Lobineau, T, 587.
2. Anselme, VII, 765, 766, 806, 807. Jean et Pierre de Rieux étaient fils de
Jean II de Rieux et de J. de Rochefort, baronne d'Ancenis, — Jean III de
Rieux mourut en 1432. Sa fille Marie était femme de L. d'Amboise. Voir
ci-dessus, p. 181, note 3.
3. D. Lobineau, I, 588. Fr. 11542, fo 13.
4. Fr. 20684. fo- 556 vo, 557, 559. La ville de Marans était entourée de
marais qui en faisaient pour ainsi dire une île (voir Corneille, Diction,
univ., Paris, 1708, in-f», t. II, 599).
5. Arrondissement de La Rochelle.
6. Id.
7. Portef. Fontanieu, 115-116, au 24 septembre. Fr. 20684, f»' 547, 569,
571. JJ 178, ^'2, 3.
MÉDIATION INUTILE DE LA REINE YOLANDE (1431) 185
mais au grand détriment de la France. Avec les forces qu'on
usait de part et d'autre dans cette lutte odieuse, on aurait peut-
être délivré Jeanne d'Arc, qu'on avait laissé brûler à Rouen
(30 mai 1431) ^ On aurait pu sauver Louviers, repris par les An-
glais (25 octobre) après un siège mémorable, qui est le plus
grand fait militaire de l'année 1431 ^. Au lieu de cela, on favorisait
les progrès de l'ennemi. Abattus par les désastres soudains que
lui avait infligés la Pucelle, les Anglais s'étaient relevés, grâce à
La Trémoille, et ils reprenaient l'avantage avec les troupes que
Bedford ' avait récemment fait venir d'Angleterre (avril). La
reine de Sicile, dont l'influence était trop souvent annulée par
celle du favori, obtint enfin du roi un arrangement d'après lequel
Châtelaillon devait être rendu au connétable, Gençay à La Tré-
moille et la ville de Mauléon mise en séquestre entre les mains
de Prigent de Goëtivy. La Trémoille, mécontent de ces condi-
tions, fit attaquer Marans. Richemont, croyant la guerre finie,
avait renvoyé en Bretagne les troupes que son frère lui avait
prêtées ; il dut lui demander de nouveaux secours. Le duc fit
partir le sire de Penhoet, amiral de Bretagne, qui débarqua dans
l'île de Ré avec des forces considérables. Richemont s'étant aussi
avancé pour secourir Marans, les assiégeants se retirèrent *.
Au milieu de tous ces troubles Richemont reçut une lettre
de son frère Jean V, qui l'appelait en Bretagne, pour combattre
le ducd'Alençon, leur neveu. Ce jeune prince, alors âgé de vingt-
deux ans, était d'un caractère généreux, mais ardent et téméraire.
Il réclamait depuis longtemps au duc de Bretagne 30 000 écus
qui restaient encore à payer sur la dot de sa mère, Marie de Bre-
tagne, duchesse d'Alençon. Jean V s'était obligé à verser cette
somme, le 3 juin 1431 ^. Comme il tardait trop à tenir ses engage-
ments, le duc d'Alençon chercha un moyen de l'y contraindre. Il
1. On faillit bien s'emparer de Rouen l'année suivante (Fr. 20384, n" 19).
J. Stevenson, II, 202. Fr. 26033, n^^ 1738, 1768, 1772, 1791. Le Bourgeois
de Paris, 281.
2. Ms. Fr. 20877, n» 32. Sur le siège de Louviers, voir Fr. 23769, n"' 393-
600. Fr. 23570, n<" 612, 652. K 63, n» 13^2 et s. JJ 173, n»» 132, 148. Fr. 26034,
n<" 1548, 1558, 1339, 1377, 1381-1630. Fr. 26033, n«' 1664, 1679, 1686. J. Ste-
venson, II, 188. Clair., 67, fo 5213. Le Bourgeois de Paris, p. 273. Autres
faits militaires : J 173, n" 13, n» 354. K 63, n^ 13*. Fr. 26034, n»» 1578, 1593,
1606, 1612, 1642. Fr. 26055, n^» 1665, 1682, 1689, 1691, 1699, 1701, 1768,
1769. Vallet de V., Charles F//, t. II, 245 et s.
3. Fr. 23769, nos 537, 388, 393-597. Fr. 23770, n° 617. Fr. 26054, m» 1584,
1385.
4. D. Mor., I, 514, et D. Lobineau, I, 388. Fr. 11342, fos 13, 16, 17, 18. Il y
eut même des Anglais que le duc de Bretagne envoya pour défendre l'île
de Ré et qu'il rappela ensuite pour le siège de Pouaucé (Fr. 11342, fo 30^\
5. Arch. de la Loire-Inf., cass. 4, E, 10. Anselme, I, 272, 273.
186 LE DUC d'ALENÇON enlève J. de MALESTROIT (1431, SEPT.)
paraît qu'il forma d'abord le projet d'enlever son cousin François
de Bretagne, comte de Montfort, quelque temps après avoir assisté
à son mariage, mais qu'il n'en put trouver l'occasion. Ayant ap-
pris que J. de Malestroit, évêque de Nantes et chancelier de Bre-
tagne *, revenait de son ambassade auprès de Charles VII, il l'at-
tendit un soir dans la lande de Garquefou, à environ deux lieues
de Nantes, l'arrêta, lui et les autres envoyés, et après les avoir frap-
pés, blessés, dépouillés, les conduisit, pendant la nuit, à son châ-
teau de Pouancé, où il les retint en prison (29 septembre) ^.
On voit encore ici la main de La Trémouille. Il n'avait pas réussi à
gagner le duc de Bretagne ; il n'avait pu l'empêcher d'envoyer des
secours à Richemont dans le Poitou, et on sait s'il était incapable
de conseiller une action déloyale ^. Il est à remarquer que plus
tard, pour se disculper, le duc d'Alençon prétendit avoir agi
d'après les ordres de Charles VII *. Il est vrai qu'il fut en cela hau-
tement désavoué par le roi; mais ce qui n'est pas moins certain,
c'est que La Trémoille promit et donna au jeune duc des se-
cours, à condition qu'il ne traiterait pas avec Jean sans la per-
mission du roi ^.
Après avoir plusieurs fois exhorté son neveu à remettre ses
prisonniers en liberté ®, le duc de Bretagne comprit qu'il ne triom-
pherait de son obstination que par la force, et, comme il savait
bien que le duc d'Alençon serait soutenu par le roi de France *',
il s'adressa, de son côté, au roi d'Angleterre. Cette querelle prit
ainsi des proportions inattendues. Bedford, qui craignait de voir
la Bretagne lui échapper, accueillit avec empressement la de-
1. Alain Bouchard dit que le chancelier était « moult riche d'or et d'ar-
gent » (édition gothique de 1S41, fo 166).
2. Monstrelet, V, H, 12. Gruel, 199.
3. Le chancelier revenait alors de l'ambassade pendant laquelle il s'était
joint à la reine de Sicile, pour traiter de la paix entre le roi et le conné-
table, avec P. Eder, J. Prigent, Alain Coaynon et le roi d'armes Malo (Ms.
fr. 11342, f« 13). Cette arrestation du chancelier, qui devait amener une
guerre entre les ducs de Bretagne et d'Alençon, coïncide avec la tentative
faite sur Marans. On voit quel intérêt avait La Trémoille à susciter une
diversion dans ce moment, puisque le connétable dut envoyer au duc Oli-
vier de Cleux, pour lui annoncer que ses forteresses étaient en voie de
perdition (Fr. 11512, fo 17).
4. « Eodem duce de Alençonio dicente et asserente predicta fecisse et
perpétrasse de mandato predicti régis Francité. » {Arch. du marquis du
HaÛay-Coetquen, Paris, 1831, in-8, p. xvii, 31, 60.)
3. Portef. Font., 113-116, janvier 1432. JJ 227, no 84.
6. Il envoya pour cela plusieurs fois Alain Coaynon près de lui (Fr. 11542,
f" 16).
7. Le duc envoya aussitôt vers Charles VII et Yolande annoncer l'arres-
tation du chancelier (Fr. 11542, fo^ 13 et 18).
JEAN V COMBAT LE DUC D^ALENÇON (1431) 187
mande de Jean V et lui envoya, dès le mois de décembre 1431,
des troupes commandées par Fastolf, Th. de Scales et Wil-
loughby '. Des forces considérables, auxquelles se joignirent les
Anglais, furent réunies à Ghâteaubriant, sous le commandement
du comte de Laval, gendre et lieutenanl général de Jean V. Malgré
la rigueur d'un hiver très froid, l'armée bretonne alla mettre le
siège devant Pouancé-, vers la fin de décembre 1431, ou dans les
premiers jours de janvier 1432. Le duc d'Alençon s'y était enfermé,
avec sa mère, sa sœur et sa femme, qui faisait alors ses couches s.
Quand il vit que la place était sérieusement menacée, il laissa le
commandement au bâtard de Bourbon et s'enfuit pour aller à Châ-
teau-Gonthier, réunir d'autres troupes et presser Charles VII de
lui fournir les secours promis. Il demandait 2 000 combattants et
s'engageait à faire en personne la guerre à son oncle et à ne
point traiter avec lui sans l'autorisation du roi \La Trémoille lui
envoya des troupes commandées par deux capitaines des plus
renommés, le bâtard d'Orléans et Raoul deGaucourt, qui entrè-
rent dans Pouancé, pour défendre cette place '^.
Cependant le connétable, avec le comte d'Etampes, était aussi
venu au siège, moins pour y prendre une part active que pour
essayer de mettre fin à cette déplorable querelle **. La contrariété
de se trouver à côté des Anglais, l'affection qu'il portait à sa
sœur, la duchesse d'Alençon, et à son neveu, le désir de déjouer
cette nouvelle machination de La Trémoille activaient ses efforts
et ses démarches. La garnison de La Guerche ', place qui appar-
tenait au duc d'Alençon, ayant pris et incendié le Plessis-Guérif *,
JLFr. 26056, no 1994. (Payement fait par le duc de Bretagne à Fastolf et à
Willoughby.) Voir aussi Fr. 11542, f* 16, 17, 18, 21, 22. Henri VI envoya
encore le bâtard de Salisbury, J. Herpelay, bailli de Caen, etc. (Fr. 11342,
fos 26 et 27). II y avait même des Écossais à ce siège [ib.).
2. Arrondissement de Segré (Maine-et-Loire).
3. Marie d'Orléans, fille de Cli. d'Orléans. Elle mourut peu après.
4. Voy. AppencL, LV.
3. C. Port, Inventaire des archives de la mairie d'Angers, Paris, 1861,
in-8, p. 180. Fr. 11342, f»» 13, 16, 17, 18, 21, 22, 23-29. Preuves de Bretagne,
H, 1234. J 227, no 84. Fr. 26036, n" 1994. JJ 173, no 186. Pièces orig.,l. 1292,
dossier Gaucocrt, 29110, n" 34 (Lettres patentes de Charles VII ordonnant
de payer 3000 florins à R. de Gaucourt, pour les dépenses qu'il a faites, à
cause d'un certain nombre de gens darmes et de trait que, par le com-
mandement du roi, il a menés vers le duc d'Alençon « pour le secourir à
rencontre des Anglois et Bretons qui estoient à siège devant ses ville et
chastel de Pouencey, où estoient mesdames sa mère et sa femme »).
6. Au siège de Pouancé, Richemont n'avait que 13 hommes d'armes el
13 hommes de trait (Fr. 11342, fo» 28, 29 ; Preuves de l'hist. de Bretagne,
II, 1233).
7. Arrondissement de Vitré.
8. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1232-53.
188 RICHEMONT RÉCONCILIE JEAN V ET LE DUC d'ALENÇON (1432)
OÙ se trouvaient des Anglais et des Bretons, Jean V envoya des
renforts et le siège fut poussé plus vivement. Le duc d'Alençon
essaya de secourir Pouancé, mais il fut battu et mis en fuite.
Alors Richemont usa de toute son influence pour faire différer
l'assaut et pour déterminer son neveu à s'entendre avec le duc
de Bretagne , en lui proposant sa médiation. Il fît entrer dans
ses vues le brave Ambroise de Loré, capitaine de La Guerche \
qui avait toute la confiance du jeune duc et qui sut triompher
de ses hésitations. Celui-ci chargea Loré d'aller négocier avec le
duc de Bretagne à Ghâteaubriant ^ et de lui porter, avec une lettre
respectueuse, des propositions acceptables. De leur côté, Riche-
mont et le comte d'Etampes faisaient les plus vives instances au-
près de Jean V. Ce prince craignait de mécontenter les Anglais ;
pourtant il finit par céder aux sollicitations de ses frères. Il par-
donna au duc d'Alençon, qui vint auprès de lui à Châteaubriant.
Un traité fut conclu le 19 février 1432 ; le chancelier et les autres
prisonniers furent mis en liberté, et le siège fut levé dès le 22 fé-
vrier. Un mois après, le 29 mars 1432, le duc d'Alençon fit
amende honorable au chancelier dans la cathédrale de Nantes
et fut absous du sacrilège qu'il avait commis. Ainsi se termina
une querelle qui aurait pu avoir des suites beaucoup plus graves,
sans l'heureuse intervention du connétable ^.
En même temps, le duc de Bretagne et le comte de Richemont
faisaient une nouvelle tentative pour traiter avec Charles VII, qui
avait soutenu le duc d'Alençon, afin que la paix fût entièrement
rétablie *. Cette fois, La Trémoille ne put pas ou ne voulut pas y
mettre obstacle. Il continuait de négocier avec le duc de Bour-
gogne, et il savait que ce prince n'abandonnerait pas le duc de
Bretagne ^ Il avait, en somme, échoué dans le Poitou et la Sain-
1. Fr. 11542, P 19. Nicole Gilles, t. II, fo 93 vo.
2. Fr. 11542, f» 28.
3. Voir surtout la curieuse pièce latine publiée dans la brochure intitu-
lée : Archives du marquis du Hallay-Coètquen, Paris, 18S1, in-8, p. xviï de
la notice et p. 51-60 des textes. Voir aussi D. Lobineau, I, 589-591. D.
Morice, I, 514-516, e.i Preuves, u, 1248-1250. Du Tillet, Recueil des roys de
France, II, 350. Le Baud, 482. D'Argentré, 783. Le duc de Bretagne dut
payer à Bedford le service des troupes anglaises (Fr. 11542, f» 23).
4. Ils s'entendirent d'abord avec Gaucourt et de Brusac, qui vinrent à
Rennes (Fr. 11542, f» 30).
5. Sur les négociations avec le duc de Bourgogne, voir Hist. de Bour-
gogne, IV, 154-156, 159-62 et Preuves, Ixxxv-cvni. Par un traité conclu le
13 décembre 1431 avec Charles VII, Philippe le Bon consent à une trêve,
mais en se réservant le droit de fournir 500 lances au duc de Bedford et
500 au duc de Bretagne {Hist. de Bourgogne, IV, 156, et Preuves, cvui-cix;
J. Stevenson, II, 196; Collection de Bourgogne, t. 99, fo« 273-279,281-290,
293-307 ; de Beaucourt, Charles VII, t. II, p. 439 et suiv., notamment p . 442. Le
BEDFORD VEUT GAGNER RICHEMONT (1432) 189
tonge, où Richemont et Jean V étaient soutenus par la plupart
des nobles et des villes '. Enfin il n'ignorait pas que Bedford était
disposé à faire les plus grands sacrifices pour retenir dans son
alliance Philippe le Bon et Jean V, et qu'il songeait même à ga-
gner Richemont et le comte d'Etampes ^ « Il semble que l'on
devroit très diligemment envoier devers le duc de Bretagne, afin
de le entretenir et qu'il se veuille déclarier et emploier à la voye
de guerre et aussi de retraire le comte de Richemont, Richard
de Bretaigne et leurs subgiez qui ont esté et sont au service du
dauphin '. » Cet avis, donné après beaucoup d'autres *, au gou-
vernement anglais par le duc de Bourgogne, n'est pas la seule
preuve de l'importance que Bedford et Philippe le Bon attachaient
à cette question. D'autres documents ^ nous révèlent tout un plan
dont l'exécution eût été funeste à Charles VII. Former une union
plus étroite avec les ducs de Bourgogne et de Bretagne et leurs
frères et alliés; donner à Jean V le Poitou, qui est voisin de son
pays ; faire en sorte que le comte de Richemont résigne son office
de connétable de Charles VII, pour devenir le connétable de
Henri VI, en lui offrant « le duché de Touraine, le conté de
Saintonge, le pays d'Aunis et la ville de La Rochelle, avecques
les terres et seignories que tient le seigneur de La Trémoille au
pays de Poitou, de Saintonge et autres choses ; » établir ainsi des
communications faciles avec les Anglais de Guyenne ; attaquer
les Français à" l'ouest et au nord, en confiant 3 000 hommes à
Richemont, tandis que le duc de Bourgogne opérerait à l'est vers
le Berry ; contraindre Charles VII à s'enfuir dans le Languedoc
et à n'être même plus le petit roi de Bourges ; tels étaient les pro-
jets de Bedford ^.
Si secrets qu'ils fussent, La Trémoille ne pouvait les ignorer,"
puisque son frère le sire de Jonvelle le tenait au courant de tout
ce qui se passait à la cour de Bourgogne. Il est certain que
Philippe le Bon fut chargé par Bedford de sonder Jean V et son
frère Artur et de leur faire des propositions séduisantes, « en y
gardant toujours les meilleurs termes, à l'onneur desdiz seigneurs
de Bretaigne et de Richemont que faire se pourraif^ » . Déjà Henri VI
duc de Bourgogne avait envoyé Jean Tirecoq auprès du duc de Bretagne
et du comte de Richemont (de Beaucourt, t. II, 444, note 5).
1. Voy. Append., LVI.
2. Arch. de la Loire-Inf., cass. 47, E, 121, et Portef. Font., 113-116, à la
date du 7 janvier 1431-32.
3. Ms. fr. 1278, f» 46 v.
4. Voir par exemple Fr. 1278, f»» 12-14.
5. Voy. Append., LVI.
6. Voy. Append., LVI.
■ 7. J. Stevenson, II, l'" partie, 227, 229.
190 TRAITÉ DE REiNNES (1432, 5 MARS)
avait donné le Poitou au duc de Bretagne (7 janvier 1432), en
considération des bons services -que celui-ci promettait de lui
faire ^; déjà Th. de Scales, qui était à Rennes, avec un millier
de combattants, se préparait à entrer dans le Poitou ^, et Gilles
de Bretagne, le troisième fils de Jean V. allait se rendre en An-
gleterre ^. Si Richemont n'avait consulté que l'ambition et la
vengeance, s'il avait accepté les offres du gouvernement anglais
il aurait pu faire à la France un mal incalculable. La Trémoille
n'osa le pousser à bout. Il chargea Raoul de Gaucourt et Re-
gnauld Girard, seigneur de Bazoges, d'aller s'entendre avec
Jean V et avec le connétable, pour mettre fin à tous les débats et
« apaisier toute voie de fait w dans la Bretagne et le Poitou *. Dès
le 5 mars, les clauses du traité furent arrêtées à Rennes. Voici
les principales :
Le comte de Richemont et ses gens, officiers, vassaux, servi-
teurs « demeureront paisibles » et pourront aller librement, en
toute sécurité, par tout le royaume.
Tous procès pendants en la cour de Poitiers contre le comte
de Richemont demeureronten état jusqu'à la Saint-Martin d'hi-
ver 1433 ^
Le comte de Richemont aura les aides qui seront mises sur ses
terres deParthenay et de Fontenay, pendant deux ans entiers, en
déduction et payement de ses gages.
Il cessera de faire battre monnaie en la ville de Parthenay et
ailleurs.
On lui rendra « réellement et de fait» la châtellenieet le châ-
teau de Châtelaillon et les autres places fortes de la seigneurie
de Fontenay qui lui ont été prises ; mais il sera tenu de rendre
le château de Gençay au sire de La Trémoille, « auquel l'en dit
ledit chastel appartenir. »
1. Arch. de la Loire-Inf., cass. 47, E, 121. Preuves de l'hist. de Bre-
tagne., II, col. 1247. — Jean V s'engage, le 20 mars, à rendre le Poitou à
l'Angleterre contre 200 000 1. (Fr. 2858, f» 93).
2. Fr. 11542, f» 30. Th. de Scales ne fit pas cette expédition dans le
Poitou.
3. Issues of the Excheq., p. 419. Fr. 11542, f» 23. Rymer, IV, 4'= partie,
p. 184. Moreau, 705, f"s 95-96.
4. Fr. 11542, f-s 20, 30.
5. Xia 9200, f" 42. 11 y avait alors un procès devant le parlement de
Poitiers entre J. Harpedenne, seigneur de Belleviile, et Artur de Bre-
tagne. Le parlement avait déclaré, le 14 mars, que messire Artur viendrait
défendre au lendemain de Quasimodo, « toutes exeusationsce&sans et soubz
peine d'être décheu de défenses » (X^a 9194, f» 9 v°). Richard de Bre-
tagne, qui avait un procès avec Jacques de Surgières et un autre avec
Isabelle de Vivonne, veuve de Cli. d'Avangour, aura aussi un délai d'un an
(Xia 9194, fo 2; J 245, n<> 102; Xi» 9200, f»' 42, 155 v).
TRAITÉ DE RENNES (1432, MARS) 191
Les villes et châtellenies de Gien, Montargis, Dun-le-Roi, ap-
partenant, à cause de douaire, à Mme de Guyenne, et qui sont
actuellement en la main du roi seront restituées au comte de Ri-
cheraont, à moins que le roi ne préfère lui en donner d'autres de
même valeur, ce qu'il ne pourra faire que sur l'avis et ordon-
nance de la reine de Sicile, du duc de Bretagne et du bâtard
d'Orléans .
On rendra réciproquement aux serviteurs et sujets du roi, du
duc de Bretagne et du comte de Richemont ce qui leur a été pris,
et ils ne seront point inquiétés pour les faits passés.
Le roi s'engage à faire savoir au comte de Richemont tout ce
qu'on pourrait dire pour exciter son indignation contre lui,« afin
qu'il s'en puisse excuser et désblâmer. »
Quant au mariage de P. de Bretagne avec la fille de L. d'Am-
boise, dont La Trémoille demandait la rupture, le duc promet
de ne point l'accomplir sans l'avis et assentiment du roi. Ladite
fille est loin d'être en âge de contracter mariage, et, s'il lui vient
quelque succession, le duc ne souffrira pas que, pour cette cause,
ses gens fassent la guerre au roi ni à ses pays.
Prigent de Goëtivy aura la garde de la forteresse de Mauléon,
de par le roi, auquel il fera serment de la tenir eu son obéissance
et de n'y mettre ou laisser entrer aucunes gens qui fassent la
guerre au pays, ou à Marie de Rieux, ou au duc de Bretagne, ou
au comte de Richemont.
Le roi n'y pourra mettre, avant dix ans, aucun autre capitaine
que Goëtivy.
Marie de Rieux pourra résider dans la seigneurie de Mauléon,
et elle en aura les revenus.
Enfin le roi, le ducde Bretagne et le comte de Richemont s'en-
gagent réciproquement à ne se faire aucune guerre, aucun dom-
mage, non plus qu'à leurs serviteurs, sujets et alliés.
Signé le 5 mars à Rennes par Jean V et par Richemont, ce traité
fut ratifié le 25 mars, à Redon, par le duc de Bretagne, qui ex-
prima, en outre, l'intention que la reine de Sicile, le duc d'Alen-
çon, les comtes d'Armagnac et de Pardiac y fussent compris ^
Cet arrangement si avantageux pour Richemont semble présager
la fin de sa disgrâce. Il avait eu gain de cause pour lui-même et
pour ses alliés ; il était, plus que jamais, soutenu par la maison
d'Anjou, dont l'influence grandissait; il gagnait de nouveaux
partisans, comme R. de Gaucourt, qui lui rendra bientôt de plus
grands services; enfin il évitait de se compromettre avec les An-
glais, que Jean V voulait envoyer dans le Poitou.
1, Voy.^ppend.jLVII.
192 TRAITÉ DE RENNES (1432, MARS)
Quant à La Trémoille, s'il ne viola pas lui-même les engage-
ments pris par le roi, il ne les fît pas respecter par Jean de La
Roche ^ Déjà, au mois de mars 1432, un traître, nommé JeanBe-
luteau, avait été décapité, puis pendu au gibet de Fontenay,pour
avoir voulu livrer ou faire prendre la ville de Mervent. Il avait
été arrêté par H. de Villeblanche.
En juin, Prigent de Goëtivy fût envoyé de Redon à Angers par
le duc Jean V, pour obtenir que les frontières de Bretagne ne
fussent plus inquiétées par les routiers de J. de La Roche *. Alors
celui-ci, avec Pierre Regnaud de VignoUes, frère de La Hire, sur-
prit Mervent le jour de la Pentecôte (8 juin 1432) 3, Le connétable,
prévenu aussitôt, réunit toutes ses forces à Vouvant. Huit jours
après, Mervent était assiégée par Prigent de Goëtivy, lieutenant
de Richemont, et réduite à capituler ^. Ce fut un des derniers épi-
sodes de cette guerre, qui, par la faute de La Trémoille, avait
trop longtemps désolé la Saintongeet le Poitou ".
Retiré à Parthenay ^, où il resta longtemps, le connétable
avait toujours les mêmes préoccupations, hâter, par tous les
moyens possibles, la chute de La Trémoille et la conclusion de
la paix entre Charles VII et le duc de Bourgogne, deux projets
dont la réalisation n'était point facile.
La situation de La Trémoille, bien que battue en brèche par
Yolande, semblait encore assez forte pour défier toutes les atta-
ques. En Normandie, dans le Maine, dans l'Ile-de-France, les
capitaines de Charles VII résistaient à Willoughby et au comté
d'Arondel ' ; ils défendaient vaillamment les places que Bedford
voulait reprendre, Lagny, Bonsmoulins, Saint-Evroult, Chail-
loué, 0, Saint-Géneri, d'où Amboise de Loré les harcelait sans
i. J. de La Roche, seigneur de Barbezieux, avait été nommé sénéchal du
Poitou le 23 novembre 1431 (Xia 8604, f» 111 ; J. Quicherat, Rod. de Vil-
landrando, 115; JJ 178, f» 62). Le mardi 27 novembre, le Parlement décide
que J. de La Roche, nommé sénéchal de Poitou, sera reçu à prêter ser-
ment en cette qualité devant la cour, malgré l'opposition de J. de Com-
born, seigneur de Trignac (voir X*» 9194, f» 2 v°).
2. Fr. 8819, f» ol v». Fr. 11542, f» 20.
3. Le capitaine de Mervent était L. Moisen (Fr. 8819, f»'' 1, 51 v«). Mer-
vent, arrondissement de Fontenay-le-Comte.
4. Fr. 8819, f» 47 v. Prigent VII, seigneur de Goëtivy, était fils d'Alain III
de Goëtivy, qui avait servi sous le connétable et avait été tué au siège de
Saint-James-de-Beuvron, en 1425. Olivier de Goëtivy, frère puîné de Prigent,
servit aussi sous le connétable. Quant à Prigent, il avait été nommé, le
21 avril 1431, capitaine de Rochefort-sur-Gharente (Anselme, VII, 842, 44,
45).
5. JJ 177, f» 163. JJ 178, fo 13.
6. Fr. 8819, f» 55 r- et v.
7. Fr. 26055, n» 1733. Fr. 26056, n<" 1861, 1918, 1969, 1983, 1987. JJ 175,
nos 142, 265.
GUERRE CONTRE LES ANGLAIS (1432) 193
cesse, depuis Alençon jusqu'à Gaen; ils avaient pris Rambures *t
d'où ils faisaient des courses dans le pays de Gaux * ; ils avaient
enlevé par surprise le château de Rouen, qu'ils avaient bientôt
perdu, il est vrai (février-mars) ^; mais le bâtard d'Orléans et
Gaucourt s'étaient emparés de Ghartres (12 avril) *, et le régent
lui-même, en couvrant le siège de Lagny, commencé depuis plus
de trois mois, avait été complètement vaincu, le 10 août ^, En
même temps, le duc d'Alençon reprenait les armes et assiégeait
Laigle ^. La prise de Montargis par les Anglais (août 1432) ' ne
fut pour eux qu'une compensation bien insuffisante, mais ce fut
une nouvelle perte pour Richemont, car le roi, d'après le traité
de Rennes, devait lui rendre cette ville. Jean de Villars, qui
en était le capitaine, avait laissé surprendre le château, peu
après le traité du 5 mars *. On supposa que cette place eût été
mieux défendue, si elle n'avait pas dû être restituée au mortel
ennemi de La Trémoille.
On peut dire qu'en somme la fortune de l'Angleterre bais-
sait peu à peu. Loin d'être relevée par la mort de Jeanne d'Arc,
elle avait subi une nouvelle atteinte, et ce « meurtre judiciaire
avait été le prix de la rédemption de la France ^ ». A mesure
1. Sur ces faits, voir : Fr. 25770, n»' 647, 687, 691, 710. Fr. 11542, f« 24,
K 63, n- 1912, 1915.16. Fr. 26035, no» 1723, 1728, 1734, 1749, 1760-1778, 1783,
1803, 1813, 1833-1848. Fr. 26036, n»» 1903-1909, 1924, 1953, 1990, 2004, 2020.
Portef. Fon<., 113-116, au 27 mai 1432. J. Chartier, 1,150. S. Luce, Chronique
du Mont-Saint-Michel, l, ^S, noie 3. Lagny, arrondissement de Meaux. Bons-
moulins, arrondissement de Mortagne.Ily avait là un des plus beaux et des
plus forts châteaux de la Normandie (Fr. 23712, n» 310). Saint-Evronlt et
0, arrondissement d'Argentan. Chailloué, Saint-Géneri, arrondissemeai
d'Alençon. Rambures, arrondissement d'Abbeville.
2 Fr. 26033, n<" 1768, 1769.
3. Fr. 26035, n" 1758, 1772, 1791. Fr. 20584, n» 19. J. Stevenson, 11,202.
Ms. Duchesne, 79, f» 348 v».
4. Monstrelet, V, 21-25. Le Bourg, de Paris, 282. E. de Lépinois, Hist.
de Chartres, 1854-1858, 2 vol. in-8, t. II, 81-84.
5. Sur le siège de Lagny, voir JJ 173, n» 133. J 183, n» 142. Fr. 26035,
n»8 1826, 1844, 1847, 1850, 1853, 1856, 1837, 1863, 1873. K 63, n» 19i*. Fr.
1968, f» 148. Meyer, Commentarii, 179. Le Bourg, de Paris, 285-287.
6. Fr. 26033, n<" 1890, 1978,
7. Montargis fut pris par François Surienne,dit I'Aragonais,et parPerrinet
Grasset. Fr. Surienne reçut 10 000 saluts d'or que Bedford lui avait pro-
mis, s'il prenait cette place (voir J. Stevenson, t. II, 2° partie, p. 427-429).
Les Anglais entrèrent par le château, qui était confié à la garde des habi-
tants. Ceux-ci avaient envoyé chercher « les gens du roy, qui ne furent
les plus forts » (Z»a 14, f» 109 r« et v»). En 1438, Surienne vendit Mon-
targis à Charles VII.
8. Peu après, les Anglais prirent aussi Provins (le Bourg, de Paris, 288-
289).
9. By putting to death J. Darc, the duke of Bedford terminated the En^
Richemont. 13
194 DISPOSITIONS DU DUC DE BOURGOGNE
que la guerre était moins Heureuse, elle devenait de plus en plus
impopulaire au delà du détroit. Le Parlement anglais ne voulait
plus accorder ni troupes ni argent ^ Une courte apparition du
jeune roi Henri YI (novembre 1431-janvier 1432), son couron-
nement à Paris (16 décembre 1431) n'avaient pas rendu aux
Anglais le prestige qu'ils avaient perdu ^. Si la France, malgré
ses divisions, donnait encore ces preuves de vitalité, que ne
pourrait-elle faire avec un gouvernement meilleur, et surtout
quand elle n'aurait plus à combattre le duc de Bourgogne?
En attendant qu'il pût trouver l'occasion de renverser La
Trémoille, le connétable continuait donc d'agir auprès de Phi-
lippe le Bon, pour le décider à faire la paix avec Charles VII.
De ce côté, les circonstances paraissaient assez favorables.
Le duc de Bourgogne trouvait que la reconnaissance de l'An-
gleterre n'était pas à la hauteur des services qu'il lui rendait; il
disait qu'elle laissait trop lourdement peser sur lui et sur ses
sujets le fardeau de la guerre ; il s'en plaignait au roi Henri VI.
Bedford, tout en essayant de satisfaire au?^ exigences d'un allié
indispensable, éprouvait une irritation mal dissimulée. Philippe
le Bon n'ignorait pas ces dispositions, et il comprenait aussi que
la guerre deviendrait de plus en plus ruineuse pour lui, à me-
sure que la France reprenait des forces. Dans ces dernières an-
nées, il n'avait pas eu que des succès. Son allié Louis de Ghâlon,
prince d'Orange ', soutenu aussi par le duc de Savoie, avait été
battu à Anthon * par R. de Gaucourt, en voulant faire la con-
quête du Dauphiné (11 juin 1430); les Bourguignons avaient dû
lever le siège de Gompiègne ^ ; ils avaient encore été défaits pai"
Barbazan près de Ghappes ^, par Saintrailles près de Germigny ^
glish ascendency in France. The judicial murder of Joan is the price of
the rédemption of France (J. Stevenson, t. I, Préf., p. lxui).
1. J. Stevenson, I, Préf., p. lxiv. Rolls of parliament, IV, 390. Le Parle-
ment de Paris réclamait en vain plusieurs années de gages qu'on ne lui
payait pas et refusait parfois de rendre la justice (X^a 1480, f» 341 ; X^» 1481 ,
fos 22 v, 34, 35, 40, 44 v, 46, 49, 50 v», 51, 54, 55, 60, 65, 95).
2. Henri VI fit son entrée à Paris le dimanche 2 décembre 1431 (le BoUrg.
de Paris, p. 274-279). Xia 1481, f» 46 v». Fr. 26055, n«s 1690, 1736. Le gouver-
nement anglais voulait le faire couronner à Reims, mais il fallait d'abord
prendre cette ville. La question fut examinée plusieurs fois (Fr. 1278, f" 12;
Moreau,705,f»« 85,92 ; Fr. 5037, f»' 143-152; Delpit, Documents français, 239-244).
3. Fils de Jean III de Ghâlon, prince d'Orange.
4. Arrondissement de Vienne.
5. Philippe le Bon se plaignit de n'avoir pas été secondé comme il devait
l'être par les Anglais durant ce siège (voir t. 99 de la coUect. de Bour-
gogne, p. 392-99).
6. Arrondissement de Bar-sur-Seine.
- 7. Arrondissement d'Auxerre.
EUGÉINE IV VEUT FAIRE CONCLURE LA PAIX (1432) 198
(1430, décembre), et, s'ils avaient vaincu et pris à Bulgnéville *
(2 juillet 1431) le jeune René d'Anjou, en faisant triompher
Antoine de Vaudemont, son compétiteur au duché de Lorraine,
ils n'avaient pu empêcher le comte de Clermont, Ch. d'Albret, le
bâtard d'Orléans, le maréchal de Boussac d'attaquer, par le
Bourbonnais, les Etats de Philippe le Bon ®.
A cette époque, le nouveau pape, Eugène IV ^ (1431-1447),
comme son prédécesseur Martin V, faisait les plus louables
efforts pour amener le rétablissement de la paix générale. Dès
les premiers temps de son pontificat, il avait écrit dans ce but
au duc de Bourgogne *, et son légat, Nicolas Albergati, cardinal
de Sainte-Croix, le secondait avec un zèle vraiment infatigable ^.
S'adressant à la fois à Charles MI, à Henri VI, à Philippe le
Bon, il les pressait d'entamer des négociations; il obtenait que
des conférences fussent ouvertes à Auxerre au mois de juillet
1432. Déjà le duc de Bourgogne avait consenti à mettre en liberté
provisoire René d'Anjou "^ (6 avril 1431); il avait conclu des
trêves avec le comte de Clermont et avec Charles VII (8 et 24
septembre et 13 décembre 1431) ; il avait même écrit au roi d'An-
gleterre (29 décembre 1431) ' pour l'engager à faire la paix. Le
duc de Savoie, après les échecs qu'il avait éprouvés en soute-
nant le prince d'Orange, était revenu à son rôle pacifique de
médiateur; il s'était rapproché de Charles VII, en mariant sa
deuxième fille, Marguerite, à Louis III d'Anjou, roi de Sicile,
fils aîné de Yolande; enfin Louis de Châlon avait aussi traité
avec le roi de France et promis de mettre à son service le
crédit dont il jouissait auprès de Philippe le Bon (22 juin) ^.
Tout semblait donc faciliter un rapprochement, sinon avec
1. Arrondissement de Neufchâteau (Vosges).
2. Après la mort de Charles II, duc de Lorraine (23 janvier li3l), René
d'Anjou, mari de sa fille Isabelle, lui succéda; mais Antoine de Vdtide-
mont, neveu de Charles II, réclama le duché de Lorraine et fut soutenu
par Philippe le Bon. Cette querelle de la succession de Lorraine, n'était,
au fond, que la grande lutte de la France contre l'Angleterre et la Bour-
gogne. Hist. de Bou)'gog7ie, IV, 142-iS3. Lecoy de La Marche, Le roi René,
Didier, 187.J, 2 vol. in-8, t. I, 78, 85-92; J. Quicherat, R. de Villandrando,
41-50. Fr. 1968, f" 147. Fr. 26053, n» 1746. Le Fôvre de Saint-Rèmy, II,
258-262.
3. Élu du 3 ail 6 mars 1431 {Art de vérif. les dates, 1, 324);
4. La lettre est dans YUist. de Bourgogne, IV, Preuves, pi. Lxxxvll.
5. De Beaùcourt, Hist. de Charles VU, t. II, p. 438 et sùiv.
6. Lecoy de La Marche, Le roi René, I, 96-97. Hist. de Bourgogne, IV, 157.
7. La lettre est dans YHist. de Bourgogne, IV, Preuves, ex.
8. Hist. de Bourgogne, IV, 133, 160, et Preuves. Collect. de Bourgogne,
t. 99, f»* 273-307. Fr. 2858, f" 94. J 186i>, f» 20. Pjirtef. Font., 115-116, au 22
juin et au 8 juillet.
196 NÉGOCIATIONS AVEC HENRI IV ET PHILIPPE LE BON (1432)
l'Angleterre, du moins avec la Bourgogne. Le duc de Bretagne
et Richement s'y employèrent activement, celui-ci auprès de son
beau-frère, celui-là auprès de Philippe le Bon et de Henri VI.
D'accord avec Amédée VIII, ils rédigèrent un projet de paix
générale. Leurs envoyés assistèrent aux négociations entre le
duc de Bourgogne et La Trémoille \ puis, sur l'invitation da
cardinal de Sainte-Croix, les ambassadeurs de Bretagne prirent
part aux conférences d'Auxerre (nov. 1432). On ne put ni s'en-
tendre avec les Anglais, ni obtenir de Philippe le Bon un traité
de paix définitif; mais l'idée d'un réconciHation entre Charles VII
et le duc de Bourgogne faisait des progrès, et on peut dire que
ces conférences furent comme le prélude du congrès d'Arras.
Les médiateurs ne se découragèrent pas; ils firent décider que
de nouvelles conférences auraient lieu à Corbeil ou à Melun, au
mois de mars de l'année suivante *. Malheureusement, l'égoïsme
de La Trémoille et ses menées occultes suscitaient sans cesse de
nouvelles difficultés. Ainsi, le 2 octobre, on découvrit un com-
plot tramé, disait-on, par les agents de La Trémoille, pour sur-
prendre la ville de Dijon 3.
En même temps, La Trémoille s'attaquait à la maison d'Anjou
avec une audace qui montrait une fois de plus de quoi il était
capable , quand il croyait ses intérêts menacés . La reine
Yolande était parvenue à maintenir dans l'entourage intime du
roi son troisième fils, Ch. d'Anjou, qu'il avait vu naître et que
< dès l'eure de sa nativité elle lui avait donné en espéciale re-
commandacion *. » L'habile princesse fondait sur l'aff'ection du
roi pour ce jeune homme tout un plan qui ne put échapper à la
perspicacité ombrageuse de La Trémoille. Ch. d'Anjou avait
1. D. Morice, I, 517. Moreau, 705, f<" 93-96, 109-112. Pièces orig., t. 693.
nos 70, 71. Fr. 11542, f»» 7, 20. Hist. de Bourg., IV, Preuves, cxvi. Bedford
avait accepté la médiatioa du cardinal de Sainte-Croix. II avait proposé
qu'on choisît, pour les conférences, une ville appartenant à Henri VI « ou
à l'adversaire », et que celte ville fût mise aux mains des ducs de Bour-
gogne, de Bretagne, de Savoie ou de leurs commissaires, etc. (X^a 8604,
fo« 21-22). Les Anglais voulaient faire de grands progrès avant la journée
d'Auxerre, pour mieux en tirer profit. Ils voulaient aussi demander l'al-
liance des rois d'Aragon, de Portugal, de Navarre, des ducs de Savoie, de
Milan, de Lorraine (Fr. 1278, f»» 45-46).
2 . Sur ces conférences, voir Hist. de Bourg., IV, 166-168, et Preuves, cxxvii,
cxxvm. Rymer, IV, 2" partie, 175, 178-179 et 187, et collect. de Bourg., t. 99,
p. 293 et suiv. Fr. 11542, f»^ 21 et 22. De Beaucourt, II, p. 451 et suiv.
3. Hist. de Bourg., IV, 164, 166, 184. Collect. de Bourgogne, t. 99, f»* 309-
312. Pièces orig., t. 542, dossier Bbusac, n» 2. Vallet de V., Charles VII,
t. H, 302. De Beaucourt, t. II, 295, 459-461.
4. JJ 176, f» 121. Ch. d'Anjou était né le 14 octobre 1414, au château de
Montils-lès-Tours (Anselme, I, 231-232, 235).
LA TRÉMOILLE ET CHARLES d'aNJOU 197
alors dix-huit ans; son ambition s'éveillait. Beau-frère de
Charles VII, qui avait pour lui une affection paternelle, il pou-
vait aspirer à tout et, sous la direction de sa mère, devenir un
rival dangereux pour La Trémoille. Déjà le roi lui avait donné
le comté de Mortain et l'avait nommé son lieutenant général
dans le Maine et l'Anjou *. L'impudent favori voulut à tout
prix l'éloigner de la cour. Il avait précisément sous la main
le plus redoutable de ces routiers, qui portaient la dévasta-
tion dans les pays épargnés par les Anglais, le chef castillan
Rodrigue de Villandrando. Toujours prêt à saisir l'occasion
de faire fortune et à combattre, selon ses intérêts, pour ou
contre le roi, Rodrigue, après s'être mis au service des comtes
de La Marche et de Pardiac, avait, pour son propre compte,
ravagé les Gévennes et le Languedoc, puis il s'était donné à
La Trémoille, qui tolérait ses déprédations et lui assurait l'impu-
nité. Habile capitaine d'ailleurs, il avait contribué brillamment
à la victoire d'Anthon, à la délivrance de Lagny *.
Pour s'attacher un pareil auxiliaire La Trémoille lui avait
fait donner la seigneurie de Puzignan ',dans le Dauphiné (1431,
7 mars), et la châtellenie de Talmont-sur-Gironde *, qui appar-
tenait à L. d'Amboise (3 avril 1432) ^. Il voulait le détacher
entièrement des comtes de La Marche et de Pardiac, amis du
connétable. Alors La Trémoille osa lancer sur l'Anjou ce dan-
gereux routier, et on vit ainsi un des capitaines de l'armée
royale ravager des pays qui appartenaient à la belle-mère et aux
beaux-frères du roi 1 Battu aux Ponts-de-Gé " par Jean de
Bueil, lieutenant de Gharles d'Anjou, malgré la supériorité de ses
forces, Rodrigue se mit à piller la Touraine ^ puis il se dirigea
1. Pièces orig., t. 549, dossier Bdeil, n» 108. X*» 9194, f» 90. Voir aussi
Fr. 20385, n» 1.
2. JJ 176, f» 288 v.
3. Arrondissement de Vienne (Isère).
4. Arrondissement de Saintes.
5. Voir J. Quicherat, Rodrigue de Villandrando, notamment aux p. 33,
33, 37, 50, 37, 64, 67, 75, 78.
6. Arrondissement d'Angers.
Il est probable que la Bretagne fut aussi menacée par Rodrigue ou
quelque autre capitaine au service de La Trémoille, car on voit, dans le
.Ms. 11342, que Jean V craint d'être attaqué (septembre 1432), qu'il envoie
le chancelier à Angers vers la reine de Sicile et Ch. d'Anjou, et qu'en
novembre il paye une certaine somme à Ch. d'Anjou « pour les plaisirs et
services faits au duc pour la défense du pais de Bretaigne à l'encontre
d'aucuns ennemis » (Fr. 11542, f» 23).
7. J. de Bueil, formé à l'art de la guerre par le vicomte de Narbonne,
puis par La Hire, était un habile capitaine. Sa vie est racontée, sous des
noms de pure invention, dans le Jouyencel, ouvrage écrit par trois de ses
198 LES ANGLAIS PERDENT ET REPRENNENT MONTARGIS (1432) '
vers le Languedoc, peut-être pour aller combattre le comte de
Foix, soupçonné, lui aussi, de vouloir supplanter La ïrémoille.
Pour ces beaux exploits, Rodrigue eut encore les titres de con-
seiller et chambellan de Charles VII *.
Vers le même temps, les sires de Graville et de Guitry repri-
rent la ville de Montargis 2. Ils y restèrent cinq semaines, atten-
dant les renforts et l'artillerie dont ils avaient besoin pour s'em-
parer du château, toujours occupé par les Anglais. La Tré-
moille, qui savait si bien trouver des troupes pour attaquer
Richemont ou Gh. d'Anjou, ne fit rien pour conserver à la
France une ville dont le nom rappelait de si glorieux souvenirs.
Il est vrai que cette ville appartenait au connétable.
Cette fois, l'indignation générale éclata contre l'indigne mi-
nistre, qui trahissait ainsi la France ^. Tous ceux qui suppor-
taient avec une secrète impatience ce joug honteux, tous ceux
qui avaient à cœur les intérêts du pays se montrèrent dis-
posés à seconder la reine de Sicile, son fils et le connétable.
Plusieurs personnages d'importance vinrent trouver Richemont
à Parthenay, pour lui offrir leur concours. Il se forma contre La
Trémoille une véritable conspiration dont faisaient partie Jean
de Bueil *, dévoué depuis longtemps à la maison d'Anjou, son
beau-frère, Pierre d'Amboise ", seigneur de Ghaumont, cousin du
vicomte de Thouars, Prigent de Goëtivy, Raoul de Gaucourt et
serviteurs. Un autre, Guill. Tringant, a laissé un commentaire et un ré-
sumé du Jouvencel dans le Ms. Fr. 3059 de la bib. de l'Arsenal. Voir les
f"» US et suiv., notamment 115 v, 116, 117 v».
1. J. Quicherat, Rodrigue de Villaadrando, 78-84. Pièces orifj., t. 549, dos-
sier Bueil, n» 108. Ms. Fr. 3059 à la bib. de l'Arsenal, f° 119. K 63, n« 261-5.
De Beaucourt, Eevue des questions hist., liv. de juillet 1872, p. 86-88, et
Eist. de Charles VU, t. II, 287 et s. Fr. 26057, n»* 2082, 2084, 2123, 2132. 2141,
2200, 2229.
2. Jean Jlalet V, seigneur de Graville et de Marcoussis, avait succédé,
comme maître des arbalétriers, à Jean de Torsay, le le' août 1 425. 11 avait
défendu Montargis en 1426 (Anselme, VIII, 86 G. et Vil, 869 G, D, E; Glair.,
t. 55, f» 4183). Guill. de Ghaumont, seigneur de Guitry ou Quitry, général
réformateur des eaux et forêts (Anselme, VIII, 885, et 886 E et 887 G).
3. « La perte de Montargis fut cause de mettre le seigneur de La Tré-
moille hors du gouvernement. » (Berry, ap. Godefroy, p. 386; Martial d'Au-
vergne, I, 135.) Sur les agissements de La Trémoille, voir de Beaucourt,
t. II, p. 287 et s., notamment p. 293-296. Xi» 9200, f° 209. Il levait des
péages onéreux sur les marchands de la Loire (Xi* 4799, f" 244 v).
4. Le 26 octobre 1430, J. de Bueil, lieutenant de Ch. d'Anjou, comte de
Mortain, prête serment de fidélité et obéissance, comme capitaine de Sablé,
à la reine Yolande et à ses enfants {Pièces orig., t. 549, dossier de Bcèil,
u» 108).
5. P. d'Amboise avait épousé en 1428 Anne de Bueil, sœur de Jean de
Bueil (voir Anselme, VII, 849 A).
COMPLOT CONTRE LA TRÉMOILLE (1433) 199
Pierre de Brézé ', seigneur de La Varenne, destiné à jouer bientôt
un rôle si remarquable. La reine Yolande, son fils Charles, sa
fille Marie d'Anjou, reine de France, n'attendaient qu'une occa-
sion pour soustraire enfin Charles VII à l'esclavage dans lequel
il semblait se complaire, mais il n'était pas facile de surprendre
le favori. II fallut préparer de longue main cette entreprise.
En attendant, Richemont et le duc de Bretagne avisaient, avec
le duc de Savoie, aux moyens de mettre auprès du roi « de leurs
gens pour le conseiller et aider », afin d'arriver à la conclusion
de la paix générale. De nouvelles conférences qui eurent lieu,
comme il avait été convenu, entre Corbeil et Melun, au petit vil-
lage de Saint-Port (21 mars 4433), n'amenèrent aucun rappro-
chement entre Charles VII et Henri VI, malgré les efforts du
cardinal de Sainte-Croix. Le duc de Bretagne envoya vainement
des ambassadeurs auprès de Bedford et à la cour d'Angleterre,
où son fils Gilles était depuis plusieurs mois *. Quant au duc de
Bourgogne, il conseillait aussi à Henri VI de faire la paix, mais il
n'était pas encore disposé à la faire lui-même séparément avec
Charles VII, comme le désirait Richemont.
Philippe le Bon était cependant très irrité contre Bedford, qui,
peu de mois après la mort de sa première femme, Anne de Bour-
gogne ', avait épousé, sans même l'avoir consulté, Jacqueline de
Luxembourg, fille du comte de Saint-Pol *, son vassal (20 avril).
Le cardinal de Winchester avait essayé de les réconcilier, en les
amenant tous deux à Saint-Omer. Le régent et Philippe avaient
quitté cette ville sans s'être vus ; ni l'un ni l'autre ne voulant faire
la première démarche. Richemont espérait bien profiter de ces
dissentiments; mais il fallait pour cela, qu'il ne fût plus en dis-
grâce. Au lieu de ménager Philippe le Bon, La Trémoille recom-
mençait la guerre contre lui, malgré les trêves; il mariait sa
sœur Isabelle au sire de Châteauvillain, l'un des plus puissants
seigneurs de Bourgogne, et le gagnait ainsi à Charles VII (fé-
vrier). Pour réussir auprès de Philippe le Bon, il fallait donc
d'abord se débarrasser de La Trémoille ^.
1. Pierre II de Brézé était fils de Jean II de Brézé et de Marg. de Bueil,
tante de Jean de Bueil (Anselme, VIII, 270 E et 271 B).
2. Hist. de Bourg., IV, 169, et Preuves, cxvi. Fr. 11542, f<>» 23, 24. Mo-
reau, t. 703, f-s 9;i, 96, 127.
3. Sœur de Philippe le Bon, morte le vendredi 14 novembre 1432 (voir X'*
1481, fo 63; Meyer, Commentarii sive annales rerum Vlandricarum, Antver-
piœ, 1561, in-4», p. 279).
4. Pierre l" de Luxembourg, comte de Saint-Pol. Voy. le Bourgeois d«
Paris, 293. Monstrelet, V, 36. Anselme, III, 723-726. Richemont épousa plus
tard une sœur de Jacqueline.
5. Hist. de Bourg., IV, 168-170. On disait que La Trémoille avait conseiUé
200 ENLÈVEMENT DE LA TRÉMOILLE (1433, JUIN)
Tout était prêt pour l'exécution du complot. Afin de n'éveiller
aucun soupçon, le connétable se tenait ostensiblement à Par-
Ihenay *, tandis que la cour était à Ghinon 2, mais il avait envoyé
dans cette ville un de ses écuyers, J. de Rosnivinen, qui lui était
entièrement dévoué. Gaucourt, capitaine de Ghinon, et Olivier
Frétard, son lieutenant, n'inspiraient aucune défiance à La Tré-
moille; pourtant ils étaient du complot, et ils pouvaient seuls en
assurer la réussite. Vers la fm de juin ^, pendant la nuit, Frétard
introduisit dans le château du Gouldray les sires de Bueil, de
Brézé, de Ghaumont, de Goëtivy, avec leurs gens d'armes, sur
Fôrdre de Charles d'Anjou. La Trémoille, surpris dans son lit,
comme autrefois le sire de Giac, faillit avoir le même sort. « Il faut
croire qu'ils ne firent pas tout ce qui leur estait commandé, car
messire Jean de Rosnevinen, joignant ledit de La Trémoille, lui
donna un coup de dague dans le ventre, pensant pis faire quil
ne fist *. » On peut croire, avec d'Argentré, avec Gruel lui-même,
que La Trémoille « fut en grant danger de mort, qui ne l'eust
rescous ^ ». J. de Bueil, qui était son neveu, et les autres conjurés
voulaient, non pas le tuer, mais seulement l'empêcher de reve-
nir à la cour. Il dut s'estimer heureux que l'expédition eût été
dirigée par Ch. d'Anjou, au lieu de l'être par le connétable en
personne ^.
Le roi habitait aussi le château. Réveillé par ce tumulte noc-
turne, craignant quelque danger pour lui-même, il envoya cher-
cher J. de Bueil, P. de Brézé, Goëtivy et leur demanda « si le
eonnestable y estoit ». Ils répondirent que non, puis ils calmè-
rent ses inquiétudes et son irritation en protestant qu'ils
wi bâtard d'Orléans d'arrêter le duc de Bourgogne (J. Stevenson, II,
l'e partie, 245).
1. Il y était le 22 juin (Fr. 8819, f» 56).
2. H y avait alors grande mortalité à Poitiers (Xi» 9194, f» 52).
3. Le 1er juin, \q roi est à Amboise avec La Trémoille (Fr. 25710, n» 76"! .
Le 3 juin 1433, Charles VII (à Amboise) ordonne de payer (sur l'aide der-
nièrement levé en Poitou pour la vidange des Bretons) 15 000 1. au sire de La
Trémoille, en remboursement de pareille somme qu'il a dépensée « pour
le fait et vuidange desdiz Bretons » (K 63, n» 27). Des ambassadeurs bour-
guignons revenant d'Angleterre en France écrivaient, le 18 juillet, qu'ils
avaient entendu dire que, depuis huit jours, La Trémoille n'était plus au-
près de Charles VII, et que le comte de Kichemont y devait venir. (J. Ste-
venson, II, 1" partie, 245).
4. D'Argentré, 791. Le Baud, 483.
5. Gruel, 200.
6. Voir Cougny, Notice sur le château de Chinon, édit. de 1874, p. 33,
36-37. Vallet de V., Charles VU, t. II, 305. J. Bouchet, les Annales d'Aqui-
taine, Poictiers, 1644, gr. in-4°. p. 250-251. Il est à remarquer que les au-
teurs contemporains attribuent à Ch. d'Anjou et non à Richement l'enlè-
vement de La Trémoille (J. Chartier, I, 170-172 ; Monstrelet, V, 73-74).
CONSÉQUENCES DE CET ÉVÉNEMENT 201
n'avaient agi que dans son intérêt et pour le bien du royaume.
Il semble incroyable que, dans cette circonstance, Charles VII
n'ait pas fait acte d'autorité pour secourir un ministre qui lui
était si cher; mais il faut pourtant bien croire qu'il ne donna
aucun ordre pour le délivrer, ou qu'il ne fut pas obéi. Cepen-
dant on emmenait La Trémoille au château de Montrésor, qui
appartenait à J. de Bueil *. Il y resta prisonnier jusqu'à ce qu'il
eût pris l'engagement de payer à son neveu 4000 moutons d'or,
de rendre toutes ses places, de ne plus venir à la cour, de
renoncer, en un mot, à toute ingérence dans le gouvernement.
Charles VII n'oublia pas son ancien ministre; il lui accorda
encore, comme à Louvet, bien des libéralités, mais il ne le rap-
pela pas dans ses conseils 2. Le règne de La Trémoille était fini;
le rôle de Richement allait bientôt recommencer.
Dans les Etats monarchiques, ces révolutions de palais ont
souvent de grandes conséquences; celle-ci en eut d'incalculables,
et, bien qu'elles n'aient pas échappé aux historiens, peut-être ne
les ont-ils pas encore fait assez ressortir. La Trémoille ne pou-
vait maintenir son autorité qu'en continuant de faire beaucoup
de mal par ses intrigues, par son égoïsme, par ses querelles avec
le connétable et avec la maison d'Anjou ; son éloignement lais-
sait la place libre à ceux qui voulaient et pouvaient relever la
France '. Il n'y avait pas à compter sur lui pour faire la paix
avec le duc de Bourgogne, et là, encore une fois, était le seul
moyen de salut. A ce moment même, Philippe le Bon avait à
Londres, où se trouvait aussi Bedford *, des ambassadeurs qui
demandaient, ou la conclusion de la paix avec la France, ou de
nouveaux secours pour continuer la guerre contre Charles VII,
puisque les trêves n'étaient pas observées. Il conseillait au gou-
vernement anglais de gagner les principaux seigneurs de France,
en leur donnant des terres et de l'argent ; il se chargeait d'agir
lui-même auprès d'Amédée, duc de Savoie, et, le 7 juillet, le
cardinal de Winchester, au nom de Henri VI, priait Philippe le
Bon de bien vouloir « toujours entretenir les besoignes entre les
ducs de Savoie et de Bretaigne et le comte de Richemont et
1. Anselme, IV, 165 A. Montrésor, arrondissement de Loches.
2. Le 31 juillet 1433, le comte de Foix fait encore payer à Louvet
BOO moutons d'or (voir Portef. Font., 117-118, à la date). Par lettres du
26 septembre 1435, Charles VII conserve à La Trémoille ses appointements
{Anselme, IV, 165; J 475, n» 91). Même après sa disgrâce, La Trémoille
commit encore de grands abus et était très redouté [X^' 20, f» 60; Clai-
ramb.,120, f» 9149; X2* 21, au l" février 1436 [a. st.]; X2» 23, f»» 19 v, 20).
3. De Beaucourt, Charles VU, t. II, 291.
4. Le chancelier, L. de Lu.\embourg, évêque de Thérouenne, gouvernait
en l'absence de Bedford (X»« 8605, f» 23 v).
202 CH. d'anjou remplace la trémoille (1433)
y faire le mieux possible, pour le bien du roi *. » Peu après,
des négociations entre Charles VII et les Anglais étaient rom-
pues ^. D'autre part, le duc d'Orléans, fatigué de sa longue cap-
tivité, s'employait avec ardeur au rétablissement de la paix. Il
répondait aux ambassadeurs bourguignons que « les ducs de
Bourgogne et de Bretagne y pouvoient plus, après les parties
principales, que prince qui vive ». Il voulait s'entendre avec
Philippe le Bon et avec Jean V. Pour recouvrer sa liberté, il était
prêt à tout, même à trahir Charles YII et la France, même à se
reconnaître vassal de Henri VI ^. Il avait déjà négocié le mariage
de son frère, le comte d'Angoulême,avec Jeanne de Rohan *, fille
d'Alain IX, nièce de Jean V et de Richemont, pour avoir l'appui
de la Bretagne; des ambassadeurs bretons, qui étaient aussi à
Londres, travaillaient à sa délivrance ^; enfin il protestait de
son amitié pour le duc de Bourgogne et proposait de lui écrire.
Toutes ces complications pouvaient avoir des résultats fu-
nestes pour la France. N'était-il pas à craindre, par exemple,
que Richemont, las d'être en butte aux persécutions de La Tré-
moille, ne finît par accepter les offres du gouvernement anglais?
que le duc d'Orléans n'essayât d'accomplir ses dangereux des-
seins, et que, par cette union de l'Angleterre avec les plus puis-
santes maisons de France, Charles VII ne fût réduit à se con-^
tenter d'un simple apanage dans le royaume de Henri VI ? Certes
la chute de La Trémoille ne suffisait pas à écarter tous ces
périls, mais elle allait permettre à Yolande, à Richemont et à
leurs amis d'employer librement tous les moyens propres à les
surmonter *. Charles d'Anjou remplaça La Trémoille auprès de
Charles VII et jouit bientôt de toute sa faveur. Dirigé par sa
mère, soutenu par sa sœur, la reine de France, il put, malgré
sa jeunesse, rendre des services '.
1. J. Stevenson, II, l""" partie, 2il (Lettre de H. de Lannoi et autres ambasr
sadeurs bourguignons à Piiilippe le Bon et réponses de Henri VI, p. 218-262).
2. Le Bourgeois de Paris, II, 294.
3. J. Stevenson, II, !'« partie, 241 et suiv. Voir le traité conclu par L.
d'Orléans avec Henri VI, le 14 août 1 433 (Rymer, IV, 4" partie,, p. 197-199 ;
de Beaucourt, Charles VU, II, 463).
4. Anselme, IV, p. 57 A. — Jeanne de Rohan avait donné procuration à
Richemont et à Jacq. de Dinan, seigneur de Montafilant. pour traiter de
son mariage. Le traité de mariage fut conclu le 30 décembre 1432, mais le
mariage n'eut pas lieu {Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col, 12o4-12o5,
1237). J. d'Angoulême épousa, en 1449, Marguerite de Rohan, sœur de
Jeanne (Anselme, IV, 57).
5. J. Stevenson, ibid.
6. De Beaucourt, Charles VU, t. II, 48-49. Le comte de Pardiac et La
Fayette reparurent bientôt à la cour (Fr. 23710, n°' 79 et 81).
7. A en croire G. Tringant, qui exprime sans doute en cela l'opinion de
YOLANDE RECOUVRE SON INFLUENCE (1433) 203
En somme, ce fut Yolande qui prit la direction du gouverne-
ment. Dans les Etats de Languedoil, réunis à Tours (août-octo-
bre '),le chancelier de France, Regnault de Chartres, qui n'avait
point partagé la disgrâce de La Trémoille, désavoua haute-
ment son ancien collègue, en présence du roi, pour approuver
Gh. d'Anjou, J. de Bueil, Prigent de Goëtivy et P. de Brézé, qui
assistaient à cette séance *. On peut affirmer que cette solen-
nelle approbation fut ratifiée par les Etats et, pour mieux dire,
par la France entière. On comprit que c'était le commencement
d'une ère nouvelle et que les plus mauvais jours étaient passés^.
J. de Bueil, Ch. d'Anjou « n'avoit rien, fors qu'il estoit de grant maison
du sang royal » (Ms. 3059, f» 119 v», à l'Arsenal).
1. Ces Etats (août-octobre 1433) octroyèrent au roi 40 000 1. (voir K 63,
no» 29 et 36; Fr. 26037, n»» 2191, 2233, 2246; Fr. 26039, n» 2432; Fr. 20886,
n» 113).
2. J. Chartier, I, 171.
3. « Grâce à Dieu, le règne des intrigants et des traîtres était fini ; Char-
les VII s'appartenait enfin (de Beaucourt, t. II, 298). Désormais il est en-
touré de serviteurs intègres et dévoués. » {Idem, p. 299.)
QUATRIÈME PARTIE
LES ANNÉES FÉCONDES
1435-1458
CHAPITRE PREMIER
LE TRAITÉ d'aRRAS (1435)
Richemont assiste aux funérailles de la duchesse de Bretagne. — II va
dans le Maine pour soutenir le due d'Alençon et Amb. de Loré. — La
journée de Sillé. — Le connétable rentre en grâce auprès de Char-
les VII. — Il arrête un plan de campagne pour obliger le duc de Bour-
gogne à faire la paix. — États de Vienne. — Campagne de Richemont
dans la Picardie, la Champagne et le Barrois. — Il conclut une trêve
de six mois avec Philippe le Bon, réprime les brigandages des routiers
et oblige Robert de Sarrebrûck à se soumettre à René d'Anjou. — Le duc
de Bourgogne se montre disposé à la paix. — Richemont se rend aux
conférences de Nevers, où est décidé le congrès d'Arras. — Rôle de
Richemont au congrès d'Arras. — Les Anglais rejettent les propositions
de Charles VII, mais le duc de Bourgogne fait la paix. — Traité d'Ar-
ras. — Mort de Bedford. — La guerre continue avec l'Angleterre.
Le connétable n'essaya pas de reparaître à la cour aus-
sitôt après l'enlèvement de La Trémoille ; il jugea prudent
d'attendre que ses amis eussent atténué l'aversion qu'il inspi-
rait au roi. Il se rendit à Vannes, pour assister aux obsèques
de sa belle-sœur, Jeanne de France, femme de Jean V, qui était
morte le 20 septembre 1433 *. C'était là un malheur doublement
déplorable, car cette princesse, sœur de Charles VII, servait en
Bretagne les intérêts de la France. Richemont se proposait d'aller
ensuite, vers le 15 octobre, à Calais, où devaient se tenirde nouvel-
les conférences pour la paix, sous lamédiation de Ch. d'Orléans;
mais ces conférences n'eurent pas lieu *. Les négociations de-
\. Anselme, I, 455. Gruel (p. 199) place un an trop tôt la mort de la
duchesse de Bretagne.
2. Dans le traité du 14 août (voy. ci-dessus, p, 202, note 3), le duc d'Or-
206 AMBROISE DE LORÉ A SAINT-CÉNERI (1433)
valent être reprises à Bâle, sous la médiation du concile, qui était
réuni dans cette ville depuis le mois de mai 1431.
En attendant, la guerre continuait de tous côtés, au nord contre
Willoughby ^ et le comte d'Arondel ^, au sud contre le duc de
Bourgogne, qui reprenait Avallon le 20 octobre '. Le régent avait
envoyé en Normandie * et dans le pays de Gaux des renforts
considérables, malgré les difficultés croissantes qu'il trouvait à
obtenir des subsides du parlement ^.
Au mois de décembre 1433, le comte d'Arondel assiégeait l'im-
portante forteresse de Saint-Céneri '', qui bravait depuis long-
temps tous les efforts des Anglais. Le duc d'Alençon en avait
confié la garde à Ambroise de Loré, qui, de là, inquiétait sans
cesse les places voisines, Fresnay, Alençon, harcelait les garni-
sons ennemies et leur infligeait de fréquentes défaites ''.
Plusieurs fois déjà, les Anglais avaient essayé de prendre Sainl-
Céneri. L'année précédente, Willoughby en avait encore fait le
siège sans plus de succès ^. Le comte d'Arondel ne voulait
léans avait stipulé qu'on ferait venir à Calais là reine de Sicile, Ch. d'Anjou,
Jean V, Artur et Richard de Bretagne, le duc d'Alençon, etc. Le 13 août,
Henri VI donne des sauf-conduits aux personnes ci-dessus désignées (Rymer,
IV, 4° partie, p. 197-199; Moreau 705, p. 145-146). Le duc de Bretagne fit
tout son possible pour que la conférence eût lieu, mais il ne réussit pas
(D. Lobineau, I, 594; D. Morice, I, 519; Hist. de Bourgogne, IV, 182-183).
1. Rob. de Willoughby était lieutenant du roi et du régent sur lé fait
de la guerre eiltre les rivières de Seine, Oise, Somme et la mer (K 63,
n» 242).
2. Jean, c. d'Arondel, seigneur de Mautravers, lieutenant de Henri VI
entre la Seine, la Loire et la mer (K 63, n»» 243 et»; jj 175_, n" 233; Fr.
26036, n"2032, 2131, 2134, 2140, 2146, et Fi-. 25770, n" T36).
3. Hist. de Bourgogne, IV, 183. Le bâtard d'Orléaris avait été envoyé en
Champagne [Pièces orig., t. 364, dossier Blanchet, 7869, n" 36).
4. Il y eut encore une tentative pour livrer Rouen et Dieppe aux Fran-
çais (Fr. 26056, n" 2000 et 2062). Sur la guerre en Normandie, voir : JJ
173, n»' 2^3, 276; Fr. 26056, n»s 2007, 2010, 2011, 2028-2032. Fr. 26037,
n"' 2067, 2074-75,' 2086-2093, 2101, 21i7, 2131, 2134, 2140, 2146, 2190; Fr.
26060, n» 2735; Fr. 25771, n»» 817-823.
3. Ilsoudoie,pour4mois, 1600 h. sous le comte de Saint-Pol, pour repren-
dre Saint-Valery; il envoie 1200 h. sous le comte de Huntington en Basse-
Normandie, 900 h. sous le comte d'Arondel. Voir la réponse de Henri VI et
du conseil d'Angleterre aux ambassadeurs de Bourgogne, ap. J. Stevenson,
t. II, p. 249-262. Voy. aussi, sur la prise de Saint-Valery, JJ 175, n"'' 250-237.
6. Canton ouest d'Alençon. Fr. 26056, n» 2201.
7. Fr. 26056, n» 2201. Append., LVHI. J. Chartier, t, 147, 150-134. Voir
aussi, sur Loré, Nie. Gilles, édit. gothique de 1320, 2' vol., f°» 90, 92, 93, 94.
8. J. Chartier, I, 110, 118, 134, 140. Fr. 11342, f» 21. Chron. du Mont-
Saint-Michel, I, 33, et note 3. —En 1431, pendant qu'ils assiégeaient Saint-
Céneri, Loré les avait battus à Vivoin, près de Beaumonl-sur-Sarthe, ar-
rondissement de Mamers (Cagny, ap. Duchesne, 48, f 124; Ms. 3059, fll9,
à la bib. de l'Arsenal).
LES ANGLAIS ASSIÈGENT SILLÉ-LE-GUILLAUME (1434) 207
pas s'exposer à un nouvel échec. Bien pourvu d'artillerie, de
munitions, de troupes*, il poussa le siège avec la plus grande
activité. Loré ne montrait pas moins d'ardeur à défendre une
forteresse qui était sa principale place d'armes, la résidence de
sa femme et de ses enfants; mais, abandonné à ses seules forces,
il devait infailliblement succomber.
Richemont, sollicité par le duc d'Alençon, résolut d'aller se-
courir ce vaillant capitaine, qui leur avait rendu service à tous
deux, lors du siège de Pouancé *. Il réunit à Saumur les troupes
dont il disposait et se mit en marche, avec le duc d'Alençon.
Malheureusement, ce secours venait trop tard. Le connétable
et son neveu n'étaient pas encore à moitié chemin, quand ils
furent informés, à Durtal ^, que le comte d'Arondel avait fait
capituler Saint-Géneri '' (1434. janvier), Ils revinrent à Saumur, où
ils apprirent bientôt que le comte d'Arondel était allé assiéger
Sillé-le-Guillaume", petite ville assez mal fortifiée, et que Aimeri
d'Anthenaise, lieutenant du sire de Bueil, s'était engagé, en don-
nant des otages, à livrer cette place s'il n'était pas secouru avant
six semaines. D'après cette convention , les Anglais devaient
rendre les otages si, au jour fixé, les Français se trouvaient
près d'un orme, dans une lande voisine de Neuvillalais ", et s'ils
étaient les plus forts.
Le connétable résolut de paraître, avec des forces imposantes,
à cette journée, moins pour délivrer Sillé-le-Guillaume que pour
inaugurer par une grande démonstration militaire la reprise de
son commandement.il se rendit à Parthenay ^ (février 1434), pen-
dant que le duc d'Alençon et les autres seigneurs allaient chercher
de leur côté toutes les troupes qu'ils purent trouver. Deux jours
avant l'expiration du délai convenu, toute une armée se trouva
i. Voir Append., LVIII. G. Rygmayden, lieutenant d'Alençon, Jean Sal-
vain, bailli de Rouen, vinrent aider le comte d'Arondel à ce siège (Fr. 23771,
n»' 810, 831 et 849); le bailli de Cotentin, les troupes d'Essai (Fr. 26057,
n»* 2222, 2233), le bailli de Gaen, Guill. Breton (id., n" 2225 et 2226) y vin-
rent aussi.
2. Voy. ci-dessus, p. 187-188.
3. Arrondissement de Baugé.
4. Sur le siège de Saint-Géneri, voir Append., LVIII, et Fr. 26057, nos 2222,
2225, 2226, 2227, 2233. Le siège fut terminé avant le 26 janvier (n" 2227), J.
Chartier, I, 134-137. Berry, 387. Gruel, 200. Fr. 26038, n» 2336. Les Anglais
démolirent ensuite Saint-Géneri et d'autres forteresses prises également
par le comte d'Arondel, comme Houdan^ Montfort-l'Amaury, Rambouillet,
Bonsmoulins. Fr. 23771, n»« 817-823 et 848-853, 858, 860, 861. Fr. 26037,
n" 2227, 2229, 2231, 2232, 2243, 2233, 2254. Fr. 26038, n" 2268.
5. Arrondissement du Mans.
6. Arrondissement du Mans; canton de Gonlie; non loin de Sillé.
7. Il y était le 22 février (Fr. 8819, f» 48 v»).
208 LA JOURNÉE DE SILLÉ (1434)
réunie à Sablé K La reine Yolande y avait envoyé son fils,
Charles d'Anjou, avec les gens de la maison du roi qui avaient
voulu le suivre. Les sires de Bueil, de Brézé, de Coëtivy, de
Ghaumont, le vicomte de Thouars, récemment sorti de sa pri-
son *, avaient répondu à l'appel du connétable, qui amenait les
maréchaux de Raiz et de Rieux,le sire de Rostrenen et plusieurs
chevaliers et écuyers de Bretagne et du Poitou.
Partie de Sablé, cette armée campa, le lendemain soir, près de
l'endroit où devait avoir lieu la rencontre. Le connétable prit
les plus sages mesures pour faire reposer ses troupes en sécurité
pendant la nuit. Avant l'aube, à la lueur des torches, il les con-
duisit sur le champ de bataille. Au soleil levant, l'armée française
était rangée en bon ordre près d'une petite rivière. Les maré-
chaux de Raiz et de Rieux commandaient l'avant-garde ; une
des ailes était conduite par le sire de Bueil, l'autre par le vidame
de Chartres ^ Le connétable, le duc d'Alençon, Charles d'Anjou
étaient au centre avec le sire de Lohéac et d'autres seigneurs qui
les avaient rejoints au passage. Les Anglais, au nombre d'en-
viron 8000 combattants, étaient établis en belle ordonnance au
delà de la rivière. Le comte d'Arondel les commandait. Pendant
de longues heures, les deux armées s'observèrent, immobiles,
sans oser s'attaquer. Ch. d'Anjou pria Richemont de lui con-
férer la chevalerie, et, comme celui-ci, modestement, lui disait
qu'il valait mieux la demander au duc d'Alençon, le jeune prince
déclara qu'il ne la voulait tenir que du connétable. Après avoir
reçu cette dignité, Ch. d'Anjou fit à son tour beaucoup d'autres
chevaliers, notamment les sires de Bueil, de Coëtivy, de Chau-
mont, tandis que le connétable conférait le même honneur à
divers officiers de sa maison *.
Enfin les Anglais, quittant les premiers la lande du grand
Orme, se retirèrent dans un village voisin, où ils se fortifièrent.
Comme ils n'avaient pas été les plus forts avant l'heure de midi,
1. Arrondissement de La Flèche.
2. D. Morice, I, 519. Cet élargissement eut lieu après une conférence que
La Trémoille eut, à Nantes, avec le chancelier de Bretagne, P. Eder, Ro-
bert d'Espinay, et où il fut parlé du mariage des demoiselles de Laval et
d'Etampes avec les fils de La Trémoille et du sire d'Albret (D. Lobineau, I,
597). La Trémoille fit ensuite promesse de bon et loyal service au duc de
Bretagne, en faveur du mariage accordé entre Yolande de Laval et son fils,
Jean de La Trémoille. L'original est aux Arch. de la Loire-Inf., cass. 57,
E 144, avec signature et sceau de G. de La Trémoille. En septembre 1434,
Charles VII restitua au vicomte de Thouars ses biens confisqués (X<> 8604,
f« 122).
3. Jean de Vendôme (H. de Lépinois, Hist. de Chartres, II, 614).
4. Voy. Gruel, 200.
RICHEMONT RENTRE EN GRACE (1434, AVRIL) 209
le connétable les fit sommer de rendre les otages, qu'ils renvoyè-
rent aussitôt Ml tint ensuite un conseil de guerre, pour examiner
s'il fallait attaquer les ennemis. Tout le monde fut d'avis qu'il y
aurait imprudence à tenter une pareille aventure, car ils occu-
paient une forte position, dans le voisinage de plusieurs places qui
leur appartenaient, tandis que les Français n'avaient que Sablé,
éloigné d'environ dix lieues. D'ailleurs les vivres manquaient, car
on n'en avait apporté que pour trois jours. Quant à la ville de
Sillé-le-Guillaume, « qui ne valait rien,» Richemont voulait qu'on
l'abandonnât, qu'on y mît le feu et qu'on fit couper la tête à
Aimeri d'Anthenaise, pour le punir d'avoir capitulé. Beaucoup
furent de cette opinion, excepté le sire de Bueil.Il protesta contre
un arrêt aussi cruel et promit que son lieutenant défendrait bien
cette place. L'armée revint alors à Sablé. Aussitôt après, les An-
glais attaquèrent de nouveau la ville de Sillé ; ils donnèrent l'as-
saut le 9 mars, et le comte d'Arondel reçut les habitants à com-
position le 12. Cette perte fut largement compensée par l'honneur
d'avoir offert la bataille aux ennemis, « car il n'estoit de mémoire
d'homme qu'à une journée assignée les Français fussent compa-
rus jusques à ce jour^.»
Le connétable put ensuite se présenter à la cour. Ses amis
étaient parvenus à calmer le ressentiment du roi, qui lui fit bon
accueil '. Il semble que dès lors, par une sorte de convention
tacite, le roi et le connétable aient résolu de vivre en bonne in-
telligence, l'un en dominant son antipathie, l'autre en montrant
moins d'exigences et de rudesse.
On prit aussitôt des résolutions importantes qui attestent une
direction nouvelle et un plan arrêté. Il fut convenu que Char-
les VII irait dans le Dauphiné, tenir les Etats de cette province
(car on avait grand besoin d'argent) et rassembler des troupes
pour menacer le Charolais, tandis que le duc de Bourbon
et le seigneur de Châteauvilain attaqueraient aussi les domaines
du duc de Bourgogne. Quant au connétable, il fut chargé
1. La journée de Sillé est rappelée dans les registres JJ 185, f» 204, n'295,
et JJ 187, f" 153, n» 286.
2. Gruel, 201. Fr. 25711, n» 843; JJ 175, no 360. J. Charticr, I, 165, 169 ;
Berry, 387. Martial d'Auvergne, I, 137.
3. On ne sait oii celte réconciliation eut lieu. Gruel (p. 201) dit que
Richemont vit le roi avant son départ pour Lyon et Vienne. Au moment
de la journée de Sillé, Charles VII était à Montluçon le 8 mars (K 63, n* 32),
à Montfaucon en Auvergne le 18 mars; le l*' avril à Vienne; en avril et
mai à Vienne (voy. Fr. 25710, n"* 80-86). Le roi se rendit à Vienne (Berry,
p. 387) par Le Puy et probablement par Lyon. C'est peut-être au Puy que
le connétable alla le voir. En tout cas, Richemont était à Vienne dès le 6
ou le 7 avril, et il était encore à Sablé le 12 mars.
Richemont. 14
210 ON ARRÊTE UN PLAN DE CAMPAGNE A VIENNE (1434, AVRIL)
d'aller, avec le bâtard d'Orléans, au delà de la Seine, pour se-
courir le pays et les bonnes villes, tant contre les ennemis, c'est-
à-dire contre les Anglo-Bourguignons ^, que contre « les gens du
roy », c'est-à-dire contre les routiers. Tout en combattant Phi-
lipe le Bon sur divers points, en Picardie, dans la Bourgogne et
le Charolais, on devait faire de nouvelles tentatives auprès de
lui, auprès d'Amédée VIII, pour négocier un traité définitif, et la
guerre ne devait être qu'un moyen de hâter la conclusion de la
paix *. Tel est l'esprit dans lequel Richemont allait entreprendre
cette campagne. Il suivait avec plus d'ardeur que jamais cette
politique, dont il avait pris l'initiative dès 1425, avec la reine de
Sicile. Cette princesse devait seconder les opérations militaires
par une diplomatie féconde en ressources.
Une fois ce plan arrêté, la cour se rendit à Vienne, où les Etats
de Languedoc et ceux du Dauphiné devaient se réunir^. Il y eut
là, pendant les mois d'avril, de mai, de juin, une réunion bril-
lante * et des fêtes comme les aimait le jeune roi, mais elles ne
firent point oublier les intérêts politiques. Les cardinaux d'Arles
et de Chypre ^, ambassadeurs du concile de Bâle, la reine de
Sicile, son fils Charles d'Anjou, Charles de Bourbon, devenu ré-
cemment duc, par la mort de sorr père, le connétable, le bâtard
d'Orléans, le maréchal de La Fayette, Gaucourt, l'amiral de Cu-
lant, Christophe d'Harcourt, Hugues de Noyers et d'autres con-
seillers '^ de Charles VII purent examiner ensemble les questions
qui les préoccupaient. Le concile faisait, comme le pape, de cons-
tants efforts auprès des rois de France et d'Angleterre, pour ré-
tablir la paix générale. La réponse de Charles VII aux cardi-
naux fut très bienveillante '' ; mais ce qu'on voulait surtout, ce
1. Ceux-ci se préparaient également à la guerre (voir Hist. de Bourgogne^
IV, cxxxvii et 9ui\., cxu-cxuii).
2. Le connétable était toujours en relations avec le duc de Bourgogne
(de Beaucourt, Charles VU, II, p. 306, note 2).
3. V. D. Vaissète, IV, 482, et Preuves, p. 438-439. Voir aussi les Etats gé-
néraux sous Charles VU, par A. Thomas, dans le Cab. hist., t, 24, année
1878.
4. "Du moins une partie de juin, car, dans ce mois, Charles VII alla aussi
à Lyon et à Saint-Symphorien-d'Auzon (Fr. 23710, n» 86, et Fr. 20877, n» 34;
D. Marlène, Amplissima Collectio, VIII, 719-720).
5. L. Aleman, archev. d'Arles, cardinal de Sainte-Cécile, -|- 1430 (Gallia
christ. I, 382-584, 615). — Hugues de Lusignan, fils de Jacques I" de Lusi-
gnan, roi de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie (Art de vérifier les dates,
1, 466).
6. Tous ces noms sont dans des lettres datées de Vienne et citées par
D. Vaissète (t. IV, p. 482). Voir aussi Fr. 23710, n" 81-85. Fr. 20877, n» 34.
Fr. 20385, n» 1. M. Canat, p. 342, et Ordonn. XIII, 194-204. De Smet,
Chron. de Flandre, III, 418. Berry, 387.
7. Le 10 juin, Charles VII écrit au concile de Bâle qu'il est prêt à faire
LES ÉTATS DE VIENNE (1434) 211
n'était point la paix avec les Anglais, car on savait que leurs
exigences la rendraient impossible ; c'était la réconciliation avec
le duc de Bourgogne. René d'Anjou, sur les conseils de sa mère,
alla voir ce prince, pour sonder ses intentions, et se rendit en-
suite à Vienne, auprès du roi, puis à Ghambéry \ où se trouvaient
alors le duc de Savoie et sa fille Marguerite, femme du jeune roi
de Naples, Louis III d'Anjou. Secondé par sa belle-sœur, René
sut gagner Amédée VIII, bien que ce dernier fût irrité contre le
duc de Bourbon, qui refusait de lui rend re hommage pour cer-
tains fiefs *.
Amédée VIII consentit à reprendre son rôle de médiateur et
exhorta encore Phifippe le Bon à faire la paix avec Char-
les VII'. René conduisit ensuite à Vienne sa belle-sœur, la reine
de Naples. Elle reçut un accueil empressé à la cour. Le roi donna
une fête en son honneur et dansa longuement avec elle. Le con-
nétable, qui était rentré complètement en grâce, prit part à ces
réjouissances, et ce fut lui qui présenta les épices au roi de France
et à la reine de Naples^.
Cependant les Etats de Languedoc avaient voté une aide de
170 000 moutons d'or, ceux du Dauphiné une aide de 30000 flo-
rins ^. Avec ces ressources, ^on pouvait continuer la guerre. Le
la paix {Amplissima Collectio, VIII, 719-720), Le concile s'adressa aussi au
roi d'Angleterre (Rymer, V, l'» partie, p. 9, 10, 12, 15).
1. René d'Anjou avait déjà vu les ducs de Bourgogne et de Savoie à
Chambéry, en février, lors du mariage du comte de Genève, fils aîné d'Amé-
dée VIII, avec Anne, fille du roi de Chypre et nièce du cardinal. Il est pro-
bable que le cardinal de Chypre avait profité de son séjour à Chambéry
pour remplir sa mission de médiateur (Le Fèvre de Saint-Remy, II, 87-97).
En tout cas, Amédée VIII avait écrit à Bedford et continué ses démarches
auprès de PhiUppe le Bon (de Beaucourt, Charles VU, t. II, p. 506-508.)
2. Le duc de Bourbon opposait le même refus au duc de Bourgogne
pour d'autres fiefs. Amédée VIII et Philippe le Bon s'étaient même alliés
le 12 février, à Chambéry, pour contraindre le due de Bourbon à leur ren-
dre hommage (M. Canat, p. 340).
3. T. 99 delà Coll. de Bourgogne, f»' 410416. Lecoy de La M., t. I, 105-107.
4.11 était certainement à Vienne le 6 ou le 7 avril et le 4 mai (voy. Fr. 25710,
n» 85), avec le duc de Bourbon, le maréchal de La Fayette, l'amiral de
Culant, le sire de Gaucourt, etc. Voy. aussi D. Vaissète, IV, p. 482. Berry,387.
Martial d'Auvergne, I, 138-139. Le roi écrivit, le 26 avril, aux habitants de
Lyon, pour réclamer le payement d'une ancienne créance du connétable
(de Beaucourt, Charles Vil, II, 304, note 2). C'était annoncer par là même
son retour en grâce.
5. D. Vaissète, IV, p. 482, et Preuves, p. 438-39. Fr. 20417, n» H. Fr,
25710, n» 86. Portef. Fontanieu, 117-118, aux dates du 19 mai et du l*-" juin.
Fr. 20877, n» 34, et K 63, n» 37. R. de Gaucourt reçut 3 000 florins pour
payer les troupes qu'il devait conduire au secours du duc de Bourbon et
du sire de Châteauvillain contre le duc de Bourgogne (K 63, n» 37; Portef,
Fontanieu, 117-118, au 26 septembre).
212 CAMPAGNE DE RICHEMOMT EN PICARDIE (1434)
connétable eut spécialement sous sa charge 300 hommes d'ar-
mes et GOO hommes de trait ^ Ainsi réconcilié avec le roi, il prit
congé de lui et revint à Parthenai pour lever ses troupes et se
préparer à la campagne qu'il allait commencer MI apprit alors
que Talbot, envoyé par Bedford dans l'Ile-de-France, avait obligé
La Hire à évacuer Beaumont-sur-Oise ' et attaqué la ville de
Greil, où le frère de La Hire avait été tué * (juin). Richemont ne
put partir assez tôt pour sauver Greil, car il dut attendre au
moins trois semaines à Blois le bâtard d'Orléans, qui avait été
chargé de réunir 200 hommes d'armes et 300 hommes de trait ".
Il se dirigea ensuite, avec le bâtard d'Orléans, le maréchal de
Rieuxet le chancelier de France, vers Gompiègne, en passant par
Orléans, Melun,Lagny et Senlis, dont lecapitaine était Alain Giron.
Pendant qu'il était à Gompiègne (août) *, Saintrailles et La
Hire vinrent lui demander deux cents lances, avec les archers,
pour ravitailler et dégager Laon, où ils étaient serrés de près
par les troupes de Jean de Luxembourg ^ qui tenaient toutes les
places du voisinage et même le mont Saint- Vincent, à un trait
d'arc de la ville. Le connétable envoya au secours de Laon
Gilles de Saint-Simon et Jamet de ïillay. Ces deux capitaines
s'attendaient à rencontrer l'ennemi près d'Assis-sur-Serre * ;
mais ils purent s'avancer en toute liberté. Après avoir fait capi-
1. Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1267.
2. Richemont était alors en procès avec J. de Rochechouart, seigneur de
Mortemart, au sujet d'une rente de 200 1. t. sur Châtelaillon, réclamée
p^ar ce seigneur. Le connétable obtint un délai, en opposant des lettres
d'Etat (Xi" 9200, i» 243 v).
3. Arrondissement de Pontoise. Fr. 260S7, n» 2243. Fr. 26058, n»' 2331,
2287. JJ 173, nos 312, 313, 348. La capitulation de Beaumont fut conclue
avec Talbot le 14 juin, par Georges, bâtard de Seneterre, et ratifiée par
Henri VI le 28 juin. Le roi d'Angleterre créa Talbot comte et lui donna le
comté de Clermont en Beauvoisis, en récompense de ses services (JJ 173,
n? 318).
4. Voy. Portef. Fontanieu, 117-118, à la date du 28 juin, et Fr. 25771,
n" 872. Gruel appelle Amadoc ce frère de La Hire (Gruel, 201). Greil, arron-
dissement de Senlis.
5. Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1267. Le bâtard d'Orléans avait
peut-être levé des troupes en Bretagne. Le 18 juin, il fait alliance avec le
vicomte de Rohan {Preuves de Vhist. de Bret., II, col. 1263). Jeanne, fille
d'Alain IX, vicomte de Rohan, avait été promise à Jean, comte d'Angou-
lême en 1432 (Anselme, IV, p. 57 A, et ci-dessus, p. 202).
6. De Beaucourt, Charles VII, t. II, 313, note 1.
7. Jean II de Luxembourg, comle de Ligny, frère de P. de Luxembourg,
comte de Saint-Pol (-f- le 31 août 1433, après avoir repris aux Français
Saint-Valery), et de L. de Luxembourg, chancelier de France pour Henri VI.
C'est ce J. de Luxembourg qui avait pris J. d'Arc à Gompiègne (Anselme,
III, 723-26; Pièces orig., t. 1778, dossier Luxembourg, n" 40; JJ 175, n» 356).
8. Arrondissement de Laon.
LES FRANÇAIS PRENNENT HAM (1434) 213
tuler Saint- Vincent en accordant à ceux qui l'occupaient un sauf-
conduit du connétable, ils ravitaillèrent Laon et firent des courses
sur les pays qui obéissaient à Philippe le Bon. Celui-ci venait
alors de Picardie avec 3 000 hommes. Il passa tout près des lieu-
tenants de Richemont, à Crécy-sur- Serre * (7 août) : mais il ne
les poursuivit pas, et il continua sa route vers la Bourgogne,
pour aller combattre le duc de Bourbon *.
A ce moment, le connétable apprit qu'il y avait grand danger
de perdre Beauvais. LaHire commandait dçins cette ville. C'était
un vaillant capitaine, mais aussi un pillard redoutable, qui s'était
fait détester par son caractère violent et cruel. Les habitants se
révoltaient contre lui, et les Anglais, qui occupaient Verberie ',
Greil, Beaumont, profitaient de son embarras pour venir l'atta-
quer. Richemont, laissant à Compiègne le chancelier, le bâtaM
d'Orléans et le maréchal de Rieux, alla lui-même à Beauvais, où
il rétablit promptement le bon ordre. Revenu à Compiègne, il
rappela les troupes qu'il avait envoyées à Laon et les diri-
gea sur Ham *, qui appartenait au duc de Bourgogne (septem-
bre). Le connétable les suivit de près, avec le bâtard d'Orléans, le
maréchal de Rieux, Saintrailles, La Hire, Blanchefort et le gros
de son armée, car il savait que Jean de Luxembourg n'était
pas loin.
Quand ils arrivèrent à Ham, la ville et le château étaient déjà
pris d'assaut par l'avant-garde ^, et ils trouvèrent leurs loge-
ments tout préparés. Richemont délivra les prisonniers, excepté
ceux qui étaient Anglais ou au service de l'Angleterre, et il
fit rendre aux habitants de la ville la moitié de leurs biens. !1
épargna aussi les marches de Picardie, malgré le mécontente-
ment des capitaines et des soldats, qui ne comprenaient pas la
guerre sans pillage. II laissa seulement le bâtard d'Orléans faire
une course jusqu'à Chauny ^, où il rencontra Jean de Luxem-
bourg quand il croyait n'avoir affaire qu'à ceux de la ville . Il y
eut là « une belle escarmouche ».
Le bâtard et La Hire soutinrent le choc avec leur vaillance
habituelle. Averti par eux, le connétable s'avança aussitôt à leur
secours, mais, à trois lieues de Chauny, il les trouva qui revenaient
en bon ordre, sans avoir rien perdu. Il conclut alors (17 septem-
1. Arrondissement de Laon.
2. 11 arriva le 13 août à Dijon (M. Ganat, p. 258, et Itinéraire de Philippe
le Bon, ibid., p. 489; de Smet, Chron. de Flandre, III, p. 418-419; Gruel, 201).
3. Arrondissement de Senlis.
"4. Arrondissement de Péronne.
5. Martial d'Auvergne, I, 139.
6. Arrondissement de Laon.
214 TRÊVE DE HAM (4434, 47 septembre)
bre) une trêve de six mois avec le comte d'Etampes, lieutenant
du duc de Bourgogne ^ Il rendit Ham à Jean de Luxembourg, à
condition que celui-ci payerait 60 000 saints, qu'il empêcherait
Bruyère *, Aulnois ' et autres places voisines de faire la guerre à
la ville de Laon, et que Blanchefort évacuerait Breteuil ■'. Si le
connétable montrait tant de modération, c'est que « toujours il
taschoit et désiroit faire la paix entre le roy et Mgr de Bourgon-
gne ^. » Philippe accepta volontiers cet arrangement et fit déli-
vrer la somme convenue. Richemont s'en servit pour payer ses
gens d'armes, il partagea ce qui restait aux capitaines et sei-
gneurs de son armée, ne gardant pour lui que 1500 saluts. Il
retourna ensuite à Compiègne ®.
De là, il se rendit à Reims et parcourut la Champagne, faisant
partout prompte justice des pillards et larrons qui désolaient
cette province ''. Près de Troyes, il réduisit à capituler, en moins
de deux jours, une place dont la garnison faisait beaucoup de mal
dans le pays *. Il nettoya ensuite les environs de Châlons et alla
lui-même assiéger la ville de Maure *, que tenaient les Anglais.
En trois jours il réduisit celte place à se rendre, puis il fît le siège
de Hans *", René d'Anjou se trouvait alors tout près de là, dans
les environs de Sainte-Menehould. Sur son invitation, le con-
nétable alla le voir et revint, dès le lendemain, s'emparer de
Hans, 11 continua sa route par Vitry-en-Perthois **, fit encore ca-
pituler une petite place que les ennemis fortifiaient près d'Arzil-
lières ** et retourna aussitôt à Châlons, où il fit pendre un capi-
taine de routiers, nommé H. Bourges, qui s'avoua lui-même
coupable des excès les plus odieux.
A Châlons, il vit arriver Robert de Sarrebruck ^^ damoiseau ou
1. Voy. Append., LIX.
2. Arrondissement de Laon.
3. Arrondissement de Laon.
4. Arrondissement de Clermont (Oise).
5. Gruel, 202. Monstrelet (t. V, 93-96} dit aussi : « Et la cause pour quoy
lesdîz traictiés furent conduis en doulceur, si fut l'espérance de venir à
paix finable entre le roy Charles de France et le duc de Bourgogne ». Les
mêmes considérations sont formellement exprimées dans le traité qui sti-
pule la trêve de six mois (voy. Append., LIX).
6. De Smet, Chron. de Flandre, III, 419.
7. Ed. de Barthélémy, Hist. de Châlons, p. 184. Il avait sans doute avec
lui Tristan Lermite, qu'il avait nommé prévôt des maréchaux (Fr. 20684,
fo 662, el Bib. de l'Ec. des chartes, t. XXXIII, p. 76).
8. Gruel, 202. Il ne donne pas le nom de cette place.
9. Gruel, 202. Maure, arrondissement de Vouziers.
10. Canton de Sainte-Menehould.
. H. Aujourd'hui Vitry-le-François.
12. Arrondissement de Vitry-le-François.
13. Sur Rob. de Sarrebruck, voir Anselme, VIII, 533.
RICHEMONT DANS LA CHAMPAGNE ET LE BARROIS 215
seigneur de Commercy, qui était alors en guerre avec René d'An-
jou \ les Messins et le comte de Vaudemont. Sous prétexte de ser-
vir Charles VII, Robert exerçait de grands ravages sur les ter-
ritoires voisins. René d'Anjou et les Messins, alliés contre lui,
assiégeaient alors sa ville deCommery, pendant que le comte de
Vaudemont attaquait une autre de ses places -. Le connétable
envoya Saintrailles, La Hire et Gilles de Saint-Simon, avec 400
lances, au secours du damoiseau contre le comte de Vaudemont,
qui tenait le parti de Bourgogne et d'Angleterre. Ils chassèrent
les gens du comte de Vaudemont, délivrèrent la place assiégée, et
après avoir ravagé le comté de Ligny-èn-Barrois, occupé par
les Anglais, ils s'en retournèrent à Ghâlons.
Pendant ce temps, le connétable avait déterminé René d'An-
jou et les Messins à lever le siège de Commercy, sous certaines
conditions acceptées par eux, dans une entrevue à Châlons, le
6 septembre 1434 ^ Robert de Sarrebruck s'en remit à l'arbitrage
de Richemont et de l'archevêque de Reims. Il signa le 19 octo-
bre, à Vitry, le compromis conclu par eux avec René d'Anjou et
les Messins et laissa son fils en otage au roi de Sicile*. Le conné-
table croyait cette affaire terminée, quand il apprit, à Vitry-en-
Perthois, que le damoiseau refusait d'obéir au duc de Bar et de
tenir ses engagements. Sur les plaintes de René d'Anjou, il fit
arrêter Robert de Sarrebruck ^ et le donna en garde à Gilles de
Saint-Simon et à Guillaume Gruel, puis il le fît élargir, à con-
dition qu'il ne s'éloignerait point sans y être autorisé.
Un jour, comme le connétable jeûnait, on lui fit observer que
le damoiseau, qui se trouvait auprès de lui, ne jeûnait pas. Ri-
chemont lui dit alors d'aller souper. « Puisqu'il vous plaît, avec
votre congé, monseigneur, » répondit le damoiseau et, sautant
surson cheval, qui l'attendait à la porte, il s'enfuit à Etrepy*, puis
à Commercy. Irrité de cette félonie, le connétable envoya aussi-
tôt 40 lances à la poursuite de Robert, et il partit pour assiéger
i. René d'Anjou avait épousé, en 1420, Isabelle, fille de Charles l"',
duc de Lorraine, mort en 1431. René était alors duc de Lorraine et de
Bar.
2. Gruel (p. 202) appelle cette place Nercy. C'est Narcy, arrondissement
de Vassy.
3. Voir la cliron. du doyen de Saint-Thiébault de Metz dans D. Galmet,
Hist. de Lorraine, II, Preuves, col. ccxvui-xix.
4. D'après le doyen de SaintrThiébault, Richeoïont aurait eu 20 000 saluts
pour avoir ménagé cet arrangement (D.Calmet, 11,788 elPreiivps,eo\. ccxviii-
ccxix. Voir aussi Dumont, Hist. de Commercy, i3ar-le-t)uc, 1843, iu-8, t. I,
p. 232).
3. Probablement à Revigny (Meuse, arrondissement de Bar-le-Duc).
6. Arrondissement de Vitry-le-François.
216 RICHEMONT DANS LE BARROIS (1434)
Gommercy avec René d'Anjou. Alors le damoiseau vint trouver
le connétable, fît sa soumission et jura de tenir tous ses engage-
ments envers lui et envers le duc de Bar.
En se dirigeant vers Saint-Mihiel % où était René d'Anjou, le
connétable apprit que les Anglais, qui tenaient garnison à Ligny *,
s'étaient avancés jusqu'à Bar-le-Duc et ravageaient tout le pays
voisin. Il détacha 10 lances pour les arrêter et s'avança lui-même
dans le Barrois. Ses éclaireurs rencontrèrent les Anglais comme
ils revenaient à Ligny, traînant après eux des chariots chargés de
butin. A la vue des gens du connétable, les ennemis, quoique
bien supérieurs en nombre, prirent la fuile, laissant là tous leurs
bagages. Les Français les poursuivirent jusqu'aux portes de
Ligny, puis ils allèrent à Bar et à Saint-Mihiel, où les attendait
René d'Anjou. C'est là que le damoiseau de Gommercy vint faire
sa soumission au duc de Bar (14 décembre) '. On était au milieu
de décembre ; l'hiver était très froid ; les chevaux avaient grand'-
peine à marcher sur les chemins couverts de neiges et de glaces.
Néanmoins Saîntrailles et Gilles de Saint-Simon, après avoir ral-
lié en passant la petite troupe qui était à Saint-Mihiel, firent une
course devant Metz, pour rançonner le pays (décembre et janvier).
Plusieurs de ces routiers furent pris ou tués ; mais Saîntrailles,
après avoir exercé de cruels ravages, ramena un grand butin.
On ne s'explique pas comment Richemont, qui réprimait ordi-
nairement les excès des gens de guerre, permit cette incursion
sur le territoire d'une ville alliée de René d'Anjou. Saîntrailles
s'autorisait des ordres du connétable, ce qui n'empêcha pas plu-
sieurs des gens d'armes de murmurer quand ils virent la guerre
qu'il leur faisait faire *.
Après cette course, ils allèrent retrouver, dans le Barrois, le
connétable, qui avait pris, par composition, la place d'Epense ^.
Le 15 décembre, il était à Ghâlons, où il délia le damoiseau de
ses engagements antérieurs, à la prière de René d'Anjou ^.
i. Arrondissement de Gommercy.
2. Arrondissement de Bar-le-Duc.
3. Collect. de Lorraine, t. 294, n» 21.
4. Gruel, 203. D. Calmet, II, Preuves, col. ccxix.
5. Arrondissement de Sainte-Menehould,
6. Voy. Append., LX. Cette campagne de Richemont en 1434 est racontée
par Gruel avec une abondance, une exactitude et une précision de détails
qu'on chercherait vainement ailleurs. On voit qu'il y a pris part. Son récit
est confirmé, sur tous les points essentiels, soit par des documents authen-
tiques, soit par les chroniqueurs, soit par les historiens (voy. D. Morice, I,
521, qui ne raconte pas d'ailleurs toute cette campagne; D. Lobineau,I, 601,
qui donne plus de détails; D. Calmet, t. II, p. 782-788, et les Preuves déjà
indiquées; le t. 226 de la collect. de Lorraine, n» 9; Monstrelet, t. V, p. 95,
GUERRE ET NÉGOCIATIONS (1434) 217
Durant cette campagne du connétable, la guerre s'était faite
aussi à l'ouest entre le comte d'Arondel, Charles d'Anjou, le
duc d'Alençon, Ambroise de Loré ; au sud , entre le duc de
Bourgogne, le duc de Bourbon, les sires de Gaucourt et de
Château villain *. Malgré quelques succès, comme la prise de
Grancey * (15 août), de Chaumont^ et de Belleville * (septem-
bre), Philippe le Bon n'était pas sans inquiétude sur l'issue de
cette lutte. Trop peu secondé par les Anglais, il n'était point
soutenu par le duc de Savoie, qui, au lieu de lui fournir les
secours promis par le traité de Chambéry (du 12 février 1434),
l'engageait à faire la paix avec le duc de Bourbon ; le roi appe-
lait contre lui la noblesse du Midi ^ ; enfin il était menacé par
l'empereur Sigismond, qui s'était prononcé en faveur de René
d'Anjou et avait fait alliance avec Charles VII ^. Sans tenir
compte des plaintes et des reproches de Philippe ', Amédée VIII
avait conclu la paix avec le duc de Bourbon (21 novembre 1434),
et il offrait avec insistance sa médiation pour ménager un
accommodement entre les deux beaux-frères. Enfin le duc de
Bourgogne entra dans la voie où Richemont le voulait amener
depuis si longtemps *. Il fit un premier pas en signant une trêve
à Pont-de-Veyle ^ avec le duc de Bourbon (4 décembre). Il fut
convenu qu'ils auraient une conférence à Nevers, pour arriver
111; J. Chartier, 1, 175-177; De Smet, Chroniques de Flandre, t. III, 418-419 ;
la chronique d'Adrien de Buts, un contemporain, dans la Collect. des chro-
niques belges de M. Kervyn de Letlenhove, I, 239-240; l'Abrégé chronol. du
règne de Charles VII, ap. Godefroy, p. 337-338 ; Berry, ibid., p. 388 ; Lecoy
de La Marche, René d'Anjou, I, p. 109-111, G.-E. Dumont, Hist. de Corn-
mercy, Bar-le-Duc, 1843, in-8, t. I, p. 228-232i.
1. Sur la guerre avec les Anglais, voir K 63, n<" 34, 34^, 37; Fr. 26038,
n«s 2273, 2323, 2334, 2340, 2331, 2356, 2394, 2418. Portef. Fontanieu, 117-118,
à la date du 21 décembre. JJ 173, n» 333. Le 8 septembre, Henri VI donna
au comte d'Arondel le duché de Tou raine et des terres en Normandie, en
récompense de ses services (JJ 175, n* 366). Sur la guerre contre le duc
de Bourgogne, voir M. Canat, p. 338-361.
2. Arrondissement de Dijon.
3. Ghaumont-la-Guiche (arrondissement de Gharolles), qui avait été prise
par Rod. de Villandrando, beau-frère du duc de Bourbon, dont il avait
épousé une sœur bâtarde (J. Quicherat, Rod. de Villandrando, p. 90, 109).
4. Arrondissement de Villefranche.
5. Les comtes de Foix, de Gomminges, d'Armagnac, d'Astarac, etc. (D.
Vaissète, IV, 482).
6. T. 99 de la collect. de Bourg., f- 392-399. J. 186^, àladate du 17 juin
1434, f» 21. De Beaucourt, Charles VII, t. II, 482483.
7. Voir ses instructions du 2 Juin à ses envoyés (t. 99 de la coll. de Bourg. ,
f.8 410-416).
8. Pendant cette campagne de 1434, Richemont était toujours en rela-
tions avec le duc de Bourgogne (de Beaucourt, t. II, 514, not^ 1).
9. Arrondissement de Bourg (Ain).
218 CONFÉRENCES DE NEVERS (1435)
à une entente définitive. Le concile, le pape, les ducs de Bre-
tagne ^ et de Savoie sollicitaient toujours le duc de Bourgogne
de se prêter à la conclusion de la paix générale. Le 27 décembre,
les ambassadeurs bourguignons déclarèrent au concile que Phi-
lippe cédait à ses instances ^.
Richemont apprit ces nouvelles avec la plus vive joie. Bientôt
il reçut des lettres de ses beaux-frères, les ducs de Bourgogne
et de Bourbon, qui l'invitaient à venir auprès d'eux à Nevers. Il
passa quelques jours à Troyes ^, « pour faire justice et mettre
police au pays *, » puis il alla voir, à Dijon, la duchesse de
Bourgogne, qui le reçut avec de grands honneurs (janvier) ^.
De là, par Beaune, Autun, Decize, il se rendit à Nevers. Il y
trouva le duc de Bourgogne, le duc et la duchesse de Bourbon,
qui lui firent l'accueil le plus cordial. Les conférences étaient
commencées depuis le 20 janvier. Le duc de Bretagne, le roi de
France y avaient aussi envoyé leurs ambassadeurs, le chan-
celier, archevêque de Reims, Christ, de Harcourt, le maréchal de
La Fayette ^. Déjà un traité, conclu à Nevers, avait terminé le
différend entre le duc de Bourbon et le duc de Bourgogne. Ce
traité fut signé par Richemont le 5 février et par les deux autres
princes le lendemain '', mais il restait beaucoup plus à faire.
Il fallait maintenant décider Philippe le Bon à se réconcilier
avec Charles VII. Le connétable, secondé par le duc et la
duchesse de Bourbon, fut enfin assez heureux pour réussir dans
ces importantes négociations. Comme Philippe ne voulait pas
traiter sans le roi d'Angleterre, il fut bien spécifié qu'on s'effor-
cerait de faire la paix générale. C'était là d'ailleurs le désir et
l'intention de Charles VII ; ses ambassadeurs le répétaient ; il
1. Jean V avait aussi envoyé des ambassadeurs à Henri VI, pour l'enga-
ger à faire la paix (Moreau, 705, f-* 133-142).
2. Sur la guerre avec le duc de Bourgogne et les négociations, voir":
Amplissima Collectio, VIII, 785-786 ; Inventaire des arch. de la Gôte-d'Or,
t. I, 27, 253; t. II, 39, 61, 62 et 71, et J. Quicherat, Rod. de Villandrando,
p. 103-113, et pièces justifie, p. 247; Hist. de Bourgcgne, IV, 189-193, et
Preuves, cxlui-cxlvi; CoUect. de Bourgogne, t. 99, f"» 402-423; M. Canat,
258-260 et 338-362; D. Calmet, II, col. 783-784 ; Porfe/l Fo}it., 117-118, au 26
septembre; K 63, n" 37; Le Fèvre de Saint-Remy, t. II, p. 268, 287, 297, 303.
3. Le 13 janvier, le duc de Bourgogne écrit de Moulins-Engilbert au
comte de Richemont à Troyes (M. Canat, p. 364).
4. Gruel, 203.
5. De Beaucourt, Charles Vil, II, 514, note 1, à la fin. Il est probable que
Richemont était encore à Dijon le 25 janvier.
6. Les conférences devaient avoir lieu à Decize, mais on préféra Nevers.
Ilist. de Bourg., IV, 195, et Preuves, cxun-cxLV. Porief. Fontanieu, 117-118,
au 12 janvier. Le Fèvre de Saint-Remy, II, 303-304. De Beaucourt, 11^ 515.
7. M. Canat, p. 361. Hist. de Bourg., IV, Preuves, cxlv-cxlyi.
COÎNVENTION AVEC PHILIPPE LE BON (1435, 6 FÉVRIER) 219
avait chargé le comte de Vendôme d'en informer le duc de
Bretagne, qui avait écrit au duc de Bourgogne, pour joindre ses
instances à celles de son frère Artur. Il fut donc convenu qu'il
y aurait « une journée », le l""" juillet, à Arras ; que le roi de
France ferait à Henri VI « des offres raisonnables » ; que, si le
roi d'Angleterre ne voulait pas les accepter, le duc de Bourgo-
gne ferait tout son possible, son honneur sauf, pour s'entendre
avec Charles VII. On alla plus loin : on arrêta, le 6 février, les
bases d'un traité particulier, par lequel Charles VII céderait à
Philippe le Bon, dans le cas où celui-ci se séparerait de Henri VI,
les villes de la Somme, le Ponthieu, Montreuil, Doullcns, Saint-
Riquier, avec faculté de rachat, moyennant une somme de
400000 écus d'or, payables en deux fois, par moitié. Il fut même
question d'un mariage entre une fille du roi de France et le fils
du duc de Bourgogne, Charles, comte de Charolais, qui n'avait
guère qu'un an *. Enfin, il fut entendu que le pape et le concile
seraient invités, comme le roi d'Angleterre, à envoyer leurs
ambassadeurs à la journée d'Arras et que le duc de Bourbon et
le comte de Richemont y représenteraient le roi de France *.
Après avoir ainsi préparé ce grand résultat, qu'il poursui-
vait depuis dix ans, la réconciliation de Philippe le Bon avec
Charles VII, le connétable prit congé de ses beaux-frères, pour
revenir à la cour. Chemin faisant, il apprit, à Dun-Ie-Roi, qu'il
y avait alors à Bourges un capitaine de routiers, Jacques de
Pailly ', surnommé Forte-Epice, dont il avait grandement à
se plaindre. Forte-Epice avait promis, l'année précédente, de
suivre Richemont en Champagne, avec 40 lances; il avait même
reçu un cheval, de l'argent pour lui et pour ses gens, puis, au
moment du départ, il s'en était allé d'un autre côté, « car il ne
demandait que pillerie, » et il savait bien que le connétable ne
tolérait pas ces déprédations *. Le routier eût été pendu, si les
i. Né à Dijon, le 10 novembre 1433 [Hist. de Bourg., IV, 183).
2. Hist. de Bourg., IV, 193-195, et Preuves, cxliii-cxlvi ; Delpit, Doc. fran-
çais, etc., 251-252 (lettre du duc de Bourgogne): le t. 99 de la coll. de Bour-
gogne, f"' 418-421 ; Bréquigny, 81 (Moreau, 705), f« 149-150; Berry, 388, et
une lettre du card. de Sainte-Croix dans le Ms. lat. 9868 (S. F. 3031), f 2 V;
le t. III des Chron. belges, p. 149; Monstrelet, V, 107-109; Lettre de Phi-
lippe le Bon, en date du 16 mars, aux Pères du concile de Bdle, dans le
t. 254 de la collection Godefroy,f- 51 (à la biblioth. de l'Institut); de Beau-
court, II, 518 et notes; Append., LXI (déposition du connétable).
3. Y\ f° 45 v. On trouve rarement le vrai nom de ce routier fameux.
4. Pendant ce temps, il avait pris au duc de Bourgogne Coulanges-la-
Vineuse (Yonne), qu'il ne rendit que moyennant une forte somme. Dans
le Poitou même, les gens du comte de Foix, du comte d'Harcourt, etc.,
commettaient les plus graves abus (X^a 21, au 4 janvier 1434, a. st.).
220 ON SE PRÉPARE AU CONGRÈS d'ARRAS
habitants de Bourges auxquels il avait rendu quelques services,
n'eussent intercédé en sa faveur'.
Le connétable alla ensuite à Tours, où il trouva le roi René,
puis à Chinon, où était alors Charles VII, qui lui fit bonne chèi'e
(2 mars) '^. Il rendit compte des négociations qui avaient eu lieu
à.Nevers. Il fît décider que le roi réunirait à Tours, vers Pâques,
les seigneurs de son sang, pour délibérer sur la journée d'Arras
et arrêter les résolutions qu'il conviendrait de prendre. Après
avoir passé quelques jours à Parthenay, où résidait habituel-
lement la duchesse de Guyenne , il revint auprès du roi , à
Tours. Le duc de Bourbon, Charles d'Anjou, le chancelier de
France, le comte de Vendôme, l'archevêque de Vienne, le bâtard
d'Orléans, les maréchaux de Rieux et de La Fayette, les sires
de Graville, de Gaucourt, de Bueil, plusieurs évêques et beau-
coup d'autres seigneurs étaient aussi arrivés à la cour. Le 9 avril,
Charles VII confirma encore une fois la donation, déjà faite au
connétable, des terres de Parthenay, Mervent, Vouvant, Le Goul-
dray-Salbart , Secondigny, Ghâtelaillon , Matefelon, etc., et
ordonna qu'on lui en laissât la jouissance, nonobstant le procès
pendant en la cour du Parlement '.
Le roi regrettait maintenant que Richemont eût été si long-
temps éloigné de lui « par le moyen et pourchaz d'aulcuns ses
malveillans » ; il reconnaissait hautement ses grands services. Le
lendemain, jour des Rameaux, le comte de Richemont fit hom-
mage au roi pour ces seigneuries. On s'occupa surtout de la
journée d'Arras, du choix des ambassadeurs qui devaient accom-
pagner le duc de Bourbon et le connétable, des opérations mili-
taires, qu'il fallait activer, pour donner plus de poids aux négo-
ciations. Le duc de Bourgogne se trouvait alors à Paris, où il était
toujours très populaire. Les Parisiens le supplièrent de faire la
paix, et il encouragea leurs espérances par de bonnes promesses *.
Peu après, le comte de Richemont lui écrivit que le roi acceptait
la journée d'Arras. Philippe s'empressa d'annoncer cette nou-
velle aux Parisiens. En même temps, il envoya une ambassade
en Angleterre, pour informer Henri VI de ses intentions, comme
il en avait déjà informé le Conseil anglais à Paris ^
1. Gruel, 203-204.
2. Le jour de carême prenant, d'après Gruel (p. 204), c'est-à-dire le 2
mars, Pâques tombant le 17 avril.
3. X»a 8604, f<" 125 V, 126. X'» 8605, f»» 204 v», 203. Le Parlement fit,
comme il arrivait souvent, des difficultés pour entériner les lettres du
9 avril (Xi» 9194, f» 126 v).
4. Arrivé à Paris le jeudi 14 avril, avec la duchesse de Bourgogne et le
comte de Charolais, il en partit le jeudi 21 avril (Xi"» 1481, f» 99 v).
5. Xia 1481, f" 99 v\ Collect. de Bourgogne, t. 99, f<" 422-428; Procee-
GUERRE ACTIVE CONTRE LES ANGLAIS (1435) 221
Tout en négociant, le connétable poussait vivement la guerre
contre les Anglais, surtout en Normandie, car il importait de
montrer au duc de Bourgogne que la France n'était pas encore
abattue, comme ceux-ci le prétendaient '. Les populations de
la Normandie, nobles et gens du commun, s'insurgeaient de tous
côtés contre la domination anglaise, dans le Bessin, dans le pays
de Caux, et le duc d'Alençon, avec Ambroise de Loré, continuait
de guerroyer dans le Cotentin *.
Le bâtard d'Orléans fut chargé d'attaquer la Normandie vers
le sud, tandis que La Hire et Saintrailles faisaient des courses
vers le pays de Caux et que d'autres troupes étaient dirigées sur
Paris. Le bâtard d'Orléans alla prendre Houdan ' et menacer
Evreux (mai-juin)*; J. de Brézé, lieutenant du maréchal de
Rieux, s'empara de Rue ^ et du Crotry ^ avec l'aide d'un brave
officier, Charles des Marets, qui jadis avait été capitaine de
Dieppe ' ; La Hire et Saintrailles, envoyés par le connétable pour
occuper et fortifier Gerberoy % vainquirent, près de là, le comte
d'Arundel, qui fut blessé, pris, et mourut, au bout de quelques
jours, à Beauvais^; enfin, dans la nuit du 30 au 31 mai, les
capitaines français de Melun et de Lagny entrèrent par surprise
dings, t. IV. préface, p. lxxxii; Hist. de Bourg., IV, 196-197, et Preuves;
Delpit, Docum. français, etc., 231-252.
1. Charles VII avait renouvelé son alliance avec la Castille fX** 9193,
fo 103 v). De son côté, le duc de Bourgogne avait demandé à Henri VI l'en-
voi d'une puissante armée (coll. de Bourgogne, t. 99, f « 422-428).
2. Les insurgés normands assiègent Caen au mois de janvier (Fr. 26039,
no" 2433 et 2445. JJ 187, f° 74). Le duc d'AIençon assiège, en février, Avran-
ches, d'où il est repoussé par le comte d'Arondel et Th.de Scales (Fr. 26059,
no» 2438, 2465, 2469), puis il va se joindre aux insurgés du Bessin, pour
ravitailler le Mont-Saint-Michel (Fr. 26039, n- 2468, K 63, n» 34i6). Simon
Morbier, prévôt de Paris, est envoyé contre les rebelles du Cotentin (Fr.
26039, n" 2461 et 2462). Les Anglais sont chassés de la bastille d'Ardenon,
et la garnison du Mont-Saint-Michel fait des courses ruineuses dans le pays
voisin (Fr. 26059, n" 2300). Les Français menacent Valognes en avril (Fr,
26039, n° 2317). Voir aussi L. Puiseux, Les insurrections populaires en Nor-
mandie, Caen, 1831, in-4.
3. Arrondissement de Mantes. Martial d'Auvergne, I, 141.
4. Fr. 26039, n"» 2542, 2343, 2344, 2346.
3. Arrondissement d'Abbeville.
6. Arrondissement d'Abbeville.
7. Th. Basin dit que c'était un simpleouvrier terrassier. (Th. Basin,I, p. IH ;
Vallet de V., Charles VU, II, 340, note 2, X2« 24, au jeudi 11 février 1444, a. st.)
8. Arrondissement de Beauvais.
9. Monstrelet, V, 119-123, Berry, 388-389 et le Bourg, de Paris, 275, don-
nent la date du mois de mai; Gruel, 203, celle du mois d'octobre. J. Pillet,
Uist. de Gerberoy, Rouen, 1679, in-4, p. 222. Martial d'Auvergne, 1,140-141.
En août «t septembre, des gens d'armes anglais reçoivent l'ordre d'aller se
mettre à la disposition du comte d'Arondel (Fr. 26059, n»» 2382, 2602,
2618). Voy. aussi Fr. 5022, f» 40 v«.
222 LES FRANÇAIS PRENNENT SAINT-DENIS (1435, 30 MAl)
dans la ville de Saint-Denis *. C'était un succès important. De là,
on pouvait observer et inquiéter Paris. Peu après, le bâtard
d'Orléans s'empara de Pont-Sainte-Maxence (juin) ^ Toute la
Normandie s'agitait; de nouveaux troubles éclataient, et Bedford,
effrayé des rassemblements de troupes qu'on lui signalait de
toutes parts, prescrivait des mesures de défense qui dénotent
les inquiétudes du gouvernement anglais ^.
Le connétable ne pouvait diriger en personne ces expéditions ;
il estimait que, dans les circonstances actuelles, il devait s'occu-
per surtout de la paix. Il alla en Bretagne, au mois de mai *, puis il
revint encore, pour quelques jours, à Parthenay, où devaient se
rendre aussi la reine de France et la reine de Sicile , qui étaient à La
Rochelle ^. Guillaume Gruel, le biographe d'Artur de Bretagne,
vint alors lui annoncer que la comtesse d'Etampes " était accou-
chée d'un beau fils. Le connétable en éprouva une joie très vive,
car il n'avait pas d'enfant légitime, et il aimait beaucoup son
frère Richard, comte d'Etampes, qui soutenait fidèlement, en
Bretagne, le parti français. Richemont, à cette époque, ne sup-
posait guère qu'il deviendrait duc de Bretagne et qu'il aurait
pour successeur ce même enfant qui venait de naître ''.
Ses préparatifs terminés, il revint à la cour^ pour se rendre à
la journée d'Arras. Par lettres données à Amboise le 6 juillet *,
1. On lit dans le registre X** 1481, au f» 101, à la date du mardi 31 mai :
« Ce jour, après minuit, par faute de bon guet, entrèrent en la ville de
Saint-Denis les capitaines de Melun et de Laigny, accompagnés, comme on
disoit, de 300 à 400 combatans, gens de guerre. » Voy. le Bourg, de Paris,
305-306. La date du 17 juin, donnée par Yallet de V. (II, 312), est donc
inexacte. Gruel (p. 204) dit que la ville de Saint-Denis fut prise par Mahé
Morillon, J. Foucaut, L. de Vaucourt et Regnault de Saint-Jean ; mais il
place inexactement ce fait à l'époque du congrès d'Arras. J. Foucaut était
capitaine de Lagny. "Voy. aussi Fr. 26039, n"^ 2344, 2346. Berry, p. 389, attri-
bue ce succès au bâtard d'Orléans.
2. D. Grenier, XX bis, liasse 9, f» 17. Martial d'Auvergne, I, 141. Pont-
Sainte-Maxence, dans l'arrondissement de Senlis. Ce fait et la prise de
Saint-Denis et de Rue sont relatés dans des instructions du 13 juillet,
adressées à Regnault Girart et à Martineau, envoyés de Charles VII en
Ecosse. Ce document intéressant est égaré parmi des pièces du xvi° siècle,
dans le Ms. fr. 17330, où il figure sous le n» 9 (non folioté).
3. Fr. 26039, n<" 2338, 2340, 2554.
4. Richemont assista au mariage d'Alain, fils du vicomte de Rohan, avec
Yolande de Laval, le 21 mai 1433, à Vannes [Preuves de Vhist, de Bret., II,
col. 1272-1273).
5. Fr. 8819, f° 30. Le 15 juin, Richemont était à Parthenay.
6. Marguerite d'Orléans, comtesse de Vertus, femme de Richard de Bre-
tagne, comte d'Etampes.
7. Ce fut François 11,1e dernier duc de Bretagne.
8. Voir le n» 406 de la galerie des Chartes à la Bibl. nationale, et Bré-
quigny, 81, f"* 177-179 (Moreau, 705). Collect.de Bourgogne, 95, p. 848-851.
RICHEMONT VA AU CONGRÈS d'ARRAS (1435, JUILLET) 223
Charles VII avait désigné comme ambassadeurs le connétable, le
duc de Bourbon, le comte de Vendôme, le chancelier de France
Christophe d'Harcourt. le maréchal de La Fayette, Theaulde
de Valperga, bailli de Mâcon, Adam de Cambray, premier pré-
sident du Parlement, J. Tudert, doyen de Paris, et beaucoup
d'autres *. Ils passèrent par Reims, Laon, Saint-Quentin et Cam-
bray, oti ils arrivèrent le 29 juillet *, le jour même où le duc
de Bourgogne faisait son entrée dans Arras ^
Le dimanche 31 juillet, ils s'acheminèrent enfin vers cette
ville. Le duc de Bourgogne avec le duc de Gueldre * et un nom-
breux cortège de chevaliers, l'évêque d'Auxerre ^, l'abbé de Saint-
Vaast, le maire et les échevins, suivis d'une grande multitude
de peuple, vinrent au-devant d'eux, jusqu'au bois de Moufflaine,
à une lieu d'Arras, leur souhaiter la bienvenue. Les trois beaux-
frères s'embrassèrent avec les démonstrations les plus amicales,
et chevauchèrent au pas jusqu'au pelit marché de la ville, au
milieu d'une foule joyeuse, qui garnissait les rues, les fenêtres et
même les toits. Partout retentissaient les cris de Noëll Noël! car
ce bon accord des princes était d'un heureux augure pour la paix
que tout le monde désirait. On remarqua l'absence des ambas-
sadeurs anglais, l'archevêque d'York, l'évêque de Norwich, le
comte de SufTolk, etc., qui étaient arrivés depuis plusieurs jours,
et on disait qu'ils ne voyaient pas sans mécontentement cette
courtoisie bienveillante, avec laquelle le duc de Bourgogne ac-
cueillait les envoyés de V adversaire ^. Les jours suivants, ceux-ci
allèrent visiter le cardinal de Chypre, Hugues de Lusignan ',
légat du concile, puis le cardinal de Sainte-Croix *, légat du
1. Monstrelet, V, 134-136. J. Charlier, I, 186-187. X"» 9200, f 370.
2. Le lundi 18, le parlement de Poitiers est informé que le connétable,
toujours en procès avec L. de Rochechouart, a des lettres d'état, parce
qu'il est à Arras (X»* 9200, f" 370). Sa présence à Arras est encore men-
tionnée à la date du 2 septembre (fo 386).
3. D'autres ambassadeurs étaient arrivés depuis longtemps : trois envoyés
anglais dès le l»' juin, le cardinal de Chypre le 8 juillet, le cardinal de Sainte-
Croix le 12 (le 14, d'après la relation latine dans Bréquigny, t. 81, f- 131),
la plupart des ambassadeurs anglais (l'archevêque d'York, l'évêque de
Norwich, le comte de Suffolk), le 23 juillet. Le 26, l'archevêque d'York pro-
nonce un discours devant les cardinaux (Relation latine dans Bréquignv,
t. 81, f»» 132-160; Le Fèvre de Saint-Remy, t. II, 305-310; Journal français
de la paix d'Arras, par A. de Le Taverne, Paris, 1631, in-12, p. 27).
4. Adolphe, duc de Berg et de Gueldre {Art de vérifier les dates, III, 181).
5. Laurent Pinon, confesseur de Philippe le Bon.
6. Hist. de Bourgogne, IV, 201. Monstrelet, V, 134-135. Le Fèvre de Saint-
Remy, t. II, 310-311.
7. Relat française, p. 171. Voir ci-dessus, p. 210, note 5.
8. Nicolas Albergati, évêque de Bologne (Garnefeldt, Vita Albergali,
Cologne, 1618, in-4, p. 36, 60, 97-99; de Beaucourt, Charles VII, II, 520).
224 OUVERTURE DU CONGRÈS d'arras (1435, 5 août)
pape (l*"" et 2 août). Le mercredi 3, arriva la duchesse de Bour-
gogne *. Les ambassadeurs de France et d'Angleterre, avec tous
les autres seigneurs, allèrent à sa rencontre; mais ceux d'Angle-
terre « prirent congié à elle aux champs % » tandis que ceux de
France l'escortaient jusqu'à l'hôtel de la Cour-le-Comte, où de-
meurait le duc de Bourgogne. Le duc de Bourbon, le conné-
table, le comte de Vendôme, le duc de Gueldre chevauchaient
à côté de la litière où était la duchesse. Ils furent accueillis de
la façon la plus gracieuse par Philippe le Bon, qui leur fit « très
joyeuse chère en son hôtel » '.
Le vendredi 5 août *, le congrès tint sa première séance à
l'abbaye de Saint- Vaast, dans une salle ornée de draps d'or et
de tapisseries magnifiques. Jamais assemblée aussi nombreuse
et aussi brillante ne s'était réunie pour négocier un traité. On y
voyait les ambassadeurs de presque tous les Etats et souverains
de l'Europe, avec ceux du concile de Baie, de l'Université de
Paris, des ducs d'Anjou, de Bretagne et de plusieurs villes de
France ; tant on s'intéressait partout au grand débat qui allait
s'ouvrir ^. Les cardinaux qui présidaient le congrès, presque
tous les ambassadeurs laïques ou ecclésiastiques voulaient sin-
cèrement la paix; le peuple l'implorait à grands cris; les An-
glais eux-mêmes la désiraient secrètement, car la guerre com-
mençait à leur peser; mais, enorgueillis par vingt ans de succès
et de domination, ils apportaient aux conférences une morgue
et des exigences qui rendaient l'accord à peu près impossible.
Après des difficultés de pure forme, soulevées par les ambas-
deurs français, qui trouvaient que les commissions des ambassa-
deurs anglais n'étaient pas en règle % les négociations commen-
cèrent. Selon les engagements qu'ils avaient pris à Nevers, le
duc de Bourbon et le comte de Richemont firent des ofl'res
justes et raisonnables, car ils ne voulaient pas qu'on pût mettre
les torts de leur côté. Dès les premiers jours, on comprit qu'il
1. Isabelle de Portugal, fille de Jean !«"• et de Philippine de Lancastre
(Anselme, I, 241, E).
2. Monstrelet, V, 137.
3. Monstrelet, V, 137. Le Fèvre de Saint-Remy, t. II, 303-304. Le soir,
entre trois et quatre heures, après dîner, les ducs de Bourgogne et de
Bourbon firent une partie de paume à laquelle assistait le connétable {Re-
lut, franc., p. 38).
4. Le 4, d'après la relation latine (Bréquigny, t. 81, f* 161). Discours de
l'évêque de Vexio, ambassadeur du roi de Dacie, après que le cardinal de
Chypre a lu les lettres du saint concile.
3. Le duc de Savoie, Amédée VIII, n'envoya pas d'ambassadeurs. Il
venait de se retirer à Ripaille.
6. Bréquigny, t. 81, f» 170 (journée du 7 août).
ARRIVÉE DU CARDINAL DE WINCHESTER (23 AOUT) 225
serait impossible de s'entendre sur le point capital, la renoncia-
tion de Henri VI à la couronne de France; néanmoins les négo-
ciations continuèrent, entremêlées de fêtes, de réjouissances *.
Le 11 et le 12, il y eut une belle joute entre un chevalier espagnol,
Jean de Merle, et un chevalier de Bourgogne, P. de Beauffremont,
sire de Gharny, devant les princes et les autres seigne^irs ^
Le lundi 15 août, jour de l'Assomption, les ambassadeurs
français allèrent , en grande cérémonie , entendre la messe à
l'église Notre-Dame d'Arras, avec le duc de Bourgogne. Cette
intimité, qui s'.affîrmait de plus en plus, entre Philippe le Bon et
ses beaux-frères, déplaisait fort aux Anglais, car ils craignaient
qu'on ne machinât un traité à leur préjudice. Henri V avait
nommé Philippe le Bon commissaire général et principal pour
la négociation du traité; mais le duc s'était excusé. Il valait
mieux, disait-il, dans l'intérêt même de cette affaire, qu'il n'en
fût pas chargé ^ Le cardinal de Winchester *, chef de l'ambassade
anglaise, n'arriva que le 23 août. Le duc de Bourgogne alla au-
devant de lui avec les seigneurs de sa maison, mais les ambas-
sadeurs français ne l'accompagnèrent pas ^ .
Après l'arrivée du cardinal de Winchester, on put discuter sé-
rieusement les conditions de la paix. Un incident des plus fâcheux
interrompit alors les travaux du congrès. Le jeudi 25 août, le
comte de Richemont était avec le duc de Bourbon et le comte de
Vendôme à l'hôtel du duc de Bourgogne, où ils avaient dîné,
quand ils apprirent que La Hire et Saintrailles avaient passé la
Somme, ravagé le pays jusqu'à Doullens et fait un énorme butin '.
Cette agression impudente mit les ambassadeurs français dans un
cruel embarras. Le duc de Bourgogne et les seigneurs de son entou-
rage en étaient indignés. Dans la nuit, les comtes d'Etampes ',
1. Le 10, Richemont soupa chez le duc de Bourgogne, avec le duc de
Bourbon et le comte de Vendôme.
2. Le 14, Richemont va entendre' la messe à l'église Saint-Vaast.
3. Voy. Bréquigny, 81, f° 161. Monstrelet, V, 144.
4. Henry Beaufort, fils de Jean de Lancastre et oncle de Henri V,
Voy. Sandford, Genealogical hisiory, p. 260-262. H appuyait résolument en
Angleterre la politique de Bedford (Green, Hist. ofthe English people. I, 350-
551).
5. Le comte de Huntingdon était arrivé le 22 août (le -23, d'après la relation
latine, f» 180 v). Monstrelet (V, 144) donne ici la date du 29 et diffère, sur ce
point, de la relation française, mais il s'accorde avec elle d'une manière re-
marquable sur la plupart des autres et notamment sur les plus importants.
6. Quelque temps auparavant, le duc de Bourgogne avait payé 4 200 sa-
lut» d'or à La Hire, pour qu'il rendît la ville de Breteuil (Ms. Moreau,
1423, no» 126-128).
1. Jean de Bourgogne, fils de Philippe, comte de Nevers et petit-fils de
Philippe le Hardi (Anselme, I, 238).
Richemont. ' 15
226 EXIGENCES DES ANGLAIS
de Ligny, de Saint-Pol, les sires de Groy, de Lalain et des sei-
gneurs anglais, liégeois, brabançons partirent, avec plus de
12O0 chevaux, pour se mettre à la poursuite des routiers. Ils
les trouvèrent entre Corbie * et Heilly ^ faisant bonne conte-
nance; mais le connétable avait eu le temps d'envoyer Théaulde
de Valperiga ^ vers La Hire et Saintrailles, pour leur ordonner
de ne point combattre et de se retirer, en abandonnant prison-
niers et butin. Ils obéirent, non sans répugnance, et, grâce à
cette sage précaution, l'affaire n'eut pas d'autre suite. L'expédi-
tion rentra dans Arras le 27 au matin *.
Ce jour-là et les jours suivants, il y eut d'importantes confé-
rences entre les ambassadeurs français et anglais, par l'inter-
médiaire des cardinaux. De concession en concession, les Français
en vinrent jusqu'à offrir de laisser à Henri VI, sous condition
d'hommage, la Normandie et la partie de la Guyenne occupée
par les Anglais, pourvu qu'il renonçât, à tout jamais, au titre
de roi de France. Il aurait en mariage une fille de Charles V I,
mais sans aucune dot; le duc d'Orléans serait mis en liberté
moyennant rançon °. Les ambassadeurs du concile et du pape,
le duc de Bourgogne lui-même trouvaient ces offres justes et
raisonnables ^ ; mais les Anglais se montrèrent beaucoup plus
exigeants. Ils ne voulaient accorder à Y adversaire que les pays
occupés par les Français au nord et au sud de la Loire, en ré-
servant à Henri VI le titre de roi de France. Vainement les am-
bassadeurs français leur offrirent encore un délai de plusieurs
mois ', pour que Henri VI eût tout le temps de délibérer. Avant
de donner une réponse définitive, les Anglais déclarèrent que, si
Charles ne renonçait pas à la couronne de France, il était inu-
tile de continuer les négociations *.
1. Arrondissement d'Amiens.
2. Id.
3. Bailli de Mâcon, sénéchal et capitaine de Lyon (M. Canat, 368).
4. Chron. Martinienne, f» cclxxxi. Gruel, 204.
5. Telles sont les principales conditions formulées, le 7 septembre, dans
un document signé par les ambassadeurs de France. Le roi d'Angleterre
devait signifier son acceptation avant le 1"^ septembre 1436. Ces offres
furent ensuite portées à Henri "VI par le roi d'armes Saint-Remy. L'ori-
ginal est à la Bib. nat., Mélanges de Colbert, 353, n» 202. Le Fèvre de
Saint-Remy, 550. Voir aussi le Thésaurus novus anecdotorum, I, 1784-1789,
6. Quœ oblationes nobis vis£B sunt magnœ, rationabiles et merito accep-
tandœ. (Voy. les lettres du card. de Chypre et du duc de Bourgogne à
Henri VI dans V Amplissima Collectio, VIII, col. 861-864.)
7. Ils proposèrent même de ne conclure le traité définitif qu'au bout de
sept ans, quand le roi d'Angleterre serait en âge « de délibérer plus à
plain et avoir bon conseil ». Fr. 9868, f» 4 v°. Le Fèvre de Saint-Remy,
II, 376. Append., LXII.
8. Oblationem partis alterius (c.-à-d. Charles VII), habentes derisorium
RÔLE PARTICULIER DE RICHEMONT 227
Cette arrogance excitait un grand mécontentement dans le con-
grès et parmi le peuple, qui désirait que le duc de Bourgogne se
séparât des Anglais, On s'irritait contre ceux qui conseillaient à
Philippe le Bon de n'en rien faire, comme le comte de Ligny, Hu-
gues de Lannoy et quelques autres ^ En général, la noblesse bour-
guignonne, jalouse des Anglais, souhaitait que le duc fit la paix
avec Charles VII sans plus tarder, mais il n'en était pas de même
des communes de Flandre. Elles ne voulaient que la paix générale,
sachant bien qu'une rupture entre l'Angleterre et la Bourgogne
serait funeste à leurs intérêts commerciaux. Les ambassadeurs
anglais croyaient que cette seule considération suffirait à empê-
cher Philippe le Bon de traiter séparément; mais, d'autre part,
il était tenté par les avantages que lui promettait Charles VII.
Richemont, habilement secondé par Raoul Gruel, avait su se
conciher l'appui des seigneurs qui avaient le plus d'influence
sur le duc de Bourgogne, comme le chancelier Nie. Raulin,
son confesseur, Laurent Pinon, évêque d'Auxerre, et surtout son
premier chambellan, Antoine de Groy, auquel il promit une
rente de 3 000 livres ou 30 000 écus d'or au nom du roi *. La
nuit, quand tout le monde était retiré, le connétable allait voir se-
crètement son beau-frère Philippe et ceux de ses conseillers qui
étaient bien disposés pour la France ^ ; il s'efforçait de leur prou-
ver qu'un traité séparé avec le duc de Bourgogne était le meil-
leur moyen de hâter la conclusion de la paix avec l'Angleterre*.
Un docteur éminent. Th. Sarzana, élève et secrétaire du cardinal
de Sainte-Croix et qui fut plus tard le pape Nicolas V ^, em-
ployait aussi toute son habileté à préparer la réconciliation de
Philippe le Bon avec Charles VII •. Les Anglais, sentant qu'ils
indignati recedebant {Bréquigny, 81, f» 173, 180 et 226; Rolls of Parliament,
IV, 481).
1. Append. LXI (déposition de La Fayette).
2. P 2531, fo* 169 v°, 177. Z>« 14, f»» 33, 34.
3. Gruel, 204. Relut, française, p. 75. Append., LXI, déposition de la
Fayette.
4. Appendice LXI (Déposition du connétable).
5. Sur T. Parentucelli, dit Thomas de Sarzane, voir Garnefeldt, Vita Al-
bergati,'p. 110-112, 118-119; Muratori, t. XXV, p. 271.
6. Comme les deux légats ne s'entendaient guère eux-mêmes, ce fut
Th. Sarzana qui « seorsum inter Phillippum et Garolum de concordia egit,
illumque tandem suo régi conciliavit et a jurejurando quod Anglico praes-
titeral, auctoritate primte sedis, absolvit; satius esse arbitratus ex duobus
regnis alterum salvare, Francis inter se pacatis, quam perseverantibus
odiis utrumque perdere » {PU II Commentarii, Romœ, 1584, in-4, p. 289-90).
Pourtant, le IG juillet 1435, le pape Eugène IV, répondant à une lettre de
Henri VI, qui lui demandait s'il avait délié certains princes de leur ser-
ment, affirmait qu'il n'en avait rien fait et qu'il n'en avait pas été prié; Il
228 DÉPART DES AMBASSADEURS ANGLAIS (6 SEPT.)
perdaient du terrain, rappelaient au duc le crime de Montereau,
le traité de Troyes, la faiblesse et la déloyauté de l'adversaire *.
Le d" septembre, après un dîner qu'il avait donné aux am-
bassadeurs anglais, le duc eut avec le cardinal de Winchester
un entretien très animé pendant plus d'une heure. Le cardi-
nal « s'eschauffoit tellement qu'il suoit à grosses gouttes ^ ».
"Les jours suivants, il y eut encore des conférences entre les am-
bassadeurs de Charles VII et ceux de Henri VI, sans plus de
résultats. Le duc de Bedford, malade, près de mourir, ne vou-
lait rien rabattre de ses exigences ; il prescrivait aux ambassa-
deurs de rejeter les propositions de l'adversaire, propositions
aussi honteuses pour Henri VI que favorables à son ennemi, et
il songeait aux moyens de continuer la guerre '.
Vainement les envoyés de Paris, arrivés le 1" septembre, de-
mandaient la paix avec instances, en disant que, si elle n'était pas
conclue, la misère forcerait la plupart des habitants à quitter
leur ville ; les Anglais estimaient qu'il ne fallait point avoir égard
aux clameurs du peuple et qu'il valait mieux laisser dévaster un
pays pour un temps que de le perdre tout à fait *. Le 5 septembre,
les envoyés de Paris furent admis devant le congrès, avec ceux
de plusieurs autres villes. Leur orateur, Thomas de Gourcelles,
fît un discours si éloquent pour implorer la paix « que ce seroit
longue chose à raconter et sembloit qu'on ouyst parler un ange
de Dieu, par quoy des assistants plusieurs furent esmeus à
larmes ^. » Le lendemain, les ambassadeurs anglais quittaient
Arras, rompant ainsi les négociations. Ils avaient compris que
leur cause était perdue auprès du duc de Bourgogne.
s'agissait surtout ici de Philippe le Bon (Rymer, V, 1" partie, p. 21-23).
Il n'en est pas moins vrai que le pape avait expressément recommandé à
ses ambassadeurs d'exhorter le duc de Bourgogne à faire la paix avec
Charles VII, s'ils ne pouvaient obtenir la paix générale (voy. Fr. 9868, f» 5).
1. T. 99 de la coll. de Bourgogne, 348-355.
2. Relat. française,^. 71. P. Cauchon, évêque de Lisieux, qui était un
des ambassadeurs de Henri VI, assistait à ce dîner.
3. Voir un mémoire envoyé par Fastolf aux ambassadeurs anglais, avec
l'agrément de Bedford et du Conseil : « and so it semythe .... that thesaid
taking, offre and appointement were none honorabile to the king, but
gretely to the worshipe and advantage of his ennemies and adversaries »
(J. Stevenson, II, 2^ partie, p. 575-585, et Rolls of Parliament, IV, 481).
Le gouvernement anglais déclare que les ambassadeurs français « nulla
média rationabilia, immo trupha et derisoria obtulerunt. »
4. « Not havyng nor taking revsrarde unto the clamour of the people,
whiche, of nature, love his adversarie more than hym (Henri VI), nor for
wasting of the country; for better is a country to be wasted for a tyme
than lost » (IVIémoire de Fastolf déjà cité, p. 577). « Melius terram vaiere
vastatam quam perditam » (T. Bazin, t. I, p. 102).
5. Relat. française, p. 78.
PHILIPPE LE BON CONSENT A LA PA!X (6 SEPT.) 229
Le connétable redoubla d'efforts. Le même jour (6 septembre),
devant les envoyés de Paris et des autres villes, l'archidiacre de
Metz, après avoir rappelé les propositions faites aux ambassa-
deurs anglais par ceux de France, déclara que ces offres, reje-
tées avec tant de hauteur, avaient paru « bonnes et raisonnables »
aux cardinaux et aux autres ambassadeurs du concile, et il con-
jura éloquemment le duc de faire la paix avec Charles VII *.
Philippe répondit qu'il était prêt à traiter. Le soir, il eut avec
les ambassadeurs français une conférence qui se prolongea jus-
qu'à minuit et dans laquelle furent probablement arrêtées les
principales conditions de la paix.
Le 7 septembre, les ambassadeurs de France allèrentàlarencon-
tre du comte de Gharolais, qui venait de Lens à Arras. Richemont
chevauchait tout auprès de sa litière, avec le comte de Vendôme.
Dans des lettres datées du même jour, les envoyés de Charles VII
renouvelaient les propositions qu'ils avaient déjà faites aux am-
bassadeurs anglais *. Le 8, jour de la Nativité de Notre-Dame, le
duc et la duchesse de Bourgogne, avec les ambassadeurs français
et beaucoup d'autres seigneurs, entendirent la messe dans l'église
de l'abbaye de Saint-Vaast. Un jacobin, confesseur du duc de
Bourbon, prononça un sermon, dans lequel il conjura encore les
princes de faire la paix. Le même jour, Philippe le Bon reçut à
dîner les ambassadeurs du roi de France. Il avait auprès de lui,
à sa table, ses deux beaux-frères, le duc de Bourbon et le con-
nétable '. Enfin, le 10 septembre, le duc de Bourgogne déclara
dans son conseil qu'il acceptait les propositions du roi de France.
C'était l'anniversaire de l'assassinat de Jean sans Peur. On re-
gardait comme chose miraculeuse que PhiUppe le Bon eût con-
senti, ce jour-là même, à se réconcilier avec Charles VII. Le
lendemain, il renouvela sa déclaration devant le congrès, et il
n'y eut plus qu'à rédiger la formule définitive du traité.
Le 16 septembre, on apprit que le duc de Bedford venait de
mourir, deux jours auparavant, au château de Chantereine,
près de Rouen. Rien ne pouvait être plus funeste aux Anglais,
1. Voir la déclaration des ambassadeurs du concile [Bréquigny , 81,
fo» 219-230). Les cardinaux, conformément aux instructions qu'ils avaient
reçues, conjurèrent aussi le duc de s'entendre avec les envoyés de Char-
les VII (Fr. 9868, f"* 1 v» et 5). Des écrivains anglais blâment aussi le
gouvernement anglais d'avoir rejeté les propositions de Charles VII (Sha-
ron Turner, III, 127-129; J. Stevenson, I, préface, p. lxvu).
2. Voy. Append. LXII. De Beaucourt, Charles VII, t. II, 539. L'original de
ces lettres du 7 septembre, avec les signatures et les sceaux de tous les am-
bassadeurs français, se trouve dans les Mélanges de Golbert, 3o'6, charte 202
(à la Biblioth. nat.).
3. Le Fèvre de Saint-Remy, II, 326-327.
230 MORT DE BEDFORD (1435, 14 SEPT.)
plus favorable à la France que ces deux grands événements, la
paix d'Arras et la mort du Régent. Depuis son dernier voyage
en Angleterre, Bedford avait compris que la guerre deviendrait
de plus en plus difficile, parce que le parlement ne voulait plus
faire de sacrifices. Il sentait que la rupture avec le duc de Bour-
gogne était le prélude de l'expulsion des Anglais, et pourtant son
orgueil n'avait pu se résigner à des concessions nécessaires. Ce
fut là une des causes de sa mort. « Brave sur le champ de ba-
taille, prudent au conseil, calme dans la délibération, résolu
dans l'action, Bedford était certainement égal, peut-être supé-
rieur à Henri V ^ » Ainsi l'Angleterre faisait en même temps deux
pertes également irréparables, Bedford et le duc de Bourgogne.
Les conditions de la paix d'Arras furent arrêtées six jours
après la mort du Régent ^ (20 septembre). Elle coûtait bien cher à
la France. Demander pardon du crime de 1419 et en poursuivre
les auteurs ^ ; fonder en l'église de Montereau une chapelle ex-
piatoire, où, chaque jour et perpétuellement, serait dite une
messe basse de Requiem ; établir dans la même ville un couvent
de Chartreux et le doter ; élever sur le pont de Montereau une
croix commémorative ; fonder en l'église des Chartreux, près de
Dijon, où reposait le corps de Jean sans Peur, une haute messe de
Requiem^ qui devait être célébrée chaque jour, à perpétuité ;
payer 50 000 écus d'or, en compensation des joyaux que le duc
Jean avait sur lui au moment du meurtre ; céder les villes et les
comtés de Mâcon, de Saint-Gengoux * et d'Auxerre, la châtel-
lenie de Bar-sur-Seine, la garde de l'église et abbaye de Luxeuil
avec les droits qui en dépendaient, les villes, châtellenies et
prévôtés de Péronne, Montdidier et Roye, les villes de la Somme,
c'est-à-dire Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville et autres,
ainsi que le comté de Ponthieu, avec faculté pour le roi de
racheter ces villes moyennant 400000 écus d'or ^; laisser au duc
1. J. Stevenson, I, préface, p. lxix-lxx. Sandford, Genealogical history,
p. 313-314; Green, I, 547; Rolls of Parliament, IV, 485.
2. Voir les propositions des ambassadeurs français datées du 20 sep-
tembre, avec signatures et sceaux, à la galerie des Chartes de la Bib. nat.,
n" 406. Le 20 septembre, le légat du pape délie Philippe le Bon de son ser-
ment de fidélité envers le roi d'Angleterre et l'engage à faire la paix avec
Charles VII (K64, n" 36 bis).
3. Philippe le Bon les désigna spécialement dans des lettres du 23 sep-
tembre (voy. Ms. Colbert 43 [Flandres], 2" partie, f» 7 v°, et coll. de Bourg.,
t. 95, p. -880). Il y nomme Tanguy du Chastel, J. Louvet, P. Frotier et J. Ca-
dart.
4. Arrondissement de Mâcon.
5. D. Grenier, 100, f" 50. Fr. 6965 (Legrand, VI), p. 15. Le duc de Bour-
gogne s'était engagé à restituer ces villes moyennant 400 000 écus. Il devait
même les restituer gratuitement, si, avant le l^r janvier 1436, le roi d'An-
TRAITÉ d'aRRAS (1435, 20 SEPT.) 231
le comté de Boulogne, en empêchant les poursuites de ceux qui
prétendaient y avoir droit * ; remettre au comte d'Etampes le
comté de Gien-sur-Loire, après la présentation des lettres par
lesquelles le feu duc de Berry avait donné cette terre au duc
Jean sans Peur ^; restituer au comte de Nevers et au comte
d'Etampes, son frère, 32 800 écus d'or enlevés à leur mère, Bonne
d'Artois, par ordre de Charles VI ; exempter Philippele Bon de
tout hommage, de toute sujétion envers la couronne de France
durant la vie du roi ; s'engager à secourir le duc contre les An-
glais, s'ils lui faisaient la guerre à cause de sa défection, et à ne
point conclure la paix avec eux sans son consentement exprès ;
accorder une abolition générale pour tous les cas survenus de-
puis la mort de Jean sans Peur, en exceptant toutefois ses meur-
triers ; renoncer à l'alliance formée avec l'empereur contre le duc
de Bourgogne ; faire signer le traité d'Arras par René et Gh.
d'Anjou, le duc de Bourbon, les comtes de Richemont, de Ven-
dôme, de Foix, d'Armagnac et de Pardiac et autres qu'on avise-
rait ^ : telles sont les principales conditions que le roi de France
dut subir *. Elles avaient, pour la plupart, été débattues, soit
aux conférences de Bourg, en 1423, soit au mois d'août 1429,
quand La Trémoille avait envoyé dans cette même ville d'Arras
le chancelier Regnault de Chartres, avec Christophe d'Harcourt
et le doyen de Paris, pouf négocier avec le duc de Bourgogne ;
mais alors Philippe n'avait pas voulu traiter sans les Anglais ^,
gleterre acceptait les olTres faites à ses ambassadeurs et s'il y avait une
paix générale, quand même cette paix ne serait signée qu'après le délai de
sept ans laissé au roi d'Angleterre (voy. ci-dessus, p. 226, note 7, et Ap-
pend. LXI et LXII).
1. C"est-tà-dire La Trémoille. Il avait épousé Jeanne, comtesse de BoiUo-
gne (veuve du duc de Berry), qui lui légua l'usufruit de ses biens (voir ci-
dessus, p. 141).
2. "Voy. Append., XV.
3. Ms. CoIt)ert 43 (Flandres), 2° partie, f" 10. Quelques seigneurs bour-
guignons, comme H. de Lannoy, J. de Luxembourg, comte de Ligny, re-
fusèrent d'abord de jurer le traité d'Arras, mais ils finirent par s'y dé-
cider [Relat. française, p. lOo; J. Ghartier, I, 208).
4. Voir les offres du 20 septembre sur le document original qui se
trouve à la galerie des Chartes de la Bibl. nat., n" 406.
5. Sur les négociations de 1429, qui servirent surtout de base au traité
d'Arras, voir le t. 90 de la coliect. de Bourgogne, f"» 241-243 et 249-251, et
ci-dessus, p. 176. Sur le congrès, les négociations et le traité d'Arras,
voir : le Journal français d'Ant. de Le Taverne ; la relation française du
Ms. latin 9868 ; la relation latine du Ms. Moreau, 705 (Bréquigny, 81),
f- 149-230; Ms. Moreau, 1425, n" 129; Monstrelet, V, 130-183; J. Ghartier,
I, 185-208; Le Fèvre de Saint-Remy, II, 305-361; 01. de La Marche, édit. du
Panthéon littéraire, p. 354-365; Berry, 392; Th. Basin, I, 95-102; Chroni-
ques belges publiées par Kervyn de Lettenhove, I, 241-244; II, 209-210; III,
232 PUBLICATION DU TRAITÉ (1435, 21 SEPT.)
et ceux-ci avaient rejeté les offres de Charles VII. Cette fois, le
connétable avait le bonheur de réussir là où son rival avait
échoué. Cette récompense était bien due à ses longs efforts.
Le mercredi 21 septembre, le duc de Bourgogne et les sei-
gneurs de sa suite, les ambassadeurs de France et les autres
membres du congrès étaient réunis dans l'église de l'abbaye ;
une foule immense était accourue pour entendre la publication
de la paix. Le cardinal de Chypre dit lui-même la messe ; l'évèque
d'Auxerre, dans un sermon approprié aux circonstances, fit
éloquemment ressortir les bienfaits qu'allait engendrer l'union
fraternelle des princes; puis maître P. Brunet, chanoine d'Arras,
monta en chaire et lut le traité conclu entre le roi de France
et le duc de Bourgogne. Cette lecture finie, les cris de : Noël !
retentirent de toutes parts et si haut que « on n'eust pas ouy
Dieu ^ ». Alors, selon ce qui avait été convenu, J. Tudert, doyen
de Paris, maître des requêtes, conseiller et ambassadeur de
Charles VII, s' agenouillant devant Philippe le Bon, dit à haute
et intelligible voix : que la mort de Mgr le duc Jean avait été
iniquement et mauvaisement faite par ceux qui avaient perpétré
ledit cas et par mauvais conseil ; qu'il en avait toujours déplu au
roi et que, de présent, il lui en déplaisait de tout son cœur; que,
s'il eût su ledit cas et eût eu tel âge et entendement qu'il a de
présent, il y eût obvié selon son pouvoir, mais qu'il était bien
jeune et avait pour lors petite connaissance et qu'il n'avait pas
été assez avisé pour y pourvoir ; qu'il priait Mgr de Bourgogne
d'ôter de son cœur toute rancune et haine qu'il pouvait avoir
contre lui à cause de cela et qu'entre eux iV y eût bonne paix
et amour. — Le duc, relevant alors l'ambassadeur de Charles VII,
répondit qu'il y consentait ^. Les cardinaux reçurent ensuite les
serments de Philippe le Bon et des ambassadeurs français ; on
chanta un Te Deum, et le duc regagna son hôtel au milieu d'une
multitude transportée d'allégresse, qui saluait son passage par
des acclamations enthousiastes. Beaucoup de personnes pieu-
43-61, 151, 378-382; Lettres des rois, II, 431 et suiv. ; Rymer, V, ire partie,
p. 18-23; Ms. Colbert, 43 (Flandres), f" 152-115, dans la 2« partie, f" 6-8;
Portef. Fontanieu, 117-118, à la date; Vv. 26060, n»' 2754, 2761; du Boulai,
V, 431-432; Garnefeldt, Vita Albergati, p. 97-99; D. Martène, V, 437-438;
VIII, 864-868; Prowedm»/^, IV. préface, p. Lxxxm; J. Stevenson, I, 51-64; II,
2c partie, 431-433; Kervyn de Lettenhove, Hist. de Flandre, IV, p. 261 et
suiv.; Fr. 4054, n° 168; K 64, n» 36'; Fr. 5036, f"» 310-312;. Mélanges de
Colbert, 355, n" 202, n° 203 (original du traité), n» 206 (confirmation du
traité par le Dauphin); D. Grenier, 100, f» 43-65, etc.
1. Relat. française, p. 99.
2. Lat. 1502, f" 13 V. Ms. Colbert, 43 (Flandres), f" 8 et 9. Moreau, 1425,
n» 130. Fr. 5036, f 4.
MORT DE LA REINE ISABEAU (1435, 29 SEPT.) 233
raient de joie ; dans les rues, dans les carrefours, on allumait des
feux, on dressait des tables couvertes de pain et de vin, où les
passants pouvaient prendre place; toute la ville était en fête.
Le duc de Bourbon et le connétable envoyèrent aussitôt des
messagers annoncer de tous côtés cette bonne nouvelle, qui
causa partout la même joie '.
Tel fut le célèbre traité d'Arras, qui devait réparer les maux
causés à la France par celui de Troyes et rendre à Charles VII
son royaume *. Là reine Isabeau était sur le point de mourir. La
nouvelle du traité apporta, dit-on, un adoucissement à ses re-
mords. Elle termina tristement ses derniers jours à l'hôtel
Saint-Paul, le 29 septembre. On célébra pour elle, le 9 octobre,
à Arras, un service funèbre, auquel assistèrent les ducs de
Bourgogne et de Bourbon, les comtes de Vendôme et d'Etampes '.
Ainsi périssaient ceux qui avaient fait tant de mal à la France,
au moment même où le traité d'Arras allait lui rendre une vie
nouvelle. Partout on comprit l'importance de ce grand événe-
ment. Quand les ambassadeurs du concile revinrent à Bâle, un
orateur s'écria, dans son enthousiasme, que cette assemblée,
eût-elle duré vingt ans, avait fait assez, puisqu'elle avait procuré
la paix à la France *. Cette paix allait donner à Charles VII la
force de terrasser les Anglais ^. Richemont avait contribué lar-
gement à ce résultat, et on lui en sut gré ®. Jamais peut-être il
ne rendit à la France un plus grand service.
Il fut moins heureux dans les efforts qu'il fit pour délivrer
1. D. Grenier, XX 625, liasse 9, f» 17.
2. Ea enim dies fuit quse Carolo regnum restituit {Pli II Commentarii,
p. 290). Le 24 septembre, le duc de Bourgogne ordonne la publication du
traité d'Arras (D. Grenier, 100, f» 43).
3. Le corps d'Isabeau fut transporté à Saint-Denis le 14 octobre, par eau,
« pour ce que les ennemis venoient et prenoient, chacun jour, entre Paris
et Saint-Denis, gens, et emmenoient prisonniers. » Le lendemain, ou
l'inhuma auprès de Charles VI (X<* 1481, f 107; Bourg, de Paris, p. 309;
Martial d'Auvergne, I, 146; J. Chartier, I, 208-212).
4. Latrent jam, ut libet, sacri hujus concilii detractores .... et dicant
jam, si possint, « quid fecit concilium Basileense? » Quid egit, dicitis,
Basileense concilium? Pacem fecit in Francia. Numquid hoc modicum est,
etiamsi per viginti annos stetissel? (D. Martène, Amplissima Collectio,
VIII, col. 882.)
5. Une médaille frappée après le traité d'Arras représente Hercule, c'est-
à-dire Charles VII, prêt à frapper son ennemi, avec cette légende ET SPE
lAM PRiEGIPIT HOSTEM (Mézeray, Hist. de Fr., édit. de 1646, iu-f% II,
86, n» 9).
6. Journal français, 190-191. Quand il revint d'Arras, les villes lui offrirent
des présents; Senlis, par exemple, 600 saints d'or (Flammermont, Institu-
tions municipales de Senlis, dans le 45° fascicule de la Biblioth. des hautes
études, p. 252-235).
234 LES DUCS d'orléans et d'anjou
cil. d'Orléans et René d'Anjou. Le duc d'Orléans était venu à
Calais, avec l'intention de travailler à la paix et de se faire com-
prendre dans -le traité. La rupture des négociations engagées
avec les Anglais lui enleva tout espoir. Les ambassadeurs fran-
çais avaient, en effet, essayé d'obtenir sa délivrance, moyennant
rançon ; mais il y avait tant d'autres difficultés à surmonter que
le captif aurait lui-même conseillé au duc de Bourbon et à
Richemont de ne pas se laisser arrêter par la considération de
ses intérêts personnels K
Quant à René d'Anjou, que le duc de Bourgogne gardait encore
prisonnier, il avait obtenu que ses ambassadeurs fussent admis
au congrès d'Arras. Le duc de Bourbon et le comte de Riche-
mont mirent tout en œuvre, jusqu'au dernier moment, pour
négocier sa délivrance; mais, le 21 septembre, le duc de Bour-
gogne fît déclarer par son chancelier Nie. Raulin qu'il n'avait
pas eu et n''avait pas l'intention de comprendre le duc d'Anjou
et de Bar dans le traité qu'on allait publier, et les ambassadeurs
français furent obligés de répéter cette même déclaration *.
Ces deux échecs n'avaient pas une très grande importance; ils
n'étaient pas irréparables. Quant à la rupture des négociations
avec les Anglais, fallait-il s'en affliger? Puisqu'ils ne voulaient
pas la paix, il n'y avait plus qu'à les vaincre. C'est à quoi s'ap-
pliqua Richemont, avec une ardeur toute nouvelle.
1. Gruel, 204. J. Stevenson, I, 58-64. Proceedings, t. IV, préface, p.Lxxvi.
Lettres des rois, t. Il, 420, 433. Rymer, V, 1'" partie, p. 20.
2. Ms. Lat. 1302 {Varia acta concilii Basileensis), î" 13. D. Calmet, II,
793. Lecoy de La Marche, Le roi René, I, 115-116. Ms. Colbert, 43 (Flandres),
2° partie, f» 9.
CHAPITRE II
LA RÉDUCTION DE PARIS (1436)
Les Anglais reprennent Saint-Denis. — Richemont envoie des troupes
dans le pays de Caux révolté. — Il fait évacuer les places de la Cham-
pagne cédées au duc de Bourgogne. — Les Ecorcheurs. — Charles VII
ratifie le traité d'Arras. — Les Anglais, irrités contre le duc de Bour-
gogne, veulent le combattre et font de nouveaux efforts pour continuer
la guerre en France. — Richemont prépare, avec l'aide de Philippe le
Bon, une entreprise sur Paris. — Les Français et les Bourguignons
s'emparent de Pontoise, Vincennes, Corbeil, Saint-Germain, Charealon.
— Richemont, nommé lieutenant général, s'approche de Paris. — Com-
bat d'Epinay. — Conspiration à Paris. — Michel de Laillier. — Entrée
du connétable à Paris. — Capitulation de la Bastille. — Etablissement
d'un gouvernement français â Paris. — Procession solennelle.
Le connétable avait hâte de quitter Arras, pour aller secourir
le maréchal de Rieux, assiégé dans Saint-Denis par Th. de Scales,
Talbot et Willoughby. Secondé par Le Bourgeois, l'habile ingé-
nieur, par Regnault de Saint-Jean et L. de Vaucourt * , qui périrent
tous deux pendant ce siège, par Foulque de La Belloseraye, le
maréchal de Rieux résistait, depuis plus d'un mois et demi, avec
des forces très insuffisantes, à toutes les attaques des Anglais,
encore aidés par les Bourguignons et Yilliers de l'Isle-Adam;
Le bâtard d'Orléans, avec le duc d'Alençon, avait fait en Nor-
mandie une diversion qui eut pour résultat la prise du pont
de Meulan ^, mais non la délivrance de Saint-Denis. Gomme
il marchait vers cette ville pour la dégager, il apprit que le
maréchal de Rieux, cédant à la famine plutôt qu'à l'ennemi,
avait promis de rendre la place ', s'il n'était pas secouru dans
1. Gruel, p. 204, confirmé par X^» 24, au jeudi 13 août 1444. Voir aussi
Pièces orig.,t. 530, dossier Du Broullat (n» H955), au 7 août, et ci-dessus, p. 222.
2. Le 24 septembre, d'après le Bourg, de Paris, p. 308.
3. Le 24 septembre, d'après le Bourg, de Paris, p. 308. Société de Vhist.
de Paris, t. V, p. 255 (Flammermont).
236 SOUMISSION DU PAYS DE CAUX (143o, OCT.)
trois semaines. On lui accordait, d'ailleurs, les conditions les plus
honorables *. Dans ces circonstances, le bâtard ne jugea pas utile
de poursuivre son entreprise. Cependant le connétable, aussitôt
la paix publiée, était parti d'Arras (le jeudi 22 septembre), où
le duc de Bourgogne voulut en vain le retenir, avec les autres
ambassadeurs. Il avait promis de secourir le maréchal de Rieux,
et rien ne pouvait le faire manquer à cet engagement.
Arrivé à Senlis, il apprit la capitulation de Saint-Denis ^. Il
s'avança néanmoins jusqu'auprès de cette ville; mais, quand il
eut reconnu la position et le nombre des ennemis, il ne voulut
pas risquer une attaque téméraire. Après avoir laissé une partie
de ses troupes aux environs de Paris, il se rendit, avec le reste,
à Beauvais. S'il avait pu se concerter assez tôt avec le bâtard
d'Orléans, l'affaire aurait eu sans doute une meilleure issue;
toutefois ce ne fut qu'un échec sans gravité ; les Français n'en
continuèrent pas moins de menacer les abords de la capitale '.
En attendant le moment favorable pour donner suite à ses
projets sur Paris, qu'il voulait reprendre aux Anglais, Riche-
mont organisa d'autres expéditions. Il envoya le maréchal de
Rieux * dans le pays de Caux, où l'insurrection populaire ne
cessait de grandir. Le bâtard d'Orléans, qu'il avait trouvé à Beau-
vais, fut chargé d'aller combattre les Anglais sur la rive gauche
de la Seine, dans la Beauce et dans la Normandie.
Le maréchal alla se joindre à Gh. des Marets, qui s'était mis
à la tête des Cauchois révoltés, avec un simple paysan, nommé
Le Carnier (ou Le Gharuyer), et prit la direction de ce mouve-
ment, au nom du roi. Le 28 octobre, ils s'emparèrent de Dieppe,
une des places auxquelles les Anglais tenaient le plus ; puis, tou-
jours renforcés par de nouveaux auxiliaires, ils continuèrent la
conquête du pays de Caux par la soumission de Fécamp, Harfleur,
Montivilliers, Lillebonne, Tancarville % etc., pendant que le
1. Sur la conduite du marée, de Rieux, voir d'intéressants détails dans
X2a 24 (au jeudi 13 août 1444 et au jeudi H février 1444, a. st.).
2. Senlis lui donna 600 saluts d'or pour secourir Saint-Denis. Flammer-
mont, dans le t. V de la Soc. de l'hist. de Pa7'is, p. 275.
3. Sur la prise de Meulan et le siège de Saint-Denis, voir Gruel, 204, 205;
Journal de la paix d'Arras, p. 104, 106; Berry, 391; Monstrelet, V, 184-187;
le Bourg, de Paris, 307-309; JJ 175, n<'344; JJ 177, f" 104;Fr. 23772, n"^ 963,
967-970, 973-999; Fr. 26039, n" 2372, 2373, 2390-2600, 2607; Pièces orig.,
t. 2007, dossier n" 46062, pièce 2; K 64, n" 1»0; J. Chartier, I, p. 180-183 et
208; Martial d'Auvergne, I, 143-144.
4. Avec Gilles de Saint-Simon et plusieurs autres gentilshommes de sa
maison, notamment Artur Brécart, qui épousa la fille naturelle du conné-
table.
5. Seine-Inférieure.
LES ÉCORCHEURS 237
bâtard d'Orléans prenait Verneuil *, menaçait Evreux et répan-
dait l'alarme jusque dans la grande ville de Rouen ^.
Quant à Richement, il était retourné auprès de Philippe le
Bon, à Arras ' (le 15 octobre), pour s'entendre avec lui sur
l'exécution du traité. Il fallait faire sortir les garnisons françaises
des villes qui devaient être rendues au duc de Bourgogne, et
c'est de cela qu'eut à s'occuper le connétable. Déjà il avait remis
la ville de Rue * aux Bourguignons. Le 17 octobre, il prit congé
de son beau-frère, qui partait pour Boulogne, et lui-même alla
d'abord à Reims ^, où se trouvaient les autres ambassadeurs fran-
çais, puis à Dijon, où il vit le cardinal de Sainte-Croix, l'évéque
d'Amiens et d'autres envoyés de Philippe le Bon, qui se ren-
daient à Florence, pour demander au pape les bulles de rati-
fication du traité d'Arras ^.
Il dut rester quelque temps en Champagne, pour opérer la
remise des places que le traité donnait au duc de Bourgogne ".
Il ne fallut pas moins que sa présence et toute son autorité pour
obliger certains capitaines, comme celui de Grandpré *, à quitter
leurs villes ^. Cette évacuation devint la cause de grands mal-
heurs. Elle jeta sur le pays une multitude de gens de guerre
qui, n'ayant pas d'autre occupation ni d'autres moyens d'exis-
tence, se mirent aie ravager avec une telle cruauté que le peuple
les qualifia du nom significatif d'Écorcheurs ^°. Ils formèrent des
1. Le duc d'Alencon avait échoué devant cette place en septembre
(Fr. 26059, n" 2612-2617).
2. Sur cette campagne, voir : Berry, p. 392; Gruel, 205; Monstrelet, t. V,
199-203; Basin, I, 111-113; Martial d'Auvergne, I, 147; Lettres des rois, t. II,
p. 435-36; J. Stevenson, I, 424-29; Bréquigny, t. 81, fo' 328-336; D.
Grenier, XX Us, liasse 9, f» 17 ; Fr. 26060, n»» 2657, 2662, 2676, 2679, 2685,
2692-2696; X2a 24, au 13 août 1444 et au H février 1444, a. st. En octobre,
plusieurs soldats anglais de la garnison de Gisors furent exécutés, pour
avoir voulu livrer la ville aux Français (Fr. 26060, n» 2654). En novembre,
décembre et janvier, les Anglais assiègent Meulan (Fr. 26060, n" 2652, 2665,
2690, 2789,2710,2727; Fr. 25772, n»» 1014, 1017, 1021, 1033; Fr. 23773,
nM067).
3. Tous les membres du congrès étaient alors partis, le duc de Bourbon
seulement depuis le 10 octobre.
4. Arrondissement d'Abbeville.
5. Le 24 octobre, d'après J. Chartier, I, 215. Il était à Dijon vers la fin du
mois (M. Canal, 371).
6. Journal de la paix d'Arras, 113-114. M. Canat, 371. J. Chartier, I, 215.
7. Coll. de Bourg., 100, f° 247.
8. Arrondissement de Vouziers.
9. Perrinet Grasset refusa de rendre La Charité. Il fallut négocier avec
lui (Coll. de Bourgogne, 100, p. 247).
10. « Lesquels on nommoit, en commun langaige, les Escorcheurs. Et
la cause pour quoy ils avoient ce nom si estoit pour tant que toutes gens
qui estoient rencontrés d'eulx, tant de leur party comme d'aultre, estoienl
238 CHARLES VII RATIFIE LE TRAITÉ d'ARRAS (1435, 10 DEC.)
bandes qui avaient pour chefs des capitaines royaux, comme le
fameux Antoine de Chabannes et deux bâtards de Bourbon *.
Faute d'argent, le connétable ne savait comment employer ces
auxiliaires incommodes. Il envoya bien à Dieppe ceux qu'il jugea
les moins dangereux, avec Chabannes, Saintrailles, Gauthier de
Brusac, au nombre de 400 hommes d'armes et de 600 archers;
mais il en resta beaucoup d'autres, qui répandirent la terreur dans
le pays. Richemont faisait pendre sans miséricorde ceux qu'on
pouvait saisir, « et se monstra en ce le dit connestable bon justi-
cier, et aussi il en avait la grâce et renommée par tous pays * ».
Quant à ceux qu'il avait envoyés dans le pays de Gaux, ils ne se
comportèrent pas mieux; ils coururent la campagne, détrous-
sant « tout au net ceux qu'ils pouvaient atteindre, tant nobles
comme autres ^ ». Le connétable gémissait de ne pouvoir empê-
cher ces excès, mais le moment n'en était pas encore venu *.
Il était grand temps que Richemont revint à la cour, pour
faire ratifier le traité d'Arras, car il avait été stipulé que cette
formalité serait remplie avant le 15 décembre, et le duc de
Bourgogne en réclamait l'accomplissement^. Le roi ne se résigna
qu'à grand'peine à subir les dures conditions imposées par le
duc ; pourtant il ratifia, le 10 décembre ^, à Tours, les engage-
devestus de leurs habillemens tout au net jusques à la chemise. » (Mons-
Irelet, V, 317-318.) Le nom d'Ecorcheurs remplaça celui d'Armagnacs.
1. Alexandre et Guy de Bourbon, fils du duc Jean !«' de Bourbon (An-
selme, I, 304). Voir A. Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VU, Montbé-
liard, 1874, 2 vol. in-8, t. I, au commencement, surtout p. 11 et suiv.
2. J. Chartier, I, 217. Martial d'Auvergne, après avoir mentionné les
ravages des Ecorcheurs en Champagne, ajoute (t. 1, 147, et Fr. 5054, f» 87 v°) :
Le Roy tantost y envoya
Le connestable pour les prandre.
Qui bien tost les en envoya.
Faisant les ungz nayer et pendre.
3. Monstrelet, V, 199. Tuetey, les Ecorcheurs, I, 13.
4. Gruel, 205; J. Chartier, I, 215-217. D'après J. Chartier, I, 216. Riche-
mont revint à Reims le 2 décembre. C'est peut-être alors qu'il fit saisir,
pour ses démérites, jusque dans la cathédrale de Reims, un individu nommé
Etienne d'Orme, qui s'y était réfugié (voir JJ 176, f" 311 v°).
5. Il envoya pour cela J. deCroy (Le Fèvre de Saint-Remy, II, 559; voir,
à la Bibl. nat., le n° 406 de la galerie des Chartes).
6. Le 10 décembre, Charles VII ordonne aux baillis de Mâcon, Sens,
Auxerre de mettre le duc de Bourgogne en possession de ces comtés
* (M. Canat, 371: Mélanges de Colbert, 355, n°,206; voir dans le Ms. Brienne
197, f"' 320-344, une copie du traité avec la ratification en date du 10 décem-
bre, à Tours). D'après Le Fèvre de Saint-Remy, tous les seigneurs de la
cour de France jurèrent le traité, excepté Dunois, qui ne le voulait pas jurer
sans l'autorisation du duc d'Orléans et du comte d'Angoulême (Le Fèvre
de Saint-Remy, II, 365; 01. de La Marche, édit. du Panthéon litt., p. 365).
IRRITATION DES ANGLAIS CONTRE PHILIPPE LE BON 239
ments pris par ses ambassadeurs. Le pape Eugène IV et le con-
cile de Bâle confirmèrent aussi ce traité *.
Le connétable alla encore passer quelques jours à Parthenay ^,
où vint aussi sa belle-sœur, la comtesse d'Etampes, puis à
Vannes, auprès de son frère, le duc de Bretagne ^.
Loin d'écouter les exhortations de Philippe le Bon, des cardi-
naux et du pape, qui le pressaient de faire la paix avec Charles VII,
le gouvernement anglais ne respirait que guerre et vengeance.
La défection de son allié le plus indispensable portait un coup
mortel à ses intérêts et à son orgueil. Un sentiment d'indignation
et de haine contre Je duc de Bourgogne animait la nation tout
entière. Les ambassadeurs qu'il envoya notifier le traité à
Henri VI furent exposés aux insultes et aux menaces d'une mul-
titude furieuse. Philippe aurait mieux aimé garder la neutralité
que de combattre ses anciens amis; mais, par leurs attaques
continuelles, ils le contraignirent à leur faire la guerre et à de-
venir l'allié de Charles VII. La France ne pouvait qu'y gagner,
et le roi ne négligea rien pour s'attacher un auxiliaire aussi pré-
cieux. Il écrivit lui-même au duc une lettre des plus affectueuses,
et on parla dès lors du mariage de Catherine de France avec le
comte de Charolais *.
1. Voir Ms. Colbert 43 (Flandres), 2« partie, f" 8 et8 v», et t. 100 de la coll.
de Bourg,, f"' 248 et 249.
2. 11 semble certain que Richement ne retourna pas dans le pays de
Caux après avoir quitté Beauvais, quoique Monstrelet le dise au ch. CXGIII,
t. V, 202, mais qu'il y vint après la prise de Harfleur, de Tancarville, etc., et
qu'après sa venue les Français prirent encore Aumale et plusieurs autres
villes. Le connétable envoya bien au maréchal de Rieux quelques-uns de
ses officiers, Olivier de Coëtivy et le bâtard Chapelle; mais il ne retourna
pas lui-même dans le pays de Caux. Voir Gruel, 205.
3. Cette visite causa de vives inquiétudes aux Anglais". Ils crurent même
que le connétable allait relever les remparts de Pontorson et de Saint-
James-de-Beuvron." Après avoir perdu l'alliance de Philippe le Bon, ils crai-
gnaient de perdre aussi celle de Jean V. « J. Leber est allé, par le com-
mandement du lieutenant et viconte d'Avranches, à Venues en Bretaigne,
enquérir et sçavoir des nouvelles de Artur de Bretaigne, qui estoit venu
audit lieu de Venues, devers monseigneur le Duc, et que l'on disoit qu'il
remparoit Pontorson et Saint-James-de-Beuvron; auquel voyage il a vac-
qué neuf jours, depuis le 13 janvier 1435 (a. st.), » (Fr, 26062, n''3137.) Un
autre messager est envoyé à Fougères et à Vitré, pour savoir si l'on retn-
pare Saint-James-de-Beuvron et Pontorson [Ibid.).
. 4, Voir dans D, Martène, AmpUssima collectio, VIII, col, 861-864, les let-
tres adressées, le 26 septembre, à Henri VI et au cardinal d'Angleterre
par le cardinal de Chypre et le duc de Bourgogne pour les exhorter à la
paix. Voir aussi, dans le même vol., col. 871-72, une lettre de Philippe le
Bon au cardinal de Chypre; dans Monstrelet, la scène curieuse et vivante
décrite au chap. CXCI du livre II, t. V, p. 190; dans Le Fèvre de Saint-
Remy, t. II, les p. 363 et 377; dans Stevenson, t. II, la préface, p. x-xv, et
240 NOUVEAUX EFFORTS DE l'aNGLETERRE (1436)
Il était certain que Henri VI ne profiterait point, pour se déci-
der à faire la paix, du délai que les ambassadeurs français
s'étaient engagés à lui laisser, jusqu'au 1" janvier 1436 K L'exas-
pération excitée par le traité d'Arras arrachait à la nation
anglaise de nouveaux sacrifices. Le roi écrivait aux Etats de Nor-
mandie qu'il voulait « bouter loing la guerre et mettre sus une
très grosse et puissante armée et la plus grosse qui, de mémoire
d'homme passa au-delà la mer ^. » Le duc d'York, désigné pour
succéder à Bedford ', les comtes de Somerset *, de Suffolk, de Sa-
lisbury, devaient amener ces troupes en France et se joindre à
ïalbot, à Willoughby, à Fastolf, à Th. de Sc.ales et à Fauquem-
berge ^.
Le connétable voulait se hâter d'agir avant l'arrivée de ces
renforts . Il se proposait de diriger lui-même les opérations dans
l'Ile -de-France, tandis que La Hire et Saintrailles occuperaient
les ennemis dans la Normandie et que le duc d'Alençon Ch.
d'Anjou et les sires de Lohéac et de Bueil feraient une autre
diversion vers les marches de Bretagne, dans le Cotentin ^. Il fal-
surtout, dans le Ms. fr. 1278 (f°' 40-43), un mémoire qui paraît avoir été
rédigé par la chancellerie de Bourgogne. Le duc de Bourgogne ayant
occupé Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Saint-Riquier, Abbeville, Doullens,
Montreuil, qui avaient appartenu à la couronne d'Angleterre, l'indignation
publique fut au comble. Henri VI excita l'empereur Sigismond, le duc de
Bavière, l'archevêque de Cologne, à faire la guerre au duc de Bourgogne;
la garnison de Calais attaqua ses Etats, au grand détriment du commerce
de la Flandre. Voir Stevenson, loco citato ; Hist. de Bourgogne, IV, 222 ;
Polydore Vergil, édit. Hellis, p. 57, 58. Voir dans Le Fèvre de Saint-Remy
la lettre de Charles VII au duc de Bourgogne en date du 4 février. Le roi
lui annonce la naissance de son dernier fils; il lui apprend qu'il l'a choisi
comme son compère, pour donner son nom à cet enfant; enfin il lui de-
mande la délivrance du roi de Sicile. — Voir la lettre du roi et la réponse
de Philippe le Bon (Le Fèvre de Saint-Remy, t. II, 363-373). D'après J.
Chartier (I, 219-220), cet enfant, nommé Philippe, comme le duc de Bour-
gogne, son parrain, naquit à Chinon, le 4 février, et ne vécut que quatre
mois.
' 1. Ms. Colbert 43 (Flandres), 2" partie, f<" 7 v» et 8, et Ms. latin 9868, f» 6.
2. Lettres des rois, II, 423-431. Proceedings, IV, préface, p. xcvn, et p. 316-
329. Moreau, 705 (Bréquigny, 81), f»' 328-340.
3. Moreau, 70o, f-' 342-343.
4. J. Beaufort, comte de Somerset et de Mortain, petit-neveu de Henri IV.
5. W. Nevil, lord Falcombridge, ou Fauquemberge ou Faucomberge.
6. Voy. Fr. 25772, n" 1043. Fr. 23773, n» 1103. Bréquigny, 81, f"' 337-340,
ou Lettres des rois et reines. H, 438-441. Fr. 26060, n»* 2753, 2781, 2788,
2802, 2802*. Fr. 26061, n»' 2810, 2814, 2816, 2836-2840. Pendant que Riche-
mont entrait dans Paris, le duc d'Alençon, Ch. d'Anjou et d'autres capi-
taines français s'approchaient de Granville (J. Stevenson, t. II, appendice
à la préface, p. 33, 62, et Fr. 26060, n» 2802^). Fastolf, capitaine de Caen,
et Th. de Scales, grand sénéchal de Normandie, furent ainsi retenus de
ce côté. Talbot, capitaine de Rouen et lieutenant du roi sur le fait de la
RICBEMO?«T PRÉPARE LE RECOUVREMENT DE PARIS (1436) 241
lait aussi profiter du mécontentement que l'Angleterre avait
soulevé dans les pays soumis à sa domination par le refus de
conclure la paix. Le conseil du roi Henri VI en France avait beau
lui faire envoyer des protestations de fidélité par les Etats de
Normandie, cet enthousiasme de commande ne trouvait aucun
écho dans le peuple; d'ailleurs les Anglais n'observaient plus
les ménagements que Bedford leur imposait jadis, et l'esprit de
révolte se propageait. Les insurgés du pays de Caux furent
exterminés devant Caudebec (29 janvier *), et Gilles de Saint-
Simon, lieutenant du connétalile, fut fait prisonnier dans cette
expédition; mais ce désastre n'empêcha pas une autre révolte
dans le Gotentin ^ et, si La Hire fut battu par Th. de Scales près
de Rouen ^, les Français purent néanmoins entrer dans l'impor-
tante ville de Pontoise, grâce à une rébellion des habitants, qui
appelèrent Villiers de L'Isle-Adam *. D'autre part, les Français
avaient pris le pont de Gharenton et le château de Vincennes,
Gorbeil, Brie-Comte-Robert, Saint-Germain-en-Laye (janvier-
mars), et occupé ainsi les abords de Paris ».
Le moment semblait enfin venu d'enlever cette ville aux en-
nemis. G'était le plan du connétable, comme c'avait été celui de
Jeanne d'Arc. Les Anglais étaient détestés plus que jamais à Paris,
depuis qu'ils avaient refusé de faire la paix au congrès d'Arras *.
Les Français, maîtres de Harfleur, de Tancarville, deLillebonne,
de Meulan, de Gorbeil, de Melun, de Lagny, de Pontoise, tenaient
la Seine, la Marne, l'Oise, et empêchaient les vivres d'arriver
jusqu'à Paris '; la disette se faisait cruellement sentir; le peuple
s'agitait, tout prêt à la révolte. Une commission, comprenant le
prévôt des marchands, Hugues Le Coq, deux membres du Parle-
ment, deux du grand Gonseil, deux de la Chambre des comptes.
guerre entre Seine, Somme et Oise, était aussi retenu en Normandie par
la crainte d'une attaque des Français sur RoueTi (Fr. 26060, n» 2805, et Fr.
26061, n»' 28019, 2812, 2824, 2863, 2868, 69, 71 ; Fr. 25772, n»» 1053-1037).
1. Fr. 26060, n" 2764*, 2777, et Fr. 23772, n» 1043.
2. Fr. 26060, n»» 2708, 2736, 2737, 2784, et Fr. 26061, n» 2923.
3. Fr. 25772, n- 1043; Fr. 26060, n" 2720, 2724-34 et 27643.
4. Fr. 26061, n»' 2838, 2896; Fr. 26062, n- 3117. J. Ghartier, I, 217-218.
Villiers de L'Isle-Adam avait été capitaine de Pontoise en 1418 (Bourg, de
Paris, p. 88 et note 2). En 1420, il avait laissé surprendre cette ville par
les Anglais (Anselme, VII, 10-11).
5. Félibien, II, 822. Basin, I, 121-122. Berry, 392-93. P 1363», cote 1156,
n»* 47 et 30. Le Bourg, de Paris, 311. Martial d'Auvergne, I, 147.
6. Le Bourg, de Paris, 319-320. De Beaucourt, Charles Vil, t. II, 234.
7. Fr. 26060, n" 2747. Les Français, qui occupent Harfleur, Fécamp, Tan-
carville, Lillebonne, Meulan, font des courses sur mer, sur la Seine, pillent
les marchands et rendent presque impossibles les communications entre
Harfleur et Paris. Voir aussi le Bourg, de Paris, p. 311, note 5.
RiCBEMONT. 16
242 RICHEMONT. NOMMÉ LIEUTENANT GÉNÉRAL (1436, 8 MARS)
deux du Ghàtelet, se tenait en permanence à l'hôtel de ville, dès
le milieu de janvier, pour exercer une surveillance inces-
sante.
Le chancelier Louis de Luxembourg, rappelé en hâte, contrai-
gnit, sous les peines les plus sévères, tous les Parisiens à jurer
de nouveau fidélité à Henri VI, parce que ceux qui avaient déjà fait
ce serment se disposaient à seconder les ennemis du roi ^ Le Con-
seil avait même écrit au duc de Bourgogne et publié sa réponse
(18 février), pour montrer aux Parisiens qu'ils ne devaient pas
compter sur lui; mais ils savaient bien à quoi s'en tenir sur les
intentions de ce prince, toujours si populaire parmi eux. Ils
étaient décidés à se soulever pour lui et pour son allié, le roi de
France, dès que leurs troupes paraîtraient devant la ville ^.
Déjà Philippe le Bon se concertait avec Charles VII pour
encourager les Parisiens à la révolte et pour seconder leurs
efforts ^ Le 28 février, des lettres de rémission furent rédigées à
Poitiers, au nom du roi, et à Bruges, au nom de Philippe le
Bon. Cette amnistie s'appliquait également à toutes les autres
villes qui voudraient se soumettre au roi*. Dans le même temps,
le connétable revenait à Poitiers, où se trouvaient aussi les prin-
cipaux capitaines et conseillers de Charles VII, la reine Yolande,
les ducs de Bourbon et d'Alençon, Ch. d'Anjou, comte de Mor-
tain, le comte de Vendôme, le bâtard d'Orléans, le maréchal de
La Fayette, le maître des arbalétriers, les sires de Bueil et de
Gaucourt (3 mars) ^. Bientôt Charles VII, par lettres du 8 mars,
nomma le comte de Richemont son lieutenant général dans
rile-de-France, la Normandie, la Champagne et la Brie, avec des
pouvoirs souverains ^. Il fut décidé que le connétable se rendrait
dans l'Ile-de-France, pour diriger l'entreprise qu'on devait faire
1. X'a 1481, aux dates des 12, 14 janvier, 11, 18 février et 15 mars, f»' 112-
118. XI* 8605, f<" 32 v», 33. Le Bourg, de Paris, p. 311 et note 1, p. 313.
2. Xi3 1481, ibidem, et Félibien, II, p. 822.
3. En janvier, J. Viguier, huissier d'armes et valet de chambre du duc
de Bourgogne, est envoyé à Tours vers le roi, pour de grandes et impor-
tantes affaires (Collect. de Bourg., t. 100, f" 247; voir aussi Colbert VC,
252, fo 22 v). D'après Anseline, I, 231 232, 235, Charles d'Anjou aurait été
nommé gouverneur et capitaine de Paris par lettres du 29 janvier 1436.
4. K 949, n"' 24, 25, 26, 27. K 69, n» 21. Ces lettres sont aussi dans Go-
defroyi p. 795-96, dans Félibien, etc.
5. K 949, n» 26, voir au dos de cette pièce. Les États de Languedoil
étaient alors réunis à Poitiers. Ils octroyèrent une taille de 200 000 1. et
consentirent au rétablissement des aides pour la guerre, qui avaient été
abolies depuis que le roi avait quitté Paris (Ordonnances XIII, 211 ; Fr.
26060, n» 2769, et A. Thomas, t. 24 du Cabinet hist., année 1878).
6. Blanchard, Compilation chronologique, Paris, 1715, 2 vol. in-f», col.
249. Mémoires de la Soc. de Vhist. de Paris, I, 31. Vallet de V., Charles VII,
t. II, 349-350. Append. LXIII. Xi' 4797, f 334.
IL s'approche de paris (1436, avril) 243
sur Paris avec les Bourguignons. S'il faut en croire son biogra-
phe, il ne reçut du roi que i 000 francs, pour cette mémorable
expédition, et les grands seigneurs qui devaient l'accompagner,
comme le duc de Bourbon, le comte de Vendôme, le chancelier,
le quittèrent pour retourner à la cour *.
Au départ, il n'avait que 60 lances; mais à Lagny, où il arriva
le dimanche des Rameaux [i^^ avril 1436), il trouva une nom-
breuse compagnie , sous les ordres de Jean Foucault et de
Mahé Morillon. Il envoya aux garnisons de Champagne et de
Brie et aux autres troupes qui tenaient les champs l'ordre de
venir le rejoindre à Pontoise, où il se rendit le mardi de la
semaine sainte. Le maréchal de L'Isle-Adam et d'autres capi-
taines bourguignons, les seigneurs de Varambon, de Ternant,
de Lalain, qui occupaient Pontoise, vinrent au-devant de lui, et
le bâtard d'Orléans lui amena quelques troupes de la Beauce.
Le connétable réunit ainsi 5 à 6000 hommes, tant Français que
Bourguignons, et il se trouva en état d'agir. Pendant toute la
semaine sainte, ses gens furent en armes, toujours prêts à com-
battre.
Les Anglais de Paris avaient aussi reçu des renforts, amenés
tout récemment d'Angleterre par Thomas de Beaumont. Gomme
l'agitation du peuple et le voisinage de l'armée franco-bourgui-
gnonne leur faisaient craindre une tentative sur Paris, ils réso-
lurent de la prévenir. Le mardi de Pâques (10 avril), ils allè-
rent, en grand nombre, piller Saint-Denis, qui pouvait être
occupé d'un moment à l'autre par les Français. Ils n'épargnè-
rent pas plus l'abbaye- que la ville. Ils ne gardèrent que la
tour du Salut ou du Venin, qui était bien fortifiée *. Ce jour-
là même, le connétable, qui voulait se rapprocher de Paris,
avait envoyé ses fourriers, avec Le Bourgeois, Mahé Morillon,
J. Foucault et environ 300 hommes à Saint-Denis, pour y faire
préparer ses logements. Il se disposait à suivre cette petite
troupe, avec le reste de ses gens. Les sentinelles anglaises,
ayant aperçu cette avant-garde, donnèrent l'alarme. Aussitôt
1. « Le roi et les prochains de son conseil n'avaient pas grant volonté
d'eulx armer et de faire la guerre en leurs personnes. Et, par ce, les sei-
gneurs de son sang estans par deçà Saine, les ducs d'AIençon, de Bourbon
et messire Charles d'Anjou s'en sont passez légièrement et ont tout lessié
démener la guerre par delà Saine au conte de Richemont, connestable de
France, et à de simples capitaines de très grant courage et de bon vou-
loir » (comme La Hire, Saintrailles) [voy. P. de Cagny, Ms. Duchesne, 48,
f° 100]. Gruel, p. 206, mentionne simplement le fait, sans aucune idée de
blâme. Le 28 avril, le roi donnait cependant 2 000 moulons d'or à Ch.
d'Anjou (Fr. 25710, n» 96).
2. Voir le curieux récit du Bourg, de Paris, p. 313-314..
244 COMBAT d'épinay (1436, 10 avril)
Th. de Beaumont et tous les siens « saillirent à l'escarmouche * ».
Ils étaient au nombre de 700 à 800 combattants ^ En voyant
une si grande compagnie, Le Bourgeois dépêcha un messager au
connétable, qui était encore à Pontoise, pour lui demander ren-
fort. Aussitôt Richemont envoya le sire de Rostrenen et Villiers
de L'Isle-Adam. Gomme celui-ci lui affirmait qu'il ne pouvait
faire aucun mal aux Anglais dans la position qu'ils occupaient,
eût-on 10 000 hommes à lancer contre eux : « Allez toujours,
dit le connétable, allez devant, pour entretenir Tescarmouche;
Dieu nous aidera. » Le sire de Ternant ne voulait pas marcher
sans avoir reçu la solde due à ses troupes. Il fallut que le con-
nétable s'obligeât envers lui pour une somme de i 000 écus.
Cependant un combat opiniâtre s'était engagé près d'Bpinay,
à quelque distance de Saint-Denis. Les Anglais, protégés par un
ruisseau, gardaient un petit pont, par où l'on pouvait les atta-
quer. Les Français avaient plusieurs fois pris et perdu ce pont ;
L'Isle-Adam avait failli succomber, et les ennemis gagnaient du
terrain, quand le conné|.able arriva, par un chemin couvert,
avec ses troupes. A cette vue, les Anglais reculèrent pour se
retrancher derrière le ruisseau et défendre le pont; mais les
Français et les Bourguignons les chargèrent à pied et à cheval
avec une telle impétuosité qu'ils furent rompus et mis en dé-
route. Trois à quatre cents périrent ; beaucoup d'autres furent
pris et, parmi eux, leur chef, Thomas de Beaumont, que Jean de
Rosnivinen fit prisonnier. Quelques-uns se réfugièrent à Saint-
Denis, dans la tour du Salut; les autres s'enfuirent à Paris,
poursuivis jusque sous les murs de cette ville, si bien qu'il y en
eut de tués à la barrière et au bord des fossés. Peu s'en fallut
que le connétable entrât ce jour-là dans Paris. Il n'avait pas
assez de troupes pour exécuter cette entreprise; mais elle fut
certainement facilitée par cette petite victoire , qui répandit
l'effroi parmi les Anglais et la joie parmi les Parisiens. Le
moindre échec aurait pu, au contraire, tout compromettre ^.
Après le combat, les Bourguignons retournèrent à Pontoise ;
le connétable alla loger à Saint-Denis. Il assiégea aussitôt la
tour du Salut * et envoya chercher au bois de Vincennes deux
1. Grue], 206. Martial d'Auvergne, I, 148.
2. Cagny dit 1 000 à 1 200 h.; Berry, envii'on 300; le Bourg, de Paris, 60O
à 800; J. Chartier,7 à 800 ; Monstrelet, 600.
3. Voy. Monstrelet, Y, 217, et le Bourg, de Paris, toujours disposés à
donner le premier rôle aux Bourguignons, et ici à L'Isle-Adam ; mais les au-
tres chroniqueurs, Berry, Cagny, J. Gtiartier, l'attribuent au connétable. Le
Bourg, de Paris, 314. Berry, p. 393; Cagny, f» 100 V et 101; Gruel, 206-207.
4. La tour du Salut était aussi appelée, improprement, tour du Velin ou
du Venin. D. Godefroy, Hist. de Charles VU, p. 322; J. Chartier, I, 221.
COMPLOT DE MICHEL DE LAILLIER A PARIS 245
bombardes pour la battre en brèche. Dans la nuit du mercredi,
il reçut de Paris les nouvelles qu'il attendait. On lui mandait
qu'il pouvait venir, que tout était prêt, qu'on lui ouvrirait une
des portes de la ville, du côté de Saint-Marcel. Il fut convenu
que l'entreprise aurait lieu le surlendemain, au matin. Laissant
à Saint-Denis son lieutenant, le sire de La Suze, son maître
d'hôtel, Pierre du Pan, et tous les routiers, avec ordre de con-
tinuer le siège et de ne pas s'en écarter, il partit, de grand
matin, pour Pontoise, où étaient L'Isle-Adam et les autres capi-
taines bourguignons. De là, il envoya Mahé Morillon et son frère
GeofTroy, avec 400 hommes de pied, qu'ils devaient mettre en
embuscade dans le village de Notre-Dâme-des-Ghamps, puis il
alla jusqu'à Poissy pour passer la Seine et rallier les troupes
amenées par le bâtard d'Orléans. Après avoir rassemblé toutes
ses forces, il partit de Poissy le jeudi soir, 12 août, à la fin du
jour, et chevaucha toute la nuit, pour arriver aux portes de
Paris avant le lever du soleil.
A Paris, le peuple, qui, depuis trois mois, était surexcité par
une agitation continuelle, n'attendait qu'un signal pour prendre
les armes. Un complot s'était formé, dans lequel étaient entrés
plusieurs des principaux bourgeois de Paris, Michel de Laillier
et son fils Jean \ Pierre de Lancras, Thomas Pigache, Nicolas
de Louviers, Jacques de Bergières, Jean de La Fontaine, etc. *.
Ils avaient renouvelé, le 15 mars, le serment de fidélité exigé
par le chancelier Louis de Luxembourg ; quelques-uns d'entre
eux, comme M. de Laillier^, conseiller à la Chambre des
1. Parmi ceux qui firent le serment du 15 mars, on trouve Jean de Lail-
lier,avocat au Parlement (voy. Reg.du Pari, et Félibien). Sur M. de Laillier,
voir Simon Fournival, le Livre des trésoriers, Paris, 1655, in-f», p. 13, et
Mlle Denjs, Armoriai de la Chambre des comptes, Paris, 1780, petit in-4, p. 53,
56. 60. Voy. ci-dessus, p. 242, notes 1 et 2.
2. A ces noms, cités par Félibien, il faut ajouter : Jean de Belloy, Nie.
de Neufville, Pierre de Landes, Jean de Grantrue, qui furent élus éche-
vins le 23 juillet 1436 (le Bourg, de Paris, p. 315, notes 1 et 2 ; KK 1009,
f" 5 v); Jean Auger, qui fut nommé maître extraordinaire à la Chambre
des comptes le 20 avril, en considération des services qu'il avait rendus
pour chasser les Anglais (voy. V Armoriai de la Chambre des comptes, par
Mlle Denys, p. 122).
3. Richemont avait peut-être connu M. de Laillier quand il était auprès
du Dauphin, en 1413-1415 (LeFèvre de Saint-Remy, I, 79, 213). Laillier avait
déjà conspiré en novembre 1422, après la mort de Charles VII, pour livrer
Paris à Charles VII (Vallet de V., Charles VU, 1. 1, 367-368; t. II, 354-356).
En 1422, on trouve aussi parmi les rebelles Jacques de Laillier (JJ 172,
fo 44 v«). Quant à Michel de Laillier, il était fils de Richard de Laillier,
bourgeois de Paris [Pièces orig., t. 1624, dossier 37783, n» 2). Il avait été
trésorier de France sous Charles VI (Fr. 26042, n<" 5195, 5196 ; P 2297,
f»» 967-970). Obligé de fuir en Bourgogne, après la conspiration de 1122, il
246 msuRREGïiON DANS PARIS (1436, 13 avril)
comptes, étaient même officiers du roi d'Angleterre. Le conné-
table leur avait envoyé les lettres de rémission qu'ils avaient de-
mandées pour entraîner plus sûrement les Parisiens. Il comptait
aussi sur la popularité de Philippe le Bon, sur l'effet que devait
produire la présence parmi les troupes royales de plusieurs
chefs bourguignons, dont l'un, Villiers de L'Isle-Adam, avait été
capitaine du Louvre et gouverneur de Paris *.
Le vendredi 13 avril , de grand matin , Laillier et ses amis
parcoururent les rues, en appelant les Parisiens aux armes '^
En quelques instants, l'insurrection se propagea de tous côtés,
dans les faubourgs, au centre, dans le quartier des halles, où
fermentait encore le vieux levain bourguignon. On répétait que
le duc de Bourgogne et le roi de France avaient réuni leurs
forces pour délivrer Paris, que leurs troupes entraient dans la
ville, que la misère allait finir, que les Anglais étaient perdus.
Bourgeois, étudiants, gens du peuple s'armaient. On prenait la
croix blanche (de France) ou la croix de Saint-André (de Bour-
gogne) ; on barrait les rues avec des chaînes ; on amassait des
projectiles de toutes sortes, en criant : Mort aux Anglais ! Vive
le duc de Bourgogne ! Vive le roi de France !
Les Anglais s'attendaient bien à une tentative sur Paris et à
un soulèvement de la population; mais ils n'en étaient pas
moins embarrassés, ne sachant où aller, pour faire face en même
temps aux rebelles et aux ennemis du dehors. Quand ils essayè-
rent de courir aux portes, afin d'en renforcer la garde, ils furent
arrêtés par des obstacles qu'ils rencontraient à chaque pas dans
la ville, avant de pouvoir passer la Seine. Ils avaient beau tirer
des flèches aux fenêtres ; les pierres, les bûches, les tables, les
tréteaux pleuvaient sur eux, quand ils essayaient d'avancer.
D'ailleurs LaiUier avait opéré une diversion habile, en occupant
la porte Saint-Denis, pour faire croire que les Français allaient
paraître de ce côté, tandis qu'ils se présentaient à l'extrémité
opposée. Les halles formaient un autre centre de résistance ; de
sorte que, les Anglais étant retenus sur la rive droite, les quar-
tiers et les portes de la rive gauche se trouvaient dégarnis.
dut rentrer bientôt en grâce, car il figure parmi les membres de la Cham-
bre des comptes en février 1424 (Zii» 60, i" 21 v»; Monstrelet, IV, 135; KK
403, f»* 106 Y», 264 v).
1. Anselme, VIT, 10, 11. Clairamb., t. 112, f°' 8733, 8735, et t. 114,
fos 8907, 8913. C'est lui qui avait enlevé Paris au Dauphin et aux Arma-
gnacs en mai 1418.
2. Ce vaillant homme fut en danger de mort et dut se cacher dans une
maison, « pour ce que ceulx de ceste ville n'estoient encore suz à puis-
sance, comme les Anglois, et, si tôt qu'il eut compaignie. ala par la ville
et à la porte Saint-Denis, deschassant les Anglois » (X^a 4799, f» 229).
ENTRÉE DU CONINÉTABLE DANS PARIS (1436, 13 AVRIL) 247
Laillier avait promis à Richement de donner assez de besogne
aux ennemis dans l'intérieur de la ville pour qu'il leur fût im-
possible de s'opposer à son entrée. Il tenait parole.
Pendant que le chancelier L. de Luxembourg, gouverneur de
Paris, faisait attaquer sans succès la porte Saint-Denis et les
halles par Willoughby, par le prévôt Simon Morbier et par son
lieutenant Jean Larcher, « ung des plus crueulx chrétiens du
monde % » le connétable arrivait, avec le reste de ses troupes, et
rejoignait ses gens de pied, qui se tenaient en embuscade dans
le village de Notre-Dame-des-Ghamps. On vint alors l'avertir
que l'entreprise était découverte. Il continua d'avancer, sans
dire mot, et envoya quelques éclaireurs vers les Chartreux * et
vers la porte Saint-Michel, pour savoir ce qu'il devait faire. Ils
virent paraître sur les murs un homme qui, avec son chaperon,
leur faisait signe d'approcher. Ils en informèrent le connétable,
qui s'avança aussitôt vers la porte Saint-Michel. « Tirez à
l'autre porte, car celle-ci n'ouvre point, cria l'homme qui se
tenait sur les murs; on besogne pour vous aux halles. » Riche-
mont se dirigea vers la porte Saint-Jacques, suivi par H. de Vil-
leblanche, qui portait la bannière royale.
11 était environ sept heures du matin. Les Parisiens s'étaient
déjà rendus maîtres de la porte Saint-Jacques. Ils voulurent
d'abord parler au connétable et lui demandèrent s'il leur garan-
tissait l'amnistie. Il leur jura que les engagements du roi et du
duc de Bourgogne seraient loyalement tenus. Ils l'introduisirent
alors dans la barbacane, en jetant une planche sur le fossé. Les
gens de pied passèrent de la même manière, puis ils escaladè-
rent les murs aux deux côtés de la porte et se mirent à briser
les ferrures du pont-levis. L'Isle-Adam, qui s'était élancé avec
eux, planta le premier la bannière de France sur les murs de
Paris ^. Le pont ayant été abattu, le connétable put monter à
cheval et entrer dans la ville. En même temps, des bateaux
chargés de troupes pénétraient aussi dans Paris par la Seine, et
les Anglais, craignant de se voir couper la retraite, se reti-
raient dans la bastille Saint-Antoine, avec leurs partisans *.
Richemont descendit lentement toute la rue Saint-Jacques,
1. Il était aussi franc-sergent de l'église Notre-Dame de Paris, et il fut
remplacé, dans ces fonctions, par P. de Haqueville, drapier et bourgeois
de Paris (LL 217, f» 207 ; le Bourg, de Paris, 315, note 3).
2. Sur l'emplacement actuel du jardin et des allées du Luxembourg.
3. D'après le Bourg, de Paris, 314-315.
4. J. de Saint- Yon, chevalier, maître des bouchers de la grande bouche-
rie, Jacques de Raye, épicier, etc. J. de Saint-Yon resta au service de
l'Angleterre (K 68, n» 16; le Bourg, de Paris, p. 71-72, note 3; 319, note 2).
248 LES ANGLAIS SE RETIRENT DANS LA BASTILLE (13 AVRIL)
au milieu d'une foule enthousiaste. Arrivé au pont Notre-Dame,
il rencontra Michel de Laillier, qui portait une bannière du roi.
Les acclamations retentissaient; les cloches sonnaient à toute
volée; beaucoup de personnes pleuraient de joie. Le connétable
ne pouvait contenir son émotion en se trouvant ainsi au milieu
des Parisiens. « Mes bons amys, leur disait-il, le bon roi Charles
vous remercie cent mil fois, et moi de par luy, de ce que si doul-
cement vous lui avez rendue sa mestresse cité de son royaulme,
et s'aucun, de quelque estât qu'il soit, a mesprins par-devers
monseigneur le roy, soit absent ou autrement, il lui est tout par-
donné '. » Il s'avança ensuite jusqu'à la place de Grève, où l'on
vint lui apprendre que les Anglais s'étaient retirés dans la Bas-
tille et que tout allait bien. On le pria de se rendre aux halles.
Il y alla et remercia encore les Parisiens, en répétant les mêmes
promesses de pardon. En face des Innocents ^, il s'arrêta devant
la maison de Jean Asselin *, qui avait été autrefois son épicier.
Il accepta les rafraîchissements qui lui furent présentés, puis,
revenant sur ses pas, il entra tout armé dans l'église Notre-
Dame, avec les autres seigneurs. Il y fut reçu solennellement
par le clergé de la cathédrale *, et il entendit la messe, pour
remercier Dieu du grand succès qu'il lui accordait.
De là, il se rendit à la porte Baudet ^ et établit devant la
Bastille une garde nombreuse, pour bloquer la forteresse, du
côté de la ville et hors des murs. Il avait d'ailleurs pris toutes
les mesures nécessaires pour maintenir le bon ordre et la sécu-
rité, faisant publier partout les lettres d'abolition et défendant,
sous peine de mort, aux gens de guerre d'entrer dans les mai-
sons et de causer le moindre dommage ou déplaisir aux habi-
. tants ". Gomme il avait eu soin de laisser à Saint-Denis les
routiers les plus dangereux, ses ordres furent ponctuellement
observés ', On ne pilla que les maisons des Anglais et celles des
1. Le Bourg, de Paris, 317.
2. L'église des Saints-Innocents (Sauvai, I, 358).
3. KK 402, f» 67,
4. L'évêque de Paris était alors Jacques du Ghastelier. Il se fît Français
à ce moment et mourut le 2 novembre 1438 (Gallia Christ., t. VII, p. 146-
148).
5. Porte Baudet, ou Baudets, ou Baudette, ou Baudoyer, rue Saint- An-
toine (Sauvai, I, 35).
6. Vallet de V. loue « l'énergique modération » du connétable {Hist. de
Charles VII, t. II, p. 360).
7. Il est probable que le connétable avait amené à Paris le fameux Tris-
tan Lermite, prévôt des maréchaux, qu'il nomma maître de l'artillerie.
Tristan prêta serment en cette qualité le 26 avril (Anselme, "VIII, 132, B).
Le connétable lui donna aussi la garde de Conflans-Sainte-Honorine (X*»
4800, fo 110 V).
MASSACRE DES ANGLAIS DE SAINT-DEiNI3 (43 AVRIL) 249
bourgeois qui s'étaient retirés avec eux dans la bastille Saint-
Antoine. Beaucoup de Parisiens, malgré les promesses de Riche-
mont, n'étaient pas sans craindre ces Armagnacs, qui avaient
laissé dans leur ville de si mauvais souvenirs; mais ils se rassu-
rèrent bientôt, et l'auteur anonyme du Journal d'un bourgeois
de Paris, Bourguignon forcené, avoue lui-même que le peuple
prit le connétable en si grand amour qu'avant le lendemain
tout le monde était prêt à se mettre corps et biens à son service,
pour détruire les Anglais *.
Ne voulant pas s'éloigner de la bastille Saint-Antoine, Riche-
mont alla loger dans la rue du Jour, à l'hôtel dû Porc-Epic % qui
avait appartenu jadis à Jean de Montaigu ^ Tandis qu'il dînait,
Pierre du Pan, son maître d'hôtel, vint de Saint-Denis, pour
rinformer que les Anglais assiégés dans la tour du Salut vou-
laient se rendre, à condition qu'on leur accordât la vie sauve.
Richement y consentit ; mais, quand Pierre du Pan revint, il
était trop tard. A la nouvelle que les Français étaient entrés
dans la capitale, les routiers qui étaient été restés à Saint-Denis
s'étaient précipités vers Paris, avec l'espoir d'y faire un gros
butin. En les voyant s'éloigner, les Anglais, sortant de la tour,
avaient commencé à prendre la fuite avec leur capitaine, le sire
de Brichanteau, neveu du prévôt Simon Morbier*; mais les
paysans leur avaient donné la chasse et en avaient tué un
certain nombre. Sur ces entrefaites , les routiers Kevenaient
furieux de n'avoir pu entrer à Paris, dont les portes leur étaient
fermées par ordre du connétable. Ils se jetèrent sur les Anglais
et les massacrèrent jusqu'au dernier ^.
Le même jour, Marcoussis ®, Ghevreuse', Montlhéry», le pont
de Saint-Cloud furent remis en l'obéissance du roi, grâce à quel-
ques Parisiens^ qui abandonnèrent le parti des Anglais et qui
avaient des intelligences dans ces places ^. Pendant la nuit, le con-
1. Le Bourg, de Paris, p. 318.
2. Richemont avait eu autrefois un hôtel à Paris, dans la rue Haute-
feuille, devant les cordeliers (KK 402, f»' 4 et 78). Cet hôtel avait appartenu
jadis au sire d'Aligre. 11 avait été probablement confisqué depuis 1425.
3. Hôtel du Porc-Epic, rue de Jouy ou du Jour, près de l'église et de
iTiôtel Saint-Paul (Sauvai, II, 81, 133 et 222).
4. Godefroy, p. 323. En 1430, S. Morbier était capitaine « de la forte-
resse nouvellement ordonnée estre faicte à Saint-Denys en France » (Clai-
ramb., 78, f»' 6142, 6143).
5. Gruel, 208.
6. Arrondissement de Rambouillet.
7. Id.
8. Arrondissement de Corbeil.
9. Gruel (p. 208) ajoute à ces noms celui du pont de Charenton, qu'on
trouve aussi dans J. Ghartier; mais il est certain que cette place avait été
250 MICHEL DE LAILLIER PRÉVÔT DES MARCHAINDS (14 AVRIL)
nétable fit lui-même le guet devant la Bastille, avec les gens de
sa maison. Ainsi se termina cette grande journée, qui compte
parmi les plus mémorables dans la vie de Richemont et dans
l'histoire du règne de Charles VII. L'honneur en revenait surtout
aux Parisiens et à leurs chefs, qui d'eux-mêmes avaient mis les An-
glais hors de la ville *, mais le connétable avait habilement pré-
paré ce succès, et il avait le droit d'en être fier. Pour les enne-
mis, la perte de la capitale pouvait être la perte du royaume,
comme ie leur avait prédit le duc de Bourgogne quand il était
leur allié *. Pour Charles VII, pour la France, le recouvrement de
Paris était un encouragement et un véritable triomphe. L'exem-
ple des Parisiens pouvait entraîner d'autres villes, et ils espé-
raient déjà que- Rouen s'efforcerait aussi de chasser les Anglais ^.
En attendant que cette victoire eût produit tous les résultats
qu'on en pouvait espérer, la situation était toujours difficile. 11
fallait tout réorganiser à Paris, faire cesser la disette, trouver de
l'argent pour payer les gens de guerre, afin qu'ils ne commissent
aucun excès, s'emparer de la Bastille, et chasser aussi les Anglais
des places qu'ils occupaient aux environs. Philippe de Ternant
avait été institué prévôt de Paris, en place de Simon Morbier * (le
vendredi 13 avril). Le lendemain (samedi 14 avril)^ Michel de Lail-
livrée, le 10 février 1436, à Denis de Chailly, capitaine de Corbeil. Lors de
la réduction de Paris, le prévôt S. Morbier fut pris au pont de Charenton
par les gens de D. de Chailly. Le connétable réclama le prisonnier comme
sien, ce qui donna lieu à des contestations (Félibien, II, 822; X'» 4798,
f» 53 v, au lundi 4 mai 1439). Morbier ne resta pas longtemps prisonnier;
Henri VI lui donna une pension et de hauts emplois (Fr. 26063, n» 3369).
1. Voy. des lettres de Charles VU, du 15 mai 1436 (K 950, n° 26 a^b,c.; x»»
4797, f" 334). Richemont envoya Roulet Guillaume, chevaucheur de l'écurie
du roi, à Issoudun, porter à Charles VII des lettres annonçant « la prise
et reddition de la ville de Paris » (Fr. 26061, n» 2884). Voir aussi J. Ste-
venson, t. II, Append. à la Préface, p. 59, et Portef. Fontanieu, 117-118, au
8 septembre 1436.
2. Dans un avis donné par le duc de Bourgogne au gouvernement an-
glais en 1430 ou 1431, on lit : « Item est bien à considérer Testât de la
cité de Paris, qui est le cuer et le chief principal du royaume mesme-
ment que la dite cité est si grant chose que d'elle seule elle ne se puet
longuement soutenir, sans l'affluence des autres villes et pais du royaume,
et toutevoies, les choses estant comme elles sont à présent, la perdicion
d'icelle ville, comme il puet sembler, serait la perdicion du royaume. »
(Ms. Fr. 1278, f» 12.) Dès 1431, le peuple de Paris demandait au roi d'An-
gleterre des secours :
Secourez-moi et faites bonne guerre,
Ou vous perdrez Paris et toute France.
(Complainte de la ville de Paris, ap. Delpit, Doc. français, p. 238-239.)
3. Voir dans Y* f» 3 v, les demandes des Parisiens à Charles VII et les
réponses du roi, en mai 1436.
4. Y» f» 4. Félibien, IV, 597.
CAPITULATION DE LA BASTILLE (15 AVRIL) 2S1
lier remplaça Hugues Le Coq comme prévôt des marchands;
quatre nouveaux échevins furent nommés, Jean du Bellay,
P. de Landes, Jean de Grantrue et Nie. de Neufville, tous natifs de
Paris *. Le vieux marché de la Madeleine, fermé depuis plus de
vingt ans, fut rouvert, et dès ce jour les approvisionnements furent
si considérables qu'on put avoir pour 20 sols parisis le blé, qui se
vendait 50 le mercredi précédent *. Dans la matinée, il y eut
encore une messe solennelle à Notre-Dame. Le connétable y as-
sistait, avec le bâtard d'Orléans, Villiers de L'Isle-Adam, les sires
de Ternant et de Lalain et une multitude innombrable de clercs,
de bourgeois, de gens du peuple. Il fît lire les lettres d'abolition,
et cette lecture fut répétée à l'hôtel de ville devant les mêmes
seigneurs, puis dans les carrefours de Paris '.
Cependant le siège de la Bastille continuait. Le connétable
avait appelé toutes les troupes disponibles qui se trouvaient dans
le voisinage, pour compléter l'investissement de la forteresse.
Elle contenait plus de 500 personnes *, parmi lesquelles le chan-
celier Louis de Luxembourg et l'èvèque P. Cauchon^. Lord Wil-
loughby, qui commandait la garnison, était un brave soldat, un
combattant d'Azincourt et de Verneuil; mais, comme le manque
de vivres ne permettait pas de faire une longue résistance, il
dut se résigner à une capitulation. Les Anglais proposèrent
de vider la place, à condition d'emporter leurs biens.
La question fut vivement débattue dans un conseil tenu par
Richement ; les uns soutenant que les ennemis seraient bien-
tôt réduits par la disette à se rendre corps et biens, qu'on pou-
vait compter sur un riche butin et sur de grosses rançons ; les
autres faisant remarquer que les Anglais avaient encore un parti
nombreux à Paris et qu'il y aurait là un véritable danger, s'ils
recevaient des secours. « Monseigneur, disaient les Parisiens, s'ils
veulent se rendre, ne les refusez pas. Ce vous est belle chose
d'avoir recouvré Paris. Maints connestables et maints mares-
chaux ont été autrefois chassez de Paris ; prenez en gré ce que
Dieu vous a donné ^. » Si le connétable avait eu de quoi payer ses
troupes, il eût mieux aimé continuer le siège ; mais beaucoup de
gens d'armes ne voulaient plus servir sans avoir reçu leur solde.
Il choisit donc le parti le plus prudent, et il accorda au chan-
1. Félibien, II, 824. Le Bourg, de Paris, 279.
2. Félibien, II, 824-825. Le Bourg, de Paris, p. 321-323 et notes.
3. K 949, n» 24. Voir aussi au dos de cette pièce.
4. C'est le chiffre que donne le registre X" 1481, f» 120 v». Gruel et
Cagny disent 1 000 à 1 200.
5. LL 211, fo 206. Gallia Christ., VII, 148.
6. Gruel, 208.
2o2 GOUVERNEMENT FRANÇAIS A PARIS
celier L. de Luxembourg les conditions qu'il demandait. La ca-
pitulation fut signée le dimanche 15 avril.
Deux jours après, le mardi 17 avril *, les Anglais et leurs par-
tisans Jacques de Saint-Yon, Jacques de Rays, Legoix évacuèrent
la Bastille, poursuivis par les huées de la foule. On les conduisit,
sans les faire passer dans la ville, jusqu'à la Seine, où ils s'em-
barquèrent pour aller à Rouen *. D'autres Parisiens, que leur
dévouement à l'Angleterre rendait suspects, furent chassés par
ordre de Richemont, mais ils ne furent pas traités avec une sévé-
rité excessive, car ceux qui voulurent rentrer un peu plus tard
dans la ville purent y rester, en prêtant serment de fidélité à
Charles VII K
D'ailleurs le connétable montra envers tout le monde une mo-
dération et une bienveillance dont les envoyés de l'Université
firent l'éloge devant le roi *. Il accueillit avec douceur les délé-
gués du Parlement et de la Chambre des comptes, qui firent acte
de soumission, en proposant leurs services ; il leur conseilla
d'écrire à Charles VII, leur promit d'appuyer leurs démarches.
Il les autorisa même (17 et 28 avril) à expédier les affaires cou-
rantes et à reprendre leurs fonctions, jusqu'à ce que le roi en
«ut ordonné autrement ^. Il institua quelques nouveaux offi-
ciers''; en un mot, il pourvut à l'organisation provisoire de tous
les services publics. Le roi lui adjoignit bientôt un conseil, avec
pouvoir de faire des ordonnances, et la capitale eut ainsi son gou-
vernement.
Sur la décision du chapitre de Notre-Dame, on fit, le dimanche
22 avril, une grande procession, pour remercier Dieu de l'entrée
1. LL 217, f» 206. Le Bourg, de Paris, 318.
2. 11 paraît que le chancelier L. de Luxembourg aurait dit, depuis, qu'il
avait bien payé son écot, puisque sa chapelle et ses bijoux étaient restés
au connétable (voy. J. Ghartier, I, 228; Félibien,ll, 824;Monstrelet, V,22i).
3. Félibien, II, 828, IV, 598. Richemont fit donner à Berthelot et à un
autre de ses secrétaires les biens de F. Férat, qui était venu de Rouen à
Paris et qui n'avait pas voulu prêter serment (X^a 22, au dernier jour
d'août 1441). D'autres partisans obstinés de l'Angleterre furent punis de
lamême façon {Issues of the Exchequer, p. 430).
4. Du Boulai, Hist. de l' Université de Paris, V, 436.
5. P. 2531, f»s 146 v, 148. Félibien, III, 560. S. Fournival, p. 13.
Mlle Denys, Armoriai, p. xxxi, cxxii.
6. Par exemple, Jean Trotet et J. de La Fontaine, trésoriers de France,
J. Auger, maître extraordinaire, et Alain de Coetivy, premier président de
la Chambre des comptes (S. Fournival, p. 13; Mlle Denys, Annorial,
p. XXXI et cxxn). Un peu plus tard, Richemont institua Emery Martineau
procureur général sur le fait des monnaies {Append. LXIII; voir aussi
Xia 4797, f° 334). Bernard Bracque, qui avait servi Charles VI et Charles VII
pendant cinquante ans, fut institué « général maître de la monnoie »
(Zi beO^fo' 35, 36).
LA PROCESSION DES ANGLAIS 2S3
du connétable dans Paris *. Une foule immense prit part à cette
cérémonie, qui ne dura pas moins de quatre heures, malgré une
pluie continuelle *. Pendant trois siècles, jusqu'en 1735, l'expul-
sion des Anglais fut célébrée comme une victoire nationale.
Chaque année, au mois d'avril, le prévôt des marchands, les éche-
vins, les membres du Parlement et des autres cours assistaient
à la messe solennelle et à la procession des Anglais ou de la ré-
duction de Paris '.
1. LL 217, (o 207. Le doyen, J. Tudert, ne revint que le 7 mai, après une
absence de dix-huit ans {Ibid., P 209). Il avait été reçu doyen de Notre-
Dame de Paris le li avril 1414 (LL 141i, f» 316).
2. Le Bourg, de Paris, 320-321.
3. K 1002-1005. Voy. Append. LXIV. La première eut lieu le vendredi
5 avril 1437 (LL 217, f» 292, à la date du mercredi 3 avril).
Sur la réduction de Paris, voir : Reg. du Parlement X*» 1481, f»s 120-121;
Mémoriaux de la Chambre des comptes, P 2531, f» 145 et suiv; Félibien,
qui reproduit une partie des documents contenus dans ces deux registres,
t. III, p. 558-560, t. IV, 595-598; Registre capitulaire de N.-D. de Paris,
LL 217, f"' 206-207 ; le Livre Vert vieil second du Châtelet, Y*, f»» 1 et 2,
et e carton K 949, n»^ 24, 25, 26 ; Fr. 2882, f»« 108-113; Perceval de Cagny,
dans le t. 48 des Mss. Duchesne, f»' 100 et 101 ; Gallia Christ., VII, 147-148;
.Martial d'Auvergne, I, 148-151; le Bourgeois de Paris, p. 314-323; J. Char-
ger, I, p. 220-228; Gruel, 207-208; Berry, p. 393; Basin, I, 121-122; Mons-
trelet, V, 217-222; M. d'Escouchy, II, 399-400; les chroniqueurs anglais
Polyd. Vergil, édit. H. EUis, 59-60; Hall, 179-180 (édit. de Bâle, 1570); Fa-
bian, 431; J. Stevenson, t. II, préface, p. 24, 25. Voir aussi Sauvai, t. I, 35
et 358, t. II, p. 153 et 222; du Boulai, t. V, 435-36; surtout Félibien, t. II,
p. 822-825; t. III, 558-559, t. IV, 598; Kausler, Atlas des plus mémorables
batailles, kuiWe 14% Texte p. 151; Vallet de V., Charles VII, t. II, 353-364;
Médaille coramémorative dans Môzeray, Hist. de France, édit. de 1646,
in-f«, II, 86, n» 10.
CHAPITRE III
LE RECOUVREMENT DE l' ILE-DE-FRANCE (1436-1440)
Richemont veut reconquérir d'abord l'Ile-de-France. — Détresse finan-
cière. — Le duc d'York succède à Bedford. — Richemont va trouver le
duc de Bourgogne. — Les Français échouent devant Creil. — Le con-
nétable va en Picardie, en Champagne, en Lorraine. — Il revient à
Paris et s'efforce d'y attirer le roi. — Il va ensuite à Loches, à Parthe-
nay, en Bretagne, et revient à Paris. — Ses démêlés avec Guillaume de
Flavy. — Il contribue à la délivrance de René d'Anjou. — Les Anglais
reprennent Pontoise et menacent Paris. — Traîtres exécutés à Paris. —
Les Français s'emparent de Malesherbes. — Le roi prend part à la guerre.
— Prise de Nemours. — Mort de Jeanne de Navarre. — Siège et prise
de Montereau. — Guerre en Normandie. — Charles VII vient à Paris,
puis retourne sur la Loire. — Famine et épidémie. — La guerre languit.
— Assemblée de Bourges. — Tentative infructueuse sur Pontoise. —
Ravages des routiers. — Guillaume de Flavy enlève le maréchal de
Rieux. — Ordonnance du 22 décembre 1438 contre les routiers. —
Grande mortalité à Paris. — Richemont s'éloigne. — Il va en Lorraine,
où il échoue contre Robert de Sarrebrûck. — Les Anglais surprennent
Saidt-Germain-en-Laye.— Accusations contre Richemont. — Découragé,
il veut se retirer, quand le roi ordonne enfin le siège de Meaux. — Le
connétable prend la ville de Meaux et fait capituler le Marché. — Le roi
revient à Paris. — Richemont le suit à Orléans. — Négociations inutiles
avec les Anglais. — Etats d'Orléans. — Ordonnance du 2 novembre
1439 sur les gens de guerre.— Difficulté d'appliquer cette ordonnance.
— Le connétable échoue devant Avranches. — Il obtient des mesures
contre les routiers et commence la réforme de l'armée.
Après la réduction de Paris, le rôle de Richemont devient beau-
coup plus considérable. On sent que son influence grandit,
que sa sphère d'action s'étend, que son initiative s'affirme da-
vantage et qu'il est, en réalité, le lieutenant général du roi.
Avoir rendu à la France sa capitale, c'était beaucoup; mais,
en comparaison de ce qui restait à faire, c'était peu de chose.
Mettre la ville de Paris en bon état de défense, réparer les maux
qu'elle avait soufferts, achever sa délivrance, en chassant les An-
glais de toutes les places qu'ils occupaient encore dans le voisi-
RICHEMONT VEUT RECONQUÉRIR l'iLE-DE-FRANCE 285
nage et en réprimant les déprédations des gens de guerre: tel est
le plan que Richemont se proposa tout d'abord. Vouloir expul-
ser en même temps les Anglais de la Normandie, c'était, dans
l'état actuel des choses, une entreprise chimérique et même dan-
gereuse ^ ; il l'ajourna résolument. Pour l'exécuter avec succès,
il fallait avoir tout ce qui manquait en ce moment, de l'argent,
une armée disciplinée, l'alHance de la Bretagne, comme on
avait déjà celle de l'Ecosse et de la Gastille *. Le nouveau régent,
duc d'York, allait débarquer en France avec une armée, et la Nor-
mandie était pour les Anglais plus facile à défendre que Paris.
Le connétable estimait avec raison que, avant d'entreprendre sé-
rieusement la conquête de la Normandie, il fallait achever celle
de l'Ile-de-France, delaBrieet delà Champagne, Il voulait intéres-
ser à ce projet Charles VII, le soustraire à l'énervante oisiveté de
la cour, l'amener à Paris, l'associer aux opérations militaires,
éveiller ainsi dans l'âme de ce jeune prince des aspirations plus
dignes d'un roi que la mollesse et le goût des plaisirs ^, Il mar-
cha vers ce but avec sa ténacité habituelle, sans précipitation té-
méraire, par des progrès plus continus qu'éclatants, et refoula
peu à peu les ennemis qui s'obstinaient à menacer la capitale.
La ville de Paris était alors dans un état lamentable, La popu-
lation avait été décimée par les fléaux de la guerre ; les murailles
étaient mal entretenues; beaucoup de maisons, depuis long-
temps inhabitées, tombaient en ruines; la misère était perma-
nente. D'autres villes dans l'Ile-de-France, la Brie et la Champagne,
notamment Troyes, étaient dans une situation aussi misérable *. ,
Quant aux campagnes, sans cesse ravagées par les gens de
guerre, elles avaient encore plus à soufl'rir. Beaucoup de villages
étaient déserts ; les paysans aimaient mieux abandonner leurs
champs que de les cultiver pour voir leurs moissons détruites
ou enlevées par les ennemis ou par les routiers ^.
1. Quoi qu'en dise l'évêque de Lisieux Th. Basin, qui ne voit que son
pays et qui n'embrasse point l'ensemble de la situation (Th. Basin, 1, 114-
119, surtout p. 118).
2. L'utilité de ces alliances est bien indiquée dans le document déjà
cité, qui émane de la chancellerie de Bourgogne (Fr. 1278, f'* 41-43).
L'alliance avec l'Ecosse avait encore été affermie par le mariage du dau-
phin Louis avec Marguerite, fille de Jacques I" (1436). Voir la curieuse
relation de Regnault Girard, égarée dans le Ms. fr, 17330, au milieu de
pièces relatives à François I*"^ et à Henri IL
3. Si Charles VU avait eu vraiment quelque énergie, s'il avait compris
la grandeur de son rôle, s'il avait eu souci des intérêts de la France et de
sa propre gloire, il aurait dû accourir à Paris, comme on l'en suppliait
(voir ci-dessous, p. 260 et notes 7, 8; p. 261 ; p. 262, et note 5).
4. Il en était encore de même sept ans plus tard, en 1443 (Y* f» 69).
5. Sur l'état de Paris, v. Y* f<>» 29 vet 69; le Bourg, de Paris, passim. Sur
256 DÉTRESSE FINANCIÈRE
Comment exiger des impôts de ces populations si cruellement
éprouvées? Pourtant il fallait bien trouver de l'argent ' ; le con-
nétable en avait besoin pour continuer la guerre. Il fut obligé
d'en demander plusieurs fois à la ville de Paris et aux autres
villes de l'Ile-de-France *. Cet argent fut employé à réparer les
fortifications de Paris, travail des plus urgents, à solder les garni-
sons qui furent mises dans les places fortes, avec interdiction, sous
peine des châtiments les plus rigoureux, de rançonner les habi-
tants, enfin à subvenir aux dépenses des opérations militaires.
Dans le même temps (fin d'avril et commencement de mai), le
connétable eut à s'occujier de deux tentatives, Tune sur Gisors,
l'autre sur Rouen. La Hire et Saintrailles, sans lui laisser le
temps de faire venir les troupes qu'il avait dans le pays de Caux
sous le maréchal de Rieux ^, entrèrent dans Gisors; mais ils en
furent promptement délogés par Talbot et Th. de Scales, parce
qu'ils n'avaient pas assez de forces''. Quanta l'entreprise sur Rouen
elle était trop prématurée pour réussir. Sur les nouvelles qu'il
avait reçues, le connétable s'avança néanmoins jusqu'à Gerberoy
avec le maréchal de Rieux et toutes les troupes qu'il put réunir;
mais, comme les Anglais se tenaient sur leurs gardes, il vit qu'il n'y
avait rien à faire pour le moment, et il revint par Pontoise à Paris ^.
Il ne pouvait d'ailleurs faire que de très courtes absences. Des
soins multiples le retenaient dans la capitale, où chaque jour il
avait à conférer avec les délégués du Parlement, de la Chambre
des comptes, du clergé, de l'Universiié de la ville. Il avait convo-
l'élat dos campagaes, voir Fiammermont, dans les Mémoires de la So-
ciété de l'hist. de Paris, t. V, p. 237 et sq. Sur la ville de Troves, voy.
JJ 177, f»» 42 V», 43.
1. Les Etats de Poitiers avaient voté une aide de 200 000 1. au mois de
février (Fr. 26061, w^ 2933, 2936, 2962,2967, et Fr. 26062, n» 3055). En sep-
tembre, les Etats du Dauphiné octroient 20 000 florins [Porlef. Fontan.,
117-118, à la date de septembre).
2. Le clergé de Notre-Dame dut payer, malgré la pauvreté qu'il alléguait
(LL 217, f" 208). Senlis donna 400 1., etc. (Fiammermont, dans les Méw. rfe
la Société de l'hist. de Paris, t. V, p. 255). Le 13 mai, Charles VII octroie à
la ville de Paris le droit de lever 6 1. t. sur chaque muid de sel qui sera
vendu au grenier à sel de Paris, pendant trois ans, à partir du 1" avril
1436. Le produit de cette taxe sera employé à réparer les fortifications de
Paris, qui en ont grand besoin (K 950, n» 26 «.''.<=). En août, en septembre
1436, nouvelles taxes sur les vins qui traversent Paris et le pays voisin et
sur le vin recueilli dans la vicomte de Paris (Y* f"* 10, 11 v» et 12). V. Ap-
pend. LXV.
3. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1267-1268.
4. Fr. 25773, n» 1105; Gruel, 209; Monstrelet, V, 231. Gisors, arrondis-
sement des Andelys.
5. Fr. 26061, n° 2809; Gruel, 209. Talbot, capitaine de Rouen, reçut des
renforts considérables et prit des précautions qui attestent une inquiétude
réelle (Fr. 26060, n- 2726, 2734, 2768, 2776; Fr. 26061, n°« 2865-2871).
RICHEMONT ENVOYÉ AUPRÈS DE PHILIPPE LE BON (1436) 257
que, pour le B mai, à Paris, les délégués des villes de l'Ile-de-France,
afin d'aviser aux moyens de recouvrer Creil, Meaux et Montereau.
Il fut décidé qu'on attaquerait d'abord Creil '. Le connétable alla
mettre le siège devant cette place, avec le bâtard d'Orléans, L'Isle-
Adam, La Hire, Saintrailles et le sire de Rostrenen. Senlis et les
villes voisines * durent lui envoyer de l'argent, des vivres, des
munitions, des canons, des machines de guerre, des arbalétriers.
La garnison anglaise de Creil était en état de faire une longue ré-
sistance. Malheureusement Richemont fut alors obligé de s'éloi-
gner, pour aller vers le duc de Bourgogne, négocier la délivrance
du roi de Sicile. Charles YII et la reine Yolande tenaient beaucoup
à ce qu'il fît partie de l'ambassade envoyée auprès de Philippe le
Bon, et lui-même portait le plus grand intérêt à René d'Anjou,
son compagnon d'armes, le fils de sa protectrice. Il laissa la direc-
tion du siège au bâtard d'Orléans et se rendit en Picardie ^ (juin).
C'est à Saint-Omer qu'il trouva Philippe le Bon, alors occupé
à réunir une armée destinée à faire le siège de Calais. Il ne put
obtenir l'élargissement immédiat de René, le duc de Bourgogne
y mettant des conditions trop dures; mais les négociations ne fu-
rent point abandonnées, et il ne désespéra pas de les voir bientôt
aboutir. Il offrit à son beau-frère de lui amener 3 000 hommes,
qu'il avait dans le pays de Caux, pour l'aider au siège de Calais.
Philippe n'accepta point ce secours; il crut qu'il n'en aurait pas
besoin, car il avait rassemblé des forces considérables, surtout
en Flandre. Quand Richemont voulut s'en retourner, le duc le
reconduisit et lui montra l'armée flamande, dont le camp res-
semblait à une ville. On leur offrit le vin dans la tente de Gand,
puis ils se séparèrent * (juin). Au retour de cette mission, le
connétable passa par Azincourt, Il voulut revoir ce champ de
bataille où il avait failli périr. Il expliqua aux seigneurs qui
l'accompagnaient les détails de cette néfaste journée, en leur dé-
signant les endroits où se trouvaient les principaux chefs de l'ar-
mée française, la place où il avait combattu lui-même, le lieu
où était logé le roi d'Angleterre.
1. D. Grenier, t. XX bis, liasse 9, f" 17 (comptes de la ville de Compiègne).
2. Compiègne, Pontoise, Pont-Sainte-Maxence, Beauvais, etc. (D. Gre-
nier, XX 6ii, liasse 9, fo' 17 v» et 18);C.-L. Doyen, Hist. de Beauvais, p. 87:
Flammermont, Instit. munie, de Senlis, p. 252-253, et Mém. de la Soc, de
l'hist. de Paris, V, 233-256.
3. En mai, Charles VII envoie le comte de Vendôme, l'évêque de Tou-
louse, etc., auprès de Philippe le Boa (D. Calmet, II, 791). Richemont était
encore à Compiègne au commencement de juin (D. Grenier, XX bis, liasse 9,
fo 17 vo). Pendant qu'il était avec le duc de Bourgogne, il reçut des lettres
du duc d'Orléans {Catal. Joursanvault, l, 19-20, n» 36).
4. Gruel, 209. Monstrelet, V, 240.
Richemont. 17
2o8 LE DUC d'york successeur de bedford (1436)
Il continua sa route par Hesdin et Abbeville ^ Là, il reçut de
mauvaises nouvelles. Les troupes qu'il avait laissées devant
Greil venaient de lever le siège ^ en apprenant que le duc d'York,
récemment arrivé d'Angleterre, s'apprêtait à secourir cette ville.
C'étaient là de fâcheux contretemps, qui devaient retarder l'ex-
pulsion des Anglais de l'Ile-de-France. Le duc d'York *, envoyé
par Henri VI pour gouverner ses provinces françaises (mai 1436),
n'était pas indigne de succéder à Bedford. Ses talents politiques
et militaires faisaient de lui un adversaire redoutable. Il rétablit
la discipline, l'unité de commandement ; il évita de mécontenter
les populations, et, s'il eût été mieux secondé par le Conseil d'An-
gleterre, il aurait pu remporter de grands succès *. Il arriva en
France au mois de juin, avec le comte de Suffolk et une armée
anglaise ^ ; mais le siège de Calais par le duc de Bourgogne (juin-
juillet) ^, le recouvrement des pays de Caux et de Bray occupèrent
d'abord son attention, et il ne fit pas d'entreprise considérable
cette année-là '.
Richemont se rendit alors dans le pays de Caux, à Eu ^ et à
Dieppe, pour réprimer les excès intolérables des gens de guerre.
Pendant qu'il y était, Florimond de Brimeu, sénéchal du Pon-
Ihieu, avec quelques troupes tirées des garnisons d'Eu, de Rue '
et de Saint-Valery *°, s'empara du Crotoy ^', par un habile strata-
gème ^^ On pouvait faire là une diversion utile au duc de Bour-
gogne, qui continuait, non sans peine, le siège de Calais. Il
restait à prendre le château du Crotoy, dans lequel les Anglais
s'étaient retirés *'. Le connétable était tout disposé à venir les
1. Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1267-1268.
2. Moastrelet, V, 229. Gruel, 209. Le Bourg, de Paris, 323-324. Le 12 juin,
le bâtard était encore au siège de Creil (D. Grenier, XX bis, liasse 9, f" 17
v). Vallet de V. dit que l'armée de Paris s'empara de Creil (t. II, p. 381).
3. Richard d'York, petit-fils d'Edmond Langley (4° fils d'Edouard III) et
descendant, par sa mère, de Lionel, duc de Clarence (2' fils d'Edouard III).
11 disputa, plus tard le trône d'Angleterre à Henri VI.
4. J. Stevenson, II, préface, p. xxix. Green, I, 339-560. Moreau 703,
fos 342-343. Fr. 26061, n" 2887, 2892-2894, 2921. Fr. 26062, n» 3035.
3. Fr. 26061, n" 2977. Fr. 26062, n» 3006. Hist. de Bourgogne, lY, 224-225.
6. Coll. de Bourgogne, t. 100, f° 249. Hist. de Bourgogne, IV, 224-226.
7. Les Anglais firent les sièges de Saint-Gerraain-sous-Cailly, de Cham-
brois (Broglie), de Fécamp (Fr. 26061, n=s 2900, 2939, 2944, 2998, 2999; Fr.
26062, n-s 3030, 3031, 3038; Fr. 23773, n»' 1124, 1128, 1135, 1144, 1147-49).
8. Arrondissement de Dieppe.
9. Arrondissement d'Abbeville.
10. Id.
11. Id.
12. D. Grenier, t. 96, p. 37, et Chron. belges, t. II, p. 213. Gruel, 209. FL
Lefils, Hist. du Crotoy, Abbeville, 1860, in-8, p. 122-124.
13. En juillet, Fauquemberge fut chargé de ravitailler le château du Cro-
toy (Fr. 23773, n» 1124).
RICHEMONT VA EN PICARDIE, EN LORRAINE, EN CHAMPAGNE (1436) 259
attaquer lui-même; toutefois, il ne le pouvait pas faire sans
l'agrément de Philippe le Bon, à qui le traité d'Arras avait
donné les villes de la Somme. S'étant avancé jusqu'à Abbe-
ville *, il envoya demander au duc de Bourgogne s'il auto-
risait cette entreprise. Celui-ci ayant répondu qu'il serait
temps de s'en occuper après le siège de Calais, le connétable
s'éloigna.
Il avait fort à faire d'un autre côté, pour chasser de plusieurs
places des Anglais ou des routiers, qui commettaient de grands
ravages ^. Ses lieutenants René de Raiz, seigneur de La Suze, et
Jean de Malestroit avaient été chargés, avant la réduction de
Paris, l'un d'enlever aux Anglais les forteresses de Nogent et de
Montigny-le-Roi *, l'autre de combattre les gens d'armes du
damoiseau de Gommercy, qui faisaient des courses sur les terres
de René d'Anjou, pendant que Robert de Sarrebriick était re-
tenu prisonnier en Lorraine *. D'autres routiers, tels que le
bâtard de Bourbon et le petit Picard, ravageaient aussi les pays
de René d'Anjou, et la régence de Lorraine dénonçait à la reine
Yolande, comme un routier dangereux, le lieutenant même du
connétable, le seigneur de La Suze *. Jean de Malestroit, avec
Evrard deLaMarck, assiégeait Chauvency ^, place appartenant au
damoiseau. Leurs gens, qui couraient le pays, furent battus près
de Romagne-sous-Montfaucon'^, et ils durent lever le siège, après
avoir perdu 200 à 300 hommes (24 juin). Le connétable fit une
courte apparition en Lorraine et en Champagne, pour essayer
d'y rétablir l'ordre. Il prit lui-même Louvois * ; mais, n'ayant pas
1. J. de La Mothe, qui avait fait tuer le Galois de Honnignœul, ayant
entendu dire que le conr jtable, à sa nouvelle entrée dans une ville, avait
pouvoir de délivrer des prisonniers, se rendit aux prisons d'Abbeville et
obtint de Richemont des lettres de rémission qui furent confirmées par le
roi. La veuve de la victime poursuivit néanmoins le meurtrier devant le
parlement (X^^ 22, f»» 1 v, 4).
2. Ilist. de Bourg., IV, 222-223.
3. Nogent-le-Roy, arrondissement de Cbaumont. Montigny-le-Roi, arron-
dissement de Langres. Le sire de La Suze avait conclu une convention, le
jour de Noël 1435, avec Erard du Chdtelet, pour assiéger Nogent et Mon-
tigny (Coll. de Lorraine, VIII, n" 43, 43; Coll. de Bourgogne, t. 100, f" 247
248; X2a 23, au 19 juin et au 3 juillet 1455; Hist. de Bourg., IV, 222-223).
4. Ce ne fut donc pas Robert de Sarrebriick qui fit lui-même cette
guerre, comme le dit, à tort, Monstrelet. Robert, revenant de la Terre-
Sainte, fut arrêté le 18 septembre 1433, à Bâie, puis remis, en août 1436, à
la régence de Lorraine, qui le retint prisonnier jusqu'au 28 mars 1437
(D. Galmet, II, 794-793; Dumont, Hist. de Commercy, I, 232-233).
5. Coll. de Lorraine, VIII, n" 43.
6. Chauvency-le-Château, canton de Montmédy.
7. Canton de Montfaucon-en-Argonne, arrondissement de Montmédy.
8. Canton de Châtillon-sur-Marne, arrondissement de Reims.
260 LE ROI PROMET DE VENIR A PARIS (1436)
assez de forces pour s'emparer de Braisne % défendue par une
garnison nombreuse, il alla occuper Sainte-Menehould, en vertu
d'une convention conclue avec le capitaine de cette place, puis il
réduisit encore Nanteuil % Han '^, Bourg * et plusieurs autres for-
teresses ^.
Après avoir donné à la reine Yolande et à son fils René ces
preuves de gratitude et d'affection, le connétable revint à Paris,
où il avait hâte de rentrer ^ (août 1436). Sur ses conseils, les
Parisiens avaient envoyé une ambassade à Bourges (28 avril),
pour prier le roi de venir dans sa bonne ville capitale, d'y réta-
blir les cours souveraines '' et de travailler à Texpulsion totale
des ennemis. Les ambassadeurs remercièrent aussi Charles VU
d'avoir chargé du recouvrement de Paris son connétable, dont
ils louèrent la bienveillance et la modération. Le roi fit le plus
gracieux accueil à ces envoyés. Il leur affirma qu'il viendrait
« visiter et consoler ses bons et loyaux subjects ^ » aussitôt qu'il
1. Braisne, arrondissement de Soissons, appartenait au damoiseau de
Commercy (Carlier, Hist. du Valois, II, 471).
2. Nanteuil-la-Fosse, c. d'Ay, arrondissement de Reims.
3. Han-lès-Juvigny, c. de Montmédy, ou Haus, c. de Sainte-Menehould (?).
4. Bourg, arrondissement de Vouziers.
5. Charles VII donna Sainte-Menehould à Richemont en novembre 1437.
Voir X»a 4798. f" 21S; Ch. Buirette, Hist. de Sainte-Menehould, 1837, in-8,
p. 169-171. (Sainte-Menehould était une ville importante, où il y avait des
marchés et des foires considérables. JJ 17S, f » 4 v»; Monstrelet, V, 222-
224; Abrégé chronol. dans Godefroy, p. 340; Cagny, f"' 101 v», 102). Gruel,
p. 209, est muet sur ces faits. Il dit que Richemont revint d'Abbeville à
Paris. C'est probablement dans la deuxième moitié de juillet et dans la
première moitié d'août que Richemont fit cette petite campagne, car il
était encore à Compiègne au commencement de ^lin, et on a vu qu'il était
allé ensuite auprès de Philippe le Bon (D. Grenic-, XX 625, liasse 9, f» 17 v°).
Dans la deuxième quinzaine d'août, il était à Paris (Y* f" 10).
6. Gruel, 210, dit que les Anglais lui tendirent une embuscade pour l'ar-
rêter, mais qu'ils n'osèrent l'attaquer. Richemont était à Pans le 21 août
(voy. Append. LXIII).
7. L'évéque de Paris et les autres ambassadeurs étaient partis le ven-
dredi 28 avril (LL 217, f» 208; voy. aussi f» 215, aux dates du lundi 28 mai
et du vendredi r' juin; K 949, nos 25, 26). Le 22 mai, lettres de Charles VII
ordonnant que toutes les cours qui se tiennent à Paris cessent, jusqu'à
nouvel ordre, à cause de certaines grandes affaires qui empêchent d'insti-
tuer le Parlement à Paris, pour le présent, comme il avait été ordonné de
le faire (X»» 8603, f" 35; Ordonn., XIII, 218-219).
8. Le roi avait évidemment promis de venir bientôt à Paris, puisque,
après le retour des envoyés, le chapitre de Notre-Dame délibéra « de modo
recipiendi dominum nostrum regem, quando proxime veniet in bac villa »
(LL 217, fo 218, à la date du mercredi l<i juin). On retrouve cette promesse
dans la réponse que fait Charles VII à la requête du Parlement de Poitiers
(Félibien, t. III des Preuves, p. 270 ; voir aussi Fr. 21302, au 10 août).
Enfin le roi avait retenu le vicomte de Thouars pour l'accompagner dans
EMBARRAS DU CONNÉTABLE A PARIS (1436) 261
aurait pourvu aux affaires les plus urgentes ; qu'il n'avait chose
au monde plus à cœur que de chasser entièrement les ennemis
de son royaume et qu'il voulait « s'y employer de corps et de
biens ». En réalité, il éprouvait une antipathie insurmontable
pour cette ville turbulente, dont il avait gardé un si mauvais
souvenir ; mais il n'en laissa rien voir, et les députés revinrent
tout heureux des promesses qu'il leur avait faites *. Le conné-
table fut, lui aussi, très satisfait de ces' engagements, et il ne né-
gligea rien pour en hâter la réalisation.
Au mois d'août, une nouvelle ambassade alla trouver le roi,
et dès lors il décida que le Parlement, qui était à Poitiers de-
puis 1418, serait rétabli à Paris ^. Cependant celte dernière ville
était toujours menacée par les Anglais ^. Pour la protéger, Riche-
mont eut soin de mettre des garnisons suffisantes dans les places
fortes de l'Ile-de-France, comme Saint-Germain-en-Laye, Pon-
toise, Senlis, Lagny, le Bois-de-Yiocennes, Gorbeil, Chantilly, le
Pont-de-Meulan et autres *. Il interdit encore aux capitaines de
molester les habitants, et il essaya de pourvoir au payement ré-
gulier de la solde, par un impôt sur les vins qui traversaient Paris
et le pays voisin (22 août) ^. Cette ressource paraissant insuffi-
sante, le Conseil du roi ordonna (30 août) qu'on saisît et qu'on
veildît les biens meubles et immeubles de tous les Parisiens qui
persistaient à demeurer en pays ennemi ; enfin il mit une aide
sur tout le vin recueilli dans la prévôté, vicomte et élection de
Paris ^.
Pénurie continuelle d'argent, indicipline et ravages des gens
de guerre, plaintes réitérées des habitants, telles étaient les
difficultés qui entravaient sans cesse les efforts du connétable.
II désirait d'autant plus mettre fin à cet état de choses, et, comme
rile-de-France et l'avait chargé de réunir autant de troupes qu'il en pour-
rait trouver (X"> 9201, f- 202 v).
1. LL 217, f- 215, au lundi 28 mai. Du Boulai, V, 436-437. Xi^ 8604,
fus 127-128. Félibien, t. III, 269. Y* f- 3, 5. X'» 8605, f" 36. Ms. Brienne,
197, f»» 346 et suiv. Le roi confirma dès lors les privilèges de l'Université
de Paris (du Boulai, V, 438; Y* f» 8).
2. LL 217, f 235, et Ordonn., XIII, 226-227. Fr. 21302, au 10 août 1436.
D. Neuville, le Parlement rorjal à Poitiers, dans la Revue histor., t. VI"»
p. 311 et suiv.
3. Le Bourg, de Paris, p. 327, § 708.
4. Voy. Append. LXVI.
5. Voy. Append. LXV.
6. Y* f" 10 V», 12. Ordonn., XIII, p. 227-229. Le Bourg, de Paris, 226. Le
23 juin et le 12 juillet, des ordonnances sur les monnaies avaient été ren-
dues par les gens du Conseil du roi étant à Paris (Y*, f"' 8 v et 9). Jacques
Cœur était alors à Paris (d'après P. Clément, Jacques Cœur et Charles VU,
Didier, 1866, in-12, p. 71).
262 RICHEMONT VA VOIR LE ROI ET LE DUC DE BRETAGNE (1436)
il espérait beaucoup de la présence du roi, il se rendit auprès de
lui, après avoir laissé à Paris son lieutenant, le sire de Ros-
trenen (septembre).
C'est à Loches que Richemont trouva la cour. Il fut reçu
d'une manière plus cordiale qu'auparavant, bien que La Tré-
moille ne fût pas encore oublié * ; mais il ne put obtenir que le
roi vint avec lui à Paris. Jusqu'ici, d'autres soins avaient retenu
Charles VU sur la Loire, notamment le mariage du Dauphin
avec Marguerite d'Ecosse (2o juin) ^. Maintenant, il voulait se
rendre dans le Languedoc, oii la mort du comte de Foix ^, gou-
verneur de cette province, la mauvaise administration finan-
cière de l'évêque de Laon, Guillaume de Ghampeaux, et les
courses désastreuses des routiers avaient créé de graves diffi-
cultés qui réclamaient un prompt remède ■*. Certes, la présence
du roi eût été beaucoup plus utile à Paris que dans le Lan-
guedoc, mais il préférait ce voyage aux ennuis d'une expédition
militaire. Il fut seulement convenu que le connétable demeurerait
à Paris, avec la duchesse de Guyenne, pour donner une première
satisfaction aux Parisiens, en attendant que le roi pût venir lui-
même dans sa capitale ^.
Richemont, après avoir passé quelques jours à Parlhenay, eut
une entrevue, à Ancenis, avec son frère, le duc de Bretagne et
avec Gh. d'Anjou, comte de Mortain, qui était toujours en
grande faveur auprès du roi ^ Le connétable sentait bien qu'il
était difficile de ramener le duc de Bretagne à l'alliance fran-
1. Il reçut, en novembre, l'ordre de réduire Montereau et Montargis
(Anselme, IV, 165 B), et fut même nommé capitaine de ces places. On soup-
çonne là une nouvelle manœuvre du mortel ennemi de Richemont (L. Rc-
det, Catal. de D. Fonteneau, p. 333).
2. J 186b, fo 22. Le 16 août est conclu le traité du mariage de Yolande
de France avec Amédée de Savoie (J 186b, f- 23). Amédée, fils de Louis V",
duc de Savoie et petit-fils d'Amédée VIII, était né en 1435. Yolande, troi-
sième fille de Charles VII, était née le 23 septembre 1434 (Anselme, I, 118).
Le mariage n'eut lieu qu'en 1452.
3. Jean, comte de Foix et de Bigorre, vicomte de Béarn, mourut à
Mazères le 4 mai 1436 (Anselme, III, 370, 373).
4. Fr. 26060, n"' 2744, 2745, 2748. Fr. 26061, n»s 2808, 2813. Sur les rou-
tiers (notamment Rodrigo), voy. Fr. 26062, n"' 3024, 3053; Fr. 26063,
n" 3232, 3270; J. Quicherat, Rod. de Villandrando, p. 126 et suiv.
5. Cagny dit que cette résolution mécontenta beaucoup tout le monde,
seigneurs, prélats, habitants des bonnes villes : « Et pouvoit sembler à
grant partie d'iceulx qu'il (le roi) avait petit regard aux grans meschiefs
et guerres de son royaume » (Cagny, f 103 V). Cagny dit, auparavant,
que cette résolution fut prise au moment même où les Parisiens envoyaient
une nouvelle ambassade au roi, à Amboise, pour le supplier de venir à
Paris, où sa présence était si nécessaire [Ibid.).
6. Gruel, 210.
IL RAMÈNE LE PARLEMENT A PARIS (1436, NOV.) 263
çaise, mais c'était un motif de plus pour préparer peu à peu sa
défection. D'ailleurs les Bretons du parti français continuaient
de suivre le sire (Je Lohéac, et, en attendant que le duc redevint
l'allié de Charles VII, il pouvait, rien que par une tolérance
bienveillante, rendre de grands services. Le 13 septembre, le
duc de Bretagne et Ch. d'Anjou avaient conclu un traité d'al-
liance *. L'entrevue des trois princes ne put que fortifier les
bonnes dispositions de Jean V envers la France ^, et, sans produire
d'autre résultat immédiat, elle suffît pour inquiéter les Anglais.
D'ailleurs les sires de Lohéac et de Bueil réunirent des forces
considérables du côté de Vitré, Fougères, Laval, Château-Gon-
tier, d'où ils menacèrent la basse marche de Normandie ^ (octobre
et novembre).
Richemont revint ensuite à Parthenay, hâter les préparatifs
de départ. Il n'attendit pas la duchesse de Guyenne, pour se
rendre auprès du roi, dans les premiers jours de novembre *.
Par lettres données à Issoudun le 6 da même mois, Charles VII
prescrivit le rétablissement à Paris du Parlement, de la Cour des
comptes et de la Cour des monnaies, qui étaient à Bourges de-
puis 1418. Le connétable et le chancelier étaient chargés de
faire exécuter cette ordonnance ^. Ils prirent congé du roi, pour
aller à Orléans, où déjà était arrivée la duchesse de Guyenne.
Les magistrats, avec leurs familles et leurs biens, étaient aussi
venus dans cette ville, afin de se rendre à Paris, sous la protection
du connétable, car on pouvait craindre la rencontre des Anglais
et des routiers *'. Pour plus de sécurité, le sire de Rostrenen,
Ant. de Chabannes, Jean Foucault, Mahé Morillon, prévenus à
temps, s'avancèrent, avec une nombreuse compagnie de gens
d'armes, jusqu'à Etampes. De là, Richemont, en passant par
1. L'original est aux Arch. de la Loire-Inf., cass. 76, E, 179.
2. Charles d'Anjou demanda probablement aussi Tintervention de Jean V
auprès de Philippe le Boa, pour obtenir la délivrance de René, car le comte
de Montfort se porta garant auprès du duc de Bourgogne, en janvier 1437,
Voir ci-dessous, p. 529, note 2.
3. Fr. 26060, n« 28022. Fr. 26061, n" 2836, 2839, 2840, 2891. Fr. 26062,
n» 3137.
4. Gruel, 210.
5. X" 8605, f»' 36 v% 37. Félibien, V, 272. Blanchard, Compilation chro-
nologique, col. 250. Ordonn., XIII, 226. Le 18 octobre, le Parlement de Poi-
tiers recevait une lettre du roi qui lui enjoignait de venir vers lui, à
Tours, le 25 octobre (X*» 9194, f° 255 v»). La dernière séance mentionnée
dans le registre X*» 9201 est celle du 20 octobre; mais il resta tout au
moins quelques magistrats de la cour à Poitiers, car la dernière aifaire
criminelle est du mercredi 28 novembre (X*" 21, à la fin ; voir aussi Fr.
21302, aux 10 août, 15 octobre et 18 octobre 1436).
6. Les Anglais occupaient Montargis et Montereau. Quant aux rautiers,
ils osèrent bien, quelque temps après, attaquer les fourriers du roil
264 INSTALLATION DES COURS A PARIS (1436, NOV.-DÉC.)
Gorbeil, gagna Paris, où il arriva le vendredi 23 novembre, dans
l'après-midi *. Dès le lendemain, la duchesse de Guyenne alla
entendre la messe à Notre-Dame, où elle fut reçue solennellement
par l'évêque de Paris et son clergé *. Le 29, le connétable fit
publier les lettres relatives au rétablissement des cours. Le sa-
medi, l^"" décembre, il vint présider à l'installation solennelle du
Parlement, avec l'archevêque de Reims, chancelier de France,
l'archevêque de Toulouse, le bâtard d'Orléans, le maréchal de
Rieux, le sire de Gaucourt, J. Tudert, doyen de Paris. Le même
jour, la Chambre des comptes fut ouverte par le chancelier,
pendant que le connétable entendait la messe à la sainte Cha-
pelle. Parmi les magistrats de cette cour nouvellement ordonnés,
on remarque Michel de Laillier '.
Ce n'était pas seulement de Paris que Richement avait à s'oc-
cuper *. Il recevait de tous côtés des plaintes contre les gens de
guerre. En vain le Conseil du roi, siégeant à Paris, avait enjoint
aux capitaines de ne rien exiger des habitants, de renvoyer aux
frontières, devant l'winemi, les gens d'armes qui étaient venus,
sans autorisation, dans les places de l'Ile-de-France ; en vain le
sire de Rostrenen, le prévôt de Paris, les baiUis de Senlis et de
Meaux avaient été chargés de réprimer l'audace des routiers joar
tous les moyens possibles (l^"" octobre) ; les pilleries avaient re-
commencé aussitôt après le départ du connétable ^. Il semblait
que sa présence pût seule apporter un remède à ce fléau. On
savait, du moins, qu'il faisait tous ses efforts pour le combattre.
Dans ce moment même, Guillaume de Flavy, capitaine de
Compiègne, commettait de cruelles exactions dans le Soisson-
nais. Outre le château de La Fère-en-Tardenois ^, qui lui ap-
1. Le Bourgeois de Paris, p. 327-28. Gruel, 210. LL217, f° 263, au 23 no-
vembre. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1268.
2. LL 217, f» 265, au 24 novembre.
3. X«» 8605, f» 272. X»» 1481, f- 122. Félibien, IV, 597 et suiv. X'» 1482,
fo» 1 v" et 2. P 2531, f»' 152, 155. Xî" 22, f» 1. Arch. du min. des aff. étr.,
t. 20, fos 108 v», 110. Un peu plus tard, le roi déclare que les sentences
rendues auparavant, sous la domination anglaise, conserveront leur effet
(Y* fo 14 v, 15). II est très probable que Richement, d'accord avec le Par-
lement, réorganisa aussi le Conseil de la ville de Paris à cette époque
(voir, dans K 996, un mémoire du 24 juillet 1778).
i. Le duc de Bourbon devait avoir le commandement de la Bastille ;
mais, à la date du 3 janvier 1437, personne n'était encore venu, de par le
roi, prendre la garde de cette forteresse {Arch. des aff. étr., t. 20, f* 114 v°).
5. Voy. Append. LXVI. Voir aussi le Bourg, de Paris, qui ne manque
jamais une occasion de se signaler par l'aprêté de ses plaintes, quelquefois
par l'exagération de ses griefs et l'injustice de ses accusations (p. 327,
§ 708).
6. Arrondissement de Château-Thierry.
DÉLIVRANCE DE RENÉ d'ANJOU (1437, 4 FÉVRIER) 26S
partenait, il en avait pris plusieurs autres, comme celui de
Vailly * et la tour d'Ambleny % d'où il exerçait dans le pays un
véritable brigandage. Imploré par les habitants, Richemont lui
enleva le gouvernement de Gompiègne, l'assiégea dans le châ-
teau de Vailly, l'y réduisit à capituler (20 décembre) et fit dé-
molir cette place « pour le bien du pais et de la marchandise ^ ».
Elu capitaine de Gompiègne par les habitants, il accepta cette
charge, dans laquelle il fut confirmé par le roi (décembre), et il
y mit comme lieutenant H. de Villeblanche, puis le sire de Ros-
trenen *. Toutefois Guillaume de Flavy rentra bientôt en grâce,
comme tant d'autres pillards qui obtenaient du roi des lettres
d'abolition, au grand mécontentement du peuple et du conné-
table. Flavy redevint donc capitaine de Gompiègne (mars 1437)
et put continuer ses brigandages ^.
Avant de reprendre ses opérations dans les environs de Paris,
le connétable dut aller, avec le chancelier, en Ghampagne ^, pour
obtenir quelques subsides des Etats de cette province, puis à
Lille, où avaient lieu des conférences entre le duc de Bourgogne
et René d'Anjou. Il prit une part active à ces négociations, qui
aboutirent enfin à la délivrance du roi de Sicile (4 février). Quel-
que temps après, René rendit aussi la liberté à Robert de Sarre-
brùck, sur la recommandation du comte de Richemont (28 mars) '.
1. Arrondissement de Soissons.
2. Id.
3. D. Grenier, XX bis, liasse 9, f" 18.
4. Le sire de Rostrenen était lieutenant du connétable à la capitainerie
de Gompiègne et partout ailleurs (D. Grenier, XX bis, f° 18). Voir, dans le
l. XX de D. Grenier, un extrait d'un manuscrit intitulé « Mémoire pour
servir à l'histoire de Gompiègne », p. 38, et une histoire de Gompiègne,
par D. Berthau, ch. 10, p. 83 et suiv. — Voir aussi le t. XX bis de D. Gre-
nier, liasse 8"", f» 15i. Le connétable était à Gompiègne le 8 décembre,
avec le chancelier de France.
5. D. Grenier, XX bis, f» 18 v». J. Ghartier, I, 244. Monstrelet dit que
Flavy trouva le moyen de rentrer dans Gompiègne, avec beaucoup de gens
de guerre, et qu'il reprit cette ville à ceux que le connétable y avait com-
mis, enfin qu'il tint longtemps Gompiègne, du consentement du roi, mal-
gré les elTorts du connétable pour la ravoir (Monstrelet, V, 274). Ge fait,
entre beaucoup d'autres, ne justifie-t-il pas cette amère réflexion de
J. Ghartier (le panégyriste de Charles VII, pourtant)? « Qui pouvoit avoir
plus de gens sur les champs et plus povoit pillier et rober les povres gens
'estoit le plus craint et le plus doubté et qui plus tost eust obtenu quelque
chose du roy de France que nul aultre • (J. Ghartier, I, 241).
6. LL 217, {o 267, à la date du mercredi 5 décembre. Il était à Ghâlons le
14 janvier, avec René d'Anjou. 11 fit ajouter 500 1. aux 1 000 1. que devait
payer la ville de Ghâlons, pour sa part d'un subside voté par les Etats de
Ghampagne, réunis à Reims, au commencement de janvier 1437 (Ed. de
Barthélémy, Hist. de Chàlons, Ghâlons, 1834, in-8, p. 185 et note 1).
7. Le traité pour la libération de René fut conclu à Lille, le 4 février. Phi
266 LES ANGLAIS REPRENNENT PONTOISE (1437, 12 FÉVRIER)
Le connétable profita de son séjour à Lille pour conclure aussi
un arrangement avec J. de Luxembourg, qui n'avait pas encore
consenti à jurer la paix d'Arras ^ La Hire, qui faisait la guerre
au comte de Luxembourg, dut s'abstenir de toute hostilité envers
lui et put tourner ses forces d'un autre côté. Richemont repartit
ensuite pour Paris (février) ^, où sa présence était plus indis-
pensable que jamais, car, depuis son départ, de graves événe-
ments s'étaient accomplis.
Le duc d'York tenait à reprendre la capitale et les places voi-
sines. Il avait des intelligences dans ces villes avec des traîtres
qui lui révélaient ce qui s'y passait, les projets du connétable,
et qui se préparaient à seconder les tentatives de l'ennemi. Ils
avaient, dit-on, découvert d'anciennes carrières qui communi-
quaient avec des caves, par où ils devaient introduire les An-
glais dans Paris ^.
Ceux-ci commencèrent par s'emparer d'Ivry et de Pontoise.
Le comte de Salisbury, lieutenant général du duc d'York, avec
Talbot et Fauquemberge , surprit, par un habile stratagème,
lippe le Bon, qui avait échoué au siège de Calais et qui avait eu ensuite
à repousser une invasion de Glocester en Flandre, avait maintenant à con-
tenir les Flamands, prêts à se révolter. Il avait besoin d'argent et se montra
moins rapace, tout en imposant à René des conditions très onéreuses,
comme le payement de 400 000 écus d'or. Il faut remarquer que le comte de
Montfort, fils de Jean V et neveu de Richemont, se porta garant pour René,
et que le seigneur de Croy, dont les services peu désintéressés n'avaient
pas été inutiles au connétable lors du traité d'Arras, employa encore son
crédit auprès de Philippe le Bon dans ces négociations (Coll. de Lorraine,
t. 238, n»» 19, 23, 27, 28; D. Calmet, t. II, p. 79i, 800, et Lecoy de La Mar-
che, Le roi René, I, p. 122-123, et II, p. 224-233; Monstrelet, V, 273). Quant
au traité relatif à la mise en liberté de Rob. de Sarrebrûck, il fut conclu
à Vaucouleurs, le 28 mars, pendant que René était dans l'Anjou (voy. Du-
mont, Uist. de Commerctj, t. I, p. 232-233, et aussi plusieurs copies de ce
traité dans le t. 292 de la coll. de Lorraine, f»' 40-46).
1. La Hire, qui était bailli de Vermandois, lui faisait la guerre et lui
avait pris la ville de Soissons. Il fut convenu que les hostilités cesseraient
de part et d'autre et que J. de Luxembourg aurait délai jusqu'à la Saint-
Jean-Baptiste pour faire serment au roi (Monstrelet, V, 273-274). Il resta
néanmoins attaché aux Anglais {liist. de Bourg., IV, 239).
2, Il était avec le chancelier, à Gompiègne, le 15 février (D. Grenier,
XX bis, f» 18), et à Paris quelques jours après (LL 217, f» 278, à la date
du mardi 19 février).
. 3. Le Bourg, de Paris, p. 330-331, nomme ici J. de Lunay(ou de Lunel);
J. Rousseau, J. Leclerc, Mille de Saulx. Cagny dit que Jacques de Lunel
avait été secrétaire de Henri VI; que ces traîtres faisaient partie du Con-
seil du roi à Paris; qu'ils révélaient ce qui s'y passait; qu'ils empêchèrent
les Français de prendre Meaux et Vernon, où ils avaient des intelligences;
enfin qu'ils voulaient aussi livrer le pont de Charenton aux Anglais (P. de
Cagny, ap. Duchesne, 48, f» 104 v). Pierre de Rostrenen occupait alors le
pont de Charenton (voy. Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1298).
TRAÎTRES EXÉCUTÉS A PARIS (1437) 267
cette place importante, qui fut mal défendue par Villiers de L'Isle-
Adam ^
Ce fut un grand malheur pour Paris. L'hiver était rigoureux;
la persistance du froid, la cherté des vivres ^ aggravaient la mi-
sère du peuple, et Pontoise regorgeait de blé, tandis qu'on en
manquait à Paris ^. Avec les Anglais dans le voisinage, les appro-
visionnements devinrent encore plus difficiles, A peine étaient-ils
maîtres de Pontoise qu'ils essayèrent aussi de surprendre Paris.
La veille du premier dimanche de carême *, vers minuit, ils ar-
rivèrent devant la ville. Gomme les fossés étaient gelés, ilspurent
s'approcher des murailles et les escalader; mais on faisait bonne
garde, et ils furent repoussés ^.
Quelques jours après, Richement rentrait à Paris, avec le chan-
celier de France (mardi 19 février) ''.Alarmé du danger que la ville
avait couru et qui la menaçait encore, il prit des mesures éner-
giques. Il institua prévôt de Paris (23 février) Ambroise deLoré '',
ce vaillant capitaine, dont la vigilance et le dévouement n'étaient
jamais en défaut; il poursuivit les traîtres qui servaient si bien
l'Angleterre ; il les fit condamner et décapiter à Paris *. L'un d'eux,
Mille de Saulx ^, fortifiait alors Beauvoir-en-Brie *°. Richemont
envoya J. de Malestroit, avec le commandeur de Giresme et Denis
de Ghailly, attaquer cette place *'. Après un assaut qui dura
toute une journée, la garnison capitula, en livrant plusieurs
otages, entre autres Mille de Saulx. Amené à Paris, il fut exécuté
comme ses complices (le 10 avril) *^
1. La prise de Pontoise eut lieu dans la nuit du 12 février (J. Chartier,
I, 233; Cagny, f» 104 ; Berry, 394; JJ 176, f» 54 v»; le Bourg, de Paris, 329).
Villiers de L'Isle-Adam fut tué, la môme année, à Bruges, dans une sédi-
tion. Voir aussi Fr. 26062, n<" 3164, 3166, 3185, 3188-89. Fauquemberge fut
nommé capitaine de Pontoise, Fr. 26063, n» 3284. Talbot et Fauquemberge»
avant de surprendre Pontoise, avaient déjà pris Ivry, à la fin de janvier
(Fr. 26062, n» 2164J. Au mois de février, ils menacèrent aussi Beauvais
(C.-L. Doyen, Hist. de Beauvais, p. 88-89).
2. La famine se faisait sentir également en Bourgogne (JJ 176, f" 211 v»).
3. On interdit alors de faire du pain blanc à Paris, par une ordonnance
du 16 février (le Bourg, de Paris, 329).
4. C'est-à-dire dans la nuit du 16 au 17 février.
5. Le Bourg, de Paris, 329-330.
6. LL 217, f» 278.
7. Y* f» 4 v». Le roi lui donna l'hôtel de la Grange aux Merciers (près de
la porte Saint-Antoine), qui appartenait au chancelier L. de Luxembourg
(Arch. du min. des a£f. étr., t. 20, f»' 121, 128 v, 129).
8. Le 26 mars, d'après le Bourg, de Paris, p. 330 et331.Monstrelet, V, 279.
9. Clairamb., 102, f- 7911.
10. Beauvoir, canton de Mormant, arrondissement de Melun.
11. Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1268. — Nicolas de Giresme était
chevalier de Rhodes (Pièces orig., 1333, dossier 30174, n"» 25, 33 et suiv.),
12. Gruel, 210. Vallet de V., II, 399-400, avec la date inexacte de 1438. Vers
268 LES ANGLAIS MEISACENT PARIS (1437)
Cependant les Anglais continuaient leurs entreprises sur les pla-
ces des environs de Paris, notamment sur Senlis Mis s'emparèrent
de Clievreuse,du château d'Orville %d'où ils pouvaient surveiller
les chemins conduisant vers la Brie, la Picardie et la Flandre.
Ils désolaient tous les environs de Paris, interceptaient les com-
munications, empêchaient les travaux des champs.
Talbot enleva rapidement plusieurs places, telles que Amble-
ville ^ Genainville *, Mézières^ Villarceaulx ^, Chars', Vigny *,
Viarmes **, Luzarches *'*, pour assurer les communications entre
Pontoise et la Normandie parle Vexin, car les Français tenaientles
villes de la Seine au nord de Paris, comme Saint-Germain, Poissy,
Meulan. Le duc d'York avait prêté au roi l'argent nécessaire à
cette campagne, et, sous son habile direction, les Anglais faisaient
des progrès incessants *'.
Le connétable dut renforcer les garnisons des places voisines
de la capitale, notamment celle de Saint-Denis, où il mit ïugdual
de Kermoysan ", et, pendant que les Français inquiétaient l'en-
nemi dans la Normandie vers Château-Guyon ", pont de l'Arche**,
Caen, Bayeux *% il entreprit lui-même une expédition, pour en-
lever aux Anglais les villes qu'ils occupaient encore entre Paris
et la Loire. Il commença par attaquer Malesherbes ^^ La garnison,
repoussée dans une sortie, perdit tout espoir, en voyant arriver
cette même époque, au mois de mars, Richement apaisa un différend sou-
levé par une contestation entre un écolier et un laïque, qui ne voulait
pas se soumettre à la juridiction de l'Université (voy. du Boulai, t. V,
p. 440-441).
1. V. D. Grenier, t. XX bis, î' 18 v°. Ce passage prouve que, quand le
connétable était absent de Paris, la duchesse de Guyenne le secondait
autant que possible.
2. Le château d'Orville, près de Louvres, c. de Luzarches, arrondissement
de Pontoise. Selon Gruel, ce fut Guill. de Ghambrelan, avec des troupes de
la garnison de Meaux, qui prit Orville, grâce à la trahison du Galois d'Aul-
nay.'Gruel, 210. J. Chartier, I, 233. Le Bourg, de Paris, 332, 337 et note 2.
3. Canton de Magny-en-Vexin, arrondissement de Mantes.
4. Id.
î). Arrondissement de Mantes.
6. Id.
I. Arrondissement de Pontoise.
S.Id.
9. Id.
10. Id.
II. Fr. 26062, n"' 3164, 3185, 3188, 3189. Fr. 26063, n» 3202.
12. Le Bourg, de Paris, p. 332 et note 4. Preuves de l'hisl. de Bret., IL
coL 1268.
13. Arrondissement de Mantes.
14. Arrondissement de Louviers.
15. Fr. 26062, n- 3103, 3116, 3122, 3123, 3147, 3157.
16. Arrondissement de Pithiviers.
RICHEMONT PREND MALESHERBES (1437) 269
des renforts amenés par le sire de La Suze. Elle capitula, et Ri-
chemont revint aussitôt à Paris, pour apaiser encore une fois
les continuels désordres des gens de guerre * (mai).
Les garnisons de Saint-Denis, de Vincennes, de Lagny, mécon-
tentes de ne point recevoir leur solde, pillaient les campagnes,
rançonnaient les paysans aussi cruellement que le pouvaient
faire les Anglais eux-mêmes * et menaçaient d'abandonner ces
places, si l'on ne leur accordait prompte satisfaction. Telle était
la détresse financière que Richemout dut s'adresser au Parlement,
pour obtenir qu'une somme assez considérable, mise en dépôt
chez un changeur, par ordonnance de cette cour, fût affectée au
payement des gens de guerre '.
Au milieu de ces entraves, le connétable marchait néanmoins
vers son but avec une persévérance que rien ne décourageait. Il
attendait impatiemment le retour du roi *, avec l'espoir de le
déterminer enfin à prendre part aux opérations militaires. Cette
fois, il fut favorisé par les circonstances. Au mois de juin,
Charles Yll revint du Midi, avec des troupes nombreuses, ame-
nées par le comte de Pardiac, un ami du connétable ®. Le roi
était fort irrité contre Rodrigo de Villandrando, qui, pendant son
absence, avait osé pénétrer dans le Berry et jusque dans la Tou-
raine, avec son beau-frère, le bâtard de Bourbon ", terrifier les
populations par ses ravages et jeter l'alarme jusque dans les
, résidences royales où se trouvaient la reine et la dauphine '' .
1. Gruel, 210. Au siège de Malesherbes, l'artillerie était commandée par
Tristan l'Hermite, « prévôt des maréchaux sur le fait de l'artillerie, à quoi
il avait été commis par le comte de Richement » (Fr. 20684, f» 662 v»;
Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1268). Il signe ordinairement Tristan
(Clairamb., 64, f» 4973).
2. Le Bourg, de Paris, p. 333.
3. X'a 1482, fo' 20, 21, aux 10, 14, 17 mai. D'autres côtés encore, le conné-
table recevait des plaintes contre les gens de guerre (C.-L. Doyen, Hist.
de Beauvais, 88-89).
4. Il avait envoyé le sire de Rostrenen auprès de Charles VII, à Montpel-
lier, « pour lui parler des affaires de la guerre » {Preuves de Ihist. de Bre-
tagne, II, col. 1268).
5. Cagny, f» 107. Voir aussi Fr. 6963 (Legrand, VI), f» 23.
6. Rodrigo avait épousé Marguerite, bâtarde de Bourbon, fille de Jean I<"",
duc de Bourbon (Anselme, I, 304).
7. Ils s'avancèrent jusqu'à Ghâtillon-sur-Indre, à huit lieues de Loches.
La reine et la dauphine durent écrire deux fois à Rodrigo, pour le déter-
miner à s'éloigner. (Voy. ce curieux épisode dans J. Quicherat, Rod. de
Villandrando, p. 135-142; voy. aussi Berry, ap. Godefroy, p. 394-93, et
Cagny, f" 103.) Faut-il voir dans cette course de Rodrigo une preuve d'une
conspiration qui aurait été ébauchée, en l'absence de Charles VII, par le
roi de Sicile avec les ducs de Bourbon, d'Alençon et de Bretagne? Vallet
de V., 11, p. 379-81, M. de Beaucourt, flevue des quest. hist., 1872, p. 98, J.
Quicherat, p. 139-141, croient à une conspiration, mais sans en fournir la
270 LE ROI PREND PART A LA GUERRE (1437)
Cette course aud acieuse avait excité partout une indignation que
le roi partageait. Sa colère éclata quand il apprit que ses fourriers
avaient été eux-mêmes dévalisés et maltraitéspar les routiers, près
de la ville d'Hérisson ^, où ils allaient préparer ses logements.
Il fît marcher ses troupes contre Rodrigo, qui chercha un
refuge, avec sa compagnie, au delà de la Saône, dans les do-
maines de son beau-frère, le duc de Bourbon, et qui fut ensuite
banni du royaume. Cet acte de vigueur tira Charles VII de son
apathie. Il se trouvait à la tête d'une véritable armée, dont l'ef-
fectif pouvait facilement s'accroître ; il était sollicité par les ha-
bitants de Paris, et vraisemblablement aussi par ceux d'autres
villes, par le connétable, par le duc de Bourgogne, qui l'exhor-
taient à combattre les Anglais au sud, pendant qu'il les combat-
trait lui-même au nord ^. Richemont fit enfin décider le siège de
Montereau, opération des plus urgentes, et le roi promit d'y
prendre part. En attendant qu'on eût réuni des forces plus con-
sidérables, on résolut d'enlever quelques autres places, tant
pour isoler Montereau des secours qui pourraient lui venir de
Pontoise, de Meaux^ de Montargis, que pour établir des commu-
nications plus sûres avec les villes de la Loire. Le roi devait
opérer la concentration de ses troupes à Gien et se diriger de là
sur Montereau ^
preuve. Les'passages de Gagny et de Berry qu'ils allèguent ne sont pas
probants. La réunion des princes à Angers ne peut-elle s'expliquer naturel-
lement par le mariage de Jean de Galabre, fils de René d'Anjou, avec Marie
de Bourbon? On ne voit pas pourquoi René aurait voulu enlever le pou-
voir à son frère Charles d'Anjou, qui n'avait rien fait, à ce qu'il semble,
pour lui déplaire. Était-ce dans le but de le remplacer auprès du roi par le
iluc de Bourbon? Celui-ci est peut-être jaloux de Ch. d'Anjou; mais est-ce un
motif suffisant pour expliquer cette prétendue conspiration? Les pourpar-
lers avec le duc de Bretagne ne prouvent rien non plus. Gh. d'Anjou
n'avait-il pas fait alliance avec lui l'année précédente? Le duc de Bourbon,
qui semble être alors un esprit chagrin, mécontent, voulait peut-être sup-
planter Ch. d'Anjou; mais quel intérêt pouvait avoir à cela René, qui avait
hâte d'ailleurs de passer en Italie? La conduite équivoque du duc de Bour-
bon, les ravages de son beau-frère Rodrigo suffisent à expliquer la colère
du roi; mais il est difficile de croire à une conjuration. Lecoy de La M.
combat cette hypothèse (t. I, 130-132). Les ducs de Bourbon, d'Anjou et
de Bretagne voulaient obtenir la délivrance du duc d'Orléans et du comte
d'Angoulême, et amener des négociations pour la paix avec l'Angleterre.
Ils se réunirent certainement dans ce but. (Voy. Proceedings, V, f"» 7-9,
20-22, 44, 51, 52-53; K 534, n» 19).
1. Arrondissement de Montluçon.
2. Les villes faisaient au roi des offres d'argent, de vivres, de troupes
pour la guerre (Cagny, f» 106; voir aussi Rod. de Villandrando, p. 14-3;
Gruel, 210; LL 217, f» 283; lUst. de Bourg., IV, 231).
3. Le roi vint à Montereau par Gien, Gharny, Joigny, Sens et Bray. Le
1«" août, il était à Gien (Fr. 20418, n" 3).
RICHEMONT PREND NEMOURS (1437, AOUT) 271
Le connétable, avec le comte de la Marche, le comte de Par-
diac et le sire d'Albret, fit d'abord une course devant Montereau,
pour examiner l'état de la place, puis il alla prendre Charny * ,
Château-Landon *, qui fut enlevé d'assaut en présence du
Dauphin, et Nemours ^, qui capitula (juillet-août) ^.
Le succès de cette courte campagne remplit le roi d'espoir et d'ar-
deur. « Le très bon couraige qu'il avoit et la grant volonté de re-
couvrer son royaume lui creut de plus de la moitié ^ » Il se rendit
à Sens ^ (août), d'oii il activa les préparatifs du siège de Monte-
reau, écrivant aux bonnes villes, pour leur demander des armes,
des' vivres, de l'argent, des hommes, pendant que Richemont al-
lait à Paris chercher les mêmes secours. Il fut obligé de mettre à
une rude épreuve le patriotisme des Parisiens en leur imposant
les charges les plus accablantes '^. Il excita ainsi un vif méconten-
tement, et perdit bientôt la popularité dont il avait joui après
la réduction de la capitale; mais ces mesures étaient nécessaires.
Il était à Paris, quand il apprit la mort de sa mère, Jeanne de
Navarre *, qu'il n'avait sans doute jamais revue depuis son re-
tour d'Angleterre, c'est-à-dire depuis quinze ans. La veuve de
Jean IV et de Henri V était morte le 9 juillet 1437, à son châ-
teau de Hawering-at-Bower ^. Depuis l'avènement de Henri VI,
1. Charny, arrondissement de Joigny. D'après Monstrelet (V, 292), Charny
fut prise par le bailli de Bourges, Gaston de Logus, qui mourut peu après,
d'une chute de cheval, et fut remplacé par Saintrailles, comme bailli de
Bourges.
2. Arrondissement de Fontainebleau.
3. Id.
4. Ce furent les premières armes du Dauphin. Il fit pendre tous les An-
glais et couper la tête à tous les Français qui étaient dans la place, pour
montrer « le bon couraige qu'il avoit à destruire les anciens ennemis de
la France » (Cagny, f<" 105 v», 106; Berry, p. 395; J. Chartier, I, 236-237;
Chronique Martinienne, f» cclxxxi v»; Monstrelet, V, p. 291-92). La prise de
Nemours, Chàteau-Landon, Charny est mentionnée dans des chartes royales
(Fr. 25710, n- 114 et 116, et Fr. 22296, n» 3).
5. Cagny, M 06.
6. Le 19 août, Charles VII écrivait de Sens aux habitants d'Amiens (D.
Grenier, 96, f» 41; Berry, 355). Avant le 1" septembre, les Parisiens octroient
au roi une aide de 36 000 1. t. pour le siège de Montereau (Z'b 60, f" 29).
1. La ville de Paris fut lourdement imposée, à plusieurs reprises, en
août et en septembre. Le Bourgeois de Paris en est exaspéré (vov. LL
217, f- 333-334; Zib 60, f» 29; Gruel, 210; le Bourg, de Paris, p. 333, 334 et
notes). D'autres villes, moins éprouvées peut-être, comme Troyes, don-
nèrent plus qu'on ne leur demandait (voy. Boutiot, Dépenses faites par la
ville de Troyes pour le siège de Montereau, Troyes, 1855, in-8», simple pièce).
Paris fournit, aussi comme les autres villes, « des habillements de guerre »
(voy. K 950, n» 32 •• >>).
8. Gruel, 210-211.
9. Dans le comté d'Essex. Henri VI lui fit faire de magnifiques funé-
272 RICHEMOINT PERD SA MÈRE (1437, 9 JUILLET)
elle avait retrouvé une certaine faveur à la cour d'Angleterre;
elle y avait fait venir son petit-fils, Gilles de Bretagne, et elle
avait ainsi contribué à maintenir son fils aîné, le duc Jean V,
dans l'alliance anglaise, tandis que son second fils, Artur, con-
tinuait de servir la France.
A ce moment même, Richemont poussait Charles Vil à la
guerre, pendant que son frère Jean V, d'accord avec le roi de
Sicile , le duc de Bourbon et le bâtard d'Orléans, s'efforçait
d'amener le gouvernement anglais à des négociations ^ Le duc
d'Orléans, qui aspirait toujours à sortir de captivité, devait être
envoyé sur le continent, pour travailler tout à la fois à sa
propre délivrance et à la paix ^. La guerre coûtait cher, et
Henri YI manquait d'argent ^.
Autre embarras et non moins grave. Le duc d'York, qui déjà
peut-être méditait d'ambitieux projets, demandait à revenir en
Angleterre, d'où Glocester le voulait tenir éloigné. Le remplacer
n'était pas chose facile. Il avait pourtant fallu céder àses instances,
et, dès le mois d'avril, le comte de Warwick * avait été désigné
pour lui succéder; mais il ne put venir en France qu'au mois de
novembre^. C'étaient sans doute ces difficultés qui empêchaient
Henri VI de repousser les demandes du duc d'Orléans. Pour
Charles VII, n'était-ce pas une raison de continuer la guerre ^?
Pour subvenir aux dépenses qu'elle entraînait, le connétable "^
avait réuni à Bray-sur-Seine ^ une assemblée des trois Etats des
pays situés au nord de la Loire. Si l'on en juge par l'exemple que
railles. Elle fut inhumée le 11 août, dans la cathédrale de Cantorbéry, près
du tombeau de Henri IV, son époux (A. Strickland, p. 109-1 13 ; J. Stevenson,
t. II, 2e partie, p. 761; Proceedings, t. V, p. 36), Le 16 mai 1437, Jeanne de
Navarre, duchesse de Bretagne, reine d'Angleterre, dame d'Irlande, avait
donné à Berard de Montferrant 1 000 écus, à prendre sur les 2 230 que lui
devait le duc de Bretagne (Archives de la Loire-Inférieure, cass. 59, E, 152).
1. Moreau, 706 (Bréquigny, 82), f"* 4-7, 9-14, 17. Après son échec devant
Calais, le duc de Bourgogne fut aussi engagé à négocier en vue de la paix
générale (Fr. 1278, f»» 34-40).'
2. Il semble qu'il y avait alors en France le parti de la paix (René d'Anjou,
le duc de Bourbon) et le parti de la guerre (Richemont, les comtes de La
Marche et de Pardiac, le sire d'Albret, etc.) [Proceedings, V, 44, 31, 07, 86].
3. Il était obligé d'en emprunter à ses ofiiciers, au clergé, aux seigneurs,
au riche cardinal Beaufort [Proceedings, t. V, p. 13, 14, 16).
4. Richard Beauchamp, comte de Warwick.
3. Fr. 26063, n» 3332. Au mois de septembre, le duc d'York était encore
à Rouen. Voy. Append. LXVII.
6. J. Stevenson, t.. II, Préface, p. lvi. Proceedings, V, xiv, xv, 7, 16, 36.
Rymer, V, 2e partie, 38, 42.
7. On voit dans le document publié par Boutiot (voir ci-dessus, p. 271,,
note 7) qu'un aide fut octroyé au roi en la personne du connétable.
8. Arrondissement de Provins.
SIÈGE DE MONTEREAU (1437, SEPT.) 273
donna la ville de Troyes, les populations répondirent à cet appel
avec un patriotique enthousiasme ^
Vers la fin d'août, on fut en mesure de commencer le siège de
Montereau *. On construisit sur la rive droite de la Seine, vers la
Brie, près du château qui dominait la ville, une forte bastille, où
s'établirent Gaucourt, Goëtivy, Saintrailles ^, Boussac, Denis de
Ghailly, le commandenr de Giresme. Le roi, laissant le Dauphin
à Bray, vint loger dans un prieuré voisin de la bastille. Il avait
amené 6 à 7 000 hommes, « gens de bonne estoffe et très bien
habillés '', » avec Charles d'Anjou, les sires d'Albret,d'Harcourt,
de Chaumont, de La Varenne, Le connétable, avec les comtes de
La Marche et de Pardiac, le bâtard d'Orléans, Jacques de Gha-
bannes, prit position dans un pré, du côté de la ville, vers le
Gâtinais. D'autres troupes, avec le bailli de Vitry (Hincelin de La
Tour), Gharles de Culant, le bâtard de Beaumanoir, occupèrent
la pointe de la presqu'île comprise entre l'Yonne et la Seine; de'
sorte que la ville fut investie de tous côtés. La garnison n'était
pas assez nombreuse ^ pour repousser à elle seule Farinée de
Gharles VII ; mais, pourvue d'une bonne artillerie, elle pouvait
tenir longtemps et attendre les secours sur lesquels elle comp-
tait «.
Dans la nuit même qui suivit son arrivée, le connétable fît
creuser un fossé large et très long, établir des gabions et com-
mencer les travaux d'approche. Il fallut jeter un pont sur l'Yonne
et un autre sur la Seine, détourner les eaux de l'Yonne, qui
remplissaient les fossés, ouvrir des tranchées, percer des galeries
couvertes, mettre des canons en batterie. Tous ces travaux
furent dirigés avec une habileté remarquable par Jean Bureau
et par Le Bourgeois, capitaine de Janville, qui servait depuis
longtemps sous le connétable. Le roi montrait une grande ar-
deur '. Jour et nuit, il parcourait le camp, examinait tout par
l.Châlons-sur-Marne et Reims contribuèrent aussi aux dépenses decesiège
(Ed. de Barthélémy, Hist. de Châlons, p. 65, 66, 185; Mémoires de J. Ro-
gier, prévôt de l'échevinage de Reims, Reims, 1875, in-8°, chez Giret; Varin,
Arch. législ. de la ville de Reims, 1. 1 des Statuts, p. 632, notes, 2« colonne).
On envoyait non seulement des armes, des munitions, des vivres, de l'ar-
tillerie, mais encore des volontaires. D'après VHist. de Bourgogne, IV, 232, le
duc de Bourgogne donna 12 000 1. 1. Voyez aussi Tuetey.Les ÉcQ}'cheurs,l,i4t.
2. Arrondissement de Fontainebleau.
3. Y* f« 19 V».
4. Monstrelet, V, 294. Y* f» 21 v».
5. 3 à 400 combattants, d'après Monstrelet, V, 294.
6. Le duc d'York se disposait à en envoyer. Voy. Append. LXVII.
7. tt Et luy-mesme, de sa personne, y prist moult de travail » (Mons-
trelet, V, 294).
BlCHEMONT. 18
274 SIÈGE DE MOiNTEREAU (1437, SEPT.-OCT.)
lui-même, s'exposant plus qu'il ne convenait. Quand l'artillerie
eut fait des brèches dans les murs, on tenta un premier assaut.
Les eaux étaient encore trop profondes, et il fallut se retirer.
Un second assaut fut donné le jeudi 10 octobre, au matin. Le
connétable avait fait construire un bateau pour traverser le
fossé. Dans leur ardeur, les Bretons s'y précipitèrent tous à la
fois ; le bateau s'enfonça, et beaucoup furent noyés ; mais les
autres parvinrentnéanmoins jusqu'à la muraille et l'escaladèrent.
A leur tête était Le Bourgeois, qui, le premier, atteignit le haut
du rempart. Ace moment même, un boulet frappa le mur, en fai-
sant voler des éclats de pierre. Le hardi capitaine fut précipité
tout sanglant dans le fossé ; mais bientôt d'autres assaillants le
suivirent et pénétrèrent de toutes parts dans la place. Le roi les
animait de sa présence, de son exemple. Il s'élança vaillam-
ment dans les fossés, ayant de l'eau jusqu'au-dessus de la cein-
ture, et monta, l'un des premiers, à l'assaut *. Les Anglais qui ne
furent pas tués ou pris se réfugièrent dans le château. La ville
resta au pouvoir de Charles VII.
Il fallut ensuite assiéger le château, qui était très fort et bien
muni de tout. Le capitaine anglais, Thomas Guérard %se défendit
encore plus de dix jours ; puis, comme il perdait l'espoir d'être
secouru, il proposa de capituler, à des conditions honorables. Le
duc d'York songeait bien à envoyer des secours; mais il avait
employé une grande partie de ses forces, avec ses meilleurs
lieutenants, Th. de Scales, Fauquemberge, Talbot, aux sièges du'
château de Baudemont-en-Vexin et de Tancarville, pendant que,
sur d'autres points, dans la Haute et la Basse-Normandie, de-
puis Arques jusqu'à Vire, il avait à faire face aux Français ' ; enfin
1. D'après la relation qu'on trouve dans le registre X'a 1482 (f°* 37 v, 38)
et que confirment quelques mots de J. Jouvenel des Ursins (Fr. 5022,
f" 19 vo). Le 10 octobre, on fait à Paris une procession générale, pour que le
roi obtienne la victoire devant Montereau (LL 217, f" 338). Le même jour,
Charles "VII rend une ordonnance en faveur des archers de Paris (Y*
fo 21 v). Le 21 octobre, on décide qu'il y aura une autre procession à Paris,
à cause de la nouvelle de la prise de Montereau (LL 217, à la date; voir
aussi à la date du 27 septembre).
2. Il fut ensuite capitaine de Pontoise.
3. Voy. Append. LXVII. Les sièges- de Baudemont (à 2 lieues de Saint-
Clair-sur-Epte, arrondissement des Andelys) et de Tancarville (arrondisse-
ment du Havre) occupèrent beaucoup les Anglais. Les documents abondent :
Fr. 25770, n»» 623 et 626; Fr. 23773, n»s 1202-1205 ;Fr. 23774, n»» 1213-1273;
Fr. 26062, n- 3190; Fr. 26063, n»» 3192, 3202, 3215, 3217, 3220, 3229, 3240,
3242, 3255-39, 3262-3296 (surtout 3295 et 3296), 3306-3315, 3327-29, 3331,
3342, 3346. Baudemont et Tancarville furent pris par les Anglais (Fr. 26063,
n"' 3329 et 3346), et le château de Baudemont fut détruit, comme beaucoup
d'autres forteresses (n* ci-dessus, 3346, et Fr. 26062, n° 3163). Après la
CAPITULATION DE MONTEREAU (1437, 22 OCT.) 275
il redoutait une attaque du duc de Bourgogne sur Calais, Guines *
ou Le Crotoy ^. Bien qu'il eût reçu des renforts d'Angleterre,
il ne put donc envoyer aux assiégés de Montereau les secours
qui leur étaient indispensables. Le roi ne voulait pas recevoir
les Anglais à composition; il préférait emporter le château de
vive force. On lui remontra que, en terminant tout de suite le siège
par une capitulation, on aurait peut-être le temps de secourir
Tancarville. Cette considération le détermina. La garnison an-
glaise obtint de quitter le château, vie et biens saufs (22 octo-
bre). Ainsi fut menée à bonne fin la plus grande opération qui
eût été entreprise depuis la mort de Jeanne d'Arc ^.
Ce succès, qui récompensait les efforts communs de la nation
et du roi, montrait bien que la France, même épuisée, était
encore assez forte pour vaincre ; il encouragea le connétable à
poursuivre l'exécution du plan dont il ne devait pas se départir.
Des messagers portèrent aussitôt dans toutes les villes la nou-
velle de la prise de Montereau, en ajoutant que le roi avait l'in-
tention d'aller mettre en son obéissance Meaux, Pontoise et
Creil, pour rétablir partout la justice et la prospérité *. Des
troupes furent dirigées sur Tancarville, mais trop tard pour
sauver cette place ^. D'ailleurs la saison était avancée; l'argent
manquait; il fallut renvoyer une partie des troupes. Le roi
prise de Tancarville, il fallut envoyer Talbot au secours du Crotoy (Fr.
26063, n" 3342, 3351, et Fr. 26064, n» 3413; Fr. 25774, n*» 1277, 1278j. —
Willoughby avait amené des troupes d'Angleterre (Fr. 25774, n" 1274,
1275). Les Flamands échouèrent au siège du Crotoy (Monstrelet, V, 308-316;
Hist. de Bourg., IV, 231-32; D. Grenier, 96, f» 41; Proceedings, V, 73, 76,
79, 80).
1. Arrondissement de Boulogne.
2. Id.
3. Sur le siège de Montereau, voir aussi Cagny, f"* 106 v», 107; Berry,
p. 395-96; Monstrelet, V, p. 294; Gruel, 210-211; le Bourg, de Paris, 334.
J. Chartier donne peu de détails. Ordonnances rendues par le roi devant
Montereau : Y* f<>s 19 v% 21 v, et Xi» 8605, fs 46, 48, 50; LL 217, fos 335^
338, 343. Charles VII aimait à rappeler les succès de cette année (Fr. 22296
no 3; Fr. 25710, n'^ 114, 116; Martial d'Auvergne, I,-154; Chron. Marti-
nienne, f» cclxxxi V).
4. D. Grenier, 96, î» 42. Fr. 25710, no 114.
5. Le duc d'York avertit Talbot que les Français veulent faire une entre-
prise sur le siège de Tancarville (Fr. 26063, n» 3328). Après la prise de
Montereau, les Français voulurent aussi faire une entreprise sur Pontoise
Mantes et La Roche-Guyon (Fr. 26063, n» 3318). D'après Berry (p, 396-97),'
les Anglais assiégeaient, en même temps que Tancarville, Beauchâtel et
Malleville (arrondissement d'Yvetot), dont Rob. de Floques était capitaine.
Il vint lui-même demander au roi des secours pendant le siège de Monte-
reau ; mais ses gens capitulèrent avant son retour, bien qu'ils eussent
promis de tenir. — Sur Tancarville, voir Fr. 26063, n" 3388, et Fr. 26064
276 CHARLES VII VIENT A PARIS (1437, NOV.)
promit alors au connétable de se rendre à Paris, et, quittant Mon-
tereau, dont la garde fut confiée au bâtard d'Orléans, il se diri-
gea, par Melun, Corbeil et Saint-Denis, vers sa capitale K
Richemont l'y avait précédé, afin de préparer tout pour le re-
cevoir. Ce fut le mardi 12 novembre 1437 ^ que Charles VII fit
son entrée solennelle dans Paris, après une absence qui avait
duré plus de dix-neuf ans ^. Le prévôt des maixhands, les éche-
vins et les bourgeois, avec les arbalétriers et les archers de Paris,
allèrent au-devant de lui jusqu'à La Chapelle. Le prévôt lui
ayant présenté les clefs de la ville, le roi les remit au conné-
table, puis il entra par la porte Saint-Denis, suivi d'un cortège
de magistrats, de seigneurs, de capitaines, dont les armures res-
plendissaient d'argent, d'or et de pierreries.
La population, oubliant ses souffrances, acclamait avec des
cris joyeux son souverain légitime, qui reprenait enfin dans
la capitale de la France la place usurpée trop longtemps par
des princes étrangers. Le connétable, tenant à la main son
bâton de commandement, chevauchait à droite du roi, qui
avait à sa gauche le comte de Vendôme, son grand maître
d'hôtel.
Derrière eux venait le dauphin Louis, avec Ch. d'Anjou à sa
droite et le comte de La Marche à sa gauche. Le bâtard d'Or-
léans, « tout couvert d'orfèvrerie, lui et son cheval *, » condui-
sait un corps d'environ mille lances, « fleur de gens d'armes » &,
qui formaient l'élite de l'armée. Le clergé, tant régulier que sé-
culier, alla en procession au-devant du roi jusqu'à Saint-Lazare,
hors de la porte Saint-Denis. Le cortège se rendit d'abord à
l'église Notre-Dame, selon la coutume.
Il était environ quatre heures quand il arriva au parvis. Là,
le roi mit pied à terre. Le clergé de la cathédrale, avec l'évêque,
Jacques Chastelier, et le doyen, J. Tudert, s'avança jusqu'au gui-
chet. Alors l'évêque s'adressant au roi : « Très chrestien roy,
nostre souverain et droicturier seigneur, les saincts et très chres-
tiens roys de France, vos prédécesseurs, qui tant ont honouré et
nx^ 3448 et 3471; Clairamb., 187, f" 6981. Tout le pays aux environs de Tan-
carville fut ruiné (Fr. 26064, n" 3477).
1. Charles Vil était à Melun le 4 novembre (LL 217, à la date; Z^^ 60, fo 31 ;
Fr. 26063, nos 3333, 3343).
2. Journal parisien de J. Maupoïjit, publié par M. G. Fagniez dans les
Mémoires de la Société de Vhist. de Paris, t. IV (1877), p. 24; X^» 22, au
mercredi 13 novembre 1437.
3. Il avait quitté Paris le 30 mai 1418.
4. Monstrelet, V, 305.
5. Monstrelet, V. 305.
ENTRÉE SOLENNELLE DE CHARLES VII A PARIS (1437, 12 NOV.) 277
amé Dieu et l'Eglise, si ont accoustumé que, après leur unction
et sacre, en leur premier joyeulx advènement en cesle vostre
cité, ils viengnent, premier, à l'église, et, devant qu'ilz entrent en
la dicte église, ilz doivent faire, premier, le serement à l'église,
et ainsi le debvez faire, en ensuivant les sainctes voyes, et bons
propos de vos prédécesseurs ^ » Après avoir écouté la formule la-
tine du serment, le roi, appelant auprès de lui le Dauphin et
touchant les saints évangiles, que lui présentait l'évêque, répon-
<lit : « Ainsi comme mes prédécesseurs l'ont juré, je le jure. »
Ensuite, il baisa dévotement les évangiles et la croix. Alors les
grandes portes de l'église, jusque-là fermées, s'ouvrirent. Le
roi, avec tout son cortège, entra dans la cathédrale, au chant des
orgues, au son des cloches, pendant qu'une multitude innom-
brable criait : Noël! Noël! et que le Te Deum retentissait sous les
hautes voûtes. Après cette cérémonie , le roi fut conduit à son
palais, au milieu des mêmes acclamations ^. Le connétable pou-
vait, entre tous, se réjouir de cette entrée triomphale, à laquelle,
plus que personne, il avait contribué.
Le séjour de Charles VII à Paris ne dura que trois semaines
(12 novembre-3 décembre). Il revit alors sa belle-sœur, la du-
chesse de Guyenne, comtesse de Richemont, qui avait été, comme
son mari, longtemps éloignée de la cour. Il lui restitua la ville
et chàtellenie de Gien, que Charles VI lui avait donnée, avec
Dun-le-Roi, Montargis et Fontenay-le-Comte , quand elle avait
épousé le dauphin Louis, duc de Guyenne. En outre, comme
elle n'avait pas joui des seigneuries de Montargis et de Dun-le-
Roi, elle reçut, en compensation, celle de Sainte-Menehould, en
Champagne ^ (27 novembre 1437). Le roi scella ainsi sa récon-
ciliation avec sa belle-sœur et récompensa les services de son
mari, après sa longue disgrâce. Quant aux Parisiens, qui avaient
fait à leur souverain « aussi grand feste comme on pourroit
faire à Dieu *», ils reconnurent bientôt que sa présence ne pou-
vait mettre fin, comme ils l'avaient espéré, à tous les maux
1. LL 217, f<>360.
2. Sur l'entrée du roi à Paris, voir surtout : LL 217, fos 345, 349, 360; KK
404, fo92; parmi les chroniqueurs : Monstrelet, qui donne les plus longs
détails, V, 301-307; Berry, 398-399; le Bourg, de Paris, 335-337; Le Baud,
483. J. Chartier résume tout en cinq lignes. Sa chronique est généralement
très insuffisante jusqu'à cette époque. 11 ne fut nommé chroniqueur royal
que le 18 novembre 1437. Voir aussi D. Félibien, II, 828-829: Martial d'Au-
vergne, I, 156-161.
3. Voyez Append. LXVIII. On sait que Richemont avait occupé Sainte-
Menehould en 1436. Voy. ci-dessus, p. 260 et note 5. Quant à Uun-le-Roi,
Charles VII l'avait réuni à la couronne (Fr. 21302, au 28 mars 1430, a. st.).
4. Le Bourg, de Paris, 335.
278 LE ROI RETOURNE SUR LA LOIRE (1437, DEC.)
dont ils souffraient. En restant à Paris, il aurait pu mieux as-
surer la sécurité de cette ville, montrer la volonté bien arrêtée
de délivrer entièrement l'Ile-de-France; mais la rigueur de la
saison, la difficulté de payer les troupes étaient de réels empê-
chements. D'ailleurs Charles VII conservait une prédilection
constante pour ces villes de la Loire, qui étaient, depuis si long-
temps, ses résidences habituelles. Il semblait qu'il aimât mieux
rester le roi de Bourges que devenir le roi de Paris. Il quitta la
capitale dès le 3 décembre * avec le Dauphin et alla passer une
partie de l'hiver en Touraine *.
L'année 1438 peut compter parmi les plus tristes de cette mal-
heureuse époque. Le froid, la famine, une épidémie terrible,
les gens de guerre, tous les fléaux à la fois, s'acharnaient sur la
France. Nulle part ces maux ne se firent sentir plus cruellement
qu'à Paris ^ Les Anglais qui occupaient les places voisines, no-
tamment ceux de Pontoise et « les larrons de Ghevreuse * », pil-
laient les environs, ravageaient les campagnes, empêchaient les
arrivages et aggravaient ainsi la détresse. Le jour de l'Epiphanie,
6 janvier, ils auraient même osé entrer dans la ville, au milieu
du jour, par la porte Saint -Jacques, tuer un sergent à verge
et emmener trois gardiens de la porte, avec plusieurs autres pau-
vres gens et un grand butin ^. Beaucoup de malheureux n'avaient
à manger que des navets ou des trognons de choux, « et toute
nuit et tout jour crioient petits enfants et femmes et hommes :
1. Le Boïirç. de Paris, 338. Ordonnances rendues à Paris : Y* fos 16, 28-
29; K 950, no 28°.
2. Cagny, fos 107-108. Voir des passages des Épîtres de Jean II Jouvenel
des Ursins, cités par M. de Beaucourt, dans la Revue des questions histor.
(livraison du l" juillet 1872). « Vous voulez, dit-il au roi, estre muché et
caché en chasteaulx, meschans places et manières de petites chambrettes,
sans vous monstrer et ouyr les plaintes de vostre peuple » (p. 114).
« Hélas! Sire, pourquoy avertissez du milieu de vostre sang vostre main
dextre, c'est assavoir de vostre ville de Paris, qui est le chief de vostre
royaume? Quant vous y venez, il semble que vous en vouldriez estre
hors » (p. 115, note 4). Et l'évêque de Beauvais rappelle encore à Char-
les VII l'exemple de Charles le Sage, son aïeul (Fr. 5022, f» 15).
3. Monstrelet, V, 319-320, 339-340. A Paris, beaucoup de maisons étaient
inhabitées ou tombaient en ruines, à cause de la mortalité, des guerres,
des impôts excessifs (Y* f» 29 v°).
4. Le Bourg, de Paris, p. 338. Il n'est donc pas probable que Ghevreuse
n'ait été pris que le 28 mai 1438 par les Anglais et les traîtres français de
Dreux, avec Guill. du Broullat, comme le dit Cagny f" 109. Voy. ci-des-
sous, p. 280, note 3. Au mois d'avril, des Anglais de la garnison de Pon-
toise faillirent surprendre Lagny-sur-Marne (Fr. 25774, n" 1333).
5. Le Bourg, de Paris, 338. Ce fait est peu vraisemblable. On n'en trouve
nulle mention dans les registres du Parlement. C'est peut-être un de ce»
bruits que la crédulité populaire accueille sans contrôle.
FAMINE ET ÉPIDÉMIE. LA GUERRE LANGUIT (1438) 279
Je meur ! Hélas ! las ! doux Dieux IJe meur de faim et de froid » * 1
Vers le commencement de 1438, Richemont se rendit en Bre-
tagne, où l'appelait Jean V, qui se croyait menacé par une
conspiration, attribuée au maréchal de Raiz et à la maison de
Laval *. Il emmenait un corps de troupes assez nombreux pour
venir en aide à son frère, en cas de besoin, et il parvint à
négocier un arrangement entre lui et le comte de Laval ^ Re-
venu de Bretagne, il ne put obtenir que les opérations militaires
fussent reprises avec vigueur. Elles subirent, au contraire, un
ralentissement très marqué pendant toute cette année *.
Les embarras financiers, l'antagonisme de Glocester et de son
oncle, le cardinal, gênaient le gouvernement anglais; il se mon-
trait même disposé à entrer en négociations avec Charles VII,
sur les instances réitérées des ducs d'Orléans et de Bretagne.
Enfin le duc d'York n'était plus en France. Son successeur,
Richard Beauchamp, comte de Warwick ", n'avait ni son habileté
ni son énergie; d'ailleurs la famine et les maladies conta-
gieuses exerçaient partout leurs ravages, en Angleterre comme
en France ^. Quant à Charles VII, sans montrer beaucoup d'em-
pressement à négocier, dans le but de faire la paix, il n'en
montrait pas davantage à s'occuper lui-même de la guerre ',
comme il l'avait fait au siège de Monte reau. Au retour d'un
1. Le Bourg, de Paris, 339.
2. Le maréchal de Raiz avait vendu à Jean V une partie de ses biens,
au grand mécontentement des Laval, ses parents (D. Morice, I, 527-528).
3. D. Morice, t. I, 527-528, et Preuves, t. II, col. 1300 et suiv. D, Lobi-
neau, t. I, 607. Un document atteste la présence d'Artur en Bretagne en
février 1438; c'est une constitution d'apanage faite par le duc à ses fils
puînés, Pierre et Gilles (Arch. de la Loire-Inférieure, cass. I, E, 2). Voir un
autre arrangement du 5 août 1437 {Ibid.). Le 24 février, Charles VII ordonne
à ses officiers de ne faire aucun tort ni violence à Richard, comte d'Etampes,
dans ses terres du Poitou (Arch. de la Loire-Inf., cass. 34, E, 93, et cass.
38, E, 105).
4. La guerre ne se fit que dans la Normandie, surtout dans le pays de
Caux, que les Anglais voulaient reprendre (Fr. 25774, no^ 1328 et 1346-
1353; Fr. 26064, nos 3447, 3434, 3486, 3494, 3511, 3519, 3533, 3536, 3538; Fr.
26065, nos 3633, 3643, 3646). Le duc d'Alençon et Gh. d'Anjou conclurent
même une trêve de deux ans, pour le Maine et l'Anjou, avec le comte de
Dorset, le 20'décembre, à Harcourt (Ms. Brienne 30, fos 173-178). .
5. Fr. 25774, n»» 1286, 1292, 1303, 1304.
6. Sur les embarras du gouvernement anglais, voir Fr. 26064, n»» 3303,
3538, 3542, 3357, 3562; Rolls ofParliament, V, 31 ; J. Stevenson, t. II, Ap-
pendix to the préface, p. 71. Sur les négociations avec les ducs d'Orléans
et de Bretagne, J. Stevenson, t. II, p. 73, 294; Proceedings, t. V, Préface,
p. xxvni, XXXI et p. 86, 91, 95; Rymer, t. V, l'o partie, p. 46, 34, 53 ; Fr.
26064, n» 3529.
7. « Se voulez avoir bonne paix, lui disait un peu plus tard J. Jouvenel
des Ursins, prépares vous à faire bonne guerre, et vous-mesmes vous
280 ASSEMBLÉE DE BOURGES (1438)
voyage dans l'Ouest, il vint présider, à Bourges, la grande as-
semblée qui élabora la pragmatique sanction (mai-juillet).
Avant de consacrer tous ses travaux aux affaires ecclésiasti-
ques, l'assemblée de Bourges porta son attention sur l'état du
royaume (juin 1438). Les députés de Paris rappelèrent au roi,
comme il le faisait volontiers lui-même, les succès de l'année pré-
cédente * ; ils l'exhortèrent à ne s'en point tenir là. Charles répéta
qu'il voulait employer le meilleur de ses forces « et sa propre
personne » au recouvrement de son royaume *; mais, au lieu de
reprendre les armes, il aima mieux acheter la reddition de plu-
sieurs places, comme Montargis, Dreux, Ghevreuse.'Il est pos-
sible que des sièges eussent exigé plus de dépenses.
Ce moyen pacifique ne déplaisait pas d'ailleurs à des capitaines
d'une vaillance incontestée, puisque Saintrailles et le bâtard
d'Orléans allèrent négocier l'achat de ces villes ^. Richemont
lui-même ne resta pas étranger à ces négociations, car il prêta
de l'argent au roi pour le rachat de Ghevreuse ^. Enfin,
Charles VII envoya des troupes en Guyenne et en Gascogne
contre les Anglais, avec Poton de Saintrailles et Rodrigo
raectes sus, en faisant les diligences que faisiez devant Monstereau »
(Fr. 5022, f» 19 v»).
1. Fr, 25710, n» 114.
2. Fr. 25710, n» 116. Il est très probable que Richemont ne fut pas
étranger à ces démarches et qu'il vit le roi en revenant de Bretagne. En
tout cas, on ne le trouve pas à Paris en février, mars, avril et mai. La
duchesse de Guyenne était restée dans la capitale. Le 23 avril, elle demande
au Parlement qu'on élargisse l'évéque de Langres, détenu à la Conciergerie
(XJa 1482, f» 74).
3. Les négociations avaient commencé dès décembre 1437. Après une
démonstration contre Montargis, Saintrailles alla trouver Fr. de Surienne,
dit l'Aragonais, qui occupait Montargis depuis 1432 (voir ci-dessus, p. 193,
198).Talbot et Fauquemberge voulurent secourir Montargis, mais Surienne
se laissa néanmoins gagner. Le bâtard d'Orléans prêta au roi 10 000 écus
pour payer Surienne et fut nommé capitaine de Montargis (novembre)
[Cagny, î"' 107-110; le Bourg, de Paris, 342 ; Fr. 25710, n" 114-116 ; Fr. 25774,
n»' 1294, 1295, 1300; Fr. 26063, n» 3394; Chron. du Mont-Saint-Michel, l,
39, note 1]. Montargis fut rendu dans la dernière semaine d'octobre,
Dreux et Ghevreuse dans la nuit de la Toussaint. Ce fut encore le bâtard
d'Orléans qui négocia l'achat de ces deux villes avec uu Français, capitaine
de routiers, au service de l'Angleterre, Guillaume du Broullat, par l'inter-
médiaire de Thibaud d'Armagnac, dit de Charmes, bailli de Chartres,
alors prisonnier à Dreux (Cagny, f»» 109-110 ; Berry, 400; le Bourg, de Paris,
342 et note 1; Fr. 26065, n<" 3606-3609; Pièces orig., t. 530, dossier 11955
[Du Broullat]; Zi» 13, f" 43; Zi» 14, f» 2; Z'a 17, f»» 22, 25). Le roi ne rendit
pas Montargis à Richemont (voy. ci-dessus, p. 278, et Append. LXVIII).
4. Voy. Appendice LXIX. Le duc de Bretagne prête 6 000 écus d'or à
Charles VU, le 20 septembre 1438 (Arch. de la Loire-Inf., cass.38, E, 105). Le
capitaine de Dreux et de Ghevreuse vint faire le serment au connétable
à Paris (le Bourg, de Paris, p. 342).
TENTATIVE INFRUCTUEUSE SUR PONTOISE (1438, JUILLET) 281
(le Villandrando, qui d'ailleurs se rendirent aussi redoutables
aux populations du Midi qu'aux ennemis eux-mêmes K
Le connétable, faute de ressources, ne put faire de grandes
entreprises. Il dut se borner à quelques démonstrations sans
importance, dans le voisinage de Paris et en Champagne, pour
contenir les Anglais et les routiers. C'est ainsi qu'il dirigea des
tentatives sur Pontoise, Meaux, Creil, Mantes (juillet-novem-
bre), plutôt pour donner satisfaction aux Parisiens que pour
attaquer sérieusement ces importantes places, avec les forces très
insuffisantes dont il disposait. Pourtant l'occasion eût été belle,
si le roi eût voulu recommencer, avec la même ardeur, la cam-
pagne de l'année précédente. Les garnisons anglaises, mal appro-
visionnées, mal payées, étaient mécontentes; celle de Pontoise,
qui avait pour capitaine Th. Guérard, voulait même déserter. Les
Français avaient des intelligences dans toutes ces villes.
Au mois de juillet, le connétable essaya de surpendre Pontoise ;
« et tantost les menues gens qui avec luy estoient gaignèrent
l'une des plus fortes tours qui fust en la ville; et, quand il vit
que l'on besongnoit si asprement, il fit tout laisser et s'en refouit
à Paris et dict qu'il ne vouloit pas faire tuer les bonnes gens;
et, pour certain, le peuple qui avec luy estoit juroit que, s'il
ne les eust point laissez, à très peu de tems,ilz eussent gaigné la
ville et chastel *. » Ce passage d'un témoin oculaire montre les
difficultés que Richemont trouvait à Paris, au milieu d'une
population impressionnable, surexcitée par la souffrance et dis-
posée môme à le soupçonner de trahison, quand il ne faisait
pas l'impossible '. La bonne volonté des Parisiens ne pouvait
leur tenir lieu de toutes les qualités militaires. Si le conné-
table abandonna l'entreprise, c'est qu'il savait que la ville
allait être secourue par Fauquemberge * et qu'il ne voulait pas
faire massacrer, en pure perte, tant de braves gens ^.
1. Fr. 26064, nos 3422, 3310, 331o.- Fr. 26065, n«» 3631, 3722. Fr 20417,
nol4. K 64, n» 29. Pièces orig., 542, dossier 12237 (Brusac), n° 8.
2. Le Bourg, de Paris, p. 341.
3. On disait que le connétable était « favorable aux Anglais, plus qu'au
royne que aux François ; et disoient les Anglois qu'ilz n'avoient point paour
de guerre, ne de perdre, tant comme il seroit connestable de France »
(Bourg, de Paris, p. 340).
4. William Nevil ou Guill. de Neuville, sire de Fauquemberge, capitaine
d'Evreux et de Verneuil (Fr. 25775, n- 1384, 1387).
5. Le passage dans lequel le Bourg, de Paris raconte cet épisode a été
publié par M. Tuetey, qui a comblé une lacune des éditions précédentes
(voir p. 338, note 3). Sur les secours envoyés par les Anglais à Pontoise,
Meaux, Creil, voir Fr. 25774, n«» 1341, 1344; Fr. 23775, n«' 1359-1361, 1364,
1366», 1368, 1371 ; Pièces orig., t. 1404, dossier 31583, n» 8 ; Fr. 26053, n» 1404;
voir aussi Fr. 26064, nos 3551, 3559^ 3566, 3574, 3644. Simon Morbier vint à
282 RAVAGES DES ROUTIERS- (1438)
Non seulement Richemont se trouvait réduit vis-à-vis des An-
glais à une impuissance qui le faisait soupçonner de trahison,
mais encore il ne réussissait pas mieux à protéger les campagnes
contre les gens de guerre. Bien qu'un grand nombre de ces rou-
tiers fussent allés en Guyenne, en Bourgogne, en Languedoc, en
Lorraine ^, il en restait encore assez dans la Champagne et l'Ile-
de-France pour y commettre des ravages.
En vain le connétable et Ambroise de Loré, prévôt de Paris,
redoublaient d'énergie et de vigilance; le mal allait s'aggra-
vant, et les plaintes devenaient de plus en plus pressantes. Pour
qu'Ambroise de Loré pût agir avec plus d'autorité, Richemont le
fit nommer juge commissaire spécial et réformateur général des
crimes commis par les malfaiteurs dans tout le royaume de
France (5 avril ^); mais les efforts du connétable et du prévôt de
Paris étaient paralysés par l'intensité du mal et par la détresse
financière. Gomme il y avait souvent « de très grans faultes et
longs délaiz au paiment » des gens de guerre, ils étaient obligés
de piller pour vivre, et, quand ils se bornaient à cela, sans com-
mettre de plus grands méfaits, on ne pouvait guère les punir ^,
Malheureusement ces pillages n'allaient pas sans d'autres
violences. Le meurtre , le viol , l'incendie étaient crimes si
communs qu'on les retrouve à chaque instant mentionnés dans
les chroniques, dans les actes de la chancellerie royale. Les
routiers pullulaient de tous côtés •'. On rencontre parmi eux les
meilleurs officiers du roi, La Hire, Saintrailles, les Ghabannes,
les deux bâtards de Bourbon, Rodrigo de Villandrando, Robert
de Floques, Louis de Bueil et tant d'autres, qui pouvaient
compter sur une impunité presque absolue s.
Gomment des gens du peuple, des paysans, auraient-ils obtenu
justice, quand le connétable ne pouvait l'obtenir dans sa propre
cause ^? C'est alors, en effet, qu'un de ses lieutenants, le maré-
Pontoise, apporter de l'argent aux gens d'armes qui voulaient partir, et
s'engagea à leur payer le reste (Fr. 26064, n" 3341; K 64, n" 24 bis).
l.Fr. 25710, n°^ 118 et 119. Pièces orig., t. 542, dossier Bhussac, n° 122378.
Fr. 26064, n^ 3422, 3310, 3515. Fr. 26063, n"' 3631, 3722. A. Tuetey, Les
Ecorcheurs, t. I, p. 20, 35, 39, 43.
2. Voir Ordonnances, XIII, 260-261.
. 3. Ils obtenaient des lettres de rémission. Voir, par exemple, celles qui
furent accordées le 28 mai aux gens d'armes des garnisons de Gorbeil et
du bois de Vincennes. Y* fos 23 v», 26.
4. Voir le savant ouvrage de M. A. Tuetey, Les Ecorcheurs, t. I, p. 7 et
suiv. ; Monstrelet, V, 317-318.
5. Voy. Append., LXX.
6. « Cest outrage ne fut trouvé bon en la personne d'un grand officier
de la couronne, encores que le Roy fût imbécile d'entendement et que les
grands fissent, de son temps, grandes insolences » (d'Argentré, p. 793-794).
ORDONNANCE CONTRE LES ROUTIERS (1438, 22 DEC.) 283
chai de Rieux, qui était son neveu par alliance, ayant été arrêté
par les gens de Guillaume de Flavy, près de Compiègne, Riche-
mont ne put, par aucun moyen, l'arracher de ses mains *. Ro-
binet l'Hermite, qui avait opéré cette arrestation, fut saisi à
Paris, sur les ordres d'Ambroise de Loré, puis décapité aux
Halles *; mais Flavy, bravant le connétable, dont il voulait se
venger, retint le maréchal de Rieux dans une prison malsaine,
au château de Nesles % et l'y laissa mourir *.
Vers le même temps, un des plus hardis routiers de l'épo-
que, le fameux Forte-Epice, que Richemont avait déjà voulu châ-
tier, faisait prisonnier Jean de Dinteville, bailli de Troyes, lui
enlevait sa ville d'Echenay ^ (mai 1448) et la gardait, malgré
les injonctions du connétable. Ces actes et beaucoup d'autres du
même genre montrent combien était nécessaire et difficile la
réforme de l'armée. Ils excitèrent le connétable à poursuivre
cette œuvre ingrate et périlleuse. C'est dans ce but qu'il fit
publier un mandement du 22 décembre 1438, confirmé le même
jour par des lettres du roi, et qu'on peut regarder comme le
prélude de la grande ordonnance d'Orléans.
Il y pose en principe que chaque capitaine « doit répondre des
gens qu'il a et tient en sa compaignie et gouvernement, pour en
faire punicion et justice, quant ilz délinquent ». Il ordonne au
prévôt de Paris de faire arrêter, soit dans sa prévôté, soit autre
part, dans tout le royaume, les malfaiteurs, ou, à défaut des
coupables, leurs compagnons et leurs capitaines, pour les con-
traindre, les uns ou les autres, à réparer les dommages causés,
a par prinse de leurs biens propres et détencion de leurs per-
sonnes » *.
Déjà le roi avait défendu aux capitaines de gens d'armes
d'entrer sur les terres du duc de Bourgogne, et il avait autorisé
les habitants à leur résister par tous les moyens, sans crainte
1. Voir ci-dessus, p. 184 et note 2. Berry (p. 401) dit qu'il venait de déli-
vrer Harfleur, assiégé par les Anglais, quand il fut arrêté. Ce détail est
confirmé par le registre X*'' 24 (au 25 juin 1444).
2. J. Chartier, I, 243-243. Cet auteur dit que, pendant la captivité du ma-
réchal, Flavy fit un traité avec le connétable, en lui payant 4 000 écus, qu'il
voulut reprendre à P. de Rieux, et que, pour cela, il le retint en prison.
3. Probablement Nesles-la- Vallée, canton de L'Isle-Adam, arrondissement
de Pontoise.
4. Voy. Append. LXXI.
5. Echenay, arrondissement de Vassy. En 1437, Forte-Epice avait pris
Mailly-le-Châtel (arrondissement d'Auxerre), qu'il ne voulut rendre que
moyennant 1 500 écus d'or (A. Tuetey, Les Ecorcheurs, I, 44, 49 ; CoUect. de
Bourgogne, t. 100, ^250; voir ci-dessus, p. 219),
6. Voy. Append. LXX, et Ordonnances, XIII, 295.
284 GRANDE MORTALITÉ A PARIS (1438)
d'être inquiétés à ce sujet, quoi qu'il en pût advenir ' . Enfin, vers
cette époque, le connétable fit saisir, par Tristan l'Hermite, un
capitaine gascon, Bouzon de Failles, et un capitaine écossais,
Bouays Glavy, «qui faisoit tous les maulx qu'on pourroit dire. »
Le premier fut jeté dans la Seine à Troyes, le second fut pendu ^.
11 y a là un ensemble de résolutions et de mesures qui prouvent
que le roi comprenait la nécessité d'une réforme militaire et
que Richemont le poussait à l'accomplir.
Outre le regret d'être réduit trop souvent à une impuissance
humiliante, Richemont éprouva, cette année-là, d'autres cha-
grins. Il perdit son frère Richard, comte d'Etampes^, qui l'avait
toujours soutenu de son influence et de son affection. Ensuite, ce
fut une de ses nièces, Isabelle, fille de Richard, qui mourut, peu
après son père. A Paris, la mortalité avait pris des proportions
effrayantes pendant l'été ^ : « Quand la mort se boutoit en une
maison, elle en emportoit la plus grant partie des gens, et spécia-
lement des plus fors et des plus jeunes. » Un fille de Charles VII,
Marie, abbesse de Poissy, fut enlevée par le fléau, le 19 août. Peu
de temps auparavant, elle avait allumé, avec le connétable, le feu
de la Saint-Jean, devant l'hôtel de ville ^
Richemont, avec la duchesse de Guyenne, quitta Paris, sans
toutefois s'éloigner ". Il voulut aller loger au bois de Vincennes;
mais Roger de Pierrefrite, lieutenant de Jacques de Chabannes',
1. Mélanges de Colbert, 335, n» 209 (Ordonnance du 15 septembre). Tuetey,
Les Ecorcheui's,l,^9-il. Autre ordonnance du 19 septembre (contresignée par
le maréchal de La Fayette), signalée par Vallet de V., t. II, 403, note 2.
Voir aussi X^^ 25, au 24 juillet 1452. A cette époque, Charles VII se rappro-
chait plus intimement de Philippe le Bon, en concluant le mariage de sa
fille, Catherine de France, avec le comte de Cliarolais, le 30 septembre 1433
(Mélanges de Colbert, 335, n»» 210-212; Hist. de Bourgogne, IV, 233).
2. « Dont les Gascons et Ecossois firent grant plaiucte et grant bruit
devers le roy et donnèrent à monseigneur (le connétable) de grandes
menaces, en son absence » (Gruel, 211).
3. Richard de Bretagne, comte d'Etampes, le plus jeune fils de Jean IV,
mourut le 3 juin 1438. Sa fille Isabelle mourut peu après; son autre fille,
Catherine, épousa la même année Guill. de Châlons, fils du prince d'Orange
(Anselme, I, 463, et VIII, 422-23). Son fils, François, devint duc de Breta-
gne. Richard avait nommé exécuteurs testamentaires ses frères Jean V et
xVrtur (D. Morice, I, p. 529, et Preuves, t. II, col. 1316).
4. Journal de Maupoint, p. 25.
5. Le Bourg, de Paris, 340-341.
6. Il était, par exemple, à Paris le 2 octobre (Zib 60, f" 35). A celte époque
on craignait encore des tentatives des Anglais contre Paris (Y* f • 42-43 ;
LL 414, f 100; Ordonnances, XIII, 291 ; Pièces orig., t. 1404, dossier n" 31583,
pièce 8.
7. Gruel, 212 (avec la date inexacte de 1439). Voir Xi» 4798, f» 122. Jac-
ques de Chabannes occupait cette place pour le duc de Bourbon. Les
gens du duc de Bourbon occupaient aussi Corbeil (le Bourg, de Paris,
RICIlEMOxNT QUITTE PARIS (1438) 285
lui refusa l'entrée de cette place. Même refus au château de
Beaulé-sur-Marne; puis, quand la garnison vit que le connétable
faisait amener son artillerie, elle se rendit sans condition. Les
gens d'armes qui la composaient furent conduits à Paris, la corde
au cou, et ne durent la vie qu'aux prières do Mme de Guyenne,
llichemont alla successivement loger à Saint-Maur et au Pont-
de-Gharenton. Il se rendit ensuite à Sainte-Menehould et revint
vers le temps de Noël, quand le danger fut passé *. S'il n'eut,
dans ces déplacements, d'autre but que celui d'échapper à
l'épidémie, comme le donne à entendre son biographe ^, on ne
peut s'empêcher de remarquer qu'il eût été plus honorable pour
lui de rester, comme Ambroise de Loré, au milieu des Parisiens,
pour soutenir leur courage, en partageant leurs épreuves ^.
Il est d'ailleurs certain qu'il avait d'autres motifs pour aller à
Sainte-Menehould. Le roi l'avait chargé de conduire des troupes
en Lorraine, pour défendre les Etats de René contre le comte de
Vaudemont et son allié, Robert de Sarrebrûck. Geux-ci, malgré
les traités, avaient recommencé la guerre, en appelant des rou-
tiers, comme Forle-Epice et Antoine de Ghabannes, qui, au mé-
pris des ordres du roi, ravageaient les possessions de son beau-
frère. La Hire, Blanchefort, le grand et le petit Estrac *, envoyés
parGharles Yll, avaient battu le comte de Vaudemont; mais ils
étaient allés ensuite faire une course en Alsace, et les autres routiers
qu'ils avaient chassés avaient recommencé leurs incursions en Lor-
raine. G'est alors que les régents de Lorraine et Evrard de La Marck
avaient demandé de nouveaux secours au roi et au connétable ^,
351). Tous ces routiers avaient obtenu des lettres de rémission le 28 mai 1438
(Y* f°» 25 v°, 26). Pendant la Praguerie, ils ref)riront le bois de Vincennes,
où Roger de Pierrefrite fut encore le lieutenant de Ghabannes (le Bourg,
de Paris, 351; Gruel, 213). Tout cela semble confirmer un passage de la
Chron. Martinienne (f° cclxxvui r" et v) où l'on voit que Jacques de
Ghabannes avait pris jadis aux Anglais les châteaux de Gorbeil et du bois
de Vincennes et que celui du bois de Vincennes lui fut donné par Ghar-
les VII, sous réserve du droit de rachat, pour une somme de 20 000 écus,
qui fut payée environ dix ans après (voy. Append. LXXII).
1. Gruel, qui donne ces détails, dit que la duchesse de Guyenne arriva
la veille de Noël à Paris ; il dit bien aussi que le connétable s'en revint
vers Noël, mais il ne dit pas positivement qu'il revint à Paris même
(Gruel, 212).
2. Gruel, 212.
3. Peut-être le connétable voulait-il enlever Vincennes, le château de
fieauté et quelques autres places aux routiers, qui les occupaient pour le
duc de Bourbon.
4. Paul et Guillaume d'Estrac (Tuetey, Les Écorcheurs, I, 68).
5. Gruel, 212. D. Calmet, II, col. 812, 811 , el Preuves, col. ccxxix et suiv.
A. Tuetey, Les Écorcheurs, I, 66-68. Dumont, Hist. de Commercy, 1. 1, 234-244.
JJ 176, ^ 41i .Collect. de Lorraine, 293, n» 21. Chron. Martinienne, f" cclxxxt.
286 RICHEMONT VA EN LORRAINE (1438)
qui avait répondu à leur appel. Malheureusement les troupes
qu'il leur avait amenées furent battues par Robert de Sarre-
bruck près de Romagne * et échouèrent au siège de Ghauvency*.
Plusieurs officiers du connétable, notamment Alain Giron, Gef-
froy Morillon, P. d'Augy, furent tués dans cette expédition, et
Robert put même se venger, en dévastant les domaines d'Evrard
de LaMarck ^
Ces échecs chagrinèrent beaucoup Richemont. Tout semblait
tourner contre lui. Il ne voyait partout qu'indiscipline et désor-
dres. Les troupes, mal payées, servaient mal et ne cherchaient
que le pillage. Les Anglais faisaient des courses jusqu'aux envi-
rons de Paris *. C'est ainsi que les garnisons de Saint-Denis et
de Lagny voulurent, au mois de janvier 1439, abandonner ces
places, faute de payement. Le chancelier, qui se trouvait à Paris,
fut obligé, pour les retenir, d'emprunter 300 livres tournois °.
En même temps, les Anglais prenaient, par trahison, le château
de Saint-Germain-en-Laye, que leur livra, pour 300 saluts d'or,
un religieux, prieur de Nanterre ^.
Ce n'était pas assez que le connétable, réduit à l'impuissance,
eût à déplorer ces malheurs ; il fallait encore qu'on l'en rendît
responsable. Le peuple ne voyait qu'une chose, c'est qu'il avait
le commandement, et il l'accusait de tout le mal. Il faut ici
laisser la parole aux contemporains. D'après Cagny, si le châ-
teau de Saint-Germain fut pris, ce fut « par deffault de garde de
dix ou douze raeschans Bretons que le connestable y tenoit, qui
ne povoit avoir assez place pour bailler à ses gens. Et ne lui
chaloit quel tort il feist aux chevaliers et escuiers d'autre pais,
mais qu'il peust avoir places pour y tenir ses gens en nom et en"
1. Arrondissement de Montmédy.
2. Id.
3. Voir les auteurs ci-dessus et Berry, p. 401, et surtout les lettres de
rémission accordées par Charles VIT à Robert de Sarrebrûck, le dernier
jour de février 1440, dans le t. 293 de la Coll. de Lorraine, n» 21.
4. LL 414, f 100. Les Anglais avaient conclu, le 20 décembre 1438, une
trêve de deux ans pour le Maine et l'Anjou (voir ci-dessus p. 279, note 4).
Ces provinces furent alors plus tranquilles ; mais Paris fut, au contraire,
plus menacé (Ms. Brienne 30, f<" 173-178).
5. Xia 1482, f» 95 v».
6. Le Bourg, de Paris, 344. Cagny, f" 110. Un peu plus tard, d'après
Monstrelet, un gentilhomme nommé J. de La Fange fut décapité et écar-
telé « pour ce qu'il fut trouvé coupable d'avoir pourparlé avecque les
Anglais, sur aucunes besognes qui étoient préjudiciables au roi de France ».
Avec lui, on écartela un sergent du Châtelet de Paris. Par lettres du
8 avril, données à Riom, Charles VII accorde à la ville de Paris le .tiers
des aides sur le vin qui s'y vend, pour continuer les travaux de réparation
des murs, travaux qui sont très nécessaires (K 930, n» 32». h).
ACCUSATIONS CONTRE RICHEMONT (1439) 287
estât. Et moult de maulx en sont venus durant ces présentes
guerres. Et de la perte d'icelle place et du gouvernement du dit
connestable, en la ville de Paris et ailleurs estoient très mal
contents ceulx de Paris *. »
Le Bourgeois de Paris, qui ne ménage guère Richemont, n'ac-
cuse ici que le coupable, c'est-à-dire le traître qui avait livré
Saint-Germain aux ennemis. Il n'épargne pas le roi, qui restait
dans le Berry et « ne tenoit compte de l'Isle-de-France ne
de la guerre, ne de son peuple, ne (non plus) que s'il fust prin-
sonnier aux Sarrazins -; » mais c'est au connétable qu'il réserve,
comme d'ordinaire, ses invectives les plus haineuses. Il incri-
mine ses actes et ses intentions; il le charge de tous les méfaits
commis par les gens de guerre; il est aveuglé par la passion à
tel point qu'il ne voit que le mal. Si Richemont répète, pour en-
courager les Parisiens, qu'il veut chasser les Anglais de Meaux,
de Creil, de Pontoise; s'il rassemble des troupes; s'il fait une
tentative infructueuse, ou une simple reconnaissance militaire,
le Bourgeois ne voit dans tout cela qu'un prétexte à pillage.
« En cellui temps (c'est-à-dire vers le mois de juin, à ce qu'il
semble) vint le connestable à Paris et amena avec lui un grant
tas de larrons et fist entendant qu'il estoit venu pour prendre
Pontoise ^ et les mena environ la ville et la regarda tant seulle-
ment de loing et dist qu'elle estoit moult forte à prendre et qu'il
n'avoit pas assez de gens et s'en retourna, sans autre chose faire,
lui et ses larrons, tout gastant les blés, les gangnaiges et les
éritaiges des bonnes gens, avant qu'ilz fussent bons, espéciale-
ment les serises, qui commençoient à rougir, et, ce quHlz ne
povoient menger, comme fèves nouvelles et pois, apportoient-
ilz à grans sachées.
« Item, la derraine sepmaine de juing, vint ung autre aussi
mauvais ou pire, nommé le conte de Perdriel *, qui fut filz du
conte d'Arminal, qui fut tué pour ses démérites, et admena une
autre grant compaignie de larrons et de meurdriers, qui, pour
leur mauvaise vie et détestable gouvernement, furent nommez
les Escorcheurs; et, pour vray, ilz n'estoient pas mal nommez,
car, aussitost qu'ilz venoient en quelque ville ou villaige, il con-
1. Gagny, f» HO. C'est la fin de la chronique de Cagny, dans le Ms. Du-
chesne, 48.
2. Le Bourg, de P., 344.
3. Il faut bien que Meaux, Pontoise et Creil aient été menacés au mois
de juin, puisque le gouvernement anglais y envoie alors des secours
|D. Grenier, t. XX bis, liasse 9, f 18 V; Fr. 25774, n»» 1341, 1344; Fr. 23775,
n" 1339, 1360, 1361, 1364, 13661,1371, 1407, 1408, 1416; Fr. 26064, n°»3351,
3566, 3574; Fr. 26065, n» 3644; Fr. 26066, n" 4000).
4. Le comte de Pardiac.
288 ACCUSATIOîSS CONTRE RICHEMONT (1439)
venoit soy rançonner à eulx à grant finance, ou ilz degastoient
tous les blez qui y estoient, qui encore estoient tous vers. Et
firent entendant qu'ilz dévoient prendre Meaulx d'assault, ou
par gens qui leur dévoient livrer, ou par composicion, ou autre-
ment, et firent charger canons et prendre tout le pain que on
trouvoit, et orent de l'argent largement, car on cuidoit qu'ilz
deussent trop bien faire la besongne, mais ilz ne passèrent guère
par delà le chastel de Dampmartin, et là pilloient, tuoient, ran-
çonnoient les blez et tous autres gaignaiges, sans autre bien
faire. Ainsi besongnoit le noble connestable de France, nommé
Artus, conte de Richemont. Et, pour vray, les prinsonniers des
Anglois disoient à Paris et ailleurs, quant ilz avoient paiée leur
rançon et qu'ilz estoient en leurs lieux, que les Anglois disoient :
« Par sainct Georges 1 vous povez bien crier et braire à vostre
« connestable qu'il vous secoure, car, par sainct Edouart, tant
« qu'il sera connestable, nous n'avons point paour que nous
« soions combattuz, qu'il puisse; car, quant il veult faire une
« armée, pour faire le bon varletz et pour avoir de vostre argent,
« nous le savons de par lui ou de part autre touzjours trois ou
« quatre jours davant, car par sainct Georges ! lui bon Anglois, et
« secret et en appert. » Mais aucuns tenoient qu'ilz le disoient
pour le mettre en hayne du roy et du commun, mais la plus
saine partie le tenoit pour très mauvays homme et très couart.
Brief, il ne lui challoit ne de roy, ne de prince, ne du commun,
ne de ville, ne de chastel que les Angloys preissent; mais qu'il
eust de Targent, ne lui challoit du demourant, ne de quel part.
Brief, il n'estoit à rien bon au regart de la guerre, et laissoit et
souffroit aux gros qui avoient les grans greniers plains de blez
et d'autres grains, vendre aux povres gens tout comme ilz voul-
loient; mais quHl en eust aucun émolument ou prouffît, il ne lui
challoit comment ilz le vendissent,... Et, pour ce que le peuple
ne se povoit taire, il fîst le bon varlet et fîst mettre le siège de-
vant la cité de Meaulx Et ne faisoit mie en deux mois ce
qu'il deust avoir fait en huit jours, car il commença dès le mois,
de may à dire à ses gens qu'il se convenoit ordonner pour y
aller et si fust avant le dix-neuvième jour de juillet qu'il ne ses
gens y meissent le siège ; lesquelles gens estoient les plus mau-
vaises gens que on eust oncques veu au royaulme de France, et
se faisoient appeller les Escorcheurs, car telz les devoit on
appeller et tenir partout où ilz passoient, car après eux ne de-
mouroit rien ne qu'après feu *. »
Il est certain que ces accusations ne sont pas exclusivement
1. Le Bourg, de Paris, 345-347.
NÉGOCIATIONS AVEC l'angleterre (1439) 289
le fait de deux chroniqueurs; il est certain que la crédulité
populaire les accueillait, comme il arrive toujours en pareil cas;
qu'elles étaient répétées de tous côtés et que Richemont en
devait beaucoup souffrir. Bravé impunément par les uns, haï,
calomnié par les autres, abandonné par le roi à ses propres res-
sources, condamné, après chaque effort, après chaque succès, à
retomber dans la même impuissance, il finit par sentir le décou-
ragement.
Les Anglais, sans profiter de cette situation autant qu'ils l'au-
raient pu faire, reprenaient pourtant l'avantage dans le pays de
Caux ' et aux environs de Paris. Richemont voulait toujours
assiéger Meaux, Creil ou Pontoise ^^ et c'est dans ce but qu'il
avait appelé son ami, le comte de Pardiac; mais il fallait que le
roi vînt lui-même, comme à Montereau, ou, tout au moins, qu'il
envoyât des renforts considérables et de l'argent. Charles VII
avait alors d'autres préoccupations. Le parti de la paix le pous-
sait à négocier avec l'Angleterre. Le pape, le concile, les ducs de
Bourgogne et de Bretagne l'y exhortaient, en offrant leur mé-
diation ^. De son côté, le duc d'Orléans, qui espérait une pro-
chaine délivrance, redoublait d'efforts.
A la fin de janvier 1439, la duchesse de Bourgogne eut une
entrevue avec le cardinal d'Angleterre, entre Calais et Grave-
Unes. On y décida qu'il y aurait bientôt des conférences pour
la paix et que le duc d'Orléans y viendrait *. Les ambassadeurs
de Charles VII conduisirent d'abord Catherine de France à
Saint-Omer, où fut célébré son mariage avec le comte de Cha-
rolais. Le connétable, qui avait à conclure avec Philippe le Bon
quelques arrangements relatifs à la dot de sa femme, s'était
1. Sur la guerre dans le pays de Caux, voir Fr. 26066, n»» 3800-3802, 3835,
3856. Les Anglais avaient pris Fécamp, Lillebonne et essayé de pénétrer
par trahison dans Harfleur (voir Fr. 26065, n»^ 3703, 3713, 3732, 3738, et
Fr. 25775, n" 1412). Le comte de Somerset et Talbot avaient fait une course
dans le Santerre en février-mars (Fr. 26069, n« 4490, et Fr. 26066, n» 3988).
2. Le connétable « désiroit, sur toutes choses, que le Roy lui baillast
gens et artillerie pour mettre le siège audit lieu de Meaux; à ce sujet, il
avoit envoyé, de par lui et de par ceux de Paris, devers le Roy, luy sup-
plier qu'il y voulust pourvoir, ou que la bonne ville de Paris et tout le
pays d'autour auroient trop à souffrir » (Gruel,212). Il faut dire que, dès les
mois de mars et d'avril, le roi voulut envoyer dans l'Ile-de-France, pour
assiéger Meaux ou Creil, les gens d'armes qui étaient en Lorraine et en
Allemagne ; mais le duc de Bourbon empêcha, par ses intrigues, l'exécu-
tion de cet ordre (voir Doat, IX, f» 227, ou Math. d'Escouchy, édit. de
Beaucourt, t. III, p. 5 et 6; Berry, 401). Le duc de Bourbon était à Riom
avec le roi dès le 20 mars (Fr. 25710, n» 122).
3. Rymer, V, fe partie, 54, 55.
4. Rymer, V, 1" partie, 59-64, Ilist. de Bourgogne, IV, 235.
Richemont. 19
290 DÉCOURAGEMENT DU CONNÉTABLE (1439)
rendu auprès de lui '. Il assista peut-être au mariage du comte
de Charolais ^, mais il ne prit aucune part aux négociations qui
le suivirent (juin 1439), soit qu'il les désapprouvât, soit qu'il
crût plus utile de continuer la guerre dans l'Ile-de-France. Pour
obliger les Anglais à rabattre de leurs prétentions, il fallait de
nouveaux succès militaires.
Pendant qu'on négociait, le connétable voulait agir; mais où
trouver les ressources nécessaires? Désespéré de ne pouvoir ni
arrêter les ennemis, ni réprimer l'indiscipline des gens de guerre
et de leurs chefs^ ni les empêcher de piller les provinces dont
il avait le gouvernement, il eut l'intention de se retirer, « telle-
ment qu'une fois il assembla le Conseil et fut délibéré de se def-
faire et descharger du gouvernement de France (Ile-de-France) et
d'entre les rivières et d'aller ou envoyei- devers le Roy pour
ceste cause » ^. Il est présumable qu'un de ceux qui assistaient
à ce conseil (peut-être Ambroise de Loré) fut alarmé des consé-
quences que pouvait entraîner cette résolution et chercha un
moyen pour en détourner le connétable. L'anecdote racontée à
ce sujet par G. Gruel est curieuse.
« Le lendemain, au matin, vint le prieur des Chartreux de
Paris devers luy et le trouva tout seul en la chapelle de son
hostel; et demanda au dict prieur : « Beau père, que vous faut-
« il? » Et le prieur luy dist qu'il vouloit parler à Mgr le connes-
table. Et monseigneur luy dist que c'estoit il. Et le dit prieur
luy dist : « Pardonnez-moi, monseigneur, je ne vous cognois-
« sois pas; je veux parler à vous, s'il vous plaist. » Et il luy
dist que volontiers. Et il commença à luy dire : « Monsei-
« gneur, vous tinstes hier conseil et délibérastes de vous des-
« charger du gouvernement et charge que avez par deçà. » Et lors
monseigneur s'eschaufFa et lui dist : « Gomment le scavez-vous ?
« qui le vous dist? » Et cuida monseigneur que aulcun du Conseil
luy eust dict. Et lors le prieur luy dist : « Monseigneur, je ne le
« scay point par homme de votre Conseil ; je le scay par homme
« bien certain et ne vous donnez point de malaise qui me l'a dict,
« car ce a esté un de mes frères ; » et lui dist : « Monseigneur, ne
1. Après le traité d'Arras, Philippe le Bon avait rendu à Jeanne de Châ-
lon le comté de Tonnerre, dont les revenus avaient été assignés en dot à
la duchesse de Guyenne. Par un arrangement conclu le 30 mai, le duc
donna, en compensation, à sa sœur, les seigneuries de Montréal et de
Chastel Girard {Hist. de Bourg., IV, 234-235, et Preuves, p. Clxiv; Fr. 4628,
fos 621-628, 641-643; Collect. de Bourg., 96, p. 621-623).
2. Fontanieu, dans son histoire manuscrite de Charles VII (Fr. 10449,
i'o 253 v°), dit que Richemont y assista, mais il ne donne aucune preuve.
3. Gruel, 213. Ms. Legrand, t. I {Hist. de Louis XI), ou Fr. 6960, f» 9.
IL VEUT SE RETIRER (1439) 291
« le faites point, car Dieu vous aidera et ne vous souciez. î Et
monseigneur luy dist : « Ha, beau père, comment se pourroit-il
« faire? le roy ne me veult ayder ny me bailler gens ne argent,
« et les gens d'armes me hayssent pour ce que j'en fais justice et
« ne me veulent obéir *. » Et lors le prieur luy dist ; « Monsei-
« gneur, ils feront ce que vous voudrez, et le roy vous mandera
« que ailliez mettre le siège à Meaux. et vous envoyera gens et
« argent *. » Le roi fut-il averti de l'intention qu'avait le conné-
table d'abandonner le gouvernement de ses provinces et voulut-
il le retenir, en lui donnant satisfaction? Ce qui est certain, c'est
qu'il lui envoya des troupes, en lui faisant dire qu'il allât assié-
ger Meaux. Ce fut pour Richemont une des plus grandes joies
de sa vie ^.
Cbarles VII revenait alors, par Lyon et le Beaujolais, d'un
voyage en Auvergne (mars-juin) *. Il avait imposé, de sa seule
autorité, une aide de 300 000 I. aux pays de Languedoil; mais
il avait pris en même temps l'engagement de lever « une grosse
armée » (28 mars). Les Etats de Languedoc, réunis à Vienne,
lui avaient encore octroyé 160 000 moutons d'or ^ Il était donc
en état de faire face aux dépenses d'un grand siège; et d'ailleurs
les villes de l'Ile-de-France et de la Champagne y contribuèrent
aussi, comme elles l'avaient déjà fait pour celui de Montereau ^.
La Hire, Floquet, Jean de Malestroit, Geoffroy de Gouvran et
d'autres capitaines, qui revenaient d'Alsace par Montbéliard et
Luxeuil, reçurent du roi l'ordre d'aller se mettre à la disposition
du connétable '^. Après avoir fait une course devant la ville de
1. Voir ci-dessus, p. 284 et la note 2.
2. Gruel, 213. Il faut remarquer que cette anecdote, qui interrompt
d'une manière assez inattendue le récit du siège de Meaux, dans l'édition
Michaud et Poujoulat, ne se trouve pas dans le plus ancien des manus-
crits de la chronique de G. Gruel qui appartiennent à la Bibliothèque natio-
nale (voy. Ms. fr. 3037, f» 93 v», manuscrit du sv" siècle). On ne la trouve pas
davantage dans un manuscrit du xvi" siècle (Fr. 5507, f" 27) qui semble re-
produire le Ms. fr. 5037, mais elle est dans un autre manuscrit du xvi" s.
(Fr. 18697, fo^ 82 y, 83). D'ailleurs le manuscrit du xv" s. (Fr. 3037, f- 93 v»
met en scène un chartreux dont il n'a pas été dit un mot auparavant, de
telle sorte qu'on reconnaît les traces d'une lacune.
3. Doat, IX, p. 227. Gruel, 212.
4. Voir une curieuse relation latine de ce voyage dans le t. XI des Mé-
moires de la Société des antiquaires de France, p. 337 et suiv.
5. Ceux du Dauphiné octroyèrent 30 000 florins à Saint-Symphorien
d'Ozon, en mai. Voir Fr. 20889, n» 79; Legrand, VI (Fr. 6963), f"' 82-83.
Voir aussi Doat, IX, f» 127, ou Math. d'Escouchy, t. III, p. 5 et suiv.; Fr.
25710, no 123; Fr. 26063, n» 3770 ; Portef. Font., 117-118, au 28 mars.
6. Voir les Mémoires de J. Rogier, prévôt de l'échcvinage de Reims, p. 27 ;
D. Grenier, XX bis, liasse 9, f» 18 v°.
7. Berry, 401.
292 RICIIEMOM ASSIÈGE MEAUX (1439, JUILLET)
Meaux ', il revint presser les préparatifs du siège. Il partit de
Paris vers le milieu de juillet, avec les gens de sa maison et des
capitaines qui lui étaient dévoués depuis longtemps, comme
Ambroise de Loré, prévôt de Paris, Jean de Troissy % le sire
de Rostrenen, Tugdual de Kermoysan, dit le Bourgeois, et beau-
coup d'autres. Jean Bureau dirigeait l'artillerie '.
Meaux était une des places les plus importantes de France,
soit par ses fortifications, soit par sa situation dans le voisinage
de Paris, sur la Marne, dont elle commande le cours. Outre la
ville proprement dite, située sur la rive droite de la Marne, il y
avait, dans une presqu'île formée par une des boucles de cette
rivière, la puissante forteresse du Marché \ communiquant avec
la ville par un pont fortifié. Dix-huit ans auparavant, cette place
avait soutenu un siège mémorable. Henri V ne l'avait pu prendre
qu'après sept mois d'efforts (6 octobre 1421 — 2 mai 1422). C'est
pendant ce siège que Richemont avait servi sous les ordres du
roi d'Angleterre ! Il devait avoir à cœur de réparer cette faute.
Après avoir réuni ses troupes au village de Ghauconin °, il com-
mença le siège le 20 juillet. Il divisa son armée en trois corps, qui
occupèrent l'abbaye de Saint-Faron, les Cordeliers et un autre
poste vers la Brie, devant la porte de Cornillon. Il fit construire
une bastille à cet endroit ^ pour attaquer à la fois la ville et le
1. Le roi ordonne, le 27 octobre, de lui rembourser 900 1., qu'il avait
dépensées dans cette course. Voy. Append. LXIX.
2. Sur Jean de Troissy, voir le t. 96 de la Collect. de Bourgogne, p. 621.
3. Jean Bureau, qui s'était déjà signalé par des talents remarquables dans
la direction de l'artillerie (par exemple au siège de Montereau), était rece-
veur à Paris, quand il fut commis verbalement par le roi au commande-
ment de l'artillerie pour le siège de Meaux. Devenu trésorier de France,
il n'en conserva pas moins ces autres fonctions si différentes. Son frère
Gaspard servait, sous ses ordres, au siège de Meaux. Gaspard devint maître
de l'artillerie, après la démission de P. Bessonneau, le 27 décembre 1444
(Anselme, VIII, 135, 136, 140; Y* P^ 63 v», 64). Originaires de la Champa-
gne, les Bureau, contrairement à ce qu'on a dit, étaient nobles et issus
d'une famille noble, comme il résulte de lettres données par le comte de
Champagne en 1161, confirmées par le roi Jean en 1361 et par Char-
les VII en 1447 (JJ 178, f» 145, n- nclxvi).
4. Dès 1367, la forteresse du Marché de Meaux était une des plus nota-
bles du royaume (JJ 177, f'' 108). Sur la topographie de Meaux, voir Tous-
saints du Plessis, Hist. de l'Église de Meaux, Paris, 1731, in-4, p. 2 et 3,
et V.-A. Garro, Hist. de Meaux, Meaux, 186o, in-8, p. 103 et suiv. L'évêque
de Meaux, Pasquier, était alors président de la Chambre des comptes, à
Rouen (Fr. 20883, n» 88).
5. Carro, Hist. de Meaux, p. 175-178. Il y fut rejoint par La Hire, Robert
de Floq.ues, le bâtard Chapelles, Denis de Chailly, le commandeur de Gi-
resme, etc. Au mois de février 1430, Denis de Chailly avait fait une tenta-
tive sur Meaux (JJ 173, n° 6).
6. Monstrelet seul indique sept bastilles; Berry n'en indique qu'une
PRISE DE LA VILLE DE MEAUX (1439, 12 AOUT) 293
Marché. La ville était défendue par un lieutenant de Talbot ^ qui
en était le capitaine, et par le bâtard de Thian, qui en était le
bailli. Elle pouvait compter sur les secours du comte de War-
wick, lieutenant général de Henri VI, car le gouvernement anglais
ne devait rien épargner pour conserver une des places de France
auxquelles il tenait le plus. Malgré quelques démonstrations des
Français en Normandie, du côté de Granville et de Rouen, pour
y retenir les ennemis, le comte de Somerset, avec Richard Ha-
rjmgton, bailli de Gaen, réunit, dans les premiers jours d'août,
une petite armée et marcha au secours de Meaux ^ Il y avait
environ trois semaines ^ que cette ville était battue par l'artil-
lerie de J. Bureau, quand le connétable apprit, par ses espions,
que les Anglais approchaient. Il réunit un conseil où on résolut
d'assaillir la ville sans plus de retard.
Le mercredi 12 août, au matin, l'assaut fut donné, avec un tel
succès que la place fat prise en moins d'une demi-heure *. « Je
croy fermement, dit le biographe de Richemont, que Dieu y fit
plus, pour l'amour de mondit seigneur, que les gens d'armes,
car il ne coûtoit rien à monter sur la muraille ^. » Le même jour,
ceux du Marché offrirent de rendre cette forteresse, si on vou-
lait mettre en liberté trois prisonniers, dont le bâtard de Thian;
mais La Hire et Antoine de Ghabannes ayant réclamé le petit
Blanchefort, qui était aux mains des Anglais, les pourparlers
furent rompus. D'ailleurs, un traître Gascon, Jean de La Fuite,
encouragea les Anglais à résister, en disant qu'ils allaient être
secourus. Le connétable fit couper la tète au bâtard de Thian
et à tous les Français reniés qui avaient été pris avec les enne-
mis. Plus tard, il punit de la même manière J. de La Fuite.
La garnison du Marché pouvait tenir longtemps, à condition
qu'elle ne manquât pas de vivres. Elle reçut bientôt les secours
promis. Trois jours après l'occupation de Meaux arriva le comte
de Somerset avec une armée de 4 à 5 000 hommes ^, commandés
par les meilleurs capitaines anglais, Talbot, Scales, Fauquem-
berge. Le connétable avait prudemment fait rentrer dans la ville
seule (ce qui est plus vraisemblable), et Gruel aucune. Guillaume Gruel
était au siège de Meaux.
1. Berry l'appelle Thomas Abrigent (p. 402). Clairamb., 134, f" 2057.
2. Fr. 26066, n"^ 3829, 3832, 3833, 3838, 3844, 4035.
3. D'après le Bourg, de Paris, p. 347, le siège aurait commencé le
19 juillet. Voy. ci-dessus, p. 292.
4. Proceedings, V, 384. Gruel, 213. Journal de Maupoint, 23.
5. Gruel, 213. Il est très probable que les Français avaient des intelli-
gences dans la place (Z»» 13, f» 92 V). Jacquet Darcet, écuyer dans la
compagnie du connétable, fut un des premiers à entrer dans Meaux (Z**
13, f" 11). En récompense, il reçut l'office d'élu à Meaux (f» 23).
6. Gruel dit 7 000, Berry 4 à 3 000, Monstrelet 4 000.
294 SIÈGE DU MARCHÉ DE MEAUX (1439, AOUT)
la plus grande partie de ses troupes et laissé le reste, avec Denis
de Ghailly et le commandeur de Giresme, dans la bastille encore
inachevée, du côté de la Brie, Vainement les ennemis, qui ne
désiraient rien tant qu'une bataille, défièrent plusieurs fois les
Français. Richemont n'était pas assez sûr de ses troupes pour
risquer une partie aussi dangereuse ; il défendit qu'on sortît de
la ville ^ Il laissa les Anglais s'avancer jusqu'au bord de la
Marne, passer, avec leurs bateaux de cuir, dans une île située
entre la ville et le Marché, remplacer la garnison par des
troupes fraîches, et ce fut à contre-cœur qu'il céda aux con-
seils de ses capitaines, en faisant occuper cette île pendant la
nuit.
Le lendemain matin, les Anglais attaquèrent l'île, où se trou-
vaient les gens d'Olivier de Coëtivy. Le connétable envoya deux
bateaux armés pour les secourir ; mais les archers anglais tuè-
rent les mariniers, prirent les bateaux et passèrent dans l'île.
Tous ceux qui l'occupaient furent massacrés ou noyés, sans qu'on
pût venir à leur aide. Quant à ceux qui étaient dans la bastille,
ils s'enfuirent, abandonnant des vivres dont les Anglais s'em-
parèrent. La Hire voulait s'élancer contre les ennemis ; d'autres
cherchaient à quitter la ville, « feignans de vouloir aller à l'es-
carmouche; » mais le connétable resta inflexible, et même il fit
garder les portes par les gens de sa maison et par ses officiers
les plus dévoués, les sires de Rostrenen et de Ghâtillon, Jean
Budes ^ son porte-étendard, le Bourgeois, Guillaume Gruel.
Il recueillit bientôt les bénéfices de cette sage conduite. Les
Anglais n'étaient point venus dans l'intention de faire un siège ;
ils n'avaient pas assez de vivres pour rester longtemps. Ils
espéraient s'en procurer en s'emparant de Grespy-en-Valois ^,
mais le connétable les prévint. Il envoya Olivier de Broon, avec
d'autres capitaines, au secours de cette place, et les ennemis,
après avoir échoué dans cette entreprise, furent obhgés de re-
tourner en Normandie.
Le roi, inquiété par les nouvelles qu'il avait reçues, s'était avancé
1. Les Anglais et leurs capitaines, surtout Talbot, avaient une réputa-
tion de supériorité bien établie (Fr. 5022, f° 20). Richemont les connaissait
mieux que personne.
2. Des documents authentiques confirment la présence du sire de Ros-
trenen au siège de Meaux et nous apprennent que J. Budes était porte-
étendard du connétable. J. Budes avait été mis en prison et poursuivi pour
les mêmes méfaits que Richemont réprimait sévèrement chez les gens de
guerre. Il fut cautionné par le prévôt de Paris et par le maître d'hôtel de
ia duchesse de Guyenne (voir X^» 22, aux dates du lundi 15 juin, lundi 22
juin, mardi 23, jeudi 25 juin et jeudi 23 juillet lid9). \ oir Append. LXXIII.
3. Arrondissement de Sentis.
CAPITULATION DU MARCHÉ DE MEAUX (1439, AOUT)
jusqu'à Brie-Gomte-Robert *, où il réunissait des troupes. Il en-
voya des renforts au connétable, qui fit reconstruire la bastille
détruite par les ennemis et réoccuper l'île située entre la ville et
le Marché. Des postes furent établis sur la Marne et sur la Seine,
pour garder tous les passages, et le roi mit tant de troupes à
Saint-Denis et aux environs que les Anglais eussent été fort
empêchés de revenir au secours du Marché de Meaux. Le siège
fut poussé avec tant de vigueur et de célérité que Guillaume
Chamberlain, le nouveau capitaine, laissé par le comte de So-
merset dans la forteresse, fut réduit, au bout de quinze jours, à
capituler ^. Il promit de rendre la place dans trois semaines, si
elle n'était secourue dans l'intervalle, à condition que la gar-
nison fût libre de se retirer corps et biens saufs.
Le jour même où le Marché de Meaux fut rendu ^, le conné-
table, après en avoir confié la garde à Olivier de Coëtivy, revint
à Paris. Le roi s'y trouvait alors *. Il envoya au-devant de lui
Charles d'Anjou et d'autres grands seigneurs, qui lui firent cor-
tège jusqu'à l'hôtel Saint-Paul ". Là, Charles VII le reçut de la
manière la plus honorable, « en le remerciant du service qu'il
lui avait fait ^. »
Pendant ce siège, le maréchal de Rieux mourut dans la prison
où le retenait Flavy '. Il fut remplacé par André de Laval, sei-
gneur de Lohéac, auparavant amiral, et celui-ci par Prigent de
1. Arrondissement de Melun.
2. Ce serait donc à la fin d'août. Les ambassadeurs anglais, qui étaient
alors à Gravelines, apprirent cette capitulatioa le 5 septembre {Proceedings,
V, 385, 387).
3. Le 13 septembre, d'après le Journal de Maupoînt, p, 25. Le Bourg, de
Paris, 348. Guill. Chamberlain, revenu à Rouen, fut accusé de trahison et
même emprisonné pendant quelque temps.
4. Il y était venu le mercredi 9 septembre, d'après le Bourg, de Paris,
p. 347.
5. Xia 4799, f 157 r° et v. Berry, 403. Richemont trouva aussi à Paris
son neveu Pierre de Bretagne. Ils assistèrent, avec Ch. d'Anjou et le duc
de Bourbon, au combat de quatre Français contre quatre Anglais, en pré-
sence du roi, le 26 septembre (Journal de J, Maupoînt, p, 25, 26).
6. Sur le siège de Meaux, voir surtout Gruel, qui fut témoin oculaire;
Berry, p. 401-403, et Monstrelet, V, 387-390; Martial d'Auvergne, I, 163-167.
i. Chartier en parle brièvement (1, 249-250). Le Bourg, de Paris mentionne en
quelques lignes, p. 347 et 348, la prise de Meaux et celle du Marché, sans
aucune réflexion, après avoir déblatéré pendant deux pages contre le con-
nétable. Voir aussi K 65, nos jît^ i3o, issj Proceedings, V, p. 384, 385, 387,
et Préface, p. lxii-lxiv). Vallet de V. (Charles VII, i. 11,448) indique, en trois
lignes, la prise de Meaux, avec celle de quelques autres places, comme un
fait très accessoire. Du reste, cet auteur n'a pas même entrevu le plan,
pourtant si remarquable, de Richemont.
7. Append. LXXI.
296 RICHEMONT SUIT LE ROI A PARIS ET A ORLÉANS (1439)
Coëtivy, deux Bretons. Le connétable avait repris assez d'in-
fluence pour faire prévaloir ses choix i.
Certes, la prise de Meaux était un grand succès ; mais les en-
nemis avaient encore Saint-Germain, Pontoise, Greil, que Riche-
mont voulait, avant tout, leur reprendre. Il fallut de graves
motifs pour l'empêcher de poursuivre une campagne si heureuse;
mais la réorganisation de l'armée ne lui paraissait pas moins
urgente, et il voulait que cette question fût enfin résolue dans
les Etats généraux convoqués pour le 2o septembre *. Il avait
obtenu que ces Etats fussent réunis à Paris '. Le roi, qui avait
hâte de revenir sur la Loire, voulut ensuite que l'assemblée se
tînt à Orléans, malgré les représentations qu'on put lui faire.
Il quitta Paris à la fin de septembre.
Richemont le suivit à Orléans, avec le duc de Bourbon, Gh.
d'Anjou et le comte de La Marche. Bientôt arrivèrent les ambas-
sadeurs des princes, notamment ceux des ducs d'Orléans, de
Bourgogne, de Bretagne * et ceux des bonnes villes du royaume,
non moins intéressées aux débats qui allaient s'ouvrir. Aucune
assemblée, sous le règne de Charles VII, ne mérite au même titre
le nom d'Etats généraux. Les députés des pays de Languedoc
y avaient été convoqués, avec ceux de Languedoil '^j et on y
agita les questions les plus importantes, celle de la paix avec
l'Angleterre et celle de la réforme de l'armée.
Le gouvernement anglais, las des difficultés qu'il éprouvait à
soutenir la guerre ®, ne demandait pas mieux, malgré tous les
efforts du duc de Glocester, que d'entrer en accommodement.
1. Berry, 403-404.
2. Fr. 26066, n» 3932.
3. Voir un curieux passade d'une épître de J. Jouvenel des Ursins (évê-
que de Beauvais) à Charles VII, cité par M. de Beaucourt dans la Revue des
questions hisl., livraison du 1" juillet 1872, p. 114. — « Naguères et l'an-
née passée, vous aviez ordonné à tenir vos trois Estas en la ville capitale
de vostre royaume, c'est assavoir à Paris, pour le fait de la paix, auquel
lieu tous les gens de vostre royaume estoient joyeulx de venir; mais à
cop vous muastes votre ymaginacion et ordonnastes que on alast à Or-
léans » (Fr. 5022, P^ 5-6; voir ci-dessus, p. 278, note 2).
4. Avec le chancelier de Bretagne, Jean V envoya son fils Pierre, neveu
de Richemont qui lui succéda comme duc de Bretagne. Voy. ci-dessus,
p. 295, note 4. Pour le duc de Bourgogne, voir Fr. 26066, n» 3943, et Fr. 26069,
n» 4490.
5. Les députés de Languedoc comme ceux de Languedoil furent convo-
qués pour le 25 septembre (Fr. 26066, n'^ 3932 et 3943). M. Thomas croit
qu'ils ne furent pas convoqués, ou, du moins, qu'ils ne vinrent qu'en petit
nombre. Il prétend que les Etats de Chinon (septembre 1428) sont les
seuls, sous Charles VII, qui méritent véritablement le nom d'Etats géné-
raux (A. Thomas, dans le Cabinet hist., t. XXIV, 208-209, et ci-dessus,
p. 161-163).
6. Proceedings, V, Préface, p. xxxiv.
NÉGOCIATIONS INUTILES. ÉTATS d'ORLÉANS (1439) 297
Comme il avait été convenu, des conférences avaient eu lieu à
Gravelines, pendant les mois de juillet, août, septembre *. Les
envoyés de Charles VII s'étaient montrés plus exigeants qu'au
congrès d'Arras, en raison des succès qui, depuis 1435, avaient
été remportés par les Français, surtout par le connétable * ; mais
le principal obstacle fut l'obstination avec laquelle Henri VI
refusait de renoncer au titre de roi de France ^. On n'avait donc
pu s'entendre ; toutefois, il avait été convenu que les négocia-
tions seraient prochainement reprises. De tous côtés on désirait
la paix ; le pape, le concile, les ducs de Bourgogne, de Bretagne
et d'Orléans proposaient leur médiation; enfin, à la cour même
et dans le Conseil du roi, il y avait un parti de la paix '*.
Les ambassadeurs qui avaient pris part aux conférences, c'est-
à-dire le comte de Vendôme, Dunois ^, le chancelier, étaient
revenus à Orléans. Quand les Etats furent ouverts, en présence
du roi, de la reine de France, de la reine Yolande, des princes
et du connétable, le chancelier Regnault de Chartres exposa tout
ce qui avait été fait pour s'entendre avec les Anglais, en ajoutant
qu'il y aurait de nouvelles conférences à Saint-Omer et que le
roi demandait l'avis de l'assemblée. Après de longues délibéra-
tions, elle se prononça pour la paix ^.
La question de l'armée ne passionna pas moins les Etats. Ils
furent, comme à l'ordinaire, l'écho des plaintes et des réclama-
tions qui s'élevaient de toute la France et des pays voisins, de
la Bourgogne, de la Lorraine, de l'Alsace, également ravagés
par les gens de guerre ^. Jusqu'ici, toutes les mesures qu'on avait
1. Les ambassadeurs français, Dunois, etc., étaient à Gravelines le
28 juin, revenant de Saint-Omer, où ils avaient conduit Catherine de France
et assisté à son mariage avec le comte de Charolais {Hist. de Bourg., IV, 235).
Pendant ces négociations, les Anglais apprirent, le 19 août, la prise de
Meaux, et le 3 septembre la capitulation du Marché iProceedings, V, 384,
387, et aussi Préface, p. Lxn, lxiv).
2. Proceedings, V, 399, et Préface, p. lxix et lxxvii. C'est un argument
que la duchesse de Bourgogne fait valoir auprès du cardinal Beaufort.
3. Fr. 5022, f» 23 v°.
4. Sur ces négociations, voir Bréquigny, t. 81, f" 230 et suiv. ; t. 82,
fos 34-42, 49-54, 59-68; Proceedings, V, 385 et suiv., et la Préface, p. xxxiv-
LXix,Lxxvii; Hist. de Bourg., IV, 234-39, et Preuves, p.CLxniet suiv. ;Fr. 26065,
n- 3756; Fr. 26066, nos 3315, 388O.
5. Le bâtard d'Orléans venait de recevoir le comté de Dunois, le 21 juil-
let, d'après le Portef. Font., 117-118, à la date. Pourtant il prend déjà ce
litre dans un document du 30 juin [Hist. de Bourg., IV; Preuves., p. clxvi).
6. Berry, p. 405. Voir l'épître de J. Jouvenel des Ursins, évêque de
Beauvais, aux Etats d'Orléans (Fr. 5022, f»' 1-26). C'est un plaidoyer pour
la paix. Il conclut à là convocation d'une nouvelle assemblée des Etats, à
Paris, pour arriver à ce but (f» 26 v»). Voir aussi P.-L. Péchenard, J. Juvê-
nal des Ursins, Paris, Thorin, 1876, in-8, p. 194-206.
7. XI» 1482, fo 104. K 60, n» 2. J. Jouvenel des Ursins revient sans cesse
298 ORDONNANCE DU 2 DÉCEMBRE (1439)
décrétées n'avaient point empêché le fléau de grandir, parce
qu'elles n'étaient pas appliquées. Le connétable, qui avait, le
plus souvent, inspiré ces ordonnances, ne parvenait pas lui-
même à les faire exécuter. Aidé par Yolande, par son fils
Charles d'Anjou, par Pierre de Brezé, par des hommes aussi
modestes qu'utiles, les frères Bureau, Etienne Chevalier, Jac-
ques Cœur, qui jouissaient d'un grand crédit, Richemont sut
faire prévaloir dans le Conseil du roi les réclamations des
Etats.
Le 2 novembre 1439 fut rendue la fameuse ordonnance d'Or-
léans, qui commença la réforme de l'armée. Elle reproduit avec
plus de précision et de force l'ordonnance du 22 décembre 1438,
due à l'initiative du connétable * ; mais elle ne se borne pas à
rendre les capitaines responsables de leurs gens, à prescrire contre
eux des poursuites rigoureuses ; elle attaque le mal dans sa racine,
en posant ce principe, que le roi seul a le droit de lever des troupes.
Les seigneurs peuvent avoir des garnisons dans leurs châteaux ;
ils ne peuvent plus s'intituler, de leur propre autorité, capitaines
de gens d'armes et courir le pays avec des compagnies, sous
prétexte d'çiller combattre les ennemis. Nul ne peut désormais
être capitaine de gens d'armes, s'il n'est nommé par le roi. —
Les capitaines choisiront leurs gens, mais sans pouvoir jamais
dépasser l'effectif fixé par le roi. — Les compagnies devront
rester dans les garnisons qui leur seront assignées, aux frontières,
sans jamais les quitter, pour aller vivre sur le pays. Tous les
sujets du roi, nobles ou autres, sont autorisés à repousser les
pillards par la force ; ceux qui les livreront à la justice auront
même droit à leurs dépouilles. — Les seigneurs qui ont des
garnisons dans leurs châteaux devront les entretenir à leurs pro-
pres frais, sans pouvoir prélever, pour cela, aucune taxe extraor-
dinaire sur leurs vassaux et surtout sans pouvoir détourner aucun
denier des tailles ou des aides, comme ils le faisaient trop sou-
vent. — Enfin, le roi s'interdit à lui-même le droit de donner des
lettres de rémission aux délinquants, et, s'il leur en accorde, on
n'en devra tenir aucun compte !
Telles sont les principales dispositions de cette ordonnance
sur ce sujet, dans son épître aux Etats de 1439 (Fr. ^022, passim ; î°^ 20 v,
26, par exemple).
1. Voy. ci-dessus, p. 283. Par un étrange oubli, le préambule de l'ordon-
nance ne mentionne même pas Richemont parmi ceux qui conseillèrent le
roi dans ces circonstances, mais on y trouve le nom du duc de Bourbon 1
Déjà, au moment du siège de Meaux, le duc de Bourbon tenait une conduite
factieuse; il engageait les capitaines de gens d'armes à désobéir au roi, à
ne pas aller au siège de Meaux (Doat, IX, p. 227). Quant à Richemont, il
était alors au siège d'Avranches.
DIFFICULTÉ d'appliquer l'ordonnance (1439) 299
célèbre *. Elles ne sont pas nouvelles, pour la plupart; mais,
promulguées avec cette solennité, acclamées par les Etats géné-
raux, elles ont une importance vraiment exceptionnelle. Elles
n'atteignent pas seulement les routiers, les écorcheurs, les capi-
taines d'aventure, tous ceux, en un mot, qui vivaient de la
guerre, même en temps de paix et en pays ami; elles attaquent
aussi la féodalité dans ses abus invétérés, qu'elle considérait
comme ses privilèges.
L'application de cette ordonnance devait donc rencontrer
bien des difficultés, dont la moindre n'était pas la faiblesse du
roi ^. Faire un bon choix parmi les gens de guerre, habituer à
la discipline ceux qui seraient conservés, se débarrasser des
autres, sans provoquer de graves désordres, tout cela n'était
point chose facile. Cette tâche ardue incombait au connétable.
Avant que l'ordonnance fût signée, il se fit donner l'ordre d'em-
mener en Normandie « grand nombre de gens tenans les
champs, qui n'estoient point souldoyez ^. » C'étaient les troupes
qui avaient été au siège de Meaux. Il "fallait en débarrasser les
environs de Paris, qui avaient déjà tant souffert, et faciliter
l'exécution de l'ordonnance.
Les Anglais avaient surtout dirigé leurs entreprises contre le
pays de Caux *, mais ce ne fut point de ce côté que Richemont
conduisit ses troupes. Il marcha sur Avranches avec le maréchal
de Lohéac et le duc d'Alençon, qu'il avait appelé auprès de lui.
Il voulait sans doute soustraire ce jeune prince aux mauvais
conseils du duc de Bourbon, et, en attaquant Avranches, il espé-
rait peut-être trouver des secours en Bretagne. Il mit le siège
devant Avranches, au mois de décembre ^ ; mais il manquait
d'artillerie, de manœuvres, d'argent; et il avait dans son armée
beaucoup de routiers ^, dont l'indiscipline ordinaire était encore
accrue par le mécontentement, l'inquiétude, l'esprit de révolte.
Déjà se machinait la Praguerie ^ Quant au duc de Bretagne, non
1. Ordonnances, XIII, 306-311. L'ordonnance d'Orléans fut aussitôt pu-
bliée dans tout le royaume, et le roi commanda expressément aux baillis et
aux juges de poursuivre et de punir les délinquants (voir X^a 22, aux dates
du jeudi 12 novembre 1439 et du jeudi 16 mai 1443; Fr. 23283, à la fin).
2. On avait eu raison de prévoir qu'il accorderait des lettres de rémission.
3. Gruel, 214.
4. Ils y avaient pris Fécamp, Lillebonne et essayé de recouvrer Harfleur
par trahison (voir Fr. 26065, nos 3703, 3713, 3732, 3738; Fr. 25775, n» 1412).
5. Gruel, 214. C'était avant Noël, car Richemont était le 20 décembre
devant Avranches (K 65, n" 1523). Voir Appencl. LXXV.
6. Berry le dit formellement, p. 406.
7. Voir Le Baud, p. 486. Les seigneurs, dit-il, qui étaient à ce siège,
n'étaient pas bien d'accord, « mais déjà se machinait une praguerie. »
300 RICHEMONT ÉCHOUE DEVANT AVRANCHES (1439, 23 DEC.)
seulement il ne fit rien pour venir en aide à son frère, mais il
offrit même ses services au roi d'Angleterre K
Dans ces conditions, le succès était fort douteux, d'autant plus
que Somerset et Warwick envoyaient à ceux d'Avranches des
renforts considérables avec le comte de Dorset, Talbot, Th. de
Scales et Fauquemberge ^. Ils furent arrêtés pendant plusieurs
jours devant la Sée, petite rivière qui coule un peu au nord de
la ville. Français et Anglais, rangés en bataille sur chaque rive,
s'observèrent quelque temps. Les Anglais s'étaient établis au
pont Gilbert, tout près d'Avranches. Quant aux Français, ils
allaient, chaque soir, coucher dans les villages voisins, malgré
la défense de Richemont. « Et vous certifie qu'il estoit nuict
qu'il ne demeuroit pas à mon dict seigneur le connestable quatre
cens combatans, et Dieu scait qu'il y endura '. »
Une nuit, les Anglais, ayant découvert un gué, traversèrent la
rivière, sans que le connétable, abandonné par la plus grande
partie de son armée, fût en mesure de les arrêter ou de les
suivre. Les ennemis tombèrent alors sur le camp français, pri-
rent ou mirent en fuite ceux qui le gardaient et entrèrent dans
la ville. A cette nouvelle , ce fut un sauve-qui-peut général
parmi les routiers. Ils couraient en désordre vers Pontaubault*,
où ils pouvaient passer la Sélune, pour se réfugier en Bretagne.
En vain Richemont, avec un petit nombre des siens, essayait
d'arrêter cette déroute. Antoine de Ghabannes et Blanchefort
vinrent lui dire que, personnellement, ils ne l'abandonneraient
pas, mais que, « s'il ne s'en alloit, il demeureroit tout seul, et
que, de tous leurs gens, ils n'en avoient pas dix. » D'autres capi-
taines lui firent la même déclaration, en le pressant de ne pas
s'obstiner à une résistance impossible. Ils l'entraînèrent, pour
ainsi dire malgré lui, jusqu'à Dol. Il ne lui restait pas même
cent lances ^. Cette déroute d'Avranches, comme celle qu'il
1. Voir dans les Preuves de VHist. de Bretagne, t. II, col. 1326, une pièce
du 4 février 1439 (a. st.).
2. Le comte de Somerset était capitaine d'Avranches et de Ciierbourg
(Fr. 23773, nos 1406, 1430, 1432). Son frère, Edmond Beaufort, comte de Dorset,
était capitaine d'AIencon (Fr. 26066, n° 3824 ; voir aussi nos 3910, 3915).
3. Gruel, 215.
4. Arrondissement d'Avranches.
5. C'était le mercredi 23 décembre (voir Fr. 26066, n° 3920). Pendant le
siège d'Avranches, le sire de Bueil enleva aux Anglais Sainte-Suzanne, la
plus forte place du pays, celle qui nuisait le plus au Maine et à l'Anjou
(J. Chartier, I, 252, et Berry, 405). Sur ce siège d'Avranches, voir, outré
Gruel, J. Chartier, I, 250-232, qui est plus précis que d'ordinaire; Martial
d'Auvergne, I, 167-169; Berry, 406; S. Luce, Chron. du Mont-Saint-Michel.
39-40 ; Fr. 5022, f" 20 ; Fr. 26066, u» 3920 ; Fr. 26067, n° 4041 ; Fr. 26068,
MESURES CONTRE LES ROUTIERS (1440) 301
avait éprouvée non loin de là, quatorze ans auparavant, à Saint-
James-de-Beuvron, était due aux mômes causes, à l'indiscipline
des troupes françaises, à l'infériorité de leur organisation.
Ce dernier échec n'était pas très grave, mais il montrait une
fois de plus Turgence des réformes décrétées à Orléans; il servit
d'argument à Richemont, qui se hâta de revenir auprès du roi,
pour lui porter ses plaintes et réclamer des mesures énergiques.
Charles VII manda aussitôt à Angers les capitaines qui avaient
pris part à l'expédition. Là, en présence du connétable, il leur
demanda pourquoi ils s'étaient « si lâchement gouvernés » de-
vant Avranches. Il décida qu'à l'avenir il serait interdit aux
gens d'armes de traîner avec eux des bagages, des femmes, des
valets et autre coquinaille qui n'était bonne qu'à détruire le
pauvre peuple. Après avoir désigné les capitaines des compa-
gnies, il ordonna « de mettre ses gens d'armes es frontières,
chacun homme d'armes ayant trois chevaux *. » Désormais les
capitaines institués par le roi devaient, tous les mois, faire leurs
montres devant le connétable et recevoir la solde de leurs trou-
pes. Les autres étaient tenus de licencier leurs compagnies.
Ensuite le roi fit distribuer à ses capitaines de l'argent, des
armes, leur assigna des garnisons aux frontières, reçut leurs
serments d'obéissance ^. En outre, le Dauphin, qui venait de
conduire une expédition contre les Anglais dans la Guyenne et
contre les routiers dont les Languedoc , était chargé d'aller
réprimer les brigandages d'autres routiers dans le Poitou et la
Saintonge ^. Richemont, après tant d'efforts, avait enfin obtenu
gain de cause, et il était déjà reparti pour son gouvernement de
rile-de-France, quand une révolte désastreuse entrava encore
la réforme de l'armée et la guerre contre les Anglais.
n" 4372. Le connétable avait environ 6 000 hommes. D'après le Bourg, de
Paris, p. 331, il en avait 40 000 contre 8 000 Anglais!
1. Berry, p. 406. D'après Martial d'Auvergne, un homme d'armes, ou
lance, aura cinq chevaux, un coutillier, deux archers « et son gros varlct
et paige » (t. I, 170).
2. Voir Berry, p. 406, 407, le seul chroniqueur qui donne ces détails,
confirmés d'ailleurs par un document précieux. C'est un mémoire dont la
copie se trouve dans le t. IX de la collection Doat, f" 226-252. Elle a été
reproduite dans l'édition de Mathieu d'Escouchy, par M. de Beaucourt,
t. III, p. 4 et suiv. Voir aussi Martial d'Auvergne, I, 169-170.
3. Voir Fr. 6960, c'est-à-dire Legrand, t. I, p. 9. Sur l'expédition du
Dauphin en Guyenne et dans le Languedoc, voir Fr. 6965, c'est-à-dire Le-
grand, VI, fos 27-36 et f' 67. Le comte de Huntingdon avait été envoyé dans
la Saintonge et le Bordelais (JJ 178, f» 13 v»; Fr. 20886, n» 116; Fr. 26066,
no» 3818, 3864, 3870, 3885, 3888, 3901, 3917, 3929 ; Pièces originales, t. 47,
dossier Amboise, n" 1046, pièce 71 ; Tuetey, Les Écorchews, 1, 124; Quicherat,
Rod. de Villandmndo, p. 172-173; J. Stevenson, 11,2* partie, p. 439 ; Portef.
Font., 117-118, aux dates des 6, 13, 20 octobre 1439; K 65, n»' 5-10, 11).
CHAPITRE IV
LA PRAGUERIE. LA JOURNÉE DE TARTAS. LA TRÊVE DE TOURS.
l'expédition de LORRAINE (1440-1445)
La Praguerie. — Energie du connétable. — Il rend de grands services au
roi. — Il conclut un arrangement avantageux avec Jean V. — Délivrance
de Charles d'Orléans. — Les Anglais prennent Harfleur, les Français Con-
ches et Louviers. — Le roi et le connétable vont châtier les Echorcheurs
en Champagne et en Lorraine. — Intrigues de Charles d'Orléans. — Ri-
cbemont prend Greil et assiège Pontoise. — Prise de Pontoise. — Char-
les VII à Paris. — Richemont le suit sur la Loire, puis va en Bretagne.
— Jean V abandonne la Praguerie. — Mort de la duchesse de Guyenne.
— Soumission du duc d'Orléans. — Le connétable fait, avec le roi, une
expédition en Guyenne. — La journée de Tartas. — Prise de Saint-
Sever et de Dax. — Richemont épouse Jeanne d'Albret. — Mort de
Jean V. — Richemont se rend en Bretagne. — Mort de Yolande d'Ara-
gon. — Mesures répressives contre les routiers. — Les Anglais échouent
devant Dieppe. — Expédition infructueuse de Somerset. — L'Angleterre
désire la paix. — Conférences de Tours. — Le connétable y amène son
neveu le duc de Bretagne. — Trêve de Tours. — Expéditions de Lor-
raine et d'Alsace. — Richemont accompagne le roi. — Il perd sa seconde
femme et épouse Catherine de Luxembourg. — Différend avec Pierre de
Brézé.
Le principal instigateur de cette insurrection féodale et mili-
taire qu'on appelle la Praguerie fut le duc de Bourbon. Ce
prince, qui avait rendu des services avant le traité d'Arras, ne
pouvait se résigner au rôle effacé qu'il avait eu depuis cette
époque. Assez ambitieux pour convoiter le pouvoir, sans pos-
séder les talents qui l'en eussent rendu digne, il s'irritait de voir
au premier rang Gh. d'Anjou et le connétable. Dédaignant d'oc-
cuper à côté d'eux la place qu'on lui eût accordée volontiers, il
n'aspirait qu'à s'élever au-dessus de tous. Son esprit chagrin
et jaloux formait les plus dangereux desseins. Il voulait mettre
le roi en tutelle, donner la régence au dauphin Louis, qui avait
alors seize ans et demi, et s'emparer ainsi du gouvernement.
LE DUC DE BOURBON. LA PRAGUERIE (1440, FÉVRIER) 303
Son programme, c'était la paix, la paix que le peuple réclamait
et qui eût permis de diminuer les impôts. Sous ce prétexte, il
s'entendait avec les ducs de Bourgogne, de Bretagne ^ et d'Or-
léans , qui s'étaient déjà portés comme médiateurs entre la
France et l'Angleterre ; mais il ne se bornait pas à une interven-
tion désintéressée, et, comme s'il eût été impossible de travailler
au bien de l'État sans l'ébranler par une révolution^ il ne recu-
lait pas devant la guerre civile.
Déjà les intrigues qu'il formait, depuis 1436, avaient échoué *.
A l'époque des États d'Orléans, il avait poussé le Dauphin à la
révolte. Quand les routiers étaient revenus d'Avranches, il avait
voulu se servir d'eux pour prendre le château d'Angers, où était
le roi, et « tuer les plus prochains et principaux serviteurs qui
estoient entour luy » ^. Jamais il n'avait trouvé une occasion
aussi propice qu'en ce moment. Nobles et gens d'armes, mécon-
tents des réformes militaires, étaient disposés à soutenir ceux
qui les voulaient empêcher. Le duc d'Alençon, le comte de Ven-
dôme, G. de La Trémoille, le maréchal de La Fayette, le sire de
Chaumont, le bâtard d'Orléans * lui-même faisaient cause com-
mune avec le duc de Bourbon. Ils occupaient des places fortes
dans le Poitou, la Touraine, le Berry, l'Ile-de-France ^ Les rou-
tiers que le roi n'avait pas voulu garder à son service leur four-
nissaient une armée toute prête, et ceux mêmes qui, en vertu
d'une commission régulière, tenaient garnison contre les en-
nemis*, avaient, pour la plupart, trahi leurs serments.
La révolte éclata dès le mois de février 1440. Pendant que
le duc d'Alençon allait se concerter avec le Dauphin et Dunois
1. Preuves.de l'hist. de Bretagne,!!, col. 1325. P 13582, cote 595. Le duc de
Bourbon, par lettres du 12 janvier, le duc de Bourgogne, par lettres du
18 janvier, font alliance avec le duc de Bretagne (Turnus Brutus, f<" 70 et
70 v). En janvier aussi, J. de Blanchefort et L. de Valperga s'engagent en-
vers le duc de Bretagne {ibid., î<" 70 v» et 71, et Fr. 22332, f<" 221-222). Voir
les plaintes et réclamations du duc de Bourbon dans le t. III de l'édition
de M. d'Escouchy, par M. de Beaucourt, 82-83. Plaintes des autres chefs
de la Praguerie, ibid., p. 78-85.
2. En 1436, 1437, 1439 (Vallet de V., Charles VII, t. II, p. 376, 379-381 ; Doat,
IX, 227). Voir ci-dessus, p. 269, note 7.
3. M. d'Escouchy, III, p. 8.
4. On est étonné de trouver ici le maréchal de La Fayette, qui, d'après
Vallet de V. {Charles VII, t. II, 402), était l'un des principaux auteurs de la
réforme militaire. Quant au bâtard d'Orléans, le duc de Bourbon lui avait
fait croire que le roi ne voulait point la délivrance du duc d'Orléans
(voir le t. III de M. d'Escouchy, p. 7).
5. Notamment Corbeil et le bois de Vincennes {Journal de J. Maupoint,
p. 26).
6. Antoine et Jacques de Ghabannes, le bâtard de Bourbon, les deux
Blanchefort, Jean d'Apchier, Valperga.
304 LA PRAGUERIE (1440, FÉVRIER)
à Niort *, le duc de Bourbon, le comte de Vendôme, G. de
La Trémoille et plusieurs capitaines des compagnies du roi se
réunissaient à Blois, ville qui appartenait au duc d'Orléans.
Charles VII se rendait d'Angers à Bourges, où il avait convoqué
les États généraux pour le 15 février*, quand il apprit, à Tours,
ce qui se passait. Il n'osa pas aller plus loin qu'Amboise, crai-
gnant de tomber entre les mains des rebelles. Il envoya Poton
de Saintrailles et Gaucourt demander au duc de Bourbon ce
qu'il voulait et lui remontrer le grand mal qu'il allait faire au
roi et au royaume. Le duc leur répondit « oultrageuses et des-
honnestes paroles ».
Le connétable, qui venait de quitter Charles VII pour re-
tourner à Paris, avait dû passer par Blois ', et y avait reçu un
mauvais accueil. Les rebelles (et parmi eux se trouvait G. de La
Trémoille) l'avaient accablé des invectives les plus violentes.
Dunois s'était montré encore plus agressif que les autres, comme
s'il eût voulu le pousser à bout, pour avoir l'occasion de mettre
la main sur lui. Richemont avait su se contenir * ; mais il se fût
difficilement tiré de ce mauvais pas, si Antoine de Ghabannes, qui
fut toujours prudent et avisé, n'avait fait observer que, à retenir
le connétable, on risquait de livrer aux Anglais l'Ile-de-France,
dont il avait le gouvernement. Ils le laissèrent partir, non sans
regret. Pour eux, c'était une faute, dont ils sentirent bientôt les
conséquences.
Richemont n'avait pas dépassé Beaugency, quand Gaucourt et
Saintrailles vinrent lui dire que le roi le priait d'accourir au
plus vite ; que le duc d'Alençon avait chassé le comte de La
Marche ^, conseiller du Dauphin ; que les amis de La Trémoille
1. A. Thomas, Etals provinciaux, I, 321-322.
2. Fr. 26066, n<>''3932et3943. Ces Etats attendirent près de six mois le roi,
sans qu'il pût venir, ni personne de sa part (Fr. 6960, f» 14; A'oir aussi Y*
fo» 43, 64-65).
3. D'après Legrand, t. I, 17 (Fr. 6960), Richemont aurait été envoyé, avec
Gaucourt, vers les rebelles, pour ramener le Dauphin.
4. Lors de la déroute d'Avranches, Ant. de Ghabannes ne l'avait pas
abandonné (voir ci-dessus, p. 300). 11 n'est pas impossible que Richemont
ait fait aux rebelles quelques promesses, pour leur échapper. Gruel dit
qu'il dissimula, et Legrand, dans son histoire manuscrite de Louis XI, pré-
tend que Richemont se serait joint à eux, si La Trémoille n'avait pas été
de leur parti. II ne donne d'ailleurs aucune preuve de cette assertion (voir
Fr. 6990, f» 17; voir aussi Fr. 10449, f» 269). Cette supposition ne manque-
rait pas de vraisemblance, si la Praguerie avait commencé quelques mois
plus tôt, c'est-à-dire à l'époque où Richemont voulait abandonner son
commandement. Quant à La Trémoille, il s'était allié intimement avec le
Dauphin (Redet, Catal. de D. Fonteneau, p. 337).
5. Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac, qui s'appelait comte de La
ÉNERGIE DU CONNÉTABLE (1440) 305
s'insurgeaient dans le Poitou ; que le sire de Ghaumont refusait
à son souverain l'entrée du château de Loches. Jamais le con-
nétable n'avait eu l'occasion de jouer un rôle aussi décisif. Il
était maintenant appelé à défendre le roi contre La Trémoille,
contre son propre neveu, le duc d'Alençon, contre son beau-frère,
le duc de Bourbon. S'il eût manqué à Charles VII dans cette crise
périlleuse, on ne sait ce qui serait advenu du roi et de la France.
D'ailleurs, Richemont défendait ici ses propres intérêts, ses idées,
son œuvre. La ligue en voulait aux conseillers du roi, plus en-
core qu'au roi lui-même. Elle visait à le leur prendre, pour
gouverner en son nom, comme elle leur avait déjà pris le Dau-
phin. C'est un spectacle vraiment curieux que de voir un des
plus grands seigneurs de l'époque, un futur duc de Bretagne,
défendant le pouvoir royal contre la féodalité *.
On peut dire tout de suite que le connétable fut à la hauteur de
cette tâche et que jamais il ne montra plus de décision et d'éner-
gie. Equiper un bateau, le charger de ses gens les plus dévoués,
passer résolument sous le pont de Blois, pendant la nuit, descendre
la Loire jusqu'à Amboise, tout cela fut accompli avec autant de
promptitude que de bonheur. Quand on annonça son arrivée au
roi, que l'inquiétude tenait éveillé, il lui « feit grand chère et
dist, puisqu'il avoit le connestable, que plus ne craignoit rien *. »
De son côté, le roi avait agi avec vigueur. Il avait fait saisir le
petit Blanchefort et dresser un échafaud sur lequel on allait lui
couper la tête, quand Richemont obtint sa grâce, en se portant
garant de sa fidélité pour l'avenir. Cet acte de clémence, qui,
venant du connétable, ne pouvait être considéré comme une
marque de faiblesse, était habile. D'ailleurs la répression des
rebelles ne se fit pas attendre. Des lettres furent envoyées par-
tout aux bonnes villes, pour défendre de recevoir le Dauphin et
ses complices ^. « Le connestable, incontinent qu'il fut arrivé,
Marche depuis la mort de son beau-père, Jacques II de Bourbon, comte de
La Marche {+ 1438) [Anselme,!, 320; III, 427]. G. Chastellain, qui a connu
Bernard d'Armagnac, a dit de lui qu'il « donnoit exemple d'un excellent
singulier mirouer de toute bonne vie » (G. de Chastellain, édit. Kervyn
de Lettenhove, t. I, notice XV).
1. On n'a pas fait ressortir assez ce côté de la Praguerie, c'est-à-dire la
lutte entre les conseillers de Charles VII et les princes qui voulaient leur
enlever le pouvoir, non plus que l'importance de cette lutte, au point de
vue de la politique extérieure, les uns voulant la guerre, les autres la paix
avec l'Angleterre. Le duc d'Orléans s'était engagé vis-à-vis de Henri VI à
faire la paix, et pour cela il fallait qu'il eût le pouvoir.
2. Gruel, 215.
3. Ces lettres furent envoyées à Compiègne, et probablement dans les
autres villes, dès le commencement de mars (D. Grenier, t. XX Ois, liasse 9,
Richemont. 20
306 SERVICES RENDUS AU ROI PAR RICHEMOINT (4440)
dist au roy qu'il prinst les champs, et qu'il luy souvinst du
roy Richard, et qu'il ne s'enfermast point en ville ne en
place ^ » Bien secondé par ses Bretons, par le maréchal de
Lohéac, par l'amiral de Goëtivy, par Pierre de Brézé, qui
trouva là une occasion de faire une brillante fortune, Riche-
mont marcha aussitôt sur Loches, où était le duc de Bourbon,
fit attaquer, dans les faubourgs de cette ville, les routiers,
commandés par Antoine de Chabannes, le grand Blanchefort,
Jean d'Apchier 2 et les mit en déroute. Le roi arriva le lende-
main et voulut assiéger le duc de Bourbon dans le château de
Loches; mais ce prince s'enfuit, de grand matin, pour aller en
Auvergne continuer la guerre.
Cependant le duc d'Alençon, avec Jean de La Roche, avait pris
Melle et attaqué Saint-Maixent ^. Le roi, sans perdre un jour,
vint assiéger Melle, avec le connétabe et le comte de La Marche,
puis il s'avança jusqu'à Niort, pour reprendre son fils au duc
d'Alençon *. Celui-ci , déconcerté par une attaque aussi sou-
daine, feignit de vouloir négocier, par l'entremise du comte de
La Marche et du connétable, ses oncles ° ; mais il ne cherchait
qu'à gagner du temps, pour attendre le duc de Bourbon. Quand
il sut que le duc avait été réduit à s'enfuir, il n'eut pas honte de
demander secours au comte de Huntingdon^ qui commandait
les Anglais en Guyenne ^.
Le roi était revenu à Poitiers, dans l'intention de se rendre à
Bourges, où l'attendaient les États, quand il fut informé que le
duc d'Alençon et Jean de La Roche avaient pris le château et
la ville de Saint-Maixent ; que les habitants défendaient encore
une des portes et l'abbaye ; mais qu'ils allaient succomber, s'ils
n'étaient promptement secourus. Aussitôt ' le roi monte à
fo 19), à Reims, à Narbonne dès le 24 février (Fr. 1483 [nouvelles acquisi-
tions], à l'année 1440, n"» 18, 22, 29).
1. Gruel, 213. M. d'Escouchy, III, p. 11.
2. Il y avait Jean et Guy de Blanchefort, autrement dits le grand et le
petit Blanchefort, Jean el François d'Apchier, tous routiers (JJ 177,
f„. li^ vo^ 160; JJ 178, f» 2\ ; A. Tuetey, Les Ecorcheurs, l, 161, 163).
3. Arrondissement de Niort.
4. Le duc d'Alençon avait acheté la ville et la châtellenie de Niort à
Charles VII, le 28 août 1423 (Xi^ 8604, fo» 67-68; K 168, n» 22).
5. Le duc d'Alençon avait épousé Isabelle d'Armagnac, nièce du comte de
La Marche.
6. Le mémoire Doat ajoute que le comte de Huntingdon n'envoya pas
de secours, et pourtant Monstrelet et Gruel disent qu'il y avait des Anglais
parmi les troupes des rebelles. — Le duc de Bretagne était toujours en
relations avec Henri VI (Bréquigny, 82, f« 107).
7. Le jour de la Quasimodo, d'après le mémoire Doat, c'est-à-dire le
DÉFAITE DES REBELLES (1440, AVRIL-JUILLET) 307
cheval, avec le connétable, l'amiral, Pierre de Brézé, Raoul de
Gaucourt. Il arrive, le soir même, à Saint-Maixent, et entre dans
la ville, pendant que les rebelles, effrayés, se réfugient dans le
château. Après un siège de huit ou dix jours, ils sont réduits à
so rendre. Les routiers de Jean de La Roche sont décapités ; mais
les gens du duc d'Alençon, qui avaient toujours bien servi le roi
auparavant, sont épargnés, grâce à l'intervention du connétable *.
Pendant ce siège, le duc d'Alençon s'était enfui, avec le Dau-
phin. Ils étaient allés rejoindre le duc de Bourbon en Auvergne.
Le roi se met à leur poursuite, avec le connétable, Ch. d'Anjou,
le comte de La Marche, Saintrailles, Gaucourt, Brézé, Robert
de Floques, sans dégarnir le Poitou, la Touraine, le Berry,
l'Ile-de-France, où ses troupes combattent les autres rebelles.
Ceux-ci pouvaient déjà comprendre que leur cause était fort
compromise. Le peuple, sur lequel ils avaient compté, se pro-
nonçait pour le roi; le duc de Bourgogne ne voulait pas leur
fournir de secours matériels ; Dunois lui-même venait faire sa
soumission, en s'excusant d'avoir voulu arrêter le connétable
à Blois. Bien accueilli dans la plupart des villes, Charles VII
prend celles qui veulent résister, Chambon *, où le connétable
sauve la vie aux habitants réfugiés dans leur église ^, Char-
roux *, Ebreuil ^, Aigueperse ', occupe toutes les places de la
Limagne, excepté Riom, entre à Montferrand, à Glermont, qui
ont refusé d'ouvrir leurs portes au Dauphin, et, tout en accep-
tant la médiation du duc de Bourgone et du comte d'Eu, il réduit
les rebelles à l'impuissance, par la soumission du Bourbonnais
et du Forez (avril-juillet).
Le 17 juillet, le roi écrivait aux bonnes villes pour les informer
qu'il avait reçu en grâce, à Gusset '', le iDauphin et le duc de Bour-
3 avril. L'abbé de Saint-Maixent « fut cause de mettre la ville en la main
du roy » (X»» 4799, f» 142 v").
1. Fr. 20584, f 40, n" 60, 61. X»» 4798, f» 246 v». X^» 20, f°« 32 v, 34. JJ
177, f° 124 v". Le roi avait donné Saint-Maixent à la dame de La Roche-
Guyon, qui avait mieux aimé perdre ses biens que de subir la domination
anglaise. Il lui reprit cette ville en 1443 et lui donna Corbeil en compen-
sation, puis il donna Saint-Maixent, avec Melle, Civray, Gien, etc., à Ch.
d'Anjou, comte de Mortain et du Maine (X«a 4799, P' 236 v», 273; X^» 1482,
f» 249). Avantages accordés à Saint-Maix£nt, en 1440 et 1441 (Redet, Catal.
de D. Fonteneau, p. 337).
2. Arrondissement de Boussac.
3. C'est Berry qui fait connaître ce détail (p. 409). Le connétable exigea
d'eux toutefois qu'ils payeraient 600 écus à Brézé et à Rob. de Floques.
4. Arrondissement de Gannat.
5. Arrondissement de Gannat (Allier).
6. Arrondissement de Riom (Puy-de-Dôme).
7. Arrondiasement de Lapalisse (Allier).
308 RÉPRESSIO.N DE LA PRAGLERIE (1440, JUILLET)
bon, venus vers « lui en toute humilité et obéissance * ». En leur
pardonnant, Charles VII exigea d'eux, outre le renvoi de leurs
troupes, l'engagement d'observer l'ordonnance relative aux
gens de guerre, « car toute la guerre du royaume appartient au
roy et à ses officiers et non à autres, et n'est nul si grand audit
royaume qui puisse ou doive mouvoir guerre, ne tenir gens
d'armes en icelluy, sans l'auctorité, commission et mandement du
roy; et qui fait le contraire doit perdre et confisquer corps et
biens envers luy, selon les droits ^ » Quelques jours après (27 juil-
let), Charles VII déclarait confisqués les biens de feu Jacques de
Pailly, dit Forte-Epice, un de ces dangereux pillards qui avaient
impunément bravé le connétable. D'autres routiers, qui conti-
nuaient leurs ravages-dans le Poitou, furent punis par la confisca-
tion de leurs biens et bannis du royaume ^.
Cette énergique répression de la Praguerie était un triomphe
pour Richemont autant que pour le roi. Si l'épreuve avait été pé-
rilleuse, il en sortait plus fort, plus décidé à poursuivre ses ré-
formes, armé d'une autorité plus grande pour les réaliser. Avant
de quitter Charles VII, il fut chargé tout spécialement de faire
emprisonner et juger ceux qui auraient enfreint l'ordonnance du
2 novembre 1439, corroborée par la convention de Gusset *.
Laissant Charles VII victorieux en Auvergne, Richemont re-
vint à Paris, prendre possession des places que le duc de
Bourbon devait rendre au roi ^ Vincennes, Corbeil, Brie-Gomte-
1. Lettres d'abolition pour le duc de Bourbon et pour ses complices, le
15 juillet (P 13722, cote 2099). La paix fut publiée à Paris le jeudi 28 juillet.
Voir, dans Y* f» 43, les lettres adressées au prévôt de Paris. Elles sont
reproduites dans l'édition du Bourgeois de Paris de M. Tuetey, p. 3S3,
note 1. Par lettres données le 2 septembre, à Bourges, le roi interdit toute
poursuite à l'occasion de la Praguerie (X^* 8605, f" 74 v», 75J.
2. M. d'Escouchy, 111 {Preuves), p. 18.
3. Y* fo' 43 \o, 46. X2a 23, ^ 339, et A. Tuetey, Les Ecorcheuvs, t. I, p.
127-129. Jacques de Chabannes perdit sa charge de sénéchal de Toulouse,
qu'il avait obtenue peu auparavant (JJ 178, fo 125 v» ; X'» 4798, f» 122).
4. X2a 22, au lundi 19 octobre 1440. Voir aussi Append. LXII. — Sur la Pra-
guerie, voir le mémoire publié dans le t. III de l'édition de M. . d'Escou-
chy par M. de Beaucourt, p. 1-29; Portef. Font., 117-118, aux dates du
2 mai et du 5 juillet; X^» 8603, fo» 70 vo, 71 ; Fr. 25711, n" iZ^ ; Pièces orig.,
t. 207, dossier Barton, pièce n» 28; Fr. 20384, n»' 60, 61; JJ 177, n» 182;
Lat. 6020, f" 67 ; Legrand, t. I (Fr. 6960), f» 15 et suiv. ; t. VI (Fr. 6965),
fo» 69-71, 89, 102-103, 106-114, Parmi les chroniqueurs, outre Gruel, voir
surtout Berry, qui est le plus complet, p. 407-411; Monstrelet, V, 410-416:
J. Chartier, I, 233-259; Martial d'Auvergne, I, 170-179; Chron. Martinienne,
f" ccLxxxv V, ccLXXXvi; H.-A. Briquet, Hist. de Niort, Niort, 1832, 2 vol. in-8,
t. I, p. 109-110; i/w^ de Bourg., IV, p. 243-44, Duclos, Hist. de Louis XI, La.
Haye, 1745, 3 vol. in-12, t. I, p. 17 et suiv.; t. III, 15-19.
5. Ce ne fut pas sans difficulté que ces places furent rendues (voy. Ap-
pend. LXXII). Il semble même que les gens du duc de Bourbon gardèrent
ARRANGEMEiNT ENTRE JEAN V ET RICHEMONT (1440, 24 AOUT) 309
Robert *, puis il alla en Bretagne. Le duc son frère s'était com-
promis dans la Praguerie *. Malgré l'amnistie généreusement
accordée par le roi, il n'était pas rassuré sur les suites de cette
imprudence. Pour se prémunir contre tout danger, il obtint de
Richement une promesse d'assistance éventuelle, dans le cas où
la Bretagne serait attaquée par les troupes du roi, c'est-à-dire
par les routiers, ou par d'autres. Le connétable s'engageait à
empêcher toute invasion en Bretagne et à venir, au besoin, s'y
opposer lui-même (22 août) ^.
Si le document qui révèle ces détails portait une date anté-
rieure à la répression de la Praguerie, il serait de nature à faire
soupçonner la fidélité du connétable, mais il prouve plutôt que
celui-ci était assez habile pour concilier avec ses devoirs en-
vers le roi le souci de ses propres intérêts. Richemont savait
bien que Charles VII n'avait nulle envie de déclarer la guerre
à Jean V; que, s'il avait à intervenir, ce serait tout au plus
pour empêcher les garnisons françaises * voisines de la Bretagne
d'aller faire quelques courses dans ce pays ; mais il n'était point
fâché que son frère eût des craintes dont il pouvait tirer parti.
Il obtint de lui une convention avantageuse, qui contribue beau-
coup à expliquer l'engagement du 22 août. Par un acte du
24 août, conclu à Vannes, le duc lui donna les terres de Bourgneuf-
en-RetzJ et de Lannion, pour parfaire un apanage de 8 000 livres de
rentes, promis depuis 1422. Jusqu'ici, Richemont n'avait encore
reçu que des terres dont les revenus ne s'élevaient qu'à 3 000 li-
vres. Il fut convenu que le duc lui donnerait, en outre, comme
dédommagement, une somme de G 000 livres une fois payée *.
Corbeil. Pendant l'absence du connétable, le sire de Rostrenen, son lieutenant
dans l'Ile-de-France, était mort (Gruel, 216). II fut probablement remplacé
par Olivier de Coëtivy, frère de l'amiral. Gruel dit qu'Olivier de Coetivy était
lieutenant du connétable en 1441, lors du siège de Pontoise. Les Anglais
redoutaient déjà, au mois d'août 1440, une entreprise sur Pontoise (K 65,
n» 34 [ordre d'envoyer des renforts à J. Staulawe, capitaine de Pontoise,
pour résister aux ennemis qui veulent faire une entreprise sur cette ville,
22 août 1440] ;K 66, n» 11* iPorfe/lFon^, 117-118, au 22 août ;Fr. 26068, n» 4100).
1. T. III de M. d'Escouchy, p. 27. Le Bourg, de Paris, 351-333.
2. T. III de M. d'Escouchy, p. 22.
3. Voir Append. LXXIV.
4. Par exemple, celles de Graon, de La Gravelle, et les troupes du maréchal
de Lohéac, le duc étant en assez mauvais rapports avec les Laval, parce
qu'il avait acheté au maréchal de Raiz, leur parent, une partie de ses
biens. Voy. ci-dessus, p. 279. Peu après, le duc de Bretagne fit arrêter Gilles
de Raiz, qui fut condamné à mort et exécuté le 26 octobre, à cause de ses
crimes monstrueux (D, Morice, p. S33-o37, et Preuves; Marchegay, Notices
et pièces historiques, Angers et Niort, 1872, in-8, p. 186-188).
5. Arrondissement de Paimbœuf.
6. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1132-1136. Richemont accepta
310 DÉLIVRANCE DE CHARLES d'ORLÉANS (1440, 9 NOV.)
Il faut donc voir dans cette conduite de Richemont un simple
acte d'obéissance envers celui qui était tout à la fois son suze-
rain immédiat et le chef de sa famille, mais nullement l'inten-
tion de trahir le roi ; on peut seulement regretter qu'il n'ait pas
agi d'une manière plus désintéressée.
Il n'est pas vraisemblable qu'il ait espéré, en faisant ces con-
cessions, détacher son frère de l'alliance anglaise. Cette aUiance
venait d'être resserrée par un traité (11 juillet 1440) % dans lequel
le duc prenait l'engagement de ne donner aucun secours à Char-
les VII et d'empêcher que les Bretons lui en donnassent. Il est
vrai qu'il était toujours question de la paix entre la France et
l'Angleterre, paix dans laquelle le duc de Bretagne devait être
compris ^ ; mais les négociations, recommencées depuis la fin de
janvier, n'avaient abouti qu'à la délivrance de Charles d'Orléans
(9 novembre 1440) ^ Les hostilités n'en avaient pas moins con-
cet arrangement par lettres du 23 août, données à Vannes et dont l'original
se trouve aux A)xh. de la Loire-Inférieure, cass. I, E, 3 (Turnus Brutus, 1,
fos 80 vo et 89 vo).
1. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1329-1331. K 66, n» 13.
Rymer, V, l""» partie, 85-86. Voir aussi les Arch. de la Loire-Inf., cass. 47,
E, 121, ou le t. 362 des Archives du ministère des Affaires étr., f°' 83-85.
A la même époque, Jean V négociait avec le duc de Bourgogne (juin-dé-
cembre). Il conclut avec lui un traité de paix et de commerce pour vingt
ans (Arch. du minist. des Affaires étr., t. 362, f<" 83 v», 89; Portef. Font.,
117-118, au 19 décembre).
2. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1328. Rymer, V, 1" partie, p. 79.
Bréquigny, 82, fo» 91, 103-106.
3. Issues ofthe Exchequer, p. 439. Le duc d'Orléans arriva le 12 novembre
1440 à Gravelines (Rymer, t. V, pars I, p. 73-101). Le 6 août, Charles VII
ratifie le traité de libération du duc d'Orléans {Idem., p. 89-90). Les ducs
deBretagneetd'Alen(;on,les comtesde Pardiacetde Vendôme, etc., donnent
caution pour le payement de la rançon {Id., p. 88-89). Richemont avait
aussi donné caution. On trouve dans les cartons K 65 (n" 14 et 13), K 66
(nos 2-10) et K 72 (n" 56) de curieux détails sur la délivrance du duc d'Or-
léans, sur les ventes de terres qu'il dut faire pour payer sa rançon, sur
les cautions qu'il dut fournir à Henri VI. Il avait demandé à Richemont
une caution de 20 000 saluts d'or, comme aux ducs de Bretagne, de Bour-
bon et d'Alençon (K 63, n» 15'). Mais Richemont ne voulut s'engager que
pour 6 000 saluts. C'est pendant le siège d'Avranches, le 20 décembre 1439,
qu'il donna cette caution (voir Append. LXXV). Il est à remarquer que les
moindres cautions accordées au duc d'Orléans sont de 4 000 saluts. Le
connétable, qui était fort riche, montra donc peu de bonne volonté dans
cette circonstance. Le duc d'Orléans ne lui rendit le titre de sa caution
que le 30 avril 1452, et, comme il réclamait une contre-lettre, que Riche-
mont ne se souvenait pas d'avoir eue, celui-ci lui délivra, le 30 avril 1432,
un reçu du scellé de 1439 (voir, à V Append. LXXV, deux lettres de Riche-
mont au duc d'Orléans). Quant au duc de Bretagne, c'est lui qui, avec le
duc de Bourgogne, contribua le plus, de son argent, à la délivrance de
Ch. d'Orléans, Sans parler d'une caution de 20 000 saluts d'or, il avait
donné au duc d'Orléans 22 000 écus, et il lui prêta encore 9 300 écus un
LES ANGLAIS PRENNENT HAUFLEUR (1440, OCT.) 311
tinué, surtout en Normandie *. Le comte de Somerset avait
amené quelques troupes d'Angleterre, et le duc d'York, nommé
une seconde fois lieutenant général et gouverneur de la France
(2 juillet 1440) 2, faisait les plus grands efforts pour reprendre
Harfleur, qui, par sa situation à l'embouchure de la Seine, gênait
beaucoup les Anglais. Il avait chargé le comte de Dorset ' et
Talbot d'assiéger Harfleur, tandis que le comte de Somerset *
occupait fortement Fécamp et Caudebec, pour couvrir le siège
(août et septembre).
Richemont, revenu à Paris, organisa un corps de troupes, qu'il
envoya au secours de Harfleur ^ avec Charles d'Artois, comte
d'Eu, Dunois, La Hire, Gaucourt et Gilles de Saint-Simon. Ils
allèrent d'abord à Dieppe et, de là, marchèrent sur Montivilliers
et Harfleur. Le vendredi 14 octobre, ils assaillirent les Anglais,
par eau et par terre, mais ils furent repoussés ; Gaucourt fut même
pris *, et la ville dut capituler quelques jours après ''. Ce fut une
grande perte pour la France. Cette perte fut du moins com-
peu plus tard {Arch. de la Loîre-Inf., cass. 75, E, 177; Arch. du ministère
des Affaires étrangères, t. »62, f»' 79-82 ; K 68, n» 3).
1. Notamment aux environs de Vernon, Mantes, Bernay, Orbec, Cham-
brois, Gacc, Exmes. Fauquemberge assiège Dangu (Eure), au mois de
mars. Les Anglais avaient ravagé le Santerre (Fr. 26066, n»» 3931, 3957,
3977, 3982, 3983; Fr. 26067, n°s 4013, 4026, 4028, 4029, 4035-4039, 4078).
Les Anglais avaient aussi pris Folleville [arrondissement de Montdidier]
(n» 4057; K 66, n" 13), Lihons [arrondissement de Péronne], brûlé l'église
(Fr. 26067, no* 4028, 4029, 4037, 4038, 4161, et Godefroy, p. 343;. Sur
l'armée de Somerset, voir aussi K 63, n<" 1», 1'' et suiv. ; Glairambault, 186,
P- 6916, 6919.
2. Rymer, V, l''* partie, 83.
3. Edmond Beaufort, comte de Dorset, de Mortain et d'Hareourt (J. Ste-
venson, t. Il, 308; Fr. 23189, f» 26).
4. Jean Beaufort (Fr. 26066, n» 3933). J. et Edm. Beaufort étaient favo-
risés par le cardinal Beaufort, et le duc d'York par Glocester.
5. Il fallut encore lever sur les Parisiens des taxes onéreuses (Bourg, de
Paris, p. 334 et 335).
6. Gaucourt se racheta bientôt, et le roi lui donna plusieurs fois de l'ar-
gent pour payer sa rançon {Portef. FoiU., 117-118, à la date du 1" décem-
bre 1442; Fr. 25711, n<" 136-157; K 67, n« 19).
7. Sur la perte de Harfleur, voir : J. Stevenson, t. II, 308-313; FenrCs
letters, t. I, p. 6 (Harfleur « the whicb is a great jewel to ail England ») ;
K 67, n» 36; Fr. 23775, n-^ 1444 et 1445, 1481, 1482, 1487; Pièces orig.,
1. 1404, n" 31583 i» et i*. Talbot fut nommé capitaine de Harfleur {Port. Font.,
117-118, à la date du 3 novembre) et de Montivilliers. Fr. 26067, n" 4076,
4080, 4091, 4093, 4098, 4102, 4103, 4103, 4109, 4112, 4113, 4122, 4133, 4136,
4137, 4142, 4143, 4134, 4160, 4164, 4169. K 63, n<" 127, i37 et 1«. K 66,
no- 135, 139, i«3, 146, 151, 154, 156. Portef. Font., 117-118, au 10 avril et au
10 novembre. Legrand, t. VI (Fr. 6965), f» 146. Berry, p. 412. Monstrelet,
V, 418-424. J. Chartier, I, 239-260. Gruel, 216. D'après lé Bourg, de Paris, qui
exagère toujours, il y avait 20 000 Français contre 8 000 Anglais (p. 355).
312 LES FRANÇAIS PRENNENT CONCHES ET LOUVIERS (1440)
pensée par roccupation de Conches et de Louviers \ positions
avantageuses, d'où l'on pouvait inquiéter Verneuil, Evreux et les
villes anglaises de la Seine, Vernon, Pont de l'Arche, même
Rouen. Les fortifications de Conches et de Louviers furent aus-
sitôt relevées, et, quand les Anglais voulurent reprendre ces pla-
ces, ils les trouvèrent en état de défense. Vainement Talbot,
Th. de Scales, Fauquemberge, avec GOO hommes d'armes et
1 800 archers, voulurent les attaquer.- Richemont vint, avec le roi,
à Chartres % où ils réunirent des forces assez considérables pour
contenir les Anglais, tandis que d'autres troupes françaises, à
l'ouest, faisaient une diversion vers Domfront, AlençOn et Falaise
(novembre et décembre) ^. Vers le même temps, le 19 octo-
bre 1440, le connétable, qui était revenu à Paris, parvint à
reprendre Saint-Germain en Laye *.
Cependant l'indiscipline et les ravages des gens de guerre ne
causaient pas moins d'embarras à Richemont que les ennemis *.
Malgré sa sévérité bien connue, il ne parvenait pas à se faire
obéir; il lui fallait parlementer, traiter avec les récalcitrants,
payer leur soumission douteuse. C'est ainsi que Roger de Pier-
refrite, lieutenant de Jacques deChabannes au Bois de Vincennes,
refusa de quitter cette place, dont le duc de Bourbon avait pro-
mis la restitution. Il exigea préalablement une certaine somme
et des lettres d'abolition pour tous ses méfaits antérieurs, ce qui
ne l'empêcha pas, quand il voulut bien partir, d'emmener l'ar-
tillerie et tout ce qu'il put emporter, brisant ou brûlant tout le
reste. Arrêté par ordre du connétable, il récusa sa juridiction, en
appela au Parlement, et on ne voit pas si ce malfaiteur fut
enfin châtié ^.
1. Conches, arrondissement d'Evreux. Robert de Floques, Pierre et Jean de
Brézé prirent Conches; Saintrailies occupa Louviers, et on releva les forti-
fications de ces places (Berry, p. 412; Gruel, 216; K 68, n» 7). A cette même
époque, les Français pillent Pont-l'Evêque (Fr. 26067, n« 4157; Fr. 25775,
no 1486; K 66, no^ 162, i63^ lesj.
2. Avec le Dauphin, le comte du Maine, etc. (Y* fos 49-50, 64-65; X*»
8605, f<" 73 vo, 74).
3. Fr. 25775, n" 1452-1473, 1475-1479, 1481, 1489,1490; Fr. 25776, n»» 1510,
1516-1520; Fr. 26067, nO" 4170-4185. Le comte de Somerset était capitaine de
Falaise, et Th. de Scales capitaine de Domfront, le comte de Dorset capitaine
d'Alençon. Voir aussi Berry, p. 412 ; Fr. 26068, n"» 4228, 4232. Le roi resta
encore à Chartres pendant le mois de décembre. Il y ordonna la levée
d'une aide de 200 000 1. en Languedoil pour l'entretien des gens d'armes
de Conches, Louviers, etc. (Fr. 25711, n» 135, et Fr. 20877, n» 36).
4. Gruel, 216. Il est étonnant que le Bourg, de Paris ne dise rien de ce
fait, mais il est mentionné de la manière la plus précise par le Journal de
J. Maupoint, p. 26, ce qui prouve, une fois de plus, l'exactitude de Gruel.
5. Voir le Journal de J. Maupoint, p. 26, et le Bourg, de Paris, 351-352,
6. Voir Append. LXXII.
RAVAGES DES ÉCORCHEURS (1440) 313
Cet exemple montre bien les difficultés qui entravaient sans
cesse les efforts de Richemont; il fait voir aussi qu'il ne recou-
rait pas toujours à cette justice sommaire qu'on excuserait pres-
que en de pareils cas. Ailleurs, c'était la garnison de Corbeil qui
arrêtait les approvisionnements amenés à Paris par l'Yonne et
par le Loing *. L'audace des routiers ne connaissait aucun frein.
Ces hommes habitués à la violence, à la débauche et au crime,
ne se contentaient pas de demander au pillage ce qui leur était
nécessaire; ils prenaient plaisir à commettre les attentats les
plus odieux ^.L'Ile-de-France et la Champagne, dont Richemont
avait le gouvernement, étaient, aussi bien que les autres pays,
infestés par ces bandes, et il ne les pouvait débarrasser de ce
fléau. Il y avait beaucoup à faire de ce côté. En outre, la Lor-
raine était désolée par une guerre incessante, pendant l'absence
du roi de Sicile. Le comte de Vaudemont attaquait les Etats de
René ; l'évêque de Verdun était en lutte avec son chapitre ; de part
et d'autre, on appelait des routiers, qui exerçaient d'effroyables
ravages. Charles VII et le connétable étaient mêlés eux-mêmes
à ces querelles : ils avaient envoyé des troupes qui avaient pris
part à la guerre. Le damoiseau de Commercy ^ profitait de ces
désordres pour continuer ses brigandages.
. Il était temps de rétablir le calme dans ces pays, et la présence
du roi n'y était pas superflue. Il fallait aussi débarrasser la Bour-
gogne des routiers, qui, malgré la défense de Charles VII, ne ces-
saient d'y pénétrer, au grand mécontentement de Philippe le
Bon. D'ailleurs le connétable se proposait de revenir, avec le roi,
dans l'Ile-de-France, pour achever l'expulsion des Anglais, quand
il aurait pacifié la Champagne et la Lorraine.
Paris ne pouvait être tranquille tant que les ennemis occu-
paient des places dans le voisinage. C'est ainsi que, au commen-
cement de 1441, ceux de Mantes firent une tentative sur la porte
Saint- Jacques. Le connétable était alors à Paris. Il envoya
1. X«a 24, au 21 juin 1448, et JJ 178, f»' 120-121. C'était, il est vrai, pen-
dant la Praguerie; mais il ne semble pas que le duc de Bourbon ait rendu
Corbeil, quoique le Bourg, de Paris (p. 352-353) le dise. Il est fort étonnant
que J. Foucault, capitaine de Corbeil pour le duc de Bourbon pendant la
Praguerie, ait été ensuite nommé capitaine du Bois de Vincennes par lo
roi. Voir Append. LXXII.
2. Gruel, 216. Le Bourg, de Paris, 351, 352, 355-356. LL 414, f» 102. Sur
les ravages des escorcheurs dans le Laonnois, voir JJ 176, f" 51.
3. En 1440, il avait vendu le château et la moitié de la ville de Com-
mercy à Louis, fils de René d'Anjou. 11 avait, depuis longtemps, des
démêlés avec le connétable (Coll. de Lorraine, t. 293, n" 21; Dumont, //wf
de Commercy, I, 234-245). Voir aussi X*» 25, au 20 décembre et au 14 février
1453 (a. st.).
314 RICHEMONT CHATIE LES ÉCORCHEURS EN CHAMPAGNE
son lieutenant, Jean de Malestroit, Gilles de Saint-Simon, Geof-
froy de Couvran et Jean de Rosnyvinen, qui passèrent la Seine
à Saint-Cloud et battirent les Anglais K
Après avoir reçu, à Paris, le duc et la duchesse d'Orléans ^
(16 janvier 1441),Richemont partit pour la Champagne. A la fin
de janvier, il était avec le roi à Troyes. Bien que la misère fût très
grande, il demanda 1 000 livres tournois, que les notables lui prê-
tèrent ^. Le 26 janvier, Charles VII ordonnait à ses officiers d'em-
pêcher les incursions des gens d'armes sur les terres du duc de
Bourgogne, qui se plaignait des infractions faites au traité
d'Arras *.
A Bar-sur-Aube, le bâtard Alexandre de Bourbon, un des plus
féroces brigands de l'époque, mandé par le roi, ne craignit pas
de se présenter. Nul capitaine de routiers n'était plus exécré. Il
avait été un des principaux chefs de la Praguerie ^, avec son
frère, le duc de Bourbon. Les plaintes qui s'élevaient contre lui,
les abominables forfaits dont on l'accusait ^ excitèrent dans l'es-
prit du roi la plus vive indignation. Il n'empêcha pas le conné-
table de faire justice. Saisi par le prévôt des maréchaux, Tristan
l'Hermite, le bâtard Alexandre de Bourbon fut aussitôt jugé,
condamné à mort, enfermé dans un sac et jeté à la rivière. Cet
exemple produisit beaucoup plus d'impression que le châtiment
de quelques obscurs coupables ; on comprit qu'avec Richemont
les ordonnances ne seraient pas toujours lettre morte. Plusieurs
compagnons du bâtard et dix ou douze autres chefs de routiers
furent décapités ''. D'autres, plus avisés, se gardèrent bien de ve-
nir, notamment Antoine de Chabannes, comte de Dammartin %
qui avait été longtemps avec le bâtard Alexandre de Bourbon.
Le roi et le connétable passèrent ensuite dans le Barrois, con-
tinuant de châtier les Ecorcheurs. Un jour, comme Richemont
1. J. Chartier, II, 14-13; d'Argentré, 798; Le Baud, 487; D. Félibien, II,
831. Il est étonnant que le Bourgeois de Paris ne parle pas de cette tenta-
tive (voir p. 358-359).
2. LL 218, f" 27; LL 414, f« 102.
3. Tuetey, Les Ecorcheurs, t. I, p. 51. Boutiot, i/zs<. de Troyes, t. Il, p. 8 et 9.
4. Boutiot, Hist. de Troyes, t. II, p. 10. Le 13 février, le roi et le conné-
table sont à Langres (JJ 177, f° 5).
5. D'après Mcnstrelet (V, 458) et la Chron. Martinienne (f» cclxxxvi v»),
on crut que le roi voulait frapper en lui un des principaux chefs de la
Praguerie.
6. Gruel, p. 216; le Bourg, de Paris, p. 356. Sur les ravages du bâtard
de Bourbon, voir Fr. 25711, n» 137; JJ 185, P 215 v.
7. Tuetey, Les Ecorcheurs, t. I, p. 76-77.
8. Il avait épousé tout récemment, en 1439, Marguerite de Nanteuil, qui
lui avait apporté en dot le comté de Dammartin (voir l'article Chabankes
dans la Biographie Didot, t. IX, et la Chron. Martinienne, f" cclxxxv).
ANTOINE DE CHABANNES ET ROBERT DE SARREBRÛCK 315
se trouvait dans un village de ce pays avec cinquante lances,
Antoine de Ghabannes, que Charles VII avait mandé encore une
fois auprès de lui, parut tout à coup, « avec deux cens chevaux,
toutes gens d'eslite *. Et alors qu'il arriva audit villaige, le con-
nestable estoit en unes fenestres, et, faignant de monstrer bon vi-
saige, dist audit conte de Dampmartin : « Capitaine, Dieu vous
garde. Si vous voulez venir devers le Roy, je feray qu'il vous
fera bonne chière. » Et le dit conte lui répondit : « Monseigneur,
je vous remercye. Je n'ai point envie de boyre de Teaue, car le
Roy ne me fera jamais le tour qu'il a fait au bastardde Bourbon.
Si vous avez vouloir autre chose me dire, s'il vous plaist, me le
direz. » — Icelluy connestable, voyant qu'il n'avoit gens assez
pour le prendre, luy dist : « Adieu, capitaine; je vous prie, vivez
sur le peuple le plus gracieusement que vous pourrez. » Ce qu'il
promist faire. Et devez savoir que le dit conte ne descendit
oncques de dessus son cheval, ne toute la bende qui estoit avec
luy*. » Ce petit tableau, si vivant, ne met-il pas en pleine lumière
le mal qui rongeait alors la France, l'audace insolente des rou-
tiers, leur esprit d'indépendance et d'insubordination, les obsta-
cles auxquels se heurtait sans cesse le connétable, dans sa tâche
de réformateur ? Quelque temps auparavant, ce même Chaban-
nes répondait hardiment au roi lui-même, qui le congédiait en
ces termes : « Adieu, capitaine des escorcheurs! » — « Sire, je
n'ay escorché que voz ennemys, et me semble que leurs peaulx
vous feront plus de prouffit que à moy ^. » Et pourtant il s'en
faut que, parmi les capitaines de routiers, Antoine de Chabannes
fût un des plus mauvais.
Il fallut ensuite s'occuper du damoiseau de Commercy, Robert
de Sarrebrûck, ce grand seigneur qui n'agissait pas autrement
qu'un capitaine de routiers. A l'approche des troupes royales, il
eut peur, sachant que le connétable était là. N'osant combattre
le roi, il négocia et obtint des conditions assez avantageuses, par
un traité qui fut conclu à Vaucouleurs *, le dernier jour de février
1441. On lui rendait les places qui lui avaient été prises; mais il
s'engageait à demander pardon au roi, au connétable, et à leur
donner pleine satisfaction ^. Le lendemain, l^"- mars, il fît sa
soumission devant l'amiral Prigent de Goëtivy, Robert de Beau-
1. Chron. Martinienne, f" cclxxxvi v.
2. Chron. Martinienne, f" cclxxxvi v».
3. Chron. Martinienne, f" cclxxxv v". Ant. de Chabannes devint grand
pauetier, puis grand maître de France (Anselme, VII, 131; VIII, 669).
4. Arrondissement de Commercy.
5. Voir ce traité dans Dumont, Hist. de Commercy, t. I, 243-244.
316 RICHEMOr<T AVEC LE ROI EN LORRAINE (1441)
dricourt, bailli de Chaumont *, et Jean Bureau, trésorier de
France *.
La ville de Verdun, qui avait eu quelques différends avec le
roi et avec le connétable, dut aussi se soumettre. Menacée d'un
siège, elle conclut un arrangement avec Charles VII et lui paya
10 000 florins ^ . Le roi et Richemont revinrent ensuite en
Champagne, punissant les routiers, les chassant des places qu'ils
occupaient, essayant de rétabir partout l'ordre et la sécurité.
Pour mettre fin à la rivalité entre René d'Anjou et le comte de
Vaudemont, Charles VII confirma, le 27 mars, à Reims, par une
déclaration solennelle, les droits de René sur la Lorraine et sur
leBarrois ^.
Jean II de Luxembourg, comte de Ligny, qui avait toujours
refusé de jurer la paix d'Arras, venait de mourir au château de
Guise (janvier 1441) ». Son neveu, Louis de Luxembourg, comte
de Saint-Pol, qui avait hérité de ses domaines, ne se montrait
pas plus soumis, et même ses gens pillèrent, près de Ribémont •'j
un convoi d'artillerie, que le roi faisait venir de Tournay '. Il
fallut donc combattre aussi le comte de Saint-Pol. On lui prit sa
ville de Marie *. En même temps, Richemont agissait auprès de la
mère du jeune comte ®, pour amener celui-ci à la soumission. L. de
Luxembourg céda. 11 vint à Laon faire hommage au roi, avec la
comtesse de Ligny, Jeanne de Béthune, veuve de Jean de Luxem-
bourg ^**. Ainsi le connétable entra en relations avec le comte
de Saint-Pol, dont il devint le beau-frère quatre ans plus tard.
A Laon '*, Charles Vil reçut la visite d'Eléonore de Portugal,
d. Celui qui avait accueilli Jeanne d'Arc à Vaucouleurs.
2. Collect. de Lorraine, t. 293, n" 19. P 2531, fos 189-190. Dumont, Hist.
de Commercy, t. I, 244-245.
3. D. Calmet, t. II, col. 821. Histaire ecdésiast. et civile de Verdun, Paris,
1745, in-4, p. 387-390. L'auteur anonyme est, d'après Lelong, l'abbé Roussel.
4. D. Calmet, t. II, col. 820-822, et Preuves, ccxxxviii. Lecoy de La Mar-
che, Le roi René, t. I, p. 241. Lepage, Recueil de documents sur la Lor-
raine, Nancy, 1855, in-8, t. I, 129-155. JJ 184, f 407 v°.
5. Monstrelet, V, 4SI; Hist. de Bourgogne, IV, p. 248; Anselme, III, 725-
726; Xia 8605, f»' 124 v, 125. Louis de Luxembourg était fils de Pierre I^
de Luxembourg, comte de Saint-Pol {+ 1433). C'est le futur connétable de
Louis XI (Anselme, III, 721-726).
6. Arrondissement de Saint-Quentin.
7. Monstrelet, V, 461 et suiv.
8. Arrondissement de Laon.
9. Voir, dans P. Clément, Jacques-Cœur, p. 50-51, en note, une lettre
écrite de Saint-Mihiel, le 4 mars, par Richemont, à la comtesse de Saint-
Pol (Marguerite de Raux, veuve de Pierre I" de Luxembourg).
10. Monstrelet, V, 461-467. Berry, p. 413.
11. Le roi était à Laon dès le 2 avril. Il y était encore le 4 mai (D.Gre-
NOUVELLE DE PHILIPPE LE BON (1441) 317
duchesse de Bourgogne, chargée de négociations relatives à cer-
tains articles du traité d'Arras, à la conclusion de la paix avec
l'Angleterre, à la forteresse de Montaigu *, que Philippe le Bon
ne voulait pas rendre au damoiseau de Commercy. Richemont
fut envoyé à la rencontre de la duchesse ^. Accueillie par le roi
de la façon la plus gracieuse, cette princesse ne put, malgré sa
grande habileté, réussir dans sa mission diplomatique, et elle en
manifesta quelque dépit. A son départ, le connétable la recondui-
sit assez loin ^, puis elle continua sa route vers Le Quesnoy *, où
l'attendait le duc de Bourgogne. Près de Cateau-Gambrésis «, elle
rencontra des gens d'armes du roi, qui revenaient d'une course
dans le Rainant. Elle les fît attaquer et poursuivre par son
escorte *.
L'échec éprouvé par la duchesse de Bourgogne irrita beaucoup
son mari. Il refusa de rendre Montaigu à Robert de Sarrebrûck
et fit même démanteler cette place, dont la garnison désolait au-
paravant Saint-Quentin, Laon, Reims et le pays d'alentour '' ,
D'ailleurs Philippe le Bon prenait vis-à-vis de Charles VII une
attitude beaucoup moins réservée qu'à l'époque de la Praguerie.
Partisan de la paix avec l'Angleterre, il aspirait à changer la
direction du gouvernement et à la faire passer au duc d'Orléans ^.
Après avoir contribué, plus que personne, à la délivrance de ce
prince, il l'avait marié à sa nièce, Marie de Glèves ', qu'il avait
richement dotée ***. Au lieu d'aller sans retard rendre ses de-
nier, XX bis, liasse 9, f» 19; Fr. 23711, n» 137). Le 10 avril, Denis de
Chailly, bailli de Meaux, fut nommé capitaine de la ville de Crécy-en-Brie
(qu'il avait prise), en récompense des services qu'il avait rendus, soit en
ravitaillant Lagny, soit en s'emparant 'de Château-Chinon, qu'il avait re-
mis au connétable (P 2531, f«s 184 v», 188).
1. C. de Sissonne, arrondissement de Laon.
2. Monstrelet, V, 468-471.
3. Monstrelet, VI, 2.
4. Arrondissement d'Avesnes (Nord).
5. Le Cateau, arrondissement de Cambrai.
6. Monstrelet, VI, 2-3.
7. D. Calmet, t. II, col. 821; Hist. de Bourgogne, IV, 249; Monstrelet,
VI, 4-0, 26. Les fortifications de Montaigu furent bientôt relevées. — Sur
l'expédition du roi et du connétable en Champagne, voir Monstrelet, V,
437 et suiv.; Berry, p. 413; Hist. de Bourgogne, t. IV, 245-249.
8. Sur le duc d'Orléans, voir Monstrelet, VI, 23-26, et ci-dessus, p. 310.
9. En novembre 1440 (CoUect. de Bourgogne, t. 96, p. 627-632; K 553,
n* 12). Marie de Clèves, fille d'Adolphe II, duc de Clèves et de La Marck, et
de Marie de Bourgogne, fille de Jean sans Peur, était nièce de Richemont.
10. hist. de Bourgogne, IV, 245. Le duc de Bourgogne avait acheté la plu-
part des terres que le duc d'Orléans avait vendues pour payer sa rançon
(voiries différentes pièces de K 66, n" 9). Le 18 décembre 1440, traité d'al-
liance, à Bruges, entre les ducs de Bourgogne et d'Orléans, pour leurs inté-
rêts communs et pour le bien de l'Etat (K 66, n" 12, original, signé et
318 INTRIGUES DE CHARLES d'ORLÉANS (1441)
voirs à Charles VII, à son retour d'Angleterre, le duc d'Orléans
avait manifesté des dispositions assez hostiles, affichant de hau-
tes prétentions, s'entourant d'une escorte trop nombreuse et
affectant de rechercher les autres mécontents, comme les ducs
de Bourgogne, de Bourbon, de Bretagne, d'Alençon et le comte
de Vendôme. Le prétexte qu'ils mettaient en avant, c'était tou-
jours la paix avec l'Angleterre. En réalité, c'était une nouvelle
Praguerie qui se préparait, moins dangereuse peut-être que la
première, mais qui devait encore inspirer au roi et à ses con-
seillers de légitimes inquiétudes *.
Le parti qui l'emportait alors dans le conseil du roi était celui
de la guerre, à la tête duquel on peut placer le connétable *. Là
encore, il se trouvait en opposition directe avec son frère, Jean V,
et les autres chefs de la Praguerie. Il estimait que la paix serait
plus avantageuse pour la France après de nouveaux succès mi-
litaires et qu'il fallait redoubler d'efforts, puisque le gouverne-
ment anglais avait grand'peine à subvenir aux dépenses de la
guerre ^.
scellé). Le 19, autre traité, déjà cité, entre Philippe le Bon et le duc de
Bretagne (voir ci-dessus, p. 310, note 1).
1. Dans une lettre du 15 décembre 1440, Henri VI remercie le duc d'Or-
léans des efforts qu'il fait pour parvenir au bien de la paix, « auquel bien
chacun prince catholique se doit employer de bonne voulenté » (K 65,
n° 15*5). Le 18 décembre 1440, Ch. d'Orléans fait alliance avec Philippe le
Bon pour leurs intérêts communs et pour le bien de l'Etat (voy. ci-dessus,
p. 317, note 10). Le 19 décembre, autre traité, déjà mentionné, entre les ducs
de Bourgogne et de Bretagne. Le 6 mars 1441, le duc d'Alençon promet d'ai-
der les ducs de Bretagne et de Bourgogne à faire conclure la paix avec
l'Angleterre. Ch. d'Orléans fait la même promesse le 7 mars, à Nantes, le
duc de Bourbon le 4 avril, à Chàteauroux (Arch. de la Loire-lnf., cass.47,
E, 121 ; K 66, n" 15, 17). Le duc de Bourgogne avait donné le collier de la
Toison d'or aux ducs de Bretagne et d'Alençon et au comte de Foix (deReif-
fenberg, Hist. de l'ordre de la Toison d'or, Bruxelles, 1831, in-4°, p. 25). Les
ducs d'Orléans et d'Alençon, les comtes de Vendôme et de Dunois s'étaient
rendus en Bretagne, d'où les princes avaient envoyé Raoul de La Houssaie
et Rolland de Carné vers le roi, pour lui proposer leur médiation auprès
de Henri VL Leurs lettres de créance sont du ^'"^ mars 1441 {Preuves de
l'hist. de Bretagne, t. H, col. 1346-1347). Jean V prend le titre de média-
teur, dans des lettres données à Redon, le 12 avril. Le 19 avril, alliance
entre le duc de Bretagne et Jean de Vendôme, vidame de Chartres {Por-
tef. Fontanieu, 117-118, au 19 avril 1441).
2. Les arguments de ce parti sont exposés et combattus par Jouvenel des
Ursins, dans son épître si instructive aux Etats de 1439 (Fr. 5022, passim^
surtout f» 19 V; voir aussi P.-L. Péchenard, J. Juvénal des Ursins, p. 196).
3. Henri VI est alors réduit à vendre ou à engager ses joyaux. Le duc
d'York, après des demandes pressantes, est obligé d'aller lui-même en
Angleterre chercher des troupes {Proceedings, V, Préface, p. Lxxxyii et
p. 132-133, 142, 145-146; voir aussi la pétition de François de Surienne,.
Idem, p. 147-150).
RICHEMOM' FAIT CAPITULER CREIL (1441, 24 MAl) 319
Sans refuser de donner suite aux négociations ^ on résolut
donc de reprendre les hostilités dans l'Ile-de-France, comme le
voulait Richemont *. Charles YII avait alors des forces considé-
rables ; le duc d'York était en Angleterre ; ses meilleurs lieute-
nants, Talbot, Fauquemberge, Th. de Scales, étaient occupés
à contenir les Français, du côté de Granville, de Conches et de
Louviers ^ ; le moment semblait propice à de nouvelles entre-
prises. Après avoir perdu, depuis cinq ans, Paris, Montereau,
Meaux, Saint-Germain, les Anglais conservaient Creil et Pon-
toise, que Richemont voulait aussi leur prendre, pour délivrer
complètement la capitale. Pendant qu'il envoyait l'amiral de
Coëtivy mettre le siège devant Creil, il allait, avec Saintrailles,
à Paris, presser l'envoi de tout ce qui était nécessaire, troupes,
manouvriers , argent , artillerie , et revenait aussitôt diriger
les opérations. Il se logea devant le pont de Creil. Bientôt les
gros canons de J. Bureau eurent tellement endommagé les
murailles, que le capitaine anglais, Guillaume Peyto, capitula
sans attendre l'assaut général (24 mai 1441) *.
Ce nouveau succès provoqua dans Paris des démonstrations
1. Proceedings, V, 139; Rymer, t. V, 1" partie, p. 107-108. Parmi les en-
voyés de Charles VII, on remarque les ducs de Bourbon et d'Alençon et
G. de La Trémoille.
2. En avril, les états de Languedoc, au Puy, octroient une aide de
100 000 1. t. pour les dépenses de la guerre, notamment pour la solde de
l'armée que le roi met sus, cette présente saison nouvelle, « et a entencion
mener en personne es parties de France, à rencontre des Anglois » (K 65,
no 12; K 66, n" 14).
3. Les Anglais croyaient que Charles VII allait attaquer la Normandie
(K66, n»* 14 et 16; Fr. 26068, n»» 4233-4256, 4289-4300).
4. Sur le siège de Creil, voir Monstrelet, VI, 3-6; Berry, p. 413; J. Char-
tier, II, 13-17; le Bourgeois de Paris, p. 359-360 (d'après le Bourgeois de
Paris, le siège aurait duré du 19 au 24 mai, jour de l'Ascension; d'après
Monstrelet, il aurait duré douze jours) ; J. Stevenson, t. II, 2' partie,
p. 603-607; Proceedings, V, 146-147; Martial d'Auvergne, I, 180-181. Guill.
Peyto avait été nommé capitaine de Creil en janvier 1440 (Fr. 26066,
n» 3921; Clairamb., 186, f» 7065). Il n'y était peut-être que le lieutenant de
Talbot (voir Tuetey, dans le Bourgeois de Paris, p. 359, note 1); il l'était
du moins en 1439 (K 65, n" 129 et 132). Qnle retrouve lieutenant de Talbot
à Rouen (Fr. 23776, n» 1539, et K 67, n- 12*8). D'après J. Ghartier, l'assaut
fut donné à Creil le 24 juin « par aucuns du siège, de leur volonté, sans
aucune ordonnance, qui levèrent contre la bresche de la muraille deux
eschelles » sous les yeux du roi et du Dauphin. La date du 24 juin est
inexacte. Elle s'applique peut-être à la remise de la place, mais non à la
capitulation. Le 28 mai, Charles VII écrit de Senlis aux habitants de
Saint-Quentin pour leur annoncer la prise de Creil {Append. LXXVl ; X'»
4798, f" 338). Le roi était à Soissons le 7 mai, à Compiègne le 14 mai
(D. Grenier, t. XX bis, liasse 9, f» 19 r» et v»). Talbot, qui se préparait à
secourir Creil, ne fut pas prêt à temps (Fr. 25776, n'^ 1521-1523).
820 RICHEMONT PRÉPARE LE SIÈGE DE PONTOISE (1441)
enthousiastes et encouragea l'armée. Richemont tenait surtout
à reprendre Pontoise. Le siège de cette place importante fut
enfin décidé *, mais il devait être beaucoup plus difficile que
celui de Creil. La garnison, plus nombreuse ^, était capable de
résister longtemps, et il était certain que le gouvernement anglais
ferait les plus grands efforts pour la secourir.
Pour cette campagne décisive, Charles VII avait convoqué
le ban et l'arrière-ban ; il avait levé des impôts dans tout le
royaume ; il avait, en outre, demandé à Paris et aux autres
bonnes villes, Tournay, Troyes, Gompiègne, etc., de nouveaux
sacrifices, c'est-à-dire des hommes, de l'argent, des vivres, de
l'artillerie, des bateaux ; il avait même emprunté à des particu-
liers ^. Dans son armée, on voyait, avec le connétable, quantité
de grands seigneurs, Charles d'Anjou, les comtes d'Eu, de La
Marche, de Vaudemont, de Saint-Pol ^, le vicomte de Thouars et
les capitaines les plus renommés, La Hire, Saintrailles, le ma-
réchal de Lohéac, Jean de Bueil, Antoine de Chabannes, Robert
Floquet, Pierre de Brézé, Salazar ^, etc. Il était donc en mesure
de résister aux Anglais, qui, de leur côté, allaient mettre en
œuvre toutes leurs ressources ^.
Après la prise de Creil, le roi se rendit à Saint-Denis, où il con-
centra ses troupes, vers la fin de mai. Il alla lui-même les con-
duire devant Pontoise, puis revint à Saint-Denis, avec le Dauphin
1. Voir la lettre de Charles VII écrite de Senlis le 28 mai [Append. LXXVl).
L'année précédente, le connétable avait déjà voulu assiéger Pontoise. Au
mois d'août 1440, les Anglais redoutaient déjà une attaque (K 66, n° 34 :
ordre d'envoyer- des renforts à J. Staulawe, capitaine de Pontoise, pour
résister aux ennemis, qui veulent faire une entreprise sur cette ville).
Voir aussi K 66, n» 14; Fr. 26068, n" 4100; Portef. Fontanieu, 117-118, au
2 août.
2. Environ 800 hommes, tant Anglais que Français reniés, d'après Berry
(p. 413); 1000 à 1200 hommes, d'après J. Chartier (II, 21); 2 000 hommes,
d'après Gruel (p. 216). Sur la ville de Pontoise, voir : Les antiquités et
singularités de la ville de Pontoise, par Fr. Noël Taillepied, Pontoise, 1876,
in-8 , notamment p. 100 et suiv.
3. Le Bourgeois de Paris, 361 et note 2. Boutiot, Hist. de Troyes et de la
Champagne méridionale, II, 12. K 66, n» 14. Ms. latin 6020, f<'77. D. Gre-
nier, XX bis, liasse 9, f» 19, X^a 25, au lundi 12 juillet 1451; JJ 176, f<" 30
v», 31. JJ 177, f» 110. Fr. 23711, n» 145. Portef. Font., 117-118, au 23 juillet
1442. LL 218, f» 207. LL 414, f" 103. A. Thomas, Les Etats provinciaux sous
Charles VU, t. II, p. 134-143.
4. K 67, n» 30. JJ 176, f» 311. JJ 184, f- 23, n» xxxv.
5. Salazar était un véritable routier. L'année précédente, il désolait le
Languedoc (Fr. 26067, n<" 4022; Fr. 26069, n» 4322). C'était un lieutenant
de Rod. de Villandrando, 4126 (Tuetey, Les Ecorcheurs, I, 67).
6. Charles VII avait alors 11 à 12 000 combattants (Godefroy, Hist. de
Charles VII, p. 345). • - ,
SIÈGE DE PONTOISE (1441, JUIN) 321
et Charles d'Anjou. Le connétable resta, pour asseoir le siège,
avec le maréchal de Jaloignes *, l'amiral, La Hire, Saintrailles,
Joachim Rouault et environ 7000 combattants *. Le même jour,
sur les cinq heures, les Anglais firent une sortie, pour s'emparer
des canons rangés sur la chaussée, près de la ville. Ils furent
repoussés et poursuivis jusqu'au pont-levis, dont les chaînes fu-
rent prises . L'effet de ce premier engagement fut tel que les as-
siégés n'osèrent plus guère tenter d'autres sorties.
Pendant la nuit, le connétable commanda lui-même le guet.
Secondé par Le Bourgeois de Kermoysan ^, il fit creuser des
fossés et placer des gabions, pour mettre ses gens à l'abri des
projectiles. Aussitôt Jean Bureau ^ établit ses premières batte-
ries contre le pont et le boulevard qui en défendait l'approche.
Le dimanche, on donna l'assaut à ce boulevard, pour éprouver
la résistance des assiégés. Ils repoussèrent les assaillants, leur
infligèrent de grandes pertes et leur prirent deux bannières.
Toutefois l'artillerie française battait si furieusement cette po-
sition que les Anglais l'abandonnèrent le mardi. Elle fut aus-
sitôt occupée par les assiégeants. Trois arches du pont avaient
été détruites par le canon, ce qui rendait plus difficiles, sur ce
point, les communications des assiégés avec l'extérieur. On
avait maintenant une meilleure base d'opérations.
Le roi vint alors, avec le dauphin et Charles d'Anjou, loger
à l'abbaye de Maubuisson, sur la rive gauche de l'Oise, non
loin de la ville °. Avec des bateaux envoyés de Paris, on éta-
blit un pont, protégé, à chaque extrémité, par un boulevard.
L'abbaye de Saint-Martin, située sur la rive droite de l'Oise, en
face du pont de bateaux, à un trait d'arc du boulevard qui le
défendait, fut solidement fortifiée. On y ajouta une puissante
bastille. Ce poste, très exposé aux attaques des Anglais de Nor-
mandie, fut confié à l'amiral, qui s'y comporta vaillamment.
Cependant Talbot appelait à Vernon toutes les troupes dis-
1. Philippe de Culant, seigneur de Jaloignes (Pièces orig., 933, dossier
20944, n" 11 et suiv.).
2. Berry, 415. Gruel, p. 216, dit que ce fut 'le mardi de la Pentecôte,
c'est-à-dire le 6 juin. Il est certain que, dès la fin de mai, Talbot est chargé
de défendre Pontoise (Fr. 26068, n»' 4345, 4348; J. Stevenson, t. II, 2» par-
tie, p. 463), et que le siège était commencé dès les premiers jours de juin
(Fr. 26068, n« 4309; le Bourgeois de Paris, p. 361, note 3).
3. Appelé ordinairement Le Bourgeois dans les chroniques, ingénieur
remarquable, qui rendit de grands services au connétable. On l'appelle
aussi Tridual Bourgois (Clairamb., 20, p. 1372, 1373) ou Tugdual. Il signe
Le Bourgeois de Kermoysan (Clairamb., 23, p. 1847).
4. Monstrelet parle des « gros engins » et J. Chartier de la « très grant
artillerie » du roi, conduite par J. Bureau.
3. Fr. 20384, n° 60.
RiCHEMONT. 21
322 SIÈGE DE PONTOISE (1441, JUIN, JUILLET)
ponibles, environ 4 000 hommes ^ Vers la fin de juin, il marcha
au secours de Pontoise. Il arriva du côté de l'abbaye de Saint-
Martin. Le connétable estimait que les Anglais, vu l'infériorité de
leur nombre, se trouvaient dans des conditions désavantageuses
et qu'il en fallait profiter pour les combattre. Il mit ses gens en
bataille et voulut franchir le pont, mais le roi défendit qu'on
laissât passer personne. Vainement Richemont lui représenta
que les Anglais s'étaient exposés à une défaite certaine ; le roi
avait décidé qu'on ne les attaquerait pas, et il fallut obéir.
Sans blâmer la prudence de Charles VII, on est tenté de
croire que, dans cette occasion du moins, elle fut excessive,
quand on songe que Talbot avait peu de troupes, n'ayant pas
osé, en l'absence du duc d'York, dégarnir trop les places de
Normandie, menacées de tous côtés par les Français. Comme la
ville n'était pas entièrement investie au nord, le hardi capitaine
anglais y entra sans difficulté, avec des vivres, des munitions,
de l'artillerie. Après y -avoir laissé des troupes fraîches, sous
Thomas de Scales, il put, sans être inquiété davantage, se retirer
à Mantes ^.
Environ trois semaines après, le duc d'York, revenu d'Angle-
terre, se disposa lui-môme à secourir Pontoise ^. Il avait une
armée de huit à neuf mille hommes, avec les meilleurs capi-
taines anglais, Talbot, Fauquemberge, Nicolas Burdet, Richard
Wydeville *. Depuis cette époque et pendant plus de deux mois
(deuxième quinzaine de juillet, août, septembre), le siège de Pon-
toise donna lieu à un vaste ensemble d'opérations, qui s'étendi-
rent aussi à la Normandie tout entière, depuis Granville jusqu'à
Dieppe ^. Les Anglais s'appuyaient sur Vernon et Mantes, les
1. K 67, n» 122. Clairamb., 186, f» 6913.
2. Le 24 juin, d'après Berry, p. 413. Sur les opérations pendant ce mois
de juin, voir Fr. 26068, n»» 407, 409, 410, 413, 428, 438; J. Stevenson, 11,
2e partie, 463, 603-607.
3. Fr. 23776, n» 1328. K 67, n"^ l^s, 130. Pièces orig.,t. 318, dossier 11646,
n»» 3 et 4.
4. Richard Wydeville avait épousé la veuve de Bedford, sœur de L. de
Luxembourg, comte de Saint-Pol.
5. Pendant le siège de Pontoise, les Français firent d'importantes diver-
sions en Normandie, notamment vers Arques, Granville, Conches, Louviers.
Ils menaçaient Touques, Pont-Lévêque et Honfleur. Talbot ayant dégarni
plusieurs villes, pour secourir Pontoise, Ch. des Marets, capitaine de
Dieppe, avec le capitaine d'Eu, en profita pour faire plusieurs tentatives
sur Pont-de-Larche, d'où il fut repoussé par J. de Norbery. Les sires de
Lohéac et de Bueil réunissaient des troupes sur les marches de Bretagne,
pour attaquer la Normandie. Louis d'Estouteville, capitaine du Mont-
Saint-Michel, cherchait à surprendre Avranches et Granville (Fr. 26068,
n»' 4307 4313, 4328, 4367, 4374).
LE DUC d'yokk secourt PONTOisE (1441, aout) 323
Français sur Louviers, Meulaii, Poissy, Conflans-Sainte-Hono-
rine, Saint-Denis, et sur l'Oise, jusqu'à Gieil et Pont-Sainte-
Maxence. Les Français de Louviers avaient établi à Saint-Pierre-
du-Vauvray, sur la Seine, une forte bastille, d'où ils arrêtaient
les bateaux^chargés de vivres, qui remontaient le fleuve, de Rouen
à Mantes '.
Vers le commencement d'août, le duc d'York entra dans Pon-
toise aussi facilement que l'avait fait Talbot ^. Il ravitailla la
ville, releva la garnison exténuée et la remplaça par de nouvelles
troupes, sous Clinton, Nicolas Burdet et H. Standish •''. Il essaya
ensuite de passer l'Oise, pour attaquer les Français des deux
côtés. Le roi disposa ses troupes le long de la rivière, depuis
Gonflans jusqu'à Creil, en laissant au connétable la direction du
siège. Entre l'Isle-Adam et Creil, il y eut quelques escarmou-
ches, où fut tué Guillaume du Chastel, neveu du fameux Tanguy.
Richemont s'avança jusqu'à TIsle-Adam, où il apprit que les
Anglais avaient franchi l'Oise près de Beaumont, après avoir
trompé, par une fausse démonstration, Robert Floquet, qui es-
sayait de les arrêter. Il revint promptement avertir le roi, qui
se retira sur la rive droite, avec le Dauphin, à l'abbaye de Saint-
Martin, où il était plus en sûreté.
Le lendemain, les Anglais vinrent occuper l'abbaye de Mau-
buisson et le boulevard établi en face du pont. Le connétable
voulait rester à l'abbaye de Saint-Martin, avec Charles d'Anjou;
mais le roi les emmena jusqu'à Poissy, laissant les Anglais sous
Pontoise et évitant toujours une bataille qui pouvait tout com-
promettre. Cette tactique peu brillante, mais fort sage, eut, en
définitive, les meilleurs résultats. Les Anglais, se voyant ob-
servés par des troupes nombreuses et craignant les diversions
qui se pouvaient produire en Normandie, n'osèrent entreprendre
des opérations de longue haleine pour dégager Pontoise. D'ail-
leurs leurs moyens de subsistance n'étaient pas assurés. Ils
n'empêchèrent môme pas le connétable de faire entrer dans la
bastille Saint-Martin des vivres amenés de Paris, sur des bateaux,
par Ambroise de Loré.
Cependant les Anglais avaient passé l'Oise sur un pont de ba-
teaux, établi par Guillaume Forsted entre^ Pontoise et Gonflans*.
1. Fr. 20887, n»' 35, 36. Fr. 26068, n» 4335. Louviers rendit de grands
services et en fut récompensé par le roi en 1442 (Xi^ 8605, f»» 83-85).
2. Il y était le 6 août (Fr. 26068, n» 4344),
3. Clinton et non Clifton (Fr. 26068, n»» 4319, 4400, 4405). Nie. Burdet
(Pièces orig., t. 557, dossier 12579, pièce 17).
4. Ce pont fut fait par Guillaume Forsted, maître des ordonnances et
artillerie du roi d'Angleterre, avec des bateaux en cuir amenés de Mantes
(Fr. 26068, n" 4339-4344).
324 LE DUC d'yORK se retire (1441, AOUT)
Ils voulurent inquiéter la retraite du connétable, mais il était trop
tard. Du haut d'une colline, ils purent seulement apercevoir sa
troupe qui s'éloignait. Ils ne réussirent pas mieux à saisir un
bateau pourvu d'une bonne artillerie, sur lequel Ambroise de
Loré s'en retournait à Paris .
Au retour de cette expédition, le connétable revint à Poissy,
en passant par le Pont-de-Meulan, d'après les conseils de Sain-
trailles, qui conduisait son arrière-garde. Au lieu de le suivre,
Saintrailles était allé, par la voie la plus directe, à Poissy, et là
il avait dit au roi que le connétable n'avait pas osé suivre le
même chemin et qu'il avait mieux aimé faire un long détour.
Irrité de ce mauvais procédé, qui prouvait, une fois de plus, les
dangereuses rancunes des routiers, Richemont infligea les blâmes
les plus sévères à Saintrailles devant le roi ^
Le lendemain, l'armée anglaise s'approcha de Pontoise et vint
offrir la bataille à Charles VII, qui défendit encore de laisser
sortir les troupes. Alors le duc d'York regagna Mantes ^, pen-
dant que le roi se retirait à GonP.ans et à Saint-Denis, avec le
connétable *. Ensuite Talbot, avec une grande partie de l'armée
anglaise, voulut attaquer Poissy, où il croyait encore trouver le
roi ; mais, quand il reconnut que cette ville était abandonnée, il
alla rejoindre le duc d'York, après avoir pillé l'abbaye. Revenu,
avec le roi, à Gonflans, le connétable augmenta les fortifications
de cette place, car il s'attendait à un retour offensif des Anglais.
En effet, Talbot reparut, à plusieurs reprises, pendant les der-
nières semaines d'août et le commencement de septembre. II
s'établit à Vigny *, d'où il pouvait observer les Français, dé-
fendre et ravitailler Pontoise ^.
Le siège traînait en longueur, sans grand progrès. Beaucoup
de seigneurs disaient qu'il était inutile de s'y acharner davantage ;
les comtes de Vaudemont et de Saint-Pol s'en allèrent; les princes
recommençaient leurs intrigues, réclamaient la paix, négociaient
avec l'Angleterre ® ; le peuple murmurait. Si, après un pareil dé-
1. Gruel, 217.
2. Sur cette expédition du duc d'York, voir Fr. 26068, n»s 4334, 4333,
4339-4344, 4346, 4351, 4352,
3. Le roi était à Saint-Denis (JJ 176, f»' 28, 31) le 7août (Xia 8605, f» 77), le 12
août (Fr. 23711, n» 141); à Gonflans, avec le connétable (JJ 176, f» 33 v»),
le 20 août, avec Saintrailles et l'amiral (f» 268 v),
4. Canton de Marines, arrondissement de Pontoise.
5. Fr. 25776, n" 1330-1333. Fr. 26068, no^ 4350, 4354, 4358, 4365, 4405.
K 67, n<"-12, 133, 137. Le 23 août, Talbot était à Pontoise, avec Fauquem-
berge, Th. de Scales et Clinton. Le 27 août, Talbot était à Mantes et les
Français à Gonflans {Portef. Fontanieu, 117-118, à la date).
6. Arch. de la Loire-Inf.., cass. 47, E, 121, et Arch. des aff, élr., t. 362,,
ASSAUT DE PONTOISE (1441, 19 SEPTEMBRE) 325
ploiement de forces, le roi éprouvait un échec devant Pontoise,
on allait retomber dans la Praguerie. Il fallait, à tout prix,
réussir et se hâter. Le connétable y avait intérêt, plus que per-
sonne, pour justifier et soutenir sa politique. Avec tout ce qu'il
put rassembler de troupes, suivi de Charles d'Anjou, des comtes
d'Eu et de La Marche, il s'avança contre TaJbot et se posta près
d'un chemin par oii les Anglais avaient coutume de venir. Ceux-
ci s'arrêtèrent à une demi-iieue de là, dans un bois, puis, jugeant
cette position peu favorable, ils se retirèrent, pendant la nuit,
derrière un petit cours d'eau *.
Le lendemain malin, le connétable conduisit ses troupes en
face des ennemis, jusqu'au bord de la rivière ; mais ni les uns
ni les autres n'entreprirent de la passer. Les Anglais s'en retour-
nèrent à Mantes, les Français à Conflans '. Toutefois, ce départ de
Talbot laissait le champ libre aux Français. Ils revinrent occu-
per l'abbaye de Maubuisson. Alors le connétable assaillit l'église
Notre-Dame, bâtie sur une hauteur, tout près de Pontoise et de
la porte du faubourg Saint-Martin. Elle fut prise, après deux
heures de combat, le samedi 16 septembre ^. Ce succès encou-
ragea le roi : il fit venir d'autres troupes *, avec le maréchal de
Lohéac, et des canons. L'artillerie de Jean Bureau, ainsi ren-
forcée, tira incessamment sur la ville; enfin il fut décidé qu'on
donnerait un assaut général.
Le mardi suivant, 19 septembre ^, le roi attaqua du côté de
l'Oise, vers la tour du Friche; le connétable, avec le Dauphin,
Ch. d'Anjou, l'amiral et le maître des arbalétriers, du côté de
l'église Notre-Dame; le maréchal de Lohéac et le vicomte de
Thouars, vers le boulevard du pont; les troupes de Paris et de
Meulanpar la rivière. En outre, une partie de l'armée, sous La Hire,
f"' 89-91. Les princes continuaient leurs menées, surtout le duc d'Alençon,
qui allait jusqu'à informer les Anglais des projets des Français (J. Steven-
son, I, 189-193; Fr. 26068, n" 4307, 4313; M. d'Escouchy, III, 43; Preuves
de l'hist. de Bretagne, II, col. 1346-1349 ; Bréquigny, 82, f»' 121-133). La plu-
part des nobles ne vinrent pas au mandement de l'arrière-bau [Portef,
Fontanieu, 119-120, au 21 septembre 1445). Troubles dans la Saintonge
(Xs* 24, au 15 juillet 1445).
1. Peut-être la Viorne, qui finit à Pontoise, ou l'Aubette, affluent de la
Seine, qui passe à Meulan.
2. Le 11 septembre le roi est à Conflans (Fr. 25711, n» 142).
3. Monstrelet, le Bourg, de Paris, Gruel et J. Chartier. Berry donne la
date du 25, qui n'est pas exacte. Le 15 septembre, le duc d'York est &
JRouen, d'où il envoie un messager à Pontoise (Fr. 26068, n» 4410).
4. Avec les sires de Lohéac, de Bueil et de Thouars. Ils amenaient pro-
bablement une partie des troupes qu'ils avaient réunies vers Laval et Châ-
teau-Gontier (Fr. 26068, n» 4367).
5. Et non le 29, comme le dit M. Vallet de V., Charles VII, t. II, 428.
326 PRISE DE PONTOiSE (1441, 19 septembre)
Salazar elles deux Estrac, se posta au nord de Pontoise, à quel-
que distance, pour observer les Anglais qui pourraient venir et
pour arrêter ceux qui voudraient s'enfuir. Après un combat
acharné, les Français entrèrent de tous côtés dans la ville, le
roi un des premiers. Huit cents Anglais furent pris ou tués *.
Parmi les prisonniers se trouvait Clinton, le capitaine de la
ville ^. Les Français n'avaient fait que des pertes insigni-
fiantes '.
On peut affirmer que le siège de Pontoise est un des faits les
plus mémorables du règne de Charles VII *. Ce fut tout à la fois
une victoire sur les Anglais et sur la Praguerie, victoire qui con-
solida le pouvoir royal et l'influence personnelle du connétable.
Après cinq années d'efforts, il achevait, par ce glorieux fait
d'armes, la délivrance de Paris et de l'Ile-de-France ^. Cinq jours
avant l'assaut de Pontoise, Robert Floquet, capitaine de Cou-
ches, avait pris, par escalade, Evreux*^, une des principales villes
anglaises de Normandie.
Le lundi, 25 septembre, le roi, avec le Dauphin, le connétable
et les principaux chefs de l'armée, fît une entrée triomphale à
Paris ^ La population vit défiler les canons qui avaient servi au
1. J. Chartier dit 500, Monstrelet 900, Grucl 800. Parmi les morts, Mons-
trelet nomme Nie. Burdet. .
2. Il était encore prisonnier en 1443 {Proceedings, V, 278).
3. Cinq à six, d'après J. Chartier, dix à onze d'après le Bourg, de Paris,
une quarantaine d'après Monstrelet.
4. Sur le siège de Pontoise, outre les documents déjà indiqués, voir :
Gruel, témoin oculaire, p. 216-218; Berry, toujours complet et exact,
p. 413-417; Monstrelet, qui donne beaucoup de détails, t. VI, 6-24; J. Char-
tier, mieux renseigné ici que d'ordinaire^ t. II, 20-32; Th. Basin, I, 138-147;
Martial d'Auvergne, I, 181-190. Quant au Bourg, de Paris, ce qu'il dit de
ce siège (p. 361-363), surtout au § 806, p. 362, suffirait à montrer son esprit
étroit, haineux et sa fureur de dénigrement. Cf. le Journal de Maupoint,
p. 27. Voir aussi Fr. 1968, f» 150; Fr. 26072, n» 4950; Fr. 5909, f» 253; JJ 176,
fos 34 yo^ 80, 82 v% 85; Ghron. Marlinienne, f» cclxxxvu.
5. Le 22 septembre, la ville de Paris envoie une ambassade au roi, à
Pontoise, pour le féliciter de la prise de cette place (LL 414, f" 104).
6. JJ 176, f» 269; JJ 177, f» 15; Fr. 20581, n°« 23, 26; Fr. 26068, n» 4408 \
K 68, n» 7. Le capitaine d'Evreux était Fauquemberge. Il croyait avoir bien,
pris ses mesures de vigilance; mais la ville fut surprise, grâce à deux
pêcheurs (K 66, m^ 1», 1»; Proceedings, V, 153-154). D'après J. Chartier (t. II,,
17-18), Floquet avait déjà pris Beaumont-le-Roger et le château de Beauménil
(arrondissement de Bernay) [Fr. 26068, n<" 4371, 4376]. Floquet fut nommé
bailli et capitaine d'Evreux (Fr. 26069, n»» 4419, 4502). P. de Brézé s'était
signalé aussi à la prise d'Evreux (JJ 177, f» 52). En octobre, Charles VII
envoie un messager à Florence annoncer la prise de Pontoise et d'Evreux
aux ambassadeurs français qui étaient auprès du pape (K 67, n" 7).
7. Xia 8605, f»» 81, 125; LL 218, f» 166; Le Bourg, de Paris, 363-364 ; Féli-
bien, II, 831-832; J. Chartier, t. II, 27; Berry, 417.
LE ROI REVIEIST A PARIS (1441, 2o SEPTEMBRE) 327
siège de Pontoise, les prisonniers liés ensemble, tête et pieds nus,
à peine couverts de misérables haillons, et elle accueillit les
vainqueurs avec une joie enthousiaste, car elle se sentait enfin
délivrée de l'oppression anglaise *, Le roi séjourna plus d'un
mois à Paris, de la fin de septembre au commencement de no-
vembre, s'occupant de remédier aux maux dont cette ville avait
souffert et de mettre les places récemment conquises en état de
défense ^. Quand il retourna vers la Loire, le connétable le sui-
vit .à Amboise, à Chinon, à Saumur ^, s'efforçant toujours d'em-
pêcher les ravages des gens de guerre.
Il n'oubliait pas les intérêts de sa famille. Son neveu Fran-
çois, comte d'Etampes et de Vertus, fils de son frère Richard,
mort en 1438, réclamait le comté d'Etampes, donné jadis à
Richard par Charles VII ^ et détenu par Jean de Bourgogne,
comte de Nevers. Le roi somma Jean de Bourgogne de restituer
le comté d'Etampes au neveu du connétable et manifesta ainsi
ses dispositions iDienveillantes au duc de Bretagne. Celui-ci se
montra conciUant quand le roi voulut mettre un terme aux dé-
prédations commises dans le Poitou par des Bretons qui occu-
paient les places de Palluau ^ et des Essarts ", réclamées par Isa-
beau de Vivonne, veuve de Charles d'Avangour. Jean V envoya
ses ambassadeurs à Saumur, où se trouvaient Charles VII et Ri-
chemont ''. Sans entrer dans la querelle des Monlfort et des Pen-
thièvre, le roi décida que ces places seraient mises sous la garde
du connétable. Le duc y consentit (décembre 1441 ^).
Peu après, Richemont se rendit en Bretagne, pour régler
d'importantes affaires de famille. Il avait institué héritier de tous
ses biens son neveu Pierre de Bretagne, second fils de Jean V.
Son autre neveu, François, comte de Montfort, fils aîné de Jean V,.
se montrait jaloux de cette préférence. Il prétendait que ces
1. En septembre 1441, les habitants de Sentis décidèrent de faire écouler
les eaux qni entouraient leur ville, attendu que Pontoise et Creil s'étaient
rendus au roi et que les Anglais ne tenaient plus aucunes places ni for-
teresses dans l'Ile-de-France (A. Dernier, Monuments inédits, documents
sur Senlis, Sentis, 1834, in-S", p. 23). Toutefois les Anglais occupèrent
encore, pendant plusieurs années, quelques places aux environs de Paris
(Y* f"' 80-81).
2. JJ 176, f» 270-273; Fr. 23711, n»' 143-146; Y* f"* 58 vo-63.
3. JJ 176, f» 273; Fr. 2o711, n» 146.
4. Le 8 mai 1421, à Amboise [Arch. de la Loire-Inf., cass. 11, E, 31 ; voir
Appendice XV et ci-dessus, p. 61).
5. Arrondissement des Sables-d'Olonne.
6. Arrondissement de La Roche-sur- Yon.
7. Ils y étaient encore le 23 décembre (JJ 176, f» 273).
8. Berry, 417. Richemont était encore à Saumur le 23 décembre, avec
le roi (JJ 176, f« 273j.
328 JEAN V ABAISDOiNNE LA PRAGUERIE (1442)
dispositions ne pouvaient s'appliquer aux terres situées en Bre-
tagne, et Pierre soutenait le contraire. Pour terminer la con-
testation entre les deux frères, Richemont déclara, par lettres
données à Redon, le 15 janvier *, que le comte de Montfort héri-
terait de toutes les terres qu'il aurait en Bretagne au moment
de son décès, mais que les domaines qu'il avait présentement
en Poitou et ailleurs passeraient à Pierre et reviendraient à Fran-
çois après la mort de son frère, si ce dernier mourait sans laisser
des héritiers. Sur ces nouvelles bases, Jean V régla, quelque
temps après (16 février) *, le partage éventuel de la succession
du connétable entre ses deux fils ^.
Ces dispositions ne devaient pas être exécutées, car Riche-
mont survécut à ses deux neveux ; mais ses bons procédés et
ceux du roi eurent d'autres résultats. Le duc de Bretagne cessa
de prendre part à la Praguerie. Ce fut une grande déception
pour les autres princes, qui recommençaient alors leurs intri-
gues et leurs conciliabules, à Hesdin, à Rethel (octobre-dé-
cembre 1441), à Nevers (février 1442) *. Ils exposèrent au roi,
dans une longue requête, leurs plaintes et leurs réclamations;
mais ils ne purent obtenir que le duc de Bretagne se joignît à-
eux ^. Il ne parut pas aux conférences de Nevers, malgré leurs
pressantes invitations.
Charles VII voulait dissoudre la coalition féodale, avant de
partir pour une grande expédition contre les Anglais dans la
Guyenne. La défection de Jean V fut une nouvelle victoire sur la
Praguerie. Le roi fit d'ailleurs aux mécontents une réponse
pleine de sagesse, de modération et de fermeté '', réfutant les ac-
cusations injustes, promettant de donner droit aux réclamations
1. Appendice LXXVII.
2. L'original est aux Arch. de la Loii^e-Inf., cass. 1, E, 3.
3. Le 6 mai 1441, Richemont avait déjà cédé à son neveu François la
terre d'Avangour et 330 1. de rente sur la seigneurie de Bourgneuf-en-Retz,
contre la terre de la Benaste, dont jouissait alors Anne de Sicile, veuve
de J. de Craon. Le 13 janvier 1442, Jean V et François cédèrent à Riche-
mont l'usufruit de la terre de Bourgneuf-en-Retz, en attendant que la châ-
tellenie de la Benaste pût lui être donnée en échange. Les deux originaux
sont aux Arch. de la Loire-Infér. (G. 1, E, 3). Voir aussi deux autres pièces
du U janvier et du 16 février 1442, relatives à cette même affaire {ibidem).
4. Le duc d'Orléans avait convoqué les autres princes à Nevers pour le
28 janvier (M. d'Escouchy, t. III, p. 37. Voir aussi p. 1-4, S2, 91; Mons-
trelet, VI, 27-50; Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1349-13S4).
5. Cette attitude nouvelle de Jean V n'a pas été assez remarquée. Elle
a pourtant une grande importance. Il y eut alors entre le roi de France
et le duc de Bretagne un rapprochement dont le connétable et Gaucourt
furent les intermédiaires (t. III de M. d'Escouchy, Preuves, p. 37, 38, 40,
42-45, 47, 56, 59, 60, 64, 67, 68, 90-91; Arch. de la Loire-Inf., cass. 34, E, 93).
6. Monstrelet, VI, 26-50.
MORT DE LA DUCHESSE DE GUYENNE (1442, 2 FÉVRIER) 329
fondées et leur déclarant, au surplus, que « se il povoit estre cer-
tainement adverti qu'ils voulsissent traictier ou faire aulcune
chose contre luy, ne sadicte majesté, il lairoit toutes autres be-
songnes pour eulx courre sus *. » Quant à la paix, qu'ils ne ces-
saient de réclamer, le roi la désirait aussi ; il ne refusait pas plus
qu'auparavant de négocier avec l'Angleterre * ; mais rien ne
pourrait l'empêcher de faire d'abord l'expédition qu'il avait
résolue. Cette habile conduite suffit à prouver que la direction
des affaires était en bonnes mains. Jamais le roi n'avait été
aussi puissant. On voit qu'il a conscience de sa force et qu'il se
sent capable de combattre à la fois les ennemis du dedans et
ceux du dehors.
Ainsi, tout encourageait le connétable à marcher dans la
même voie, quand un grand malheur vint le frapper. Revenu de
Bretagne à Parthenay, il apprit que sa femme, la duchesse de
Guyenne, était morte à Paris, le 2 février^. Richemont perdait la
compagne de sa jeunesse, de ses années d'épreuves, celle qui,
veuve d'un dauphin de France, l'avait, par son choix, élevé au
plus haut rang, celle qui avait encouragé son ambition, hâté sa
fortune, partagé fidèlement sa disgrâce et secondé ses efforts.
Le rôle de cette princesse dépasse la sphère du foyer domes-
tique. En travaillant à réconcilier son beau-frère, Charles VII,
1. MonsLrelet, VI, 50. Fr. 22333, f<" 10-14. llist. de Bourgogne, IV, 230.
2. Sur les négociations avec l'Angleterre, voir Proceedings, V, 163, 169,
176; M. d'Escouchy, III, 47-51, 57-58, 61-68, 91. Ces négociations avaient
même continué pendant le siège de Pontoise (Fr. 26068, n''4406;K 67,
nos 142, 14i, 152),
3. Elle mourut à l'hôtel du Porc-Epic, après une longue maladie (Grnel,
218; le Bourg, de Paris, 364-365). Elle était déjà fort malade à l'époque où
Richemont était à Paris; mais il s'était ensuite produit une amélioration,
qui lui avait donné bon espoir. Dans un testament,, fait le dimanche
14 janvier et dans un codicille du mercredi 31, elle avait choisi pour ses
exécuteurs testamentaires son mari, le comte de Richemont, son frère, le duc
de Bourgogne; J. Guillepou, chanoine de Notre-Dame de Paris et aumônier
du connétable, Vincent de Crosses ou de Croces (Il avait été reçu chanoine
de Notre-Dame de Paris [LL 218, P 148)] le 9 août 1441), son propre aumônier,
Guill. de Vendel, son maître d'hôtel, J. Dardenay son secrétaire et argen-
tier et Etienne Chevalier. Elle recommandait ses officiers et ses serviteurs
à son mari, leur laissait des dons, notamment à Guill. Gruel, le biographe
du connétable. Elle n'oubliait, dans ses libéralités, ni les églises, ni les con-
fréries, ni les enfants trouvés (LL 218, f» 451) ; enfin elle déclarait qu'elle
voulait que son corps reposât dans l'église Notre-Dame des Carmes, à Paris,
et que son cœur fût renfermé dans une châsse d'or et porté à Notre-Dame
■de Liesse. Ce testament est remarquable par les sentiments de piété, de
résignation et de repentir qu'il exprime dans un langage simple, élevé,
touchant. Il fut fait par Jean Quignon et Girard de Conflans, notaires du
roi au Cbâtelet de Paris. Il y en a une très belle copie aux Arch. de la
Loire-Inférieure, cass. 9, E, 24. Voy. Append. LXXVIII.
330 SOUMISSION DU DUC d'orléans (1442)
avec son frère, le duc de Bourgogne, en préférant à la cour le
séjour de Paris, où elle représentait en quelque sorte la famille
royale, elle avait rendu service au roi, à la France et mérité
ainsi une place dans l'histoire de ce règne mémorable *.
Charles VII était alors dans l'Ouest, avec l'amiral de Goëtivy,
P. de Brézé, le maréchal de Jaloignes, écrasant les débris de la
Praguerie dans le Poitou, l'Angoumois, l'Aunis *, la Saintonge,
enlevant au duc d'Alençon la ville de Niort et réprimant les ra-
vages des bandes qui occupaient encore des places, dont plu-
sieurs appartenaient à La Trémoille et au duc d'Orléans ^ Après
avoir contribué à rétablir l'ordre dans ces provinces, le con-
nétable vint rejoindre le roi à Limoges. C'est là que le duc
d'Orléans reparut à la cour, non plus en rebelle, mais en sujet
soumis *. Comprenant que la Praguerie était bien vaincue, il
abandonnait ses alliés pour se réconcilier avec le roi. Cette nou-
velle défection, qui coûta cher d'ailleurs à Charles VII ^ porta le
dernier coup à la ligue féodale. On put alors entreprendre la
campagne qui avait été retardée par ces derniers événements.
Il s'agissait de faire une imposante démonstration dans la
Guyenne et la Gascogne, où les Anglais .exerçaient une domi-
nation trop longtemps incontestée. Depuis le glorieux règne de
Charles V, la royauté française n'avait pas fait de tentative
sérieuse pour montrer sa puissance dans ces provinces lointaines ;
elle avait eu assez à faire de combattre pour son existence. Un
1. Charles VII donna bientôt à la reine de France les villes de Gien et
de Sainte-Menehould, que ladnchesse de Guyenne avait eues sa vie durant.
Il donna ensuite Gien à Ch. d'Anjou, avec Saint-Maixent et autres terres du
Poitou, moins l'hommage de Parthenay (P. 2531, f°s 213-213). Il confirma
le don de Fontenay au connétable sa vie durant, en 1442 et en 1444,
malgré une vive opposition du procureur général Jouvenel des Ursins.
(Voy. Append. LXXVIII et LXXVIII bis.)
2. « Pour ce que ceulx des places de Guyenne estans delà la Charente
avoient de grans accointances et faveurs avec aucuns de la dicte ville de
Nyort » (t. III de M. d'Escouchy, p. 43). Le roi garda cette ville, malgré les
réclamations réitérées des princes, en promettant toutefois une indemnité
{Idem., p. 42, Sl-52, 59-60, 68-70). Le comte de Huntingdon venait de faire une
descente en Saintonge. Il fut ensuite nommé gouverneur de Guyenne
(JJ 177, f» 138; Rymer, V, 1'" partie, 114).
3. Par exemple, Mareuil et Sainte-Hermine, qui étaient à La Trémoille;
Saintes où était Jacques de Pons; Taillebourg, que gardait Maurice de Plus-
calec; Verteuil-sur-Charente, où fut assiégé Guiot de La Roche, etc. (Berry,
p. 417-418).
4. Zia 14, f» 44 V». Le connétable était à Limoges le 24 mai (K 68, w^ 11,
11 bis).
5. Sur la rançon du duc d'Orléans, voir : Berry, 418-419 ;Bernier, Monum.
inédits, p. 24; K 67, n» 18. K; 68, n" 11, 11 bis; Y* f° 66; Portef. Fontanieu,
119-120, au 9 juin 1446; Fr. 23711, n» 204.
ÉTAT DE LA FRANCE MÉRIDIONALE EN 1442 331
voyage du roi dans le Languedoc, en 1437, une courte apparition
dans le nord de cette province, en 1439, ti'avaient pas eu de
résultats appréciables. La Guyenne était aussi Anglaise que
l'Angleterre elle-même ; Bordeaux n'avait plus rien de français;
les contrées voisines, Périgord, Limousin, Quercy, Languedoc,
étaient menacées, attaquées, occupées en partie par les ennemis,
ou, ce qui ne valait guère mieux, ravagées par les troupes mêmes
que le roi envoyait pour les défendre '. Le Languedoc était, pour
les routiers, une terre promise, dont ils mettaient tous les revenus
en coupe réglée ^. Les grandes maisons féodales, Albret, Foix,
Armagnac, étaient à peu près indépendantes et faisaient payer
cher leurs services, quand il leur plaisait de les accorder '.
Charles II d'Albret, vicomte de Tartas, comte de Dreux et de
Gaurc, de même que son frère, Guillaume d'Albret, sire d'Orval,
tué en 1429 à la bataille de Rouvray, avait fidèlement combattu
pour la France. Ses domaines^ voisins des possessions anglaises,
étaient exposés à de fréquentes attaques, surtout depuis que le
comte de Huntingdon avait amené une armée en Guyenne
(1439). L'expédition du Dauphin, en 1439, ne lui avait apporté
qu'un secours insuffisant. En 1440, les Anglais avaient assiégé
sa ville de Tartas * et, malgré une résistance opiniâtre, l'avaient
réduite à capituler. Il avait dû signer une convention qui laissait
1. Par exemple Saintrailles, Rod. de Villandrando, le bâtard de Bourbon
(Fr. 2o711, n» 157).
2. Guill. de Champeaux, évêque de Laon, qui administrait les finances de
cette province, y avait commis longtemps les exactions les plus flagrantes
(Vallet de V., Charles VII, t. II, 430-431). La nomination de Ch. d'Anjou au
gouvernement de Languedoc et Guyenne (S juillet 1440) n'avait pas remédié
à cet état de choses (K 67, n» 2o, et Port. Fonlanieu, 117-118, à la date). On
a pu voir que Ch. d'Anjou ne venait pas dans son gouvernement. Il y
avait pour lieutenant le vieux Tanguy du Chastel, qui n'avait pas une
probité bien scrupuleuse {Port. Fontanieu, 117-118, au 28 février 1443). Sur
la triste situation de Montpellier à cette époque, voy. Fr. 23711, n» 147.
Sur les pillages dans le Languedoc, Fr. 25711, n» 150, et K G7, n»» 13,
13 fjis; Fr. 26069, n» 4437; D. Vaissète, IV, 487-495.
3. Le 19 janvier 1438, Charles VII donne au sire d'Albret une pension de
12 000 1. t. par an (t. XXV des Pièces orig., n» 167). En 1440, 7 juin,
il donne au sire d'Albret la seigneurie de Saint-Sulpice (c. de Carbonne,
arrondissement de Muret), pour le dédommager des pertes qu'il a faites
en combattant les Anglais (D. Vaissète, IV, 493. Dans le reg. JJ 176, f» 268,
on trouve la date du 16 novembre 1441).
4. Arrondissement de Sain t-Sever (Landes). D'après Vallet de V., le siège
avait commencé vers juillet ^44/ et avait duré six mois, ce qui porterait la
capitulation à la fin de décembre 1441 (Vallet de V., Charles VII, t. II,
p. 437). Or, dans un document authentique du mois de janvier 1 44^, on
voit que le roi avait, depuis plus de deux mois, signifié cette journée aux
Anglais, « ainsi que le traictié le portoit », et qu'il en avait « baillé son
scelé » (t. m de Math. d'Escouchy, p. 36-37, 43).
332 NÉCESSITÉ d'une expédition en GUYENNE (1442)
à son fils, Charles d'Albret, Tartas et les places voisines, dans
un rayon de quatre lieues, mais en le soumettant à la tutelle
d'un conseil et à la suzeraineté du roi d'Angleterre (20 jan-
vier 1441). Cet arrangement avait été conclu pour vingt ans.
Chaque partie avait la faculté de le dénoncer, en avertissant
l'autre, trois mois à l'avance, et on devait remettre Tartas à
celui qui, au jour fixé, serait le plus fort devant cette ville ^
Dès lors, le principal soin du roi avait été de préparer l'ex-
pédition de Guyenne. Il voulait partir vers le l^'' mars, pour
arriver près de Tartas au commencement d'avril et avoir le
temps d'appeler à lui ses vassaux du Midi, avec toutes leurs
forces; mais les dernières menées de laPraguerie avaient retardé
son départ, et d'ailleurs, sur la proposition des Anglais eux-
mêmes, la journée de Tartas avait été remise à la Saint-Jean-
Baptiste, c'est-à-dire au 24 juin 1442 ^
Un autre motif de cette expédition en Guyenne et Gascogne,
c'était l'inquiétude qu'inspirait au roi la conduite du comte d'Ar-
magnac , Jean IV , fils aîné du fameux connétable tué à Paris
en 1418. Pendant que son frère Bernard, comte de Pardiac et de
La Marche, continuait de servir la France, avec un dévouement
inaltérable, Jean IV abandonnait Charles VII et s'alliait avec les
Anglais ^. Encouragé par les princes, pendant la Praguerie, il
négociait un mariage entre le roi Henri VI et une de ses filles.
Les conseillers du jeune roi pensaient, comme Glocester, que
l'alliance d'un des plus puissants seigneurs du Midi pouvait re-
lever la fortune chancelante de l'Angleterre, au moment où celle
de la France faisait des progrès alarmants *.
1. Sur les instances du sire d'Albret, Charles VII, qui était alors à Saumur,
fit savoir aux Anglais qu'il serait le l""^ mai devant Tartas. Voir les notes
ci-dessus et Legrand, t. I (Fr. 6960), f» 32-33. Il donne la traduction du
traité du 20 janvier 1441 dans le t. I de ses Preuves (Fr. 6963), f»» 131-140.
2. On ne comprend pas tout d'abord que les Anglais aient demandé ce
délai, mais cela s'explique par la détresse financière qui les empêchait
d'envoyer des troupes en Guyenne. Ils avaient l'intention de paraître à la
journée de Tartas, mais ils avaient grand besoin de renforts. Monstrelet
dit formellement que les Anglais demandèrent ce délai (Mat. d'Escouchy, III,
36-39, 43-46, 48, 33, 63; Monstrelet, VI, 31) En avril 1442, les états de Lan-
guedoc, assemblés à Montpellier, octroient une aide de 100 000 1. pour
« l'entretenement » de l'armée qui va en Guyenne, à la journée de Tartas
(Fr. 23711, n"^ 130, 162, 168, et K 67, n"» 13 et 13 bis; K 68, n° 16).
3. Jean IV avait conclu un traité avec Henri VI dès 1437 (Voy. la pré-
face du t. V des Proceedings, p. xcvi).
4. Jean IV était beau-frère de Charles d'Orléans et beau-père du duc
d'Alençon. Le premier avait épousé sa sœur, Bonne d'Armagnac, en 1410,
le second sa fille, en 1437. Il était aussi beau-frère de Richement et de
Jean V, dont il avait épousé la sœur, Blanche de Bretagne, en 1406. Sa
deuxième femme était une cousine germaine de Richemont, Isabelle de
SITUATION DIFFICILE DES ANGLAIS EN 1442 333
On voit que la campagne de Guyenne était nécessaire, à tous
égards. Si le roi eût manqué à la journée de Tartas, « il estoit en
péril et en adventure de perdre, es pays de Guienne et de Gascon-
gne, très grant partie des seigneuries à luy obéissans et, avec ce
les nobles d'yceulx pays *. » L'année précédente, cette expédition
lointaine eût été impossible, mais la prise de Pontoise avait
changé la situation. Les Anglais avaient assez à faire de défendre
la Normandie, sans menacer encore l'Ile-de-France. D'ailleurs
la détresse financière, le mécontentement qui se traduisait, en
Angleterre même, par des révoltes, mettaient le gouvernement
anglais dans le plus grave embarras.
Tandis que Charles VII trouvait assez de ressources pour com-
battre les ennemis, au nord comme au sud, les conseillers de
Henri VI se reconnaissaient impuissants à envoyer des renforts sur
tous les points et ne parvenaient même pas à organiser une
armée pour la défense de la Guyenne. Ils continuaient des pour-
parlers avec Charles VII, au moment où ce prince portait la guerre
dans le Midi *.
Navarre, fille du roi Charles III. Les ducs d'Orléans, de Bretagne et d'Alen-
çon avaient engagé des négociations relatives au mariage d'une fille de
Jean IV d'Armagnac avec Henri VI, comme le prouvent leurs lettres signées
et scellées. On supposa en Angleterre que William de La Pôle, comte de Suf-
folk, qui désapprouvait cette alliance, avait dénoncé ce projet à Cliarles VII;
mais, en admettant cette supposition, il est bien certain que cette pré-
tendue dénonciation ne fut pas la. cause de l'expédition de Guyenne. Au
mois de juillet 1442, l'évèque Th. Beckington fut envoyé avec Robert Roos
à Bordeaux, pour négocier le mariage projeté, et ils y restèrent jusqu'en
janvier 1443. Nous avons le journal de cette ambassade. Il fournit de pré-
cieux renseignements sur les menées du comte d'Armagnac, sur l'état de la
Guyenne et sur les principaux événements qui signalèrent l'expédition de
Charles VII {Journal by one of the suite ofTh. Beckington, edited by Harris-
Nicolas, London, 1828, un vol. in-S", avec une bonne préface. — Voir p. 40
et suiv. et p. xLvi-XLVu de la préface; M. d'Escouchy, Preuves, t. III* p. 43;
Brunet, Journal d'un ambassadeur anglais à Bordeaux, Paris, Techener, 1842.
(C'est la traduclion partielle du journal anglais, avec de bonnes notes à la
suite.) Voir aussi la préface du t. V des Proceedings, p. xcvi ; Rymer,
t. V, 1" partie, p. 112-113; Sharon-Turner, t. III, p. 137-138; Bréquigny,
82, î-o 135-137).
1. Monstrelet, VI, 31.
2. En novembre et décembre 1441, les Français de Louviers et de Con-
ches menacent plusieurs villes de Normandie, Harfleur, Caen, Ronfleur,
Caudebec (Fr. 26069, n»» 4429, 4433; Proceedings, V, 162, 163). En 1442,
ils veulent attaquer Pont-de-1'Arche, Pont-Audemer, Lisieux, où ils ont
des intelligences, et prennent Gigors. Ils veulent aussi s'emparer de
Chaumont-en-Vexin et se concentrent au Neubourg, entre Louviers et
Couches, sous Fauquemberge. Talbot, envoyé par le duc d'York en Angle-
terre, obtient, à grand'peine, quelques renforts (Fr. 23776, n°> 1559, 1565,
1566, 1568, 1373; Fr. 26069, n" 4488, 4523, 4527, 4534, 4535, 4547, 4356,
4571; 4576, 4577, 4580, 4583, 4594, 4598 ;Por<. Fontanieu, 117-118; à la date
334 PRÉPARATIFS DÉ l'EXPÉDITION DE GUYENNE (1442)
Quand tout fut prêt, Richemont alla rejoindre le roi à Limoges
(mai). Il avait d'abord eu l'intention de retourner dans son gou-
vernement de l'Ile-de-France % pour diriger la guerre dans le
Nord ; mais la campagne de Guyenne exigeant un grand déploie-
ment de forces, la présence du connétable fut jugée nécessaire.
Comme le passage d'une trop grande multitude de gens de
guerre eût été ruineux pour les pays qu'il fallait traverser ^,
on décida que le roi irait par une route et le connétable par
l'autre. Afin d'éviter l'ennemi, on ne marcha pas directement
sur Tartas par la Guyenne et la Gascogne; on prit Toulouse
comme lieu de concentration. Le roi y conduisit une partie des
troupes par Villefranche-en-Rouergue, le connétable l'autre
partie par l'Auvergne ^.
Jamais Charles VII n'avait eu armée comparable à celle qui se
trouva réunie à Toulouse, vers le milieu de juin 1442. Il y avait
là au moins 30 000 combattants, avec une artillerie formidable *.
A côté du roi et du Dauphin se voyaient les plus gands seigneurs
de France, le connétable, Charles d'Anjou, les comtes de La
Marche, d'Eu et de Foix,le sire d'Albret, le vicomte de Lomagne,
fils aîné du comte d'Armagnac , le maréchal de Jaloignes ,
du 7 mai 1442: K 67, n<>s 13, 15, I9,li2,n°« 12 S9, 76, 78; pr. 26070, n»^ 4693 ;
Proceedings, t. V, 186-187.
Détresse financière et révoltes en Angleterre : Fr. 26069, n» 4339; J. Ste-
venson, t. I, p. 431; Proceedings, t. V, p. 191, 199-203, et préface,
p. xcvii-c et cxx-cxxvii.
Mesures prises par Gliarles VU pour la défense de la Normandie, de l'Ile-
de-France, de la Beauce : Fr. 237H, n° 162; Fr. 26069, n° 4430; Fr. 26070,
n» 4620; K 67, n» 8; Port. Fontanieu, 117-118, au 5 mai 1442, et Port. Font.,
119-120, au 30 avril 1443; t. III de Mat. d'Escouchy, p. 68; Dernier, p. 23.
Réponse du roi aux prince^, dans Monstrelet, VI, 26-50, ou D. Morice, t. II
des Preuves, col. 1349-1334. Sur les pourparlers entre Henri VI et Gliar-
les VII, Proceedings, t. V, préface, p. xciv).
1. Gruel, 218. Par lettres du 2 mars, données à Lusignan, Charles VII
commet Simon Gharles, chevalier, président à la Cour des comptes, et
Guichard de Lisle, écuyer, son maître d'hôtel, au gouvernement de l'Ile-
de-France, de la Normandie et de la Picardie (Fr. 6963 [Legt-and, t. VI],
f 99 v).
2. Il y eut des provinces, le Limousin, par exemple, qui payèrent pour
que les troupes n'entrassent pas sur leur territoire (Glairamb., t. 187,
f"" 7031-7033). Néanmoins les compagnies de Ghabannes et de Floquet y
commirent les plus cruels ravages (Zia 14, P^ 229, 231 ; Zia 15, fo» 3.5).
3. L'argent dont le connétable avait besoin fut fourni, en partie, par
l'abbé de Saint-Maixeut et par les chapelains de Villefranche-en-Rouergue,
qui avaient à payer des droits d'amortissement. Voir deux lettres de la
reine dans le Port. Fontanieu, 117-118, aux dates du 26 et du 27 mai. Une
autre lettre d'un particulier prouve que, même à ce moment, La Trémoille
excitait encore des troubles dans le Poitou, où ses gens occupaient la ville
de Lusignan {Ibid., lettre du 28 mai).
4. Fr. 2497 (nouv. acquis.), f" 2 v". -
LA JOURNÉE DE TARTAS (1442, 23 JUIN) 335
l'amiral Prigent de Goëtivy *, P. de Brézé, sénéchal de Poitou, et
les plus vaillants capitaines de routiers, Saintrailles, La Hire,
Antoine de Ghabannes, etc.
Le roi partit de Toulouse, avec la moitié de l'armée. Le conné-
table marchait à l' avant-garde. Le 22 juin, ils arrivaient, par
deux routes différentes, à Meilhan ^ petite ville située à environ
deux lieues au nord-est de Tartas. Le lendemain matin, samedi
23 juin ^, l'armée française était rangée en bataille devant la
ville de Tartas. Elle attendit vainement les Anglais, qui, se
voyant trop faibles, n'osèrent paraître. Le sire de Conac vint
remettre au roi les clefs de la place et celui des fils de Charles
d'Albret qui était resté en otage *. La, Journée de Tartas eut un
grand retentissement. Elle donna au roi et à la royauté un pres-
tige tout nouveau; elle déconcerta les Anglais et leur allié le
comte d'Armagnac; elle prépara d'autres succès.
Le roi alla loger à Gauna ^ et le connétable à Souprose ^.
Après y avoir séjourné le dimanche, ils repartirent le lundi et
allèrent mettre le siège devant Saint-Sever ', place très forte,
défendue par cinq enceintes '. Les deux premières .furent prises
par les gens du Dauphin, la troisième et la quatrième par les
gens du roi. Le château fut assailli, sans que personne en eût
donné l'ordre, et pris, après quatre heures de combat acharné.
Quand il fallut attaquer la dernière enceinte, Charles VII, pour
se réserver tout l'honneur de la victoire, manda au connétable
de ne point faire donner ses gens.
Bientôt le roi, voyant ses troupes repoussées, ordonna au conné-
table d'envoyer les siennes à l'assaut. Ilichemont avait éprouvé
une si vive contrariété qu'il fut sur le point de ne pas obéir;
pourtant, il lança ses Bretons, qui escaladèrent les murs avec
une impétuosité irrésistible et firent, les premiers, irruption dans
la ville. Les assiégés, qui résistaient encore, furent tués sur les
remparts, et les gens du roi purent ainsi pénétrer dans la place,
où, comme le disait le Dauphin, ils ne seraient jamais entrés, si
i. Fr. 25711, n» 156.
2. Canton est de Tartas.
3. Gruel, 218, et Xi» 4799, f» 100.
4. X'a 4799, f" 124. Martial d'Auvergne, I, 195-197. Chron. Marlinienne,
i" CCLXXXVII v».
5. Canton de Saint-Sever.
6. Canton est de Tartas.
7. Charles VII, étant devant Saint-Sever, le 29 juin, accorda au comte de
Montfort et à Pierre de Bretagne un délai d'un an pour lui faire hommage
(Arch. de la Loire-Inf., cass, 33, E, 90).
8. Cinq fermetez, dit Monstrelet.
336 PUISE DE ST-SEVER ET SIÈGE DE DAX (4442, JUILLET)
les Bretons ne leur eussent donné la main ^ Beaucoup d'Anglais
périrent. Les Français perdirent peu de monde et ne firent qu'un
petit nombre de prisonniers, parmi lesquels se trouvait Thomas
Rampston, sénéchal de Guyenne.
Le connétable et le comte de La Marche se distinguèrent par
leur humanité, non moins que par leur courage. Ils firent les
plus grands efforts pour protéger contre la férocité des gens de
guerre les malheureux habitants, surtout les femmes. Ils failli-
rent même être tués, pendant la nuit, en s'opposant aux fureurs
bestiales de quelques soldats qui ne les avaient pas reconnus.
Des mères, folles d'épouvante, avaient abandonné leurs petits
enfants. Richemont, saisi de pitié, prit soin d'eux et fit amener
des chèvres, afin qu'on pût les allaiter. On est heureux de signaler
quelquefois des traits de ce genre. Ils prouvent que toute sensi-
bilité n'était pas éteinte dans le cœur des rudes hommes de
guerre de cette époque *.
Le roi laissa au connétable la garde de cette ville, où il s'était
comporté si glorieusement. Il se dirigea ensuite sur Dax, pen-
dant qu'une .autre partie de l'armée s'avançait dans la direction
de Bordeaux (juillet). Tout le pays des Landes, moins Bayonne
et Dax, fut bientôt soumis. Les partisans de l'Angleterre fai-
saient défection ; la grande ville de Bordeaux, se croyant elle-
même menacée , hâtait ses préparatifs de défense. Malheu-
reusement l'armée, quoique divisée en plusieurs corps, avait
grand 'peine à se procurer des vivres et souffrait beaucoup de la
disette. Le connétable lui-même n'avait à manger que des
oignons et du pourpier, avec très peu de pain et de vin. C'est dans
ce triste état que les troupes allèrent assiéger Dax, qui passait
pour la plus forte place de la Guyenne '. Un autre désavan-
tage qui fut souvent funeste aux Français, dans toutes les guerres
de cette époque, c'est qu'ils avaient trop peu d'archers, tandis
que les Anglais en avaient beaucoup et d'excellents.
Le siège de Dax dura plus de trois semaines et fut des plus
difficiles. Les vivres manquaient ; les assiégés faisaient de fré-
1. Gruel, 218-219, Berry, p. 420, et Monstrelet, VI, 54, disent aussi que les
gens du conaétable entrèrent les premiers dans Saiat-Sever. On lit dans le
registre Xia4799, f" 124 (Parlement) : « Lundi, 23 juillet, non fuit litigatum,
sed cantatum Te Deum laudamus pro recuperatione ville de Tartaz et cap-
tione de Saint-Sever, que le Roy a prinse d'assault, en Gascoigne. »
2. Il y en a un semblable, mentionné dans une lettre de Dunois à
Mme de Dampierre. Cette lettre a été publiée par M. Clément dans son
ouvrage sur J. Cœur, p. 52, note 2; Gruel, 219.
3. Which is holden the strengest of ail Guienne, dit le Journal de Becking-
ton, p. 27. C'était vers la fin de juillet 1442 (JJ 176, fos 100 v", 111 ; compte
de Jean de Rosnyvinen).
DA\ SE REND A CHARLES VII (1442, AOUT) 337
quentés sorties, pendant lesquelles leurs archers venaient « jus-
qu'à la pointe de la lance ' » tirer sur les Français. Le conné-
table faisait tout son possible pour adoucir les soufl'rances de
ses gens et partageait avec eux ce qu'il avait. Une pipe de vin,
qu'il s'était procurée à haut prix, « luy dura plus que jamais
vin ne luy avoit duré, car tout homme qui en envoyoit quérir
avoit sa bouteille remplie, pourveu qu'il apportast une bouteille
d'eau pour mettre par la bonde ^. » Les assiégés étaient néan-
moins serrés de près et ne recevaient pas de secours. Dans les
premiers jours d'août, quand l'artillerie eut ouvert des brèches
au principal boulevard de la ville, les gens du Dauphin donnè-
rent l'assaut et s'emparèrent de ce poste important, ainsi que
d'une tour. Le lendemain, la ville allait être elle-même assaillie,
quand le connétable et le comte de La Marche, pour lui épargner
de plus grands maux, déterminèrent la garnison à se rendre,
sans condition.
La prise de Dax jeta la consternation parmi les Anglais. Des
ambassadeurs, envoyés par Henri VI au comte d'Armagnac et
qui étaient restés à Bordeaux, firent partir, en toute hâte, un
messager pour l'Angleterre (vendredi 10 août). Ils disaient que
le Dauphin assiégeait Bayonne, avec le connétable et le maré-
chal de Gulant, que les Français allaient marcher sur Bordeaux
etque tout était perdu, si l'on n'envoyait d'Angleterre de prompts
secours. Le Conseil du roi mit plus d'un mois à répondre, tant
était grande la difficulté de réunir et de payer des troupes.
Enfin, le ^t septembre, les habitants de Bordeaux furent infor-
més que le comte de Somerset était chargé de conduire une puis-
sante armée en Guyenne, mais ils attendirent vainement ; cette
armée ne vint pas. Le Conseil d'Angleterre s'occupait plutôt de
négocier avec Charles VII que de lever des troupes '.
1. Gruel, 219.
2. Gruel, 219.
:{. Outre les détails donnés par Berry, Monsirelet et Gruel, qui fit cette
rainpagne avec le connétable, nous avons, sur ces événements, deux sour-
ces précieuses d'informations. L'une est la relation, déjà indiquée, d'une am-
bassade envoyée par Henri VI au comte d'Armagnac et qui arriva le 16 juillet
à Bordeaux, où elle resta jusqu'au 10 janvier 1443; l'autre est une copie des
Comptes de l'eschansonnerie du roy Charles VU au voyage et guerre de Gas-
coigne, aux années I4i^ et 1 4^i^. L'auteur de ces comptes, Jean de Rosny-
vinen, était premier échansoii du roi. Il avait été institué à cet office le
26juillet 1 WO, par lettres données à Gharlieu(Fr. 696o, f" 101).I1 était échanson
du Dauphin en 1422 (KK 53, f" 76). Le registre original qui avait été offert à
l'impératrice par M. le marquis de Rosnyvinen-Piré a été détruit en 1871,
dans l'incendie de la bibliothèciue du Louvre, mais il en reste vme excel-
lente copie, faite par M. Quesnet, le savant archiviste de rille-et-Vilaine.
Ce document permet de suivre, jour par jour, Charles Vil, depuis le mois
RiCIIEMONT. 2^
338 RICHEMONT ÉPOUSE JEAiNNE d'ALBRET (1442, 29 AOUT)
Charles VII passa quelques jours à Dax et en partit le vendredi
17 août pour Agen. Arrivé dans cette ville, le mercredi 29, il y
séjourna jusqu'au samedi 15 septembre. A cause de la difficulté
de faire vivre les troupes, le connétable avait pris, par Mont-
de-Marsan, une autre route, au nord de celle que suivait le roi ' .
C'est à ce moment que Richemont épousa la plus jeune fille du
sire d'Albret. Jeanne d'Albret était nièce du comte de La Mar-
che ^, qui avait engagé plusieurs fois le connétable à ce mariage.
Celui-ci se rendit alors de Mont-de-Marsan à Nérac, où se
trouvaient le comte de La Marche et le sire d'Albret avec sa
femme et sa fille. « Et ceste nuict souppa avec les dames, et les
veid à son aise et dansèrent^. » Pourparlers, fiançailles, épou-
sailles, tout fut conduit avec une rondeur et une précision mili-
taires. La campagne n'en fut, pour ainsi dire, pas interrompue.
Richemont était attendu par le roi et n'avait pas de temps à
perdre. Le mariage fut célébré le 29 aoûL 1442. Cette alliance,
flatteuse pour la maison d'Albret, ne pouvait être que profitable
à la France. Pour Artur de Bretagne elle était beaucoup moins
brillante que son premier mariage. Le sire d'Albret lui céda
bien le comté de Dreux, donné jadis à son père par Charles VI
de juillet 1442, jusqu'à la lin de juin 1443. 11 est intéressant de le com-
parer avec le journal des ambassadeurs anglais, Thomas Beckinglon et
Robert Roos.Lcs deux documents sont, en général, d'accord pour les
dates. Le journal anglais donne beaucoup plus de détails historiques, no-
tamment des lettres des ambassadeurs, du comte d'Armagnac, de son secré-
taire Jean de Batute (voir la lettre de Beckington du 23 juillet, p. 13-17:
le message du 10 août, p. 26-27).
Dans la nuit du mercredi l""" août, 130 Français, venus de Talmont et de
Royan, dans 6 gabarres, allèrent jusqu'à Bordeaux et prirent, sans oppo-
sition, un grand vaisseau et un autre bâtiment plus petit, mais on les
leur reprit vers Royan. {Journal, p. 25-26.)
Promesses de secours aux Bordelais, p. 54, 57 du Journal.
Négociations avec Charles VII : Proceedings, t. V, p. 215, et Préface, p. cn-cv :
Rymer, t. V, 1" partie, p. 114-117. Dans les lettres du 9 septembre, par
lesquelles Henri YI donne pouvoir à ses ambassadeurs de traiter avec
Charles VII, il n'appelle plus ce prince le soi-disant Dauphin de Viennois,,
ou Vadversaire, mais illustrissimus princeps Carolus, avunculus noster
(Rymer, 114-115).
1. Le roi passa par Mugron le 18 août, Saint-Sever le 19, Nogaro le 21.
Eauze le 22, Montréal le 23, Condom le 24-27, la Plume en Armagnac le 28,
et arriva le mercredi 29 à Agen (Comptes de J. de Rosnyvinen). C'est encore
aujourd'hui, excepté Montréal, la grande route d'Agen à Tartas.
2. Elle était fille de Charles II d'Albret et d'Anne d'Armagnac, sœur de
Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac et de La Marche (Anselme, VI.
212-213). Le contrat de mariage d' Artur de Bretagne et de Jeanne d'Al-
bret avait été conclu pendant le siège de Dax et avant le 28 juillet, car, à
cette date, Richemont fait remise au sire d'Albret d'une somme de
30 000 écus d'or, à lui promise par ce contrat. Voy. Append. LXXIX.
3. Gruel, 219.
MORT DE JEAN V, DUC DE BRETAGNE (1442, 28 AOUl) 339
en 1407; mais, pour en jouir, il fallait le prendre aux Anglais.
Il est vrai que le connétable ne désespérait pas d'y réussir ^
Après son mariage il ne tarda pas à gagner Agen, où était le
roi. Quand il eut passé deux ou trois jours dans cette ville, il se
dirigea, par Gasteljaloux * et Sainte-Bazeille ^, sur Marmande,
tandis que le roi s'y rendait par Aiguillon *. Charles VII, parti
d'Agen le samedi matin 15 août, arriva le 16 à Marmande, qui
ouvrit ses portes sans résistance, ainsi que Tonneins ». Il sé-
journa un mois à Marmande. Là, il fallut songer à rallier les
troupes, qui s'étaient éparpillées, pour vivre sur le pays, jus-
qu'aux environs de Toulouse et du Béarn. On voulait marcher
sur Bordeaux; mais il fallait d'abord entreprendre plusieurs
sièges, notamment celui de La Réole, opération impossible tant
qu'on n'aurait pas un effectif plus considérable.
Pour ramener les gens de guerre à l'armée, où l'on avait vu
des hommes et des chevaux périr de faim, il fallait un chef
jouissant de la plus haute autorité. Le connétable reçut cette
mission difficile. Gomme il approchait de Toulouse, il ren-
contra, dans un endroit nommé Gauré^ Rob. de La Rivière, qui
venait, de la part de son neveu François, lui apprendre la mort
de son frère, Jean V, duc de Bretagne (28 août) \ Le nouveau
duc, François I®'", avait aussi chargé son envoyé d'aller annoncer
au roi son avènement et solliciter un congé pour le connétable,
afin qu'il pût venir en Bretagne. Charles VII consentit, non sans
peine, au départ de Richement, dont il avait encore besoin ;
mais il trouvait son avantage à satisfaire le successeur de
Jean V. Le crédit et l'autorité dont le connétable jouissait
auprès de son neveu ne pouvaient que profiter à la France.
Richemont était à Toulouse, quand l'envoyé breton revint
lui dire que le roi lui permettait de partir. A cette époque,
les Français s'emparaient de La Réole (7 octobre). Il est vrai
que le château résistait encore, mais la Guyenne restait sans
secours, et tout faisait présager d'autres conquêtes. Le conné-
1. Voy. Append. LXXX. C'est peut-être en dédommagement des 30 OOO
écus d'or promis par le sire d'AIuret à Richemont que celui-ci se fit céder
les droits de sou beau-père sur le comté de Dreux (Voy. p. 338, note 2;.
Il est probable que Richemont eut.dès 1443, la ville de Dreux (Voy. .4/jpewrf.CX).
2. C. de Nérac.
3. C. de Marmande.
4. Arrondissement d'Agen.
5. Arrondissement de Marmande.
6. G. de Verfeil, arrondissement de Toulouse.
7. UHistoire ecclésiastique et civile de la Bretatjne par D. Morice finit îi
la mort de Jean V. Elle est continuée par D. Taillandier dans le 2'' vol.,
qui parut en 1756.
340 MORT DE YOLANDE d'ARAGON (1442, 14 NOV.)
table pouvait donc, sans trop de regrets, abandonner cette
expédition, que ses succès antérieurs avaient seuls rendue pos-
sible et à laquelle il avait pris une part si brillante '.
Après avoir conduit la nouvelle comtesse de Richemont à
Parthenay, il se rendit en Bretagne, avec les ducs d'Orléans
et d'Alençon, les comtes de Vendôme et de Dunois, P. de Brezé
et beaucoup d'autres seigneurs. A Ploermel , il trouva ses
neveux François, Pierre et Gilles, ainsi que la princesse Isabelle
d'Ecosse, qui venait d'arriver à Aurai, pour épouser le succes-
seur de Jean V. Richemont assista au mariage, puis au couron-
nement de son neveu. Cette cérémonie eut lieu à Rennes le
9 décembre 1442. Pendant la messe, à l'offerte, le connétable
fît chevalier François I^'', duc de Bretagne.
Peu après mourut Isabeau de Bretagne , comtesse de Laval
et fille de Jean V (13 janvier 1443). En moins d'un an, Riche-
mont avait perdu sa première femme, son frère, une de ses
nièces et, ce qui fut pour lui un autre deuil, Yolande d'Aragon,
reine douairière de Sicile, morte au château de Saumur, le
14 novembre 1442, à l'âge de soixante-deux ans. Cette prin-
cesse, d'un esprit supérieur, avait été pour Richemont une
bienfaitrice, qui l'avait toujours guidé, soutenu, secondé, dans
la bonne et dans la mauvaise fortune. La mort de la reine
Yolande laissa dans l'entourage et dans le Conseil du roi un
vide qui fut bien difficile à remplir, quoiqu'il y eût alors auprès
de lui beaucoup de conseillers aussi dévoués qu'habiles ',
En quittant la Bretagne, le connétable revint dans le Poitou.
Il y resta plusieurs mois, d'abord à Fontenay, où était alors la
comtesse de Richemont, puis à Parthenay. Pendant l'absence
du roi, il ne se fit pas de grandes opérations militaires dans le
1. Sur l'expédilioii de Guyenne et Gascogne, voir: Journal de Beckington
p. 40 etsuiv. ; Berry, p. 420-22 (qui est, comme toujours, bien informé):
Monstrelet,r. II,cli.266; Gruel (qui suivit le connétable dans cette campagne),
p. 218-219; Legrand, t. VI (Fr. 6965), f's 202-203; D. Vaissèle, t. IV, 496-97;
Fr. 23711, nos Io0-lo4; JJ 177, f» 50; K 67, n»' 16, 16 bis, 34; Monleziiu,
llist. de la Gascogne, Auch, 1864, in-8», t. IV, ch. III, p. 262-276; J. Ste-
venson, t. II, 2« partie, p. 463.
Vers l'époque où Richemont partit, les Anglais reprirent Saiut-Sever et
Dax, mais le comte de Foix leur enleva Saiut-Sever. Pour la suite de cette
campagne, voir : Berry et Monstrelet: le Journal de Beckington, p. 30-33,
63-63,72, et la traduction de Brunet; Proceedings, t. V, p. 249 et 414-418.
2. Dans les lettres par lesquelles Charles VII donna les terres et sei-
gneuries de Gien, Saiat-Maixent, Melle, Chizé, Civray, Sainte-Néomaye à
Ch. d'Anjou, en récompense de ses services et de ceux de sa mère Yolande,
Il fait longuement l'éloge de cette princesse (voy. les lettres données en
février 1443, à Montauban, dans P 2331, f" 213; Xi% 8603, f- 91 et 92, et
JJ 176, f»^ 121-122; Berry, p. 422; Le Baud, 489-490; d'Argentré, 800).
MESURES CONTRE LES ROUTIERS (1443) 341
nord. Quand Charles VII revint à Poitiers, le 24 mai, une des
premières questions sur lesquelles le connétable * appela son
attention, avec une nouvelle insistance, fut encore celle des
réformes militaires. En dépit des ordonnances, les actes d'indis-
cipline et de pillage s'étaient reproduits, sous les yeux mêmes
du roi et du connétable, pendant l'expédition de Guyenne et
Gascogne, Il est vrai que les troupes, mal payées, mal approvi-
sionnées, se croyaient, par là même, autorisées à piller, pour
vivre, et que, grâce à cette excuse, les capitaines de gens d'armes
obtenaient facilement des lettres de rémission. N'allaient-ils pas
jusqu'à dire qu'ils détroussaient les sujets du roi « pour soy
plus honorablement entretenir à son service ^ »? Le bâtard
d'Armagnac et Salazar dans le Midi ^, Jean de Blanchefort en
Auvergne, les troupes de Dunois entre l'Yonne et la Seine,
d'autres encore ailleurs et jusque dans le Poitou, continuaient
les mêmes ravages. Les paysans étaient obligés de cacljer leurs
bestiaux dans les forêts ; beaucoup de villes et de bourgs de-
mandaient l'autorisation de se fortifier, parce que les gens de
guerre dévastaient surtout les pays fertiles et éloignés des forte-
resses, où les habitants se pouvaient réfugier. Les princes réunis
à Nevers, l'année précédente, avaient eux-mêmes flétri ces excès
et réclamé l'application des réformes décrétées.
Dans une assemblée que le roi réunit à Poitiers, au mois de
juin 1443, et où figurèrent plusieurs « seigneurs de son sang »,
le Dauphin, le duc d'Orléans, René d'Anjou, roi de Sicile *, il
fut décidé qu'on appellerait sur la Loire les compagnies qui
vivaient sur les champs, qu'on y choisirait un certain nombre
de gens d'armes, parmi les meilleurs, qu'on les logerait aux
frontières et que les autres seraient renvoyés chez eux. De nou-
veaux ordres furent donnés de tous côtés aux officiers royaux
pour faire exécuter les règlements ; le Dauphin lui-même fut
chargé de prendre, dans ce but, les mesures les plus énergiques ;
plusieurs capitaines de routiers furent bannis '•' ; mais ce ne fut
pas encore cette fois qu'on put extirper un mal aussi invétéré ®.
i. Il était alors ajourné, avec Pierre et Gilles de Bretagne, comme héritier
de Jean V, à cause d'un procès pendant devant le parlement de Paris
(X2« 22, aux 9 mai, 18 juin, 29 juillet).
2. JJ 177, f» 20.
3. Salazar avait remplacé le fameux Rodrigo de Villandrando, qui était
resté en Castille (voy. Quicherat, Rod. de Villandrando, p. 193).
4. René d'Anjou était revenu d'Italie en 1442. — Richemont à Poitiers
(JJ 184, f» 411, n° vicn). Charles VII accorde alors des lettres de rémission
au comte de Vaudemont (JJ 184, f» 407 v», n" vicii).
0. Par exemple, le bâtard d'Armagnac et Salazar en 1443 (JJ 177, f- 59).
6. Regnauld de VignoUes, frère de La Hire, occupait le château de Milly
342 GUERRE DANS LE NORD EN 1442
Dans cette même assemblée, on s'occupa aussi des dispositions
à prendre pour repousser les Anglais dans le nord. De ce côté,
ils n'avaient pas mis à profit, autant qu'on l'eût pu craindre,
l'éloignement du roi et de sa plus forte armée. Dunois, le maré-
chal de Lohéac, le sire de Bueil, Rob. Floquet les avaient tenus
en respect. Si les ennemis étaient parvenus à prendre Cour-
ville S Gallardon ^ et Gonches ^ (août 1442), ils avaient été
battus près du Neubourg ■*, obligés de démolir Gallardon et
d'abandonner Gourville ; enfin ils avaient perdu Granville '\
qu'ils avaient tout récemment fondée, fortifiée et qu'ils considé-
raient avec raison comme une des places les plus importantes
de la Normandie (novembre 1442) ^.
Leur effort le plus puissant avait été dirigé contre Dieppe,
que Talbot assiégeait, depuis le mois de novembre 1442, mais
Ch. Des Marets, le héros populaire du pays de Gaux, défendait
la ville avec son courage habituel. Elle eût cependant été
réduite par la famine, si un lieutenant du connétable, Guillaume
de Goëtivy, ne lui eût amené de Bretagne une grande quantité
de vivres, par mer. Un autre Breton, Tugdual de Kermoysan,
vint aussi prêter aux assiégés le concours de ses talents. Il y
(c. de Marseille, arrondissement de Beauvais) et pillait les pays voisins,
aussi bien ceux du roi que ceux du duc de Bourgogne. Jean de Bour-
gogne, comte d'Etampes, assiégea le château de Milly et le réduisit à ca-
pituler (Monstrelet, t. VI, p. 61-65; JJ 176, f"» 374 v°-37o; Hist. de Bourgogne,
IV, 251). Quant au fameux La Hire, il mourut à Montmorillon, au retour de la
campagne de Guyenne.
Sur les ravages des gens de guerre, voy. Pièces orig., t. 247*, n" 45;
Fr. 25711, n" 162; Tuctey, Les Ecorcheurs, t. I, p. 52 et suiv. et p. 81 et suiv. ',
\^^ 24, aux dates du l»' et du 6 août 144S (il s'agit ici d'un capitaine,
Jean Fo, qui, pendant le voyage de Tarlas, quitta l'armée royale, avec
400 hommes, pour aller se loger dans le Beaujolais, où il exerça de grands
ravages); JJ 176, f»s 120-121, 175, 179, 227-228, 239, 260 v% 274, 276 v°, 288:
JJ 177, f<" 50, 59; A. Thomas, Etats provinciaux, II, 169-170, 191-202.
Le registre JJ 177, qui comprend les années 1444-1446, est rempli de
lettres de rémission accordées aux gens de guerre, pour des faits dont
beaucoup sont antérieurs à 1444.
Assemblée de Poitiers : Fr. 25711, n''165. Fr. 26072, n- 4920, 4931, 4903.
Y* f» 70. K 67, nos 29, 29 bis, 29 ter.
Réclamations des princes : t. III de Af. d'Eschouchy (Preuves), p. 71-75,
document qu'il faudrait pouvoir citer en entier.
Mesures prises par le Dauphin : Y* f° 70; Fr. 26072, n» 4959; J. Steven-
son, II, 350.
1. Arrondissement de Chartres.
2. Arrondissement de Chartres (voir Revue archéolog., XI" année, 2» partie,
p. 413 et suiv. et xdanche 243).
3. Arrondissement d'Evreux.
4. Arrondissement de Louviers.
5. Arrondissement d'Avranches.
6. Mémoires de la Soc. des antiq. de Normandie, 1827, p. 84-89.
LES ANGLAIS ÉCHOUENT DEVANT DIEPPE (1448, AOUT) 343
avait près de neuf mois que Dieppe résistait aux Anglais, quand
le Dauphin fut chargé de faire lever le siège. On savait qu'une
armée réunie péniblement en Angleterre , par le duc de So-
merset, allait, après de longs retards, débarquer en France, et on
prit des mesures pour tenir tète à ces nouveaux ennemis • .
Pour faire accepter à Somerset ^ le commandement de cette
expédition, il avait fallu lui donner le titre de duc et même
celui de lieutenant général, mais on avait ainsi blessé le duc
d'York. Au lieu de se diriger vers Rouen et le pays de Gaux,
Somerset alla débarquer à l'extrémité tout opposée de la Nor-
mandie, à Cherbourg, dans le Gotentin ^. Il n'attaqua pas Gran-
ville, qui tenait depuis longtemps en échec Thomas de Scales
et Mathieu Goth *; il fit une pointe vers le sud, comme s'il
eût voulu menacer la Bretagne, l'Anjou et le Maine. Pendant ce
temps, Floquet opérait une diversion sur Gonches et Pont-Aude-
mer % et le Dauphin, avec Dunois et Gaucourt, forçait Talbot
1. Fr. de Surienne prend Courville et Gallardon, près de Chartres
(Fr. 26069, n» 4484; Fr. 25776, n» 1372).
Robert Floquet, capitaine d'Evreux, bat les ennemis entre Evreux et Le
Ncubourg (Berry, p. 419). Il met Evreux en état de défense (Fr. 26070, n» 4681).
Dunois attaque Gallardon et conclut avec Surienne une convention par
laquelle celui-ci s'oblige, moyennant 11 000 salais d'or, à démolir Gal-
lardon et à vider Courville {Portef. Fontati., 117-118, au 30 octobre 1442 et
au 18 mars 1444, a. st.; J. Stevenson, t. I, 321: Fr. 26070, n°^ 4623, 4624
4627, 4635; K 67, n<'12io, jj 176, f» 153 v; Berry, p. 419.
Sur Gonches : Berry, p. 419; Fr. 26070, n"* 4610, 4623, 4624, 4633, 4631:
Fr. 23776, n»» 1378, 1581, 1385; K 67, n"» 12 67.70.
Autres opérations des Français en Normandie en 1442 : Fr. 26069,
u»' 4586, 4397, 4399, 4603: Fr. 26070, n»» 4613, 4613, 4638, 4698, 4706, 4739.
Sur Granville : Chron. du Mont-Saint- Michel, p. 43; Mémoires de ta Soc.
des antiquaires de. Normandie, année 1827; JJ 177, f» 110; Stevenson, II,
:J38 ; K 67, n»^ 20, 20 bis, 215, 218; Pr. 23189, f° 26. — Sur Dieppe, beaucoup
de documents dans les Monstres et dans les Quittances et pièces diverses:
Fr. 23776, no^ 1570, 1589-1600, 1609-1618, 1626-1632; Fr. 26070, n"» 4681-
4686, 4703, 4703, 4710, 4716, 4729, 4735, 4745, 4749; Fr. 26071, n»* 4771-
4776,4806, 4818, 4820, 4830-4833, 4851; A. Thomas, Etats prov., II, 157-159;
Fr. 25711, n» 166; K 67, n» 29; J. Charlier, I, 261; Berry, 423-424. — Sur
l'armée de Somerset : voy. Proceedings, t. V, p. 218, 223-224, 229, 236-238,
et Préface, p. cvi-cxvn; Rymer, V, l'e partie, 116, 118.
2. Jean Beaufort, comte, puis duc de Somerset, neveu de Henri IV (Dug-
dale, Baronagium, I, 329). Il fut nommé lieutenant et capitaine général du
royaume de France dans les parties où le duc d'York n'exerçait pas ac-
tuellement son pouvoir (Fr. 26071, n° 4834; Proceedings, Y, p. 218, 260-264,
288-290, et Préface, p. cix et cxvi; Issues of the Exchequer, 445).
3. Chron, du Mont-Saint-Michel, p. 44. Il était à Coulances le 12 août
(Fr. 26071, n» 4834; Berry, p. 424). Somerset était capitaine d'Avranches
(Fr. 25777, u^ 1650).
4. Fr. 26070, n°« 4730, 4731, 4741; Fr. 26071, n" 4775, 4780, 4809-4813,
4815; Fr. 25776, n"» 1624, 1633, 1638; Fr. 25777, n»» 1642, 1644.
5. Fr. 26071, n"' 4837, 4840.
344 EXPÉDITION INFRUCTUEUSE DE SOMERSET (1443)
à lever le siège de Dieppe * (août). Quant à Somerset, il s'em-
para de la Guerche *, où s'étaient quelquefois rassemblés des
Bretons du parti français, avec le maréchal de Lohéac et le sire
de Bueil, quand ils voulaient attaquer, de ce côté, les frontières
de la Normandie^. Il alla ensuite s'établir devant Pouancé \
croyant que cette ville allait se rendre. Les Anglais restèrent
là quelque temps, faisant des courses dans la Bretagne et jus-
qu'aux portes d'Angers ^.
A cette nouvelle, le connétable accourut à Angers, où il fit
venir toutes les troupes qu'il put trouver, puis à Ghâteau-Gon-
tier, où était le duc d'Alençon. Le maréchal de Lohéac, P. de
Brézé, Jean et Louis de Bueil avaient aussi réuni un certain
nombre de gens d'armes pour marcher, sans plus de retard,
à l'ennemi. Le connétable essaya de les arrêter. « Si vous
voulez, leur dit-il, attendre jusques à demain, j'auray deux cens
Tances de mes gens, qui seront ceste nuict icy; et ainsi pourrons
faire nostre entreprise seurement, en telle manière que les
Anglois ne nous pourront grever *. » Ils ne voulurent rien
entendre et répondirent qu'ils allaient éclairer la route. So-
merset, averti de ces mouvements, avait envoyé Math. Goth,
avec 1500 hommes, dans la direction de Ghàteau-Gontier. Pen-
dant la nuit, à l'improviste, Math. Goth tomba sur les Français,
qui s'étaient logés dans le village de Saint-Quentin '', et les mit
en déroute. Il yen eut une trentaine de tués ou de pris et, parmi
ces derniers, Louis de Bueil; les autres n'eurent que le temps de
se sauver. On voit quels dangers pouvait sans cesse occasionner
l'esprit d'indiscipline qui régnait dans l'armée et combien il
rendait précaire l'autorité du connétable.
Après cette alerte, Richemont resta quelque temps à Ghàteau-
Gontier, pour observer les Anglais, et alla s'entendre, à Saumur,
avec le roi sur ce qu'il y avait à faire *. On se contenta de garder
la défensive, et Somerset n'osa entreprendre le siège régulier de
Pouancé, ni celui d'Angers. Après de longues hésitations, il se
dirigea vers la Normandie, par le Maine, et investit Beaumont-
1. Fr. 2377, n° 1647. JJ 176, f» 70. Fr. G960, f»' 36 et suiv. Fr. 696o, f«' 100,
153, 174 vo. Y* f» 70. JJ 179, f» 58, n° cix.
2. Arrondissement de Vitré (Ille- et- Vilaine). D'Argentré dit qu'il attaqua
la Bretagne sous prétexte que le duc n'avait pas renouvelé son alliance
avec l'Angleterre. Voy. aussi Le Baud, p. 490.
3. Fr. 26070, no' 4615, 4638. Voy. aussi Proceedings, t. Vf, p. 13-16.
4. Arrondissement de Segré (Maine-et-Loire).
5. C. Port, Dictionnaire de Maine-et-Loire, I, Introduct., p. xvii et p. 38.
6. Gruel, 220.
7. C. de Graon, arrondissement de Ghàteau-Gontier.
8. Gruel, 220; Berry, 424. Voy. Append. CX. (Richemont à Saumur.)
L'ANGLETERRE DÉSIRE LA PAIX (1444) 345
le-Vicomte ', petite place qui gênait les communications des
Anglais entre Le Mans et Alençon. Il la fit capituler, et, comme
elle ne fut pas secourue, il en resta maître. Ce fut là le seul profit
qu'il retira de cette expédition, avec une somme de 20 000 écus,
pour laquelle le duc de Bretagne racheta la Guerche ^.
Ces résultats n'étaient pas en rapport avec les sacrifices que
l'Angleterre avait dû s'imposer pour lever et transporter en
France cette dernière armée. Les Anglais en furent mécontents
et découragés ^. Ils avaient subi, devant Dieppe, un échec désas-
treux; ils avaient craint de perdre Mantes *; enfin Granville,
devenue une importante forteresse, leur causait de vives alar-
mes ^. Richemont fondait de grandes espérances sur cette place,
admirablement située pour favoriser les attaques dirigées de la
Bretague sur le Cotentin. 11 mit donc à Granville une forte gar-
nison, sous Geoffroy de Gouvran, Olivier de Broon et Adam de
La Rivière, puis il revint à Parthenay ^ (décembre 1443).
11 n'y resta pas longtemps en repos. 11 fut bientôt rappelé à la
•cour et au Conseil, pour prendre part à d'importantes délibéra-
tions. Sur les instances réitérées des ducs de Bretagne '^ et d'Or-
léans et du pape, Charles Vil s'était décidé à négocier avec
Henri VI, dans le but d'arriver, cette fois, à un accommodements
En Angleterre, le parti de la paix l'emportait, depuis que Glo-
cester était en disgrâce et Sufîolk en faveur. La nation anglaise
était lasse d'une guerre qui, malgré les talents du duc d'York et
1. Arrond. de Mamers. J. Stevenson, t. II, p. 347, et Por^ Fontanieu, 119-
120, à la date du 17 décembre 1443; Monstrelet, VI, 66-67.
2. Le duc de Bretagne se plaignit vivement à Henri VI, qui blâma So-
merset et promit des réparations. Voy. Proceedings, t. VI, p. 12, 13, 18, 19,
22, 23; Arcli. de la Loire-Inf., cass. 48, E, 122.
3. Somerset fut accusé de concussion. Après sa mort (1444), une en-
quête fut faite, pour découvrir les exactions qu'il avait commises dans le
Cotentin. Le 13 décembre 1443, Henri VI donna à la reine tout ce que So-
meret pouvait lui devoir. L'enquête ordonnée par Henri VI se trouve aux
Arch. nat., K 68, n» 19. C'est un cahier de papier de 83 feuilles.
4. Fr. 25777, n» 1653; Fr. 26071, m 4877.
5. Fr. 26071, n»' 4879, 4903. Fr. 23777, n» 1662.
6. Gruel, 220; JJ 177, f'> 97; K 67, n» 21'o. Peu après, J. de Lorraine fut
capitaine de Granville. (Fr. 26073, n" 3084.) Dans cette circonstance, Riche-
mont ordonne à Ant. de La Mandaye, son lieutenant à Partheuay, d'arrêter
et de punir les gens d'armes qui servaient sous ces capitaines et qui
n'auraient pas rejoint leurs compagnies. Ant. de La Mandaye en arrêta
deux et fit pendre l'un par l'autre (JJ 177, f» 97).
7. Médiation du duc de Bretagne : Proceedings, VI, p. 1-7; Bréquigny, t. 82
(Moreau, 706), f-' 174-176,205, 209. Richemont'est à Angers en Janvier 1444.
8. Avant la fin de l'année 1443, Charles VII était informé que Suffolk
devait venir en France pour négocier (Proc«edin7.?, t. VI, p. 11-12). Voir aussi
Rymer, V, l" partie, 129-130.
346 CONFÉRENCES DE TOURS (1444, AVRIL)
■de Talbot, ne procurait plus ni gloire ni profit. William de La
Pôle, comte de Suffolk, « un des hommes d'Etat les plus éminents
■de son temps \ » fît prévaloir dans le Conseil du roi les tendances
pacifiques, avec l'appui du vieux cardinal Beaufort. Il écarta le
principal obstacle qui avait jusque-là retardé les négociations, en
consentant, comme le voulait Charles VII, à ce que les confé-
rences eussent lieu dans une ville appartenant à ce prince. C'est
lui qui fut nommé premier plénipotentiaire de Henri VI (11 fé-
vrier 1444). Il partit avec l'intention de conclure la paix, ou tout
au moins une trêve, avec Charles VII et même de marier Henri VI
avec une princesse française ^
En France, le peuple désirait ardemment la paix, dans laquelle
il voyait la fin de ses longues souffrances, mais le Conseil du
roi n'était pas aussi unanime sur cette question capitale. Les
partisans de la guerre avaient de bonnes raisons pour soutenir
qu'il ne fallait pas s'arrêter en plein succès et que c'était le
moment de conquérir la Normandie ^. Néanmoins, comme une
trêve était indispensable à l'accomplissement des réformes mi-'
titaires, elle devait être acceptée par ceux qui mettaient en pre-
mière ligne la réorganisation de l'armée, et le connétable y
pouvait trouver son profit. On résolut donc d'apporter aux con-
férences des dispositions conciliantes.
Le roi réunit une nombreuse assemblée de princes, de sei-
gneurs, de prélats à Tours, où devaient se rendre les ambassa-
.deurs anglais *. Il désirait que le duc de Bretagne y prit part,
avec les représentants de la France et non avec ceux de l'An-
gleterre. Il savait que le duc, malgré l'invasion de Somerset,
restait en bonnes relations avec Henri VI ^, qu'il ne voulait pas
s'engager sans l'agrément de ce prince ® et qu'il en avait obtenu
la promesse d'être compris dans le traité. Charles VII voulait
aussi qu'il y fût compris, mais comme sujet et allié du roi do
1. Harris Nicolas, Préface du t. VI des Proceedings, p. x.
2. Proceedings, VI, Préf., pp. x-xvu et p. 32-35. Sharon-Turner, t. III,
137-139. Rolls of Parliament, V, 66, 73, 74. Rymer, t. ¥,1'" p., p. 129-130.
J. Stevenson, I, 67.
3. Les Français faisaient alors des tentatives sur plusieurs places de la
Normandie (Fr. 26072, n" 4986, 4994; Fr. 26073, n» 5122), notamment sur
Falaise, Caudebec.
4. Fr. 26072, n» 5041.
5. D'ailleurs, Somerset avait été désavoué par le gouvernement anglais
(ProceediîiQs, t. VI, p. 16-19 et p. 22-23). Une trêve avait été conclue, eu
1443, entre Henri VI et le duc de Bretagne (Bréquigny. 82, f" 191). Gilles
de Bretagne, frère du duc, était auprès de Henri V, qui lui témoignait
une grande bienveillance (Rymer, t. V, 1" partie, p. 128).
6. Proceedings, t. VI, p. U-12 et p. 20-21.
LE DUC DE BRETAGNE VIEM A TOURS (1444, AVRIL) 347
France et non du roi d'Angleterre. Il chargea le connétable d'aller
chercher son neveu en Bretagne et de l'amener à Tours.
Richemont se rendit à Nantes, où était François I" et réussit
dans sa mission. Il repartit de Nantes, avec le duc de Bretagne,
le mardi de Pâques, 12 avril. Ils arrivèrent à temps pour aller,
avec les autres princes, recevoir les ambassadeurs anglais, à
Tours, le 16 avril *. Le chancelier Regnault de Chartres venait
de mourir (4 avril). Les négociations ^ furent alors dirigées par
un nouveau conseiller de Charles VII, Pierre de Brézé, sénéchal
de Poitou, qui s'était élevé jusqu'au premier rang dans la faveur
du prince, par son habileté, par son ambition, peut-être aussi
par l'influence d'Agnès Sorel ^Gette grande faveur ne pouvait que
porter ombrage à Richemont. P. de Brézé tenait au Conseil une
large place; il reléguait au second plan Ch. d'Anjou et le conné-
table. Il y avait dans cette situation les germes d'un antagonisme
qui toutefois n'engendra pas, comme jadis, de crises funestes.
Les temps étaient changés. La fortune de la France n'était plus
à la merci d'un favori, si puissant qu'il fût. D'ailleurs celui-ci
méritait par des talents de premier ordre la confiance de son sou-
verain, et la tâche était assez vaste pour suffire et à lui et aux
autres.
Les prétentions de l'Angleterre ne permirent pas d'arriver à
une entente définitive. Henri VI ne voulait ni reconnaître
Charles VII comme roi de France ni se contenter de la Nor-
mandie, qu'on lui laissait, avec la Guyenne, sous réserve d'hom-
mage. Il fallut donc renoncer à faire la paix; mais on conclut,
le 20 mai, une trêve * qui devait durer jusqu'au l»"" avril 1446 et
qui pouvait être prolongée. Le duc de Bretagne y fut compris
1. Grucl, 220, K 68, u» 3.
2. Sur les négociations préliminaires entre Gaucourt, Guichart de Cissé
et les ambassadeurs anglais, voir Fr. 40o4 (anc. Baluze, 9037^), f<>s 14-23.
On avait d'abord choisi Compiègne, puis Vendôme pour lieu des confé-
rences.
3. Pierre de Brézé, comme les Beauvau, avait aussi été au service de la
maison d'Anjou. En 1437, il était sénéchal d'Anjou pour le roi René
(Ms. Duchesne, 70, f°« 87 v, 88 v). Il fut peut-être favorisé par Yolande.
Il semble très probable que Brézé, qui avait d'ailleurs de grands talents,
«lut sa prépondérance à la favorite, devenue toute-puissante, depuis la
mort de la reine Yolande. Brézé est en faveur à partir de 1443, c'est-à-dire
ù l'époque où Agnès Sorel devient favorite en titre. (Olivier de La Marche,
p. 407, dans le Panthéon lillér.; de Beaucourt, Agnès Sorel et le caractère
/le Charles VII, dans la Revue des questions histor., t. I, p. 20't-22't; t. XIV,
p. 72-74; Vallet de V., Uist. de Charles VII, t. 111, 76, 105, 140-142, et un
article dans la Biblioth. de V Ecole des Chartes, 3« série, t. I, p. 478; Lecoy
de La Marche, Le roi René, I, 228.)
4. Y* f^' 81-80.
348 TRÊVE DE TOURS (1444, âO mai)
parmi les alliés et sujets du roi de France *. Pendant le séjour
de l'ambassade anglaise, il y eut à Tours des fêtes brillantes,
où parut Isabelle de Lorraine, reine de Sicile, avec sa fille Mar-
guerite, alors âgée de quinze ans et déjà renommée pour sa beauté.
Le mariage de cette jeune princesse avec Henri VI fut alors
décidé, à condition que les Anglais rendraient tout ce qu'ils
possédaient dans le Maine et l'Anjou. Ces pays appartenant au
roi René et à son frère Charles, comte du Maine, Henri VI ne pou-
vait, disait-on, épouser Marguerite en dépouillant son père et son
frère. Les fiançailles furent célébrées dans l'église Saint-Martin
de Tours, le 23 mai, et suivies de nouvelles fêtes ^.
La trêve de Tours excita partout des transports de joie; mais
qu'allait-on faire maintenant de ces gens de guerre qui dévo-
raient la France ? Tant que la paix n'était pas conclue, il fallait
bien laisser quelques troupes aux frontières. Quant aux autres,
comment parviendrait-on à les renvoyer, en les empêchant de
continuer les brigandages auxquels elles étaient habituées? Et
puis, la prudence exigeait qu'on ne fût pas pris au dépourvu, si
la guerre recommençait. Il ne suffisait donc pas de détruire les
anciens abus, il fallait organiser une nouvelle armée.
Nulle question ne préoccupait davantage le connétable; son
biographe nous l'atteste ^. La difficulté qu'elle présentait expli-
que, en grande partie, la résolution que prit le roi d'aller
combattre les Messins *. René d'Anjou, qui avait à se plaindre
d'eux, voulait leur faire la guerre, et, pour cela, il demandoit
des secours à Charles VII. On a dit, avec raison, que ce prince^
voulut alors faire valoir les anciens droits de la France sur les
pays de la rive gauche du Rhin ^, mais il est permis de croire
que cette expédition n'eût pas été entreprise à cette époque, si
1. D. Taillandier, Hist. de Bret., II, 5. D. Lobineau, 1,624. Fr.5037,f» 123.
2. Sur la trêve de Tours et le mariage de Henri VI, voir : J. Stevenson,
II, 356; Fr. \()U, f<" 14-16, 19-21, 23-2i; Rynier, V, 1" partie, 133-136;
Grue!, 220 ; Berry, p. 425; J. Chartier, t. II, p. 125; Monstrelet, VI, 96 etsuiv.;
Mat. d'Escouchy,édit. du Fresne de Beaucourt, I, 5-7; Bréquigny,82(Moreau,
706), f"* 221-233; Fr. 26072, n» 5079. La chronique de Monstrelet finit au
20 mai, date de la trêve de Tours, et celle de M. d'Escouchy lui fait suite
immédiatement.
3. « G'esloit l'une des choses que plus il désiroit, et tousjours avoil
tasché de faire » (Gruel, 221).
4. Divers documents prouvent que l'intention de Charles VII, quand il
décida les campagnes de Lorraine et d'Alsace, était bien de débarrasser
la France des Ecorchenrs. Voir Tuétey, Les Ecorcheurs,i. I, p. 137, 138;
Y*, f"' 85-86. J. Jouvenel des Ursins, dans son Epître de 1439, conseille
d'imiter aussi, sur ce point, Charles V (Fr, 5022, f- 26).
5. Cette intention est formellement énoncée dans une pièce du registre
JJ 177, f" 3.
EXPÉDITIONS DE LORRAINE ET d'aLSACE (i444-144o) 349
elle n'avait fourni un moyen opportun d'emmener hors du
royaume les routiers, dont on ne savait que faire ^
Une autre occasion se présentait. L'empereur Frédéric III, qui
était en guerre avec les Cantons suisses, avait aussi prié Char-
les VII, son allié, de lui fournir des troupes. Il fut décidé qu'on
ferait ces deux expéditions; que le roi irait lui-même en Lor-
raine et qu'il enverrait le Dauphin contre les Suisses. Le duc de
Bretagne conlut une trêve de quatre ans avec le Dauphin (4 juin)
et autorisa ses sujets à servir dans les deux armées; d'autre part,
le roi et son fils s'engagèrent, par deux traités distincts ^ (4 mai,
10 juin), à empêcher ou à punir toute incursion des gens de
guerre dans son duché. D'ailleurs, on prit partout des mesures
pour réprimer les « pilleries ». Les troupes qui restaient en
France reçurent l'ordre de ne point quitter leurs garnisons ou
leurs compagnies, sous peine des châtiments les plus sévères '.
11 fut enjoint à tous les baillis de faire arrêter les pillards,
d'armer, au besoin, les vassaux du roi, le peuple des villes et
des campagnes pour leur courir sus ; enfin on déclara que nul ne
serait puni pour avoir blessé ou même tué des écorcheurs (or-
donnance du 21 juillet) *.
Pendant que le Dauphin se dirigeait vers Bâle, avec le maré-
chal de Jaloignes, Jean de Bueil, Ant. de Chabannes Guy de
Blanche fort et beaucoup d'autres chefs de routiers % le roi
s'avançait en Lorraine, avec René d'Anjou, son fils Jean, duc de
Galabre, Gh. d'Anjou, le connétable et son neveu, le comte de
Glermont, fils du duc de Bourbon, le maréchal de Lohéac, P. de
Brézé, Saintrailles, l'amiral de Coëtivy, R. Flo({uet et J. Bureau.
Gliarles VII alla d'abord recevoir la soumission d'Epinal, ville
qui dépendait alors de Metz (11 septembre) ^. En même temps,
1. Des routiers anglais qui désolaient la Normandie furent emmenés
parMalhieu Gothet prirent part,avec les Français,àla campagne de Lorraine
(voir Fr. 26073, n»* 5214, 32i;j, et Fr. 26074, n» 5299; A. Tuetey, Les Ecor-
cheurs, I, 167).
2. Arch. de la Loire-Inf., cass. 34, E, 94, et cass. 38, E, 105.
3. Déjà, le 27 février 1444, le roi avait ordonné au prévôt de Paris de
prendre les mêmes mesures contre les gens de guerre. On voit, par les
lettres du 27 février, que des Anglais venaient aussi piller dans la Cham-
pagne et dans l'Ile-de-France, avec l'aide de quelques habitants de ces
pays, et que des gens de guerre au service du roi se faisaient passer pour
Anglais, de sorte que les habitants n'osaient les attaquer, ne sachant pas
si les pillards étaient Anglais ou Français (Y* f» 79; voir aussi f»» 80-81).
Voy. Appendice LXXXI.
4. V. Appendice LXXXII.
3. Voir A. Tuetey, Les Ecorcheurs, I, 160 et suiv. Le Dauphin emmenait
aussi des Hretons du connétable, avec Blanchelaine, leur chef.
6. JJ 177, f» 3. XI» 8605, f-- 210.
3S0 RICHEMONT AU SIÈGE DE METZ (4444-1445)
le connétable, qui commandait l'armée, envahissait le territoire
messin, avec Gh. d'Anjou et P. de Brézé, le 10 septembre K
Metz, ville impériale, c'est-à-dire dépendant de l'empire d'Al-
lemagne, était une petite république riche, florissante, belliqueuse,
souvent en guerre avec ses voisins, le duc de Lorraine et le damoi-
seau de Gommercy. Bien fortifiée, bien pourvue de vivres, dé-
fendue par une ceinture de maisons fortes^ elle avait une bonne
milice, des soldats ou souldoyeurs, commandés par des cheva-
liers, et elle pouvait opposer une longue résistance. Il fallut
entreprendre un siège difficile, ou plutôt un blocus, qui dura
près de six mois (septembre 1444 — fin de février 1445). Les
troupes françaises s'établirent tout autour de Metz, dans les
villages, dans les maisons fortes : le connétable, avec P. de Brézé,
sur la rive gauche de la Moselle ; le maréchal de Lohéac, Sain-
trailles, J. Bureau, Floquet, sur la rive droite. Les Bretons du
connétable occupaient, entre autres positions, Gonflans, Gorze,
Ghâtel-Saint-Germain, Lorry, Lessy, Vaux, Moulin, où il y avail
un pont sur la Moselle ^.
Les Messins avaient conservé quelques postes au dehors. Les
troupes qui étaient restées dans la ville faisaient des sorties. Il y
avait souvent des escarmouches, parfois de véritables combats.
Ainsi, le dimanche 27 septembre, des Bretons, logés à Moulin,
furent repoussés,en voulant enlever des bestiaux dans une métairie
du voisinage ^. Une autre fois, le samedi 17 octobre, 1200 soul-
doyeurs de Metz vinrent attaquer,vers huit heures du soir,Ghâtel-
Saint-Germain. Dans un assaut meurtrier, ils mirent le feu à
l'église, où s'était réfugié le curé de Saint-Privat-la-Montagne ,
avec plusieurs de ses paroissiens, et furent enfin repoussés par
les Bretons *. Le 2 novembre, les Messins éprouvèrent un rude
échec, à l'attaque du château de Grépy, occupé par Floquet.
L'hiver, qui fut très rigoureux, n'interrompit guère les hosti-
lités. Le roi s'était retiré à Nancy, mais les troupes continuèrent
de ravager le territoire de Metz. De part et d'autre, de grandes
cruautés étaient commises. Le jeudi, 31 décembre, des Bretons,
qui faisaient une course aux environs de Moulin, furent surpris,
battus, poursuivis jusqu'à la rivière. Une quarantaine d'entre eux
furent pris, tués ou noyés. Tout en se défendant avec une re-
marquable énergie, les Messins avaient entamé avec Gharles VII
1. Huguenin et de Saulcy, Relation du siège de Metz en 1444, Metz, 1835,
in-8», p. 83, 22 i, 287.
2. Voy. Huguenin, p. 298, 299.
3. Id., p. 99.
4 Id., p. 113, lli.
HENRI VI ÉPOUSE MARGUERITE d'ANJOU (1445, MARS) 351
des négociations qui n'avaient pas abouti. Ils les reprirent au
mois de janvier et firent frapper une quantité considérable de
gros messins' on pièces d'or, qui paraissent avoir joué un rôle
décisif dans ces nouvelles conférences. S'il faut en croire les
chroniqueurs messins, les conseillers les plus influents de
Charles VII, surtout P. de Brézé, ne furent pas insensibles à des
avances aussi séduisantes; quant au connétable, il n'est pas
mentionné parmi ceux qui en profitèrent *.
Ce fut P. de Brézé qui contribua le plus à décider le roi. Ce
fut lui qui reçut ses pleins pouvoirs pour conclure la paix (5 fé-
vrier) j et ce fut lui qui la signa. Elle fut ratifiée le 28 février, à
Pont-à-Mousson ^ où se trouvaient le roi, le connétable et les
autres princes. Metz dut payer à Charles VII 200 000 écus d'or
et promettre de ne point secourir ses ennemis. A ce prix, elle
retarda, pour un siècle encore, sa réunion à la France ^. Il en
fut de même pour les deux autres évêchés, Toul et Verdun,
qui d'ailleurs reconnurent l'autorité du roi, en s'engageant à
lui payer un droit annuel de garde ou de protection.
Pendant ce temps, le Dauphin, après avoir gagné sur les
Suisses la sanglante bataille de Saint-Jacques, près de Bâle
(26 août 1444), avait laissé la plus grande partie de ses troupes
en Alsace * et était revenu auprès de son père, à Nancy (décem-
bre) ^. Le comte de Sufl'olk s'était rendu dans cette ville, pour
épouser Marguerite d'Anjou au nom de Henri VI *'. Alors fut
célébré aussi le mariage de Ferry de Vaudemont ' avec Yolande,
1. Huguenin, p. 151-132. On trouve, aux pièces justificatives, l'indication
des sommes qui furent payées par les Messins à P. de Brézé (Huguenin ,^
p. 313, 316, Mat. d'Escouchy, t. I, p. 37). D'autre part, les services de P. de
Brézé étaient bien récompensés par le roi (voy. JJ 177, f" 52; K 68, n° 7).
2. Arrondissement de Nancy.
3. Le 3 mars, René d'Anjou fit un traité particulier avec Metz (Huguenin,
311-3ii, et Coll. de Lorraine, t. 224, f" 60). Sur la campagne de Lorraine,
voir : Huguenin et de Saulcy, Relation du siège de Metz en f444, avec les
pièces justificatives; D. Calmet, Hist. de Lorraine, t. II, col. 832-840, et
Preuves, col. ccl et suiv., Martial d'Auvergne, I, 216-217; ,C^?'Ort. Marti-
nienne, f" ccLxxxvni ; Berry, p. 423-426; .M. d'Escouchy, I, p. 7 et suiv.
Sur Toul, voy. JJ 177, f»' 26 v», 27.
4. Sur la campagne du Dauphin, voir A. Tuetey, Les Ecorcheurs, I, 148
et suiv.
5. Le roi était encore à Nancy au mois de mars 1445, et le connétable
était avec lui (JJ 177, f 20 v").
6. Fr. 26073, n» 5107, 5113. SufToIk conduisit la nouvelle reine eu Angle-
terre au mois d'avril 1443 {Proceedings, VI, Préface, p. xvi, note 1 ; Fr. 26073,
no» 5170, 5178). Elle entra le 23 mars à Rouen (Fr. 26073, n» 5174). Elle était
accompagnée, depuis Pontoise, par le duc d'York, qui ■devint, plus tard,,
son mortel ennemi (Fr. 4054, f'^ 35).
7. Fils d'Antoine de Vaudemont, le compétiteur de René d'Anjou.
352 RICHEMONÏ ÉPOUSE CATH. DE LUXEMBOURG (144o, JUILLET)
autre fille du roi René. Ces deux cérémonies, qui se firent avec
un grand concours de princes et de seigneurs, donnèrent lieu à
des fêtes magnifiques, festins, bals, joutes et tournois *. On y vit
paraître Jean d'Orléans, comte d'Angoulême (frère de Ch. d'Or-
léans), qui revenait d'Angleterre, après trente ans de captivité^.
C'est dans ce môme temps que fut négocié le mariage du con-
nétable avec Catherine de Luxembourg. Quand il était parti pour
la Lorraine, sa seconde femme, Jeanne d'Albret, était malade.
L'hiver précédent, une épidémie l'avait forcée de quitter Par-
thenay pour Fontenay-le-Comte, où elle avait résidé quelque
temps. Revenue à Parthenay, avec son mari, elle avait vu sa
santé s'altérer de nouveau, et elle avait été emportée, vers la fin
de septembre, par une mort prématurée ^. Après la campagne
de Lorraine, Charles d'Anjou, qui avait épousé, en 1443, Isa-
belle de Luxembourg *, entreprit de marier Richemont avec
Catherine, sœur d'Isabelle. Le contrat fut signé à Chàlons le
30 juin 1445 ', et les noces eurent lieu quelques jours après.
Cette maison de Luxembourg, à laquelle s'alliait Artur de Bre-
tagne, était illustre et puissante. Elle avait donné des empereurs
à l'Allemagne, des rois à la Bohème et à la Hongrie. La nouvelle
comtesse de Richemont était fille de Pierre de Luxembourg ^,
comte de Saint-Pol, mort en 1433. Son père et ses oncles, Louis
de Luxembourg, chancelier de France pour Henri VI, et Jean de
Luxembourg, comte de Ligny, avaient toujours servi l'Angleterre ;
mais son frère aîné, Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol,
qui était devenu, en 1440, le chef de la famille, était rentré
dans le devoir, en faisant sa soumission à Charles VII. Une de
1. Dans ces tournois se distingua le jeune Jacquet de Lalain, qui était
venu avec le comte de Saint-Pol et dont G. Ghastelain raconte longuement les
prouesses (voy. la Chron. de J. de Lalain, par G. Ghastelain, dans \q Pan-
théon lut., p. 614-627, et Oliv. de La Marche, p. 407-408; Martial d'Au-
vergne, 1,217-219. et Fr. 5044, f» 128 v»).
2. K 72, n" 563.
3. Gruel, 220|,
4. Xia 8605, i'' 99-101.
3. Le comte de Saint-Pol s'engage à faire 3 000 livres de rentes à Cath.
de Luxembourg. Dans l'espace de quatre ans après la célébration du mariage,
il payera au connétable 3 000 écus d'or et le comte du Maine 3 000, etc.
(XI' 1483, f» 88 v»; Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1375-78). Le
17 juin 1448, le comte de Richemont donne en douaire à Gath. de Luxem-
bourg la seigneurie de Torfou (Turnus Brutus, I, f» 224). 11 semble que Riche-
mont eut beaucoup de peine à se faire payer la rente et la somme promises
par le comte de Saint-Pol, car il dut lui intenter un procès, en 1453, devant
le parlement de Paris, qui condamna L. de Luxembourg. (Xi'"" 1483, f" 88
v», 89, 119, 123.)
6. Voy. Anselme, III, p. 725-726, et ci-dessus, p. 312, 316.
RICHEMONT A CUALONS AVEC LE UOI (1445) 3o3
ses sœurs, Jacqueline de Luxembourg, avait été mariée au duc de
Bedford, en 1433.
Celte alliance de la maison de Lmxembourg avec les maisons
d'Anjou et de Bretagne ne pouvait qu'être utile à la France,
surtout dans ce moment, où les relations de Charles VII avec le
duc de Bourgogne n'avaient rien d'amical. Les ravages continuels
commis par les routiers du Dauphin, pendant l'expédition d'Al-
sace, avaient occasionné de nouveaux différends, qui faillirent
même amener une rupture. La duchesse de Bourgogne revint
auprès du roi, pour conduire les négociations. Sa présence et
celle de Marguerite d'Ecosse, sœur de la Dauphine et de la du-
chesse de Bretagne, l'arrivée de plusieurs ambassades, venues de
toutes les parties de l'Europe, d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne,
de Constantinople, donnèrent à la cour de France un éclat inu-
sité. On était loin du temps où le petit roi de Bourges cachait
dans quelque manoir isolé son humiliation et sa misère.
AGhâlons, comme à Nancy, les fêtes se succédèrent, de plus en
plus brillantes. Les princes d'Orléans et d'Anjou, le comte de
Saint-Pol, les seigneurs bourguignons et P. de Brézé, un des
cavaliers les plus accomplis de son temps, rivalisaient d'ardeur
à inventer de nouvelles réjouissances, pour divertir les reines,
les princesses et les dames de leur suite K Dans cette société élé-
gante, enjouée, avide de plaisirs, le connétable, qui atteignait sa
cinquante-deuxième année, ne se faisait pas remarquer au pre-
mier rang, à l'égal de ses beaux-frères, ou du roi artiste Bené
d'Anjou, ou du prince poète Ch. d'Orléans ; mais il prenait grand
intérêt à s'entretenir avec la duchesse de Bourgogne, femme d'un
esprit supérieur. Il était heureux de voir auprès de lui sa nièce,
Marie de Bourbon, qui venait d'épouser Jean, duc de Calabre,
fils de René d'Anjou, et le frère de Marie , Jean de Bourbon ,
comte de Clermont, qui devait bientôt devenir son compagnon
d'armes. Il travaillait, avec le comte de Foix, à obtenir la grâce
de son beau-frère, le comte d'Armagnac *, alors vaincu et captif;
il contribuait à terminer le différend entre Charles VII et Phi-
1. Voir Oliv, de La Marche, édit. du Panthéon littér., p. 407; Fr. 5034,
f» 128 V».
2. Jean IV, comte d'Armagnac, après avoir échoué dans son projet de
marier sa fille avec Henri VI, avait voulu, malgré le roi, s'approprier
l'héritage de Marg. de Coaiminges. Vaincu et pris par le Dauphin, en 1444,
il n'obtint sa grâce qu'en abandonnant, outre le comté de Comminges, la
plus grande partie de ses domaines (Vallet de V., Charles VII, II, 446-447, et
III, 91-96; JJ 177, f»' 80 vo-83, 147; X»» 8603, f 111 ; JJ 176, f 289 v»;
JJ 178, fos 126 v°, 127). Richemont fut tenu, ainsi que les ducs de Bre-
tagne, de Bourbon, d'Alençon, de Savoie, etc., de « bailler des sûretés »
pour J. d'Armagnac {Portef. Fontanieu, 119-120, à 1445; P 2331, foSOS).
RiCUEMONT. 23
354 DIFFÉREND ENTRE RICHEMONT ET P. DE BRÉZÉ (1445)
lippe le Bon * ; enfin il s'occupait de licencier l'ancienne armée
pour organiser la nouvelle.
Ces plaisirs et ces travaux faillirent être troublés parla jalousie
du favori de Charles VII. Pierre de Brézé s'imagina que le con-
nétable et Charles d'Anjou, qu'il considérait comme des envieux,
intéressés à le perdre, conspiraient contre lui, avec le Dauphin,
le roi de Sicile et le comte de Saint-Pol. Il alla jusqu'à les accuser
de vouloir faire une Praguerie.
Le connétable faire un Praguerie! et dans un pareil moment!
L'accusation était si monstrueuse qu'elle tomba d'elle-même,
devant des explications loyales et indignées. Cet incident fâcheux
n'eut pas d'autres conséquences pour Richemont. Le Dauphin
poursuivit de sa haine le tout-puissant ministre, mais le conné-
table continua de travailler comme lui, et même avec lui, au
relèvement de la France ^
1. Deux traités furent signés entre le duc de Bourgogne et les rois de
France et de Sicile, le 24 juin et le 6 juillet (Vallet de V., Charles VII,
t. III, p. 82; M. d'Escouchy, I, 49; Berry, p. 427).
2. Gruel, 220-221. J. Ghartier, t. III, 205. Mat. d'Escouchy, I, p. 68.
Vallet de V., Charles VII, t. III, p. 107 et suiv. — Toutefois, les princes de
la maison d'Anjou furent écartés (de Beaucourt, Caractère de Charles VII,
dans le t. XIV de la Revue des questions historiques, p. 93). Intrigues du
Dauphin contre Brézé {Idem, p. 95-104, et ci-dessous, p. 381, note 4).
CHAPITRE V
LA RÉFORME DE l'aRMÉE
Opportunité de la l'éforme de l'armée. — Adversaires et partisans de cette
réforme. — Ordonnance du 9 janvier 1445. — Autre ordonnance. — Le
connétable applique les ordonnances. — Ordonnance de Louppy (du
26 mai 1445). — Les compagnies d'ordonnance. — Du nombre des
compagnies. — Plaintes soulevées par les ordonnances. — De l'armée
permanente. — De la taille perpétuelle. — La petite et la grande ordon-
nance. — Effectif des compagnies. — Hommes d'armes et capitaines. —
Payement des contributions. — Payement des troupes. — Résultats des
réformes. — Les francs archers. — Le service féodal. — Part de Riche-
mont dans les réformes militaires.
Après les expéditions d'Alsace et de Lorraine, il parut enfin
possible de réaliser le projet de réforme militaire qui, depuis
longtemps, préoccupait le connétable. La défaite de la Praguerie,
la trêve avec l'Angleterre, l'accroissement de la puissance royale
permettaient de mener à bonne fin cette entreprise, qui présen-
tait encore tant de difficultés. Malgré les ordonnances de 1444,
les ravages des gens de guerre continuaient partout ^ Pendant
l'hiver de 1444-1445, quand la cour était à Nancy, la question
des réformes militaires fut encore examinée dans le Conseil, où se
trouvaient, avec le connétable ^, René d'Anjou ^, son fils Jean,
duc de Galabre, son frère Charles, comte du Maine, les comtes
de Glermont, de Foix, de Tancarville et de Dunois. Le roi lui-
même, « qui avoit ceste besoingne moult à cuer *, » et le Dau-
phin prenaient souvent part aux délibérations. Tous les mem-
1. M. d'Escouchy, III, 93-94. JJ 177, f<" 10 v, 20. Les gens du connétable
faisaient comme les autres.
2. M. d'Escouchy, I, 54.
3. Voir les doléances de René d'Anjou dans Marchegay, Archives cT Anjou,
t. II, 305 et suiv.
4. M. d'Escouchy, I, 53. ^
356 ORDONNANCE Dîl 9 JANVIER 1445 SUR l'aRMÉE
bres du Conseil n'étaient pas d'accord avec le connétable sur
cette innovation, qui devait avoir de si grandes conséquences.
Ceux qui faisaient des objections plus ou moins sincères disaient
que le licenciement des compagnies pourrait bien exciter une
révolte dangereuse et que Tentretien d'autres troupes serait une
lourde charge pour les populations, déjà si épuisées '. Ce der-
nier argument n'était que spécieux, car des dépenses régulières
et prévues étaient bien préférables aux déprédations ruineuses
des routiers *. Quant aux difficultés que présentait le licencie-
ment, on en pouvait triompher, avec de la prudence et de l'éner-
gie. Il semble que Charles VII se soit alors inspiré des exemples
de son glorieux aïeul, Charles V, comme Ilichemont de ceux de
Du Guesclin ^.
Soutenu par le roi de Sicile, par Pierre de Brézé lui-même *,
et sans doute aussi par les petites gens du Conseil, qui avaient
souci des véritables intérêts du peuple, le connétable fit enfin
prévaloir ses idées. On gagna les principaux chefs de bandes, en
leur promettant des commandements dans la nouvelle armée; on
^résolut de faire un choix parmi les gens de guerre, de garder
les meilleurs soldats, pour en former un certain nombre de com-
pagnies, et de renvoyer les autres, en prenant toutes les mesures
nécessaires pour les empêcher de piller. La nouvelle de ces
changements produisit chez les uns l'inquiétude et le méconten-
tement, chez d'autres une vive émulation, s'il est vrai, comme
l'affirme Olivier de La Marche ^, que des gentilshommes ache-
taient fort cher de bons chevaux, pour avoir plus de chances
d'être choisis.
Le 9 janvier 1445, Charles VII, dans une ordonnance dont le
préambule est remarquable, exposait qu'il avait depuis long-
temps le désir de mettre fin aux déprédations des routiers ;
qu'il n'avait pu jusqu'alors y réussir autant qu'il l'eût voulu, à
cause de la guerre ; qu'il avait conclu, dans ce but, une trêve,
avec l'espoir d'arriver à la paix définitive; que, « pour extirper
la pillerie », il avait, avec le Dauphin, mené les gens de guerre
1. M. d'Esoouchy, I, 53.
2. Voy. le préambule d'une ordonnance du 26 novembre 1446 (K 6&,
n»s 22 et 23). Voir aussi Fr. 5033, f" 135 v», 138; Fr. 25711, n» 189; Mons-
trelet, "VI, 176 et suiv,
3. M. d'Escouchy, I, 53; le P. Daniel, La milice française, I, p. 144 et
216; Fr. 25712, n" 353; Ordonnances, V, 658-661. Voir aussi le Quadriloqe
invectifà.'W?àn Ghartier, dans l'édit. A. Duchesne, Paris, 1617, in-40, p. 451.
4. Voy. Lecoy de La Marche, Le roi René, t. l, p. 244-245, et t. II, p. 257;
et Oliv. de La Marche, p. 408, édit. du Panthéon littéraire. 01. de La Marche
donne à tort le prénom de Jean à Brézé, sire de La Varenne.
5. Éd. du Panthéon litt., p. 408.
AUTRE ORDONNANCE SUR l'ARMÉE (1445) 387
hors du royaume, et que, pour les soudoyer, il avait besoin de
lever en Languedoil une aide de 300 000 livres '. Cette somme
et Tindemnité de guerre imposée aux Messins devaient faciliter
l'exécution des réformes adoptées. Ces réformes furent l'objet
d'une autre ordonnance, dont on n'a pas retrouvé le texte, mais
qui est certainement antérieure au 20 avril 1445 *. D'ailleurs
elle est suffisamment connue, dans toutes ses dispositions prin-
cipales, grâce à d'autres documents relatifs au même objet.
Tous les chefs de compagnies devaient se présenter, avec leurs
gens, devant le connétable, pour être passés en revue. Ceux qui
seraient licenciés étaient tenus de remmener leurs hommes dans
le pays où ils étaient avant de s'enrôler', sans rien prendre par-
tout où ils passeraient « fors seulement des vivres, gracieuse-
ment *. » Pour leur faciliter le retour au travail et au bien, le
roi leur accorda rémission générale ^ et défendit qu'on les in-
quiétât, « nonobstant les crimes, déliz ou maleffices quelxcon-
ques par eulx ou l'un d'eulx commis et perpétrez- le temps passé,
à cause de la guerre ^. »
Ceux qui seraient retenus au service du roi devaient former de
nouvelles compagnies, composées d'un certain nombre de lances
ou hommes d'armes et appelées compagnies d'ordonnance. Cha-
que lance comprenait l'homme d'armes, avec un coutillier et
un page, deux archers et un autre page, ou un varlet de guerre;
en tout, six hommes et six chevaux '.
i. Ordonnance du 9 janvier 1144 a. st., rendue à Nancy (K 68, n» 9).
M. Tueley a donné un long extrait de ce document dans son ouvrage sur
Les Ecorcheicrs, t. I, p. 346-347. Voy. aussi Fr. 26073, n° 514S, et Fr. 26074,
n» 5376.
2. L'ordonnance du 26 mai 1443 rappelle ces ordonnances antérieures
(voy. Append. LXXXIII, et Vallet de V,, dans la Bib. de l'École des chartes,
2« série, t. III, p. 124, note 2).
3. II y avait parmi eux des paysans qui avaient quitté leurs champs
pour suivre le métier des armes, en voyant « que chacun pilloit et desro-
boit l'un l'autre » (JJ 178, f' 28). « Ne je n'ay autre espérance en ma vie,
senon, par désespoir, laisser mon estât, pour faire comme ceulx que ma
despouille enrichit, qui plus aiment la proye que l'onneur de la guerre »
(Plaintes du peuple, dans A. Chartier, édit. A. Duchesne, p. 417).
4. Voir Appendice LXXXIII.
5. On n'a pas retrouvé le texte de cette amnistie générale, mais elle est
souvent mentionnée dans les lettres d'abolition (JJ 176, f" 289; JJ 177,
f 96 v% 97 v»; JJ 178, f» 4; JJ 179, f» 64 v»; JJ 180, > 28 v"). Malgré cette
amnistie générale, beaucoup de routiers demandèrent et obtinrent des
lettres particulières de rémission. Il y a un très grand nombre de ces
lettres dans les registres JJ 177, 178, 179, par exemple JJ 177, f"' 35, 50,
59, 63 v», 66, 67 vo, 68, 96 v, 97 v, 119 V, 157 v», etc.
6. Voy. Append. LXXXIII.
7. Martial d'Auvergne, I, 170; M. d'Escouchy, I, 53, qui dit, à tort, que
358 ORDONNANCES SUR l'armée (1445)
Ces troupes devaient être logées, par compagnies ou par déta-'
chements, dans les villes, et entretenues aux frais des habitants.
Elles ne pouvaient rien exiger au delà de ce qui leur était alloué
par les ordonnances *.
Les capitaines, nommés par le roi et révocables à sa volonté %
restaient ainsi dans une dépendance qui ne leur permettait
aucun écart. Ils étaient, en outre, tenus de faire leurs montres,
c'est-à-dire de présenter leurs compagnies, toutes les fois que les
commissaires du roi ^ viendraient en faire l'inspection.
Telles sont les dispositions générales qu'on trouve dans les
divers documents relatifs à cette réforme de l'armée. Le conné-
table reçut l'ordre de les exécuter sévèrement *. On voit déjà
qu'elles contiennent des garanties de bon ordre et de discipline
qui devaient mettre un terme à de trop longs abus ^.
L'application de ces règlements ne se fit pas attendre ". Le
chaque lance comprenait trois archers. Elle n'en comprenait certainement
que deux. 11 est probable que ce nombre de six hommes par lance fournie,
qui est réglementaire, n'était pas toujours au complet (Fr. 25777, n» 1754;
Fr. 23778, n" 1839). — Dans l'armée anglaise, chaque lance, ou homme
d'armes, avait trois archers (Fr. 4484, f» 36; Fr. 23778, n» 1830; S. Luce,
Chronique du Mont-Saint-Michel, I, 26, note 4). — En 1445, un habitant de
La Rochebrou a logé 2 hommes d'armes et 2 archers « qui sont 9 per-
sonnes et 9 chevaux » (Fr. 26080, n° 6414). Voy. aussi Flammermont,
Histoire des institutions municipales de Sentis, dans le 45° fascicule de la
Biljlioth. des Hautes-Études, p. 104. M. d'Escouchy, I, 58, dit que les compa-
gnies d'ordonnance formaient un effectif de 9 000 à 10 000 chevaux. — Il ne
faut pas confondre le page avec le varlet de guerre. Le page était plus-
jeune. On en trouve qui n'ont que douze ans (Fr. 26083, n» 6797). Autre
exemple d'un enfant, qui sert un homme d'armes, comme page et qui
devient ensuite varlet de guerre, puis homme d'armes (JJ 178, n» uni, f" 34).
1. Sous peine d'être privés de « leur ordonnance » (Fr. 26082, n» 6637).
2. Voir le serment prescrit par Louis XI, en 1467, aux capitaines des-
compagnies d'ordonnance (le P. Daniel, Milice française, I, 227).
3. Un de ces commissaires, en Normandie, était Jamet du Tillay, baillî
de Vermandois (Glairambault, t. GLXXXVII, f« 6997).
4. M. d'Escouchy, III, 95-97.
5. Cette ordonnance reproduit des dispositions qui se trouvent déjà
dans celle que Charles V rendit à Vincennes, le 13 janvier 1373, a. st. (voy. le
tome V des Ordonn., p. 637-661). Il est certain que Charles VII avait fait
rechercher et étudier les actes de ses prédécesseurs, depuis le roi Jean le
Bon, en ce qui concernait l'organisation militaire (Fr. 23712, n» 353). Voir
le P. Daniel, Milice française, t. I, p. 216. Le nom même de compagnie»
d'ordonnance pourrait bien venir de cet acte de Charles V.
6. Dès juillet 1445, il y avait des gens d'armes de la compagnie de R.
Floquet dans la ville et châtellenie de Luçon (Fr. 26075, n» 5458; Fr. 26074,
n" 5324, 5343, 5350). Voir aussi Flammermont {Institutions), p. 105, 110;
A.Thomas, États prov., I, 213-214; II, 237). Vers la fin de 1445, Jacques
de Clermont tenait garnison dans le Poitou avec une compagnie de
100 lances (Pièces orig., t. 783, dossier Clermo.m, n»» 18, 19).
RlCHEMOiNT APPLIQUE LES ORDONNANCES (144o) 359
connétable, après avoir averti les officiers royaux, baillis, pré-
vôts, gouverneurs, prit des mesures si bien concertées que le
licenciement des routiers s'opéra sans bruit, sans désordre, avec
une précision et une promptitude inespérées. Richemont com-
mença par passer en revue les troupes qui se trouvaient en Lor-
raine, cassant ceux qui ne méritaient pas d'être conservés et choi-
sissant ceux qui lui paraissaient dignes d'être enrôlés dans les
compagnies d'ordonnance. Les autres furent renvoyés, par dé-
tachements, dans leur pays, sous la conduite de leurs chefs et
sous la surveillance des officiers royaux, avec un sauf-conduit
valable pour le temps nécessaire à leur retour (avril 1445) *.
Quand Richemont eut ainsi licencié les routiers de Lorraine,
il soumit à la même opération ceux qui étaient revenus d'Alsace à
Montbéliard. Gomme il importait de se hâter, il alla se concerter,
à Langres, avec Joachim Rouault, qui commandait à Montbé-
liard, et fit passer par la Franche-Comté des troupes qui allèrent
chercher et ramener les routiers, sans se laisser arrêter par les
protestations du maréchal de Bourgogne ^. Cet officier de Phi-
lippe le Bon, croyant les domaines de son maître exposés à de
nouveaux ravages, voulut marcher contre le connétable, mais il
fut bientôt détrompé. Les routiers finirent par évacuer Montbé-
liard et se dispersèrent, non sans exercer encore quelques rava-
ges dans la Bourgogne ^. Le connétable resta quelque temps à
Langres , pour surveiller ces mouvements de troupes (mai ,
juin 1445) *.
Ailleurs, il y eut d'autres difficultés. Les lettres de rémission
accordées aux routiers par le roi ne s'appliquaient qu'à ceux qui
servaient sous ses ordres et non aux autres, comme, par exem-
ple, à ceux qui occupaient Corbeil, pour le duc de Bourbon, Il
fallut que Denis de Chailly assiégeât Corbeil, pendant quinze
jours, pour les réduire à l'obéissance ^. Il y eut peut-être, çà et
là, quelques autres actes de mutinerie, mais, en somme, le licen-
ciement des routiers s'opéra sans retard, sans incident grave, et
1. Voy. Append. LXXXIII et JJ 184, f» 7o.
2. Tuetey, Les Écorcheiirs, t. II, p. 346-347. M. Tuetey dit que riea ne
permet d'affirmer qu'il s'agit ici du connétable de Richemont. Au con-
traire, rien n'est plus vraisemblable. Cf. Gruel, qui indique ce fait très
nettement (p. 221). Le maréchal de Bourgogne était alors Thiébaud de
Neuchâlel, seigneur de Blamont, qui avait remplacé J. de Fribourg le
11 avril 1443- — Quant à J. Rouault, il ne quitta pas Montbéliard « pour
aller quérir aventure », mais pour rejoindre Richemont. — Sur les rou-
tiers en Bourgogne, voy. Fr. 69Ga, f"* 246 et suiv.
3. Voy. Math. d'Escouchy, t. III, p. 99-113 {Preuves).
4. Tuetey, Les Écorcheurs, t. I, p. 346-47, et t. II, p. 45-46 et 89-91.
5. X2^ 24, au jeudi 27 juin 1448.
360 ORDONNANCE DE LOUPPY (1445, 26 MAl)
la France, délivrée du fléau qui la ruinait, retrouva bientôt, avec
le calme, une prospérité depuis longtemps inconnue \
Cependant le roi prenait, de son côté, des mesures pour or-
ganiser les nouvelles compagnies ^, les répartir dans les dif-
férentes provinces du royaume et leur assurer des moyens de
subsistance. Ce fut l'objet d'une nouvelle ordonnance, des plus
importantes, rendue à Louppy-le^Château ^, le 26 mai 1445. Le
roi y déclare qu'il a enjoint de jeter hors des compagnies les
gens de néant qui ne servaient qu'à piller et manger le peuple;
qu'il a conservé un certain nombre de gens d'armes et de trait,
dont il a donné le commandement à des chefs notables, ayant
que perdre, « lesquels sont tenus de répondre et rendre compte
des gens qu'ils auront en leurs charges » ; que ces gens de guerre
seront mis en garnison * dans les villes de tous les pays du
royaume; que les habitants devront leur fournir le logement et
une quantité déterminée de blé, vin, viande, etc., avoine, foin,
paille pour eux et pour leurs chevaux ^; que ses élus, ou com-
missaires, sont chargés de choisir les logis des gens d'armes, de
lever l'argent et les vivres nécessaires à leur entretien, de les
leur distribuer et de contraindre, par saisie, quiconque refuserait
de payer sa redevance ^. Nul ne fut exempt, pour cette fois, de
ces impositions, ni les nobles, ni les ecclésiastiques ', mais ce
règlement fut bientôt modifié.
Les compagnies ordonnées par le roi, ou compagnies d'ordon-
nance *, furent promptement formées, et, comme les gens de
1. « Et ainsi fut ostce la pillerie de dessus le peuple, qui longtemps avoit
duré, dont mon dict seigneur fut bien joyeulx, car c'estoit l'une des
choses que plus il désiroit, et toujours avoir tasché de le faire, mais le
Roy n'y avoit voulu entendre jusques à celle heure » (Gruel, 221). « La
chose a esté mise et redduicte en si bon ordre, que ladicte pillerie a cessé
en nostre dict royaume » (Fr. 21427, n» 38).
2. Voir comment le Bourg, de Paris (p. 379) apprécie les efforts du roi.
3. Arrondissement de Bar-le-Duc, canton de Vaubecourt.
4. Avec défense de sortir de leur garnison (JJ 184, f» 156).
5. Voy. Append. LXXXIV. M. Vallet de V. n'a publié que des fragments
de cette ordonnance dans le t. III, 2° série, de la Bib. de VÉc. des chartes,
p. 124, et avec quelques petites inexactitudes.
6. Z'a 16, f» 101.
7. Portef. Font., 119-120, au 21 septembre 1445; Zi" 15, f"' 13a v», 136,
137-139; Z'a 16, f-s 77-78; Zi» 145, f- 112-117; Flammermont, p. 104. Une
ordonnance du 3 août 1445 porte que les gens d'Eglise ne contribueront
pas à la nourriture, à l'entretien et au logement des troupes, contraire-
ment aune ordonnance antérieure {Onlonn., XIII, 442, et Préface, p. lxxxv).
8. Auparavant, il y avait des compagnies qui se formaient sans ordon-
nance du roi et qui s'imposaient. C'est ce que rappelle J. Jouvenel des Ur-
sins : « Aussi tost que ung paiz estoit réduit en vostre obéissance, dit-il au
roi, on envoioit oudit paiz vivre telles manières de gens sans ordonnance.
LES COMPAGNIES d'ORDONNANCE. LEUR NOMBRE 361
guerre sollicitaient, en grand nombre, la faveur d'y être admis,
on put fciirc de bons choix. On ne prit que les hommes bien
armés et bien montés *. Ainsi, un homme d'armes qui avait
perdu ses chevaux et ses harnais dans l'expédition d'Allemagne
ne fut pas mis « es ordonnances des gens de guerre du roi, parce
qu'il n'estoit pas lors bien monté. » Ce soldat se fit marchand
et vécut de son nouveau métier, le mieux qu'il put. Cet exemple,
qu'on trouve dans un document de l'époque ^, peut être inter-
prété d'une manière générale et permet d'affirmer qu'il se pro-
duisit beaucoup d'autres cas semblables.
Les chroniqueurs s'accordent à dire que le roi garda 1 500 lan-
ces fournies, c'est-à-dire, à six hommes par lance, un effectif de
9 000 cavaliers. D'après Berry, M. d'Escouchy, Olivier de La Mar-
che et H. Baude ^, le P. Daniel et les auteurs contemporains ont
répété la même affirmation. 11 est possible que la première
ordonnance, dont nous ne connaissons pas le texte, celle qui est
antérieure au 20 avril 1445, ait prescrit d'abord la formation de
quinze compagnies de cent lances; mais les documents qui nous
sont parvenus, à commencer par l'ordonnance de Louppy, ne
contiennent pas ce détail. L'ordonnance du 20 mai se borne à
déclarer que le roi conserve un certain nombre de gens âHar'
mes et de trait \ Il est sûr qu'il voulait garder plus de 1 500 lan-
ces; mais, au moment môme où il répétait bien haut qu'il cher-
chait dans la nouvelle organisation un moyen de soulager le
peuple, il hésitait à lui imposer d'autres charges trop onéreuses.
La plus simple prudence exigeait qu'on entretînt assez de
chief ne manière de forme de guerre » (Fr. 5022, f» 14) ; voy. aussi l'ar-
ticle l""" de l'ordonnance du 2 novembre 1439 {Ordonnances, XIII, 306).
1. Olivier de La Marche (p. 407-408) dit que les chevaux de guerre coû-
taient très cher en France, lors des fêtes de Châlons, en 1443, parce qu'on
parlait de « faire ordonnance sur les gens d'armes.... et sembloit bien à
chacun gentilhomme que, s'il se hionstroit sur un bon cheval, il en seroit
mieux congnu, quéru et recueilly. »
2. JJ 179, fo 126 v, u» xi«v.
3. Berry, p. 427; M. d'Escouchy, I, 53, 58; 01. de La Marche, p. 408;
H. Baude, dans le t. III de la Chronique de J. Chartier, édit. Vallet de V.,
p. 134-135. Voir aussi Vallet de V., Hist. de Charles VU, t. III, p. 56, note 2,
et p. 57.
Puis si fist le roy ordonnances
Par lesquelles de tous gens d'armes
Print seuUement quinze cens lances
Kt les archiers après en armes.
Oultre, esleut quinze capitaines, etc.
Martial d'Auvergne, I, 219, et Fr. 5054, f" 129 V.
4. L'ordonnance du 2 novembre 1439 dit à peu près la même chose
(Ordonn., XIII, 30G).
362 PLAINTES CONTRE LES ORDONNANCES
troupes pour n'être pas pris au dépourvu, si la trêve conclue
avec l'Angleterre n'aboutissait pas à une paix définitive. Dans
les ordonnances relatives à l'entretien des troupes, Charles VII
ne cesse de déclarer qu'il s'elTorce de faire la paix, mais qu'il est
obligé de conserver ses gens d'armes, jusqu'à ce qu'il voie s'il
aura paix ou guerre *.
D'autre part, on n'eût pas manqué de mécontenter le peuple,
si, en lui imposant de lourdes taxes pour l'entretien des gens de
guerre, on avait laissé croire que ces charges seraient perma-
nentes. En effet, dès qu'on voulut appliquer les ordonnances, il
s'éleva de nombreuses plaintes *. Le clergé se fit d'abord exemp-
ter de toute contribution ^, ainsi que les nobles, « les vrais esco-
liers et estudians, les officiers royaux, etc. » *. Les villes préten-
daient qu'on les imposait trop et essayaient de rejeter les unes
sur les autres la plus grande partie du fardeau ^. Si l'on eût
mécontenté tout le monde à la fois, on eût compromis le succès
de la réforme. Il fallut donc user de grands ménagements, pour
faire accepter comme une nécessité momentanée des sacrifices
qu'on n'eût pas subis volontiers, si on avait cru qu'ils seraient
toujours aussi onéreux dans l'avenir ".
d. « Et aussi pendant la dicte trêve qui encores dure et jusques à ce que
nous voyons se nous aurons paix, nous est besoin entretenir nos dits
gens d'armes... » (Ord. du 4 décembre 1445, dans le 3» volume de la 2" série
de la Bib. de l'Éc. des chartes, p. 128. L'original de cette ordonnance a été
retrouvé par M. A. Thomas dans le Ms. Fr. 21427, n» 10.) Cette déclaration
se rencontre dans beaucoup d'autres documents du même genre. Voir
notamment : K 68, n» 24; Fr. 26082, n» 6637; Fr. 21427, n» 38; Fr. 23711,
no» 192, 194, 203; Fr. 25712, n"» 266, 299, 321; Portef. Fonianieu, 121-122, au
28 septembre 1454; Fr. 26084, n»» 7042, 7051, 7076; A. Thomas, Etais prov.,
t. I, p. 238. J. du Glercq parle de 1700 lances en 1450, et il dit que durant
la conquête de la Normandie tous les gens d'armes, qu'ils fussent de l'or-
donnance ou non, étaient payés chaque mois. Pour la campagne de 1433,
il parle de 1 600 à 1 800 hommes d'armes (J. du Clercq, 610, 616).
2. Le Haut-Limousin demande déjà une réduction en mai et juin 1445
(Clairambault, t. CLXXXVII, f" 7037). Autres exemples : Zi» 17, f- 48, 255 v»,
270-271; JJ 176, f" 288 v»; Fr. 26081, n» 656i; A. Thomas, États -prov., 1,
160, 161.
3. Fr. 26081, n» 6509. A Senlis, par exemple, le clergé essaya de faire
une émeute (voy. Flammermont, Institutions, 105-107).
4. Ordonnances du 3 août et du 4 décembre 1445 {Ordonn.,.XUl, 442-443,
et Bib. de l'Éc. des chartes, t. III, 2" série, p. 130).
5. Flammermont, ibidem. Fr. 20388, f" 152.
6. 11 eût été impossible de rétablir la discipline et d'accomplir la réforme,
si la solde n'avait pas été payée régulièrement. En mai 1447, les gens de
guerre qui étaient en garnison à La Réole voulaient abandonner la place,
parce qu'ils n'étaient pas payés (Fr. 25711, n" 211). Il fallait donc main-
tenir les impôts, mais en tenant compte des plaintes du peuple. J. Jou-
venel des Ursins disait au roi, eu 1439 : « Par les tailles, aides et subsides
DE l'armée permanente ET DE LA TAILLE PERPÉTUELLE 363
Il n'est pas inutile de faire observer que Charles VII ne décréta
pas d'une manière formelle l'institution d'une armée /jermanen^e,
ayant un effectif déterminé de quinze cents lances. Tout au plus
pourrait-on dire que ce principe de permanence est contenu dans
le préambule de l'ordonnance du 2 novembre li39 '. En fait, les
compagnies d'ordonnance, maintenues pendant tout son règne,
pour ce motif qu'on était en guerre avec les Anglais, furent con-
servées après lui, et cette institution devint définitive. Ainsi
Charles VII a créé, non Vo.rinée permanente^ mais une armée qui
devint permanente.
Il n'est pas plus juste de dire que Charles VII établit, pour la
solde et l'entretien, une taille perpétuelle, votée par les Etats
d'Orléans, en 1439, et fixée à 1 200 000 livres *. L'examen atten-
tif des documents n'autorise pas une pareille interprétation; elle
est môme contraire aux intentions que Charles VII, avec ou sans
calcul, ne cessa de manifester. La taille des gens d'armes, comme
on l'appelait alors, remplaça les appatis, que le roi exigeait aupa-
ravant, pour l'entretien des troupes '. Afin de ménager le peuple,
que vous faictes, soubz uuabre de la guerre, voslre peuple est pillé et robe
en plusieurs et diverses manières et tout destruit, et leur ostez, ou voz
ofiiciers, de par vous, la peau de dessus eulx et la char de leurs oz »
(Fr. 5022, f" 23).
1. Pour obvier aux excès et pillorics des gens de guerre, le roi, après
remontrances des États, « fait et establit par loy et edicl général, perpëtiid
et non révocable, par forme de pragmatique sanction, les édicts, loys,
statuts et ordonnances qui s'ensuivent » [Ordonnances, XllI, 306; voyez
aussi II. Dansin, Ilisl. de F administration et du gouvernement de la France
pendant le règne de Charles F//, Paris, A. Durand, 1858, in-8», p. 100-101).
Quant à l'ordonnance du 2 novembre 1439, elle statue seulement qvCun
certain nombre de capitaines seront ordonnés par le roi et que chacun
d'eux aura un certain nombre de gens d'armes.
2. Voir Dansin, p. 93, note 1, p. 176; Vallet de V., Charles VU, t. III,
p. 61; Ordonn., t. XIII, p. 428; G. Picot, Hist. des États généraux, t. I,
p. 334; A. Thomas, Les États généraux sous Charles VU, dans le Cabinet
historique de 1879, p. 208-209. Eu 1484, les États généraux de Tours votè-
rent 1 aOO 000 1. t. pour l'entretien des gens de guerre (Clairamb., CXX,
f» 141; Journal des Etats de 1484, publié par A. Dernier, dans les Docu-
ments inédits de l'Uist. de France, 1835, in- 4°, p. 387). Il paraît que, sous
Charles \'II, la taille s'éleva jusqu'à 1 800 000 1. t. [Mémoires de Ph. de
Commynes, édit. Dupont, Paris, 1843, t. II, p. 143; C. de Cherrier, Hist. de
Charles VIII, Paris, Didier, 1870, t. I, p. 86). Les États de 1439 n'avaient
pas le droit d'engager l'avenir, ce qu'ils eussent fait par le vote d'une
taille perpétuelle. Un pareil vote eût été contraire aux traditions et aux
principes dont s'inspiraient toujours les États (voir, dans le Journal des
Étals de 1484, les discours du juge du Forez, p. 358-361, et celui de
J. Masselin, p. 380-381).
3. Berry, 427; Z»a 16, f» 101; Z"» 17, f»' 17-18, 41 v», 42. II est certain
que cette taille était considérée comme l'équivalent des appatis (Z"« 16,
i* 188). « Les tailles qui sont mises sus en lieu des appatiz empeschent les
364 DE LA TAILLE DITE PERPÉTUELLE
on réclama d'abord des contributions en nature, puis, quand on
les évalua en argent, on laissa aux pays et aux villes la faculté
d'acquitter leur redevance, soit en argent, soit partie en argent,
partie en nature. Enfin, le roi imposait, chaque année, des som-
mes qui variaient suivant les besoins du moment *, et ces som-
mes étaient votées par les états provinciaux *. Ces dispositions
sont incompatibles avec l'établissement d'une taille fixe et per-
manente, qui aurait été décrétée dès 1-439 '.
Le nombre des compagnies n'étant pas limité, la taille néces-
saire à leur entrelien ne pouvait pas être fixe et invariable.
Même pendant la trêve avec l' Angleterre, Charles VII ne se con-
tenta pas des 1 500 lances dont parlent les chroniqueurs et, après
eux, les historiens.
Il lui parut nécessaire d'entretenir au moins 2 000 lances, dont
1 500 dans les pays de Languedoil et 500 dans les pays de Lan-
guedoc, sans compter d'autres troupes, qui étaient aux frontiè-
res *. Alors les Etats de Languedoc envoyèrent une députation
au roi, pour lui remontrer que le pays ne produisait ni foin, ni
avoine, ni rien de ce qu'il fallait pour nourrir les chevaux. Ils
proposèrent de payer une contribution, pour que la province
n'eût pas à loger des gens de guerre ^. Cet arrangement ayant
courses,... Le roy a voulu que toutes manières de gens y contribuent....
Es tailles des appatiz chacun y est contribuable « (Z*» 16, f" 28 v). Le roi
avait ordonné que les villages qui payaient appâtis avant la trêve de 1444
payeraient « tailles à la value d'iceulx appatiz. » Dunois avait « la charge
des dits appatiz » (Z'> lo, f-' 18i-182}.
1. Fr. 23712, n° 280.
2. Une pièce du Ms. Fr. S909, f" 236 v», prouve que les Etats de Nor-
mandie avaient coutume de voter ces impôts. Voir aussi A. Thomas.,
Etats provinciaux, I, 69 et suiv., 181, 233-239; Fr. 23712, n"^ 337, 338, 347;
Fr. 26083, n» 7213; Fr. 26080, n"^ 6300, 6302, 6331, 6343, 6348; Fr. 6200,
nos 123-124.
3. M. Boutaric [Institutions militaires de la France, Pion, 1863, ia-8°,
p. 311 et 313) a bien saisi et signalé ce caractère temporaire de la réforme
de 1443. M. A. Thomas, dans son remarquable ouvrage sur les États pro-
vinciaux de la France centrale (Paris, Champion, 1879, 2 vol. in-8°), a
prouvé que ces États votaient chaque année, au moins jusqu'en 1451, ces
impôts (t. I, p. 183 et suiv.; t. II, p. 209 et suiv.).
4. Voir une ordonnance du 26 avril 1446 dans K 68, n"» 24, 24 bis;
Fr. 26076, n^ 5673; Fr. 21426, n» 17; Musée des Archives, n» 457; A. Thomas,
Etats provinciaux, I, 132, Voir aussi le Journal des États de 1 484, p. 372-
373. J. du Clercq dit qu'il y avait 1 700 lances en 1 430, et 1 600 à 1 800 hommes
d'armes dans la campagne de 1433 (du Clercq, p. 610, 616).
5. Ils offrirent une somme de 186 000 francs, jugée nécessaire à l'entretien
de 300 lances fournies, pendant un an (K 68, n» 24 bis). Le jeudi 16 février
1447, les commissaires donnent des ordres pour la levée de cette somme
{Ibid.; voy. aussi Fr. 26076, n» 5673). Au mois de février 1437, une ordon-
LA GRANDE ET LA PETITE ORDONNANCE • 365
été accepté, les Etats provinciaux votèrent, chaque année, une
somme débattue préalablement avec les commissaires royaux et
qui varia suivant les circonstances ^
Quand la guerre recommença, en 1449, il fallut encore aug-
menter l'effectif des troupes, pour la conquête de la Normandie
et de la Guyenne, et, ensuite, pour être prêt, en tout cas, h
repousser les attaques des Anglais. A côté des premières compa-
gnies d'ordonnance, qui restèrent distinctes des autres, par leur
origine, leur composition, leur nom, leur solde, on en forma de
nouvelles, beaucoup moins favorisées. Ces dernières furent appe-
lées compagnies de la petite ordonnance^ ou petites payes ^, par
opposition aux anciennes, qui furent nommées compagnies de
la grande ordonnance '. Ces troupes auxiliaires, dont le nombre
fut augmenté ou diminué selon les besoins, furent maintenues
pendant tout le règne de Charles VII *.
nance déclare encore qu'il y aura 2 000 lances, dont 500 en Languedoc
(Fr. 26084, n" 70 i2, 70ol, 7076). Sous Louis XI, le nombre des compagnies
d'ordonnance n'était pas davantage limité à lo. Par exemple, en mars 1466,
il y avait 1680 lances dans les compagnies (Fr. 18442, f» 167).
1. 144o (août). Les États de Montpellier votent 120 000 1. t. (K 68, n» 17;
Fr. 26074, n» 5326}. — 1446. Les États votent 100 000 1. t. (K 68, n» 24),
mais le roi demanda 200 000 1. t. (K 68, n» 22; Fr. 26074, n° 5454). —
1447 (février). Les États de Montpellier octroient 186 000 1. t. (Fr. 26078,
n» 6052; Fr. 26079, n° 6143; Fr. 237H, n»' 192, 194). — 1448. Les États de
.Montpellier octroient 150 000 1. t. (Fr. 26078, nos 6077, 6081, 6099, 6101). —
1449. Les États de Montpellier offrent 150 000 1. t. (Fr. 26079, nos 6249 et
6253; Fr. 25711, n» 213). — 1450 (mars). Les États de Montpellier offrent
488 000 1. t. (Fr. 26079, n»s 6186, 6187, 6249, 6253). — 1451. Les États de
Toulouse votent 120 000 1. t. (Fr. 26080, no 6334, 6335). — 1452. Les Etats du
Puy octroient 100 000 1. t. (K 69, n" 4*). — 1453. Les États de Montpellier
octroient 106 000 1. t. (K 69, n»» 4 et 4 bis). — 1454. Les États de Montpel-
lier octroient 126 000 1. t. (K 69, n»» 4» et 10). — 1455. Les États de Toulouse
votent 116 000 1. t. (K 69, n» 15).
2. Ou petites soldes (Iv 69, nos 17 bis, 42 bis). On trouve déjà ce mot de
paye, pour indiquer l'homme d'armes qui reçoit une solde, dans un docu-
ment de 1368, cité par le P. Daniel, Milice fr. (I, p. 223-324), On disait
aussi la grande et la petite retenue (Clairamb., XXV, p. 173).
3. Dès 1447 (décembre), il y a des gens d'armes de la grande ordonnance
dans le Rouergue, sous le sire de Bueil (Fr. 26077, n° 5872; voy. aussi
Fr. 26079, n" 6114 et 6144, pour l'année 1449). Après la conquête de la Nor-
mandie, le roi met dans ce pays 600 lances fournies de la grande ordon-
nance et un certain nombre de petites payes (Fr. 26082, n»» 6637, 6648).
En 1453, Charles VII est obligé de soudoyer un très grand nombre de gens
d'armes et de trait, outre ceux de son ordonnance (K 69, n» 7). De même
en 1453 (K 69, nM5).
4. En 1450, il y a, en Normandie, 800 lances fournies et 800 petites payes.
Le payement de ces troupes monte à environ 400 000 liv. par an (Fr. 26080,
n" 6304-6306). — En 1451, 600 lances fournies et 450 petites payes (Fr. 25712,
n» 247, et Append. LXXXV). — En 1432, 600 lances fournies et 600 petites
366 EFFECTIF DES COMPAGNIES
Il y avait tant d'hommes disponibles, tant de volontaires,
qu il était facile de recruter ces compagnies, à des conditions
moins onéreuses pour l'État. Ceux qui s'y enrôlaient espéraient
sans doute trouver ainsi le moyen d'entrer dans les compagnies
de la grande ordonnance, lorsqu'il y avait des vides à remplir.
Quant aux compagnies de la grande ordonnance, elles ne com-
prenaient pas toutes un effectif fixe et invariable de cent lances*,
comme on le répète généralement. Pour en citer un exemple
remarquable, Jean de Bueil, qui devint amiral de France, n'avait
qu'une compagnie de 80 lances *, et d'autres capitaines en avaient
encore moins. Elles étaient quelquefois divisées en détachements '
qui tenaient garnison, soit dans des villes de la même province,
soit dans des provinces différentes.
Comme le service dans les compagnies de la grande ordon-
nance était fort recherché, on put n'y admettre que des hom-
mes d'élite. Dans les montres et les quittances des gens de guerre,
on voit que l'homme d'armes, c'est-à-dire celui qui portait la
lance, était noble et avait, le plus souvent, la quaUté d'écuyer *.
payes (Fr. 26081, n" 6459 et 6309). — En 1453, 600 lances fournies de la
grande ordonnance et 512 petites payes (Fr. 20683, n^s 43, 47). — En 1454,
600 lances fournies et 515 petites payes (Fr. 25712, n» 277; voir aussi une
pièce très curieuse dans le Bulletin de la Société des antiquaires de Nor-
mandie, t. III, p. 494). — En 1455, 600 lances fournies et un certain nom-
bre de petites payes (Fr. 25712, n» 291, et Fr. 26082, n»' 6637, 6689). — En
1438, toujours dans la même province de Normandie, 580 lances fournies de
la grande ordonnance et des petites payes (Fr. 26085, n» 7215).— En 1461, il
y a encore des archers de la grande et de la petite paye à Dax et à Bayonne
(K 69, n» 42 bis).
1. Voir M. d'Escouchy, I, 55 (quinze capitaines ayant chacun cent lances).
Cette remarque a déjà été faite par M. Boutaric (Instit. militaires, p. 312).
En 1451, Olivier de ÏJroon a 40 lances, et Geoffroy de Couvran 50 lances
(Fr. 26081, n» 6538'). Le maréchal de Lohéac a 60 lances (Fr. 25712, n" 247).
Le n» 247 du Ms. Fr. 25712 indique les gens de la grande ordonnance et
les petites payes qui sont en Normandie avec les noms de leurs capitaines.
Le n" 277 donne les mêmes détails pour l'année 1454. Guill. de Rosnyvinen
a 60 lances, Odet d'Aidie 20 lances. Dunois, Brézé, Floquet, J. d'Estoute-
ville ont chacun 100 lances [J. d'Estouteville, seigneur de Torcy et de
Blainville, maître des arbalétriers de France] (Fr. 26082, n» 6658; Fr. 26083,
nos 6788, 6941 ; Fr. 26085, n» 7239). Pour l'année 1453, voir Fr. 25712,.n» 270.
P. de Brézé avait des gens d'armes en Poitou et en Normandie en 1447
(Fr. 26077, no 5868).
2. Sur J. de Bueil, voy. Fr. 26085, n» 7265, et surtout le dossier de
Bueil dans le t. 549 des pièces originales, dossier 12360, pièces 114-146,
3. Robert Floquet, bailli d'Evreux, avait 60 lances, on Saintonge, en
1446 (Fr. 26075, n" 5498). En 1448, il en avait en Poitou et en Normandie
(Fr. 26077, n» 5878; Fr. 26078, n» 6961).
4. Par exemple Guill. de Bigars, écuyer, homme d'armes de la grande
ordonnance, sous Dunois (Fr. 26082, n» 6670; Fr. 26085, nos 7139, 7237;
PAYEMENT DES CONTRIBUTIONS POUR l'ARMÉE 367
Il commandait aux cinq autres cavaliers qui composaient avec lui
une lance fournie. Il y avait là une garantie de bon ordre et de
discipline. Les capitaines des compagnies étaient, pour la plu-
part, de liants personnages, comme le connétable, Dunois, P. de
Brézé, les maréchaux de Lohéac et de Jaloignes, Jean de Bueil,
le comte de Nevers, J. Bureau, le maître des arbalétriers *.
On eut soin de mettre ces troupes en garnison dans les villes,
où il était plus facile de les loger et de les surveiller. Elles
n'étaient pas casernées; les habitants leur fournissaient le loge-
ment, avec les ustensiles nécessaires, à un prix raisonnable *.
Les prestations furent d'abord réclamées en nature, afin de
moins gêner les populations épuisées. On n'exigeait, en argent,
que 20 sols tournois par mois et par lance, pour « les menues né-
cessitez » des gens de guerre (ordonnance du 26 mai 1445). Dès le
4 décembre de la même année, une nouvelle ordonnance imposa
aux contribuables 10 liv. t. pour chaque homme d'armes, y con-
pris son coutillier et son page, et 10 liv. t. pour les deux archers
voy. aussi Fr. 20683, f» 47 [autre exemple]). Le P. Daniel dit que les gens
d'armes étaient gentilshommes {Milice fi\, t. I, p. 213). Il affirme ailleurs
que les valets ou varlets étaient des écuyers et que ce titre pouvait être
porté parles plus grands seigneurs (p. 129-131). Il est vrai que cette obser-
vation ne s'applique pas spécialement aux valets des compagnies d'ordon-
nance, mais on voit dans le registre JJ 178 qu'un noble, après avoir servi un
homme d'armes comme page, devint ensuite varlet de guerre, puis homme
d'armes (JJ 178, f" 34). Voir aussi Oliv. de La Marche, p. 408. Autres
exemples d'hommes d'armes nobles : Fr. 20683, f» 47; JJ 180, f» 67 v°;
JJ 181, f- 118 V; JJ 185, f»» 182, 188 V, 224; K 69, n"^ 17*, 25. On trouve
même « six gentilshommes d'armes » dans le Ms. Fr. 26085, n" 7260. Il y
avait aussi des archers nobles (JJ 185, fos 182, 187, 188 vo, 224; JJ 187, f" 29).
On eut soin de choisir des hommes aguerris par de longs services. L'un
d'eux, âgé de quarante ans, servait depuis plus de vingt ans (JJ 185, f" 204).
Beaucoup étaient mariés (JJ 179, f» 209 ; JJ 180, f" 25 ; JJ 184, f» 216; JJ 185,
fo 204; JJ 186, f" 3; JJ 187, f" 67 v).
1. Il y avait aussi des capitaines étrangers, ayant sous leurs ordres des
étrangers, Ecossais ou Espagnols, comme Rob. Coningham, Martin Garcia
(JJ 186, f" 31 ; JJ 187, f» 154 v»; Clairamb., XXVI, f- 1879).
2. Les gens d'armes devront toujours « payer leur hostellaiges modérez
et raisonnables » (Ordonn. du 4 décembre 1445; Bib. de l'Éc. de ch., t. III,
20 s., p. 129; voir aussi : Fr. 26082, n°' 6659, 6770 ; Fr. 26083, n» 6879 ; K 69,
n»» 25, 25 bis; Fr. 26080, n»» 6414, 0415; Fr. 25778, n- 1840; Fr. 26085, n»' 7235,
7236, 7242, 7243; Pièces originales, t. 732, n» 16716»; Flammermont, Instit.
de Sentis, p. 110). La rétribution était de 30 s. t. par mois (Z'" 17, f» 187
v»-188), mais il fallait quelquefois payer davantage, pour trouver des habi-
tants disposés à loger les gens de guerre {Ibid.). Les habitants avaient par-
fois à se plaindre de leurs hôtes. Les contestations étaient jugées par le
sénéchal de la province (A. Thomas, États prov., II, 209-230, 247). Les
détails que donne H. Baude (t. III de J. Ghartier, p. 134-135) ne sont pas
tous d'une exactitude incontestable. — On était quelquefois exempté du
logement des gens d'armes (Fr. 5909, f» vu^xiii v»).
368 PAYEMENT DES CONTRIBUTIONS POUR l'arMÉE
et leur varlet *. Quant au surplus, les habitants pouvaient^ à
leur choix, acquitter leurs contributions en nature, ou payer,
par moi^', 9 1. 1., dont 4 pour l'homme d'armes, 4 pour les gens de
trait et 20 sols t. pour le capitaine. Ce règlement était applica-
ble à partir du 1'^' janvier 1446 ^ ; néanmoins il y fut apporté des
modifications, car une ordonnance de 1445 établit trois modes
facultatifs de payement ^ : 1" en nature ; 2" en argent et en nature ;
3° en argent. Dans ce dernier cas, on devrait payer 31 l. t. par
mois et par lance, dont 20 1. t. pour l'homme d'armes, lui troi-
sième, 10 1. t. pour les gens de trait et 20 sols t. pour le capi-
taine *. Toutefois, si les troupes étaient appelées hors de leurs
garnisons, pour les besoins du service, la contribution devait être
acquittée tout entière en argent ". Ce dernier mode de payement,
plus facile et plus avantageux pour l'État, se généralisa bientôt ".
On peut donc considérer la somme de 31 1. t., par lance et par
mois, comme la solde ordinaire des compagnies de la grande
ordonnance '', quoique cette règle elle-même ait admis quelques
exceptions ^.
Quand les commissaires royaux avaient passé la revue ^ des
troupes et dressé leurs états, la solde était payée par les élus *•*
1. Il semble que cette organisation ne s'établit pas sans tâtonnements.
Ainsi, on voit dans les lettres de rémission accordées à Ch. de Ciilant
(A. Tuetey, Les Ecorcheurs, II, 449-453) qu'en 144S, sur la solde de 30 1. t.
par mois, l'homme d'armes devait avoir 4 francs, chaque archer 2 francs, et
que « le surplus leur seroit baillé en vivres ». 'Voyez aussi Flammermont,
Instit. munie, de Sentis, p. 110-111.
2. Bib. de l'École des chartes, 2o série, t. III, p. 127-131.
3. Voir Append. LXXXVI.
4. Ces divers modes de payement prouvent aussi qu'il n'y avait pas de
taille fixe et permanente pour l'entretien des gens de guerre.
5. Fr. 26071, n» 189; Porte f. Fontanieu, 119-120, au 26 novembre 1446;
Fr. 5053, f»» 135 vo-138.
6. A. Thomas, États prov., I, 155.
7. K 69, n» 18. Les exemples abondent : Fr. 21426, n» 2 ; Fr. 26080, n» 6419 ;
Fr. 21427, n»' 3-6, 38. En 1421, l'homme d'armes avait déjà 30 1. t. par
mois (Glairamb., CXII, f» 8723; J. du Glercq, p. 610, ch. VllI).
8. En octobre 1445, des gens d'armes de Floquet reçoivent 26 1. 12 s.
d. par mois (Fr. 26074, n» 5324). — En octobre 1446, des troupes du
maréchal de Gulant, logées dans le Haut-Limousin, reçoivent 15 1. t. par
homme d'armes et 7 1. 10 s. t. pour les archers (K 68, n"' 21 et 21 bis).
En 1448, même payement (K 68, n»» 28, 33; voy, aussi Fr. 26077, n»' 5868,
5878; Fr. 26078, n» 5961; Fr. 21495, f" 39; Fr. 26075, n» 5498). Le 1" juillet
1446, des gens d'armes logés en Saintonge reçoivent 32 1. 10 s. t. par mois et
par lance (Fr. 26075, n» 5498; Fr. 26074, n» 5433). En 1453, le roi augmente la
solde des gens de guerre de Normandie, qui sont envoyés en Guyenne
(Fr. 25712, n» 280). En 1446, des gens d'armes logés en Saintonge reçoivent
34 1. t. par mois (Fr. 26074, n» 5408). Payement par mois (Fr. €5711, n» 193).
9. K 69, n» 42.
10. Le n» 362 de K 69 indique les différentes élections de LanguedolLLa
RÉSULTATS DES RÉFORMES MILITAIRES 369
par quartier d'an, ou trimestre, quelquefois par mois, devant un
notaire * autorisé spécialement à cet effet.
Les troupes de la petite ordonnance recevaient beaucoup
moins ^ L'homme d'armes avait 10 1. t. et les archers 100 sols t.
par mois.
Telles sont, dans leur ensemble, les principales réformes
opérées en 1445 dans l'armée '. Il est certain qu'elles produi-
sirent promptement de très bons résultats et que les populations
en apprécièrent les bienfaits, tout en élevant des réclamations
fréquentes. Le roi accueillait ces plaintes, ordonnait des enquêtes,
accordait des réductions '^ et se montrait soucieux des intérêts
du peuple. C'est ainsi que le connétable fut chargé de diriger
lui-même une de ces enquêtes dans la Normandie et qu'il obtint
pour cette province des modifications avantageuses ^.
On put enfin empêcher les désordres, les pilleries, les crimes
que commettaient auparavant les routiers. Est-ce à dire que la
discipline devint aussitôt parfaite? 11 serait exagéré de le pré-
tendre; mais, s'il y eut encore des abus, des actes d'insubor-
dination ^, on voit qu'ils étaient recherchés, punis et qu'ils
taille des gens d'armes était répartie par élections. Les élus ou les
receveurs des tailles étaient chargés d'en exiger le payement par tous les
moyens, même par la saisie du bétail. Les réclamations étaient portées
devant les élus, les appels devant la cour des aides (Z"> 16, £«« 101, 188;
Fr. 23711, n» 193).
1. K 68, nos 21, 21 bis, 28, 33; Fr. 26078, n» 6035; Fr. 26081, n» 6309;
Fr. 26083, n» 6790; K 69; n» 17. Le payement était fait quelquefois d'après
une liste présentée par un homme d'armes ayant le titre de « chef de
chambre « (K 68, n<" 21, 21 bis).
2. Fr. 26080, n» 6419; Fr. 26081, n» 0549; K 69, n<" 17 bis, IV, 17*.
3. Il y avait, en outre, la garde du roi, composée d'archers, d'hommeâ
d'armes, de cranequiniers. Ou en trouve la liste, avec les noms des capi-
taines, dans KK 51, f»' 123 et suiv., 128.
4. Fr. 26080, n» 6419; Fr. 21426, n» 1: Fr. 26081, n" 6309, 6564;
Fr. 23712, n» 247; JJ 184, f» 130; K 69, n» 22: KK 648, n» 99; Flammer-
mont, p. 111; A. ThomSiS, États prov., I, 161; il, 234-247, 238-259.
3. Fr. 25712, n» 29i; Fr. 26082, n<" 6637, G633, 6689, 6709, 6765, 6773;
Fr. 3909, f» 236 v»; Appeud. CIII.
6. JJ 179, f»' 133, 136; JJ 180, f- 42 v, 36; JJ 181, f«' 5, 15, 121, 132, 136;
JJ 185, f"' 1 v, 8, 19 v», 22, 77 v», 84 v», 113, 188 v» ; Fr. 26083, n» 6807;
JJ 184, f«» 116 v-in, 240; JJ 187, f»' 110 v», 154 v; JJ 176, f"' 445, 470, 474;
JJ 182, fo 9 v ; Bibliothèque de l'École des chartes, t. I, p. 230 ; A. Thomas,
États provinciaux, 1, 160. — Beaucoup d'hommes d'armes avaient conservé
des surnoms significatifs : « la Dague, le Harnois, Brisebarre, l'Escor-
cheur » (JJ 179, f»' 112, 173 v), « Qui n'a que faire » (JJ 181, f» 71 v»), etc.
La discipline était d'ailleurs sévère. On voit que des pages et des varr
lets étaient battus, bâtonnés, blessés même grièvement par des hommes
d'armes, pour des fautes qui n'étaient pas toujours très graves (JJ 179,
fos 154 v», 156; JJ 180, fo 67 v). Un page d'environ douze ans est battu,
plusieurs jours de marché, à Avranches et au Mont-Saint-Michel, pour
RiCHEMONT. 24
370 RÉSULTATS DES RÉFORMES MILITAIRES
n'étaient ni aussi nombreux ni aussi graves qu'auparavant.
Il n'était guère possible d'opérer, du premier coup, un chan-
gement radical. Sans parler des soldats, les chefs eux-mêmes se
débarrassaient difficilement de leurs anciennes habitudes. Ainsi,
Charles de Gulant, frère aîné du maréchal de Jaloignes % et
capitaine d'une compagnie de cent lances, donnait le plus mau-
vais exemple. Retenir les gages des gens de guerre placés sous
ses ordres ; casser ou renvoyer, pour quelque temps, une partie
de ses hommes,' afin de s'approprier leur solde, môme pendant
une campagne; présenter des rôles complets et n'avoir qu'un
effectif incomplet; faire passer, lors des revues, des francs archers
pour des archers d'ordonnance; lever des contributions sur le
pays, tous ces procédés peu corrects lui étaient familiers. Son
neveu et lieutenant, Georges de Sully, les pratiquait aussi pour
son profit particulier. Il est certain que ces chefs n'étaient pas
les seuls à qui l'on pût reprocher ces malversations ^. Faut-il
s'en étonner, quand on voit, plus de deux siècles après, un autre
organisateur, aussi énergique, aussi sévère que Richemont, le
ministre Louvois, occupé sans cesse à combattre les mêmes
abus ^ ?
Charles de Culant n'en devint pas moins gouverner de Mantes,
de Chartres, de Paris, et grand maître de France, c'est-à-dire
grand maître de l'hôtel du roi (fin de 1449) *. Enfin il s'éleva
tant de plaintes contre lui, que le roi, après information, fut
obligé de sévir. Il lui enleva sa charge de grand maître et
ordonna des poursuites. Comme le coupable était protégé par
des amitiés puissantes, il obtint des lettres d'abolition ^, qui
avoir volé 33 écus à un homme d'armes (Fr, 26083, n" 6797), Des char-
pentiers, ayant hlessé mortellement un homme d'armes qui les avait mo-
lestés, obtiennent des lettres de rémission (JJ 183, f» 84 v»),
1. Charles de Culant, seigneur de Châteauneuf, et Philippe de Gulant,
seigneur de Jaloignes, étaient fils de Jean de Culant et neveux de l'amiral
Louis de Culant (Anselme, VII, 82, 835; VIII, 363; Bib. de l'Ec. des chartes,
l, III de la 2e série, p. 127, note 2).
2. JJ 183, f» 37, et A. Tuetey, Les Écorcheurs, II, 449-433. G, de Sully
avait reçu de Dunois la garde de la ville d'Exmes, et il y avait mis, comme
lieutenant, Antoine de Sarmet, qui rançonnait aussi les habitants, en dépit
de toutes les ordonnances royales {Ihid., et Ordonn., XIII, p. 311, art. 37).
Sous Charles VIII, on avait encore à réprimer les excès des gens d'armes
(Procès-verbaux des séances du Conseil de Charles VIII, publiés par A, Der-
nier, dans les Documents sur VHist. de France, p. 24, 25, 26. 32 et suiv.).
3. G. Roussel, Hist. de Louvois, Didier, 1862, 2o édit., in-12, t. I, p. 167-
172, 197 et suiy.
4. Bib. de VÉc. des chartes, 2e série, t. III, p. 127, note 2. Pièces orig.,
t. 933, dossier 29044 (Culant), n" 17, 32,
5. Le roi avait pourtant pris l'engagement solennel de n'accorder aucune
abolition de ce genre {Ordonn. y XIII, p. 310, art. 29).
RÉSULTATS DES RÉFORMES MILITAIRES 371
lui furent accordées à la prière de Dunois et du connétable
lui-même M N'eùt-il pas mieux valu que, dans ce cas, Itichc-
mont ne se fût pas départi de sa sévérité ordinaire? Une telle
indulgence n'était point faite pour couper court à tous, les abus.
Toutefois, une amélioration très réelle se fit bientôt sentir. Grâce
à la sécurité des campagnes et des chemins, l'agriculture, le
commerce reprirent un rapide essor ^, et la prospérité publique
fut un des premiers résultats des réformes militaires ^. La
cohésion, la solidité, la valeur des troupes furent une autre con-
séquence de cette nouvelle organisation ^, et on en eut bientôt la
preuve, quand la guerre recommença ^. Plusieurs fois déjà on
avait essayé de réaliser ces améliorations "; on avait échoué,
parce qu'on n'avait pu séparer les bons éléments des mauvais,
astreindre les chefs à l'obéissance et établir la régularité de la
solde. Ces progrès accomplis, le reste devint possible.
Il n'est pas douteux que le connétable ait pris une grande
part à tous ces travaux et qu'il ait également contribué à une
autre institution militaire, la création d'une infanterie nationale.
On avait commencé par la cavalerie, qui fut, longtemps encore,
considérée comme l'arme principale, celle qui convenait à la
noblesse. Quant à l'infanterie, la piétaille, elle se composait
d'archers et d'arbalétriers français ou étrangers, gens de roture
et de petit état, dont on ne faisait guère cas. Si elle ne suffisait
1. CL. de Culant était encore grand maîlre de France en novembre 1450.
Il ne l'était plus en mars 1451, quand lui furent accordées ses lettres d'abo-
lition. Dans ces lettres, il est encore qualifié cbambellan du roi. « Icellui
nostre chambellan nous a humblement supplié et requis et fait supplier
et requérir, par nostre très chier et amé cousin, le conte de Richemont,
connestable de France, et nostre cousin Dunois et plusieurs autres cheva-
liers de nostre Conseil, etc. » (JJ 183, f» 57, et A. Tuetey, Les Ecorcheurs,
t. II, 449-453). Ch. de Culant fut remplacé, au mois de mai 1451, par
Jacques de Chabanaes (Anselme, VII, 82; YIII, 365, 366J.
2. M. d'Escouchy, I, 59-60.
3. Sur la réforme de l'armée (cavalerie), voir aussi A. Thomas, États
pi'ov., dans le t. XI de la Revue historique, septembre-octobre 1S78, p. 40-55
le P. Daniel, Histoire de la milice française, édition de 1721, t. I, p. 207»
216; A. Dupuy, Réunion de la Bretagne à la France, II, 304 et suiv.;
Math. d'Escouchy, édition de Beaucourt, I, 51-60 ; Berry, p. 427 ; E. Hardy,
Origines de la tactique française, Dumaine, 1879, in-8, t. I, 517-522.
4. Voir dans Mézeray, édition de 1646, in-f», t. II, p. 88-89, trois mé-
dailles commémoratives. Une montre de 1535 prouve que cette organisa-
tion subsistait encore à cette époque (Ciairamb., CXXI, f« 277).
5. Auparavant, Charles VII n'avait à son service que des routiers indis-
ciplinés, pillards, cruels, incapables de lutter contre les Anglais, comme
le disaient avec raison les conseillers du duc de Bourgogne (Collect. de
Bourgogne, t. XCIX, f» 352) et J. Jouvenel des Ursins (Fr. 5022, f« 20^v«).
6. Voir notamment une remarquable ordonnance du 22 mars 1431'
(X»» 20, f- 31-32).
372 INSTITUTION DES FRANCS ARCHERS (1448, 28 AVRIL)
pas, on appelait à l'armée des gens des communes, dans les
pays où avaient lieu les opérations militaires; on exigeait des
villes un contingent plus ou moins considérable *.
En régularisant ce service, imposé aux communes, quand il
semblait nécessaire, Charles VII institua la milice des francs
archers, par une ordonnance rendue aux Montils-lez-Tours ^,
le 28 avril 1448. Pour n'avoir pas besoin de recruter l'infanterie
parmi les étrangers, dans le cas où la trêve n'aboutirait pas à
une paix définitive, le roi ordonne que chaque paroisse, ou
plutôt chaque groupe de 50 feux, fournisse un archer ou un
arbalétrier ^, « qui sera et se tiendra continuellement en habille-
ment suffisant et armé de salade (casque léger), dague, espée,
arc (ou arbalestre garnie), trousse etjaques (pourpoint rembourré)
ou huques de brigandines (corselet garni de lames de fer). » Ils
seront choisis par les prévôts et les élus, parmi les hommes les
mieux exercés *, sans aucun égard à la richesse ni aux requêtes
qu'on pourra faire. Ils seront tenus de s'exercer toutes les fêtes
et jours non ouvrables, « avec les autres qui vouldront tirer,
pour soy habiliter ^, » et devront servir dans l'armée toutes les
fois qu'ils seront mandés par le roi.
Pendant toute la durée de leur service, ils seront payés 4 francs
par mois.
Ils feront serment de bien s'acquitter de tous leurs devoirs, et
ils ne serviront que le roi, sous peine de perdre toutes leurs
franchises.
Ils seront enregistrés par noms, prénoms et paroisses. Ce
registre sera fait en la cour des élus.
Dans chaque pays, le roi commettra « ung homme de bien,
qui aura charge de visiter tous les archers et de scavoir sïlz sont
1. On en voit encore un exemple (après l'institution des francs archers)
en 14S0 (JJ 185, f" 140; Flammermont, p. 112-114). Les Anglais faisaient de
même en Normandie. Chaque paroisse fournissait des archers, qui s'exer-
çaient à tirer de l'arc le dimanche et qui devaient venir en armes, quand
ils étaient convoqués, pour résister aux ennemis (JJ 175, f» 103 v, n» 309,
et S. Luce, Chronique du Mont-Saint-Michel, \, 36, note 1). En outre, on
obligeait les habitants à faire le guet jour et nuit, quand il le fallait, dans
les villes et dans les châteaux. Celte obligation subsista encore après la
création des francs archers. Les Anglais y soumettaient aussi les habi-
tants (Fr. 26082, n« 6664; JJ 174, f<" 40, 56).
2. Indre-et-Loire. Il y a aussi les Montils dans l'arrondissement de Blois..
3. Il y avait en effet des francs arbalétriers, aussi bien que des francs
archers (JJ 183, f" 140; JJ 187, f» 8; Fr. 21427, n» 2).
4. On prenait plutôt des hommes de 30 à 35 ans que de tout jeunes
gens. Il y en avait qui étaient mariés et pères de famille, comme les
hommes d'armes (JJ 184, f» 322 v»; JJ }S5, f-> 77 v»; JJ 186, f» 16).
5. JJ 183, fo 73.
LES FIUNCS ARGIlErRS 373
bien en point, et de les assembler toutes fois que le roy les
mandera, ou qu'il luy plaira. »
S'il y a dans une paroisse un « bon compagnon » accoutumé
à la guerre, mais trop pauvre pour s'équiper, la paroisse pourra
subvenir aux frais de son entrelien.
Le châtelain, ou son capitaine, devra visiter, tous les mois,
les archers de sa châtellenie et, s'il y trouve quelque faute, la
signaler aux élus ou commissaires du roi.
Cette ordonnance était exécutoire dans l'espace de deux mois.
On institua ensuite des capitaines de francs archers, par
élections et provinces *. Ils devaient aussi prêter serment au roi,
ou à ses officiers, tels que les sénéchaux et les baillis. Ils veil-
laient à ce que leurs compagnies fussent toujours au complet et
en bon état. Ils étaient tenus « de faire les monstres et revues
des gens de leurs charges » trois fois, ou au moins deux fois
par an, devant un des élus, ou le lieutenant du sénéchal ou du
bailli. A cet effet, ils les assemblaient par chàtellenies, ou par
quarantaines ou cinquantaines, en ne les faisant venir que de
quatre lieues ou cinq au plus, « pour eschever leurs peines et
despenses. »
Les montres faites, les capitaines envoyaient au roi un état de
leurs compagnies, avec les observations qui leur semblaient
utiles.
Ils recevaient, en temps ordinaire, 120 liv. t. * pour leurs gages
et 8 liv. t. « pour leurs chevauchées » , somme qui leur était payée,
par année, sur un mandement du roi.
Cette institution est un des principaux actes de ce règne. Elle
tendait à développer parmi le peuple le goût des exercices mili-
taires; elle relevait l'infanterie, trop méprisée jusque-là; elle
mettait au service du roi une force dont on avait peu profité
auparavant, parce qu'elle était mal organisée.
Cette milice nationale, trop peu exercée pour avoir la solidité
nécessaire, ne rendit peut-être pas tous les services qu'on en
attendait; néanmoins elle joua un rôle notable dans les campa-
gnes de Normandie et de Guyenne ^
1. En li58, il y avait sept capitaines de francs archers dans les sept
bailliages de la Normandie (Fr. 26085, n» 7215).
2. Cette solde dut être augmentée dans la suite, car, le 12 novembre 1454,
J. de Versailles, capitaine des fraucs archers du bailliage de Caen, reçoit
70 1. t. pour six mois, à 140 1. t. par an (Fr. 26082, n» 6737). Il en est de
même pour Rob. Clamorgan , capitaine des fraucs archers du duché
d'Alcnçon, en 1456 (Fr. 26083, n» 6925). ■
3. M. d'Escouchy, t. H, 31, 33, 36; JJ 181, f"» i v", 5; JJ 182, f"' 3,16, 53
v» ; JJ 185, f» 77 v».
374 LE SERVICE FÉOnAL
On ne sail pas au juste quel fut, sous Charles VII, le nombre
des francs archers. H. Baude dit qu'il y en avait huit mille '.
On peut affirmer, d'une manière certaine, que cette milice, réor-
ganisée sous Louis XI, eut alors un effectif de 16000 hommes*.
Il est probable que la bourgeoisie ne répugna pas à s'y enrô-
ler, pour avoir l'exemption d'impôts, car une ordonnance du
3 avril 14G0 prescrivit de choisir surtout les gens exercés au
métier des armes et qui payaient une faible contribution. Quant
aux riches, s'ils se faisaient élire francs archers, ils n''étaient
exempts que d'une « raisonnable et petite portion » des tailles
ou aides ^.
Tout cela n'empêcha pas Charles VII de recourir, quand il en
etit besoin, aux milices féodales, et d'exiger le service miUtaire
que les nobles devaient au roi. Par une ordonnance du 30 jan-
vier 1455, il enjoignit aux nobles de déclarer, avant un mois,
aux sénéchaux ou aux baillis « en quel abillement ils pourront
ou voudront servir * ». Toutefois, il faut remarquer ici que ces
troupes sont soudoyées^. Ceux qui seront armés comme les gens
de la grande ordonnance auront les mêmes gages pendant qu'ils
seront au service du roi ®. « Et s'entend en ceste manière que
chacun homme d'armes ait deux chevaux pour sa personne et
son coustilleur bien et suffisamment monté. » Il aura 15 francs
par mois ''.
1. Édit. de J. Cbartier, par Vallet de V., III, 134-133.
2. Fr. 18442, f» 161, et Daniel, Milice française, I, 244-250.
3. Sar la création et l'organisation des francs archers, voir Ordonnances,
XIV, p. 1-3 et p. 488; Daniel, Hist. de la milice française, t. I, 237-251;
E. Hardy, Origines de la tactique, I, 522-524; Flammermont, Instit. munie,
de Sentis, p. 112-115. Voir dans le Ms. Fr. 5909, f<" cini v»-CYi, des instruc-
tions pour les capitaines de francs archers.
4. Par lettres du 22 mars 1448, les gens du parlement sont dispensés de
mettre sus des gens d"armes et de trait, par exception à une ordonnance
qui imposait celte obligation à toute personne non suivant les armes et
tenant fiefs et terres nobles (Xi» 8605, f»' 125 v», 126 et 146); voy. aussi
Ordonn., XIV, 47, et dans le Ms. Fr. 5909, P cuu v», un ordre de mettre
sus les nobles.
5. Pour la campagne de Guyenne, en 1453, le roi soudoya beaucoup de
nobles, outre les gens de son ordonnance (K 69, n»» 4, 4 ôis, 7). On avait
alors si souvent besoin de troupes, pendant la guerre, que les seigneurs
ne seraient pas venus si on ne leur eût donné une solde (Fr. 21427,
n" 2, 5, etc.).
6. Ce sont peut-être ceux qu'on appelait les grandes payes et qui ne
faisaient pas partie de la grande ordonnance (K 69, n» 42 bis).
7. On a vu que l'homme d'armes de la grande ordonnance avait 20 fr.
par mois, en 1445, ce qui ferait supposer une diminution en 1435. En 1447,
des hommes d'armes rerjoivent 13 1. t. par mois (Fr. 26077, n»' 5868, 5872,
5878; Fr. 26078, n» 5961).
PART DE RICHEMOINT DANS LES RÉFORMES 375
Ceux qui ne pourront s'armer comme les gens de la grande
ordonnance et qui auront chacun un cheval et leurs pages rece-
vront 10 francs par mois *.
Celui qui viendra « en habillement de coustilleur », avec un
cheval, aura 5 francs par mois.
Un archer ou arbalétrier armé comme ceux de la grande
ordonnance aura 7 francs et demi par mois.
Un archer ou arbalétrier moins bien armé, mais suffisam-
ment monté, aura 5 francs.
Un homme d'armes à pied * suffisamment armé aura, pour
lui et pour son page ou varlet à pied, le double de la solde d'un
franc archer, c'est-à-dire 8 francs par mois.
Enfin le franc archer ou arbalétrier à pied aura 4 francs '.
Il ne semble pas inutile de rappeler ces dispositions, que les
historiens ont négligées '*. Elles complètent l'ensemble de
mesures qu'on peut désigner sous le nom général de réformes
militaires et prouvent que Charles VII, même après la réorga-
nisation de 1445, fit quelquefois appel aux milices féodales,
c'est-à-dire au ban et à l'arrière-ban ^.
II y aurait injustice à dire que Richemont fut le seul auteur de
toutes ces reformes, mais on a le droit d'affirmer qu'il y eut la
plus large part. Il y travaillait depuis vingt ans. Connaissant
bien l'organisation militaire des Anglais, pour l'avoir étudiée de
près, pendant sa captivité, il avait compris la cause de leur
supériorité; il avait voulu assurer les mêmes avantages à la
France. Il avait fallu sa ténacité, son énergie, son autorité
redoutée pour licencier les anciennes compagnies et rendre
possible l'organisation des nouvelles. Quant aux francs archers,
nul document, nul chroniqueur ne dit qu'il les organisa en
France; mais rien ne paraît plus probable, quand on voit que
cette institution existait déjà en Bretagne ". Après avoir si long-
1. Comme les hommes d'armes de la petite solde ou petite paye (K 69,
n»» n bis, 17 ter).
2. Il y avait donc des gens d'armes à pied. Le P. Daniel dit qu'il n'en
connaît qu'un seul exemple, et il le trouve dans un document anglais
{Milice française, t. I, p. 226-227).
3. Onlonn., XIV, 350-352.
4. Lebeurier, Rôle des taxes de l'arrière-ban du bailliage dEvreux en 1563i,
Paris, Dumoulin, 1861, in-S-, p. 30.
5. Le 10 août 1434, le roi'ordonue au sénéchal du Limousin de faire
armer, avant le 15 août, tous les nobles et autres vivant noblement (K 69,
n" 13). Dunois était chef des arrière-bans de France (Daniel, Milice fran-
çaise, I, 203).
6. On en peut déjà constater l'ébauche dans un mandement de Jean V
pour faire armer les gens du commun, outre les nobles (20 mars 1425). Le
nom de Richemont se trouve au bas de ce mandement. Revenu eu Bre*
376 PART DE RICIIEMONT DANS LES RÉFOllMES
temps souffert de la mauvaise organisation de l'armée, lui qui en
avait plus que tout autre la responsabilité, il était parvenu à y
remédier, et certes ce n'est pas là le moindre des services qu'il
a rendus à la France. Désormais, elle allait avoir une armée;
auparavant, elle n'avait que des bandes indisciplinées et pillar-
des. En 1439, J. Jouvenel des Ursins s'écriait en s'adressant à
Charles YII : « On dit que vos gens sont bien appriz à piller et
rober le peuple, et les ennemis à faire guerre en toutes
manières Hélas! sire, la multitude de gens ne fait pas les
victoires, mais l'exercite. Voz ennemis se exercitent tous les
jours, et vos gens pillent et robent et destruisent le peuple *. »
On verra bientôt si la nouvelle armée française est toujours
inférieure aux vieilles troupes de l'Angleterre.
tagne depuis quelques années, il avait saus doute engagé son frère à
imiter ce qu'il avait vu en Angleterre {Preuves de l'/iist. de Bref.., II,
col. 1166-1167). 11 y avait aussi en Bretagne des compagnies d'ordonnance
organisées comme celles qui furent créées en France en 1445. Ces compa-
gnies et ces francs archers élus sont mentionnés d'une manière très pré-
cise dans une ordonnance de Pierre il, duc de Bretagne, en date du
20 mars 1430 [Preuves de Vhist. de Bret., II, col. 1535-1357), et surtout
dans un registre de la chancellerie de Bretagne (Registre de 1466-1467,
fo» 10 et suiv., aux Arch. de la Loire-Inf.). Si les registres précédents n'avaient
pas été détruits ou perdus, ils auraient sans doute fourni d'autres docu-
ments semblables. En 1460, il y avait en Bretagne un grand maître de
l'artillerie, capitaine général des francs archers et arbalétriers du duché
de Bretagne, « aux gaiges et profits qui estoient au temps des ducs
Pierre et Artur » ^Reg. Turnus Brutus, f» 130 v).
1. Fr. 3022, P 20 v.
CHAPITRE VI
GILLES DE BRETAGNE (1443-1449)
Gilles de Bretagne, neveu de Ricliemont. — Son caractère. — Gilles est
envoyé par son frère François l""^ en Angleterre, où il s attache à Henri VI.
— Revenu en Bretagne, il se brouille avec François I"' et noue des
relations avec les Anglais. — Richemont réconcilie François !<"' et Gilles.
— La querelle recommence. — François V' se rapproche de Charles VII,
qu'il excite contre Gilles. — Machinations contre Gilles. — Il est arrêté.
— Intervention inutile de Richemont, qui défend son neveu. — Capti-
vité de Gilles. — lutervcntion de Henri VI. — Richemont réconcilie
François I" et le comte de Penthiôvre. — Les Anglais veulent délivrer
Gilles, — lis prennent Fougères. — Le duc de Bretagne s'allie avec
Charles VII. — Gilles s'adresse à Charles VII. — Perfidie de François I".
Gilles est étranglé.
Après la campagne de Lorraine, Richemont conduisit à Par-
thenay sa femme, Catherine de Luxembourg. La trêve lui faisait
quelques loisirs, dont il voulait profiter pour réparer les forti-
fications de Parthenay, de Fontenay-le-Comte et de Youvant.
Pour cela, le roi lui avait accordé le droit de lever, pendant dix
ans, une taxe extraordinaire sur ces villes '. Il eut bientôt de
plus graves soucis. Une querelle qui prenait des proportions
alarmantes s'était élevée entre ses neveux, François et Gilles de
Bretagne. François I®"", qui avait succédé sur le trône ducal à son
père Jean V, avait, comme lui, un caractère indécis, ombra-
geux, dissimulé, peu loyal et peu susceptible de sentiments géné-
reux. Gilles, troisième fils de Jean Y, possédait, dit-on, de
grandes qualités de cœur, avec un esprit ardent et porté à
l'exaltation. Les deux frères avaient longtemps vécu en bonne
intelligence. Leur inimitié se déclara vers l'époque de la trêve
de Tours, c'est-à-dire quand le duc François, n'ayant plus à
craindre l'Angleterre, puisqu'il était compris dans le traité, se
1. Voy. Append. LXXXVII.
378 GILLES DE BRETAGNE SE BROUILLE AVEC SO?J FRÈRE (1444)
rapprocha de Charles VII, dont l'alliance lui paraissait désor-
mais plus avantageuse que celle de Henri VI. L'année précé-
dente, ayant sollicité la restitution du comté de Richemont,
il avait, dans ce but, envoyé son frère Gilles en Angleterre.
Il savait bien qu'il ne pouvait faire un meilleur choix ^ En
effet, Gilles avait été élevé en Angleterre, avec Henri VI, qui
lui gardait une grande affection et qui lui donna une pension
de mille marcs, avec de riches présents *.
Cette amitié, ainsi ravivée, exploitée par les démarches de
François lui-même, tourna au détriment de son frère. Char-
les VII, considérant la conduite de Gilles comme un acte de
félonie, confisqua les terres d'Ingrande et de Champtocé
(28 août 1443) ', qu'il avait reçues en partage de son père Jean V.
Celui-ci les avait achetées jadis au maréchal de Raiz, * et le roi,
après les avoir enlevées à Gilles de Bretagne, en fit don à l'ami-
ral Prigent de Coctivy ^, qui avait épousé, en 1441, Marie de Raiz,
fille unique du maréchal.
Gilles, revenu en Bretagne (janvier 1444) ", demanda vaine-
ment un autre partage. François, qui se rapprochait alors de
Charles VII, parut même approuver les motifs de la confiscation,
comme s'il n'avait pas, tout le premier, poussé Gilles à recher-
cher Famitié des Anglais. D'ailleurs le duc était excité par des
favoris dont son frère était l'ennemi déclaré, tels que Artur de
Montauban, maréchal de Bretagne, Jean Hingant, capitaine des
gardes, et Jacques d'Epinai, évêque de Saint-Malo ''. Ils mirent
tout en œuvre pour envenimer la querelle entre les deux frères.
Artur de Montauban ne pouvait pardonner à Gilles d'avoir
épousé la plus riche héritière de Bretagne, Françoise de Dinan,
qu'il avait lui-même demandée en mariage *.
1. Proceedings, VI, Préface, p. m et p. 7-12.
2. Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1361, 1364. Proceedings, t. V, 16-19.
En 1443, Henri VI lui donne une pension de 2 000 nobles (Rymer, V, 1'^ partie,
128; voir aussi Rolls of Parliament, IV, 436).
3. J. Stevenson, I, 439-441. Rymer, t. V, l""» partie, p. 128. Preuves de
l'hist. de Bretagne, II, col. 1362. Ces terres relevaient du duché d'An|ou
(D. Lobineau, I, 624-625).
•4. Les ducs de Bretagne curent, à cause de Champtocé, de longues con-
testations avec René d'Anjou (Lecoy de La Marche, Le roi René, I, 221).
5. Le 22 avril 1443, Charles VII donne à Prigent de Coëtivy les biens de
Gilles de Raiz, qui avaient été confisqués. Le 12 mai 1443, il lui donne
Taillebourg, où fut élevée, sous sa garde, Marie, fille du roi et d'Agnès
Sorel (Xia 8605, f" 90; Vallet de V., Uist. de Charles VII, t. III, 14 et note 1 ;
Anselme, VII, 842-844; Pièces orig., t. 797, dossier Coetivy, n»' 25 et
suiv.; Fr. 26078, n» 6057).
6. Proceedings, V, 24.
7. Le Baud, 492.
8. Françoise n'était encore qu'uae enfant. On prétendit plus tard que
RICIIEMO!ST LES RÉCONCILIE (1445, OCT.) 379
Poussé à bout par les mauvais procédés de son frère, le jeune
prince eut le tort de chercher aide et protection auprès des
Anglais. Ceux-ci, qui ne pouvaient voir sans dépit le duc de
Bretagne abandonner leur alliance, accueillirent avec empresse-
ment les plaintes de Gilles et lui promirent leur secours. Ils
attisèrent son ressentiment ; ils lui inspirèrent des idées de
révolte et de vengeance. Il s'établit ainsi entre eux et Gilles des
relations suivies *, qui n'échappèrent pas à la vigilance de ses
ennemis. Ils saisirent des lettres dans lesquelles Gilles demandait
l'intervention du roi d'Angleterre et allait jusqu'à lui offrir ses
services et ses places en Bretagne *. Il s'était retiré au château
du Guildo ^, qui appartenait à sa femme, pour être plus près
de la Normandie et des Anglais (mars-oct. 1445).
Richemont, informé de ce qui se passait, vint alors en Breta-
gne, pour réconcilier les deux frères (octobre 1445). Il aimait
Gilles, et ce n'était pas sans un véritable chagrin qu'il le voyait
engagé dans une voie aussi périlleuse. Le duc accueillit le conné-
table avec déférence et ne refusa pas d'entendre les explications
de Gilles. Celui-ci, encouragé par les conseils et par la présence
de son oncle, vint trouver François P*" à Rieux *. Là, il com-
parut, le 19 octobre, devant un conseil présidé par le con-
nétable, mais dont faisaient aussi partie ses ennemis, J. Hingant
et A. de Montauban. Après des explications embarrassées, il
implora son pardon, en se soumettant à toutes les conditions
qu'on lui voudrait imposer. Le duc lui reprocha durement sa
félonie et son crime. Enfin il consentit à lui pardonner, mais il
exigea qu'il remît sa femme entre ses mains, quUl cessât toute
relation avec les Anglais, qu'il vînt résider à la cour de Bretagne
et qu'il s'engageât à n'en point sortir sans permission ^.
Gilles l'avait enlevée et détenue au Guildo {Preuves de Vhist. de Bret., II,
col. lo22). Artur de Montauban fut accusé d'avoir voulu perdre Gilles
pour épouser sa femme (voir le procès criminel du maréchal de Gyé en
lôOo, aux Arcb. de la Loire-Inférieure, cass. 8i, E, 192). Artur de Montauban
était fils de Guillaume de Montauban et de Bonne Visconti (A. du Paz,
llist. généal. de plusieurs maisons illustres de Bretagne, Paris, 1620, iu-f"»,
p. 461-462).
1. Lettres de Th. Hoo, chancelier de France pour Henri VI, et de Rob.
Roos, à Gilles de Bretagne {Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1397-1398 ;
voir aussi col. 1380). — Lettres de M. Golh (col. 1388). — Lettre du comte
de Buckingbam (col. 1392).
2. Henri VI écrivait aussi à Gilles (Preuves de rhist. de Bret., H, col. 1391).
3. G. de Matignon, arrondissement de Dinan. On voit encore les ruines
imposantes de cette forteresse {Esquisses historiques sur la Bretagne, Rennes,
1829, in-40, p. 3-7).
-i. C. d'Aliaire, arrondissement de Vannes.
5. Preuves de Chist. de Bret., II, col. 1387.
380 LA QUERELLE RECOMMENCE (1446)
Le connétable, content d'avoir apaisé celte querelle, fit venir à
Nantes sa femme, que le duc et la duchesse désiraient connaître.
La nouvelle comtesse de Richemont fut reçue avec l'empresse-
ment le plus amical (décembre 1445); le duc donna des fêtes en
son honneur; il lui offrit des colliers d'or, des diamants ^ Avant
de quitter Nantes, le connétable détermina son neveu François
à fonder une maison de chartreux dans cette ville, et il contribua
lui-même aux frais de cette fondation -. Il regagna ensuite sa
résidence favorite de Parthenay.
Cependant la réconciliation entre le duc et son frère n'était
qu'apparente. Gilles, ayant obtenu la permission de retourner
au Guildo, chercher sa femme, ne voulut plus revenir. Il savait
que le roi Henri VI avait intercédé en sa faveur ^, qu'il avait
enjoint à son chancelier et à ses autres officiers de lui offrir leurs
services. Croyant pouvoir compter sur les Anglais, il ne sut pas
résister à leurs excitations et à leurs promesses '*. Il s'imagina
qu'il pourrait ainsi obtenir de son frère le nouveau partage qu'il
réclamait ^, car, s'il avait eu l'intention de se révolter, rien n'eût
été plus facile pour lui que de se retirer en Normandie, comme
les Anglais l'y invitaient ''. Ses ennemis ne l'en accusèrent pas
moins de rébellion et poussèrent le duc à se mettre en garde
contre des attaques imaginaires. Gilles étant soutenu par
Henri YI, le duc se rapprocha davantage du roi de France. Déjà,
lors de la trêve de Tours, il avait fait un grand pas dans cette
voie. Il se décida donc à lui rendre l'hommage qu'il avait différé
depuis plus de trois ans.
La cérémonie eut lieu à Chinon, le 14 mars. Le connétable y
assistait, avec G. de La Trémoille, qui allait mourir un mois et
demi plus tard ^ François I"fît hommage simple pour le duché
1. Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 139i-I39o. Le comte et la comtesse
de Richemont reçurent des étrennes du duc de Bretagne, le !«■■ jauv. 1446
(col. 1393). Gilles lui-même reçut aussi des présents (ibidem).
2. Arch. de la Loire-Inf. Reg. Turnus Brulus, I, f"' 92, 13o, 183 v».
3. Lettre du 2o octobre 1445 {Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1391).
Charles VII était alors en pourparlers avec Henri VI pour la conclusion
de la paix. Il lui avait envoyé une ambassade qui comprenait aussi des
Bretons (J. Stevenson, I, 87-133, 163). Le duc de Bretagne était toujours
considéré comme allié des Anglais. 11 sollicitait même la restitution du
comté de Richemont, et Henri VI lui répondait, le 14 juin 1446, qu'il devait
venir, pour cela, rendre hommage eti personne, et non par procureur
(Arch, de la Loire-Infér., cass. 48, E, 122; Fr. 26073, n» 3231).
4. Lettres de Th. Hoo (23 janvier) et de M. Goth (26 janvier 1446) à
Gilles {Preuves de l'Hist. de Bret., II, col. 1397-1398).
5. Idem, col. 1394-1397.
6. Lettres de Th. Hoo et de Robert Roos, 3 mai et 6 juin {Idem, col.
1400-1402).
7. D. Lobineau, II, col. 1081; J 243, n» 103 i, 2. 3, 4. Arch. de la Loire-
FRANÇOIS I'^"" SE RAPPROCHE DE CHARLES VII (1446) 381
de Bretagne et hommage-lige pour les terres qu'il avait en
France. Charles VII ne négligea rien pour s'attacher ce grand
vassal, qui pouvait rendre tant de services aux Anglais s'il fût
resté leur allié. Il lui accorda des lettres d'abolition pour lui et
pour tous les siens, y compris le connétable, afin qu'on ne pût
incriminer aucun de leurs actes antérieurs; il cassa un ajourne-
ment donné au duc de Bretagne devant le parlement de Paris, à
la requête du comte de Penlhièvre * ; enfin, comme le duc n'avait
pas d'hôtel à Paris, il lui fit présent de l'hôtel de Nesle % qui
avait appartenu au duc de Berry (mai 144()).
François I*""" resta plus de deux mois à la cour, où la conduite de
Gilles fut examinée avec plus d'animosité que d'indulgence. Le
connétable eut beau plaider en sa faveur et demander qu'on n'eût
pas recours aux moyens extrêmes, Gilles n'en fut pas moins con-
sidéré comme un traître allié des Anglais, tout disposé à les
introduire en Bretagne ' et tramant des complots dangereux à
la fois pour son frère et pour le roi de France. Ceux qui avaient
intérêt à le perdre convainquirent Charles VII aussi bien que le
duc; d'ailleurs ils trouvèrent à la cour des auxiliaires puissants,
comme l'amiral de Goëlivy et Pierre de Brézé, qui n'aimait pas
Richemont '*. L'arrestation de Gilles fut secrètement résolue entre
eux; mais, afin d'écarter les soupçons du connétable, le duc
parut se prêter à une nouvelle tentative de réconciliation. Il
écrivit à Gilles, pour lui affirmer qu'il était prêt à s'entendre avec
lui et pour l'engager à venir, soit à la cour, soit dans tout autre
lieu de son choix, où se trouverait aussi le connétable. Celui-ci
écrivit de même à son neveu, pour lui donner les plus sages con-
seils et le tirer de son égarement.
Ce fut J. Hingant que le duc chargea de porter ces deux let-
Inférieure, cass. 33, E, 90. G. de la Trémoille mourut le 6 mai 1446. Il
souffrait depuis longtemps de la goutte et d'un coup qu'il avait reçu à la
jambe gauche (X^» 22, au 2 juillet 1442).
1. Lettres du 16 mars 1446, dans les Preuves de l'hist. de Bret., II, col. 1400,
et, d'une manière plus complète, dans JJ 177, f» 116, et Arch. de la Loire-
Inférieure, cass. 94, E, 94. Le roi de Sicile et le comte de Penthièvre
s'opposèrent à l'entérinement de ces lettres (X^» 24, au mardi 14 mars
1446, a. st.).
2. Lettres du 20 mai 1446 dans JJ 177, fo 150, n» 227.
3. Berry, 429.
4. A celte époque, P. de Brézé luttait contre les redoutables intrigues
du Dauphin, qui avait pour lui la plupart des princes. Dans cette situation,
Brézé tenait d'autant plus à plaire au duc de Bretagne, qui ne faisait pas
cause commune avec ses ennemis (de Beaucourt, Le caractère de Charles VU,
dans la Revue des questions historiques, t. XIV, p. 99). P. de Brézé était
alors en grande faveur. Il était sénéchal du Poitou, capitaine des châteaux
de Poitiers, de Niort et de Nîmes (Fr. 26074, n<" 5273, 5514, 5524, 5525).
382 MACHINATIONS CONTRE GILLES. SON ARRESTATION (1446)
très au Guildo. Le choix d'un pareil messager suffirait seul à
montrer la perfidie de cette prétendue démarche. L'arrivée de
Hingant (21 juin), l'humilité affectée^ peut-être provocatrice, de
son attitude et de son langage produisirent sur Gilles l'effet qu'on
en pouvait attendre. Surexcité par la colère, il s'emporta en
reproches violents, en menaces inconsidérées, dont Hingant exa-
géra encore l'expression dans une lettre qu'il adressa, de Rennes,
au duc de Bretagne (23 juin) K Tanguy, fils bâtard de Jean Y,
témoin attristé de cette scène, eut grand'peine à calmer le mal-
heureux Gilles. Ensuite, il lui fit envisager sa faute et le déter-
mina même à envoyer au duc ses excuses ; mais celui-ci ne voulut
rien entendre. Il écrivit au roi pour l'informer de ce qui s'était
passé au Guildo, en le priant de faire arrêter Gilles.
S'il est vrai que cette arrestation eut lieu dès le dimanche
26 juin ^ il faut bien supposer qu'elle avait été prévue et prépa-
rée de longue main. En tout cas, l'amiral de Goëtivy, ennemi de
Gilles *, Pierre de Brézé et son lieutenant Regnault de Dresnay
se rendirent promptement au Guildo, avec une nombreuse com-
pagnie de gens d'armes. Ils s'attendaient à une vive résistance.
Malgré les avertissements réitérés des Anglais, qui le pressaient
de s'enfuir, Gilles était resté au Guildo. Quand Regnault de Dres-
nay se présenta, au nom du roi, il fît, sans hésitation, ouvrir les
portes. On l'emmena aussitôt à Dinan, où s'était rendu le duc de
Bretagne. Sa femme et sa belle-mère, arrêtées avec lui, furent con-
duites auprès de la duchesse *.
Toute cette affaire avait été tenue si secrète que Richemont
n'en avait rien su. Le départ des troupes ayant éveillé ses soup-
çons, il alla trouver le roi et apprit de lui ce qui se passait. Inca-
1. Preuves de rhist. de Bretagne, II, col. 1378-1380. Les termes de cette
lettre paraissent avoir été calculés pour exciter contre Gilles le conné-
table lui-même. D'après J. Hingant, Gilles aurait dit qu'il ne se fiait pas
au connétable, qu'il n'avait jamais rien valu, qu'il le considérait comme
son ennemi mortel, etc. D'après la déposition du bâtard Tanguy, Gilles
aurait seulement dit que Richemont « ne lui avoit voulu oncques bien ».
Un autre témoin, Gardinet Le Frère, contredit aussi sur d'autres points la
lettre de J. Hingant (col. 1408 et suiv.).
2. Le Baud, 492. Le 23 juin, G. Roskill écrit à Gilles pour l'avertir que
le duc de Bretagne fait des préparatifs contre lui. La réponse de Charles VII
au duc de Bretagne est du 29 juin, mais elle ne prouve pas que les troupes
royales n'étaient pas parties auparavant, comme le fait remarquer D. Tail-
landier {Pi-euves de rhist. de Bret., II, col. 1404).
3. Prigent de Goëtivy, héritier du maréchal de Raiz (X*» 4800, f»' 100,
120, etc.), tenait à conserver les terres qui appartenaient jadis au maré-
chal et que Jean Y avait données à Gilles de Bretagne (voy. ci-dessus,
p. 378 et note 5).
4. Berry, 429.
RICHEMONT INTERVIENT EN FAVEUR DE GILLES (1446) 383
pable de contenir son irritation, il osa reprocher au roi de «vou-
loir ainsi destruire la maison de Bretagne » * et d'envenimer la
querelle entre les deux frères, quand il était possible de l'apaiser.
L'indignation et la douleur donnaient tant de force à ses paro-
les, que Charles en fut ému. a Beau cousin, dit-il, pourvoyez-y,
et faites diligence, ou, autrement, la chose ira mal -. » Le conné-
table partit en grande hâte. Il craignait de trouver Gilles aux
prises avec les troupes royales. Quand il sut qu'il ne leur avait
opposé aucune résistance, il ne désespéra pas de le ramener dans
la bonne voie et d'obtenir son pardon. Il alla aussitôt à Dinan et
pria le duc de lui laisser voir son neveu. Amené devant le con-
nétable et devant ses deux frères, François et Pierre de Breta-
gne, Gilles se mit à genoux et supplia humblement le duc de lui
pardonner. Comme il n'obtenait aucune réponse, Pierre et le
connétable lui-même s'agenouillèrent aussi devant le duc et
implorèrent sa pitié d'une voix altérée par les larmes. Loin
d'être ému par ce spectacle, François ne fit qu'en rire. Alors le
connétable se releva indigné et partit ^.
Il était revenu à Parthenay, quand il apprit que les états de
Bretagne étaient réunis à Redon, pour juger son neveu (août 144G),
Il se rendit à Redon, afin d'assister le malheureux Gilles. Comme
l'arrestation avait été faite par l'ordre du roi, deux de ses con-
seillers, le sire de Précigny et G. Gousinot, furent chargés de
parler en son nom ^. Quand L. de Rohan, chancelier de Breta-
gne, demanda leur avis, ils répondirent que l'affaire n'était pas
instruite, qu'il fallait donner à l'accusé tous les moyens de se
défendre, et qu'enfin, s'il était déclaré coupable, ils conseillaient
au duc la clémence plutôt que la rigueur. Cet avis, auquel l'in-
fluence de Richemont n'était peut-être pas étrangère, fit impres-
sion sur les états. Alors le connétable parla dans le même sens,
avec une émotion si persuasive que l'assemblée, où il avait un
parti nombreux, recommanda aussi Gilles à la clémence de son
frère. Les états se séparèrent ensuite, laissant au duc toute la
responsabilité des mesures qu'il pourrait prendre. Il en garda ran-
cune au connétable et continua ses poursuites contre Gilles, qui fut
retenu dans une sorte de captivité, sous la garde de son mortel
ennemi, le maréchal de Montauban.
Quelques mois plus tard, Richemont dut encore quitter Par-
1. Gruel, 221.
2. Gruel, 221.
3. Gruel, 221.
4. Preuves de Vhistoire de Bretagne, II, col. 1 40i-1405. A cette époque (sep-
tembre), le roi fait de nouvelles concessions au duc da Bretagne (JJ 178,
t' 25).
384 CONDUITE DU DUC DE BRETAGNE, FRANÇOIS I^""
thenay, pour assister à une assemblée que le roi réunit au châ-
teau de Razilly % près de Ghinon, dans le but de délibérer sur
les moyens de mettre fin au schisme, après la mort du pape
Eugène IV (23 février 1447) ^ Le duc de Bretagne et beaucoup
d'autres princes se rendirent aussi à l'invitation de Charles VII ^.
Pendant les conférences, Richemont eut besoin d'aller à Par-
thenay. Quand il revint, après une courte absence, il trouva son
logis occupé par le comte de Nevers *. Le connétable, qui n'était
pas d'un caractère à supporter une offense, obligea le comte à
déguerpir au plus vite.
Le roi les manda tous deux auprès de lui. Le comte de Nevers
se présenta en compagnie du duc de Bourbon et du comte d'Eu.
lUchemont vint seul, avec les officiers de sa maison, sans vouloir
que le roi de Sicile, le comte du Maine et le duc d'Alençon l'ac-
compagnassent. Il soutint fièrement son droit, et, comme le comte
de Nevers disait qu'il n'avait cédé qu'en considération de la charge
de connétable : « Quand même je ne serais qu'Artur de Bretagne,
répondit Richemont, je vous empêcherais bien de me déloger. »
Le duc de Bretagne, qui assistait à cette scène, resta impassible
et ne dit rien pour soutenir son oncle. Beaucoup de seigneurs
blâmèrent cette conduite, et Richemont en fut très froissé; mais
il ne se brouilla pas, pour ce motif, avec son neveu ^ L'in-
1. Aujourd'hui Sazilly, c. de l'Ile-Bouchard, arrondissement de Chinon.
2. II y avait alors à la cour des ambassadeurs anglais, qui conclurent un
traité avec Gliarles VU le 22 février 1447 (M. d'Escouchy, III, 163).
3. II y avait encore, à cette époque, un différend entre Charles VII et
le duc de Bretap;ne, à cause d'un arrêt prononcé le 17 septembre 1446, par
le parlement de Paris, contre des marchands de Rennes. Malgré deux
sommations, le duc refusa l'exécution des lettres d'arrêt et les renvoya au
roi (X2a 26, f">' 38 et suiv. et ci-dessous, la note 5).
4. Jean de Bourgogne, comte de Nevers, qui disputait le comté d'Etampes
aux enfants de Richard, neveu de Richemont (voy. Append. XV).
5. Peu après, le parlement, par leltres du 17 mars, manda au conné-
table de faire exécuter l'arrêt du 17 septembre 1446, sans délai, en telle
manière que le roi fût obéi. Le 29 mars, G. Trouillot, sergent ordinaire
du bailliage de Touraine, alla trouver le connétable à Parthenay et lui
remit l'arrêt, avec des lettres closes du roi. Richemont dit au sergent de
se rendre vers lui, à Nantes, la semaine d'après Quasimodo, <■■ pour veoir
la diligence qu'il feroit d'exécuter ledit arrêt et l'obéissance que feroient
sur ce le duc de Bretaigne et ses conseillers, gens et officiers. » En agis-
sant ainsi, Richemont donnait au roi une grande preuve de dévouement,
car il savait combien les ducs de Bretagne étaient jaloux de leurs privilèges.
G. Trouillot se rendit à Nantes, où était le duc, avec son conseil et les
États de Bretagne. Le connétable réclama l'exécution de l'arrêt, mais elle
lui fut formellement refusée. Alors le roi, par lettres du 4 juillet 1447,
ordonna au parlement de poursuivre l'exécution de l'arrêt par tous les
moyens. Cette affaire durait encore en 1449 (X^a 26, î"» 38-40). Voir ci-
dessus, la note 3.
CAPTIVITÉ DE GILLES. INTERVENTION DE HENRI VI 385
térêt de la France et celui de Gilles lui conseillaient de ménager
le duc de Bretagne *.
Tous les efforts du connétable ne purent néanmoins ramener
François 1'='' à de meilleurs sentiments. Le duc fit continuer
l'instruction du procès et interroger des témoins, notamment le
bâtard de Bretagne, Tanguy, dont la déposition fut beaucoup
moins accablante pour Gilles que la lettre de J. Hingant. Déses-
pérant de réunir des preuves suffisantes pour obtenir une con-
damnation légale, il retint son frère en captivité. D'ailleurs les
tentatives des Anglais pour secourir Gilles tournèrent à son dé-
triment*. Considérant son arrestation comme une infraction à la
trêve, tout au moins comme un acte d'hostilité envers Henri VI,
ils voulurent faire une course en Bretagne. Le duc, effrayé, de-
manda secours au roi et au connétable. Richemont lui amena
des troupes à Redon (septembre 1447) ^, mais il n'eut pas à com-
battre les Anglais, qui se bornèrent à quelques démonstrations
menaçantes.
Au commencement de 1448, le duc de Bretagne s'entendit avec
Charles VII, qui voulait contraindre Henri VI à rendre Le Mans.
Dans un traité, qui fut alors conclu entre les deux rois, le due
fut compris comme sujet et allié de la France. Par une indigne
supercherie, les commissaires anglais substituèrent à la pre-
mière rédaction de l'acte une copie où le duc était mentionné
comme sujet et allié de l'Angleterre *. L'échange des traités se
fît ensuite sans qu'on s'aperçût de cette ruse déloyale ^. Un peu
plus tard, les Anglais fortifièrent Mortain et Saint- James-de-
Beuvron ®, d'où ils pouvaient attaquer la Bretagne (1448).
Vers la même époque, Henri VI, par ses ambassadeurs, inter-
cédait auprès de Charles VII et du duc François en faveur de Gil-
les. Ces démarches, bien accueillies en apparence, étaient, en
réalité, plus nuisibles qu'utiles. Charles VII envoya bien en Bre-
tagne P. deBrézé ', avec un autre commissaire; mais la situation
de Gilles n'en fut nullement améliorée. Le duc s'entendit même
avec l'amiral de Coëtivy et consentit à lui laisser la libre jouis-
1. Gruel, 122.
2. K 68, n» 298. Des serviteurs de Gilles étaient allés en Angleterre
auprès de Henri VI (J. Stevenson, I, 475).
3. 11 était à Redon le 3 septembre (Arcli. des Basses-Pyrénées, E, 64).
4. Henri VI se prévalait toujours des serments faits par Jean V, par ses
frères et par ses fils (Bréquigny, 83, ou Morcau, 707, f<" 7-9 ; Proceedings,
VI, 63).
5. D. Lobineau, I, 631.
6. J. Stevenson, I, 209 et suiv. Append. LXXXVIII.
7. Preuves de rhist. de Bret., II, col. 1412 et suiv. Fr. 20458, f«' 3-5, 9, 15.
Richemont. 25
386 RICHEMONT RÉCONCILIE FRANÇOIS I" ET J. DE BLOIS (4448)
sance des terres d'Ingrande et de Champtocé. Il est vrai que
Goëtivy s'engageait à les échanger contre d'autres terres, et le
duc lui donna d'abord, pour opérer cet échange, la seigneurie
de Bourgneuf-en-Raiz, qu'il avait déjà cédée au connétable.
Celui-ci, moyennant compensation, se prêta volontiers à cet
arrangement ', pour obliger le duc et pour faciliter un autre ac-
cord, auquel il avait beaucoup contribué. En effet, c'est grâce à
Richemont qu'un traité de la plus haute importance était alors
conclu à Nantes entre le duc de Bretagne et Jean de Blois, comte
de Penthièvre (27 juin). Jean.de Blois renonçait à toute préten-
tion sur le duché de Bretagne ; François P'' lui rendait une partie
de ses terres, autrefois confisquées par Jean V, et s'engageait
à lui donner celles de Champtocé, d'Ingrandes et de Palluau,
ou d'autres domaines équivalents *. La réconciliation entre les
Montfort et les Penthièvre était ainsi accomplie. Elle eut lieu à
Nantes, où Richemont avait amené J. de Blois.
Le connétable fut moins heureux dans se3 démarches en fa-
veur de Gilles. D'ailleurs l'insistance et les prétentions des
Anglais lui rendaient cette tâche i'ort difficile. Le roi d'Angle-
terre priait toujours Charles VII d'employer ses bons offices
pour tirer Gilles de prison; en même temps, il affirmait ses
droits de suzeraineté sur la Bretagne et prétendait que ces
droits l'autorisaient à fortifier Saint-James-de-Beuvron. Fran-
çois I", au contraire, se déclarait nettement vassal de la
France '. Des négociations qui eurent lieu à Louviers (août et
novembre) ne purent aplanir ces difficultés; pourtant la trêve
fut encore prolongée jusqu'au mois de juin 1449, et la Bretagne
y resta comprise *.
Quand les Anglais virent que la Bretagne leur échappait et
que toutes leurs sollicitations en faveur de Gilles étaient sans
effet, ils voulurent l'enlever, ou forcer le duc, par quelque autre
1. Richemont eut, en échange, la terre de Carhaix et 300 1. de rentes
sur la recette de Nantes. Arch. de la Loire-Infér. (cass. 1, E [3 pièces du
8 et du 21 mars 1448 a. st. et du 28 avril 1449], et cass. 60, E 155).
2. J 246, n» 114; Duchesne, 70, f»' 185 v» 186. Preuves de Vhist. de Bret.,^
II, col. 1415 et suiv., col. 1424-1427. Le 21 septembre 1448, le duc mande à
Richemont de livrer Palluau au comte de Penthièvre (Arch. de la Loire-
Inf., cass. 71, E, 171; voir aussi Fr. 22327, f» 119). Guillaume de Bretagne,
frère de Jean, prisonnier depuis vingt-huit ans, devait être remis en liberté.
3. Preuves de Vhist. de Bret., II, col. 1429-1430; t. III de Math. d'Es-
couchy, p. 234. Dans la trêve de Tours en 1444, le duc de Bretagne avait
été compris comme sujet du roi de France, avec l'assentiment de
Henri VI , comme le rappelle Jouvenel des Ursins, dans son Traité des
différends entre les rois de France et d'Angleterre (Ms Dupuy XXXV,
fo 148 ; voir aussi Fr. 5037, f 123, et Append. LXXXVIII).
4. Preuves de l'Hist. de Bret., II, col. 1430 et suiv. 1439 et suiv.
LES ANGLAIS A FOUGÈRES. FRANÇOIS I^r s'aLLIE AVEC CHARLES VII 387
moyen, à le mettre en liberté \ C'est alors que François de Sii-
rlenne, dit l'Aragonais, capitaine au service de Henri VI, s'em-
para traîtreusement de Fougères, pendant la trêve (mars 1449) *.
Quand les envoyés de Charles VII demandèrent réparation, il
leur fut répondu que la prise de cette place n'était qu'une juste
représaille de l'arrestation de Gilles et que, si le duc de Bretagne
voulait s'adresser directement à son suzerain, le roi d'Angleterre,
il serait facile de s'entendre ^. Rien ne pouvait être plus funeste
au protégé de Henri VI que cette manière de le secourir.
Le roi de France et le duc de Bretagne en furent indignés.
Ils conclurent, le 17 juin 1449, une ligue offensive et défensive
contre l'Angleterre *. Déjà Charles VII avait recommencé la
guerre sur plusieurs points; le duc se préparait à y prendre
part, et ainsi cette querelle entre François et Gilles, devenue, au
fond, une lutte entre l'influence française et l'influence anglaise
en Bretagne, occasionna la rupture de la trêve de Tours ^
Ce dernier résultat ne pouvait être qu'agréable à Richemont.
Il adhéra au traité du 17 juin avec empressement, ainsi que les
autres princes de sa famille ''; mais la politique n'étouffait pas
en lui les affections de famille et les sentiments d'humanité. C'est
sans doute par son entremise que Gilles avait fait parvenir jus-
qu'au roi une supplique, où il divulguait les traitements odieux
dont il était l'objet dans sa prison, au château de Moncontour \
Un chambellan du roi, Guillaume de Rosnyvinen ^, qui s'était
1. J. Stevenson, I, 281. Fr. 4034; f» 111.
2. Le 23 ou le 24 mars, d'après les Preuves de l'hist. de Bretagne, II,
col. 1475. Voir aussi Math. d'Escouchy, t. III {Preuves), p. 243 et suiv. ;
la Ballade de Fougères, dans Alain Chartier, p. 717-720; D. Delaunay,
Etude sur Alain Chartier, p. 113 et suiv.; Martial d'Auvergne, t. Il, p. 1-3;
Chro7iique Martinienne, f»» cclxxxix-ccxc, et ci-dessous, au chap. VIII,
p. 394, la prise de Fougères, et Appendice LXXXVIII.
3. Hist. de Bretagne, II, 22, 23, et Preuves, II, col, 1473, 1491-1492, 1496.
4. M. d'Escouchy, III, 239-242; Fr. 5037, f»' 124-123; P7-euves de l'hist.
de Bret., II, col. 1451 et suiv. 1508-1510. Le premier document donne la
date inexacte du 27 juin et le second celle' du 17. Le traité fut signé à
Rennes par le bâtard d'Orléans, l'amiral de Coëtivy, Richemont, etc., le
17 juin, et il fut ratifié le 27, par le roi, aux Roches-Tranchelion (le 26,
d'après un document des Arch. de la Loire-Infér., cass. 34, E, 94). Voir
aussi Fr. Léonard, Recueil des traitez de paix, Paris, 1693, in-4», I, 46-47 ;
M. d'Escouchy, I, 162; D. Lobineau, Hist. de Bret.. Il, 1101.
5. Rolls of Parliament, V, 179.
6. Le vicomte de Rohan, les comtes de Laval, de Porhoet, etc. (Fr. 5037,
f" 123; Preuves de l'hist. de Bretagne, II, 1434).
7. Arrond. de Saint-Brieuc.
8. Premier échanson du roi, en remplacement de Jean de Rosnyvinen.
son oncle. {Preuves de l'histoire de Bretagne, II, col. 1409). Il lui avait
succédé le 16 janvier .1447.
388 GILLES s'adresse a CHARLES VII. PERFIDIE DE FRANÇOIS l'^»"
chargé de remettre la supplique, plaida la cause de Gilles avec
t«nt de chaleur que Charles en fut touché. 11 promit de de-
mander grâce pour ce jeune homme, pilus malheureux que cou-
pable. C'était à l'époque où ses ambassadeurs, Dunois, l'amiral
de Coëtivy, Bertrand de Beauvau, Etienne Chevalier, allaient
en Bretagne conclure le traité d'alliance avec le duc. Il les
chargea de solliciter la grâce de Gilles. Richemont, qui était
venu à Rennes, prendre part aux négociations, redoubla d'ef-
forts pour sauver son neveu. Le duc finit par céder ou, du
moins, feignit de céder, et l'amiral fut chargé d'aller lui-même
à Moncontour délivrer le prisonnier.
Faut-il admettre que Coëtivy était d'accord avec François !«''
pour jouer une indigne comédie? qu'il avait été gagné par les en-
nemis de Gilles et qu'il favorisa leurs criminelles intrigues ? Quoi
qu'il en soit, le duc, après avoir fait grâce, défendit d'élargir son
frère, en prétextant une lettre du roi d'Angleterre, qu'il aurait
découverte. Dans cette prétendue lettre, Henri YI menaçait le duc
de faire envahir ses États, s'il ne voulait remettre entre ses mains
Gilles de Bretagne, chevalier de son ordre et connétable d'Angle-
terre 1. On n'examina même pas si cette pièce suspecte n'était pas
l'œuvre d'un faussaire, et Richemont eut le chagrin d'échouer,
au moment même où il croyait avoir réussi. Il partit peu après,
avec le duc, pour aller combattre les Anglais, mais il ne cessa
pas de s'intéresser à la situation de son neveu.
En vain le malheureux Gilles implorait la pitié de son frère.
Aux lettres touchantes et soumises qu'il lui adressait, ses enne-
mis en substituaient d'autres, pleines de menaces et d'injures.
Ils essayèrent de le faire périr de faim, dans une chambre basse
du château de la Hardouinaie ^, où on l'avait transféré pour le
garder plus étroitement; mais une vieille femme, attirée par ses
lamentations, parvint à lui faire passer du pain et de l'eau. Ses
souffrances étaient si intolérables qu'il en vint jusqu'à prier son
frère de le faire mourir, s'il ne voulait pas lui permettre de se
défendre. Le duc eut la cr.uauté de lui répondre qu'il ne le vou-
lait pas faire mourir, mais que, s'il jugeait à propos de se tuer
lui-même, il s'en rapportait à lui ^î
Jean et Artur de Montauban, secondés par le chancelier de Bre-
tagne L. de Rohan,sire de Guéméné Guingamp, qui avait épousé
1. Cette charge lui avait été offerte, mais il l'avait refusée (D. Lobi-
neau, I, 626).
2. Au milieu de la forêt de la Hardouinaie, canton de Merdrignac, arrond.
de Loudéac (Voir Esquisses histor. sur la Bretagne, Rennes, 1829, in-4»,
pages 7-9).
3. Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1352.
GILLES EST ÉTRANGLÉ (14o0, 25 AVRIL) 389
une nièce d'Artur, voulurent achever leur œuvre criminelle. Le
chancelier rédigea la sentence de mort, et, comme le garde des
sceaux, Eon Baudoin, ne voulait pas participer à cette iniquité,
il le destitua et scella lui-même l'arrêt.
Richemont, étant venu, sur ces entrefaites, à Dinan, apprit ces
abominables machinations. Il paraît qu'il en fut instruit par le
maréchal de Montauban lui-même *, soil que celui-ci eût cédé à
de séduisantes promesses, ou à de véritables remords, soit qu'il
eût simulé un repentir hypocrite, pour échapper à une responsa-
bilité redoutable.
Le connétable s'emporta contre son neveu en reproches véhé-
ments. Cette scène ne fit qu'irriter le duc et les autres ennemis
de Gilles. Ils n'en furent que plus acharnés à sa perte, et Riche-
mont resta tout aussi impuissant à le sauver. D'ailleurs, il fut
obligé de partir pour le Gotentin, où les Anglais étaient des-
cendus (mars 1450). Après son départ, les scélérats ^ qui étaient
chargés de faire périr Gilles lui donnèrent d'abord du poison. Il
n'en mourut pas, tant sa constitution était robuste. Toutefois, il
était très affaibli par les privations, par les souffrances physi-
ques et morales qu'il avait endurées. Il fut étranglé dans son
lit, pendant la nuit du 24 au 25 avril 1450 ^.
Dix jours auparavant, le connétable avait remporté une vic-
toire décisive à Formigny. Les assassins osèrent dire que la dé-
faite des Anglais avait causé à Gilles un désespoir si profond,
qu'il avait refusé toute nourriture et s'était laissé mourir de
faim. Ainsi cette sympathie pour l'Angleterre, qui avait été une
des principales causes de sa perte, fut exploitée contre lui, même
après sa mort. Le triomphe du parti français en Bretagne fut
assombri par ce forfait. Quand Richemont en reçut la nouvelle,
il était devant Avranches, avec le duc. Il éprouva une si vive
douleur qu'il ne put contenir l'expression de son courroux et
de son mépris. L'armée entière partagea ce sentiment, et si, dans
ce drame lugubre, on trouve plus d'un point obscur, il est cer-
tain que le duc de Bretagne a encouru, plus qu'aucun de ses
complices, la réprobation de ses contemporains et celle de la
postérité ^.
1. D. Lobineau, I, 640.
2. J. Rayart, Rob. Roussel, Oliv. de Meel, J. de La Ghèse, etc.
3. Les religieux de l'abbaye de Boquen lui donnèrent la sépulture
dans^leur église (Boquen ou Bosquen, dans la paroisse de Plénée-Jugon,
arrond. de Dinan). Voir Esquisses hist. sur la Bretagne, p. 9-H ; Ogée, Dict.
histor. et géog. de la Bretagne, Rennes, 1843, in-4o, t. I, 94). ■
4. D. Taillandier {Hist. de Bretagne, II, 32, 34, 35) accuse le duc de Bre-
tagne et Arthur de Mautauban de la mort de Gilles. Voir aussi D. Lobi-
390 GILLES EST ÉTRANGLÉ (1450, 25 AVRIL)
neau, I, 642-643. Sur Gilles de Bretagne, voir D. Taillandier, Hist. de Bre-
tagne, II, 3-33 ; D. Lobineau, I, 624 et suiv. ; Alain Bouchard, édit. goth.
de 1531, f°^ cLxxx-CLXXxvii ; Gruel, 221-22S; J. Ghartier, I, 228-231; Archives
du marquis du Hallay-Coétquen, Paris, 1851, in-8o, p. 7, et notice, p. xi;
Anat. de Barthélémy, Mélanges histor. et archéol. sur la Bretagne, III, 50; J.
Geslin de Bourgogne et A. de Barthélémy, Les anciens évéchés de la Bre-
tagne, Paris et Saint-Brieuc, 1855, et suiv., t. III, p. 318-331 ; voir à la p. 322
une lettre de Gilles au duc de Bretagne.
CHAPITRE VÏI
LE RECOUVREMENT DE LA NORMANDIE (1449-1450)
Différend avec l'Angleterre, qui ne veut pas rendre le Maine. — Riche-
mont fait capituler Le Mans. — Nouveaux différends. — Les Anglais
surprennent Fougères. — Représailles de Charles YIL — Il déclare la
guerre à l'Angleterre. — Le connétable prend Saint-James- de-Beuvron
et Mortain. — La conquête de la Normandie est décidée. — Richemont
entraîne le duc de Bretagne. — Ils attaquent le Cotentin, font capi-
tuler Coutances, Saint-Lô, Carentan, le Pont d'Ouve, Valognes, etc. — Le
connétable prend Gavray, que le roi lui donne plus tard. — Reprise
de Fougères. — Succès de Danois dans la Haute-Normandie. — Char-
les VU entre à Rouen. — Th. Kyriel débarque à Cherbourg avec une
armée. — Richemont ne peut entraîner le duc de Bretagne. — Les
Anglais font capituler Valognes. — Le comte de Glermont arrive, avec
une armée française. — Th. Kyriel passe le Grand-Vey et s'avance vers
Bayeux. — Le comte de Clermont l'attaque près de Formigny. — Ba-
taille de Formigny. L'arrivée du connétable empêche une défaite et
détermine la victoire. — Il fait ensuite capituler Vire et se joint au duc
de Bretagne pour assiéger Avranches. — Capitulation d'Avranches et
de Tombelaine. — Le duc de Bretagne malade se retire. — Capitulation
de Saint-Sauveur-le-Vicomte, de Briquebec, de Valognes. — Richemont
va au siège de Gaen. — Il est prêt à donner l'assaut. — Capitulation
de Gaen. — Le connétable termine, par la capitulation de Cherbourg,
la conquête de la Normandie.
Quand Gilles de Bretagne fut assassiné (25 avril 1450), il y
avait près d'un an que Charles VII avait recommencé la guerre
contre les Anglais. La querelle entre François I" et son frère, la
rupture définitive entre la Bretagne et l'Angleterre avaient été
les principales, mais non les seules causes de celte reprise des
hostilités. Les ravages réciproques des garnisons anglaises et
françaises, des courses sur terre et sur mer, des prétentions rela-
tives à des territoires contestés avaient soulevé de continuels dif-
férends et donné lieu, pendant cinq années, à d'interminables
négociations (1444-1449). La trêve de Tours avait été renouvelée
392 DIFFÉREND AVEC l'ANGLETERRE, AU SUJET DU MAINE
plusieurs fois par des conventions successives *. On n'a pas oublié
que le roi d'Angleterre avait pris l'engagement de restituer le
Maine aux princes d'Anjou. Cette clause du traité, ainsi que le
mariage de Henri VI avec Marguerite, avait soulevé en Angle-
terre un mécontentement général. L'impopularité de la reine et
celle du premier minitre, Suffolk, la mort mystérieuse de leur
ennemi, le duc de Glocester (1447), créaient au gouvernement
anglais une situation si difficile qu'il n'osait tenir ses engage-
ments. Pendant quatre ans il retarda, par des prétextes et des
subterfuges, l'évacuation du Maine *.
Quand le roi de France fut las de conclure des conventions qui
n'étaient pas exécutées, il se décida enfin à résoudre la question
par les armes.
Il s'entendit avec le duc de Bretagne, pour enlever aux Anglais
tout appui de ce côté; il appela le connétable à Tours, et on
organisa une armée de six à sept mille hommes. Gh. d'Anjou,
Dunois, Pierre de Brézé, le maréchal de Jaloignes ^, l'amiral de
Goëtivy marchèrent sur Le Mans et se logèrent dans les faubourgs,
le 13 février 1448. Eyton * et Mathieu Goth ^ essayèrent encore de
gagner du temps en pourparlers ; mais Mundeford ** ayant voulu
tomber, avec ses troupes, sur les commissaires français, pendant
la conférence '', il fallut renoncer à s'entendre et commencer les
travaux de siège ^. Pendant ce temps, le roi s'avançait jusqu'à
1. Sur ces négociations et traités, voir : J. Stevenson, I, 87, 153, 171,
183; II, 368; Math. d'Escouchy (édit. de Beaucourt), III (Preuves), 153-167;
Berry, 428-429; Bréquigny, t. 82 (Moreau, 706), f»" 279-281; Arch. de la
Loire-Iafér., cass. 48, E, 122; Arch. des aff. étr., t. 362, f»» 91-98; K 68.
n«s 123,4, 1819, 23; Fr. 4034, {"s 25-28, 38, 45-57; Fr. 26076, no' 5653, 5676.
2. J. Stevenson, II, 361, 638, II, 2" partie, 634-710, 715, 719; T. Basin, IV,
286; Math. d'Escouchy, III, 168-170. Henri VI avait donné le comté du
Maine à Edmond, comte de Somerset et de Dorset, Afin de pouvoir rendre
le comté du Maine à René et à Charles d'Anjou, Henri VI donna, le 13 no-
vembre 1447, une rente annuelle de 10 000 1. t. à Somerset (Fr. 26077,
n»' 5834, 3833; Fr. 26078, no^ 6011, 6019, 6031). Sur le Mans, en particu-
lier, voir : J. Stevenson, I, 198-2p2, 482, II, 361, II, 2" partie, 702, 710-718;
M. d'Escouchy, III, 173-198; Rymer, V., 2" partie, p. 4.
3. Avec des gens d'armes qui tenaient garnison dans le Limousin
(F. 21493, fos 39, 41, 43).
4. Foukes Eyton, écuyer, capitaine de Caudebec (Fr. 26038, n» 3977).
5. Que les chroniqueurs appellent ordinairement Matago. Il signe
Matheu (Fr. 26077, n" 3922; Clairambault, t. 54, f" 4091). Les Anglais l'ap-
pellent Mathew Gough.
6. Ecuyer, trésorier et gouverneur général des finances de Henri VI en
France et en Normandie (Fr. 26078, no» 6025, 6027, 6029). Il était capi-
taine du Mans et de Beaumont-le-Vicomte en 1445 (Fr. 26074, n» 5295).
7. M. d'Escouchy, III, 184 et suiv.
8. Le siège était déjà commencé le 27 février (M. d'Ecouchy, III, 197).
RICHEMONT FAIT CAPITULER LE MANS (1448, 16 MARS) 393
Lavardin ', près de Vendôme, et y rassemblait d'autres troupes ^
Il avait d'abord gardé le connétable auprès de lui; mais, comme
les capitaines qui assiégeaient Le Mans s'accordaient mal
ensemble, il l'envoya prendre le commandement de cette armée ^
Bientôt les assiégés, comprenant que la résistance était inu-
tile, se résignèrent à rendre Le Mans. La capitulation fut signée
le 16 mars 1448 *. Les Anglais s'engagèrent à évacuer aussi
Mayenne -la- Juhel ^ avec quelques autres petites places qu'ils
occupaient encore ^.
Cet épisode militaire n'eut pas de suite immédiate. Le gouver-
nement anglais n'était pas en état de recommencer la guerre.
Non seulement la trêve ne fut pas rompue, mais les ambassadeurs
de Henri VI conclurent même, à Lavardin (11 mars), un traité
par lequel elle était prolongée jusqu'au 1" avril 1450 ^. De son
côté, Charles VII aimait mieux différer, pour quelque temps
encore, la reprise des hostilités, afin de pouvoir les engager dans
les meilleures conditions de succès. C'est alors qu'il instituait les
francs archers (28 avril), pour compléter, par la création d'une
infanterie nationale, la nouvelle organisation militaire de la
France. Le moment d'employer toutes ces ressources ne se fit
guère attendre. Les mêmes causes de rupture subsistaient tou-
jours, infractions à la trêve, différends relatifs à la suzeraineté
de la Bretagne, aux fortifications de Saint-James-de-Beuvron et
de Mortain ^ ; mais la diplomatie aurait sans doute trouvé des
1. G. de Montoire, arrond. de Vendôme.
2. JJ 170, fo 47, u» 86.
3. D. Tailllandier, p. 17, D. Lobineau, I. 630-631.
4. Berry 430; D. Lobineau, I, 630-631; JJ 179, f» 47, n» 86; X»a 8605,
fo 141 vo-143. D'après Jouvenel des Ursins, le duc de Bretagne figurait
comme sujet du roi de France dans la minute de la convention relative à la
ville du Mans; mais, dans la grosse, les négociateurs anglais remplacèrent
SUJET DU ROI DE FRANCE par SUJET DU ROI d'Angleterre. Les copies ayant été
échangées pendant la nuit, on ne s'aper(;ut pas de la supercherie, et ce
fut là, dit Jouvenel, toute la justification des Anglais touchant la prise
de Fougères (M. Dupuy, XXXV, f"" 149-150; voir ci-dessus, p. 386, note 3).
5. xMayenne, ch.-l. d'arrond. de la Mayenne. Z^' 17 f" 176.
6. JJ. 179, f- 56 v, n» cvn; Fr. 26077, n» 5936; J. Stevenson, II, 2° partie,
702, 710-718.
7. Fr. 4054, f» 82 J. Stevenson, I, 207. Fr. 26077, n" 5911.
8. Sur les infractions à la trêve et les négociations voir : VAppend.
LXXXVIII; le t. III de M. d'Escouchy, p. 173-165; une lettre de Henri VI
à Charles VII [Idem, p. 218-224), et une lettre de Charles VII à Henri VI
[Idem, p. 235-239); Fr. 26074, n»» 5270, 5276-5278; Fr. 26076, n» 5678;
Fr. 21407, no 11; D. Grenier, 100, f»* 78, 79. 85; Bréquigny, t. 83 (.Moreau,
707), fo» 7-9. JJ 181; fo 149; Fr. 4054, f»' 92, 93, 98, 99. — Il y a beaucoup
d'autres documents dans le manusc. Fr. 4054. Ils ont été publiés, pour la
plupart, dans le recueil de J. Stevenson, I, 209 et suiv., et dans le t. III
de l'édition de M. d'Escouchy par M. de Beaucourt, p. 201 et suiv.
394 LES ANGLAIS SURPRENNENT FOUGÈRES (1449, 24 MARS)
moyens d'accommodement, si les Anglais, pour sauver Gilles, et
peut-être aussi pour se dédommager de la perte du Mans,
n'avaient surpris Fougères.
C'est dans la nuit du 23 au 24 mars 1449 que François de Su-
rienne ' commit cet attentat. Non contents d'avoir pillé la ville et
infligé aux habitants les traitements les plus barbares, les An-
glais se mirent à ravager les environs. Ce ne fut dans toute la Bre-
tagne qu'un cri d'indignation. Le duc se plaignit à Henri VI et à
Charles Vil, en demandant réparation. Ses parents, le roi d'Ecosse,
le duc de Bourgogne, le duc d'Alençon, les comte d'Armagnac et
de Penthièvre, ses grands vassaux, le m.aréchal de Lohéac, l'amiral
de Coëtivy, tous les barons de Bretagne, et le connétable, plus
que tous les autres, ressentirent vivement cet outrage. Ils repré-
sentèrent au roi qu'il y aurait danger pour lui-même à laisser
l'afl'aire en cet état. Charles VII prit donc en main une cause qui
le touchait de si près, et ce fut alors un débat entre la France et
l'Angleterre ^.
Le gouvernement anglais chercha encore à gagner du temps
par des négociations ^. Il désavoua Surienne, mais ne voulut ni
rendre Fougères ni accorder les réparations réclamées. Pendant
que la diplomatie poursuivait son œuvre, le roi de France faisait
des préparatifs militaires. Sans rejeter les moyens de conciliation,
il agissait avec assez d'énergie pour montrer aux Anglais qu'ils
ne devaient point s'attendre à des ménagements. S'autorisant
du droit de représailles, au nom du duc de Bretagne, il fit saisir
Pont-de-l'Arche, Couches, Gerberoy, Cognac, Saint-Maigrin *
1. François de Surienne. dit l'Aragonais, capitaine de Longny et de
Verneuil {Fr. 26073, no 5209; Fr. 26077, n» 5889; Fr. 23778, n» 1808). Il avait
été fait chevalier de la Jarretière en d447 fJ. Stevenson, I, 476, 478). Il signe
F. l'Arragonoys (Fr. 23778, n»' 1814-1831). Sur la prise de Fougères,
voir : J. Stevenson, II, 2" partie, p. 718-723; M. d'Escouchy, III, 239;
Fr. 4034, f»» 111-112, H3-119; JJ 179; f° 199 v»; Fr. 5037, fo 123; Blondel,
De reductione Normannise, édit. J. Stevenson, London, 1843, 1 vol. in-S"
p. 4-7 (le même volume contient la partie de la chronique du hérault
Berry relative au recouvrement de la Normandie) ; Bulletin de la Soc. ar-
çhéol. d'I Ile-et-Vilaine, t. XV, l""* partie, p. 60 et 62. Voir ci-dessus, p. 387
et note 2, et p. 393, note 4, à la fin.
2 M. d'Escouchy, t. I, 156-137, et t. III, 212 et suiv., 234-235; J. Ste-
venson, 243-264; Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1456, 1488; Fr. 21407,
n» 11; J. du Clercq, dans le t. III, 1""« série, de la collocticn Michaud et
Poujoulat, Paris, 1837, p. 607. Le roi rappela aussitôt Dunois et J. GuHir,
qui étaient en mission, le premier en Savoie, auprès d'Amédée VIII, le
second à Montpellier (Fr. 26078, n» 6095).
3. Fr. 13974, en entier; Dupuy, 774, f»' 15-20 (Enquête faite à Rouen, par
G. Jouvenel des Ursias, chancelier de France sur l'attentat de Fougères).
4. M. d'Escouchy, III, 363-366; K 68 n» 34« ; Preuves de VHist. de Bre-
tagne, II, col. 1490; Blondel, 31-33. — Saint-Maigrin, arrond. de Jonzac.
CHARLES VII DÉCLARE LA GUERRE A l'ANGLETERRE (1449, 31 JUILLET) 395
(avril 1449). Néanmoins les pourparlers continuèrent jusqu'à la
On de juillet *, mais sans aboutir à une solution pacifique.
Après avoir bien montré qu'il avait fait son possible pour con-
clure la paix, Charles VII avait pris la résolution de recom-
mencer la guerre ^. Il avait tout ce qu'il fallait pour réussir, des
troupes disciplinées, d'excellents capitaines, des ressources finan-
cières, l'alliance de la Bretagne ^. Dans une assemblée tenue au
château des Roches-Tranchelion *, le roi exposa lui-même tout ce
qu'il avait fait pour s'entendre avec les Anglais. Après mûr
examen, ses conseillers déclarèrent, à l'unanimité, qu'il « estoit
deuement, justement et honorablement deslyé et acquité de la
trêve ^. » On introduisit les ambassadeurs du duc de Bretagne,
qui approuvèrent la détermination du roi, puis les ambassa-
deurs d'Angleterre à qui elle fut communiquée par le chancelier
de France. La guerre était déclarée (31 juillet 1449) '^.
Le duc de Bretagne, fort de l'approbation de Charles VII,
n'avait pas attendu jusque-là pour se faire justice lui-même. Le
connétable, informé de la prise de Fougères, par le roi, qu'il
avait quitté récemment, et par le duc, était venu, avec ses gens,
trouver son neveu, à Rennes \ pour activer les préparatifs mi-
litaires. Il lui conseilla de fortifier Saint-Aubin-du-Cormier **,
d'où on pourrait observer Fougères, en attendant que l'armée
bretonne fût prête à prendre l'offensive. Il partit à la fin d'avril,
pour aller à Saint-Aubin, diriger et protéger les travaux. Le
duc de Bretagne lui donna le titre de lieutenant-général ^. Outre
1. A Rouen, an Port-Saiat-Ouen, à Louviers, à l'abbaye de Bonport (voy.
Preuves de Vliist. de Drct., t. II, 1454-1508, et t. III de M. d'Esconçhy, p. 211-
245 ;Fr. 25711, f"'208-209;J. Stevenson,!, 223-243; Ms. Dupuy 760, f"M 63-170).
2. Dès le 17 juillet, il avait donné à ses capitaines pouvoir d'accorder
des capitulations aux villes de Normandie [Ordonn., XIV, 59-61 ; JJ 180,
P 9, n» xxi). Voir ci-dessous p. 396-397.
3. Charles VII avait aussi demandé avis au duc de Bourgogne, qui lui
conseilla la guerre (Stevenson, I, 264). Philippe le Bon garda la neutra-
lité, mais il n'empêcha pas ses barons d'aller servir le roi de France —
Charles VII avait toujours l'alliance du roi de Gastille, qui lui fournissait
des vaisseaux pour la défense des côtes (X^* 25, au 29 mai 1449).
4. Près de Chinon, dans la forêt de Crissay, canton de l'Ile-Bouchard
(Indre-et-Loire) [Vallet de V., llist. de Charles VII, t. III, 152, note 3;
M. d'Escouchy, III, 255 etsuiv.].
5. M. d'Escouchy, III, 247.
6. T. III de M. d'Escouchy, p. 245, n» 201; J. Stevenson, t. I, p. 243.
Voir aussi YAppend. LXXXVIII.
7. Gruel, 222. Richemont était allé auparavant auprès du roi. 11 était à
Tours le 20 janvier (Legrand, t. VII, Fr. 6966, f» ^45). Il était ensuite allé
à Parthenay, où il était le 8 mars (Arch. de la Loire-Infér., cass. 1, E, 3).
8. Arrond. de Fougères.
9. Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1510 ; Gruel, 222.
396 RICHEMOIST PREND SAINT-JAMES-DE-BEUVRON ET MORTAIN (1449)
les troupes qu'il avait amenées de Rennes, avec le comte de
Laval, le maréchal de Montauban et J. de Malestroit, il en reçut
d'autres que le roi lui envoya sans retard, avec le maréchal de
Lohéac, Joachim Rouault et Odet d'Aidie,
Quand la place de Saint-Aubin fut fortifiée *, on fit des courses
devant Fougères. Dans une sortie, les Anglais furent battus et
repoussés avec des pertes sérieuses ^. Peu après arrivèrent les
cent lances du connétable conduites par Geoffroy de Gouvran
et Olivier de Broon. Son beau-frère, Jacques de Luxembourg,
qui était alors son lieutenant, vint aussi le rejoindre, pendant
que son autre beau-frère, Louis de Luxembourg, comte de Saint-
Pol, allait se mettre au service de Gharles VII, avec d'autres
seigneurs bourguignons. Grâce à ces renforts, le connétable put
prendre Saint-James-de-Beuvron, que les Anglais rendirent au
bout de deux jours, le 29 juin ^. Laissant là une partie de ses
troupes en garnison, sous Jacques de Luxembourg et Jean de
Briquebec , fils de Louis d'Estouteville , Richemont revint à
Rennes *, pour hâter la formation de l'armée que le duc y réunis-
sait. Son autorité n'était pas inutile pour triompher de la résis-
tance que le Conseil opposait à cette expédition.
Pendant son absence et selon ses ordres, Jacques de Luxem-
bourg, le maréchal de Lohéac et les autres capitaines français
et bretons exécutèrent plusieurs opérations importantes. Ils
attaquèrent Tombelaine, forteresse bâtie sur îlot entre le Mont-
Saint-Michel et Avranches. Le capitaine du Mont- Saint-Michel,
Louis d'Estouteville, qui avait conseillé cette entreprise, ne
fournit pas assez d'échelles aux assaillants; ils furent repous-
sés ^ Une autre attaque sur Mortain eut un meilleur succès.
Cette place, que les Anglais avaient fortifiée, au mépris de la
trêve, comme Saint-James-de-Beuvron, fut obligée de capituler,
après un assaut meurtrier, qui dura depuis sept heures du matin
jusqu'à la nuit **. Les défenseurs de Mortain, à l'exception de
cinq, avaient tous été tués ou blessés. La plus grande partie des
troupes revint ensuite à Saint-James-de-Beuvron et à Saint-
Aubin. Le maréchal de Lohéac laissa une garnison à Mortain,
1. Dès le mois de juin J. Rouault y tenait garnison, avec des gens
d'armes des compagnies d'ordonnance (JJ. 186 f» 41 v°).
2. D'Argentré, p. 928; M. d'Escouchy, I, 172; Blondel, 45-46.
3. Blondel, 74; M. d'Escouchy, I, 173. Le jour de Saint-Pierre, c'est-à-dire
le 29 juin, d'après Gruel (222), et non du 12 au 18 août (voy. S. Luce,
Chronique du Mont-Saint-Michel, l, 46, note 2). ^
4. Le 18 juillet, il était au Gâvre (Arch. de la LÔire-Inf., caas. 2, E. 5).
5. M. d'Ecouchy, I, 473.
6. Fr. 21407, n» 11; JJ, 180, f» 13 v», n» xxx.
IL ENTRAINE LE DUC DE BRETAGNE EN NORMANDIE (4449) 397
dont la garde lui fut confiée, et il s'établit lui-même à Vitré, qui
appartenait au comte de Laval, son frère. Le bâtard de Bretagne '
prit possession de Dol ^; Odet d'Aidie se logea dans l'église
d'Antrain ^, qu'il fortifia. Ainsi furent occupées des positions
d'où on pouvait attaquer Fougères et Avranches *, Ces opéra-
tions préliminaires étaient terminées, quand Charles VII rompit
solennellement avec l'Angleterre, le 31 juillet 1449.
On avait décidé de reconquérir d'abord la Normandie. Dunois,
institué lieutenant général du roi dans cette province ^, devait
diriger les opérations à l'est, avec les comtes de Glermont, d'Eu,
de Nevers et de Saint-Pol, P. de Brézé, Robert Floquet, Sain-
trailles, les sires de Gaucourt et de Bueil. En même temps, le
duc de Bretagne devait attaquer la basse Normandie par le
Cotentin. Le connétable, chargé par le roi de seconder le duc
dans cette entreprise, avec quelques compagnies d'ordonnance,
décida son neveu à lever une armée, pour entrer en Normandie,
malgré l'opposition du Conseil. Ce fut lui encore qui, comme
lieutenant général du duc de Bretagne, alla jusqu'à Redon ac-
tiver le départ des troupes ^.
Malgré tous ses efforts, il ne put entrer en campagne aussitôt
que le roi et Dunois. Déjà les Français avaient pris Pont-Audemer,
Mantes, Vernon, Lisieux, Verneuil ", quand l'armée bretonne,
forte d'environ 6000 hommes, se trouva enfin rassemblée à Dinan,
le lef septembre. Outre le duc et le connétable ^, on y voyait les
capitaines qui avaient pris part aux premières opérations et
beaucoup d'autres seigneurs. Le maréchal de Lohéac conduisait
les 300 lances du roi. Le 4 septembre, le duc conféra le titre de
lieutenant général à son frère Pierre ®, qui devait rester en
1. Tanguy, fils bâtard de Jean V. Voy. ci-dessus, p. 382.
2. Arrond. de Saint-Malo.
3. Arrond. de Fougères.
4. M. d'Escouchy, I, 172-175.
5. K 68, n» 35,
6. Il était à Redon le 13 août. (Preuves de Vhist. de Bretagne, t. II, col.
1510.) Le 18 juillet précédent, il avait accepté, avec Jean d'Orléans, comte
d'Angouléme, la curatelle de son neveu, François de Bretagne, comte
d'Etampes (Arch. de la Loire-Infér. cass. 2, E 5). Le 18 août, à Redon, il
autorise François de Bretagne à donner 5 000 écus à sa sœur Marie, qui
est sur le point d'entrer en religion (Arch. de la Loire-Infér., cass. 4, E,
12 ; Original, signé Artur et scellé). A la fin d'août fut conclu le mariage
du comte d'Angouléme avec Marguerite de Rohan, nièce de Richemont.
7. M. d'Escouchy, III, 354-358. 365-366; Fr. 26079, no 6134; K 68 n" 34».
Ordonn., XIV, 61-64; JJ 180, f»» 1 v», 9 v-10.
8. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1513. Berry, édit. J. Stevenson,
277-278.
9. Preuves de l'hist. de Bretagne, II, col. 1514.
398 RICHEMONÏ ET FRANÇOIS I*"" ATTAQUENT LE COTENTIN (1449)
Bretagne, pour assiéger Fougères ; puis l'armée se dirigea vers le
Mont-Saint-Michel.
Elle devait d'abord prendre Goutances, Saint-Lô, Carenlan,
pour isoler le Gotentin du reste de la Normandie et le fermer
aux ennemis. Les Anglais, attaqués à Test, ne pouvaient guère
envoyer de secours à l'ouest, et les garnisons ne devaient compter
que sur elles-mêmes. Partout les populations normandes, encou-
ragées par les rapides succès de Gharles VII, étaient prêtes à se
soulever en sa faveur '. On savait que ses troupes, soumises à
la discipline, s'abstenaient de pillage *, que les villes reconquises
étaient traitées avec douceur, et la réputation du connétable
était une garantie de sécurité. Au contraire, les troupes anglaises,
mal payées, avaient commis, pendant la trêve, des déprédations
qui avaient soulevé bien des haines ^.
Depuis que le duc d'York était parti, la discipline s'était relâ-
chée. Son successeur, le duc de Somerset "*, n'était pas à la hau-
teur d'une situation vraiment critique. Les Anglais, démoralisés
par leurs premiers échecs , par l'abandon où on les laissait,
n'avaient plus cette confiance en leur supériorité qui, aupara-
vant, était pour eux une si grande force. La campagne s'ouvrait
donc, pour leurs adversaires, sous les meilleurs auspices.
Pendant que l'armée de Dunois réduisait, sans difficulté, nom-
bre de villes dans la Haute-Normandie, Touques, Gisors, Neuf-
châlel, etc. ^, et se préparait à marcher sur Rouen, le duc de
Bretagne et le connétable commençaient la conquête du Goten-
tin. Le Mont-Saint-Michel et Granville leur offraient une excel-
lente base d'opérations, et L, d'Estouteville, qui connaissait tout
le pays, leur était d'un précieux secours ^. Une grosse bom-
1. En beaucoup d'endroits, des gens masqués ou « faux visaiges » cou-
raient les chemins, arrêtaient les Anglais (Fr. 26079, n" 6149; M. d'Es-
couchy, I, 195; J. Stevensop, I, SIO).
2. Voy. surtout Th. Basin, liv. IV, c. xviii, p. 217.
3. Portef. Fontanieu, 119-120, au 23 janvier 1445; Fr. 26073, n"' S187,
5214, 5213, 5229-5233, 5262, 5264; Fr. 26074, no» 5299, 5412; Fr. 26076,
nos 5646, 5740; Fr. 26077, n» 5783; K 68, n»* 12, 12», 29».
4. Edmond Beaufort (frère de Jean de Beaufort, -f 1444; voy. ci-dessus,
p. 343-345), comte de Somerset, marquis de Dorsct, créé duc de Somerset en
1448 (Fr. 26077, n" 5946; Fr. 26078, n»» 5959, 5968, 5971; K 68, n'«29, 292.*;
J. Stevenson, II, 2» partie, 592-594; Dugdale, Baronagium, I, 329). Il était
revenu d'Angleterre au commencement de 1448, avec des renfgrts et le titre
de lieutenant général (J. Stevenson, I, 479, 481-482). Somerset, qui était un
Lancastre, haïssait le duc d'York (Green, Hist. du peuple anglais, I, 562).
5. Fr. 26079, n" 6146; M. d'Escouchy, III, 366-370. Au mois d'août, le
roi partit de Touraine pour la Normandie (Fr. 26079, n" 6183).
6. Fils de Jean II d'Estouteville (-|- 1436 . Il avait été nommé capitaine
du Mont-Saint-Michel le 2 septembre 1423. Il avait été investi de cette
ILS FONT CAPITULER COUTANCES ET SAINT-LO (1449, SEPTEMBRE) 399
barde et d'autres canons furent amenés, par mer, du Mont-Saint-
Michel à Granville, où l'armée bretonne arriva le lundi 8 sep-
tembre. Deux jours après, l'amiral de Coëtivy paraissait devant
Coutances \ établissait une batterie dans le jardin des Jacobins
et sommait la place de se rendre au roi Charles VII. Les Anglais
voulaient résister. Les habitants les obligèrent à céder, en mena-
çant de les abandonner. Le capitaine de la ville, Etienne Munde-
ford, conclut une capitulation avec le duc de Bretagne et le
connétable, à des conditions avantageuses, le vendredi 12 septem-
bre 2. Guill. de Gouvran fut nommé capitaine de Coutances ',
Le même jour, les Anglais ayant abandonné le château de Chan-
teloup *, L. d'Estouteville en prit possession, et l'avant-garde
partit pour Saint-Lô.
Cette ville, bien fortifiée, pourvue d'abondantes ressources et
d'une garnison nombreuse, aurait pu résister longtemps; mais,
à la vue des étendards où brillaient les fleurs de lis, les habi-
tants déclarèrent qu'ils voulaient se soumettre au roi de France,
leur souverain seigneur ^ Le capitaine anglais, Guill. Peyto ®,
fut donc obligé, lui aussi, de capituler. La garnison sortit avec
tous ses biens, et le duc de Bretagne prit possession de Saint-Lô,
au nom de Charles VII. Il en laissa la garde à Joachim Rouault ^
(lundi 15 septembre). Le même jour, le maréchal de Lohéac,
avec le secours des habitants de Coutances, alla mettre le siège
devant Régneville, place forte et port à l'embouchure de la
Sienne *. C'était pour les Anglais une position importante, qui
assurait leurs communications avec les îles voisines. Après une
charge le 8 octobre suivant, par Richemont lui-même. II la conserva
jusqu'à sa mort, en 1464 (S. Luce, Chron. du Mont-Saint-Michel, p. 27, note 4,
et p. 208-210). Louis d'Estouteville rendit de grands services en Normandie
(voy. M. d'Escouchy, III, Preuves, p. 385).
1. « La principalle ville et chief du bailliage de Costantin » (Fr. 20580, f» 45).
2. Biondcl, p. 89. M. d'Escouchy, I, 200. — Voir cette capitulation dans
Léop. Quénault, Recherches sur la ville de Coutances, 2» édit. Coutances,
4862, in-8», p. 20-23; — Fr. 20580, f» 45.
3. Voy. Pièces orig., 910, dossier 20299 (Gouvran), n»» 11, 14. Il resta
longtemps capitaine de Coutances.
4. C. de Brehal, arrond. de Coutances.
5. Richemont fit récompenser par le roi les habitants de Saint-Lô pour les
services qu'ils avaient rendus dans cette circonstance (JJ 18i, f»s 28-157). On
voit aussi, dans un compte de l'époque, que le roi laissa aux habitants de
Saint-Lô la somme de 1 1001. t., « à eulx remise et quictée par le duc de Bre-
taigne et monseigneur le connestable, au temps de la redduccion dudit lieu
de Saint-Lô, laquelle ilz dévoient du temps des Anglois »(Fr. 26081, n» 65381).
6. D'après J. Chartier, II, 124, et Berry, p. 279,
7. M. d'Escouchy, I, 200. Il était premier écuyer d'écurie du Dauphin
(J J 178, f» 61).
8. Arrond. de Coutances.
400 AUTRES SUCCÈS DANS LE COTENTIN (1449, SEPTEMBRE)
vive résistance, ils se rendirent et obtinrent de quitter la place
en emportant tout ce qu'ils possédaient (vendredi 19 septem-
bre) *. Menacés par la population des villes et des campagnes,
qui, partout, se déclarait contre eux, ils évacuèrent, dans l'es-
pace de quatre jours, plusieurs places ou châteaux des environs
de Saint-Lô et de Goutances, le château de la Motte-l'Evêque *,
Thorigny ^, Hambye *, le château de Laulne^,la bastille de Beu-
zeville ^, Pirou ''j Golombières *.
Odet d'Aidie et Robin Malortie, partant de Saint-Lô, surpri-
rent la forteresse de La Haye-du-Puits ^, et quelques Ecossais,
s' avançant jusqu'à Barneville ^^, s'établirent dans la tour de
l'église. De ce poste avancé, on pouvait surveiller Saint-Sauveur
et même Cherbourg. Cinq cents Anglais, choisis dans la garnison
de ces deux villes, voulurent déloger cette poignée d'hommes.
Ils furent repoussés, après un combat qui dura toute une journée.
Le 25 septembre, le château du Hommet fut pris par des pay-
sans révoltés, qui s'étaient cachés dans les bois ".Ils accouraient
en foule auprès du duc de Bretagne et du connétable, les uns
armés, les autres apportant des provisions de toute sorte et de-
mandant à marcher contre les ennemis. Bientôt le nombre de
ces soldats improvisés dépassa dix mille hommes. Ils étaient
impatients d'attaquer la ville de Garentan *^, qui se vantait de
rester fidèle au roi d'Angleterre et qui reprochait aux habitants
de Saint-Lô d'avoir lâchement livré leur ville '^
L'armée parut devant les murs de Garentan le vendredi
26 septembre **. Au nom du roi de France, le duc fit sommer la
\ 1. Blondel, 89-92; S. Luce, Chron. du Mont-Saint-Michel, ^p. 50, note 3.
r, { Toutefois Lohéac dut payer 3 000 écus à Guil. de Mfnnypeny, qui lui livra
I la place (Fr. 20683, f» 45). Lohéac fut nommé capitaine de Régneville en
* 1450 (Anselme, VII, 72; Mémoires de la Société des antiquaires de Nor-
mandie, 1825, p. 274 et suiv.).
2. Arrond. de Saint-Lô, c. de Canisy.
3. Arrond. de Saint-Lô.
4. 5. Arrond. de Goutances.
6. Arrond. de Valognes.
7. Arrond. de Goutances. Ge fut L. d'Estouteville qui prit Pirou (K 68,
no 47; Fr. 26082, n» 6786).
8. Arrond. de Bayeux. Chron. du Mont-Saint-Michel, 49-o0.
9. Arrond. de Goutances.
10. Arrond. de Valognes.
11. G. de Saint-Jean-de-Daye, arrond. de Saint-Lô (Chron. du Mont-
Saint-Michel, 50, note 52).
12. Arrond. de Saint-Lô.
13. M. d'Escouchy, I, 201-202.
14. Le 27, le duc et le connétable étaient encore à Saint-Lô. Voy. Append.
LXXXIX.
CAPITULATION DE CAHENTAN (1449, 29 SEPT.) 401
ville d'ouvrir ses portes. Une grêle de traits et de projectiles
répondit à cette injonction. Les défenseurs de la place avaient
juré qu'on n'y entrerait qu'en passant sur leurs cadavres.
Aussitôt les fossés sont comblés avec des fascines; le signal de
l'assaut est donné. A la vue de cette multitude enthousiaste,
prête à s'élancer sur les murailles, les habitants croient que la
patrie entière les attaque et ils n'osent résister '. Le duc, imitant
la clémence du roi, leur accorde un pardon généreux et permet
aux Anglais de sortir un bâton blanc à la main (lundi 29 sep-
tembre).
Avant la reddition de Garentan, le connétable était allé, avec
l'amiral, devant la citadelle du Pont-d'Ouve *, qui défendait l'en-
trée du clos de Gotentin. Il prit de vive force cette position im-
portante. Aussitôt Valognes ouvrit ses portes ^, et une quinzaine
d'autres places chassèrent les Anglais, pour se donner au roi de
France. Elles aimaient mieux traiter à des conditions avanta-
geuses que de s'exposer, par une résistance inutile, à toutes les
rigueurs de la guerre. G'est ainsi que le connétable reçut à com-
position la place de Neuilly *, qui appartenait à l'évêque de
Bayeux, en offrant à ce prélat de lui laisser tous ses biens et
revenus, s'il voulait, dans un délai de trois mois, se soumettre
au roi de France ^ (2 octobre).
Gette habile modération, pratiquée par Charles VII et pres-
crite à ses lieutenants, fit plus que les armes pour le recouvre-
ment de la Normandie. Peu de places osèrent soutenir un siège.
La plus difficile à réduire fut celle de Gavray ^ Déjà le duc était
revenu de Garentan à Goutances, avec l'intention de ramener
son armée en Bretagne, quand les vives instances des popula-
tions le déterminèrent à retarder son départ, pour laisser à son
oncle le temps de prendre Ga:vray. Ge fut, en effet, le connétable
qui se chargea de conduire cette opération.
1. « Tolius patriœ sibi adversfe invasionen exspectare non audent. »
(Blondel, p. 100-101; X*» 8605, f» 171). Le duc de Bretagne conclut la capi-
tulation avec J. Desurande, curé de Carenton, Thomas Fauq, chevalier,
seigneur de Saint-Hilaire, et autres habitants de la ville. Charles VIT
ratifia ce traité à Rouen, au mois de novembre (JJ 180, f» 3S v,
n« un" ; Ordonn., XIV, 74-75). Des gens d'armes des compagnies de GuilL
de Rosnyvinen et d'Olivier de Broon vinrent tenir garnison à Garentan
(JJ 180, f S4, no cxviii).
2. Aujourd'hui Saint-Gôme-du-Mont, c. de Garentan (S. Luce, Chron. du
Mont-Saint-Michel, p. 51; M. d'Escouchy, I, 202).
3. Chron. du Mont-Saint -Michel, p. 51.
4. C. d'Isigny, arrond. de Bayeux.
5. Append. XC.
6. Arrond. de Goutances.
RiCHEMONT. 26
402 CAPITULATION DE GAVRAY (1449, 11 OCT.)
La place forte de Gavray, bâtie sur une hauteur escarpée,
d'un accès difficile, semblait ne pouvoir être prise que par la
famine. Les Anglais se vantaient de défier, dans cette position
inexpugnable, toutes les forces de la Bretagne et de la France *.
Richemont envoya d'abord Jacques de Luxembourg, Geoffroy
de Couvran et quelques autres capitaines préparer l'attaque.
Après des efforts surhumains, en s'aidant des buissons, des sail-
lies du roc, de leurs épées, qu'ils enfonçaient dans les fissures,
les assaillants gravirent la hauteur et parvinrent au pied des
remparts. Là, ils étaient exposés à tous les projectiles. Les
femmes elles-mêmes jetaient sur eux des pierres, de l'huile
bouillante, des tisons ardents. Pendant la nuit, ils pratiquèrent
des degrés sur le flanc du rocher; ils montèrent des échelles,
des poutres, des portes de maisons, construisirent des mantelets,
pour se mettre à l'abri, sapèrent la base des murs et commen-
cèrent à creuser une galerie, pour pénétrer dans la place.
L'arrivée du connétable excita encore leur ardeur. La ville
était menacée des plus graves dangers, quand le capitaine an-
glais, André TroUope ^, demanda enfin à capituler (samedi 11
octobre). C'est ainsi que Gavray, une des plus fortes places du
Cotentin, fut prise en trois jours ^, sans le secours de l'artille-
rie. Jadis l'illustre du Guesclin Pavait assiégée pendant neuf
mois et n'avait pu la réduire que par la famine. Cette opé-
ration fit le plus grand honneur au connétable et à ses lieute-
nants. Le roi l'en récompensa en lui donnant la seigneurie de
Gavray *, un peu plus tard (31 mars 1451).
Après avoir laissé Jacques de Luxembourg à Gavray, Riche-
mont revint à Coutances, et partit, avec le duc de Bretagne, le
lundi 13 octobre, pour marcher sur Vire. Arrivés à Villedieu ^,
ils reçurent un message de Pierre de Bretagne, qui assiégeait
Fougères, depuis le 5 octobre et qui réclamait leur aide. Quand
on sut que l'armée allait quitter le Cotentin, les habitants cons-
ternés vinrent supplier le duc de ne pas les abandonner à la
vengeance des Anglais, qui occupaient encore Avranches,
Saint-Sauveur, Briquebec et Cherbourg. Richemont regrettait
1. Cependant le château de Gavray, rasé déjà deux fois, n'était plus
aussi fort qu'à l'époque où du Guesclin l'avait assiégé, en 1378 {Mémoires
de la Soc. des antiquaires de Norinandie, année 1825, p. 319 et suiv.).
2. Fr. 26978, n» S975.
3. D'après R. Blondel, p. 103-107; cinq jours, d'après la Chron. du
Mont-Saint-Michel, p. 52, du lundi 6 au samedi 11 octobre.
4. Voy. Âppend. XGI. Ricliemont, de son côté, récompensa G. de Cou-
vran. Il lui donna une pension annuelle de 100 écus d'or, sur les revenus
de la terre de Gavray. Voy. Append. XCII.
5. Arrond. d' Avranches.
REDDITION DE FOUGÈRES (1449, 5 NOV.) 403
de ne pouvoir terminer la conquête du Gotentin ; mais il tenait
encore plus à reprendre Fougères, car, après une campagne si
glorieuse, un échec devant cette ville eût paru plus honteux.
Après avoir promis de revenir bientôt achever l'expulsion des
Anglais, le duc et le connétable se dirigèrent vers Avranches.Ils
logèrent, le 15 octobre, au Mont-Saint-Michel, d'où ils se rendi-
rent à Antrain, puis à Fougères. L'armée arriva devant cette
place le jeudi 16 octobre et en compléta l'investissement. Le
duc s'établit devant une des portes; le connétable devant
l'autre. Les travaux d'approche furent poussés avec prompti-
tude, malgré les efforts des assiégés. Ils firent une sortie et
furent repoussés. Quand les bombardes et les canons eurent ou-
vert plusieurs brèches, quand tout fut prêt pour un assaut,
quand la garnison, forte de 5 à 600 hommes, comprit qu'elle
ne pourrait tenir tête à toute une armée et que les vivres com-
mençaient à manquer, elle dut se résoudre à capituler.
François de Surienne, qui, après avoir pris traîtreusement
la ville, en avait gardé le commandement, obtint pour les siens,
malgré leur situation critique, des conditions très acceptables. Il
est vrai que les assiégeants avaient, eux aussi, beaucoup souf-
fert et que la mortalité faisait dans leurs rangs de cruels ra-
vages *. Tous avaient hâte d'en finir. Surienne, y trouvant
son profit, abandonna le roi d'Angleterre, pour se mettre au
service de Charles VII ^. Fougères fut rendu le mercredi 5 no-
vembre au duc de Bretagne. La mauvaise saison, l'approche
de l'hiver, l'état sanitaire des troupes ne permettant pas de
continuer la campagne *, le duc revint à Rennes et le con-
nétable à Parthenay *.
1. Alaia de Rohan, comte de Perhoet (fils d'Alain IX, vicomte de
Rohan), neveu de Richemont, mourut pendant ce siège.
2. J. Chartier, II, 172-174; M. d'Escouchy, I, 203; Preuves de l'histoire de
Bretagne, II, col. 1316; D'Argentré, 933; J. Stevenson, I, 273, 278-298, 310;
X^* 1483, f» 70. Déjà la ville de Longny, au Perche, dont Surienne était
le capitaine, avait été livrée aux Français par le gendre de Surienne,
Richard aux Epaules, qui la leur avait prise autrefois (Pièces orig.,
t. 1032, n» 101; JJ 183, f<'43; Blondel. 82; M. d'Escouchy, III, 374).
3. Sur celte campagne du duc de Bretagne et du connétable voir la
Chronique du Mont-Saint-Michel, édit. S. Luce, p. 44-53; L. Delisle, Hist.
du château et des sires de Saint-Sauveur-le-Vicomte , Pai-is, Aug. Du-
rand, 1867, in-8°, p. 231-261, 270, 271; Martial d'Auvergne, FI, 46, 56, 37,
«0, 81, et Fr. 5054, f» 163; M. d'Escouchy, I, 172-203; Gruel, 222-223;
Blondel 4-144; Berry, édition anglaise, p. 239-322; Chron. Martinienne,
f» ccxct.
4. Le le' décembre, il était encore à Josselin, où il autorisait son neveu
François, comte d'Etampes, dont il était le curateur, à établir des officiers
dans ses domaines (Arch. de la Loire-Infér., cass. 2, E, 3, deux pièces ori-
ginales) .
404 SUCCÈS DE DUNOIS. CHARLES VII A ROUEN (4449)
En même temps, l'armée royale, sous les ordres de Dunois,
avait remporté de brillants succès dans la Haute -Normandie.
Elle avait forcé les Anglais à évacuer Rouen \ où Charles VII
avait fait son entrée solennelle le 10 novembre, cinq jours après
la reddition de Fougères. L'hiver n'arrêta pas ses opérations.
Elle fît capituler Château-Gaillard le 23 novembre, Harfleur
le 24, réduisit quelques autres places, comme Condé-sur-Noi-
reau ^, Bellême ^ (décembre 1449), et mit le siège devant Hon-
fleur (janvier 1450), qui se rendit le mois suivant *. Enfin, dan&
le Midi, le comte de Foix avait aussi recommencé la guerre
contre les Anglais.
Quand l'armée bretonne eut quitté le Cotentin, les hostilités
ne furent pas entièrement suspendues. Les garnisons françaises
tenaient les ennemis en respect. Ils essayèrent de surprendre la
Haye-du-Puits, mais ils furent battus par Odet d'Aidie, qu'ils
croyaient absent (décembre 1449). Quelques jours après, les
Français de Coutances, de Gavray, de Saint-Lô, de Thorigny
allèrent, avec Geoffroy de Couvran et Joachim Rouault, faire une
course jusqu'aux portes de Vire, puis, de là, tomber sur
300 Anglais partis la veille de cette place et qui furent tués, ou
pris, ou mis en déroute ®.
Cette campagne de 1449 avait été désastreuse pour les An-
glais. Ils avaient perdu la plus grande partie de la Normandie ^,
1. M. d'Escouchy, t. I, 229 et suiv., t. III, 338-364; Xi« 8605, f"» 147 V-
149; Y4, fo» 94, 108 v°-109. Somerset avait capitulé le 29 octobre (K 68,
n« 37,' 38; JJ 180 f" 11 v<>). Les bourgeois de Rouen prêtèrent 30 000 1. t.
à Charles VII pour' le siège de Harûeur (Fr. 20683, f» 46).
2. Arrond. de Vire.
3. Arrond. de Mortagne.
4. Pendant ce siège, le roi était à Jumièges, où Agnès Sorel mourut, le
9 février (Glairambault, 104, f» 8410; K 68, n" 50; JJ 185 f» 184.) Des troupes
envoyées dans le Maine, pour assiéger Fresnay-le-Vicomte, furent rap-
pelées pour le siège de Honfieur. Fresnay fut assiégé en mars 1450, par
Gaspard Bureau {Chron. du Mont- Saint-Michel, p. 55; K 68, n» 49^;
J. Chartier, II, 190). — C'est à Jumièges que Charles VII ratifia, le 17 jan-
vier, les actes du duc de Bretagne pendant la conquête de la Normandie
(Arch. de la Loire-Inf., cass. 38, E, 103; Xi" 8605, f»» 138 v 139; Fr. 20580,
f» 45). 11 y eut cependant quelques exceptions, le duc ayant parfois donné le
même office à plusieurs personnes {Idem, f"» 139 v°-144, 150; Ordonnances,
XIV, 90-91; JJ 182, f» 69 v°). C'est enfin à Jumièges que Charles VII donne
au bâtard d'Orléans le comté de Longueville (X*» 8603, f°' 127, 135; P 2531,
f» 310).
5. Blondel, 107. M. d'Escouchy, I, 274-276. Gruel, 223.
6. Voir dans J. Stevenson, II, 2" partie, p. 619 et suiv., la liste des
villes, forteresses et châteaux pris aux Anglais, pendant le gouvernement
de Somerset, en 1449 et 1450. Lettres du roi et de la reine d'Ecosse à
Charles VII, pour le féliciter de ses succès en Normandie (J. Stevenson, I,
299-301).
TH. KYRIEL DÉBARQUE A CHERBOURG (1450, 15 MARS) 405
et ils étaient menacés de perdre le reste, s'ils n'étaient prompte-
ment secourus. Déjà le duc de Bretagne, poussé par le connéta-
ble, se préparait à recommencer les hostilités. Il envoyait son
chancelier, avec d'autres ambassadeurs, déclarer au roi qu'il
avait l'intention « d'entrer de rechef, prouchainement, à puis-
sance et grosse armée de gens *, » dans la Basse Normandie,
pour y reprendre les places encore occupées par les ennemis.
Charles VII, heureux de ces bonnes dispositions, s'était empressé
de donner au duc « plain povoir, auctorité et mandement espé-
cial de, en son absence, représenter sa personne, pendant qu'il
serait en armée, en la dicte Basse Normandie ^ (1450, 16 jan-
vier ) .
En présence de ce nouveau péril, Marguerite d'Anjou et Suf-
folk,qui gouvernaient au nom de Henri VI, comprirent la néces-
sité de faire un grand eiïort ^. Malgré les difficultés redoutables
avec lesquelles ils étaient aux prises en Angleterre, ils parvinrent
à lever une armée de quatre à cinq mille hommes *. Thomas
Kyriel, qui en avait reçu le commandement, vint débarquer à
Cherbourg, les autres ports de la Normandie étant au pouvoir
des Français (15 mars 1450). Dès le lendemain, Guillaume de
Couvran, capitaine de Coutances, envoyait Grenoble, héraut
d'armes du Dauphin, porter cette nouvelle au roi, qui était alors
à Alençon ^.
Th. Kyriel avait ordre de rejoindre le duc de Somerset à Gaen;
mais, comme les Français occupaient Carentan, il se vit obligé
de passer le Grand-Vey, pour suivre la voie la plus directe. Il
jugea donc nécessaire de prendre Valognes, qui lui fermait la
route et qui aurait pu gêner ses communications avec Cher-
bourg. Des renforts, fournis par les garnisons anglaises du voi-
sinage, vinrent grossir son armée. Somerset, qui se vantait déjà
de reconquérir toute la Normandie, lui envoya 2000 hommes
sous Rob. de Vere, Mathieu Goth et H. Norbery.
Abel Rouault commandait à Valognes, en l'absence de son
frère Joachim, capitaine de cette ville. Il dépêcha aussitôt des
messagers vers le duc de Bretagne, le connétable, l'amiral de
i. \Qy.Append. XCIII.
2. Voy. Append. XCIII.
3. J. Stevenson, I, 502 et suiv., 510, 513.
4. M. d'Escouchy, I, 276. Le 9 janvier, l'évêque de Chichester, envoyé à
Porlsmoulh, pour payer les troupes qui allaient passer en France, périt
dans un mouvement populaire. Quelques jours après, le duc de Suffolk
était mis en acccusation.
5. Poftef. Fontanieu, 121-122, au 16 et au 28 mars; M. d'Escouchy, I,
277; Berry, 330. Jacques Cœur était alors auprès de Charles VII à Alençon
(Fr. 26079, n» 6145; JJ 180, f« nn«iui).
406 LE COMTE DE CLERMONT MARCHE CONTRE KYRIEL
Coëtivy, le maréchal de Lohéac et le comte de Laval, pour leur
annoncer l'approche de l'armée anglaise et leur demander du
secours '. Le connétable était alors à Messac % près de Redon.
Il alla trouver le duc à Dinan et voulut l'entraîner en Nor-
mandie;, mais il rencontra encore une vive opposition dans
le Conseil ^. D'ailleurs, c'était le moment où il apprenait que
Gilles était en danger de mort. L'altercation qu'il eut, à ce
sujet, avec le duc, suscita d'autres difficultés. Quelques jours se
passèrent sans résultat. Richemont alla faire ses pâques a Dol,
espérant que le duc allait l'y rejoindre. Celui-ci le lui avait bien
promis, mais les gens de son Conseil l'en dissuadèrent *.
Le connétable ne voulut pas attendre plus longtemps. Il alla
prendre congé de son neveu et partit avec le comte de Laval, le
maréchal de Lohéac, Jacques de Luxembourg, les sires de Bous-
sac, d'Orval et environ 300 lances ^. Beaucoup d'autres sei-
gneurs et capitaines, comme Tugdual de Kermoisan, se déso-
laient de ne pouvoir le suivre. Le connétable les quitta en leur
disant qu'il espérait bien ne pas revenir sans avoir combattu les
Anglais ^.
Cependant Abel Rouault, après avoir vainement attendu des
secours, avait été réduit à capituler dans le château de Valognes
(vers le 10 avril 1450) \ Le roi de France avait envoyé, mais trop
tard, une petite armée, conduite par son gendre, le comte de
Glermont *, fils du duc de Bourbon. Le jeune prince avait sous
ses ordres le comte de Castres ^, fils du comte de Pardiac, l'ami-
ral de Coëtivy ^°, Pierre de Brézé, Jacques de Chabannes, Joa-
chim Rouault, Geoffroy de Couvran, Olivier de Broon. Arrivé à
Carentan, le comte de Clermont apprit la capitulation de Valo-
gnes et s'arrêta, pour savoir ce qu'allaient faire les ennemis. Il
envoya des messagers au connétable, son oncle, pour le prier de
se hâter, en l'informant que les Anglais allaient probablement
marcher sur Saint-LÔ- Richemont était à Coutances quand il
1. Voy. Append. XGIV.
2. Sur la Vilaine, canton de Bain, arrond. de Redon. — K, n» 49.
3. Dès le 16 janvier 1450, Charles VII avait donné au duc de Bretagne
pouvoir d'entrer en Normandie (Fr. 5909, f° ccxn v").
4. D. Lobineau, I, 640.
5. M. d'Escouchy, I, 279.
6. M. d'Escouchy, I, 277-278.
7. Gruel, 224; M. d'Escouchy, I, 277; J. Chartier, II, 192; Berry, 330.
8. Jean de Bourbon, fils du duc Charles lor. Il avait épousé, en 1447,
Jeanne de France, fille de Charles VII.
9. Jacques d'Armagnac, duc de Nemours en 1462, exécuté en 1477.
10. Charles VII venait de lui donner la baronnie de Lesparre, eu récom-
pense de ses services (JJ 180, f" 8, n" xix).
KYRIEL PASSE LE GRAND-VEY (1450, 14 AVRIL) 407
reçut, les lettres de son neveu et celles que lui adressaient aussi
le comte de Castres, l'amiral et Brézé. Il s'avança promplement
vers Saint-Lô.
Le dimanche 12 avril, Th. Kyriel partit de Valognes. Il se
dirigea vers le Grand-Vey, afin d'y traverser les grèves au pas-
sage de Saint-Clément. Le comte de Clermont, qui était à Caren-
tan, tint conseil, pour examiner s'il valait mieux attaquer les
Anglais au milieu des grèves, ou quand ils seraient entrés dans
le Bessin. On prit ce dernier parti. Pourtant, il semble que les
ennemis se seraient trouvés dans une situation bien périlleuse, si
le comte de Clermont et le connétable, connaissant leur inten-
tion, avaient pu s'entendre pour les assaillir par devant et par
derrière, quand ils se seraient engagés dans Tétroit et dange-
reux passage qu'ils devaient suivre, au milieu des sables mou-
vants, sous la menace de la marée montante.
Quand on sut que l'armée n'allait pas profiter de cette occa-
sion, le peuple, toujours prompt à s'émouvoir, accusa les chefs
de trahison et résolut d'attaquer les ennemis, malgré la défense
du général français. Le mardi 14 avril, les habitants de Caren-
tan et ceux des villages voisins accoururent en armes sur les
grèves et harcelèrent les Anglais. Le comte de Clermont envoya
seulement Pierre de Louvain avec une compagnie de cent lances,
pour accompagner cette multitude et, au besoin, pour lui por-
ter secours. Ces forces ne pouvaient arrêter Kyriel. Il atteignit,
sans avoir fait de grandes perles, la côte du Bessin et suivit la
route de Bayeux.
Informés des dispositions que prenaient les Anglais pour
passer la nuit aux environs de Formigny ^ et de Trévières, les
chefs de l'armée française résolurent de les y attaquer le len-
demain matin. Le comte de Clermont envoya au connétable le
curé de Carentan, pour l'informer de cette détermination et le
prier de marcher sur Trévières, pendant qu'il attaquerait lui-
même du côté de Formigny.
Le mercredi 15 avril, de grand matin, l'armée française
s'avança aussi de Carentan vers Bayeux. Elle comprenait environ
3 000 hommes, auxquels devait se joindre Richemont avec 1 500
ou 1 800 combattants ^. Le comte de Clermont avait commis une
1. Commune du canton de Trévières, arrond. de Bayeux (Calvados).
Formigny est à 3 kil. de Trévières.
2. D'après Blondel, M. d'Escouchy, Berry, Th. Basin, le connétable avait
300 lances; d'après J. Chartior, 200 à 220 lances, avec 800 archers. Les
troupes réunies du comte de Clermont et du connétable n'atteignaient
donc pas le chiffre de 5 000 combattants. Les Anglais étaient environ G 000.
J. Chartier et Th. Basin disent 6 000 à 7 000 hommes, M. d'Escouchy 5 000
à 6 000, Berry et du Clercq 3 000, chiffre manifestement trop faible et
408 LE COMTE DE CLERMONT ATTAQUE KYRIEL (1450, 15 AVRIL)
première faute en ne prenant pas toutes les précautions pos-
sibles pour faire coïncider son départ avec celui du connétable *.
Il envoya en éclaireur Odet d'Aidie, que l'amiral Prigent de
Goëtivy suivait de près, avec Favant-garde, reconnaître les.
positions des ennemis.
Arrivés au sommet d'une côte qui s'abaisse en pente douce
vers un vallon appelé le Val de Formigny ^, les Français aperçu-
rent l'armée anglaise, forte d'environ 6 000 hommes. Elle était
campée entre un ruisseau, qui traverse le val, avant de se jeter
dans l'Aure, et le village de Formigny, situé un peu plus loin,
vers le haut de la côte opposée, dans la direction de Bayeux.
Kyriel avait divisé ses troupes en deux corps. L'un, le plus con-
sidérable, qu'il commandait lui-même, était adossé au village
de Formigny; l'autre, que lui avait amené Mathieu Goth, le
fameux Matago des chroniques, s'était établi plus bas, près du
ruisseau qui arrose le val. Sachant que le connétable était dans
le voisinage, les Anglais n'avaient rien négligé pour se garantir
contre toute surprise. Selon leur habitude, ils avaient fortifié
leurs positions au moyen de fossés, de retranchements, de pieux.
Vers le village, ils étaient encore protégés par les maisons, les
murs, les haies, les jardins plantés d'arbres et impraticables à
la cavalerie. Les deux ponts oii la route de Bayeux traverse
l'Aure et son affluent ^ étaient gardés pas les troupes de Kyriel
et de Mathieu Goth.
Le jeune comte de Glermont, impatient de combattre, n'at-
tendit pas l'arrivée de son oncle. Il s'avança donc, avec toutes
ses forces, vers la position occupée par Mathieu Goth, jusqu'à
une distance de trois traits d'arbalète. Là, il fît descendre de
cheval une partie de ses archers et les envoya, sous la conduite
auquel il faut ajouter celui des troupes envoyées par Somerset. Grafton
parle de S 000 hommes et dit ensuite que les Anglais eurent 4 000 morts
et 800 prisonniers. Prigent de Goëtivy, qui prit part à la bataille, croit
que les Anglais étaient au nombre de cinq à six mille. (Voy., dans les
Preuves de l'hist. de Bretagne, II, 1321, une lettre de l'amiral de Goëtivy
écrite quatre jours après la bataille.)
1. La distance de Garentau à Formigny étant à peu près la même que
celle de Saint-Lô à Trévières et le comte de Glermont étant arrivé au
moins trois heures avant Richemont, il faut supposer que celui-ci fut
prévenu trop tard pour partir en même temps que son neveu.
2. Voy. le plan de la bataille de Formigny. Sur le côté gauche de la
route de Cherbourg à Gaen, presque en face de la borne kilométrique
indiquant Isigny à 15 kil. et Bayeux à 16 kil., on a élevé une petite
colonne de 2 mètres, sur laquelle est gravée cette inscription : Ici fut livrée
la bataille de Fortnigny, le lo avril 1430, sous le règne du roi Charles Vil.
3. Le premier près deSurrain, l'autre au val de Formigny. Voy. le plan
de la bataille de Formigny, p. 409.
BATAILLE DE FORiMIGNY (14S0, 15 AVRIL)
409
du sire de Mauny, avec 50 à GO lances et quelques canons, pour
occuper le bord du ruisseau et préparer sa jonction avec le con-
nétable. Ils engagèrent une escarmouche avec les Anglais postés
près du pont, tandis que les coulevrines tiraient sur le camp
ennemi, où elles causaient de sensibles ravages.
Au bout de quelque temps, Mathieu Goth, pour metti'e fin à
cette situation, lança 5 à 600 archers, qui, traversant le pont,
chargèrent les Français avec impétuosité, les repoussèrent, les
PLAN DE LA BATAILLE DE FORMIGNY.
%.
i du. Comte de Qcnxumt
ArixLÔe Anrflmne.
mirent en déroute et s'emparèrent des canons. Alors Pierre de
Brézé, se précipitant, avec ses hommes d'armes, ramena les
archers qui lâchaient pied. Un combat furieux s'engagea '. Les
compagnies d'ordonnance firent alors leurs preuves. « Et si n'eus-
sent esté les gens d'armes, qui tinrent bon, dit Gruel, je crois
qu'ils eussent fait grand oultraige à nos gens \ » Toutefois, les
ennemis avaient obtenu un premier succès et comptaient sur
les renforts dont disposait Kyriel. Si le capitaine anglais avait
profité de cet avantage pour engager une action générale, la si-
tuation des Français eût été critique. Ils attendaient avec anxiété
1. Quand Richemont arriva, « tout estoit mêlé, » dit Gruel (p. 223).
2. Gruel, p. 223.
410 BATAILLE DE FORMIGNY (1450, 15 AVRIL)
le connétable. Ils envoyèrent des paysans à sa recherche *.
Celui-ci n'avait reçu qu'au point du jour, à Saint-Lô, le der-
nier message du comte de Glermont. Craignant que la préci-
pitation de son neveu n'amenât quelque désastre, il se hâta de
faire lever ses gens. Après avoir entendu la messe, il partit,
suivi seulement de quelques hommes. Rejoint bientôt par le
reste de son monde, il envoya le bâtard de La Trémoille en
éclaireur, avec 15 ou 20 lances. A l'avant-garde, il mit le
maréchal de Lohéac, Jacques de Luxembourg et le sire de
Boussac *. Venaient ensuite Gilles de Saint-Simon, Jean et Phi-
lippe de Malestroit, avec les archers; enfin il garda auprès de
lui Jean Bude, son porte-étendard, G. Gruel et un certain nom-
bre de gentilshommes. Après avoir désigné les troupes qui de-
vaient former l'arrière-garde, il chevaucha rapidement, pour fran-
chir la distance d'environ six lieues qui le séparait de Trévières.
Quand il arriva près de cet endroit, il y avait déjà trois heures
que le combat était engagé. Malgré la valeur des gens d'armes
et de Brézé, les Français commençaient à faiblir. Enfin les
troupes de Richemont paraissent sur les hauteurs qui dominent
le val de Formigny. « Je crois que Dieu nous y amena monsieur
le connétable, écrivait l'amiral de Coëtivy' quatre jours après
la bataille, car, s'il ne fust venu à l'heure et par la manière qu'il
y vint, je double que entre nous, qui les avions atteints les
premiers et faict mectre en bataille, d'une part, et nous estions
mins en bataille, d'autre part, n'en fussions jamais sortis sans
dommaige irréparable, car ils estoient de la moitié plus que nous
n'estions ^. » On répète encore aujourd'hui dans le pays que
l'arrivée du connétable sauva l'armée française d'une défaite
certaine.
Les Anglais, croyant d'abord que c'est Somerset 'qui vient à
leur aide, poussent des cris de triomphe; mais, quand ils dis-
tinguent sur les enseignes les fleurs de lis, ils craignent d'être
coupés, reculent vers le ruisseau, sur le corps de bataille, et
Brézé profite de ce mouvement pour reprendre les coulevrines.
Le connétable, qui s'était arrêté près d'un moulin à vent, au
sommet de la colline *, a bien vite jugé la situation. Il envoie
1. Ce détail se retrouve aussi dans les traditions locales et dans les
tableaux très rudimentaires qui représentent la bataille. (Voir deux dis-
sertations dans les Mémoires de la Soc. des antiquaires de Normandie,
année 1824, p. 490-510, 678-698.)
2. Jean II de Brosse, seigneur de Sainte-Sévère et dé Boussac, fils du
maréchal de Boussac, mort en 1433 (voy. ci-dessus, p. 140).
3. Preuves de Vhistoire de Bretagne, II, 1321.
4. Gruel, 224. Voy. le plan de la bataille, p. 409. Ce moulin n'existe plus;
mais, dans le pays, on en garde encore le souvenir.
BATAILLE DE FORMIGNY (14o0, 15 AVRIL) 411
son avant-garde vers le pont et vers un gué situé sur sa gauche,
en s'avançant lui-même pour soutenir ses- gens. Les Anglais,
déconcertés, croyant avoir affaire à des torces considérables,
se précipitent vers leurs retranchements. Beaucoup sont tués
ou pris avant de les atteindre. Une fois le pont enlevé, toutes
les troupes passent le ruisseau et rejoignent celles du comte
de Glermont sur la rive droite. Alors le connétable prend le
commandement de l'armée et va reconnaître, avec Coëtivy, les
positions ennem'es. « Que vous semble, dit-il, monsieur l'amiral,
comment nous devons les prendre, ou par les bouts, ou par
le milieu ' ? » Et, comme celui-ci exprimait la crainte de voir les
Anglais rester dans leurs retranchements : « Ils n'y demeure-
ront pas, avec la grâce de Dieu *, » reprend le connétable.
A ce moment, P. de Brézé vient lui demander l'autorisation
d'attaquer les ennemis à droite, pour couper leur ligne de
retraite sur Bayeux. Après avoir réfléchi quelques minutes, le
connétable y consent. Aussitôt le vaillant capitaine s'élance,
avec ses gens, sur un poste fortiflé, qui défendait le chemin de
Bayeux, à droite de Formigny. En même temps, le connétable
et son neveu, avec le reste de l'armée, attaquent les ennemis à
gauche et au centre, vers le ruisseau et vers le village. Culbutés
par Brézé, les Anglais se débandent, commencent à fuir, et cette
habile manœuvre décide le succès de la journée. Kyriel essaye
encore de résister dans Formigny; mais; Brézé se retournant
contre lui, il se voit attaqué de toutes parts et prolonge vaine-
ment une résistance désormais inutile. Ses troupes ne songent
plus qu'à fuir.
D'autre part, la lutte continuait avec acharnement près du
pont. M. Goth et Rob. de Vere s'échappent, pour chercher un
refuge à Bayeux et à Caen; mais la plupart de leurs soldats
sont massacrés. Leurs cadavres s'entassent en cet endroit ^ ; le
ruisseau est rougi de leur sang*. Plus loin, cinq cents archers,
qui s'étaient réfugiés dans un jardin entouré de fortes haies,
veulent se défendre. Us sont assaillis avec une telle fureur qu'ils
se jettent à genoux et tendent leurs arcs désarmés, en implorant
merci. Ils sont exterminés jusqu'au dernier. Les paysans, accourus
pour voir la bataille et participer au butin, tuent tous les fuyards.
1. Gruel, 224.
2. Gruel, 223.
3. A ce même endroit le comte de Glermont, devenu le duc Jean II de
Bourbon, lit ériger, en 1486, une chapelle qu'on voit encore aujourd'hui.
Voy.. le plan de la bataille.
4. Les habitants du Val de Formigny répètent encore ce détail, qui s'est
transmis par la tradition.
412 BATAILLE DE FORMIGNY (1450, 15 AVRIL)
Après cet effroyable carnage, on compta, sur le champ de
bataille, 3 774 morts, tous Anglais, moins une dizaine de Fran-
çais *. On avait fait douze à quatorze cents prisonniers, et, parmi
eux, le général en chef, Th. Kyriel, avec deux de ses lieutenants,
Th. Kirkeby, H. Norbery, et plus de quarante gentilshommes.
L'armée anglaise était anéantie. Ce fut une revanche de la
journée d'Azincourt, où, trente-cinq ans auparavant, Richemont
avait failli périr. Le comte de Glermont, le comte de Castres,
Godefroy de La Tour, fils du comte de Boulogne, et un grand
nombre d'autres seigneurs, qui avaient bien gagné leurs éperons,
furent faits chevahers. Le connétable alla coucher à Trévières,
laissant à son neveu l'honneur de passer la nuit sur le champ de
bataille ^ Le lendemain, ils firent creuser de grandes fosses, où on
entassa les cadavres, puis ils conduisirent l'armée, avec les
prisonniers, à Saint-Lô, où ils restèrent trois jours, pour donner
du repos aux troupes et des soins aux blessés.
La journée de Formigny souleva dans tout le royaume des
transports de joie et d'enthousiasme, de grandes démonstrations
populaires ^. Ce fut une satisfaction pour le sentiment national et
un présage d'entière délivrance. Depuis le début de la guerre de
Cent ans, la France n'avait pas remporté une pareille victoire.
Celle-ci était due, en grande partie, aux réformes militaires
dont le connétable avait été le promoteur. La gendarmerie
française avait montre, pour la première fois, sur un champ de
bataille, ce qu'on pouvait attendre de la nouvelle armée. Ces
qualités indispensables au soldat, la discipline, la solidité, le
1. L. Delisle, Hist. du château de Saint -Sauveur, p. 273, et Fr. 26080,
u» 6293. C'est aussi le chiffre de M. d'Escoiichy (I, 285) et de Berry. Blondel
(p. 173) dit 3 674, Grafton (I, 635) 4 000. — Sur lal)ataille de Formigny, voir :
Gruel (p. 224-225), qui était avec le connétable, mais qui donne peu de
détails; J. Chartier (II, 192-197), qui dut se renseigner et aller voir les
lieux avant de raconter ce fait si important et qui fournit d'utiles ren-
seignements; M. d'Escoucliy (I, 279-286); Blondel (p. 137-177); Berry (éd.
anglaise, p. 330-338) ; Martial d'Auvergne (II, 86-90) ; Fr. 5034, f» 192 V ; Chron.
Martinienne, fo ccxcu v»; Th. Basin, I, 236-239; A. Bouchard, f» clxxxiu v-
CLXxxv; Ch.-E. Lambert, La bataille de Formigny, Caen, 1824, in-8''; le
père Daniel, Hist. de France, VI, 252-253 ; Chronique du Mont-Saint-
Michel, I, 36; E. Hardy, Origines de la tactique française, Paris, Dumaine,
1879,in-8<', t. I, 332-338, avec un petit plan à la p. 533.
2. M. d'Escouchy I, 286. — A la cour, on discuta pour décider à qui
devait appartenir l'honneur d'avoir gagné la bataille. « Charles vint, qui
demesla et osta l'estrif, car il assigna l'honneur et la gloire de ceste vic-
toire au comte de Glermont. » (R. Gaguin, Les grandes Cronicques, etc.,
Paris, 1514, édit. golh. in-f", f» 179 v). Ce jugement, s'il a été prononcé,
n'est pas sans appel. Il prouverait, une fois de plus, que Charles VII
n'aimait guère le connétable.
3. Sauvai, Antiquités de Paris, I, 359.
CAPITULATION DE VIRE (1450, AVRIL) 413
sang-froid, qui avaient fait trop longtemps la supériosité des
Anglais, semblaient acquises à leurs adversaires. On espérait
que la Normandie entière allait être bientôt reconquise, car les
Anglais ne pouvaient plus résister '.
Après la bataille de Formigny, le connétable et le comte de
Clermont envoyèrent demander au roi s'il fallait assiéger
Vire ou Bayeux. Ils reçurent l'ordre de prendre Vire. Ils quit-
tèrent Saint-LÔ le lundi 20 avril ^. Richemont avait déjà
fait partir tout son matériel de siège et ordonné aux villes voi-
sines d'envoyer les charpentiers, maçons, pionniers, mineurs
dont il avait besoin ^. Vire ne résista pas. Il y avait dans la
place 300 ou 400 Anglais. Leur capitaine, H. Norbery, avait été
fait prisonnier à Formigny. Il négocia une capitulation, par la-
quelle les Anglais purent sortir, vie et biens saufs, mais en lais-
sant leur artillerie et en donnant 4 000 écus, pour aider à payer
la rançon de leur chef *. Us se retirèrent à Gaen. Le conné-
table et le comte de Clermont leur accordèrent ces conditions
avantageuses, parce qu'ils avaient hâte de s'éloigner, pour aller,
l'un au siège d'Avranches, l'autre au siège de Bayeux. Ils pro-
mirent également aux habitants de la ville et de la vicomte de
Vire une abolition générale, que Charles VII ratifia. En récom-
pense de ses services, Richemont reçut du roi, sa vie durant,
la seigneurie de Vire. Il nomma capitaine de la ville Michel de
Parthenay ^.
i. On leva de nouveaux impôts dans les provinces pour continuer cette
conquête [Portef. Fontanieu, 121-122, au 19 mai et au 28 novembre 14S0;
Fr. 26079, n»» 6186, 6187, 6196, 6197, 6211; Fr. 26080, n» 6325; K 68,
n»' 39, 41; Fr. 25711, n»» 207, 219, 232). Le 5 mars, à Bernay, Charles VII
ordonne de lever dans la vicomte de Gaen une partie de l'aide de 188 000 fr.
octroyée à Henri VI, au mois de mai précédent. La vicomte de Gaen avait
déjà payé beaucoup pour l'armée du duc de Bretagne (n» 219).
2. Voy. la lettre de Coëtivy ; Gruel, 223, et VAppend. XCVII (abolition pour
Vire). Le 20 avril, à Saint-Lô, Richemont ordonne de payer 150 saints
d'or à P. Drouart, qui avait pris l'Anglais J. Boutillier à la bataille de
Formigny (voy. Append. XGV). Le même jour, il ordonne de rembourser
50 saluts d'or à Guil. de Dampierre, qui lui a prêté 100 saints d'or, pour
acheter de la poudre à canon « et autre artillerie », nécessaires au siège
de Vire (voy. Append. XGVl, "n* 1).
3. Voy. Append. XGVI, n* 2.
4. JJ180, f» 57; JJ 185, f» 1, no 1.
5. Append. XGVII; Grnel, 233; Berry, 338; M. d'Escouchy, I, 286-287;
JJ 185, f" 205. M. de Parthenay fut remplacé par Jacques de Luxembourg,
lieutenant général du connétable (Fr. 26082, n" 6774, au 14 juillet 1431).
M. de Parthenay semble avoir été soupçonné de complicité dans l'assas-
sinat de Gilles. Dans un rôle de dépenses approuvé et signé par le roi le
16 mars 1452 a. st., on lit : « A messire Michel de Partenay, chevalier, la
somme de xv* 1. t. à lui donnée par le roy, nostre dit seigneur, -pour le
414 CAPITULATION d'avranches (1450, mai)
Aussitôt après la prise de Vire, le comte de Glermont partit,
avec toutes ses troupes, pour aller se joindre à l'armée de
Dunois, qui devait faire le siège de Bayeux. Quant au connéta-
ble, il lui restait à prendre les places du Gotentin qui étaient
encore au pouvoir des Anglais. Gardant avec lui le comte de
Laval, Lohéac, l'amiral, Jacques de Ghabannes, les sires d'Or-
val * et de Boussac, il se dirigea rapidement vers Avranches. Il
arriva le dernier jour d'avril au pont Gillebert.
Le duc de Bretagne ^ était déjà devant Avranches, avec toute
son artillerie. La place, inaccessible d'un côté, défendue, de
l'autre, par des fossés et par de puissantes murailles, pourvue
d'une garnison de 500 hommes aguerris, était difficile à prendre.
Le l""" mai, le connétable se joignit, avec ses troupes, à l'armée
bretonne ^. C'est ce jour-là qu'il apprit la mort de l'infortuné
Gilles, et la nouvelle lui en fut confirmée par le duc lui-même,
auquel il fit les plus sanglants reproches. Toutefois , il évita
d'ébruiter cette triste affaire, à cause de la perturbation qu'elle
devait jeter dans l'armée. Il fît dresser des batteries du côté où
la ville paraissait le plus abordable, et, au bout de quelques
jours, les bombardes eurent pratiqué des brèches assez larges
pour qu'on pût donner l'assaut. Le capitaine anglais, J. Lam-
pet, désespérant d'être secouru, se résignait à capituler, quand
sa femme, lui reprochant cette lâcheté, revêt un costume de
guerre, se met à la tête de la garnison, ranime les courages
abattus, force les habitants à prendre les armes et continue la
résistance.
Gependant la formidable artillerie des assiégeants ébranle les
murailles; ils creusent des galeries souterraines et s'apprêtent à
donner l'assaut. Les habitants, épouvantés, crient merci; les An-
glais eux-mêmes réclament, avec instances, une capitulation.
Alors l'héroïne qui les commande change de rôle. Parée de
ses plus brillants atours, cette femme, d'une beauté merveilleuse,
va parlementer avec le duc de Bretagne et, nouvelle Judith,
verse, dit-on, un poison mortel au jeune prince, trop sensible à
récompenser de la cappitainerie du chastel de Vire, que ledit seigneur lui
avoit donnée, à la réduccion et recouvrance, et, depuis, l'a reprinse et
donnée à monseigneur le connestable >' (Fr. 26081, n» 65381).
1. Arnault Amanieu d'AIbret, sire d'Orval. II fut capitaine de Bayeux
(Fr. 26080, n» 6396).
2. Lieutenant général du roi sur le fait de la guerre dans la Basse-Nor-
mandie (JJ 180, f" 49 V», n» ex).
3. Voir une lettre de Pierre de Bretagne à R. de Carné dans les Preuves
de rhist. de Bret., II, col. 1443-1446, avec la date fautive de 1449, au lieu
de 1450, 3 mai. C'est ce qui a trompé M"". S. Luce (Chron, du Mont-Saint-
Michel, p. 46, note 1, p. 57, note 1); Gruel, 225.
CAPITULATION DE TOMBELAINE (1450, MAl) 415
ses séductions *. Elle obtient pour les assiégés la permission de
quitter la ville, sans rien emporter, il est vrai; mais le duc laisse
à J. Lampet et à sa femme tous leurs biens. Louis d'Estouteville
est nommé capitaine d'Avranches (13 mai). Le siège avait duré
environ trois, semaines ^.
L'armée bretonne alla ensuite assiéger Tombelaine, forte-
resse bâlie sur un rocher, au milieu des grèves du Mont-Saint-
Michel, défendue, en outre, par une triple enceinte et qui ne
pouvait guère être prise que par la famine; néanmoins le capi-
taine, Makin de Longworth ^, voyant qu'il n'arrivait d'Angle-
terre aucun secours, traita aussitôt avec le duc. Il lui remit la
place, à condition que les Anglais pourraient en sortir avec leurs
biens, sans emmener l'artillerie, et qu'on leur payerait 500 écus,
La garnison alla se réfugier à Cherbourg. Louis d'Estouteville
eut aussi la garde de Tombelaine *.
Le duc de Bretagne ressentit alors les atteintes d'une maladie
qui fît de rapides progrès, soit qu'il eût été empoisonné réelle-
ment, soit que le remords d'avoir fait périr son frère eût altéré
sa santé. D'après une tradition populaire, un cordelier, qui avait
confessé Gilles, peu avant le crime, aborda le duc dans les
grèves du Mont-Saint-Michel et l'ajourna, au nom de sa victime,
à comparaître devant Dieu, dans quarante jours. Quoi qu'il en
soit, le jeune prince, trop malade pour continuer la campagne,
dut se retirer. Il quitta le connétable au Mont-Saint-Michel, mais
il lui laissa le comte de Laval, le sire de Boussac, le maréchal
de Bretagne et le sire de Malestroit, avec 300 lances, entretenues
à ses frais, pour achever la conquête de la basse Normandie ^.
Avec ces troupes et celles qu'il avait déjà, Richemont se di-
rigea vers Bayeux ^, pour coopérer au siège de Caen. Arrivé à
Coutances, il envoya Jacques de Luxembourg et Odet d'Aidie
assiéger Saint-Sauveur-le- Vicomte, une des plus fortes places
de Normandie, protégée par les marais de l'Ouve et qui avait une
garnison de 400 à 500 hommes. Jean de Robessart, chevalier du
1. Cette anecdote ne se trouve que dans Blondel, p. 203-208. II y a quel-
ques mots qui semblent la confirmer dans M. d'Escouchy, I, 28&.
2. M. d'Escouchy, I, 288; Ordonn., XIV, 91-92; Chron. du Mont-Saint-
Michel, p. 57, note 1 ; JJ 180, f* 49 v-30.
3. Il était déjà lieutenant de SufTolk à Tombelaine en 1438. Il était capi-
taine de cette place en 1445 (Clairamb., t. 186, f»' 6949-6959).
4. M, d'Escouchy, I, 288-289; Blondel, 209; Berry, 339; ci-dessus, p. 396.
5. M. d'Escouchy, I, 289; Gruel, 223; Berry, 364.
6. Ckitte ville était déjà au pouvoir des Français (JJ 180, f" 47-vo, n° cvi).
Dunois l'avait réduite à capituler, le 16 mai {idem, f"» 57 v»-58, n° vi"vi;
J. Stevenson, II, 2» partie, 730; Ordon., XIV, 93-95; Fr. 26079, n»' 6207,
6210; Fr. 20579, n» 45).
416 CAPITULATION DE SAINT-SAUVEUR ET DE VALOGNES (1450, MAl)
Hainaut, qui, depuis longtemps, était au service de l'Angleterre,
résista énergiquement. Il fallut que Richemont envoyât à son
lieutenant des renforts. Enfin, après dix jours de siège, Robes-
sart capitula, vie et biens saufs *. Odet d'Aidie fut nommé ca-
pitaine de Saint-Sauveur ^. Pendant ce siège, la garnison anglaise
de Briquebec, se croyant aussi menacée, se rendit à Jacques de
Luxembourg, aux mêmes conditions que Saint-Sauveur. L. d'Es-
touteville reprit possession de Briquebec, dont il était le légitime
seigneur ^
En même temps, le maréchal de Lohéac, l'amiral, Geoffroy
de Couvran et Olivier deBroon *, allèrent mettre le siège devant
Valognes. Le capitaine de la ville, Thomas Chiswal ^, voyant
que les autres places du Cotentin se rendaient, faute de secours,
et obtenaient ainsi des conditions favorables, remit Valognes au
maréchal de Lohéac, qui en fut capitaine (mai 1450) ". Ces ra-
pides et faciles succès avaient été obtenus sans qu'on eût même
eu besoin d'employer le canon, le connétable ayant dirigé sur
Caen toute son artillerie.
Dans le Cotentin, il ne restait plus aux Anglais que Cherbourg,
où s'étaient réfugiées les garnisons chassées des autres villes, y
compris celle de Bayeux; mais le siège d'une place comme Cher-
bourg était unç opération des plus malaisées. Le connétable dut la
différer. D'ailleurs les comtes de Clermont et de Dunois n'atten-
daient plus que lui pour investir la grande ville de Caen. Il se di-
rigea donc de ce côté, en passant par Bayeux '', où il réunit ses
troupes. Il s'avança ensuite jusqu'au village de Cheux ®, à douze
lieues de Caen, avec le comte de Laval, le maréchal de Lohéac, le
1. Gruel, 225; M. d'Escouchy, I, 290; L. Delisle, Hist. du château et des
sires de Saint-Sauveur -le-Vicomle, 264-266. Le sire de Villequier, qui allait
bientôt épouser Antoinette de Maignelais, reçut, le 10 juillet 1450, la
seigneurie de Saint-Sauveur. On sait qu'Antoinette de Magnelais rem-
plaça Agnès Sorel auprès de Charles VII (J. Chartier, II, 212-214; M. d'Es-
couchy. I, 291 ; JJ 180, f» 127 ; voir aussi f" 58 v°, n« vi"vn, et JJ 183,
f" 75 v", n» iiii^^xv; JJ 182, f» 43, n° Ixxi, p. 2531, f» 321 v).
2. Il fut plus tard bailli de Cotentin (Pièces orig., t. 15, dossier 376
[Aydie], n<" 3-8).
3. Du chef de sa femme, Jeanne Paisnel{M. d'Escouchy, I, 291; J. Char-
tier, II, 211; de Gerville, dans les Mémoires de la Société des antiquaires
de Normandie, année 1823).
4. Il tenait alors garnison à Carentan, avec Guillaume de Rosnyvinen
(JJ 180, f» 34).
5. Clairambault, 132, f» 3779.
6. Voy. Appendice XCVlll; M. d'Escouchy, I, 292; J. Chartier, II, 211-212;
Gruel, 223. Cette ville et le pays voisin furent cruellement éprouvés par
la guerre (Fr. 25712, n» 263).
. 7. Voy. Append. XGVIII.
8. C. de Tilly-sur-SeuUes, arrondissement de Caen.
RICHEMONT VA AU SIÈGE DE CAEN (1450, JUIN) 417
maréchal de Bretagne, Jacques de Luxembourg, les sires d'Estou-
teville, de Boussac et de Malestroit. Il y fut rejoint par les comtes
de Clermont et de Castres, l'amiral de Goëtivy, P. de Brézé, Jac-
ques de Chabannes et les combattants de Formigny *.
Cette petite armée, fière de sa récente victoire, marchait,
pleine d'ardeur, à de nouveaux succès. Elle partit de Cheux le
5 juin. Arrivée sous les murs de Caen, elle s^établit à l'angle
nord-ouest de la ville, vers la porte de Bayeux, la route de
Bretagne, le faubourg l'Abbé et dans la presqu'île comprise
entre les deux bras de l'Odon , à la grande abbaye de Saint-
Etienne *. C'est là que logèrent le connétable, le comte de Cler-
mont et les autres chefs principaux, Dunois, avec le maréchal
de Jaloignes et Charles de Culant, frère du maréchal, prit
position au sud, dans le faubourg de Vaucelles ^. On jeta
un pont sur l'Orne, en aval de Caen; puis les comtes d'Eu et
de Nevers, avec J, de Bueil et Joachira Rouault, allèrent occu-
per le faubourg Saint-Gilles et l'abbaye de la Trinité, à l'est
de la ville, dans la direction de la mer.
Le roi, qui venait d'Argentan, arriva peu après, avec René
d'Anjou, son fils aîné Jean, duc de Calabre, le duc d'Alençon,
les comtes du Maine et de Saint-Pol, Ferry et Jean de Vaude-
mont, Poton de Saintrailles et d'autres capitaines. Il se rendit
auprès de Dunois, puis, avec René d'Anjou, il alla voir le conné-
table et voulut monter, avec eux, sur les tours de Saint-Etienne,
pour mieux contempler la ville. Il se logea ensuite à l'abbaye
d'Ardenne *. Le roi de Sicile et les autres princes occupèrent
l'abbaye de la Trinité et distribuèrent leurs troupes aux envi-
rons de la ville, qui fut investie de toutes parts.
Jamais Charles VII n'avait réuni une aussi belle armée. Elle
comptait environ 17 000 hommes, dont 6 000 francs archers^.
On y voyait, avec les rois de France et de Sicile, les plus grands
seigneurs du royaume et les capitaines les plus renommés.
Jamais, non plus, armée chrétienne n'avait été secondée par une
artillerie aussi puissante et aussi bien servie. Rien n'y manquait
de ce qu'on avait inventé jusqu'alors, ni les énormes bombardes
pour démolir les murailles, ni les gros canons, ni les pièces plus
1. Gruel, p. 225. — G. Gruel accompagnait alors le connétable.
2. En 1435, lorsque les nobles et les gens du commun de la vicomte de
Caen avaient voulu prendre la ville aux Anglais, ceux-ci, après les avoir
repoussés, avaient pillé l'abbaye et abattu une partie des fortifications
que le roi Jean avait fait élever (JJ 187, f- 74, n» vu^nn).
3. M, d'Escouchy, I, 306-307.
4. JJ 186, f» 34 V», n» im^xvi, Jacques Cœur était aussi avec le roi,
5. Voy. Append. XGIX.
RiCHEMONT. 27
418 RICHEMONT VA AU SIÈGE DE CAEN (4450, JUIN)
légères et plus mobiles, veuglaires, ribaudequins, coulevrines,
ni les mantelets pour protéger les travaux d'approche. Les frères
Bureau, qui avaient perfectionné ce formidable appareil, savaient,
mieux que personne, en tirer parti *.
Caen était alors, après Rouen, la ville la plus peuplée, la plus
riche, la plus importante de la Normandie. Ses fortes murailles,
baignées par les eaux de l'Odon et de TOrne, son château, bâti
sur un rocher élevé, son puissant donjon, qui dominait de cent
pieds le château lui-même, rendaient plus difficiles le siège et la
prise de cette grande place *. Le duc de Somerset y avait réuni
une garnison de 3 à 4000 hommes, commandés par des officiers
vaillants et résolus, Davy Hall, Robert de Vere et H. Redford,
capitaines de la ville, du château et du donjon ^. Il est vrai qu'il
n'avait à compter sur aucun secours * et qu'il redoutait l'hosti-
lité de la population. Il avait demandé en Angleterre des ren-
forts ; mais Henri VI et ses ministres avaient trop d'embarras à
surmonter pour s'occuper de sa situation.
C'était l'époque où Richard d'York, mettant à profit la faiblesse
du roi, l'impopularité de la reine, l'irritation du peuple, prépa-
rait la chute des Lancastre et la guerre des Deux-Roses. La nou-
velle de la défaite de Formigny avait porté l'exaspération au
comble. Suffolk venait d'être assassiné * ; une insurrection écla-
tait dans le pays de Kent; son chef, John Cade, était entré dans
Londres ®. Découragé par ses revers, Somerset comprenait que
la Normandie était perdue ; il sentait aussi peser sur lui une
responsabilité redoutable. Il essaya néanmoins de résister.
Cependant les travaux d'approche étaient poussés de tous côtés
avec une remarquable promptitude, surtout vers l'abbaye de
Saint-Etienne, où était le connétable. Il avait fait venir du Go-
tentin un grand nombre de manœuvres, de charpentiers, de ma-
çons, de mineurs, avec le matériel nécessaire '. Dès le premier
1. Berry, édit. J. Stevenson, p. 373-374. Gaspard Bureau, maître de l'ar-
tillerie, était au siège de Caen (Fr. 26079, n» 6220). Quant à Jean Bureau,
maître des comptes et trésorier de France, le roi lui donna, le 9 février
1451, la seigneurie de Briouze, au bailliage de Caen, pour le récompenser
d'avoir contribué au recouvrement de. la Normandie, conduit l'artillerie
« à grant diligence », assisté à tous les sièges, etc. (K 68, n» 25).
2. L. Puiseux, Siège et prise de Caen par les Anglais en 1 417, Caen, 1858^
in-S», p. 13-19.
3. Grafton's chronicle, I, 636.
4. Voir cependant J. Stevenson, II, 2e partie, 595-597.
5. Il avait d'abord été mis en accusation (Rolls ofParl., V, 176 et suiv.).
6. Proceedings, VI, préface, xxni et suiv., xxxi et suiv., et p. 96-101,,
107-109. Issues ofthe Exchequer, p. 467, 470, 471.
7. Voy. Append. G.
CAPITUUTION DE CAEN (1450, 24 JUIN) 419
jour, il avait pris d'assaut le boulevard qui protégeait la porte
de Bayeux. Aussitôt les mineurs s'étaient rais à l'œuvre. Jacques
de Chabannes avait fait creuser une tranchée ouverte, et Le Bour-
geois * une galerie souterraine qui allaient jusqu'au pied des
murs, du côté de Vaucelles, Dunois avait aussi enlevé les boule-
vards de Gaen, après un combat acharné, mais ce fut Richemont
qui fut prêt le premier à donner l'assaut. Le Bourgeois avait
fait sauter une tour et un pan de muraille qu'il avait minés;
une large brèche était ouverte, et on pouvait combattre mains
à mains.
Le connétable avait grand'peine à contenir l'impatience de
ses Bretons; mais le roi, par pitié pour la population, ne voulut
pas permettre l'assaut. Il aimait mieux obliger les Anglais à ca-
pituler. Somerset s'était retiré dans le château, avec sa famille.
On raconte qu'un boulet étant tombé entre la duchesse et ses
enfants, elle fut si effrayée qu'elle se jeta aux genoux de son
mari, en le suppliant de traiter avec le roi de France. Le duc
allait céder, quand Davy Hall déclara qu'il avait reçu du duc
d'Yorli le commandement de la ville et qu'il ne consentirait
jamais à la rendre. A cette nouvelle, la population, irritée, menaça
d'ouvrir elle-même les portes aux assiégeants, si la capitulation
n'était pas signée dans trois jours. Elle fut conclue le 24 juin ^.
Somerset prit l'engagement de livrer la ville le 1" juillet, s'il
n'était pas secouru dans l'intervalle, clause dont il savait, mieux
que personne, l'inutilité. Les Anglais eurent le droit de sortir
avec tous les biens qu'ils pourraient emporter. On promit même
de leur fournir, pour cela, des chariots et des navires, à condi-
tion qu'ils s'en retourneraient en Angleterre. Us devaient donner
dix-sept otages.
Le l^"" juillet, Richard Harington, bailli de Gaen, vint apporter
les clefs de la ville, du château et du donjon au connétable, qui
les remit aussitôt à Dunois, nommé capitaine et gouverneur de
la place. Les otages, parmi lesquels se trouvaient Robert de
Vere et Hugues Spencer, furent aussi amenés à Richemont. H
en confia la garde à Gilles de Saint-Simon et à Guillaume
Gruel \
1, Gruel, 226; M. d'Escouchy, I, 310; d'Argentré, 937; Martial d'Auver-
gne, édit. goth. de 1493, à la date, ou t. II de l'édit, de 1724, p. 97.
2, Grafton, I, 636; K 68, n- 45. J. Ghartier, II, 220, dit que ce fut
le 25 juin. Charles VII accorda une abolition générale aux habitants de
Gaen (JJ 180, f" 66, n*" vu"*!; Gh. Hippeau, l'Abbaye de Saint-Etienne de
Gaen, Gaen, 1855, in-4, p. 141-143; Ordonn., XIV, 96-98).
3, Sur le siège de Gaen, voir : Blondel, 213-228; Berry, dans le même
volume, 345-358; Jean Ghartier, t. II, 214-223; M. d'Escouchy, t. I, 304-314;
420 RICHEMONT ASSIÈGE CHERBOURG (14S0, JUILLET)
Le 6 juillet, Charles VII fit son entrée solennelle à Gaen. Le
connétable ne figurait pas dans son cortège. Chargé de con-
duire jusqu'au port ae Ouistreham ^ le duc et la duchesse de
Somerset, de pourvoir à la subsistance et à l'embarquement
des Anglais 2, il avait hâte aussi de repartir, pour faire le siège
de Cherbourg. Cette ville était la seule, avec Falaise et Domfront,
qui fût encore au pouvoir des Anglais. Pendant qu'une partie
de l'armée allait, avec Jean Bureau, assiéger ces deux dernières
villes, le connétable, avec le comte de Clermont, Gaspard
Bureau ^ et les troupes qui avaient combattu à Formigny, ren-
forcées par 2 000 francs archers, se dirigeait vers Cherbourg, par
Carentan et Valognes, Pendant qu'il était encore sous les murs
de Caen, il avait prescrit, dès le 30 juin, aux villes du Gotentin
d'envoyer à Valognes, avant le 6 juillet, des maçons, des char-
pentiers, des manœuvres, avec tout ce qui était nécessaire pour
les travaux du siège ^. Les opérations commencèrent donc sans
retard.
Cherbourg passait alors pour la plus forte place de la Nor-
mandie. On croyait même qu'elle ne pouvait être prise que par
la famine. Henri VI n'avait pu la réduire que par ce moyen *, après
un blocus de six mois; Du Guesclin lui-même avait échoué devant
ses murs ^. Thomas Gower y commandait, et, avec une garnison
de 1 000 hommes, il ne doutait pas qu'il pût repousser toutes
les attaques. Ce siège fut le plus difficile de la campagne. Il
dura environ un mois ^ Il fut dirigé, sur les trois points prin-
cipaux, par le connétable, par le comte de Clermont, par
l'amiral de Coëtivy, que secondaient le maréchal de Brq.tagne
et J. Rouault. L'artillerie de Gaspard Bureau * ébranlait des
murailles qui, dans les autres sièges, avaient résisté à des engins
Gruel, 22S-226 ; K 68, n» 45 ; Belleforest, Les grandes annales, Paris, 1579,
in-f», f« 1134 V»; Martial d'Auvergne, II, 94-102, et Fr. 3054, f» 201; Chron.
Martinienne, f" ccxciii.
1. Canton de Douvres, arrondissement de Caen.
2. Blondel, 224-223; J. Chartier, II, 223. — M. d'Escouchy dit que So-
merset et les Anglais s'embarquèrent à Calais; mais, en cela, il n'est pas
d'accord avec Blondel, Berry, J. Chartier.
3. Clairamb., t. XXIII, f» 1689.
4. Append. CI, n»» 1, 2, 3, 4; M. d'Escouchy, III, 371. Jacques Cœur prêta
60 000 1. t. pour ce siège (P. Clément, Jacques Cœur, 175-176).
5. Elle fut alors assiégée par Glocester, frère de Henri V, en 1417 (Le
Fèvre de Saint-Bemy, I, 320; Rolls of Parliament, IV, 320).
6. D'après Blondel, 232-233.
7. On avait supposé qu'il durerait plus longtemps (voir Append. CI, n» 4),
et l'argent que le connétable avait demandé ne fut pas dépensé entière-
ment.
8. Pièces orig., t. 558, dossier 12585 (Bureau), n" 3.
CAPITULATION DE CHERBOURG (1450, 42 AOUT) 42i
moins puissants. Les bombardes tiraient sans relâche, si bien
que neuf ou dix crevèrent. Cependant les Anglais résistaient; ils
attendaient du secours. En effet, quelques vaisseaux, parmi
lesquels on remarquait un grand bâtiment, appelé la nef Henry,
débarquèrent des renforts *. L'artillerie de la place répondait
vigoureusement à celle des assiégeants et rendait fort dangereux
les travaux d'approche. C'est ainsi que l'amiral et Le Bourgeois
furent tués dans une tranchée, à huit ou dix jours d'intervalle.
Ce fut une grande perte pour l'armée ; et le connétable en fut
vivement affecté '.
Les maladies faisaient aussi un grand nombre de victimes, et
la situation eût pu devenir inquiétante, si l'on n'avait eu re-
cours à un moyen aussi hardi qu'ingénieux, pour vaincre la
résistance des assiégés. Sur l'ordre de Richemont, Gaspard Bu-
reau établit, dans la mer même, au milieu des rochers qui res-
taient découverts à marée basse, une batterie de quatre grosses
bombardes. Quand le flot montait, on les bouchait hermétique-
ment; on les recouvrait d'une enveloppe de cuir, enduite de
graisse, fixée par un cercle de fer. Quand la mer se retirait, on
pouvait bombarder la ville du côté où elle avait été jusque-là
inattaquable, « de quoy les Anglois furent plus esmerveillez que
d'aucune aultre chose ^. » Ils commencèrent à désespérer, et,
comme ils n'attendaient plus d'autres secours, ils aimèrent mieux
traiter que de s'exposer à être faits prisonniers. La capitulation
fut conclue le 12 août 1450, entre le connétable, le comte de
Clermont, lieutenant général du roi dans la basse Normandie, et
Th. Gower, capitaine de Cherbourg.
Cette date mémorable marque la fin de la domination anglaise
en Normandie *. Falaise, Domfront avaient aussi capitulé (23 juil-
let — 2 août) *; la province entière .avait été reconquise dans
l'espace d'un an ^. Le connétable avait pris une grande part à
1. J. Stevenson, I, 317, 520.
2. Blondel, 233; d'Argentré, 938; M. d'Escouchy, I, 317; Gruel, 226; Pr.
de Coëtivy fut remplacé, comme amiral, par J. de Bueil (Fr. 26080, n° 6397).
3. Gruel, 226.
4. Voy. Appendice Cil; Martial d'Auvergne, II, 106-108; Chron. Marti-
nienne, f» ccxcni; Chron. du Mont-Saint-Michel, 58-39; Blondel, 231-236; K 68,
n» 48; Berry, 361, 363-367; M. d'Escouchy, I, 314-316. — Le connétable donna
la garde de Cherbourg à l'amiral J. de Bueil, qui y mit les gens de sa com-
pagnie d'ordonnance (Gruel, 226, confirmé par JJ 185, f» 25 v»; Pièces
orig., t. 349, dossier 12360 [de Bueil], n" 110-116; de Gerville, dans les
Mémoires de la Soc. des antiq. de Normandie, année 1824. p. 197-209.)
5. J, Stevenson, II, 2" partie, 735; Fr. 26079, n» 6223; JJ 183, f» 72.
6. Le 31 août, le roi écrit une lettre circulaire, pour annoncer la prise
de Cherbourg et le recouvrement de toute la Normandie. Il veut qu'on
en rende grâces à Dieu, par processions générales et messes solennelles
422 TOUTE LA NORMANDIE EST RECONQUISE (1450, AOUT)
cette campagne, que le roi qualifiait avec raison de miraculeuse^ ;
« et ainsi fut le pais délivré des Anglais, qui, par l'espace de
trente-trois ans, l'avaient occupé ^. »
Le roi confirma les mesures prises par le duc de Bretagne et
par le connétable pendant celte guerre ^, traités conclus avec les
Anglais, nominations aux offices civils et militaires, promesses
de pardon faites aux habitants. Il accorda une amnistie géné-
rale * et voulut que les populations fussent traitées avec une mo-
dération qui leur fît aimer, dans la patrie délivrée, le gouverne-
ment du souverain légitime. Déjà la discipline observée par les
troupes durant la campagne avait produit la meilleure impres-
sion ^. Pour maintenir cet état de choses en Normandie, pour y
faire régner l'ordre et la sécurité, le roi pouvait compter sur le
connétable.
dans toutes les églises notables du royaume, et qu'à l'avenir pareilles céré-
monies se fassent, chaque année, le 12 août (Fr. 6966 [Legrand, VI], f" 219;
J. Stevenson, I, 307; J. Chartier, III, 331 ; P. Louvet, Hist. des antiqiiitez du
Beauvoisis, Beauvais, 1631, in-4°, t. Il, 567, etc.). — Médailles commémora-
tives dans Mézeray, II, p. 90, n°» 23, 24, et Daniel, Hist. de Fr., VU, 216.
1. « Esquelz, recouvrement et réduction, à bien tout considérer, »..
est plus à croire que ce est d'œuvre divin et miraculeux que autrement »
(Lettre circulaire du 31 août 1450).
2. L. Delisle, Hist. du chat, de Saint-Sauveur, p. 267, 274; Chron. du
Mont-Saint-Michel, p. 59. A la même époque, les Anglais craignaient déjà
une attaque sur l'Ile de Wright (J. Stevenson, II, 2« partie, 474).
3. Arch. de la Loire-Inf., cass. 38, E, 105; Xi» 8605, i"^ 138 V-141, 144-
145, 171-173; JJ 180, f»' 49 ^-50.— Nouvelle confirmation en 1453 (JJ 185,
f» 205; X«a 1483, fos 88, 89; Ordonn., XIV, 256-258; M. d'Escouchv, I, 286-287).
4. JJ 185, f" 109.
5. Berry, p. 370; Blondel, p. 236-238. Dans sa lettre du 31 mai 14S0, le
roi fait remarquer non seulement la brièveté du temps employé à la réduc-
tion de la Normandie, mais encore « la manière du faire, et en quoy rai-
sonnablement on ne peut noter aucune cruauté, ne inhumanité; ne y sont
intervenus les détestables maulx qui, souventefois, aviennent en fait de
guerre. » — Dès le mois d'octobre, Théaulde de Valperga, bailli de Lyon,
est chargé d'empêcher tout acte de pillage de la part des gens de guerre
en Normandie (Fr. 26079, n» 6261; M. d'Escouchy, I, 243-244).
CHAPITRE VIII
LES DERNIÈRES ANNÉES (1450-1458)
Richemont reçoit le gouvernement de la Normandie. — Il se rend auprès
du roi, puis eu Bretagne. — Testament de François I«'. — Richement
héritier présomptif du duché de Bretagne. — Il assiste au couronne-
ment de son neveu Pierre II et vient avec lui à la cour. — Hommage
de Pierre II. — Richement poursuit les assassins de Gilles. — Il va à
Parthenay, puis revient en Bretagne, où il fait exécuter plusieurs des
meurtriers de Gilles. — Don Carlos de Viana et Jacques II d'Ecosse. —
Pendant la conquête de la Guyenne, Richement retourne en Normandie.
— Il vient demander au roi la grâce du comte d'Armagnac. — Les An-
glais menacent la Normandie. — Mesures de défense prises par le con-
nétable. — Nouvelles plaintes du roi d'Ecosse contre le duc de Bretagne.
— Il envoie des ambassadeurs à Charles VII et en Bretagne. — Riche-
mont va en Bretagne et revient en Normandie. — Seconde conquête de
la Guyenne. — Le connétable se rend à la cour et fait un rapport au roi
sur l'état de la Normandie. — Il retourne en Bretagne, pour conclure Ifi
mariage du comte d'Étampes avec Marguerite de Bretagne et régler la
soiccession au duché. — Le roi approuve l'ordre de succession. — Mis-
sion du connétable et de Dunois en Savoie. — Ils amènent le duc Louis I"
& Sain t-Pour gain. — Le roi fait arrêter le duc d'Alençen. — Richement
essaye de le sauver. — Richement est envoyé à Paris, où il met fin à une
longue querelle entre les ordres mendiants et l'Université. — Il retourne
i Parthenay, puis en Bretagne. — Mort de Pierre II. — Richement devient
duc de Bretagne sous le nom d'Artur III. — Son entrée à Rennes. —
Il se rend à la cour de France. — Sa renommée. — Différends avec le
roi. — Condamnation du duc d'Alençon. — Artur III obtient sa grâce.
— Il fait hommage au roi. — Il revient en Bretagne. — Querelle avec
Pévêque de Nantes. — Derniers projets d'Artur III. — Sa mort.
Pendant les huit années qui suivirent la conquête de la Nor-
mandie, Richemont rendit encore de grands services, mais il ne
joua plus un rôle aussi brillant. Agé de cinquante-sept ans, il
avait conservé toute son activité, toute son énergie, et il ne cher-
chait pas le repos, tant que les ennemis occupaient une partie de
la France. Toutefois, ce fut Dunois, plus jeune que lui, d'environ
424 RICHEMONT A LE GOUVERNEMENT DE LA NORMANDIE (1450)
dix ans, qui fut chargé de reprendre la Guyenne aux Anglais. Il
est vrai que le roi voulait utiliser ailleurs les talents et la grande
autorité du connétable.
Dès le 11 septembre, un mois après la capitulation de Cher-
bourg, Charles VII écrivait aux bonnes villes du royaume pour
leur annoncer le recouvrement de la Normandie et le départ de
l'armée qui allait reconquérir la Guyenne *. Malgré les troubles
qui paralysaient le gouvernement anglais, il était nécessaire de
maintenir en Normandie des forces assez considérables pour
mettre ce pays à l'abri de toute surprise. Le roi y laissa six cents
lances et des troupes auxiliaires, qu'il était obligé de prendre à
sa solde, outre les compagnies d'ordonnance, tant que la guerre
n'était pas terminée ^. La milice des francs archers, qui allait être
établie dans toute la province, devait contribuer à sa défense.
Le connétable, investi du commandement supérieur % eut à com-
pléter cette organisation militaire et à en régler les détails. Il fut
secondé par P. de Brézé, grand sénéchal de Normandie *, et par
Dunois. II y avait beaucoup à faire pour rétablir l'administration
française dans cette grande province.
Après la reddition de Cherbourg, Richemont se rendit d'abord ^
auprès du roi, qui l'attendait à Ghâteau-du-Loir ^, pour lui
donner ses instructions sur le gouvernement de la Normandie.
Il fut accueilli comme méritait de l'être un des libérateurs de la
France. Après avoir conféré avec le roi, il alla voir, à Parthenay,
la comtesse de Richemont, et retourna bientôt en Bretagne, où
l'appelait son neveu Pierre II (septembre-octobre 1450).
François 1"% fils aine de Jean V et duc de Bretagne après lui,
depuis 1442, était mort le 18 juillet 1450 '', ne laissant que des
filles, Marguerite et Marie, nées de son deuxième mariage avec
Isabelle Stuart, fille de Jacques P'', roi d'Ecosse. Dans un tes-
1. Fr. 6487, f» 1 et M. d'Escouchy, III, 372.
2. Fr, 25712, n» 247; Fr. 21427, n» 2; J. du Clercq, p. 610; ci-dessus, p. 365.
3. J. Bouchet, Annales d'Aquitaine, p. 260. « Pour laquelle province (la
Normandie) garder, fut ordonné très haut et puissant seigneur, messire
Artus de Bretaigne, comte de Richemont et connestable de France, comme
chef » (J. Chartier, 11, 141). Il semble toutefois que le connétable s'occupa
surtout de la Basse-Normandie et Dunois de la Haute-Normandie (Fr. 5909,
fo xi^m y). Le connétable avait, pour ses fonctions, un traitement de
6000 liv. t. Voy. Appendice CVIII, n» 1 (Quittance du 24 sept. 1453).
4. Fr. 26080, n» 6394.
5. Par Valognes, Garentan, Caen, Falaise, Argentan, Le Mans et Château-
du-Loir (Gruel, 226). Le roi était le 22 août à Château-du-Loir (Mat. d'Es-
couchy, I, p. 318, note 1).
6. Arrondissement de Saint-Calais.
7. Preuves de l'Histoire de Bretagne, t, II, col.S1539. D'Argentré, 942.
RICHEMONT HÉRITIER DU DUCHÉ DE BRETAGNE (1450) 425
tament fait à Vannes, le 22 janvier 14o0 *, il avait pris des dis-
positions relatives à sa femme et à ses filles. Il avait désigné
comme exécuteurs testamentaires son oncle Artur et son frère
Pierre, et leur avait confié la garde de ses enfants, mais il
n'avait pas réglé la succession au duché de Bretagne. Cette
question pouvait encore susciter une guerre comme celle qui
avait désolé la Bretagne après la mort de Jean III, en 1341. Jadis
les femmes étaient aptes à hériter du. duché, comme les enfants
mâles, et il se pouvait faire que les filles de François l"" voulus-
sent lui succéder, maigre le droit nouveau, mis en vigueur par
le traité de Guérande (1365),
Pour prévenir toute contestation, François I*"" déclara, le jeudi
16 juillet ^ devant une assemblée de barons et de prélats, qu'il
laissait le duché de Bretagne à son frère Pierre; que, si ce der-
nier n'avait pas de fils, son oncle Artur lui succéderait, et que,
si Artur mourait sans postérité mâle, la couronne reviendrait à
François, fils de Richard, comte d'Etampes ^. Le duc exprima
aussi le désir que sa fille aînée, Marguerite, fût mariée au jeune
comte d'Etampes '', et il chargea le connétable de faire exécuter
ses volontés dernières^. Ces dispositions, qui devaient toutes être
réalisées, furent consignées, le même jour, dans un codicille.
Pierre II n'ayant pas d'enfants, Richemont se trouvait ainsi
l'héritier présomptif du duché de Bretagne.
Le nouveau duc, Pierre II, fut couronné à Rennes (octo-
bre 1450), en présence de son oncle Artur, des comtes d'Etam-
pes, de Penthièvre et de Laval, qui lui rendirent hommage ^. Il
fit son entrée à Nantes quelques jours après'', le lundi 12 octo-
1. Preuves de l'Hist. de Bretagne, t. II, col. 1517-1520.
2. Preuves de V Histoire de Bretagne, t. II, col. 1535-1537; Archives de la
Loire-Inférieure, cassette 4,'E, 12; d'Argentré, p. 942.
3. Voir le tableau généalogique.
4. Le 2 septembre 1451, Richemont et le comte d'Angoulême autorisent
François de Bretagne, comte d'Etampes, dont ils sont curateurs, à faire
hommage au duc d'Anjou, pour les flefs de son ressort (Arch. de la Loire-
Infér., cass. 2, E, 5).
5. L'original du testament, avec le codicille, est aux Arch. de la Loire-
Infér. (cass., 9 E, 25). Il est signé François, Ysabeau. Le testament de
François I", avec le règlement de succession, est reproduit dans un procès-
verbal d'une assemblée des Etats de Bretagne tenue à Vannes le 13 no-
vembre 1455. Cette longue pièce, qui porte la signature de Pierre II, est
aussi aux Archives de la Loire-Inférieure (cassette 4, E, 12). Le codicille
qui se trouve dans la cass. 9, E, 25, porte la date du 17 juillet et non du 16.
6. Preuves de l'Hist. de Bret., II, col. 1458. Nicolas V envoya au nou-
veau duc une bulle de condoléance sur la mort de son frère (Fr.
2707, f" 181).
7. Preuves de l'Hist. de Bret., t. II, col. 1458.
426 RICHEMONT AU COURONNEMENT DE PIERRE II (1450, OCTOBRE)
bre, escorté des mêmes princes et seigneurs. Le connétable,
tout en assistant aux fêtes qui furent données à cette occa-
sion, s'occupa aussi de faire exécuter l'arrangement conclu
par son intermédiaire entre François I"" et Jean de Blois (le
27 juin 1448) *. On se rappelle que celui-ci avait renoncé aux
prétentions que les Penthièvre pouvaient avoir à la succession
de Bretagne et que le duc François I" s'était engagé à lui donner
les terres de Champtocé, d'Ingrande et de Palluau, ou d'autres
de même valeur ^. Il fallut négocier avec Marie de Raiz, veuve
de l'amiral de Goëtivy, pour entrer en possession de Champtocé ^
et d'Ingrande \ et avec René d'Anjou, pour obtenir sa renoncia-
tion aux droits qu'il avait sur ces terres ^.
Le due surprit le consentement de Marie de Raiz par des moyens
peu honorables ^, et Richemont conclut un accord avec le roi de
Sicile, moyennant une indemnité pécuniaire '. Quant à Jean de
Blois, il reçut, un peu plus tard, le comté de Penthièvre, au lieu
d'Ingrande et de Champtocé (29 décembre 1450) *. Cette affaire,
qui intéressait le connétable, fut donc terminée. Au mois d'oc-
tobre eurent lieu aussi, à Nantes, les noces du comte de Laval
et de Françoise de Dinan, veuve, à treize ans, du malheureux
Gilles de Bretagne. Pierre II exploita indignement la faiblesse de
cette enfant, qui préférait au comte de Laval son fils, le jeune
sire de Gavre, et il imposa au comte lui-même les conditions
les plus onéreuses, pour consentir à son mariage '.
1. Voir ci-dessus, p. 386.
2. Preuves de l'Hist. de Bret., t. Il, col. 1539.
3. Arrondissement d'Angers.
4. Id.
3. 11 y avait eu d'abord entre René d'Anjou et le duc de Bretagne un
procès que ce dernier avait perdu (X*^ 24, au 5 août 1448).
6. Le duc s'entendit avec les deux frères de Prigent de Coctivy, Olivier et
Christophe, qui arrachèrent à leur belle-sœur une procuration les autori-
sant à livrer Ingrande et Champtocé. Marie de Raiz, ayant ensuite épousé
le maréchal de Lohéac, révoqua sa procuration, réclama les deux villes, et
Pierre II fut obligé de l'indemniser en argent (D. Taillandier, HisL de Bret.,
t. II, p. 39; Pièces orig., t. 797, n» 43; X*» 1483, f»» 127 V, 128, 140, 146 v«,
155 v, 177 vo, 181 v», 184, 213 v», 311 v°, 328, etc.)-
7. Cet accord fut conclu le 10 octobre à Angers, en présence de Michel
de Parthenay {Preuves de VHist. de Bret., t. II, col. 1541-1544).
8. Preuves de l'Hist. de Bret., II, col. 1539, 1541, 1534; Fr. 22327, f» 119.
Le comte de Penthièvre, après avoir rendu des services au roi dans la
campagne de Guyenne, en 1431, mourut sans postérité, en 1452. Ses do-
mainee passèrent à Jean de Brosse, seigneur de Sainte-Sévère, mari de sa
nièce, Nicole de Bretagne (fille de Gh. de Blois, baro© d'Avangour, et d'Isa-
belle de Vivonne). Voy. ci-dessus, p. 53, 59.
9. D. Lobineau, 1, 647; D. Taillandier, Hist. de Bretagne, t. II, 39-40,
Preuves, II, col. 152. Guy XIII, comte de Laval, avait perdu sa première
femme, Isabelle de Bretagne, fille de Jean V. (Voy. le tableau généal.)
PIERRE II REND HOMMAGE A CHARLES VII (1450, 3 NOVEMBRE) 427
Les fêtes terminées, Richemont et son neveu partirent de
Nantes pour Angers, où Charles VII était venu, avec le roi de
Sicile, son fils, Jean, duc de Galabre, son gendre, Ferry de Vau-
dremont, et une foule de grands seigneurs. Les services rendus,
pendant la dernière campagne, par le connétable, par le duc
François P', par les Bretons méritaient autant d'égards que de
reconnaissance. Pierre II et son oncle Arlur arrivèrent à Angers
le 24 octobre, avec le maréchal de Lohéac et une suite nom-
breuse. Le roi s'avança jusqu'à la première porte du château,
pour les recevoir et leur souhaiter la bienvenue, en leur expri-
mant sa gratitude et ses félicitations. Le lendemain, il y eut, au
château, un grand dîner, présidé par le connétable, en l'absence
du roi. René d'Anjou, Ferry de Vaudemont, le duc de Galabre,
le maréchal de Lohéac y assistaient *. Les princes allèrent
ensuite à Montbazon ^, où. se trouvait alors la cour.
C'est là que le nouveau duc de Bretagne, Pierre II, fit hom-
mage au roi de France, le 3 novembre 1450, en présence du
connétable, des comtes de Glermont, de Dunois et de Laval, du
maréchal de Lohéac, des sires de Bueil et de Brézé. Cette céré-
monie donna lieu aux contestations habituelles entre le roi, qui
réclamait l'hommage lige, et le duc, qui prétendait ne devoir que
l'hommage simple, pour la Bretagne. Quand on eut enlevé au
duc son épée, pour la remettre au connétable, Dunois lui rap-
pela qu'il devait l'hommage lige. Alors Pierre II, s'adressant au
roi : « Monseigneur, dit-il, je vous fais ce que mes prédécesseurs
ont accoustumé faire à messeigneurs vos prédécesseurs et à vous,
et non autrement. »
La discussion continua entre Guillaume Jouvenel des Ursins,
chancelier de France, et Jean de La Rivière, chancelier de Bre-
tagne ; après quoi Dunois reprit : « Monseigneur de Bretaigne,
vous faictes hommage lige au roy, nostre souverain seigneur, et
lige de la comté de Montfort, aussi de la terre de Néauffle ^ et
de leurs appartenances et généralement de toutee les autres
terres que vous tenez; jurez et promettez, par la foi de vostre
corps, de le, servir et obéir, comme vostre souverain et lige
4. Labbe, Eloges historiques (Mélanges curieux), p. 707.
2. Arrondissement de Tours. — C'est à Montbazon qu'eut lieu, dans les
derniers jours d'octobre, le mariage d'André de Villequier avec Antoinette
de Maignelais, qui avait remplacé sa tante Agnès Sorel auprès du roi.
André de Villequier reçut les terres d'Oleron, Marennes, Arvert, parce qu'il
avait refusé de grands mariages, pour épouser la favorite du roi (JJ 185, f" 15 ;
P 2o31, f» 318 v»). Peu après, il reçut encore Issoudun (P 2531, f" 3*6;
J. du Glercq, p. 618, 619).
3. Néauphle-le-Cliàteau, canton de Montfort-l'Amaury, arrondissement
de Rambouillet.
428 RICHEMONT POURSUIT LES ASSASSINS DE GILLES (1450)
seigneur, contre toutes personnes qui peuvent vivre et mourir,
sans aucune excepter, et il vous y reçoit, sauf son droit et l'autrui,
et vous en baise en la bouche — Monseigneur, ainsi le fais-je voire-
ment, » répondit le duc. Alors le roi le reçut au baiser, selon la
coutume ^ Jean Dauvet, procureur général du roi, fit rédiger le
procès verbal de cette cérémonie, devant le connétable et les
autres seigneurs; mais, comme il y avait de l'ambiguïté dans la
seconde formule du serment et dans la réponse qui la suit, le
duc, à plusieurs reprises, protesta qu'il n'entendait pas porter
préjudice aux privilèges de son duché, qu'il maintenait tous ses
droits et n'acceptait aucun mot pouvant y porter atteinte.
Le 20 novembre, le duc eut encore une discussion à ce sujet
avec le roi, qui maintint, lui aussi, tous ses droits. Ce différend,
qui se produisait chaque fois qu'un duc de Bretagne rendait
hommage au roi de France, ne troubla pas les fêtes auxquelles
donna lieu la présence de Pierre II à la cour ^.
En même temps, le connétable poursuivait les meurtriers de
son neveu Gilles, ce qu'il n'avait pu faire tant que François I"
avait vécu. C'est ainsi qu'il obtint l'arrestation du maréchal de
Montauban^ dont il avait sans doute reconnu la culpabilité.
Artur de Montauban comparut, le 22 novembre, devant le con-
seil du roi, à Tours; mais, sous prétexte qu'il était assigné à com-
paraître aussi en Bretagne, devant le duc, il obtint sa mise en
liberté jusqu'à la Chandeleur, c'est-à-dire jusqu'au 2 février
suivant. Le sénéchal de Poitou, Pierre de Brézé, donna caution
pour lui ^. En réalité, on fournissait ainsi à Montauban le moyen
d'échapper aux poursuites qu'il redoutait.
Un des principaux auteurs du crime, Ohvier de Meel, était alors
au château de Marcoussis , chez le sire de Graville , qui avait
épousé une sœur de Montauban. Pour être sûr que celui-là ne lui
échapperait pas, Richemont employa les moyens auxquels jadis
il avait recours. Il envoya Olivier de Quelen et Eustache d'Espi-
nay *, avec une troupe d'archers, enlever Olivier de Meel, qu'ils
amenèrent secrètement à Tours. Aussitôt après, le duc et le con-
1. J 243; n" 104; Arch. de la Loire-Inf., cass. 33, E, 90; Preuves de l'Hist.
de Bretagne, II, col. 1544-1S48; J. Chartier, t. II, 248-249.
2. D'Argentrô, p. 833 et suiv. dans l'édit. de 1618, et f»» 636, 637 dans
l'édit. de 1588, in-K
3. Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, col. 1550,
4. On voit dans les Preuves de l'Hist. de Bretagne, II, col. 1550, qu'Eus-
lache d'Espinay et son frère Jacques, évêque de Rennes , furent aussi
poursuivis par Richemont (Voir A. du Paz, Hist. généalogique, p. 276-284).
Leur frère aîné, Richard, avait épousé une sœur des Montauban {Idem,
p. 289, 462.)
RICHEMONT POURSUIT LES ASSASSINS DE GILLES (1451) 429
nétable partirent, dès le point du jour, et descendirent la Loire
jusqu'à Nantes, avec leur prisonnier. Le roi fut très irrité de ce
procédé. Il réclama d'abord Olivier de Meel, puis, comme celui-
ci n'était pas un personnage d'importance, il l'abandonna bien-
tôt à la vengeance du connétable. Il fut seulement convenu, pour
donner satisfaction au roi, qu'on remettrait de Meel à ses envoyés,
qui le rendraient aussitôt aux officiers du duc de Bretagne; ce
qui fut fait *.
Pendant qu'on instruisait à Nantes le procès des meurtriers
de Gilles, Richemont passa quelque temps à Parthenay. Il ne
semble pas qu'il soit allé souvent en Normandie, pendant que
Dunois y restait, avec le titre de lieutenant-général ^, soit qu'il
y eût entre eux une rivalité qui eût rendu plus difficile au con-
nétable l'exercice de son pouvoir, soit, au contraire, que, se
trouvant bien secondé par lui dans cette province, il ait voulu
profiter de ce loisir pour s'occuper de ses propres affaires ^.
Du reste, il pouvait, de la Bretagne, veiller sur la Basse-Nor-
mandie, qui était particulièrement confiée à ses soins.
Au commencement de 1451, il fallut faire, en Bretagne, des
préparatifs militaires contre les Anglais, qui rôdaient souvent sur
les côtes *. On redoutait quelque tentative de leur part, puisque
Pierre II ordonna aux archers des paroisses et aux nobles de
prendre les armes (15 février 1451) ^. Ce ne pouvait être qu'une
fausse alerte, car les Anglais avaient trop d'embarras en ce mo-
ment pour songer à une entreprise sérieuse sur la Bretagne ou
sur la Normandie. Sans parler des troubles intérieurs, ils avaient
assez de défendre la Guyenne.
Cependant Richemont, qui était revenu en Bretagne, faisait
poursuivre tous ceux qui étaient soupçonnés d'avoir pris part à
l'assassinat de Gilles ^. Quelques-uns lui échappèrent. Artur de
1. Preuves de VHist. de Bretagne, t. II, col. 1346 et suiv.; Fr. 15337,
^• 126-127.
2. A la fin de novembre, Dunois, lieutenant général du roi sur le fait
de la guerre en Normandie, était à Rouen, où se réunissaient alors les
États (Fr. 26080, n»* 6300, 6302, 6345).
3. Cette dernière hypothèse est la plus vraisemblable, car on voit plu-
sieurs fois dans la suite que le connétable et Dunois vivaient en assez bonne
intelligence.
4. Cette année-là, ils firent prisonnier, sur mer, le bailli de Rouen,
G. Cousinot, qui revenait d'une ambassade en Ecosse (Fr. 26083, f" 47;
voir aussi Fr. 26081, n" 633»; Fr. 20977, f-» 201, 209).
5. Preuves de VHist. de Brel., t. II, col. 1553-1537.
6. Le 12 janvier 1431, il accorde prorogation de sûreté, depuis la Chan-
deleur jusqu'à Pâques, à Robert d'Espinay {Preuves de Bret., t. II, col. 1354
1353; Déclaration d'OI. de Meel, col. 1551-1334). En janvier 1431, Artur de
Montauban était encore bailli de Cotentin ; en juillet, c'était son frère
430 DON CARLOS DE VIANA ET JACQUES II d'ÉCOSSE (1451)
Montauban se fit célestin ; Jacques d'Espinay, évêque de Rennes,
fut défendu par le pape Nicolas V * ; Jean Hingant parvint à se
justifier. Il en fut sans doute de même pour H. de Villeblanche,
car on sait qu'il assistait à Vannes, en mai 1451, aux états de
Bretagne, comme grand maître d'hôtel du duc Pierre II *.
Le connétable eut fort à faire pour apaiser une querelle de
préséance qui s'éleva, lors de la réunion des Etats, entre le comte
de Laval, son neveu, et le vicomte de Rohan ^, son beau-frère.
Il parvint à faire conclure un accord qui suspendit ce différend
(25 mai) *. Quelques jours après, Olivier de Meel et plusieurs
de ses complices furent décapités à Vannes, le 8 juin, au grand
contentement du peuple. Le plus coupable de tous, Artur de
Montauban, qui ne put être appréhendé, fut banni. Il devint,
dans la suite, archevêque de Bordeaux ^.
A la même époque, don Carlos de Viana, fils de Jean d'Aragon,
qui lui retenait la couronne de Navarre, négociait avec le duc de
Bretagne, pour obtenir la main d'Isabelle d'Ecosse, veuve de
François h^. Les ambassadeurs du roi d'Ecosse, Jacques II **,
vinrent même demander à Charles VII que cette princesse fût
mise en liberté, afin qu'elle pût se remarier. Ils le prièrent aussi
de prendre en considération les droits que les filles de François P""
prétendaient avoir au duché de Bretagne. Le roi de France ne
pouvait encourager les prétentions du roi d'Ecosse, bien qu'il
fût son allié, car elles étaient contraires au traité de Guérande.
Il n'encouragea pas davantage les projets du prince de Navarre.
Il écrivit au duc de Bretagne « de délayer la matière dudit
mariage et la tenir en sursy et suspens, sans en tenir aucunes
Jeau de Montauban qui exerçait cet office (Fr. 26080, n»' 6317, 6370). Artur
de Montauban donna ses biens aux Gélestins {Preuves de l'Rist. de Bret., II,
col. 1637).
1. Voir une bulle du pape en sa faveur dans Fr. 2707, f»' 179, 198.
Jacques d'Espinay était ami de Nicolas V (voir du Paz, Eist. généal.,
p. 279-280).
2. D'Argentré, 932.
3. Guy XIII (dit XIV), comte de Laval, et Alain IX, vicomte de Rohan.
Sur cette querelle, voir Preuves de VHist. de Bret., t. II, col. 1564 et suiv.,
et aussi un long mémoire de 1479, qui contient d'ailleurs des détails inté-
ressants sur la liretagne et une enquête relative à cette affaire de mai 1431.
Ce mémoire se trouve dans les suppléments du t. V de VHist. de Bret.,
voir notamment p. clxxxu et ccxxx à ccxxxii et d'Argentré, p. 932).
.4. Preuves de VHist. de Bretagne, II, col. 1581-1382. — Voir, sur ces États
de Vannes, le Ms. Fr. L f 1* de la biblioth. Sainte-Geneviève, f" 74 et suiv.
5. D. Taillandier, Hist. de Bretagne, II, 40-41 ; d'Argentré, p. 836-838 ; D. Lo-
bineau, I, 649; Glairamb., cxxx, f» 1445. Dans le testament de Pierre II, on
voit que ce prince se repentit d'avoir fait exécuter P. Salmon, comme
complice de la mort de Gilles {Preuves de VHist. de Bret., II, col. 1707).
6. Fils et successeur de Jacques !«■•, qui était mort en 1437.
RÉCLAMATIONS DE JACQUES II. LE COMTE d'ARMAGNAC JEAN V 431
paroles audit prince de Navarre, ne autres » jusqu'à ce qu'il lui
eût fait connaître sa volonté par le sire de Bueil *. Le roi
d'Ecosse n'en continua pas moins de réclamer, pour ses nièces,
le duché de Bretagne *. Cette compétition aurait inquiété
Pierre II et le connétable, si Jacques II avait été en état de la
soutenir par les armes. Mais ils savaient qu'il ne pouvait rien
sans le roi de France et qu'il n'obtiendrait pas son appui.
Richemont, après s'être entendu de nouveau avec Charles VII,
qui voulait aller en Guyenne, était revenu en Normandie. Dunois
était parti pour diriger la guerre dans le sud-ouest, avec les
comtes d'Angoulème, de Penthièvre, de Foix et d'Armagnac.
Beaucoup de Bretons, sous le maréchal de Lohéac et Olivier de
Coëtivy ^, sénéchal de Guyenne, faisaient partie de cette armée.
Des mesures furent prises pour assurer la stricte observation de
la discipline *. Déjà, l'année précédente, le comte de Penthièvre
et Amanieu d'Albret, sire d'Orval, avaient enlevé aux Anglais
plusieurs places. En 4451, les succès furent encore plus décisifs.
Bordeaux, Libourne, Bayonne et beaucoup d'autres villes capi-
tulèrent. La Guyenne fut conquise plus facilement encore que ne
l'avait été la Normandie (juin-août 1451) ^.
Pendant ce temps, le connétable veillait sur cette dernière
province. Des travaux de fortification furent exécutés dans les
villes qui en avaient besoin ®, mais les Anglais n'étaient pas en
mesure de faire, sur ce point, des tentatives sérieuses. Les hos-
tilités se bornaient à des courses sur mer. Le connétable put
aller passer encore quelque temps à Parthenay, puis il revint
auprès du roi, aux Montils-lez-Tours. René d'Anjou, le duc
d'Orléans, les comtes d'Angoulème, de Clermont, d'Eu, de
Penthièvre, de Vendôme, de Dunois et beaucoup d'autres grands
seigneurs se trouvaient alors à la cour. Richemont se joignit à
eux, pour prier le roi de restituer au jeune comte d'Armagnac,
Jean V, qui avait rendu des services en Guyenne \ une partie
1. Preuves de l'Hist. de Bretagne, 11, col. 1557. Voir aussi, sur don Carlos,
le Ms. Dupuy, 761, f»» 27-28; Fr. 5909, f» ccxviii; Revue des documents his-
toriques, t. II, p. 170.
2. Preuves de rUist. de Bret., II, col. 1644.
3. Il avait, comme son frère Prij^ent, servi sous le connétable. Il épousa
en 1458 une fille de Charles VII et d'Agnès Sorel, Marie de Valois, qui
avait été élevée par Prigent à Taillebourg (Anselme, VIII, 845; P 2531,
fo 412; Bibliot. de l'École des chartes, 3« série, t. I, p. 478 et suiv. ; Pièces
orig., t. 797, dossier Coetivy, n° 43).
4. M. d'Escouchy, I, 325.
5. JJ. 185, fo» 95-100, 103-106, 110, 154; K 69, n» 2; Fr. 20683, f» 47.
6. Par exemple à Dieppe (Moreau, 252, f»» 109-111, 223-225). Beaucoup
d'autres exemples dans le Ms. Fr. 26080.
7. Voir JJ 185, f»* 94-95. Il était fils de Jean IV et de sa seconde femme
432 MISSION DU CONNÉTABLE EN NORMANDIE (1482)
des domaines enlevés par confiscation à son père (février 1452) *.
Le duc de Bretagne vint aussi, avec le jeune comte d'Etampes,
visiter Charles VIL
Peu après, Dunois fut encore nommé lieutenant du roi dans
la haute Normandie (mars 1452) ^ Quant au connétable, il fut
chargé d'aller, avec l'archevêque de Narbonne ^ et plusieurs
autres conseillers, inspecter les troupes logées dans toute la pro-
vince, pourvoir à leur solde, entendre les réclamations du peuple,
réformer les abus, en un mot, mettre partout bon ordre et
bonne police ''.
Il se rendit à Caen et parcourut la basse-Normandie, pour
remplir la mission que le roi lui avait confiée. Les dépenses
nécessitées par l'entretien et la solde des troupes étaient fort
onéreuses pour des populations déjà éprouvées par la guerre.
En 1450 et 1451, il avait fallu lever plusieurs fois des aides en
Normandie ^. Les Etats de la province avaient été réunis à Rouen,
à la fin de l'année 1450, et invités à remontrer ce qu'ils voudraient
pour le bien du pays, mais les 75 000 livres qu'ils avaient octroyées
en janvier 1451 ^ étaient loin de suffire à l'entretien d'environ
4 400 combattants, qui ne coûtaient pas moins de 400 000 livres ^,
et de nouvelles taxes avaient été ordonnées *.
Ces impositions, nécessaires sans doute, n'en paraissaient pas
moins dures et donnaient lieu à bien des plaintes ®. Il est certain
Isabelle de Navarre (fille de Charles III, roi de Navarre, oncle de Riclie-
mont).
1. Jean V recouvra ainsi une partie de ses biens (JJ 181, f" 20; P 2S31,
f^ 344 vo.
2. Fr. 5909, f° xi^îiin, v».
3. Louis d'Harcourt, fils naturel de Jean VII d'Harcourt, comte d'Aumale.
Il venait d'être nommé archevêque de Narbonne, en décembre 1431
(D. Vaissète, V, 18; Anselme, V, 134-135; Gallia Christ, VI, 103, 361 D).
4. Fr. 26081, n» 6539.
5. Voy. p. 364, note 2. Le 16 mars 1451, le roi ordonne encore de lever
une aide de 123 000 1. t. dans la Normandie, excepté le pays de Caux, qui
avait beaucoup souffert de la guerre (K 68, n° 46; Fr. 23712, n» 240). D'autre
part, il ratifie la remise de 1100 1. t. faite par le duc de Bretagne et le
connétable aux habitants de Saint-Lo (Fr. 26081, n» 63381). — Le 31 dé-
cembre 1431, nouvelle imposition de 223 000 L t. en Normandie (Fr. ^6080,
n» 6419) pour le payement des gens d'armes,
6. Fr. 23112, n»» 236, 237; Fr. 26080, n» 6343; Fr. 20683, f» 48.
7. Fr. 26080, n» 6304.
8. Fr. 25712, n" 240, 263, 264. —Exemption d'impôts aux habitants de la
ville et élection de Valognes, à cause des grandes pertes éprouvées dans
la campagne de 1450 (n- 263).
9. Le duc d'Alençon ne voulut pas laisser lever 11634 I. t. auxquelles
son duché avait été taxé (Fr. 20683, f» 48). A Limoges, il y eut une tenta-
tive de sédition, quand on voulut lever les impôts (JJ 185, f» 184; JJ 185,
f 166).
LES ANGLAIS MENACENT LA GUYENNE ET LA NORMANDIE 433
que le connétable et les autres commissaires royaux écoutèrent
ces réclamations ^ car, au mois d'août 1452, ils étaient à Dieppe,
occupés k conclure un accord avec les habitants, pour le paye-
ment des 18 lances de la compagnie de Dunois qui étaient en
garnison dans cette ville ^.
A cette époque, Charles VII marchait contre le duc de Savoie,
Louis P% qui, sans son consentement, avait marié sa fille au
Dauphin ^ En même temps, les populations de la Guyenne,
mécontentes des impôts que le roi de France exigeait pour
la solde des troupes, se révoltaient, appelaient les Anglais.
Henri VI, ou plutôt Somerset, débarrassé momentanément de
Richard d'York, envoyait une armée à Bordeaux, sous les
ordres de Talbot (septembre 1452) \ Il était à craindre que
les autres provinces récemment perdues par les Anglais, comme
le Maine et la Normandie, ne voulussent imiter l'exemple de
la Guyenne^. On faisait de grands préparatifs en Angleterre,
comme si on avait eu l'intention d'attaquer, en même temps, sur
plusieurs points. Charles VII se hâta de conclure avec le duc de
Savoie le traité de Cleppé "^ (27 octobre), pour se donner entiè-
rement à la défense du royaume.
Pendant qu'une flotte anglaise transportait l'armée de Talbot
à Bordeaux (octobre 1452), une autre flotte menaçait les côtes
1. En juin 1452, l'archevêque de Narbonne et les autres commissaires
royaux attendent à Chartres le connétable et Biaise Gresle, pour aller en
Normandie. Ils ont hâte de partir, parce que le quartier suivant de la
solde des troupes va commencer en juillet et qu'un plus long retard
pourrait causer du dommage (voy. une lettre de l'archev. de Narbonne
dans Fr. 6963, n° 23 ; voir aussi Fr. 20683, f» 48).
2. Voy. Append. CIII. — Ch. Des Marets était toujours capitaine de Dieppe
(Fr. 26081, n" 6453, 63382, 6539). Il l'était encore en 1453. Voir un reçu
signé de sa main et daté du 3 juillet 1455 (Fr. 26083, n» 6869).
3. Le Dauphin avait épousé Charlotte de Savoie, fille de Louis I"', le
8 mars 1431 (Costa de Beauregard, Afé?>ion'e5 histor. sur la maison de Savoie,
Turin, 1816, in-8o, t. I, 262; Ms. Brienne 80, f- 139-148; Duclos, Hist. de
Louis XI, t. m, 82-91; S. Guichenon, Hist. généal. de la royale maison de
Savoye, Lyon, 1660, in-fo,l, 513-315, II, 311-215', Archiv. des missions scientif.,
3« série, t. VII [1881], p. 468-469).
4. Proceedings, t. VI, p. 119-122, 143, 151-157, et préface, p. xxxviet xxxvii;
J. Stevenson, II, 2» partie, 479-489; JJ 182, f» 7. — Les Anglais refusaient
de faire la paix avec la France (Fr. 6963, n» 23).
5. Voir une pétition des habitants du Maine à Henri VI dans Stevenson,
t. LI, 2« partie, p. 598-603.
6. Canton de Boën, arrondissement de Montbrison. — Voir Ms. Brienne
80», f"' 139-148 et 149-130. Voir aussi Costa de Beauregard, p. 262-266, et
A. Desjardins, Négociations de la France avec la Toscane, 1,73-74; de Beau-
court, Caractère de Charles VII, dans la Revue des questions hist., t. XVII,
p. 182-192 ; S. Guichenon, Hist. de B)'esse et du Bugey, Lyon, 1650, in-f»,
p. 80.
RiCHEMONT. * 28
434 MESURES DE DÉFENSE EN NORMANDIE (1452, OCTOBRE)
de la Normandie et de la Bretagne *. Ce n'était là vraisembla-
blement qu'une fausse démonstration, ayant pour but d'obliger
les Français à diviser leurs forces, mais il n'en fallait pas moins
prendre des mesures de défense. Le connétable tint aussitôt
conseil à Dieppe, avec les autres commissaires royaux et Dunois *.
P. de Brézé, grand sénéchal de Normandie ', et Robert Floquet
furent mandés à Caudebec, puis à Rouen; les francs archers de
la province furent envoyés sur les côtes, avec une partie des
compagnies d'ordonnance, le reste devant toujours être en état
de marcher au premier signal; J. Aubry, lieutenant de Gaspard
Bureau, expédia de Paris à Rouen des munitions, des armes, de
l'artillerie, que Richemont fit distribuer aux places et forteresses
les moins bien pourvues, surtout dans le Gotentin, qui semblait
plus menacé * ; il fut décidé que Dunois resterait à Dieppe et que
le connétable irait à Gaen, pour veiller, l'un sur la haute, l'autre
sur la basse Normandie, enfin que le grand sénéchal et Floquet
se tiendraient prêts à monter à cheval, pour se porter où on les
appellerait.
Le connétable envoya Geoffroy de Gouvran, avec 40 lances, à
la Hougue- Saint- Vaast ^, pour faire mettre sur pied les francs
archers des bailliages de Gaen et du Gotentin, auxquels devaient
se joindre ceux du bailliage d'Evreux ''; il ordonna au vicomte
de Valognes d'envoyer des blés à Cherbourg, qui était mal avi-
taillée, puis il se rendit à Gaen '' et à Garentan, pour mieux sur-
veiller le Gotentin *. Le duc de Bretagne mit des renforts à Brest
et se tint en communication avec le connétable '. Les Anglais
n'attaquèrent pas la Normandie, soit qu'ils n'en eussent pas l'in-
tention réelle, soit que l'entreprise leur parût trop difficile, dans
ces conditions. La Normandie fut ainsi sauvegardée. Le conné-
table continua d'y séjourner, parcourant la province et ne faisant
que de courtes absences, pour aller, soit auprès du roi, soit à
Parthenay, d'où il ramena la comtesse de Richemont.
Au commencement de 1453, le roi d'Ecosse envoya une am-
bassade à Charles VII, pour lui recommander ses nièces et faire
1. Fr. 25712, H" 283.
2. Voir Append. GIV.
3. K. 69 n" H. P. de Brézé était aussi capitaine de Rouen (Fr. 26082,
n» 6673) .
4. Fr. 20683, f" 46.
5. Arrondissement de "Valognes.
6. Fr. 18442, f" 144. \oir Append. GIV.
7. 11 était à Gaen le 12 octobre (JJ 181, f» 160 vo; Append. CV).
8. Voir Append. GIV.
9. Fr. 20683, f 46; Fr. 18442, f» 144; D. Taillandier, Hist. de Breta-
gne, II, 30.
NOUVELLES PLAINTES 1)U ROI d'ÉCOSSE (1453) 435
valoir leurs droits sur le duché de Bretagne (janvier). Il accusait
Pierre II, non seulement d'avoir usurpé la couronne, mais encore
de retenir dans une sorte de captivité la veuve de François P' et
de lui refuser son douaire. Il demandait que le roi de France
intervînt et même qu'il tînt en séquestre le duché de Bretagne *.
Charles YII ne pouvait, en aucune façon, satisfaire à des récla-
mations mal fondées et inopportunes; néanmoins il accueillit
les ambassadeurs écossais avec les égards dus à un allié fidèle.
Il les envoya en Bretagne, et leur adjoignit deux de ses conseil-
lers, Guy Bernard et Pierre Aude *.
Le connétable, tenu au courant de cette affaire. ^, alla s'en-
tendre avec son neveu, Pierre II, et se rendit à Nantes, pour
y recevoir les envoyés de France et d'Ecosse. Il les conduisit
à Rennes, où ils arrivèrent le lundi 9 avril. Guy Bernard et
P. Aude furent admis, les premiers, auprès de Pierre II, qui se
trouvait alors à Bruz *, où il habitait un château appartenant à
l'évêque de Rennes '■". Ils revinrent ensuite, avec l'évêque de
Galway, ambassadeur d'Ecosse, qui eut un entretien particulier
avec le duc et son oncle (mercredi 11 avril). .
Le lendemain, les envoyés français allèrent, avec Richemont,
voir la veuve de François I". Elle leur déclara spontanément
qu'elle était satisfaite de sa situation, des procédés de son beau-
frère, Pierre II, et qu'elle voulait rester en Bretagne. Elle fit les
mêmes déclarations devant l'évêque de Galway. Les ambassa-
deurs ayant exprimé le désir que Richemont se retirât, il passa
dans une pièce voisine, où P. Aude vint, par deux fois, lui de-
mander de faire sortir aussi deux dames d'honneur qui étaient
restées auprès d'Isabelle, mais il répondit que la duchesse en fe-
rait ce qu'elle voudrait et que « plus il ne lui en oseroit parler».
L'entretien terminé, le connétable rentra dans la chambre où il
avait eu lieu, et l'évêque de Galway lui dit, en riant, que la du-
chesse était « bonne advocate contre elle ® ».
Les ambassadeurs n'avaient plus qu'à s'en retourner. Le duc
leur fit sentir ce qu'avait de blessant pour lui une pareille
enquête ; il s''engagea d'ailleurs à respecter tous les droits de sa
belle-sœur et de ses nièces, mais il chargea les envoyés français
de dire au roi qu'il le suppliait de ne plus accueillir des plaintes
et des prétentions déraisonnables (samedi 14 avril). Le même
1. Preuves de l'Hist. de Bretagne, II, col. 1616-1617; ci-dessus, p. 430, 431.
2. Preuves de l'Hisl. de Bretagne, II, col. 1618.
3. Il était auprès du roi aux ÎMontils-lez-Tours en mars (JJ 181, f" 157).
4. Canton S.-O. de Rennes.
5. Preuves de l'Hist. de Bretagne, II, col. 1620.
6. Preuves de l'Hist. de Bref., II, col. 1620-1624.
436 SECONDE CONQUÊTE DE LA GUYENNE (1453)
jour, la duchesse écrivit au roi de France, pour lui renouveler
les déclarations qu'elle venait de faire devant ses envoyés *.
Quant au roi d'Ecosse, malgré cet échec, il persista dans ses
vaines réclamations ^, mais ni Pierre II ni Richemont n'avaient
à s'en inquiéter davantage.
Le connétable revint ensuite en Normandie, où il exerçait tou-
jours la charge de lieutenant général du roi ^ Il demeura quelque
temps à Vire, puis à Falaise, avec la comtesse de Richemont,
mais il visitait aussi les autres villes de la Normandie *. Les
Anglais paraissaient quelquefois près des côtes, plutôt pour
capturer des navires normands ou bretons que pour faire des
descentes ^. Cependant ils débarquèrent à Crozon, en Bretagne.
Aussitôt le duc avertit son oncle, qui était à Falaise. Riche-
mont n^eut pas besoin d'intervenir. Pierre II rassembla lui-
même des troupes et força les ennemis à se retirer ®.
Cette année-là , les grands événements se passèrent en
Guyenne. Talbot y fut vaincu et tué à la bataille de Gastillon,
le 17 juillet 1453 '. Les Bretons que le duc Pierre II avait en-
voyés en grand nombre, sous le commandement du jeune comte
d'Etampes ^, se comportèrent vaillamment dans cette mémora-
ble journée et décidèrent la victoire ^. Les Anglais furent bientôt
expulsés des villes qu'ils avaient occupées et enfin de Bordeaux,
1. D. Taillandier, Ilist. de Bretagne, t. II, p. 49, et Preuves de l'Hist. de
Bretagne, t. II, col. 1616-1624 et 1629. — Le 14 avril, Pierre II, en pré-
sence et avec le consentement de ses héritiers, Artur et François de Bre-
tagne, constitue un douaire de 6000 1. 1. à sa femme, Françoise d'Amboise
(Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 6, E, 18).
2. Voir, par exemple, K. 69, n» 12.
3. Il était à Caen le 24 septembre 1453. (V. Append. CVIII.)
4. Caen, Carentan (Fr. 26081, n» 6383). Il était à Carentan le 21 sep-
tembre (Fr. 26082, n» 6713).
5. JJ 184, f» 260 Y", n" uiclvii.
6. D. Taillandier, Hist. de Bretagne, II, 50.
7. Fr. 26081, n" 6392. André de Laval, sire de Loéhac et de Raiz, était
aussi à Gastillon. Il reçut du roi une assignation de 6 000 écus sur la
somme de 30 000 écus imposée à Bordeaux par la capitulation (Fr. 26084,
n° 6991). — D'après d'Argentré, p. 934, ce fut un Breton, Olivier Giifart,
qui abattit et prit la bannière de Talbot. — Voir, à la biblioth. Sainte-Ge-
neviève, le Ms. Lf, fo 131, qui contient un fragment de chronique intitulé
La destrousse de Talehot .
8. Pierre II fournit aussi des vaisseaux qui se joignirent aux vaisseaux
castillans, pour empêcher les Anglais de conduire d'autres troupes en
Guyenne (J. Stevenson, t. II, 2" partie, p. 489). Jean du Quélenec, ami-
ral de Bretagne, qui commandait la flotte bretonne, reçut du roi une pen-
sion de 1200 1. t. (D. Taillandier, p. 51, et Preuves, t. II, col. 1629; Fr. 26084,
no 7003.
9. J. Chartier, t. III, p. 1-9, et surtout p. 6; Ms. Lf, f» 131.
RAPPORT AU ROI SUR l'ÉTAT DE LA NORMANDIE (1484) 437
le 9 octobre 1453 ^ La Guyenne était définitivement recon-
quise ; les ennemis ne possédaient plus que Calais. La France
était délivrée ^. Parmi ceux qui avaient contribué à ce glorieux
résultat, plus d'un était mort, comme Jean de Blois, P. de Beau-
vau. Jacques Cœur, victime d'inimitiés puissantes, venait d'être
condamné (29 mai 1453), le jour même où les Ottomans s'em-
paraient de Constantinople ^ . Le connétable avait le bonheur
de voir triompher une cause à laquelle il avait consacré la plus
grande partie de son existence. Il n'en continua pas moins de
servir le roi avec le même dévouement.
Aux mois de mars et d'avril 1454, Charles VII réunit aux Mon-
tils-lez-Tours une nombreuse assemblée, où se trouvait le con-
nétable avec les comtes d'Eu, de Clermont,de Dunois et de Foix,
l'archevêque de Narbonne,lesmaréchaux,ramiral,P.deBrézé,etc.
Là, il put rappeler, avec un légitime orgueil, les grands événe-
ments de son règne et les victoires qui devaient l'illustrer *.Dans
les conseils qui furent alors tenus, on examina toutes les afïaires
importantes du royaume. Richemont, Dunois, le comte d'Eu,
l'archevêque de Narbonne ^ et P. de Brézé firent au roi un rap-
port détaillé sur l'état de la Normandie, Ils lui expliquèrent que
les impôts levés dans cette province pour la solde des troupes
étaient « à très grant déplaisir et charge à ses sujets », et ils le
prièrent de ne point rejeter des réclamations qui leur paraissaient
fondées. Charles se rendit à leurs avis.
Une ordonnance du 20 mars 1454 ^ permit de remplacer les con-
tributions exigées auparavant par une taille fixe de 250 000 1. 1.,
que la Normandie et le duché d'Alençon auraient à payer, à
partir du mois d'avril, pour la solde de 600 lances et des troupes
auxihaires qui semblaient encore indispensables à la défense du
1. Xia 8603, fos 179-182; JJ 182, f» 40, n» lxvi.
2. On frappa des médailles commémoratives, qui furent offertes au roi,
aux princes, etc. (Bib. de l'Arsenal, Ms. 4071, planches, f° clxi).
3. J. Chartier, t. III, p. 1-44; P. Clément, /. Cœur, p. 273, 453. On ne voit
nulle part figurer le connétable parmi les ennemi de J. Cœur.
4. Voy. le préambule de l'ordonnance sur la réorganisation du parlement
de Paris, dans Y*, f" 116 v»-134, ou dans Xia 8603, î°» 152-170. Voy. aussi
Y62, P' 1-24 et Y*, ^ 116 v».
• 3. Il était président de l'échiquier, de Normandie (Fr. 26082, n" 6703).
6. • Se nosdiz subgetz de Normandie, élection d'Alençon, et conté du
Perche advisoient que leur fust plus prouffitable et agréable de continuer
le paiement des iiclm 1. t. par manière de taille, pour les années après
ensuivans, que paier les dictes imposicions, nous serions contens que
ledit paiement de hclm 1. t. nous fust paie et continué dès lors en avant,
chacun an, et que les dictes imposicions n'y eussent aucunement cours,
jusques à nostre plaisir, etc. » (Fr. 5909, f* ucLvn;.
438 RICHEMONT VA EN BRETAGNE (1455)
pays '. Les Anglais n'étaient plus aussi redoutables, mais ils
pouvaient encore faire des tentatives ^. C'est ainsi qu'au mois
d'août suivant, Dunois envoyait auprès du roi J. Havart, bailli
de Caux, l'informer du départ d'une flotte anglaise ^. Aus-
sitôt le ban et l'arrière-ban étaient convoqués, pour empêcher
les ennemis de descendre dans la Guyenne ou dans le Poitou *.
On continuait de faire bonne garde en Normandie ; jour et
nuit le guet restait en permanence sur tous les points accessi-
bles aux ennemis- 5. Richemont était retourné dans cette pro-
vince, où il conservait les mêmes fonctions, continuant les tra-
vaux de défense qu'il avait commencés ''. Il séjourna longtemps
à Séez, puis il revint à Parthenay, avec la comtesse de Riche-
mont. Au mois de septembre, sa petite nièce, Jeanne de Laval,
devint reine de Sicile, en épousant René d'Anjou '.
Il dut retourner en Bretagne au commencement de 1455, pour
régler des afTaires de famille qui l'intéressaient non moins que
ses neveux. Il se rendit à Yannes, où furent données de grandes
fêtes, pour célébrer le mariage de Guillaume d'Harcourt * avec
Yolande, fille du comte de Laval, et celui du vicomte de Rohan
avec Péronnelle de Maillé (février 1455).
C'est là aussi que fut stipulé le mariage de Jean de Rohan ',
1. Fr. 26082, n<" 6637, 6653, 6689, 6709, 6765, 6773; Fr. 5909, f" iiCLVii;
Fr. 18442, f» 144, Fr. 25712, n" 288.
2. A cette époque, J. Fleury, « vis admirai de France, » est envoyé de
Normandie auprès de Charles VII par Richemont (Fr. 25712, n» 282). Les
Anglais ravageaient les côtes de Bretagne [Preuves de l'Hist. de Bretagne, II,
col. 1695).
. 3. Fr. 25712, n» 288.
4. Fr. 26082, n° 6721; K 69, n» 13.
5. Fr. 26082, n<" 6664, 6775; Fr. 26083, n's 6889, 6890; JJ 187, f» 46 v», 0.°
IIU'^XIU.
6. Voy. Append. CVIII, n» 2. — Travaux de défense à Gaen, à Cher-
bourg, etc. (JJ 187, f» 74, Fr. 26083, n" 6895, 6919 et suiv; Fr. 25712, n» 304).
7. Jeanne de Laval était fille de Guy XIII, comte de Laval et d'Isabelle de
Bretagne, fille de Jean V, le frère de Richemont. René d'Anjou avait perdu,
en 1453, sa première femme, Isab. de Lorraine (Anselme, I, 232, IV, 56;
Lecoy de La Marche, René d'Anjou, I, 298-301).
8. Guill. d'Harcourt, comte de Tancarville, fils de Jacques d'Harcourt et
de Marg. de Melun, comtesse de Tancarville, nièce de Jean Larchevêque
(Anselme, V, 137-138 ; Fr. 26082, n» 6676. Voy. Append. XII). Guill. d'Harcourt
était beau-frère de Dunois, qui avait épousé sa sœur Marie d'Harcourk.
Quant à Yolande de Laval, petite-nièce de Richemont, elle était veuve
d'Alain de Rohan, comte de Porhoet, mort au siège de Fougères en 1449
(voy. ci-dessus p. 403, note 1 et le tableau généalogique). Ces mariages
avaient eu lieu à Redon (D. Taillandier, Hist. de Bretagne, II, 53, et
Preuves de l'Hist. de Bret., II, col. 1641; D. Lobineau, I, G56).
9. Fils d'Alain IX de Rohan et de sa 2« femme, Marie de Lorraine, fille.
d'Antoine de Vaudemont (Anselme, IV, 57).
MARIAGE DU COMTE d'ÉTAMPES AVEC MARG. DE BRETAGNE 439
fils unique du vicomte de Rohan, avec Marie de Bretagne, fille
du feu duc François I^^ Ce prince, dans son testament, avait
exprimé sa volonté de marier une de ses filles avec son cousin
le comte d'Etampes et l'autre avec l'héritier de la maison de
Rohan, qui «. plus droictement, de toute ancienneté, estoit issue
de la ligne royale de Bretagne. » Ces dispositions, fort sages,
avaient pour but de prévenir une guerre de succession. Pierre II
et Artur de Bretagne, exécuteurs testamentaires de François !«■■,
se hâtèrent de stipuler d'abord le mariage de leur nièce Marie
avec Jean de Rohan, qui n'avait encore que deux ans. La jeune
princesse devait avoir, pour tout droit de succession, une dot
de 100 000 écus, d'après le testament de François P^ Le vicomte
de Rohan accepta, pour son fils, ces conditions. Le contrat fut
conclu le 10 février '.
Restait à faire le mariage de Marguerite, fille aînée de Fran-
çois I'^'", avec son cousin François, comte d'Etampes, fils de
Richard de Bretagne (frère du connétable) et de Marguerite
d'Orléans (sœur du duc Charles d'Orléans et de Jean ,
comte d'Angoulême ^). On se rappelle que le jeune comte
d'Etampes avait été désigné par François I^r comme héritier
présomptif, dans le cas où Pierre II et Artur ne laisseraient
pas d'enfant mâle '.
Le duc de Bretagne et le connétable voulaient faire approuver
par le roi et par les princes d'Orléans le mariage et l'ordre de
succession arrêtés par François P^ Richemont, qui avait le plus
grand intérêt à celte affaire, ne négligea rien pour la terminer.
Le connétable, le duc de Bretagne et le comte d'Etampes, au
mois de juillet, allèrent trouver le roi à Bourges *. Charles VII,
sans tenir compte des réclamations du roi d'Ecosse, approuva
les dispositions contenues dans le testament de François P"".
C'était d'ailleurs un moyen d'accorder satisfaction à Jac-
1. Ce contrat, signé Pierre et Artur, est aux Arch. de la Loire-Infé-
rieure, cas3. 4, E 12, avec d'autres pièces relatives au même mariage. —
Le 11 février, à Vannes, Richemont donne aux couvents des frères prêcheurs
et mineurs de Guingamp du bois de chauffage, à prendre dans ses bois
et forêts (Arch. de la Loire-Infcr., cas5. 30, E. 84). Le 23 février, il était
encore à Vannes (communication de M. Flammermont).
2. Après la mort de son mari, cette princesse s'était retirée au monastère
deLongchamp, mais sans faire aucun vœu de religion (Fr. 2707, f»^ 182, 192).
3. Voy. ci-dessus, p. 423.
4. Preuves de Vhist. de Bretagne, II, col. 1687-1689; Gruel, 227. Le 9 juin,
Richemont était, avec Dunois, au conseil, où l'on examinait l'affaire du
comte d'Armagnac (Fr. 6967. f»' o5-f)6). Quelques jours auparavant, à Bois-
Sire-Amé, le 29 mai, Charles VII chargeait le connétable de faire fortifier
l'abbaye de Saint-Etienne de Caen et de la réunir à la ville (JJ 187, f» 74,
n" vu"uu.)
440 MISSION DE RICHEMOINT ET DE DUNOIS EN SAVOIE (1455)
ques II, puisque l'aînée de ses nièces allait épouser l'héri-
tier du duché de Bretagne. Le 31 août 1455, Charles VII donna
son consentement à ce mariage, en confirmant les droits de
Pierre II *. Le même jour, le duc Charles d'Orléans donna aussi
son consentement au mariage que son neveu allait contrac-
ter, avec l'autorisation du roi et de Richemont. Il s'engagea
même à défendre Artur, si le comte d'Etampes venait à con-
tester ses droits au duché de Bretagne, pour faire prévaloir ceux
de sa femme. Enfin, le 28 septembre, Jean d'Angoulême signa
un consentement semblable, avec mêmes réserves et mêmes
garanties en faveur de Pierre II et d'Artur. Quant au jeune
comte d'Etampes, il s'engagea le le"- septembre, avec l'autorisa-
tion de son oncle, Artur, à observer l'ordre de succession réglé
par le duc François I^"" et à épouser sa fille Marguerite *.
Ce mariage eut lieu le 16 novembre 1455, à Vannes, où le duc
avait réuni les états de Bretagne, pour leur faire approuver le
testament de son prédécesseur. Ils affirmèrent ainsi les droits
d'Artur à la couronne de Bretagne ^.
Le connétable ne put assister à ces solennités. Le roi l'avait
chargé, ainsi que Dunois, d'une mission délicate et qui ne pou-
vait être confiée qu'à des personnages de la plus haute impor-
tance. Il s'agissait d'aller en Bresse et en Savoie faire une en-
quête sur les menées du Dauphin et de son beau-père le duc
Louis I®% et d'imposer au duc la stricte observation du traité
conclu à Cleppé en 1452 *.
Richemont, Dunois et d'autres conseillers de Charles VII, à la
fois commissaires et ambassadeurs, réussirent dans leur double
mission. Ils assignèrent, firent comparaître, interrogèrent les su-
jets du duc de Savoie, comme s'ils eussent exercé leurs pouvoirs
dans une province française; mais ils surent calmer la légitime
susceptibilité de ce prince, en lui affirmant que le roi de France
ne voulait d'ailleurs porter aucune atteinte à ses droits. Enfin,
par leurs conseils et la fermeté de leur langage, ils le déterminè-
rent à venir avec eux auprès de Charles VII. Ils conduisirent le
duc et la duchesse de Savoie à Lyon, puis à Saint-Pourçain ^. Le
i. Il est à remarquer qu'il n'est fait nulle mention de ceux d'Artur dans
ce document, (Arch. de la Loire-Infér., cass. 4, E, i2).
2. Ces quatre pièces sont aux Archives de la Loire-Inférieure, cass. 4,
E, 12. Une seule, l'engagement du comte d'Etampes, se trouve dans les His-
toires de Bretagne de D. Morice et de D. Lobineau {Preuves de l'Histoire de
Bretagne, t. II, col. 1678-1680).
3. Preuves de VHist. de Bretagne, t. II, col. 1682, et Archives de la Loire-
Inf., cass. 4, E, 12; d'Argentré, 956.
4. Voir ci-dessus, p. 433.
3. Arrondissement de Gannat.
LE ROI FAIT ARRÊTER LE DUC d'ALENÇON (1456, 27 MAl) 441
roi, avec le chancelier le maréchal de Lohéac, le comte de Dam-
martin, le sire de Torcy et une nombreuse escorte, s'était avancé
jusque-là, pour surveiller de plus près le dauphin et pour inti-
mider, au besoin, le duc de Savoie. Cédant aux conseils de
Charles d'Orléans, de Richemont et de Dunois, le duc traita de
nouveau avec le roi et donna des garanties pour l'exécution du
traité de Gleppé (16 décembre 1455) K
Charles VII resta encore dans le Bourbonnais, l'Auvergne et
le Dauphiné, pour observer la conduite de son fils, qui lui inspi-
rait de vives inquiétudes. Le connétable demeura quelque temps
auprès de lui et retourna ensuite à Parthenay ^ C'est alors que
le duc d'Alençon, accusé d'intriguer avec le Dauphin, le comte
d'Armagnac, le duc de Bourgogne, et même de s'entendre avec
les Anglais, fut arrêté à Paris par Dunois, le 27 mai 1456 ', quel-
ques jours avant la réhabilitation solennelle de l'héroïne avec
laquelle il avait combattu pour la France *.
On sait que le duc d'Alençon regrettait toujours la seigneurie
de Fougères, qu'il avait vendue autrefois au duc de Bretagne.
Vainement il avait proposé de la racheter. Elle avait même été
incorporée à la Bretagne en 1451. Il avait essayé de faire agir
Charles VII en sa faveur et n'avait pas mieux réussi de ce côté.
Il se plaignait aussi de n'avoir pas à la cour le rang et le crédit
auxquels lui donnaient droit sa naissance et ses services ^. De
même que le Dauphin, il reprochait au roi d'avoir des ministres
peu dignes de sa confiance et animés d'intentions malveillantes.
Aigri par le mécontentement et la rancune qui troublaient son
esprit ^, égaré par de mauvais conseils, il noua des relations
avec les Anglais et promit de les introduire en Normandie, à la
première occasion.
En 1455, le moment avait paru favorable. Le roi se préparait
à envoyer une armée en Gascogne, contre Jean V d'Armagnac ';
1. S. Guichenon, llist. généal. de la royale maison de Savoye, t. I, p. 317,
et Histoire de Bresse et du Bugey, p. 80-82; Fr. 6960, P' 184-185, et Fr 5909,
fo viu""!! V». Voy. aussi une lettre de Charles VII, datée du 2 septembre,
publiée par M. de Beaucourt, dans la Revue des questions histor., t. XVII,
p. 403, note 2, et p. 404. — Fr, ioo37 f»» 19 et 169.
2. Richemont était encore à Saint-Pourçain le 21 janvier (Fr. 6967, f" 71 ;
Gruel, 227). Le 3 avril, il était à Parthenay (communication de M. Flam-
mermont).
3. Ses biens furent aussitôt confisqués (Fr. 20886, n» 9).
4. La réhabilitation de Jeanne d'Arc fut prononcée le 7 juin 1436, à
Rouen.
3. JJ 180, f» 48 v, n« cvu,
6. Voir ci-dessus, p, 432, note 9.
7. Le 11 mai 1435, Charles VII ordonnait d'arrêter Jean V, et bientôt
442 RICHEMONT ESSAIE DE SAUVER LE DUC d'ALENÇOîN (1456)
mais les événements qui survinrent alors en Angleterre contrai-
gnirent le duc d'Alençon à différer l'accomplissement de ses
projets. Richard d'York marchait contre Henri VI et gagnait la
bataille de Saint-Albans (22 mai 1455). Quand la reine d'Angle-
terre eut repris le pouvoir à Richard (février 1456) et que la
■tranquillité parut rétablie, le gouvernement anglais put songer
à une nouvelle entreprise contre la France *. Charles VII se
sentait environné d'ennemis, à commencer par son fils aine. Il
-craignait pour lui-même et pour le royaume. Il voulut faire
preuve d'énergie en face de ces dangers. C'est alors qu'il fit
arrêter le duc d'Alençon et qu'il chargea Dammartin d'arrêter
aussi le Dauphin (août 1456). Celui-ci s'enfuit dans les États
de Bourgogne (30 août)*; mais le duc d'Alençon resta prison-
nier et se trouva dans une situation périlleuse.
Richemont en conçut un vif chagrin. Il aimait son neveu, et,
s'il n'avait pas oublié ses torts, il n'oubliait pas davantage ses
services. Il espérait le ramener à de meilleurs sentiments, par de
sages conseils, par des paroles affectueuses, et obtenir ensuite le
pardon du roi pour le coupable soumis et repentant. Chargé par
Charles VII d'aller interroger le duc d'Alençon à Melun, où il
avait été conduit, le connétable ne put tirer de lui que de nou-
velles plaintes contre le roi, contre ses ministres, mais pas un.
aveu, pas une marque de repentir. Le prisonnier finit même
par lui déclarer « qu'il diroit son fait au roi et non à autre ^ ».
Richemont retourna tristement à^Parthenay.
Au mois de janvier 1457, il dut aller à Paris ^, pour apaiser
une querelle entre les ordres mendiants et l'Université. Cette
querelle, qui durait depuis le mois de mai de l'année précédente,
avait éclaté à l'occasion d'une bulle de Nicolas V, donnant aux
religieux mendiants pouvoir de confesser. Les curés de Paris,
se trouvant ainsi lésés dans leurs droits, se plaignirent ; l'Uni-
versité les soutint et voulut obliger les ordres mendiants à de-
une armée allait l'assiéger dans Lectoure, d'où il s'enfuit (juin 1453) [dom
Vaissète, V, 18-19].
1. Le roi d'Ecosse, Jacques II, excitait toujours Charles VII à profiter
des troubles causés par le duc d'York, pour combattre les Anglais (J. Ste-
venson, I, 319, 323, 328, 330). Le duc de Bretagne se plaignait de leurs
ravages {Preuves de l'Hist. de Bretagne, II, col. 1695).
2. De Beaucourt, Revice des questions histor., t. XVII, p. 403-412; Duclos,
Hist. de Louis XI, t. III, p. 99 et suiv.; Guichenon, Hist. de la maison de
Savoye, I, 517; J. du Glercq, p. 618-619; Chron. Martinienne, f»' ccxcvn
V» et suiv. ccn et suiv.
3. J. Ghartier, III, 57. Voy. aussi M. d'Escouchy, t. II, p. 318-324, qui d'ail-
leurs ne parle pas de cette mission du connétable; D. Taillandier, I, p. 60..
4. Il y était le 11 janvier (Fr. 26084, n" 7031).
IL INTERVIENT ENTRE LES ORDRES MENDIANTS ET l'UNIVERSITÉ 443
mander la révocation de la bulle. Sur leur refus, on les déclara
parjures et exclus de l'Université. Alors ils saisirent de leur
cause le parlement, qui commit l'archevêque de Reims, Jean
Jouvenel des Ursins, et l'évéque de Poitiers, avec quatre conseil-
lers, pour arranger le différend. Ils échouèrent dans cette tenta-
tive de conciliation, et l'Université résolut d'en appeler non seu-
lement au pape, aux communautés, aux chapitres, mais encore
au roi, aux princes et aux barons. Sur ces entrefaites, les évo-
ques de Normandie, réunis à Rouen, prirent parti pour l'Univer-
sité. L'évéque de Paris lui-même, qui avait eu de graves démê-
lées avec elle, deux ans auparavant, ne lui refusa pas -son
approbation. La querelle menaçait de prendre des proportions
inquiétantes, quand le pape Calixte III révoqua les privilèges
dont voulaient se prévaloir les ordres mendiants.
C'est alors que le connétable vint à Paris ^ Depuis vingt et un
ans qu'il avait chassé les Anglais de cette ville, il avait rendu de
si grands services qu'il jouissait d'une autorité considérable. Il
détermina les ordres mendiants à céder, en leur promettant ses
bons offices pour les faire rentrer dans l'Université.
Le 18 février, il y eut une grande assemblée au chapitre des
Bernardins. Le connétable s'y rendit, avec l'archevêque de
Reims, l'évéque de Paris et les dignitaires des ordres mendiants.
Il fît un discours en français, pour recommander la conciliation,
la paix, la concorde, et il déclara que les moines mendiants
renonçaient aux droits dont les avait investis Nicolas V, à condi-
tion qu'ils rentreraient dans l'Université. J. Bréhal, prieur des
Jacobins, ajouta : « Présupposé, premièrement, les conclusions
prises et proposées par monseigneur le connestable, nous vous
requérons et supplions très humblement, tant que faire povons,
que à icelles requestes et conclusions vous plaise obtempérer et
nous recevoir comme suppôts et membres. » Ces paroles n'ayant
pas paru assez soumises, l'Université persista dans son refus.
Les frères mendiants sortirent, et l'accord paraissait bien com-
promis, quand le connétable, qui les avait suivis, les détermina
enfin à prendre une attitude plus respectueuse et les ramena dans
l'assemblée, en disant : « Messieurs, je vous ramène ces bons reli-
gieux, qui n'estoient pas bien advisez quand ils vous ont fait leur
supplication, et pourtant je vous les ramène mieux advisez. » Le
prieur des Augustins supplia ensuite l'Université de vouloir bien
admettre les ordres mendiants. Elle y consentit, à condition
qu'ils ne se prévaudraient jamais de la bulle de Nicolas V et
qu'ils renonceraient à toutes les poursuites commencées.
1. Voy. ci-dessus, p. 442, note 4.
444 MORT DE PIERRE II. RICHEMONT DUC DE BRETAGNE (1457)
Avant de se séparer, l'assemblée adressa de grands remercie-
ments aux seigneurs, aux prélats et surtout au connétabe, dont
l'intervention avait apaisé cette querelle *. Richemont resta
quelque temps à Paris; mais, ayant appris que son neveu, le
duc de Bretagne, était malade, il partit pour se rendre auprès
de lui ^. A Tours, il reçut un message qui l'informait que la
comtesse de Richemont était aussi atteinte d'une grave mala-
die. Malgré l'avis de son Conseil, il voulut d'abord aller à Par-
thenay ^. Il y resta jusqu'au rétablissement de sa femme, puis il
repartit avec elle pour Nantes, où était son neveu Pierre II, et il
ne le quitta plus jusqu'à ses derniers moments.
Pendant sa longue maladie, le duc eut le temps de prendre
toutes ses dispositions. Il fit son testament le 5 septembre. Il y
régla la succession au duché de Bretagne, comme l'avait déjà
fait son frère François, avec l'approbation de Charles VII *.
Il désigna comme successeur son oncle Artur et, à son défaut,
Richard, comte d'Etampes. Il les nomma tous deux ses exécu-
teurs testamentaires, avec la duchesse sa femme. Il ne laissait
pas d'enfants légitimes, mais seulement une fille naturelle,
Jeanne. Dans son testament il chargea Richemont d'acquitter
ses dettes et lui recommanda une fille bâtarde de son frère
François, en le priant de la marier selon son état®. Il expira le
jeudi 22 septembre et fut inhumé le lendemain, dans le chœur
de l'éghse de Nantes.
Parvenu à l'âge de soixante-cinq ans, après avoir vu mourir
ses frères, ses neveux, Artur de Bretagne ceignit la couronne
de ses ancêtres. 11 fut proclamé duc de Bretagne, sous le nom
d'Artur III, le 22 septembre 1457 ". Ce titre, presque royal, au-
quel il ne pouvait aspirer jadis, n'ajouta rien à la gloire qu'il
avait su acquérir lui-même, au milieu des plus dures épreuves,
quand il était simple cadet de famille et connétable de France.
Aussi ne voulut-il jamais renoncer à cette charge. Les seigneurs
bretons eurent beau lui représenter qu'elle ne convenait plus à
1. D. Félibien, Histoire de Paris, t. II, 841-843; Gruel, 227; du Boulai,
V, 613-616; D. Taillandier, I, 59-467.
2. Il était à Orléans la veille de Pâques fleuries, c'est-à-dire le 9 avril
1457, d'après Gruel (p. 227), à Tours le H avril.
3. Il y arriva le vendredi saint, 15 avril (Gruel, 227). 11 y était encore
le 8 juin. C'est là qu'il donna son consentement au mariage d'Alain d'Albret
avec Françoise, fille de Guillaume de Bretagne (Arch. des Basses-Pyrénées,
E. 648).
4. Arch. de la Loire-Infér., cass. 9, E, 26, Ce document porte la signa-
ture de Pierre II et celles des témoins.
5. Preuves de l'Hist. de Bretagne, t. II, col. 1703-1709.
6. Preuves de l'Hist. de Bretagne, t. II, col. 1709.
ENTRÉE d'ARTUR III A RENNES (1457, 30 OCTOBRE) 445
un prince souverain ; il répondit qu'il voulait honorer dans sa
vieillesse une dignité qui l'avait honoré lui-même dans sa jeu-
nesse *.
Il resta quelque temps à Nantes, occupé à poursuivre ceux des
ennemis de Gilles qu'il n'avait pu jusqu'alors livrer à la jus-
tice ^ Sans attendre la mort de Pierre II, il avait fait arrêter
son grand-maître d'hôtel, H. de Villeblanche, Jean Hingant et
Goetlogon, qu'il soupçonnait de complicité avec les meurtriers^;
mais, après une instruction de six mois, il fallut les relâcher,
faute de preuves. En même temps, il s'occupait des affaires les
plus urgentes. Il institua de nouveaux officiers, dont un capi-
taine des francs archers *; il envoya rendre hommage à René
d'Anjou, pour la seigneurie de Champtocé.
Le nouveau duc de Bretagne, Artur III, fit son entrée
solennelle dans Rennes, sa capitale, le 30 octobre 1457 '. Les
comtes d'Etampes et de Laval, le vicomte de Rohan, Jacques de
Luxembourg, les prélats et barons de Bretagne lui faisaient
un magnifique cortège. Des princes et seigneurs étrangers, qui
n'avaient pu venir à cette cérémonie, avaient envoyé leurs
hérauts d'armes. Comme les Etats de Bretagne avaient été
convoqués pour la même époque, il y eut une grande affluence
et des fêtes brillantes à Rennes. Le duc envoya ensuite au pape
des ambassadeurs, pour lui notifier son avènement et lui prêter
serment d'obéissance, suivant la coutume des princes catho-
liques.
Revenu à Nantes, il continua de donner ses soins au gouver-
nement et de recevoir l'hommage de ses vassaux, entre autres
celui de Jean de Brosse, seigneur de Sainte-Sévère et de Boussac,
comte de Penthièvre «. Il fut alors invité par le roi à venir au-
près de lui, à Tours, pour assister à la réception des ambas-
sadeurs que le jeune roi de Bohême et de Hongrie, Ladislas,
1. D'Argentré, p. 843; D. Taillandier, i/M<. de Bretagne, II, 64.
2. Les poursuites avaient continué contre Jacques d'Espinay, évêque de
Rennes (Fr. 2707, f" 209-212),
3. Preuves de l'hist. de Bretagne, t. II, col. 1718-1720. Ils étaient aussi ac-
cusés de sorcellerie et de dilapidations. — H. de Villeblanche était grand
maître d'hôtel de Pierre II, et Goetlogon contrôleur général (col. 1708).
4. Preuves de VHist. de Bretagne, t. II, col. 1709-1718. — Guillaume Gruel fut
nommé capitaine de Dol. Jean du Cellier fut institué chancelier de Bre-
tagne dès le 30 septembre (col. 1710).
5. Par la porte Mordelaise. Le sire de Guéméné, procureur du vicomte
de Rohan, qui était absent, pour cause de maladie, reçut le serment du
duc, au nom des Etats de Bretagne {Supplément aux preuves de VHist. de
Bretagne, t. II des Preuves, p. ccxvn). — Jacques de Luxembourg était
alors capitaine de Rennes. (Arch. munie, de Rennes, travée I, n° 1.)
6. Preuves de VHist. de Bretagne, t. II, col. 1720-1721.
446 CHARLES VII VIENT A LA COUR DE FRANCE (44S8, JANVIER)
envoyait en France demander à Charles VII la main de sa fille
Madeleine *. Le duc fit ses préparatifs pour paraître à la cour
avec un éclat digne de son rang *. Il institua le vicomte de
Rohan son lieutenant général ' et prit toutes les autres mesures
nécessaires pour assurer, pendant son absence^ la sécurité de
la Bretagne. C'est ainsi qu'il signa, le 31 décembre, des ordres
pour la mobilisation des francs archers *, afin qu'on pût compter
sur eux en cas de besoin; les attaques des Anglais étant toujours
à craindre *.
Il partit ensuite avec un nombreux cortège (janvier 1458). En
chemin, il apprit la mort du roi Ladislas et le départ de l'ambas-
sade envoyée par lui à Tours ^ Il continua néanmoins son
voyage. A Angers, où il reçut un accueil empressé, il fut retenu
huit jours par une indisposition assez grave. Aux environs de
Tours, il rencontra beaucoup de seigneurs qui étaient venus au-
devant de lui, avec les gens du roi. Ils le conduisirent au palais
en grand appareil. Devant lui, son écuyer, Philippe de Malestroit,
po'rtait deux épés, l'une la pointe en haut, à cause de sa dignité
ducale, l'autre au fourreau, à cause de sa charge de connétable.
Artur III fut reçu avec les honneurs dus à son rang et à ses
services; mais les fêtes qui devaient avoir lieu furent empêchées
par une maladie du roi ^ Il demeura environ un mois à la cour,
où s'agitaient d'importantes questions.
Après la mort de Ladislas, Charles YII, en vertu des droits qu'il
possédait, comme descendant de la maison de Bohême, avait
revendiqué le Luxembourg*, compris, avec l'Autriche, la Bohème
1. Ladislas était fils posthume de l'empereur Albert II d'Autriche et
d'Ehsabeth de Luxembourg, fille de l'empereur Sigismond.
2. Il fit venir de la Basse-Bretagne des lutteurs, pour donner à la cour de
France un divertissement qui était fort à la mode à celle de Bretagne.
3. Le 6 décembre, à Nantes [Preuves de fHist. de Bret., II, col. 1721-1722).
4. Preuves de l'Hist. de Bret., II, col. 1714. Un peu plus tard, le 10 juillet
1458, Oliv. de Quelen fut nommé grand maître de l'artillerie et capitaine
général des francs archers de Bretagne (col. 1717).
5. En 1457, les Anglais avaient encore menacé les côtes de France, et on
avait pris des mesures de défense contre eux (Musée des Archives natio-
nales, n» 462; Fr. 21427, n» o).
6. Ladislas mourut le 23 novembre 1457. Les ambassadeurs hongrois
repartirent le 31 décembre (de Beaucourt, Revue des quest. hist., t. XVII,
p. 415-417).
7. Preuves de VHist. de Bretagne, t. II, col. 1722-1727. Le 20 février,
Charles VII ratifie la rémission accordée par Artur III à J. Buchon, con-
damné et emprisonné à Fontenay-le-Comte (JJ 185, î° 219 v°).
8. Le roi de France Jean le Bon avait épousé Jeanne de Luxembourg,
fille de Jean de Luxembourg, roi de Bohême (qui fut tué à la bataille de
Crécy) et tante de l'empereur Sigismond. — Ladislas le Posthume avait
d'ailleurs légué le Luxembourg à Madeleine de France. Charles VII prit
RENOMMÉE d'ARTUR III 447
et la Hongrie dans la riche succession de ce jeune prince. Cette
succession excitait d'ardentes convoitises. Charles VII lui-même
songeait aux moyens d'en avoir une partie. Devenu le plus
puissant souverain de la chrétienté, il semblait plus capable
qu'aucun autre de défendre la Hongrie et l'Autriche menacées
par Mahomet II, le conquérant de Constantinople. L'empereur
Frédéric III disputait aux autres princes autrichiens, à Georges
Podiebrad, à Mathias Korwin, la succession de Ladislas; mais il
était faible, méprisé, impuissant % et se laissait « plumer la
barbe à chacun sans revenger ».
Charles VII avait en Allemagne un parti nombreux, qui se
faisait une haute idée de sa puissance. Son ambassadeur à
Vienne écrivait qu'il ne doutait pas que, s'il s'entendait avec
le duc de Bourgogne, « la très chrestienne maison de France,
en brief, eust en main et l'empire et les royaumes de Hongrie
et de Bohaigne et l'oneur de secourir la foy ». L'ambassadeur
ajoutait : « et scay que plusieurs, que seigneurs et princes, que
tout le commun peuple d'Almaigne s'attendent que ainsi aviegne
et le désirent; et la nouvelle qu'avons eu que le duc de Bretai-
gne, connestable de France, est allé devers vous, me fait espérer
que ainsi aviendra *. »
Ce projet grandiose était chimérique ; toutefois cette lettre
montre que la renommée du connétable était répandue au loin
et que sa dignité nouvelle était, pour Charles VII lui-même,
un accroissement de puissance. Il était naturel de supposer que
son fidèle connétable, devenu duc de Bretagne, serait pour lui
un auxiliaire encore plus utile. Certes, le duc Artur III fut
aussi dévoué à Charles VU que l'avait été le comte de Riche-
mont ; mais les causes ordinaires de différends entre les rois de
France et les ducs de Bretagne n'en subsistèrent pas moins.
Artur III, tout en restant connétable de France, n'oublia pas
qu'il était duc de Bretagne. A ce titre, il défendit ses privilèges
avec autant d'énergie que ses prédécesseurs.
Avant de quitter Tours, il offrit au roi de lui faire l'hommage
qu'il lui devait. Quand il sut que Charles et ses conseillers
sous sa garde Thionville et les autres places du duché de Luxembourg. Il
y commit Thierry de Lenoncourt, bailli de Vitry, et Tristan l'Hermite, le 8
janvier 1458 (de Beaucourt, Revue des quest. hist., t. XVII, 418; JJ 185,
f» 220).
1. Fr. 15537, f»» 165 et 166. L'envoyé français à Vienne représente l'em-
pereur comme endormi, lâche, morne, pesant, « qui se laisse plumer la
barbe à chacun sans revanger, variable, hypocrite, dissimulant, et à qui
tout mauvais adjectif appartient. »
2. Fr. 15537, f»' 165, 166. Ce document si curieux a été publié par Duclos
{Hist. de Louis XI, t. III, 167-171).
448 DIFFÉRENDS ENTRE CHARLES VII ET ARTUR III (1458)
réclamaient l'hommage lige pour son duché, il n'y voulut pas
consentir. Il allégua la nécessité de consulter les Etats de Bre-
tagne, et il repartit*, bien décidé, s'il faut en croire son bio-
graphe, à ne plus revenir auprès de Charles YII et « à ne lui
faire aucune redevance * ».
Il est possible que, dans un moment de colère, Artur ait pro-
noncé des paroles inconsidérées ; mais il n'est pas croyable qu'il
ait exprimé la résolution formelle de refuser l'hommage rendu
par ses prédécesseurs. Il savait bien que le roi et ses conseillers
avaient coutume de réclamer l'hommage lige, comme ils l'avaient
fait encore à Pierre II ; mais il n'ignorait pas que, dans la pra-
tique, les choses se passaient autrement, et qu'il pouvait accom-
plir ses devoirs, en faisant respecter ses droits. Il ne refusa donc
pas de retourner à la cour, quand la duchesse d'Alençon * le
supplia d'aller demander au roi la grâce de son mari.
Avant de partir, il montra la même énergie à défendre ses
prérogatives. Le roi avait convoqué le parlement à Montargis,
pour le procès du duc d'Alençon, et il y avait appelé les pairs du
royaume *. Il envoya un de ses secrétaires, Bertrand Brissonnet,
inviter Artur III à siéger, en qualité de pair, dans cette haute
cour de justice. Il est probable que Brissonnet avait d'autres
instructions, relatives aux différends que soulevaient aussi les
empiétements de la juridiction royale en Bretagne. La réponse
que fît Artur à l'envoyé de Charles VII, au château de Nantes,
le 11 mai 1458, montre, mieux que le récit de son biographe,
ses véritables sentiments.
Artur III déclara « que, de tout temps, il avait servi le roi et
son royaume; qu'il était connétable de France ; qu'en cette qua-
lité il était tenu de se rendre aux ordres du roi et qu'il était dis-
posé à le faire; mais que, en qualité de duc, il ne dépendait de
la couronne de France que dans le cas d'appel du parlement de
Bretagne à celui de Paris, ou dans le cas de déni de justice; que
son duché n'avait jamais fait partie du royaume de France et
qu'il n'en était pas un démembrement; qu'il était très déter-
miné à ne point violer son serment de conserver les prérogatives
de son duché ; qu'il n'était pas pair de France et qu'il ne voulait
1. A Tours, il se fit recevoir chans de Saint-Gatien {Preuves de l'Hist.
de Bretagne, t. II, col. 1724).
2. Gruel, 228; d'Argentré, 959. Artur III était le 14 avril à Nantes, où il
signe un mandement relatif à la fabrication de la monnaie à Rennes (Arch.
de la Loire-Inférieure).
3. Marie d'Armagnac, fille de Jean IV d'Armagnac et d'Isabelle de Na-
varre, cousine de Richemont.
4. Xia 8605, f" 188 et 189.
ARTUU III OBTIENT LA GRACE DU DUC d'ALENÇON (1458) 449
pas comparaître, en cette qualité, à Montargis ou ailleurs *. »
Charles VII ayant ensuite convoqué à Vendôme ^, pour
le 12 août, le parlement qui devait siéger à Montargis, Artur se
rendit à Vendôme, afin d'implorer la grâce de son neveu, sachant
qu'il était coupable et qu'il serait condamné. Il partit bien ré-
solu à faire hommage au roi, sans permettre aucune atteinte
à ses privilèges. II emmenait le comte d'Elampes, le comte de
Laval, Jacques de Luxembourg, le chancelier de Bretagne, Ph.
de Malestroit et baaucoup d'autres seigneurs. Il fit une partie
du voyage par eau, en remontant la Loire, pour éviter des
fatigues que sa santé ne lui permettait plus de supporter. Arrivé
à Vendôme, il trouva le procès commencé. Après avoir avoué
la plupart des crimes dont il était accusé, le duc d'Alençon fut
condamné à mort, le 10 octobre 1458 '.
Déjà la duchesse d'Alençon était venue, avec ses enfants *, se
jeter aux genoux du roi, pour implorer sa pitié; le duc de Bour-
gogne, par ses envoyés, le duc d'Orléans et Artur III avaient
inutilement pris la défense du coupable. Une fois la sentence
prononcée, il n'y avait plus à espérer qu'en la clémence royale.
Alors le connétable, qui voulait, à tout prix, sauver son neveu,
rappela les grands services rendus à la France par le captif de
Verneuil, par le compagnon de Jeanne d'Arc, par son père, tué
à la bataille d'Azincourt. Ses éloquentes supplications touchèrent
le cœur du roi. Charles VII fit grâce de la vie au condamné et
laissa même une partie de ses biens à sa femme et à ses enfants,
en considération des prières du connétable ^. Toutefois le duc
d'Alençon fut retenu prisonnier.
Artur, qui était malade, voulut s'acquitter de l'hommage qu'il
devait au roi, pour retourner en Bretagne. Le 14 octobre, il se
présenta, l'épée au côté, devant Charles VII. « Monseigneur de
i. Preuves de l'Hist. de Bret., t. II, col. 1729. — Analyse très exacte de
ce document dans D. Taillandier, Hist. de Bretagne, II, p. 65. — On trouve
aux Arch. de la Loire-Iaf. (cass. 78, E, 184) un mandement très ferme du
18 août 1458 qui corrobore cette déclaration.
2. A cause de la grande mortalité survenue à Orléans, Sully et autres
lieux voisins, par où le roi devait passer pour se rendre à Montargis
(X** 8603, fo* 188-190). Une partie du parlement avait déjà siégé à Montar-
gis {Ordonn., XIV, 466-471).
3. J. Charlier, III, 90-110.
4. Artur III avait pourvu lui-même aux dépenses de son voyage {Preuves
de l'Hist. de Bretagne, t. II, col. 1722-1727).
5. M. d'Escouchy, II, 359-361. « En faveur et contemplacion des requestes
à nous sur ce faicles par nostre très chier et très amé cousin le duc de
Bretaigne, oncle dudit d'Alençon » (Arch. de la Loire-Infér., cass. 101, E,
221). — Louis XI rendit au duc ses biens le 10 octobre 1461 (P. 2531,
f» 430 v).
RiCHEMONT. 29
450 ARTUR III FAIT HOMMAGE A CHARLES VII (1458, 14 OCT.)
Bretaigne, dit alors Dunois, vous devenez homme du roy, mon
souverain seigneur, cy présent, et lui faites hommage lige à
cause de vostre duché de Bretaigne et lui promettez foy et
loyauté et le servir envers tous qui peuvent vivre et mourir. »
Le comte d'Eu et le bailli de Tours ajoutèrent qu'il fallait ôter
au duc son épée, l'hommage lige se rendant à genoux, sans
épée; mais Jean du Cellier, chancelier de Bretagne, reprit :
« Il ne le fera point, car il ne le doibt faire. » Alors le duc,
s'adressant au roi : « Tel hommage que mes prédécesseurs vous
ont faict je vous faicts, et ne l'entends et ne le faicts lige. — Tel
que vos prédécesseurs l'ont faict, vous le faites, répliqua le roi.
• — Voire, répondit Artur; je le fais comme mes prédécesseurs
l'ont faict aux vostres et à vous, et je ne le fais point lige. »
Le débat se termina comme d'ordinaire. Le duc debout, l'épée
au côté, fut reçu au baiser par le roi. Le chancelier de Bretagne
ajouta même : « Le duc n'entend, par chose qu'il ait faict ou face,
déroger ne préjudicier à ses droicts et noblesses. — Je n'entends
ne voudrais préjudicier en rien à vos droicts, répondit Charles;
aussi croy-je que ne voudriez vous aux miens. » Artur répondit
que non, puis, fléchissant le genou devant le roi : « Monsieur,
lui dit-il, je vous dois hommage lige à cause de ma conté de
Montfort; quel je vous vueil faire aussi à cause de Néaufle-le-
Chastel ^ — Levez-vous, » dit le roi. Ensuite, le chancelier de
France, Guillaume Jouvenel des Ursins, ayant réclamé, en outre,
l'hommage pour la pairie, le duc répondit : « Je ne suis point
délibéré à présent de rien en faire. — C'est son fait, dit le roi; il
scait bien ce qu'il a à faire; on s'en doibt rapporter àluy; » puis
il plaisanta d'une manière bienveillante sur ce qui venait de se
passer ^.
Peu après, Artur prit congé de Charles VII, quMl ne devait
plus revoir. Il semble que cette dernière entrevue lui laissa des
impressions désagréables ®. Le duc d'Orléans l'accompagna
jusqu'à Fontevrault *, où ils allèrent visiter la nouvelle abbesse,
leur nièce, Marie, veuve du maréchal de Rieux, qui était fille de
1. Une médaille commémorative de l'hommage de Jean V représente le
duc de Bretagne à genoux, sans armes, baisant la main du roi (Mézeray,
Hist. de France, II, 84, n" 3); mais l'historien fait remarquer que cet hommage
est pour le comté de Montfort et non pour le duché de Bretagne (p. 85).
2. Preuves de Bretagne, col. 1732-1733, et d'Argentré, p. 846-847; J 245,
n» 107; Arch. de la Loire-Infér., cass. 33, E, 91. François II, neveu et
successeur d'Artur III, ne voulut pas davantage rendre l'hommage lige
{Preuves de VHist. de Bretagne, II, col. 1737-39).
3. Voir Gruel, p. 228. Il parle du roi avec une acrimonie singulière.
4. Arrondissement et canton sud de Saumur.
QUERELLE ENTRE ARTUR III ET L'ÉVÉQUE DE NANTES 451
Richard, comte d'Etampes, et de Marguerite d'Orléans. En même
temps, Cliarles VII, avec l'assentiment du connétable, donnait
à Jean, bâtard d'Orléans, comte de Dunois, la seigneurie de
Parthenay et les autres terres confisquées jadis sur Jean Lar-
chevêque *. Le duc de Bretagne n'ayant pas d'héritier légitime,
ces terres devaient revenir à la couronne après la mort d'Artur,
et le roi en disposa, pour cette époque, en faveur de Dunois *
(22 octobre 1458). Celui-ci n'attendit pas longtemps.
Revenu malade en Bretagne ^, Artur III ne fit plus que languir.
Ses derniers jours furent attristés par les chagrins que lui causa
une vive querelle avec Guill. de Malestroit, évéque de Nantes.
C'était lui-même qui avait obtenu que Jean de Malestroit, l'ancien
chancelier de Jean V, abandonnât l'é vêché de Nantes à Guillaume,
qui était son neveu. « Je ferois plus pour vous que pour homme
qui vive, avait dit Jean de Malestroit *; mais, par le corps de
Nostre-Dame, vous vous en repentirez, car c'est le plus mauvais
ribaud, traistre que vous vistes oncques, et, si vous le connaissiez
comme moi, vous n'en parleriez jamais ^. » Ces paroles ne
furent que trop justifiées. Loin de se montrer reconnaissant
envers Artur, qui lui avait encore donné le manoir de Plaisance,
sa vie durant, Guill. de Malestroit refusa de faire hommage au
duc pour le temporel de son église ^.
Le 7 décembre, Artur III manda au juge de Nantes de sommer
l'évêque de venir lui faire hommage et serment de fidélité. Cette
sommation ayant été signifiée au prélat pendant une procession,
1. Il est probable qu'Artur fut très affecté de ces dispositions (voir
Gruel, p. 228).
2. Il les avait déjà données, en 14S2, au Dauphin, pour en jouir après la
mort de Richemont et de son héritier, Pierre de Bretagne (P 2532, f» 28 v°).
Dunois avait épousé Marie d'Harcourt, fille de Jacques d'Harcourt, comte
de ïancarville, et d'une nièce de J. Larchevêque (Bel. Ledain, Hist. de
Parlhenay, p. 251 et suiv. ; Anselme, V, 135; Append. XII).
3. La maladie l'avait pris dès Vendôme. « Et, pour ce que lors il y avoit
en cour quelques-uns de ses ennemis, on soupçonna fort qu'il avoit esté
empoisonné » (d'Argentré). Le Baud se borne à dire que, depuis son
voyage de Vendôme, « il ne fut sain » (p. 535). « Pleust à Dieu que
jamais n'eust esté à Vendosme, car oncques puis ne fut sain jusques à
la mort, et plusieurs font grant double qu'elle fut advancée. Dieu en
sçait la vérité » (Gruel, 228).
4. On voit par là qu'Artur de Bretagne s'était réconcilié avec son ancien
ennemi. Jean de Malestroit était mort le 14 septembre 1443 (A. du Paz,
Hist. généalogique^ p. 843-844).
5. Gruel, 228.
6. Déjà, en 1455, G. de Malestroit avait été condamné dans un procès
devant le parlement de Paris. Le duc Pierre II s'était opposé longtemps
à l'exécution de cet arrêt (voir de longs détails sur cette affaire dans le
registre X»» 1483, f 223 v», 226 v, 228 v», 289, 355 v).
452 DERNIERS PROJETS d'ARTUR III
il en tira prétexte pour sommer lui-même le magistrat de venir,
dans les deux heures, sous le portail de l'église, rendre compte
du scandale par lequel il avait troublé une cérémonie religieuse *.
Loin d'obéir au duc, il refusa obstinément l'hommage, déclarant
que, s'il tenait quelque chose d'un seigneur temporel, il enten-
dait le tenir du roi seul. Il excommunia les officiers d'Artur et
Artur lui-même ^, qui en appela vainement au métropolitain,
l'archevêque de Tours, et au pape '.
Cette malencontreuse affaire lui causa beaucoup d'irritation et
de chagrin. Ses forces déclinaient, mais il était soutenu par son
énergie morale. 11 reçut alors une bulle du pape Pie II *, qui
l'avait connu jadis, au congrès d'Arras, et qui avait pour lui la
plus haute estime. Le souverain pontife invitait le duc de Bre-
tagne à se rendre, avec les autres princes, au congrès de Man-
toue, pour y délibérer sur les moyens de secourir les chrétiens
contre les Turcs. Artur, qui se distingua toujours par une piété
exemplaire, approuvait, sans aucun doute, les tentatives des papes
pour susciter une croisade contre les infidèles; il avait même
permis au légat ^ de Galixte III de lever, pour cette guerre sainte,
des deniers en Bretagne; mais, s'il eût vécu plus longtemps, ce
n'est pas à cette expédition qu'il eût consacré ses derniers efforts.
Il voulait châtier les Anglais, qui parfois attaquaient encore
les côtes de Bretagne ^. Il avait, dit-on, formé le projet de faire
une descente en Angleterre, comme le demandait sans cesse le
roi d'Ecosse à Charles VII. On raconte même qu'Artur, comme
autrefois Guillaume le Conquérant, avait, par lettres scellées de
son sceau, distribué d'avance, à ceux qui devaient le suivre, des
seigneuries et des châteaux d'Angleterre '. Si ce dessein était
i. Preuves de Bretagne, 11, col. 1733-1734.
2. Preuves de Bret.,' t. II, col. 1736-1737.
3. Sur cette querelle, qui continue pendant le règne de François II, on
trouve de curieux détails aux Arch. de la Loire-Infér. (cass. 27, E, 74).
Ce sont des originaux sur papier.
4. Fr. 2707, f»» 219, 222-225.
5. Vincent de Kerlean, abbé de Begar {Preuves de Bret., t. II, col. 1733).
6. En février 1458, ils avaient encore essayé de faire une descente en
Bretagne, du côté de Bourgneuf et de Saint-Malo, pendant que le duc
Artur était auprès du roi à Tours; mais les mesurss qu'il avait prises avant
son départ empêchèrent ces tentatives (D. Taillandier, Hist. de Bretagne,
t. II, p. 64). La guerre se faisait encore un peu sur mer (Bréquigny, t. 83,
ou Moreau, 707, f» 57).
7. La guerre des deux Roses et le concours de l'Ecosse auraient favorisé
une invasion en Angleterre. Au mois d'août 1457, P. de Brézé avait dé-
barqué à Sandwich et fait un riche butin. Les Bretons l'avaient suivi
en grand nombre, et même un capitaine breton alla, aussitôt après, sac-
cager la ville de Fowey, en Corn ouailles (Vallet de V., Charles VII, t. III,
391-393 et note 2 de la p. 395; voir aussi Fr. 25712, n» 324).
MORT d'artur III (1458, 26 décembre) 453
chimérique, il était, en tout cas, digne d'un prince qui avait
noblement expié les erreurs de sa jeunesse, en combattant, de-
puis plus de trente années, ces ennemis, que jadis il avait
servis. Quoi qu'il en soit, la mort allait mettre fin à ses pro-
jets.
Malgré son épuisement, il n'avait pas voulu garder le lit. Il
jeûna encore les quatre-temps et la veille de Noël. Il se confessa
ce jour-là. Le lendemain, il voulut assister à tous les offices de
la nuit et encore à la grand'messe et aux vêpres de la fête de
Noël. Le 26 décembre, il entendit une dernière fois la messe « et
dit ses heures à genoux, bien dévotement, comme bon et loyal
chrestien *. » Il semble qu'il ait voulu, comme un célèbre em-
pereur romain *, mourir debout. Il expira le même jour, vers
six heures du soir, au château de Nantes, le 26 décembre 1458,
dans sa soixante-sixième année. Il fut enterré, deux jours après,
dans une chapelle du monastère des Chartreux, qu'il avait fondé
près de Nantes ^. Ainsi mourut, dit un historien, « le plus grand
prince que la Bretagne ait compté au nombre de ses souverains
Ce grand homme régna trop peu de temps pour la félicité de la
Bretagne, mais son nom sera toujours cher à cette nation, et sa
mémoire vivra éternellement dans le souvenir des Français *. »
1. Gruel, 228.
2. Vespasien.
3. Gruel, 228; Le Baud, 536. Il avait fait donation à sa femme, Catherine
de Luxembourg, de tous ses biens meubles, évalués à 60 000 écus, et lui avait
constitué un douaire de 6 000 1. de rente sur la seigneurie de Touffou
(16 et 17 juin 1458). Cette disposition fut ratifiée par François II, neveu
et successeur d'Artur III (Arch. de la Loire-Infér., cass. 6, E, 16, f»» 41 et
suiv., et E, 18).
4. D. Taillandier, Hist. de Bretagne, II, 69.
CHAPITRE IX
CARACTÈRE DE RICHEMONT — CONCLUSION
Caractère de Richemont, d'après Gruel. — Son portrait. — Son instruc-
tion. — Son goût pour la guerre. — Ses mœurs. — Sa gravité. — Sa
rudesse et ses violences. — Son humeur rébarbative. — Son ambition.
— Son esprit d'économie. — Ses revenus et ses dépenses. — Sa piété
étroite. — Son affection pour sa famille. — Appréciation du rôle de Ri-
chemont. — Netteté de ses vues. — Résultats de sa persévérance. —
Choix de ses auxiliaires. — Sa gratitude envers eux. — Ses talents mi-
litaires et politiques. — Son impopularité. — Conclusion.
En dehors des faits qui appartiennent à l'iiistoire, les détails
plus particuliers et plus intimes sur les goûts, les habitudes, la
vie privée de Richemont font presque entièrement défaut.
G. Gruel ne donne pas ces renseignements accessoires, auxquels
on attache aujourd'hui une grande valeur. Il vante sa piété, sa
patience, son humilité, sa douceur, sa libéralité, son désintéres-
sement, son affection pour le peuple, ses talents militaires; en
un mot, il lui attribue toutes les quahtés, toutes les vertus, sans
laisser voir s'il eut quelques défauts * ; mais, comme la plupart
des biographes, il est en même temps un panégyriste. On en est
donc réduit à interroger les principaux actes de Richemont, ses
lettres, les appréciations parfois suspectes des chroniqueurs et
quelques documents plus spéciaux épars çà et là, notamment
deux registres de comptes, relatifs au domaine de Fontenay, qui
n'embrassent que huit années (1428-1435) *.
Au physique, Richemont est encore moins connu qu'au moral.
Son portrait, reproduit dans les histoires de Bretagne, d'après un
original conservé aux Chartreux de Nantes ^, n'a pas une authen-
1. Gruel, p. 228-229.
2. Fr. 8818 et 8819.
3. D. Lobineau, t. I, p. 665, et D. Morice, t. II, p. 67. Voir aussi un pori
trait au crayon dans le t. 645 de Clairambault, f» 133.
PORTRAIT DE RIGHEMONT. SON INSTRUCTION 455
licite certaine, el Gruel ne dit rien qui puisse nous renseigner.
S'il faut en croire d'Argentré * et D. Lobineau, il était de petite
taille et d\m extérieur peu agréable, ce qui semble douteux,
quand on considère que son frère, Jean V, passait pour un des
plus beaux hommes de son temps ^. On peut supposer que Riche-
mont avait un corps robuste et un tempérament vigoureux, car
il supporta, jusqu'à l'âge de soixante ans, les fatigues de la vie
militaire, et on ne voit pas qu'il ait jamais éprouvé de grave
maladie.
Il est probable qu'il reçut, auprès des ducs de Bourgogne et
de Berry, une instruction assez développée, pour le temps. On
ne sait s'il consacra, comme Charles d'Orléans, les loisirs de sa
captivité à des travaux intellectuels. Son écriture nette, ferme et
régulière dénote une main exercée ' ; mais ce faible indice n'au-
torise pas à croire que son esprit était très cultivé. En tout cas,
rien ne montre qu'il ait eu le goût des beaux manuscrits et des
œuvres d'art, comme les ducs de Bourgogne et de Berry, ou
comme les ducs d'Orléans et de Guyenne *.
Ce qu'il aimait surtout, comme les seigneurs de cette époque,
c'était la guerre, qui fut toujours sa principale occupation.
a Tous les jours, au moins une fois la journée, il parlait de la
guerre et y prenait plaisir plus que à nulle autre chose ^. » On
sait qu'il eut, de bonne heure, l'occasion de satisfaire ce pen-
chant. Il n'est pas probable que, dans sa jeunesse, il ait fait une
étude méthodique de l'art militaire, ni qu'il ait beaucoup prati-
qué les auteurs anciens, pour y chercher des leçons. Il est bien
plus vraisemblable qu'il fit l'apprentissage de la guerre en s'ins-
truisant par les conseils et les exemples de capitaines expéri-
i. Voy. d'Argentré, p. 848; D. Lobineau, 1. 1, p. 671, et D. Morice, t. II, p. 68.
Sainte-Marthe, Hist. généalogique de la maison de France, t. II, p. 607
(édition de 1647).
2. D'Argentré, p. 797.
3. 11 y^a aux Archives de la Loire-Inférieure deux pièces qui paraissent
écrites en entier de la main de Richemont. L'une est un serment de fidé-
lité au duc de Bretagne, en date du 5 août 1422 {Appendice XVI); l'autre
est un serment d'assistance fait par le connétable au duc son frère, le
22 août 1440 (Appendice LXXIV).
4. Philippe le Hardi, Jean duc de Berry, les ducs de Guyenne et d'Or-
léans étaient de véritables bibliophiles. Voir Léopold Delisle, Le cabinet
des manuscrits de la Bibliothèque impériale, t. I, p. 46, 36, 68 et suiv., et
Léop. Pannier, Les joyaux du duc de Guyenne. La célèbre Christine de
Pisan dédia son livre De la paix au duc de Guyenne (Fr. 1182, f» 3) et son
livre Des trois vertus à la duchesse de Guyenne (Fr. 1177, f» 114). Voir, à la
biblioth. Sainte-Geneviève, le beau manusc. français Lf 34 (testament du
duc de Berry).
3. Gruel, p. 229.
456 GOUTS ET MŒURS DE RICHEMONT
mentes, comme le maréchal de Boucicaut, soii compagnon de
captivité, ou comme Henri V, le roi conquérant.
Il aimait sans doute les passe-temps chevaleresques, tels que
les joutes et tournois *, mais il n'y devait pas prendre part bien
souvent, car on ne voit pas qu'il y ait figuré, même dans les
circonstances les plus remarquables *. S'il eût été, comme
du Guesclin, ou comme La Hire, un grand batailleur, en même
temps qu'un général habile, il eût aussi été plus populaire.
Pourtant sa bravoure ne saurait être mis-e en doute, quoi qu'en
dise le Bourgeois de Paris. Il la prouva trop souvent, dans les
sièges et dans les combats, pour qu'on puisse prendre au sérieux
l'accusation de couardise lancée contre lui par l'irascible et mal-
veillant chroniqueur ^.
Gomme il trouvait dans les devoirs de sa charge la satisfac-
tion de son goût prédominant, il recherchait peu les plaisirs de
la cour et n'en partageait pas la corruption. Son biographe
afflrme qu'il était chaste *. On sait qu'il eut une fille bâtarde ^,
mais rien d'ailleurs ne fait supposer dans sa conduite les dérè-
glements dont les grandes familles de cette époque offrent trop
d'exemples •'.
Il ne faudrait pas croire que sa gravité d'esprit le rendait cha-
grin, morose, ennemi de toute distraction. Dans les fêtes aux-
quelles donnaient lieu les réunions princières, il prenait part
aux danses et aux autres divertissements '. Pendant les loisirs
1. En septembre 1434, il y eut une joute devant le connétable à Ham
(Gruel, 202).
2. Par exemple aux fêtes de Nancy et de Châlons, en 1445, dont parlent
longuement Oliv. de La Marche (p. 407-408) et G. Chastelain (p. 614-627).
Voir aussi Vallet de V,, Charles VU, t. III, p. 115 et suiv.
3. « La plus saine partie le tenoit pour très mauvays homme et très
couart » (p. 346).
4. Gruel, 229.
5. Cette fille, appelée Jacqueline ou Jacquette,fut légitimée par des lettres
de Charles VU, en septembre 1443. Elle avait été mariée, le 13 janvier 1439,
à Arthur Brécart, qui était, depuis longtemps, au service de Richemont
(Anselme, I, 461). On voit, dans le Ms. Fr. 8818, f" 98, que Richemont donne
14 écu3 à Brécart, le 11 novembre 1428. Il lui donna l'île de le Bréchat, 19
janvier 1450 (voy. Append. CVI). Cette donation fut confirmée par le duc
Pierre II, puis par Artur III {Preuves de rHisioire de Bretagne, t. II, col. 1597-
1599 , 1714). Devenu duc de Bretagne, Artur III nomma A. Brécart ca-
pitaine de Saint- Aubin-du-Gormier, le 10 décembre 1437 (D. Lobineau,
I, 814, t. II, col. 1196, 1206, et Preuves de VHist. de Bretagne, t. II, col. 1711).
En avril 1460, Artur Brécart est un des connétables de la ville de Rennes
{Idem, col. 1752).
6. Jean V, frère d'Artur, et François I^' ne faisaient pas exception (voy.
Blondel, p. 19).
7. Gruel, p. 192.
RUDESSE ET VIOLENCES DE RICHEMONT 457
forcés que lui fit sa longue disgrâce, il trouvait du plaisir à voir
jouer aux barres les officiers de sa maison *. Une fois, étant
auprès de Charles VII, à Chinon, il envoya des gens du comte
d'Etampes arrêter « par farce » son barbier, pour s'amuser de sa
frayeur, en lui faisant croire qu'on le voulait détrousser. Une
autre fois, il faisait venir des lutteurs bretons, ou bien un servi-
teur du sire de La Marche, qui « jouait de souplesse », ou des
compagnons qui faisaient « esbattemens de Morisques » et autres
jeux devant lui ^.
On lui a souvent reproché sa rudesse et ses violences, tout en
louant l'énergie et la sévérité avec lesquelles il réprimait les excès
des gens de guer-re. Ses menaces envers les Lyonnais, l'exécu-
tion de deux favoris de Charles VII, l'enlèvement du troisième,
sont les principaux griefs formulés contre lui. Certes, on ne peut
approuver, malgré les bonnes intentions qu'on lui suppose, les
moyens sommaires et barbares auxquels il eut recours dans ces
circonstances, mais on reconnaît que son indignation était légi-
time, et on ne le blâme pas d'avoir châtié de la même manière
le bâtard de Bourbon. C'est que, dans ce dernier cas, le conné-
table avait agi avec l'assentiment du roi, tandis qu'il avait pour-
suivi Giac, Beauheu et La Trémoille malgré le roi lui-même. Ce
que nous lui reprochons aujourd'hui, ce n'est pas tant d'avoir
manqué de ménagements et d'égards envers Charles VII, ni
d'avoir paru se révolter contre lui, en combattant ses ministres,
que d'avoir violé envers eux les principes les plus élémentaires
de la justice, en ne leur laissant pas les moyens de se défendre.
Un historien judicieux et impartial, le père Daniel, déclare qu'on
ne peut lui reprocher que ces actes de violence '. Il est certain
que le connétable se montra, dans ces occasions, peu respectueux
et peu soumis envers le roi. Sans avoir la souplesse et les servi-
les complaisances d'un courtisan, il aurait pu, dans bien des cas,
montrer la même fermeté avec moins de raideur.
On sait qu'il fut impitoyable envers les hérétiques et les sor-
ciers; son biographe semble même le louer d'en avoir fait périr
plus qu'aucun prince de son temps *. En tenant compte des idées
1. Fr. 8818, fo 98.
2. Preuves de l'Histoire de Bretagne, t. II, colonnes 1724-1726. Il avait
un fou, appelé le Maître d'hôtel. II accompagna Artur III à Vendôme, en
1458, et on voit que le roi lui donna une robe et un chaperon (KK 51, f*'
85, 86, 90).
3. Le P. Daniel, Hist. de France, VII, p. 309 : * On ne peut guère lui
reprocher que la hauteur et la violence dont il usa envers les trois mi-
nistres dont j'ai parlé. »
4. Gruel. 228.
458 HUMEUR RÉBARBATIVE DE RICHEMONT
de l'époque, on admettra peut-être qu'il n'était ni cruel ni vin-
dicatif % qu'il se montra parfois compatissant*, généreux et
même porté à l'indulgence *, qu'il ne voulait et ne pensait jamais
s'écarter des règles de la justice, mais on croira difficilement à
la douceur, à la bénignité, à la patience inaltérable * dont le
gratifie son biographe. On supposera plutôt qu'il était d'humeur
rébarbative ^, qu'il avait dans le caractère une sévérité natu-
relle, encore accrue par l'exercice de ses fonctions militaires,
mais dont il ne savait pas toujours se départir, en dehors de
là. Il se fit ainsi bien des ennemis et mourut peut-être victime
des haines qu'il avait encourues ^.
Il inspira longtemps au roi une aversion, que la reconnais-
sance put affaiblir, sans la changer jamais en une réelle sym-
pathie. De son côté, Richemont n'aimait pas Charles VII ; on le
devine à certains passages de Gruel ', qui reflète ici les senti-
ments de son maître. Attaché aux devoirs de sa charge et aux
intérêts de l'État, le connétable servit le roi avec fidéUté, mais
sans véritable affection. S'il avait été un courtisan plus adroit,
s'il avait su faire comme Dunois, qui regagna promptement la
faveur de Charles VII, après s'être révolté contre lui pendant
la Praguerie, il y eût trouvé tout profit *.
On se demande s'il n'était pas poussé par une ambition effré-
née, quand il arrachait si rudement le roi aux mains de ses indi-
r 1. J. Rogier, dans ses Mémoires (Reims, 1875, in-8», p. 27), dit le con-
traire ; pourtant Richemont se réconcilia bien avec J. de Malestroit, son
ennemi acharné.
2. Par exemple, à la prise de Saint-Sever (ci-dessus, p. 336). On le vit traiter
avec sollicitude un pauvre fou qui passait pour démoniaque (JJ 187, f» 3 v»).
3. Il montre quelquefois de l'indulgence à l'égard des gens de guerre.
Voir par exemple X^» 22, f<" 1 vo-4; JJ 479, f-s 170-171. — Lettres de ré-
mission accordées à J. Buchon, qui avait été condamné à Fontenay (JJ 185,
f» 219 v«).
4. « Et estoit le plus patient homme qui fust en son temps » (Gruel).
5. On a sur ce point un curieux indice, fourni par le connétable lui-
même. Ce sont les deux lettres adressées au duc d'Orléans, où la signature
est précédée de ces mots autographes : « Vostre vieille lype » (V. Append.
LXXV). On voit par là que le duc d'Orléans, son compagnon de captivité,
son vieil ami, lui reprochait familièrement une disposition habituelle à
faire la moue. — Après un refroidissement passager, les relations amicales
continuèrent entre les deux princes, jusqu'à la mort de Richemont (Pièces
originales, t. 2159, n» 663).
6. On crut qu'il avait été empoisonné à Vendôme (voir ci-dessus, p. 451,
note 3).
7. Voir Gruel, p. 218 (siège de Dax), p. 226 (siège de Caen) et surtout p. 228.
8. On coinprend, en lisant Alain Ghartler, que Richemont n'ait pas bien
réussi à la cour de Charles VII. Voir Delaunay, Etude sur A. Chartier,
p. 109-112.
AMBITION DE RICHEMONT 459
gnes ministres, et s'il n'était pas Jaloux de son autorité au point
de ne la vouloir partager avec personne. Ambitieux, Richemont
le fut, sans aucun doute, et on a vu que cette ambition mit sa
loyauté ^ à une rude épreuve, quand il conclut avec Louvet et
les autres conseillers du roi un compromis plus habile que sin-
cère *. Ce cadet de famille, qui ne pouvait alors aspirer à la cou-
ronne ducale de Bretagne, avait d'autres mobiles qu'un dévoue-
ment désintéressé, quand il acceptait de Charles VII l'épée de
connétable, après avoir offert ses services à Bedford '.
Investi de ce commandement supérieur, il prit au sérieux ses
droits comme ses devoirs, et, en assumant la responsabilité qui
lui incombait, il voulut avoir aussi les moyens d'agir. Irrité des
misérables obstacles qui l'écartaient sans cesse de son but, il les
brisa impitoyablement; mais, s'il tenait à ses privilèges, s'il en
voulait user pour l'accomplissement de desseins qu'il croyait
utiles, il n'allait pas jusqu'à prétendre faire tout^ ou diriger tout
par lui-même, ni jusqu'à éloigner du roi ceux qui voulaient et
pouvaient le bien servir. Ne sut-il pas accepter le concours
d'auxiliaires habiles, comme Dunois, qui ne l'aimait guère,
comme Brézé, qui essaya de lui nuire? Sans parler de sa dis-
grâce, les froissements d'amour-propre, les vexations qu'il endura
souvent s'accordent mal avec une ambition exclusive, incapable
de supporter la moindre atteinte. S'il n'eût été guidé que par ce
mobile, n'aurait-il pas été séduit par les offres que lui firent les
Anglais, quand il .était encore en butte aux attaques de La Tré-
moille *? En un mot, il aima le pouvoir, mais sans l'accaparer
avec une jalousie mesquine et sans refuser jamais de le partager
avec ceux qui en étaient dignes.
Fut-il avide de richesses autant qu'on l'a prétendu? II eut cette
réputation parmi ses contemporains ; nous en avons comme
preuves, sinon les allégations suspectes du Bourgeois de Paris ®,
du moins le soin même avec lequel son biographe s'applique à
î. Si Richemont avait réellement inventé le complot attribué à Glocester
etàBelford contre la vie de Philippe le Bon, s'il avait fait fabriquer de fausses
pièces, il faudrait voir dans de pareils actes la preuve d'un caractère dé-
loyal, vindicatif, haineux ; mais ces machinations perfides sont loin d'être
prouvées, et celte conduite machiavélique ne s'accorde guère avec les
façons d'agir habituelles au connétable.
2. Voir ci-dessus, p. 89-90.
3. Voir ci-dessus, p. 78-79.
4. Voir ci-dessus, p. 189-190.
5. « 11 ne lui challoit ne de roy, ne de prince, ne du commun, ne de ville,
ne de chastcl que les Angloys preissent, mais qu'il eust de l'argent et
souffroil aux gros, qui avoientlesgrans greniers plains de blez et d'autres
grains, à vendre aux povres gens tout comme ilz vouIloient,mais qu'il en eust
aucun émolument ou prouffit. » {Journal d'un Bourgeois de Paris, p. 346-347.)
460 ESPRIT d'économie de richemont
prouver son désintéressement. D'après lui, Richemont aurait
refusé, en 1425, le duché de Touraine, que Charles VI lui avait
donné autrefois et que Charles VII lui offrait, avec la charge de
connétable ; il aurait dédaigné un butin de 200 000 écus, qu'il
aurait pu faire lors du recouvrement de Paris, « s'il eût voulu
croire aucuns de son conseil *. » S'il en est ainsi, ce sont là des
actes d'autant plus honorables qu'ils sont plus rares à cette
époque ^ mais il faut bien dire que Gruel n'est pas d'accord,.sur
le second point, avec les chroniqueurs 3. Il a le tort d'affirmer,
dans un autre endroit, que ce ne fut pas Charles VII , mais bien
J. Larchevêque seul , qui donna au connétable ses terres du
Poitou, et que le roi « oncques bien ne luy fist * ». On a vu
que ces assertions sont inexactes et injustes ^. Ce qui semble
vrai, c'est que Richemont eut fort peu de part aux dons pécu-
niaires que le roi faisait souvent à ses officiers ; du moins est-il
fort rare de trouver son nom dans les divers documents qui
mentionnent les libéralités royales.
Ce qui semble vrai également, c'est que, sans être cupide ni
avaricieux, il ne négligeait pas ses intérêts. Les comptes relatifs
au domaine de Fontenay et quelques autres détails particuliers ^
1. Gruel, 228-229.
2. "Voir ci-dessus, p. 351, l'exemple de Brézé, lors du traité avec les
Messins.
3. Le Bourgeois de Paris se borne à dire que les Anglais traitèrent avec
le connétable, à « grant finance » (p. 318); mais Moùstrelet va plus loin.
« Si perdit ledit évêque de Terewane sa chapelle, qui estoit moult riche,
et grant partie de ses joyaux et autres bonnes bagues, qui demourèrent
audit connestable. » (Monstrelet, V, 221; voy. aussi Félibien, t. II, p. 824.)
En 1442, le connétable fut ajourné devant les élus de Paris pour avoir
voulu frauder le fisc, en invoquant à tort un droit de franchise qui était
un des privilèges de sa charge. Dans ce procès, les demandeurs « frappent
bien avant contre l'onneur de Mgr le connestable » {Append. CVIIj.
4. Gruel, 228.
5. On sait que le roi lui donna, sa vie durant, la seigneurie de Gavray
et celle de Vire (voy. ci-dessus, p. 413), sans parler de celle de Fontenay,
qui était peut-être la plus riche de France. Jouvenel des Ursins prétendait
même qu'il n'y avait seigneur dans le royaume à qui le roi eût donné
tant de terres (Xia 4799, f» 93 v; Xi"» 1482, f» 223 v''-224). Le connétable ne dis-
simule pas d'ailleurs les bienfaits qu'il recevait du roi(Append. CVIII, n» 1).
6. Voyez ci-dessus, p. 310, note 3 (caution pour le duc d'Orléans). — Un
pauvre paysan du comté de Gavray, devenu fermier du connétable, ayant
sollicité de lui un rabais que le roi lui avait accordé auparavant, parce
que son moulin et sa ferme étaient « tournez en grant ruyne et déca-
dence », Richemont lui accorda le même rabais, mais pour un an seule-
ment. En outre, il enjoignit à ses officiers de faire une enquête minutieuse,
pour savoir si les plaintes et la demande du fermier étaient bien fondées
{Append. GIX). — Dans un procès avec J. de Rochechouart, le connétable,
alors absent, demande délai, afin de pouvoir suivre l'affaire, car il veut
MAISON DU CONNÉTABLE 461
révèlent des habitudes d'ordre, de régularité, d'économie qu'on
ne saurait d'ailleurs lui- reprocher. Il faut remarquer toutefois
que ces registres de comptes comprennent surtout les années de
disgrâce, pendant lesquelles, privé de sa pension, le connétable
eut à soutenir une guerre onéreuse contre La Trémoille ^ En
outre, son rang et sa naissance l'obligeaient à entretenir un
personnel nombreux d'officiers, de conseillers, de serviteurs et
des archers qui formaient sa garde du corps ^. De même que les
ducs de Bretagne, d'Orléans, de Bourgogne, il avait fondé un
ordre et distribuait des colliers '.
Parmi ces officiers ou serviteurs du connétable, on remarque
surtout Etienne Chevalier *, un de ses secrétaires ; le fameux Tris-
tan l'Hermile, son écuyer; Guillaume Gruel,qui était aussi un de
ses écuyers et qui fut' son biographe ; Jean Budes, son porte-
étendard ; Raoul Gruel , Jean de Troissy , ses conseillers ; Artur
Brécart, qui devint son gendre; Guillaume de Vendel ^ et Jean
de La Haye, maîtres d'hôtel; Gilles de Saint-Simon, chambellan;
Henri de Villeblanche ; Jean de Rostrenen, etc. ®.
savoir « tous les fais et peins de ses causes >. (X»» 9200, f» 243 v). Riche-
mont eut d'assez nombreux procès (voir, par exemple, X*» 1480, f» 310;
XI» 1482, fos 143, 157; Xia 1483, f<" 88 v», 119, 123; X»» 4798, f»* 16 v», 58 v,
95, 107 V», 279 v», 408; X^a 4799, f» 150; Xia 9194, f"' 9 v, 126 v»; X»» 9200,
f<" 36, 42, 243, 370).
1. C'est sans doute alors que le duc de Bretagne lui accordait « un
fouage et impôt pour ses grans nécessitez » (Turnus Brutus, I. f» 172 v»,
sans date; voir aussi un fragment de compte des années 1443-1445, Ap-
pend. CX).
2. Voir Append. CX, « A Geoffroy Tomelin, archier du corps de Monsei-
gneur. » Quand il était à la cour de Bretagne, le connétable avait 12 che-
vaux à livrée et 12 personnes de bouche (D. Lobineau, II, 1186). Parmi ses
officiers, on trouve Gilles de Saint-Simon, Charles de Montmorency, Jean
de Rosnyvinen, Alain de La Roche, Olivier Giffart, Guillaume de Vendel,
Jean du Juch, Jacques de Luxembourg, Pierre de Kermelec, Jamet Lamou-
reux, Jean de Châteaugiron, Jean Budes.
3. Voir Append. CX. En 1444, il donna 120 écus d'or à Guillaume Vendel,
pour faire faire un collier de son ordre.
4. Voir le testament de la duchesse de Guyenne {Append. LXXVIII). Eu
1434, il était secrétaire et « maître de la chambre aux deniers » du con-
nétable (Fr. 8819, fo 39).
5. Il était aussi maître d'hôtel de la duchesse de Guyenne, qui le choisit
pour exécuteur testamentaire, en le substituant à Jean de La Haye, par
son codicille du 31 janvier (voy. Append. LXXVIII).
6. Dans les comptes de Robin Denisot pour les années 1428-1435 (Fr.
8818 et 8819), on trouve encore les noms suivants : Thomas Chappes ou
Chappeau, physicien, c'est-à-dire médecin du connétable; H. Blandin, re-
ceveur général; J. Chauvin, sénéchal de Fontenay; L. Moisen, capitaine
de Fontenay; J. de Rostrenen; Gilles de Keriguen, échanson; H. Ducloux,
fourrier; H. de Villeblanche; P. Guiho, maître d'hôtel; Michel Baudouin, etc.
Dans le compte de 1443-1445, on remarque, outre Tristan l'Hermite etGuil-
462 DÉPENSES ET REVENUS DE RICHEMONT
De son côté, la duchesse de Guyenne, comtesse de Richemont,
avait aussi sa maison particulière, ses . officiers, son aumônier,
Vincent de Groces * ; son chapelain, J. Guérin; son secrétaire et
trésorier, Jean Dardenay; ses dames et demoiselles d'honneur ?.
Il est vrai que les ressources étaient très grandes. Le connétable
recevait 12 000 livres t. de pension pour sa charge, et 1 000 1. t.
« pour son estât »; le duc de Bretagne lui payait une pension
de 4000 1. t. et lui faisait des dons assez nombreux. Pendant la
mission dont il fut chargé en Normandie, après la conquête de ce
pays, il eut 500 livres t. par mois, outre sa pension de 12 000 1. 1. ^.
Ces diverses sommes valaient environ 920 000 francs de notre
monnaie *. Quant aux revenus des grands domaines qu'il possé-
dait, on ne peut les évaluer, même d'une manière approxima-
tive, mais on sait qu'ils étaient considérables ^. Il pouvait donc
se montrer charitable et généreux.
On n'ignore pas qu'il faisait des dons aux églises, aux commu-
nautés religieuses, aux établissements hospitaliers, quelquefois
à ses officiers, à ses serviteurs; mais les preuves de ces libéralités
ne sont ni assez nombreuses ni assez remarquables ^ pour qu'on
laume Gruel, écuyers du connétable : Charles de Montmorency, Jean de
Rosynvinen, Alain de La Roche , Olivier Giffart, Jean du Juch, Jacques
de Luxembourg, Jean de Rochechouart, Jean et Philippe de Malestroil,
Guillaume de Châteaugiron, Pierre de La Jaille, André Giron, etc. (voy. Ap-
pend. CX). Pour H. de Villeblanche et J. de Rostrenen, voy. ci-dessus,
p. 265. Enfin, en 1442, le connétable avait pour aumônier Jean Guillepou,
chanoine de Notre-Dame de Paris (voy. Append. LXXVIIl).
1. Dans son testament, la duchesse de Guyenne le recommande, de la
manière la plus pressante, à son mari (voy. Append. LXXVIIl). Vincent
de Groces avait été pourvu d'une prébende à Notre-Dame de Paris, le 9
août 1441 (LL 218, f» 158).
2. Voir les Mss. Fr. 8818, notamment P* 87, 89, 94, 96, 98, 99, 102, 104, v,
107; Fr. 8819, notamment f»^ 33 v», 39 v», 40, 41, et ci-dessus, p. 329,
note 3, et Append. LXXVIIl.
3. Voy. Pointe f. Fontanieu, 117-118, au 27 décembre 1439;PreuDes de D. Mo-
rice, t. II, col. 1231, 1259, 1626, 1643, 1685; Appendice CVIII, nos i^ 2, 3, 4.
4. Ces sommes donnent un total de 23 000 1. 1., c'est-à-dire 920 000 fr. de
notre monnaie, suivant l'évaluation de M. P. Clément, qui attribue à la
livre tournois de cette époque la valeur actuelle de 40 fr. (P. Clément,
/. Cœur, préface, p. lxvi).
5. La terre de Parthenay produisait de très gros revenus, et il n'y avait
pas dans tout le royaume une si bonne seigneurie que la châtellenie de
Fontenay. C'est du moins ce qu'affirmait G. Jouvenel des Ursins quand il
s'opposait à l'entérinement des lettres par lesquelles le roi avait laissé au
connétable la seigneurie de Fontenay, après la mort de la duchesse de
Guyenne. Il ajoutait que cette châtellenie avait plus de 20 lieues d'éten-
due, « et en sont presque tous les pors de mer du Poitou, excepté La
Rochelle » (X** 4799 , f»' 92 vo-93). Richemont avait beaucoup d'autres
fiefs, dans le Poitou et ailleurs (L. Redet, Catalogue, p. 337).
6. Il y en a cependant quelques exemples, et pour une période relative-
PIÉTÉ ÉTROITE. AFFECTIONS DE FAMILLE 463
ose affirmer, avec G. Gruel, que « oncques prince en son temps
ne fut plus libéral ni plus large * ».
Ce qui n'est pas douteux, c'est la piété dont il fut toujours
animé, piété étroite, intolérante jusqu'à la persécution, mais
conforme aux idées de son temps. Il haïssait le blasphème et les
blasphémateurs. Gomme Jeanne d'Arc, il ne les pouvait entendre
sans les réprimander; il les punissait même, quand cela lui était
possible. « Jamais homme ne hayt plus toutes hérésies et sor-
ciers et sorcières qu'il les hayssoit *. » Il en fit brûler plusieurs,
en France, en Poitou et en Bretagne. « Il n'y avoit meilleur catho-
lique que lui, ni qui plus aymast Dieu et l'Eglise '. » Jusqu'au der-
nier moment de sa vie, il accomplit avec ponctualité, avec aus-
térité ses devoirs religieux. Cette piété fervente n'allait pourtant
pas jusqu'à lui faire oublier sa sévérité habituelle, ni la défense
de ses droits. C'est ainsi qu'il aurait fait saisir « pour ses démé-
rites », jusque dans l'église de Reims, un certain Etienne d'Orme *,
et qu'il engagea, peu avant sa mort, une lutte acharnée contre
l'évêque de Nantes.
Ce qu'il faut remarquer encore chez lui, c'est l'affection qu'il
avait pour sa famille. En toute occasion, il était prêt à soutenir
ceux d'entre les siens qui avaient besoin de son secours. On sait
avec quelle ardeur il défendit son neveu Gilles de Bretagne, quel
chagrin il éprouva de n'avoir pu le sauver, quelle persévérance
il mit à poursuivre ses meurtriers. Il intercéda même pour des
coupables, comme les comtes Jean IV et Jean V d'Armagnac et
le duc d'Alençon ^. Il obéissait à ces sentiments si honorables,
quand il rétablit l'union et la paix dans la maison de Bretagne,
par la réconciliation des Penthièvre et des Montfort.
En résumé, il est permis de ne pas croire à la parfaite exac-
titude du portrait de Richemont, tel que son biographe l'a tracé
dans les dernières pages de ses mémoires. L'affection, le respect,
l'admiration enthousiaste qu'il avait pour son maître l'ont em-
pêché de voir ou de signaler ses défauts. Après l'avoir montré
« remply de toutes bonnes vertus », les éloges qu'il lui prodigue
ne lui suffisent pas à dire « tout ce qu'il a fait de bien durant sa
ment courte, dans Y Appendice CX. Voir aussi les Ms. Fr. 8818, f»» 98, 100,
102 V», 104 V, 108, et Fr. 8819, f»' 38, 47, 47 v», 48, 48 vo, 55 v ; T. Brutus, I,
328; JJ 187, f» 2 v». — Don au couvent des frères prêclieurs de Guingamp
(Arch. de la Loire-Inf., cass. 30, E, 84).
1. Gruel, 228.
2. Gruel, 228.
3. Ibidem.
4. JJ 176, f» 311 V.
5. Voy. ci-dessus, p. 353, 431-432, 442, 448-449.
464 APPRÉCIATION DU RÔLE DE RICHEMONT
vie ». Dégagés de toute influence, de toute partialité incon-
sciente ou calculée, instruits de certains détails que Gruel pou-
vait ignorer, placés dans ce lointain d'où on embrasse plus net-
tement l'ensemble, nous pouvons mieux voir ce quefutRichemont
et quelle est l'importance de son œuvre.
Appelé tout à la fois à commander les armées et à exercer une
influence prépondérante dans le gouvernement, il eut ce premier
mérite de comprendre la situation, d'apercevoir nettement ce
qu'il fallait faire, d'avoir, en un mot, une politique bien arrêtée.
Pour un homme d'Etat, c'est là une grande force. Il en eut encore
une autre, la persévérance, la ténacité. S'il éprouva des échecs,
s'il n'exécuta son plan qu'avec lenteur, c'est que les difficultés
étaient souvent insurmontables et qu'il rencontra longtemps des
obstacles là même où il n'aurait dû trouver que des encoura-
gements et des secours.
A partir du moment où il reprit la direction des affaires
(1433), on vit, par ses efforts et par un heureux concours de
circonstances, la situation s'améliorer de plus en plus. S'il est
vrai que le traité d'Arras ait contribué puissamment au salut de
la France, on peut dire que la gloire en revient surtout à
Richemont. Le recouvrement de Paris (1436) et des autres places
de l'Ile-de-France (1436-1441), la répression de la Praguerie, le
rétablissement de la discipline, la réorganisation de l'armée
(1439-1445), sont autant de résultats dus, en très grande partie,
à son initiative, à son énergie, à sa persévérance.
Pour accomplir ces progrès, il sut utiliser le concours de
tous les bons serviteurs du roi; il sut choisir des auxiliaires
habiles, comme Raoul de Gaucourt, Ambroise de Loré, Jean de
Bueil, Boussac, et beaucoup de Bretons, comme Tugdual de
Kermoisan, les Goëtivy, les Laval. Il se montra toujours recon-
naissant envers ceux qui lui étaient dévoués * ; il favorisa leur
avancement ; il les éleva aux postes dont ils étaient dignes par
leurs talents et leurs services. Il fit A. de Loré prévôt de Paris,
Boussac et Lohéac maréchaux de France, Prigent de Goëtivy
amiral et lui donna Jean de Bueil pour successeur. Etienne
1. Il témoigna cette reconnaissance aux petites gens comme aux nobles
et à ses moindres officiers. Il fit nommer ouvriers en la monnaie de
Saint-Lô deux bourgeois de cette ville, J. Caboulet et J. de Conte ville, qui
lui avaient rendu des services pendant la conquête du Cotentin (mars 1451)
[JJ 181, f" 28]. On peut encore citer, parmi ceux à qui Richemont témoigna
sa reconnaissance, ses secrétaires Berthelot (X2« 22, au 31 août 1441) et
J. Mahé (JJ 181, f» 1557) ; Colas Poussard, son trompette (Arch. des alT. étran-
gères, France, t. XX, f» 133); P. de La Châtaigneraie (JJ 179, f»* 170-171);
J. Darcet (Z»» 13, f» 23); Guill. Vendel (Arch. des ait. étr., t. XX, f» 171);
Geoffroy de Couvran {Append. LXXXIX).
CHOIX DES AUXILIAIRES. TALENTS MILITAIRES 465
Chevalier, son secrétaire *, fut placé par lui auprès de Charles VIÏ
et devint un des membres les plus habiles, les plus estimés du
grand conseil.
Ces faveurs, si justifiées qu'elles fussent, n'en excitaient pas
moins de vives jalousies. On reprochait au connétable de garder
les meilleurs emplois pour ses créatures, pour ses Bretons. « Et
ne lui chaloit, dit Cagny *, quel tort il feist aux chevaliers et
escuiers d'autres pais, mais qu'il peust avoir places pour y tenir
ses gens en nom et en estât. Et moult de maulx en sont venus
durant ces présentes guerres. » On sait combien cette accusation
est injuste. « Sur toutes choses, il aimoit les gens vaillans et
renommez ^, » qu'ils fussent Bretons, Normands ou Angevins.
D'ailleurs, les Bretons étaient de vaillants soldats. Un historien
célèbre a dit qu'ils avaient sauvé le royaume au temps de
Du Guesclin et que « notre meilleure arme contre la Grande-
Bretagne, c'est la Bretagne *. »
Comme général, Richemont ne fut pas toujours heureux.
Gruel affirme bien que nul homme, en son temps, « ne fut de
meilleure conduite que lui pour donner et livrer une grande
bataille, pour faire un grand et mémorable siège et pour toutes
approches, exécutions militaires, exploits de guerre en toutes
manières ^ ; » mais là encore on peut voir une certaine exagé-
ration. A défaut de talents supérieurs, Richemont avait, tout au
moins, sur la discipline et l'organisation des troupes, des idées
très arrêtées, qui dénotent une aptitude spéciale et des qualités
précieuses. S'il ne fut ni un profond stratégiste, ni un grand
tacticien, on peut dire que les capitaines les plus renommés de
son temps ne lui étaient pas supérieurs à cet égard, et que la
guerre, comme on l'entendait alors, n'était pas une guerre bien
savante.
Hardi sans témérité, il joignait à une grande vigueur dans
l'action une prudence qui prouve que l'exemple des Anglais lui
avait profité. Comme eux, il employait des espions pour con-
naître les projets et les mouvements de l'ennemi ^; comme eux,
1. Il figure avec ce titre dans le Ms. Fr. 8819, f" 29, en 1434. — Voir
l'article Etienne Chevalier dans la Biographie Didot, t. X, p, 253. Et. Che-
valier était encore dans la maison du connétable à l'époque où mourut la
duchesse de Guyenne, qui le désigna comme un de ses exécuteurs testa-
mentaires (janvier 1442) [voy. ci-dessus, p. 329, 461]. On pourrait encore
citer Jean de Troissy, Jean Bude, Alain Giron, etc., qui occupèrent des
postes plus ou moins importants.
2. Ms. Duchesne 48, f» 110.
3. Gruel, 229.
4.Michelet, Hist. de France, Lib. internat. Paris, 1874, in-8», t. V, p. 19, 25.
5. Gruel, 229.
6. « Et croyez qu'il savoit toutes les nouvelles car il avoit bonnes
Richemont. 30
466 TALENTS POLITIQUES. IMPOPULARITÉ
il prenait toutes les autres mesures de précaution qui peuvent
assurer le succès. S'il éprouva plusieurs défaites, il est juste de
les imputer, en grande partie, à l'indiscipline, à la mauvaise
organisation des troupes, au lieu de n'y voir qu'une preuve
d'incapacité. Le plus souvent, les autres généraux échouaient,
pour les mêmes causes *.
Quand Richemont eut accompli ses réformes militaires, quand
l'armée, composée d'éléments meilleurs, soldée avec régularité,
devint à la fois plus disciplinée, plus maniable, plus solide, il
n'eut désormais que des avantages. La victoire de Formigny, la
rapide conquête de la Basse-Normandie montrent assez ce qu'il
eût fait plus tôt, s'il avait été plus libre d'agir et mieux secondé.
Tout bien considéré, on peut dire que nul autre capitaine de son
temps, pas même Dunois, ne remporta plus de succès, et il a eu
cet honneur singulier d'avoir organisé l'armée qui acheva l'ex-
pulsion des Anglais *.
S'il eut pour les choses de la guerre une prédilection qui
était d'ailleurs le premier devoir d'un connétable , si nous con-
naissons mieux cette partie de son œuvre, en faut-il conclure
que les talents politiques lui manquaient? Sur ce point, il est
plus difficile de déterminer son rôle ; mais ses longues négocia-
tions avec la Bretagne, la Savoie et la Bourgogne, surtout à
l'époque du traité d'Arras, l'habileté dont il fit preuve dans sa
lutte contre Louvet et La Trémoille, les services qu'il sut rendre
dans ses gouvernements de l'Ile-de-France et de la Normandie,
sa correspondance avec les principales villes du royaume, les
missions diplomatiques dont il fut chargé plusieurs fois, tout
cela ne montre-l-il pas qu'en lui l'homme d'Etat n'était pas
inférieur à l'homme de guerre ^?
Après les premiers écarts d'une ambition hésitante et inquiète,
il se donna tout entier et pour toujours à la France. La rude
énergie, la rigueur nécessaire qu'il déploya dans la direction du
gouvernement et de l'armée lui aliénèrent le roi, les courtisans,
les gens de guerre, le peuple lui-même. On fut beaucoup moins
sensible au bien qu'il faisait, ou qu'il voulait faire, qu'aux sacri-
fices dont il le fallait payer. Antipathie du roi, rancunes des
espies et les payoit bien, » dit Gruel (p. 213) dans le passage relatif aux
mouvements des Anglais pendant le siège de Meaux, en 1439.
1. Voir un passage remarquable du Père Daniel, Hist. de Finance, VIII, 268.
2. Le P. Daniel dit qu'il fut « un des meilleurs capitaines de son temps »
(p. 115), et« qu'on le peut compter au nombre des plus grands capitaines
que la France ait eus ù son service » (p. 309).
3. Voir ci-dessus, notamment, p. 97 et suiv., 129, 153, 158, 183-184, 188,
190, 210, 213-214, 218-219, 227, 237, 265, 424 et suiv., 435, 437, 442-444.
CONCLUSION 467
gens de guerre et des courtisans , impopularité imméritée ,
Richement brava tout, supporta tout, avec une froide ténacité,
avec une invincible force d'âme. Il eut le rôle le plus difficile,
le plus ingrat; sa renommée en a souffert, après comnle avant
sa mort. Ce qu'on vit, ce qu'on a continué de voir surtout en
lui, c'est le justicier. Ce titre est déjà une gloire, mais ce n'est
pas assez. Parmi les hommes célèbres du règne de Charles VII,
le Bien-Servi, parmi les libérateurs de la France, s'il en est un
qui mérite d'occuper, à côté de Jeanne d'Arc, le premier rang,
on peut affirmer, tout bien pesé, que c'est le connétable de
Richemont '.
1. Sur une miniature d'un manuscrit de Jean Chartier, qui est à la biblio-
thèque de Rouen, on voit Richemont à la droite du roi, Dunois à sa gau-
che, puis, au-dessous, Jeanne d'Arc, P. de Brézé, J. Rouault et J. Bureau.
— Voir un fac-similé dans Lottin, Recherches sur Orléans, t. I, p. 228,
Orléans, 183C, in-8».
APPENDICES
NOTES SUPPLÉMENTAIRES ET PIÈGES JUSTIFICATIVES
I
NOTE SUR GUILLAUME GRUEL (voy. la préface).
Le peu que nous savons de G. Gruel, c'est lui-même qui nous l'ap-
prend, dans sa biographie d'Artur de Bretagne. On y voit qu'il fut au
service de Richemont tout au moins depuis l'époque où il reçut l'épée
de connétable, en 142o (Gruel, p. 229). II survécut à son maître et
n'éciivit ses mémoires qu'un certain temps après sa mort. Il l'avait
plusieurs fois accompagné dans ses expéditions, mais non dans toutes.
Il est facile de reconnaître, à la longueur ou à la brièveté du récit, à
l'abondance, à la précision ou à l'insuffisance des détails (voy. par
ex. ci-dessus, p. 216, note 6), quels sont les cas où Gruel fut témoin
des faits qu'il raconte, et il le dit quelquefois d'une manière expresse.
Bien qu'il évite, avec une discrétion manifeste, de se mettre lui-même
en scène, il fait quelquefois figurer son nom dans le récit. Il dit par
exemple qu'il faisait partie de la maison militaire du connétable en
1442 (Gruel, p. 219), pendant la campagne de Guyenne et Gascogne;
qu'il formait, avec plusieurs autres gentilshommes, sa garde de corps
à la bataille de Formigny (Gruel, p. 224) ; qu'il assista aux sièges de
Caen et de Cherbourg, et qu'il fut commis à la surveillance des otages
livrés par les Anglais (Gruel, p. 226). D'autres passages, où ne se
trouve pas son nom, permettent néanmoins de constater sa présence
dans la suite du connétable.
Guillaume Gruel était, comme il le dit lui-même, un gentilhomme
(Gruel, p. 224). Avant d'appartenir au comte de Richemont, il était
déjà au service de Jean V, duc de Bretagne, sous les ordres directs
du sire de Montauban. En 1418, il était parmi ceux que Jean V em-
menait à sa suite dans un voyage en France (D. Lobineau, t. II,
col. 925, 926). Il était sans doute le parent, peut-être même le frère de
Raoul Gruel, que Jean de Montauban donna comme écuyer tran-
470 APPENDICES
chant à Richeraont, quand il vint, avec d'autres envoyés bretons, de-
mander à Henri V la mise en liberté de son prisonnier, à l.'époque du
siège de Melun (1420) [Gruel, p. 188-, voir aussi l'article Raoul Gruel
dans la Biographie Didot, t. XXII, col. 244]. Guillaume et Raoul Gruel
étaient avec Richemont en 1424, quand il se rendit auprès du roi
Charles VII, à Angers, avant d'accepter l'épée de connétable. A. cette
époque, G. Gruel figure encore parmi les gens du sire de Mon-
tauban (D. Lobineau, t. II, col. 908; Preuves de D. Morice, t. II,
col. 1140, 1147, 1174). Ce fut probablement vers ce temps-là qu'il fut
attaché à la maison d'Artur de Bretagne.
Quand il ne suivait pas le connétable, G. Gruel était avec quelqu'un
des siens, comme la duchesse de Guj'enne, sa femme, ou le comte
d'Etampes, son frère. C'est ainsi que ce dernier l'envoya, en 1433,
annoncer à Richemont « que la comtesse d'Etampes était accouchée
et avoit eu un beau fils » (Gruel, p. 204). La duchesse de Guyenne
devait avoir pour G. Gruel une grande estime, car elle ne l'oublia pas
dans son testament. Elle lui légua « sa robe de satin gris fourrée de
martres, avec cent escus d'or pour une fois » (voy. Append. LXXVlll).
Quand Richemont devint duc de Bretagne, il nomma G. Gruel
capitaine de Dol (D. Lobineau, t. II, col. 1202; Preuves de D. Morice,
t. II, col. 1710).
Ces détails, si incomplets qu'ils soient, suffisent à montrer que
G. Gruel était en position d'être bien informé. Il devait être à peu
près du même âge que Richemont, car il se souvient de l'avoir en-
tendu appeler duc de Touraine, titre qui lui fut donné par Charles VI.
Il put donc voir une grande partie des faits qu'il raconte et connaître
les autres, soit par le connétable lui môme, comme il le dit formel-
lement (Gruel, p. 229), soit par les personnes de sa famille ou de son
entourage, notamment par Raoul Gruel. Ce dernier, qui fut, plus
longtemps encore que Guillaume Gruel, au service de Richemont,
jouissait de toute sa confiance et fut chargé par lui de missions im-.
portantes, où il montra une grande habileté (Gruel, p. 189, 190, 204).
Quelle autorité faut-il accorder à G. Gruel? Doit-on le considérer
comme un chroniqueur véridique, exact, ou comme un panégyriste,
un apologiste qui mérite peu de confiance? Cette dernière opinion
est celle de Fontanieu, de Le Brun de Charmettes, de Sismondi et
de M. Wallon i. « G. Gruel, écuyer ou page du comte Arthur de
Richemont, en écrivant la vie de ce grand connétable, dit Sismondi
{Hist. des Français, XIII, 599), laisse souvent percer l'âme d'un valet, plus
occupé de rehausser le mérite de son maître que de s'assurer de la vé-
rité des faits qu'il rapporte. » Les éditeurs de G. Gruel, dans les diverses
collections de Mémoires, signalent tous l'inexactitude et la partialité
de G. Gruel (voy. les Avertissements des éditeurs). Cependant, quelque
prévention qu'on puisse avoir contre G. Gruel, il serait difficile de nier
sa véracité. Non seulement c'est un témoin bien informé, qui sait, qui
1. Voir, dans le Ms. Fr. 10449, l'avertissement; Fr. 10448, f» S3 v^ et suiv. ;
H. Wallon, Jeanne d'Arc, I, 196; Le Brun de Charmettes, Hist. de Jeanne
d'Arc, Paris, 1817, A. Bertrand, 4 vol. in-8», t. II, 198.
APPENDICES 471
a vu par lui-même; on sent aussi qu'il est sincère, qu'il ne cherche
pas à tromper, en un mot qu'il n'a « rien mis de ce qu'il a peu sca-
voir qui ne soit à la vérité » (Gruel, p. 229). Il est facile de voir que
ses récits sont confirmés par ceux des chroniqueurs contemporains et
par des documents authentiques. Il y a même certains laits qu'il
raconte avec des détails et une précision qu'on chercherait vaine-
ment ailleurs, par exemple les campagnes de Richemont en 1434,
1435, 143G. Il n'est donc pas étonnant que tous les historiens qui ont
écrit sur le règne de Charles VII aient utilisé les mémoires de Gruel
comme une source précieuse d'informations. C'est là le meilleur éloge
qu'on en puisse faire.
Est-ce ci dire, pour cela, que ce biographe soit toujours exact? Il y
aurait exagération ou légèreté à l'affirmer. Comme il n'a pas tenu un
journal régulier des événements à mesure qu'ils se produisaient et
qu'il a écrit ses mémoires après la mort du connétable, ses souve-
nirs ne sont pas toujours précis ni complets, et il intervertit quel-
quefois l'ordre des faits. D'ailleurs, il déclare lui-même (p. 229) qu'il
n'a mis en écrit que « partie des faits de bon duc Artur ». Ces omis-
sions, cette confusion chronologique, dont n'est exempt aucun chro-
niqueur de cette époque, sont les plus graves défauts qu'on puisse
reprocher à Gruel. Quant aux erreurs matérielles dans l'exposition
des faits, elles sont rares et n'ont pas une grande gravité. En résumé,
on peut dire que Gruel est véridique et généralement exact.
Les réserves à faire portent sur ses appréciations et sur ses juge-
ments. On ne saurait blâmer un biographe de mettre en scène son
héros avec une complaisance marquée, pourvu qu'il ne le fasse pas
au détriment de la vérité, et certes Gruel n'a pas excédé la mesure
dans ce sens, mais on a le droit de se tenir en garde contre une
admiration excessive. Gruel a outré les talents et les vertus de Riche-
mont dans le portrait qu'il en a tracé (Gruel, p. 228-229); toutefois il
ne cherche pas à le relever en abaissant les autres, ni à lui attribuer
des services qu'il n'aurait pas rendus. On peut douter de sa clair-
voyance. Sa bonne foi est au-dessus de tout soupçon. En un mot, les
mémoires de Gruel ont une valeur incontestable; ils sont non seule-
ment la base nécessaire d'une étude critique sur la vie et sur l'œuvre
du connétable de Richemont, mais encore une des sources de l'his-
toire de France sous le règne de Charles VII.
En 1018, un correspondant de Peiresc lui signalait cette chronique,
en ajoutant qu'elle méritait aussi bien d'être imprimée que celle de
Bourbon, de La Trémoille, de Bayard et de du Guesclin (voy. Fr. 9343,
f» 200; communication de M. A. Longnon). Elle se trouve dans le
Reciceil des historiens de Charles VII, publié par D. Godefroy, et dans
diverses collections plus récentes, comme celles du Panthéon litté-
raire, de Michaud et Poujoulat, etc. La Bibliothèque nationale possède
au moins trois manuscrits de la Chronique de Gruel, l'un du xv« siè-
cle, le Ms. Fr. 5037, les deux autres du xvi« siècle', les Ms. Fr. ooOl
et 18697 (anc. fonds Saint-Germain). F. de Fontette, dans la Biblio-
thèque historique de la France, t. III, p. 400, n° 35883, mentionne le
Ms. Saint-Germain et un autre, appartenant à la cathédrale de Tournai.
472 APPENDICES
II
JUGEMENTS SUR RiCHEMONï (voy. la préface).
Parmi les chroniqueurs du xv^ siècle, un seul, le Bourgeois de
Paris, est vraiment hostile à Richement. Ce Bourguignon hargneux,
qui conserve toujours une vieille rancune contre les Armagnacs, même
après le traité d'Arras, prodigue les invectives les plus haineuses et les
accusations les plus injustes (voy. le passage cité ci-dessus, p. 287-288).
Un autre chroniqueur, d'un esprit beaucoup plus judicieux et plus
rassis, mais très indépendant, Perceval de Cagny, se montre, au
moins dans un endroit, fort hostile à Richemont : « Enicelui, an 1438,
le dix-huitième jour du mois de décembre, fut le chasteau de Saint-
Germain en Laye, à cinq lieues de Paris, prins par la porte, de huit
ou dix Anglois, par deffault de garde de dix ou douze meschans Bre-
tons, que le Conestable y tenoit, qui ne povoit avoir assez place pour
bailler à ses gens. Et ne lui challoit quel tort il feist aux chevaliers et
escuiers d'autre pais, mais qu'il peust avoir places pour y tenir ses gens
en nom et en estât. Et moult de maulx en sont venus durant ces pré-
sentes guerres. Et de la perte d'icelle place et du gouvernement
dudit conestable, en la ville de Paris et ailleurs, estoient très mal
contens de luy ceulx de Paris » (Ms. Duchesne 48, f° 110). Il est regret-
table que la Chronique de Cagny n'ait pas été imprimée. On n'en
connaît qu'une copie moderne, peut-être incomplète, celle qui se
trouve dans le Ms. Duchesne 48 et qui s'arrête précisément à la
citation ci-dessus. M. J. Quicherat en a donné un extrait dans la
Bibliothèque de r École des. chartes, 2^ série, t. II, p. 142 et suiv.
On croirait entendre ici un écho du Bourgeois de Paris, et pourtant
Cagny est loin d'être un Bourguignon (voir, par ex., le passage relatif
à la paix d'Arras, f»^ 98-99). Il est vrai que ce même chroniqueur se
montre auparavant plus juste à l'égard du connétable (f" 100).
Les autres chroniqueurs parlent de lui d'une manière impartiale
et généralement favorable, comme Berry, par exemple, dans ce
passage :
« Au mois de novembre ensuivant, au dit an (14S8), trespassa le duc
Artus de Bretaigne, conte de Richemont et connestable de France, qui,
en son vivant, fut un vaillant chevalier et prince de haut courage et
eut, en son temps, plusieurs grandes victoires à l'encontre des An-
glois » (Berry, ap. Godefroy, p. 478).
Le pape Pie II, contemporain de Richemont, le tenait en grande
estime (voy. les œuvres d'^neas Sylvius Piccolomini, Basileœ, 1551,
p. 442).
Alain, Chartier, cet écrivain d'un esprit si élevé, dit, comme Berry,
que Richemont, c en son vivant, fut un vaillant chevalier et prince de
hault courage, et eut plusieurs grandes victoires à l'encontre des
APPENDICES 473
Anglois » {Œuvres d'Alain Chartier, édit. d'André Duchesne, Paris,
1617, in-4», p. 451).
Martial d'Auvergne fait toujours l'éloge de Richemont :
Ledit Richemont connestable
En son temps fut chevalereux,
Très vaillant, grand justiciable
Et en bataille fort eureux.
(Ms. de M. d'Auvergne, Fr. 303 i, f» li4. Édit. Coustelier, II, 160.)
Si nous passons aux historiens, nous trouvons aussi dans leurs
opinions et leurs jugements sur Richemont des différences notables,
mais moins tranchées.
Il va sans dire que Alain Bouchard, Le Baud, d'Argentré, D. Lobi-
neau, D. Morice, D. Taillandier, son continuateur, et, en géné-
ral, les écrivains bretons sont grands admirateurs du connétable de
Charles VIL Cette admiration est partagée par d'autres auteurs. Se,
et L. de Sainte-Maiihe disent que Richemont était « prince petit de
corps, mais de grand entendement, vaillant et hardy de sa per-
sonne, des plus expérimentez au faict des armes, etc. Bref, il a rem-
porté cette autre louange insigne d'avoir esté l'un de ceux qui
délivrèrent la France du joug insupportable des Anglois » (Sainte-
Marthe, Histoire généalogique de la maison de France, édition de 1647,
t. II, p. 607-608). D. Godefroy, dans son Recueil des historiens de
Charles VII (p. 79o), reproduit, en partie, ce jugement. Le P. Anselme
{Hist. généalogique, t. I, p. 459-461) et Mézeray font aussi l'éloge de
Richemont. « 11 avait le cœur haut, l'humeur guerrière et libérale, et,
par ce moyen, l'amour des soldats et la faveur de la noblesse, spé-
cialement de celle de Bretagne » (Mézeray, Hist. de France, édition
de 1646, in-f", t. II, p. 5).
Fontanieu ne ménage guère Richemont dans son histoire manus-
crite de Charles VII et semble se résigner difficilement à reconnaître
ses services (Fr. 10449, surtout au f» 421 v').
Le P. Daniel, dont l'opinion a ici une valeur toute particulière, en
raison de ses travaux sur l'armée, porte un jugement d'autant plus re-
marquable que son impartialité ne saurait être contestée. Tout en blâ-
mant ce qu'il trouve de répréhensible dans la conduite de Richemont,
il ne craint pas d'affirmer qu'il avait le cœur tout à fait français, qu'il
avait de grandes qualités, qu'il fut un des meilleurs capitaines de son
temps, qu'il aimait l'Etat, qu'il rendit de grands services au roi, malgré
ce prince même (le P. Daniel, Histoire de France, édition de 1755,
l. VII, p. 26, 36, 69, 72, 113, 115, 119, 165, 309).
Dans son Histoire de Jeanne d'Arc, Le Brun de Charmettes, après
un premier jugement assez favorable, maltraite beaucoup le conné-
table et ne voit en lui qu'un ambitieux, dont fégoïsme s'abaisse aux
calculs les plus machiavéliques (voy. notamment t. I, p. 94, et t. II,
p. 191 et suiv., 201).
Sismondi, après une appréciation tout ou moins sévère, arrive à
une conclusion assez inattendue. Il veut bien reconnaître à Riche-
474 APPENDICES
mont un certain talent militaii'e, de l'activité, de la décision, avec
beaucoup de rudesse de caractère et un grand mépris pour l'indolence
du roi. « Il aurait rendu de grands services, s'il avait eu des talents
plus décidés pour la guerre; mais ses revers, plus fréquents que ses
succès, démentent la réputation que les historiens de Bi-etagne ont
voulu lui faire, elc, » (Sismondi, Histoire des Français, édition de 1831,
t. XIII, p. 41-42, o8-o9). Plus loin, il ajoute que Richement, à l'époque
de la faveur de La Trémoille, était jusqu'alors le seul homme qui prît
à cœur les intérêts de la monarchie et qui songeât à sa défense (t. XIII,
p. 89). Enfln, dans une dernière appréciation, qui est en même temps
un portrait du connétable, on est étonné de trouver cet éloge : « Dans
les moments de grands revers, de la grande désorganisation de la
France, il avait opposé sa volonté ferme et opiniâtre à la faiblesse du
roi, et il avait ainsi sauvé un Etat dont le chef désespérait » (Sismondi,
Histoire des Français, t. XIV, 23).
De Barante, dans son Histoire des ducs de Bourgogne (t. IV, p. 76-
77, 177, 190; t. V, p. 113), attribue un très grand rôle à Richemont.
Son jugement peut se résumer ainsi : « C'était lui qui, au dire de beau-
coup de gens, avait sauvé le royaume. »
Michelet insiste peu sur le rôle particulier du connétable et ne le
fait guère ressortir, mais on voit qu'il approuve Charles Vil de l'avoir
choisi (J. Michelet, Hist. de France, Paris, Lacroix, 1871-1874, in-S»,
t. V, p. 19, 20, 145, 146, 170).
H. Martin, au contraire, donne beaucoup de relief à la figure de Ri-
chemont; il montre bien les difficultés et l'importance de sa tâche,
ses grands services, et il résume ainsi son opmion : « Sans avoir le
génie de son compatriote Du Guesclin, il avait fait presque autant que
lui pour la France » (H. Martin, Hist. de France, Paris, Fume, 18oo,
in-8", t. VI, p. 107, 175, 176. 180, 181, 218, 321, 513).
Dans son Histoire de V administration et du gouvernement de la
France, sous le régne de Charles VU, M. H. Dansin (Paris, Aug. Du-
rand, 1858, 10-8°) n'est pas moins favorable à Richemont : « C'était
mieux qu'un homme de guerre fort habile, c'était un administrateur
intelligent et énergique. Il prit la plus grande part à la création de
l'armée permanente et à la répression des désordres des aventuriers;
il servit fort habilement le roi dans des ambassades et fut certaine-
ment un des meilleurs instruments de la délivrance et de la pacifica-
tion du royaume » (p. 40-41). « En dépit des disgrâces que les
caprices et l'ingratitude du roi lui avaient quelquefois infligées, le
dévouement de Richemont pour la cause royale s'était manifesté à
plusieurs reprises. Dans la Praguerie, par exemple, on peut dire qu'il
avait sauvé Charles VII, en tenant tête à lui seul à Bourbon, à Ven-
dôme, à Dunois et en donnant.au roi le conseil et les moyens d'une
olîensive énergique » (p. 292-293).
M. Vallet (de Viriville), auteur d'une Histoire de Charles VU qui est
tout au moins remarquable par une très grande érudition, rend jus-
tice au connétable, sans la moindre partialité. Il considère comme
un « acte souverainement habile, et qui devait avoir dans tout le
règne une conséquence infinie », le choix que fit de lui la reine
APPENDICES 475
Yolande, en le désignant à Charles VII; mais le rôle si important de
Richcmont, au lieu d'avoir la teneur et la netteté qu'il réclame,
s'éparpille et s'efface au milieu de détails inconsistants et diffus
(Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. I, 429, 465; t. II, 3C6, 399,
407, etc.).
Un écrivain dont la compétence et l'autorité sont considérables,
M. du Fresne de Beaucourt, a dirigé d'assez vives attaques contre le
connétable de Richcmont, dans plusieurs articles, qu'on peut considé-
rer comme l'ébauche de sa grande histoire de Charles VII (voy.
Revue des questions historiques, t. IX, année 1870-1871, livraison
d'octobre et avril, p. 347 et suiv.). Il blâme les moyens peu loyaux ou
violents auxquels il eut d'abord recours ; il fait retomber sur lui seul
toute la responsabilité d'une situation désastreuse. A ses yeux, Riche-
mont est « un rude Breton à la main de fer, qu aucune considération
n'arrête, quand il s'agit d'arriver à son but. » 11 n'est point ce héros
que certains historiens se sont plu à célébrer {Revue des questions
historiques, t. IX, notamment p. 389, 39i, 392, 393, 399, 400; de
Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, p. 143).
Dans quatre autres articles {Revue des questions historiques, t. XII,
XIV, XVII), le même auteur a l'occasion de parler plusieurs fois du
connétable, mais il le fait avec une sobriété regrettable d'apprécia-
tions. D'ailleurs, comme il ne formule pas un jugement d'ensemble,
il nous laisse incertains sur ce qu'il faut penser, en définitive, de
Richcmont et de son rôle. Dans sa grande Histoire de Charles VII,
dont les deux premiers volumes ont déjà paru, M. de Beaucourt ré-
pète à, peu près ce qu'il a dit de Richcmont dans la Revue des ques-
tions historiques. A côté d'appréciations fort justes, il en a d'autres
qui semblent bien sévères. En somme, M. de Beaucourt aime mieux
réserver pour Charles VII l'indulgence qu'il refuse au connétable (voy.
de Beaucourt, Hist. de Charles VH, t. II, p. 73-76, 82, 86, 103-lOi,
Ho, 136, 142-143, lo3, 156, 169, etc., 660).
M. Wallon, dans son Histoire de Jeanne d'Arc, se montre presque
aussi sévère que M. du Fresne de Beaucourt. Après avoir constaté que
l'avènement de Richcmont aux affaires et l'éloignement des Arma-
gnacs pouvaient avoir de très grands résultats, que « cette petite
révolution de palais pouvait tout changer dans la France », il ajoute
que le nouveau connétable, « fier du concours qui se faisait autour
de lui, ne gardait pas de mesure et se rendait odieux par son despo-
tisme. Trop rude pour mener le jeune roi par lui-même, il avait ima-
giné de le conduire par des favoris En somme, l'œuvre de Riche-
mont se réduisit à faire tuer deux de ses favoris et à se faire chasser
par le troisième (La Trémoille) » (II. Wallon, Jeanne d'Aix^ 3' édition,
in-12, 1873, t. I, p. 3o, 37, 38). Ce jugement sommaire ne s'applique,
il est vrai, qu'aux débuis de Richcmont; toutefois, il ne contribue
guère à donner de lui une idée bien favorable.
Tout autres sont les appréciations de M. Guizot, dans son Histoire
de France. Pour lui, Richemont est un homme de guerre éminent et
aussi un homme de gouvernement, a Par un privilège assez rare, il
était, je crois, dit M. Guizot, supérieur au renom qui est resté de lui
476 APPENDICES
dans notre histoire. » Le célèbre historien réèume son opinion par
ces mots caractéristiques : « Après Jeanne d'Arc, le connétable de
Ricbemont fut le plus efficace et le plus glorieux hbérateur de la
France et du roi » (Guizot, Histoire de France, t. If, p. 334, 335, 356,
357).
Il serait facile autant que superflu de pousser plus loin les exemples
et les citations, pour montrer la diversité des jugements portés sur
Richemont. M. P. Clément, dans son ouvrage sur Jacques Cœur (p. 50),
M. A. Dupuy, dans son Histoire de la réunion de la Bretagne à la
France (t. I, p. 21), apprécient hautement les services de Richemont.
D'autres écrivains, MM. A. Mazas \ A. Guyot-Jomard ^, Bélisaire
Ledain *, font le plus grand éloge du connétable. M. H. A. Briquet *
pousse l'admiration et l'enthousiasme jusqu'à l'appeler un homme
de génie, un héros, le plus grand homme de son siècle, le sauveur de
la France. On voit qu'il y a loin de ces louanges chaleureuses aux
accusations du Bourgeois de Paris et qu'il n'est pas inutile de cher-
cher, entre ces opinions si différentes, où se peut trouver la vérité.
III
LES DUCS D'ORLÉANS ET DE BOURGOGNE SE DISPUTENT LA TUTELLE
DE JEAN Y, DUC DE BRETAGNE (1399-1402) [voy. cl-deSSUS, p. 3j.
Le duc d'Orléans s'était allié avec Olivier de Clisson. Le 18 octo-
bre 1397, Clisson avait promis son aUiance à Louis d'Orléans, et celui-
ci avait promis son secours à Clisson le 28 octobre suivant (K 57,
n° 92; D. Dobineau, II, col. 870-871). Le duc de Bourgogne était
ennemi de Clisson et de L. d'Orléans. Au mois d'août 1400, Charles VI
écrivit à la duchesse de Bretagne, pour la prier de confier le gouver-
nement de son duché au sire de Clisson, en qui seul il avait con-
fiance (Lettres du 23 août [1400?], sans date d'année; Archives de la
Loire-Inf., cass. 38, E, 104).
Quand le duc d'Orléans vint à Pontorson, il réclama la tutelle des
enfants de Jean IV, au nom du roi Charles VI, beau-père de Jean V;
mais on craignit qu'il ne voulût profiter de cette occasion pour aider
les Penthièvre à s'emparer du duché. Les Etats de Bretagne lui préfé-
raient, à cause de cela, le duc de Bourgogne, qui alors était ennemi
de Clisson et des Penthièvre (Froissart, Uvre IV, p. 366; Le Baud,
1. Vies des grands capitaines français du moyen âge, par Alexandre
Mazas, LecofTre, 1875, 4° édition, t. VI, in-12.
2. Arthur de Bretagne, étude biographique, par Al. Guyot-Jomard ; Vannes,
d877, in-S".
3. Histoire de la ville de Parthenay, par Bélisaire Ledain, Paris, A. Du-
rand, 1838.
4. Histoire de Niort, par H. -A. Briquet, Niort, 1832, 2 vol. in-8», t. I,
p. 100, 106, 118.
APPENDICES 477
432-433; d'Argentré, 703). Ils promirent seulement au duc d'Or-
léans d'envoyer le jeune duc de Bretagne rendre hommage au roi,
quand il aurait l'âge. Ils donnèrent d'abord la tutelle à Jeanne de Na-
varre (1400); puis, quand elle voulut épouser le roi Henri IV de Lan-
castre (1402), ils appelèrent le duc de Bourgogne, dans la crainte que
les fils de Jean IV ne fussent emmenés en Angleterre. Arrivé le l^' oc-
octobre 1402 à Nantes, Philippe le Hardi traita, le 19, avec Jeanne de
Navarre. Il fut convenu qu'elle emmènerait deux de ses filles et que
la troisième, mariée au fils du comte d'Alençon, resterait en France,
auprès de son mari. Plusieurs seigneurs n'approuvaient pas ce traité.
Charles VI écrivit au vicomte de Rohan, pour lui ordonner de recon-
naître le duc de Bourgogne comme régent du duché de Bretagne
(l"" novembre 1402). Philippe le Hardi et ses fils conclurent un traité
d'alliance avec Jeanne de Navarre et ses fils, le 18 novembre; il mit
garnison, de parle roi, dans plusieurs places fortes, reçut le serment
des officiers du duché, puis il partit pour Paris (Relig. de Saint-
Denis, 111, 41-42; Monstrelet, I, 35; Le Baud, 437-438; D. Lobineau, H,
col. 808, 877-880; Arch. de la Loire-lnf., cass. 75, E, 177; Clairam-
bault, t. 643, f» 126, t. 107, fo 8373, t. 29, f 2113; D. Plancher, If,
Preuves, cxx).
IV
LE COMTÉ DE RICHEMONT (vOJ. ci-deSSUS, p. 4, 7).
Le comté de Richemont (ou, mieux, Richmond), dans le Yorkshire,
fut donné, en 1067, par Guillaume le Bâtard à un fils d'Eudon, ou
Odo, comte de Penthièvre, Alain Fergant, qui l'avait secondé vaillam-
ment dans la conquête de FAngleterre, et non, comme le disent Lin-
gard et d'Argentré, à Alain Fergant, qui devint comte de Bretagne
en 1084 (Archœologia, VI, 310; Domesday book, 1872, in-f", p. xxiii
[part relating to Yorkshire]; d'Argentré, p. 224-225; Freeman, Jïts-
tory of the Norman conquest of England, Oxford, 1876, in-S», t. III,
p. 231, note 3, p. 313 et note 3, t. IV, p. 296; D. Morice, I, 76
D. Taillandier, II; Avertissement, p. viii-x; D. Lobineau, 1, 98). Ce vaste
et riche domaine comprenait un grand nombre de manoirs. Alain fit
bâtir le château dont on voit encore les ruines grandioses à Rich-
mond, petite ville du Yorkshire, sur la Swale, affluent de l'Ouse. Le
comté de Richemont devint ensuite l'héritage des ducs de Bretagne.
qui ne cessèrent de le revendiquer et d'en porter le titre, même quand
il passa momentanément, par confiscation ou par don royal, à d'au-
tres possesseurs. C'est ainsi qu'après avoir appartenu à divers princes
ouseigneurs anglais, notamment au duc de Lancastre, fils d'Edouard III,
en 1360, à Raoul Nevil, comte de Westmoreland, en 1399, il fut donné,
en 1414, par Henri V, à son frère, le duc de Bedford, qui porta le titre
de comte de Richemont (JJ 173, f» 321 v).
478 APPENDICES
Le duc de Bretagne Jean V essaya plusieurs fois d'obtenir la restitu-
tion de ce fief, mais rien ne prouve qu'il y réussit. 11 est même dou-
teux que son frère Artur soit allé en Angleterre en 1404 et qu'il ait
été mis en possession du comté de Hichemont (voir ci-dessus, p. 7).
L'unique témoignage du Religieux de Saint-Denis (t. III, p. 131), quoique
accepté par D. Morice (I, 434), n'est pas ici une preuve suffisante, d'au-
tant plus que ce dernier auteur se trompe, en disant, au même en-
droit, que Charles VI rendit alors Saint-Malo au duc de Bretagne. En
octobre 1409, .Jean V envoyait encore Jean de Châteaugiron en Angle-
terre, demander la restitution du comté de Ricbemont (D. Lobineau,
II, col. 833-834). Aucun document authentique n'autorise à croire que
le comté de Ricbemont fut repris en 1404, à Raoul Nevil, qui devait
le laisser au duc de Bedford. Il semble donc certain qu'Artur n'eût
jamais la jouissance de ce fief, bien que, depuis son enfance, il ait
toujours été qualifié comte de Ricbemont, par les Anglais eux-mêmes.
Sur les possesseurs successifs du comté de Ricbemont, voir : Rymer,
Fœdem, t. I, !>•« partie, p. 145; 2" partie, p. 52, 63, 67, 104, 109, 218;
4e partie, p. 119; t. III, 2" partie, p. 198, 201-204; t. IV, 2" partie,
p. 47, 195; Proceedings and ordinances, t. I, 43-47, 64, 91 ; t. II, 347;
Rolls ofParllament, t. III, p. 279, 427; t. IV, p. 40-42, 460-463; Oelpit,
Documents français qui sont en Angleterre, p. 211, p. clxiv; D. Morice,
Preuves de rHist. de Bretagne, I, col. 1540, t. II, col. 681-682, 691 ;
D. Lobineau, Hist. de Bretagne, II, col. 797; H. Wallon, Richard II,
t. II, p. 125,337, 412; Dugdale, The baronage ofEnglanU, London, 1675,
in-fo, t. 1, p. 46, 52, 298. H y a aux archives de la Loire-Inférieure
(cass. 43, E, 116) un très curieux registre de 40 feuillets, en parche-
min, qui indique les possessions des ducs de Bretagne en Angleterre,
et leurs principaux actes, comme comtes de Ricbemont, depuis 1066
jusqu'en 1398.
MARIAGE DE JEANNE DE NAVARRE, MÈRE DE RICUEMONT, AVEC
HENRI lY DE LANCASTRE, ROI d'aNGLETERRE (1402)
[voy. ci -dessus, p. 4].
D'après Froissart, le comte de Derby, fils du duc de Lancastre et
petit-fils d'Edouard III, alla en Bretagne demander des secours à
Jean IV, son oncle maternel i, quand il voulut renverser Richard II.
Jean IV, qui avait toujours aimé le duc de Lancastre ^ accueillit bien
son fils; il lui donna des vaisseaux, et c'est du port de Vannes que
1. Jean IV avait épousé, en premières noces, Marie, fille d'Edouard III et
sœur du duc de Lancastre.
2. En 1395, traité d'alliance entre le duc de Bretagne et le duc de Lan-
castre. Le fils aîné du duc de Lancastre, le comte de Derby, celui qui fut
APPENDICES 479
partit Henri de Lancastre pour passer en Angleterre. P. de Craon
l'accompagnait, avec des Bretons. Le comte de Derby put donc voir
en Bretagne Jeanne de Navarre, qu'il devait épouser un peu plus tard.
M. H. Wallon préfère, il est vrai, à la version de Froissart celle du
Religieux de Saint-Denis, qui fait partir de Boulogne le comte de
Derb}-; mais il reconnaît que le récit de Froissart est beaucoup plus
circonstancié que celui du Religieux *. En effet, Froissart fournit des
détails si complets et si précis, qu'il est difficile de les révoquer en
doute. Ne pourrait-on pas ajouter que le mariage de Henri IV avec la
veuve de Jean IV donne plus de vraisemblance encore au récit de
Froissart? Une lettre écrite à Henri IV par la duchesse de Bretagne,
vers 1400, prouve qu'elle entretenait avec lui des relations affectueuses 2.
Elle lui recommande Jeanne de Bavalen, qu'elle envoie auprès de lui,
en Angleterre. Il est vraisemblable que cette mission était relative au
mariage de la duchesse avec Henri IV, car elle chargea ensuite son
procureur général, Antoine Ricze, de confirmer les promesses qu'elle
avait déjà faites au roi d'Angleterre. Ce fut ce même Ant. Ricze qui
représenta Jeanne de Navarre quand elle épousa, par procuration,
Henri IV, le 23 avril 1402 \
VI
PRÉSENT FAIT A ARTUK DE BRETAGNE PAR JEANNE DE FRANCE,
DUCHESSE DE BRETAGNE, SA BELLE-SOEUR (1408, 22 déc.)
[voy. ci-dessus, p. 13].
Jehanne, fille du roi de France, duchesse de Bretaigne, contesse de
Montfort et de Richemont, à nostre bien amé escuier Jehan Periou,
nostre trésorier et garde robier, salut. Nous vous mandons et com-
mandons que vous achetez, à juste et raisonnable pris, quatorze aulnes
et demi-quart d'aulne de bon escarlate et seix cens soixante neuf de
bonnes martres, et en faictes faire et fourrer trois houppelandes et
trois chapperons doublés de ladicte escarlate, que nous avons donné et
donnons, de nostre don, à beaux-frères Artur, Gilles et Richart. Et
gardez que en ce n'aie aucun deffault. Et ces présentes, avecques les
relations des tailleur et pelletier de Monseigneur de ce que desdiz drap
plus tard Henri IV, devai. même épouser Marie de Bretagne, fille de
Jean IV iD. Lobineau, t. II, col. 791-793).
d. Froissart, livre IV, 320, 342, 344, 366; Relig. de Saint-Denis, II, p. 707;
H. Wallon, Richard If, t. II, 237, 471 ; voir aussi la Chronique de Bre-
tagne de Jean de Saint-Paul, publiée par A. de La Bordcrie, Nantes, 1881,
in-8", p. 50 et 125, note 7.
2. F.-G. Hingeston, Royal and historical letters during the reign of Henri IV,
London, 1860, in-8», t. I, p. 19.
3. D. Lobineau, II, col. 874-876; Monstrelet, I, 35, note 1; Ryraer, IV,
1" partie, 36. v .
480 APPENDICES
et panne sera entré èsdites houppelandes et chapperons, et des gou-
verneurs desdiz beaux-frères de les avoir eues et receues, o les quic-
tances à ce appartenantes, vous vaudront de ce que, pour lesdiz drap et
panne raisonnablement aurez paie, acquit et des charge, quant mestier
en aures; en mandant aux gens des comptes de mondit seigneur ce
vous allouer et mectre en descharge, quant vous compterez, avecques
ce que raisonnablement paie aui'ez, pour la façon desdites houppe-
landes, chapperons, et les fourrer, que vous mandons semblahlement
paier. Donné à Nantes, le xxvii® jour de décembre, l'an mil quatre
cens et huit.
Par la duchesse et de son commandement :
G. COGLAIS.
(Archives de la Loire-Inférieure, E, 204.)
En 1409, le duc de Berry donne à Gilles de Bretagne « un petit ours
d'or, esmaillié de blanc, garni d'un grant rubis en la teste, d'un mi-
rouer de saphir dedens la pâte et de une perle de cinq caraz, pendant
au col, lequel ours mondit seigneur (le duc de Berry) donna lors à
monseigneur Gilles de Bretaigne « (KK 250, f» 46).
Parmi les achats faits pour le duc de Berry, depuis le 28 décem-
bre 1409 jusqu'au 28 mars 1410, on trouve la mention suivante :
« Pour deux pièces et demie de veluyau figuré très fin, de plusieurs
coleurs, sur satin brochié d'or de Chippre, dont semblahlement
(c.-à-d. comme pour le comte d'Eu, mentionné dans ce même docu-
ment) fut faicte une houppelande pour monseigneur le conte de Ri-
chemont, son nepveu (c.-à-d. neveu du duc de Berry), au pris de sept
vingt escus la pièce; valent trois cens escus » (KK 250, f» 50).
YII
QUITTANCE d'a. DE CHATEAUGIRON (1410, 27 Sept.) [p. 18],
Je, Hermel de Chastelgiron, seigneur de Saint-Jehan, conseiller et
chambellan de monseigneur le duc de Bretaigne, confesse avoir eu et
receu de haulz et puissants princes, messeigneurs les ducz de Berry,
d'Orléans et de Bourbon et monseigneur le conte d'Alençon, par les
mains de Yvonet de la Boissière, Amignet, P. Leysne et Jehan de
Bellenoe, escuiers et serviteurs de mesdiz seigneurs, la somme de
quatre cens escuz d'or, lesquels mesdiz seigneurs m'ont donnés,
pour moy ayder à soustenir mon estât, pour aller présentement ou
service du Roy, es parties de France, en la compaignie desdiz sei-
gneurs et de monseigneur le conte de Richement; de laquelle somme
de quatre cens escuz je suis content et en quicte mesdiz seigneurs,
lesdiz escuiers et tous autres. En tesmoing de ce, j'ay scellé ceste
présente cédule de mon propre scel, le xxvn^ jour de septembre,
l'an mil quatre cens dix.
Scellé. Non signé.
(Pièces originales, t. 699, n» 162211.)
APPENDICES 481
YIII
QUITTANCE DE NICOLAS LE DUR (1410, 12 nOV.)
[voy. ci-dessus, p. is.]
Je, Nicole Le Dur, conseiller de monseigneur le duc d'Orléans, con-
fesse avoir receu de maistre Pierre Sauvage, secrétaire et garde des
coffres de mondit seigneur, la somme de lxxxiiii livres tournois, pour le
paiement d'un voyaige par moi fait, de Vicestre en Bretaigne, devers
monseigneur de Richemont, pour haster la venue de luy et de ses
gens, et aussy pour certaines causes que je fu encore devers le duc
de Bretaigne; ouquel voyaige j'affirme, par serment, avoir vacqué
pendant vingt-huict jours entiers, depuis le xiv° jour d'octobre jus-
ques au x" jour de novembre, que je retournay à Estampes, devers
mondit seigneur, au prix de m frans par jour. De laquelle somme de
Lxxxuii 1. 1. je quicte le dit maistre Pierre et tous autres. Tesmoing mon
saing manuel cy mis, le xn» jour de novembre, l'an mil quatre cens dix.
N. Le Ddr.
(Pièces orig., t. 1037, n" 23861").
Le même Nie. Le Dur fut envoyé par le duc d'Orléans en Bretagne,
vers le duc Jean V, à la fin de janvier 1411 {Ibid., n° 23861").
IX
PAYEMENT A UN HÉRAUT DE RICHEMONT (1412, 23 déc.)
[voy. ci-dessus, p. 25.]
Charles, duc d'Orléans et de Valois, conte de Blois et de Beaumont,
et seigneur de Coucy, à nostre amé et féal conseillier et cbambellan.
messire François de Lospital, chevalier, seigneur de Soisy, salut et
dileccion. Nous voulons et vous mandons que la somme de vint escus
d'or, laquelle nous, par nostre amé et féal trésorier général, Pierre
Renier, avons fait paier et délivrer, des deniers de nos finances, dès le
mois d'aoust derrenièreraent passé, c'est assavoir aux variez de porte
de l'ostel de monseigneur le Roy estant à Aucerre dix escuz, et au
héraut de nostre très chier et tri'-s amé cousin, le conte de Richemont,
qui, oudit lieu d'Aucerre, nous apporta lettres de par lui, dix
escuz, etc.
Donné à Blois le xxiii» jour de décembre, l'an de grâce mccccxii.
. Par monseigneur le Duc, en son conseil, ouquel messieurs de Saint-
Chartier, Eltor de Pontbriant et autres estoient.
S.\UVAGE.
(Pièces orig., t. 2156, n» 484.)
RiCHEUONT, 31
482 APPENDICES
;
X
PAYEMENT A RicoEMONT (1414, 26 nov.) [voy. ci-dcssus, p. 3o.]
Dans un mandement des généraux conseillers pour le fait des aides
ordonnés pour la guerre, on lit que Jean Blonde!, commis à la recette
des aides à Caen, a envoyé à Paris la somme de 1212 1. 10 s. t., qui
a été distribuée ainsi qu'il suit : 200 1. t., par une décharge
« donnée le vingt-sixiesme jour de novembre mcccgxiv, par Hémon
Raguier, trésorier des guerres du Roy nostre seigneur, pour convertir
ou fait de son office, ou paiement de Testât de monseigneur de Riche-
mont, ordonné à servir et accompaingner monseigneur de Guienne,à
certaine charge de gens d'armes et de trait, pour un mois, commen-
çant au premier jour d'octobre derrenier passé.
Donné à Paris, le iv" jour de mars mcccgxiv, avant Pasques les grans.
(Fr. 26040, n" 4923.)
XI
RICBEMONT REÇOIT LE GOUVERNEMENT DU DUCHÉ DE NEMOURS
(1414, 29 décembre) [voy. ci-dessus, p. 37.]
Charles TU, roi de Navarre, qui succéda, en 1387, à son père
Charles II, dit le Mauvais, conclut avec Charles VI, àParis, le 9 juin 1404,
un traité, par lequel il renonçait à tous les droits qu'il pouvait tenir
de ses ancêtres sur la Champagne et sur divers domaines de Nor-
mandie (Cherbourg, Valognes, Avranches, Gavray, Mantes, Meu-
lan, etc.), en échange du duché de Nemours (Nogent-sur-Seine,
Pont-sur-Seine, Bray-sur-Seine, Saint-Florentin, Pont-sur-Yonne, Cou-
lommiers-en-Brie, Nemours, etc.) (X'* 8602, f° ix^n ix'"'ni; P 2530,
fo* 277 vo, 282 v«, 290, 372 v»; P 2297, f"' 571-606, 615-625, 893,919;
Anselme, I, 287; Jouvenel des Ursins, 161; Religieux de Saint-Denis,
III, 151 et suiv.; D. J. Moret, continué par D. Fr. de Aleson, An-
nales del Reyno de Navarra, Pamplona, 1746, t. IV, p. 291, 305, 307,
311 ; Fonds Godefroy à la bibliothèque de l'Institut, t. 164, f° 234-235,
n» 15 et suiv.). Ces domaines devaient produire 12 000 livres de ren-
tes, mais, comme leur revenu était inférieur à cette somme, le roi de
France ajouta encore au duché les terres de Courtenay, de Chantecoq
et plusieurs autres, le 10 décembre .1408 (P 2297, fo« 919-929, 1067-
1807). Pierre de Navarre, comte de Mortain, eut, pendant plusieurs
années, le gouvernement du duché de Nemours et devait recevoir
2000 1. t. par an, pour ces fonctions, mais il fut mal payé par son
APPENDICES 483
frère, le roi de Navarre, qui avait d'ailleurs d'autres officiers et créan-
ciers aussi peu favorisés. Quand Charles VI « mit le duché de Nemours
en sa main », la moitié des revenus fut affectée au payement des
officiers et des créanciers du roi de Navarre (X*» 4790, f"» 62, 63, 68,
71 v°, 72 v«, 83, 135 v», 27o v% X'a 8602, f°s 234-240; JJ 163, f»^ 1-4,
39 V; X»» 4792, f«228).
Richemont eut sans doute les mêmes appointements que son oncle
P. de Navarre. En tout cas, le roi de France lui donna « puissance de
recevoir et prendre tous les prouffiz » du grenier à sel de Nemours,
« pour certain argent qu'il luy devoit (voy. ci-dessus, p. 37, note 2)
et aussi de toutes les chambres et greniers à sel du duché de Nemours,
excepté aucuns, dont prend les prouffiz Monseigneur de Bavière, et a
voulu le Roy que, à la nominacion de mondit seigneur de Richemont,
les officiers d'illec fussent commis. » Il est certain que Richemont
usa de ce droit [Z^' 6, f° 18). Ces détails ne sont mentionnés nulle part
dans les historiens, pas même dans le continuateur de D. J. Moret.
Commissio Comiti Richimontis pro regendo terras Régis Navarre
manu Régis positas (1414, 29 décembre).
Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, à tous ceuls qui ces
présentes lettres verront, salut.
Comme nagaires, pour certaines causes, nous ayons fait prendre et
mectre réalement en nostre main le duchié de Nemoux, avec toutes
les villes, chasteaulx, seignouries, terres, revenues et possessions
d'icelui duchié et autres, que baillées avions à nostre très cliier cousin,
le roy de Navarre et dont il estoit détenteur, et ayons voulu que elles
soient doresenavant gouvernées de par nous, jusques à ce que autre-
ment en ayons ordené, savoir faisons que nous, voulans pourveoir
au gouvernement desdiz duchié et terres, confians à plain des très
grans sens, preudommie et bon gouvernement de nostre très chier et
très amé cousin, Artus, conte de Richemont, nepveu de nostre dit
cousin de Navarre, et espérans que, par lui, pour ycelle prouchaineté
dont il attient à nostre dit cousin de Navarre, il aura et devra avoir
mieulx Vueil et Vaffeccion oudit gouvernement que plusieurs autres,
et aussi pour certaines autres causes et considéracions à ce nous mou-
vans, ycelui nostre cousin de Richemont avons ordené, commis et
establi, ordenons, commectons et estahlissons, par la teneur de ces
présentes, gouverneur, pour nous et soubz nostre main, desdiz duchié
et terres et appartenances d'icelles, tant comme il nous plaira, et à
lui avons, pour ce, donné et donnons, par ces mesmes présentes, plain
povoir et auctorité de ordener, establir et mectre, de par nous, par
lui, ses lieutenans, commis et députez en ceste partie, touteffoiz que
bon lui semblera et mestiers {sic) sera et tant qu'il nous plaira, en
ycelles duchié et terres, bailliz, capitaines, prévostz et tous autres
officiers quelconques, souffisans et ydoines, tant pour le gouverne-
ment de la justice et des finances, de la revenue d demaine desdiz
duchié et terres, comme pour la garde, seurté et défense des villes,
484 APPENDICES
chasteaulx, forteresses et autres lieux qui y sont; de ester ceulx qui
ne seroient proufitables ne convenables; de y mettre, ordener et es-
tablir autres souffisans, telz et touteffoiz que bon lui semblera et
mestiers sera ; de bailler, sur ce, à yceulx officiers ses lettres, que nous
confermerons par les nostres; de faire faire teles et tant de répara-
cions, refeccions et amendemens es chasteaulx, maisons, édifices,
fours^ moulins, estangs, et autres lieux desdiz duchié et terres et aussi
de fortificacions, emparemens, garnisons de gens d'armes et de trait
de artillerie, de abillemens de guerre et d'autres choses quelzconques
que il lui semblera estre expédient à faire en toutes les villes, chas-
teaulx, forteresses et autres lieux desdiz duchié et terres; de ordener
et taxer aux officiers dessusdiz gaiges, salaires et voyages, telz qu'il
appartendra et yceulx leur faire paier des revenues devant dictes, et
aussi de y faire paier touz autres fraiz quelzconques, qui sont à paier
pour le fait des dessusdictes réparacions, refeccions, amendemens,
fortificacions, emparemens, garnisons, et abillemens et autrement à
ceulx qu'il appartendra, par les receveurs desdiz duchié et terres, et
es comptes desquelz nous voulons ce que par eulx aura esté ainsi paie,
par les lectres et mandemens de nostre dit cousin de Richement et les
quictances de ceulx à qui ledit paiement aura esté fait, estre passé et
alloué et de leur recepte rabatu par nos amez et feaulz gens de nos
comptes, à Paris et partout ailleurs, ou mestier sera; de veoir les estaz
des dessusdiz receveurs touteffoiz que bon lui semblera et générale-
ment de faire, par nostre dit cousin de Richement, par lui, sesdiz
lieutenans, commis et députez, toutes autres choses quelzconques qu'il
verra estre à faire èsdiz duchié et terres pour le bien et bon gouver-
nement d'icelles et que (sic) eudit office de gouverneur peuvent et
doivent compéter et appartenir. Si, donnons en mandement à nez
amez et feaulx gens de nostre parlement, gens de nosdiz comptes
et trésoriers, à Paris, et à tous nez autres justiciers et officiers pré-
sens et à venir, ou à leurs lieuxtenans et à chacun d'eulx, si comme
à lui appartendra, que dudit office de gouverneur facent, seuffrent
et laissent nostre dit cousin de Richement joir et user paisiblement,
et à lui et à sesdiz lieuxtenans, commis et députez obéir et entendre
sur ce de touz qu'il appartendra, en expédiant, par nos dictes gens
des comptes et trésoriers , chascun peur tant que à lui devra
appartenir, les lectres d'icelui nostre cousin, que il baillera teu-
chans les choses dessusdictes et qui seront à expédier par eulx,
et en passant et allouant par nos dictes gens des comptes, et
autres qu'il appartendra, es comptes des devantdiz receveurs et
rabatant de leurs receptes tout ce que par eulz aura esté paie,
que dit est, sans quelconque difficulté, car ainsi nous plaist et
voulons estre fait, nonobstant quelzconques oppositions et appella-
cions, ordenances, mandemens eu défenses et lectres surreptices, im-
pétrées ou à impétrer, à ce contraires. En tesmoing de ce, nous avens
fait mectre nostre scel à ces présentes. Donné à Paris le xxix« jour
de décembre, l'an de grâce mil quatre cens et quatorze et de
nostre règne le xxxv'^. Ainsi signé, par le Roy, en son conseil,
où messeigneurs les ducz de Guienne, de Berry, d'Orléans et de
APPENDICES 485
Bourhon, les contes de Vertuz, d'Alençon, de Eu, de La Marche et
de Vendosme et plusieurs autres estoient. ferron.
Et au dessoubz estoit escript : prestitit solitum juramentum in ma-
nibus Régis, die xxiv» Januarii, anno Domini millesimo cccco xim", me
présente, M. de La Teillaye. Et au dos des dictes lettres estoit escript :
lecta et publicata in curia, xviiio die februarii anno Domini mille-
simo CCCCo XlIIIo. BAYE (Xi" 8602 , fo 294; P 2298, f"^ lH-120;
P 2531, f» 8).
XII
NOTE SUR JEAN II LARCHEVÊQUE ET SA SUCCESSION
(voy. ci-dessus, p. 39, 40, 47-49, 113, 190, 220, 451.)
Jean II, fils de Guillaume VII Larchevêque, lui succéda, en 1401, et
hérita de ses grands domaines. Il épousa Brunissande de Périgord,
fille aînée d'Archambaud VI, comte de Périgord, et de Louise de
Matas [Art de vérifier les dates, II, 385; JJ 169, f° 113 v»; Xia 9197,
f° 163). Ce mariage, que Jean Larchevêque devait à la recommanda-
tion du duc de Berry (Xia 4791, f» 273 v), ne lui procura pas tous les
avantages qu'il en aurait pu recueillir, car Archambaud VI fut banni,
en 1399, et ses biens confisqués furent donnés à Louis d'Orléans. Jean
Larchevêque chercha d'un autre côté les ressources qui lui man-
quaient. Les dépenses de sa maison étaient considérables. Sa femme,
Brunissande, avait aussi un « grant estât », quinze à vingt dames, ou
demoiselles d'honneur, des chevaliers, des écuyers, au moins quatre-
vingts personnes en tout (Xia 4791, f»' 277 v" 278). En 1403, J. Lar-
chevêque vendit ses domaines, pour 200 000 écus d'or et sous réserve
d'usufruit, au duc de Berry, qui avait avec lui de fréquentes relations
(Bel. Ledain, Hist. de Parthenay, p. 203; KK 234, f^ 43 v», 101 V,
106 yo, etc.). Ses sœurs, Marie et Jeanne de Parthenay, attaquèrent
cette vente, qui portait atteinte à leurs droits (Bel. Ledain, ihid.). Leurs
revendications donnèrent lieu à d'interminables procès.
Dans son Histoire de Parthenay, M. Bel. Ledain signale tout d'abord,
en parlant de J. Larchevêque, « la bonté naturelle de son caractère «
(p. 202), sa douceur (p. 223). Il semble toutefois que sa femme, Bru-
nissande, n'eut guère à se louer de cette bonté naturelle et de cette
douceur, car elle se plaignit d'être surveillée, séquestrée, maltraitée,
avec la brutalité la plus révoltante, par ce mari violent et jaloux
(Xi* 4791, f» 273 v"'-274). Une fois, après avoir subi les plus mauvais
traitements, elle se réfugia auprès de la reine de Sicile (f°s 277-
279). Le duc de Berry, dont elle implora aussi la protection, intervint
en sa faveur. Alors J. Larchevêque enferma Brunissande au château
de Vouvant et la menaça même de la tuer, en « appuyant l'espée
sur elle ». Ce drame conjugal, dont les causes ne sont pas assez
486 APPENDICES
connues pour qu'on le' puisse bien expliquer, se compliqua vraisem-
blablement d'intrigues politiques. En tout cas, J. Larcbevêque, après
avoir servi le duc de Berry, qui l'avait nommé sénécbal du Poitou,
quitta le parti armagnac, pour passer au parti bourguiguon. Après
la défaite de Jean sans Peur, en 14t4 (voy. ci-dessus, p. 34-3K), lé
sire de Parthenay fut traité en rebelle et puni par la confiscation
de ses biens, que le roi donna au Daupbin, puis au comte de Riche-
mont (voy. ci-dessus, p. 39; Xia 4799, f» 93 v»; X»' 8604, f° 126).
On a vu que Brunissande de Périgord livra au comte de Richemont,
« en obéissant au roi », la ville et le château de Vouvant (voy. ci-
dessus, p. 40). Dès lors, elle n'osa retourner auprès de son mari, « qui
la menaçoit de la faire morir », et elle lui intenta un procès devant le
parlement. Voici, en effet, ce qu'on lit dans un des registres du par-
lement de Paris :
a Jeudi 15 juillet IM7. — Entre Mme Brunissant de Pierregort, dame
de Partenay, d'une part, et le seigneur de Partenay, d'autre part.
Dit la dame qu'elle est fille ainsnée du feu conte de Pierregort, qui
s'est bien gouvernée tout son temps et fu requise de plusieurs grands
seigneurs en mariage et, à la requeste de monseigneur de Berry,
fu mariée audit seigneur de Partenay et fu douée par son dit mary
de la tierce partie des biens qui lui pourroient escheoir de par père et
mère, de certaines manières, et, ledit mariage parfait, le sire de Parte-
nay promena ladicte dame en plusieurs places et lieux, et tenoit ladicte
dame enfermée où il la traictoit assez estrangement, en la faisant age-
noiller et baisier la terre où il marchoit; et, après la mort du père dudit
seigneur de Partenay, fu emmenée ou chastel de Partenay, où elle
fu traictée plus durement que paravant ; et, pour ce que feu monsei-
gneur de Berry lui rescripvy qu'il la voulsist traictier plus doulcement,
il envoya ladicte dame ou chastel de Vouvant et fist un edict que nul
n'entrast oudit chastel, pour faire guet ou autrement, s'il n'avoit qua-
rante ans ; et envoyoit gens devers elle, pour enquérir de ce qu'elle
disoit ou faisoit, et ne vouloit voir homme qui dist bien d'elle, et
n'aloit ne venoit devers elle que pour espier et enquérir de son estât;
et, pour mauvaise (sic) soupeçon qu il avoit sans cause contre elle, lui
a appuyé l'espée sur elle, en lui disant qu'il la tueroit, s"elle ne lui
disoit plainement de son estât ce qu'il lui demandoit. Dit oullre que,
depuis que monseigneur de Richemont ala, par l'ordonnance du Roy,
en la terre de Partenay, pour mectre les terres dudit seigneur de
Partenay en la main du Roy, ouquel ladicte dame, en obéissant au
Roy, délivra la ville et chastel de Vouvant, elle n'osa retourner de-
vers son mary, qui la menaçoit de faire morir, etc. » (Xi* 4791, î° 273
vo-274 ; voir aussi f''^ 277-279).
Ce procès dura longtemps, car il était engagé, comme on vient de
le voir, dès 1417, et il se poursuivait encore en 1422 et en 1423, devant
les parlements de Poitiers et de Paris. Le sire de Parthenay était
obligé de donner 1000 1. 1. de provision par an, à sa femme (X>a 9190,
fo 244; Xi" 9197, f»' 163, 192, 221vo-223 v»). D'ailleurs, le roi avait
permis à Brunissande, le 13 mai 1416, de recueifiir les biens de son
père Archambaud, comte de Périgord, malgré la confiscation dont
APPENDICES 487
ils avaient été frappés (JJ 169, f» dl3 v"). Le duc de Berry, qui avait
toujours protégé Brunissande, étant mort le 15 juin 1416 (voy. ci-des-
sus, p. 47), J. Larchevêque obtint peu après (1416, septembre) la resti-
tution de ses biens, avec des lettres d'abolition, grâce au duc de Bour-
gogne, revenu au pouvoir (JJ 109, f» 258).
On sait que Richemont, pendant sa captivité, continua de défendre
ses droits contre J. Larchevêque et qu'il conclut avec le Dauphin, par
l'entremise de Jean V, la convention d'Angers, le 2 juillet 1417 (voy. ci-
dessus, p. 47-49). Dès le 4 juillet, le Dauphin donnait à Gilles de Raiz,
seigneur de Pouzauges, commission de faire exécuter cet arrange-
meii (Redet, Catal. de D. Fonteneau, p. 323). Néanmoins la guerre se
prolongea dans le Poitou jusqu'au traité de Pouilly, c'est-à-dire jus-
qu'en juillet 1419. En vertu de ce traité, l'armée royale levait le siège
de Parthenay, et le duc de Bourgogne avait la garde de cette ville, qui
devait être rendue au roi après la mort de J. Larchevêque (voy. ci-
dessus, p. 47-49; Fr. 20587, n" 28; X'a 8603, f"» 51-53; Mss. Moreau,
t. 1425, n»s 77*'^ 78, 79; Ordonnances, XII, 263-^267). Le 27 juillet, le
duc de Bourgogne nomma Régnier Pot capitaine de Parthenay
(Mss. Moreau, t. 1425, no 80). Après l'assassinat de Jean sans Peur
(10 septembre 1419), le sire de Parthenay, selon l'engagement qu'il
avait pris, trois ans auparavant (voy. ci-dessus, p. 47), vendit ses do-
maines au roi et au dauphin Charles, le 19 novembre 1419 (J 183,
n» 135, longue pièce originale, qui expose les diverses phases de cette
affaire; voir aussi Xia 8604, f»* 24-28 v" ; P. 2298, f"^ 77-110). On voit,
par divers documents, que Charles VII avait grand'peine à payer ce
qu'il devait au sire de Parthenay, même en ne faisant que des verse-
ments partiels et en demandant des délais (Clairamb., V, f» 223, n» 131,
f" 225, n'^ 132, 133; X'a 8604, f"^ 64 v» -65, 127; X'" 9197, f»" 221
v° -223; Fr. 25710, n" 19; K 184, liasse 1, n» 21). C'est peut-être à
cause de cela que J. Larchevêque eut l'intention de faire annuler le
contrat du 19 novembre 1419, comme il en avait le droit (Bel. Ledain,
p. 224; K 184, liasse 1, n» 21). Toutefois il ne semble pas qu'il ait
donné suite à cette idée.
Quand Arlur de Bretagne, devenu connétable, eut triomphé de
Louvet, le roi lui renouvela, le 24 octobre 1425, la donation des do-
maines de J. Larchevêque (voy. ci-dessus, p. 113). Celui-ci confirma
la donation, mais le connétable devait parfaire la somme stipulée
en 1419. Richemont continua, s'il ne le compléta pas, le payement
commencé par le roi (Xi* 8604, f 127; K 184, liasse 1, n» 21). En
tout cas, J. Larchevêque confirma encore, par son testament, le don
renouvelé par le roi en 1425, malgré les sollicitations de ses héritiers
naturels. Ces héritiers étaient ses deux sœurs, Marie et Jeanne de Par-
thenay et leurs enfants. Marie de Parthenay avait, de son mariage
avec Louis !<=' de Châlons, comte de Tonnerre, deux filles, Jeanne et
Marguerite de Châlons (Xia 9194, f» 25). L'autre sœur de J. Larche-
vêque, Jeanne de Parthenay, mariée à Guillaume d'Harcourt, comte
de Tancarville, vicomte de Melun, avait une fille, Marguerite de Me-
lun, qui avait épousé Jacques II d'Harcourt, baron de Montmorency
(Anselme V, 137-138; G. -A. de La Roque, Hist. génécd. de la maison
40» APPENDICES
de Harcourt, Paris, 1662, in-f", l. I, p. 610-636). Après avoir combattu
vaillamment contre les Anglais, Jacques d'Harcourt, cédant peut-être
aux excitations de sa belle-mère, avait essayé de prendre, par trahison,
son oncle J. Larchevêque et le château de Parthenay (1424). Cette
tentative lui avait coûté la vie (Bel. Ledain, 221-224; Vallet de V.,
Hist. de Charles VII, 1. 1, 398-399; Anselme, V, 137, qui assigne la date
inexacte de 1428 à la mort de J. d'Harcourt). Il laissait une fille,
Marie d'Harcourt, qui épousa, dans la suite, le bâtard d'Orléans et
un fils, Guillaume d'Harcourt. Il est probable que l'action déloyale de
Jacques d'Harcourt ne fit qu'indisposer davantage J. Larchevêque
contre ses héritiers naturels. Pourtant, on doit supposer qu'il leur
légua au moins une partie de sa succession, car on voit figurer Marie
de Parthenay et les enfants de Jacques d'Harcourt dans un procès
où ils sont mis en cause, avec Richemont, par le seigneur de Belle-
ville, en mars 1432.
J. Harpedenne, seigneur de Belleville, prétendait avoir reçu de
Charles Vil la ville de Mervent, en payement d'une somme de 1 b 000 1. 1.
qu'il lui avait prêtée (Xi* 9200, f°s 36, 147 v°). Le sire de Parthenay,
que le roi n'avait pas encore payé, ne voulut pas ratifier cet arrange-
ment. Comme J. Harpedenne se rendait aux états de Poitiers, au
mois d'octobre 1425 (voy. ci-dessus, p. 112), J. Larchevêque le fit
arrêter, avec ses bagages, sa vaisselle, ses bijoux, et conduire au châ-
teau de Parthenay. Là, il le retint prisonnier dans la tour de Bière
et lui déclara qu'il n'en sortirait qu'après avoir renoncé à la posses-
sion de Mervent. Malgré les ordres du l'oi, il ne voulut pas le relâcher,
et il le contraignit à signer un acte par lequel il délaissait Mervent et
reconnaissait les droits de Richemont. Il n'est pas invraisemblable que
Richemont, dans cette circonstance, se soit entendu avec J. Larche-
vêque, pour la défense de leurs intérêts communs, car, dans ce même
temps, devenu maître de la situation, par le renvoi de Louvet, il se fai-
sait renouveler, le 24 octobre 1425, la donation de 1415.
Quant à J. Harpedenne, une fois libre, il déclara que l'engagement
qu'on lui avait arraché par la violence était nul, et il intenta un procès
à J. Larchevêque. Celui-ci étant mort pendant ce procès, en 1427
(voy. ci-dessus, p. 151), le seigneur de Belleville s'en prit à ses héri-
tiers, c'est-à-dire à Marie de Parthenay, comtesse de Tonnerre, aux
enfants mineurs de Jacques d'Harcourt, représentés par leur oncle,
Christophe d'Harcourt, et au comte de Richemont, « détenteur de Mer-
vent » (XI' 9200, f°s 36, 147 v°). Ce procès durait encore au mois
de mai 1432, quand, en vertu du traité de Rennes (voy. ci-dessus,
p. 190), Richemont obtint un ajournement jusqu'à la Saint-Martin
d'hiver de 1433 (Xi* 9200, f" 42). Avant l'expiration de ce délai, le
connétable renversait enfin son mortel ennemi, La Trémoille (voy. ci-
dessus, p. 200, 201), puis il rentrait en grâce et se faisait donner, pour
la troisième fois, les domaines de J. Larchevêque (voy. ci-dessus,
p. 220). Par ses lettres signées à Tours, le 9 avril 1434 a. st., le roi
ordonnait qu'on cessât tout procès contre le connétable et qu'on le
laissât jouir paisiblement de tous ces domaines, malgré une ordonnance
de Charles VI qui en interdisait au roi l'aUénation. Les lettres du
APPENDICES 489
9 avril 1434 a. st. qui résument tous les détails principaux de cette
longue affaire, sont fort intéressantes à ce point de vue. En voici la
teneur :
« Lectre octroyée à Artur de Bretaigne, eonnestable de France, pour
joir des terres de Partenay et autres, qui furent de feu messire
Jehan Larcevesque, nonobstant le procès pendant en parlement, pour
occasion d'icelles.
« Charles, par la grâce de Dieu, etc. Oye humble supplicacion et re-
queste à nous faicte, en la présence de plusieurs seigneurs de nostre
sang et lignage et des gens de nostre grant conseil, par nostre très
chier et amé cousin, Artur de Bretaigne, conte de Richemont, eon-
nestable de France, disant que, à certains et justes tiltres, et par plu-
sieurs et divers moyens et transpors raisonnablement fondez et cy
après declairez, à lui appartiennent et doivent appartenir les terres et
seigneuries de Partenay, Voulvent, Mervent, le Couldray-Salbart, Secon-
digny, Chastelaillon, Matefelon et autres terres, appartenant et appen-
dant à ycelles terres et seigneuries, qui jadiz furent et appartindrent
à feu Jehan Larcevesque, en son vivant chevalier; et que d'icelles
choses il a jà.longuement joy, tant par vertu de certain don et trans-
port, que feu nostre oncle Jehan, derrenier duc de Berry et conte de
Poictou, lui fîst d'icelles terres et seigneuries, comme à lui forfaictes et
confiquées, au moins ce que tenu en estoit de sadicte conté de Poictou,
pour cause de la félonnie et rébellion que ledit Larcevesque, qui
estoit son vassal et subgect, commist à l'encontre de lui, ainsi que
plus à plain est contenu et peut apparoir, par léctres d'icelui nostre
oncle, faictes et données le sixième jour de may, l'an mil quatre cens
quinze, comme aussi par autre don et transport que feu nostre très
chier frère Loys, duc de Guyenne, par ses lectres données le xxiii* jour
dudit mois de may (et non le xxive comme dans K. 184), flst d'icelles
terres et seigneuries à nostre dit cousin et eonnestable, lesquelles
nostre dit frère disoit lui appartenir, par vertu du don que fait lui en
avoit feu nostre très chier seigneur et père, cui Dieu pardoint, par
certaines ses lectres, données le xiiii* jour dudit mois de may, par la
forfaicture et confiscacion dudit feu Larcevesque, qui s'estoit cons-
titué et, par effect, démonstré son rebelle et désobéissant, en lui fai-
sant et à ses vassaulx et subgiez toute guerre et tenant à rencontre
de lui leparty de Bourgoigne, et par ce, commectant envers lui crime
de lèze majesté; lequel nostre cousin le eonnestable, pour prandre et
appréhender la possession desdictes terres et exécuter lesdictes lectres
de nostre dit père, selon leur forme et teneur, se feust, par leur bon
plaisir et ordonnance, tantost après ces choses, tiré oudit pais de
Poictou et tant fait que, par puissance de main armée, à ses grans
fraiz et mises, mist en obéissance de nostredit seigneur et père toutes
les places dessusdictes, excepté seulement les ville et chastel dudit
Partenay, qui, pour lors, demeurèrent en leur estât, parceque icelui
nostredit cousin, en obéissant au mandement de nostredit seigneur et
père, pour lui faire greigneur service, ala, en ce temps, à la journée
490 APPENDICES
de Giencourt, où il fut prisonnier des Anglois, noz ennemis, qui lon-
guement l'ont détenu et empeschié de sa personne, ou pais et royaume
d'Angleterre; pendant lequel empescliement et prison de nostredit
cousin et après nostre partement de nostre ville de Paris, pour ce que
ledit Jehan Larcevesque continua en ses rebellions et désobéissances,
nous feismes assiéger les diz ville et chastel de Partenay, et, après,
feismes certain contract avec ledit Larcevesque, par lequel il nous
transporta la propriété de toutes lesdictes terres, moyennant certaine
somme de deniers que paier lui devions, à plusieurs et divers termes
et payements, par tele condîcion que, se faulte avoit en aucuns
d'iceulx payemens, ledit contract seroit réputé pour nul et demour-
roient les deniers payez pour les termes escheuz audit Jehan Larce-
vesque comme siens, franchement et quictement, sans ce que tenu
fust d'aucune chose en restituer; et fut dit, parlé et accordé, en fai-
sant ledit contract, que lesdictes terres et seigneuries estans en ladicte
conté de Poictou demourroient unies et annexées oudit conté de Poic-
tou, sans ce que séparer les en deussions nepeussions; et, pour ce que,
en ensuivant et continuant les termes et condicions dessusdictes, eus-
sions faiz plusieurs payemens des sommes promises audit Larcevesque,
à cause dudit contract, mais, depuis, obstans plusieurs grans charges,
que avions à soutenir, eussions cessé de payer, par aucuns termes^
les sommes que, pour raison desdiz contraz, devions et estions tenuz
paier; pour lesquelles causes, et aussi que ledit Jehan Larcevesque
nous fît savoir qu'il estoit bien content que icelles terres et seigneuries
venissent es mains de nostredit cousin, eussions à icelui nostre cousin
donné, cédé et transporté la propriété de toutes lesdictes terres et
seigneuries et tout le droit, cause, poursuite et action que, par ledit
contract et autrement, avoir y pouvions, pour en joir et user, par lui et
ses héritiers masles, procréez et descenduz de sa char, en loyal ma-
riage, et, se aucuns n'en avoit, eussions en ce donné icelles terres et
appartenances à nostre très chier et amé neveu, Pierre de Bretaigne,
second filz de notre très chièr et amé frère le duc de Bretagne,
pour semblablement en joir, après le trespas de nostredit cousin, par
nostredit neveu et ses hoirs masles, procréez en loyal mariage, nonobs-
tant les reservacions ou condicions apposées oudit contract, faisans
menciou de l'union ou adjonction desdictes terres au demaiae dudit
conté de Poictou, lesquelles nous ne voulons aucunement nuyre ne
préjudicier ausdiz don, cession et transport, par nous faiz à nos diz
cousin et neveu, moyennant que nostredit cousin payeroit audit Jehan
Larcevesque le reste de ce que lui devions, à cause dudit contract,
pourveu toutes voies que de ce feust d'accord ledit Jehan Larcevesque,
lequel, après ces choses, y donna son consentement et, qui plus est,
en faveur d'icelui nostredit cousin, ledit Jehan Larcevesque, après le
transport par nous fait d'icelles terres et seigneuries à notredit cousin,
fut content que le contrat d'entre nous et lui, qui, comme dit est,
estoit, par défaut de payement, rompu et adnullé, demourast entier
et en sa force et valeur, et, sur ce, receut argent et nouveaux paye-
mens de nostredit cousin, comme toutes ces choses et autres peuvent
apparoir, tant par noz lectres comme par celles dudit feu Larcevesque,
APPENDICES 491
lequel, a grei|zneur confîrmacion, ratifia et approuva d'abondant, par
son testament ledit contract, voulant et ordonnant qu'il eust et sortist
son plain effect; et, tout nonobstant, et sans avoir regart aux choses
dessusdictes, nostre procureur général a de ce mis en procès, en nostre
court de parlement, nostredit cousin et connestable, tandiz que, par
le moijen et poiirchaz d'aucuns ses malveillans, qui lors avaient grant
gouvernement et aiictorité entour nous, il a esté, à sa grant déplat-
sance, esloigné de nous et de Piastre service, soy efforçant nostredit
procureur de débatre et impuner ledit don et transport, que ainsi fait
avons à ycelui nostredit cousin, et, par ce, empescher qu'il ne joysse
de ses dictes terres ; sur quoy a esté tant procédé que les parties ont
esté appoinctées à bailler leurs causes et raisons par escript, d'un
costé et d'autre, en quoy icelui nostredit cousin a esté et est gran-
dement damniflé et aussi despiaisant de ce que, à l'encontre de nous,
on le veult ainsi mectre et tenir en procès, si comme ces choses nous
a dictes et remonstrées, requérant humblement que, considéré ses
droiz ettiltres dessusdiz, dont il offroit faire prompte foy, nous plaise
lui pourveoir sur ce que dit est, par manière que nostredit don et
transport lui soit fructueux et valable et sortisse son plain effect, selon
la teneur de nosdictes lectres sur ce faictes, en le faisant mectre hors
dudit procès et imposant sur ce silence à nostredit procureur, en le
recevant, à cause desdictes terres et seigneuries, en nostre foy et
hommage;
« Savoir faisons que, après ce que bien au long avons fait veoir et
visiter, par les gens de nostredit grant conseil, les droiz et tiltres de
nostredit cousin, touchant le fait dessusdit et que d'iceulx et de son
donné à entendre nous est suffisamment et bien à plain apparu, nous,
eu à ce regart et considéracion, et aussi aux très grans, louables et
prouffltables services que nous a longuement faiz et que, de jour en
jour, s'ofl'orce, de toute affection, de plus encore nous faire nostre
dessusdit. cousin et connestable, tant ou fait de noz guerres comme
autrement., en toutes manières à lui possibles; voulans, pour ce, le
traicler en tous ses affaires, favorablement et en toute doulceur, avons,
de nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royal, en tant
que besoin en est, et par l'advis et meures délibéracions desdiz sei-
gneurs de nostre sang et desdiz gens de nostre grant conseil, pour ce
assemblez en grant nombre, déclairé et déclairons, par ces présentes,
lesdictes terres et seigneuries à lui compéter et appartenir, aux tiltres
et moyens dessus déclairez, et nostredit don et transport, ainsi fait
desdictes choses à nostredit cousin et connestable, estre bon et valable,
et icelui avons confermé, ratifié et approuvé, confermons, ratifions et
approuvons, en tant que besoin en seroit, par cesdictes présentes, en
voulant et ordonnant icelui nostre cousin et sesdiz héritiers masles
paisiblement, et aussi nostredit neveu de Brctaigne et sesdiz héritiers
masles, en la condicion dessusdicte, joir et user doresenavant desdictes
terres et seigneuries contenues et déclairées oudit transport, tout
selon la forme et teneur d'icelui, et tous empeschemens et procès au
contraire faiz et commanciez par noz procureur, advocaz et autres
noz justiciers et officiers, voulons estre ostez, et tout ce qui auroit esté
492 APPENDICES
fait ou préjudice de nostredit cousin et connestable, adnullons et voulons
cesser et estre mis au néant ; à tous lesquels avons de ce imposé et im-
posons perpétuel silence, en décernant, oultre, que nostre dit cousin,
à cause desdictes choses, sera par nous receu, touteffois que par
nous (pour pm' lui?) requis en serons (sic) (pour sera?) en nosdiz foy
ethommage. Si, donnons en mandement, par ces mesmes présentes, à
noz amez et feaulx conseillers, les gens tenans nostre parlement et
qui tendront ceulx à venir, les gens de noz comptes et trésoriers et à
tous noz autres j usticiers et officiers, ou à leurs lieuxtenans et à chacun
d'eulx, si comme à lui appartendra, que de nostredit don et trans-
port et de nostre présente déclaracion, ordonnance et ratificacion
facent, seuffrent et laissent nosdiz cousin et neveu et leurs diz hoirs
masles joir et user plainement et paisiblement, en tant que à nous
touche et peut toucher, par la forme et manière que dessus est dit,
sans leur faire ne souffrir estre fait ne donné, ores, ne pour le temps
à venir, aucun destourber ou empeschement au contraire, en quelque
manière ne soubz quelle couleur que ce soit, et que tous empesche-
mens qui, de par nous, ont esté mis èsdictes terres et seigneuries es-
tent et facent cesser. Mandons aussi à nosdiz procureur et advocas,
et à chacun d'eulx estroiclement enjoignons que, dudit procès par
eulx commandé, comme dit est, se désistent et départent du tout,
sans plus aucunement y procéder, ne tenir, à cause de ce, nostre dit
cousin en procès, car ainsi nous plaist il et voulons estre fait, de
grâce spécial, se mestier est, nonobstant ledit procès et tout ce qui
s'en est ensuy, nonobstant aussi l'interdiccion par nous faicte de
non alienner ne mectre lesdictes choses hors de noz mains, ne de
les séparer hors des terres et seigneuries ausqueles elles furent an-
nexées par le contract fait entre nous et ledit Larcevesque, et quelx-
conques lectres surreptices impétrées, ou à impétrer, à ce contraires.
En tesmoin de ce nous avons fait mectre nostre scel à ces présentes.
Donné à Tours, le ix' jour d'avril, l'an de grâce mil CGC XXX IIII, avant
Pasques, et de nostre règne le xm'. Ainsi signé, par le Roy, en son
conseil, ouquel messeigneurs le duc de Bourbon et Charles d'Anjou,
Vous, le conte de Vendosme, l'arcevesque de Vienne, les évesques de
Poictiers, de Magalonne et de Maillezays, le bastart d'Orléans, les
maréchaulx de Rieux et de La Fayette, le maistre des arbalestriers,
les sires de Bueil, de Gaucourt et de Trêves, messires Bertrant de
Beauvau, Hugues de Noer et Loys de Tromagon, maistres Renier de
Boulligny, Jehan Chastenier et Jehan Fournier et plusieurs autres
estoient.
« BUDE. >)
Et au doz estoit escript : lecta et publicata in curia parliamenti, de
expresso precepto régis, ore facto, quinta die marcii, anno Domini
millesimo GGGC»» XXXVt» (et non 1434, comme dans K. 184).
Blois.
(Xia 8604, f»s i 26-1 28. Gopie, pas toujours exacte, dans le carton
K 184, liasse 1, n° 21. Ce document se trouve aussi aux archives de
la Loire-Inférieure, cass. 38, E, 103.)
APPENDICES 493
C'est seulement le 5 mars <436 que le parlement, sur l'ordre formel
du roi, enregistra cette troisième donation. Dès lors, le connétable
put jouir de cette succession qui lui avait suscité tant d'embarras. En
juin et en juillet 1435, il était encore en procès avec J. de Roche-
chouart, seigneur de Mortemart, et Jeanne de Torsay, sa femme. Ils
réclamaient à Ricbemont une rente de 260 1. t. sur Châtelaillon,
rente qui appartenait à Jean d'Argenton, aïeul maternel de Jeanne
de Torsay. Le connétable, qui était alors à Arras, opposa des lettres
d'état et demanda que l'alTaire fût remise, afm qu'il pût y assister,
car il s'agissait de 200 1. t. de revenus, < qui est grosse chose »
(Xia 9200, fos 243 v°,' 270, au mardi l^'- juin et au lundi 18 juillet i435 ;
ci-dessus, p. 460, note 6). Si 200 1. t. étaient alors grosse chose, que
faut-il donc dire des revenus de la succession entière de J. Larche-
vêque? On sait, par un autre document de l'époque (X** 4791, fo^ 277
v»-278;, que la seule châtellenie de Vouvant valait de trois à quatre
mille livres.
Enfin on a vu (ci-dessus, p. 431) que cette même succession fut
donnée par le roi au bâtard d'Orléans, pour en jouir après la mort
d'ArturllI, qui n'avait pas d'héritier légitime (Xi* 860S, f^^ 204 v» -205,
pièce qui rappelle aussi les diverses phases de cette affaire). Le duc
de Bretagne Pierre II, qui devait succéder à son oncle Artur dans cet
héritage, étant mort avant lui, la riche succession de J. Larchevêque
revint donc k Dunois (Bel. Ledain, Hist. de Parthenay, p. 251 et suiv.).
XIII
mCHEMONT, NOMMÉ CAPITAINE GÉNÉRAL PAR CHARLES YI,
EST ENVOYÉ CONTRE 3. LARCHEVÊQUE (1415-, juin) [p. 40].
Dans la riche collection des titres scellés de Clairambault, on trouve
des documents qui font connaître les noms des chevaliers et des
écuyers envoyés, en 1415, contre J. Larchevêque, sous les ordres da
comte de Ricbemont, nommé, par le roi, capitaine général. Ce sont
les quittances de sommes payées, vers la fin de juin 1415, à ces sei-
gneurs et à leurs compagnies, pour leur entrée en campagne. Tels sont :
Eynat d'Antin, écuyer, et sa compagnie (Clairambault, t. 3, f. 201).
Guillaume Baron, écuyer et sa compagnie (t. 10, f" 581).
Thibault Barrabes, écuyer, avec sa compagnie (t. 10, f" 381).
P. Boschier, écuyer, avec sa compagnie (t. 13, f» 1039).
L. d'Allesolles, écuyer, avec sa compagnie (t. 39, f» 2889).
J. de Dercé, écuyer, avec sa compagnie (t. 40, t" 2979).
G. de La Forest, chev. bachelier, avec sa compagnie (t. 48, f» 3629).
Jacob du Fou, écuyer, avec sa compagnie (t. 49, f» 3657).
J. Guymar, écuyer, avec sa compagnie (t. 56, f" 4293).
Ch. de Mauny, chev. bachelier, avec sa compagnie (t. 72, f" 5629).
494 APPENDICES
J. de Murât, écuyer, avec sa compagnie (t. 79, f» 6229).
J. de St-Nazar, écuyer, avec sa compagnie (t. 80, f» 6293).
Bertrand Nicole, écuyer, avec sa compagnie (t. 81, f" 6355).
Antoine du Pelle, écuyer, avec sa compagnie (t. 84, f» 6601).
Perrot Pernaulx, écuyer, avec sa compagnie (t. 85, f» 6661).
Et. de Soley, écuyer, avec sa compagnie (t. 104, f" 8063).
David Tanac, écuyer, avec sa compagnie (t. 105, f" 8165).
P. de La Touche, écuyer, avec sa compagnie (t. 106, f^ 8299).
J. de Varèze, écuyer, avec sa compagnie (t. 109, f» 8549).
Et. de Verrières, écuyer, avec sa compagnie (t. 112, f" 8737).
Les quittances de ces capitaines sont, pour la plupart, datées du
25 juin. Elles sont presque toutes conçues dans les mêmes termes, et
il suffira d'en donner ici une seule, comme exemple :
« Sachent tuit que je, Jacob du Fou, escuier, confesse avoir eu et
receu de Macô Héron, trésorier des guerres du roy mon seigneur, la
somme de cccxv 1. t. en prest et paiement, sur les gaiges de moy et
de vint autres escuiers de ma compaignie desserviz et à desservir, ou
service du dit seigneur, pour mectre en sa subjection et réduire à
son obéissance le seigneur de Partenay, tous ses alliez, aidans ou
complices, et partout ailleurs où il plaira au dit seigneur ordonner,
en la compaignie et soubz le gouvernement de monseigneur le conte
de Richemont, capitaine général, et du nombre des gens d'armes et
de trait à lui par le dit seigneur ordonnez, pour faire ce que dit est.
De laquelle somme de cccxv I. t. et pour la cause dessus dicte, je me
tien pour content et bien paie et en quicte le roy nostre dit seigneur,
le dit trésorier des guerres et tout autre qu'il appartient. Tesmoin
nostre scel cy mis, le xxiv" jour de juing, l'an mil quatre cens et
quinze » (Clairambault, t. 49, f» 3657).
L'expédition de Richemont dura jusque vers le milieu d'octobre,
car ou voit, dans un document publié par D. Lobineau (Hist. de Bre-
tagne, II, col. 903), qu'il ordonna, le 10 octobre, de payer des gens
de guerre qui étaient avec lui au siège de Parthenay. Il n'eut que le
temps de revenir, pour prendre part à la bataille d'Azincourt, le
25 octobre (voy. ci-dessus, p. 40-43). 11 paraît que Richemont paya
de ses propres deniers les frais de l'expédition contre J. Larchevêque
(voy., à l'append. XII, les lettres du 9 avril 1435).
XIV
LETTRES DU RÉGENT CHARLES A JEAN DE BRETAGNE, COMTE DE PEN-
THIÈYRE, ET A CHARLES, SEIGNEUR d'aVAUGOUR, POUR LEUR RE-
COMMANDER DE BIEN GARDER LE DUC DE BRETAGNE ET SON FRÈRE
RICHARD (16 mars 1420, ii. s.) [voy. ci-dessus, p. 53].
Charles, filz du Roy de France, régent le royaume, Daulphin de
Viennois, duc de Berry et de Touraiue, et conte de Poictou, à noz
APPENDICES 495
très cliiers et amez cousins, le conte de Penlhièvre, Jehan, seigneur
de Laigle, et Charles, seigneur d'Avaugour, frères, salut et dileccion.
Comme, pour résistier et pourveoir de vostre part et en nostre absence
il la dampnable entreprinse des anciens ennemis de ce royaume, les
Anglais, qui, puis aucun temps, y sont descenduz, où ilz ont fait moult
de dommages et usurpé plusieurs des terres et seigneuries de Mon-
seigneur, espécialment ou pays de Normendie, et tout par le porL,
faveur et dissimulacion d'aucuns seigneurs, vassaulx et subgez de ce
dit royaume, nous, confians à plain de la grant loyautié, puissance,
bonne atïection et volontié de vous, nostre dit cousin de Penthevre,
vous eussions naguaires, par nos lectres patentes, fait, commis, ordonné
et establi lieutenant et cappitaine général de mon dict seigneur et de
nous es pays d'Anjou, du Maine et aulre part, en la marche de Ber-
taigne, et donné plain povoir de faire tout ce que cognoistroyez estre
au bien et prouffit de mon dit seigneur et à la conservacion de sa
seigneurie, en usant de laquelle commission et puissence soit venu à
vostre cognoissence que beau frère de Bertaigne, tant en sa personne
que autrement, en plusieurs manières, et par le moyen de ses terres,
seigneuries et pais, a publiquement et notoirement favorisé les dicts
anciens ennemis, tant en ce que, sans le congié de mon dict seigneur
et de nous, ilaprins avec iceulx ennemis, despuis leur descente en ce
dit royaume, abstinence de guerre, pour luy, ses terres et subgez, et ne
leur a donné ne souffert estre fait ou donné par les siens aucun
empeschement, résistence ou destourbier, jaçoit ce que à son veu et
sceu, et joignent de son pais, iceulx ennemis ayent conquis sur mon
dict seigneur et autres ses parens et vassaulx plusieurs terres et sei-
gneuries, et mesmement celles de nostre très chier et très amé cousin,
le duc d'Alançon, propre nepveu d'icelluy nostre frère, sans y avoir
mis ne soy esforcié de mectre aucune provision, comme, par ce qui
pis est, que, par cris et detfenses pupliques, il avoit fait crier et delfen-
dre en ses dicts pais, ce que faire ne luy lésoit, que aucuns de ses
vassaulx et subgez ne alassent ou venissent au mandement et service
de mon dict seigneur et de nous, à rencontre de nos dits ennemis, sur
peine de confiscacion de corps et de biens, et ceulx qui, oultre sa def-
fense, pour acquicter leurs loyautiez y estoient venuz et, depuis, puniz
et comme du tout destruiz, et par plusieurs fois, sans le gré, consen-
tement ou voulenté de mon dict seigneur et de nous, a esté nostre
dit frère, en sa personne, par devers les diz ennemis et mesmcs par
devers nostre adversa,ire d'Angleterre, à Rouen et ailleurs, où il a fait
avecques lui plusieurs secrètes aliances et confédéracions, à l'encontre
de la souveraineté et seigneurie de. mon dict seigneur, en y faisant
aussi partage et division de ceste seigneurie, pour en débouter du tout
mon dict seigneur et nous, et en bien démonstrant la faveur et affec-
cion désordonnée, avecques les dampnubles promesses et convenances
qu'il avoit à yceulx ennemis, leur a fait administrer en ses diz pais
toutes nécessitez, comme harnois, chevaulx, artilleries, blés, vins et
autres vivres, et, en ce et autrement, leur a donné toute faveur, à la
grant desplesence toutes voyes des bons preudes hommes, barons,
nobles et autres du dit pais de Bertaigne, lesquels, pour la crainte de
496 APPENDICES
luy, ny ont ousé contre ester ne mectre le remède tel que bien eussent
voulu, et, pour ce, pour la très grant et amère desplesence de cuer
que avoyes et bien dévoyés avoir de toutes ces chouses, recordans aussi
et ayans bien en memoyre comment nostre dit frère, persévérant en
sa malvaise voulenté, avoit, par ses ambassadeurs et autrement, empes-
chié et destourbié l'armée d'Espaigne, qui, la saison passée, étoit déli-
bérée pour venir au service de mon dit seigneur et de nous; s'efTorce
auxi d'empeschier la descente de l'armée d'Escoce, à présent estant en
nostre service, et, en contempnant les personnes de mon dit seigneur
et de nous, et mescognoissant l'amour, révérance et obéissence qu'il
doit et esttenuz de faire à mon dit seigneur, comme à son souverain,
et à nous, comme son seul filz et héritier, représentans sa personne
et régent son royaume, s'est continuelement, tant en ses escriptures
comme on fait de ses monoyes, qu'il a fait faire et forgier en ses pays
et autrement, en plusieurs manières, démonstré et maintenu par son
1 comme à mon dit seigneur ou à nous, sans y garder
l'ordre * ne les droiz seigneuriaux de mon dit seigneur, et, non
content de ce, ne des faveurs ainsi par luy données aux dits ennemis,
a semblablement, en diverses manières, porté et favorisé le fait et parti
des subgetz de ce royaume rebelles et désobéissans à mon dit seigneur
et à nous; vous, voyans et considéi'ans que autrement que par voye
de fait, ne povoit estre pourveu ou remédié aux inconvéniens qui par
la dampnable entreprinse de nostre frère, estoyent vraisemblablement
tailliez de ensuir à la grant sole (?) et, par aventure, total destruccion
de ceste dicte seigneurie, envers laquelle vous et les vostres, sans
variacion aucune, vous estes tousjours tant léalraent et grandement
gouvernés et acquittés, considérans aussi la grande proximictié de
lignage dont vous atenez à mon dict seigneur et à nous, et mesme-
ment à nostre très chière et très amée compaigne, la Daulphine, par
quoy et autrement estoyez tenuz et, non sans cause, bien affectez de
pourveoir et résistier aus diz inconvéniens, ayez, puis naguaires, en
la compaignie de nosti^e dit cousin d'Avaugour, vostre frère, prins et
arresté icelluy nostre frère, et semblablement nostre cousin Richart,
son frère, pour ce que bien savoyez que autresfois s'estoit mis en
armes et sur les champs pour vous combatre, pour tant, que, par
nostre ordonnance vous estoyez mis sus pour nous venir servir, à
rencontre des diz anciens ennemis; en faisant laquelle prinse et arrest
avez bien démonstré la grant léautié et bon vouloir que avez envers
mon dict seigneur et nous et la couronne de France; et il soit ainsi
que nous, au plésir de nostre seigneur, ayons ferme propos et soyons
du tout délibérez, toutes autres chouses arrières mises, de pourveoir
sur les chouses devant dites par manière que ce soit ou bien, honeur
et prouffit de mon dit seigneur et de nous et vous aussi et de tout ce
royaume, savoir vous faisons que, nous, pour les causes et resons
devant touchiées, iceulx nos frères et cousin de Bertaigne et chascun
d'eulx, avons fait et constitué, faisons et constituons, par ces présentes,
noz prisonniers et les avons prins et prenons en nostre main. Si, vous
1. 2. Mots effacés.
APPENDICES 497
mandons et commandons, en commectant, si meslier est, et à chascun
de vous, sur toute la loyautié, obéissance et fidélité que devez à mon
dit seigneur et à nous, que les personnes de noz diz frère et cousin,
ainsi par vous prinses et détenues, vous, en vos personnes, si mestier
est, et autrement, comme vous verrez le besoign, gardes et faictes
gardier, de jour et de nuit, à très grant soing et cure, et en telle dili-
gence, avec toute seurlé et puissance qu'ilz ne puissent estre délivrez
en quelque manière, afin que, à nostre venue et retour vers les par-
ties de part delà, qui sera brief, au plésir de Dieu, nous en puissiez
rendre bien compte et que par eulx puissions estre advertiz des
entreprises et crimmes (?) de nostre dit adversaire et des diz rebelles
et désobéissans à mon dit seigneur et à nous, et, au seurplus, faire
et donner tel appoinctement que les bons subgez, nobles, et autres
du dit pays de Bretaigne puissent servir mon dit seigneur et nous, à
rencontre des diz ennemis et autrement faire leur devoir envers ceste
seigneurie, comme nous savons qu'ilz y ont entière voulenté; et, en
cas que aucuns se vouldroyent enforcier, en nostre absence, de pro-
céder, en ceste occasion, par voye de fait, à l'encontre de vous ou des
vostres, nous, par ces mesmes présentes, mandons et commandons à
tous lieutenans. mareschaulx, maistre des arbalestriers, amiral, cap-
pitaines de gens d'armes et de trait, seneschalx, baillifs et tous autres
justiciers, vassaulx et subgez de mon dit seigneur et nostres, prions
et requérons tous autres que en ce vous aydent et secourent, par
toutes voyes et manières à eulx possibles, sans riens y espargner, car
en ce les soustiendrons, porterons et advouberons en touz endroiz.
Mandons aussi à tous cappitaines et gardes de bonnes villes, citiez,
chasteaux, forteresses, pons, ports, passages et destretz de ce dit
royaume que à vous et à tous ceulx de vostre compaignie, service et
adveu donnent, en ce cas, passage, retour, recept, reffuge, vivres et
toutes autres cbouses nécessères, de jour et de nuyt, et tout ainsi que
à nostre propre personne, toutes et quantes fois que requis en seront.
Donné en la cité de Carcassonne, soubz nostre scel, ordonné en
l'absence du grant, le xvi« jour de mars, l'an de grâce mil quatre cens
et dix neuf. Ainsi signé, par monseigneur le Régent Daulphin, en son
grant conseil.
ViLLEBRESME.
{Archives des Basses-Pyrénées, E, 640. Copie sur parchemin posté-
rieure de quelques jours à l'original. Il y a une copie moderne de ce
document dansDoat, t. 161, f" 53-58, avec les mêmes lacunes.)
XV
DON DU COMTÉ d'ÉTAMPES A RICHARD DE BRETAGNI*: (1421, 8 mai)
[p. 61, 231, 384]
Ce comté appartenait au duc de Berry, qui le donna, en 1387, à
son frère, Philippe le Hardi. Il passa ensuite à Jean sans Peur ; mais,
RlCIlEMONT. 32
498 APPENDICES
après l'assassinat de L. d'Orléans (1407), le due de Berry révoqua la
donation qu'il avait faite et reprit le comté dÉtampes. Pendant la
guerre entre les Bourguignons et les Armagnacs, il permit à Ch. d'Or-
léans de mettre garnison dans Étampes. En 14H, le duc de Bour-
gogne vint lui-même, avec le Dauphin, assiéger cette ville, qui fut
prise le 15 décembre, malgré la vaillance de son capitaine, L. de
Bosredon (Fr. 26038, n" 4584).
Jean sans Peur ne cessa de réclamer le comté d'Étampes. Par le
traité de Pouilly (1419), le Dauphin lui en reconnut la possession, et
ce traité fut confu'mé par Charles VI, le 19 juillet (Moreau, 1425,
n.s77 .^ b_ 78^ 79. Ordonn., XII, 264). Aprèsle traité de Troyes, le Dau-
phin, ne gardant plus aucun ménagement envers Philippe le Bon,
donna le comté d'Étampes à Richard de Bretagne, frère de Jean V
et de Richemont (8 mai 1421).
Plus tard, Charles VII confirma ce don, par lettres du mois d'oc-
tobre 1425. (Ces lettres de 1421 et de 1425 sont aux Arch. de la
Loire-Inférieure, cass. H, E, 31; les Preuves de fHist. de Bretagne
ne contiennent que les lettres de 1425.) Néanmoins Philippe le Bon
garda le comté d'Étampes, qu'il céda, en 1434, à son cousin Jean de
Bourgogne, comte de Nevers (fils de Philippe, comte de Nevers, tué
à la bataille d'Azincourt, et de Bonne d'Artois), dont il avait épousé
la mère, en 1422. (Anselme, I, 238.) Dans un traité qu'il conclut, la
même année (1434, 17 septembre), avec Jean de Bourgogne, Riche-
mont laissa prendre à celui-ci le titre de comte d'Etampes. Il avait
alors un tx'op grand intéi^êt à ménager la maison de Bourgogne pour
soulever, sur ce point, une discussion irritante (voy. Append. LIX).
Au congrès d'Arras, on s'occupa de cette question, sans la résoudre.
Richard de Bretagne n'en continua pas moins de s'intituler comte
d'Etampes, comme Jean de Bourgogne, son compétiteur. Après la mort
de Richard (1438), son fils François porta aussi ce titre et réclama le
comté d'Étampes. Le 30 décembre 1441, Marguerite d'Orléans, comme
tutrice de son fils François, rendit hommage au roi pour le comté
d'Etampes (A. Longnon, Les limites de la France, etc., dans la Bévue
des questions histor., t. XVIII, p. 533, note 2).
Quand Ch. d'Orléans eut abandonné la coalition féodale, pour se
réconcilier avec le roi, en 1442, François de Bretagne, qui était son
neveu, par sa mère, profita, comme lui, de cette défection. Charles VII,
peu satisfait de Philippe le Bon et n'ayant plus à le ménager autant
qu'avant le traité d'Arras, confirma, en juin 1442, la donation qu'il
avait faite à Richard de Bretagne (Arch. de la Loire-Inférieure,
cass. 34, E, 93) et ordonna, peu après, à J. de Bourgogne de restituer
le comté d'Etampes. J. de Bourgogne, comte de Nevers, et Philippe
le Bon s'opposèrent à l'entérinement des lettres du roi (X^a 4799, au
mardi 20 novembre 1442, f° 146 y°, au jeudi 24 janvier 1443,
f» 181 v°). Alors s'engagea, devant le parlement de Paris, un
procès interminable (Xia 1482, fos 189 v°, 237, au jeudi 12 dé-
cembre 1443). Au bout de trente ans, le parlement rendit un arrêt
qui ordonnait la réunion du comté d'Etampes au domaine royal.
En résumé, Richard et François de Bretagne, malgré la bonne vo-
APPENDICES 499
lonté de Charles VII, n'avaient jamais eu que le titre de comtes
d'Étampes.
Voir Max. de Mont-Rond, Essai hist. sur la ville d'Étampes, Etam-
pes, 1836-1837, in-8o, t. H, p. 5-22. Voir aussi le traité conclu à Nantes
le 18 mai 1424, articles vin et ix, dans M. de Beaucourt, Hist. de
Charles Vil, II, 354-355, elle traité d'Arras, de 1435 (ci-dessus, p. 231).
XVI
SERMENT DE FIDÉLITÉ PRÊTÉ PAR LE COMTE DE RICHEMONT AU DrC
DE BRETAGNE ET A SON FILS (1422, 5 aOÛt) [p. 67, 455, note 3].
Nous, Artur, fils de duc de Bretaig^ne, conte de Richemont et
d'Ivry, promectons et jurons, en parole de loyal chevalier et par la
foy et serement de nostre corps, de vouloir et procurer et pourchasser
à tout nostre pouvoir le bien, honeur et prouffit de monseigneur le duc
nostre frère, de monseigneur le conte de Moutfort, son filz ainsné, et
de ses autres enffans malles (sic) et de leur aider et secourir de nostre
puissance à garder leur principaulté et duchié de Bretaigne et leurs
terres et seigneuries vers tous et contre tous qui peuvent vivre et
mourir, leur dommage eschever, et, se nous savons, ou nous vient à
cognoissance aucune chose qui leur feust à dommage ou deshoneur
de leurs personnes, ou de leurs terres ou seigneuries, le leur révéler
et mectre peine à l'eschever, en tout ce que nous pourrons, et envers
nostre dit seigneur et frère et mes diz seigneurs ses enffanz nous
porter, en toutes choses, comme bon, vray et loyal frère et ce tenir
ferme et accomplir loyaument et en bonne foy, sans jamais faire ne
venir à rencontre. En tesmoing de ce, nous avons passée ceste pré-
sente cédule de nostre main, pour maire fermeté et scellé de nostre
scell, le cinqesme [sic) d'aoust, l'an mil quatre cens vingt et deux.
Artur.
Par monseigneur, de son commandement :
J. DE ChATEAUGIRON.
(Original aux Arch. de la Loire-Inférieur, cass. 57, E, 147. Copie
aux Arch. du ministère des aff. étr., t. 362, f" 68 v»).
XYII
CHARLES VI s'engage ENVERS LE DUC DE BRETAGNE A NE POINT
TRAITER SANS SON CONSENTEMENT AVEC LE DAUPHIN (1422, 8 Oc-
tobre) [p. 69].
Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, à tous ceulx qui ces
présentes lectres verront, salut. Savoir faisons que nous, considérans
500 APPENDICES
les crimes, fautes et delîtz commis et perpétrez par Charles, soy disant
Dalphin de Viennoys, à rencontre de nous et notre souveraineté et aussi
contre la personne de nostre très chier et très amé fils le duc de Bre-
taingne, lequel a autreflfois fait prendre et emprisonner et, de rechief,
commandé à prendre et faire murdrir et tuer, comme entendu avons,
pour lesquelles causes icellui nostre filz de Bretaingne a été grande-
ment injurié et intéressé et ne se doivent tels énormes cas, crimes et
délitz passer ne tolérer sans deue punicion et réparacion, et, enregart
à ce que icellui nostre filz a juré la paix final et perpétuele dernière
faicte entre nous et nostre très chier et très amé filz, le roy d'Angle-
terre, pour nous et lui et les royaumes, pais et subgez de nous et de
lui, avons, par l'advis et délibéracion de nostre très chier et très amé
cousin, le duc de Bedfford et des gens de nostre grant conseil, promis
à nostredit filz de Bretaingne et promectons, par ces présentes, en
bonne foy et parole de Roy, que avec le dit Charles, soy disant Dal-
phin, ne ceulx de sa partie nous ne ferons traictié, appointement, ou
accord, sans l'advis et consentement de nostredit filz, le duc de Bre-
taingne, et qu'il y soit comprins,se bon lui semble. En tesmoingde ce,
nous avons faict mectre nostre scel à ces présentes. Donné à Paris, le
viii» jour d'octobre, fan de grâce mil quatre cens vint et deux et de
nostre règne le quarante-troisième.
Par le roi, en son conseil :
De Rinel.
(Original aux Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 34, E, 93. Copie aux
Arch. des Aflf. étr., t. 362, f° 69.)
XVIII
VOYAGE DE RICHEMONT A ANGERS (1424, 6 OCtobre) [p. 85].
Artur, fils de duc de Bretaigne, conte de Richemont et d'Ivry, à
nostre amé trésorier, Jamet Lamoureux, salut. Savoir vous faisons que,
pour cest nostre présent voiaige d'Angers, par-devers le roy, nous
avons ordonné, conclut et délibéré mener avecques nous, pour nous
conduire et accompaigner oudit voiaige, le nombre et quantité des
chevaliers, escuiers, cappitaines et gens d'armes cy-dessus nommez *,
et declairez qui sont en nombre neuff bannerez, douze chevaliers,
comptez Roland Madeuc et Philibert Vaudrey pour deux chevaliers, et
huit vingz deiz et neuff escuiers, selon qu'il peut plus à plain appa-
roir par les retenues des diz capitaines, dont cy-dessus est fait man-
cion; et, pour le souday d'icieulx, avons ordonné et ordonnons, savoir
est, au sire de Beau manoir, la somme de cinquante escuz d'or, pour
sa personne; à messire Jehan de Chevery cinquante Uvres monnoie, à
1. Leurs noms se trouvent dans la l""" partie de ce document. Voir D. Lo-
bineau, TI, 994, ou les Preuves de D. Morice, II, 1147. Ces auteurs n'ont
pas publié la seconde partie de cette pièce.
APPENDICES 501
chacun des autres bannerez la somme de soixante livres monnoie;
à chacun des diz chevaliers la somme de trente livres et à chacun
des diz escuiers la somme de quinze livres leur estre par vous paiées,
pour leurs gaiges d'un mois à chacun d'eulx, selon sa porcion, comme
dessus est dit. Si, vous mandons et commandons que, sur toutes et
chacune vos receptes, vous paiez lesdiz bannerez, chevaliers, cappi-
taines, tant pour eulx que pour les diz escuiers dessus nommez, des
sommes par nous leur ordonnées, comme dit est; et gardez que en
ce n'ait aucun deffaiilt; car ainsi le voulons. Et, par rapportant ces
présentes, o les quictances desdiz cappitaines ad ce pertinentes, ce
qui par vous sur ce leur sera paie, comme devant est dit, nous vous fe-
rons allouer en clière mise et rabattre de vos receptes à noz comptes,
pour tout ou mestier en aurez, par nos amez et féaulx, les gens de
noz diz comptes, lesquels nous mandons, par ces présentes, ainsi le
fere, sans aucun reffus ou contredit. Donné à Nantes, le sixième jour
d'octobre l'an mil quatre cens vingt et quatre.
Artcr.
Par monseigneur, de son commandement :
J. DE Château GiHON.
(Original aux Arch. de la Loire-Inférieure, cass. 51, E, 133.)
XIX
PROJET d'assassinat ETE PHILIPPE LE BON PAR LES ANGLAIS (1424)
[p. 87].
Sous le titre qui précède, M. A. Desplanque, archiviste du dépar-
tement du Nord, a écrit un mémoire historique auquel M. Vallet de
Viriville, l'auteur d'une savante histoire de Charles VII, a ensuite
ajouté quelques notes. Ce travail consciencieux a pour but de faire
connaître plusieurs documents conservés dans les archives du dépar-
tement du Nord et qui, s'ils étaient authentiques, prouveraient que
les ducs de Bedford et de Glocetter, avec les comtes de Suffolk et de
Salisbury, ont cherché, pendant les années 1424, 1423 et 1426, tous les
moyens d'attirer le duc de Bourgogne dans un piège, pour le faire
périr. Malheureusement, ces pièces ont été fabriquées par un secrétaire
de Suffolk, nommé Guill. Benoît '; du moins c'est ce que celui-ci a
confessé lui-même, dans la première des deux dépositions qu'il fît
en 1427. Quoi qu'il en soit, l'auteur de ces pièces connaissait si bien
les hommes et les faits dont il parle, qu'elles ont une vraisemblance
incontestable. C'est là ce qu'admet M. H. Vallon (Jeanne d'Arc, I, 344),
qui, d'ailleurs, ne veut pas accepter comme des preuves les dénoncia-
1. Voy. Pièces orig., t. 290, dossier 6286, n» 13, au mot Benoit. — Vingt
ans plus lard, on trouve un Guill. Benoît, serviteur de L. de Bueil (de
Beaucourl, Le caractère de Charles VII, dans le t. XIV de la Revue des ques-
tions hislor., p. 99).
S02 APPENDICES
tions et les aveux d'un faussaire. Quant à M. Desplanque, il arrive,
après un minutieux examen, à celte conclusion que, si les pièces sont
fausses, les faits sont vrais, c'est-à-dire que Glocester, Bedford, Suffolk
et Salisbury « ont médité, durant deux ans et plus, la perte du Bour-
guignon » (p. 56). Il y a donc là des renseignements dont il faut user
avec une grande réserve, mais qu'on ne doit pas écarter d'une ma-
nière absolue.
Reste à examiner quel fut le rôle de Richemont dans cette œuvre
diabolique, et on ne peut l'entrevoir que dans la première déposi-
tion de G. Benoît (pièce VI du mémoire de M. Desplanque, p. 64),
car il n'en est pas question dans la seconde (pièce Vil, p. 69), quoi
•qu'en dise M. H. Wallon {Jeanne d'Arc, I, 345). S'il faut en croire
■cette première déposition (et elle a bien tous les caractères de la
Traisemblance) , G. Benoît, personnage fort peu recommandable,
avait déjà fabriqué quatre des cinq pièces fausses à l'insu de Riche-
•mont et avant d'être en rapport avec lui, ou avec ses agents. Cet
intendant de Suffolk, brouillé avec son maître et cherchant à tirer
Ile meilleur parti possible des secrets qu'il connaissait, vit à Rouen, en
1426, un gardien des frères mineurs, nommé Guill. Fortin, qui lui
•donna l'idée et les moyens de s'adresser au connétable. Il ne faut pas
•oublier que G. Benoît, intendant de Suffolk, avait pu connaître
Artur de Bretagne, quand ce dernier était sous la surveillance de ce
seigneur anglais, en Normandie. En tout cas, il résulte des déclara-
tions mêmes de Benoît que celui-ci était déjà muni des quatre pre-
jnières pièces, quand Briffault et J. de Clienery le conduisirent à
Angers vers le connétable; que là, « conversant avec le dit de Riche-
mont, il lui monstra toutes les escriptures dessus dictes, tant en lettres
•originales comme en mémoires, et que lors le dit de Chenery lui dist
et affirma que toutes les choses déclairées en ycelles lettres et mé-
.moires estoient vrayes et que il, chevalier, les oseroit bien affirmer
avecques lui qui parle, parce qu'il en avoit par avant assez sceu par
autres, etc. » (p. 65 du mémoire). Toutefois Richemont ne se serait
ipas opposé au remaniement de ces pièces , et il aurait même fait
ou laissé fabriquer sur un blanc-seing de Suffolk, une autre lettre, dont
il voulait se servir pour exciter le duc de Bretagne contre son ennemi
personnel, le chancelier Jean de Malestroit (p. 42 et 68 du mémoire).
Ce fut un des serviteurs de Richemont, Jean de Chenery *, autre in-
trigant fort peu honorable, à ce qu'il semble, qui dirigea toute cette
affaire, comme si Richemont eût répugné à entrer lui-même dans
•cette vilaine besogne (p. 67, 68, 69 du mémoire).
En somme, le connétable ne prit pas l'initiative de ces machina-
tions, mais il ne dédaigna pas de les continuer, en s'y associant, pour
brouiller le duc de Bourgogne avec les Anglais, et le duc Jean V avec
1. Jean de Chenery (ou Ghevery, ou Ghinery) est indiqué parmi les che-
valiers bannerets qui accompagnaient Richemont à Angers, en 1424. (Voy.
ci-dessus, Append. X\1II.) Plus tard, il fut envoyé par Richemont, avec
frère Guillaume Ailes, prieur de la Celle-en-Brie, auprès du roi. (Fr. 20684,
i" 573.)
APPENDICES 503
le chancelier de Bretagne. Sans doute le but était louable, et la poli-
que, dans ce temps-là, n'était guère scrupuleuse, mais ce n'est pas
une raison pour dire que la fin justifiait les moyens, et, si la première
déposition de G. Benoît est véridique autant que vraisemblable, elle
autorise à suspecter grandement la loyauté de Richemont.
Voir Michelet, Hist. de France, V, 139 et 380, note 75; Vallet de V.,
Hist. de Charles VII, I, 433 et note 1 ; H. Wallon, Jeanne d'Arc, I, p. 37
et 344-346 (app. Il); Desplanque, Projet d'assassinat, etc., Bruxelles,
Hayez, 1867, in-4''. Il est à remarquer que D. Salazard {Hist. de
Bourgogne, IV, il 1-1 12, et Preuves, p. xv), sans connaître les lettres
de Suffolk, n'en ignorait pas l'existence.
XX
ENGAGEMENT DU COMTE DE RICHEMONT ENVERS LES CONSEILLERS
DE CHARLES VII (1425, 8 mars), [p. 90].
Ce sont les choses que monseigneur le conte de Richemont jure et
promet au Roy, sur les saints Evangiles de Dieu, par lebaptesme qu'il
apporta des saints fonts, par sa part de paradis et sur son honeur, en
prenant l'office de la connestablerie de France, tenir, garder et accom-
plir entièrement, sans aucune fraude ou malengin, ne sans souffrir,
par personnes ne en manières quelconques, venir à rencontre des
dites choses, ou aucune d'icelles; oultre et par dessus les seremens
ordinaires touchans ledit office de connestable.
Premièrement, jure et promet que, pour quelconque chose qui
puisse avenir, ne consentira, en manière quelconque, ainçois de tout
son povoir l'empeschera, que la personne du Roy soit nulle part qu'il
y ait seigneur plus fort que le'Roy, mais sera toujours le Roy le plus
fort, a son povoir, ou à tout le moins aussi fort, s'il luy plaist; et sera
le roy accompaigné, en ce cas, de telles gens comme il plaira au Roy.
Item, jure et promet que, de tout son povoir, il aidera à tenir la
personne du Roy en franchise et liberté, en usant de sa seigneurie
franchement et pleinement, en toute chose, comme il a fait jusqu'à
présant.
• Item, jure et promet que les serviteurs du Roy, c'est assavoir mes-
sire Tanguy du Chastel, prévost de Paris, le président *, le sire de Giac,
G. d'Avaugour et Pierre ^ (Frotier) aymera, soutiendra et portera, ne,
pour quelconque chose, ne fera, fera faire, ou consentira chose qui
soit au domaige de leurs personnes ne de leurs biens et estatz. Et
pareillement feront serement de vouloir le bien de monseigneur le
duc de Bretaigne et le pourchasser, à leur povoir, comme ils feraient
le bien du Roy; et, avec ce, le bien de mon dit seigneur le conte de
Richemont, ainsy qu'il leur promet. _
1. J. Lonvet.
2. Le mot Frotier manque dans la copie de D. Rousseau.
504 APPENDICES
Item, jure et promet que, pour quelconque paix, traictée ou à traic-
ter, ne souffrera, ne ne consentira, pour quelconque cas advenu,
l'esloignement des serviteurs du Roy dessus dits d'avecques le Roy, ne
le despoinctement de leurs estatz; ainçois, qui en parleront, empes-
chera la chose *.
Item, des gens d'armes pour estre entour du roy et l'accompaigner,
s'en rapportera au roy.
Item, le roi lui baille la connestablerie en la forme et comme ses
prédécesseurs.
En tesmoing des quelles choses, ledit monseigneur le conte de
Richemont a cy mis son seing manuel et y a fait raectre son scel, le
viii* jour de mars ^, l'an mil quatre cens vingt et quatre.
Artur.
XXI
LES DROITS DU CONNÉTABLE [p. 96].
Le connestable de France a tel droit pour le fait des guerres :
Premièrement, le connestable est par-dessus tous les autres qui
sont en l'ost, excepté la personne le Roy, s'il y est, soient ducs,
barons, contes, chevaliers, escuiers, sodoiers, tant de cheval comme
de pié, de quelque estât qu'ilz soient, et doivent obéir à luy.
Item, les mareschaux de l'ost sont dessoubz lui et ont leur office
distinctes de recevoir les gens d'armes, ducs, contes, barons, cheva-
liers, escuiers et leurs compaignons, et ne peuvent ne ne doivent che-
vaucher ne ordonner batailles, ce n'est par le connestable, ne faire
bans ne proclamacions en l'ost, sans l'assentement du Roy ou du
connestable. •
Item, le connestable doit ordonner toutes les batailles, les chevau-
chées et de (sic) toutes les establies 3.
Item, touteffoiz que l'ost se remue de place en autre, le connestable
prent et livre toutes les places, de son droit, au Roy et aux autres de
l'ost, selon leur estât.
Item, le connestable doit aler en l'ost devant la bataille, tantost
1. Cet article vise les négociations avec les ducs de Bourgogne et de
Bretagne.
2. Il y a, dans la copie de D. Housseau, le huitième jour de mars et non
le septième jour de février, comme on le voit dans Vallet de V., Charles VII,
l, 440. D'ailleurs la copie de D. Housseau présente elle-même quelques
inexactitudes de forme (D. Housseau, IX, n» 3831, à la Bibliothèque natio-
nale). Bien que cette transaction soit datée du 8 mars, il est évident
qu'elle avait été arrêtée avant le 7, c'est-à-dire avant que Richemont reçût
l'épée de connétable. Ce document a été publié également par M. de
Beaucourt {Hist. de Charles VII, t. II, 86-87).
3. C'est-à-dire des garnisons et peut-être aussi des quartiers dans le
camp, d'après le P. Daniel, Hist. de la Milice Française, I, p. 177.
APPENDICES SOS
après le maistre des arbalestriers, et doivent estre les mareschaulx en
sa bataille.
Item, le Roy, s'il est en l'ost, ne doit chevaucher, ne les autres
batailles ne doivent chevaucher fors par l'ordonnance et le conseil du
ronnestable.
Item, le connestable a la cure d'envoyer messagers et espies, pour
le fait de l'ost, partout où il voit qu'il appartient à faire, descouvreurs
et autres chevaucheurs, quant il croit que mestier en est.
Item, le connestable a, de tous ceulx qui sont retenuz à gaiges le
Roy, une journée pour son droit, dès que ilz sont retenuz, et, dès que
ilz prennent le premier paiement, peut le connestable recevoir son
droit, s'il lui plaist •.
Item, de ceulx qui ne prennent gaiges du Roy, mais ont aucun cer-
tain salaire, ou restitucion d'argent, ou d'autre chose, puis que l'en
chevauche à bannière desploiée, le connestable doit avoir son droit
pour le service des dessus diz, sur ceulx qui prennent gaiges, despens,
salaire ou restitucion, si comme dessus est dit.
Item, le connestable prent devers les trésoriers de la guerre ses
droitures de tous ceulx qui comptent par devers lui, c'est assavoir une
journée, autant comme ilz comptent par journée, quelle somme que
ce soit.
Item, le connestable prent une journée de sodoiers de cheval et de
pié qui sont dans la retenue du maistre et du clerc des arbalestriers,
et le maistre et le clerc des arbalestriers en prennent une autre.
Et ainsi est-il acoustumé de tous jours du temps passé.
Ista jura connestabularii sunt extrada de Caméra Compotorum et
tradita domino Oliviero Clichon connestabulario Francie , mense
Januarii mcccIxxxi.
(Y* f» 133 V". Voy. aussi le P. Daniel, t. I, p. 170 et suiv. ; Fr. 23940,
P>« 9, 12, 13, 36-38.)
XXII
LETTRE DE CHARLES YII AUX LYONNAIS (1425, 30 mars) [p. 97].
Chiers et bien amez, pour besongner et appointer sur le fait de
la paix, laquelle nous avons entencion d'entretenir et poursuir de
tout nostre povoir, toutes autres choses arrière mises, laquelle est en
bonne disposicion de venir à bonne conclusion, ainsi que avez peu
savoir par voz gens, qui ont estez par-devers nous, que le connestable
et les ambaxadeurs de beau frère de Bertaigne et de beau cousin de
Savoye y ont esté. Nous avons ordonné noz amez et feaulx cousins et
conseilliers, le conte de Vendosme, le conte Daulphin d'Auvergne, les
arcevesques de Reins, de Lyon, de Tholose, l'évesque du Puy, maistre
1. Il en est de même quand les troupes changent de garnison (voy. le
P. Daniel, I, 174-173).
506 APPENDICES
Adam de Cambray, président en nostre parlement, le bailly de Lyon
et ung de noz secrétaires, pour aller à Montluel, et là besongner sur
lesdites matières, avec les gens de nos diz frère de Bretaigne et cousin
de Savoye, qui doivent estre audit Montluel le xvi^ jour d'avril prou-
chaiu venant. Et, pour ce que, en ces matières, qui tant nous tou-
chent et dont nous désirons, sur toutes autres choses, avoir bonne
conclusion, voulons vous en estre bienadvertiz et icelles vous commu-
niquer, nous vous mandons et expressément enjoignons que vous
eslisiez d'entre vous ung homme honneste et bien savant, pour envoler
audit lieu de Montluel, au jour dessusdit, et là trouvera nosdites
gens, lesquelz lui diront nostre entencion sur les choses dessusdites.
Et gardez, comment qu'il soit, qu'il n'y ait faulte. Donné à Chinon, le
xxx« jour de mars.
Charles. Dkluce.
(Archives de la ville de Lyon, AA, 22, f" 72.)
XXIII
RÉSUMÉ d'une lettre DU DUC DE BRETAGNE, JEAN V, AUX HABITANTS
DE TOURS (1425, 13 juin) [p. 102].
Dans le t. III des Délibérations du conseil de la ville de Tours, on
trouve, à la date du 21 juin 1425, le résumé d'unes lettres closes, en-
volée à la ville, par monseigneur le duc de Bretagne, le 13 juin, dans
laquelle il déclare « avoir toujours eu et encores a parfait désir et vou-
loir au bien de la paix et union de ce royaume, et que à icelle, pour
achever et conclurre, de sa part et puissance, il tiendra la main et,
pour ce que, pour icelle parachever, monseigneur de Richement, son
frère, estoit venu par deçà, accompaigné de nobles, gens d'armes,
chevaliers et escuiers, et pour faire cesser les pilleries et roberies qui
longuement, comme chacun scet, ont esté et sont en ce royaume, par
le mauvais et desloyal conseil et gouvernement qu'il a eu et a du pré-
sident de Provence el autres ses adhérents, lequel président a clous
et fait clourre la main à monseigneur le connestable, tellement qu'il
n'a pu avoir ne recevoir finances pour le soudoiment de ses gens
d'armes, et l'on a fait tout à contraire de ce que avait esté ordonné
au conseil du roy nostre sire, tenu à Chinon; par quoy n'a peu vac-
quer ne entendre et faire ce que dit est et que conclut et ordonné
avoit esté oudit conseil, et que il avoit et a eu bonne et saincte en-
tencion; et par les grant traïson et mauvaise voulentéque le dict pré-
sident et ses adhérens ont machiné contre le dict monseigneur le
connestable, lui ont voulu et se sont efforcés de lui courre sus; pour
quoy, pour subpéditer le dict président et ses adhérens, est-il néces-
saire de ne leur bailler aucune entrée de villes ou forteresses, en
priant aux diz gens d'Église, bourgois et habitants de la dicte ville
de Tours qu'ils ne baillent au dit président aucune entrée en leur
ville et ne lui donnent aucun confort ou aide, mais le bon vouloir
APPENDICES 507
<iu'ils ont eu et monstre, par effet, au dit monseigneur le connestable
ils tiegnent ferme et que, en vérité, monseigneur le duc estoit et est
prest de venir servir le roy en sa personne, à tout l'effort et puissance
à lui possible, contre tous ses ennemis, et que, pour le monstrer,
enveroit par-devers luy et le dit monseigneur le connestable son frère
Richart, monseigneur de Bretaigne, son frère (sic), accompaigné de
grant compaignie de gens d'armes, chevaliers et escuiers et gens de
traict, paiez et sobsdoiez à ses despens, pour deux ou troys moys.
Et a esté respondu au dit M* J. Bouchier, envoyé du duc, que tou-
jours ont esté et seront bons, loiaux et vrays obbeissans au roy et
n'obéiront pas au commandement du président, » etc.
(Archives municipales de Tours, t. III des Délibérations. — Com-
munication du D'" Giraudet.)
XXIV
EXPULSION DE LOUVET ET DES AUTRES FAVORIS DE CHARLES YII
(1425, juin) [p. 104].
Littera revocationis contra dominum de Mirandol.
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceulx qui ces
présentes lectres verront, salut. Comme, à la requeste et pourchaz de
Jehan Louvet, chevalier, seigneur de Mirandol, nommé communé-
ment président de Prouvence, lequel, pour certaines causes regardans
le bien de paix et la réunion d'aucuns noz parens et vassaulx, s'est,
puis nagaires, parti, par nostre commandement, de nostre compaignie
et service, nous à icelui président ayons, par maladvertance, et sans
délibération du conseil, baillé et délivré, soubz nostre grant scel,
plusieurs noz lectres patentes, par lesquelles s'est fait donner et attri-
buer par nous de moult grandes, excessives et desraisonnables puis-
sances, tant sur le fait de noz fmances que autrement; entre lesquelles,
comme bien nous reeordons, lui est commise la totale administracion
de toutes noz finances, quelles qu'elles soient, de noz pais de Langue-
doc et duchié de Guienne, et aussi de nostre pais du Daulphiné de
Viennois, par tel et si ample povoir qu'il en puet faire et disposer
comme bon lui semblera; avecques ce, a prins et levé de nous lectres
patentes, tant pour lui que pour ses clercs et entremecteurs de ses
affaires, par lesquelles leur est permis et octroyé que, pour quelcon-
que finance par eulx receue de noz receveurs, grenetiers, maistres de
monnoyes et autres officiers chargiez de recepte, en compte, descharges
ou autrement, dont n'auroient baillé acquit soufflsant, ilz ne soient
lenuz d'en bailler lesdiz acquitz, supposé que à ce faire se feussent,.
par leurs cédules ou autrement, liez et obligiez, et, par nos dictes lec-
tres, ayons voulu lesdiz officiers estre de ce quicles et deschargez en
leurs comptes, sans raporter lesdiz acquiz, mais seulement vidimus
de noz dictes lettres; et, en oultre, lui ayons baillié povoir bien ample
et exprès pour appoinctier, ainsi qu'il verra à faire, avec le sire de
508 APPENDICES
Saint- Valier, et autre part, des contez de Valentynois et Dyois, dont
sommes en question et débat; et aussi un autre povoir d'engaigier,
où et ainsi que bon lui semblera, certains noz joyaulx, qu'il dit avoir
en gaige de nous, montans à grans finances, d'en prandre et retenir
pour lui une partie, et des meillieures et plus riches, et, avecques ce,
retenir les autres, supposé qu'il feust payé de son principal, qu'il dit
lui estre deu, jusques à ce qu'il soit payé d'une grant finance que,
par autres noz lectres, s'est fait donner légièrement sur iceulx joyaulx;
et, qui plus est, a obtenu de nous puissance générale pour traictier
et du tout conclurre et accorder, en nostre nom, toutes manières
d'aliances avecques quelxconques personnes que bon lui semblera,
tant amis que ennemis de nous et de nostre royaume; lesquelles
lectres, avecques autres plusieurs, scellées en blanc de nostre dit grant
scel, il a emportées ; et, depuis, ayons plus avant pensé à la matière
et aux dangiers et inconvéniens irréparables qui, vraisemblablement,
toutes choses bien considérées, en pourroient sourdre et avenir, ou
très grant préjudice de nous et de nostre seigneurie, et, sur ce,
demandé le bon advis et conseil de nostre très chière et très amée
mère, la royne de Jehrusalem et de Secile, d'autres aussi de nostre
grant conseil et de ceulx de nostre court de parlement, afin de trouver
remèdes soufflsans et convenables pour remédier aux dessusdiz incon-
véniens et aux grans fraudes et décepcions que ledit président, de la
voulenté duquel ne sommes pas acerteniez, pourroit, quant à ce,
commectre, tant pour son particulier proufit que pour vengence et
faire à autrui grevence; savoir faisons que, les choses dessusdictes
considérées et bien adverties, nous, de certaine science et propre
mouvement, en ensuivant aussi le bon conseil à nous sur ce donné,
de grant et meure délibéracion, par nostre susdicte mère et autres
devantdiz, avons les dessusdictes lectres et puissances, ainsi par nous
octroyées audit président et aux siens, tant en général que en parti-
culier, et généralement toutes autres lectres de povoir et autres tou-
chans fait de finances, soient patentes, closes, ou en forme de cédules,
de quelque date qu'elles soient, supposé que signées feussent de nosti'e
main et scellées de nostre signet, révoquées, rappellées, cassées et
iratées, et, par ces présentes, révocons, rappelions, cassons et iratons
et les mectons du tout au néant, avecques tout ce qui s'en seroit
ensuy, comme faictes et obtenues contre nostre entencion et voulenté;
et ne voulons icelles avoir ne sortir aucun effect, jaçoit ce que, par
l'importunité dudit président et par les choses qu'il nous donnoit
entendre, les eussions commandées. Si, donnons en mandement, en
défendant bien expressément, par ces dictes présentes, à nostre très
chier et amé cousin le conte de Foix, nostre lieutenant général èsdiz
pais de Languedoc et duchié de Guienne, semblablement à noz amez
et féaulx gens de nostre parlement, tant à Poictiers que à Tholouse,
aux gens de noz comptes, à Bourges, aux généraux conseillers sur
le fait et gouvernement de toutes noz finances, tant en Languedoil
que en Languedoc, aux gouverneur et gens de nostre conseil et
des comptes de nostre dit Daulpbiné et, généralement, à tous noz
seneschaux, baillifs, Iresouriers, receveurs, maistres particuliers de
APPENDICES 509
noz monnoies, grenetiers, maistres des ports, et autres noz officiers
quelxcoiiques de noz diz royaulme et Daulphiné et à chacun d'eulx,
comme à lui appartendra, que audit président ne à sesdiz clercs, ou
autres, commis et nommez sur le fait des puissances et autres lectres
et cédilles devant dictes, ne facent et ne donnent obéissance, quelle
que elle soit, sur tant que envers nous se peuent (sic) meffaire, ains,
pour greigneur seurté, facent ces dictes présentes, ou le vidimus d'icel-
les, que voulons estre d'une telle auctorité comme l'original, publier où
il appartendra, si solemnelment que aucun n'y doyve prétendre igno-
rance; et, avecques ce, facent, ou facent faire commandement, de
par nous, audit président et à sesdiz clercs et commis, et à chacun
d'eulx, comme il appartendra, que, sur peine de confiscacion de corps
et de biens, ilz baillent et rendent toutes teles lectres et cédules qu'ilz
ont eues de nous, soient escriptes ou erî blanc, et aussi audit président
qu'il rende nos diz joyaulx, pour tout nous envoyer, parmi prenant,
au regard d'iceulx joyaulx, par ledit président, assignacionetappoinc-
tement seur et soufflsant de ce seulement qu'il monstrera lui estre
loyaument deu à celle cause et qu'il auroit preste dessus lesdiz joyaulx,
sans en avoir esté restitué; en contraignant, en cas de refïus, lui et
sesdiz clercs, chacun comme à lui touchera, à ces choses faire et
fournir, par arrest de leurs personnes et autrement, comme la matière
bien le requiert, car ainsi le voulons. En tesmoing desquelles choses
nous avons fait mectre nostre scel à ces présentes. Donné à Poictiers,
le ye jour de juillet, l'an de grâce mil CCCC vint et cinq. Ainsi signé
par le Roy, en son conseil, ouquel la royne de Secile, le maréchal de
La Fayette, le grant maistre d'ostel, l'admirai, le premier président
et plusieurs autres du parlement estoient. J. Le Picart. Et au doz
d'icelles estoit escript : « Lecta et publicata ac etiam registrata Picta-
vis, in parliamento regio, Xir die Julii, anno Domini M» GCCC° XW".
« BLOIS. »
(Xia 8604, f 76 v»-77. Copie dans le Ms. Fr. S963, [Legrand, Hist.
manusc. de Louis XI], P^ 3-5.)
Louvet se rendit d'abord à Avignon, puis dans sa seigneurie de
Mirandol (Mérindol). Sa réponse à l'huissier d'armes, qui vint lui signi-
fier la révocation de ses pouvoirs, est datée de Mérindol, 16 août 1423.
Cette réponse est fort curieuse. Louvet y prend un ton soumis à
l'égard du roi, mais d'ailleurs assez hautain. Il rend les pouvoirs
relatifs aux finances et aux alliances; quant aux lettres « louchans
son faict particulier, il ne les rend point, pour ce qu'elles ne touchent
chose qui 'puisse porter préjudice au faict du roy, et sont au faict du
dict président et de telles ne se peut aider que devant le roy, ses
commis ou officiers, et, quand il s'en aidera, si elles sont raisonnables
ou non raisonnables, le roy en ordonnera à son plaisir. » Il finit en
suppliant « très humblement au roy qu'il lui plaise l'avoir toujours
en sa bonne grâce, comme sa très humble créature, qui l'a servi léale-
ment de tout son povoir, et, pour avoir ce fait, en est en dangier de
sa personne; et, s'il a eu des biens du roy, il les a emploicz pour lui
et despendus à son service, etc. » (Fr. 6965, ou Legrand, VI, f<»» 3-8.)
MO APPENDICES
Louvet et sa femme eurent, leur vie durant, des pensions considé-
rables et reçurent, en outre, des libéralités du roi, Louvet revint
même, dans la suite, auprès de Charles VIL II l'accompagna, en 1437,
au siège de Montereau et à Paris (Pièces orig., t. 1763, dossier Louvet,
n" 40822.)
Les autres conseillers éloignés en même temps que Louvet ne furent
pas oubliés davantage.
Voir sur G. d'Avaugour : Pièces orig., t. 132, dossier Avaugour;
Fr. 7838, f°s 339-340.
Sur J. Cadart, voyez : Clairamb., t. 24, f" 1713; K 68, n» 44.
Sur P. Frotier, premier écuyer de corps et maître de l'écurie du
roi, voyez : Pièces orig., t. 1253, dossier Frotier, et KK 33, f" 133. Il
rentra plus tard en faveur, mais sans jouer un rôle remarquable.
Tanguy du Châtel, capitaine et viguier de Beaucaire, eut encore un
rôle important durant toute sa vie, qui fut longue, et conserva toujours
la faveur du roi (Fr. 26048, no 306).
Regnault de Chartres reçut, le 7 août, une pension de 2 300 1. t. sa
vie durant, en récompense de ce qu'il avait laissé la charge de chan-
celier à Martin Gouges, sur les instances du connétable (P 2298,
fos 367-371 ; Xi" 8604, f^^ 79 v et 80). Le même jour, le roi donna
encore à Regnault de Chartres la ville, le château et la châtellenie de
Vierzon, pour une somme de 16 000 1. t. qu'il lui devait (X>a 8604,
fos.79.8O).
Quant au bâtard d'Orléans, qui avait suivi J. Louvet, son beau-
père, il partagea momentanément sa disgrâce. Il fut remplacé, comme
capitaine du Mont-Saint-Michel, par Louis d'Estouteville, que Riche-
mont fit nommer le 2 septemlîre 1423. Dès le 3 août, le roi avait
ordonné au lieutenant du bâtard d'Orléans de ne laisser entrer, sous
quelque prétexte que ce fût, dans cette forteresse, ni lui ni aucun des
siens (voir la Chron. du Mont-Saint-Michel, édit. S. Luce, p. 208-210,
223-224, 233-233). Toutefois la disgrâce du bâtard d'Orléans ne fut
pas de longue durée, et il revint bientôt auprès du roi.
XXY
LETTRE DE RICHEMONT AUX LYONNAIS (1425, 28 juillet)
[p. 101, 104, 185].
A noz très chiers et bien amez les conseillers^ bourgois et habitans
de Lyon.
Très chiers et bien amez, nous avons esté pieça assignez sur l'aide
derenier mis sus a Lyon, de la somme de mil livres tournois, dont
nous n'avons encores eu aucun paiement, et s'excuse le commis à
recevoir ledit aide, disant que l'argent est encore deu en ladite ville
et quil n'en puet recouvrir deniers. Si, vous prions très acerles que,
ou cas que ledit aide ne soit encores paie en ycelle ville, vous le
vueillez faire avancer, afm que nous puissons estre paiez de nostre
APPENDICES 811
dite assignacion, car nous en avons grant besoing, actendu les grans
frais que faire nous a convenu et convient chacun jour, pour le bien
de monseigneur le roy et de sa seigneurie, comme assez povez savoir;
et en ce vous nous ferez un très grant plaisir; et, se chose voulez que
pour vous faire puissons, nous le ferons de bon cuer. Des nouvelles
de par de çà, nous, beau frère d'Estampes et les barons de Bretaigne,
Poictou, Berry, Auvergne et plusieurs autres, sommes venuz tous en-
semble devers monseigneur le roy, lequel nous a très joyeusement
receuz, et a donné congié à tous les serviteurs du président qui
estoient entour lui, et, se Dieu plaît, les besoingnes se appoincteront
si bien que ce sera le prouffit de mon dit seigneur et de tous ses bons
subgez et le relièvement de sa seigneurie. Très chiers et bien amez,
Nostre Seigneur soit garde de vous. Escript à Poictiers, le xxvm* jour
de juillet.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artdr.
Dijon.
(Archives de la ville de Lyon, AA. 77.)
XXVI
LETTRE DE RICHEMONT AUX LYONNAIS (1425, 30 juillet)
[p. 103, 106].
A noz très chiers et bien amez les gens d'Eglise, nobles, bourgois
et habitans du pais de Lyonnois.
Très chiers et bien amez, il a pieu à monseigneur le roy mander
pardevers lui madame la royne de Secile, nous et plusieurs autres sei-
gneurs de son sang et lignage, et autres barons et seigneurs de son
royaume, en très grant nombre, par l'advis et délibéracion desquelx
mon dit seigneur le roy a ordonné, pour faire cesser les pilleries et
roberies qui à présent sont sur ses subgez, toutes gens d'armes et de
trait estans sur les champs estre mis et tirés es pais de frontière et,
avec ce, certaines autres grans provisions, pour le fait de sa guerre et
recouvrement de sa seigneurie, et mander et assembler les gens des
trois estas de son obéissance, tant de Languedoil que de Languedoc,
estre pardevers lui, le premier jour d'octobre prouchain venant, en la
ville de Poictiers. Et espérons que es affaires du roy et de son
royaume sera mise cy (si) bonne provision que tous en serez joyeux; et
desja, la mercy Nostre Seigneur, sont les choses en très bonne disposi-
cion. Et, pour pourveoir aus dites choses et autres grans charges qu'il a
a présent à soustenir, jusques à ladite assemblée des trois estas, a or-
donné certain aide estre levé sur ses subgez, le moindre que on a peu
adviser. Et, pour ce que mondit seigneur le roy nous a baillé la
charge du fait de sa guerre et de faire vuider et cesser les dites pille-
ries, en quoy nous entendons emploier de toute nostre puissance et
512 APPENDICES
donner, à l'aide de Nostre Seigneqr, provision convenable, se, par
deffault d'avoir la finance que, pour ce faire, mondit seigneur nous a
ordonné n'estoit empeschié, nous vous prions très acertes que, le plus
brief que faire se pourra, vous faciez que la somme que, pour vostre
part et porcion du dit aide, vous est imposée, soit cueillie et levée, et
que en ce ne faciez aucun delay, afin que briefment nous puis-
sons faire vuidier et cesser les dites pilleries, qui tant sont à charge et
destruction de vous et d'autres bons subgez de ce royaume. Très
chiers et bien amez, Nostre Seigneur soit garde de vous, Escript à
Poictiers, le penultiesme jour de juillet.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artur.
Dijon.
(Archives de la ville de Lyon, AA, 77.)
XXVIl
LETTRE DE RICHEMONT AUX LYONNAIS (1425, 3 aOÛt)
[p. lOo, 106, 112],
A noz ti-ès chiers et bons amis les bailli, conseilliers, bourgois
et habitans de la bonne ville de Lyon.
Très chiers et bons arnis, nous avons pieça receu voz lettres par
Labarbe, porteur de cestes, par lesquelles avons sceu vostre bon vou-
loir, de quoy vous raercions. Et, pour ce que savons qu'estes désirans
de souvent oyr des nouvelles de par de ça, vueillez savoir que nous,
beaux frères d'Estampes et de Porhoet, ensemble les barons et sei-
gneurs de Berry, d'Auvergne, de Poictou, Bretaigne et plusieurs au-
tres, en très grand nombre, sommes, en conclusion, après plusieurs
troubles, venuz à Poictiers, devers monseigneur le roy, lequel nous
a recuellhz et receuz très joyeusement, faisant très bonne chière, et,
par son commandement et ordonnance, a fait vuidier et mectre hors
de son hostel aucune mauvaise semence que le président yavoit laissée,
congnoissant clèrement le mauvais gouvernement qu'il a eu par cy
devant, telement que, Dieu mercy, les choses sont, a présent, en très
bous termes, dont nous devons tous estre lyez et joyeux, ayant espé-
rance qu'elles continueront tousjours de bien en mielx. Pour quoy, ce
veant, mon dit seigneur, et que présentement il lui convient adviser
au recouvrement de sa seigneurie, mande présentement les troiz estaz
de son royaume à certain jour, comme pourrez savoir par ses lettres
que sur ce vous envoyé i, auquel jour vous prions bien acertes que de
vostre part n'y veuillez faillir. En actendant laquelle journée, pour
pourveoir à ce qui est nécessaire, tant pour le fait de Testât de mon
1. Voir les deux lettres du roi, publiées par M. de Beaucourt, dans son
Hist. de Charles VII, t. Il, 104-106.
APPENDICES 513
dit seigneur, comme pour le fait, de sa guerre, se met sus présente-
ment un aide, le plus légier que faire se peut, ainsi que pourrez plei-
nement savoir, par les lettres que mon dit seigneur sur ce vous es-
cript; a quoy vous prions aussi que, de vostre part, vueillez mectre
bonne diligence, comme povez savoir que besoing en est, en vous
acquictant et démonstrant tousjours la loyaulté et le bon vouloir que
avez eu au bien de mon dit seigneur, dont vous estes moult à louer et
recommander. Et vueillez tenir pour excusé le dit porteur, lequel nous
bailla voz lettres, adreçans à monseigneur de Bretaigne, lesquelles
nous lui envoyasmes, et l'avons tousiours fait demourer pour vous
porter la vérité et certaineté des dites nouvelles. Si, nous faictes sa-
voir des vostres, ensemble se cbose voulez que puissons, et nous la
ferons de bon cuer. Très obiers et bons amis, Nostre Seigneur soit garde
de vous. Escript à Poictiers, le tiers jour d'aoust.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artur.
Gilet.
(Arcbives de la ville de Lyon, AA, 77.)
XXVIIl
LETTRE DE CHARLES YJI AUX LYONNAIS (1425, 31 aOÛt)
(p. 105, 106).
A noz chiers et bien amez les bourgois, manans et habitons
de nostre ville de Lyon.
De par le Roy.
Chiers et bien amez, nous vous avons fait savoir, par nostre amé et
feai conseiller, maistre Gérard Blancbet, que, pour le fait de la guerre
et deffense de nostre Royaume, nous avons mis sus un aide, par déli-
béracion de plusieurs de nostre sang, de prellaz, barons et autres
gens de conseil, naguères assemblez devers nous, en nostre ville de
Poictiers, et que la somme de six mil cinq cens livres tournois, à quoy
estiez imposez, pour vostre porcion d'icellui ayde, vous meissiez sus
et paissiez hastivement, pour la baillier à noz trésoriers des guerres
et la convertir ou paiement des gens d'armes estanz en nostre service,
lesquelz, en espérance d'avoir icelle somme promptement, nostre très
chier et amé cousin, le conte de Richemont, connestable de France, a
mis et envoyez es frontières de par deçà, pour résister à noz ennemis
les Anglois, qui y sont en puissance; le paiement et souldoyment des-
quelz est très nécessaire à ce qu'ilz ne désempartent les dites frontiè-
res. Et, combien que ce doit mouvoir vous et touz noz autres subgiez
et vassaulx à libéralement et hastivement paier icellui ayde, toutes-'
foiz, comme entendu avons, n'avez encores paie que pou ou néant
du dit ayde et que vostre entencion est d'envoyer devers nous pour
avoir et demander rabaiz et diminuciou de la moitié de la dite somme
Richemont. 83
SI 4 ' APPENDICES
OU de partie, dont grant inconvénient se pourroit ensuir, et n'en
pourrions estre contenz, mesmement actendu la nécessité que avons
d'avoir la dite somme entièrement, qui desjà est assignée pour le dit
fait de la guerre; pourquoy nous vous mandons et expressément en-
joignons et commandons que, tous excusacions cessans, et sur quan-
ques amez le bien et conservacion de nous et de nostre royaume, et
sur paine d'encourir nostre indignacion, que, sans delay, vous paiez
au receveur sur ce ordonné, entièrement et sans diminucion, la dite
somme de VI"» Vc 1. t., en vous deffendànt que, pour ce, ne venez ne
n'envoyez devers nous, car aucun rabaiz ne delay n'en obtiendriez
de nous, veu la dite nécessité. S'ainsy le faittes, nous en aurons mé-
moire et vos afTaires en grant recommandacion. Donné à Poictiers, le
derrenier jour d'aoust.
Charles.
BUDE.
(Archives de Lyon, AA, 20, f» 16.)
XXIX ■
LETTRE DU COMTE DE RICHEMONT A P. BESSONNEAU, MAITRE DE
l'artillerie du roi (1425, 6 août)
(p. 109).
Chier et bien amé, pour ce que l'on doubte que les Anglois, après
ce qu'ils auront la ville du Mans, ne viengnent mectre le siège devant
Sablé, laquelle est mal garnie d'artillerie, comme entendu avons,
par quoy se pourrait ensuir la perdicion d'icelle ; nous vous mandons
et expressément enjoignons que l'artillerie qui sera nécessaire pour
la garde de la dicte ville de Sablé et que promptement pourrez re-
couvrer, vous bailliez et délivriez à nostre amé et féal conseiller et
chambellan le sire de Beaumanoir i, lequel nous avons ordonné à la
garde de la dicte ville, ou à ses gens pour luy. Et gardez bien qu'en
ce n'ayt faulte. Chier et bien amé, Nostre Seigneur ait garde de
vous *. Escript à Poictiers, le vi" jour d'aoust mccccxxv.
Artur.
Dijon.
(Pièces originales, t. 245, dossier Beaumanoir [5405], n" 119.)
1. Jacques de Dinan, seigneur de Beaumanoir.
2. G. fringant, dans son commentaire du Jouvencel, dit que P. Besson-
neau était « très noble et saige gentilhomme en son office et en toutes autres
où on le vouloit employer » (Ms. 3059, Histoire, à laBib. de l'Arsenal, f» 116).
Il avait été institué maître de l'artillerie le l""" octobre 1420. II se démit
■de ses fonctions en faveur de Gaspard Bureau, qui fut nommé le 27 dé-
cembre 1444 (Anselme, VIII, 135, 136, 140).
APPENDICES 51o
XXX
LE DUC DE BRETAGNE ORDONNE DE PAYER AU COMTE DE RICHEMONT
700 L. T. (1425, 13 novembre) [p. lll].
Jehan, par la grâce de Dieu, duc de Bretaigne, conte de Richement
et de Montfort, à Jehan Aleaume, receveur de la traitte de XX 1. t. pour
pippe de vin yssant des pays d'Anjou et du Maine, salut. Nous, con-
fians es loyaultez de nostre très chier et très amé frère; le conte de
Richemont, connestable de France, et nostre bien amé et féal conseiller
l^arcediacre de Rennes, yceulx assemblement ayons (sic) commis et
instituez veriffleurs des finances qui sont et seront levées à cause de
la dicte traitte, savoir faisons que, pour le salaire et labeur que en
ce ont eu et auront, es temps passé et advenir, nos diz frère et con-
seiller, et pour autres causes ad ce nous mouvans, à iceulx avons or-
donné la somme de VKXX 1. t., savoir est à nostre dit frère Vc livres
et à Tareediacre cent livres. Si, vous mandons que, des deniers que
avez receu et recevez de la dicte traitte, vous leur payez et baillez la
dicte somme, en la manière dessus dicte. Gardez qu'il n'y ait faulte,
car ainsi le voulons, non obstant quelxconques ordonnances ou def-
fenses à ce contraires. Et ces présentes, avecques la quictance perti-
nente vous vauldront de ce acquit et descharge, touteifois que mestier
en aurez. Donné à La Gacille ^, le xni° jour de novembre, l'an de
grâce mil quatre cens vingt-cinq. En oultre, vous mandons paier et
bailler à nostre dit frère, que lui avons ordonné pour faire mectre en
appareil certain nombre d'archers, la somme de II'' 1. t. oultre les
dictes V* 1. ; et ces présentes, à relacion pertinente, vous en vaudront
acquit. Donné comme dessus. Godart.
Par le duc :
(Sans signature.)
Par [e duc et de son commandement, messire Jehan
de Kermellec, le doien de Nantes et autres présens.
GODART.
(Fr. 26048, n° 508.)
XXXI
QUITTANCE DE JEAN DE CHATEAUGIRON, ARGENTIER DU CONNÉTABLE
(1425, 7 décembre) [p. lll].
Je, Jehan de Chateaugiron, argentier et secrétaire de monseigneur
le conte de Richemont, connestable de France, confesse avoir eu et
receu de Jehan Aleaume, receveur de la traicte de XX s. t. pour pippe
1. La Gacilly, arrondissement de Vannes.
816 APPENDICES
de vin yssant des. pais d'Anjou et du Mayne, la somme de sept cens
livres t. que le duc, mon souverain seigneur, a donnez et ordonnez à
mon dit seigneur, ainsi qu'il appert par ses lettres patantes, données
le xuie jour de novembre mil quatre cens vingt et cinq, et pour
les causes contenues en icelles. De laquelle somme de sept cens 1. t.
je me tiens dudit receveur pour content et bien paie, et promet l'en
aquicter envers mon dit seigneur le connestable. Tesmoign mon signé
manuel et signet mis à ses présentes, le vii« jour de décembre mil
quatre cens vingt et cinq. De Chateaugiron,
Voir est de sept cens livres tournois.
(Fr. 26048, n" 523.)
XXXII
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1425, 15 OCtobre)
(p. 112).
A noz très chiers et bien amez, les conseilliers, bourgois
et habitans de la ville de Lyon.
Très chiers et bien amez, pour la nécessité et très grant besoing
qu'avons présentement afaire d'argent , pour entretenir les gens
d'armes et de trait qui sont en grant nombre en la frontière, lesquelz
n'eurent, deux moys a, un seul denier de leurs gaiges, nous en-
voyons présentement par devers Jehan Paumyer, commis à recevoir
l'aide à Lyon, nostre très chier et bien amé escuier, Morice de Kar-
loeguen, trésorier de noz finances, pour avoir l'argent dicellui, pour
aider à contenter les dites gens. Si, vous prions très acertes et sur
tout le plaisir et service que voulez faire à mon dit seigneur le Roy
et à nous, que vous soiez aidens et confortens audit Paumyer à se
faire paier dudit aide et que vous lui vueillez incontinent paier la
part et porcion en quoy vous avez esté tauxés d'icelluy, affln que l'ar-
gent en soit converti en ce que dessus est dit, et que en ce ne vueillez
faillir, car, en bonne foy, nous savons de vray, se faulte y avoit, que
tous les gens d'armes et de trait qui sont en la frontière d'Anjou et
du Maine désampareront les places qu'ils ont en garde et gouverne-
ment, qui seroit la perdicien totale dudit pais. Et à ceste cause pour-
roient ensuir plusieurs autres inconvéniens inrepairables à mon dit
seigneur le Roy et à sa seigneurie, que Dieu ne vueille; laquelle chose
nous croions certainement que ne vouldriez pour riens. Si, vous prions
de rechief que à cest besoing ne vueillez faire faulte. Très chiers et
bien amés, s'aucune chose voulez, que faire puissons, faictes le nous
assavoir et nous le ferons volentiers, priant Nostre Seigneur qui vous
ait en sa saincte garde. Escript à Angiers, le xv« jour d'octobre.
Le conte de Richemont,
Connestable de France.
Artur.
Channay.
(Arch, de la ville de Lyon, AA, 77.)
APPENDICES 817
XXXIII
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1425, 24 OCtobre) [p. 112].
A noz très ckiers et bien amez, les conseillers, bourgois, manans
et habitons de la ville de Lyon.
Très chiers et bien amez, monseigneur le roy envoyé présentement
par delà nostre amé et féal conseillier, Guillaume Charrier, son se-
crétaire, pour le fait et avancement de l'aide à lui octroyé, en ceste
ville de Poictiers, par les gens des trois estas de son obéissance de
Languedoil, à l'assemblée par eux pour ce faite en ceste ville de Poic-
tiers, lequel nous avons chargié vous dire sur ce aucunes choses de
par nous. Si, vous prions que icellui vueilliez oir et croire de tout ce
qu'il vous dira de nostre part, touchant ceste matière, et en ce lui faire
et donner, pour le bien de mon dit seigneur, tout l'aide, conseil et fa-
veur que vous pourrez. Très chiers et biens amez, Nostre Seigneur
soit garde de vous. Escriptà Poictiers, le xxini« jour d'octobre.
Le conte de Richemont,
Connestable de France.
(Sans signature.)
Dijon,
(Arch. de Lyon, AA, 77.)
XXXIV
LETTRE DU COMTE DE SALISBURY A JEAN SALVAIN, BAILLI DE ROUEN
(1426, 1" mars) [p. 118, note 3].
Pierres Poolin, lieutenant général de noble homme, monseigneur
Jehan Salvain, chevalier, bailli de Rouen et de Gisors, au viconte du
Pont de Larche ou à son lieutenant, salut. Nous avons au jour duy
receues les lectres de hault et puissant seigneur, monseigneur le conte
de Salisbury et du Perche, cappitaine général, de par le roy nostre
sire, et lieutenant sur le fait de la guerre de monseigneur le régent
le royaume de France, duc de Bedford, dont la teneur ensuit :
Thomas de Montagu, conte de Sahsbury et du Perche, seigneur du
Moinhiomier, (?) cappitaine général de par le roy, nostre sire, lieute-
nant, sur le fait de la guerre, de monseigneur le régent le royaume de
France, duc de Bedford, au bailli de Rouen et de Gisors, ou à son
lieutenant, salut. Comme, par noz autres lectres patentes, vous ayons
aaguères mandé que, es lieux de vostre dit bailliage acoustumez à
faire crys, feisses cryer publiquement que tous nobles et autres qui
ont acoustumé eulx armer et êuyr les guerres fussent prestz de ve-
nir devers nous, montés et armés soufOsant, dedens deux jours, après
ce que l'en leur feroit savoir, par cry publique, ou aultrement, pour
518 APPENDICES
résister à l'entreprinse des ennemis et adversaires du roy nostre dît
sire, qui, dès lors, estoient assemblez à grant puissance; et, combien
qu'il fust nouvelles que les diz adversaires estoient conclus de venir
courre sur ce présent siège, que tenons devant La Ferté-Bernard,
prétendans lever icelui, et que nostre entencion fust de les attendre,
nous avons seu nouvellement que les dizennemjs ont prins autre con-
clusion et se sont avallés es basses marches de Normendie et mis
siège devant la place de Saint-James de Brevon, laquelle, par l'or-
donnance du roy, nostre dit sire et de monseigneur le régent, avoit
naguères esté fortifiée, pour tenir frontière contre iceulx ennemys, à
rencontre desquels, par le moien de l'aide de Dieu, nostre créateur,
et des bons et loyaux vassaus du roy nostre dit sire, pour le bien de
sa seigneurie, nous pensons résister à toute puissance et sommes
conclus de les combatre, se attendre nous veuUent, et en ce exposer
nostre personne et choses quelconques, au plus brief que pourrons
joindre et aprocher des diz ennemys, et ad ce présent siège mectre
ordonnance, pour icellui entretenir soufflsant, jusques à nostre dit re-
tour; pour laquelle chose conduire plus seurement il est besoing
d'avoir en nostre compaignie grant puissance de gens et que chacun
noble et autres fréquentant les guerres y vacque et s'y expose, pour
la defFense du pays, sans aucune dissimulacion ; pour quoy nous,
vouUans à ce pourvoir, nous vous mandons, commandons et enjoin-
gnons expressément, de par le roy nostre dit sire, monseigneur le
régent et nous, -que incontinent ces lectres par vous receues, vous
faciès cryer et publier, à son de trompe, se mestier est, par tous les
lieux de vostre dit bailliage acoustumez à faire cris, que tous les diz
nobles et autres d'icellui bailliage, qui ont acoiistumé eulx armer et
suir les guerres, de quelque nacion qu'ilz soient, ensemble à tous
cappitaines des villes, chasteaux, ou forteresses, les places deuement
garnies, tellement qu'ilz soient en seurté, soient devant vous, dedans
tel et sy brief jour que vous, en vostre personne, et les diz nobles,
cappitaines et autres dessus -dis soyes devers nous, en la ville d'Ar-
genten, ou autre lieu, quelque part que soyons, es basses marches
de Normandie, dedens de merquedi prouchain venant en quinze jours,
montés et armés soufflsant, avec le plus grant nombre de gens que
vous et eulx pourres flner, sur paine de conflscacion de corps et de
biens, et nous certiffier souffisans, audit jour, du nombre et des noms
des diz nobles et autres et de tout ce que fait en aures, affln deue; et
gardez que delFault n'y ait. Donné au siège devant La Ferté-Bernard,
le premier jour de mars, l'an mil CGGC vingt et cinq.
Pour le contenu es quelles lectres dessus escriptes acomplir, nous
vous mandons et chargons que icelles lectres vous faciès crier et
proclamer par tous les lieux de vostre dicte viconté, acoustumez à faire
crys et pubUcacions, en faisant ou faisant faire commandement exprès
à tous les nobles et autres de vostre dicte viconté et ressort, qui ont
acoustumé à poursuir armes et suir les guerres, de quelque nacion
qu'ilz soient, ensemble à tous cappitaines des villes, chasteaux ou
forteresses de vostre dicte viconté, les places demourant garnies telle-
ment qu'ilz soient en seurté, qu'ilz soient, lundi prouchain venant, à
APPENDICES 519
Rouen, devant mon dit seigneur le bailli, ou son lieutenant, montés
ou armés soufQsans, affîn d'aller devers mon dit seigneur de Salis-
bury, en la ville d'Argenten, ou autre lieu, quelque part qu'il sera,
es basses marches de Normandie, dedens du jour dui en quinze jours,
avecques tout le plus grant nombre de gens qu'ilz pourront finer, sur
la paine desclairée es dictes lectres; en nous certiffiant deuement, au
dit jour de lundi, des noms des diz nobles et autres et de tout ce que
fait en aures, et mesmement de l'ordonnence par vous faicte ou fait
faire sur le fait de la publicacion des autres lectres de mon dit sei-
gneur de Salisbury, dont mencion est faicte es lectres dessus escrip-
tes, affm de soutenir et ensuir mon dit seigneur de Salisbury, à l'affin
desclairée en ses dictes lettres. Donné à Rouen, le vi^ jour de mars^
l'an de grâce mil CCCG vingt et cinq.
(Fr. 26049, n" 554; voir aussi les n"» 537 et 559.)
XXXV
CONVOCATION DES ÉTATS A ANGERS (1426, l'^'" EVril)
(p. 122).
A nostre très chier et honoré seigneur, le sire de Maulevrier i.
Très chier et très honoré seigneur, plaise vous savoir que nous avons
ensemble advisé que, considérées les grans mutacions et nouvelletez
qui continuellement adviennent en ce royaume, est nécessité, pour le
bien du roy et de ce pais, de assembler ensemble les estaz de ce dit
pais et espéciallement les nobles, pour advertir et avoir avis que est
de faire, à obvier et pourveoir aux inconvéniens et doramaiges qui,
par défault de bonne provision, se pourroient en brief ensuir; à quoy
chacun est tenu et doit avoir l'eul, en toute diligence, pour le bien de
soy mesmes et pour la salvacion du pais; si, vous prions, tant acertes
que plus povons, qu'il vous plaise venir et estre en ceste ville d'An-
giers au samedi prouchain, après quasimodo, qui sera le xiw^ jour de
ce présent mois d'avril, auquel jour les prélaz, nobles et autres de ce
pais sont mandez y estre; et vous ferez le bien, honneur et prouffit de
vous mesmes et de tout le pais. Si, n'y veuUez faillir, car, en si haulte
chose et qui si grandement vous touche, ne vouldrions besoigner
sans vous. Très chier frère et honoré seigneur, Messire vous ait en sa
sainte garde. Escript à Angiers le premier jour d'avril (1426).
Le conte de Vendosme, l'évesque d'Angiers, les seigneurs de Maillé
et de Montjehan et les gens du conseil de la royne et du roy de Secile
estans à Angiers. (X-" 21, f»» 47 v», 48.)
1. Le seigneur de Maulevrier (Fr. de Montberon) était alors en procès
avec Boussac. 11 devait venir rejoindre le connèlable, avec des gens
d'armes. Il obtint du parlement un sursis. (X*» 21, fos 46 v», 47 )
520 APPENDICES
XXXVI
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1426, 10 mai) [p. 127].
A noz très chiers et bons amis, les seneschal, conseillers et bourgois de
la bonne ville de Lyon.
Très chiers et bons amis, pour les très grans affaires que présente-
ment avons pardecà, pour le bien de monseigneur le roy et de sa
seigneurie^ en quoy ne nous est pas possible d'employer sans avoir
argent, nous vous prions que, à toute diligence, faictes lever et
cueillir le reste des deniers de nostre assignacion sur vous, par le re-
ceveur ad ce commis, en y tenant la main et vous employant telement
que briefment les puissons avoir et recevoir et que, par le dit rece-
veur, nous soient envoyez le plus hastivement que faire se pourra,
ainsi que lui escripvons et que de ce en vous avons parfaite fiance. Au
surplus, nous faictes savoir de voz nouvelles et, se chose voulez que
puissons, nous la ferons de bon cuer. Très chiers et bons amis, Nostre
Seigneur vous ait en sa saincte garde. Escript à Chinon. le x« jour de
may.
Le conte de Richemont,
Connestable de France ,
Artur.
Gilet.
(Arch. de Lyon, A A, 77).
XXXVII
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1426, 6 OCtobre)
[p. 127, 133, note 2].
A noz très chiers et bons amis, les conseillers de la ville de Lyon.
Très chiers et bons amis, nous avons receu voz lettres, veu le con-
tenu d'icelles et oy la créance par Raoulin de Mascon, vostre procu-
reur; sur quoy vueillez savoir que, quant ad ce que par icelles nous
rescripvez, que la somme sur vous imposée de l'aide derrenièrement
mis sus par monseigneur le roy soit modérée à moindre somme,
nous nous en rapportons aux commissaires ordonnez et envoyez par-
delà, pour ceste cause, et serons bien joyeulx et contens qu'ils vous en
rabatent et quilz y facent modéracion telle qu'en doyez estre contens;
et y tendrons voulentiers la main, car, quant à nous, en ce et autres
choses, vous vouldrions complaire, mais mon dit seigneur nous y a
assigné de la somme de XXlfc f. pour le fait de la guerre, laquelle
il nous convient avoir en grant scellerité, pour convertir et employer
au dit fait; à quoy ne povons riens exploicter, sans avoir ladite somme
APPENDICES 521
et autres, que ne povons avoir ne recouvrer si tost que voulsissions
bien. Si, vous prions que la dite somme de XXIIc f. vueillez faire
cueillir et recevoir, pour envoyer par-devers nous, le plus tost que
faire se pourra, en nous faisant savoir se chose voulez que puissons, et
nous la ferons de bon cuer. Très chiers et bien amez, Nostre Seigneur
soit garde de vous. Escript à Saumur, le vi* jour d'octobre.
Le conte de Bichemont,
Connestable de France,
Artdr.
Gilet.
(Archives de la ville de Lyon, AA, 77.)
XXXVIII
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1426, 23 novembre)
[p. 127].
A nos très chiers et bons amis, les conseillers de la ville de Lyon.
Très chiers et bons amis, combien que, par plusieurs fois, nous aiez
escript que vous feriez tant que serions paie de toutes noz assigna-
cions, rnoyennant certaines lettres que, à vostre requeste, feismes
obtenir de monseigueur le roy, pour contraindre certains marchans
de Lyon à vous paier certaine somme d'argent, sur quoy nous deviez
paier les Vc f. de nostre assignacion derrenière, incontinent que
pourriez avoir lesdites lettres; et néanmoins que les vous ayons en-
volées, n'en pouvons estre paie et en devez encores environ IIIIc f.
Aussi, de nostre assignacion précédent, dont vous avions remis et
rabatu, de II"» lie XIIII'' f., parmi ce que pairiez le surplus à ceste
Saint-Michiel, riens n'avez fait, comme avons sceu par Ligier, nostre
serviteur; de quoy nous sommes tant desplaisant et mal content que
plus ne pouvons, et, puisque ainsi est que paie n'avez le reste dudit
rabais, nostre entencion est que ledit rabais soit de nule valeur, et
d'estre paie de toute ladite somme de XXIIc f. et des despens faiz eu
la poursuite, par nostre dit serviteur Ligier, tant pour la response (des-
pence?) par lui faite des seaulx, en la chancellerie, de vos dites let-
tres, comme autrement. Si, nous vueillez paier et contenter des dites
sommes de IIIlc et de II'» 11° telement que n'ayons cause d'y procéder
par autre manière à vostre desplaisance, et telement que nostre dit
serviteur, porteur de cestes, n'ait plus cause d'en retourner par de-
vers nous, car il nous desplaist bien du délay qu'en ce nous faites.
Nostre-Seigneur soit garde de vous. Escript à Chauvigny, le xxiiio jour
de novembre.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artur.
Gilet.
(Arch. de Lyon, AA, 77.)
APPENDICES
XXXIX
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1427, 20 janvier)
[p. 127, 129].
A noz très chiers et bons amis, les bourgois et habitans
de la ville de Lyon.
Très chiers et bons amis, austrefoiz vous avons escript que nous
voulsissiez payer de la reste de nostre assignacion, dontjapiéça fusmes
assignez sur vous, pour le fait de la guerre, à quoy jusques cy avez
tousiours différé, dont nous donnons grant merveille. Et, pour ce que
par le retardement dudit payement, le fait de la guerre pourroit de-
mourer, dont inconvénient pourroit ensuir, ou préjudice et dommage
de monseigneur le roy, de vous et de ses autres subgez, que Dieu ne
vueille, nous vous prions tant que plus povons, que l'argent de nostre
dite assignacion, incontinent ces lettres veues, vueillez bailler et déli-
vrer à Ymbaut de Bleterans, porteur de cestes, pour icelui apporter
ou envoyer par devers nous, et vous nous ferez très grant plaisir. Et,
au surplus, vueillez oir et féablement croire ledit Ymbaut de ce qu'il
vous dira de par nous. Très chiers et bons amis, Nostre Seigneur soit
garde de vous. Escript à Moulins, le xx^ jour de janvier.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artur.
Chevalier.
(Arch. de Lyon, AA, 77.)
XL
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1427, 28 février) [p. 127].
A noz très chiers et bons amis, les conseilliers de la ville de Lyon.
Très chiers et bons amis, vous savez que despieça monseigneur le
roy, pour le fait de la guerre, nous fist assigner, à Lyon, sur la por-
cion de l'aide à lui octroyé à Poictierâ, à l'assemblée des gens des
trois estas de son obéissance, de certaine somme de deniers, dont
nous est deu en ladite ville de Lyon, la somme de deux mil deux cens
livres tournois, sur quoy nous, estans, derrenier, à Montluçon, avons
parlé aux ambaxeurs d'icelle ville, qui estoient venuz audit lieu, par
devers mondit seigneur, lesquelx nous ont promis de faire leur povoir
qne nous serions payez de ladite reste de II'" IJc livres t. Et, avec-
ques ce, avons esté assigné audit lieu, sur la porcion de l'aide derre-
nier octroyé, de certaine somme d'argent, dont se doit prendre, sur
ycelle ville, la somme de cinq cens livres tournois et le surplus sur
APPENDICES 523
le plat pais. Et pour ce que, pour le très grant bien et évident
proufflt de mondit seigneur et de sa seigneurie, nous est besoing et
nécessaire de recouvrer promptement argent, nous envolons pré-
sentement pardelà nostre amé et féal secrétaire de mondit seigneur
et nostre maistre Jehan de Dijon, pour recouvrei ce qui nous est deu
à cause desdites assignacions. Si, vous prions très acertes, sur tant
que amez le bien de mondit seigneur et de sa seigneurie et que nous
désirez faire plaisir, que de tout ce qui nous est deu en ladite ville,
tant dudit aide de Poictiers comme de celui de Montluçon, vous nous
vueillez faire paier et contenter, en tele manière que ledit de Dijon
puisse hastivement faire apporter ledit argent pardevers nous, en
adioustant foy et créance à ce qu'il vous dira sur ce, de nostre part.
Et par lui nous faites savoir se chose voulez, et nous le ferons de bon
cuer. Très chiers et bons amis, Nostre Seigneur soit garde de vous.
Escript à Bourge, le derrenier jour de février.
Le conte de Richemont,
Conncstable de France,
Artur.
Gilet.
(Arch. de Lyon, AA, 77.)
XLI
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1427, 12 juin)
[p. 127, 133, note 2].
A noz très chiers et bons amis, les conseilliers de la ville de Lyon.
Très chiers et bons amis, nous avons seau par Dijon l'appointement
qui lui avez offert, touchant le reste de deux mil deux cens frans à nous
deuz en la ville de Lyon, à cause de l'assignation que y avions, sur l'aide
octoyé à Poictiers, en octobre mil CCCC XXVI, qui nous a semblé bien
pou de chose, considéré la longueur du temps que nous avons actendu
et les petites charges que avez, au regart des autres subgez de mon-
seigneur le roy '. Toutesfoiz, pour ce que nous vouidrions tousjours,
à nostre povoir, supporter les subgez de mondit seigneur le roy et
mesmement ceulx de ladite ville de Lyon, actendu aussi les
autres grans charges que avez eues à supporter, ainsi que ledit Dijon
nous a rapporté, et aussi pour la grant nécessité que avons d'avoir
promptement finance, pour nous acquicter envers plusieurs personnes
auxquelz nous sommes tenuz et obligiez, espérans que, une autre foiz
nous aiderez plus avant, avons esté et sommes contens dudit appoinc-
tement. Si, vous prions que, en ce que avez promis, par ycelluy ap-
pointement, n'y ait point de faulte, comme promis l'avez, car autre-
ment nous y aurions très grant dommaige, et aussi aurez vous; car,
1. La ville de Lyon offrait de payer 800 1. t. à la Saint-Michel, au lieu
do 2 200 1.
524 APPENDICES
se faulte y a de vostre part, le dit appoinctement sera nul, et trouve-
rons manière d'estre paie tout au long, par raison et justice. Très chiers
et bons amis, Nostre-Seigneur vous ait en sa saincte garde. Escript à
Poictiers, le xn" jour de juing.
Le conte de Richemont,
Connestable de France.
Artur.
Gilet.
(Arch. de Lyon, AA, 77.)
XLII
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1427, 13 juin)
[p. 127, 133, note 2].
A noz très chiers et bons amis, les séneschal, conseillers et bourgois
de la ville de Lyon.
Très chiers et bons amis, nous avons sceu, par le rapport de nostre
bien amé Pierre Auffroy, receveur de l'ayde en Lyonnois, la grant
cure et bonne diligence qu'e avez prinse et faite à l'avancement
du paiement de nostre assignacion, tant à l'expédicion de justice,
où besoing a esté, comme autrement; de quoy vous mercyons, et vous
prions de bien en mieulx y continuer et persévérer, comme en vous
en avons parfaite confiance, en conseillant et confortant en nostre
faveur ledit receveur sur tout ce qu'il aura à faire, touchant le fait de
sadite recepte, par manière que briefment puissons avoir et recouvrer
ce qui nous est deu de nostre dite assignacion, pour emploier et con-
vertir en certaines entreprinses, que avons entencion de bien briefment
mectre sus, pour le bien de mondit seigneur le roy et recouvrement
de sa seigneurie *, en quoy ne nous est pas possible d'emploier sans
avoir ledit argent. Si, en faites telement, à ceste foiz, que en doiez
estre recommandez de bonne obéissance et que n'en puissez avoir
blasme ou reprouche à vostre charge; et vous nous ferez singulier
plaisir. Et, se chose voulez que puissons, faites la nous féablement
savoir, et nous la ferons de bon cuer. Très chiers et bons amis, Nostre
Seigneur soit garde de vous. Escript à Poictiers, le xm^ jour de juin.
Le conte de Richetnont^
Connestable de France,
Artur.
Gilet.
(Arch. de Lyon, AA. 77.)
1. Sans doute le ravitaillement de Montargis (voir p. 295 et suiv.).
APPENDICES 525
XLII bis
LETTRE DU CONNÉTABLE AUX LYONNAIS (1427, 8 aOÛt) [p. 127].
A noz très chiers et bons amis, les conseilliers de la ville de Lyon.
Très chiers et bons 'amis, nous avons receu voz lettres par nostre
serviteur Ligier, porteur de cestes, par lesquelles, et aussi par ledit
Ligier, avons sceu la peine et bonne diligence qu'avez prins et prenez
chacun jour, afin de nous contenter et payer entièrement de ce que
nous devez, par assignacion, et le bon vouloir et affeccion que démons-
trez avoir envers nous, dont nous vous mercions tant que pluspovons,
vous priant que adès vous y vueillez emploier et labourer, en ce qui
sera possible, et avoir noz besongnes et affaires pour recommandées,
ainsi comme en vous en avons nostre parfaicte seurté et fiance. Et,
quant à l'empeschement que vous donne Benard Jacob de non paier
ce qui vous doit, ledit Ligier porte pardelà toutes telles lettres qu'il
appartient, pour le contraindre et faire venir à raison. Si, vous prions
que, en bonne dilligence, le contraignez, par manière que nostre deu
puissons avoir, le plus tost que faire se pourra, ainsi que bien
besoing nous en est, et comme vous dira ledit porteur. Au surplus,
nous vous prions d'avoir pour recommandé Pierre Auffroy en l'office
du receveur de ce présent aide, ainsi que darrenierement lui fut pro-
mis à Montluçon, en le portant et soustenant oudit office, par ma-
nière qu'il congnoisse nostre prière envers vous, et vous nous ferez
très grant plaisir. Et s'aucune chose vouliez que puissons faire, faites
la nous savoir, et nous la ferons de bon cuer. Très chiers et bons
amis, Nostre Seigneur soit garde de vous. Escript à Montrichart % le
viii« jour d'aoust.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artcr.
Gilet.
(Arch. de Lyon, AA, 77).
XLIII
ALLIANCE CONCLUE PAR LE CONNÉTABLE DE RICHEMONT
AVEC LE COMTE DE FOix, JEAN i*"" (1427, 6 janvier) [p. 130].
Nous, Artur, filz de duc de Bretaigae, conte de Richemont, connes-
table de France, jurons et promectons, par les foy et serment de nos-
tre corps, que, au bien du roy, nous serons bon ami à nostre cousin
1. Arrondissement de Blois.
52d appendices
le conte de Foix, son bien garderons et pourchacerons , son dom-
maige escheverons, et de nostre povoir, avecques lui ensemble et d'un
commun accord, au bien du roy et de sa seigneurie nous employe-
rons; et, pour ce que on dit aucunes aliances estre entre nous, le duc
de Bretaigne et nostre frère le conte d'Armignac, esquelles nous som-
mes comprins, ou cas que nostre dit frère le conte d'Armignac, ou nostre
nepveu le conte de Perdriac, son frère, feroit guerre à nostre dit cou-
sin de Foix, nous ne servirons ne aiderons yceulx noz frère et nepveu
d'Armignac et de Perdriac contre nostre dit cousin de Foix, sinon par
le conseil de la royne de Secille et de nostre frère, Charles de Bour-
bon, conte de Clermont, et de leur commun assentement, supposé
que leurs personnes ne feussent ensemble ; le conseil des quels avons
promis tenir et ensuir, et ils ont promis et juré nous bien et loyau-
ment conseiller et à nostre honneur. En tesmoing de ce, nous avons
signé ces lectres de nostre main et à icelles fait mectre nostre scel.
Donné à Montluçon, le vi» jour de janvier, l'an mil CCCC vint et six.
Artur.
(Arch. des Basses-Pyrénées, E 434. Original sur parchemin.)
XLIV
LETTRE DU COMTE DE RICHEMONT A LA DAME DE SALtGNY
(1427, 13 mars) [p. 134].
En suscription : A ma très chiêre etamée cousine, la dame de Sàligny.
Très chière et amée cousine, j'ay receu vos lectres et veu le contenu
d'icelles, et en tout ce que je sauray à vous estre prouffîtable et
agréable je me y emploiray de bon cuer. Et, quant à vostre place de
Chastillon, j'ai trouvé manière par laquelle, au plaisir Dieu, elle sera
briefment en voz mains; car, combien que par deçà ait eu moult de
troubles et empeschemens, néantmoins, la mercy Nostre Seigneur,
les choses sont à présent en bonne disposicion, espérant icelles pren-
dre bonne conclusion. Et est à présent vostre nepveu de Chalançon
premier chambellan de monseigneur le roi, en l'office que souloit
tenir feu Gyac, et est ung des principaulx d'entour mondit seigneur;
par quoy j'espère que les choses, à l'aide de Dieu, sortiront bon
effect. Si, me vueillez souvent faire savoir de voz nouvelles, ensemble
se chose voulez que je puisse, pour l'acomplir de bon cuer.
Très chière et amée cousine, Nostre Seigneur soit garde de vous.
Escript à Bourges, le xui^ jour de mars.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artur.
Chevalier.
(Fr. 2920, f» 2, original sur papier. Voir aussi le Bulletin de la Soc.
archéol. de Nantes, t. VIII, p. 240.)
APPENDICES 827
XLV
PRÉPARATIFS DU SIÈGE DE PONTORSON (1427) [p. 134].
Nous, Richart de Beauchamp, conte de Warewyk et d'AumalIe, sei-
gneur le Despensier et de Lisle, capitaine et lieutenant général du
roi et de monseigneur le régent le royaume de France, duc de Bed-
ford, par tout le royaume de France, certiffions que, pour le fait du
siège de Pontorson, ont esté baillées et distribuées, par Jehan Harbo-
tel, escuier, maistre des ordonnances de l'artillerie de mondit sei-
gneur le Régent, les artilleries et habillemens de guerre qui ensuivent,
c'est assavoir : deux mil deux cens livres de pouldre à canon; item,
six milliers cinq cens de trait commun; item, deux milliers cinq
cens de dondaines * ; item, quatre milliers deux cens cinquante des
dictes dondaines; item, trante huit panais 2; item, douze panais, qui
furent emprumptez à Rouen; item, quatre panaisines ^; item, ung
falot; item, cent tourteaux; item, quarante-cinq sarpes à bois; item,
quinze congnées à fendre bois; item, deux engins à poulies doubles;
item, trois engins sangles; item, soixante livres de fil d'envers; item,
trente livres d'acier; item, douze cens livres de fer d'Espaigne; item,
quatre cens pelés, c'est assavoir un cent de ferrées et trois cens non fei'-
rées; item, deux cens quarante picquoiz; item, mil toises de cordaige ;
item, ung grant chable; item, cinq cens fusées; item, trois cens qua-
rante maillez de plom; item, douze lanternes et cinq arbalestre's rom-
pues et cassées. Toutes lesquelles artilleries et habillemens dessusdiz
ont esté baillées et distribuées par ledit maistre, par nostre comman-
dement et ordonnance. Et, à sa descharge, et pour lui valoir en ses
comptes, lui avons baillées et accordées ces présentes lettres certiffl-
catoires, auxquelles, en tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre
signet, le ix" jour de janvyer, l'an mil quatre cens et vint sept.
(Ms. Fr. 26030, n» 740, à la Bibli. nat. Voir trois autres documents
sur le siège de Pontorson dans l'édit. de la Chron. du Mont-Saint-
Michel, par M. S. Luce, p. 2S3-2S8. Le n» 740 est aussi publié dans ce
même volume, p. 263-264.)
XLVI
RICHEMONT ORDONNE DE PAYER 200 L. T. AU BARON DE COULONCES
(1426, 12 avril) [p. in].
Le conte de Richement, connestable de France, et l'arcediacre de
Rennes, à Jehan Aleaumes, receveur des Ponts de Scé, salut. Veues
1. Machines à lancer de grosses pierres rondes.
2 et 3. Panais, panaisines, formes corrompues des mots pavais, pavaisines,
sorte de bouclier (V. Ducange, t. V, aux mots Panesius (p. 49) et Pave-
siUM (p. 150).
528 APPENDICES
par nous les lettres de monseigneur le duc i, ausquelz ces présentes
sont attachées, soubz l'un de nos signez, nous vous mandons que, en
accomplissant et entretenant le contenu d'icelles, vous payez, baillez
et délivrez, des deniers de vostre recepte, au baron de Coulonces,
nommé es dites lettres, la somme de deux cens livres tournois, pour
les causes et tout ainsi et par la forme et manière que mondit sei-
gneur le duc le veult et mande, par ses dites lettres. Donné le xii» jour
d'avril, l'an mil quatre cens vingt et six, après Pasques.
Artur.
(Fr. 26049, n» 572. Voir aussi la Chron. du Mont Saint- Michel, publiée
par S. Luce, p. 230, note i, et p. 242.)
Le reçu du baron de Coulonces est dans le Ms. Fr. 26049, n» 379.
XLVII
LETTRE DU CONNÉTABLE A LA DAME DE SALIGNY (1427, 4 avril)
[p. 142].
En suscription : A ma très chière et amée cousine, la dame de Saligny.
Très chière et amée cousine, je me recommande à vous. Et vueillez
savoir que, sur les choses que naguières escriptes m'avez, j'ay encores
bien pou besoigné, pour plusieurs choses et occupacions qui me sont
sourvenues, par quoy je n'ay bonnement peu, mais, au plaisir Dieu,
j'en parleroy bien acertes à beau cousin de La Trimouille et y feray,
à vostre intencion, tout ce que faire j'en pourray, comme plus à plain
j'ay parlé à (Jehan) du Blexer, vostre serviteur, porteur de cestes,
lequel vous plaise croire de ce qu'il vous dira sur ce, de ma part.
Très chière et amée cousine, Nostre Seigneur vous ayt en sa garde.
Escript à Bourges, le iv° jour d'avril.
Le conte de Richemont,
Connestable de France,
Artur.
Jarno.
(Fr. 2931, fo 27. Original sur papier.)
Cette lettre a été publiée, comme la précédente, par M. Marchegay,
dans le Bulletin de la Soc. archéol. de Nantes, t. Vin, 1868, p. 240-241.
Il est possible que cette lettre soit olographe. Elle est probablement
de 1427, mais elle peut être de 1426. En avril 1426, G. de La Tré-
moille était auprès de Philippe le Bon, comme envoyé de Charles VII.
Jean Lourdin de Saligny devait avoir quelques démêlés de ce côté,
car, aux conférences de Bourbon-Lancy (janvier 1427), il est question
de la forteresse de Saint-Bricon, appartenant à messire Lourdin de
Saligny, qui devait être remise à la garde du sire de Chalençon (Col-
1. Lettres du 25 mars (Fr. 26049, n» 562).
APPENDICES ' 529
lection de Bourgogne, t. 99, p. 233-235). M. Marchegay croit que la
dame de Saliyny est Jeanne Bracque, femme de J. Lourdin, seigneur
de Saligny (Voy. Pièces originales, t. 2613, dossier 58137, Saligny,
jiassiin).
XLVIII
HENlll VI CONFISQUE LE COMTÉ d'iVRY, DONNÉ PAR HENRI V
A RiCQEMÔNT (1427, 12 juillet) [p. IW.]
Henry, par la grâce de Dieu, roi de France et d'Angleterre, savoir
faisons à tous, présens et à venir, que, pour considéracion des bons et
notables services que nous a faiz et fait encore nostre très chier et
amé cousin, Jeban, conte de Hontinlon, et pour autres causes et con-
sidéracions à ce nous mouvans, à icellui, par l'advis et délibéracion
de nostre très cbier et très amé.oncle Jeban, régent nostre royaume de
de France, duc de Bedford, avons donné, cédé, transporté et délaissiez
donnons, cédons, transportons et délaissons, par ces présentes, les
conté, terre, seigneurie et baronnie d'Ivry, avecques ses droits, fran-
cbises, libertez, préérainances, prérogatives, appartenances et appen-
dances, qui dernièrement furent et appartindrent à Artur de Bre-
taigne, par don qui lui en fut fait par feu nostre très chier seigneur
et père, cui Dieu pardoint; lesquelles sont à nous forfaictes, confis-
quées et acquises, pour la rébellion et désobéissance, et autres crimes
de lèse-majesté, commis à rencontre de nous, par ledit Artur; pour
jouir d'icelle conté, terre, seigneurie et baronnie par nostre dit cousin
de Hontinton et ses hoirs masles légitimes, venant de lui en directe
ligne, à toujours mais, perpétuellement et héréditablement, comme
de leur propre chose, à quelconque valeur ou estimaison que les choses
dessus dictes aient esté, soient ou puissent estre, pourveu que par
nous elles n'aient esté données à autres, par l'advis et délibéracion
de nostre dit oncle et pour ce que nostre dit cousin en fera les devoirs
et paiera les charges pour ce deues et accoustumées. Si, donnons en
mandement à noz amez et féaulx conseillers, les gens de nos comptes,
trésoriers et généraux gouverneurs de toutes nos finances, en France
et Normandie, aux bailliz d'Evreux et de Chartres, à tous noz austres
justiciers et officiers présens et à venir et à leurs lieutenans et à cha-
cun d'eulx, si comme à lui appartendra, que de noz présens don,
cession, transport et délaissement fassent, seuffrent et laissent nostre
dit cousin et ses diz hoirs joir et user pleinement et paisiblement à
toujours mais, perpétuellement et héréditablement, comme de leur
propre chose, par la manière que dit est, sans leur faire, mectre, ne
donner, ne souffrir estre faict, mis ou donné ores, ne pour le temps
à venir, aucun destourbier ne empeschement au contraire. Et, afin
que ce soit chose ferme et estable à toujours, nous avons fait mectre
nostre scel à ces présentes, sauf en austres choses nostre droit et l'au-
truy en toutes.
RiCHEMONT. M
530 APPENDICES
Donné à Paris, le xii» jour de juillet, l'an de grâce mil quatre cens
et vint sept, et de nostre règne le quint. Et ainsi signé :
Par le roi, à la relacion de monseigneur le régent, duc de Bedfoi'd.
J. DE RiNEL.
XLIX
PRÉPARATIFS DU SIÈGE DE MONTARGIS PAR LES ANGLAIS
(1427, 2 juillet) [p. 145].
Guillaume de la Pôle, conte de Suffolk et de Dreux, capitaine et
lieutenant général des pais de {sic) Chartrain, Vendosmois, Beausse et
Gastinois, confessons avoir eu et receu, en celte ville de Verneuil, ou
Parche, de Jehan Harbotel, escuier, maistre des ordonnances du roy
nostre sire et de }\gv le Régent, les ordonnances cy-après desclai-
Y rées, c'est assavoir : soixante grans paifaiz blans ; quatorze petitz pa/a-
i/ sines noirs; six vints quatorze pelles ferfées, six vints seize pelles
defFerrées ; cent soixante-dix et sept picquoys ; ung baril de pouldre à
canon et quatre-vingt-deux lances ferrées, pour convertir et employer
ou siège ordonné estre mis devant Montargis, Desquelles ordonnances
dessus dites nous promectons, par ces présentes, descharger le dit
J. Harbotel envers le Roy nostre dit seigneur, mon dit seigneur le Ré-
gent et tous autres qu'il appartient. Tesmoing nostre scel cy mis, le
n« jour de juillet l'an mil quatre cent vingt et sept.
Par monseigneur le conte^
Lieutenant et capitaine généi'al,
Berasse.
(Fr. 26030, no 746.)
INSTRUCTION POUR l'ÉVESQUE DE TUELLE ET MAISTRE GUILLAUME DE
QUIEFDEVILLE, CONSEILLERS DU ROY, ENVOYEZ PRÉSENTEMENT, DK
PAR LEDIT SEIGNEUR, DEVERS LE ROY DE CASTILLE ET DE LÉON,
SON FRÈRE ET ALIÉ (1428, 28 juin) [p. 146,148].
Item, et, après ce i, communiqueront au roy de Castille les autres
affaires du roy et feront savoir les choses survenues en ce royaume,
depuis le retour du dit de Quiefdeville par deçà.
Et, premièrement, comme les diz Anglois ont toujours continué, puis
le retour du dit de Quiefdeville, à porter et faire guerre et touz les
dommages qu'ilz ont peu au Roy et à sa seigneurie.
Item, et comme, en continuant leurs diz maulx, se assemblèrent,
1. C'est-à-dire après avoir demandé des secours au roi de Castille.
APPENDICES S31
environ le mois de juillet derrenier passé, et vindrent devant une nota-
ble ville, nommée Montargiz, et là mistrent le siège, à grant nombre
de gens d'armes et de trait, desquels estoient chiefz les contes de
Varewic et de Suffort et le sire de la Poulie.
item, et comme, pour secourir la dite ville, le roy fist assembler les
gens de ses garnisons et autres estans à son service, desquels bailla
la charge à messire Guillaume de Lebret, le bastart d'Orléans et au
sire de Graville, maistre des arbalestriers de France, lesquels, en
bonne ordonnance, vindrent férir sur le dit siège, et, par la grâce de
Dieu, desconflrent les diz Anglois; et en y ot mors et prins jusques au
nombre de mil et cinq cens, ou environ, et les autres s'en alèrent et
mirent en fuite.
Item, et, comme depuis, les gens d'armes des garnisons estans sur
les frontières ont prins et remis en l'obéissance du roy plusieurs villes
et forteresses.
Item, et comme, depuis le retour du dit de Quiefdeville, le duc de
Bretaigne a esté devers le Roy et fait plusieurs promesses et sere-
inens de le servir envers touz et contre touz, comme bon parent.
Item, et ce non obstant, par le moien et pourchaz d'aucuns qui
sont environ le dit duc et, par donner à entendre choses qui, au plai-
sir de Dieu, n'avendront pas, le dit duc s'est substrait de l'obéissance
du roy et a fait le serement aux Englois et contraint plusieurs des
nobles et autres du dit duchié à pareillement faire le dit serement.
Touteffois n'a-t-il pas esté en son povoir de le faire faire à plusieurs
grans seigneurs du dit pays, mais, en ce, lui ont désobéy, pour gar-
der leur loyaulté, en espécial la dame et enffans de Laval, le seigneur
de Rez, le viconte de Rohan et l'évesque de Saint-Malo.
Item, et que, à l'occasion de la désobéissance que a faicte le dit duc,
le Roy a eu et encores a grandement à faire contre ses diz adversai-
res, qui, après la dite desconfiture de Montargiz, estoient très fort
afeblis et avoient très petite puissance, et tant que, se n'eust esté la
désobéissance du dit duc, il est vraysemblable que le roy eust.à pré-
sent recouvert gi'ant partie de sa seigneurie occupée par les diz An-
gloys, etc.
Donné à Loches, le xxviii* jour de juing, l'an de la grùce mccccxxviii.
Charles.
Fresxoy,
(Lat. 6024, n» 26. Original sur parchemin, avec la signature du roi
et le petit sceau.)
BEDFORD ORDONNE d'eNVOVER QUATRE GROS CANONS POUR LE SIÈGE
DE MONTARGis (1427, 22 Septembre) [p. 147].
Jehan, régent le royaume de France, duc de Bedford, à noz très
chiers et bien amez Hamon Belknap, escuier, trésorier et général
532 APPENDICES
gouverneur des finances de monseigneur le roy, en France et Normen-
die, el P. Sureau, receveur général des dites finances en Normendie,
salut. Comme, présentement, pour le recouvrement de la ville de
Montargis, occupée par les ennemis de mon dit seigneur et de nous,
soit besoing et nécessité avoir hastivement quatre gros canons, les-
quels, si promptement et hastivement que mestier en est, ne se peuent
trouver, attendu la grant multitude qui en a esté rompue et despé-
ciée es sièges qui, de par mon dit seigneur, ont esté mis et tenuz, pour
le recouvrement de plusieurs places occuppées par les dits ennemis, tant
en France, Normendie, Anjou, le Maine, comme autre part, sinon de
ceulx qui, de présent, sont en la ville de Harefleu, nous ayons, par nos
autres lettres, mandé à Guilllaume Mineurs, escuier, capitaine du dit lieu
de Harefleu, et à Jehan HoUand, grenetier ilec et garde des canons,
artillerie et habillemens de guerre de monseigneur le roy, estans en
la dite ville de Harefleu, ou à leurs lieuxtenans vous bailler et déli-
vrer les dits quatre gros canons, pour les faire charger en bateaux et
yceulx faire mener par eaue en la ville de Paris et illec, les bailler, ou
faire bailler et délivrer au maistre de l'artillerie de mon dit seigneur
le Roy en France, ou son lieutenant, ou autre tel ou telz comme par
noslre très chier et très amé cousin, le chancelier de France et le conseil
de mon dit seigneur vous sera ordonné, nous vous mandons et expres-
sément enjoignons que, sans délay, vous vous transportez en la dite
ville de Harefleu et yceulx quatre gros canons faictes essayer et jecter,
et, s'ils sont en estât que on s'en puisse aidier, faictes les chargier en
vaisseaulx et yceulx mener par eaue en la dite ville de Paris, et les
baillez ou faictes bailler et délivrer à Phillebert de Mollens, maistre de
l'artillerie de mon dit seigneur le roy, en France, son lieutenant, ou
autre tel ou telz, comme ordonné vous sera par nostre très chier et
très amé cousin, le chancelier de France et conseil du roy, comme
dessus est dit, pour yceulx faire mener du dit Paris devant la dite
ville de Montargis; et par rapportant ces présentes et recongnoissant de
celui ou ceulx à qui vous les aurez faiz délivrer et bailler, nous vou-
lons que vous en demourez quictes et deschargez, partout où il appar-
tendra. Voulons aussy que tout ce que paie sera par vous, receveur
général, pour les frais, missions et despens de iceulx quatre canons
faire charger, mener et conduire jusques en la dite ville de Paris, en
rapportant ces dites présentes, ou vidimus d'icelles, fait soubz scel
royal, et quictance souffisans de ce que paie en aurez, soit alloué en
vos comptes et rabattu de vostre recepte, par noz très chiers et bien
amez les gens des comptes de mon dit seigneur le roy, à Paris et par-
tout ailleurs, où il appartendra. Auxquelx nous mandons, par mes-
mes présentes, que aussy le facent, sans contredit ou defflculté quelx-
conques. Donné à Rouen, le xxii" jour de septembre, l'an de grâce
mil quatre cens et vint sept.
Par monseigneur le Régent
le royaume de France, duc de Bedford.
J, MlLET.
(Fr. 26050, n» 771.)
APPENDICES 533
LU
♦
LES COMTES DE RICHEMONT, DE CLERMONT ET d' ARMAGNAC PROMET-
TENT AU DUC DK BRETAGNE DE LE SECOURIR CONTRE JEAN DE
BLOis (1428, 30 janvier) [p. 135, io6].
Nous, Charles, aisné filz de monseigneur le duc de Bourbonnoiz
et d'Auvergne, conte de Clermont; nous, Artur, filz de duc de Bretai-
gne, conte de Richeraont , seigneur de Partenay et conneslable de
France, et nous, Bernart d'Armagnac , conte de Pardiac, visconte
de Cariât et de Murât, à tous ceulx qui ces présentes lettres verront,
salut. Comme nous ayons sceu, de certain, que Jehan de Blois, se
disant seigneur de Laigle, ait eu voulenté et propos délibéré, tant
par lui que par ses alliez et complices, nous faire grevance et des-
plaisir, se faire le povoit, à quoy, au plaisir de Dieu, nous espérons
pourveoir et résister, à l'aide et confort de nos parens et amis, et
entre autres, en ceste matière, ayons prié et requis hault et puissant
prince et nostre très honnouré seigneur, cousin et oncle et très redou-
blé seigneur et frère, monseigneur le duc de Bretaigne, ainsi que bons
parens et amis se doivent aidier les ungs des autres, en tel cas, qu'il
lui pleust nous secourir et aidier des gens d'armes et de trait de son
pais, en ayans mesmes considérations à ce que ledit de Blois est son
ennemy mortel; laquelle chose, de son bon plaisir, il nous ait octroyé,
par tel condition que nous n'employerons sesdiz gens à l'encontre du
roy d'Angleterre, ses bienveillans et alliez, ne pour leur porter gre-
vance, dommaige ne desplaisir en aucune manière; savoir faisons
que nous avons juré, promis et accordé, par ces présentes, jurons,
promectons et accordons, par les foy et serment de noz corps et sur
nos honneurs, que lesdiz gens d'armes et de trait dont il lui plaira
nous aidier et conforter, nous ne les employerons et ne soufTrerons
(ju'ilz soient employez ne embesoignez en aucune exercite de guerre ne
pour grevance, daugier porter à personne quelconque, et, par cspe-
cial, à lencontre du roy d'Angleterre, ses bienveillans, alliez, comme
dit est, mais seulment a lencontre d'icellui Jehan de Blois, ses com-
plices et adhérens, et de leurs entreprises et entencions. Et, avecques
ce, promectons et jurons à nostre dit seigneur, cousin, frère et oncle,
monseigneur le duc de Bretaigne, que sesdiz gens d'armes et de trait
nous lui renvoierons en son pais, sans empeschement, touteffois qu'il
le requerra, ou que le cappitaine principal desdiz gens s'en vouldra
retourner. En tesmoing de ce, nous avons mis nos sceaulx et saings
manuelz à ces présentes. Donné à Chinon, le xxx^ jour de janvier, l'an
de grâce mil quatre cens vingt et sept.
Charles, Artur, Bernart.
(avec les trois sceaux, celui de Richemont un peu brisé en haut et en bas).
(Original aux Archives de la Loire-Inférieure, cass. 76, E 181. Copie
aux Archives du min. des aff. étr., t. 362, f"'' 7b-76.)
534 APPENDICES
LUI
PROJET DE CONVOCATION DES ÉTATS GÉNÉRAUX A POITIERS
(1428) [p. 158, 159].
Pour bien conseiller le roy, en ta grant neccessilé en laquelle, de
présent, son royaume est, et réduire ledit royaume à bonne tranquilité,
semble neccessaire l'assemble des trois estas représentans le corpz
publique dudit royaume, affin que, par le bon conseil du chief el
corps ensemble, par la gi^âce du Saint-Esprit, laquelle reluit en toute
congrégacion faicte ou nom de Dieu, et plus eficacement en une
générale agrégacion qu'en une petite, puissions parvenir et briefve-
ment à la fm que dessus. Pour parvenir à ces trois estas et eflfective-
ment besoignier, semblent neccessaires les considéracions qui sen-
suivent :
Premièrement, pour tant que ladicte congrégacion est désirée pour
pai'venir à la tranquilité du royaume, comme dict est, et à la paix
d'icellui, que le roy bénignement doit déposer et effacier toutes
indignacions, ires ou desplaisement, se aucunes en a, contre les sei-
gneurs de son sang, contre leurs hommes, officiers, ou serviteurs et
aussi contre ses propres officiers royaulx, serviteurs et adhérens à len-
tencion desdiz 'seigneurs et généralement contre tous aultres, sui-
vans ou qui ont suivi à l'entencion d'iceulx.
Item, semble expédiant que le seigneur de La Trémoille, le seigneur
de Trêves et tous autres du conseil et bostel du roy soient réconciliez
avec lesdiz seigneurs, en déposant leurs ires ou malveillances vers
les dessusdiz, à l'oneur de Dieu, du roy, en compassion du poure
peuple et au grant prouffit de la chose publique, ainsi faisans
honnorant le roy en révérence, eulx mesmes en la vertu d'obéis-
sance.
Item, après toute déposicion de toutes desplaisances, comme dici
est, semble expédiant, par l'ordonnance du roy et commandement, que
l'amour entre les seigneurs et les dessusdis soit de nouvel reformée,
par scellez ou autrement, au premier estât, et conformé, tout ainsi qu'il
semblera, à l'establissement et plus grant seureté de l'amour et union
d'iceulx et des leurs.
Item, quant au fait du conseil des trois estas, semblent neccessaires
les manières de seurtez qui s'ensuivent : seurté de le tenir; seurté dos
chemins, pour venir oudit conseil, jour et lieu; seurté contre toute
oppression et violence, durant lediz conseil, avec toute liberté à ung
chacun de dire tout ce que bon lui semblera, à laffin que dessusdite ;
seurté de garder, tenir et observer inviolablement ce que dit et conclu
sera par le roy et par lesdiz trois estas.
Quant à la présente seurté, c'est assavoir seurté que on tendra ledit
conseil au jour et lieu qui sont ou seront advisez par le roy et son con-
seil, qu'il plaise au roy dès maintenant faire cesser toute voie de fait et
APPENDICES 535
pareillement lesdiz seigneurs i et, sur ce, bailler leurs lettres -,81, sembla-
blement, qu'il plaise au roy envoyer ses Jettres par tout le royaume
et Daulpbiné, pour venir audit conseil, aux dis jour et lieu, et affln de
plus esniouvoir ung chacun à venir plus copieusement audit conseil,
qu'il plaise au roy en sesdites lettres faire mencion de la bonne
amour entre le roy et lesdiz seigneurs de son sang, la bonne amour,
union et réconciliacion entre iceulx seigneurs et les conseillers et ser-
viteurs du roy, en signiffiant aussi les seurtez des chemins, en affirmant,
par lesdites lettres, tenir ledit conseil au jour et lieu que dis seront,
sans aucune mutacion.
Quant à la seurlé des chemins, est assavoir que, en ce royaume, a
gens d'armes de deux façons ; les ungs sont chevaliers, escuiers et
autres proffitables à déboucter les ennemis ; et que iceulx, tant du roy,
des seigneurs, que d'autres, tantost et sans delay, soient embesoigniez
en frontières et ailleurs, contre les dis ennemis; les autres sont inutiles
et de grant charge à la chose publique; et que iceulx, dedans certain
temps devant venir audit conseil, comme dedans trois semaines, vui-
dent le royaume, et soient commis gens pour les faire vuidier et mec-
tre hors.
Quant à la seurté durant le temps dudit conseil, sembleroit, pour ce
que c'est le plaisir du roy tenir ledit conseil en la ville de Poictiers,
que tous ceulx de la ville, par le commandement du roy, jurent, durant
ledit conseil, par avant, ne après, ne esmouvoir aucune rumeur contre
les venans, demorans, ou retournans dudit conseil, ains les garder et
deffendre conte tous autres, de quelque estât ou dignité qu'ilz soyent;
et pareillement, pour la garde du roy, de ceulx de son sang ou de
tous autres, semble estre expédiant avoir quatre ou cinq notables per-
sonnes, advisez et ordonnez par le roy, et lesquels soient agréables
auxdis de son sang, accompaigniez de nobles barons, chevaliers,
escuiers, tous de ce royaume, fors ceulx que le connestable d'Escosse;
au cas qu'il seroit un des esleuz, vouldroit choisir du pais d'Escosse,
lesquelx barons, chevaliers, escuiers, pourront choisir ceulx qui auront
esté ordonnez par le Roy, comme dit est, en nombre convenable, ainsi
que leur semblera.
Item, affin que nul ne puisse prétendre non avoir franche liberté
de parler et conseiller ce que bon lui semblera, sans laquelle liberté
nUl conseil ne puet riens valoir (frustra consulitur animus timoré non
liber), semble estre expédiant, ains neccessaire, que à tous autres soit
inhibé et delfendu, de par le roy, tout port d'armes, ledit temps durant,
fors aux ordonnez et advisez en la manière dessusdite et à leurs
choisis, lesquelx ordonnez et leurs choisis, par l'ordonnance et com-
mandement du roy, promectront et jureront pareillement, en la main
du roy, ou d'aucuns par lui ad ce commis, en la manière qui sera
advisée et sur les saints Esvangiles, garder, protéger et deffendre
inviolablement, de tout leur pouvoir, tous ceulx qui viendront et qui
parestront audit conseil, de quelque condicion quilz soient, haulte,
1. On peut supposer, d'après cela, que ce document est postérieur à
novembre 1427. (Voy. ci-dessus, p. 149-151.)
536 APPENDICES
basse, ou moyenne, contre toutes violences, injustices ne oppressions
de l'ait ne de parole; et que, à ceste fin, le roy leur commette son
auctorité et puissance, durant ledit conseil, et aussi pour certain temps
après la terminaison d'icelluy.
Quant à la seurté de tenir, garder et observer, au moins pour le
temps que advisé sera, inviolablement, ce que advisé et conclud sera
par le roy et les dis trois trois estas, et, s'il plaist au roy, il commectra
dès maintenant la pratique de la dite seurté à la reine de Scecille, sa
mère, et à ceulx que ladite reyne vouldra appeler à la conseiller du con-
seil du roy, de son propre conseil, des conseils des seigneurs et d'ail-
leurs ; et, pour ce que soit grant illusion à la chose publique et irrision
à si liaulte et si soUempnel assemblée, si la conclusion faite par leur
délibéracion, advis et conseil n'estoit fidèlement gardée, pour le temps
qu'il sera advisé par le bon plaisir du roy, considérant le temps de la
présente extrême nécessité, semble que le roy, de sa grâce et hu-
maine justice, deveroit, dès maintenant, bailler ses lettres quant à l'ob-
servacion inviolable de la dite seurté, le dit temps durant, et après que
la dite seurlé sera pratiquée particulièrement par la dicte dame, avec
le conseil des dessus dis, la confermeret approuver expressément, pour
le dit temps, affîn que, dès maintenant, les puissances du roy et des
seigneurs, puissent estre exploictées par la volenté et ordonnance du
roy, d'un commun accord, au bien de sa seigneurie et de la chose
publique.
Item, sembleroit honorable au roy et à ceulx de son sang les choses
dessus dites accordées et afTermées par le bon vouloir et ordonnance du
roy, que les dis trois seigneurs de Clermont, connestable et Pcrdriac, par
son bon plaisir, puisent venir devers lui, où bon lui semblei'a, en leur
estât acoustumé, pour démonstrer obéissance et amour au roy, leur sei-
gneur souverain, à la consolacion du roy, de sa seigneurie et de tous
ceulx qui bien lui vuellent, par quoy, devant le dit conseil des trois
estas pourront les dis seigneurs personnellement confermer les choses
dessus dictes et adviser ensemble, avec les seigneurs et autres du
conseil du roy, toutes les choses qui seront principalement à introduire
audit conseil des trois estas, pour toujours gaigner temps et abrégier
le temps que autrement pourroit durer le dit conseil.
(Aucune signature.)
Copie du temps, sur papier, avec quelques fautes du copiste. P 1388 3,
n" 114 bis. — Cette pièce est au musée des Archives nat., n° 444.
L'auteur de la notice du musée (n° 444) dit que cette pièce semble
devoir être placée en novembre 1427 et attribuée à un conseiller du
comte de Clermont, mais rien ne prouve qu'elle soit de no-
vembre 1427, ni qu'elle doive être attribuée à un conseiller du
comte de Clermont plutôt qu'à un conseiller de Richemont. Elle
peut tout aussi bien être de 1428. On voit seulement qu'elle est anté-
rieure au 27 juillet 1428, puisque les comtes de Clermont et de Par-
diac obtinrent, à cette dernière date, des lettres de rémission, après
leur tentative sur Bourges. Si l'on rapproche ce document des lettres
APPENDICES 537
adressées par les princes, en janvier 1428, au parlement de Poitiers,
à la ville de Tours et à d'autres villes du royaume, on voit que ces
lettres se rapportent bien au projet développé dans le manifeste ci-
dessus. Il doit donc être à peu près de la même époque (voy. ci-
dessus, p. 15o, et de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, p. 156-157).
LUI bis.
EXTRAITS DU CAHIER DES DOLÉANCES, CONTENANT LES DEMANDES ET
REMONTRANCES FAITES AU ROI CHARLES VII PAR LES GENS DU PAYS
DE LANGUEDOC, AUX ÉTATS GÉNÉRAUX TENUS A CUINON, AVEC LES
RÉPONSES (1428, 11 novembre) [p. 163].
S'ensuivent les suplicacions et requestes qui ont esté faictes de
bouche au roy, nostre souverain seigneur, par les gens du pays de
Languedoc, en tant que peut touchier chacun estât d'eux :
2. La seconde supplication fust qu'il pleust au roy, pour le bien et
conservacion de sa seigneurie, et au recouvrement d'icelle, par toutes
les voyes et moyens possibles, attraire par-devers lui tous les sei-
gneurs de son sang et affinité.
Ils scavent la bonne responce que le roi leur a sur ce faicte.
3. La tierce requeste fut qu'il pleust au roy de vouloir entendre,
par tous les bons moyens possibles, à la paix de monseigneur de
Bourgoigne et trouver manière de le rejoindre et unir à sa seigneurie.
Ils scavent aussi la responce du roy et les diligences qui sur ce ont
esté faictes.
S'ensuit une requeste, laquelle se devoit faire de bouche et, par
oubli, a esté obmise :
7. C'est assavoir que, pour les raisons cy desus déclairées plus à
plain, et aussi, considéré le bon advis et délibéracion du conseil de
Languedoil, comme il appert par la teneur de leurs articles, qu'il
plaise au roy attraire par-devers lui, en bon amour et obéissance et
en son service, monseigneur le connestable, et, pour ce faire, lui plaise
continuer les ambaxades et traictiés qui ont esté commencés.
Par le roy ne ceulx qui sont entour lui n'a tenu ne tendra : et en
ont esté faictes grans diligences par le roy, comme il leur a esté ex-
posé, et encore sera faict.
(Ms. Latin 9177, f"^ 268, 271, 272 v», 273. Extrait des Archives de
l'hôtel de ville de Montpellier.)
LIV
LETTRE DE G. DE LA TRÉMOILLE A MESSIEURS DE LA CHAMBRE
DES COMPTES DE BOURGES (1431, 10 Septembre) [p. 187].
Messieurs, je me recommande à vous. Le roy vous escript pour
l'expèdicion des lettres du partaige par lui baillé à mon frère de Jon-
538 Al'PEMUCES
velle et à ma suer, sa feimne, et vous envoyé les lettres de sou dit
partaige, pour icelles expédier, affin qu'il ait et preingne, doresnavanl,
la revenue et jouissance d'icelui partaige et que les places en demou-
rent en ma garde, ainsi comme le roy l'a voulu et veult. Si, vous prie
tant acertes et de cueur, comme je puis, que les dites lettres vueillez
expédier, ainsi que le roy vous escript, non obstant que encore ne le
soient par la court de parlement, et aussi vueillez expédier les lettres
du rachat que le roy lui en a donné et les lettres de souffrance(?)
[mot déchiré] de non faire la foy et homaige jusques à un an. Et, en ce
faisant, vous me ferez ung très grant plaisir." Messieurs, se chose vous
plaist que je puisse, je le feray de très bon cueur, priant Nostre Sei-
gneur qu'il vous ait en sa sainte garde. Escript à Amboise, le dixième
jour de septembre.
Gkorges de la Trémoylle.
Lettre sur papier, pliée et cachetée, avec suscription.
(J. 183, no 145.)
La pièce 46 (J 183) est une copie de la lettre du roi indiquée dans
celle de la La Trémoille. On y voit que J. de Jonvelle avait, de la suc-
cession de L. d'Amboise, les terres qui avaient appartenu aux père
et mère de la dame de Jonvelle (Lettre du 10 septembre, écrite à
Amboise).
LV
ENGAGEMENT DU DUC d'aLENÇON ENVERS LE ROI DE FRANCE
(1432, 15 janvier) [p. 187],
Jehan, duc d'Alençon, conte du Perche et viconte de Beaumonl, a
louz ceulx auxquelz ces présentes seront monstreez, salut. Savoir
faisons que, comme nostre oncle, le duc de Bretaingne, ait naguerez
envoyé, et, par son commandement, soyent venuz plusieurs gens
d'armes et de traict, tant Anglois que Bretons, pour nous cuider assié-
gier en nostre ville et chastel de Pouencé, devant lesquelz, nous ab-
sente, ayent miz le siège, noz très redoubtée dame et mère et nostre
très chière et très amée seur et compaigne estans dedens, lesquelles
choses ainsi faitez, par voye de fait et de force, avons signifié à
nostre très redoublé et souverain seigneur, monseigneur le roy, en
luy suppliant que, de sa grâce, il luy plaise nous aider et donner se-
cours contre les diz Anglois et Bretons, en nous olfrant toujours,
comme son humble parent, subget et vassal, d'obéir à sa bonne jus-
tice, plaisir et volenté et d'ester à droit, se d'aucune chose nostre dit
oncle nous vouloit faire question ou demande ; sur quoy il a pieu à
mon dit seigneur le roy nous acorder le dit secours et aide, ou cas
que nostre dit oncle voudroit continuer la dite voye de fait et ne
vouloir obéir à luy et à sa bonne justice et cesser toutes voyes de
fait de guerre; et, pour ce que les gens de guerre que mon dit sei-
gneur nous voudra envoyer, pour nostre dit aide et secours, peuvent
APPENDICES 539
doubler de non avoir logeis, quand ils seroienl venuz devers nous; cl
mon dit seigneur aussi que nous, par. aucuns moyens, trouvissions
avecques noslre dit oncle aucun traictié, que voulsissions accepter sans
le congié et licence de mon dit seigneur; nous, qui de ces choses le
voulons rendre certain, ses gens et officiers et les dis capitaines qu'il
envoyei'a pour nostre dit secours, avons promiz et promectons, par la
foy et serment de nostre corps et sur nostre estât, de jamais non
prendre aucun accord, traictié ou apoinctement avecques nostre dit
oncle du débat qui est ou sera entre nous deux, pour occasion de
ceste guerre, ou autrement, en quelque manière que ce soit, soit de
la délivrance du chancelier de Bretaingne que autrement, sans le
congié et licence de mon dit seigneur; de ne prendre trièves, abs-
tinence ou souffrance de guerre, que ce ne soit de son plaisir et vo-
lenté; ains ferons guerre à nostre dit oncle, en personne et de nostre
puissance; et, avecques ce, avons promis à mon dit seigneur et pro-
mectons, par ces présentes, et sur les paines dessuz ditez, de logier en
nos villes et forteresses, jusques à deux mil combatans, des capitaines,
gens d'armes et de traict de mon dit seigneur, telz qu'il luy plaira
les envoyer, parmy ce que iceulx capitaines nous bailleront leurs
scellés de nous rendre et délivrer les dites villes et places, obéir à
nos comandemens, soubz l'auctorité et puissance à nous baillée par
mon dit seigneur, et icelles nos places et forteresses vuyder, touteffois
qu'il plaira à mon dit seigneur et à nous. Et, affln que mon dit sei-
gneur soit plus seur des dites promesses et sermens, nous avons fait
mètre nostre sccl à ces présentes. Données à Chinon, le xv« jour de
janvier l'an mil quatre cens trente un.
Par monseigneur le duc,
Haultpin.
(J. 227, n» 84.)
LYI
AVIS DONNÉ AU DUC DE BOURGOGNE, POUR LE POUSSER A FAIRE PLUS
ACTIVEMENT LA GUERRE A CUARLES Vil (1431) [p. 189.]
Advcrtissement.
Il semble (considéré que monseigneur de Bourgoigne congnoist la
graut mauvaisetié et malevolence que ses ennemis ont eu et ont
envers lui et encores se travaillent de faire chacun jour) que il lui
est chose nécessaire de entretenir les alliances des Anglois.
Item, lui est chose nécessaire de soy disposer et conclure avec ses
afflns, frères et alliez, comme monseigneur de Bretaigne, les siens et
aultres, qui à ce ont bon vouloir, à faire plaine guerre au reboucte-
ment des diz ennemis et adversaires, sans dissimullacion ne aucune
fiction, attendu la maltaise voulenté d'iceulx ennemis, qui de tous
points se sont délibérez et ont prinse conclusion de destruire, par
subtilz moiens, mondit seigneur de Bourgoigne et ses diz pays.
540 APPENDICES
Item, pourra nioiidit seigneur de Bourgoigne pourveoir et en-
tendre à la chose par la manière qui se ensuit : c'est assavoir que,
afin de mouvoir mondit seigneur de Berlaigne de entendre au fait de
ladite guerre plus plainement, la conté de Poitou, qui est voisine de
son pays, lui soit donnée, ou que mon dit seigneur de Bourgoigne la
demande pour soy mesmes, pour en disposer à son plaisir i.
Item, que, pour l'entretenement et conduite de la chose, soit trouvé
moien que monseigneur de Richemont se départe de la charge qu'il
a de l'office de connestable de par delà et soit pareillement mins ou-
dit office de connestable de par deçà, par le moien de mondit sei-
gneur de Bourgoigne. Et, avec ce, lui soit donné le duchié de Tou-
raine, la conté de Saint-Onge, le pays d'Aunis et la ville de La Ro-
chefie, avecques les terres et seignories que tient le seigneur de la
Trémoille es pays de Poitou et de Saint-Onge et autres choses.
Item, et par ainsi mondit seigneur de Bertaigne et semblablement
mon dit seigneur de Richemont se pourront exposer à ladite guerre.
Et est à considérer que desjà eulx et leurs alliez ont la greigneure
partie des diz pays en leurs mains, pour en faire à leur voulenté,
tant les nobles que les forteresses et bonnes villes des pays dessasdiz
de Poitou et de Saint-Onge.
Item , moyennant l'aide de IIIM combatans que l'eu pourroit
bailler à mon dit seigneur de Richemont, ou aide de argent pour soul-
dayer autres gens audit nombre de IIIM combatans qu'il pourroit trou-
ver, se ainsi estoit, en cas que mon dit seigneur de Bourgoigne se
vouldroit disposer à ladite guerre et soy mettre sus à puissance, pour
entrer et faire guerre es pays voisins, comme es marche de Berry, par
la Charité et ailleurs et icellui monseigneur de Richemont, qui seroit
fort de l'autre part et se pourroit joindre devers lui, toutefi'oiz que
besoing seroit, et par ce contraindroict le Roy ^ de départir et eslon-
gier les marches, comme de soy retraire es pays de Languedoc, ou
autres loingtains, par quoy les ennemis tenans les places et faisans
guerre à l'encontre de mon dit seigneur, de ses pays d'en deçà, sembla-
blement pourroient être contrains de déjaissier et désemparer les
lieux et places et eulx en départir, par l'eslongnement dudit Roi, at-
tendu que d'avoir secours ne pourroient avoir aucune espoir.
Item, semble que mon dit seigneur, à ce disposé, ne devroit nul-
lement arrester de besoingner es choses dites, pour occasion de mectre
sièges ne autrement, tant pour les grans fraiz et charges qu'il auroit
à y porter, comme pour les inconvéniens qui en pourroient ensuir,
mais se devroit mectre sus, à puissance, pour entrer es dits pays,
comme dessus est dit.
Item, semble et est à considérer que, se mon dit seigneur de
Bourgoigne fait ce que dit est, que les nobles, bonnes villes et forte-
1. Le comté de Poitou fut donné à Jean V le 7 janvier 1432. Ce docu-
ment est doue antérieur à 1432.
2. L'emploi de ce titre donné à Chartes VII est remarquable et contraire
à toutes les habitudes de ses ennemis. Il prouve que ce document n'est
pas de source anglaise.
APPENDICES 541
resses de par delà se mettront, de légier, en son obéissance, moiennant
que bonne justice leur soit administrée, attendu et considéré les grans
oppressions et charges qu'ils ont chacun jour à porter, par les pilleries
destrousses, tailles, subsides, emprunts et autres subvencions, qui sur
culx sont tenus chacun jour.
Item, est à considérer que mon dit seigneur de Richemont a plu-
sieurs places en Poitou, Saint-Onge et autres pays, comme sur la ri-
vière de la Charente et ailleurs, qui sont places voisines et marchis-
sans ou pays bordellois, et, sebesoing estoit de avoir aide des Anglois
et liordellois, en pou de temps ils pourroient estreet venirsceurement,
sans le dangier des ennemis, au secours et aide de mon dit seigneur
de Bourgoigne, par le moien des dites places de mon dit seigneur de
Richemont, qui seroit chose de grant aide et reconfort.
Item, et se mon dit seigneur de Richemont. en faisant les diz ser-
vices à monseigneur de Bourgoigne, perdoit aucune de ses places et
singnories, que il fust récompensé d'icelles pertes.
Item, semble que, ou cas que mon dit seigneur de Bourgoigne
tendra son voyage pour aler en Bourgoigne, qu'il se doit garder de sa
personne et autrement, car ses diz ennemis sont disposez et conclus
de le destruire de corps, s'ilz peuvent, et autrement, en quelque ma-
nière que ce soit, quelques promesses et dissimullacions detraittiez de
paix ne autres qu'ilz doivent entreprendre avecques lui ; et à mon dit
seigneur de soy garder, que, en quelque manière que ce soit, il ne
tiengne ne faice tenir avecques les diz ennemis aucune convencion ne
assemblée, et, se autrement le fait, se trouvera par eulx deceu '.
(Fr. 1278, fs 47-48.)
LYII
TRAITÉ DE RENNES (1432, O mars) [p. 190, 191].
Jehan, par la grâce de Dieu, duc de Bretaigne, conte de Montfort et
de Richemont, Artur, fdz de duc de Bretaigne, conte de Richemont,
seigneur de Partenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces
présentes lettres verront ou orront, salut. Savoir faisons que de nostre
part, noys avons appointié et accordé les articles qui s'ensuivent.
Articles passez et accordez par messire Raoul, sire de Gaucourt,
1 . Il est très probable qtie ce docuraentémane do quelque conseiller du duc
de Bourgogne. Il indique un plan bien arrêté par le gouvernement anglais
et qui reçut un commencement d'exécution, comme le prouvent le don du
Poitou au duc de Bretagne, le 1 janvier 1432, un autre document qui se
trouve dans le même Ms. fr. 1278, f" 46 v», et une lettre de H. de Lannoi,
ambassadeur du duc de Bourgogne en Angleterre, publiée par J. Stevenson,
t. II, 1" partie, p. 227 et 229.
M. de Beaucourt (t. II, 415-416, et note 1 de la p. 416) assigne à ce do-
cument la date de 1429, mais sans fournir aucune preuve à l'appni de
celte opinion. A la p. 294, il semble lui donner une date postérieure à 1429.
J)42 APPENDICES
gouverneur du Daulphiiié, et messire Regnauld Girard, seigneur de
Bazoges, conseillers et ambassadeurs du roy et commissaires par lui
depputez en ceste partie, d'une part, et les gens du conseil de mon-
seigneur le duc de Bretaigne et monseigueur le conte de Richemont.
son frère, d'autre part, pour appaiser tous débas et divisions pour
occasion des gens d'armes qui présentement sont ou pourroient estre-
mis es pays de Bretaigne et de Poictou, et faire cesser toute voye
de fait qui s'en pourroit ensuir et esmouvoir.
Premièrement, au x'egard de mondit seigneur de Richemont, lui,
ensemble tous ses gens, officiers, vassaulx et serviteurs seront et
demoureront paisibles, et paisiblement pourront aler, passer, demeu-
rer et séjourner par tout le royaulnie, tant en bonnes villes que ail-
leurs, en leurs besongnes et affaires, sans ce que, ù l'occasion des
choses faictes et passées, en faveur et pour le service de mondit sei-
gneur de Richemont, leur soit fait ou souffert faire aucun empesche-
ment ou dommaige, en corps, ne en biens.
Item que tous procès pendant en la court de paxiement, à Poictiers,
contre mondit seigneur de Richemont, tant au regard du procureur
du roy comme au regart d'autre partie, demoureront en estât, sans
plus avant y estre procédé, jusqu'au jour de saint Martin d'yver prou-
chain venant en ung an, l'an mil CCCC trente et trois.
Item, que ledit monseigneur de Richemont aura les aides qui seront
mis suz en ses terres de Partenay, de Fontenay et leurs apartenances,
jusques à deux ans entiers prouchains venans, en payement et déduc-
tion de ses gaiges, par la main des officiers du Roy, qui seront tenuz
sans difficulté, touteffoiz que le cas y escherra, en baillier descharge
souffisante au trésorier de mondit seigneur de Richemont, pour les
lever et recevoir.
Item, et que ledit monseigneur de Richemont cessera de faire forger
monnoyes en la ville de Partenay, ne en autres quelxconques.
Item, que à mondit seigneur de Richemont sera rendu récemment
et de fait le chastel et chastellenie de Chastelaillon, avec les places et
appartenances fortes d'icelles, et aussi lui seront délivrées les autres
places fortes de la seignourie de Fontenay, qui ont esté prinses et
mises hors de sa main, et en joyra et aura les prouffis et émolu-
mens, ainsi que dépara vanl; et aussi les fruis d'icelles choses qui, pen-
dant le débat, ont esté receuz et levez, s'ilz sont en estre ou en main
de commissaires, lui seront rendus et restituez, parmi ce qu'il sera
tenu rendre le chastel de Gençay au sire de La Trémoille, aiîquel l'en
dit ledit chastel appartenir.
Item, que les villes et chasteaulx de Gyen, Montargis et, Dun-le-Roy,
appartenans, à cause de douaire, à madame de Guienne, femme de
mondit seigneur de Richemont, à présent tenues en la main du roy,
seront rendues et restituées réaniment et de fait à mondit seigneur de
Richemont, s'ainsi n'est qu'il plaise au roy les retenir, en le recom-
pensant d'autres terres à la value, ce que faire pourra, au dit et ordon-
nance de la royne de Secile, de mondit seigneur de Bretaigne et de
monseigneur le bastard d'Orléans, pourveu que, dedens la Magdelaine
prouchain venant, ils en ordonneront et détermineront. Et ce que par
APPENDICES o43
eulx en sera ordonné sera tenu et accompli. Et seront les gens du roy
tenus faire venir devers mondit seigneur le duc, en Bretaigne, au moins
jusques à Ancenis, mondit seigneur le bastard, sans lequel ladicte
ordonnance ne pourra estre faite. Auquel lieu d'Ancenis ladicte royne
sera requise de venir, s'il luy plaist, et néantmoins, si venir ne luy
plaisoit, mondit seigneur de Bretaigne et mondit seigneur le bastard
ordonner en pourront, ainsi qu'ilz verront l'avoir à faire, en l'absence
(lé ladicte royne.
Item, est accordé que le roy tollerera, senz préjudice desdiz procez,
que mondit seigneur de Richemont reçoive les hommages de tous le
vassaux des dessus dictes terres et qu'il en prengne les rachaps e
autres drois féodaux; et aussi est accordé que mondit seigneur de Ri-
chemont recevra les vassaux des dictes terres, qui faire lui vouldrout
leurs hommages, par procureurs souffisamment fondez, sanz faire, à
cause de ce, aucun reffus ou difficulté.
Item, est accordé que, au regart de tous les serviteurs et subgetz du
roy, qui, pour occasion de son service, auroient esté ou seroient em-
peschez en leur biens, terres, forteresses et possessions, mondit sei-
gneur de Bretaigne et mondit seigneur de Richemont ne leur en pour-
ront faire question ou demande, pour occasion de quelque cho%e que
l'en pourroit avoir fait, soit à l'encontre d'eulx, ou d'aucuns de leurs
serviteurs et subgetz; et, s'aucuns de leurs biens ou forteresses estoient
empeschées, ilz leur seront mis à plaine délivrance, ne jamais, pour
nulz cas advenus, ne leur en sera fait question ne demande.
Item, et semblablement, se aux terres, biens, forteresses et posses-
sions des vassaux, subgetz et officiers, ou serviteurs de mondit seigneur
de Bretaigne et de mondit seigneur de Richemont estoit fait aucun
empeschement, pour avoir servi ou favorisé mesdiz seigneurs de Bre-
taigne et de Richemont, iceulx empeschements seront ostez et leur
seront leurs terres, biens et possessions mis à plaine délivrance, sans
aucun reffus ou difficulté.
Item, que le roy, par ses gens, conseilliers et serviteurs, de quelque
estât ou auctorité qu'ilz soient, fera cesser toute voye de fait et autres
empeschemens de corps et de biens, allencontre de mesdiz seigneurs
de Bretaigne et de Richemont et leurs gens, serviteurs, officiers, sub-
getz et aliez. pour occasion de quelconque chose que l'on pourroit dire
avoir esté faicte, tant contre le roy que contre ses dictes gens, conseilliers
et serviteurs, sans leur en povoir faire aucune question ou demande.
ftem, et s'il avenoit (que Dieu ne vueille!) que aucune chose fust ou soil
rapportée au roy ou à son conseil^ parquoi leroy fust indigné envers mondit
seigneur de Richemont, il a suplié au roy qu'il lui plaise le lui faire sa-
voir, avant y procéder par voye de fait, ne autrement, afin qu'il s'en puisse
excuser et desblarner, se mestier est; laquelle chose lui a esté accordée.
Item, et à ce que le roy a requis à mondit seigneur qu'il se désiste
du tout du mariage de monseigneur Pierres de Bretaigne, son filz, et
de la fille messireLoysd'Amboise, mondit seigneur de Bretaigne, con-
sidérant que ladite fille n'est pas en aage de contracter mariage, a res-
pondu que, quand il le voudra marier, il le fera savoir au roy, dont
il est nepveu et duquel il puet avoir honneur et avancement, affinque,
544 APPE>DICES
0 son advis, plaisir el assentement, il soit marié; et n'a point mondil
seigneur de Bretaigne intencion de autrement le faire; s'il ne venoit
autre succession à ladicte fille que dudit messire Loys d'Amboise, ne,
à ceste cause, ne fera ne soufferra faire mondit seigneur de Bretaigne
par ses gens point de guerre au roy ne en ses pays.
Item et, au regart de la forteresse de Mauléon, est accordé que Pri-
gent de Coitivy en sera capitaine et en aura la garde, de par le roy,
et fera serment au roy de garder la dicte place en son obéissance, sànz
y mectre ne laisser entrer nulles gens qui facent guerre au pays, ne
aux gens du roy; et aussi fera ledit de Coitivy serment à madame
Marie de Reux, femme de messire Loys d'Amboise, de bien et loyaul-
ment garder ladite place, sanz y mectre ne laisser entrer aucunes gens
qui facent guerre à elle, ne à ses terres et subgetz, ne aussi aux pays
et subgetz de mondit seigneur, de Bretaigne, ne de mondit seigneur
de Richement, ne à leurs places, ou temps advenir, en aucupe manière.
Item, est accordé que ledit sire de Coitivy en demourera cap-
pitaine, sans ce que le roy l'en mue ne change, ne y mecte d'autre
capitaine, decy à dix ans; et, se cependant ledit sire de Coitivy aloit
de vie à trespassement, ung autre cappitaine y sera mis, aggréable ù
mondit seigneur de Bretaigne, qui fera semblable serment au roy et
à la dicte dame, comme fait ledit de Coitivy ; et, se ladicte dame n'est
contente que ainsi soit, mondit seigneur de Bretaigne ne lui donnera
confort ne aide contre le roy; ne, pour le deffault de ladicte dame de
non tenir ce que par mondit seigneur de Bretaigne en a esté accordé,
ne seront les autres appointemens d'entre le roy et mondit seigneur
aucunement rompus, ains demeureront en leur effect.
Item, et que, en ce qui touche la revenue de ladicte terre et sei-
gneurie de Mauléon, ladicte dame en joyra, et demourra en sesdictes
ville et chastel de Mauléon, se bon lui semble, et mectra en ladicte terre
tous autres officiers pour le gouvernement d'icelle.
Item, a esté accordé à monseigneur Richard de Bretaigne, conte
d'Estampe, que tous les procès pendans en la court de parlement, à
Poictiers, contre lui, tant au regart du procureur du roy que d'autres
parties, demeureront en Testât, sanz plus avant y estre procédé, jusques
à ung an prouchain venant.
Item, a esté accordé et promis que, à l'occasion des choses faictes
et avenues, en quelconque manière que ce soit, ne sera par le roy, ses
parents, serviteurs, subgetz et allez, ne de leurs places, fait ne pour-
chassé aucune guerre, dommage, desplaisir ne empeschement à mondit
seigneur de Bretaigne, messeigneurs ses enlfens, frères et barons, ne
à leurs serviteurs et subgetz, ne aussi à leurs places et forteresses
oudit pays de Bretaigne, en Poitou ne ailleurs, ou temps advenir, par
voye de fait, surprinse, décepcion, ne autrement, en aucune manière.
Et aussi a esté promis et accordé, par mondit seigneur de Bretaigne,
que par lui, ses enffans, frères et subgetz ne de leurs places ne sera
fait ne pourchacé au roy, ses parens, serviteurs et subgetz quelxconques,
ne à leurs places et forteresses aucune guerre, dommaige, desplaisir
ne empeschement, par voye de fait, sourprinse, décepcion, ne autre-
ment, en aucune manière.
APPENDICES 845
Item, et, s'il avenoit que Tune des parties, pour aucuns rappors, des-
plaisirs, ou autrement, fust meue, ou eust intention de procéder contre
l'autre partie par voye de fait ou de guerre, elle ne le pourra faire
sans le signifier et faire savoir à l'autre partie deux mois paravant,
affm que, pendant ledit temps, les choses fourfaictes puissent estre ré-
parées, par manière que plus grant inconvénient ne s'en ensuive.
Item, et partant, les marchans, subgetz et autres gens des pays et
de l'obéissance du Roy et de mondit seigneur de Bretaigne et des terres
de mondit seigneur de Richemont pourront fréquenter et communiquer
seurement les uns avecques les autres et aler de pays en autre à toutes
leurs nécessitez, sanz ce que aucun empeschement leur y soit fait ou
donné, en corps et en biens; et cesseront toutes courses, pilleries,
destrouses et appatiz, tant de l'une partie que de l'autre.
Item, et de toutes les choses dessusdictes ont esté faictes ces pré-
sentes lectres, lesquelles iceulx ambaxeurs sont tenus faire rattifier par
le Roy, soubz son scellé, et l'envoyer, dedens quinze jours prouchain
venans, à mesdis seigneurs de Bretaigne et de Richemont, qui de pré-
sent en ont baillié leurs lectres, pour maire fermeté des choses pro-
mises et accordées de leur part. Lesquelz articles dessusdiz, en tout
leur contenu et effect, nous, duc et conte dessusdiz, promectons,
jurons et nous obligons entretenir et faire serment entretenir et garder,
de nostre part, sanz fraulde, barat ne malengiu et sans faire, ne souf-
frir estre fait ou attempté, par guerre, entreprinse, voye défait, sour-
prinse ou décepcion, chose quelconque au contraire. Et, en tesmoing
de ce, nous avons signé ces présentes de noz mains et fait sceller de
nos seaulx, à Rennes, le v^ jour de mars, l'an de grâce mil CCCG
trente etung.
Jehan. Artur.
Par le duc, de son commandement :
GOAYNON.
(J 243, n» 102. Original sur parchemin.)
Le 25 mare 1431 (a. st.), à Redon, le duc de Bretagne ratifie le traité
de Rennes. L'original sur parchemin, signé Jehan,, est aussi dans le
carton J 245, n» 101. Après la reproduction intégrale du traité et la
ratification, le duc de Bretagne ajoute : « et est nostre entencion que
très haulte et puissante princesse et nostre très chière et très amée
dame et suer, la royne de Sicille, nostre très chier et très amé nep-
veu, le duc d'Alençon, beau fîlz le conte de Laval et beaux frère et
nepveu les contes d'Armaignac et de Pardiac, noz allez, soient com-
prins esdiz appointemens. »
(J 245, no 101.)
LVIIl
SUR LE SIÈGE DE SAINT-CÉNERI PAR LE COMTE d'aRONDEL (1433,
26 décembre) [p. 206-207].'
L'an mil CCGC et trentre-trois, le xxvi« jour de décembre, par-devant
nous, Guillaume Fortin, viconte d'Alençon, furent présens en leurs
Richemont. . 35
546 AI'l'K.MilCKS
personnes, Michiel Le l'Yançois et Jehan (iaull, voilurieis par terre,
demourans à Caen, lesquels cogneurent et confessèrent avoir eu et
receu de Pierre Surreau, receveur général de Normandie, par la main
de Jehan de La Preuse, son clerc, la somme de vingt-deux livres dix solz
tournois, qui deue leur estoit, par marchié à eulx fait, pour les peine,
salaire et despens d'eulx et six leurs chevaulx à bastz, d'avoir admené
et apporté, sur iceulx chevaulx, dès ledit lieu de Caen, en caste ville
d'Aiençon, la partie de la somme de treize mil trois cens livres tour-
nois, en blans de x d. et bretons de ix d. t. pièce, receue, audit lieu
de Caen, par ledit de La Preuse, dudit receveur général, pour convertir
ou payement des gens d'armes et de trait de l'armée ordonnée soubz
monseigneur le conte d'Arundell, pour le recouvrement de la forteresse
de Saint-Celerin et d'autres forteresses occcupées par les adversaires
.du Roy nostre sire, pour le second mois d'icelle; laquelle armée est de
présent à siège devant ladicte forteresse ; et autrement, pour le fait
dudit siège, en la compaingnie dudit de La Preuse, d'autres voitu-
riers et de plusieurs gens d'armes et de trait, qui, dès ledit lieu de
Caen, ont admené et conduit en ceste dicte ville ladite finance, plu-
sieurs charrois (sic) chargiez de canons, pierres à canons, panais, vivres
et autres habillemens de guerre, pour les mectre jusques audit siège;
et pour les peine, salaire et despens d'autres deux chevaulx à bastz,
par eulx achetez en chemin, par l'ordonnance dudit de La Preuse, à
Faloize; d'avoir admené d'illec en ceste dite ville la somme de dix
neuf cens livres tournois, receue audit Faloize, par ledit de La Preuse
de plusieurs officiers de finances d'illec, èsdiz blans de x d. et bretons;
et, dès Argenten en ceste dite ville, en la compaingnie dessus dite, la
somme de cinq cens livres tournois, tout pour ung voyage, receue
illec par ledit de La Preuse, èsdiz blans, des receveurs des aydes à
Argenten et grenetier d'Exmes, pour convertir oudit paiement. Ouquel
voyage lesdiz voicturiers et six chevaulx ont vaqué, en venant, par
trois jours, commcnçans le xx" jour de ce présent mois, séjournans en
ceste dicte ville par plus de jour et demi, en actendant compaingnie,
pour les dangiers qui, de présent, sont sur les chemins, sans leur
retour; et lesdiz deux chevaulx en venant par deux jours, commençans
ledit xx" jour, séjournans par plus de jour et demi, comme les autres
dessus diz, sans leur retour; dont lesdiz voituriers doivent avoir par
ledit marchié, ladite somme de xxu 1. x s. t., de laquelle ilz se sont
tenuz et tiennent, par ces présentes, pour contens et bien payez, et en
ont quicté et quictent, par ces mesmes, le Roy nostredit seigneur, ledit
receveur général et tous autres. Donné à Alençon, ledit x.wF jour de
décembre, l'an dessus dit, mil CCCC et trentre-trois.
Fortin.
(Fr. 26057, n» 2201. Voir aussi les n<>2222, 2226,2227, ofi il est ques-
tion du môme siège.)
APPENDICES 547
LIX
TRKVE DE SIX MOIS CONCLUE PAR LE COMTE Dt-: RICHEMONT, AU NOM
DU ROI, AVEC LE COMTE d'eTAMPES, AU NOM DU DUC DE BOUR-
GOGNE (1434, 17 septembre)
[p. 213-21 '*].
A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Robert le Josne, sei-
gneur de Forets, conseiller du Roy nostre sire et son bailly à Amiens,
salut. Savoir faisons que nous avons aujourd'hui veuet leu et diligem-
ment regardé unes letres saines et entières en scel et esciiptures,
(lesquelles la teneur s'ensieut :
Artur, fils de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces présentes
lettres verront, salut. Savoir faisons que, pour et en intencion de par-
venir à paix générale en ce royaulme, laquelle nous savons certai-
nement que monseigneur le Roy a toujours désiré et de tout son
cuer désire entièrement, et, adfln de tant, et sy avant que possible
nous est, avanchier le bien de la dicte paix générale, à quoy, par
raoien de bonnes triefves et abstinences de guerre l'en pourra, au
plaisir de Dieu, plus tost et aisiément parvenir, et, pour relever et
allégier le povre peuple des oppressions, paines et travaulx et
aultres maulx et dommages que si longuement il a enduré et souf-
fert et encore souffre et endure chacun jour, à cause de la guerre,
et qu'il puist paisiblement labourer et marchandise avoir son cours,
nous avons, pour et ou nom de mondit seigneur le Roy, et en ensié-
vant son bon voloir, prins, fermé et accordé, et, par la teneur de ces
présentes, par l'advis et délibéracion d'aulcuns de ses officiers et con-
seillers, estans en nostre compaignie, prenons, fermons et accordons
lionnes triefves et abstinences de guerre, à durer, depuis la date des
dictes présentes, jusques à six mois continuels et prochains ensié-
vaut, à ung mois de desdit, avec nostre très chier et très amé cousin,
le conte d'Estampes *, seigneur de Dourdan, pour et ou nom de nostre
très honoré seigneur et frère, le duc de Bourgongne, adversaire de
monseigneur le Roy, en la forme et manière et soubz les condicions
qui cy après s'ensièvent :
Premièrement, que, par nostre dit frère de Bourgongne, nostre
cousin d'Estampes, par leurs hommes, vassaulx et subgiectz et soul-
doyers et servans ne sera faicte guerre, publiquement ne occultement,
es pays, citez, villes, forteresses et seignouries estans soubz l'obéis-
sance de mondit seigneur le Roy, par deçà rivières d'Ayne, de Sere et
Oise, c'est assavoir aux villes et forteresses de Laon, Vasly, ne à tout
le pays de Lannois, aux villes et forteresses de Compiengne, Dyvez
1. Il est à remarquer que Richemont donne ici à Jean de Bourgogne le
litre de comte d'Etampes, que revendiquait et portait aussi son frère,
Richard de Bretagne (Voy. appeud. XVJ.
848 APPENDICES
Ressons-sur-le-Mas, Beauvais, Rambures, Gournay-sur-Aronde, ne à
tout le pays de Beauvoisis, ne aux villes, chasteaulx, places, forte-
resses, subgiectz et habitans desdit paj's de Lannois, Beauvoisis et
Picardie qui à présent sont en sonobéissance.
Itan, semblablement mondit seigneur le Roy et nous ne ferons, ou
souffrirons par quelsconques ses hommes, subgiectz ou souldoyers, ne
aussi par ses servans et alliez, estans présentement en son royaulme,
ne aultres tenans son parti, ou qui cy après porroient venir en son
service, faire ne estre faicte guerre en aulcune manière, publiquement
ne occultement, aux pays, citez, villes, forteresses, terres et seignouries
de nostre dict frère de Bourgongne, ne à celles qu'il a en sa main et
aussi en son gouvernement es marches de par deçà, c'est assavoir aux
pays de Brebant, Lembourg, Flandres et Arthois, Hayneau, Namur
et Boulenois; aux villes, prevostez, chasteaulx, chastelenies de Péronne,
Mondidier et Roye, ne aux places, villes et terres qui en sont tenues;
aux villes, chastel et chastelenie de Saint- Walery, Rousoy, Coulongue,
appartenant à nostre très chier et très amé cousin le conte de Nevers
et à nostre cousin le conte d'Estampes; aux villes d'Amiens, Abbeville,
Monstreul, Saint-Quentin, Noyon, les villes et chastel de Chauny,
Bray-sur-Somme Encre, Corbie, Ribémont; les villes et chastel de
Picquegny, Boves, Doullens, Saint-Riquier, Arleux, Crevecœur, Mor-
taigne, Cambray et le pays de Cambresis; aux contez, villes et forte-
resses de Guise, de Marie et autres places, terres et seignouries
appartenant à beau cousin le conte de Liney, à belle cousine, la con-
tesse de Marie, sa belle fdle, et à belle cousine, la viconlesse de Meaulx,
sa belle-mère, estans par deçà lesdictes rivières ; lesquelles terres et
places ledit beau cousin sera tenu bailler par déclaracion et nous
certiffier, dedans trois sepmaines, aprez la publicacion de cestes;
aux villes, chastel, terres et seignouries d'Aubenton, Rumiguy,
Martigny et les appartenances, appartenant à beau cousin, le
conte de Waudemont, ne aux places, forteresses, terres et sei-
gnouries des subgiets et vassaulx de nostre dit frère de Bour-
gongne, ou d'aultres tenans son parti, non subgiets à lui, qui
comprins y voldront estre, dont les seigneurs et cappitaines desdictes
forteresses et places, aiusy non subgietes de nostre dit frère de Bour-
gongne seront tenus de nous faire savoir leur volenté et en faire cer-
tifier souffisamment, en dedans trois sepmaines prouchaines, aprez la
datte de ces présentes; pendant lequel temps icelles places démoule-
ront néantmoins es dictes abstinences durant lesdictes trois sepmaines,
par ainsy toutes voies que lesdis seigneurs et cappitaines ne feront
aulcune chose contre les dictes abstinences; aux forteresses et places
de Dours, Yancourt, Morœul, la Ferté-lez-Saint-Riquier, Dongy,
Oysemont, Baillœul-en-Vymeu, Moyencourt, Aplaincourt, Chaule et
Follevile-en-Vymeu; ne aux subgiets et habitans quelsconques des
villes, places, terres et seignouries de nostre dit frère de Bourgongne;
ne desdis subgiez et aultres qui comprins vouldront estre es dictes
abstinences, estans par deçà les rivières dessusdictes, jusques à la
conté de Rethelois, qui n'y est point comprinse, ains y cessera toute
guerre et voye de fait, et ausssy tous appâtis quelsconques, durant
APPENDICES 549
le temps de ces présentes abstinences, qui commencheront à avoir
force et vertu du jour de la datte de ces présentes.
Item, pendant et durant lesdictes triefves et abstinences de guerre,
aulcune desdictes parties ne pourra prendre ou faire prendre, gaigner
ne conquérir l'une sur l'autre aulcunes villes, places ou forteresses
comprinses en ces présentes abstinences, publiquement ne occulte-
ment, de jour, de nuit, par engin d'eschelles, d'emblée, ne aultre-
ment; et, posé ores que les cappitaines, gardes ou habitans d'icelles
se voulsissent rendre et tourner, de leur plaine volenté, de l'un party à
l'autre, jà n'y seront ne porront estre receus; ne porront estre aussy
réparées aulcunes places ou forteresses autres fois démolies, mais
seront et demourront en Testât qu'elles sont de présent; et ne se
porra, par quelque manière, acroistre l'une desdictes parties sur
l'autre, es termes d'icelles triefves et abstinences, soubs quelque pré-
texte et couleur que ce soit.
Item, que tous marchans des villes et pays comprins en ladicle
abstinence porront, par sauf-conduits, converser et marchander les
uns avec les autres d'une obéissance en l'autre; lesquels sauf-conduits
l'en sera tenu de bailler, et par prix raisonnable; c'est assavoir, pour
un chariot deux salus pour mois; une charette un salut pour mois;
chacun marchant et aultre que gens de guerre ung salut pour six
mois, et, pour chacun cheval à somme, avec celui qui le conduira,
ung salut pour lesdits six mois; et seront lesdits sauf-conduits bailliez
par nous et par nostre cousin d'Estampes, ou ceulx qui, de par lui
et nous, seront à ce commis et ordonnez.
Item, que gens de tous estats, tant gens d'ayde, comme gens de
guerre, bourgeois, gens de bonnes villes, laboureurs, et aultres gens
de plat pays porront, chacun es termes de son obéissance, aller, venir,
estre, demourer, labourer et faire leurs besongnes seurement et pai-
siblement, es tei^mes desdictes abstinences et durant le temps d'icelles,
sans ce que on puisse prendre leurs corps ne leurs biens.
Item, que toutes gens d'un party et d'aultre se porront armer et
faire guerre, où et ainsy que bon leur semblera, hors des pays et
termes comprins es dictes abstinences.
Item, pour mieulx entretenir icelles abstinences, la ville de Hen,
qui, de -présent, est en nostre main, sera baillée et mise en la main
de nostre dit cousin d'Estampes, ou nom de nostre dit frère, pour en
faire et disposer à son bon plaisir; et aussy y sera mise la ville et
forteresse de Bretheuil, pour prestement, aprez qu'elle y sera, estre
démolie et abatue. Et semblablement la ville de Bruyères-soubs-Laon,
que tient présentement nostre dit cousin, le conte le Liney, sera
démolie et abatue, en dedans vingt-six jours prouchainement venans.
Item, que, ou cas qu'il y eust quelque entrefait d'un costé oo
d'autre, la dicte abstinence durant, pourtant ne seroit icelle absti-
nence enfrainte, ne la partie bléchyée ne porra récompanser par
voye de fait, ains sera tenue, avant toute voye de fait, de sommer
deuement les conservateurs, pour estre récompensé, et, s'il y a def-
fault d'un mois, aprez la dicte sommacion, la dicte partie bleschiée se
porra récompenser par telle voie que bon lui semblera.
550 APPEISDICES
Item, que, s'il advenoit que noslre dit cousin, le conte de Liney
voulsist, cy aprez, de sa part, desdire lesdictes abstinences, elles de-
mourront en leur vertu, au regard de lui, ung mois aprez ce qu'il avoir
{sic) desdites, et, au regard de nostre dit frère, elles demourront en
leur force et vertu leur temps durant, selon ce que dessus est dit, et
demourra la dicte ville de Hen en la main de nostre dit frère de
Bourgongne, ou de nostre dit cousin d'Estampes, pour lui seurement
et en abstinence, ainsy que ses autres villes et pays dessudits.
Item, et que ces présentes abstinences, ainsy que sont déclairées,
commencberont à avoir leur effect au jour de la datte de cestes,
lesquelles debvront estre publiées notamment, partout où il appar-
tiendra, dedens douze jours après la datte d'icelles, et durant le temps
que dessus est dit, et à ung mois de desdit, toutes et quantes fois que
bon semblera à mondit seigneur le Roy, ou a nostre dit frère de
Bourgongne; lequel desdis celui qui faire le vouldra sera tenu sei-
gniffier et faire savoir par ses lettres patentes, c'est assavoir, de la
partie de mondit seigneur le Roy, ez villes d'Arras ou de l'Ille, à la
personne du gouverneur de l'un des lieux, ou son lieutenant, et, du
costé de nostre dit frère de Bourgongne, es villes de Compiengne ou
de Beauvais, au cappitaine de l'un desdis lieux, ou son lieutenant;
depuis laquelle présentacion ledit mois commenchera, et, durant
iceluy, s'entretenront ces dites présentes abstinences en tous leurs
poins.
Item, que, pour apaisier et appointier les questions, débat et entre-
prinses qui, d'un costé et d'aultre, porroient survenir, à l'occasion
desdites abstinences, nous, pour mondit seigneur le Roy, et nostre dit
cousin d'Estampes pour icelui nostre frère de Bourgongne, y com-
metrons, chacun endroit soi, pour son party, aulcuns seigneurs et
chevaliers notables et puissans, qui, en nos absences, congnoistront
et appointeront desdites questions et débat, et de ce leurs donrons
nos lettres de povoir souffisantes, et néantmoins en porra chacun de
nous congnoistre à sa personnes, toutes et quantes fois que bon lui
semblera.
Sy, donnons en mandement à tous les vassaulx, hommes, justiciers,
officiers, serviteurs et subgiets quelsconques de mondit seigneur le
Roy et aux nostres et à chacun d'eulx, si comme appartiendra, que
lesdiles triefves et abstinences de guerre ils gardent et entretienghent
et facent garder et entretenir inviolablement, en tous leurs poins et
articles, sans faire quelconque chose au contraire, sur paine d'estre
pungny comme infracteur de triefves et seur estât. Et, en oultre, à
iceulx justiciers et officiers, ou à leurs lieutenans qu'ils facent, chacun
-endroit soy, ces présentes publier et solempnellement, à son de
trompe, partout où il appartiendra, en dedans douze jours prochains,
■comme dessus est dit, car ainsy le volons et avons promis et accordé
■estre fait.
En tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre scel à ces pré-
sentes. Donné en la ville de Ham, le xvii'= jour de septembre, l'an de
grâce Mccccxxxiiii. Ainsy signé, par monseigneur le conte connestable
•en son Conseil, ouquel monseigneur le bastard d'Orléans, messire P. de
APPENDICES o5l
Rochcfort, mareschal de France, les sires de Prye, de Mouy, de Fon-
taines, de Valpergue, messire Gilles de Saint-Simon, Charles d'Ebon-
ville (?) Brangon d'Arpajon, Eloy d'Escorailles, chevaliers, Potton, sei-
gneur de Fontrailles (sic), Estienne de Vignoles, dit La Hire, Jehan de
Blanchefort, M^ Jehan de Troissy et plusieurs aultres estoient. Gilles.
En tesraoing de ce, nous avons mis à ces lettres de vidimufi, ou
transcript, le scel dudit baillage. Donné à Amiens, le xxvm" jour de
septembre, l'an Mccccxxxnir.
(D. Grenier 100, p. 40-42. — Copie.)
LX
RiCllEMONT DÉLII5 ROBEHT DE SARREBRUCK DE SES ENGAGEMENTS
(1434, 15 septembre)
(p. 216).
Artur, fîlz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces lettres verront,
salut. Comme, pour le passevissement du traictié derrain, par nostre
moien fait entre nostre très chier et très-amé cousin, le duc de Bar
et de Lorraine, d'une part, et nostre bien-amé cousin, messire Robert
de Sarrebruche, seigneur de Commarci, d'autre, ou cas où des articles
pourpalés entre nosdits cousins serions contens et d'accord, icelui
nostre cousin de Bar ait promis à icelui nostre cousin de Commarci
de lui faire avoir quictance de nous du créant que derrain fit en
nostre main au lieu de Vitry, et de tous aultres qu'il nous pourroit
avoir fais, et aussi quictance de ses gens, que nous feismes prenre et
arrester à Revigny; avec main levée et joyssement de tous empesche-
mens que pourrions avoir fais on fait faire sur lui, sur ses servans ou
sur ses biens, depuis le traictié derrain, fait entre nosdiz cousins au
lieu de Vitry, à quelque cause que ce peust estre; savoir faisons que,
pour amour et en contemplacion de nostre dit cousin de Bar et de
Lorraine, nous avons tous les traictiés et accordz par lui faiz, passez
et accordez avec ledit de Commarci pour agréables, et icelui nostre
cousin de Commarci quictons, de bonne et léal quictance, de tous
créans et promesses qu'il a ou puet avoir fais en nostre main, par
lettres, ne autrement, en manière que ce soit, sans jamaiz l'en pour-
suivre ou approchier; et si, mecions au délivre de corps et de biens et
quictons, par ceste, ses gens, que autreffoiz feismes arrester à Revigny
et que nous avons fait détenir prisonniers à Bar, et, avec ce, levons
nostre main et lui rendons, par ceste, entier joyssement de tout ce en
rjuoy il pourroit avoir esté empesché par nous, ne de nostre ordon-
nance, ou nom de monseigneur le Roy ne de nous, depuis le traictié
derrain fait au lieu de Vitry, entre nosdiz cousins, tant de son corps,
de ses servans et de leurs biens et besoingnes quelconques, à quelque
cause ou occasion que ce feust ou peust estre. Sy, donnons en man-
dement, par ces présentes, de par monseigneur le Roy et nous, à tous
APPENDICES
à qui il appartient que de nostre présente quictance et main levée
facent, sueffrent et laissent joir et user plainenoient et paisiblement
nostre dit cousin de Commarci, Donné à Chaalons, le xv<= jour de dé-
cembre l'an mil quatre cens trente quatre. Ainsi signé, par monsei-
gneur le connestable E. Chlr. (Chkvalier).
(Coll. de Lorraine, t. 293, no 18.)
C'est un Vidimus du 9 décembre 1436,
LXI
ENQUÊTE SUR LA CLAUSE DU TRAITÉ d'aRRAS RELATIVE AUX VILLES
DE LA SOMME (1449, janvier)
(p. 227, 231).
Le 9 janvier 1448 (a. st.), Charles VII charge J. Tudert, G. de Vie,
R. Thiboust et J. Aude de faire une enquête, pour savoir si, en cas de
paix, ou de longue trêve avec les Anglais, il n'aurait pas le di^oit de
reprendre les villes de la Somme ', sans payer 400,000 écus. On
craint que le duc de Bourgogne ne fasse difficulté de rendre ces villes
sans indemnité, parce que les lettres du traité d'Arras « ne font de ce
aucune mencion ».
Audry du Baif, prêtre, qui était avec Christophe d'Harcourt à Arras,
affirme que le duc de Bourgogne promit « de rendre lesdites terres
et seigneuries franchement et sans rien payer », s'il y avait paix avec
les Anglais; « mais, de longue trêve, ne sauroit pas bien parler au
vray. »
« Très-hault et puissant prince, monseigneur Artur de Bretaigne,
conte de Richemont, seigneur de Partenay et connestable de France,
aagié de cinquante-six ans, ou environ, examiné par nous, commis-
saires dessus nommez, en la ville de Tours, le xx^ jour dudit mois de
janvier mccccxlvui, sur le contenu es dites lettres de commission,
dit et dépose, par son serment :
Que, en l'an mccccxxxuii, ou mois de febvrier, ou environ, messeigneurs
de Bourbon, liiy qui parle, feu monseigneur l'archevesque de Reims,
lors chancelier de France, Christ, de Harcourt et le maréchal de La
Fayete eurent certaines paroles en la ville de Nevers avec les gens de
monseigneur de Bourgoigne, pour trouver manières que mondit sei-
gneur de Bourgoigne, eust traicté au Roy; et, après plusieurs ouver-
tures, faictes d'une part et d'autre, fut pourparlé ou cas qu'il plairoit
au Roy que les terres et seigneuries que à présent tient monseigneur
de Bourgoigne, par le traicté d'Arras, estans deçà la rivière de Somme,
luy demeurassent, seulement en gaige de cccc mil escus, combien que
paravant les gens de mondit seigneur de Bourgoigne demandoient
1. Le duc avait demandé ces villes pour soutenir la guerre à laquelle il
s'exposait en traitant avec Charles VII.
APPENDICES OOO
avoir lesdites terres pour mondit seigneur de Bourgoigne et luy de-
mourer perpétuellement, à luy et aux siens, lesquelles choses furent
rapportées tant au Roi que à mondit seigneur de Bourgoigne, dont
ils furent assez d'accord, d'une part et d'autre, et, pour ce faire, et
Iraicter entre eux appoinctement et accord final, entreprindrent cer-
taine journée, laquelle a depuis esté tenue à Arras; à laquelle mesdits
seigneurs dessus nommez et autres y furent, par le commandement
et ordonnances du Roy, et aussi y furent les gens de mondit seigneur
de Bourgoigne; et après que, de la partie de mondit seigneur de
Bourgoigne, mesdits seigneurs, et autres ambassadeurs, et autres
pour le Roy eurent esté requis faire paix et traictié avec les Anglois,
et, pour ce qu'il sembla à mesdits seigneurs et autres ambassadeurs
dessus dits que profit du Roi soit mieulx de faire traicté avec mondit
seigneur de Bourgoigne, sans y comprendre les Anglois, que de traicter
avec le:i Anglois ; et pour que il leur sembloit que, quand mondit seigneur
de Bourgoigne auroit traicté avec le roi, lesdits Anglois plus aisément
et à moindre charge pour le Roy vendroient à aucun traicté, et mieulx
que quand on traicteroit des deux ensemble; et se recoi'de que, audit
lieu d'Arras, par aucuns de mesdits seigneurs ambassadeurs du Roy fût
dit aux gens de mondit seigneur de Bourgoigne, en débatant desdites
matières, telles paroUes, ou semblables, c'est assavoir, puisque le Roy,
par ledit traictié fait à Arras, laissoit à mondit seigneur de Bour-
goigne si grande partie de ses terres et seigneuries, quelles choses il
pourroit bailler aux Anglois pour avoir traictié avec eulx, et mesme-
ment, se le Roy n'avoit point entencion de luy laisser la duché de Nor-
mandie, et lors les gens de mondit seigneur de Bourgoigne respondi-
rent que, quand le Roy vouldroit Iraicter aux Anglois il ne devoit
point laisser pour les terres qu'il avoit baillées en gaige à mondit
seigneur de Bourgoigne, et que, si le Roy faisoit paix auxdits Anglois,
mondit seigneur de Bourgoigne feroit tant que le Roy seroit content de
luy et qu'il vouldroit qu'il eust jà fait paix aux Anglois et il y eust
restitué lesdites terres, sans rien payer. Interrogé se mondit seigneur
de Bourgoigne, ou ses gens, firent lors, ou depuis, aucunes promesses
à mesdits seigneurs et autres ambassadeurs du Roy de rendre et res-
tituer lesdites terres engaigées, et toutes quantefois que le Roy feroit
paix ou longues trêves aux Anglois, sans payer ladite somme de
r.ccc mil escus, pour laquelle lesdites terres sont engagées et si de ce
en furent faites ou accordées aucunes lettres, dit qu'il n'en scet autre
chose hors ce que dessus a déposé ».
Le maréchal de La Fayette, interrogé le 22 janvier, déclare que
cette question fut très débattue du côté du roi « et se recorde que, à
aucunes journées, dont n'est recors, ils se assemblèrent de nuit avec
lesdites gens de mondit seigneur de Bourgoigne, et luy semble que
c'estoit en l'hostel où estoit logé mondit seigneur le connestable, pour
ce qu'ils doubtoient parler desdites matières que messire Jehan de
Luxembourg et autres de la ligue et alliance le sceussent et empes-
chassent ledit traictié; auquel hostel de mondit seigneur le connes-
table et ailleurs fut débattu par lesdits ambassadeurs du Roy que
lesdites terres engaigées ne fussent baillées à mondit seigneur de
o54 APPENDICES
Bourgoigne; et se recorde que finablement lesdites gens de mondit
seigneur de Bourgoigne consentirent et accordèrent que, en baillant
lesdites terres en gaiges à mondit seigneur de Bourgoigne de cr.cc mil
escus, ou cas que le Roy feroit paix final aux Anglois, il recouvrast
lesdites terres engaigées pour lesdits cccc mil escus, sans payer aucune
chose. Et cuidoit certainement que lesdites promesses sur ce faites par
lesdites gens de mondit seigneur de Bourgoigne fussent escriptes
oudit traictié et n'est pas souvenant qu'ils accordassent restituer les-
dites terres, s'il avenoit que le roi prinst longue trêve aux Anglois. »
(Fr. 6966, ou Legrand, VII, fo» 242-247. Copie.)
Le duc de Bourgogne s'était, en effet, engagé, par lettres du
:J0 septembre 1435, à rendre, sans indemnité, les villes de la Somme,
en cas de paix entre la France et l'Angleterre, comme le prouve le
document qui suit. C'est un argument que J. Jouvenel des Ursins fit
valoir dans son Epître aux Etats d'Orléans, en 1439, pour exhorter
le roi à conclure la paix avec Henri VI. (Voir Fi\ 5022, f» 26.)
LXII
LETTRES DU DUC DE BOURGOGNE RELATIVES AUX VILLES DE LA SOMME
(1345, 30 septembre)
(p. 225, 229, 231).
Après avoir reproduit les clauses du traité d'Ârras relatives aux
villes de la Somme, ces lettres rappellent que les ambassadeurs de
Charles VII exhortèrent les ambassadeurs de Henri VI à conclure la
paix et lui donnèrent délai jusqu'au 1" janvier suivant, pour accepter
leurs propositions du 7 septembre 1435, également reproduites dans
ce même document, puis elles ajoutent ce qui suit ;
« Savoir faisons que entre les ambaxeurs de monseigneur le Roy,
pour et ou nom de lui, d'une part, et nous, d'aultre, a esté traictié et
accordé sur ce en la manière qui s'ensieut; c'est assavoir que, ou cas
que, en dedans ledit premier jour de janvier, de la part de mondit
seigneur et cousin le Roy d'Angleterre ne seront acceptées les offres
en la forme et par la manière contenue es lettres dessus transcriptes
et de ladicte acceptacion certiffiés lesdits légats et messages de nostre
saint père et consille de Basle, ou nous, en ce cas les citez, villes, for-
teresses, terres et seigneuries dénommées en l'article cy-dessus tran-
script nous demourront et appartendront à nos hoirs et ayans cause,
à rachapt de cccc mil escus, tels et ainsy qu'il est contenu oudit article
dessus transcript et selon le contenu es lettres de rachapt que en
avons baillées à mondit seigneur le Roy; et s'il advenoit que, de la
part de nostre dit seigneur et cousin le Roy d'Angleterre fussent et
soyent acceptées lesdites offres dedens ledit premier jour de janvier et
ladite acceptacion signiffiée, comme dessus, et que, dès lors, il voulsist
faire les renonriacions au title, droit et couronne du royalme de
APPENDICES 555
France, ensamble les vecongnoissances des hommages, ressort et sou-
veraineté de que l'en lui oÏÏve laissier en ce royalme, et que, par ce
moien, fut faicte et conclue paix final entre les deux Roys et les royal-
mes de France et d'Angleterre, en tel cas, nous serons tenus de lais-
sier, rendre et restituer, incontinent après ladicte paix final faicte et
publiée à Amiens (et les autres villes, d'Amiens et aultres ') à mondil
seigneur le Roy, toutes les dites villes, citez, terres et seigneuries à
nous transportées, franchement et sans en demander ne debvoir avoir
aucun payement desdits cccc mil escus, et seulement serons contens,
ou dit cas, de la percepcion des fruits que en aurons receus cepen-
dant; mais se, dedens le premier jour de janvier, de ladicte pari
de nostre dit cousin le Roy d'Angleterre estoient acceptées lesdictes
offres, en la manière que contenu est es lettres dessus transcriptes,
c'est assavoir qu'il voulsist avoir la faculté de attendre jusques à
sept ans de faire lesdictes renonciacions et recongnoissance ; en ce
cas, nous ne serons tenus de rendre ne restituer à mondit seigneur
le Roy ne ses hoirs lesdictes citez, villes, forteresses, terres et seignou-
ries déclairiées oudit article, ains les tendrons etenjoyrons, pour nous
et nosdits hoirs, au title de rachapt que dessus, et en ferons les fruits et
revenus nostres, jusques audit temps et terme de sept ans, synon que,
de la part du roy d'Angleterre l'en voulsist cependant faire lesdictes
renonciacions, recongnoissance, et, par ce moien, conclure paix final,
ouquel cas nous serons contens de avoir lesdis fruits et revenus, jus-
(|ues au temps desdictes renonciacions, recongnoissances et paix
final, ou en nous rendant, de la part de mondit seigneur le Roy, lesdis
cccc mil escus, comme dessus est dit, et non aullrement; et, au bout
desdis sept ans, s'il plaist à nostre dit cousin, le Roy d' Angleterre
recommenchier la guerre, semblablement nous demourront icelles
citez, villes, forteresses, terres et seignouries nommées et déclairées
oudit article, pour en joyr; et les tenir et posséder pourrons, et nosdis
hoirs, soubs ledit rachapt de cccc mil escus, tels que dits sont; mais se
il advient que ledit Roy d'Angleterre, à la fin des sept ans ans, faice
lesdictes renonciacions et recongnoissance et accomplisse lesdictes
choses contenues es dictes lettres dessus transcriptes, par le moien
de quoy paix final soit signiffiée et publiée entre lesdis deux royalmes
de France et d'Angleterre, en ce cas, promectons, en bonne foy et
parole de prince, et par les foy et sermens de nostre corps, pour nous
et nosdis hoirs et successeurs, de rendre, restituer et delaissier à
mondit seigneur le Roy, ou ses hoirs et successeurs en la couronne de
France franchement toutes lesdictes citez, villes, forteresses, terres et
seignouries désignées en l'article devant dit, tantost après lesdits sept
ans passés, sans en faire aulcune demande ou querelle desdits cccc mil
escus, et icelles citez, forteresses, villes et seignouries ou aulcune
d'icelles retenir, ne auitrement différer ou retarder lesdictes resti-
tucion et délaissement d'icelles, ou partie d'icelles, soubs umbre
et occasion de quelque autre debte, demande ne poursuite que po-
vions ou porrions, ou temps advenir, avoir, ou nos hoirs et succes-
1. Il doit y avoir ici une faute de copiste.
556 APPENDICES
seurs, à quelque cause ou title que ce soit ou puisse eslre, àl'eneonlre
de moiidit seigneur le Roy, ou de ses hoirs et successeurs, pourveu
toutevoies que tous les fruits, rentes et revenues quelconques que
aurons, durant lesdis sept ans, receus desdictes citez, villes, forteresses
et seignouries nous demourront entièrement, sans ce que nous soyons
tenus de, en aulcune chose, rendre ne restituer à mondit seigneur le
Roy, ne aux siens, ou qu'ils nous en puissent aulcune chose quérir ne
demander; toutesvoyes, nous ne entendons prendre, en ces présentes,
aulcunement les chastel et ville de Péronne, combien qu'ils soient
assis sur la rivière de Somme, ne aulcune des autres villes, forteresses,
seignouries à nous transportées par mondit seigneurie Roy déclairées
et spécifiées es aultres articles dudit traictié de paix; et, à tout ce
faire, tenir et accomplir nous sommes obligiés et obligons, par la
manière dessusdicte et soubs Tobligacion et ypothèque de tous nos
biens et de nosdis hoirs et successeurs présens et advenir, voulans à ce
estre contrains par la censure ecclésiastique de nostre saint père le
Pappe et du saint consille de Basle, par toutes aultres cours ecclésias-
tiques et séculières et toutes aultres voyes deues et raisonnables, aus-
quelles, quant ad ce, nous sommes soubsmis et soubmettons et nosdis
hoirs, successeurs et biens quelconques, par ces mêmes présentes, et
tout sans fraude et malengins, renonchans à toutes choses, tant de
droit que de fait, que porrions dire ou alléguier au contraire de ce
que dit est. En tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre scel à
ces présentes, données en nostre ville d'Arras, le derrain jour de
septembre mccccssxv.
(D. Grenier 100, p. 48-49. Copie.)
LXIII
LECTRE DE MAISTRE EMERY MARTINEAU, PROCUREUR DU ROI
SUR LE FAIT DES MONNOYES (1436, 21 aOÛt)
(p. 242, 252, note 6; p. 260, notc 6).
Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces présentes lec-
tres verront, salut. Savoir faisons que nous, confians à plain des
sens, souffisance, loyaulté, proudommie et bonne dilligence de la
personne de nostre amé et féal conseiller, maistre Aimery Martineau,
iceluy avons fait, créé, ordonné, constitué et estably, faisons, créons,
ordonnons, constituons et establissons, par ces présentes, et par vertu
du povoir et auctorité royal dont nous usons en ceste partie, procu-
reur de monseigneur le Roy sur le fait de ses monnoyes, pour iceluy
office avoir et tenir doresenavant par ledit maistre Aimery, aux
gaiges, droictz, prouffiz et émolumens acoustumez et audit office
apartenans, tant qu'il plaira à mondit seigneur et jusques à ce que
par luy y soit autrement pourveu. Si, donnons en mandement, par
ces dictes présentes, de par mondit seigneur et nous, à nos très chiers
APPENDICES 557
et bons amys, les trésoriers et conseillers des finances et aux géné-
raux maistres des monnoyes de mondit seigneur et à chacun d'eulx,
si comme à luy appartendi'a, que, prins et receu dudit maistre Ai-
mery le serment en tel cas acoustumé, ilz le mectent et instituent, ou
facent raectre et instituer en possession et saicine dudit office, et
d'iceluy, ensemble des gaiges, droitcz, prouffilz et emolumens dessusdiz
le facent, seuffrent et laissent joyr et user plainement et paisiblement
et à luy obéir et entendre de tous ceulx qu'il appartiendra, es choses
touchans et regardans ledit office, en luy faisant payer, bailler et
délivrer lesdiz gaiges par celuy qui acoustumé les a payer, aux ter-
mes et à la manière acoustumez; lesquelz à luy ainsi payez, par rap-
portant vidimus de ces présentes, avecques quictance sur ce dudit
Martineau, seront allouez es comptes et rabatuz de la recepte de
celuy qui payez les aura, sans aucun contredict ou difficulté, non
obstans quelconques ordonnances, mandemens ou defïenses à ce
contraires, car ainsi le voulons et nous plaist estre fait, par cesdictes
présentes, ausquelles, entesmoing de ce, nous avons fait mectre notre
scel. Donné à Paris le xxi« jour d'aoust, l'an de grâce mil iiiic xxxvi.
Ainsi signé, par monseigneur le conte connestable.
E. Chevalier.
(Z»'' 60, f» 28.)
LXIV
LA MESSE ET LA PROCESSION DES ANGLAIS
(p. 253).
Les premières eurent lieu le vendredi 3 avril 1437 (LL 217, f" 292,
au mercredi 3 avril). Les documents contenus dans les cartons K. 1002-
1005 montrent que cette cérémonie commémorative avait lieu au
mois d'avril. Plus tard, on célébra, de la même manière, du 20 au
22 mars, l'entrée de Henri IV dans Paris. En 1733, Louis XV décida
que ces deux cérémonies, si rapprochées, seraient réunies en une
seule, comme le prouvent les deux lettres suivantes :
A monsieur Turgot, prévost des marchands *.
A Versailles, le 29 mars 1733.
Il me paroist effectivement, Monsieur, que le parlement et la
chambre des comptes désirent également que le Roy veuille bien les
dispenser d'une cérémonie aussy inutile que celle de l'assistance à la
procession qui se fait le vendredi d'après Pasques, en mémoire de
l'expulsion des Anglois, et, comme j'ay lieu de croire que Sa Majesté
voudra bien les en dispenser en effet, ou joindre cette procession à
celle qui se fait le 22 mars, pour la réductioa de Paris sous le règne
I. .Michel-Etienne Turgot, père du célèbre ministre de Louis XVI.
558 APPENDICES
d'Henry IV", vous pouvés vous arranger dès à présent sur ce pied là et
disposer d'un vendredy, qui, vraysemblablement, ne sera pas plus à
charge au bureau de la ville qu'aux cours qui ont assisté jusqu'icy à
la cérémonie de ce jour.
Je suis, monsieur, parfaittement à vous.
Daguesseau.
(K. lOOo, à la date du 29 mars 1733.)
A Monsieur le Prévost des Marchands.
A Versailles, le 19 mars 173u.
Le Roy m'ordonne de vous faire scavoir, Monsieur, que Sa Majesté
trouve bon, par les raisons qui luy en ont esté expliquées, qu'il ne
soit fait doresnavant qu'une seule cérémonie en mémoire des deux
réductions de Paris, l'une du temps des Anglois, l'autre sous Henry IV,
et que le jour en demeure fixé au 22 mars de chaque année. Sa
Majesté n'a pas cru devoir prendre d'autres voyes pour vous faire
scavoir ses intentions à cet égard, puisqu'il n'est pas d'usage qu'on
expédie aucun ordre pour la procession qu'on appelle des Ânglois,
et, qu'à l'égard de celle qui se fait pour la réduction de Paris sous
le règne d'Henry IV, les ordres que l'on a accoutumé d'expédier ne
regardent qu'un incident de la cérémonie et non pas la cérémonie
mesme.
Je suis, Monsieur, parfaittement à vous.
Daglesseau.
(K. 1005, au 19 mars 1735.)
LXV
TAXE SUR LES VINS QUI TRAVERSENT PARIS, SAINT-CLOUD, POISSY
(1436, 22 août)
(p. 256, note 2; p. 261).
Arlur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces présentés lettres
verront, salut. Comme, pour résister aux entreprinses des Anglois,
anciens ennemis de monseigneur le Roy, et mesmement ceulx estans
et occupans les places faisans frontières à la bonne ville de Paris et
au pays d'environ et pour la conduite des alfaires de mondit seigneur
le Roy èsdites marches, soit besoing et nécessité d'avoir et recouvrer
grans financés, par toutes les voyes et manières possibles, considéré
mesmement que les revenues de mondit Seigneur èsdiz pays ne
pourroient suffire à la conduite et entretenement desdiz affeiires,
attendu la petite valeur et la grant diminucion d'icelles finances;
savoir faisons que nous, ce considéré que, en la dicte ville de Paris
a grant quantité de vins et que, de jour en jour, des pays de Bour-
APPENDICES 559
goiiigne, d'Orléans et aillieurs l'en y en a amené et amainne en très
giant nombre et plus qu'il n'est nécessité pour l'usaige et provision
des habitants en icelle, et, pour ce, soit besoing aux marchands et
autres bourgois et habitans de la dicte ville de Paris vendre et faire
mener et transporter hors d'icelle aucune partie desdiz vins, tant
èsdiz pays de Normendie, comme ailleurs, es pays désobéissans, à ce
qu'ilz et autres ayant vins puissent recouvrer argent de la vente
d'iceuli, pour faire recueillir les vendenges, continuer leurs labours
et marchandises, et aussy que, par le moyen desdiz vins transportez
et des marchans qui les conduiront et feront conduire et mener,
ladite ville de Paris puist estre fournie et pourveue d'autres denrées
et marchandises qui y sont nécessaires; sur lesquelz vins ainsi trans-
portez et videz d'icelle ville de Paris se pourra trouver et recouvrer
aucun aide pour traicter, pour aider à supporter lesdiz affaires; nous,
pour ces causes, et par l'advis et délibéracion des gens du Conseil de
mondit seigneur estans de présent en ceste dicte ville de Paris, avons
ordonné et ordonnons, par ces présentes, que, sur chacune queue de
vin qui, depuis le jour et date de ces présentes, jusques à ung an
prouchainement venant, sera traicte hors d'icelle ville de Paris et pays
d'environ, et menée oudit pays de Normendie, par eaue et par terre,
et aillieurs ou pays désobéissant et qui passeront la dicte ville, et
aussi ceulx qui passeront les ponts de Saint-Cloud et Poissy, sera
paie par l'acheteur, ou celui qui le fera traire et mener, supposé qu'il
ne soit pas vendu, la somme de trente deux solz parisis pour queue
de vin de Bourgoingne et, pour chacune queue de la traicte d'autre
pays, vint quatre solz parisis et au dessoubz, à l'équivalent; et, au
regard de cellui qui sera prins et enlevé et mené par charroy en
l'obéissance de mondit seigneur n'en sera aucune traicte paiée, mais
seulement seront tenus ceulx qui ainsi les tireront ou feront tirer et
emmener de bailler pleige et caucion de rapporter certifficacion
souffisaut de la justice des lieux et places de ladicte obéissance oh ilz
auront menez et deschargez lesdiz vins, laquelle avons ordonné estre
receue par Jehan Le Riche, qui en baillera ses cédules, signées de
son saing manuel et du saing manuel de Jehan de Lisle, que nous
avons commis à faire le controlle d'icelle; à laquelle paier voulons
estre contrains tous ceulx qui en feront transporter et mener, pour
telle quantité qu'ilz en feront transporter et mener, par toutes les
voyes et manières qu'il est acoustumé de faire pour les propres debtes
de mondit seigneur; et, en cas que aucuns s'efforceroient de en trans-
porter ou faire transporter sans avoir paie et acquicté ladicte traicte,
et qu'il en appere par cédule signée comme dit est, nous, en ce cas,
voulons que le dit vin, avec le vessel ou charroy où ilz seront char-
giez, soient forfaiz et confisquez et les délinquans condempnez en
amende arbitraire. Si, donnons en mandement au prévost de Paris et
au bailly de Senliz, ou à leurs lieuxtenans et à tous les autres
officiers de mondit seigneur que ceste présente ordonnance et traicte
facent paier et entretenir diligemment, sans enfraindre, en faisant
ces présentes publier es lieux acoustumez à faire criz et publicacions,
es mettes et juridicions desdiz prévoté et bailliaige, tellement que
560 APPENDICES
aucun n'ayt cause d'en prétendre ignorance; et, pour ce que de ces
présentes en aura à faire en plusieurs lieux, nous voulons que, au
vidimus d'iceiles, fait soubz scel royal, ou autre autentique, foy soit
adjoustée, comme à l'original. En tesmoing de ce, nous avons fait
mectre nostre scel à ces présentes. Donné à Paris, le xxiie jour
d'aoust, l'an de grâce mil quatre cens trente six. Ainsi signé, sur le
reply de la marge d'embas, par monseigneur le connestable, P. de
WlLLERIES.
Au dos desquelles lectres estoit escript ce qui- s'ensuit : Publiées
en jugement ou Chastellet de Paris, le mardi xxvin« jour d'Aoust, l'an
mil quatre cens trente six. P. Choart.
Collacion faicte à l'original et icellui rendu à Jehan Le Riche,
dedens nommé.
(Y' [Livre vert vieil second] fo 10.)
Le 9 septembre suivant, le roi rend une ordonnance conforme.
(Ordonn. XIII, 227-229.)
LXVI
ORDONNANCE CONTRE LES GENS DE GUERRE (143G, ler OCtobre)
(p. 261, 264).
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à noz amez et féaulz
conseillers, les commis par nous sur le fait de la justice souveraine es
ville, prévosté, et viconté de Paris et es bailliages de Senlis et de
Meaulx, au sire de Rostelan, nostre conseillier et chambellan et lieu-
tenant de nostre très chier et amé cousin, le conte de Richemont,
nostre connestable, au prévost de Paris, aux baillis de Senlis et de
Meaulx, ou à leurs lieuxtenans, et au premier nostre huissier, ou ser-
gent d'armes salut et dilection. De la partie de nostre procureur
général, aux griefves et piteuses complaintes et clameurs de plusieurs
noz poures subgez, nous a esté exposé que, comme, depuis l'obéis-
sance à nous faicte de nostre bonne ville de Paris, nostre dit cousin,
connestable et lieutenant, par l'advis et délibéracion de nostre Conseil
estant en nostre ville de Paris, ait, pour résister à noz anciens ennemis
et faire cesser plusieurs robberies et pilleries, qui se faisoient sur noz
subgectz, ordonné en plusieurs villes et places fortes, où besoing
estoit, cappilaines et certain nombre de gens de guerre souffisans
pour la seureté, garde et défense desdictes places et du pays d'environ
et les eust appointiez de leurs gaiges et souldoiées, tant sur certain
aide mis sur par nostre dit cousin, pour icelle cause audit pays,
comme sur nos autres finences, à ce qu'ilz se peussent entretenir,
sans de là en avant mectre sus ne lever aucuns appâtis et sans pille-
ries ne autres exécucions indeues, ne, pour occasion de ce, faire
aucunes courses ou chevauchées sur noz subgectz, et que iceulx noz
subgectz peussent paisiblement vivre soubz nous, en faisant leurs
APPENDICES 561
labours et marchandises et paisiblement recuellir leur aoust et ven-
denges, pour le vivre et substantacion d'eulz et de noz autres subgez
et mesmement de nostre dicte bonne ville de Paris; et, combien que
tde la dicte ordonnance et appointement, fait par nostre dit cousin,
comme dit est, les cappitaines desdictes places, et mesmement de
Pontoise, Saint-Germain-en-Laye, Senliz, Laigny, Chantilly, le Pont
de Meulent, Corbuel, Braye-Conte-Robert, le bois de Vinciennes et
autres s'en soyent tenus contens, comme par raison dévoient estre,
tant du nombre des gens de guerre nécessaires pour la garde et seu-
reté desdictes places, comme des assignacions et ordonnances pour
leurs gaiges et souldoiées, néantmoins, puis le partement de nostre
dit cousin de notre dicte ville de Paris, aucuns desdis cappitaines et
gens de guerre ont mandé et fait venir et tiennent es dictes places,
ou en aucunes d'icelles, excessif et trop plus grant nombi'e de gens de
gueri'e que ordonné et appoinctié avoit esté par nostre dit cousin le
connestable; et soubz umbre de la creue d'iceulz gens de guerre,
combien qu'elle ne soit point nécessaire, mais est importable au pays,
et, autrement, de leur volenté desraisotmable, ont prins et exigé de
noz poures subgiez leurs blez, vins, bestaulx et autres biens, et, en
outre, mandé, mendent et se ventent de faire venir devers eulz noz
diz poures subgez dudit plat pays, en leur envolant cédules pour les
vouloir contraindre à eulz appâtissier et composer, à leur baillier
grans sommes de deniers, biefs, vins et autres choses impossibles et
importables à nos dis subgez, en venant et rompant de fait les dictes
ordonnances faictes par nostre dit cousin, par quoy grant rompture
et dommage irréparable pouri'oit parvenir à nostre seigneurie, qui
pourroit estre la totale destruction de nosdis pays et subgez et mes-
mement de nostre dicte ville de Paris, se pourveu n'y est de remède
de justice; si, comme nostre dit procureur d'ilec, requérant pour le
bien de nous et de nosdiz subgez et seigneurie, y voulons donner
provision; pour quoy, nous, les choses dessusdictes considérées, qui,
de tout nostre avoir, désirons telles voyes de fait, pilleries, roberies et
exactions sur nostre peuple cesser et justice estre faicte et gardée
devers nos dis subgez, à ce qu'ilz se puissent, soubz nostre seigneurie
et obéissance, vivre en paix; considérans mesmement que à nul, de
quelque estât ou auctorité qu'il soit, ne loise de prendre ne exhigier
de nos diz subgez telles manières d'exactions, ne les contraindre à les
paier, sy non par nostre auctorité et ordonnance, ou de nostre dit
cousin le connestable ; nous mandons, commandons et expresseiBent
enjoignons à chacun de vous que vous faictez ou faictez faire exprez
commandement, de par nous, à tous lesdis cappitaines, ou à leurs dis
lieuxtenans, sur quanques ilz peuent meffaire envers nous et [sur
peine?] de confiscacions de corps et de biens que les dis gens de
guerre venuz de creue, oultre le nombre ordonné par nostre dit cou-
sin, comme dit est, ilz renvoyent, tantost et sans delay, en la fron-
tière dont ilz sont venuz, à l'encontre de nosdis ennemis et qu'ilz se
despartent hastivement des dictes places et pays, sur peine de for-
faire corps et biens; et que l'ordonnance faicte par nostre dit cousin
ilz gardent et tiennent, sans enffraindre, et cessent doresenavant de
RlCHEMO.VT. 36
562 APPENDICES
exhigier sur nosdiz subgiez telles exactions et pilleries; et ad ce que
aucun n'en puisse prendre cause d'ignorence, faictes ces présentes
publier, à son de trompe et autrement, es lieux où verrez estre ex-
pédient, et tous ceulx que trouverez, après la publicacion d'icelles,^
faisans le contraire des dictes ordonnances, et qui ainsi exigeront et
pilleront nosdiz subgiez, prenez les, ou faictes prendre au corps et
iceulx admenez prisonniers à nos prisons, pour en ordonner ainsi
qu'il appartendra par raison; et, au cas que prendre et appréhender
ne les pourrez, si les appelez ou faictes appeler, à certains briefz jours,
à comparoir en personne par devant vous, nosdis conseillers en
nostre Palais, à Paris, sur peine de bannissement et de conliscacion
de corps et de biens, en y procédant par toutes voyes et manières
que verrez estre nécessaires et convenables, et par main armée, se le
besoing est, en convocant et appelant, se mestier est, de noz subgez
telz et en tel nombre comme bon vous semblera; et de ce faire vous
donnons povoir ; mandons et commandons à tous noz justiciers,
officiers et subgiez que à vous et à vos gens et depputez, en ce fai-
sant, obéissent et entendent dilligemment et vous prestent et donnent
conseil, confort et aide et prisons, se mestier est, et requis en sont.
Donné à Paris, le premier jour d'octobre, l'an de grâce mil quatre
cens trente et six et de nostre régne le xiv. Signé, par le Conseil lay
estant à Paris, J. Leclerc.
Au dos desquelles estoit escript ce qui s'ensuit : Publiées en juge-
ment ou Chastellet de Paris, le lundy huitième jour d'octobre, l'an de
grâce mil quatre cens trente et six. Signé, J. Doulzsire. Ledit jour
publiées par les carrefours acoustumez à faire publicacions en la ville
de Paris et en la rue saint Anthoine, à l'opposite de la rue saint Pol.
Signé. J. Doulzsire.
(Y * [livre vert vieil second] f" 13 v", 14 v").
LXVII
LETTRE DU DUC d'yORK, RELATIVE AU SIÈGE DE MONTEREAU
(1437, 18 septembre)
(p. 272, 273-274).
De par le duc de York, lieutenant général et gouverneur de France
et Normandie.
Très cher et bien amé, pour ce que, de présent, sommes grande-
ment occupez, pour le fait du secours qu'il est nécessaire de faire de
très brief à ceulx de dedens la ville et chastel de Montereau, lesquelz
sont jà fort contrains par les ennemis qui tiennent le siège devant
eulz, ne pouvons présentement, et jusques à ce qu'il aura pieu à Dieu
que le dit secours soit fait, entendre à autre chose, si, vous prions,
requérons et chargeons, de par monseigneur le Roy et nous, que
toutes les gens de guerre que avez, tant à cause de votre bailliage de
I
APPENDICES 563
Caen, que de votre cappitainerie d'Argentan, vous continuiez et entre-
teniez, pour un mois entier, en tel et pareil estât et nombre comme
avez fait pour le mois dernier passez, et en faisant, à ceste cause,
monstres devant les commissaires qui vous ont estez ordonnez pour
le temps passez. Ces présentes, avec icelles monstres, vous vauldront
garant pour ledit mois.
Très cher et bien aimé, nostre Seigneur soit garde de vous. Escript
à Rouen, le xyiii" jour de septembre *.
Plus bas, une attestation de J. Biart, tabellion d'Argentan, datée du
7 octobre 1437. (Fr. 25774, n» 1246.)
LXVIII
RKSTITUCION FAICTE AU CONTE DE RICUEMONT, CONNESTABLE DE FRANCE,
DE LA VILLE, TERRES ET CIIASTELLENIE DE GIEN ET SES APPARTE-
NANCES. BAIL ET TRANSPORT FAICT DE LA VILLE ET CUASTELLENIE
DE SAiNCTE MENEHOULD EN CHAMPAGNE (1437, 27 novembre)
(p. 277, 280, note 8).
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceulx qui ces
présentes lettres veiTont, salut. Comme piéça, par nos autres lettres,
et pour les causes contenues en icelles, nous eussions baillé, assigné et
délaissié à nostre ti"ès chier et amé cousin, le conte de Richemoiit, con-
nestable de France, par manière de provision, à cause du domaine de
nostre très chière et très amée suer, la duchesse de Guienne, sa femme,
pour raison du mariage de feu nostre très chier frère, Louis, jadis duc
de Guienne, les villes, terres, chasteaux et chastellenies de Fontenay-le-
Conte, Gien, Montargis et Dun-le-Roy, avec les rentes, revenues et appar-
tenances et appendances d'icelles, et, sur ce, ayons faict bailler et dé-
livrer à nostre dit cousin nos lettres patentes, vérifflées et expédiées
en nostre cour de parlement, en nostre chambre des comptes et
ailleurs, où il appartient, et, à cette cause, ait nostredit cousin, de-
puis, jouy et usé, par aucun temps, et jusques à ce que, pour aucunes
affaires qui nous sont survenues, et autres causes et considéracions à
ce nous mouvans, nous reprimes et mismes en nostre main lesdictes
villes, terres, chasteaux et chastellenies de Dun-le-Roy, Gien et Mon-
targis, desquelles nostre dict cousin n'a aucunement jouy, et, pour ce,
nous ait requis que, ayant regard à ce que dict est, luy voulsissions
rendre et restituer les dictes terres et chasteaux et chastellenies, ou
autrement le pourveoir, à cause dudict douaire; scavoir faisons que
nous, voulans, ainsi que de raison est, à nostre dict cousin tenir et
accomplir tout ce que autrefois luy avons promis, touchant les choses
dessusdictes, nous luy avons, de rechef, pour et ou nom de nostre
dicte suer, baillé, rendu et restitué, baillons, rendons et restituons
1. Cette lettre est adressée à Richard Horington, capitaine d'Argentan
(Fr. 2;m4, n»» 12o7,12o8, 1261, 1282).
ë64 APPENDICES
ladicle ville de Gien, avec toutes ses appartenances et appendances
quelxconques, pour la tenir et en jouir ainsi qu'il faisoit paravant
ladicte prinse et qu'il est contenu en nos dictes autres lettres; et,
pour aucunement le récompenser des dictes terres et chastellenies de
Montargis et Dun-leRoy, par manière de provision, luy avons baillé,
délivré et délaissié, baillons, délivrons et délaissons, par ces pré-
sentes, nos ville, terres, cliastel et chastellenie de S'" Ménéhould, en
Champagne, avec les rentes, revenues, et toutes et cliacunes ses appar-
tenances et appendances quelxconques, pour les dictes villes, terres,
chasteaux et chastellenies de Gien et de Dun-le-Roy et de toutes leurs
dictes appartenances et appendances et aussi desdictes villes, terres,
chastel et chastellenie de Fontenay-le-Conte, en Poictou, qu'il a tous-
jours depuis tenu et possédé et faut encore jouyr et user, et les avoir,
tenir et posséder plainement et paisiblement, comme de douaire, à
cause de nostredicte suer, sa femme, et durant sa vie d'elle, oujusques
à ce que autrement ayons appoinctié nosdicts cousin et suer sur le faict
d'iceluy douaire, et tout sous les prérogatives, droictz, libertez, préé-
minences, condicions et manières plus à plain contenues et déclarées
en nozdictes autres lettres sur ce faictes; et toutes fois, si nosdicts
cousin et suer, par nostre ordonnance ou de nostre court de parle-
ment estoient tenuz de délaissier et délaissoient aucunes des terres
dessusdictes, nous les en récompenserons convenablement, comme
verrons estre à faire par raison. Si, donnons en mandement etc.,
Donné à Paris, le vingt-septiesme jour du mois de novembre, l'an de
grâce mil quatre-cens-trente-sept, et le seiziesme de nostre règne ;
scellées de nostre scel, en l'absence du grant, Ainsy signé, par le Roy,
en son conseil, ouquel estoient messeigneurs le Daulphin, Charles
d'Anjou, les contes de La Marche et de Vendosme, l'arcevesque de
Thérouenne *, les évesques de Clermont et de Magalonne, etc.
J. Dijox.
(P. 2S31,f»« 138-160.)
Lundi 27 juin 1440.
Ouye la requeste du connestable, pour raison du siège de bailli de
Vitry au lieu de S'*' Ménéhoue et des proufîz d'icelui siège ; de laquelle
requeste Rapiout, pour le connestable, a requis l'entérinement, dit
Simon, pour le procureur du Roy, que, au premier point de la
requeste, que le siège soit à 8"= Ménéhoue, faire ne se doit aucune-
ment que autre n'y feust commis à l'exercice de la justice que icelui
qui la gouverne audit lieu pour le connestable, c'est assavoir M" Je-
han Thoygnet; à l'autre point, d'avoir les émolumens, dit que le
procureur du Roy, et par le mandement du Roy, dès piéça s'est
opposé à toute aliénacion du domaine. Le Roy, à son sacre, a promis
de ne l'aliéner, et pourtant doit M« Jacques Jouvenel, advocat du Roy,
estre attendu; et veue ladite opposicion, quant à présent, ne peut
autre chose dire fors qu'il s'oppose à l'aliénacion, et dit que ladicte
requeste, au second point, ne doit estre faicte, et, ni veniat eventus,
jusques M" Jacques soit venu; se à tant estoit que aucunement l'en
1. Faute de copiste. Il doit y avoir Tboulouse dans l'original.
APPENDICES S65
obtemperast à ladite requeste, que au moins les fruiz soient receuz par
le receveur du Roy et que les deniers en demeurent en sa main,
comme en séquestre, jusques à ce que autrement en soit ordonné.
Rapiout dit que sa requeste est moult favorable et bien fondée,
comme de doaire, et dit qu'il ne requiert point que aucun des offi-
ciers du connestable tiegne le siège de bailli. Ainsi est le premier
point vuidié. Aussi, par le premier bail qui lui fut fait de Montargis, il
eust à Montargis peu mectre bailli et, in commutacione de Montar-
gis à S'c Mônéhou, lui a esté baillé semblablement S'^ Ménéhou. Au
point des fruiz, dit que lo Roy lui a baillé tous les fruiz dudit lieu, et
y doit l'en entendre les emolumens du baillage, et ne seroit que re-
quérir de séquestrer les fruiz; et dit qu'il n'est que doaire, qui est
favorable et ad vitam, et, par ce, n'y a aliénacion. Aussi le Roy lui
avoit baillé Montargis et autres terres, qui plus valoient beaucop que
S'e Ménéhou; et dit que Jouvenel ne doit estre attendu, mais lui doit
sa provision estre faicte.
Simon dit que S*e Ménéhou vault plus, en revenue, que Montargis
et Dun-le-Roy, que le Roy lui avoit baillé, tant seulement par provi-
sion, par quoy n'y peut avoir eschange ne commutacion ; et, quicquid
dicat, c'est aliénacion.
Rapiout dit qu'il seroit bien content d'avoir Montargis et Dun-le-
Roy, qui le lui vouldra bailler pour S'" Ménéboue.
Appoinctié est amectre les lectres du bail de S'<= Ménéhou et de
Montargis et la requeste par devers la court et au conseil.
(X'» 4798 fo» 213, ro et v».)
Après la mort de la duchesse de Guyenne, comtesse de Richemonl
(1442, 2 février) Charles VU donna, le 8 mars 1442, à la reine de
France, le comté de Gien et la ville, château et chatellenie de Sainte
Ménéhould, à commencer du jour du trépas de la duchesse de Guienne
(P. 2331, f°' 213-213.) En 1443, le roi donna à Charles d'Anjou, comte
de Mortain et du Maine (en récompense des grands services que lui
avait rendus sa mère, la reine Yolande) le comté de Gien-sur-Loire,
et les châteaux, villes, baronnies, châtellenies, terres et seigneuries de
Saint Maixent, Melle, Civray, Chizé et Sainte Neomaye « avec tous les
droiclz, noblesses, prérogatives, prééminences qui y appartiennent
excepté les foy et hommage deus à cause des chastel, terre et sei- .
gneurie de Partenay. »
(P. 2331, f»' 215 V, 219. Voy. ci-dessus, p. 330, note 1.)
LXIX
PAIEMENTS DE DIVERSES SOMMES AU CONNÉTABLE
(1459, 27 octobre)
(p. 280, 292, 462).
Les gènéraulx conseillers du Roy noslre sire sur le fait et gouver-
nement de ses finances, tant en Languedoil comme en Languedoc,
366 ■' APPENDICES
ont fait recevoir, par M» J. de Xaincoins, receveur général desdites
finances, de P. Parcaut, commis à recevoir en Poiclou la portion de
l'aide de mi c. mil. 1. t. mis sus par le Roy, noslre dit seigneur, en
ses pais de Languedoil, ou mois de mars derrenier passé, pour con-
vertir ou fait de sa guerre et aultres ses affaires, sur ce qu'il peut et
pourra devoir, à cause de sa recepte et dont ledit receveur général, a
pour ce baillé, sa cédule au contreroleur et en ceste mis son signe, la
somme de quatre mil quatre cens trente 1. t. pour monseigneur le
connestable de France, c'est assavoir qui lui estoit deu, pour argent
par lui preste au Roy, en l'année passée, pour la recouvrance du chastel
de Chevreuse iP" iin° xxx 1. t.; pour certaine dépense par lui faicte,
ou mois de juillet derrenier passé, à faire le gast devant Meaulx, avant
le siège mis devant ladicte place, ix' 1. 1. et sur son estât de m 1. t.
par mois, des mois de septembre et ce présent mois d'octobre, oultre
sa pension ordinaire, xa* 1. t. Escript le xxviF jour d'octobre, l'an
mil un" trente et neuf.
PicART, Xaincoins, Bcde.
(Portefeuille Fontanieu 117-118, à la date. — Copie moderne.)
LXX
SUR LES CAPITAINES DE GENS d'aRMES POUR LES RENDRE
RESPONSABLES Dbi LEURS GENS (1438, 22 décembre)
(p. 282, 283).
Arlur, filz de duc de Bretaigne, conte de Ricbemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, au prévost de Paris, ou à son lieute-
nant, salut. Pourceque chacun capitaine aiant charge et ordenance
de gens de guerre, tant en garnison, pour la garde, seurté et deffense
des villes, chasteaulx et forteresses appartenans à monseigneur le Roy
et à autres ses subgez, comme autrement, doit respondre des gens
qu'il a et tient en sa compaignie et gouvernement, pour en faire
punicion et justice, quant ilz délinquent et que les gens de guerre de
plusieurs garnisons et autres font souventeffoiz de très grands griefs,
maulx et dommaiges aux subgez de monseigneur le Roy des villes et
pais alentour d'eulx, en prinses et raençons de biens, chevaulx, bes-
tail, voictures et aucuneffoiz des corps des personnes, dont plusieurs
clameurs et complaintes se font et en viennent souvent à mondit
seigneur, à nous, à son Conseil et à sa justice, et n'en est faicte puni-
cion, ainsy qu'il appartient, pourceque les malfaicteurs se défuyent,
absentent ou retraient en leurs places et garnisons, ou autrement, en
manière que on ne les peut avoir ne appi'éhender, nous, pour le bien
de mondit seigneur le Roy, en relievement de ses poures subgez,
voulans à ce pourveoir, ainsy qu'il appartient, et eue considéracion
à ce que dit est, et mesmement pour faire cesser les maulx et dom-
maiges dessusdits, vous mandons, de par mondit seigneur le Roy et
APPENDICES o67
nous, et comineclons ', par ces présentes que, se en la ville de Paris
et autres villes et lieux de vostre prévosté, ou autre part en ce royaume *,
vous povez trouver et appréhender ceulx qui feront et commectront
les maulx et dommaiges telz que dit est dessuz, vous les prenez,
arreslez et détenez, ou faictes pranre, arrester et détenir es prisons
de mondit seigneur le Roy, et, moiennant justice, faictes faire resli-
tucion des choses prinses à ceulx qu'il appartendra, en punissant les
délinquans selon l'exigence des cas; et, ou cas que ne pourrez lesdiz
malfaicteurs avoir ou appréhender, se vous trouvez leurs capitaines,
ou autres souldoiers, par le moien desquelz puissiez avoir lesdiz mal-
faicteurs, ou restituer les endommagiez, prenez les et arreslez, ou
faictes pranre et arrester seniblablement prisonniers, sans en faire
aucune délivrance, jusques à ce qu'ilz vous auront fait délivrer et
rendre les malfaicteurs de leurs compaignies, se iceulx malfaicteurs
sont en leur puissance, ou que frauduleusement, de leur sceu ou con-
sentement se soient départiz d'eulx pour fouyr et délaier justice,
ouquel cas, se iceulx capitaines ou souldoiers ne rendent et mectent
en justice lesdiz malfaicteurs, de leurs gens ou compaignons, con-
traingnez les à restituer les dommaiges faiz et perpétrez, par prinse
de leurs biens propres et détencion de leurs personnes, tant et si
longuement et en telle manière que les parties dommagées doivent
raisonnablement estre contentes. De ce faire vous donnons povoir,
auctorité et mandement espécial; mandons à tous, de par mondit
seigneur le Roy et nous, que à vous et à vos commis et députez, en ce
faisant, obéissent et entendent diligemment. Donné à Paris le xxu" jour
de décembre, l'an de grâce mil quatre cent trente huit. Ainsy signé,
par monseigneur le connestable, E. Chlr (E. Chevalier).
Au dos : Publiées en jugement au chatelet de Paris le lundi 5 jan-
vier 1438. (Y*, fos 36 V» 37).
N. B. — II y a aussi une ordonnance royale absolument semblable
du 22 décembre, publiée également le 5 janvier suivant, au Chatelet
de Paris (Y* f" 36). (Voy. Ordonnances XIII, 293.) .
LXXI
SUR GUILLAUME DE FLAVY, LE MARÉCHAL DE RIEUX ET LE
CONNÉTABLE DE RICHEMONT (1436-1439)
(p. 264-263, 282-283, 293).
On a vu que Pierre de Rieux, ou de Rochefort, deuxième fils de
Jean II de Rieux et de Jeanne de Rochefort, baronne d'Ancenis, avait
été arrêté, en 1438, par Guillaume de Flavy, capitaine de Compiègne,
1. Il y a « en commectant », mais c'est une faute du copiste Doulzsire,
car, dans l'ordonnance royale conforme, on lit « et commectons ».
2. Voy. les lettres du 3 avril 1438, dans les Ordonnances, XIII, 260-261, et
ci-dessus, p. 282.
568 APPENDICES
et retenu, par lui, captif, jusqu'à sa mort (1439). [Voy. ci-dessus, p. 282-
283-295.] Cette affaire donna lieu à un long procès, qui fut intenté
à G. de Flavy par François de Rieux, neveu du juaréclial, devant le
parlement de Paris. On trouve dans les registres X^» 24 et X^» 25 les
plaidoiries des procureurs qui représentaient les deux parties. Ces
débats révèlent de curieux détails, dont l'hislorien peut tirer profit,
tout en tenant compte des altérations que la parole des avocats fait
subir, en pareil cas, à la véiùté. Ainsi Luillikr, l'avocat de Guiil. de
Flavy, expose et apprécie les actes de P. de Hieux avec une partialité,
une exagération qui semblent dépasser la mesure. Ne va-t-il pas
jusqu'à nier qu'il fût maréchal de France ? Rapiout, procureur de
François de Rieux, conteste et réfute les allégations de Luillier, sans
diriger d'ailleurs, ce qui semblait facile, des attaques violentes contre
G. de Flavy. Barbin, au nom du roi, soutient l'accusation criminelle.
Sans faire la biographie de G. de Flavy, personnage assez connu
d'ailleurs, il ne sera pas inutile d'emprunter aux débats du procès
les renseignements propres à expliquer sa conduite, celle du maré-
chal de Rieux et surtout le rôle du connétable dans cette affaire.
D'après Luillier, la famille de Flavy était des plus nobles de la
Picardie. Guillaume de Flavy avait six frères, dont deux étaient morts
au service du roi. Quant à lui, écolier à Paris et gradué (on ne dit
pas de quel grade), « clerc en habit et tonsure », il avait été protégé
par le chancelier Regnault de Chartres, qui l'avait emmené deux fois
à Rome, puis en Angleterre et ailleurs. Il était avec le Dauphin, quand
celui-ci s'était enfui de Paris, à l'entrée des Bourguignons dans cette
ville (1418). Il se vantait d'avoir été toujours fidèle au roi, de lui avoir
rendu de grands services. Lors du sacre, il lui avait amené trois à
quatre cents chevaliers (1429, juillet). C'est lui qui avait déterminé la
soumission de Compiègne (1429, août) et Charles VII l'avait nommé
capitaine de cette ville, en lui faisant « jurer qu'il ne la bailleroit à
personne, à moins que le roi ne lui dist de sa bouche ». Après avoir
rappelé tous les services de Flavy, son avocat ne craint pas d'ajouter
que « telz gens, quant ilz ont délinqué un pou, doivent avoir grâce
plustost que autres. » (Voy. X*" 24, au mardi 1 1 et au jeudi 13 août;
H. Wallon, Jeanne d'Arc, I, 285-280.)
Quant au maréchal de Rieux, Luillier assure qu'il ne mérite pas le
même intérêt. Ses services ont été bien surfaits. S'il fut pris au Âians,
c'est « en fuyant et non autrement. » (Probablement en 1425 ou en
1428. Voy. ci-dessus, 107-108-161; Cousinot 251-252.) Chargé de
défendre Saint-Denis, en 1435, avec Regnault de Saint-Jean et L. de
Vaucourt, il rendit la ville aux Anglais et s'en alla, au moment où
le bâtard d'Orléans lui amenait des secours qu'il trouva en route.
(Voy. ci-dessus, p. 235-236.) Ce n'est pas le roi qui l'envoya dans le
pays de Caux; il y fut appelé par les habitants, révoltés contre les
Anglais. II fit beaucoup de mal dans ce pays et ne voulut pas aller,
avec les gens des communes, attaquer Rouen. Il est. vrai qu'il prit la
ville de Dieppe (1435), mais c'est parce que « ceux qui étaient dedans
lui baillèrent le port..» (Voy. ci-dessus, p. 236.) Quant à la ville de
Harfleur, elle fut délivrée, non par lui, mais par des gens que Pe-
APPENDICES S69
nansac • avait envoyé quérir au mont Saint-Michel. Rocliefoit (c'est
ainsi que Luillier appelle toujours le maréchal de Rieux) vint ensuite.
(Voy. ci-dessus, p. 283, note 1.) Il enleva le commandement de Har-
ileur à Penansac; hien plus, il lui prit ses biens et le retint prisonnier.
Pour cette cause, Penansac « eut mandement de se recouvrer sur
Rochefort », et, quand il le sut prisonnier à Compiègne, il s'opposa
môme à sa délivrance. Rochefort « voulait bailler toutes les places aux
Bretons. » (X^* 2i, au jeudi 13 août 1444.) — C'est ainsi que LuiUier
traite un lieutenant, un ami, un parent du connétable. On trouve
dans sa plaidoirie un écho des clameurs irritées et jalouses que ces
routiers poussaient contre le justicier, c'est-à-dire contre le conné-
table et contre ses Bretons. Et puis, il ne faut pas oublier que Flavy
était un protégé non seulement du chancelier Regnault de Chartres,
mais encore de La Trémoille ! (H. Wallon, Jeanne d'Arc, I, 285, note i.)
Voyons maintenant les griefs personnels de Flavy contre le maréchal
de Rieux et contre le connétable, car il est bien certain que Riche-
mont, lui aussi, est visé indirectement par Luillier.
Quand Rochefort revint d'Angleterre ^, il eut la garde de Beauvais.
Peu après, ayant besoin de vivres, il alla en demander à G. de Flavy,
qui lui en fournit. Rochefort contracta ainsi une dette de sept à huit
mille francs envers Flavy. Il lui donna, pour cela, des lettres d'obli-
gation et aussi « des lettres de fraternité ». Quand Rochefort était
dans le pays de Caux ^, Flavy l'alla trouver et lui réclama l'argent
qu'il lui devait, mais Rochefort ne voulut pas le rendre et il ajouta
(sans doute pour se débarrasser de Flavy) que le connétable se dis-
posait à partir pour ComJDiègne (1436). Comme Flavy, d'après ce qu'il
avait entendu dire, se doutait que « c'estoit en mal de lui », il envoya
son frère Hector vers le maréchal de Rieux, pour lui rappeler ses
lettres de fraternité et le prier d'intervenir auprès du connétable.
Rochefort le lui promit. Il vint ensuite, avec Richemonl, à Compiègne *,
i. Ou Pannessac, un capitaine de routiers.
2. On a vu qu'il avait été pris au Mans par les Anglais.
3. Le 4 janvier 14.36, un poursuivant du maréchal de Rieux vieut annon-
cer à Compiègne la prise de Fécamp, Montivilliers et de plusieurs autres
forteresses du pays de Caux. (D. Grenier, XX^'% liasse 9. Comptes de la
ville de Compiègne, f» 17.)
4. On voit dans les Comptes de Compiègne (f« 17 v») que le maréchal
de Rieux était dans cette ville le 4 juin 1436, et Richemont le 6 juin.
Peu auparavant, celui-ci avait mandé « d'envoyer à Paris devers lui,
au 8 mai, aucunes personnes notables de la ville de Compiègne, pour
adviser, avec les députés des autres bonnes villes, à ce qui serait à faire,
pour le recouvrement de Creil, Meaux et Montereau y- (f» 17). Au mois de
juin, le connétable vint à Compiègne, pendant que le bâtard d'Orléans
assiégeait Creil. Il avait eu charge de lever 30,000 1. t. principalement
pour le recouvrement de Creil, Meaux et Montereau. Il voulait faire con-
tribuer Compiègne au payement de cette somme. Alors la ville opposa des
lettres de 1430, qui lui octroyaient exemption d'impôts et envoya des dé-
putés au roi, à Bourges (21 mai-24 juin). Charles VII écrivit alors au con-
nétable, qui accorda diminution d'un tiers de la taxe (f* 17 vo). Aussitôt
une taille fut levée à Compiègne, pour le siège de Creil (f" 18; ci-dessus
S70 APPENDICES
après avoir mandé à Flavy d'y venir également, pour recevoir le con-
nétable. Or, Richemont et Rochefort avaient décidé ensemble que
G. de Flavy serait arrêté, avec ses frères, et Rochefort n'en prévint pas
Flavy. En effet, le connétable, étant à Gompiègne, manda Guillaume
de Flavy et ses frères et les retint prisonniers. Quand le chancelier
apprit cela, il en fut Itien ébahi. Il réclama Flavy comme son clerc '.
Il lui fut répondu que : « S^il estait clerc, la mort des clercs estait de
noyer. »
Cependant, le beau-père et d'autres parents de Flavy s'étaient
retirés dans la. forteresse. Richemont envoya d'abord J. de Troissy
dire à Flavy qu'il serait noyé, s'il n'obéissait pas aux ordres du conné-
table; puis Rochefort lui-même lui promit de le faille mettre en sûreté,
avec ses frères, si la forteresse était rendue. Rochefort s'engageait,
s'il n'accomplissait pas sa promesse, « à tenir prison cent lieues autour
Compiègne. » Sur ces assurances, G. de Flavy fit bailler la place à
Rochefort, par Guimon, qui en était Je capitaine. Le connétable mit
aussitôt ses gens dans la forteresse. Rochefort prit à G. de Flavy ses
harnais et ses chevaux. On lui prit aussi son artillerie et ses autres
biens meubles, qui valaient bien 40 000 à bO 000 livres tournois. Le
soir, on amena un prêtre et un bourreau, avec des cordes, à la porte
de la chambre où était enfermé Flavy, comme si on eût voulu le
traîner à la rivière. Enfin Flavy fut délivré par ses parents, mais
Luillier ne dit pas par quels moyens. On comprend toutefois que ce
fut par suite d'un accord conclu avec Richemont, car il ajoute que
Flavy, avant de quitter Compiègne, s'engagea envers le connétable à
payer 20000 écus, s'il rentrait dans cette ville. Luillier ne dit pas non
plus que Richemont fut élu capitaine de Compiègne, en place de
Flavy, mais il rappelle que cet office fut donné au sire de Rostrenen,
qui y commit H. de Villeblanche *.
Quand le roi sut ce qui s'était passé, il fit dire à Flavy que ce n'étoit
pas de sa volonté. Quelque temps après, ceux de Compiègne le rappe-
lèrent, et, comme il était sûr de la volonté du roi, il rentra dans cette
ville et reprit la capitainerie -i. L'année suivante (1 438), Rochefort, ayant
p. 236-257). Le connétable revint à Gompiègne au mois de décembre 1436.
On ne voit pas bien si c'est en juin ou en décembre qu'il fit arrôter G. de
Flavy. (Voy. ci-dessus, p. 265, note 4.)
1. C'est peut-être' pour cela que le chancelier vint à Compiègne. Il y était
le 8 décembre 1436, avec Richemont. (D. Grenier, f» 18.)
2. Les informations de Luillier manquent ici d'exactitude. Les Comptes
de la ville de Compiègne prouvent que l'office de capitaine fut donné au
connétable et qu'il y institua comme lieutenants d'abord H. de Ville-
blanctie, puis le sire de Rostrenen. (Voy. ci-dessus, p. 265, et les notes.)
Le premier jour de l'an 1437, le vin est présenté, à Compiègne, à H. de
Villeblanche, lieutenant du connétable, et à J. de Troissy. Le 10 jan-
vier 1437, un présent est fait au sire de Rostrenen, lieutenant du conné-
table à la capitainerie de Compiègne et partout ailleurs. Le 27 du même
mois, un festin lui est offert. (D. Grenier, XX^i', liasse 9,f« 18.)
3. Le 24 mars 1437, un festin est offert à G. de Flavy, rentré en grâce,
capitaine de Compiègne. (D. Grenier, f» 18 v.)
APPENDICES 571
quitté le pays de Caux, pour se rendre auprès de Charles VII, apprit
que Flavy réunissait des troupes à Pont-Sainte-Maxence, pour les con-
duire devant Creil •. Supposant que Flavy n'était pas à Compiègne, il
se dirigea vers cette ville (Luillier ne dit pas dans quel but). C'est
alors que Guimon, sachant cela, fit arrêter Rochefort par les sergents
du roi. On le mit « en une chambre bien honneste et bonne, » puis
Flavy le lit conduire à Mortemer, à cause de la mortalité et lui donna
sa meilleure chambre. On devine ensuite, bien que Luillier ne le dise
pas clairement, que Flavy voulait, en retenant Rochefort prisonnier,
obliger ainsi le connétable à lui rendre, pour prix de son élargisse-
ment, le scellé par lequel il s'était engagé à lui payer 20000 écus,
dans le cas où il reviendrait à Compiègne. (Voy. ci-dessus, p. 570). Riche-
mont répondit « qu'il ne rendroit le scellé, senon que Rochefort lui
baillast quatre mil escuz *, et estoit la cause pour ce que Rochefort
avait gaigné beaucoup du scel du connestable. » Rochefort emprunta
ces 4000 écus à Flavy, « en s'obligeant de tenir prison de les restituer. »
Il fut ensuite transféré (toujours dans l'intérêt de sa santé!) pour fuir
la mortalité, de Mortemer * à Compiègne, à Pernant * et enfin à
Nesles *. Il fut toujours bien traité et il mourut de maladie, pour
n'avoir pas voulu être saigné. (Plaidoirie de Luillier, dans le registre
X^» 24, au jeudi 13 août 1444.)
C'est ainsi que Luillier rejette tous les torts sur le maréchal de
Rieux et, d'une manière plus réservée, sur le connétable, mais il n'est
pas bien difficile d'entrevoir la vérité, à travers ses explications sou-
vent incomplètes, embarrassées ou obscures.
Rapiout, le procureur de François de Rieux, présente les choses
sous un jour tout différent. Il rappelle, en passant, qu'on imputait à
Flavy la prise de Jeanne d'Arc, à Compiègne. Il affirme que le maré-
chal de Rieux avait encore défendu Saint-Denis (en 1433), deux se-
maines après l'expiration du délai dans lequel le bâtard d'Orléans
devait lui amener des secours. C'est bien lui qui, avec Ch. Des Marets,
avait conquis le pays de Caux; lui qui avait fait lever le siège de Har-
tleur; lui enfin qui avait maintenu longtemps ce pays en l'obéissance
du roi. Il cite d'autres exploits de P. de Rieux et nous apprend qu'on
l'appelait le bon maréchal. Non seulement il n'assista pas au conseil
où fut décidée l'ai restation de Flavy, en 1436, mais il intercéda même
en sa faveur et c'est grâce à lui que Flavy, prisonnier du connétable,
put obtenir le traité qui lui sauva la vie. Quand il revint, après avoir
délivré Harlleur, Flavy l'attira dans un véritable piège. Ayant appris
que P. de Rieux se trouvait dans le voisinage, il lui envoya l'invita-
tion de venir se rafraîchir à Compiègne et lui donna même une es-
1. On a vu (ci-dessus, p. 281) que le connétable fit, cette année-là, une
tentative sur Creil.
2. Voy. ci-dessus, p. 283, noie 2.
3. Arrondissement de Compiègne, canton de Ressens.
4. Arrondissement de Soissons, canton de Vic-sur-Aisne.
5. Arrondissement et canton de Château-Thierry, à moins que ce ne
soit Nesle-la-Reposte, c. d'Esternay, ou Nesle-le-Repons, c. de Dormans,
an"" d'Epernay.
hl"! APPENDICES
corle de quatre hommes, puis il le fit arrêter par Robinet l'Herniite
et plusieurs autres de ses gens. Flavy, qui s'était engagé, sous peine
de payer 20 000 écus au connétable, à ne pas rentrer dans Compiègne,
voulait aussi se faire rendre cette obligation. En outre, il exigeait
iOOO écus pour élargir son prisonnier. Le neveu du maréchal donna
cette somme à Flavy, qui réclama encore 4 000 écus, sans vouloir ac-
cepter comme cautions Michel de Laillier et plusieurs autres. 11 refusa
de relâcher P. de Rieux, et le tint prisonnier « en une telle détresse
quHl en mourut ». Flavy fut donc la cause de sa mort. (X2a 24, au
jeudi H février 1444, a. st. Plaidoirie de Rapiout.)
Barbin, pour le roi, soutient l'accusation contre Flavy et défend le
maréchal de Rieux. C'est bien par les gens de Flavy, par Robinet
l'Hermite, Robin Leroy et Canny que le maréchal fut arrêté et x ce
ne fût pas par justice ». Barbin requiert contre Flavy une peine afflic-
tive, une amende de 100 000 écus et la confiscation des biens (X-* 24,
au jeudi 13 août 1444).
Il faut croire que Flavy avait des protections puissantes, car le
procès, déjà commencé trois ans auparavant, traîna encore en lon-
gueur. En 1437 (le 4 novembre), G. de Flavy, qui devait craindre la
vengeance du connétable, après lui avoir enlevé la capitainerie de
Compiègne, avait obtenu des lettres de rémission * (J. Quicherat, Pro-
cès de J. d Arc, V. 174-178). Le lundi 5 avril 1445, Luillier présenta
pour Flavy « certains lettres royaux » à la cour, en demandant que le
procureur du roi se désistât, mais Rapiout fit opposition à l'entérine-
ment de ces lettres, en disant qu'elles étaient « surreptices, orrep-
tices, inciviles et déraisonnables. » (X^" 24, au lundi o avril 1445,
après Pâques.) Quand Flavy mourut, en mars 1449, le procès durait
encore. On lit, à la date du 19 mai 1449, dans le registre X^'^ 25, que
G. de Flavy est mort peu auparavant -, dans son château de Nesle-en-
Tardenois, au bailliage de Vitry, laissant un fils de cinq ou six mois.
Ce n'est que soixante ans plus tard qu'un arrêt du 9 septembre 1509
termina, aux dépens de Jeanne de Flavy, petite-nièce de Guillaume
1. On voit, daus les Antiquités de Compiègne, par Gillesson, que le con-
nétable donna, en 1438, des lettres signées et scellées contenant l'abolition
accordée aux habitants de Compiègne, pour avoir reçu comme capitaine
en ladite ville G. de Flavv, « lequel il avait esté lui-même dudict estât ■».
(Fr. 24067, p. 43.)
2. G. de Flavy fut assassiné le 9 mars 1449, par sa femme, Blanche
d'Aurebruche, aidée du barbier de son mari et d'un certain bâtard d'Or-
bandas. (Voy. De Beaucourt, Blanche d Aurebruche et ses trois maris, dans
les Mémoires de la soc. des anliq. de Picardie, t. XIX, p. 401 et suiv., et
le t. III de M. d'Escouchy [Preuves], p. 346-353.) G. de Flavy avait été
fiancé, dès 1436, à Blanche d'Aurebruche. Cette jeune fille avait une fortune
considérable, mais grevée de dettes énormes. Parmi les plus forts créan-
ciers, on remarque un Jean de Chènery. Serait-ce le même J. de Ghènery
qui était au service de Richement en 1426? (Voy. ci-dessus, p. 123-124 et
Append. XIX). Il réclamait 50 000 écus et le château de Nesle. Or c'est en
1436, que le connétable attaque Flavy. (Voy. ci-dessus p. 265.) Il y a là uu
rapprochement qui ne doit pas être négligé. (Voy. .M. d Escouchy, III.
347-348.^
APPENDICES S73
de Flavv, le procès commencé en 1440. (J. Quiclierat, Procès de
J. d'Arcl V, 174-178.)
En résumé, G. de Flavy arrêta, séquestra et laissa mourir en prison
P. de Rieux, pour se venger de Richemont, qu'il haïssait (D. Grenier,
XX, p. 38, 83-86). 11 put braver le connétable, lai résister les armes à
la main, lui reprendre et garder malgré lui le commandement de Com-
piègne, enlever et détenir son neveu, échapper à l'action de la justice.
Et qui donc osait traiter de la sorte un maréchal de France et le chef
suprême de l'armée? Un simple capitaine de routiers. Ce seul exemple,
sans parler des autres, ne montre-t-il pas d'une manière saisissante
combien fut difficile et méritoire le rôle du connétable de Richemont?
Outre les sources déjà indiquées, on peut voir encore sur G. de
Flavy, le Ms. Fr. 24067, f^ 73-76, 121, 132, 196; J. Du Clercq, p. 611-
612; l'article Flavy dans la biographie Didot; De Beaucourt, Jeanne
d'Arc et G. de Flavy, dans le Bulletin de la Soc. d'Hist. de France^ 1861,
p. 173-176. Dans le t. XLVIII de Clairambault, f" 3369, on trouve la
signature et le sceau de G. de Flavy,
LXXII
SUR JACQUES DE CHABANNES, ROGER DE l'IERREFRITE lîT LE BOIS
DE YINCENNES (1440, aOÛt)
(p. 284, 285, 308, 312, 313).
Mardi, XVH^ jour dudit moys (novembre 1439), Cambray président.
Après que messire Jacques de Ghabannes chevalier a requis estre
receu à faire le serment de l'office de séneschal de Tholose, à lui
donné par le Roy nostre sire, Jouvenel, pour le Roy, dit que ledit de
Chabannes a tenu à Corbueil * et au bois de Vincennes, dont il est
chief et capitaine, beaucoup de gens de guerre, qui ont fait plusieurs
maulx et pilleries et peu d'obéissance à justice ; mais, qui plus est, le
lieutenant dudit de Chabannes à Corbueil-*, a, de fait et de force, prins
les fruiz estans soubz la main du Roy, à cause de certains procès pen-
dant céans, entre maistre Henry Tiboust et autres. Si, requiert que,
avant que ledit de Chabannes soit receu à faire ledit serment, il lui soit
défendu, à grosses peines, que, de cy en avant, il cesse de faire ou
soulFrir faire par ses dictes gens telz maulx et pilleries, et que comman-
dement lui soit fait, soubz les dictes peines, qu'il face restablir es mains
du commissaire lesdiz fruitz que son dit lieutenant a euz, et qu'il face
en oultre, en tout et partout, obéir à justice par tous ceulx qu'il
1. JJ. 178, fo» 122 vo, 128.
2. Le 28 mai 1438, le roi avait accordé des lettres de rémission à Girard
de Semur, écuyer, lieutenant, à Gorbeil de Jacques de Chabannes, à Reg-
nault Le Pêle, à Jean de Castelnau, à Pierre de Cidrac et à d'autres gens
d'armes des garnisons de Gorbeil et du Bois de Vincennes, qui avaient
dû, pour vivre, piller le pays voisin, à cause « de très graves faultes et
longs dclaiz ou paiement de leurs gaiges et soldées. » (Y*, ^• 2o v, 26.)
574 APPENDICES
apparteadra, et à ce soit contraint. Et dit que ledit Cliabannes est
seneschal de Bourbonnais et ne peut tenir, de raison, les deux senes-
chaussées et, par ainsi, il doit laisser l'office de seneschal de Bour-
bonnais, s'il veult avoir celui de Thoulouse; ainsi le requiert. Finable-
ment, ledit de Chabannes s'est désisté et départy dudit office de
seneschal de Bourbonnais et a requis comme dessus. Duquel la court,
après ce qu'elle lui a défendu, à peine de centmarcz d'or, à applicquer
moytié au Roy et moytié à partie blessée, toute voye de fait et lui a
commandé, sur la dicte peine, qu'il face obéir ses gens et subgiez à
justice et restablir et restituer ce que son lieutenant a levé et eu des
fruitz estans à la main du Roi, et, oultre plus, qu'il face tenir, observer
et garder les ordonnances royaulx nouvellement faictes à Orléans, es
troys estatz, sur le fait des gens d'armes et pilleries qu'ils font, ce
qu'il a promis et juré faire, à son povoir, a receu le serment acous-
tumé.
(Xi« 4798, fo 122.)
1440, lundi ^ 19 décembre. Cambray président.
« Entre Rogier de Pierrefrite , prisonnier en la conciergeiùe du
palais, à Paris, appellant de maistre Jehan de Troissy, d'une part, et
ledit maistre Jehan de Troissy, le procureur général du Roy, nostre
sire, et monseigneur le connestable, se mestier est, d'autre part.
LuiLLiER, pour ledit appellant, dit qu'il est escuier, qui a bien servy le
Roy en ces guerres et a esté au bois de Vincennes et ' ou mois d'aoust
derrain passé, qu'il en fust descbargié ; et, pendant ce qu'il y a esté,
avoit peuplé un estang, estant audit lieu, de poisson, où il avoit beau-
coup frayé, et, pour ce, luy avoit esté promis qu'il en avoit la pesche,
et néantmoins, en le faisant nagaires peschier, survint ung huissier
d'armes, nommé Jaquet Danoir, qui luy dist qu'il venist parler à
monseigneur le connestable, à quoy il respondit qu'il le feroit voulen-
tiers, et, ce fait, ledit Jaquet Danoir retourna au bois de Vincennes et
print cinq ou six hommes d'armes, auxquelz il ordonna de admener
ledit Rogier, lesquelz firent promectre audit Rogier qu'il ne se boute-
roit poiut en franchise et l'admenèrent à Paris et ne le firent point
parler àmondit seigneur le connestable, mais l'admenèrent prisonnier
ou Chastellet de Paris; et, après ce, ledit maistre Jehan de Troissy
vint par devers luy et le feit admener en la chambre de la question,
présent le lieutenant criminel, et l'interrogea dont il estoit et pour-
quoy il estoit venu par deçà et, après, luy demanda qu'estoit devenue
l'artillerie du bois de Vincennes; et, quand ledit Rogier vist que ledit
de Troissy l'interroguoit tout seul et que ledit lieutenant ne disoit
mot, il dist audit de Troissy qu'il n'estoit point son juge et qu'il ne
responderoit point devant luy et qu'il estoit clerc; et ledit de Troissy
luy dist que si feroit, et qu'il luy feroit bien répondre, voulsist ou non ;
et, pour ce, ledit Rogier, doubtant qu'il ne le voulsist contraindre par
force à respondre devant luy, luy dist que, ou cas qu'il le vouldroit
1. Marge détériorée.
APPENDICES 575
contraindre à respondre, il en appelloit. Si, conclud en cas d'appel et
requiert provision de sa personne et de ses biens. Thiessart, pour
Tévesque de Paris, dit qu'autrelfoiz il a requis ou Chasteiiet de Paris
ledit Rogier luy estre rendu et encores le requiert.
Simon, pour le procui-eur du Roy, dit qu'ilz n'ont encore sceu ne
veu les charges dont on veult chargier ledit Rogier. Si, est nécessité
de les veoir, avant qu'ilz en puissent aucune chose dire.
Appoinctié est que ledit procureur et ledit de Troissy venront de-
main dire sur tout ce qu'il appartendra.
Et, ce jour, après ledit appoinctement, et avant que la court feust
levée, Jehan de La Haye, escuier, vint devers la court, disant que
monseigneur le connestable l'avoit chargié d'y venir et dire que, quant
mondit seigneur le connestable estoit dernièrement parti du Roy *,
le Roy nostre dit seigneur, informé que Rogier de Pierrefrite et
aucuns autres avoicnt enfraint l'abolicion à eulz faite, avoit chargé et
commandé à monseigneur le connestable de faire prenre et empri-
sonner ledit Rogier et ses complices et de leur faire raison et justice,
et, pour ce acomplir, mondit seigneur le connestable avoit fait prenre
ledit Rogier, mais il avoit entendu que la court y vouloit procéder et,
pour ce, requeroit à la court qu'elle le voulsist envoler et bailler à
mondit seigneur le connestable, pour en faire ainsi que le Roi luy
avoit ordonné. Auquel Jehan de La Haye la court a respondu que
ledit Rogier est appellant et a aujourd'huy fait proposer sa cause
d'appel, et ont parties adverses jour à demain à venir dire ce qu'il
appartendra. Et si a l'évesque de Paris requis ledit Rogier luy estre
rendu, comme clerc, et convenoit oir les parties, avant ce que la court
y peust riens ordonner, et que, icelles oyes, la court feroit ce qu'il
appartendroit.
Mardi, 20 décembre 1440.
« En la cause d'entre Rogier de Pierrefrite, appellant de maistre
Jehan de Troissy, d'une part, J. de Troissy, lieutenant de monseigneur
le connestable, le procureur général du Roy et mondit seigneur le
connestable, d'autre part. Rapiout pour lesdits de Troissy, monseigneur
le connestable et procureur du Roy, dit que ceste besoingne touche
directement le fait du Roy et, sur ce, a mandat exprez (?)* du Roy. Récite
ce que a dit Pierrefrite en sa cause d'appel. Ce fait, dit que l'auctorité
du Roy est grande et est empereur en son royaume ; pour exercer les
armes et justice a commis [officiers?] 3 outre lesquelz, pour le fait des
armes, a commis monseigneur le connestable, qui a grant administra-
cion, auctorité et prééminances, tant à cause de luy que de l'office,
et, inter cetera, a toute cognoissance du fait de la guerre et mesme-
ment des capitaines es frontières, de visiter les forteresses et y
pourveoir des gens et habillemens dé guerre, et, se aucun y méfiait,
1. C'est-à-dire quand il avait quitté le roi en Auvergne, pour revenir à
Paris. (Voy. ci-dessus, p. 308.)
2. Mot:à moitié elfacé.
3. Marge détériorée.
576 APPEISDICES
à luy eu appartient la cognoissance, selon raison. Ce présupposé, dit
que le Bois de Vincennes, appartenant au Roy, est notable chastel, près
de Paris; par ce, est nécessaire que soit bien gardé et establi; Rogier
en a esté longtemps capitaine, ou lieutenant du capitaine, où il s'est
petitement gouverné. Dit que capitaines doibvent estre hardiz contre
les ennemis et doulz envers les subjectz, ce que n'a esté Rogier envers
les subgectz du Roy, mais tout le contraire; debvoit obéissance au
Roy et à monseigneur le connestable, ausquelz a désobey et contredit
à la reddicion de la place, et mesmement a convenu, avant que l'ait
rendue, que le Roy luy ait fait promesses et baillé certaine somme d'ar-
(jent et autres choses, pour ses gaiges et autrement, et si, a eu aboli-
cion des excès par luy faiz ', et nihilominus, au partir de la place, a
osté et emporté toute l'artillerie qui y estoit, et, ce que n'en a peu
porter, luy, ou autres, de par luy, ont ars, rompu les huis, osté serrures,
verroux et emporté; a copé les bois qui ne sont disposez à chaufage et
en a vendu et donné bien quatre cens charretées, et mesmement mer-
rien à mettre vin, et tout depuis l'aboliclon. Le Roy, de ce informé, en
a esté mal content, et non sans cause. Ont aussi rompu les croisées des
fenêtres, pour tirer hors les grans chesnez. Monseigneur le connestable
estant devers le Roy, a eu charge expresse, de par le Roy, que feist,
pour ces causes, prenre Rogier et sceust qui l'avoit meu de faire ces
choses, et, puis deux jours, luy en a escript le Roy. En obtempérant
au Roy et usant de son office, monseigneur le connestable l'a fait
prendre etmectre prisonnier ou Chastellet, ut licebat sibi, et commist
Troissy, son lieutenant général, à parler à Rogier et savoir de luy
la vérité des dictes choses. Rogier ala ou Chastellet parler à luy,
présent le lieutenant criminel; et luy demanda, entr'autres choses,
qn'estoit devenue l'artillerie et qui avoit rompu et emporté lesdictes
choses. Rogier, qui jà avoit juré de dire vérité et commencé à res-
pondre, dist que Troissy n'estoit son juge et ne luy en responderoit
riens, et que, se à ce le vouloit contraindre, appelloit, disant qu'il
estoit clerc. Dit que l'appellacion n'est recevable, veu ce que dit est,
dont la cognoissance appartient au Roy et à monseigneur le connes-
table, car c'est fait de guerre ; et d'autres choses, et mesmemens luy
appartient la cognoissance de l'artillerie, pour laquelle le Roy avait
baillié mil francs à Anthoine ^ de Chabannes, duquel Rogier estoit lieute-
nant, et sic Rogier en devoit respondre devant Troissy mesmement,
car n'apparoit que feust clerc et dato qu'il en apparust, si estoit-il
question de choses dont la cognoissance appartient au Roy, et en ce,
ne devoit joir de privilège de clerc, et, n'en avoit habit ne possession,
aussi est-il homme d'armes (et s'est immiscue ?) et ad hoc em-
ployé l'abolicion; et est Rogier, comme homme d'armes, subject de
monseigneur le connestable; mesmement qu'il estoit chief de ceulz
qui estoient dans la place et faisoient plusieurs maulx cy entour, et
estoit temps de respondre et non de décliner, et, par ce, n'est son
1. Voy. ci-dessus, p. 573, note 2.
2. 11 y a là une faute du copiste. C'est Jacques et non Antoine^ comme
on le voit plus loin et aussi dans X'" 4798, f" 122.
APPENDICES 577
appellacion recevable, et oncques Troissy ne le menassa de luy mectre
en question, aussi ne l'a il pas dit devant les ccmmissaires ; par ce
n'est à recevoir à le dire de présent et à varier; et n'en pourroit co-
gnoistre l'évesque; et, se Troissy luy avoit dit qu'il luy en feroit bien
répondre, auroit bien fait et n'y auroit grief, et sic avoit mal appelle;
conclud que ne soit à recevoir comme appellant, ains a mal appelle;
offre prouver et nye ; et prent monseigneur le connestable la garantie
et adveu pour Troissy, Et, au regard de la réquisitoire de l'évesque de
Paris, dit, bis visis, que Rogier ne doit estre rendu à l'évesque, car la
cognoissance ne luy en appartient, mais au Roy et à monseigneur le
connestable.
Vient ensuite une réplique de Lufllier pour R. de Pierrefrite. Voici
seulement quelques passages et une analyse de ces débats : c Le con-
nestable a grant office et cognoissance de beaucoup de choses, mais
ne se doit entremectre de choses dont la justice ordinaire peut et
doit cognoistre, comme le prévost de Paris des choses faictes en sa
prévosté Quand le Roy est in exercitu, monseigneur le connestable
a la cognoissance de tout ce qui se y fait, sed, hoc cessante, les ordi-
naires ont la cognoissance, en leurs juridictions, de toutes choses, et,
se Rogier avoit aucune chose faict au Roy, la cognoissance en appar-
tient au prévôt, juge ordinaire et à la court de céans (le parlement)
Rogier avait la garde du Bois, sous Jacques de Chabannes, qui l'avoit
pris aux Anglais. L'artillerie appartenait à messire Jacques. Depuis,
J. Fourcault a pris la garde du Bois, de par le Roi, et a fait bailler l'ar-
tillerie aux gens de monseigneur de Bourbon, qui l'envoya quérir par
Regnault Le Pelé. Quant aux quatre cents charretées de bois, il dit
qu'il y avait du bois mort et peut-être qu'il en a prins, mais d'autre,
non. La place a esté tenue longtemps pour le duc de Bourbon par
Chabannes, auquel on se doit adresser, pour lui demander lesdictes
choses, et non à Rogier Vu l'abolicion accordée par le Roi, la con-
naissance en appartient au parlement, non au connestable. » Rogier
réclame toujours le bénéfice de sa qualité de clerc et il requiert
même provision de ses chevaux et autres biens.
L'évoque de Paris réclame aussi Rogier.
Rapiout duplique que la « connaissance de l'affaire appartient bien
au connestable; que toujours ceux qui étaient au Bois étaient in exer-
citu, vu qu'il est en frontière, que l'affaire appartient non au prévôt,
mais au Roi; que le connestable agit non simpficiter, ex officio, sed de
expresse mandate Régis, dont il est le lieutenant par deçà et que
Troissy est le lieutenant général du connestable ; que Roçier avait
bien la garde du Bois; qu'il est donc responsable de tout; qu'il est
qualifié capitaine de gens d'armes dans l'abolition et qu'il est bien
justiciable du connestable ». Après une courte réplique de Lhuillier,
le procureur du roi dit que Roger ne doit pas être rendu au conné-
table. La cour décide que les parties mettront devant elle tout ce que
bon leur semblera.
(X2» 22, aux 19, 20 décembre 1440.)
RiCHEUONT. 37
578 APPENDICES
LXXIII
SUR JEAN BUDES, PORTE-ÉTENDARD DU CONNÉTABLE (1439, juin,juill.)
{Conflit de juridiction entre le connétable et le parlement de Paris]
(p. 294, note 2).
On lit dans un registre du Parlement de Paris (X^* 22, à la date du
lundi, 15 juin 1439) :
Rapiout, pour monseigneur le connestable, dit qu'il y a un prison-
nier en la conciergerie du palais, nommé Jehan Budes, lequel, comme
on dit, a esté emprisonné pour certain cas qui a esté fait par gens de
guerre, et en fait de guerre, et, par ce, dit que ce touche la jurisdic-
tion de monseigneur le connestable, et en demande le renvoi.
Lundi, xxH juin, mccccxxxix.
JouvENEL, pour le procureur du roy, contre monseigneur le
connestable, requérant Tenvoy de J. Budes, le prisonnier en la
conciergerie du palais, dit que le renvoy ne luy sera pas fait,
car dès piéça ung nommé Guille de La Forge et ung surnommé Du-
puis, parens de feu Geffroy Dupuis, mirent en procès, par devant
maistre Jehan de Troissy, lieutenant de monseigneur le connestable,
ledit J. Budes, à Angiers, et tant fût procédé que lesdiz parens dudit
feu Dupuis en appellèrent, et, après, firent lesdictes parties certain
traictié ensemble, par lequel ilz se soubzmirent au seigneur de Beau-
manoir, sur certaines peines, et, ou cas que, dedans le jour sur ce
accepté, ne les accorderoit, promirent retourner en Testât qu'ilz
estoient; lequel procès ne fût point déterminé, et s'en descharga
ledit Beaumanoir, et, par ce, par le moien dudit appel et de la sub-
mission, la cause vint à la court de céans, et, attendu que on est
appellant de monseigneur le connestable, n'est pas raison qu'il en ait
le renvoy. Dit aussi que la court de céans est la souveraine de toutes
autres et ordinaire, prent et peut prenre et avoir la cognoissance de
toutes matières et cas que bon luy semble; et dit que ung malfaic-
teur, feust homme de guerre, puisqu'il soit prins en bonne ville,
mondit seigneur le connestable n'en debvoit point avoir le renvoy, et
en a veu aucunes lettres et arrestz par lesquelx apparoit que le pre-
vost de Paris en a eu la cognoissance, et, par ce, dit que la cause
doit demourer céans, sans en faire aucun renvoy, et ad ce con-
clud.
Simon, pour la partie, employé ce qui a esté dit par le procureur
du roy et dit que aucun renvoy n'en doit estre fait ; mesmement que
le cas ne advint pas en fait de guerre, mais advint de fait appensé et
propos délibéré. — Appoinctié est que les parties mectront devers la
court ce qu'elles vouldront et au conseil.
APPENDICES 579
Mardi, xxiii juin.
Maistre Robert Cordelle, ou nom et comme procurem' de Jehan
Dupais, nepveu, et de Guille de La Forge, cousin germain de feu
Geffroy Dupuis, a consenti et consent que la cause pendant céans
entre iceulz parens dudit défunt et le procureur général du roy nostre
sire, demandeurs, d'une part, et J. Budes, prisonnier en la concier-
gerie du palais, d'autre part, dont monsiegneur le connestable a requis
le renvoy estre fait par devers luy, soit renvoyé par devant mondit
seigneur le connestable, s'il plaist à la cour.
Jeudi, XXV juin.
Rapiout, pour monseigneur le connestable de France, requiert,
comme autreCFoiz a fait, le renvoy de la cause d'entre les parens et
amis de feu Geoffroy Dupuis et le procureur général du roy nostre
sire, demandeurs, d'une part, et J. Budes, escuier, prisonnier en la
conciergerie du palais, d'autre part, attendu mesmement que la
partie adverse se y est consenti.
JoNVENEL, pour lo procureur du roy, dit que J. Budes est appellant
de maistre J. de Troissy, qui est lieutenant de monseigneur le con-
nestable, et, par ce, fault que la court ait la cognoissance dudit appel,
et, quelque accord qu'il y ait entre les parties, dont ne savent riens,
si, ne s'en peuvent elles départir, sans lettres et congié du roy et de
la court; par quoy n'en doit estre fait aucun renvoy. Sur quoy les
dites parties oyes, la court a mis ladite appellacion au néant.
Et, ce fait, Simon, pour Jehan Dupuis et Guille de la Forge, parens
de feu Guille Dupuis, et J. Budes, disent qu'ilz se confient bien de
la bonne justice de mon dit seigneur le connestable, et qu'ilz sont
d'accord d'aler procéder par devant luy.
Le procureur du Roy dit que, par l'impétracion de la partie, la
cause vient céans et, pour ce, requiert à la court se' la cause doit estre
renvoyée ou non.
Rapiout, pour monseigneur le connestable, dit que. partie en est
d'accord et, par ce, le procureur ne le peut empeschier.
Appoinctié est que les parties mectront devers la court ce qu'elles
voudront et au conseil sur le dit procez. Et, au surplus, la court, pour
certaines causes ad ce la mouvans, a ordonné et ordonne que le dit
J. Budes sera eslargy partout, jusques à dehuy en un mois prouchai-
nement venant, moiennant que J. de Rostellan, chevalier et J. de
la Haye, escuier, pour ce présens, en leurs personnes se sont constitués
et constituent pleiges et caucions pour le dit J, Budes, et chacun d'eulx
pour le tout, de la somme de deux mil escuz d'or et ont promis et
promectent de ramener et faire Comparoir le dit J. Budes, en Testât
qu'il est audit jour, sur peine de paier ladite somme de deux mil
escuz, laquelle somme ilz ont promis et promectent paier tantost
sans delay, ou cas que défault y auroit, sous l'obligacion en telz cas
accoutumée; ou cas touteffoz que ledit J. Budes ne soit prins ou mort
par les adversaires, ou qu'il y ait autre empeschement par cas de for-
lune, et le dit monseigneur le connestable, pour ce aussi présent, a
580 APPENDICES
promis à desdommager les dessusdiz. Lequel J. Budes a promis, soubz
les peines et submission accoustumées et soubz ladite peine de deux
mil escuz d'or, retourner in statu audit jour. Et, partant, a esté
eslargy. » (X^* 22, aux dates. — Tous ces passages viennent à la suite,
sans aucune interruption.)
Jeudi, xxm juillet.
Rapiodt, pour monseigneur le counestable, dit que J. Budes fut na-
gaires emprisonné es prison de la Conciergerie, dont mondit seigneur
le connestable requiert le renvoy et, après, fut ledit J. Budes eslargy
jusques à ung mois qui eschoira samedi prochain, à la caucion de
monseigneur de Rostellan et de J. de la Haye; et, pource que la
journée de son élargissement approuche et aussi que ledit J. Budes
a la garde de Vestendart de mondit seigneur le connestable , qui est au
siège de Meaulx, requiert de' rechief le renvoy et, en cas de délay,
requiert que le dit J. Budes soit eslargy, à sa caucion.
Et, après ce que monseigneur le premier président (Cambray) a
dit que la court avoit ordonné que iceluy J. Budes soit eslargy de
rechief, soubz les peines et aux caucions par luy autreffoy baillées,
pourveu qu'elles fussent renouvelles, jusques au lendemain de la
Saint-Martin d'iver prouchainement venant, J. de la Haye, escuier,
présent en jugement, avec le dit J. Budes, a respondu qu'il se deschar-
geait de la caucion par luy baillée pour iceluy J. Budes et l'a ramené
et rendu es mains de la court, pour en ordonner comme il appar-
tiendra, disant, oultre, que monseigneur de Rostellan, qui avait esté
caucion avecques lui pour ledit J. Budes, estoit audit siège de Meaulx
et ne savoit se il voulait de rechief caucionner ledit J. Budes.
Ce fait, attendu ladite descharge, et eue par la court délibéracion
sur ce, a ordonné que ledit J. Budes sera renvoyé prisonnier en la
Conciergerie du palais.
Et, tantost après, Rapiout, pour mondit seigneur le connestable et
pour ledit J. Budes, à requis qu'il pleust à la court eslargir iceluy
J. Budes, à la caucion du px'évost de Paris et du maître d'hostel de ma-
dame de Guyenne, lesquelx estoient prestz d'eulx constituer caucions
pour luy. Sur quoy a esté appoinctié au conseil. (X** 22, à la date.)
LXXIV
SERMENT D ASSISTANCE FAIT PAR LE CONNÉTABLE AU DUC SON FRÈRP:
(1440, 22 août)
(p. 309, 455).
« Nous Artuz [sic), filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont,
seigneur de Partenay, connestable de France, pour les singuliers désirs
et affections que avons de servir nostre très redoubté seigneur et frère,
monseigneur le duc, ainsi que naturelement tenuz y sommes, avons
juré et promis, jurons et promectons, par ces présentes, par les foy et
serment de nostre corps et sur nostre honneur, de empescher de tout
APPENDICES 581
noslre pouvoir la venue, dessente et entrée ou pais et duchié de Bre-
taigne des gens de guerre estans ou service et obéissance de mon-
seigneur le Roy, ou d'autres qui y vouldraient faire ou porter guerre
ou dommage. Et, s'il advenoit que, pour ce faire, dessendre et entrer
y voulsissent et que empescher ne leur poussions, de venir en per-
sonne par devers mondit seigneur le duc, le plus tost que possible
nous sera, après qu'il le nous aura mandé et fait savoir, et amener
avecques nous tout ce que nous pourrons finer et rencontrer de gens
de guerre, pour leur contester et deffendre ladite entrée, les en dé-
bouter, se entrez y estoient, et garder que à ses dits pays et duchié ne
facent aucune guerre, mal ou dommage; et ce promectons en bonne
foy, sans fraulde, barat ne malengin. Tesmoing noz seing manuel et
scel cy miz, le xxii* jour d'aoust, l'an mil quatre cens et quarante.
Artir.
Par monseigneur le conte et connestable,
J. DE WiLLERIES.
Original aux archives de la Loire-Inférieure. Cass. 57, E 147. —
(^opie aux archives du ministère des affaires étrangères, t. 362, f» 79.
1). Lobineau, t. I, 613, indique ce document, sans le donner.
LXXV
N° 1. RICUEMONT DONNE CAUTION POUR LA RANÇON DU DUC d'ORLÉANS
(1439, 20 décembre)
(p. 299, 310, 438).
Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à touz ceulx qui ces présentes
lectres verront, salut. Comme jà pieça, à la requeste et prière de
nostre très honoré seigneur et cousin, monseigneur le duc d'Orléans,
nous eussions baillié nos lectres de scellé, dont la teneur s'ensuit : A
vous, très hault et très puissant prince, Henry, roi d'Angleterre, nous,
Arlur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de Par-
tenay, connestable de France, promectons, par la foy et serment de
nostre corps et sur nostre honneur, de vous rendre et paier, ou à
voz commis et députez, ou autres qui de vous auront cause, es villes
de Rouen, de Calais ou de Chierbourg, tenans vostre parti, ou en
l'une d'icelles, laquelle sera mieulx vostre plaisir, à noz propres
coustz et despens, la somme de six mil saluz de bon or, de soixante-
dix au marc, dedens la feste de Saint-Andry, qui sera l'an mil quatre
cens quarente, en rendant, délivrant et mectant en sa franche liberté
en nostre parti le corps de nostre très honoré seigneur et cousin, mon-
seigneur le duc d'Orléans , garny de bon , vray , loyal et seur sauf-
conduit, par vertu duquel nostre dit seigneur et cousin et ceulx de sa
compaignie puissent aler et venir seurement en l'un party et en l'au-
tre, pour soy emploier au fait de la paix final d'entre les royaumes de
France et d'Angleterre et pour pourchasser sa délivrance ; ou, en def-
fault de ce, rendre, dedens ledit terme de Saint-Andry, le corps de
882 APPENDICES
nostredit seigneur et cousin, mort ou vif, prisonnier comme devant,
en l'une des dictes villes de Rouen, de Calais ou de Chierbourg,
laquelle que mieulx vous plaira, es mains de vous, très hault et très
puissant prince, ou de vos diz commiz et députez. Et, pour l'accom-
plissement des choses dessus dictes, nous avons obligé et obligons, par
ces présentes, à vous, voz hoirs, successeurs, ou autres, qui de vous
auront cause, nous, nostre honneur et, tous et chacuns, noz biens
meubles et immeubles présens et à venir, et tout sans fraude, barat
ou malengin. En tesmoing de ce, nous avons signées ces présentes de
nostre main et à icelles fait mectre nostre scel, en nostre ost devant
Avranches, le vingtième jour de décembre, l'an de grâce mil quaire
cens trente-neuf. Ainsi signé, Artur. — Par monseigneur le conte
connestable T. Phon(?) — Savoir faisons nous avoir aujourd'huy eu et
receu de mondit seigneur d'Orléans, par la main de maistre Guille
Le Bourellier, son serviteur, commis ad ce, nosdictes lectres de scellé
saines et entières et d'icelles sommes contens et en quictons mondit
seigneur d'Orléans, ses hoirs, successeurs et ayans cause et tous
autres à qui quictance en puet et doit appartenir ; et, pour ce que
mondit seigneur d'Orléans dit avoir trouvé par escript nous avoir
baillé contre-lectre et obligacion de nostredit scellé, de laquelle ne
sommes records et n'en trouvons devers nous aucune chose *, nous
icelle contre-lectre et obligacion adnullons par ces présentes, sans ce
que nous, noz hoirs, successeurs ou ayans cause, nous en puissions
aider, ores ne pour le temps advenir. En tesmoing de ce, nous avons
signées ces dictes présentes de nostre main et à icelles fait mectre
nostre scel. Donné à Loches, le derrenier jour de avril, l'an de grâce
mil quatre cens cinquante et deux.
Artdr.
Par monseigneur le conte connestable^
MlLET.
(K. 72, n" 56 n. Original. — Il y a une copie de ce document dans
le carton K. 65, n" 15 ^a.]
N" 2. Lettre de richemoiNT au duc d'orléans. (1452, 26 avril.)
A mon très honnouré seigneur et cousin, monseigneur le duc d'Orléans.
Monseigneur d'Orléans, je me recommande à vous tant comme je
puis. J'ay receu vos lectres et oy la response que m'avez faicte par
Sangler, mon poursuivant, que j'avoie envoie par devers vous, espérant
que par luy vous pleust m'envoier mon scellé, que piéça vousprestay
pour emploier au fait de vostre finance et raençon, duquel ne vous
estes pomt aidié. Et, touchant ce que demandez avoir une obligacion
que pensez m'en avoir baillée, quant je vous prestay mondit scellé, je
vous assure, monseigneur d'Orléans, que mondit scellé je baille à Huet
de Saint Mars pour vous porter, et ne m'en bailla de vous, ne d'autre,
1. Il avait eu cette contre-lettre. Sur le document qui l'indique, on lit
en marge : « Rendu ce scellé et en a quittance mise ou chartrier, pour
ce qu'il n'a pas rendue la contre-lectre. » (K. 65, n» lii-O),
APPENDICES 583
raucune obligacion, ne n'en demande point, car de ce je me fioye assez
en vous. Toutevoies, par mondit poursuivant, porteur de cestes, je
vous envoie une quictance en blanc dudit scellé; laquelle, présent
ledit porteur, pourres faire amplir à vostre bon plaisir. Et, en prenant
icelles, je vous prie qu'il vous plaise par lui m'envoier mondit scellé,
en me faisant savoir s'il vous plaist chose que je puisse, pour la faire
et accomplir de bon cuer. Monseigneur d'Orléans, je prie à Dieu qu'il
vous doint joye et accomplissement de voz bons désirs. Escript à sainte
Catherine de Fierbois *, le xxvie jour d'Avril.
Vostre vielle lype ^.
MlLET. AUTUR.
(K. 72, n» 56 **. Lettre sur papier, pUée, avec suscription.)
N" 3. Autre lettre de richemont au duc d'orléans. (14S2, 30 avril.)
A mon très honnouré seigneur et cousin monseigneur le duc d'Chiéans.
Mon très honnouré seigneur et cousin, je me recommande à vous
tant comme je puis. J'ai receu le scellé que m'avez envoie, lequel
autrefFoiz je vous avois preste, dont je vous mercye et vous envoie la
quictance que m'avez demandée, en la forme que vostre conseiller,
porteur de cestes, l'a voulu avoir. Toutevoies, je feray visiter et re-
chercher se on trouvera aucune contrelectre qu'en eussiez autreffoiz
baillée, combien que je cuide estre seur et bien recors qu'il ne m'en
fust oncques nulle baillée, et, s'aucune s'en trouve, je la vous envoieray,
ainsi que j'ay dit plus à plain à vostre dit conseiller. Mon très hon-
nouré seigneur et cousin, s'aucune chose vous plaist que je puisse, la
me faisant savoir, je la feray de bon cuer, priant le benoist Saint
Esprit qu'il vous doint ce que vostre cuer désire. Escript à Loches, le
derrenier jour d'avril.
Vostre vielle lype '.
MiLET. Artur.
^r
(K. 72, n» o6 i». Lettre sur papier, pliée, avec suscription.]
1. Arrondissement de Chinon.
2. Mots écrits de la main du connétable.
3. Ces mots sont écrits de la main du connétable.
584 APPENDICES
LXXVI
LETTRE DE CHARLES VII, ANNONÇANT LA PRISE DE CREIL ET LE SIÈGE
DE PONTOiSE (1441, 28 mai)
(p. 319, 320).
A nos chiers et bien amez, les bourgeois, manans et habitans de la ville
de saint Quentin.
De par le Roy.
Chiers et bien amez, comme tenons que avez sceu, nous avons
mis le siège devant nos ville et chastel de Creilg, détenus et occupez
par nos anciens ennemis les Anglois et iceulx prins et mis, la mercy
Nostre Seigneur, en nostre obéissance; et, en continuant nos entre-
prinses et faîcts de guerre, faisons mectre le siège devant nostre ville
de Pontoise, et espérons, moyennant l'aide Nostre Seigneur, en brief,
ledit Pontoise, et autres, occupés par nosdits ennemis, remectre en
nostre obéissance. Pour lesquelles choses mectre à exécution nous est
besoing et nécessité dudit aide et confort de nos bons et vrais subgects,
et, pour ceste cause, et, pour vous faire savoir de nos nouvelles, vous
escrivons présentement, en vous priant très acertes, sur la loyauté et
obéissance que nous devez, que, à ce besoing, qui tant nous touche et
le fait de nostre seigneurie, vous vueilliez présentement et prestement
aider et envoyer cl arcs et cl trousses, xx arbalestriers garnis d'arba-
lètres et de traits, x colovriniers garnis de colovrines, de pouldre
et pierres pour en tirer, payés pour ung mois, et, en ce faisant, nous
en serons tenus à vous, et nous ferez service et plaisir que vous recon-
noitrons; et sur ce vueillez croire nostre amé et féal escuier d'escuierie
Regnault de Longueval, et Touraine, nostre hérault, de ce qu'ils vous
diront de par nous. Donné à Senlis le xxvm" jour de May.
Charles.
burdelot.
(D. Grenier, 100, f» 282.)
LXXVII
RICHEMONT INSTITUE POUR HÉRITIERS SÏS NEVEUX FRANÇOIS ET PIERRE
(1441, 11 janvier, a. st.)
(p. 228).
« Artur, fils de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à touz ceulx qui ces présentes lettres
verront et oiront, salut. Savoir faisons que, jaçoit ce que, par nos
autres lettres patentes, et pour les causes contenues en icelles, nous
avons, despièca, voulu, conscenti et accordé que, ou cas que n'aurons
enffans légitimes qui nous succèdent, nostre très chier et très amé filz
APPENDICES 585
et nepveu Pierres (sic) de Bretaigne, (îlz second de notre très redoubté
seigneur et frère, monseigneur le duc de Bretaigne, soit nostre vray
héritier et succède à noz terres et seigneuries que aurons et tendrons
en Poitou et ailleurs, à cause de la seigneurie de Partenay, au jour et
heure de nostre trespassement de cette vie mortelle, et que, après lui,
ses enffans légitimes, descendans de sa char, nez et procrayez en loyal
mariage, viengnent à ladicte succession, ainsi que plus à plain est con-
tenu en nosdictes autres lettres sur ce faictes; neantmoins, pour la
grant amour et dilection que avons et devons avoir naturelment, par
consanguinité, proximité de lignage et autrement, avecques notredit
1res redoubté seigneur et frère, monseigneur le duc et notre très-ho-
noré seigneur et nepveu, monseigneur le comte de Montfort ^ son
ainsné filz, considerans et aians en mémoire de plus en plus le bon
vouloir et affection qu'ilz ont envers nous et les grans biens, amitiez et
plaisirs que nous fait chacun jour mondit seigneur le duc, désirans
les recognoiste envers lui et mondit seigneur et nepveu, avons, pour
lesdictes causes et autres a ce nous niouvans, et pour le bien et
accroissement de la duché et seigneurie de Bretaigne, de notre cer-
taine science et propre mouvement, voulu, octroyé, conscenti et
accordé, voulons, octroions, conscentons et accordons, par ces pré-
sentes, que, non obstant le contenu en nosdictes autres lettres, ou cas
que nous irions de vie à trespassement sans hoir, ou hoirs procraiez en
mariage, qui nous succèdent, ou que nostre dit fiiz et nepveu. Pierres,
n'aurait hoir, ou hoirs, aussi procraiez en mariage, qui lui succédas-
sent, selon le contenu en nosdictes autres lettres, recours à icelles, et,
ou deffault de nosdiz hoirs et des siens, nostre dit seigneur et nepveu,
le conte de Montfort et ses hoirs procraiez de sa char, comme dit est,
viengnent, davant touz autres, à nostre succession et soyent nos vraiz
héritiers desdictes terres du Poitou, entièrement, sans nulle réservacion ;
et, combien que nostre dit seigneur et nepveu, le conte de Montfort,
de son droit, ou cas que décéderions sans hoirs légitimes et deffault
d'iceulx, soit, après le décès de nostre dit très redoubté seigneur et
frère monseigneur le duc, nostre héritier principal, seul et pour le tout,
de ce que aurions au temps de nostre décès, en Bretaigne et ailleurs,
toutesfois, d'abondant, pour plus à plain déclerer nostre entencion, du
consentement de nostre dit seigneur et frère monseigneur le duc,
qui, ou cas présent, a voulu à nostre dit seigneur et nepveu avancer
son droit de nature, avons voulu, conscenti et octroyé, voulons, cons-
centons et octroions, par ces présentes, que nostre dit seigneur et
nepveu, le conte de Montfort, viengne entièrement, et sans réservacion
quelconque, directement et sans moien, à la succession de toutes et
chacune noz terres et seigneuries, choses et appartenances quelzcon-
ques, que aurons, ou temps de nostre décès, en Bretaigne et ailleurs,
excepté que, es terres que avons de présent en Poitou et ailleurs, à
cause de la seigneurie de Partenay, il succédera en la manière que dit
est dessus; à la charge à un chacun d'eulx d'accomplir nostre testa-
ment et derrenière voulenté, pour autant que à un chacun en ordon-
1. C'esl-à-dire François.
586 APPENDICES
lierons, en transportant, après notre décès, à nostre dit seigneur et
nepveu et dès maintenant, comme pour lors, lui transportons es dits
cas toute droiture, seigneurie et possession de toutes et chacune les
choses dessusdites. Et tout ce avons promis à nostre dit seigneur et
nepveu, et promectons, par ces présentes, avoir agréable et tenir ferme
et estable à toujours, sans jamais faire, aler ne venir à rencontre,
directement ou indirectement, par quelque manière que ce soit. En
tesmoignage de ce, nous avons faict mectre notre scel à ces présentes
et icelles signées de nostre main. Donné à Redon, le xi« jour de jan-
vier, l'an mil quatre cent quarente et ung.
Abtur.
Par monseigneur le connestable (avec le sceau du connétable).
BlLET.
{Archives de la Loire-Inférieure, cass. 1, E. 3.)
LXXVIII
TESTAMENT ET CODICILLE DE MARGUERITE DE BOURGOGNE, DUCHESSE
DE GUYENNE, COMTESSE DE RICHEMONT ET DAME DE PARTUENAY
(1442, 14 et 31 janvier)
(p. 329, 461, 462).
Très haulte, excellante, et puissante princesse, dame Marguerite de
Bourgogne, duchesse de Guienne, contesse de Richemont et dame de
Partenay, inferme de corps, et saine de pensée, ayant en elle bon et
vray entendement, si comme elle dit et comme de prime face il est
apparu aux notaires soubzscripz, etc., attendant et en elle sagement
considérant qu'il n'est chose plus certaine de la mort, ne moins cer-
taine de Teure d'icelle, et que à toute créature humaine, par le cours
du temps, aprouche, de jour en jour, le terme de sa vie, ne scet
quant, etc. ; pensant aux choses souveraines et derrenières, non vou-
lant décéder de ceste mortelle vie intestate etc. ainçois, elle bien advi-
sée, désirant vivre et morir comme bonne et vraye chrétienne, catho-
lique, etc. de tout son pouvoir remédier et pourveoir au salut de son
âme, etc. et des biens temporels que N. S. lui a donnez et prestez etc.
disposer, pour le salut de son âme, par forme testamentoire, ou ordon-
nance de dernière voulenté, de son bon gré, etc. ou nom du Père, du
Fils et du benoist Saint-Esperit, fait, ordonne, dispose son testament,
ou ordonnance de derrenière voulenté, en la forme et manière qui
s'ensuit :
Et, premièrement, icelle dame donne et laisse, en recommandant
humblement, son âme, quant de son corps partira, à Dieu, nostre créa-
teur, à la très glorieuse vierge Marie, sa précieuse et doulce mère, à
monseigneur saint Michiel l'ange et archange, etc., en leur suppliant
très humblement et de bon cuer dévotement que sa dite poure âme,
quant de son corps départira, ils vueillent mectre et leur plaise rece-
voir en la perpétuelle gloire de Paradis.
APPENDICES 587
Item, en après, elle esleut sa sépulture et veult estre inhumée et
enterrée en l'église Nostre-Dame des Carmes, à Paris, en la chappelle
Nostre-Dame de Recouvrance, fondée en la dicte église, entre les deux
autels d'icelle chappelle, auquel lieu icelle dame testatcresse a très
parfaicte dévocion, pour l'amour de ce qu'elle dit avoir esté cause et
moyen de remectre sus la confrarie de Nostre dicte Dame de Recou-
vrance en ycelle église, ou cas toutevoies qu'elle yra de vie à trespas-
sement et que Dieu fera son commandement d'elle en ceste ville de
Paris; sinon, qu'elle aille de vie à trespassement hors de ceste ville de
Paris, elle veult estre mise et sépulturée en autre église de Nostre-
Dame, au lieu où il plaira à ses exécuteurs cy dessoubz et après
nommez.
Item veult, ordonne expressément et requiert très affectueusement
que, premièrement, et avant toute euvre, ses tors fais soient amendez
et ses debtes paiées par sesdits exécuteurs, et dont il leur apperra
deuement, tant pour le fait de sa despense que d'argent emprunté et
autrement, ainsi que ses diz exécuteurs verront à estre paie et à fere
en leurs consciences, à la descharge de l'âme d'elle.
Item, elle veult et ordonne son luminaire estre tel comme sesdiz
exécuteurs vouldront, et qu'il en soit fait du tout à leur voulenté;
ausquelz elle se rapporte de ce faire et tout ce qu'il fauldra pour le
fait de son enterrement, obit et service, que elle veult estre fait à
l'ordonnance de monseigneur le connestable, son espoux, ou de ses
exécuteurs.
Item, veult et ordonne que, le jour qu'elle yra de vie à trespasse-
ment, se fere se peut, que les quatre ordres mendians de Paris soient
mandez à venir en l'ostel d'elle, et sur son corps soient, par chacune
des di;s ordres, dictes vigilles de mors, à neuf seaulmes et neuf leçons,
avant que son corps parte de sondict hostel; et pareillement les col-
leiges de l'Ostel Dieu de Paris, du Saint-Esprit en Grève et les Quinze-
Vins de Paris et que chacun desdits colleiges die pareillement vigilles
à neuf saulmes et neuf leçons, et, ce fait, aillent tous en procession
à convoler son corps, jusques en ladicte église des Carmes, et, eulx
retournez chacun en son hostel, elle veult et ordonne que chacune
desdiz ordre et coUeige die en son église, le plus brief que ilz pour-
ront, vigille des morts à neuf seaulmes et neuf leçons et une grant
messe solempnelle de Requiem pour le salut de son âme. Et, pour ce
faire, elle laisse à chacune des dicts quatre ordres mendians et à
chacun des collèges dessusdiz x livres tournois. Et, parmi ce, seront
tenus chacune ordre et collège à sesdiz exécuteurs, ou à l'un d'eulx,
le jour et l'eure que ilz vouldront, fere ledit service.
Item, veult et ordonne que, le jour de son obil, soient dictes en la
dicte église de Nostre-Dame des Carmes, où elle sera enterrée, vigilles
de mors à neuf seaulmes et à neuf leçons et trois grans messes
solempnelles pour le salut de son âme, l'une du Saint-Esperit, l'autre
de Nostre-Dame, et l'autre de Requiem.
Item, veult et ordonne que, le jour de son obit, et après son service
fait, soit fait une donnée à poures, et soit donné a chacun poure qui
y sera présent, x deniers tournois, pour le salut de son âme.
588 APPENDICES
Item, elle laisse et donne à l'euvre et fabrique de l'église monsei-
gneur Saint-Pol à Paris, dont elle est paroissienne, pour estre partici-
pante es biensfais d'icelle fabrique, la somme, pour une fois, de x 1. 1.
Item, au curé de ladicte église monseigneur Saint-Pol, à Paris,
parmi ce que il sera tenu de dire vigilles à neuf seaulmes et neuf
leçons, une grant messe à note solempnelle en la dicte église monsei-
gneur Saint-Pol, et aussi que il conduira, à compagnie de chappel-
lains revestus, en procession, avecques les autres églises, son corps
jusques au lieu où elle sera enterrée, et sera présent à ce fere, la
somme de ini livres.
Item, ou clerc de la parroisse de ladicte église, pour convoier son
corps et à ce qu'il soit tenu de prier Dieu pour elle, xx s. t.
Item, elle laisse à l'église et aux religieux de Sainte-Catherine du
Val des Escoliers, à Paris, pour convoier son corps, comme dit est
dessus, et pour dire vigilles à neuf seaulmes et neuf leçons et une
grant messe solempnelle en leur église, un liv. t.
Item, aux religieux et aux églises des Billettes pour semblable
cause, ini liv.
Item, aux religieux de Sainte-Croix, pour pareille cause, nu liv.
Item, aux religieux des Blancs-Manteaux, pour semblable, nii liv.
Item, aux religieux de Saint- Anthoine, dedens Paris, pour pareille
cause, un liv.
Item, aux Célestins, dedens Paris, pour dire vigilles à. neuf seaulmes
et neuf leçons, en leur église, et parmi ce que, le jour de son obit, ils
sont tenus de dire, en leur dicte église, cbacun religieux une basse
messe ; pour ce, pour tout, c s. t.
Item, elle veult et ordonne que, le jour de son trespassemeut, après
ce qu'elle sera trespassée, elle soit ouverte et que son cuer soit prins
et distrait de son corps et icellui envoie et porté bonnestement en
l'église de Nostre-Dame de Lience i, où elle le avoit et a voué et donné
depuis son jeune âge, lequel son cuer elle veult estre enchassié en or;
et, quant il sera en icelle église, elle veult que il soit deschassié et
sépulture devant l'ymage Nostre-Dame et ledit enchâssement d'or estre
mis honnorablement devant ledit ymage de Nostre-Dame. Et, ce fait,
elle veult ung service estre fait en ycelle église de Liance, c'est assa-
voir : vigille de mors, trois grans messes à note solempnelle, l'une
du Saint-Esperit, l'autre de Nostre-Dame et la tierce de Requiem', à
laquelle église elle laisse, pour ce fere, vi liv.
Item, ladicte dame laisse et donne à ladicte église de Nostre-Dame
de Lience une de ses robes de drap d'or, ensemble la penne d'icelle
robe, par ainsi que dudit drap d'or elle veult en estre fait, par l'or-
donnance de ses exécuteurs, chasuble diacre et soubz diacre, tout ce
pour le salut de son âme et à ce qu'il soit mémoire d'elle.
Item, outre, veult et ordonne icelle dame que en ycelle église soit
faicte une tombe à la disposicion et ordonnance de sesdiz exécu-
teurs, sur laquelle tombe elle veult estre faicte la remembrance d'elle
enlevée, laquelle tendra ung cuer représentant le scien à deux mains
1. Notre-Dame de Liesse (canton de Sissonne, arr<" de Laon).
APPENDICES 589
eu manière qu'elle le offre à Nostre-Dame; sur laquelle tumbe soit
escript : ycy est le cuer de
Item elle laisse à la confrarie de Nostre-Dame de Recouvrance, en
ladicte église de Nostre-Dame des Carmes, à Paris, la somme de xxx liv.
tournois, pour une fois, pour achetter, au prouffit d'icelle confrarie et
en l'augmentation d'icelle confrarie, quarente solz tournois de rente
perpétuelle, ou icelle somme de xxx livres tournois emploier au
prouffit de ladicte confrarie, à l'ordonnance de ses diz exécuteurs; et,
ou cas que ses diz exécuteurs verroient que ladicte somme de xxx li-
vres tournois ne pourroit bonnement satisfaire à ce que dit est faire,
elle veult que sesdiz exécuteurs y facent ce que ils regarderont estre
à faire, parmi ce que lesdiz .confrères seront tenus et obligiez de faire
dire, cbacun an, à tel jour que son trépas sera, à tousjours, vigilles
de morts et une grant messe de Requiem, pour le salut de son âme.
Item, elle veult et ox^donne que, dès le lendemain de son trespas-
sement, on commence trois trenteins de messes : l'un à l'autel de
ladicte dame de Recouvrance, en ladicte église des Carmes, l'autre en
l'église Nostre-Dame de Paris, et l'autre en l'église Nostre-Dame des
Chartreux, hors étiez Paris; et seront lesdictes messes de Requiem;
et que, en la fin d'icelles messes, soit faicte mémoire de Nostre-Dame
Salve sancta Parens, etc.; en laquelle église des Carmes, après le
trentein fait et accomply, en la fin, seront dictes trois grans messes,
l'une du Saint-Esperit, l'autre de Nostre-Dame et l'autre de Requiem
et vigilles a neuf seaulmes et neuf leçons; et veult que il y ait lumi-
naire, paremens, et tout ce que il convient fere en tel cas, à ladicte
voulenté et disposicion de sesdiz exécuteurs.
Et pareilelment soit ainsi fait aux Chartreux.
Item, veult et ordonne expressément ladicte dame que, tantost après
son dit trespassement, tous les jours de l'an et jusques à trois ans après
entresuivans et acomplis, pour l'acquiet et à la descharge des faultes
qu'elles a faictes et commises en sa vie, soit dit, où son corps repo-
sera et sera inhumée, une messe de Requiem basse et, par chacun
desdiz jours de l'an, durans lesdiz trois ans, elle veult et ordonne
estre dictes vigilles de mors basses, à neuf seaulmes neuf leçons, et,
pour chacunes vigilles basses, veult estre baillié et paie xvi deniers
et, pour chacun année, estre paie l 1. 1.
Item, elle laisse à la confrérie de la Sainte-Cooception Nostre-Dame,
fondée en l'église monseigneur Saint-Pol, à Paris, en l'augmentacion
d'icelle et du divin service, ung marc d'argent.
Item, elle laisse à la confrarie monseigneur Saint-Lubin, fondée en
ladicte église monseigneur Saint-Pol, à Paris, ung calipce pesant ung
marc d'argent.
Item , elle laisse à la confrarie aux Bourgeois, en l'église de la
Magdaleine, en la cité de Paris, en laquelle confrarie, elle s'est de
nouvel mise, ce que il plaira à sesdiz exécuteurs et qu'ilz verront estre
à fere, pour lui faire ung service.
Item, elle laisse et donne, pour Dieu et en aumosne aux enfans
trouvez, estans en l'église Notre-Dame de Paris, pour leur aidier à leurs
nécessitez et avoir leur vie, pour une fois, xl sols p.
890 APPE!NDICES
Item, a donné et laissié à quinze poures filles à marier, pour leur
aidier à avoir chacune une robe, à ctiacune desdictes filles, xl s. t.
Item, elle veult et ordonne expressément que tous les veulz qu'elle
a faiz soient acomplis; c'est assavoir : l'un à Saint-André de Brabant,
en Hénault, l'autre à monseigneur Saint-Claude, ung autre à monsei-
gneur Saint-Mathurin de Larchampt, ung autre à Nostre-Dame de
Lience, et ung autre à monseigneur Saint-Fiacre en Brye.
Item, elle veult et ordonne expressément que, tout ce que ses-
diz exécuteurs verront en quoy elle sera tenue à Margot et à Jehan
Ryoul, enfans de une nommée Osanne, que paiement leur en soit fait
comme ils verront estre à faire, pour l'acquiet et descharge de son
âme.
Item, veult et ordonne expressément ladicte dame que, tout ce que
ses diz exécuteurs verront qu'elle sera tenue à ung nommé Vaulbricet,
que paiement lui en soit fait, ainsi comme ilz verront estre à faire,
pour l'acquit de son âme.
Item, veult ladicte dame que il soit sceu à Jaquotin ce que ladicte
dame lui peut devoir et qu'il en soit creu en sa conscience et que, de
ce qu'elle lui peut devoir, que il en soit paie et contenté.
Item, quant et au regard de ce que les Tarennes lui demandent,
elle s'en rapporte à la discrécion et conscience de monseigneur son
espoux et de ses diz exécuteurs d'en fere ce qu'ilz verront estre à faire
et aussi à la conscience desdiz Tarennes.
Item, semblablement au regard de la femme Godeffroy.
Item, semblablement, de toutes autres debtes, que sesdiz exécu-
teurs en facent ainsi qu'ilz verront en leurs consciences estre à faire,
pour l'acquit et descharge de la conscience de ladicle dame.
Item, elle requiert, prie et supplie à monseigneur son espoux qu'il
lui plaise fere, paier et contenter tous ses officiers de ce qui leur peut
estre deu, à cause de leurs gaiges et salaires, et, en oultre, que il lui
plaise tenir sesdiz officiers à ses despens, jusques à ce que ilz soient
pourveuz de bien où ilz puissent avoir leur vie, ou jusques à ce que
ilz soient paiez et contentez de ce qui leur est deu de leurs diz gaiges
et salaires.
Item, la dicte dame, considérant que plusieurs ses serviteurs lui
ont fait plusieurs et amiables services et notables et, pour ce, la dicte
dame, voulant les rémunérer et récompenser de ce, laissa et laisse à
ceulx et celles qui cy après sont nommez les laiz qui s'ensuivent,
oultre ce qui leur est deu.
Premièrement, à dame Charlotte du Plesseis, dame de Bonneil, sa
robe de veloux violet, fourrée de martres et une de ses saintures d'or
cramoisie, avecques la somme de cent livres, pour une fois.
Item, à Perrenet le Borgne cent et cinquante escus d'or, lesquels
elle lui devoit, tant pour les bons services que il lui avoit fais, comme
pour l'augmentacion de son mariage.
Item, à Jehan Floria et Jehanne sa femme, pour une fois, cinquante
livres et une de ses robes, noire, fourrée de gris.
Item, à madame Daubegny sa robe de veloux gris fourrée de mar-
tres, une de ses ceyntures d'or bleu et cent francs en argent, pour
APPENDICES 591
une foiz, lesquelz ladicte dame prie et supplie à monseigneur son
espoux que il les lui face ou assigne sur ses terres en Poitou.
Item, à Jehanne Daynart une de ses robes de vert pardu, fourrée
de menu vair, et une de ses ceyntures d'or, noire, avesques xl francs
en argent, pour une fois.
Item, à la femme Jaquet d'avoir une de ses robes de vert perdu,
fourrée de menu vair.
Item, à Martinete une de ses robes de drap noir, fourrée de menu
vair et sa robe de nuyt. ■
Item à Isabeau, pour une fois xxx livres.
Item à Miilart son quenx, pour une foiz... c —
Item au boiteux de la cuisine, pour une foiz. xxx —
Item, oultre, veult et requiert ladicte dame à monseigneur son
espoux que il lui plaise paier, ou fere paier xx escus d'or qui lui sont
deubz, de reste de xxx escus, que mondit seigneur et elle lui promis-
trent donner au traittié de son mariage.
Item, à Lorens, de la cuisine, pour une fois. xxx livres.
Item, à Iluguenin, de l'eschançonnerie lxxx —
Item, à Jehan Raoïilet xxv —
Item, à Colin, de la penneterie xxv —
Item, à Greffin, le portier xx —
Item, à Goussale xxx —
Item, à maistre Pierre Germaine xxv —
Item, à Marc xxv —
Item, à Perrin Dadvid, saussier x —
Et, oultre, requiert ladicte dame à monseigneur son espoux. que
ledit Perrin et sa femme soient paiez et contentez de leurs salaires.
Item, à Guillemin de Mons xl livres
Item, à Montbar xxv —
Item, à Jehan Dardenay, son secrétaire et ar-
gentier, pour une fois ce escus d'or.
Item à Vincent de Crosses, son confesseur et aumosnier, pour une
fois ce escus d'or et sa robe de drap de dampmas noir, fourrée de
gris, laquelle est de présent en manteau, avecques sa chappelle blan-
che de drap d'or complète et son calipse d'ax'gent, son messel, la
croix de la chappelle, les chandelliers, la paix et les burettes d'argent,
la boëte et toutes les appartenances d'icelle chappelle; et, oultre et
avecques ce, sa chambre appelée la chambre aux lyons toute entière
et garnie de toutes ses pièces; en requérant et suppliant à mondit
seigneur son espoux que il lui plaise délaissier et délivrer audit
maistre Vincent ce présent lays.
Item, elle laisse à Guillaume Gruel sa robe de satin gris, fourrée de
martres et cent escus d'or, pour une fois.
Item, à Jehan de Benoist la somme de cent francs et une de ses
robes de satin noir, fourrée de menu vair.
592 APPENDICES
Item, à la fen)me de Jehan de Troissy sa ceinture grise ferrée d'or.
Item, à maistre Adam Martin, son cirurgien, pour une fois, la
somme de l livres.
Item ladicte dame veult et ordonne expressément que le veu qu'elle
a fait au cuer monseigneur Saint- Vincent, à Dun-le-Roy, soit fait et
acomply, et donné à l'église dudit monseigneur Saint-Vincent une
chappe, d'une de ses robes, telle qu'il plaira à mondit seigneur son
espoux, et veult qu'elle soit armoiée des armes d'elle.
Item, ladicte dame veult et ordonne estre paie aux exécuteurs de
feu Pierre Roussignol, en son vivant son varlet de chambre et tail-
landier, vint escus d'or vielz, lesquels elle lui devoit dès longtemps,
combien qu'elle cuide en avoir paie audit Roussignol la moitié.
Item, veult et ordonne icelle dame estre paie aux exécuteurs de
feue Isabeau, jadis femme dudit Roussignol, sa femme de chambre,
XX escus d'or, qu'elle lui devoit, pour deux dyamens que icelle Isabeau
avoit prestez à ladicte dame, pour donner à sa voulenté, c'est assa-
voir, l'un à icelle dame, elle estant à Bourges, et l'autre elle estant à
Gyen; et aussi, pour et en récompensacion d'aucuns biens de ladicte
Isabeau, que icelle dame feist prendre après le trespas d'icelle Isabeau,
desquelz elle feist sa volenté et dont d'iceulz avoit à faire.
Item, veult et ordonne icelle dame que, ce qui estoit deu ausdiz
feuz Pierre Roussignol et Ysabeau, sa femme, à cause de leurs gaiges
et salaires, aux jours et heures de leurs trespas, à cause du service
par eulz faiz à icelle dame, durant le temps que ilz l'ont servie, soit
paie et contenté auxdiz exécuteurs desdiz Rossignol et sa femme.
Item, ladicte dame, considérant que ses" amez et féaulx, maistre
Vincent de Groces, son confesseur et aumosnier, et maistre Jehan de
Dardenay, son argentier, l'ont, par bien longtemps, féablement servie
en leur temps, usé en son service, pour certaines causes justes à ce
la mouvans, en conscience, voulant son âme acquitter et descharger
envers Dieu et sesdiz confesseur, aumosnier et argentier, et subvenir à
leur indigence et nécessité, afin qu'ils puissent, ou temps avenir, vivre
honnorablement et maintenir leur estât, et qu'ils soient tenus à prier
Dieu pour l'âme d'elle, tant qu'ils vivront; veult et ordonne, par
toutes les meilleures voies et manières que faire se pourra, que
chacun de ses diz officiers, c'est assavoir confesseur, aumosnier et
argentier ayent, après son trespas, deux cens livres parisis de rente,
à prendre et parcevoir, par chacun an, le cours de la vie de chacun
d'eulx, tant seulement sur sa chastellenie de Verdun-sur-Soône, à
elle appartenante, par appanage à elle fait par monseigneur son
beau-frère de Bourgoingne, ou autrement; voulans que assiette en
soit faicte bonne et convenable audit maistre Vincent, son confesseur
et aumosnier, de deux cens livres parisis et audit maistre Jehan de
Dardenay, son argentier, d'autres deux cens livres parisis de rente,
comme dit est, par ses exécuteurs cy après nommez, en tele manière
que ses diz officiers en puissent joir franchement et paisiblement,
sans aucun destourbier, leur vie durant, comme dit est. Et affin que
ceste présente provision et ordonnance de ce présent laiz soit ferme
et estable, la dicte dame prie et requiert à monseigneur son dit
APPENDICES 593
beau frère de Bourgoingne, tant et si affectueusement comme elle
puet et sur toute l'amour et fraternité qu'elle eust oncques à lui,
que ce que dit est lui plaise accomplir; et veult que, par ses exécu-
teurs, ou aucun d'eulx, soit requis et prié, pour et au nom de elle,
qu'il lui plaise laissier et souffrir joir et user sesdiz confesseur, au-
mosnier et argentier et chacun d'eulx de la dicte rente, leurs vies
durans, et, se mestier est, leur en facent, s'il leur plaist, bonne as-
siette, telement que, sans aucun empeschement, ils puissent estre
entièrement paiez de leur dit laiz; mondit seigneur de Bourgoingne,
son dit beau frère, qu'il lui plaise considérer que, en faveur et con-
templacion de lui et des siens, elle a fait, le temps passé, aucunes re-
nunciations de plusieurs grans droiz, comme de successions de père
et de mère, de trois mille livres de rente et cent mil escus d'or, qu'elle
devoit avoir, par le traittié du mariage fait de feu son très redoubté
seigneur, monseigneur le duc de Guienne, daulphin de Viennois, cui
Dieu pardoint, et d'elle ; et voulut que, après son déceps, lui et les
siens succédassent à lui et lui revensissent toutes ses terres et sei-
gneuries qui lui appartiennent; et que,veu Testât dont elle est partie,
duquel elle avoit bien peu amande, et les honneurs mondains qu'elle
a euz en ce monde, que il lui plaise qu'elle ne soit point de pire con-
dicion, quant à son ordonnance de dernière voulenté, qui est bien
petite, que seroit une autre personne de plus bas estât, qui pourroit
libéralment ordonner de ses biens, pour le salut et salvacion de son
âme. Oultre, la dicte dame prie, supplie et requiert à son beau frère,
en l'honneur de Dieu, nostre créateur, et tant humblement qu'elle
puet, que, après son trespas, il ait souvenance d'elle, à faire aucune
ordonnance salutaire en commémoracion d'elle, pour le salut de son
âme, ainsi qu'il lui semblera, à son bon plaisir, estre à faire.
Item ladite dame veult et ordonne deux chappelles estre fondées en
une des églises de Paris, ou en deux, se mondit seigneur son espoux
voit que mieuLx soit, lesquelles chappelles elle avoit promis fonder ou
faire fonder, dès longtemps, pour aucunes causes à ce lamouvans.
Et aussi, pour le salut des âmes de feuz nosseigneurs les feuz ducs
et duchesse de Bourgoingne ses ayeul, ayeulc, père et mère, pour elle
et pour autres ses parens et amis trespassez, l'une desquelles cha-
pelles elle veult estre fondée en Tonneur et révérence de Nostre
Dame et douée de xxiv livres p. de rente admortie, pour quatre basses
messes la sepmaine, à telx jours que ses exécuteurs adviseront, et
que le chappellain d'icelle chappelle sera tenu et obligé de célébrer,
par chacune sepmaine de Nostre Dame , ou cas que ausdiz jours ne
seroit feste tele que il conveinst muer le service, ouquel cas ledit
chappellain sera tenu, après sa messe, dire le service de Nostre Dame,
et si sera tenu, par chacun desdiz jours que il aura célébré lesdictes
messes, de dire le seaulme de de profundis, pater noster, et les orai-
sons de inclina, quœsumus, Domine, pro tua pietate et fidelium; et
l'autre chappelle sera fondée en l'onneur de monseigneur Saint-Chris-
tofle, de Saint-Leu et de Saint-Gile et douée de pareille rente admor-
tie que dessus, pour quatre basses messes la sepmaine; c'est assavoir,
l'une de monseigneur Saint-Cristoûe, l'autre de monseigneur Saint-
RlCHEMONT. 38
594 APPENDICES
Leu et l'autre de laonseigneur Saint-Gile et la quarte des trépassés, ou
cas toutes voies que il ne seroit feste solempnelle le jour, par quoy
il convenist muer le service, ouquel cas, après sa messe du jour, il
sera tenu de dire messe du saint dont il eust célébré sa messe, se ce
n'eust esté l'empeschement de ladite feste, avesques le seaulme de
De profundis et oroisons dessus diz.
Item ladicte dame supplie et requiert à monseigneur son espoux
que son présent testament et les lais et ordonnances et fondacion
contenans en ycellui il lui plaise de tout son pouvoir entériner et
accomplir, le plus brief que faire se pourra, en aiant tous jours l'âme
d'elle pour recommandée après sa mort, aussi bien comme en son
vivant, et comme il vouldroit, se le cas feust advenu, qu'elle eust eu
et fait de lui.
Item, oultre, prie, requiert et supplie ladicte dame à mondit sei-
gneur son espoux, que il lui plaise vouloir croire et adjouster foy en
ce que le dit maistre Vincent de Groces, son confesseur et aumosnier
dessus nommé, lui dira et exposera, de bouche, de par elle, et lui
bailler ce qu'elle lui a ordonné et chargé lui requérir et demander,
pour convertir et emploier en l'acquict et descharge et pour le salut
et remède de son âme, et, oultre, avoir, pour l'amour et en mémoire
d'elle, icellui maistre Vincent et icellui tenir en sa bonne grâce et
recommandacion, pour contemplacion des bons et agréables services
que il a faiz à icelle dame, en lui remonstrant le salut de l'âme d'elle
et l'admonnestant de sa conscience, où il a fait diligemment son
devoir et soy loyaulment acquittié.
Item, supplie et requiert la dicte dame à monseigneur le duc de
Bourgoigne, son beau frère, que il lui plaise avoir l'âme d'elle pour
recommandée et vouloir acomplir, ou aidier à accomplir son dit
présent sien testament; et, pour l'acomplissement d'icellui, et afin
qu'il soit plus diligemment acomply, ensemble la fondacion desdictes
chapelles; et, oultre, lui plaise vouloir et consentir que la revenue de
deux années des terres, lesquelles ladicte dame tient et possède, pour
le présent, et lesquelles lui doivent revenir après le trespas d'elle,
soit receue par ses exécuteurs, ou leurs commis ; ce que il semble à
ladicte dame que mondit seigneur , son beau frère peut licitement
faire et accorder, attendu et en regard qu'elle lui a, de tout son
povoir, compleu et à ses plaisirs, pour tousjours entretenir son
amour; mesmement que, à sa prière et requeste, que quant elle voulut
espouser mondit seigneur son espoux, elle lui quitta et délaissa la somme
de cent mil escus d'or, lesquels lui avoient esté promis par feu mon-
seigneur le duc de Bourgoigne, son père, au traittié du mariage de
feu monseigneur le duc de Guienne, daulphin de Viennois et d'elle,
et aussi que il scet qu'elle n'a riens eu en biens meubles et héritaiges
des successions de nos seigneurs leurs feuz père et mère, et que icellui
monseigneur son beau frère a assez et plusieurs belles autres reve-
nues, requérant non estre par lui, en ce, esconduit, attendu et consi-
déré que icelle présente requeste, qu'elle lui fait, est faicte en ses
derreniers jours, qui est pour le salut et remède tant de son âme
que de leurs diz feuz père et mère.
APPENDICES * S95
Item ladicte dame supplie et requiert à monseigneur le duc de
Bretaigne, son beau-frère, que il lui plaise pritr Dieu pour l'âme
d'elle et icelle son âme avoir pour recommandée, et que, se il l'a bien
amée en sa vie, que il lui plaise, après sa mort, la encores plus amer
en son âme, en lui requérant qui il lui plaise croire le dessusdit mais-
tre Vincent de Grosses, son aumosnier et adjouster foy en ce que il
lui dira, de bouche, de par elle, et le acomplir à son povoir.
Item, ladicte dame veult et ordonne que mondit seigneur son espoux
ait regart des laiz par elle laissez et faiz à ses officiers; se il voit que
icelle dame leur laisse trop pou, eu regard aux services que sesdiz
serviteurs lui pevent avoir faiz, que iceulz laiz il puisse augmenter à
chacun d'eulx, où il verra estre à faire, à sa bonne voulenté et dis-
crécion, ce que il lui plaira, sans riens diminuer desdiz laiz.
Pour lesquelles choses dessusdictes et chacune d'icelies faire enté-
riner et acomplir et mectre à exécucion, de point en point, ainsi et
par la manière que dessus est dit, icelle dame fait, nomme et eslit
ses exécuteurs et féaulx commissaires mondit seigneur le conte de
Richemont, son espoux, monseigneur le duc de Rourgoigne, son
beau frère, maistre Jehan Guillepou, chanoine de Nostre Dame de Paris
et aumosnier de mondit seigneur le conte de Richemont, ledessus
nommé maistre Vincent de Crosses, sondict aumosnier, Jehan de la
Haye, escuier, maistre d'ostel dudit seigneur, maistre Estienne Che-
valier, trésorier d'icellui seigneur, et Jehan Dardenay, secrétaire et
argentier de ladicte dame ; ausquelx, ensemble aux trois ou deux
d'iceulx, dont mondit seigneur le conte son espoux soit l'un et le
principal et après lui et mondit seigneur de Bourgoigne ledit maistre
Vincent son aumosnier soit principal et toujours l'un desdiz trois ou
deux, elle. donne povoir de ce faire et mettre à exécucion, etc.; es
mains desquelz elle se desmist de tous ses biens, etc. ; voulans que,
tantost après son trespassement, ils en preingnent réaiment et de fait
la possession et saisine et en soient saisiz et vestus, jusques à plain
acomplissement de cestui présent scien testament, le compte et audi-
cion luquel elle soubzmet, avecques ses biens, à la court de Parle-
ment, où à telle autre court et jurisdicion que il plaira à mondit
seigneur son espoux et à sa bonne discrécion et de sesdiz autres exé-
cuteurs; et révoque tous autres testamens, codicilles ou ordonnances
de derinière voulenté, s'aucuns en avoit faiz paravant cestui, auquel
elle se arreste, et le veult valoir et sortir son plain effect, force et
vertu, comme testament ou ordonnance fait en sa dernière voulenté,
en la meilleure forme et manière que valoir devra et pourra, selon
droit et coustume.
Fait et passé par ladicte dame, l'an mccccxli, le dimenche xiv jour
du mois de janvier, par devant Jehan Quignon et Girard de Conflans,
notaires du Roy nostre seigneur ou Chastellet de Paris.
Le mercredi, xxxi* et derrenier jour du mois de janvier, l'an mil
quatre cens quarente et ung, devant diz, la dessus nommée Madame de
Guienne, en la présence de nous, notaires cy après nommez, qui devers
elle estions transportez, par son commandement, pour le fait de l'or-
donnance par elle faicte par son testament, pour savoir se elle y vou-
596 APPENDICES
loit rien diminuer ne augmenter, et que nous, notaires, lui eusmes de-
mandé se son plaisir estoit que nous le lui leussions, pour soy advertir,
respondi que il lui souvenoit bien de ce qu'elle y avoit fait mectre et
dit, et lui souffisoit ; vouloit que il se tenist, et ratiffloit et confermoit
ycellui en la manière que dit, fait et passé l'avoit, excepté es points
qui s'ensuivent : c'est assavoir que, ou regard de sa sépulture, par
elle ordonnée, par sondit testament, sur ce pas qu'elle soit sépulturée
en la chapelle de Nostre-Dame-de-Recouvrance, aux Carmes, à Paris,
ainsi que ordonné l'avoit, ou, se il ploist mieulx à ses exécuteurs,
qu'elle soit mise et sépulturée ou millieu du cuer de ladicte église
des Carmes, elle y veult estre tout à la voulenté de sesdiz exécuteurs et
qu'il en soit fait à leur voulenté. Et, en oultre, veult et ordonne que
sur elle soit faicte une tumbe eslevée, belle et honnorable, telle que à
sa personne et à son estât appartient.
Item, oultre, elle laisse, en augmentant sondict testament, par ma-
nière de codicile, c'est assavoir à messire Jehan Guérin, prestre, son
chappelain, xxx livres tournois.
Item, à Montjoie le hérault trente francs; en priant, oultre, par
ladicte dame audit monseigneur son espoux que, pour l'amour et en
mémoire d'elle, il vUeille avoir ledit Montjoie pour recommandé et
non lui vouloir faillir, mais aidier et secourir à avoir sa vie.
Item, elle laisse à Jehan des Noyers, fils de sa lavendière, xxy livres
tournois, pour l'envoier à VescoUe, ce pour considéracion que il avoit
servi comme clerc en sa chappelle.
Et à messire Guillaume de Vendelles, chevalier, son maistre d'ostel,
pour sa femme, une robe de satin noir, fourrée de menu veir, qu'elle
avoit, par son te'stament, laissée à Jehan de Benoist.
Et, quant à ses exécuteurs nommez en sondict testament, elle veult
que ilz demeurent ses exécuteurs, excepté Jehan de la Haye, escuyer,
qu'elle révoque, et, en lieu de lui, faict et nomme son exécuteur,
avecques ses autres exécuteurs nommez oudict testament, ledict mes-
sire Guillaume de Vendelles, son maistre d'ostel. Toutesvoies elle dist
et déclaira qu'elle vouloit enpressement que, après monseigneur son
espoux et monseigneur son beau frère de Bourgoingne, maistre Vincent
de Crosses, son aumosnier demeure et feust son exécuteur principal,
comme elle l'avait voulu et ordonné par son dict testament. Ce présent
codicille, passé par ladicte dame, l'an et jour dessusdiz, par devant
Jehan Quignon et Girard de Conflans, notaires du Roy, nostre sire,
ou Chastellet de Paris.
Non signé.
(Arch. de la Loire Inférieure, cass. 9, E. 24. Belle copie du temps,
sur papier.)
APPENDICES 597
LXXVIII bis.
CHARLES VU DONNE FONTENAY-LE-COMÏE A RIGHEMONT
(1442, 10 mars)
(p. 330, note 1).
Lettres par lesquelles le Roy veut que les lettres du don faict à Artur
de Bretaigne, connestable de France, de la ville et chastellenie de Fonte-
nay-le-Conte lui soient entérinées {144i, 24 novembre).
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceulx qui ces
présentes lectres verront salut. De la partie de nostre très chier et amé
cousin, Artur de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de Partc-
nay, connestable de France, nous a esté exposé que, comme naguères,
pour certaines causes et considéracions à ce nous mouvans, nous luy
avons baillé et délaissé, sa vie durant, noz chastel, ville et chastellenie
de Fontenay-le-Conte, en nostre pais de Poictou, avec toutes les reve-
nues et appartenances et tout droict de seigneurie et de ressort que
avoir y povoient, tant en les rentes et revenues, que en justice haulte,
moyenne et basse, reliefz et rachapts, hommes et femmes de corps
qui anciennement, ainsi que plus à plain est contenu et déclairé en
noz autres lectres, desquelles la teneur ensuit :
Charles, par la grâce de Dieu, etc. Comme, dès pièca, par noz
autres lectres patentes, données le ix" jour de mars, l'an de grâce mil
quatre cens vingt quatre *, nous eussions baillié, délivré et délaissié à
nostre très chier cousin, le conte de Richemont, connestable de
France, pour partie du douaire de feu nostre très chière et amée suer
et cousine, la duchesse de Guienne, lors sa femme et espouse, avec
autres terres, les chastel, ville et chastellenie de Fontenay-le-Conte,
en Poictou, avec tous les revenus et appartenances, tant en cens,
rente de grains et d'argent, que en feux, eaues, estangs, forestz,
moulins, pi'ez, vignes, et autres fruictz et prouffiz quelconques et
générallement de droict de seigneurie et de ressort que avoir y po-
vons, tant en justice haulte, moyenne et basse, hommes et femmes de
corps, fiefz, arrière-flefz, reliefz, rachapts que autrement, en quelque
manière que ce soit, réservé à nous tant seulement les foy et hom-
mage que, pour ce, nous feist dès lors nostredict cousin et aussi le
ressort et souveraineté, à cause de ladicte chastellenie, et soubz le
ressort, sans moyen, de nostre court de parlement, ainsi que plus à
plain est contenu en nosdictes lettres, sur ce faictes, pour ledict
douaire ; et il soit ainsi que, de nouvel, nostredicte feue suer et cou-
sine soit allée de vie à trespassement, par quoy nostredict cousin le
connestable nous a supplié et requis que, en considérant les services
qu'il nous a faictz et a bonne voulenté de faire, luy voulsissions
donner et laisser, à sa vie, lesdiz chastel, ville et chastellenie, en et
ainsiqu'il les a tenuz, jusques au jour du trespassement de nostredicte
feue suer et cousine, sa femme et espouse, scavoir faisons que nous,
1. Voy. ci-dessus p. 113 et note 3.
598 ' APPENDICES
considérans les grans, louables et agréables services que longuement
nous a faictz et chacun jour nous faict nostredit cousin, au faict de
noz guerres et autrement, en plusieurs manières, voulans les lui
recongnoistre ; pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons
donné, octroyé, laissé, donnons, octroyons et laissons, par ces pré-
sentes, à icelui nostredict cousin lesdiclz chastel, ville et chastellenie
de Fontenay-le-Conte, avec tous les revenus, appartenances et appen-
dances d'iceulx, tant en rentes de grains et d'argent que en foretz,
eaues, foires, moulins, prez, vignes et autres fruictz et prouffiz quel-
conques, et générallement tout le droict de seigneurie et de ressort
que avoir y povons, tant en justice haulte, moyenne et basse, hommes
et femmes de corps, fiefz, arrière-fiefz, reliefz, rachapts que autre-
ment, en quelque manière que ce soit, réservé à nous tant seulement
les foy et hommage, pour ce nous sera tenu de faire nostredict cousin
et aussi le ressort et souveraineté de ladicte chastellenie et soubz le
ressort, sans moyen, de nostredict cousin, sa vie durant, tant seule-
ment, tout ainsi et par la forme et manière qu'il est contenu plus à
plain en nosdictes autres lectres sur ce faictes du douaire et qu'il en
a jouy, du vivant de nostredicte feue suer et cousine, jusques au jour
de son trespassement;
Si, donnons en mandement, par ces mesmes présentes, à noz amés
et féaulx gens de nostre parlement et de noz comptes, aux généraux
conseillers sur le faict de noz finances et nostre trésorier, au sénes-
chal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs
lieuxtenans présens et advenir et à chacun d'eulx, si comme à lui
appartendra, que de noz présens don et octroi et delà possession des-
diz chastel, ville et chastellenie de Fontenay-le-Comte, appartenances
et appendances, ainsi que par la manière ci dessus est déclairé, facent,
souff'rent et laissent jouir et user nostredict cousin plaineraent et
paisiblement, sans aler, faire aler, ne venir à l'encontre, par quelque
manière que ce soit, et sans lui en faire, ou donner aucun empesche-
meut et le facent obéir par tous les vassaux etsubgectz de ladicte terre
et chastellenie, ausquelz nous mandons, par ces dictes présentes, que
ainsi le facent, sans y faire quelconque difficulté, nonobstant que par
cy devant eussions, par adventure, en autre manière disposé de la-
dicte terre et chastellenie et icelle autre part baillée et transportée, ce
que ne voudrions préjudicier ne sortir aucun elfect au préjudice de
nostredict cousin, ne, pour ce, y estre différé, et, en tant que mestier
seroit, les lui promectons garantir envers et contre tous, et, par rap-
portant, pour une fois, coppie de ces présentes, ou vidimus d'icelles,
faicts souby scel royal, voulons nostre receveur, qui en debvoit tenir
compte, estre tenu doresenvant quicte et deschargé par nosdiz gens
des comptes et partout où mestier lui sera. En tesmoing de ce, nous
avons faict mectre nostre scel à ces présentes. Donné à Lezignen, le
xe jour de mars, l'an de grâce mil quatre cens quarante et ung et de
nostre reigne le vingtiesme;
Lesquelles nos lectres dessus transcriptes iceluy nostredict cousin a
faict présenter en nostre court de parlement, pour icelles faire publier
et en avoir l'entérinement, mais nostre procureur s'est opposé à l'en-
APPENDICES 599
contre i, soubz ombre que l'on dit avoir de certaines ordonnances,
qu'il dict par nous avoir esté faictes, de non donner ou alliéner aucune
chose de nostre domaine, et de certaines révocacions et deffences qu'il
dict de par nous leur avoir esté faictes de ne consentir à quelque
donacion que faissions de nostredict domaine, et a tant débattu et
deffendu que par nostredicte court a esté dict que les dictes let-
tres ne seroient point entérinées, et, pour ce, double nostredict cousin,
que, par ce moyen, l'effect de nosdictes lectres et le don que lui avons
faict de ladicte terre et seigneurie soient de nulle valeur, se par nous
ne luy estoit pourveu, de nostre gracieuse provision, requérant hum-
blement icelle ; pour ce est-il que nous, considérées les causes pour
lesquelles lui avons faict ledict don et les grans, notables et con-
tinuelz services que nostredict cousin nous a toujours depuis faicts,
au faict de nostre guerre , où continuellement il s'est tenu , et
encores est occupé chacun jour, à grant charge, et est disposé de faire
tousjours de bien en mieulx, avons, pour ces causes, et autres grandes,
jusics et raisonnables à ce nous mouvans, et par l'advis et délibéracion
de nostre grant Conseil, dict et déclaré, disons et déclarons, par ces
dictes présentes, que, considéré que ce n'est seulement que don à vie,
qui n'est pas alliénacion de nostre domaine, nostre plaisir, voulenté et
entencion estre telz que, nonobstant ladicte opposicion faicte par
nostre procureur, à rencontre de l'entérinement de nos dictes lectres,
nostre dict cousin ait et tienne, sa vie durant, nosdictzchastel et chas-
tellenie de Fontenay-le-Conte, avec tous les revenus et appartenances,
tant en cens, rentes, grains et argent, eaues, forestz, estangs, moulins,
foires, prez, vignes et autres fruictz et proufflz quelconques et général-
lement tout le droit de seigneurie que avoir y povons, tant en justice
haute, moyenne et basse, hommes et femmes de corps, fiefz, arrière-
fiefz, reliefz, rachaptz que autrement, en quelque manière que ce soit,
réservé à nous tant seullement les foy et hommage que nous en faict
nostredict cousim, ainsi que plus à plain est contenu esdictes lectres;
et, d'abondant, en tant que mestier est, lui avons, de nouvel, donnez
et baille?, donnons et baillons, de grâce espéciale, plaine puissance
et auctorité royalle, par ces dictes présentes, sa vie durant, tout ainsi
qu'il est contenu en noz autres lectres de don, excepté toutesfois que
nous voulons doresenavant que la dicte terre et chastellenie de Fon-
tenay-le-Gonte et les hommes et subgectz d'icelle ressortissent et res-
sortiront par devant nostre seneschal de Poitou, ou son lieutenant, à
son siège de Niort, ainsi et pareillement que font les terres de Par-
tenay, Youlvent, Mervent et autres, que tient nostredit cousin, en noz
pais et conté de Poitou; et, en oultre, voulons que les sentences, pro-
cez, appoinctemens et exploicts faicts et donnez par le chastellain,
seneschal et autres noz officiers, commis et ordonnez en ladicte terre
de Fontenay par nostredict cousin, depuis nostredict don et qui
seront donnez doresenavant vallent et tiennent et y soit telle foy
adjoustée ; et les avons authorisez et authorisons comme se nosdictes
lectres eussent esté entérinées par nostredicte cour ; et que nostredict
^. Voy. ci-dessous, même appendice, n» 2.
600 APrEîSDlCES
cousin ait et lui demeure tout ce qu'il en a pris et perceu, depuis la
dabte de nosdictes premières lectres de don que lui en avons faict
jusques à présent et qu'il en prendra doresenavant, sadicte vie durant,
sans ce que en soit tenu rendre et restituer aucune chose à nous, ne
à autre de par nous, en quelque manière que ce soit, mais voulons
qu'en rapportant, pour une fois seulement, ces présentes, ou vidimus
d'icelles, faict soubz scel royal, auquelvoulons plaine foy estre adjous-
tée, comme à ce présent original, avec reconnaissance sur ce de nos-
tredict cousin, nostre receveur ordinaire de Poictou, ou autre qui
en debvroit tenir compte, soit et demeure quicte et deschargé, par-
tout ou besoing sera, pourveu que nostredict cousin sera tenu de
payer fiefz et aumosnes et autres charges ordinaires et accoustu-
mées. Si, donnons en mandement, par ces mesmes présentes, à noz
amez et féaux gens de noz comptes et trésoriers à Paris, au senes-
chal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs
lieuxtenans, ou à chacun d'eulx, sr comme à lui appartendra, en
obtempérant à nostre présente voulenté et ordonnance, ilz entérinent
et expédient, de poinct en poinct cesdictes présentes, selon leur
forme et teneur, et facent, souffrent et laissent nostredict cousin
jouir de nosdictz don, voulenté et octroy plaiuement et paisiblement,
sans y faire quelconque delay, reffus ou difficulté, ne venir ou souf-
frir venir à l'encontre, par quelque manière que ce soit, car ainsi
nous plaist et nous voulons estre faict, et à nostredict cousin l'avons
octroyé et octroyons, de grâce espècial,par cesdictes présentes, nonob-
stant ladicte opposicion et ledict appoinctement qui s'en est ensuivy, de
nostredicte court de parlement, allégacions ou opposicions faictes, ou
que pourroit faire nostre procureur, auquel et à tous autres, quant à
ce, nous imposons silence, et quelconques révocacions, ordonnances,
restrinctions, mandemens ou deffenses par nous faictes ou à faire au
contraire. En tesmoing de ce, nous avons faict mectre nostre scel à ces
présentes, ordonné, en l'absence du grant. Donné à Nancy, en Lor-
raine, le XXIV* jour de novembre, l'an de grâce mil quatre cens qua-
rante quatre et de nostre reigne le xxni«. Ainsi signé, par le Roy, en
son grant Conseil,
Delaloere.
(P. 2531, f"5 258 v°, 264 v". Copie moderne, qui semble assez fautive.)
LXXVIII bis.
N» 2. LE PARLEMENT REFUSE d'ENTÉRINER LES LETTRES PAR LESQUEL-
LES CHARLES VII A DONNÉ FONTENAY AU CONNÉTABLE.
Dans un registre du Parlement (X'a 4799, f" 92 v») on lit, à la date
jeudi, 7 juin 1442 :
Pour le connestable de France a "esté requis l'entérinement des
lectres du Roy, qui lui a donné la ville, terre et seigneurie de Fonte-
nay-le-Conte. Au contraire, Jouvenel, pour le Roy, dit que, par les
ordonnances royales qui sont honorables et nécessaires à la couronne
APPENDICES 601
de France, le Roy ne doit aliéner quelque chose de son demaine, et
voit l'en asses, par les transpors et aliénacions du temps passé le do-
maine du Roy estre tant deminué que, par faulte du demaine, le pou-
vre peuple subject souffre beaucoup. Dit que, d'ancienneté, les Roys
de France, le Roy nostre sire, en leur sacre, ont promis et juré ne
aliéner ne transporter, et le Roy aussi, par plusieurs foiz et expressé-
ment l'a souvent défendu, et ordonné que, s'il faisoit le contraire, que
n'y fust ne soit obtempéré ; l'a dit de bouche ; en apparaîtra aussi par
la chambre des comptes; et, mesmement, aussi le fist le Roy, l'an XXXIX
et voulut et déclara que tout ce qu'il seroit fait au contraire soit nul.
Dit qu'il est nécessaire et plus qu'expédient tenir et garder lesdictes
ordonnances et défenses. Dit que la conté de Poictou est de belle et de
grant estendue, consioutant, en aucuns lieux, es fins du royaume, où
il a plus grant nombre de baronies et seigneuries qu'en duchié ne conté
de ce royaume, comme Thouars, Partenay, Chastellerault, la viconté
d'Auzay, et autres plusieurs ; et est bien raisonnable et convenable que
le conte de Poictou, à tout le moins, est (pour ait) autant de demaine que
nul des seigneurs subjectz dudit conte. Dit que Fontenay-le-Viconte
est plus grant chose que la chastellenie de Poictiers; seulement la
censé du Chaiet(?) vault par an xv" escuz, et s'extend ladicte chastel-
lenie de Fontenay jusques au Port de Piles. Dit qu'il y a plusieurs con-
tez en ce royaume qui ne valent la dicte terre de Fontenay. Dit que
le connestable es toit présent quant le Roy fist ses ordonnances et dé-
fenses; il les conseilla faire, contre les autres seigneurs; et cuide que,
qui lui en demanderoit son adviz, que encores diroit-il que ses lectres
ne sont raisonnables. Dit que ne veult dire que le connestable n'ait
bien servy, mais aussi ont autres grans seigneurs, qui semblablement
vouldroient estre compensez; et ne demoureroit rien au Roy. Dit que
le connestable n'a donné entendre ladicte cause d'opposicion du pro-
cureur du Roy. Dit que, se les lectres estoient entérinées, que le con-
nestable auroit en demaine, en Poictou, autant que le Roy et plus, car
Fontenay vault bien la moitié du demaine de Poictou ; et si est le prin-
cipal siège du seneschal, après Poictiers. Contiennent les ordonnances
royaulx choses dérogatoires, ce dont les lectres du connestable ne
font quelque mencion ; sont surreptices et ne seront entérinées. Ainsi
le requiert et se oppose. Dit que se aussi elles estoient entérinées, que
ce seroit un commancement; que bien autre, après le connestable, en
obtiendroit le don, ou à vie, ou autrement, et, par ainsi demoureroit
le conté de Poictou démembré et le Roy desnué conséquemment de
son demaine.
Rapiout dit que prima causa tradicionis, pour le demaine, fut ho-
norable, raisonnable et favorable. Le connestable est de grant hostel,
proche parent du Roy, a bien servy, exposé en plusieurs grans périlz
et est bene merens à cecy et plus grans choses-; et n'est estrange se
le Roy le lui donne à sa vie, car l'a.voit la feu duchesse de Guienne,
sa femme. Fontenay est bien convenable au connestable, qui, emprès,
a sa terre de Partenay, et près des frontières, en quoy il pourra trop
mieulx tenir ses gens en frontière que nul autre. Dit que ne veult
dire que les ordonnances royaulx ne soient favorables et bonnes,
602 APPENDICES
mais causœ suiiL dissimiles et y a forant diférence du connestable à
plusieurs autres qui pourroient demander. Dit que, en ce, le Roy ne
fait aliénacion et ne met ladicte terre que in familiâ domus sue, car
le connestable est proche parent et connestable. Dit que tel an est que
toute la terre de Fontenay ne vault II"= fr. Dit que, se le Roy la tenoit,
elle cousteroit plus à garder que ne lui vauldroit. Dit que un an a
que l'admirai en prend les fruiz et que autant vault que le connes-
table les liève. Dit que les ordonnances royaulx ne se extendent à
ceste matière, considéré la personne et les mérites de la chose et la
nature du don. Dit que pose que, se le Roy a défendu ne obtempérer
aux aliénacions, toutesvoies, ex quo supervenit jussus secundus, l'en
y doit obtempérer. Dit que par les lectres est assez fourny aux clauses
dérogatoires et doit l'en avoir regart à l'entencion du Roy et non
stricte verbis ordinacionis. Dit que ses lectres sont civiles et lui seront
entérinées. Dit que, considéré le temps des guerres qui court, le Roy, ad
evictaudum majus scandalum, et que les seigneurs de son sang et ses
vassaulx soient plus enclins à le bien servir, le Roy l'a bien pu faire.
Dit que n'est nouvel que les Roix ont donné à ceulx de son (sic) sang.
Dit JonvENEL, pour le Roy, que les seigneurs et vassaulx habent
ob quod tenent Régi et re publiée servire, et si tient le connestable
Partenay, que il dit le Roy lui avoir donné, qui bien vault VRI M.
escus ; et n'y a seigneur à ce royavme à qui en ait tant donné et s'en
peut bien passer. Se le Roy lui fit graciuse en faveur de feu monsei-
gneur de Guienne, non propter hoc tenebatur, car le doaire se devoit
asseoir sur les terres dudit feu Monseigneur, qui est (sic) en Guienne ;
et ce que le Roy en fîst ne fut que de sa grant deliberalité et ne s'en
suit que de vie en vie la terre du Roy s'en voise, ainsi mesmement tele
seigneurie que Fontenay, car il dit que, de la qualité dont est Fonte-
nay, le Roy, en tout son royaume, n'a en une pièce tele ne si bonne
seigneurie. Dit que la chastellenie de Fontenay a plus de xx lieues
d'estandue, et en sont presque tous les pors de mer de Poictou,
excepté La Rochelle. Dit que, en efFect, tout est transporté audit con-
nestable et est aussi dangereuse cette aliénacion que autrement ; et
directement est contre les ordonnances royaulx. Dit que, en exécu-
cion de fait, le connestable est principal officier du Roy; y a son sere-
ment, et bien advisée ne seroit ceste poursuite. Le Roy a de plus
proches parens; que, se cecy estoit ouvert, au Roy demoureroit petit.
Dit que l'on scet bien comment le connestable s'est aidié de la sei-
gneur de Pai'tenay, et est ceste voye à pillerie du tout; autrement, le
Roy n'auroit plus terre royale en Poictou.
Appoinctié est à montrer lesdictes lectres par devant la court, au
conseil, avecques tout ce que les parties y vouldront mectre.
(Xi» 4799, f<" 92 vo-93 v».)
Dans le registre X'a 1482, à la date du samedi 15 décembre 1442,
on lit : t Ce xv^jour d'icelui mois, au conseil présens mesdiz seigneurs
qui hyer y furent, a esté jugé le procès de monseigneur le connestable
de France contre le procureur général du Roy, pour les ville, chastel et
chastellenie et terre de Fontenay-le-Gonte, en Poictou ; c'est assavoir
APPENDICES 603
que le procureur général du Roy à bonne cause s'est opposé àTenconlre
de rentérincment des lettres de don desdictes terres au connestable et
que lesdictes lectres ne seront point entérinées. Toutes voies, pour ce
que lachose est grande, touche fort le Roy et que le connestable a aujour-
d'hui entour le Roy grande auctorité et puissance^ et a charge du Roy
d'aler en Bretaigne, pour le traictié de la paix des deux royaumes, a esté
advisé qu'il vauldra mieulx lundi prochain laisser à plaidoyer et que
la court soit encore mieulx assemblée, et y seront les maistres des
requestes, pour savoir se l'en pourra point trouver autre expédient
que de dire rondement que le procureur du Roy à bonne cause s'est
opposé contre ; afin de moins irriter le connestable que l'en pourra. »
Lundi, XVII* jour dudit mois, au conseil, ouquel furent présens
messire A. de Cambray, chevalier, premier président, etc., etc. (suit
une longue liste de noms).
Et de nouvel, ou de rechef a esté visité, veu et raporté et jugié, à
grande et meure délibéracion, ledit procès de Monseigneur Artur de
Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de Partenay et connestable
de France, demandeur, d'une part, contre le procureur général du Roy
nostre sire, défendeui", d'autre ; pour raison de l'entérinement de cer-
taines lectres de don fait parle Roy audit connestable des ville, chastel,
chastellenie et terre de Fontenay-le-Conte, en Poictou. Et finablement
a esté jugié ledit procès et dit que le procureur du Roy à bonne et juste
cause s'est opposé, et que lesdictes lectres ne seront point entérinées;
mais, avecques ce, il a esté advisé et délibéré qu'il ne sera pas dit
aux parties, ainçois, pour les causes touchées en la délibéracion
samedi derrenier faicte, et, considéré le temps tel qu'il est aujourdui,
est plus expédient et plus profitable dire et sera dit aux parties en la
manière qui s'ensuit, c'est assavoir qu'il est question de bien grant
chose et que la court est délibérée de ne procéder au jugement dudit
procès jusques la court ait premièrement parlé au Roy. »
On lit en marge : « Dit aux parties, ledit jour. »
(Xia 1482, îos 223 vo-224.)
Le parlement refusa, longtemps encore, d'entériner les lettres de
don de Fontenay, comme on le voit dans le registres X'* 4800, f» 142,
à la date du mardi 16 juin 1444. Boyleaue, pour le procureur général,
s'opposa encore à l'entérinement, malgré de nouvelles lettres du roi,
pour les mêmes motifs que Jouvenel avait déjà fait valoir. Enfin le
roi, par ses lettres du 24 novembre 1444, exigea l'entérinement des
lettres du 10 mars 1442 (Voy. ci-dessus, n" 1 de l'appendice). On voit
que la lutte avait été longue et vive.
LXXIX
ARTUB DE BRETAGNE FAIT REMISE A CHARLES II D'aLBRET , d'uNE
SOMME DE 30,000 ECUS PROMISE A CAUSE DE SON MARIAGE (28
juillet 1442) [p. 338].
Artur, fils de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces présents lec-
604 APPENDICES
très verront, salut. Comme par le traictié du mariage naguères pro-
mis et accordé de nous et Jehanne, fille ainsnée de beau cousin le
sire de Lebret, le dit beau cousin, entre autres choses, ait promis nous
payer, bailler et délivrer, en faveur dudit mariage, la somme de trente
mil escuz d'or, du poix de lxx au marc, aux termes et ainsi que diroit
et appoincteroit le sire de Coictivy, admirai de France; savoir fai-
sons que, pour certaines causes et considéracions à ce nous mouvans, et
mesmement pour contemplacion du dit mariage et de l'amitié et
aliance pour ce prinses entre iceluy beau cousin et nous, à iceluy
beau cousin avons quicté et donné, et, par ces présentes, quictons et
donnons les diz xxx™ escuz d'or et voulons que doresenavant il et ses
hoirs et ayans cause en soient et demeurent quictes envers nous, sans
ce qu'ils soient tenuz en paier aucune chose, ores ne pour le temps
advenir, à nous ne à nos héritiers ne successeurs. Donné au siège de-
vant Ax, le xxvni<' jour de juillet, l'an de grâce mil CCCC quarente et
deux.
Artur.
Par monseigneur le conte, connestable.
Berthelot.
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 64. — Original, sur parchemin.)
LXXX
CHARLES II d'aLBRET DONNE LE COMTÉ DE DREUX A ARTUR
DE BRETAGNE (1442, 18 novembre) [p. 339].
« Nous Artur fllz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, sei-
gneur de Partenay, connestable de France, confessons avoir eu et
receu de noslre ti'ès cher et amé père, le sire d'Alebret, par la main
de messire Geoffroy de Rochechouart, chevalier, seigneur de Bordet,
ung vidimus fait soubz le scel de la prévosté de Paris des lectres
royaulx faisans mencion du transport que fist le roy, par manière
d'eschange, de la conté de Dreux et de toutes ses appartenances avec
feu nostre cousin, messire Charles de Labret, lors connestable de
France, pour les causes contenues èsdictes lettres royaulx, données
le xxie jour de décembre l'an mil quatre cens et sept, incorporées ou
dit vidimus, fait le xiii* jour du mois de janvier ensuivant ou
dit an.
Auquel vidimus sont attachées l'expédicion de la chambre des
comptes et unes lettres du bailly de Chartres, par vertu desquelles la
possession de la dicte conté fut bailliée audit feu nostre cousin, messire
Charles d'Alebret. Lequel vidimus, avec les dictes attaches et expé-
dicions nous promectons bien garder, pour nous en ayder, se
mestier est, au recouvrement de la dicte conté, à nous baillée et
donnée par nostredit père d'Alebret, au mariage qui a esté de nouvel
fait et consommé entre nous et nostre très chère et très amée com-
paigne, Jehanne d'Alebret, sa fille. Tesmoing ceste cédulle signée de
APPENDICES 605
nostre inain et scellée de nostre scel, le xviii® jour de novembre, l'an
mil quatre cens quarante et deux. »
Signé Artlr.
Par monseigneur le connestable.
Gilet.
(Pièces originales, t. 23, n» 173. Copie coUationnée sur l'original le
1" juillet 1309.)
LXXXI
LIÎTTRES COMMENT MONSEIGNEUR LE PRÉVOST DE PARIS EST COMMIS DE
POVOIR PRENDRE ET JUSTICIER LES MALFACTEURS, TANT CEULX DU
PARTI DU ROY NOSTRE SIRE, COMME CEULX d'aNGLETERRE (1444,
27 février) [p. 349].
Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, au prévost de Paris
ou à son lieutenant, salut. Combien que, en espérance de mectre et
faire tenir en paix et tranquillité noz pays de France, Brye et Chara-
paigne et autres noz pays de delà et de tous poins relever nos vas-
sauïx et subgecz èsdiz pays des tirannies, oppressions et autres maulx
et dommaiges y faiz par cy devant, tant par noz anciens ennemis et
adversaires les Anglois que par noz gens contre eulx résistans et fai-
sans frontière, es prinses par eulx faictes des corps de plusieurs de
nos diz vassaulx et subgecz et en autres diverses et merveilleuses
persécucions, ayons, puis certain temps ençà, par longs sièges et
puissance d'armes, conquis et fait conquérir plusieurs villes et autres
forteresses, lors par nosdiz ennemis détenues et occupées en iceuli
pays et sur la marche et frontière, espérans que, par ce moyen, non
seulement nosdiz vassaulx et subgecz èsdiz pays demourans y deus-
sent et peussent seurement résider, aler, venir, faire et continuer
leurs labeurs, mestiers, marchandises et autres leurs affaires, maiz
aussi toutes manières de gens , marchans et autres , de quelque
estât qu'ilz fussent, sans encourir en quelques pertes de leurs biens,
ne dangier de leurs personnes; ce néantmoins, ainsi qu'il est venu à
nostre congnoissance, plusieurs de noz anciens ennemis et adversaires
les Anglois, et autres tenans leur parti, moyennant l'aide et faveur
qu'ilz ont eu et ont d'aucun demourans èsdiz pays ou autrement, sont
passez et passent bien souvent et presque tous les jours, en et par
divers nonibres et troppeaulx èsdiz pays, èsquelz ils ont faiz et font
innumérables maulx et dommaiges, tellement que à paines est-il plus
marchant ne autre qui ause yssir hors ville fermée ou autre place
forte, ne par lesdiz pays aler ne passer, et, jaçoit ce que nozdiz vas-
saulx et subgecz, demourans es pays dessus diz, à ce bien voulentiers
et souvent eussent pourveu et encores pourverroient par la chace et
prinse qu'ilz eussent peu et pourroient faire des diz ennemis, toutef-
foiz ilz n'ont àusé ne ausent eulx ingérer à ce faire, pour ce que plu-
sieurs de ceulx des garnisons par nous y establies, et autres avecques
606 APPENDICES
eulx, ou soubz leur couleur ou adveu, vont et passent très souvent par
lesdiz pays, et faingnans eulx estre de la "part de nosdiz ennemis^
font prinses, destroasses, ravissemens et tous autres maulx et dom-
maiges quelxconques que pourroient faire nosdiz ennemis; et doublent
nosdiz vassaulx et subgecz, qui, par ce que dit est, ne peuent avoir
vraye congnoissance de quel parti sont ceulx qui font lesdiz maulx
jusques après leurs retours aux lieux où ilz sont demourans, que, se,
en cuidant prendre iceulx noz ennemis, ilz prenoient et blessoient
aucunes gens des dictes garnisons tenans nostre parti et que mort ou
mutilacion s'en ensuivist, ainsi que beaucoup de foiz pourroit advenir,
comme à ce nécessairement procéder conviengne par force et main
armée, ilz n'en feussent appréhendez par justice et que ce ne leur
tournast à dommaige de leurs biens et péril de leurs personnes; par
quoy, se provision n'est de brief à ce donnée, convendra cesser tous
labeurs et marchandises es pays dessusdiz, et s'en pourront de plus
en plus ensuivir de grans inconvéniens, ou dommaige de nous, de
nosdiz pays, vaussaulx et subgecz, et, pour ce, nous, qui de tout
nostre cuer désirons et voulons à ce estre pourveu, comme besoing
est, vous mandons et très expressément enjoignons, en commettant
se mestier est, par ces présentes, que toutes manières de gens de
guerre, de quelque estai, garnison ou parti qu'ilz soient, que saurez
ou pourrez trouver èsdiz pays faisans aucuns maléfices, ou qui, pour
ce faire, y seroient venus, vous iceulx, sans quelque dissimulacion,
port ou faveur à et soubz qui ilz soient et puissent estre, quelque
part trouver les pourrez, prenez, saisissez, emmenez, ou faictes
prendre, saisir, et emmener prisonniers et en faictes ou faictes
faire bonne et briefve pugnicion et justice, ainsi que verrez appar-
tenir, et tellement que tous autres y puissent prendre exemple. Et
deffendez et faictes deffendre, de par nous, à son de trompe et cri
publicque, es lieux de vostre prévosté et autres lieux, èsdiz pays acous-
tumez à faire criz et publicacions, que nul, sur peine de confls-
cacion de corps et de biens, ne donne ou face donner passaige par
eaue, ne recoille, recoure, soustiegne ou conforte aucune gens de
guerre faisans ou qui ont acoustumé de faire lesdiz maléfices et de
ceulx que trouverrez faisans le contraire, ou avoir à nosdiz ennemis,
par cy devant, depuis la délivrance des places par eulx lors détenues,
comme dit est, donné paissaige, faveur ou confort, faictes faire telle
pugnicion et justice que dessus est dit, en procédant ad ce par force
et main armée et convocquant et faisant assembler en armes tant et
de telz de noz officiers et de nozdiz vassaulx et subgetz, soient nobles,
bourgoiz, marchans, gens mecanicques ou d'autre labeur, ou autres
gens deffensables, de quelque estât qu'ilz soient, que verrez pour ce
faire estre nécessaires et convenables; ausquelz faictes, de par nous,
exprès commandement qu'ilz se arment et embastonnent au mieulx
que possible leur sera, à ce que, pour faire et acomplir ce que dit est
ilz puissent eulx mectre en armes et estre prestz touteffois que le leur
ferez savoir; et, pour ce que, en faisans ce que dit est, convendra à
vous et à eulx, qui avec vous seront, faire aucunes mises et despenses,
nous à vous et eulx avons donné et donnons, par ces dites présentes,
APPENDICES 607
loute la defferie et destrousses de ceulx que ainsi aurez prins ou fait
prendre, que voulons par vous estre distribuée et dipartie à chacun,
selon ce que verrez devoir appartenir; et, s'il advenoit que, en fai-
sant l'exploict dessusdit, mort ou mutilacion s'ensuivist es personnes
d'aucuns malfaicteurs de nostredit parti, par vous ou ceulx de vostre
compaignie, ou aucun de vous, nous, en ce cas, dès maintenant pour
lors, le reniectons, quictons et pardonnons du tout, par ces présentes,
à celui ou ceulx qui ce auroient fait, et sur ce imposons silence per-
pétuel à nostre procureur et tous autres. De faire et faire faire toutes
et chacunes lesquelles choses dessusdites avons, à vous et à vos com-
mis et depputez en ceste partie, donné et donnons povoir et auctorité
et mandement espécial, par ces mesnies présentes, par lesquelles
mandons et commandons à tous noz justiciers, officiers, vassaulx, et
subgetz que à vous et vosdiz commis et depputez, en ce faisans, obéis-
sent et entendent diligemment et vous prestent, baillent et donnent
conseil, confort et prisons, se mestier est, et par vous requis en sont.
Donné à Tours, le pénultième jour de février, l'an de grâce rail
quatre cens quarante et trois et de nostre règne le vint deuxième.
Ainsi signé, parle Roy, en son conseil.
Beadvarlet.
Au dos desquelles lettres royaulx estoit escript ce qui s'ensuit :
publiées par les carrefours et lieux accoustumez à faire criz et publi*
cacions delà ville de Paris, le lundi xnie jour d'avril mil quatre cens
quarante quatre, après Pasques. Ita est, Doulzsire.
(Y* f» 79-80.)
LXXXII
LETTRES PAR LESQUELLES LE ROY NOSTRE SIRE COMMET MONSEI-
GNEUR LE PRÉVOST DE PARIS ET LES BAILLIFS DE SENLIS ET DE
MEAULX A PRENDRE ET JUSTICIER LES GENS DE GUERRE VIVANS SUR
LE PAYS ET MESMEMENT EN LA PRÉYOSTÉ ET YICONTÉ DE PARIS
(1444, 21 juillet) [p. 349].
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France aux prévost de Paris,
bailliz de Senlis et de Meaulx et à tous noz autres justiciers ou à leurs
lieuxtenans salut. Comme, après la trêve prinse et accordée puis na-
guères entre nous et nostre nepveu et adversaire d'Angleterre, nous
ayons ordonné que tous les capitaines et gens de guerre qui estoient
et vivoient sur les champs en nostre royaume et une partie de ceulx
qui estoient es garnisons, es places estans es frontières de noz ennemis
s'en yroient, en la compaignie de nostre très chier et très amé filz, le
Daulphin de Viennois, lequel, par nostre ordonnance, les meine et
• onduit hors de nostre dit royaume, en aucunes parties que lui avons
chargié, afin de éviter les grans pilleries et maulx que faisoient les
diz gens de guerre sur nozdiz pays et subgecz; et à ceulx qui sont
demourez èsdiz garnisons ayons fait ordonnances convenables pour
608 APPENDICES
leur paiement, et ordonné que aucun ne tenist plus les champs, sur
peine d'encourir nostre indignacion et d'en estre pugniz, et soit ainsi,
comme entendu avons, que , nonobstans les choses dessusdicles,
plusieurs gens de guerre, tant des garnisons des places estans es
marches de nostre pays de France délaissent leurs dictes places et au-
tres qui délaissent leurs compaignies et celles de nostre dit filz et s'en
vont vivre sur les champs en nostre dit pays de France, y pillent, ran-
çonnent et appatissent noz subgez et y font maulx innumérables,
qui est venir directement à l'encontre de nosdiz voulenté et ordon-
nance, à la grant foule et oppression de nosdiz subgecz et à nostre
très grant desplaisance ; pour ce est-il que nous, voulans à ce poorveoir
et obvier auxdiz maulx et inconvéniens, vous mandons et commec-
tons et à chacun de vous qui sur ce sera requis, que vous faictes ou
faictes faire inhibicion et defïense, de par nous, à son de trompe el
par cry publicque, se mestier est, et par vos juridictions et, en parti-
culier, se faire se peut, à tous capitaines et gens de guerre et autres
qu'il appartendra, qu'ilz ne soient plus si osez ni hardiz de désem-
parer leurs dictes garnisons. Au regard de ceulx qui sont à ce or-
donnez et aux autres, qu'ils ne habandonnent ne délaissent la com-
paignie de nostredit filz, ne liengnent aucunement les champs, en
nostredit pays de France, mesmement en nostre prévosté et viconté
de Paris, ne y pillent, robent, ne facent aucune violence, mais se
tiengnent chacun en sa garnison, ou aillent avecques nostredit filz,
ainsi que ordonné leur a esté, et ce sur peine d'en estre pugniz
comme inforfecteurs de noz ordonnances; et, au cas que aucuns de
la condicion dessusdicte vouldroient ou s'efforceroient faire le con-
traire, après lesdictes deffenses et la publicacion de cesdietes pré-
sentes, nous voulons, ordonnons et vous mandons, et à chacun devons,
par ces dictes présentes, que vous leur résistez par voye de fait et
main armée et par toutes les autres voyes et manières à vous possibles ;
et, pour ce faire, assemblez et convoquez à vostre ayde et secours de
nos féaulx vassaulx, gens et communitez des bonnes villes et autres,
tant et en tel nombre et par tant de fois que verrez estre à faire pour le
bien et conservacion de nostredit pays de France et de nos subgecz
d'icellui, et espécialement de nostre dicte ville de Paris, prévosté et
viconté d'icelle, en manière que la force et auctorité nous en de-
meure. Et prenez ou faictes prendre lesdiz délinquans, ou leurs capi-
taines, se mestier est, et faictes ou faictes faire d'iceulx telle et si
bonne justice qu'il appartendra, selon l'exigence du cas, en manière
que autres y prengnent exemple. Et se, en faisant la dicte résistance,
ou courant sus ausdiz délinquans, s'ensuivoit mort ou mutilacion en la
personne d'aucuns desdiz délinquans, nous ne voulons pas que ce
tourne à dommaige ou reprouche à cellui ou ceulx qui l'aront fait,
ainçois a bien fait et mérité ; et ledit fait et cas, en tant que mestier
est, leur avons, dès maintenant pour lors, quicté, remis et pardonné,
quictons, remettons et pardonnons, par ces dictes présentes, et sur ce
imposons silence à nostre procureur et à tous autres, sans ce que
jamais iiz, ne aucuns d'eulx, en puissent estre poursuivis ne mis en
cause, à requeste de partie ne autrement, en quelque manière que
APPENDICES 609
ce soit. Et voulons ces présentes, ou le vidimus d'icelles (auquel, fait
sous scel royal, ou auctenticque, voulons foy estre adjoustée comme à
l'original) leur valoir sur ce descharge partout où mestier sera. De
ce faire vous avons donné et donnons plain povoir, auctorité, com-
mission et mandement espécial. Mandons et commandons à tous nos-
diz féaulx vassaulx, justiciers, officiers, communitez de villes de plat
pays et autres noz subgiez que à vous et à chacun de vous et à voz
commis et députez, en ce faisant, obéissent et entendent diligem-
ment, prestent et donnent conseil, confort, aide et prisons, se mes-
tier est et requis en sont. Donné à Orléans, le xxie jour de Juillet,
l'an de grâce mil quatre cens quarante et quatre et de nostre règne
le xxue. Soubz nostre scel, ordonné en l'absence du grant. Ainsi
signé, par le Roy, en son conseil.
Delaloere.
Au dos desquelles lectres estoit escript ce qui s'ensuit :
Publiées en jugement ou Cliastellet de Paris, le jeudi xxxe jour de
juillet, l'an mil quatre cens quarante quatre. Ita est, Doulzsire.
(Y* f«» 83 vo-86.)
LXXXIII
SAUF-CONDUIT DU CONNÉTABLE POUR LE BATARD DE LIMEUIL, CHARGÉ
DE RAMENER DANS LEURS FOYERS UN DÉTACHEMENT DE CENT-
SOIXANTE CAVALIERS E-T LEUR BAGAGE, LICENCIÉS PAR ORDON-
NANCE (1445, 20 avril) [p. 357, 359].
« De par le conte de Richemont, seigneur de Partenay,
connestable de France. »
« Cappitaines de gens d'armes et de trait, gouverneurs, chastel-
lains, baillifs, prévosts, gardes de bonnes villes, citez, chasteaulx,
forteresses, pontz, portz, passages et destroiz, et autres justiciers et
officiers, féaulz hommes et subjetz de monseigneur le Roy, ausquelz
ces présentes seront montrées, savoir vous faisons que, en suivant
l'ordonnance de monseigneur le Roy, pour faire cesser les pilleries
et roberies, faictes par cy devant sur ses pays et subjectz, nous avons
donné congié et licence au bastard de Limeul de soy despartir des
routes et compaignies, et mener en sa corapaignie jusques au nombre
de vin"" chevaulx et autant de personnes, ou au dessoubz, et autres
gens de trait et de bagage que bon luy semblera; lequel bastard de
Limeul sera tenu de mener chascun en son hostel, comme ils faisoient
avant qu'ilz vinssent à la guerre, sans plus tenir les champs, fors
seulement le temps à eulx nécessaire pour leur chemin, ouquel ilz
ne prendront forz seulement des vivres, gracieusement. Si, vous man-
dons expressément, de par mondit seigneur et nous et à chacun de vous
que, le dit bastard, accompaignié et en faisant comme dit est, faictes,
souffrez, laissez aler, passer et mener ledit nombre de gens et de
RiCHEMONT. 39
610 APPENDICES
clievaulx en et par vos dictes villes, citez, jurisdictions et autres des-
troiz que bon lui semblera, plainement et paisiblement, sans lui mectre
ne souffrir estre mis ou donné, ne à aucun de sadicte compaignie
aucun arrest, destourbier, ou empeschement, en quelque manière que
ce soit. Car ainsi plaist à mondit seigneur le Roy et à nous, nonobs-
tant les crimes, deliz ou maleffices quclxconques par eulz ou l'un
d'eulx commis et perpétrez le temps passé, à cause de la guerre;
lesquelx mondit seigneur le Roy leur a remiz, quicté et pardonné par
son ordonnance; en ensuivant laquelle, nous les leur quictons, remec-
tons et pardonnons semblablement par cestes, ausquelles noiis avons
faict mectre nostre contrescel; ces présentes durant ung mois. Donné
à la Marche en Lorreyne % le xxe jour d'avril l'an mil ccccxlv. Ainsi
signé, par monseigneur le conte connestable. « J. le Breton ».
(Fr. 4034, f° 46. Publié dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes,
t. m, 2" série, p. 124-125.)
LXXXIV
OBDONNANCE DE LUPPÉ-LE-CHASTEL (1445, 26 mai) [p. 360].
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à noz amés et féaulx
conseillers l'évesque de Poictiers, le seneschal de Limosin, Jehan Le-
bourcier, chevalier, messires Morice Claveurier, Jehan Chevrier, et
aux esleuz sur le fait des aides en Poictou salut et dileccion. Comme,
pour faire cesser de tous poins la pillerie qui longuement a eu cours
en nostre roiaume, garder et préserver noz pais et subgetz des maulx
et oppressions qu'ilz ont souffers, ou temps passé, à cause de la mau-
vaise et désordonnée vie que ont menée les gens d'armes tenans les
champs, vivans sur iceulx, avons, par grande et meure délibéracion,
fait certaines ordonnances justes et raisonnables sur la manière et
ordre de vivre desdits gens d'armes et les logeis d'iceulx, au bien et
solagement de nostre peuple, et à ce que chacun puisse aler et venir
seurement et sans dangier par tous les pais de nostre obéissance,
faire son labeur, ou mestier, et vivre selon son estât ; par lesquelles,
entre autres choses, pour eschever la grant destrucion qui se faisoit,
à cause du grant et excessif nombre de chevaulx et gens de néant qui
estoient es compaignies et qui de riens ne servoient, fors de piller et
mangier le peuple, ait esté ordonné que tout ledit bagaige sera mis
et gecté hors desdictes compaignies et envoiez chacun en leurs hostelz
et domiciles faire leurs mestiers et vivre ainsi qu'ilz avoient acoustumé
à faire paravant qu'ilz vensissent à la guerre, et ne demourroit seule-
ment que certain nombre de gens d'armes et de trait qui auroient,
c'est assavoir chacun homme d'armes ung coustiller, ung paige et
trois chevaulx et deux archers, ung paige, ou ung varlet de guerre et
trois chevaulx; pour la conduicte desquelx avons ordonné et commis
1. La Marche en Bassigny, arr' de Neufcbâteau (Vosges).
APPENDICES 611
certains notables chiefz, noz subgetz bien recéans et qui ont que
perdre en nostre roiaume, expers et congnoissans en telz matières,
lesquelx seront tenuz de respondre et rendre compte des gens qu'ilz
auront en leur cbarge, et à ce que aucuns maulx ne soient par eulx
faiz à nos diz pais et subgez; et, pour ce que, à tenir les champs,
ainsi qu'ilz avoient acoustumé faire, estoit fort à doubter que aucune-
ment ilz s'escartassent, ne voulsissent pas bien obéir à leurs chiefz,
ne n'eust pas esté si de légier mis l'ordre en eulx comme il en estoit
besoing; nous avons, en outre, ordonné, pour le moins grevable et
plus aisié pour nostre dit peuple, que lesdiz gens d'armes seront
logiez es bonnes villes de tous les pais de nostre roiaume, chacun
selon ce que raisonnablement il pourra porter, ainsi que plus à plain
est contenu en nos dictes ordonnances; et, entre les autres, avons
ordonné que ou pais de Poictou seront logés ix^^x lances et les ar-
chers, c'est assavoir soubz nostre amé et féal le seneschal dudit pais
cent lances, soubz le maréchal de Loheac, au Bas Poictou lx lances
et trente lances du nombre de Floquet, et les archers, qui font en-
semble, à trois personnes et trois chevaulx pour lance, et, pour deux
archers, trois personnes et trois chevaulx, xi^xl personnes et autant
de chevaulx, lesquelx seront fourniz de vivres par les gens dudit pais
en la forme et manière qui s'ensuit; c'est assavoir, pour chacune
personne, pour ung an entier, trois charges et demi i de blé et deux
pippes de vin; item, en char, pour ung homme d'armes et les archers,
qui seront six personnes, comme dessus est dit, par mois, deux mou-
tons, et demi bœuf ou vache, ou autre char à l'équivalant, et, par an,
quatre lars; item, pour selz, huille, chandelle, œufs et frommaiges,
pour les jours que on ne mangera point de char, avecques leurs
autres menues nécessitez, par chacun mois, pour homme d'armes et
les archers, vingt solz tournois; et, pour chacun cheval, par an, douze
chevaulx chargez d'avoine, et quatre charretées tant foing que paille,
c'est assavoir les deux pars foing et le tiers paille, ou autres telz vivres
que vous adviserez estre nécessaires pour lesdictes gens d'armes et de
trait et leurs diz chevaulx. Pour lesquelx vivres asseoir, mectre sus et
imposer, cueillir, lever, et faire venir ens logis lesdictes gens d'armes,
et, au surplus, mectre à exécution nos dictes ordonnances èsdiz pays,
nous soit besoing de commectre gens notables, puissans, expers et
bien congnoissans en telz matières et qui aiment le bien de la chose
publique, savoir vous faisons que, confians à plain de voz sens,
loyaulté, preudommie, bonne diligence et expérience en telz cas, vous
avons ordonné et commis, et, par la teneur de ces présentes, ordon-
nons et commectons, et aux trois ou deux de vous, en l'absence des
autres, pour adviser aux lieux et places qui vous sembleront estre
plus convenables et propices pour le logeis desdictes gens d'armes, et
pour en iceulx les logier selon le contenu en nosdictes ordonnances
et, avecques ce, pour asseoir, mectre sus et imposer sur tous lesdiz
pais, le plus justement et également que faire se pourra, le fort por-
1, Une charge et demie dans la copie de Vallet de V. (Bib. de l'École
des Chartes, III, 2" série [1846], p. 126.)
612 APPENDICES
tant le foible, les vivres et argent dessusdiz, qui leur seront néces-
saires, ensemble les fraiz raisonnables et modérez jusques à la somme
de ' livres tournois, et iceulx faire cueillir, lever et venir
ens et distribuer auxdictes gens d'armes, ainsi et en la forme et ma-
nière devant dicte, et de contraindre les seigneurs et habitans des
.villes où ilz devront estre logiez, soient gens d'église ou laiz et tous
autres qu'il appartendra, à vous faire ouverture et plaine obéissance
d'icelle, pour y logier lesdictes gens d'armes et pareillement ceulx
qui auront esté assiz et imposez auxdiz vivres, argent et fraiz, exemps
et non exemps, privilégiez et non privilégiez, et sans préjudice de
privilèges pour ceste foiz, à paier leurs coites etporcions d'iceulx par
quartier d'an, à commancer leur paiement, pour ledit quarteron, au
premier jour que lesdictes gens de guerre entreront dedans lesdictes
villes, et par toutes voies acoustumées à faire pour noz propres debtes,
non obstans opposicions ou appellacions quelconques. Et, en oultre,
ou cas qu'il y en auroit aucuns reffusans, denyans ou cont'redisans
aux choses dessusdictes, nous voulons, néantmoins les contraintes et
cohercions dessusdictes, que vous avons baillées en ceste partie, que,
avecques ce, vous les adjournez ou faites adjourner et comparoir en
pei'sonne, à certain et compétent jour, ou cas que prendre et ap-
préhender ne les pourrez personnellement, pour exécuter lesdictes
contraintes, par devant nous et les gens de nostre grant Conseil
quelque part que serons, sur peine de bannissement et de confiscacion
de corps et de biens, pour respondre à nostre procureur à telz Ans
et conclusions qu'il vouldra eslire à l'encontre d'eulx et chacun d'eulx,
touchans lesdictes désobéissances, reffus ou delay, procéder et aler
avant en oultre selon raison, ainsi qu'il appartendra, en prenant et
mectant sus tous leurs biens meubles et immeubles, s'ilz sont gens
laiz, et, s'ilz sont gens d'église, leur temporel en nostre main réaument
et de fait, et baillant à régir et gouverner à personnes souffisans et
idoines, qui en puissent et saichent respondre et rendre compte et
reliqua quant et à qui il appartendra, non obstant comme dessus, au
moins jusques à ce que par nous autrement en soit ordonné, car ainsi
le voulons et avons ordonné estre fait. De ce faire vous donnons
povoir, commission, auctorité et mandement espécial, mandons et
commandons à tous noz justiciers, officiers et subgiez que à vous, en
ce faisant, obéissent et entendent diligemment et vous prestent et
baillent et donnent conseil, aide et prisons, se besoing en avez et vous
les en requérez. Donné à Luppé le Chastel, le xxv» jour de may, l'an
de grâce mil cccc quarante et cinq et de nostre règne le xxine.
Soubz nostre scel, ordonné en l'absence du grant.
Par le Roy, en son conseil.
Delâloere
(K 68, n" 14.)
1. En blanc. Au n" li^'^ qui indique 40 lances, soit 240 personnes et
240 chevaux, logés dans les pays de Mende et du Gevaudan, la sompie
énoncée est 400 1. t.
APPENDICES 61 3
LXXXV
ORDONNANCE SUR LE FAIT DU PAIEMENT DES GENS DE GUERRE
EN NORMANDIE. — (1451, 14 mai) [p. 365],
Charles, etc., à noz amez et féaulx les généraux conseillers, par
nous ordonnez sur le fait et gouvernement de toutes noz finances
salut et dilection. Comme, pour obvier aux grans abuz qui, ou temps
passé, ont esté faiz au paiement de noz gens de guerre, et afin que,
par faulte dudict paiement, ilz n'aient cause de prandre aucune chose
sur noz subgez sans paier, mais se gouvernent selon noz ordonnances
sur ce faictes, ayons, par grant et meure déllbéracion de nostre Con-
seil, voulu et ordonné que noz diz gens de guerre, que avons ordonnez
estre establiz, paiez et souldoiez en noz pais et duché de Normandie,
pour la garde et seureté d'icelui, soient paiez de leurs diz gaiges et
souldes et leurs chefz et cappitaines de leur estât, par ung qui sera
par nous commis, par chacun quartier d'an, c'est assavoir lesdiz gens
de guerre, selon les monstres et reveues qui seront faictes d'iceulx par
nostre amé et féal conseiller Jamet de Tilhay, nostre escuier d'escuierie
et bailly de Vermandoys, à ce par nous commis, ou par ses aides et
députez; et, pour ce faire, ayons commis et ordonné nostre amé et
féal receveur général de noz finances en nostre dit pais de Normandie
Macé de Launay, pour les quartiers d'an commançant le premier jour
de janvier et d'avril derniers passez, lesquelz sont escheuz dès la fin
du mois de juing, sans ce que y ayons envoies et pourveu, pour ce
présent quartier d'an commençant en juifiet, par quoy soit besoing
commeclre aucune personne à nous féable ; savoir faisons que nous,
ce considéré, et pour la confiance que nous avons dudit Macé de
Launay, et aussi que, par commission de nous, il a fait le paiement
d'iceulx gens de guerre lesdiz deux quartiers d'an derreniers passez,
icelui avons, par l'advis et déllbéracion des gens de nostre Conseil,
commis et ordonné, commectons et ordonnons, par cesdictes présentes,
à faire le paiement du nombre de cinq cens soixante dix lances et de
quatre cens soixante paies, logez, par nostre commandement et ordon-
nance, en nostre pais de Normendie, pour cedit quartier d'an com-
mençant le premier jour de juilhet derrenier passé, à telz gages et
chevauchées qui, par nous lui seront pour ce tauxez et ordonnez et
aux autres droiz, proffiz et emoiumens acoustumez, au feur de
XXXI 1. tournois par mois chacune lance fournie. Testât du cappitaine
en ce comprins, et de dix livres tournois aussi par mois chacune petite
paie, des deniers par nous ordonnez estre mis sus oudit pays, pour le
paiement dessusdit; c'est assavoir soubz nostre chier et féal cousin
le conte de Dunois irn"" lances fournies et cent petites paies pour
Harefleu; soubz le sire de La Varenne cent lances fournies et quarante
petites paies, pour le palais, chastel et pont de Rouen et pour Tou-
ques; soubz Robert de Flocques, bailly d'Evreux, quatrevingt dix lances
fournies et quarante paies, pour Honnefleu; soubz le sire de Torcy
614 APPENDICES
cent lances fournies et dix petites paies, pour Marques ; soubz le sire
de Bueil, admirai de France, quatre vings lances fournies et cinquante
petites paies, pour Cherebourg; soubz Odet d'Aidie vingt lances four-
nies; soubz Geoffi'oy de Couvran, chevalier, quarante lances fournies;
soubz Guillaume de Roussevignan trente lances fournies ; soubz Oli-
vier de Bron trente lances fournies; soubz Jehan de Lorraine, pour
Grantville, cent petites paies; soubz le sire d'Estouteville, pour le
Mont Saint-Michel et Tombelaine, cinquante petites paies; soubz
Charles des Marres, pour Dieppe, soixante petites paies, et, soubz le
sire d'Orval, pour Baieux, dix petites paies; et lui avons donné et
donnons, par cesdictes présentes, povoir de recouvrer les deniers
ordonnez pour ledit paiement, des receveurs particuliers qui en font
recepte, par ses quictances seulement, lesquelles leur voulons valoir
aquict à la despense de leurs comptes; et de contraindre à les lui
paier lesdiz receveurs particuliers, les termes escheuz, par prinse de
corps et de biens, tout ainsi qu'il est acoustumé faire pour noz propres
debtes, non obstant opposicions ou appellacions quelconques. Si, vous
mandons et expressément enjoingnons que de noz présentes ordon-
nance et commission vous faictes, souffrez et laissez joyr et user plai-
nement et paisiblement Macé de Launay, durant le quartier d'an, et
à lui et à ses commis obéyr et entendre, ainsi qu''il appartiendra, es
choses touchans et regardans nozdictes ordonnance et commission, et,
par rapportant cesdictes présentes, avec roolle de monstre fait en
parchemin, contenant les noms et surnoms de chacun homme de
guerre, signé de nostre dict conseiller ou de sesdiz commis et dep-
putez, et certifficacion ou quictance souffîsant desdiz gens de guerre
contenuz ou dit roolle, avec vidimus de la retenue et quictance de
chacun desdiz chefs et cappitaines, en tant que touche leur estât, nous
voulons tout ce que paie aura esté par ledit de Launay, ses clercs ou
commis, aux chefs, cappitaines et gens de guerre dessudiz estre alloué
en ses comptes et rabatu de sa recepte par noz amez et féaulx gens
de noz comptes, ausquelz nous mandons que ainsi le facent, sans
aucune difficulté; et, pour ce que, de cesdictes paies, ledit de Launay a
à besongner en plusieurs lieux, voulons que au vidimus d'icelles plaine
foy soit adjouctée, si comme à ce présent original, car ainsi etc., non
obstans quelzconques mandement, restrictions ou deffenses à ce con-
traires. Donné à La Guierche en Touraine, le xnii' jour de may, l'an
de grâce mil IIIPLI et de nostre règne le xxix°.
(Fr. 3909, fo^ ix^xiiiiv" ix^^xv v°. Copie dans Moreau 2o2, f-^ 128-129.
Cf. Fr. 25712, n» 247.)
LXXXVI
LES TROIS VOYES DU VIVRE DES GENS d'aRMES PREMIÈREMENT
TENUES (1445) [p. 368].
S'ensuivent les troys voyes que le Roy nostre sire a ordonnées pour
l'entretenement et nourrissement de ses gens de guerre estans logez,
APPENDICES 615
par son ordonnance, en son royaume, affin que, icelles troys voyes
remonstrées aux subgetz, ils puisent eslire laquelle qu'ils vouldront,
et, icelle voye eslicte, seront tenuz d'entretenir lesdiz gens de guerre
chacun selon son taux et porcion, à commancer le premier jour de
janvier mil ccccxlv.
La première desdites trois voyes que le Roy, nostre dit seigneur, a
advisées en son grant Conseil ' que, pour entretenir lesdiz gens de
guerre sans pillerie, ilz seront paiez et soustenuz par les subjetz des
pais où ilz sont et seront logez, à commencer dudit premier jour de
Janvier nn« xlv, en la manière qui s'ensuit : C'est assavoir que, par
lesdiz subjectz sera baillé et paie, pour chacune personne, pour ung
an entier, trois charges et demye de blé, moitié seigle et moitié fro-
ment, et deux pippes de vin; — en char, pour lance fournie de six
personnes, deux motons et demy beuf, ou vache, ou autre beuf ^ à
l'équivalent, par mois; — par an, quatre lars bons et convenables; —
pour sel, huille, chandelle, œufz et fromaiges, pour les jours qu'on ne
mengera point char, et autres menues nécessitez, pour chacune lance
fournie comme dessuz, trente solz tournois par chacun mois; — poui"
chacune lance fournie comme dessuz, trois charretées de bois, bonnes
et raisonnables et telles qu'on les vend es marchez où ilz seront logez;
— pour chacun cheval, par an, douze charges d'avoyne et quatre
charretées, tant foing que paille, c'est assavoir les deux pars foing et
le tiers paille ; et paieront lesdiz habitans le logiz desdiz gens de
guerre, et, avec ce, paieront quatre livres tournois chacune paye,
qui sont huit livres tournois pour lance et vingt solz tournois pour
Testât du capitaine, par chacun mois.
Ou, pour la seconde voye, paieront, en argent comptant, par chacun
mois, la somme de vingt livres tournois pour lance fournie et vingt
solz tournois pour Testât du capitaine ; — pour chacune lance four-
nie de six personnes et six chevaulx comme dessus, vingt boisseaulx de
blé, à la mesure de Pai'is, par moitié froment et seigle, par chacun
mois, qui sont, par an, pour chacune personne, trois sextiers et ung
boisseau, mesure de Paris ; — pour chacune lance fournie, comme
dit est, siz charges d'avoyne, chacune charge contenant xxini boisseaulx,
mesure de Paris, par chacun mois ; et aussi leur seront baillées, par
chacun mois, deux charretées de foing et paille, les deux pars foing
et le tiers paille, chacune charretée bonne et convenable, à deux
beufz; — pour chacune lance fournie, trois charretées de bois, à deux
beufs, bonnes et convenables, chacun mois, excepté que, es mois de
de mai, juing, juillet, aoust et septembre, souffira que lesdiz gens de
guerre aient, pour chacun desdiz mois, deux charretées de bois.
Ou, pour la tiei'ce et derreniére voye, paieront et délivreront auxdiz
gens de guerre la somme de xxxi 1. t. à chacune lance fournie de six
personnes et six chevaulx, c'est assavoir, pour ladite lance fournie
comme dessus, xxx 1. t. et, pour Testât du capitaine, xx s. t. Et
1. Il devrait y avoir est, mot omis par le copiste.
2. Pour chair. C'est probablement une faute du copiste. (Cf. ordonn. de
Louppy, ci-dessus, p. 611.)
616 APPENDICES
paieront lesdiz gens de guerre leurs hostellages, au regard de ces
deux dernières voyes, au feur de xxx s.' t., fournie par mois tant seu-
lement. Et, ou cas que lesdiz gens de guerre ne vouldroient paier
lesdiz xxx s. t, pour hostellage, les commissaires les pourront retenir
et paier, par leur main, sur leur dit paiement de chacun mois.
Et, n'entend pas le Roy que les hostes où seront logez lesdiz gens de
guerre les fournissent d'autre chose que de linge de table et de lit,
utencille d'ostel et de logiz, tant pour eulx que pour leurs chevaulx;
et changeront lesdiz gens de guerre leurs diz logiz de trois en trois
mois, par l'ordonnance des commissaires, ou de la justice ordinaire
dudit lieu où ilz seroit logez, affin que chacun porte sa part dudit
logiz, se n'estoit du consentement de l'oste où ils seront logez.
(Fr. 3909, f" 216 V, 217 v». Copie du temps, qui est évidemment
inachevée). Par lettres du 26 novembre 1445, Charles VII informe les
habitants du Bas Limousin et du comté de la Marche qu'ils pourront,
à leur choix, payer 31 fr. par lance fournie, par mois, ou 21 fr. et les
vivres pour le reste des 31 fr. (K. 68, n"s 22, 23.) Voy. aussi Flammer-
mont, Instit. munie, de Senlis, p. IH.
LXXXVII
LE ROI ACCORDE AU CONNÉTABLE LE DROIT DE LEVER, PENDANT
DIX ANS, UNE TAXE EXTRAORDINAIRE, POUR RÉPARER LES FOR-
TIFICATIONS DE PARTHENAY (1445, 11 avrll) [p. 317].
A tous ceulx qui ces présentes lectres verront et orront, Jehan Tren-
chans, bourgeois de Poicliers, garde du scel estably aux contracz à
Poictiers pour le Roy nostre sire, salut. Savoir faisons que nous avons
veu et leu, de mot à mot, les lettres patentes du Roy nostre dit sei-
gneur scellées de son scel en cire jaune et queue simple, avec l'atache
des généraux conseillers dudit seigneur sur le fait et gouvernement de
toutes ses finances, saines et entières, desquelles la teneur s'ensuit :
Charles, par la gi'âce de Dieu, roy de France, aux esleuz sur le fait
des aides ordonnées pour la guerre en nostre pais de Poictou, salut.
Nostre très-chier et amé cousin, le conte de Richemont, seigneur de
Parthenay, connestable de France, nous a exposé que, en icelle ville de
Parthenay sont à faire plusieurs grandes repparacions et emparemens,
pour la fortification d'icelle, lesquelx, à l'occasion des guerres et di-
visions de nostre royaume et des grans pillieries et roberies qui ont
esté faictes sur le pais d'illec et à l'environ, ne pourroient estre faiz des
derniers communs d'icelle ville et chastcllenie, obstant ce que, à
cause d'icelles, ilz sont moult diminuez et amoindriz; pour quoy
nostre dit cousin nous a supplié et requis que nous vueillons consentir
que, jusques à certain temps, soit cueilly, assis et imposé, sur les
habitans de la dicte ville et chastellenie, par chacun an, la somme de
huit cens 1. t., pour les derniers qui en ystront estre convertiz et em-
ploiez en ladicte repparacion et fortificacion dudit Parthenay, et sur
APPENDICES 617
ce lui en octroier noz lettres. Savoir vous faisons que nous, ce con-
sidéré, acerteniez aucunement des choses dessusdictes, voulans, pour
ce, incliner à la requeste d'icellui nostre cousin, avons consentiz, oc-
troyé, consentons et octroions, par ces présentes, que, de cy à dix
ans prouchene'ment venans, à compter de la date ces présentes, soit
par vous assis et imposé, par chacun an, une fois et non plus, sur les
habitans de ladicte ville et chastellenie ladicte somme de huit cent
1. t., avecques, oultre et par dessus le principal des tailles qui, de par
nous, seront imposées en ladicte ville et chastellenie, pourveu que à
ce se consentent la phis grant et saine partie des manans et habitants de
ladicte ville et chastellenie et que les deniers de noz tailles et aydes ne
soient aucunement retardez ne diminuez ; et icelle somme, ainsi
assise et imposée, faictes cueillir et lever par le receveur de nosdictes
tailles et par lui bailler et délivrer au receveur de ladicte ville, pour
par lui estre convertiz es dictes reparacions, par l'ordonnance de
nostre dit cousin; lequel receveur de ladicte ville sera tenu d'en
rendre compte par devant les gens d'icellui nostre cousin, appeliez à
ce aucuns noz gens et officiers. Si, vous mandons que noz présentes
lettres vous mectez à éxecucion de point en point, selon leur forme,
et sans en ce faire aucune difficulté. Et, par rapportant ces dictes
présentes, vérifiées de noz amez et féaulx les généraulx conseillers
sur le fait de noz finances, ou vidimus d'icelles, fait soubz scel roial
et quictance sur ce souffîsans, nous voulons tout ce que par nostre
dit receveur ou receveurs desdictes tailles aura esté baillé, à la
cause dessusdicte, estre alloué es comptes et rabatue de leurs re-
ceptes par noz amez et féaulx gens de noz diz comptes, auxquelx
nous mandons ainsi le faire sans difficulté. Donné à Nancy, en Lor-
raine, le XI* jour d'avril, l'an de grâce mil quatre cens quarante cinq,
et de nostre régne le xxiii», soubz nostre scel, ordonné en l'absence
du grant, après Pasques. Ainsi signé, par le Roy, en son Conseil.
Chaligant.
Suit l'attache des généraux conseillers du roi sur le fait des
finances.
Vidimus du 21 mai 1445 (Fr. 257 H, n» 177).
Le même jour (H avril 1445), le roi accorde aussi au connétable le
droit de lever pendant dix ans, sous les mêmes réserves et condi-
tions, une somme annuelle de 600 1. t. à Fontenay, pour réparer les
fortifications de cette ville (Fr. 25711, n" 178).
Le 20 avril, les généraux conseillers du roi sur le fait et gouverne-
ment de ses finances, tant en Languedoil comme en Languedoc, con-
sentent, sous les réserves indiquées, à l'entérinement de ces lettres
(Fr. 26073, n» 5197).
On voit, dans un autre document, que, le 15 octobre 1455, J. Blan-
chet, sergent du roi, est venu à Fontenay; que là, en présence d'un
notaire, il a demandé aux principaux habitants, à la requête du
comte de Richemont, s'ils consentaient au contenu des lettres royaux
du 11 avril, dont il leur a donné lecture et qu'ils ont répondu affir-
mativement. On trouve, dans cette pièce, les noms de soixante-dix
618 APPENDICES
des principaux habitants de Fontenay-le-Comte, tant nobles et gens
d'église que manants (Fr. 26074, n" 3329). 11 est certain que ces
mêmes formalités furent accomplies à Parthenay et à Vouvant. C'est
seulement après cela que les taxes accordées au connétable furent
levées.
On trouve encore dans le riche recueil des Quittances et pièces
diverses de la Bibliothèque nationale, deux autres pièces relatives à
cette même affaire. L'une est un reçu du connétable, l'autre un reçu de
J. Secillon, commis par lui à la recette de ces impôts.
REÇU DU CO.NNÉTABLE (1446, 20 FÉVRIER).
Nous, Artur, filz et oncle de duc de Bretaigne, conte de Richement,
seigneur de Parthenay, Fontenay et Vouvent, et connestable de France,
confessons avoir eu et receu de Pierre Percaut, commis en Poitou par
monseigneur le Roy à recevoir la porcion de l'aide de ncM. fr. rais
sus en ses pays de Languedoil, au moys de février ccccxluii, la somme
de xvuc 1. t, laquelle mondit seigneur le Roy nous a ordonnée estre
baillée et délivrée, pour convertir es repparacions de noz villes et
chastellenies desdiz lieux de Parthenay, Fontenay et Vouvent, ainsi
que plus à plain est contenu es lectres patentes de mondit seigneur le
Roy sur ce faictes. De laquelle somme de dix-sept cens livres tournoys
nous nous tenons pour bien paie et content et en avons quicté et
quictons et promectons, par ces présentes, acquicter ledit receveur de
ladicte somme, envers tous et contre tous. Donné soubz noz scel et
seing manuel, le vingtiesme jour de février, l'an mil cccc quarante et
cinq.
Artur
Par monseigneur le conte connestable.
Lebreton.
(Fr. 26074, n« 5397.)
Le 19 octobre 1448, J. Secillon, commis par le comte de Richement
receveur des deniers pour les réparations et remparement de Par-
thenay, Vouvant et Fontenay-le-Comte, reçoit d'Antoine Vousv, rece-
veur des tailles en Poitou, la somme de 1700 1. t. (Fr. 26078, n" 6013).
LXXXYIII
LECTRES COMMENT LE ROY DÉGLAIRE LES CAUSES POUR LESQUELLES
IL ENTRA EN NORMENDIE APRÈS LA PRINSË DE FOULGIÈRES
(1451, 2 avril) [p. 383, 386, 387, 393, 39S].
Charles, etc., à tous, etc.. Comme l'an mil CGCCXLIIII ou environ
uostre nepveu et adversaire d'Angleterre eust envoie ses solempnelz
messages et ambaxeurs par devers nous, requérir que voulsissions
entendre et nous condescendre à avoir et prandre trêves avecques
lui, en espérance de parvenir, durant le temps et termes d'icelles, à
APPENDICES 619
aucun bon traictié et appoinctement de paix final; à laquelle chose,
pour honneur de Dieu, nostre créateur, principallement éviter l'effu-
sion de sang humain chrestien et les maulx et inconvéniens qui sou-
ventelfoys adviennent par faict de guerre, nous feussions accordez et
coBsentiz et que, sur ce, eussent esté faiz et accordez, pour la forme
et manière de vivre durant lesdictes trêves, certains articles et chap-
pitres plus à plain contenuz et déclairez es lectres faictes et passées
touchant ladicte matière, et icelles trêves et tout le contenu èsdictes
lectres promis et accordé, d'une part et d'autre, ainsique en tel cas
appartient; et, depuis, pour ce que, pendant le premier terme des-
dictes trêves, la matière de ladicte paix ne peut estre accordée ne
conclue, furent icelles trêves, par diverses foys, prorogées et conti-
nuées et, aucunes des foys, prinses et acceptées de nouvel, en tant
comme besoing faisoit, jusques à certain temps et terme plus à plain
contenu etdéclairé, et lectres sur ce faictes et accordées et consenties;
pendant lequel temps desdictes trêves et prorogacion d'icelles, nous
avons, de nostre part, ordonné et commis notables conservateurs,
pour les garder et maintenir et faire observer et entretenir, ainsiqu'il
appartient, et quant aucune plaincte nous est venue, touchant ladicte
matière, y faisons incontinent donner la provision telle qu'il apparte-
noit, selon la teneur desdictes trêves, et, par plusieurs foys et en di-
verses convencions, fait offrir à ceulx de la part d'Angleterre que, s'il
estoit trouvé, par aucun de nostre part, aucun excez ou attemptat
avoir esté commis contre ne ou préjudice desdictes trêves, nous le
ferions réparer et y donner la provision telle que, selon raison et la
teneur d'icelles, faire se devroit, et que aussi ceulx de ladicte part
d'Angleterre feissent le semblable de leur cousté, de laquelle chose
faire iceulx de la part d'Angleterre ont toujours esté délaians et en
demeure, jasoit ce que de plusieurs excez et actemptaz nostredit
neveu ait esté, mesmement en Angleterre, de par nous, par diverses
foys, adverti, ceulx aussi de son Conseil ou du royaume d'Angleterre
et pareillement ceulx de son Conseil estably en ce royaume, et smgu-
liêrement le duc de Sommerset, son lieutenant général et représen-
tant sa personne, pour le temps de lors, deçà la mer, et, en espécial,
par plusieurs foys, {sic, sans ait) esté notiffié audit de la part d'Angle-
terre comme, contre la teneur desdictes trêves et les chappitres et
articles expressément contenuz et déclairez en icelles, aucuns leurs
subgetz et obéissans, à leur veu et sceu, et à quoy chacun jour ilz
eussent peu pourveoir, s'ilz eussent voulu, emparèrent et fortiffièrent
les places de Saint-Jame-de-Beuvron et de Saint-Guillaume-de-Mor-
taing, situées et assises es marches des frontières, qui estoit directe-
ment contre la teneur de certain article expressément contenu et
déclaré èsdictes trêves, touchant ladicte matière ; et, en oultre, firent
leursdicts subgetz plusieurs pilleries, roberies, meurtres et destrousses
sur noz subgetz et en nostre obéissance, dont les cas esloicnt claire-
ment prouvez par informacions et procès deuement faiz, monstrez et
exhibez en forme deue et autenticque ausdicts de la part d'Angle-
terre; et, en continuant de mal en pis, fut prinse par ceulx dudict
parti d'Angleterre, et mesmement par gens estans de l'ordre de la
620 APPENDICES
Jarretière, pensionnaires et du conseil de nostredict nepveu d'Angle-
terre, ses hommes et vassaulx et ayans charge de places et de gens de
guerre soubz lui, la ville et chastel de Foulgières, grosse, puissante
et très riche ville, et garnie de très bel et fort chaatel, appartenant à
nostre beau neveu de Bretaigne, située et assise en son pais et duché
de Bretaigne, et en nostre obéissance ; en laquelle place on ne faisoit
ne ne se donnoient ceulx de dedans aucunement garde, pour la seu-
reté en quoy ils se cuidoient estre, à cause et par le moien desdictes
trêves; et, à icelle prinse, tuèrent et occirent gens, prindrent prison-
niers et brûlèrent églises, ravirent femmes, prindrent et butinèrent
tous les biens qui en ladicte ville estoient, montans, selon la com-
mune renommée, à très grans et excessives sommes de deniers; tin-
drent et occupèrent ladicte place, et, d'icelle, firent guerre ouverte
en tous les lieux du pais de Bretaigne où ilz le peurent faire, boutant
feux, tuant et murdrissant gens, prenant et menant prisonniers bes-
tiaulx et tous les biens qu'ils povoient trouver, appatissant le pais et
faisant tous exploiz de guerre, ou telz et semblables comme en temps
de hostilité est accoustumé de faire ; et, combien que, considéré les
choses dessusdictes, estoit cler et manifeste que lesdicts de la part d'An-
gleterre avoient rompu et enfraint lesdictes trêves, et qu'il nous feust
loisible, sans aucune charge d'onneur ne de congnoissance, de leur po-
voir, dès adonc, faire guerre ouverte et procéder à l'encontre d'eulx par
voye de fait, comme contre ennemis et adversaires, néantmoins, pour
mectre toujours Dieu de nostre part, et que chacun congneust le devoir
en quoy nous voulons mectre, eussions toutes ces choses notiffiées et
faictes savoir ausdicts de la part d'Angleterre et les sommer et requérir
qu'ils en feissent repparacion et y donnassent la provision par effect
telle qu'il appartenoit, selon l'exigence du cas, à quoy aucunement
n'ont voulu entendre; ainçois, pour monstrer plus clerement leur
vouloir et entencion, se sont voulu efforcer, par certains moiens, de
actraire et attribuer à eulx la subgection et obéissance de nostredict
neveu de Bretaigne et de son pais et duché, jasoit ce que, à la vérité
et comme il estoit notoire, il est nostre homme, vassal et subgect, et
que, dès le commencement des trêves, icekii nostre neveu, comme
nostre subgect et obéissant, eust esté, et ses pays et seigneuries, nom-
mées, comprinses en icelles, qui est bien clère demonstrance de no-
toire et manifeste infraction desdictes trêves de la part d'Angleterre;
et, à ceste cause, et voyans les tors, desraisons, .denées de droit et
clères infractions desdictes trêves par ceulx d'icelle part d'Angleterre,
eussions fait faire noz protestations solempnellement et auctentique-
ment, en la présence des ambaxeurs et commissaires de ladicte part
d'Angleterre, garniz de povoirs souffisans en ceste partie, du devoir
en quoy nous estions mis, de nostre part, et du tort, déraison, injus-
tice et denée de droit procédant de la leur, en appellant Dieu et la
vérité à tesmoings de ces choses et que nous nous tenons plus honno-
rablement deschargez de tout ce qui s'en pourroit ensuir; lesquelles
choses et solempnitez ainsi faictes et gardées, eussions esté conseillez,
par grant et meure délibéracion, d'entrer en guerre ouverte à l'en-
contre de nostredit neveu et desdits de la part d'Angleterre; en la-
APPENDICES 621
quelle matière aidant le benoist filz de Dieu, qui a congneu le bon
droit que avons en ceste partie, nous sommes maintenuz et gouvernez
au bien et recouvrement de nostre seigneurie, ainsique chacun a peu
et peut tous les jours veoir et congnaistre; et, soit ainsi que, par noz
messages et ambaxeurs, c'est assavoir maistre Girard Le Bourcier,
maistre des requestes de nostre hostel et Anego Darcio, escuier, noz
conseillers, ayons ces choses fait savoir et notiffier bien à plain à très
hault et puissant prince, nostre très cher et très amé frère et cousin,
le roy de Castelle et de Léon, comme à nostre premier frère et alié
et à celui à qui voulons toujours communiquer et faire savoir de noz
affaires, pour le bon entretenement des aliances qui sont entre lui et
nous et qui ont esté, le temps passé, entre noz prédécesseurs, leur
pais, terres et seigneuries et les siens ; toutesfois, icelui nostre frère
nous a fait savoir qu'il vouldroit bien eslre informé, par nos lectres
patentes, de l'infraction et rompture desdictes trêves et de la manière
comment, et que aussi le portent ainsi les aliances qui sont entre
lui, nous, noz pais, terres, seigneuries et subgetz et les siens; pour ce
est-il que nous, ces choses considérées, désirans le bon entretenement
desdictes aliances entre icelui nostre frère et nous, et voulans le con-
tenu en icelles estre tousjours entretenu et accomply de nostre part
et, avecques ce, que sommes bien joyeulx que nostredict frère, cousin
et atié et tout prince chrestien aye vraye congnoissance du démené
desdictes matières, en obtempérant à ce que nostredict frère nous a
fait savoir, touchant ce que dit est, et entretenant lesdictes aliances,
et pour les autres causes et considéracions que dessus, nous avons
faits mectre et reddiger par escript, en ces présentes, ausquelles, en
tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre scel. Donné aux Mon-
tilz-lez-Tours, le second jour d'avril MIIII'L.
(Fr. 5909, f»* ix»ni v»-ix"v.)
•LXXXIX
QUITTANCE DE FRANÇOIS I" ET DE RiCHEMONT (1449, 27 Septembre)
(p. 400, 401, 464).
François, par la grâce de Dieu, duc de Bretaigne, conte de Mont-
fort et de Richement, Arlur, fils de duc de Bretaigne, conte de Riche-
mont, seigneur de Partenay et connestable de France, à tous ceulx qui
ces présentes lectres verront, salut. Savoir faisons nous avoir eu et
receu, par les mains de Thomas Marest et Colin Cannelande, fermiers
du tabellionnage de Saint-Lô, la somme de quinze salus d'or, pour
tout ce qu'ils peuent ou pourront devoir, à cause d'iceliui tabellion-
nage, pour le terme Saint-Michel prouchainement venant; et l'oultre
plus du paiement d'iceliui terme, qui se monte à sept livres dix solz
tournois, avecques stippes et nobis *, nous leur avons donné, quicté et
1. Droit d'uu denier en quelques lieux, ou de trois deniers en d'autres,
par livre, en Normandie. [Dict. de Trévoux, VII, 831.)
622 APPENDICES
remis, donnons, quictons et remettons, pour les supporter des pertes,
dommages et vacacions qu'ilz ont eus et soustenus au fait d'icellui
tabellionnage, à l'occasion de caste présente guerre. Donné à Saint-Lô,
soubz noz signes manuelz, le xxvn^ jour de septembre, l'an mil
quatre cens quarante neuf.
François Artur.
(Fr. 26079, n» 6151).
XG
CONFIRMATIO TRACTATUS FACTI PER COMITEM RICHEMONTIS, CONNESTA-
BULARIUM FRANCIS, CUM HABITANTIBUS DE NUILLY l'eYESQUE.
. (1449, 2 octobre) [p, 40i].
Charles, etc., savoir faisons à tous présens et à venir, nous avoir
veues certaines lettres patentes données de nostre très chier et amé
cousin, le conte de Richemont, connestable de France, signées de sa
main et scellées de son scel, en queue simple et cire vermeille, seines
et entières, contenans la forme qui s'ensuit :
« Artur, fils de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur
de Parthenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces présentes
lettres verront, salut. Scavoir faisons que, aujourd'huy, par mon sei-
gneur et neveu le duc et nous, a esté faict le traictié et appoinc-
tement de rendre et mectre en noz mains, pour et ou nom de mon-
seigneur le Roy, le chastel et place de Nully l'Evesque, appartenant à
l'évesque de Bayeux, icellui appoinctement fait, accordé, traicté et
appoinctié par entre nous, d'une part, et le soubz-doyen du dit Bayeux
et le lieutenant d'icelle place de Nully et autres officiers dudit évesque,
d'autre, en la manière qui s'ensuit :
Premièrement; pour empescher que ladite place et chastel ne soit
assiégée etprinse par force, dont pourroit ensuir inconvéniens irrépa-
rables, lesditz soubz-doyen, lieutenant et officiers nous ont promis
rendre ladite place en l'obéissance de mondit seigneur le Roy et icelle
mectre en noz mains, ou de nos commis, dedens ung mois prouchai-
nement venant, et nous en bailleront trois ostaiges, personnes notables
et souffisans, vendredy prouchain, ou ung autre jour, que nous yrons
ou envoyerons, accompaignez de gens d'armes et de trait, devant ladite
place, ou cas que, oudit terme et jour, ils ne vouldront défendre
ladite place, se bon leur semble; et, en rendant icelle place en noz
mains, ou autres, ayans pouvoir de mondit seigneur le Roy, ou de
nous, nous avons promis et accordé que, se ledit évesque se veut re-
mectre en l'obéissance de mondit seigneur le Roy, il le pourra faire et
sera receu dedens trois moys prouchainement venant, et, ce pendant,
joira toujours de ses biens, rentes et revenues, tant espirituel que tem-
porel, et lui seront renduz tous ses biens meubles, quelz qu'ils soient,
que on trouvera en ladite place et audit lieu, réduit en l'obéissance de
mondit seigneur le Roy, par le moien de nous ; et ce pendant, en
APPENDICES 62S
attendant savoir la volenté dudit évesque, seront iceulx biens gardez
et defTenduz, à son profflt, par les mains de ses parents et officiers,
lesquels pareillement, durant ledit temps, joyront de leurs biens ; et
après, se ledit évesque, ses parents et officiers, familiers ou domes-
tiques veulent demourer en ladite obéissance, ils seront maintenuz en
leurs prélatures, offices, bénéfices et estatz, sans aucune innovacion ;
et, avec ce, demourront en la possession de leurs maisons, héritages
et autres biens, pour enjoir paisiblement, ainsi que ilz ont accoutumez
faire ; et, en ce faisant, pour aucunes causes à ce nous mouvans, con-
sidérans que ladite place ne puet bonnement estre recouvrée ne red-
duite sans grans fraiz et despens, avons promis et accordé, et, par ces
présentes, de par mondit seigneur le Roy, en usant des povoirs par lui
à nous sur ce donnez, accordons et permectons que maistre Nicole Her-
mecant, archidiacre et chanoyne de l'église de Bayeux, Guillaume de
Castillon, archidiacre des Vées et chanoyne d'icelle église, Rolant de
Thaleuces, soubz-doyen et chanoyne, Brande de Castillon, Rogier Du
Moustier, Robert d'Estampes et Nicole Dudoye, touë chanoynes, parens,
officiers ou serviteurs du dit évesque de Bayeux sont et demeurent
possesseurs de tous leurs bénéfices, avecques tous chacuns leurs biens
meubles et héritaiges, en quelque lieu qu'ilz soient situez et assiz, no-
nobstant quelconques don ou dons que, auparavant de ses heures,^
par importunité de rëquérans ou autrement, en pourroient avoir esté
faiz ; lesquelz, se aucuns en ont esté faiz, nous avons cassez et annul-
lés, cassons et adnulons, par ces mêmes présentes, non obstant qu'ilz
soient demourans en l'obéissance des Anglais, lesquelz, en brief
temps, et le plus tost que possible leur sera, se vendront redduire en
l'obéissance de mondit seigneur le Roy ; et semblablement joyront de
leurs biens et héintages, les autres habitans de la dicte place, qui
vouldront demourer en ladicte obéissance de monseigneur le Rov,
en faisant le serment au cas appartenant. Et, au regard de ceux qui
s'en vouldront aller, de quelque estât ou nacion qu'ilz soient, faire le
pourront seurement, avecques leurs biens meubles, et leur sera par
nous baillé temps et sauf-conduit souffisans de vuider, eux et leurs
biens. Et touchant les canons, couleuvrines, arbalestes et autres habil-
lemens de guerre, qui sont pour la garde et deflfense de ladicte place,
ils seront mis par inventoire et baillés au capitaine qui y sera ordonné,^
qui sera tenu en répondre audit évesque, sitost qu'il aura esté receu
au serment de feaulté,sans riens en transporter ne bailler ailleurs; et,
se lesdiz soubz-doyen et autres parents, officiers et serviteurs dudil
évesque veuUent demourer en ladicte place, pour la seurté d'icelle et
de leurs personnes, faire le pourront seurement, pour eulx et leurs
biens, faisant le serment en tel cas appartenant. Item, que ceulx qui
sont bénéficiez et qui feront le serment de demourer en l'obéissance
de mondit seigneur le Roy, auront, se mestier est, lectres espécialles
et collacion en régalle. Item, que, le moys durant, nous ne ferons, ne
ferons faire, entreprinse de jour, ne de nuyt sur ladicte place; et, ou
cas que empeschement y seroit mis, nous le ferons oster, pourveu
que ceulx de ladicte place ne feront chose qui soit préjudiciable à
mondit seigneur le Roy, ne à nous. Donné, soubz nostre scel, à Ca-
624 APPENDICES
rentan, le second jour d'octobre, l'an de grâce mil cccc quarante
neuf. Artur. — Par monseigneur le conte connestable, J. Goguet.
Et ayons esté requis par nostredit cousin que, actendu le grant bien
qui est ensuy à nous et à la chose publicque au recouvrement de nos-
tredit pays de Normendye et qu'il a promis faire par nous rattifier et
avoir agréable l'apoinctement dont en icelle est faicte mencion, il
nous plaise ainsi le faire ; pour ce est-il que nous, considérées les
choses contenues es dites lettres, qui ont bien au long esté remonstrées
à nous et aux gens de nostre conseil; actendu aussi que ce qui a esté
fait en ceste matière par nostredit cousin a esté pour le bien de nous
et le recouvrement de nostre seigneurie, voulans entretenir ce que par
nostredit cousin a esté promis et accordé, de par nous, icelles lectres,
dessus transcriptes, et le traictié et appoinctement contenu en icelles,
avons eu et avons agréables et les avons rattiffiées, approuvées et con-
fermées, rattifflons, approuvons et confermons, de grâce espécial,
plaine puissance et auctorité royal par cesdictes présentes, etc,. Donné
aux Montilz lès Tours, le xxiii" jour de mars, l'an de grâce mil CCCC
cinquante et de nostre règne le xxix*. Ainsi signé, par le Roy, en son
conseil, ouquel Vous, le conte de Dunois, l'admirai et les sires de La
Forest et d'Esternay et plusieurs autres esties. Delaloere. CoUacion
est faicte. Visa. — (JJ. 183, f° 31.)
XGI
LE ROI DONNE AU CONNÉTABLE, SA VIE DURANT, LA SEIGNEURIE DE
GAVRAY (1451, 31 mars) [p. 402].
A tous ceulx qui ces présentes lectres verront, Jehan Mesmeau,
garde du scel estably aux contracz de Partenay, pour très redoubté et
puissant seigneur, monseigneur le conte de Richemont, seigneur dudit
Partenay, connestable de France, salut. Savoir faisons que nous, l'an
de grâce mil CCCC cinquante ung, le mercredi, vingt quatriesme jour
de novembre, veismes ung vidimus de lectres roiaulx, collacionnées à
l'original, par la court du prévost de Paris et scellées du scel de ladicle
prévosté, en double queue et cire vert, sain et entier en scel et escri-
pture, contenant ceste forme : A tous ceulx qui ces présentes lectres
verront, Robert d'Estouteville, seigneur de Beyne, baron d'Ivry, che-
valier, conseiller, chambellan du Roy nostre sire et garde de la prévosté
de Paris, salut. Savoir faisons que nous, l'an de grâce mil CCCC cin-
quante ung, le mercreii vingt troiziesme jour de juing, veismes ung
lectres royaulx, scellées en double queue et cire jaune, saines et
entières en scel et escripture, contenans ceste forme :
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceulx qui ces
présentes lectres verront, salut. Savoir faisons que nous, considérans
les grans, notables, continuelz et prouffltables services que a faiz par
longtemps à nous et à la chose publicque de nostre royaume nostre
très chier et amé cousin, le conte de Richemont, connestable de
APPENDICES 625
France, ou fait de noz guerres, à l'encontre des Anglois, noz anciens
ennemis, tant à la recouvrance de nostre pais et duchié de Normandie
que autrement, fait et continue, chacun jour, en maintes manières, et
espérons que plus face ou temps à venir, voulans iceulx services aucu-
nement envers luy recognoistre, à icellui nostre cousin le connestable,
en recongnoissance desdiz services, et afin que il soit toujours plus
enclin de y continuer, et qu'il ait mieulx de quoy soy entretenir ho-
norablement en icelui, et pour certaines autres grans causes et consi-
déracions à ce nous mouvans, avons donné, baillé et délaissié, donnons,
baillons et délaissons, par ces présentes, de grâce espécial, à sa vie
seulement, les fruiz, prouffiz et revenues quelxconques de noz ville,
terre, seigneurie et viconté de Gauray, à iceulx avoir et prendre
chacun an, à sa dicte vie durant, par les mains de nostre viconte d'illec
et par les simples quictances d'icellui nostre cousin, ou de son tréso-
rier, fiefz, aumosnes, gaiges d'offices, reparacions de places et autres
charges ordinaires premièrement paiez; et, de plus ample grâce, luy
avons octroyé et octroyons, par cesdictes présentes, qu'il puisse pour-
veoir à la garde et cappitainerie et généralement à tous les autres
offices desdictes terre et seigneurie de Gauray, toutes et quanteifoiz
que le cas y escherra, de telles personnes que bon luy semblera,
excepté seulement à l'office de viconte, ouquel office de viconte nostre
dict cousin ne pourra nommer telle personne qu'il voudra, quant le
dit office sera vacant, et à sa nominacion y pourverrons et donnerons
ledit office. Si, donnons en mandement, par cesdictes présentes, à
noz amis et féaulx les gens de noz comptes et trésoriers, au baillif de
Constantin et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à
chacun d'eulx, si comme à lui appartendra, que, en faisant nostre dit
cousin joir et user plainement et paisiblement de noz présens grâce,
don, bail et octroy, ilz luy facent bailler la possession réelle desdictes
place, terre et seigneurie de Gauray, et d'icelles, ensemble des fruiz,
rentes, cens, revenues, prouffiz et esmolumens à icelle terre et sei-
gneurie de Gauray appartenans, le facent, seuffrent et laissent, sadicte
vie durant, joir et user plainemeut et paisiblement, sans aucun empes-
chement, lequel, se rais ou donné lui estoit, estent ou facent oster et
mectre incontinent et sans delay à plaine délivrance ; et, par rappor-
tant cesdictes présentes, signées de nostre main, ou vidimus d'icelles
pour une foiz seulement, et récognoissance sur ce souffisant de nostre
dit cousin, nous voulons et mandons tous ceulx de noz receveurs ou
vicontes qu'il appartendra en estre et demourer quictes et deschargez
par nosdiz gens des comptes, ausquelx nous commandons que ainsi
le facent, sans difficulté, car ainsi nous plaist il estre fait, non obstant
les ordonnances, restrictions, mandemens ou delTences à ce con-
traires. En tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre scel à ces
présentes. Donné à Tours, le derrenier jour de Mars, l'an de grâce
mil CCCG cincquante, et de nostre règne le trente-et-unième, avant
Pasques. Ainsi signé, Charlks, et, sur le reply : par le Roy, en son
Conseil, Delaloere.
Et nous, à ce présent transcript, ou vidimus, avons mis, en tesmoing
de ce, le scel de ladicte prévosté de Paris, l'an et jour dessus premiers
RiCIIEMOM 40
626 APPENDICES
diz. Ainsi signé. A Rebours. En tesmoing de laquelle vision, inspection
et lecture dudit vidimus, nous, garde dudit scel, pour mondit sei-
gneur le conte connestable, icellui dit scel à ce présent transcript, ou
vidimus, à la féalle rellacion des notaires cy dessous escrij^ts, avons
mis et apposé, Tan et jour premiers diz. Constat en razure Jehan
Mesmeau, que nous approuvons. Donné comme dessus.
GOGUET.
(Pièces originales, t. 302, dossier 11383 [ducs de Bretagne] n" 6.)
XGII
QUITTANCE DE GEOFFROY DE couvRAN (1456, 8 novembre) [p. 402j.
Je, Guiffroy de Couvran, chevalier, seigneur de La Marandoye, cap-
pitaine de Constances, confesse avoir eu et receu de Olivier Le Roux,
trésorier de haultet puissant seigneur, monseigneur le connestable de
France, par la main de Jehan Croixart, viconte de Constances, pour
la pension à moy ordonnée par mondit seigneur le connestable, sur la
terre de Gauray, qui est de cent escuz d'or par an, la somme de cent
douze hvres dix soulz t. comptant, par Cohn Gronars, clerc dudit vi-
conte, pour les trois quartiers d'an derrenier passez, c'est assavoir
pour les mois de janvier, febvrier, mars, apvril, may, juing, juillet,
aoust, septembre derrain passez ; dont je quicte mondit seigneur le
connestable, son dit trésorier, ledit viconte et tous aultres. Tesmoing
mon saing manuel et sceau de mes armes cy mis, le huitième jour
d'octobre, l'an mil CCCC cinquante six.
Geff. de Couvran.
(Pièce orig., t. 919, dossier 20299 [Couvran], n» 13.)
XGIII
POYOIR DONNÉ AU DUC FRANÇOIS DE BRETAIGNE POUR ENTRER EN
NORMANDIE (1450, 16 janvier) [p. 405].
Charles, etc., à tous, etc., salut. Comme nostre très chier et très
amé neveu, le duc de Bretaigne, en demonstrant par effect le très
grant et bon vouloir qu'il a tousjours eu et a à nostre personne et
au bien et recouvrement de nostre seigneurie, se soit, puis demy
an ençà, ou environ, mis sus et, à grant armée et puissance de gens
de guerre, entré en Basse Normandie, et, illec, par sièges, assaulx, et
autrement, conquesté, mis et réduit en nostre obéissance plusieurs
citez, villes, chasteaulx et forteresses que tenoient lors et occupoient
noz anciens ennemis et adversaires, les Anglois, en quoy il ait exposé
sa propre personne, ses subgetz et biens, sans y riens espargner, tant
et si avant que bien en doit estre envers nous loué et recommandé;
APPENDICES 627
et encores, en persévérant de bien en mieulx en son bon vouloir, ait
entencion, ainsi que par son chancelier et autres ses gens et ainbaxa-
deurs, qu'il a, pour ce, présentement envoiez devers nous, nous a
fait dire et remonstrer, d'entrer, de rechef, prouchainement, à puis-
sance et grosse armée de gens, en ladicte Basse Normandie et nous
y servir au bien et recouvrement des autres citez, villes et places que
nozdis ennemis y tiennent encores, par toutes (voies?) et manières à
lui possibles; savoir faisons que, ponr la singulière amour et dileccion
que avons, comme bien avoir devons, à la personne de nostredit
neveu, tant pour l'inclinacion naturelle que, par expérience, il a tous-
jours monstre avoir à nous, comme pour la proximité de lignace (sic)
en quoy il nous atient, et pour l'entière et parfaite confiance que
avons de ses sens, vaillance, loiaulté et bonne diligence; à icelui
nostre neveu, pour ces causes, et autres à ce nous mouvans, et mes-
mement ayans regard et considéracion à Testât et auctorité de sa
personne et à la grant et bonne puissance qu'il a de nous servir et
que bien savons tel estre son vouloir; avons, de nostre certaine
science, et par grant et meure délibéracion de Conseil, donné et
octroie, donnons et octroions plain povoir, auctorité et mandement
espécial de, en nostre absence, représenter nostre personne, pendant
qu'il sera en armée en ladicte Basse Normandie; de prandre, réduire
et mectre en nostre obéissance, par sièges, assaulx, composicion et
autrement, ainsi qu'il verra estre expédient et que mieulx faire le
pourra, toutes citez, villes, chasteaulx et forteresses détenues et occu-
pées par nosdis ennemiz et autres tenans leur party es dictes mar-
ches, et, pour ce faire, mander, convoquer et assembler à son aide et
service, se besoing est, et il voit que faire se doye, noz vassaulx et
subgetz, cappitaines, gens de guerre et autres, telz, en tel nombre,
en telz lieux et par tant de foys que bon lui semblera; de establir et
mectre garnisons èsdictes villes et places, ainsi réduictes ou conquises,
telles et en telle quantité qu'il verra estre à faire; de quicter, remectre
et pardonner et abolir à toutes manières de gens, tant gens d'église,
nobles comme autres, soit en général ou en particulier, estans et qui
seront èsdictes citez, villes, chasteaulx, et forteresses qui ainsi seroient,
par son moien, redduitz, et à tous autres, demourans en ladicte Basse
Normandie, tous crimes, offenses, deliz et maléfices par eulx et cha-
cun d'eulx commis et perpétrez à l'encontre de nous et de nostre sei-
gneurie; de les recueillir et recevoir en nostre bonne grâce et bien-
veillance; de laisser à ceulx qu'il trouvera èsdictes villes, places et
forteresses qu'il redduira, par traicté et composicion, en nostre dicte
obéissance leurs estatz et offices, se bon lui semble; de commectre à
tous offices estans es lieux qu'il redduira et mectra en nostre dicte
obéissance, soit par composicion ou par force, telles personnes qu'il
verra estre pour ce propices et convenables; ausquelles personnes, et
non à autres, quant il nous apparaîtra de la provision que nostredit
neveu leur aura sur ce faicte, nous ferons don desdiz offices et sur ce
leur baillerons noz lectres telles que au cas appartient ; de bailler sur
toutes ces choses et chacune d'icelles ses lectres en forme deue, et,
généralement, de faire es choses dessus dictes, leurs circonstances et
628 APPENDICES
deppendances, tout ainsi et par la forme et manière que ferions et
faire pourrions, se présens en nostre personne y estions ; jaçoit ce que
la chose requist mandement plus espécial, nonobstant tous povoirs
que, en pareils et semblables cas, pourrions avoir donné à autres
quelconques, le temps passé, lesquelz ne voulons aucunement préju-
dicier à ces présentes; promectons, en bonne foy et parolle de Roy,
avoir agréable, ferme et estable tout ce que nostre dit neveu fera es
choses dessus dictes et leurs deppendances, et les rattifler, approuver
et confermer, et sur ce bailler noz lectres, toutes et quantes foys que
requiz en serons. En tesmoing, etc. Donné à Jumièges, le xvi* jour de
janvier mhucxlix et de nostre règne le xxviii*.
(Fr. 5909, f°' ne xii vo-iic xiii v").
XGIV
LE DUC DE BRETAGNE ET LE CONNÉTABLE SONT INFORMÉS QUE LES
ANGLAIS VIENNENT ASSIÉGER VALOGNES (1450, l*"" avril) [p. 406].
Guillaume Lecoq, lieutenant-général de noble homme Artur de
Montauban, escuier d'escuierie du Roy, seigneur de Creppon et son
bailli de Costentin, au viconte de Constances salut. Nous vous man-
dons et commandons que, des deniers de vostre recepte, vous paiez,
baillez et délivrez à Sandres Broquart et à Jamet Delaunay, messagiers
à cheval, la somme de cent et dix soulz tournois, c'est assavoir audit
Sandres Broquart la somme de cinquante s. t., pour sa paine, salaire
et despens d'estre party, sur son cheval, de ceste ville de Constances
«t alley en la ville de Rennes, en Bretaigne, porter devers très hault et
très puissant prince, le duc de Bretaigne, hault et puissant seigneur
l'admirai de France, haults et puissans seigneurs les mareschal de
France et de Bretaigne, le conte de Laval et autres seigneurs et chiefs
de guerre les lettres closes de noble homme Abel Ruault, escuier,
frère de noble homme et puissant Joachin Ruault, escuier, chief de
guerre et cappitaine, pour le Roy nostre sire, des villes, chastel
et place de Valongne, des viconte, officiers du Roy, gens d'église et
bourgois dudit lieu, à nous envolées, faisans mencion comme les
Anglois, ennemis et adversaires du Roy, naguères descendus à Chier-
bourg, au nombre de deux à trois mille, et auxi partie d'iceulx de
Chierbourg, de Saint-Sauveur-Ie-Viconte, de Briquebec, détenus et
occupés par lesdiz Anglois, estoient assemblés et joins ensemble,
avecques grant nombre de charroys, artillerie, canons et autres ordon-
nances de guerre, en entencion de venir asségier la dicte ville et for-
teresse de Valloignes, et icelle prendre par force, et aultres choses
déclairées plus à plain es dictes lettres closes ; et audit Jamet Delau-
nay, pour sa paine et salaire d'estre semblablement party de Cons-
tances et allé vers très hault et puissant seigneur, monseigneur le
connestable de France, au port de Messac, oudit pays de Bretaigne,
porter semblables lettres des nouvelles et entreprinse dampnables
APPENDICES 629
d'iceulx ennemis, avecque les lettres closes des capitaines de Cons-
tances, de nous et des officiers du Roy nostre dit seigneur en la dicte
ville et viconté de Constances, touchant la dicte entreprinse et nou-
velles dessus dictes, afin qu'il pleust aux diz prince, seigneurs et chiefs
de guerre, dessus nommés, venir, à toute puissance et diligence, par
deçà, donner répulsion à rencontre desdiz ennemis, pour le bien du
Roy nostre dit seigneur, seurté et garde de son pais et subgies, et d'en
avoir raporté lettres de respouse d'iceulx prince et seigneurs devers
ledit Abel Ruault et gens de justice et autres nobles et bourgeois
d'icelle ville; èsquelx volages faisant, tant en alant, séjournant, que
retournant audit lieu de Goustances, iceulx messagiei's ont vacqué,
tant de jour que de nuyt, c'est assavoir ledit Sandres Broquart, par
l'espace et temps de cinq jours et ledit Delaunay par le temps et
espace de six jours; pour chacun desquelz, par marchié fait avecques
eulx, par l'advis et oppinion des procureurs du Roy, avocat et autres
gens notables, leur a esté tauxé à chacun d'eulx, pour jour, la somme
de dix s. t., qui valent, pour lesdiz cinq journées dudit Broquart, la
somme de cinquante s. t, et, pour ledit Delaunay, pour lesdis six jour-
nées, la somme de soixante s. t., montant icelles, paiées en somme
toute, à cent dix s. t. Et, par raportant ces présentes et quictances
suffisantes, icelle somme sera alouée en vos comptes et rabatue de
vostre recepte, par MM. les gens des comptes du Roy nostredit sei-
gneur, ausquelz, par ces dictes présentes, nous supplions et requé-
rons que aussy le facent sans diffîulté. Donné audit lieu de Gous-
tances, soubz nostre scel, le premier jour de apvril, l'an mil quatre
cens cinquante, avant Pasques, selon l'usage du diocèse de Constances.
(K. 68, n» 49.)
XCV
RICHEMONT ORDONNE DE PAYER 150 SALUTS d'OR A P. DROUART
(1450, 20 avril) [p. 413].
Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, etc., au bailli
de Custentin, ou à son lieutenant, salut. Nous, pour aucunement
récompenser Pierres Drouart de la somme de trois cens saluz d'or à
quoy il avoit mis à ranchon Jehan Boutillier, Englois, lequel icellui
escuier avoit prins son prisonnier, en nostre compengnie,à la journée
de Fourmigny, et, pour occasion de la prinse duquel, icellui Drouart a
esté endommagié, tant de la perte de ses chevaulx que autrement, en
très grant somme de deniers et , pour lequel prisonnier, pour les
exaus et énormes crimes qu'il avoit faiz et foisoit chacun jour sur les
subgez de monseigneur le Roy, tant de femmes prinses à force,
murdres, arsuers de maisons, a esté délivré à justice; nous vous man-
dons et commectons, se mestier est, [que,] sans quelconque difficulté
ou dissimuUacion, par les procureurs et officiers de mondit seigneur le
Roy, à Goustances, faictez asseoir, cueillir et lever sur le pais de l'envi-
630 APPENDICES
ron où icellui Boutillier a conversé et conversoit, la somme de cent
cinquante saluz d'or et icelle somme faictez paier audit escuier fran-
chement et sans aucune diminucion. Ce faictez, et gardes que deffault
n'y ait, en contraignant à ce tous ceulx qui pour ce seront à con-
traindre, par toutes voies deues et raisonnables. Donné à Saint-Lô,
par la délibéracion et advis de nostre très chier et très amé neveu le
conte de Cleremont, le séneschal de Poictou, le mareschal de France,
l'amiral de la mer et plusieurs autres, le xxe jour d'avril, l'an mil
CCCC cinquante. Ainsi signé :
Artur.
Pour monseigneur le conte connestable.
Gilet.
Collacion faicte à l'original.
(Fr. 26079, n" 6194, — Copie très fautive.)
XCVI
N" 1. PRÉRARATIFS DU SIÈGE DE VIRE (1450, 20 avrlI) [p. 413].
Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à nostre bien amé Raoul Gourdel,
viconte de Carenten, salut. Pour ce que, à nostre prière et requeste,
Guillaume de Dampierre, senescbal de Saint-Lo,a preste comptant, du
scien, la somme de cent saluz d'or, lesquelz nous avons présentement
fait bailler et délivrer, pour l'achat de certaine quantité de pouldre à
canon et autre artillerie, qui a esté baillée a Jehan Houe), escuier,
commis et ordonné, de par nous, à conduire et gouverner le fait de
l'artillerie que faisons mener es sièges qu'avons entencion de mectre
et tenir, pour la recouvrance de Vire et autres places et forteresses
détenues et occupées par les Anglois; nous vous mandons et enjoin-
gnons expressément, par ces présentes, de par mondit seigneur le
Roy, que, des deniers de vostre recepte, vous bailliez, payez et déli-
vriez audit Jehan (sic) de Dampierre la somme de cinquante saluz
d'or, pour restitucion de la moitié de ladicte somme de cent saluz.
Et, par rapportant ces présentes et quictance sur ce dudit Guillaume
de Dampieri'e, nous prions et néantmoins mandons, de par mondit
seigneur le Roy, à noz très chiers et bons amis les gens de ses comptes
et autres, qu'il appartendra, que ladicte somme de cinquante saluz
d'or, ou la monnoye à la valeur, attendu que c'est pour employer en
ce que dit est, ilz allouent en voz comptes et rabatent de vostre re-
cepte, sans aucun contredit ou difficulté. Et, se mestier est, ou cas
que ces présentes ne souffiroyent pour vostre acquit, nous vous en
promectons de bonne foi faire avoir autre acquit souffisant à vostre
descharge. Donné audit lieu de Saint-Lo, le xx" jour d'avi'il l'an
mil CCCC cinquante, après Pasques.
Artur
Par monseigneur le conte connestable.
Gilet.
(Original. Fr, 26079, n» 6193.)
APPENDICES 631
No 2. PRÉPARATIFS DU SIÈGE DE VIRE (1450, 20 avril).
Guillaume Le Coq, lieutenant général de noble homme Artur de
Montauban, seigneur de Crépon, escuier d'escuerie du Roy, nostre sire,
bailli de Costentin et commissaire en ceste partie de hault et puissant
seigneur monseigneur le connestable de France, au viconte de Cons-
tances, ou à son l'ecepveur commis en ladicte viconté, salut. Nous vous
mandons et expressément enchargons que, des deniers assis, cueillis
et levez en ladicte viconté, pour le fait du siège de Vire, tenu par
mondit seigneur le connestable, vous paies et délivrés à Anthoyne de
Launay, messagier à cheval, la somme de trente solz tournois, que
tauxée lui avons, pour sa paine, salaire, travail et despens d'estrc
venu, par un voyage, de Vire à Constances, par le commandement et
ordonnance de mondit seigneur le connestable, et apporté devers nous
lectres closes et mandement de mondit seigneur, pour faire porter,
par vous, viconte, ou vostre commis, audit lieu de Vire, ou par icellui
messagier, le paiement des charretiers, massons, syeurs, charpentiers,
pyonniers et aultres manouvriers de ladicte viconté, servans au siège
tenu devant la ville et chastel dudit lieu de Vire, pour trois jours
entiers, pour chacun desquelz lui avons tauxé la somme de dix solz t.
qui, pour tout, vallent ladicte somme de trente s. t. Et, par rapportant
ces présentes et quictance suffisans dudit Anthoyne, icelle somme sera
allouée en voz comptes et rabatue sur vostre dicte recepte par nos
seigneurs les gens des comptes du Roy nostre dit sire, auxquelz, par
ces mesmes présentes, nous supplions et requérons que ainsi le facent.
Donné à Coustances, le xx» jour d'avril, l'an mil CCCG cinquante.
(Fr. 26079, n» 6192.)
XGVII
ABOLITIO PRO HABITANTIBUS VICECOMITATUS DE VIRE
(1450, novembre) [p. 413|.
Charles, etc., savoir faisons à tous présens et h venir que, comme,
puis naguères, noz très chiers et amez cousins, les contes de Riche-
mont, connestable de France, et de Clermont, noz lieuxtenans géné-
raulx sur le fait de la guerre en la Basse Normandie, aient, par nostre
ordonnance, mis et tenu le siège devant noz ville et chastel de Vi^re,
en Normandie, et, après ce, ait été fait et passé certain appoinctement
et composicion entre eulx, pour et ou nom de nous, d'une part, et
d'aucuns Anglois, lors tenans et occupans lesdiz chastel et ville, pour
nostre adversaire d'Angleterre, d'autre part, sur le fait de la réduction
d'iceulx ville et chastel en nostre obéissance; par lesquieulz traictié et
appoinctement, ou composicion, enti'e autres choses, nosdiz cousins,
en usant du povoir par nous à eulx sur ce donné, aient voulu et
octroie que les gens d'Église, nobles, bourgois, manans et habitans
desdiz ville et chastel de Vire auroient abolicion générale de tous
632 APPENDICES
cas, crimes, déliz et offenses par eulx et chacun d'eulx commis à ren-
contre de nous, et'joyroient, ceulx qui vouldroient demoureren nostre
dite obéissance, de tous leurs biens meubles et immeubles quelxcon-
ques, lors présens et à venir, ainsi que, par les lettres dudit appoinc-
tement, sur ce puet duement apparoir ; et, pour ce, aient naguères
lesdiz gens d'église, nobles, bourgois et habitans envoyé par devers
nous, en nous humblement suppliant et requérant que icellui appoinc-
tement, touchant ce que dist est, nous plaise avoir aggréable, tant
pour eulx que pour les autres habitans d'icelle viconté de Vire, et les
remectre, prandre et recueillir en nostre bonne grâce et bienveillance;
nous , bénignement inclinans à ladite supplicacion et requeste , et
voulans prefférer miséricorde à rigueur de justice, et que nosdiz
subgiez desdiz ville et chastel et viconté puissent vivre et demourer
en repos et tranquilité soubz nous, à ladiclc ville et ausdiz gens
d'esglise, nobles, bourgois, manans et habitans, qui èsdictes ville,
chastel et viconté de Vire, ou ailleurs, en nostre obéissance vouldront
demourer et faire le serment, se jà fait ne l'ont, d'estre bons, vrays
et loyaulx subgiez envers nous, avons accordé, consenty et octroyé,
accordons, consentons et octroyons, de nostre certaine science, grâce
espécial, plaine puissance et auctorité royal, par ces présentes, aboli-
cion générale de tous cas, crimes, faultes et déliz par eulx et chacun
d'eulx commis et perpétrez, tant en général comme en particulier, à
rencontre de nous et de nostre seigneurie et majesté royal, par avant
la redduction de ladicte ville et chastel en nostre obéissance, en
quelque manière ne pour quelconque cause que ce soit; et les avons
restituez et restituons, par ces présentes, en leur bonne famé et
renommée et à tous leurs biens meubles et immeubles; et demeurent
en tous leurs héritaiges, rentes et revenues, fieffés, droiz, acquisicions
et possessions quelxconques à eulx appartenans, leurs appartenances
et appendances, quelque part qu'ilz soient situez et assiz en nostre
royaume, et en joyssent dores en avant, ensemble de tous leurs pri-
villèges, prééminances, jurisdicions, auctoritez, prérogatives, droiz,
franchises et libertez quelxconques, dont ilz joyssoient et avoient droic-
ture, avant la descente en Normandie du feu roy Henry d'Angleterre,
derrenier trespassé, et tout ainsi que s'ilz avoient. continuellement
demouré en nostre dicte obéissance, sanz eulx en estre aucunement
departiz; et pareillement aussi au regard de tous leurs biens meu-
bles qui, au temps dudit siège mis et de la redduction desdicte ville
et chastel, n'auroient esté prins par noz gens et officiers, ou autres
de nostredicte obéissance, non obstant quelxconques dons, declara-
cions et adjonctions à notre domaine que porrions avoir faiz desdiz
biens meubles et immeubles, à quelque personne ne en quelque ma-
nière au contraire ; en imposant sur ce silence à nostre procureur
présent et à venir. Si, donnons en mandement, par cesdictes présentes,
à noz amez et féaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre
parlement et nostre eschiquier de Normandie, aux bailliz de Caen et
de Constantin et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs
lieuxtenans présens et à venir et à chacun d'eulx, si comme à lui
appartendra, que de noz présens grâce, abolicion, concession et octroy
APPENDICES 633
ilz facent, seuffrent et laissent lesdictes gens d'esglise, nobles, bour-
gois, manans et habitans desdicte ville, chastel et viconté de Vire, et à
tous autres à qui ce pourra toucher, joir et user plainement et paisi-
blement, sans leur faire ne souffrir estre fait mis ou donné aucun
destourbier ou empeschement au contraire, ores ne pour le temps à
venir, en aucune manière, car ainsi, etc. Et, pour ce que de ces pré-
sentes on porra avoir à besongner en plusieurs et divers lieux, nous
voulons que, au vidimus d'icelles, fait soubz scel royal, plaine foy soit
adjoustée, comme à ce présent original. Et afin, etc. Donné à Mont-
bason, au mois de novembre, l'an de grâce mil CCGC cinquante, et
de nostre règne le xxrx'. Ainsi signé, par le Roy, en son conseil,
Chaligant, Visa. Contentor. E. Froment.
(JJ. 185,fM.)
XGVIII
CONFIRMATIO ABOLITIONIS PRO PETRO DU FIQUET
(capitulation de valognes. 1450, mai) [p. 416].
Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, savoir faisons à tous,
présens et à venir, nous avoir receue humble supplicacion de Pierres
du Fiquet, bourgois de nostre ville de Valoignes, chargié de femme
et de huit petiz enffans, contenant :
Comme, dès le temps de la redduction en nostre obéissance de
nostre chastel dudit lieu de Valoignes, pour ce qu'il avoit esté donné
à entendre à nostre très chier et amé cousin le conte de Richemont,
connestable de France, que ledit suppliant avoit levé et exigé, sans
congié ou commission de nous, sur les manans et habitans es paroisses
de la viconté dudit lieu de Valoignes, certains grans sommes de de-
niers, eust esté réservé et excepté, par nostre dit cousin, de l'aboli-
cion et composicion faicte et donnée aux habitans desdicte ville et
chastel de Valoignes et mené en arrest par devers nostre dit cousm,
le connestable de France, en nostre ville de Bayeux, pour soy justifier
de ce que dit est; et lui, estant audit lieu de Bayeux, se fust justifié,
par devant nostre dit cousin, le connestable, et monstre ce qui avoit
esté mis sus en ladicte viconté avoit esté du consentement et octroy
de plusieurs des gens d'église, nobles et bourgois de ladicte viconté, pour
la garde et seureté d'icelle, et que ledit suppliant avoit esté commis
à la recepte par nostre bien amé escuier d'escuierie Joachim Rouhault,
aiant la garde de ladicte place, du consentement desdiz gens d'église
et nobles, et, sur ce, ait monstrées ses quictances et autres choses
servans à sa descharge, tellement que par nostredit cousin le connes-
table il en fut tenu pour deschargé et ses personne et biens, ensemble
ses pleiges et caucions, mis à plaine délivrance, et lui fût octroyé par
icellui nostre cousin qu'il fust comprins en ladicte abolicion et com-
posicion octroyé, à ladicte redduction, aux habitans dudit lieu de
Valoignes, ainsi que ces choses et autres sont plus à plain contenues
es lectres de nostre dit (sic), desquelles la teneur ensuit :
634 APPENDICES
Artur, filz du duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Parthenay, conneslable de France, à tous les justiciers et officiers de
monseigneur le Roy, ou à leurs lieuxtenans, salut. Comme il soit ainsi
que Pierres du Fiquet, bourgois de Valoignes, cust esté par nous
réservé de la composicion dudit lieu et chastel dudit lieu de Valoignes,
recouvert, ou mois de may derrenier passé, sur les Anglois et ennemis
et adversaires de monseigneur le Roy, et son corps mis en arrest et
amené, ou fait amener, devant nous, par nostre très cliier et amé
cousin, le sire de Lohehac, mareschal de France, en la ville de Bayeux,
pour soy estre meslé et avoir cueilly et levé, sans le congié et auc-
torité de monseigneur le Roy, ou de nous, sur les paroisses d'icelle
viconté, ou partie d'icelle, certaines grans sommes de deniers, par
forme de provision, alantes aux cappitaines et gens de guerre estans
en ladicte place de Valoignes, pour icelle préserver, et ledit pais de
ladicte viconté, à l'encontre desdiz ennemis et adversaires, lors tenans
et occupans, à grant force et puissance, les villes et chasteaux de
Chierbourg, de Briquebec et de Saint-Saureur-le-Viconte, qui sont
situées en icelle viconté, auprès d'icellui chastel de Valoignes, afln de,
sur ce estre by et pugny d'iceulx cas, s'il estoit trouvé coulpable, s'il
ne se povoit excuser ou descharger aucunement; lequel du Fiquet,
sur ce par nous oy, s'est d'iceulx cas deuement purgé, excusé et des-
chargé, tant par escriptures deuement signées et approuvées de la
commission qu'il avoit de faire ladicte recepte et des paiements et
acquitz par lui faiz aux personnes qui en ont receu l'argent ainsi par
lui cueilly et receu que autrement, en nous requérant très humble-
ment délivrance lui estre par nous sur ce donnée; savoir faisons que,
aujourd'huy, veu et entendu les escriptures, descharges et quictances
d'icellui du Fiquet, par lesquelles nous est deuement apparu que
lesdictes provisions avoient esté levées du consentement, don et octroy
de plusieurs des gens d'église, nobles et bourgois de ladicte viconté,
pour la garde et detfense d'icelle, et ledit du Fiquet à ce commis
deuement par Joachim Rouault, escuier, garde de ladicte place, à la
requeste et élection desdis gens d'église, nobles et bourgois ; de laquelle
recepte et entremise il avoit quictances et descharges vallables, dont
il nous est deuement apparu; et, sur tous les caz dessus touchiez, a
plain oy en ses excusacions et justificacions, et, sur ce, eu par nous
advis et gran délibéracion, icellui du Fiquet avons mis et mectons à
plainière délivrance, et d'iceulx cas le tenons quicte et deuement des-
chargié, et ses pleiges, ou respondans pour lui, avecques tous ses
biens meubles et héritaiges, en le mectant et restituant, en tant que
mestier en serait, en la saisine, possession et joissement d'iceulx, sans
lui estre mis ou donné aucun arrest, ou empeschement, à quelle cause
que ce soit ou puisse estre, par raison d'icelle resservacion et des cas
dessus touchiez ; et luy avons donné et donnons semblable composi-
cion comme plusieurs du pais et duchié de Normendie, lors estans
oudit chastel de Valoignes, eurent, alors de ladicte redduclion, et,
générallement de toutes autres choses et cas dont on lui vouldroit
donner charge auparavant aujourd'huy, tout ainsi que s'il eust esté
comprins en ladicte composicion, alors d'icelle; en le restituant, et,
APPENDICES 635
par ces présentes, restituons en ses bons famé et renommée, et impo-
sant, et, par ces présentes, imposons silence perpétuel aux procureurs
de mondit seigneur le Roy et à tous ses justiciers et officiers, auxquelx
nous mandons que, à cause des cas dessus touchiez, ores, ne pour
le temps à venir, à lui ne aux siens ne lui facent aucune question
ne demande. Donné à Bayeux, le tiers jour de juing, l'an mil CCCG
cinquante. Ainsi signé , par monseigneur le conte connestable ,
J. GOGUET.
Toutesvoies, pour ce que ledit suppliant n'a encores sur ce eue au-
cune confirmacion ou approbacion de nous, aucuns noz gens et offi-
ciers, ou autres, se veullent eff'orcer de lui mectre empeschement en
sesdis biens, et, pour ce, nous a humblement, sur ce, fait requérir
nostre déclaracion et grâce : pour ce est il que nous, ces choses consi-
dérées et sur ce eu le rapport de nostre très chier et amé cousin, le
conte de Clermont, qui fût présent aux choses dessus dictes, les-
quelles il a aff"ermé, en nostre présence, estre vrajes, ayans le contenu
es lectres d'icellui nostre cousin le connestable agréable, icelles avons
approuvées et ratiffîées , approuvons et ratiffions, et audit suppliant
avons octroyé et octroyons, de grâce espécial, plaine puissance et
auctorité, par ces présentes, qu'il joisse de l'effet et contenu d'icelle
et qu'il soit comprins en ladicte abolicion et composicion octroyée
ausdis habitans de Valoignes etc. etc. Donné aux Montilz lez Tours,
le nu" jour de février, l'an de grâce mil CCCG cinquante, et de nostr&
règne le xxix". Ainsi signé, par le Roy, le conte de Glermont, le sei-
gneur de La Tour, GuiUaume Goffier et autres présens. Delaloere.
Collacion est faicte. Visa. Gontentor. E. Froment.
(JJ. 185, f°M8 vo 19, n" xxni).
XGIX
NOTE SUR l'effectif DE l'aRMÉE FRANÇAISE AU SIÈGE DE CAEN
(juin, 4450) [p. 417].
En additionnant les chilFres donnés par Berry, J. Ghartier et
Blondel, dont les narrations présentent, sur Iç siège de Gaen, les
mêmes détails, on obtient un total d'environ 17 000 hommes.
Mathieu d'Escouchy, moins explicite, sur plusieurs points, que les-
trois auteurs précédents, dit que le roi avait 11 700 hommes de guerre,
mais il semble bien certain qu'il n'entend par là que les hommes des
compagnies d'ordonnance et qu'il ne comprend pas dans ce chiffre
les francs-archers. (Voy. Mat. d'Escouchy, t. I, p. 311 et note 1.) Or, on
voit, dans les autres chroniqueurs, qu'il y avait au moins 6 000 francs-
archers au siège de Gaen. Si on ajoute ces 6 000 francs-archers aux
H 700 hommes de guerre dont parle M. d'Escouchy, on trouve le
total de 17 700 combaltants. On peut donc considérer comme très
probable l'effectif d'environ 17 000 h.
Ces indications sont précieuses, parce qu'elles permettent d'évaluer
636 APPENDICES
les forces de l'armée française en 14b0, c'est-à-dire à l'époque où se
termine la conquête de la Normandie, où va commencer celle de la
Guyenne. On voit encore par ces chiffres qu'il y avait alors plus de
10 compagnies d'ordonnance, puisque le total de ces 1 500 lances, à
6 hommes et 6 chevaux par lance, n'est que de 9000 h. de cavalerie.
11 est vrai qu'il y avait, dans cette armée, les contingents bretons et
peut-être d'autres encore, comme ceux du duc d'Alençon, mais on
peut affirmer que toutes les compagnies n'avaient pas été retirées
des garnisons de l'intérieur ou des frontières.
C'est la première fois que les chroniqueurs donnent des détails
aussi complets sur l'effectif de l'armée ; malheureusement, ils n'em-
ploient pas la désignation par lances de 6 hommes, qui serait une
base certaine d'évaluation et il n'est pas possible, à cause de cela,
d'obtenir des résultats très certains.
Quant au connétable, on ne peut savoir au juste combien il avait
de troupes, soit des compagnies d'ordonnance du roi, soit de l'armée
bretonne. Mat. d'Escouchy dit bien (I, 189) que le duc lui laissa 300
lances, entretenues à ses frais, mais Gruel dit 100 lances et les ar-
chers. Plus loin, il évalue à 800 lances et les archers les troupes qui
étaient avec le connétable, devant les murs de Caen, mais on voit
qu'il y comprend celles du comte de Clermont.
Il ne semble pas que, même à. cette époque, l'armée fût bien appro-
visionnée (JJ. 180, f" 64 vo n" vi'"'xix.)
c
N" 1. SIÈGE DE CAEN (1450, juin)" [p. 418].
GUILLAUME DE BRETEUILLE , COLIN MORIN, GUILLAUME SOLAIL, OLIVIER
FONSTAINE, GUILLAUME LE COUREUR, OLIVIER BLONDEL , JEHAN LE CHE-
VALIER
tous mineurs, qui confessent avoir eu et receu de James Godart
escuier, viconte de Constances, par la main de Sansois Paquier, clert
et receveur dudit viconte, la somme de cinquante-six livres traize
soulz tournes, quatre deniers tourn.; c'est assavoir chacun vn 1. i s. et
VIII derniers tournois, qui ordonnés leur ont esté, pour leur paine et
salaire de avoir esté et servy au siège de Caen, chescun par l'espace
de trente-quatre jours, par l'ordonnance de monseigneur le connes-
table de France ; de laquelle somme de cinquante-six livres traize
soulz quatre deniers tournes ilz se tindrent contens et en quictèrent
le Roy nostre sire, ledit viconte, receveur et tous aultres. Fait et passé
à Constances, devant Estienne Jourdan, tabellion, le ii« jour de juillet,
l'an mil CCGC cinquante, présens Thomas Ardant et Roger de La-
planque.
E. Jourdan.
(Fr. 26079, n" 6219.)
APPENDICES 637
N" 2. SIÈGE DE CAEN (1450, juin).
COLIN JEHAN, SERGENT, JEHAN LE CHEVALIER, SERGENT, SANDRES BROQUART
confessent avoir eu et receu de James Godart escuier, viconte de
Constances, par la main de Sansoy Pasquier, clerc et receveur dudit
viconte la somme de trente huit livres cinq solz t. ; c'est assavoir
chacun la somme de douze livres quinze solz tournois, qui ordonnées
leur ont esté, pour leur paine et salaire d'avoir esté chacun l'espace de
trente quatre jours, pour aidier à conduire, mener et gouverner les
mâchons, charpentiers, myneurs et pionniers, au siège devant Caen,
par l'ordonnance de haut et puissant seigneur, monseigneur le con-
nestable de France. De laquelle somme ilz se tindrent contens et en
quictèrent le Roy, nostre sire, ledit viconte, receveur et tous autres.
Fait et passé devant Estienne Jourdan, tabellion, à Constances, le
XIX'' jour d'aoust, l'an mil CCCG cinquante, présens Jehan Bonifface et
Jehan Auber.
E. Jourdan.
(Fr. 26079, n» 6240).
Voir, aux n°* 6220, 6242, 6238, d'autres documents de ce genre, re-
latifs au siège de Caen.
CI
N» 1. PRÉPARATIFS ORDONNÉS PAR LE CONNÉTABLE POUR LE SIÈGE
DE CHERBOURG (1450, 30 juin) [p. 420].
Artur, fllz de duc de Bretaigne. conte de Richement, seigneur de
Partenay, connestable de France, au viconte de Avrenches ou ù son
lieutenant salut. Pour ce que, pour le recouvrement des villes et
chastel de Chierbourg, occupées par les Anglois, devant lesquelz, à
ceste cause, l'en espère mectre et tenir siège, est de nécessité d'avoir
et recouvrer grant quantité de charpentiers, tailleurs de pierre et
manouvriers, pour les affaires dudit siège, fourniz et paies aux despens
des habitans, es vicontez où ilz seront prins; nous vous mandons et
expressément enjoingnons, de par monseigneur le Roy, que inconti-
nent vous faictes assembler, de la dicte viconte, le nombre de vingt
charpentiers, six maçons et six vingts manouvriers et trois sergents,
garniz, c'est assavoir, chacun charpentier de hache, tarière et, deux et
deux, une scie, chacun maçon de gros martel et de martel à pointe
et trenchant, et chacun manouvrier de houe, pic et d'une pelle ou
besche ferrée ; et iceulx à vostre compaignie, ou d'ung commis par
vous, avec lesdiz trois sergens pour les conduire et gouverner, faictes
rendre et venir par devers le maistre de l'artillerie de mondit sei-
gneur, en la ville de Valongnes, dedens lundi prouchain venant, par
tout le jour, qui sera le sixième jour de juillet, paies pour ung moys
entier, commençant ledit jour, au pris chacun charpentier, maçon et
638 APPENDICES
tailleur de pierre, maistres et souffisans desdiz mestiers, de cinq
solz tournois, chacun manouvrier de trois solz quatre deniers tour-
nois, et chacun sergent de sept solz six deniers tournois, par chacun
jour; pour le paiement desquelz, pour ledit moys, auxdiz pris et
pour les aultres fraiz raisonnables, que, pour ce faire, convendra,
appeliez avecques vous les esleuz sur le fait des aydes, advocat et
procureur de mondit seigneur en ladicte viconté, faictes assiette sur
tous les habitans en icelle, le fort portant le foible, sans en excepter
aucuns, fors ceulx qui es tailles et aydes piises sus par mondit sei-
gneur sont par lui exceptés et reservez, et lesquelz haliilans vous ferez
contraindre realement et de fait, comme pour les propres debles de
mondit seigneur, à vous paier promptement et sans aucun delay, ou
à vos commis ad ce, le taux et impost qui sur ce, à ceste cause, sera
rais sus, pour les deniers qui en ystront (sic) estre, par vous, ou vos
diz commis, distribuez par chacun jour audiz ouvriers, manouvriers
et sergens, ainsi qu'ilz ouvreront ; et par rapportant ces présentes,
avec quictances sur ce souffisans et cei^tifficacion dudit maître de l'ar-
tillerie de mondit seigneur des journées que lesdiz ouvriers et ma-
nouvriers auront vacqué et servy, tout ce qui aussi par vous aura esté
paie, sera alloué en vos comptes, déduit et rabatu de vostre recepte
par nos très chiers et bons amys, les gens des comptes de mondit
seigneur, auxquelz nous requérons que ainsi le facent, sans contredit ou
dificulté; et, avecques ce, voulons et vous mandons que vous faites, ou
faictes faire commandement exprez,et sur certaines grosses peines, à
toutes manières de gens que verrez este à faire, que, audit jour et lieu
ilz soient prestz et garniz de vivres, chacun selon qu'il saura et pourra
finer, pour d'ilec estre portés et menés audit siège. De ce faire vous
donnons povoir; mandons et commandons, de par mondit seigneur, à
tous ses justiciers et officiers, vassaulx et subjecz, à vous, en ce fai-
sant, estre obbey et entendu diligemment. Donné au siège devant Caen,
le derrain jour de jning, l'an mil quatre cens cinquante.
Artur.
(Le nom du secrétaire a été coupé).
Au dos on lit que ce mandement fut lu et publié au marché
d'Avranches, le 4 juillet.
(K 68, n» 43.)
N» 2. SIÈGE DE CHERBOURG (1450, juillet-aoùt).
Jaspar Bureau, seigneur de Villemomble, maistre de l'artillerie du
Roy nostre sire, certifflons à tous à qui il appartient, que Gonsalle
d'Ars, huissier d'armes du Roy, nostre dit sire et son viconte de
Baieux, a vacqué, pour assembler, faire venir et administrer, et troys
de ses sergens en sa compagnie, certain nombre de charpentiers, mâ-
chons, sieurs de long et aultres manouvriers, pour l'entretainement du
siège derrainement tenu par ledit seigneur devant la ville et chastel
de Chierebourg, l'espace de quinze jours entiers, commenchant le
derrain jour de juillet et fenissant le xx^ jour de cest présent moys
APPENDICES 639
d'aoust, iceulx jours inclus. Auquel Gonsalle a esté tauxé, pour sadicte
vacquacion, pour chacun jour, la somme de vingt soulz tournois. Et ce
certiffions estre vray; tesmoing nostre signet et saing manuel cy mis,
le xixe jour d'aoust, l'an mil CCCG cinquante.
Jaspar.
(Fr. 26079, n» 6239).
N" 3. SIÈGE DE CHERBOURG (1450, juiUet-août).
JEHAX LECROSNIER, GUILLAUME LESAGE , CARDIN BASIRE , JAQUET VIDOQ,
OLIVIER LE RONIER, THOMAS LEMAREZ , GAUTIER LEMARIEY , COLIN NOM-
BRET, GIRET OUYN, JEHAN VILLAIN , JEHAN DUCLIN, GUILLAUME BOURDON,
tous manouvriers et pionniers, qui confessèrent avoir eu et reçu
de Jacques Godart, escuier, viconte de Coustances, par la main de
Sansoy Pasquier, clerc et receveur dudit viconte, la somme de qua-
rante livres, douze solz, six deniers tournois; c'est assavoir chacun
Lxii s. VI d. qui ordonnés leur ont esté, pour leur paine et salaire
d'avoir e?té et servy au siège devant Chierbourg, par l'espace chacun
de quinze jours, par l'ordonnance de très hault et puissant seigneur,
monseigneur le conhestable de France. De laquelle somme de qua-
rante livres douze solz six deniers ilz se tindrent conlens et en quictè-
rent le Roy nostre sire, ledit receveur et tous autres. Fait et passé
devant Estienne Jourdan, tabellion à Coustances, le xxvi« jour de
novembre, l'an mil 1111° cinquante, présens Colin Lengrogne et Jehan
Leserf.
E. Jourdan.
(Fr. 26079, n» 6266.)
Autres documents du même genre, relatifs au siège de Cherbourg,
n°^ 6230, 6268. '
N° 4. SIÈGE DE CHERBOURG.
Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, aux vicontes de
Caen et Faloize, ou à leurs lieuxtenans et à chacun d'eulx, salut. Pour
ce que entendu avons que, pour le recouvrement de la ville de Chier-
bourg et l'enlretenement du siège que naguères y avons faict mectre et
tenir, nostre très chier et amé cousin, le conte de Richemont, connes-
table de France, eust envoyé mandement devers les vicontes de Bayeux
Carenten, Valongne, Coustances, Avranches, Vire, Mortaing et Condé,
pour avoir, aux despens des habitans des dictes vicontes, grant nom-
bre de maçons, charpentiers, manouvriers, sergens, pour leur con-
duitte, pour ung mois entier et, depuis, pour quinze jours, outre ledit
mois, qui sont six semaines entières, et mander, par ses lectres, l'ar-
gent ad ce nécessaire y estre assis et imposé, chacun en son regard;
et, pour ce que la dicte place de Chierbourg a esté plus tost rendue
et minse en nostre obéissance, le dict argent n'a pas du tout esté
employé, mins ne distribué et lequel pourroit prendre autre chemin
que à nostre plaisir et volenté, se pourveu n'y estoit; nous, voulans à
640 APPENDICES
ce remédier, vous mandons que vous faictes ou faictes faire comman-
dement exprès, de par nous, à tous lesdiz vicontes que, des deniers
mis sus et mandés estre levés par nostredit cousin, à la cause dessus
dicte, qui ne sont encore distribuez et lesquelz voulons estre cueilliz
et levez entièrement par lesdiz vicontes, se faict ne les ont, ilz ne
baillent aucune chose à quelque personne, ne pour quelconque cause
que ce soit ou puisse estre, synon par la certifficacion de Jaspard
Bureau, maistre de nostre artillerie, sur paine de recouvrer sur eulx
ce que baillé en auront autrement; lesquelles certiffîcacions voulons
premièrement estre alouez et emploiez, et le surplus qui s'en restera,
voulons estre baillé et délivré audit maistre de nostre artillerie, et non
à autre, en prenant sur ce de luy leur acquit, lequel les distribuera,
ainsy que luy avons ordonné, ou ordonnerons, car ainsy nous plaist il
et voulons estre fait, nonobstant quelzconques lectres impétrées, ou à
impétrer, de nous, ou de nostredit cousin, et autres choses ad ce con-
traires. Donné à Montbazon, le xxvie jour de septembre, l'an de grâce
mil CCCC cinquante et de nostre règne le xxvnie.
Ainsi signé. Par le Roy, maistre Jehan Bureau et autres présens.
Chaligant.
(Portefeuille Fontanieu 121-122, au 26 septembre 1450.)
GII
CAPITULATION DE CHERBOURG (1450, 12 aOÛt) [p. 42l].
Charles, etc., savoir faisons à tous, présens et à venir, que, comme
nagaires ait esté fait, passé et accordé certain traictffi et appoincte-
ment entre nos très chiers et amez cousins les conte de Richemont,
connestable de France, et le conte de Cleremont, nostre lieutenant
général sur le fait de la guerre ou bas pais de Normandie, d'une part,
et Thomas Gower, escuier Anglois, soy disant cappitaine de Chier-
bourg, d'autre part; par le moien duquel appoinctement, la dicte ville,
qui, au temps dudit appoinctement et aucuns jours paravant, avoit
esté et estoit assiégée par nosdis cousins et autres nos cappitaines et
chiefs de guerre, ait esté et soit redduicte et mise en nostre obéis-
sance; et, pour ce, nous aient humblement fait supplier et requérir
les bourgois, manans et habitans d'icelle ville de Chierbourg que,
pour greigneur seureté, il nous plaise leur octroier noz lectres de
ratifficacion et approbacion dudit appoinctement, duquel la teneur est
telle :
Par appoinctement fait entre monseigneur le conte de Richemont,
connestable de France, et monseigneur le conte de Cleremont, tenans
le siège devant Chierbourg, de par le Roy, d'une part, et Thomas
Gower, Anglois, cappitaine, de par le Roy d'Angleterre, dudit Chier-
bourg, d'autre part, est promis et accordé, entre autres choses : pre-
mièrement, que rendra ledit Th. Gower au Roy ou à mesdis seigneur
le connestable et conte de Cleremont les ville, chastel et dangeon de
APPENDICES 641
Chierbourg, dedans le douziesme jour de ce présent mois d'aoust,
avecques tous lès prisonniers et artillerie qui appartiennent au Roy et
à la ville ;
Item, et que tous ceulx qui vouldront demourer ou party du Roy
auront grâce et abolicion, sans ce qu'il leur soit riens reprouché de
tout le temps passé, ne donné charge, empeschement ou reprouché,
ou leur faire aucune action ou demande de quelconques choses que
ilz aient tenues ou possédées, ne dont ilz se soient entremis, en quel-
que manière que ce soit; lesquelx, en faisant le serment, joyront de
tous leurs héritaiges, terres et biens quelconques, à eulx appar-
tenans :
Item, se aucuns des dessusdiz, qui s'en vouldront aler, ont héri-
taiges de leur propre acquiz, ou fieuffez, les pourront vendre ou donner
où il leur plaira :
Item, et au regard des gens d'église présentez, paravant ce jourdui,
à aucun béneffîces, par gens estans en la dicte place, soit par pro-
curacion, scellez, ou autrement^ dont ilz ont eu collacion par le dio-
césain, demourront paisibles; et aussi; s'aucuns estans enladicte place,
qui demourer vouldront, ont droit de présenter à aucun bénefflce,
faire le pourront comme paravant; et les autres gens d'église bénef-
ficiez par autre voye retourneront à leurs béneffîces; et, pour seureté
de faire et acomplir les choses dessus dictes, ledit Th. Gower et ceulx
estans dedans ladicte place bailleront, dès à présent, hostaiges souf-
flsans, jusques au nombre de six, telz qu'ilz seront advisez par mesdiz
seigneurs le connestable et conte de Cleremont et ledit Gower, lesquelx
hostaiges, incontinant après que les dictes ville, chastel et dangeon
seront en la main de mesdis seigneurs, seront mis à délivrance fran-
chement; et aussi, pour seureté de faire et accompUr cest présent
appoinctement, mesdis seigneur le connestable et conte de Clermont et
autres, telz que ledit Gower vouldra, bailleront leurs scellez; et se
entend le présent appoinctement sans fraude, barat, ou mal engin.
Donné soubz nos seaulx cy placquez, le xii« jour d'aoust, l'an mil qua-
tre cens cinquante. Ainsi signé, par messeigneurs les contes et connes-
table.
MlLET.
Nous ledit traictié et appoinctement avons loué, ratiffié et approuvé
louons, ratiffions et approuvons, par la teneur de ces présentes, de
nostre grâce espécial, plaine puissance et auctorité royal, et voulons
et ordonnons que iceulx gens d'église, nobles, bourgois, manans et
habitans de ladicte ville et chastel de Chierbourg, et autres à qui
cedit traictié et appoinctement pourront touchier, joissent et usent
du contenu en chacun des diz articles, sans aucun contredit ou em-
peschement et sans estre en ce molestez ou empeschez en aucune
manière. Et, sur ce, imposons scilence perpétuel à noz procureurs
présens et advenir. Si, donnons en mandement, par ces mesmes
présentes, à noz amez et féaulx conseilliers les gens tenans et qui
tendront nostre parlement à Paris et nostre eschiquier en Normandie,
aux bailliz de Rouen, Caen, Constantin et à touz noz autres justiciers
RlCIlEMONT. 41
642 APPENDICES
OU officiers, ou à leurs lieuxtenans , présens et à venir et à chacun
d'eulx, si comme à lui appartendra, que, de noz prés'ens grâce, con-
cession et oclroy, ils facent, seuffrent et laissent lesdis gens d'église
nobles, bourgois, manans et habitans desdis ville et chastel de
Chierbourg, et tous autres à qui ce pourra toucher, joir et user plai-
nement et paisiblement, sans leur faire ne souffrir estre fait, mis ou
donné aucun destourbier ou empeschement au contraire, ores ne
pour le temps à venir, mais, se fait, mis ou donné leur avoit esté, ou
estoit, l'ostent, ou facent incontinant oster et mectre au premier estât
et deu, car ainsi nous plaist il et voulons estre fait. Et, pour ce que de
ces présentes ou pourra avoir afaire en plusieurs et divers lieux, vou-
lons que, au vidimus d'icelles, fait soubz scel royal, foy soit adjoustée
comme à ce présent original. Et, afin que ce soit chose ferme et esta-
ble à tousjours, nous avons fait mectre nostre scel à ces présentes,
sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à
Escoché 1, ou mois d'aoust, l'an de grâce mil quatre cens cinquante,
et de nostre règne le vingt huitiesme. Ainsi signé, par le Roy, mon-
seigneur le conte du Maine, le conte de Tancarville, messire Théaulde
de Valpergue, maistres Jehan Bureau et Estienne Chevalier présens.
RoLANT. Visa.
(JJ. 185, f» 59. — Copie dans Moreau, t. 232, f°s 100-103.)
GUI
APPOINTEMENT FAIT PAR LE CONNÉTABLE ENTRE LES HABITANTS DE
DIEPPE ET LES GENS d'ARMES (1452, aOÛt) [p. 369, 433].
A tous ceulx qui ces présentes verront ou orront, Jacques de la
Tour, viconte d'Arqués, salut. Savoir faisons que, par devant Jacques
Lehadoue, clerc tabellion juré des lettres obligatoires de la ville de
Dieppe pour le Roy nostre sire, à cause de régalle, fut présent, si
comme il nous a tesmoingné, Robert Morel, procureur général des
bourgois, commun et habitans de la dicte ville de Dieppe, lequel, pour
et au nom d'iceulx bourgois, commun et habitans, a voulu, consenti
et acordé, et, par ces présentes, audit nom, veult, consent et accorde,
en entretenant certain appoinctement fait par monseigneur le connes-
table, monseigneur l'archevesque de Nerbonne et autres commissaires
du Roy, nostre dit seigneur, eulx estans en la dicte ville de Dieppe, ou
mois d'aoust derrenier passé, entre iceulx bourgois, commun et habi-
tans, d'une partj et les dix-huit hommes d'armes et les archers de la
grant ordonnance, de la charge de monseigneur le conte de Dunois,
logiez en la dicte ville, par l'ordonnance du Roy nostre dit seigneur
d'autre part, que, de certaine quantité d'extencilles par lesdiz bour-
gois, habitans et commun baillez et délivrez ausdiz gens de guerre
que iceulx gens de guerre puissent avoir, poursuivre, demander, rece-
1. Ecouché, arrt d'Argentan.
APPENDICES 643
voir et appliquer à eulx tous tel louage et prouffit desdiz extencilles,
pour les quartiers de juillet et octobre derrenier passez et pour les
quartiers de janvier et avril prouchain ensuivans, tant seulement, que
lesdiz bourgois, habitans et commun eussent eu ou peu avoir durant
ledit temps de leurs diz extencilles, selon certaine ordonnance sur ce
faicte, se n'eustesté, ou estoit, les appoinctemens, accord et consente-
ment dessusdiz; promectant oudit nom les choses dessusdictes avoir
agréables et de non jamais en faire question ou demande au Roy nos-
tre dit seigneur, ne à aucuns de ses officiers, en quelque manière
que ce soit, ains, en tant que mestier seroit, ledit procureur, en
icelui nom, les en quicta et quicte par ces dictes présentes. En tes-
moing desquelle choses, nous, viconte, etc., dessus nommé, à la rela-
cion dudit tabellion, avons mis à ces lectres le grant scel aux causes
de la dicte viconté. Ce fut fait le dix neufième jour de janvier, l'an de
grâce mil cccc cinquante deux, présent Rigault Eude, escuier, Jehan
F^equ rabras et Jehan Restout, etc.
J. Lehadoue.
(Fr. 26081, no 6525.)
Dans un rôle du 16 mars 1452 (a. st.) on lit, sous le titre de « Voyaige
et Chevauchées » :
« A messire Loys de Harecourt, arcevesque de Nerbonne, maistre
Pierre Thiboust, Robert de Montmirel, Biaise Greesle, conseillers du
Roy, nostredit seigneur, et maistre Loys Daniel, secrétaire d'icellui
seigneur, la somme de xvm^ 11. t. à eulx ordonnée par ledit seigneur,
pour le voyaige que ledit seigneur leur a ordonné faire oudit pays de
Normandie, en la compaignie de monseigneur le connestable de
France, pour mectre ordre et police, tant sur le fait des gens de guerre
establiz à la garde dudit plÇ's, que en autres choses touchans le bien
et proffit d'icelui »
(Fr. 26081, n» 6539).
Dans un autre document (compte de dépenses), on lit :
« A maistre Robert de Montmirel, clerc le Roy nostre sire, en la
chambre des comptes, la somme de vclxv 1. 1., à lui ordonnée pour la
parpaye d'un voyaige qu'il fist l'année passé, m cccc ui, en la compai-
gnie de messeigneurs le connestable, l'arcevesque de Nerbonne, et au-
tres commissaires, pour certaine réformacion que le Roy, nostredit
seigneur avoit ordonné estre faicte, ladite année, èsdiz pays et duchiez
de Normandie, où il avoit vacqué par l'espace de mcvi jours entiers n.
On voit ensuite que « maistre P. Thiboust conseiller du roy en sa
court de parlement » faisait partie de la même commission.
(Fr. 26083, n» 48.)
GIV
MESURES DE DÉFENSE EN NORMANDIE (1452, OCtobre) [p. 434].
Mémoires et instructions au bailly de Caux de dire et remonstrer au
Roy nostre sire les choses qui s'ensuivent, de par messeigneurs le connes^
644 APPENDICES
table de France, l'arcevesque de Narbonne, le conte de Dunois et autres
ses commissaires estans à présent en Normandie.
I. — Premièrement lui parlera du fait des monnoyes, touchant l'advis
qui autreffoiz a esté fait par sire Jehan Roy, que lui avons envoyé, afin
qu'il lui plaise en mander son bon plaisir, car qui ne y mectra ordre
à ce premier jour d'octobre prouchain venant, que les fermes se bail-
lent, à paine pour l'année qui vient se y pourra mettre.
II. — Item, luy dira comme lors que Messeigneurs le connestable,
de Dunois et moy, qui estions à Dyeppe, oysmes ces nouvelles de l'ar-
mée d'Angleterre, incontinent mandasmes le grant seneschal (P. de
Brézé) et Floquet venir vers eulx à Caudebec, et, depuis, en ceste ville
de Rouen, fust par eulx prins conclusion, pour ce que le doux de Cos-
tentin est tant dangereux que merveilles, et la place de Chierbourg si
périlleuse et mal avitaillée, que le viconte de Valoignes feroit mectre
dedans la place de Chierbourg les blez qui sont deuz au Roy à cause
de sadicte viconté; et doit le dit viconte rendre des dits blez; et nous
asseura que, posé qu'il ne fust jà mestier de avitailler ladicte place, si
sera ce le proufflt du Roy, caries blez se y vendent mieulx que ailleurs.
III. — Oultre plus, fut ordonné que mondit seigneur de Dunois se
doit tenir et faire sa résidance à Dieppe, jusques à ce que autres nou-
velles soient venues et que l'en saiche quel tramiz tendra ladicte
armée ; et mondit seigneur le connestable s'en ira en la Basse-Nor-
mandie et se tendra à Caen, Carenten et là entour ces marches. Et,
pour ce que le Roy a mandé partie des gens de guerre qui estoient en
ladicte Basse-Normandie, mondit seigneur le connestable prendra, se
mestier est, des gens du grant sénéchal et Floquet jusques à c ou vi""
lances, de ceulx qui sont à Bernay, Lou\#rs, Verneuil, Gisors et qui
ne sont point sur la mer, lesquels gens de guerre seront à toute heure
tous prestz de monter à cheval, et s'en sont chargez lesdiz sénéchal
et Floquet, mais, pour double des pilleries, se il n'en est mestier, ilz
ne partiront point.
IIII. — Item, messire Geuffroy de Coueren (Couvran) est parti de
icy, qui, à toute diligence, va à la Hogue Saint- Vaast, atout xl lances,
et, se mestier est, mandera de ceulx qui sont à Caen, Baieux et Chier-
bourg, et fait, que tous les francs archiers dudit bas pays seront prestz.
V. — Item, lui dira touchant le fait des mortes paies ; c'est assavoir
que il semble que on doit ordonner que les archiers n'aient nulz che-
vaulx, et n'auront que iiii fr. par mois.
{Semble qu'il est bon advis.)
VI. — Item, semblablement, les lances, excepté aucuns qui prennent
doubles paies, ou qui ont charge de gens soubz eulx, n'auront dore-
senavant que ung cheval, et n'auront que vin fr. Et lui remons-
trera le bien et prouffit que ce sera, car ilz seront tenuz plus à faire
résidence, et, avec ce, en demourra au Roy x ou xn ™ 1. Et lui dira
plus amplement les causes qui ont meu à ce ordonner, avec ce, ceulx
qui estoient présens, et en apportera ung mandement du Roy, pour
les causes que par deçà on luy a dit :
[Semble qu'il est bon advis.)
APPENDICES 645
VIF. — Item, que, doresenavant, les gens de guerre seront tenuz faire
résidance, sans partir, excepté v à une foiz, par le congié de leur
cappitaine, ainsi que les ordonnances le portent, et s'ilz s'en vont au-
trement, il leur sera rabattu le temps qu'ilz seront dehors.
{L'article semble bien.)
Vin. — Item, du guet de la mer, lui dira comme, pour y pourveoir
et aler sur chacun des portz et es foyers anciens, on y a commis, et,
pour adviser quelles paroisses et quelles personnes y vendront, le
cappitaine de Dyeppe, le lieutenant du bailly de Caux, et comme pa-
reillement le ferons en la Basse-Normandie.
IX. — Item, parlera au Roy s'il veult que les receveurs fornissent les
gens d'armes tant de logeis que de utensiles de la grant ordonnance
et qu'ilz preignent les ii 1. t. par mois, pour ce que aucuns s'en plai-
gnent, comme ledit bailly le scet, et lesdiz receveurs le feront vou-
lentiers, et a semblé à tous que il ne y auroit que bien ; et fault que
ledit bailly, se le Roy en est content, apporte le congié. {Semble qu'il
peut estre au choix des gens d'armes, pourveu que ceulx qui voudront
l'argent n'auront point de contrainte sur le peuple, pour fournir des uten-
siles.)
(Fr. 18442, fo 144.)
On lit dans le Ms. fr, 20683, f» 46 : « à Jehan Aubry, lieutenant de
Jaspar Bureau, maistre de l'artillerie du Roy noslre sire, la somme de
n'= xxxiiii 1. n s. vi d. t. pour la parpaye de la somme de v" ix 1. ii s. vi d. t.
qui deue lui estoit, à cause de certaine artillerie qu'il avait achetée,
et, par l'ordonnance de Messeigneurs du conseil, envoyée, ou moys
d'octobre MCGCCLII, de la ville de Paris à Rouen, pour estre, par
l'ordonnance de Monseigneur le connestable et autres gens du conseil
du Roy nostre sire, départie et distribuée en certaines places et forte-
resses dudit pays de Normandis, pour la seurté et deffence d'icelles.
A Jehan de Versailles, escuier, cappitaine des francs archiers ou
baiUiaige de Caen, la somme de u* xii 1. t. à luy ordonnée, pour la
parpaye de MLnii 1. t. que se montoit le paiement de v" xxvn francs
archiers de sa charge et compaignie, qu'il avoit, ou moys d'octobre
MCGCCLII, par l'ordonnance de Monseigneur le connestable et autres
gens du conseil du Roy, nostre sire, lors estans oudit pays de Nor-
mendie, menez, avec les autres francs archiers des bailliaiges d'Evreux
et Constantin, sur la coste de la mer, pour obvier et résister, si be-
soing estoit, à la descente des Anglois, qui oudit temps, estoient à
puissance sur la mer et près de la coste dudit pays de Normendie. »
(Fr. 20683, f» 46.)
GV
SAUVEGARDE ACCORDÉE PAR LE CONNESTABLE A UN ANGLAIS
(1452, 12 octobre) [p. 434, note 7],
Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, à tous ceulx qui ces présentes lec-
646 APPENDICES
très verront, salut. Savoir faisons que aujourduy est venu par devers
nous Thomas de Saint-Martin, escuier, natif de l'isle de Gerzey, lequel
a fait le serment en noz mains d'estre bon, vray et loial subject de
monseigneur le Roy. A quoy l'avons receu et recevons, par ces pré-
sentes, et, par ce, avons, lui, sa femme et enfans, familliers et servi-
teurs et tous leurs biens meubles ethéritaiges prins et mis en la seurté
et sauvegarde de mondit seigneur le Roy et de nous; lesquelz con-
joinctz avons restituez à tous leursdiz biens, meubles et héritaiges
quelconques, pour d'iceulx en joir jusques au bon plaisir de mondit
seigneur le Roy et que autrement en soit par lui ordonné. Si, mandons
à tous les justiciers, officiers, vassaulx et subjectz de mondit seigneur
le Roy, capitaines, gens d'armes et de trait et autres gens de guerre
que lesdiz conjoinctz facent, souffrent et laissent joir et user de nostre
présente sauvegarde plainement et paisiblement et de leursdiz biens
les faire joir, jusques à ce que autrement par mondit seigneur en soit
ordonné, comme dit est. Donné à Caen, le xii^ jour d'octobre, l'an
mil CGGG cinquante deux.
Artur.
GOGUET.
Cette lettre est ratifiée par le roy le 20 mars 1453.
(JJ. 181,^ 161 vM62.)
GVI
RICHEMONT DONNE l'iLE DE BRÉHAT A SON GENDRE, ARTUR BRÉCART
(1450, 19 janvier) [p. 456].
Sachent tous que, comme autresfois très redoubté et puissant mon-
seigneur Artur, fils de duc de Bretaigne, conte de Richemont, sei-
gneur de Partenay, conestabie de France, ou traictô et collocucion du
mariaige jà pieça fait et accomply de son chier et bien amé et féal
escuier, Artur Brécart, et de Jacqueline, fille naturelle de mondit sei-
gneur le conte, entre autx^es choses eust donné et promis bailler audit
escueir et à sadicte femme, à cause d'elle, ung hostel herberge valant
cent livres de rente, assis en pais de Poictou, de Xantonge, ou de
Bretaigne, dedans deux ans après ledit mariaige fait et accomply; et,
pour gaige et seurté de ce, et en attendant, lui bailler ladite assiette
dudit hostel, en la valeur desdites 100 livres de rente, mondit sei-
gneur lui eust baillé son chastel et chastellenie de Merevent et son
hostel de Puy-de-Cerre, avecques les appartenances, appendances,
fruiz et levées d'icelui hostel , lequel hostel de Puy-de-Cerre, avec-
ques sesdites appartenances, ledit escuier, pour les causes susdites,
depuis ledit mariage ainsi fait et accomply, ait tousjours eu, prins et
levé, tenu et exploité à son prouffit, jusques aujourduy, en acquict
desdites cent livres de rente, comme de ce mondit seigneur le conte
et ledit escuier ont présentement esté à ung et d'accord et congnu
et confessé les choses dessusdites et chacunes d'icelies estre vroyes ;
APPENDICES 647
et il soit ainsi que, pour aucunes causes et considéracions ad ce mou-
vans, mondit seigneur le conte ait désir de retraire et mectre en sa
main sondit chastel de Merevent, avecques sondit hostel de Puy-de-
Cerre et sesdictes appartenances, ce que faire ne veult mondit sei-
gneur sans premièrement récompencer ledit escuier desdiz cent livres
de rente; assavoir est que, en la court du scel estably aux contratz
audit Parthenay, pour mondit seigneur le conte, seigneur dudit Par-
tenay, conestable de France, en droit, en ladicte court, personnelment
establiz mondit seigneur le conte, d'une part, et ledit Artur 13recart,
escuier, tant pour lui que pour ladicte Jacqueline, sa femme, absente,
pour laquelle il s'est fait fort que les choses en ces présentes conte-
nues elle aura fermes et agréables et que elle ne fera, ny ne venra
encontre, et lui en fera donner lectre de rattifîcacion et approbacion,
si mestier est, toutesfoiz que requis en sera, d'autx'e part; ont congnu
et confessé mondit seigneur le conte et ledit escuier avoir fait de et
sur lesdictes promesses, convenances et autres choses dessusdites les
assiettes, quittances, promesses et obligations contenues en ces pré-
sentes :
C'est assavoir que mondit seigneurie conte, pour estre et demourer
quicte et deschargé perpétuellement, lui et les siens et aians cause,
envers lesdits escuier et sa femme, desdites cent livres de rente, et
pour acquit, admortiment et assiette d'icelles, mondit seigneur le
conte a, aujourduy, baillé, cédé et transporté, quicté et délaissé,
baille, cède, transporte, quicte et délaisse, par cesdictes présentes, à
tousjours, pour lui, ses hoirs et successeurs et aians cause, le chastel,
terre et seigneurie de Bréhat, avecques ses appartenances, appen-
dances et deppendances, fruitz, cens, rentes et revenues quelcon-
ques, appartenans à ladicte terre et seigneurie, pour en joir lesdits
conjoints, leurs hoirs et successeurs, procréez d'eulx deux, ou d'autres,
si ledit escuier alloit de vie à trespassement par avant sadicte femme
et que elle parvint avecques autres à segondes nopces, franchement,
paisiblement et à plain droit, parmy ce que iceulx ditz conjointz,
ieursditz hoirs et successeurs tiendront de mondit seigneur le conte,
ses hoirs et successeurs, à foy et hommaige lige ledit chastel, terre et
seigneurie de Bréhat; de laquelle terre et seigneurie mondit seigneur
a retenu et réservé, retient et réserve, par sesdictes présentes, à luy et
à sesdits hoii^s, le ressort d'icelle à sa barre de Lanvollon, en Gouelo ;
et aussi mondit seigneur le conte sera tenu, a promis et promet, par
sesdites présentes fere rattiffier et approuver ladicte assiette, ainsi
par lui faitte audit escuier et sadicte femme desdiz cent livres de
rente à très redoublé et puissant prince le duc de Bretaigne, et que
d'icelle il en fera donner, passer et avoir audit escuier et sadicte
femme lettres de coufirmacion, ratifficacion et approbacion confoi^ma-
bles à ces présentes. Et, parmi ce, mondit seigneur le conte a donné
et donne, par cesdictes présentes, en mandement à ses séneschal,
procureurs, receveurs et autres offlciers de ladicte terre de Bréhat, et
à chacun d'eulx, comme à luy appartendra, que doresenavant, ils
faccnt, souffrent et laissent joir et user lesdiz conjoings, leurdiz hoirs
et successeurs dudit chastel, terre et seigneurie de Bréhat et leursdictes
648 APPENDICES
appartenances, sans, sur ce, leur mectre ne donner aucun trouble,
ne empescheraent.
Et, par rapportant cesdictes présentes, ou vidimus d'icelles, fait
soubz scel auttentique, par une foiz seulement, pour ledit receveur de
ladicte terre et seigneurie de Bréhat, mondit seigneur a voulu et
veult que ledit receveur soit et demeure quitte et deschargé dores-
enavant envers lui et les siens et aians cause de ladicte recepte de
ladicte terre et seigneurie de Bréhat, donnant, en oultre, mondit
seigneur le conte en commandement, par cesdictes présentes, à touz
les hommes féaulx et subgietz et autres de la terre et seigneurie de
Bréhat que audit escuier et à sadicte femme, à cause d'elle, ilz facent
doresenavant les foiz et hommaiges et paient les devoirs, droiz et aul-
tres choses quelconques qu'ils pourront devoir, à cause de ladicte
terre, tout ainsi et par la manière qu'ils devoint et estoint tcnuz de
faire à mondit seigneur.
Et, en ce feùsant, mondit seigneur les en a quictés et quicte perpé-
tuelment, par ces présentes, et, avec ce, a deschargé et descharge,
par cesdictes présentes, touz officiers, autreffoiz par luy commis en
ladicte terre et seigneurie de Brebat, en donnant en commandement,
ausdiz escuier et sa femme de pouvoir mectre et ordonner doresena-
vant en ladicte terre et seigneurie telz officiers que bon lui semblera.
Et lequel escuier, ad ce présent, comme dit est, prenans, stipu-
lans et acceptans ladicte terre et seigneurie de Brebat, pour acquit et
assiette desdiz cent livres de rente, ainsi à luy et à sadicte femme,
pour les causes devantdictes, promises par mondit seigneur, comme
dit est, a quicté et quicte perpétuelment mondit seigneur, les siens et
et aians cause desdiz cent livres de rente; et aussi s'est désisté, dé-
party et départ, par cesdictes présentes, pour et au prouffit de mondit
seigneur, des siens et aians cause, dudit chastel de Merevent et dudit
hostel de Puy-de-Cerre et de ses dictes appartenances, ainsi autreffois à
luy et à sadicte femme baillez, pour gaige et seurté de ladicte somme de
cent livres de rente, en lui faisant donner et bailler, par mondit sei-
gneur, au duc de Bretaigne ladicte rattifficacion et approbacion du
contenu en ces présentes, comme dessus est dit. Ausquelles choses
dessusdictes, toutes et chacunes, par la manière que elles sont par-
dessusdictes divisées, et déclairées, faire tenir, garder, entériner et
accomplir fermement et léaument, sans jamès fere ne venir encontre,
par cas qui soit, lesdictes parties et chacune d'elles, chacune par tant
que à son fait touche et peut toucher, ont obligé et obligent elles et
tous et chacuns leurs biens meubles, immeubles et héritaiges présens
et futurs quelconques, la foy et serment de leurs corps sur ce don-
née, renoncians sur ce lesdictes parties en cestuy leur faict, soubz la
vertuz de la foy, serment et obligacion que dessus, à toutes exepcions,
décepcions et allégacions quelconques qui leur pourroient aider
Donné et fait en double, du consentement desdictes parties, présens
ad ce honorables hommes, maistre Pierres Rougne, baillif de Gas-
tines, Guillaume Papin, chastellain et conseillers de mondit seigneur
le conte audit Partenay, le xix janvier l'an mccccxlix. Ainsi signé,
N. GiRAUT, J. Gauter, et scellé.
APPENDICES 649
Donné et fait, par vidimus, par nostre dicte court de Nantes, tes-
moign le scel estably es contraz d'icelle, le xxi^ jour de juin mccccux. —
Raboteau. Passé par vidimus, sous le sceau de la court de Nantes.
{Archives dép. de la Loire-Inférieure, E, 133.)
GVII
PROCÈS DU CONNÉTABLE DEVANT LES ÉLUS DE PARIS (1442-1446)
[p. 460, note 3].
Du xe jour du mois de mars MCCCCXLI (a. st.)
Entre les fremiers de l'imposicion du vin vendu en gros à Paris,
ceste année présente (1442) demandeurs, d'une part, contre monsei-
gneur le connestable , adjourné par devant les esleux de Paris, avec
Jacot Galobriet et Thomas Baron, deffendeurs, d'autre. Après ce que
lesdiz demandeurs ont requis la cause estre renvoyée par devant
lesdiz esleux et qu'il a esté dit par la court que la cause demourra
céans, Nyole, pour lesdiz demandeurs, dit que, pour ce qu'il estoit
venu à leur congnoissance que lesdiz Jacot et Thomas avoient amené
en ceste ville de Paris lxxiiii pièces de vin, que ilz avoient confessé
par devant lesdiz esleux, et qu'ilz appartenoient à Janot Bar, parce
qu'il les avoit achetés et fait acheter de ses deniers; et aussi, pour ce
que icellui Janot Bar est grant marchant, et que, es années passées,
en a fait venir en ceste ville de Paris et en avoit payé l'imposicion,
ont fait arrester l'argent qui leur povoit estre deu de l'imposicion, à
cause desdictes lxxiiii pièces de vin; et, pour ce que, par devant
lesdiz esleux, pendant le temps que la cause y estoit, lesdiz Jacot et
Thomas y ont esté interroghuiez, requièrent que, de ce qu'ilz ont
confessé de vin avoir esté vendu qu'ilz payent, et, pour ce, requièrent
qu'il soit dit ledict arrest estre bon et valable, et demandent despens,
et aussi requièrent que le vendeur qui a vendu lesdicts vins soit inter-
roghuié.
BoYLEAUE, pour Icsdicts deffendeurs, présuppose la prééminence de
mondict seigneur le connestable, et, ce présupposé, dit que mondict
seigneur le connestable est grant seigneur et feue madame de Guyenne
grant et noble dame, et, à cause de ce, avaient plusieurs assignacions;
et que, pour la provision de leur hostel, mandèrent audict Janot Bar
qu'il achetast pour eulx, et de leurs deniers, deux cens queues de vin,
et, pour ce faire, lui en envoya ses lectres, aussy lui en envoya lectres
du Roy pour non payer aucune imposicion en les amenant, et que, en
enssievant le contenu es dites lectres de mondict seigneur le connes-
table, ledict Janot Bar acheta lesdictes deux cens queues de vin. De
laquelle quantité ledict Janot Bar en envoya, par lesdiz Janot et Tho-
mas, en ceste ville de Paris lxxiui pièces de vin, lesquelz les ont
aconduiz jusques en ceste ville, pour et ou nom de mondict seigneur
le connestable, et que, quand ilz y ont esté arrivez, les ont bailliez et
délivrez au maistre d'ostel de mondict seigneur le connestable, lequel.
650 APPENDICES
pour le service de feu madite dame, a ordonné en vendre xlii pièces.
Et, depuis, pour l'imposicion d'iceulx, fist arrester partie dudit vin,
et, pour ceste cause, lesdits demandeurs ont esté adjournez par de-
vant lesdiz esleux, par devant lesquels a esté dit que icellui vin est et
appartient à mondit seigneur le connestable, et, pour ce, iceulx Jacot
et Thomas requirent avoir garde, ce qui leur fut octroyé par lesdiz
esleux; et, pour ceste cause, le procureur de mondit seigneur le con-
nestable s'est adjousté avec lesdiz Jacot et Thomas, et, après ce, a
requis ladite cause estre renvoyée en la court de céans, ce qui a esté
fait par lesdiz esleux. Dit que ledit arrest n'est recevable, car ledit
arrest n'est pas certain, et dit que quant l'on procède contre aucun
par voye d'éxécucion, la somme pour laquelle l'éxécucion se fait doit
estre certaine, autrement plusieurs inconvéniens en avenroient. Aussy
dit que lesdites xlii pièces de vin, à cause de ladite imposicion, ne
pourroient pas devoir trente deux francs et touteffois il en a fait
arrester cent frans, et dit que, se ceste chose avoit lieu, jamais homme
privilégié ne joyroit de son privilège, et, par ainsy, à dire que mondit
seigneur le connestable ne joisse de sondit privilège ne doit estre
receu. Sy, conclud qu'il soit dit que ledit arrest est non valable et que
l'argent arresté lui soit délivré, quoy que soit à caucion, et demande
despens.
Nyole, pour lesdits demandeurs, réplique et dit que iceulx deman-
deurs sont serviteurs de mondit seigneur le connestable et que, ad ce
qui lui toucheroit, ne lui vouldroient faire ou donner aucun empes-
chement, et qu'ilz tiennent la somme du Roy, qu'il faut qu'ilz payent
au Roy. Ainsy fault que ceulx qui donnent aucune chose à cause des-
dites pièces soient par eulx contraints à payer icelle. Dit aussy qu'il
n'y a aucun seigneur, s'il l'acheta pour vendre, qu'il veut qu'il ne donne
imposicion. Dit aussi que lesdiz vins ne sont de mondit seigneur le
connestable, mais sont audit Janot Bar, car pour lui et en son nom
ont esté achetez et les a non offert vendre en ceste ville pour et en
son nom, et; aprez assez que ledit Thomas avait lesdites pièces de
madite dame, en a voulu vendre xl queues; et, pour ce qu'il se courcha
au marché, le marchant ne fît aucun marchié et, pour ce, est à pré-
sumer qu'ilz ne sont pas à mondit seigneur le connestable. Dit aussi
que, avant que lesdiz vins soient partis du pays dont ilz sont venuz,
ledit Bar les a voulu vendre as autres raarchans; ainsy appert que ne
sont ceulx de mondit seigneur le connestable. Aussy dit que ledit Bar
devait de l'argent à feue madite dame et lui bailloit iceulx vins en
payement; ainsy, doit l'imposicion et, par ainsy, appert que à bonne
cause ledit arrest a esté fait, pour telle somme qu'il y peut appartenir;
et quant ad ce que ledit deffendeur a dit que mondit seigneur le con-
nestable est franc etc., dit qu'il ne veult empescher aucunement ses
drois. A l'arrest, parce qu'il n'est pas certain etc., un fermier qui ne
saura combien on aura vendu de vin, peut faire arrest de plus grant
somme que ne lui est deue, jusques au serment fait par le vendeur,
autrement les fermiers seroient deffraudez. Dit que lors lesdiz deman-
deurs estoient bien informez que l'on avoit vendu grant quantité de
vins et que, à cause de ce, grant argent leur en estoit deu et, par
APPENDICES 651
ainsy, dit que ledit arrest est bon. Dit aussi que, paravant l'arrest et
depuis, ilz en ont vendu plus de lxiiii queues et à plus hault pris qu'ilz
n'ont déclaré. Et dit qu'il porte par mémoire qu'ilz en ont vendu au-
cunes XXI escus, les autres xx francs et les autres xvni, et, pour ceste
cause, avoit esté approuvé par lesdiz esleux que le vendeur soit inter-
roguié pour savoir la vérité de la quantité et du prix dudit vin et
encore le requiert. Dit aussi que iceulx vins ne sont les vins de mondil
seigneur le connestable, mais sont audit Janot Bar, lequel autrefois
en a cuidié sauver par telle manière, mais Bonchassy, qui a conduit
le procès contre lui en a esté condempné envers icellui Bar, et, s'il
estoit trouvé que ainsy fust, mondit seigneur le connestable ne ses
gens ne le devroient soubstenir. Ad ce que lesdiz deffendeurs ont dit
que, veu le certificat de mondit seigneur le connestable, l'argent leur
doit estre délivré, dit que demandeurs sont contrains de payer le Roy,
et délivrer leur argent à caucion ne se doit faire, mais dit que ledit
argent doit estre délivré auxdiz demandeurs, à leur caucion, veu qu'ilz
sont bien caucionnez. Ainsy conclud que son arrest soit dit estre bon
et valable et demande despens.
BoYLEAUE, pour lesdiz deffendeurs, dupplique et dit que lesdiz de-
mandeurs frappent bien avant contre l'onneur de mondit seigneur le con-
nestable, car, par ses lectres patentes et closes, il advoue lesdiz vins
à lui appartenir, et aussy par ses lectres closes appert qu'il a demandé
audit Bar qu'il face ladite provision, et aussy veu que en jugement il
advoue iceulx vins à lui appartenir, ainsy, à dire le contraire lesdiz
demandeurs ne sont à recevoir, veu les privilèges de mondit seigneur
le connestable, car il est plus privilégié que nul autre. Ad ce que ledit
vin appartient audit Janot Bar, etc., et qu'il en a fait venir d'autres, etc.
dit que nul aultre n'a fait venir, et, s'aucuns aultres en a fait venir, ne
les advoue point. Aussy dit que, pour la despense de mondit seigneur
le connestable, peut bien avoir Lxxim queues de vin, et plus, car il
en donne l'argent. Ad ce que Thomas s'est efforcié de vendre partie
dudit vin, etc. que ce auroit esté comme ayant commission du maistre
d'hostel de mondit seigneur le connestable. Ad ce que Janot Bar les
avoit fait vendre par delà, etc. dit qu'il ne sera ja sceu ni trouvé; et,
posé que ainsy fust que ce auroit esté pour en avoir proufit, et, de
l'argent qui en fust ysseu, en eust acheté d'autres, et quidquid sit,
dit qu'il les a envoyez et livrez et sont inventoriez avec les aultres
biens de feue madicte dame. Et, ad ce que ledit Bar, ou procès qu'il
avoit contre Bonchassy fust condempné etc., dit qu'il ne sot riens, et
se ainsy estoit, parceque mondit seigneur le connestable ne l'auroit
pas advoue. A la provision, etc.. dit qu'elle est fondée en droit com-
mun et, par ainsy, à sa caucion l'argent lui doit estre délivré; et con-
clud comme dessus.
En droit.
(Z'a 13, f»« 37-38.)
Du xiue jour de mars ini' xli.
Veu le playdoyer du x* jour de ce présent mois de mars, d'entre les
fermiers de i'imposicion du vin vendu en gros en la ville de Paris,
652 APPENDICES
ceste année présente, commençant le premier jour d'octobre desrain
passé, demandeurs, d'une part, et monseigneur le connestable, adjoinct
avec Jacques Galobriet et Thomas Baron, deffendeurs, d'autre part,
pour raison de l'imposicion de xii deniers pour l'une, de lxxiiii de
queues de vin vendu en gros en ladite ville de Paris par lesdiz deffen-
deurs, ceste année présente, avec les lectres mises devant la court par
lesdiz deffendeurs, etc., la court dit que l'argent arresté à la requesle
desdiz demandeurs sera délivré ausdiz deffendeurs, en baillant par
eulx caucion de la somme à quoi montera ladicte imposicion ; et avec
ce, la court parlera à Guille Lamoureux, vendeur desdiz vins, à Janot
Bar et aultres, et, ce fait, au surplus les appoinctera comme il appar-
tendra par raison; tous despens reservez en deffmitive,
[V^ 13, f»39 vo.)
Du iii« jour de septembre, mil cccc xlvi.
Veu le plaidoyé fait en la court de céans, le x° jour du moys de
mars, l'an mil cccc xli, d'entre les fermiers de l'imposicion du xxe du
vin vendu en gros en la ville de Paris, en la dicte année, demandeurs,
d'une part, et Jacoq Galobriel et Thomas Voiron {&ic), facteurs et servi-
teurs de Janot Bar, le connestable de France adjoint avec eulx, deffen-
deurs, d'autre part, avec l'appoinctement par lequel avoit esté dit que
l'argent qui appartenoit auxdiz deffendeurs et qui avoit esté arresté
à la requeste desdiz demandeurs seroit délivré à iceulx deffendeurs,
en baillant par eux caucion de paier la somme à quoy monteroit
le xxe du vin dont lesdiz demandeurs faisoient demande auxdiz
deffendeurs, se par la court estoit ordonné et, avec ce, qu'elle
parleroit sur ce audit Janot Bar et à Guill. Lamoureux, vendeur de
vins en la ville de Paris, pour les appoincter au seurplus, comme il
appartenoit par raison, et, après ce que la court a fait examiner sur
ce ledit Janot Bar et Guill. Lamoureux, et qu'elle a veu et diligemment
visité leurs depposicions, la court condempne ledit Jehannot Bar à
rendre et paier aux diz demandeurs le xxe de lx et xui pippes (ou
pièces) et demye de vin que lesdiz Jacoq Galobriel et Thomas Voiron
ont vendues, pour et ou nom dudit Janot Bar, en ladite ville de Paris et
en ladite année, au pris qu'il sera trouvé iceulx vins avoir esté venduz,
et en leurs despens par eulx fait en ceste cause, la tauxacion d'iceulx
réservée par devers la court. Et, pour aucunes faultes et abuz que la
court a trouvé que ledit Janot Bar a voulu faire oudit procès, la court
condempne iceluy Jehannot Bar, en amende envers le Roy, en la
somme de nii"" 1, p.
(Z»a 16 fo 88.)
GVIII
QUITTANCES DU CONNÉTABLE DE RICHEMONT (p. 436, 438, 462).
NO 1. QUITTANCE DU 24 SEPTEMBRE 1453 (p. 436, note 3, p. 462).
Nous, Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richement, seigneur
de Parthenay, connestable de France, confessons avoir receu de Macé
APPENDICES 653
de Launay, receveur général des finances de monseigneur le Roy, en
ses pais et duchié de Normandie, la somme de six mille livres tour-
nois, laquelle raondit seigneur nous a ordonnée estre baillée et déli-
vrée par ledit receveur général, oultre nostre pension et autres bienf-
faiz que avons et prenons de luy, chacun an, pour certaine ordonnance
de cinq cens livres tournois par mois qu'il nous a faicte, tant que
serons en cedit pais de Normandie, en la charge à nous baillée par
mondit seigneur, et ce pour ung an, commençant le premier jour
d'octobre derrain passé. De laquelle somme de vi^ 1. t. nous nous
tenons pour content et bien payé. Et en avons quicté et quictons ledit
receveur général et tous autres. — Donné à Caen, le xxiii» jour de
septembre, l'an mil cccc lui.
Artur.
Par monseigneur le conte connestable.
0. Le Roux.
(Musée des archives nat., n" 459.)
Le ms. Clairambault 645, p. 134, mentionne un autre reçu de la
somme de 7500 L t. payée le 8 octobre 1451 au connétable par Macé
de Launay, pour partie de sa pension.
N« 2. QUITTANCE DU 4 JUILLET 1454 (p. 438, 462).
Nous Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richement, seigneur
de Partenay, connestable de France, confessons avoir receu de
maistre Simon Le Bourlier, notaire et secrétaire de monseigneur le
Roy et receveur général de ses finances, es pays et duché de Nor-
mendie,la somme de six mil livres tournois, laquelle mondit seigneur
nous a ordonnée estre baillée et délivrée, par ledit receveur général, en
ceste présente année, commençant le premier jour d'octobre derre-
nièrement passé, pour nostre ordonnance de cinq cens livres tournois
par moys, que mondit seigneur nous a ordonnée, tant que nous serons
ou dit pais de Normendie, en la charge qu'il nous a baillée, en oultre
et par dessus la somme de douze mil livres tournois, que avons et
prenons de lui, pour nostre pension de ladite année. De laquelle somme
de six mil livres tournois nous nous tenons pour content et bien payé
et en avons quicté et quictons ledit receveur général et tous autres.
En tesmoing de ce, nous avons signé ces présentes de nostre main et
scellées de nostre scel, le quart jour de juillet, l'an mil quatre cens
cinquante quatre.
Artur.
Par monseigneur le conte connestable.
GOGUET.
(Manque le sceau.)
(Fr. 26082, n° 6707.)
N° 3. AUTRE QUITTANCE DU 4 JUILLET 1454 (p. 462).
Nous, Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur
de Partenay, connestable de France, confessons avoir receu de maistre
654 APPENDICES
Simon Le Bourlier, notaire et secrétaire de monseigneur le Roy et
receveur général de ses finances, es pays et duchié de Normendie, la
somme de douze mil 1. t., laquelle mondit seigneur nous a ordonnée
estre baillée et délivrée par ledit receveur général, pour nostre pen-
sion de ceste présente année, commençant le premier jour d'octobre
derrenièrement passé. De laquelle somme de douze mil 1. t. nous nous
tenons pour content et bien payé, et en avons quicté et quictons ledit
receveur général et tous autres. En tesmoing de ce, nous avons signé
ces présentes de nostre main et scellées de nostre scel, le quart jour
de juillet, l'an mil quatre cens cinquante quatre.
Artur.
Par monseigneur le conte connestable.
GOGDET.
(Pièces originales, t. 502, dossier 11383 [ducs de Bretagne], n° 7.)
N° 4. QUITTANCE DU 6 JUIN 1455 (p. 462).
Nous, Artur, filz du (sic) duc de Bretaigne, conte de Richemont, sei-
gneur de Partenay et connestable de France, confessons avoir receu
de maistre Matbieu Beauvarlet, notaire et secrétaire de monseigneur
le Roy, et par lui commis à la recepte générale de ses finances, la
somme de quatre mil 1. 1., laquelle mondit seigneur le Roy nous a or-
donnée, pour partie de nostre pension de ceste présente année, com-
mençant le premier jour d'octobre derrenier passé. De laquelle
somme de nn mil 1. t. nous nous tenons pour contens et en quictons
ledit maistre Mathieu Beauvarlet et tous autres. En tesmoing de ce,
nous avons signé ces présentes de nostre main et fait sceller du scel
de noz armes, le vi^ jour de juing, l'an mil cccc cinquante et cinq.
Artl'R.
Par monseigneur le conte connestable.
Le Maingan.
(Clairambault, titres scellés, t. 22, p. 1521.)
GIX
INFORMATION ORDONNÉE PAR LE CONNÉTABLE (1457, 11 janvier)
(p. 460, note 6).
A tous ceulx qui ces lectres verront, Bernard Mondet, maistre es
ars, licencié en loys, garde du scel des obligacions de la viconté de
Constances, salut. Savoir faisons que, aujourduy, un* jour d'avril,
l'an mil ccccLvni, Estienne Jourdan, clerc tabellion juré ou siège de
Constances nous a tesmoingnié et relaté, soubz son saing manuel ,
avoir veu, leu, visité et diligemment regardé, mot après mot, unes
lectres scellées en simple queue et cire vermeil, saines et entières,
en scel et escripture, sans aucun vice, gloze ne razure, desquelles la
teneur ensuit :
APPENDICES 655
Artur, filz de duc de Bretaigne, conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, au viconte de Coustances, ou à son
lieutenant, salut. Receue avons humble supplicacion de Jehan Haneron
pouvre homme de labour, comme ayant la garde et adminislracion
lies enffans de luy et de feue Clémence, sa femme, contenant que
jàpiéça les prédécesseurs de ladicte Clémence fieffèrent des gens des
comptes de monseigneur le Roy la fieflferme Bretel et le moulin de
Lespinay, assis en la paroisse de Lengroine i en la seigneurie et de la
recepte de Gauray, pour quarante et ung quartiers de fourment,
mesure dudit lieu de Gauray, quatre livres dix sept solz tournois d'une
part, et six livres deux solz t., d'autre part, qui soulient estre paiez
au prévost de la prévosté dudit lieu de Gauray, laquelle fîefferme et
les places subgectes à icelle et mesmes ledit mouUn sont tournés en
sy grant ruyne et décadence, par le moyen des guerres et mortalitez
qui ont eu cours oudit pays, qu'ilz sont à présent de pou de valeur et
ne reviennent pas à la quarte partie desdictes charges, ainsi qu'il dit,
et que, t\ ceste cause, par vertu des lectres patentes de mondit sei-
gneur le Roy, les trésoriers de France luy avoient modéré ladicte fief-
ferme, en payani le quart desdictes charges, jusques à quatre ans lors
prochains et après ensuivans, ainsy qu'il nous a fait apparoir par le
vidimus desdictes lectres royaulx et exécutoire desdits trésoriers ataché
à ces présentes; et, pour ce que lesdits quatre ans sont expirez et
escheuz, dès le douzième jour de juing cccc cinquante cinq, ot ung
an derrain passé, ledit suppliant s'est trait par devers nous, pour ce
que mondit seigneur le Roy nous a fait don des fruiz, prouffiz et reve-
nues quelconques de la dicte terre, seigneurie et prévosté dudit
Gavray, et nous a humblement requiz luy faire de nouvel rabaiz ou
quictance de ladicte fîefferme, à nostre bon plaisir; savoir faisons que
nous, inclinans à sa supplicacion, et eu considéracion aux rabaiz et
quictance qui par cy devant luy ont esté faiz, en tant que à nous est,
pour le présent, avons voulu et voulons, en vous mandant que ledit
Jehan Haneron, ou dit nom, souffrez et laissez joir desdiz fîefferme ou
moulin, d'icy à ung an prouchain venant, en vous payant et des arré-
rages escheuz depuisledit douzième jour de juing, le quart des charges
seulement ; et ce pendent nous vous mandons que, appelle avecques
vous noz advocat et procureur et nostre cappitaine de Gavray, ou son
lieutenant, ou les deux d'eulx, vous transportez sur les lieux et vous
informez et enquérez bien et deuement si ladicte fîefferme et moulin
sont en telle décadence et non valeur, comme dit ledit suppliant, et
à quel faulte c'est ; et tout ce que en trouverez, mectez le par escript
et nous le envoiez clos et scellé, comme il appartient, en manière que
on y adjouste foy, affîn que soyons plus amplement informé, pour
faire, ou temps advenir, audit suppliant telle grâce que verrons estre
à faire par raison. Et, en rapportant ces présentes, avec recongnois-
sance dudit Haneron, vous en serez deschargé en voz comptes par
tout où il appartendra. Donné à Paris le xi* jour de janvier l'an mil
cccc cinquante six. Ainsy signé. Artur. Par monseigneur le conte
1. Lengronne, c. de Gavray, arr» de Coutances.
656 APPENDICES
connestable, Baudry. En tesmoing desquelles choses, nous, garde
dessusdit, à la rellacion dudit tabellion, avons mis à ces présents vi-
dimus ou transcript le scel desdictes obligacions, en Fan et jour pre-
mier dessusdiz.
Collacion faicte. Jourdan.
(Fr. 26084, n" 7031.)
GX
FRAGMENT d'uN COMPTE DE DÉPENSES DU CONNÉTABLE
DE RICHEMONT (1443-1443) [p. 339, 444, 461, 463].
Le compte de Raoul de Launoy, trésorier général et maistre de la
chambre aux deniers de très hault et puissant prince, mon très re-
doubté seigneur, monseigneur le conte de Richemont, seigneur de
Partenay, connestable de France, des receptes, charges, mises et des-
penses, depuis son premier compte, rendu et présenté à la chambre
des comptes de mondit seigneur, tenant en son chastel de Partenay,
le xxvii^ jour d'aoust, l'an mccccxliii; scavoir est de ladicte chambre
aux deniers, pour deux ans cinq- mois, commençans le premier jour
dudit mois d'aoust, et de la thrésorerie générale pour deux ans trois
mois, commençans le premier jour d'octobre, ledit an mccccxliu, auquel
jour fut ordonné, commis et institué ledit de Launoy trésorier général,
au lieu de Jamet Lamoureux, et finissant, pour ladicte chambre et la
thrésorerie, le derrain jour de décembre, l'an mccccxlv.
A Messire Gilles de Saint-Simon, Charles de Montraoranci, Henry
de Launay et Jean de Saulnières, conseillers, chambellans et maistres
d'oustel de mondit Seigneur, le x jour dudit mois d'avril, l'an mccccxlv,
avant Pasques, pour leurs gaiges des mois de février et de mars der-
renièrement passez ; à chacun d'eux xl escus.
A Jehan de Rousnivinen, Jehan de Savonnières, Estienne Prigent,
Yvon de Kreimerch, Yvon de Titanna (Tinténiac?), Jehan du Juch, Jac-
quet d'Arvet et Guillaume du Pair, escuiers, et serviteurs de mondit
seigneur, celuy jour, et pour pareille cause, à chacun quarante
livres.
A Alain de La Roche, escuier de monseigneur, la somme de six
vingt dix réaulx d'or, scavoir est, cent du don de mondit seigneur et
trente pour ses gaiges de deux mois, comme il apert plus à plain, par
mandement de monseigneur, donné le xi« jour de novembre, l'an
MCCCCXUIII.
A messire Gilles de Saint-Simon, chevalier, conseiller et chambel-
lan de mondit seigneur, la somme de cent réaulx d'or, que monsei-
gneur luy avoit ordonné pour son voyage, où il va, par l'ordonnance
de mondit seigneur, pour le gouvernement de ses cappitaines et gens
d'armes tenans les champs, comme apert par mandement de monsei-
gneur, donné à Saumur, le xxvn^ jour de novembre, l'an mccccxliii.
A Geoffroy Thomelin, archier du corps de monseigneur, la somme
de soixante escus d'or, lesquels mondit seigneur luy avoit donnés, de
APPENDICES 657
sa grâce, tant en récompensacion des services qu'il avoit fait à mondit
seigneur, le temps passé, que pour l'augraentaciou et avancement de
son mariage, comme apert par mandement de mondit seigneur,
donné le xvni« jour de février, l'an mccccxuii.
A messire Olivier Giffart, chevalier, la somme de cent livres t. que
monseigneur luy avait donné, pour et en récompensacion de plusieurs
mises et despenses, qu'il avoit souffertes et soustenues, en plusieurs
manières, comme apert par mandement de mondit seigneur, donné
le 11^ jour de juin, l'an mccccxliiii.
A messire Guillaume de Vendel, chevalier, conseiller, chambellan
et maistre d'ostel de mondit seigneur, la somme de neuf vingt dix
escus, que mondit seigneur luy avoit ordonné estre payez , c'est assa-
voir vi"" escus d'or, que longtemps mondit seigneur luy avoit promis
et octroyé, pour faire faire ung collier de Vordre de mondit seigneur
et XX escus ', tant pour la récompensacion du voyage que, au mois
de décembre derrenièrement passé, il fit, de par mondit seigneur, en
ta ville de Dreux, pour le fait du gouvernement d'icelle, que pour ses
gaiges des mois d'avril et may derrains, comme il apert par mande-
ment de mondit seigneur, donné le xxv" jour de juin, l'an mccccxliui,
A messire Louys de Laval, seigneur de Chastillon, la somme de
deux cens escuz d'or, que mondit seigneur lui a ordonné de sa grâce,
ainsi qu'il apert par ses lettres patentes, données à Angiers, le
xx!!** jour de janvier, l'an mccccxliii. Pour ce a payé cedit thrésau-
rrer à Michel de Saint-Aignan, serviteur dudit messire Louys.
A Jean du Juch, escuier, la somme de cent escuz vieulx, pour deulx
chevaulx que mondit seigneur a fait prendre et achepter de luy, pour
ieeulx donner, l'un à lirunet, serviteur du chancelier de France, et
l'autre au tabourin du duc.
Do7is faits par Monseigneur, au mois d'aoust.
A Pierre, bastard de Préaune (?), le w^ jour dudit mois d'Aoust, vi
escuz, que Monseigneur luy a donné, de sa grâce.
A messire Jehan de Chalon, bastard de Tonnerre, le xxvui'' jour dudit
mois d'Aoust, xx escus, que Monseigneur luy a donné, de sa grâce,
pour récompensacion de certains voyages qu'il a faits devers luy, de
par madame de Tonnerre, pour la finance que devoit mondit sei-
gneur à ladicte dame de Tonnerre, pour la terre de Partenay.
A Tristan l'Hermile, escuyer de Monseigneur, le xu« jour du mois de
septembre, que Monseigneur luy ordonna pour ses gaiges d'icelui,
ouquel il a esté en son service, xx 1. t.
A Guillaume Gruel, pareillement escuyer de Monseigneur, le dernier
jour du mois, sur ce qui lui est deu de ses gaiges du temps passé, x 1. t.
Rolle d'octobre mccccxliii.
A monseigneur, contant à sa main, en la ville de Saumur, le xu'^ jour
dudit mois d'octobre, l'an mccccxliii qu'il perdit au jeu de la paulrae, o
messire Loys de Beauvau, seigneur de Précigné.
1. Probablement lxx escus.
RiCHEMO.NT 42
658 APPENDICES
A luy pareillement, audit lieu de Saumur, le xvii« jour dudit mois^
que semblablement il perdit, o le roy de Sécile, monseigneur Charles
d'Anjou, et autres, xx escus.
A Vouvant, poursuivant de mondit seigneur, le xxi» jour dudit mois,
pour son deffray, allant et retournant de Saumur à Partenay, porter
lectres de mondit seigneur à ma dite dame, vm escus,
Gaîges.
A monseigneur Jacques de Luxembourg, pour ses gaiges du mois
de septembre, le dernier jour d'iceluy, l livres.
A messire Gilles de Saint-Simon, chevalier, chambellan de mondit
seigneur, ledit jour, pour pareille cause, xx escus.
A messire Jehan de Malestret, Jehan de Rochechouart, chevaliers,
Charles de Montmorency, René Rouaultet Jehan de Saulnières,escuyers,
chambellans et maistres d'hostel de mondit seigneur, ledit jour, pour
pareille cause, à chacun xii escus.
A Phelippe de Malestret, Jacques Ratault, Guillaume Gruel, Yon
de Treanna, Archambaut Ratault, Raoul Payen, Jehan Eudes, Guil-
laume de Chateaugiron et Alain de La Roche, escuyers de mondil
seigneur, ledit jour, pour pareille cause, à chacun x escus.
A Jehan de Feraucourt, pareillement escuyer de mondit seigneur,
pour un mois de gaiges, fini ledit jour, x escus.
A Pierre de la Jaille, escuyer de mondit seigneur, qu'il luy a or-
donné, pour un mois de gaiges, néantmoins qu'il n'ayt servi que en-
viron dix jours d'iceluy, et l'autre plus en don, x escus.
A André Giron, retenu par mondit seigneur en son escuyer, qu'il
luy a ordonné, pour deux mois de gaiges, à valoir sur un quartier
qu'il doit servir.
(Ms. Duchesne 70, P^ 112- il 3. Copie qui ne semble pas toujours
très exacte.)
La pièce suivante se rattache naturellement à celle qui précède,
bien qu'elle lui soit antérieure de beaucoup.
Reçu de P. de Kermelec, écuyer et maître d'hostel du comte
et de la comtesse de Richement {4it26, 3 avril).
Je, Pierre de Karmelec, escuyer et maistre d'ostel de monseigneur
et de madame de Richemont, confesse avoir eu et receu de JametLa-
moureux, trésorier de mondit seigneur, par la main de Jehan de
Ghastelgiron, argentier d'icellui seigneur, la somme de deux cens
livres tournois, en déducion et rabat de plus grant somme ordonnée
pour la despense de madicte dame. De laquelle somme de ii<= 1. t. je
me tien pour content et en promez faire avoir audit Jamet Lamoureux
tel acquit qu'il appartendra, enmoy rendant ces présentes. Tesmoing
mon scel, cy mis, le lu^ jour d'avril, Tan milCCCC vint seiz, après Pas-
ques.
Scellé. Non signé.
(Clairambault, t. LXII, f» 4819.)
FIN
TABLEAUX GÉNÉALOGIQUES
TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DES DUCS ]
Pierre l", de Dreux, dit Mauclerc, duc de Bretagne, comte de Richemonl (1212-1237; -}- 1250), épouse A
Jean l", le Roux (1237-
Jean II (1286-1305).
Artur II (1305-1312).
Jean III (1312-1311), inoit
sans postérité: épouse: 1» Isa-
belle de Valois (-{- 1309), fille
de Ch. de Valois et sœur de
Philippe VI ; 2° Isabelle de Cas-
tille (-f 1328), fille de Sanche IV;
3» Jeanne de Savoie (-f 1334),
fille d'Edouard, comte de Savoie.
Guy, comte de Pcnlhièvre, seigneur d'Avaugour (+ 1341); épouse Jeanne
d'Avaugour. 1
Jeanne de Penthièvre ; épouse Ch. de Blois (-f- 1364), seigneur de Guise,
fils de Gui de Chàtillon, comte de Blois, et de Marguerite de Valois, sœur
do Philippe VI.
Jean de Blois, comte
de Penthièvre ; épouse
Marguerite de Clisson,
deuxième fille du con-
nétable Olivier de Clis-
son et meurt le 16 jan-
vier 1404.
Gui, mort
en otage
en Angle-
terre.
Henri , despote
de Romanie
(+ 1400).
Marie ; épouse, en
1360, Louis le-- d'An-
jou, roi de Sicile, et
meurt en 1404.
Marguerite, épouse
L. d'Espagne, comte
d'Angoulème, et meurt
sans postérité.
Olivier de
Blois, c. de
Penthièvre ,
vicomte de
Limoges ;
ép., en 1406,
Isabeau de
Bourgogne
(fille de
Jean sans
Peur), puis
Isabeau de
Lalaing, et
meurt, en
1433, sans
postérité.
Jean II de
Blois, Feign.
de Laigle, c.
de Penthiè-
vre en 1433 ;
ép. Margue-
rite de Chau-
vigny, et
meurt sans
postérité en
1454.
Charles de Blois,
seigneur d'Avau-
gour; ép. Isabeau
de Vivonne et
meurt avant 1434.
I
Nicole; épouse
Jean II de Brosse,
seign. de Ste-Sé-
vère et de Bous-
sac(filsde Jean Ic"
de Brosse, maré-
chal de France,
-1-1433), comte de
Penthièvre en
1454. I
Jean III de Bros-
se, comte de Pen-
thièvre ; épouse,
en 1468, Louise
de Laval (fille de
Guy XIll, comte
de Laval, et d'Isa-
belle de Breta-
gne), et meurt en
1485.
Guillaume; épouse, en
1451, Isabeau de La Tour.
Françoise ; épouse Alain
d'Albret.
Marguerite ; Jeanne ; épouse
ép. Jacques de JeanHarpedenne,
Bourbon, c. de puis Robert de
la Marche. Dinan.
François !"■
(1442-1450),
né le 11 mai
1414, mort le
18 juin. 1450;
ép. Yolande
d'Anjou (fille
de LoLis II
d'Anjou et
de Yolande
d'Aragon,
-1-1440), puis
Isab. Stuart
(fille de Jac-
ques le, roi
d'Ecosse), le
30 cet. 1441.
Pierre II
(1450-1457),
né le 7 juillet
1418, mort le
22 sept. 1457;
ép. en 1431
Françoise
d'Amooise
(fille ainée de
Louis d'Am-
boise et de
Marie de
Rieux), mor-
te en li85i
Gilles, sei- Anne,
gneur de
Champtocé,
-f- 25 avril
1-450, fiancé à
Françoise de
Dinan , fille
de Jacq. de
Dinan, seign.
de ChiUeau-
briant.
Isabelle,
promise,
en 1417, à
Louis III
d'Amou,
mariée le
le' octob.
1430, à
Guy XIII
(ou XIV),
c. de La-
val;morte
en 1442.
Marguerite,
épouse, le 16
novembre 1455 ,
François, comte
d'Etampes , puis
duc de Bretagne,
etmeurt en 1489.
Marie, épouse
Jean II deRohan
fils d'Alain IX de'
Rohan et de Ma-
rie de Lorraine.
(a ^
BRETAGNE DE LA MAISON DE DREUX
sœur d'Arlur (emprisonné par son oncle, Jean sans Tekre, en li02, + 1403) et héritière de la Bretagne.
Jean de Monlfort (appelé quelquefois
Jean IV, -f- 1345); épouse Jeanne de
Flandre, lille de Louis de Flandre,
i:rimte de Ne vers (+ 138 i).
Jeanne; épouse
Robert de Flan-
dre, seigneur de
Cassel.
Béatrix; épouse
Guy X, comte de
Laval.
Alix; épouse
Bouchard VI ,
comte de Ven-
dôme.
JT ? 'r^° f' *'"t "" Jean IV (ou V) de Montfort (1361-1399) ; épouse : 1" Marie d'Angleterre lille
ra.te de Guerande a Jean pmnee d'EnouARD III, morte après 1362; 2» Jeanne Holland, fille de Th Ho land
e Blo.s, comte de Pcnthie- comte de Kent, en 1366 {+ 1384); 3» Jeanne de Navarre fille de Charles I le
re. Ce mariage n'ayant pas Mauvais, roi de Navarre, en septembre 1386. (Jeanne épouse ensuite Henri ÎV
u lieu, elle épouse, vers roi d'Angleterre, en 1402, et meurt en 1437 ) ^ '
}96, Raoul Basset Drayton, i '
Jean V (ou VI) ri399-
1442], né le 24 décem-
bre 1389. épouse le
19 sept. 1396 Jeanne
de France (-f- 1433),
fille de Charles VI.
rguerite, à Tanguy,
icée, en = bâtard cle
, à Guy o Bretagne;
(ou XIV) £ épouse
Laval, u
■te en
, à neuf
et deux
Jeanne
Turpin,
fille d'An-
toine Tur-
pin , sei-
gneur de
Crissé, et
meurt
sans en-
fants .
Artur III
(1457-1458), c.
de Richemont,
connétable de
France , puis
duc de Breta-
gne sous le nom
d'ARTL'R III, né
en 1.393, mort
en 1458; épou-
se : 1" Margue-
de Bourgogne;
2° Jeanne d'Al-
bret ; 3» Cathe-
rine de Luxem-
bourg.
Jacqueline,bù-
tarde, mariée à
A. Brécart.
Gilles
(+ 19
juillet
1112).
Richard,
né en 1395,
c. d'Etam-
pes; épou-
se Margue-
rite d'Or-
léans, fille
de Louis I^f
d'Orléans
et de Va-
lentine
Visconti,
et meurt
en 1438.
Jeanne,
née en
1387
(+ 1388).
Marie, née
en 1391, ac-
cordée, en
1395, à Hen-
ri de Lan-
castre, c, de
Derby (plus
tard Henri
IV); mariée,
en 1396, à
Jean 1er, c.
d'Alençon,
et meurt en
1446.
Blanche,
mariée, le
30 juillet
1406, à
Jean IV
d'Arma-
gnac (fils
aine de
Bernard
VII d'Ar-
magnac,
conné-
table de
France) ;
meurt
avant
1419.
Margue-
rite, ma-
riée, le 23
avril 1407,
à Alain
IX, vi-
comte de
Rohan ;
meurt le
13 avril
1428.
François, c. d'Etnm- Marie; épouse
pes, puis duc de Bre- P. de Rieux,ma-
tagne, sous le nom de réchal de France
François II; épouse (+ 1439), et de-
Marg, de Bretagne, vient abbesse de
fille de François I" Fontevrault.
(1455), puis Marg. de
Foix, et meurt en 1 188.
Cutlierine; épouse
en 1468 Guill. de
Chàlon , plus tard
prince d'Orange.
Anne de Bretagne ;
épouse Charles VIII,
puis Louis XII, rois
do France,
662
APPENDICES
^25
3 a "^
o
o o OJ p
Ô Ci -xï "^
œ '^ «S
o c c 5
c T3 6ep^
t. o S o -
^ -*^ g
— boa
g g C (>
c S «
o ai ^-5 03
^^ œ"a3
".S S g
c5t3
^ cCQ „,
< o œS
o o o
o -^
.+J
+
i °^ 2
T3
S
3
o
o
3
.<UT3
,
,
rr r.
C
S -a
m
CQ
>-j
T'5
+
T3
T3
^ ^_r
a
a
3
13
t-l
i-s
o
•o'
bant
bour
Cha
Nav
3° »;
Oc*'
J 1:1- C '^ c
cr: 'O c o
X ;^ t- t- t^
r 1 o :5 t- -3
4--^
! '^
0.2
^* 2 -
o o
o l'a
S '3
S 5'j?
:- +
5?3'
.-= S
o <t;
+ :
3^3 _g 3
-^ 3 3 o
•vaO
+ 1
Oc. s e
■^ w^ O ïS
iJ 2 2
^ o o
> .
d ^ ®
o» = M
— - a3 ë
t- CJ ce :o
CSTD m o
•- « 0) !-
S 2 Ç-ii &^
^-H *o S-S
2 "2 1^ c cd o
J3 Xî -(U o I-! -o
"TqqS
c'a "3
^ c o.S
■c.ïi
OJ3 2 O
=^2 =03
+,
> 3 ï: =<
.•tt o eu
^ ® os g
« o &•»,'«
•~ I 03 o »
j^H -a is S
• »— = O
■^ ■ - "^ M ^
5 -. + S5-5
j o s u =;
1:1, o <: o 3
'« o 1-5 TD -a
çiÇ
'5
S
A.
1
■n
i
2
'C
C3
±
S
0
3
a
0
"^
O,
0
0
.^
•0
o~
0
00
3
m
-0
r-*
„
a
S
0
T
oT
c3
r2
CJ
&.
Z
0
■a
a)
3
.H
0
*S
ho
es
«"
<
«u
Î3
'5
t4
c
C3
^-
OJ
1-s
■^
_
Ll
z
ï3
-<
Ph
>-9
*o
0
_
"S<
T3
0
-a
si —
C
ca
0
â
0
'â
io
(S
es
Z
e-<
<
:
■^ "ôT
T3
j
0 3
.2 '^
03
G
-
—
3 g
"o
>^
._ 0
S
o-o
3
0
i
a.
0 3
*CJ
g-o
"'
> ci
:^
V.
g-a
.2
P- 3
«3
es
T3
c
"=3
_g 5
'0
S œ
0"
s"
0
" «
^^>î
a
ÇTo
<
^
^>
T3
rr>
0
+4
-0
K^ 0
r-aq
3
t^
fv
0 0
'c'a
*^
*^
^i2
+
n
t^
■• !i
w J3
^
ÎI
^U
2
'r
3^
p
0^
0
c
-1^
J
K
ta
APPENDICES
663
I " ^
si
■' o "
+•
=:
ô
■a
a
-<
3
-a
J
<u
i
3
O
ca
a
a.
•fl*
s
a
60
a
B
i^>
c 4) 3
O u O
w
c
c
«n
:fl
r.
+
ti,
■— '
>.
-i;
•a
t<
^
Cfi
F
S-'OH
c
OJ
trt
>■
—
œ
P.
■O
iH
-O
n
o
3
•ff"
O
"O
X
a..=!
^;
ce
'S
X
«
T^
Z o
§^
2 2
w «
z
o
r/1
«J
tï
£^
S
3
S " <;
g o=a ^
^' ^ eu C3 —
^ (D
cj c3 en ^
•o t3 o
+^
■^ S
5 £ +
Z a,
o Vi — •
• ** ~ n *^
■a s 3 ^'K
= 5-2
-OUI
4 = '^ S
^ 3X11-1
T3 Cm a
"« 3 3 o
tH 4) '-' '—
^§2 5
2 ï ^ s fi
c o g 3
■«)T3 J J3
5-§
ne ®
1-1 T3
3 '*2_i-
a) •-. 5)
= 2 3
P3 ■» t3
■a'^
S.»
■^ a o c
s^-^^à^s
■3 gK
2s^ •.
•a •- =
i-aO-a
CD ^ 3
s o £
^ "" S
©'^ ^
0 ù % .
«et: «
4) 3 03 œ
Ou, 0*2^^
3 a> -b — «^
a ir .t; ï ^ T3 ■
« «-• C'a ^
f 2 • 35©
-^ • . « o
+.i
(D <
"§15
5='
■o Bh eu
O f ■- a>
-'3 o —
S^ g c>
© a 5 3
B H, j
a 3 i2«'
a.co 0
S'a ==
2 «- eu
0 © ™
-1^
«0 .
Isabell
1406,
ois, c
lèvre.
§55
• a5<
2 .si " « -o
5 5 -S P'rn
".P^'J
(UT3 5i-!
^ ® m
3ja S
5, c G
5-0
Ou
;^ -s 2
:+«
g£^:2^
OJ fiiO _ 4) —
■ «4
• UlN B ><
-2+25*
664
APPENDICES
^ o > s
J a 3 O m
v_^g O 2 "
t- «Ko
■g « t.
>*•£ a, g
^ o
œoo
£>
e-2 S 2
2 ^ ^ S. •
±2Sâ
â+
•* » o
^MA
+ë„ .
^3t3 »
S «->< *»
= E 2
= :?-< »
«îri^'O
"^ciJ-S
O ^'^a rt
m § s ""
^sS-^
B. o ^
■<p K »
._
^a2
■s s «
X o
ja<; o
g'-o"
" ?
0&.
to" = * «
S a a >
-o
-ffl«ô
^
^5 o E a>
tK
«5<^
o .;
^'-'■a a
o-.!i
Cm-C
■0) o
fe
So > O-
^ I es
ce 2
o 3 C
l-s O es
+
z
+
o
tD
TS
3
as
>
>
H)
TD
S3
1-5
>j
£^
0)
;u
-O
œ
[iX4
^
O
3
-3
_
_o
o
a
a
„
60
S
'S
t-|
<
S
TS
U
c;
e
'2
TS
_s
a>
S
.■^
tH
ro
3
to
C3
S
S
'5
3
O
'^
O.
r-
•ai
c
(M
Cft
-<<
o
T3
+
o
C^
O
c
O
o
<p
<
-a
-a
i;
o
«a
T3
c
■OJ
3
'Ô
A
ô
'-d
©
c
c
(U
'
"^
cS
•s^
J
œ
3
T3
©
>
V
X
3
g
■œ*
O
^
s
CD
s
5;
o
^^
•o*
+
..
s
e
<o
CS
^
u
p
+
;-+
+
+
iMi-
iSIZlM
^ ss
3 -ai o
£'£:.=
+
S g"
_ ce ci
S 3-i
<P « s 3
■o T3 "O
_o
3(5
O CO
os 2
Si
3 c i—
' +
g-s
CS o
& w
CT3
APPENDICES
665
+
•< Oi
> o
■< 13
Z o:
M «■
z 2
o i:
£2 w
c'S
&©,
* a ^
o a r.
B?9S
. 03 I
-f- oo'-»
■S S
s s **
S "^ O
§s
lO s.
'■S S S
«2
c
<»
T3
«
-<
,,
-O
3
o
(S
B
«
T,
■t->
o
O
a
o
v
s
a,
o
'£
tXO
<
•oj-o-c
«
ë-
S
_2
OC3
tfl
Xi
o
T1
O
Z
9
T)
O
—
rf
O
41
"^
—
W
?:
f!
u
d z.ïï
« S 3
-S °
9 ^._ 60
j3_i_a
o + o>-i
^ ^ ? ï-
+
-s;
n
z
1
o
-<
:s!
ta
tf
<;
es
o
B
+
+
O
o
o a
+
+
gcn
''>
+
+
. ;g ffl „ o
_ oj o o
«> £ s
2 ^ n^^
a « o
bo"^ *D ^ ■»:*
« Sp:'- «J
c o W 0)
g " «-«.S
^ en • tu
q 1)
3 a>
^ il
t» O
+5-
60Z
2 <
S5z
+
+
>
4-2'
666
APPENDICES
ta
m
H
Q
o
<
<!
H
'S
<:
w
o
1— (
<
OQ
El]
Oh
Q
;z;
P2
Oh
<ï>
m
U lU
■^
^^^s
o -
1
c
o
s
a
't.
60
t.
o
O
a
a
o
o
o
3
j3
Ô
a
a.
-■» a«
(1)
p.
«r.5P
c ta
11
ill
S bi o
&4
S
a .
6o-ai
Sa
'o
O 0,
-a
u
B.
^T3
es o
«,
.-S3
s
0.
3
J3
^c
as
1
gs
0,60
s
a
s
a 01 »"
rt 3 a ,.
o o &2
-» 4^ w!
i-I
.2 S „•
o
-a
•ë
-a
o
o
c
£
ç- O fH
3
O
a
•"'S
-a Z
o
2 aari
>,
TS
w
-3 T3
"a
a <o
^
M
g-o
S
es
*>
>
m i O S
gfsl
43
"^ ,•
z
>
o
O
■a
■2
c3
<
3
»-»
i>>
s
a
O
i :-!'
B
^-^
^
B
W
'a
'E « ,' a
O
iC
cd
cti
S c.t. ^
<D
«j<
a
3
|s§g
PQ
+
a
c3
.si"
es •<-i
z
o
'5
.2
a
a
5
'w «a ;*
c d "
«!
_P^
I-»
11
Q
z
o
_o
S
bi
PQ
-Cl -IB o
P
Z
O
"H
tn
.2
a
S
t.
S
<I>
a .
S Si
12 —
T3
CD
C
a
a
>-)
il
ta j
.2 o
il
O
■o
a>
g,
a
Marguerite ;
se Jean d'Orl
c. d'Angoulcm
1449.
s
§ +
_o
o
02 O)
■^
►-S •© .2 ft-
o
a.
-o
3^^
-3
cd
a.
■ai
'à
+
OO
T3
o
œ"rtj
+
O g'
3
O
S
accordée à
,c. d'Angoul
lée à Franco
de Rochefc
" —
^-^
gi
T^
©
o
c
es
£
T3
c3
S
o
a
-a
c
es
"Ô
Pi
a
g£
"■)! rf
+ §
O
o
.a
o
Jeanne,
d'Orléans
puis mari
Rieux et
1
c
'o
C
PU
■- o
-"S
c
a
o
« .
.a o
*" Eh
si
de Tarlas (+
, fille d'Alain I
de Bretagne.
1
u
g
S
o
a.
i
"-5
a "
-a m
o
a
Ors
Ph «
■^ ta
+_'
--^ a .
Tel-'
< S
'T*
■^■"°
° Ji
■^ ©
±.
^s«
0 03
•p-o
u '''
t. oj
cs-S
o (D
■g .S
*3 ^
xi
" a
S P
"S -S
o"o '
•5 SX
J3 d
te
o
^S
5^
^11
APPENDICES
667
© -r
— C
i.;
yj »
c
2
-- a
3 d
"a
2
0 tt^
a.ta C
3
s>_2
3 £
.|2
§
a
c
es
1-î
•St3
o
g
«3^
-J 2
■3|£
•a; 'i
n
-2
"03
o
J3
s
0 3
c3
K-O
.»■ c
l^
'E
3
o
OS
»
0 „■
C 3 S
c^
J3
a"
S O •
03
a
■^
.. 0
■g
_o
-§>
..-TStfi
o
•a
xi
l'^-s
i|-
"o
J3
O
Ô
0.
0^
in
""•il
o
o
-a
"^
3
■i
"3
o
© Œ> "S
<a^ S
•a
c
«
o
"-5
•6 de Hieus, ou de Rochefort,
hal de France (+ 1439); épouse
de Bretagne, fille de Richard
stagne, c. d'Etampes (+ 1477).
3
es
ja
3
O
su
'5
te
<B
T3
©
6
o
a
M) .
°±
S.!=
i-s
0 0
.S œ
a
§'5='
•o ^S
3
O
C3
in
<D O
MAISON DE LAVAL
Raoul de Monlfort.
1
a
te
(O
■-9
O
3
.1
o ".c
o o 3
5
w
S)
o ■
c
a
fa
o
Ci
O
CEI
w
X
+
1
3
œ
3 g
^ 3
3
o^
o
z
i
-a —
o
S -S 5 là
e —
'3
tn
t.
J5
»-9
oj 0
+
c
o
ndré de Laval
iz ; épouse Ma
iz et veuve de
1186, sans enf
8.2
i
^
s
•£
es
3
+
a
es
J3
3
5
3
O
a.
X
u .
z
o
m
T3
Q)
>-.
B
Sf
o
T3
O
33
a u
s>
t. z
'D U
-3
-^â^g
s
y
S
+-0
O
r
-§'2
3
J — ts
«'"^..iS
-c o-°
E a "
e
es
O
■-9
3
O
a)
-a
■o
s
o
3
^.2
3 k
« 2
ea~)
o u
«
■ ■•a
g
3
O
.Q
3
B
o
6
o
a
es
t.
fa
O
2-1
- o -^
■524-
B
a
^fa
a a,
2 &>■
g5S
I-»
O
^J
£
TS
>,
'a
«3
o q, >
►-Ï
3
3
" «- .
3
O
a
Guy XIII (dit XIV), premier
4- 1486); épouse IsabeUe de B
EAN V.puis Françoise de Dinan
e Bretagne. ' |
3 _2
S c'
M O
x<
3T3
>•!
X-3
|5
+
3
S>
S
o
■a
a
a
si
II
-§•
Q £, e
g§;3
+
•a
>
c
a
i
+
B
Pierre ler de Luxembourg, c.
de Saint-Pol (+ 1433); épouse
Marguerite de Baux.
1
Louis de Luxembourg, c. de
Saint-Pol, connétable de France
(+ 1475).
' v_^>-! -O ' •»
■~-o
^^
INDEX ALPHABÉTIQUE
AbboviLe, 40, 230, 240, 258-60, 348.
Abolilion (lettres d'), 310, 371, 380,
576, 577.
Abolition générale pour les gens de
guerre, 610.
Abrigent (Th.), 293.
Agen, 388, 389.
Aguesseau (d'), 538.
Aides (les), 242, 298, 357, 432, 513,
517, 522, 523, 616, 618. — (La cour
des , 97, 112, 369, 649, 650, 652.
Aidie(Odet d'), 366, 396, 397, 400, 404,
408, 415, 416, 614.
Aigueperse, 307.
Aiguillon, 339.
Aisne (1'), 547.
Albany (le duc d'), 80.
Albergali (Nie), cardinal de Sainte-
Croix, 195, 196, 199, 223, 227, 230,
237.
Albret (la maison d'), 331, 338, 666. —
(Alain d'), petit-lils de Charles II,
444. — (Amanieu d'), fils de Char-
les II, 184, 208, 271, 272, 414, 431.
531, 614. — (Charles I^' d'), connét.
de Fr., 12, 22, 33, 34, 40-42, 84, 151,
338, 604. — (Charles II d'), 60. 110,
111, 131,174,193, 331,334,335. 338,
339, 603, 604. — (Ch. d'), fils de
Charles II, 332. — (Guill. d'), s.
d'Orval, 84, 111, 144, 145, 157, 331.
— (.leanne d'), comtesse de Riche-
mont, 338, 340, 352, 604.
Aleaume (J.), 515, 527.
Aleman (L.), card. arch. d'Arles, 210.
Alencon, 107, 193, 206, 207, 300, 312,
345', 373, 405, 545, 546. — (Le duché
d'), 537. — (La maison d'), 95, 664. —
Jean I«% comte, puis duc d'), 3, 10,
11, 16, 22-25, 28, 29, 33, 35, 37, 40,
42, 46, 477, 480, 485. — (Jean II,
duc d'), 13, 61, 81, 116, 136, 161, 164-
74, 176, 177, 184-88, 191, 193, 206-
208, 217, 221, 235, 237, 240, 242, 243,
260, 279, 299, 303, 305-307, 310, 318,
319, 325, 330, 332, 333, 340, 344, 353,
384, 394, 417, 432, 441, 442, 448, 449,
495, 538, 545, 636. — (Catherine d'),
29.
Aligre (le s. d'), 249.
Allemagne, 289, 350, 353, 447.
Ailes (Guill.), 502.
Allesolles (L. d'), 493.
Alsace (1'), 285, 291, 297, 300, 359, 378.
— (Expédition d'), 348, 351, 354,
335, 607.
Amadoc (frère de La Hire), 212. Voy.
VlGNOLES.
Amblenv, 265.
Ambleville, 268.
Amboise, 167,179,181,183,262,538.—
(La famille d'), 183. — (Françoise d'),
duchesse de Bretagne, 181, 183, 436,
444, 543, 544. — (Ingerger II d'), 181.
— (Jacqueline d'), 183. — (Louis Il~
d'), 48,85,86,178,179, 181-184,191,
197, 198, 200, 208, 222, 260, 304, 305,
320,323, 327, 538, 543, 544. — (Mar-
guerite d'), 181, 182. — (Péronnelle
d'), 181. — (Pierre d'), s. de Chau-
mont, 198, 200, 208, 273, 303, 305.
Ambrières, 147.
Amédée VII et VIII. Voy. Savoie.
Amiens. 43, 67, 72, 74, 77, 78, 230,
240, 271, 547, 548, 551, 555. — (L'évè-
que d'), 237.
Amignet, 480.
Amiral (1'), 497, 500. — (de la mer),
630.Voy. Bleil, Cugnet, Gulant, Cois-
TIVY.
Ancenis, 262, 543.
Angers, 80, 84-86,108, 110, 122, 137,138,
149, 183, 192, 197, 270, 301-304, 344,
345, 426, 427, 446, 470, 500, 502, 516,
519, 578, 657. — (Entrevue d') en
1424, p. 85-86. — (L'évêque d'), 90,
670
INDEX ALPHABETIQUE
519. — L'abbaye de Saint-Aubin, à
Angers, 85.
Anglais (les ambassadeurs), 223 et s.,
295, 337, 338, 346-48, 384, 385, 393,
395. — (Les archers), 294, 408, 409.
— (Les commissaires), 385. — (Le
gouvernement), 194, 201, 202, 222,
228, 239, 250, 272, 279, 287, 293, 296,
318, 320, 333, 346, 392-94, 424, 442,
541. — (La messe et la procession
des), 353, 557, 558.
Anglaise (l'armée), 170, 405-408, 412.
— (La domination), 221. — (La flotte),
433, 438. — (La nation), 239, 240, 345.
Angleterre (l'armée d'), 644. — (Le
conseil d'), 206, 220, 228, 258. — (Le
connétable d'), 388. — (La cour d'),
199, 272. — (La couronne d'), 240,
258. — (Le parlement d'), 194, 230,
261. — (Les partisans de 1'), 336. —
(Les représentants de 1'), 346. —
(Edouard III, roi d"), 2, 46, 258, 477,
478. — (Guillaume I",roi d'), 452, 477,
— (Henri IV, roi d'), 4 et s., 22-27, 45.
271, 272, 477, 479. — (Henri V, roi
d'), 27, 29, 37-67, 68 et s., 94, 116,
143, 225, 230, 257, 292, 420, 456, 469,
477, 495, 500, 529, 632. — (Henri VI,
roi d'), 64, 67 et s., 82, 94, 115, 116,
123, 138 et s., 155. 156, 163, 176,
178, 179, 187, 189, 194 et s., 212, 217-
221,225-228, 239-242, 250, 238, 266,
268, 271, 272, 297, 300 et s., 318, 323,
332 et s., 345-48, 351, 333, 378 et s.,
392, 394, 400, 403, 405, 413, 418, 433.
441, 517, 518, 529 et s., 546, 554,
555, 562, 581, 607, 618-20, 640. Ses
ambassadeurs, 554, 618-20. Son
conseil, 79, 241, 242, 337, 346, 532,
619. Ses conseillers, 332, 333. —
(Marie d'), fille d'Edouard III, du-
chesse de Bretagne, 478. — (Richard
II, roi d'), 4, 9, 306, 478, 664.
Anglo-Bourguignons (les), 210.
Angoumois (1'), 94, 330.
Anjou (1'), 50, 79, 82, 94, 107, 111, 112,
114, 122, 123, 12B, 129, 138, 139, 147,
150, 179, 180, 197, 279, 300, 343, 347,
348, 378, 495, 515, 516, 532.
Anjou (la maison d'), 95. 150, 179, 183,
191, 196, 198, 201, 347,' 353, 392, 662.
— (Les princes d'), 354. — (Charles
d'), c. de Mortain et du Maine, 48,
83, 104, 179, 181, 183, 196-210, 217,
220, 231, 240, 242, 243, 262, 263, 270,
273, 276, 279, 295-98, 302, 307, 312,
320-25, 330, 332, 334, 340, 347-49,
352-55, 384, 392, 417, 492, 564, 565,
641, 658. — (Jean d'), duc de Galabre,
270, 349, 355, 417, 427. — (Louis II
d'), roi de Sicile, 24, 25, 28-33, 40,
48, 183. — (Louis 111 d'), roi de Si-
cile, 30, 48-50, 82, 83, 85, 109, 117,
179, 195, 211, 519. — (Louis d'). fils
deRené,313.— (Marguerite d'), reine
d'Angleterre, 345, 348, 351, 392, 405,
418,442. — (Maried'), reine de France,
30, 48, 99, 199, 202, 222, 269, 297,
330, 496, 565. — (René d'), duc de
Bar et de Lorraine, roi de Sicile,
48, 179, 181, 195, 211, 214-217, 220,
224, 231 , 234, 257, 259, 260 et s., 270,
272, 285, 313, 316, 341, 347-56, 381,
384, 392, 417, 42.5-27, 431, 438, 445,
551, 658. — (Yolande d'), fille de
Louis II, duchesse de Bretagne, 183.
— (Yolande d'), fille de René, com-
tesse de Vaudemont, 351. — Yo-
lande, reine de Sicile, voy. Aragon
(Yolande d').
Anthenaise (Aimeri d'), 207, 209.
Antin (Eynat d'), 493.
Antrain, 117, 120, 397, 403.
Apchier (J. d'), 303, 306. — (Françoise
d'), 306.
Aplaincourt, 548.
Appàtis (les), 545, 548, 560, 561, 608,
620.
Aragon (Jeanl*'^, roi d'), 29. — (Jean II
d'), 196, 430. — (Yolande d'), reine
de Sicile, femme de Louis II d'An-
jou, 24, 29, 30, 48-50, 53, 76-79, 82-
86, 89-92, 95, 99-112, 117, 131, 140-
144, 155, 156, 158, 162-165, 179, 181-
86, 191, 192, 196-99, 202, 203, 206-
211, 222, 242-, 257-60, 297, 298. Sa
mort, 340, 347, 475, 485, 508, 509,
511, 519, 526, 536, 542-545, 565.
Arbalétriers (les), 371, 372, 375, 584.
— (Le clerc des), 505. — (Le maître
des), 395, 497, 505. Voy. Estoute-
viLLE, Malet, Tohsay.
Arbalétriers (les francs), 372, 375.
Arc (Jeanne d'), 75, 157, 164-182, 185,
193, 212, 241, 275, 316, 441, 449, 463,
467, 473-76, 571.
Archers (les), 301, 336, 337, 357, 358,
367 et s., 409, 410,610, 611, 642.
Archers (les francs), 372-75, 393, 420,
434, 644, 645.
Ardant (Th.)^ 656.
Ardenon (la bastille d'), près du Mont-
Saint-Michel, 221.
Argentan, 165, 176, 417, 424, 518, 546,
563.
Argenton (le s. d'j, 180, 493.
Arleux, 548.
Armagnac (maison d'), 95, 150, 331,665.
— (Anne d'), 338. ~ (Le bâtard d'),
341. — (Bernard VII d'), connét. de
Fr., 10-50, 100, 131, 287, 332. — (Ber-
nard d'), c. de Pardiac et de La
Marche, 8, 100, 130, 144, 155-166,
173, 174, 191, 197, 202, 231, 269-273,
287, 289, 304, 305, 307, 310, 320, 325,
332, 334-38, 406, 526, 533, 536, 545,
INDEX ALPHABETIQUE
671
— (Bonne d'), duchesse d'Orléans,
13, 332. — (Isabelle d'), 306. — (Jac-
ques d'), c. de Castres, 406, 407, 412,
417. — (Jean IV d'), 10, 60, 130, 144,
155, 160,191,217, 231. 332 et s., 353,
394,431, 432, 463, 526, 545. — (Jean V
d'), 334, 431, 4.32, 439, 441, 463. —
(Marie d'), duchesse d'Alencon, 448.
— (Thibaud d'), dit de Charmes, 280.
Armagnacs (les), 10-63, 238, 249, 472,
475, 486, 498.
Armée française (1'), 97-98, 171, 175,
208, 301, 354, 372,410, 417, 466. —Sa
mauvaise organisation, 376, 466. —
Excès des gens de guerre, 355, 369,
370, 606-611. Voy. Compagnies, Rou-
tiers. — Ordonnances sur l'armée,
97, 283, 284, 298-301, 308, 349,
355-58, 360-67, 371-74, 437, 560, 566,
574, 606-614 . — Réforme de l'armée,
283, 286-98, 301, 303, 341, 346, 348,
355 et s. ,375, 412, 464, 466. — Licen-
ciement des compagnies, en 1445,
p. 356, 359, 375. — Compagnies d'or-
doûnance, 356-67, 375, 376, 396, 397,
409, 415,421, 424, 434, 437, 635, 636.
— Leurs capitaines, 360, 363, 367-
70, 611. — Compagnies sans ordon-
nance, 360. — Compagnies de 100
lances (les quinze), 361-66. — Lan-
.ces. Lance fournie, 357, 358, 367,
368, 611-15, 636, 644. — Hommes
d'armes, 301, 357, 358, 366-69, 372,
374, 576, 378, 610, 642. — Homme
d'armes à pied, 375. — Surnoms
d'hommes d'armes, 369. — Gentils-
hommes d'armes, 367. — Archers,
367, 368, 371, 375, 409, 410. — Cou-
tilliers, 301, 357-358, 367, 374, 375,
610. — Pages, 357, 358, 367, 369, 375,
610. — Varlets, 357, 358, 367-69,
610. — Commissaires aux revues,
358, 364-73, 433, 434. — Discipline,
358, 367, 369, 422, 431, 464. — Élus,
360, 368, 369, 372, 373. — Garnisons,
360, 367, 404, 433, 505, 605-608. —
Logement, 358, 367, 610, 611, 645. —
Montres ou revues, 301,358, 370-73,
432, 563. — Solde, 301, 365, 368, 371 ,
374, 432, 433, 611, 614, 644. — Taxes
pourl'entretien de l'armée, 360, 367,
368,432,437,611, 612, 614 et s.,642-
43. — Appâtis, 363, 364, 548. - Taille
des gens d'armes, 363, 369. — La
taille dite perpétuelle, 363, 364, 368.
— Compagnies de la grande ordon-
nance, 365-68, 374, 375, 642, 645; —
delà petie ordonnance, 365, 366,
369. — Grande et petite retenue,
365. — Grandes et petites payes, ou
soldes, 365, 366, 369, 374, 375, 613,
614. — Doubles payes, 644. — Mor-
tes payes, 644. — Garde du roi, 369.
— Troupes étrangères, 101, 367,
372. — Milices féodales, 374, 375. —
Leur solde, 374, 375. — Ban et ar-
rière-ban, 136, 320, 325, 375, 438. —
Troupes auxiliaires, 438. — Résul-
tats des réformes, 371. — La nou-
velle armée française, 376, 412. —
UaxméQpei-manente, 363. — La gen-
darmerie, 412. — L'infanterie, 371-
73, 393. — L'armée royale, 167. 168,
173, 348, 350, 404, 487. — Voy'. Ar-
CHEits, Archers (kbancs), Bretagne,
Gens d'armes, Gens de glerbe. Rou-
tiers.
Arondel (le c. d'), 192, 206, 209, 217,
221, 545, 546.
Arpajon (Béranger d'), 104, 116, 145,
551.
Arqués, 274, 322, 614, 642.
Arras, 34, 74, 75, 220-223, 226-229, 233,
235, 237, 493, 550, 552, 556. — (Con-
grès d'), 196, 224-29, 232 et s., 297,
452,498, 552, 554. — Abbaye de Saint-
Vaast, à Arras, 224, 229. — Hôtel
de la Cour-le-Comte, à Arras, 224.
Ars (Gonsalles d'), 638, 639.
Artillerie française (1'), 321, 334, 514,
527, 645. — (Le maître de 1'), 637.
Voy. Bessonneau, Bureau.
Artois (1'), 548. — Artois (le héraut),
32. — Artois (Bonne d'), duchesse
de Bourgogne, 87, 88, 176, 231. —
(Charles d'), c. d'Eu, 19, 31, 33, 41,
42, 47, 51 , 87, 320, 325, 334, 384, 397,
417, 431, 437, 449, 480, 485. — (Phi-
hppe d'), c. d'Eu, 31, 87.
Arvert, 427.
Arvet (J. d'), 656.
Arzillières, 214.
Ashton (Roger), 55, 56.
Asselin (Jean), 248.
Assis-s-Serre, 212.
Astarac (le c. d'), 217.
Aubenton, 648.
Aubert (J.), 139, 637.
Aubette (1'), 325.
Aubigny (seigneurie d'), 108.
Aubry (J.), 434, 645.
Aude (J.), 435, 552.
Auffroy (P.), 524.
Auger (J.), 245, 252.
Augustins (les), 443.
Augy (P. d'), 286.
Aulnois, 214.
Aumale, 175, 239.
Aunis, 94, 189, 330, 540.
Aurai, 59, 340. — (Bat. d'), 2.
Aurebruche (Blanche d'), 572.
Aurou (1'), 132.
Autriche (1'}, 446, 447. — (Albert II d'),
446. — (Ladislas d'), 445, 446.
Autrichiens (lès princes), 447.
Autua, 218.
672
INDEX ALPHABETIQUE
Auvergne (1'), 94, 101, 129, 141, 160,
306, 308, 334, 341, 441, 511, 512, 575.
— (Beraud, comte-dauphin d'), 85,
89, 505.
Aux Epaules (Richard), 403.
Auxerre, 22, 30, 230, 481. — (Comté
d'), 79, 122, 230, 238. — (Conféren-
ces d') en 1432, p. 195, 196. — (L'é-
vèque d'), 223. — Voy. Traités.
Auxerrois (!'), 128, 238.
Auzav (la vicomte d'), 601.
Avallôn, 206.
Avaugour (seigneurie d'), 12, 67, 328.
Voy. PENTmÈVRE.
Avesne, 59.
Avignon, 104, 509.
Avranches, 51, 63, 118, 119, 135, 137,
221, 29 'i-, 322. 343. 349, 396, 397, 402,
403, 413-15, 482, 632, 639. — (L'évê-
que d'), 117. — (Le vicomte d'), 239.
Voy. Sièges. — Le pont Gilbert, près
d'Avranches, 300, 414.
Azincourt, 41, 257. Voy. Batailles.
Bailleul-en-Vimeu, 548.
Baillis (les) 373, 374, 497.
Bàle, 206, 233, 249, 251, 259. — (Le
concile de), 206, 210, 218, 219, 224,
233, 238, 289, 297, 554, 556. — (Am-
bassadeurs et légats du concile),
226, 229, 233, 554.
Bapaume, 34.
Bar (Janot), 649-652,
Bar [Edouard III, duc de), 33, 42.
Bar-le-Duc, 216, 511. — Bar-s.-Aube,
314. — Bar-s. -Seine, 79, 230.
Barbazan (Arnaud Guilhem de), 33,
56, 177, 181, 194.
Barbezieux de s. de). Voy. La Roche
(J. de).
Barbin, 568, 572.
Barneville, 400.
Baron (Guill.), 40, 493. — (Tii.), 649-52.
Barons français (les), 160, 161.
Barrabes (Thibault , 493.
Barrau (G.), 30.
Barrois (le), 216, 314, 316.
Bas-Courtils (combat des), 137.
Basin (Th.), évêque de Lisieux, 255.
Bastille ('a"i. Vov. Paris.
Bataille (Guill.),'21.
Batailles : — d'Anthon, 194, 197; —
d'Aurai. 2; — d'Azincourt, 41, 43,
45, 46, 50, 81, 85, 87, 91, 141, 142,
165, 251, 257, 412, 449, 490, 494, 498;
— de Baugé, 60, 108 : — de Bul-
gnéville, 195; — de Castillon, 436;
— de Gravant, 81 ; — de Crécy, 40 ;
— de Formigny, 389, 407, 413, 417,
418, 420, 466, 469 ; — de Patay, 171-
72; — de Poitiers, 41; — de Rou-
vray (ou journée des Harengs), 164,
172, 337; — de Saint-Jacques, 351 ;
de Verneuil, 81, 82. Voy. Combats.
Batute (J. de), 338.
Baudouin (Michel), 461.
Baudry, secret, de Richement, 656.
Baugé, 60, 108. Voy. Batailles.
Baugiz, 140.
Bavalen (Jeanne de), 479.
Bavière (Guillaume IV de), 35, 72, 240.
— (Isabeau de) reine de France, 9-
14, 29, 30, 37, 38, 50, 52, 56, 64, 68,
75, 129, 233. — (Jacqueline de), com-
tesse de Hainaut, 72, 73, 76, 86, 114,
317. — (Louis de), 29, 34, 38, 483.
— (Margueritede), duchesse de Bour-
gogne, 65, 76.
Bayart (J.), 389.
Baveux, 268, 401, 407-416, 614, 623,
633-39, 644. — (L'évêque de\ 401,
622, 623.
Bayonne, 336, 337, 366, 431.
Béarn (la), 339.
Beaucaire, 102, 510.
Beaucamp, 175.
Beauce (la), 114, 133, 147, 171, 236,
243, 334, 530.
Beauchamp (Richard), c. de Warvvick,
114, 123, 128, 134-37, 145, 146, 156,
272, 279, 293, 300, 527, 531. — (Eléo-
nore), duchesse de Somerset, 420.
Beauchâtel, 275.
Baudemont-en-Vexin, 274.
Beaudricourt (Robert de), 315, 316.
BeaufTremont (P. de), 22».
Beaufort (Edmond), comte, puis duc
de Somerset, 279, 300, 311, 312,392,
393, 404 et s., 418-20, 433, 619. —
(Henry), card. -évêque de Winches-
ter, 114, 134, 175, 199, 201, 225, 228,
239, 272, 279, 289, 297, 311, 346. —
(Jean), comte, puis duc de Somerset,
240, 289, 293, 295, 300, 311, 312, 337,
343-46. — (Thomas\ c. de Dorset.
37, 65.
Beaugency, 162, 167, 169-72.
Beaujolais (le), 12, 22, 291, 342.
Beaulieu (Camus de). Voy. Veriset.
Beaumanoir (le bâtard de), 273. — (Le
sire de), 12, 79, 85, 123, 127, 166,
171-73, 183, 184, 500, 514, 578.
Beauménil (le château de), 326.
Beaumont-s.-Oise, 212, 213, 323. —
Beaumont-le-Roger, 175, 179, 326.
— Beaumont-s.-Sarthe, 24, 107, 206,
344.
Beaumont (Alain de), 24. — (André
de), 178, 181, 182. — Beaumont (Tho-
mas), 243, 244.
Beaune, 218.
Beauté-sur-Marne (château de), 285.
Beauvais, 65, 213, 221, 236, 239, 257,
267, 550,569.— Beauvaisis (le), 548.
Beauvarlet, 607, 654.
liNDEX ALPHABETIQUE
673
Beauvau (les), 347, 388, 437. — (Ber-
trand de), 492. — (Louis de), s. de
Précigné, 637.
Beauvoir-en-Brie, 267.
Beaux (Marg. de), comtesse de Saint-
Pol, 316.
Béceleuf, 39.
Beckington (Th.), 333, 338.
Bedford (Jean de Lancastre, duc de).
vu, 7, 63-81, 86-89, 94, 98, 106-109,
113-116, 121-124, 134, 138, 144-49,
135, 138, 161, 163, 174-76, 179, 186-
189, 192 199, 201, 206, 211, 212, 222,
228-30, 240, 241, 238, 353, 439, 477,
478, 500-502, 517, 518, 527, 529-32.
Bégar (l'abbé de), 452.
Bélier (Guiil.), 151, 157.
Belknap (Hamon), 531.
Bellême, 404.
Bellenoe (J. de), 480.
Belleville, 217. — (Le s. de), voy. Har-
PEDENNE (J.).
Belloy (J. (ie), 245, 251.
Beluteau (J.), 192.
Benard (Jacob), 525.
Bénéfices ecclésiastiques, 101.
Benoist (J. de), 591, 596.
Benoît XIII, 73.
Benoît (Guill.), 124, 501-503.
Benon, 181, 184.
Bergières (Jacques de), 245.
Bernard (Guy), 435.
Bernardins (les), 443.
Bernay, 311, 413, 644.
Berry (le), 22, 36, 91, 94, 101, 143, 139,
164, 189, 269, 303, 307, 480, 484-89,
494, 497, 498, 511, 312, 340. — (Bonne
de), duch. de Savoie, 10-14, 75. —
(Jean, duc de), vu, 8-11, 13-21, 23-
33, 33-41, 47, 75, 77, 141, 142, 231,
455. — (Jeanne de Boulogne, duch.
de),141, 144, 231. — (Marie de), duch.
de Bourbon, 10, 31, 87, 88, 663.
Berthelot, secret, de Richemont, 252,
464, 604.
Besancon (l'archevêque de), 75.
Bessin (le), 221, 407.
Besson (Jean), 145.
Bessonneau (P.), maître de l'artillerie,
138, 292, 514.
Béthencourt, 41, 147.
Béthune (Jeanne de), comtesse de Li-
gny, 316.
Beuzeville, 400.
Biart (J.), 563.
Bicêtre, 17, 481. — (Château de), 18,
21. — (Traité de), 18.
Bigars (Guill. de), 366.
Bigorre (le comté de), 114.
Bilet (secret, de Richemont), 386.
Blanchefort (le grand et le petit, Guv
et Jean de), 213, 214, 283, 293, 300,
303,303,306, 341,349,331.
UlCUCMOiNT
Blanchelaine, 349.
Blanchet (Girard), 513. — (Jean), 617.
Blancs (monnaie), 546.
Blandin (H.), 151, 461.
Biangy, 175.
Blasphémateurs, 463.
Bleterans (Ymbault de), 322.
Blois, 163, 167, 173, 212,304-307, 481.
— (Comté de), 22. Voy. Penthièvue.
Blois (greffier), 492.
Blondel (J.), 482.
Bocage (le), 151.
Bohême (la), 332, 446, 447.
Bois-Sire-Amé, 439.
Bonchassy, 631.
BonilTace (J.), 637.
Bonmoulins, 192, 193, 207.
Bonnay (le s. de), 159, 161.
Bonport (l'abbaye de), 395.
Boquen (l'abbaye de), 389.
Bordeaux, 331, 333, 336-339, 430, 436.
Bordelais (le), 19, 301. — (Les), 541.
Boschier (P.), 493.
Bosredon (L. de), 129, 498.
Bouays-Glavy, 284.
Bouchers de Paris (les), 27.
Bouchier (J.), 307.
Boucicaut (J. Le Meingrc de), 40, 41,
47, 51, 436.
Boulligny (Rénier de), 492,
Boulogne, 141, 237, 479. — (Le comte
de), 412. — (Le comté de), 231. —
(Jeanne de), voy. Berry et La Tré-
MOILLE.
Boulonnais (le), 348.
Bourbon-Lancy (conférences de) en
1427, p. 129, 528.
Bourbon (maison de), 93, 130. —
(Alexandre et Guy, bâtards de), 187,
238, 259, 269, 282, 303, 314, 315, 331,
457. — (Charles de), comte de Cler-
mont, puis duc de Bourbon (Char-
les I"), 8, 26, 66,87,88, 103, HO, 111,
122, 129,131, 144, 149, 130, 153-164.
177, 193, 209-213, 218-25, 229, 231,
233 et s., 264, 269, 272, 284, 283, 289,
293-99, 302-308, 312-14, 318, 339, 384,
474, 492, 526, 533, 336. 332. 577. —
Jacques de), c. de La Marche, roi de
Sicile, 12, 144, 149, 150, 155, 160,
197, 271-76, 296, 303, 437, 564. —
(Jean de), c. de La Marche, 12. —
(Jean P', duc de), 10, 13, 16, 18, 23,
28, 31, 34, 36, 38, 40-42, 31, 66, 87,
269, 480, 484, 533. — (Jean de), c. de
Clermont, fils de Charles I", 349,
353, 355, 397, 406-421, 427, 431, 437,
630, 631, 635,636, 640, 642. — (Louis
de), c. de Vendôme, 12» 40, 42, 51,
86 et s., 110, 111, 131, 167, 172, 219-
25, 229, 231, 242, 243, 237, 276, 297
303, 304, 310,318, 340, 431, 474, 485,
43
674
INDEX ALPHABETIQUE
491, SOS, S64. — (Marguerite, bà- 1
tarde de), 269. — (Marie de), 353.
Bourbonnais (le), 94, 193,307, 441, S74.
Bourg, 260. — (Conférences de) en
1423, p. 73, 231,
Bourg-de-Déols, 131.
Bourgeois de Paris (le), chroniqueur,
121, 249.
Bourges, 19, 22, 23, 28, 33, 36, 50,
100-103, 132, 133, 143, 154, 159-61,
189, 214, 219, 220, 260, 263, 304,
306, 308, 439, 508, 523, 326, 528,
536, 537, 369, 592. — (Assemblées
de), 103, 280. (Le roi de), 94, 278, 353.
— Voy. Sièges, Traités.
Bourgneuf-en-Retz, 309, 328, 386, 452.
Bourgogne (la), 66, 73, 88 et s., 128,
129, 173, 195 et s., 210, 213, 215, 227,
240,243, 246, 267, 282, 297, 313, 359,
442, 466, 541, 338-559. —(La chancel-
lerie de), 240, 253. — (Le conseil de),
129, 229. — (La cour de), 189. — (Les
états de), 76. — (La maison de), 66,
80, 84, 95, 498, 663. — (Agnès de), du-
chesse de Bourbon, 65, 66, 88, 218.—
(Anne de), duchesse de Bedford, 63,
66, 73, 74, 199. — (Antoine de), duc
de Brabant, 35, 42. — (Catherine
de), 30. — (Charles de), comte de
Charolais, 219, 220, 229, 239, 284,
289, 290, 297. ^(Charles de), c. de
Nevers, 231.— (Isabelle de),comtesse
de Penthièvre, 9. — (Jean de), duc
de Brabant, 72, 73, 77. — (Jean sans
Peur, duc de), 5-52, 83, 87, 90, 130,
141 , 157, 229, 230, 486, 487, 497, 498,
193, 594. — (Jean de), comte d'Etam-
pes et de Nevers, 214, 225, 231, 233,
327, 342, 367, 384, 397, 417, 498, 547-
550.— (Marguerite de), comtesse de
Hainaut, 35, 38, 72. — (Marguerite
de), duchesse de Guyenne, puis
comtesse de Richemont, vn, 5, 7,
8, 28, 38, veuve du dauphin Louis,
65 et s. ; épouse le c. de Richemont,
73-76), 76, 78, 83, 88, 100, 110-
114, 132, 141, 130, 131, 135, 157, 164,
184, 191, 220, 262-264, 268, 277, 280,
284, 285, 289, 290, 294 (meurt en
1442, p. 329), 330, 461, 462, 465,
i70, 542, 563, 365, 580, 586-97, 601,
649, 650. — (Marguerite de), com-
tesse de Hainaut, 35, 38, 72. —
(Marie de), duchesse de Clèves, 317.
— (Marie de), duchesse de Savoie,
12, 75. — (Philippe le Bon, duc de),
vn, 7, 8, 38, 52 et s., 61-66, 70-88,
93, 98, 106, 112-163, 175-189, 192-
202, 206-266, 283-297, 303-333, 342,
334, 359, 371, 394, 395, 441, 447, 449,
459, 498, 501-504, 528, 537, 339-541,
547-o34. — (Philippe le Hardi, duc
de), 2-8, 12, 34, 75, 223, 476, 477,
497, 592-96. — (Philippe de), c. de
Nevers, 43, 87, 498.
Bourguignons (les), 14, 19-22, 26-36,
39, 48, 50, 94, 98, 141, 173, 235, 237.
243, 244, 486, 489, 498. — (Ambas-
sadeurs), 200-202,206, 218, 237, 239.
— (Capitaines), 243, 246. — (Sei-
gneurs), 227, 396.
Bournonville (Enguerrandde), 32-34.
Bours (Regnault de), 167.
Boussac(le maréchal de). Voy. Brossk
(Jean 1" de).
Boussac (le sire de).Voy. BR0ssK(JeanII
de).
Boutillier (J.), 413, 629, 630.
Bouzon de Failles, 284.
Boves, 548.
Boyleaue, 649.
Brabançons(les),17.— Brabant(le),348.
Bracque (Bernard), 252. — (Jeanne),
voy. Saligny.
Braisne, 260.
Branch(H.^,147, 172. — (Philippe), 118.
Bray (sur Seine), 270, 272, 273. — (sur
Somme), 348.
Bray (le pays de), 238.
Brécart(Àrtur, gendre deRichemont).
236,436, 461, 646-48.
Bréhal (J.), 443.
Bréhat (île de), 12, 59, 436, 646-48.
Bresse, 88.
Brest, 434.
Bretagne (la), 4 et s., 10, 18, 24, 26,
50, 39, 62 et s., 80-89, 93-101, 107-
112, 116-128, 131 et s., 148 et s.,
163-66, 173 et s., 183, 185, 190 et s..
208 et s., 239, 255, 279, 299 et s.,
309, 318,322-329, 332, 339-347, 378-98,
401, 402, 424 et s., 435, 436, 446-453,
465, 466, 476-81, 495-99, 511, 512,
331, 542-43, 381, 585, 603, 620, 646. —
(Les ambassadeurs et envoyés de),
196, 202, 218, 393, 403, 469. — (L'ar-
tillerie de), 376. — (Le ban et
l'arrière-ban de), 117. — (Les ba-
rons de), 394, 395. — Le chancelier
de), 296, 405. — (Les compagnies
d'ordonnance de), 376. — (Le con-
seil du duc de), 396, 397, 406. — (La
cour de), 379, 461. — (Les ducs
de), 447, 477, 478. — (Les Etats de),
3, 54, 61, 62 et s., 71, 72, 84, 110,
148, 383, 384, 425, 430, 440, 445, 448,
476. — (Les francs archers de),
375, 376, 429, 443, 446. — Bretagne
(la maison de), 29, 66, 80, 179, 333,
383, 439, 463, 660. — (Anne de), fille
de Jean V, 26. — Artur IH (c. de
Richemont, connét. de Fr., duc de),
né en 1393, p. 1 ; c. de Richemont,
3; condiiit en France et en Flandre,
3,6;conIiéau ducdeBerry, 8; com-
prime une révolte à Saint-Brieuc.
INDEX ALPHABETIQUE
67S
10; entre dans le parti armagnac,
10 et s.; prend Saint-Denis, 20; va
recevoir les Anglais, 25; placé au-
près du dauphin Louis , duc de
Guyenne, 28; retenu au service du
roi, 30; lieutenant du Dauphin, 33,
gouverneur du duché de Nennours,
36, 37; lieutenant de la Bastille, 38;
reçoit les domaines de J. Larche-
vêque, 39; capitaine général, 40;
combat J. Larchevêque, 40; blessé
et pris à Azincourt, 42 ; captif en
Angleterre, 45-37; remis en liberté
sur parole, 37 et s. ; s'attache à
Henri V, qui lui donne le comté
d'Ivry, 60; amène des troupes à
Henri V, 63; détermine Jean V à
jurer le traité de Troyes, 62-68;
épouèe Marg. de Bourgogne, du-
chesse de Guyenne, 75; s'entend
avec Yolande, belle-mère de Char-
les VIT, 77; rompt avec Bedford,
79, 80 ; se rapproche de Charles VH,
82-86; essaye de réconcilier Char-
les VII et Philippe le Bon, 86-88 ;
transige avec les favoris de Char-
les VII, 89, 90; reçoit l'épée de con-
nétable, 90-92; arrête son plan, 93;
combat et écarte Louvet, 98-103 ;
prend le pouvoir, 104; procure à
Charles VII l'alliance de la Breta-
gne, 109-112; échoue à Saint-James-
de-Beuvron, 118-120; essaye de di-
riger Charles VII, 125-127 ; fait périr
P. de Giac, 129-133; ne secourt pas
Pontorson, 134 et s.; se débarrasse
de Beaulieu, qu'il remplace par La
Trémoille, 140-141; est obligé de
lutter contre La Trémoille, qui veut
l'éloigner, 143 et s. ; envoie des se-
cours à Montargis, 145-147; ne peut
empêcher la défection de Jean V,
147; forme une ligue contre La Tré-
moille, 149; hérite de la seigneurie
de Parthenay, 151; se défend con-
tre La Trémoille, dans le Poitou,
154; fait appel au pays, 156; mar-
che contre La Trémoille et échoue
devant Bourges, 160 et s.; est sou-
tenu vainement par les Etats gén.
de Chinon, 163; se retire en Bre-
tagne, puis à Parthenay, 163 ; se
joint à J. d'Arc, malgré Charles VII,
I6i et s.; prend part à la bat. de
Patay, 170 et s. ; est obligé de quit-
ter J. d'Arc et va combattre les
Anglais en Normandie, 173, 174;
entre en pourparlers avec La Tré-
moille, qui fait arrêter ses envoyés,
L. d'Amboise, etc., 178 et s.; con-
tinue de guerroyer contre La Tré-
moille, 182 et s. ; réconcilie Jean V
et le duc d'Alençon, 183 et s.; con-
clut le traité de Rennes avec Char-
les VII (mars li32), p. 188ets.,mais
reste en disgrâce, 192; perd Mon-
targis, 193; travaille à réconcilier
Philippe le Bon avec Charles VU,
196 et s.; renverse La Trémoille,
200-203; marche contre les Anglais
(journée de Sillé), 207 et s.; rentre
à la cour, 209; va aux Etats de
Vienne, 210-211; fait une expédi-
tion dans la Picardie, la Champagne
et le Barrois, 212-215; oblige R. de
Sarrebriick à se soumettre à René
d'Anjou, 215; prépare, aux confé-
rences de Nevers, la réconciliation
de Philippe le Bon avec Charles VII,
217-219 ; est envoyé au congrès d'Ar-
ras, où il fait conclure la paix en-
tre Charles VIT et Philippe le Bon
(20 septembre 1435), p. 222-234; ne
peut empêcher la prise de Saint-
Denis, 235-236; envoie le marée,
de Rieux dans le pays de Caux,
236; fait évacuer les places cédées
au duc de Bourgogne et ratifier le
traité d'Arras, 237-38; prépare la
réduction de Paris, 241 et s. ; bat
les Anglais à Epinay, 244; entre
dans Paris, 247 et s.; veut recou-
vrir toute l'Ile-de-France, 254 et s. ;
négocie la délivrance de René d'An-
jou, 257 et 265; traque les routiers,
258 ; ramène le parlement à Paris,
260-264; poursuit G. de Flavy, 265;
enlève Malesherbes, Charny, Châ-
teau-Landon et Nemours aux x\n-
glais, 268-69; perd sa mère, 271-72;
assiège et prend Monlereau, avec
le roi, 273-75 ; ramène Charles VII
à Paris, 276 et s.; va en Bretagne
et revient à Paris, 279; tente vai-
nement de reprendre Pontoise, 281 ;
continue de poursuivre les rou-
tiers et commence la réforme de
l'armée, 282-84 ; quitte Paris pen-
dant une épidémie et va en Lor-
raine, 285-86; ne peut chasser les
Anglais des environs de Paris, 286;
est accusé d'incapacité et de trahi-
son, 286-289; se décourage et veut
se démettre, 290-91; reçoit des ren-
forts, 291-92 ; assiège et prend
Meaux, 292-95; va aux Etats d'Or-
léans et obtient l'ordonnance du
2 novembre 1439 sur la réformje de
l'armée, 296-99; éprouve les plus
grandes difficultés à faire exécuter
l'ordonnance, 299; échoue au siège
d'Avranches, par le mauvais vou-
loir des troupes, 299-301; réprime
énergiquement la Praguerie, avec
le roi, 302-308; conclut un arran-
gement avec Jean V, 309; va châ-
676
INDEX ALPHABETIQUE
tier les Écorcheurs en Champagne
et en Lorraine, 314-316; prend
Creil, 319 ; assiège et prend Pon-
toise, 320-26; retourne en Bretagne,
321-28; perd sa femme, la duchesse
de Guyenne, 329-330; accompagne
le roi dans l'expédition de Guyenne
et de Gascogne, 330 et s. ; épouse
Jeanne d'Albret, 338; perd son
frère, Jean V, 339; continue les
réformes militaires et la guerre
contre les Anglais, 341 et s. ; amène
son neveu, François !«', à Tours,
où une trêve est conclue avec l'An-
gleterre, 346-48; accompagne Char-
les VII dans l'expédition de Lor-
raine , 349-51 ; perd sa seconde
femme, J. d'Albret, et épouse Ca-
therine de Luxembourg, 352; con-
tinue la réforme de l'armée, 354 et
s. ; licencie les anciennes compa-
gnies, 359 et s. ; coopère à l'orga-
nisation des francs-archers, 371 et
s., 375 ; s'efforce de protéger Gilles
de Bretagne contre François I'"',
377 et s.; triomphe dans un diffé-
rend avec le comte de Nevers, 384;
réconcilie le duc de Bretagne avec
Ch. de Blois, 386; adhère à une
ligue avec Charles Vil et Fran-
çois Pr, après la prise de Fougères
par les Anglais, 387; ne peut sauver
son neveu Gilles de Bretagne, 388-
390 ; recommence la guerre avec les
Anglais et fait capituler Le Mans,
392-93; entreprend, avec François!"
la conquête de la basse Normandie,
395 et s. ; fait capituler Coutances,
Saint-Lo, Carentan, Gavray, Fou-
gères, 399-403; marche contre Th.
Kyriel, 406 et s. ; gagne la bataille
de Formigny, 408-412 ; fait capituler
Vire et Avranches, 412-415; contri-
bue à la prise de Caen, 416 et s. ;
fait capituler Cherbourg, 421 ; reçoit
le gouvernement de la Normandie,
424 ; est déclaré héritier de la Bre-
tagne, 425; poursuit les meurtriers
de Gilles, 428-430; retourne en Nor-
mandie, 432 et s. ; fait écarter les
réclamations du roi d'Ecosse rela-
tives à la succession de Bretagne,
434-36, et approuver par Charles VII
l'ordre de succession fixé par le
duc François P', 429-440 ; est chargé
d'une importante mission en Sa-
voie, 440; essaye de sauver le duc
d'Alençon, 441-42; apaise, à Paris,
une querelle entre les ordres men-
diants et l'Université, 442-444; de-
vient duc de Bretagne (Artur III),
444; se rend à la cour de France,
où il a qq. différends avec Char-
les VII, 448; obtient la grâce du
duc d'Alençon, 449; rend hommage
à Charles Vil, 449-50; engage une
vive querelle avec l'évèque de Nan-
tes, 451-52; meurt en 1458, p. 453.
Caractère , goûts et mœurs de Ri-
chemont, 454 et s. Ses officiers et ses
serviteurs, 461. Appréciation de son
rôle et conclusion, 464-67. Juge-
gements sur Richeniont, 472. Voy.
aussi , sur Ricbemont , les pièces
justificatives, p. 469-494, 498-517,
520-29, 533, 536, 537, 540-47, 550-
553, 556-58, 560-70, 576-84; 594-
605, 609, 610, 616-618, 621-26, 628-
31, 633-656.
Bretagne (suite). — (Blanche de),
comtesse d'Armagnac, 10, 332. —
(François I^f, c. de Montfort, due
de), 48, 54, 88, 148, 176, 183, 186,
263, 266, 327, 328, 335, 339, 340, 344-
47, 353, 377, 378-89, 391-400, 402-406-
413-15, 422-28, 430, 432, 435, 439,
440, 444, 456, 499, 584-86, 620-22,
626-28, 647, 648. Ses ambassadeurs,.
627. Ses conseillers, 384. — (Fran-
çois II, c. d'Etampes et de Vertus,
âue de), 222, 327, 397, 403, 425,
432, 436, 439, 440, 444, 445, 449,
450-53, 498. — (Gilles de), fils de
Jean IV, 3-10, 13, 14, 17, 19, 23, 24^
26, 479, 480. — (Gilles de), fils de
Jean V, 190, 272, 279, 340, 341,
346, 377-91, 406, 413-415, 426, 428-
30, 445. — (Isabelle de), comtesse-
de Laval, 48, 49, 85, 86, 109, 179,
340, 438. — (Isabelle de), fille de
Richard, 284. — (Jacqueline, bâtarde
de), fille d'Artur III, 456, 646-48. —
(Jean III, duc de), 42, 425. — (Jean
de Montfort, prétendant à la suce.
de), 2, 53. — (Jean IV, duc de), 1-4,
271, 284, 476-78. — (Jean V, duc
de), .3-15, 18. 19, 22-29, 37, 40, 43,
46, 49-89, 95-100, 106-109, 111, 114-
117, 121-24, 128, 134-38, 148, 155,
156, 163-66, 176-80, 183-92, 197, 202,
205, 206, 218, 239, 262, 263, 269, 270,
272, 284, 289, 295-299, 303, 306, 309,
310, 318, 327, 328, 332, 333, 339,
341, 375, 377. 382, 385, 386, 424-26,
434, 438, 450, 451, 456, 461, 469, 476-
481, 487, 490, 494-500, 502-507, 513,
515, 526, 528, 531, 533, 538-45, 580,
581, 585. 586, 595. Ses officiers, 543.
Ses sujets, 543, 545. — (Jeanne,
bâtarde de), fille nat. de Pierre II,
441. — (Marguerite, comtesse d'E-
tampes, duch. de), 424, 425, 430,
431, 434, 435. 439, 440. — (Marie
de), duch. d'Alençon, 3, 165, 185,
479. — (Marie de), femme de P. de
Rieux, 184, 397, 450. - (Marie de).
INDEX ALPHABETIQUE
677
■vicomtesse de Rohan, 424, 425, 430,
431, 434, 435, 439. — (Pierre IT, duc
de), 54, 163, 183, 184, 191, 279,295,
296, 327, 328, 335, 340, 341,376, 383,
397, 402, 414, 424-32, 434-36, 439,
440, 442, 444, 445, 448, 451, 490-93,
343, 584, 585. — (Richard de), c.
d'Etampes, 3, 13. 26,47, 49, 51, 53,
59, 61, 62, 65, 76, 77, 101, 105, 108,
110, H7. 128, lis, 155, 179, 180, 184,
187-190, 206, 222, 279, 284, 327, 384,
423, 439, 451, 457, 470, 479, 494-98,
507, 511, 312, 544, 347. Sa fille,
208. — (Tanguv, bâtard de), 382,
383, 397. — (Les marches de), 240.
— (Le maréchal de), 415, 417, 420.
— (La noblesse, les nobles de), 429.
444, 473, 497. — (Le parti français
de), 166. 222, 263, 344, 389. — (Les
prélats de), 445. — (La succession
de), 425, 426, 430, 431, 433, 439, 440,
444 439.
Breteîiil, 214, 213, 549.
Breton (Guill.), 207.
Bretonne (Armée), 100, 118, 121, 133,
136, 187, 274, 393-98, 404, 414, 415. —
(Flotte), 436.— Bretons (les), 9, 12,
14, 17, 19-21, 34, 36, 46, 30, 61, 62,
71, 96, 110, 119, 123, 167. 187, 188,
200, 286, 306, 310, 327, 335, 336, 344,
349, 350, 380, 419, 427, 431, 436, 432,
463, 472, 479, 497, 338, 569, 636. —
(Les marins), 138. — (Les princes),
387.
Bretons (monnaie), 346.
Brézé (Jean de), 221, 312. — (Pierre
de), seigneur de La Varenne, grand
sénéchal, 199, 200, 203, 208, 273,
298, 306, 307, 312, 320, 326, 335, 340,
344, 347, 349-51, 353-56, 366, 367,
381 et s., 392, 397, 406-411, 417, 424,
427, 428, 434, 452, 459, 467, 613, 644.
Brichan*eau (le sire de), 249.
Brie (la), 114, 179, 242, 243, 235, 268,
603.
Brie-Gomte-Robert, 241, 295, 308, 361.
Briffaut (Nie), 114, 502.
Brimeu (Fiorimond de), 258.
Briouze (la seigneurie de), 418.
Briquebec, 402, 416, 628, 634. — (Jean
de), 396.
Broon (Olivier de), 294, 345, 366, 396,
401, 406, 416, 614.
Broquarl (Sandres), 628, 629.
Brosse (Jean I^' de), s. de Boussac et
de Sainte-Sévère, mar. de Fr., 136,
140, 141, 150, 164, 167, 195, 273,
410, 464. — (Jean II de), s. de Bous-
sac, puis c. de Penthièvre, 407, 410,
414, 413. 417, 426, 445.
Bruges, 115, 139, 141,. 142, 242, '261,
Brunet, 657. — (P.), 232.
Brusac (Gauthier de), 145, 188, 238.
Bruyères-sous-Laon, 214, 549.
Bruz, 435.
Buchan (le c. de), 60, 61, 76, 81.
Buchon (J.), 446, 458.
Buckingham (le c. de), 379.
Bude, 492, 514,566.
Budes (Jean), porte-étendard de Riche-
mont, 294, 410, 461, 465,578 80,658.
Bueil (Anne de), 198. — (Jean de), ami-
ral, 146, 197, 198, 200, 201, 203, 207-
209, 220, 240, 242, 263, 320, 322, 323,
342. 344, 349, 363-67, 397, 417, 421,
437,464,492,614. — (Louis de), 282,
300, 344, 501.
Buignéville, 195. Voy. Batailles.
Burdelot, 584.
Burdet (Nie.) 118, 119, 322, 323, 326.
Bureau (les frères\ 298, 418. — (Gas-
pard), 392, 404,' 418, 420, 421, 434,
514, 637-40, 645. — (Jean), 273, 292,
293, 315, 319, 321, 325, 349, 330, 367,
418, 420, 467,642.
Burgh (Th.), 123, 134.
Burton (Th.), 47, 51.
Buzançais (traité de), 27.
Gaboulet(J.),464.
Gadart (J.), 99, 102, 230, 310.
Gade (John), 418.
Gaen, 30, 177, 193, 207, 221, 240, 268,
293, 333, 373, 403, 411-420, 424, 432-
39, 438, 469, 482, 346, 563, 644, 646,
653. — L'abbaye d'Ardenne, à Gaen,
417. — L'abbaye de Saint-Etienne,
417, 418, 439. — L'abbaye de la Tri-
nité, 417. — (Le bailli de), 632, 641,
643,645.— (Le bailliage de), 645. —
Le faubourg Saint-Gilles, 417. — Le
faubourg de Vaucelles, 417, 419. —
(La vicomte de), 413, 417. — (Le
vicomte de), 639. — Voy. Sièges.
Caille (le rubis de la), 29.
Galais, 19, 40, 41, 45, 62, 86, 166, 205,
206, 234, 240, 257-59, 266, 272, 275,
289, 437, 581, 582.
Calixte III, 443, 452.
Cambout(J. de), m. d'hôtel de Riche-
mont, 33, 36.
Cambrai, 223, 548.— Cambraisis (le),
548.
Cambray (Adam de), 54, 223, 509, 569,
573, 580, 603.
Gamu (H.), 72.
Camus de Vernet (dit de Beaulieu),
133, 139-141, 437.
Cannelande (Colin), 621.
Canny, 372.
Gantorbéry, 272,
Capitaines français (les), 301.
Capitaines (de francs-archers). 645; —
(de gens d'armes), 97, 113, 261, 264,
678
INDEX ALPHABETIQUE
283, 298, 299, 301, 304, 341, 371, 497,
566,567,575, 576,607-609, 613-15, 646.
Carcassonne, 497.
Cardinaux (les), 224, 226, 229, 232, 239.
Carenlan, 398, 400, 401, 405-408, 416,
420, 424, 434, 436, 624, 630, 639, 644.
— (Le curé de), 407.
Garhaix, 386.
Carné (Roland de), 318.
Gardinet le Frère, 382.
Carquefou (la lande de), 186.
Cassinel(Guill.),39. - Cassinelle(Lai,39.
Casteljaloux. 339.
Castelnau (J. de), 573.
Castille (la), 82, 116, 122, 158, 221, 255,
341. — (Jean II, roi de), 76, 122, 146,
148, 395, 530, 621.
Castillanes (troupes), 122, 138.
Castillon (bataille de), 436. — (Brande
de), 623. — (Guill. de), 623.
Cateau-Cambrésis, 317.
Catuyt (J ), valet de ch, de Riche-
mont, 47.
Cauchois (les), 236.
Cauchon(P.),évêquedeBeauvais,puis
de Lisieux, 65, 71, 228, 251.
Caudebec, 241, 311, 333, 346, 392, 434.
Cauna, 335.
Caux (le pays de), 148, 193, 206, 221,236,
239, 241, 256-58, 279, 289, 299, 342,
343, 432, 438, 568, 569, 571. — (Le
bailli de), 643, 645.
Cévennes (les), 197.
Chabannes (les), 282. — (Antoine de),
c. de Dammartin, 238, 263, 285, 293,
300 et s., 314, 315, 320, 334, 335, 349,
441, 442. — (Jacques de), 273, 284,
285, 303, 308, 312, 371, 406,414, 417,
419.
Chailloué, 192, 193.
Chailly (Denis de), 128, 250, 267, 273,
292, 294, 317, 359.
Ghalancon (Armand de), 159. — (Guill.
de), 159. — (Louis de), 134, 140, 159,
5,26 528.
Chaligant.'en, 633, 640.
Chalon-s. -Saône, 265. — (Conférences
de) en 1423, p. 76-79.
Chalon (Guil. de), 284. — (Hugues de),
c. de Tonnerre, 130. — (Jean de ,
prince d'Orange, 20, 194. — (Jean
de), bâtard de tonnerre, 657. —
(Jeanne de), 290, 487. — (Louis de),
prince d'Orange, 194, 195, 284. —
(Louis de), c. de Tonnerre, 487.
— (Marguerite de), 487.
Châlons-s.-Marne, 214-16, 273,352, 353,
361, 456, 552.
Ghambéry, 211. — (Conférences de)
en 1424, p. 84.
Chambon, 307.
Chambrelan (Guill. de), 268, 295.
Ghambrois (Broglie), 258, 311.
Champagne (la), 81,94, 114, 128, 139,
157, 162, 174, 177, 179, 206, 214, 219,
237, 242, 243, 255, 259, 265, 281, 282,
291, 313-17, 349, 482, 605.-(Lecomte
de), 292.
Champeaux (Guill. de), 262, 331.
Champtocé, 179, 180, 378, 385, 426,
445. — (Entrevue de) en 1431 , p. 180.
Champtoceaux, 53, 103.
Chandos (J.), 2.
Channay (secret, de Richement), 516.
Ghantecoq, 482.
Chanteloup, 399.
Chantereine (château àe\ 229.
Chantilly, 261, 561.
Chapelle (le bâtard), 239, 292
Chappes, 194. — (Thomas), 461.
Charente (la) 330, 541.
Charenton, 241, 249, 250, 266, 285.
Charles (Simon), 334.
Charlieu, 337.
Gharny, 270, 271.
Charolais (le), 209, 210.
Charpaigne. Voy. Gouoes (Martin),
Charrier (Guill.), 517.
Charroux, 307.
Chars, 268.
Chartier (Alain), 115. — (Jean), 133,
140, 169, 265, 277.
Chartrain (le pavs), 114, 138, 530.
Chartres, 117, 178, 193, 312, 370, 433,
529. — (Le bailli de), 604. — (L'évê-
que de), 88. — (Traité de), 12.
Chartres (Regnault de), chancelier de
France, 8S, 90, 100. 144, 157, 173,
203, 212, 213, 215,218, 220, 223, 231,
243, 263, 264-67, 286, 297, 347, 505,
510, 552, 557, 568-70.
Chartreux (près de Dijon), 230; — (de
Montereau), 230; — (de Nantes),
380, 453, 454: — (près de Paris ,
247, 589. — (Le prieur des), 290.
Chaslel-Girard, 291.
Chastelain (G. , 352.
Chastenier (J.), 492.
Châteaubriant, 187, 188, — (Le sire
de), 85,410.
Châleaii-du-Loir, 424.
Château-Gaillard, 175, 177, 404.
Châteaugiron (Armel de), 9, 24, 480.
— (Guillaume de), 462, 658. — (Jean
de), secret, et argentier de Riche-
mont, 33, 36, 85, 104, 461, 478, 499,
501,515,516, 658.— (Le seigneur de),
42, 137. Voy. Errata.
Château-Gontier, 187, 263, 325, 344.
Château-Guyon, 268.
Château-Lahdon, 271.
Châleaulin-sur-Trieux, 67.
Châteauneuf-en-Thimerais, 147.
Châteauronx,.318.
Châteauvillaiu (le s. de), 199, 209, 211,
217.
INDEX ALPHABETIQUE
679
Chàtel-Saint-Germaiu, 350.
Châtelaillon, 39, 49, 154, 184, 185. 100,
212, 220, 489, 493, 542.
Châtelains, 373.
Chàtelaudren, 67.
Châtellenies, 373.
Ghâtellerault, 104, 149, 150, 601.
Châtillon (le s de), 294.
Châlillon, 526. — (sur-Indre), 181,
269. — (sur-Sèvre), 181-85, 191. Voy.
Macléon.
Uhauconin, 292.
Chaulnes, 548.
Chaumont (Guill. de), s. de Guitry,
145, 168, 198. — (Le s. de), voy.
Amboise (P. d').
Chaumont, 316. — (La-Guiche),
217. — (en-Vexin), 333.
Chaunv, 213,548.
Chauvency, 259, 286.
Chauvigny, 150, 521.
Chauvin (J.), 461.
Chénerv, ou Chéverv (J. de), 72, 97,
106. 124, 125, 154, 500, 502, 572.
Cherbourg, 175, 300, 343, 405, 415,
416, 420, 421, 424, 434, 438, 469, 482,
581, 582, 614, 628, 634, 644.
Cheux, 416, 417.
Chevalier (Elienne"), secret, de Riche-
mont, 126, 298, 329, 388, 461, 465,
522, 526, 552, 557, 595, 642.
Chevreuse, 249, 268, 278, 280, 566.
Chevrier (J.), 610.
Chichester (l'évêque de), 403.
Ghinon, 50, 84, 86, 89, 90, 100, 111,
113,121. 150, 151, 155, 157, 162, 163,
167, 200, â20, 240. 327, 380, 384, 395,
457, 506, 520, 533, 537. 539. - (Châ-
tellenie de), 162.
Chiswail (Th.), 416.
Chizé, 23, 340, 565.
Chypre (le cardinal de). Voy. Lusignan
(Hugues de).
Cidrac (P. de), 563.
Cissé (Guichart de), 347.
Civray, 307, 340, 565.
Clain (le), 140.
Clamorgan (Uob.), 373.
Clarence (Thomas, duc de), 25, 27, 60.
— (Lionel, duc de), 258.
Claveurier (.M.), 610.
Clergé (le), 101.
Clermont, 307. — (en Beauvaisis),212.
— (Jacques de), 358. — (L'évêque
de), 90, 104, 149, 564.
Cleux (Olivier de), 186.
Clèves (Adolphe il, duc de), 317. —
(Marie de), duch. d'Orléan.s, 317.
Clignel de Brebant (l'amiral), 33, 42,
61, 80.
Clinton, 323, 324.
Clisson (Bcatrixde),10. — (Marguerite
de), comtesse de P.enthièvre, 2, 3,
15, 102, 103. —(Olivier de), connét.
de Fr., vii, 2-5, 10, 96, 476, 504.
Coaynon (Alain), 186, 545.
Coëlivy (les), 464. — (Alain de), 192.
252.— (Christophède), 436. — (Guill.
de), 342. — (Olivier de), 192, 239.
294, 295, 309, 426, 431. — (Prigenl
de), 185, 191, 192. 198, 200, 203, 208,
296, 306, 307, 315, 319 et s., 325, 330,
335, 349, 378 et s., 381-88, 392, 394,
399. 401, 405,408-411, 414 et s., 431,
544; 604, 624, 628.
Coetlogon, 445.
Coelquen (Jean de), 42, 117.
Coetquis (Phii. de), 178.
Cœur (Jacques^ 261, 298, 394, 405,
417, 437.
Coglais (G ), 480.
Cognac, 394.
Coinces, 171.
Colin (J.), 637.
Cologne, 75. — (L'archevêque de), 220.
Colombières, 400.
Combarel (Hugues de), 130.
Combats, — des Bas-Courlils, 137;
— de Chappes, 194; — d'Epinay,
244 ; — de Gerberoy, 221 ; — de La
Broussinière, 96; — de Vivoin, 206.
Gomhorn (J. de), s. de Trignac, 100,
104, 192.
Conibour (le s. de), 20, 21.
Commercy, 215, 216, 319. — (Le da-
moiseau de), voy. Sarrebruck (Ro-
bert de).
Comminfies (le comte de), 110, 111,
130, 131, 139, 217. — (Le comté de),
353. — (Marguerite dej, 333.
Communautés (les), 443.
Communes (les gens des), 98, 372, 417,
568. — (Milice des), 98.
Compagnies (les), 301, 341, 345, 610.
— (Les chefs de), 356, 357 ; — (d'or-
donnance), voy. Armée.
Compiègne, 33, 48, 117, 212, 237, 260
et s., 283, 305, 319, 320, 347, 547, 550,
567, 568, 573. — (Sièges de), 33, 194.
Comptes (la Chambre des), 241, 245.
246, 252, 256, 263, 264 ; — (de Rouen) ,
292. — (Les gens des), 484, 308, 537,
563, 600, 604, 625, 629-31, 638, 643.
Conac (le s. de), 335.
Couches, 175, 312, 314, 322, 326, 333,
342, 343, 394.
Condé-sur-Noireau, 404, 639.
Cmdom, 338.
Conflans (près de Metz), 350. — (Saiale-
Honorine), 248, 322-25. — (Girard
de), 329, 595, .596.
Connétable de France (pouvoirs du'),
96, 504, 505, 575, 577.
Connétablerie (la), 503, 504, 540.
Conseillers (les généraux) sur le fait
des finances, 508, 565, 613, 617.
680
INDEX ALPHABETIQUE
Constantinople, 353, 437, 447.
Conteville (J. de), 464.
Contiogents militaires, 372.
Corbeii, 109, 114, 156, 158, 172, 196,
199, 241, 250, 261, 264, 276, 282 et
s., 303, 307-309, 313, 359, 561, 573.
— (Traité de), 57, 58, 60.
Corbie, 226, 230, 240, 548.
Gordelle (Robert), 579.
Cornouailles, 452.
Cosne, 26, 65, 66.
Cotentin (le), 25, 50, 207, 221, 240, 241,
343, 345, 389, 397-99, 401-404, 414
et s., 420, 429, 434, 464. — (Le bailli
du), 625, 628, 629, 631, 632, 641. —
(Le bailliage du), 645. — (Le clos
du), 401, 644.
Coulanges-la-Vineuse, 219.
Gouldray(lechâteaudu),àChinon,200.
Coulonces (le baron de). Voy. La Haye
(de).
Courcelles (Thomas de), 228.
Cours souveraines (les), 260, 264.
Courtenay, 482.
Courtisans (les), 466, 467.
Courville, 342, 343.
Cousinot (Guill.), 383, 429.
Coutances, 343, 390, 399-402, 404-406,
415, 626et s., 654. — (Le diocèsede),
629. — (Le vicomte de), 626 ets.,655.
Couvran (Geoffroy de), 291, 314, 345,
366, 396, 399, 402 et s., 416, 434, 464,
614, 626, 644.
Cranequiniers, 369.
Craon,309.— (Jean de), 109.— (Pierre
de), 2, 3, 122, 141, 149, 162, 479.
Gravant (bataille de), 81.
Crécy, 81; — (en Brie), 317; — (sur-
Serre), 213. — (Bataille de), 40.
Greil, 212. 213, 257, 258. 275, 281, 287,
289, 296, 319-27, 569-71, 584.
Crépy (château de), près de Metz, 350.
Crespy-en-Valois, 294.
Crèvecœur, 548.
Crissay (la forêt de), 395.
Croces ou Crosses (Vincent de), 329,
462, 591-596.
Croixart (J.), 626.
Crould (le), 20.
Croy (An t. de), 226, 227. — (Jean de),
238, 266.
Crozon, 436.
Culant (Charles de), 273, 371, 417. —
(Louisde),amiral, 164, 184,210,211.
— (Philippe de), s. de Jaloignes, ma-
rée, de Fr , 321, 330, 334, 337, 349,
367 et s., 392, 417.
Cuningham (Rob.), 367.
Cusset, 307.
D
Dacie (le roi de), 324.
Dammartin, 288. Voy. Chabannes (Ant.
de).
Dampierre (Guill. de), 413, 630. — (.Ma-
dame de), 336.
Dangu, 175, 311.
Daniel (L.), 643.
Danoir (J.), 574.
Daours, 548.
Darcet (J.), 293, 464.
Darcio (Anego), 621.
Dardenay (J.), 329, 462, 591, 593, 395.
Dauphiné (le), 88, 94, 102. 164, 194,
197, 209. 441, 507-509, 535, 542.
Dauphinois (les), 63.
Dauvet (J.), 428.
Dax,336, 338,340,366, 458,604. — (Siège
de), 336,
Decize, 218.
Delaloere, ÔOO, 609, 612, 624, 635.
Delaunay (Jamet), 628, 629.
Deloye (Simon), 114, 128.
Dehice, 506.
Denisot (Robin), 151, 154, 461.
Dercé (J. de), 40, 493.
Des Essarts (P.), prévôt de Paris, 27.
Des Landes (P.), 245, 251.
Des Marels (Ch.), 221, 236, 322, 342.
433, 571, 614.
Desurande (J.), 401.
Devonshire (le), 133.
Dieppe, 206, 221, 236. 238, 258, 311,
322,342-46,431-34, 568, 614, 642, 644,
645. — (Les habitants de), 642, 643.
Dijon, 7, 65, 66, 75, 76, 87, 196, 218,
237.
Dijon (J.), secret, de Richemont, 511,
512, 514,*517, 523, 564.
Dinan, 71, 136,382, 383, 389, 397, 406.
— (Bertrand de), 85, 108, 135. —
(Françoise de), femme de Gilles de
Bretagne, 378; 379, 382, 426. —(Jac-
ques de), s. de Montafilant, 202. —
(Jacques de), s. de Beaumanoir, 500.
514. — (Jean de), 108, 135. — (Ro-
bert de), 12. — (Roland de), 12.
Dinteville (J. de), 283.
Diois (le), 508.
Dol, 121, 300, 406, 445, 470.
Domaine royal (le), 178, 601. — (Alié-
nations du), 112.
Domfront, 148, 312, 420, 421.
Dondaines, 527.
Dordrecht, 125.
Douai, 7.
Doué, 141.
Douglas (Archibald), duc deTouraine.
76, 81, 86.
Doullens, 219, 225, 240, 548.
Doulzsire (J.), 562, 567, 607, 609.
Dourdan, 38.
Douvres, 45.
Dresnay (Regnault de), 382.
Dreux, 145, 278, 280, 331, 339, 657. —
INDEX ALPHABETIQUE
681
(Comté de), 338, 339, 604. — (Jac-
ques de), 23.
Drouart (P.), 413, 629.
Du Baïf (Audry), 552.
Du Blexer (J.), 528.
Du Broullat (Guill.). 278, 280.
Du Buisson (le s.), 40, 42.
Du Cellier (J.), 445, 449, 450.
Du Chastel (Guill.), 9, 323. —(Tanguy),
52, 54, 71, 83, 84 et s., 99, 102, 230,
323, 331, 503, 510.
Du Chastelier (Jacques), évêque de
Paris, 248, 276, 277.
Du Châtelet (Erard), 259.
Ducloux (H.), 461.
Du Coing (L.), 127.
Dudoye (Nie), 623.
Du Piquet (P.), 633, 634.
Du Fou (.lacob), 40, 493, 494.
Du Guesclin, vu, 2, 6, 95, 98, 135, 152,
356, 402, 420, 456, 465, 474.
Du Juch (J.), 461, 462, 656, 657.
Du Moustier (B.), 623.
Dun-en-Berry (ou Dun-Ie-Roi), 113,
132, 180, 181, 191, 219, 277, 542, 563-
65, 592.
Dunois (le comte de), voy. Orléans (le
bâtard d').— (Le comté de), 22, 297.
Du Pair (Guill.), 656.
Du Pan (P.), m. d'hôtel de Richemont,
245, 249.
Du Pelle (Ant.\ 494.
Du Peschin (Jeanne), 129.
Du Pleisseis (Charlotte), 590.
Dupuis, 578, 579.
Du Quélenec (J.), 436.
Durtal, 207.
Eauze, 338.
Ebouville (Ch. d'), 551.
Ebreuil, 144, 307.
Echenay, 283.
Ecoliers (les), 362.
Ecorcheurs (les), 237, 238, 287, 288,
299 313-15 348,
Ecosse, 52, 82, 255, 429, 452. — (L'ar-
mée d'), 496. — (Eléonore d'), 353.
— (Isabelle d'), duchesse de Bre-
tagne. 340, 354, 380, 382, 424, 425,
430, 435. — (Jacques I", roi d'), 58,
64, 76, 114, 127, 164, 255, 424, 430.
— (Jacques II, roi d'), 394, 404, 430
et s'., 442, 452. — (Marguerite d'),
femme du dauphin Louis, 255, 262,
269, 353. — (La reine d'), 404.
Ecossais (les), 60, 76, 80, 101, 135, 138,
157, 187, 284, 400, 535. — (Les am-
bassadeurs), 430, 431. — (Le con-
nétable des), 128, 145, 150. — Voy.
Stuart (J.).
Ecouché, 642.
Ecurie du roi (le maître de 1'), 510.
Eder (Guill.), 80;- (Pierre), 186, 208.
Eglise (1'), 277, 612. — (Les gens d'),
159.
Elections (les), 369, 373 ; — (de Langue-
doil), 368.
Elus sur le fait des aides (les), 122,
460, 610, 638, 649, 650.
Emery (Martineau), 252.
Emprunts, 97.
Encre (aujourd'hui Albert), 548.
Eon (Baudoin), 389.
Epense, 216.
Epinal, 349.
Epinay, 244.
Escorailles (L. d'), 104, 551.
Espagne (l'), 52, 164, 353. — (L'armée
d'), 496. — Espagnols (les), 80.
Espinay (Eustache d'), 428. — (Jacques
d'), évêque de Rennes, 428, 430, 445.
— (Richard d'), 428. — (Robert d'),
évêque de Saint-Malo, 208, 378, 429.
Essai, 207.
Estampes (Robert d'), 623.
Esternay (le s. d'), 624.
Estouteville (Jean d'), s. de Torcy et
de Blainville, maître des arbalé-
triers, 366, 367. — (Jean II d'), 398.
— (Louis d'), 45, 147, 322, 396, 398-
400, 415, 417, 510, 614. — (Robert
d'), 624.
Estrac (le grand et le petit), 285, 326.
Etampes, 107, 143, 172, 263, 481,498,
499.- (Le comté d'), 61,327, 497, 498.
Etats généraux et provinciaux, 97,
158-162, 304, 306, 364, 365. 511, 512,
517, 519, 522, 534-37. — Etats géné-
raux de Chinon en 1428, p. 106, 162,
163, 296; — d'Orléans en 1439,
p. 296-99, 303, 363, 554; — de Tours
en 1484, p. 363. — Etats de Cham-
pagne, 265; — du Dauphiné, 209-
211, 291 ; — de l'Ile-de-France, 86;
— de Languedoc, 210, 211, 291, 319,
322, 364; — de Languedoil, 105, 106,
112, 122, 128, 130. 203, 242; — de la
Marche, 197, 296, 564; de Mehun-
sur-Yèvre, 130; — de Monllucon,
122; — de Montpellier, 365; — de
Normandie, 86, 240, 241, 364, 429,
432; — de Poitiers, 112, 150, 256,
488; — du Poitou, 48; — du Puy, 365;
— de Rouen, 163; — de Saumur,
122, 128; — de Toulouse, 365.
Etrepagny, 175.
Eu, 258, 322. — (Le comte d"), voy.
Artois
Eugène iv, 195, 227, 238, 384.
Europe (les souverains d"), 224.
Evreux, 139, 175, 221, 226, 237, 281,
312, 343, 434, 529, 613, 645. — (Le
bailli d'), 170. — (Le comté d'), 131,
164.
682
INDEX ALPHABÉTIQUE
Exmes, 311, 370, 546.
Eyton (Foiikes), 392.
Falaise, 177, 312, 346, 420, 421, 424,
436, 546. — (Le vicomte de), 639.
Famine (la), 279,
Fastolf, 81, 107, 134, 147,148,164, 168-
172, 187, 228. 240.
Fauq (Th.), 401.
Fauquemberge (on Falcombridge).
Voy. Nevil.
Fécamp, 236, 241, 258, 289, 299, 311,
569.
Féodalité (la), 299, 305.
Férat (F.), 252.
Féraucourt (J. de), 658.
Finances (admin. des), 507, 508, 565,
613, 617.
Fisc (le), 460.
Flamande (l'armée), 257.
Flamands (les), 266, 275.
Flandre (la), 6, 79, 106, 142, 176, 240,
257, 266, 268, 548. — (Les commu-
nes de), 227. — (Les Etats de), 35.
— (Jeanne de), comtesse de Mont-
fort, 53.
Flavy (la famille de), 568. — (Guill.
de), 264, 265, 283, 295, 566, 568, 573,
— (Hector de), 569, — (Jeanne de),
572.
Fleury (J.), vice-amiral, 438.
Floques (Robert de), dit Floqnet, 275,
2S2, 291, 292, 307, 312, 320 et s., 334,
342 et s., 350, 358, 366-68, 397,434,
611, 613, 644.
Florence, 227, 326.
Fo (Jean), 342.
Foix (Gaston, comte de), 318, 334, 340,
353, 355, 404, 431, 437. — (Jean de
Grailly, comte de), 60, 74, 95, 110
et s., 122, 123, 130, 131, 139,156,262,
508, 525, 526. — (La maison de), 331.
Folleville-en-Yimeu, 311, 548.
Fontaine (le s. de), 551,
Fontenay-le-Comte, 113, 151, 154, 164,
165, 179, 184, 190, 192, 277, 320, 340,
352, 377, 446, 454, 458, 460-62, 542,
563, 597-603. 617, 618,
Fontevrault, 430.
Forez (le), 307. — (Le juge du), 363,
Formigny (le val de), 408-411. Voy.
Batailles.
Forsted (G.), 323,
Forte-Epice, Voy. Pailly (Jacques de).
Fortin (Guiil.), 502, 545, 546.
Fotheringay (château de), 47.
Foucaut (Jean), 222, 243, 263, 313, 577.
Fougères, 71, 123, 239, 263, 385-87,
393-98, 402-404, 438, 441, 618, 620.
— (Baronie de), 165, — (Siège de),
402.
Fournier (J,), 492.
Fowey, 452.
France (la), 1-567. — (La bannière de),
247-48. — (La cour de), 157, 181, 200,
222, 225, 238, 262, 297, 330, 345, 353,
355, 381, 427, 431, 446, 448, 458. —
(La couronne de), 223, 226, 231, 431
496, 554, 535, 601 . — (La maison de),
447,662.— (Catherine de), reined'An-
gleterre, 29, 37, 32-56, 6'*, 71, 109.
— (Catherine de), comtesse de Cha-
roiais, 239, 284, 289. — (Charles V,
roi de), vn, 2, 3. 152, 278, 330, 348.
— (Charles VI, roi de), 2- 14, 16-20,
22-30, 32-41, 47-30, 53-56, 61-70, 86,
87, 90, 94, 231, 233, 243, 232, 277,
336, 358, 460, 470, 476-83, 486-89,
493-99, 604. — (Charles VII, roi de),
vin, 4, 6, 16, 19, 29, 69 et s. Dau-
phin et régent, 48 et s. Roi, 69 et s.
Sacré en 1429, p. 74, 568. Remis en
Sossession de Paris, 247 et s. Ses am-
assadeurs, 218, 220, 224-26, 228-30,
232,234-37, 240, 289, 319, 326, 435,436,
440, 447, 552-54, 621. Ses capitaines,
192, 395. Les comptes de son échan-
sonnerie, 337. Ses conseillers, 80, 81,
114, 173, 175, 178,210, 305,340, 351,
395, 440, 447, 448, 503, 543. Ses fa-
voris, 86, 89, 90, 95-98. 101, 102, 110,
115, 129, 142, 151, 457, 459, 475.
Ses ministres, 442. Ses troupes, 286,
331, 341, 349, 398, — (François 1er,
roi de), 235. — (Henri II, roi de),
235. — (Henri IV, roi de), 537, 558,
— (Isabelle de), reine d'Angleterre,
11, — (Jean lî, roi de), 2, 24, 33,
46, 88, 292, 358, 417, 446, — (Jean
de), dauphin, duc de Touraine, 6.
47, 48, 72, 73. — (Jean de), duc de
Berry, Voy. Berry. — (Jeanne de),
reine de Navarre, 5. — (Jeanne de),
duchesse de Bretagne, 3, 4, 6, 12.
13, 29, 37, 53, 54-38, 62, 205, 479. —
(Jeanne de), comtesse de Clermont,
406, — (Louis de), dauphin, duc de
Guyenne, fils de Charles VI, p, vn,
3, 7, 8, 10, 13, 14, 18-20, 23-40, 47,
30, 55, 37, 60, 64-67, 71-73, 75, 77, 89,
141, 142, 245, 277, 329, 453, 482, 484-
489, 563, 593, 594, 602, — (Louis de),
fils de Charles VII, dauphin, puis roi
sous le nom de Louis XI, 88, 102,
255, 262, 271, 273, 276, 277, 301-307,
312, 316, 319-21, 323, 325, 326, 331,
334-38, 341-43, 349-31, 354-36, 365,
374, 399, 433, 440-42, 449, 431, 564,
607, 608. — (Louis XV, roi de), 557,
— (Madeleine de), fille deCharles VII,
446. — (Marguerite, bâtarde de), fille
deCharles VII, p. 144. — (Marie de),
fille de Jean II, p. 33. — (Marie de),
abbesse de Poissy, 283. — (Mai ie, bâ-
tarde de), fille de Charles VII, 378,
INDEX ALPHABETIQUE
683
431. — (Michelle de, duchesse de
Bourgogne, 5, 87. — (Philippe VI,
roi de), 1, 2. — (Philippe de), fils
de Charles VII, p. 2i0. — (Yolande
de), fille de Charles VII, p. 262. —
(Le peuple de). Voy. Peuple. — (Les
pairs de), 448. — (Les prélats de),
160, 161, 242. — (Les princes de),
297, 305, 324, 325, 328, 330, 332, 342,
351, 381, 443. — (Les représcfllauts
de la), 346. — (Les rois de), 26 et
s., 601, 602. Leur conseil, 24, 28-30,
32, 34-39, 60, 104, 181, 297, 298, 318,
340, 345-47, 355, 356, 371, 428, 439,
465, 500, 507-509, 536, 543, 566, 599,
600, 607, 609, 612-14, 617, 624-27,
633, 645. — (Le royaume de), 162,
182, 357, 448. — (Les seigneurs de),
262, 303, 443. — (Les sujets du roi
de), 348, 437, 513, 543-45, 548, 560,
561, 566, 576, 601, 605, 607-609, 613,
615, 619, 628, 629. 632. 634, 635, 638,
646.
Français (les), 26 et s., — (reniés), 320.
— Française (l'armée). Voy. armée.
— Royauté (la), 335.
Franche-Comté (la), 339.
Frédéric III. Voy. Autriche.
Fresnay-le-Vicomte, 107, 177, 206,
404.
Fresnoy, 127. 531.
Frétard (Olivier), 200.
Fribourg (J. de), 359.
Fniment (E.), 633, 635.
Frotier (P.), 52, 90, 92, 99-102, 130, 144,
230, 503, 510.
G *
Gacé, 311.
Gaillon, 80.
Galeninde (château de), 123.
Gallardon, 342, 343.
Galobriet (J.), 649-52.
Galway (l'évêque de), 435.
Gand, 75, 237. — (La tente de), 257.
Gantois (les), 75.
Garcia (M.), 367.
Garuier (J.), 122.
GascogDe(la), 94, 280, 330, 333-336,441.
Gascons (les), 20, 21, 184, 284.
Gâtinais (le), 114, 138, 530.
Gâtine (la), 39, 47, 48, 89. — (Le bailli
de), 648.
Gaucourt (Raoul de), 20, 34, 45, 85. 130,
144, 145, 150, 156, 160, 167, 171, 187-
194, 198, 200, 210, 211, 217, 220, 242,
264, 273, 304, 307. 311, 328, 343, 347,
397, 464, 493, 541.
Gault (J.), 546.
Ganre, 331, 339.
Gauter (J.), 648.
Gavray, 401-404, 460, 482, 624-26, 655.
Genainville, 268.
Gençay, 133, 141, 154, 184, 183, 190, 542.
Gennes. 108.
Gens d'armes (les), 97, 106, 251, 301,
303, 341, 345, 356, .504 et s.. 535, 539,
542; — (du roi), 317.
Gentilly, 17, 18, 28, 29.
Gerberoy, 221, 256, 394. — (Combat
de), 221,
Germigny, 194.
Gerson (J.), 37.
Gervasic, 58.
Gévaudan (le), 612.
Giac (L. de), 134. — (Pierre de), 90,
92, 99, 101, 112, 122, 125, 129-34. 140-
142, 154, 162, 200, 457, 503. 526.
Gien, 113. 145, 179, 191, 231, 270, 277,
307, 330, 340, 542, 563-65, 592. —
(Ligue de), 13, 19, 20.
Giirart(Jean), 42, 154. —(Olivier), 436,
461, 462, 6-57.
Gilbert (le pont), près d'Avranches,
300, 414.
Gilet (secret, de Richement), 513, 520-
25, 605, 630.
Girard (J.), 118, 145. — (Renaud), s.
de Bazoges, 178, 190, 222, 253, 542.
Girault de La Pallière, 80.
Giraut (N.), 648.
Giresme (Nie. de, ou le commandeur
de), 267, 273, 292, 294.
Giron (Alain), 122, 132, 145, 212, 286,
465. — (André), 462, 658.
Gisors, 237, 236, 338, 398, 517, 644.
Glasdale (G.), 107, 123, 134.
Glocester (Humphrev de Lancastre,
duc de). 58, 67, 72 e't s., 83 et s., 106,
109,114, 115,124, 134,266,273,279,
296, 311, 345, 392, 420, 459, 501, 502.
Godart (J.), 515, 636-39,
Goëllo (le pays de), 67.
Goguet (J.), secret, de Richemont,
624, 626, 633, 646, 633, 634.
Gorze, 330.
Goth ou Gough (Mathieu) ou Matago,
107, 343, 344, 349, 379, 392, 405-411.
Goulfier (Guill.), 635.
Gouges de Charpaigne (Martin), chan-
celier de Fr., 8, 77, 80, 89, 90, 99,
100, 149, 510.
Gourdel (R.), 630.
Gournay-sur-Aronde, 548.
Gower (Th.), 420, 421, 640.
Grainetiers (les), 507, 508, 546,
(Jrancey, 217.
Grandpré, 237.
Gramme (J. de), 251.
Granville, 240, 293, 319, 322, 340-45,
398, 399, 614.
Grasset (Perrinel), 116, 142, 193, 237.
Gravelines, 310. — (Conférences de),
289, 293 97.
Graville (le s. de), Voy. Malet (J,),
Grenoble (le héraut), 405.
684
INDEX ALPHABÉTIQUE
Gresle (Biaise), 433, 643.
Gronars (Colin), 626.
Gruel (Gui!!.), vu, vin, 58, 59, 71, 85,
110, 140, 141, 215, 216, 222, 293, 294,
329, 410, 419, 445, 454, 455, 461-64,
469, 470, 591, 657. — (Jean), 137. —
(Raoul), 58, 66, 72, 84, 85, 114, 227,
461, 469, 470.
Gueldre (Adolphe, duc de), 223, 224.
Guéméné (le s. de), 445.
Guérande (traité de), 2.
Guérard (Th.), 274, 281.
GuériQ (J.), 462, 596.
Guerre (la), 106, — (de Cent ans), 412.
— (Gens de), 17, 20, 98, 237, 248,
250, 255, 258, 261, 269, 282 et s., 308
et s., 314, 327, 336, 339 et s., 356, 357,
364, 422, 458, 466, 538, 549, 560, 561,
573, 574, 5S1, 605-10, 614, 616, 620,
642-46. — (Le parti de la), 17, 20, 98.
Voy. Abolition, Rémission.
Guet (le), 372, 438, — (de la mer), 645.
Guiho (P.), 461.
Guillepou (J.), aumônier de Riche-
mont, 329, 462, 595.
Guimon, 570, 571.
Guines, 275. — (Comté de), lil.
Guingamp, 439, 463.
Guise, 80, 81, 104, 316. 548.
Guyenne (la), 8, 27, 94, 102, 114, 123,
174, 189, 226, 280, 282, 301, 306, 330
et s., 347, 368, 379, 424 et s., 431 et
8. 438, 507, 508, 602, 636. — (Cam-
pagne de) en 1442, p. 332 et s., 340,
374, 469. — (Conquête de la), 365,
373. — Guyenne et Languedoc
(gouvernement de), 8, 139.
Guymar (J.), 493.
Gyé (le maréch. de), 379.
H
Hainaut (le), 59, 86, 87, 98, 548, 590.
— (Jacqueline de). Voy. Bavière.
Hal (en Belgique), 7, 11.
Hall (Davy), 418, 419.
Ham, 213, 214, 455, 549, 5.50.
Hambye, 400.
Han-lès-Juvigny, 260.
Haneron (J.), 655.
Hans, 214, 260.
Haqueville (P. de), 247.
Harbotel (J.), 527, 530.
Harcourt (Christophe de),l 04, 218, 223,
231, 488, 552. — (Guill. de), c. de
Tancarville, 210, 438, 487. — (Guill.
de), fils de Jacques, 488. — (Jac-
ques de), baron de Montmorency,
438, 451, 487, 488. — (Jean de), c.
d'Aumale, 432. — (Louis de), archev.
de Narbonne, 432, 433, 437, 642-44.
— (Marie de), fille de Jaf'ques, com-
tesse de Dunois, 438, 451, 488. —
(Les sires de), 219, 273.
Harengs (la journée des), ou bataille
de Rouvray, 164.
Harfleur, 40, 45, 51, 147, 236, 239, 241,
289, 299, 311, 322, 323, 404, 532, .569,
571, 613.
Harington (R.), 293, 419, 563.
Harpedenne(J.). s. de Beileville, 144.
151, 154, 157, 190, 488.
Haultpin, 539.
Havapt (J.), 438.
Hawering-at-Bower (château de), 271.
Heilly, 226. — (Jacques de), 23, 40.
Hérétiques (les), 457.
Hérisson, 270.
Hermecant (Nie), 623.
Hermine (le héraut), 57.
Héron (Macé), 494.
Herpelav (J.), 187.
Hesdin,'l09, 258, 328, 385, 430, 445.
Hingant (J.), 378-82.
Hollaud (J.), .532.
Hollande, 115.
Hommes d'armes. Voy. Arméh.
Hommet (château du), 400.
Honfleur, 404, 613.
Hongrie (la), 352, 447.
Hoo (Th.), 379, 380.
Hoste (Anne), 141. — (Jean), 141.
Houdan, 207, 221.
Houel (J.), 630.
Hungerford, 172.
Huntingdon (le c. de), 143, 206, 225,
301,306,330, 331, 529.
Ile-de-France (1')^ 22, 94, 113 et s., 139,
174, 175, 192,^12, 240, 242, 255 et
s., 278 et s., 301-314, 326 et s., 349,
364, 366, 605. — (Les délégués des
villes de 1'), 257. — (Etats de 1'), 86.
Impôt du vin à Paris (fermiers del'),
649, 650, 652.
Ingrande, 378, 386.
Isabeau de Bavière. Voy. Bavièke.
Issoudun, 130, 25X), 263, 427.
Italie, 270, 341, 353.
Ivry, 69, 80, «1, 266, 267, 499, 500. —
(Château d'), 80. — (Comté d'), 80.
113, 143, 529.
Jacobins (les), 443.
Janville, 170-72, 273.
Jargeau, 145, 146, 167, 168, 178.
Jarno (secret, de Richement), 528.
Jarretière (ordre de la), 394, 620.
Jersey (île de), 646.
Joigny, 270.
Jonvelle (le s. de), voy. La Tké-
MoiLLE (Jean de).
Josseaume (Guill.), 154.
Josselin, 10, 403.'
INDEX ALPHABETIQUE
685
Jourdan (Et.), 636-39, 654, 636.
Jouvencel (le), de Jeaa de Bueil, 146,
197, 198, 314.
Jouvenel des Ursins (Guill.), chance-
lier de Fr., 394, 427, 441, 450, 462.
— (Jacques), avocat du roi au par-
lement, 330, 394, 427, 441, 430,462.
— (Jean II), chroniqueur, évêque
de Beauvais, archev. de Reims, 278,
279, 296, 297, 348, 376, 393, 423, 554.
Joyeuse (L. de), 99.
Jumièges, 404, 628.
Juridiction royale (la), 448.
Karloeguen (M. de), trésorier de Ri-
chemont, 516.
Kent (Thomas, comte de), 86. — (Le
comté de), 418.
Kériguen (Gilles de), 461.
Kerléan (Vincent de), 432.
Kermelec(J. de), 513. — (P. de), maître
d'hôtel de Richement, 461, 638.
Kermoysan (Tugdual de), dit Le Bour-
geois, 167, 233, 243, 244, 268, 273,
274, 292, 294, 321, 342, 406, 419, 421,
464.
Kirkeby (Th.], 412.
Korwin (Mathias), 447.
Krelmerch (Yvon de), 656.
Kyriel (Thomas), 405-413.
Labarbe, 512.
La Beaume (le bâtard de), 128, 129.
La Belière (le vie. de), 24, 137.
La Belioseraye (J. de), 235.
La Benaste (seigneurie de), 328.
La Bolsière (Yvonnet de), 480.
La Borde (les. de), 159-161.
La Broussinière (combat de), 96.
La Celle (le prieur de), 124, 125.
La Chapelle-Saint-Denis, 21, 75, 276.
La Charité, 116, 142, 177, 237, 540.
La Châtaigneraie (P. de), 464.
La Chèse (J. de), 389.
Ladislas. Voy. Autriche.
La Fange (J. de), 286.
La Fayette (le marée, de), 60, 81, 202,
210, 211, 218, 220, 223, 242, 303, 492,
509, 552, 533.
La Feillée (Olivier de), 42.
La Fère-en-Tardenois, 264,
La Fcrté-Bernard, 116,118,127, 139,318.
La Ferté-lez-Saint-Riquier, 548.
La Feuillée (Alain de), 166.
La Fontaine (J. de), 245, 252.
La Forest (Guill. de), 24,40,42,493.—
(Le sire de), 624.
La Forge (Guill. de), 578, 579.
La Fuite (J. de), 293.
La Gacilly, 513-
Lagny, 192, 193, 197, 212, 221, 222,
241, 243, 261, 269,278,286,317, 561.
— (Siège de), 193, 197.
La Granche (J. de), 140.
La Gravelle, 148, 149, 309.
La Guerche (en Bretagne), 187, 188,
344, 345; — (en Touraine), 614.
La Hardouinaie (château de), 388.
La Haye (J. de),écuverde Richemont,
461, 575, 579, 580, 593, 396. — (J.
de), s. de Coulouces, 137, 527, 528.
La Haye-du-Puits, 400, 404.
La Hire (Et. de Vignoles, dit), 81, 145,
146, 164, 167, 168, 171, 177, 192, 197.
212 et s., 223, 226, 240 et s., 236, 237,
266, 282, 285, 291 et s., 311, 320 et
s., 342, 436, 351. Voy. Amadoc. Vi-
gnoles.
La Hougue-Saint-Vaast, 25, 44, 644.
La Houssaye (Eust. de), 24. — (Raoul
de), 318.
La Ilunaudaye (le s. de), 137.
Laigle, 24, 193. — (Le s. de). Voy.
Penthièvre (Jean de).
Laillier (Jacques de), 245. — (Jean de),
243. — (Michel dei, 245-251, 264,
372. — (Richard de), 245.
Laiz (gens), 612.
La Jaille (le s. de), 166, 167, 462, 658.
Lalain 'Jacquet de), 352. — (Le s. de),
226, 243, 251.
La Mandaye (Ant. de), 343.
La Marche, 94, 122, 197, 296, 564, 616 ;
— (en Lorraine), 610. — (Le c. de).
Voy. Bourbon (Jacques de).
La Marck (Evrard de), 239, 285, 286.
La Mothe (J. de), 259.
La Motte-l'Evéque (château de), 400.
Lamoureux (Guill.), 652. — (Jamet),
trésorier de Richemont, 461, 500,
655, 638.
Lampet (J.), 414, 415.
Lancastre (les), 418. — (Henri de), c.
de Derby, 478, 479. — (Jean, duc
de), 225, 477, 478. — (Philippine de),
224.
Lances. Lance fournie. Voy. Armée.
Lancras (P. de), 245.
Lande du grand Orme (la), 208.
Landes (le pays des), 336.
Langres, 314, 359. — (L'évêque de),
280.
Languedoc (le), 8, 94, 95, 102, 110,
114, 162, 189, 197, 198, 262, 282, 291,
296, 301, 320, 331, 364, 507 et s.,
336, 540, 363. 617. Voy. Etats.
Languedoil (pays de), 111, 162, 163,
291, 296, 312, 357, 364, 508, 311, 517,
537, 363, 566, 617, 618. — Voy. Etats.
Lannion, 300.
Lannoi (H. de), 202, 227, 231, 541.
Lanvollon, 67, 647.
Laon,212, 214,223,316, 317, 547. —Le
686
INDEX ALPHABÉTIQUE
mont Saint-Vinceut, près de Laon,
212 213.
Laonnois (le). 313, 347, 548.
La Paliière (Girault del, 80, !4S, 168,
171.
Laplanque (Roger de), 636.
La Plume (en Armagnac), 338.
La Foie (William de), c. de Suffolk,
59, 62, 80. 107, 114 et s. 138, 145,
146, 167, 223, 240, 258, 333, 345, 346,
351, 392, 405, 415, 418, 501, 303,
530, 531.
La Preuse (J. de), 346.
Larcher (J.), 247.
Larchevêque (Guili.), 485.
Larchevêque (Jean), s. de Parthenay,
23, 39, 40, 47-49, 31, 113, 151, 154,
438, 451, 460, 485-94.
La Réole, 339, 362.
La Rivière (Rob.), 339. — (Adam de),
345. — (Jean de), 427.
La Roche (Alain de), 461, 462, 656,
658. — (Guiot de), 330. —(Jean de),
154, 160, 165, 192, 306, 307.
La Rochebrou. 358.
La Roche-de-Nesle (le château de),
181.
La Roche-Derrien, 67.
La Roche-Fatou (le château de), 48.
La Roche-Guyon, 275. — (La dame
de), 307.
La Rochelle, 69. 143, 144, 184, 189, 222,
462, 602.
La Suze, 123. — (Le s. de). Voy. Laval
(René de).
La Teillaye (M. de), 485.
La Touche (P. de), 494.
La Tour (Godefroy de), 412. — (Hin-
celin de), 273. — (Jacques de), 542.
— (Le s. de), 635.
La Trémoille (le bâtard de), 410. —
(Georges de), 86, 88, 115, 116, 130
et s., 141 et s., 152, 154-169, 172-194,
196-203, 205, 208, 231, 262, 303-305,
319, 330, 334, 380-84, 457-61, 466,
475, 482, 528, 534,537, 538, 542, 369.
— (Guy VI de), 86, 131, 141. — (Isa-
belle de), 199. — (Jean de), fils de
Georges, 208. — (Jean de), s. de
Jonvelle, 86, 131, 142, 144, 182, 189,
337, 538. — (Louis de), fils de Geor-
ges, 182.
Laulne (le château de), 400.
Launay (Ant. de), 631. — • (Jean de),
266. — (Macé de), 613, 614, 653.
Launoy (Raoul de), trésorier général
de Richemont, 656.
Lautrec (la vicomte de), 114.
Laval, 139, 148, 149, 161, 177, 263. —
(Lamaison de), 179,279,309,464,667.
— (André de), s. de Lohéac, marée,
de Fr., 166, 169, 180, 208, 240, 263,
293, 299, 306, 309, 320, 322, 325, 342,
et s., 350, 366, 367, 394 et s., 406,
410, 414-16, 426, 427, 431, 436, 441,
464, 611, 628, 634. — (Anne de), 179.
— (Gilles de), s. de Raiz, marée.
deFr.,109, 123,127, 166,171,174,208,
279, 309, 378, 487, 531. — (Guy XIII,
ou XIV, comte de), 49, 110, 148, 165-
171, 180, 187, 279, 387,396, 397, 406,
414-416, 425-30, 445, 449, 545, 628.
— (Guy de), s. du Gâvre, fils de
Guy XIII, 426. — (Jeanne de), femme
de du Guesclin, 95, 96. — (Jeanne
^de), veuve de J. de Montfort, 531. —
(Jeanne de), reine de Sicile, 438. —
Louis de), s. de Châtillon, 180, 657.
— (Marie de), ou de Raiz, fille de
Gilles, 378, 426. — (René de), s. de
La Suze, 109, 243, 259, 269. — (Yo-
lande de), fille de Guy XIII, 208,
222, 438.
Lavardin, 393.
La Varenne(!e s. de). Voy. BRÉzÉ(P.de).
Leber (J.), 239.
Le Borgne, 140.
Lebour<;ier (J.), 610. — Le Bourcier (Gi-
rard), 621.
Le Bourellier (Guill.), 582.
Le Bourlier (S.), 653, 654.
Le Breton (J.), secret, de Richemont,
610, 618.
Le Brun (J.), 54, 56.
Le Carnier, 236.
Le Chevalier (J.), 637.
Leclerc (J.), 266, 562.
Lecoq (Guill.), 628, 631.
Le Coq (Hugues), 241, 231.
Le Coudray-Salbart,39,49, 57, 220,489.
Le Crotoy, 77, 221, 258, 275.
Lectoure, 442.
Le Dur (Nie), 18, 481.
Le Forestier (Olivier), 107.
Le François (Michel), 546.
Le Galois d'Aulnay, 268; — de Hon-
nignœul, 239.
Le Gâvre, 9, 12, 13, 67, 396.
Legoix, 21, 232.
Le Guildo, 379-82.
Lehadoue (J.), 642, 645.
Le Josne (R.)^ 347.
Le Maçon (Robert), s. de Trêves,
chance!, de Fr., 109, 125, 149, 137,
158, 180, 492, 534.
Le Maingan (secret, de Richemont),
634.
Le Mans, 107-109, 127, 161, 345, 383,
392, 394, 424, 314, 568, 369.
Lendit (le), 20.
Le Neubourg, 342, 343.
Lengrogne (Colin), 639.
Lengronne, 635.
Lenoncourt (Thierry de), 4't7.
Lens, 229.
Le Parc l'Evèque, 117.
i
INDEX ALPHABETIQUE
687
Le Pelé (Regnault), o73, o77.
Le Picart (J.), 309.
Le Plessis-Guérif, 187.
Le Porc (P.), 108.
Le Puy, 209. — (L'évêque du), 88, 505.
Le Quesuoy, 317.
Le Riche (J.), 359.
Le Roux (O.j, secret, de Richement,
633.
Leroy (Robin), 372.
Le Sage (Raoul), 36. — (Robert), 78.
Leserf (J.), 639.
Les Essarts, 327.
Lesparre (la baronuie de), 406.
Les Roches-Tranchelion, 387, 393.
Lessy, 330.
Lestêno (Annette de), 1.
Le Veer (Guill.), 42.
Leysne (P.), 480.
Lezay, 178, 181.
L'Hermine (château de), 123.
L'Hermite (Robinet), 283, 372.
L'HermiteouLermite(Tristan),écuyer
de Richement, prévôt des maré-
chaux, maître de l'artillerie, 214,
248, 269, 284, 314, 347, 361, 637.
Libourne, 431.
Liesse (N.-D. de), 329, 388, 390.
Lieutenant criminel (le), 576.
Ligier, 321 , 323.
Lignerolles, 171.
Ligny-en-Barrois, 215, 216. — Lee.
de). Voy. Luxembourg.
Lihens, 311.
Lille, 266, 330.
Lillebonne, 236, 241, 289, 299.
Limague (la), 307.
Limbeurg (le), 548.
Limeuil (le bâtard de), 609.
Limoges, 160, 161, 330, 334, 432.
Limousin (le), 30, 94, 331, 33 i, 362,
368, 373, 378, 392, 616. — (Le séné-
chal du), 610.
Lisieux, 333, 397.
L'Isle-Adam (Villiers de), 60, 233, 241,
243-47, 231, 237, 258, 267, 323.
Lisle (Guichard de), 334. — (J. de),
339.
L'Isle-Bouchard (Catherine de), 130,
131, 141, 134, 182.
Loches, 84, 167. 180, 182, 262, 269,
305, 306, 331, 382, 383.
Logus(G. de), bailli de Bourges, 271.
Lohéac (le marée, de), voy. Lav.%l
(André de).
Loing (le), 313.
Loire (la), 138, 144, 162-66, 177, 198,
206, 226, 262, 268, 296, 305, 327, 341,
42'>, 449. — (Les villes de la\ 270,
278.
Lombards (soldats), 80, 101.
Londres, 45, 46, 57, 60, 68, 201, 202,
418. — (La tour de), 33.
Longchamps (le monastère de), 439.
Longny, 394, 403.
Longueval (Regnault de), 384.
Longueville (le comté de), 404.
Longworth (Makin de), 415.
Loré (Arabroise de), 108, 124, 127, 147,
171, 188, 192, 206, 207, 217, 221, 267.
282, 283, 285, 290, 292, 294, 323, 324,
464.
Lorraine (la), 193, 259, 282, 285, 289,
297, 313, 316, 359. — (Charles 1er,
duc de), 195, 196, 216. — (Expédi-
tion de), en 1444-45, p. 348-35, 377.
— (Isabelle de), reine de Sicile, 193,
215, 348, 438. — (Jean de), 343, 614.
— (La régence de), 259, 285.
Lorrains (les), 17.
Lorry, 330.
Lospital (Fr. de), 481.
Loudun, 149, 167.
Louplande, 123.
Lourdes (chàtellenie de), 114.
Louvain (P. de), 407.
Louvet (Jean), dit le président de
Provence, 83, 84, 89-92, 99-105, 108-
112, 125, 132, 133, 180, 201, 230, 439,
466, 487, 488, 503,306-512.— (Jeanne),
99, 104. — (Marie) ou Louvette ,
femme du bâtard d'Orléans, 84,89,
104.
Louviers, 177, 183, 312, 319-323, 333,
386, 395, 644. — (Nicolas de), 243.
Leuvois, 259. — (Le ministre), 370.
Louvre (le), 30, 31, 36-39, 64, 63, 246.
Luce (Guill.), 48.
Luçon, 338.
Luillier, 368, 372. 574. 377.
Lusignan, 84, 130, 162, 163, 334, 398.
— (Anne de), duch. de Savoie, 211,
440. — (Hugues de), cardin. de
Chypre, 210, 211, 223-26, 232, 239.
— (Jacques I" de), roi de Chypre,
210.
Luxembourg (le), 446, 447. — (La
maison de), 332, 333, 667. — (Bonne
de), reine de France, 33, 446. — (Ca-
therine de), comtesse de Richement,
332, 380, 424, 434, 438, 444, 433. —
(Elisabeth de), 446. — (Guy de), 22.
— (Isabelle de), femme de Gh. d'An-
jou, 332. — (Jacqueline de.), duch.
de Bedferd, 199, 322, 353. - Jac-
ques de), 396, 402 et s., 417, 445,
449,. 462, 658. — (Jean de), roi de
Bohême, 446. — (Jean de), s. de
Beaurevoir, 34, 162. — (Jean II de),
c. de Ligny, 212-214, 226, 227, 231,
266, 316, 332, 333, 348-30. — (Louis
de), c. de Saint-Pol, 316, 320-24,
352-34, 396, 397, 417. — (Louis de),
évêque de Théreucnne, chancel.
de Fr. pour Henri VI, 201, 212,
242, 247, 231, 252, 267, 460, 532. —
688
INDEX ALPHABETIQUE
{Pierre I" de), c. de Sainl-Pol, 199,
206, 212, 225, 316, 332. — (Sigis-
mond de), empereur, 178, 217, 231,
240, 446. — (Waleran de), 22, 24. —
Luxeuil, 230, 291.
Luzarches, 268.
Lyon, 88, 97, 125, 127, 154, 209, 210,
226, 291, 422, 440, 510, 516, 521-23.
Lyonnais (le), 524. — Lyonnais (les),
80, 88, 94, 100, 105, 125 et s., 133,
146, 147, 155, 211, 457, 504, 510-525.
IH
Màcon, 87, 88, 223, 230, 238. — (Comté
dej, 79, 230, 238.
Madeuc (Roland), 500.
Maguelonne (l'évêque de), 492, 564.
Mahé (J ), 464.
Mahomet II, 447.
Maignelais (Antoinette de), 414, 427.
Maillé (Péronnelle de), 438. — (Le s.
de), 519.
Maillezais (l'évêque de), 492.
Mailly-le-Ghâteau, 128, 129, 283.
Maine (le), 22-24, 50, 79-82, 94, 107,
111-117, 122, 123, 126, 138, 139, 147-
150, 177-180, 192, 197, 2:9, 343, 344,
348, 391, 404, 433, 493, 515, 516, 532.
Maisoncelles, 41.
Malesherbes, 136, 268, 269.
Malestroit, 116. — (Geoffroy de), 42,
— (Guill. de\ évêque de Nantes,
431, 463. — (Jean de), évêque de
Nantes et chancel. de Bret., 52, 56,
120, 125, 185, 188, 197, 208, 314,
396, 410, 415, 417,451, 438, 462,
502, 503, 539. — (Jean de), écuyer
de Richemont, 239, 267, 291, 658.
— (Phil. de), 410, 446, 449, 462,
638.
Malet (J. de), s. de Graville, maître
des arbalétriers, 108, 145, 198, 220,
242, 428, 531.
Malicorne, 123, 127.
Malleville, 275.
Malo (roi d'armes), 186.
Malortie (Robin), 400.
Manouvriers (payement de), 639.
Mantes, 62, 273, 281, 311, 313, 322-
323,345,370, 397, 482. — (Le comté
de , 128.
Mantoue (le congrès de), 432.
Marans, 181-186.
Mardi (Edm. Mortimer, c. de), 63.
Marchenoir, 107, 147, 173.
Marcoussis, 249.
Maréchaux (les), 437, 497, 504, 503.
— (Le prévôt des), 214.
Marennes, 427.
Marets (Th.), 621.
Mareuil, 330.
Marie, 316. — (La comtesse de), 568.
Marmande, 339.
Marmoutiers, 50,
Marne (la), 241, 292-95.
Martigny, 548.
Martin (Adam), 592. —Martin V, 70,
195.
Martineau, 222, — (Aimery), 556, 557.
Masselin (J.), 363,
Matas (Louise de), 485.
Matefelon, 220, 489.
Mauléon. Voy. Ghatillon-s.-Sèvre.
Mauny (Ch. de), 40, 493. — (Guil-
laume de), 123. — (Olivier de),
117. — (Le s. de), 409,
Maure, 214,
Mautravers (le s. de'. Voy. Akondel
(le c. d').
Mayenne, 108, 113, 393.
Mazères, 262.
Meaux, 64, 257, 264 et s., 275, 281,
287-89, 292, 293, 296, 317, 319, 560,
566, 569. — L'abbaye de Saint-Fa-
ron, près de Meaux, 292. — (Le bailli
de), 264, 607. — (Les Cordeliers),
près de Meaux, 292, — La porte de
Cornillon, à Meaux, 292.— (Le Mar-
ché de), 64, 292-97. — (La vicom-
tesse de), 548. Voy. Sièges.
Meel (Olivier de), 389, 428-430.
Mehun-s.-Yèvre, 36, 69,84, 102, 113,
116, 127.
Meilhan, 335.
Melle, 154, 306, 307, 340, 563.
Melun, 26, 38, 56, 58, 64, 196, 199,
212, 221, 222, 241, 276, 442, 470. —
(Marguerite de), 487 — (Marie de),
438,
Mende, 612,
Mendiants (ordres et frères), 442,
443.
Mérindol (ou Mirandol), 99, 104, 307,
509.
Merle (J. de), 225.
Merlin, 43, 53.
Mervent, 39, 49, 144, 151, 193, 220,
488, 599, 646-48.
Meryng (W.), 58.
Meslay, 148.
Mesmeau (J.), 624, 626.
Messac, 406, 628.
Messins (les), 215, 348, 350, 357, 460.
Metz, 215, 216, 349-51. — (L'archi-
diacre de), 229. — Expédition dt>
Charles VII contre Metz, 350-51.
Meulan, 72, 233-37, 241, 261, 268,
323-23, 482, 361.
Meung, 162, 167, 170-71.
Mézières (Seine-et-Oise), 268.
Midi (le), 139, 173, 269, 281, 332,
333, 341, 404. — (La noblesse du),
217.
Mignot (L.), 140.
Milan (le duc de), 76, 196.
INDEX ALPHABETIQUE
689
Milet (J.), secret, de Richement, 532,
582, 583, 641.
Milet de Cliampressy, 104.
Milices communales, 98.
Milly (château de) 341, 342.
Mineurs (Guill.), 532.
Mineurs (payement de), 636.
Moisen (L.), 192, 461.
Mollens (Philib. de), 532.
Moncontour (en Bretagne), 387, 388,
— (Les s. de), 11-13.
Mondet (B.), 654.
Mondoubleau, 127, 147.
Monnaies (les), 556, 644. — (La cour
des), 263. — (Le maître des), 507,
508, 557.
Monnypeny (Guill. de), 400.
Montagu (Thomas), c. de Salisbury,
56, 63, 77, 106-108, 113, 114, 118,
123, 138, 158, 162, 163, 178, 240,
266, 501, 502, 517, 519.
Montaigu, 317. — (J. de), archev. de
Sens, 20. — (J. de), gr. maître
d'hôtel de Charles VI, 14, 249.
Monlargis, 37, 113. 138 et s., 145-47,
191, 193, 198, 262, 263, 270, 277,
280, 448, 449, 524. — (Délivrance
de), 145-48.
Montauban (Artur de), 378, 379, 383,
388. 389, 396, 428-30, 628, 631. —
(Bertrand de), 40, 42. — (Guill. de),
59, 85, 379. — (Jean de), 368, 469,
470. - (Robert de), 108, 132, 166.
Montbard, 76, 83.
Montbazon, 427, 633, 640.
Montbéliard, 291, 359.
Moatberon (Fr. de), s. de Maulévrier,
519. — (Jacques de), 183.
Mont-de-Marsan, 388.
Montdidier, 230, 548.
Montépilloy, 175.
Montereau, 52, 56, 230, 257, 262, 263,
270-76, 289, 319, 562, 569. — (Le
crime de), 52, 89, 114, 130, 228,
230. Voy. Sièges.
Montfaucon (en Auvergne), 209.
Montferrand, 307. — (Bérard de),
72 82 272
Monîfort, 60,' 107. — (L'Amaury), 57,
58, 207. — (Le héraut), 180. — (Jean
de), Voy. Bretag.ne. — (Jeanne de
Flandre, comtesse de), 53. — Les
Monîfort, 4, 9, 10, 11, 14, 53, 327,
386, 463. Voy. Bretagre.
Montgommery (J. de), 81, 107, 123.
Montigny-le-Roi, 259.
Montils-lès-Tours, 196, 431, 435, 437,
621, 624, 635.
Montivilliers, 236, 311, 569.
Montjean (le s. de), 519.
Montjoye (le héraut), 160, 596.
Monllhéry, 17, 249.
Montluçon, 122, 128, 130, 209, 522-26.
RlCHEMONT.
Montluel, 116, 129, 506. — (Conféren-
ces de), 88, 97.
Montmayeur (G. de), 90.
Montmirel (R. de), 643.
Montmorency (Ch. de), 461, 462, 656,
658.
Montpellier, 269, 331, 332, 394.
Montréal, 290, 338.
Monlrésor (le château de), 201.
Montreuil-sur-Mer, 219, 240, 548.
Montrichard, 181, 525.
Mont-Sain t-.Michel (le), 81, 107, 110,
118, 137, 147, 163, 178, 221, 322.
369, 396-99, 403, 415, 5i0, 569, 614!
— (L'abbé du), 18.
Montsurs, 123, 148.
Morel (R.), 642.
.Moreuil, 548.
.\Iorhier (Simon), 145, 221, 247-50, 281 .
Morillon (Geoffroy) , 245 , 286. —
(Mahé), 222, 243, 245, 263.
Mortagrie, 75, 107, 548.
Mortain, 385, 393, 396, 639. — (Le
comté de), 29, 104, 197. — (Le
comte), voy. Anjou (Charles d').
Mortemer, 571.
Morvilliers (Ph. de), 71.
Moselle (la), 350.
Moufflaine (le bois de), près d'Ar-
ras, 223.
Moulin (près de Metz), 350.
Moulins, 129, 130, 522.
Moulins-Engilbert, 87, 218.
Mouy (le s. de), 551.
Moyencourt, 548.
Moynier. 106, 113, 128.
Mugron, 338.
Mundeford (Et.), 392, 399.
Murât (J. de), 494.
Namur, 548.
Nancy, 351, 353, 355, 600, 617.
Nantes, 5, 27, 71, 76, 98, 110, 120.
137, 183, 185, 188, 208, 318, 347,
380, 384, 386, 425, 426, 429, 435,
444 et s., 453, 477, 480, 501, 649. —
(Le doyen de), 515. — (L'église
Saint-Pierre de), 84. — (L'évêché
de), 451. — (L'évêque de), 186.
Nanterre (le prieur de), 286.
Nanteuil (Marguerite de), 314.
Nanteuil-la- Fosse, 260.
Naples (le royaume de), 109. — (Jeanne
11, reine de), 12. — Naillac (Guill.
de), 130. — (Jeanne de), 130.
Narbonne (le vicomte de), 197, 306,
432. — (L'archevêque de). Voy. Har-
couKT (Louis de).
Narcy, 215.
Navarre (la), 430. — (Béatrix de),
12. — (Charles II, dit le Mauvais,
roi de), 2, 6, 36, 52, 482. — (Ghar-
44
690
INDEX ALPHABETIQUE
les m, roi de), 7, 12, 13, 36, 37,
432, 482, 483. — (Isabelle de), com-
tesse d'Armagnac, 333, 432, 448. —
(Jean II, roi de), 196. — (Jeanne
de), duch. de Bret., reine d'Ang. et
mère de Richemont, 1-6, 24, 45, 46,
52, 55, 58, 65, 476-79, 665. — (Pierre
de), c. de Mortain, 8, 13, 25, 26,
29, 44, 482. — (La perle de), 102.
Neauphle-le-Château, 427, 450.
Nemours, 271, 279. — (Duché de), 36-
39, 482, 483.
Nérac 338.
Nesle'(le château de), 283, 571, 572.
Neuchâtel (Thiébaud de), 359.
Neuchâtel, 398.
Neufville (Nie. de), 245, 251.
Neuilly-l'Evêque, 410, 622.
Neuvillalais, 207.
Nevers 552. — (Conférences de), 217-
20. 224, 328, 341.
Nevil (Raoul), c. de Westmoreland,
7, 477, 478. — (William), lord Fal-
combridge, ou Fauquemberge, 240,
258, 266, 267, 27 i, 280, 281, 293,
300, 311, 312, 319, 322-26, 333.
Nicolas V, 425, 430, 442, 443. Voy.
Sarzana (Th. de).
Nicole (B.), 494.
Nîmes, 381.
Niort, 304, 306, 330, 381, 599.
Nivernais (le), 22.
Nobles (les), 325, 362, 374, 375, 417.
Nogaro, 338.
Nogent-le-Roi, 147, 259. — (le-Ro-
trou), 107, 147.
Norbery (H.), 405, 412, 413. — (Jean),
322.
Nord" (le), 139, 340, 342.
Normandie (la), 22, 24, 40, 50,51,
59, 64, 79, 94, 106, 111-117, 134, 138,
139, 147, 156, 174, 175-78, 192, 206,
217, 221-26, 235-42, 255, 268, 274,
293, 294, 299, 311, 314, 322-26, 333,
334-49, 366-69, 372, 373, 379, 380,
392, 395, 413, 415, 418, 424, 429-41,
462, 466, 482, 495, 502, 518, 529,
532, 346, 553, 559, 562, 612, 618,
624-26, 632, 634, 636, 740-45, 653,
634. — (La basse), 206, 263, 397,
405, 414, 415, 421, 424, 429, 432,
434, 466, 626, 627, 631, 644, 643.
— (La haute), 398, 404, 424, 432,
434. — (La conquête de la), 362,
365, 373, 391, 397 et s., 424. —
(L'échiquier de), 437, 632, 641. —
(Les évêques de), 443.
Normands (les), 63, 81. — Les insur-
gés), 221. — (Les navires), 43.
Norwich (l'évêque de), 223.
Noyers (Hugues de), 210, 492.
Noyon, 548.
Nyole, 649, 650.
O
0, 192, 193.
Odon (1'), 417, 418.
Officiers royaux (les), 139, 160, 308,
314, 341, 359, 362, 363, 460, 542,
362, 606, 607, 609, 612, 628-38, 641,
643, 646.
Oise (!'), 206, 241, 321, 323, 323, 547.
Oldhall (Guill.), 107, 127.
Oleron, 427.
Olonnes, 181.
Orbec, 311.
Ordonnances sur l'armée. Voy. Armée.
Orléanais (!'), 26, 94, 95, 107, 173.
Orléans, 38, 134, 138, 145, 156, 160-
167, 172, 212, 263, 296, 297, 444,
449, 559, 609. Voy. Sièges.
Orléans (la maison d'), 93, 664.— (Char-
les, duc d'), 8-42, 51, 33, 61, 72, 77,
78, 115, 202, 205, 226, 234, 238, 257,
270, 272, 279, 289, 296, 297, 303, 303,
310, 314, 317, 318, 328, 3.30-33, 340,
341,345,352-54,431,439-41,449,450,
455, 438, 460, 480-85, 498, 581-83. —
(Jean d'), c. d'Angoulême, 27, 30,
202, 210, 212, 238, 270, 352, 334,
397, 423, 429, 431, 439, 440. — (Jean,
bâtard d'), c. de Dunois, vn, 84,
99, 104, 117, 143-48. 164, 167, 169,
171, 187, 191, 193, 193, 200, 206, 210-
213, 220-22, 235-38, 242-43, 251, 237,
264, 272, 273, 276, 280, 303, 304, 307,
311, 336, 340-43, 353, 366-71, 373, 387
et s., 392-98, 404, 414-419, 421 et s.,
431-34, 437-41, 430, 431, 438, 439.
466, 467, 474, 488, 491, 493, 510, 531,'
542, 543, 550, 568-71, 613, 624, 642,
644. — (Jeanne d'), duch. d'Alencon,
13, 61, 187. — (Louis 1er, duc d'),,
vu, 3, 8-16, 37, 61, 70, 84, 476, 477,
498. — (Marguerite d'), comtesse
d'Etampes, 61, 222, 239, 439, 451,
470, 498. — (Philippe d'), c. de Ver-
tus, 18, 28,. 30, 31, 36, 49, 485. —
(Le parti d'), 20, 21, 26, 31. — (Les
princes d'), 21-24, 31.
Orme (Et. d'), 238, 462.
Orne (!'), 417, 418.
Orval (les s. d'). Voy. Albret (Ama-
nieu d') et (Guill. d').
Orville, 268.
Ottomans (les), 437.
Ouest (1'), 280, 330.
Ouistreham, 420.
Ouschard (J.), 118, 135.
Ouse (1'), 477.
Ouve (1'), 415.
Oysemont, 548.
Owen Glendowr, 9.
Pailly (J. de), dit Forte-Epice, 219,
283, 283, 308.
INDEX ALPHABETIQUE
691
Paimpol, 67.
Paisnel (Jeanne), 416.
Paix (la), 304, 506, 547, 552-55, 581,
603, 619.
Paix avec l'Angleterre (la), 362, 395,
433. — (Le parti de la) en Angle-
terre, 345-347; — en France, 289,
297.
Palluàu, 327, 386, 426.
Panais, Panaisines, 527, 546.
Pape (le), 101, 149, 219, 224, 228,
237, 239, 289, 297, 326, 345, 443,
445, 432, 434, 556. — (Les ambas-
sadeurs du), 226. — (Les légats
du), 534.
Papin (Guill.), 648.
Parcaut (P.), 566.
Pardiac (le c. de). Voy. Armagnac
(Bernard d').
Parenlucelli (Th.), dit Th. de Sar-
zana, 227.
Paris, 6, 8, 10, 13, 17-22, 24, 27-38,
't8, 30, 58, 62, 64, 66-68, 71, 74-78,
85, 86, 94, 107, 134, 145, 147, 168,
170, 174-76, 178, 194, 220-222, 233,
236, 237, 240-52, 271, 274 et s., 283-
287, 289, 295-99, 304, 308, 311-14,
319-32, 370, 381, 434, 441-44, 472,
477, 482, 484, 490, 300, 530, 532, 557-
361, 364, 567-69,574, 576, 587, 593,
607, 608, 645, 649, 652, 655. — Les
archers de, 274, 276. — L'armée de,
258. — La bastille Saint-Antoine, à,
38, 238, 239, 247-52, 264. — Les Ber-
nardins, à, 443. — Le Chàtelet de,
242, 286, 329, 560, 562, 567, 574, 576,
395, 596, 609. — Le clergé de, 256,
264, 276. — Le collège de Navarre,
à, 37. — Le collège de Saint-Esprit-
en-Grève, à, 587. — La Conciergerie
de, 280, 574, 578-80. — La confrérie
aux Bourgeois, à, 589. — La confré-
rie de N.-D. de Recouvrance, à, 587,
389, 396. — La confrérie de N.-D.
de Sainte-Conception, à, 589. — La
confrérie de saint Lubin, à, 589. —
Le conseil de, 264. — Le conseil de
Charles VII, à, 261, 264, 266, 290, 559,
360. — La croix du Trahoir, à, 31.
— Les curés de, 442. — Les dépu-
tés de, 228, 229, 236, 260, 280. — La
domination anglaise, à, 264. — Les
échevins de, 253, 276. — Eglises :
des Billettes, 588 ; des Blancs-Man-
teaux, 588; des Célestins, 37, 588;
desinnocents, 248;dela Madeleine,
389; Notre-Dame, 31, 32, 37, 247,
248, 251, 232, 260, 264, 276, 277, 329,
462, 589; N.-D. des Carmes, 329,
387, 589, 596; Sainte-Catherine-du-
Val-des-Ecoliers, 588; Sainte-Cha-
pelle, 264; Saint-Paul, 249, 588, 589.
— Entrée et séjour de Charles VII
à, 276, 277. — Etat de Paris en 1437,
p. 278. — L'évêque de, 32, 260, 264,
443, 575, 577. — Le grenier à sel de,
256. — Grève (la place de), à, 248. —
Les Halles de, 31, 36, 56, 57, 66, 283,
426-28. — L'Hôtel-Dieu de, 587. —
Hôtels : de la Grange-aux-Merciers,
267; de la Petite-Bretagne, 178; du
Porc-Epic, 249, 329; de Nesle, 65,
381 : Saint-Paul, 8, 24, 32, 38, 42, 39,
64, 69, 72, 233, 249, 295. — L'Hôtel
de Ville de, 31, 57, 242, 251, 284. —
Le marché de la Madeleine, à, 251.
— La mortalité à, 284. — Le palais
de justice de, 32. — Le parlement
de, voy. Parlement. — Le pont N.-
Dame, à, 248. —Portes: Baudet, 248 ;
Saint-Antoine, 267; Saint-Denis,
32, 246, 472, 476; Saiul-Honoré, 32;
Saint-Jacques, 21, 247, 278, 313;
Saint-Michel, 247; de Seine, 20. —
Le prévôt de, 70, 264, 283, 294, 308,
349, 559, 566, 577, 580, 605, 607, 624.
— Le prévôt des marchands de, 70,
253, 276. — La prévôté de, 283, 624,
625. — Les Quinze-Vingts, 587. — La
réduction de, 233-57, 260-69, 460, 537-
560,611. — Rues : Hautefeuille, 249;
du Jour, ou de Jouy, 249 ; Saint- An-
toine, 562 ; Saint-Jacques, 247 ; Saint-
Paul, 562. — Les religieux de Saint-
Antoine, à, 588; de Sainte-Croix,
588. — L'université de, 32, 70, 224,
252, 236, 261, 268, 442, 443. — La
vicomte de, 256, 261. — Environs
de Paris: L'abbaye de Longehamps,
439; Montmartre, 21, 32; N.-D. des
Champs, 245, 247; Le Roule, 32;
Saint-Lazare, 276; Saint-Marcel, 17,
245: Saint-Remy, 20.
Parisiens (les), 17, 21, 31, 32, 77, 220,
242, 244, 246-52, 260-62, 270, 271,
277, 281, 285, 287, 289, 311.
Parlement de Paris (le), 70-72, 77,
140, 194, 241, 232-56, 264, 269, 278,
280, 312, 341, 352, 374, 381, 384,
437 et s., 451, 484, 486, 498, 506-
509, 519, 562, 563, 568, 575-79, 595,
600-603, 641, 643.
Parlement de Poitiers (le), 155, 163,
165, 181, 190, 192, 220, 223, 260-63,
493, 508, 536, 542.
Parlement de Toulouse (le) , 308.
Parlement (les registres du), 77, 86,
165.
Parthenay, 23, 40, 41, 151, 155-58,
161, 164, 174, 177 et s., 184, 190,
192, 198, 200, 207, 212, 220, 222,
239, 262, 263, 329, 330, 340, 345,
352, 377, 380 et s., 395, 403, 424,
429, 431 et s., 441-44, 451, 486-89,
494, 542, 565, 585, 599, 601, 602,
616, 618, 624, 647, 648, 656-38. —
692
INDEX ALPHABETIQUE
(Jeanne de), 48S-88. — (Marie de),
485-88. — (Michel de), 413, 426. —
(Seigneurie de), 39, 151, 190, 220. -
Voy. Sièges. Traités.
Pasqiiier (évêque de Meaux), 292.
Pfttay, m.— (Bataille de), 171-74.
Paumyer (J.), 516.
Payen, 658.
Paysans (les), 341.
Peiresc, 471.
Penansac, 569.
Penhoet (le s. de), 9, 85, 185.
Penthièvre (le comté de), 426.
Penthièvre (les), 4 et s., 14, 53-61,
68,83,90,102,109,111,121,155,377,
386, 426, 463,476. — (Alain Fergant,
comte de), 477. — (Ch. de Blois,
comte de), 1, 2, 12. — (Charles de
Blois, ou de), baron d'Avaugour,
53, 59, 103, 190, 327, 426, 494, 495,
496. — (Eudon, comte de), 477. —
(Françoise de), 444. — (Guill. de),
52, 85, 89, 90, 99, 102, 386, 444. —
(Jean I*' de Blois, comte de), 2, 3, 9.
— (Jean II de Blois, s. de Laigle,
comte de), 2, 3, 15, 53, 59, 102, 121,
154-58, 381, 386, 394, 425, 426, 431,
437, 495, 533. — (Jeanne de), 1, 2.
— (Nicole de), 426- — (Olivier de
Blois, comte de), 9 et s., 14, 15,
17, 21-25, 36-38, 53, 55, 59, 102, 121,
494, 495. Voy. Brosse (Jean II de),
CussoN (Marguerite de), et le ta-
bleau généal. des ducs de Breta-
gne, p. 660-61.
Perçant (P.), 618.
Perche (le), 22, 127, 403, 437, 517,
530.
Périgord (le), 331. — (Archam-
baud VI, c. de), 485, 486. — (Bru-
nissande de), 485, 486.
Periou (J.), 479.
Pernant, 571.
Pernaulx (P.), 494.
Péronit, 6.
Péronne, 75, 109, 548, 556.
Petit (J ) 11.
Peuple (le), 307, 324, 346, 356, 361,363,
369, 373, 407, 432, 466.
Pevensey (château de), 58.
Peyto (Guill.), 319, 399.
Picard (le petit), 259.
Picardie (la), 94, 174-77, 210, 213,
257, 268, 334, 548, 568.
Picart, 566.
Picquigny, 548.
Pie II, 452, 472.
Pierrefrite (Roger de), 284, 285, 312,
573, 576, 577.
Pierres à canon, 546.
Pigache (Th.), 139, 245.
Pillards, pilleries, 214, 349, 356, 360,
363, 369, 506, 511, 512, 541, 545,
560, 561, 566, 573, 574, 605 et s.,
616, 619, 644.
Pinon (L.), év. d'Auxerre, 223, 227,
232.
Pionniers (payement de), 639.
Pirou, 400.
Pisan (Christine de), 455.
Pithiviers, 139, 143.
Plaisance (château de), 451.
Pleurs (château de), 106.
Ploermel, 340.
Pluscalec (H. de), 69. —(Maurice de),
108, 330.
Pocaire (R.), 178.
Podiebrad (G.), 447.
Poissy, 245, 268, 323, 324, 558, 559.
Poitiers, 21, 48, 50, 100-112, 126, 140,
150, 158, 159, 173, 181, 200, 242,
263, 306, 341, 381, 509-517, 522-24,
534, 535, 601. — (Assemblée de)
en 1443, p. 341, 342. — (L'évêque
de), 443, 492, 610, 616. — (Les ha-
bitants de), 158. — (Le Parlement
de), voy. Parlement.
Poitou (le), 22, 23, 30, 40, 48, 51, 56,
61, 94, 101, 154, 157 et s., 166, 177,
181-192, 200, 208, 219, 301-308, 327
et s., 334, 340, 341, 347, 358, 366,
381, 428, 433, 460-63, 486-90, 511,
512, 540-44, 556, 585, 597-602, 610,
611, 616, 618, 646. — (Le comte de),
601. — (Le sénéchal de), 611, 630.
Pons (J. de), 180, 330.
Pontaubault, 300.
Pont-à-Mousson, 351.
Pont-Audemer, 333, 343, 397.
Pontbriant (H. de), 481.
Pont-de-1'Arche, 268, 312, 322, 323,
394 517.
Pont-'d'Ouve, 401.
Pont-l'Evêque, 312, 322.
Pont-Sainte-Maxence, 222, 257, 323,
571.
Ponthieu (le), 219, 230, 258. — (Char-
les de) 30. Voy. Dauphin Charles (lel.
Pontoise, 21, 36, 58, 114, 241, 243-45,
256, 257, 261, 266-68, 270, 274, 275,
278, 281, 282, 287, 289, 296, 309, 319-
27, 351, 561, 584. — Les abbayes de
Maubuisson, 321-25, et de Saint-
Martin; près de Pontoise, 321-23.
— Le tour du Friche, à Pontoise,
325. Voy. Sièges, Traités.
Pontorson, 3, 51, 59, 117, 118, 123,
128, 134-139, 148, 172, 239, 476,
527. Voy. Sièges.
Ponts-de-Cé (les), 126, 197, 527.
Poolin(P.),517.
Porhoet (le c. de). Voy. Rohan ,
(Alain de).
Port-de-Piles, 601.
Port-Saint-Ouen, 595.
Portsmouth, 405.
INDEX ALPHABETIQUE
693
Portugal (Jean I", roi de), 176, 196.
— (Isabelle de), duch. de Bourgo-
gae, 176, 218, 220, 224, 229-32, 289,
316, 317, 3oi.
Pot (Renier), s. de La Roche, 71,
487.
Pouancé, 185-8S, 207, 344, 538.
Pouilly (traité de), 49, 31.
Poussard (Colas), trompette de Ri-
chemont, 464.
Pouvoir royal (le), 326.
Pouzauges (le s. de), 49.
Pragmatique de Bourges (la). 280,
Praguerie (la), 283, 299, 302-303, 308,
309, 313-18, 323 et s., 332, 334, 333,
438, 464.
Préaune (le bâtard de), 637.
Precigay (le s. de), 383.
Prévôts (les), 372.
Prigent (Jean), 186. — (Et.), 636.
Procureur du roi (le), 542, 361-64,
372-79, 598, 601, 603, 607, 608, 612,
638, 641.
Provence (le président de). Voy.
LOUVET.
Prye (le s. de), 159, 160, 551.
Pucelle d'Orléans (la). Voy. Arc (J. d').
Puiseux (Colinet de), 20.
Puy-de-Cerre (l'hôtel de), 646-48.
Puzignan (la seigneurie de), 197.
Quelen (0. de), 428, 446.
Quercy (le), 331.
Quiefdeville (Guill. de), 530, 531.
Quignon (J.), 329, 395, 596.
Raboteau, 649.
Raguier (Hémon), 482.
Rambouillet, 81, 107, 139, 147, 130,
207.
Rambures, 198, 548. — (David de), 33.
Rampston (Th.), 117, 118, 134, 172,
336.
Raoulet, 72.
Raoulin de Mâcon, 320.
Rapiout, 364, 563, 368, 571, 572, 577-
80, 601.
Ratault (J.), 658. — (Archambaud),
638.
Ranlin (Nie), 227, 234.
Raye J. de). 247, 252.
Razilly (le château de), 384,
Ré (l'île de), 181, 184, 185.
Rebelles (les), 20, 303-307.
Rebours A.), 626.
Receveurs, 369, 507, 508, 614, 617,
625, 645.
Receveur général, 633, 654.
Redford (H.), 418.
Redon, 124. 163, 183, 191, 192, 328,
383, 385, 397, 406, 545, 586.
Regnault de Chartres. Voy. Char-
tres.
Régneville, 399.
Reims, 168, 173, 174. 194, 214, 223,
237, 238, 263, 273, 306, 316, 317, 463.
— (Les habitants de), 178.
Rémission (lettres de), 282, 283, 357.
Rémission générale pour les gens
de guerre, 337.
Renier (P.), 481.
Renis (Lyonnel), 9.
Rennefort, 127.
Rennes, 4, 26, 62, 63, 71, 117, 120,
188-91, 340, 382, 387, 388, 395, 396,
403, 425, 435, 445, 448, 456, 543, 628.
— (L'archidiacre de), 313.— (L'évê-
que de), 433. — (Marchands de,
384. — (Traité de', 26.
Re?sons-sur-Matz, 548.
Restout, 643.
Rethel, 328.
Revigny, 213, 551.
Rhin (le), 348.
Rhodes (chevalier de), 267.
Ribemont, 348.
Richmond, 477.
Richemont (le comte de), connét. de
Fr. Voy. Bretagne (Artur de). —
(Le comté de), 3, 4, 7, 12, 14, 378,
380, 477, 478.
Ricze (An t.), 479.
Rieux, 379. — (François de), 368, 371,
572. — (Jean II de), 9, 184, 567. —
(Jean III de), 110, 181, 184. —
(Marie de), vicomtesse d'Amboise,
181, 183, 184, 191, 544. — (Pierre
de), dit de Rochefort, marée, de
Fr., 184, 208, 212, 213, 220, 221,
235, 236, 239, 256, 264, 283, 295,
454, 492, 530, 567, 568, 573, 667.
Rigaut (E.), 643.
Rinel (J. de), 300, 530.
Riom, 286, 289, 307.
Ripaille, 224.
Robessart (J. de), 415, 416.
Rochechouart (G. de), 604. — (Jean
de), s. de Mortemart, 212, 493. —
(Louis de), 223.
Rochecorbon, 140.
Rochefort (sur Charente), 192; — (sur
Loire), 141; — (en Yveline). 8, 113.
— (Jeanne de), 184, 567. — (Le sire
de), 143.
Rochester (l'évêque de), 56.
Rohan (la maison de), 439, 666. —
(Alain VIII, vie. de), 10, 13, 37,
148, 477, 331. — (Alain IX, c. de
Porhoet, vie. de), 85, 104, 110, 118,
148, 180, 202, 212. 222, 387, 403, 430,
438, 439, 445, 446, 312. — (Alain de),
c. de Porhoet, fils d'Alain IX, 222,
387,403. —(Edouard de), 40 42.—
— (Jeaa II, vie. de), 438, 439. —
694
INDEX ALPHABETIQUE
(Jeanne de), 202, 214. — (Louis de),
chanc. de Bret., 383, 388, 40S. —
(Marguerite de), femme de J. de
Beaumanoir, 12. — (Marguerite de),
comtesse d'AngouIême, 397.
Rolant, 642,
Romagne, 239, 286.
Rome, 82, S68.
Romilly, 175.
Roos (Rob.), 333, 338, 379, 380.
Roses (la guerre des Deux\ 418, 452.
Roskill (G.), 382.
Rosnyvinen (Guill. de), 366, 387, 401,
416, 614. —(Jean de), 200, 244, 314,
337, 387, 461,462, 636.
Rostrenen (le s. de), lient, de Ri-
chemont, 133, 166, 167 et s., 173,
183, 184, 208, 244, 237, 261-69, 292,
294, 309, 461, 360, 570, 379, 580.
Rouault (Abel), 405, 406, 628, 629. —
(Joachim), 321, 359, 399, 404, 406,
417, 420, 467, 628, 633. — (René),
658.
Rouen, 40, 50, 58, 60, 77, 107, 116,
137, 139, 166, 175, 178, 185, 206,
207, 229, 237, 240, 241, 230, 232, 256,
272, 293, 295, 312, 319, 323, 323,
343, 351, 394-98, 404, 418, 429, 432,
434, 443, 495, 502, 517, 319, 532,
563, 568, 581, 582, 613, 644, 645. —
(Le bailli de), 641. — (Les bour-
geois de), 404. — (Le château de),
193.
Rouergue {le), 363,
Rougne (P.), 648,
Roulet (G.), 250.
Rousseau (J.), 266.
Roussel (Rob.), 389.
Roussignol (P. et Isabelle), 392.
Routiers (les), 78, 122, 210, 243,248,
249, 235, 259, 263, 264, 270, 281,
282, 285, 299-309, 313, 324-326,
331, 335, 348, 354 et s., 359, 363,
369, 371, 569; — (anglais), 349. —
(Capitaines de), 314, 315, 341, 349.
Rouvray (la bataille de), 164, 172,
331.
Rouxél (Rob.), 58.
Roy, 544.
Royan, 338.
Royaume de France (le), 162, 182,357.
— (Le recouvrement du), 280.
Roye, 73, 230, 548.
Rozoy, 348.
Rue, 221, 222, 237, 258,
Rumigny, 548.
Rygmayden (G.), 207.
Sablé, 108, 109, 122, 193, 208, 209,
314, — (Traité de). 61-66,
Sacre des rois de Fr. (le), 601.
Saint-Aignan, 167. — (M. de), 637.
545,
261,
472,
128,
Saint-Albans (bat. de), 442.
Saint-Amand, 73.
Saint-André de Brabant, 590.
Saint-André (la Croix de), 246.
Saint-Aubin-du-Cormier, 456.
Saint-Bricon, 528.
Saint-Brieuc, 10.
Saint-Calais, 123.
Sainl-Céneri, 192, 193, 206, 207,
346.
Saint-Chartier (le s. de), 481.
Saint-Claude, 390,
Saint-Clément (les grèves de), 407.
Saint-Cloud, 20-22, 249, 314, 338, 359.
Saint-Denis, 17 et s., 22, 32-37, 38, 39,
175, 222, 233-36, 243-43, 249, 268,
269, 276, 286, 293, 320-24, 568, 371.
— (L'abbaye de), 20. — La tour
du Salut, ou du Venin, à Saint-
Denis, 243, 244, 249.
Saint-Evroult, 192, 193.
Saint-Fiacre-en-Brie, 590.
Saint-Gengoux, 230.
Saint-Germain (en Laye), 241,
264, 286, 287, 296, 312, 319,
361 ; — (sous Cailly), 258.
Saint-Gilles (Guill. de), 166.
Saint-Guillaume-de-Mortain, 619.
Saint-Jacques (bataille de), 351.
Saint-James-de-Beuvron, 117-123,
135-38, 148, 192, 239, 301, 385, 386;
393. 396, 313. 619.
Saint-Jean (le feu delà), 284.
SainWean (Regnault de), 222, 233,
568.
Saint-Lo, 398-400, 404-414, 432, 464.
621, 622, 630. — (Le sénéchal de);
630.
Saint-Maigrin, 394.
Saint-Maixent, 306, 307, 330, 340, 363.
— (L'abbé de), 307, 334.
Saiut-Malo, 29, 79, 378, 432, 478. —
(L'évêque de), 531.
Saint-Mars (Huet de), 582.
Saiut-Martin (Th. de), 646.
Saint-Mathurin de Larchampt, 590.
Saint-Maur, 285.
Saint-Michel (le mont). Voy. Mont-
Saint-Michel.
Saint-Mihiel, 216, 316.
Saint-Nazar (J. de), 494.
Saint-Omer, 199, 257, 289, 297. —
(Conférences de), 297.
Samt-Ouen, 20, 33, 148.
Saint-Pierre-de-Vauvray, 323.
Saint-Pol (le c. de). Voy. Luxembourg.
Saint-Port (conférences de), 199.
Saint-Pourçain, 440, 441.
Saint-Privat-la-Montagne, 350.
Saint-Quentin, 41, 223, 230, 240, 317
319, 348, 584. — (Le village de), 344
Saint-Remy-au-Plain, 22.
SaintrRémy (le héraut), 226.
INDEX ALPHABETIQUE
695
SaiQt-Riquier, 219, 240, 548.
Saint-Sauveur-le-Vicomte, 400, 402,
415, 416, 628, 634.
Saint-Seine, 7.
Sainl-Sever, 335-340, 458.
Saint-Simon (Gilles de), chambellan
de Richemont, 212, 215, 216, 236,
241, 311, 314, 419, 461, 351, 656, 638.
Sainl-Sulpice (la seigneurie de), 331.
Saint-Svmphorien d'Auzon, 210, 291.
Saint-Vaast (labbaye de), 223, 224,
229, 232. — (L'abbé de), 223. Voy.
Ahras.
Saint-Vaast-la-Hougue, 434.
Saint-Valéry (en Caux), 206; — (sur-
Somme), 258, 548.
Saint-Vallier (le s. de), 308.
Saint-Vincent (l'église), à Dun-le-Roi,
592. — (Le mont), près de Laon,
212, 213.
Saint-Yon (J.), 247, 252.
Sainte-Ampoule fia), 96.
Sainte-Bazeille, 339.
Sainle-Catherine-de-Fierbois, 583.
Sainte-Croix (le cardinal de). Voy.
Albekgati.
Sainte-Hermine, 141, 154, 330.
Sainte-Ménéhould, 214, 260, 277, 285,
330, 563-65.
Sainte-Néomaye, 164, 340, 363.
Sainte-Sévère (le s. de). Voy. Brosse
(Jean de).
Sainte-Suzanne, 108, 113, 147, 300.
Saintes, 330.
Saintonge (la), 94, 154, 164, 181, 184,
188, 189, 192, 301, 325, 330, 366,
368,540, 541, 646.
Saintrailles (Poton de), vu, 75, 145,
171, 172, 180, 194,212-216, 221, 223,
226, 237, 240, 243, 256, 237, 273, 280,
282, 304, 307, 312, 319-21, 324, 331,
333, 349, 330, 397, 417, 551.
Salazar, 320, 326, 341.
Saligny (la dame de), 526-29. — (J.
Lourdin de), 328-29.
Salisbury (le bâtard de), 187. — (La
comtesse de), 86. — (Le comte de).
. Voy. MoNTAGU (Th. de).
Salmon (P.), 430.
Salut (la tour du). Voy. Saint-Denis.
Salvaiu (J.), 123, 137, 207, 517.
Sandres-Broquart, 628, 629, 637.
Sandwich, 432.
Sangler (poursuivant de Richemont),
582.
Sansoy-Pasquier, 636-39.
Santerre (le), 289, 311.
Saône (la), 270.
Sarmet (Ant. de), 370.
Sarrebrûck (Rob. de), damoiseau de
Commerey, 214-216, 259, 265, 266,
285, 286, 313-317, 350, 551. 552.
Sarzana (Th.), pape sous le nom de
Nicolas V, 227.
Saulnières (J. de), 656, 658.
Saulx (Mille de), 266, 267.
Saumur, 48, 52, 108, 110,111, 122, 123,
157, 180, 184, 207, 327, 332, 340, 344,
521, 636-58. — (L'abbaye de Saint-
Florent, à), 110, 111. — (L'entrevue
de), 110, 114. —(Traité de), 11.
Sauvage (P.), 481. — (de Fermain-
ville), 109.
Saveuse (Guill. de), 42, 80.
Savoie (la), 97, 440, 446. — (La mai-
son de), 95. — Amédée Vil, comte
de), 12, 14, 75. — (Amédée VIll,
comte, puis duc de), vu, 12, 75, 77,
80, 84-90, 95, 99, 103, 106, 111, 114,
118, 121, 124, 129, 133, 157, 175,
179, 194-201, 210, 211, 217 et s., 224,
262, 394, 505. — (Amédée de), fils
de Louis I", 262. — (Charlotte de),
femme du dauphin Louis, 433. —
Louis I". comte de Genève, duc
de), 211, 262, 333, 433, 440, 441. —
(Marguerite de), reine de Sicile, 193,
211.
Savonnières (J. de), 636.
Scales (Th. de), 81, 107, 134, 137, 170,
172, 187, 190, 221, 235, 240, 241, 256,
274, 293, 300, 312,319, 322, 324, 3't3.
Sceau (le grand), 508.
Scel (la cour du), 647.
Scel des obligations (le), 654.
Schisme (le), 384.
Secillon (J.), 618.
Secondiguy, 39, 220, 489.
Sée (la), 300.
Séez, 438.
Seine (la), 21, 175, 206, 210, 236, 241,
243-47,252,268, 273, 295, 311, 312.
314 323 341.
Selles-en-Berry, 97, 102, 103, 155-67.
Sélune (la), 300.
Semuf (Girard de), 573.
Senlis, 33, 35, 68, 175, 178, 212, 223,
236, 256, 257, 261, 268, 319, 320, 327,
362, 559-61, 384. — (Le bailli de),
264, 607.
Sénéchaux (les), 373, 374, 497, 508.
Seneterre (le bâtard de), 212.
Senonches, 81, 107.
Sens, 20, 36, 179, 238, 270, 271. —
(L'archev. de), 90. — (Le bailli de^.
137. Voy. Troissi (J. de).
Sergents, 571, 637-39.
Sérisy (l'abbé de), 11.
Serre (la), 547.
Sévérac (le marée, de), 90, 116.
Sévestre (J.), 164.
Sézanne, 106.
Sienne (la), 399.
Sièges : — d'Arras, 34 ; — d'Avranches,
298-304,310,389,414,582; — de Beau-
696
INDEX ALPHABETIQUE
demont-en-Vexin, 274; — de Bour-
ges, 23, 26; — deCaen, 417-20,635-
638; — de Cherbourg, 420, 421, 637-
640; — deCompiègae,33, 194; — de
Creil, 319 : — de Dax, 336, 337 ; - de
Dieppe, 342-44; — de Fougères, 402,
403; — de Gavray, 401, 402; — de
Lagny, 193, 197; — de La Gravelle,
148, 149; — du Mans, 392, 393; —
de Meaux, 64, 289-98, 466, 580; —
de Montargis, 145-48, 530-32, 542,
563-65 ; — de iMontereau, 270-75, 279,
280, 291, 292, 562 ; — du Mont Saint-
Michel, 81, 107, 110, 163, 178, 221 ; —
de Moynier, 106, 113, 128; —d'Or-
léans, 138, 163, 165; — de Parthe-
nay, 40, 49; — de Pontoise, 320-
26; — de Pontorson, 135-38; — de
Pouancé, 187, 188; — de Sillé, 207-
209, — de ïancarville, 274; — de
Saint-Céueri, 206, 207; — de Saint-
Denis, 235, 236; — de Saint-James-
de-Beuvron, 118, 120, 396; — de
Saint-Sever, 335, 336; — de Sois-
sons, 33, 34; — de Valognes, 416;
— de Vire, 413, 630, 631.
Sigisœond (l'empereur). Voy. Luxem-
bourg.
Sillé-le-Guillaume, 24, 107, 207-209.
— (La journée de), 208, 209.
Simon, 564, 573, 578, 579.
Sodoiers, eu Soudoyers, 505, 548.
Soissonnais (le), 139, 264.
Soissons, 61, 319. — (Siège de), 33, 34.
Soley (Et. de), 494.
Somerset (comtes et ducs de), voy.
Beaufort.
Somme (la), 40, 41, 206, 225, 241,
552, 536. — (Les villes de la), 219,
230, 259, 552-56.
Sorciers (les), 457, 463.
Sorel (Agnès), 347, 404, 416, 427, 431.
Souprose, 335.
Soulhampton, 51.
Spencer (Hugues), 419.
StalTord (Rob.), 139.
Standish (H.), 323.
Staulawe (J.), 309, 320.
Stuartou Steviart (J.), c. de Dernlev,
s. d'Aubignv, 60, 108, 118, 123, 128,
131, 136, 13'8, 145, 150.
Succinio (le château de), 1.
Suffolk (le c. de). Voy. La Pôle.
Suisses (les), 349, 351. — (Les cantons),
349.
Sully, 141, 167, 172, 449. — (Georges
de), 370. — (Marie de), 86, 131, 141.
Sureau (P.), 342, 546.
Surgières (J. de), 190,
Surienne (François), dit l'Aragonais,
193, 280, 318, '343, 387, 394, 403.
Surrain, 408.
Swalc (la), 447.
Tabellionnage (le), 621, 622.
Taillebourg, 330, 431.
Tailles (les), 298, 369, 617.
Talbot (J.), 134, 139, 143, 148, 161, 168,
170-172, 212, 235, 240, 256, 266-268,
274, 275, 280, 289, 293, 294. 300, 311-
14, 321-25, 333, 342-46, 433, 436.
Talmont, 181, 197, 338.
Tanac (D.), 40, 73, 494,
Tancarville, 236, 239, 241, 274-76. —
(Le c. de), 355, 642,
Tartas, 331-33, — (La journée de), 332-
335, 342.
Tennie, 107.
Ternant (Ph. de), 243, 244, 251.
Terre-Sainte (la), 259.
Thalence (Roi. de), 623.
Thermes (Thibault de), 128.
Thérouenne (l'évêque de) . Voy. Luxem-
bourg (Louis de).
Thian (le bâtard de), 293.
Thiboust (H,), 573, — (P.), 643. — (R.),
552.
Thiessart, 375.
Thionville, 447.
Thoreau (Guill.), 48.
Thorigny, 400, 404.
Thouars, 157, 181, 182,601, — (Le vie.
de). Voy. Amboise (L, d').
Thoygnet (J.), 564.
Tillay (Jamet de), 212, 338, 613,
Tirecoq (J.), 189,
Titanna (Yvon de), 656.
Toison d'or (la), 318.
Tombelaine, 396, 413, 614.
Tomelin (G.), archer du corps de Ri-
chement, 636.
Tonneins, 339.
Tonnerre (le comté de), 290. — (Ma-
dame de), 637, — Voy, Chalon.
Torcy, 157. — (Le s. de), 441 ,613. Voy,
ESTOUTEVILLE (J. d').
Torfou (la seigneurie de), 352,
Torsay(J. de), 100, 181,198. — (Jeanne
de), 181, 493,
Toul, 351.
Toulongeon (le marée, de), 129.
Toulouse, 334, 335, 339, 373, 374. —
(L'archev. de), 237, 264, 503, 364. —
(Le parlement de), 308.
Touques, 322, 398, 613.
Touraine (le héraut), 534.
Touraine (la), 26, 69, 85, 94, 181, 197,
269, 303, 307, 384, 398, 470, 494, 540.
— (La duchesse de), Yolande d'Ara-
gon, 86, 101, 102. - (Le duc de), le
dauphin Jean, Arch. Douglas et le
c. de Richemont, 48, 81, 86. — (Le
duché de), 85, 86, 113, 217, 460.
Tournai, 82, 97, 320,
Tours, 9, 17, 89, 101, 133, 161, 162, 167,
INDEX ALPHABÉTIQUE
697
178, 181, 203, 220, 238, 242, 263, 304,
347, 348, 392, 395, 428, 444-52, 488,
492, 506, 536, 552. 607, 625. — (L'ar-
chev. de), 150, 452. — (Le bailli de),
102,104. (Les habitants de), 102, 133,
506. — (Le manifeste de), 17. — (La
trêve de), 347, 348, 607, 619, 620, —
(Saint-Gatien de), 448.
Tourteaux, 527.
Trait (les gens de), 646.
Traités, trêves, conventions : — d'Ab-
biate-Grasso, en 1424, p. 76; —
d'Amiens, en 1423, p. 74; — d'An-
gers, en 1417, p. 49, 51, 487 ; — d'Ar-
ras, en 1414, p. 35, 38; en 1416, p.
47; en 1435, p. 77, 95, 219 et s., 229-
233, 237-40, 259, 266, 290, 302, 314-
17, 464, 466, 472, 498, 552-54; —
d'Auxerre, en 1412, p. 25; — de
Bicêtre, en 1410, p. 18; — de Bour-
ges (ou d'Auxerre), en 1412, p. 25-
27, 30 ; — de Bruges, en 1440, p. 317 ;
— de Buzançais, en 1412, p. 27 ; —
de Chambéry, en 1424, p. 84; en
1434, p. 217; — de Champtocé, en
1431, p. 180; — de Chartres, en 1409
p. 12; — de Gleppé, en 1452, p. 433
440, 441; — de Corbeil, en 1420
pourl'élargisseraent de Richemont
p.57,58,60,68; — deGusset,enl440
p. 307, 308; — de Guérande, en 1365
p. 2, 425, 430; — de Ham, en 1434
p. 214; — de Harcourt, en 1437, p
279;— de Lille, en 1437, p. 265
266; — de Montluel, en 1425, p
88, 98; — de Nantes, en 1424, p
77-79, 83; en 1448, p. 386; — de Ne-
vers, en 1435, p. 218; — de Paris,
en 1404, p. 482; —de Parthenay-le-
Vieux, en 1419, p. 31; — de Pont-
de-Veyle, en 1434, p. 217 ; — de Pon-
toise, en 1413, p. 27; — de Pouilly,
en 1419, p. 49, 51, 427, 498; — de
Rennes, en 1432, p. 191, 193, 488,
541-545; en 1449, p. 347;— de Sablé,
en 1421 , p. 61-63, 66 ; — de Saumur,
en 1425, p. 111, 114. 115, 143, 147;
— de Tours, en 1406. p. 9; en 1444,
p. 346-48, 356, 392, 364, 372, 377,
380, 386, 387, 391, 393, 607, 619-20;
— de Troyes, en 1420, p. 55-58, 61,
63, 65, 68-71, 82, 90, 93, 109, 148,
228, 233, 498; — de Vitry-en-Per-
thois, en 1434, p. 215; — de Vau-
couleurs, en 1437, p. 266; en 1441,
p. 315.
Autres traités : de 1395, p. 3 ; — de 1402.
p. 5 ; — de 1408, p. 11 ; — de 1409,
p. 13;— de 1419, p. 49;— entre Phi-
lippe le Bon et Jean V, en 1419, p. 53 ;
— entre Philippe le Bon et les Etats
de Bretagne, en 1422 et 1423, p. 71,
72 ; —entre Philippe le Bon et Jean V,
en 1425, p. 98; —entre Charles VII
et Philippe le Bon, en 1425 et années
suiv., p. 115, 129, 153, 154, 157, 158 ;
— entre Henri VI et Jean V, en 1426.
p. 121, 155, 156;— entre les comtes
de Richemont, de Clermont et de
Pardiac, en 1427, p. 144; — entre
Jean V et Ch. d'Anjou, en 1431, p.
183 ; — entre Richemont et La Tré-
moille, en 1431 , p. 185 ; —entre Char-
les VII et Philippe le Bon, en 1431,
p. 188; — entre les ducs de Breta-
gne et d'Alençon, en 1432, p. 188;
— entre Henri VI et Ch. d'Orléans,
en 1433, p. 202, 205; — entre les
ducs de Bourbon et de Savoie,
en 1434, p. 217; — entre Henri VI
et Jean V, en 1440, p. 310; — entre
Henri VI et François 1er, d^c de Bre-
tagne,en 1443, p. â 46 ; — entre le dau-
phin Louis et François I^"', en 1444,
p. 349; — entre Charles VII et Fran-
çois 1er, en 1444, p. 349; — entre
Charles VII et Metz, en 1445, p. 331 ;
— entre René d'Anjou et Metz,
en 1443, p. 351 ; — entre Charles VII,
Philippe le Bon et René d'Anjou,
en 1445, p. 354; — entre Charles VII
et Henri VI, en 1448, p. 385; —
entre la France et l'Angleterre, de
1444 à 1449, p. 391-93.
Tramecourt, 41.
Tréanna (Yvon de), 658.
Trenchans (J.), 616.
Trésoriers de Fr. (les), 484, 508, 557,
600, 625, 635. — (Des guerres), 504,
313.
Trêves (le s.de). Voy. Le Maçon (Rob.).
Trévières, 407-412.
Trignac(le s. de). Voy. Comborn (J. de).
Tringant (Guill.), 146, 198, 202, 314.
Troissi (J. de), lient, de Richemont,
157, 292, 461, 463, 531, 370, 374-79,
592.
Trollope (A.), 402.
Tromagon (L. de), 492.
Trotet (J.), 252.
Troyes, 214, 218, 253, 236, 271, 273,
284, 314, 320. — (Le bailli de), 157.
Tucé (Beaudouin de\ bailli de Tours,
102, 104.
Tudert (J.), doyen de Paris, 223, 231,
232, 233, 264, 276, 352.
Tulle (l'évêque de), 530.
Turcs (les), 452.
Turgot (M.-E.), 557.
U
Université de Paris (1'). Voy. Paris.
Urbain V, 21.
Ust (Olivier d'), 37.
698
INDEX ALPHABETIQUE
Vailly, 265, Ml.
Valentinois (le), 308.
Valognes, 221, 401, 405-407, 416, 420,
424, 432, 434, 482, 628, 633-637, 639.
— (Le vicomte de), 644.
Valois (Marie de), 431. Voy. France.
Valperffa(L. de), 303. — (T. de), 122,
223, 226, 422, 551, 642.
Vannes, 1,26, 54, 61. 62, 123, 203, 222,
239, 309, 310, 425, 430, 438-40, 478.
— (Les états de), 39.
Varambon (le s. de), 243.
Varèze (J. de), 494.
Vaucoiileur (la lande de), 136.
Vaucouleurs, 316.
Vaueourt (L. de), 222, 235, 568.
Vaudemont (Ant. de), 193, 215, 283,
313, 316, 320, 324, 341, 351, 548. —
(Ferry II de), 351, 417, 427. — (Jean
de), 417. — (Marie de), vicomtesse
de Rohan, 438.
Vaudrey (Phil. de), 84, 83, 114, 500.
Vaulbricet, 590.
Vaurus (le bâtard de), 64.
Vaux (près de Metz), 330.
Vées (l'archidiacre des), 633.
Vendel (Guill ), m. d'h. de Richement,
137, 149, 329, 461, 464. 596, 657.
Vendôme, 25, 138, 145, 147, 347, 393,
449, 431, 437, 458. — (Le c. de). Voy.
Bourbon (L. de). — (Jean de'IjVidame
de Chartres, 208, 318.
Vendômois (le), 107, 114, 138, 530.
Verberie, 213.
Verdun, 316, 331. — (sur-Saône), 592.
— (L'évêque de), 313.
Vère (Rob. de), 403, 411, 418, 419.
Vermandois (le), 114, 266, 338, 613. —
— (Le bailli de), 358.
Verneuil, 81, 127, 237, 281, 312, 397,
449, 530, 644. — (Bat. de), 81, 82,
86, 107, 163, 231.
Vernis (Simon), 31.
Vernon,71,173, 266, 311,312, 321,322,
397.
Verrières (Et. de), 494.
Versailles (J. de), 373, 645.
Verteuil-sur-Gharente, 330.
Vertus, 106, 128. — (Le c. de). Voy.
Orléans (Phil. d').
Vexin (le), 268.
Vexio (l'évêque de), 224.
Vey (le grand), 405, 407.
Viana (Carlos de), 430, 431.
Viarmes, 268.
Vie (G. de), 332.
Vienne (la), 150, 167.
Vienne, 209, 210, 211, 291. — (en Au-
triche), 447. — (L'archev. de), 220,
492. — (Jacques de), 20.
Viennois (le), 507.
Vierzon, 102, 510.
Vienoles (Et. de). Voy. La Hirk. —
(P. Regnaud de), 192, 212, 341. Voy.
Amadoc.
Vigny, 268, 324.
Viguier (J.), 242.
Villandrando (Rodrigo de), 139, 173,
197, 198, 217, 262, 269, 270, 280, 282,
320, 331, 341.
Villarceaulx, 268.
Villars (J. de), 193.
VillebIanche(H. de), 192, 247,265,430,
443, 461, 570.
Villebresme, 497.
Villedieu, 402.
Villefranehe (de Rouergue), 334.
Villequier (André de), 416, 427.
Villes (les bonnes), 103-106, 133, 133,
160, 210, 262, 271, 296, 303, 307, 497,
569, 608, 611.
Villiers (voy. L'Isle-Adam).
Vincennes(ou le bois de), 67, 241,244,
261, 269, 282-85, 303, 308, 312, 313.
358, 361, 573-77.
Vienne (la), 357.
Vire, 274, 402, 404, 413, 414, 436, 631-
633, 639. — (La seigneurie de), 413,
460. — (Le siège de), 413, 630-31.
Visaiges (les faux), 398.
Visconti. — (Bonne), 379. — (J. Ga-
léas), 11. — (Valentine), 11.
Vitré, 239, 263, 397.
Vitry, 17. — (en Pertheis), 81, 106,
214, 213, 273, 447, 551, 564.
Vivein, 206.
Vivonne (Ant. de), 178, 181. — (Isa-
belle de), 59, 190, 327, 426.
Vousy (Ant.), 618.
Vouvant(poursuivant de Richement),
638.
Vouvant, 39, 40, 192, 220, 377, 483,
486, 489, 493, 399, 613.
Voyennes, 41.
W
Wandonne (Lionel de), 75.
Warwick (le c. de). Voy. Bkauchamp.
VV^estminster, 46.
Westmoreland (le c. de), voy. Nevil.
Willeries (de), secret, de Richement,
560, 581.
Willoughby, 107, 122, 187, 192, 206,
233, 240, 247, 251, 275.
Winchester (l'évêque, card. de). Voy.
Beaufort (H.).
Windsor (le château de), 64.
Worcester (l'évêque de), 56.
Wydville (Rie), 166, 322.
Xaincoins, 566.
INDEX ALPHABETIQUE
699
Yancourt, 348.
Yenne, 153.
Yolande (la reine). Voy. Araoon
(Yolande d').
Yonne (1'), 273, 313, 341.
York (l'archev. d'), 223. — (Edmond
Langley, duc d'), 268. — (Edouard
Langley, duc d'), 29. — (Richard,
duc d'), régent de France pour
Henri VI, 258, 266, 268, 272-73,
279, 311, 318, 319, 322-23, 333, 343,
345, 331, 398, 418, 419, 433, 442,
562.
Yorkshire (le), 477.
TABLE DES MATIERES
Pkéface VII
Principales sources ii
I. — Manuscrits ix
II. — Imprimés xit
Ouvrages anglais xiv
PREMIÈRE PARTIE
Enfance et débuts d'Artur de Bretagne (1393-1415).
CHAPITRE I". E.-NFANCE et adolescence d'ARTUR de BRETAGNE (1393-1410). —
Naissance d'A. de Bretagne. — Sa famille. — Mort de son père. — Enfance
d'Artur. — Il reçoit le titre de comte de Richemont. — Sa mère épouse
Henri IV et va en Angleterre. — Artur est élevé par le duc de Bourgogne,
puis par le duc de Berry. — Il réprime une sédition à Saint-Brieuc. —
Il entre dans le parti Armagnac, après l'assassinat de L. d'Orléans. —
Nouvelle querelle entre les Montfort et les Penthièvre. — Traité de Char-
tres. — Ligue de Gien. — Esprit du temps. — Influences qui agissent
sur le caractère d'Artur 1-16
CHAPITRE II. RÔLE DE BICIIEMONT DANS LA GUERRE ENTRE LES ARMAGNACS ET
LES BOURGUIGNONS. BATAILLE d'azincourt (1410-1415). — Artur de Bretagne
amène des troupes aux Armagnacs. — Traité de Bicêtre. — Nouvelle
guerre civile. — Richemont prend Saint-Denis. — Il va en Bretagne
puis avec le comte d'Alençon. — Alliance des Armagnacs avec les Anglais
— Richemont est chargé de recevoir les Anglais. — Traités de Bourges
et de Buzançais. — Les Armagnacs au pouvoir. — Artur est mis auprès
du dauphin, dont il devient le favori. — Troisième guerre civile. —
Richemont reçoit un commandement. — Grande démonstration militaire
à Paris contre les Bourguignons. — Jean-sans-Peur devant Paris. —
Richemont lieutenant du dauphin. — Il prend part aux sièges de Com-
piègne, de Boissons, d'Arras. — Premier traité d'Arras. — Richemont
reçoit le gouvernement du duché de Nemours. — Le dauphin s'em-
pare du pouvoir. — Il donne à Richemont la lieutenance de la Bastille
et la seigneurie de Parlhenay. — Richemont va combattre le sire de
Parthenay. — Invasion de Henri V. — Bataille d'Azincourt. — Riche-
mont prisonnier 16-45
44*
702 TABLE DES MATIÈRES
DEUXIÈME PARTIE
I.a captivité et la délivrance (141S-14SS).
CHAPITRE 1". La CAPTIVITÉ de richemont (1415-1422). — Artur en Angleterre.
— Il revoit sa mère. — Guerre contre J. Larchevêque. — Convention
d'Angers. — Invasion de Henri V en France. — Massacre des Arma-
gnacs. — Artur vient en France. — Assassinat de Jean-sans-Peur. —
Emprisonnement de Jeanne de Navarre. — Richemont retourne en
Angleterre. — Jean V s'allie avec Philippe-le-Bon. — Il est arrêté par
les Penthièvre. -^ La duchesse de Bretagne demande la délivrance de
Richemont. — Traité de Troyes. — Traité de Corbeil. — Richemont
revient en France. — Condamnation des Penthièvre. — Artur reçoit
de Henri V le comté d'Ivry. — Bataille de Baugé. — Jean V s'allie avec
le dauphin. — Richemont ramène Jean V à l'alliance anglaise. — Il va
avec Henri V à Meaux et à Paris. — Il retourne en Bretagne. — Il
songe à épouser la duchesse de Guyenne. — Il fait accepter à Jean V le
traité de Troyes. — Mort de Henri V. — Situation d'Artur. — Mort de
Charles VI. — Avènement de Henri VI et de Charles VII 45-70
CHAPITRE II. Richemont se sépare des anglais et devient connétable de
FRANCE (1422-1425). — Entrevue et traités d'Amiens. — Richemont épouse
la duchesse de Guyenne. — Il négocie avec Amédée VIII, ami de la
France et de la Bourgogne. — Deuxième entrevue d'Amiens. — Riche-
mont voit la reine Yolande en Bretagne. — Il rompt avec Bedford.
— Défaite des Français à Verneuil. — Détresse de Charles VII. — Il
fait proposer l'épée de connétable à Richemont. — Inquiétudes des
conseillers Armagnacs de Charles VII. — Richemont se rend à Angers
auprès du roi. — Philippe-le-Bon, irrité contre les Anglais, autorise
Artur à s'entendre avec Charles VII. — Engagement de Richemont
envers les conseillers du roi. — Il reçoit l'épée de connétable... 70-93
TROISIÈME PARTIE
La lutte contre les favoris de Charles VII (1425-1433).
CHAPITRE I". Les premières années de pouvoir (1425-1427). — État de la
France en 1425. — Plan de Richemont. — Difficultés de sa tâche. —
Droits du connétable. — Essais de réformes militaires. — Louvet
attaque Richemont, qui parvient à le renverser. — Le connétable
prend la direction du gouvernement. — Nouveaux embarras. — Il amène
le duc de Bretagne à s'allier avec Charles VII par le traité de Saumur.
— Il s'efforce vainement de réconcilier le duc de Bourgogne avec le
roi. — Les Anglais attaquent la Bretagne. — Le connétable échoue
devant Saint-James-de-Beuvron. — Il s'en prend au chancelier de Bre-
tagne. — Guerre dans le Maine et l'Anjou. — Richemont excite les
ducs de Bretagne et de Bourgogne contre les Anglais. — Il est obligé
de lutter contre P. de Giac. — Il le fait exécuter. — Bedford, revenu
d'Angleterre, pousse vivement les hostilités. — Les Anglais reprennent
Pontorson. — Grands efforts du connétable pour leur résister. — Camus
de Beaulieu, successeur de Giac, est assassiné. — Il est remplacé par
Georges de La Trémoille, qui travaille à supplanter Richemont. — Dé-
faite des Anglais devant Montargis. — Le duc de Bretagne fait la paix
avec l'Angleterre. — Richemont ne peut renverser La Trémoille. — Il
se retire à Parthenay , 93-153
TABLE DES MATIÈRES 703
CHAPITREH. DiSGKACEDERICHEMONTET LUTTE CONTRE LA TRÉM0ILLE(1428-1433).—
Richeniont, poursuivi par La Trémoille, demande secours au duc de
Bretagne. — Il est soutenu par les comies de Glermont et de Pardiac. —
Ils font appel au pays. -— Richemont retourne à Parthenay. — La Tré-
moille chasse de Ghinon la duchesse de Guyenne. — Les princes récla-
ment les Etats généraux. — Ils occupent Bourges, mais le connétable ne
peut les rejoindre, et ils traitent avec La Trémoille. — Les Etats généraux
de Ghinon demandent en vain le rappel du connétable. — Siège d'Or-
léans. — Jeanne d'Arc. — Le duc d'Alençon. — Richemont lui envoie
des renforts et rejoint l'armée royale, malgré la défense du roi. — Il
contribue à la prise de Beaugency et à la victoire de Patay. — Jeanne
d'Arc ne peut obtenir qu'il reste à l'armée. — Il combat les Anglais en
Normandie. — La Trémoille empêche Jeanne d'Arc et le duc d'Alençon
d'aller en Normandie. — Jeanne d'Arc est abandonnée et prise. — Riche-
mont retourne à Parthenay. — La Trémoille, après avoir échoué du côté
de la Bourgogne, se tourne vers la Bretagne. — Il s'entend avec Jean V,
mais non avec Richemont. — Il fait arrêter et condamner L. d'Amboise
et les autres envoyés du connétable. — La guerre continue dans le
Poitou. — Yolande d'Aragon interpose en vain sa médiation. — Le duc
d'Alençon, excité par La Trémoille, enlève le chancelier de Bretagne. —
Jean V fait la guerre au duc d'Alençon. — Richemont les réconcilie. —
Charles VII conclut avec Jean V et Richeniont le traité de Rennes. —
La Trémoille continue néanmoins la lutte contre Richemont. — Guerre
contre les Anglais. — Eugène IV essaye inutilement de faire conclure la
paix. — La Trémoille attaque Yolande d'Aragon et laisse les Anglais
reprendre Montargis. — Indignation générale. — Complot contre La
Trémoille. — Enlèvement de La Trémoille. — Conséquences de cet
événement Io3-20o
QUATRIÈME PARTIE
Les années fécondes (143a-i4S8).
CHAPITRE I". Le traité d'arras (li3o). — Richemont assiste aux funé-
railles de la duchesse de Bretagne. — Il va dans le Maine pour soutenir
le duc d'Alençon et Amb. de Loré. — La journée de Sillé. — Le conné-
table rentre en grâce auprès de Charles VII. — Il arrête un plan de
campagne pour obliger le duc de Bourgogne à faire la paix. — Étals de
Vienne. — Campagne de Richemont dans la Picardie, la Champagne et
le Barrois. — Il conclut une trêve de six mois avec Philippe le-Bon,
réprime les brigandages des routiers et oblige Robert de Sarrebrûck à
se soumettre à René d'Anjou. — Le duc de Bourgogne se montre dis-
posé à la paix. — Richemont se rend aux conférences de Névers, où
est décidé le congrès d'Arras. — Rôle de Richemont au congrès d'Arras.
— Les Anglais rejettent les propositions de Charles VH, mais le duc de
Bourgogne fait la paix. — Traité d'Arras. — Mort de Bedford. — La
guerre continue avec l'Angleterre 205-235
CHAPITRE IL La réduction de pabis (1436). — Les Anglais reprennent
Saint-Denis. — Richemont envoie des troupes dans le pays de Caux
révolté. — Il fait évacuer les places de la Champagne cédées au duc de
Bourgogne. — Les Ecorcheurs. — Charles VII ratifie le traité d'Arras.
— Les Anglais, irrités contre le duc de Bourgogne, veulent le combattre
et font de nouveaux efforts pour continuer la guerre en France. —
Richemont prépare, avec l'aide de Philippe-le-Bon, une entreprise sur
704 TABLE DES MATIÈRES
Paris. — Les Français et les Bourguignons s'emparent de Pontoise, Vin-
cennes, Corbeil, Saint-Germain, Charenton. — Richement, nommé lieu-
tenant-général, s'approche de Paris. — Combat d'Epinay. — Conspira-
tion à Paris. — Michel de Laillier. — Entrée du connétable à Paris. —
Capitulation de la Bastille. — Etablissement d'un gouvernement français
à Paris. — Procession solennelle 235-254
CHAPITRE III. Le recouvrement de l'ile-de-france (1436-1440). — Richemont
veut reconquérir d'abord l'Ile-de-France. — Détresse financière. — Le
duc d'York succède à Bedford. — Richemont va trouver le duc de Bour-
gogne. — Les Français échouent devant Creil. — Le connétable va en
Picardie, en Champagne, en Lorraine. — Il revient à Paris et s'efforce
d'v attirer le roi. — Il va ensuite à Loches, à Parthenay, en Bretagne, et
revient à Paris. — Ses démêlés avec Guillaume de Flavy. — Il contribue
à la délivrance de René d'Anjou. — Les Anglais reprennent Pontoise et
menacent Paris. — Traîtres exécutés à Paris. — Les Français s'empa-
rent de Malesherbes. — Le roi prend part à la guerre. — Prise de Ne-
mours. — Mort de Jeanne de Navarre. — Siège et prise de Montereau.
— Guerre en Normandie.— Charles VII vient h Paris, puis retourne sur
la Loire. — Famine et épidémie. — La guerre languit. — Assemblée de
Bourges. — Tentative infructueuse sur Pontoise. — Ravages des rou-
liers. — Guillaume de Flavy enlève le maréchal de Rieux. — Ordon-
nance du 22 décembre 1438 contre les routiers. — Grande mortalité à
Paris. — Richemont s'éloigne. — Il va en Lorraine, où il échoue contre
Robert de Sarrebriick. — Les Anglais surprennent Saint-Germain-en-
Laye. — Accusations contre Richemont. — Découragé, il veut se retirer,
quand le roi ordonne enfin le siège de Meaux. — Le connétable prend
la ville de Meaux et fait capituler le Marché. — Le roi revient à Paris. —
Richemont le suit à Orléans. — Négociations inutiles avec les Anglais.
Etats d'Orléans. — Ordonnance du 2 novembre 1439 sur les gens de
gueiTC. — Difficulté d'appliquer cette ordonnance. — Le connétable
échoue devant Avranches. — Il ol)lient des mesures contre les routiers
et commence la réforme de l'armée 254-302
CHAPITRE IV. La piuguerie. La journée de tartas. La trêve de tours.
L'expédition de uorkaine (1440-1445). — La Praguerie.— Energie du conné-
table. — Il rend de grands services au roi. — Il conclut un arrangement
avantageux avec Jean V.— Délivrance de Charles d'Orléans. —Les Anglais
prennent Harfleur; les Français, Conches et Louviers. — Le roi et le
connétable vont châtier les Ecorcheurs en Champagne et en Lorraine.—
Intrigues de Charles d'Orléans. — Richemont prend Creil et assiège
Pontoise. — Prise de Pontoise. — Charles VII à Paris. — Richemont le
suit sur la Loire, puis va en Bretagne. — Jean V abandonne la Pra-
guerie. — Mort de la duchesse dj Guyenne. — Soumission du duc
d'Orléans — Le connétable fait, avec le roi, une expédition en Guyenne.—
La journée de Tartas. — Prise de Saint-Sever et de Dax. — Richemont
épouse Jeanne d'Albret. - Mort de Jean V. — Richemont se rend en
Bretagne, — Mort de Yolande d'Aragon. — Mesures répressives contre
■ les routiers. — Les Anglais échouent devant Dieppe. — Expédition
infructueuse de Somerset. — • L'Angleterre désire la paix. — Confé-
rences de Tours. — Le connétable y amène son neveu le duc de Breta-
gne. — Trêve de Tours. — Expéditions de Lorraine et d'Alsace. —
Richemont accompagne le roi. — Il perd sa seconde femme et épouse
Catherine de Luxembourg. — DilTérend avec Pierre de Brézé. 302-355
TABLE DES MATIÈRES 705
CHAPITRE V. La kékormk de l'armée. — Opportunité de la réforme de
l'armée. — Adversaires et partisans de cette réforme. — Ordonnance du
9 janvier 1445. — Autre ordonnance. — Le connétable applique les
ordonnances. — Ordonnance de Louppy (du 26 mai 1443). — Les
compagnies d'ordonnance. — Du nombre des compagnies. — Plaintes
soulevées par les ordonnances. — De l'armée permanente. — De la
taille perpétuelle. — La petite et la grande ordonnance. — Effectif des
compagnies. — Hommes d'armes et capitaines. — Payement des contri-
butions. — Payement des troupes. — Résultats des réformes. — Les
francs archers. — Le service féodal. — Part de Richemont dans les
réformes militaires 355-377
CH.4.PITRE VL Gilles de bhetag.ne (1443-1449). — Gilles de Rretagne,
neveu de Richemont. — Son caractère. — Gilles est envoyé par son
frère, François !•"■, en Angleterre, où il s'attache à Henri VI. — Revenu
en Bretagne, il se brouille avec François I" et noue des relations
avec les Anglais. — Richemont réconcilie François l"' et Gilles. — La
querelle recommence. — François I*"" se rapproche de Charles VU, qu'il
excite contre Gilles. — Machinations contre Gilles. — Il est arrêté. —
Intervention inutile de Richemont, qui défend son neveu. — Captivité
de Gilles. — Intervention de Henri VI. — Richemont réconcilie Fran-
çois I" et le comte de Penthièvre. — Les Anglais veulent délivrer
Gilles. — Ils prennent Fougères. — Le duc de Bretagne s'allie avec
Charles VII. — Gilles s'adresse à Charles VII. — Perfidie de François I".
— Gilles est étranglé 377-391
CHAPITRE VII. Le recouvrement de la Normandie (1449-1450). — Différends
avec l'Angleterre, qui ne veut pas rendre le Maine. — Richemont fait
capituler Le Mans. — Nouveaux différends. — Les Anglais surprennent
Fougères. — Représailles de Charles Vil. — Il déclare la guerre à l'An-
gleterre. — Le connétable prend Saint-James-de-Beuvron et Mortain.
— La conquête de la Normandie est décidée. — Richemont entraine le
duc de Bretagne. — Ils attaquent le Cotenlin, font capituler Coutances,
Saint-Lô, Carentan, le Pont d'Ouve, Valognes, etc. — Le connétable
prend Gavray, que le roi lui donne plus tard. — Reprise de Fougères.
— Succès de Dunois dans la Haute-Normandie. — Charles VII entre à
Rouen. — Th. Kyriel débarque à Cherbourg avec une armée. — Riche-
mont ne peut entraîner le duc de Bretagne. — Les Anglais font capituler
Valognes. — Le comte de Clermont arrive avec une armée française. —
Th. Kyriel passe le Grand-Vey et s'avance vers Bayeux. — Le comte de
Clermont l'attaque près de Formigny. — Bataille de Formigny. L'arrivée
du connétable empêche une défaite et détermine la victoire. — Il fait
ensuite capituler Vire et se joint au duc de Bretagne pour assiéger
Avranches. — Capitulation d'Avranches et de Tombelaine. — Le duc de
Bretagne malade se retire. — Capitulation de Saint-Sauveur-le-Vicomte,
de Briquebec, de Valognes. — Richemont va au siège de Caen. — Il est
prêt à donner l'assaut. — Capitulation de Caen. — Le connétable ter-
mine, par la capitulation de Cherbourg, la conquête de la Nor-
mandie 391-423
CHAPITRE VIII. Les dernières années (1450-1458;. — Richemont reçoit le
gouvernement de la Normandie. — Il se rend auprès du roi, puis en
Bretagne. — Testament de François I»'. — Richemont héritier pré-
somptif du duché de Bretagne. — Il assiste au couronnement de son
neveu Pierre II et vient avec lui à la cour. — Hommage de Pierre II.
706 TABLE DES MATIÈRES
— Richemont poursuit les assassins de Gilles. — Il va à Parthenay,
puis revient en Bretagne, où il fait exécuter plusieurs des meurtriers
de Gilles. — Don Carlos de Viana et Jacques II d'Ecosse. — Pendant
la conquête de la Guyenne, Richemont retourne en Normandie. — Il
vient demander au roi la grâce du comte d'Armagnac. — Les Anglais
menacent la Normandie. — Mesures de défense prises par le connétable.
— Nouvelles plaintes du roi d'Ecosse contre le duc de Bretagne. — Il
envoie des ambassadeurs à Charles VII et en Bretagne. — Richemont
va en Bretagne et revient en Normandie. — Seconde conquête de la
Guyenne. — Le connétable se rend à la cour et fait un rapport au roi
sur l'état de- la Normandie. — Il retourne en Bretagne, pour conclure le
mariage du comte d'Étampes avec Marguerite de Bretagne et régler la
succession au duché. — Le roi approuve l'ordre de succession. — Mis-
sion du connétable et de Dunois en Savoie. — lis amènent le duc Louis I"
à Saint-Pourçain. — Le roi fait arrêter le duc d'Alençon. — Richemont
essaye de le sauver. — Richemont est envoyé à Paris, où il met fin à une
longue querelle entre les ordres mendiants et l'Université. — Il retourne
à Parthenay, puis en Bretagne. — Mort de Pierre II. — Richemont devient
duc de Bretagne sous le nom d'Artur III. — Son entrée à Rennes. —
Il se rend à la cour de France. — Sa renommée. — Différends avec le
roi. — Condamnation du duc d'Alençon. — Artûr III obtient sa grâce.
— Il fait hommage au roi. — Il revient en Bretagne. — Querelle avec
l'évêque de Nantes. — Derniers projets d'Artur III. — Sa mort. 423-434
CHAPITRE IX. Caractère de Richemo.nt. — Conclusion. — Caractère de Ri-
chemont, d'après Gruel. — Son portrait. — Son instruction. — Son
goût pour la guerre. — Ses mœurs. — .Sa gravité. — Sa rudesse et ses
violences. — Son humeur rébarbative. — Son ambition. — Son esprit
d'économie. — Ses revenus et ses dépenses. — Sa piété étroite. — Son
affection pour sa famille. — Appréciation du rôle de Richemont. — Net-
teté de ses vues. — Résultats de sa persévérance. — Choix de ses auxi-
liaires. — Sa gratitude envers eux. — Ses talents militaires et politi-
ques. — Son impopularité. — Conclusion 454-467
APPENDICES
IVotes supplémentaires et pièces justificatives.
I. — Note sur Guillaume Gruel 469
IL — Jugements sur le connétable de Richemont 472
III. — Les ducs d'Orléans et de Bourgogne se disputent la tutelle
de ,lean V (1399-1402) 476
IV. — Noie sur le comté de Richemont 477
V. — Mariage de Jeanne de Navarre, mère de Richemont, avec
Henri IV, roi d'Angleterre (1402) 478
VI. — Présent fait à Artur de Bretagne par Jeanne de France, du-
chesse de Bretagne, sa belle-sœur (1408) 479
VIT. — Quittance d'A. de Chàteaugiron (1410, 27 septembre).. 480
VIII. — Quittance de Nicolas Le Dur (1410, 12 novembre) 481
IX. — Payement à un héraut de Richemont (1412, 11 décembre). 481
X. — Payement au comte de Richemont (1414, 26 novembre). 482
XI. — Richemont reçoit le gouvernement du duché de Nemours
... (1414, 29 décembre) 482
TABLE DES MATIÈRES 701
XII. — Note sur Jean II Larchevêque et sur sa succession (donnée
à Richemontj '^85
XIII. — Richemont nommé capitaine-général par Charles VI, va
combattre Jean Larchevêque (1415, juin) 49a
XIV. — Lettre du dauphin, régent de France, à J. de Penthièvre et
et à Charles d'Avaugour, pour leur recommander de bien
garder le duc de Bretagne et son frère Richard (1420,
16 mars) -494
XV. — Don du comté d'Etampes à Richard de Bretagne (1421,
8 mai) i^^
XVI. — Serment de fidélité prêté par le comte de Richemont à
Jean V (1422, 5 août) 499
XVII. — Charles VI s'engage envers le duc de Bretagne à ne point
traiter sans son consentement avec le dauphin (1422,
8 octobre) '499
XVIII. — Voyage de Richemont à Angers (1424, 6 octobre) 500
XIX. — Projet d'assassinat de Philippe-le-Bon par les Anglais
(1424) 501
XX. — Engagement de Richemont envers les conseillers de Char-
les VII (1423, 8 mars) 50a
XXI. — Les droits du connétable ' 504
XXII. — Lettre de Charles VII aux Lyonnais (1423, 30 mars). . . 303
XXIII. — Résumé d'une lettre de Jean V, duc de Bretagne, aux habi-
tants de Tours (1423, 13 juin) 50&
XXIV. — Expulsion de Louvet et des autres favoris de Charles VII
(1423, juin) 507
XXV. — Lettre de Richemont aux Lyonnais (1425, 28 juillet) .. 310
XXVI. — Lettre de Richemont aux Lyonnais (1423, 30 juillet) .. 511
XXVII. — Lettre de Richemont aux Lyonnais (1425, 3 août) 512
XXVIII. — Lettre de Charles VII aux Lyonnais (1423, 31 août) ... 513
XXIX. — Lettre du comte de Richemont à P. Bessonneau, maître de
l'artillerie (1423, 6 août) 514
XXX. — Le duc de Bretagne ordonne de payer au comte de Riche-
mont 700 1. t. (1423, 13 novembre). 515
XXXI. — Quittance de J. de Chàteaugiron, argentier du connétable
(1423, 7 décembre) 515
XXXII. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1423, 13 octobre). 316
XXXIII. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1423, 24 octobre). 517
XXXIV. — Lettre du comte de Salisbury à J. Salvain, bailli de Rouen,
(1426, l*'' mars) 517
XXXV. — Convocation des Etats à Angers -(1426, 1" avril) 519
XXXVI. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1426, 10 mai) 520
XXXVII. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1426, .6 octobre). 520
XXXVIIl. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1426, 23 novemb). 521
XXXIX. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1427, 20 janvier).. 522
XL. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1427, 28 février).. 322
XLI. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1427, 42 juin) .... 523
XLII. — Lettre du connétable aux Lyonnais (1427, 13 juin) .... 524
XLII bis. — Lettre du connétahle aux Lyonnais (1427, 8 août) 525-
XLIII. — Alliance conclue par le connétable avec le comte de Foix,
Jean I" (1427, 6 janvier) 525
XLIV. — Lettre du comte de Richemont à la dame de Sàligny (1427»
1 3 mars) 52&
708 TABLE DES MATIÈRES
XLV. — Préparatifs du siège de Ponlorson par les Anglais (1427). 527
XLVI. — Richemont ordonne de payer 200 1. t. au baron de Cou-
lonces (1426, 12 avril) 527
XLVII. — Lettre du connétable à la dame de Saligny (1427,4 avril). 328
XLVIII. — Henri VI conQsque le comté d'Ivry, donné par Henri V à
Richemont (1427, 12 juillet) 529
XLIX. — Préparatifs du siège de Monlargis par les Anglais (1427,
2 juillet) 530
L. — Instruction pour l'évesque de Tuelle et maistre Guillaume
de Quiefdeville, conseillers du roy, envoyez devers le roy
de Castille et de Léon (1428, 28 juin) 530
LI. — Bedford ordonne d'envoyer quatre gros canons pour le siège
de Montargis (1427, 22 septembre) 531
LII. — Les comtes de Richemont, de Clermont et d'Armagnac pro-
mettent au duc de Bretagne de le secourir contre Jean
de Blois (1428, 30 janvier) 533
LUI. — Projet de convocation des Etats généraux (1428) 334
LUI bis. — Extraits du cahier des doléances des Etats généraux de
Chinon (1428, 11 novembre) 537
LIV. — Lettre de G. de La Trémoille à Messieurs de la chambre des
Comptes (1431, 10 septembre) 337
LV. — Engagement du duc d'Alençon envers le roi de France (1432,
15 janvier) 538
LVI. — Avis donné au duc de Bourgogne, pour le pousser à faire
plus activement la guerre à Charles VII (1431) 539
LVII. — Traité de Rennes, entre le roi, le duc de Bretagne et Riche-
mont (1432, 3 mars) 541
LVIII. — Sur le siège de Saint-Céneri par le comte d'Arondel (1433,
26 décembre) 545
LIX. — Trêve de six mois, conclue par Richemont, au nom du roi,
avec le comte d'Etampes, au nom du duc de Bourgogne
(1434, 17 septembre) 547
LX. — 2I^ichemont délie R. de Sarrebrûck de ses engagements
(1434, 15 décembre) 551
LXI. — Enquête sur la clause du traité d'Arras, relative aux villes
de la Somme (1449, janvier).... 552
LXII. — Lettres du duc de Bourgogne, relatives aux villes de la
Somme (1433,30 septembre) 554
LXIII. — Lectre de maistre Emery Martineau, procureur du roi sur
le fait des monnoyes (1436, 21 août) 556
LXIV. — La messe et la procession des Anglais 557
LXV. — Taxe sur les vins qui traversent Paris, Saint-Cloud, Poissy
(1436, 22 août) 558
LXVI. — Ordonnance contre les gens de guerre (1436, 1«' octobre). 560
LXVII. — Lettre du duc d'York, relative au siège de Montereau (1437,
18 septembre) 562
LXVIII. — Restitution de Gien et don de Sainte-Ménehould à Riche-
mont (1437, 27 novembre). 563
LXIX. — Payements de diverses sommes au connétable (1439, 27 oc-
tobre) 563
LXX. — Ordonnance sur les capitaines de gens d'armes, pour les
rendre responsables de leurs gens (1438,22 décembre). 566
TABLE DES MATIÈRES 1Q9
LXXI. — Sur Guillaume de Flavy, le maréchal de Rieux et le conné-
table de Ilichemont (1436-1439) 567
LXXII. — Sur Jacques de Chabannes, Rogier de Pierrefrite et le Bois
de Vincennes (1440, aoi\l) 573
LXXIII. — Sur Jean Budes, porte-étendard du connétable (1439, juin,
juillet) 578
LXXIV. — Serment d'assistance fait par le connétable au duc de Bre-
tagne, son frère (1440, 22 août) 580
LXXV. — Richeraont donne caution pour la rançon du duc d'Orléans
(1439, 20 décembre) [avec deux lettres et deux fac-similé
du connétable] 581
LXXVI. — Lettre de Charles VII annonçant la prise de Creil et le siège
de Pontoise (1441, 28 mai) 584
LXXVII. — Richemont institue pour héritiers ses neveux François et
Pierre (1442, 11 janvier) 584
LXXVIII. — Testament et codicille de Marguerite de Bourgogne, du-
chesse de Guyenne et comtesse de Richemont (1442, 14 et
31 janvier) 586
LXXVIIIôw.— No 1. Charles VII donne Fontenay-le Comte à Richemont
(1442, 10 mars) 597
N» 2. Le parlement refuse d'entériner les lettres par les-
quelles Charles VII donne Fontenay au connétable.. 600
LXXIX. — Artur de Bretagne fait remise à Charles II d'Albret d'une
somme de 30 000 écus, promise à cause de son mariage
(1442, 28 juillet) 603
LXXX. — Charles II d'Albret donne le comté de Dreux à Artur de
Bretagne (1442, 18 novembre) 604
LXXXI. — Lettres comment Mgr le prévost de Paris est commis de
povoir prendre et justicier les malfacteurs >..... 60r>
LXXXII. — Lettres par lesquelles le roy commet Mgr le prévost de
Paris et les baillifs de Senlis et de Meaulx à prendre et
justicier les gens de guerre (1444, 21 juillet) 607
LXXXIII. — Sauf-conduit du connétable pour le bâtard de Limeuil (1445,
20 avril) 600
LXXXIV. — Ordonnance de Luppé-le-Chaslel (1445, 26 mai) 610
LXXXV. — Ordonnance sur le fait du payement des gens de guerre en
Normandie (1451, 14 mai) 613
LXXXVI. — Les trois voyes du vivre des gens d'armes premièrement
tenues (1445) 614
LXXXVII. — Le roi accorde au connétable le droit de lever une taxe
extraordinaire, pour réparer les fortifications de Fon-
tenay (1445, 11 avril) 616
LXXXVIII. — Lectres comment le roy déclaire les causes pour lesquelles
il entra en Normendie après la prinse de Foulgières (1451,
2 avril) 618
LXXXIX. — Quittance du duc François I" et de Richemont (1449.
27 septembre) ". 621
XC. — Confirmatio tractatus facti per comitem Richemontis, cum
habitantibus de Nuilly L'Evesque (1449, 2 octobre).. 622^
XCI. — Le roi donne au connétable, sa vie durant, la seigneurie de
Gavray (1451, 31 mars) 624
XGII. — Quittance de Geoffroy de Couvran (1456, 8 novembre). 626-
710 TABLE DES MATIÈRES
XCIII. — Povoir donné au duc François de Brelaigne pour entrer en
Normendie (1 450, 16 janvier) 626
XCIV. — Le duc de Bretagne et le connétable sont informés que les
Anglais viennent assiéger Valognes (1450, 1" avril). 628
XCV. — Richemont ordonne de payer ISO taluts d'or à P. Drouart,
un des combattants de Formigny (liSO, 20 avril).... 629
XGVI. — Préparatifs du siège de Vire (1450, 20 avril) 630
XCVH. — Abolitio pro habitantibus vicecomitatus de Vire (1450, no-
vembre) 631
XCVIIl. — Confirmatio abolitionis pro Petro du Fiquet (capitulation
de Valognes) (1450, mai) 633
XCIX. — Note sur l'effectif de l'armée française au siège de Gaen
(1450, juin) V. 635
G. — Deux documents relatifs au siège de Gaen (1450, juin). 636
CI. — Préparatifs ordonnés par le connétable pour le siège de
Cherbourg. Quatre documents relatifs à ce siège (1450,
juin, novembre) 637
Cil. — Capitulation de Cherbourg (1450, 1 2 août) 640
cm. — Appointement fait par le connétable entre les habitants de
Dieppe et les gens d'armes de la garnison (1452, août). 642
GIV. — Mesures de défense en Normandie contre les Anglais (1452,
octobre) 643
GV. — Sauvegarde accordée par le connétable à un Anglais (1452,
12 octobre) 645
GVI. — Richemont donne l'île de Bréhat à son gendre, Artur Bré-
cart (1 450, 19 janvier) 646
CVII. — Procès du connétable devant les élus de Paris (1442-1446). 649
GVIII. — Quatre quittances du connétable de Richemont (1453-
1455} 652
CIX. — Information ordonnée par le connétable (1457, il jan-
vier) 654
ex. — Fragment d'un compte de dépenses du connétable (1443-
1445) 656
Tableaux généalogiques 659
Tableau généalogique des ducs de Bretagne de la maison de
Dreux 660-661
Principales maisons alliées à la maison de Bretagne 662
Index alphabétique 669
ERRATA
Page o, note 4, lisez « Fb. Devon ».
— 11, note 2, lisez « le comte d'Alençon ».
— 12, note 1, ligne o, lisez « Avaugour », et de même partout ail-
leurs, p. 53, 59, 85, 89, 99, 102, 190, 328, 426, etc.
- Page 27, note 4, lisez « Des Essarts ><.
— 39, ligne 25, lisez « Mer vent ».
— 42, ligne 31, lisez « le seigneur de Châteaugiron », en supprimant
« SON secrétaire et son trésorier ».
Page 53, ligne 20, lisez « Olivier, c. de Penthièvre » ; — note 4, lisez
Avaugour.
Page 56, note 5, lisez « le même jour ».
— 59, ligne 23, lisez Charles d'Avaugour; — note 4, lisez Avaugour.
— 62, note 3, lisez « le roi de Castille et de Léon ».
— 73, ligne 6, lisez « PuiLipPE-le-Bon ».
— 79, à la fin de la note 3 de la p. 78, et note I, lisez « Chronique
Artokihe, fo 265 ».
Page 93, ligne 3, lisez « passé a quatre cents ans ».
— 107, note 8, lisez « Paris, 1648, in-4o ».
— il8, ligne 27, lisez « Suffolk ».
— 178, ligne 2, lisez « Sigismond de Luxembourg »; — note 6, lisez
« Henri VI ».
Page 186, ligne 18, lisez « Jean V ».
— 195, note 2, lisez « Charles !«' ».
— 221, ligne 14, lisez « Crotoy ».
— 225, ligne 12, lisez « Henri VI ».
— 245, note 3, ligne 3, lisez « Charles VI ».
— 256, dernière ligne, lisez « PUniversité ».
— 268, ligne 18, lisez « Pont de l'Arche >>.
— 271, avant-dernière ligne, lisez « Henri IV ».
— 284, note 3, lisez « Guill. de Chalon ».
— 301, ligne 24, lisez « dans le Languedoc ».
— 316, dernière ligne, lisez « Isabelle de Portugal ».
— 317, en tête, lisez « ATTITVDE NOVVELLE ».
— 339, note 1, lisez « Appendice LXXVIII bis, n»» 1 et 2 » en suppri- '
mant « LXXVIII ». _
712 ERRATA
Page 343, noie 1, ligne 17, lisez « Montres ».
— 346, note 5, lisez « Henri VI ».
— 353, ligne 11, lisez « Éléonohe d'Ecosse ».
— 370, ligne 21, lisez « gouverneur de Manies ».
— 384, noie 4, lisez « frère de Richemont ».
— 394, note 2, ligne 5, lisez u Louis l"' » (au lieu de « Amédée VIII »)»
— 401, note 1, ligne 3, lisez « Carentan ».
— 420, ligne 20, lisez « Henri V ».
— 426, ligne 23, lisez « sire du Gavre ».
— 444, ligne 17, lisez « François, comte d'Étampes ».
— 446, en lêle, lisez « ARTUR III » (au lieu de « CHARLES VII ») ;
note 8, lisez « Bonne de Luxembourg «.
Page 448, note 1, lisez « chantre de Saint-Gatien ».
— 456, note 5, ligne 5, lisez « l'île de Bréhat ».
— 492, ligne 31, lisez « mil CCCGX XXIII ».
— 494, ligne 38, lisez « Olivier de Bretagne, à Jean, S^f de Laiolb »►
— 509, ligne 38, lisez « M. H. Wallon ».
— 551, ligne 12, lisez « 15 décembre ».
— 565, ligne 41, lisez « li39 ».
— 602, ligne 16, lisez « Evictandum ».
Coulommiers. — Tyj.. P. BROPARD cl GALLOIS.
o
'/:■
■vt
0)
I
I
+>
•H
â
o
43
O
•d
a>
•s (D ^
w
«O M^ -P
o
M
-P
(D
§ (D 62
ta <D
o ^
o pq
3
«2 O
• 00 o
ë
Universityof Toronto
Library
DONOT
REMOVE
THE
CARD
FROM
THIS
POCKET
Acme Library Gard Pocket
LOWE-MARTIN CO. UMITBD
HAND BOUNO
UNIVERSITY